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Un
REVUE DE L'AGENAIS
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REVUE DE L'AGENAIS
ET DKS
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IPPrii
raïuÉE sous LA MiEerioi
Dlî LA SOCIÉTÉ DES SCIENCIÎS, LETTRES & ARTS D'AGEN
Tome Sixième - Année 1870
AGKN
1». NOUBEL, IMPIUMEUH-ÉDITEUIJ. - F. LAMY. SUCCESSEUR
43 , Bne Saint-Antoine , 43
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A NOS ABONNÉS.
La Revm de l'Agenais et des provinces du Sud-Ouest a clos sa cin-
quième année, ayant conservé la sympathie dont le public studieux
riionora de ses débuts.
Ce recueil entre dès à présent dans une voie tout à fait nouvelle.
Sa direction, qui avait un caractère privé, passe aux mains d'une
compagnie pourvue d'une existence légale, d'une personnalité ci-
vile, la Société des Sciences^ Lettres et Arts d'Agen. Celte société ne
renonce pourtant pas à la publication spéciale de ses actes ; les
études toujours utiles, mais forcément un peu sévères d'histoire et
de littératures locales, continueront à y être insérées.
La Revue sera affectée à des travaux plus accessibles à la majorité
du public : monographies des Communes, des abbayes et couvents;
histoire des grandes familles féodales ; monuments de la littérature
populaire; voyages, critique, poésie, mouvement scientifique
et littéraire, bulletin bibliographique, etc., etc.
Cette énumération prouve, de reste, que la Société des Sciences,
Lettres et Arts d'Agen ne comote pas sur le concours exclusif de
ses membres pour mener à bien sa nouvelle entreprise ; elle ré-
clame également celui des lettrés de la région. Leurs communica-
tions, quel qu'en soit le sujet, seront insérées avec une gratitude
empressée. Grâce à ces efforts collectifs, bien des études qui
n'auraient pas vu le jour obtiendront la notoriété qu'elles méritent,
et la compagnie, plus attachée à la généralité des lecteurs, verra
grandir sa légitime influence.
Tome VI— 4879.
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La Revue paraîtra régulièrement à la fin de chaque noois dans
le même format, la même étendue , et les mêmes conditions de
prix qu'auparavant; une exception à cette règle est toutefois jugée
nécessaire pour compenser un relard de quatre mois. Deux livrai-
sons doubles se suivront à un très court intervalle.
Notre appel sera sans doute entendu des Corps ofliciels et des
hommes de bonne volonté, dont nous réclamons le concours sous
la double forme de Tabonnement et de la rédaction. Nul ne se
refusera à soutenir une œuvre toute d'intérêt public ,' dont l'in-
succès serait préjudiciable au mouvement intellectuel de l'Agenais
et des régions voisines.
J.-F. DLADÊ,
Président.
Ad. MAGëN,
Secrétaire-Perpétuel.
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RÉVOLUTIONS ANDORRANES.
HISTOIRE D'UNE MAISON DE JEU.
On a publié, sur l'histoire et les institutions de la Vallée d'Andorre,
une quarantaine de notices, rédigées en français, en castillan, et
en catalan. Par malheur, aucune de ces brochures ne témoigne de
l'étude , môme sommaire , des documents originaux conservés
dans les archives publiques et privées de la Vallée, et dans les
dépôts de France et d'Espagne. Quelques auteurs n'ont pas même
pris la peine de visiter le pays qu'ils ont décrit.
J'ai dû procéder tout autrement. Pendant près de vingt ans, j'ai
recueilli des informations , que je crois maintenant complètes ; et
j'en ai déjà utilisé une partie dans mes Études géographiques sur la
Vallée d'Andorre imprimées en 1875 (Paris, Joseph Baer). Le manus-
crit de mon Histoire et Institutions de la Vallée d'Andorre est
arrêté; et je compte le soumettre au public sans grand retard.
En 1866, époque de mon second voyage en Andorre, je séjournai
durant six semaines dans ce pays, dont les archives publiques, jus-
qu'alors fermées aux étrangers, me furent libéralement et complète-
ment ouvertes, grâce à la bienveillante intervention du viguier fran-
çais, M. le vicomte Henri de Foix.
Durant ce séjour, je ne tardai pas à me convaincre que les trou-
bles qui ont divisé les Andorrans, de 1866 à 1868. avaient été racon-
tés d'une façon aussi brève qu'inexacte, par les i^azettes françaises et
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espagnoles. Ces troubles étaient exclusivement produits par le projet
de rétablissement d'une Maison de jeu. Les chefs des deux partis
me portèrent leurs doléances , que j'ai complétées depuis par le
dépouillement des rapports officiels conservés à la Seû d'Urgel, à
la préfecture de TAriége, et au parquet de Foix.
Mon livre contiendra le récit froid et sommaire de cette querelle,
que je veux raconter ici plus amplement, et sous une forme moins
sérieuse. On me permettra pourtant de débuter par quelques notions
indispensables de géographie et d'histoire.
L'Andorre est un petit pays situé sur le versant méridional des
Pyrénées, par 42® 30' de latitude, et 19" 10' de longitude du méridien
de Paris. Sa longueur, du nord au midi, est d'environ 48 kilomètres
(12 lieues), et sa largeur de 32 kilomètres (8 lieues) du levant au
couchant. L'Andorre est bornée à l'est par la Cerdagne espagnole et
par la vallée française de Querol, au midi, par le pays d'Urgel, au
couchant par la vallée de Palhàs, et au nord par cette partie du
département de l'Ariége qui correspond à la région la plus mon-
tueuse de l'ancien comté de Foix. Du côté de la France, on pénètre
dans la Vallée par plusieurs ports , dont les plus fréquentés sont
ceux de Signer et de l'Hospitalet ; et l'on se rend en Espagne en sui-
vant le cours de TEnvalira ou Valira.
Ce torrent prend sa source au pied des montagnes de Saldeû, et
traverse, du nord au sud, les paroisses de Canillo, Encamp, Andorra-
Vieilla (capitale), San-Julia de Loria, entre ensuite sur le territoire
espagnol, et va se jeter dans le Segre, affluent de l'Ébre, en aval
de la Seû d'Urgel. Un peu au-dessous des Escaldas , village de
la paroisse d'Andorra, débouche une vallée de moindre importance,
arrosée par un cours d'eau désigné jadis, comme le précédent, sous
le nom d'EnvaUra ou Valira, et plus généralement connu aujour-
d'hui sous le nom d'Ordino. La partie inférieure de cette vallée est
occupée par la paroisse de la Massana, et la supérieure par celle
d'Ordino, qui confine à l'ancien comté de Palhàs.
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Les hautes montagnes qui limitent ces deux vallées, sont couver-
tes de forêts de sapins et de pâturages, fréquentés, durant la [belle
saison, par de nombreux troupeaux de vaches, de chèvres et de
brebis, par des juments poulinières et jeunes mules.
Aux approches de l'hiver, ces bestiaux descendent dans la
plaine d'Urgel, d'oCi ils ne reviennent qu'au printemps, car les An-
dorrans ont le privilège de faire entrer tous leur animaux de croit
en franchise, tant en France qu'en Espagne. Ils étendent libérale-
ment cette immunité aux bêtes de commerce, ce qui fait qu'ils
ont souvent maille à partir avec les caraUneros, Mais il est
beaucoup plus facile de s'entendre avec ces braves douaniers, qu'a-
vec ceux de la frontière française. Aussi la contrebande prend-elle
à peu près exclusivement la route du nord au midi. La plupart des
nombreuses tiendas de varias generos de San-Julia de Loria,ne sont,
en réalité, que des entrepôts de marchandises que l'on passe frau-
duleusement en Espagne, à condition de graisser parfois la patte
des surveillants.
La contrebande forme donc la branche principale du commerce
de l'Andorre, dont l'industrie n'est guère représentée que par des
moulins, des foulons de draps grossiers, quelques scieries méca-
niques, et quatre ou cinq forges à la catalane, bien déchues depuis
que l'importation des fers étrangers est venue leur faire une si terri-
ble concurrence. Quant à l'agriculture, elle est généralement limitée
à la partie inférieure des vallées, où l'on cultive du seigle, des
pommes de terre, et un peu de blé. Dans les paroisses d'Andorra
et de San-Julia , les noyers et les chàtaigners donnent un assez
bon revenu. Les lacs et les cours d'eau, produisent quantité d'excel-
lentes truites. On chasse sur la montagne l'izard, le lièvre, le coq
de bruyère, et plusieurs espèces de perdrix. Les loups et les re-
nards sont communs, et Ton trouve encore quelques ours dans la
paroisse d'Ordino.
La population d'Andorre ne dépasse guère 6,000 âmes. Le cos-
tume, les mœurs et la langue sont à peu près les mômes que dans
la Nouvelle-Catalogne. Tous les habitants sont fort attachés à la
religion catholique, et relèvent, pour le spirituel, du diocèse de la
Seû d'Urgel. Les dimes que le clergé prélevait partout il y a trente
ans, ont été converties depuis en Fedevances pécuniaires.
La souveraineté de l'Andorre appartient, par indivis, à la France et
à révêque d'Urgel. Il serait trop long d'expliquer ici l'origine de ce
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pouvoir. Tout ce qu'il importe de connaître, pour l'intelligence du
récit que je vais bientôt commencer, c'est qu'en 1278, Roger-Ber-
nard, comte de Foix, et Tévèque d'Urgel, réglèrent leurs droits res-
pectifs sur les Vallées par un acte de paréage, qui est encore la
base du droit public du pays. La mitre d'Urgel a conservé ses avan-
tages ; et les droits des comtes, de Foix ont passé à la France depuis
l'avènement de Henri IV. Chaque souverain délègue ses pouvoirs à
un viguier, qui doit professer la religion catholique. Celui de la
France est nommé à vie, et celui de l'évêque pour trois ans.
Le commandement militaire, et la plénitude de la justice civile et
criminelle, appartiennent conjointement aux viguiers; mais en l'ab-
sence de l'un, l'autre exerce tous les pouvoirs. Au-dessous de ces
magistrats, se trouve un juge d'appel, alternativement élu par la
France et par l'évêque d'Urgel.Chaque viguier choisit, dans une liste
de six membres proposés par le Conseil général d'Andorre, un bailli
nommé pour trois ans, qui statue en première instance. Tout ce
qui a trait à l'état des personnes est régi par le droit canon, et jugé
par l'offlcialtié de la Seû d'Urgel. Quant aux autres matières, les
Andorrans suivent la législation catalane, sauf dérogations résultant
des habitudes locales , constatées par les précédents judiciaires ou
par le témoignage des anciens.
La plupart des paroisses se divisent en un nombre variable de
quartiers (cuarts), dont chacun a son Conseil composé, avant la ré-
forme de 1866, de tous les chefs de famille qui possédaient des biens
fonds patrimoniaux. Cette assemblée règle- tout ce qui concerne
la jouissance et le fermage des forêts et pâturages communs aux
habitants de la circonscription. A la tête de chaque paroisse se
trouvaient, toujours avant la réforme, un consul majeur, un consul
mineur, et deux conseillers, assistés de tous les anciens consuls,
qui prenaient le titre de prudhommes {prohoms). A ce corps, mo-
difié depuis, appartiennent l'autorité municipale, et quelques autres
attributions, notamment le droit de statuer sur les contestations
relatives aux servitudes urbaines et rurales. Chaque paroisse pos-
sède sa Maison commune et sa prison.
Le Conseil général , appelé aussi Grand-Conseil des Vallées, se
composait encore , en 1866 , des deux consuls et des deux con-
seillers de chaque paroisse, ce* qui élevait le nombre des mem-
bres à vingt-quatre. Comme les viguiers, cette assemblée porte le
titre € d'illustre, » et désigne, pour exécuter ses décisions, un
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syndic général, et un ou deux autres syndics. Elle choisit aussi un
secrétaire, et se réunit à Andorra-Vieilla, dans la Maison des Val-
lées {Casa de las Valls). Le Grand-Conseil règle les intérêts généraux
du pays. 11 est investi d'un pouvoir supérieur en matière d'adminis-
tration, de police, de finances, etc., sans préjudice de quelques
autres attributions concédées par les souverains. Sauf un très petit
nombre d'exceptions, tous les emplois publics sont exercés gratuite-
ment en Andorre ; mais les conseillers généraux sont logés et nourris
pour rien, pendant les sessions, dans la Maison des Vallées. Les reve-
nus publics consistent dans le prix du fermage des boucheries et des
tavernes publiques , dans le revenu des biens communaux, dans le
produit d'amendes légères, et dans une capitation d'un réal par tête
perçue, à l'exception des indigents , sur toute personne arrivée à
Fàge de puberté.
Le Conseil général a aussi la haute main sur la voirie, ce qui ne
l'occupe guère; caries Andorrans, redoutant le passage des troupes
et les vexations des gens de guerre, ont volontairement négligé jus-
qu'ici les routes et les chemins. La même assemblée ouvre et ferme
la pêche et la chasse
Un médecin principal et deux médecins auxiliaires, payés par le
trésor public, doivent gratuitement leurs soins aux malades. Les
pauvres sont assistés par les municipalités, et l'instruction primaire
est donnée par les vicaires des villages ou par des laïques.
La force publique est représentée, dans chaque paroisse, par une
compagnie composée de tous les chefs de famille, qui sont tenus de
se pourvoir à leurs frais de munitions, et d'un fusil ou d'un trom-
blon.
A la tête de chaque compagnie se trouve un capitaine, assisté d'au-
tant de dizeniers qu'il y a de quartiers dans la commune. Ces chefs
sont élus, sauf approbation du Grand-Conseil, par le pouvoir munici-
pal, et prêtent serment entre les mains des viguiers, qui ont le droit
de passer, dans chaque paroisse, des revues {mostras), chaque fois
qu'ilsle jugent nécessaire. J'ai déjà dit que, ces magistrats sont in-
vestis de la plénitude de l'autorité militaire ; mais les baillis, les
syndics, et les Conseils de paroisse ont aussi le droit de requérir, s'il y
a lieu, l'assistance des miliciens.
En vertu de leurs privilèges, les Andorrans s'approvisionnent libre-
ment en France et en Espagne, à condition de payeràl'évêqued'Ur-
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gel et au receveur général du département de TAriége, le tribut
{quistia) accoutumé. Ce tribut s'élève, pour Tévêque , à 900 livres
catalanes, payées tous les deux ans , et pour la France à 900 fr.
par an. En l'absence de notre viguier, le préfet de TAriège sert
d'intermédiaire entre les habitants des Vallées et le gouvernement
français.
Le lecteur voudra bien excuser la sécheresse de ces renseigne-
ments nécessaires pour l'intelligence des faits dont je commence
le récit.
II
Au commencement de 1866, l'Andorre avait pour viguier français
un honorable propriétaire du département de l'Ariége, M. Saint-
André, et pour viguier épiscopal le senor Anton Rossell , de la pa-
roisse d'Encamp. Don Bonaventura de Riba, de la Massana, exerçait,
depuis trois ou quatre ans, les fonctions de premier syndic, dont il
avait été revêtu par le Conseil général, où les propriétaires de grands
troupeaux se trouvaient en forte majorité. Ces propriétaires ne man-
quaient pas de se faire la plus large part dans la jouissance des pâ-
turages communs, de sorte que le lot des familles pauvres se trouvait
réduit à un territoire tout-à-fait insignifiant. Riba s'appuyait sur le
préfet de l'Ariége, et, grâce à cette protection, lui et ses adhérents
croyaient pouvoir tout braver.
Le chef du parti de la réforme , Don Anton Maestre ( de la Casa
Molines) d'Andorra, homme d'intelligence et d'énergie, protestait en
toute occasion contre ces abus toujours croissants. Ses réclama-
tions désintéressées étaient chaudement appuyées par Don Guillem
Maria de Plandolit y Areny, baron de Senaller et de Gramenet. Ce
dernier, qui possède des propriétés considérables en Andorre, dans
la Cerdagne française et en Catalogne, aspirait à jouer le principal
rôle politique dans les Vallées.
Le baron de Senaller avait mené jusqu'alors, en France et en Es-
pagne, une vie fort agitée. On dit qu'un colonel espagnol avait tenté
de l'assassiner dans sa propre maison, et qu'il aurait infailliblement
péri sans l'intervention d'un cuisinier. Quelques mois après, ce colo-
nel, que de puissantes protections faillirent arracher au supplice,
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frappait à mort, d'un coup de couteau, la baronne qui montait, en
grande toilette et au bras de son mari, les marches du théâtre de
Barcelone. Après un court veuvage, Don Guillem se remaria, et
tomba complètement sous la domination d'une femme habile, qui
conquit bien vite une grande influence à Tèvéché de la Seû d'Urgel.
Les prétentions du baron de Senaller au syndicat général, étaient
principalement appuyées par un groupe actif, mais encore peu nom-
breux d'Andorrans, qui voulaient profiter de la prétendue neutralité
du territoire des Vallées, pour y établir une Maison de jeu, comme à
Bade et à Monaco. Ce casino ne pouvait manquer, disait-on, d'attirer
en foule les baigneurs qui fréquentent, à la belle saison, les stations
thermales des Pyrénées. Un déluge de louis d'or français et de qua-
druples espagnoles crèverait ainsi tous les ans sur cette contrée dé-
sormais bénie du ciel. Chacun n'aurait qu'à se baisser pour remplir
sa bourse ; et les caisses publiques emploieraient le superflu à faire
des chemins, et à bâtir des églises, des mairies, et des écoles pour
l'instruction gratuite et obligatoire.
A la tête de ce groupe ambitieux, on remarquait le senor Père
Poch, de San-Julia de Loria, où son père tenait, il y a trente ans,
une maison qui inondait le Nouvelle-Catalogne de marchandises fran-
çaises. Le vieux Poch avait toujours vécu dans une intimité profonde
avec les carabineros de la Seû d'Urgel. Jamais il ne faisait une
entreprise de quelque importance, sans invite/ la veille à souper le
capitaine de la douane espagnole. A quatorze ans, Poch flls, la cara-
bine sur l'épaule, escortait la nuit les employés de son père, à tra-
vers les montagnes désertes et les ravins périlleux. Cinq ans plus
tard, il entrait dans une maison de Toulouse, dont le patron, corres-
pondant et ami de sa famille, l'initia généreusement aux plus profonds
mystères du commerce des nouveautés. C'est aussi dans la cité pal-
ladienne que le jeune Poch compléta son éducation politique, par la
lecture exclusive des journaux dont la nuance commence au rose
vif et finit à l'écarlate. Bon compagnon d'ailleurs, et toujours prêt à
rendre service, il revint à San-Julia, et y trouva les affaires bien
gâtées. Le commerce avec l'Espagne n'était plus le monopole de
quelques familles. Tout le monde s'en mêlait. Il fallait faire autre
autre chose. Père Poch se mit à rêver kursaal et casino, et salua la
candidature du baron de Senaller, dont il comptait faire le patron
de son entreprise.
Telle était, au commencement de 1866, la situation des partis en
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Andorre. Le seul homme vraiment désintéressé, Don Anton Haes-
tre, réclamait vraiment au Conseil général et au syndic une réforme
nécessaire, et dont je vais faire connaître Téconômie, Mais les auto-
rités andorranes demeuraient inflexibles. Le senor Maestre prit alors
le parti de convoquer dans une de ses bergeries, située sur la monta-
gne, un certain nombre de délégués de six paroisses des Vallées. La
réunion eut lieu vers la fin du mois de mars, et Ton y arrêta sur le
le champ, sauf approbation des co-souverains, le plan de la future
constitution rédigée en seize articles dont voici la substance.
1» Concession à tous les chefs de la famille (caps de casa) du
droit d'élire désormais les vingt-quatre membres du Conseil géné-
ral. Les quatre conseillers nommés par chaque paroisse demeure-
raient quatre ans en fonctions, et la moitié d'entre eux sortirait de
charge tous les deux ans.
2<* Concession aux mêmes du droit de nommer les conseillers de
paroisse, dont les attributions seraient à Tavenir distinctes de
celles des membres du Conseil général.
3<> Election des autorités communales par les chefs de famille.
4* Désignation par les mêmes de commissaires renouvelables tous
les deux ans, et chargés de vérifier la gestion des Conseils de
paroisse et du Conseil général.
Ce projet de réforme fut porté par une commission à la Seii d*Ur-
gel, et revêtu le 28 avril suivant, de l'approbation de Mfi^' Caixal y
Estrade. Les commissaires provoquèrent ensuite une réunion à bref
délai du Conseil général, pour qu'il eût à reconnaître le nouvel
ordre de choses. Ce Conseil fit savoir qu'il s'assemblerait le 30 avril.
Il avait été décidé que les nombreux délégués de tous les villa-
ges viendraient appuyer le vœu de la majorité du peuple. Mais les
promoteurs de la réforme, qui redoutaient une émeute, renoncè-
rent à cette convocation, et firent dire aux délégués de ne pas venir.
Les envoyés de San-Julia de Loria, qui seuls n'avaient pas été pré-
venus à temps, arrivèrent en grand nombre à Andorra-Vieilla , où
le Conseil général siégeait dans la Maison des Vallées.- Le Conseil
se borna à repousser la demande : No ha lugar à loque se pide. Le
peuple irrité eût immanquablement assommé les auteurs de cette
réponse, s'il n'eût été contenu par les chefs du mouvement, qui mi-
rent les conseillers en demeure de proclamer la réforme sur le
champ, ou de donner leur démission.
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Les autorités se résignèrent alors à accepter le projet de Maestre,
à l'exclusion du droit de suffrage de tous les chefs de famille. Cette
restriction leur coûta cher. Le peuple révoqua les anciens adminis-
trateurs, et en élut de nouveaux sans désemparer. L'ancien syndic
général ne perdit pourtant pas courage. Il déclara à ses partisans
qu'il ne reconnaissait pas le nouveau pouvoir, et menaça des peines
les plus sévères tous les anciens fonctionnaires qui abandonneraient
leurs postes. En même temps, il donnait ordre aux consuls des six
paroisses de lever les contributions nécessaires pour assurer la ré-
sistance ; et bientôt, disait-il, Tintervenlion du gouvernement fran-
çais ferait rentrer tout le monde dans le devoir. Cela n'empêcha pas
les promoteurs de la réforme de s'emparer de la Maison des Vallées,
où ils mirent la main sur les clefs des archives, et reçurent le ser-
ment du secrétaire général du Grand-Conseil. Us dressèrent un inven-
taire de tous les objets qui se trouvaient dans le lieu de leurs
réunions, et commandèrent qu'il en fût fait autant dans les Maisons
communes des cinq autres paroisses. Une proclamation fut publiée,
où l'on rendait Riba et les siens responsables des malheurs que leur
obstination pourrait entraîner; et Ton nomma des commissaires, pour
aller expliquer au préfet de l'Ariège les événements qui venaient de
s'accomplir.
Malgré les neiges qui couvraient la montagne, et rendaient assez
difficile le passage du port de l'Hospitalet, ces commissaires partirent
aussitôt, car Don Bonuventura de Riba avait pris les devants, pour dis-
poser le préfet en sa faveur. Riba et ses adversaires se rencontrèrent
à Foix, dans le cabinet de ce magistrat, devant lequel ils s'expliquè-
rent par interprète. Le préfet, ne sachant qui croire, et jaloux de ne
pas se compromettre, se borna à déclarer, au nom de son gouver-
nement, que « la France ne s'opposait pas aux vœux de la majorité
des Andorrans, pourvu que la réalisation de ces vœux dût contribuer
à la prospérité publique. »
Après cette réponse ambiguë, les réformistes repartirent pour leur
pays, et Riba prit lui-même le chemin de la Seu d'Urgel, d'où il
envoya un plan de constitution qui ressemblait beaucoup à la nou-
velle, sauf pourtant l'extension du droit de vote à tous les chefs de
famille. Cette concession n'ayant produit aucun résultat, il se pré-
para à recouvrer par la force le pouvoir qu'il avait perdu. A plusieurs
reprises, il invita ses principaux partisans à des conférences secrè-
tes, et partit enfin de la Seû d'Orgel pour se rendre aux Escaldas.
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III
En prenant possession de sa charge, le nouveau syndic général
avait fait imprimer, à la suite de la constitution réformée, un court
manifeste où il promettait de « rétablir Tordre et la confiance, » de
•t détruire les abus invétérés, » d'encourager » instruction, » trop
heureux s'il pouvait « mériter ainsi la seule récompense qu'il ambi-
tionnât, l'estime et la reconnaissance » des Andorrans. Ces phrases
qui, chez nous, feraient sourire de pitié le dernier des clubistes
de village, avaient produit le plus grand effet sur les pâtres et les
muletiers; mais, après l'avoir vu huit jours à l'œuvre, tous les gens
de bon sens tenaient déjà le baron de Senaller pour un homme de
fort médiocre valeur. L'affaire vraiment importante pour les Vallées
consistait alors à régler au mieux et au plus vite le différend avec la
douane espagnole; mais Don Guillem, désormais satisfait, ne vou-
lait plus s'en mêler II fallut que Tévêque d'Urgel adressât, le
14 septembre 1866, une pétition h la reine Isabelle II. Ce mémoire,
fort mal rédigé, obtint néanmoins un plein succès, et les carabineros
de la Seû reçurent, quelques mois après, Tordre de ne plus barrer
le passage aux bestiaux des Andorrans. Le baron de Senaller ne
manqua pas de s'attribuer le succès de cette démarche. Il fit impri-
mer et répandre, aux frais du trésor,le mémoire qu'il avait présenté,
le 10 mai, au ministère de la Hacienda^ et s'attribua tout l'honneur
du résultat obtenu.
La vérité est que le syndic général vivait alors dans Tintimité de
Père Poch, qui s'occupait d'établir dans les Vallées la fameuse Mai-
son de jeu rêvée depuis si longtemps. Grâce à la protection du baron,
Poch se fit concéder, par le Conseil général, Tautorisation de bâtir
un casino sur un point indéterminé de TAndorre, à la seule condi-
tion qu'il y eût « des eaux minérales chaudes ou froides. » Le con-
cessionnaire reçut aussi la faculté d'établir à ses frais des chemins
carrossables pour aboutir à ce casino ; et il s'engagea à garantir,
avant de se mettre à Tœavre, Texécution de ses promesses par le
dépôt dé trente mille francs dans la caisse du Conseil général.
La nouvelle de cette concession fut accueillie avec enthousiasme
par les pauvres gens des Vallées, qui déjà se voyaient écorchant les
pontes et les baigneurs; mais les propriétaires de grands troupeaux
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étaient bien loin de manifester la même allégresse. Ils redoutaient,
pour leur pouvoir et pour leur fortune, la facilité des communica-
tions projetées et le séjour des étrangers. La prudence leur défendait
de s'expliquer sans détours; mais ils tâchaient de ruiner sournoise-
ment l'entreprise, et voyaient déjà de fort mauvais œil le baron de
Senaller. Ils savaient d'ailleurs que Poch était hors d'état de trouver
les trente mille francs à déposer entre les mains du Conseil général
avant de se mettre à l'œuvre. Quant au baron de Senaller, sa femme
n'était pas d'humeur à lui laisser faire des avances.
Ces réflexions rassuraient un peu les adversaires du casino ; mais
Poch, qui se démenait comme un beau diable, s'était déjà mis en
rapport avec un homme très influent du département de l'Ariège,
que je demande à désigner sous le nom de M. Trois*Étoiles. Comme
prix de son patronage, l'Ariégeois commença par s'assurer une part
quasi-léonine dans les futurs bénéfices de l'entreprise; et le jour de
la signature du traité, l'infortuné Poch expérimenta pour la première
fois la vérité du fameux sic vos non vobis. M. Trois-Étoiles lui con-
seilla de partir pour Paris, où il s'offrit de le mettre en rapport avec
un gros collier de la finance. Don Guillem , averti par l'ex-commis
de nouveautés, assembla sur le champ le Grand-Conseil, et déclara
à cette illustre assemblée que l'intérêt de l'Andorre exigeait impé-
rieusement qu'il suivit son ami Poch. Le trésor public ne pouvait
refuser, en telle occurence, d'avancer quelques milliers de francs
qu'il recouvrerait au centuple par les bénéfices du casino. En consé-
quence, le baron fit les choses largement. Il commanda un costume
fantaisiste de syndic général : chapeau à la française, épée, frac
libéralement rehaussé d'or, et constellé de toute la ferblanterie che-
valeresque offerte par la reine d'Espagne.
La famille du baron ne pouvait se dispenser de l'accompagner, et
un membre du Grand-Conseil, Don Bonaventure Moles, plus tard
second syndic, voulut être aussi du voyage.
Cette caravane partit vers le milieu de l'automne de 1866. M. Troîs-
Étoiles avait annoncé l'arrivée de Poch et du baron à son ami le
Gros collier , qui les reçut en homme habitué à apprécier du pre-
mier coup d'œil les gens de mérite, et les mit aussitôt en rapport
avec un sieur Duvivier, qui tripotait dans la petite banque. Duvivier
prit feu comme une allumette, et déclara à ses nouveaux associés
que le plus pressé était de s'assurer en haut lieu la protection de
personnages influents, dont deux étaient apparentés de fort prés à
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- 16 •-=
des personnages officiels , et le troisième à un phalanstérien qui a
joué, en 1848, un rôle assez important. Tout semblait donc marcher
à souhait pour'Poch et pour le baron de Senaller, qui menait tam-
bour battant les écus deses compatriotes. Les dames se montraient
touchées de son empressement à leur plaire , et ses exploits gastro-
nomiques faisaient l'admiration et la fortune des restaurateurs du
boulevard.
L'aimable syndic général fut même honoré d'une invitation à Com-
piègne, et parut, dans toute la splendeur de son costume officiel,
devant Napoléon III, dont il reçut la croix de la légion-d'honneur.
Quelques jours après, le baron repartit avec sa suite pour les Vallées,
où le bruit de ses succès à Paris l'avait devancé. Le syndic général
émerveilla les bons montagnards par le récit de sa lointaine et pé-
rilleuse odyssée, et il eut coin d'insister sur son entrevue avec l'em-
pereur des Français qui, disait-il, reconnaissait pleinement aux
autorités andorranes le droit de laisser construire un casino, avec
ses accessoires, sur le territoire des Vallées.
Ces propos, exagérés par les amis du baron, ne méritaient certes
pas une confiance sans bornes; mais il est scandaleux qu'on ne les
aient pas immédiatement démentis. Il est surtout déplorable que
le gouvernement impérial ait aussi complètement méconnu, dans
celte occasion, l'étendue et la nature des droits que la France pos-
sède dans l'Andorre. La souveraineté de ce pays, manifestée par ses
deux caractères essentiels, le commandement militaire et la justice,
appartient, par indivis, au viguier de la France et à celui de l'évêque.
Lee autorités andorranes ne possèdent, en principe, que le pouvoir
administratif et de police, augmenté, par privilège, de quelques at-
tributions spéciales. Il appartient donc aux viguiers de casser au
besoin les décisions des Conseils de paroisse et du Conseil général.
Nul acte de souveraineté n'est valable, s'il ne résulte du concert du
chef de l'État français et de l'évêque d'Drgel ou de leurs délégués.
C'est ainsi, par exemple, que l'opposition de Henri IV a suffi jadis
pour empêcher l'Inquisition de s'établir dans les Vallées, malgré les
ordres formels des prélats de la Seû. Notre gouvernement avait donc
le droit et le devoir de s'opposer à ce qu'on établit, en Andorre, un de
ces tripots que la loi ne tolère pas en France; et son attitude l'a
exposé à des soupçons qu'on doit éviter de faire renaître.
La Compagnie Andorrane se trouvait désormais constituée, et les
puissants protecteurs de Poch avaient eu soin de s'assurer, par écrit,
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- 17 -
des bénéfices considérables. Ces bénéfices, ajoutés à ceux que
M. Trois-Éioiles s'était déjà réservés, réduisaient à fort peu de chose
la part de Tex-commis de nouveautés, qui dût maudire une fois de
plus, au nom de la liberté du travail , Tinfluence usuraire et tyran-
nique du capital. Les trente mille francs de garantie promis avant
de commencer les travaux, furent versés dans la caisse des Vallées,
qui n'avait jamais recelé de trésors pareils. En ce temps-là, le sieur
Duvivier, hanta assidûment les cafés et brasseries littéraires de Paris;
et bientôt l'univers apprit l'existence de la Compagnie Andorrane
par les gazettes notoirement vendues au pouvoir, comme par celles
qui ne s'inspiraient que d'une noble et généreuse indépendance.
Les pontes étaient solennellement convoqués, pour les premiers
jours d'août 1867, au pied delà montagne de la Solana. Cette monta-
gne, située sur le versant septentrional des Pyrénées, confine à la
commune française de l'IIospitalet, qui domine la haute vallée de
l'Ariége. Les gens de l'Hospitalet et de Merenx ont disputé bien des
fois les pâturages de la Solana aux Andorrans. La Compagnie avait
fait venir de Londres, à bon marché, vn vieux stock de trois ou
quatre de ces maisons de bois qu'on expédiait autrefois en Californie,
et les avait envoyées à Ax, avec une roulette qui pouvait se monter
en deux heures. Ce matériel devait être installé sur un terrain
loué par les soins du sieur Duvivier, le long du petit torrent qui
baigne le pied de la Solana. Non loin de là , disait-on, coulaient
des sources minérales, dont la Compagnie^ n'a pas soumis, que je
sache, les eaux à l'examen d'un chimiste autorisé. Dans la pensée
de Duvivier, ces eaux fantastiques dcvaient-jouer un grand rôle, et
déterminer l'établissement du casino à médiocre distance de l'Hos-
pitalet.
Le lecteur se souvient, en effet, qu'aux termes de la concession du
Conseil général des Vallées, le casino ne pouvait être édifié que dans
un lieu pourvu de sources minérales. Grâce au tour de passe-passe
du rieur Duvivier et consorts, les pontes et leurs drôlesses, accourus
par la vallée de l'Ariége , seraient entrés en Andorre , tout juste
assez pour échapper à la loi française qui prohibe les jeux de
hasard, et auraient pu regagner assez projnptement les auberges de
l'Hospitalet et d'Ax,
Tout porte à croire qu'en s'aventurant de nuit dans ces défilés
étroits et déserts, les joueurs favorisés de la fortune auraient eu par-
fois affaire à des gaillards décidés à les alléger de leurs bénéfices.
2
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- 18 -
Mais ces infimes détails regardaient le procureur impérial de Foixet
la gendarmerie de TArlége. La Compagnie, qui avait embauché
quelques brigades de terrassiers, n'avait d'antre souci que de relier,
par un chemin carrossable, le \illage de l'IIospitalet à la Solana.
Quant à prolonger ce chemin jusqu'aux Escaldas, elle n'y songeait
pas sérieusement, tout en cherchant à faire croire le contraire. Le
port de l'IIospitalet est, en effet , encombré de neiges pendant les
trois quarts de Tannée, et d'un passage souvent difficile durant la belle
saison. Entre ce pont et las Escaldas, le territoire des paroisses de
Canillo et d'Encamp présente des difficultés énormes. Le prolonge-
ment de la route aurait donc coûté des sommes folles. Voilà pour-
quoi la Compagnie demandait à s'installer provisoirement à la Solana,
espérant bien forcer la main ou graisser la patte des autorités an-
dorranes, et convertir ainsi la tolérance en concession définitive.
Tel était notamment l'avis du liaron de Senallcr, qui se rendait
fréquemment à Ax, où Duvivier et la majeure partie de son état-
major étaient installés à l'hôtel Cicrc. Ces messieurs se faisaient un
devoir de traiter royalement le syndic général, dont ils avaient dé-
couvert, à Paris, le faible pour le Champagne. Son domestique, an-
cien canonnier espagnol, que le gmtaban mucho las mugeres, était
lui-même entouré d'attentions délicates, et s'habituait facilement à la
liqueur de la Grande-Chartreuse authentiquée par le frère Garnier.
Cependant la renommée publiait jusque dans l'Andorre la carte de
ces festins de Balthazar, et les adversaires du casino semaient , avec
un art perfide, les rumeurs les plus malveillantes. Comme celle du
monarque assyrien, la royauté de Duvivier touchait au terme fatal, et
les gens des Escaldas, supplantés par ceux de la Solana, avaient tra-
vaillé pour le roi de Prusse. Puisqu'à toute force on voulait un ca-
sino, il fallait du moins le bâtir au centre des Vallées, pour forcer
les étrangers à la résidence. On compenserait ainsi, par l'exploita-
tion régulière, et savante des visiteurs, la funeste influence de ce
foyer de corruption.
Ces manœuvres obtinrent iin succès complet. La Compagnie n'osa
demander au Conseil général, dont le refus n'était pas douteux,
Tautorisation de s'installer provisoirement à la Solana. Devant cette
résistance inattendue, Duvivier perdit la carte, et prit une résolu-
tion subite et violente II arrêta les travaux, mit en lieu sûr le maté-
riel, et reprit la route de Paris en oubliant de payer les ouvriers.
Pendant ces agitations, le viguier français, M. Saint-André était
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mort, et le gouvernement l'avait remplacé par M. le vicomte Henri
de Foix. Le 17 octobre 1867, ce magistrat prêta serment devant le
Conseil général; et sa droiture, sa courtoisie, son amour du bien
public, lui concilièrent bientôt Testime et TafTection de la plupart des
habitants des Vallées.
Pendant près d'un an, les Andorrans n'entendirent plus parler du
casino, et cela ne laissait pas d'inquiéter les entrepreneurs et les
fournisseurs de la Compagnie. Un créancier, moins patient que les
autres, partit pour Paris où la Compagnie ne battait plus que d'une
aile. Il paraît que DuviviEr avait éprouvé tout-fi-coup le besoin de
faire un voyage à Tétranger. Ce départ affligeait beaucoup ses anciens
associés, qui fournirent néanmoins un bon à-compte à l'Andorran, et
lui promirent de revenir bientôt dans les Vallées, avec des fonds né-
cessaires pour payer tout le monde jusqu'au dernier sou. Le créan-
cier ranima leur courage, et le\ir garantit le concours de tout le
petit peuple. On trouverait bien moyen de forcer la main au Con-
seil général; et s'il s'entêtait à ne pas vouloir le casino 5 la Solana ,
rien n'était moins cher ni plus facile que de se passer la fantaisie
d'une petite révolution.
Les actionnaires se laissèrent prendre à ses promesses dorées. A
la place de Duvivier, le sieur X. fut élu président, et les délicates
fonctions de secrétaire échurent à un ancien gendarme belge. Vers
la fin du mois de juin , le président , le secrétaire, et deux autres
dignitaires de la Compagnie, partirent pour Ax, et s'installèrent à
l'hôtel Cicre, où le baron de Senaller et son domestique trouvèrent
la gracieuse hospitahté d'autrefois. Trois jours après l'arrivée des
parisiens, tous les créanciers étaient payés rubis sur l'ongle, et de
nombreux terrassiers s'occupaient d'établir un semblant de chemin
carrossable entre Canillo et les Escaldas. On voulait ainsi donner h
croire que le casino serait bâti dans ce village , et que la Solana
n'était qu'une station provisoire. Chaque jour, trente francs de petite
monnaie'de billon étaient royalement distribués à tous les pauvres
diables des Vallées» qui poursuivaient les associés jusqu'au fond des
auberges, et se croyaient obligés, par gratitude, à psalmodier sous
leurs fenêtres, jusqu'à minuit, les sept psaumes de la pénitence.
L'aristocratie andorrane ne perdait rien de ces manœuvres in-
quiétantes. Elle surveillait aussi de près le baron de Senaller, dont
le dévouement aux intérêts de la Compagnie ne connaissait plus de
bornes. Entre Don Guillem et un homme aussi irrésolu que Nicolas
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Duedra, l'honnête Anton Maestre, second syndic, conaprenait que
la place n'était plus tenable, et il avait offert vainenaent la démission
au Grand-Conseil,
Tout le monde voyait que le moment était proche où la Compa-
gnie essaierait de renverser cette assemblée, si elle n'en pouvait ob-
tenir l'autorisation d'établir le casino à la Solana. Depuis huit jours,
les générosités aux mendiants étaient doublées, et les terrassiers,
payés largement, buvaient gratis et à discrétion dans les cabarets.
Le 13 juillet 1868, le Conseil général s'assembla, sur la demande
delà Compagnie. Il s'agissait de savoirs! la Solana possédait les
eaux minérales chaudes ou froides qui, aux termes de la concession
pouvaient permettre d'y construire un établissement de bains et un
casino. Le mot d'ordre était donné aux terrassiers, qui ne possé-
daient peut-être pas entre tous trente fusils ou tremblons, et qui ne
pouvaient guère que brailler devant la Maison des Vallées.
Rien de tout cela n'avait échappé au viguier de Tévêque, Don Ma-
nuel Arnalot. Grâce à son active discrétion, la garde du Conseil
général se trouvait exclusivement composée d'hommes sûrs et réso-
lus. D'autres miliciens non moins dévoués , se tenaient prêts à pa-
raître au premier signal. Le brave baron de Senaller, qui se croyait
sûr de son fait, entra dans la salle des délibérations, escorté d'un
petit nombre d'adhérents, et ouvrit la séance en triomphateur. Mais
il avait affaire à forte partie, La majorité de l'assemblée se borna à
répondre que la Compagnie connaissait les termes de la concession,
que c'était à elle de voir si le lieu où elle voulait établir le casino
réunissait les conditions nécessaires, et qu'il n'y avait pas lieu de
délibérer plus longtemps, puisqu'on n'introduisait pas une demande
nouvelle. A cette subtilité de procureur. Don Guillem se monta
comme une soupe au lait, et proféra des paroles menaçantes. Sur
ces entrefaites, Arnalot entra dans la salle, et informa le^ Conseil
qu'un rassemblement séditieux s'était formé sur la place principale
d'Andorra; mais le viguier répondait absolument de l'ordre, et l'as-
semblée pouvait délibérer sans crainte.
A ces paroles froides et résolues d'Arnalot , le pauvre baron vit
qu'il s'était pris dans sa propre souricière, et perdit complètement
la carte. Il crut intimider le Conseil en offrant sa démission, mais
ses adversaires le prirent au mot. Le second syndic , Anton Maestre
qui demandait depuis longtemps un remplaçant, se hâta de profiter
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— ai-
de cette bonne occasion; elle troisième syndic, Nicolas Duedra, fas-
ciné par ces deux exemples, résigna aussi ses pouvoirs. L'assemblée
s'occupa sur le champ de nommer des autorités nouvelles. Nicolas
Duedra fut proclamé syndic général. On lui donna pour collègues
Don Bonaventura Moles, d'Andorra, et Don Anton Picart, de la
paroisse d'Encamp.
Ainsi finit en queue de poisson la présicicnce éphémère, et d'abord
si brillante, du baron Senaller. Il ne me reste plus maintenant qu'à
parler de ses efforts pour ressaisir le pouvoir, et à raconter les évé-
nements accomplis depuis la révolution du 13 juil'et 1867 jusqu'au
siège des Escaldas,
{A continuer.) J.tan-François BLADÉ.
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CHRONIQUE D'ISÂAC DE PÉRÈS'.
INTRODUCTION.
Sans attribuer à Touvrajje inédit que nous publions une valeur et
des prétentions littéraires auxquelles Isaac de Pérès, son auteur,
n'avait certainement, jamais songé, nous estimons, cependant, que
cet ouvrage a une importance historique indéniable et que, au point
de vue général, et plus encore au point de vue particulier des pro-
vinces du Sud-Ouest, son apparition sera une bonne fortune, presque
un événement, pour les lecteurs intelligents et éclairés.
C'est à ce titre, que l'œuvre d'Isaac de Pérès fait aujourd'hui son
apparition dans la publicité, après avoir séjourné pendant Irois cents
ans, au milieu des papiers de ma famille, dont l'intelligent et profond
respect n'a pu la préserver complètement de Faction du temps.
Le manuscrit original ne porte point de titre, mais je n'hésite pas
à lui conserver celui de Chronique d'Isaac de Pérés que Samazeuilh,
et d'autres écrivains après Samazeuilh, lui ont donné dans leurs ou-
vrages. D'ailleurs, et ceci vaut mieux : le mot est parfaitement exact.
Ce livre est bien une Chronique.
S II.
La Chronique d'Isaac de Pérès est un Manuscrit de la fin du seizième
et du commencement du dix-septième siècle. Ce manuscrit in-quarto^
est relié. Il est recouvert, encore aujourd'hui, de la plus grande
partie de sa reliure en veau qui est de l'époque du livre et ornemen-
tée des fleurs de lys historiques du temps.
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— 23 -
Le Manuscrit parait être l'œuvre de trois écrivains différents. S'il
ne contenait point, en quelques passages, certaines fautes d'ortho-
graphe incompatibles avec les habitudes des gens instruits de Tépo-
que et, en particulier, avec celles d'Isaac de Pérès qui était un
personnage, à Nérac, on pourrait même affirmer que le texte entier
a été écrit par trois mains différentes. Il n'en est rien, cependant.
L'une des écritures émane bien d'un écrivain autre qu'Isaac de Pérès :
c'est celle qui contient quelques fautes d'orthographe : Cela est évi-
dent Les papiers existant encore à la mairie de Nérac prouvent mi^me
que cette écriture a été tracée dans la Chronique par un des Secré-
taires attachés à la maison commune de Nérac, dans les années 1607,
1608, 1609, 1610 et 1611. C'est ce même Secrétaire qui a écrit sous la
dictée d'Isaac de Pérès, probablement dans sa demeure, les événe-
ments survenus journellement dans les annéesl607, 1608, 1609, 1610
et 1611. Mais tout le reste de la Chronique, c'est-à-dire les deux pre-
miers tiers au moins, émanent de la main d'Isnac de Pérès en per-
sonne, quoiqu'il y ait là, de sa part, deux genres d'écriture différents.
De Î586 h 1603, c'est-à-dire dans les soixante-dix premières pages,
l'écriture est comme celle de nos jours et aussi focile à lire que si
elle était imprimée. De la page soixant-dix à la page cent trente, c'est
bien, au fond, la même écriture que celle des soixante-dix premières
pages, mais on y voit un effort marqué poir se rapprocher graduel-
lement des écritures hiéroglifiques, abrégées, tourmentées, presque
entièrement illisibles du règne d'Henry IV, qui étaient dénnitivement
h la mode en 1607. A la fin de cette année 1607, Isaac de Pérès, qui
a écrit de sa main les cent trente premières pages de sa Chronique
rompt violemment avec la mode qu'il no peut observer et jette sa
sa plume désespérée à l'im des secrétaires de la maison commune
de Nérac qui écrit, sous la dictée du Chroniqueur, mais pas toujours
avec son orthographe, les cinquante-deux dernières pages qui nous
restent du précieux manuscrit.
Il est à remarquer que ces trois corps d'écriture distincts et qui
émanent de deux écrivains, au moins, ont cependant, entr'eux, un
air de famille qui peut tromper l'œil du lecteur quand il n'est pas
habitué aux choses du temps d'Henry IV, et même à celles de notre
siècle.
A l'époque d'Henry IV et avant, les scribes ou gens du métier imi-
taient l'écriture d'autrui avec une si grande perfection que les lettres
des grands personnages, des rois, et particulièrement cellesd'IIenryl V,
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— n —
étaient signées du nom de celui qui était censé les avoir écrites, par
le secrétaire qui avait tracé récriture de la lettre. C'est ce qu'on
nommait le Secrétaire de la main.
Voilà comment Isaac de Pérès a eu pour secrétaire de la main,
dans les cinquante-deux dernières pages de sa Chronique, un des se-
crétaires de la maison commune de Nérac qui s'est si bien approprié
récriture du Chroniqueur, qu'au premier aspect, les deux écritures
semblent émaner d'une seule et unique main.
D'un autre côté, il ne faut pas s'étonner que l'écriture se soit si
profondément modifiée qu'elle l'a fait, de 1586 à 1611, ainsi que nous
le voyons dans les écrits du temps et, notamment dans la Chronique
Pérès elle-même. L'écriture, l'orthographe, le vêtement étaient alors,
comme aujourd'hui, une affaire de mode.
Exemple :
A l'origine de notre dix-neuvième siècle, vers l'an 1800, l'écriture
bâtarde est à peu près la seule usitée en France. L'Empire et la Res-
tauration voient cette bâtarde prendre une tournure moins perpen-
diculaire , un peu penchée , une tournure française par excellence ,
ne serait-ce que par sa clarté. On croit que l'écriture est désormais
fixée dans le sens national d'une manière irrévocable. Erreur com-
plète. Les premières années de la monarchie de juillet nous appor-
tent récriture anglaise de pur sang et, à sa suite, la plume de fer,
son auxiliaire indispensable! A l'heure présente, et même depuis
vingt ans déjà, il n'existe plus dans la France révolutionnée qu'une
seule plume d'oie, désormais impuissante. C'est celle dont se servait,
dans des jours meilleurs pour lui, l'auteur de cette introduction.
Isaac de Pérès, lui aussi, céda devant la nécessité. Il garda reli-
gieusement sa signature magistrale du vieux temps et, quand il ne
put ou ne voulut sacrifier à la mode du jour, il dicta sa pensée à un
secrétaire de la main dont nous retrouverons plus loin, avec intérêt,
récriture et l'originale personnahté.
I lU.
La Chronique manuscrite d'Isaac de Pérès se composait originaire-
ment décent trente-un feuillets devant contenir, au moins, deux cent
cinquante pages écrites. Elle n'a plus, aujourd'hui, que quatre-vingt-
dix feuillets, en sorte qu'il en a disparu quarante-un dont les restes
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- 25 ^
très visibles sont encore adhérents au dos de la reliure, savoir ; un,
au milieu du volume, quarante, h la fin.
Les feuillets enlevés ont été déchirés vers 1805 par suite de la stu-
pide indifférence d'une servante illettrée, qui prit la Chronique dans
le coffre-fort de mon grand'père, au, moment où celui-ci était cruel-
lement atteint de la goutte, et la transporta aux lieux d'aisance de
la maison de campagne du Pusocq. C'est là que, dans sa jeunesse,
mon père la trouva telle qu'elle est encore aujourd'hui. Quarante-un
feuillets en avaient été déjà arrachés: il sauva le reste qu'il rapporta
respectueusement à son père, et celui-ci en fit cadeau à son fils en
lui recommandant avec énergie de veiller soigneusement, tant qu'il
vivrait, sur le dépôt sacré qu'il venait de sauver.
La recommandation a été suivie, et c'est ainsi qu'en 1857^ à la
mort de mon père, du consentement de tous mes cohéritiers, je suis
resté propriétaire unique et détenteur de la Chronique d'Isaac de
Pérès, un de mes ancêtres, que je livre en ce moment au public,
autant pour elle que pour lui.
8 IV.
Quelle est l'origine d'Isaac da Pérès? quel rôle a-t-il joué? quelles
furent ses idées religieuses et politiques? comment a-t-il fini? que
contient en somme sa Chronique ?
Telles sont les questioils qui se posent ou pour mieux dire qui
s'imposent, au seuil même de l'œuvre, à celui qui, logiquement, doit
commencer par faire connaître l'ouvrier.
IV.
En Tanné 1440, c'est-à-dire sous le règne de Charles VII, Roi
de France, les Consuls de la ville de Nérac font attacher à un
clou d'un pilier de la Halle de cette ville, le tableau du Souchet * et
péage « de la ville et juridiction de Nérac. En 1750, les Consuls
■ Souchet. Impôt sur le vin analogue à notre droit d'entrée»
^ Péage, Im^oi de circulation qui se percevait sur les chemins et au passage
des fleuves et rivières.
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- 26 —
d'alors, reproduisent le tableau de 1440 et le font imprimer et afficher
à leur tour. Il reste de cette affiche, à la mairie deNérac, un frag-
ment qui forme juste le quart de raffiche entière.* Ce curieux frag-
ment mérite d'être reproduit en entier. Le voici :
fragment da tableau da Soachet et Péage de la vUle
et JurldlctloB de Nérac
En l'année: 1440.
« Payera TÉtranger vingt-huit deniers, et s'il en porte plus ou moins,
» payera à l'équivalant.
« L'étranger achetant du sel à Nérac,paycra pour sac, trois deniers.
«Tous Chercu tiers et Chercutières ou autre Habitant de Nérac ou
«Juridiction, payeront par cochon qu'ils vendront, si.K sols de
9 chacun.
« EXTRAIT du dit Privilège y Colloné au Tableau qui est attaché à
• un clou d'un pilier de la Halle de Nérac, par nous Consuls de lad.
« Ville de Nérac, soussignés- A Nérac, le premier jour d'Avril, mille
« quatre cens quaratite. De Pédesclaux, Consul, Gerivet, Consul, Jean
« Leprivier, Consul, Izaac de Péréz, Consul, Descamps, Notaire Royal
« de cette ville.
« Le Présent tableau du Souchetet Péage a été imprimé à la dili-
« gence de Messieurs les Maires et Consuls de la ville de Nérac.
« — Capot-Feuillède, Maire, Corréges, Lieutenant de Maire, Dausac,
« Premier Consul, André Dausac, Consul perpétuel, Bartouil, Consul,
« Joseph Morlan, Consul, Morlan, avocat du Roy de l'hôtel de Ville. »
Comme on le voit par le document ci-dessus qui pourrait d'ailleurs
donner lieu à bien d'autres observations, le quatrième consul de
Nérac, en 1440, se nommait Izaac de Péréz, avec deux %, au lieu de
deux s comme le chroniqueur. Est-ce la faute de Tépoque, d'un
copiste, ou plutôt de l'imprimeur? Je l'ignore : toujours est-il que
* Ce fragment a été retrouvé à l'hôtel de Ville de Nérac, dans les Archi-
ves où il est conservé et m'a été communiqué, le 28 novembre 1878, par
M. Anatole Faugère-Dubourg, maire de Nérac.
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— 27 —
les noms, les prénoms et les fonctions du Consul de 1440 s'accordent
si bien avec le nom, le prénom, et les fonctions du Chroniqueur du
règne d'Henry IV que, jusqu'à preuve du contraire, nous dirons que
le chroni>{ueur du temps d'Henry IV descend directement du Consul
de Nérac du temps de f 'harles VII.
Un siècle s'écoule sans nous laisser d'autres documents publics ou
privés relatifs à la famille d'Isaac de Pérès. Mais en 1554, un peu
plus d'un siècle après le consulat de 1440, nous trouvons en tôte de
* notre Chronique, le tableau suivant de la famille du Chroniqueur.
Voici, en effet, les premiers mots textuels de la Chronique. « L'an
mil b c 1 iiij le XXIX— de jung ( Tan 1554 et le 20 juin ), décéda
feu Odet de Pérès, Concierge du Château du Roy de Navarre, à
Nérac. »
Immédiatement après, sur la même page, vient le tableau de la
famille du Chroniqueur contenant les noms et prénoms de son père
Johannot de Pérès, la date de la mort de la première femme de
celui-ci; la date de son second mariage et celle de sa mort; les
noms, prénoms et date de naissance des deux enfants du premier lit
du père du Chroniqueur ; les noms, prénoms et date de naissance
des deux enfants du second mariage dudit père du Chroniqueur, d'où
provient celui-ci ; la date de la naissance et du mariage du Chroni-
queur en personne; le tout remplissant la page entière.
Voici maintenant, en très peu de mots, mais appuyée sur des
textes nombreux tirés de la Chronique, d'actes publics et de nos
papiers do famille, déposés dans l'étude de M« ïruaut, notaire à
Lavardac (Lot-et-Garonne), la généalogie d'Isaac de Pérès, Chroni-
queur, ascendance et descendance réunies.
Odet de Pérès, Concierge du Château du Roy de Navarre à Nérac,
c'est-à-dire de Henry I»', grand-père de Henry IV, mourut le
29 juin 1554.
Il laissa huit enfants, dont deux seulement doivent nous oc-
cuper.
Premièrement : Pierre de Pérès, marié avec Jane de Lavallade qui
fut Consul de Nérac en l'année 1604 et laissa un fils, Jean de Pérès,
avocat, marié avec Anne Alespée, desquels descend en ligue directe
par les mâles jusqu'en 1729 et par une femme, Anne de Pérès, sœur
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des deux derniers Pérès, à partir de 1720, la famille Lesueur de
Pérès actuelle.*
Deuxièmement : Jehannot de Pérès, père du Chroniqueur. Jéha-
not de Pérès, perdit Agnès Caurreton, de Cours, sa première femme,
le 29 avril 1557. Il épousa, en deuxièmes noces, le 28 novembre 1557,
Jane Evenard, du Port Sainte-Marie, qui décéda le 18 mars 1586. Il
mourut le 17 mars 1576, comme nous l'apprend la Chronique.
« Jehanot de Pérès mon père, dit le Chroniqueur, fut tué à la porte
« du Marcadieu, ' par un nommé le cappilaine Castelnau, d'un coup
« de pistôUet, le x b i j mars 1576. » (16 mars 1576). De son premier
mariage avec Agnès Carreton de Cours, Jéhanot de Pérès eut deux
fils décédés sans postérité, et du second, avec Jane Evenard, il eut
une fllle, née en 1559 qui fut mariée deux fois, comme son père, et
n'a point laissé de postérité. Enfin, le second enfant de Jehannot de
Pérès et de Janne Evenard, du Port Sainte-Marie, fut Isaac de Pérès,
notre Chroniqueur.
Il naquit le 4 juin 1564 et eut pour parrain Guiraud Durand, jurât
de Nérac, mari de Peyronne de Pérès, et, pour marraine, Françoise
de Pérès. Il se maria le 22 janvier 1584, avant d'avoir atteint sa
vingtième année, avec mademoiselle de PinoUé, fllle de M. Guillaume
* « Je nomme par mon présent testament, pour mon héritier général et
c< universel en tous et en chacuns mes biens meubles et immeubles pré-
« sens et avenir, actions rescindentes et rescisoires, en quoi que le tout
« puisse consister généralement, sans en rien réserver ni excepter, mes
« dits légats préalablement payés, savoir est le fiU aîné né ou à naitre de
« D*'« Anne Pérès , ma sœur germaine, fille de feu M. Samuel de Pérès,
« Conseiller du roi au siège de Nérac et de Dlle Sauvage (Elisabeth), demeu-
« rant à Verberie, près Gompiègne, à la charge par lui et ses descendants de
« porter mon nom. Et, afin de donner à mon héritier une éducation conve-
« nable et le rendre capable d'exercer Voffice de Procureur du Roy à Nérac,
xc je veux qu'il soit poussé dans les études et mis h TOratoire de Gondom
« pour le faire pourvoir du dit office. »
(Testament de Jean-Louis de Pérès, Procureur du Roi au Présidial de
Nérac, du 16 avril 1720, en faveur de Louis Lesueur de Pérès, fils de Anne
de Pérès et d'Etienne Lesueur, déposé chez M« Truaut.)
• La porte du Marcadieu ouvrait sur la route de Mésin, à l'ouest de
Nérac.
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— «9 -
de Pinollé. De ce mariage naquirent deux enfants, savoir : !• Pierre
de Pérès, qui fut envoyé à Bordeaux pour étudier le droit chez un
procureur, le 27 mai 1609 et dont il n'existe aucune trace. 2<> Judith
de Pérès, mariée le 16 février 1604, avec Jean Nagoua dont elle
eut trois enfants décèdes sans postérité.
Quant à la mort du Chroniqueur, il m'a été impossible, malgré de
nombreuses recherches, d'en retrouver le lieu et la date, et je Tau-
rais vivement désiré, cependant. En effet, mes ancêtres directs ont
hérité de sa Chronique, et en 1667, ils étaient propriétaires de la
maison Perribére, à Nérac, près du moulin, au Pavé, maison habitée
de son vivant, par le Chroniqueur à qui elle appartenait. Chroni-
que, Maison et le reste, sont ainsi entrés dans les biens de notre
branche.
S VI.
Telle est l'origine d'Isaac de Pérès, chroniqueur.
Quel rôle a-t-il joué?...
Isaac de Pérès exerça, dans la ville de Nérac, diverses charges
publiques indiquant qu'il jouissait dans cette ville d'une grande con-
sidération. Il flt partie du Consistoire de l'Eglise Réformée dans les
années 1591, 1595, 1599 et 1604. Il fut élu syndic pour le peuple
dans les années 1597 et 1601; Syndic de la ville et du Collégre en
1609; et consul de Nérac, dans les années 1594, 1599, 1601, 1604 et
1610. Ce dernier Consulat est éminemment intéressant. C'est pourquoi
nous croyons devoir reproduire ici en entier quatres lettres inédites
signées de lui et des Consuls de Nérac, ses collègues en 1610. Quoi-
que un peu longues, ces lettres sont, à bien des titres, très curieu-
ses. Elles nous montrent ce qu'était la vie municipale sous le règne
de Henry IV et l'émoi universel causé dans nos contrées par le
crime de Ravaillac.
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-30-
PREMIÈRE LETTRE.
A Monsieur DutouVy^ Controlleur des Tailles en Condomois et
Jurai de la Ville de Nérac estant de pi*ésant à Paris.
« MoNsruR,
« Combien qu'à votre départ, nous eussions en quelque promesse
d'accorder et accomoder toutes les affaires qui concernent notre
communauté en Cour, néanmoins, du despuis, nous n'en avons veu
aucun effet. Mais c'est bien au contraire, car, tous les jours, on nous
advise de toutes sortes et par tous moyens, directement et indirec-
tement, qu'est cause que nous sommes résolus vous ennoyer nostre
requeste aux fins de poursuyvre, sur icelle, votre évocation générale
pour toute notie dite communauté, au privé Conseil du Roy, ou en la
Chambre de l'Edit, à Paris.
« Nous Ta vous ennoyons par la voye de la poste pour la recevoir
plustost, avec toutes les pièces y nécessaires. Vous louerez un arrest
au pied delà requeste que nous* auions présentée en ladite Cour et
Chambre, pour auoir taux de la chair au prix accoustumé, mais on
n'a tenu compte d'icelle ce qui revient au grand préjudice du bien
public, occazion que sur les seuls bouchiers, il y a eu plus de troys-
cens escus de perte, la précédente année, au prix qu'il estoit Tannée
passée et années précédantes.
€ En effet, c'est la plus grand mizère que vous ayiez ouy dire.
Nous auons retiré certification des villes circonvoisines pour fère voir
h la Cour comme les chairs se vendoient au prix que nous les deman-
dions. Mais cela n'a rien fait, et les quelles cerlifftcations nous
ennoyons, aussy l'arrest qui feust donné la veille de l'élection der-
nière des Consulz pour fère voir au Conseil du Roy comment noz
estatulz et privilèges sont renversés et viollés, tous les jours, et au
préjudice du public et de l'authorité Consulaire.
Nous vous supplions bien humblement poursuyvre le tout fort
vivement, et aussitostque vous aurez reçeus la présente dépêche,
vous employer à en obtenir la fin et conclusions, s'il vous est possible,
carceste affaire nous est fort important, comme vous-mesme pourrez
juger, et ce qu'on obtiendra, nous l'envoyer par voye fort assurée et
au plustot.
' M. Dutour avait été député à Paris, par Tautôrîté municipale de Nérac ,
pour suivre les affaires de la commune de Nérac pendantes à Paris ,
« M. Daniel Dutour, partit de ceste Ville pour aller en Cour soliciter cer-
« taines affaires que la Ville y avoit, le vendredy matin, vj mars 1610. Il
« arriva le dimanche X«« aoust, au dit an. » — (Chronique Pérès. ^
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- 31 —
Au reste, nous vous ennoyons aussi par ceste mesme voye, une
autre requcste pour présanter au Conseil du Roy, pour obtenir une
autre évocation particulière (en cas que la généralle ne se puisse
obtenir) contre M. Samuel Pau hac, Procureur du Roy au présent
siège, car il est incroyable comme il nous traverse et nous veut tra-
verser au procès qu'il a contre nous. Vous vous souviendrez comme
nous dézirons accorder tous ces différands. Nous ne vous ennoyons
point de pièces pour ceste requeste, n'en y estant point nécessaire,
mais elle est signée de nous quatre avec le sieur Dupleix, syndic.
Vous présenterez ceste requeste particulière la dernière, comme nous
vous avons dit, et en cas que la généralle ne puisse porter, ù quoy
nous vous exhortons el prions de vouloir fort travailler et du tout
nous tenir advertis, par toutes voyes assurées.
Nous nous assurons que, nonobstant la persuasion qu'on nous a
voulu donner de croire quelque chose de vous, vous ferez paroistre
h tous nos ennemis que, malgré eux, vous porterez la victoire sur le
front et prions Dieu qu'il veuille, Monsieur, vous assister et guider,
dans toutes vos affaires et noslres et vous conserver en bonne
santé.
Voz biens affectionnés serviteurs ,
Les Comul% de la Ville de Nérac,
De Larruffie , Isaâg de Pérès ,
Jehan Le Prince. P. de Barus.
A Nérac. ce XXX* de mars 1610.
Le Secrétère de la présente * vous baise bien afTectionnément les
mains et vous donne par advis que, despuis vostre départ., toute la
guerre civille qui estoit de deçà (la mette de Goutille entre deux) est
accordée en toutes ses parties, de quoy je suis infiniment ayse. Et,
pour tesmoigner de bonne réconcilliation , toutes les familles sont
assemblées chez M. votre beau-père, (je dis quatre familles en nom-
bre) ce soir, à souper tous ensemble. Je vous laisse à penser sy Ton
aura beu à voz bonnes grâces.
* Le secrétère de la présente n'est autre que le Secrétaire de la main
d'Isaac de Pérès qui a écrit, sous sa dictée, les cinquante-deux dernières
pages de notre Chronique. On voit que ce secrétaire municipal traitait avec
autant de sans façon les Chroniqueurs Consulaires que les députés munici-
paux. Scène de mœurs du temps.
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- 32 -
DEUXIÈME LETTRE.
A Monsieur Du tour, Canseiiler du Roy et Controlleur des Tailles de
Condàmois, à la Rue Saint-Honoré, près la Croix de Tirouer^ à
renseigne des Quatre Vent%^ à Paris.
A Monsieur,
« Nous avons ezté fort marris d'avoir entendu par le sieur de Tri-
gadet qu'il ait perdu le pacquet que vous lui aviez donné pour nous
porter, lequel il dit l'avoir mis dans sa fauconnière * et qu'estant sur
pavé d'Orléans, elle luy tomba, marchant de nuit. Mais, incontinant,
ayant recogneu ladite perte, il vous en donna avis par deux ou trois
lettres, et, croit-il que vous l'aurez reconnert. Cy cela est, nous vous
prions de nous l'envoyer au plustôt, ou a, deffaut, de nous envoyer
chose semblable. *
Nous aurons besoin de l'évocation généralle. Mais en attendant que
la puissions obtenir, nous envoyer en diligence l'interdiction contre
H. de PauHacet autres officiers deceste ville,.lesqiiels nous poursui-
vent vivement. L'on trouve bon que vous ayiez response du parquet
de Monsieur Baratie , pour, suyvant qu'il sera respondu ce qu'il
faudra, on ne queste point l'avis de l'autre pour lequel avez escript.
Au reste, nous vous recommandons les affaires de nostre Ville. La
Sache va partir et est cause que nous ne vous escrivonsplus au long.
Daignez donc nous escuser, nous demeurons pour nos vies.
Monsieur,
Vos biens affectionnés pour vous fére service,
Les Consul% de la Ville de Nérac,
De Laruffie, Isaag de Pérès.
ANérac, XXApriH618.
' Fauconnière. Ce mot qui ne se trouve dans aucun glossaire avec l'indi-
cation d'une signineation applicable ici, doit s'entendre dans le sens d'un
sac de cuir, destiné à porter les dépêches, et analogue à celui dit Canniére
dans lequel les fauconniers portaient la pâtée de l'oiseau.
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- 33 -
TROISIÈME LETTRE.
k Monsieur Dutoui\ coiUrolleur des Tailles du Condoinois et jurât
de la ville de Nérac estant aprésent
En cour.
€ Monsieur,
« Nous avons receu la despéche que nous avez faite par les soins
de Castagnon, ensemble les trois que vous nous avez envoyé aupa-
ravant. Soudain .que nous eusmes recen Tarrest du ij-apuril
portant l'interdiction aux auditeurs de ccsie viHe de fère poursuytc
ailleurs qu'aux dits Consuls, jusques à ce que autrement par Sa Ma-
jesté eu eust été ordonné, nous leur (ismes promptement signifier,
et depuis, nous faut réclamer poursuyte à Castres.* Geste affaire
prendra long trait , et ne se pourra vuyder pendant vostre séjour
par delà. Toutesfois, à vostre despart, vous la pourrez recommander
à M. Cauillon , nostre aduocat.
« Nous croyons qu'avant la réception de la présantc, vous aurez
obtenu la descharge de la partie de sept mille livres, ensemble
Farrest sur la Cassation du Règlement.
c Nous estymons aussy que vous aurez, pour le moins, obtenu
révocation particulière du procès que nous avons en la dite Chambre,
trouvant bien estrange qu'on y fasse difficulté, attendu que nous la
fondions sur des .récuzations qui consistent en cogrîaissance de
cause. Nous eusmes de mêsme façon celle que nous obtînmes contre
les Auditeurs. Mais pour ester tout empeschement, nous avons
aduisé de vous ennoyer quatre pièces dudit procès incluses dans no-
tre paquet, pour justiffier la litispendancc, et fère voir de quoi il est
question.
Cella fait, nous sommes d'aduis avec vous, q'uil ne sera besoing
que vous demeuriez plus longtemps de pardelft, ny qu'attendiez la
définition du procès contre les Auditeurs. Mais, désirerions bien,
quà votre retour, vous nous puissiez apporter permission d'imposer
les droits consulaires, sans nous rennoyer à Monsieur xMartin.* Ce
serait nous mettre en moindre peyne.
Pour le regard du procès contre le sieur Jausselin, il nous a dit
avoir fait rétracter Tarrest de forclusion et condamnation de des-
pens, moyennant une pistolle. Nous vous paierons ce qui en est deu.
Vous donnerez ordre au tout avant votre départ, affin que, en votre
absance, il ne se fasse rien à notre préjudice. Vous avez devers
* Il y avait une Chambre de l'Ëdit à Castres, comme à Nérac.
* M. Martin, fermier général de l'ancien domaine d*Albret, récemment
nommé à ces fonctions à Nérac.
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— 34 -
VOUS des actes de la Jurade par les quelz il appert que tostre dépu-
tationa esté faite principallement pour ce procès.
Au surplus, despuis le malheureux parricide commis en la per-
sonne du feu Roy, il faut que nous vous disions librement que nous
vivons en grande peur, d'autant que nous aprimes, à Tenviron de
nous, plusieurs places, entre autres Sos, estre fait des assemblées
toutes les nuytz, prèsde ceste ville,de cinquante et de cent chevaux,
et avons divers aduis qu'on nous veut surprendre. Nous craiijnons
que tout le mal nous arrive par le Chasteau, à roccazion de la Cham-
bre qui tient le Palais pour Texercisse de la Justice dans icelluy,
cause qu'il abonde plusieurs personnes dans cëste ville, soubz
prétexte de procès. A cause de quôy nous avons aduisé qu1l serait
expédiant pour la conservation du dit Chasteau et de la ville, de
tirer le Palays hors du dit Chasteau et le mettre en la ville, dans
Tauditoire, ou dans la maison de Mademoiselle de Pinollés, qu'on
louera pour cet effet. Nous en escrivons à iMessieurs les Députés
généraux, vous priant leur rendre nostre lettre et fère ensorte que
nous puissions obtenir ce que nous requérons et en parler à tous vos
amyz pour nous y estre aydans.
Estant la présente à ces fins, nous vous besons très humblement
les mains et vous supplions nous croire pour jamais
Monsieur,
Vos très humbles et affectionnés serviteurs.
Les Consuls de la Ville de Nérac,
De Larruffie, Jean de Pérès,
Jehan Le Prince, de Barus.
A Nérac, le 28 may 1610.
Pour l'argent qui vous peut estre nécessaire pour noz affères,vous le
pourrez prendre de Monsieur Morissot, à change, à payer dans quatre
ou six mois, affin que nous ayons plus de moyens d'y pourvoir Mon-
sieur vostre frère, comme Bonnaut, y ont toute créance, et Monsieur
du Caudal, plus que vous cognaissez.
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--SB-
QUATRIEME LETTRE.»
À Monsieur du Tour, bourgeois et jurât de la ville de Nérac estant
a présent
En Cour.
« Monsieur,
« Nous vous avons escript le 29-« du passé par le sieur de Vergés.
Vous apprendrez quelle est notre intanliou sur les affaires qu'avons
de delà. Du despuis, nous avons receu une despêche que nous avez
fait par la voye de Bourdeaux, du 2l"»« du mesme moys, et, suy-
vant Yostre lettre, nous vous envoyons une procuration en bonne
et due forme, conforme à la minute que nous en avez ennoyée pour,
en vertu d'icelle, fére la déclaration requise en la Chambre des
Comptes et tout ainsy qu'il est porté par icelle.
Au surplus, ayant apprins par la vostre, qu'on avait accordé au dit
sieur de Mosnié Taffaire du sieur Jausselin , moyennant la somme de
iiij.' Hures, nous avons trouvé bon, avec Faduis de la Jurade, d'ac-
corder je procès que nous avons contre le dit Jausselin, concernant
rindempipté q'uil requérait contre nous et l'assignation à nous don-
née pojpr raison da ce. Quoyque nous eussions obtenu Tarrest de
relaxe fcvec despenspar forclusion, considérant que nous demeu-
rions ejicore en procès et qu'il estoit sur le point de poursuyvre la
rétracti^tion d'iceluy, ce qu'il croyait pouvoir fére fort aysément par
nostre iccord, il est porté que le dit sieur Jausselin payera des dites
quatre ^ent Hures, la somme de iij Hures, et les cent Hures res-
tantes ^nt acquittées par nous. Toutesfois, s'y on pouvoit accorder à
meilleur marché de quatre cents Hures avec le dit sieur Monnier,
que le jout ferait à nostre advantage. Par ainsi, vous aduiserezd'en
avoir la meilleur marché, et sy on ne pouvoit eschapper aux trois
ceas^liures, ou bien trois cents cinquante. Quant il n'y aura que cin-
quante liures d'ezpargnôes, ce sera quelque chose pour nous, eu
esgard aux affères qu'avons sur les bras, avec ce qu'il faut que nous
luy payons, dans le mois de juillet prochain, les trois cens liures
que nous luy avons accordées ci-devant pour son voyage de la Cour,
les quelles il eut pour employer à fére les payemens. Moyennant ce,
nous demeurons quittes respectivement de toutes les prétantions que
nous auons les uns contre les autres pour raison du dit procès. Le
dit sieur JausseHn vous escrit et vous prie par sa lettre, comme il
nous a dit, de parler au dit sieur de Monnier et accorder ceste affaire
avec luy. Je crois que vous y apporterez ce qui sera en vous.
• Cette lettre a été retrouvée ainsi que les trois précédentes et le frag-
ment d'affîchefl plus haut cité dans les archives municipales de Nérac, par
M. Anatole Faugère, Dubourg, maire de cette ville.
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- 36 -^
. Nous estimons que vous aurez 5 présent obtenu Tinterdiction con-
tre le sieur P. . . .* Quant à la généralle, il la faut remettre en Cour
avec raison, pour le procès être leu au dit auis de la chambre.des
comptes, s'il n'est terminé loi^sque vous aurez obtenu Tarrest de
descharge de ladite somme de 111 liures. Vous la pourrez laisser ez-
mains de Monsieur Canillon, nostre aduocat, pour en fère la pour-
suyte et nousen écrire.
Mais nous désirerions que vous apportissiez, s*il estoit possible, la
permission d'imposer les droitz consulaires, pourvu, toutes fois, que
cella vous retarde pas delù, ny aussy la poursuite de la cassation du
règlement, au cas que n'eussions arrest, et ce. quoique par vos pré-
cédentes, vous nous en eussiez donné une grande espérance.
Nous deuons penser pour cela à l'argent que nous auons enuoyé
par le sieur Brugère, c'est que vous pourrez le prendre de Mon-
sieur Morisson, à change, à payer dans quatre ou six mois, affln
<iue nous ayons commodité de le rendre. Monsieur vostre frère et
et Monsieur Boulland cognoissent fort le dit Morisson, lesquels vous
y aideront.
Sur ce, nous vous bésons bien humblement les mains, nous disant
à jamais,
Monsieur,
Vos très humbles et affectionnés serviteurs,
Les Consul% de la Ville de Nérac,
JiiHAN Le Prince, Isaag de Pérés, de Bârrus.
A Nérac, ce premier de juin, 1610.
Le Secrétère de la présente,^ vous baize bien affectueusement les
mains, et ne fait autre profession que de se dire votre très humble
et fidelle seruiteur, comme fait pareillement M. Enriquez. lequel est
en bonne disposition pour aller au Sinnode que l'on a abrité à Ber-
gerac au X b j™« du courant, bien marry que n'y puissiez estre.
Mandez-nous, s'il vous plait, le jour que ce présant porteur vous
randra la présente dont auquel nous a promis fère bien grande dilli-
gence.
' Le sieur P c'est le sieur de Paulhac, procureur du Roy au siège de
Nérac.
• Le Secrétère de la présente c'est toujours notre secrétaire de la main. Un
modeste secrétaii^e de May-ie, se permettant, aujourd'hui .d'écrire en son
nom, et de sa main, un post scriptum, dans une lettre officielle, serait ver-
tement et justement tancé, môme par l'autorité municipale et que serait-ce
donc, s'il osait traiter, dans son post scriptum, des sujets politiques et reli-
gieux dp. l'importance de ceux qui précèdent ? Il est vrai que les temps
étaient durs et les exemples partaient de haut.
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— 37 —
Nous vous supplions fére tenir une lettre ci-incluze h Messieurs
les depputéz généraulx de France pour les églizcs, près Sa Majesté.
C'est M. de Bacalan qui la leur envoyé. Elle importe fort le public.
Vous la rendrez donc, la première chose que vous ferez. Il Ta nous
a fortement recommandée et nous Ta vous recommandons aussy.*
Comme on le voit, les quatre lettres signées et probablement dic-
tées par le Consul Yzaac de Pérès, en 1610, pourraient servir de
texte à bien des commentaires et donner lieu à d'intéressantes ob-
servations, tant sur les choses que sur les hommes de l'époque qui
nous occupe. Nous nous en abstiendrons, cependant, pressé que
nous sommes par l'espace et par le temps.
Mais, il est impossible de garder le silence sur le rôle joué par le
Chroniqueur, en sa qualité de Consul de Nérac, dans les événements
locaux qui suivirent, en 1610, la mort d'Henry IV.
Nous venons de voir dans la troisième des lettres qui précèdent,
celle du 28 mai 16i0j l'émoi causé à Nérac, par le crime de Ravail-
lac et les justes préoccupations des représentants de l'autorité mu-
nicipale, de cette ville à l'occasion des conséquences possibles, pro-
bables même, de l'assassinat du Roi.
C'est notre Chroniqueur lui-même qui va les raconter maintenant
dans les passages suivants de son manuscrit tout aussi intéressants que
ses lettres Consulaires.
« Les nouvelles de la mort du Roy Henry IV arriuèrent en la ville
t de Nérac, le mercredy 19 mai 1610, au grand estonnement de tous
« les habitans qui fust cause que pour la tîonsêrvation de la ville,
« par l'auis de Messieurs de la Cour et Chambre, on flct garde la nuist
« suy vante soùbz la halle et, le lendemain, on commença d'aller aux
« Tours de la ville pour y faire corps de garde, ayant esté les escoua-
« des requises pour ce fére.
* Ceci est plus et mieux. Les Consuls de Nérac, tous protestants ardents,
écrivent à leur délégué à Paris, M. Dutour, jurât de Nérac, protestant aussi
zélé qu'eux 1 Ils consacrent leur longue lettre à toutes les affaires adminis-
tratives qui peuvent, pour le moment, intéresser la commune de Nérac et
M. Dutour, son délégué. Et tout à coup, dans un post scriptum suprême, ils
chargent leur délégué municipal à Paris, de remettre avant de taire toute
autre chose,' une lettre de M. deBacalân, Avocat Général dé la Chambre de
l'édict de Nérac, protestant, à Messieurs les députes généraux de France
pour Içs Eglises Réformées k Paris. Quel temps ! Quelle anarchie I Quel
désordre I On en verra bien d'autres dans la chronique.
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t Lesapmedy ensuyvant, xxij"« may 1610,. on mit une sentinelle an
clocher pour prendre garde sur les environs de la ville, afin de
sonner Talarme en cas qu'il vid arriver aucune Iroupe de che-
vaux.
« Monsieur de Laforce passa en ceste ville venant de la Cour pour
s'en aller en Béarn, le mardy xxvj"» may 1610. Inconlinant après
son arrivée, il alla trouver Messieurs les Prézidents et Conseillers
déns la chambre de Monsieur le Prézident d'Ezpagnet où ils furent
assemblés pour leur fère entendre quelques créances qu'il auoit
de la part de la Royne. Il disna chez M. Jacques de Laruffle où les
Consulz le furent saluer avec leurs livrées. C'estoint Messieurs
Laruffie, Pérès, Leprince et Barus.
« Monsieur de Roquelaure, Lieutenant pour le Roy, en Guyenne,
venant de la Cour, arriva en la ville de Bourdeaux , le lundy vj™*
jun 1610 où Messieurs de la ville luy firent une fort belle entrée.
« Son arrivée ayant esté seue, il y eut grand nonlbre de noblesse
qui furent le saluer audit Bourdeaux comme pareillement les Con-
sulz de plusieurs villes de son Gouvernement. La ville de Nérac
envoya de sa part un Consul et deux Juratz pour luy aller fère la
révérence. Ledit Consul estait moy, les sieurs Dupleix et de Rous-
sannes, Juratz. Et partismes le vendredy xj— Juin de Nérac et fus-
mes de retour le mardy au soir xv"»® dudit mois de jun 1610. Et, le
lendemain xvij"«, par l'auis dudit sieur de Roquelaure, les portes
de Condom, Fontindère;et Gaujac furent ouvertes, les quelles auoint
esté fermées despilis la nouvelle de la mort du feu Roy Henry 4-*,
ensemble la garde de la ville fut diminuée de plus de la moitié.
« Le Judy, premier *de juillet 1610, la garde qu'on faisait en la ville
de Nérac despuis la mort du feu Roy Henry 4-« fut suprimée et fut
trouvé bon de continuer celle du Ghasteau.
« Le mardy xnr® juillet 1610, Messieurs de la Cour et Chambre de
FEdict firent les honneurs funèbres du feu Roy Henry quatrième,
Roy de France et de Navarre. »
i VU.
Les faits et écrits qui précèdent, sans qu'il soit besoin de les com-
menter, nous font voir le rôle joué dans la vie publique, à Nérac,
par Isaac de Pérès, chroniqueur. Il fit quatre fois partie du Cousis-
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— 39 —
toire de l'Eglise réformée de Nérac; deux /ois il fut élu Syndic pour
le peuple; une fois, Syndic de la ville et du Collège; cinq fois, Consul
de Nérac, c'est-à-dire qu'il se montra en même temps protestant zélé,
citoyen populaire, lettré estimé, administrateur plein de distinction.
Il fut, en outre, un Royaliste sincèrement dévoué à la Royauté, et
plus particulièrement à la dynastie des Bourbons qui commençait
avec Henry IV.
Comment, en effet, ne Taurait-il pas été?
Henry IV avait débuté, Roy de Navarre, par être le chef des Pro-
testants, et devenu Roy de France, ilavail fini par assurer leur liberté
de conscience dans le fameux édit de Nantes.
C'était déjà beaucoup aux yeux d'un homme de la valeur de notre
Chroniqueur.
Pour Isaac de Pérès, il y avait encore une raison aussi décisive. En
effet, il était Concierge, c'est-à-dire Conservateur ou Préfet du Palais,
des Rois de Navarre, h leur château de Nérac.
I vm.
C'est ainsi que Du Cange et les Bénédictins, qui s'y connaissaient
comme lui, définissent les fonctions que remplissait à Nérac, Isaac
de Périès, Chroniqueur, sous le titre de Concierge du Château des
Rois'de Navarre.
Aux mots CoNCfERGERius, CoNSERGics, îc Glossaive de Du Cange, édi-
tion Didot, 1813, et à la suite de du Cange, dans la même édition, les
Bénédictins, aux mots Concergerius, Concergics, nous donnent les dé-
finitions qui précèdent. et ils y ajoutent les titulaires dont les noms
suivent, pour le Palais du Roi, à Paris, bâti en 1285, sous le règne
du Roi Philippe-le-bel, par Enguerrand de Marigny, et pour les Châ-
teaux Royaux de France. En 1309, Galéran Brito, échanson du Roi,
est Concierge du Palais du Roi, à Paris. En 1384, Arnaud de Corbie,
Premier Président du Parlement de Paris; id., id. En 1411, Théobald
de Mescreyo, bientôt remplacé, dans la même année, par Anthoine
des Essarts, Ecuyer tranchant et Gardien des deniers de l'épargne du
Roi;id., id. En 1412, Ysabeau de Bavière, Reine de France, remplace
Anthoine des Essarts en qualité de Concierge du Palais du Roi, son
mari, à Paris, et conserve cette charge, malgré l'opposition à elle
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— iO -
faile par le Procureur Général du Roi. Hugues est Concierge du
môme Palais en 1506.
Le Glossaire de Du Gange ne va pas plus loin sur celte question,
mais les renseignements abondent dans d'autres travaux de son
époque ou postérieurs.
J'y prends, au hasard et rapidement, quelques noms qui sont deve-
nus historiques.
r
En 1482, Maistre Jacques Cottier, Médecin de Sa Majesté Louis XI,
et Premier Président -en la Chambre des Comptes; en 1567, Guilhaume
de Montmorency ; en 1587, Bernard de Nogaret, sieur de La Valelte ;
Robert de Harlay en 1594; Christoffle de Harlay en en 1596; Messirc
Achille de Harlay, Premier Président du Parlement de Paris en 1616 ;
dans la même année, Mathieu Mole, Procureur Général en Parlement,
et enlin, en 1624, Hercules de Rohan, duc de Monlbazon, furent
successivement Concierges du Palais du Roi, h Paris.
La Charge éminente de Concierge ne s'exerçait pas seulement à
Paris oix elle était payée trois sols par jour. Elle existait également
dans les Châteaux Royaux de la province et le Glossaire de Du Gange
nous apprend encore, sous les mots déjà cités que, Etienne était Con-
cierge du Château de St-Germain en Laye, à une époque indéterminée;
Milon de Gasiins, d'abord, Jacques de Châtelain, ensuite, au Château
de Vincennes, en 1411 ; Charles d'Albret, puis, le comte de Nevers au
Château de Beomté, en Tannée 1313; et pour tout dire en un mot,
dans le mois de janvier 1358, Charles aîné, fils du Roy de France,
régent du Royaume, duc de Normandie et Dauphin du Viennois,
publia des Lettres Patentes qui réglementaient en dix articles rem-
plissant huit pages, la charge du Concierge du Roi.*
Un exemple venant de si haut devait avoir des imitateurs, s'ils
n'étaient des devanciers, à une époque ou la Royauté se fortifie cha-
que jour contre la féodalité, soit en luttant contre elle par la force
des armes, soit en lui empruntant, en partie, son organisation.*
C'est ainsi qu'à l'époque qui nous occupe, les Rois de Navarre eurent
' Recueil Général des Anciennes Loix Françaises d'Isambert , tome V, de la
page 44 à la page 58.
• Bouthors (Coutumes locales du baillage d'Amiens, toBue I", page 249).
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- 41 -
des Concierges dans leurs Châteaux et c'est ainsi encore que, en
1554, suivant notre Chronique, Oddet de Pérès était Concierge du
Château du Roi de Navarre, Henry I«' à Nérac.
A qui passa cette charge après la mort d'Oddet de Pérès, grand-
père d'Isaac le Chroniqueur, c'est-à-dire de 1554 à 1583 ?...
Sur ce point, les documents font défaut. Mais en 15S2 et 1583, nous
avons la preuve écrite qu'Isaac de Pérès avait succédé à son grand-
père dans la dignité de Concierge du Château de Nérac.
1' • .
Qu'on en juge par la pièce suivante émanée des archives de la
Préfecture des Basses-Pyrénées.
Extrait du compte présenté à la Chathbr'e des Comptes de Nérac
par Joseph Dulavay , Trésorier et Receveur général du Duchéd'Albret
et basse comté d'Armagnac, années 1582 et 1583. — Folio 68, verso.
A Yzac de Pérès, concierge du chasteau de Nérac pour ses gaiges.
trente-sept livres dix soulz, cy XXXVII * X s. .
A luy pour pention a raison de dix-huit deniers par jour, cy vingt
sept livres sept soùlz six deniers, cy XXVIl * VII s. VI d.
A luy pour la façon de la vigne * cinquante livres dix soulz, cy
L*Xs.
Mesture XLII cartaulx.
Avoyne ^. IIII cartaulx.
même registre folio 81 recto.
Pentious qui demeurent èsteintes après la mort des nommez cy-
après :
A Yzaac de Pérès, concierge du chasteau de Nérac, la somme de
vingt livres* et quatre cartaulx de mesture à. luy ordonnez par ledict
Seigneur Roy pour subvenir à l'entretènement de la vigne, oultre et
par dessus ce qui estoyt acoiistumé luy payer, et ce, par mandement
de Sa Majesté du treiziésme febvrier mil cinq cent soixante .dix-neuf
. ' C'est la Vigne du Roi, près Gauj:ac, que tout le monde connaît à Nérac*
Isaac de Pérès nous apprend dans sa Chronique qu'il en faisait vendre le
vin au détail dans le Ch&teau, ce qu'on appelait alors Faire Taverne,
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— 42 —
raporté sur le compte-rendu par M® Claude Tiffon, cy devant Tréso-
rier particulier du dict Nérac, cy XX *.
Mesture lUI cartaulx.
Pour copie collationnée :
L'Archiviste du département^
P. Raymond.
Pau, le 23 mai 1864.
Le Concierge du château de Nérac était, toutes proportions gar-
dées, mieux rétribué que celui du palais du Roi à Paris, et en sus de
ses appointements, il avait, au château, un logement qu*il occupa
jusqu'en 1610, quoiqu'il eût sa maison près du moulin au Pavé, dans
la ville de Nérac. C'est lui-même qui nous l'apprend dans la Chroni-
que. € Monsieur de Martin, fermier général du domaine, ayant ob-
« tenu permission du Roy de losger dans le chasteau de Nérac, fit
« porter ses meubles le mercredy XX"« apuril 1611, et, alla loger
« en la salle basse, près le puitz, où j'estois logé, de laquelle je me
« retirai le mardy auparavant XIX"« du dit mois d'apuril au dit an,
« Sa Majesté ayant voulu par exprès qu'il logeât aux chambres que
« je tenais dans le dit Chasteau. Monsieur de Martin, fermier gêné-
« rai de l'ancien domaine arriva en ce chasteau, le lundy au soir,
« 9 mai 1611. >
Cela veut dire en langage de notre temps, que le Roi de 1611,
n'était plus le Roi de 1610, que Louis XIII avait succédé h lleuri IV,
que les vieux Huguenots, les anciens Consuls, les Syndics du peu-
ple d'autrefois n'étaient plus bons à rien : qu'il fallait s'en aller du
château du Roi et céder son beau logement au Fermier Général
d'alors, dont les successeurs deviendraient un siècle plus tard, les
véritables Rois de leur époque.
Isaac de Pérès comprit : il se relira fièrement, la veille du jour oh
le Fermier Général, Martin, prit son logement au Château de Nérac,
et il consacra avec dignité le peu de jours qu'il paraît avoir vécu
depuis, au service d'une dynastie pour laquelle son père et un de
ses oncles avaient versé leur sang et, qu'à son tour, il avait appuyée
de son intelligence, de sa popularité et de son nom cher aux habi"
lànts de Nérac.
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- 43 —
IX.
Mais en mourant, il ne mourait pas tout entier et sa Chronique
devait lui survivre.
On n'attend pas de nous une analyse détaillée de cette Chronique.
Le lecteur la comprendra suffisamment maintenant qu*il en connaît
Tauteur. Famille du Chroniqueur, personnages de la Cour de Na-
varre et de la Cour de France, événements politiques, religieux et
militaires du temps; Synodes et Consistoires des Eglises réformées,
vie municipale, judiciaire et administrative de Tépoque prise sur le
fait, tels sont les principaux sujets qui se déroulent, jour par jour,
sous les yeux du lecteur, de 1554 à la fin de 161 1.
Trois de ces sujets seulement fixeront un moment notre attention.
La vie municipale s'exerçant à là maison Commune de Nérac :
La vie judiciaire s'exerçant avec la terrible sévérité du temps à la
Chambre de TÉdict dé Guyenne établie en exécution de l'Édit de
Nantes, au château du Roy Henry IV, à Nérac :
La vie administrative s'exerçant à la Cour des Comptes de Nérac.
Nous n'entrerons dans aucun détail historique ou juridique sur ces
sujets, cela nous mènerait trop loin.
Nous nous bornons à présenter les quatre tableaux qui suivent du
personnel municipal, judiciaire et administratif disséminé dans la
Chronique, en y joignant l'état des condamnations a mort pronon-
cées et exécutées, à Nérac, dans l'espace d'une douzaine d'années.
Enfin, nous terminerons la trop courte histoire des grandeurs de
la ville de Nérac par la capitulation plus glorieuse encore de cette
ville de l'année 1621.
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— 44 -
§X.
CONSULS DB NERAO.
1440. De Pédesclaux.
Gerivet.
Jehan Lepriyier.
Isaac de Pérès.
1594. Pédesclaux.
Larrivet.
Leprince.
Isaac de Pérès.
1596. Arnaud Dulong.
1597.
1598.
1599. Oddet de Mazellières.
Gaixiot de Larrivet.
Arnaud Dupuy.
Isaac de Pérès.
1600. Bertrand de Lavallade.
Pauillac.
Duluc.
Tiffon.
1601. Jehan Venier, aduocat.
De Batz.
Ramond David.
Jehan Leprince.
1602. François T-abroue.
Bernard Sauvage
Pierre Venier.
Jehan Dupleix.
1603. De Lavallade.
Levenier.
Laffore.
Pierre Puyferré.
1604. Pierre de Pérès.
Isaac de Pérès.
Jehan Dupin.
Jehan Roy.
1605. Bernard Paullac.
Jehan Duluc.
Claude Tiffon.
Colin Brizac.
1606. Thobie de Brassay.
Ramond David.
Isaac Dulong.
Arnaud Latané.
1607.
1608. Pierre Venier.
Pierre Puyferré.
Isaac Jausselin.
Daniel Dutour.
1609. Imbert Venier.
Jehan Roy.
Arnaud Latané.
' Pierre Alespée.
1610. Jacques de Larrufïie.
Isaac de Pérès.
Jehan Leprince.
Pierre Barus.
1611. Dulong.
De Lafore.
Tiffon
Dupin.
Nota. Les 15 noms en blanc n'existent pas dans le texte de la Chronique.
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Voir d'autre part le Tableau, de la CMmbre de FÉdit de Nérac de. 4598.
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46
§11.
Présidents.
De Cliézftc , C. Fcydeaa , P .
DeCbëzac... M.
DeCadllUc... Iil.
Lanneau Id.
Lalanne • • . . • Id .
D*Espagnet. . . 1d«
Cbézae Id.
Cadillac Id.
Lalaino.*... Id«
DespagBet... Id.
DcspagneU*.. Id.
DespagMt... Id«
Cadillae Id.
Nota. » Le signe
LA CHAMBRE DE L'ÉDIT DE NÉRAC,
Conseillers catholiques.
DeBu£sagnct • Terneau*. • Leblanc. • . Gailler>ie. Gcssac
16051
De Bassagnet. . Tcrnettt.* • Leblanc . . Guilleragae. De Gessac...
IM»
De Guérin.. .. De Verdas.. De Gaactel. DeUérlgaac. De Grozeaa. •
IMS
De Gonfreteaa.. Gamaing. .. Lescnre. • . QeMërigaac. De Grazeaii.
1004
De Bavolier.. • Gamaing. .. De Moos. •• Delîbftftl^ ^^ DeMontaariol.
IMS
Darrerac Gonfreteaa . De Rance. . • De Bricl.. . • IM Mons. . • . .
1600
De Leslonnac. . Darrprac. .. De Pabas.. . De Tasles. . De i[iet...«
1C01 ^
Darrerac t a » »
Lacbèze. ..«
Lacbèzi*. ...
De Meslivier.
Loupes....
Loapes ....
De Tbibaot.
Damesaie fils
1008
9
Dabernet .
1000
1010
9 »
DeMérIgaac.
De Galmeil ,
décédé les noTcm-
bre 1610.
1011
De Martin •^•. De Gachon.. » 9
1010
De Gailleragues* » » •
« indique que le texte de la Chronique est muet.
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47
CRÉÉE PAR L'ÉDIT DE NANTES DE 1598 ,
le »• Jiars leoi.
Conseillers protestarts. Parquet.
Proe.-f • ds Roy. AToealldi Roy.
1601
DeTreillier. • Rabarl Rcssanncs. . MoriD Peyruqueaa.. Féllneau .... De V€rgiiei,G. Baetlan , P.
1603
GaUion.. .. Rabarl Rosannes. • DeMorio... Peyruqueaa.
ia.
Id.
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1667
id.
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id.
1666
td.
1616
id.
1611
1616
Id.
Félineaa,
De Vcrgncs. .
Bacalan.
dë€éd6 le 18 M-
tobre 1607
k la RoebiUo.
id
id.
J-deBMalan
id.
id.
Id.
id
id
Id.
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Id.
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Id.
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id.
DeNord.P.-O
. Id.
De Vigier. . .
id
Id.
Id.
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Id.
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id.
id.
id.
Id.
Le signe id, lodiqae l'idenlHé du oom soos lequel il fignre.
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— iJ^-
§ XII.
CHAMBRE DES COMPTES DE MÉRAC.
i . De Pédesclaux, trésorier du Roy 1597
2. Thobie de Brassay, trésorier général d'Albret 1600
3. Oddet de Mazellière, conseiller et secrétaire du Roy.. . 1601
4. Joseph Dulavay, trésorier général d'Albret 1601
5 Nicolas de Brassay, auditeur à la Cour des comptes... • 1603
6. David Vacquier. auditeur à la Ch. d^ comptes 1605
7. De Larrulie, trésorier général d'Albret 1605
8. De Lavallade, président de la Gour des comptes de Nérac. 1605
9 . Gaixiot de Mazellière, réforoft^teur du domaine d'Albret. 1 606
Nota. — Dans l'inventaire deâ archives de Pau, on trouve beau-
coup d'autres noms de membres de la Cour des comptes de Nérac,
et notamment celui de M. dé Secondât, sieur de jRoques, président
de cette Cour.
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- 49 —
1 XIII.
CONDAMNATIONS A MORT PRONONCÉES BT BXBCUTEBS A N^RAO.
AoBées.
Noms.
16 décembre 1502.
Gloire
13 avril 1592
•
Ësclarmonde de Burs.
1599.
Sabathe.
7 juillet
1601.
Nantou Castetz.
7 janvier
1802.
Dulac.
7 février
1802.
Beringuier.
4 mars
1602.
Nourrice.
20 avril
1603.
Jouchère, Dexaide.
7 juin
1603.
Jehan Du Netton.
7 février
1604.
Jehorne Marcos.
16 septembre 1604.
Un Garçon non nommé.
17 septembre 1604.
Pierre Dupoy.
20 septembre 1604.
Moniquard.
15 décembre 1604.
Rancotton, Marie.
16 février
1605.
Jouhuard.
l«r juillet
1605.
Homme de Penne.
24 janvier
1607.
Dariel Solin.
18 mars
1608.
Gluzeau.
21 juin
1608.
Barraudon, &gé de plus
de 80 ans.
9 jan%'ier
1609.
Léonard de Barsac.
14 mai
1611.
Cappe Rabel.
Crimes commis et Peines.
Ligueur; roué vif.
Entreprise sur le Château de Nérac; tête
tranchée et les quatre membres coupés.
Immoralité; brûlé.
Bestialité; brûlé.
Faux ; pendu et étranglé.
N. • . ; pendu et étranglé.
Infanticide; pendue et étranglée,
Meurtre ; poing coupé, tête tranchée.
Faux et Subornation de témoins; pendu et
et étranglé.
Infanticide ; pendue et étranglée.
Complicité d'assassinat; pendu et étranglé,
question.
id. tête tranchée, question.
Sorcellerie; pendu et brûlé.
Complicité de sorcellerie ; le fouet par toute
la ville , meurt en rentrant en prison
après le fouet.
Sorcellerie ; pendu et brûlé.
Meurtre ; question, meurt sur le banc.
Meurtre ; pendu et étranglé.
Meurtre ; pendu et étranglé.
Faux en écriture publique; condamné et
brûlé le môme jour.
Assassinat; tête tranchée, question.
Assassinat; pendu et étranglé.
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- 50 -
§ XIV.
« Articles accordés par Moriseig:neur le duc de Mayenne et d'Agui-
t Ihon, Pair et Grand Chambelan de France, Gouuerneuret Lieutenant
« Général pour le Roy en Guienne, Commandant Tarmée de Sa Majesté,
« aux gens de guerre et habitants de la ville de Nérac.
« Que le S' Vicomte de Castetz appelle par les Consuls et habi-
« tantsde la dite ville pour leur défense et assistance, ensemble tous
« les gentiiliommes et gens de guerre quy y sont, sortiront avec leurs
t armes, chenaux et équipages, et seront conduits en toute sûreté.
« L'infanterie sortira en ordre simple, de quatre en quatre, avec
« leurs armes, chevaux et baguage, tambour batan et enseigne dé-
« ployée, la mèche allumée. Ceux quy se voudront retirera Castelja-
« louxetTonnens y seront conduits aveo escorte suffizante pour leur
« sûreté, et les particuliers qui se voudront rettirer en leurs maizons,
« y serontaussy conduits par les gardes de Mond-Seigneur, ou trom-
« pètes.
« LeS^deLaporte, Cappitaine du Château, le remettra entre les mains
€ de Mon dit Seigneur, pour y remettre telle personne qu'il luy plaira
« pour le service du Roy, et se retirera en sa maison, ou ailleurs, ou
« bon luy semblera, en toute sûreté et Hberté, avec pleine et antière
« jouyssance de ses biens et sans aucune recherche de tout ce quy s'est
« passé.
c LesConsuls et habitans remettront la ville purement et simplement
« entre les mains de Mondit Seigneur aux quels il promet sûreté de
« leurs personnes, familles et liberté en l'exercice de leur religion,
« jouissance de leurs priuillèges et statuts sous le bénéfice des édits et
« déclarations du Roy, et sans aussi pouuoir estre recherchés de tout
« cequy s'est passé, tant à Texpultion de la Chambre de Justice, émo-
« tious populaires, fortifications, coupe des parcs et jardin du Roy,
« prise des armes, de deniers royaux, éboulement et démolition de
« maisons, de moulins appartenant tant aux séculiers que écléziasti-
« ques, dégâts faits aux églizes, délivrance des prisonniers de la
« Conciergerie, et générallement de tous autres actes quy se sont pas-
« ses durant ces mouvements et à l'occasion du siège, sous le nom
« dudil Vicomte de Castels, lequel aussy en demeure déchargé.
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- 61 —
« Sy aucun des dits habitans se veut reltirer de la Ville de Nérac,
« ils le pourront faire en toute sûreté et liberté et ou bon leur
« semblera.
« Les meubles et chenaux, bétail, fraits, et autres chozes qui ont
« esté prizes es métairies en possession des dits habitans et aultres
« étant dans ladite ville, qui se trouuera en nature, sera rendue à quy
« ils appartiendront.
« Les armes et poudres appartenants aux dits habitans leurs de-
« meureront.
« Les prisonniers de guerre quy n'ont payé leur rançon seront
€ rendus de part et d'autre.
« Et, surl'instance faitte par les dits habitans pour le rétablissement
< de la Chambre de Justice en ladite ville, Uondlt Seigneur les a ren-
« uoyés et se pourvoir deuers Sa Majesté.
« Sera loisyble aux dits habitans de réparer les brèches faites à la
« tour et aux murailles de ladite ville.
« Fait et arretté, le mercredy, septième jour de Juillet , mil six
« cens vingt-un.
« Signé : Henri de Lorayne. »
(Pièce appartenant à M. Lesueur de Pérès.)
S XV.
J'ai essayé de remplir la tache que je m'étais imposée, aussi bien
qu'il m'a été possible de le faire. Le Chroniqueur est maintenant
connu : son œuvre, copiée de ma main, va paraître. A d'autres plus
savants que moi d'éclairer son texte.
A leur tète, un Correspondant de l'Institut, M. Philippe Tamizey de
Larroque, m'a donné son dévoué concours.
Sur ses traces, et à son exemple, d'autres ont promis leur précieuse
collaboration, dont je les remercie par anticipation en publiant leurs
noms.
Ce sont Messieurs : J.-F. Bladé, Président de la Société d'Agricul-
ture, Sciences et Arts d'Ageu; Bouyssy, membre du Conseil d'ar-
rondissement de Villeneuve; l'abbé Léonce Couture, Rédacteur en
chef de la Revue de Gascogne; Fallières, ancien-maire du Passage -
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- 52 -
d'Agen ; Anatole Faugère-Dubourg, maire de Nérac; Henry de
Groussoii, Substitut à la Cour d'Agen; Francisque Habasque, Avocat
Général à la Cour d*Agen; Lagarde, Juge de Paix de Tonneîns;
Jules de Laffore, médecin à Agen; Maurice I.espiauU, à Nérac;
Adolphe Magen, Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture ,
Sciences et ArIsd'Agen; Junior Mathisson, Suppléant du Juge de
Paix de Nérac; Pégrimard, chevalier de la Légion d'honneur, ancien
Juge de Paix de Nérac ;^Amédée Samazeuilh, avocat, à Nérac; Tholin,
archiviste du département de Lot-et-Garonne; de Villepreux, avocat,
à Marmande.
Puissent nos efforts réunis, éclairi r le présent par les terribles
clartés du passé et assurer, enfin, à notre cher pays, un avenir digne
de lui.
A. LESUEUR DE PÉRÈS.
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NOTES HISTORIQUES
SUR DES
MONUMENTS FÉODAUX ET RELIGIEUX
DO DÉPARTEMENT DE LOT-ET-GARONNE.
L'histoire des Monuments féodaux ou religieux du département
de Lot-et-Garonne nous offrirait un véritable intérêt, si elle était
bien connue.
Les nrtatériaux existent, les faits historiques abondent; il faut les
réunir et les coordonner. Et cependant cela ne suffit pas. Reste la
rédaction, c'est-à-dire la forme, qui arrête ou paralyse tant de ,
bonnes Yolontis.
Les hommes qui ont reçu Theureux privilège d'écrire d'une ma-
nière agréable et fructueuse pour le lecteur sont nombreux . Je fais
appel à leur bonne volonté; je les prie de se mettre résolument à
l'œuvre pour nous donner l'histoire de ces Monuments féodaux ou
religieux, en écartant avec soin les passions politiques ou reli-
gieuses.*
*.Les principaux ouvrages à consulter avec fruit sont : VHtstoiredu dépar-
tement de Lot-et-Garonne, par Boudon de St-Amans, 1836 ; VHistoire de l'Age-
nais, du Condomois et du BazadoiSf par Samazeuilh, 1847. Lllistoire religieuse
et monumentale du diocèse d'Agen , par M. l'abbé Barrère, 1855; Études sur
l'Architecture religieuse de VAgenais, 1874, par M. Georges Tholin , archiviste
du département de Lot-et-Garonne.
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^ 54 ^
On disait : Noblesse oblige. On peut en dire autant de tous les pri-
vilèges, et particulièrement de VArl d'écrire, dont il est possible
de faire profiter tout le monde.
Les auteurs ayant une plume élégante au service de leur érudi-
tion, peuvent, avec ces deux conditions essentielles, être assurés
du succès.
Je vais citer ici quelques Notes pour eux.
I
ESTILLAC. ÀUBIAC. La PlUME. LeS VICOMTES DE BrUILHOIS. GaZAUX.
Voie romaine. Brimont. Moirax. Layrag.
EsTiLLAc. — Le château d'Estillac est une construction magnifique
du xr et du xvi« siècles, toute en pierre de taille, élevée sur un
point culminant, d'où Ton aperçoit au Midi la chaîne des Pyrénées,
et au Nord les riches plaines de la Garonne et les coteaux escarpés
qui dominent la rive droile de ce fleuve.
Dans le xn« ou le xni" siècle, Fort de Taillac de Montesquieu
{Foi'tius de Talhac de Monte Esquivo) donne spontanément à TEvôque
d'Âgen, la huitième partie de la dime de la paroisse d'Bstillac (Car^
tulaire d'Agen, Bulle de 4309^ cotée par lettres A //).
Raymond d'Estillac, damoiseau {Raymundusd*Estilbac, domicellus)
donne à lEvêque d'Agen toutes les dîmes qu'il possède {Même Car-
tulaire).
Noble Guillaume Arnaud d' Au tièges, damoiseau, seigneur du châ-
teau d'Estillac (^n CMi/h^m /imaMd d'Auteihas, Aon%el^ Scnhordel
Castel d'Eslilhac), passe une transaction en forme de coutume avec
les habitants (Heusatiers) dudil lieu d'Estillac. Cet acte, écrit en
langue gasconne, daté du de la sortie de décembre 1292, est
passé devant Hélie Négrier {Negrerii), notaire (Parchemin en forme
authentique appartenant à M. Ernest de BrondeaUy Vun des fils du
dernier seigneur baron d'Estillac, habitant au château de Lécus-
san.prèsd'Agen).
Le môme Guillaume Arnaud d'Alifiéges, seigneur d'Estillac, passe
des actes en 1296, 1302, 12 février 1326. Il dit dans ce dernier acte
que la terre vendue est située dans la paroisse de St-Jean d'Estillac.
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- 55 -
Il passe un dernier acte le 20 novembre 1335, dans lequel il est
nommé Guillaume Arnaud de Altigiis^ seigneur d'Estillac, et parle
de terres situées près du Rieu-Mort.
Des messieurs de Galard devinrent ensuite seigneurs d'Estillac.
N. do Galard, seigneur de Lécussan, etc., donna par contrat de
mariage la seigneurie d'Estillac à son fils Odon ou Oddet; puis ven-
dit cette môme seigneurie à noble Gaxiot ou Gardes de Montagu de
Mondenard, seigneur de Moncaut (du chef de son épouse Miramonde
d'Albret). Cette acquisition du château d'Estillac fut faite par acte
de l'an 1417.
Odon de Galard, seigneur de Lécussan, Aubiac, Beaulens, etc., fils
du vendeur fit opposition, comme ayant reçu cette terre en dot. La
vente fut déclarée valable par arrêt du Parlement de Toulouse du
23 février 1492.
Dans rintervalle, Gaixiot de Mondenard était en possession et fit
un grand nombre d'actes en qualité de seigneur d'Estillac. Je dirai
un mot des ancêtres de Garcie ou Gaixiot, à propos de son mariage '
avei3 Hiramonde d'Albret, baronne de Moncaut, dont il eut trois fils
nommés Jean.
Jean de Montagu de Mondenard, son second fils, fut seigneur
d'Estillac, et de son mariage avec Marguerite de Galard de Brassac,
eut quatre enfants : deux fils, Gaixiot et François (que le maréchal
Biaise de Moulue appelle ses oncles Slillacs dans ses Commentaires);
et deux filles, Françoise, mariée à François de Lasseran de Massen-
come, seigneur de Monluc (père et mère du maréchal Biaise de Mon-
luç), et Catherine, femme de M. de Verduzan.
Pierre de Mondenard, fils unique de Gaixiot II, seigneur d'Estillac,
meurt sans postérité avant l'année 1544.
Dès lors Biaise de Monluc, cousin germain dudit Pierre, et auteur
des Commentaires, devient seigneur d'Estillac, du chef de sa mère
Françoise.
Une question généalogique a été longtemps et vivement débattue.
Le maréchal Biaise de Monluc descend-il d'une branche de Tilluslre
maison de Montesquieu Fezensac, substituée en 13i8 aux noms et
armes de Lasseran de Massencome, et Monluc n'est-il qu'un nom de
fief situé près de Monheur et d'Aiguillon, comme les ducs de Mon-
tesquieu de Fezensac le prétendent ? ou bien Monluc est-il le nom
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- 56 -
unique et palronymique du célèbre auteur des Commentaires, comme
M. Borel d'Uauterive a cherché h le prouver?
Le maréchal de Monlucest une assez grande illustration guerrière
et littéraire pour être revendiqué par ceux qui le croient de leur
famille.
Le grand argument des partisans de l'opinion soutenue par M. Bo-
rel d'Hauterive e^t tiré de ce que Biaise de Monluc, qui a tant de
vanité, ne se donne jamais dans ses Commentaires que le nom de
Monluc, et ne fait aucune allusion à son origine des Lasseran de
Massencome ou des Montesquieu. S'il était descendu des anciens ba-
rons de Montesquiou et des comtes souverains de Fezensac, il n'eut
pas manqué, ajoute-t-on, de tirer vanité de cette illustre origine.
Cet argument spécieux, le seul que l'on puisse invoquer, tombe
devant les faits et les actes authentiques et nombreux passés par
Biaise de Monluc, par son père, etc.
Le 14 janvier 1530, noble François de Massencome, seigneur de
Monluc, étant au lieu de Puch de Gontaut, diocèse de Condom, fait
son testament. Il nomme Arnaud de Massencome, son père; Lorette
et Jeanne de Massencome, ses sœurs, son frère Pierre de Massen-
come, chevalier de Monseigneur St-Jean de Rhodes, et plusieurs
autres parents du même nom. Il veut que noble Françoise d'Eslillac,
dame d'Estillac, sa femme et compagne, soit dame maitresse usu-
fructuaire de tous ses biens et choses, demeurant viduellement et
chastement. » Noble François de Massencome, testateur, institue
pour son héritier universel, noble Biaise de Massencome, son fils
aîné, qu'il déclare avoir marié avec noble Antoinette Isalguier.
(Testament publié par M. Paul Laplagne Barris, dans la Revue de
Gascogne^ tome XVIII, p. 425 à 434).
Le 20 octobre 1526, étant au lieu du Saint-Puy, diocèse d'Auch
et comté de Gaure, noble François de Massencome, seigneur de
Monluc, et Biaise, son fils aîné, d'une part; et noble dame Mira-
monde de Montant, dame de Clermond, au diocèse de Toulouse;
Bertrand de Montant, sieur de Paulhac, et Bertrand Isalguier, sieur
duditClermond, d'autre part; veulent solenniserle mariage ci-devant
accordé entre ledit noble Biaise de Massencome, et noble Antoi-
nette de Isalguier, fille de défunt noble Jacques de Isalguier, en
son vivant baron, chevalier et sieur de Clermond, et de ladite noble
dame- Miramonde de Montaut, dame de Clermond, {Contrat de
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— 57 ~
mariage publié dans la Revue de Gascogne, tome XVI, 48/15, p. 466 à
478, par le même M, Paul Laplagne Banis),
On trouvera au bas de la page Tanalyse succincte d'un grand
nombre d'autres actes faits par Biaise de Massencome, seigneur de
Monluc]
La démonstration est faite, Biaise de Monluc, auteur des commen-
taires, descend en ligne directe et masculine d'une branche de la
maison de Montesquiou Fezensac, substituée en 1318 aux noms et
armes de Lasseran de Massencome, et Monluc est le nom de l'un de
ses fiefs. MM. dé Montesquiou Fezensac ont eu raison d'affirmer que
le maréchal Biaise de Monluc descend d'un membre de leur maison,
VLe 14 mars 1544, messire Biaise de Massencome transige avec da-
mo iselle Anne de Massencome, sa sœur, laquelle abandonne tous seg droits
sur Estillac, à son dit frère. La même dame, mariée avec François de Gelas,
seigneur de Flarambieil, donne quittance au sieur son frère, le 14 juin 1552.
Le 18 décembre 1545, transaction entre Joachim de Massencome, sei-
gneur de Monluc et d'Ëstillac, et Biaise de Massencome, pour les droits
qu'ils ont en la terre d'Ëstiliac et autres droits nouvels que Joachim de
Massencome cède et transporte à Biaise de Massencome, son frère, e^ biens
de Gaixiot, François et Pierre de Mondenard.
Le même jour 18 décembre 1545, Jean de Verduzan transige avec mes-
sire Biaise de Massencome, relativement aux droits et prétentions succes-
sifs sur la seigneurie d'Estillac, appartenant audit Biaise par le décès de
Gaixiot de Mondenard, Catherine de Bilhères et Pierre de Mondenard, son
cousin goitnain, et donne quittance.
Le dernier avril 1547, messire Biaise de Monluc vend à Pierre Secondât,
seigneur de Clermont et de Reyniès, la seigneurie d'Espiens (près le Port-
Sainte-Marie, sénéchaussée d'Agenais).
Le 10 août 1563, Biaise de Massencome achète des terres, près et vignes
à Estillac, à M. Jean Fonfrède, qui les avait précédemment acquises de
Jean Marcon de Ponsset.
Le 16 décembre 1559, Biaise de Massencome achète terre et pré à La Bar-
Ihe, juridiction de Villefranche.
Le 25 avril 1562 , le seigneur Biaise de Monluc reçoit de Louis Fon-
frède, d'Agen, un domaine dans les juridictions d'Estillac et de Ségougnac.
Le 5 mai 1572 , Biaise de Massencome achète un pré aux héritiehs de
François Laborde, au moulin de Roquehabe, juridiction d'Espiens, séné-
chaussée d'Agenais {Archives de M. Ernest de Bfondeau).
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- 58 -
Odoii de Montesquiou, marié les 5 et 15 novembre 1318, avec Aude
de ï^sseran, dame de Massencome, de Monluc, Puch de Gontaut,
Monheur, etc., et substitué par ce contrat de mariage aux noms et
armes de Massencome, « à la charge, est-il dit dans le contrat, que
« quittera lo nom de Montesqjiu, et sera tengiit de porta lo nom et
« armes de Massencoraa, et lousqui d'et naxeran.» (Original en par-
chemin, aiix archives de la maison Montesquiou Fezensac , généal.
de la même maison, in 4« f784, preuves, p. 28 «/ 29.)
Je ne sais pas résister au plaisir de citer ici littéralement une
lettre datée du siège de Rabastens (1570), écrite en entier de la
main de Biaise de Monluc, alors lieutenant général au gouverne-
ment de Guyenne et depuis maréchal de France. Un mot d'abord
sur le personnage nommé dans cet écrit et de son frère auquel
Monluc adresse la lettre.
Le 7 février 1551, noble Léonard Christophe du Grez, assisté de
noble Pierre du Grez, son grand-père, épouse devant M® Deussort
notaire à Nérac, dame Iphigénie Marcon de Ponsset, fille légitime
de noble homme Bernard Marcon de Ponsset, qui avait servi avec la
qualité de« noble cavalier commandant cent autres nobles, » et de
Catherine du Déhés. Dans ces pactes de mariage, il est formelle-
ment stipulé entre les parties que « le premier donzel (damoiseau)
« né du dit mariage portera éternellement le nom de Marcon de
« Ponsset, et l'autre fils aura le nom de Marcon ou de du Grez, ou
« les deux noms réunis.' »
Deux fils, Jean et Pierre nés de ce mariage, avaient 18 et 19 ans
en 1570. L'ainé, noble Jean Marcon de Ponsset, capitaine d'une com-
pagnie de cent hommes, était gouverneur du château d'Estillac en
juillet 1570. Son frère Peyré du Grez, était premier lieutenant du
capitaine Fabien de Monluc, comme on le voit dans la lettre sui-
vante, si honorable pour la famille de Marcon de Ponsset ou de
• Item inter partes predictas constitutum est quod loy primat donzel nat
del presens matrimonio portera per in perpetuum et aura la nomada de
Marcon de Ponsset, et que l'autre donzel en bénin après aura lous dous
noms de Marcon ou de Du grez a causire. Et si meillour aime portera lou
que boudra tous lous dous presats et conjeguts. (Grosse en parchemin ap-
partenant au même M, Honoré Lannelongue, d'Aubiac)
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- 59 -
Landas, dont elle constate en même temps, en termes glorieux, les
vertus guerrières et la noble origine.
« Du 3, jour du siège de Rabastens, le 21 juillet 1570.
« Monsieur Marcon de Ponsset, je suis bien attristé de la mort de Pey é du
Grez, votre frère, qui a esté écrasé d*un coup d'arquebuse qui a blessé
mon fils Fabien, au menton et tué deux soldats, le tout sous mes yeux ;
vous aves perdu un frère, et mon fils Fabien, capitaine, a perdu son
premier lieutenant, qui joignait à sa noble source un courage de César
qui remplissoit son ventre. Vous ne lui cédés pas, car Barate, mon maî-
tre d'hostel qui vient d'Estillac, m'a porté un billet de votre part où vous
m*aprenès qu'avec les cents hommes de votre compagnie, vous avès mis
en déroute quatre cents huguenots ; il falloit morbieu en remplir mes
deux puits d'Estillac : faites toujours répondre vos œuvres guerrières à
votre noble naissance. Consolés toujours ma femme en lui assurant de
mon prom retour et de vos bonnes deffenses contre les Huguenots. Je
suis MONLUG.
« J'ai mis ce billet dans le paquet de ma femme. »
{L'original, sur lequel fai copié ce qui précède, appartient à
M. Honoré Lanneloiigue, d'Aubiac, descendant d'une demoiselle de
Marcon.
Après la mort du maréchal Biaise de Monluc, on ne voit plus le
nom de Massencome figurer dans les actes. Voici le titre de l'un
d'eux : « 6 décembre 1579, Prise de possession de la seigneurie
d'Estillac, par dame Marguerite de Caupenne, au nom et comme ad-
ministrcresse des biens de Jean Biaise de Monluc, après la mort de
M. de Monluc, maréchal de France, où la coutume d'Estillac est
compris: . » Les actes depuis cette époque portent exclusivement le
nom de Monluc J
Jean Biaise de Monluc (fils du capitaine Peyrot, marié le 6 juil-
let 1563, à Marguerite de Caupenne, veuve en 1568), succède comme
seigneur d'Estillac ù son grand-père Biaise, le maréchal. Il est fait
chevalier des ordres du roi, et tué en 1596 devant Ardres, laissant
de son épouse Marguerite de Balaguier, une fille unique, Suzanne
• Le tombeau de Biaise de Monluc, recouvert de la statue en marbre du
maréchal en costume de guerre, est au pied de Tune des tours de la façade
nord du château d'Estillac.
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^ 00 -
de Monluo, mariée le 2i décembre 1606 avec Antoine de Lauziéres,
marquis de Thémines, fils du maréchal de Thémines.
Jeanne de Monluc, comtesse de Carmaing, princesse de Chabannais,
dame de Monluc, Montesijuiou, Estillac et autres lieux (fille d'Adrien,
pelile-fille de Fabien et arrière petite-fille du maréchal Biaise), suc-
cède comme dame d'Estillac à la dile Suzanne de Monluc, marquise
de Thémines, et meurt le 2 mai 1657, après avoir épousé Charles
d'Escoubleau, marquis de Sourdis et d'Alluye, lieutenant général
des armées du roi , chevalier de ses ordres, mort le 21 décem-
bre 1666.
Très haute et très puissante dame Angélique d'Escoubleau de
Sourdis, veuve de très haut et très puissant messire François-Gilbert
de Colbert, marquis de Chabannais, maréchal de camp, vendit, le
23 février 1728, la seigneurie et barounie d'Estillac, avec les six
métairies en dépendant, à messire Joseph de Marans, conseiller en
la grand Chambre du parlement de Bordeaux.
Le 22 décembre 1753. un riche armateur de Nantes, messire
Renr de Montaudouin, écuyer, seigneur des vicomtes et châtellenies
de La Rabastelière, Jaris et Rasiière, (qui avait prêté plus de cent
cinquante mille livres à haut et puissant seigneur messire Jean-Jo-
seph de Marans, chevalier, seigneur comle de Pressigny, baron
d'Estillac, conseiller du roi en ses conseils, maître des requêtes or-
dinaires de son hôtel), reçut en paiement de ce dernier, la terre et
baronnie d'Estillac et diverses autres valeurs. On fit l\ cntte occasion
un Etat des titres et pièces (oncernant la terre, seigneurie et iaro-
nie d'Estillac, où sont analysés les actes dans lesquels le maréchal
Biaise de Monluc, son frère Joachim et sa sœur Anne sont nommes
de Massencome.
Enfin messire François Louis, comte de Brondeau, colonel d'in-
fanterie et qui fut plus tard nommé maréchal de camp, fut le der-
nier seigneur baron d'Estillac. Il avait acheté, le 23 décembre 1787,
aux MM. de Montaudoin de La Rabastelière, cette terre et seigneurie
d'Estillac, ou il est mort. M. Oscar de La Roche est le propriétaire
actuel du château d'Estillac, qui lui vient du général comte de Bron-
deau, son grand-père maternel. [J'ai trouvé dans les archives mises
obligeamment à ma disposition par M. Fm^st di'^ Brondeau, fils du
même général, le plus grand nombre des faits susmentionnés*)
L'église de Saint-Jean-Baptiste d'Estillac n'a rien de monumental.
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« 61 -
AuBUc, — La commune d*Aubiâc faisait partie de la vicomte et dû
bailliage d'appel de Brnilhois, dont La Plume était le clief-licu. Les
coutumes d'Aubiac, données le 18 octobre 1252, portent :
« Item si ^Icuna personna ero eslada condapnada per los dits
scnhors, à la lour court non degudement, se poira appelar à La
Pluma, et de là à Agen per raison. ■
ï/église Notre-Dame d'Aubiac est vaste et toute entière deTépoque
romane. La base des trois chapelles qui entourent le cœur est cons-
truite en petit appareil ci:bique.
Noble Jean de Galard, coseigneur du lieu d'Aubiac en Bruilhois,
donne l'investiture d'une pièce 'de terre située dans la commune de
La Plume. L'acte passé à La Plume le 15 mars 1421, est retenu par
Pierre de Span {Peiro Spani), notaire public de Bruilhois et de la
sénéchaussée d'Agenais et de Condomois. Cet acte prouve, qu'à cette
époque, il y avait deux seigneurs à Aubiac, ofi l'on voit encore de
notables parties des deux vieux châteaux, parfaitement séparés l'un
de l'autre.
Anne ou Agnès de Galard, dame d'Aubiac et de Beaulens, apporte
en dot ces deux seigneuries en se mariant, avant Tannée 15J3. avec
Gabriel de Lard, seigneur de Birac, près Marmande, fils de noble
Louis de Lard, seigneur de Birac, sénéchal de Castres, et de Catherine
de Lustrac.
Antoine de Lard, leur fils, soigneur de Birac, Aubiac et Beaulens,
eut deux enfants de son mariage avec Renée de Broxolles :
i^ Gabrielle de Lard, qui apporte la seigneurie de Beaulens à son
époux noble Charles de Bazon, comme je le dirai plus loin.
2*» Noble Joseph de Lard, seigneur de Birac et d'Aubiac en 1574,
chevalier de Tordre du roi, marié avec Marie de Noailles, fille du
célèbre Antoine de Noailles, gouverneur de Bordeaux, que M. Ch.
Tamisey de Larroque nous a si bien fait connaître.
De cette union naquit Henrie Renée de Lard de Galard, dame de
Birac et d'Aubiac, mariée le 5 juin 1590 avec Agésilas de Narbonne
Lara (troisième fils de Bernard de Narbonne et de Lomagne, sei-
gneur de Fimarcon, baron de Talayran et de Villefalce, chevalier de
Tordre du roi, et de Françoise de Bruyère Chal^bre).
Depuis 1590, le château d'Aubiac a été la résidence habituelle
d'une branche de Tillustre maison de Narbonne T.ara,qui est d'ori-
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gine souveraine. Ce chàtedu est, comme celui d*Estillac, en bon état
de conservation. Il fut reconstruit en grande partie au dernier siè-
cle par Jean François, duc de Narbonne Lara, maréchal des camps
et armées du roi, (qui avait pour trisayeul et trisayeule Agésilas de
Narbonne et lienrie Renée de Lard de Galard. — Le comte Louis de
Narbonne Lara, second fils de ce duc et de Françoise de Chalus,
épousa le 15 avril J782, Marie de Montholon, fille de Nicolas de
Montholon, premier président au Parlement de Normandie,
devint général de division, ministre de la guerre, etc. Sa fine,
la comtesse de Rambuteau vendit, vers 18Î0 ou 1815, le cliàteau et
la terre d'Aubiac à M. Dumon, pére^dc l'ancien ministre des finances
de ce nom. Le propriétaire actuel est M. Géraud Dumon, neveu du
même ministre des finances.
