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Full text of "Revue de l'Agenais"

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Revue  de  FAgenais 

Société  des  sciences,  lettres 

et  arts  d'Aqen,  Société  académique  d'Aqen 


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REVUE  DE  L  AGENAIS 


Tome  xxxix.  —  1912. 

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REVUE 

DE  L'AGENAIS 


DE    LA 

SOCIÉTÉ  D  AGRICULTURE,  SCIENCES  ET  ARTS  D'AGEN 


Tome  trente-neuvième.  —  Année  1912 


AGEN 
IMPRIMERIE  MODERNE  (Association  Ouvrière) 

1912 

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^^i-»*-/*-v^'v0^n  ' 


/«)-»I-2.(û 


LES  DÉCOUVERTES  DE  SOS 


Au  moment  où  les  découvertes  faites  récemment  à  Sos,  à  l'oc- 
casion de  l'établissement  d'une  gare  et  d'une  ligne  de  tramways, 
préoccupent  le  monde  savant  et  appellent  l'attention  aussi  bien  des 
Académies  du  Sud-Ouest  que  de  l'Institut,  il  nous  a  paru  utile  de 
publier  dans  la  Revue  de  rAgenais,  puisque  Sos  fait  partie  du  Lot- 
et-Garonne,  les  mémoires  inédits  que  "deux  de  nos  plus  zélés  ar- 
chéologues, MM.  J.  Duffau,  pharmacien  à  Sos,  et  Ch.  Bastard, 
conducteur  des  ponts  et  chaussées  à  Mézin,  ont  écrits  à  son  inten- 
tion, ayant  suivi,  chacun,  les  fouilles  pas  à  pas,  relaté  tout  ce  qui 
les  avait  frappés  «  et  voulant  seulement  rendre  compte  de  l'état  des 
«  travaux  et  des  découvertes,  sans  prendre  parti  pour  telle  ou  telle 
«  école,  poussés  par  le  seul  désir  d'apporter  à  Thistoire  de  Sos 
«  quelques  matériaux  nouveaux  que  des  personnes  plus  autorisées 
«  pourront  utiliser.  » 

Nous  ne  reprendrons  pas  une  fois  de  plus,  ici,  la  vieille  question 
de  remplacement  de  Toppidum  des  Sotiates,  qui  a  fait  couler  tant 
d'encre,  mis  aux  prises  tant  de  savants,  et,  pour  ne  citer  que  les 
derniers,  Eugène  Camoreyt,  plaidant  avec  acharnement  pour  Lec- 
lourc  (1)  et  l'abbé  Breuils,  revendiquant  pour  Sos  l'honneur  d'avoir 
défendu  l'indépendance  de  l'Aquitaine  contre  les  légions  de  Cras- 
sus  (2). 

Nous  passerons  également  sous  silence  les  arguments,  invoqués 
par  d'autres  villes,  Aire,  Foix,  Lourdes,  Vie  de  Sos,  etc.^  à  seule 
fin  de  s'attribuer  le  même  mérite.        i 

Nous  estimons,  quant  à  nous,  que  la  question  reste  entière  ou 
à  peu  près,  les  découvertes  nouvelles  étant,  toutes  ou  presque 
toutes,  gallo-romaines  et  valant  moins,  comme  force  probante,  que 


(1)  La  Ville  des  Sotiates  par  Eugène  Camoreyt.  Auch,  1897.  Petit  in-8*  de 
150  pages. 

(2)  VOppidum  des  Sotiates  par  Tabbé  Breuils.  Revue  de  Gascogne,  xxix, 
399  et  xxxvr,  225,  273,  430.  Cf.  :  Tirage  à  part. 


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—  2  — 

celles     faites     autrefois     et     signalées     depuis     longtemps     par 
M.  G.  Tholin  (1). 

Un  vœu  a  été  émis  par  la  Société  académique  d'Agen,  à  laquelle 
s'est  jointe  la  Société  archéologique  du  Gers,  «  pour  que,  en  pré- 
«  sence  des  découvertes  {aites  à  Sos,  autre{ois  et  aujourd'hui,  des 
«  fouilles  nouvelles,  conduites  méthodiquement,  soient  effectuées 
«  au  plus  tôt,  sous  le  haut  patronage  de  VAcadémie  des  Inscrip- 
«  lions  et  Belles-Lettres,  »  Espérons  que  ce  vœu  sera  écouté.  Jus- 
que-là, attendons  patiemment,  avant  de  nous  prononcer  définitive- 
ment. 

Les  mémoires  si  consciencieux  de  MM.  Duffau  et  Bastard  ne 
pourront  en  tous  cas  que  faciliter  les  recherches  nouvelles,  et,  par 
leur  documentation,  contrihuer  à  rendre  de  plus  en  plus  favorable 
à  la  ville  de  Sos,  du  côté  de  laquelle  penche  la  balance,  l'opinion 
des  chercheurs  qui,  comme  nous,  n'apportent  dans  la  question  ni 
précipitation,  ni  parti-pris. 

N.  D.  L.  R. 


I 

Quelques  Considérations  sur  TOppidum  de  Sos 

L'établissement  à  Sos  de  la  gare  des  tramways  de  Tonneins 
à  Sos,  ayant,  par  les  travaux  exécutés,  mis  en  actualité,  dans 
le  monde  savant,  l'identification  de  Sos  avec  Toppidum  Solia- 
tien  des  Commentaires,  on  permettra  à  une  personne  qui  a 
suivi  pas  à  pas  les  fouilles  effectuées,  de  joindre  ses  observa- 
tions à  celles  déjà  faites,  sans  prendre  parti  pour  telle  ou  telle 
école  (2). 


(1)  Revue  de  VArjenah  xxin,  57,  2Ci  H  Noies  mamiscrites,  incdile>,  sur  les 
communes  du  déparlemeul,  aux  Archives  déparlemenlales  de  Lot -ci-Garonne. 

(2)  Je  ferai  remarquer,  en  passant,  que  ce  n'est  pas  M.  le  Maire  de  Sos, 
ainsi  que  cela  a  été  lu  k  l'Académie  âes  Inscriptions,  qui  a  le  premier  signalé 
à  M.  Camille  Jullian  les  découvertes  faites  A  Sos,  mais  moi-même  ;  comme 
M.  Bastard,  conducteur  des  Ponts  et  Chaussées  ù  Mézin,  a  signalé  à  la 
Société  des  Sciences,  Lettres  et  Arts  U'Agen,  dès  l'année  1907,  les  pierres  à 
tenons  étudiées  par  M.  Momméja. 


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Nord 


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E  I)él)ria  <ie  muraîlle.s  et  petit  appareil. 

F  Portau  de  S*-Martin. 

L  Portau  de  la  fontaine. 

H  Château  du  moyen  âge 


PLAN   DU   PLATKAU   de   SOS 

D*après  le  plan  cadastral  de  la  GommuDe. 
Ëchelle  de  l/iOOûO 


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—  3  — 


I 


Le  plateau  de  Sos  est  bien  le  type  des  oppida  barrés,  si  du 
moins  nous  lui  donnons  pour  limites  celles  déjà  admises,  c'est- 
à-dire  :  au  levant,  le  ravin  du  Quey,  au  midi  la  rivière  Gélise, 
au  couchant  la  rivière  Gueyze,  au  nord  la  dépression,  aujour- 
d'hui à  peu  près  comblée,  de  Loustalet. 

Ce  plateau  domine  d'une  soixantaine  de  mètres,  dans  ses 
parties  les  plus  hautes,  les  vallées  environnantes.  Il  est  formé 
par  un  piédestal  en  calcaire  gris  de  TAgenais.  La  roche  est 
recouverte  d'une  couche  de  terre  qui  varie  de  2  à  25  mètres. 
Presque  au  centre  du  plateau,  s'élevait,  au  moyen-âge,  le  châ- 
teau bâti  probablement  lui-même  sur  une  motte  artificielle  et 
contemporaine  de  l'oppidum. 

Voici  les  dimensions  exactes  du  plateau,  prises  au  bas  des 
rocs.  Si  nous  considérons  la  nature  de  la  pierre,  friable  et  su- 
jette aux  désagrégations  de  l'hiver,  nous  pouvons  admettre 
que  ce  qui  est  actuellement  la  dimension  de  la  base,  devait 
être  autrefois  le  périmètre  du  sommet  : 

AB  =  522  mètres.  CD  =  612  mètres. 

BC  =  324      —  DA  =  .540      — 

Total,  1998  mètres,  ou  une  superficie  approximative  de  32 
hectares. 

Les  lignes  BC,  CD,  DA,  formées  par  les  roches  et  à  pic  sur 
les  vallées,  se  suffisaient  à  elles-mêmes  pour  la  défense.  Ces 
jours-ci,  j'ai  pourtant  remarqué  sur  la  ligne  DA,  gisant  au  pied 
du  roc,  deux  pierres  taillées,  provenant  d'un  petit  appareil 
gallo-romain  et  identiques  à  celles  mises  à  jour  à  la  gare  des 
tramways.  (Voir  planche  I.) 

Etudions  la  partie  AB,  c'est-à-dire  la  portion  qui,  sur  une 
longueur  de  522  mètres  en  ligne  droite,  était  la  plus  vulnéra- 
ble de  l'oppidum,  celle  qui  peut-être  soutint  l'assaut  des  légions 
de  Crassus.  Sur  tout  ce  point  les  rochers  qui  entourent  Sos 
disparaissent,  se  perdent.  Un  puits,  creusé  dans  la  dépression 
il  y  a  une  dizaine  d'années,  n'en  a  pas  trouvé  trace  ;  bien  plus. 


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ce  même  puits,  quoique  enlièremenl  creusé  dans  le  sable,  n'a 
pas  d'eau,  alors  qu'à  droite  et  à  gauche,  sur  les  plateaux  même 
de  Sos  et  de  Loustalet,  la  nappe  aquifère  est  à  deux  ou  trois 
mètres  de  profondeur.  Il  résulterait  de  ceci  que  les  couches 
qu'il  traverse  sont  de  formation  récente  (comme  si  par  exemple 
la  dépression  de  Loustalet  avait  été  comblée)  et  sans  continuité 
avec  les  terres  environnantes.  Le  plateau  de  Loustalet,  dans 
sa  partie  qui  fait  face  au  rempart,  est  sablonneux.  Le  plateau 
de  Sos,  sablonneux  dans  son  sous-sol,  avec  des  parties  argi- 
leuses, ne  présente  dans  la  partie  du  rempart  qui  fait  face  au 
vallon,  qu'une  pente  argileuse. 

Est-ce  cette  particularité  du  rocher  qui  disparaît  qui  enga- 
gea les  Aquitains  à  choisir  notre  plateau  pour  y  établir  leur 
oppidum  ?  Toujours  est-il  que  leurs  travaux  de  tranchée  furent 
grandement  facilités.  Ils  creusèrent  un  fossé  profond  et  large, 
rejettèrent  sur  le  versant  de  Sos  la  couche  sablonneuse  qui 
occupait  la  cuvette,  et  en  formèrent  la  base  de  leur  rempart.  Le 
sable  trop  meuble  n'offrait  ni  la  durée  ni  la  solidité  requise, 
ils  le  recouvrirent  d'une  couche  de  glaise,  à  épaisseur  variable, 
mais  jamais  inférieure  à  3  mètres.  Cette  glaise  est  encore  telle- 
ment compacte  que  les  ouvriers, qui  tous  ces  jours  travaillaient 
aux  déblais,  étaient  obligés  de  l'attaquer  au  pic,  ce  qui  leur 
faisait  dire  <c  qu'elle  avait  dû  être  pilonée  ».  Le  chef  de  l'en- 
treprise lui-même  hésitait  et  se  demandait  s'il  ne  ferait  pas 
mieux  d'employer  la  dynamite  pour  l'ébranler. 

La  tranchée,  profonde  de  6  mètres,  présente  de  haut  en  bas 
les  couches  suivantes  : 

V  Une  couche  de  terre  arable  (A)  ; 

2°  Une  couche  de  terre,  mêlée  de  décombres,  ciment  ro- 
main, stèle  votive,  grosses  pierres  à  tenons  (B)  ; 

3**  Une  couche  de  glaise  verdâtre  (E); 

4*  Une  couche  de  sable  (I  et  H).  (Voir  planche  II.) 

Ces  deux  dernières  couches,  notamment  les  couches  de 
sable,  sont  pleines  de  charbon  ;  on  y  trouve  également  des 
fragments  très  rares  d'une  poterie  friable,  grossière  et  mal 
cuite,  et  des  pierres  épaisses,  toutes  différentes  des  moellons 
taillés  qui  forment  le  mur  dont  il  sera  question  plus  loin. 


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II 


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//////^       Terre  végétale. 


<CX-<::* 


T^erre  mêlée  de  décombres  où  ont  été  trouvés  les  blocs  à  tenons. 
^-^         Glaise. 

Poche  de  terre  noire. 

Sable  argileux  mêlé  de  charbon,  pierrailles,  poteries. 

Blocs  à  tenons   sur  mortier. 


COUPE    DES    TKRRES 

SUR    LE   REMPART   NORD   DE   L»OPPIDUM    DE   SOS 
Échelle  de  0,01  p.  m. 

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—  5   - 

La  couche  de  glaise  offre  un  plan  de  glissement  de  plus  de 
45*,  et  dans  le  sens  du  vallon  de  Louslalel. 

En  résumant  ces  diverses  observations,  j'en  conclus  que 
Toppidum  de  Sos  n  était  défendu  de  ce  côté  que  par  un  mur 
en  terre  et  que  le  fossé  qui  le  séparait  du  plateau  devait  avoir 
une  quinzaine  de  mètres  de  profondeur. 


Il 

L  oppidum  de  Sos  était  traversé  du  nord  au  sud  par  une 
voie,  probablement  Ibère,  améliorée  et  pavée  après  la  con- 
quête romaine,  actuellement  désignée  sous  le  nom  de  Téna- 
rèze.  A  la  sortie  de  Sos,  au  nord,  cette  voie  se  divisait  en  deux 
branches,  une  allait  vers  les  plaines  de  la  Garonne,  l'autre, 
désignée  sur  le  livre  terrier  de  «  chemin  de  Sos  à  Castelja- 
loux  »,  gagnait  par  Meylan  et  le  gûa  Herral  (gué  pavé),  le  pla- 
teau Landais  et  Bordeaux  :  c'était  la  voie  Anlonine. 