La Plume, chef-lieu de la vicomte de Bruilhois.
LES VICOMTES DE BRUILHOIS.
Le pays de Bruilhois est situé sur la rive gauche de la Garonne,
qui le sjpare de TAgenais. Dans sa longueur, il s'étend parallèlement
à ce fleuve, de Donzac à Sérignac et à Montesquieu ; dans sa lar-
geur, de Layrac au Pergaing et à Beaulens, et d'Agen au Saumont.
Le petite ville de La Plume était le chef-lieu, ou {selon l'expression
un peu prétentieuse que Ton trouve dans les actes publics) la capitale
de la vicomte et du bailliage d'appel de Bruilhois, composé de vingt-
quatre communes, divisées en vingt-huit hautes justices ou juridic-
tions. Les appels des sentences rendues dans ces vingt-huit hautes-
justices étaient portés à la Cour du bailli, séant à la Plume, et les
appels des sentences du bailli au Parlement de Toulouse, depuis la
création de cette Cour souveraine en 1444. Avant cette date, ils étaient
portés à Agon, comme le prouvent les coutumes d'Aubiac du 18 oc-
tobre 1252, les coutumes de Ste-Colombe, en Bruilhois, de Tannée
1268, une donation de la coseignerie de Sérignac, en 1365, etc.
Les sénéchaussées d'Agenais, de Condomois et d'Albret relevaient
du Parlement de Bordeaux, tandis que la vicomte de Bruilhois, en-
veloppée à peu près complètement par ces trois sénéchaussées, rele-
vait du Parlement de Toulouse, comme les vicomtes de Lomagne et
d'Auvillars, auxquelles elle se reliait géographiquement par la com-
mune de Donzac, qui forme une espèce d'isthme en Ire les pays de
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Bruilhois et d'Auvillnrs. Les paroisses de Dolmayrac et de Montbnsq,
situées vis-à-vis la ville d'Agen , sur la rive gauche de la Garonne
étaient, sous le rapport ecclésiastique, du diocèse de Condom comme
le Bruilhois, et, sous le rapport judiciaire, de la sénéchaussée d'Agen
et du Parlement de Bordeaux.
La Plume avait un grand château vicomtal {magnum castrum vice
comitalejy où tous les hommages de la vicomte dévalent être portés.
Il occupait, avec ses dépendances, plus du tiers de la superficie de
la ville, dont il formait i:ne partie distincte. La Plume n'avait que
trois portes de ville par lesquelles on pouvait pénétrer dans ses mu-
railles ou remparts. Deux de ces portes ont disparu. La troisième,
autrefois surmontée d'une tour, existe encon% elle est en ogive.
Placée au levant, elle donne accès sur la Place du Château, c'est-à-
dire au milieu des anciennes constructions grandioses de ce monu-
ment. Dans des titres gascons que f.ai lus, elle était nommée Porta
Mcrousa. Est-ce à dire Porte des Maures^ en souvenir de quelque ba-
taille ou attaque ? De nos jours , elle est nommée Porto Amourouso
en gascon. Porte Amoureuse en français.
I. — Vicomtes DE Gascogne, puis de lomagne, 960 à 1010.— Odon !•%
Odoat ou Oidat, vicomte de Gascogne, Lomagne, Auvillars, Ga-
barret, Bruilhois, etc., vivait vers Tan 960, du temps de Guil-
laume Sanche , duc de Gascogne ( Noticia utriusque Vasconiœ^
par Oirénart). Lorsque ce duc Guillaume Sanche donne au monastère
de St-Sever, entre autres choses l'abbaye de Saint-Giny, près Lec-
loure, dépendant de son comté de Lectoure, il fait cette donation du
consentement d'Oddat, vicomte diidit Lectoure ou de Lomagne. Cela
est rapporté en toutes lettres dans l'acte par lequel Bernard Guil-
laume, comte ou duc de Gascogne, son frère Sanche Guillaume et
leur mère, Urraquedè Navarre, confirment la donation du monastère
de St-Sever, faite par ledit Guillaume Sanche, duc de Gascogne, leur
père et mari.*
' Igitur donationes horum genitorum meorum, ego Bernardus Guillelmus
cornes confirmo Nomination itaque ego Bernardus cum germano meo
Sancio, annuenle beatœ memoriœ matre mea Urraca tradimus ecclesiam
sanctœ Dei genitricis Mariœ quas dicitur de Solaco. . . . Unamque abbatiam
in comitatu suo genitor meus in Lactoratensi civitaie, ubi pretiosissimus
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- 64 -
Arnaud Odon, vicomte (en 990 — 1030) de Gascogne, Lomagne,
Auvillars, Gavarret, Bruilhois, Gimoës, etc., est présent avec son
épouse, son lils Arnaud II, et Adalaïs, épouse de ce dernier, à la
fondation ou restauration de Tabbaye de Condom faite le 4 des ka-
lendes d'août (29 juillet) lOiî ou 10!3 (et non lOH), par Hugues de
Gascogne, évoque d'Agen, seigneur de Condom, lils de Gombauld,
évèque et duc de Gascogne.
Arnaud Odon avait, entre autres flefs, la vicomte de Gimoës et, en
cette qualité, relevait dn comte de Toulouse ; aussi, dans une lettre
écrite vers l'année 1030, le pape Jean XIX a-t-il pu dire à Guillaume III
Taillefer, comte de Toulouse : « Arnaud Odon, vicomte de Gasco-
« gne, ton chevalier, possède injustement deux églises.* »
Ce vicomte Arnaud Odon laisse entre autres enfants :
!• Arnaud II;
2' Roger, vicomte de Gavarret, de Bruilhois, etc.
L'atné des deux frères, Arnaud II, vicomte de Gascogne, Lomagne,
Auvillars, etc., que nous avons vu en 1012 ou 1013, avec son père
le vicomte Arnaud Odon, à la fondation du monastère de Condom,
cède, après Tannée 1030, non le fief ou la seigneurie, mais les droits
de suzeraineté qu'il possède sur les vicomtes de Gimoës et de Brui-
lhois et sur le château de Gavarret, à Bernard II Tumapaler, comte
d'Armagnac, issu, comme lui, des ducs de Gascogne. Il cesse dès
lors de se qualifier vicomte de Gascogne, et ne porte et ne transmet
à ses descendants que les titres de vicomte de Lomagne, Auvil-
lars, etc.
II — Vicomtes de Gavarret, 1040 à 1134. — Roger I«', vicomte de
Gavarret et de Bruilhois, frère puîné d'Arnaud II, vicomte de Gas-
confessor Genius corpore quiescit humatus, Oddato vice comité consentieU'
tibus et Arnaldo abbate huic sacratissimo contulit loco ( Chartarum
sancti Seven. •— Pierre de Marca, histoire de Béarn, p. 233, 234. — Gallia
Chrisliima, tom. I. Imlriunentu, p. 182 et 183.)
* « Johannes episcopus servus servorum Dei, domino Guillelmo glo-
« rioso comité Arnaldus Oddo, vicecomes Gasconiœ, miles tuus,
M possidet injuste duas ecclesias.. . . » Saint-Martin-d'Oriole et StrSaturnin-
de-Flamarens ( sancli Satumini in Flamalingis ).
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— 65 —
cogne oa de Lomagne, reçut les vicomtes de Gavarretetde Bruilhois,
et divers autres fiefs dans la succession d'Arnaud Odon !•', vicomte
de Gascogne, son père. Les droits de suzeraineté sur le Gabardan et
le Bruilhois avaient, néanmoins, été réservés au frère aîné Arnaud II,
puisque ce dernier put aliéner ces droits de suzeraineté après Tan
1030, en faveur de Bernard II Tumapaler, comte d* Armagnac.
Roger, vicomte de Gavarrel {vicecomitem Rugerium de Gavaret],
est ainsi nommé et qualifié dans l'acte d'accord passé vers Tan 1030,
par lequel Siguinus, abbé de Condom, achète la terre de St-Pierre-de-
Cahuzac à Guillaume Astanove, comte de Fezensac. (CaWia Chris-
ttana, tom. II, Instrumenta, p. 441 et 443).
Adélaïde d'Armagnac (sœur de Bernard II Tamapalcr, comte d'Ar-
magnac, et veuve de Gaston III, titré vicomte de Béarn (bien que
mort avant son père) épouse en secondes noces, vers Tan lOîO à
1030, Roger I«', vicomte de Gavarret et de Bruilhois ; et de cette
union naquirent, entre autres enfants, Hunald, abbé de Moissac
et fondateur du monastère de Layrac ; et
!• Pierre Roger, vicomte de Gavarret ou de Gabardan;
2° Hugues, vicomte de Bruilhois, qui se met en possession du Brui-
lhois et partage avec son frère Hunald, ce qui leur est advenu de
l'héritage paternel en 1062. Le même vicomte Hugues et sa mère
Adélaïde d*Armagnac donnent à Fabbaye de Cluny, le 16 des calendes
de décembre (17 décembre) 1004, l'église St-Martin dans le village de
Layrac, et deux autres églises dans la commune de La Plume, nom-
mées St-Cernin ou St-Saturnin et St-Pierre-de-Cazaux. Hugues est
le frère utérin de Centule IV, vicomte de Béarn, puis comte de Bi-
gorre. Ce vicomte Hugues n'ayant pas laissé de postérité, son héri-
tage revient, à son frère aîné, Pierre Roger, vicomte de Gavarret.
III. — Vicomtes de Béarn, 1134 à 1290. — Pierre H, vicomte de
Gavarret et de Bruilhois, comme héritier principal de Pierre Roger,
son père, et de Hugues, son oncle, dont je viens de parler, épousa
Guiscarde de Béarn, sœur et héritière de Centule V, vicomte de
Béarn, tué à la bataille de Fraga, le 17 juillet 1131. En conséquence,
à cette dernière date, leur fils, Pierre III, fut vicomte de Gavarret
et de Bruilhois du chef de son père, et vicomte de Béarn et de Mar-
san du chef de sa mère.
Les vicomtes de Béarn le furent également du Bruilhois, de 1134
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— 66 -
à 1290. Gaston VI, vicomte de Béarn et de Bruilhois fait, en 1207,
hommage à l'évoque d'Agen pour la vicomte de Bruilhois. Gaston VII
rend le même hommage en 1237 et le 8 octobre 1255, et Constance,
fille aînée de Gaston VII, le 12 novembre 1285.
IV. — Comtes d'Armagnac, 1290 à 1451. — Géraud V d'Armagnac,
vicomte de Fezensaguet du chef de son père Roger, devient comte
d'Armagnac et de Fezensac en 1245, lorsque Bernard V, comte
d'Armagnac et de Fezensac, son cousin germain, meurt sans posté-
rité. Le même comte Géraud V devient vicomte de Bruilhois en 1290,
par suite de son mariage avec Mathe de Béarn, l'une des filles de
Gaston VII, vicomte de Béarn et de Bruilhois et de Mathe de Bigorre.
Leur fils aîné, Bernard VI, continue les comtes d'Armagnac et de
Fezensac; leur second fils, Gaston, continue les vicomtes de Fezen-
saguet et de Bruilhois pendant cinq générations. L'un deux nommé
et qualifié : « Haut et puissant seigneur Jean, par la grâce de Dieu^
« vicomte de Fezensaguet et de Bruilhois, » étant à Montfort le
20 mai 1850, approuve et ratifie les coutumes données autrefois par
ses prédécesseurs aux habitants de La Plume, coutumes écrites sur
un rouleau 'de parchemin scellées de leur sceau. Un Consul de
La Plume requiert acte public de cette ratification, retenue par un
notaire. Jean II d'Armagnac, dernier vicomte de Fezensaguet, de
Bruilhois et de Creyssel, comte de Pardiac, meurt, en 1403, empri-
sonné et dépouillé par son parent Bernard VII, comte d'Armagnac,
connétable de France de 1415 à 1418, arrière petit-fils de Bernard VI.
Jean V, comte d'Armagnac, etc., petit-fils du connétable Ber-
nard VII, vend ou engage pour dix mille écus d'or, le 8 mars 1451,
la vicomte de Bruilhois, en faveur de Jean de Xaintrailles, maréchal
de France, habituellement appelé Pothon de Xaintrailles.
Cet engagement ou cette vente a été la cause de longs débats entre
les représentants du comte d'Armagrnac et du maréchal de Xain-
trailles , débats définitivement terminés par transaction en 1555,
après plus d*un siècle.
V. — PoTiioN DE XAINTRAILLES, 1451 à 1461. — • Jcau V, comtc d'Ar-
magnac ayant vendu la vicomte de Bruilhois, au prix de dix mille
^cus d'or, à pacte de rachat, ne remettait pas celte somme et ne
laissait pas l'acquéreur jouir de la vicomte. Le maréchal de Xain-
trailles obtint du roi Charles VII, le 5 avril 1453, des lettres patentes
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— 67 -
adressées au sénéchal, juge-mage et viguîer de Toulouse; ces magis-
trats sont chargés par ces lettres, de mettre Xaintrailles en posses-
sion de la dite vicomte, et, en cas d'opposition, refus ou délai,
« d'ajourner ou faire ajourner les opposans, refusans ou dilayans, à
certain et compétent jour ordinaire ou extraordinaire de notre pré-
sent ou prochain Parlement ordonné à Toulouse. »
Jean V, comte d'Armagnac, déclare par acte du 19 avril 1455, que
pour payer à Jean de Xaintrailles, maréchal de France, dix mille
écus d'or, que celui-ci lui avait amiablement prêté, il lui avait vendu
le 8 mars 1451, devant deux notaires de Tours, la vicomte de Brui-
Ihois pour celte somme, sous la garantie que cette seigneurie lui
rendrait mille livres tournoises de revenu annuel. Le comte Jean
convient que, depuis la vente, il a joui les trois dernières années ;
il se reconnaît redevable pour cette jouissance de 3,000 livres
tournoises.
On sait que Jean V tenait rarement ses promesses (l'histoire du
moins le lui a reproché); il agit depuis en qualité de vicomte de
Bruilhois, par exemple, pour la seigneurie de Bax en 1469.
VL — Catherine brachet de Vendôme, 1461 à 1463. — Pothon de
Xaintrailles étant mort en 1461, sa veuve Catherine Brachet de
Vendôme, à laquelle il avait donné la vicomte de Bruilhois, par acte
du 1" mai 1455, prit possession probablement. Cependant le comte
Jean Y se qualifiait vicomte de Bruilhois en 1464 et en 1469.
VII. — Jean d'estuer de caussade, 1463 à 1470. — Catherine Bra-
chet, épouse en secondes noces, en 1463, Jean d'Estuer de Caussade,
lequel, tant en son nom qu'au nom de dame Catherine Brachet, sa
femme, vend par acte du 27 juillet 1470, à Jean, vicomte de Roche-
chouart Pontville, la vicomte, terre et seigneurie du Bruilhois,
« laquelle fut autrefois transportée par Jean , n'a gueres comte
« d'Armagnac à feu Pothon de Xaintrailles, maréchal de France,
« loi's mari de la dite dame Catherine Brachet. »
VIII. — Vicomtes de rochechooart, 1470 à 1555. — Les vicomtes de
Rocbechouart furent vicomtes de Bruilhois, du 27 juillet 1470, jus-
qu'au 19 avril 1555, jour où les parties terminent leur long procès
par une transaction contenant échange : Claude, vicomte de Rocbe-
chouart, cède à Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, et h Jeanne
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- ES -
d*Albret, princesse de Navarre, son épouse, la vicomte de Bruîlhois.
Les prince et princesse donnent en échange la seigneurie d'Aixe-
IX. — Rois de navarre, 1555 à 1589. — Les rois de Navarre furent
vicomtes de Bruilhois, de 1555 à 1589, époque où ils devinrent rois
de France.
X. — Rois de frange et de navarre, 1589 à 1789. — Depuis la mort
d'Henri III en 1589, les Bourbons devenus rois de France et de Na-
varre, ont été vicomtes de Bruilhois jusqu'à Tabolition des fiefs
en 1789.
Le pays de Bruilhois avait quarante kilomètres de longueur, et
20 dans sa plus grande largeur. Il se composait de 24 communes qu
consulats :
1* La Plume, chef-lieu, placé au centre et au point culminant, à 215 mètres au-
dessus du niveau de la mer.
2. Donzac, 8. Beaulens, 14. Montesquieu, 20. Ëstillac,
3. Caudecoste. 9. Bax, 15. Sérignac, 21, Aubiac.
4. Cuq, 10. Le Nom-Dieu, 16. Brax, 22, Ségougnac,
5. Fais. 11. Le Saumont, 17. Sainte-Colombe. 23. Moirax,
6. Le Pergaing, 12. Moncaut, 18. Roquefort, 24. Layrac.
7. Daubèze, 13. Monlagnac-s-Auvl9. Le Buscon,
Chaque commune avait une haute justice. En outre quatre pa-
roisses ou fiefs avaient aussi haute justice :
lo Saint-Loup d'Alys, dans la commune de Montagnao-s.-Auvignon.
2» Goulard, dans la commune de Sainte-Colombe;
3** Plaisance, dans la commune de Sérignac;
4° Taillac, dans la commune du Pergaing.
La vicomte de Bruilhois avait donc 24 communes et 28 juridictions
relevant du Parlement de Toulouse.
C'est dans l'église Saint-Barthèlemi de La Plume, que Jean d'Ar-
gnac, vicomte de Fezensaguet, rendit hommage du Bruilhois, le
16 avril 1353, à Pierre, évéque de Condom. Cette église à été recons-
truite en 1512.
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Gazaux. — Saint-Pierre de Cazaux fut, au Moyen-âge, et sans in-
terruption jusques en 1789, l'église paroissiale de La Plume, bien
que située à un kilomètre de cette petite ville. Cette église est men-
tionnée dans une donation du 17 décembre 1064 (Voir le Gallia
Christiana). Elle a un portail roman, comme les églises d'Aubiac,
de Moirax et de Layrac. Le reste du monument est de la période
ogivale primitive.
L'église de saint-Pierre de Cazaux, nous présente un toit remar-
quable, peut-être unique dans notre département. Deux ou trois
siècles avant l'institution ou l'adoption des armoiries héréditaires
comme les noms de famille, les rois de Pampelune ou de Navarre
avaient pour marque ou signe héréditaire, qu'ils plaçaient en tête
de leurs diplômes royaux, une croix ordinaire et la croix de Saint-
André, réunies en un seul signe et formant une croix à huit bran-
ches ou rayons.* Sanche Garcie Mitarra, roi de Pampelune ou de
Navarre après son frère Fortunio, de l'an 904 à l'an 926, laissa deux
flls, nommés tous les deux, Garcie Sanche. Ces deux princes, l'un
roi de Navarre, l'autre duc de Gascogne, continuèrent à porter la
croix ordinaire et la croix en sautoir réunies, et les transmirent à
leurs descendants. Garcie Sanche le Courbé, Tun des deux flls du
roi Sanche Garcie Mitarra, importa la croix à huit branches dans
son duché de Gascogne. Lorsqu'un de ses descendants, vicomte de
Bruilhois fit construire l'église Saint-Pierre de Cazaux pour La
Plume, chef-lieu de sa vicomte, il fit graver en relief et avec soin,
immédiatement au-dessus du portail roman de l'église, la double
croix (à 8 branches) de ses ancêtres les ducs de Gascogne et les rois
de Pampelune ou de Navarre. Et comme il plaçait à l'entrée d'une
église cette double croix héréditaire, dont ses aïeux marquaient
leurs diplômes royaux, il fit graver également en relief les huit
lettres suivantes Pax vobiSy entre les huit branches de la croix,
comme on peut encore le voir très bien aujourd'hui.
Voie romaine ou la peyrignk. — La commune de La Plume avait
dix kilomètres d'étendue en divers sens, de Marmont-Pachas et de
' Voir à la Bibliothèque d'Agen ces diplômes royaux donnés par Jérôme
Blanca, duns la HUpania Illustrata,
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— 70 -
Brîmont à Fontarrède. de Plaichac à Saint- Vincent,, etc., avec le
chef-lieu placé au centre. Elle était divisée en 14 ou 15 paroisses,
dont plusieurs ont peu à peu disparu, à mesure que le temps ou les
hommes ont détruit leurs églises. La paroisse de Brimont, comme
la commune de Moirax, est traversée par la voie Romaine d'Agen à
Saint-Bertrand-de-Comminges ( autrefois Lugdunum Convenarum).
Cette voie romaine partant d'Agen, traversait la Garonne ;au village
de Boé, laissait à droite le château actuel de Lécussan, montait sur
les coteaux de Moirax, se maintenait sur la hauteur, passait à Bri-
mont, se dirigeait vers La Roumieu, Lectoure, etc., pour aboutir à
Saint-Bertrand de Comminges. Dans son parcours de Moirax vers
Lectoure, elle est exclusivement appelée La Peyrigne.^EWe doit ce
nom à ce qu'elle était un wur plein, de la largeur de la route et
d'un mètre de profondeur. On peut encore voir, comme je m'en
suis assuré de mes yeux, de grands morceaux de cette route bâtie,
parfaitement reconnaissables.
Brihokt. — La partie la plus ancienne de l'église de Brimont est
romane. Une chapelle latérale construite depuis trois ou quatre siè-
cles porte des armoiries bien conservées.
Les droits seigneuriaux utiles ou honoriques, revendiqués ou con-
testés, étaient la source de nombreux procès. La directe de la pa-
roisse de Brimont appartient-elle à M. de Godailh, seigneur de Bri-
mont, ou bien aux vicomtes de Rochechouart et de Bruilhois? Telle
est la question soumise [à la justice en 1515. M. de Godailh intente
un procès devant le bailli de Bruilhois, aux possesseurs de certains
fonds; il prétend q* e la directe lui en appartient. Il perd son procès,
puisqu'il relève appel au parlement de Toulouse de la sentence du
bailli. Le parlement de Toulouse rend, à cet égard, un arrêt le
19 mars 1515, par lequel il annule la sentence du bailli et adjuge à
M. de Godailh la directe du territoire de Brimont (directatem terri-
torii contemmi), il ordonne aux possesseurs de faire des reconnais-
sances féodales au dit seigneur de Godailh.*
( ' ... ad recognoscendum tenere a dicto domino de Godailh, terras, et
possessiones contentiosas quas tenent in territorio jam dicto, ad similes
census et usatus quœ et quos a prœfato vice comité de Rochechouardo
tenebant...)
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— 7i --
Noble Caprais de Las, seigneur en partie d'Espalais, près le Port-
Sainte-Marie (fils de Martin, petit-fils de Bernard et arrière petit-fils
de noble Guillaume de Las, maître d'hôtel en 1473, de Jean V, comte
d'Armagnac), devient seigneur de Brimont par son mariage avec
damoiselle Claude de Vergés, fille du feu honorable homme M M» Jean
de Vergés, docteur en médecine, bourgeois d'Agen, seigneur de Bri-
mont, et de damoiselle Anne de Godailh. Depuis lors, le château de
Brimont a toujours appartenu à la famille de Las, et appartient en-
core, après neuf générations, h madame Louis d*Arblade de Séailles,
née de Las de Brimont, ou à sa fille unique, la comtesse Henri de
Galard de Béarn.
MoiRAx. — Sainte Marie de Moirax est une église monumentale,
peut-être la plus belle du diocèse d'Agen. Elle est placée sur les co-
teaux qui dominent la rive gauche de la Garonne, à 3 kilomètres de
Layrac, à 7 ou 8 d'Agen et de La Plume. La voie romaine nommée
La Peyrigne passe contre le mur d'enceinte du village. On a conservé
la charte de fondation de l'église et du prieuré de Moirax, charte
dont M. l'abbé Barrére a donné la traduction dans son histoire reli-
gieme et monumentale du diocèse d'Agen, t. T, p. 251 à 253.
L'an 1049, Guillaume, seigneur de Moirax, de Sainte-Colombe, en
partie de Layrac, Laugnac etc. au diocèse d'Agen; deSt-Luper au dio-
cise de Bazas, son épouse Anne et Pierre l'un de leurs fils, donnent
tout leur héritage à l'abbaye de Cluny, dont le seigneur Hugues est
abbé. Ils donnent en particulier l'église Sainte-Marie de Moirax, tout
le village et la paroisse, avec lea prémices, les dîmes, les oblations
et tout ce que Arnaud, père du dit Guillaume, y possédait, enfin tout ce
qu'ils ont acquis depuis, etc. Cette donation est confirmée par Hugues
abbé de Cluny; Bernard, évêque d'Agen; Duran évêque; Garin moine;
Guillaume, comte de Poitiers, Rodland, chevalier, etc., qui signent
avec les fondateurs. — Guillaume de Moirax élève son monastère ;
Pierre, l'un de ses fils en devient le premier prieur. Bientôt les
frères, les sœurs, les proches parents de ce prieur se disent lésés
par la donation de l'an 1049. Des luttes acharnées, souvent à main
armée, jettent le trouble dans la contrée et sont extrêmement dra-
matiques.
Latrâc. — L'église du monastère de Layrac est construite dans la
haute plaine, sur la rive gauche du Gers et par conséquent sur la rive
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- 1± -
gauche de la Garonne, à égale distance d*Agen et d*Astaffort. Elle
est mentionnée dans un acti do donation du 17 décembre 1064«
comme Saint-Pierre de Cazaux, près La Plume.
llunald, religieux àMoyssac en 1062, abbé de la môme abbaye, en
1071, frère puiné de Hugues, vicomte de Bruilhois, a fondé le mo-
nastère de Layracet Ta fait consacrer en ^0^6, par le pape Urbain II
qui prêchait en France la première croisade. Il a été le premier
prieur deLayrac et a voulu être inhumé dans l'église fondée par lui,
comme le prouve l'inscription suivante placée à rentrée. On voyait
encore en 1824 cette inscription, tracée en petits cailloux colorés :
« Has oedes sacras fundavit Hunaldus. >
Une seconde inscription constate la consécration de l'église du
monastère de Layrac par le pape Urbain II, en 1096 :
« Hoc tibi, christe Deus, sub trino nomine verus,
Templum jam monachus primum fundavit Hunaldus.
Anno domini M. XCVI, a papa Urbano II sacratum est.
In honorem beatorum apostolorum Pétri et Pauli atque beati
Martini. »
{Histoire manuscrite de VAgenais par le chanoine Lahénusie.)
Les historiens paraissent unanimes pour affirmer que Hugues,
vicomte de Bruilhois, et Hunald, son frère, sont de la maison de
Béarn ; qu*ils sont fils d'Adélaïde et de Gaston III; mais ils sont ab-
solument dans Terreur relativement à ce dernier. Hugues et Hunald
ne sont pas de la maison de Béarn. Je demande l'autorisation de
reproduire avec plus de détails, ce que j'ai dit à l'article des vicomtes
de Béarn.
Adelaïs ou Adélaïde d'Armagnac (sœur de Bernard II Tumapaler»
comte d'Armagnac) épouse : !• Gaston III, titré vicomte de Béarn,
quoique mort avant son père CentuUe Gaston, vicomte de Béarn,
dit le Jeune ; 2* vers 1020 ou 1030, Roger V% vicomte de Gavarret
et de Bruilhois, frère puîné d'Arnaud II, vicomte de Gascogne, Lo-
magne et Auvillars, et l'un et l'autre fils d'Arnaud Odon, vicomte de
Gascogne, Lomagne, Auvillars, Gimoez, Gavarret et, Bruilhois, en
990 et 1030.
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— 73 -
Adélaïde d'Armagnac avait eu de son premier mariage, Centulle IV«
vicomte de Béarn du côté paternel, et comte de Bigorre, du chef de
Béatrix I,de Carcassonne, sa seconde femme. La même Adélaïde
d'Armagnac eut de son second mariage, Pierre 1'' ou Pierre Roger,
vicomte de Gavarret; Arnaud Roger; Hugues vicomte de Bruilhois;
et Hunald, religieux en 1062, abbé de Moyssac en 1071, fondateur,
puis prieur de Layrac.
Ainsi, Hugues, vicomte de Bruilhois et Tabbé! Hunald, sont fils de
Rogef* !•% vicomte de Gavarret et de Bruilhois, et par conséquent
de la maison de Gascogne et de Lomagne. Ils sont les frères utérins
de Centulle IV ^ vicomte de Béarn^ comte de Bigorre. Ile ne sont
donc pas, comme on Fa écrit, de la maison de Béarn.
Jules DE BOURROUSSE DE LAFFORE.
Ifii ir*i"|-T|"n ■
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POÉSIES.
MAGALÏ,
CHANSON DE FRÉDÉRIC MISTRAL
( MIREIO )
TRADUCTION FRANÇAISE,
La brise dort sous la ramée,
Le ciel est pur ; montre un moment
A la nuit claire et parfumée,
Hagali, ton front charmant.
Vénus rayonne au firmament,
Ma bien-aimée ;
Les astres d'or qui te verront
En pâliront.
— Plus que le vent et plus que Tonde
Ton chant d'amour est mensonger,
Et je m'en vais dans la mer blonde
Me faire anguille de rocher.
— Magali, pourquoi le cacher
Dans l'eau profonde?
Je te prendrai, gentil poisson
A l'hameçon.
— Va t'en, pêcheur, sur le rivage
Préparer ton piège incertain ;
Je me ferai l'oiseau sauvage
Fuyant toujours, jamais atteint.
— Moi je suivrai ton vol lointain
Sous le feuillage ;
Un lacet que ma main tendra
T'y saisira.
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--75 —
— Changée en fleur, soudain j'évite
L*appât menteur de tes lacets,
En me cachant toute petite
Dans un pré vaste que je sais.
— Magali, si tu te fais
La Marguerite,
Je me ferai bien vite l'eau
D'un frais ruisseau.
— Quand tu serais ruisseau limpide
A m'arroser ne songe point;
Car, grand nuage au vol rapide,
Je m*en irais bien loin, bien loin !
— Moi, vent de mer, j'accours à point,
Sans mors ni bride,
Pour t'enlever, coursier géant,
Sur l'Océan.
— Je ne veux pas me laisser prendre ;
Je fuirai d'un autre côté;
Vent de mer, en mer va m'attendre;
Je me ferai soleil d'été,
— Moi, je me change, ô ma beauté.
En Salamandre ,
Et je bois au creux des sillons
Tes chauds rayons.
— Je me ferai la pleine lune
Dont la blancheur parfois, le soir,
Des sorciers éclaire, à la brume,
Les sabbats, dans le hallier noir.
— J'irai, fidèle, pour te voir
Dans la nuit brune.
Voiler d'un nuage changeant
Ton front d'argent.
— Crois-tu que je m'ensevelisse
Dans ce brouillard, froide prison?
Je serai rosç et mon calice
S'ouvrira dans le vert buisson.
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— 76 -
r- Je me ferai, moi, papillon
Avec délice,
Et sur ton sein j'irai poser
Plus d'un baiser.
— Prends, flatteur, des formes sans nombre.
Pour échapper à ton amour.
Je veux qu'un chêneMu bois sombre
Me cache en son large contour.
— Lierre touffu, tout à l'entour,
J'irai, dans l'ombre,
En^mille replis m'enlacer
Pour t'embrasser,
— Tu ne tiendras rien qu'une branche
Sèche et rude et qui tremble au vent.
Sous mon habit de laine blanche.
Je serai nonne du couvent.
— Moi, devenu prôtre fervent,
Chaque dimanche.
De tes péchés, au nom de Dieu,
J'aurai l'aveu,
— Si le couvent t'ouvre sa porte,
Arrète-toi devant le seuil.
Autour de moi, dernière escorte.
Sangloteront mes sœurs en deuil.
— Si je te vois dans le cercueil,
pauvre morte.
Moi, le tombeau je me ferai.
Là je t'aurai.
— Maintenant je commence à croire
Que tu parlais sincèrement,
Voici^mon annelet d'ivoire.
C'est le gage d'un cœur aimant.
— bonheur ! . . . Mais en te voyant
Dans l'ombre noire.
Vois, les étoiles ont pâli
Magali I
J.-D. GOUX
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■ LIS DEUX SAISONS.
A MADAME CLÉMENCE B*** NÉE T'\
MA COUSINE.
Sœur de mon doux printemps, te souvient-il, Clémence,
De nos joyeux ébats, de nos jeux enfantins ,
Puis, des jours que pour nous la Fée Adolescence
Tissa d'un fll léger par les doigs des lutins?
Hais la saison des fleurs fuit. . • Tautomne commence,
L'automne au reflet pâle, aux soleils incertains;
Et le temps, loin de nous, précipite en silence
Le fantôme assombri de nos riants matins.
Sur nos fronts soucieux les feuilles tourbillonnent ;
Sous nos regards émus les tombes s'échelonnent ;
Que d'êtres chers couchés le long du froid sentier !
Le brouillard et le givre ont beau sur les prairies
Etendre leur linceul. . . Souvenirs, causeries
Ont leur charme attendri, le soir, près du foyer.
Toulouse, novembre 1878.
Chables DELONCLB.
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GHKOiWE LOCALE ET RÉGIOME.
MUSÉE D*AGEN.
La Société du Musée a tenu son assemblée générale annuelle, le
23 décembre , dans une salle de l'Hôtel-de-Ville.
H. Ad. Magen, président» a lu le rapport suivant :
« Nous venons, aux termes de nos statuts, vous rendre compte de
notre mandat et vous dire ce que nous avons fait pour justifier votre
confiance.
« Je serai bref et tâcherai d'être clair. Les journées sont courtes,
la saison est rude, notre programme chargé. Vous aurez, en effet,
après avoir entendu deux rapports, h nommer, au scrutin secret, la
commission directrice de l'œuvre, commission ainsi définie par notre
article !•' : « L'administration de la Société est confiée à une com-
mission élue au scrutin secret, en assemblée générale , à la majorité
des voix. Elle pourra être maintenue, en tout ou en partie, plusieurs
années successives. »
« Les plans et devis du projet qui fut préparé par MM. nos Archi-
tectes dans le courant de janvier, ne portaient que sur une partie de
notre local et n'en affectaient que l'intérieur. Ils s'élevaient à envi-
ron douze mille francs.
« Avant de se mettre à ce travail, il fallait pourvoir aux moyens
de le payer. Dn'e souscription ouverte dans les journaux n'eût guère
été fructueuse. On décida d'aller à domicile tendre la main, au nom
de l'art, comme on fait au nom de la charité. La ville fut dépar-
tagée en huit sections d'étendue équivalente et livrée à ceux d'entre
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— 79 —
nous dont l'aclivité s*accompagne de loisir^ la bonne volonté de tous
ne faisant d'ailleurs pas question.
« On frappa. Messieurs, à bien des portes, et il nous est agréable
d'avoir à vous dire qu'à peu près toutes s'ouvrirent. La classe si
intéressante des hommes de menu métier, de ceux qui vivent d'un
dur travail, ne fut pas la moins empressée à nous faire accueil. Le
but élevé que nous poursuivons étant, en général, compris au premier
mot, notre projet fut aussitôt agréé et, dans la mesure de modestes
facultés, rendu réalisable. Celui qui n'avait pas d'argent offrait des
matériaux, un autre, son temps et son travail. Les souscriptions, au
17 janvier, atteignaient le chiffre de 7,900 fr. ; au 24, elles dépassaient
10,000. Le chiffre total est de près de 15,000; encore faut-il dire que
des quartiers importants sont encore à visiter.
« Les travaux pouvaient dès lors commencer ; on s'y préparait
activement quand un incident nous obligea à vous réunir. Une com-
mission municipale étant venue visiter notre local, comprit combien
il gagnerait à s'accroitre de celui des anciennes Justices de paix et fit
agréer par le Conseil son libéral sentiment. On y mit, toutefois, la
condition que nous rétrocéderions une pièce dont il parait que la
ville avait besoin, mais qui ne nous était pas moins utile, — la Salle
des pas-perdus de l'ancienne mairie.Votre commission. Messieurs, eût
lésé vos droits en concluant seule une aflFaire qui ne valait que par
votre approbation, et qui l'eut sans difficulté.
« Les projets primitivement conçus ne s'adaptaient pas au bâtiment
que la Société venait d'acquérir, et c'était précisément celui-là qu'il
semblait avantageux d'aménager tout d'abord. Une étude minutieuse
en fut faite, d'où résulta la combinaison suivante : l'entier bâtiment
serait réduit à deux pièces, une de rez-de-chaussée, une de premier
étage. Celle-ci, destinée à recevoir la galerie de tableaux, prendrait
jour par des lanternes ouvertes sur le plafond ; dans l'autre, réser-
vée aux objets lourds, tombeaux, statues, chapiteaux, etc., un stylo-
bate continu permettrait de mettre à portée de l'œil une infinité de
pièces qui, à terre, seraient de nul effet. Cette combinaison est réali-
sée. Messieurs. Nos deux salles sont prêtes à point pour l'usage qu'on,
en doit faire. Nous espérons vous les montrer au sortir de cette
séance, — bien que les objets n'y soient encore qu'à l'état de ran-
gement sommaire, — si l'heure avancée et l'obscurité du temps nous
le permettent.
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- 80-
« Voilà, pour nous borner au résultat final de nos efforts, ce que
nous avons fait. Je vais exposer ce qui reste à faire.
« Les fonds dont nous disposions étant à peu près épuisés, la suite
à donner aux travaux est toutefois subordonnée à la reprise de la
souscription et à son^^succès.
« La partie du local non encore réparée comprerid Tancien logis
du consul de Vaurs, logis dit Maison de Monluc et Tancienne mai-
son de Las Brimont. De celle-ci, il ne sera pas question de longtemps
si Ton veut procéder d'une façon logique; c'est sur l'autre qu'il y a
lieu, selon nous, de concentrer les travaux.
« Elle comprend, dans ses trois étages, dix salles dont la mise en
état coûterait, en bloc, environ dix mille francs. Le rez-de-chaussée
occasionnerait peu de dépense ; le premier étage beaucoup plus, le
second deux fois plus que le premier. Le Conseil municipal nous ac-
corde, pour un an, la jouissance de la salle que nous lui avions rétro-
cédée; ce terme expiré, où mettrons-nous les vitrines qu'e'le va
prochainement recevoir? Leur place est toute indiquée dans la salle
de la maison de Vaurs , qui communique avec celle des tableaux.
On pourrait, avec un millier de francs, l'adapter à cette destination.
II faudrait aussi restaurer celle qui lui est contiguë et par laquelle
on accède à l'escalier monumental dont la décoration est si élégante
et la ligne d'axe si originale ; mais les plafonds de ces deux salles et
les planchers de l'étage supérieur sont tellement encombrés de dé-
bris, qu'ils fléchissent sous le poids. Même déchargés, on les devra
refaire, sous peine de les voir tout-à-coup s'effondrer causant, à coup
sûr,desdégàts etpeut-êtredes malheurs. Il conviendrait, pour le mo-
ment, de les alléger du lourd carrelage et des matériaux accumulés
qui les recouvrent, réservant pour une campagne postérieure l'inté-
grale restauration de l'étage dont ils dépendent.
« La cour de la même maison, qui s'ouvre sur la rue des Juifs par
un gracieux portail, malheureusement dégradé, a trois salles voûtées
qu'on réparerait à peu de frais et qui seraient d'une grande utilité.
Nous aurions, en y comprenant la grande salle où l'on est en train
de placer les pierres ou marbres sculptés, la faculté de classer ces
objets chronologiquement. Il y aurait la salle Gallo-Romaine, celle
du Moyen-Age roman , celle du Moyen-Age ogival et celle de la
Renaissance.
« Si ce plan, Messieurs, se réalisait (il faudrait pour cela moins de
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— 81 -
cinq miHe francs! ), notre Musée, dans quelques mois, serait, non pas
ce qu*il doit être, mais complet en des proportions modestes. Et il y
aurait cet avantage qu'une circulation continue par Tescalier dit de
Monluô amènerait successivement le visiteur aux plus curieuses par-
ties de rédifice. 11 dépend de vous, il dépend de chacun, dans cette
ville et dans ce pays riches, que ce qui n'est, en ce moment, qu'une
lelle possibilité, ait, dici à un an, la valeur d*un fait acquis.
« Un mot, avant de finir, sur les curiosités de toute espèce dont
les travaux que je viens d'exposer permettent le classement. Nous
avons reçu déjà pas mal de dons. Notre r.^gretté concitoyen et ami,
le docteur Achille Lariviére, nous a légué deux vitrines pleines d'ob-
jets d'art chinois et une belle collection de coquiîtages, formée par
lui en ses nombreux voyages, au prix de mille peines. Nous devons
à Mi le comte de Turcnne, le superbe tombeau des Durfort »
qui n'aura pas perdu à passer de Lafox, où il se dégradait, à notre
Musée, où des soins pieux l'attendent. M. Rivais nous a fait le
sacrifice d'une cheminée romane, curiosité du vieux logis que son
élégante habitation a remplacée. De M'"^ veuve Molinery, qui a mis
lu meilleure grâce du monde à accueillir notre sollicitation, nous
avons reçu une statue antique, en marbre, trouvée dans un champ,
près de Brax ; de M. le docteur Amblard, des chapiteaux romans
délicatement fouillés et de curieuse invention; de M. Georges de
Monbrison, si bon connaisseur en fait d'art et généreux à l'avenant,
dix toiles des xvi« et xvir siècles; de M. L. Laboulbène, surpris par
la mort, en Italie, mais non sans avoir témoigné de son efficace
sympathie pour notre Musée naissant, deux terres cuites et quel-
ques gouaches; de M. le docteur Louis de Montesquieu et de
M. fiauduer, de Sos, une collection régionale de batraciens , de
mousses et d'insectes. Pour clore enfin cette énumération qui ne
comprend que les dons principaux , entre tant d'autres à signaler,
rappelons la Vénus du Mas, ce produit charmant d'un art raffiné ,
dont le Conseil général, qui l'a acquis à haut prix , nous a confié
le dépôt.
« L'Administration des Beaux-Arts se propose, au printemps pro*
Chain, de départir des tableaux, des dessins et des statues entre les
Musées de province. Pour avoir droit à cette distribution, il faut pré-
senter un catalogue des objets formant le fonds du Musée au profit
duquel on sollicite. Ce catalogue ne pouvait se faire tant que nos
salles étaient aux mains des ouvriers. Le moment vient où il sera
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-8«-
possible. Chacun de nous, Messieurs, s'y appliquera de sa meilleure
volonté et nous arriverons à temps, — c'est notre ferme espé-
rance, — pour mériter , en cette occasion qu'il faut saisir, que le
Gouvernement ne nous oublie pas. »
 ces renseig^nements si précis, qui fixent sur la situation du Musée
pour le présent et pour l'avenir, on me permettra d'ajouter quelques
notes sur les collections qui vont être prochainement classées et
exposées. On ignore assez généralement le nombre et la valeur des
pièces qui faisaient partie de l'ancien fonds du Musée. Le public ne
sait pas non plus quelles promesses ont été faites et quels seront, dès
les premiers jours, les accroissements de ces collections dont quel-
ques-unes doivent être doublées ou triplées à bref délai.
Il ne s'agit pas encore de publier le catalogue de nos richesses,
maïs, si les lecteurs de la Revue gardent le souvenir d'une simple
causerie à bâtons rompus, ils seront peut-être mieux préparés à la
visite du Musée et leur attention se fixera sur quelques objets qui,
après avoir été conservés jusqu'à ce jour dans cette demi-obscurité
d'un local peu accessible ou des vitrines des collectionneurs, sont
devenus aujourd'hui le domaine de tous, savants, artistes ou simples
curieux.
L'étude de la galerie de tableaux, des objets d'art modernes et
des collections d'histoire naturelle restera réservée pour être le
sujet d'un second article.
COLLECTIONS ARCHÉOLOGIQUES.
Époques antéhistorique et gauloise. — On pourrait citer dans le
Lot-et-Garonne six ou huit collections fort riches d'objets préhisto-
riques. Toutes ont été faites dans l'arrondissement de Villeneuve
et les cantons au nord de l'arrondissement de Marmande, en somme
sur la rive gauche de la Garonne.* A défaut de Tumulus (il en existe
< Le Musée de Nérac, fondé par M. Faugère-Dubourg et confié actuellement aux
soins de M. Lespiault, possède un certain nombre d'objets de Tépoque antéhistorique
recueillis pour la plupart à la surface du sol et dans la partie du département qui e st
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— 8?-
qaelques-uns mais ils ont été peu ou mal fouillés) et de dolmens, on
trouve, spécialement dans les vallées des cantons de Fumel et de
Monflanquin, des grottes qui ont servi d'habitation à Thomme pri-
mitif. Dans la zone qui s'étend du canton de Tournon à celui de Duras,
des ateliers de silex taillés ont été reconnus sur divers points et des
objets appartenant à toutes les périodes de l'âge de la pierre se ren-
contrent fréquemment éparsà la surface du sol. Un grand nombre
de ces spécimens figurent dans la mngniflque collection de M. Com-
bes,* à Fumel, et dans celles de M. de Donnai, à Dausse, de M. l'abbé
Landesque, ù Dévillac, de M. de Cardenal, à Saint-Etienne-de-Ville-
réal, de M. Dombrowski, à Eymet, de M. Dalché, ù Saint- Vite^ de M.
Tramond, à Villeneuve, etc.
Aucune de ces collections n'est destinée pour le moment au Miisée,
mais nous sommes assurés d'avoir une grande quantité de ces armes
au sud de la Garonne. Toutefois il faut reconnaître que de telles trouvailles sont rares
dans rarrondissement de Nérac aussi bien que dans celui d*Agen. C*est au nord du Lot
que les populations primitives ont laissé le plus de traces de leurs établissements.
Puisque j*ai cité le Musée de Nérac, me sera-t-il permis d*iyouter que le succès de
sa fondation faite par nos amis est un motif d*encouragement pour nous et que, loin de
susciter une rivalité jalouse entre deux villes ou deux Sociétés, il consacrera les
meilleurs rapports entre ceux qui poursuivent le même but, la diiTusion dans le Lot-et-
Garonne des notions d*art et de science.
* Je n*ai pas à rappeler les nombreux titres de M. Combes à notre reconnaissance.
C'est à son initiative que sont dues la plupart des découvertes scientifiques faites dans
notre département au point de vue de la géologie, de la paléontologie et de l'antiquité
de rhomme. Ses recherches personnelles pendant plus de trente années lui ont permis
de composer une collection remarquable par le nombre et par le choix des échan-
tillons ainsi que par sa classiflcation irréprochable. Les séries qui comprennent des
spécimens provenant de tous les terrains du pays sont aussi complètes que possible.
Les quelques lacunes qu'elles offraient ont été d'ailleurs comblées à prix d'argent.
L'acquisition de la collection de M. Combes est un vœu que la Société du Musée ne
craint pas d'avouer, bien que, trop dénuée de ressources à ses débuts, elle doive atten-
dre longtemps peut-être la réalisation de son désir. Ne peut-elle pas espérer qu'elle ne
sera point toujours réduite à ses propres forces et. qu'on viendra bientôt à son aide? La
fondation du Muséeiest un fait acquis. Une fois de plus l'initiative privée — si digne
d'encouragement quant son but est élevé — a fait ses preuves. Lorsque les résultats
obtenus seront bien ccmstatés, l'œuvre sera so^iteoue, nous l'espérons, par ses protec-
teurs naturels, le Conseil général de Lot-et-Garonne et le Conseil municipal d'Agen.
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OU de ces outils de Tépoque antéhistorique.^ Diverses personnes^ qui
n'ont pas composé de collections spéciales, mais qui cependant ont
su profiter de toutes les trouvailles, nous ont fait à cet égard des
promesses formelles. Le Musée possédera avant peu des vitrines
remplies d'objets de pierre de tous les âges et de tous les types. Quel-
ques spécimens de Tàge de bronze y figureront également, entre
autres des bâches d'une forme spéciale à l'Agenais.
Il suffira plus tard de quelques fouilles pour se procurer des échan-
tillons du mobilier funéraire qui se rencontré dans* certaines sépul-
tures de l'âge de fer. M. Dombrowski a découvert dans le départe-
mont plusieurs cimetières de cette époque qui comprennent un grand
nombre de tombes en forme de silos , creusées dans les couches de
tuf friable.
Les monnaies gauloises sont rares dans notre région. Quelques
spécimens seulement représenteront cette catégorie d'objets qui,
depuis quelques années, ont singulièrement fixé Tattenlion des anti-
quaires.
Période romaine. — Si le Musée d'Agen comptait seulement cin-
quante ans d'existence il serait encombré de monuments ou d'objets
appartenant à cette période florissante pour le pays qui suivit la con-
quête romaine. Venus trop tard nous n'avons encore réunis que des
épaves du vieil Aginnum^ Eysses, VExcisum des Itinéraires ,
Aiguillon, nneville fortifiée, qui avait pour avant-posle Saint-Côme,
défendant un quadrivium ; le Mas, le Pompejacum antique et son
I M. Sabassien qui, depuis quarante années, recueille des objets gaulois ou gallcH
romains sur le plateau de rErmilage a l'intention de laisser sa collection au Musée.
S La cité romaine était construite, comme on sait, dans l'espace qui s'étend de la
caserne de la Remonte k Thôtel de ville. Elle était bordée de villas, notamment à la base
du plateau de l'Ermitage, et protégé en amont- et en aval par les castrum de Dolmayrac
et de Lusigoan-le-Grand. Les cimetières antiques ont été reconnus daus les champs de
Renaut et dans les environs de la rue Durantoo. Un faubourg débordait l'enceinte au
nord-est sur l'emplacement des quartiers de Sainle-Foy et de Saint-Caprais. C'est à ce
faubourg que se rattachent toutes les plus anciennes traditions sur la conversion au •
catholicisme de la population nitiobrige et romaine.
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- 85 —
ossuaire inépuisable de Saint-Martin-ie-Lesque, etc. : cos villes, ces
stations, les nombreuses villas éparses sur notre territoire, to isces
établissements détruits par los barbares recelaient dans leurs ruines
de précieuses anlitiuités malheureurcusement dispersées.
Les inscriptions romaines qui sont les premières paires de nos
archives locales, au nombre de vingt-cinq k trente, auraient dû être
réservées pour la plupart au futur Musée. Plusieurs ont été détrui-
tes; d'autres restent en la possession d'amateurs peu disposés à les
céder.
Quatre seulement font partie du fonds qui a été conservé par la
Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Agen. Une cinquième, très
importante, vient de nous être donnie par M. le vicomte de Château-
renard. Cette inscription, gravée sur une borne milliaire, a été pu-
bliée par M. Magen.*
La découverte récente d'une statue antique au Ifas-d'Agenais a
eu assez de retentissement pour que je n'aie pas à la rappeler. C'est
grâce à la munificence du Conseil général qu'un chef-d'œuvre trouvé
dans le pays ne lui a pas été enlevé.
Un Agenais qui a voué sa vie h l'art et à la science et dont la com-
pétence ne saurait être discutée, M. Demay,' écrivait," à une époque
où l'acquisition de la statue était encore discutée, que cet objet, à
lui seul, suffirait à illustrer un Musée.
< Congrès archéologique de France, Toulouse, Agen. 1875.
S M. Demay, né à Aiguillon, a étudié la sculpture dans Tatelier de M. Barye. D avait
donné à l'ancien Musée la maquette par lui composée d'un lion de grandes dimensions.
Cet objet, complètement détérioré, est perdu pour nous.
Depuis de longues années, M. Demay s*adonne & Tarchéologie du moyen flge et no-
tamment à la sphragistique. Ses grands ouvrages (Inventaires des sceaux de la Flandre,
de V Artois et de la Picardie)^ des notes et des dessins ajoutés à des éditions importantes,
des mémoires sur les armes, les costumes , la marine, etc., après les représentations
figurées sur les sceaux, ont établi sa réputation d'érudit et d'artiste , réputation qui
8'accrott tous les jours et qui paraît devoir lui ouvrir bientôt les portes de Tlnstitut.
M. Demay n'a pas oublié son pays. U a témoigné maintes fois son intérêt à Toccasioa
de la fondation du Musée d'Agen.
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Une place d'honneur est réservée à la Vénus du Mas, qui aura pour
pendant une autre statue en marbre et de grandeur naturell^re-
présentant un romain drapé dans sa toge. Cet antique, découvert,
il y a trente ans environ, à quelques kilomètres d'Agen, a été donné
au Musée par Madame Molinéry.
Quatre chapiteaux de marbre de l'époque romaine, de provenan-
ces différentes, sont autant de types. L'un, de grandes dimensions,
très pur de formes, a été donné par M. le docteur Amblard. Il avait
été utilisé dans la construction de l'ancien cloître de la collégiale de
Saint-Caprais, qui datait de l'époque romane. Toutefois son origine
antique ne saurait être contestée. Il est décoré de feuilles d'acanthe
et se rapproche fort du type corinthien classique.
Un autre chapiteau, de l'ordre composite, offre également de gran-
des dimensions et son exécution est bonne. Il a été trouvé au
castellum de Lusignan-Grand * et donné au Musée par M. Georges
Marraud.
La provenance des deux autres chapiteaux, moins intéressants
d'ailleurs, n'est pas exactement connue.
Les objets de cette nature suffisent à eux seuls à donner une idée
des monuments auxquels ils appartenaient. On sait que les archi-
tectes de l'époque romaine, suivant en cela les traditions grecques,
avaient adopté des règles de proportion d'après lesquelles tout dans
rétagement d'un édifice dérivait d'un module, soit la moitié du dia-
mètre de la colonne. A l'aide d'un chapiteau qui donne à la fois le
module et le style on peut donc déterminer les hauteurs des sou-
bassements, des bases et des fûts de colonne et même la composi-
tion del'architrave.L'emploi du marbre pour les chapiteaux implique
généralement l'application des mêmes matériaux à toutes les parties
extérieures de la construction. C'est ainsi que l'étude de ces quel-
i Un bas-relief en marbre souvent décrit et dessiné, qui se trouve également au Musée
a été découvert sur le même emplacement, n représente la toilette d'une matrone. 1\ fai-
sait certainement partie d'un tombeau.
La butte factice au-dessous de laquelle s'élevait au moyen âge le château-fort de Lusi-
gnan recèle peut être encore des antiquités romaines. Un autre chapiteau de marbre qui
en a été extrait fait partie, dit-on, de la collection de M. Debeaux.
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-.87-
ques ffcOgments permet d'apprécier la richesse et jusqu'à un certain
pointes proportions des temples et des basiliques qui décoraient les
villes Nitiobriges embellies par les romains.
La nomenclature des menus objets appartenant à cette civilisation
m'entraînerait trop loin. On trouvera au musée des meules à bras
pour moudre le blé et des outils divers, un superbe dolium et des
amphores, des objets de toilette, fibules et agrafes, une série de
monnaies, etc. Je me contenterai d'appeler Tatlention seulement sur
quelques pièces.
M. Désalos, conseiller général, a fait exécuter des fouilles, il y a
quelques années, dans une de ises propriétés d'Aubiac, au lieu dit
La Gleiseite. Là, au milieu des ruines d'un établissement romain
auquel avait été superposé un oratoire chrétien,'il recueillit une figu-
rine de bronze qu'il a bien voulu laisser longtemps en ma possession
et qu'il m'autorise à donner au Musée d'Agen. C'est un petit cheval
aux formes élégantes, dont les yeux et la bride sont représentés
par des incrustations d'argent. Cet objet d'art est d'une rare perfec-
tion. Le port, la coupe de la crinière, l'ensemble du modelé rappel-
lent par quelques traits, mais bien en miniature, les chevaux sculptés
par Phidias sur la frise du Parthénon.*
Un bronze d'un intih^ôt plus grand encore et de la même époque
sera représenté dans le Musée par un moulage fort bien exécuté
jpar M. Dombrowski. C'est une ligresse qui surmontait la hampe
d'un étendard militaire. Cet objet, trouvé dans la commune de Penne,
fait partie de la collection de M. Lavergne, à Villeneuve-sur-Lot.'
I Ce bronze a été publié dans la Hevue des sociétés savantes^ 5* aérie, t. VI, p. 133.
Od en a exécuté un moulage pour le Musée de Saint-Germain.
9 U a été publié dans la première livraison de la Revtie archéologique, année 1879.
L*atlribution de cette pièce, proposée & la Société des antiquaires de France n'a été le
sujet d'aucune contestation. Cette tigresse, de même que le sanglier trouvé à Cahors, faisait
bien partie d'un étendard.
Le petit cheval, trouvé à Aubiac est dépourvu de socle et n'a pas le même caractère, n
ne paraît pas non plus être un ex-voto comme le magnifique cheval de bronze qui appar-
tient au Musée d'Orléans et qui flgurait à l'exposition rétrospective du Trocadéro. Cet
objet d'art rentrait donc dans la catégorie de ceux qui servent II la décoration des appar-
tements*
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Le hasard a fait découvrir il y a moins d'un an, un quaUièmc
p.îits funéraire sur le pîaleau de TErmilage. On y a constalé une
double sépulture de l'époque romaine. A plus de huit mètres de pro-
fondeur, au-dessus d'une rangée d'amphores contenant peut-être les
provisions des morts pour leur grand vi-yage, gisait un soldat, sans
doute un chef, enseveli çvec ses armes, une lance, un coutelas, un
casque.
Dans les couches qui occupaient le milieu du puits se rencon-
traient pôle-môle les débris du repas des funérailles, vases brisés,
ossements de bœufs et de moutons. Au nombre des têtes des ani-
maux sacrifiés — plus de vingt — on peut conjecturer qu'une véri-
table petite armée prit part à la cérémonie funèbre.
Le casque, en fer, relativement bien conservé, est d'un type fort
rare. Il a permis de reprendre à nouveau l'étude d'un exemplaire
jusqu'à ce jour unique qui avait été trouvé dans les fouilles d'Alise.*
Tous les visiteurs de l'Exposition universelle ont gardé le souve-
nir de l'étalage éblouissant des produits de la céramique moderne.
On réalise aujourd'hui des merveilles; la palette de nos artistes a su
jeter sur les faïences et sur les porcelaines autant d'éclat que le
soleil en donne aux fleurs. Que ces souvenirs ne vous rendent pas
injustes et distraits lorsque vous passerez devant une modeste
vitrine, où s'étaleront présentés avec artifice par leur meilleur côté
quelques tessons de poterie rougeàtre. Avant de vous demander
s'il valait bien la peine de recueillir ces débris, regardez et jugez.
La terre est fine, la teinte est douce à l'œil. Si le vase, hélas trop
fragile! n'est pas méconnaissable, éludiez en la forme presque tou-
jours exquise. L'ornementation, sans superposition de couleurs, ob-
tenue simplement par les creux et par les reliefs est sobre et \*ariée.
Elle reproduit en miniature des sujets empruntés à la faune et à la
flore, ainsi que des motifs géométriques.
< M. Al. Bertrand a bien voulu faire restaurer et monter par M. Maître le caaque trouvé
à TErmitage et il en a fait exécuter un fac-similé pour le Musée national de Saint-
Germain. L'original et le fac-similé ont été présentés à 1* Académie des InscripUons,
dans sa séance du 21 mars 1879. Voir le procès-verbal de cette séance dans le
Journal officiel du 25 mars. La prochaine livraison de la Hevue Archéologique contien-
dra un mémoire de M. Abel Maître, sur ce casque et sur celui d* Alise.
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On sera reconnaissant à M. Aunac, d'avoir obligeamment contri-
bué à Tacquisition de tous les objets Iro ivés dans le puits funéraire
de TErmitage, objets qui ont paru mériter les honneurs d'une
vitrine spéciale.
Cette poterie, dite de Samos, est fréquemment sigillée. Les spéci-
mens, répandus dans tous les Musées de l'Europe, ont fourni tout
un répertoire de noms de fabricants, la plupart grecs. Il parait cer-
tain qu'on était parvenu à en faire des contrefaçons ou imitations
(ians le pays môme.* Le secret de sa fabrication est perdu.
La civilisation romaine importée dans les Gaules eut sa décadence
qui dura quelques siècles et devança les invasions des barbares.
Tandis que la langue de Virgile et de Cicéron s'altérait, les principes
de Tarchitecture classique étaient oubliés. Tout se déformait jus-
qu'au jour où devaient naitre une langue nouvelle en même temps
qu'un art national.
Nous n'avons au Musée comme témoins de ces âges de transition
— du iv« siècle à l'an mille — qu'un petit nombre de débris. Et
cependant cette longue suite de six cents années a dû laisser dans
TAgenaîs bien des traces. Il est fort à souhaiter que les objets se
rapportant à cette période soient désormais recueillis avec soin et
viennent enrichir les collections de notre Musée.
< Les poteries de Montons (Tarn-et-Oaronne), rentrant dans cette catégorie, ont été sou*
vent décrites.
M. de Fontenilles a publié récemment une notice sur la découverte faite à Cahors du
fonr d*un potier qui fabriquait des terres dites de Samos. Des fouilles exécutées, il y a
deux ans, sur la Plateforme pour rétablissement d'un aqueduc tendant de TEvêché an
Palais de Justice ont mis au jour un établissement pareil que M. Marraud, juge de paix à
Agen, n*a pu reconnaître que d*une façon incomplète.
Depuis de longues années, notre excellent confrère, M. Marraud, n'a laissé passer aucune
occasion de surveUler, au point de vue archéologique, les fouilles entreprises dans le sol du
vieil Agen pour Texécution des travaux publics et des constructions privées. C'est à lui
que le Musée doit la miy^ure partie de la collection des terres de. Samos, ainsi qu'un
grand nombre d'antiquités.
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-90 -
Un curieux fragment qui faisait partie d'un édifice de la décadence
romaine, c'est une métope provenant de Sainte-Bazeille. On y voit
un personnage grossièrement sculpté attaché à une croix en forme
de X. C'est vraisemblablement le martyre de Saint André qu'on a
voulu représenter. Le cordon qui règne au-dessous de ce sujet est
composé de palmettes et de grecques d'un style barbare. Cette mé-
tope nous révèle l'existence, aux premiers âges du christianisme,
d'une basilique de grandes proportions.
Dn bas-relief trouvé à Eysses et qui figure un cheval au repos,
couvert d'une simple housse, appartenait également à un édifice
considérable. Mais il est difficile de décider si ce fragment date de la
période gauloise ou de l'ère de la décadence. Il importe de prendre
note de toutes les circonstances dans lesquelles se produit une dé-
couverte, sinon les objets d'une origine problématique perdent une
grande partie de leur intérêt.
Moyen-Age.— C'est au commencement de cette période qu'il faut
rapporter les trois sarcophages de marbre, en forme d'auge rectan-
gulaire, que possède le Musée. L'un d'eux est dépourvu de sculpture ;
les autres, qui ont été plusieurs fois décrits, sont ornés sur trois
faces. Une seule de ces tombes a conservé son couvercle, qui est
tectiforme et décoré par des imbrications
Il existe, en France, peu de Musées qui ne possèdent des vitrines
pleines de poteries, d'armes, d'objets de toilette, de monnaies appar-
tenant aux époques mérovingienne et carolingienne. Nous sommes
encore très pauvres sous ce rapport. Les quelques objets qui datent
de ce temps sont assez bien classés pour fixer l'attention des
visiteurs.
La période romane — de l'an mille au milieu du XIII« siècle — est
représentée par quelques chapiteaux qui proviennent du cloitre de
Saint-Caprais et qui ont été donnés par M. le docteur Amblard. Ce
sont autant de compositions. D'ailleurs la variété des types est la loi
adoptée pour l'ornementation au Moyen-Age. Telle église, où Ton
compte des centaines de chapiteaux, fournit autant de modèles diffé*
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— 9i —
renls donl la dissemblance ne nuit pas cependant «^ Tunité du style
de rédifice. En effet, chacune de ces pièces porte le caractère de
l'époque et peut être approximativement datée par un archéologue.
On a fait souvent la comparaison à tous les points de vue des types
immuables de Tarchitecture classique avec les monuments créés par
les écoles fécondes et changeantes du Moyen-Age. C'est une grande
querelle qu'il serait inutile de ressusciter à propos d'un petit nombre
de sculptures échouées au Musée d'Agen. Cependant je tenais à dire
la raison pour laquelle nous désirons réunir de nombreux spécimens
des sculptures du Moyen-Age. Ces œuvres originales ont leur mérite
à part. Le plus souvent elles accusent, môme quand leur exécution
est grossière, la science des proportions architecturales ; elles témoi-
gnent toujours de l'esprit d'émulation et de recherche de nos anciens
constructeurs et des ressources qu'ils déployaient pour la mise en
œuvre. Les architectes contemporains, qui adoptent trop facilement,
contre l'usage, des types uniformes pour leurs restaurations ou leurs
constructions dans lesstyles du Moyen- Age, pourront un jour trouver
au Musée d'excellents sujets d'études.
Le cloître des Augustins d'Agen, qui s'élevait sur l'emplacement
du Couvent des Filles-de-Marie , était décoré de colonnes géminées
aux chapiteaux de marbre, ornés de personnages grotesques^ d'ani-
maux fantastiques et de feuilles aux formes tourmentées dans le
style gothique du xiv« ou du xv« siècle. Quelques-uns de ces chapi-
teaux ont été conservés dans l'ancien fonds du Musée.
Nous espérons posséder avant peu une belle collection de chapi-
teaux, de modillons, de fragments de cordons des périodes romane
et gothique.
Au moment où j'écris ces lignes on n'a pas encore pu mettre en
place une curieuse cheminée qui remonte à la fln de la période
romane. Des colonnettes engagées forment les supports. Le manteau,
décoré de diverses moulures, est semi-circulaire. On aura à réta-
blir la gaine de forme conique. Les cheminées de cette époque sont
fort rares en France. C'est à peine si l'on en cite quelques-unes à
La Réole, à Vézelay, à Cluny. Ce petit monument a été donné au
Musée par M. Rivais.
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Le tombeau qui provient du château de Lafoxet qui a été donné
par M. le conte de Turenne , est un vcrilaWe monument. Deux gi-
sants, un seigneur de Durfort et sa femme, l'un et Tautre à peu près
de grandeur naturelle, reposent sur une banquette de forme qua-
drangulaire , évidée à Fintérieur , décorée sur toutes ses faces
d'arcatures qui abritent, à la façon des niches, une théorie d'apôtres
et de saints. Ces personnages à la pose raide, aux formes hiérati-
ques, sont sculptés en demi-relief et bien inférieurs comme exécu-
tion aux figures des défunts dont les costumes et les armoiries
mériteraient une description spéciale.
Ce monument est bâti en pierre commune perforée de vacuoles.
Il a été fort habilement rejointoyé et les mutilations quUla subies
autrefois sont peu apparentes.
Une piela placée primitivement à l'intérieur du cénotaphç où elle
était presque invisible, en a été retirée pour occuper une place indé-
pendante et plus en vue.
Le tombeau de Lafox date de la fin du xiv» siècle ou du commen-
cement du XY».*
Une crosse en bronze du xiv« siècle, dorée, émaillée, bordée de
fleurons, est le seul objet qui représente Torfèvrerie du Moyen-Age.
Cette crosse a été tirée du tombeau d'un évêque d'Agen dans l'an-
cienne cathédrale de Saint-Etienne.
Renaiêsance. — Parmi les rares fragments de l'Eglise de Saint-
Etienne qui ont été conservés figurent quelques cartouches dont plu-
sieurs portent les armes des La Rovère. Cette sculpture sur pierre
tendre est d'une finesse extrême. Elle a beaucoup souffert du temps
ou plutôt elle a été détériorée dans une série de transports exécutés
sans précautions.
I C'est le plus beau monument funéraire qui existe dans le Lotret-Garonne.
Dans la dernière livraison du Bulletin monumental (187d, p. 800) on a reproduit un
tombeau presque pareil, celui du connétable de Clisson et de Marguerite de Eoban, boq
épouse.
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-93-,
Les monuments de la Renaissance sont rares dans le pays. Le plus
intéressant est le local même du Musée, l'ancien hôtel de Vaurs, dont
la description a été donnée dans une des précédentes livraisons de la
Revue.
Dn objet d'art de la Renaissance, d'un prix inestimable, se recom-
mande à l'attention. C'est un plat rustique sorti des fabriques de notre
célèbre compatriote, Bernard Palissy. Ses dimensions sont grandes
et sa conservation est parfaite. Des couleuvres, des écrevisses, des
grenouilles admirablement modelées, figurent parmi les motifs appli-
qués à sa décoration.
G. THOLIiN.
Nous détachons d'une étude littéraire publiée dans la Revue des
Deuj^'Mondes par M. Emile Montégut, une page qui méritait d'être
recueillie. M. Charles de Mazade, qui est un peu Agenais, comme
on le verra, y esquisse sa biographie d'une main délicate et avec
une modestie rare. Nous espérons, avec M. Montégut, que les portes
de l'Académie française ne tarderont pas à s'ouvrir à un écrivain
d'un. caractère élevé, d'un talent sincère, qui n'aima jamais le bruit,
— à un parfait galant homme.
« Mon histoire n'est guère compliquée, c'est l'histoire d'un homme
de travail. Tout ce que je puis vous dire, c'est que ma famille a
toujours eu quelques considérations dans le Midi. Mon grand-père
avait été de la convention pour la Hâute-Garonnje. Mon père était
un magistrat de la vieille roche, de la haute tradition, qui a laissé
des souvenirs d'honneur dans le pays ; c'était l'intégrité même dans
la douceur. 11 avait été procureur du roi à Castelsarrazin, où je
suis né; il est mort président à Mcissac après 1830. Je m'en souviens
à peine. Détail singulier, mon père avait été, après 1815, à Castel-
sarrazin, le protecteur de M. Troplong, qui n'était alors qu'un petit
maitre d'études, et il avait contribué à faire sortir de là le futur pré-
sident de la Cour de Cassation et du Sénat. Ma mère était aussi la
fille d'un magistrat, qui avait été de la première assemblée législa-
tive, puis président de la Cour criminelle à Auch, puis conseiller à
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- 9i —
Agen. C'était une femme de grande et simple vertu, très pieuse et
très tendre. Veuve jeune encore, elle m'a élevé par la confiance et
Taffection plus qu'autrement Elle m'a laissé des traces indélébiles.
(Je l'ai perdue, il y a déjà vingt-cinq ans. Elle est morte à Flamarens
Gers), où je garde encore la modeste maison de famille.
« C'est là que j'ai vécu et que j'ai grandi, mon pauvre ami, devant
beaucoup à ma mère. J'avais commencé mon droit ù Toulouse, très
jeune, vers 1840. C'est après cette date que je suis venu à Paris, où
je me suis trouvé seul chargé de ma petite destinée, cherchant peu
les protections. J'avais écrit vers 1843 ou 44 quelques articles ù la
Presse. Sainte-Beuve que j'avais rencontré par hasard, me tira de là
et m'appela à la Revue. Il n'y eut pas dix paroles échangées en^re
nulot et moi pour mon^entrée, et depuis vous savez l'histoire; nous
avons presque toujours vécu côté à côté, » Ad. M.
11 a été lu à l'Académie des Inscriptions (séance du 10 janvier), un
mémoire de M. Reullet , sur un savant peu connu, bien que de
grand mérite, à qui Montaigne, — qui se fit son traducteur et qui ,
« l'accoustra à la Françoise,avec quelque traict etply deGascoigne »—
a consacré tout un chapitre de ses essais (ch. XII du L. IL) C'est
Raymond de Sebond ou de Sebonde, qu'on a appelé aussi parfois
Sabaude, Sebeyde, Sebind et Sebinde, auteur de la Théologie natu-
relle (Theologia naturalis. Sive liber creaturarumy specialiter de
homine et de nalura ejus. Daventriœ per Richardum Paffroid , in-
fol. imprimé vers 1484). Un juge très autorisé, M. Haurcau a fait
l'éloge de ce travail qui éclaire, sur certains points, la vie de cet
« inconnu célèbre, » comme, l'appelle M. Reullet. Sebond était-il
espagnol et originaire de Barcelone ? Rien n'est moins prouvé. Au
contraire, un manuscrit de Toulouse , qui présente toutes les garan-
ties d'authenticité, atteste que, sous le vocable latinisé de Sebonde,
il faut reconnaître un nom français altéré.
Notre ami, M. le docteur Noulet, qui s'est occupé do cet auteur
[Mémoires de VAcad, des sciences de Toulome, 5« série, T. T., p. 290),
s'il ne fournit aucun document nouveau sur son ûge et sa nationa-
lité, donne, du moins, d'après un bel exemplaire manuscrit de la
Theologia, que possède la bibliothèque publique de la ville de Tou-
louse , la date de sa mort, qui arriva le 29 avril 1436. Une note
placée à la fin de ce précieux exemplaire apprend qu'un notaire de
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- 95-
celte ville, Déranger d'Ouvrier (B. Operarii) retint pour lui une copie
exactement collationnée de la la Théologie naturelle de Raymond
Sibiude (tel est peut-ôtre le vrai nom, dont la physionomie est évi-
demment française), maître en théologie, és-arts et en médecine, —
copie tirée d'un manuscrit tracé par la main de l'auteur lui-même.
H. Reullet incline h faire de son héros un Toulousain, mais il ne
réussit guère qu'à détruire les conjectures relatives à son origine
prétendue espagnole.
Quant aux œuvres de Raymond, on peut tenir pour certain que de
toutes celles qu'on lui attribue, une seule, le Livre des CréatureSr^ui
appartient réellement. C'est un traité de philosophie religieuse, comme
il y en avajt déjà à celte époque et comme il s'en fera tçujours, la
raison tendant naturellement à s'immiscer dans les choses de la Foi.
Une particularité remarquable, c'est la classification adoptée* dans ce
livre pour l'universalité des créatures. Sebondela représente sous la
forme d'une échelle graduée dont le premier échelon comprend ce
qui est; le second, ce qui.est et vit; le troisième, ce qui estj vit et
sent; le quatrième, ce qui est, vit, sent et juge ou apprécie à son
gré. Voilà la division quaternaire des êtres, formulée en termes brefs
et précis dès le xv* siècle. On n'est pas plus avancé de nos jours,
A». If.
Notre collaborateur et ami, M. Tamizey de Larroque, vient d'être
nommé chevalier de la Légion d*honneur. Cette distinction si
méritée a été proclamée en Sorbonne, lui absent, dans la séance
du 19, consacrée à la distribution des récompenses aux membres
des sociétés savantes. Elle arrive tard, mais on peut dire qu'elle
n*en est que mieux justifiée.
L'activité de notre éminent compatriote est de celles que rien ne
lasse. Puisse- t-il n'être point découragé par un irréparable malheur!
Le plus jeune de ses enfants, une ravissante fillette de six ans à
psine, lui a été enlevée en deux jours par une pneumonie. La nou-
velle de son admission dans l'ordre de la Légion d'honneur l'a
trouvé mêlant ses larmes à celles de tous les siens , cruellement
désolé, à jamais inconsolable comme eux. La vie est pleine de con-
trastes, surtout la sienne. Quand lui arriva, il y a deux ans, la
dépêche par laquelle on l'informait de son entrée à l'Institut , il
venait de rendre les derniers devoirs à la dépouille de son vieux
père. U serait à souhaiter vraiment que la distinction dont on vient
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de l'honorer fût la dernière, s'il en devait payer de nouvelles au prix
de si durs sacrifices.
M. Tamizey puisera dans sa douleur la nécessité d'une diversion
salulaire à lui-môme et utile à tous. Il poursuivra résolument la pu*
blication de la Correspondance de Chapelain (3 vol. in-4' des Docii-
menls inédits), et commencera sans perdre de temps celle dont
M. de Wailly entretenait, il y a deux mois, TAcadérale des Inscrip-?
tions. Il s'agit des lettres d'un érudit que Bayle, qui s'y connais-
sait, appelait le Procureur général de la littérature, A. Fabri de
Peiresc. Tout le monde sait ce que fut cet homme, ce voyageur, ce
curieux infatigable, ce Mécène dont la fortune servait aux recher-
ches des savants dans tous les pays de l'Europe , dont la science et
le goût les éclairaient , qui fit avec Gassendi des observations astro-
nomiques et forma des collections de médailles , d'inscriptions ,
d'objets d'art, restées célèbres, qui « fit découvrir » les carrières de
Paros et importa, entre autres végétaux aussi nouveaux que char-
mants, le jasmin, le lilas de Perse , le myrlhe à fleurs doubles et
le laurier-rose. Ad. M.
Le Gérant ,
Ad. VAGEV.
AGElf ~ laPRlMEll» FERXAirD LAM
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RÉVOLUTIONS ANDORRANES.
HISTOIRE D'UNE MAISON DE JEU.
i^ Bulte et am ^
IV
La vigilance et le sang-froid d'Arnalot, venaient de sauver les Val-
lées d'un danger dont le viguier épiscopal, trop discret pour en par-
ler ik personne, comprenait néanmoins rétendue et la gravité. En cas
de succès, rémeute payée par les actionnaires du casino, leur livrait
pour longtemps le pays pieds et poings liés. Par le baron et la
baronne de Senaller, ils s'assuraient Finfluence spirituelle et tempo-
relle de révéque d'Urgel. Ils comptaient bien faire révoquer Arnalot,
et le remplacer par un viguier de leur choix. Ce magistrat aurait
donc été complètement à leur dévotion, de môme que le bailli qu'il
a le droit de désigner. Le viguier français, étranger-aux Vallées, n'y
•peut faire que de rares et courtes apparitions. Son collègue jouis-
sant, en l'absence de notre représentant, de la plénitude de Tauto-
rité, la Compagnie se trouvait ainsi, par le fait, maîtresse de la
justice civile eticriminelle, et du commandement militaire. Par le
baron, qu'ils comptaient brider en lui imposant deux syndics triés
sur le volet, les croupiers dominaient aussi le Conseil général. Mal-
gré l'honnêteté profonde de M. le vicomte de Foix, ils se croyaient
garantis, du côté de la France, par de secrets et puissants protec-
teurs; et leurs aboutissants auprès des gazettes de toutes los cou-
leurs, leur permettaient d'influencer à leur gré l'opinion publique,
ea deçà et au-delà des Pyrénées.
La baronne de Senaller et son mari, qui était allé la rejoindre à la
Seu d'Urgel, ne pouvaient pardonner à Arnalot d'avoir ainsi déjoué,
ToMB VI — 1979.
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à rîmproviste, une combinaison si habilement arlisée, et dont ils se
préparaient à profiter largement. Le lendemain même de l'installa-
tion des nouveaux syndics, le viguier épiscopal reçut de la Seû avis
qu'il était suspendu de ses fonctions. A cet acte de rigueur, il répon-
dit aussitôt par sa démission. Le prélat lui donna pour successeur
Don Père Dallerés, d'Andorra-Vieilla (14 juin), dont le Conseil géné-
ral fut invité à recevoir le serment.
Cet acte d'autorité ne dépassait pas assurément les pouvoirs de
M»' Caixal y Estrade; mais, en usant de son droit, il commit, h mon
avis, une véritable faute. Certes, si les Andorrans se 'refusaient à
installer le viguier français, notre gouvernement n'hésiterait pas, je
suppose, h faire immédiatement entrer en Andorre, par le port de
rilospitalet, les douaniers et les gendarmes à pied, appuyés d'une
compagnie de fantassins. Mais révoque ne dispose pas directement
d'un soldat, pour faire valoir des prérogatives aussi légitimes que
les nôtres ; et si le gouvernement espagnol lui refuse son concours,
ce prélat se trouve réduit à l'impuissance.
Voilà ce que M«' Caixal y Estrade, et son neveu, chanoine du cha-
pitre de la Seû d'Urgel, auraient dû prévoir avant d'agir. Ils auraient
dû surtout ne pas accepter sans examen, de la main de Don
Guilhem, le nouveau viguier Père Dallerés, dont les adversaires de
révoque redoutaient l'audace et la violence.
Arnalot avait résigné ses fonctions avec un calme parfait; mais le
Conseil général, mécontent du choix de Dallerés, refusa de recevoir
le serment que tout viguier doit prêterdevant l'assembléeavant d'entrer
en fonctions. 11 -chargea le bailli Ermengol d'exercer jusqu'à nouvel
ordre les fonctions dont il voulait écarter l'élu de l'évêque, et tout ,
sembla rentrer dans Tordre. On était alors en été, et, durant cette
saison, les chaleurs sont souvent suffocantes en Andorre, surtout
dans la région inférieure de cette étroite et profonde Vallée. Les pau-
vres gens gardaient les troupeaux sur la montagne; les riches
péchaient le matin des truites dans le Valira, en fumant des ciga-
rettes, et faisaient la sieste dans l'après-midi. Mais ce calme n'était
qu'apparent. Le vicomte de Foix jugea prudent de passer les ports,
et de s'éclairer par lui-même sur la situation du pays. Les autorités
andorranes lui déclarèrent qu'elles persistaient à repousser Don
Père Dallerés comme viguier, mais qu'elles accepteraient volontiers
tel homme honnête et prudent qu'il plairait à l'évêque de choisir.
Bon nombre d'habitants désiraient, dit-on, le senor Calvo, du village
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- 99-
de Saldeû (paroisse de Canillo), descendant du fameux Calvo, qui
défendit, sojs Louis XIV, la ville de Maëstriclit contre Guillaume
d'Orange. Dans Tespoir d'apaiser ce débat, le vicomte de Foix partit
pour la Seii d'Urgel; mais l'évoque était absent depuis un mois, et
noire représentant ne put s'aboucber qu'avec le vicaire général Don
Agostin Codina, qui n'osa rien prendre sur lui. Force fut donc au
viguier français de retourner en Andorre , d'où il partit peu de
temps après, avec promesse de revenir au mois de septembre, et
même plus tôt si les circonstances Texigeaient.
A peine le viguier français avait-il franchi les ports, que les pas-
sions politiques, contenues par sa présence, se réveillèrent avec une
incroyable ardeur. Le premier syndic Nicolas Duedra, ne sachant à
quel saint se vouer, convoqua le Conseil général pour le 19 août, et
donna ordre aux consuls des six paroisses d'envoyer le plus de
miliciens qu'ils pourraient pour protéger l'assemblée. Ce déploiement
de forces était une grande faute. En cherchant à grossir outre
mesure la garde ordinaire qui suffisait, le syndic général confessait
publiquement les craintes dont il élait obsédé. Si tous les miliciens
répondaient à l'appel, les adversaires armés se trouvaient mis en
présence, et il pouvait arriver des malheui^. Si au contraire les par-
tisans du Conseil général venaient seuls, l'autorité voyait ses ordres
méconnus par bon nombre d'habitants, et il y avait lieu de redouter
des violences contre Père Dallerès, et ceux de ses adhérents qui
demeuraient à Aadorra-Vieilla.
Les partisans de l'évêque refusèrent de marcher; mais ceux de
Duedra s'empressèrent d'obéir. Le Conseil général, assemblé dans la
. Maison des Vallées, décida qu'une commission senit envoyée à la
Seû d'Urgel, pour assurer l'évoque du rcsp?ct et du dévoûment des
Andorrans, et le prier de remplacer Père Dallerès par un personnage
sympathique aux autorités. Nicolas Duedra, syndic-général. Père
Casado (de Canillo), et Père Palmiljavila, conseillers généraux, furent
désignés pour faire le voyage.
Pendant cette délibération, un grand nombre de miliciens s'étaient
portés devant la maison de Dallerès, sans que nul syndic ni conseil-
ler essayât de les arrêter. De la rue, ils criaient au viguier de l'évê-
que de sortir, ou de se montrer à la fenêtre, et proféraient des
menaces de mort. Mais la porte et les contrevents étaient soigneuse-
ment fermés. Il régnait dans la maison un silence inquiétant. Dallerès
s'était barricadé chez lui, avec sept de ses partisans arm.'sde trom-
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-100-
blons bourrés de chevrotines jusqu'à la gueule. Les braillards, qui ne
rignoraient pas, s'abstinrent prudemment de tenter un assaut. On dit
qu'ils voulaient mettre le feu à la maison, et qu'ils renoncèrent à ce
projet par crainte de compromettre les habitations voisines. Dallerès
avait en effet chez lui une bonne provision de poudre, dont l'explo-
sion pouvait faire sauter tout le quartier. Les miliciens s'en tinrent
donc aux vociférations, et le soir même ils regagnèrent leurs parois-
ses respectives avec les conseillers généraux.
Les trois commissaires chargés de se rendre à la Seû d'Urgel, par-
tirent le 20 août, et se présentèrent le môme jour devant révoque,
qui les reçut comme des rebelles. Après cinq minutes d'audience, ce
prélat, qui s'était déjà concerté avec le commandant de la garnison
espagnole, déclara à Duedra et à ses deux compagnons qu'ils étaient
ses prisonniers, et ordonna de les conduire, à la citadelle. Le
lendemain, il prononçait la dissolution du Conseil général, et en
informait aussitôt l'assemblée.
A cette ncTuvelle, les autorités andorranes commandèrent à tous
les hommes valides de prendre les armes jusqu'à nouvel ordre, et
dépêchèrent immédiatement des commissaires à Foix, afin d'infor-
mer de tout le préfet de l'Ariége, et le supplier de néclamcr pour les
Vallées la protection de l'empereur.
Peu de jours avant l'arrestation de Duedra et de ses deux compa -
gnons, le gouverneur militaire de la Seû ignorait profondément les
droits des évêques d'Urgel sur les Vallées. Un chanoine, désigné à
cet effet, se chargea de Tédifier là-dessus. Il étala d'abord devant lui
la Marca Hispanica de Pierre de Marca, et trois volumes du Viaje
literario las Iglesias de Espana de Villanueva. Il lui prouva victo-
rieusement que les droits de l'évêque étaient écrits, en toutes lettres,
dans l'acte de consécration de Téglise d'Urgel, daté de 819 d'après
Baluze, et de 841 d'après d'autres paléographes dont l'opinion n'est
pas méprisable. Ce brave guerrier fut largement régalé de diplômes
carlovingiens. de vieilles bulles pontiflcales, sans oublier* le testa-
ment de saint Ermengol et celui de la comtesse Ermessende. Durant
ces longs mais indispensables préliminaires, le gouverneur n'ouvrit
la bouche que peur fumer un grand nombre de cigarettes, et vider à
petits coups une bouteille de Xérès amontillado. Le chanoine, satis-
fait de ce premier succès, se disposait à serrer la question de plus
près, et déployait le vieux manuscrit latin des paréages de 1278;
mais son auditeur déclara qu'il était parfaitement éclairé par ce qu'il
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- 101 -
venait d'entendre, et offrit de mettre immédiatement cent hommes
à la disposition de Tévéque,
Dans la matinée du 91 août, M*' Caixal y Estrade, qui venait d'être
informé que rien de grave ne s'était encore passé dans les Vallées,
pria le gouverneur de retarder le départ des soldats. Les nouvelles
du soir étant moins rassurantes, il réclama le secours promis; mais
te gouverneur, qui avait réfléchi dans l'intervalle, craignait de se
compromettre. Il répondit à l'évoque qu'il se souvenait de la parole
donnée, mais qu'il n'avait entendu fournir les cent hommes que pour
éto jffer la guerre civile, si elle éclatait dans les Vallées.
L'évêque insista, le gouverneur persista, et ils se séparèrent à peu
près brouillés. Réduit à ne compter que sur ses propres forces, le prélat
expédia à Père Dallerès l'ordre de happer les principaux agitateurs,
et de les conduire, sous bonne escorte, h la citadelle de la Seu
d'Orgel. Le viguier épiscopal ne se le fit pas dire deux fois. Il leva
immédiatement une bande d'hommes armés de fusils et de trem-
blons, et arrêta Anton Dallerès^ jpharmacien d'Andorra-Vieilla et
membre du Conseil général, et Francisco Maeslre, clerc de notaire
et frère d'Anton Maestro. Le 22 août, les deux prisonniers furent
dirigés de grand matin vers la Scû, sous la garde de soixante
hommes résolus, car il fallait traverser San-Julia, où le Conseil géné-
ral comptait de nombreux partisans, qui pouvaient tenter de délivrer
les captifs. Mais les gens de San-Julia ne bougèrent pas. Père
Dallerès et les siens arrivèrent Jusqu'à la Farga de Moles, où se
trouve la baraque des douaniers espagnols , lesquels gagnaient tran-
quillement l'argent de la reine Isabelle II, qui ù jouer aux cartes, qui
à pêcher des truites dans le Valira, qui à é'cosser pour sa femme des
fèves tendres ou des pois verts. Le chef du poste permit aux
Andorrans d'entrer avec leurs armes sur le territoire espagnol ;
ma's le viguier de l'évoque congédia quelques hommes, et arriva à la
Seû avec les deux prisonniers et le reste de ses partisans.
Cependant le syndic général Nicolas Duodra ne pouvait se conso-
ler d'avoir été fourré dans la citadelle de la Seu. Dans sa douleur,
il regrettait de ne plus errer, avec ses troupeaux, sur les montagnes
de Canillo , à l'instar des bergers de Théocrite et de Virgile. La cita-
delle espagnole résonnait de sa voix plaintive. Il envoyait la politi-
que h tous les diables : il pensait ù sa famille éploréc, à Voila
podrUla releyée Ae poivre et de safran, qui fume pour le repas du
soir. Un jeune sergent, ami des farces lugubres, lui avait appri$.
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— 102 —
avec toutes sortes de ménagements, que la reine Isabelle II, plus
que jamais dominée par la sœur Patrocinio, venait de rétablir depuis
deux jours l'odieux tribunal de Tlnquisition. Duedra se voyait déjà
révolu du SanBenito à flammes droites, et coiffé d'un grand bonnet
pointu de papier jaune semé de diablotins griffus et cornus, dont les
queues frétillaient d'allégresse. Le peuple fanatisé ondulait autour
du bûcher devant la cathédrale ; et les galants séminaristes de la
Seu offraient des sirops aux dévotes, pendant que Torphéon du
Saint-Office entonnait le Dies irœ en faux bourdon.
Cette plaisanterie de corps-de-garde n'avait obtenu aucun succès
auprès des compagnons de Duedra, qui néanmoins se montraient
fort impatients de recouvrer leur liberté. Le gouverneur, harassi
de leurs réclamations, et craignant d'ailleurs de se compromettre
par sa persistance à les retenir captifs, leur permit (Je sortir sous
caution, et leur donna pour prison la ville de la Seû. Duedra, Casado,
et Palmltjavila sortaient de la citadelle à dix heures du soir, juste au
moment où l'on y conduisait Francisco Maestre et le pharmacien
Dallerès, qui attendaient depuis loiffelemps le résultat des pourpar-
lers entre l'évoque et le commandant. Les prisonniers amenés par
ordre du viguier, obtinrent bientôt la môme faveur que le syndic
général et ses compagnons.
On comprend de reste que pendant que cela se passait à la Seîi,
l'Andorre ne devait pas être tranquille. Le Conseil général avait
dépêché de nouveaux commissaires au préfet de l'Ariége, qui se
rencontrèrent à Foix avec ceux qui s'y étaient rendus quelques
joui's auparavant. Le préfet ne montrait aucun empressement à se
prononcer. En conséquence, les délégués des Vallées désignèrent
aussitôt qnelqucs-uns d'entre eux qui partirent pour Paris, afin d'y
solliciter et activer, en ftiveur du Conseil général, l'intervention du
gouvernement français. Les autres retournèrent dans les Vallées, où.
ils trouvèr<3nt leurs amis fort peu rassurés. Les pessimistes disaient
que l'évéque avait ordonné de nouvelles arrestations, et que Père
Dallerès s'emparerait, une nuit ou l'autre, de ses principaux enne-
mis, pour les conduire, comme Francisco Maestre et le pharmacien,
à la citadelle de la Seû. Les optimistes affirmaient au contraire que
l'on avait de bonnes nouvelles de France, et que sous peu Tévêque
aurait à compter de clerc h maître avec notre gouvernement. Néan-
moins, les chefs du parti anti-épiscopal ne se fiaient pas à ces assu-
rances. Plusieurs avaient quitté les Vallées. Les autres partaient
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— 103 —
chaque soir pour la montagne avec leurs amis armés, et s'en allaient
dormir au loin dans quelque cabane de bergers.
Cependant les commissaires envoyés à Paris n'avaient pas perdu
leur temps. Le gouvernement avait télégraphié à l'ambassadeur.
de France à Madrid de réclamer du ministère espagnol la mise en
liberté des prisonnières de la Seû, qui avaient été immédiatement
élargis, et étaient revenus en Andorre Ce retour donna à penser
aux partisans de Tévèque, et calma quelque peu les craintes des
chefs du mouvement, qui reprirent le chemin des Vallées, et redou-
tèrent un peu moins d'être arrêtés chaque nuit dans leurs maisons.
Père Dallcrès ne perdait pourtant pas courage. Dans toutes les
paroisses, il avait fait parvenir h ses adhérents des exemplaires de
Tordonnance de révoque qui dissolvait le Conseil général. Les deux
factions se chansonnaient réciproquement. On échangeait, en atten-
dant mieux, des épigrammes, des épithètes et des coups de trique.
Pour se mettre à Fabri d'un coup de main nocturne, Père Dallerès
avait laissé sa famille à Andorra-Vieilla, et était allé se fixer aux
Escaldas, où la plupart des habitants, guidés par leurs préférences
naturelles, ou alléchés par l'espoir de rétablissement du casino,
s'étaient déclarés très haut en faveur de l'évoque. Par une obscure
nuit de septembre, la fille de Dallerès, qui était sur le point d'accou-
cher, s'était mise au lit ainsi que quelques autres personnes de sa
famille. Les contrevents étaient ouverts, et la lumière brûlait
encore. Tout-à-coup, et du môme point, partent à la fois des coups
de feu. Six balles cassent les vitres et viennent se loger dans l'al-
côve de la fille du viguier, et dans la chambre d'une autre personne
de sa famille. Tout mauvais cas étant reniable, les partisans du
Conseil général accusèrent naturellement Perc Dallerès d'avoir
ordonné cette tragi-comédie, pour en jeter l'odieux sur ses ennemis.
Mais to'.ites les apparences condamnent cott'î supposition, qui ne
trouva guère de crédit que parmi les intéressés.
Durant les nuitsqui suivirent cette lâche agression, dont on ne s'in-
quiéta pas assez de rechercher les auteurs, quelques amis de Perc
Dallerès firent bonne garde autour de la maison habitée par la
famille du viguier, pendant que d'autres se rendaient îi la Seû, et
mettaient les six balles sous les yeux de l'évoque, comme preuve de
Faltei.tat. Réduit h l'impuissance matérielle, faute de troupes, le
prélat eut recours aux peines ecclésiastiques. Il ordonna au curé et
au vicaire de la paroisse d'A"dorra-Vieilla de quitter leur résidence
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- i04 -
et d'enlever, avant leur départ, la réserve ou hostie consacrée que
Ton conserve habituellement dans les tabernacles. A peu près en
même temps (15 septembre) U^ Caixal y Estrade adressait à tous les
curés des Vallées une lettre pastorale, insérée dans le iv 67 du
Boletin oficictl ecclesiasHco del Oblspado de Urgel de 1868. Il y
rappelait aux Andorrans Taccueil enthousiaste qu'il avait reçu dans
les Vallées en 1853, expliquait historiquement Torigine de ses pou-
voirs., et reprochait aux gens des Vallées d'avoir bien vite oublié que
c'était à lui qu'ils devaient la conservation de leurs privilèges,
naguère menacés par les douaniers de la Seû.
« Popule mei(s^ disait-il, quid feci tibi^ aut in quo contristavi te ?
Responde mihi. . . Il y a dans TAndorre des gens qui ne veulent pas
des autorités par nous constituées, et qui disent avec une fureur
satanique : Nolumus hune regnare supernos^ Luc,-xrx, i4,.,..
Pensent-ils que le magnanime Empereur des Français. . . veuille se
rabaisser jusqu'fi se faire le complice de ces révoltés?. . Convertis-
tissez-vous à Dieu , humiliez-vous devant votre Prélat-Souverain.
{Prélat- Princep), reconnaissant et demandant pardon de vos fautes
à celui qui n'a éprouvé de ressentiment contre aucun rebelle... Et
vous, Très Chers Fils, qui êtes demeurés fidèles parmi toutes les
séductions et les fureurs de vos adversaires qui sont les nôtres
soyez bénis du Seigneur, et que ses yeux se reposent sur vous avec
miséricorde. »
Cette lettre pastorale ne fit pas renaître le calme dans les Vallées,
et surtout à San-Julia, paroisse qui, je Tai déjà dit, confine h
TEspagne, où la reine Isabelle II venait d'être renversée du trône.
La nouvelle de cet événement avait été accueillie avec enthousiasme
par les libéraux du village, qui résolurent à l'unanimité d'appuyer le
gouvernement du général Prim par ujia manifestacton. Les rafraî-
chissements furent commandés d'avance dans un café, où l'on devait
se réunir le dimanche 11 octobre, à sept heures du soir, pour y
chanter, après boire, des himnos patrioticos y eanciones libérales.
La présidence de l'assemblée fut dévolue sans conteste à un citoyen,
qui dès longtemps avait renoncé à la darreta catalane, pour se coif-
fer d'un gigantesque chapeau noir, signe jusqu'alors respecté de sps
opinions radicales et de son autorité politique. On entonnait pour la
cinquième fois l'hymne de Riego, quand la porte du café, brusque-
ment enfoncée d'un maitre coup de pied, livra passage à une ving-
taine;.de fadrins (jeunes gens) de la haute montagne. Ces robustes
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gaillards signifièrent aux libéraux que leurs chansons les agaçaient,
et les invitèrent à profiter du clair de la lune, pour aller dehors
régler amiablement, ù coups de couteaux, leurs dissentiments poli-
tiques.
Le président de la réunion prit la parole, pour démontrer tout ce
que ce jeu cruel avait d'incompatible avec les progrès de la civilisa-
tion et de rhumaiîité. On commençait h Técouter, quand un coup de
poing, lancé d'une main sûre, lui renfonça son fameux chapeau noir
jusqu'au cou. Ce fut le signal d'une courte mais effroyable mêlée.
Malgré l'évidence de leur droit et la supi^riorité de leurs principes et
leur nombre, les progressistes, rossés à plate couture, furent expul-
sés de la salle, et laissèrent au pouvoir de Tenhemi, comme dépouil-
les opimes. trois barretas et le chapeau du président.
Les vainqueurs s'attablèrent sans façon, devant le festin payé
d'avance et ù peine entamé par les fuyards : et bientôt les voûtes du
café, qui tout à l'heure résonnaient de Thymne profane de Riego,
retentirent de l'harmonie sacrée des vêpres et des cantiques. Cepen-
dant les progressistes allaient porter leurs doléances au consul ma-
jeur de San-Julia, qui tenait pour le Conseil général. Vu les nez en-
sanglantés et les yeux pochés des plaignants, ce prudent magistrat
ne jugea pas opportun d'intervenir sur le champ. Il fit convoquer à
loisir une troupe d'hommes armés, et ne se hasarda que vers minuit
à pénétrer dans le café, pour reprocher aux fadrins leur conduite un
peu folâtre, et les avertir poliment qu'il était temps d'aller se cou-
cher. Les montagnards, que la vue des carabines et des tremblons
de la garde consulaire commençait à exaspérer, se laissèrent pren-
dre à cette parole dorée. Tls prièrent le consul et ses hommes de
donner l'exemple de la retraite, et ils regagnèrent leurs hameaux,
pour y dormir de ce sommeil tranquille, que procure à tout honnête
homme la satisfaction de rosser les gens qu'il hait, et de banqueter
à leurs dépens
Peu de temps après cette bagarre, les gens de San-Julia ayant eu
dispute avec un sujet espagnol qui résidait dans ce village, les auto-
rités reçurent l'avis officiel (19 octobre) que les VaUées demeure-
raient bloquées jusqu'à nouvel ordre, et que les carahineros s'oppo-
seraient désormais à l'entrée et à la sortie des gens, des troupeaux
et des marchandises.
Quatre jours, après (23 octobre), grande alarme dans toute l'An-
dorre. Une troupe d'hommes armés s'était organisée sur le territoire
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espagnol, pour aller renforcer les partisans de Dallerès aux Escaldas,
où elle arriva sans résistance dans la matinée du 24.
Le viguier français, averti de tout ce qui venait de se passer, entrait
précisément dans les Vallées le même jour, et partait le lendemain
pour la Seû dTrgel. Beaucoup de miliciens avaient pris les armes,
mais ils furent promptement cong:édiés par le vicomte de Foix.
Arrivé sur la place publique de San-Julia, ce magistraty fut chaude-
ment acclamé par les habitants, qu'il exhorta à la paix et à la con-
corde, ajoutant qu'il était venu pour tâcher de concerter avec l'évo-
que une solution pacifique.
Dans la matinée du 26, M. de Fqix se présenta au palais épiscopal,
où il trouva M» Caixal y Estrade assez disposé à un arran-
gement amiable; mais le soir, ses intentions étaient complètement
modifiées. 11 ne voulut pas céder un pouce de terrain. Tout porte à
croire que l'influence de quelques personnes intéressées ne fut pas
étrangère h ce changement regrettable.
Désormais , le viguier français n'avait plus rien à faire à la Seû et
dans les Vallées, où sa présence avait ramené un certain calme. Il
repassa donc les ports, avec promesse de revenir le plus tôt pos-
sible.
Le 30 octobre, lettre aux autorités Andorranes du général Prim,
alors prima espada de la révolution espagnole. Informé du différend
entre le Conseil général et Tévéque d'Urgel. Prim écrit au capitaine-
général de Catalogne, au nom du gouvernement provisoire. Il recon-
naît « l'autonomie » de l'Andorre, et défend d'y faire entrer des
troupes.
Cette letlre arrivait i\ point, caries carabineros maintenaient rigou-
reusement le blocus dénoncé depuis le 19. Dans la journée du 31,
ils s'étaient même opposés au passage du courrier, qu'ils laissèrent
néanmoins partir le lendemain. A dater du 3 novembre, les commu-
nications avec l'Espagne furent pleinement rétablies, et pendant
sept h huit jours, il ne se passa rien de mémorable dans les Vallées.
Celte tranquillité n'était pourtant qu'apparente. On s'attendait à
voir les deux partis en venir aux mains d'un moment h l'autre.
Malgré tout ce qu'il avait appris. Père Dallerès ne se décourageait
pas. Sauf trois ou quatre exceptions, il croyait pouvoir compter sur
tous les gens des Fiscaldas, oii Don Jayme Trecens, ancien sergent
carliste devenu curé d'Andorra-Vieilla, était venu le rejoindre par
ordre do son évoque. A partir du 9, ce curé travailla sans relâche à
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fabriquer dQ3 cartouches pour les partisans de Dallerès. Quant à
Don Bonaventura Hereu, vicaire (r^^/en/^) de Don Jayme, ses sympa-
thies présumées pour le parti du Conseil général rayaient fait trans-
férer, par le prélat de la Seû, au village de Cachans, dans la Cerda-
^nc espagnole.
Avant d'attaquer le viguicT épiscopal dans le lieu où il était en
force, les syndics et le Conseil généi^al cherchaient à s'y ménager
des intelligences. Un de leurs amis, Bonaventura Riberaygua, avait
reçu secrètement sept à huit hommes armés dans sa maison, où ils
devaient attendre des ordres. Leur retraite fut découverte, et ils
prirent le sage parti de détaler au plus vite. Riberaygua voulut en
faire autant, dans la matinée du 9 novembre ; mais les gens des
Escaldas se mirent à sa poursuite, l'atteignirent en vue d'Andorra-
Vieilla et le ramenèrent prisonnier. Comme il traversait la place des
Escaldas, le curé Jayme Treccns le prit par le menton et lui dit :
« Ah ! picaro. Il y a dans tout ceci de quoi te faire couper la tète.
Tu seras le premier fusillé. » Quelques personnes s'interposèrent,
et le prisonnier ne fut plus molesté.
Pendant que les gens des Escaldas ramenaient chez eux Riberay-
gua, les autorités d'Andorra-Vieilla ftiisaient, de leur côté, arrêter
dans ce village trois partisans de Père Dallerès. Deux heures après,
le viguier de l'évoque reçut une lettre où on l'informait que des excès
contre Riberaygua seraient aussitôt suivis de représailles « œU pour
œil, dent pour dent. • Mais si le viguier de l'évêque voulait rendre
leur prisonnier à la liberté, les autorités d'Andorra-Vieilla consentaient
à élargir les leurs.
Cette dernière proposition fut acceptée ; mais la concession n'était
qu'apparente , et tout le monde voulait en finir. Depuis un mois,
les gens d'Andorra-VieilIa, redoutant une attaque nocturne de Dal-
lerès, établissaient chaque soir un poste de tlouze ou quinze hommes.
A partir du 9 novembre, les miliciens venus de tous les points de la
paroisse, et renforcés par ceux de San-Julia, d'Ordino et de la Mas-
sana, s'élevaient à près de trois cents. Tous ces héros étaient large-
ment et gratuitement hébergés dans les posadas de Calunez, de
Rosario Ventosa, et dans un autre cabaret. Le bailli Ermengcl, in-
vesti par le Conseil général des fonctions provisoires de viguier,
s'était proclamé généralissime, et avait arrêté un plan d'attaque*
Les trois cents hommes déjà rassemblés î\ Andorra-Vieilla, devaient
remonter le long du Yalira, pendant que les gens de Canillo et d'En-
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camp descendraient, au contraire, sur les bords de ce .cours d'eau.
On investirait ainsi au nord et au midi les Escaldas, qui s'élèvent
sur la rive droite, et communiquent avec la rive gauche par un pont
bâti à environ deux cents pas en amont du village.
De son côté, PereDallerès avait fait appel à ses amis de toutes les
paroisses. Mais la plupart firent les sourds; de sorte qu'en y compre-
nant les gens des Escaldas, le viguier de l'évoque ne comptait pas
plus de cent vingt hommes résolus à faire le coup de fusil. Ces com-
battants s'étaient fortifiés dans l'église et dans les maisons, et ils y
attendaient l'arrivée de l'ennemi.
Cependant le Conseil général s'était réuni dans la Maison des Val-
lées. En l'absence de Nicolas Duedra, premier syndic, Bonaventura
Moles, second syndic, présidait l'assemblée, qui résolut, avant d'em-
ployer la force, de sommer les rebelles de rentrer dans Tordre. Cette
sommation fut adressée, dans la journée du 10 novembre, à Père
Santuré, habitant des Escaldas, avec prière de la communiquer à ses
compatriotes.
On y reprochait aux rebelles d'avoir tiré des coups de fusil sur
des gens inoffensifs, qui d'ailleurs, ne s'en portaient pas plus mal, et
de reconnaître, contre le vœu de l'immense majorité des Andorrans,
l'autorité de Pcrc Dallerôs. Cela ne pouvait durer plus longtemps. En
conséquence, toutes les personnes disposées h ne point tenir le parti
du viguier épiscopal étaient invitées à quitter les Escaldas, le lende-
main onze novembre, avant huit heures du malin. Passé ce délai,
l'attaque du villjge commencerait, et ceux qui feraient résistance
seraient traités comme ennemis. Les maisons occuiTées par les insur-
gés seraient brûlées ou prises d'assaut, et leurs défenseurs traités
selon les lois de la guerre. Les ecclésiastiques et les laïques étrangers
au village, devaient immédiatement en sortir, pour éviter tout
soipçon de complicité,
Cette sommation, signée du bailli Ermengol et de Bonaventura
Moles, second syndic, fut communiquée par Père Santuré h Dallercs
et îi ses amis, qui n'en tinrent aucun compte. Ils firent sortir du
village les femmes et les enfants, se barricadèrent dans l'église et
dans les maisons, et attendirent l'ennemi.
Le 1 îiidemain onze novembre, jour de la Saint-Martin, les miliciens
réunis depuis deux jours à Andorra-Vieilla, et renforcés de quelques
nouveaux venus, se mirent en marche, par un temps superbe, vers
les sept heures du matin, Ermengol avait divisé ses gens en trois
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groupes^ dont deux devaient remonter le Valira, en ayant soin de se
tenir à quatre ou cinq cents mètres de ce cours d'eau. Le bailli
marchait en tète de la colonne composée des gens de la Massana, qui
firent halte au hameau d'Engordany. Les miliciens de San-Julia
s'avançaient de l'autre côté de l'eau, et ceux d'AndorraVieilla, com-
mandés par un habile chasseur, le clerc de notaire Francisco Maestre,
suivaient le bord de la rivière. En môme temps, quatre-vingts hom-
mes de Canillo, conduits par le syndic général Duedra , Juau Fo;i ,
consul majeur, et Jayme Aren, capitaine, descendaient la vallée du
Yalira et ralliaient, en passant à Encamp, environ soixante-dix com-
battants levés par Anton Picart, troisième syndic.
C'est ainsi qu'avant huit heures du matin, la petite armée d Er-
mengol investit de tous côtés le village des Escaldas, oii le viguier de
révêque les attendait avec ses cent vingt hommes, largement pourvus
de cartouches par Tintrépide curé Jayme Trecens.
Avant de commencer l'attaque, le bailli adressa, sans succès, une
nouvelle sommation à Dallerés. Ses soldats serraient déjà le village
de plus près, quand une fusillade bien nourrie partit tout-à-coup des
maisons et de l'église. La bataille était engagée.
Pendant plus d'une demi-heure, le feu ne cessa pas un inslant, et
la voix de la grande cloche des Escaldas, lancée à toute volée, se
mêlait au bruit des carabines et des tremblons. Cinq à six assiégés,
embusqués dans le clocher, protégeaient de leur mieux le carrillon-
neur, sur lequel le tir des assaillants s'exerçait avec une préférence
marquée. Quand le feu cessa, les deux partis, où les chasseurs d'i-
zards se trouvaient pourtant cr grand nombre, constatèrent avec
joie que persoinie n'était ni mort ni blessé.
Ermengol et Francisco Maestre, escortés de quelques amis, se dé-
tachèrent alors de leurs hommes, et vuireiit dans le village sommer
Dallerés de capituler. Les assiégés leur crièrent de prendre les
devants, et de se rendre chez le notaire qui devait rédiger le traité.
Mais au moment où ils passaient sur la place principale, une voix
retentit d'une maison : fuego à ellos ! Le bailli et son escorte, salués
de quelques coups de feu, détalèrent au galop. La fusillade recom-
mença jusqu'à midi, sans autre résultat funeste que deux blessures.
Sere, partisan du Conseil général, eût un bras cassé; et Père Ribot.
ami de Dallerés, reçût à la cuisse un coup de feu presque insignifiant.
Ermengol, qui voyait que la fusillade pouvait se prolonger long-
temps sans résultat, ordonna une suspension d'armes, et fit savoir
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aux assiégés que s'ils ne capitulaient pas à Tinstant, ils allaient être
brûlés vifs dans leurs maisons. Le bailli Teut fait comme il le disait ;
et dans cette prévision, il avait fait apporter d'Andorra-Vieilla quel-
ques bombonnes de pétrole et d'autres matières inflammables. A cette
menace, les gens des Escaldas se rendirent aussitôt, à condition que
Dallerès, le curé Trecens, et quelques autres chefs les plus compro-
mis, seraient libres de se retirer en France ou ailleurs. Sur cette
assurance, le viguier de révoque et ses partisans mirent bas les
armes. Mais à peine Dallerès et quelques autres furent-ils au milieu
de leurs ennemis, qu'ils ftiillirentétre écharpés. Ermengjl les couvrit
de son corps, et finit, grâce à son éloquence, et surtout à son gour-
din, par faire entendre raison aux plus acharnés.
Malgré la promesse donnée, Dallerès, le curé Jaymo Trecens et
deux autres chefs des insurgés, furent dirigés sous bonne escorte
vers Encamp. Arrivé sur le pont de ce village, le viguier épiscopal
tenta de s'échapper; et ses gardiens l'auraient certainement fusillé,
sans l'intervention du troisième syndic Picart. Enfin, après quelques
jours de captivité à Encamp et à Canillo, les prisonniers furent
élargis. Le curé Trecens se réfugia en Espagne, où l'évcque d'Urgel
le fournit bientôt d'un bénéfice.
Dallerès, conduit sur le territoire français, s'arrêta au village de
rilospitalet, dans l'auberge tenue par Astrié, dit la Pairie, Là, il re-
cevait tous les jours la visite de ses partisans, et suscitait toutes sortes
d'embarras aux autorités des Vallées, qui portèrent leur plainte au
préfet de l'Ariége. Ce magistrat manda Dallerès dans son cabinet, et
lui enjoignit de quitter rilospitalet. L'ox-viguier répondit qu'il ne de-
mandait pas mieux, mais qu'il n'avait pas l'argent nécessaire pour se
rendre à Quérigut (Ariége), où on voulait l'interner.Le préfet, charmé
de sa docilité, lui fit compter aussitôt cent francs. Mais au lieu de
prendre la route de Quérigut, Dallerès prit celle de la vallée d'Aran,
et alla se fixer en Espagne, chez les parents de sa femme, dans la
petite ville de Pallhàs, située è médiocre distance de l'Andorre.
Le 25 navembre, le Conseil général, autorisé par le viguier fran-
çais, prit des mesures énergiques pour empêcher le retour des trou-
bles. Les rassemblements séditieux furent défendus sous peine de
mort. Les aubergistes et les particuliers qui donneraient asile aux
perturbateurs verraient leurs biens confisqués. Toutes rixes et dis-
putes étaient sjvèrement interdites. Un petit corps de miliciens
fut chargé de battre le pays et d'y nmintonir la tranquillité. Enfin l:^s
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biens, de quelques artisans les plus compromis de Dallerès, Bona-
ventura lUba, Sacases, Miguel Espcl, Tabacaire, et José Rispal, fu-
rent placés sous le séquestre, jusqu'à décision de justice.
Ainsi finirent les événementsde 1868, qui portèrent lederniercoup
aux partisans de la maison de jeu. L'évéque de la Seîi n'a point
nommé de nouveau viguier, et les gens d'Andorra-VieilIa sont de-
meurés quelque temps sans curé ni vicaire. On m*a dit, en 1869,
qu'un habitant de ce village, Miguel Rabot, était toujours sous le coup
de l'excommunication, pour rixe avec le curé Jayme Treccns, lors de
TalTaire des Escaldas. Pourtant, les pauvres gens des Vallées n'ont
pas abdiqué tout espoir de faire établir un tripot dans leur pays. Le
gouvernement français est tenu de s'opposer à celte entreprise dan-
gereuse et immorale. C'est pour l'éclairer, selon mon pouvoir, que
j'ai rédigé ce mémoire.
Jfan-François BLADÉ.
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LETTRES ÉCRITES DIGYPTE.
Alexandrie, 7 août 1864.
Mon aiER Âm,
Bien avant le jour, le 22 juin, je partis du Caire pour Gyseh où
j'espérais arriver avant le soleil, afin de voir, si je le pouvais, Tastre
se lever du haut de la grande pyramide ; mais je comptais sans les
bateliers qui devaient nous passer au vieux Caire. En sortant de la
ville, on remonte le Nil sur la rive droite et Ton fait près de trois
lieues à travers une sorte de faubourg orné de jardins et de maisons
de campagne. Nous arrivâmes ainsi à un endroit du fleuve où la
berge est très haute et très raide, et comme nous faisions descendre
nos trois ânes, deux bateliers se prirent de querelle h notre occasion.
Ils voulaient simplement s'emparer de nos personnes et nous passer
chacun dans son batoaii, au détriment l'un de l'autre. A peine l'aube
commençait, nombre de fellahs, hommes et femmes, portant en ville
des légumes et des fruits, attendaient aux bords du Nil. Il se forma
bientôt un attroupement d'où sortirent des cris à nous étourdir. J'a-
vais réussi, durant la bagarre, à hisser mon âne sur le bateau, et de
ce point relativement élevé, j'assistais, en riant, h cette scène qui ne
manquait pas d'intérêt, surtout de couleur locale. Mon drogman
s'était mis de la partie. Je le vis, au plus fort de la Dataille, dénouer
son turban avec agitation, ce qui est un indice de grande colère, et
faire de violents efforts pour séparer les combattants. Cela se pas-
sait tout au ras du bord de l'eau ; trois ou quatre enfants y tombèrent
et les bateliers y roulèrent après eux en se débattsnt : ce fut la fin
de la querelle.
Nous traversâmes le fleuve près du nilomètre, après avoir con-
tourné l'ile de Rhaouda qui fait face au vieux Caire. J'escaladai la
rive gauche, tirant mon âne par le licou et nous traversâmes, sans
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perdre de temps, le gros village de Gysch, tout peuplé de marchands
de légumes. Nous longeâmes ensuite le Nil, dans la direction du sud^
sur une longueur de trois kilomètres, traversant des champs de blé
et de belles plantations de maïs et de coton. Tournant ensuite vers
Fouest, nous nous rapprochâmes insensiblement de la chaîne lybique.
Le soleil venait de se lever. A mesure que nous avancions* les ar-
bres devenaient plus rares et d'une végétation moins belle. Les terres,
toutes crevassées, paraissaient néanmoins aussi fertiles que celle»
des bords du fleuve, dont cinq ou six kilomètres environ nous sépa-
raient. Tout-à-coup, en levant la tête, je vis la masse imposante des
Pyramides, non de loin comme la première fois, mais à peu de dis-
tance devant nous.
Quand on arrive au point .où s'arrête l'inondation périodique du
Nil, le paysage — j'y reviens — change brusquement d'aspect. On à
devant soi les crêtes peu élevées et très arides de la chaîne lybique ;
des pans de murs éboulés se montrent à fleur de sol, restes informes
des monuments disparus ; tout prend un ton jaune comme les terres
du désert qui est tout proche.
Je fls une courte halte à la limite du terrain submersible, pour bien
examiner les lieux et me rendre compte de la conflguration du sol.
A quelques centaines de pas s'étalait, élevé à peine de vingt mètres,
le rocher qui sert de base aux Pyramides. Sa face orientale est cri-
blée d'ouvertures semblables à des fenêtres et conduisant h des hy-
pogées troglodytiques analogues à ceux qu'on remarque sur le rivage
d'Alexandrie.
Sans m'arrêter à ce premier indice d'une destination funéraire,
je montai encore quelques pas et j'aperçus, à gauche, le sphinx
dont la tête mutilée semblait sortir du sol jaune comme un gigan-
tesque champignon sauvage. Le voisinage écrasant des Pyramides
me le fit ;uger toutefois bien mesquin. A droite, s'étendaient la plaine
du Delta et une chaîne de rochers dont les couches supérieures ofl'rent
des traces d'anciennes sépultures.
Cependant des Arabes venus en nombre des vidages voisins, s'em-
parèrent vivement de moi comme d'une chose à eux pour m'aider
à monter sur la grande Pyramide, ainsi qu'ils me le criaient dans une
sorte de jargon où se fondaient toutes les langues du monde. Un peu
par amour propre, un peu aussi par curiosité, — une curiosité bien
naturelle d'ailleurs, ^ je me confiai à trois de ces enfants du désert
et m'élançai bravement sur les premières assises du Chéops, le plus
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haut de ces colosses de pierre. Sa surface présente une série de
gradins de quatre-vingts centimètres d'élévation en moyenno et j'ai
la conviction que telle elle était à l'époque de sa construction, il y a
dé cela 3042 ans, d'après Hérodote. La pierre est un calcaire blanc
et fort dur, qui s'est bien conservé dans ce pays où la pluie est
très rare.
Il me fallut bien vingt minutes pour atteindre le sommet, après
avoir fait trois temps de repos durant l'ascension. Deux Arabes, si-
mulant de grands efforts, me soulevaient par les bras, un troisième,
placé au-dessous, me poussait et me soutenait. Cet exercice excep-
tionnel me fatigua pourtant à ce point que je dus me coucher
quelques instants sur la plate-forme du sommet. Quand, me re-
levant, j'ouvris les yeux, je me vis sur un carré de quatre ou
cinq mètres de côté, entouré d'énormes blocs de pierre chevauchant
les uns sur les autres et couverts sur toutes leurs faces d'inscriptions
modernes que je me donnai bien garde de déchiffrer.
Je m'orientai tout d'abord sur le soleil et en m'aidant aussi de la
Pyramide dont je savais les faces exactement dirigées vers les quatre
points cardinaux. Lorsque j'eus tourné mes yeux vers le nord, comme
il convient à un homme né sous une latitude plus voisine du pôle
arctique que de l'équateur, voici ce que je vis : Devant moi, la cam-
jMigne de Delta, s'étendant à perte de vue, parée de vertes moissons
et parsemée de dattiers montant haut et droit dans le ciel bleu ; à ma
droite, la grande ville du Caire dominée par sa citadelle que domi-
nent à leur tour les deux minarets aigus dé la mosquée de Méhemet-
Ali semblables à deux phares blancs s'effilant au sommet en pointe
noire ; tout cela s'étageant avec un désordre pittoresque sur le der-
nier contrefort de la chaîne arabique, le Mokaltan, que je vous ai
décrit. Au pied de cette montagne, le Nil déroulait ses eaux blanches
parmi les champs de coton et de maïs. Derrière moi, au sud, presque
à l'horizon, les Pyramides de Sakkarah, moins élevées que celles de
Gyseh et dans un état de dégradation plus complet, m'indiquaient
les ruines de Memphis. A ma gauche, enfin, et se terminant pour
ainsi dire à mes pieds, le désert lybique^ borné par la chaîne de ce
nom, se développait dans sa longueur, doré par les rayons du soleil
levant.
La grandeur des souvenirs historiques entrait pour beaucoup, as-
surément, dans l'impression que me causa ce spectacle, mais le
paysage est par lui-même éminemment grandiose. J'ai beau chercher
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dans ma mémoire, pourtant très active et très fidèle, je ne trouve
rien qui approche de cela. Ni rentrée du Bosphore, ni la baie .de
Rio-de-Janeiro, ni celle de San-Francisco, encore moins la rade de
Salamine et l'admirable coup-d*œil qu*on a du haut de TAcropole
d'Athènes, n'égalent en magnificence majestueuse et tranquille, cette
campagne d'Egypte qui s'étend entre le Caire, les Pyramides, le Ni!
et Memphis.
La descente, que j'opérai lentement avec l'assistance de mes trois
Arabes, est fatigante et dangereuse. II suffirait de poser le pied sur
une pierre effritée pour être lancé dans l'espace et l'on irait se briser
sur les gradins, entraînant les conducteurs dans sa chute; mais j'ar-
rivai heureusement à terre. Cela était écrit, comme disent les
Arabes.
Alexandrie, 8 août 186$.
Mon cher Ami,
Avant de continuer le récit de ma visite aux Pyramides, j'ai h ré-
futer une opinion lancée, il y a quelques vingt ans, dans le monde
par uQ des hauts personnages politiques de notre temps. A tout ha?
sard et trop souvent par calcul, cette opinion a été reprise et renou-
velée sans preuves d'aucune sorte par des écrivains à qui leur talent
connu eut fait supposer plus d'indépendance. On prétend que les
Pyramides ont été construites dans le but unique et spécial d'arrêter
les sables du désert et qu'elles n'ont servi qu'accidentellement de
lieu de sépulture. La première objection que j'ai à opposer à cette
singulière théorie, c'est qu'il n'y a pas de sables voyageurs aux en-
virons très dégagés de ces monuments, mais en supposant qu'il y en
eût, voyons quelle serait leur marche.
On sait que la vallée du Nil est, nord et sud, à très peu de chose
près et que sa région supérieure a une température très élevée qui
échauffe l'air et le raréfio en l'élevant; delà, un déplacement d'air
froid qui va du nord au sud pendant au moins neuf mois de Tannée.
Or, comme cet air devenu vent n'arrive aux Pyramides qu'après être
passé sur la plaine cultivée du Delta, il est certain qu'il n'apporte
point de sable. Rien à craindre donc de ce côlé. Pendant les mois
d'avril et de mai, de violentes bourrasques soufflent, deux ou trois
jours, du sud-sud-est, du sud et du sud-sud-ouest, entraînant des
nuages suffoquants de sable et de poussière. C'est ce que les
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Arabes appellent le Kamsin, mot qui, dans leur langue, signifie cin-
quante, parce que le vent d'où procèdent ces bourrasques dure
cinquante jours. Venu du désert en droite ligne, ce vent était le seul
qui pût inspirer des craintes sérieuses, il était donc naturel que
les constructeurs des Pyramides prissent leurs précautions contre
lui. Or, la forme qu'ils adoptèrent était assurément la moins propre
ù réaliser cette intention. Une simple muraille eut mieux fait leur
affaire que celte masse énorme de matériaux accumulés sur deux ou
trois points qui ne sont rien dans Tespace. Mais une autre raison
me semble péremptoire, c'est la position respective des Pyramides.
Au lieu d'être sur une ligne perpendiculaire à la direction du vent
du désert, qui est en moyenne le sud, elles affectent une ligne sud-
ouest et nord-est, de telle sorte, que les sables, s'ils arrivaient jamais
jusque là, les frapperaient obliquement et continueraient leur mar-
che sans obstacle. Cette idée si simple et si naturelle me vint au
sommet du Chéops, comme je cherchais à m'orienter. Les anciens
habitants de l'Egypte, qui avaient si bien observé le ciel, savaient,
mieux qu'on ne le croit, appliquer aux choses de la terre leur admi-
rable sagacité. Ceux qui connaissaient la précession des Equinoxes
ne pouvaient certainement ignorer quels vents régnaient dans la
vallée du Nil.
Ainsi tombe, comme d'elle même, l'hypothèse de M. de Persigny,
qui, par parenthèse, n'a jamais mis le pied en Egypte. Les Chinois,
pour arrêter les Tartares qui tendaient à descendre du nord vers le
sud, élevèrent la fameuse muraille qui clôt leur Empire de l'est à
l'ouest. Pourquoi les Egyptiens n'auraient-ils pas opposé le même
obstacle à l'invasion des sables dont la forcé de pénétration est au-
trement persistante que celle des hommes? Pourquoi n'auraient-ils
pas barré la vallée du Nil tout entière? N'ont-ils pas entrepris et
mené à bonne lin des travaux tout aussi considérables, le creuse-
ment du lac Mœris, par exemple, et celui du canal pharaonique du
du Caire à Suez?
Mais revenons à la Pyramide de Chéops. Sur sa face nord, presque
à la base, une ouverture donne accès dans d'obscurs et longs cou-
loirs qui conduisent à la chambre sépulcrale. Deux énormes pierres
qui s'arc-boutent forment le milieu de la voûte dont la naissance, à
l'extérieur, est en retrait de quelques mètres. Sur les montants laté-
téraux tailles dans un calcaire blanc, sont gravées, en creux, des
inscriptions hiéroglyphiques. On ne sait à quelle époque fut démas-
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- H7 -
quée cette entrée, ni ce qu'il y avait dans la chambre sépulchralc.
Pour ce qui est des deux autres ouvertures, elles furent découvertes,
lune en 1818 par Belzoni, Fautre un peu plus tard.
Après avoir un moment ciixulé autour des deux autres Pyramides,
le Mycérinus et le Chephrem, construites au sud-ouest et à quatre
cents mètres du Ctiéops, j'allai visiter les temples souterrains qui
sont au sud-est, dans le voisinage. L'un d'eux a été découvert tout
récemment par M. Mariette, qui l'a fait déblayer. C'est un vaste édi-
flce granitique évidemment destiné à une sépulture royale, puisque
on voit encore au centre de la salle principale un sarcophage de
granit noir qui a dû renfermer une momie. Je pénétrai, en me lais-
sant glisser sur un sable fin et doré, jusqu'à une porte de granit dont
les pieds droits étaient à moitié enfouis. Aprôs une rapide inspec-
tion du monument, je m'établis dans une salle qui précédait celle de
la sépulture et j'y déjeunai paisiblement, entouré de quelques Ara-
bes qui m'avaient servi de guides. Près de moi, un vieux fellah pré-
parait silencieusement du café qu'il vint m'offrir à la fin de mon
repas. Les rayons d'un soleil éclatant pénétraient à peu près partout
dans l'hypogée, mais dans le bas-côté où j'avais fait mon installation,
régnait une fraîcheur assez vive qnî m'obligea bientôt h remonter.