Avant  de  rentrer  à  Sos,  à  cinquante  mètres  du  rempart,  la 
Ténarèze  passait  au  bord  de  la  colline  de  Loustalet,  sur  la- 
quelle s'élevait  l'église  romane  de  Saint-Martin-los-Sos.  Au 
pied  de  l'église  coule  une  source  abondante. 

A  l'entrée  de  la^Ténarèze,  touchant  le  rempart  artificiel,  un 
habitant  du  lieu  possédait,  en  l'an  1764,  un  lopin  de  terre, 
«  conlronlanl  au  levant  à  la  Porte  de  la  ville  ancienne  ».  En 
l'an  1600,  nous  trouvons  sur  le  livre  terrier  ces  mêmes  té- 
moins, désignés  du  nom  de  «  Portau  de  Saint-Martin  ». 

Dans  ce  même  livre  terrier,  nous  croyons  que  la  sortie  de 
la  Ténarèze  sur  la  partie  à  pic,  qui  plonge  dans  la  vallée  de  la 
Gelise,  porte  le  nom  de  «  Portau  de  la  Fontaine  ».  Un  autre 
lopin  de  terre,  voisinant  ce  «  Portau  de  la  fontaine  »  est  appelé 
0  la  Capère  »  parce  qu'il  contenait  «  les  vestiges  d'une  ancien- 
ne chapelle  ». 

Puisque  nous  avons  déjà  admis  que  les  murs  de  l'oppidum 
de  Sos  étaient  à  cet  endroit  fait  d'une  levée  de  terre,  nous  con- 
cluons, maintenant,  que  les  limites  étaient  là  et  non  ailleurs,  et 
'que  la  Ténarèze  le  traversait  aux  mêmes  points  où  elle  passe 


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-  6  ~ 

aujourd'hui.  Pourquoi  alors,  ne  pas  admettre  également 
qu'aux  endroits  désignés  bien  plus  tard  sous  le  nom  de  Por- 
tau  de  Saint-Martin  et  de  la  Fontaine,  les  Ibères,  pour  sou- 
tenir les  terres  et  resserrer  les  portes,  avaient,  pendant  quel- 
ques mètres,  dressé  verticalement  un  appareil  de  grosses  pier- 
res, serties  avec  des  tenons?  Ces  portes  fortifiées  n'ayant 
plus  de  raison  d'ôlre  après  la  conquête  et  resserrant  trop 
l'entrée  de  Sos,  furent  arrachées  de  leur  base  première,  et 
réemployées  aux  siècles  suivants  pour  une  destination  qui 
nous  est  inconnue. 


III 


En  1841,  les  ouvriers,  qui  percèrent  une  tranchée  à  travers 
le  rempart  nord,  mirent  à  jour  des  mui's.  D'après  l'opinion 
d'un  vieillard,  qui  m'a  fourni  ce  détail,  <(  on  éventra  une  vieille 
chapelle  ».  C'est  la  continuation  de  ces  mêmes  murs,  que 
les  ouvriers  ont  mis  à  jour  ces  temps  derniers. 

Ces  murs,  qui  ont  fait  l'objet  d'une  communication  de 
M.  Momméja,  se  présentent  sous  deux  plans  parallèles,  l'un 
côté  rempart,  d'une  longueur  d'environ  12  mètres,  l'autre  à 
5"40  du  premier,  long  de  l'^bl,  côté  Sos.  C'est  entre  ces  murs, 
et  le  long  de  la  paiiie  en  glaise  du  rempart,  mais  ne  se  confon- 
dant pas  avec  elle,  que  l'on  a  trouvé  l'éboulis  de  pierres  en 
petit  appareil  gallo-romain,  un  fragment  de  voûte,  un  morceau 
de  colonne,  deux  fragments  de  marbre,  la  stèle  votive  et  les 
pierres  à  tenons.  Les  deux  assises  de  pierre  qui  formaient  ces 
murs  au  lieu  d'être  placées  verticalement  l'une  sur  l'autre, 
étaient  au  contraire  en  retrait,  à  la  façon  d'une  marche  d'esca- 
lier ;  et  au  lieu  d'être  mises  à  même  sur  la  terre,  elles  repo- 
saient sur  un  premier  lit  de  mortier  et  de  petites  pierres. 

En  deçà,  du  côté  du  cimetière,  les  murs  n'ont  pas  l'air  de 
continuer  et  Ton  ne  trouve  plus  trace  d'éboulis. 

Pour  mémoire,  je  rappellerai  que  la  stèle  votive,  d'après  la 
traduction  de  M.  l'abbé  Médan,  devrait  se  lire  :  n  A  la  déesse 
Tutèle,   aux  dieux  Adéhius  et  Capitus,   les  tonslrucieurs  du 


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temple  d'Harbeleslec  ont  acquitté  leur  vœu  spontanément  et  à 
juste  titre.  » 

Dans  le  livre  de  la  Jurade  de  Sos,  nous  lisons,  au  13  juillet 
1713  <(  qu'il  y  a  hors  des  nuirs  de  la  ville,  deux  portails  quon 
dit  avoir  été  battis  par  les  Romains  et  qui  sont  ce  quil  y  a  de 
plus  curieux  et  remarquable.  » 

Placé  à  rentrée  de  la  Ténarèze,  sur  le  ten-e-plein  de  l'ancien 
rempart  de  l'oppidum,  se  signalant  de  loin  aux  voyageurs  qui 
arrivent  de  la  Garonne  et  du  Bordelais  en  suivant  la  Téna- 
rèze, plutôt  qu'un  débris  de  rempart  du  i\*  siècle,  ,ne  serait-ce 
pas  tout  ce  qui  resterait  d'un  temple  païen  ?  N'avail-il  pas,  lui 
aussi,  sa  source  sacrée,  que  les  chrétiens  des  premiers  siècles 
placèrent  sous  le  vocable  de  Saint  Martin,  après  avoir  élevé 
une  église  au  lieu  du  temple  ruiné  ? 

Le  même  voyageur,  quittant  la  ville  hospitalière,  pour  ga- 
gner le  pays  des  Elusates,  pouvait,  au  Portau  de  la  Fontaine, 
faire  ses  dévotions  au  temple  de  la  «  Capère  »  et  «  à  la  source 
de  la  Fontaine  »  qui  coulait  à  ses  pieds. 

Pour  bâtir  ces  temples,  les  gallo-romains  démolirent  les 
portes  Ibères  devenues  inutiles  et  trop  étroites,  et  se  servirent 
de  leurs  matériaux. 

Plus  tard,  peut-être  au  iv*'  siècle,  pour  se  défendre  des  bar- 
bares qui  se  ruèrent  à  l'assaut  de  Sos,  ce  temple,  solidement 
bAti,  servit  à  la  défense  de  la  cité  (1).  Sos  pris,  il  fut  saccagé, 
démoli  et  les  pierres  jetées  par  dessus  le  rempart.  Seuls. les 
portiques  survécurent,  puisqu'au  13  avril  ils  étaient  encore  de- 
bout. 

Pour  ceux  qui  croient  qu'au  lieu  d'un  rempart  de  terre  il  y 
avait  sur  ce  point  un  mur  en  pien-es,  je  dois  ajouter,  pour 
conclure,  que  la  tradition  veut  qu'il  y  ait,  au  cimetière  actuel 
de  Sos,  et  à  deux  autres  points  sur  la  même  ligne,  des  murs 
en  gros  appareil.  Seules,  des  fouilles  méthodiques  permet- 
traient de  les  retrouver  et  d'élayer  les  opinions. 

J.  DUFFAU. 


(1)  On  a  en  cffot  trouvé,  il  y  a  quelques  années,  tout  près  de  là,  une  pile 
de  gros  boulets  de  pierre,  encore  places  en  tas. 


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—  8  — 

II 

FouiUes  de  Ses  de  1911  1918 

Les  travaux  de  terrassements  nécessités  par  la  construction 
de  la  ligne  des  tramways  de  Tonneins  à  Sos  ont  mis  à  jour 
certains  vestiges  qui  ont  fait  couler  beaucoup  d*encre  et  ému 
le  monde  savant. 

-  Nous  avons  suivi  de  très  près  ces  fouilles,  en  raison  même, 
de  notre  profession,  et  avons  noté  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  se 
présentaient  tous  les  faits,  toutes  les  découvertes  susceptibles 
d'éclairer  cette  question  de  l'oppidum  des  Sotiates,  question 
si  controversée  et  si  importante  pour  l'histoire  des  Gaules  et 
particulièrement  de  l'Aquitaine  indépendante. 

Nous  allons  présenter,  plan  et  dessins  à  l'appui,  tout  ce  qui 
nous  a  frappé,  poussé  par  le  seul  désir  d'apporter  à  l'histoire 
de  Sos  quelques  matériaux  que  des  personnes  plus  autorisées 
pourront  employer  et  mettre  eh  amvre.  Nous  donnerons  en- 
suite notre  opinion  personnelle  basée  sur  de  patientes  recher- 
ches, de  longues  réflexions  et  la  connaissance  que  nous  avons 
de  la  région. 

La  tranchée  ouverte  au  point  terminus  de  la  ligne  à  l'entrée 
de  Sos  a  mis  à  jour  des  blocs  énormes  de  pierre  en  grès  du 
pays,  entassés  les  uns  sur  les  autres,  pêle-mêle,  avec  des 
moellons  plus  petits,  des  briques  à  rebord,  des  cendres,  des 
débris  de  poterie,  un  fragment  de  voûte  en  petit  appai^il  ro-  " 
main,  un  couvercle  de  sarcophage  brisé. 

Des  blocs  pareils  avaient  été  extraits  du  même  talus  lors  de 
la  construction  de  l'usine  Labau,  en  1897,  et  nous  devons  dire 
qu'en  1910  nous  les  avons  montrés  à  M.  Momméja,  Térudit 
Conservateur  du  Musée  d'Agen,  et  qu'ils  furent  pour  lui  une 
révélation. 

M.  Momméja  reconnut  aux  queues  d'aronde  l'appareil  ibère 
ou  gaulois  et  nous  dit  toute  l'importance  qu'il  lui  attribuait. 

Avec  l'avancement  de  la  tranchée  apparut  un  mur  nettement 


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^  ù  - 

établi,  de  l*Est  à  l'Ouest,  avec  des  blocs  de  même  nature,  sans 
art,  sans  mortier.  Derrière  ce  premier  mur  et  parallèlement 
à  sa  direction,  à  environ  5  mètres  de  distance,  un  second  mur 
parut,  fait  de  la  même  façon  et  établi  sur  une  faible  couche  de 
mortier  maigre.  Entre  les  deux  murs,  rien  que  de  la  terre. 
Parmi  les  décombres  au  pied  du  premier  mur  Une  stèle  votive 
fut  trouvée  que  nous  fîmes  mettre  de  côté  aussitôt. 

L'inscription,  traduite  par  l'éminent  M.  Camille  JuUian, 
signifie  :  A  la  déesse  Tutèle,  Adéhio  et  Capito,  lils  d'Adéius 
Harbellesleg,  constructeurs^  ont  accompli  en  esclaves  ce  vœu. 

D'après  Térudit  M.  Tabbé  Médan,  la  traduction  serait  la 
suivante  :  A  la  déesse  Tulèle,  aux  dieux  Adéhius  et  Capilus, 
les  constructeurs  du  temple  d'Harbelestecs  ont  acquitté  leur 
vœu  spontanément  et  à  (uste  titre. 

x\ous  nous  contentons  de  reproduire  ces  deux  versions,  en 
nous  gardant  bien  d  y  ajouter  un  mot  (1). 

En  remontant  le  tracé  des  tramways  et  à  l'origine  des  tran- 
chées, il  a  été  trouvé  sur  environ  20  mètres  de  longueur  de  la 
poterie  samienne  rouge,  unie  ou  décorée,  quatre  morceaux  de 
colonne  unie  de  (TSS  de  diamètre,  deux  fûts  qui  devaient  les 
supporter  et  un  morceau  de  chapiteau  brisé  décoré  de  feuilles 
de  chêne.  A  environ  30  mètres  de  ces  colonnes,  la  poterie 
rouge  cesse  et  est  remplacée  par  de  la  poterie  noire. 

La  tranchée  présente  un  terrain  nettement  bouleversé  qui 
donne  des  murs  jusqu'à  1"50  de  profondeur,  des  cendres,  des 
tessons  d'amphore.  Avec  la  profondeur  une  poterie  plus  gros- 
sière apparaît  et  il  nous  est  remis  un  vase  à  la  découverte  du- 
quel nous  attachons  une  certaine  importance.  Ce  vase  est  en 
terre  très  grossière  noire  cuite  au  soleil  et  non  fait  au  tour.  Il 
renfermait  des  cendres  collées  à  son  fond.  Il  présente  l'aspect 
d'une  casserole  de  nos  jours.  Il  a  II  centimètres  7  de  diamètre. 


(1)  Nous  croyons  devoir  signaler  ici  l'inscription  «  AHERBELSTE  DEC  » 
trouvée  par  Julien  Sacaze  à  S.  Avantin,  village  bâti  sur  les  dernières  pentes 
de  la  montagne  d'Espiaup,  et  commentée  par  lui  aux  pages  10  et  11  de  sa  no- 
lice  sur  Les  anciens  Dieux  des  Pyrénées,  extraite  en  1825  de  la  Revue  de  Com- 
winges,  livraison  d'octobre.  D'après  cette  inscription,  le  nom  d'Herbeleste 
serait  donc  indubitablement  celui  d'un  dieu.  Ph.  L. 


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—  10  — 

5  cenlimètres  5  de  hauteur  et  porte  une  oreillette  de  3  centi- 
mètres 5  de  longueur.  Il  devait  reposer  sur  trois  pieds  placés 
à  la  périphérie  et  qui  sont  cassés. 

Ce  vase  ressemble  à  ceux  que  M.  Décheletle  cite  dans  son 
])eau  Manuel  d'Archéologie  préhistorique,  p.  563,  qu'il  place 
à  la  fin  du  néolithique  et  qui  ne  sont  pas  inconnus,  dit-il,  dans 
les  palafitles.  Or  l'endroit  où  a  été  trouvé  ce  vase,  est  situé 
au-dessus  d'une  aire  battue  de  pieux  qui  a  été  rencontrée  à 
3  m.  40  de  profondeur,  au  niveau  du  sol  de  la  tranchée. 

Cette  aire  établie  dans  la  vase,  dans  la  terre  à  marais  et  qui 
se  contmue  sous  les  talus  de  la  tranchée,  est  composée  de 
pieux  de  8  centimètres  et  13  centimètres  en. moyenne  de  dia- 
mètre, ayant  subi  un  cominencement  de  combustion.  Certains 
sont  taillés  en  octogone. 

Contre  cette  aire,  une  planche  posée  de  champ  et  appuyée 
par  des  pieux  verticaux  de  3  centimètres  de  diamètre  bien 
affûtés,  délimitait  un  charnier  d'où  nous  avons  vu  sortir  des 
cornes,  des  mâchoires,  des  os  de  bêtes  inconnues  pour  nous  et 
aussi  des  débris  de  poterie  très  grossière  noire  qui  avait  dû 
aller  au  feu  si  Ton  en  juge  par  la  couleur  de  sa  pâte. 

A  l'est,  à  2  mètres  environ  de  cette  aire,  une  sépulture  a  été 
découverte  à  3  m.  50  de  profondeur,  c'est-à-dire  à  10  centimè- 
tres au-dessous  du  niveau  de  la  tête  des  pieux  de  l'aire.  Nous 
avons  procédé  nous-même  au  dégagement  de  cette  inhuma- 
tion qui  avait  été  creusée  dans  le  sable  dur  fen*ugineux. 

Les  bords  de  la  fosse  avaient  été  protégés  par  des  planches 
posées  de  champ  de  18  centimètres  de  hauteur  et  2  c.  8  d'épais- 
seur. Pour  empêcher  que  ces  planches  se  renversent  sur  le 
corps,  des  pieux  de  4  centimètres  de  diamètre  enfoncés  dans 
le  sol  les  retenaient  de  distance  en  distance. 

Cotte  bière  n'avait  ni  fond  ni  couvercle.  Sa  longueur 
moyenne  était  de  50  centimètres,  sa  largeur  était  de  1  m.  10. 
Les  planches  étaient  en  noyer  et  en  chêne  et  travaillées  gros- 
sièrement à  la  hache.  Le  squelette  qui  en  a  été  sorti  a  été 
trouvé  affaissé  sur  lui-même.  11  n'a  été  rencontré  ni  dans  l'aire 
ni  dans  le  charnier,  ni  dans  la  sépulture  de  trace  de  fer. 

En  remontant  la  tranchée,  la  poterie  noire  et  jaune  (am- 


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POTEKIES    ET    FIBULES     DigitizedbyGoOglC 


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-  Il  •- 

phores,  pots  apodes  avec  couvercle  et  bouleroUe  centrale)  a  été 
trouvée  jusqu'à  la  dépression  au  fond  de  laquelle  coule  un 
petit  ruisseau-fossé. 

A  cet  endroit  la  voie  Téûarèze  a  été  coupéç.  La  position  de 
cette  voie  est  donc  nettement  établie.  La  Ténarèze  dont  Tori- 
gine  probablement  ibérique  se  perd  dans  la  nuit  des  temps  et 
qui  a  toujours  été  suivie  par  les  peuples  dans  leurs  migra- 
lions,  épousait,  comme  nous  l'avions  toujours  supposé,  la 
dépression  de  Loustalet. 

Après  cette  voie,  la  poterie  réapparaît,  poterie  blanche, 
noire,  mais  absence  de  poterie  samienne. 

Un  dallage  en  béton  de  0,15  d'épaisseur  est  coupé,  un  canal , 
fait  en  gros  appareil  de  1  mètre  sur  0  m.  50  et  0  m.  55  est  ren- 
contré. Contre  ce  canal  il  est  trouvé  une  vanne  en  métal  (alliage 
probable  de  plomb  et  d'étain)  percée  de  petits  trous  au  poin- 
çon destinée  à  filtrer  les  eaux  écoulées. 

Ce  canal  était  encadré  par  un  énorme  dallage  de  3  mètres  de 
longueur  en  grosses  pierres  de  0  m.  50  d'épaisseur. 

De  chaque  côté  de  ce  canal,  à  des  distances  variables  et  à 
des  niveaux  différents,  il  a  été  rencontré  deux  petites  condui- 
tes en  briques  épaisses  de  0  m.  05  bien  bâties  et  qui  suivaient 
une  direction  parallèle  au  grand  canal. 

A  environ  30  mètres  de  ce  canal,  la  poterie  samienne  est  de 
nouveau  trouvée.  Cette  partie  est  fort  riche  et  nous  avons  de 
cet  endroit  deux  bols  samiens  dont  l'un  est  au  décor  du  lierre 
(le  même  décor  a  été  trouvé  à  Alésia),  des  fibules  appartenant 
aux  diverses  époques  de  La  Tène,  des  morceaux  de  bracelets, 
des  monnaies  de  Vespasien,  un  moyen  bronze  saucé  d'Auguste 
au  revers  du  taureau  cornupète,  des  pièces  de  la  colonie  de 
Nîmes  au  revers  du  crocodile,  une  médaille  de  Vespasien  res- 
titué, commémorant  sa  déification  :  Divus-Augustus  Pater, 
une  Faustine,  un  Constantin  au  revers  du  Temple  et  quelques 
bionzes  gaulois  de  l'époque  d'Auguste  que  possède  notre 
excellent  ami  M.  Duffau. 

Parmi  les  noms  de  potier  qui  peut-être  s'ajouteront  au 
corpus  de  M.  Déchelette,  nous  avons  relevé  les  suivants  : 


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12 


SICR.  —  FLOR  TERTIUSF  —  ETTA  —  MAH  -  SAIVÏ  —  OVARII 

ETTA 

Un  morceau  de  verre,  sans  doute  mérovingien,  en  pâle 
bleue  incrustée  de  mosaïques  de  couleur  a  été  également 
trouvé. 

Sans  doute  à  cet  endroit  s'élevait  une  de  ces  splendides 
villas  du  IV*  siècle  au  temps  où  l'Aquitaine  était  le. pays  le  plus 
riche  de  l'Empire  «  le  pays  gras  et  joyeux  par  excellence,  le 
(  pays  du  blé  doré  et  des  huîtres  savoureuses  et  du  vin  génè- 
re reux  ».  (Camille  JuUian,  Histoire  de  Bordeaux,) 
,  Tels  sont  les  résultats  des  découvertes  faites  dans  les  tran- 
chées sur  500  mètres  de  longueur. 

Nous  devons  toutefois  noter,  ce  qui  est  assez  surprenant, 
l'absence  de  marbre  et  de  mosaïques.  Est-ce  à  dire  que  Sos 
n'était  pas  l'agglomération  puissante  qui  avait  à  son  service 
une  cavalerie  renommée  à  l'époque  romaine,  un  chef  valeu- 
reux Rex-Adiantanus  ?  Nous  ne  le  pensons  pas. 

Sans  doute  l'oppidum  de  Sos  proprement  dit  est  assez  res- 
treint. Mais  sa  position  naturelle  est  incomparable.  Il  est  éta- 
bli, en  effet,  sur  un  promontoire  dominant  les  trois  vallées  du 
Quey  à  l'est,  de  la  Gélise  au  sud,  de  la  Gueyze  à  l'ouest.  Le 
seul  endroit  vulnérable  était  au  nord  et  il  a  été  défendu  par 
des  rempart,s  de  terre,  car  la  dépression  de  Loustalet  a  éte 
sans  nul  doute  accentuée  encore  par  la  main  de  l'homme. 

La  tranchée  faite  au  point  où  ont  appam  les  murs  ibères 
ou  gaulois  dont  nous  avons  parlé,  a  montré  que  les  terrains 
même  à  2  mètres  sous  la  fondation  de  ces  murs  étaient  des 
terrains  transportés. 

Cet  appareil  grossier  dont  on  a  retrouvé  les  vestiges  sous 
la  forme  de  remparts  élevés  à  la  hâte  au  rv*  siècle  pour  se 
défendre  contre  les  barbares  était  plus  important  qu'on  ne  le 
suppose. 

Nous  avons  relevé  et  signalé  en  son  temps  que  St-Martin 
d'Albret,  qui  s'élevait  à  environ  100  mètres  de  là  en  bordure 
de  la  Ténarèze.  avait  été  bâtie  en  partie  avec  des  blocs  pareils 
à  ceux  de  ce  rempart. 


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—  13  — 

Nous  devons  ajouter  que  d'autres  blocs  ont  été  utilisés 
par  les  maçons  du  pays. 

('es  remparts,  dont  une  délibération  de  1713  retrouvée  par 
M.  Duffau  parle  sous  le  nom  de  Portau  romain  et  autorise  la 
démolition,  avaient-ils  élé  tails  avec  des  matériaux  ayant  servi 
au  temple  d'Harbelleslecs  comme  le  suppose  M,  Tabbé  Médan, 
ou  provenaient-ils  d'un  mur  de  défense  ibère  ? 

Xous  {)encherions  pour  cette  dernière  version  en  raison  des 
trous  et  queues  d'aronde  relevés.  Mais  notre  opinion  est  que 
l'emplacement  de  Sos  actuel  était  le  refuge  où  l'on  accourait 
au  moment  de  lexlréme  danger. 

La  véritable  agglomération  s'étendait  de  Sos  vers  Campet 
et  Meylan.  Tous  les  champs  de  cette  région,  situés  autour  de 
Sos  et  en  bordure  des  rochers  qui  surplombent  la  vallée  de  la 
Gueyze,  sont  remplis  de  tessons  de  poterie,  de  monnaies  de 
bronze.  Des  substructions  romaines  y  sont  mises  également 
à  jour  un  peu  partout. 

Xous  avons  dit,  après  d'autres,  dans  un  article  de  la  Revue 
de  VAgenais  (avril-mai  1911)  qu'autour  de  Luqueî^trany  on 
trouve  des  traces  d'un  peuple  à  dolmen  et  que  sur  une  super- 
ficie considérable  de  la  région  de  Meylan  apparaissent  des 
traces  incontestables  d'exploitation  minière. 

Les  clots  gaulois  dans  la  région  mégalithique  de  Luques- 
trany  et  des  Plassiots  ont  été  retrouvés. 

Nous  avons  parlé  de  l'aire  battue  de  pieux  et  qui  paraît 
s'étendre  loin,  du  charnier  et  de  l'inhumation  peut-être  néo- 
lithique. 

Nous  pensons  que  nous  sommes  bien  là  sur  le  sol  des  popu- 
lations primitives  qui  avaient  dû  probablement  élever  sur  ces 
pieux  leurs  constructions  fragiles  dont  parlent  Strabon  et 
Vilruve.  Ces  populations  étaient-elles  nomades?  Etaient-elles 
sédentaires  ?  En  tous  cas  la  région  que  nous  venons  de  décrire 
paraît  bien  avoir  été  habitée  depuis  la  plus  haute  antiquité. 

Ces  populations  ne  se  seraient-elles  pas  livrées  à  l'exploita- 
tion des  mines  de  fer  de  Meylan  ?  A  une  exploitation  minière 
qui  s'étendait  d'après  nous  sur  environ  1.2()0  hectares,  il  fallait 
un  nombre  considérable   de   bras.    Cela   suppose   un   centre 


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-  14  - 

habité  impoiianl.  Ce  centre  gaulois  ou  ibère  n  elait-il  pas  au 
pied  de  Toppidum  de  Sos  en  raison  même  des  vestiges  nom- 
breux que  nous  venons  de  décrire  ? 

Sos,  par  sa  position,  nous  le  répétons,  se  prêtait  admira- 
blement à  la  défense. 

L'oppidum,  à  peine  35  hectares,  était  insuffisant  pour  con- 
tenir une  population  aussi  dense  et  c'est  au  pied  de  ce  refuge 
naturel,  comme  à  Alésia  {Pro  Alésia,  juillet  1906.  M.  Pernet) 
que  ces  tribus  primitives  se  sont  établies.  En  t^mps  de  danger, 
elles  allaient  s'abriter  dans  l'oppidum.  Cette  position  privilé- 
giée par  la  nature,  l'homme  a  dû  l'utiliser  depuis  la  plus  haute 
antiquité  et  les  Sotiates,  avant  les  Romains,  en  ont  compris 
toute  l'importance. 

Des  routes,  plus  nombreuses  qu'on  ne  le  suppose,  desser- 
vaient Sos. 

La  voie  Antonine,  de  Bazas  à  Toulouse,  rencontrait  mutalio 
Sciltio  avant  civitas  Elusa,  Cette  voie  qui  traversait  la  Gueyze 
à  Meylanau  (Juay  Ilerrat  rencontrait  la  Ténarèze  à  Sos. 

Placé  ainsi  au  carrefour  des  deux  grandes  artères  allant  du 
nord  au  sud  et  de  l'est  à  l'ouest,  Sos  devait  être  une  de  ces 
n  stations  pcmnanentes  qui  servent  de  refuge  aux  hommes, 
(t  d'entrepôts  aux  choses  et  par  où  se  font  le  transit  et  l'é- 
('  change  des  marchandises,  des  idées  et  des  dieux  ».  (Camille 
Jullian,  Histoire  de  Bordeaux.) 

Et  Sos,  en  effet,  était  d'une  importance  capitale  et  capital 
a  été  son  rôle  à  l'éjwque  de  la  conquête  romaine.  Ses  mines 
étaient  probablement  connues  et  ont  dû  tenter  les  conquérants 
qui,  merveilleux  colonisateurs,  ont  dû  en  encourager  l'exploi- 
tation. Et  Sos  dut  jouir,  pendant  deux  ou  trois  siècles,  des 
Ixienfaits  d'une  civilisation  dont  Bordeaux  était  le  centre.  Les 
belles  poteries  trouvées  l'indiquent.  Sos  ne  possédait-il  pas  son 
temple  des  Vestales?  M.  Lefèvre-Portalis  a  cru  le  reconnaître 
dans  l'église  de  Gueyze,  église  à  trifolium  dont  les  fondations 
sont  nettement  romaines  et  dont  la  porte  d'entrée  est  couron- 
née d'un  morceau  très  curieux  de  sarcophage  romain.  Et  il 
serait  intéressant  de  connaître  l'histoire  de  ce  temple  élevé  au 
pied  des  sources  de  la  Cavette  consacrées  probablement  au 


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-  15  - 

dieu  gaulois  des  eaux  Borvo,  ainsi  que  l'indique  le  nom  de 
Bourbout  donné  à  la  ferme  au-dessus. 