Ce ne fut pas sans plaisir que je revis le soleil, si chaud, mais si peu
offensif, même pour l'homme, sous ce climat. Bien des fois, en effet,
j'ai observé des enfants jouant tôte nue, en plein midi et jamais je
n'ai entendu parler d'insolation.
Après avoir jeté un dernier coup d'œil sur la face immobile du
Sphinx et levé la tête po'.ir voir, jusqu'à leur sommet, les Pyramides
découper sur le ciel bleu leur lourde silhouette, je m'acheminai vers
les bords du Nil, laissant derrière moi la chaîne lybique. Un parcours
de moins de cinq cents mètres me ramena sur les terres' fertiles et
crevassées que recouvre le Nil en août et en septembre. Je traversai
plusieurs villages de l'aspect le pi .s calme et le plus pittoresque. Ils
sont tous formés de cabanes en terre exactement cubiques, très
basses et presque sans ouvertures, mais on y voit toujours, vei^s le
centre, quelque belle maion turque, aux persiennes élégamment
ajourées, et quelque dattier à la tige haute et flno comme une co-
lonne de temple grec. Il y a aussi à la porte des villages, un puits
et une marre vaseuse ou barbotent des compagnies d'oies et de ca-
nards à côté de buffles enterres jusqu^au fanon. De superbes mi-
mosas, actuellement en fleur, ombragent presque partout dans cette
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— 118 -
riche campafirne, les sentiers tracés au milieu des champs. Les fel-
lahs passent près de moi sans se préoccuper de ma personne, les
femmes, toujours Voilées et vêtues de la longue robe bleue tradi-
tionnelle, se tiennent discrètement h distance ou se détournent un
peu de leur route quand nous devons nous croiser.
Cest ainsi que j'arrivai à ma cange qui m'attendait un peu en
en amont de Gyseh et sur laquelle je traversai le fleuve, tantôt à la
rame, tantôt à la voi!e et en poussant du fond près des bords. J'étais
au Caire vers trois heures, si peu fatigué qu'après quelques instants
de repos, j'allai visiter le Musée Mariette , situé au faul)ourg de
Boulak, sur les bords du Nil. Ce que j'y ai vu de momies royales, de
meubles, d'instruments, de bijoux, de scarabées, sans compter les
papyrus, est vraiment inimaginable. Tout cela est disposé avec un
grand goût dans de riches vitrines, grâce aux libéralités du vice roi.
Il ne manque à ce musée, sans égal au monde qu'une chose, mais
indispensable, un catalogue raisonné et descriptif. Espérons qu'il ne
se fera pas attendre longtemps. Réduit à mes seules ressources,
j'essayai d'établir quelques comparaisons entre quelques-uns des
objets qui attiraient le plus mon regard et leurs analogues, vus par
moi à d'autres époques et dans d'autres Musées. Ainsi, au milieu
d'une des tables, est une statue de grandeur naturelle représentant
un gardien de temple, c'est d'une réalité saisissante, mais ce qui me
frappa le plus, c'est la parfaite analogie du type égyptien avec le
type indien d'Amérique. Il y a dans les musées de Lima et de Val-
paraiso des peintures et des statues qu'on pourrait attribuer à des
artistes de Tantique Egypte. Pour moi, il y a unité de race, à n'en
pas douter. J'ai déjà émis cette idée dans une Etude écrite, il y a
dix ans, sur l'origine et les migrations des Polynésiens. Cette origine,
à mon sens, est identique à celle de tous les peuples d'Amérique
venus d'Asie par le détroit d î Behring avant la séparation des deux
terres, ou par mer, en suivant les vents variables de l'équateur,
ainsi que l'a tout récemment démontré un membre éminent de
l'Institut de France, M. de Quatrefages.
Je m'étais toujours fait l'idée que les Egj'ptiens d'autrefois étaient
très confortablement installés dans leurs demeures, mais les meu*
blés que possède le Musée Mariette m'ont paru grossiers et mes-
quins. Ce peuple vivait en vue de la mort, et sa plus remarquable
aptitude s'appliquait évidemment aux industries funéraires, l'embau-
mement des corps, la gravure des inscriptions, rétablissement et la
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- i19 -
décoration des sarcophages et des mausolées. Il y a là des momies
royales à face dorée qu'on dirait préparées d'hier ; c'est incroyaljle
comme conservation. Les bijoux sont d'un travail délicieux et j'ai
vu des chaînes d'or, en tresse, d'une finesse admirable. Les scara-
bées, dont on fesait des chapelets, des bracelets et desT colliers,
fourmillent dans les vitrines. Presque tous sont en pierre, mais il y
en a en argent et même en or. Vous savez que le scarabée fut
presque divinisé par les Egyptiens ; premier être vivant qui sorte de
terre après le retrait du Nil, il était pour eux Timage de la vie et de
la reproduction.
Ainsi fut employée cette journée du deux juin, durant le cours de
laquelle j'eus, grâce «^ Dieu, le plaisir de mettre sous mes pieds les
plus anciens monuments du globe, de traverser deux fois le vieux
Nil et de rester deux heures en présence des plus riches débris de
la plus antique ci\ilisation. Je rentrai, si heureux et si émerveillé, à
mon hôtel, que je me couchai pour mieux me recueillir dans mon
admiration.
Eugène. MAGEN.
u m 4ji Mg^i»-
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NOTES HISTORIQUES
SUR DF8
MONUMENTS FÉODAUX OU RELIGIEUX
DU DÉPARTEMENT DE LOT-ET-GARONNE/
II
Une limite des Parlements de Toulouse et de Bordeaux. Sainte-Golombb.
Roquefort. Le Buscon. Tour Milliaire. Plaichac. Moncaut. Fonta-
rède. Le Nom-Dieu. Bax. Beaulens. Les deux Auvigron. Montagnac-
suR-AuviGXON. Saint-Loup. Espiens. Galard ou Goulard. Le Saumont*
Calignag. Autièges. Fieux.
Unb limite des Parlements de Toulouse et de Bordeaux. — Le Pape
Jean XXII voulut, en 1317, que tout le territoire du diocèse d*Agen,
situé sur la rive gauche de la Garonne, formât un diocèse spécial
sous le litre de diocèse de Condom, ayant le fleuve pour limite ec-
clésiastique. Il ne put pas changer les circonscriptions politiques et
judiciaires; aussi une partie du diocèse de Gondom relevait-ii du Par-
lement de Toulouse, et Tautre du Parlement de Bordeaux.
La vicomte de Bruilhois, bailliage d'appel situé sur la rive gauche
de la Garonne, relevait du Parlement de Toulouse, depuis la création
de cette Cour souveraine par Charles VU, en 1444. Il en était de
' Voir page 53.
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- m -
même de la vicomte d'Auvillars ; tandis qiie les Sénéchaussées de
Condom et de Nérac relevaient du Parlement de Bordeaux, créé par
Louis XI en 1462. Les deux paroisses de Dolmayrac et de Monbusq,
formant aujourd'hui la commune du Passage d*Agen, faisaient partie
du diocèse de Condom, parce qu'elles étaient sur la rive gauche ;
elles étaient néanmoins de la Sénéchaussée d'Agenais et par suite du
Parlement de Bordeaux. ,
En suivant la route départementale n® 5 d'Agen à Nérac, Eauze, etc,
on traverse^ à peu près à égale distance d'Agen et de Roquefort, le
ruisseau presque toujours à sec, appelé pour ce motif le nieu-Moi%
et qui, dans toute sa longueur, Tut, durant plusieurs siècles, la ligne
divisoire des Parlements de Toulouse et de Bordeaux.
Une circonstance singulière se produisit un jour à propos du Rieu-
Mwt. Une femme tombe dans ce ruisseau et y meurt. La population
des deux rives se réunit autour du cadavre et commence k discourir
sur révènementel ses suites. Desjurisconsultes ruraux et improvisés,
assistés bientôt de véritables avocats^ discutent avec animation, et
naturellement, ne sont pas d'accord. Le cadavre de cette femme, di-
sent les uns, ne peut être légalement relevé que par les Consuls des
communes de la vicomte de Bruilhois. Ce droit, répondent les autres,
appartient exclusivement aux Consuls de la ville d*Agen. Loin d'a-
paiser les esprits, la discussion ne fait que les exalter. Cependant
personne n'ose toucher au cadavre, objet du litige. Les autorités com-
pétentes sont appelées sur le lieu de l'événement.
Les Consuls des communes de Bruilhois arrivent sur la rive gauche
du Rieu-Mort ; les Consuls d'Agen sur la rive droite. Us ne sont sé-
parés les uns des autres que par la largeur du ruisseau, ligne divi-
soire des deux Parlements, et sont entourés de part et d'autre, d'une
assistance nombreuse et animée.
Si la femme morte se trouve plus près d'un boini que de l'autre,
dit Tun des Consuls, la difficulté peut être résolue. Constatation farte,
la femme n'est pas en long dans le lit du ruisseau, mais en travers,
et posée comme un pont sur le ruisseau ; elle a une partie de son
corps en Bruilhois, c'est-h-dire sur le territoire du Parlement de Tou"
louse, rautre sur la commune d'Agen, et par suite, dans le Parle-
ment de Bordeaux. La question est, en réalité, dinicile à résoudre
légalement. La femme, en mourant, semble avoir voulu faire aux au-
torités, interprètes des lois, une dernière malice^ si naturelle à son
sexe.
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— 12
Pendant que chacun des Consuls des deux rives du Rieu-Mort dé-
fend les droits du Parlement dont il relève, et discute avec exaltation,
sans parvenir à résoudre une question qui n'a pas été prévue par les
lois, un vieux procureur ou avocat Agenais, d'un esprit fin et délié,
plus habile que les autres à interpréter un texte en sa faveur, donne
sans hésiter son interprétation inventée pour la circonstance : « Ce
cadavre, dit-il, est placé comme un pont en travers sur le ruisseau;
il a ses pieds sur une rive, et sa tête sur l'autre ; les Consuls de
Bruilhois et d'Agen semblent dès lors avoir des droits égaux pour
faire enlever la défunte ; mais comme les pieds sont sur le territoire
de Bruilhois et la tôte sur la commune d'Agen, et que la tête est la
plus noble partie du corps humain, le cadavre appartient aux Consuls
d'Agen, »
Cette idée parait lumineuse aux personnes qui ont cherché vaine-
ment une solution conforme à la loi, et les Consuls d'Agen restent
victorieux ; bien qu'on puisse dire, au contraire, que la femme dont
les pieds n'ont pas cessé de fouler le sol du Bruilhois, doit être re-
vendiquée par les Consuls de ce dernier pays.
Souvent un trait d'esprit vaut mieux que le bon droit.
Sainte-Colombe. — Nous laissons à droite de la route, à 3 ou 4 ki-
lomètres, sur les coteaux dominant la'vallée de la Garonne, le village
de Sainte-Colombe, reconnaissable à la flèche de son clocher. Le por-
tail de l'église est en ogive.
Nous avons vu qu'en 1049, Guillaume, fondateur du monastère
de Sainte-Marie de Moyrax, était seigneur de Moyrax, de Sainte-Co-
lombe, etc. Jean de Montagu de Mondenard, était baron de Moncaut
et seigneur en partie de Sainte-Colombe, durant la seconde moitié du
xv« siècle (1451-1492.) Son flls François lui avait succédé au commen"
cément du xvi* siècle. Arnaud du Bonzct, marié le 24 avril 1528,
avec Marie de Loze, fllle de noble Hérard de Loze, seigneur de
Marin, près La Montjoye, et de Catherine de Sérilhac, était qualifié
seigneur d'Escamps et de Marin, coseigneur de Roquépine et de
Sainte Colombe.
Son fils, Michel du Bouzct, seigneur de Roquépine, de Marin et de
Sainte-Colombe, fut chevalier de l'ordre du Roi, conseiller et pre-
mier maître d'hôtel de Marguerite de Valois, reine de Navarre, soit
à la Cour de Nérac, soit au chûteau d'Usson» quand cette princesse
fut prisonnière. Cette reine Marguerite qualifie Michel du Bouzet
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— 123 —
« sieur de Marin et de Sainte-Colombe, Tun de ses conseillers et
maistres d*hdtel, » dans les lettres patentes datées d'Usson, le 15 ho-
vembre 1598, par lesquelles « son cher et bien aimé le sieur Jehan
de Lartigue et de Basté » est nommé gentilhomme servant de la dite
Reine. En vertu des mêmes Lettres patentes, le 30 novembre 1598,
le même sieur de Lartigue prête serment de fidélité à raison de cette
charge, entre les mains de son proche parent, Michel du Bouzet,
sieur de Marin, premier maître d'hôtel ordinaire de la Reine. Ce
Jehan de Lartigue, sieur de Basté en Condomois (sixième aïeul de
Bernard Julien, baron de Larligue Goueytes, et de Marie-Hippolyte
de Larligue, général de division, grand officier de la Légion d'hon-
neur, ancien commandant en chef du I2« corps d'armée à Limoges,
représentants actuels de celte branche), était le frère puîné de Pierre
de Lartigue, seigneur d'Eus, entre Mézin etCondom, que François 1«'
appelait son Moureau parce qu'il était très brun, lequel aujourd'hui,
est représenté par M. Alphonse de Larligue, fils de M. Auguste de
Lartigue, Chevalier de la Légion d'honneur, ancien maire de Mézin.
Jean du Bouzet, fils aîné de Michel qui précède, est seigeur de
Marin, coseigneur de La Montjoye, mestre de camp d'un régiment
français et gouverneur du château de Ham en Normandie. Il devient
seigneur de Sainte-Colombe après autre Jean, son frère puîné. Marié
le 11 décembre 1600, il fonde Iç couvent des religieux de St-François
dans la ville de La Montjoye et fait son testament le 17 décembre
1612 (J. NouLENs, généalogie du Bou%et.)
Michel II, son fils aîné, qualifié haut et puissant seigneur, seigneur
de Marin et de Sainte-Colombe, coseigneur de La Montjoie, lieute-
nant général des armées du Roi, gouverneur du chàleau Trompette
à Bordeaux, joue un rôle important lors des guerres de la Fronde.
Jean Michel du Bouzet, marquis de Marin, épouse là fille du heu-
tenant général, son oncle paternel, et lui succède comme seigneur
de Marin, de Sainte-Colombe, coseigneur de La Montjoye, etc.
Au dix-huitième siècle, MM, Laclaverie, originaires de La Plume,
avaient succédé aux du Bouzet en qualité de seigneurs de Sainte-
Colombe. Aussi voyons-nous en 1789, messire Jean-Nicolas Lacla-
verie, seigneur de Sainte-Colombe et de Brax, voter à l'assemblée de
la noblesse de la Sénéchaussée d'Agenais pour l'élection des députés
aux Etats-Généraux. Dans le procès-verbal de cette Assemblée, ce
Laclaverie de Sainte Colombe (grand'père de Madame Charles de
Bony), est qualifié, par erreur, marquis de Sainte-Colombe, parce que
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ses prédécesseurs, MM. du Bouzet, marquis de Marin, étaient quel-
quefois qualiflés marquis de Sainte-Colombe.
Roquefort. — Le premier monument féodal que nous rencon-
trons est le château de Roquefort, érigé en baronnie depuis trois
siècles en faveur de la famille de Secondât-Montesquieu, qui le pos-
sède encore. Il tire son nom du rocher sur lequel il est assis. Ce
château est aujourd'hui en ruine ; néanmoins ce qui reste debout,
quelques tours, le mur d'enceinte qui le circonscrit encore, avec
quelques tours d'angles réduites à trois ou quatre mètres d'éléva-
tion, permettent de juger de son ancienne importance.
Noble dame Esclarmonde de Roquefort, dame de Ligardes et dudit
Roquefort {Nobla dona la dona na Esclamionda de Doqua Fort don^
%elay dona de Ligardis et de Doqua Fort), étant au lieu du Limport,
en la paroisse Saint-Pierre de Brax, reçoit, les 20 et 22 novem-
bre 1330, dix-huit reconnaissances féodales pour des terres situées
audit Limport, paroisse Saint-Pierre de Brax, Philippe étant roi de
France et Amanieu évoque d'Agen [Gi*osse en parchemin appartenant
à madame la comtesse Marie de Raymond, Agen),
L'an 1376, noble Bertrand de Miran était seigneur de Roquefort,
de Brax et du Limport, le tout en Bruilhois, comme on le voit dans
l'hommage Suivant :
« Au nom de notre seigneur soit, Tan de grâce mil trois cent soixante-treize
et le quatrième de novembre, régnant très illustre prince Charles, par
la grâce de Dieu, roi de France, et seigneur Jean a'Armagnac, par la
môme grâce, vicomte de Bruilhois et de Creyssel, seigneur et baron de
Roquefeuil ; et le seigneur Bernard, par la permission divine, évoque
de Gondom.
« La suite des temps faisant facilement oublier aux hommes les choses mé-
morables, à moins de les renouveler par des témoignages fréquents,
c*est pourquoi sachent tous présents et à venir que dans le lieu de Lay-
rac en Bruilhois, a été présent en personne noble Bertrand de Miran,
écuyer de grand et puissant seigneur Jean d'Armagnac, par la grâce de
Dieu, comme sus est dit, en présence de moi notaire et des témoins
bas nommés, étant à genoux, après avoir fait le signe de la croix de-
vant eux, tenant ses mains sur un missel ouvert, tout dol et fraude
cessant a reconnu et confessé tenir à noble et honorable fief, en faveur
du dit haut et puissant seigneur sus écrit, le lieu appelé à Roquefort,
excepté la seigneurie de Brax et Limport en Bruilhois, avec ses appar-
tenances et autres terres et revenus que ledit noble Bertrand de Miran
tient et possède dans la vicomte de Bruilhois. {Mêmes archives.)
Jean de Dermyresse, écuyer, seigneur de Roquefort, bailli du
bailliage de la vicomte de Bruilhois, autorise par lettres du 12 jan-
vier 1503, les consuls de Sérignac à porter des chaperons, ainsi que
le font les consuls de La Plume, Layrac, Caudecosie, Montesquieu,
etc., et signe Dermyrcssc, gran bailly.
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Le premier seigneur de Roquefort du nom de Secondât est noble
homme Pierre II Secondât, seigneur de Clermont-Dessous, La Fleyte
Roques, Detmont, Lisse, Escassefort, Taiilcbourg, Samazan, Roque-
fort, Romefort, Faugères, Termes, en Agenais, Condomois, Poitou,
Armagnac, conseiller du roi, trésorier général des finances de France
aux pays, généralité et duché de Guiennc par Lettres données à Mont-
fort-sur-Lille le 18 avril 1544. Il était l'arrière petit-fils d'autre Pierre
Secondât, qui vint du Berry s'établir dans la ville d'Agen, vers la
moitié du xv siècle. Pierre II, seigneur de Roquefort, né en I430,
fait son testament le 2 février 1546 et meurt en 1560.
Son fiis aine, messire Jean de Secondât, chevalier, né en 1515,
mort à Layrac près d'Agen en 1599, fut seigneur de la Fleyte, Ro-
ques, Clermont-Dessous, Roquefort, Sérignac, Montesquieu, etc.,
conseiller Hux conseils d'Etat et privé de sa Majesté, maitre d'hôtel
ordinaire du roi et de la reine de Navarre, gouverneur des châteaux
de Nérac, RiOïiS, Auvillars. Jean de Secondât et ses frères et sœur
obtiennent, le 5 juin 1580 un arrêt de la Grand-Chambre du Parle-
ment de Paris, qui,
« Mettant à néant les défauts, contumaces et jugements qui s'en sont suivis
« contre ledit feu Pierre Secondât , ordonne que ledft seigneur de
« Roques sera remis en la jouissance des états de trésorier de France
V et général des finances en Guienne , avec restitution des gages de
« ses états depuis le 19 décembre 1559. »
Ce même Jean de Secondât, seigneur de Roquefort, etc., avait, le
S8 juillet 1564, à l'âge de 49 ans, épousé Eléonorc de Drénieu, âgée
de 21 ans, arrière petite-fille d'une princesse de la maison royale
d'Angleterre (de la branche d'York ou de la Rose Blanche). En effet,
Marguerite d'Angleterre, comtesse de Salisbury (fille de Georges,
duc de Clarence, et nièce d'Edouard IV, roi d'Angleterre de 1461 à
1483, et du roi Richard III, tué sur le champ de bataille en 1485),
avait eu de son mariage avec Richard Pôle ou la Pôle trois fils, entre
autres le célèbre cardinal Pôle, et Henri Pôle, lord Montagu, duc
titulaire de Suffolck, dont la fille Marguerite de la Pôle Suffolck,
(mariée avec Cibaud de Brénieu, écuyer d'honneur de la reine Eléo-
Dore d'Autriche, seconde femme du roi François ier], fut la mère
d'Eiéonore de Brénieu, demoiselle d'honneur de Jeanne d'Albret,
reine de Navarre. Par cette alliance, Jean de Secondât avait des rap-
ports de parenté avec de grandes familles Anglaises.
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— 126 —
C'est ce Jean de Secondai, seigneur de Roques, Roquefort, etc.,
époux d'Eléonore de Brénieu, qui vendit, de concert avec Marie
Stuart, reined'Ecossc, épouse ou veuve de François II, roi de France,
la maison que le maréchal Biaise de Monluc possédait rue des7uifs,
dans la ville d'Âgen, et dont il parle en ces termes dans son tesla*
ment du 22 juillet 1576.
« Et combien que ledict Jehan mondict fils évesque de Gondom, aussy
luy donne et lègue ma maison seize à Âgen, que j'ay acquize sy devant
• de Jehan Secondai, sieur de Roques, et de la reine d*Escosse.' »
On ignore comment la reine d'Ecosse et Jean de Secondai ou, plus
probablemenf, son épouse étaient copropriétaires d'une maison dans
la ville d'Agen ; mais le tableau mis au bas de la page montrera que
la bisayeule de Marie Stuart, reine d'Ecosse et de France, et la bi-
sayeule d'Eléonore de Brénieu, épouse de Jean de Secondât, seigneur
de Roques et de Roquefort, étaient deux princesses de la maison
royale d'Angleterre et les dernières de la race des Plautagenet.'
' Testament de Biaise de Monluc publié par M. Clément Simon, dans le
Recueil des travaux de la Société d'Agric. Sciences et Arts d'Agen, 2< série,
tom. II, p. 409.
Richard d*AngIeterre , duc d'York (de la race des Plantagenet), chef de la Rose Blanche ,
tué l'an 1460, laisse entre autres enfants :
Edouard IV , 35* iol d'Angleterre de 1461 ï 1483. A Georges , doe de Gltrcneet-* Kiebard in,I7« roi»+ 148S.
noyé dans un tonneau de
Tin de NalToisle 1177;
Iaiased*ÉllabeUilfeTil,ail«
duoél.C'*deWarwieà.
> Éliiabeth , hériU de la Rose * Edooard V» 36* rol,+ 1483. A Marg. d'Angleierre, C*^ de
Blanche, épouse Hem 1 VU
Tudor, bérit. de la Rote
Ronge, 38* roi d'Angleterre
1485-1509.
Salisbury, décapitée en
i54l,ép.Ridiard Pôle, dont
troia ais.
Marg. Tndor, + 1539, ép. A Henri Vill , 39* roi d*AngI., a
Jacq.VIStaart.rold'Éeoase 1 1509-47. T
^ Marg. Tndor, + 1539, ép. A Henri Vill , 39* roi d*Angl., ^ Henri Pale , lord Montagn , A Artbar. A Le eélèWe t^rCU
duc de Snffolcb, ép. Jeanne ~* nal Poir , ^
NerU-Aberg. 1558.
i Jacq. V, roi d*Êcfsse, 1513- 6 Marie Tudor» ô Eliabrtb . ^^ Marg. de Pôle SoffokA, ép. 6 Catb. ép, ak ftançoU Has-
42, ép. Marie de Lorraine- 4l« reine, 42- reine I cibaud de Brénieu. Ungs C' de Hniiil jf4o«,
Cnise. 1553-58, d'Angl., I
Marie Stuart, rdne d'Êcoste, 155».ie03 ^ tU^^on de Brénieu née 1543 , ép. le tt NUel 1564 .
épouse François II , roi de je.» de Secondât , seigneur de Roques , Roquefort ,
France, + 1560. Montesquieu , etc.
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— i27 -
Jean de Secondât eut treize enranls de son mariage avec Eléonore
de Brénieu, entre autres Pierre, qui a continué la branche des barons
de Roquefort (barons de Montesquieu, depuis le dernier siècle, seule
branche existante aujourd'hui), et Jacob de Secondât, baron de Mon-
tesquieu, seigneur de Goulard, Castel-Nouvel et Mérens, gentilhomme
ordinaire des rois Henri IV et Louis XIII, chevalier de Tordre de
Saint-Michel, lieutenant colonel, etc., bisayeul de Charles Louis de
Secondât, baron de La Brède et de Montesquieu, président au Parle-
ment de Bordeaux, l'un des quarante de VAcadémie française, l'im-
mortel auteur de YEspi'it des Lois.
Pierre de Secondât, baron de Roquefort, seigneur de Roques, La
Fleyte et autres lieux, conseiller du Roi en ses Conseils d'État et
privé, etc., naquit le 3 mai 1591 dans la ville d'Agen. 11 eut pour
parrain messire Sylvede Lescale de Vérone, seigneur de Vives, son
cousin (flls de Jules César de Lescale de Vérone et frère de Joseph,
savants et littérateurs célèbres au xvi« siècle, plus connus sous le
nom latin Scaliger, et qui se disaient issus des princes souverains de
Vérone). Pierre de Secondât épouse à Bordeaux, le 21 août 1600,
Anne de Pontac, et meurt en 1638.
Gaston de Secondât, baron de Roqdefort, seigneur de La Fleyte et
de Roques, gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi Louis XIII
à rage de 11 ans, capitaine de cavalerie, naquit le 12 avril 16^5, et
fut tenu sur les fonds de baptême par Gaston de France, duc
d'Orléans, Monsieur, frère du Roi, et par Sereine de Durfort, épouse
d'Honoré de Montpezat, seigneur comte de Laugnac.
Quatre de ses descendants ont, après lui, porté le titre de barons
de Roquefort : !• Son fils Godefroy (marié en 1706 à Louise de
Raymond, fille de messire Gratien de Raymond, seigneur de Lagarde
et de Bonnegarde, lieutenant de nos seigneurs les Maréchaux de
France à Agenj; 2* son petit-fils Jean Tiburce Godefroy de Secondât,
baron de Roquefort, seigneur de Saint-Marcel par son mariage* con-
tracté le 3 janvier 1740, avec Marie-Louise-Hélène de Cunolio
d'Espalais, dame de Saint-Marcel; 3* Son arrière petit-fils Jean
Godefroy, baron de Roquefort, seigneur de Saint-Marcel, etc., qui
eut, de son mariage avec Marie Bernardine de La Myre, dame de
Douazac; 4^ Charles Godefroy Gratien de Secondât, dernier baron de
Roquefort, décédé sans postérité le 12 février 1846.
Les châteaux de Roquefort et de Saint-Marcel appartiennent depuis
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— las-
sa mort à M. le baron Gaston de Secondal*Hontesquieu, son parent
et son héritier.
Le Busgon. — Le château du Duscon est situé à peu près à égale
distance des châteaux de Roquefort et d'Estiilac, et comme eux sur
les coteaux qui dominent la plaine de la Garonne.
Noble Jean ou Alain de Podio Extremo^ seigneur de Ferrassou»
près Penne d'Âgenais, et du Duscon en Bruilhois, fils de nobles
N. de Podio Extremo et Jeanne de Lustrac, épouse avant le 29 juin
1461, noble Jeanne de Sirosse,dame de La Pessonie en Quercy,de la
moitié de la maison de Beaumont aussi en Quercy, et d'une auti*e
maison noble, sise dans la ville de Casseneuil. Cette dame était
devenue veuve après le 10 octobre 1450 de noble Bertrand de Lard,
seigneur de La Boulbène, dont elle avait un fils nommé Arnaud.
LeditAlaindéPjdîo£x/r^mo, faitle 39juin 1461 et le 4 février
1468, des arreutements pour lui, pour Jeanne de Sirosse son épouse,
et pour Arnaud de Lard, né du premier mariage de sa femme : Il
institue cette dernière son héritière universelle, réserve le douaire
de noble Jeanne de Lustrac, sa mère, et le donne à sa nièce, noble
Berlrande de Lustrac, qui fut nvariée en 1477 avec Arnaud de Lard,
son beau-fils, devenu par ce mariage seigneur de Rigoulières, près
Penne d'Agenais.
Catherine de Podio Extremo et Jean de Galard, mariés, étaient
seigneur et dame du Buscon en 1468.
Pierre de Galard, leur fils, leur succède et laisse deux filles.
Il résulte de reconnaissances féodales qu'en 1520, 1^24 et 1526,
nobles Anne et Jeanne de Gaillard (de Galard) étaient dames du
Buscon, en leur qualité de filles et héritières de noble Pierre de
Galard, et qu'elles avaient pour administrateur de leurs personnes
et de leurs biens, Fabien de Boudet, conseiller au Parlement de
Bordeaux. Ladite damoiselle Anne de Galard, dame du Buscon, était
mariée avec noble Piere de Nozières en 1544 et 1546. La même
Anne et noble Jean-Pierre de La Goutte, écuyer, seigneur de
Castanède et de La Roque, son second mari, étaient seigneur et
dame du Buscon en 1564.
Depuis lors M!tf. de La Goutte, qualifiés marquis de La Pouyade,
etc. étaient seigneurs du Buscon, et, au dernier siècle MM. de Lard
de Rigoulières furent qualifiés seigneurs barons du Buscon jusqu'à
Tabolition des fiefs.
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— 129 —
Tour MiLLurRE. «« Un petit monument. Romain ou Gallo-Romain,
construit en forme de tour ronde, en petit appareil cubique, fort
dégradé par les hommes et par les siècles, mérite l'attention des
archéologues par son antiquité et sa rareté. Il est situé à moins
d'un kilomètre du village de Roquefort, construit dans la haute
plaine, et du château du Buscon, placé à mi-coteau. Ce monument,
que j'appellerai une Tour Milliaire en attendant de meilleures indi-
cation», n'a plus que quelques mètres d'élévation.
Cette tour massive est sur le bord du chemin public allant d'Agen
à Roquefort et au village d'Estillac, oii ce vieux chemin (voie gau-
loise ou voie romaine secondaire) se maintient sur la hauteur, con-
tourne Aubiac, arrive presqu*cn plaine à La Plume, et va rejoindre
la grande voie romaine d'Agen à Saint-Bertrand de Comminges,
vulgairement appelée La Peyrigne dans notre pays.
Je laisserai à des hommes plus compétents que moi, le soin de
déterminer la nature et la destination de cette tour, semblable à la
tour romaine située entre Saint-Côme et la ville d'Aiguillon, quoique
moins grosse et aujourd'hui moins élevée.
Plaichac. — Nous passons ù cent mètres du clocher de Saint-
Vincent de Plaichac, dont nous avons la date précise, et nous voyons
très distinctement ses ouvertures en plein cintre roman.
Gaston VI, dit le Jeune et le Bon, né en 1171, fils aine de Marie,
vicomtesse de Béarn et de Bruilhois morte en 1187, et de Guillaume
de Honcade, fut, deux ans après sa naissance, élu vicomte de Béarn
et de Bruilhois par les États de Béarn. Ce jeune prince fonde en
1193, à l'âge de 32 ans, le prieuré de Plaichac, dans les paroisse et
commune du même npm, et prend, dans la charte de fondation, le
double titre de vicomte de Béarn et de Bruilhois {Gasto vicecomes
Benearnensis et Brulhesii). Le prieur de Layrac cède les droits que
son monastère a sur l'église de Plaichac, et reçoit en échange une
rente annuelle de 20 sols Arnaudens.
Plaichac était au x\v siècle, l'une des sept seigneuries ayant justice
possédées dans le Bruilhois par la famille de Secondât. — Etienne
de Bernard, sieur du Tuquo en la commune de La Plume, conseiller
et procureur du Roi ù l'élection d'Agenais, devint seigneur haut
justicier de la commune de Plaichac, par l'acquisition qu'il fit de ce
fief à la famille de Secondât. Peu d'années après, les consuls de I.a
Plume et Jean de La Roche, bailli de Bruilhois (auteur direct du
3
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- 130 —
propriétaire actuel du cb&teau d'Estillac), députèrent à Paris
Guillaume de Captan, lieutenant-général dudit bailliage, et obtinrent
des Lettres patentes en vertu desquelles Henri IV, roi de France,
retrayait ladite seigneurie de Plaichac, par droit féodal et puissance
de fief, en sa qualité de vicomte de Bruilhois, et comme tel, seigneur
dominant de Plaichac, et rajoutait aux paroisses de La Plume.
Depuis lors, Plaichac a cessé d*être une commune.
En 1744, le prieur de Plaichac signait : L'abbé de Seney.
MoNCAUT. — Le village de Moncaut est nommé en la'tin de Monte
CalvOy à cause de sa situation à cent quatre-vingt-dix-sept mètres
au-desssus du niveau de la mer, sur un banc de rocher où les
arbres viennent mal. Son église, en partie de Tépoque romane, est
sous rinvocation de Saint-Pardulphe ou Saint-Pardon.
La seigneurie et baronnie de Moncaut n*a jamais éj^ aliénée; elle
est successivement passée dans diverses familles 0t toujours par
mariages. Aux xni« et xiv« siècles, elle était possédée par* la famille
très puissante de Révignan ou de Rovignan. Noble homme Bernard
de Rovignan {nobilis vin Bemardm de Rovinhano) reconnut , par
acte du 10 juillet 1243, avoir précédemment donné à Tévêque d'Agen,
la quatrième partie de la dîme de l'église de Moncaut, et l'abandonna
de nouveau à perpétuité [Cartulaire d'Agen),
Pierre de Rovinham (de Révignan) seigneur de Moncaut, étant à
Bordeaux dans le palais de Tarchevêque, le 30 juillet 1363, fait
hommage à Edouard, roi d'Angleterre, représenté par Edouard,
prince de Galles, duc de Cornouailles (dit le Prince Noir), fils aine
dudit roi.
Noble Mathe de Révignan, dame de Moncaut, agissant avec Tauto-
risation, Texprès consentement et la présence de noble Garcie
Arnaud d'Albret, son époux {nobilis Mathea de Revinhano^ domina
de Monte Calvo, de voluntate, autoritate, licencia et expresse
consensu nobilis Garciœ Amaldi de Lebreto, vin sut, ibidem
pi'esens), donne l'investiture de certains biens situés en la juridic-
tion de Moncaut et de Montagnac. L'acte passé à Moncaut le 25
février 1422 (vieux style), est retenu par Pierre de Span, notaire
public de Bruilhois et de toute la sénéchaussée d'Agenais et
Gascogne (Minutes dudit Pierre de Span , faisant partie de mes
archives).
Miramonde d'Albret, leur fille, apporte la baronnie de Moncaut à
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- m -
son époux Garcie ou Gassiot de Montagu de Mondenard, seigneur en
partie de Montjoy^ cadet de sa branche et arrière petit-flls de
Bertrand de Montagu, baron de Mondenard, en Query (1299J, lequel
avait lai-môme pour bisaïeul Simon de Montagu, seigneur de
Montcuq en Quercy, marié en 1212 à Julienne de Chàtillon, qu'il
nomme comme étant sa femme, dans une fondation faite par lui à
l'Eglise de Montcuq, à son retour de la Terre-sainte.
Nous avons vu que ce Garcie de Montagu de Mondenard, baron
de Moncaut par son mariage avec Miramoude d'Albret, acheta la
seigneurie d'Estillac en 1447. Il est le bisaïeul du maréchal Biaise
de Monluc et d'Antoinette de Mondenard, héritière de Moncaut. Il
eut trois fils nommés Jean. L'aîné fut baron de Moncaut et en partie
de Sainte-Colombe; il eut de Bertrande de Durfort, François, père
d'Antoinette héritière de Moncaut. Le second fut seigneur d'Estillac
et laissa de son mariage avec Marguerite de Galard de Brassac,
entr'autres enfants Françoise , mère du maréchal Biaise de
Monluc.
Lo troisième Jean, fils de Miramonde d'Albret, fut seigneur de
Roquelaure. De ce dernier, descendent les MM. de Mondenard, du
département de Lot-et-Garonne, et les MM. de Mondenard de
Roquelaure, du Bordelais.
Le 17 août 1532, noble Antoinette de Lombard, dame de Moncaut,
fait son testament en faveur de noble François de Mondenard, sei-
gneur dudit Moncaut. Elle fait divers legs pieux, fonde, dans Téglise
dudit Moncaut en l'honneur de la Sainte - Vierge, une chapellenie,
et donne pour l'entretien du chapelain une métairie (une borde) si-
tuée dans la juridiction, au lieu appelé le Camp des Arabes.
Antoinette de Mondenard, héritière de Moncaut, dont je viens de
parler, épouse, en 1550, Bertrand de Laurière, seigneur d'Andas,
chevalier de l'ordre du roi, capitaine de cinquante hommes d'armes
de ses ordonnances, veuf d'Anne de Lomagne, et second fils de Jean
de Pompadour, baron de Laurière et de Bertrande de Durfort. De-
puis cette date, MM. de Laurière ont été, pendant dix générations,
barons de Moncaut. La fille du dernier, M™* la marquise de Saint-
Exupéry, habite Agen et le château d'Arasse près de cette ville, l'un
des ch&teaux de sa famille paternelle.
Sous Moncaut, nous laissons la route d'Agen à Nérac, et prenons
à gauche la route qui nous conduit au Saumont et à Francescas.
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— 132 —
FoNTARÉDE. — La paroissc de Fonlarède (en latin de Fonte frigida,
fontaine froide, en langue du pays Fontafrède et Fonlarède par la
suppression de la lettre /"), tire son nom d'une source extrêmement
abondante, mettant un moulin en mouvement, ne diminuant jamais.
Celte source, que Ton peut remarquer sur le bord de la route entre
Moncaut et le Saumont, sort de sous le banc de rocher analogue à
celui du coteati de Termitage d'Agen.
Arnaud de Bordes donne, au xni* siècle, à l'évoque d'Agen, la
dime de la paroisse de Fonlarède [Cartulaire d'Agen^ Bulle cotée par
lettres A. C).
• La dime de la paroisse de Fonlarède était partagée d'une manière
inégale entre le seigneur de Rogès et Tévêque de Condom ; ainsi aux
XVII® et xvnr siècles, MM. de Timbrune, marquis de Valence, perce-
vaient les trois quarts de la dime, en leur qualité de seigneurs de
Rogès (terre qui a toujours été de la commune de La Plume, mais
qui était de la paroisse de Fonlarède). L'autre quart de la dime était
dû à révoque de Condom.
L'église Saint-Etienne de Fonlarède, belle pour une campagne, est
en général de l'époque romane. La plus grande partie de la paroisse
est aujourd'hui annexée à la commune de Moncaut.
Roquefort, Le Buscon, Estillac et Aubiac étaient quatre communes
et juridictions situées, comme La Plume, à gauche de la route que
nous suivons d'Agen à Nérac; Sainte-Colombe, Plaichac et Moncaut
étaient, au contraire, à droite de la môme route.
Le Nom-Dieu. — Les communes de La Plume et de Moncaut sont
séparées des communes du Nom-Dieu et du Saumont, par le Petil-
Auvignon, que nous traversons sur le pont de Rogès (route départe-
mentale n* 15, de Miradoux à Calignac). Je dirai un mot plus loin
des deux cours d'eau nommés le petit et le grand Auvignon.
Le village du Nom-Dieu, chefrlieu d'une commune est situé à trois
kilomètres en amont de ce pont, sur le bord de la rive gauche du
cours d'ean. Son château gothique^, aujourd'hui presque entièrement
détruit, n'a conservé qu'une jolie croisée géminée, avec chapiteaux.
Le mur, très élevé qui le terminait à l'orient, fermait le fond de
l'église, et doit à cette circonstance d'avoir été conservé dans toute
sa hauteur.
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- 133 — .
Le Nom-Dieu fut, jusqu'à 1789, une commanderie de cavalerie de
Tordre de SainWeàn de Jérusalem (Halte).
Denis de Polastron La Iliilière, chevalier de Tordre de Saint-Jean
de Jérusalem, commandeur du Nom-Dieu, se fait représenter .le 14
juillet 1629, par frère Jean Rigaih, religieux de Tordre de Saint-Jean
de Jérusalem, commandeur de Goutz, pour exercer, en sa qualité de
commandeur du Nom-Dieu, le droit de prélation sur un bien acquis
par Bertrand de Beriiard. sieur de Lagrange.
Le même Denis de Polastron La Hillière, qualifié commandeur de
la cavalerie de Bordeaux * et ses annexes et dépendances, a procès
h Toulouse et à La Plume, en 1632, en qualité de commandeur
du Nom-Dieu.
Cette commanderie de cavalerie était indépendante des comman-
deries du même ordre en Agenais. On voit, par exemple, que messïre
Bernard de Polastron, chevalier de Tordre de Saint-Jean de Jérusa-
lem, était commandeur du Temple du Breuil, Sauvagnas, Sainte-Foy
de Jérusalem, Sainte-Quilterie, etc., au mois de janvier 1781, et
habitait au grand prieuré de Toulouse, pendant que messire N. de
Halvin de Montazct, chevalier du même ordre , était commandeur
du Nom-Dieu , où il a résidé jusqu'à Tabolition des fiefs et des
ordres de chevalerie.
Toute la commanderie du Nom-Dieu était limitée, ou séparée des
communes environnantes, par des bornes en pierre de près d'un
mètre d'élévation au-dessus du sol, sur chacune desquelles une croix
de Malte était sculptée. J'ai vu plusieurs de ces bornes encore en
place.
La commune du Nom-Dieu comprend, outre le territoire de l'an-
cienne commanderie, deux autres petites communes (Bax et Beanlens;
qui lui ont été annexées dans le dix-neuvième siècle; et, sur la rive
gauche du grand Âuvignon, le territoire dépendant autrefois du
château de Galard (et par corruption de Goulard), dont je dirai quel-
ques mots plus loin.
Bax. — Jusques à la révolution, Bax fut le chef-lieu d'une petite
* Ce dernier mot est fort difficile h lire daas l'acte et constitue peut-être
une erreur.
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— iU -
commune. Son vieux château n'en conférait pas moins à son pro-
priétaire ou seigneur, le droit de haute justice. Ce château, encore
existant, est situé su;- la rive gauche et sur le bord du Petit-Auvignon,
à deux kilomètres en amont du Nom-Dieu, et à trois environ en aval
de Labastide de Saint-Louis de La Montjoye, construite sur la rive
droite du même cours d'eau.
Messire Pierre de Gobes, chevalier, seigneur en partie de Batz,
donne à Tévêque d'Agen, toute la part de dime qu'il possède dans
la paroisse de Deaulens [Cartulaire d'Agen^ Bulle cotée par lettres
C Q.).
Bernard de La Beirie, damoiseau, donne (1251) toute la dime qu'il
possède dans la paroisse Saint-Pierre de Batz [Idem^ lettres C. Z.).
Par Lettres patentes datées de Lectoui e, le 29 mai 1469, Jean V, se
qualifiant, par la grâce de Dieu, comte d'Armagnac, Fezensac, Rouer-
gue et L'Isle, vicomte de I^omagne, Auvillars, Bruilhois et Gimoës,
seigneur des terres de Rivière, Aure, Magnoac et des montagnes de
Rouergue, ainsi que des baronnies de Sévérac, Capdenac, Calciat et
Clermont-Dessus, donne à Michel de L'Isle, écuyer, fils de noble
Pierre de L'Isle, seigneur de Saint-Aignan, comme récompensé de
ses services, le château de Bax ou de Batz, situé dans la vicomte de
Bruilhois. Il lui donne, entre autres choses, la seigneurie et la haute
et basse justice [castmm heremtim de Batz scituatum in vice comi-
tatu nostro prelibato Brulhesio cmn dominio et juridictione
iota alta et bossa). Le même prince ordonne à son bailli, au lieute-
nant du bailliage ou à son trésorier de la vicomte de Bruilhois, de
mettre ledit Michel de L'Isle légalement en possession de la seigneu-
rie de Batz, ce qui fut exécuté le 7 juin suivant.
Michel de L'Isle, seigneur de Batz ou de Bax et de Castel Pugon,
étant mort sans laisser de postérité, sa succession est disputée, le
7 septembre 1500, par noble Bertrande de Bazordan, sa veuve, et
par noble Jeanne de L'Isle, sœur dudit Michel et représentée, pour
cette revendication, par son fils aine, noble homtoe Bernard de
Sédos.
Une transaction intervient le. 16 septembre 1501.
(Uoriginal des Lettres patentes de 4469, et les grosses des deux
derniers actes, te tout sur parchemin, font partie des archives de
M. Jacques-Théodore du Cos de Saint-Darthélemi, propriétaire actuel
du château et de la terre de Bax).
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— 135 —
Quelques années plus tard, noble Pierre du Faur, ayant acquis
« la place, terre et seigneurie dudit Dax^ avec juridiction haute,
« moyenne et basse, » veut rendre son hommage au vicomte de
Bruilhois. En conséquence, le 20 septembre 1527, il se présente
devant le château vicomtal, à La Plume, et requiert Georges du
Bernet, seigneur de Beauregard, bailli et gouverneur du Bruilhois,
de recevoir son hommage au nom dudit vicomte [Acte authentiquCy
mômes archives).
Damoiselle Catherine du Faur, dame de Bax, descendante dudit
Pierre, vend le château et la seigîleurie de Bax, par acte du 8 fé-
vrier 1621, h noble Jean de Touton, sieur du Colomé [Grosse en par*
cherniHy mômes archives du chat au de Bax).
Depuis ce jour, les MM. de Touton furent sans interruption seigneurs
hauts justiciers du château de Bax jusqu'à la Révolution. Les der-
niers Font transmis à leur neveu Jacques-Théodore du Cos de Saint-
Barthélemi, propriétaire actuel, cité plus haut.
L'église de Bax est sous Tinvocation de Saint-Eutrope.
Beaulems. — Placé sur le coteau, entre les deux Auvignon, Beau-
lens a été, jusqu'à la Révolution, le chef-lieu d'une petite commune
et d'une haute justice. Son église est sous l'invocation de Saint-Pierre
ou de Saint-Martin.
Noble baron Pierre de Galard, chevalier [nobilis bar Pehnis de
Golard, miles), et son fils Guîraud de Galard donnent la dîme de
Beaulens, comme on le voit dans un acte passé, au xru® siècle, entre
révoque d'Agen et les chevaliers du pays de Bruilhois [Cartiilaire
(TAgen, Bulle cotée lettres C. E.).
Nous avons vu, en parlant d'Estillac et d'Aubiac, que les MM de
Galard, seigneurs en partie d'Aubiac, étaient seigneurs de Lécussan
et de Beaulens. Gabriellede Lard (petite-fille de noble Gabriel de
Lard, seigneur de Birac, et d'Anne ou Agnès de Galard, dame d'Au-
biac et de Beaulens) épouse, le 22 août 1559, au château de Nérac,
en présence du roi et de la reine de Navarre, noble Charles de
Bazon, gentilhomme natif de la ville de Mantoue (de l'illustre maison
Dazoni ou de Bazon), naturalisé Français par Lettres patentes
d'Henri II, roi de France, datées du mois de septembre 1553.
Charles de Bazon, écuyer de Jeanne d'Albrel, reine de Navarre,
par Lettres patentes du 27 février 1559, gouverneur de la ville de
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— 136 ~
Nérac, transmit la seigneurie etbaronnie de Beaulens à ses descen-
dants mâles, qui Tont conservée jusqu'à la Révolution.
Messire Jean, comte de Bazon, sixième baron de Beaulens, seigneur
de Fais, chevalier de Saint-Louis, capitaine au régiment Royal-Artil-
lerie, pensionnaire du roi, convoqué, en 1789, à TAssemblée de la
noblesse d'Agen, comme son frère François et son fils Jean, avait
épousé, le 2 mars 1756, devant Descoturcs, notaire à La Plume,
Jacquette de Bazon, sa cousine germaine, flUe de Jean de Bazon,
chevalier, baron de Beaulens, e^ de Louise-Marie-Anne de Secondât
de Roquefort.
Il a pour représentant actuel, son petit-llls, Pierre, comte de Bazon
(habitant au château de Fais, près Layrac, Tune des terres ayant
haute justice possédée au dernier siècle par sa famille), et ses deux
enfants, Roger, vicomte de Bazon, capitaine en activité de service,
et Marie de Bazon, comtesse de Mac-Cartby.
Les deux Auvignon. — Le petit et le grand Auvignon, que Ton tra-
vei*sc pour aller d'Agen à Francescas, Condom, etc., sont deux cours
d*eau presque parallèles, séparés l'un de l'autre par une chaîne de
coteaux médiocrement élevés, qui se 4;)rolongent, en remontant dans
le département du Gers, tandis qu'en aval ces deux cours d'eau se
réunissent à égale distance du château du Saumont et de la tour
majestueuse delà petite ville de Bruch. Une ligne partant de Mon ta-
gnac-sur-Auvignon, placé à droite, et allant directement au village
de Calignac sur le coteau opposé , traverserait perpendiculairement
la vallée à peu de chose près au point de jonction des deux Auvi-
gnon.
Du Petit-Auvignon au village du Saumont, la route départemen-
tale n® 15 est un peu raide. Ralentissons le pas pour amver sur le
plateau formé par le calcaire gris, et portons nos regards sur les
hauteurs qui dominent cette étroite, mais fertile vallée.
MoNTAGNAosuR-AuviGNON. — Doré par un soleil resplendissant, Mon-
tagnac-sur-Auvignon, situé à peu de distance de Moncaut, se dessiné
sur l'azur du ciel, parce qu'il est construit à cent quatre-vingt-seize
mètres au-dessus du niveau de la mer, sur des coteaux presque aussi
élevés que ceux de La Plume. Il nous paraît un charmant village
avec son clocher dominant les habitations. Il a cependant perdu
beaucoup de son aspect pittoresque, depuis que le grand château, qui
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— 137 -
le terminait au levant, du côté de Moncaut et de La Plume, a été
démoli vers 1835.
Les clochers et les* châteaux sont les véritables ornements des
villages et de la campagne ; c'est sur eux que Tceil du voyageur se
repose avec plaisir. Détruire le château ou les tours d'enceinte est
annihiler pour ainsi dire le village, en lui enlevant le charme et le
pittoresque.
Aux XII* et xnr siècles, des MM. de Galard étaient seigneurs de Mon-
tagnac^ur-Auvignon, comme nous les avons déjà vus seigneurs de
beaucoup d'autres lieux. Ils eurent pour successeurs, à Montagnac,
HH. de Lomagne, seigneurs de Fimarcon, cadets des vicomtes sou-
verains de Lomagne.
Dame Isabé de Fontarède, autrement appelée de Galard, veuve de
Bernard de Montagnac, et messire Arnaud de Vial, damoiseau, tu-
t:ur donné par Tofflcial d'Agen, à Vital et Bertrand de Galard, frères,
pupilles de feu Bernard de Montagnac dit Galard, donnent à l'évéque
d*AgeD la dîme des paroisses de Saint-Loup et de Saint-Etienne de
Fontarède {Cartulaire d'Agen^ Bulle cotée par lettres B. 5.).
Nobles hommes Bernard Trencaléon et Géraud Trencaléon de Lo-
magne, frères, agissant du consentement de leur père noble homme
messire Odon de Lomagne, chevalier, seigneur de Fimarcon, don-
nent à révêque d'Agen les dîmes qu'ils ont ou prétendent avoir dans
les paroisses de Sainte Marie de Bordères et de Saint-Etienne de Ca-
lignac et tontes celles qu'ils possèdent dans le diocèse {Cartulaire
d'Agen faisant partie de mes archives. Bulle co'ée par lettres CF.).
Bérard de Lomagne, chevalier, seigneur de Montagnac-sur-Auvi-
gnon et de Calignac, coseigneur de Fieux et de Pouy-sur-Osse, est
l'un des fils d'Odet de Lomagne, seigneur de Fimarcon, et de Cathe-
rine de Ventadour, et l'arrière petit-fils de Bernard' Trencaléon III
de Lomagne, seigneur de Fimarcon, et de noble Allemane de
Gazenove mariés en 1313. Ledit Bérard de Lomagne fait son testa-
ment au château de Montagnac en Bruilhois, le 9 février 1421, de-
vant M* Pierre de Span, notaire public de Bruilhois et des
sénéchaussées d'Agenais et de Gascogne. Le testateur dit n'avoir pas
d'enfant de Catherine de Cardaillac , son épouse ( La minute ou
Foriginal de ce testament est dans mes archives ).
Catherine de Cardaillac deveaae veuve, prit en secondes noces
GuiHaunfte dé La Rocher seigneur de FonteoiUes,
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— 138 —
Le P. Anselme, dans son Histoire des grands Officiers de la Cou-
ronne^ donne la filiation d'un grand nombre de seigneurs de Monta-
gnac-sur-Auvignon, prédécesseurs et successeurs dudit Bérard de
Lomagne.
.Vers la fin du xvi« siècle, la branche delà maison de Loraagne-
Fimarcon, possédant les seigneuries de Montagnac-sur-Auvignon et
de Caliçnac, et en partie les seigneuries de Fieux et de Pouy-sur-
Osse s'éteignit. Messire Bertrand de Lard, chevalier, seigneur de
Rigoulières, Frézapa, Saint-Banzel, Castelgaillard, Las Combes, etc.,
marié le 13 octobre 1591 avec noble Marguerite de Montalembert de
Montbeau, devient seigneur dudit Monta?:nac, de Pouy-sur-Osse etc.
et fait diverses concessions en 1602, 1608 et 1609. Il affranchit par
exemple, trois cents carterées de terre dans la juridiction de Mon-
tagnac, accorde le droit de ban dans Téglise dudit Montagnac, le
droit de construire un château avec tours, créneaux, pont-levis, etc.,
en faveur de noble Jean de Lard, seigneur de Calignac et de Fieux,
qu'il qualifie son bon parent et notable ami. Ce Jean de Lard, sei-
gneur de Calignac, est le 6"* aïeul de Pierre-Charles, comte de Lard
de Bordeneuve qui réside à Paris.
Au dix-septième siècle la juridiction de Montagnac était divisée
entre plusieurs coseigneurs. De ce nombre étaient MM. de Frère,
seigneurs de Peyrecave, dont les terres étaient limitrophes de la sei-
gneurie de Moncaut. Vu jour, sur un pont, une querelle survient et
met bientôt les armes à la main des jeunes gentilshommes voisins.
L'un des fils du baron de Moncaut est tué. Un procès est instruit à
la fois devant le sénéchal de Lectoure et devant le bailli de Brui-
Ihois, qui se disputent l'appel des sentences rendues par les juges de
la vicomte de Bruilhois. Un décret de prise de corps, au sujet de la
mort du jeune de Lauricre, est décerné en 1678 par le bailli de Brui-
lhois, à la requête de messire Louis de Laurière, baron de Moncaut,
père de la victime, contre les deux frères nobles Charles-Abraham
et Henri de Frère, habitants de la juridiction de Montagnac.
Un arrêt de la cour du 26 février 1678, défend au sénéchal de
Lectoure de connaître du meurtre commis en la personne du sieur
de Laurière de Moncaut et renvoie la connaissance de ce meurtre au
bailli de Bruilhois, isomme un cas Royal. En définitive, les deux
MM. de Frère sont condamnés à mort. Là ne s'arrête pas le procès.
MM. de Frère, relativement à l'application de la peine, constatent
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— 139 —
qu'ils ont le droit, en leur qualité de gentilshommes, d'être décapités
et ne peuvent être pendus.
Cette prétention, qui nous parait singulière aujourd'ui, était ce-
pendant conforme aux lois de Tépoque, et venait d'être reconnue
dans un procès resté célèbre sous le nom de Conspiration du chevU"
lier de Rolian : Georges du Ilamel, sieur de Latréaumont, né vers
1623, sorti de l'armée par esprit d'indiscipline, et le chevalier Louis
de Rohan-Guéménée, créé grand veneur de France en 1656 à l'âge
de 22 ans sur la résignation de son père, puis colonel des gardes de
Louis XIV en 1667 (fils de Louis VII de Rohan, duc de Monbazon,
pair et grand veneur de France^ et d'Anne de Rohan, princesse de
Guéménée), voulaient enlever le Roi, la Reine et le Dauphin, ren-
verser le gouvernement, convoquer une « Chambre dite de la Li-
« herté, où tous les différents des gentilshommes seraient réglés sous
« la présidence du chevalier de Rohan, qu'ils espéraient bien faire
« investir par le peuple d'une autorité ù peu près illimitée. » Un
jeune ofllcier, Guillaume du Chesne de Saint-Marc, chevalier de
Préaux, conspirait par dévouement pour son oncle de Latréaumont;
Louise-Anne de Sarrau, jeune veuve du marquis de Villars, conspi-
rait par dévouement pour le chevalier de Préaux, qu'elle allait
épouser. Enfin, François Afflnius Van den Enden, vieux savant et
rêveur mécontent de sa modeste position, conspirait peut-être pour
conspirer, ou comme l'a dit un auteur moderne, « pour une égalité
qu'il ne trouva même pas dans le supplice. »
Latréaumont fut tué dans une lutte. Les aveux détaillés faits par
les atcusés eux-mêmes ne laissèrent pas le moindre doute sur les
auteurs et le but de la conspiration. Le chevalier de Rohan, le che-
valier de Préaux, la marquise de Villars et Van den Enden, déclarés
coupables de lèse-Majesté, furent condamnés à mort le 26 novembre
1674. Les trois premiers appartenant à la noblesse, devaient avoir
la tête tranchée^ et Van den Enden être pendu. Le lendemain 27, ils
furent exécutés tous les quatre, sur la place de la Bastille, conformé-
ment à l'arrêt.'
* Voir dans la Généalogie des marquis du Gauzé de Nazelle, imprimée à
Bordeaux, in 4% chez G. Gounouilhou, et que j'ai publiée en septembre
1870, avec pièces à Tappui, l'article intitulé : ùmspiratùm du chevalier de
BohoM, pages 13 à 22.
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MM. de Frère de Peyrecave, gentilshommes, étaient donc dans leur
droit en demandant d'avoir la tète tranchée.
En 1737, la seigneurie de Montagnac sur Auvignon était divisée
entre cinq familles :
!• MM. d'AuraydeGavaudun, comtes de Brie ;
2<» M"« de Monrepos de Broxolles (de Couslin de BourzoUes) ;
3* M.Henri de Frère, seigneur deCazeneuve, et les héritiers de feu
Charles de Frère, seigneur de Peyrecave;
4® M. du Gravier de la Croze, seigneur de Saint-Loup ;
50 Les héritiers de feu Jean-François d'Espalungues, seigneur de
Berdot, comme représentant leur mère Sérène du Puy.*
Le 6 août 1741, haut et puissant seigneur messire Joseph Hector
d'Auray, comte de Brie, marquis de Gavaudun, seigneur de Monta-
gnac sur Auvignon, d'Artigucs prèsTonncins, et autres places, habite
le château dudit Montagnac, reçoit 320 livres h lui dues par demoi-
selle Marie Claire Dudebert, veuve de M' Biaise du Tour, avocat,
demeurant au Genticu, paroisse et juridiction du Saumont en Bruil-
hois et signe : de Brie de Gavaudun {A oie passé devant Barennes,
notaire royal d'Agen).
Godefroy de Secondât, marié le 11 mars 1745 avec sa cousine Marie
Josèphe Denise de Secondât de Montesquieu (seconde fille de l'au-
teur de Y Esprit des Lois), éLnit qualifié baron de Montagnac et de
Montesquieu, seigneur de Caraon. Il mourut le 6 mars 1774.
Son fils Joseph Cyrille de Secondât était baron de Montesquieu,
de Montagnac, etc., en 1779, comme nous le verrons à l'article
Saint-Loup. Ses descendants ont fiiit démolir le grand château de
Montagnac sur Auvignon.
Le baron de Frère de Peyrecave, mort le 10 novembre 1861, âgé
* « Estât des Justices royales, bannerettes ou seigneuriales, des noms des sei-
gneurs qui les jouissent, qui sont scUuées dans le bailliage de Brtdlhois, siège
de la ville de LaPlume. » M. M« Pierre Basse deBouhebent, conseiller et procu-
reur du Roi audit bailliage, envoya cet Etat, le 12 février 1737, au procureur
général du Roi au Parlement de Toulouse, en réponse h la lettre de ce der-
nier datée du 23 janvier précédent.
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-I4i -
de 80 ans, avait vendu le château de Peyrecave, habité de nos jours
par M. Marcon, et par son gendre M. Joseph d'Ayrenx.
Saint-Loup. — Le seigneur de la paroisse de Saint-Loup avait les
deux cinquièmes de la commune de Monlagnac-sur-Auvignon et la
haute justice dans son fief. Au xnic siècle, messire Gascon de Bla^siert,
chevalier, agissant pour lui et pour son frère messire Vezian de Bla-
ziert, messire Guillaume de Montagnac, chevalier, et plusieurs autres
de Montagnac {dominus Gasco de Blazert, miles^ et pro domino
Vesiaiio de Blazer t y fralre suo , et dominus Guilhevmm de Montan-
haco, miles, et pltires alii de Montanhaco), donnent à révoque
d'Agen toutes les dîmes qu'ils ont dans les paroisses de Montagnac,
Saint-Genès, Sainl-Loup et Saint-Jean de La Reyre, et celles qu'ils
possèdent dans tout le Bruilhois [Cartulaire ff Agen, bulle cotée par
lettres G. Z. )
Raymond Bernard de Cazaux, chevalier, donne à Févêque d'Agen
la dlme qu'il a dans la paroisse de Saint-Loup située dans la vicomte
de Bruilhois (Ramundus Bernardi de Camllbus, miles, gratis ces-
sit quitavit et resignavit domino episcopo Agennensi, decimam
qitam habebat et percipiebat in pairochia ecclesise de sancto Lupo
sitam in vice comitatu BrnlAiensi), l'acto est passé le dernier du
mois d'août 1274. Il est rapporté dans la bulle donnée dans la ville
d'Avignon par le pape Clément V, la quatrième année de son ponti-
ficat (1308 ou 1309) [Cartulaire d^Agen, bulle cotée par lettres E. M.\
J'ai vu, il y a 19 ou 20 ans, la litre seigneuriale dans l'église de
S*-Loup, avec les armes du Gravier de la Croze. Messire Jean du
Gravier de La Croze, seigneur baron de S*-Loup, est ainsi nommé et
qualifié dans un acte du 87 juillet 1779, passé dans le château de S*-
Loup pardevaut M. Dubernet, notaire royal de Sainte-Colombe, acte
par lequel haut et puissant seigneur messire Joseph Cirile de Se-
condât, seigneur baron de Montesquieu , Montagnac, Goulard ,
Camont et autres places, capitaine au régiment de Jarnac Dragons,
donne en ferme à Joseph Bax, meunier, le moulin à vent que ledit
baron de Montesquieu possède dans la juridiction dudit Saint-Loup,
dépendant de la terre et seigneurie de Montagnac ( Expédition
authentique dans mes archives).
Le grand père paternel deM.Clodomir Coderc de Lacamde Saint-
Loup, propriétaire actuel du château, se marie en 1787, et devient
seigneur de St-Loup, par le don volontaire et gratuit que mademoi-
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— 142 —
selle da Gravier de La Croze, dame de St-Loup, sa tante, lui fait de
la dite seigneurie, par ce môme contrat de mariage. En recevant la
seigneurie, a-t-il reçu en môme temps le titre de baron ^ On arrôt de
Cour d'appel a statué, vers 1858, que ses descendants directs ne
pourraient pas prendre le titre de baron, attendu, dit Tarrêt, que
St-Loup n'était pas une baronnie.
Depuis que cet arrôt a été rendu, j'ai trouvé dans mes archives,
une pièce authentique datée de Lectoure le 28 octobre 1690, signée
Vergés, conseiller secrétaire du roy et greffier en la chambre des
comptes de Navarre à Pau. Elle commence ainsi :
« Estât des vassaux du Roy de la vicomte de Bruilhois. Il faut exa-
miner s'ils sont morts, ou s'ils tiemient encore en leurs mains les
terres, seigneuries et biens nobles pour lesquels ils ont rendu leurs
hommages, qui sont les suivants. Et en cas ilz soit vériflé que les
vassaux sont mortz, ou que ceux qui sont vivants, n'ont plus en
leurs mains les dites terres et seigneuries, il faudra procéder par
saisie contre ceux qui en sont les possesseurs pour estre en demure
de rendre leurs hommages au Roy dans la Chambre des Comptes de
Navarre à Pau.
« Premièrement.
« Noble Arnaud de Redon, seigneur de Las Fosses pour le château
noble de Las Fosses., offices, écuries, patus
« Messire Antoine de Malvin, seigneur de Monlazet et Saint-Loup,
pour la terre et seigneurie de Saint-Loup en titre de Baronnie en
justice haute, moyenne et basse et dépendances. »
Cet Estât, en marge duquel est écrit Bruilhois, est suivi d'une lettre
de deux pages et le tout est adressé :
« A Monsieur, monsieur du Bernai, conseiller du Roy, et Heute-
nant au bailliage de La Plume en Bruilhois, à La Plume. »
Ainsi en 1690, sous le règne de Louis XIV, et 25 ans avant la
mort de ce prince, la seigneurie de Saint-Loup dans la commune de
Montagnac-sur-Auviguon était tenue « en titre de baronnie, en justice
haute, moyenne et basse. »
J'ai acheté, il y a une quinzaine d'années, à un chiffonnier ou mar-
chand de vieilleries à La Plume, un grand lot de vieux papiers, con-
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— U3 -
(rats, parchemins, etc., provenant de la famille de Bernard (ou du
Bernard) de La Grange du Tuquo, et parmi ces vieux papiers, j'ai
trouvé la pièce dont je viens de citer quelques extraits, et l'arrêt du
7 avril 1693, par lequel le Parlement de Navarre, séant h Pau, charge
ledit de Bernard lieutenant au bailliage , de recevoir les aveux et
dénombrements des vassaux du roi dans toute l'étendue du bailliage
et de la vicomte de Bruilhois; le tout collationné par ledit Vergés.
Le père d'Antoine de Malvin dont il est ici question, se nommait
aussi Antoine; il avait épousé, le 31 juillet 1639, Anne du Puy, Tille
de noble Jean du Puy, seigneur en partie de Montagaac-sur-Auvignon,
et de noble Olympe du Faur.
La vieille église de S*-Loup, de style roman, construite en pierre
dd taille, portant la litre seigneuriale parfaitement conservée, aurait
encore abrité vingt générations. M. de Saint-Loup lui reprochait de
masquer dans une certaine mesure. Tune des façades de son château.
Cet antique monument religieux, qui a vu tant de siècles si différents
du nôtre, a été détruit et remplacé par une église neuve. Je l'ai
appris avec un véritable regret, qui sera partagé par tous les mem-
bres des sociétés archéologiques.
EspiENS. — Le vieux château et le village d'Espiens sont cons-
truits sur le coteau dominant la rive gauche des deux Auvignon réu-
nis, comme Monlagnac est situé sur la rive droite. Ils sont à cent
quatre-vingt-dix-huit mètres au-dessus du niveau de la mer, et tirent
leur nom du verbe gascon espia^ en latin spicere, regarder, voir, à
cause du magnifique panorama qui, dec3 point culminant, se déroule
sous les yeux.
D'après une tradition (que je ne garantis pas comme fait historique,
mais qui m'a été racontée par l'un de mes oncles,* frère puîné de mon
père, tradition que je livre telle que je l'ai reçue), trois sœurs, durant
le moyen âge habitaient les châteaux de La Plume, d'Espiens et de
Xaintrailles (qui se dessinent en ligne droite dans le ciel, comme des
jalons gigantesques), et correspondaient par des signaux. Ces trois
% Jacques Samuel de Bourrousse de LâfTore, né le 31 juillet 1789 à Laifore
commune de La Plume, ingénieur en chef des ponts et chaussées, chevalier
de la Légion d'honneur, mort au chftteau d'Arligues, près Tonneins, le
1er février 1858.
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âœurs étaient peut-être les tours les plus élevées dé ces trois châ-
teaux, auxquelles, dans des temps reculés, Timagination poétique
des campagnes a prêté l'intelligence, la ruse et les formes gracieuses
de la femme. Toujours est-il possible, et même très probable, que
les trois seigneurs de La Plume, d*Espiens et de Xantrailles ont cor-
respondu par cette télégraphie primitive, naturelle et fort précieuse,
beaucoup plus employée au moyen âge qu'on ne le croit de nos joui^.
Guillaume de Galard, damoiseau du château d'Espiens, fils de feu
Pierre de Galard [Guilhermm de Gualhardo, domicellus castri de
Spiens, fllius condam Pétri de Gualhardo) donne h Tévêqued'Agen,
représentant l'église du diocèse, les dîmes qu'il a dans les paroisses
d'Ëspiens et de Galard ou GoularJ [Cartulaire d'Agen^ Bulle cotée
par lettres A. C).
Sénebrun de Galard, damo'seau [Senebrunus de Galart, domicel--
lits) donne au seigneur évêque d'Agen, la moitié de la tierce partie
de la dlme d'Espiens, moitié qui lui avait autrefois appartenu, [medie-
tatem tertmnim partium décime de SpienSy qus medielas olim
fuerat uegotii sui), et toutes les dîmes qu'il possède dans leaiocèse
{Idem , lettres B. S.).
Bertrand de Galard, damoiseau, seigneur d'Espiens, fils de feu
Pierre de Galard {Bertrandus de Golart, daux^t, et dominus de
Spiens^ fllius Peiri de Golart quondam), donne à l'évêque d'Agen
toutes les dîmes de blé et de vin des paroisses Sainte-Marie d'Espiens,
Saint-Caprais d'Als et Saint-Martin d\i Ifels ( Lettres B. N. Cartulaire
d'Agen).
Edouard I*', roi d'Angleterre , seigneur d'Irlande et duc de Guienne
à partir du 20 novembre 1272, charge par Lettres patentes datées
de Monlflanquin le 12 novembre 1286, Raymond de Champagne,
chevalier, son Sénéchal d'Agenais, Bernard de Saint-Loup ou de
Saint Loubès et Bernard de Martin, citoyens et juges d'Agen, de
recevoir en son nom, comme seigneur d'Agenais, les reconnaissan-
ces de fiefs, que les prélats, barons, chevalier, damoiseaux,
communautés et autres tiennent de lui en Agenais etCondomois.
Le 17 novembre 1286, Bertrand de Galard sus mentionné recon-
naît devant ces commissaires, en présence de messire Fort Aner de
Cazenove, chevalier (ancien maire de la ville de Bordeaux et alors
sénéchal de Guienne), Jean Costelh et Fortin Sanche de Vidailhac
tenir dudit roi, seigneur d'Agenais, la moitié du château d'Espiens
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— 145 —
( Bertraiidus de Galhardo recognovit se tetiere medietatem cattri
Despienx ) [Archives histmques du département de la Gironde^ 1. 1,
page 381).
Trois jours avant, c est-à-dire le U du même mois de novembre,
Pierre d*Auvignon, damoiseau, Gnilhard de La Roche et Guillaume
Raymond de Nazareth, avaient reconnu, devant les mêmes commis'-
saires, tenir Tautre moitié du château dTspiens, savoir Pierre
d'Auvignon le quart, et les deux autres chacun un huitième (Scilicet
dictas Petims quarlam parlem^ et dictus Gailhardus tnediam quar-
tam partent^ et dictus Guilhermus aliam mediam quartam). [Idem^
idem, page 355].
Malgré les ravages du temps, la tour d*Espiens montre encore par
sa masse imposante, quelle fut la puissance des seigneurs qui
rhabitaient.
Il y avait dans le rayon d*Espiens, trois autres châteaux moins
importants : Hazellières ou La Hazellière, construit sur un point
culminant et quia reçu son nom d'une ancienne race chevaleresque,
originaire de Bretagne, établie en Albret au commencement du
x\rsiècle,et qui a obtenu sur preuves les honneurs de la Cour. Comtes
de Mazellière de Douazan, barons d'Espiens, seigneurs de Réaup,
tous ont été maintenus dans leur noblesse le 20 août 1668, par juge-
ment de Claude Pellot, seigneur de Port-David et Sandars, intendant
de Bordeaux. Daniel de Mazellières, écuyer, sieur de Mazellières ,
conseiller du Roi, lieutenant-général d'Albret, fit inscrire ses armes
à Condom pour TArmorial général, le 21 février 1698.
Un second château est celui de Salles. Sous le règne de Louis XIV,
messire Joseph Le Sage, écuyer, était seigneur dudit Salles. Sa
veuve, dame Anne de La Mazellière, et leur fils, messire Paulin
Le Sage, seigneur de Salles, assistent le 30 décembre 1726, au
contrat de mariage de leur nièce et cousine germaine autre Anne de
La Mazellière (fille de messire Jesias de La Mazellière, seigneur de
Réaup, chevalier de Saint-Louis, brigadier des armées du Roi, com-
mandant et lieutenant pour le Roi du Château-Trompette et Fort de
la ville de Bordeaux, et de défunte dame Suzanne de Pédesclaux),
avec messire Arnaud de La Dcvèze, écuyer, seigneur de Charrin.
Le 12 février 1784, un mariage fut célébré dans la chapelle du
château de Salles, avec les dispenses de Tévèque de Condom, entre
messire Pierre-Paul de Pommiers, chevalier, seigneur, baron de
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— ue —
Pujo et de Lelhon, diocèse d'Aire, fils de Jacques de Pommiers,
baroo seigneur des mômes lieux, ancien conseiller au Parlement de
Bordeaux, et de dame Marguerite de Prugne, et demoiselle Margue-
rite Le Sage de Salles, habitant ledit cliàteau de Salles, fille de
messire Le Sage, chevalier, seigneur de Salles, Seguinot et autres
lieux, et de dame Galherine Béatrix de Filhot de Chimbaud, en pré-
sence de noble Arnaud de Montbel, habitant de la ville de Mont-de-
Marsan [État civil d'Espiens).
Le château de Salles fait aujourd'hui partie de la commune
de Feugarolles. Il est habité par M. Alexandre d'Angeros. de
Castelgailhard, marié en août 1839, avec mademoiselle de Batz de
Trenquelléon.
Messire Balthazar de Cambon, chevalier, capitaine de Dragons,
devint seigneur d'Arconques au commencement du xvni« siècle, par
son mariage avec noble Elizabcth de Vacquier de Limon, seigneu-
resse d'Arconques près d'Espiens.* Il transmit le vieux château et la
seigneurie d'Arconques à son fils, messire Jean-Joseph IFenri de
Cambon, chevalier, co-scigneur de La Roque Fimarcon, marié avec
dame Françoise de Chic de Roquain. Il est qualifié seigneur
d'Arconques sur les registres de TÉtat civil d'Espiens, dans l'extrait
de naissance de Jean de Cambon, petit-fils dudit Balthazar {Etat
civil d'Espiens, 8 7iovembre 4136, 6 août /744).
Galard, Goalard ou Goulard près le Nom-Dieu. — Bertrand de
Galard, après avoir reconnu tenir la moitié du château d'Espiens du
Roi d'Angleterre, duc de Guienne, seigneur d'Agenais, reconnaît le
môme jour, 17 novembre 1286, devant les mômes Commissaires
royaux, tenir eu fief dudit prince le quart du château de Galard ou
Goulard près le Nom-Dieu [dictus Bertrandtis de Gaillardo recognovit
se tenere a domino Agenesi quartam partem castri de Gollardo
prope lou Nom-Dieu.) [Archives hist. de la Gironde^ citées, tome I,
page 381.
• Il était de la môme famille que Victor de Cambon, baron de Houssy,
seigneur de Condat, Ginolhac, Le Castel, Annat, Cabrespine, La Salle et
autres lieux, résidant à Toulouse en 1721 ; que François Tristan de Cambon,
évoque de Mirepoix, le 10 juillet 1768, et que Jean-Louis-Emmanuel-Augustin
de Cambon, conseiller au Parlement de Toulouse le 12 juin 1758, premier
président au môme Parlement en 1787, guillotiné à Paris le 8 thermidor an ii.
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Le 14 novembre 1286, Pierre d*Auvigiion reconnaît, devant les
mêmes commissaires, tenir dudit seigneur d'Agenais, la quatrième
partie du château de Goalard, qui ?st près du Nom-Dieu (Item^ Pe-
trus d'Aubignon recognovii se tenere a domino Agenesii quartam •
partem castri de Goalardo, quod est prope Nomen Dei). Il ajoute
cependant que les seigneurs de Goalard près Gondom, doivent à lui
et aux siens la garantie pour les cas difficiles (d/xeV tamen quod do.
mini de Goalardo^ jn^opè Condomium, debent sibi et suis garentire
in arduis factis. ) {Idem^ Idmiy page 354.)
En suivant le vieux chemin qui, partant du Nom-Dieu, traverse le
grand Auvignon et conduit à Francescas, on trouve 1» le moulin de
Galard ou de Goulard mis en mouvement par ce cours d'eau ; 2<> un
peu plus loin (presque à la limite de la commune du Nom-Dieu, et
sur le bord du vieux chemin), la maison de Goulard indiquée dans la
carte de Cassini et les cartes modernes. Cette modeste habitation,
qui a sans doute succédé au vieux château, est attenante à Tenclos
du domaine de Pachère, que messire Louis-Emmanuel de Bazignan,
capitaine dii génie, chevalier de Saint Louis (fils aîné de noble Me-
naud de Bazignan, écuyer, seigneur de Caulezon, juge royal de Fran-
cescas, et de Marie-Melchiore de Cambon d'Arconques, mariés dans
l'église d'Espiens le 8 novembre 1736), a légué à MM. Boue de La
Peyrère, ses petits enfants, propriétaires actuels.
Le Saumont. — Le château du Saumont est situé sur cette chaîne
non interrompue de coteaux peu élevés qui séparent les deux Auvi-
gnon. Il est construit sur le banc de calcaire gris, comme Fonta-
rède, Calignac, Saint-Orens près Francescas, etc. Il était possédé au
xïv siècle par une branche de la maison d'Albret. Bérard d'Albret,
seigneur du Saumont, laisse en mourant cette seigneurie à sa sœur
Marguerite, qui elle-même avait un gendre.
Deux mois et demi avant la désastreuse bataille d'Azincourt. livrée
le Tcndredi 25 octobre 1415, où Charles II, sire d'Albrel, connétable
de France, fut tué avec une grande partie de la haute noblesse fran-
çaise, « Bernard VII, par la grâce de Dieu, comte d'Armagnac, Fe-
« zensac, Rodés et Pardiac, vicomte de Fezensaguet, Bruilhois,
« Creyssel et Garladais, seigneur des terres de Rivière, d'Aure et des
« montagnes de Rouergue, » donne des Lettres patentes, datées de
son château de Vic-Fezensac le 3 août 1415. Ce prince enjoint par
lesdites lettres, àsesamés et féaux, messire Guillaume-Jean de Ymer,
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licencié es-lois, son bailli de Bruilhois, Arn . de Lafonlan, son procu-
reur vicomtal au même siège et à leurs lieutenants, de faire mettre
en possession et saisine corporelle et actuelle de la seigneurie du
lieu du Saumont, noble Marguerite d'Albret, sœur et héritière de
feu noble Bérard d'Albret, en son vivant seigneur du Saumont.
En conséquence, le 6 août 1415, Bernard d'Aguzan, lieutenant du
dit bailli de la vicomte de Bruilhois, après avoir reçu respectueuse-
ment les dites Lettres et les avoir lues publiquement [quibusquidem
Litteris reverenter per dictum dominum locum tenentem receptis ac
ibidem lectis publice)^ met noble Jean de La Serre, gendre et pro-
cureur fondé de la dite noble Marguerite d'Albret, en possession et
saisine réelle, corporelle et actuelle du Saumont. Pour cela il lui livre
la principale porte du lieu , le fait entrer dans le Saumont, lui fait
fermer et ouvrir ladite porte (in realem, actualem et coiyoralem
pocessionem et saysinam prodicti loci Ansamontis posuit et indtixit
videlicet per traditioriem janue principaux dicti loci, intus dictiim
locum intrando et aperiendo). Le lieutenant du bailliage entend
mettre ainsi le procureur fondé de Marguerite d'Albret, dame du
Saumont, en possession de tous les droits, rentes, provenances et
appartenances du dit lieu.
Il mande et commande à Arnaud d'Audebert et Jean de La Cla-
verie, consuls du Saumont et à plusieurs autres personnes présentes
de la même commune, de recevoir ladite noble Marguerite comme
leur dame, et noble Jean de La Serre, comme procureur fondé de la
même dame ; de lui obéir comme ils le faisaient h feu noble Bérard
d'Albret, frère de la dite Marguerite.
Noble Jean de La Serre, damoiseau, prête ensuite serment aux
Consuls et aux habitants du Saumont, au nom de noble Marguerite
d'Albret, dame dudit lieu, en présence de messire Bernard d'Aguzan,
lieutenant susdit.
Arnaud d'Audebert et Jean de la Claverie, Consuls, et les habitants
du Saumont, prêtent à leur tour serment de fidélité entre les mains
•de Jean de La Serre, damoiseau, procureur fondé de Marguerite
d'Albret, dame dudit lieu, sa belle-mère. Ces prestations réciproques
de serments sont faites en public dans Téglise du Saumont. Tous ces
actes sont retenus par Pierre de Span, notaire public de Bruilhois et
de toute la sénéchaussée d'Agenais et Gascogne (Minutes de Pierre
de Span, qui font partie de mes archives.)
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La seigneurie du Saumont était donc possédée au xir siècle et au
commencement du xy®, par une branche de la maison d'Albret.
Hélène d'Albret du Saumont épousa noble Biaise de Béarn, (descen-
dant, non des anciens vicomtes souverains de Béarn, comme le nom
porterait à le penser, mais d'un fils non légitime du célèbre Gaston
Phœbus, comte de Foix, vicomte de Béarn, Gabarret. etc.). Après
eux, noble et puissant seigneur Etienne de Béarn, seigneur du Sau-
mont {de Ausamonte), marié avec Annette du Lion, achète par con-
trat du i9 juillet 1469, à Jean de Filartigrue, seigneur de Gueyze et
d'Estrepouy, toutes les terres, forêts, fiefs, rentes, services, haute,
moyenne et basse justice appartenant au dit de Filartigue dans les
lieux de Calignac, Francescas, Autièges et Lormes, entre autres la
forêt noble d'Anguilh, située dans la juridiction de Calignac.
Joseph de Béarn, seigneur du Saumont en 1580, frère aîné de
Biaise de Béarn, seigneur de Réaup, et arrière petit-fils d'Etienne,
n'eut qu'une fille Jeanne-Marthe de Béarn, qui était dame du Sau-
mont en 1607, 1609 1644, et mariée à noble Jean-Louis de Mauléon,
seigneur de Francon.
Je donne ici quelques détails généalogiques, parce que la sei-
gneurie du Saumont est passée par mariage dans cinq familles diffé-
rentes depuis les d'Albret au xiv® siècle, jusqu'à la Révolution, et
qu'il est difficile de comprendre ou du moins de retenir comment et
à quelles époques ces mutations se sont opérées. Je reprends mon
énumération succinte,
Marie-Claire de Mauléon (née du mariage de Jeanne-Marthe de
Béarn avec Jean-Louis de Mauléon), apporta le Saumont à son époux
François de Tersac, seigneur marquis de Montberault. Leur fille
Jeanne-Marthe de Tersac-Montberault, dame du Saumont, épousa, le
8 avril 1657, François- Auguste-Michel de Montault de Saint Sivier,
seigneur de Malartic, baron de Cadeillan. Depuis cette époque, les
comtes de Montault Saint-Sivier, leurs descendants, ont été seigneurs
du Saumont jusqu'à l'abolition des fiefs.
On sait que Bernard, seigneur du château de Noé, situé sur la
rive gauche de la Garonne, entre Muret et Rieux, et du château de
Montaut, construit presque vis-à-vis sur la rive droite du fleuve,
laissa deux fils de dame Dias, son épouse. Gautier, l'aîné, eut la
baronnie de Noé ; il a continué la maison de ce nom (qui habite de
nos jours le château de l'Isle d'Orbessan, appelée aussi Tlsle de Noé).
Arnaud Pons de Noé, frère puiné de Gautier, eut en apanage en
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— 150 —
1143, la baronnie de Monlault, près Noé. Du mariage de cet Arnaud
Pons de Noé, baron de Montault,avec Judith, vicomlesse de Terride,
sont descendus les MM. de Montault, barons de Bénac, les ducs de
Navailtes (entre autres Philippe II, duc de Navailles, maréchal de
France), les comtes de Montault de Saint-Sivier, seigneurs du
Saumont.
M. Dumon, père de Tancien ministre des finances, avait, au com-
mencement de ce siècle, acheté la terre du Saumont, comme la terre
d'Aubiac. Il Ta donnée à son gendre M. Rotch Barsalou, ancien dé-
puté de Lot-et-Garonne, propriétaire actuel, dont la fille unique est
mariée au 3™' baron Eschassériaux, député do la Charente-Inférieure.
Durant le Moyen-Age et jusqu'à la Révolution, Le Saumont, le
Nom-Dieu, Bax et Beaulens étaient quatre communes de la vicomte
et du bailliage d*appel de Bruilhois. Elles étaient situées entre les
deux Auvignon, comme le sont en amont de ces cours d'eau, les vil-
lages ou petites villes de Ligardes, Estrepouy, Gazaupouy, La Rou-
mieu, Castelnau de Fimarcon, etc.
Calignac. — Après avoir descendu, au midi, la côte du Saumont
et traversé le grand Auvignon, le touriste n'a plusqu'ù jeter un coup
d'œil sur Calignac, Autièges et Fieux, avant d'arriver à Francescas.
Le village de Calignac, construit sur le calcaire gris comme le
Saumont, est comme lui chef-lieu d'une commune du canton de
Nérac. Les deux villages sont séparés par la vallée du grand
Auvignon.
Nous avons vu à l'article Montagnac-sur-Auvignon, que la dîme
de la paroisse Saint-Etienne de Calignac fut donnée à Tévêque
d'Agen par nobles hommes Bernard Trencaléon et Géraud
Trencaléon de Lomagne, agissant du consentement de leur père,
noble homme messire Odon de Lomagne, chevalier,* seigneur de
Fimarcon.
La seigneurie de Calignac était probablement divisée entre plu-
sieurs coseigneurs, puisqu'on trouve des membres des maisons de
Lomagne, de Filartigue , d'Autièges et de Pins, qualifiés seigneurs
de Calignac durant les mêmes siècles.
Le 16 novembre 1286, Vital de Filartigue reconnaît tenir du
seigneur d'Agenais toute cette chevalerie ou flef de chevalier qui
est à Calignac, Coutures, Carbussan, Cadeilhan, Caritholan et
Ozeilhan. {Vitalis de Filartiga recognovit se tenere à domino
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— 151 —
Ageneùi totam illam camlariam quœ est apud Calignac, et apud
CoUuraSi Carbussan, Cadeilhan et 0%eUhan\ pour lequel il dit
devoir au seigneur d'Agenais le serment de fidélité, l'hommage et
une lance avec un fer doré d'acaptes, avec ses partionnaires, c'est-
à-dire avec les coseigneure dudit fief ( Archives histoiiques du
département de la Gironde, tome I, p. 361).
Jean de Filartigue, seigneur de Gueyze et d'Estrepouy, était
coseigneur de Calignac au xv^ siècle. Il vend en effet, comme je l'ai
dit à la page 149, par contrat du 19 juillet 1469, toutes les terres,
forêts, flefs, rentes, services, haute, moyenne et basse justice lui
appartenant dans les lieux do Calignac, Francescas, Autièges et
Lourmes, et entr'autres la foret noble d'Anguilh, située dans la
juridiction de Calignac, forêt transformée en un magnifique vigno-
ble par M. Rotch Barsalou, propriétaire actuel, représentant noble
et puissant seigneur Etienne de Béarn, seigneur du Saumont, l'acqué-
reur du 19 juillet 1469.
Ce vignoble, qui a remplacé l'ancienne foret noble d'Anguilh, est
situé sur la rive gauche du grand Auvignon, à égale dislance des
villages du Saumont et de Calignac, et aboutit par une de ses extré-
mités à la route qui relie ces deux chefs-lieux de commune. Il est
limitrophe des terres du château de Lassallc du Quesne, dont noble
François de Labenne de Saubade, ancien capitaine au régiment de
Brie, chevalier de Saint-Louis, était seigneur le 17 janvier 1783, jour
où il maria sa fille avec messire Jean-Nicolas de Gramont de
Villemontès, officier de Dragons, chevalier de Saint-Louis. Le futur
époux devint seigneur de Lassalle du Quesne par ce mariage. Il avait
pour sixième aïeul Jean de Gramont, gentilhomme de la vicomte de
Turenne, marié sous Louis XII, Tan 1511, commandant une colonne
de gens de pied sous François le'; et pour cinquième aïeul Antoine
de Gramont, seigneur de Saint- Lioubés, Bailoux, etc., et seigneur de
Villemontès par son mariage avec mademoiselle de Villemontès.*
* Antoine du Quesne se qualifie « conseiller du roi, subdélégué de Tlnten-
dance de Guienne au département de Nérac » dans une main-levée donnée
par lui en cette qualité le 17 août 1720, et faisant partie de mes archives.
Le 10 décembre 1726, Glaire de Labenne, fille do feu noble Joseph de
Labenne, seigneur de Montauzet, dans la commune du Saumont,
et de dame Emilie de Brizac, épouse noble Robert VI du Bernet de Mazères,
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— 152 —
Il sera question d'autres coseigneurs de Calignac aux articles
Autièges, Fieux et Montcrabeau.
Une partie des anciens murs d'enceinte de la petite ville de
Calignac existe encore, particulièrement au presbytère, longé par la
route d'Agen à Nérac.
AuTiÉGES. — Le château et- l'église d'Autièges sont les deux seules
constructions à noter dans la paroisse de ce nom.
Le 22 novembre 1286, Raymond d'Autièges, [Raymundus de
il Kt^m) reconnaît tenir du seigneur d'Agenais, certaines terres et
des bois situés dans la paroisse d'Autièges. Il assure que ces terres
sont franches {Archives historiques du département de la Gironde ,
tome I, p. 385).
Six jours plus tôt, i6 novembre, Pierre d'Autièges reconnaît tenir
du même seigneur d'Agenais, tout ce qu'il possède dans la paroisse
de Calignac» Escremer, indépendamment dé sa part du château de
Fieux, pour laquelle il a précédemment fait sa reconnaissances. 11
déclare devoir pour cela le serment de fidélité et l'hommage [Idem,
page 369).
Géraud d'Autièges et sa mère Contors donnent à l'évêque d'Agen
la dîme de Sainte-Marie del Moral, et la dime de la paroisse Saint*
Jacques d'Autièges (Cartulaire d'Agen, bulles cotées par lettres
B. G. et B. L.).
Le château d'Autièges construit sur un point assez élevé, comme
Fieux, Calignac et Le Saumont qui l'entourent, est en bon état de
conservation. Il a une jolie tour. Je ne peux pas arrêter mes regards
sur ce manoir isolé dans la campagne, sans me rappeler avec plaisir
qui fut conseiller et procureur du roi au siège présidial et sénéchal
de Nérac, et subdélégué de l'Intendance de Guienne. La future
épouse est assistée de sa mère, de son oncle noble Jean-Baptiste de
Labenne, sieur de Saubade, chevalier de Saint-Louis, migor au régiment
d'infanterie de Monseigneur le comte de La Marche; de M. M^ Antoine du
Quesnc, conseiller du roi, ancien lieutenant-criminel et subdélégué de
rintendance de Guienne, et de dame Marguerite de Laborde, épouse dudit
sieur du Quesne, oncle et tante de ladite Glaire de Labenne , future épouse
{CorUrat de mariage devant BarUmilh, notaire royal à Nérac).
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•- 153 —
Taccueil à la fois simple, obligeant et cordial que j'y ai reçu pen-
dant ma jeunesse. Après une nuit de fête, le soleil venait nous y
avertir que le moment de suspendre les danses était arrivé.
L'hôte aimable et bienveillant qui nous recevait alors dans son
château d'Autièges, était Joseph-Romain-Bonaventure de Montagu de
Mondenard, né en 1778, élève de Tancien collège de Sorèze, (fils de
Joseph de Mondenard de Bière, et neveu d'autre Joseph de Montagu
deMondenard, seigneur de Bière, en la commune de La Plume,
maréchal des camps et armées du roi le Ic^ janvier 1784). Il avait pour
huitièmes aïeul et aïeule Garcie ou Gaissiot de Montagu de
Mondenard, baron de Moncaut, seigneur d'Estillac, et Miramonde
d'Albret, dame de Moncaut; et pour quatorzième ayeul Simon de
Montagu, seigneur de Montcuq et de Montagu, marié en 1212 à
Julienne de Châtillon. — Arnaud de Montagu, père de ce Simon,
était Tun des 74 grands seigneurs laïcs (dont 3 ducs, 10 comtes
et 6 vicomtes qui commandaient sous leurs bannières, sous le célè-
bre comte Simon de Montfort, lors de la croisade contre les Albigeois
(La noblesse de France aux Croisades, par P. Roger, Paris, 1845,
p. 313). Le souvenir d'une origine aussi ancienne et aussi illustre
n'avait en rien altéré la modestie douce et obligeante de M. de
Mondenard, qui est mort le 19 avril 1857 dans le château d'Autièges^
propriété actuelle de sa veuve ou de ses enfants.
FiEux. — Placé entre Le Saumont et Francescas, sur le coteau qui
sépare ces deux localités, et presque à égale distance de l'une et de
l'autre, le village de Fieux, avec son château et son église, se dessine
en silhouette sur l'horizon.
Il existait de nombreux coseigneurs de Fieux.
Le 14 novembre 1286, messire Géraud d'Autièges, chevalier, et
Pierre d'Autièges reconnaissent tenir du seigneur d'Agenais le quart
du tiers, (c'est-à-dire la douzième partie) du château de Fieux
[dominus Geraldus de Altigiis, miles, et Petrus de Altigiis, recogno-
veruntse tenereà domino Agenesti quartam partem tertiœ partis
castride Fieux), avec ses appartenances. Ils reconnaissent pour
cette douzième partie du château, devoir audit Edouard Ie% roi
d'Angleterre, 15 sols Morlaas d'acaptes, à chaque mutation du sei-
neur d'Agenais {Archives histmnques du déparlement de la Gironde^
tome I, p, 355 et 356),
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- 154 —
Deux jours après, Angelier d'Autièges, damoiseau, reconnait tenir
du même seigneur d'Agenais le quart et demi du tiers de tout le
château de Fieux [quartem partem cum dimidia ter tiœ partis totius
casiri de Fieux et de ses dépendances, et la haute et basse justice du
même quart et demi [Idemy p. 367).
Pierre d'Autièges reconnait tenir ce qu'il a Calignac-Escremet , in-
dépendamment de sa part du château de Fieux [Idem^ p. 369).
Gailhard d'Au lièges et Arnaud Verbinnbasta reconnaissent tenir
du seigne jr d'Agenais, en flef noble, le quart et demi du tiers de
tout le château de Fieux [in feudo gsntili fuurtam partem cum di-
midia ter tiœ partis totius castri de Fieux), de ses appartenances et
delà haute et basse justice. Ils en exceptent ra/fanî/m ou bien franc
(voir à l'article Moncrabcau), appelé de Laratz, et la part de moulin
que le dit Gaillard a dans la (7owr(/M^ (réservoir ou bassin de retenue)
de Fort Aner de Lîgardes [quam dictus Gailhardus habet in engor-
gato molendini Fortanerii de Ligardis.)
Les mômes Gailhard et Arnaud reconnaissent en autre tout ce qu'ils
ont dans la paroisse de Calignac-Escremet, et doivent 22 sols et demi
Morlaas, à chaque mutation de seigneur dominant, pour lesquels ils
doivent le serment de fidélité et Thommage [Idem, p. 37i).
Vital de Rozaz, fils de feu Pierre de Rozaz, et Donat, Jean et Vital
de Rozaz, ses oncles, et Richarde de Rozas, sœur desdits oncles, re-
connaissent, le 17 novembre 1286, tenir du roi Edouard, seigneur
d'Agenais, Yaffarium appelé de Zupo situé dans la juridiction de
Fieux falfarium vocatum de Lupo quod est In honore castri de
Fendis), pour lequel ils doivent à chaque mutation de seigneur, sept
sols tournois ( septcm solidos turonenses nigrorum pro retrocaptagio
in mutatione domini Agenezii.) [Idem page 374).
Les mots de Altigiis, de Artiga, de Lartiga sont souvent écrits
dans le même acte pour désigner les membres de la même famille.
En voici un exemple relatif aux enfants d'Angelier d'Autièges, da-
moiseau, dont je viensde rappeler une reconnaissance pour une partie
du château de Fieux, à la date du id novembre 1286.
Dame Guiliemette d'Auticges, fille de feu messire Angelier d'Au-
tièges, et Arnaud-Guillaume d'Autièges et Déodatd'Autièges, fils, (do-
mina€uilherma de Altigiis filia condam domini Angelerii de Altigiis
et Arnaldus de Lartiga et Deodatus de Lartiga filii), donnent à Té-
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- 155 —
vêque d'Agen le quart de toute la dime de la paroisse de Fieux
{Cartul dWgen. Lettres C. 0.).
Par contre on trouve la paroisse d'Artigues , commune de Mont-
crabcau, nommée de AUigiis dans des titres du Cartulaire d'Agen.
Ang-elicr et Bernard d'Autièges, Géraude, Aude et comtesse d'Au-
tièges, frères, fils et filles de messire Guillaume d'Autièges {Angele-
rius et Beimardus de Lartiga, Geralda^ Auda et comitissa de Lar-
tiga^ fratres filii et filiœdomini Giùlhermi de AUigiis) donnent à
révoque d'Agen le quart de touto la dime du blu et du vin de l'église
paroissiale de Fieux [Cartulaire d'Agen, bulle cotée par lettres C. 0.).
Gailhard d'Autièges, clerc, donne à Tévéque d'Agen toutes les dî-
mes qu'il possède du chef de son père, dans les paroisses de Saint-
Pierre de Fieux et de Sainte-Marie de Calignac. — De son côté,
Guillaume d'Autiéges, damoiseau de Fieux, fils de feu Arnaud d*Au-
tièges, donne à l'évoque d'Agen, les dîmes des paroisses Saint Jac-
ques d*Autièges, et Sainte Marie del Morar [Idem, lettres D. Z.).
Nous avons vu, page 137 que Bérard de Lomagne, chevalier,
se qualifie seigneur de Montagnac-sur-Auvignon et de Calignac ,
coseignenr de Fieux et de Pouy-sur-Osse, dans son testament du
9 février 1421.
Au dix-huitième siècle, le seigneur de Fieux, près Francescas était
le vicomte de Juliac.
Une partie du château de Fieux est aujourd'hui un bâtiment com-
munal ; l'autre partie a été acquise par des propriétaires L'église et
le clocher assez élancés et visibles à plusieurs lieues- à la ronde,
viennent d'être reconstruits depuis quelques années.
Le château de Fieux, près Miradoux, nouvellement reconstruit
dans de très-belles proportions et avec une grande élégance par
Madame Alphonse de Léonard, née de Bonnefont de Fieux, et par sa
fille unique Madame de Seguin, marquise de Reyniès, ne doit pas
être confondu avec le château de Fieux, près Francescas. MM, de
Bonnefont étaient seigneurs de Fieux près Miradoux en 1420 et n'ont
pas cessé de l'être jusqu'à la Révolution.
Jules DE BOURROUSSE DE LAFFORE.
fA continuer)
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PIERRE BALGUERIE.
SA VIE ET SES TRAVAUX,
II est pour les esprits supérieurs plus d'une voie ouverte à la célé-
brité : les armes, la politique, les arts, la science, les lettres,
l'industrie, le commerce, Tagriculture ont d'héroïques annales.
L'éducation et surtout les influences sociales favorisent ou contra-
rient le développement des natures privilégiées; plusieurs n'attei-
gnent pas le degré d'élévation qui semblait réservé à leurs
éminentes facultés, et disparaissent avant de rendre à l'humanité les
services qu'elle avait droit d'en attendre ; bien peu prolongent assez
leur carrière laborieuse et agitée pour réaliser leurs plus belles
conceptions.
Il en fut ainsi de Pierre Balguerie qui, en quinze ans d'une vie
prodigieusement active, parvenu, jeune encore, à une fortune com-
merciale et industrielle sans exemple depuis l'illustre et infortuné
Jacques Cœur, épuisa les forces d'une vigoureuse constitution par
des veilles incessantes; il s'éteignait avaflt l'âge de quarante-huit
ans; c'est à peine celui de la maturité d'esprit et de conception, qui
réalise les aspirations de l'homme de bien, et la pensée du génie.
On a tracé plus d'une fois le tableau de cette courte existence, si
bien, si honorablement remplie; on a décrit les bienfaits qu'il a
répandus autour de lui, comme en des régions lointaines. La Cham-
bre de Commerce de Bordeaux l'a honoré vivant, et a voulu perpé-
tuer sa mémoire, en plaçant dans la salle de ses délibérations son
buste en marbre blanc par Dosio; la ville de Bordeaux a donné son
nom «^ l'une de ses magnifiques voies; l'État lui avait accordé la
haute distinction dont il gratifie les hommes d'élite, la croix de la
légion d*honneur; il fut régent de la Banque, de la Caisse d'escompte,
président de l^ Chambre de commerce. C'est bien assez, dii*a-t-on,
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^
- i57-
d'hommages et d'honneurs! Nous ne le pensons pas, et la dette
de la reconnaissance ne nous paraît pas enlièrement acquittée; on
n'a pas reproduit encore avec sa physionomie douce et spirituelle,
l'homme de cœur et d'intelligence, le philanthrope sincère, Tami du
progrès réel; non, on n'a pas encore dit tout ce qu'il y avait de
noble et d'exquis dans cette àme qui s'ouvrait grande et miséricor-
dieuse pour le pauvre et le malheureux; n'y a-t-il pas des qualités
qui semblent défier le ciseau du sculpteur, le pinceau du peintre, la
plume de l'écrivain?
Aussi n'avons-nous pas la pr Intention d'écrire une histoire; notre
but est moins élevé, nous désirons donner un simple résumé des
actes importants d'une vie trop tôt brisée, afin que ceux qui ne
qui ne l'ont pas connu, apprennent à honorer dignement sa
mémoire.
Pierre Balguerie naquit près d'Aiguillon, à 28 kilomètres d'Agen,
dans une propriété de famille et devait recevoir comme son frère
aine l'éducation qui convenait à son rang, lorsque les désastres de
Saint-Domingue, où son père avait la plus grande partie de sa for-
tune, l'obligèrent à passer les premières années de son adolescence,
loin des écoles; il ne savait rien, puisqu'il n'avait pu rien apprendre;
et il fallait vivre : on en fit un commerçant; c'était surtout à cette
époque la ressource ordinaire des jeunes gens sans fortune; et c'en
est toujours une précieuse, à la condition d'apporter dans cette pro-
fession, avec une intelligence même ordinaire, mais alerte, active et
docile, des habitudes d'ordre, de travail et d'économie ; il avait vingt
ans quand il fut placé dans une maison de toile et d'étoffes de
Bordeaux^ dirigée par d'habiles chefs; il y remplit, selon l'usage,
les plus humbles fonctions, prit goût aux affaires et se montra bien-
tôt supérieur par son intelligence à la modeste position qu'il
occupait; il apprit beaucoup, cherchant toujours à s'instruire, et
seconda si bien ses patrons, qu'au bout de sept ans, en t805, on le
jugea capable de diriger les affaires de la maison ; l'un des associés,
M. Verdonnet, consul suisse, en se retirant lui confia 40,000 fr.,
Pierre Balguerie justifia pleinement la confiance que lui témoignaient
ses premiers patrons; son crédit et son habileté lui valaient une
fortune avant qu'il l'eût acquise par son travail, de sorte qu'en 1807,
il épousa la fille de M. Stuttenberg, négociant fort estimé originaire
de Lubeck, & la tête d'une maison allemande et faisant un grand
commerce de vins : c'est en vertu de cette union qu'il succède bien-
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tôt à son beau-père, et réunit le double commerce des étoffes et des
vins sous la raison Balguerie, Sarget et C'\
L'aptitude remarquable du jeune Balguerie, chef de la nouvelle
maison, put se déployer librement; comprenant toute l'importance
de l'instruction qui lui manquait, il rechercha la conversation des
gens instruits, et voulut acquérir par Télude et le travail les connais-
sances dont il se sentait le besoin : pour mieux réparer les lacunes
de son éducation, il appela h lui les intelligrences remarquables,
choisit ses amis et les reçut ainsi qua les étrangers de réputation
qui visitaient Bordeaux, dans la demeure splendide qu'il avait choi-
sie au Chapeau-Rouge, centre du commerce, des affaires et des rela-
tions sociales. C'est à cette époque, c'est-à-dire de 1817 à 1822, qu'il
conçoit l'idée des compagnies destinées à combattre et à vaincre,
par rassociation du capital et du travail intelligent, les difflcultés qui
arrêtent ou font ajourner tant d'utiles entreprises; la plupart sur-
passent les ressources d'une seule maison, et ne résistent pointa
l'association qui décuple la puissance; là, comme partout, c'est
Tunion qui fait la force. Cet esprit nouveau que ne connut point le
dernier siècle, Pierre sut l'appliquer d'abord à la construction ^u
pont de Bordeaux ; on n'avait songé qu'à un pont en charpente, que
l'on croyait à peine possible. Claude Deschanips le voulut en pierre
et surmonta les obstacles qui s'opposaient à son plan. Ce pont qui a
fait la réputation deThabile ingénieur, ce pont qui passe à bon droit
pour un chef-d'œuvre d'art architectural et de mécanique savante,
n'eut point été construit sans Pierre Balguerie, qui fournit les indis-
pensables millions, au moment où, découragé, abattu, l'ingénieur
quittait la partie. Dès lors l'action des compagnies s'étendit et
s'agrandit par le succès : après le pont de Bordeaux, ce fut le beau
pont de Libourne; puis, se tournant vers le pays qui abrita son
enfance, Pierre Balguerie dota l'Agenais des ponts d'Agen et
d'Aiguillon, ouvrant ainsi le commerce de Bordeaux à des contrées
fertiles et industrieuses; à la suite s'élevèrent sur une plus modeste
échelle, les ponts de Bergerac, de Moissac et de Coesmond (dans la
Sarthe). — C'est cet esprit d'association qui attira les regards et
l'attention de l'Académie des Sciences de Bordeaux lorsqu'elle pro-
posa, en 1834, un prix à décerner pour le meilleur mémoire sur la
question suivante :
« Quelle a été jusqu'à ce jour sur. la prospérité commerciale,
« agricole et industrielle du département de la Gironde, l'influence
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— 159 -
« de l'esprit d'association, si heureusement introduit parmi nous par
« M. Balguerie?* »
Ainsi se rencontrèrent et s'unirent pour l'honneur et la splendeur
d'une ville que le célèbre intendant de Tourny avait voulu faire
grande et belle entre les capitales des provinces de France, deux
hommes personnifiant le génie de la science moderne et le génie du
commerce maritime; nous n'avons pas à justifier l'éloge du premier,
puisque son œuvre vivante parle pour lui, défiant la critique et
l'envie, comme la violence de§ vents et des flots ; il est aisé d'ache-
ver réloge du deuxième en continuant le récit de ses travaux.
Contre le Sénat et l'éloquence de Fitz-James, Balguerie eut à sou-
tenir un important débat; il s'agissait de prononcer entre le grand
commerce des Indes ou de la Chine et le petit commerce des
Antilles, qui n'offrait qu'un médiocre débouché à nos produits; il fit
valoir avec une rare sagacité les avantages qui résultaient pour notre
navigation et pour la marine deTÉtat, de ces longs voyages de douze
à quinze mois, si propres à nous donner de bons et solides marins,
indépendamment des marchés nombreux et considérables qui
s'ouvraient à notre marine marchande, et cette fois le langage élevé
d'un simple négociant qui n'avait étudié nulle part l'art d'écrire, eut
raison de la brillante faconde des hommes d'Étal, qui n'étaient ni
commerçants ni armateurs.
Pierre Balguerie eut un succès plus flatteur pour lui et plus avan-
tageux pour le département en créant à Bordeaux une banque,
appelée à rendre de grands services au commerce et à l'industrie ;
on sait qu'elle est devenue en Î848une succursale de la banque de
Paris, nouvelle application de l'esprit d'associatioi, dont l'époque
présente ne tire pas tous les avantages qu'elle pourrait et devrait en
retirer.
' Le considérant du programme, parle encore plus explicitement; il
honore celui qui l'inspira, et ceux qui l'avaient rédigé.
« Au moment où tant d'hommes éclairés recherchent activement les
tt moyens de rendre au commerce de Bordeaux son ancienne prospérité, et
« de faire fleurir parmi nous l'industrie, l'Académie croit utile de mettre
« au concours une question dont la solution éminemment avantageuse au
« pays, tournerait en môme temps à la gloire d'un homme qui vivra éter-
c< nellement dans nos souvenirs; elle propose en conséquence.... »
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On doit an même génie d*i.ivention Tentrepôt réel des marchandi^
ses sur la place Laine; la Caisse d'escompte, qui fut Tobjet de vives
critiques et le prétexte de violences inqualifiables; ce dernier établis-
sement surtout froissait quelques intérêts particuliers, et devait
subir le sort de la plupart des utiles découvertes, qui dérangent cer-
taines habitudes, et soulèvent dans le cœur humain les mauvaises
passions de l'envie et de la haine : telles furent les machines, qui
remplacèrent la main de l'homme, et les chemins de fer, qui ont fait
disparaître les diligences si lourdes; on bénit maintenant ce qu'on
maudissait autrefois, en jouissant des bienfaits dûs à la science et
aux progrès de la civilisation.
C'est encore avec le concours des puissantes maisons Guestier et
Johnston, avec la collaboration des constructeurs de Lormont,
Chaîgneau et Bichon, que Pierre Balguerie fonda la Compagnie des
bâtiments à vapeur et des remorqueurs pour le service des navires
et le transport des voyageurs entre Bordeaux et la mer. Le pre-
mier, il s'occupe sérieusement et avec l'ardeur qu'il apporte à tout
ce qui l'intéresse, des docks qu'il voulait placer aux Quinconces sur
le terrain occupé par le Château-Trompette; il avait conçu et pro.
posé le plan d'une cité nouvelle autour des bassins ; l'idée, bien que
ropoussée et longtemps oubliée, a reparu de- nos jours; elle reçoit
son exécution en grande partie et les docks sont achevés.
Mais dans cette existence laborieuse, ses forces s'étaient rapide-
ment épuisées; il sentit en 1821 qu'il ne pouvait suffire à tout et
cherchant un appui autour du lui, il n'eut point de peine à le trou-
ver dans son frère aîné, son meilleur ami ; la nouvelle maison prit
le nom de Balguerie Frères, et se réservant les combinaisons har-
dies, il laisse à son frère la charge la plus lourde, les soins d'une
vaste administration; ce fut de 1821 à 1825 l'apogée de sa fortune et
de sa réputation; ses vaisseaux parcouraient le monde entier; au
Bengale, en Chine, au Brésil et sur les côtes du Chili et du Pérou ; au
milieu de ses occupations, il ne perdait pas de vue les malheureux,
et le souvenir du pauvre le suivait dans ses plaisirs les plus intimes;
s'il donnait une fête, il faisait la part des indigents et, sincèrement
populaire, il cherchait l'occasion de bùtir pour donner du travail
aux ouvriers. — Sa prodigieuse activité suffisait à tout.
Ainsi, les détails si nombreux d'un commerce aussi étendu ne
Tempèchent pas de fournir au roi d'Espagne quarante vaisseaux de
transport pour l'armée destinée à combattre l'insurrection des pro-
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-. 161 -^
vinces du Sud de rAmérique, et d'aider en même temps don Pedro à
conquérir le trdne de Portugal, en lui donnant armes, munitions,
équipements militaires.
Avant d'achever un récit qui paraîtra bien long, malgré nos efforts
pour l'abréger, il nous reste h faire connaître avec quelques détails,
un projet qui Tut longtemps et jusqu'au dernier jour de sa vie, la
constante préoccupation de son esprit. Nous voulons parler de
l'amélioration et de la colonisation des landes, d'abord, par un grand
canal de communication de l'Âdour à la Garonne, ensuite par un
canal d'irrigation, reliant les nombreux étangs qui bordent l'Océan,
et donnent lieu à des marécages malfaisants.
C'est avec le duc de Richelieu, sage et généreux promoteur des
utiles entreprises, le ministre Laine, le protecteur et l'ami du com-
merce bordelais, qu'il prépare Fœuvre à laquelle il veut attacher son
nom. Claude Deschamps dresse les plans; et tous les quatre en
étudient sur les lieux les difficultés, pour les vaincre. Balguerie
fournit tous ce que demande l'habile ingénieur qu'autorise une
ordonnance royale; s'il eût vécu, la vaste région qui s'étend de
Bordeaux à Bayonne jouirait de la prospérité que devait et que doit
développer l'exécution des travaux si bien conçus par nos devan-
ciei*s : alors comme aujourd'hui, les oppositions se multipliaient, et
pour réduire au silence une critique obstinée, il fit constniire à
Beliet, près Bclin, un canal spécimen sur un kilomètre de long et
cinq mètres de large, où l'on avait réuni tous les genres d'obstacles
que l'on av^it imaginés contre la possibilité du grand canal, savoir :
viaducs, remblais de sables, ponts, écluses. — L'inauguration de ce
canal eut lieu, mais après sa mort, le 30 janvier 1826, conformément
au vœu qu'il avait exprimé en mourant ; le préfet, M. d'IIaussez, le
vicomte Lalné, Deschamps et Balgucrie aine y assistaient, et cette
épreuve reçut une éclatante approbation. — On sait que, repris en
février 1838, ce projet fut encore combattu et vivement repoussé ou
ajourné. Nous espérons que le moment opportun est actuellement
arrivé en présence des conceptions grandioses qui ont obtenu
l'assentiment des Chambres.
La santé de Pierre Balguerie était languissante, nous l'avons dit,
lorsqu'une catastrophe imprévue, l'incendie de ses chais, dont il fut
douloureusement affecté, vint aggraver son état ; obligé de prendre
du repos, loin des affaires, il se rendit à Bagne res-de-Bigorre, où,
peu après son arrivée, il succomba h la violence du mal, le 19 août
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1825, Fesprit toujours préoccupé des plans qu'il avait conçus et
des regrets de n'avoir pu les réaliser. Ses obsèques eurent lieu à
Bordeaux avec la solennité qui répondait à la haute position qu'il
avait occupée ; les regrets fuirent unanimes ; les ouvriers dont il avait
été le bienfaiteur le pleurèrent comme un père; ses nombreux amis
suivirent le cercueil avec la famille du défunt et les autorités du
déparlement et de la ville. La Chambre de commerce lui élève un
monument; la municipalité décore de son nom l'un des cours
de la cité ; la même pensée délicate place autour de lui les
noms de ses nobles protecteurs et amis; à côté du cours Balguerie-
Stuttenberg, nous voyons le quai Deschamps, la place Laine et la
place Richelieu.
Nous sommes loin d'avoir tout dit sur la vie et les œuvres de
Pierre Balguerle ; c'est pour nous un sensible regret ; si le récit des
batailles et des conquêtes offre un intérêt dramatique et un éclat qui
plaisent à beaucoup d'esprits, il en est qui préfèrent celui qui nous
montre l'homme d'intelligence et de cœur, dont l'existence vouée au
travail fut utile à son pays : transiit benè faciendo; n'est-ce pas la
plus belle oraison funèbre qui convienne au bienfaiteur de l'huma-
nité : la gloire, vaine fumée trop souvent, apparaît triste et froide
sur la tombe de ceux qui ne furent que grands ou puissants. Nous
avons lu avec intérêt plusieurs biographies, qui disent tout ce que
Balguerie fit ou conçut po .ir le bien de son pays et des deux dépar-
tements qu'il affectionnait à plus d'un titre : nous avons dû nous
borner (car telle était notre mission) à présenter une esquisse des
travaux et des conceptions dont la génération actuelle n'a qu'une
connaissance bien imparfaite et qui justifient les honneurs qu'il a
reçus ou ceux qui lui sont réservés.
Le 28 novembre dernier, il y a six mois, un membre de l'Académie
des sciences, lettres et arts de Bordeaux proposait une souscription
publique pour élever une statue à Claude Deschamps, et le souvenir
de Pierre Balguerie, son ami, s'offrait naturellement à la pensée ;
aussi l'auteur de la proposition émettait-il le vœu que pareil hom-
mage fût rendu au généreux promoteur de tant d'œuvres ou
institutions qui n'existeraient pas sans lui. Le double vœu fut
accueilli, et l'on doit espérer qu'il n'aura pas été inutilement émis
devant une compagnie qui sut toujours honorer le génie, le talent et
les belles actions.
La Chambre de commerce de Bordeaux délibère en présence du
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-163-
buste de Balguerie et s*inspire de ses généreuses pensées ; elle en a
accepté l'héritage; le musée d'Agen, à son tour, place son image
parmi les illustrations que la France doit à ce beau département*
Lacepède, Bory Saint-Vincent, Saint-Amand lui feront place avec
empressement; les Scaliger ne s*y opposeront pas, et Jasmin lui
sourira; un poète agenais peut-ôtre (nous en connaissons qui font
parler d'eux au loin) lui soubaitei^ la bienvenue en vers charmants,
dignes d'une de ces rares solennités, dont les arls s'applaudissent :
et n'est-ce pas par eux que la Grèce vaincue, triomphe à son tour de
Rome victorieuse ?
Victa victorem cepit.
P. VALAT.
^ Une belle reproduction de ce buste, sculpté par Bosio, a été offerte au
musée d*Agen, qui s'est empressé de l'accepter. — L'ouverture de ce Musée,
retardée par le concours régional, aura lieu prochainement.
Voir pour plus de détails : !• la Revue d'Aquitaine et de Languedoc
(14e année, 15 mars 1870)... Blume. P. Balguerie 1840... Un bienfaiteur de
la ville de Bordeaux (Histoire des hommes utiles), p. 431-448 avec por-
traits... Billaudel.'
Alphabet de Gui^n^ ( Notices biographiques)... Jules de Gères.
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UNE LETTRE INÉDITE
ÉCRITE D'AGEN A PËIRESG
EN 1688.
Un des plus glorieux vétérans de la noble armée des travailleurs^
M. Nalalis de Wailly, a bien voulu annoncer à l'Académie des Ins-
criptions et Belles-Lettres, dans la séance du 10 janvier 1879, que
j'ai formé le projet de publier l'immense correspondance de Nicolas-
Claude Fabri de Peiresc. Cette nouvelle, communiquée a la savante
Compagnie en termes trop flatteurs pour moi, a été accueillie par
elle avec une sympathie que je regarderai toujours comme le plus
.précieux des encouragements. Puisse ma publication, à laquelle je
consacrerai tout le reste de ma vie, justifier l'espoir que M. de
Wailly et ses confrères ont daigné mettre en l'énergie de mes efforts
et la persévérance d» mon ardeur I
Déjà, pendant un séjour de quelques semaines à Carpentras, où
l'on conserve, dans la magnifique bibliothèque donnée à cette ville
par un homme dont tous les érudits doivent à jamais bénir la
mémoire, par l'évèque Dominique-Joseph Malachie d'Inguimbert,
la plupart des manuscrits de Peiresc, j'ai commencé à transcrire ies
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documents destinés au recueil qui devient mon objectif. J'en ai même
transcrit quelques autres qui ne doivent pas enlrei'dansce recueil, et
c'est ainsi que je puis aujourd'hui donner à la Revue agenaise une lettre
adressée à mon héros, le 15 juin 1628, où Ton trouvera quelques
détails nouveaux sur les hommes et les choses de notre région.^
Cette lettre a été écrite par un certain Dubernard, lequel était at-
taché, probablement en qualité de secrétaire, à la maison de
M. d'Àndrault, un des membres les plus considérables du Parlement
de Bordeaux .3 J'ai le regret de ne pouvoir rien dire de plus sur ce
demi-inconnu, qui, comme on va le voir, ne se servait pas trop mal
de sa plume, et qui, se montrant à la fois intéressant nouvelliste et
aimable écrivain, ne me semble pas indigne de l'honneur d'avoir été
— un jour et par hasard — le correspondant de l'illustre Conseiller
au Parlement de Provence.'
ph. tamizey de LARROQUE.
' Lettres diverses en original adressées à M. de Peiresc en deux registres
in-folio, t. I, fo 329.
* Voir sur ce Conseiller, appelé quelquefois DandraiU, Vllistoire du Parle-
ment de Bordeaux, par M. Boscheron Des Portes, 1. 1, p. 484; t. II, p. 34, 36,
201. Il est souvent question de ce magistrat dans lés Archives historiques du
département de la Gironde (notamment tomes II, III, IV, VI, XIII, XIV). J'ai
lu dans le registre d'où j'ai tiré les lettres de Dubernard, deux lettres
de M. d'Andrault, dont une est datée d'Agen, le 25 février 1628.
' On vient de publier à Bordeaux (chez Féret) une brochure, tirée à un très
petit nombre d'exemplaires et ornée d'une belle eau-forte, de Grenier Du-
breuilh, brochure que je recommande à tous mes lecteurs, et qui est inti-
tulée : Une lettre inédite de Peiresc, abbé de Guitres, au cardinal de Sourdis avec
introdueticn et notes par Antoine de Lantenay, membre correspondant des
Académies de Metz et de Dijon (in-8* de 28 p.). Je n'ose dire tout le bien que
j'en pense, l'auteur ayant gêift ma liberté d'appréciation par l'amic^Ue in-
dalgenœ avec laquelle il a parlé de moi.
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— 166 «
Monsieur,
Voslre dernière despeche du mois d'Avril accompagnée d'une
lettre de M. de-Valavez * et de certains vers latins imprimés, furent
rendus par la voye de M. de Mons,' le mois passé, à M. d'Andrault,
mon maistre. Il vous supplie de ne le taxer point de mescoignois-
sance de son devoir s*il ne vous a point encore accusé la réception
de ceste despesche ny rescript à mondict sieur de Valavez, les offres
duquel n'adjoustent rien à la créance qu'il a prinse de la cour-
toisie qui se trouve d'ordinayre et en vous et en luy. Il est aux es-
coutes de savoir si son procureur, le sieur Pothonier, par vostre fa-
veur et crédit aura obteneu un arrest portant commandement à un
huissier de vostre Cour de Parlement de venir en ceste contrée se
' C'était le frère cadet de Peiresc. Il s'appelait Palamèdes Fabri, seigneur
de Valavez et de Calas, baron de Rians. Il était gentilhomme ordinaire de
la chambre du Roi. Voir sur lui une excellente note de M. de Lanlhenay,
(p. 23 de la brochure que je viens de mentionner).
• Sur ce conseiller au parlement de Bordeaux, voir, outre l'ouvrage déjà
cité de M. Boscheron des Portes (en ayant soin de se méfier de la Table des
Noms oil abondent les identifications impossibles), les Archives historiqties du
département de la Gironde (passim), recueil auquel je renvoie, du reste, d'une
manière générale pour tous les membres qui vont suivre du parlement de
Bordeaux. Ce n'est pas de notre de Mons qu'il s'agit, sous l'année 1606, dans
l'historiette du tome II, p. 20, de la Chronique bordelaise de Jean de Gauffreteau
publiée par M. Jules Delpit pour la Société des Bibliophiles de Guyenne
(Bordeaux, Lefebvre, 2 vol. in-8», 1876-78), mais d'un magistrat, son homo-
nyme, qui était peut-être son père. On possède, à Carpentras, plusieurs
lettres de Peiresc à M. de Mons et deux lettres de ce dernier à Peiresc. Dans
le registre 51 de la collection des manuscrits de la bibliothèque d'Inguimbert,
presque tout rempli de documents relatifs à l'abbaye de Guitres, on remarque
(fo3) une lettre du chevalier de Forbin àM.de Mons, en faveur du nouvel abbé,
lettre où le chevalier appelle le conseiller au parlement de Bordeaux Monsieur
mon très cher frère. Le même chevalier de Forbin (Ibid f" 2, v«) recommande
Peiresc à M. d'Andrault, ainsi qu'au cardinal de Sourdis, au premier prési-
dent de Gourgues, et aux présidents du BSrnet, de Lalane et de Pontao
(M et 2).
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— 167 —
charger des pièces faulces que sa partie M. le Vicomte Duza * fuit et
fuyra de donner. Mondict sieur et maistre se réserve h vous escripre
par ledict huissier qu'il croyt estre en chemin. Il fait conscience de
vous occupper en la lecture de ce qu'il pourroit vous escripre du
costé de la Rochelle,' supropozant que vous estes mieux adverty que
luy de tout ce qui s'y passe, et mesmement à présent que vous y
avès affidès et grands corespondans, M. vostre Archevosque ^ et
ses Secrétaires. Encore moins vous doit-il occupper en vous faisant
part de ce qu'on luy dit du progrès des armes {sic) ausqueles co-
mande M. de Montmorency,*
Il m'a comandé, s'en allant au Palays, et aprenant qu'il y avoit à la
poste homme qui demandoit des chevaux pour prendre la route de
^ vostre contrée, de vous envoyer les ci-enclozes de M. de Mons,*
* Honoré de Lur-Saluces, chevalier de l'ordre du roi, gouverneur du
Château-Neuf de la ville de Bayonne, seigneur et vicomte d*Uza, baron de
Malengin, de Fargues, vicomte d'Aureillan, etc. {Notice généalogique sur la
maison de Lur, etc., Bordeaux, 1855, p. 28j.
■ A cette date, le siège de La Rochelle, commencé le 10 août 1627, n était
pas encore près de sa fin. La forte citadelle des Huguenots ne devait capi-
tuler que quatre mois et demi plus tard, le 29 octobre. Le Cardinal de
Richelieu, partageant les illusions qui, de tout temps, ont été chères à des
assiégeants, écrivait en juin 1628 au frère de Louis XIII. (Recueil de
M. Avenel, tome III, p. 121) : « Jugeant par toutes sortes de raisons La
Rochelle estre [à l'extrémité, j'envoie sçavoir si vous voulez avoir vostre
part du plaisir de la prise, qui ne sera pas petite... Je vous y convie de
bon cœur. »
' L'archevêque d'Aix était, depuis 1626, le frère aîné du cardinal de
Richelieu, Alphonse Louis du Plessis, qui allait être transféré & la fin de
1628 sur le siège de Lyon.
* Le duc de Montmorency venait de soumettre plusieurs places dans le
Vivarais et le Bas-Languedoc. Voir VUistoire du règne de Louis XIII par le
P. Griffet , t. II, p. 589-590.
* La lettre de M. de Mons, datée du 11 juin|1628, se trouve à l'état de copie
dans le registre 51, f»» 453 et 454. M. de Mons y prend en ces termes congé
de son neveu, M. d'Andrauft ; Je serai toute nu^ vie vostre très humble onch ^t
serviteur.
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- 168 -
Duduc * et Rubran ' qu'il ne vient que d'achever de lire et de la lec-
ture desqueles vous recuiUirès quelques petites occurances qui au
temps de vos vacquations vous donneront un peu de divertisse •
ment.
Il m'a chargé aussy de chercher certaine relation qui se proumène
icy de la procédure qui a esté faicte à Limoges contre une extrava-
gante soy disant Reyne d'Angleterre qui a esté depuis quelques
jours, à ce qu'on nous dit, pour sa folle supposition y condampnée au
fouet. Mais je ne crois pas avoir assez de loisir pour trouver ladicte
relation que je vous envoyray au premier jour par autre voye.'
* Sur Jacques Du Duc, conseiller au parlement de Bordeaux, il faut citer,
outre la Chronique bordelaise de Jean de Gauireteau et les documents réunis
dans divers volumes des Archives historiques du département de la Gironde
(principalement dans le tome II), les Mémoires de Jacques Numpar de
Caumont, duc de la Force, le Mercure François (tome IV), etc. J'ai donné, en
appendice, sous le n-« I, la lettre de Jacques Du Duc annoncée par
Dubernard.