Telles  sont  les  notes  rapides  que  nous  livrons  à  l'examen  de 
ceux  qu'intéresse  l'histoire  locale. 

Un  horizon  nouveau  se  lève.  Sos  va  rentrer,  selon  le  mot 
récent  de  M.  Camille  Jullian,  dans  la  pleine  lumière  de  l'His- 
toire. Et  le  pays  des  Sotiates,  dont  la  bravoure  de  son  roi  «  et 
M  de  ces  000  solduriers  fut  chantée  sous  le  règne  d'Auguste 
<«  par  Nicolas  Damascène  aux  pieds  du  mont  Liban  et  deux 
t<  siècles  plus  tard  par  Athénée,  grammairien  de  Naucrate  aux 
<*  pieds  des  Pyramides  »  (Histoire  religieuse  de  VAgenais, 
abbé  Barrère),  va  revivre  une  fois  de  plus  ses  heures  de  gloire. 

Ch.  Bastard. 


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LE  TICOMTE  DE  MÉTIVIER 

ET  US  pinnus  ixntiATMXs  AïontLMifas  ir  mvitiii 


Bien  longue  serait  Félude  raisonnée  des  innombrables  Ira- 
vaux  sur  loppidum  deî>  Soliales,  depuis  les  premiers  commen- 
taires sur  la  Guerre  des  Gaules  de  Jules  César,  à  la  lin  du 
xv^  siècle,  jusqu'aux  mémoires  conlradicloires  des  Breuils  et 
des  Camoreith,  si  impartialement  résumés  et  confrontés  par 
M.  (ieorges  Tholin  à  la  fin  du  siècle  auquel  nous  avons  sur- 
vécu :  cette  étude  demanderait  des  années  de  recherches  et 
fournirait  la  matière  d'un  volume  dont  l'intérêt  serait  considé- 
rable pour  tous  ceux  que  passionnent  la  critique  des  textes  an- 
ciens, la  géographie  antique  et  l'histoire  du  territoire  natio- 
nal. C'est  assez  dire  que  les  gascons  laisseront  aux  allemands 
le  soin  de  lentreprendre  et  que  nous  l'attendrons,  évidemment, 
bien  longtemps  encore  :  aus>i  n 'hésitons-nous  pas  à  préparer 
pour  son  auteur  à  venir  un  document  de  premier  ordre,  qui 
lui  fournira  la  matière  d'un  chapitre  particulièrement  intéres- 
sant. 

L'immense  majorité  de  ceux  qui  se  sont  attachés  à  résoudre 
le  problème  posé  par  le  récit  de  la  campagne  du  jeune  Cras- 
sus  en  Aquitaine,  se  sont  à  peu  près  exclusivement  cantonnés 
dans,  la  critique  du  texte  de  Jules  César  et  dans  Télude  des 
documents  gépgraphiques  :  bien  rares  sont  ceux  qui  ont  voulu 
voir  de  leurs  propres  yeux  les  lieux  dont  ils  parlaient  pour  en 
étudier  la  topographie  et  en  rechercher  les  antiquités.  Sauf 
erreur,  c'est  à  Christophe  de  Villeneuve-Bargemont  que  revient 
l'honneur  d'avoir  eu  celle  pensée  si  naturelle  et  de  l'avoir  réa- 
lisée. Les  hautes  fonctions  administratives  qu'il  eut  à  remplir, 
dans  le  Lot-et-Garonne,  lui  en  fournirent  l'occasion  et  il  sut 
s'attacher  aux  pas  de  la  fugitive  qui  ne  repasse  jamais  par  le 
même  chemin. 
Sous-préfet  de  Nérac  en  1803,  préfet  de  Lol-et-Garonne  trois 


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—  17  — 

ans  plus  tard,  il  s'intéressa  à  l'histoire  de  Sos  qu'il  visita 
attentivement,  les  Commentaires  de  César  à  la  main.  Il  étudia 
judicieusement  la  topographie  de  la  modeste  cité,  constata 
que  sa  position  géographique  concordait  exactement  avec 
l'itinéraire  du  jeune  Crassus,  et  il  conclut,  avec  une  compé- 
tence qui  avait  manqué  aux  érudits  de  cabinet,  que  la  mo- 
derne ville  de  Sos  était  bien  l'antique  oppidum  des  Sotiates, 
la  métropole  aquitanique  où  trônait  jadis  le  roi  Adiatunn  au 
milieu  des  six  cents  Soldures  qui  ne  devaient  pas  lui  survivre. 
Son  mémoire  intitulé  Recherches  sur  le  lieu  qu  occupait  dans 
r Aquitaine  le  peuple  désigné  par  César  sous  le  nom  de  So- 
liate  (1)  est  un  excellent  modèle  de  saine  critique  et  d'exacte 
érudition  fortement  étayées  sur  l'étude  directe  tant  stratégi- 
que que  topographique  des  lieux. 

Nous  n'hésitons  pas  à  croire  que  cette  forte  étude  engen- 
dra, par  émulation,  celle  du  marquis  de  Métivier  que  nous 
nous  proposons  de  remettre  en  lumière.  L'originalité  de  celle- 
ci,  son  caractère  propre  et  unique  jusqu'ici,  c'est  de  négliger 
systématiquement  la  critique  des  textes  et  de  se  cantonner  dans 
l'observation  directe  des  faits  archéologiques.  Ceux  qu'ont 
fatigué  tant  d'arguties  échafaudées  sur  le  texte  de  César  se- 
ront heureux  de  trouver  enfin  des  pages  qui  ne  parlent  que  de 
faits  matériels  et  vérifiables. 

C'est  dans  le  tome  n  des  Mémoires  de  la  Société  archéologi- 
que du  Midi  de  la  France  qu'elle  fut  publiée,  en  1836  ;  la  lec- 
ture en  avait  été  faite  pendant  l'année  académique  1834-1835. 
I^  recueil  de  la  Société  toulousaine  est  assez  rarement  con- 
sulté en  dehors  du  Languedoc,  les  trois  premiers  volumes  en 
sont  à  peu  près  introuvables,  aussi  ne  faut-il  pas  s'étonner 
que  lès  pages  si  intéressantes  et  pleines  de  faits  du  vicomte 
de  Métivier  aient  été  ignorées  de  la  plupart  de  ceux  qui  ont 
traité  de  la  question  des  Sotiates  après  lui.  Pourtant  Métivier 
avait  directement  étudié  les  choses  dont  il  a  parlé  ;  il  avait  noté 


(1)  Agen!  R.  Noubel,  1808.  In-8"  de  27  pages  et  Recueil  de  la  Société  aca- 
démique d\4ijen,  V  série,  tome  ii.  Nos  cilalions  iillérieures  renvoient  aux 
pages  du  Recueil. 


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-  18  — 

les  moindres  découvertes  faites  de  son  temps  ;  avant  Sama- 
zeuilh,  Ducourneau  et  l'abbé  Barrère,  qui  Tont  plus  ou  moins 
cyniquement  plagié,  il  avait  fait  connaître  les  monuments  mé- 
galithiques de  la  Lague  Sans-Fond  ;  avant  le  docteur  Noulet, 
il  avait  reconnu  les  souterrains-refuges  de  Saint-Pau;  avant 
Tabbé  Brcuils,  enfin,  il  avait  exploré  les  habitations  rupestres 
de  Saint-Pé-d'Homimort.  C'est  un  précui^seur  intelligent,  un 
observateur,  parfois  mal  éclairé,  mais  toujours  attentif  et, 
surtout,  véridique,  dont  le  témoignage  est  d'autant  plus  pré- 
cieux que,  sans  lui,  bien  des  découvertes  intéressantes  reste- 
raient toujours  ignorées,  dont  l'archéologie  pratique  pourra 
grandement  profiler  dans  un  avenir  très  prochain. 

Au  moment  où  l'antique  oppidum  de  Sos  se  révèle  si  sensa- 
tionnellement  à  l'attention  de  tous,  il  paraît  indispensable  de 
mettre  à  la  portée  de  ceux  que  ces  études  intéressent  l'impor- 
tant opuscule  du  vieil  archéologue  oublié. 

A  l'époque  déjà  bien  lointaine,  où  je  négligeais  si  voluptu- 
eusement les  cours  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Toulouse 
pour  muser  parmi  les  admirables  vieilles  pierres  pittoresque- 
ment  entassées  dans  le  cloître  des  Augustins  et  pour  me  for- 
mer à  l'archéologie  pratique  sous  les  conseils  éclairés  et  la 
parole  originale  d'Edward  Barry,  commentant  les  richesses 
infinies  de  ses  collections,  le  docteur  Jean-Baptiste  Noulel, 
depuis  peu  rentré  d'un  voyage  dans  les  Landes,  me  parla  de 
M.  de  Métivier,  qu'il  avait  connu  dans  sa  jeunesse,  et  du  châ- 
teau de  Saint-Pau,  où  il  venait  d'étudier  les  ((  Cryptes  cVappro- 
visionnemcnl  )>  qui  le  firent  si  cruellement  malmener  par 
M.  Devais,  un  autre  de  mes  amis,  moins  docte  encore  que 
combatif.  Et  je  n'oublierai  jamais  l'impœssion  que  j'éprouvai 
à  la  révélation  de  ce  mélancolique  paysage  aux  horizons  mou- 
tonnants et  verts,  comme  ceux  de  la  Mer  du  Nord,  dont  le  bon 
Docteur,  citadin  incorrigible,  ne  parlait  qu'avait  un  certain 
effroi. 

'c  Le  château  de  Saint-Pau,  a-l-il  écrit  (1),  est  très  heureuse- 


Ci)  Les   Cryptes   d'approvisionnement  à  propos   des   trois   souterrains   de 
Saint-Pau.  {Bec.  archéot.  du  Midi,  t.  ii,  p.  4.) 


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—  19  — 

ment  posé  sur  une  légère  éminence  que  couronne  le  calcaire 
marbré  supérieur.  La  roche  solide,  qui  sert  ici  de  moellon, 
forme  un  ressaut  naturel  qui  a  été  converti  en  terrasse  autour 
du  vieux  manoir.  Celui-ci  consiste  en  une  sorte  d  enceinte 
commençant  par  une  ferme,  limitant  une  première  cour  spa- 
cieuse, encadrée  par  les  bâtiments  de  l'exploitation  ;  puis  vient 
la  cour  d'honneur  au-devant  du  château,  grande  maison  sans 
caractère,  du  xvif  siècle  (1). 

«  De  ce  point  on  jouit  d'une  vue  fort  étendue,  mais  l'hori- 
zon a  une  teinte  invariable  d'un  vert  sombre  ;  il  n'y  a  d'appli- 
qué aux  cultures  champêtres  que  les  environs  immédiats  du 
château  (2)  :  on  dirait  une  de  ces  primitives  abbayes  créées  au 
moyen-âge,  au  milieu  des  forets  de  notre  vieille  (laule. 

<c  Un  paysage  aussi  jieu  varié  dispose  à  la  rêverie  et,  à  la 
longue,  peut-être,  à  la  tristesse.  Quelque  goût  que  l'on  eut 
poiir  la  vie  rurale,  on  se  trouverait  bientôt  trop  isolé  du  reste 
du  monde.  Que  l'on  arrive  à  Saint-Pau,  ou  que  Ion  en  sorte, 
il  faut  se  demander  par  où  il  faudra  passer,  et  si  l'on  ne  s'éj^are 
pas  en  suivant,  à  travers  des  bois  qui  semblent  sans  fin,  l'un 
des  innombrables  sentiers  à  peine  indiqués  sur  l'arène  mo- 
bile... )> 

C'est  dans  ce  château  que  vint  au  monde,  le  14  novembre 
1788,  Charles-Gabriel-François-Hyacinthe-Denis  de  Métivier, 
vicomte  de  Saint-Pau,  qui,  fidèle  jusqu'à  la  fin  à  la  terre  lan- 
daise, devait  finir  sa  vie  pleine  de  jours,  à  Arx,  le  3  janvier 
1S62.  En  dépit  du  docteur  Noulet,  s'il  eut  quelque  goût  pour 


(1)  Complétons  colle  dpscriplion  on  nous  aidant  d'une  note  de  M.  Georges 
Tholin  :  c'est  un  corps  de  logis  très  vasle  sur  plan  quadrangulaire,  flanqué 
do  quatre  tours  carrées  ;  le  mur  de  la  façade  oucsl,  en  moyen  appareil  régu- 
lier, avec  échauguette,  date  du  moyen  âge  ;  toutes  les  ouvertures  ont  depuis 
longtemps  perdu  leurs  meneaux,  ce  qui  suffit  à  expliquer  l'expression  dédai- 
gneuse qu'a  employée  le  docteur  Noulet  on  parlant  de  cet  édifice. 

(?)  Affronomo  distingué  lui-même,  M.  {\c  Mélivior,  qui  retrouvait  d'an- 
liques  édifices  non  loin  du  Lac  sans  fond,  en  créant  une  prairie,  avait  de 
(pli  tenir  par  son  père,  qui  avait  dédié  nu  maréchal  de  Richelieu  un  opuscule 
intitulé  :  Mémoire  sur  la  déconcerte  d'une  semence  propre  à  remplacer  les 
hleds  et  les  léfiumes  en  cas  de  disette  ;  ensemble  la  manière  de  préparer  les 
laines  pour  les  préserver  de  la  piqûre  des  insectes  sans  en  altérer  les  cou- 
leurs. (Bordeaux,  1707,  in-4'.) 


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—  20  — 

la  vie  rurale,  il  ne  fui  jamais  un  rêveur,  el,  s'il  connut  la  tris- 
tesse, comme  tous  les  hommes,  il  n'en  fut  jamais  lesclave,  et 
son  milieu  natal,  qui  avait  semblé  si  mélancolique  au  savant 
toulousain,  si  bien  fait  pour  porter  à  la  vie  contemplative,  dé- 
veloppa chez  le  jeune  vicomte  le  besoin  d'activité,  d'énergie  el 
les  qualités  d'observation  sagace  qui  semblent  avoir  caracté- 
risé sa  personnalité. 