* Voir h l'appendice, sous le n" II, quelques extraits d'une lettre de M. de
Rubran à Peiresc, extraits qui complètent à certains égards les récits de
Dubernard. J'ai pensé qu'il était inutile d'y joindre une autre lettre de
Rubran à d'Andrault (du 11 juin 1628), ainsi que la lettre du même jour de
M. de Mons, lesquelles ne renferment rien que le lecteur ne sache déjà.
* J'aurais bien voulu retrouver la relation promise à Peiresc par son
correspondant, mais elle n'est signalée dans aucun des catalogues de pièces
rares du xvii" siècle, que je viens de feuilleter. De savants bibliophiles, de
curieux spécialistes, par moi consultés à ce sujet, m'ont déclaré qu'ils
n'avaient jamais rencontré la pièce en question.
Je dois à l'obligeante amitié d'un homme profondément versé dans la
connaissance des choses du Limousin, M. GlémentrSimon, ancien procu-
reur-général à Aix, ce supplément à mon insuffisante note : Le fait de la
pseudo-reine d'Angleterre poursuivie k Limoges en 1628 n'est pas inconnu,
mais je ne crois pas qu'il en ait été publié une relation imprimée. Voici ce
qu'on lit dans VHistoire de Saint-Martial de Bonaventure de Saint-Amable
(Limoges, Voisin, 1685, in-fol. tome III). [Annales du Limosiii)^ page 836 :
« Cette môme année, une b&teleuse contrefaisant la reine d'Angleterre et
disant s'en estre fuye de ce pais à cause de la persécution du Roy contre
les Catholiques, après qu'elle eut quelque temps abusé les citoyens et se
faisant traiter en reine dans le monastère de Sainte-Glaire, fut enfin décou*»
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Cependant, Monsieur, vous scaurés qu'on vient de rescepvoir icy
tout à la foys deux déplaisantes nouvelles. La première qu'il n'a pas
réussy à M. le Prince et à M. Despernon au devant Sainte-Afrique,
qu'ils avoient assiégée; • la seconde que la peste est dans Tholoze,"
dans la maison d'un advocat du Roy, nommé M. Ghiron, et dans le
couvent des pères Jacopins ; que les Consuls de ceste ville ont prins
résolution de n'y laisser plus entrer ceux qui viendront du costé du
dict Tholoze, en sorte que plusieurs hommes de qualité de ceste ville
les fammes desquels estoient allées h ceste festede Penlecouste audict
Tholoze en dévotion pour visitter les cors sainctz, entre lesqueles il
y a des fammes de MU. les Conseillers du Parlement qui servent, ceste
année, en ceste Cour et Chambre de l'Esdit,^ auront à se divertir qua-
rantaine sans pouvoir entrer dans ceste ville, en laquelle est attandu
verte, porta la peine de ses fourberies, fut publiquement fustigée parla yiUq
de Limoges et puis bannie. Ce qui donna bien sujet à plusieurs de rire et
se moquer de leur simplicité en cette occurence. »
* Ce fut le 6 juin que le prince de Condé jHenry II de Bourbon^ fit donner
à la ville de Saint-Affriquc (Âveyron) un assaut vigoureusement repoussé.
Voir sur Téchec éprouvé par Tarmée royale devant Saint-AfTrique l'Histoire
de la Vie du duc d'Espemon par Guillaume Girard (édition de 1739, in-4'*,
p. 427-428). On peut encore consulter la Relation du siège de Saint-Afrique
fait en 46îi8 par le prince de Condé et le duc d'Epemon, publiée par M. A. Ger-
main (de rinstitut), d'après le manuscrit d'Aubais, avec introduction, notes
et variantes (MontpeHier, 1874, in-4o).
' La peste était encore bien grande à Toulouse quelques mois plus tard,
comme nous l'apprend une lettre du 8 octobre 1628, écrite par la marquise
de La Force à la maréchale de La Force et insérée par M. de La Grange
daûsle tome lll des Mémoires de J.-N. de Caumont, p. 292. Voir sur la ter-
rible maladie qui sévit alors dans la plus grande partie de la France, le
savant mémoire de M. Adolphe Magen : La Ville d'Àgen pendant V épidémie de
4628 à 4631 d'après les registres consulaires (Agen, 1862, p. 6 et 7). Voir
encore : Pestes et Inondations de Toulouse de 4628 à 4634, récit offidet
de Rob.Miron, commissaire de l'enquête sur ces désastres, publié pour la première
fois avec préface et notes par L, de La Pijardiêre, (Montpellier, 1875,
petit in-4t).
• Je me garderai de mettre la moindre note sur la Cour et Chambre de
TEdit qu'a si bien fait connaître aux lecteurs de la Revue de VAgenaiSf eu
la précédente livraison, Vlntroduction à la chronique d^Isaac de Pérès,
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— 170 -
dans troys jours, mondict sieur Despernon ^ qui fait battre aux
champs et levée de deux mil hommes par les soings et par le minis-
tère de M. le baron de Monferran, Mareschal de Camp de son armée
prétendue,' lesquels hommes, on croyt, seront employés à aller faire
le deguast des bledz de ceux de Montauban ' jacoit que lesdits Mon-
talbanoys jusques aujourd'huy n'ayent point ouvertement levé le
masque de rébellion.
Je croy. Monsieur, que vous aurés aprins par autre voye que le
vieil M. Perrucqueau, président religionnayre en ceste Cour et Cham-
bre de TEsdict se lessa mourir le moys passé * et qu'il fust pompeu-
sement conduit au tombeau par MM. les Conseillers religionnayrcs
marchant en corps avec robes et bonnets carrés et le corps du défunt
' Jean-Louis de Nogaret, duc d'Epernon, était alors âgé de 64 ans. Je ne
puis, en rencontrant ce nom, ne pas saisir avec empressement Toccasion
de m'associer à tous les éloges si délicatement donnés ici par mon ami,
M. Magen, à la fine et remarquable étude de M. George de Monbrison, inti-
tulée : Un Gascon du xwi* siècle. Le premier duc d'Epemon. (Paris, 1878, in-8«).
Tout en admirant la frappante et vivante esquisse tracée par Thabile main
de M. de Monbrison, je ne saurais dire avec quels regrets je renonce à voir
la même main peindre le vaste et beau tableau qui aurait représenté This-
toire de la maison de La Valette tout entière. Voir les vœux que j'exprimais
à cet égard dans les Notes sur la Vie et les ouvrages de Vahbé Boileau, 1877,
in-8', p. 106.
* Probablement le fils de ce marquis de Montferrant que G. Girard appelle
(p. 236) l'ami et le serviteur particulier du duc d'Epernon (à Tannée 1610).
' Sur cette opération, qui s'accomplit w avec beaucoup de bon succès, »
comme l'assure le môme historien \]>iige 429[, je ne citerai que le mémoire
de feu M. Charles Pécantin intitulé : Le dégât de Montauban (Recueil des
travaux de la Société des Sciences et Arts d'Agen-, v. VII, 1855, p. 190).
* D'après un document que j*ai publié dans les Archives kistorùjues du
département de la Gironde (v. X, p. 298), le sieur de Pcyruqueau, dès le 6
juin 1600, avait été présenté au roi comme candidat aux fonctions do
Conseiller en la chambre mi-partie de Guyenne, par les députés des églises
réformées de France réunis à Saumur. M. Boscheron Des Portes a, d'autre
part, indiqué la nomination de Peyruqueau, d'après le Journal de Gruzeau
( Histoire du Parlement de Bordeaux, v. II p. 327). Le nom de Peyruqueau ,
que l'on retrouve dans la Chronique d'Isaac de Pé es , a été omis dans la
France protestante.
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— i71 —
porté charitablement sur les espaules de MM. les Advocats religion-
nayres. Geste pompe funèbre, non contredite par M. le Président
Pichon * et MM. les Conseillers du Parlement, Commissaires, ceste
année, en ceste Cour et Chambre a esté contreditte dans le Parle-
ment, et leur tolérance réprouvée.
On nous dit que la charge dudict sieur Président Porrucqucau est
accordée par Brevet à un Juge subalterne, Lieutenant-Général de la
ville de Bergerac, nommé Charon ^ au préjudice du traité qu'a fait
avecq la vefve et héritiers dudict défunt, Président, TAdvocat du Roy
de ceste Cour et Chambre religionaayre, nommé Bacalan,' homme
savant et pertinant et déjà chargé d'années * qui depuis Tinstallalion
de ceste Chambre de TEsdict a toujours servy la dicte charge d'Ad-
vocat du Roy, avecq réputation de savant homme, mais de très pas-
sionné à l'avantage du party et de leurs Eglises, pour raison de quoy
MM. du Parlement de Bourdeaux soubdain après le décès dudict
sieur Président Perrucqueau qu'il trayttoit de ceste charge, se sont
assemblés et ont résolu de supplier très humblement sa Majesté par
lettres (ce qui a esté exécuté), qu'il pleust à sa dicte Majesté de ne
* C'était François de Pichon, second président au parlement de Guyenne,
père du président Bernard de Pichon, qui fut bien plus célèbre que lui.
* André Charon, lieutenant-général de Bergerac, est plusieurs fois men-
tionné dans les Mémoires du duc de La Force. Voir surtout la page 149 du
tome II où sont signalées les intrigues de cet ancien ennemi de la maison
de Caumont.
' C'était Jean de Bacalan, fils aîné de Symphorien de Bacalan, sur les-
quels on peut consulter l'article Bacalan de la nouvelle édition de la France
protestante (deuxième partie du tome I, 1877, p. 639). Jean de Bacalan avait
été nommé, sur la présentation de l'assemblée de Saumur, le 6 juin 1600,
substitut de l'avocat du Roi à la Chambre mi-partie de Guyenne et il
devint ensuite avocat-général en la môme Chambre & Nérac et à Agen. Voir
sur ce magistrat, sur son mariage et sur sa famille, divers détails dans la
Chronique d'Isaac de Pérès.
* M. Henri Bordier, le nouvel et si consciencieux éditeur de la France
protestante, n'a pas pu indiquer la date de la mort de M. de Bacalan, déjà
chargé d'années en 1628. Il a cité seulement une pièce des Archives départe-
meniales de Lot-et-Garonne (B. 56), qui prouve que le vieux magistrat vivait
encore en 1635.
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pourvoir point de ceste charge de Président pas un des offlciers exer-
çant à présent office en la dicte Cour et Chambre de l'Esdict.
Monsieur, vous agréerés, pour grossir vostre première despeche,
que les ci-enclozes reviennent en mes mains. J'ay ordre de vous
deschifrer * un article contenu en celé de M. Rubran, parlant de
certain prisonnier.
Vous serés mémoratif d'un accidant qui survint icy, il y a troys
ans, h M. le Conseiller Duduc qui. un soir, au rencontre de M. le
Président Pontac, son beau-fils,^ mist la main à l'espée et thua un
homme quy accompagnoit le dit sieur Président Pontac. Or, en ce
temps, on print deux des domestiques dudict sieur.Conseiller Duduc ,
lesquels furent en cette ville, par les présidiaux, condampnés aux
gualères. M. le défunt Cardinal de Sourdys ^ s'estant entremis d'ac-
comoder et passifier ceste affaire, mondict sieur le Président Pontac
ne voulust jamais comprendre dans raccommodement les dicts deux
domestiques, mais donna sa parolle à mon dict sieur le Cardinal qu'il
consantoit à Teslargissement desdits prisonniers et qu'ils ne seroient
jamais, directement ny indirectement, par lui poursuyvys, mais qu'il
ne vouloit point aussy qu'ils se justifiassent ni fussent pour l'avenir
domestiques dudict sieur Duduc, ny fissent leur demeure dans la ville
de Bourdeaux, condition que mon dict sieur le Conseiller Duduc
avalla, contre l'advis de mon dict sieur et maistre, prévoyant que ce
seroit un jour entre eux sy mondict sieur, l'authorizé et accreditté en-
tremetteur de paix. M. le Cardinal arrivoit ù défailir,une pierre d'acho-
pement. Or, Monsieur, ilestarrivé que depuisledécès du dict Seigneur
Cardinal, il est survenu subjectde noize et contestation entre mondict
% C*est-à-dire expliquer.
% Geoffroy de Pontac, qui avait été nommé conseiller au parlement de
Bordeaux en 1590, devint président à mortier au môme parlement en
remplacement de Marc-Antoine de Gourgues (décembre 1616} et, plus tard,
premier président. 11 avait épousé Anne Du Duc et il eut d elle Arnaud de
Pontac, qui fut premier président après la mort de son père (1649). Voir la
généalogie de Pontac dans le Nobiliaire de Guyenne, liv. 11, 1858, p. 356
% François d'Escoubleau , cardinal de Sourdis, était mort depuis quelques
mois seulement (8 février 1628).
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— 173 —
sieur le PrésidenlPontac et Duduc dans le Palays,lequelM.Duduc, n'es-
tant non plus que mondict sieur et maistre en la bonne grâce de
M.Despernon,* et M.le Président Pontac s'y estant enrollé,il Ta requis
que par son authorltté il peult trouver facilitté à la capture des dicts
domestiques et de fait on a surprins celuy qui est retenu à présent
hors des prisons royalles, dans un château particulier resserré es-
troitement par le commandement de mondict sieur le Gouverneur
qui croyt porter mon dict sieur Duduc de le requérir de facilitter la
liberté du dict prisonnier et d'obtenir de mondict sieur le Président
Pontac qu'il se départe de son entreprise de faire de nouveau paroit-
tre sur le bureau ceste procédure criminelle par la sucitation d'un
autre proche parant de l'homicide par le dict sieur Duduc et ses do-
mestiques et par ceste voye l'obliger, comme ont fait presque tous
les autres du Parlement, faire hommage, et mondict sieur et maistre
avoit trouvé moyen de faire esvader le dict prisonnier qui a esté re-
prins depuis peu de jours. Mondict sieur et maistre prévoyt qu'à
l'arrivée en ceste ville de M. le Gouverneur, la bile sera esmeue et
qu'il le déchirera de menasses , parlant de luy et de son enlreprînse
afin de mettre en liberté un homme qu'il a fait capturer. Mais mon-
dict sieur et maistre est résolu de s'armer de patience et ne cesser
pas par l'aprehension de sa grandeur et authoritté d'antrcprendre de
servir de son petit et foyble pouvoir ses amys.
Je suis. Monsieur, vostre très humble et très obéissant serviteur.
D'Agen,ee 15 Juingl628.
DUBERNARD-
* L'inimitié qui existait en 1628 entre le duc d'Epernon et M. d'Andrault
durait encore plus de vingt ans après, et Dom Devienne {Histoire de la ville
deMordeauXf 1771, p. 307), nous apprend qu'en 1649, le Conseiller ayant été
fait prisonnier h la bataille de Libourne, IHnsolent vainqueur se moqua de
lui en ces termes : « Monsieur, on vous a pris la pique à la main : c'est dans
cet état que je veux vous présenter au Roi. «
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- m-
APPENDICE.
LETTRE DE H. DU DUC A M. D*ÂNDRAULT.*
« Monsieur, vous aurez seeu que le Roy ayant par une lettre de
cachet envoie pouvoir à M. Servian ^ estant à Bayonne de faire et
parfaire le procè5 à quelques pirates, ledict sieur Servian les a con-
demnez et faict exécuter dont le Parlement offensé bailla arrest par
lequel il est ordonné qu'il sera informé contre luy et inhibitions à
luy de prendre la qualité d'Intendant de la justice en la province et
aux officiers ny magistratz du roy de le recognoistre. Caussay,
huissier, estant allé ù Bayonne pour lui signifier Tarrest, il Tarresta
prisonnier deux jours et, aprez lui avoir faict signiffier une ordon-
nance contenant en substance que ledict Servian luy faict inhibitions
d'exécuter Tarrest de la Cour à peine de punition corporelle et h tous
officiers de defferer à Tarrest du Parlement à mesmes peines, le laisse
aller. Geste ordonnance [est] conceue en des termes pleins de mes-
pris et de scandale pour le Parlement. La Cour, les Chambres assem-
blées, décrète contre ledict Servian de prinse de corps et ordonne
que les exploits faicls au poteau seront bons et valaoles et que son
* Copiée dans le registre 51, folio 453.
* Abel Servien , marquis de Sablé et de Boisdauphin , alors ftgé de 32
ans, était intendant de justice en Guyenne depuis 1627. Sur cet éminent
homme d'Etat voir une récente et excellente monographie de M. René Ker-
viler : Le Maine à l* Académie française, Abel Servien, négociateur des traités de
Westphalie, l*un des quarante fondateurs de l'Académie française. Etude sur sa
vie politique et littéraire, (Le Mans, 1878, grand in-8o de 216 pages.)
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- 175 -
ordonnance sera bruslée au devant le palais par main de bourreau,
ce qui fut hier exécuté.* C'est dont j'ay voulu entretenir ou amuser
la faim de vostre esprit pour les nouvelles. »
Bordeaux, iOjuin 1628.
II
Extrait de la lettre de M. de Rubran à M. de Peyresc^
... Je ne scai si vous avés sceu ce qui se passa en celle ville il y a
environ trois ans entre M. le président Pontac et M. le conseiller Du
Duc, servans tous deux en qualité de commissaires du Parlement
en cette Cour et Chambre. Il y avoit entre eux des rancunes sur ce
que ledici sieur conseiller Du Diic soubstenoit que le dit sieur prési-
dent Pontac lui avoit ravi sa fille pour l'espouser contre son approba-
tion et sans la luy avoir demandée. A la suite de cette rancune un
soir de Testé à leur rencontre survint un meurtre d'un habitant de
cette ville qui accompagnoit ledict sieur président duquel meurtre
mondict sieur Du Duc fust soupçonné et deux de ses domestiques'
arrestez et jugés et condamnés par le présidial de cette ville aux
gallères. Monsieur le cardinal de Sourdis s'estant entremis d'accor-
der ces personnes de qualité, la vefve et héritiers du deffunct
furent satisfaicts, M. le conseiller Du Duc justiffié par les formes
ordinaires de la justice et les prisons ouvertes à ces deux innocens
valets. Depuis le deccz de mondict seigneur Cardinal de Sourdis il est
arrivé quelque nouveau malentendu entre ledict sieur président
Pontac et ledict sieur conseiller Du Duc, lequel M. d'Espernon n'aime
pas pour estre du nombre de ceux qui ne le sont pas allés salluer
despuis sa réconciliation avec le Parlement. Le dict seigneur à son
arrivée en ceste ville a faict commandement au vi-sénéchal de se
saisir de la personne d'un des domestiques dudict sieur Du Duc qui
* Voir sur la querelle de Servien et du parlement de Bordeaux la page
22 du travail que je viens de citer.
* Lettres diverses en original adressées à M. de Peiresc, liv. II, folio 60Ô.
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— 176 —
avoit esté condamné comme a esté dict elle détient d'aulhorité hors
des prisons roialles et semble jusques icy vouloir, favoriser la passion
dudict sieur président Pontac, beau-flls duditU sieur Du Duc, au pré-
judice delà paroHe qu'il avoit donnée à deffunct M. le Cardinal de
Sourdis, en présence de M. son frère lors evesque de Maillezais.*
Agen, ce 13 avril 1628.*
' Henri d'Escoubleau de Sourdis, troisième frère du Cardinal, était évoque
de Maillezais depuis 1623 ; il devint Archevêque de Bordeaux le 16 juillet
ie29(Gallia ChrisOana, liv. II, folio 853).
^ J'emprunte à la môme lettre les renseignements que voici sur le séjour
à Agen, en avril 1628, du duc D'Êspernon et de son fils le Cardinal de la
Valette : « M. D'Espemon arriva en cette ville le troisiesme de ce mois et
M.le Cardinal de la Valette, son fils, y arriva le lendemain. Ils ont eu de grands
entretiens en particulier et à huis clos. Mondict sieur D'Espemon, par
Tentremise d'un des siens avoit faict sentir à quelques siens confidents de
cette Cour et Chambre de l'Edict qu'il auroit à plaisir que dans la dicte
Cour on resolust d'envoier saluer par commission, mon dict sieur le Cardinal
son iils puisque la dicte Cour et Chambre en avoit ainsi usé en la personne
de deffunct M. le Cardinal de Sourdis, mais qui avoient ordre de sonder la
Compaignie, plustost que de se descouvrir en public, pressentirent des par-
ticuliers qui composent ladictc Cour que cette proposition ne réussiroit pas
par la pluralité des voix, de sorte que mondict sieur le Cardinal de la Valette
n'a point esté sallué par Commissaires de la dicte Cour en Chambre, mais
bien de tous les particuliers qui la composent excepté de mondict sieur
d'Andrault, qui croit avoir esté traicté si desraisonnablement par mondict
sieur d'Espernon qu'il se peut dispenser de rendre des debvoirs aux enfants
dans l'estendue de sa charge. Il leur a à tous semblablement rendu la visite
mesme aux Conseillers religionnaires. Mondict sieur d'Espernon et lé dict
seigneur Cardinal de La Valette partirent d'icy samedy huictiesme de ce mois
pour aller à Grenade, au rendez-vous assigné par Monseigneur le Prince. »
Les annalistes de l'Agenais n'ont pas mentionné les incidents consignés
dans cette note.
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L'EXPOSITION DES BEAUX-ARTS, A A6EN.
LES MAITRES ANCIENS.
Les musées» de Paris et de nos grandes villes sont loin de posséder
toutes les richesses artistiques de la France. II existe, même en
Province, éparses dans les villes et dans les châteaux, où elles sont
malheureusement comme perdues pour l'amateur et pour l'historien,
un certain nombre de galeries particulières très riches et d'œuvres
isolées fort remarquables, en sorte qu'il suffit quelquefois de l'initia-
tive de quelques gens de goût, aidée de la bienveillance des collec-
tionneurs, pour en former un ensemble plein d'intérêt. L'exposition
qui s'est ouverte à Agen,'le premier mai, est, à ce point de vue, une
bonne fortune pour les amis des arts. Elle renferme une collection
de portraits historiques que lés musées les mieux pourvus seraient
fiers de posséder, et beaucoup d'autres œuvres, moins importantes
sans doute, mais qui peuvent encore nous donner une idée des
grandes écoles de peinture du passé.
L'Ecole française a fourni, on le pense bien, le principal contingent
de notre exposition, et, puisqu'elle se compose principalement de
portraits, il nous sera facile d'adopter, dans notre promenade à tra-
vers ces œuvres anciennes, un ordre chronologique, en ayant égard
à l'époque où ont vécu les personnages représentés ; mais auparavant
nous devons nous acquitter envers les Ecoles étrangères, en com-
mençant par l'Ecole italienne, la mère de toutes les autres.
Voici d'abord une vieille peinture à la détrempe, La Vierge et
TEnfant Jésus [n^ 30), que le catalogue mentionne comme étant de
Giotto (1276 à 1336), contemporain de Dante, qui est regardé comme
le créateur de Tart moderne, puisqu'il abandonna définitivement les
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types immuables des traditions bysantines et prit enfla la nature pour
guide. Cependant l'examen attentif de cette peinture nous ferait
croire qu'elle est d'une époque un peu postérieure, de la fin du
xïV siècle, ou môme du commencement clu x\». Le fond, d'or, dont
remploi était général dans Técole giottesque, a. disparu ; le dessin est
déjà très savant; Texpression des figures, tout en restant naïve,
douce et mystique, est déjà très individuelle, et* les formes sont
moins grêles, moins émaciées, moins allongées, sauf dans les extré-
mités, que dans les épQques précédentes.
Au commencement du xv« siècle, la découverte de la perspective,
Tapplication des premières recherches anatomiques, l'étude directe
de la nature par le portrait, firent entrer la peinture italienne, et
particulièrement l'art florentin, dans une voie nouvelle que Ton
pourrait qualifier aujourd'hui de naturaliste ; souvent môme, dépas-
sant le but, les sculpteurs et les peintres mirent de sjmples portraits
à la place des figures des saints et des saintes. On peut en voir un
curieux exemple dans une galvanoplastie de Donatello (n* 50). N'était
l'auréole qui entoure la tête, on prendrait aussi bien cette figure,
singulièrement individuelle et vivante, pour celle d'un gamin des
rues de Florence que pour celle du précurseur.
Mais pendant que les sculpteurs et les peintres florentins réalisaient
ces progrès, le flamand Jean Van Eyck, de Bruges (1383 à 1446),
découvrait un nouveau procédé de peinture, qui, en substituant au
blanc et au jaune d'œuf et à la colle l'huile de lin comme élément
agglutinatif dans les couleurs, allait ofl*rir aux artistes des ressources
nouvelles et leur permettre de réaliser les merveilles du coloris qui
illustrèrent l'école vénitienne.*
' On peut se rendre compte, d'après le seul exemple de peinture à la
détrempe que possède notre exposition, de la différence qui existe entre ce
procédé de peinture et celui de la peinture à l'huile qui le remplaça. La
peinture à la détrempe avait en sa faveur une solidité admirable qui brave
les siècles, — bien mieux même que la peinture à l'huile, au moins telle qu'on
la pratique depuis deux cents ans ; car il est à remarquer, et nous en mon-
trerons bientôt des exemples, que les peintures à l'huile les plus anciennes
sont précisément les mieux conservées. — Mais elle manquait de transpa-
rence et de vigueur dans les ombres, c'estrà-dire qu'entre les teintes claires
et les teintes foncées des couleurs délayées d'après ce procédé, il n'y avait
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— (79 —
Par un& sorte de prédestination, ce furent les Vénitiens qui eurent
les premiers» parmi les Italiens, conRaissance du nouveau procédé^.
Antonello de Messine les apprit -directement de Van Eyck. Il
revint en Italie après la mort de ce peintre, et communiqua son
secret. à Dominique de Venise, qu'un autre Vénitien, Andréa del
Castagno, assassina traitreusement dans l'espoir de rester seul
poessesseur du procédé de Van Eyck. Un portrait d'un personnage
italien du xv» siècle (n^ 2) est certainement de cette époque, et
cette figure, par le caractère individuel, rude et même dur de la
physionomie, par la vigueur du modelé, par la couleur brunie se
détachant sur un fond noir, et aussi par la conservation admirable
de la peinture, nous rappelle tellement un portrait d'Antonello de
Messine que Ton voit au musée du Louvre, qu'il n'y aurait pas beau-
coup de présomption à Tattribuer à ce maître. Un Saint-Jean (49),
peint à l'huile sur fond d'or, bizarrerie assez rare pour être notée,
est encore de cette époque, de l'école de Murano, ville de Vénitie, et
peut-être de l'un des frères Vivarini que l'on désigne généralement
par le qualificatif de da Murano, et qui florissaient comme Antonello
de Messine au milieu du xv® siècle
La découverte de procédés nouveaux, l'étude directe de la nature
et la compréhension des beautés de la statuaire antique dont
on découvrit alors les* débris, jointes au sentiment chrétien qui ins-
pirait déjà Dante et Giotto , firent éclore la magnifique floraison de
l'art italien, que l'on désigne sous le nom de Renaissance. Notre ex-
position ne possède malheureusement pas grand chose de cette
glorieuse époque. Une petite copie de Beccafumi d'après une Vierge
au palmier de Raphaël (114) est bien insuffisante pour nous per-
mettre d'apprécier le maître des maîtres.*
place que pour un certain nombre assez restreint de valeurs intermédiaires,
tandis que dans la peinture à Thuile ce nombre est beaucoup plus grand,
les teintes claires étant presque aussi claires que celles de la détrempe, et
les teintes foncées Tétant beaucoup plus ; en sorte qu'avec ce procédé on
peut approcher de la vigueur de la nature et même y atteindre quelquefois.
De plus, comme les couleurs de la détrempe étaient mates et sans trans-
parence, on ne parvenait pas à rendre le caractère diaphane de certains
objets, par exemple des carnations. Uu simple coup d'œil jeté sur le no 30
fera sentir toutes ces différences.
* Nous craignons bien même que cette peinture ne soit ni de Beccafumi ni
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- 180 —
•
Une Marie Madeleitie (29), fresque par Andréa del Sarto, présente
plus d'intérêt. Enfin une peinture de Paul Véronèze, Diane et Action
(135), nous fournit un assez bon exemple du coloris vénitien et de
celui de Véronèze en particulier, dont il rappelle bien la nuance un
peu argentée.*
Mais comme les œuvres de cette époque sont accaparées par les
Musées des Etats et des grandes villes, qui n'ont garde de s'en des-
saisir, il n'est pas étonnant que notre exposition présente ici une
lacune qui nous force d'arriver tout de suite h la seconde moitié du
XVI* siècle, aux successeurs médiats des grande maîtres de la Renais-
sance, et encore ne trouvons nous de celte époque qu'un portrait de
Morone (42) sans grande valeur, et deux panneaux décoratifs de
Roselli (44 et 45.) Le numéro 45, la Charité, est d'un style mou et
bien vulgaire, mais le numéro 4i, VEspérance, vaut la peine qu'on
le remarque.
La peinture italienne avait décliné aussitôt après la mort de
Raphaël ; ses élèves s'étaient dispersés. Les disciples et imitateurs de
Michel-Ange étaient tombés dans le maniérisme et Rome était le .
théâtre de discussions violentes entre les partisans de deux Ecoles
opposées : l'école idéaliste de Joséphin et l'école réaliste deCaravaje.
C'est dans ce désarroi que les Carrache tentèrent de former une
école qui se proposa de réunir dans une sorte d'éclectisme les qua-
lités que l'on admirait dans chacun des grands maîtres de la Renais-
sance, comme, par exemple, le dessin et la composition de Raphaël,
la gràcè et le clair-obscur du Gorrége, le coloris de Titien, etc. S'ils
ne parvinrent pas à réaliser ce rôve, d'ailleurs irréalisable, ils retar-
dèrent de quelques années la décadence de l'art en Italie, décadence
qui devint irrémédiable après la mort de leurs disciples.
Nous avons de cette école une étude de femme, n« 41, que le ca-
de Raphaël ; la Vierge au Palmier que Ton voit au Musée de Vienne n'est
point conforme à cette copie.
' Nous n'avons pas cité comme œuvre de la Renaissance ni d'une époque
antérieure, une Vierge à l'enfant {no 88), qu'un examen superficiel pourrait
faire prendre pour l'œuvre d'un primitif. Elle est simplement d'un peintre
secondaire.
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— 181 -
talogue attribue, avec raison, à l'école de Guide, car elle rappelle
parfaitement la manière de ce maître, la tête est très belle et la
pose, quoique un peu exagérée dans sa courbure, ne manque pas
de grâce. Les ombres sont très vigoureuses, mais elles s'unissent si
insensiblement avec les demi-teintes, qu'il en résulte un effet très
doux. Cette méthode fit l'admiration des biographes contemporains
de Guide , « le restaurateur de la grâce et le véritable créateur de
la manière moderne. » La recherche de la grâce devint alors, en
effet, la grande préoccupation des artistes, et nous en avons un bien
joli exemple dans un tableau d'un camarade de Guide à l'atelier de
Carrache , les Baigneuses, de l'Albane (89), le plus gracieux des
peintres de cette, école.
On peut rattacher h l'Albane et au Guide l'ouvrage d'un de leurs
imitateurs, Francesco Furini, Nymphe et Satyre (n» 30.) Ce Florentin
du xviie siècle, peu soucieux des grave traditions de l'école de sa
patrie, se fit, dit son biographe, une manière tendre et grave, tene-
rissima et vaga, qui seyait assez bien aux sujets un peu mondains
qu'il traitait de préférence. Le morceau* que nous avons devant les
yeux est tout entier dans ce style. La tête est vulgaire et se ressent
visiblement de la copie d'un modèle médiocrement beau ; mais la
pose est très gracieuse quoique un peu contournée, et l'on ne peut
s'empêcher d'admirer la douce dégradation de la lumière sur les
chairs diaphanes de ce beau torse.
De la même époque, une Vénus à la Conqne^ de Pietro Liberi (47),
est conçue dans la manière éclectique que prônaient les Carrache :
l'imitation alourdie de Michel-Ange y est visible.
Un Saciiflce d'Abraham (85), dont les figures sont très bien mou-
vementées et qui nous rappelle certaines toiles de Francesco Mola,
Une Vierge au Chcirdoniieret (120), un Portrait de fillette (46), ap-
partiennent probablement à la même école, ou tout au moins à la
môme époque.
Au moment ou déclinait l'école des Carrache, il y eut quelques
génies vigoureux, mais isolés, qui, sans pouvoir retarder la déca-
dence de l'art, curent cependant, au commencement du xvn<> siècle,
l'honneur d'être, à certains égards, les précureeurs du nôtre, en
sorte que la critique, lorsqu'elle veut caractériser d'un mot, leur
talent ou leur manière, est obligée de puiser des expressions
dans un vocabulaire de création récente. Nous voulons parler
du romantique Salvator Rosa et du réaliste Ribeira. Salvator est
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^ 182 —
tout entier dans son portrait par lui-même (n« 19), figure osseuse,
flère, sombre , à laquelle les jeux du clair-pbscur communiquent
un effet presque fantastique. Le Bon Samaritain (n» 195), n'est
assurément pas uue œavre capitale de Ribeira. Elle nous fournit
cependant un exemple de cet art réaliste , qui se borne îSi Timita-
tion de la nature et presque toujours de la nature triviale et laide,
art de réaction et de transition , qui fut impuissant à communi-
quer une sève nouvelle à l'art italien, mais qui, dans notre époque,
aura eu, nous Tespérons, sur notre art français une influence meil-
leure, en ramenant les esprits vers Tétude plus directe de la nature,
en debors de la beauté convenue et des formules apprises.
Puisque nous parlons d*art réaliste, il nous est impossible de ne
pas citer ici l'ouvrage du français Valentin, que notre patriotisme
nous fait placer constamment dans notre école, mais qui vécut tou«
jours à Rome, et travailla sous les mêmes influences que Ribeira.'
Sa Diseuse de bonne aventure, tableau de genre, traité dans les
proportions d'une scène d'histoire, nous donne une bien meilleure
idée de son talent que ne le ferait un sujet biblique, car ici, le pein-
tre n'avait qu'à copier les types de la société interlope qu'il fréquen-
tait. Les figures sont très expressives, surtout celle de la sibylle et
celle du jeune homme qui l'écoute, moitié anxieux, moitié sceptique.
Mais le mouvement réaliste s'arrêta là et deux pendants, d'ailleurs
très remarquables, les Forges de Vulcain et le Triomphe d'Amphi-
trite^ attribués à Luça Giordano (16321705), nous précisent bien
nettement l'époque où l'art italien s'engagea définitivement dans le
style gracieux, mais maniéré, où il devait se perdre. Cependant, —
dussent les prôneui's exclusifs de la beauté grave, noble et sévère,
nous lancer leurs anathèmes, — nous avouerons que le Triomphe
d'Amphitrite ' nous paraît être encore une fort belle peinture. De
ces formes sveltes, élégantes, de ce dessin aux lignes sinueuses.
* Il faut remarquer, au reste, qu'après l'école de Garrache , presque tous
les artistes qui s'illustrèrent en Italie étaient étrangers ; témoins, Ribeira
qui était espagnol, Poussin, Claude Lorrain, Valentin, qui était français.
• Ce sujet, comme le Triomphe de Galatée, et tous ceux qui se prêtent à un
mode gracieux, devint alors à la mode. Notre exposition en possède un se-
cond exemple de la même époque, dont nous parlerons à Toccasion,
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- 183 -
souple, facile, cadencé et même de ces tons fanés, vieillis, verdis,
qui enveloppent le sujet dans une atmosphère indécise ou le font
voir à travers une gaze idéale , et assimilent presque la peinture
à une tapisserie ancienne, se dégage un charme particulier qui
séduira toujours ceux qui, avec Lafontaine, trouvent la grâce plus
belle encore que la beauté. Malheureusement , il suffit de faire un
pas de plus dans cette voie pour atteindre raffèterie et la mièvrerie.
On peut, sans aller bien loin, en voir un exemple dans une sorte
de poi'traU de femme ou allégorie de la peinture , de Rosaiba
Carriera (1675-1757).
Cette Vénitienne célèbre est représentée à notre exposition par
deux portraits au pastel, celui que nous venons de citer (33), et un
autre qui est, parait-il, le sien propre (34). Ils suffisent pour nous
faire connaître les qualités et les défauts de cette artiste qui eut une
vogue immense au commencement du xvin* siècle : un modelé doux,
mais manquant de force, un coloris très frais, très tendre, mais sou*
vent fade, un dessin gracieux, mais insufflsant.
Nous arrivons aux derniers des derniers peintres italiens, les
Tlepolo 1697 à 1777 (le père et le (Ils se ressemblent à s'y méprendre)
avec un superbe lavis : Zes Arts implorant r appui de Rome (îSbis).
C'est un de ces nombreux dessins qu'ils improvisaient le soir à la
lampe et qu'ils lavaient, d'un pinceau facile, au bistre ou à lencre de
Chine. Le sujet est caractéristique pour l'époque : l'éloquente prière
des arts ne fut pas exaucée, ou bien les efforts du trône qui, d'ail-
leurs, et en aucun temps, ne put faire grand chose pour eux, furent
impuissants à porter remède i\ leurs maux.
Nous pouvons cependant citer encore une jolie petite aquarelle
d'un autre Vénitien, Francesco Guardi (1713-1793), représentant une
vue de Venise, mais nous voilà bien loin des grands maîtres de la
Renaissance, et môme, sans sortir de notre exposition, des peintures
de Guide et de ses imitateurs.
Dans l'école allemande nous trouvons trois portraits, chacun d'une
époque différente :
Un remarquable portrait de femme voilée (n*> 30), peint dans ce
style précis et un peu roide et gauche, que nos voisins du Rhin con-
servèrent longtemps encore après que les peintres des autres pays
eurent agrandi et assoupli leur manière,
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— 184 —
Un précieux portrait de Calvin (183), par HoIbeinJ
Enfin un curieux portrait de Guillaume de Nassau^ peint sur
marbre par Lely (78), d'une touche souple, agile, libre, et môme déjà
un peu maniérée.
Tandis que les écoles italiennes jetaient un si vif éclat, il y avait
bien au-delù des monts, dans les Pays-Bas, d'autres écoles non
moins florissantes, mais qui suivirent en général une toute autre
voix. A rencontre des Italiens qui se plaisaient à étaler sur de larges
surfaces les grandes scènes de Thistoire sacrée et de la mytho*
logie, les Flamands et les Hollandais se complurent à représenter
dans des cadres restreints, les scènes intimes dont ils étaient les té-
moins, des paysages, des fêtes populaires, des intérieurs de logis ou
de taverne. C'est surtout au xvn* siècle que parurent les grands maî-
tres en ce genre ; mais bien des fois, avant, pendant et après, les
artistes de ces pays allèrent puiser leurs inspirations chez les Ita-
liens. C'est ce qu'on vit au x?i^ siècle, alors que la peinture flamande
et hollandaise n'avait pas encore trouvé la voie où elle devait mar-
cher sans rivale ; au xvii^ siècle avec la grande école d'Anvers dont
Rubens fut le chef ; au xvin* siècle, lorsque, la sève étant épuisée,
les artistes reprirent le chemin de l'Italie.
Notre exposition renferme une trentaine de morceîmx de ces deux
écoles. Nous citerons, en suivant à peu près Tordre chronologique :
Un Eece homo (n* 186) qui peut rappeler imparfaitement la primi-
tive école de Lucas de Leyde (1494 à 1533).
La guérison des aveugles de Breughel de Velours (1575 à 1612.)
Les fonds bleuâtres et même l'ensemble de la coloration rappellent
bien la manière de ce maître, mais il n'en est pas ainsi des figures
dont le lâché et l'incorrection contrastent singulièrement avec le fini
* On peut voir dans la vitrine A. (no 6; un portrait de Dame Allematide de
l'école de ce peintre, et si Ton établit un rapprochement avec la peinture de
Glouet, on verra quelle similitude existe entre ces deux artistes qui son
comme les derniers des primitifs et les premiers des grands maîtres. Mais
ceci n'est pas tout à fait vrai de Holbein, dont Tart n'a prs été dépassé chez
les Allemands.
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- 185 •
précieux et le dessin précis habituels au peintre de la Bataille d'Ar-
belles. Ces défauts ont pu tromper les personnes qui, faute d'expé-
rience, prennent la médiocrité ou la gaucherie pour la marque où se
reconnaissent les œuvres des maîtres primitifs.
Or, Breughel de Velours est postérieur, non seulement aux maîtres
de la Renaissance italienne, mais même à Técole des Carrache ; il est
le contemporain de Rubens, dont il fut le collaborateur et Tami, en
sorte que la plupart des tableaux de notre collection lui sont anté-
rieurs, ceux-ci notamment : Une mise au tombeau; un buveur, de
Brauwer ; un beau paysage, par Winarts ; un autre, également très
beau, par Berghem ; deux batailles, de Van Mieris ; deux Kermesses,
de Pierre Bout ; un Cabaret, d*Abraham Zeeman. Enfln, un tableau
de fleurs de Tun des frères Van Spaendonck qui travaillaient à
Sèvres au commencement de notre siècle.
(Â continuer.) Leopold PHILIPPES.
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La Féodalité en, Agenois en ^789, manuscrit (Fun Curé de campagne
avec Introduction et Notes ^ par A. de Mondenard,*
Un certain nombre de chartes du Moyen-Age ont pour préam-
bule cette formule : « Attendu que la mémoire des hommes est
« bornée — Cum la humana memoria [revois jSia...,p Nos ancêtres
savaient déjà qu'après deux ou trois générations vient Toubli ou
.ce qui ne vaut guère mieux, la légende. Qui d'entre nous pourrait
décrire., d'après des traditions certaines, Tétat dans lequel se trou-
vait TAgenais il y a quatre-vingt-dix-ans? Personne. C'est unique-
ment par l'étude des documents que nous pourrons parvenir à
connaître les institutions et la condition des personnes sous l'an-
cien régime. La tâche, qui parsdt simple au premier abord, est,
au contraire, pleine de difficultés; le chercheur s'égare bien vite
au milieu d'un vrai dédale : diversité des coutumes et des droits
traditionnels, les uns aux trois quarts abolis, d'autres ayant sur-
vécu au Moyen-Age, quelques-uns établis ou aggravés depuis
cette époque; multiplicité des juridictions d'origines diverses,
plus ou moins modifiées par le régime des ordonnances. Par
exemple, TAgenais, en 1788, était subdivisé en plus de cent fron-
tières factices : vérité à Agen, erreur à Madaillan. Ici c'est la
commune libre, la terre du franc-alleu, et là c'est le domaine du
seigneur. Sur la rive droite du Tuisseau Bourbon, on est assujetti
à nombre de redevances dont on est exempt sur la rive gauche.
On n'est point jugé ici et là par les mêmes juges ni d'après les
mômes principes.
» Agen, Michel et Médan, 1879. ln-12 de 138 p. Prix : 3 fr,
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— 187 —
Toutes les communes dépendantes ne sont pas régies de la
même façon. Le plus souvent elles possèdent une administiratiou
assez libre et, si le seigfneur nomme les consuls, il ne peut, du moins,
les choisir en dehors d'une liste de présentation ; ceci, d'ailleurs,
sans préjudice de ses droits sur les propriétés privées.
Les paroisses ou communes dépendant d'une abbaye ou d'un
prieuré fournissent parfois un type mixte entre la commune régie
par le seigneur et la commune indépendante.
Ces distinctions doivent être faites d'abord exactement. On
pourra établir ensuite une statistique et résoudre ce problème :
quel était dans TAgenais la proportion des communes indépen-
dantes au double point de vue de l'administration et des propriétés?
Le document que vient de publier M. de Mondenard, les Noies
d'un Curé de campagne sur les droits que les seigneurs appellent seigneu-
riauXy est du nombre de ceux que Ton devra consulter pour l'étude
de la condition des communes placées sous la dépendance des
seigneurs. Son auteur, l'abbé Séguy, curé de Sauve terre, était
témoin des abus commis sur ce territoire que dominait le donjon
d'un château-fort. Ce donjon tombait .en ruines, mais les droits du
maître tenaient bon. Et le cifré de Sauveterre plaide — il lui fallait
pour cela du courage — la causé de ses paroissiens, de pauvres
tenanciers qui, de génération en génération, ont travaillé le même
sol grevé des mêmes charges, charges si lourdes qu'elles «jettent
t le cultivateur dans un découragement nuisible à l'Etat. » A en
juger par le mémoire trop sommaire de l'abbé Séguy, la condi*
tion des personnes dans la paroisse de Sauveterre était, à peu de
choses près, la même en 1789 qu'au Moyen-Age.
M. de Mondenard ajoute au texte des notes contenant la défi-
nition et même parfois l'historique des droits mentionnés dans les
doléances du curé de Sauveterre. La rédaction de ces notes, où
sont cités et rapprpchés un grand nombre de documents, atteste
de sérieuses recherches et une érudition spéciale. Toutefois — et
j'ai déjà mis en garde contre cette erreur — on se tromperait si
l'on voulait trop généraliser et conclure que la situation de tous
les habitants de l'Agenais était la même que celle des tenanciers de
Sauveterre. On voit assez que l'auteur n'a point fait de suffisantes
études comparatives. La portée de ses conclusions en eussent
été réduites dans une large mesure.
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- 188 -
Pour citer un seul exemple, je ne puis interpréter comme lui un
article des cahiers du Tiers-Etat de TAgenais (p. 92).
« La propriété de la terre étant commune, nul ne pourra être
« tenu de reconnaître aucun seigneur qui ne justifiera par titre
« de son droit de directe-; en conséquence, la maxime du franc-
« alleu : nul Seigneur sans titre^ aura lieu dans TAgenois où elle
« était originairement reçue. »
« Ce qui prouve, dit M. da Mondenard, qu'en 1789, depuis
« longtemps, il n*y avait en Agénois « nulle terre sans sei-
« gneur. »
€ Toutes ces terres étaient tenues à cens. »
Les rédacteurs des cahiers signalent ce fait, qu^il existe dans
TAgenais des terres sur lesquelles les seigneurs ont des préten-
tions non justifiées par titres ; ils ne disent point que les prétentions
des seigneurs s'étendent sur toutes les terres.
Je ne crois pas non plus qu'on puisse tirer du texte des doléances
de Tabbé Séguy, la preuve que dans TAgenais toute terre était
seigneuriale. M. Doniol, dans son ouvrage La Révolution française
et la Féodalité (cité p. 21 de Tlntroduction), a donné dans ce sens
une interprétation beaucoup trop étendue de quelques articles à la
charge des seigneurs du haut Agenais.
D'ailleurs les faits sont contraires à cette affirmation. Dans un
grand nombre de villes de TAgenais, notamment les plus impor-
tantes, une bourgeoisie nombreuse possédait de vastes propriétés,
tout aussi libres de redevances eu 1783, qu'elles le sont aujour-
d'hui.* C'était, il est vrai, en vertu de piiviléges spéciaux ; mais
' On peut constater cependant que la condition des habitants d'Agen
était moins bonne à la fin du siècledernier qu'elle ne l'avait été avant le règne
de Louis XIII. Comme engagistes de l'Agenais, les ducs d'Aiguillon eurent
les prétentions les plus exagérées. La ville d'Agen ne cessa guère d'être en
procès contre eux. Les seigneurs soutenaient les mêmes revendications dans
les petites communes qui n'avaient pas toujours assez de crédit ou assez
d'argent pour se défendre devant les hautes juridictions. Ainsi au commen-
cement du xviie siècle, le sieur de Reignac voulait exiger des redevances féo-
dales excessives des habitants de Frespech, Il appuyait ses prétentions
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— 189 -
qu'importe si la moitié environ des populations de TÂgenais en
avait le bénéfice ?
Un livre récemment publié Le Villaçe sous t ancien Régime^ par
Albert Babeau /In 8°, Paris, Didier, 1878), nous fait le tableau de
la commune indépendante d'après des documents originaux.
L'auteur a pris exclusivementpour types des villes de la Champagne.
Dans la plupart de celles de TAgenais, l'administration était la
même à peu de chose près et la condition des personnes semblable.
Seulement, sous un titre général, l'ouvrage de M. Babeau est in-
complet. L auteur a négligé de faire les distinctions que j'ai indi-
quées. Sa thèse, car on a pu dire avec raison qu'il soutient une
thèse,* n'est certainement pas applicable au village de Sauve-
terre d'Agenais.
Mais, dira-t-on, les conditions étant si différentes d'une com-
mune à l'autre, rien n'était plus facile que de s'affranchir des
charges par un simple déplacement. Sans doute, et c'est pourquoi,
durant le Moyen-Age, on avait émigré en masse. Ofi trouver la
cause de la prodigieuse extension des villes franches fondées au
xni« et au xiv« siècles, sinon dans les avantages exceptionnels ac-
cordés par les rois et même par certains seigneurs, politiques
avisés, à tous ceux qui se fixeraient sur ces coins de terre
privilégiés. Parmi les trente ou trente-cinq bastides fondées
sur le territoire de Lot-el -Garonne,^ vingt-cinq ont prospéré. Dix
se sont rapidement élevées au rang de villes importantes : Ville-
comme engagiste, sur des droits établis môme exceptionnellement et tem-
porairement par les souverains aux xiii* etxiv* siècles. Le résultat du procès
soutenu contre lui par les habitants de Frespech ne nous est pas connu.
On trouvera dans le fonds du présidial d'Agen (Aroh. dép. Série B.), quan-
tité de sentences rendues dans les contestations entre les seigneurs et les
particuliers au sujet du payement des droits féodaux.
^ M. Eugène Pelletan, a publié, dans le Journal Of/iciel des 12 et 23 fé-
vrier 1879, une étude sur l'ouvrage de M. Babeau, auquel il oppose un livre
tout en faveur des progrès modernes : Un heureux coin de terre, par le comte
de Montalîvet (A. Quentin, éditeur.)
* Voir Congrès archéologique de France. Séance tenue S Agen et à Toulouse,
1875, p. 179.
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— 190 -
neuve-sur-Lot, Gastillonnès , Villeréal, Monclar, Monflanquin,
Tournon, Damazan, Miramont, Puymirol, Aiguillon, etc. Des villes
moins anciennes qu'Âgen et Marmande, étaient dotées de
plus de privilèges que les bastides et la population y affluait.
Au contraire, autour des châteaux-forts, le vide se fait. Dès que
Villeneuve est fondé, le village de Pujols décroît. Les châ-
teaux de Castelculier, de Lusignan, de Madaillan, de Bajamont, de
Castelnoubel, de Lafox, de Dolmayrac, de Pauliac, de Sauveterre,
de Bîanquefort, de Bonaguil, de Gavaudun, de Mauvezin, etc. et,
sur nos frontières, la superbe forteresse de Biron, restent dans
risolement. A peine un petit nombre de maisons, habitations de
fermiers, s'étaient groupées autour de ces résidences ordinaires
des seigneurs.*
L'émigration a d'ailleurs ses limites. On s'attache au sol sur le-
quel on a toujours vécu et que l'on cultive môme sans espérance
de fortune. Tout délaisser, en cédant à vil prix et en payant de
nouveaux .droits, c'était pour un tenancier la ruine complète. Il ne
se décidait pas toujours à prendre ce parti extrême. Et puis autre-
fois, la vie était dure partout. Même sur les terre.^ libres, il était
malaisé de s'élever de la condition de domestique, de fermier ou
de métayer à celle de propriétaire. Durant le xviii« siècle, les gages
d'un domestique dans la banlieue d'Agen, étaient généralement
de moins de 30 livres. C'était l'équivalent du prix de deux à trois
sacs de blé, ou d'une barrique de vin ou d'une perruque.' Le
moyen d'acheter un domaine sur ses économies ?
• Quiconque a parcouru le Lot-et-Garonne peut invoquer ses souvenirs.
Il sera frappé de ce fait que, cependant, je suis peut-être le premier à si-
gnaler. On trouvera, et je tiens à le constater moi-môme, des exemples con-
traires. Gasteljaloux, Meilhan, Fumel, Duras, Mongaillard, Cancon, Lauzun,
Gahuzac, Laugnac, etc., étaient dominés par des châteaux- forts. Il est vrai
que certains châteaux ont été élevés dans des centres de population déjà
existants^ En ce cas la situation ancienne pouvait se maintenir.
' Je pourrais citer les documents à l'appui de ce passage et de toutes mes
affirmations; mais .je tiens à éviter que cette notice, déjà longue, prenne,
contre mon gré; les proportions et la forme d'un mémoire.
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- igi -
En dépit de ses grandes propriétés terriennes, la bourgeoisie et
même la noblesse de TAgenais étaient loin d'acquérir de grandes
fortunes. De 1600 à 1800, on n'a pas construit sur tout le territoire
actuel du Lot-et-Garonne un seul château (ceux d'Aiguillon et de
Lasserre exceptés) à la ville ou à la campagne, qui révèle l'opulence
et la grande situation d'une maison noble, d'un riche bourgeois
ou d'un financier.
En vain, le sol était riche. Un régime prohibitif empêchait
souvent l'exportation des produits , et particulièrement du vin,
même de commune à commune. Les moyens de communication
étaient si bornés que toute expédition lointaine était extrêmement
onéreuse ou même impossible.
Ces entraves matérielles sans nombre, naturellement mainte-
nues parla rbutine, ne nuisaient pas moins h la prospérité, du
pays que des impôts plus ou moins lourds, le payement de droits
vexatoires ou arbitraires. -
Les changements opérés dans la condition des personnes depuis
quatre-vingt-dix ans et la progression de la fortune publique sont dûs
en somme, non point seulement à la suppression d abus très réels,
qui fut consacrée dans la nuit célèbre du 4 août 1789 , mais sur-
tout à des réformes urgentes dues à la Révolution, k> des décou-
vertes heureuses, à l'exécution de grands travaux , c'est-à-dire &
la division des propriétés, réalisée par la vente des biens natio-
naux — je passe la question de droit pour he signaler que les con-
séquences—et par le nouveau régime des successions; à la
liberté absolue du commerce et de la vente des produits du sol ;
à la multiplication et au perfectionnement véritablement considé-
rables des moyens de communication.
L'ouvrage déjà cité de M. le comte de Montalivet, Uk heureux
Coin déterre^ offre le tableau des transformations qui se sont opérées
dans le petit village de Saint-Bouise (Cher) depuis l'année 1817. C'est
l'histoire des trois quarts de nos communes rurales, oii le bien*
être loge aujourd'hui à tous les étages de toutes les maisons
vieilles ou neuves.
Que le lecteur et M. de Mondenard me pardonnent ces longues
digressions. Les études comparatives sur l'ancien régime et lo
nouveau sont trop souvent traitées avec un parti pris extrême
dans les deux sens opposés, au hasard des polémiques quoti-
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— 192 —
diennes. Elles sont également à Tordre du jour parmi les histo-
riens que préoccupe, ayant tout, la recherche de la vérité L'his-
toire de TÂgenais, pendant la période de transition de 1788 à
1800 reste à faire. Cette simple esquisse tend à démontrer à la fois
et rintérêt et les difficultés de cet important sujet.
G. THOLIN.
Le Directeur-Gérant ,
Ad. MAGBN.
AfilM — IVmintl nMARD LAMt.
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CHRONIQUE D'ISAAC DE PÉRÈS.'
L'an 1554 et le 29* jung décéda feu Oddet de Pérès' Consierge ^
du Château du Boy de Navarre * à Nérac.
Le nom de baptême des enfants de Jehannot de Pérès ^ et de
Agnès Carrétou de Bours.
' La grave maladie de M* Auguste Lesueur de Pérès ne lui ayani pas permis de
s'entefidre avec tous les collaborateurs qu*il aurait vouln grouper autour de lui, les
notes que ton va lire appartiennent seulement à MM Lesneur de Pérès, Tamizey
de Larioquet Faugère-Dubourg, J. de Bourrousse de Laffore, Ad, Magen.
* Feu Oddet de Pérès , descendant d'un Isaac de Pérès, consul de Nérac
en 1440 » père de Jehannot de Pérès dont le nom est ci-dessus ; grand
père du chroniqueur Isaac de Pérès , et consul de Nérac comme son an-
cêtre.
' Sur la charge de Concierge des ch&teaux royaux , au moyen-Age y voyez
Tintroduction à la présente chronique, page dS9 et suivantes. — Voyez aussi
une note de VInventaire des meubles du Château de Nérac en 4b98 , publié
par Ph, Tamizey de Larroque. Paris, 1867, in-8', p. 15.
* Ce Roi de Navarre était Henry Premier, comte de Foix , prince de
Béam, d'abord (1522) sire, puis (1550) duc d'Albret, mort le 25 mai 1555,
grand'père d'Henry IV, Roi de France et de Navarre.
* Jehannot de Pérès était Iff p«re du Chroniqueur et de trcns autres
enfants.
Toxii Vi— 4879.
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- 194 -
L'an 1554 et le 25* nobambre nasquit Pierre de Pérès * pour
parrain et marraine.^
Jehannot de Pérès, monpère,' fut tué, à la porte du Marcadieu,^
par un nommé le Cappilaine Castelnau,^ d*un coup de pistolet, le
\T mars 1576.
L'an 1557 et le 19« apvril décéda feu Agnès Carrétou, femme
de Jehannol de Pérès.
L'an 1557 et le 28* nobambre Jehannotde Pérès espouza en
secondes nopses Jehanne Evenard du Port-Sainte-Marie.
Le 18* mars 1586, morust Janne Evenard, ma mère a viii heures
du soir.
» Fils de Oddet de Pérès, frère de Jehannot qui précèdent, oncle d'Isaac
de Pérès, chroniqueur. Pierre de Pérès, marié avec Janne de Lavallade, de
la famille de M. de Lavallade, Président de la Cour des comptes de Nérac,
paraît avoir joué un rôle considérable à Nérac oiï il était consul en 1601.
C'est de lui que descend la famille Lesueur de Pérès en ligne directe.
' Suivent sept lignes rongées par les rats en 1878 , lesquelles avec les
onze lignes et demie qui sont également coupées à la même page, un peu
plus bas, contenaient le tableau généalogique, sous Henri IV, de toute la
famille du chroniqueur. Heureusement , il avait été relevé copie de ce ta-
bleau par M. Auguste Lesueur de Pérès, Conseiller à la Cour d'Agen, Che-
valier de la Légion d'honneur, sous les yeux de M. Lesueur de Pérès,
Président du Tribunal civil de Nérac, son père, avant l'année 1857. De cette
manière, rien n'est perdu. La généalogie est complète.
' Le chroniqueur était fils de Jehannot de Pérès et de Jeanne Evenard,
du Port- Sainte-Marie , aujourd'hui chef-lieu de canton situé sur la rive
droite de la Guronne, à 17 kilomètres de Nérac. Il naquit le 4 juin 1564.
* La porte du Marcadieu était au sud-ouest de la ville de Nérac, à l'en-
trée par la route de Mézin , sur le terrain qu'occupent aujourd'hui la place
du Marcadieu et la statue en bronze d'Henri IV.
* Il est d'autant plus difficile de dire quel était ce capitaine Gastelnau,
que ce nom était, à cette époque, porté par plusieurs personnages.
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- 195 —
Le 80* juillet 1587, morust mon-beau frère, Charles Saubés, estant
gendarme * de la compagnie de M' Sus,^ près de la ville d'Auchx.'
Jehan Saubés, frère du dit Charles, décéda à sa maison de
Hongaillard ^ le mardy 15 octobre 1611.
Ex libris, L. de Pérès.*
^ Le gendarme était autrefois un homme de guerre à. cheval armé de
toutes pièces et qui avait sous ses ordres un certain nombre d'hommes à
cheval. C'était ce que nous avons appelé depuis un officier de cavalerie.
3 Etait-ce le même personnage que celui dont il est ainsi parlé dans les
Maisons historiques de Gascogne, par M. J. NouJens (Paris, 1865, tome I, grand
în-8", p. 119) ? « Un certain capitaine Sus avait fait, en 1588, diverses cour-
ses dans le bas Armagnac, à la tête de deux cents chevaux pliant sous le
butin. Le comte de La Roche, le marquis de Canisy, Monluc et de Lau,
dépêchés à la poursuite de ces pillards par le maréchal de Matignon, les
exterminèrent, moins le chef qui, criblé d'arquebusades, parvint à gagner
un fort qu'il avait fait construire sur la frontière. » Les noms, les temps et
les lieux semblent bien autoriser à identifier le M^ de Sus de la Chronique
avec le capitaine Sus des Maisons historiques de Gascogne, capitaine dont il
est question dans VHistoire universelle d'Agrippa d'Aubigné, à l'année 1588,
et qui n'était appelé Sus que parce qu'il était originaire de la Suisse, son
véritable nom nous restant inconnu.
• On écrivait tantôt Atichs, tantôt Aulx, le nom de l'ancienne capitale des
Auscii, aujourd'hui chef-lieu du département du Gers.
• Département de Lot-et-Garonne, arrondissement de Nérac , canton de
Lavardac, à 5 kilomètres de cette dernière ville et à 12 kilomètres de Nérac.
• C'est la signature de M. Joseph-Auguste Lesueur de Pérès, ancien Pré-
sident du Tribunal civil de Nérac, Chevalier de la Légion d'honneur, né à
Gondom le 3 juillet 1786, décédé à Nérac, le 13 août 1857. C'est lui qui
sauva la Chronique dans sa jeunesse ; il y apposa alors la signature ci-
dessus, avec l'autorisation de son père qui lui fit cadeau du précieux ma-
nuscrit.
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— 196-
Discoursde la Bataille de Goutras ^ envoépar M' du Plessis^ à
madame sa femme estant ' à Nérac.
Le Roy de Navarre prenait son chemin vers son armée cstran-
gère, parle bord des provinces qui luy sont favorables, et pour cest
effect, auoit à passer la rivière de Drosne ^ et de Lisle.*
M*' de Joyeuse^ avoit charge de luy empescher ce passage » à
* La bataille de ce nom se livra, le 20 octobre 1587» sur le territoire de
la commune de Coutras, qui est un chef-lieu de canton du département de
la Gironde, arrondissement de Libourne, à 17 kilomètres de cette ville, à
41 kilomètres de Bordeaux. Le discours ici reproduit fait partie d'un mor-
ceau assez étendu qui a été imprimé sous ce titre : Mémoires envoyés en di"
vers lieux de ce qui se passa le 24 août, que le Roi de Navarre sortit de La
Rochelle jusqu'à 'la bataille de Coutras, du 20 octobre 1587, dressés par M. Du-
plessis, dans les Mémoires de Phil. de Momay, 1624-1625, 2 vol. in-4, t. I,
p. 754, et qui a été réimprimé dans les Mémoires et Correspondances, édition
de M. Auguis, 12 vol. in-8«, 1824-1825, t. III, p. 536.
* Philippe de Mornay, seigneur Du Plessis-Marly, naquit au ch&teau de
Buhy (Seine-et-Oise), le 5 novembre 1549 et mourut au château de La Porét-
sur-Sèvre (département des Deux-Sèvres), le 11 novembre 1623. Ce ftit un
des plus considérables personnages du parti protestant qu'il servit par sa
plume non moins que par son épée. Ses nombreux écrits de controverse le
firent surnom mmer le Pape des Huguenots,
' C'était Charlotte Arbaleste de la Borde , née en mars 1550 , morte en
1606. Quand elle épousa Ph. de Mornay (1576), elle était déjà veuve de Jean
de Pas, seigneur de Feuquières. Voir sur cette femme d'élite une très belle
notice de M.Guizot, mise en tête de l'édition donnée par M«»« de Witt, pour
la Société de l'Histoire de France, des Mémoires de Madame de Momay (Paris,
1868-1869, 2 vol. in-8).
* La ville de Coutras est située sur la rive gauche de la Dronne, petite
rivière qui prend sa source dans l'étang des Borderies, non loin de Chalus
(Haute-Vienne).
* L'Isle, qui naît dans la Haute- Vienne, près du hameau de Bougeras,
canton de Nexon, reçoit la Dronne & 1,500 mètres de Coutras et se jette
dans la Dordogne à Libourne, après un cours de 235 kilomètres.
* Anne, duc de Joyeuse, amiral de France, fils du vicomte Guillaume
de Joyeuse, maréchal de France, et de Marie de Batarnai, n'avait que vii%t-
six ans quand il fut tué k la bataille de Coutras, de trois coups de pistolet,
par deux capitaines gascons nommés Bordeaux et Descentiers, auxquels il
avait vainement offert cent mille écus de rançon.
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- 197 -
quelque parly que ce [fut, pensant] que , le dit S' Roy de Navarre
deffait, par une raisonable conséquence l'armée estraogère ne pour*
roitsubscister.
Le dit Seigneur Roy assisté de Hesseigneurs les princes de Condé *
et comte de Soissons ^ se résout de passer, le dit Seigneur de
Joyeuse de Tempescher, renforcé de plusieurs compagnies que le Roy
(de France) lui avoit envoyées.
Le dit Seigneur de Joyeuse prend ses logis à Barbezieux,' despuis
à Chalais/ : Le Roy de Navarre, à Archiac,^ à Moulins ^ et lieux
prochains, résolus tous deux de gagner le passage de la Drosne et
' Henri I" de Bourbon, prince de Condé, fils de Louis de Bourbon,
prince de Condé, et d'Eléonore de Roye, naquit le 29 décembre 1552 et
mourut à Saint- Jean-d'Angély, le 5 mars 1588. Vois. sur ce cousin germain
d'Henri IV YHUtoire des Princes de Condé par M, le duc d'Aumale (Paris, 1864,
2 vol. in-8*, t. II, p. 85-185). On remarquera dans cette biographie du grand
père du vainqueur deRocroy, le récit de la bataille de Centras (p. 169-177).
s Charles de Bourbon, comte de Soissons, iils de Louis de Bourbon et de
sa seconde femme Françoise d'Orléans-Longueville, naquit le 3 novembre
1566, & Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), et mourut le 1«' novembre 1612, au
oh&teau de Blandy (Seine-etrMame). Demi-frère du prince de Condé, il ne
défendait pas h Contras, comme lui, les intérêts des protestants, car il était
catholique : il ne se battait à côté du roi de Navarre que pour obtenir de
lui plus facilement la main de la sœur de ce prince, qui ne devait pas lui
être accordée.
' Chef-lieu d'arrondissement du département de la Charente, à 34 kilo-
mètres d'Angouléme.
* Chef-lieu de canton du même département, dans l'arrondissement
de Barbezieux, à 29 kilomètres de cette ville et à 48 kilomètres d'Angou-
lème.
* Chef-lieu de canton de la Charente - Inférieure, arrondissement de
Jonzac, à 15 kilomètres de cette ville.
* Il faut lire non Moulins^ mais bien MonlieUf comme on l'a imprimé
dans les Mémoires de Du Plessis-Mornay, et aussi dans Mlistoire des princes
de Condé (t. II, p. 165), ou plutêt, selon l'orthographe officielle, Montlieu,
chef-lieu de canton du département de la Charente-Inférieure, arrondisse-
ment de Jonzac, à 29 kilomètres de cette ville*
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- 198 -
surtout le logis de Goutras où la dite rivière se pouvoit plus commo*
dément passer.
Il s'y passa des occazions de combattre sur le chemin ; aussy, le
dit Seigneur Roy, par sa dilligence accoustumée, gagna le logis de
Contras sur Drosne, une heure plus tost que le dit Seigneur de
Joyeuse y peut arriver, qui avoit desja . envoyé quelques chevau-
légers pour le prendre, qui quiltarent, à Tarrivée du dit Seigneur
Roy. C'estoit le lundy au soir, dix neuf» octobre mil viiixxvii.*
Le mardi ensuyuant, de grand matin, mondit Seigneur de Joyeuse
se rend entre Larroche-Chalais * et Goutras, et prend ses logis et
place de bataille, à deux petites lieues de Goutras, au lieu le plus
avantageux qu'il peut.
Le Roy de Navarre, de son cousté, part du dit Goutras et luy va
audevant, met son armée en bataille, fait passer la riuiére à son
canon qui, le soir précédant, ne Tauoitpu passer, et le fait mener à sa
teste, rézout tous les siens à ce combat qui les trouva plains d'ar-
deur et dévotion pour combattre; ce voyant, fait fère la prière à Dieu,
de troupe en troupe, dispose au reste de son armée, en telle sorte
que toutes les pièces servirent à faire leur effort, sans incommoder
ny les uns ny les autres, comme de faict son artillerie joua fort à
propos, Tarquebuzerie de mesure, et n'y eut partie de son armée qui
n'eut notable part à la victoyre, bien que, certes. Sa Majesté, soit
pour l'ordre, soit pour l'effort, est, au jugement de tous, la princi-
palle.
' M. le duc d'Aumole (volume déjà cité, p. 165) parle ainsi de Joyeuse :
« Le 19 octobre, tandis que, selon son habitude , il s'arrôtait à la Roche-
Chalais pour y faire grande chère, il envoyait en avant Lavardin avec sa
cavalerie légère, pour saisir la position de Goutras, situé au confluent de
risle et de la Dronne. Or, selon son habitude aussi, le Béarnais était à
cheval, tandis que son adversaire festoyait. Il avait prévenu Joyeuse, 6t,
quand Lavardin approcha de Goutras, il trouva la ville occupée par l'avant-
garde protestante, et n'eut que le temps de se replier sur la Roche-Gha-
lais. »
* La Roche - Ghalais est une commune du département de la Dordogne,
sur la rive gauche de la Dronne, arrondissement de Ribérac et canton de
Sainte- Aulaye.
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— 199 —
Tant y a, que sur les huict heures, rartillerie commença à jouer,
et, avant neuf heures, on vinst aux mains. Feust la bataille cy-tost
décidée ; chose estrange, en Tégallité de toutes forces, qu*à dix
heures, il n'y auoit homme de Tennemy qui rendit combat, sans
que toutesfois il se soit perdu en une véritable desfaite trente
hommes soit de pied ou de cheval, du cousté du dit Seigneur Roy de
Navarre, ni mesme pas un qui eust commandement.
Le Roy de Navarre y est venu aux mains jusques a colleter M' de
Chateaurenaud , guidon de M' de Sainctsac ; * M»' Le Prince , son
cheval tué : M»' Le Comte de Soissons y a fait des prisonniers de
sa main. M' de Turenne,^ son cheval tué.
Dieu qui a ordonné l'issue des batailles, a donné la victoire à ce
prince, en laquelle M' de Joyeuse a esté tué , tous les chcfz morl5
ou prins, réservé M' de Laverdin,' qui se sauva de vitesse, toutes
les enseignes et les cornettes prinses, mesme la générallc, l'infan-
terie toute desfaite, le canon prinsi le bagage perdu, la victoyre
' Selon le président J.-A. de Thou ( Histoire^ livre LXXXVII), c'était un
Prév6t ou Prévost de Sansac, de la famille qui a fourni un archevêque au
diocèse de Bordeaux (de 1560 k 1591) et qui avait déjà fourni à nos armées
un de nos plus vaillants capitaines (1486-1566), dont on peut voir l'éloge
dans les Œuvres complètes de Pierre de Bourdeille, Seign4!\ir de Brantônu, édi-
tion de M. Lud. Lalanne, t. III, 1867, p. 307-401.) Le chroniqueur péri-
gourdin nous apprend que Monsieur de Samac, qui était le fils de ce dernier,
mourut au siège de Chartres, en 1591 . Il existe encore à Nérac aujourd'hui
un descendant de cette famille de Sansac ou Saintsac.
• Henri de La Tour, vicomte de Turenne, né à Joze en Auvergne, le 28
septembre 1555, mourut à Sedan, le 25 mars 1623. Henri IV récompensa
doublement son compagnon d'armes en lui donnant, le 15 octobre 1591,
Charlotte de La Marck, la riche héritière du duché de Bouillon, et, le 9 mars
1592, le b&ton de Maréchal de France. Voir dans le Bulletin de la Société de
l'Histoire de France de 1866, 1» partie, une lettre du vicomte de Tui-enne à
Henri IV, lettre que nous indiquons ici parce qu'elle fut écrite à Nérac
(25 avril 1590).
' Jean de Beaumanoir, marquis de Lavardin, fils de Charles de Beauma-
noir, seigneur de Lavardin, qui avait été une des victimes de la Saint-Bar-
thélémy, naquit en 1551, abandonna le calvinisme, se jeta dans la ligue, fut
fait par Henri IV, Maréchal de France et mourut à Paris, en novembre 1614.
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- 200 —
suivye trois lieues ou plus, Taction de grâces faite à Dieu au retour
du champ de la bataille, les mortz enterrés, les logis de l'esnemy
bruslés» et toui en somme qui se peut fére à une signalée victoyre«
Les mortz trouvés au Champ de la bataille :
M' de Joyeuse, admirai de France,
M' de Saint-Sauveur, son frère,*
M' Le Comte de la Suze,^
M' Le Comte de Gallo,»
M' Le Comte Dauvigeon,
M' Le Baron de Fumel,*
M» Le Baron de Thémine,**
Le Cappitaine du Long,^' beau-flls de Arnot Nagoua, fust tué, près
* Claue de Joyeuse, seigneur de Saint-Sauveur, était le septième desen^
ants de Guillaume II, vicomte de Joyeuse.
* C'était Louis de Champagne, comte de La Suze.
' François, comte de Goêllo, était le fils cadet d'Odet d'Avaugour ou de
Bretagne, comte de Vertus, et de Renée de Coëme.
* François de Fumel, chevalier, seigneur et baron de Fume], étoit fils de
François de Fumel, l» du nom, l'ambassadeur à Gonstantinople, assassiné
par les protestants, le 24 novembre 1561, et de Gabrielle de Verdun. Il fut
conseiller et chambellan du Roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre,
maréchal de ses camps et armées, capitaine de cent hommes d'armes de ses
ordonnances, etc. Il était marié avec Jeanne de Gaumont, fille de Gabriel*
Nompar de Caumont, comte de Lauzun. Voir la généalogie de Futnel par
0. Gilvy, Nobiliaire de Guienne et Gascogne, Bordeaux, 1856, p. 20-21, M. 0.
Gilvy, remarquons-le en passant, a retardé d'un an (p. 21), la bataille de
Goutras et la mort de François de Fumel, plaçant ces événements en 1588.
* Peut-être Gabriel, fils aîné de Jean, Seigneur de Lausières de Thé-
mineSf et d'Anne de Puymisson, lequel mourut sans alliance, et dont le
frère cadet, Pons, marquis de Thémines, fut Maréchal de France, en 1616.
* M. J. F. Samazeuilh {Biographie de l'arrondissement d£ Nérac, p. 253),
rappelle que la famille Dulong est une ancienne famille de Nérac, qui a
fourni des hommes d'épée et des hommes de robe, et il mentionne, d'après
la présente chronique, la mort du capitaine Dulong, sans donner aucun dé-
tail de biographie et de généalogie.
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— 201 -
le HoUia » ung vendredi 20« mars 1592, par la troupe de M' de
Réaup.*
If, de Lignerotte,'^ espouza damoiselle Judlc de Tauzin, le samedi
* M. Samazduilh (ouvrage cité dans la note précédente), a reproduit
(p. 712-713), le passage sur le capitaine Dulong et sur le siège de Levèze,
mais sans rien nous apprendre sur Monsieur de Réaup. Heureusement que
le savant continuateur du Nobiliaire de Guienne et de Gascogne nous commu-
nique la note suivante : « Biaise de Béarn et du Saumont , seigneur de
Réaup, près Mézin, et de Papon, près La Plume, était frère de Joseph de
Béarn, seigneur du Saumont en 1581, et second fils de noble Alain de Béarn,
seigneur du Saumont en 1552. Ledit Biaise de Béarn était marié avec Noble
Glaire de La Ville, vivait en 1581-1587, et fit son testament le 20 novembre
1610, dans lequel il se nomme Biaise de Béarn du Saumont et de Réaup.
Il eut pour filleul et pour héritier le fils de sa sœur. Biaise de Noaillan, sei-
gneur de Villeneuve près Mézin. » ( Archives de M. Jules de Bourrousse
de Laffore, )
' Il est ici question de Jean de Semallé, écuyer, sieur de Lignerottes,
gentilhomme normand. Cadet de famille, il s'en vint chercher du service en
Gascogne, à la Cour de Navarre, et nous le trouvons, en 1588, attaché, en
qualité de gentilhomme-servant, à la personne de Henri III, roi de Navarre
[Archives de Pau, série B., carton 30^2). M. de Lignerottes conserva ces fonc-
tions auprès de ce prince, devenu Henri IV de France, Jusqu'à la fin de
l'année 1609. En effet, nous avons sous les yeux le contrat de cession de
ladite charge de gentilhomme-servant faite par Jean de Semallé au profit de
M. d'Espiet, et nous croyons intéressant de donner ici un extrait de cet acte :
« Furent présents en leur personne, Jehan de Semallay, escuier, sieur de
Lignerottes, gentilhomme-servant du Roy, estant de présent en ceste ville
de Paris, logé rue Saint-Honoré, d'une part, et Regnault Despiet, escuier,
sieur de Mauret, estant aussy de présent en ceste ville de Paris, d'autre part ;
lesquelles parties recogneurent et confessèrent avoir faict et accordé entre
elles les conventions qui ensuivent. C'est assavoir que ledict sieur de Li-
gnerottes s'est aujourd'hui (13 décembre 1609), soubz le bon plaisir du Roy
et dé monseigneur le comte de Soissons (Henry de Bourbon-Condé), pair et
grand-mattre de France, desmis et destitué de sondict estât de gentilhomme
servant de Sa Majesté, pour, au nom et (>u proffict dudict sieur Despiet
moyennant la somme de deux mille quatre cens livres tournois, sous la ga-
rantie de Monsieur Maistre Joseph de la Nagerie, conseiller du Roy et
maistre des Requestes de la maison de Navarre, et de maistre André Vigier,
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- 202 —
21* jour de mars , dans la ville de Nérac, par M' de Saint-Hilaire,*
1592.
doyen du Chapitre de Laromieu. » Ces deux mille quatre cents livres de-
vaient être payées à M. de Lignerottes « en sa maison de Gazette, près
Nérac, fin janvier suivant. » Cet acte est signé : J. de Semallay (sic), Des-
piet, J. de la Nagerie, A. Vigier et des notaires [Titre original en papier,)
Comme on vient de le voir, Jean de Semallé faisait sa résidence ordinaire
à Cazette, et il est hors de doute que cette propriété, — alors réputée noble
et d'une certaine étendue, — lui avait été apportée en dot par sa femme,
Judith de Tauzin. Les économies réalisées sur ses appointements ne lui
eussent jamais permis une acquisition semblable.
Cazette se trouve à deux kilomètres environ de Lavardac et à peu près à
égale distance de Montgaillard. De l'ancienne maison seigneuriale il n'y a
plus trace, si ce n'est un colombier resté debout au milieu d'un champ voisin.
Du plateau de Cazette, la vue embrasse un magnifique horizon, aussi varié
qu*étendu. La prochaine ligne ferrée côtoyant la Baïse, s'y pourra suivre
de l'œil bien avant la gare de Lavardac et par-delà Nérac, presque jusqu'à
Condom. En regardant Lavardac, l'attention est attirée par un groupe de
peupliers au-dessus desquels se dressent les quatre tours du moulin de
Barbaste, dont le bon roi Henry se qualifiait le meunier. En tournant le dos
à Lavardac, on a devant soi les ruines imposantes du château de Xaintrailles,
qui rappelle un des plus vaillants hommes de guerre du règne de Charles VII
et l'une des plus pures gloires du xv» siècle.
Cazette, vendu par les Lignerotte en 1735, a passé depuis lors en diverses
mains ; son propriétaire actuel, M. Larigaudiôre, y cultive cinquante hectares
en vignes et en blé et y fait, bon an mal an, trois cents barriques devin.
Le séjour de Gazette était donc des plus plaisants au temps de M. de Li-
gnerottes; toutefois, la nostalgie s'emble s'être vite infusée dans ses veines,
car nous y voyons s'éteindre sa lignée au bout de quelques générations.
Quant à la branche aînée des Semallé, elle est aujourd'hui représentée par
M. Mane-Louïs-Rogerf comte de Semallé, et par M. Marie-Alexandre-ft^»^,
vicomte de Semallé, qui tous deux ont des enfants.
Connus dès avant l'année 1350, les Semallé sont originaires du lieu de ce
nom en la banlieue d'Alençon ; seigneurs de Belair, de la Mare-Bonn eval,
des Gastines, etc., les Semallé se sont directement alliés aux de Baigneux
de Frébourg, Guchéneuc de Boishûe, Malou (de Belgique), de Recaldc, de
Surmont, de Thomassin-de Bienville, de Vichy, etc. Ils ont comparu aux
assemblées de la noblesse du Maine en 1789, et portent pour armes : D'ar-
gent, à la bande de gueules surmontée d'un épervier de sable armé d'or (Com-
munication de M. Denis de Thezan).
* Un ancêtre probablement ou un parent du lieutenantrgénéral de ce nom
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— 203 —
Mademoiselle du Lanoy, mère du Cappitaine Dupleix,' mourut la
nuit du 23* auril 1592.
Leveze ^ fut assiégé par M. de Fauas,* où commandoit le Cappi-
qui , blessé du même boulet que Tureune, mais plus heureux, se sauva J » i f\\ *^
de sa blessure. Samazcuilh (Carie de l'arrondissement de Néràc) rappelle sans | '- • < f j^ V
la confirmer, la tradition peu probable qui fait naître ce vaillant soldat ■ » , ""^
d'un savetier tenant boutique sous la halle de Nérac. Cette tradition est j V- *
répétée dans une note annexée à la lettre 426 de M™« de Sévigné , tome IV, ' / '
p. 31 de l'édition liegnier-Hachette.
^ On lit dans les Commentaires de Biaise de Monluc (édition de la Société de
l'histoire de France, liv. III, 1867, p. 296, sous l'année 1569 ) : « J'avais
donné commission aux cappitaines Dupleix et Pommiès, qui sont de Condo-
moys, de faire chacun une compagnye, et leur mandais qu'il se rendissent
vers Buzet.. » (p. 303 :) « Je tirai dudit Casteljaloux ledit seigneur deNoé et
la cavallerie, et y laissant dedans les cappitaines Dupleix et Pommiés, qui pa-
rachevèrent de faire leurs compagnyes, qui toutjours ont été bonnes.. »
Â. de Ruble dit sous le premier de ces passages (note 3) : « On trouve deux
capitaines de ce nom sous les ordres de Monluc, à cette époque en Guienne:
1* Guy Dupleix, mort en 1580 d'une épidémie surnommée Coqueluche, Il
exerçait alors la charge de Maréchal de Camp sous les ordres de Biron en
Guyenne. Son fils, Scipion Dupleix, qui nous donne ces détails, a laissé de
nombreux ouvrages, entre autres, une Histoire de France^ en cinq volumes
in-folio ; 2* Passiot Dupleix, de Gondom, homme d'armes dans la Compagnie
de Monluc. Montre, du 26 avrril 1572. [Histoire de la Gascogne y t. II), p. 162. »
' C'était le ch&teau de Levèze, situé dans Tancienne paroisse de ce nom,
ai^jourd'hui simple section de la commune de Sos, canton de Mézin, arron-
dissement de Nérac. Voir le Dictionnaire géographiqne, historique et archéolo-
gique de l'arrondissement de Nérac, par M. J. F. Samazeuilh, Nérac, 1862, p.
27&-277.
' Jean IV de Fabas, seigneur de Roux, d'Orries, et non Arriès, vicomte de
Castets-en-Dorthe (avril 1605), maréchal de Camp des armées du Roi (20
juillet 1585) , gouverneur de Casteljaloux et du duché d'Albret, etc., épousa,
en janvier 1572,Louise de La Chassaigne, et en eut un fils, Jean V de Fabas
qui fut député général des églises réformées de France (1619j et ensuite
Conseiller d'Etat. Jean IV mourut, non comme on l'a souvent dit, en 1619,
mais en 1612, comme l'a prouvé M. H. Barckhausen dans la préface de son
édition des Mémoires de Jean de Fahas premier vicomte de Castets-en-Dorthe, pu-
bliés sur le manuscrit original (tome I des publications de la Société des biblio-
philes de Guyenne, Bordeaux, 1868, in-8<>, p. £67).
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^ 204 -
taine Santo le 10 avril 1592 , assisté des régiments de La Roche,
Panjas et Hanciet, et deux compagnies de Cleirac > avec ceux de
Nérac qui faizalt troys compagnies. Mais, le dit Seigneur fuzt con-
traint de lever le siège, tant à cauze des grandes pluies qu*il flst
pendant le dit siège que du secours qui arriva au dit Santo, et suivi-
rent le dit Seigneur de Favas jusques à Barbaste,^ où ils prirent
trente ou trente cinq chevaux d'attelage. C'estoit Lau,' Hontespan/
Honluc,' et Réaup, ennemis ligueurs.
Pierre Dubédat, dit le pastisseron, morust le 24 auril 1599.
Jammet Barret^ dit le Piog, morust le 3^ may 1593.
* Glairao, commune du département de Lot-et-Garonne, arrondissement
de Marmande, canton de Tonneins, à 38 kilomètres d'Agen, 22 kilomètres
de Marmande et 6 kilomètres de Tonneins.
' Barbaste, commune du département do Lot-et-Garonne, arrondissement
de Nérac, canton de Lavardac, à 2 kilomètres de Lavardac, 7 de Nérac et 33
d'Agen.
' Jacques de Lau, chevalier de Tordre du Roi, capitaine de cinquante
hommes d'armes de ses ordonnances, etc., était fils de Carbon de Lau et de
Françoise de Pardaillan. Voir sur ce personnage les documents inédits pour
servir à Vhistoire de VAgenais, publiés par Ph. Tamizey de Larroque, Agen,
in-8*, 1874, p. 172-174, les notes et documents inédits relatifs à la famille de
Lau, insérés par le môme dans la Revue de Gascogne, de Tannée 1877,
tome XVIII de la collection, p. 91-96.
* Antoine-Arnaud de Pardaillan, seigneur de Gondrin, marquis d'Antin et
de Montespan, chevalier des ordres du Roi (1619) , capitaine de ses gardes
du corps, premier maréchal de camp de ses armées, lieutenant-général au
gouvernement de Guyenne, et gouverneur d'Agenois et de Condomois, était
fils d'Hector de Pardaillan, seigneur de Gondrin, Antin et Montespan, et de
Jeanne d'Antin. II mourut en 1624.
* Charles de Monluc, était fils de Pierre-Bertrand de Monluc et de Mar-
guerite de Caupenne, et petit-fils de Biaise de Monluc. Ce sénéchal de
TAgenais fut tué au siège d'Ardres, en 1596. Un jeune et bien zélé paléo-
graphe, M. Roborel de Glimens, vient de trouver dans les archives dépar-
tementales de la Gironde , un document relatif à la construction du
tombeau de Charles de Monluc, construction dont s'occupait un ami de la
famille, Florimond de Raymond, le savant Conseiller au Parlement de
Bordeaux. On lira ce curieux document dans le tome XVIll (sous presse)
des Archives historiques du département de la Gironde.
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Jacques Brousse, fugt tué, près le Franâat>* par la troupe de
H^ de Réaup, et Bouchol prias prisonnier, le 26* jung 1593.
Du Terne, autrement Caychau, morust le 9« juillet 1592.
Fleurette,' jardinière du Roy, morust le 22« aoust 1592.
' Propriété située près de Nérac, sur la haute colline qui domine la rive
droite de la Baïse, à l'arrivée d'Agen.— Le château du Frandat {Franc Datf
fief donné en franchise) a été possédé par la famille Le Venier, qui a long-
temps rempli de grandes charges h Nérac. Imbert Le Venier, conseiller,
trésorier et auditeur en la Ghamhre des comptes de Navarre (1585), gentil-
homme de chambre du roi de Navarre, reçoit d'Henri IV le 14 octobre 1593
une pension de 3,0001ivres. Son fils Messire Pierre Le Venier fut président
en la Chambre des comptes de Navarre (1623). Gaston Le Venier, seigneur
de Pouy-le-Haut, épousa Agnès Marie de Bacalan (1661). La famille Le
Venier est éteinte. ( Archives de M, Jules de Baurrousse de Laffore. )
* Telle est, dans sa laconique brutalité, la condamnation de la poétique
légende de Fleurette que les peintres, les musiciens et les poètes locaux
(Voir dans la Biographie de l'arrondissement de Nérac de M. J.-F. Samazeuilh»
pp. 295, 29ô, 297, 298, 209 et 300, les spirituelles chansons de M. Lespiault)
ont si largement exploitée jusqu'au Jour où le descendant du Chroniqueur,
M. A. Lesueur de Pérès vint la démentir, preuves en main, dans une lettre
adressée & un rédacteur du journal le Temps qui lui avait paru s'écarter par
trop de la vérité historique. Toutefois, on ne s'est pas rendu sans protester
et l'on cherche encore à concilier la légende avec l'histoire (S o\v\di Guirlande
des Marguerites^ p. 78, 79 et 80).
Il est certain qu'il reste des doutes sérieux, et c'est presque sous la dictée
du plus respectable des vieillards, M. Pégrimard, qui a exercé pendant plus
de quarante années à Nérac, avec autant d'intelligence que de tact, les fonc-
tions si délicates de juge de paix, que M. Dubourg a écrit, l'an dernier, au
directeur du Journal de Nérac la lettre suivante en réponse à l'annotateur
de la GuirUmde des Marguerites :
« Monsieur le Directeur,
c Tout en déclarant qu'il préfère ia légende à l'histoire, le commentateur
de la Guirlande des Marguerites n'hésite pas à sacrifier le poétique souvenir
de Fleurette, cette touchante victime des premiers amours du Roi de Na-
varre, & un texte que je crois mal interprété et sur lequel je vous demande
la permission de revenir.
« Il est prouvé que Fleurette ne s'est pas noyée, » dit-il, et, pour toute
preuve, il nous cite cette ligne de la Chroniqup Pérès :
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— 200 -
Amador DalWs, morust le 16^ septembre 1592.
u Fleurette, jardinière du Roy, mourust le 22 août 1592. »
«• Le commentateur ajoute :
« Or, en 1592, il y avait quatre ans que le Roi de Navarre avait quitté
Nérac pour ne plus y revenir. Il avait alors trente-neuf ans et Fleurette au
moins trente-sept. »
« Tout cela est exact et certes, à moins de confusion, nous voil& loin des
amours juvéniles ; mais reste à savoir précisément si l'on n'a pas pris le
change et si Tidentité de la défunte signalée par le chroniqueur Néracais est
suffisamment établie.
«Quelle preuve a-t-on, par exemple, que la Fleurette dont il est question
est la jeune fille de la tradition populaire, et non pas sa mère qui, seule, fut
jardinière du Roy f Jamais cette qualification de jardinière ne fut donnée à
l'héroïne du drame de la Garenne, tandis que tout le monde s'accorde pour
reconnaître qu'elle est bien la fille des jardiniers du château.
M A l'époque où l'on rapporte les premières amours du roi Henri, en 1570
à peu près (le prince avait alors dix-sept ans), Isaac de Pérès n'avait
pas encore commencé d'écrire sa Chronique qui ne débute qu'en mars 1587,
dix-sept ans plus lard. Le suicide dut avoir lieu vers 1570 ou 1571 Bt tout
porte à croire que son retentissement ayant mis en lumière la famille de la
noyée, le fait de la mort de sa mère a pu devenir vingt-deux après, une mort
notable,, comme le dit M. de La Bergerie.
« Le texte de M. Isaac de Pérès connu de tout temps n'a d'ailleurs jamais
ébranlé la croyance populaire. Des vieillards encore verts, qui tiennent l'ex-
plication d'autres vieillards qui la leur ont transmise dans leur jeunesse et
la font ainsi remonter à cent cinquante ans environ, racontent que, sous le
roi Henri, le jardinier du château de Nérac s'appelait Floret ou Fleuron et
habitait la rue Fontindèle. Sa femme était la F/ttr(?n(?, IdiFlurouo ou la Fluréto
en patois local. Ces vieillards affirment, comme le tenant de personnes
notables et d'une grande culture d'esprit, tels que MM. Larrard-Villary qui
fournit h M. de Villeneuve-Bargemont les principaux documents de sa
Notice historique sur la ville de Nérac, et M. Sauvage, maire de Nérac en 1793,
le père de M«>c la comtesse douairière de Raymond, que c'est bien de la
mère et non de la fille portant ce même nom de Fleurette, que parle Isaac
de Pérès dans sa Chronique. Encore une fois, qu'on ne l'oublie pas, la mère
seule était jardinière du Roy, et, en supposant à la fille] seize ans en 1570,
lors de son suicide, la mère pouvait avoir soixante ans en 1592.
;« M. Samazeuilh, qui est tombé dans la môme erreur que le commentateur
de la Guirlande des Marguerites, semble avoir flairé la vérité en disant que « le
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— â07 —
M. de Hordosse/ espouza damoizelle Mateleine de Saint-Renest,*
le 25* octobre 1592, ayant fiancé le 16 septembre au dit an. La dite
Mateleine, morust le 11® décembre 1596.
Bélengué, morust le v« nobembre 1592.
Guizard, sergent royal, morust le 14 novembre 1592.
Cateron, morust le 14 nobambre 1592.
soin pris par le chroniqueur de noter la mort d'une simple jardinière indique
bien quelque importance dans celle-ci. » C'est qu'en effet cette mort se rat-
tachait à un souvenir encore rivant : celui du suicide de la pauvre enfant
qui avait mis sa famille en évidence.
« Ainsi, que les poètes, les peintres et les musiciens se consolent. La lé-
gende de Fleurette subsiste encore et sortira même rajeunie de cette dis-
cussion.»
Un Néracaù.
Maintenant qu'il a sous les yeux les pièces du procès, que le lecteur pro-
nonce ! — Déjà, dans son dernier livre sur la jeunesse de Henri IV, Tai-
mable Granger de Durance, M. l'abbé Dardy, a pris hardiment parti pour la
légende, bien qu'à coup sûr il ne put ignorer la question controversée, et
cette légende il la redite avec tant de complaisance et un si grand luxe de
détails et de circonstances atténuantes qu'on ne saurait mettre en doute sa
conviction (Voir la légende du jeune Henry de Navarre dans une bastide de
VAlbret en 4572, Agen-Paris 1878).
Dans le livre des tailles de 1599, on trçuve inscrit comme habitant le Portai
de Condom, un Pierre Leclerc Floretle, jardinier. En 1600, sur le môme livre,
ce nom a disparu.
' C'était Jean Marie Barthélémy de Frère ou du Frère, écuyer, seigneur
de Hordosse, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, fils de Jean de
Frère ou du Frère, et de Isabeau de Quysse de Philartigue. Voir sur les de
Frère ou du Frère, Quelques renseignements nouveaux sur du Bartas par
M. Ph. Tamizey de Larroque {Revue de Gascogne, tome X, 1869, p. 222-226),
et la famille du Bartas par M. l'abbé J. de Garsalade du Pont (môme recueil,
f". XVII, 1876, p. 296-298). Sur le château de Hordosse, situé au confluent
de la Gélise et de l'Osse, voir dans la Guirlande des Marguerites, Nérac et
Bordeaux, 1876, in-8>, p. 125, un charmant sonnet de M. Faugère-Dubourg.
' Veuf en premières noces de Madeleine de St-Geniès, J.-M. Barthélémy
de Frère ou du Frère épousa Anne de Saluste, fille aînée de Guillaume de
Salute, seigneur de Bartas.
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- 208 -
L*alée de la terrasse * fut plantée en l'année 1593, par M. Jan
Uarquier, jardinier de Pau.
Le 16 décembre, Gloire, ligueur, fust fait prisonnier et mené à
Bordeaux, où il feust roué, le xxxix* du dit moys, en Tan 1592.^
Mademoiselle de Pédesclaux, ' morust le 20 décembre 1592.
Esclarmonde de Burs,^ de la ville de Condom, norisse de
Monseigneur de Laporle/ cappitaine du Chasteau de Nérac, ayant
tramé une entreprinze sur le dit Chasteau, avec H. de Monbrun,
* II s'agit de la terrasse qui reliait le château au jardin du Roy.
' Il n'est question du supplice du ligueur Gloire dans aucune histoire de
Bordeaux, pas plus dans la Chronique Bourdeloise que dans l'ouvrage de Dom
Devienne. Ce passage et un certain nombre de passages suivants ont été re-
produits, 80U8 le titre de Extraits de la chronique d'Isaac de Pérès , dans le
tome I des archives historiques du département de In Gironde , 1859, p. 395.
• Voir la note 58.
* On a cité, dans la Revue de Gascogne de mars 1874, aux questions et répon-
ses (t. XV. p. 143), cette tragique historiette et on a vainement demandé
jusqu'à ce jour si Ton saurait quelque chose de plus sur la malheureuse
Esclarmonde et sur sa conspiration. Signalons, dans la Guirlande des Mar-
guerites (p. 145) un sonnet sur Esclarmonde de Burs signé De Sirvent Daron,
alias Faugère-Dubourg.— Ce nom d'Esclarmonde {Eclaire-Monde), est encore
très répandu à Nérac. Au lieu de Burs, ne faut-il pas lire Bure et la mal-
heureuse Esclarmonde n'était-elle pas alors une parente de Pierre de Bure,
grand 'père de la femme du Capitaine Laporte dont il est question dans la
note suivante ?
• Voir sur ce gouverneur du château de Nérac, l'article qui lui a été con-
sacré par M. J.-F. Samazeuilh [Biographie de l'arrondissement de Nérac,
p. 449-450), article au sujet duquel le savant historien regrette que les fa-
milles de Nérac, qui portent ce même nom de Laporte, ne lui aient pas com-
muniqué les documents h l'aide desquels il aurait pu le compléter. Le
capitaine Laporte reçut , en 1592, cent écus de pension ( Inventaire des ar-
chivée des Basses-Pyrénées , t. I, p. 17). D'après un important document de
la Bibliothèque nationale [collection Brienne, volume GCXXIII, f** 204), dont
l'analyse nous est communiquée par M. Tamizey de Larroque, un sieur de
La Porte était encore capitaine du ch&teau de Nérac en 1616. Dans ce do-
cument intitulé : Actes de Vassemblée générale des églises réformées de France
à la Rochelle, « il est ordonné au sieur de la Porte , gouverneur du chAteau
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y celle estant descouverte, le procès lui ayant esté fait, elle eust la
teste tranchée et les quatre membres couppés, le 13* avril 1593. La
chambrière du dit Monbrun, qui faizoit les messageries, eust seule-
ment le fouet par toute la ville, après avoir assisté à voir deffaire
la dite de Burs.
Charlotte de Saint-Genès, fust retenue dans le Chasteau de Nérac,
par Monseigneur de Laporte, son oncle, le 27 jenuier 1593, duquel
elle sortit le 3* avril, au dit an.
de Nérac, de décharger les habitants de la dicte ville des contributions pour
ce quartier, et quant au sieur de la Broue, lui ordonne, pour beaucoup de
considérations, de se contenter de la qualité de capitaine ayant une com-
pagnie entretenue en la dite ville, et encore ordonne tant à lui qu'aux
habitans d'icelle de vivre paisiblement et modérément les uns les autres. »
François de La Porte, capitaine et gouverneur du château de Nérac, était
marié avec Madeleine de Burin, fille de noble Jean de Burin, seigneur de
Beauregard en la paroisse de StrSulpice de Rive-Lède, juridiction de Ville-
neuve d'Agenois, vivant le 23 mars 1548, et de damoiselle Jeanne de La
Ramière, veuve avant le 13 septembre 1549. Ladite Madeleine de Burin était
petite fille de Pierre de Bure, écuyer, seigneur de Burin, et arrière petite
fille de noble François de Burin, marié par contrat du 3 février 1489, avec
Adélaïde de la Cour d'Aubière (de Tillustra maison de la Tour d'Auvergne),
qui porta la seigneurie de la Tour d'Aubière dans la maison de Bure ou de
Burin. {Archives de M, Jules de Bourrousse de Laffore.)
Le 27 avril 1605, le môme François de La Porte, gouverneur du château
de Nérac, est mentionné dans le testament de sa belle-sœur, Marguerite de
Burin, veuve de M. Me Robert de Raymond, conseiller et magistrat pour le
roi au siège présidial d'Agen. La testatrice (sœur de François II de Burin,
seigneur de Beauregard, marié le 25 janvier 1567 avec Antoinette de Breulh,
et marâtre du célèbre Florimond de Raymond), s'exprime en ces termes :
« Item a donné et légué à damoiselle Magdaleine de Burin, sa sœur,
M femme de M. de La Porte, gouverneur pour le roi au château de Nérac,
« la somme de mille livres que ledit sieur de La Porte, son beau-frère luy
u doibt par obligé retenu par Larque, notaire royal dudit Nérac et
(c oultre ce donne â ladite sa sœur la somme de cinquante-trois livres que
« ledit sieur de La Porte et son second fils luy doivent par cédulle.» (Mêmes
archives.) Charlotte de Saint-Genès, nièce de Laporte, était peut-être une
sœur de la première femme de Berthoumieu de Frère, seigneur de Hordosse
et d'Andiran. (Voir Livre de raison de la famille Caucabanes.)
2
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- 210 —
Ysaac de Laporte, mon filleul, nasquit le 9 fébrier 1573.
Bertrand Barus, dit le Guascon, morust le 17* avril 1593.
Le Picard, tailleur, beau-flls de Molis, morust le 17' avril 1593.
Monsieur du Pont, morust le 5 avril 1593.
Monsieur de Podensan, morust estant aduocat, le 4 may 1593.
Jan Lanusse, marchand, beau-fils de Brassay, morust le 25 may
1593.
Francoys Ceroux, et Pierre de Larrere morurent le 27' may 1593.
Pierre de Lafore, morust la nuit du 7* jung 1593.
Maistre Pierre Roy, morust le mercredy 9* jung 1593,
Le fils de Monsieur de Vaquieux Taisné,* morust le 10 jung 1593.
Laverny, beau-fils de Monsieur de Caumon, morust le 12 jung 1593.
Maistre Pierre Dubédat,^ morust le 13« jung 1593.
Guizard, cardeur de laine, aveugle, morust le 16* jung 1593.
Mathieu Gontelle, tapissier du Roy, morust le 17* juillet 1593.
Jan Lafore et Anne de Pinollé, furent espoux le 27* mars 1594.
Le Cappitaine Santo fust prins dans la Terrade ^ le 9 nobambre
1594, et, le dit jour, Lévèze fut rendeu.
Jan de Pinollé, morust dans la ville de Bordeaux, chés Monsieur
Lormicr, procureur, le 17« décembre 1594.
Marte de Pédesclaux,* femme du jeune Leprince , morust la nuit
du samedy 24* janvier 1505.
' Maître Loys Vaquieux, inscrit au livre des tailles de 1599.
- Pierre Dubedat, un parent sans doute de celui dont le Chroniqueur si-
gnale la mort, figure au registre des tailles de 1599, comme pâtissier, habi-
tant le Portai du Marcadieu.
^ Département du Gers, commune du Houga.
* On a déjà vu qu'un de Pédesclaux et Izaac de Pérez étaient consula
de Nérac le 1»^ avril 1440;
Vincent de Pédesclaux, conseiller du roi et auditeur à la Chambre des
Comptes, de Nérac, figure avec ces titres dans l'acte de vente de la sei-
gneurie de Samazan, consenti à Jean de Pomyers et autres, le 15 septem-
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Jan Larrey, fils de fea(Larrey) gendarme, morust le vi* fébrier 1595.
LeCappitaine Massertic fust tué prèsia ville de Niopd,le mercredy
premier de fébrier 1595.
Le fils de M Bernard Sauvage, apotiquaire, morust le 8* auril
1595.
Jan du Long, marchant de Nérac,* morust le 6* du moy de
may 1595.
Mademoiselle La Bailive, vefve de feu le Juge Vaquieux, morust le
6« jung 1593.
bre 1584, par les gens des Comptes de cette Chambre, au nom de Henri,
roi de Navarre et duc d'Albret (depuis Henri IV). {Biographie de Varrondis-
seinmt de Nérac, par J.-F. Sama%euilh, p. 659.) On trouve dans VInventaire
des archives'des Basses-Pyrénées (tome I, p. 17), Tindication de comptes pré-
sentés en 1591, en 1594, en 1595,* à la Chambre de Pau, par Suzanne
Levenier, veuve de Vincent de Pédesclaux, trésorier général de Navarre et de
Béarn.
Un siècle plus tard, la veuve d'un autre Vincent de Pédesclaux, écuyer,
baron de Savignac, faisait inscrire ses armoiries à TArmorial général de
France, fol. 871.
Catherine de Mazellerée (ou plus probablement de Mazellière), veuve de
François de Pédesclaux , écuyer, seigneur de Lagny et de Bouviac, faisait
inscrire des armes au même Armoriai, registre Guienne, fol. 915.
Dame Suzanne de Pédesclaux ne vivait plus le 30 décembre 1726, lorsque
son époux, messire Josias de La Mazellière, écuyer, seigneur de Réaup,
près Mézin, chevalier de Saint-Louis, commandant et lieutenant pour le
roi du château Trompette et fort de la ville de Bordeaux, maria leur fille
Anne de La Mazellière, avec messire Arnaud de La Devèze, écuyer, seigneur
de Charrin, fils aîné de noble Joseph de La Devèze, écuyer, seigneur de
Charrin et de Marcadès, coseigneur d'Artigues et de La Hitte, et de dame
Gabrielle de Bazignan.
Dame Suzanne de Pédesclaux était veuve de noble Pierre de Baillet,
écuyer, seigneur de Florensac, lorsqu'elle maria sa fille Jeanne de Baillet
de Florensac, le 22 juillet 1717, avec noble Jérôme de Bécays, écuyer, sei-
gneur de La Gaussade (Archives de M, Jules de Bourrrousse de Laffore). Les
Pédesclaux étaient seigneurs de Bournac. (Voir livre terrier de 1611.)
' Un Jehan de Long, marchand, figure encore au livre des tailles de 1599,
Portai du Marcadieu.
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— 212 —
La femme de Monsieur Rossanes, flUe de Mons' Yaquieuz, morust
le 10 jung 1695.
En Tannée 1595, fust une grande famine dans la ville de Nérac et
par toullepaïs; et, aveq grande difficulté, pouvait-on recouvrer,
aveq l'argent, aucunes espèces de grenages, tellement qu'ils furent
vendus côme sensuit :
/
La cartau ^ froment, dix-huit francs;
La cartau febve, setze francs;
La cartau millet, huict liures;
Le sac avoine, neuf francs;
La cartau guarosse, huict liuures;
La cartau segle, setze francs.
Françoize de Podensan, femme de feu Guillem de Pérès, morust
lie 12- juillet 1595.
Berlomieux Norrit,' morust le 18* juillet 1595,
M. de Cauquebanne, Taisné, s' du Tasla,^ se noya près le molin
d'Estabaque sur Gélize,* le 20 juillet 1595.
* Le Cartau ou plutôt quartaut ou quarton était comme son nom l'indi-
que, le quart du sac et équivalait, dans nos contrées, à vingt-quatre litres
en moyenne.
' Un Jehan Naury, potager de Madame, est inscrit au livre des tailles
de 1599, Portai de Condom.
' Voir sur la famille de Caucabane la Biographie de V arrondissement de
NéraCf p. 206-208. M. Samazeuilh nous apprend que le gentilhomme dont
il est ici fait mention portait le prénom de Bertran, qu'il avait épousé Jeanne
de Frère et que leur fils, Adam de Caucabane, sieur du Tasta, épousa
Catherine de Mellet ; les Caucabane appartenaient à la religion protestante.
M. Samazeuilh cite quelques fragments d'un Livre de raison^ rédigé par
Adam de Caucabane et qui lui a été communiqué par M. Lespiault.
*' La Gélise , qui prend sa source près de Lupiac (Gers) , passe près
d'Eauze, baigne Sos, Mézin, reçoit la Losse, et se jette dans la ^ayse, près
de Lavardac, après un cours de 95 kilomètres. Le moulin d'Estabaque
existe encore. 11 est situé sur la Gélise entre le château de Hordosse et
Andiron.
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-- i\3 —
Le Seigne Nègre, M« arbalestrier, morust le xx* nobambre 1505,
âgé de cent deux ans.
La femme de M'* Jannot Ruffle,* notoire et procureur, morust le
xxvi» décembre 1695.
Denis Bruneau, hoste du Plat d'Estain, morust le dimenchc
iv» fébrier 1596.
Jan Jausselin, dit Guiemen, morust le 28® fébrier 1596.
Peyronne de Pérès, femme de Sire Guiraut Duran, morust le viii'
mars 1596.
Mengeon Siurac , beau fils de mon honcle Pérès, morust le pre-
mier avril 1596.
M. Cobrat, ministre, morust le xxi* avril 1596.
André Furteau, marchant, morust en la ville de Pau, le xvii*
avril 1596.
Jan Pinolé, fiança Caterine de Lavalade ,^ le dimanche xxviii*
avril 1596.
Jan Roquette, valet de vile, morust le xiii* may 1596.
• Jehan RuflQe, inscrit au livre des tailles de 1599, PorUil du Marcadieu.
* Catherine devait être une fille de ce Bertrand de la Valade que le roi
de Navarre recommandait en ces termes, le 20 octobre 1573, au marquis
de Villars, amiral de France, lîfeutenant-général du Roy au gouvernement
de Guyenne {Recueil des lettres missives, t. I, p. 57-53) : « Spécialement mon
procureur général d'Albret, La Valade, habitant en ma ville de Nérac, qui
m'a suivi au voyage que j'ay faich par deçà, et est encore près de moi pour
l'expédition de plusieurs affaires concernant mon service, dont il a expres-
sément charge, vous priant de le faire jouir de la saulvegarde qu'il a plu
à Sa Majesté leur accorder, à ma requeste, et pourvoir qu'il ne soit faich
chose au contre... » Dans une lettre au maréchal de Dampville, du 6 sep-
tembre 1576 {Ibid,y p. 104), le roi de Navarre lui annonce qu'il enverra vers
lui « La Valade, maistre ordinaire des requestes de ma maison.» Voir sur ce
personnage, oublié par M. Samazeuilb dans sa Biographie de V arrondissement
de Nérac, une note de M. Berger de Xivrey, l'éditeur des Lettres missives
(t. I, p. 57) et divers documents insérés dans ce môme recueil (t. I, p. 594,
695; t. II, p. 35, 36, 159, 373, 375, 382, 384, 385; VIII, 342). Ce dernier
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- 21i —
M. du Chatelet, ministre du Saint -Evangile, morust le mardi
xxi* mai 1596.
M. de Caumont, jurât de la ville de Nérac, morust en sa metle-
rie d'Espiens, le xxiii* may 1596.
M. Maistre Oddet Martin, Conseiller en la Court de Parlement de
Bordeaux ,* morust le 17* jung 1596.
Ramond Molins, faiseur de poudre, morust le dernier de jung 1596.
Jan Leglise, dit Coquart, morust le xi* juillet 1596.
La femme de M« Imbert Roy,^ receveur, et fille de madamoiselle
de Jautan, morust le xxii* juillet 1596.
La niesse de M. Maistre Bertrand de Lavalade, sieur de Laumon,
morust le xvie août 1596.
Marie du Faur, femme de Maistre Jean Pérès, advocat, morust le
xxi* aoust 1596.
Pol Mermet, fllz de maistre Ântoyne Mermet,' ministre du Saint-
document est une lettre adressée do La Rochelle, le 16 février 1589, par le
roi de Navarre «A Monsieur de La Valade, mon conseiller et maistre des
requestes ordinaire de mon hostel, » et par laquelle il le charge de s'enten-
dre avec le maréchal de Matignon pour que le passage de la Garonne soit
tenu libre et pour que les marchands y soient protégés. Inscrit au livre des
tailles de 1599 sous ce nom : M. Bertrand de Lavallade, conseiller et maître
des requêtes du Roy, Portai du Marcadieu.
• Ce magistrat n'est pas mentionné dans VHistoire du Parlement de Bor-
deaux depuis sa création 'jusqu'à sa suppression (1451-1790), œuvre posthume
de M. le président Boscheron des Portes (Bordeaux, 1878, 2 vol. in-S»»).
• Imbert Roy, trésorier, inscrit au livre des tailles de 1599,. Portai du Mar-
cadieu.
• Signalons une très curieuse lettre écrite de Nérac, le 18 août 1593, par
Antoine Mermet, à Philippe de Mornay, seigneur du Plessis Tp. 521-522 du
t. V des Mémoires et Correspondances déjà cités). Signalons encore dans les
Mémoires d*Etat par M. de Villeroy(i. III, édition de 1725, Amsterdam, p. 112)
unQ Lettre écrite par M. du Fresne , narrative d'un discours tenu en la pré-
sence du Roi de Navarre, entre Monsieur de Roquelaure, le Ministre Marmet et
Monsieur deFerrier. Ce document où Ton rapporte divers propos de Mermet
fiu sujet de la future conversion dç Hçnri IV, est daté de Nérac, le 15
liiUet 1$84,
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Evangile, morust le xxiiil« aoust 1596, ayant este tué par son frère
Ezéchiel Mermet, d'un coup d*espée par le ventre, innocemment, et
comme ils folastroient ensemble^ duquel coup, il morust demye
heure apprès la blessure.
Miqueau Tinerran,marchant deNérac, morust le vi'septembre 1596.
La femme de Sanson Bier, fille de maistne Bernard Lagardère,^
morust le viii® septembre 1596.
11 fust fait taverne,^ au chasteau de Nérac, par Pérès, concierge,
au moys de septembre 1596, du vin de la vigne du Roy que ledit
Pérès avoit achapté à Messieurs les Auditurs des comptes, à cinq
escus et demy la pipe, et débité à deux soulz le pot.
Le capp* Boussugue,' fust expoux dans la ville d'Eauze,* le xv« sep-
tembre 1596 où nous fusmes pour lui assister, savoir : mon oncle
Marcelus; mon cosin Annon Lafore, Jannot de Pérès, marchant de
Bordeaux, Jan de Pérès, aduocat, et moy.
La femme d'Arnaudet Porté, maistre couroyeur, morust le xvii
septembre 1596. Deux de ses filles morurent aussi deux jours apprès,
toutes pour avoir mangé des champignons.
Arnaud de Serbat,» bourgeois et marchant de Nérac, fust saizy
' Maître Bernard Lagardère, Chirurgien, est inscrit au registre des tailles
de 1599, Portai du Marcadieu.
• L'expression faire taverne n'a été indiquée avec le sens qui lui est ici at-
tribué, dans aucun de nos recueils philologiques, pas plus dans le Diction-
naire de Trévoux que dans celui de M. Littré.
' La famille de Boussugue était encore représentée en 1732, par dame
Marie de Boussugue, mariée avant 1718, avec messire François de Malvin,
chevalier, capitaine au régiment de Flandres, chevalier de Saint Louis, se-
cond fils de noble Charles de Malvin, écuyer, seigneur de la Sanne, près
Nérac, petit-fils de François, et arrière petit-fils d'autre François de Malvin,
écuyer, seigneur de la Sanne, mattre d'hdtel de la Reine Marguerite de
Navarre.
• Chef-lieu de canton du département du Gers, arrondissement de Gondom,
à 29 kilomètres de cette ville, à 50 kilomètres d*Auch.
• On ne trouve que le nom de Serbat ou Servat,dan3 le livre des tailles de
1599, , au village de ce nom qui édpendait du Portai de Fontifidâre , ce qui
donne à penser qu'il ne fut tout d'abord que le siège d'une seule famille.
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— 211) -.
d'une apoplexie, le xxiii« jour de septembre, à cinq ou six heures
du soir, et fust mort, la nuit, environ une heure, en Tan 1596.
Le xi* octobre, jour de dimenche, fust fait une colecte sur les
habitans de Nérac, pour lu subvention de ceux de Cédan,* pour les
grandes ruynçs et dégâts que rarmé2 des Espagrtbls ' leur avoit fait,
laquelle levée fust volmtair^ et assemblée par les antiens, chascun
en son cartier, en Tan 1596.
Anne de Tressos, autrement appellée la Ninone, morust lexiiii* jour
du mois d'octobre 1596.
En la mesme année 1596, morurent plus de deux cens petitz en-
fens de la picotte' qui fust presque généralle, et mesme, en y eust
plusieurs des grands, qui Teurent. Ce fust environ les moys d'aoust,
septembre et octobre, qu'elle dura en la ville de Nérac.
Maistre Arnaud Dulong, advocat au siège de Nérac,^ morust le
Est-ce le nom du lieu qu'a pris la famille ou la famille lui a-i-elle imposé le
sien ? Même remarque pour Pères, le Broulh, Esparron, etc. Serbat, à 3 ki-
lomètres de Nérac, est un de ces petits groupes protestants qui échappèrent
à la révocation de Tédit de Nantes.
* Sedan, chef-lieu d'arrondissement du département des Ardennes, à 22
kilomètres de Mézières.
* Les Espagnols, après avoir dévasté nos frontières du côté des Pays-Bas,
traitèrent la Gapelle, le Catelet, Dourlens, comme ils avaient traité Sedan, et
y commirent, pour employer les expressisns des auteurs de VArt de vérifier
les dates, « des cruautés inouïes. »
' D'après le Dictionnaire de M. Littré, picotte est un des noms populaires
de la variole et vient du mot piquer, à cairee des piqûres que cette maladie
fait dans la peau, étymologie indiquée déjà par Ménage. Le mot picotte se
trouve dans Rabelais (Livre IV, chapitre LU, p. 245 du tome II de l'édition
donnée chez Didot, par MM. Burgaud des Marets et Rathery).
* De la même famille que le capitaine Dulong, tué au Moulia, près Nérac,
le 20 mars 1592, par la troupe de M. de Réaup, chef des ligueurs ; et que
Pierre Dulong, conseiller du roi et lieutenant particulier en la sénéchaussée
de Nérac, vivant de 1605 à à 1641. Henri Dulong, ancien président au prési-
dial de Nérac, fait inscrire ses armes à l'Armoriai général de France le 21
février 1698. Noble Pierre du Long, écuyer, seigneur de Saint-Julien, et dame
Marie de Bezolles, son épouse, font baptiser leur fillo Glaire, le 29 décembre
1706, à Espions,
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- 217 —
vi* décembre 1596, estant en charge de Consul, travaillant a fere les
alivrements dans la maison de ville, fust saisi d'un sincope, duquel
il morust tout sodainement.
Maistre Bertrand Danglade, grand chasseur de furet, morust le
xxix* décembre 1596.
Jean Brun,' pâtissier de Nérac, morust le 3- jenvier 1597.
Judic de Gotelle, ma filleule et de ma femme, fust baptisée dans
la ville de Lavardac par Monsieur du Noyer, le dimenche xxix» dé-
cembre, ou estoit : Monsieur et Madamoiselle de Laporte,^ Monsieur
de Lignerotte et sa femme, Madamoiselle de Pédesclaux, la fille de
Monsieur de Lavallade, Messieurs de P^rés, marchant, et l'avocat,
et ma sœur Jane de Pérès.
La femme de Pierre Mahé, mareschal de forge, morust le dernier
décembre 1596.
Cébely Malet morust'le xxî* jenvier 1597.
Marches, beau-fils de maistre Ramond David, morust le xx* jen«
vier 1597.
Monsieur de Pédesclaux, trésorier de la maison du Roy,' mou-
* Jean Brun, p&tissier, habitant le Portai du Marcadieu.
' François de La Porte, capitaine et gouverneur du château de Nérac, et
Magdeieine de Burin, son épouse. (Voir la note 4 de la page 208.)
* Le roi de Navarre, dans une lettre adressée de la Rochelle, le 3 juin 1588
à M. de Scorbiao {Recueil des leUres-mUsiveSj liv. II, p. 381) mentionne « Pe-
desclaus, trésorier et receveur général de l'extraordinaire de la guerre, m
L'éditeur du Recueil ne donne, en note, aucun renseignement sur ce per-
sonnage qui a été déjà l'objet d'une note ici. Désormais on saura de plus
qu'il mourut dans son pays natal, treize ans avant le royal maître qu'il
avait si bien servi. M. Samazeuilh {Biographie de Varrondissement de Nérac ^
ç. 669), a oublié de citer le passage d'une Chronique^ dont, en tant d'autres
occasions, il a tiré parti, et il se contente de nous apprendre que Vincent
Pédesclaux figure , avec le titre de conseiller du roi et auditeur à la [cham-
bre des Comptes de Nérac, dans l'acte de vente de la seigneurie de Samazan,
consenti au sieur Jean de Pomyers et autres, le 15 septembre 1584, par les
gens des Comptes de cette chambre, au nom de Henri I^' de Navarre et
duc d'Albret.
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— 218 —
rusl à sa maison du Bornac ,* le xv mars 1597, d'une plurésie.*
Jane de Pérès, ma sœur, espousa en secondes nopces, Pierre Lafite
de Puihx, dans la ville de Lavardac, par Mons' du Noyer, Ministre, le
diraenche trentiesme mars, jour des Rameaux 1597.
Le capitaine Banguas, de Nérac, morjst le vi' avril 1597, dans la
ville de Piquigni,' en France, ayant esté, quelques jours auparavant,
offencé d'un esclat de pélart qu'il fit jouer ù Arras, ville tenant pour
l'Espagnol, où le Roy avoit fait une entreprinse, y estant la personne
de Sa Majesté.*
MaistrePeyronnetLanusse, charpentier, morustle xxix* avril 1597.
M' Guillaume Pinolé , mon beau-père, morust le xx* may 1597.
* Le château de Bournac appartient encore à la f aniille de Galard , qu
fut alliée aux Pédesclaux.
' L'orthographe adoptée par le chroniqueur représente la prononciation
usuelle du mot pleurésie en Gascogne à la fin du xvie siècle, prononciation
qui devait si longtemps persister dans notre province.
' Picquigny, que Ton appelle aussi Péquigny, est un chef-lieu de canton
du département de la Somme, arrondissement d'Amiens, à 13 kilomètres de
cette ville.
* M. Aug. Poirson [Histoire du règne d'Henri /F, 3e édition, 1865, liv. II,
p. 326), raconte ainsi la malheureuse entreprise sur Arras: « Henri forma le
dessein de remplacer le siège régulier qu'il avait précédemment projeté
contre Arras, par une soudaine attaque, par un hardi coup de main, et de se
ménager par cette conquête la compensation de la perte d'Amiens ou son
rachat. Arras fut assailli par deux points en môme temps : d'un côté les
troupes royales tentèrent une escalade ; d'un autre, elles essayèrent de faire
sauter Tune des portes de la ville par une explosion et au moyen de pétards.
Les ennemis étaient pris à l'improviste, et contraints de diviser leurs forces
pour repousser cette double attaque; tout semblait donc promettre uniieu-
reux succès à l'entreprise. Elle échoua par des accidents. Les échelles ne se
trouvèrent pas assez hautes pour conduire nos soldats jusqu'à la sommité
des remparts. La porte contre laquelle on fit jouer les pétards croula, mais
au lieu d'ouvrir aux assaillants l'entrée de la place, elle l'encombra de ruines.
Soit imprévoyance et entêtement de la part de Biron, soit manque de maté-
riel militaire par suite de la pénurie de la caisse de l'armée, les troupes n'a-
vaient pas été munies de pétards de rechange ; l'on se trouva hors d'état de
renouveler l'explosion, et il fallut s'éloigner (26 mars). »
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— 219 —
M' Dubourg, Gouverneur de Lisle,* faisant les amenances ' de
de sa fille, mariée au fils de Mons'du Puy, de Longuelille,' passa en
cesle ville, le xxiv» may 1597.
Le Mercredy xviii- jung, fust jour de jeusne, en la ville de Nérae,
comme aussi généralement par toutes les Eglises réformées de France,
afin que par prières faites à Dieu, il pleust à Sa Sainte Majesté, fleschir
le cœur du Roy et de Messieurs de son Conseil, à oUroyer aux dépu-
tés desdites Eglises qui sont en Court, les justes demandes et supli-
cations, qu'ils poursuivent envers ladite Majesté, pour Tassuranee des
susdites Eglises. L'ordre fust tel, qu'il y eust prières à six heures, à
* C'était Georges du Bourg, seigneur de Glermont, fils de Gabriel du
Bourg, conseiller au parlement de Toulouse, et neveu d'Anne du Bourg, le
conseiller clerc du parlement de Paris, qui fut pendu, puis brûlé en place de
Grève, le 23 décembre 1559. Voir dans le tome XV de la Revue de Gascogne
(1874, p. 81-86) : Documents inédits. Lettres de Georges de Bourg, gouvemewr
de nsle-enrJourdain, publiées par Ph. Tamizey de Larroque.
* Ce joli mot ne se trouve pas dans nos vieux dictionnaires. Il existe pour-
tant encore dans les patois méridionaux, et M. Gabriel Azaîs le mentionne,
avec la signification de fêtes de noce, dans son Dictionnaire des idiomes
romans du midi de la France (t. I, 1877, p. 80).
' La famille du Puy ou Du Pouy était une très ancienne famille de cette
partie du Condomois que représente aujourd'hui le canton de Damazan (ar-
rondissement de Nérac). D'après un acte du 5 octobre 1586, conservé dans
les papiers de famille de M. Tamizey de Larroque, dont la trisaïeule pater-
nelle était une du Puy, messire Jean-Biaise de Monluc, seigneur d'Estiilac et
autres places, chevalier de l'ordre du Roy, capitaine de cinquante hommes
d'armes de ses ordonnances , vendit les rentes de la maison de Longuetille
à « Jean du Puy, escuyer, sieur d'Ëspentes, de la maison noble de Sorrer
du Berbeis. » Si un des fils de ce Jean du Puy épousa, comme nous l'ap-
prend Isaac de Pérès, M"* du Bourg, un autre fils, qui portait le prénom
d'André, et qui était seigneur de Bonnegarde , avait épousé (22 avril 1681)
Marguerite de Malvin (Voir d'Hozier, Armoriai général, registre V, Généor
logie de la famille de Malvin) et s'était remarié, en 1691, avec Marié de Hallot,
comme, d'après le Nobiliaire universel de Saint-Allais, l'a rappelé M. Tamizey
de Larroque ( Note sur madame d*Hallot pour servir de supplément à une des
historiettes de Tallemant des liéaux, 1872, in-8o).
D'après l'acte cité dans la note précédente, la maison de Longuetille
était située « dans la paroisse de Monluc, juridiction de Damazan, en Con-
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buit (presche) à douze (prières) à deux heures après midy, autre fois
presche, qui fust la fin de Taction en Tan 1597.*
Isaac Durand, flls de Bernard Durand, huissier de la Chambre des
Comptes du Roy, à Nérac, aagé de dix à douze ans, se noya au gué
apellé du Las, un samedi au soir, xxi* jung 1597.
Monsieur de Matignon^^ Mareschal de France, et Lieutenant pour
le Roy, en Guienne, mourust un dimenche au soir, d'une apoplexie,
estant en sa maison de Lamarque près Blaye, le xxvii' juillet 1597.
domois. » L'ancienne paroisse de Moniuc est aujourd'hui une section de la
commune de Monheurt. Ce fut dans le château de Longuetille, qui appar-
tient actuellement à M. de Villemor, que Louis XIII résida pendant le siège
de Monheurt, et que mourut (15 décembre 1621) le connétable de Luynes.
* Voir, dans les Mémoires de Ut Ligue, contenant les événements les plus
remarquables depuis 4S75, jusqu'à la Paix accordée entre le Roi de France et le
Roi d'Espagne, en 4598, Nouvelle édition^ Amsterdam, 1758, 6 vol. in-4,t.VI,
p. 428485, la curieuse pièce intitulée : Plaintes des églises réformées de France,
sur les violences et injustices qui leur sont faites en plusieurs endroits du
Roiaume, et pour lesquelles elles se sont, en toute humilité, à diverses fois adreS'
sées à Sa Maj^té (1597*. Il faut rapprocher de cette pièce le Brief discours,
par lequel chacung peult estre esclairci des justes procédures de ceulx de la relli-
gion réformée, inséré dans les Mémoires et Correspondance de Du Plessis-Mor-
nay, t. VII, p. 257-298 (de juillet 1597). Voir encore, dans l'ouvrage déjà
cité de M. Aug. Poirson, le chapitre intitulé : Etat des Calvinistes de 4589 à
4597. Edit de Nantes, 1598 (t. II, p. 473-523).
• Jacques de Goyon, comte de Matignon, était né à Lonray (Orne), le
26 septembre 1525. Il était maréchal de France depuis 1579 et lieutenant-
général en Guyenne depuis 1580. Les renseignements donnés par Isaao de
Pérès sur le lieu et la date de la mort du maréchal de Matignon ne concor-
dent pas avec ceux qui ont été consignés par M. Ludovic Lalanne dans son
Dictionnaire historique de la France (Paris, Hachette, 1877, 2* édition.) Suivant
cet érudit, Matignon mourut «le 27 juin 1597, à Lesparre (Gironde). » Le
Moréri de 1759 indique la même date que notre chroniqueur, mais fait mou-
rir le vieux guerrier « en son château de Lesparre. » Selon Jean Damai
{Supplément des Chroniques de la noble ville et cité de Bourdeaux, 1656, in-4*,
Bourdeaux, J. Mongiron-Millanges, p. 110), « Le Samedy vingt-sixième
Juillet mil cinq cent quatre vingts dix-sept, ledit seigneur mareschal de
Matignon mourut au chasteau de la Marque, à luy appartenant, en soupant,
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— 221 ~
La mère de Jan Léonard,* marchant de Nérac» mourust en ladite
ville^ le second aoust 1597, estant venue de Bourdeaux, environ deux
mois auparavant sa mort.
Monsieur de Beaulieu, autrement Mons' de Rusé, secrétaire d'Estat,'
passa en ceste ville, le v« aoust 1597, à son retour des eaux, et s'en
alla le vi*. La Chambre des Comptes luy fist festin dans la grande
gelerie du Gbasteau, ayant commendement de Madame, sœur unique
du Roy,' de ce faire.
saisi d'une apoplexie ; son corps fut porté à Bourdeaux par eau : il fut fort
regretté, se mettant les gens d'honneur devant les yeux, avec quelle pru-
dence il avoit gouverné la ville et la Province, en un temps le plus orageux
qui aye jamais esté... » Dans la Chronique Bordeloùe, par Jean de Gaufre-
teau (Bordeaux, 1876, 1. 1, p. 335), on trouve, sous la date de 1599 (pour 1597)
les lignes que voici : « En cette année, le marescbal de Matignon meurt
d'une apoplexie qui le surprit à table, dans Lespare, en Médoc, ainsin qu'il
mangoit à son disner d'une perdrix...» Brantôme [Grands capitaines français f
t. V, 1879, p. 172) raconte que « mangeant d'une gelinotte, il se renversa
tout à coup sur sa chaise tout roide mort sans rien remuer. » Dom Devienne
Histoire de Bordeaux, no 192), met la mort du maréchal au 27 juillet 1597,
et dit qu'elle fut si subite, « qu'elle ne parut pas naturelle. » Jacques de
Caillière (Histoire du maréchal de Matignon, Paris, 1661, in-folio), fait mourir
son héros d'apoplexie, le 27 juillet 1597, à Lesparre, « qui lui appartenait.»
^ Jean Léonard, marchand, habitait le Portai Marcadieu. V., livre des
tailles de 1599. Sa sœur avait épousé Migneau Tinerran, mort le 6 septem-
bre 1596. La fille de Migneau Tinerran et de Jehanne Léonard, avait épousé
Mathieu Jlocher.
* Martin Ruzé, seigneur de Beaulieu, frère de Guillaume Ruzé qui fût
évêque de Saint>L6 en 1570 et évoque d'Angers en 1572, lut lui-même suc-
cessivement secrétaire des commandements d'Henri III, en Pologne, puis
secrétaire des finances, enfin , secrétaire d'Etat (1588-1606). 1 mourut à
Paris le 16 novembre 1613, &gé de quatre-vingt-six ans.
• Catherine de Bourbon, princesse de Navarre, naquit à Paris, le 7 fé-
vrier 1558 et mourut & Nancy le 13 février 1609. Elle épousa (janvier 1599)
Henri de Lorraine, duc de Bar. M"* d'Armaillé a récemment raconté la vie
de Catherine de Bourbon (Paris, Didier, in-12). La grande galerie du châ-
teau se trouvait dans la partie Sud, aujourd'hui démolie.
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- 222 —
Jaques Mazélières, fils aisné de M. Gaixiot Mazélîères, Réforma-
teur du Domaine,* mourust en ceste ville le ix« aoust 1597.
Anne de Chalelet, fille de feu M. du Chatelet, ministre, mourust le
xv^ aoust 1597, dans le Ghasteau, en la chambre de M. de Saint-Hilaire
son beau-frère.
La femme du cappitaine Peton, qui estoit du pays de France, mou-
rust le xxviii aoust 1597.
Madame de Lavalette^ passa en ceste ville de Nérac venant de voir
M. le duc d'Esperiion, son fils, à Cadillac, le dimenche dernier jour
d'aoust 1597.
Catherine de Lavalade, femme de Jean Pinolé, mon beau-frère,
mourust dans la ville de Bourdeaux le xxix* 1597.
François Roquette, jardinier du Roy, mourust lex»septembrel597.
' De Mazellières ou de la Mazellière, maison d'ancienne chevalerie, origi-
naire de Bretagne, établie en Albret au commencement du xvi* siècle. Elle
a obtenu les honneurs de la Cour sur preuves, et, par conséquent, prouvé
sa filiation et sa noblesse depuis l'année 1400, date de rigueur. Elle a formé
trois branches : lo des seigneurs de Mazellières ; 2» des seigneurs de Réaup ;
3n des seigneurs de Douazan. — On trouve beaucoup de détails sur cette
maison dans la Biographie de l'arrondissement de '^érac , par J.-F. Sama-
zeuilh, p. 568 à 588. Voir encore [passim), l'Inventaire des Archives des Basses-
Pyrénées où, dès la page 7 du tome I, l'on rencontre le nom du capitaine
Mazélières, dont le fils eut en 1581 pour parrain le futur Henri IV.
* C'était Jeanne de Saint-Lari, fille de Pierre de Saint-Lari, seigneur de
Bellegarde. sénéchal de Toulouse, et de Marguerite d'Orbessans, et sœur de
Roger de Saint-Lary, maréchal de France, si célèbre sous le titre de maré-
chal de Bellegarde. Elle avait été mariée le 15 septembre 1551, avec Jean de
Nogaret, seigneur de la Valette, baron de Casaux et de Caumont, mort en
décembre 1575. Madame de la Valette vécut jusqu'au 9 avril 1611. Quand
elle passa par Nérac en venant du château de Cadillac , elle se ren-
dait en Gascogne , dans le château de Caumont (arrondissement de Lombez ,
canton de Samatan ). L'auteur de la Vie du duc d'Espemon , Guillaume
Girard, nous apprend (édition de 1730, Paris, in-4', p. 29) que « quelque
instance qu'il ( le duc, son fils) eut faite auprès d'elle pour lui persuader de
venir à la Cour, il n'avoit jamais pu la faire résoudre à quitter la douceur
de sa maison (Caumont) ni la modestie de sa première vie. »
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Langlosse, marié à la fille de feu Simourre, mourusl à la metterie
appelée de Larroq, le vi« septembre 1597.
Pierre Puyferré,* ayant faict venir quelques commissaires en ceste
ville, pour prendre le cappitaine Jan Mazelières^ prisonnier, ne peu-
rent le prendre , s'estant sauvé dans la maison du sieur de Brugère
devant la maison duquel il y eust un grandgourgouil' et tout inconti-
nent lesdits sergents furent mis en prison. C'estait un jour de Cène,
xiv» septembre 1597.
M. de Miossens,* menant la compagnie du Boy, passa auprès de
ceste ville, le dernier octobre 1597, et alla loger à Limon * où il de-
meura jusques au lundy 3* nobambre audit an, allant trouver Sa
Majesté au pays de France.
La femme de M. Renaud, Ministre, venant du pays d'Alemagne,
arriva avec toute sa famille, en ceste ville, le dimenche x» nobambre
' Pierre Puyferré est inscrit au livre des tailles au Portai du Marcadieu,
* Dans \sL Biographie de Varrondissement de NéraCj k l'article déjà cité consacré
à la famille de Mazelière, M. Samazeuil n'a pas manqué de mentionner
(p. 569-71), rincident du 24 septembre 1597, inscrit encore en 1599 au livre
des tailles.
' Nous ne trouvons ce mot dans aucun de nos anciens dictionnaires. C'est
peut-être une onomatopée dérivée du bruit que fait l'eau en roulant dans
les ruisseaux (gourgos) ou en dégorgeant par les gargouilles,
^ Jean d'Albret, baron de Miossens et de Goarase, était Hls de Jeand'Albret
et de Suzanne de Bourbon. Il était à la fois parent du roi Henri IV par son
père et par sa mère, laquelle avait été la gouvernante du jeune prince de
Béarn. Une lettre adressée par le roi de Navarre & son ancien camarade
d'enfance (janvier 1576,' p. 81 du tome I du Recueil des lettres missives) porte
cette inscription : A mon cousin Mons'' de Miossens, premier gentilhomme de ma
chambre, gouverneur et mon lieutenant général en mes pays de Béarn et Basse
Navarre.
■ Limon est aujourd'hui une paroisse du canton de Lavardac. Voir sur
cette localité la Monographie historique du canton de Lavardac, par M. J.-B.
Truaut, Agen, Prosper Noubel, in-8» 1851.
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1597, aiant laissé ledit sieur son mary à Toulouze, qui arriva le lundy
xi« dudit mois et an.
H. de Beauqualun, principal du Collège de ceste ville, roourust le
XXV nobambre 1597.
Thomas Tierry, s'estant retiré près son fils à Lisie, mourust au
mois d'octobre 1597.
(A continuer).
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DOCUMENTS INÉDITS
POUR SERTIR
A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT DE LOT-ET-GARONNE
PENDANT LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
( 1795 - 1801 )
A M. Ph. Thamizey de Larroque. membre correspondant de l'Instilut.
Monsieur,
J'ai trouvé récemment, au milieu d'une infinité de pièces manus-
crites relatives à riiistoire de la Révolution française, quelques
lettres autographes de Tévêque constitutionnel de votre départe-
ment, et vous avez pensé que la Revue de VAgenais les accueillerait
volontiers; permettez-moi de vous les adresser : présentées par
vous, elles s'imposeront à Tatlenlion des lecteurs. L'histoire inté-
rieure de la Révolution n'est pas encore faite, vous le savez.
Monsieur, et, comme l'a fort bien dit iM. Taine, elle est vrai-
ment inédite. Une pareille histoire ne sera possible que si tout
le monde se met à l'œuvre pour faire une enquête sérieuse sur
les effets de la Révolution dans les départements. Mais c'est surtout
l'histoire religieuse de cette grande époque qui est mal connue.
On croit généralement que la France révolutionnaire était athée,
que nos pères ont vécu sans Dieu et sans prêtres depuis 1793
jusqu'au jour où Bonaparte daigna relever les autels. M. Thiers lui-
môme dit en plusieurs occasions que l'ancien clergé exerçait clan-
destinement dans les bois, ou dans les maisons particuUères, après
le 18 brumaire ; il dit que dix mille prêtres mariés conduits par des
3
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évêqucs peu estimables» clubisles forcenés pour la plupart, com-
posaient le clergé constitutionnel, et que ce clergé n'avait pas la
confiance publique. Ces allégations sont absolument «rronées, je
crois pouvoir le dire sans manquer de respect à la mémoire d'un
aussi grand historien. On commence depuis quelques années à
rétablir les faits, et il en résulte, pour Thonneur de l'humanité, que
le clergé constitutionnel (hélérodoxc ou non, je n'examine pas la
question) possc-lait un grand nombre de prêtres convaincus et pro-
fondément honnêtes. Il y en avait environ deux cents dans le Lot-
et-Garonne en 1796, et leur évêque, André Constant, ancii.'n frère
prêcheur, ancien professeur de théologie à TUniversité de Bordeaux,
était un homme d'un rare savoir, d'un véritable talent d'écri-
vain, et d'une haute vertu. Né en 1736, dans le diocèse de Saintes,
il avait plus de cinquante ans lorsque la Révolution éclata, et sa
conduite fut de tout point conforme à ses principes. 11 refusa d'ab-
diquer en 1793, il resta courageusement à son poste même quand
Jlonestier de la Lozère, Paganel et Ysabeau vinrent «terroriser»
les paisibles habitants du Lot-et-Garonne; en 1795, il fut un des
premiers à rétablir le culte, et il lutta pendant les années qui sui-
suivircnt contre le plus alTeux de tous les maux, contre la misère.
En 1801, il offrit sa démission commetous ses confrères, et contri-
bua de tout son pouvoir à la pacification religieuse; il mourut en
18H, appelant de In Bulle Unigenittis, et son éloge fut* prononcé
par son confrère .MauvicI, ancien évêque constitutionnel de Saint-
Domingue. Ne vous semble-t-il pas. Monsieur, que la mémoire d'un
tel homme est digne de respect, et que ses adversaires religieux
eux-mêmes doivent le traiter comme Bossuet a traité Alélanchthon?
Les lellrcs que je vous adresse m'ont paru touchantes et ins-
tructives; puissent-elics provoquer des recherches sur l'étal de
votre département pendant la Révolution I Je m'estimerais heureux
si elles amenaient la découverte de documents nouveaux destinés
à éclairer ce point si obscur de notre histoire nationale.
Recevez, etc.
A. GAZIER.
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— 927
[Au citoyen Leclère, libraire, rue Saint-Martin, près la rue aux Ours.J
Agen, ce 26 avril 1793, Tan ni de la République, etc;
Citoyen, •
(Le commencement de la lettre a trait à une affaire particulière;
Constant s'abonne aux Annales de la Mu/miy feuille hebdomadaire
que firent paraître, en 1793, les évoques conslituti onnels réunis à
Paris )
Quoique étranger au pays où Ton m'avait appelé, j'ai
toujours demeuré ferme à mon poste au milieu de l'orage et de la
tempête furieuse qui nous a pi longtemps agités. D'après le ser-
ment que j'avais fait, j'ai regardé cette résidence comme un de
mes devoirs les plus sacrés. On ferma la porte de mon église, et
dès lors je cessai mes fonctions, ne pouvant plus les continuer
sans un danger imminent pour le peuple qui aurait voulu me
suivre. Dieu merci, j'ai résisté à toutes les tentatives, même vio-
lentes, qu'on a faites pour me forcer à la remise de mes lettres ou
de mes titres, ou à tout autre acte. Je voyais la religion trop évi-
demment compromise et trahie par ces actes , et je n'ai pas cru
que les menaces ni la terreur pussent les excuser. Toutefois je
dois cette justice à nos administrations que, malgré la constance
de mon refus, j'ai toujours conservé ma liberté, en qu'il ne m'a été
fait aucune attaque personnelle. Telle a été ma conduite pendant
ce malheureux temps d'épreuve; je vous la transmets parce que
peut;être on sera bien aise d'avoir une notice de la manière dont
les premiers pasteurs se sont conduits. J'aurais bien désiré que
mon exemple eût pu affermir tous les ecclésiastiques de mon dio-
cèse. J'ai eu la consolation d'en voir un assez grand nombre
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-- 228 —
demeurer inébranlables ; mais un plus grand nombre se sont
laissé entraîner par les menaces à la remise de leurs lettres, ou à
des déclarations qu*ils cessaient, abdiquaient ou renonçaient h
leurs fonctions. Quelques autres ont malheureusement porté la
perfidie plus loin ; ils ont abjuré la religion. D'autres ont ajouté h
ce premier crime celui de contracter mariage contre leurs premiers
engagements. Mais, dès ce monde, ils commencent à éprouver la
juste punition de leur conduite scandaleuse. Le mépris et l'oppro-
bre les accompagnent partout.
Dès que le décret qui rend aux citoyens la liberté de leur culte
eût imru, je vis leur vœu se porter vers moi pour la reprise des
exercices religieux ; je crus que la prudence demandait d'attendre
encore quelque temps, surtout dans Tétat de gène où nous étions
par rapport au local. Cependant, vers les f^es de Pâques, je vis
ce vœu si bien prononcé que je me déterminai à faire une cha-
pelle dans ma maison. Je fus agréablement étonné de voir le zèle
avec lequel le peuple se reportait vers sa religion. J'ai eu cons-
tamment dix prêtres chaque jour de fête et de dimanche, et le
peuple s'est toujours rendu en foule à chaque messe. Cette grande
affluence me fit craindre quelque désordre ; cependant, j'ai été
assez heureux pour qu'il n'y en ait point eu jusqu'ici; mais il me
tarde beaucoup que nous ayons quelque église. Dans nos campa-
gnes le peuple s'empresse également de reprendre son culte. Je
vous fais passer, citoyen, le prix de mon abonnement et celui de
deux autres citoyens pour les Annales de la Religion; l'un est le
citoyen Barret Pelisseau, prêtre à Agen, et l'autre le citoyen
Menne, officier municipal d'Agen.
Je vous serai bien obligé de me faire parvenir le plus tôt
possible'un exemplaire de la dernière lettre pastorale du citoyen
Grégoire, évêque de Blois; je vous salue bien fraternellement, cher
citoyen.
f A. Constant, Mque du diocèse de LoUet Garonne,
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— 2!«9 —
II
[Au citoyen Saurine, évoque de Dax, député à la Convention nationale.)
Agen, ce 24 mai 1795. l'an m de la République, etc.
Voilà bientôt deux ans que nos traitements ont cessé, et
depuis cette époque je n'ai pu subsister ici qu'au moyen de quel-
ques réserves biea faibles (car peut on compter pour quelque
chose la pension annuelle qu'on nous paie en papier, laquelle ne
vaut pas trois louis en numéraire?).* Je demeurerai tant qu'il me
sera possible de subsister, parce que je sens qu'il est de mon de-
voir de ne pas abandonner mon poste, autant que je puis le tenir ;
mais, cette ressource une fois épuisée, et bientôt j'en serai à ce
point, il me faudra bien nécessairement me retirer dans ma fa-
mille, b moins qu'on ne fasse un sort aux pasteurs. Je pense qu'il
sera moins difficile aux curés^ parce qu'ils sont les pasteurs immé-
diats de leurs paroissiens, d'en obtenir les secours nécessaires
qu'aux évoques. Quelques curés m'ont dit qu'il pourrait y avoir
entre eux un accord pour faire un sort h leur évoque ; mais il me
paraît que cette voie serait sujette à de grands inconvénients,
puisqu'elle mettrait en quelque façon Tévêque dans la dépendance
des curés. Comment pourrait-il alors maintenir le nerf de la dis-
cipline? D'ailleurs, dans l'état de liberté où sont actuellement les
ecclésiastiques il est k craindre que beaucoup ne voudront (sic)
pas reconnaître leur évêque pour n'être pas obligés de concourir
h lui faire un sort. Dès que le décret sur la liberté du culte fut
' Avec huit cents livres, nous ne pouvons avoir que cinq quartons de blé,
écrivait en messidor 1795, le curé de Saint-Just-en-Bas, appelé Gardette
Bordeneuve. Lettre ms.
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- :230 —
venu,' je sentis mon devoir d'instruire les fidèles par une lettre,
et je formai le projet de l'exécuter ; je voulais môme y joindre la
lettre encyclique de nos évoques afin de la répandre dans le dio-
cèse où elle ferait, sans doute, un bien infini; mais les frais de
rimpression m'ont fait trembler. Je n'ai pas, à beaucoup près, les
facultés nécessaires pour cette dépense. Ainsi, vous voyez, respec-
table collègue, que non seulement on a fait à la religion et à ses
ministres des juî^ux incalculables, mais qu'on les a encore rendus
irréparables en ôtant aux pasteurs tout moyen d'y remédier.
Nous sommes toujours, par rapport au culte, dans la situation
la plus fâcheuse. Nous n'avons ni temples, ni vases, ni orne-
ments, ni linge. Le citoyen Paganel,^ qui brigua, il y a bientôt
quatre ans, une place de vicaire dans ma cathédrale, et qui l'ob-
tînt en effet, parce que je ne le connaissais pas, ne s'est pas con-
tenté de faire enlever les cloches de la cathédrale; par un arrêté,
il a fait abattre le clocher qui était fort beau et a fait casser les
cloches. Le citoyen Ysabeau,' également prêtre, a voulu se mon-
trer le digne émule du citoyen Paganel. Sa fureur s'est portée
contra les ornements sacerdotaux (je ne parle que de ce qui re-
garde la religion). Par un arrêté, il a fait convertir ces ornements
en habits de théâtre, en sorte que chaque jour de comédie, on
voit les baladins paraître sur la scène revêtus des ornements des
ministres de la religion, auxquels on n'a fait d'autre changement
que celui qui était nécessaire pour les faire paraître sur le. théâtre.
Voilà des faits certains. Le scandale donné par ces deux prêtres
apostats a entraîné beaucoup de personnes, prêtres et laïcs, dans
l'abîme. Les réfractaires et leurs partisans en prennent occasion
' Ce décret est du 3 ventôse an ni (21 février 1795). Il permettait l'exercice
du culte, mais n'accordait aucune église; c'est seulement le il prairial
(30 mai) que'Lanjuinais fît donner aux catholiques les églises qui n'avaient
pas été vendues.
2 Conventionnel de la Plaine (1745-1826). 11 fut accusé de modéranUsme à
la suite de sa mission, mais se justifia.
' Ysabeau (né vers 1760, mort en 1823) compagnon de Tallien, à Bordeaux;
il fut, comme lui, terroriste puis thermidorien.
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de décrier le clergé constitutionnel et de lui faire perdre la con-
fiance du peuple. Plusieurs familles honnêtes, qui avaient suivi
constamment les exercices de la religion jusqu'à Tépoque où Ton a
renversé les autels, ne se montrent plus dans nos chapelles, et Ton
ne peut douter que la défection scandaleuse des prêtres ne soit la
cause de ce changement à notre égard. Ils le disent hautement.. .
Tout mon diocèse retentit d*un prodige qui s*est manifesté de-
puis quelques mois dans une petite ville du département. C'est le
corps d'un ecclésiastique inhumé depuis ceux cent cinquante ans
et qu'on a trouvé, à ce qu'on m'assure, dans son entier et dans
toute sa souplesse. Le concours h la chapelle où l'on a exhumé ce
corps est toujours considérable, et Ton m'a raconté des guôrisons
opérées à cette chapelle qui, si elles sont prouvées, ne peuvent
être regardées que comme de vrais miracles. Dans toute autre
circonstance, on m'aurait, sans doute, appelé pour constater les
faits ; mnis aujourd'hui je n'ai pas lieu de m'y attendre. Je ne sais
trop comment me comporter à cet égard.
Le décret de suppression des assignats k face royale fait
beaucoup de bruit et augmente la misère de plusieurs familles.
Quand verrons-nous des temps plus heureux?
• Recevez, respectable collègue, l'assurance de mon attachement
fraternel.
t A. Constant, étêque du département de Lot-et-Garonne.
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- 232 -
III
[Au citoyen Grégoire, député à la Convention nationale, h Paris.]
Saint-Just, municipalité d'Hautefage, district de Villeneuve, dépar-
tement de L.-et-G., le 15 Messidor, 3« année (3 juillet 1795).
Citoyen Représentant,
(Le commencement de la lettre a pour objet d'exciter de nou-
veau le zèle de Grégoire pour la religion).
... Il est fâcheux qu'il existe des divisions parmi les prêtres ;
c'est une misérable querelle qu'il serait à souhaiter de terminer ;
on peut dire qu'il y a trois opinions différentes, celle des prêtres
inseimentés reclus, celle des prêtres assermentés qui ne veulent
pas reconnaître les nouveaux évêques, et celle des bons prêtres
soumis aux lois delà République, qui ont tout fait pour elle. Les
prêtres insermentés et ceux qui ne reconnaissent pas les nouveaux
évêques causent dans tous les pays les plus grands ravages et
désordres; ils ne se contentent pas de dire la messe dans les cham-
bres, mais ils fanatisent au point de rebaptiser, de marier de nou-
veau ceux qui avaient reçu ce sacrement, de publier que les
messes, sacrements, offices, etc., des prêtres soumis aux lois sont
des sacrilèges et de toute nullité, et de vomir les injures et tes
calomnies les plus atroces contre eux ; ils se répandent dans les
campagnes^ et détournent le peuple de tout bien. Tous ces faits
sont de la plus exacte vérité ; je puis vous donner ce détail, et grâ-
ces à Dieu, je n'ai dans ma paroisse, où je suis curé depuis neuf ou
dix ans, ni aucun prêtre ni aucune personne d'opinion différente.
J'ai toujours été et je suis fort tranquille ; aussi, dans la persécu-
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— 233 —
tioD, j'ai toujours resté ferme à mon poste , à l'exception de trois
mois où, par un arrêté violent de M. (delà Lozère), représentant, je
fus obligé d'aller rester avec mes confrères trois mois au 'chef-lieu
du district. De suite sorti, je revins dans ma paroisse où toujours
j'ai exercé mes fonctions. Il est aisé do deviner que les rebelles
ne désirent que la contre-révolution ; sans doute que le gouverne-
ment connaîtra toutes leurs menées et y mettra ordre.
. . . Nous sommes pour la plupart sans pain ; on nous retarde
toujours la pension que la Convention nous accorde. Depuis quinze
jours notre trimestre est tombé, et, pour nous consoler, le receveur
a déclaré qu'il n'a ni fonds ni ordre pour payer. En attendant il
faut vivre ; cette modique pension nous soutiendrait quelques
jours, car avec 800 livres nous ne pouvons avoir que cinq quar-
tonsdeblé. .
Ga.kdette-Borj)eneuvb, curé de Saint- Just.
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— 234 —
IV
Moncrabeau par Nérac, le 20 août 1795, 3« année de la
République.
Citoyen représentant.
Dans ma lettre du 12 du courant, je vous marquais que pres-
que partout le culte avait repris, et que partout le peuple écoutait
avec reconnaissance VEvangile que nous lui prêchions. J'igno-
rais alors ce qu'il est essentiel que vous sachiez ; je vais vous le
dire ; la prudence et la s igesse dicteront le parti qu'il y a èi
prendre.
Nous avons dans le voisiuag'e deux ci-devant vicaires généraux
(Lapanouse et Mélignan) de l'évêque de Condom, mort à Londres.
Le premier, dit-on, a été nommé par les chanoines du Chapitre
de Condom, réfugiés on Espagne, vicaire général du diocèse,
sede vacante^ le second, vicaire apostolique parle Pape, et c'est très
certain .
Ces deux personnages sèment partout et très publiquement les
principes les plus dangereux. Ils prétendent qu'on doit rétracter
devant les autorités constituées tous les serments exigés par les
lois, conséquemment celui de la liberté et de l'égalité. Déjà beau-
coup des prêtres constitutionnels qui étaient en fonctions se sont
rétractés, et je crains beaucoup que le nombre n'aille toujours
croissant. Le souvenir de mille et mille ignominies qu'ils ont eu èi
supporter (à Condom, Dartigoite ' leur faisait étriller les chevaux,
de la nation), la misère qui les presse, eufîn le besoin de manger,
sont des épreuves si rudes, que je crains qu'on succombe. Cepen-
dant il est encore des prêtres qui ont le courage et la vertu de
ne pas fléchir. Quand nous nous voyons, nous nous consolons
dans l'espoir que le gouvernement ne nous abandonnera pas. Nos
adversaires ne doutent plus du triomphe, parce que le peuple,
* Ou mieux Dartigoyte, un des plus féroces tyrans du Midi, décrété d'ac*
cQsation en 1705, mais amnistié avec les autres le 13 Vendémiaire.
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— :235 —
qui semble être las de souffrir, les écoute de préférence dans
beaucoup de paroisses. Ces Messieurs pleins de zèle, ne négligent
rien pour faire accroire que le pain que les prêtres constitutionnels
distribuent est un pain tout à fait empoisonné.' Enfin, ils disent
hautement qu'il est très douteux qu'on ait suivi le pontifical dans
Tordination desévêques constitutionnels, et ceux-ci; dans celle des
prêtres qu'ils ont faits. L'évoque du département nous a envoyé
une circulaire pour nous prémunir contre le piège qu'on nous
tend ; sans doute que vous en êtes instruit.
Il est des prêtres qui se rétractent avec tant d'éclat que, chaque
dimanche, ils vont se prosterner à la porte de leurs églises, et sol-
liciter le peuple de prier pour eux, afin que le Ciel leur pardonne
le grand crime dont ils se sont rendus coupables par la prestation
du .serment. Plusieurs paroisses ne veulent que des prêtres non
sermentés, ou qui se soient rétractés. Lapanouse et Mélignan ont
grand soin de leur en envoyer.
Citoyen représentant, la bonne cause est violemment attaquée.
Les prêtres constitutionnels, livrés à eux-mêmes, sont trop fai-
bles pour résister aux ennemis de la patrie. L'exemple des réfrac-
tants en augmente prodigieusement le nombre. Nous serions
bien humiliés de voir encore la persécution se renouveler. Vous
êtes au centre de toutes les lumières ; nous vous demandons tous
de nous faire passer quelque rayon qui nous éclaire, qui nous con-
sole et nous fortifie au milieu du danger qui nous environne. Un
mot de réponse nous serait d'un grand soulagement, et je l'attends
avec impatience.^ Les rifractaires ou les rétractants ont Tair
d*être bientôt maîtres de la plus grande partie des églises.
Salut et fraternité,
MaROBLLTN BÂJtRÈRE.
Au citoyen Grégoire, membre du comité d'Instruction publique à la Con-
vention nationale, à Paris.
A Est-il besoin de faire observer que ce n'est ici qu'une métaphore ?
* Grégoire répondit le 23 juin 1796, comme l'indique une note m*« de
son secrétaire.
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236 ^
[ Au citoyen Saurine. ]
Agen, ce 24 novembre 1795, Tan iv de la République, etc.
Cher bt respectable Confrère ,*
Je crains de vous ennuyer par mes lettres ; mais, je vous Tai
déjà dit, lorsque j'ai besoin d'écrire à Paris , vous êtes le seul à
qui je puisse avoir recours. J'ai cru devoir vous avertir d'une
querelle que quelques malveillants ont voulu me susciter sur la
publication de ma lettre pastorale.^ L'imprimeur, qui se trouvait
déjà officier municipal à celte époque, convint avec moi que pour
faire connaître plus promptement ce petit ouvrage, il imprimerait
quelques affiches qu'on placerait aux lieux ordinaires. Je ne me
contentai [ pas ] du consentement de l'imprimeur, officier muni-
cipal, je fis demander la permission à l'agent national , auprès de
la municipalité , qui l'accorda bien volontiers. Ce fut môme un
soldat de ville qui fut chargé de placer les affiches. Deux ou trois
jours après, le citoyen Raymond, ci- devant soi-disant noble, qui
vient d'être placé dans notre municipalité, qui en est même pré-
sident, vint me dire qu'on avait trouvé mauvais à la municipalité
que j'eusse fait placer ses affiches et que, sans doute, je voulais
me faire reconnaître par là pour évêque d'Agen, tandis qu'on n'en
reconnaissait aucun. Je lui répondis que je ne prétendais pas être
reconnu par la loi civile ; mais que cela n'empêchait pas que les
fidèles, à qui j'adressais ma lettre, ne me reconnussent; et que,
comme j'avais la liberté de l'adresser publiquement aux fidèles,
j'avais celle de la leur annoncer ; que, d'ailleurs, je m'étais muni
de la permission que j'avais crue nécessaire. Il me dit qu'on avait
eu tort, et que je ne pouvais pas plus m'annoncer pour évêque
* Il est fait mention de cette lettre dans les Annales de la Religion,iome II,
page 239 ; on y dit que Constant s'est montré, durant la persécution , digne
des premiers siècles de l'Eglise ; on l'engage à mépriser la censure de Ray-
mond, dont la prétention est ridicule, à imprimer cette censure s'il est be-
soin, et h l'afficher même sur les murs de la ville d'Agen. , i
' Constant a fait imprimer un certain nombre de mandements et de lettres
pastorales. J'en ai deux sous les yeux; on en trouvera certainement dans le
département de Lot-et-Garonne ; ces œuvres ont du mérite,
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— 237 -
d'Agen que M. Bonnac* Comme je le connais, je ne fus point étonné
de cette répartie de sa part, car vous savez qu'il y a un parti qui
ne reconnaît que les évoques réfractaires. Je lui ai observé que
M. Bonnac était émigré, et que la loi défendait expressément de
reconnaître aucun écrit d'un évêqiie non résidant en France ;
qu'on ne devait pas, par conséquent, mettre sur le môme pied
les évêques constitutionnels. Il ne voulut rien entendre , et la
conclusion fut que l'avis de la municipalité était, quoiqu'on n'eût
rien couché sur les registres à ce sujet, que je ferais enlever les
affiches dans le cours de la journée. Je vis bien que c'était une
querelle qu'on cherchait h me susciter dans la vue de me nuire et
de jeter de la défaveur sur la lettre que je venais de donner et
qui commençait à se répandre. Je lui dis que je ne voulais point
(le querelle, et que je ferais enlever les affiches, ce que je fis réelle-
ment. Je sais que , même dans la municipalité , plusieurs ont
trouvé mauvaise cette démarche du président à mon égard. Quel-
ques-uns m'ont fait dire qu'ils s'attendaient que j'en écrirais. Ils
désireraient voir réprimer ces hommes qui, pleins d'aristocratie,
ont trouvé le secret,dans les dernières élections,de se faire nommer
aux places, et profitent de cette occasion pour inquiéter ceux qui
ne sont pas de leur parti. Voilà les gens h qr.i nous nous trouvons
livrés aujourd'hui, après avoir été si longtemps menacés des poi-
gnards du terrorisme. Comme je crus, pour éviter le trouble, devoir
me soumettre à la démarche humiliante que me prescrivit le pré-
sident de la municipalité, cette affaire n'a eu aucune suite ; mais
si cet homme n'est pas autorisé, comme je le crois, à me faire une
querelle de ce genre, ne serait-il pas juste qu'il fût réprimé ? Je
vous raconte le fait tel qu'il s'est passé. Voyez vous-même si le
gouvernement ne voudrait pas prendre des mesures pour nous
mettre h l'abri d'une telle malveillance. Vous avez reçu sans doute
les deux envois que je vous ai faits. J'attends votre réponse pour
vous faire passer ce qui pourrait manquer au dernier abonnement
des Annales. Je vous embrasse bien tendrement en Jésus-Christ.
Si je pouvais vous être utile à quelque chose , vous pouvez dis-
poser de moi comme de quelqu'un qui ne peut vous être plus
dévoué.
t A. Constant, évêrjtie d'Amen, département de Lot-eUQaronne.
' C'est de Bonnac qu'il faudrait lire ; les nécessités du moment ont privé
co prélat de la particule.
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— 538 —
VI
[ Au citoyen représentant Grégoire. ]
À Agen, le 4 Pluviôse de Fan iv ( 24 janvier 1796).
Citoyen^
Dans ce département, comme dans les circonvoisins^ règ:ne une
si grande confusion et un tel désordre que, s'il se propage dans
toute la République, il ne peut manquer de conduire à quelque
événement sinistre pour elle.
Tout le monde sait que les prêtres réfractaires sont le plus
grand agent du royalisme, ou, pour mieux dire, ne travaillenMls
que pour la même cause. Or, ils se sont emparés de tous les
esprits. Déjà les prêtres constitmionnels sant un objet d'horreur à
tout le peuple ; on lui a persuadé que c'est faire une bonne œuvre
que de les exterminer par toutes sortes de voies. Déjà leurs
églises sont forcées pour être dévastées; déjà la plus grande
partie des conformistes se sont vus dans la nécessité de se ré-
tracter pour éviter les suites de cett3 persécution ouverte.
Nouveaux acteurs pour soufBier l'anarchie, l'aristocratie et la
fureur contre les prêtres qui restent encore soumis à la République,
mais qui auront besoin d'une grande constance pour persévérer
dans leurs sentiments.
Déjà les municipalités se mêlent de la partie; elles ont chassé
les prêtres assermentés, n'en veulent que des réfractaires, et prê-
tent leurs administrations pour tenir cachés ceux qui devraient
être en réclusion par le décret du 7 vendémiaire de la présente
année.
Le mode Je cette nouvelle rétractation n'est pas moins répré-
hensible; elle se fait par l'entremise d'anciens vicaires généraux
soi-disant constitués du pape pour relever du serment, et c'en est
assez pour que ces prêtres soient autant de suppôts des royalistes.
Pourquoi ne pas réprimer ces boute-feux ? Ce serait manquer de
couper le mal par sa racine. Pour détruire le royalisme dans sa
source empoisonnée, il faut fermer la bouche de ces apôtres anti-
constitutionnels. Rien de plus nécessaire et de plus instant pour
prévenir ce qui pourrait s'ensuivre de désastreux pour la Répu-
blique.
Salut et Fraternité,
Mazet, curé de MoniaigUy en Agenois.
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— 239 -
VII
[Au citoyen Saurine.]
Agen, ce 27 février 1796, Tan iv de la République, etc.
Très cher et très respbctàble Confrère,
J'attendais avec impatience la seconde lettre encyclique de nos
respectables confrères; ' je Tai reçue enfin, et vous devinez avec
quel empressement je me suis porté à la lire. Elle a parfaitement
répondu à mon attente. Quoique je n'aie pu en prendre qu'une
lecture rapide, cette lecture a néanmoins suffi pour me faire juger
que la lettre est un monument digne des beaux siècles de TEglise,
qui rendra chère et précieuse à la postérité chrétienne la mémoire
des évoques qui Tout présentée. Je n'avais pas encore fini de la
parcourir que les ecclésiastiques de la ville, ayant appris que je
l'avais reçue, sont venus me la demander, et me l'ont presque
arrachée des mains. Tout ce que j'ai pu obtenir d'eux, c'est qu'elle
me lut remise au moins le dimanche matin, parce que je voulais
en donner lecture au peuple. En effet, je commençai dimanche
dernier h la lire à ma messe, et le peuple l'écouta avec attention.
J'aurais bien désiré que d'avance on eût pris des mesures pour la
rendre plus commune. J'ai proposé de vive voix ou par lettres à
beaucoup d'ecclésiastiques de se la procurer et de la faire connaî-
tre même aux peuples de la campagne; mais l'état de la plupart
des ecclésiastiques est si malheureux, qu*à peine ont-ils de quoi
se fournir du pain. La chute totale des assignats les jette dans la
plus grande misère. Ceux qui en avaient une certaine quantité
ont profité de l'occasion de l'emprunt forcé pour tirer quelque
numéraire de leurs assignats. J'ai trouvé fort beaux les plans que
présente la lettre encyclique, soit pour l'organisation d'un gou-
vernement ecclésiastique dans chaque diocèse, soit pour l'admi-
nistration des oblations des fidèles pour les frais du culte.
* Les évêques réunis (Grégoire, Saurine, Boyer et Desbois) publièrent coup
sur coup, en 1795, deux encycliques très curieuses qui exercèrent une action
considérable sur le rétablissement du culte en France.
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- 240 -
l'entretien des ministres, le soulagement des pauvres, soit enfin
pour rétablissement des écoles chrétiennes. Ces plans me parais-
sent les seuls propres au rétablissement de la discipline et du bon
ordre. J'avais prévenu la lettre pour le rétablissement des arcm-
prôtrés; je proposai ce môme plan dans un avis que j'adressai à
mes coopérateurs, lorsque je publiai ma lettre pastorale. Mon
dessein était de vous en faire passer un exemplaire avec ma lettre
pastorale; mais je l'oubliai, je répare aujourd'hui cet oubli.
J'ai la consolation de voir que dans les cantons où mon plan a
été exécuté, l'ordre s'est rétabli; les ecclésiastiques sont unis, et
les dissidents sont dans le dépit en voyant l'ordre se rétablir parmi
nous et se trouvant eux-mêmes isolés au milieu de leurs confrères
réunis. Je vous prie, mon cher confrère, d'être l'interprète de mes
sentiments auprès de nos respectables collègues de Paris, et de
me faire mettre au nombre de ceux qui ont applaudi à la deuxième
lettre encyclique, et qui adhèrent de tout leur cœur à ce monu-
ment de leur zèle éclairé et vraiment pastoral. Si j'ai quelques
observations à faire, je vous les ferai parvenir le plus tôt qu'il me
sera possible. Je vous ai déjà dit que je n'ai eu que le temps de
prendre une lecture rapide de la lettre. Tout ce que j'observai,
fut qu'il n'y avait pas un article particulier, dans le chapitre qui
traite des différentes églises, pour l'église de Rome. J'aurais cru
que, cette église, étant la mère des antres églises, aurait mérité
qu'on lui eût consacré un article. Il est vrai que, dans le cours de
l'ouvrage, nos évoques s'expliquent sur l'union, le respect et la
soumission que nous lui devons.
Parnai les ecclésiastiques attachés au service de la paroisse
cathédrale, il en est un qui me fatigue beaucoup, de môme que
les ecclésiastiques desservant la môme église. Cet homme, qui
était autrefois du nombre de mes vicaires cathédraux, prétend
toujours avoir les droits épiscopaux, assujettir ses confrères à ses
caprices, et m'y assujettir moi-même. Il accapare tant qu'il peut le
casuel ; il va réconcilier des églises, non-seulement sans ma per-
mission, mais contre ma défense ; il introduit, ou du moins il
entreprend d'introduire de son chef des innovations ; il a môme
proposé d'instituer des ecclésiastiques dans ''des paroisses contre
ma défense. Je vous prierai de me donner votre avis et celui de
nos collègues sur les entreprises de cet ecclésiastique. Les mar-
guilliers de la paroisse, informés de sa conduite à mon égard et à
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— 241 -
regard de ses confrères, vinrent me prier de leur permettre de le
remercier et de lui donner son congé. Je craignis un éclat; en
conséquence Je leur dis qu'il valait mieUx commencer par tenir
une assemblée où quelques personnes notables de la paroisse
seraient appelées avec les ecclésiastiques desservant la paroisse,
et que là on le prierait de s'expliquer sur les griefs qu'on avaitf à
lui reproclier.Cette assemblée eut lieu dimanche, mais il ne vou-
lut pas s'y rendre. Je vais proposer un règlement touchant les
pouvoirs et les fonctions des ecclésiastiques attachés aii service de
la cathédrale; je le ferai adopter par les autres ecclésiastiques et
par la paroisse assemblée. Je pense que ce sera le moyen le plus
efficace de le rappeler au devoir et de le fixer dans la sphère où il
doit se renfermer.
Vous me demandez comment je suis; je crois que mes lettres
précédentes vous ont fait connaître . mon état. J'adopte bien
volontiers le plan proposé pour la tenue d'un concile national.*
J'en sens toute la nécessité, et je regarde cette assemblée comme
le seul moyen qui puisse porter quelque remède à nos maux.
J'adopte encore le terme fixé pour la tenue du concile, c'est-à-dire
au premier de mai; je ne suis que fâché que mon état de faiblesse
ne me permette pas d'entreprendre le voyage à pied, et que la
misère où je suis ne me laisse aucune ressource pour l'entrepren-
dre k cheval ou en voiture. Voilà ce qui fait ma peine. Mais enfin
tous les évoques ne peuvent pas s'y rendre, et j'espère qu'on me
permettra d'être de ceux qui resteront dans les départements pour
remplir les fonctions épîscopales qui pourraient se présenter pen-
dant la tenue du concile.
Recevez, cher et respectable confrère, l'assurance de l'attache-
ment respectueux avec lequel je suis pour la vie
Votre dévoué serviteur,
A. Constant, éfêjue du diocèse cFAyeUy département de LoPet-Oaronne.
* Annoncé pour le 1« mai 1796, ce Concile s'ouvrit le 15 avril 1797, à
Notre-t)ame. Constant s'y rendit comme une cinquantaine de ses confrères.
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- iiit -
VIII
[Au citoyen Saurine...]
Âgen, ce 22 mai 1796, 3 prairial de l'an IV de la République etc.
(Affaires particulières; plaintes contre la friponnerie de l'individu
qui lui avait loué un logement pour 3 ans à faison de 100 pistoles
par an en assignats, payables d'avance...]
— Si les presbytères n'eussent pas été mis en vente, je me serais
retiré dans quelque paroisse de campagne, quoique je sente bien
que îe n'y serais pas à portée de correspondre avec le diocèse ;
mais dans la nécessité on fait comme on peut.
— J'ai fait depuis Pâques quelques visites dans les villes et les
campagnes de mon diocèse. En général j'ai eu de la consolation.
J'ai vu dans plusieurs endroits le peuple se porter avec beaucoup
d'empressementet de zèle à nos cérémonies religieuses. J'ai même
vu dans plusieurs paroisses les oflaces se célébrer avec autant de
pompe et de majesté qu'avant la révolution de l'impiété. Je tâche
par mes instructions de leur faire sentir le prix de la religion et
l'intérêt qu'ils ont de s'y attacher de pi us en plus. Presque partout,
dans les paroisses où les curés me reconnaissent, on a fait
des premières communions. H y a quinze jours, je me trouvai
dans une ville, Âstaffoit, où j'étais attendu depuis quelque temps;
j'y donnai le sacrement de confirmation & sept cents personnes,
toutes munies du certificat de leur préparation. Le temple, quoique
fort vaste, ne put contenir la foule. Je craignis que l'affluence ne
produisît quelque désordre; mais par les mesures que l'on prit
tout se passa bien. On m'a écrit depuis mcoi retour que j'avais été
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- m -
asses heureux pour obtenir le suffrage de tous les partis^ et que,
depuis cette époque, plusieurs personnes qui jusqu'alors ne s'é-
taient point rendues h l'église continuaient de s'y rendre. Je dois
partir la semaine prochaine pour une autre ville, Aiguillon, et j'ai
lieu d'espérer un accueil aussi favorable. Le président de cette
administration est venu lui-même avec le curé me prier de m'y
rendre pour la Fête-Dieu. On me demande de tout côté dans le
diocèse. Ma peine est de ne pouvoir me rendre partout aussitôt
que je le désirerais. J'avais promis de me rendre dans une autre
ville assez considérable, appelée VilIeneuve-sur-Lot, après la Fête-
Dieu. Quelque malintentionné, qui me voyait sans doute avec
peine aller dans ce pays, voulut détourner mon voyage. Je reçus
une lettre anonyme de l'endroit, dans laquelle on cherchait et me
faire craindre des dangers, si je faisais ce voyage. On m'assurait
de plus que l'administration ne m'y verrait pas avec plaisir. Je ne
fis pas beaucoup de cas ni de la lettre ni des menaces. Je crus
cependant que la prudence exigeait que je prisse quelques infor-
mations avant que de partir. J'écrivis donc au nouvel archiprôtre,
(j'ai déjà fait nommer des archiprôtres dans les divers cantons du
diocèse), et je le priai de me dire ce qui en était. L'archiprôtre ,
étonné delà lettre que je venais de lui écrire, alla aussitôt la por-
ter à l'administration, et l'effet qu'elle y produisit à été une nou-
velle consolation pour moi. Les administrateurs assemblés char-
gèrent l'archiprêtre de m'écrire de leur part, et de me dire qu'il
leur tardait que le moment arrivât où je paraîtrais dans leur ville;
(Qu'ils me verraient avec plaisir remplir les fonctions de mon mi-
nistère; qu'ils étaient persuadés que tout le monde me verrait avec
le même transport, et que si, par impossible, quelqu'un osait
m'Inquiéter, ils le feraient rentrer dans le devoir. Ce sont les ter-
mes de la lettre. Si nous avions le plus petit mot du gouver-
nement en faveur de la religion et de ses ministres j'espérerais
que bientôt les villes et les campagnes seraient plus chrétiennes
qu'elles ne l'étaient avant les ravages de l'impiété. Il est quelques
lieux où cette malheureuse peste domine toujours ; il en est
d'autres grandement fanatisés par l'anti-républicanisme.
— Parmi ces derniers, il en est un où l'on cherche maintenant
à me faire de la peine; voici à quelle occasion Je reçus, il y a quel-
ques jours, une dénonciation contre un malheureux curé qui a
pris femme et qui néanmoins est remonté à l'autel, au grand scan-
dale de tous les vrais fidèles. Sur la dénonciation qu'on m'en fit ,
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— 241 --
j'écrivis à Tarchiprêtre de Tarrondissement pour m'assurer du fait
et de l'impression que faisait sur l'esprit des fidèles la conduite
saciilège de ce prêtre. La lettre de l'archiprêtre me confirma tou|
ce qu'on m'avait dit. Je crus que le moyen le plus propre pour
arrêter le scandale était de faire connaître à ce prêtre et aux fidè-
les les censures portées par les canons contre les prêtres mariés.
J'adressai, en conséquence, à Tarchiprêtre une espèce de sentence
où je rappelais les censures portées en pareil cas, et je le chargeai
de la faire connaître aux fidèles de cette paroisse. Ce n'est point
une excommunication en forme, mais simplement une notification
des censures de l'Eglise en pareil cas. Cependant le président de
l'administratfon du lieu, ennemi des prêtres assermentés et non
rétractés^ en a pris occasion de m'inquiéter, ainsi que' les prêtres
du voisinage qui ont pris avec moi intérêt à cette affaire. Il tra-
duit cette sentence comme un libelle diffamatoire contre le ci-de-
vant curé. On m'a écrit que ce prêtre marié a fait une rétractation
secrète de ^on serment , et que c'est cette rétractation qui lui a
valu la protection du président de l'administration. Comme o^
voit trop clairement que ces rétractations n'ont été provoquées
que dans la vue de grossir le parti des ennemis de la République
et de former partout, s'il était possible, de nouvelles Vendées, et
que, d'ailleurs, la rétractation de ce lâche ministre étant secrète il
• était toujours censé appartenir , au moins extérieurement, à la
clasjie des ecclésiastiques constitutionnels, j'avais tout lieu de
craindre qu'on ne manquerait pas de faire rejaillir sur nous tout
l'odieux et le scandale de cet ecclésiastique, et de nous imputer
de souffrir parmi nous, sans réclamation, des prêtres mariés exer-
çant les fonctions du saint ministère et des anti-républicains. Il
était donc important pour l'honneur des ecclésiastiques constitu-
tionnels de faire connaître aux vrais fidèles et aux amis sincères
de la patrie que nous n'approuvons pas les ecclésiastiques de cette
trempe; et je n'avais pas de voie plus propre que celle que j'ai
prise pour le faire connaître. Les décrets sur la liberté du culte
m'assurent que je pouvais sans Crainte prendre ce moyen. Les pei-
nes portées par les lois ecclésiastiques sont toutes spirituelles, et
du ressort delà religion. La lecture en a été faite uniquement dans
l'intérieur du temple, conformément à la loi. Si la rétractation de
ce curé eût été publique, je l'aurais abandonné au nouveau parti
qu'il a embrassé, je ne l'aurais plus compté au nombre des brebis
confiées à mes soins. La publicité de sa rétractation aurait assez
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- 245 -
fait connaître qu'il s'était séparé de moi et des ecclésiastique* qui
me reconnaiss'int pour leur pasteur ; et dans ce cas, je n'aurais fait
contre lui aucune démarche , comme je n'en ai point fait contre
les prêtres réfractaires ou rétractés publiquement, ou même ma-
riés, qui ne reprennent point leurs fonctions. Je les abandonne au
jogrement de Dieu. Mais on voit qu'ici le cas est tout différent, et
qu'il exige par conséquent d'autres mesures. Le président de l'ad-
ministration a contre lui dans cette affaire de puissants adversai-
res, entre autres le commissaire national de la même con^mune ,
et un médecin qui a été longtemps administrateur, et qui réunit
de la droiture à de grands talents. Ceux-ci attaquent ^à leur tour
le président pour des faits graves relatifs à ses fonctions, et pour-
suivent sa destitution. On croit que cette affaire sera portée au
ministre de la police, si elle ne l'est déjà. Je vous prie en consé-
quence, si la chose vous est possible, de voir le ministre, afin de
voir s'il est nanti de cette cause, et de l'appuyer de tous vos
moyens. Le nom du président est Babouléne, président de l'ad-
ministration de Beauville. Celui du commissaire est Loliere (?)
près la même administration. Le nom du médecin est Vacquié, et
le nom du curé marié est Concaret, à Roquecor. S'il n'était ques-
tion que de moi, je ne vous donnerais pas cette peine, je souffrirais
volontiers et même avec joie pour une si belle cause. Mais je ne
voudrais pas que la religion, faute d'être défendue, fût compro-
mise par la malice de nos ennemis. Tous les vrais fidèles ont
applaudi et applaudissent à la mesure que j'ai prise contre ce
prêtre scandaleux.
f A. Constant, évéjue du dioeèse iAgtn^ département de Iret-G.
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- 246 -
IX
[Au citoyen Saurine...]
Agen, ce 24 Juillet 1796,' Tan w de la République, etc.
Très CHBR BTVÉNéRABLB COLLÈQUB,
Je prends loua les moyens pour procurer à notre vénérable
collègue, révèque de Blois, les matériaux que notre contrée peut
lui fournir pour la composition de Thistoire qu'il médite ^ J'ai déjà
écrit à ce sujet dans plusieurs cantons ; mais je n*ai presque rien
reçu encore. A mesure qu'il mé viendra des faits certains et de la
nature de ceux qui doivent trouver place dans son histoire, je les
lui enverrai. Je vous fais passer six proclamations ou arrêtés que
j'ai recueillis, et qui sont des monuments certains relatifs à la
tyrannie ou à l'inri piété. Voici encore quelques faits qu'il peut insé-
rer dans son histoire sans aucune crainte d'ôtre démenti. Le pre-
mier est celui d'un prêtre constitutionnel nommé Martin, de Ville-
ueuve-du-Lot, guillotiné à Paris, parce que, sur la demande du
peuple, et sur la permission par écrit de la municipalité du lieu,
il avait dit la messe, dans le temps que l'impiété commençait à
s'agiter contre le culte, sur un autel qu'on lui avait préparé hors
de réglise, à cause de la grande affluence du peuple que son
église ne pouvait contenir. Il fut poursuivi ; la municipalité, crai-
gnant sans doute pour elle-même, s'empara de la permission par
écrit qu'elle avait donnée. Le malheureux prêtre fut conduit h
Paris, et périt sur l'échafaud. Le second est d'un prêtre nommé
< Une histoire religieuse de la Révolution dont Grégoire n'a donné que des
chapitres détachés comme son Histoire du mariage des prêtres, son Histoire
des sectes et son Histoire de l'émigration ecclésiastique.
Les matériaux qu'il avait recueillis, et dont ces lettres faisaient partie, ne
sont pas perdus pour l'histoire.
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> t
•i
• -217 w
Lartigue, qui a été massacré en 1792 aux environs de Glairac,
même département. Il est vrai qu'il était réfractaire, mais Tassas^
sinat n'en est pas moins horrible. Le troisième regarde un prêtre,
nommé Olien, du département de la Haute-Garonne, qui, fuyant
la persécution contre les ministres du culte, se présenta le 25 no-
vembre 1793, & la Société populaire d'Agen, en qualité de prêtre
constitutionnel. Le citoyen Gardette, Tun des plus féroces terro-
rittes que nous ayons eus, membre du Comité de surveillance
révolutionnaire, le fit arrêter et conduire dans la maison d'arrêt,
où il a été détenu jusqu'au 20 Germinal suivant. On a vu ce môme
Gardette, k la municipalité, s'affubler des ornements ^sacerdotaux
qu'il faisait enlever des églises. Le quatrième est le renversement
du clocher de la Cathédrale, le seul monument remarquable que
présentât cette ville, et le brisement des cloches, «n vertu d'un
arrêté de Paganel, en mission dans notre département, et qui était
lui-môme vicaire de la Cathédrale. Le cinquième est un arrêté du
prêtre Isabeau, également en mission, qui ordonna que les orne-
ments d'église seraient transformés en habits de théâtre, et servi-
raient aux baladins et aux actrices dans les pièces qu'on jouerait.
On ne manqua pas à prendre les plus riches, qui paraissent tou
jours sur le théâtre chaque fois qu'on joue.
Pour remplir la commission que vous m'avez donnée touchant
l'organisation des presbytères dans les diocèses de l'arrondisse-
ment de la métropole de Bordeaux, qui n'ont point de premier
pasteur, j'ai écrit à Bergerac et et Saintes ; mais je n'ai point
encore reçu de réponse. Je ne sais comment vont les diocèses de
L-uçou, de Tulles, de Limoges, d'Angoulôme et des Deux-Sèvres,
qui sont de la même métropole. Si j'avais les moyens de voyager,
je partirais pour le voir par moi-même; mais je n'ai pas môme
ceux de me soutenir ici, si quelque nouvelle mesure ne nous
assure bientôt notre subsistance ; car on ne peut compter, au
moins ici, sur le secours du peuple^ malgré la bonne envie qu'il a
de conserver sa religion.
Notre département a pris récemment un arrêté qui exclut des
places d'instituteur dans les communes les curés ou desservants.
Plusieurs avaient demandé et obtenu ces places pour avoir un
logement dans leurs paroisses; mais cet arrôté du département
les force d'en sortir, parce qu'ils n'ont point de logement. Je ne
doute point que ce ne soit un effet de la mauvaise intention de
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cette administration, qui parait ne chercher qu'à détruire entière-
ment le culte. Voyez s'il y aurait quelque remède à ce nouveau
mal. Notre voisinage est infesté de prêtres rétractants et dissidents
qui fanatisent tranquillement le peuple daus leurs églises, rani-
ment contre nous, même par des lettres anonymes pleines d'hor-
reurs. C'est ce que jb viens d'éprouver dans une paroisse à deux
lieues d'ici, où j'allai donner la confirmation, il y eut 'dimanche
huit jours. Ces prô très s'étaient permis de dire aux peuples de
leurs paroisses que j'étais un schismatique et un excommunié, et
que ceux qui assisteraient à la cérémonie encourraient eux-mêmes
l'excommunication. Ils lancèrent contre moi des lettres anonymes
où fêtais traité d'intrus, de loup, avec d'autres épithètes du même
genre. Nos administrations voisines voient tout cela, semblent
l'approuver par- leur silence, et se complaire même dans cette
guerre religieuse. Toutefois ces sarcasmes et ces manoeuvres n'em-
pêchèrent pas qu'il n'y eût un grand concours dans la paroisse
où je me rendis, qui s'appelle Sauvagnas.
Voici un autre trait qui vous prouvera encore quel est l'esprit
des administrations de cette ville, tant par rapport à la religion
qu'à notre égard. Vous vous rappelez peut-être que, lorsque j'eus
fait imprimer ma dernière lettre pastorale, le président de l'admi-
nistration municipale me chercha querelle sur ce ^ue j'avais fait
placarder des affiches pour l'annoncer, après en avoir obtenu la
permission, et que j'avais pris le titre d'évêque d'Àgen. Je donnai
en 1792 un catéchisme, à la tête duquel je mis un mandement.
L'édition de ce catéchisme étant épuisée, et le peuple s' adressant
à moi de tous côtés pour m'en demander, je me proposais d'en
donner une nouvelle édition. L'imprimeur de la ville, qui se trouve
aujourd'hui membre de l'administration du département, guidé
par un sordide intérêt, m'a prévenu. Sans me dire le moindre mot,
il a réimprimé ce catéchisme, a supprimé mon nom et le mande-
ment, et cela, sans doute, parce que la France ne reconnaît plus
de ministres du culte. C'est annoncer au diocèse qu'il n'a plus
d'évêque. Est-il possible que nous n'ayons plus de moyens pour
arrêter de pareils désordres ? Il ne me sera plus possible, comme
vous voyez, de rien faire imprimer sous inon nom et mon titre
d'évêque.
Je vous prie de me marquer le plus tôt que vous pourrez ce
que coûte le Bréviaire de Pans, en français. Mon dessein était.
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— 249 -
avant que Timpiété renvers&t nos autels et nous réduisit à la mi-
sère, de faire prendre ce bréviaire aux religieuses^ car j'ai toujours
regardé comme un abus et un ridicule de les forcer à dire de
longs offices dans une langue qu'elles n'entendent pas. Plusieurs
le prendraient aujourd'hui, mais elles n'ont pas de quoi s'acheter
du pain. Cependant il en est quelques-unes qui, un peu plus aisées
par les secours de leurs familles, se déterminent h le prendre
pourvu qu'il ne soit pas trop cher. Ainsi je vous enverrai de l'ar-
gent, au moins pour une, dès que vous m'en aurez marqué le
prix, et il lui tarde beaucoup de l'avoir. Je pense que quelques
autres ne tarderont pas à faire la même demande. Je n'ai regu,
depuis l'ouverture du semestre courant;, aucun numéro des Annales^
ni du Bulletin de la semaine , quoique je vous eusse prié de sous-
crire pour moi. C'est véritablement uneprivation pour moi. On a
craint sans doute que je ne fera'S pas honneur à mon engage-
ment^ mais on ne me connaît pas.Si ma misère était moins grande,
j'aurais pris près de moi et je pourrais prendre encore un ecclé-
siastique de mérite pour m'aider dans mes écritures, car je suis
accablé. Il se serait chargé en même temps du dépôt de librairie
annoncé par les Annales ; il entend parfaitement bien cette partie.
Si je n'ai pas le secours d'un ecclésiastique, ce sera encore une
raison qui me forcera à la retraite, par l'impossibilité où je me
trouve de remplir les devoirs de ma place. Je vous embrasse ten-
drement et fraternellement en Jésus-Christ, ainsi que tous nos
respectables collègues réunis à Paris.
t A. GoNSTiLNT, évique du diocèse d^Agen^ dépariementde L.-et^,
{A continuer.)
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NOTES HISTORIQUES
tua DU
MONUMENTS FÉODAUX OU RELIGIEUX
DU DÉPARTEMÊkT de LOT-ET-GARONNE.'
^ Snitt >
ni
Francescas. Saint Barthèlemi deTrillan. Saint Gibicb. Gardêre et Vialère.
mongrabeau.
Frangescas. — Le canton de Francescas comprend un certain
nombre de communes, villages, églises ou chAteaux que j'ai déjà
nommés, tels que La Hontjoye, Bax, Deaulens, Le Nom-Ditsu, Gou-
lard^ Autioges et Fieux. Il me reste à parler de. l'autre partie du
même canton. Commençons par le chef-lieu.
Le monastère et Tabbé de Condora étaient seigneurs de Francescas
au xni* siècle. Ils reconnurent en conséquence, le 16 novembre 1586,
tenir en fief d'Edouard I", roi d'Angleterre, duc de Guienne, sei-
gneur d'Agenais, le château, la juridiction et la terre de Francescas,
avec leurs appartenances (Item castrum de Francescas^ juridic
tionem et terram cum suis pertinentiis,) {Archives historiques du
département de ta GiroidCj tome /, p. 363).
Voir page 120.
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- -251 -
Géraud de Madirac, chevalier, reconnaît le 14 novembre 1386,
tenir du même roi d'Angleterre, seigneur d'Agenais, toutes les terres
et vignes qu'il possède dans la juridiction de Francescas (in honore
de Francescas), et devoir pour cela un servant d'armes à pied, lors-
que l'ensemble de l'armée d'Agenais marche [unum servientem pe-
ditem de exercitUy quando communis exercitm Ageniiensis exit.)
{Idem, p. 853).
Arnaud de Fraulenx (ou de Baulenx), chevalier, reconnaît tenir du
même roi tout ce qu'il possède à Francescas et dans la juridiction,
au-delà du dex (apud Francescas, et in honore ejusdem locU extra
décos ejusdem /oci),'tant de son chef que du chef de dame Honorie,
sa défunte épouse (Idem, p. 354)*
Raymond de Fraulenx (ou de Baulens), habitant de Francescas, re-
connaît tenir du même roi Edouard, tout Yaffarium ou bien donné
en franchise appelé del Giestar, situé dans l'honneur et le district de
Francescas [totum affavium vocatum Del Giestar, quod a/farium est
in honore et distrlctu de Francescas.) Il déclare devoir pour cela un
servant d'armes à pied, lorsque les nobles et les autres du pays se
réunissent en armée [quando nobiles et alii de patria faciunt exer*
citus.){Idem, p. 354).
Messire Bertrand de Somont, chevalier, reconnaît le même jour 14
novembre 1286, tout ce qu'il possède dans l'honneur de Francescas,
et déclare devoir fournir pour cela un servant d'armes, avec le sei-
gneur de Saint-Barthélemi de Trillan {Dominus Dertrandus de Somont,
miles,... et recognovit se debere facere pro prœdictis, unum servien-
tem de exercitum cum domino sancti BaHholomei d^Estrillano.) Il
excepte de sa reconnaissance au roi d'Angleterre, ce qu'il tient, dans
ledit lieu de Francescas, de messire Guillaume-Raymond de Pins, au
nom de dame Vianne, sa défunte épouse et le serment de fidélité
{excepto eo quod tenet a domino Guillelmo Raymundo de Pinibus,
nomine dominœ Vianœ (ùxoris) quotidam in dicto loco de Fran-
cescas, et sacramentum fidelitatis.)
Le même Bertrand, chevalier, reconnaît Fa/farmm qu'il possède
dans la paroisse d!Anteras, ratione cujus débet stare Juri cum
dicto domino.
Il reconnaît, en outre, tout ce qu'il possède in affario de Bandar,
situé dans la juridiction de Francescas, qu'il tient du même roi, et
pour raison duqiuel il doit stare juri coram dicto domino. (Idem,
page 358],
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Il résulte de la reconnaissance consentie par Tabbé de Condom,
qu'en Tannée 1386, cet abbé et son abbaye possédaient le château^
la juridiction et la terre de Francescas, qu'ils en étaient par consé-
quent seigneurs hauts justiciers. Que s'était-il passé depuis cette
époque ? Comment et h quelle époque les abbés de Condom, devenus
évéques en 1317, avaient-ils perdu la seigneurie et la justice de
Francescas ? Je l'ignore. Ce qu'il y a de certain, c'est que Francescas
était une ville royale sous les derniers Valois, qui nommaient leurs
juges royaux à Francescas. En voici les preuves :
Par Lettres patentes données à Paris le 23 janvier 1579, Henry III,
par la grâce de Dieu, roi de France et de Pologne, donne à M* Allem
de Brégand, « Testât et offlce de juge civil et criminel de Frances-
cas. » Et un acte judiciaire authentique, écrit sur parchemin, faisant
partie de mes archives et signé du Puy, greffier, commence ainsi :
« Allem de Brcgand, licentiez ez loyz, juge ordinaire pour le roi en
la ville de Francescas, à tous ceux quy ces présentes verront, -salut,
Scavoir faisons et attestons que le vingtiesme de décembre mille cinq
cens nonante quatre. . . . »
Pierre du Cos, sieur de Bourgade en la commune de Fieux, est
nommé juge royal de Francescas par Lettres patentes données à
Paris le 8 mars 1635 [original en parchemin). Le 12 juillet de la
même année 1635, il requiert deux notaires de Fieux et de Francescas,
de lui faire une copie, collationnée sur Toriginal des provisions de
Tofflce déjuge royal de Francescas, données à Paris le 23 janvier
1579, en faveur d'Allem de Brégand; et signe avec les notaires {ori-
ginal en papier). Un M. de Bigos fut juge royal après lui/Trois
MM. de Bazignan (Menaud, Joseph et Menaud II, père, fils et petit-
fils), tous les trois qualifiés nobles et écuyers, sont successivement
juges royaux de la même ville. Jacques de Lartigue fut nommé juge
royal de Francescas le 29 octobre 1767 et mourut en 1779. Son fils
aîné, autre Jacques de Lartigue, remplit les fonctions de juge royal
de Francescas de 1779 jusques à la Révolution.
Francescas était donc une ville royale depuis au moins la seconde
moitié du xvi« siècle, et le roi y nommait un juge royal. De son
côté, le seigneur de La Serre était seigneur de Francescas en paréage
avec le roi et nommait un juge pour y exercer la moitié de la jus-
tice. En effet, un certificat donné à Nérac le 21 juin 1767, est ain3Î
formulé :
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- 253 -
« Nous François de Capot Feuillide, conseiller et avocat du Roy au
siège présidial et sénéchal de Nérac, et de plus, exerçant la justice
par moitié au siège de la ville et juridiction de Francescas, pour la
dame de Narbonne Pelet, marquise de Pouy, comtesse de Lasserre,
seigneuresse haute, moyenne et basse justiciaire en paréage avec le
roi dudit lieu de Francescas, certifions. ...»
Signé : « Capot Feuillide. • {Original.)
Cette dame de Narbonne Pelet, veuve de M. de Dijon, est la mère
du comte de Dijon; et je me rappelle avoir vu un grand nombre de
pièces judiciaires scellées à Francescas d'un sceau portant les armes
de France et de Dijon. J*ai dans mes archives l'original d'une pièce
judiciaire, datée du 21 novembre 1781, signée Viven, conseiller et
procureur du roi au siège royal de la ville de Francescas, portant
sur cire rouge le sceau de la juridiction, que Ton peut blàsonner
ainsi : (Tazur, à trois fleurs de lis d'or posées tel 4, quiest de France;
parti de gueules, à la bande d'or, accompagnée en chef d'une étoile
d'or surmontant un corbeau d'argent, et en pointe de deux fîanquis
ff argent posés en bande, qui est de Dijon. L'écu est timbré de la
couronne royale de France. (J'avais mis ce certificat et ces armes,
avec les Autographes, à YExposition des Beaux-Arts d^Agen (/*79),
dans la vitrine F^ 19, comme on peut le voir au Catalogue, page 136).
Ainsi, le roi de France et le comte de Dijon étant les seigneurs
hauts justiciers de la juridiction de Francescas, réunissaient leurs
armes pour faire sceller les titres relatifs à l'administration de la
justice. Les armes de la ville ou de la commune de Francescas n'é-
taient pas les mêmes que celles qui servaient pour les actes judici-
aire'fe. Je peux en donner à peu près la description, parce que j'ai
dans mes archives l'original d'une attestation donnée en l'absence
des Consuls, à Marc-Antoine d'Angeros de Castelgaillard, chevalier,
par douze anciens jurats et le secrétaire de la ville de Francescas.
L'empreinte sur cire rouge du sceau de la commune est placée à côté
des signatures et parfaitement conservée: d'a%ur,à trois fleurs de lis
d'or posées S et 4, qui est de France ; parti de gueules, à la tffingle *
* La trangle n'a que la sixième partie delà largeur de la fasce.
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Sw OU i^argent^ accompagnée de deux autruches affrontées en chef
et d^une en pointe d'or ou d'argent^ qui est Francescas. Supports,
deux femmes ; Técu timbré de la couronne royale de France {Voir
le même Catalogue de r Exposition des Beaux-Arts, p. 43S),
Saint-Bakthélemi de Trillan. — Dans la commune de Francescas,
sur la route de cette petite ville à Condom, à peu près à la limite
des trois communes de Francescas, de Lasserre et de Moncrabeau,
s'élevaient la petite église et le château de Saint-Barthélemi de Tril-
lan. Aujourd'hui Téglise n'est plus consacrée au culte religieux, et
le château a perdu son aspect féodal.
Lorsque toute l'armée d'Agenais sort du pays. d'Agenais, le sei-
gneur de Saint-Barthélemi de Trillan doit, avec messire Bertrand de
Somont, chevalier, fournir un servant d'armes, à raison des biens
possédés,IsoitJdans la ville, soit hors le dex, mais dans la juridiction
. de Francescas. (14 novembre 1286, dominus Bertrandus de Soniont,
miles, recognovit quod illud quod lenet apud Francescas, et in ho-
nore ejusdem loci extradecos, tenet a doniirio Agenesii^ et recognovit
se debere facere, pro prodictis , unum servientem de exercitu cum
domino sancti Barlholomei d'Esirilla/ao, exceplo eo quod tenet a
domino Guillelmo Baymundi de Pinibus nomine dominée Vianœ
fuxoris) quondam, in dicto loco de Francescas. et sacramentum
fidelitatisj (Archiv. hist. du départ, de la Gironde, 1. 1, p. 358).
• Le seigneur de Saint-Barthélemi devait, par conséquent, la moitié
d'un servant d'armes, lorsque Karmée d'Agenais marchait.
Notons pour le moment que dans une commune il y avait trois
limites distinctes : la limite de la ville, du dex, et de la juridiction.
Je reviendrai sur cette question à Tarticle de La Bastide de Viaiine.
Géraud Laura et ses frères reconnaissent, le môme jour 1286, tenir
du roi Edouard, seigneur d'Agenais, tout ce qu'ils possèdent dans la
paroisse de Fraulenx, de Saint-Orens de Cuzac, et de Saint-Barthélemi
de Trillan, à l'exception de certaines pièces de vignes ( in pairochia
de Fraulenx, et saticli Orenlii de Cuzaco, et sancti Barlholomei de
Trilfaîrl. Ils déclarent devoir pour cela au seigneur d'Agenais , un
servant d'armes à pied pour l'armée, lorsque toute Tarmée d'Agenais
marche (Idem, p. 355),
Gailhard du Puey (ou du Puy ou de Pins) et Guiraude de Navas
de Penseros et leur fils B. de Yillère {Giiailhardus de Puetj et Gui-
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— 255 -^
raude de Navas de Penseros et filitis B. deVilera) abandonnent à l'évê-
que d'Agen, la moitié de la dime de la paroisse de Saint -Martin de
Mairen et toutes les dîmes qu'ils ont dans le diocèse. Ils en exceptent
la part qu'ils possèdent dans la paroisse de Saint-Barthélemi de
Trillan {excepta illa pars quam ipsi tenebant in parrochia sancli
Bartholomei de Trillan), à cause d'un certain traité fait entre ledit
évêque d'une part, et lesdits Gailhard et Seros d'autre part [Cartu*
laire d^Agen, Bulle cotée par lettres C. 0.).
Pierre Raymond de La Plagne de Gazaupouy abandonne à Tévâque
d'Âgen, la moitié de la dime de la paroisse de Notre-Dame de La
Plagne, et la dime de la paroisse de Saint-Barthéleini de Francescas
[Idem, Lettres A. C).
Ce même Saint-Barthélemi, ou Saint-Bertboumieu selon la pronon-
ciation gasconne, appartenait à la famille de Bezolles, sous le règne
des derniers Valois.
Noble Jean de Bezolles, seigneur de Saint-Barthélemi (ou Saînt-
Berthoumieu) et dame Suzanne de Patras de Campaigno, son épouse,
marient, dans le château de Saint-Barthélemi, en la commune de
Francescas, leur fille honorée de Bezolles, par acte du 11 mars 1601,
avec Charles de Bazon, seigneur baron de Beaulens, gentilhomme
de la Chambre de 1? reine Marguerite de Valois.
François I de Bazon , né de celte alliance et marié le 9 juillet 1634
à Suzanne de Bonnot de La Tuque, leur flis Charles et leur petit-fils
François II de Bazon, furent tous les trois et successivement barons
de Besrulens et seigneurs de Saint-Barthélemi.
Le 1" décembre 1710, messire François II de Bazon, baron de
de Beaulens, vend le chûteau, basse-cour, chapelle, etc., appelés à
Saint-Barthélemi, avec le patronage, ban et droit de sépulture à la
chapelle Notre-Dame de la Charité, dans l'église de Francescas. L'un
des deux acquéreurs était Jean du Cos, sieur de Saint-Ourens, appelé
lou Croutzé parce qu'il avait été des premiers chcvaliei's de Saint-
Louis créés par Louis XIV, • et ancien brigadier des gardes du corps
du roi, de la compagnie du maréchal, duc de Bouffiers, daq^laquelle
il avait servi trente ans, de 1677 à 1707; l'autre acquéreur était son
frère, Louis du Cos, sieur de Saint-Ourcns et de Lateulère, fils, l'un
et l'autre, de noble Jean-François du Cos, sieur de Bourgade et de
Sainl-Ourens, et petit-fils de Pierre du Cos, sieur de Bourgage,
mentionné comme juge royal de Francescas sous Louis Xllï. Fran-
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— 256 -
çois de Bazon dit dans un acte du 29 janvier 1711, que la maison de
Saint-Barthélemi, par lui vendue aux MM. du Cosponsiste en «pavillon,
girouettes, guérites, créneaux, etc. »
Ce petit château de Saint-Barthélemi, couvert en pavillon et sur-
monté de girouettes, fut, sous le régne de Louis XV, le théâtre -de
deux événements à sensation, comme on dirait de nos jours, mais
heureusement fort rares :
Messire Jean-François du Cos, écuyer, se qualifiant seigneur (Je la
maison noble de Saint-Barthélemi (fils de Louis et neveu du brigadier
des gardes du corps du roi dont je viens de parler), avait épousé, en
1737, Louise-Candide de Cambon, fille de messire Balthazar de Cam-
bon, seigneur d'Arconques, ancien capitaine de Dragons, et de dame
Elizabeth de Vacquier de Limon. Il avait, de ce mariage, quatre filles.
Les deux aînées étaient, une nuit d'orage, couchées dans le même
lit, lorsque la foudre tombe sur Tune des girouettes susmentionnées,
enflamme le lit et frappe lesdeux jeunes personnes.L'aînée avait reçu
au front une profonde blessure afl'ectant la forme d'une croix, bles-
sure extrêmement lente *îi se cicatriser, et qui, pendant un grand
nombre d'années se rouvrait et suintait chaque jour d'orage.
Les mêmes Jean-François du Cos et Louise-Candide de Cambon
avaient aussi quatre fil^, officiers dans les armées du roi, et d'une
vivacité peu commune. L'alné, officier au régiment de Bourbonnais,
avait épousé, le 4 décembre 1767, noble demoiselle Marie de Gtoyon
de La Rivière; le troisième, officier d'artillerie, épousa une demoi-
selle de Gaûn d'Aiguillon. Ces deux officiers, étant à Saint-Barlh*4^emi,
ont un jour une violente discussion, quMls veulent immédiatement
terminer comme s'ils n'étaient pas frères. Pour n'être pas vus et dé-
tourner tout soupçon, ils vont dans la grande salle, s'arment chacun
d'un pistolet, se mettent en garde pour se battre loyalement, comme
il convient à des officiers. À cet instant, Marie de Goyon, la jeune
femme de l'un d'eux, entre éperdue dans la salle transformée en
champ clos; se jetant résolument entre les deux frères momentané-
ment en|^mis,.elle a ses cheveux et son bonnet enflammés parle feu
d'un pistolet. La brusque et courageuse intervention de la jeune
épouse sauva très probablement la vie à l'un des deux frères, peut-
être à l'un et à l'autre.
Cette noble dame, si digne de notre sympathie, a pour arrière*
petit-fils M. Amanieu du Cos de Gelas, résidant à Toulouse et à La
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-267-
Rivière» près Lectourc, et deux officiers, MM. Clairin, propriétaires
actuels de Saint-Barthélemi, dont l'un est M. le Commandant Clai-
rin, ancien capitaine des Cent-Gardes, fils d'un garde du corps de
Louis XYIII et petit-fils d'un ancien officier et de Marie-Paule du Cos
de Saint-Barthélemi.
Sàint-Cirite d'.... ou de....? — La commune de Moncrabeau est
divisée en sept paroisses ayant chacune son église actuellement des*»
servie :
Sainte-Magdeleine de Moncrabeau;
Sainte Radegonde de Marcadis ;
Sâint-Clair d'Artigues;
Saint-Pierre de Pouy-sur-Osse ;
Saint-Roch de Lahitte ;
SaintJeande Gardère;
Et SainIrCirice.
Mais Saint-Cirice d'où? En d'autres termes, quel était le nom de
cette paroisse dont l'église est sous l'invocation de Sàint-Cirice ? Je
l'ignore. Ne seraitKîe pas celle qu'au x* siècle on appelait Saint-Cyrice
d'Âureillan? Il serait intéressant de faire des recherches à cet égard.
En effet, le Gallia Christianaj tome II, p. 955, rapporte, d'après la
vieille histoire de l'église de Condom, que Gombauld, évêque de Gas-
cogne ou d'Agen et de Bazas, et associé, avant l'année 977, à la
dignité de duc de Gascogne par son frère le duc Guillaume Sanche,
fut également abbé du monastère de Condom qui avait été restauré
par Honorette, épouse de Garcie Sanche, dit le Courbé^ duc de Gas-
cogne, et grand'mère paternelle dudit Gombauld. La charte de fonda-
tion ou de restauration du monastère de La Réole-sar-Garonne, en
977 par le même Gombauld, évèque et duc de Gascogne; et la charte
de restauration du couvent de Condom, en 1012 ou 1013, par Hugues,
fils dudit Gombauld, constatent aussi que ce dernier fut abbé de
Condom. ^
Le Gallia Christianaj d'après la même histoire de Condom, ajoute
à la même page 955, que « pour la rémission de son âme, Gombauld
accorda de nombreux bienfaits au monastère Saint-Pierre de Condom,
et entre autres choses lui donna l'église Saint-Jean vulgairement
5
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appelée de Caplisse, avec la forêt et les terres environnantes {inter
quos etiam dédit qtmndam ecclesiam Sante-Johannis cablissa vulgo
vocatam, silvamque et terras quœ circumstanf). » Il ordonne à tous
ceux de son sang de respecter cette donation. La volonté du duc
Gombauld a été religieusement respectée, puisque le 16 novembre
1286, Tabbé de Condom reconnaît tenir d'Edouard P% roi d'Angle-
terre, seigneur d'Agenais, tout ce qu'il possède de biens temporels
dans le lieu de Caplisse {recognovit a dicto domino rege tenere omnia
temporalia quœ habet diettis abbas in locum de Ertv» et de Caplissa)
{Arch. hist. du dép. de la Gironde, tom. I, p. 363); et que le 28 jan-
vier 1617 et le 3 juin 1619, les chanoines de Condom, qui avaient
succédé aux droits des anciens abbés religieux de Tabbaye de Con-
dom vendirent les Hefs de Caplisse près Mézin, à Géraud de Lartigue,
écuyer.^ sieur de La Lanne, premier consul de Mézin en 1618, et
cinquième aïeul paternel de M^ Jean-Auguste de Lartigue, ancien
maire de la même ville de Mézin, chevalier de la Légion d'honneur.
Les mêmes auteurs disent encore, et c'est pour cela que je le rap-
pelle : «Hugues, son fils et son successeur affirmequ'il a donné l'alleu
d'Aureillan, située en basse Gascogne, et décoré du nom de Saint-
Cyrice. Mon père Gombault, ajoute-t-il, offrit dévotement à Dieu et à
Saint-Pierre, ce lieu, avec les terres, vignes et toutes les choses qui
en dépendent {Hugo filiusejus et successor asserit dédisse et alaudem
Aurelianum infra Yasconiam constitutum et nomine Saint-Cyriei
decoratum : hune locum, addit, meus genitor Gumbaldus Deo et
sancto Pelro dévote obtulit cum terris et vineis, atque casalibus,
aquis, aquai*um decursibus, intrandi et exeundi aditibus, et cunctis
ad eumpertinentibus). Et enfin il laissa l'abbaye à son fils Hugues.»
(Gallia Christiana, t. II, p. 955).
Or Caplisse (situé en amont du cours d'eau qui passe au château
de Lisse et pour ce motif, sans doute, appelé Cap Lisse), et l'église
de Saint-Cirico étaient l'un et l'autre du diocèse de Condom, assez
rapprochés de cette tille, et à cinq kilomètres environ de la ville de
Mézin. Je suis porté à penser, jusqu'à meilleure indication, que Saint-
Cirice d'Aureillan donné, comme Saint-Jean de Caplisse, à l'abbaye
Saint-Pi^re de Condom par Gombauld, abbé de ce monastère, est
le Saint-Cirice qui fait partie de la commune de Honcrabeau.
Le Cartulaire d'Agen fait mention de la paroisse de Saint-Cirice.
Noble dame Vianne de Gohtaut-Biron, mariée avec Amanieu d'Albret,
seigneur de Nérac, et qui, dès l'an 1261, avait fondé le couvent des
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Dominicains de Gondom, donne à TEvéquc d'Âgen et à ses succès-
seurs, toutes les dimes des paroisses de Saint-Girice et de Sainte-
Amélie (ou Sainte-Emilie) (Bulle cotée par lettres B. L.).
Gardére et ViALÉRE. — La commune de Moncrabeau est divisée en
deux moitiés à peu près égales par la rivière de Baïse, Van des
affluents de la Garonne. Saint-Cirice, Saint-Jean de Gardère et Sainte
Magdeleine de Moncrabeau sont sur la rive droite et construits sur
le banc de rocher analogue à celui qui domine la ville d'Agen. Les
églises Sainle-Radegonde de Marcadis, Saint-Clair d'Arlîgues et Saint-
Pierre de Pouy-sur-Osse sont situées sur les coteaux qui séparent les
vallées de la Basïe et de rOsse. Enfin Saint-Roch de Lahitte, la seul 3
bâtie dans la plaine, est sur la rive gauche, comme les trois précé-
dentes, mais très rapprochée de la Baïse.
Outre ces sept églises paroissiales conservées, il y avait une pa-
roisse aujourd'hui supprimée, nommée Saint-Sigismont de Bilhère,
Villère ou Vialère, selon Torthographe définitivement adoptée.
L'église Saint-Sigismont de Vialère bâtie également dans la plaine,
sur la rive droite de la Baïse existe, encore et n'est plus consacrée
au culte divin. Une ligne droite allant de Moncrabeau vers le château
de la Serre, passerait sur l'église Saint-Sigismont de Vialère et sur
les ruines de Bapteste.
Macilie et Florette de Botet, et dame Matilie agissant de la volonté
de Bernard desSoliers, son époux, donnent à l'Evéquc d'Agen toute
la dîme de la paroisse Saint-Jean de Gardère près Gondom {totam
deciman ecclesiœ el parrochicç beaii Johannis de Gardera prope
Condomium{Cartulaire d'Âgen, Bulle cotée par lettres B. D.\
Franquet Dansa ou Dausa, laïque, donne au même évêque toute la
part de dimes qu'il a dans les paroisses Sainte Marie d'Artignes et
Saint-Sigismont de V alère, près le château de Moncrabeau {in parro-
chia sancti Sigismundi de Vilera prope castrum de Monte Crapelli.)
{Idem. Idem).
Guillaume Arnaud d'Artigue, damoiseau, donne au môme évêque
tout ce qu'il possède de dime dans la paroisse de Saint-Sigismont de
Vialère {omnes décimas quas habebat vel tenebat in tola décima
parrochie ecclesie sancti Sigismnfidi de Vilera prope Montem Cra-
pelli {Idem^ Bulle cotée par lettres G. Q.).
Guillaume de la Bourgade, prêtre et recteur de l'église paroissiale
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^260 —
de Moncrabeau (Guilhermus de La Bourgadapresbiter rector eccle-
sie.-parrochialis Montis CrapeUi)^ et Pierre de la Bourgade, fils de
Bernard de La Bourgade, de Moncrabeau» donnent à TEvêque
d'Agen, toute la part de dime qu'ils ont sur les paroisses de Gardère
et de Vialère {Idenij Bulle cotée par lettres G. Z.)«
Douce de Villère donne à l'évéque d'Âgen tout ce qu'elle possède
des dîmes de Villère ou Vialère et de Gardère (Dulcia de Villera ees"
8it totam illam partem, jus et rationem quam quod ipsa habebat in
deeimis panvchiarum de Villera et de Gardera.) {Idem^ Bulle cotée
par lettres G. R.)
Pierre de Villère, bourgeois de Moncrabeau, donne spontanément
à révoque d'Agen, toute la douzième partie de dime de la paroisse de
Villère ou Vialère, et le quai*t de la dime de la parqisse de Gardère,
près le château de Moncrabeau [Petrus de Vilera, burgensis de
Monte Caprello,... totam duodecimam parlera décime pan^oehie eo-
clesie de Vilera^ et guarlam partem décime parrochie ecclesie de
Gardera prope castrum Montcm Caprellum.) [Idem^ Bulle cotée par
lettres B. D.)
Moncrabeau. — Le bourg de Moncrabeau est construit sur un ro-
cher, dont la base est baignée par la Baïse. Il fut le chef-lieu d'une
importante seigneurie. Le château qui le terminait au Midi, était
placé immédiatement au-dessus du seul pont en pierre élevé sur la
Baïse entre les villes de Condom et de Nérac. Ce pont, l'église et le
clocher de Marcadis ont été reconstruits sous l'administration intel-
ligente de M. Pierre de La Devèze de Charrin, ancien Maire de
Moncrabeau, chevalier de la Légion d'honneur, décédé en 1874.
La ligne de chemin de fer, ouverte sur la rive gauche de la Baïse,
a une garé dans la plaine, vis-à-vis Moncrabeau, à 8 kilomètres de
Condom et à 12 de Nérac.
N.... de l'Isle-Jourdain est la première dame de Moncrabeau que je
connaisse. Elle était sans doute fllle de Bernard III, baron de l'Isle-
Jourdain, et d'Anglésie de Marestang, et sœur de Jourdain IV, baron
de r^sle-Jourdaîn, qui, de Faydide, dame de Cazaubon, sa première
femme, eut entre autres enfants^ Jourdain V, baron de l'Isle-Jour-
dain, et Indîe de l'Isle-Jourdain, dont j'aurai occasion de parler,
épouse de Bertrand, seigneur de Caumont.
Cette dame de Moncrabeau porta la seigneurie de Moncrabeau
dans une branche de l'illustre maison de Pins, en épousant
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— 261 —
Guillaume-Raymond de Pins, II® du nom, sire de Taillebourg près
Marmànde. On trouve ce Guillaume-Raymond en 1228, 1238, 1239 ;
on le voit figurer parmi les signataires d'un traité de ligue fait à Bor-
deaux, le 28 août 1242, entre Henri, roi d'Angleterre et Raymond Vil,
comte de Toulouse {Rymer, Acl. pub. 1. 1, p. 410) ; et ensuite parmi
les barons, châtelains et chevaliers du diocèse d'Agen, qui écrivirent
au comte de Toulouse, le 7 des Ides d'avril (7 avril) 1243, pour lui
rappeler le serment qu'ils avaient fait au roi de France, de seconder
ce monarque contre les hérétiques, et mêmp contre le comte de
Toulouse, dans le cas où ce prince viendrait à soutenir les ennemis
de la foi {Arch, duroyaume^ série J).
Guillaume Raymond de Pins, 111° du nom, chevalier, fils des précé-
dents, ftit coseigneur de Caumont, puis sire de Taillebourg après la
mort de son père, et du chef de sa mère, seigneur de Moncrabeau,
dé Blazeret près Mézin, de Calviac, etc., coseigneur de Montgaillard,
terres pour lesquelles il .devait deux chevaliers à l'armée du comte
de Toulouse. On le trouve dans des titres des années 1248, 1249,
1264, 1368. Il ne vivait plus en 1273 {de CourcelleSj hist. des Pairs
de France etc., t. VII).
Arnaud de Fraulenx, chevalier, fait le 14 novembre 1286, une re-
connaissance féodale que je tiens à constater, parce qu'elle donne la
traduction gasconne du mot de la basse latinité affarium. Il recon-
naît en effet tenir du roi Edouard P', l'affaîum ou frandat (c'est-à-
dire le lieu franc dat^ donné en franchise) de Salas ou La Salle [affa-
riurn seu frandat vocatum de Salas), situé dans la juridiction du
château de Moncrabeau ; la terre et le bois de Capot dans la paroisse
d'Auvignon (in parrochia d'Aubignon.) Il doit pour cela un servant
d'armes à pied. II en excepte la dime qu'il tient de messire Oddon de
Malvoisin. {Arch. hist. du Départ, de la Gironde, t. I, p. 354.)
Guillaume Raymond de Pins, IV« du nom, fut sire de Taillebourg,
seigneur ou plus tôt coseigneur de Moncrabeau, Mazeret, Gallgnac,
Buzet, etc., de 1273 à 1291. Il avait épousé Séguine de Caumont,
dame de Monheurt (sur la rive gauche de la Garonne, vis-à-vis
Aiguillon), fille d'Anissant de Caumont, chevalier, seigneur de
Monheurt.
' Le 16 novembre 1286, ce même Guillaume Raymond IV de Pins,
qualifié damoiseau, reconnaît tenir, au nom de son épouse, du roi
d'Angleterre, seignear d'Agenais, les châteaux de Verteuil et de
Monheurt, et la moitié du château de Montcassin, et devoir pour
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cela le serment de fldélité, Thommage à chaque mutation de seigneur
d'Agenais, et deux chevaliers ou damoiseaux en armes et à cheval,
quand les autres barons et chevaliers d'Agenais sont convoqués pour
Tarmée d*Âgenais. Il nomme comme dépendances du château de
Montcassin les lieux de Cabidos , de Lorden^ de Berias et de Sainte^
Reste (Arch. hist. du départ, de la Gironde, tome I, p. 309 et370).
Il reconnaît ensuite tenir avec ses partionnaires, c'est-à-dire avec
les autres coseigneurs, le château de Moncrabeau, avec ses juridic-
tion, honneur^ district et dépendances [Item Guillelmus Raymundi
de PinibuSy domicellus, recognovit se tenere cum partimariis suis
a domino Agenesn eastrum Montis Crapelli eumjuridietione, honore ^
districtu et pertinentiis ejusdem). Il cite comme dépendances de ce
château, les châteaux de Fieux, deCalignac, etc., et ce qu'il possédé
à Mézin et à Francescas. Il doit le serment de fidélité, Thommage et
un chevalier ou damoiseau armé et à cheval pour la moitié dudit
château de Moncrabeau; et pour l'autre moitié du château de Mon-
crabeau, de Fieux, de Calignac et ce qu'il possède à Mézin et à
Francescas, il doit la moitié d'un chevalier ou damoiseau, et ses
partionnaires l'autre moitié, toutes les fois que l'armée d'Agenais
sort de son territoire. — Il reconnaît tenir la moitié par indivis du
château de Buzet et tout le château de Nazareth, Clalcia et Burgal
«t devoir pour cela un chevalier ou damoiseau armé et monté. Il
doit, enfin, un servant d'armes à pied pro facto de LaGruère [Idem,
p. 370).
Le même Guillaume RaymondIVfait son testamentle 16 juillet 1291,
en présence d'Oton de Lomagne, de Bertrand de Caumont, chevaliers,
et de Bertrand de L'Isle, damoiseau.
Son quatrième fils Sans Aner de Pins, qualifié noble baron et puis-
sant chevalier, hérita de plusieurs de ses frères et fut sire de Taille-
bourg, seigneur de Moncrabeau, Calignac, Lavardac, etc. Il épousa,
1" vers 1294, Brunissende de Comminges, fille d'Arnaud de Commin-
ges, dit d'Espagne, vicomte de Couserans, comte de Pailhas, et de
Philippe de Foix ; 2° avant 1316, Jeanne dé Pérîgord, dame de La-
vardac, fille puînée d'Archambaud III, comte de Péricord, et de
Marie de Bermond d'Anduse.
Du premier mariage naquit Anissant (Aner Sans) de Pins, qualifié
noble et puissant baron, magnifique et puissant chevalier, sire de
Taillebourg, seigneur de Monheurt, Moncrabeau, Verteuil, Calignac,
Montcassi.t>, Birac, etc, etc. Il fut marié pendant qu'il était jeune
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— 263 —
avec Réginq do Gotti, fille d'Arnaud Gnrcie de Goth, vicomte de Lo«
magne. Il fit son testament au château de Moncrabeau, le 3 à Tissue
d'avril 1380, mourut le 30 novembre 1388, et fut inhumé dans Téglise
des Frères prêcheurs de Condom,
Son fils, Barthélemi, eut de Talésie d'Albret de Rions et de Vay-
res, qu'il avait épousée le 3 mars 1362, une fille posthume nommée
Glaire qui porta tous ses biens dans la. branche d'Albret Verteuil.
Jules DE BOCRROUSSE DEUFFORE
ik continuer)
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L'EXPOSITION DES BEAUX-ARTS, A AGEN.
LES MAITRES ANCIENS.
Dans récole espagnole, nous trouvons jusqu'à cinq œuvres de Mu-
rillo ou attribuées à ce maitre.C'est beaucoup assurément, et si toutes
étaient d'une grande importance, notre exposition serait plus riche
que bien des Musées. Nous nous garderons bien cependant d'en con«
tester Tauthenticité. Huriilo a beaucoup produit, et des œuvres fort
diverses. Notre intention n'est pas non plus de les confondre avec
cette pacotille de peintures, uno partido de ptnturas que, dans sa
première jeunesse, il exécutait pour l'exportation. Hais si elles ont
une valeur supérieure à des peintures purement mercantiles, elles ne
présentent pas non plus un intérêt assez grand pour que nous nous
croyions obligé de les étudier en détail. Nous mentionnerons seule-
ment une Sainte Famille (77) qui, par la beauté de Texécution de
certaines parties, et malgré quelques restaurations, nous rappelle
mieux que toute autre la manière du grand maître de Séville.
Tous ces Murillo exceptés, nous ne trouvons plus qu'un tableau de
fleurs (191) qu'on ne s'attendait guère à rencontrer dans la plus
austère des écoles. L'œuvre est bien espagnole : cependant le fond
noir, la couleur sombre et sans fraîcheur, rachètent ce que le sujet
pourrait avoir de riant» et il n'est pas jusqu'à une tête de mort, posée
sur le vase, comme une sorte de protestation ou d'antithèse, qui ne
nous indique que nous avons devant nous l'œuvre d'un compatriote
de Zurbaran.
La collection de M. George de Honbrison présente un ensemble
extrêmement remarquable de portraits historiques, principalement
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— 265 —
du xvi« siècle, peintures précieuses à bien des titres, les unes, et elles
sont nombreuses, par le mérite de Tart, toutes par l'intérêt qui
- s'attache aux Hgures représentées.* Elles appartiennent en grande
partie, à cette école des Clouet, qui resta simple , naturelle^ bien
qu'un peu archaïque et exacte jusqu'à la minutie et qui se borna
à rétude du portrait, au moment même où les successeurs immé-
diats des grand maîtres de la Renaissance, les Primatice, les Rosso, *
appelés en France par nos rois, couvraient les murs de Fontaine-
bleau de compositions mouvementées.
Un portrait de Philippe le Hardie duc de Bourgogne (6), est anté-
rieur à cette époque, au moins eu égard au personnage représenté ;
mais il est douteux que ce portrait, d'ailleurs plein de caractère, soit
contemporain de son modèle, car il nous parait peint h Thuile, et ce
nouveau procédé de peinture ne dût être inventé par le flamand,
Jean van Eyck (1386-1440), que quelques années après la mort de
Philippe le Hardi. (1404.)
Deux poTlTzWs de Louis d'Esté (12 elHippolyte d'£8/é (26), se dis-
tinguent de récole des Clouet, par un faire plus large, et pourraient
être l'œuvre de quelqu'un de leurs compatriotes. ..
Enfin nous entrons en plein dans cette école, avec le portrait de
François II, Dauphin (10), car il est du plus célèbre des peintres de
cette famille, qui compta jusqu*à quatre peintres du même nom, —
de Jean Clouet — que Ton désigne communément f)ar le diminutif
de Jeannet. Gne répétition du même tableau, dans les mêmes dimen-
sions, se voit au Musée d'Anvers.
En suivant approximativement l'ordre chronologique, nous trou-
vons ensuite uû excellent portrait en pied de Henri II (4), d'un tra-
vail très précieux, et celui, plus remarquable encore de sa célèbre
maîtresse, Diane de Poitiers (36).^ C'est un petit bijou, d'une conser-
' En entrant dans l'Exposition dos Beaux-Arts, on trouve, k gauche, dans
la salle des objets d'art et de curiosité, une vitrine spéciale (vitrine A),
renfermant la suite des portraits historiques qui proviennent de la collection
de M. George de Monbrison. Nous renvoyons au Catalogue pour Ténuméra-
tion complète de ces ouvrages, mais nous signalons en note ceux ^i nous
paraiflisent les plus curieux.
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valioti admirable et d'une finesse exquise ; mais, d'où vient que le
catalogue l'attribue à Titalien Lucca Penni, lorsiu*il ressemble en
tous points, comme couleur, comme arrangement, comme facturé et
surtout comme conservation, aux meilleures œuvres de nos portrai-
tistes du XVI* siècle.* Toujours est-il que celte petite miniature est
bien le portrait de Diane de Poitiers, car elle rappelle parfaitement
' les traits que Jean Goujon a idéalisés dans la célèbre Diane C/ias*
seresse du château d'Anet.
Voici maintenant les principaux combattants des guerres de reli-
gion, et ici, malgré notre goût pour cette peinture naïve, simple, fine,
naturelle et vraie des Clouet, nous sommes obligés de reconnaître
qu'elle est quelquefois impuissante à nous donner l'idée des passions
terribles qui, bouleversèrent les âmes et ensanglantèrent la France
pendant un demi-siècle. Voici, dans le parti calviniste, Henri II de
Bourbon, prince de Condé (7), qui fut assassiné après la bataille de
Jarnac. Voici Gaspard de Chatillon, amiral de Coliçny (9), qui suc-
céda au prince de Condé comme chef du parti réforiné, et fut la
plus célèbre victime du massacre de la Saint-Barthélémy. Dans le
camp opposé, c'est le connétable Anne de Montmorency (20), qui
périt frappé d'une balle protestante à la bataille de Saint Denis (i567)
* Il ne faut pas oublier, en effet, que le premier en date des Clouet, le
père de Jeannet, était venu de Bruxelles, et avait apporté avec lui les pro-
cédés et les traditions des frères van Eyck, qui furent les inventeurs de la
peinture à l'huile. Or, les peintures des van Eyck, et celles des artistes qui
apprirent directement leurs procédés, par exemple Hemling de Bruges, et An-
tonello de Messine, Timportateurde la peinture à l'huile en Italie, se distinguent
toutes par une conservation étonnante, qui fait supposer Texistence de pra-
tiques qui bientôt tombèrent en désuétude, si Ton en juge d'après l'état des
peintures plus récentes. A l'époque où Lucca Penni vint en France; cespro^
cédés étaient depuis longtemps perdus pour les Italiens, tandis que les Clouet
les pratiquaient certainement encore. Ce Lucca Penni était le frère d'un des
meilleurs élèves de Raphaël, Francesco Penni, dit il Faltore. Il vint en
France en 1531 avec le Rosso, qui y était mandé par François W, et colla-
bora aux peintures de Fontainebleau ; en sorte, qu'il ne serait pas matériel,
lement imposible qu'il eût peint, à cette époque, le portrait de Diane de
Poitiers ; mais l'examen de la peinture, rend improbable une telle attribution.
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- 267 —
et plus loin Henri de Guise (16), Tinspirateur du massacre de la Saint-
Barthélémy, et du meurtre de Coligny. On le reconnaît à la blessure
qu'il reçut à la bataille de Dorinans, blessure dont on voit la trace
sur la joue gauche, et d'où lui vint son surnom de Balafré. De
celui-là aussi on connaît la mort tragique au château d'Âmboise, car
il était rare de mourir de mort naturelle, dans ce siècle, où l'ambi-
tion politique était surexcitée par la plus forte passion qui puisse
dominer Tàme humaine, le fanatisme religieux.
Citons enfin quelques portraits de la famille ou de Tentourage
d'Henri IV.
Henri d'Albret II, roi de Navarre (14), père de Jeanne d'Albret,
très bonne peinture, d'une facture plus large que celle de l'école des
Clouet.
Antoine de Bourbon, roi de Navarre (25), père de Henri IV, mor-
ceau plus moderne aussi comme touche, mais non encore comme
arrangement.
MargueiHte de France (24), l'épouse peu fidèle et peu aimée
d'Henri IV. C'est un portrait médiocre , mais la physionomie biea
individuelle, en garantit la ressemblance.
Gabrielle d^Estrées, duchesse de Beaufort (22), peinture bien éco-
lière malheureusement, et qui ne nous permet pas d'apprécier suffi-
samment la beauté de l'aimable maîtresse d'Henri IV.*
Enfin un portrait A'HenrilV lui-même (21), répétition malheureu-
sement un peu altérée du portrait de Perbus que l'on voit et que
l'on admire au Louvre.
De l'époque de Louis XIII, nous trouvons un portrait de
* Dans la vitrine A un portrait d'Henriette de Balzac d'EtUray gués, marquiêe
de YemeuiX (9), qui devint la maîtresse d*Henri IV, après la mort de Gabrielle
(22). De la même époque, un autre portrait de Jeanne d'Aibret (14), celui de
Cfuo'les H, maréchal de Brissac (11), qui était gouverneur de Paris en 1504 et
remit cette place & Henri IV. Un portrait d'Ambroise Paré^ unique, paratt-il,
et d'après lequel ont été faites toutes les gravures qui reproduisent. leb traits
de Tillustre chirurgien. Un portrait d'Alphonse d'Omano (5), qui fut gouver-
neur de la Guyenne en 1599.
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iJ^
Cinq Mars (59),* de grandeur naturelle celte fois, et d'une facture
graGse et large, double circonstance qui nous rejette bien loin de
l'école des Clouet. Puis, sur la limite des deux règnes, un portrait
à*knne d'Àutriclie (15), par Philippe de Champagne, morceau d'une
perfection achevée, où le fini précieux des Cloûet s'allie h une ex-
quise souplesse de modelé. C'est une des meilleures œuvres du maî-
tre, et le meilleur peut-être de la nombreuse sérié de portraits français
que nous examinons.
Notons aussi en passant une bonne copie, d'après le même maître,
du portrait de Fun des Atmaud (96), fondateurs de Vasile de Port"
Royal; dont Philippe de Champagne fut le peintre habituel.
Enfin mentionnons aussi, quoique par la date il appartienne au
règne suivant, un trè& bon portrait que certaines personnes attri-
buent au même peintre,^ celui de Jean de Ratier (89), consul d'Âgen,
en 1653.
Un portrait de 3faî&flrtn (18), ouvrage médiocre malheureusement,
et qui n'^ qu'un intérêt historique, nous ouvre le règne de Louis XIV.
Mais nous pouvons nous dédommager avantageusement devant celui
de l'une des nièces de ce cardinal, la belle Olympe de Mancini (56),
que Louis XIV aima de cœur dans sa première jeunesse, et qu'il
abandonna bientôt par raison politique, — comme Titus avait aban-
donné Bérénice, — lorsque le traité des Pyrénées eut préparé son
mariage avec l'infante d*Espagne, et que sa majorité l'appela h de
plus graves soucis. La peinture est merveilleuse cette fois, d'une
couleur chaude et un peu bistrée ; la figure, d'une superbe beauté
italienne, vibrante de vie, exubérante de sève, aux yeux noirs et
pleins de flammes, aux narines étroites et mobiles, h la bouche sen«
' Dans la vitrine A, un portrait de Marion Détonne, qui fut la maîtresse
de ce môme Cinq Mars et de bien d'autres. C'est la seule peinture qui noua
ait conservé les traits de cette célèbre courtisane.
* Il nous est impossible, pour notre part, de souscrire à une semblable
attribution. La facture de ce portrait, malgré quelques repeints qui ne sont
pas toujours très adroits, nous rappelle à s'y méprendre celle de Ferdinand
Bol. Mais ce n'est là, sans doute, qu'une simple coïncidence, car ce hol-
landais ne quitta probablement jamais sa patrie,
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suelle et qui semble encore toute frémissante, comme lorsqu'elle
laissa tomber aux pieds du roi cet appel suprême : « Vous m'aimez,
vous pleurez, et je pars, et vous êtes le maitre.* »
Un portrait peint par Lebrun nous montre le roi lui-même, monté
sur un lourd cheval, superbe, emphatique, et ayant sans doute oublié
complètement ses jeunes amours. Au reste, le grand siècle ne parait
pas avoir été celui des passions inconsolables, et la vie toute d'intri-
gues de sa belle délaissée (à part même rinjonclion assez caractérisa
tique, « et vous êtes le maitre ») pourrait nous faire croire que dans
les lamentations d'Olympe Mancini, il y avait, au moins, autant d'am-
bition que d'amour.
Mais en dehors de ramour,il y a la galanterie,— style du temps,—
et ici encore, nous trouvons quelques charmants portraits de femme,
car, nous sommes obligé de le faire remarquer en passant, l'expo-
sition d'Agen est singulièrement riche en effigies des maitresses
royales. Voici, en suivant l'ordre des faveurs du monarque, la sym-
pathique figure de Mademoiselle de La Yallière^ et plus loin, la
flère Madame de Mantespan^^ petites miniatures à l'huile, peintes
sur ivoire, véritables bijoux de grâce et de finesse.
Il nous reste à mentionner encore quelques œuvres du xvii« siècle.
Le portrait d^une dame de la Cour de Loui$ XIV, peinture digne
deRigaud(54).
Celui de Toussaint de Forbitii cardinal de Janson (28).
Une série de quatre magnifiques tableaux de Lebrun (218 à 221),
• Da la même époque de la Fronde, dans la vitrine A, un bien curieux
portrait de Tintrépide et factieuse Madame de Longueville,en costume de Bel-
lone (7', affublée d'un immense chapeau h plumes, armée d'un bouclier et
d'une Qèche. Un autre, tout souriant (21) de la non inoinB guerrière duchesse
de Mùntpensier, fille de Gaston d'Orléans, qui fit tirer le canon de La Bastille
sur les troupes royales, et que Ton désigne généralement sous le seul nom
de Mademoiselle.
* Dans la vitrine A, un autre portrait plus remarquable encore de Madame
de Montespan, nous la montre sous un aspect plus séduisant, gracieux,
alerte, revêtue de draperies flottantes, et nous fait mieux comprendre l'em-
pire qu'elle exerço sur Louis XIV.
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^270 -»
OÙ se révèle bien mieux que dans ses grandes machines, le réel ta*
lent du compositeur, du peintre officiel de Louis XIY.
Un camp fOUS Louis XIY^ par Bourguignon, peinture médiocre,
mais qui n'est pas complètement dépourvue d'intérêt (191).
Une très bonne toile de l'Ecole du Poussin, Jacoh che% Laban (86).
Quelques portraits de personnages inconnus, par Largiilière et
Rigaud, peuvent nous servir de transition enlre le siècle de Louis XIV
et le xvm® siècle, car ces habiles portraitistes appartiennent aux deux
époques, mais leur manière est tout entière du siècle précédent, et
ils moururent juste au moment où un nouveau style allait définiti-
vement triompher dans les arts, par l'avènement de celle qui lui a
donné son nom. M"' de Pompadour. Aux portraits nobles d'allures
et même un peu emphatiques de Largiilière et de Rigaud, succèdent
les portraits aimables de Nattier. Celui de Marie Joséphe deSaxe (57),
et surtout un charmant portrait ovale (51), d'une harmonie fanée et
comme attiédie dans les draperies et les accessoires, d'où émerge
une mignonne petite tète toute poudrée et enluminée, nous donnent
la mesure du goût nouveau qui va régner dans la mode et dans
les arts.
Mais voici, toujours de Nattier, deux très beaux pontraits de
Madame de Pompadour elle-même (52 et 53). Elle est représentée
assise devant sa table de travail et vêtue d'un de ces négligés char-
mants qui portent son nom.
Dans l'un des portraits, elle est occupée h graver, et dans l'autre,
elle tient une partition ; car on sait que la célèbre marquise cultiva
la gravure et la musique. Ces goûts élevés disposent- à l'indulgence
en faveur de cette pécheresse ; on lui pardonne quelque chose de ses
prodigalités ruineuses, parce qu'elle a beaucoup aimé et protégé les
lettres et les arts.
Nous ne pouvons en dire autant de Madame Dubarry^ qui lui
sucééda dans les faveurs du roi devenu vieux.Son portrait (58), par
Drouais le père, nous montre la dernière étape de l'art français dans
la recherche obstinée de la grâce. Pour le peintre de M"« Dubarry,
assurément, la nature est mal faite; elle a des colorations trop crues,
trop criardes, trop intenses, des oppositions d'ombre et de lumière
trop vigoureuses. Il est de l'école de Boucher qui disait à Fragonard :
je trouve la nature beaucoup trop verte,— et Fragonard lui répondait :
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— 27f -
je suis de votre avis, la nature est mal éclairée et marque d'harmo.
nie.— Aussi, comme toutes les teintes sont affaiblies, affadies, si Ton
veut ! Si Ton examine le tableau au seul point de vue de la couleur,
il en résulte une harmonie générale très claire, composée de bleus
pâles, de roses tendres, de gris très doux.
Et que dire 'de la composition? Un intérieur, même le plus orné,
était sans doute trop banal pour servir de cadre à un aussi charmant
• modèle : aussi le peintre a-t-i) représenté M"« Du Barry emportée
dans l'azur,— un azur poli, mitigé, cela s'entend,— appuyée sur des
nuages qui servent de lit ù une jonchée de roses. Tout cela est, sans
aucun doute, un peu fade et bien conventionnel ; cependant si nous
avions à formuler un jugement, nous dirions de cette œuvre singu-
lière, qu'elle procède d'un art secondaire et de décadence, comme
la société dont elle est limage, mais qu'elle n'est pas sans valeur,
l'art n'étant et ne pouvant être qu'une interprétation plus ou moins
conventionnelle de la nature. Son effet inéluctable est donc de mani-
fester, soit les sentiments intimes d'un individu, ce qui est peu, soit
les sentiments généraux d'une classe d'hommes ou d'une époque.
Or, ce portrait de M"« Dubarry ne remplit-il pas toutes ces condi-
tions? Détachez-le par la pensée de ce mur d'une salle trop austère;
isolez-le des tableaux environnants, surtout de ce. portrait d'Olympe
Mancini placé tout au-dessus , portrait aux teintes chaudes, bitu-
mineuses et sanguines, qui projette sur lui, — en vertu d'un phéno-*
mène d'optique dont le chimiste Chevreul a expliqué les lois, — une
coloration vert bleuâtre, qui en exagère encore le caractère ftide et
conventionnel. Transportez-le dans un^e ces salons ou boudoirs du
xvHi» siècle, où le goût décoratif, créant les formes les plus tourmen-
tées et les plus bizarres, et les appliquant sur des fonds claii's à
l'excès, a mérité qu'on l'appelât du nom vulgaire que l'on sait,-- au
milieu de ce monde, héritier des mœurs de la régence, qui, trouvant,
comme Pragonard, que la nature manque d'harmonie, se maquille
en (Conscience et se poudre,— et dites-nous si ce portrait, comme les
trumeaux de Boucher, n'est pas dans une harmonie parfaite avec
son entourage, et si tout autre, d'une facture plus vraie, ne forme-
rait pas un disparate choquant, l'effet d'une tache noire sur une
tenture de satin rosé.
Toutefois, lorsque la société et l'art qui en est l'expression, sont
arrivés h ce point extrême, il se produit une réaction inévitable et
fiitalement excessive. C'est précisément ce qui arriva ; on vît le style
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-272 -
Pompadour céder le pas au style sec et dur de TEmpire, et Técole
de Boucher, le peintre des Grâces, à l'école mâle et forte, mais un
peu roide,de son neveu le conventionnel David, dont Drouais,— le fils
même de Fauteur du portrait que nous examinons,— devait être un
des meileurs disciples.Cette réaction fut moins bénigne dans le monde
politique, puisqu'elle eut pour moindre effet de faire monter sur la
charrette révolutionnaire la déesse de notre portrait, et de séparer,
sur réchafaud, cette tête du corps frêle et délicat qui n'avait même .
pas eu la force de Ty porter dignement.
Hais n'anticipons pas sur les dates, car le xvnr siècle nous apporte
encore plusieurs œuvres importantes ou curieuses :
Un triomphe (TAmphytrite (55), très belle composition qui remonte
peut-être à la fin du xvu« siècle ;
Deux riatures martes d'Oudry (64 et 65);
Deux tableautins de Le Prince, très jolis, très frais et pleins d'es-
prit (174 et 175);
Deux importantes gouaches de Van Blarenberg (60 et 61), repré-
sentant le château de Veret%, enTouraine, bâti par Jean de la Barre,
comte d'Etampes, possédé successivement par l'abbé de Rancéetle
duc d'Aiguillon, aujourd'hui détruit. Ces vues sont prises en 1771, à
• l'époque où le duc d'Aiguillon était propriétaire du château. Elles
sont d'un fini précieux, pleines d'air et de lumière, et toutes rem-
plies de petits personnages que l'on peut étudier à la loupe et qui
forment, dans le tableau, une foule d'épisodes intéressants, comme
dans les marines de Joseph Vernet. Ce Van Blarenberg n'est guère
coniiu des artistes, mais les collectionneurs lui doivent des camées
et des dessus de tabatière. Ces deux gouaches sont donc une insigne
rareté dans son œuvre, et cette circonstance, jointe au mérite artis-
tique et à l'intérêt qui s'attache à l'étude des mœurs et des cou-
tumes, les rendent d'un prix inestimable.
Un charmant petit minois de jeune fille^ par Greuze (200), bizar-
rement encadré dans un panneau ;
Deux médaillons de Fragronard ou de quelqu'un de ses contempo-
rains (62 à 63);
Enfin, trois- curieux pastels d'un certain Volère (67, 68 et 69), qui
passe pour avoir été élè'-e de Joseph Vernet. C'est l'apogée du genre
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trumeau : les arbres y sont d'un bleu tellement décidé que Boucher
lui-même aurait été plus que satisfait.
Il n*est pas étonnant que la réaction ait commencé immédiatement
après, et aussi optimiste et éclectique que l'on soit, il faut bien re-
connaître qu'il n'était que temps. Nous avons deux dessins à la
plume, de David, le chef de la nouvelle école, et deux autres plus
importants au lavis, datés de l'année mémorable 1793. Ils sont d'un
certain Potain, qui ne paraît pas avoir été élève de David, mais qui
travailla sous les mêmes influences. Les Romains de la République et
de l'Empire remplaçaient définitivement les gracieuses berg:ères de
Boucher et de Lancret.Cela dura jusqu'à ce que cette école, tombant
elle même dans le ponsif, fut remplacée par l'école romantique.
Celle-ci eut, entre autres gloires, celle de faire intervenir dans l'art
un élément nouveau, qui n'y avait paru jusqu'alors que par intervalle
et accidentellement, le pittoresque. Nous en avons un petit exemple
dans une figure de mendiantej aux deux crayons (70), par Decamps,
celui des maîtres de cette école qui la personnifia le mieux à ce point
de vue, et qui fût un peu notre compatriote vers la fin de sa vie.
Un paysage de Brascassat est tout \\ fait en dehors de la nouvelle
école. Il la précède d'ailleurs par la date (1824). C'est une œuvre de
la jeunesse du maitre, qui ne devait pas encore avoir atteint sa ving-
tième année. L'influence de l'école Hollandaise y est visible. C'est en
outre la continuation de l'école classique de Yalenciennes, avec plus
de naturel toutefois, La touche est délicate, fine, adroite et coquette,
le dessin des arbres plein d'élégance, la couleur très nuancée, mais
bornée aux gammes grisâtres qui avaient suffi d'ailleurs à tous les
maîtres précédents ; aussi, ce paysage est-il curieux surtout parce
qu'il est le dernier, au moins à notre connaissance , des paysages
de l'ancienne école. Il serait intéressant , mais trop long de faire
sentir toutes les différences qui séparent cette école de la nouvelle ;
cependant il suffira d'examiner quelques-uns des meilleurs paysages
modernes qui sont sous nos yeux, pour s'apercevoir que celle-ci est
entrée dans un commerce plus intime avec les aspects infinis de la
nature, qu'elle a eu à sa disposition une palette beaucoup plus riche,
particulièrement pour l'étude si variée, mais si difficile des nuances
diverses de la végétation, qu'enfin sa manière de peindre a été plus
ample, plus large, mais souvent aussi, lâchée et outrepassée.
Nous n'aurons garde de terminer cette revue des tableaux anciens
sans mentionner encore l'ouvrage d'un de nos peintres contempo-
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-Mi-
rains les plus discutés, pour qui la postérité vient de commencer à
peine. Nous voulons parler d'un petit portrait du socialiste Charles
Fourierj par Gustave Courbet (460). Il se dégage une impression sin-
gulièrement forte de la contemplation de celte figure pâle d'utopiste,
au cerveau exubérant, aux yeux profonds et cerclés, à la bouche
triste et comme navrée en présence de l'idéal irréalisable. Et l'exé-
cution est à l'avenant, sombre, empâtée, rugueuse, fatiguée, tour-
mentée à l'accès (jusque dans le subjectile !) et, — cela n'est pas
douteux , — volontairement salie.
Certes nous voilà bien loin des peintres charmants des. Pompadour
et des Du Barry. Et cependant, nous dirons ici comme précédem-
ment : l'art est encore là tout entier, puisqu'il a réalisé dans la me-
sure de ses moyens, non seulement la physionomie morale d'un indi-
vidu, mais une phase, ou, si l'on veut, une maladie de l'esprit
humain à une certaine époque, Y humanitarisme oixYhumanitairerie,
comme dit Musset.
Léopold PHILIPPES.
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SONNRTS-
UENFANT DU RHIN.
Ils étaient au hameau... mais qui ne les connaît?
Où ne les a conduits leur course vagaboude ?
Sac au dos, barbe jaune, œil bleu, casquette ronde,
Deux jouaient de la flûte et l'autre du cornet.
Virtuoses errants que le hasard menait
Aux quatre vents du ciel, ils allaient par le monde...
Un enfant les suivait, doux regard, tôte blonde;
Il s'approcha de nous en tendant son bonnet.
« S'il vous plait I » — Le quêteur*de Thumble caravane
Parlait avec l'accent de la terre rhénane...
— • Ce sont des Allemands, » lit un de nous, tout bas.
L'enfant qui l'entendit s'arrêta de colère,
Et, levant ses grands yeux, nous dit d'une voix claire :
— « Oui, d'Alsace, c'est vrai! d'Allemagne, non pasi »
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-276-
LE VIEUX BERGER.
Le doux soleil d'Avril, derrière un rideau noir
De bois lointains s*abaisse et vient de disparaître.
Le berger, tout songeur, s'adosse au tronc du hêtre
Caresse-t-il ainsi quelque rêve d'espoir ?
C'est l'heure de partir. Aux approches du soir,
En bêlant, son troupeau s'est groupé, las de paître.
Son chien jappe à ses pieds, étonné que le maître
S'attarde, sans l'entendre et sans l'apercevoir.
A quoi donc penses-tu quand l'étoile s'allume?. .
C'est que ta vois là-bas deux filles dont la brume
Te cache vainement le profil incertain;
Elles suivent la sente où court la tiède brise
Et l'éclat printanier de leur rire argentin,
Détonne dans ton ccèur, ô pauvre barbe grise !
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-277 -
NEIGE AU CIMETIERE.
•
Il a neigé. — La pluie et le spleen étouffant
Hier tombaient sur nous de la nue embrumée,
Tandis que nous suivions ta trace inanimée,
Toi que la mort prit jeune et déjà triomphant.
On dirait qu'attentive à soigner son enfant
Dont son sein a regu la dépouille inhumée.
Xa nature, par toi, pauvre ami, tant aimée
D'un voile virginal te couvre et te défend.
Quel calme au champ des morts I... A peine dans la branche
Que le givre surcharge et qui vers moi se penche,
Un souffle vague passe et murmure tout bas.
Est-ce le vent d'hiver enchaîné qui soupire ?
Est-ce ton âme libre, ami, qui vient me dire ;
— « Comme il dort bien ici ! Ne le réveille pas ! » —
Achille HiLMEN.
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BIBLIOGIIAPIIIE ET iKOMQUE IIÉ6i\ÂLE8.:
Nous avons déjà signalé aux amateurs de pièces rares et curieuses
la publication que notre collaborateur M. Tamizey de Larroque a ré-
cemment inaugurée sous le titre de Plaquettes Gontaudaises. I^es
deux premières de ces plaquettes étaient, on s'en souvent, la Vie
d'Eustorg de Beaulieu par Guillaume Colletet et quelques lettres
inédites (Tlsaac de la Peyrère, le tout enrichi de notices, de notes
et d'appendices du plus piquant intérêt; deux nouvelles ont paru de-
puis, dont nous voulons dire un mot à nos lecteurs. Elles n'offrent
pas moins dlntérêt que les précédentes et se présentent dans les
mêmes conditions d'érudition spéciale, de correction et d*élégance.
La première, qui est la troisième dans l'ordre de publication, est
intitulée : Histoire du massacre des Turcs à Marseille en 46Wy et a
pour auteur un autre de nos compatriotes, M. Henri Delmas de
Grammont, déjà connu dans le monde littéraire par la savante édi-
tion qu'il a donnée de la Relation de l'Expédition de Charles-Quint
contre Alger, par Nicolas Durand de Villegaignon (un vol. in-8» sur
papier vergé, Paris, Aubry, 1874). Disons en passant que Fauteur, qui
a l'honneur de présider la Société historique algérienne, consacre
tous ses instants à la préparation d'une collection que réclamait dès
longtemps le patriotisme national, celle de Documents inédits pour
servir à rHis'oire de r Afrique française.
On sait quel accroissement la piraterie avait pris sur le bassin de
la Méditerranée, au commencement du x\iv siècle. Les théâtres et les
romans de l'époque en tiraient leurs Actions les plus intéressantes
ou l'ordinaire dénouement de leurs intrigues plus ou moins bien
ourdies.
Encouragés par des gains fabuleux, par l'effroi qu'ils inspiraient,
surtout par l'impunité, les corsaires avaient fini par rendre impos-
sible à nos vaisseaux la fréquentation des ports du Levant. C'était la
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— 279 -
ruine du commerce et des villes du littoral. Marseille, qui était la
plus touchée, fit bien armer quelques galères pour donner la chasse
aux forbans, mais que valait ce faible effort contre un ennemi tou-
jours prêt, prêt à tout et qui s'appelait légion? La paix cependant
semblait prochaine quand un effroyable incident vint ranimer la
guerre mal éteinte. Un pirate des plus redoutés, rencontrant, au
voisinage des côtes de France, un navire richement chargé qui
rentrait d'Alexandrette k Marseille, Tamarina par surprise , sans
combat, et fit massacrer l'équipage. Deux matelots, presque deux
enfants, échappèrent seuls à la boucherie ot , tant bien que mal,
abordèrent à Marseille , où leur récit mit les tètes en feu.
Il y avait alors dans cette ville des ambassadeurs que le Divan avait
envoyés au Roi de France et qui se préparaient à reprendre la mer
pour regagner Algrer, d'où ils étaient. Il y avait aussi quelques Levan-
tins qu'une tempête avait jetés sur la côte et qui allaient repartir. Ce
furent autant de victimes désignées aux vengeances populaires. La
foulé se rua sur eux et, à travers flammes et barricades, — on avait
mis le feu à l'hôtel où ils logeaient, — l3S égorgea impitoyablement.
On en sauva douze sur soixante : c'est tout ce que purent les efforts
des consuls et des viguiers accourus au premier bruit. Le châtiment
ne se fit pas attendre. Le Parlement d'Aix, saisi de l'affaire, rendit, à
la date du 22 mai 1630, un arrêt qui condamnait à mort quatorze des
coupables. Quelques-uns curent dix ans de galères, d'autres subliment
des châtiments corporels» Encore faillit-il y avoir des représailles-
Une insurrection éclata à Alger, le 8 août. Le Consul et les résidents
français, lout-à-coup arrêtés dans leurs maisons, furent traînés au
Divan, où il ne tint h rien qu'on les brûlàt.O'est grand miracle qu'ils
se soient sauvés; car la populace était affolée et les Rëîs juraient de
massacrer tous les chrétiens qu'ils rencontreraient, ce qui était évi-
demment plus simple et plus expéditif que de faire des prisonniers.
Il ne leur arriva que trop d'accomplir ce serment sauvage, et,
comme dit M. II. de Grammont, d'ajouter à leurs déprédations ordi-
naires des cruautés inouïes jusqucs-là. Mais le succès de plusieurs
croisières faites par ordre de Louis XIII calma peu à peu cette effer-
vescence. Il était temps. En moins de six mois les pirates avaient
amené h Alger pour plus de huit cent mille écus de marchandises
françaises. Qu'on juge par là de ce qu'ils avaient enfoui dans les au-
tres ports des Etats Barbaresques !
La relation que M. de Grammont vient de rééditer était devenue
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- 280 -
excessivement rare, et elle était si peu connue, qu'aucun écrivain,
parait-il, ne Taicitée ; c'était un motif pour la reproduire. Il y en a
un autre plus sérieux qui a décidé la publication, c'est qu'elle touche
à des points d*un haut intérêt pour Thistoire de la ville de Marseille
et de la Régence d'Alger. Tout ce qui, de près ou de loin, se rapporte
à notre belle et riche colonie, — une France d'outre mer qui affleure
l'autre — ne saurait, sans faute grave, être négligé.