Légitimiste  convaincu,  nous  le  trouvons  commissaire  des 
guerres  en  1814,  puis,  après  les  Ce-nt  jours,  en  1817  (1),  inten- 
dant militaire  ;  mais  comme  il  était  moins  fait  pour  les  règles 
d'une  administration  pointilleuse  et  sédentaire  que  pour  une 
carrière  d'activité  et  de  discussion,  il  entra  dans  la  magistra- 
ture debout  (2)  ;  fut  substitut  à  Rayonne  on  1822,  puis  à  Monl- 
de-Marsan,  en  1823,  et,  enfin  procureur  du  roi  en  1827,  à 
Marmande,  où  il  resta  jusqu'à  sa  révocation,  en  1830,  par  le 
chef  de  cette  branche  cadette  de  la  maison  de  Bourbon,  qu'il 
n'avait  jamais  cessé  de  poursuivre  de  sa  haine,  et  qu'il  faisait 
seule  responsable  de  la  Révolution  et  des  malheurs  qui  avaient 
suivi  (3). 

Il  s<î  fil  inscrire  au  barreau  de  Nérac,  où  il  eut  pour  bêle 
noire  l'avocat  historien  J.-F.  Samazeuilh,  el  se  livra    à   une 


(1)  En  1816  il  fut  à  portée  de  voir  justifier  ce  propos  galant  de  Joseph  H. 
Kmpereiir  d'Autriche,  sous  Louis  XVI,  à  une  dame  de  lu  Cour  de  Louis  W  : 

La  beauté  est  toujours  reine. 
M.  de  Vlétivier  parle  de  «  la  grande,  belle  et  gracieuse  comtesse  d'Kchauz, 
nianniise  de  Monlermozza,  ((ui  joua  un  rôle  iinporlani  à  la  Cour  de  Joseph 
Honaparle,  roi  d'Kspagne  de  par  l'Empereur  Napoléon  1",  son  frère.  Elle  se 
réfugia  en  France  el  le  Héarn  lui  donna  cet  asile  qu'on  ne  refusa  jamais  à 
la  beaulé  malheureuse  et  distinguée  à  tous  égards,..  »  {Errata,  p.  12.) 

(2)  II  semble  qu'il  ail  élé  démissionnaire  bientôt  après,  puisque,  en  1818, 
nous  le  voyons  chargé  par  le  sous-])réfet  de  ISt'rac  d'étudier  un  litige  entre 
la  ville  de  Sos  et  la  famille  de  Garostc,  et  de  concilier  les  parties. 

(3)  Voici  comment  de  Mélivier  exprime  sa  jîensée  sur  ce  sujet  brûlant   : 

«   Cette  révolution,  qui  a  les  amours  de  l'auteur  de  \'érae  el  I*au,  qui 

l'appelle  la  grande,  et  qui  fut  la  page  la  plus  cruelle,  la  plus  ignoble  de  la 
démoralisation,  du  dévergondage  ambitieux  et  sot,  de  la  lâcheté  et  des  cri- 
mes de  la  Maison  d'Orléans,  qui  voulul  s'inironiser  sur  les  cadavres  des 
Kois  ses  parents,  qu'elle  avait  envoyés  à  l'échafaud  !...»  {llrrata,  p.  3.)  «  Esl-c«* 
que  le  chef  de  cette  branche  d'Orléans,  descendante  d'Henri  I\ ,  navail  pas 
dit  qu'il  n'était  plus  Hourbon,  qu'il  était  le  fils  d'un  valet  de  pied  de  sa  mère  ? 
Ouelle  pitié!  etc..  »  (/6id.,  p.  7.) 


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—  21  — 

série  d^études  d'économie  politique  et  agricole  dont  les  résul- 
tats publiés  en  brochures  et  même  en  volumes  lui  valurent 
quelques  succès  et  beaucoup  de  considération  ;  le  principe 
électif,  le  serment  politique,  la  canalisation  des  marais  des 
landes,  les  parasites  des  chênes-lièges  loccupèrent  successi- 
vement, avec  des  intermèdes  littéraires  tels  que  la  comédie  in- 
titulée Un  ci-devanl  jeune  homme,  ou  le  Serment,  que  nous 
regrettons  fort  de  ne  pas  connaître.  La  plupart  des  publica- 
tions de  M.  de  Métivier  ont  été  cataloguées  dans  la  Bibliogra- 
phie Agenaise  par  Jules  Andrieu.  Le  zélé  bibliographe  a  pour- 
tant oublié  d'inscrire  à  son  rang  le  mémoire  que  nous  réédi- 
tons, comme  aussi  une  curieuse  plaquette  dont  nous  avons  un 
des  rarissimes  exemplaires  sous  les  yeux,  et  qui  est  assez  bi- 
zarrement intitulée  :  Néhac  kt  Pai-  par  M,  Samazeuilh,  avo- 
cat :  Errata  par  iM.  le  vicomte  de  Métivier,  ancien  magistral, 
membre  correspondant,  etc.  (sic)  (1). 

f'/est  une  fort  virulente  satire  contre  le  livre  de  Samazeuilh 
et  contre  Samazeuilh  lui-mc^me.  Bien  dès  traits  en  sont  bons, 
bien  des  réprimandes  en  sont  justes,  mais,  trop  souvent  le 
pamphlétaire  — le  mot  n  est  pas  trop  fort  —  s'attarde  à  des 
minuties  et  surtout  à  des  équivoques,  si  peu  équivoques,  que 
des  pages  entières  d'arguties  lui  suffisent  à  peine  pour  les 
montrer  au  lecteur. 

C'est  là  un  trait  de  caractère  qu'on  a  du  regret  à  rencontrer 
dans  la  Dissertation  sur  les  antiquités  de  Sos  :  nous  en  avons 
supprimé  quelques  manifestations  par  trop  oiseuses  ;  la  dis- 
cussion sur  un  passage  du  mémoire  de  Villeneuve-Barge- 
mont,  que  nous  avons  dû  conserver,  donnera  une  assez  juste 
idée  de  celte  manière  tatillonne  et,  en  somme,  très  désagréa- 
ble au  lecteur  qu'elle  fatigue  généralement  sans  guère  l'éclai- 
rer (2). 


(1)  Monl-do-Marsan,   Typopnipliio  .1.   Dolaroy,   185(),   in-8'  do  25  pp. 

(2)  Je  voudrais  donner  une  idoe  do  la  vorvo  maligne  dont  fit  preuve  M.  de 
Métivier,  en  cet  opuscule  qu'il  écrivit  à  l'âge  de  soixante-huit  ans.  Ayant 
Cïinslalé  qup  Samazeuilh  avait  prolongé  élourdîment  jus(|u'à  cent  cinquante- 
quatre  ans  la  longévité  de  Pierre  de  Marca,  qui  mourut  en  sa  soixante-<pia- 
trième  année,  il  déclare  que  sa  curiosité  fut  piquée  :  «  Je  jetai  çà  et  là  mes 


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—  2«  >- 

L'Errata  contient  une  mention  qui  a  son  prix  pour  nous, 
cela  vient  à  propos  de  la  cloche  de  Barbolan,  qui  porte,  dit 
Saniazeuilh,  la  date  de  1440,  à  la  grande  indignation  du  con- 
tradicteur qui  proteste  contre  Teniploi  du  présent  au  lieu  du 
passé.  «  M.  Saniazeuilh  ne  Ta  pas  vue,  elle  a  été  fondue  il  y  a 
quinze  ans,  riposte  le  vicomte.  Elle  avait  une  inscription  go- 
thique dont  je  pris  le  dessin  avec  M.  le  comte  de  Dijon  ;  celui- 
ci  l'a  gardée,  etc..  (1).  »  M.  de  Métivior  était  donc  toujours 
resté  fidèle  à  l'archéologie,  le  fait  était  bon  à  noter.  En  lisant 
sa  dissertation  on  trouvera  des  traits  prouvant  qu'il  s'était 
intéressé  de  bonne  heure  aux  antiquités  de  son  pays  natal, 
témoin  l'exploration  d'une  grotte  artificielle  accomplie  en 
dépit  du  danger  quinze  ans  avant  la  rédaction  du  travail,  c'est- 
à-dire  en  1818.  L'expédient  de  se  faire  suspendre  par  une  corde 
au  sommet  d'un  rocher  pour  pénétrer  dans  une  prétendue  de- 
meure de  druide,  est  un  exploit  digne  de  M.  Martel  ;  s'il  eut 
vécu  de  notre  temps,  M.  de  Mélivier  eut  été  un  intrépide  gro- 
tologiste,  comme  il  eut  été  un  préhistorien,  parce  qu'on  s'inté- 
resse surtout  aux  monuments  que  l'on  a  près  de  soi,  et  parce 
que  M.  de  Métivier  avait  dès  sa  jeunesse  connu  le  menhir  et 
le  cromlech  de  la  Lague  sans  fond  et  qu'il  avait  constaté  que 
le  cercle  de  pierres  dressées  était  encore  intact  en  1813... 

Christophe  de  Villeneuve-Bargemont  avait  été  éfx)nné  d 
déçu  par  l'absence,  à  Sos,  d'antiquités  caractéristiques  et  il 
l'avoua  loyalement  :  <i  Après  avoir  exposé  les  motifs  qui  m'ont 
convaincu  que  Sos  était  réellement  la  cité  des  Sotiates,  j'avoue, 
dit-il,  qu'en  visitant  cette  contrée,  je  n'ai  pu  me  défendre  d'un 
sentiment  de  surprise,  sur  ce  que  les  vestiges  de  la  Ténarèse  et 
la  tradilion  récente  du  puits  à  souterrain  sont  les  seuls  monu- 


rccherches,  dil-il,  et  je  tombai  sur  des  vers  fails  en  l'honneur  de  l'izard  de 
M'  de  S...  mis  à  la  sauce  piquante.  Oh  !  pour  le  coup,  je  lis  comme  le  niisan- 
lhio])e  de  Molière  à  la  lecture  de  l'ode  (sic  v>our  soanel)  (pie  lui  lisait  Oronle; 
je  jetai  le  livre  en  Tair,  en  me  rappelant  l'ode  à  l'ail  du  noble,  religieux  et 
savant  comte  de  M...  (de  Marcellus)  et  l'ode  aux  mules  de  Don  iMiguel  par 
Virnnet,  ce  cpii  ne  Ta  pas  empêché  d'être  de  l'Académie  française,  où  le 
causli(pie  auteur  de  la  Métromanie  prétendait  que  là  40  avaient  de  l'esprit 
comme  A.  (Loc.  cit.^  p.  iv  et  v.) 
(1)  Loc.  cit.,  p.  19. 


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-  23  — 

nients  d'une  si  antique  existence Cette  absence  totale  d'ins- 
criptions, de  médailles  et  de  ces  monuments  qu'on  rencontre 
partout  où  ont  séjourné  les  Romains,  m'aurait  même  inspiré 
quelques  doutes,  si  tant  d'autres  conjectures  n'eussent  déter- 
miné ma  conviction...  (1).  »  Cette  constatation  de  carence  dut 
être  pénible  au  vicomte  de  Métivier  qui  se  donna  pour  mission 
d'en  prouver  l'inanité  ;  et,  pour  atteindre  ce  résultat,  il  ne  né- 
gligea aucune  indication,  il  ne  méprisa  aucune  trouvaille, 
aussi  put-il  bientôt  affirmer  que  si  la  ville  de  Sos  actuelle 
avait  bien  été  la  citadelle  du  roi  Adiatunn,  les  descendants  ro- 
manisés  des  vaincus  de  Crassus  avaient  étendu  assez  loin  leur 
aire  d'habitation  sur  les  plateaux  de  Loustalet  et  de  Saint- 
Martin,  pour  que  la  Ténarèze,  bordée  d'édifices,  fut  devenue 
une  rue  de  la  métropole  des  Sotiales.  L'observation  est  d'im- 
portance capitale  :  elle  ne  satisfit  point  cependant  cet  intelli- 
gent pionnier  de  l'archéologie  :  il  voulut  savoir  quelque  chose 
sur  les  monuments  même,  sur  la  religion  des  Sotiales  d'avant 
h\  conquête,  et  son  ambition  ne  fut  pas  vaine,  comme  on  pour- 
ra s  en  convaincre. 

Comme  la  plupart  des  grands  propriétaires  de  la  Lande,  le 
vicomte  de  Métivier  adorait  son  pays  et  le  connaissait  à  fond. 
Ces  sombres  forêts  qui  incpiiétaient  le  bon  docteur  Noulet 
n'avaient  pas  de  secrets  pour  lui  ;  il  avait  tout  vu,  tout  exploré, 
dans  l'étendue  de  son  horizon,  aussi  est-il  le  premier  qui  ait 
fait  connaître  des  monuments  mégalithiques  en  Aquitaine  à 
une  époque  où  l'on  ne  les  connaissait  guère  que  par  les  Mar- 
tyrs de  Chateaubriand  :  mieux  encore,  il  se  livrait  à  des  étu- 
des de  folkore,  quarante  ans  avant  les  premiers  folkloristes. 
Le  vicomte  de  Saint-Pau  ne  dédaignai!  aucune  source  d'infor- 
mation ;  il  questionnait  volontiers  de  vieux  métayers  el  les 
prenait  pour  garants  de  ses  affirmations  ;  sa  vieille  nourrice 
el  d'autres  bonnes  femmes  lui  racontaient  des  légendes  qu'il 
s'empressait  de  noter  suivant  la  maxime  du  «  savant  son  noble 
ami  le  chevalier  du  Mège  ».  In  des  chapitres  de  sa  Dissertn- 
lion  est  tout  entier  puisé  aux  renseignements  de  ces  humbles 


(1)  Loc.  cit.,  p.  296. 


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—  24  -- 

commensaux  de  Saint-Pau  ;  il  est  consacré  aux  sunivances 
des  anciens  cultes  des  eaux,  et  constitua  une  hardiesse  léuié- 
raire  au  temps  où  il  fut  écrit.  Pour  coniprendre  comment  M.  de 
Métivier  put  1  écrire  en  ce  temps,  il  faut  avoir  soi-même  couru 
dans  la  Lande,  dans  les  déserts  de  pins  et  de  sable,  car  c'est 
alors  seulement  qu'on  peut  bien  sentir  le  charme  attirant  et 
mystérieux  des  eaux  de  ce  pays  qu'a  célébré,  en  des  vers  inou- 
bliables de  son  Hymne  au  Centaure^  le  poète  sotiate  Emmanuel 
Delbousquet. 

(Test  ainsi  que  je  sais  la  beauté  de  la  oourse< 
Parmi  rcsj)ace  libre  en  un  pays  désert, 
El  la  doueeur  de  boire  à  Teau  froide  des  sources, 
Sur  le  flâne  de  la  dune  ()mi)ragé  de  pins  veris. 

Kn  nul  autre  pays  peut-être  les  eaux  jaillissantes  n'ont  un 
régime  aussi  étrange  et  des  noms  aussi  channants  ;  près  de 
Saint-Pau,  YArboundèro  ;  dans  un  circuit  plus  étendu,  la  Ge- 
lise,  la  Gueyze,  Tlsaule...  «  Les  eaux  surtout  gardent,  en  sou- 
venir des  nymphes  qui  s'y  baignaient  autrefois,  des  vocables 
charmants  qui  coulent  en  chantant  sur  les  lèvres  »,  a  dit  Ana- 
tole France,  et  il  semble  qu'il  ait  dit  cela  en  songeant  aux  ruis- 
seaux du  pays  des  Sotiates. 

Mais  c'e^^t  trop  s'attarder  sur  les  détails  d'une  œuvre  qu'il 
faut  lire  et  puis  consulter  au  fur  et  à  mevsure  des  découvertes 
futures  ;  elle  est  intitulée  un  peu  longuement  Dissertation  sur 
divers  monuments,  c(]utumes,  dénominations  et  usages  an- 
ciens de  Vaneienne  cité  des  Sotiate.^,  Nous  avons  dit  plus  haut 
(pie  nous  en  avions  élagué  quelques  paragraphes  de  polémi- 
(jue  parfaitement  oiseuse  ;  nous  avons  agi  de  môme  pour  cer- 
taines digressions  par  trop  longuets  sur  les  Druides,  Esus  et 
Tentâtes,  les  Maures,  les  arcanes  du  nombre  9,  les  poèmes  du 
Tasse  et  de  Gœthe.  D'ailleurs  nous  avons  toujours  loyalement 
indiqué  ces  coupures  en  note,  avec  un  résumé  fidèle  des  consi- 
dérations trop  longuement  diluées.  En  usant  aussi  discrète- 
ment que  possible  de  cette  méthode,  nous  croyons  avoir  rendu 
sei'vice  aux  lecteurs  de  la  Dissertation,  sans  manquer  au  res- 
pect dû  à  la  mémoire  du  vicomte  de  Métivier. 


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-  25- 

D*ailleurs  nous  n'avons  pas  hésité  à  commenter  abondam- 
ment quelques  observations  particulièrement  intéressantes  de 
ce  travail,  surtout  en  les  rapprochant  d'autres  textes  plus  ou 
moins  anciens,  que,  depuis  longtemps,  nous  avions  mis  de  côté 
en  vue  d'une  élude  générale  sur  TOppidum  des  Sotiates,  com- 
plément indispensable  de  notrfe  monographie  de  VOppidum 
des  Nitiobriges.  Nous  avons  trouvé,  au  surplus,  que  c'était 
une  excellente  manière  de  rendre  hommage  à  quelques-uns 
des  travailleurs,  un  peu  oubliés,  qui  avaient  frayé  la-  voie  à 
M.  de  Métivier,  comme  à  la  plupart  de  ceux  qui  ont  continué 
après  lui  à  revendiquer  l'honneur  d'avoir  été  la  métropole 
guerrière  des  Sotiates  pour  la  charmante  et  accueillante  cité  de 
Sos,  ce  petit  centre  de  culture  et  de  courtoisie,  dressé  comme 
un  inaccessible  refuge  en  face  de  l'horizon  infini  des  collines 
landaises,  vagues  de  la  vaste  mer  sombre  des  pins  qui  vient 
pacifiquement  mourir  à  ses  pieds  (1). 

Jules  Momméja. 
{à  suivre) 


(1)  Voici,  plus  complèle  (|ue  dans  la  Bibliographie  générale  de  VAgenais, 
la  liste  des  travaux  imprimés  de  M.  de  Métivier  : 

Du  Principe  électif  et  du  Serment  politique.  (Bordeaux,  1831,  in^')  ; 

Dissertation  sur  divers  monuments,  coutumes,  dénominations  d^usages  an- 
ciens de  l'ancienne  cité  des  Sotiates.  (Toulouse,  1836,  in-4*)  ; 

Mémoire  sur  divers  canaux  et  routes  du  déparlement  de  Lot-et-Garonne  et 
des  Landes.  (Nérac,  1836,  in-8'  de  32  p.)  ; 

Mémoire  sur  les  routes  et  canaux  des  départements  de  la  Gironde^  des  Lan- 
des et  de  Lot-et-Garonne.  (Bordeaux,  1837,  in-8')  ; 

De  V Agriculture  et  du  dé[riehement  des  Landes.  (Bordeaux,  1839,  gros  in-8% 
avec  planches)  ; 

La  Magistrature  et  le  Barreau.  Dédié  au  Parlement  de  France.  (Bordeaux, 
1843,  in-8')  ; 

Encore  un  ci-devant  Jeune  homme,  ou  les  Serments,  comédie  en  aeux  actes 
et  en  vers.  (Agen,  1846,  in-8'); 

Coup  d'œil  historique,  politique  et  (inancier  sur  la  France.  (Paris,  Garnier 
frères,  1850,  in-8'); 

Mémoire  sur  les  chenilles  des  bois  en  général,  et  spécialement  du  chêne- 
liège  ;  leur  causes,  leurs  efiets,  les  moyens  préserçali[s  et  destructifs  de  ces 
insectes.  (Paris,  1852,  in-8'); 

\érac  et  Pau  par  M.  Samazeuilh,  avocat,  errata  par  M.  le  vicomte  de  Mé- 
tivier, ancien  magistrat,  membre  correspondant,  etc.  (Mont-de-Marsan,  1856, 
in-8'). 


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LA  RÉORGANISATION  DU  BARREAU  D'AGËN 

(1812) 


L'Ordre  des  Avocats  fut  supprimé  par  décret  des  2-11  sep- 
tembre 1790,  malgré  l'éloquente  protestation  de  Robespierre 
qui  proclamait  dans  un  discours  célèbre  <(  qu'en  abolissant 
l'Ordre  des  Avocats,  on  dégradait  des  fonctions  précieuses  a 
l'humanité  essentiellement  liées  au  progrès  de  l'ordre  public 
et  au  triomphe  de  la  Liberté  (1).  » 

L'annonce  de  celte  mesure  radicale  fut  des  mieux  accueil- 
lies à  Agen,  et  les  nombreux  oraleui's  nés  que  produit  notre 
Gascogne  se  faisaient  une  joie  de  voir  s'ouvrir  enfin  devant 
eux  une  série  de  juridictions  où  ils  pourraient  faire  valoir  leur 
talent  de  parole  .et  surtout  leur  faconde. 

Le  journal  patriotique  de  Lot-et-Garonne  se  faisait  l'inter- 
prète de  cette  pensée  et  dans  son  numéro  du  15  septembre 
1790  on  lisait  :  «  Il  n'y  aura  pour  avocats  auprès  des  tribu- 
naux qu'un  certain  nombre  d'agréés  à  peu  près  comme  aux 
conseils  de  Paris,  lesquels  ne  seront  admis  qu'après  avoir 
suJ)i  un  examen  public  où  chaque  citoyen  aura  la  facilité  de 
les  interroger,  plus  de  grades,  plus  de  ces  ridicules  thèses  de 
droit,  plus  de  ces  écoles  mercenaires  où  l'ignorant  comme 
l'homme  instruit  recevait  à  prix  d'argent  un  brevet  de  science 
qui,  dans  les  mains  de  la  plupart  de  ceux  qui  en  étaient  por- 
teurs ne  faisaient  que  prouver  la  cupide  imposture  de  ceux 
qui  les  avaient  délivrés  (1).  » 

Ces  reproches  dictés  par  la  passion  beaucoup  plus  que  par 
un  réel  sentiment  d'impartialité  ne  pouvaient  s'appliquer  à 
l'ancien  barreau  d'Agen  dont  l'histoire  nous  a  vanté  les  con- 
naissances juridiques,  la  haute  distinction  et  les  services  émi- 


(1)  Discours  prononcé  le  14  décembre  1790. 

(2)  Journal  patriotique  de  Lot-et-Garonne,  n"  du  15  septembre  1790. 


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-  27  - 

nenls  rendus  à  la  cause  du  Droit.  Mais  les  détracteurs  des 
avocats  poussés  par  le  désir  de  renverser  l'Ordre  établi  ne 
songeaient  pas  aux  ruines  que  l'on  pouvait  ainsi  créer  et  aux 
abus  qui  fatalement  devaient  se  produire. 

Ces  abus  qui  se  manifestèrent  dès  1791  atteignirent  plus 
spécialement  notre  pays.  Tout  Gascon  naît  orateur  ;  s'il  est 
doué  d'une  certaine  audace  et  pourvu  de  quelqu'érudition,  il 
arrivera  facilement  à  en  imposer  à  la  masse  du  {Hîuple  lou- 
joui-s  avide  d'éloquence. 

Dès  la  suppression  de  l'Ordre  des  Avocats,  on  vit  un  nom- 
bre considérable  de  citoyens  se  révéler  hommes  de  loi  et  dé- 
fenseurs officieux  :  beaucoup  de  facilité  d'élocution,  aucune 
connaissance  juridique,  aucun  scrupule,  aucune  honnêteté, 
tel  était  le  bagage  de  ces  nouvelles  recrues  auxquelles  on  ou- 
vrait toutes  grandes  les  portes  des  tribunaux. 

A  la  place  des  hommes  corrects  et  estimés  qui  faisaient  par- 
tie de  l'ancien  barreau,  on  vit  s'intituler  hommes  de  loi  tous 
les  agents  d'affaires  véreux  du  pays.  Habitués  à  des  procé- 
dés de  polémique  discourtois,  ils  Iransfonnèrent  les  prétoires 
en  réunions  publiques  ;  leui's  plaidoiries  n'étaient  que  de 
vigoureuses  philippiques  contre  leurs  adversaires  d'où  nais- 
saient des  altercations  violentes,  des  discussions  passionnées 
où  tous  les  sujets  étaient  abordés,  sauf  le  point  de  vue  juridi- 
que. Ils  plaidaient  toujours  le  fait,  jamais  le  droit;  ils  soule- 
vaient des  incidents  sans  fin  et  multipliaient  les  artifices  de  pro- 
cédure. Ils  en  vinrent  peu  à  peu  aux  plus  has  procédés  de  la 
chicane  et  le  métier  d'avocat  devint  une  entreprise  commer- 
ciale :  on  se  livrait  avec  entrain  au  raccolage  du  client  et  on 
ne  songeait  qu'à  le  pressurer  et  à  lui  extorquer  le  plus  d'argent 
possible.  Pour  le  compte  des  défenseurs  officieux,  des  offici- 
nes louches  fonctionnaient,  se  prêtant  aux  procédures  les  plus 
douteuses  et  favorisant  les  hommes  de  loi  qui  leur  faisaient  les 
conditions  les  meilleures. 

Les  quelques  anciens  avocats  éca^urés  de  ce  spectacle  re- 
gardaient, impassibles  et  narquois,  les  déplorables  conséquen- 
ces du  décret  qui  avait  aboli  leur  Ordre  et  supprimé  les  garan- 
ties de  moralité,  de  science   et  d'indépendance    exigées   des 


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avocats  ;  ils  écoulaient  les  doléances  des  plaideurs  et  atten- 
daient avec  confiance  Tavenir  meilleur  qui  devait  remettre  les 
choses  et  les  hommes  à  leur  place. 

Si  l'on  veut  se  faire  une  idée  approximative  du.  nombre 
colossal  d'avocats  qui  abordèrent  la  barre,  nous  n'avons  qu'à 
jeter  un  coup  d'œil  sur  les  listes  qui  donnent  leur  nom  et  leur 
adresse.  Daas  les  dix  dernières  années  qui  précédèrent  la 
sui)pression,  de  1780  à  1790,  cinq  avocats  nouveaux  seulement 
se  firent  inscrire  au  barreau  d'Agen  ;  pendant  le  même  laps 
de  temps,  de  1800  à  1810,  soixante-cinq  avocats  nouveaux 
ont  obtenu  le  titre  de  défenseurs  officieux  (Ij  ;  en  1811,  il  y 
avait  encore  cinquante-huit  avocats  inscrits  au  barreau  ;  par- 
mi ceux-ci  il  y  en  avait  de  très  dignes  qui  occupèrent  plus, 
tard  avec  honneur  les  plus  hautes  situations  dans  la  magis- 
trature, mais  le  reste  était  formé  par  une  bande  de  hâbleurs 
san^s  talent,  sans  scrupule  et  sans  moralité. 

Pour  les  procès,  il  était  d'usage  d'impressionner  les  par- 
ties par  une  avalanche  de  conclusions,  par  un  abus  des  artifi- 
ces de  procédure  ;  on  abusait  des  incidents  et  des  répliques 
qui  faisaient  durer  indéfiniment  le  plus  petit  procès  de  servi- 
tude et  lui  donnait  une  impoilamv*  apparente  qui  appelait  des 
honoraires  plus  élevés. 

Le  genre  d'éloquence  des  avocats  agenais  au  commence- 
ment du  XIX*  siècle  portait  encore  la  marque  de  l'influence  des 
grands  révolutionnaires.  On  aimait  encore  l'emphase,  le 
genre  pompeux  et  grandiloquent  mis  à  la  mode  par  les  ora- 
teurs de  la  Convention  ;  les  comparaisons  les  plus  imprévues, 
les  digressions  les  plus  inutiles  étaient  de  mise  et  un  avocat 
se  serait  cru  déshonoré  s'il  n'avait  fait  étalage  de  connaissan- 
ces classiques  et  émaillé  son  discours  de  citations  grecques  ou 
latines.  On  abusait  même  de  ce  procédé  et  on  en  arrivait  à 
évoquer  la  guerre  de  Troie  à  propos  d'une  rivalité  entre  voi- 
sins et  à  citer  Ciceron  à  l'occasion  d'un  bris  de  clôture. 

Quelles  étaient  les  conséquences  de  ces  habitudes,  c'était 
une  effroyable  longueur,  les  affaires  languissaient  sans  solu- 


(1)  \  oir  Annuaires  de  Lot-et-Garonne  do  1800  A  1810. 


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lion  el  les  plus  urgentes  arrivaient  péniblement  à  se  faire  juger 
au  bout  d'une  année  !  Les  avocats  se  complaisaient  dans  les 
longues  périodes  oratoires,  c'étaient  des  palabres  sans  fin  où 
la  faculté  d  elocution  propre  à  notre  race  se  donnait  libre  car- 
rière ;  trop  heureux  d'avoir  un  public  patient  par  obligation 
professionnelle,  ils  faisaient  subir  aux  magistrats  des  discours 
interminables  après  lesquels  l'affaire  semblait  n'avoir  pas  fait 
un  pas. 