Remercions M. de Grammont pour Theureuse idée qu'il a eue et
l'application qu'il a mise à rééditer une plaquette qui parut à Lyon,
chez Claude Armand, dit Alphonse, en 1590, et dont le sous-titre
porte cette indication piquante : Avec les présages de la ruine de
VEmpire des Turcs. — Malade depuis bientôt trois cents ans , et
moins bien portant que jamais, Petit bonhomme vit encoi^e.
Ma%arinades inconnues, tel est le titre de la quatrième des Pla-
quettes Goutaudaises. Elle comprend sept pièces, dont cinq en vers,
et une liste de quatre-vingt-sept encore inédites, appartenant à la
bibliothèque du Grand Séminaire de Bordeaux. Des notes précises
portant sur des noms, sur des faits , sur des mots peu connus, sui-
vent constamment le lecteur, lui évitant d'ennuyeuses recherches. 11
y en a sur nombre de personnages qui intéressent particulièrement
i'AgenaiS; sur les Lusignan, les Bezolles, les Théobon, les Laugnac
et les Béchon de Caussade ; il y en a aussi sur la fameuse Nanon^
moins connue sous son nom patronymique, — celui d'une très hono-
rable famille de magistrats, — qu'elle a sali devant l'Histoire.
Le d*Epernon qui fit d'Anne de Maures la courtisane que l'on sait
et l'objet, non seulement du mépris, mais de la haine des Agenais, a
inspiré la plupart des pièces auxquelles ces notes se rapportent : La
Querelle de la ville de Dourdeaux avec M. le Duc d'Espemon (sic) ;
Le Songe du duc d'EspernoUy estant à Cadillac après sa sortie de
Bourdeaux ; V Histoire poétique des Exploits admirables du Duc
Bernard Despernony avec F arrivée de Madame la Princesse en
Guienne; U Amour des Bourdelois envers Messieurs les Princes;
Oraison funèbre sur la mort du Duc d'Espemon, Aucune de ces
pièces n'est remarquable et, s'il faut dire toute la vérité, la plupart
foisonnent en vers faux et sont d'une extrême platitude. Ce sont
œuvres de rimailleurs faméliques, de pauvres diables illétrés à qui
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— Ï81 -
rimpopularité juste ou non de Mazarin offrait à propos l'occasion de
gagner quelques gros sous. Etait-ce donc, pourra-t-on se demander,
la peine de les reproduire^ Mon Dieu, il en est de ces broutilles, de
ces misérables canards, comme des débris de toute sorte, pots fêlés,
bouteilles cassées, petits ustensiles usés, qu'on jette au rebut et qui
s'accumulent. Quand les siècles ont passé dessus et que le hazard
les remet au jour, ces choses sans nom qu'on rejetait, tout-à-coup
transformées en objets d'art, deviennent autant de matériaux pour
l'histoire. C'est la ressource des Musées.
Une des pièces du Recueil mérite, à un autre titre, d'être signalée ;
c'est la quatrième. Voilà ce qu'on appelle un pamphlet bien troussé I
L'invention est ingénieuse, le style gai, vif, plus coloré parfois qu'il
ne faudrait, mais faisant d'autrefois songer à Rabelais et aux illustra-
tions de Doré pour les Contes drolatiques de Balzac. Nous sommes
en avril 1651. Mazarin, proscrit de nouveau, se dirige vers l'Italie,
son canapsa ou sac de cuir à l'épaule, ainsi qu'un goujat ou un
fraler. Arrive un singulier personnage ; il a « le visage en pleine
lune, le nez en troigne, les yeux bordés d'escarlate, les joues entre-
lardées d'ortolans, le chapeau à deux doigts de graisse et son bissac
farcy de croustes de pâté et cuisses de chapon. > Un dialogue
s'engage entre eux, où chacun cherche à tromper l'autre. Ils finis-
sent pourtant, comme bons compagnons, par s'avouer leur fait.
Carnaval (c'est le camarade gras) file vers l'Angleterre; il a eu
maille à partir avec les marchandes de morue, parce qu'il empê-
chait la vente de leurs denrées et on l'a mis en interdit ; il espère
que le Parlement anglais l'en relèvera en dernier ressort.
Le calotier (c'est Mazarin, on dit calotin aujourd'hui), après avoir
d'abord prétendu qu'il allait s'approvisionner de beurre pour fri-
casser le poisson que d'Epernon avait péché dans les troubles de
Guyenne, renonce à toute diplomatie et, au risque de passer pour
un poltron : — les tripières de Paris , dit-il , m'ont traité comme
un maltôtier et MM. du Sénat m'ont tant lâché de coups de Fronde
qu'ils ont rempli mon sac de pains de Saint-Étienne. Si je dé-
guerpis , comme vous voyez , c'est de peur qu'ils ne me mènent
en grève faire sursum corda. — Cela dit, Mazarin repart, le
ventre creux comme une lanterne, chose excellente pour s'éclairer
en voyage. Il no tarde pas à rencontrer un petit moine maigre-
sec, € portant un vade-mecum plein de vin et une escarcelle pleine
de queues de sardines et de jambes d'escrevices, • on a reconnu
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Messer Carôme. Justemeiit , celui-ci revient de Rom'^. Il a obtenu
de Sa Sainteté le Pape nne audience et une bulle, et s'en va en
Coup requérir prise de corps contre un nommé Carnaval , qu'il
veut déposséder de son gouvernement. Au rosie , si le calotîer
veut quelque nouvelle de France, il est en état de lui on donner,
en ayant reçu de ses commissaires qui étaient logés aux Chartreux
et aux Minimes. A Paris, on a frondé d^Epernon, et cela en pleine
rue ; on a rompu son caresse , vendu ses chevaux , enlevé son
collier de Tordre et >a perruque, après quoi on Ta mis en cage
pour lui apprendre à chanter. A Bordeaux, c'a été pire. Mazarin et
lui ont été farcis de foin, coiffés d'une perruque de crin, d'une calote
rouge et d'un chapeau de paille, voilés d'un masque, puis hissés sur
un cheval, finalement brûles i^ petit feu, e:i attendant qu'un plus
grand bûcher serve î\ la combustion des vrais ori:;inaux. — Diable '
fait Mazarin, tremblant de peur et tàiant ses membres : Dieu me
garde de ces frondeurs qui traitent leurs ennemis à coups de pierre,
comme des chiens !
Je m'arrête ici. Ce qui suit est d'un comique dont plus d'un lec-
teur pourrait s'offusquer. On en a assez pçur juger en connaissance
de cause l'auteur inconnu de la Gaze!e crostilleuse et facétieuse
contenant la rencontre et entretien de Mazarin, Carnaval et Ca-
resme, sur la frontière de France. C'était certes un homme d'esprit,
presque un maître en situations bouffonnes. Mais qu'il y a loin
encore de lui aux pamphlétaires de la Ligue ! C'est que la Fronde,
simple parade héroï-comique , ne pouvait rien créer, rien inspirer
qui fût de haut vol. Tout s'était amoindri, atténué depuis un demi-
siècle. Petits hommes, petites passions ; petites passions, petites
œuvres !
M. de Trévcrret pioursuit avec une louable ardeur ses études sur
le xYi» siècle en Italie. Le second, volume, qui a paru récemment, est
occupé par deux grandes figures,' l'Arioste et Guichardin.»
* L'Italie au xvi« siâcle. Études littéraires, morales et politiques {detixiêine
série), un vol. in-18. Paris, 1879, Hachette. Agen, Michel et Médan.
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C'est avec intention, sans doute, que l'auteur a rapproché ces deux
noms qui éveillent des idées si différentes. Personne ne s'en plaindra.
11 y a plaisir à passer d'une œuvre d'imagination îi une œuvre d'ob-
servation, de la fiction lé^rère, ailée, à la raison qui marche d'un pied
solide. L'Arioste, au reste, ne fut pas seulement un grand poète, il
ne fit pas que le Roland furieux. On lui avait donné ù gouverner un
canton des Apennii.s ; il prit sa fonction au sérieux et la remplit du
mieux qu'il put. Il n'est pas sans intérêt de savoir que sa correspond
dance administrative a élé conservée.
Bien des écrivains, avant M. de Tréverret, avaient parlé de Gui-
chardin et de l'Ariosto; aucun avec plus d'élévation, et, en même
temps, de finesse pénétrante. N'est-il pas tout simple que ces hommes,
étant aujourd'hui plus connus, soient plus sainement jugés! D'ailleurs,
les lettrés de notre temps ont des curiosités que les autres n'avaient
pas. Partout, en Italie comme en France, on fouille les archives, on
exhume, on rclive de l'oubli des documents pleins d'intérêt pour
l'histoire politique ou littéraire, des correspondances, des ouvrages
inédits. Nous voulons connaître, connaître à fond, intùs et in cute^
les hommes et les œuvres : utile et louable passion quand elle ne
va pas à l'extrême, îi la bagatelle, comme on^dit.
M. de Tréverret qui connaît ce besoin de son temps, s'y conforme
naturellement, dans une large, mais juste mesure. On voit qu'il n'a
négligé aucune des publications qui ont été faites en Italie. Détails
biographiques, analyses étendues et subtiles, étudii patiente des ca-
ractères, il a tout disposé pour tenir le lecteur en haleine. Quand il
l'arrête, c'est aux meilleurs endroits : alors ce sont haltes délicieuses.
Des citations heureusement choisies et traduites avec cette exactitude
élégante et ferme que l'on sait, font bien goûter le génie de l'Arioste
et moins regretter aux délicats d'ignorer sa langue maternelle. Les
' lecteurs do cette Revue qui a eu la primeur de fragments considé-
rables du livre, n*ont pas oublié le plaisir qu'ils y trouvèrent.
Ce plaisir, qui est de haut goût, ne dépend pas uniquement de l'in-
géniosité des ap.îrçus littéraires ni de l'excellence de la forme, qua-
lités ordinaires de l'auteur, il tient aussi à des préoccupations toutes
modernes, que M. de Tréverret a eu raison de ne pas écarter. Dans
les développements qu'il présente sur l'Arioste et Guichardin, quand
s'offre l'occasion de montrer des applications nouvelles d'idées
anciennes, il la saisit de propos délibéré, voulant prouver qu'on peut
comprendre les œuvres du passé sans cesser d'être de son temps.
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— S8i --
Cette pointe d'actualité, presque nécessaire dans le discours pour
soutenir l'attention des auditeurs, n'est pas déplacée dans un livre
qui est le fruit d'un enseignement public. En nous occupant du
XVI» siècle, nous ne saurions oublier que nous vivons au xix*. Il y a
même entre eux tant d'analogie qu'on ressent, à les comparer, une
sorte de charme douloureux. Temps de gestation laborieuse, de
révolutions et d'évolutions, de troubles profonds dans les esprits et
les cœurs! Si, comme il faut Tespérer, il sortait de celui-ci ce qui
est sorti de celui-là, une Renaissance, et qu'il s'ensuivît la plus en-
viable et la plus rare des choses de ce monde/la paix, M. de Tré-
verret, qui les aime tous les deux et qui est assez jeune pour voir
le prochain, serait des premiers à s'en réjouir. C'est naturellement
son vœu et implicitement ce vœu est dans son livre.
L'illustre auteur de Mireille, de Calendal et des lies d'or, Frédéric
Mistral, a été reçu maître ès-Jeux-Fioraux dans la séance annuelle de
l'Académie Toulousaine, le 3 mai dernier. 11 remplace notre Jasmin
dans cette Compagnie qui n'a pas craint d'ouvrir ses rangs à deux fils
directs des Troubadours, bien que ses concours n'admettent que des
ouvrages écrits en langue française. L'Académie a fait honneur à ces
éminentes personnalités en les accueillant, en les appelant à elle,
mais elle en reste elle-même toute honorée. Celte admission est,
d'ailleurs exceptionnelle, à la façon d'un coup d'Etat et ne saurait
tirer à conséquence au point de vue de l'avenir des idiomes méri-
dionaux, lesquels, comme langue parlée, sont condamnés définitive-
ment. Outre qu'ils s'allèrent tous les jours sur les lèvres de nos cam-
pagnards, ces idiomes servent de moins en moins à mesure qu'on
envoie les enfants à l'école primaire, où l'instruction se donne, non
pas en patois gascon, languedocien ou provençal, mais en français.
Saluons toutefois et admirons le génie chez ceux en qui brille sa
flamme et continuons à célébrer les chefs-d'œuvre que la muse po-
pulaire inspira à Goudouli et h Jasmin, à Roumanille et à Mistral.
Le premier de ces noms, estimé des érudits et autrefois célèbre en
Languedoc pour des poésies pleines de force et de grâce, nous rap-
pelle qu'une société qui s'appelle Ecolede Goudouli, et subsidiairement.
Maintenance des Félibves d'Aquitaine, s'est nouvellement constituée
à Toulouse. Elle s'est réunie le 4 mai, pour fêter le triomphe légi-
time obtenu la veille par Mistral, L'Académie des jfeu^-Floraux était
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- 285 —
largement représentée dans cette assemblée de poètes, qui s'est ter-
minée par une agape dans les salons de Thôtel Tivolier. Un compte-
rendu de celte belle soirée a été fait par M. Ch. Deloncle, notre col-
laborateur et ami : nous en empruntons, sans façon, au Messager de
Toulouse^ le fragment qu'on va lire :
« M. Paul Barbe a débuté par la lecture d*une belle composition
en vers du languedocien le plus pur, à l'adresse de Mistral et des au-
tres fondateurs du Félibrige. H. de Marion-Brésillac a débité, avec
toute la chaleur qui le distingue, quelques strophes vibrantes de
sympathie pour le héros de la fête, auquel il a remis son jeton de
présence à la cour de Clémence Isaure. M. Chastenet, le poëte péri-
gourdin, a lu un sonnet fort bien touché sur le même sujet. MM. Cas-
tela et Lacombe, de Gaussade, n'ont pas été moins heureux dans
leur façon de rendre les sentiments communs à toute l'assemblée.
M. Ludovic Sarlaf, M. de Gombettes du Luc, au nom de M. Âlibert,
de Roquecourbe, ont dignement représenté, le premier, la muse
française, l'autre, le sousKiialecte albigeois, dans les spécimens
qu'ils en ont produit.
« Dans une chaude et facile improvisation, M. Caries de Carbo-
nières a mis le comble à l'enthousiasme excité par Mistral qui, lui-
même, venait de chanter, de sa voix si bien timbrée et si cordiale-
ment émue, la belle Chanson de la Coupe, composée par lui à Tocca
sion des fêtes latines de Montpellier.
« Plusieurs fables ont suivi, récitées avec esprit et à*propos par
MM. Chastenet et Gastela.
« Les chants populaires ont eu leur tour : l'un des félibres a fait
entendre une touchante complainte du Quercy : Lou Mes de Mai
flouris et grano, pleine de fraîcheur et de naïveté rustiques.
M.Edouard Treissat, capitaine de l'armée territoriale, a chanté avec
beaucoup d'expression de belles strophes de Mengaud. M. Lacombe,
nouvel Adam Billot, a fredonné les refrains de son Hymne à Caus^
sade^ façonnée dans les loisirs du rabot sur le modèle de la Toulon^
saine^ et Mistral a répété la vieille ballade de son pays : Morbiou !
MariouUj dialogue aussi pathétique qu'imagé entre le mari offensé
et la femme coupable.
« La philologie, cette sœur du félibrige, représentée avec éclat
dans une autre enceinte par M. Léonce Couture, devait trouver place
dans cette fête littéraire. La présence du rénovateur de la poésie
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provençale rappelait naturellement le souvenir des troubadours, dont
Toulouse fut longtemps la capilale. Le premier en date fut Peire
Ramon. Ménestrel et soldat, il se croisa contre les Albigeois et con-
tre les Sarrazins, mérita d'être surnommé le preux et passant des
cours d'Aragon et de Montpellier à celle de l'empereur d'Allemagne,
illustra sa ville natale au point que la postérité devait unir leurs deux
noms. M. C. D., membre de la société des langues romanes, avait
traduit, pour la circonstance, envers français, l'une de ses chansons
d'amour, sur le texte d'abord donné par Raynouard, puis reproduit
dans la Chrestomathie provençale, de Bartsch (pages 86 et 87) • Cette
lecture a paru intéresser Mistral, ainsi que MM. les mainteneurs des
Jeux-Floraux. Pour eux tous, l'alliance si bien conclue et célébrée
la veille sur l'autel même de la Muse toulousaine se justifiait d'autant
mieux qu'ils retrouvaient dans le lointain des âges ce commun et
poétique ancêtre. »
Il nous vient du pays de Mistral, — que le maître nous passe cette
expression absolument vraie au point de vue littéraire, car la Pro-
vence, c'est surtout lui, — la plus agréable nouvelle. Mireio et Ca-
lendal sont à la veille d'avoir un frère qui s'appellera Guilhèm doû
Court'Nas. Mistral réserve la primeur de cet ouvrage à ses confrères
et amis de Montpellier ; il a promis d'en lire deux chants à la pro-
chaine séance du Pavage,
Qu'est-ce qne Guillaume au court-nez? On ne le sait guère. Le
personnage historique qui porta ce nom, si toutefois il a existé, a
depuis longtemps disparu sous le personnage fictif de l'Epopée Kar-
lovingienne. Dans le poème d'Aliscamps,^ qui, destiné à raconter ses
exploits, devrait nous renseigner sur son compte, règne la plus
grande confusion. Son nom y eSt précédé ou suivi de qualifications
si diverses qu'on est tenté de se demander parfois si c'est du même
homme qu'il s'agit. Ainsi, on a le comte ou le marquis Guillaume,
le comte d'Orange, puis simplement le marquis, puis Guillaume au
* Aliscamps, chanson de Geste, publiée par Guessard et Montaiglon, dans
Les Anciens poètes de la France. Paris, Franck, 1870.
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courl-ijez, enfin, Fierebrns ou Fiei I
probablement à Tun des quatre o
le comté d'Orange du xn* au xiir s !
d'Aliscamps, — qu'on sippose, nor i
tion provençales, — nous le monti
'idéal réalisé du chevalier et du hi •
sur les Sarrasins, puis il leur a i
sous les murs d'Arles, dans le qua I
avec une ardeur redoublée par la |
émir de Cordoue. Vivien, son nev i
et de sa gloire, est tué dans la bat
fuir pour sauver, non sa vie, mais
précieuse à ses yeux. Il se retire ds i
court après lui et l'assiège. Vient
tenir, il s'échappe et va à la Cou
Louis-le-Débonnaire. Aidé d'un boi
sins, tombe sur eux, les bât et le
reins. Ils n'ont que le temps de s'e i
Tel est, dans sa plus simple ex ;
chanson, comme on voudra, de Gu
fut considérable et Guillaume en n i
l'honneur d'une place dans son Pi
le hobereau normand devenu duc »
primitif écrit en provençal, ainsi Cj i
est depuis longtemps perdu. Il e>
ment calqué sur celui-là, plusieurs
originelle, non sous forme de ti;
les libertés , les écarts légitimes \
les poètes de race, c'était une patr
Mistral ne la pouvait tenter. Donc
dans leur fraîcheur savoureuse, i
aussi aimable qu'heureux.
Nous sommes heureux d'avoir à i
ces derniers mois, deux nomination
à nos éminents compatriotes, MM.
taffort et A. Laboulbène d'Agen. I
Faculté de Paris, vient d'être appi
oogle
— 288 -
M. Chauffard, inspecteur général pour la médecine ; le second rem-
place M. Parrot dans la chaire d'Histoire de c.ette science.
Inscrivons encore deux autres nominations qui, pour nous toucher
de moins près, ne laissent pas de nous trouver particulièrement
sympathiques : celle de H. le docteur Brouardel à la chaire de
Médecine légale , qu'occupait naguère avec tant d'autorité feu
Ambroise Tardieu, et celle de M. le docteur Simon Duplay à l'Aca-
démie de médecine.
M. Brouardel est le fils d'un membre de rUniversité, qui professa
la philosophie au collège d'Agen pendant deux années (1834-1 835j.
Si nous primes goût à cette science, nous le dûmes ceriainement aux
aimables et sérieuses qualités qui distinguaient notre professiuir et
qui passaient dans son enseignement. Pourquoi n'ajouterions-nous
pas qu'il lui naquit un iils très peu de mois après son départ
d'Agen ? Ce fils est donc plus qu'à demi nôtre.
Quand à M. le docteur Duplay, il a dernièrement épousé une des
filles de M. Faugère-Dubourg, maire de la ville de Nérac et notre
très cher collaborateur. Des travaux originaux et des publications
estimées ont valu à ce praticien une notoriété des plus honorables.
Il n'est pas téméraire d'espérer pour lui, dans un avenir prochain,
une chaire de professeur à la Faculté de Paris, qui le compte
parmi ses meilleurs agrégés.
Adolphe HA6EN.
Frrala k la liTraisoD lars-ATril.
Page 187 , dernière ligne. Au lieu de : en enssent été réduites; lisez : en
eût été réduite.
Page 190 , ligne 3. Au lieu de : des villes moins anciennes qu'Agen ;
lisez : des viHes anciennes comme Agen.
Le Directeur-Gérant ,
Ad. macbn*
âam ^ wpMMnitB rodbbl — r. lait, svccbssev»
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NOTES HISTORIQUES
SUR DES
MONUMENTS FÉODAUX OU RELIGIEUX
DO DÉPARTEMENT DE LOT-ET-GARONNE.'
(, Salie >
IV
MaRCADIS et CHATEAU DE GhARRIN. ArTIGUES ET CHATEAU DE MaUVEZIN.
PouY-suR-OssE. La hitte et chteau de Lescout. La Serre. Ruines
DE Bapteste.
Marcadis et CHATEAU DE Gharrin. — Les> paroisses de Marcadis, de
Moncrabeau et de Saint-Cyrice sont limitrophes, au midi, de la com-
mune de Condom, et par conséquent du département du Gers. La
petite rivière nommée TOsse, qui coule parallèlement à la Baïse,
sépare, au couchant, la paroisse de Marcadis de la commune de
Lannes (canton de Mézin).
Le seigneur de la paroisse de Marcadis habitait le château de
Gharrin, situé dans la plaine, entre les églises de Marcadis et de
Moncrabeau. Le château de Gharrin, (dont les murailles étaient bai-
gnées par un petit ruisseau du même nom) avait la forme d'une
grande tour, à peu près carrée, ayant six étages d'élévation et pou-
vant être environnée d'eau. Cette disposition de château, fort em-
î Voir page 250.
ToMB VI— 4879.
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- 290 -
ployée dans notre pays, pouvait rendre la défense très facile, mais
était très incommode pendant la paix. Aussi, vers la fin du règne
d'Henri IV, lorsque Ton crut les guerres intérieures désormais im-
possibles, noble Dominique de La Devèze, écuyer, seigneur de
Charrin, gentilhomme-servant de la reine de Navarre en 1582, con-
seiller et trésorier du royaume de Navarre en 1590, fit-il démolir trois
étages de son château, qu'il réduisit aux trois étages actuels. Avec
les matériaux des étages supérieurs, il fit ajouter un nouveau corps
de logis, et deux cours défendues Tune par deux pavillons carrés
l'autre par deux tours rondes.
Noble Biaise .de La Devèze, chanoine de Condom, avait été seigneur
de Charrin et mourut en 1568, laissant la jouissance de ce château à
son frère aine, noble Pierre de La Devèze, seigneur de La Rivière.
Cette famille, originaire de La Devèze-Rivière, près Marciac, est
connue depuis noble Jean-Gaston de La Devèze, capitaine d'une
compagnie de cinquante hommes d'armes le 3 août 1346, marié
le 3 juin 1350 à Marguerite d'Esparbès. François, fils, et Melchior
de La Devèze, petit-fils de ces derniers, furent également capitaines
de cinquante hommes d'armes; Melchior mourut des blessures
qu'il avait reçues, en 1429, au siège d'Orléans.
Ce Pierre de La Devèze, seigneur de Charrin, que le maréchal de
Monluc va nous montrer marchant en pourpoint à l'assaut d'une
place bien défendue, et avec ce chevaleresque et dédaigneux oubli
du danger personnel, qui fut l'un des traits les plus remarquables
des gentilshommes du Moyen-Age et du xvi* siècle, était un homme
d'étude lorsqu'il rentrait dans son château de Charrin, entretenant
un commerce littéraire avec les savants, lisant les hisloires en lan-
gue latine, recherchant avec soin les bonnes éditions, il dit, par
exemple, dans une lettre que j'ai vue, datée dd Bordeaux le 19 oc-
tobre 1570, et portant l'empreinte de ses armes (six tourteaux posés
3, 2 et 1) : « ay trouvé complet Paulus JUmylliuSy avec les additions
« de Ferron et Telesuis qui sont in-folio... » {De rébus gestis Fran-
corunu llbri IV, 1541, in-folio, histoire par Paul Emile, continuée
par Arnoul du Ferron. De naturâ rerum Jiixta propria principia,
par Bernardin Telesius. — Rome, 1565).
Le maréchal Biaise de Monluc rapporte en ces termes, dans ses
Commentaires, à Tannée 1573, un trait de courage et de témérité de
M. de La Devèze et de deux autres gentilshommes : « Les sieurs de
« Merville et de Montferran.... s'en estant retournés pour aller faire
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« les apprêts, afin d'attaquer Gensac, je m'y acheminny. Quelque
« temps après, Monsieur de Montferran amena une belle troupe de
« noblesse de son gouvernement, comme il en vint aussi d'ailleurs
« bon nombre de gens de pied. D'abordée, nous emportâmes le
« fauxbourg et les barricades. Messieurs de Duras, de La Marque
• et de La Devèze y allèrent en pourpoint, le coutelas au poing, et
« donnèrent jusques aux portes, lis n'en estoient pas plus sages, car
« les arqubusades y estoient à bon marché; ils le faisaient h Tenvi
« Tun de l'autre, et pour montrer qu'ils estoient sans peur. Or, le
« malheur voulut que Monsieur de Montferran eust unp arquebuse
« au travers du corps, de laquelle il mourut; qui fut dommage, car
« il estait gentilhomme de valeur, et fort aymé du pays, qui le trouva
« h dire. » (De Moni.uc, Commentaires, édition du Panthéon Littéraire,
p. 411).
Les MM. de La Devèze possèdent et habilent le château de Charrin
depuis dix générations.
fi'écusson avec les six tourteaux posés 3, 3 et 1, dont j'ai de mes
yeux vu l'empreinte sur la lettre écrite de Bordeaux, le 19 novem-
bre 1570, par Pierre de La Devèze, a été sculpté vers le milieu du
XVI* siècle, à l'ue des croisées du troisième étage du château de
Charrin, au point d'intersection des quatre branches de la croix. Cette
croisée ayant vue vers La Serre et Nérac, est maçonnée depuis le
règne d'Henry IV, parce qu'elle n'est plus extérieure, et donne sur
le grand escalier en pierre qui fait partie du nouveau corps de bâti-
ment adossé à l'ancien château vers l'année 1600. Mais l'écusson est
encore en parfait état de conservation. Je crois que j'ai, le premier,
découvert cet écusson, et fait tomber le mortier ou badigeon qui
couvrait la sculpture. Les choses sont encore dans l'état où je les ai
laissées après cette opération.
Artigdes et Château de Mauvkzin.— L'église Saint-Clair d'Arl'gues
est située entre Moncrabeau et M/zin, sur la ligne droite qui réuni-
rait ces deux petites villes, et au point culminant dos coteaux qui
séparent les vallées de la Baïse et de l'Osse. Elle était, aux xu«
et xHi* siècles, sous l'invocation de Sainte-Marie ou Notre-Dame.
Raymond-Arnaud d'Artigues { RayjnundiiS'Arnaldi de Artigm)
donne à l'évêque d'Agen la dime de la paroisse d'Artigues et la dîme
de Vialère ( decimam ecclesie de Artigiis et decimam de ni/ieraa )
{Cartnlaire d'Agen, Bulle cotée par lettre N).
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Pierre de Testemale donne au même évêque du diocèse d'Agen, la
sixième partie de la dime de l'église Sainte-Marie ou Notre-Dame
d'Artigues; près le château de Moncrabeau {Peints de Testamala^
qùitavity remisiL... sextant partcm décime ecclesie sancte-Marie de
Artigiis pi^ope castrum de MoncahreJ). {Idem, Bulle cotée par let-
tres D. ).
Bertrand Ancoy ou Aucory, laïque, et Raymond-Arnaud de Thésan,
clerc, son fils, donnent au môme évêque toutes les dîmes qu'ils
possèdent dans les paroisses Saint-Marie d'Artigues, Saint-Sigismond
de Vialère et Saint-Jean de Mazano, paroisses situées près Moncra-
beau {Berlrandus Ancoy [ou Aucory\ laïcus, et Raymundus Amaldi
de ThesanOj clericus, ejiis filius quitaverunt omnes décimas
quas possidebant et habebani in parrochiis Sancte-Marie de Ârti"
giis, Sancti'Sigismundi de Bilera et Sancti Johannis de Ma%ano, que
parrochie sunt prope Montem Crapellum). {Idem, Bulle cotée par
lettres D. S.)
Le château de Mauvezin est le château le plus important de la pa-
roisse d'Artigues. Les MM. de Castillon en étaient seigneurs dès le
milieu du xv* siècle. Un mot d'abord sur les auteurs des seigneurs de
Mauvezin. Pons I«' était seigneur de Castillon vers l'an 960. Son fils,
Arnaud Aimond, proconsul ou vicomte de Castillon, vivait dans les
premières années du onzième siècle. L'arrière petit-fils de Pons !•%
était Olivier, vicomte de Castillon sur Dordogne, auteur des bran-
ches existantes en Agenais, et des seigneurs de Mauvezin. L'acadé-
micien Michaud dit à la page 168 de YHistoire des Croisades, que
Raymond, vicomte de Castillon, chevalier, partit pour la première
croisade en 1096, réuni à Raymond, comte de Toulouse, Roger, comte
de Foix, Isard, comte de Die, Raynbaud, comte d'Orange, Guillaume
comte de Forez, Guillaume, comte de Clcrmont, Gérard, comte de
Roussillon, Gaston, vicomte de Béarn, Guillaume Amanieu d'Albret,
Raymond, comte de Turenne, Guillaume d'Urgel, comte de Forcal-
quier, etc.
Lorsque les MM. de Castillon-Mauvezin-Mouchan font leurs preuves
de la Cour au Cabinet des Ordres du roi en 1784, M. Chérin, généa-
logiste des Ordres du roi, rappelle une charte originale passée de-
vant le tribunal souverain de la ville de Bordeaux en 1366, dans la-
quelle noble et puissant messire Pierre de Casfillon, chevalier (de la
branche des seigneurs de Castillon et Castelnau d'Eauzan, vicomtes de
Boulonnais), gouverneur du château et châtellenie de Montendre, le-
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quel y est porté sur les listes
noble et puissant seigneur Poi
consanguin. Ce Pons est quali
noble et généreux seigneur, is
race, tant du côté paternel q i
tenti génère proci'eatus tam e, \
dont il est question était Thon
Il résulte de ce titre origin
Gastelneau d'Eauzan, du Boul
rère (terre encore possédée
étaient de la môme race que h
Mérigon de Castillon, seigne
années 1458 et suivantes, fut
vivait encore en i499. Il avai
Braylette de Sarrus, dame de h
Guy, Guiraud ou Géraud de
Carboste, etc , petit-fils de Me i
gnie de Monluc en 1567, comr i
régiment au service du roi et n
Michel I* de Castillon, seigi i
aîné de Guy, envoya des délach
l'expédition de Montgommery,
(aujourd'hui à M. de Lalyman (
campagne, avec leurs bestiaux i
se venger, saccagèrent le châte
Jean de Castillon, fils de Miel
duché d'Albret, aux Etats génér i
mestre de camp.
Jean-François de Castillon, se
petit-flls de Jean qui précède, co i
de la sénéchaussée d'Albret.
Son frère Jean de Castillon, c
ment de Mouchan (ci-devant Silli
Tortose {Biographie de Varrondi
p. 193 à 208. — Dict' hisL, édil
militaire).
Les MM. de Castillon furent se
lution*
Google
— 29i —
Le château de Mauvezin, reconstruit au xvir ou au xviir siècle, est
la propriété et la résidence de M. des Baratz.
PouY-suu-Ossis. — Les petites villes de Francescas et de Mézin sont
deux chefs-lieux de cantons limitrophes. Une ligne droite allant de
Tune à Tautre, passerait sur les ruines de Daptesle et sur les églises
de la llilte et de Pouy-sur-Osse. Elle laisserait le château et Téglise
de La Serre à 600 mètres environ à droite des ruines de Bapteste.
Comme leur nom l'indique, Téglise, le village et le moulin à vent
de Pouy-sur-Osse, sont construits sur des coteaux élevés, fort rap-
prochés de la rive droite de TOsse.
Pierre de La Serre, chevalier, et Géraud de La Serre et Bertrand
de Villère, ses HIs, abandonnent gratuitement le tiers de la dime de
réglise de Pouy-sur-Osse, à Vé\èque A* Kgen..., {Petr us de Serras,
miles, et Geraldus de Serras et Bertranim de Vilera, filii sui, gratis
cesserunt tertiam partem décime ecclesie de Pujol subrtksa domino
nostro episcopo Âgeyimnsi.) {Cartulaire d'Agen, Bulle cotée par
lettre N.)
Dans une autre partie du Cartulaire, celte donation est analysée
dans les mômes termes ; les noms des trois donateurs sont écrits
comme il vient d'être dit. Le nom de la paroisse est seulement en
langue gascogne de l'époque [tertiam portem décime ecclesie de
P jch sobre Ossa). {Idem, lettres C. Y.).
On voit qu'au xni* siècle, pendant que le père et l'un de ses fils
étaient appelés par l'eur nom patronymique, un second fils pouvait
être désigné exclusivement par le nom d'un fief. Celte habitude, très
ordinaire à celte époque, rend la recherche des filiations fort diffi-
cile, et très souvent empêche d'affirmer que le père et le fils, appe-
lés par des noms propres différents, sont de la môme famille.
Géraud de La Serre, chevalier, seigneur en partie de Pouy-sur-
Osse (le même très probablement que nous venons de voir qualifié
fils de Pierre de La Serre, chevalier,) reconnaît, le 14 novembre 1286,
tenir d'Edouard !•', roi d'Angleterre, seigneur d'Agenais, la moitié
du château de Pouy-sur-Oss^, devoir la foi et l'hommage, être, pour
cette partie du château, vassal dudit roi, et devoir le défendre e^i
armes et l'aider, en Agenais, de tout son pouvoir, si quelqu'un atta-
quait par les armes le même seigneur d'Agenais. Il excepte de sa
reconnaissance féodale pedagium qu'il affirme tenir des seigneurs
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Guo^k
de Moiicrabeau ( Hem, Gerald\
super Ossa, in parte sua, reco i
viedîetatem dicti castri, exci •
dominis de Moncrahel; pro qua !
Régis, et si quisipsum dojnhiu
ipse débet deffendere cum an .
possesuo; et nihilominus. fide
de la Gironde, 1. 1. p. 352).
Guillaume de Villère donne i
dime qu'il a dans la paroisse de ;
Bulle cotée par lettres E. Q.).
Pierre de Lassus, bourgeois
épouse, abandonnent à TJ^véq i
Pierre de Pouy-sur-Osse [Pe*A \
uxor dicti Pétri Surgensis de I \
episcopo Agennensi d cimam i
Ossam {Idem, lettres C. K.).
Nous avons vu à l'article Mon !
Lomagne-Fimarcon, seigneurs I
gneurie de Pouy-sur-Osse.
La IIitte et Château de Lesgi i
rive gauche de la Baïse, entr<
l'église de La Hitte concourt av( i
Gardère et Moncrabeau, à form ;
chers, au centre de laquelle se '
L'église Saint-Roch de La li i
Notre-Dame de La Fitte au un* \
En effet, une charte analysée • I
porte que Arnaud Raymond d'f
la première analyse), donne à l't
des paroisses de Saint-Marie del
de Sainte-Marie de La Fitte prèi
Marie del Morach prope castrui
Fita prope Montem Caprelli). [C
leltresB.K., et F. G.).
Le 3 octobre 1610, M« Jean cl
avocat, fait proclamer à Nérac sf
ioogle
- 2'J6 —
g:uerite de Rabar, veuve de noble N.... de Cousseau, sieur dudit lieu
près Tournon, fille de feu noble Jacques III de Rabar, seigneur de
Cerveaud et de Montgré, conseiller à la Chambre de Tédit de
Guienne, et de Françoise du Bourg de Farnoux. La future était sœur
de Pierre de Rabar, écuyer, seigneur de Cerveaud et de Montgré ;
elle avait de son premier mariage un fils nommé Pierre.
Aussi, le 19 décembre 1633, tdans la maison noble de Lescout,
f en la jurisdictioii Je la ville deMoncrabeau en Condomois en Albret,
« noble Marguerite de Rabar, damoiselle femme de M. M* Jean de Ma-
f tbisson, advocat en parlement, seigneur de ladite maison noble de
« Lescout, » constitue son dit époux pour son procureur général et
spécial, à l'effet de consenlir au mariage de noble Pierre de Cous-
seau, sieur dudit lieu, son fils, habitant de Tournon en Agenais, avec
damoiselle Marguerite du Maroux, fille légitime de Jean du Maroux,
sieur de Boutadieu, et de noble damoiselle Jeanne de Raymond de
Folmont. (Acte retenu par M* Vital Càlmont, notaire et tabellion
royal.)
Le 22 décembre 1633, M. M* Pierre de Rabar, conseiller du roi
au Parlement de Bordeaux et chambre de Tédit de Guienne, frère de
madame de Mathisson, donne une procuration notariée analogue à
son neveu M® Jean deGuilhem, juge du Bosc, marié avec une demoi-
selle de Cousseau, pour consentir au mariage dudit noble Pierre de
Cousseau, neveu dudit Pierre de Rabar, constituant [Acte devant
M^'Leydet, notaire royal à Agen).
Trois jours après, 25 décembre 1633, les mêmes faits sont rappelés
dans le contrat de mariage passé à Tournon, en Agenais, en présence
des procureurs fondés, et de M« Jacob de Guilhem, procureur du roi
de Tournon, David deGuilhem, sieurde Favols, noble Charles de Ray-
mond de Folmont, écuyer, sieur de Jaussen, oncle delà future épouse,
noble Germain de Raymond, sieur de Pages, noble Pierre de Raymond,
sieur de la Salle, Paul de Réau, sieur d'Aytié, Pierre de Réau, sieur
de Sergues, ses cousins [Contrat retenu par PonSy notaire royal).
Noble Pierre de Mathisson, seigneur de Lescout, avait prêté une
somme h Jean de Guilhem, sieur de Lustrac, de Tournon, le 14 jan-
vier 1679, et donna cette obligation à noble Jacques de Cousseau,
sieur dudit heu, avec lequel il eut procès de 1691 à 1693.
Le même noble Pierre de Mathisson, sieur de Lescout, fait inscrire
ses armes à TArmorial général de France, le 16 octobre 1699,
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Les châteaux de Charrin et d
mune de Moncrabcau, sur la ri
séparés par le chemin de fer, so
de Tautre. Le château de Lesco
au xvn* siècle. Il a de belles p
la Baïse.
Josué de Mathisson, seigneur
bre 1726, au chiteau de Nérac,
dame Gabrielle de Dazignan, vei
écuyer, seigneur de Charrin, p
haut de messire Arnaud de La D*
(iils aine de ladite dame constiti
fille de messire Josias de la Maz
près la Ténarèze, chevalier de S
roi, commandant et lieutenant i;
fort de la ville de Bordeaux,* et (
claux. '{Contrat retenti par Caster
Noble Joseph de Mathisson, écu
de Lescout et subdélégué à Nérai
Le dernier de cette famille, n<
seigneur de Lescout, épousa Marj
des deux flUes de noble Robert c
seiller procureur du roi au sié{
subdélégué de Tintendance de G
nant particulier du duché d'Albre
le 10 décembre 1726. Madame
n'ont pas laissé de postérité.
La même dame de Mathisson d
Jeanne du Bernet de Mazères, n
Jean Baptiste Samuel du Broqua.I
Tune d'elles, Jeanne du Broqua
(propriétaire actuel du château (
mariage avec Jean Nicolas de Moi
garde du corps du roi d'Espagne,
La Boulbenne de Montesquieu, ca
Louis, dont le père, lieutenant-
Louis XIV et Louis XV,
Google
— 29S -
La Serre. — Le château de La Serre mérite une atteution parti-
culière par son importance, par sa position qui semble faite pour do-
miner la vallée de la Baïse, par les personnages considérables qui
l'ont construit ou habité.
Arrivé dans ce château, nous devons nous demander quels fu-
rent les principaux prédécesseurs des hôtes qui donnèrent, le 9 juin
1874, une si obligfeante et si gracieuse hospitalité aux membres du
Congrès Archéologique de France.
Messire Arnaud Loup de La Serre, chevalier, et Géraud de La Serre,
son frère, abandonnent au^seigneur évêque d'Agen, le quart de la
dîme de La Serre près Moucrabeau (Item plus continetur qiialiter
dominus Amaldtis Lupi de La Serra, miles, et Geraldus de La Sen^a,
frater ejus, i esignaverunt domino nostro Agennensi episcopo, iotam
quartam pirtem quam habebant in décima de la Seira propre Mon-
tem Caprelli.) [Cartulaire d'Agen, Bulle cotée par lettres D. V.).
Toutes les donations faites au xu* et au xiii® siècles, en faveur de
TEvêque d'Agen, représentant le clergé du diocèse, ont été autori-
sées par des bulles données Tan 1309, dans la ville d'Avignon par le
' X P^P® Clément V, et cotées par les lettres A, B, C, etc. Le Cartulaire
. " '" d'Agen contient l'analyse officielle de ces bulles et par conséquent de
:*j • ces donations. Cette analyse a été faite Tan 1520 par Jean de Vallier,
r vicaire général du diocèse d'Agen, et remplissant les fonctions épis-
* copales sous divers rapports, en rabsence de Marc-Antoine de La
Rovère, évéque d'Agen.
Guillaume-Arnaud (le nom patronymique a été omis) , donne à
révêque toute sa part de dime de Saint-Laurent de La Serre près
Moncrabeau (/d^m, lettres A. H.).
Catherine Bernarde de Montagu, dame de La Serre, apporta cette
.' ■*■ . terre dans la maison d'Esparbès de Lussan, en épousant le 16 avril
\ " 1570, Jean Paul d'Esparbès de Lussan, servant sous Monluc au
5>f siège de Sienne en 1554, gentilhomme de la chambre du roi en 1576,
mestre de camp du régiment de Piémont, dit alors des bandes noires
1577, gouverneur de BJ^ye en 1586, capitaine de la première com-
pagnie des gardes du corps du roi en 1599, maréchal de camp, che-
valier des ordres du roi en 1604, mort le 16 novembre 1616. Ce
Jean-Paul, qui fut le premier de sa famille seigneur de La Serre,
en 1570, était le septième fils de Bertrand d*Esparbès, et de Louise
de Saint-Félix. Trois de ses frères (Philippe, François et Joseph) fu-
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- 299 —
rent, comme lui, chevaliers des Ordres du roi ; quatre autres de ses
frères (Bertrand, Pierre, Jean et François), furent faits chevaliers de
Malte, les deux derniers furent tués en 1562.
François, second frère de Jean-Paul, a eu pour descendants les
comtes d'Esparbés de Lussan, seigneurs de La Mothe-Bardigues, et
les seigneurs du Feuga et de Saint-Mézard, marquis d'Esparbès de
Lussan. Ces derniers sont aujourd'hui représentés par le marquis
d'Esparbès de Lussan, qui habite la commune du Nom-Dieu.
Ne craignons pas de donner au flls et au petit-fils de Jean-Paul
d'Esparbès de Lussan, et de Catherine-Bertrahde de Montagu, dame
de La Serre, les titres qu'ils portaient dans les actes publics :
Haut et puissant seigneur messire François d'Esparbès de Lussan,
marquis d'Aubeterre, conseiller du roi eu ses conseils, chevalier de
ses ordres, capitaine de cent hommes d'armes de ses ordonnances,
maréchal de France (par brevet du 20 septembre 1620), marié le
12 avril 1597, avec haute et puissante dame liippolyte Bouchard
d'Aubeterre (flUe de David Bouchard, vicomte d'Aubeterre, capitaine
de cinquante hommes d'armes, sénéchal et gouverneur de Périgord),
mourut vers la fm de janvier 1628.
Il est nommé et qualifié comme il vient d'être dit, dans le contrat
de mariage passé au château de Gondrin en Armagnac, le
26 décembre 1644, entre son fils, haut et puissant seigneur messire
Pierre Bouchard d'Esparbès de Lussan, marquis d'Aubeterre, sei-
gneur de La Serre, Francescas, Ligardes, Chadenac, Vitrasé et au-
tres places, conseiller du roi, capitaine de cent hommes d'armes de
ses ordonnances, sénéchal et gouverneur d'Agenais et Condomois,
d'une part ;
Et damoiselle Marie-Claire de Pardaillan de Gondrin, fille de feu
haut et puissant seigneur messire Antoine-Arnaud de Pardaillan,
chevalier en son vivant des deux ordres du roi, capitaine de cent
hommes d'armes de- ses ordonnances, conseiller en ses conseils, son
lieutenant en Guîenne, et gouverneur de Navarre et pays de Béarn,
et de haute et paissante dame Paule de Sairtt-Lary de Bellegarde. Le
futur époux est assisté de l'un de ses frères, haut et puissant seigneur
Roger d*Esparbès de Lussan et d'Aubeterre, comte de Lussan, et de
sa sœur Antoinette, dame de Lau.
Ce contrat de mariage, insinué le 20 juillet 1646, devant Géraud II
^ m) -•
de Boissoaiiade, juge-mage d'Agen, prouve, on en conviendra, que
le château de La Serre est depuis longtemps bien habité.
Les MM. d'Esparbès de Lussan, n'étaient pas seigneurs de Fran-
cescas, mais coseigneurs de Francescas en paréage avec le roi,
comme j'en ai rapporté la preuve à l'article consacré à Francescas.
Trois fils du premier maréchal d'Esparbès d'Aubeterre, furent lieu-
tenants généraux des armées du roi (François en 1652, Louis et
Léon). Ce Louis d'Esparbès de Lussan d'Aubeterre, était aussi séné-
chal d'Agenais et de Gondomois ; c'est à lui que le poète Agenais,
noble Jean-Jacques de Cortète, seigneur de Prades, dédia son Ba-
mounet, pastorale dialoguée en langue gasconne de TAgenais.
Joseph-Henri-Bouchard d'Esparbés de Lussan, marquis d'Aubeterre,
maréchal de France le 13 juin 1783, chevalier des ordres du roi,
conseiller d'Etat d'épée, ambassadeur de Louis XV, en Espagne, en
Autriche et à Rome, descendait également du premier maréchal
d'Esparbés de Lussan, vicomte ou marquis d'Aubeterre, seigneur de
La Serre, et d'Hippolyte Bouchard, vicomtesse d'Aubeterre, mariésen
1597. — Ce Joseph-Henri, deuxième maréchal de France, n'ayant pas
d'enfants, avait adopté son parent de la branche ainée, Jean-Jacques
d'Esparbés, marquis de Lusssan, né le 19 juin 1771, mort à La Mont-
joye, le 6 avril 1848, oncle paternel du marquis actuel d'Esparbés
de Lussan.
Le château de La Serre a été reconstruit en 1595, deux ans avant
le mariage du premier maréchal, par Jean-Paul d'Esparbés de Lussan,
sénéchal d'Agenais et de Gondomois, gouverneur de Blayé, marié,
comme je l'ai dit, le 16 avril 1570, avec Gatherine-Bernarde de
Montagu, dame de La Serre.
Il y a dans le château de La Serre une grande pièce avec superbe
cheminée, encore appelée la chambre de la princesse^ à cause de
haute et puissante dame Marie-Angélique de Gosnac, que je trouve
dans un acte du 29 janvier 1711, qualifiée « veuve de très haut et
très puissant prince Procope François, comte d'Egmond, » dont les
ancêtres, comtes d'Egmont, avaient été ducs de Gueldres de 1433
à 1538.
Dame Jeanne de Nayrac, marquise de Pouy, comtesse de La Serre,
dame de Roquelaure, Belmont et Ligardes, coseigneuresse haute
justiciaire avec le roi, de la ville et juridiction de Francescas, veure
de messire Pierre de Narbonne Pelet, à son décès, écuyer, conseiller
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- 30f -
secrétaire du roi, maison, couronne de Fi
reçoit des reconnaissances féodales à Fran
après la naissance de Philippe, comte de D
Haute et puissante dame Suzanne de Nar
Pouy (entre Ligardes et Condom), comtesse
haute, moyenne et basse justiciaire^ en p
juridiction de Francescas, originaire de 601
et puissant seigneur, messire Jean-Jacques
teton et de Villette. De ce mariage naqui
Dijon, et Jeanne-Rose, mariée avec Henri d
res, mort le 22 janvier 1844.
Les ancêtres paternels de ce M. de Dijon,
au château de La Serre, étaient seigneurs d'
de Monteton, de Pechalvet, etc. Leur noblei
prouvées depuis Tan 1494 devant Chérin,
du Roi, les 16 septembre 1778, J6 février 1
Hugues Dijon, seigneur de Boisverdun ,
rentes, cens et fonds qu'il tenait en la ju
le 13 mai 1555.
Philippe, comte de Dijon, né à Bordeaux
fut placé sous la tutelle du Parlement de cet
perdu, encore enfant, son père et sa mère
avant la Révolution, il mérita, dans la jour
mercîments personnels de Louis XVI, et se 1
« on le sait, les talents d'un artiste et 1;
« d'un savant. C'est lui qui a fourni le de
« bronze (Henri IV), dont sa munificence d
{Biographie de Van^ondissement de NéraCy
p. 233). Elu en 1814, à l'unanimité, membn
pûtes, Ofllcier de la Légion d'honneur, le 1(
la statue d'Henri IV, à Nérac, le l«'mai 1829
d'Arblade de Séailles est maire de cette
M. Samazeuilh termine ainsi l'article biograp
« En un mot, c'est un des hommes qui <
pays. »
Le baron Léopold de Gervain, petit-neve
du comte de Dijon, est, par suite de la moi
lain actuel de La Serre.
oogle
- 302 -
Le grand salon a conservé rigoureusement Tempreinte de l'époque
de la construction du château, 1595. Deux choses cependant y ont
été ajoutées, le luxe moderne et deux peintures à Fhuile : le portrait
du roi Louis XVIII et celui de son ministre de la marine, le baron
de Portai père de Madame de Gervain.
Ruines de Bapteste. — Les Ruines du palais ou diî la villa de Bap-
leste ont été imises à décou.c t, de 1871 à 1873, par MM. Theulières
et Faugère-Dubourg avec beaucoup de soin, de frais et d'intelligence.
Elles sont situées à l'une des extrémités de la commune de Moncra-
beau. Une ligne droite allant du chef-lieu de cette commune au châ-
teau de La Serre passerait ù peu près sur la petite église de Vialère
et sur les ruines de Bapteste, qui sont beaucoup plus rapprochées
de La Serre que de Moncrabeau. Cette ligne droite passant sur Bap-
teste serait presque parallèle au cours de la rivière de Baïse, Une
seconde ligne droite, allant de l'église de La Hitte à l'ancienne église
et au château de Saint-Barthélemi près Francescas, couperait la
première à angle droit, et le point d'intersection de ces deux lignes
droites se trouverait à très peu de chose prés sur les ruines de
Bapteste.
Arrivé aux Ruines de Bapteste, le touriste regardera les clochers
et les châteaux (Francescas, Saint-Barthélemi, Saint-Cirice, Gardère,
Moncrabeau, La Ilitte et La Serre) qui entourent, dominent, et,
dans une certaine mesure, protègent ces ruines précieuses, contem-
poraines des Empereurs romains. Il verra que Moncrabeau' est au
midi de Bapteste, La S.*rre au nord, Francescas au levant et La
Hitte au couchant.
La villa de Bapteste a été décrite par M. Faugère-Dubourg, dans
un Mémoire imprimé, au tome 41 du Congrès archéologique de
France, pages 38 à 56. Je me borne h constater que le 9 juin 1874,
les substructions de ce grand édifice, mises à découvert et faisant
saillie au-dessus du sol, permettaient parfaitement de retrouver le
plan de tout le palais, des anciennes salles pavées en mosaïques, des
colonnades. Les milliers d'objets qui meublaient cette ancienne rési-
dence romaine ou gallo-romaine, ont été réunis en un musée des
plus curieux et, pendant deux heures, ont captivé l'attention de
quarante membres du Congrès archéologique.
JiîLEs DE BOURROUSSE DE LAFFORE
(A confirmer)
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DOCUMENTS IN
■" I
POUR SERT»
A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT E !
PENDANT LA RÉVOLUTION '
( 1795 - 1801 ;
X
[Au citoyen Saurine, évêque de Dax et représen .
des Cinq Cents, à Pan '
Agen, le 12 octobre 1796, Fan v de I
Très cher bt respbctaj)lb Cou
Je crois qu'une de mes dernières lettre ;
dans le cours du mois de septembre je de^
tournée dans le diocèse. Je viens en effet
dans lequel j'ai parcouru les parties les |
département. La course que j'ai faite, jv
fonctions, ayant été presque sans interru]:
gué. Le peuple, dans divers endroits où j'ci
avec assez de zèle à ses exercices religj
dire que dans cette dernière visite je n'ai ]
môme empressement que dans les précède!
impies d'un côté, et les dissidents avec le i
cbent toujours quelques personnes. L'indi!
religion s'empare de l'esprit des autres,
oogle
— 304 —
trouve le culte fait un grand nombre de mécontents. Le peuple
tiendrait assez ; mais comme, dans cette classe, la plupart dépen-
dent toujours des ci-devant nobles ou des riches qui leur font
gagner leur vie et qui n'aiment pas Tordre actuel des choses, cela
fait que dans le peuple môme plusieurs sont arrêtés ou par l'inté-
rêt ou par attachement pour ceux dont ils dépendent. Ce mécon-
tentement et cette diversité d'opinions fait encore que plusieurs
ecclésiastiques n'obtiennent presque rien de leurs paroisses pour
leur subsistance, ce qui les oblige souvent à passer d'une paroisse
à une autre dans l'espoir d'y trouver un traitement plus raison-
nable. Les premières paroisses, ainsi abandonnées, perdent le peu
de fruit que le rétablissement du culte avait produit chez elles.
Les réfractaires ou rétractants qui exercent sont les seuls qui
jouissent d'un traitement honnête, parce qu'ils ont les riches de
leur côté ; et vous ne devez pas douter que, Jans ce malheureux
temps surtout, où la plupart ne se conduisent que par des vues
d'intérêt, cette faveur des riches et cette diSérence de traitement
n'aient influé et n'influent toujours beaucoup sur la défection des
ecclésiastiques qui ont rétracté, ou qui se comportent comme des
rétractants. Ma situation en particulier est toujours bien pénible,
car je prévois avec beaucoup de mal au cœur, qu'il me faudra
prendre enfin le parti de me retirer, parce que je ne reçois presque
rien pour ma subsistance, quoique de jour en jour le prix des
choses augmente, et que leloyerseul de mon logement tout simple'
qu'il est, absorberait le peu de secours que me donnent quelques
fidèles. J'aurais désiré qu'avant mon départ le culte eût été rétabli
dans mon diocèse, aussi bien que les circonstances peuvent le
permettre, afin de n'avoir rien à me reprocher devant Dieu à cet
égard ; et je crois pouvoir dire que j'ai réussi pour un certain
nombre de paroisses. Nos dissidents font actuellement de nou-
veaux efforts pour gagner des prêtres constitutionnels et grossir
leur parti. Ils viennent de répandre avec profusion dans le diocèse
les rétractations de trois évêques constitutionnels, Tune de Panis-
set, évoque de Mont-Blanc,* l'autre de Lamourette, évêque de
* Panisset avait apostasie pendant la Terreur, les évêques réunis crurent
devoir l'inviter à faire pénitence, il se rétracta avec grand fracas. La rétrac-
tation de Lamourette est douteuse ; j'ai sous les yeux une lettre touchante
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- 305 -
Bhône-et-Loire, et celle de Deville, é '
taies. Ces rétractations, surtout celle
tout Fart que la supercherie peut en :
lent plusieurs personnes, même des ( :
fait espérer que bientôt vousm'apprei :
tions de nos commissaires h Rome
troubles religfieux. Il serait bien temj :
chose de consolant à cet égard. Mais i
que de la cour de Rome. Il est certaii
dées sur les fausses Décrétales, se t ■
cause actuelle ; elle ne consentira jar i
ment. Quel biais trouvera-t-elle poui
sans les compromettre ? Les di'^siden
cour, sacrifient évidemment nos lib i
canoniques. On m'a dit qu'à ce sujet
tions à Florence ; quels défenseurs
ne me rassure pas.
Dans le cours de la visite que je vi !
les faits et les événements qui peuvi
servir à Thistoiro de l'Eglise de Franc i
notre confrère Grégoire. Je n'en ai ]>
prié les curés de me les fane passer à
ront. Je ne vous donnerai comme c(
tivement. A Cancon, petite ville du
cadavre trouvé entier, il y a deux ans ,
chapelle de Féglise paroissiale. Ce fut
l'église pour chercher du salpêtre qui i
membres ont conservé de la souplesse
le cadavre est desséchée comme du p
siastîque'sur lequel on trouva les ornci
croit qu'il fut chapelain de cette égl
l'endroit se rappellent d'avoir entendu
qu'il écrivit à sa mère la veille de sa mort, il
De Ville, mort le 20 juin 1796, n'est pas com;
tableau des évoques constitutionnels.
* 11 est question de ce fait dans la lettre du
oogle
— 306 -5
jennesse, d'an prêtre de cette église que sa, vie édifiante avait
fait regarder comme un saint ; mais aucun ne se rappelle l'époque
de son inhumation, et tons s'accordent à dire que sa mort a pré-
cédé leur naissance, ce qui doit la porter à plus de 80 ans. Dès
que le cadavre eut été découvert, il y eut un grand concours de
monde, même des départemens voisins. Ce concours, aujourd'hui,
n'est plus aussi grand ; cependant, on continue de le visiter, on
l'appelle le saint de Gancon. Je le trouvai étendu dans sa bière*
tout couvert de rubans qu'on y porte comme des offrandes. On
m'assura qu'il s'y était opéré des guérisons miraculeuses, et que
quelques personnes percluses s'y étant fait transporter avaient
recouvré l'usage de leurs membres; mais je n'ai pu demeurer
assez longtemps sur les lieux pour prendre les informations qui
m'auraient été nécessaires, afin de constater ces faits. Cependant,
je n'ai pas cru devoir arrêter le pieux empressement du peuple ;
je me suis contenté de dire au curé qu'il fallait l'instruire sur cet
objet, pour prévenir les abus qui pourraient se glisser dans l'es-
pèce de culte qu'on rend à ce nouveau saiut.
Dans quelques autres paroisses, notamment dans le canton de
Saint-Front, assez près de Monflanquin, le citoyen Aillaud, curé de
Cuzorn, homme vraiment respectable par ses lumières et sa con-
duite édifiante, m'a dit que le peuple avait sauvé sa religion dans
cette contrée; que ce peuple, malgré l'arrêté de Monestier qui
ordonnait d'observer les décades et de travailler les dimanches
sous peine d'être privé de pain, avait constamment préféré se
passer de manger ces jours-lk, plutôt que de se rendre au travail
sur les grandes routes, selon l'ordre du proconsul. A Monflan-
quin, les administrateurs firent entasser les effets des églises du
voisinage, parmi lesquels il y avait plusieurs tabernacles précieux
par la dorure et par le travail. Le citoyen Mural , administrateur,
l'un des plus grands aboyeurs contre la religion et les prêtres, fit
rendre un arrêté par l'administration, qui ordonnait que ces taber-
nacles seraient brisés et vendus ensuite comme bois de chauffage ;
ce qui fut exécuté, tant par ledit Mural que parle nommé Pomyro,
ci-devant curé de Saint-Front. Ce malheureux prêtre est devenu
par ses impiétés un objet de mépris et d'horreur pour tout le
monde. Les ornements sacerdotaux de ces mêmes ^lises furent
coupés par lambeaux, avant d'être vendus, de peur que ceux qui
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— 307 —
les achetaient ne les fissent servir au culte. Voilà des faits cer-
tains.
Je vous avoue, très cher et respectable confrère, que j'ai quelque
peine de voir les Annaks aussi silencieuses sur les affaires ecclé-
siastiques de notre département Plusieurs curés m'en ont parlé ;
ils croyaient que je ne mandais rien relativement à ce qui nous
regarde. Il parait que les autres diocèses sont mieux servis. Il
n'est pas douteux que quelques mots de temps en temps sur ce
qui se passe parmi nous réveilleraient les esprits endormis, ren-
draient le courage et consoleraient. Je vous ai envoyé 53 livres
que j'ai cru devoir vous adresser par une autre lettre. Je n'ai point
reçu l'Encyclique de la dernière édition que vous m'avez promise.
Je vous embrasse tendrement et fraternellement en Jésus-Christ»
t A Constant, Èvique cCÂgen,
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- 308 -
XI
[ Procès-verbal du Synode diocésain tenu à Agen le 2 Août 1797 de J.-C.
14 Thermidor 5e année. ]
L*aii de J.-O* et le 2 août 1797, — 14 thermidor an v de la Repu-
publique, — les prêtres constitutionnels du diocèse d'Agen, dépar-
tement de Lot-et-Garonne, assemblés en Synode, d'après la
conyocation expresse du citoyen Constant, évêque d'Agen, audit
département, faite par une lettre circulaire, en date du 20 du mois
dernier, à Teffet de procéder à la nomination d'un député du se-
cond ordre pour se rendre au Concile national qui doit se tenir à
Paris et dont l'ouverture est indiquée pour le 15 du courant, comme
il pardt par la lettre circulaire de plusieurs évoques réunis à
Paris, en date du 22 juin dernier (4 messidor ). En conséquence,
les prêtres constitutionnels, dûment convoqués, se sont réunis
dans l'église de N.-D. du Bourg de la présente ville, à 8 heures du
matin. Ils ont ouvert le Synode par la célébration de la messe so-
lennelle du Saint-Esprit et les autres prières prescrites par TEglise.
Le discours prononcé par le citoyen Constant, é-'êque, ayant été
terminé, on s'est occupé de former le bureau. Un membre a demandé
s'il serait formé au scrutin ou par acclamation ; la question a été
proposée à l'assemblée, et il a été décidé qu'il serait formé par ac-
clamation. On a nommé, en conséquence, trois scrutateurs et un
secrétaire, savoir : les citoyens Limousin, prêtre desservant Sainte-
Catherine de Villeneuve ; Ginseaq, curé de Donzat; Labié, curé
de Soubirous, et Lamothe, prêtre desservant Monbran, pour se-
crétaire.
Le bureau ayant été formé, il> été proposé h l'assemblée si elle
était d'avis d'envoyer une députation vis-à-vis des prêtres dissi-
dents, pour leur témoigner son désir pour la paix et l'union et les
inviter à se joindre à elle pour concourir à la nomination d'un
député au Concile. L'assemblée a accueilli cette proposition avec
I "^ — '*Tltu^
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- 309 -
plaisir; elle a, en conséquence, nomm !
Ladavière, curé de.SaiQirCaprais d'Agi
guillon; ils ont quitté la séance et se
citoyen Collet, ancien vicaire général
grégation, pour lui faire part desinten I
n*apas satisfait ces espérances; carl<:
par les deux députés a été que le cito;
ses principes étaient trop opposés {
D'après ce rapport, la séance a été h i
de Taprès-midi.
Séance [de] 3 heures après raidi. A
membre s'est levé et a réclamé contre 1 \
a dit être illégale. La question a été
quelques débats, le président a propci
si le bureau serait maintenu, ou si on
tion qui avait été déjà faite. L'asseml
absolue, que le bureau serait maint:
scrutin pour lYlection d'un député, u ;
semblée s'il fallait, pour être élu, la p.
rite absol :e. Il a été décidé qu'il fallai
ensuite proposé de savoir si un memli
sieurs procurations devait émettre un I
tion. Après une assez longue discussic
et levé que chaque membre donnerait
quence, on a procédé au scrutin. Cha(|
bulletin, Tappel nominal a été fait, et c
sur le bureau, dans un vase à ce destii
lets et du nombre des votants ayant él
au dépouillement du scrutin, et il en ei!
sept votants, le/îitoyen Boissière, cu!
majorité absolue des suffrages. En coi
tant a proclamé le citoyen Boissière d(!
Le citoyen Constant a ensuite propci
qu'il a laissé au choix de l'assemblée. I
demandé qu'on lui fit connaître le non
fonctions, soit de la ville ou des envîro
de onze ecclésiastiques, que l'assembli
Suivent les noms des ecclésiastiques c(
voir les citoyens :
oogle
— 310 —
Ladavière, cur6 de Saint-Caprais d'Agren, arckiprSire,
Monié, prôtre desservant Saint-Hilaire d'Ag^en,
Peyregand, Ratié raînô, prêtres desservant La Chapelle,
Boubi, curé de Monbusq,
Ligardes, curé de Saiute-Golombe,
Pinson, curé de Foulayronnes,
Pécliimbert, curé d'Artîgues,
Marliac, curé de la Capelette,
Mathieu-Batier, prêtre desservant Saint-Pierre de Gaubert,
Lamothe, prêtre desservant Monbran.
Il a ensuite été question de nomme? Tarchiprêtre chef du pres-
bytère; on a proposé, à ce sujet, de savoir si le presbytère serait
chargé de nommer son archiprêtre, ou si cette nomination serait
faite par rassemblée; après quelque discussion, on a décidé que
ce serait l'assemblée qui ferait cette nomination. Eu conséquenee,
on a procédé au scrutin. Le dépouillement fait, il en est résulté
que, sur quarante-sept votants, le citoyen Ladavière, curé de Saint-
Caprais d'Agen, a réuni quarante suffrages, et le président Ta pro-
clamé archiprêtre chef du presbytère. Cette opération faite, plu-
sieurs membres ont demandé de terminer l'assemblée, et qu'on
procédât à la rédaction du procès-verbal pour être signé par cha-
cun des membres; on a observé que le Synode devant s'occuper
des articles préparatoires du Concile, afin que chaque membre fit
les observations qu'il jugerait convenables, et d'en charger son
délégué pour le présenter au Concile.^ Plusieurs ont persisté à ce
qu'on procédât à la clôture du procès-verbal, ne pouvant, disaient-
ils, attendre la fin du Synode pour des raisons légitimes. Sur cela,
on a fait la proposition de savoir si le procès-verbal serait signé
individuellement ou par le bureau. L'assemblée ayant été con-
sultée, il a été décidé que le bureau signerait le procès-verbal. Il
La phrase est tronquée ainsi dans le procès-verbal ofldciel.
^igitizecItyL^UU^lL
— 3il —
s'est élevé plusieurs questions, mais comme il se faisait tard» la
séance a été levée pour être reprise le lendemain.
Séance du 3 août. L'assemblée s'est occupée des articles prépa-
ratoires du Concile. Avant de procéder à cet examen, un membre
du bureau se trouvant absent, on a procédé au remplacement; on
a proposé de savoir si ce serait par scrutin ou par acclamation.
L'assemblée ayant été consultée, il a été décidé que ce serait par
acclamation. En conséquence, le citoyen Ladavière a été nommé
unanimoment membre du bureau. Le bureau ayant été formé, il a
été proposé une seconde lecture des articles préparatoires. L'as-
semblée a décidé que chaque membre serait invité de faire ses
observations, et qu'il les transmettrait au député du Concile, s'en
rapportant d'ailleurs au zèle et aux lumières de celui qu'ils ont
délégué.
Après la lecture du procès-verbal, aucun membre n'ayant ré-
clamé, le bureau a signé et levé la séance.
t A. Constant, évêque d'Agen, département
de Lot-et-Garonne.
LiMOUziN, prêtre, scrutateur.
Làbie, curé de Soubiroux, scrutateur.
Ladavikre, scrutateur.
Lamothb, prêtre, secrétaire.
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— 312 -
XII
[Au citoyen Grégoire, évoque de Blois , rue Saint-Guillaume, à Paris].
Agen, ce 26 août 1799. 10 Fructidor, an vu.
Très ohbr bt bbspbctablb CoLLàouB ,
(Détails particuliers; compliments de condoléance sur la mort de
8a mère.)
Ce n'est que la nécessité qui me force d'accepter l'offre que me
fait le curé d'Aiguillon.* J'ai cru qu'il valait mieux prendre ce
parti que celui de me retirer dans ma famille, où l'on m'appelle tou-
jours. Je serai autant à portée d'administrer le diocèse à Aiguillon .
qu'à Agen. La première ville est môme plus centrale. Je sais que .
quelques familles et un certain nombre de personnes verront avec
peine mon changement ; mais les secours spirituels ne manquent
point à Agen. Il n'y a que quatre paroisses, qui sont toutes en
plein exercice. Je ne crains que quelques querelles du côté du
presbytère; mais j'espère que la décision de nos évoques réunis
le fera taire. Au reste le parti que je me suis proposé de prendre,
et que je ne prendrai point encore de quelque temps, n'est point
pour toujours. Si notre sort venait à s'améliorer de manière que
je puisse de nouveau axer mon séjour à Agen, sans être obligé de
contracter des dettes et dans une situation moins pénible , je ne
balancerais pas d'y revenir.
J'espère que nous recevrons les ouvrages que vous préparez,
et particulièrement les deux sur le Jubilé. J'ai de la peine à croire
que le pape, dans son état de captivité, donne une bulle à ce
sujet. Comment feront les autres églises nationales ? Je pensais
que le parti qu'elles prendront devrait être le nôtre; mais c'est à
nos évoques réunis h voir dans leur sagesse celui qui conviendra
le mieux. Assurez-les, je vous prie, de mon dévouement respec"
tueux, et faites-moi la justice de croire qu'on ne peut rien ajouter
aux sentiments d'estime et de vénération que je vous ai voués
pour la vie, très cher et respectable collègue.
t A. Constant, évique iÂgm^ déjpartemmt de Lot^t-Oaronne.
* Ghaubet, curé d'Aiguillon, offrait Thospitalité au malheureux Constant
qui se trouvait réduit à faire des dettes.
— 313 -
XIII
• [Au citoyen Grégoire, évéque de Blois et président du Ck)rps législatif
rue Saint-Guillaume, à Paris.]
Agen, ce 25 février 1800, 6 ventôse de Tan viii.
BbVÉRENDISSIMB BVâQUB ET TRÈS CHER. COLLÈOUB,
(Félicitations à Grégoire sur sa nomination au Corps législatiti
après le 18 Brumaire.)
Votre nouvelle magistrature m*a fait d'autant plus de plaisir
dans les circonstances, qu'elle me fait espérer que nous aurons
encore à féliciter la religion et l'église gallicane de cette nomina*
tion, par l'heureuse influence qu'elle peut avoir sur leur retour h
un meilleur état. Il est vrai que l'esprit dominant paraît toujours
à peu près le même par rapport à ces grands objets, et le nouvei
arrêté du gouvernement qui continue d'associer le culte divin
dans le même local avec les profanations qui se commettent tou-
jours dans les assemblées décadaires est une nouvelle preuve que
l'esprit ne cliange pas. Je m'attendais, je vous l'avoue, qu'au lieii
de continuer à gêner le culte, on travaillerait à le dégager des
entraves que lui avaient forgées les ennemis de la religion. Ce-
pendant je ne puis me persuader que les choses ne prennent enfin
une tournure plus favorable, et si vous aviez quelque chose de
consolant à me dire à ce sujet, vous feriez naîtrvî la joie dans mon
cœur, et vous pourriez compter sur toute ma discrétion. Ce qui
fonde encore mon espoir à cet égard, c'est un entretien que j'ai eu
ici avec le. citoyen Carret, délégué du Consulat pour notre départe-
ment et qui siège aujourd'hui au Tribunal. Avant son arrivée ,
je méditais sur les moyens de faire naître l'occasion d'avoir un
entretien avec lui, quoique je ne le connusse pas ; mais je dois
dire que lui-même m'a prévenu. A peine fut-il arrivé qu'il annonça
le désir de me voir. Il me le fit dire, et je me hâtai de me rendre
chez lui. J'en reçus l'accueil le plus honnête, et aussitôt il me dit
qu'il était bien aise de me faire part des dispositions du gouverne-
ment en faveur de la religion; que le gouvernement sentait fort
— 314 —
bien que le débordement des mœurs en France avait principale-
ment sa source dans Tanéantissement de la religion. Il me de-
manda mon avis sur les moyens que les circonstances permettaient
de prendre pour lui restituer son influence et son activité pour la
régénération des mœurs. Je lui parlai d'abord de la nécessité de
maintenir et de propager le ministère ecclésiastique, dont la reli-
gion ne pouvait se passer, et qui s'éteignait peu à peu par la morl
des anciens pasteurs que nous ne pouvions remplacer, n'ayant pas
les moyens de préparer et déformer les candidats, ce qui devait
nécessairement amener la chute entière du culte catholique en
France. Je lui parlai encore de la nécessité de rendre aux ecclé-
siastiques fidèles à la religion et à leur patrie la confiance dont
ils ont absolument besoin pour remplir avec succès auprès des
peuples les fonctions de leur ministère ; ce qu'ils ne pouvaient
espérer d'obtenir qu'autant que le gouvernement les tirerait de
l'état de mépris et d'opprobre dans lequel les avaient jetés et les
tenaient toujours les ennemis de la religion, par leurs calomnies
et leur licence effrénée à vomir contre eux toutes sortes d'outrage.
Enfin, je lui parlai de la nécessité de prendre des mesures pour
ramener la paix, Tunion et la concorde parmi les ministres de la
religion, et discerner ceux qui sont véritablement amis de la pa-
trie et attachés au gouvernement, de ceux qui ne cherchent qu'à
troubler la tranquillité publique. Je lui fis part do mes vues sur
ces différents objets ; il me parut les goûter. Lorsque jo pris co gé,
il me dit qu'il me verrait de nouveau, et me pria de lui donner par
écrit ce que je lui avais dit dans notre entretien, lequel dura pour
le moins une heure et demie.Mais, dès le lendemain, il fut obligé de
partir, d'après une lettre du gouvernement qui le rappelait à Paris.
En partant, il chargea le commissaire du gouvernement auprès
de notre municipalité de me voir de sa part, de me rappeler le
mémoire que je lui avais promis, et de le lui envoyer à Paris. Je
brochai ce mémoire, et notre commissaire l'a fait partir. Le ci-
toyen Carret a répondu au commissaire par une lettre remplie
d'honnêtetés pour moi. Il dit qu'il a lu mon mémoire, qu'il sent
la solidité de mes raisons et la justesse de mes vues, et qu'il les
appuiera si l'occasion s'en présente. Il parait toujours dans les
meilleures dispositions. J'espérais que chacun des délégués du
Consulat dans les départements avait du gouvernement quelque
commission secrète de conférer avec les évdques sur les mêmes
objets, et cette idée augmentait encore mon espoir. J'ai écrit au
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— 3!5 -
métropolitain de Toulouse ; il m*a répondu qu'il n'avait point vu
le délégué de son département et qu'il n'avait été question de
rien concernant la religion ; d'où î'ai conclu que nous n'avions '
encore aucune espérance fondée de l'heureux changement dont je
me flattais. Cependant l'état de la religion, de môme que celui de
ses ministres, empire toujours. Le peuple, qui ne nous donnait
que de bien minces secours, ne donne presque plus rien, soit par
oubli de ses devoirs de justice et d'humanité, soit par le
prétexte qu'il est surchargé d'impositions. J'ai quelques curés
qui, en conséquence, ont quitté leur état pour prendre le métier
de marchands ou quelque autre profession. Leâ dissidents trou-
vent plus de ressources dans leur parti ; aussi sont-ils plus fernles
dans leur état.
Je vois avec peine la dispute qui s'est élevée entre l'évèque de
Versailles et quelques-uns de nos collègues. Si la division se met
parmi nous, qu'allons-nous devenir ? Ce sera prêter contre nous
des armes et aux dissidents, à qui nous avons fait le juste repro-
che de n'être point d'accord entre eux, et aux impies qui profitent
de nos divisions pour décrier et anéantir la religion. Ce n'est pas
toutefois que j'approuve les innovations qu'un mauvais conseil
aura suggérées sans doute à ce vénérable vieillard ;* mais n'aurait-
il pas [été] possible, sans donner d'éclat à cette affaire , d'arrêter
ces innovations en lui faisant sentir les inconvénients qui doivent
en résulter, en fournissant surtout aux dissidents des prétextes
de se tenir toujours éloignés de nous. Je n'ai point voulu jusqu'ici
envoyer mon avis, par le respect dont je suis pénétré pour l'évo-
que de Versailles. Je ne doute pas que cette querelle ne lui donne
des inquiétudes, et j'en suis bien fâché. Au reste je ne vois rien
dans tout cela qui attaque ni la foi ni les mœurs. Je pense même
qu'il serait à désirer que la pratique qu'il veut introduire ait tou-
jours eu lieu en France ; mais je sens que les circonstances ne sont
pas favorables à ces changements. Si vous jugez qu'il soit à pro-
pos que chacun de nous s'explique, je le ferai avec tous les égards
dûs à ce respectable évêque.
^ L'abbé Clément, auteur du voyage d'Espagne et d'Italie, évéque consti-
tutionnel de Versailles; il avait alors plus de 80 ans.
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— 316 —
Les papiers publics nous ont fait part d'une lettre du révérendis-
sime métropolitain de Paris au premier consul pour solliciter le
rappel de M. de Juigné. Chacun a parlé de cette lettre suivant qu'il
est affecté. Les dissidents y ont vu un aveu que le siège de Paris
appartient toujours à M. de Juig^é; les autres n'y ont vu que
l'offre de nos places, que nous avons déjà faite aux anciens titu-
laires, quand il plaira au gouvernement de les rappeler, et tout
cela pour le bien de la paix.^ Mais la lettre suppose que M. de
Juigné a bon nombre de partisans à Paris.
Pour ranimer un peu l'esprit religieux, bien attiédi dans notre
ville, j'ai porté quelques bons chrétiens h former dans nos pait>is-
ses des associations sous le nom de Sociétés de charité. La chose
prend assez bien; ces sociétés se réunissent les jours de diman-
ches et de fdtes pour entendre la messe avec une instruction qu'on
a soin de leur faire. Elles se sont fait quelques règlements que j'ai
approuvés, et qui ne tendent qu'à leur faire remplir leurs devoirs
religieux, à leur faire exercer les œuvres de charité envers les
pauvres et les malades. Us s'engagent particulièrement à assister
leurs frères malades, à leur faire procurer le secours de la reli-
gion, à les porter à Féglise lorsqu'ils sont décédés, et à assister
aux cérémonies funèbres qu'on fait pour eux. Au reste, tous leurs
exercices religieux sont renfermés, conformément aux lois, dans
l'enceinte des temples. Néanmoins quelques mauvais esprits on t
prétendu que le gouvernement ne souffrirait pas ces associations.
Si vous croyiez qu'il y eût quelque chose de contraire aux lois,
je vous serai bien obligé de m'en donner un mot d'avis. Jusqu'ici
ces sociétés ont au moins produit ce bon effet de faire approcher
de l'église plusieurs personnes qui n'y paraissaient pas, et j'espère
que ce sera un moyen pour que quelques-uns deviennent vérita-
blement chrétiens.
* Tous les conetitutionnels, excepté Savine, évèque de Viviers sous l'an-
cien régime, donnèrent leur démission en 1801 ; plusieurs évoques inser-
mentés refusèrent la leur et furent dépossédés par suite d'un véritable
coup d'état ecclésiastique. L'ancien évoque de Blois, Thémines , disait, vert
1820, qu'il était le seul prélat catholique qu'il y eût au monde.
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- 317-
(Le reste de la lettre a trait à des affaires particuliôrés de nul
intérêt. ) ^
• . . Recevez l'assurance de l'attachement tendre et respectueux ,
avec lequel je suis pour la vie le plus dévoué de vos serviteurs.
t A. GoNSTi^NT, évêfiêe tFÀçen^ département de Zot-et-Qaronne.
Grégoire a écrit au dos le celte lettre les quelques lignes que
voici : < Le gouvernement no se mêlera pas de contrecarrer ces
associations de charité ; il est bon de les multiplier. Les agents du
gouvernement n'oseront persécuter, c'est tout ce qu'on peut atten-
dre d'eux. La religion n'a pas d'autre appui à attendre de la part
des hommes en France, parce qu'on [cet on, c'est le Premier
Consul que Grégoire voyait souvent alors] n'est pas encore assez
sage sur cet article pour sentir le besoin de ia favoriser. Lui donner
des nouvelles et des détails consolants. » -* C'est le canevas d'une
réponse.
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— 318 —
XIV
[ Au citoyen, lo citoyen Grégoire, président de Tlnstitut national , à Paris. ]
Aiguillon, 28 ventôse an viii« (19 mars 1800).
Monsieur,
Malgré que je n'ai pas Thonneur d'être connu de vous, avec la
confiance que j'ai en vous et rempli de cette confiance, je viens,
comme Fange de la paix, implorer auprès de vous le secours de
votre protection pour le repos et la tranquillité des habitants de
la paroisse d'Aiguillon dont je suis le curé», et intimement lié avec
le citoyen Constant, évêque de notre département. Ma paroisse a
joui de la plus parfaite tranquillité depuis quatre ans, grâce à une
bonne administration qui, malgré la division des citoyens en ma-
tière civile et religieuse, par ses lumières et sa sagesse, elle a su,
jusqu'à ce jour, faire jouir aux habitants les délices de la paix. Mais
voici le moment où les administrations vont être renouvelées, et
je crains que, par ce renouvellement, la religion du préfet de notre
département ne soit trompée, et qu'il nomme à notre commune
des hommes ennemis et du gouvernement et de la religion
C'est pourquoi je me fais l'honneur de vous écrire de vouloir bien
parler ou écrire de suite au citoyen Bogie de la Bergerie, notre
préfet, votre ami et votre collègue à l'Institut national, de le
prier de ne se point laisser persuader pour la nomination du maire
et de son adjoint à la commune d'Aiguillon. Veuillez, je vous prie,
pour remplir ces deux places, lui désigner le citoyen Goutières
aîné, président actuel de notre administration municipale, pour
maire d'Aiguillon, et le citoyen Nugues aîné, pour officier de po-
lice... Monsieur Constant; évêque de notre département, doit de
puite vous écrire en leur faveur. . . Ce sera un service que vous
rendrez à tous les habitants de la commune d'Aiguillon. Je saisi-
rais toutes les occasions de pouvoir vous en témoigner toute ma
reconnaissance. Je désirerais môme pouvoir trouver une commo-
dité sûre pour vous faire parvenir quelques carottes du tabac de
Clairac. Si vous pouvez me fournir une commodité sûre, veuillez,
je vous prie, me le marquer le plus tôt possible. . .
J'ai l'honneur, etc.
Chaubbt, cmi (TAifuillon,
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— 319
XV
[Au citoyen Grégoire....]
Agen, ce 20 janvier 1801 (30 nlvose de Tan ix).
BÉVÉRENDISSIMH ET TRÈS OHER COLLÈGUB,
La vive impression que fit sur moi la nouvelle de l'attentat mé-
dité contre notre premier Consul, la protection marquée de la
Providence, qu'où ne peut s'empêcher de reconnaître dans la
manière dont il a échappé à ce danger et à tant d'autres, m'enga-
gèrent aussitôt à proposer aux fidèles de notre capitale et du
diocèse d'en rendre h Dieu de solennelles actions de grâces par le
chant du Te Deum et les prières pour la République. Le peuple
regut la proposition avec enthousiasme. Je fixai la cérémonie au
dimanche suivant, 18 de ce mois, à laquelle je fis inviter l'admi-
nistration. La cérémonie eut lieu le jour fixé ; elle se fit avec toute
la pompe que put y mettre une église qui n'est pas riche. Le
concours fut grand ; l'église n'aurait pu contenir plus de monde.
A la fin de la cérémonie, le peuple fit éclater ses transports de
joie et ses vœux pour la conservation des jours de notre premier
Consul, par les acclamations réitérées de Vive Bonaparte. Après la
cérémonie, plusieurs citoyens vinrent me témoigner la part qu'ils
y avaient prise, ainsi qu'à la joie publique. L'un d'eux, membre
du conseil de préfecture, que sa probité connue a toujours appelé
aux charges publiques depuis la Révolution, et qui, malgré les
sarcasmes des impies et l'emportement de.^ enragés, a constam-
ment fait paraître le plus grand zèle pour Jle rétablissement du
culte et le maintien du bon ordre, me dit qu'il me priait, au nom
de tous, d'envoyer au bureau dés Annales de la Religion^ un article
sur la cérémonie qui venait de se faire. Ils me chargèrent même de
prier le bureau d'en faire insérer quelque chose dans les autres
papiers publics, comme on l'a déjà fait pour d'autres lieux où la
môme cérémonie a été pratiquée. Comme je vis que ce serait pour
eux une consolation qu'ils méritent véritablement, laquelle pour-
rait même contribuer au bien de la religion dans notre ville, je
leur promis de le &ire, et j'acquitte ma parole.
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— 320 —
Quelques jours après, le préfet me députa un de ses conseillers
pour me prévenir qu'il se proposait d'assister le dimanche suivant
à la même cérémonie dans une des églises paroissiales que je lui
indiquerais. Comme il est protestant, je n'avais pas cru devoir l'in-
viter ; et j'eus d'abord quelque peine qu'il se proposât d'y assister;
mais je sentis qu'une résistaace de ma part aurait peut-être des
suites fâcheuses. Il me pria, en môme temps, d*y faire inviter tous
les corps de la ville, ce que j 'ni fait. Tous s'y sont rendus, chacun
dans son costume, et la cérémonie a eu le même éclat que dans
les temps qui ont précédé la révolution d'impiété. Le concours a*
été immense , et le peuple y a donné de nouvelles preuves de son
attachement et de son enthousiasme en faveur du premier Consul.
Je vous envoie un exemplaire du mandement que j'ai donné à
ce sujet. Non que la ch^se en vaille la peine, mais il peut au moins
servir à manifester mes sentiments et ceux du clergé qui me de-
meure attaché à l'égard du premier Consul et de notre gouverne-
ment actuel. Tout cela n'empêche pas que nous n'éprouvions ton-
jours les plus grandes inquiétudes de la part des prêtres dissidents
et de leur parti ; ce sont même ces témoignages de notre attache-
ment au gouvernement actuel, qui les irrite et augmente leur
fureur, et ce qui est le plus fâcheux, c'^st qu'ils trouvent de la
faveur et de l'appui dans la plupart des administrations. De tous
côtés les pasteurs que j'avais plac^ sont troublés et menacés par
les prêtres nouvellement rentrés et leur parti. Quelques-uns dés
prêtres fidèles sont forcés de quitter leurs places, malgré mes
exhortations pour les engager à tenir ferme. Les fanatiques osent
tout impunément par la faveur et l'appui de mauvaises adminis-
trations. J'en ai porté ma plainte à H préfecture, et l'on me répond
qu'on ne peut rien faire tant qu'il n'y a rien d'offleiel de la part
des administrations locales.
Voici un fait entre mille que je pourrais vous citer, qui vient
de se passer sous mes yeux, et dont toute la ville est également
instruite. Le nommé Dutrouïlh, l'un des agents du maire, vient de
mourir. Ce bon citoyen assistait assidûment avec sa famille aux
offices dans mon église, autant que ses fonctions le lui permet-
taient. Quelque temps avant sa mort, lorsqu'il pensait à régler
les affaires de sa conscience, quelques-uns de ses parents, attachés
au parti dissident, s'emparent de lui. On va lui chercher un prêtre
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- 321 —
du nombre de ceax qui s'appellent j!wr« <
menia à Thôpital de notre ville.
Dès que le malade le vit, il lui demai i
Sur la réponse du prêtre, le malade le r |
ne voulait point donner sa confiance i
Celui-ci, soutenu par les parents fanati
malade le repousse toujours, lui disant c
ment. Enfin, le prêtre, voyant qu'il ne i :
le malade obsédé approchait de son de
rextrôme-onction. Le malade mourut pr !
ne suffisait pas au zèle fanatique du p
violence en quelque sorte au cadavre m !
parents du défunt de la consolation de I
ecclésiastique à leur parent. Pour cet i
ment, et on Tinhuma dans le cimetière, i
excès que se permettent nos dissidents. :
uns de ce parti avaient rougi de cette c( i
que notre gouvernement prendra des m i
ter ces excès, qui se répètent chaque joi
J'ai trouvé dans les Annales de la Se \
nonce votre inquiétude sur le délai de n i
Je ne suis point sans quelque inquiétuc
assure qu'il n'y a point de ma faute. Il
j'ai tenu mon Synode. Je n'oserais non ; :
politain ; mais, c'est le malheur des tem{
notre arrondissement métropolitain qui
dément.
Je vous embrasse, révérendissime ei;
tendrement en Jésus-Christ, et suis ton
vos serviteurs.
t A. Constant, évêque cPAgen^ àépa
oogle
- 322 —
XVI
[Pro cès-verbal du Synode tenu à Agen dans la troisième semaine après
la Pentecôte, 1801.]
L'an de g^râce et le 16 juin 1801 (27 prairial, an ix de la Républi-
que française), les vénérables prêtres du diocèse d'Agren, assem-
blés dans l'église de Notre-Dame du Bourg", en exécution de la
lettre de convocation du révérendissime évoque, ont assisté, en
surplis et en étole, h la m ^sse solennelle du Saint-Esprit, célébrée
par le prélat, précédée du chant du Vent Creator et de la profession
de foi publiée par Pie IV, en 1564, à laquelle tous les membres du
synode ont adhéré en portant la main sur le livre des Évangiles.
Après la messe, les prêtres ont procédé à la composition du bu-
reau, se sont constitués en assemblée synodale et ont nommé
pour promoteur et pour secrétaires les mêmes qui avaient été élus
dans le synode précédent, lesquels sont le vénérable Monié, des-
servant de Saint-Hilaire d'Agen, promoteur ; les vénérables La-
mothe, desservant Monbran , Marquez, curé de Saint-Victor, et
Bonnetou, curé de Casseneuil, secrétaires. Le bureau étant formé,
on a procédé à la confection du tableau tant des prêtres présents
au Synode que de ceux qui avaient envoyé leur procuration et
l'acte de leur adhésion. La liste étant faite, il s'est trouvé que le
nombre des présents a été de soixante-quatorze, et le nombre de
procurations et des actes d'adhésion a été de quatre vingt-un.*
Aussitôt, le synode a procédé à la nomination du député au Con-
cile national. Le vénérable Boissière, curé de Saint-Étienne de Vil-
leneuve-sur-Lot, ayant réuni la presque unanimité des suffrages,
le révérendissime cvêque Ta proclamé député élu du Concile natio-
nal. La proposition ayant été faite de nommer un suppléant, les
pères du Synode l'ont adoptée et ont renvoyé cette nomination à
laséance de l'après-midi. Le révérendissime évêque ayant proposé-
aux père.s du Synode de former des congrégations pour y traiter
* C'est donc plus do cent cinquante prêtres que le diocèse d'Agen possédait
en 1801, après bien des décès et des défections nombreuses. Les trois cents
communes du département se trouvaient ainsi desservies d'une manière
assez complète.
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— 323 —
des objets qu'il présentait à la discussion, il a été convenu qu'at-
tendu le prompt départ du prélat et du député, et le besoin qu'a-
vaient la plupart des pères de se rendre auprès de leiir troupeau,
on établirait, pour suppléer aux congrégations, une commission
de correspondance, laquelle serait chargée de recevoir et d'en-
voyer au Concile national, par Tentremise du rcvéreudissime évo-
que, les ouvrages relatifs aux objets qui auraient occupé les con- •
grégations ou tous autres qui concerneront la religion. A la séance
du suir, on a procédé à la nomination du suppléant. Le vénérable
Ladavière, curé de Saint-Caprais d'Agea et arcbiprôtre, ayant
obtenu la majorité absolue des suffrages, Li révérendissime a con-
firmé la nomination et Ta proclamé suppléant du d «puté.
Le Synode a protesté de son attachement aux maximes de
rÉglise gallicane, et notamment pour les quatre articles du clergé
de France.
Le Synode a également protesté contre toute innovation dans la
langue dont l'Église latine fait usage pour l'administration des
sacrements.
Le Synode prie instamment les pères du Concile de porter un
décret par lequel il soit •strictement défendu h tout prêtre de s'im-
miscer dans les fonctions du saint ministère, sans une autorisation
expresse de l'évêque diocésain, et leur demande en môme temps
d'interposer leurs soins auprès du gouvernement pour que ce
décret, si nécessaire au développement et au maintien du bon
ordre, ait son exécution.
Le lendemain, le Synode a commencé sa séance par une messe
solennelle pour le repos de l'âme des pasteurs morts dans le
cours de Tannée précédente, et la même séance a été terminée,
ainsi que le Synode, par les proclamations ordinaires et le chant
du Te Deum,
f A. Constant, évêque fAgen^ département de Lot-
et- Garonne.
LkyiOTiLi&, prêtre desservant, Monb., secrétaire.
M. B'<* Marques, curé de Haint- Victor^ secrétaire.
BouNETOU, secrétaire et curé de Casseneuil
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— 324 —
XVII
[MoQcrabeau, le l** Janvier 1801, par Nérac, département de Lot-et-Garonne.]
Monsieur l'Evêque,
. . • Gomme législateur et comme évoque, je vous dois tous les
renseignements utiles pour la patrie et pour la religion. Je me
croirais toujours infiniment éloigné de mon acquit, si je ne met-
tais sous vos yeux Tétat déplorable de Fécole primaire de notre
paroisee.
Je suis curé de Moncrabeau, chef-lieu de canton. L'école pri-
maire de notre villette est sous la férule d'uti certain Labadie, dis-
sipateur d'une belle fortune, et fils d'un ancien courtier de Bor-
deaux, sage et riche. Tout est marquant dans la conduite révolu-
tionaire de notre instituteur. 11 est ftgé d'environ 50 ou 55 ans. Sa
place fut toujours au sommet de la Montagne. Sous Robespierre,
il ménta d'être procureur-syndic au district de Bourg, près Bor-
deaux. L'autorité fut constamment dans ses mains une ^erge de
fer, et surtout contre les ministres de la religion catholique, sans
distinction. L'immortelle journée du IX thermidor lui ayant en-
levé tous ses pouvoirs, il ne voyait plus que des craintes et des
dangers. Aussi sorMl précipitamment de Bourg, chargé do la
haine et de la malédiction du peuple, sans savoir quel parti
prendre. Enfin il prend celui de se réfugier à Moncrabeau, terre
natale de ses ancêtres. La très grande majorité de nos concitoyens
murmure, mais le commissaire du Directoire et aujourd'hui notre
maire, parent de Labadie, et tout aussi a&ti-chrétien que lui, fait
obtenir la régence de notre école primaire à l'homme le moins
propre qui fût jamais par ses principes et sa conduite. Aussi,
notre jeunesse, dans quel état n'est-elle pas? Heureusement que
mon ministère me fournit quelque ascendant. Je m'en sers avec
zèle et attention. Mais hélas I que mes succès sont peu de chose en
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— 325 -
comparaison de ceux qu'obtient journ( ]
Il occupe avec sa femme, qui est instit i
raie. Plusieurs de mes paroissiens me d :
est-ce que cette maison sera rendue à <
Ha réponse est toujours un profond et ( .
La religion, M. Tévèque, est, dans nos :
triste ; et si cette session du Corps lég i
taines lois que nous sommes en droit d' i
ront que des gages bien peu solides de
tranquillité....
(L'auteur cïe la lettre demande qu'on |
astique les prêtres mariés; il seplain
pas été payées depuis un an.)
(La fin prochainement.)
oogle
CHRONIQUE D'ISAÂC DE PÉRÈS.
( Bulle )
Rancotte de la Flore , vefve à feu le cappilaine David, * mourust
le xxviii» décembre 1597.
Judic de la Fite,^ ma (ilheule, nasquit le 9* jenvier 1598, et fust
baptizée au lieu de Puchx, par Mons' de Ferré, Minisire, le dimen-
che xviii® dudit mois et an que dessus.
Maistre Jean de Vergés, Procureur Général au siège d'Albret, •
mourust dans la ville de Bourdeaux, le xix* jenvier 1598, ou il es-
toit allé pour poursuivre quelques siens procès.
François du Porté, maistre menuisier, autrement appelé le sergent
Duporté, mourust le dernier jour de jenvier 1598.
Le5°febrier, passa en ceste ville, un homme de grand stature,
ayant sa femme et deux petites filles avec luy, soy disant opérateur
en telle'perfection qu'il entreprenoit faire voir les aveugles, garir
les écrouelles, la goutte, la gravelle, et plusieurs autres maux, et
• Les gages du capitaine David figurent] aux registres de la Chambre des
comptes de Nérac, à la date de 15S6-h7 (Voir V Inventaire sommaire des À rchives
des Basses-Pyrénées, Série W.
• Cette filleule paraît ôtre en même temps sa nièce, Jeanne de Pérès, sœup
d'Isaac, ayant épousé en secondes noces, en 1597, Pierre Laffite, à Lavardac.
• La veuve de Maître Jehan de Verges est inscrite au rôle des tailles
de 1599, Portai de Bourdeaux,
La ville était divisée, aux xvi© et xvii« siècles, en quartiers portant le nom
de ses portes. Portai de Condom s'ouvrant sur la route de ce nom ; Portai du
Marcadieit, s'ouvrant sur la route, dite aiyourd'hui, de Mézin ; Portai de Bour^
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- 327 -
entre autres faisoit engrosser les femmes stériles. De quoy plusieurs
le creurent, mettant en pratique les remèdes quMl leur enseignait.
Mais, dans quelques jours, on sceut que c'estoit un lîommédien et
joueur de farces, lequel, venant de la Court, avait inventé cest art
pour gagner sa vie. Aucuns luy donnarent de l'argent qui ne feust
sans le regretter, à cause que, tant hommes que femmes, demeura -
rent au mesme estât qu'auparavant, ne recevant aucun soulagement
de ses receptes qui n'estoient que suc de blettes rouges.*
Guillaumes Blondeau, autrement appelé maistre Tarrascon, mou-
rust le x« mars 1598.^
Au mois de novambre et décembre de Tan 1697, jenvier et fé-
brier 1598, que sont quatre mois ensuivans, furent de grandespluyes
continuelles qui ne cessarent pendant tout ledit temps. Cela fust
cause que le pouvre peuple patit beaucoup, ne ce pouvant ocuper
a aucun travail, cstans plusieurs d'iceux, constraiutz à demander
Taumosne, chose qu'ilz n'avoient fait de leur vie. Il y heust un des-
bordement gênerai des rivières. Bayse le fust deux fois audit mois
deaux, s'ouvrant à rextrémité de la rue qui porte encore ce nom ; Portai du
Pont, s'ouvrant sur le pont du Pelit-Nérac et comprenant la vieille ville ;
Portai de Fontindêre, a'ouvrant sur la route, dite aujourd'hui, de Barbaste. A
CCS portes sont joints les villages qui en dépendaient : pour le Portal de
CoNDOM : Lou Castéra, — Touzon, — Lasbordettes, — Lassaubole et Moni-
cou, — Lestatge-de-dessoubs, — Lestatge-de-dessus, — Andrante, Asquets,
Lassai e-de-Mounou, — Joulan, — Bernat-Doux, — Tirot : Portal du Marca-
DiEU : Dazzeria, — Tauziete, — Mourat, — Cauderoue, — Larrat, — Nissou,
— Poulyè : Portal du Pont : Nazaret, — Maie,— Pères, — Loumies, — Lus-
cladc, — Lou Gay, — Coffette, — Padier, — Les Anges-de-haut, — Laramé,
— Laouillaou, — Petit Esparros, dit Saint-Perdou, — Pelane, — Meulan, —
Breschan, — Durou,' — Larché, — Magnertes, — Mazères, — Betpaumes, —
Micheau, — Bonat : Portal de Fontindère : Laubugne," — Lou Garrouè, —
Nicoulaou, — Serbat. Le Portal de Bourdeou ne commande à aucun village ;
il se confond avec celui de Fontindère.
' Voir sur la blette en général, sur la blette rouge en particulier, un long
article dans le Dictionnaire de Trévoux (édition de 1871, t. I, p. 931".
* Guillaume Blondeau, habitant le quartier du Portal de Marcadieu, est
inscrit ainsi au livre des tailles de 1599 : Hoirs de G. Blondeau^ dit Tarascon,
- 3Î8 -
de rebrier, entrant bien avant dans la ville.* En ladite année 1598, les
pouvres furent baillés a nourrir aux babitans de ladite ville.^
Monsieur Maistre Jacques du Faur/ mourust le 13® mars 1598.
Monsieur de Sainctteraille»^ mourust le xiii^^ mars 1598, aagé de
cent un an.
« M. J.-E. Boudon de SaintrAmans {Histoire ancienne et moderne du départe-
ment de Lot-et-Garonne ; Â^en, 1836) ne mentionne pas le débordement de
nos rivières en 1598, mais il dit sous Tannée 1599 (t. I, p. 459) : « Ctette
môme année est signalée dans nos fastes par une grande inondation de la
Garonne. Ses eaux s'élevèrent très hatg^, et renversèrent le mur de la ville
qui formait Tenceinte méridionale du jardin des Cordeliers d'Agen....»
* Ce fut la même chose à Bordeaux, comme nous le voyons par ce passage
du Supplément des Chroniqueurs de la Noble ville et cité deBourwsauXy par Jean
Dahnal, déjà cité, p. 3 : « Ladite année estant fort diseteiise, et la ville
pleine de pauvres mourans de faim, fut arresté, qu'ils seroient despartis en
toutes les maisons sans exemption de personne, ayant moyen d'en nourrir.»
* Habitait le quartier du Pourtal de Marcadieu. Inscrit au livre des tailles
de 1599. Les Dufaur étaient alliés aux Pérès, Jean Pérès ayant épousé Marie
du Faur. Dans le livre de raison de la famille Gaucabane, on trouve un
Michel du Faur inscrit pour une dette'de douze cents francs bourdeloys à la
date de 1595.
* Bernard de Montesquieu, seigneur de Saintrailles, était le troisième
fils de Imbert de Montesquieu, seigneur de Gelas, et de Magdelaine, dame
de Sainte-Colombe. Il était devenu seigneur de Saintrailles par son mariage
avec Francienne ou Francine de Chamborel, dame de Saintrailles. Le
P. Anselme {Histoire Généalogique des Grands officiers de la couronne, t. vii,
p. 283, ) lui donne les titres q[ue voici : Seigneur de la Mothe et de Cumont,
écuyer d'écurie du roi et gentilhomme de sa chambre, mestre de camp des
bandes françaises, capitaine des gardes du roi de Navarre, chevalier de
l'ordre et gouverneur de la citadelle de Metz, » «goûtant qu'il mourut
après 1399, alors que, comme on vient de le voir, il mourut avant 4599.
M. Samazeuilh {Bibliographie de l'arrondissement de Nérac, p. 760-761,) nous
apprend que « dans une lettre de Henri, roi de Navarre, du 22 janvier 1579,
et que possède la famille de Faulong, M. de SaintraUles est qualifié de capi-
taine et gouverneur des parcs et garennes de Durance, charge que ses pré*
décesseurs paraissent avoir aussi exercée. » On peut lire la lettre citée par
M. Samazeuilh, aux pages 135, 136, du tome viii du Recueil des lettres
missives de Henri IV, où elle a été imprimée d'après une copie transcrite par
ce même M. Samazeuilh. Amaniçu de Montesquieu, seigneur de Saintrailles,
fils de Bernard de Montesquieu, né au château de Xaintrailles^Ie 27 décem-
bre 1584, marié, en octobre 1605, avec Hélène de Lupiac, fille de Jean de
Lupiac, seigneur de Moncassin, obtint, le 24 octobre 1613, du roi Louis XIII
la confirmation de l'état de garde des eaux et forêts du parc de Durance.
M. Tamizey de Larroque a retrouvé, dans les archives du château de Xain-
trailles, l'original sur parchemin de cet acte de confirmation dont il nous
a communiqué la copie que voici :
« Louis par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre à tous ceux
qui ces présentes lettres verront» salut. — Le feu roy Henry le Grand, nosire
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- 329 -
Monsieur de Panjas, meslre de camp du régiment de Guienne ,*
dressa sondit régiment, au mois de mars de Tan 1598^ en ce païs
d'AIbret et Gondomois, lequel estant en pied fut rompu vers la fln
du mois d'april ensuivant.
très honnoré seigneur et père que Dieu absolve, auroit pourveu nostre cher
et bien amé Amanieu de Montesquiou, sieur de Salntrailles, de Testât et
office de gouverneur des eaux et forets de nostre parc de Durance, en nostre
duché de Albret, que vouloit auparavant avoir et tenir le sieur de Sainte-
Colombe, son père, suivant les lettres de provision qui luy en lurent expé-
diées à Grenoble le vingtiesme jour de septembre 1600, dont ledict de
Montesquiou nous ayant faict supfter luv vouloir octroyer nos lettres de con-
firmation, Bçavoir faisons que pour la Donne et entière confiance que nous
avons de sa personne et de son sens, suffizence. loyauté, expérience et
bonne dilligence, à iceliuy pour ces causes et aultres à ce nous mouvant,
avons continué et confirmé, continuons et confirmons ledit estât et office de
fouverneur des eaux et forests de nostre dict parc de Durance en nostre
ict duché, qu'il a tenu et exerce, tient et exerce encore k présent, et lequel,
en tant que de besoin, luy avons de nouveau donné et octroyé, donnons et
octroyons par ces présentes pour îceluy avoir, tenir, en jouir, en user
doresnavant par le dict de Montesquiou, aux honneurs, autoritez, preroga*
tives, prééminences, lï*anchises, libertez, droictz, fruictz, proffictz, revenuz,
esmolumentz et gaiges et coustumes et qui y appartiennent, tant qu'il nous
glaira, et donnons en mandement à noz amez et féaux les genz de nostre
ionseil et de noz comptes k Nerac que le dict de Montesquiou ils main*
tiennent audict estât et office... Donné à Fontainebleau, le xxiin« jour du
mois d'octobre Tan de grâce mil six cens treize et de nostre règne le qua-
triesme. » Louis.
A propos de Durance, M. Tamizey de Larroque nous indique l'existence,
dans un manuscrit de la Bibliothèque Nationale, qui appartient au fonds
français (n© 14309), de divers documents relatifs au duché d'Albrct (xvii«
siècle), notamment d'un procès-verbal d'évaluation des commissaires du
Roy, députés du Parlement de Bordeaux, du 15 avril 1655 (où l'on signale le
moulin foulon ou moulin à draps de Barbaste, que fit construire le prince
de Gondé, de 1641 à 1651, l'ajoutant aux autres moulins à blé établis sur la
Gélise, lequel moulin ne tarda pas tomber en ruine); le procès-verbal
d'évaluation des commissaires du Roy députés de la chambre des comptes
de Navarre, du 16 février 1657 ; des observations sur le procès- verbal d'éva-
luation dressé par les commissaires du Parlement de Pau, par M. Bartouil
de Taillac, intendant du duché d 'Albret, etc. Le revenu de la baronnie de
Durance, cédée le 30 juin 1645 au prince de Gondé par le sieur de Moncassio,
est évalué à 1420 livres.
' François Jean-Gharies, baron de Pardaillan, comte de Panjas, était Gon-
seiller d'Etat, chambellan ordinaire du roi, chevalier de son ordre, capi-
taine de cinquante hommes d'armes de ses ordonnances, gouverneur de
l'Armaçnac, etc. Il avait épousé, en 1581, Jeanne du Monceau de Tignon-
ville, fille de Lancelot du Monceau, seigneur de Tignonville, et de Margue-
rite de Selve, laquelle Marguerite avait été la gouvernante de Gatherine de
Bourbon.
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- 330 -
Monsieur de La Serre, Gouverneur de Blaye,* Monsieur le Com-
mandeur de Lussan, son frère,^ et Monsieur d'Aubeterre, fils dudit
Seigneur de la Serre,' arrivèrent en ceste ville, le mardy xii^ may
1698, venant de leur maison de la Serre pour disner et soupperches
Jan Duluc.*
Monsieur du Panjas arriva en ceste ville, le xviii® may i598, ayant
délibéré d'y résider, et pour ce faire, loua la maison de Birac.^
Au moisdejung de Tannée 1598, le carlau bled froment se ven-
doit vingt francz cinq soulz, et les autres grenages à Téquipolent.
' Jean Paul d'Esparbès de Lussan, septième fils de Bertrand d'Esparbès
et de Louise de Saint-Félix, devint, dit M. J,-F. Samazeuilh {Biographie de
l'arrondissement deNérac, p. 274), la souche des barons de La Serre, par son
mariage du 16 avril 1570 avec Catherine Bernarde de Montagu, dame de La
Serre. Il Ait capitaine de la première compagnie des gardes du corps du
roi, maréchal de ses camps et armées, sénéchal d'Agenais et de Condomois,
gouverneur de Blaye, chevalier des ordres du roi (1604) et mourut fort Agé,
le 18 novembre 1616, dans la citadelle de Blaye. Ce fut ce môme Paul d*Es-
parbèz de Lussac qui, en 1579, Henri de Navarre n'étant pas encore Henri IV,
fit reculer le roi de Navarre qui s'était présenté devant Gondom.
* Pierre d'Esparbèz de Lussan, sixième fils de Bertrand d'Esparbôz, un
des plus intrépides compagnons de Romegas, fut glorieusement blessé, en
1565, au siège de Malte, en défendant la brèche. 11 devint commandeur de
Golfech, en Agenais, en 1594, et d'Argentens, près Nérac, en 1602, d*où il
monta au grand prieuré de Saint-Gilles, en Languedoc. Il fit son testanient
à Arles en juillet 1620, étant conseiller du roi en ses conseils d'Etat et privé.
• François d'Esparbèz de Lussan, vicomte d'Aubeterre, baron de La
Serre, etc., fut capitaine de cinquante hommes d'armes des ordonnances du
roi, sénéchal et gouverneur d'Agenais et de Condomois," conseiller d'Etat
(novembre 1611),' chevalier des ordres du roi (1612), maréchal de France
(septembre 1620). Plus fécond encore que son père, il eut d'Hippolj^e Bou-
chard, vicomtesse d'Auberre, qui lui apporta en dot (août 1597) la terre de
ce nom, six fils et cinq filles, et non, comme l'a dit M. Samazeuilh {ibid.
p. 278; sept fils et quatre filles. Le vicomte d'Aubeterre mourut en janvier f628.
* Figure au livre des tailles de 1599 comme habitant le Pourtal de Marca-
dieu. C'était un notable qui fut consul en 1605.
• M. Samazeuilh ne sait pas d'où vient ce nom de Birac donné à la belle
et grande maison existant encore aujourd'hui dans la rue de Condom. On
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- 331 -
La paix faite entre le Roy Henry quai
France et de Navarre, et Philippe, Roy d
la ville de Nérac le viii« juillet, jo' de mei
les feux de joye accoustumés, trois en i
le chasteau ; devant le Temple, aux Eml
Nérac, Messieurs les officiers, consulz et
sistant. Lesquelz feux ayans esté allumé
auquel lieu feurent faites prières extrac
naud, Ministre. C'estoit à Theure de d
laquelle action fut chanté le pseaume LX
Monsieur de Sainct-Hilaire, Ministre d'
rus dans le chasteau du Roy à Nérac, le 1
tant le prophète Osée.
Monsieur de Serceau,' architecte du F
où il avoit esté envoyé par Sa Majesté,
trouve cependant au livre terrier de l'arpenten
tient une belle maison en forme de tour ap]
la métairie du Brana, en tout quatre cent c
Cette maison était nommée de Birac parce c
MM. de Lard, seigneurs de Birac, et qu'elN
plus d'un siècle et demi, comme on le voi1
M. Jules de Bourrousse de Laffore dans les
metits féodaux ou Religieux du département de l
qui paraîtra bientôt dans cette Revue.
' Le traité de paix avec l'Espagne, l'Autric
à Vervins, le 2 mai 1598.
* M. de Saint-Hilaire mort en 1598 fut ren
Parmi les noms de ministres de l'église réform
de MM. Mermet père et fils, Jacques Dubédatj
Masparaute, Lanusse, Daubus. C'est à ce
en 1626, qu'on doit le livre de VFMonisnie, éti
mendiants. (V. Bibliothèque municipale de î*
' Jacques Androuot du Cerceau, qui fut i
du XVI- siècle, appartenait à la religion calvir
dans les registres du Temple de Charenton,
civil (Palais de justice), et a publié, dans son
phie et d'histoire (Paris, 1867, in*, p. 339)
oogle
- 332 -
commandement de Madame,' de luy porter le pian du chasteau,
gardin, garenne et parc de Nérac, ce qu'il fit, ayant demeuré les
quinsieme, sezieme et dix-septieme d*Aoust a pourtraire les lieux
y dessus. Ce fut en l'an 1598.^
Guillem Siurac, habitant de Lavardac, se noya par désespoir» au
commun bruict, au dessoubs le Pont-de-Bordes,' le xii* septem-
bre 1598.
Le sinnode provincial fut teneu en la ville de Nérac, le xvi* sep-
tembre 1598, où ils demeurarent jusques au dix neufviesme, estant
en nombre de xxvii ministres, et leurs anciens en outre, qui ce tinst
dans le chasteau du Roy.*
artiste. Le voici : « Le dix-septième jour de septembre 1614, deffunct Jac-
<c ques Androuet du Cerceau, architecte des bastimens du Roy, estant de la
« vraie religion, a esté enterré au cimetierre du faubourg Saint-Germain,
a par Jehan Guillaume, fossoieurdud. cimetierre, où le corps dud. deffunci
« a esté accompagné par ses amis et Archers du Guet. »
* Madame Catherine de Bourbon, sœur du roi Henri FV, déjà rencontrée
plus haut.
* M. Tamizey de Larroque {Inventaire des meubles du rMleau de Nérac déjà
cité) a reproduit (p. 27) ce passage de la chronique en une note placée dans
ce dernier article de T^nventaire des meubles qu'Isaac de Pérès avait en
garde : » Faict à Nérac en présence dudit Pérès, le dix-neuviesme aoust
mille cinq cent nonante-huîct. » Voici les lignes qui, dans cette note, pré*
cèdent la citation du susdit passage : » En cette même année 1598 et en ce
même mois d'août, un des plus grands architectes du xvi* siècle, Androuet
du Cerceau, leva, d'après les ordres de sa co-religionnaire Catherine de
Navarre, le plan du ch&teau de Nérac et de ses dépendances, plan qu'il
serait bien important de retrouver. »— M. Lesueur de Pérès et M. Tamizey
de Larroque ont en vain cherché et fait chercher ce plan dans les dépôts
publics de Paris, de Bordeaux, de Pau, etc.
* Le pont-de-Bordes, situé sur la Baïse entre Lavardac et Barbaste, est
un centre commercial et industriel d'une extrême activité.
* Ces synodes devaient être fréquents, on s'y rendait de fort loin, ot le
budget de la religion réformée porte un article spécial pour frais de voyage
de synodes et colloques. En 1626, l'article est ainsi conçu : « Sera prins de la
somme de cent six livres cinq sous due par les trois Dupuy, la somme qu'il
conviendra employer pour les frais de voyage de synodes et colloques. »
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- 333-
Romain Oervin» m^ jardinier, fust envoyé par Madame, sœur uni-
que du Roy, pour travailler au jardin de Nérac, le 19<> septembre 1598,
et s'en alla avec sa famille, le xxx' mars 1600.
Charlotte de Sainct-Genès, fille de feu Monsieur de Sainl4xencs,
Cons" en la Court de Parlement de Bourdeaux* et femme de
H. Pierre du Faur,^ Lieutenant Général d*Albret, mourust le 23 sep-
tembre 1598.
La femme de maistre Bernard Paouillac, notaire roial,* et procu-
reur au siège de Nérac, mourust le x* octobre 1598.
En Tannée 1598, furent députés certains commissaires pour co-
gnoistre sur le faict des usures, et entre autres, Brégan, Juge du
Fresche,^ fut substitué par les dits commissaires pour juger lesdictz
* M. de SaintrGenès n'est pas mentionné jians VHistoire du Parlement de
Bordeaux de M. le président Boscheron des Portes, il était pourtant conseiller
en cette Cour ainsi que cela résulte d*un acte de naissance dont voici la
substance : le 12 avril 1579, Pierre de Saint-Genest , conseiller au Parle-
ment de Bordeaux, et damoiselle Catherine de Tapie sont parrain et mar-
raine de Léonor de Secondât ( née le 31 juiUet 4578 à La Gange en Artigues,
baptisée dans Agcn par le ministre Dolyne, fille de Jean de Secondât, II' du
nom, écuyer, chevalier, seigneur de La Fleyte, Roques, Clermont-Dessous,
Roquefort, Sérignac, Montesquieu, conseiller du roi, trésorier de France et
général de ses finances en Guienne, conseiller aux Conseils d*Etat et privé
de Sa Majesté, maître d'hôtel ordinaire du roi et de la reine de Navarre,
gouverneur des châteaux de Nérac, Rions et Auvillars, et de dame Eléonore
de Brénieu.
" P. du Faur est inscrit au livre des tailles de 1599. Habitant le quartier du
Pourtal de Bourdeaux. Le Pourtal de Bordeaux était à l'extrémité de la rue
qui porte encore ce nom et dans laquelle se trouve le couvent des Capu-
cins, aujourd'hui l'Ecole des Frères de la doctrine chrétienne. La rue de
Lapuzoque dépendait de ce portail et la maison du Faur se trouvait dans
cette rue.
* Dans le livre des tailles de 1599, on ne trouve qu'un Bernard Violle, no-
taire royal et habitant le quartier du Pourtal de Bordeaux, Peut-être y a-t-il
quelque erreur de copiste.
* Aujourd'hui le Fréchou, commune];du canton de Nérac, à 8 kilomètre»
de cette ville. Il y avait là une justice seigneuriale qui relevait par appel au
sénéchal de Gondom. Voir Dictionnaire géographique, historique et archéologique
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— 334 -
faicts usiirores, et viiist tenir ses assizes en ceste ville, ofi il gagna
force argent. Mais il fui interdit, par arrest delà Court, et la. co-
gnoiesance renvoiée pardevant le Séneschal. Ce fut le xxi* décembre,
an que dessus.
Le xvr jenvier 1599, la n\i.re deBayse fut grandement desbordée
à cause des grandes pliiyes qu'il. fit. Elle cerna le bout du Pont de la
Garenne • qu'on ne pouvait y aller, entra aussi dans le jardin du Roy
bien avant ;^ mesme dans la tour du Pavillon,' ou il y en avait deux
pans de haut, contraignant Jan Laserrc, maistre jardinier, de gagner
le hault de ladite toîir, pour se sauver.
Les pouvres mandians de la ville de Nérac et jurisdiction, furent
logis et départis aux maisons des habitants d1c<^lle au mois de fobrier
de Tan 1599. jnsqnes au x\ ' jnng ensuiuant.
de Varrondissancnt de Nérac ^ p. 190. Nous trouvons ce nom sous la forme
Freixc dans une lettre de Henri IV, alors roi de Navarre, à François de
Montpezat, soigneur de Laugnac. Cette lettre, écrite d'Agen le 30 juin 1571 ,
et relative à une réclamation des habitants de Nérac, a été publiée par
M. Tamizoy de Larroque, d'après l'original des Archives du château de
Xaintraines, dim^Xe^ Documents inédits pour servir à V histoire de VAgenais
(p. 127-128). Les ruines du château du Fréchou sont du plus haut intérêt.
* Ce vieux pont, réservé aux seuls piétons, avait été jadis une clépendance
du château. Alors, il se reliait aux fossés par un pont levis et était assez bas
pour qu'à la moindre inondation le bout touchant à la garenne fut sub-
mergé.
« La Baïse longe tout le jardin du roi, qui n'était défendu contre les débor-
dements , & la \m du xvie siècle, que par un mur d'environ 2 mètres
de hauteur.
' Il s'agit de la tour dite pavillon des bains et qui ne servit jamais à cet
usage. Pour la description decepaviHon (V. Guirlande des Marguerites, pag.85).
—Le pan ou l'empan étant de 23 centimètres, l'inondation de 1599 ne se-
rait pas montée bien haut puisqu'il y a 4 ans à peine au mois de juin 1875,
l'eau s'élevait à 2 mètres dans ce môme pavillon.
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- 335 -
Monsieur de Goufreteau,* conseiller en la Court de Parlement de
Bourdeaux et Monsieur Desaignes,^ filz de monsieur Desaignes pro-
cureur général de Bourdeaux,' commissaires députés pour cognois-
tre et juger des crimes d*uzure, arrivèrent eu ladite ville de Nérac,
le xi' du mois de febrier 1599. Par devant lesquelz furent dressées
plusieurs plainctes concernant lesdites usures, qui fut cause que, un
grand nombre d'habitants de ladite ville se craignant des jugemens
desdits commissaires, le recusarent le xvii« dudit mois que dessus,
attendant leur revoqualion qui fut trois ou quatre jours après,
1 Jean IV de Gaufreteau, l'aîné des enfants issus du mariage de Giraud de
Gaufreteau et d'Antoinette Prieur, naquit vers 1558. Son père lui légua, par
préciput, son office de conseiller au Parlement de Bordeaux .17 février 1580).
Il prêta serment, comme conseiller, le 3 mai 1581. Il épousa Jeanne de
Fronsac, devint doyen du Parlement, fit son testament à Bordeaux, le 28 fé-
vrier 1623, après s'être démis de sa charge en faveur ds son fils aîné Jean V
de Gaufreteau, et mourut peu de temps après. Voir VEssai généalogique sur
la famille Gaufreteau publié par M. Jules Delpit à la suite de la Chronique
Bordeloise, par Jean de Gaufreteau (t. II, 1H78, p. 318-327). M. Delpit, dans ce
chapitre de son Essai généalogique, a rappelé (p. 319), d'après ce passage de
la Chronique d'Isaac de Pérès, inséré dans le tome I des Archives historiques
du département de la Gironde, l'envoi de Jean IV de Gaufreteau, à Nérac, en
février 1599. L'auteur de la Chronique publiée par M. Delpit, fait de Jean IV
de Gaufreteau ce bel éloge (t. II, p. 110) : « Unjdes plus gens de bien et des
plus sçavants hommes de son temps. »
* Monsieur Desaignes filz, paraît avoir joué un rôle fort peu considérable
dans le Parlement de Bordeaux, et sa mission à Nérac est peut-être le seul
incident qui ait jamais été signalé ;de sa vie de magistrat.
^^"Jacques Desaignes devint procureur général au Parlement de Bordeaux
par la résignation de son père, Pierre Desaignes, et, à son tour, il résigna
sa charge en faveur de son gendre, M. de Pichon. Voir sur ce magistrat les
Archives historiques du département de la Gironde (Passim), la Chronique de
Jean de Gaufreteau, VUistoire du Parlement de Bordeaux, de M. Boscheron
Des Portes, etc. Voici en quels termes Jean Damai (Supplément des Chroni-
ques de la Noble ville et cité de Bourdeaux, p. 171) annonce la mort du second
procureur général Desaignes : « Le mardy 24 janvier 1618 mourut Monsieur
Maistre Jacques Desaignes, procureur général, honorable personnage, et qui
servoit bien en sa charge. Il avoit résigné son dit office, par survivance, &
Monsieur de Pichon, Conseiller du Roy en la Cour, son gendre...»
M. Jules de Bourrousse de Laffore pense que ce nom doit être écrit des
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n'ayant jugé qu'un ou deux procès. Les dits sieurs sen allarent dudii
Nérac, le dernier febrier 1599.
La femme de Mathieu Durand» fille h feu François d&Batz,* décéda
le XXV* febrier 1599.
Monsieur de Masparraulte ^ estant en la ville de Hontauban, aspi-
AYauES, ou DES Aiguës en latin de Aquis, et non de Sayoues, comme Lainé
Ta orthographié par erreur dans les Archives généalogiques et historiques de
la Noblesse de France^ tome VI, art. de Pichon, p. 7 et 8. — De Gourcelles
dit : « Jacques des Aygues, conseiller au Grand Conseil, eut de Mathive de
Morian, 1580, Jacques des Aygues, marié à Sybille de Gascq.»— Le président
d'Hozier orthographie : Aiguës (des). Tous les noms propres ont été des noms
communs et, par suite signifient quelque chose. De Saygues ne signifie rien ;
tandis que des Aygues ou des Aiguës veut dire des eaux, de Aquis. Avec le
temps on a réuni la particule des au nom Aiguës, et l'on a écrit Desaigues en
un seul mot. C'est ainsi que dans le Procès-verbal de l'Assemblée de la noblesse
de Bordeaux, de 4789, on trouve : « Desaigues (Augustin) de Sales, baron de
Laubardemont, seigneur de Tazac (représenté) par le marquis de Mons, son
procureur fondé. » ( Nobiliaire de Guienne et de Gascogne , tome I , p. 201 ).
Et à la même page : « Desaigues (Joseph), chevalier, seigneur de Saint-Bonnet,
Larousselle, Tibaudin et Ducastaing. » En résumé, d'Hozier et le bon sens
veulent qu'on orthographie : des Aygues ou des Aiguës.
* Nous aurons l'occasion de reparler de la famille de Batz.
' M. de Masparault figure sur le Livre des départements pour le paiement
des gages de MM. de RefiauU et de Masparault, ministres de la parole de Dieu,
en 4600. Ces gages se payaient au moyen d'une cotisation proportionnelle
aux biens possédés, tant dans la juridiction de la ville que hors d'icelle, coti-
sation qui s'élevait, en 1626, à la somme de quatorze cent trente et une livres,
dix-sept sous, sept deniers. (Voir rôle des contributions de 1626 aux Archives
municipales de Nérac). Le doyen, les deux ministres touchaient pour leurs
gages, chacun six cents livres. On trouve, en outre dans le môme rôle :
« trente livras pour les gages de celuy qui fait la lecture en chaire ; trente
livres à celuy qui entonne les psaumes au Temple ; douze livres à celuy
qui a la garde du Temple ; douze livras à celuy qui sonne les cloches, etc. »
Le chiffre des protestants, chefs de famille, soumis aux taxes pour gages
aux ministres de l'Evangile s'élevait, en 1600, à 700 environ pour la juri-
diction de Nérac. En 1626, ce chiffre avait baissé de 123 seulement. Dans
l'intervalle, le roi Henri IV était mort et Nérac assiégé en 1621,s'était rendu
à discrétion.
M. de Masparault, ministre protestant, établi à Nérac, était probablement
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— 337 —
ranl au sainct ministère, fust prié par VégWse de Nérac de vouloir
venir au milieu d'icelle pour estre ouy en propositions, affin qu'es-
tant trouvé capable, il peut estre receu audit ministère, pour servir
en la place de feu Monsieur de Saint-IIilaire. Ce qu'il fit, arrivant
audit Nérac, avec sa femme, le 19« febrier 1599. Sa première pro-
position fut le vendredi vi® mars audit an. Ledit sieur de Masparraulte
fust receu au ministère, le dimenche xxi" mars 1599, par monsieur
de Mermet, qui luy imposa les mains à la fin du presche.
M' Pierre du Fàur, lieutenant-général d'Albret, épousa la fille de
lions' de Labarrière de Thonenx,* le samedy xx* mars 1599, comme
on faisait les amenances ^ dans la ville de Lavardac, ayant fait venir
le frère de Pierre de Masparault, chevalier, seigneur du Buy, de Grandval
et de Ferrassou, fils de Michel de Masparault, seigneur du Buy et de Jeanne
Le Comte. Ce Pierre achète, le 24 décembre 1608, la maison noble de Fer-
rassou, sur la rive gauche du Lot, paroisse de Saint-Sylvestre, juridiction
de Penne d'Âgenais, à haut et puissant seigneur François d'Orléans, comte
de SaintrPaul. Le môme Pierre de Masparault, seigneur de Ferrassou, gen-
tilhomme-servant de Madame, sœur unique du roi, devenu veuf d'Anne de
Mainard, épouse en secondes noces le 25 juin 1617, Marie de Lur, veuve
d*Henry de Clermont, baron de Pilles. Il en eut Octavien de Masparault,
seigneur de Ferrassou, marié le 3 décembre 1637, à Jeanne de Castillon
Mauvezin Carboste.
' François de la Barrière, écuyer, était. gouverneur, pour le Roi de la ville
de Tonneins, en 1591 et 1592. 11 fît son testament le 22 mars 1609. On trouve
la famille de La Barrière établie à Tonneins au xv® siècle. Voir leNobiliaire
de Guienne et de Gascogne, par M, 0' Gilvy, t. II. 1858, p. 338. Ce généalogiste
n'a pas connu le mariage que signale ici le chroniqueur. Il énumère cinq
filles de François de La Barrière, Marie, Anne, Jeanne, Magdeleine, Elisa-
beth, mais il énumère aussi leurs cinq maris. Y avait-il une sixième fille
oubliée par le généalogiste? Ou bien une des cinq filles connues se ma-
ria-t-ellejdeux fois, une fois avec un des personnages mentionnés par
M. O'Gilvy, une autre fois avec le flls de Pierre Dufaur?
* Nous avons déjà trouvé et expliqué cette expression.
4
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- 338 —
Mons' de Ferré, ministre de Puclix,* auquel lieu il épousa, au déceu '
de tous.
Arnaudet Sabathé, habitant de là jurisdiction de Fieux,' après avoir
esté convaincu d'une meschanceté inouye, fust condamné, en ceste
ville, à estre pendu et cslranglé, et puis jètté dans le feu, pour y
estre consumé.* De laquelle sentence ilse porta appelant à Bourdeaux,
où il fut mené. Ladite condemnation ratiffîée, on le ramena en ceste
dite ville, où il fut exécuté, comme dessus, le xxvii® jour de mars
1599, aux Erabarrats,^ devant le logis du Grand Pâtissier.
La fille de feu mons' de Jautan, femme de Jehan du Merc, mourust
le second avril 1599.
* Aujourd'hui Puch, commune de rarrondissement de Nérac, du canton
de Damazan, à 28 kilomètres de Nérac, à 6 kilomètres de Damazan.
- Au désappointement de tous. On trouve encore l'expression : à notr9
déçu, à mon déçu, dans deux tragiques de la première moitié du xviic siècle,
Mairet et Rotrou. M. Littré regrette cette expression, disant : elle vieillit
[plutôt : elle a vieilli] ; cependant elle est bonne,
' Commune de l'arrondissement de Nérac, du canton de Francescas, à
dix kilomètres de Nérac, à quatre kilomètres de Francescas. Voir sur Fieux,
le Dictionnaire tant de fois cité de M. J.-P. Samazeuilh, p. 171-1/74.
* On peut rapprocher de cette condamnation un arrêt rendu par le Par-
lement de Paris, en 1586, contre Nicolas Dadon, sodamiste, arrêt qui se trouve
au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, dans le vo-
lume 137 de la collection Du Puy. On trouve un Jehan Sabathe inscrit à la
date de 1600, au livre des départements, pour le paiement des ministres de
la parole de Dieu. Il habitait le quartier du Pourtal du Pont. Un autre
Guilhem Sabathé , hoste, est inscrit au livre de la taille de 1599. Pourtal
de Condotn,
* On appelait tous emharrats, le quartier compris entre lancienne halle
et le château. C'était une partie de la ville renfermée dans la première
enceinte abattue par Antoine do Bourbon.
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— 339 —
Le S' Jehan Pinollé, mon beau-frère,* llança la fille de feu M' Pierre
Roy,* le lundi xix* avril 1599, dans le cliasleau de Birac*
Au mois d'avril et an que dessus, par Tavis du Consistoire de ceste
ville, furent dressés deux bancz aux deux costés de la chaire, dans
le temple de ladite ville pour asseoir les Pasteurs et Anciens estans
en charge, en Téglise. Ce qui fut fort contesté par M' Pierre du Faur.
lieutenant-général d*Albret. Mais, en fin, ils demeurarent en Testât,
(Lesdils bancs furent ostés de leur place, au mois de juillet 1601.)
Madame la Duchesse de Monceaux * raourust dans la ville de Paris,
le X* avril 1599, qu'estoit la veille de Pasques, n'ayant esté malade
que deux jours, le Roy estant à Fontenebleau.
Monsieur le ducd'Espernon^ s'en allant aux Eaux d'Encauce,* passa
* Guillaume Pinollé, son père, mort en 1597, était le beau-père du chro-
niqueur.
" Un Jehan Roy fut consul en 1609.
' Voir plus loin.
* Gabrielle d'Estrées, fille d'Antoine d'Estrées et de Françoise Babou de
la Bourdaisière, naquit vers 1571. Elle n'avait donc pas encore trente ans
quand elle fut frappée, le jeudi saint, de la maladie (éclampsie), dont elle
allait mourir dans la nuit du vendredi au samedi. Voir sur celle que le plus
galant de nos rois fit tour à tour marquise de Monceaux et duchesse de
Beaufort, Les Amours de Henri IV par M. de Lescure (Paris, 1864, in-12,
p. 171-299), et une étude spéciale de M. Jules Loiseleur, le savant bibliothé-
caire de la ville d'Orléans, intitulée: La mort de Gabrielle d^Estrées, à la
suite des Ravaillac et ses complices (Paris, Didier, in-12 1873, p. 179-243).
* Jean-Louis de Nogaret était alors ftgé de 45 ans révolus.
* Encausse est une commune du (tépartement de la Haute-Garonne, ar-
rondissement de Saint-Gaudens, à 10 kilomètres de cette ville, canton
d'Aspet, à 8 kilomètres de cette dernière localité. Les eaux thermales d'En-
causse attirent encore aujourd'hui beaucoup de malades. L'Historien du duc
d'Epernon, Guillaume Girard, n'a rien dit du séjour de son héros à En-
causse en 1599. On lit dans le célèbre Voyage de Ctiapelle et de Bachaumont
(édition donnée par M. Tenant de Latour, Bibliothèque Elzévirienne de
P. Jannet, 1854, p. 63) : « Encausse est un lieu dont nous ne vous entre-
tiendrons guère, car excepté ses eaux, qui sont admirnblns pour l'estomac,
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en ceste ville, le xxix» de may 1599, avec ses enfans,* accompagné
d'une honneste troupe de gentilhommes. Il se logea au logis de
Mons^ de Labroue.^ Messieurs les officiers de la Justice et les Con-
suls, avec la livrée, furent le saluer.
{A continuer.)
rien d'agréable ne s'y rencontre. Il est au pied des Pyrénées, éloigné de
tout commerce, et Ton n'y peut avoir autre divertissement que celui de
voir revenir sa santé. Un petit ruisseau, qui serpente à vingt pas du village,
entre des saules et des près les plus verts qu'on puisse s'imaginer, étvit
toute notre consolation. »
* Les enfants que le duc d'Epernon eut de son mariage (1587) avec Mar-
guerite de Foix, comtesse de Candalle, morte en 1593, étaient : lo Henri de
Nogaret, duc de Candalle, né en 1591, mort à Casai en février 1639 ; 2» Ber-
nard de Nogaret, duc d'Epernon, né en 1592, mort à Paris en juillet 1661 ;
3o Louis de Nogaret, cardinal de la Valette, archevêque de Toulouse, né à
Angoulème en 1593, mort à Rivoli en septembre 1639.
* Voir, ^wcisldi Guirlande des Marguerites (p. 133) le sonnet LXV intitulé :
Maison Labroue, et, en regard des vers de M. Goux, le commentaire où l'on
apprend que la maison Labroue fut bâtie, vers 1560, sur l'emplacement du
couvent des religieuses de Sainte-Claire, dans la partie haute de la rue de
Fontindelle fFontindère).
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ETAT MILITAIRE ET FOLITIQi DE LA GASCOGNE
En mil huit ml quatorze el mil huit cent quinze.
AVERTISSEMENT.
Jusqu'à présent, j'ai limité généralement mes études sur l'histoire de la
Gascogne aux temps antérieurs à 1789. Ma vie ne suffira pas à finir ce que
j'ai commencé; et pourtant je me sens attiré parfois vers des époques plus
récentes. Mes compatriotes me diront si j'ai tort ou raison. Quoi qu'il en
soit, je n'ai pu résister à la tentation d'écrire sur VÉtat militaire et politique
de la Gascogne en mil huit centlquatorze et mil huit cent quinze.
Voici comment cela s'est fait.
Je découvris, il y a trois ans, quelques renseignements, complétés depuis,
sur les corps francs de ma province, depuis la retraite de Soult, en-deça
des Pyrénées jusqu'à la seconde rentrée des Bourbons. L'origine de ces
compagnies de partisans se rattache à des événements d'une bien autre
importance, à la lutte môme de Soult et de Wellington dans nos contrées,
et à la situation particulière que les chances de la guerre et de la politique
firent alors au département de Lot-et-Garonne.
Pour CCS raisons, j'ai divisé mon travail en trois parties, dont la première
a pour titre : Soult, Wellington et le duc d'Angouléme. On trouvera là ce dont
il faut se souvenir, pour bien comprendre ce que je dis ensuite sur la Situa-
tion du Lot-et-Garonne et sur les Corps francs.
J'ai souvent entendu, dans mon enfance, des officiers de Soult parler de
leurs derniers combats. C'étaient de graves et fermes vieillards, qui avaient
fait tout leur devoir parmi les rocs et les gaves des Pyrénées, sur les rives
de l'Adour, sur les champs de bataille de Toulouse et de Waterloo. Main-
tenant, ils attendaient la mort et disaient la vérité. Les hommes de la géné-
ration nouvelle ne savent guère de telles choses que par des histoires ,
œuvres de simples lettrés, trop légitimement suspects d'incompétence , de
passion politique et de faux patriotisme.
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^ -- 3i2 —
Voilà pourquoi j'ai voulu, tout d'abord, reprendre le récit de ces événe-
ments généraux. Les témoins" impartiaux ne manquent pas. Du côté des
Français, je ne vois pas mieux et ne veux signaler que les Événements
militaires devant Toulouse ^ en 181Â, du chef d'escadron d'artillerie Lapène,
officier profondément honnête , mort avec le grade de général d'artil-
lerie. Pour les Alliés , je me borne à indiquer ici le livre du capitaine
Batty {Campaign in the western Pyrénées and south of France ^ in 4843-484 A.
London, 1823, in-4o), la traduction française de la Correspondance militaire
et diplomatique de lord Wellington, et celle de V Histoire de la guerre de la
Péninsule et du Midi de la France du colonel Napier, par le général Dumas.
Telles sont les principales sources ou j'ai puisé pour le premier des
mémoires ci-après , dont l'utilité me paraît incontestable , mais qui ,
certes, n'a rien d'original. Cet aveu me permettra de ne pas citer toujours
les livres dont j'ai tiré parti. Il est à peine besoin d'ajouter que je n'ai
pas de compétence sous le rapport militaire. C'est pourquoi j'ai suivi et
noté, la Carte du Dépôt de la Guerre en main, toutes les indications et correc-
tions d'un commandant d'état-major très distingué, et qui a étudié de près
la lutte que j'avais à décrire, en me limitant au territoire compris entre la
mer, les Pyrénées et le cours de la Garonne. Il me suffira de signaler som-
mairement les conséquences de la bataille de Toulouse, dont le grand effort
porta sur la rive droite du fleuve.
C'est ainsi que j'ai rédigé tout ce qui concerne SouU, Wellington et le duc
d'Àngoulême,
Mon travail sur la Situation du département de Lot-et-Garonne, en mil huit
cent quatorze et mil huit cent quinze, traite d'un sujet à peu près inconnu.
Je l'ai minutieusement exploré avec le secours d'assez nombreux documents,
dont voici les principaux :
i» Saint-Amans, Histoire ancienne et moderne du département de Lot-et-
Garœine. Agen, 1836, 2 vol. in-8o. La partie consultée, va de la p. 277 à la
p. 301 du tome II, qui s'arrête en 1814.
20 Journal de Lot-et-Garonne, de 1814 à 1815.
3o Annuaires ou Caletidriers du département de Lot-etrGaronne pour 1815 et
1816. Agen, 2 vol, petit in-12. A la suite de ces calendriers, se trouvent des
notices historiques racontant les événements de l'année précédente.
4* Le manuscrit de Proche, Annales de la ville d'Agent, pour faire suite à
V Abrégé chronologique des Antiquités, par Noël Proche^ ancien maître de pen-
sion et bibliothécaire de la ville. Ces annales continuent V Abrégé chronologique
des antiquités de la ville d'Agen, par Joseph Labrunie, ancien curé de Monbran,
chanoine de la Cathédrale. Le récit de Labrunie commence avec les temps
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- 343 -
historiques, et finit en 1788. Proche le roi:
qu'en 1819. Proche, m'a-ton dit, était un
gravé de la petite vérole, peigné et poudr
d'un ample pantalon et d'une chenille gris(
sion où il ne fit pas ses affaires, et qu'il c
trouvons Proche, bibliothécaire de la vil]
Lalaurencie. Il occupa ce poste jusqu'à sa
Pérès, janséniste hargneux, dont la conduit
encore éclaircie. Pérès est l'auteur d'une
primée : Grand erratum, source d'un nomhn
six cents francs comme bibliothécaire , el
générale, des fonctions de suppléant du ji
a tenu journal des événements de toute
les deux dates sus-mentionnées. Ce récit e
vaut de fort bonne foi les fluctuations de
phatique , malgré son ancien métier de i
Proche que j'ai consultée, appartient à la
A la suite de ce travail, se trouvent d'auti
locale, rédigées par divers auteurs.
5« Archives départementales de Lot-et-Garo
le manuscrit intitulé Journal des événements
rétablissement des Bourbons sur le trône de j
Bargemont, préfet du Lot -et-Garonne. Les
ces archives, seront visés chaque fois qu'il
G*est ainsi que j'ai rédigé la seconde pari
La troisième, où je traite des Corps franc
car on n'a publié, jusqu'à présent aucun tra
trouvé une simple indication dans le livre (
dans Proche, beaucoup plus dans le Jourtw
très sources que j'ai utilisées principalemer
io Archives départemeniales de Lot-et-Garo)
siers intitulés Bande de Fhrian et Pièces reL
de Beaupuy.
2» Procédure de la seconde bande de Flon
de Lot-et-Garonne, du 1er au 6 mars 1816.
greffe de la Cour d'Appel d'Agen, contieni
sur la première bande de Florian.
3'> Moniteur universel. Journal des Basse»^
nées. Journal du Gers, Journal des Lafides*
mil huit cent quatorze et mil huit cent quii
oogle
- 3U —
Telles sont les sources où j'ai surtout puisé , sans n^liger les traditions
orales, que j*ai toujours soigneusement contrôlées. Les fournisseurs de ces
traditions sont MM. François Lacroix, Pozzy, bibliothécaire de la ville
d'Agen, Jean Dumon, son auxiliaire, Oscar Laroche, Lapoque, etc.
Il se peut que parfois mes notes, et même mon récit, semblent s'écart«r
un peu du véritable sujet. S'il en est ainsi, j'aurai du moins pour excuse
l'intérêt des matières auxquelles je touche incidemment.
Je ne veux pas être ridicule, en protestant de mon impartialité. Les faits
parlent trop haut pour qu'il faille les commenter; et je me suis effacé le
plus possible devant les véritables témoins. Je dois pourtant objecter contre
moi-même, que je suis sans répugnances historiques contre la Restauration.
Les rigoristes qui refuseraient de m'absoudre de ce péché véniel, et d'ail-
leurs rarissime aujourd'hui, sont condamnés d'avance par ce passage de
leur patriarche Voltaire :
« Monsieur, dit Martin, vos prêtres m'ont accusé d'être socinien ; mais
la vérité est que je suis manichéen. — - Vous vous moquez de moi, dit Can-
dide ; il n'y a plus de manichéens au monde. — U y a moi, dit Martin ; je
n'y sais que faire ; mais je ne peux penser autrement. »
j.-r. B.
Agen, ce 1^' juillet 1879.
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SOULT
WELLINGTON ET LE DUC I
En 1813, l'Empire touchait forcément î
léon n'avait plus pour lui que ses foncti ;
dats. Dans la Gascogne comme ailleurs,
et de surtaxes, incessamment décimé par
vées extraordinaires, n'obéissait plus qu'à
dats désertaient. Plus d'un conscrit se cî
campagnes reculées, traqué par les gend
Le souvenir des Bourbons, effacé par pli
tionset de guerres, revenait comme la
comme l'unique sauvegarde de la France
rains étrangers.
Tout empirait chaque jour. Dans le nor
payées de Brienne, Hontmirail, Méry-sur-
couragreaient pas les Russes. Même ava
impérial (22 janvier 1814) ordonnait de le
gent de 1815. En Espagne, l'armée de Su
sillon; les soldats de Soult battaient enr
nées, serrés de près par les colonnes an|
tugaises de Wellington.
oogle
— 316 -
Wellington, froid et opiniâtre, tory jusque dans ses moelles, ne
donnait rien au hasard. Maitre d'une armée nombreuse et disciplinée,
servi par des lieutenants tels que Beresford,* Hill,^ Dalliousie ,' et
Morilio,* il avançait lentement, certain de triompher à la longue
d'un adversaire habile, mais épuisé.
* Wellington est trop connu pour que j'aie besoin d'en parler. Beresford
Test un peu moins. William Carr Beresford était le second fils naturel de
Georges de Poer, marquis de Watterford. Il entra au service en 1785, fut
nommé, en 1809, maréchal de l'armée portugaise, et battit avec 12,000 hom-
mes, dans la liante vallée du Douro, le corps d'armée française commandé
par le général Loison. Cela fait, il rallia Wellington, et servit remarquable-
ment sous ses ordres jusqu'en 1814. En 1817, le gouvernement anglais l'en-
voya à Rio-Janeiro, où il réprima sévèrement l'insurrection fomentée par le
général Freyre. Il mourut en Angleterre, le 22 octobre 1844. Beresford était
duc d'Elvas et marquis de Campo-Mayor au titre portugais. En 1814, il fut
promu à la pairie anglaise sous le nom de baron Beresford, en attendant
d'être créé vicomte en 1823.
' Rowland Hill, naquit dans le Shoropsire (Angleterre), en 1772. Il était
déjà capitaine en 1793, et remplissait, au siège de Toulon, les fonctions do
chef d'état-major de lord Mulgrave. En 1801, Hill se trouvait en Egypte, où
il fut blessé, et avait le grade de colonel. Passé en Espagne en 1808,
comme général major, il se distingua surtout à la retraite de la Gorogne,
et aux affaires de Talavera et de Busaco. Après un voyage en Angleterre,
il revint en Espagne (1811) avec le titre de lieutenant-général et le comman-
dement d'un corps d'armée particulier, qui battit le général Gérard à Ar-
royo de Molinos, et prit d'assaut la forteresse d'Almaraz. A la bataille de
Vittoria, il commandait l'aile droite de l'armée anglo-portugaise. Hill,
nommé chevalier du Bain en 1812, fut créé pair d'Angleterre en 1814, avec
les titres de baron d'Almaraz et d'Hawkstone, et une pension de 2,(XX) livres
sterling à titre de récompense nationale. A Waterloo, Hill commandait le
deuxième corps de l'armée britannique, charge d'assurer les communica-
tions de Wellington avec Mons et Bruxelles. En 1827, nous trouvons ce
général gouverneur do Plymouth. Il fut commandant supérieur de l'armée
anglaise de 1828 à 1842, époque où il prit sa retraite et reçut le titre de
vicomte. Hill mourut peu de temps après, à son château de Hardwick-
Grange.
' Georges, comte de Dalhousie (au titre Écossais), fut nommé pair d'An-
gleterre en 1815.
* Pablo Morillo, né en 1777, à Fuente, province de Toro (Espagne), d'une
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— 317 —
Pendant le siège de Saint-Sébastien, Soult avait tenté vainement de
retarder la prise de cette place par une puissante diversion. Il n'a-
boutit qu'à donner à l'ennemi des avantages marqués, en avant du
village d'Irun (31 août 1813). Notre armée dût se retirer sur le
territoire français, derrière la Bidassoa.
Le 8 octobre avant le jour, et sans qu'on ait jamais su comment,
l'ennemi trompait la vigilance des troupes françaises, cantonnées à
Hendaye, sur la Bidassoa inférieure. Avant que notre droite fut reve-
nue de ses alarmes, les soldats de Wellington étaient maîtres de 1b
forte position de la Croix-des-Bouquets, à un quart de lieue en ar-
rière, et de la redoute de la Bayonnette.
Pour réparer cet échec, Soult commanda sur-le-champ d'immenses
travaux de défense, sur toute la ligne comprise entre Espelette et
Saint-Jean-de-Luz. Jusqu'au 10 novembre, l'ennemi se borna pru-
demment à des attaques simulées. Ce jour-là, l'effort des Alliés porta
violemment sur le débouché de Sarre, gardé par la division du géné-
ral Conroux. Nos troupes plièrent sous le nombre, et Conroux périt
dans le combat. Malgré notre ferme attitude en avant de Saint-Jean-
de-Luz et de Souraïde, malgré l'attaque bien conduite sur les derriè-
res des Alliés par le général Foy, * l'ennemi demeurait maître du
terrain. Le théâtre de la guerre se trouvait désormais transporté
entre la mer et la Nive, presque sous le canon de Bayonne.
famille obscure, servit d'abord dans la marine, et devint chef de guérillas
en Murcie, lors de la guerre contre Napoléon. Morillo battit alors plusieurs
de nos généraux. Je n*ai rien à dire ici du reste de la vie militaire et politi-
que de Morillo, comte de Carthagène, qui mourut à Madrid en 1838. Il a
laissé des Mémoires (Paris, 1826) intéressants, surtout dans la partie relative
à sa lutte contre Bolivar.
* Il s'agit du général Maximiiien-Sébastien Foy, né au Ham en 1775, et
mort le 8 novembre 1825. Les notices biographiques abondent sur ce per-
sonnage, qui fît à la Restauration une guerre acharnée, et conquit ainsi la
grande faveur des libéraux. Je me bornerai donc à dire ici qu'en Espagne,
Foy couvrit la retraite de Salamanque, se distingua à Posa, à Plasencia, au
passage du Douro, à Tordesillas, fit une honorable campagne en Galice et
en Biscaye en 1814, et rendit de grands services à notre armée après la dé»
faite de Vittoria.
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— 318 —
On a dit» à bon droit, que dans la malheureuse guerre d*Espagne,
Napoléon avait tout calculé pour rattaque,et rien pour la résistance.
A la rentrée de Soult en France, Bayonne était à peine à l'abri d'un
coup de main, et ne possédait pas dans son arsenal plus de dix ca-
nous montés sur affûts. Bientôt la place devient inexpugnable. Ses
dehors, transformés en un vaste camp retranché à Tabri de toute
insulte, et armés d'une artillerie formidable, assurent les manœuvres
de l'armée française sur les deux rives de la Nive.*
Après un mois d'expectative, Wellington tenta sans succès de
forcer le passage de cette rivière (19 décembre). Le lendemain,
Soult, par une habile manœuvre le long de la rive gauche, tombait
sur Arcangues, centre des lignes ennemies. Par malheur, il avait
plu tout le jour. Tandis que nos soldats piétinaient dans la boue, les
Alliés repassaient la Nive, et se reformaient sur la rive gauche.
Durant les deux jours suivants (11 et 12 décembre), nos troupes
remportèrent encore de tels avantages, qu'ils indiquaient un combat
important pour le lendemain. La rencontre se fit au village de Saint-
Pé-d*Irube , sur la rive droite de la Nive, à une demi-lieue de
Bayonne. L'élan de nos troupes y fut tel, que Soult put un moment
espérer la victoire, compromise par le manque de précautions suffi-
santes, et par quelques fautes au moment décisif. A la tombée de la
nuit, l'ennemi, très supérieur en nombre, s'étendait jusqu'à la rive
droite de l'Adour, et appuyait sa droite sur le fleuve, tout en restant
maître des deux bords de la Nive.
Ainsi finit la campagne de 1813 sur les Pyrénées. Ce triste résultat
était facile à prévoir. Soult disposait, en effet, d'une armée trop peu ^
nombreuse^ pour garder utilement la ligne coupée d'issues et de dé-
bouchés, qui s'étend, sur neuf lieues de long, de Saint-Jean-Pied-de-
Portàla mer Cela étant, le maréchal ne pouvait opposer à la nom-
breuse armée de Wellington que la résistance partielle de corps
isolés. La lutte dura six mois. C'est assez pour l'honneur de notre
armée, et celui de Soult. ^
* Lapène, Événements militaires devant Toulouse^ 8-9.
• Thiers, Histoire du Catisulat et de VEmpire, XVII, 515-21, ne dit rien de
cette belle retraite.
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— 349 -
Par décret du ^ décembre 1813, Napc i
chefs-lieux des diverses divisions territoi ;
traordinaires, sénateurs ou conseillers d :
lérer les levées et la réunion des gard- •
sédentaires (gardes urbaines), de pourvoi
pement des troupes organisées, de veille
places, et d'ordonner au besoin la levée (
1814, le conseiller d'État comté Marie-Joî
deaux, et le sénateur Cornudet à Toulc
Caucbon de TApparent, n'arriva à Périgi
compagne de Louis-Marie Labaye de Cor
au contentieux du Conseil d'État en qu
bomme ne portait pas encore le titre de v
que plus tard le pseudonyme de Timon, so
comme écrivain et polémiste.^
* La 10* division, dont le siège était & Toul<
menti de TAude, des Pyrénées-Orientales, de 1
du Gers, des Hautes-Pyrénées et du Tarn-et-G
des Landes et des Basses-Pyrénées comprena
centre était à Bordeaux. La 20« englobait les c
et-6aronne, de la Gorrèze, de la Dordogne et d<
pour siège.
' Cormenin, bien traité de la Restauration, (
Philippe une guerre de pamphlets, qui lui val
position et le titre de conseiller d'État à la Réy
le maintint dans ses fonctions. Cormenin avait
quelques poésies sans originalité. Voici cell^
en 1814, pour réchauffer Tenthousiasme de soi
Mariemque accendere cantu. Je remprunte au Ji
7 février 1814.
« M. de Cormenin, auditeur au conseil d'Ét
oogle
— 350 —
Tai dit qu'après la bataille de Saint-Pé-dlrube , les Alliés avaient
appuyé leur droite sur TAdour. La nouvelle position de Tennemi
força Soult à changer sa ligne d'opérations. Il préposa trois divisions
à la garde de Bayonne ; deux autres furent chargées d'observer le
cours de TAdour, depuis Bayonne jusqu'à Port-de-Lanne. Enfin, trois
divisions campées en avant de la Bidouze, et rehées par des postes
de cavalerie, rattachaient l'aile gauche de notre année h la ville de
Saint-Jean-Pied-de-Port. f;c:nemi se trouvait ainsi contenu entre
notre aile gauche, l'Adour, les Pyrénées et la mer. Soult tenait à ne
céder à Wellington que le moins possible du territoire français.
militaire, vient de composer une ode pleine de chaleur et d'enthousiasme.
Nous nous empressons d*en publier les strophes suivantes, qu'il semble
avoir écrites, sous la dictée de tous les cœurs français.
C'est toi qui, de ses maux fis respirer la France;
Toi qui chassas le crime au feu de tes regards,
Et ramenas les lois, la paix et Tabondance,
La gloire et les beaux-arts.
C'est toi qui, rassurant nos gémissantes villes.
De l'Empire épuisé ranimas les lambeaux,
Dont la main triomphante a, des haines civiles,
Etouffé les flambeaux.
Aujourd'hui cette main en prodiges féconde.
Consent à déposer un fer cent fois vainqueur ;
Le bonheur de la France et le repos du monde
Sont les vœux de ton cœur.
Mais s'il fallait, rongeant le frein de l'esclavage,
Subir de l'étranger les mépris insolents,
Et sous le joug honteux d'un Tartare sauvage
Baisser nos fronts temblants !
Punissons, punissons leur insensé délire!
Des Français, des héros, se verraient outrager !...
Donnez, donnez un glaive, ôtez-moi cette lyre.
Et courons nous venger !
Ah I l'honneuraux Français est plus cherque la vie.
. Où la gloire n'est pas, la vie est-elle un bien?
Et s'il faut la traîner méprisable avilie,
Oui la perd ne perd rien.
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- 35i ^
La situalioii des Alliés devenait critique, dans ce pays naturelle-
ment pauvre, ruiné par la guerre, et presque dépourvu de routes.
Par le port de Saint-Jean de Luz, dont il était désormais le maître,
Tennemi communiquait avec la mer ; mais le temps était mauvais.
Des bâtiments chargés de vivres, d'habillements et de munitions,
venaient souvent échouer en vue des côtes de Gascogne. De Bayonne
à Koyan, la côte qui s'étend au pied des duues était couverte dé dé-
bris. Pas moyen de tirer quelques ressources de la Soûle et du Béarn.
Le général Harispe * s'était mis à la tète des Basques français, ses
compatriotes, organisés en gardes nationales et corps-francs, et har-
celait les derrières de l'ennemi. Wellington tenta de lui opposer les
bande espagnoles de Mina ; ^ mais ce chef de partisans ne fut pas
heureux.
* Jean-Isidore- Harispe, né à Saint-Étienne-de-Baïgorry, le 5 novem-
bre 1768, partit comme volontaire en 1792, devint l'année suivante com-
mandant d'une compagnie franche, et bientôt après commandant d'un
bataillon basque. Il servit ensuite en Italie. Colonel en 1806, Harispe se dis-
tingua à la bataille d'Iéna, et prit part, comme général de brigade, au
combat de Gutstadt et à la bataille de Friedland. Il fut ensuite envoyé vers
les frontières d'Espagne, et devint chef d'état-major du général Moncey. Gé-
néral de division en 1810, il commandait les troupes qui montèrent à l'as-
saut de Tarragone. Harispe, créé comte en 1813, continua à ser\'ir en Es-
pagne sous les ordres deSuchet, et passa sous ceux deSoult en 1814. Blessé
à la bataille de Toulouse, il tomba au pouvoir des Anglais. En 1814, ce gé-
néral reçut de Louis XVIII la croix de Saint-Louis et le commandement de
la 15* division militaire. Pendant les Cent-Jours, U commanda la 1" division
de l'armée des Basses-Pyrénées, et vécut retiré à Saint-Étienne-de-Baïgorry,
depuis la seconde rentrée des Bourbons jusqu'en 1830. Sous Louis-Philippe,
Harispe commanda presque constamment l'armée d'observation établie sur
les frontières d'Espagne, et fut fait pair de France le 11 septembre 1835.
Louis-Napoléon, président de la République, lui confia le commandement de
la 11* division militaire, dont il se démit en 1850, et le nomma maréchal
de France en 1851. Harispe mourut àLacarre, près Bayonne, le 26 mai 1855.
* Xaviero Mina, né en 1789, dans la haute Navarre, étudiait la théologie
à Saragosse, quand les Français envahirent l'Espagne. Il se mit aussitôt à
la tête d'une bande de guérillas, et tenta contre nos troupes plus d'un coup
de main qui réussit. Mais les soldats de Mina étaient de vrais chenapans,
redoutés à bon droit des Français comme des Espagnols. Leur chef, fait
prisonnier en 1811, avait recouvré sa liberté l'année suivante, où il fut forcé
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- 352 —
Wellington attendait toujours. L'hiver était rigoureux. Les vivres et
les fourrages manquaient déjà ; l'ennemi perdait confianco, et la dé-
sei-lion commençait. Enfin, les secours attendus arrivèrent, et la
lutte recommença dans des conditions qu'il importe de préciser.
Wellington, dont j'ai déjà nommé les principaux lieutenants, avait
sous ses ordres environ 75,000 mille hommes, anglais, portugais,
espagnols. 11 disposait aussi d'une puissante artillerie.
L'armée de Soult, réduite par la meurtrière et malheureuse cam-
pagne de 1813, avait été renforcée de 30,000 hommes, prélevés sur
les 300,000 formant le contingent anticipé de 1815. Mais Napoléon
avait décidé que l'armée d'Espagne fournirait des cadres à tous les
corps en voie de formation, et des officiers et soldats à la garde im*
périale. Soult avait perdu, comme le constate Lapène,* la plupart de
ses vieux soldats. Thiers a donc tort d'affirmer* que le maréchal dis-
posait de « 40,000 hommes de troupes excellentes, » dont Lapène
fournit le compte autrement exact.
« Le général en chef reçoit cependant l'ordre de diriger sur Paris
deux divisions, fortes ensemble de 15,000 hommes. Une division de
dragons, la gendarmerie à pied, toutes les batteries d'artillerie à
cheval, avaient déjà eu la même destination. L'on ne peut enfin éva-
luer à moins de 45,000 fantassins, 7,000 hommes de cavalerie,
800 artilleurs avec leur canon, les forces dont l'armée d'Espagne et
des Pyrénées avait été appauvrie en faveur de l'armée du Nord,
depuisjle début de la campagne, six mois auparavant. Le départ des
troupes qui nous étaient enlevées, et qui justifièrent peu de temps
après à Montereau les espérances fondées sur le concours de leurs
efforts, alTecte le moral des soldats et de l'habitant. Il n'échappe à
personne que si 9 divisions françaises n'ont pu se maintenir sur les
d'émigrer en France, pour avoir tenté de rétablir, avec son oncle Espoz y
Mina, la Constitution de 1812. Arrêté par ordre du gouvernement français.
Mina, bientôt relâché, s'embarqua pour l'Angleterre, en attendant d'aller
prendre du service sous Wellington. Mina, qui tenta ensuite de soulever le
Mexique contrôla mère-patrie, fut fusillé par les Espagnols en 1817.
* Lapène, Événements militaires devant Toulouse, 43,
* Thikrs, Uistmre du Consulat et de VEmpire, XVÏT, 515.
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— 353 —
Pyrénées, notre armée, réduite au moins de 20,000 vieux soldats,
n'a plus de succès décisif à espérer.*» Lapène évalue tout juste à
« 45,000 baïonnettes, > Tarmée de Soult au moment de la reprise
des hostilités.
Napoléon avait retardé plus qu'il ne fallait la retraite de Soult en
France. Par un artifice qui ne trompait plus personne, Fempereur
entendait ne recevoir que des dépêches datées de Tautre côté des
Pyrénées. Dès que Tennemi fut en Gascogne, Soult reçut Tordre
d'exiger des troupes un dévouement illimité, et de donner l'exem-
ple, en se raonlrant'au feu le premier et le dernier.
L'empereur savait que le duc d'Angoulême, encore simple capi-
taine slu 15" régiment de hussards anglais, se trouvait dans Tarmée
do Wellington. Cette nouvelle avait ranimé les espérances des roya-
listes, fort nombreux alors en Gascogne, comme dans le reste du
Midi, et grossis de tous ceux qui ne voulaient plus de la guerre.
Voilà pourquoi Napoléon avait raison de redouter, en cas d'in-
succès de Soult en Gascogne, l'attitude de Bordeaux , où avaient
déjà paru de nombreux émissaires de Louis XVIIL L'empereur avait
sacrifié à cette crainte les quarante-cinq mille hommes de Soult, qui
auraient rendu d'immenses services sur la Seine. Le maréchal avait
ordre de tout faire pour couvrir Bordeaux.
Telles étaient désormais les conditions trop inégales de la lutte.
Wellington se hâta d'en profiter.
Dès le 11 février 1814, les Alliés étaient à Saint-Jean-Pied-de-Port ;
et le duc d'Angoulême datait de cette ville sa proclamation aux roya-
listes du Midi.. Ce prince entrait en France comme lieutenant-général
de Louis XVIII, pour tout le Midi et l'Ouest de la France.
Le 14, notre extrême gauche, sous les ordres du général Harispe,
fut attaquée à Hélette et forcée, malgré sa vigoureuse résistance, de
battre en retraite sur Garis et Saint-Palais. Un second combat, plus
meurtrier encore, s'engagea entre tout le corps du général Hill et
la division espagnole du général Morille, contre les troupes du gé-
néral Harispe et la division du général Paris, constituée avec les
Lapène, Événements militaires devant Toulouse, 13-14,
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— 364 -
débris de divers corps. Notre aile gauche dût reculer encore jusqu'au
Saison ou Gave de Mauléon, qui traveree la vallée de Soûle du sud
au nord, et tombe dans le Gave d'Oloron, un peu en aval de Sauve-
terre. Un mouvement analogue du général Clausel * sur la droite,
l'avait ramené derrière la Bidouze.
Le 17 février, nouvelle attaque et passage du Saison au gué d'Ar-
rivereyte, ce qui force les Français à reculer jusqu'au Gaved'Oloron.
Il était clair désormais que Wellington cherchait à s'emparer d*Or-
thez, et à passer dans la France centrale, par la route de Saint-Sever
(Landes). C'était donc à Orthez qu'il fallait livrer bataille. Ici je laisse
parler Lapène.
« Le 24 février, après quatre jours de tâtonnements, des fausses
attaques dirigées par l'ennemi sur les têtes des ponts de Peyrehorade
et de Sauveterre, fixent notre attention. Le véritable passage du Gave
d'Oleron s'exécute à Villenave, au-dessous de Navarreins, et l'ennemi
se déploie sur la rive droite. L'armée française, procédant sans délai
à son mouvement de concentration, se replie sur le Gave de Pau, le
passe dans la nuit du 24 au 35, et prend, au jour, position à Orthez.
Des postes do cavalerie sont spécialement chargés d'observer le cours
du Gave , de signaler les mouvements des alliés qui occupent la rive
gauche, et sont déjà placés sur les hauteurs dites de Départ, en face
* Il s'agit de Bertrand Clausel, né à Mirepoix, en Languedoc, le 12 novem-
bre 1772, et mort en 1842. La biographie de ce personnage a été souvent
écrite. Je me bornerai donc à dire qu'il arriva en Espagne, précédé de la
réputation d un général et d'un administrateur habile. Dans la Péninsule, il
se distingua aux Arapiles (22 juillet 1812), arrêta, sur les hauteurs de Bur-
gos, les soldats victorieux de de Wellington, et ramena notre corps d'armée
de Portugal. Après la bataille de Toulouse, Clausel fut nommé, par
Louis XVIII, grand-officier de la Légion d'honneur et inspecteur général
d'infanterie, ce qui ne l'empêcha pas d'acclamer et de servir Napoléon re-
venu de l'île d'Elbe. Proscrit pendant les Cent-Jours, le général rentra, en
1820, à son château d'Escouricux, près Toulouse, siégea & la Chambre des
députés sous la Restauration, devint gouverneur de l'Algérie après 1830, et
plus tard, maréchal de France. Le nom de Clausel est attaché au souvenir
de notre expédition désastreuse contre Constantine, Le maréchal revint
d'Algérie en 1837.
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— 366-
d'Orthez. Les chefs de ces postes négligent, les 25 et 26, de signaler
les opérations de l'ennemi sur le Gave. Le 26 au soir, le maréchal
Soult apprend, avec autant de contrariété que de surprise, le passage
du Gave par une portion deFarmée coalisée et par toute la cavalerie
britannique, ainsi que leur présence sur le plateau en avant de Baigts.
Le corps entier du maréchal Béresfort était parvenu aussi à traverser
la rivière au-dessus de Peyrehorade, à Cauneille et à la Hontan.
Soult, dans ce moment critique, doit se décider sans délai à présenter
la bataille ou à battre en retraite ; et il ne reste en se repliant, à
Tarméc française, d'autre ligne connue que la Garonne. Son général
en chef, qui ne réalise pas au-delà de trente mille baïonnettes,
s'arrête au premier projet; il veut même, s'il est encore temps, ar-
rêter, au passage du Gave, la portion d'ennemis qui n'a pu encore
franchir la rivière, et marcher, dans tous les cas, à l'attaque des
coalisés déjà réunis sur le plateau en avant de Baïgts.
« Le 26, à la chute du jour, l'aile droite de l'armée française, com-
mandée par le lieutenant-général Raille,* se porte au village de Saint-
Boës, à trois quarts de lieue d'Orthez, sur la route de Dax. Le centre
est placé, par le lieutenant général Drouet d'Erlon, sur les hauteurs
adjacentes au chemin de Bayonne, et s'appuie au Gave. Partie de l'aile
gauche, aux ordres du lieutenant-général Clausel, reste en réserve
au château d'Orthez ; partie observe les gués au-dessus de cette ville.
Vers le 27, au point du jour, Reille fait un premier mouvement vers
l'ennemi, mais se replie sur Saint-Boës, en apprenant que les alliés
s'avancent en forces dans cette direction : l'aile droite déployée en
arrière et à gauche du village, occupe seulement Saint-Boës par une
' Les généraux"de division Reille, Drouet d'Erlon, etClausel, avaient reçu
le titre de lieutenant-généraux dans la nouvelle armée d'Espagne et des
Pyrénées, ainsi que le comte Gazan, chef d'état-major généraL Note de Lapène.
— Honoré-Charles-Michel- Joseph comte Reille, né k Antibes en 4775, fut
fait maréchal de France en 1847. Sa biographie est connue. Je me bornerai
donc à dire qu*en 1810, Reille fut chargé du commandement de la Navarre
espagnole. Il assista ensuite au siège de Valence, avec deux divisions, com-
manda l'armée de l'Èbre, puis celle du Portugal. — Jean-Baptiste comte
Drouet d'Erlon, né à Reims le 29 juillet 1765, mort le 25 janvier 1844, com-
mandait l'arrière-garde de l'armée d'Espagne,
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- 356 —
forte avant-garde. L'action devient bientôt générale. Le marécha,
Béresfort dirige trois attaques vigoureuses en avant de Saint-Boës.
Trois fois la division Taupin, qui lui est opposée, culbute Tennemi
par des charges à la baïonnette, et les feux de son artillerie tirant à
mitraille. La division Foy, au centre, près du grand chemin de
Bayonne, défend aussi les positions avec la plus grande intrépidité.
Lord Wellington qui, dans ce moment, désespère du succès, malgré
les forces doubles qu'il nous oppose, veut tenter un dernier effort. Il
dirige une forte colonne, jusqu'alors non engagée, sur le point qui
réunit Taile droite et le centre des Français, dans le desseiu de les
séparer et de leur couper isolément la retraite. Les premières troupes
chargées de Texéc ition de cette manœuvre sont culbutées ou détrui-
tes. Leur supériorité de nombre, une blessure grave reçue par le gé-
néral Foy, qui peut immédiatement influer sur la conduite de sa
division, décident le général Drouet d'Erlon àse replier parallèlement
au Gave et en arrière d'Orthez. Une semblable manœuvre est exé-
cutée, à la gauche, par les troupes du général Ilarispe, trop faibles
pour contenir le corps du lieutenant-général Hill, qui vient de passer
le Gave au-dessus de cette ville. Ce passage non prévu, et la présence
des coalisés sur la route de Dax en queue de notre aile droite, for-
cent, enfin, celte aile à se replier aussi. La retraite des Français, que
précipitent les démonstrations faites sur nos derrières par la colonne
ennemie qui a passé» le Gave^ s*opère, d'ailleurs, par un chemin étroit
et raboteux, et n'est pas exempte de désordre. L'armée reprend son
attitude à deux lieues du champ de bataille, au bourg de Saut-de-
Navailles, derrière le Luy-de-Béarn, et arrête Tennemi. Les Français
continuent, quelques heures après et sans précipitation, leur mou-
vement de retraite sur Agetmau (Hagetmau) et Saint-Sever.* «
Telle fut, en somme, la bataille d'Orthez, et le récit de Lapène est
conforme à la narration des historiens militaires anglais. Il n'y a pas
lieu d'en dire autant de celle de Thiers,^ qui, certes, écrit et décrit
moins bien que Lapène, et qui n'a pas craint d'avancer que cette
journée, « sans être une bataille perdue, devait en avoir bientôt toute
' Lapène, ÈvéneinenU militaires devant Toulouse, 45-iH,
• Thiers, Histoire du Consulat et de VEmpire, XVII, 515-18.
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- 357 —
Tapparence. » Soull, dont Taile droite était débordée par le corps de
Beresford, en jugeait autrement, et nous verrons tout-à-l'heure qu'il
battit en retraite vers Aire-sur-l'Adour. Il est vrai que Thiers n'ap-
prouve point ce mouvement. D'après lui, Soult aurait dû couvrir
Bordeaux ; et il blâme vertement le maréchal, en termes dont j'ai vu
sourire les gens du métier.
« Mais on venait d'abandonner un terrain bien précieux, et à la
suite d'une journée qui, sans être une bataille perdue,devait en avoir
bientôt toute l'apparence, parce que l'ennemi serait autorisé à l'ap-
peler ainsi en avançant, et parce que les populations malveillantes
du Midi ne la qualifieraient pas autrement. Après cette bataille d'Or-
Ihez, il ne restait plus de point où l'on pût s'arrêter jusqu'à la Ga-
ronne. Bordeaux allait donc se trouver découvert, et le grand intérêt
politique auquel Napoléon avait sacrifié quarante mille hommes, qui
sur la Seine eussent sauvé l'Empire, allait être compromis. Il n'y
avait qu'une ressource, c'était que le maréchal Soult prit sa ligne
d'opération sur Bordeaux et en fit le but de sa retraite. On était
condamné dans ce cas à livrer bataille encore une fois, au risque
d'être battu, et puis, battu ou noQ, il fallait se replier sur Bordeaux,
établir un vaste camp retranché autour de cette ville, et s'y défendre
comme le général Carnot à Anvers. Il est vrai que Bordeaux n'avait
pas les murailles d'Anvers, mais il avait mieux, il avait une belle ar-
mée, qui, en s'appuyant sur cette ville, devait y être inexpugnable.
N'y tint-elle que quinze à vingt jours, c'était assez pour donner b
Napoléon le temps de décider du destin de la guerre entre Paris et
Langres.
9 Le maréchal Soult,'craignant les rencontres avec l'armée an-
glaise, q.ui avaient presque toujours été malheureuses (grâce, il faut
le dire, à nos généraux et non point à nos soldats), avait imaginé de
manœuvrer, et au lieu de couvrir directement Bordeaux, de remon-
ter vei^s Toulouse, croyant que les Anglais n'oseraient pas s'achemi-
ner sur Bordeaux tant qu'il serait sur leurs flancs et sur leurs der-
rières. Ce genre de calcul, convenable à Napoléon dont on avait
peur, n'était pas aussi fondé de la part de ses lieutenants, que l'on ne
redoutait pas à beaucoup près autant que lui. L'événement le prouva
bientôt. En efTet, lord Wellington, qui, en attirant à lui une partie des
troupes laissées autour de Bayonne, disposait de plus de 70 mille hom-
mes, pouvait en détacher 10 ou 12 mille vers Bordeaux, ce qui suf-
fisait pour soulever cette ville. C'est ce qu'il ne manqua pas de faire.
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- 358 -
Tandis que le maréchal Soult prenait le chemin de Tarbes, lord
Wellington détacha le maréchal Beresford avec une colonne de
troupes anglaises et portugaises, et celui-ci, trouvant Bordeaux sans
défense, y entra le 12 mars.* »
Le commandant d'état-major dont j'ai pris conseil , m'a dit à peu
près, en écoutant ce passage :
« Voilà ce qu'on fait croire au bourgeois, qui tient à ce qu'on lui
donne, sur toutes choses, une opinion conforme à ce qu'il désire.
Sans couleur de patriotisme, Thiers cache tant qu'il peut, et atténue
toujours les dures mais salutaires vérités. Il ménage, quand il ne va
pas jusqu'à les glorifier, les gens dont il a besoin. A Orthez, Welling-
ton a gagné la partie, parce qu'il avait force gros atouts.Sa nombreuse
armée pouvait à la fois bloquer Bayonne, et livrer bataille à coup sûr
devant Orthez. Thiers est au-dessus de la vérité, quand il dit que six
mille ennemis étaient morts ou blessés. Il est au-dessous quand il
n'évalue qu'à trois ou quatre mille hommes les pertes de Soult.
Voyez plutôt les dépêches de Wellington, les livres du colonel Na-
pier et du capitaine Batty. Le commandant Lapène est dans le vrai,
quand il fixe à vingt-cinq mille combattants, après l'affaire d'Or-
thez, l'armée de Soult, ainsi réduite par la bataille, les désertions,
les maladies et les non-valeurs.
« Quant à battre en retraite sur. Bordeaux, et à s'y défendre
« comme le général Carnot à Anvers, » cela fait rire. Après la dé-
faite d'Orthez, le débordement de notre aile droite laissait virtuelle-
ment l'ennemi maître de presque toute la Gascogne, et j'entends par
là le triangle formé par la Garonne, la mer et les Pyrénées. Thiers
convient qu'après l'affaire d'Orthez, « il ne restait pas de point à
donner bataille jusqu'à la Garonne. » Pourtant il condamne Soult à
livrer « un nouveau combat, » dont le résultat, favorable lou non,
le ramène sous les murs de Bordeaux, avec son matériel de guerre,
en hiver, parmi les pinadas et les bruyères des Grandes-Landes, alors
inondées, et percées tout juste d'une grande route. A Bordeaux, dont
Wellington peut couper aisément les approvisionnements en amont,
le peuple tient pour les Bourbons , sans compter que la Gironde est
tout proche, et que dans le cas d'une défaite comme à Toulouse, Soult
et ses soldats seront immanquablement précipités dans le fleuve. -
Id. XVII, 518-19.
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^ - 359 -
« La retraite de Soult d'Espagne à Toulouse, restera dans la mé-
moire des gens du métier, comme le plus grand titre d'honneur de
cet homme de guerre. Avec une armée où les recrues abondaient, il
a maintenu la discipline plus qu'on ne pouvait Tespérer.ïl a tiré parti
de tout, disputé le terrain pied à pied, et rempli tout son devoir. A
sa place Wellington n'eût pas certainement fait mieux, ni probable-
ment si bien. »
Ainsi parla le militaire savant et sensé que j*ai consulté. Je puis
maintenant reprendre le récit des opérations de SouU, que j'ai laissé
à Saint-Sever (Landes).
Arrivé dans cette ville le !•' mars, le maréchal disposa les choses
de ftçon à faire croire à l'ennemi que l'armée française allait suivre
la route de Mont-de-Marsan et les Landes, pays dépourvu de res-
sources, de moyens de défense, et de positions militaires. En réalité,
Soult ne songeait qu'à s'emparer de la route d'Auch et de Toulouse,
pour écarter la guerre du centre de la France, et la maintenir dans
le Midi. En ce moment, la route de Toulouse était moins sûre, et
pouvait jeter Soult sur le lieutenant général Hill, qui manœuvrait sur
notre droite. Dans cette position critique, le maréchal prit aussitôt
son parti. Il quitta brusquement la route des Landes, pour se jeter
dans la direction de Toulouse, et, par une marche rapide, s'empara
avant Tennemi des positions d'Aire-sur-l'Adour et de Barcelonne.*
Après avoir passé rAdour,*notre aile gauche s'était postée sur
les hauteurs d'Aire, tandis que notre centre et notre aile droite de-
meuraient en avant de Barcelonne. L'action s'engagea le 2 mars, entre
ces forces et le corps du lieutenant-général Hill, qui marchait vive-
ment sur nos traces, par la rive gauche du fleuve^ En arrêtant l'en-
nemi, Soult voulait être libre de manœuvrer de chaque côtédeTAdour,
tout en demeurant dans le voisinage des Pyrénées. 11 voulait aussi
observer à son gré les routes de Toulouse, dont une passe par Auch,
et l'autre par Tarbes et Saint-Gaudens.
Dans la soirée du 2 mars, la pluie tombait h torrents. Soult se
hâta d'en profiter pour franchir le pont de Barcelonne, laissant entre
lui et Wellington, l'Adour et quantité de ruisseaux grossis ou débor-
dés. C'est ainsi que nos troupes arrivèrent dans la haute vallée de
^ La{^ne, Événement milUaires devant Toutotm, 48-49.
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-^ 360 --
TAdour, et s'y cantonnèrent tranquillement, pendant huit jours, entre
Tarbes et Plaisance.
Tandis que Tarmée française passait les Gaves et atteignait le
haut Adour, le général Hoppe, commandant de l'aile gauche des
Alliés, s'était occupé de bloquer Bayonne. La garnison de cette
place, y compris la division Abbé, qui s'y était jetée tout entière,
s'élevait à treize mille sept cents hommes. Le général Berge com-
mandait l'artillerie, et le général Garbé le génie. Ils avaient sous
leurs ordres autant de troupes des deux armes qu'il leur en fallait;
et tous les moyens de défense étaient préparés. Après la bataille
d'Orthez , le général Drouet d'Erlon, forcé d'abandonner la rive
droite de l'Adour, pour se réunir à l'armée française , laissait
désormais l'ennemi libre de passer le fleuve.
Le 21 février, les Alliés se présentèrent h l'embouchure de l'Adour,
dite le Boucau,* et s'occupèrent aussitôt de jeter un pont destiné ù
leur assurer l'une et l'autre rive. Force petits bâtiments destinés à
cet usage furent poussés du large, mais seulement quand l'ennemi
supposa que le passage aurait lieu sans obstacle.
Les Alliés redoutaient, en effet, le feu d'une flottille armée par les
Français, dès le 13 décembre 18 J 3, pour protéger la navigation de
l'Adour. Cette flottille était alors au Boucau. La corvette, la Sapho,
barrait, en outre, l'entrée du port, au-dessus de la promenade des
Allées-Marines. Pendant toute la journée du 23 février, la Sapho fut
battue par le canon ennemj, établi au pied des dunes, sur la rive
droite de l'Adour. Dans le combat, la corvette, presque démâtée, eût
son commandant blessé à mort. Il fallut la remorquer, vers trois
heures de l'après-midi, sous le canon de la citadelle.'
Voilà comment Tembouchure de l'Adour tomba au pouvoir de
l'ennemi, dans la soirée du 23 février. Aussitôt, le général Hoppe
expédia sur la rive droite un radeau chargé de six cents hommes
appartenant aux gardes anglaises. Deux bataillons d'infanterie fran-
çaise occupaient cette rive avec dos canons; mais ils reçurent, on
ne sait pourquoi, l'ordre de se replier sur les glacis de Bayonne. Le
pont de bateaux, jeté par l'ennemi sur l'Adour, fut terminé après de
* Ne pas confondre avec le Vieux- Bouc^^u, situé plus au nord sur la côte
de Gascogne.
• Lapène, ÉvéïieimmU militaires devant Toulouse, 4o3'oi,
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- 361 —
grandes difficultés. Le passage de la barre de ce fleuve est, en effet,
fort dangereux, à raison des bancs de sable mouvants qui en obs*
truent Tembouchure. Néanmoins l'opération réussit, par l'activité de
l'amiral Penrose, commandant de Tescadre anglaise chargée de
seconder Tarmée de Wellington. Presque toutes les troupes enne-
mies destinées à opérer au nord de Bayonne, passèrent sur la rive
droite. Par des chemins pratiqués tout exprès, dans les falaises et les
dunes qui bordent la mer, et qu'on ne pouvait apercevoir de la
place assiégée, le gros matériel du général Hoppe arriva sans encom-
bre de Biarrits au Boucau. Celte artillerie fut aussitôt transportée
sur l'autre rive du fleuve. Le général anglais était libre maintenant
d'investir la citadelle de Bayonne.'
Le 23 février, la route de Bordeaux [par les Landes était déjà
interceptée. Quelques postes ennemis occupaient aussi celle de Pey-
rehorade ou de Toulouse. En môme temps, le lieutenant-général Don
Manoël Frayre, commandant la quatrième armée espagnole, s'avan-
çait par la route de Saint-Jean-Pied-de-Port, pour cerner la place du
côté de MousseroUes, entre TAdour et la Nive.*
Gonflant dans ses premiers succès, Tenuemi devait naturellement
songer à reconnaître de plus près les ouvrages de la citadelle, et à
« serrer fortement nos avant-postes sur la rive droite de TAdour. Le
27 février, à deux heures de l'après-midi, il fait des démonstrations
offensives sur les routes de Toulouse et de Bordeaux. Son but prin-
cipal est de s'emparer du plateau de Saint-Étienne, à cause de sa
situation en avant du faubourg. Dans cette vue, le général Hoppe
étend sa droite et l'établit en face des ouvrages de la citadelle, tandis
que les troupes de son extrême gauche parviennent à se glisser dans
un chemin creux et détourné, adjacent à la route de Toulouse, et
s'emparent des premières maisons de Saint-Esprit, à l'est de cette
ville. Le péril est imminent dans Bayonne ; toute la garnison prend
les armes, et des troupes sont dirigées sans délai vers les points me-
nacés. Le général Thouvcnot, gouverneur de la place, se porte lui-
môme 5 la citadelle, et donne ses ordres. Les Anglais sont attaqués
avec vigueur dans les maisons dont ils viennent de se rendre maî-
tres. Forcés aussitôt de les abandonner, ils remontent à la fin la
rampe tortueuse qui les y a conduits. Ils conservent cependant la
W., Ihid. 154. — * l(L Ihid, 154.
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- 362 —
possession du plateau compris entre les deux routes, devenu, comme
nous l'avons dit, le principal objet de leurs mouvements dans cette
journée. Les pertes de l'ennemi s'élevèrent à 800 hommes, le 27 fé-
vrier. Les nôtres furent moindres de deux tiers ; le général- Thou-
venot, gouverneur, se trouvait au nombre des blessés.* »
Cette attaque fut suivie de beaucoup d'autres. La garnison de
Bayonne demeura toujours en éveil. Malgré le bon état des camps
retranchés et des ouvrages avancés, il fallait être constamment sur
ses gardes, surtout depuis que l'ennemi s'était* emparé du plateau
de Saint-Élienne , d'où les assiégeants pouvaient surveiller l'in-
térieur des ouvrages de la citadelle. Nos artilleurs avaient reçu
Tordre de.tirer tout le jour, et môme la nuit, pour empêcher les
assiégeants de s'établir déflnilivement sur le plateau dont ils s'étaient
emparés. Notre attitude provoqua certains mouvements de (roupes
chez les^ Alliés. En somme, « peu de jours après que l'ennemi eût
solidement établi le blocus de Bayonne , la plupart des détache-
ments anglais qui avaient participé à cette opération, furent diri-
gés vers le gros de leurs forces, que lord Wellington avait réunies
après le combat d'Aire, aux environs de cette ville et de Garlin, sur
la rive gauche de l'Adour. Le lieutenant-général Iloppe conserva ce-
pendant la direction générale des travaux devant Bayonne, ayant
sous ses ordres la quatrième armée espagnole, qui fut provisoire-
ment affectée au blocus de cette place.^ »
On trouvera , dans la note ci-dessous, la fin du récit du blocus
de Bayonne.*
« Id. Ibid. 154-55. - « Id. Ibid. 155-56.
• Ce blocus persista, sans événements notables, jusqu'après la bataille
de Toulouse (10 avril), dont les résultats étaient encore inconnus îi Bayonne,
le 14 avril 1814. Depuis plusieurs jours, les assiégés méditaient une grande
sortie, retardée jusqu'au 14 par diverses circonstances. Il s'agissait de re-
jeter l'ennemi en arrière des ouvrages avancés de la citadelle, à l'église de
Saint-Étienne , à la rencontre des routes de Bordeaux et de Toulouse,
et à l'Espéron. En môme temps, des démonstrations devaient être faites
sur plusieurs points de l'enceinte des camps retranchés , afin de par-
tager l'attention des assiégeants. La tlirection générale des mouvements
h exécuter était confiée au général Abbé. Le général de brigade Mau-
comble avait en particulier la conduite des opérations en avant de la
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citadelle. Cette partie des fortifications, ainsi que les ouvrages adjacents sur
la rive droite de TAdour, se trouvaient déjà aux ordres d'Abbé.
« Il était décidé, le 13 au soir, que Ton attaquerait le lendemain au point
du jour ; mais Tennemi est prévenu de Tobjet de Tattaque par un homme
de la garnison, qui abandonne lâchement son poste dans cette même soirée
du 13, et passe aux Anglais. Cette circonstance force de hâter le moment de
Texécution, seul moyen d'empêcher que l'assiégeant retire aucun avantage
de la découverte qu'il vient de faire. Nos troupes débouchent avant le jour
des ouvrages extérieurs de la citadelle, et fondent sur l'ennemi avec la plus
grande impétuosité. Celui-ci, profitant de l'avis reçu, était alors sous les
armes et en mesure de défense. Abordés néanmoins à la baïonnette, les
coalisés abandonnent leurs premiers retranchements et se replient en dé-
sordre. Les Français» divisés en trois colonnes, s'avancent sans délai, sa-
voir : à droite contre l'église de Saint-Étienne ; au centre, sur la route de
Bordeaux ; à gauche, vers l'Espéroil et Montaigu. Des détachements de
sapeurs pénètrent sur les traces de la première colonne dans l'église de
Saint-Étienne, et envahissent aussi les habitations crénelées qui servent de
retranchements k l'ennemi. Ces abris sont ruinés par les sapeurs, leurs dé-
fenses détruites et les fossés comblés. L'opération est protégée par quatre
pièces de canon établies au point de réunion des routes et placées sur les
ordres immédiats du capitaine Romagnie.
ce L'ennemi est repoussé jusque dans ses ouvrages les plus reculés ; il
reçoit cependant des troupes de renfort du côté d'Hayet et du Boucau. Mais
l'objet de nos opérations était rempli : les coupures et les retranchements
des routes de Bordeaux et de Toulouse n'existaient plus ; en outre, le lieu-
tenant-général anglais Hoppe, commandant en chef des troupes du blocus,
venait d'être pris. Le général Abbé se décide, après ce succès, à donner
l'ordre de la retraite, et rentre avec la garnison dans la citadelle, amenant
273 prisonniers faits dans cette expédition. La perte de l'ennemi s'élevait,
de son aveu, à plus de 2,000 hommes hors de combat ; de ce nombre était
un officier général anglais resté mort sur le champ de bataille. Notre perte
ne dépassa pas en tout 910 hommes ; on n'eut k regretter aucun officier de
marque, et une grande partie de nos blessés reprit même sous peu de jours
son service accoutumé. » Lapène, Événements militaires devant T<mlous0f
158-59. Cette héroïque sortie devait demeurer sans résultat ; car la bataille
de Toulouse était livrée, et Soult était à Gastelnaudary.
Jean-François BLÂDÉ.
(A continuer.)
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raPOSITlON DES BEiUX-ARTS D'AGEN.
I — faïences.
Le compte-rendu de notre Exposition, en ce qui concerne les faïen-
ces, ne saurait se faire sans quelques difficultés.
Un très petit nombre de collections ont été offertes à la curiosité
publique, et il faut parcourir toutes les vitrines pour découvrir, au
milieu d'objets souvent complètement étrangers à Tart céramique,
les rares échantillons qui méiitent d'être mentionnés. On nous
permettra conséquemment de ne nous pas préoccuper de l'ordre des
vitrines et de prendre nos coudées franches. Nous passerons en revue
tous les genres de faïences exposés, laissant à de plus compétents
le soin de parler des superbes porcelaines qui ont eu aussi leur part
de l'admiration publique.
Disons avant tout que les vitrines de Madame veuve d'Auzac,
de M. Boudel, de MM. Lavergne et Biers, de Villeneuve, de M. Sa-
batier et de M. Dupuy ont vraiment présenté l'aspect et l'intérêt
d'une collection.
VaïeneeA rraiiçal«e«.
Paussy ou genre Palissy. — Nous ne saurions commencer sous les
auspices d'un nom plus heureux hî compte rendu d'une Exposition
céramique à Agen. 11 parait, en effet, certain que Bernard Palissy,—
né en 1510 à La Capelle-Biron, en Agenais, suivant certains ailleurs; à
Monpazier (Périgord), suivant d'autres , — aurait habité notre
ville ; mais ce séjour fut court probablement , car après de
longs voyages dans la Flandre , dans les Pays-Bas et en Alle-
magne, où il a puisé ses premières notions de la fabrication
de la poterie, nous le voyons faire ses débuts à Saintes
en 1539. Le genre qu'il créa est certainement celui qui a été
le plus et le mieux imité ; aussi est-il bien difflcile de distinguer
un PaliSBy des œuvres de ses nombreux continuateurs.
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- 365 —
Au risque d'augmenter le scepticisme de certains amateurs et col-
lectionneiirs, nous croyons devoir reproduire textuellement Topinion
de Demmin à ce sujet : « Sur dix plais, dit-il, figurant dans les mn-
« sées ou dans les collections, il n'y en a souvent pas un seul que
« Ton puisse attribuera Palissy, auquel je n'attribue, du reste, au-
« cun de ces plats à ornements et à mascarons dont le style indique
« suffisamment des époques postérieures, où déjà le pastiche régnait
« en maitre. Pour moi, Palissy n'a jamais produit que des pièces ro-
« caillées et ornées de reptiles , sans figures ni ornements ,
« il était plutôt savant qu'artiste et ne connaissait ni le modelage ni
« la peinture. » *
Nous croyons volontiers que M. Demmin, allemand d'origine, s'est
montré sévère à Texcès pour Bernard Palissy dont les œuvres sont
infiniment plus recherchées que les poteries allemandes de la même
époque. Nous recommanderons toutefois aux collectionneurs de se
tenir en garde- contre les imitations et de n'attribuer des pièces
b Palissy qu'avec une extrême réserve.
Le plus joli spécimen qui ait été exposé dans ce genre est assuré-
ment le piat de M. Aunac que nous trouvons dans la vitrine centrale;
il est orné de sujets mythologiques d'une finesse d'exécution remar-
quable. Cette pièce est, sans aucun do:îte, la reproduction d'un plat
en métal ciselé d'une époque antérieure. Citons aussi, quoiqu'ils
soient bien inférieurs, deux autres plats attribués à Palissy et appar-
tenant à M. de Boéry. Combien nous leur préférons les deux plats
modernes d'Avisseau, do Tours, propriété de M. Aunac, ainsi que les
deux vases et le panier de poissons de Madame veuve Fontenille,
œuvres du même potier ! Quelle richesse dans la couleur et quelle
fidélité d'exécution ! L'on ne s'étonne plus en voyant des productions
contemporaines de cette valeur, que le plus beau plat de la collection
du Louvre, le grand plat ovale h la langouste, ait été classé comme
un Palissy bien qu'il soit l'œuvre de feu Avisseau père de Tours.
RouBN.—La fabrication delà faïence à Rouen remonte à 164i ; c*est,
au dire des connaisseurs , la première et la plus artistique de
toutes les faïences françaises, tant à raison de la variété que de la ^
richesse de ses motifs d'ornementation. On peut dire du style général
de son décor que le caractère en est vraiment national.
C'est dans les deux vitrines de M. Boudei que nous trouvons le
plus grand nombre d'échantillons de fabrication rouennaise. Citons,
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— 366-
avant tout, deux jardinières polychromes, ûesaitx à ta Corbeille et à la
guirlande ; deux plats décorés de la même manière ; un plat, dessin
à la pagode avec crevettes sur le marly ; deux compotiers, dessin au
cornet ; deux compotiers, décors de Perse , d'une grande finesse»
et enfin une bannette de Rouen à la Corne. Signalons, dans la
vitrine de Madame d'Auzac, un immense pUi de Rouen, riche
décor bleu ; une aiguière avec son bassin et deux soupières poly-
chromes ; dans la vitrine d i MM. Lavergne et Biers, une jolie
soupière, dessin à la Corne^ un bouquetier, dessin à la Guirlande^
dans les tons l^s plus frais et les plus, vifs; dans la vitrine
de M. Sabatier, un très grand et très beau plat de Rouen à la Corne.
Si nous ajoutons à cette énumération la grande soupière à la Corne
de M. Dupuy, les fontaines et cornets de M. Duffau, le réchaud
à décor bleu de M. Marraud, ainsi que sa jolie petite théière décor
bleu au lambrequin^ nous aurons passé en revue les principaux
spécimens de la fabrication Rouennaise qui ont enrichi notre
Exposition.
Nevees. — Nevers qui a commencé à fabriquer en 1602 a fait des
genres bien difTérents suivant les époques. Ses potiers se sont gêné*
ralement inspirés de Tart étranger, de Tltalie d'abord, de la Perse
ensuite et enfin de la Chine. Ce n'est qu'à Tépoque où foisonnèrent
les faïences populaires et patriotiques — les moins artistiques de tou-
tes, à coup sûr, — qu'ils se sont inspirés du goût français.
Nous n'avons que quatre pièces nivernaisesà signaler; première-
ment, un grand plat et une gourde à fond bleu de Perse, à décors à
blancs fixes, qui datent de la deuxième époque, c'est-à-dire de
l'époque persane. Ces deux objets, dont nous n'avons à faire ressortir
ni la rareté ni le mérite, sont la propriété de Madame d*Auzac ;
deuxièmement, deux plats ronds en camaïeu bleu avec décors
brun-lilas, qui datent de la troisième époque ; l'un, qui représente
Adam et Eve, est la propriété de MM. Lavergne et Biers, de Ville-
neuve ; l'autre, qui représente un cavalier, dans un paysage est la
propriété de M. Sabatier.
MousTiERs [Basses-Alpes). — Une légende attribue à des moines
l'invention des procédés de fabrication usités dans cette ville.
La croix que l'on trouve comme marque sur un grand nombre de
ces faïences a peut-être contribué à accroître cette fable. Il paraît
bien avéré que la famille Cierissy est la première famille de potiers
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- 367 —
qui ait illustré cette contrée vers 1690. Il y a en Savoie une localité
du même nom, où Ton a^fabriqué des faïences ayant beaucoup de
ressemblance avec celles des Basses-Alpes ; l'émail en est cependant
moins blanc et moins laiteux. On a aussi imité plus ou moins bien b
Moustiers dans beaucoup de fabriques du Midi, k Montauban le
Moustiers vert à dessins grotesques, à Ardus le Moustiers bleu, genre
Bérain, etc., etc.
Le Moustiers est assez bien représenté à notre Exposition. Citons
en première ligne cinq assiettes polychromes à personnages et pay-
sages ; la plus jolie, dans la vitrine de M"* d'Auzac ; deux dans celle de
M. Sabatier et deux dans celle de M. Boudet. Quant h la bleue, qui
appartient à MM. Lavergne et Biers (sujet de chasse d'après Tem-
pesta), la lettre Y dont elle est marquée est sansdoutele monogramme
de Viry, décorateur céramiste, et non une marque indiquant l'ori-
gine de Yarages, dont les produits imitaient grossièrement ceux de
Moustier. Dans le genre Bérain, nous'signalerons deux beaux plats ;
l'un, dont le dessin large, fait à la main et non au poncif, est la
propriété de M. Boudet ; l'autre appartient à M. Sabatier.
Il nous reste à citer un joli plat d'Olery, dessin bleu, d'après
Callot, appartenant à M. de Coste. Un plateau h dessert, avec sept
petits compartiments, dessin à grotesques, polychrome, dont tout le
monde a remarqué le bel émail et le frais coloris et qui est la pro-
priété de M. Lacapère ; deux assiettes, dessin vert, d'après Callot, à
M. Boudet, et enfin, appartenant au même, un plat Louis XY , très
mouvementé, à riche décor polychrome, où l'on remarque les tons
jaune-rouille qui caractérisent généralement les faïences de Rouen.
Marseille. — La faïence de Marseille, la reine des faïences méri-
dionales, la plus belle des faïences françaises après le Rouen, n'était
représentée à notre Exposition par aucune pièce à décoration
dorée. Pas une seule de ces ravissantes assiettes à paysages, dont les
Savy, les Périn avaient le secret ; en revanche, beaucoup de Mar-
seilles communs, imitations de Strasbourg.
Aussi nous bornerons-nous à citer un plat à fleurs à la marque de
la veuve Perin, appartenant à M. Boudet ; un pot h eau et sa cuvette,
forme Louis XY, dessin de Strasbourg avec jolies bordures roses,
appartenante M. Marraud.
Strasbourg. —La faïence de Strasbourg, que distinguent les décors
dits aux bouquets et aux chinois , a été imitée par toutes les fabri-
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- 368 —
ques du Midi et particulièrement par celles de Marseille ; aussi est-il
difficile de la reconnaître, lorsqu'elle ne porte pas de marques.
M. Demmin donne à ce sujet les conseils suivants : « L'amateur
« pourra reconnaître les faïences de Marseille au relief des couleurs
€ des fleurs et des ornements du décor, quand en passant la main sur
« la surfaced'unc assiette etd'un plat, il sent une faiblesaillie. L'émail
« de la faïence de Strasbourg est bien plus lisse cl n'offre au toucher
« aucune convexité. »
Un grand nombre de pièces ont pour marque le monogramme de
Joseph et de Paul llannong, membres d'une famille de potiers qui a
illustré Strasbourg vers 1720. Il est ù noter que Strasbourg, malgré
son éloignement, se trouve représentée à notre Exposition* par un
plus grand nombre de spécimens que Marseille.
Nous trouvons dans la vitrine de Madame d'Auzac un joli plat rond
ayant au centre un bouquet très fin, et décoré d'une bordure verte
agréablement mouvementée ; dans la vitrine de M. Boudet, un très
grand plat ovale à bords découpés, verts et roses. Ce plat est marqué
d'un W, monograme probable de Walkenfeld, le plus ancien potier
de Strasbourg.
Il nous reste à signaler deux bouquetiers à M. de Coste ; deux
brûle-parfums à M. Dupuy et deux cache-pots Louis XV, à M. Boudet.
NiEDERviLLER {Meurtke). — Cette fabrique, qui a été fondée vers
1754 par le directeur de la monnaie de Strasbourg, Jean-Louis de
Béyerlé, est devenue plus tard la propriété du général comte de
Custines L'ornementation de ses produits a une certaine ressem-
blance avec celle d'Alsace. Us présentent souvent des bordures dé-
chiquetées et de fins bouquets de fleurs. Quelques-uns offrent des
paysages en camaïeu rose ; d'autres, dans le genre trompe-VœU,
ont pour ornement une gravure sjr fond imitant le bois. Disons,
enfin, que Cyfflé, célèbre statuaire, a modelé de fort jolies statuettes
pour la manufacture de Niederviller.
Notre exposition nous fait voir de celte provenance : un fort joli
plat décoré en camaïeu rose, dont le sujet, Jésus-Christ donnant les
clefs du Paradis à saint Pierre, est finement exécuté; deux sta-
tuettes en faïence polychrome, Mendiant et Moissonneuse; et, enfin,
une statuette en pâte tendre (Moissonneuse) , marquée Niederviller
encreiix dans la pâte. Ces objets font partie de la collection de
M. Boudet.
— 370 -
ces qui décoraient notre Exposition, et si, par hasard, nous avions
oublié de signaler quelques pièces, nous prions le lecteur et surtout
les propriétaires des objets passés sous silence , de vouloir bien
agréer nos excuses. Nous avions parfaitement reconnu noire insuf-
fisance pour une pareille U^che, et ce n'est qu'en comptant , plus
peut-être que de raison, sur l'indulgence du public, que nous avons
osé l'entreprendre.
Un collectionneur.
II --M. LOUfS DUCOS ET L'HÉLIOCHROMIE.
Depuis le jour où, sur les instances de François Arago, M. Duchatel,
ministre de l'Intérieur, proposa à la Chambre d'acquérir, au nom de
l'Etat, la propriété de la découverte qui venait d'illustrer les noms
de Niepce et de Daguerre (15 juin 1839), que de progrès a faits la
photographie? On se souvient des premiers essais accueillis, malgré
leurs défauts, avec un si vif enthousiasme : c'était une lame de cui-
vre, argentée, puis iodurée à sa surface, où, selon l'angle d'incidence
que fesaient avec le regard les rayons lumineux qui la frappaient, —
selon les caprices, si l'on aime mieux, du miroitement, —on entre-
voyait plus ou moins l'image. Celle-ci n'était, à vrai dire, qu'un pâle
reflet ; le moindre contact , une simple caresse du doigt suffisaient
pour la ternir. Encore avait-on dû, pour l'obtenir telle quelle, poser
durant un quart-d'heure, — un siècle! — par une journée claire et
à une heure choisie.
Aujourd'hui le papier, chose de peu de poids et de peu de prix,
a remplacé le métal. Des procédés fabuleusement expéditifs ont
été créés. Ce qui était une rareté coûteuse est devenue le luxe du
pauvre, et l'art du photographe a multiplié à l'infini, pour le plaisir et
l'instruction de tous, des produits qui approchent de la perfection.
Les paysages, les monuments, la figure humaine, si mobile, sont
fidèlement reproduits dans les lignes qui en forment les contours,
avec leurs plats, leurs creux, leurs reliefs, leurs contrastes d'ombre
et de lumière. Rien n'y manque , hormis la couleur. Il y en a bien
une, le brun-bistré, né de l'action de la lumière sur l'iodure d'ar-
gent, et qui s'offre ou qui s'impose avec la série entière de ses
dégradations; mais que sont, comparés à la nature, ces paysages,
ces portraits en camaïeu , et qu'on aimerait mieux les voir avec
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— 371 —
réclatante et inépuisable variété de teintes dont les pare la réalité,
c'est-à-dire la vfe !
Difficile problème et autour duquel il fallait tourner, pour le résou-
dre, comme on Tait pour les montagnes dont le haut sommet n*est
pas directement abordable. Que d'amateurs, plus obstinés qu'éclai-
rés, ont voulu aller droit au but et sont restés en rqute, ou en
déroute. L'ignorance absolue des lois de la physique et de la chimie
avait seule pu les pousser, quand elle eût dû les retenir. Que cher-
chaient-ils, en effet, sinon une substance qui, s'imprégnant des nuan-
ces dont les objets sont revt^tus, les relînl, les gardât inaltérées?
Autant chercher la pierre philosophale, ou vouloir fixer les images,
fugitives comme des songes, qui effleurent la glace d'un miroir.
Autrement ont procédé deux chercheurs, tenaces, ingénieux, mais
savants, qui , partis de points opposés et sans s'être communiqué
leur dessein, se sont rencontrés dans le succès.
11 n'y a, pensaient-ils, que trois couleurs, — le rouge, le jaune et
le bleu , — qui soient nécessaires ou plutôt essentielles. En se mé-
langeant en proportions infi. les, elles donnent naissance à l'infinie
variété des couleurs. Ce mélange, analysons-le pour en séparer les
éléments qu'il contient. L'interposition d'un verre vert nous don-
nera le négatif du rouge, d'un violet celui du jaune, d'un jaune-
orangé celui du bleu. Ces trois négatifs, à leur tour, nous donneront
grâce à dos moyens sûrs, les trois positifs correspondants, et
l'oxacte superposition de ceux-ci, le rouge, le jaune et le bleu, ce
sera bonnement la solution cherchée. Nous aurons vu naître, et
nous tiendrons la fidèle reproduction de l'objet, avec les mille et un
détails de sa polychromie naturelle. —
Ce raisonnement était plausible. En l'appliquant comme il con-
venait, M. L. Ducos du Hauron d'un côté , M. Ch. Cros de l'autre,
ont fondé l'héliochromie sur des bases immuables.
Restent les questions de détail, égalité, rapidité dans l'exécution,
moyens de produire à bon marché, ce qui constitue le côté industriel
d'une invention. C'est qu'autre chose est faire un objet, autre chose
en faire cent ou mille. Supposons les dix premiers réussis. Sans
qu'on puisse s'expliquer pourquoi, souvent les dix autres viennent
mal. On redouble de précautions. Peine et temps perdus! Le reste
est pire. La saison, la température, l'hygrométricité de l'air, un
atome d'eau en plus ou en moins dans quelqu'un des ingrédients
employés, c'est assez pour troubler, fausser les résultats. M. A. Du-
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— 372 —
cos a raconté, dans un savant et éloquent exposé des travaux de son
frère, les angoisses dont ces cas imprévus remplissaient Tàme du
persévérant cliercheur. Cela n'alla jamais, — heureusement pour lui
et pour nous, — jusqu'à la défaillance, sa foi en l'avenir d'une œuvre
qui lui avait tant coûté, étant profonde, ardente, inaltérable. Il eût,
je crois, s'il l'eût fallu, mis volontiers le feu à sa maison, brûlé, du
moins, meubles et planchers, h l'exemple de Palissy, cet autre inven-
teur qui fut aussi un des nôtres.
M. L. Ducos offre plus d'un rapport avec cet illustre potier, dont
on pourrait, à la rigueur, lui appliquer la simple et fière devise. Il
a eu, toutefois,, le privilège de naître d'une famille où le goût des
arts était héréditaire et l'intelligence très ouverte. La solide instruc-
tion qu'il reçut -T- instruction largement accrue plus tard et fécondée
— lui a valu des facilités et des secours qui manquèrent à Palissy.
Filsde paysan, ouvrier en peinture et vitrerie, ayant tout juste appris
à lire et à écrire, cdui-ci dut, comme il dit naïvement , taster long-
temps en ténèbi*es; mais il fut servi, dans ses efforts pour reproduire
un objet d'art dont l'élégance Tavait frappé, par une des plus fortes
volontés que le monde ait connues. Celle de M. L. Ducos, pour ne
s'être pas butée à autant d'obstacles, n'a eu que trop l'occasion de
prouver qu'elle est de bonne trempe.
Mais jugeons l'arbre à ses fruits. Les amateurs ont pu voir pendant
deux mois, dans les galeries de TExposi lion d'Agen, tout à l'aise et
sous un jour favorable, des héliochromies de genres très variés.
C'étaient des paysages, des portraits, des oiseaux et des fleure
d'après nature ; puis des reproductions de peinturés anciennes ou
modernes. Quelques-uns de ces spécimens avaient figuré à l'Exposi-
tion universelle dans le panneau consacré à l'histoire de Tart photo-
graphique, grand honneur pour notre compatriote dont le nom était
fraternellement accolé aux noms glorieux des créateurs, les Niepce,
les Poitevin, les Becquerel, etc.' Nous résumerons en quelques mots
les impressions qui nous en sont restées.
Commençons par une vue d'Agen prise du coteau de l'Ermitage. La
* Ces spécimens furent lobjet d'appréciations très laudatives de la part
des juges autorisés. Le rapport officiel de la Délégation photographique
les déclare simplement admirables (p. 52), et le Jury leur décerna unf*
médaille d'argent. Ils méritaient la médaille d or, et ils l'auraient sans
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— 373 —
tonalité générale est d'un vert bleuâtre qui fait songer aux plateaux
froids de la Creuse ou du Limousin/ On sent pourtant le Midi à la
transparence de Tair qui enveloppe les premiers plans, et h la chaude
couleur des édifices. Le clocher de la Cathédrale monte dans la
lumière vive et, sur les bords du canal, les maisons des boulevards
étalent leurs gaies façades qu'échancre de ci de là le cône aigu des
peupliers. Un léger brouillard exhalé par la Garonne estompe la
basse plaine et les coteaux dont la trouée du Gers interrompt , au
sud, la courbe élégante. N'oublions pas un détail admirablement
rendu. Le canal, noyé d^ombre d'un côté, recevant de l'autre une
masse de lumière qu'il éteint sans la réfléchir, semble assoupi dans
son lit d'eau figée. — Ce paysage, fait d'après nature, a toutes sortes
de qualités précieuses ; il est éclatant, il est fin, il fait songer.
Moins heureuse est une vue de Bouquet, dont quejques parties sont,
d'ailleurs, exquises, mais que gâtent des tons d'un vert faux extrê-
mement désagréable à l'œil. Nous lui préférons de beaucoup la
reproduction d'une toile de Lapoque, qui représente un site des
Pyrénées. Une nappe d'eau au premier plan ; au second, une montagne
noire de verdure et d'ombre; au fond, une chaîne fuyante de som-
mets pelés. L'eau est admirablement limpide ; elle réfléchit, comme
un pur miroir, le bloc prodigieux qui la domine et dont le fier
profil s'y inscrit en traits rigides. Libre au delà, dans le val élargi,
elle s'égaie, sourit à l'aspect des pics lointains qu'effleure le jour
naissant et se glace, comme eux, de rose et de bleu tendre. Ce con-
traste entre les plans sombres et les plans éclairés est d'une vérité
saisissante. Intelligemment rendu par le peintre, il a pris dans la col-
laboration de l'héliographe et du soleil, une transparence , une
finesse, un charme particuliers. Ce sont autant de qualités nou-
velles.
Voici un portrait du'duc de Penthièvrc d'après une peinture du
temps. Figure aff'able, un peu florianesque, empreinte de bonté
simple. L'ensemble est doux et vigoureux. Les tons brunis, les
mordorures déconcent un vieux tableau ; on se croirait devant l'ori-
ginal, tant la traduction est fidèle. Signalons comme une merveille
doute obtenue si, au lieu d'un nombre très restreint d'échantillons, le jury
eût eu sous les yeux une centaine d'héliochromies. Dans cette grande exhi-
bition industrielle, l'industrie s'était réservé les privilèges. Elle primait l'art
et l'opprimait. ,
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^ 374-^
de rendu, les portions de Tarmure que découvrent, au buste et à
Favant-bras, les plis relevés du vêtement. L'éclat dur de l'acier
s'adoucit dans la pénombre soyeuse, laissant toute leur valeur aux
tons riches, mais discrets, de l'étoffe. C'est un ouvrage presque
irréprochable, et nous n'en voudrions pas d'autre pour donner
ridée des services que l'art nouveau est appelé à rendre.
Citons en un autre pour finir. Sur une table que recouvre un tapis
vert, à côté d'un bégonia planté dans un pot de porcelaine, fleurit,
derrière uncachepot,une tulipe à raies multicolores. Tout auprès, une
liqueur ambrée appelle la lèvre au bord d'un verre à pied que le so-
leil zèbre d'un filet clair. Les tons de l'or qui reluit à la surface tour-
nante du vase et sur les bijoux d'un coffret, sont rendus très curieu-
sement : il y a là comme un tour de force de la lumière.— Les feuilles
du bégonia semblent vivantes. L'onclueux de leur grènetis et la dou-
ceur de leur teinte carnée ne sauraient être imités avec celte perfec-
tion par le plus habile pinceau. C'est un défi ù la nature ou plutôt
une usurpation sur elle.
Nous arrêtons cette causerie venue un peu au courant de la plume
et qui aurait grand besoin d'être complétée; cela se fera un jour ou
l'autre. Ne craignons pas de redire en attendant, que le procédé de
M. Ducos nous semble avoir résolu sans retour, par le seul côté
qui soit abordable, le problème de la reproduction naturelle des
couleurs. On aura bientôt la mesure de ce que peut donner cette
belle invention , sous l'effort d'un esprit et de mains infatigables.
Adolphe Magen.
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I
Histoire de Sainte Foij, par M. Tabbé L. Servières (1879, 4- édition,
iii-12,496 p. Rodez, veuve E. Carrère, libraire-éditeur.— Agen, Lacaze.
Prix : 2 fr. 50).
Un des plus anciens souvenirs de TAgen gallo-romain se rattache
îi la persécution- contre les catholiques. Il paraît probable que, dès le
ur siècle, les remparts de la ville, riveraine de la Garonne, ne suffi-
saient plus à contenir une population nombreuse. Entre les limites
de renceinte]murée, au nord (limites qui ne dépassaient point la rue
Grande-Horloge ou peut-être môme la rue des Juifs), et la base du
plateau de TErmitage, un faubourg important s'était élevé. D'après
la tradition, il aurait été le théâtre des scènes de violence qui sui-
virent la conversion des Nitiobriges, ce qui explique sa consécration,
dès une époque reculée, au culte des martyrs agenais. Sur ce point,
la tradition est confirmée par les noms des rues anciennes, par les
vocables des églises et surtout par hi découverte de tombes antiques
portant des symboles religieux.
Saint Caprais et sainte Foy figurent au nombre des martyrs de la
persécution qui eut lieu h Agen aux environs de Fan 300. Le courage
avec lequel Tun et l'autre bravèrent les supplices et la mort rendit
leur nom célèbre. Leur culte s'étendit rapidement au-delà de la pro-
vincejainsi que le démontre le grand nombre des églises anciennes
qui, en France et même à l'étranger, leur furent dédiées. Ces faits
appartiennent à l'histoire, mais de nombreux détails nous échappent,
tels que la date précise du martyre, la condition de saint Caprais,
évêque ou simple fidèle, etc. Non point quelles documents fassent
défaut, mais la plupart des textes à consulter furent rédigés à des
époques fort éloignées des événements et d'après de simples tradi-
tions. Comme il arrive souvent, ces écrits ont eux-mêmes servi de
thème à des légendes ou h des traditions nouvelles.
Au xvii* et au xvni« siècles, nos annalistes ont écrit l'histoire de
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saint Caprais et de sainte Foy. Les uns et les autres travaillaient sans
arrière-pensée à la glorification des saints de TAgenais; mais ils ap-
pliquèrent à Tagiographie des méthodes bien différentes. Les uns,
comme le P. Courtadc et le chanoine Labénazie, ont utilisé tous les
documents, sans critique sérieuse; d'autres, les derniers venus, le
chanoine Argenton et son continuateur Tabbé Labrunie, ont fait un
soigneux triage pour éliminer les textes suspects et les traditions
douteuses. Leurs récits devaient en être abrégés, ils le savaient bien.
Qu'importe! N'est-ce point tout bénéfice de gagner en autorité ce
qu'on perd en étendue? Il semblait que leur méthode, la seule scien-
tifique, dût prévaloir exclusivement à notre époque où les auteurs
des plus minces notices historiques recherchent l'exactitude avant
toute chose. Il n'en est rien. La première école a toujours des repré-
sentants, et j'ai le regret d'ajouter que M. fabbé Seryières tient pour
la quantité plutôt que pour la qualité des textes, ifdéclare s'inspirer
de Labénazie qui « offre une mine de documents d'une grande
richesse » mais dont « la critique n*est pas toujours parfaitement
sûre. » Bien plus, il attaque fort nos historiens critiques et traite
de « fougueux (!) disciples de Launoy, » le chanoine Argenton et
l'abbé Labrunie. Il défend l'informe compilation du P. Cortade contre
« la critique injuste (?) et acerbe (!) » de M. A. Magen (Voir Notice
critique, p. 8 et 9).
Cet exposé de principes nous révèle dans quel esprit a été rédigée
la nouvelle histoire de sainte Foy. Cette monographie, la plus com-
plète que nous ayons, offre, comme les vies écrites au xvir siècle et
au commencement du xvni«, un mélange d'histoire et de légende. Au
reste, M. l'abbé Servières prend parti sur les sujets les plus contro-
versés sans avertir le lecteur des objections. Il nous dit (p. 13) : «Au
r siècle, l'apôtre de l'Aquitaine, envoyé par saint Pierre,' saint
Martial, fonda l'église d'Agen. » Rien n'est moins démontré. La
théorie de l'apostolicitédes églises des Gaules ne compte plus que de
bien rares partisans à bout d'arguments, et je n'oserais point dire
comme l'auteur (p. 436) : » on a prouvé (?) que la France comptait
une multitude de chrétiens dès le i«' siècle.* »
Vil est fôchcux que M. l'abbé Servières n'ait point' fait un voyagea Agen
pour étudier les documents à leur source. Il ne sufQsait point de se faire
adresser par un libraire (qui entre parenthèse, n'est à aucun degré, malgré
l'assertion de l'auteur, « membre de la Société des Sciences, Lettres et Arts
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— 377 —
J'ai hâte de dire que cette biographie est la partie secondaire de
M. l'abbé Servières. Elle n'occupe que la dixième partie du volume.
Le reste est consacré à l'histoire du culte de Sainte-Foy. Les chapi-
tres m et IV, qui contiennent la statistique des églises dédiées à la
Sainte, tant en France qu'ù l'étranger, sont fort complets. Ils ont
dû coûter de longues recherches à l'auteur.
On sait qu'Agen fut dépossédé des reliques de Sainte Foy, trans-
portées à Conques durant le ix* siècle. Cette abbaye déjà célèbre en
reçut un nouveau lustre. Les pèlerins affluèrent et Ton fit des récits
merveilleux sur les miracles opérés par l'intercession de la jeune
martyre. Le plus important de ces recueils fut rédigé par Bernard,
d'Angers, vers le commencement du xi« siècle. On n'avait encore
publié que des fragments de son ouvrage d'après des manuscrits
tronqués. M. l'abbé Servières a eu la bonne fortune de découvrir le
texte complet dans un manuscrit du xn^ ou du xui* siècle, conservé
dans la bibliothèque de Schelestadt. En raison de l'importance de ce
document, il nous en a donné une traduction intégrale. Le récit des
miracles rédigé par Bernard abonde en traits de mœurs qui nous ré-
vèlent la barbarie du Moyen-Age et le rôle civilisateur de la religion
dans ces temps troublés.
Des chapitres sur l'abbaye de Conques, sur son trésor incompara-
ble, sur la conservation et la découverte récente des reliques de
Sainte-Foy, des fragments de légende et des textes liturgiques com-
plètent cet ouvrage dont la nouvelle édition parait à propos, au mo-
ment de la translation d'une partie des reliques de Sainte-Foy dans
sa ville natale.
G. THOLIN.
d'Agen) des livres et des manuscrits. Il eut mieux valu prendre de plus
amples renseignements et voir de près les choses. Ainsi, on aurait pu
constater qu'il n'existe, àAgen, aucune construction antérieure au xi* siècle
(la crypte des Marirous exceptée) et que la prétendue chapelle de Sainte-Foy
(décrite p. 78), est une petite salle rectangulaire, voûtée en berceau brisé,
dépourvue de toute sculpture, un simple rez-de-chaussée de maison du
xii« ou du xni« siècle. Au premier étage de cette maison se trouvait une
cheminée romane des plus curieuses, que M. Rivais a donnée au Musée
d'Agen. Et voilà ce qu'on a pris pour des colonnes et des chapiteaux antiques \
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— 278 -
II
Rodrigue de Villandi^ando, l'un des combattants pour Vindépen-
danee française au quin%ième siècle^ par J. Quicherat, directeur de
l'école des Chartes. In-8^ Paris, Hachette, 1879. Prix: 7 fr. 50).
M. J. Quicherat vient de publier une édition définitive d'un mémoire
qui avait paru dans la Bibliothèque de l'école des Chartes en 1845-
Cette étude historique, fort remarquée, avait tiré d'un injurieux
oubli le nom d'un capitaine les plus redoutés duxv* siècle, Rodrigue
de Villandrando. Utilisant les nouveaux documents qu'il avait pu
découvrir depuis plus de trente ans, M. Quicherat a refondu et
amplifié sa première rédaction. La notice primitive est ainsi devenue
un volume comprenant plus de 200 pages de texte et 150 pages de
pièces justificatives, une admirable monographie historique.
Rodrigue de Villandrando, issu d'une famille espagnole, vint, tout
jeune, chercher fortune en France. Son meilleur capital étant son
épée, il avait jugé que par delà les Pyrénées les moyens de l'utiliser
ne lui manqueraient point. Les guerres, en efl'et, étaient incessantes.
Les pires soldats, les routiers, étaient tour à tour embauchés pour ou
contre le pape, le roi, les évoques, les Français, les Anglais, etc. On
peut juger que, même entre deux traités de paix, d'aussi redoutables
auxiliaires ne se faisaient pas faute de fouler à tort et à travers les
amis et les ennemis de la veille. C'était par amour du métier ; et
d'ailleurs, les capitaines n'avaient pas trouvé d'autres moyens d'em-
pêcher la dispersion de leurs bandes qu'il fallait tenir en haleine
d'une campagne à l'autre. De 1413 ou 1418 à 1439, Villandrando ne
cessa de combattre et de piller à travers toute la France, aujourd'hui
dans le Centre, dix jours après dans le Midi. Il est curieux d'étudier
comment, de simple homme d'armes, cet audacieux était parvenu au
rang de capitaine. En certaines circonstances son nom seul avait
suffi à grouper autour de lui une petite armée. Et ce nom avait passé
en proverbe comme synonyme d'homme brutal et cruel. Rodrigue
prit une part glorieuse à des batailles importantes. Pour les coups
de main hardis, les surprises il n'avait pas d'égal. En dépit de ses
hauts faits d'armes, cet infatigable batailleur mériterait tous les
anathèmes des historiens sévères, s'il n'avait pour lui une recomman-
dation , celle d'avoir combattu avec fidélité pour l'indépendance
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— 379 .^
française, et une excuse « pour n'avoir fait ni pis ni moins que
beaucoup d'autres hommes à qui une place honorable a été assi-
gnée dans l'histoire de son temps. » En effet, au xve siècle, le type
de Rodrigue se retrouve partout. Xaintrailles, plus connu que VlUan-
drando, est son digne émule. Les capitaines subalternes s'inspirent
de leurs exemples. Il nous est facile de constater que les sénéchaux
et les seigneurs de l'Agenais bataillaient à la façon de Rodrigue.'
L'anarchie des institutions militaires au xve siècle nous est révélée
dans toute son horreur par la monographie de M. Quicherat.
C'est bien là le fléau qui a si longtemps paralysé le libre développe-
ment de nos principales communes, dotées alors des plus belles
institutions, constituées dans une grande indépendance, mais ruinées
par la guerre.
En 1437 et 1438, Rodrigue de Villandrando fit une campagne dans
l'Agenais (p. 147 et suiv.) C'est en raison de ce fait que j'ai cru devoir
rendre compte du dernier ouvrage publié par le savant directeur de
TEcole des Chartes.
G. THOLLN.
Les membres de la Commission des Beaux-Ârts se sont réunis
dans un dîner d'adieu dans les salons de YEôiel de France. Cette
réunion était présidée par M. Félix Aunac, doyen d'âge, ayant h
sa droite M. le Maire d'Agen, président de la Commission. Les
autres places d' honneur étaient occupées par MM. le général Minot,
Dupuy, Bourrousse de LafFore, Thomas et Bernou. Pendant le
repas, la plus franche cordialité n'a cessé de régner parmi les
convives. Au dessert, M. Félix Aunac a souhaité en ces termes la
bienvenue à M. le Maire d'Agen :
« Monsieur le Maire,
« Vous avez bien voulu nous faire l'honneur d'assister à notre
banquet. Je vous en remercie au nom de la Commission du Musée
* Le lome xviii, année 1877, de la Revue de Gascogne, contient, p. 297 et
494, quelques documents relatant un épisode des guerres de cette époque,
une tentative faite contre la ville dAgen, en 1436.
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-. 380 —
dont je suis le vice-président. Nous nous félicitons avec vous des
brillants succès du Concours régional de Lot-et-Garonne qui ne
sera pas onéreux pour les finances de notre ville autant que nous
avions à le craindre. Si nous avons pu contribuer h ce résultat et
à Torgànisation d'une loterie destinée à augmenter les collections
de notre Musée, nous le devons h votre cordial et bienveillant appui
qui ne nous a jamais fait défaut. Nous le devons aussi à l'empres-
sement des artistes oui nous ont adressé leurs œuvres, et surtout
au dévouement de plusieurs amateurs de notre ville et du dépar-
tement qui nous ont confié, pendant une période assez longue, une
partie de leurs collections.
« Je puis dire que l'exposition des Beaux-Arts a été une révéla-
tion pour les visiteurs, qui ne s'attendaient pas h voir autant de
richesses artistiques accumulées. Je crois que je n'éveillerai au-
cune susceptibilité en faisant une mention spéciale pour un de
ceux qui ont jeté un vif éclat sur notre exposition. M. de Monbri-
son, déjà bienfaiteur du Musée, n'a pas reculé devant un assez
long voyage pour venir nous apporter quelques fragments de ses
belles et nomoreuses collections, et il a, dans cette circonstance,
ajouté un nouveau don pour notre Musée. Qu'il me soit permis ici
d anticiper sur les témoignages de reconnaissance qui lui seront
donnés plus Jard.
« Monsieur le Maire,
« Nous connaissons votre bienveillante sollicitude pour la fon-
dation définitive de notre Musée, qui peut devenir un des plus
beaux de la province. L'initiative des membres de la Commission
a permis d'approprier quelques salles; le concours financier de la
ville lui serait indispensable pour arriver plus vite à compléter son
œuvre et à la rendre digne de la cité. Nous aimons à croire qu'il ne
lui fera pas défaut.
« Mes chers Collègues,
« Notre mission va finir. Permettez-moi de vous dire tout le prix
que j'attache h cette douce confraternité qui a toujours existé entre
nous. Le souvenir en restera gravé dans mon cœur. »
M. Jouitou fils, maire d'Agen, a répondu :
« Messieurs,
€ Je vous remercie des sentiments dont M. Aunac a bien voulu
se faire l'interprète. Et permettez-moi de vous témoigner combien
je suis heureux de la nouvelle occasion qui m'est offerte de con-
stater le succès de* l'exposition des Beaux- Arts. Ce succès, pour
moi, est un bonheur dont vous revient tout 1© mérite. Il est dû à
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— 381 —
ce bon sens, grftce auquel aucun de vous n'a craint de consigner
au vestiaire ce qui devait demeurer étranger à notre entreprise
du moment.
« Nous nous sommes rencontrés sous la bannière des Beaux-
Arts, bannière conciliatrice, qui a pu grouper ceux que la politique
eût divisés.
« Je bois aux Beaux-Arts, amis de la concorde, — je bois à vous
tous qui, pour Tamour des Beaux-Arts, avez voulu et avez su res-
ter unis, — je bois aux exposants, et à tous ceux qui nous ont aidés
de leur concours et de leur influence. *
La parole a été donnée ensuite à M. Bladé, qui a résumé eu
ces termes les travaux de la Commission.
« Messieurs,
« Notre Exposition des Beaux-Arts est close. Il nous a semblé
bon de marquer ce terme, par une dernière réunion, empreinte,
comme toujours, d*un caractère amical.
« Nous avons voulu nous retrouver encore une fois, causer de
ce que nous avons fait ensemble, de ce que nous avons fait simple-
ment, sans arrière-pensée, avec Tunique souci de remplir notre
tâche.
« Vous savez, Messieurs, comment nous avons été rapprochés.
« L'ancienne municipalité d'Agen avait songé agrandir, par une
exposition artistique, Téclat de notre Concours régional. Avec un
libéralisme dont la pratique est encore plus rare et plus édifiante
que la théorie, M. le Maire, notre hôte, a indistinctement convoqué
tous les hommes d'aptitude et de bonne volonté.
€ Il nous a oflFert un local remarquablement approprié. A l'exté-
rieur, une garde fournie par l'autorité militaire, dont nous sommes
les obligés, a veillé constamment sur nos riches dépôts, que l'ad-
ministration municipale a largement garantis contre les risques
d'incendie. A l'intérieur, des ouvriers, des surveillants intelligents
et dévoués exécutaient aussitôt les mesures concertées pour le
bien de l'entreprise. La ville a charge de rétribuer ces modestes
auxiliaires; nous avons, nous, le devoir de les remercier. Je suis
certain, Messieurs, de remplir vos intentions unanimes, en recom-
mandant h qui de droit l'utile surveillant-général Paturel.
« Durant notre travail préparatoire, comme après. M. le Maire a
donné un exemple qui, je le crains, trouvera peu d'imitateurs. Il
a réduit k l'indispensable ses attributions officielles^ pour se faire le
simple et prompt exécuteur de nos décisions.
« De tels procédés devaient nous piquer d'honneur. A peine
réunis, nous avons aoUicité, par tous les moyens, les prêts des
établissements publics et des particuliers. Les artistes du Lotet-
Garonne et ceux des départements voisins nous ont fait tenir des
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— 38:2 —
œuvres généralemeut dignes d*estime, quand elles ne comman-
dent pas une approbation plus haute. Ces exposants nous ont
ainsi rendu service, tout en confirmant ou commençant leur noto-
riété légitime. Les antiquaires de toute spécialité, les collection-
neurs d'objets d*art et de curiosité, ont droit à la môme recon-
naissance ; car ils n'ont paru ni moins généreux ni moins em-
pressés.
Voilà, Messieurs, comment nous avons été mis à même d'expo-
ser tant de richesses, groupées dans un ordre où la compétence et
le zèle de certains de nos collègues ont particulièrement éclaté.
On a dit, sans malveillance, et on a répété docilement que notre
catalogue n'était pas arrivé tout-à-fait à point. Peut-être. Mais les
facilités seront toujours pour la critique, et le catalogue dressé
par un d'entre nous au prix du labeur dont elle ne se doute pas et
que nous savons , comptera parmi les meilleurs inventaires des
richesses artistiques de la région.
« De tels efforts méritaient le succès et il a surpassé notre at-
tente. Malgré l'atfluence longtemps énorme et fructueuse des vi-
siteurs, pas le plus léger désordre, pas le moiudre encombrement,
pas un objet perdu ni dégradé. La foule, impatiente de contem-^
f)ler tant et tant de magnifiques choses, stimulée par la bienveil-'
ance notoire de la presse locale, la foule s'écoulait chaque soir, et
revenait chercher le lendemain ces impressions qui font naître et
grandir le goût du bien.
« Telle est. Messieurs, l'œuvre que vous avez accomplie, sans
vous inquiéter du reste, ni songer a vous grandir d'autre façon.
Si l'on m'a chargé de vous en faire souvenir, je n'y trouve
qu'une raison. Entre tous les commissaires, un seul s'était fait re-
marquer, à bon droit, par sa persistance à prendre et garder le
rôle de spectateur bienveillant, mais inoccupé. Le coupable est
assez châtié. On lui a donné la parole,, au risque de l'exposer à des
omissions involontaires, et dont il serait injuste de vous rendre
responsable. En ce moment de suprême et naturelle indulgence,
le commissaire repentant ineaûremis, vous conjure de borner là
vos rigueurs.
Après ce résumé, M. Thomas, adjoint au maire, a porté ce toast.
« Messieurs,
« Je bois AUX beaux-arts, aux sciences, aux belles-lettres qui,
seuls, peuvent réunir sur le terrain commun de la libre recherche
et de la libre-pensée, les hommes de tous les partis et de toutes
les opinions.
« Puissions-nous, dans un avenir prochain, et sous l'égide d'une
sage liberté, ne nous passionner que pour ces nobles travaux
d'où doivent découler naturellement la paix et la fraternité uni-
verselles I
« Je bois aux beaux-arts, aux sciences et aux belles-lettres ! »
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- 383 -
M. Léon Lacroix a récité, au milieu d'applaudissements mérités,
une poésie née de la circonstance.
Agen, dans les apprêts de ses brillantes fêtes,
Nous donna la meilleure part :
D'autres, de l'industrie ont montré les conquêtes,
Et nous, les merveilles de l'art.
Pour séduire, ils avaient la découverte utile,
Progrès au progrès ajouté,
Nous, le sublime effort d'une main plus habile,
Comme Dieu, créant la beauté.
Et notre zèle offrit à l'art un sanctuaire
Splendide, paré de tableaux,
De marbres, de tapis que la pure lumière,
Baigne avec amour de ses flots.
Là, qui n'a point goûté le long oubli des heures,
Et du monde matériel?
Qui n'a senti son âme élevée aux demeu* es,
De l'idéal, cet autre ciel?
Trop courts plaisirs 1 Ce soir, des fêtes artistiques,
Le dernier reflet s'éteindra.
Et bientôt dispersés, joyaux, vases antiques.
Notre œil ému vous pleurera.
Et nous, que rapprochait en cette œuvre éphémère,
La douceur d'un commerce heureux,
Faut-il qu'amis déjà, demain,— journée amère !
Demain nous disperse comme eux?
Avec l'adieu pourtant ne tombe pas, ô chaîne
Qui nous liais de nœuds bénis,
Et retiens tous nos cœurs sur la cîme sereine
Où l'art nous avait réunis !
Cette ciaîne ne sera pas rompue. M. Peyrard a proposé aux con-
vives de se réunir tous les ans à p&reille époque, sous le titre de
Banquet du Musée iAgen, La proposition a été unanimement ac-
clamée.
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- 384 -
Enfin, M. Ad. Magen, président de la Commission du Musée, a
parlé ainsi :
« Messieurs,
« Entre l'Exposition qui vient de se fermer et le Musée qui va
s'ouvrir, il y a la distance de la coupe aux lèvres. Je puis donc
rapprocher étroitement ici ros deux œuvres d'inégale durée, mais
d'égal mérite. L'éducation publique par l'art, voilà le but qu'elles
se proposaient, qu'elles poursuivaient parallèlement. Le Musée,
resté seul, mettra d'autant plus d'ardeur à l'atteindre. Il devra le
succès h vos efforts, à la lioéralité de nos concitoyens tant pau-
vres que riches, à la chaude sympathie dont M. le Maire d'Agen
témoigne en toute occasion, sympathie qui — si Dieu le veut,
et aussi Messieurs du Consoil — se traduira, nous l'espérons, en
une ouverture discrète à travers un budget sagement ordonné.
Remercions-le, Messieurs, de sa bonne intention, souhaitons-lui
longue magistrature, et buvons cordialement k sa santé. »
Les convives se sont séparés vers onze heures, emportant le
meilleur souvenir de cette fête et de l'hospitalité de M. Tertre,
qui s'est montré, comme toujours, à la hauteur de sa réputation.
XXX.
Le Directeur-Gérant ,
Ad. magbn.
AOBN — IMPRIHCRIB NODBBL — F. LAMY, BDCCBSSBffli
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NOTES HISTORIQUES
sua DES
MONUMENTS FÉODAUX OU RELIGIEUX
DD DÉPARTEMENT DE LOT-ET-GARONXE.'
ADDITIONS ET RECTIFICATIONS
RELATIVES
Au château de Lasserre , près Francescas.
M. Léopold de Gervain m'a fait Thonneur de m'écrire la lettre
suivante, contenant des AddUions et deux rectifications à ce que j'ai
dit du château de Lasserre, dans la dernière livraison de la Revue
de rAgenais (pages 289 h 302j. Je ne cherche que la vérité histori-
que; je n'hésite pas dès lors à publier cette lettre, afin que le lec-
teur profite des nouveaux renseignements puisés dans les Archives
laissées par le comte de Dijon.
« Château de Lasserre-Francescas, 19 septembre 1879.
« Monsieur,
« J'ai lu avec le plus vif intérêt vos articles de la Revue AgenaisCy sur lo
canton de Francescas. Si j'avais prévu que vous [dussiez vous occuper de
Lasserre etde ses propriétaires, j'aurais pu vous fournir quelques documents
intéressants. Je viens de mettre en ordre une correspondance assez étendue
de la famille de Narbonne Pelet et des actes qui la concernent.
' Voir page 280.
roMB VI— 4879.
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« La terre de Lasserre appartenait, au commencement du xvni* siècle, h
LouÎB-PierrenJoseph d'Esparbès de Lussan de Sainte-Maure d'Aubeterre,
comte de Jonzac, qui l'abandonna & ses créanciers en 1748. Elle fut mise en
vente par adjudication et achetée vers 1753, devant la Chambre des procu-
reurs de Paris, par M"* de Narbonne Pelet, pour 180,000 livres, plus les
frais.
« La position du comte de Jonzcu; ne devait pas être brillante ; car il
avait accepté la succession de son père sous bénéfice d'inventaire et tous
ses biens étaient passés à ses créanciers. Celle de M"^ de Narbonne Pelet
était au contraire superbe. Fille et veuve d'armateurs bordelais, elle avait
d'énormes capitaux à placer. Aussi la voit-on acheter de tous côtés dans nos
contrées : Pouy, Roquelaure, Belmont, Ligardes, Saint-Orens, Francescas,
toutes ces terres sont successivement achetées. Poudenas l'est aussi par sa
fille, épouse de Digeon. Sa correspondance indique une activité et une capa-
cité remarquables pour les affaires. C'était, vous le savez, la fille de Phi-
lippe Nayrac, qui vint de Castres s'établir à Bordeaux. Sa mère, Marthe
Guiraud, épouse Nayrac, quitta Bordeaux en 1715, pour cause de religion,
et s'établit à Amsterdam avec quatre enfants en bas-&ge. Guillaume Nayrac
l'atné devint un banquier distingué.
« M*»» de Narbonne Pelet avait-elle droit à son nom ? Son mari Pierre Pe-
let, me paraît n'avoir, durant sa vie, porté d'autre nom que celui-ci. La
charge de secrétaire du roijme semble être une savonnette à vilain. Après sa
mort seulement, la veuve prend le nom de Narbonne et la particule. Il y
avait eu procès entre le vicomte de Narbonne et les Pelet d'Anglade, de
Bordeaux, au sujet de leurs prétentions à la parenté. Les pièces sont aux
archives de Bordeaux. On n'alla pas jusqu'au jugement.
« Les Digeon, dont j'étudie les papiers en ce moment, se divisaient en
deux branches se réunissant à Pierre de Digeon en 1470, l'une d'Autrama,
l'autre de Monteton. La première s'éteignit vers 1700.
« M. de Digecn, époux de Suzanne de Narbonne, eut pour descendants :
« Anne Rose, marquise d'Asnières, 1755.
« Philippe, comte de Digeon, 1756.
« Elisabeth, marquise de Virieu, 1760.
« Marie Rose, marquise de Solminiac, 1762, ma grand'mère.
« Madame d'Egmond, née de Cosnac, était fille d'une demoiselle d'Espar-
bès de Lussan ; c'est ce qui explique ses séjours à Lasserre.^
* Marie-Angélique de Cosnac, vewte avmt 1711 de très baat et très poissait prince Procope FIrancfis
comte d'Egmont, dont les ancêtres, comtes d'Egmont, furent dues de Gueldres de 1433 ii 1538. C'est k
cause d'elle qn*une grande pièje du (hâteaa de Lasserre est encore nommée Chamhe ie la Prhtetse,
comme je l'ai dit k la page 300.
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» Deux petites observations sur votre dernier article. Le ministre de la
marine de Portai n'est 'pas le père de M»* de Qervain, ce qui donnerait à
celle-ci, au moins 60 ans, mais son grand-pêre.
« Vous me donnez un titre de baron auquel je n*aî aucun droit.
c( Veuillez, Monsieur, recevoir mes remerciements pour vos intéressantes
études et agréer l'assurance de mes meilleurs sentiments.
« L. DE Gervain. »
Tout ce qui se rattache au comte de Dijon, resté si populaire
dans le département de Lot-et-Garonne malgré sa haute position et
ses trois ou quatre millions de fortune territoriale, intéresse notre
pays. Que Tauteur de cette lettre trouve ici l'expression de ma gra-
titude, pour les renseignements nouveaux qu'il a fournis.
Saluons en passant un sentiment de modestie, unique en ce genre
à notre époque. « Vous me donnez, écrit M. Léopold de Gervain, un
« titre de baron auquel je n'ai aucun droit. »
Je vois bien des personnes froissées, ou seulement mécontentes
lorsqu'on leur refuse ou qu'on ne leur donne pas un titre auquel
elles croient avoir des droits. Depuis vingt ans, je me suis beaucoup
occupé de questions nobiliaires, et c'est la première fois que Ton
m*a dit ou écrit : vous me donnez un titre auquel je n'ai aucun
droit.
Ma justification, si j'en ai besoin, ressortira des quelques mots que
j'ai à dire de la double parenté du propriétaire actuel de Lasserre
avec son prédécesseur le comte de Dijon.
Pierre I de Gervain, seigneur de Roquepiquet en la commune de
Verteuil d'Agenais, épouse le 30 janvier 1696, tlenriette de Dijon de
Monteton, et meurt en 1731.
Son fils Pierre II, seigneur de Roquepiquet, se marie en 1733.
Son petit-fils Pierre III de Gervain, marié en 1771, est seigneur
de Roquepiquet, et seigneur baron de Verteuil, des Vigiers et de
Coulure, avant la Révolution.
Enfin, Henri-Louis de Gervain, flls de ce baron, et père du pro-
priétaire actuel de Lasserre, épouse Sophie Aglaé d*Estutt de Solmi-
niac, nièce du comte de Dijon, baron de Monteton.
Ainsi, M. Emile do Gervain, ancien membre du Conseil général du
Lot-et-Garonne, résidant au chftteau de Roquepiquet, est légalement
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le baron de Gervain en sdi quMté d'aîné. J*ai nommé son frérè le
baron Léopold de Gervain, enmeitSini le prénom après le titre {ce
qu'on appelle ^î^re de cowr^oifsi^) pour me conformer à un usage
que je n'ai pas à justifier, mais extrêmement répandu en France,
comme on peut le voir par les lettres de faire part, depuis que le roî
Louis XVIII régla pour la Chambre des Pairs que les fils des ducs
porteraient le titre de comte, etc.
Faut-il écrire Dijon ou Digeon ? On trouve ce nom orthographié
des deux manières dans les actes et dans les ouvrages imprimés. Le
30 novembre 1820, Philippe, comte de Dijon, alors député de l'arron-
dissement de Nérac, et qui, avant la Révolution comme depuis, a tou-
jours signé Dijon, fait rédiger k Lasserre un acte denotoriété. Il éta-
blit que son nom est Dijon et non Digeon.|Il le prouve par des actes de
1212, 1224, 1227, 1228, 1289, 1470, 1503, passés par Thomas, Rodol-
phe, Gérard, Brandelis de Dijon de Boisverdun, et, enfin, par un
contrat de mariage d'Henri de Dijon, où le futur signe Dijon, et son
frère Pierre signe Digeon. Là est l'origine de l'orthographe vicieuse
du nom. ( Acte de notoriété dam les archives du château de Las--
serre, )
Je ne veux pas abandonner le château de Lasserre, sans donner
avec plus de détail et de précision que je ne l'ai fait à la page 301, les
noms des cinq enfants, nés du mariage de haut et puissant seigneur
mcssire Jean Jacques de Dijon, baron de Monleton et de Villette, et
de haute et puissante dame Suzanne de Narbonne Pelet, marquise
de Pouy, contesse de Lasserre, etc.
1 Anne Rose de Dijon de Monteton, née le 31 mai 4755, mariée en 4773,
avec Henri de Pons, marquis d'Âsnières et de la Ghâtaigneraye, baron de
Palluau, mestre de camp de cavalerie, chevalier de Saint Louis, mort le
22 janvier 1814 (et non 1844, comme on Ta imprimé par erreur typographi-
que à la page 301 de cette Revue). La marquise d'Âsnières fut présentée à
la cour en 1785;
2<> Philippe, comte de Dijon, né le 43 septembre 1756, dont connaît
l'histoire ;
3» Marie, née le 5 décembre 1758 ;
hP Elizabeth, née le 4 mars 1760, mariée au marquis de Virieu, grand'père
deWilfried, marquis de Virieu, 'propriétaire actuel du château de Poudenas,
près Mézin ;
5® Marie Rose, née le 15 juillet 4762, mariée en 1780 à haut et puissant
seigneur Jean, comte d'Estutt de Solminiac, chevalier, sire marquis de Tom-
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beboeuf, seigneur de Mouchac, lieutenant au régiment d'Orléansy puis capi-
taine au régiment Dauphin en 1758, présent et ainsi qualifié à l'Assemblée de
la noblesse de la Sénéchaussée d'Agenais, le 13 mars 1789, tant pour lui que
pour son père Pierre d'Estutt, chevalier, marquis de Solminiac, seigneur
d'Eymet, Saint-Perdon, Boisverdun, La Loubière, lieutenant des mousque-
taires du roi, baron de Saint-Barthélémy en 1761. {Voir le proch-verhal de
l'Assemblée de la Sénéchaussée d'Agenais, imprimée en 4789 par la veuve Nou*
bel, p. 25, et le procès-verbal de l'Assemblée de la noblesse de Bordeaux, im-
primé dans le lame I, du Nobiliaire de Guienne et de Gascogne, p, 204 et 202.)
Cette comtesse de Solminiac, marquise de Tombebœuf, sœur du comte de
Dijon, est la grand'mère des deux MM. de Gervain actuels, et de la vicom-
tesse de Richemond, née Rose Nathalie de Rossane, décédée depuis peu.
Le Fraighou.* Bédeyssan ou Bréghan. Asquefs et Tauziède.
PUY-FORT-AlGUILLE. NaZAREIH/ NÉRAG.
Le Fraichou. — L'église Saint-Christophe du Fraichou est située,
comme les églises de Marcadis, Artigues et Pouy-sur-Osse, sur les
coteaux ou hauts plateaux qui séparent les vallées de la Baïse et de
rOsse.
Elle a un portail du xui® siècle. Notre jeune et savant ami ,
M. Georges Tholin, archiviste du département de Lot-et-Garonne, dit
en effet, dans ses Etudes sur l'Architecture religieuse de VAgenais,
du dixième au seizième siècle^ à propos de quelques portions d'édi-
fices qui n'ont pas été terminés dans le style de leur fondation ou
qui ont été refaits.
« Les églises de Monflanquin, de Fraichou, de Moncrabeau, pos-
sèdent des portails du xin* siècle, dont les pieds-droits offrent une
série de colonnettes qui correspondent à des tores de même mesure
plaqués sur les voussures. » P. 266.
Dame AUemane d'Estaing, veuve de noble homme Vital deJCaze-
nove {domina Alamanna de Stanhan^uxor condam nobilisviriVitalis
' On écrit fVMott et Fraichou; je préfère cette demièfe {orthographe,
comme plus conforme au mot latin Fraxinus.
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« S90 -
de Casanova) donne à TÉvêque d'Agen, la dime de la paroisse Saint-
Christophe du Fraichou {decimam pairochie Sancti Cfiristofori de
Fraxino) (Cartulaire d'Agen^ Bulle cotée par lettres B. K.).
Il est dit plus loin, dans ce Manuscrit, que la môme dame Alemane
d'Estaing [domina Alamana Destan) donne à l'Évoque toute la dîme
de la paroisse Saint-Christophe du Fraichou, et tout le droit qu'elle
possède sur ladite dîme [totam decimam parrochie Sancti Christofori
de Fraxino, et omne jus quod ipsa habebat in prœdicta décima)
(Idem., Bulle cotée par lettres D. F.).
Vital de Cazenove, seigneur du Fraichou, en Albret, dont Allemane
d'Estaing se dit veuve, était Fun des personnages les plus importants
du pays. Il signe avec Raymond VII, comte de Toulouse, et avec
Amanieu d' Albret, Arnaud de Blanquefort, Pierre de Castillon, Ray-
mond de Caumont, Gaston de Gontaud, Arnaud de Montpezat, Arnaud
de Marmande, Esquirs de Fumel, Bertrand de Cardaillac, Guillaume-
Raymond de Pins, Gaston de Montaut, Nompar de Caumont et la
communauté d'Agen, le traité d'alliance conclu le 3 septembre 1242,
entre le comte de Toulouse et le roi d'Angleterre {Monîezun, hist. de
la Gascogne, tom. II, p. 318. — Rymer, part. I, p. 144). De concert
avec le comte de Comminges, Arsieu de Montesquieu et autres sei-
gneurs considérables, le même Vital de Cazenove signe le traité passé
au mois de mars 1246, entre la comtesse d'Astarac, Odon, vicomte
de Lomagne, et le comte de Toulouse [Dom Vaissette, hist. génér.
de Languedoc, édition de 1840, tom. III, p. 155-156. — Trésor des
Chartes de Toulouse, sect. 2, n* 64).
Six ans plus tard, en l'année 1252, noble homme messire Fort
Aner (ou Fortaner) de Cazenove (nobilis vir dominus Fortanerius de
Ca%anova) donne spontanément au seigneur évêque d'Agen, et à vé-
nérable homme, messire Pierre, archidiacre d'Agen, recevant pour
notre dit [évêque, toute la dime de la paroisse du Fraichou, située
près de Nérac, dans l'archiprêtré de Valandrault ou de Vilandrault
(toÉam decimam pairochie ecclesie de Fraxino qu4B est prope
Neyracum, archipresbyteratu de Valandrault Anna domini
M.CC.L. secundo ) (Cartulaire d*Agen, Bulle cotée par let-
tres E. G.).
Fort Aner de Cazenove, chevalier, est un des barons de Guienne
et de Gascogne les plus importants du xiu^ siècle. Il assiste comme
témoin, le 14 août 1250, à un hommage rendu par Amanieu d'Albret,
à Gaston, vicomte de Béarn et de Gabarret, pour les châteaux de
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- 391 —
Bazas et de Gazenove ou de Gazeneuve {Biblioth. Nationale^ section
des Manuscrits^ titres de Foix^ t. VII, fol. 29. de Courcblles, hist.
des Pairs, etc, 1. 1, art. de Ségur^ p. 5 et 6). Il ticnf Meillan pour
le roi en 1355 (Sahazeuilb, hist. de VAgenais, du Condomois et du
Bazadais, 1. 1, p. 506). 11 est maire de Bordeaux en 1267, 1268, 1270
et 1271 [Statuts et pinvilèges de Bordeaux, manuscrit en parchemin
déposé à riIôtel-de-Ville, fol. 230 et 231).
Le même Fort Aner de Gazenove, chevalier, devient sénéchal de
Guienne, comme on le voit dans la Revue de la Noblesse. Il est l'un
des témoins du traité de paix passé le 3 mars 1273, entre Edouard !«',
roi d'Angleterre, et Géraud de Monllezun, évêque de Lectoure
{Gallia Christ,, 1. 1, Instfnimenta, p. 175. Monlezun, hist. de la GaS"
cogne, t. II, p. 136). Il est au nombre des seigneurs de TAgenais,
réunis en assemblée solennelle en 1279, en présence desquels l'Age-
nais est remis au roi d'Angleterre par la couronne de France, con-
formément aux traités (Honlezum, cité, t. II, p. 413). Possesseur de
flefs dans le comté de Fezensac, comme dans TAgenais, il est repré-
senté le 7 janvier 1286, par Bertrand de Lagardére (pro domino For-
tanerio de Camnova, milite), à l'assemblée composée des barons,
chevaliers , damoiseaux et autres nobles composant la cour de
Fezensac, qui demandent au jeune Bernard VI, comte d'Armagnac et
de Fezensac, la charte promise par le comte Géraud V, son père.
(Monlezun, cité, t. III, p. 7; t. VI, p. 16. Manusciits du Séminaire
d'Auch et de H. d'Aignan).
Le 16 novembre de la même année 1286, messire Fort Aner de
Gazenove, chevalier, reconnaît, au nom d'Arnaud de Noaillan, son
neveu, dont il affirme être tuteur, tenir d'Edouard I«', roi d'Angle-
terre, seigneur d'Agenais, la moitié du château du Fraichou (dominus
Fortanerius de Casanova, miles, recognovit se tenere, nomireAmaldi
de NoelhanOi nepotis sui, tutor ut asserit ipsius, a domino Bege^
medietatem castri vocali del Fi^eisse), avec ses appartenances. Il doit,
pour cela le serment de fidélité, l'hommage et la moitié d'un cheva-
lier ou d'un écuyer pour Tarmée d'Agenais. [Archiv. hist. du départ,
de la Gironde, 1. 1, p. 349-350.)
Ce Fort Aner de Gazenove, chevalier, sénéchal de Guienne, ancien
maire de Bordeaux, possédant des fiefs en Agenais et au comté de
Fezensac, paraît originaire de ce dernier pays. Un de ses ancêtres,
en effet, Guillaume Bez de Gazenove et autres grands de Fezensac,
donnent des privilèges au monastère d'Eauze, avant l'année 1030 ou
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im — 392 -
1035, de concert avec Aimeri I®', comte de Fezensac, et Arnaud
Donat, vicomte de Gavarrct et de Lomagne (4d h07iorem Dei beati
Luperchii, Aymericus cornes Fidenciaci, et Arnaldus Donati vice-
cornes Gavan*eti, et Uciam de Montait^ et 0. de Casalbo, et Ray-
7nundus Aymerici de Montesquieu, et 0. de Graulet, et W. 0. de Par-
dailhan, et C. de Viran, et F. de Centosquae, et W. Be%o deCamnova^
et alii proceres Fidenciaci constitueinint et juraverunt hurgum et
civitatemde El%a super fnnem tintinnabuli.,..) (Louis de Brugelles,
Chroniques Ecclésiastiques d'Auch, Preuves 2, p. 51 et 52.)*
Ainsi, avant l'année 1030, et au plus tard en 1035 (date de la mort
dudit Aymeri I®', comte de Fezensac), Guillaume Bez de Cazenove
était Tun des grands du pays de Fezensac ( proceres Fidenciaci ).