En  étudiant  les  discours  de  rentrée  prononcés  à  Agen  à 
celte  époque,  on  est  frappé  par  les  récriminations  de  plus  en 
plus  énergiques  qu'élèvent  les  magistrats  contre  les  déplora- 
bles habitudes  des  hommes  de  Loi. 

Le  2  novembre  1808,  M.  Mouyssel,  procureur  général  im- 
périal, faisait  allusion  à  cet  état  de  choses  et  reprochait  aux 
avocats  leur  longueur  en  termes  peu  voilés  :  «  La  moindre 
cause  est  discutée  à  vos  audiences  avec  une  longueur  presque 
sans  tenue,  le  même  moyen  est  répété  dix  fois,  on  dirait,  à  n'en 
juger  que  paï-  les  plaidoiries,  que  les  juges  conçoivent  plus 
difficilement  que  le  reste  des  hommes  ou  qu'ils  sont  sujets  a 
des  distractions  continuelles.  Celte  espèce  d'insulte  faite  à 
vos  lumières,  à  l'allenlion  que  vous  portez  aux  affaires  que 
l'on  discute  devanl  vous  a  souvent  excité  voire  impatience  ; 
cent  fois  vous  l'avez  témoigné,  mais  l'abus  continue  et  il  est 
temps  de  l'arrêter.  Invitez  les  avocats  et  les  avoués  à  bien  se 
pénétrer  du  devoir  de  la  magistrature.  Dites-leur  qu'ils  contri- 
buent avec  vous  à  la  distribution  de  la  justice,  que  ce  n'est 
donc  pas  pour  en  ralentir  la  marche  qu'ils  doivent  employer 
leur  ministère,  mais  pour  l'éclairer  au  contraire  et  pour  l'ac- 
célérer ;  que  c'est  alors  seulement  que  leurs  talents  et  leurs 
lumières  sont  consacrés  au  bien  public  et  que  leur  profession 
reprend  le  lustre  que  l'opinion  se  plaît  à  lui  donner  lorsqu'elle 
est  exercée  avec  franchise,  délicatesse  el  loyauté. 

«  On  remarque  aiLssi  que,  par  amour-propre  ou  par  excès 
de  zèle,  les  défenseurs  s'étudient  à  jeter  dans  les  affaires  des 
incidents  qui  prouvent  qu'ils  ont  de  la  subtilité  dans  l'esprit, 
mais  qui  ne  peuvent  rien  produire  dans  l'intérêt  de  leurs  par- 
lies  ;  les  questions  essentielles  du  procès  sont  la  plupart  du 


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—  30  — 

temps  entourées  d'une  foule  d'exceptions  préliminaires  qui 
n'ont  à  proprement  parler  d'autre  mérite  que  de  rendre  la 
discussion  plus  longue  et  qui  ferait  croire,  si  Ton  n'était  fixé 
sur  la  solidité  de  vos  raisonnements  qu'on  peut,  par  des  so- 
phismes,  égarer  facilement  votre  raison. 

«  Tous  ces  moyens  qu'imagine  la  chicane  pour  résister  à 
la  vérité  ne  sont  pas  dignes  d'être  employés  par  des  gens  de 
talent  qui  vous  entourent  et  qui  doivent  participer  à  vos  ver- 
tus. Ils  doivent  être  aussi  jaloux  que  vous  de  la  pureté  de  vos 
oracles,  car  s'ils  parvenaient  par  de  faux  faits  ou  par  de  faus- 
ses maximes  à  vous  faire  adopter  une  erreur,  ils  seraient,  bien 
plus  que  vous,  responsables  de  l'injustice  que  vous  auriez  com- 
mise parce  qu'ils  ont  un  caractère  qui,  d'avance,  doit  vous 
être  garant  que  leur  bouche  ne  serait  jamais  l'organe  du  moins 
volontaire  du  mensonge  (1).  » 

Tel  est  le  tableau  brossé  de  main  de  maître  qui  nous  est 
fait  des  hommes  de  loi  de  l'an  1808;  au  lieu  de  la  franchise  de 
jadis,  l'hypocrisie,  le  mensonge  ;  à  la  place  de  la  lutte 
loyale  du  droit,  la  lutte  sournoise  de  la  procédure  ;  au  lieu  de 
la  clarté,  cette  qualité  si  française,  une  obscurité  voulue  et 
recherchée  à  plaisir.  Lo  seul  talent  de  l'avocat  paraît  être  celui 
d'embrouiller  son  affaire  pour  que  les  juges  n'y  saisissent  plus 
rien.  Tels  étaient  à  Agen  les  résultats  de  l'abolition  de  l'Or- 
dre des  Avocats.  Un  état  aussi  lamentable  ne  pouvait  durer, 
une  réforme  et  le  retour  à  l'ancien  état  de  choses  s'imposaient. 
Dès  1804,  les  anciens  avocats  font  une  tentative  de  scission, 
dont  V Annuaire  de  Lot-et-Garonne  nous  a  laissé  la  trace  ;  ils 
veulent  se  distinguer  de  leui's  nouveaux  confrères  et  nous 
voyons  au  mot  :  hommes  de  loi,  deux  catégories  :  les  avocats 
licenciés  (les  anciens)  et  les  défenseurs  officieux  (nouveaux) 
mais  l'éditeur  de  l'Annuaire,  n'osant  pas  prendre  sur  lui  cette 
désignation,  met  en  note  :  les  litres  donnés  dans  ce  tableau 
sont  ceux  qui  sont  portés  dans  le  procès-verbal  de  prestation 
de  serment  devant  la  Cour  d'Appel;  mais  Tannée  suivante  cette 


(1)  Discours  prononce  par  le  procureur  général  impérial  Mouyssel,   à  la 
renlrée  do  la  Cour,  le  2  novembre  1808. 


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arislocratique  dislinclion  entre  les  gradés  et  les  non  gradés 
est  supprimée  probablement  comme  un  retour  aux  errements 
de  TAncien  Régime  (1). 

En  1805,  M.  le  président  Bergonié,  à  la  reprise  des  travaux 
de  la  Cour,  n'hérite  pas  à  mettre  en  opposition  l'ancien  bar- 
reau et  le  nouveau  en  faisant  allusion  à  la  nécessité  du  réta- 
blissement de  l'Ordre  des  Avocats.  <(  Je  lis  dans  les  regards  de 
MM.  les  Avocats  l'émulation  qui  les  anime  pour  faire  renaître 
parmi  eux  cette  solidarité  d'honneur  et  de  délicatesse  à  la- 
quelle leur  profession  a  été  redevable  de  la  considération  dont 
elle  a  joui.  » 

En  1810,  M.  le  procureur-général  Mouysset,  à  la  rentrée  de 
la  Cour  d'Agen,  revient  sur  le  sujet  qui  lui  est  cher  et  réclame 
la  restauration  de  l'Ordre  des  Avocats  :  «  Dans  tous  les  temps, 
dit-il,  cette  institution  a  joui  des  privilèges  les  plus  distingués, 
des  prérogatives  les  plus  flatteuses  pour  marquer  que  cette 
profession  devait  primer  toutes  les  autres;  l'ancien  gouverne- 
ment avait  voulu  que  les  avocats  composent  un  Etat  dans 
l'Etat  môme  ;  que  se  livrant  sans  cesse  à  la  méditation  des 
lois,  ils  en  portassent  pour  eux-mêmes,  qu'ils  fussent  leurs 
censeui"s,  leurs  accusateurs  et  leurs  juges. 

«  Cependant  les  secousses  d'une  grande  révolution  durent  mê- 
ler partout  les  vertus  et  les  vices,  le  barreau  ne  fut  pas  à  l'abri 
de  cette  confusion,  les  changements  qu'il  éprouva  l'en  rendirent 
plus  susceptible  au  contraire.  Cette  réunion  d'hommes  ins- 
truits et  vertueux  inspirait  quelque  défiance,  il  fallut  la  dissi- 
per, on  crut  même  qu'on  devait  les  rendre  méprisables  en  les 
désignant  par  la  dénomination  insignifiante  d'honmies  de  loi, 
de  défenseurs  officieux, que  s'attribuaient  tous  les  faméliques  cl 
les  déhontés  de  la  révolution.  On  sentit  bien  dans  la  suite  la 
nécessité  de  les  rappeler,  de  leur  redonner  leur  titre  d'hon- 
neur et  de  dignité.  »  M.  Mouysset  qui  se  trouvait  depuis 
l'an  VIII  dans  le  Lot-et-Garonne,  avait  pu  apprécier  mieux 
que  tout  autre  les  inconvénients  qu'avait  eu  dans  notre  pays 


(1)  Voir  Annuaire  de  Lol-ct-Garonne,  1804. 


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-  :i2  - 

le  décret  des  2-11  septembre  1790,  c'est  pourquoi  il  en  deman- 
dait avec  tant  d'énergie  le  rétablissement.  Quelques  jours 
après,  par  décret  du  14  décembre  1810,  l'Ordre  des  Avocats 
était  rétabli. 

Napoléon,  qui  ne  fut  pas  seulement  un  guerrier  incompara- 
ble mais  encore  un  financier  de  génie  et  un  législateur  inégalé, 
comprit  la  nécessité  de  renouer  la  tradition  brusquement  rom- 
pue par  la  Révolution  et  de  restaurer  toutes  les  grandes  forces 
sociales  qui  avaient  fait  la  puissance  de  l'ancienne  France. 
Au  premier  rang  de  celles-ci  figurait  l'Ordre  des  Avocats  qui, 
par  son  attachement  à  la  justice,  son  indépendance,  sa  haute 
valeur  et  son  amour  de  la  Liberté,  avait  mérité  la  haine  de  ces 
révolutionnaires  qui  ne  pouvaient  souffrir  aucune  supériorité. 

Le  rétablissement  de  l'Ordre  des  Avocats  fut  accueilli  à 
Agen  avec  une  joie  égale  à  celle  qui  avait  salué  sa  suppression; 
les  plaideurs  se  sentirent  rassurés  en  songeant  qu'un  conseil 
de  discipline  allait  les  protéger  contre  les  entreprises  des  for- 
bans qui,  sous  le  beau  nom  d'hommes  de  loi,  exploitaient  un 
commerce  lucratif  entre  tous  et  se  plaisaient  à  mener  leurs 
clients  dans  le  maquis  de  la  procédure,  toujours  au  grand 
dommage  de  leur  bourse  et  souvejit  de  leurs  intérêts. 

L'année  1811  se  passa  en  tâtonnements  divers,  mais  les 
bienfaits  du  rétablissement  de  l'Ordre  se  faisaient  sentir  dès 
1812,  car  un  certain  nombre  de  défenseurs  officieux,  sûrs  de 
ne  point  figurer  au  tableau  des  avocats,  n'avaient  pas  insisté 
et  leur  nombre,  qui  était  de  58  en  1811,  se  trouvait  réduit  de 
plus  de  moitié,  22  en  1812  (1).  L'Ordre  étant  reconstitué,  son 
tableau  ayant  été  rétabli,  il  fut  procédé  à  l'élection  du  bâton- 
nier ;  le  conventionnel  Duplantier  fut  nommé  ;  ancien  député 
de  la  Gironde,  une  démission  opportune  lui  avait  permis 
d'échapper  au  triste  sort  de  ses  coreligionnaires  politiques,  il 
exerçait  depuis  1805  la  profession  d'avocat  à  Agen  ;  ses  hautes 
connaissances  juridiques,  son  éloquence  éclairée  et  précise 
et  enfin  sa  modération  lui  avaient  valu  cet  honneur. 

Il  s'appliqua  avec  énergie  à  rétablir  la  discipline  et  l'ordre 


(1)  Annuaire  du  Lol-el-Garonne^  année  1812. 


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-  33  — 

dans  le  barreau  d'Agen  el,  à  cet  effet,  il  convoqua  pour  la 
première  fois  le  conseil  de  discipline  de  MM.  les  avocats  à  la 
Cour  impériale  d'Agen.  C'est  le  8  avril  1812  qu'eut  lieu  cette 
première  séance,  dont  voici  le  compte-rendu  (1). 

«  Aujourd'hui,  8  avril  1812,  dans  une  des  salles  du  Palais 
de  Justice.  Présents  :  MM.  Duplantier,  llybre,  Ducos,  Dayrie, 
Chaudordi  et  Cabiran-Lassalle,  tous  membres  du  Conseil  de 
discipline . 

«  M.  Duplantier,  bâtonnier,  a  fait  lecture  d'un  arrêté  de 
M.  le  Procureur  général,  en  date  du  1"  avril  1812,  portant 
nomination  des  membres  du  Conseil  de  discipline,  ensemble 
d'une  lettre  du  même  jour,  dans  laquelle  M.  le  Procureur  gé- 
néral l'invite  à  prévenir  les  membres  du  Conseil  des  nouvelles 
fonctions  qu'ils  ont  à  remplir,  après  quoi  le  Conseil  s'est  cons- 
titué en  corps  délibérant.  M.  Duplantier  faisait  les  fonctions 
de  président  et  M.  Lassalle,  celle  de  secrétaire.  » 

Dans  cette  première  séance,  fut  réglementé  le  fonction- 
nement du  Conseil  de  discipline,  l'ordre  du  tableau  et  organisé 
le  bureau  des  consultations  gratuites. 

Mais  il  fallait  surtout  interdire  l'accès  du  barreau  à  tous 
ceux  qui  l'avaient  déshonoré  et  avili  et  éviter  le  retour  des 
abus  de  jadis.  Aussi,  dans  la  séance  du  15  avril  1812,  le 
Conseil,  s'occupant  de  l'admission  au  stage,  vota  les  quatre 
articles  suivants  : 

Article  preuher. 
<(  Tout  avocat  qui  voudra  être  admis  à  faire  son  stage  sera 
tenu,  après  la  prestation  de  son  serment,  de  se  présenter  chez 
le  bâtonnier  pour  former  sa  demande  et  jiustifier  de  ses  titres. 

Article  2. 
«  Nul  ne  sera  admis  à  faire  son  stage  que  sur  la  présenta- 
lion  du  bâtonnier  qui,  avant  de  le  proposer,  devra  prendre  les 
renseignements  nécessaires  pour  la  constatation  de  sa  bonne 
conduite  et  de  sa  moralité. 