Au xnr siècle, son descendant Fort Aner de Cazenove, chevalier, sé-
néchal de Guienne, était à la fois Tun des grands de Fezensac et
d'Agenais. Il est aujourd'hui représenté dans ce même pays d'Age-
nais, par M. Léon de Cazenove de Pradines, ancien conseiller gêné'
rai de Lot-et-Garonne et ancien président de la Société des Sciences,
Lettres et Arts d'Agen, et par son fils Edouard de Cazenove de Pra-
dines, ancien député du département de Lot-et-Garonne, jeune homme
à la figure fine, douce et sympathique, engagé volontaire en 1870,
qui eut le bras droit mutilé sur le champ de bataille de Patay, le jour
où les comtes Fernand et Jacques de Bouille, père et fils, ses beau-
père et beau-frère, engagés volontaires, et mariés comme lui, trou-
vèrent, à ses côtés, une mort glorieuse.
* Cette charte a été donnée incontestablement avant 1030 ou 1035, et non
en 1089, comme Louis de Brugelles Ta écrit par erreur : Elle est donnée par
Arnaud Donat, vicomte de Gavarret ; or, en 1089, Pierre II était vicomte de
Gavarret; il avait succédé dans ce titre à son père Pierre Roger, lequel avait
lui-même succédé à son père Roger, vicomte de Gavarret. Depuis 1089, il faut
donc remonter de trois générations au moins, avant de trouver un Arnaud
Donat, vicomte de Gavarret ; tandisque Aymeri I«, comte de Fezensac, est
mort en 1035; et que Arnaud Odon, ou Arnaud Odoat, ou Arnaud Donat,
vicomte de Gascogne, de Lomagne, etc., était vicomte de Gavarret et vivait
encore en 1030. — Ucians de Montault, présent à la même charte, vivait
en 1030 et devait être mort en 1089, puisque son père, Odon Ifr, baron de
Montauld, avait cédé Téglise de Saint-Orens d'Auch, à Bernard Le Louche,
devenu premier comte d'Armagnac en 956 à 960,
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— 393 -
Charles de Montpezat, comte de Laugnac, seigneur de La Fox, etc.
étaitseigneur du Fraichou, durant la dernière moitié du xvn* siècle,
ïl tenait cette terre de ses auteurs. Ses héritiers, MM. de Monestay,
marquis de Ghazeron, furent seigneurs du Fraichou pendant le
x?ra' siècle,
Bédeyssan ou Rrkciiàn.— Il existait au xni« siècle, près de Nérac,
une église, une paroisse, un château et une famille de Bédeyssan ou
dcBréchan.
Gaillard de Bédeyssan, chevalier (Galhardus de Bedeissano, miles),
donne à Tévêque d'Agen, la sixième partie de la dîme de la paroisse
de Bédeyssan {Sextant partem) (Cartulaire d'Agen, Bulle cotée par
lettres D. 0.).
Pierre de Bédeyssan, chevalier, et Arnaud, Pierre et Fort, ses trois
fils, donnent, en Tannée 1252, à l'évoque d'Agen, le tiers de la dîme
de la paroisse et de l'égUse de Bédeyssan, situées près Nérac, et la
moitié de la dime de la paroisse Saint-Germain de Beaulieu, située
près le château de Bédeyssan [tertiam partem décime parrochie ec-
clesie de Bedeissano pi*ope Neriacum, et medietatem décime panochie
sancti Germani de Bello Loco prope castrum de Bedeissano) (Idem,
lettres E. G.)
Dame Inspana, veuve de Raymond-Bernard de Bédeyssan, donne h
révoque d'Agen la dime de Bédeyssan {decimam de Bedaichano)
{Idem, lettres E. F.)
Le 17 novembre 1286, Pierre d'Auvignon, damoiseau (que j'ai déjà
mentionné à l'occasion des châteaux d'Espiens et de Galard ou Gou-
lard), et Guillaume-Raymond de Nazareth [Petrus d*Aubinhon, domù
celltis, et GuilhelmuS'Raymundi de Na%aretho), reconnaissent tenir
du roi Edouard !•% seigneur d'Agenais, tout ce qu'ils possèdent dans
la paroisse Saint-Germain de Beaulieu(d^ Z?g//oXo:'o). Ledit Pierre
doit cinquante sols Arnaudens à chaque mutation de seigneur; Guil-
laume Raymond doit, du chef de son épouse, vingt-cinq sols de la
môme monnaie h chaque malation de seigneur. Quant à ce qu'ils
tiennent dans la paroisse de Bédeyssan et de Saint-Caprais, Pierre
d'Auvignon doit le quart d'un chevalier ou d'un écuyer pour l'armée
d'Agenais , et Raymond-Guillaume de Nazareth le huitième. Ils doivent,
l'un et l'autre, le serment de fidélité et l'hommage. {Archiv. hist. du
départ, de la Gironde, tom. I, p. 378).
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— 394-
AsQUETs et Tauziéde. — Ces deux petites localités sont de la com-
mune de Nérac.
Raymond-Bernard de Filartigtte, damoiseau, fils de feu Othon de
Filartigue, chevalier, donne à Tévêque d'Agcn toutes les parts de
dîme que son père percevait dans les paroisses d'Asquets, de Laus-
seignan et de Tauziéde {Cartulaire (TAgen, Bulle cotée par lettre V.).
Bernard d'Andiran, chevalier, donne à révoque d'Agen la dîme
de la paroisse Notre-Dame d'Andiran,la dime de Saint-Jean d'Asquetz,
la dime de la paroisse Saint - Pierre de Tauziéde et la dîme de
Saint - Caprais [Iderriy leltres B. M.). Le château et Téglise d'Andi-
ran, à peu près à égale distance de Nérac et de Mézin, étaient situés
sur les hauteurs qui séparent la vallée de rOsse et de la Gélise, vis-
à-vis le château de Lisse, qui est sur la rive gauche de la Gélise.
Messire Pons d'Andiran, chevalier, fils de Messire B. d'Andiran»
chevalier, donne à révoque d'Agen toutes les dîmes qu'il possède
dans les paroisses d'Andiran, de Lausseignan et de Saint-Gaprais-sur-
Osse en vertu de la donation que ledit son père lui en a fait
(Idem, lettres B. T.).
Bernard de Filartigue, damoiseau, fils de feu messire Othon de
Filartigue, chevalier, cède à révoque d'Agen, la sixième partie de
toute la dime des paroisses de Lausseig'nan et de Saint-Jean d'As-
quetz {Bernardus de Filartiga^ domicellus.fllimdomini Othonis de
Filartiga, militis, defuncti, cestit... . sextam partem totius décime
pairochie ecclesie sancti Johannis d^Asques) (Idemy lettres B. V.).
Raymond d'Andiran, damoiseau, et Pons d'Andiran, clerc, frères,
donnent à TÉvêque d'Agen la moitié de toute la dîme de la paroisse
Saint-Severin de Lisse, le quart de toute la dime de Saint-Pierre de
Tauziéde, la sixième partie de toute la dîme de la paroisse Saint-Jean
d'Asquets, la douzième partie de toute la dime de Saint Jean de
Lausseignan et la partie qu'ils perçoivent de la dime de Saint-Ger-
vais de Lisse.
De son côté, et par la même charte, dame Sibile d'Autîèges, épouse
de messire Olivier de Lisse, chevalier, en présence et du coasente-
ment dudit chevalier, donne également la moitié de la dîme de
Saint-Severin de Lisse, le quart de celle de Saint-Pierre de Tauziéde,
le sixième de la dime de Saint-Jean d'Asquetz, le douzième de celle
de Saint-Jean de Lausseignan et ce qu'elle possède de la dtme de
Saint-Caprais de Lisse {Idem, lettres B. T.).
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PuY-FonT-AiGuiLLK. — L'égHse Saint- Jean - Baptiste de Puy - Fort-
Aiguille, située sur la rive droite de la Baïse et à peu de distance de
cette rivière, est, comme son nom l'indique, construite sur un point
culminant. Elle est séparée par la largeur de la petite vallée de la
Baïse, de Téglise Saint-Jean-Baptiste d'Asquets, assise également sur
un point élevé.
A l'ariicle Nérac, nous verrons qu'Amanieu, sire d'Albret, dit, en
1286, posséder factura de Puy-Fort-Aiguille.
Nazareth. — L'église et la paroisse de Nazareth font partie de la
commune de Nérac. Le château de Nazareth existe encore. Il est
placé à une centaine de mètres de la Baïse. Ce château, que je visitai
le 9 juin 1874 avec une douzaine de membres du Congrès archéolo-
gique de France, parait être du dixième ou du onzième siècle. Il se
composait primitivement d'une grande tour carrée, sur trois côtés
de laquelle on ne voit aucune trace d'ouverture. Sur la façade du
couchant, il existe, au rez-de-chaussée et au premier étage, deux
grands trous, qui ont peut-être été des ouvertures régulières, mais
sur lesquelles il ne reste aucune pierre indiquant un jambage. Le mur
est plein sur les quatre façades au second étage. Plus tard, un corps
de bâtiment, beaucoup plus petit que la tour primitive, a été accolé
à cette dernière. Il a quelques petites ouvertures extérieures, et pas
d'ouverture le faisant communiquer au château primitif.
Le château est placé à moins de trois mille mètres de la ville de
Nérac.
En 1286, Armanieu d'Albret reconnaît tenir du roi d'Angleterre,
seigneur d'Agenais, le château de Nazareth et ses dépendances (cos-
trum de Na%aretho cum pertinentm Buis) (Arch. hist. dudép. de la
Gironde, tom. I, p. 361).
Le même jour, 16 novembre 1286, Guillaume-Raymond de Pins,
damoiseau, seigneur de Moncrabeau, etc., reconnaît tenir du même
roi, Edouard I®% la moitié, par indivis, du château de Buzet, et tout
le cliâteau de Namreth (medietatempi^o indiviso castri de Bu%eto et
tolum castrum de Nazaretho, Chalcia et Burgal cum juridiclione,
honore^ districtu et pertinentm eorumdem) {Idem, p. 370).
Les prétentions du sire d'Albret et de Guillaume-Raymond de Pins
sont difficiles à concilier, et encore ces deux personnages ne sont-ils
pas les seuls prétendants à la coseigneurie de Nazareth.
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— 39e —
Le Cartulaire d'Agen nom apprend, en effet; qu'en Tannée 1239,
messire Pierre de Nazareth donne à Tévêque d'Agen le quart de la
dtme qu'il possède, par indivis, dans la paroisse Saiiit-Pierre de Spre-
lobaam ou Spreloboam, près Nérac Idomiuus Petj'us de Na%areto^
mtles^ dominus de Namreto in sua parle, gratis quitauit domino
episcopo Agennemij quartam partem pro indiviso quam ipse miles
habebat in décima tolius parrochiœ sainti Pétri de Sprelobaam ou
de Spreloboam prope Neracum) (Cartulaired' A g e7i, lettres E. F.)
Je dois faire remarquer cependant que ce Pierre de Nazareth
vivait en 1539, tandis que d'Albret et de Pins, cités plus haut, fai-
saient leurs reconnaissances féodales en 1286, c'est-à-dire 47 ans
plus tard.
Un membre de cette maison de Nazareth existe en 1286, possède
des flefs qu'il reconnaît tenir du seigneur d'Agenais, mais ne donne
pas de reconnaissance pour Nazareth. Guillaume-Raymond de Nazareth
reconnaît pour le huitième du château d'Espiens, et pour ce qu'il
possède dans la paroisse Saint-Germain de Beaulieu (Voir aux articles
Espiens et Bédeyssan).
Nérac — Une promenade ravissante, de 3,000 pas ou 2,000 mètres,
tracée dans la garenne de Nérac, sur la rive droite de la Baïse, dont
elle suit les sinuosités, promenade large, bien tenue, bordée de chê-
nes séculaires et de fontaines jaillissantes, vous conduit sous des
ombres épaisses, des abords du château, du village et du moulin de
Nazareth, jusques au bout du nouveau pont en pierre par lequel on
entre dans la ville de Nérac. Ce pont, d'une seule arche, construit
en face de l'ancien château des sires d'Albret et du roi Henri IV, fut
élevé sur les plans et sous la direction de Jacques-Samuel de Bour-
rousse de Laffore, ingénieur ordinaire des ponts et chaussées du
département de Lot-et-Garonne de 1818 à 1828, ingénieur en chef
du môme département de 1828 à 1839.
Un vieux pont en pierre, ayant deux arches en ogive, et encore
existant, fut, jusque sous le gouvernement de la Restauration, la
seule voie de communication entre la ville de Nérac, située sur la
rive gauche de la Baïse, et le Petit-Nérac, bâti sur la rive opposée.
L'abbaye Saint-Pierre deCondom, restaurée le 29^ juillet 1012 ou
1013 (et non 1011), par Hugues de Gascogne, évêque d'Agen (flls de
Gombaud, évêque et duo de Gascogne)^ choisit pour protecteur, vers
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— 307 -
le commencement du xh* siècle, les sires d'Albret, qui possédaient
dans le Bazadais le château de Gazenave ou Cazeneuve^ et le château
de Casteljaloux.* Les sires d'Albret s'établirent à Nérac, y agrandi-
rent ou fondèrent le château, qui devint leur résidence habituelle.
L'abbé de Condom, au nom de son monastère, était seigneur domi-
nant du château de Nérac, que la maison d'Albret reconnaissait, tenir
du dit monastère.
Voici les preuves de cette double assertion :
Le 16 novembre 1286, Gaillard de Florensan, moine cellerier ou
procureur pu syndic de l'abbé et du monastère de Condom, reconnaît,
en cette qualité de procureur ou de syndic, que Tabbé dé Condom,
au nom dudit monastère, tient en fief noble, de l'illustre roi d'Angle-
terre, toutes les choses temporelles qu'il a dans la ville de Condom,
dans la ville de Nérac, dans le château de La Ressingle et leurs
dépendances, le château de Francescas, sa juridiction, son territoire
et leurs dépendances {Item, Gailhardus de Florensano, monachus,
cellerarius et prociirator seu syndicus abbatis et conventus monas-
terii Coyidomiensis^ nomine procuratorio seu syndicatus prœdic-
torum recognovit quod abbas pi'œdictus nomine monasterii prœdicti
tenet in nobile feudum, ab illustrissimo rege Angliœ, omnia tem-
poralia quœ habet in villa Condomiiet in villa Neyraco et in Castro
de Retrosingula et eorum pertineniiis. Item castrum de Francescas^
juridictionem et ten^am, cum suis pertinentiis.)
L'abbé reconnaît, en outre, les choses temporelles qu'il a dans
les lieux de Ertz (peut-être Eus) et de Caplisse, et devoir prêter le
serment de fidélité au même roi, seigneur d'Agénai* [et pro prœdictis
omnibus tenetur idem abbas, nomine monasterii prœdioti facere et
prœstara juramentum fidelitatis ipsi domino Régi,) {Arch. hist. du
départ, de la Gironde, tom. I, p. 362 et 363).
Le même jour 16 novembre 1286, Amanieu d'Albret,. damoiseau,
reconnaît tenir du même roi d'Angleterre et duc de Guienne, la ville
de Nérac, avec ses appartenances, à l'exception du château qu'il tient
de l'abbé et du monastère de Condom {Item, Amanevus de Lebreto^
* J'ai prouvé que la charte de restauration est au plus M/ du 29 juillet 1012,
ou au plus tard, dn 29 juillet 1013 (voir Recueil des Travaux de la Société
d* Agriculture, Sciences et Arts d'Âgen, 2" série, tom. V,p. 404-105,
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- 398 -
domicellus precognovit «^ tenere à dicto domino Rege et duee^ villam
de Neyraco cuin pertinentiis suiSy exeœpto castra quod tenet ab
abbate et monasterio de Condomio).
Il reconnaît, en outre, tenir le château d'Andiran {castrum deAndù
rano) et ses dépendances ; le château de Nazareth et ses dépendances;
le château de Bédeyssan, factum et la terre appelée de Sere%o%a;
factum de Puy-Fort-Aiguille factum de Podio-Fortis acus)y qui est
dans les dépendances de Nérac^ et tout ce qu*il possède dans les
paroisses de Las Lugues d'Agenais {totum quod tenet in parrochiis
de Las Lugas in quantum prorogatur Agennesium.)
Pour tous ces fiefs, Amanieu d*Albret se reconnaît homme et
chevalier du roi d'Angleterre, il lui doit un chevalier armé, lorsque
Tensemble de l'armée sort de l'Agenais, le serment de fidélité et
l'hommage. Amanieu ajoute qu'il est jeune et nouveau vassal pour
ces fiefs, et prêt à remplir tous les devoirs auxquels il est tenu, s'il
apparait qu'il doive autre chose {et protestatus fuit dictus Amanevus
quod cum ipse sitjuvenis et novus vassalus in predictiSj si appareat
ipsum pro prœdictis ad plura tenerly ipse paratus est complere alia
deveria si quœ appareant débita pro prœdictis eidem.) {Idem^
p. 361.)
Il résulte de ces deux reconnaissances féodales qu'en 1286, la
maison d'Albret tenait le château de Nérac de l'abbé de Condom, et
celui-ci du seigneur d'Agenais, qui était en ce moment Edouard !••,
roi d'Angleterre et duc de Guienne.
D'autres questions relatives à cet Amanieu sont bien plus difficiles
à résoudre. Des membres nombreux de la maison d'Albret ont porté
le prénom d'Amanieu. Quel est celui d'entre eux qui a fait la recon-
naissance féodale de 1286? Je réponds, Amanieu VII (généralement
appelé Amanieu YI), frère puîné de Bernard Ezi, I*' du nom, sire
d'Albret, mort au commencement de l'année 128!, et fils l'un et
l'autre, d'Amanieu VI, sire d'Albret, qui avait successivement épousé
Mathe de Bordeaux, fille de Pierre de Bordeaux, seigneur de Puy-
guilhem, et Vianne de Gontaut-Biron, de laquelle je parlerai plus
loin. Je nomme le seigneur de Nérac de 1286, Amanieu VII, parce
que je compte les sires d'Albret qui ont porté le prénom d'Amanieu,
depuis Amanieu, sire d'Albret, son sixième aïeul, ainsi nommé et
qualifié dans un titre de l'abbaye de Condom de l'année 1050; et
non depuis Guillaume Amanieu, sire d'Albret, son cinquième aïeul.
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croisé en 1096, entré dans Jérusalem le premier après Godefroy de
Bouillon, son parent.
Bernard Ezi, sire d'Albret, mort en 1281, avait laissé de son ma-
riage avec Jeanne de Lusignan, fille de Hugues de Luzignan, comte
de La Marche, deux filles seulement :
1« Mathe d'Albret, qui succède h son père, sous le bail d'Amanieu,
son oncle, et meurt sans postérité ;
2« Isabelle d*Albret, morte en 1398 , héritière de sa sœur ,
el mariée à Bernard VI, comte d'Armagnac, fils du comte Gé-
raud V.
Après la mort de Mathe et d'Isabelle, ses deux nièces, Amanieu VII,
frère de Bernard Ezi, se met en possession des 'châteaux de Castelja-
loux etdeNérac, comme du reste de TAlbret. 11 y ajoute la sucession
de Jeanne deLusignan, sa belle-sœur, qui l'institue son héritier (Sâma-
zEuiLH, Biographie de rarrondissement deNéraCyp.S),
J'avoue ne pas comprendre comment Amanieu VII d'Albret recon-
naît en 1286 tenir du seigneur d'Agenais la ville de Nérac, et de l'abbé
de Condom, le château de Nérac, et comment d'après M. Samazeuilh,
ce même Amanieu VII a pris possession du môme château de Nérac
en 1298 seulement.
Quoiqu'il en soit, Amanieu VII, sire d'Albret^ achète en 1306 la
seigneurie ou le château de Nérac, à Raymond de Galard, dernier
abbé de Condom, et qui devient le premier évèque de la même ville
en 1317.
« Le roi d'Angleterre, qui avait en.'paréagela seigneurie de Condom,
querella cette concession et donna l'ordre à son sénéchal d'Agenais
de se saisir de la ville de Nérac. Amanieu résista, soutenu, dans
cette lutte disproportionnée, par le vicomte d'Orthe et de Marennes,
ainsi que par Fortaner de Batz, ses parents. Jean de Ferrieres, séné-
chal d'Agenais, suivi d'Odon de Ladoux, d'Arnaud de Castelnau et de
Guillaume-Arnaud de Gelas, mit tout à feu et à sang dans les domai-
nes du sire d'Albret, où il conduisit un corps de 4,000 hommes.
Mais Philippe le Bel, intervenant dans cette querelle, comme suzerain
des deux parties, condamna Edouard !•', roi d'Angleterre, à payer
au sire d'Albret une indemnité de 20,000 livres tourn. Quant aux
seigneurs gascons qui avaient concouru à cette pillerie et qu'Ama-
nieu VU avait dénoncés au roi de France, ils furent presque tous
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bannis du royaume. » (SÂHÂZEun^H, Biographie de rarrondissement de
Nérac.p. 8.)
Amanîeu VII, sire d'Albret, fait son testament le 11 juillet 1324, et
laisse dix enfants de son mariage avec Rose du Bourg, dame de Ver-
teuil et de Vayres-sur-Dordogne, veuve d'Ayquem Guilhem, seigneur
de Lesparre, et fille de Gérard du Bourg, seigneur de Verteuil, et de
Thomase de Gombaud, dame de Vayres.
L'histoire de la ville de Nérac est désormais liée à Thistoire de la
maison d'Albret.
Isaac de Pérez, dans sa Chronique, dit que le comte de Panjas
(François-Jean-Charles de Pardaillan), mestre de camp du régiment
de Guienne, arriva le 18 mai 1598 à Nérac pour y résider , et pour ce
faire, loua la maison de Birac.
Pourquoi cette maison ou cette tour est-elle nommée de Birac ?
M. Ph. Tamizey de Larroque, correspondant de l'Institut, a mis de
très nombreuses et très savantes notes à cette Chronique pour la
rendre plus instructive et faire mieux connaître les faits et les person-
nages après^trois siècles. Il écrit à propos de la maison louée par
M. de Panjas :
c M. Samazeuilh ne sait pas d'où vient ce nom de Birac donné à
la belle et grande maison existant encore aujourd'hui dans la rue de
Condom. On trouve cependant au Livre teirier de Varpentement de
4644 : « Le sieur de Birac tient une belle maison en forme de tour
« appelée au Cazaou du Bosq, plus la métairie du Brana, en tout
« quatre cents dix-huict cartelades et demye. » Sans doute est-ce
un membre de cette famille qui fit construire la maison sur un plan
qui ne remonte pas au delà de la fin du xvi« siècle. »
Je puis fournir sur cette maison de Birac, située à Nérac, près la
porte de Condom, et sur les seigneurs qui l'ont possédée avant
Tannée 1598, des détails précis, puisés à des sources authen-
tiques.
Noble Bernard de Lard, seigneur de Birac, passe l'an 1407 un con-
trat d'achat, reçoit en 1426 une donation qui lui est faite par
Charles II, sire d'Albret, et achète, le 7 mars 4440, une maison et
jardin dans la ville de Nérac^ près la porte de Condom. Les Frères
Mineurs de Nérac consentent, le 1'' janvier 1437, une reconnaissance
en faveur du même noble Bernard de Lard, seigneur de Birac. Ces
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-»1 —
quatre actes publics sont mentionnés avec ces indications, dans
YInventaire des titres du château d'Auhiac, fait le 12 décembre 1601 ,
par M« Caillavet, notaire de Gazaupouy au marquisat de Fimarcon,
à la requête de noble Henrie Renée de Lard, dame de Birac et
d'Aubiac, autorisée à cet effet par son époux, noble Agésiias de
Narbonne Lara.
Noble Louis !•' de Lard, seigneur de Birac, achète à Robert de
Lagre, de Nérac, cerlains biens, par contrat de 1422, rapporté dans
le même Inventaire.
Noble Louis II de Lard, seigneur de Birac, sénéchal de Castres,
fils du précédent, reçoit, le 25 novembre 1496, d*Alain, dit le Grand,
sire d'Albret, comte de Dreux, Gaure, Penthièvre, Périgord et Cas-
tres, vicomte de Limoges et de Tartas, captai de Buch, seigneur
d'Avenues, capitaine d'une compagnie de cent lances fournies des
ordonnances du roi, une somme de 800 livres de deniers menus en
fiefs et rentes sur les lieux de Durance, Samazan et Montpouillan,
pour les considérations spécifiées audit contrat retenu par Venatoris,
notaire. ( Inventaire cité.)
Le même Louis II avait épousé, le 11 mars 1482, Charlotte ou
Marie de Noailhan, fille de noble et puissant homme Oddon ou Oddet
de Noailhan, seigneur de Buzet et de Jeanne d'Aibret.* Devenu veuf,
ledit seigneur de Birac, sénéchal de Castres, se marie, avant 1496,
avec Catherine de Lustrac, veuve elle-même de noble Bertrand de
Galard, seigneur d'Aubiac et de Plaichac et baron de Beaulens. Cha-
cun des deux époux avait des enfants de son premier mariage, d'où
vint ridée d'une nouvelle union.
En conséquence, avant l'année 1513, Gabriel de Lard, éjuyer,
seigneur de Birac, Durance, Samazan et Montpouillan, fils aine du
sénéchal de Caslres et de Charlotte ou Marie de Noailhan, épouse
Anne de Galard, fille ainée du seigneur d'Aubiac, Plaichac et Beau-
lens, et de Catherine de Lustrac, alors remariée avec ledit sénéchal.
* Manuscrits de la Bibliothèque Nationale, dossier de la maison de Noailhan^
Preuves pour Saitit-Cyr, — D'après le Trésor Généalogique de dom de Vieille-
ville, cet Oddet de Noailhan était marié avec Marie de La Fitte d'Arcamont,
fille de Jean de La Fitte, seigneur d'Arcumont, près Lectoure, et d'Isabelle
de Castelbajac. Peut-être cet Oddet de Noailhan a-t-il épousé successive-
ment les dites Jeanne d'Albret et Marie de La Fitte d'Arcamont.
2
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— 402 —
Antoine, né de ce mariage, joignit le nom de sa mère à celui de
son père, et fut appelé Antoine de Lard et de fialard, seigneur de
Birac et d'Aubiac, baron de Beaulens, etc. Il épouse, le 14 juin 1534,
Renée de Couslinjdc Bourzolle, et fait un acte important pour la
question qui nous occupe.
Le Procès-Verbal de Vérification d'hommages au roi de Navarre,
constate en eflfet que, le 8 octobre 1538, noble homme Antoine de
Lard, écuyer, seigneur de Birac, d'Aubiac et de Beaulens, possède
des biensjen Albret, où il est seigneur foncier des rentes appelées
de St-Etienne de Cabugières en Durance, et de Baillard Cap Aribet
en Lausseignan, qu'il fait hommage au roi de Navarre, et qu'il
fournit son dénombrement^ ainsi que d'une maison située dans la
ville de Nérac, appelée au Pont de Lart.^
Les de Lard, seigneurs de Birac, faisaient naturellement leur
résidence habituelle à Nérac, siège de la cour des rois de Navarre.
Ils habitaient leur maison appelée de Birac, située rue et près la
porte de Condom. Aussi voyons-nous, le 2 août 1559, Gabriellede
Lard et de Galard, baronne de Beaulens, et Charles de Bazon, sei-
gneur de Castelvieil, épouser dans le château de Nérac, en présence
d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, roi et reine de Navarre;
Magdelaine de Lard et de Galard, appelée Mademoiselle d'Aubiac,
sœur de Gabrielle, être dame d'honneur de la reine Marguerite de
Valois ; Jean de Lard et de Galard, appelé M. d'Aubiac, frère de
Gabrielle et de Magdeleine, devenir l'amant préféré de la même
Marguerite de Valois, reine de Navarre. Leur frère aîné, messire
Joseph de Lard et de Galard, chevalier, seigneur de Birac, d'Au-
biac, etc., chevalier de Tordre du roi, épouse, le 25 février 1572,
Marie de Noailles, veuve de Jean de Ferrières, seigneur de Sauve-
bœuf, et fille d'Antoine de Noailles, chevalier, seigneur de Noailles
et de Noaillac, baron de Chambres, Montclar, Carbonnières, etc.,
amiral en 1547, ambassadeur de France en Angleterre en 1554,
gouverneur de Bordeaux, mort le 11 mars 1562, et de Jeanne de
Gontaut-Cabrères.
Henri de Noailles, premier comte d'Ayen (fils aîné dudit Antoine),
* Procès-Verbal de Vérification d'hotnmages au roi de Navarre, qous la date du
8 octobre 1538, folio 15 des Archives du château de Nérac, sous la cotte 43,
2« liasse.
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- 403 —
écrivant à son beau-frère. M. de Birac, nomme Marie de Noailles,
tantôt ma sœur d'Aubiac, tantôt ma sœur de Birac. Et l'on voit Joseph
de Lard, seigneur de Birac, signer « Birac, • la lettre datée de Birac
le 29 septembre 1585, lettre dans laquelle il donne à son beau-frère,
le comte d'Ayen, des détails précis sur Témeute sanglante ou combat
livré le mercredi 25 septembre 1585, parles habitants d'Agen, contre
Marguerite de Valois, reine de Navarre, comtesse d'Agenais, et sur
la fuite de cette reine, escortée de quarante ou cinquante cavaliers,
au nombre desquels était Aubiac, frère puîné dudit seigneur de
Birac.
Ainsi, la maison de Birac, louée le 18 mai 1598 à Nérac, par le
comte de Panjas, était située prés la porte de Condom et appartenait
h Joseph de Lard, seigneur de Birac et d*Aubiac, ou à sa fille unique
Henrie Renée de Lard et de Galard, dame de Birac et d'Aubiac,
mariée en présence de son père le 5 juin 1596, avec Agésiias de
Narbonne Lara, fils puîné de Bernard de Narbonne Lara, 9» baron de
Talayran, seigneur de Fimarcon, elc, et de Françoise de Bruyère
Chalabre.
Le château de Nérac, construit sur la rive gauche de la Baïse, était
formé de quatre corps de bâtiments, circonscrivant une cour carrée.
Trois côtés de ce château de Nérac sont détruits, seul le côté nord
existe encore.
Il avait de belles charpentes. • Henri IV, alors qu'il n'était que
t simple gouverneur de la Guyenne, faisait choisir les plus beaux
• chênes de la forêt de Francescas, pour composer les fermes de
« comble élancces de son château de Nérac Je n'hésite pas à
« attribuer aux traditions importées par les Anglais le goût des ar-
« chitectes du pays pour les belle charpentes. La composition et
►•assemblagede ces œuvres, révèle l'habileté des praticiens habitués
la construction des navires (Etudes sur V Architecture religieuse
; VAgenais du dixième au seizième siècle, par Georges Tholin,
cité, page 260).
Au premier étage, une galerie extérieure règne tout le long de la
façade du midi. La toiture de cette galerie ou colonnade est soutenue
par des colonnes en pierre, taillées en spirales. Les membres du
Congrès Archéologique ont exprimé de légitimes regrets que l'admi-
nistration municipale de Nérac ait depuis longrtemps et aussi complè-
tement abandonné et vendu à des particuliers le château habité
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pendant des siècles par le connétable Charles d'Albret, par Alain le
Grand, sire d'Albret, par les rois cl reines de Navarre, par la Cour
brillante de la reine Jeanne d'Albret, et par Henri IV.
Les populations de TAgenais et de TAlbret ont cependant conservé
le plus sympathique souvenir du premier Bourbon monté sur le trône
de France ; le comte de Dijon, interprète intelligent et généreux de
ce sentiment, a doté la ville de Nérac d'une magnifique statue en
bronze, dont il avait donné les dessins, et pour laquelle il a dépensé
près de deux cent mille francs, statue admirablement réussie, que
Ton regarde longtemps avec plaisir, parce qu'elle reproduit très bien
la physionomie fine, ouverte et spirituelle, le regard bienveillant et
affectueux d'Henri IV.
Jules DE BOURROUSSE DE LAFFORE
(A continuer)
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BENVENUTO CELLINI.
Il y avait à Florence, vers Tannée 1482, un jennc homme très
studieux, qui sortait peu de chez lui et qui aidait son père à des
travaux d'architecture. On le nommait Giovanni Cellini : il dessinait
bien et jouait habituellement de la viole et de la flûte. Il vit une
jeune fille qui demeurait tout à côté de sa maison; il l'aima, la de-
manda en mariage, et, comme les deux pères se connaissaient depuis
longtemps, il n'eut pas de peine à l'obtenir. Toutefois, avant d'en
venir à la conclusion dernière et à la signature du contrat, il s'éleva
entre ces bonnes gens une discussion dssez vive : « Je veux telle dot,
disait le père du jeune homme ; mon fils est le garçon le plus méri-
tant qui soit à Florence et en Italie ; si j'avais songé à le marier
plus tôt, j'aurais trouvé de riches partis. — Tu as mille fois raison,
disait Tautre, mais j'ai cinq filles sur les bras , autant de fils; tout
compte fait, je ne peux pas aller plus loin que je ne t'ai dit. »
Pendant ce dialogue, Giovanni, caché, écoutait; il entre à l'impro-
vifite : « Mon père, s'écrie-t-il, c'est cette jeune fille que je désire et
que j'aime; ce ne sont pas leurs écus : malheur à ceux qui veulent
se refaire avec la dot de leur femme! Comment! vous vantez mon
savoir, et vous croyez que je ne saurai pas entretenir ma femme ,
lui donner tout ce qu'il lui faudra , faute de quelque argent que
vous leur demandez? Eh bien ! je vous le déclare, la femme est
à moi ; la dot, je veux qu'elle soit à vous. » Le père de Giovanni
trouva son fils bien imprévoyant, mais il le laissa faire ; le mariage
s*accomplit et de la dot on ne parla plus, ni pour le père ni pour
le fils.
« Durant dix - huit années, ajoute Benvenuto, ils goûtèrent leur
jeunesse et leur saint amour... mais avec grand ijdésir d'avoir des
enfants. »
Âh! que cela est bien dit : ils goûtèrent leur jeunesse! Ils la goû-
tèrent parce que les enfants ne vinrent pas trop vite. Il est certain
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qu'en arrivant au monde, Tenfant apporte à ceux qui l'ont fait naître
des soucis bien sérieux : il môle à leur jeunesse, à leur force, à leur
santé, à leur plénitude d^'existence, son bas âge, sa vie fragile, ses
mille besoins, parfois impossibles à deviner; il leur enlève le repos
des nuits, la liberté des jours, des mouvements, du travail; il pèse
lourd, ce cher petit fardeau, sur les quatre bras qui le soutiennent.
Un de mes amis disait : Quand les mariés sont jeunes et que Tamour
les a unis, Dieu devrait leur laisser cinq ans de répit, au moins cinq
ans h être seuls. . . . tous deux ! Mais dire cela, c'est parler peut-être
comme Garo, le paysan de Lafontaine, qui critiquait le plan divin. Dieu
fait bien ce qu'il fait; il suspend le gland au chêne, il laisse ramper
la citi'ouille sur le sol, il appelle l'enfant à la vie avant la fin de
l'année nuptiale; cela doit être pour le mieux, puisque cela est. Je
ne veux pas en savoir plus : j'ajouterai seulement que Giovanni
Cellini et sa femme durent s'ennuyer, s'inquiéter même d'être si
longtemps seuls tous deux. Désirer des enfants et les attendre dix-
huit ans, c'est une épreuve. Enfin, au bout de ce temps, une fille
naquit, puis un garçon; celui-ci on le porta au père, bien lavé, bien
enveloppé, comme un bijou, et comme une surprise. Giovanni, en le
découvrant, leva ses regards au ciel, et ne voulut jamais l'appeler
d*un autre nom que Bienvenu [Benvenuto),
« Tel est le nom, ajoute l'auteur, que Ton me donna au saint bap-
tême , et sous ce nom je m'en vais vivant, avec la grâce de Dieu. »
[E cosi me vo vivendo colla grazia di Bio,) Oui, il s'en va vivant,
et tout le long de la route, il note ses souvenirs, ses impressions ;
puis, dans un âge assez avancé, il les réunit en un livre, qui fait l'ob-
jet de notre étude : livre varié, plein d'aventures, et nécessaire à
quiconque veut connaître ce que devenait, dans ce milieu italien du
XVI* siècle, une âme ardente, ouverte à tout, servie ou égarée par un
corps vigoureux et aussi fougueux qu'elle-même.
Benvenuto est une personnalité curieuse, un phénomène psycholo-
gique. C'est de plus un écrivain bien doué, un peu irrégulier dans
ses constructions, mais franc d'allure, naturel, exprimant les choses
telles qu'il les sent : or, il les sent d'une façon très vive, avec tout
leur mouvement, toute leur couleur.
Les premiers épisodes de sa vie sont charmants; rien de plus
simple, et pourtant, cela fait rêver, sans que l'auteur pose le moins
du monde pour la rêverie. Ce ne sont pas des promenades au clair
de lune, des mélancolies prématurées, des pressentiments mysté-
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— 407 —
rieux ; pour bien des gens ce ne seront jamais que de très vulgaires
aventures. Lisez-les pourtant et jugez.
Venu au monde le !•' novembre de Tannée 1500, Benvenuto avait
trois ans à peine, lorsqu'on chan.Tfca, dans la maison de son pore, le
tuyau d'un évier. De ce tuyau sortit un gros scorpion que les ou-
vriers ne virent pas, et qui s'alla cacher sous un banc. L'enfant
l'aperçut (les petits malheureux sont si clairvoyants pour ces cho-
ses-lù); il courut à lui, fouilla sous le banc, et saisit le dangereux
insecte. Celui-ci était si énorme qu'il ne tenait pas tout entier dans la
petite main; d'un côté on voyait sortir la queue, de l'autre les deux
pinces s'avançaient. Joyeux de sa trouvaille, Benvenuto va la mon-
trer à son grand'père qui avait alors plus de cent ans : « Vois,, bon
papa , lui disait-il, ma belle petite écrevisse. . • ( Vedi nonno mio, il
mio bel grouchiolino ). » Le vieillard, comprenant que c'était un
scorpion, faillit tomber mort de frayeur; il craignait pour son petit-
fils, et lui disait en le caressant: «Donne-moi cela, petit, donne-le
moi ; » mais Benvenuto pleurait, serrait son scorpion et ne voulait
le donner à personne. Heureusement- son père était dans la maison.
Il accourt aux cris, voit ce qui se passe, et demeure stupéfait. Com-
ment empêcher l'animal de piquer l'enfant, de le tuer peut-être ? Le
moindre mouvement pouvait tout perdre. En regardant autour de
lui, Giovanni aperçoit une paire de ciseaux; il la prend, s'approche
de son fils, le caresse et, tout doucement, coupe la queue et les
pinces du scorpion : l'animal une fois désarmé, le père vit dans cet
incident un bon augure.
Et nous y verrons, nous, une image saisissante des dangereux dé-
sirs du cœur humain. Folles amours, ambitions, espérances irréflé-
chies, liaisons compromettantes, séductions perfides, chacun de
nous, un jour on l'autre, saisit ou caresse son scorpion, et quand
on veut le lui faire lâcher, il le serre plus vivement, il se bat pour
le défendre. Heureux si un ami éclairé, insinuant, sans avoir Tair
de vous contredire et de vouloir vous enlever ce qui vous charme,
coupe la queue et les pinces du scorpion, corrige à notre insu nos
imprudences et nous sauve d'une cruelle piqûre !
Deux ans après l'incident que je viens de citer, le père de Benve-
nuto était seul dans une petite chambre où l'on venait de faire la
lessive. — C'est un détail vulgaire encore, mais vous allez voir que
dans cette maison si simple, si bourgeoise, dans ce séjour de petites
gens, l'imagination gardait tous ses droits. ~ On avait donc fait la
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- 408 —
lessive, et il restait dans la chambrette un bon feu de petits bois de
chêne. Giovanni, devant ce brasier, tenant une viole sur le bras,
faisait de la musique et chantait. Soudain, il aperçoit un petit ani-
mal semblable à un lézard, qui s'ébattait au sein des flammes. Il
appelle à lui Benvenuto et sa sœur, leur montre ce prodige et donne
à Benvenuto un grand soufflet. L'enfant fondit en larmes. « Calme-
toi, dit le père ; je ne Tai pas souffleté pour te punir, mais pour
que tu n'oublies pas ce que tu viens de voir. C'est une salamandre,
et du plus loin qu'on se souvienne, personne n'en a jamais vu. » —
En achevant ces mots, il l'embrasse, et afin de le consoler, lui donne
quelques quattrini.
Il croyait donc aux salamandres, le brave homme; il avait entendu
conter que ce petit reptile peut vivre dans le feu et s'y réjouir, et il
était heureux, seul entre les mortels, d'avoir été honoré d'une telle
vue. Pour nous, soyons-en sûrs, nous n'en verrons jamais : la sala-
mandre véritable aime mieux l'eau que le feu, et, dans les flammes,
il lui arrive, comme à nous, de souffrir cruellement, de se tordre et
de périr. Adieu les fabuleuses merveilles I Ne cherchons auprès du
foyer que la chaleur et la rêverie. L'œil du corps, fixé sur le feu, n'y
découvre plus de prodiges ; mais l'œil intérieur s'ouvre alors et con-
temple un monde d'images, de souvenirs ou d'espérances. Que de
choses on voit, assis dans une chambre, seul, à l'abri du froid, tandis
que la main tisonne et fait jaillir les étincelles ! Et quel essor don-
nent encore à nos rêves le livre tour à tour ouvert et fermé ; l'ins-
trument vingt fois abandonné et repris; le crayon courant sur le
papier, puis déposé sur les genoux. Une vision tient à si peu de chose !
Si le père de Benvenuto n'avait pas joué de la viole et chanté, si ce
doux bruit n'avait pas ébranlé certaines fibres de son cerveau, il
n'aurait peut-être jamais vu de salamandre en son foyer.
Mais il aimait fort la musique, ce bon Giovanni. Architecte, ingé-
nieur, constructeur de machines, ciseleur en ivoire, luthier, de tous
ses talents si divers, c'était encore la musique qu'il préférait, el il
aurait voulu que son fils n'en eût point d'autre. De bonne heure il
lui apprenait à jouer du cornet ou de la flûte, et, quand venaient les
jours de fête, il se rendait avec lui au palais pubUc. Là, un des ser-
viteurs de la seigneurie enlevait sur ses épaules le petit Benvenuto,
et l'enfant, ainsi soulevé, faisait le dessus dans les concerts. Ce n'était
pas là pourtant sa vocation ; il se sentait plutôt entraîné vers le dessin
et l'orfèvrerie artistique : malgré son père, il se mit en apprentissage
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- 409 —
chez un orfèvre et accomplit de rapides progrès. Là était son goût,
son bonheur; il lui en coûtait de faire autre chose; et, toutefois,
pour plaire au vieillard, il reprenait parfois, ou sa flûte ou son cor-
net. Le père alors pleurait de joie, et par affection, par délicatesse
filiale, Benvenuto lui laissait croire qu'il avait plaisir à en jouer.
Ici s'arrête ce premier chapitre des Mémoires, où règne une grâce
naïve et calme, un doux parfum de tendresse domestique. Bientôt
les orages vont gronder; Benvenuto sera de bonne heure Yhoinme
terrible que nous peint Vasari, Yhomme de feu^ comme il s'appelle
lui-même.
Un dimanche de Tan 1515, près d'une porte de Florence, il aperçoit
son frère, âgé de treize ans, qui se bat à Tépée avec un garpon de
vingt ans et qui Ta déjà fort blessé. Des parents du vaincu, présents
à cette lutte, ramassent des pierres et les jettent au vainqueur;
le frère de Benvenuto, atteint à la tête , tombe et s'évanouit. Ben-
venuto prend l'épée de son frère, se met devant lui, le défend contre
tous et donne le temps à quelques soldats de venir disperser ses ad-
versaires. L'enfant évanoui est rapporté à la maison, et tous les bret-
teurs de Florence admirent une valeur si précoce chez l'un et l'autre.
Les magistrats, il est vrai, admirèrent moins et condamnèrent les
deux frères Cellini à six mois d'exil. Alors, raconte Benvenuto, avec
un mélange de tendresse, de résolution et de gaieté, je dis à mon
frère : » Viens avec moi, — et nous quittâmes ainsi notre pauvre
père ; au lieu d'argent ( car il n'en avait point ) , il nous donna sa
bénédiction. »
Cette première fois, Benvenuto s'en va à Sienne , où il travaille.
Rappelé à Florence avant l'expiration des six mois, il ne tarde pas à
quitter encore sa patrie pour aller se perfectionner chez les
orfèvres bolonais. Partout il est le même : il apprend son état
et il tire l'épée, il s'amuse, il gagne et il s'instruit. S'il parcourt le
Campo-Santo ou cimetière de Pise, et qu'il y découvre de curieuses
antiquités, il s'empresse d'en faire le dessin et compte s'en inspirer
dans ses propres ouvrages. Ayant appris que Michel-Ange a laissé
d'admirables cartons au palais public de Florence, il court les étudier
et adore ce grand homme comme le Dieu de l'art contemporain. Un
nommé Torrigiani, sculpteur éminent, mais colère et jaloux, lui ra-
conte, un jour, que pour se venger d'une plaisanterie de Michel-Ange,
il lui a donné un coup de poing terrible, et qu'il a senti, sous ce
coup, le cartilage du nez craquer comme une gaufre : en entendant
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— 410 —
ce brutal récit, Benvcnuto bout d'indignation; et que Terrigiani ne
vienne pas ensuite lui proposer un voyage en Angleterre! « Qui moi !
dit-il, accompagner un homme qui a osé frapper Michel-Ange! C'est
trop encore de le voir ; » — et il le fuit. Quant aux injures adressées
à lui-même, il les punit avec usure et sans connaître, comme il dit,
« ce que c'est que la peur. » Les colères sont effrayantes ; il n'y met
ni mesure ni frein, persuadé qu'en de telles circonstances, la desti-
née, ou selon son langage, les étoiles nous forcent et nous entraînent
en dépit de nous. La passion, chez lui, est si indomptable que, pour
ne pas se vaincre, et cependant s'excuser, il professe le fatahsme.
Dn orfèvre jaloux lui ayant cherché querelle et l'ayant fait ensuite
condamner à une amende, il rentre dans sa boutique, saisit un poi-
gnard, fond sur son adversaire, qu'il trouve à table avec sa famille,
crie : « Traîtres, c'est aujourd'hui que je vous tue tous. • En même
temps il frappe celui qui avait provoqué la dispute, et lui perce tous
ses habits jusqu'à la chemise, sans pouvoir néanmoins le blesser. Le
reste de la maison s'arme de pelles, de marteaux, de bâtons, d'en-
clumes. Comme un taureau furieux, Benvenuto en jette quatre ou
cinq à terre, tombe avec eux, se roule de l'un à l'autre, dardant son
poignard à droite et à gauche. Ceux qui ne sont pas tombés veulent
Tassommer lui-même; * mais le bon Dieu s'en mêlant, dit Benvenuto,
personne n'eut le moindre mal. J'y perdis mon bonnet, rien de
plus. » Tous ces gens-là étaient si exaspérés, il leur fallait tellement
décharger leur colère, que ceux qui saisirent le bonnet, le percèrent
de coups, ne pouvant se venger sur le possessur. Après cette bjzarra
échauffourée, Cellini court vers une église, et rencontrant un moine
de grande réputation : « Sauvez-moi, frère, lui dit-il, sauvez-moi pour
l'amour de Dieu ; j'ai fait un grand crime. • — « Rassurez-vous, dit
le moine (qui nous rappoUe le frère Laurent de Rome), rassurez-
vous ; dans ma cellule personne ne viendra vous prendre. »
Une heure après, les magistrats s'assemblent et proscrivent Benve-
nuto. Vainement son père se jette à leurs genoux et implore leur
miséricorde : « Lève-toi, lui dit rudement l'un d'entre eux, et sors
d'ici ; nous l'enverrons à la campagne, ton Benvenuto, sous bonne
escorte. » Le malheureux vieillard vient retrouver son fils dans la
cellule du moine, le baise au front, invoque sur lui l'assistance de
Dieu et l'aide de ses propres mains à s'armer d'une cotte de mailles
et d'une épée. « Avec cela, dit-il, tu vivras ou mourras. » Pour
plus de sûreté, par-dessus ces armes, le moine lui fait endosser un
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froc et lui donne un frère convers qui raccompagne à quelque dis-
tance. Hors de la ville, dans la maison d'un de ses amis, Benvenuto
jette son dégisement, se défroque, comme il dit, et redevient un
homme; puis il monte à cheval et arrive à Sienne. Au bout de quel-
ques jours, il poursuit sa route jusqu'à Rome, où un Médicis vient
d'être nommé Pape et a pris le nom de Clément VII. Lu, tous ses ta-
lents se développent et lui assurent les succès les plus variés et les
' plus hautes protections. Il joue encore des instruments, pour obéir
aux recommandations de son père et pour faire plaisir à un jeune
garçon de quatorze ans, très honnête et très sérieux, qu'il avait pris
chez lui comme domestique. Chaque fois qu'il jouait du cor, ce visage
d'adolescent, d'ordinaire mélancolique, s'éclairait d'un si doux rayon,
s'épanouissait en un sourire si pur, que chez les Grecs païens, nous
dit Benvenuto, on se serait senti transporte à sa vue, et on l'aurait
pris pour un Dieu.
Le Pape, dans un concert, entend Benvenuto et lui fait proposer
une place parmi les musiciens ordinaires du Vatican. « Revenez de-
main, répond l'artiste au messager ; je vous donnerai ma réponse. »
«— Dois-je accepter se demanda-t-il ensuite? Cette musique va encore
me distraire de l'orfèvrerie; non c'est une imprudence; je refuserai.»
Là-dessus il s'endort ; et voilà, qu'en songe, il voit son père le supplier,
les larmes aux yeux, d'entrer dans l'orchestre du Pape. Il lui répond
qu'il n'en fera rien; alors le vieillard, s'irritant, lui dit: « Si tu ne le
fais pas, tu auras ma malédiction, si tu y consens, tu seras à jamais
béni....» — A peine éveillé, Benvenuto court se faire inscrire,
et dans une lettre , raconte tout à son père. Chose surprenante , le
bonhomme avait eu le même rêve, ou à peu prèis. L'obéissance de
son fils lui causa une telle joie qu'il faillit en mourir.
Persuadé que le ciel le récompensera de sa soumission filiale,
Benvenuto travaille avec ardeur. Il enchâsse des diamants, cisèle des
vases d'or, dessine et forge des bijoux, fait des choses admirables,
comme il le dit lui-môme avec le plus naïf orgueil. Il ne recule de-
vant aucune difficulté, mais il n'accepte pas les ordres humiliants.
Qu'on ne vienne pas lui dire, de la part d'un évèque ou d'un cardi-
nal : « Vite, vite ; il faut cela pour ce soir. — Non, vous répondra-
t-il ; cela n'est pas fini ; cela ne peut ni ne doit l'être ; il me faut
du temps pour bien faire; dix heures, selon vous, devraient suffire;
deux cents heures, selon moi, ne sont pas encore assez. — Alors,
on te le prendra, même inachevé, car Monseigneur ne saurait plus
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- 4iî -
attendre. — On me le prendra I osez y venir; osez m'enlever ce
qui esta moi I » EL notre [artiste, revêtant sa cotte de mailles,
ceignant son épée et son poignard , et amorçant soji arquebuse, se
tient prêt à défendre son ouvrage et sa dignité.
L'année 1527 commence, et un orage effroyable fond sur le Pape :
Vingt mille Allemands, commandiés par Bourbon et autorisés par
Charles-Quint, viennent assiéger Roiçe. Benvenuto, avec quelques
jeunes gens, court aux remparts le jour même où l'assaut va se '
se donner. L'un de ses amis, épouvanté, dit : « Il n'y a plus rien à
faire; nous avons eii tort de venir, allons-nous en. — Arrête, re-
prend l'artiste ; puisque vous m'avez mené jusqu'ici, nous ne nous
en irons pas sans avoir frappé un bon coup ; » et tournant son ar-
quebuse vers un groupe d'assaillants très nombreux et très serrés, il
vise l'un d'entre eux, qui semblait élevé au-dessus des autres. Cet
ennemi était-il à pied ou à cheval? Le brouillard empêchait Benvc-
nuto de le voir nettement : toutefois il l'ajusta de son mieux. Puis,
prenant sur ses compagnons l'autorité que donne la résolution et
l'habileté : « Placez-vous comme moi, dit-il, derrière les créneaux en
y appuyant vos arquebuses. Vous éviterez ainsi les coups du de-
hors. Et maintenant, feu! > Après deux décharges consécutives, il
avance la tête avec précaution, et regarde ; un tumulte extraordi-
naire se produisait parmi les assaillants; Bourbon venait d'être blessé
à mort, et Cellini en attribue l'honneur à lui-môme et à ses compa-
gnons.
Malgré cet accident, les ennemis l'emportèrent. Rome fut prise et
saccagée ; Benvenuto et quelques autres entrèrent dans le château
Saint-Ange, au moment même où le Pape s'y réfugiait.
Quel malheur que ce grand artiste soit un vantard trop avéré I II
y aurait tant de plaisir à croire tous les exploits qu'il s'attribue ! Mais
un homme qui prétend descendre d*un lieutenant de César, du fon-
dateur légendaire de Florence, peut bien être suspect d'exagération.
N'admettons donc, si vous le voulez, que la moitié de son récit mili-
taire ; rabattons beaucoup des louanges qu'il se donne, mais lisons-le
car il intéresse toujours. Si ses affirmations ne nous convainquent
pas, sa narration si vivante nous entraine. D'ailleurs, en se dépeignant
tel qu'il voudrait être, il indique bien un peu ce qu'il est. Tous les
contemporains reconnaissent sa vaillance; il n'en a pas fait autant
qu'il dir, mais c^^rtainement il a fait quelque chose dans ce château
Saint-Ange. Quand il y arriva, assure-t-il, les bombardiers avaient
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perdu la tête. Leur chef voulait tirer sur les Allemands, maïs il avait
devant lui sa maison; il y apercevait sa femme et ses enfants, il crai-
gnait d'atteindre les siens et n'osait faire feu. Benvenulo, plus auda-
cieux et n'ayant pas de famille dans Rome, prit la mèche et dirigea
si bien les coups que les Allemands ne purent forcer le château.
Bientôt on le créa chef des bombardiers, et il eut la satisfaction de
gêner beaucoup les vainqueurs. Un jour, il aperçoit un colonel alle-
mand, qui, tout habillé de rouge, faisait faire des tranchées. Quelle
admirable cible I et comme c'est tentant pour un pointeur ! Benve-
nuto calcule à vue d'œil la courbe que le boulet pourra décrire, et
au moment où l'homme rouge, debout, met fièrementson épée devant
lui, il est atteint; l'épée lui entre dans le corps, et le malheureux
tombe coupé en deux morceaux. Ben venu to l'a vu, le Pape l'a vu
aussi, et personne ne peut expliquer ce coup. Un autre fois le prince
d'Orange est blessé dangereusement; les historiens en font honneur
à une arquebuse ; Benvenuto en revendique la gloire pour lui-même
et pour ses canons. Tout ce qu'il y a eu d'extraordinaire dans ce siège,
c'est lui, le ciseleur bombardier, qui l'a fait.
Un autre jour, enfin, les assiégés remarquent que dans l'auberge
du Soleil, il y a de grands mouvements et beaucoup d'ennemis. Tirez
là-dessus , dit un des seigneurs de la cour du Pape. « J'en ai envie,
répond Benvenuto, mais prenons garde ; il y a , tout près de la
pièce, un tonneau plein de pierres qui est mal soutenu, et que le
vent de l'explosion renversera, — Tirez tout de même , répond le
gentilhomme , il ne tombera pas, et quand il devrait tomber, il fau-
drait tirer encore. » Benvenuto lire, et le tonneau tombe entre deux
cardinaux qui se disputaient. Heureuse querelle! quelques moments
auparavant, ils étaient tous deux au-dessous du tonneau; mais,
comme en causant ils se fâchèrent, et s'éloignèrent un peu l'un de
l'autre dans l'intervalle , le tonneau eut de la place pour tomber
sans blesser personne. L'un d'eux était le cardinal Farnèse. Aussi
Benvenuto ayant eu plus tard à se plaindre de lui, exprime-t-il
dans ses Mémoires, le plus vif et le plus sincère regret de ne pas
l'avoir tué ce jour-là.
Quand le pape Clément VII eut été délivré, par un accord conclu
avec Charles-Quint, Benvenulo, jouissant d'une grande faveur, reprit
ses travaux, ses plaisirs et ses querelles. Tantôt il chasse dans la
campagne romaine, faisant des prodiges avec l'arquebuse que le duc
Alexandre lui a donnée; outre le gibier, il rapporte de ses excursions
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— 4U —
beaucoup de roses, de joujoux antiques que les paysans déterrent et
lui vendent, et qu'il imite après en perfection. Tout ce qu'on le défie
d'accomplir il en vient à bout, et, quand il a surpassé tous les autres,
il met sa gloire à se surpasser lui-même. Il frappe des médailles et des
monnaies; il fait au Pape un magnifique bouton en or, qui doit rat-
tacher, par-devant, la chappe des grandes fêtes, et sur lequel d'admi-
rables figures sont ciselées. Aimable et gai dans les repas, bon
compagnon dans les voyages, reconnaissant de tous les services
qu'on lui rend, il y a autant de plaisir à l'avoir pour ami que de péril
à l'offenser.
(A suivre.) De TRÉVERRET.
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LE GÉNÉRAL LAFITTE-CLAVÉ.'
Le général Lafitte-Clavé naquit, en 1740, au lieu de Clavé, pa-
roisse de Mercadis,^ non loin de Condom, où il fit ses classes, avec
distinction, dans Texcellent collège de cette ville.
Issu d'une famille entièrement militaire, et recommandable par ses
services, il se destina, de bonne heure, à la profession des armes,
et fut admis dans le corps du Génie en 1760. Doué parla nature
d'une grande justesse d'esprit, d'une mémoire très heureuse et d'un
goût décidé pour le travail, il ne pouvait que réussir dans sa nouvelle
carrière. Son début y fut parfaitement judicieux : il commença par
s'instruire à fond de tous les détails nécessaires aux officiers du
* Un exemplaire manuscrit de cette notice existe aux Archives départe-
mentales, sous ce titre : Notice relative au général de division Lafitte-Clavé,
Vun des inspecteurs généraux des fortifications de France, Nous le publions
tel quel. La biographie du général Lafitte-Clavé , né dans le pays, est
l'œuvre d'un autre général, son compatriote et son compagnon d'armes ;
elle se recommande par une précision toute militaire. L'éloge , pour venir
« de son intime ami » est néanmoins discret et doit {être certainement
justifié par les actes de celui qui est qualifié « un des plus habiles ingé-
nieurs que l'Europe ait produits. »
Puisse la publication de ce document provoquer des recherches sur une
des illustrations du Lot-et-Garonne, ainsi que sur l'auteur de la biographie,
le général Duvignau ! M. Sainazeuilh {Biographie de V arrondissement de Nérac,
p. 417), fournit sur André-Joseph de Lafitte-Clavé quelques détails qui ne
se trouvent point dans notre notice. Il fait naître le général en 1750.
M. Duvignau donne la date de 1740 qui concorde bien avec celle de l'ad-
mission dans le corps du génie, en 1760 : ceci, toutefois, appelle une véri-
fication. G. T.
' Gomune de Moncrabeau, Lot-et-Garonne.
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— -416 -
génie pour bien exécuter les ouvrages dont ils peuvent être chargés.
L'étude de ces détails n'ayant pas rétréci ses vues, comme cela arrive
souvent, il les porta ensuite sur tout ce que nos plus habiles maîtres
ont dit ou écrit, concernant Fart de fortifier. Il visita toutes les
places importantes par leur position et remarquables par des tracés
savants et vraiment ingénieux. Il examina tous les projets de canaux
conçus par le maréchal de Vauban , surtout ceux au moyen desquels
ce grand homme entendait joindre l'Escaut, la Sambre, la Meuse, la
Moselle et le Rhin, et former ainsi une communication intérieure,
en mâme temps qu'une ligne de défense pour toute notre frontière
du Nord. Ce fut à la suite de ces reconnaissances, que le général
Lafitte-Clavé composa (en 1779), son excellent mémoire intitulé
Mémoire militaire sur la frontière du Nord, depuis la mer jusqu à
la Meuse^ c'est-à-dire depuis Dunkerque jusqu'à Charlemont , mé-
moire généralement estimé de tous les connaisseurs. Jusques-là, cet
intéressant officier n'avait pas eu occasion de mettre au jour les
fruits de son application et de ses méditations sur l'art de la guerre.
C'était en Turquie que ces fruits devaient éclore ; c'était sous l'éten-
dard de Mahomet qu'il devait donner les premières preuves de cette
valeur froide et imperturbable qui étonna tous les Musulmans.
Le Ministre ottoman ayant demandé à la Cour de France (en 1783
des officiers du corps du génie, on lui envoya, d'abord, M. Chabaud La
Tour, lieutenant-colonel de ce corps, dont la santé se trouva fort
dérangée peu après son arrivée à Constantinople, où il fut remplacé
par le major Lafitte-Clavé accompagné du capitaine Mounier. Leurs
premiers soins (en vue de raffermir les bornes de cet empire contre
les prétentions illimitées de Catherine II) furent d'indiquer les points
à fortifier et les améliorations à faire aux fortifications déjà établies.
Ils formèrent ensuite une école pour l'instruction des jeunes officiers
destinés au grand état-major des armées, en faveur desquels le major
Lafitte-Clavé composa un Traité élémentaire de castramétation et
de fortification passagère, qm fut magnifiquement imprimé en langue
turque.
Au commencement des hostilités entre les Russes et les Turcs, le
major Lafitte fut prié de se rendre à Oczackow. Il y projeta et diri-
gea l'attaque de la forteresse de Kinburn, qui ne fut manquée que par
l'indiscipline et la fougue imprudente des Janissaires. Ils reconnurent
leur faute, mais trop tard et, rendant justice aux talents ainsi qu'à la
bravoure du major Lafitte, ils le prièrent d'agréer que son nom fut
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inscrît sur les registres de celle de leurs cohortes qui jouit de la plus
grande réputation. De retour à Couitantinople, on lui olîrit appoin-
tements, gratiflcations, indemnités pour son équipage qu'il avait
perdu en revenant d'Oczackow. Tout fut par lui refusé, si ce n'est une
épée que Sa Hautesse le fit prier de recevoir, comme un gage de sa
reconnaissance. Il reprit alors le cours de ses travaux; mais son
séjour parmi les ennemis de Catherine Seconde, fatiguant cette prin-
cesse, elle nt toutauprùs de l'empereur d'Allemagne, et celui-ci au-
près de sa sœur, notre reine, pour qu'il fut, enfin, rappelé en France,
ce qui eut lieu au commencement de l'aimée 1783. Son départ de
Constantinople fut regardé comme un événement désastreux, et fit
une sensation proportionnée à la haute considération qu'il s'était
acquise dans cette capitale. Les témoignages flatteurs qui lui furent
prodigués à ce sujet, ne se trouvent point adressés à un cœiir ingrat
ni insensible ; mais sa plus grande peine fut de s'éloigner de M. de
Choiseul-Gouffler, qui l'honoraitd'un attachement aussi vif que bien
fondé. Pour avoir une juste idée de ce qie leur coûta cette sépara-
tion, il faudrait lire les lettres de ce savant et respectable ambassa-
deur, 5 MM. de Montmorin et de Drienne, ministres des relations
extérieures et de la guerre.» Rentré dans sa patrie, le major Lafttte
fut fait lieutenant-colonel, en 1789, et envoyé à Cherbourg pour y
diriger la construction des forts, sous les ordres du général de Caux.
En 1791, promu , par le choix du roi, au grade de colonel direc-
teur des fortifications à Valenciennes, il devait être occupé de l'exé-
culion de son projet de joindre la Sambre et l'Escaut, lorsque la
certitude d'une guerre prochaine ne lui permit plus que de s'occu-
per de travaux défensifs pour les places do sa direction.
En 1791!, il commanda le corps du génie aux armées du Nord, sous
les ordres du maréchal de Rochambeau. Il suivit ensuite le général
Dumoùriez à St-Menehould. Dans sa rapide conquéle de la Belgique,
ce général eut occasion de juger de ses talents; mais, il lui disait
quelquefois qu'il était trop méthodique pour les circonstances ac-
tuelles , h quoi le colonel Laffitte répondait qu'il ne connaissait que
les vrais principes , qu'il ne s'en écartait jamais, et que s'il fallait
périr, il voulait périr dans les règles.
Parvenu à Liège, en décembre 1792, le colonel Lafitte-Clavé fut
fait maréchal de camp, et mandé à Paris pour y assister au Comité
central du génie, où il déploya très avantageusement et sans aucune
prétention ses vastes connaissances dans Tait de fortifier.
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Le général Valence (aujourd'hui sénateur) étant venu à Paris,
après la prise de Namur, lui témoigna le plus vif désir de l'avoir
avec lui, à l'armée des Ardennes, qu'il commandait. Mais, le déran-
gement de sa santé, visiblement causé par les grandes fatigues et par
le froid humide des frontières du Nord, le força de demander à ser-
vir de préférence dans l'armée des Pyrénées ; de quoi le général
Servan parut, avec raison, très satisfait, ainsi que le général Lacuée,
chef de son état-major.
En juin 1793, l'armée Espagnole, après avoir forcé le passage de la
Bidassoa et détruit la redoute d'Andaye, poussait devant elle le peu
de troupes qui lui étaient opposées et menaçait Bayonne. Il s'agissait
déjà d'abandonner Saint-Jean-de-Luz et de se retrancher sur les hau-
teurs de Bidar, lorsque le général Lafitte, qui avait été retenu à Paris
pour examiner les aspirants du corps du génie, arriva fort à propos.
Sa présence rassura tout le monde et arrêta les progrès de l'ennemi.
11 posta notre petite armée en avant de Sibourre, la gauche appuyée
à la petite Nive et la droite sur la hauteur de Bourdaguen. Dans cette
position, nos troupes,, couvertes par des retranchements bien enten-
dus, pouvaient, sans danger, attendre les renforts qui devaient les
mettre en état d'agir offensivement.
«
Le général Lafitte partit ensuite pour faire sa tournée en qualité
d'inspecteur général des frontières du Midi. Lorsqu'il arriva à Per-
pignan, plusieurs des places du Roussillon avaient déjà capitulé et,
l'ennemi, descendu dans la plaine, menaçait la Capitale. Dans ceâ
circonstances critiques, la présence d'un militaire précédé d'jane
grande réputation, fut jugôe plus nécessaire à l'armée des Pyrénées-
Orientales qu'à celle des Pyrénées-Occidentales, pour laquelle il était
destiné. Le général Lafitte en jugea de môme, et il aida de ses bons
éonseils tous les généraux et chefs d'état-major jusqu'à l'époque à ja-
mais déplorable où, par un malentendu des bureaux de la guerre et
par une circulaire faussement adressée, il se trouva compris dans le
nombres de quinze ou vingt officiers généraux qui reçurent l'ordre
de suspendre leurs fonctions. Les représentants du peuple auprès de
l'armée, s'opposèrent^aussitôt (par un arrêté vigoureux et bien mo-
tivé), à ce qu'il obtempérât à cet ordre aussi déplacé que nuisible à
la chose pubhque.
Pour comble de malheur, ces représentants du peuple, étant par-
lis deux ou trois jours après, furent remplacés par d'autres, qui,
plus ardents Jacobins, et voyant à Perpignan nombre d'officiers gé-
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^419-
néraux que leur destitution auraient dû en éloignar, les firent kHfâ
arrêter et emprisonner au Castillct h onze heures du soir.
Le général LaRtle, qui attendait la réponse à une explication de-
mandée du ministre par le général en cheft fut encore compris dans
celte fatale mesure des nouveaux représentants du peuple et com-
duit aussi au Gastillet. Lh, peu de jours après, il reçut une lettre
par laquelle le ministre lui annonçait sa promotion au grade de gé-
néral de division : preuve bien certaine qu'on n'avait pas entendu
le destituer. Mais, cette évidente^ justification arriva trop tard. Le
coup mortel était déjà porté, et, par suite de la révolution qu'occa-
sionnèrent en lui ces événements contradictoires, il termina, dans
les fers, sa glorieuse carrière en pluviôse de l'an 2. Cette perte fiH
vivement sentie et regardée comme presque irréparable.
Le général Lafitte-Clavé doit, sans contredit, ôtre coQS|idéré
comme r'un des plus habiles ingénieurs militaires que l'Europe ait
produits. Modeste au suprême degré, quoiqu'avec des talents supé-
riehrs, il ne manifesta jamais d'autre ambition que celle de seryir
utilement sa patrie. Il posséda, en outre, celte égalité de carac,tèfe
cette aménité, cette douceur de mœurs, par lesquelles un homme se
concilie toujours l'estime et raffection publiques.
Si quelque chose, dans cette faible notice, paraissait exagéré à
ceux qui n'ont pas eu l'avantage de connaître le général Lafflte-
Clavé (comme venant de son intime ami), j'en appelle à ses camara-
des, qui tous, sans exception, lui ont rendu justice et parmi lesquels
jl A'eut point de jaloux, même entre ceux de ces anciens qu'il de-
vançai dans la carrière des honneurs militaires. J'invoque surtout
le témoignage de M. de Choiseul-Gouiner qui, très-compétent en pa-
reille matière, s'est trouvé plus à portée que personne d'apprécier
le général Lafltte-Clavé pendant son séjour à Constantinople.
DUVIGNAU, ex-général de brigade.
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CHROMQUE D'ISÂAC DE PÉRÈS.
(Suite)
Damoiselle Marie de Maniban,* vefve a feu Mons' de Doazan,^
mounist en ladite maison de Doazan,' le x\^ jung 1599 et fust en-
terrée en ceste ville.
Pierre Brun, pâtissier de Nérac, beau filz de Jehan Sangla, mar-
chant, mourust le xiiii» jung 1599.
Le vingtiesme jung 1599, passa en ceste ville, un homme du pays
de France,^ amenant sa femme avec luy, portant une sibette fort
belle ^ et plusieurs autres singularités.
Le loup mangea une fllle d'un nommé Mognat, Irasseur, de Breis-
' Cette personne était probablement de la même famille qiCun M. de
Maniban, qui fut président à la Cour des Aides de Bordeaux en 1651 .
* Sans doute, Pierre de Gortion, sieur de Douazan, inscrit au livre des
tailles de 1599., habitant du Portai de Marcadieu.
* « Il existe près de Nérac, » dit M. Samazeuilh [Biographie de l'arrondis-
sement de Nérac^ p. 235), « un château qui porte le nom de Douazan et dont
les De Mazelières furent possesseurs. » Voir, dans la Guirlande des Margue-
rites, p. 143, un sonnet de M. Maurice Lespiault, intitulé : La Motte-Douazan,
et en regard, une intéressante page, sur le même sujet, de son frère, M. G.
Lespiault, professeur à la Faculté des sciences de Bordeaux. Ce ch&teau,
avec le domaine qui en dépend , après avoir appartenu aux héritiers de
M. d'Auz, vient d'être acheté par M. Laroze, qui l'a fait restaurer.
^ En Gascogne, comme en Brovence, comme en Dauphiné, etc., on appe*
lait alors Pays de France le centre et le nord de la France, le pays où l'on
avait jadis exclusivement parlé la langue d'oïl,
* C'est-à-dire une Civette^ quadrupède vulgairement appelé diat musqué ^
et que les naturalistes connaissent sous le nom de Yiverra Civetta,
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san, le 17* jung; 1599 près le lieu dudit Breissan. Ladite fille estoit
aagëe d'environ dix à onse ans. Bientost après, en fut mangé deux
autres : une à Pieux * et Tautre à Saint-Loup.*
François Canteloube ayant esté prebstre l'espace de plusieurs an-
nées, protesta publiquement, le premier jour de juillet 1599, au com-
mencement du presche, de vivre et mourir en la Religion Chreslienne
Réformée^ renonçant à tous les abus de la messe, comme n'ayant
jamais estée instituée de Dieu, a ce que luy mesme confessa de sa
bouche, en présence de tout le peuble, ayant touché en spécial plu-
sieurs erreurs qui se commettent au baptesme et en la Gène. Ledit
Gauteloube sen venant d'Espienx * à Nérac, fut attaqué et assailly
par quelques-uns dudit lieu pour le tuer, mais, s'estant bien deffendu,
il en tua un qui estoit mettayer de George Fortumié, le xxv* juil-
let 1599. Ledit Canteloube fut mis prisonnier jusques au 35* avril 1601.
Le iiii* juillet 1599, passa en ceste ville deux jeunes hommes por-
tant une petite fille de fer, une galère, et un homme Turc, lesquelles
pièces, par le moyen de certaines roues qui estoient dedians, alloint
et seremuoint délies mesme, donnant sept ou huict tours a une table,
qui leur servoit pour gagner de l'argent, faisant paier deux liards à
ceux qui les vouloint voir.
' Nous avons déjà fait remarquer que la commune de Fieux appartient au
canton de Francescas (arrondissement de Nérac.)
^ St-Loup dépend de la commune de Montagnac. On y conserve dans la
vieille église dépendant du ch&teau un Sarcophage romain qui sert de pierre
d'autel. V. G. Tholin, Architecture religieuse de VAgenais, p. 286.
* Espiens est une commune de l'arrondissement et du canton de Nérac, à
6 kilomètres de cette ville. Voir ce que dit d'Espiens et de son ch&teau « dont
il reste des ruines fort remarquables, soit par elles-mêmes, soit à cause de
la beauté du site qu'elles dominent, » M. Samazeuilh, (Dictûmnaire géogra"
pkique, historique et archéologique de l'arrondissement de Nérac, p. 155-159).
Le château d'Espiens a inspiré un original sonnet à M. J. Noulens, qui l'a
inséré dans une note de son beau recueil : Documents historiques de la maison
de Galard (Paris, 1871-76, 4 vol. in-4», t. IV, p. 855), et qui l'a reproduit
dans la nouvelle édition de ses Tropicales. Mi'Saintes-Mi'Profanes (Paris,
Alphonse Lemerre, 1878, in-12, p. ^07). Il y a encore des Canteloube ou
Gbanteloube h Espienç*
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— ift —
Le X* dudit mois que dessus, et a la mesme année, arriva en ladite
ville un jeune homme faisant eslat de fere plusieurs et diverses
sortes de sautz, lesque'lz il monstra dans le Chasteau, chose que
Messieurs les Ministres deMermet, de Renaud * et de Masparratilte ne
peurehi aprover, ayant esté, tout aussi tost, audit Chasteau pour
s'oposer à ce que Icsditz sautz ne fussent faicts. Ce qu'il faisoit de
plus rai^e, estoit de marcher sur une corde avec des bouIes[au des-
soubs des pieds, à ce qu'il disoit.
Le Loup attaqua un cordonnier du petit Nérac ayant son espée sul
le col, près le Saut appelé de Podecot,^ duquel il eust asses affaire de
se defTendre, et assura quil luy avoit donné un coup d'espée à travers
du corps, qui donna occasion, bien tost après, d'y aller, sortant de la-
dite ville, gens a pied et a cheval, pour le trouver, ce qu'il ne fut
possible , continuant à fère plusieurs maux en ladite jurisdKetioo.
Cela fut le xiii juillet 1599.
Arnaud Malet, tailleur,^ mourust le xxi« aoust 1599.
En ladite année 1599, et au moys d'aoust, y eust grande mortalité
de gros bestailh h corne, tant en la jurisdiction de Nérac qu*ez autres
territoires circonvoisins, tenans la pluspart que c'estoit la peste et
contagion dudit bestailh, h cause quil leur sortoit de grosses enflures
en diverses parties de leurs corps, chose qui apporta beaucoup d'in-
comodité aux perdans.
Isaac de Laporte, mon fllheul,^ mourust le vingt-cinquième jour
* De Renaud, ministre de la religion réformée, inscrit au rôle des dépar-
tements de 1600, pour gages aux ministres de la parole de Dieu.
* On appelle SatU-de-Podecctf un ravin au voisinage duquel le ruisseau qui
coule entre Bapaume et Serbat se jette dans la Baîse.
* Arnaud Malet, tailleur^ habitant le Portai de Condotn , est inscrit au
livre des tailles de 1599. Ce nom se retrouve encore aujourd'hui à Nérac.
La chronique Pérès a cela de piquant qu'elle fait l'histoire du Néracais des
divers états et met en évidence Tancienneté de certains noms ignorés jus-
qu'à ce jour.
* Sans doute un fils de sieur Francoys de Laporte, gouverneur du oh&tcau
de Nérac, qui est inscrit au livre terrier de 1611 comme possédant le domaine
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d'aoust 1599, n'ayant demeuré malade que trois ou quatre jours. Le
ventre luy vinst fort enflé , qui donna occasion de le fère fendre et
luy fut trouvé dans Testomac et dans les intestins ung grand plat
plein de venus qu'on jugea estre cause de sa mort.
Maistre Pierre Gardy, moui ust le viij* septembre 1599.
Monsieur de Foulhoo, Escuyer du Roy, passa en ceste ville, au
retour de Barbotan/ avec Madame sa femme, le xxi* septembre 1599.
Le xx« septembre de Tannée 1599, fut convoquée une grand as-
de St-Martin et les métairies de Bartallet et du Balesté. — En 1628, il est
désigné comme cy-devant gouverneur du château de Nérac.
Au livre de raison de la famille Gaucabane, on trouve cette note : « FranQoys
de Laporte, capitaine, sieur de St-Martin et Sire Arnaud Sernat me doibvent
comme appert par obligation du 23. août 1588, la somme de deux mille deux
cents livres. »
^ Barbotan est un village de la commune de Gazaubon, département du
Gers, arrondissement de Gondom. Suivant le Dictionnaire des Communes de
la France, par Adolphe Joannb (Paris, Hachette, 1864, p. 182), les boues
minérales et thermales de Barbotan auraient été « célébrées » par Biaise de
Monluc dans ses Commentaires. Le terrible guerrier n'a nullement célébré
les. boues de Barbotan ; il s'est contenté de les mentionner ainsi (Edition de
la Société de THistoire de France, t. III, p. 93, 94, h l'année 1567) : « Et
feismes une entreprinse le feu evesque de Gondom (Robert de Gontaut), les
seigneurs de Saint-Orens et de Tilladet frères (Antoine et François de Gassa-
gnet), pour aller aux baings à Barbottan ; comme les médecins m*avoient
ordonné, pour une desloueure de cuysse que j'ay, laquelle je prins à la
prinse de Quier, de quoy M. d'Aumalle est bien souvenant; je croy que je
ne la perdray que je ne sois mort. » Ge fut en se rendant à Barbotan, et
pendant la nuit passée dans la maison de M. de Panjas (Ogier de Pardaillan,
seigneur de Panjas), que Biaise de Monluc eut ce songe ou plutôt ce cauche-
mar qu'il a raconté avec tant de pittoresques détails (p. 94-98), qui le
« travailla plus » que s'il eût eu « quatre jours la fièvre continue, >> et à la
suite duquel il se trouva comme, dit-il, « si je feusse sorty d'une rivière,
ma chemise, les drapz, la couette du lict, toutes en eaux ; » ce qui obligea
Madame de Panjas (Françoise d'Aydie) à « bailler des drapz » et à faire
sécher la couette devant le feu. -— Voir sur Barbotan un malicieux et
spirituel sonnet de M. Faugère-Dubourg (La Guirlandie des Marguerites ,
p. 249).
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— 424 —
semblée dans la ville de Thonenx,* composée tant de la noblesse,
tiers estât, que éclésiastiques, si estant tenu, à mesme temps, le si»-
node provincial. La dite Assemblée n'estoitque pour députer quelques
uns d'entre eux, des trois corps, pour aller trouver le Roy affin de le
suplier faire veriffier son édict en la Court de Parlement de flour-
deaux. Et, à ces fins, furent esleus Messieurs de Cazes et de Renaud,*
Ministre de l'église de Nérac, lequel parlist le xxiii« septembre, an
que dessus.
Monsieur et Madame de Vicose,' ayant demeuré un mois ou six
seplmaines en ceste ville, scn partirent le xxv© septembre 1599.
^ Tonneins, chef-lieu de canton du département de Lot-et-Garonne, arron-
dissement de Marmande, à 16 kilomètres de cette ville, à 46 kilomètres
d*Agen. C'est la petite Genève de TAgenais. L'assemblée de septembre 1599
n'a pas été connue du consciencieux auteur des Recherches historiques sur la
ville et les anciennes baronnies de Tonneins, feu M. L. F. Lagarde (Agen,
1833, in-3-).
* Il est question de ce M, de Renaud dont le nom à été déjà annoté dans
une lettre de Henri IV à M. de Pencharnaut, publiée par M. J. Guadet dans
le tome IX des Lettres missives. Supplénetit, 1876, p. 266.
• M. de Vicose était un des secrétaires de Henri IV. 11 est souvent appelé
Bissouse ou Bysouse, parfois Viçose, dans la correspondance de ce prince
(t. I, p. 91, 376, 414, 416, 481, 593, 603 ; t. II, p. 205, 402, 466, 475, etc.)
Voir sur M. de Vicose une note de M. Tamizey de Larroque sous Vne lettre
inédite de Madaine de Montbrwi (AnnuiUre-Bulletin de la Société de l'Histoire de
France, 1864, Deuxième partie, p. 121), et une autre note du même érudit
dans VEssai sur la vie et les ouvrages de Florimond de Raymond, comeiller au
Parlefnent de Bordeaux (1867, in-8', p. 30, note 2). Voir encore une lettre de
M. de Vicose à Henri IV, du 6 juillet 1606, où il lui rend compte du voyage
du maréchal d'Ornano et fait un charmant éloge de la ville de Pau, lettre
publiée par M. Tamizey de Larroque dans la Revue d'Aquitaine (tome XIII,
1869, p. 355-356).
M. de Vicose ou de Vicose qui, le 8 juillet 1579, contresignait une lettre
d'Henri, roi de Navarre, datée de Nérac, dut transmettre à son fils une
grande situation. On en trouve la preuve dans les deux faits suivants : En
1637, haut et puissant seigneur, messire Henry de Vicose était seigneur
baron de Cazeneuve, Castelnau de Cernés et Baleyssac. Le 6 janvier 1648,
dame Marie de Vicose était mariée avec haut et puissant seigneur messire
François de Gaumont de La Force, se qualifiant marquis de Gastclmorpn,
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- 455 -
Le samedy ix« octobre 1599, on commença a fer garde aux portes
de la ville de Nérac, 5 cause de la contagion qui estoit à Bourdeaux,*
et fut continuée jusques au 8® janvier 1600.
La vefve de Monsieur Colrat, Ministre, mère de Jehan Laburthe,'
mourust à la maison apellée à Castagnet, ou autrement au Lavay/le
8* octobre 1599.
Monsieur de Ravenne,* conseiller du Roy et Président en la Court
de Parlement de Bourdeaux, avec madame sa femme, arrivarenl en
la ville de Nérac, le xxviii* octobre 1599, n'y ayant demeuré que
deux jours.
Jehanne de Molis, femme de Jacques Vier,^ mourust le xxix* oc*
tobre 1599.
seigneur baron de Montpouillan, Gazeneuve, Gastelnau de GernèS) Baleyssao
et autres places, dans l'acte par lequel il engage pour quatre ans la baron-
nie de Montpouillan, moyennant la somme de 30,000 livres. Sur cette
somme, Gabriel de Brocas compta 27,000 livres, dues par les dits marquis
de Gastelmoron et dame Marguerite de Vicose, à noble Alexandre Sacriste,
seigneur de Malvirade et du Gréset, et dame Marie de Vicose, épouse de ce
dernier.
* On lit dans le Supplétnent des (ironiques de la noble ville et cité de Bour-
deaux, par Jean Darnal (p. 111, à Tannée 1599) : « La peste travaillant la
ville de Bourdeaux, le Roy escrivit et donna asseurance de sauver les offices
à tous ceux qui demeureroient dans la ville, pendant la contagion : ce qui
nt que beaucoup de principaux qui s'en fussent allez, demeurèrent pour
servir le Roy et le public en leurs charges. Et Messieurs les Jurats nom-
mèrent chacun en sa Jurade, un Bourgeois pour coadjuteur. »
* Inscrit au livre des tailles de 1599, il habitait le quartier de Fontindère. —
GratiHcation à Jean de Laburthe, maître des requêtes (Chambre des comptes
de Nérac. Série B.). — Ce nom est encore honorablement porté aujourd'hui
par un maître forgeron de Nérac.
* Le Lavay, propriété appartenant aujourd'hui au colonel Lafîtte. Située
sur la route de Mézin, près Tauziète.
* M. de Ravène n'est mentionné ni dans VHistoire du Parlement de Bor-
deaux, de M. Boscheron Des Portes, ni dans la Chronique Bordeloise, de Jean
de Gaufreteau.
* Jacques Vier et sa femme, inscrits au livre des taille? de 1599, habitaient
le quartier de Marcadieu,
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— 426 —
Monsieur de Gri^os,* gentilhomme de Périgord, mourust de la
dissenterie, dans la ville de Nérac, au Grand Pâtissier ^ le iiii* novam-
bre 1599, et fut porté à Lavardac, pour estre ensevely, a cause qui!
estoit Papisle,
• Daniel de Talleyrand, chevalier, prince de Chalais, comte de Grignols,
marquis d'Ëxideuil, baron de Beauville et de Mareuil, conseiller du roi en
ses Conseils d'Etat et Privé, capitaine d'une compagnie de cent hommes
d'armes de ses ordonnances. La ch&tellenie de Grignols fut en . sa faveur
érigée en comté, et celle d'Excideuil en marquisat. Le roi Louis dit dans
les préambules des Lettres d'érection, que ledit Daniel de Talleyrand est
issu en ligne directe des anciens comtes souverains de Périgord. Archam»
baud VI, dernier comte souverain de Périgord, eut ses biens confîqués en
13d9. La branche cadette, dite des Talleyrand, seigneurs de Grignols, est la
seule existante de nos jours.
Ce Daniel de Talleyrand, prince de Chalais, premier comte de Grignols,
mort à Nérac, le 4 novembre 1599, est le fils de Julien, le petit-fils de
François, et l'arrière petit-fîls de Jean de Talleyrand, chevalier, seigneur de
Grignols et de Fouguerolles, prince de Chalais, vicomte de Fronsac, cham-
bellan du roi Charles VIII, etc., etc., marié en 1478 avec Marguerite de La
Tour Turenne, fille d'Agne de La Tour, vicomte de Turenne, et de Marie
de Beaufort. Le même Daniel de Talleyrand fut le premier de sa race baron
de Beauville'en Agenais, par suite de son mariage, contracté le 31 octobre
1587, avec Jeanne Françoise de Lasseran Massencome de Monluc, fille du
maréchal Biaise de Monluc et d'Isabcau de Beauville.
Cette Isabeau de Beauville, fille et héritière de haut et puissant seigneur
François de Beauville, seigneur baron de Beauville et de Ferrussac, et de sa
seconde femme, Claire de Laurens, dame de Soupex, avait épousé: lo en
1559, Biaise de Lasseran Massencome, seigneur de Monluc, Estillac, Le
Sampuy, Puch de Gontaud, etc., maréchal de France en 1574, mort à
Estillac en 1577 : 2« le 23 novembre 1579, François de Pérusse, comte des
Cars, lieutenant-général au gouvernement de Guienne. Jeanne Françoise de
Monluc, née du premier mariage d'Isabeau de Beauville, comtesse des Cars,
porta la baronnie de Beauville dans la maison de Talleyrand-Périgord, qui
l'a conservée jusqu'à la Révolution.
Daniel de Talleyrand, pi»incc de Chalais, comte de Grignols, marquis
d'Excideuil, etc., mort à Nérac le 4 novembre 1599, et son épouse Jeanne
Françoise de Monluc, baronne de Beauville en Agenais, sont le cinquième
aïeul et la cinquième aïeule du célèbre diplomate Charles Maurice, prince do
Talleyrand,
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— 4«7 —
Cristophe Bonamic, juge dé Lavardac, mounist de la dissenterie,
le iiii* du mois de novambre 1599.
La femme du Segne' Latgé Dupuy, mourust le vi novambre 1599*
Monsieur de Roquepine,^ gouverneur de la citadelle de Condom,
mourust en ladite ville, le ix novambre 1599.
Françoise du Fau, femme de Bernard Durand, huissier en ia
chambre des Comptes de Nèrac, mourust le xviii<> novambre 1599.
Peyronne de Castagnet, vefve à monsieur du Chatelet, en son vi-
vaut ministre de Féglise de Nérac, mourust le xv* décembre 1599.
David de Boui^es,* après avoir esté malade un fort long temps,
mourust le xxviii» décembre 1599.
Madame fiarraby, religieuse au couvent Saincte*Glaire de Nérac, ^
mourust le premier de janvier 1600.
* C'est-à-dire du sonneur, du carillonneur. Le mot est venu de signum^
« Campana, Noa Italis, segno, » comme le rappelle Du Cange ( Glossarium ad
scriptores mediœ etiti/ifnœ lalinitatis, V^signum. » Le mot patois baUin retient
l'abréviation de signumf comme le mot français tocsin. Ce Dupuy figure au
livre des tailles de 1599, il habitait le Portail du Marcadieu.
,' Bernard du Bouzet, seigneur de Roquepine, était le second fils de Jean
du Bouzet, seigneur des Cots, Roquepine et Poùy-Carrégélard, et de Bernar-
dine de Montlezun. Il fut nommé maréchal de camp le l*r avril 1589. Il
avait obtenu le gouvernement de la ville de Gondom en 1587. Il fut cheva-
lier de Tordre de Saint-Michel. Il avait épousé, le 5 juin 1575, Anne de
Biran d'Armagnac de Gohas. M. J. Nouions , à qui nous empruntons ces
renseignements {Maisons historiques de Gascogne, t. I. Généaloqie du Bouxet^
p. 143-164), fait mourir M. de Roquepine (p. 159] un jour plus tôt que notre
chroniqueur, le 8 novembre.
' Une rue de Nérac porte le nom de rue de Bourges.
* U existait en 1357 , puisque l'on conserve à Gondom un acte du
13 février 1357, où l'on voit Bernard, sire d'Albret, doter, de concert avec'
sa femme, Marthe d'Armagnac^ le couvent de Sainte-Glaire de Nérac,
d'une rente de 500 livres, et ce en considération de Marguerite et Cécile
d'Albret, religieuses en cette maison. Amaud-Amanieu d'Albret , frère de^
ces deux religieuses, assigna cette rente sur ses domaines de Casteljaloux,
par acte du 8 mai 1362. Enfin le 13 février 1484, Alain d'Albret, céda au
même monastère de Sainte-Claire de Nérac, en paiement de ladite dot, uq
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Guillaumes Duprat,* boucher, dit Pontet, mourust le iiîi* jan-
vier 1600.
Jehan Naury, potagier de Madame,* mourust à Tesouerye, le
second janvier 1600.
Latge du Puy,' jurât de la ville de Nérac, mourust fort vieux hom-
me , le v janvier 1600.
Isaac Murât, flis d'Estienne,* habitant de Nérac, estant au pays de
Lhorrenne, au service de Madame, sœur unique du Roy de France
et de Navarre, ou il exerçoit roffice de Cappitaine de muletz,^ bien
tost après s'estre révolté de la Religion Réformée et adonné à la
paillardise, il commist un meurtre en la personne d'un sergent de
maire, pour punition duquel il fut pendu et estranglé a un lieu
nommé Sainct*Germain,* au païs de Lhorraine, le premier jour de
décembre 1599.
domaine dit à Daramé dans la juridiction du Puy-fort-Eguille. {Samazeuilh.
Dictionnaire géographique de V arrondissement de Nérac. Article Nérac, p. 12
et 13.) Ce couvent, en partie brûlé sous Jeanne d'Albret, fut réédifié et ne
se confondit avec l'hospice que Tan m de la République française, au mo-
ment où les couvents furent fermés. L'hospice de Nérac, fondé par Henri IV.
dans la rue de Fontindère , fut détruit par un incendie en l'an vi de la
République. Le couvent Sainte-Glaire occupait jadis tout l'espace oomprii^
aujourd'hui entre les Grandes^Allées, la rue de Fontindère, la rue des
Portanets et la rue Marcadieu. Il fut considérablement réduit par la caserna
de gendarmerie et le temple protestant qu'on installa dans l'ancienne
église du couvent. (Archives municipales de Nérac.)
* Inscrit au livre des tailles de 1599, habitait le Portai de Bourdeaux.
* Potagier de Madame sœur du Roy {Catherine de Bourbon) , inscrit au livre
des tailles de 1599 ; habitait le Portai de Condom,
* Inscrit au livre des tailles de 1599. Portai du Pont,, Un autre Latge de
Pérès est inscrit au môme livre au village de Pérès. — Le Puy-fort-Eguille,
près Nérac. La juridiction appartenait presque en entier au commandeur
d'Argentenx.
^ Il y a un Guilhem Murât inscrit au livre des tailles de 1599. Habitant du
Portai de Condom,.
* ïd. Est conducteur de mulets.
* Saint-Germain, aujourd'hui commune du département de la Meurthe,
arrondissement de Lunéville, cantoQ de Bayon, h 39 kilomètres de
fîancy.
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-ii9 ~
On laquay de Madame, sœur unique du Roy de France et de
Navarre, ayant esté envoyé par Son Altesse, vers Madame de Panjas, •
à Pardeillan,* comme il s'en retournait accompagné d'un autre
laquay de Monsieur de Mongla,* Premier Maistre d'iiostel du Roy, il
tua un poure homme de Lauseynan,* auprès dudit lieu, d'un coup
d'espée qu'il luy donna au travers du corps, pour quelque petit débat
qu'ils eurent ensemble. Tous les deux laquais furent amenés prison-
niers en ceste ville. En fin, ayans obtenu lettres de grâce, ils furent
eslargis le xxix* mars 1600, ayans faict ledit murtre le xvii« janvier
audit an 1600.
L'édict de paciffication* faict par le Roy Henry, Roy de France et
de Navarre, en faveur de ceux de la religion, après avoir esté vérifié
et enregistré en la souveraine Court de Parlement de Bourdeaux, fut
peublié dans la ville de Nérac, le mecrdy xvi« febrier 1600, Messieurs
les Officiers et Consuls y assistans avec tout le peuple, en corps.
Après laquelle peublication, on alla rendre grâces à Dieu, dans le
Temple ou Monsieur de Masparrauit, Ministre, fit la prière, ayant
chante le pseaume cxiii*.
* Voir note ci-dessus sur M. de Panjas.
' Pardeillan est un vUlage de 200 habitants, dans la commune de Valence-
8ur-Ba!8e, département du Gers, arrondissement de Condom.
' Robert de Harlay, baron de Montglat, était le troisième fils de Robert
de Harlay, seigneur de Sanci, et de Jacqueline de Morvilliers. Il mourut en
1607. Sa femme, Françoise de Longuejoue, fut la gouvernante du Dauphin,
le futur Louis XIII. Voir dans les Lettres missives de Henri /F, de fréquentes
mentions des deux époux, dont le nom s'écrivait parfois Montglas.
* Lausseignan est une paroisse qui fait partie de la commune de Barbaste,
. déjà nommée. Voir ce qu*ont dit du village de Lausseignan, autrefois siège
d'une justice royale, M. J. B. Truaut, dans sa Monographie historique du
canton de Lavardac, et M. J. F. Samazeuilh, dans ^ott^ Dictionnaire gëographi-
quây historique et archéologique de Varrondissenumt de Nérac,
* C'est le célèbre édit signé dans la ville de Nantes, par Henri IV, le
13 avril 1598, et qui ne fut publié que plus d'un an après avoir été signé, à
cause des difficultés que son enregistrement rencontra près des Cours de
justice. Le président, J.-A. de Thou, rappelle (Livre CXXIIde sa grande his-
toire), qu'il avait travaillé pendant deux ans à préparer la rédaction de l'Edit
avec Gaspard de Schomberg, Emeric de Vie, et Soffrey deCalignon.
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Monsieur ftenâud, Himslre âe TEgiise d6 Nérac, ayant esté député
avec Monsieur de Gazes pour aller trouver la majesté du Roy delà
part de ceste province touchant la vérincation de L'Bdict, arriva en
ceste ville le xxv* febrier 1600, ayant rendu raison de sa délégation
et faits particuliers, en la Maison de Ville, le 38* dudit mois.
Guillaume Richard, marchand ceinturier;^ mburust le xxviii' fe-
brier 1600.
Arnaud Monbet, Sergent, mourustlet* mars 1600.
Isaac de Pérès, filz d'Annon, mon pupille, mourust dans le Gbas-
teau, le samedy xi^ mars 1600, à onse heures de nuict.
Oddet, marchand pâtissier, mourust le 13* avril 1600.
Jehan du Fray, portier de la porte de Saint-Germain,^ mourust
le xxiii'auril 1600.
Monsieur de Fonlevon,' Escuyer du Roy, mourust à sa maison, le
xi* mars 1600.
Le premier jour de may 1600, fut convoqué une assemblée dans la
ville de Saincte-Foy où estoit Monsieur le Mareschal de Bouillon^ et
plusieurs autres seigneurs accompagnés d'un grand nombre de
Ministres et autres personnages de qualité du Tiers Estât, les tous de
la Religion, auquel lieu fut procédé à la nomination d'un Président,
six Conseillers et un avocat du Roy, pour la Chambre de L'Edict,* les
tous de la Religion.
* Inscrit au livre des tailles de 1599. — Portai de Condonu II avait pour
femme, Marie Dupin.
' La porte Saint-Germain était, au Petit Nérac, derrière Téglise de ce nom.
La place Saint-Germain ou des Gordiers, marque encore aujourd'hui le lieu
où fut l'église.
* Les gages de Fonlebon ou Fontlevon, écuyer, sont inscrits à la date de
1584, aux registres de la Chambre des Comptes de Pau et Nérac. (Inventaire
sommaire des archives des Basses-Pyrénées, série B.)
* âenri de la Tour d'Auvergne, que,comme nous l'avons déjà vu, l'on ap-
pelait le maréchal de Bouillon, depuis que le roi Henri IV l'avait (1592)
nommé maréchal de France*
* Cette chambre avait été établie par l'article 31 de VEdit sur la pacification
des troubles du royaume, article ainsi conçu : « En chacune de nos Cours de
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-431 -
Le judy xviii* may 1600, fut célébré le jusne par toutes les Eglises
Réformées de France estans averties de la résolution du Roy pour
fère recevoir le Conpile de Trante' et remettre et restablir les Jesuy-
tes.^ La dite célébration se fit aussi en la ville de Nérac, ledit jour
que dessus, y ayant eu prières, le matin à six heures ; à huict, presche ;
â douse, autre fois prières ; et à deux heures après midy, de reschef
presche qui fut la fin de Taction. Messieurs de Mermet et de Renaud,
Ministres, ayant satisfaict aux dits exercisses, pour estre Monsieur
de Masparrault, leur compagnon, absent, s'en estant allé à Leyrac,'
à la prière de ladite Eglise, pour y célébrer ledit jusne.
Monsieur Cadroy, beau-frère de Sire Jehan Dauphin,^ marchant
de Nérac, mourust dans Bourdeaux, le xvii* may 1600.
Monsieur Renault, Ministre de la paroUe de Dieu en l'Eglise Réfor-
pàrlemens de Grenoble et Bourdeaux, sera pareillement establie une Cham-
bre composée de deux présidons, l'un catholique, et l'autre de la religion
prétendue réformée, et de douze conseillers, dont six seront catholiques et
Jés autres six de ladite religion... Et sera ladite séance de ladite Chambre de
Bourdeaux audit Bourdeaux ou à Nérac. » En même temps qu'elle devait
veiller à l'exécution rigoureuse des articles de l'Edit, cette Chambre connais-
sait des procès entre catholiques et protestants.
• On sait que le Concile de Trente, le dix-neuvième des Conciles œcumé-
niques, se tint, plusieurs fois interrompu, de 1545 à 1563. Charles IX, en
1564, refusa de faire publier dans son royaume les décrets du concile. Sous
le règne de Henri IV, l'Assemblée du clergé réclama plusieurs fois la publi-
cation et la réception en France des décisions du Concile, notamment en
1598 et en 1606. Henri IV, pressé par ses ministres, MM. de Bellièvre et de
Villeroy, était décidé, en 1599, à donner cette satisfaction aux ardents ca-
tholiques que venait de choquer l'Ëdit de Nantes, mais les observations du
président de Thou (voir ses Mémoires, livre VI, à l'année 1599}, l'arrêtèrent et
les calvinistes de la bonne ville de Nérac en furent quittes pour la peur.
^ Ce ne fut que trois ans plus tard, le 1^ septembre 1603, que le roi
Henri IV signa, étant à Rouen, l'Ëdit par lequel les Jésuites étaient rétablis
en France. On trouvera le texte de cet Ëdit dans V Histoire de Henri /F, par
Scipion Duplcix, in-folio, p. 348 et suivantes.
' Commune du département de Lot-et-Garonne, arrondissement d'Agen»
canton d'Astaffort, à 10 kilomètres d'Agen, à 7 kilomètres d'Astaifort.
^ Inscrit au livre des tailles de 1599. Portai de Condom.
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— i2i -
thée de Nérac, partit le îx^jung 1600 pour s'en aller en la ville de
Boiirdeaux, afin d'y commencer à prescher et redresser cette poure
Eglise, suyvant la liberté accordée par rEdictpoûr Texéculion duquel
Messieurs de la Force* et de Refuge,^ Commissaires députés pour
ladite exécution en la province de Guienne, furent envoyés par Sa
Majesté. L'envoy dudit sieur Renault ne se fit que par manière de
prest, pour le temps de quatre mois.
Le X* jour de jung 1600, fut peublié un édict du Roy, en la ville de
Nérac, par lequel Sa Majesté deffend à toutes manières de gens de
chasser. •
* Jacques-Nompar de Caumont, marquis, puis (1637), duc de la Force, na-
quit le 30 octobre 1558 et mourut le 10 mai 1652. Voir la commission donnée
par Henri IV au sieur de la Force « conseiller en nostre Conseil d'Estat et
capitaine des gardes de nostre corps », le 17 avril 1600, dans les Mémoires
aulhenUque9 de J,-N. de Caumont, publiés par le marquis de La Grange, 1. 1,
1843, p. 3i7. On lit dans ces Ménoires (Ibid. p. 130) : « Il (le sieur de La
Force', était pour lors (1600), employé en Qruyenne, SaintongeetAngôumoîs,
où il avait été nommé commissaire pour la vérification de l'Edit de Nantes
avec le maréchal d'Ornano et le sieur de ReAige, mattre des Requêtes. En
quoi il se gouverna si équitablement, qu'il trouva le moyen de contenter les
Catholiques et ceux de la Religion, et la paix fut si bien cimentée que Fon
n'entendit plus parmi eux ces noms de Papistes et de Huguenots, ainsi que
c'était la coutume depuis le règne de François II. »
- Eustache de Refuge, seigneur de Précy et de Courcelles, alla faire véri-
fier TEdit de Nantes en Languedoc, avant de se rendre en Guyenne {Mé-
moires du duc de la Force, t. I, p. 121). On trouve sur E. de Reftige une notice
biographique dans un recueil manuscrit de la Bibliothèque Nationale (Fonds
français n» 14018). Voir aussi dans le Recueil de M. Berger de Xivrey (t. VII,
p. 69), une note où l'on rappelle qu'il était le fils aîné de Jean de Refuge et
d'Anne Hennequin, qu'il fut conseiller au parlement de Paris, comme son
père, et conseiller d'Etat, qu'en 1607 il fut ambassadeur en Suisse, et plus
tard aux Pays-Bas, et qu'il mourut en 1617, ftgé de 53 ans. Gendre du chan-
celier de Bellièvre, il était petit-fils, par sa mère, de l 'avocat-général Mole.
* Le chroniqueur vise VOrdonnance sur la chasse et les peines établies
contre les cotitrevenants, du mois de janvier 1600. (Voir le Code des chasses,
Paris, 1765, 1. 1, p. 193 ). Cette ordonnance défend la chasse aux non
nobles, roturiers, tant d'église que marchands, artisans, laboureurs, pay-
sans et autre telle sorte de gens, -sous les peines les plus terribles ; le in-
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- 483 -
Le cappttaine Raton, mourust à sa maison de Boiiiieeaze, le
xxii* jung 1600.
Marthe de Mazelières,' femme de Monsieur Tliobic de Brassay,
Trésorier Général D'Albret,' mourust le xxiij*jung 1600.
Le lundy iiij* septembre, fut convoqué une assemblée généralle
dans le Temple de ceste ville, où fut représentée la demande que
ceux de l'Eglise Reformée de Bourdeaux faisoint pour obtenir Mon-
sieur Renaud, artin qu*il fut tout a faict ù eux. À quoi fut conelud par
tous lesdits assemblés que le temps du prest estant expiré, ladite
Eglise de Bourdeaux serait sommée de le rendre. Aussi furent leues
plusieurs lettres, tant de Monsieur Fedeau' et de Gaixion,^ Dépulés
fraction, amende; 2* infraction, le fouet et le bannissement de quinze lieues
à Tentour du lieu du délit; 3* infraction, galères, après quoi le récidiviste
était puni du dernier supplice. (Voir le même Gode, page? 200 et 201 du
tome L
* Voir pour cette famille et à ce nom, la Biographie de l*arr<mdi$$emerU
de Nérac de Samazeuilh.
s Thobie de Brassay, écuyer, seigneur, baron de Samazan,. trésorier général
d'Albret, frère de Nicolas de Brassay, auditeur ou secrétaire de la Chambre
des Comptes établie à Nérac, assiste le 8 décembre 1597, au contrat de ma-
riage de sa nièce, Marthe de Brassay (fille dudit Nicolas), avec noble Isaac
Jausselin, écuyer, secrétaire de la maison de Navarre et de ladite chambre
des Comptes, fils de noble Pierre Jausselin, écuyer, et de Marthe Brocas (et
probablement neveu de Bernard de Jausselin, contrôleur des parcs de D^-
rance en 1566. (Le même Thobie de Brassay, baron de Samazan, est qualifié
conseiller secrétaire du roi, maison et couronne de France en la chancellerie
de Bordeaux, dans son testament du 7 mars 1630, par lequel il institue pour
son héritier universel noble Jean de Jausselin, seigneur de La Grange, puis
du Gaudéré et du Petit-Guilhem, son petit neveu (fils d'Isaac et de MaKhe
de Brassay). Le testateur impose à Jean de Jausselin et à ses descendants de
porter le nom de Brassay avant celui de Jausselin. C'est donc depuis 1630
que les deux noms sont réunis et portés par MM. de Jausselin de Brassay.
' N'est-ce pas le futur président catholique de la chambre de FEdit ?
^ Ce devait être Arnaud de Gachon, dont le fils, Pierre, époux, vers 1610,
de Stbille de Bacalan, fut conseiller du roi en la Cour de Parlement de Bor-
deaux et Chambre del'Edit de Guyenne. (Voir Àrdiives historiques du départe-
ment de la Gironde, t. III, p. 368 ; Nobiliaire de Guienne et de Gascogne par
M. Jule^de Bourrousse de Latfore, t. III, p. 133.)
4
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- 434 -
delà Province de Guienne vers Sa Majesté, que, aussi, de Monsieur
de Favas* et autres toutes tendans a donner avis comme le Roy avoit
accordé que la séance de la Chambre de L'Edict seroit en ceste dite
ville, et que, à ses fias, il faloit choisir lieu en icelle pour tenir Fau-
diance. On trouva bon que douze personnes fussent esleuz pour
aviser en quel lieu elle seroit plus commode; ce qui fut fait. Et le
mesme jour, TAuditoire et Parquet du Sénéschal fut jugô le plus &
propos, y joignant le logis de Monsieur Dominique Viens, orphèfre.'
De quoy fut donné promptement avis aux dits sieurs Députés eslans
en Court, à Lion, ensemble des frais à quoy pouvoit monter toutes
les réparations et ameubiemens pour ladite audiance, tout ainsin que
lesdits sieurs députés avoint donné avis de ce fère, par leurs dites
lettres.
Monsieur le Cardinal de Sourdy,' passa en ceste ville, le mardy
xii« septembre 1600, ayant logé au Chasteau de Birac; lequel fut
receu par Messieurs les Consulz accompagnés d'un bon nombre
d*habitans ayans les Chaperons, et sortirent au dehors la porte de
Fontindère. Auquel acueilh ledit sieur Cardinal tesmoigna par sa
respoDse qu'il avoit prins plaisir à l'honneur qu'on luy faisoit. Il
deslogea, après avoir disné, prenant son chemin versCondom, venant
de la ville de Bourdeaux.
^ Jean de Pavas ou Fabas, dont il a été déjà question /
« Dominique Vions, orfèvre, inscrit au rôle des tailles de 1599, Portai de
Marcadieu, Le sénéchal habitant l'extrémité du cours du Griffon, on avait
pensé à mettre son siège au lieu-dit des Anciennes prisons. L'orfèvre Vions
devait alors résider devant la halle , dans la maison occupée aujourd'hui
par un grainetier, et qui est d'apparence encore ancienne. On renonça à
ce projet puisque la chambre de l'Ëdit s'installa au Château dans la salle
des gardes.
* François d'Escoubleau, cardinal de Sourdis, était fils de François
d'Escoubleau de Sourdis, marquis d'Alluye, comte de La Chapelle, etc., et
de Isabelle Babon de la Bourdaisière. H naquit qn 1575, reçut la pourpre
romaine en 1598, fut sacré archevêque de Bordeaux le 21 décembre 1599 et
mourut à Bordeaux le 8 février 1628. Voir VHistoire du Cardinal François de
SourdiSy par L. W. Ravenez (Bordeaux, 1861, grand in-8*), ouvrage qu'il
faut compléter par les lettres du prélat insérées dans divers volumes des
Archives historiques du département de la Gironde, notamment dans la
tome XVII (1877).
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-435-
Monsieur de Latrimouille,* venant du pays du Poytou pour s'en
aller àBarbotan, arriva en ceste ville, le samedyxvi« septembre, sur
le tard. Messieurs lesGonsulz sortirent bien avant, ù la lumière dea
flambeaux, pour lui offrir \epeublic(Tjy accompagnés d*un fort grand
nombre d'babitans. Il alla loger ches Jan Duluc et parliU le lende-
main, après disncr, en Tan 1600, estans Consulz, Hessieui^ Bertrand
de Lavalladè, advocat,^ Pauillac,' Duluc,^ et Tiffon.* Ledit sieur
repassa en cesle ville, venant dudit Barbotan, le 15* octobre, an que
dessus, et n'y coucha qu'une nuict.
Messieurs de La Force et de Befuge, commissaires députés pour
l'exécution de Fédit, arrivarent en ceste ville, le xx* septembre 1600,
pour travailler au faict de leur charge, et noméement pour y establir
la messe, ce qui fut fait le lendemain de leur arrivée, ayant esté
dite soubs la voûte du clochier, après avoir faict une petite procès*
^ Clau4.9 de La Trémoille, duc de La Trémoille et de Thouars, était fils
de Louis II de La Trémoille et de Jeanne de Montmorency, la (ille du
grand connétable. Il naquit en 1566 et mourut le 24 octobre 1604, ayant
épousé le 11 mars 1598 Charlotte Brabanline de Nassau, fille de Guillaume-
le-Taciturne, prince d'Orange, et de Charlotte de Bourbon-Montpensier.
C'était le beau-frère du prince de Condé, celui-ci ayant épousé Charlotte-
Catherine de La Trémoille. Voir Chartrier de Thouars. Documents historiques
et généalogiques publiés par le duc Louis de La Trémoille (Paris, 1877,
in folio, p. 107-133).
* M. Bertrand de Lavalladè, avocat, conseiller du Roi , inscrit au rôle
des tailles de 1599. Portai de Marcadieu. Fut président de la Chambre des
comptes de Nérac en 1605. Les appointements du président de la Cour des
comptes de Nérac étaient de 4,800 livres. Ceux des auditeurs 2,400 livres.
(V. inventaire sommaire des Archives des Basses-Pyrénées. Chambre des
comptes de Nérac, série B, p. 128.)
• Bernard Pauillac , inscrit au rôle des tailles de 1599. Portai de Condam.
* Jean Duluc devait être un notable puisque c'est chez lui qu'allaient
loger les plus illustres personnages.
• Claude Tiffon, inscrit au rôle des tailles de 1599. Portai du Pont. Un
groupe de maisons sur les bords de la Baïse , près le Portai de Gaujac ,
porte encore le nom de Tiffon, en souvenir san.-î doute du consul di^ 1000.
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-436-
sioa a Tentour de la place ou estoit le temple St-Nicolas^ y assistant
ledit sieur de Refuge, et s'en allèrent après avoir demeuré deux
jours en ladite ville, prenant leur chemin vers Agen.
Mademoiselle de Renaut,* s'en alla de ceste ville, pour aller trou ver
son mari, Monsieur Renaut, à Bourdeaux, le x' octobre 1600, ayant
emporté tous leurs meubles pour ne revenir plus, à cause que ledit
sieur de Renaut ayant esté preste pour servir ladite Eglise de Bour-
deaux pour quatre mois seulement, iceux estans expirés, il fit décla-
ration qu'il ne vouloit point retourner. Sur quoy , et voyant la
mauvaise façon de procéder, lesdits meubles luy furent arrestés
quelques jours devant, jusques a ce que ceste Eglise seroit remboursée
de deux cens escus quelle avoit payés pour les frais du voyage dudit
sieur Renaut venant d!Allemagne : lesquelz il paya, ledit jour que
dessus.
Monsieur de Lerm et Monsieur de Calonges,* son beau-frère, se
* La place de l'église actuelle consacrée aussi à Saint-Nicolas.
En 1000, de l'ancienne église, il ne restait guère que k clocher qui pré-
sentât quelque apparence de solidité. Encore ce clocher s'écroula-t-il eii
1697. L'église, toute dévastée quelle fût, subsista cependant jusqu'en 1740
gr&ce à des réparations incessantes. A cette époque, l'exercice du culte fut
transféré à l'église des Gordeliers. La reconstruction actuelle est de 1759
à 1787.
' La fille du Ministre de l'Evangile lequel, prêté par l'église de Nérac à
celle de Bordeaux, ne voulut plus quitter cette dernière ville.
^ Il faut lire de Lavau ou de Lavaux, frères, et non de Lanaux, qui n'est
pas un nom de famille connu dans le pays. La lettre u et la lettre n sont
isouvent prises l'une pour l'autre dans les anciennes écritures. MM. de
Galonge et de Lavau sont ici appelés par leurs noms de fiefs ; leur nom
patronymique ou de famille est de Chaussade. Jacques de Ghaussade,
écuyer, sieur de Pommiers, dit en 1655 : « H est notoire, en Guienne, que
les deux familles de Lavau et de Galonges, portant le nom Ghaussade, sont
nobles d'extraction. » M. Alfred de Froidefond dit dans VAmwrial de la
noblesse de Périgord: u 139 — de Ghiaussade, de Ghandos, de Lavau, etc. :
d'argent, à trois chevrons de gueules, au chef d'a%ur, chargé d'une croix d*or.
Voté à Liboume. » Et nous verrons que, sur la porte d'entrée et sur la vais;
seUe d'argent du ch&teau de Galonges, MM. de Ghaussade, seigneurs dudit
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~ 437 -
bâtirent en duel contre Messieurs de Lanaux frères, le ix« ooto-
bre 1600. Auquel combat ledit sieur de Lerm fut tué, ledit sieur de
château pendant des siècles, avaient fait graver leurs armes et que dans ces
armes il y avait une croix.
Bernard de Chaussade, écuyer, seigneur de Galonges, l'un des six enfants
de Jacques II de Ghaussade, et petit-fils de Jacques I*^ de Ghaussade, procu-
reur général au Parlement de Bordeaux en 1480,* fait hommage au roi pour
ledit château, le 8 juin 1567. Il fait construire dans la grande cour du
môme château un temple Protestant, ce d'une élévation extraordinaire ayant
un dôme couvert d'ardoize, et sur le haut du dôme une lanterne pour
mettre la cloche pour appeler au presche, ayant un lambris en forme de
voûte, fenestres comme celles d'une chapelle, et au dedans chaire pour le
Ministre, bancs attachés aux murailles, et tout ce qui marque exercice
publiq de la R. P. R., caveaux pour enterrer les morts de la maison de
Galonges... » « Estant notoire que c'est après celuy de Bergerac le plus
beau temple que les P. R. ayent en Guyenne.* »
Jacques III de Ghaussade, seigneur de Galonges, gouverneur du oh&teau
du Mas-Agenats en 1616, et marié vers 1620 avec Marguerite de Vicose, me
paraît être le M. de Galonges, blessé de quatre coups de poignard, dans
le duel que son beau-frère, Monsieur de Lerin et lui , curent le 9 octo-
bre 1600, contre Messieurs de Lavaux frères.
Le même Jacques III de Ghaussade ne vivait plus en 1634, puisque l'une
de ses deux filles fit hommage du château de Galonges, le 6 octobre de ladite
année 1634. Deux filles étaient nées de son mariage avec Marguerite de
Vicose :!• Marie Judith de Ghaussade de Galonges, mariée en, 1654 avec
Jean Révérend, marquis de Bougy, maréchal des camps et armées du roi, le
18 novembre 1648, lieutenant général le^O juillet 1653, mort en décembre
1657, âgé de 40 ans {Dictionnaire des généraux Français, par le chevalier de
Gouroelles, 1823, tome VIII, p. 481). Il mourut au château de Galonges,
après s'être distingué, comme dit Bayle (au mot Révérend) v en mille ren-
contres par des actions de cœur et de tète , et par une fidélité inviolable. »
2* Suzanne de Ghaussade, dite Mademoiselle de Galonges, non mariée,
très érudite, héritière de sa sœur la marquise de Bougy. Fort zélée protes-
I Doeonenu inédits pour serrlr k rhittofre d« TAgenais, publiés et annotés par Philippe Tamisey
de Larroque, p. S74. — M. de Cliaassade de Joliment dit également dans une leitre datée de Li Rœeb
prèsMaetdan, le SSJantler 1859, que lacunes de La Chaossade, son aatcur, était proenrev généra
an Parlement de Bordeaux en 1480.
' PMBBMtt inéditf, eités, p. «76.
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— 438 —
Calonges blessé de qualité coups de poignard, et les Lanaux aussi
blessés, Tun a la poitrine, et Tau Ire à la cuisse. Le combat fut près
le Grézet,* maison desdils Lanaux.
A. LESUEUR DE PÉRÈS.
(A continuer.)
tante, elle 86 retire à La Haie en 1685 après la Révocation de TEdit de Nantes.
Le savant Bochard parle d'elle en ces termes : « Vous pouvez mettre en la
compagnie des deux princesses que vous me nommez, Mademoiselle de
Calonges (sœur de feu Madame la marquise de Bougi), qui m'a envoyé de
Caljnges des notes judicieuses sur le texte hébreu de la Genèse, et noua
a quelquefois lu des chapitres qu'elle entendoit fort bien , du temps
qu'elle estoit îcy avec feu madame sa sœur. »
Je ne sais pas qui était ce Monsieur de Lerm, beau-frère du seigneur de
Calonges et qui fut tué dans le duel du 9 octobre 1600. Cependant son nom
s'est perpétué aux environs de Calonges. En effet, le 10 juillet 1759, Jean de
Lerm ne vivait plus, lorsque sa fille, demoiselle Marie de Lerm, épouse
devant Pruadère, notaire royal de Mézin, noble Louis de Lartigue, chevalier,
ancien lieutenant au régiment de Montboissier infanterie, fils de noble
Gervaisde Lartigue, écuyer, ancien capitaine d'infanterie, et de dame Marie
des Camps de Cazaugrand.
' Le Grézet-Gavagnan est une commune du département de Lot-ei-Garonne<
arrondissement de Marmande, canton de Bouglon, à 18 kilomètres de la
première de cbs villes, à 4 kilomètres de la seconde.
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MT NILITAIRE ET. POLITIQUE DE LÀ GASCOfiNE
En mil huit cent quatorze et mil huit cent quinze.
SOULT
WBLUNGTON ET LE DUC FANGOULÊMB.
Avant de reprendre le récit des événements politiques et militaires
accomplis en Gascogne, depuis le 2 mars 1814, jusqu'à la seconde
rentrée des Bourbons, je suis tenu de montrer quelle était alors la
situation du parti royaliste dans le Sud-Ouest, et particulièrement à
BorfiCaux.
La Révolution de thermidor, qui renversa Robespierre, n'avait
point tardé, malgré son origine républicaine, à prendre, en Gascogrne,
comme dans toute la France, un caractère royaliste. Cette ten-
dance se manifesta particulièrement, à Bordeaux, par la fondation
du Club des Jeunes gens, adversaires déclarés du terrorisme, et par-
tisans secrets des Bourbons. Des associations analogues s'étaient
formées dans les principales villes du Midi. II y avait, en outre, à
Bordeaux, les Compagnies du Soleil, et Tlnstitut. Ce dernier comptait
déjà bon nombre de duellistes redoutables, parmi lesquels je ne veux
citer que La Marthonie, l'avocat Peyronnet,^ Ghodruc-Duclos, alors
* Charles-Ignace de Peyronnet, naquit en 1775, à Bordeaux, où son père,
après s'être enrichi comme procureur au Parlement, fut ennobli un peu avant
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— 440 —
élégant cavalier, et plus tard célèbre par le cynisme volontaire de
sa tenue.
Momentanément abattus par la Convention, le 13 vendémiaire, les
royalistes de Paris et de la province ne tardèrent pas à reprendre
leur revanche aux élections de Tan V, où triomphèrent beaucoup de
leurs candidats. Les événements du 18 fructidor, les élections de
Tan VI et de Tan VII, ne leur furent pas moins favorables. De là vint
réaction du 30 prairial, qui amena, b Bordeaux, la défaite de tous les
candidats républicains.Les agents royalistes fomentèrent des révoltes,
et répandirent des proclamations du prince de Coudé. Sur toutes
les places on afficha, de nuit, un placard menaçant, intitulé : Plus
d^anarchistes ou la morU dont les autorités bordelaises n'osèrent pas
rechercher sérieusement les auteurs. A l'exempte des Muscadins et
des Incroyables de Paris, des jeunes gens de bonne famille et des
ouvriers, armés de pistolets, de poignards, et d*ériormes gourdins.
la Révolution, et guillotiné, 8ous la Terreur, comme royaliste notoire. Le fils
émigra, et revint, après les événements de thermidor, à Bordeaux, où il prit
ses licences en 1796, et se fit bientôt connattre comme bon avocat et duelliste
redoutable. Malgré le concours énergique qu'il fournit au duc d*Ângoul6me,
le 12 mars, Tavocat Peyronnet n'obtint aucun emploi jusqu'aux Cenl^ Jours. A
cette époque, son courageux dévouement à la duchesse d'Angouléme, dont
je parlerai plus bas, lui valut les persécutions de la police impériale. Nommé
présidçntdu tribunal de Bordeaux, à la seconde Restauration, il brava la mort,
pour sauver des coups de la populace deux ou trois cents hommes de la garde
impériale. Procureur général à Bourges, en 1818, il fut envoyé à la Chambre
par les électeurs de cette ville, et se distingua, en 1820, comme substitut
devant la Cour des Pairs , chargée de juger la conspiration impérialiste
du 19 août 1820. Cette attitude valut à Peyronnet le titre de comte, en 1824,
la faveur des royalistes de Textrôme droite. Charles X en fit un chef
de cabinet, le 1 1 août 1829, et un ministre de Tintérieur, le 16 mai 1830.
Après la Révolution de juillet, Peyronnet, arrêtée Tours ,Ait condamné parla
Cour des Pairs, avec les anciens ministres, Polignac, Chantelauze et Guernon-
Banville, à une détention perpétuelle, Louis-Philippe les gracia six ans après.
Durant sa captivité au Ham, Peyronnet composa une Hûto^r^ des Francs (1835),
qui n'a certes rien de remarquable. Il clôtura, par un discours, le Congrès
archéologique tenu à Toulouse en 1852. Je vis alors ce vieillard , et il me
sembla fort affaibli. Il mourut à son château de Montferrand (Gironde),
en janvier 1854. Depuis sa sortie du Ham, Peyronpet avait rençincé h la poli*'
tique militante,
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appelés GermanicuB et Pouvoir exécutif, couraient les rues de Bor-
deaux, chantant le Réveil du peuple, et frappant à tour de bras sur
les Jacobins et Sans-Culottes. Bientôt les agitateurs s*enbardirent
jusqu'à faire le coup de feu contre la garde nationale , qui eut
grànd'peine à réprimer ces rixes sanglantes.
Après l'avènement de Napoléon, Tordre matériel régna dans Bor-
deaux; mais les royalistes du Sud-Ouest n'avaient rien perdu de
leurs forces, ni de leurs espérances secrètes. Ils guettaient l'occasion
favorable, et semaient sans peine l'agitation et le méconlentement
dans le peuple. Comme tous les autres ports de France, celui de
de Bordeaux était alors bloqué par les escadres anglaises. Quelques
particuliers avaient fait fortune, à prendre des lettres de marque et
armer des navires en corsaires. Mais l'immense majorité des
Bordelais vit de l'importation des denrées coloniales dans tout le
bassin de la Garonne. C'est de Bordeaux que partent pour l'étranger
les eaux-de-vie de l'Armagnac, les vins de la Saintonge,du Médoc,du
Bazadais, de TAgenais , et di*. la Haute-Gascogne. Négociants, con-
structeurs, mariniers , propriétaires, artisans, vignerons et labou-
reurs, tout le monde se trouvait à la fois ruiné par la guerre et le
chômage, qui n'avaient pas cessé depuis la Révolution. On aspirait
ouvertement à la paix, qui seule pouvait ouvrir le port, et donner
la liberté des mers.
Les chefs du parti royaliste exploitaient habilement cette lassitude,
déjà si manifeste en 1808, que Napoléon délégua Cambacérès, archi-
chancelier de l'empire, sous prétexte de présider le collège électoral
de Bordeaux. En réalité, la mission de Cambacérès consistait à peser
s«ir les élections, dont on redoutait le résultat , à s'éclairer sur
l'état de l'opinion et la véritable situation des partis. On fit à l'archi-
chancelier une réception royale : bals, représentations de gala , et
surtout dîners somptueux. Cambacérès revint à Paris fort satisfait,
mais hors d'état de renseigner Napoléon.
Quand l'empereur vint à Bordeaux avec l'impératrice, au commen-
cement d'avril 1808, il pût aisément se convaincre que la ville,
comme le reste du Sud-Ouest, comptait déjà quantité d*admini$tra-
teufô issus de familles notoirement royalistes.* Certes, beaucoup étaient
* Je ne veux citer ici que Montbadon, maire de Bordeaux en 1808, et
parent de Beauoiont de Brivasac, qui commanda la garde d'honneur de
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- U2 -
incapables de trahir; mais ils devaient naturellement ménager leurs
proches, et pouvaient, & roccasion, se souvenir, sans déshonneur, de
la Maison de Bourbon.
De sa retraite d'Hartwell, le comte de Provence (Louis XVIII), sur-
veillait attAitivement la situation de l'Europe, et surtout la guerre
d'Espagne, où j'ai déjà dit que le duc d'ÂngouIéme servait comme
capitaine au 15» régiment de hussards anglais, dans l'armée de Wel-
lington. Suchet et Soult reculaient sans cesse vers les* Pyrénées ; et
il était aisé de prévoir qu'ils ne tarderaient guère à rentrer en
France. Dans cette prévision, le Prétendant avait désigné des agents
secrets en Gascogne, en Languedoc et en Roussillon. €elui de Gas-
Napoléon en 1808. Dans cette garde figurait, comme officier, Tavocat
Martignac, dont je parlerai tout-à-l'heure. Les Bordelais n'épargnèrent pas
& Tempereur des inconvenances volontaires et significatives ; par exemple^
quand on joua devant lui, au GvB.nd'Thékire,'EuphroHne ou le Tyran corrigé,
suivie du ballet Le siège de Cyth^e, A la représentation de la veille, Napo-
léon, entrant au théMre, se crût, par TefFet d'un malentendu, au pouvoir de
conspirateurs, « Où me mène-tron? » dit-il. Et il rentra au Palais-Impérial.
— Jean-Baptiste-Silvère Gaye de Martignac naquit en 1776 à Bordeaux, où
son