(1)  Extrait  des  registres  manuscrits  des  procès-verbaux  des  séances  du 
Conseil  de  discipline  de  MM.  les  Avocats  en  la  Cour  impériale  d"Agen. 


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—  34  — 

Article  3. 
«  L*admission  au  stage  sera  inscrite  sur  le  diplôme  du  sta- 
giaire et  signée  par  le  bâtonnier  et  par  le  secrétaire. 

Article  4. 
<(  Les  dispositions  des  articles  précédents  s'appliquent  à 
ceux  qui,  ayant  déjà  prêté  leur  serment,  ne  sont  pas  néan- 
moins inscrits  sur  le  tableau.  » 

Ces  dispositions  ne  demeurèrent  pas  lettre  morte,  car  peu 
de  temps  après,  le  27  mai  1812,  M.  Jean-Baptiste- Antoine 
Bouet,  reçu  licencié  en  droit  à  Paris,  le  19  avril  1811,  ayant 
demandé  à  être  inscrit  au  stage.  M''  Duplantier  se  livra  à  une 
enquête  sérieuse  sur  la  bonne  conduite  et  la  moralité  du  pos- 
tulant. Le  résultat  ayant  été  des  plus  favorables,  M.  Bouet  fut 
admis  au  stage.  Le  Conseil  de  discipline,  conscient  de  la  haute 
mission  qui  lui  était  donnée  de  sauvegarder  l'honneur*  et  la 
dignité  de  l'Ordre,  s'en  acquitta  en  diverses  occasions  et  dé- 
barrassa le  barreau  de  plusieurs  avocats  qui  le  déshonoraient 
et  contribua  ainsi  à  redonner  à  cette  profession  le  lustre  qu'elle 
avait  autrefois. 

Le  barreau  d'Agen,  reconstitué  sur  ses  bases  ancienne*^, 
continua  sa  longue  tradition  de  gloire  et  d'honneur.  A  la  barre 
de  notre  Palais  de  Justice,  se  formèrent  des  jurisconsultes 
éminents,  des  orateurs  éloquents  et  souvent  la  politique  vint 
enlever  au  barreau  ses  plus  brillants  sujets  pour  les  appeler 
à  présider  aux  destinées  du  pays  ;  appartenant  à  toutes  les 
fractions  des  partis  politiques,  les  avocats  de  notre  pays  qui 
firent  partie  du  Parlement  surent  toujours  s'y  créer  une  place 
de  choix,  souvent  même  ils  brillèrent  au  premier  rang,  et 
montrèrent  la  véracité  du  vieil  adage  :  tout  vrai  Gascon  est 
éloquent. 

Jacques  AMBLARD. 


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LE  CHATEAU  DE  CASTELNOUBEL 


(Commune  de  Bon-Engontre ) 

(  SUITE  ) 


Son  fils  François  lui  succéda.  Il  avait  été  question  de  le 
marier  avec  Catherine  d'Esclamal,  fille  de  Jean  d'EscIamal, 
seigneur  de  Pujols.  Ce  projet  n'aboutit  pas.  Catherine  d'Es- 
clamal épousa  noble  Renaud  de  Saint-Amant,  sénéchal  de 
Guyenne  (1).  Eut-il  toujours  regret  de  cet  échec,  nous  ne  le 
savons  pas,  mais  ce  qui  est  sûr,  c'est  que  François  de  Durfort 
ne  se  maria  pas. 

Ce  fut  un  grand  bâtisseur.  Il  restaura,  agrandit  et  fortifia  le 
château  de  Lafox,  et  releva  celui  de  Castelnoubel.  Le  pays 
jouissait  de  la  paix  et  se  remettait  peu  à  peu  des  secousêes 
violentes  qui  si  longtemps  l'avaient  désolé.  Castelnoubel,  de- 
puis déjà  de  longues  années,  n'était  qu'un  amas  de  ruines  et 
chaque  jour  ses  murs  s'effritaient  davantage.  Son  état  était 
lamentable. 

François  de  Durfort  résolut  de  le  relever,  et,  peut-être  aussi, 
de  l'agrandir.  Les  populations  du  voisinage  désiraient  cette 
restauration,  car  c'était  pour  elles  un  lieu  de  refuge  dans  les 
temps  d'hostilités.  Elles  avaient,  si  souvent  dans  le  passé, 
enfermé  leurs  récoltes  et  leurs  biens  dans  ces  murailles  en 
iniines,  qu'elles  répondirent  avec  empressement  à  l'appel  que 
leur  adressa  le  seigneur  de  Castelnoubel  et  contribuèrent  lar- 
gement à  son  relèvement. 

Par  contre,  quelques  années  plus  tard,  lorsque  la  ville 
d'Agen,  ayant  elle  aussi  besoin  de  réparer  ses  remparts,  voulut 
imposer  des  corvées  à  tous  les  habitants  de  la  juridiction,  ceux 


(1)  Essai  historique  sur  la  baronnie  de  Putois  en  AgenaiSy  par  Tabbé  Ger- 
bcau.  Agen,  Roche,  1891,  p.  76. 


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-  36  - 

de  Castelnoubel  ne  voulurent  point  se  soumettre.  «  Les  forains 
des  trois  paroisses  de  Cassou,  St-Denis-Lasgourgues,  Saint- 
Caprais-de-Lerm  refusèrent  de  se  rendre  à  leui^s  sommations. 
Ils  opposaient  d'ailleurs  quelques  bonnes  raisons  pour  justi- 
fier leur  résistance.  Leur  asile  au  temps  des  dernières  guerres 
avait  été  le  château  de  Castelnoubel  qu'ils  avaient  relevé  de  ses 
ruines  ;  c  est  là  qu'ils  faisaient  le  service  de  la  garde  ;  cette 
forteresse,  grâce  à  leur  fidélité,  avait  été  le  boulevard  (barba- 
cana  et  boloard)  d'Agen  contre  les  Anglais.  Depuis  cent  ans 
enfin,  ils  n'avaient  travaillé  ni  aux  chemins,  ni  aux  remparts 
d'Agen.  Pourquoi  les  consuls  d'Agen,  se  faisant  juges  dans 
leur  propre  cause,  prétendaient-ils  leur  imposer  cette  con- 
trainte ? 

«  En  effets  les  habitants  d'Agen  n'avaient  pas  contribué  au  ré- 
tablissement et  à  la  conseiTation  du  château  de  Castelnoubel  ; 
en  gardant  cette  position,  les  forains  avaient  payé  leur  dette 
à  la  communauté.  C'était  une  mesure  peu  équitable  autant 
qu'impolitique,  de  leur  imposer  double  charge.  On  aurait  dû 
maintenir  leur  obligation  en  principe,  mais  la  tempérer  dans 
la  pratique. 

u  La  résistance  aux  ordres  des  consuls  dura  de  longues  an- 
nées ;  le  Parlement  de  Bordeaux,  saisi  de  cette  affaire,  avait 
rendu  un  premier  an^êt  (16  juillet  1491),  défendant  de  rien  inno- 
ver avant  un  jugement  définitif.  Cette  décision  se  fit  longtemps 
attendre  et  nous  savons  seulement  par  un  article  fort  court  des 
mémoires  des  consuls  du  commencement  du  xwf  siècle  que 
ceux-ci  finirent  par  gagner  leur  procès  »  (1). 

L'enquête,  qui  nous  a  fourni  des  renseignements  si  précieux, 
fut  faite  à  l'occasion  de  ce  procès. 

François  de  Durfort  présida  au  mariage  de  sa  sœur  Cathe- 
rine avec  Antoine  de  Lustrac  {2). 

Robert,  un  de  ses  frères,  entra  dans  l'ordre  des  Chevaliers 
de  Malte  en  H88.  A  cette  occasion,  le  18  octobre,  il  fil  aban- 
don de  tous  ses  biens,  à  François,  le  chef  de  la  famille,  moyen- 


Ci)  G.  Tholin,  Ville  libre  et  Barons,  pp.  96-97. 

(2)  Archives  du  château  de  Lafox.  Inventaire  de  1587. 


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-  3^  - 

nanl  la  somme  de  400  petits  écus,  chaque  écu  valant  27  sols  et 
demi  tournois  (1). 

Antoinette  de  Durfort,  autre  sœur  de  François,  se  maria  avec 
noble  Jean  du  Ma\  ne,  seigneur  d'Escandaillac,  et  le  5  février 
1491,  elle  donnait  quittance  à  son  frère  «  de  toutz  droitz  que 
lui  pourroient  appartenir  ez  bien^  de  son  père  »  (2). 

Le  seigneur  de  Castelnoubel  était  alors  dans  la  force  de 
l'âge,  mais  sentant  cependant  sa  santé  chancelante,  il  se  décida 
à  faire  son  testament,  le  3  octobre  1493.  Il  veut  être  enterré 
dans  l'église  des  frères  prêcheurs  d'Agen,  au  tombeau  de  ses 
parents.  Il  fonda  une  chapelle  sous  le  vocable  de  Notre-Dame, 
au  lieu  de  Laroque-Timbaut.  Le  patronage  de  cette  chapelle 
appartiendra  au  seigneur  de  Bajamont.  Le  chapelain  devra 
dire  une  messe  de  la  Sainte  Vierge,  une  autre  du  Saint  Esprit 
et  une  troisième  des  morts  chaque  semaine  (3).  Il  donne  l'usu- 
fruit de  ses  biens  à  sa  mère  Antoinette  de  Gourdon  et  si  elle 
ne  s'entend  pas  avec  son  héritier,  elle  sera  dame  et  maîtresse 
de  Bajamont  et  de  Laroque-Timbaut.  Après  plusieurs  legs  aux 
couvents  de  la  ville  d'Agen,  il  institue  Etienne  son  frère,  héri- 
tier universel,  avec  clause  de  substitution  (4). 

Etienne  de  Durfoi-t,  de  simple  cadet  apanage,  devient  ainsi 
le  chef  de  la  famille  et  l'héritier  de  ses  vastes  domaines.  J'ai 
esquissé,  ailleurs,  la  rude  physionomie  de  ce  seigneur  et  ra- 
conté ses  démêlés  avec  la  ville  d'Agen.  Je  n'y  reviendrai 
pas  (5). 


(1)  Archives  du  château  de  Lafox,  Acte  original. 

(2)  Ibidem,  Inventaire  de  1587. 

(3)  Cette  chapelle  fut  bâtie  presqu'aussitôt  après  sa  mort,  dans  l'enceinte 
diî  château  de  Laroque.  L'église  de  la  paroisse  étant  éloignée  du  bourg, 
celle  chapelle  fut  ouverte  aux  xvu'  et  xvui'  siècles,  pendant  la  semaine,  aux 
habitants  de  Laroque.  Elle  était  connue  sous  le  nom  de  Saint-Pierre  de  Gro- 
zîllac.  Le  seigneur  nommait  le  chapelain,  et  celui-ci  ne  résidant  pas  sur  place 
la  plupart  du  temps,  payait  le  vicaire  de  la  paroisse  pour  en  faire  le  service, 
A  certains  jours  de  la  semaine,  le  curé  y  disait  la  messe  pour  la  commodité 
des  habitants  de  Laroque,  et  cela  juscju  à  la  Révolution.  Cette  chapelle,  très 
bien  bâtie,  voûtée  sur  croisées  d'ogives,  existe  encore,  mais  elle  a  changé  de 
destination.  Elle  sert  de  réservoir  d'eau  à  la  ville  de  Laroque. 

(4)  Archives  du  château  de  Lafox.  Copie  sur  papier. 

(5)  V.  Le  Tombeau  des  Durlort,  par  J.-R.  Marboulin,  Imprimerie  iModerne, 
Agén. 


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—  38  — 

Parmi  les  seigneuries  dont  Etienne  devenait  le  maître,  Mé- 
reas  et  Caslelnoubel  lui  furent  disputées.  On  n'a  pas  oublié, 
en  effet,  que  le  8  juillet  14.37,  Jean  de  Durfort  fit  donation  à 
Raymond-Bernard  de  Monl|>ezat,  des  terres  de  Mérens  et  de 
Castelnoubel.  Longtemps  cette  donation  demeura  caduque  et 
Bertrand,  Arnaud  et  François  de  Diu^ort  prirent  toujours  le 
titre  de  seigneurs  de  ces  châteaux.  Mais  vers  la  fin  du  xv*  siè- 
cle, Guy  de  Montpezat  fit  valoir  les  droits  que  la  donation  pré- 
citée lui  conférait.  C'était  d'ailleurs  un  puissant  seigneur  avec 
lequel  il  fallait  compter.  Il  était  fils  de  Charles  de  Montpezat 
et  de  Jeanne  de  Roquefeuil.  M.  de  Bellecombe,  dans  son  His- 
toire de  Monipezal,  en  a  fait  un  sombre  portrait. 

«  Rapace,  violent,  pillard,  disent  les  mémoires,  aucun  moyen 
ne  lui  coûtait  pour  parvenir  à  ses  fins;  les  cachots  du  château 
étaient  continuellement  remplis  de  ses  vassaux  et  de  ses  tenan- 
ciers, qui  ne  pouvaient  en  sortir  qu'après  s  être  remis  entière- 
ment à  sa  merci.  Ce  barbare  seigneur,  ajoutent  les  mémoires, 
ne  leur  laissait  leurs  fermes  et  leurs  métairies  qu'à  des  condi- 
tions si  dures  et  si  onéreuses  que  le  travail  le  plus  assidu  pou- 
vait à  peine  faire  produire  à  la  terre  les  redevances  exigées.  » 

«  Cruel  et  féroce,  ses  délassements  ordinaires  étaient  de  tirer 
sur  les  ouvriers  ou  les  agriculteurs  que  leurs  occupations  appe- 
laient sur  les  arbres,  les  murs  et  les  toitures,  les  charpentiers 
surtout  étaient  son  gibier  favori  (1).  » 

Il  y  a  dans  ce  portrait  beaucoup  d'exagération,  et  certaine- 
ment une  large  part  à  l'invention,  mais  il  n'en  ressort  pas 
moins  que  Guy  de  Montpezat  n'était  pas  homme  à  laisser 
échapper  le  beau  château  de  Castelnoubel  et  la  terre  de  Mé- 
rens, qui  devaient  augmenter  sa  puissance  et  sa  richesse.  Il 
fit  donc  entendre  sa  réclamation. 

Etienne  de  Durfort  ne  paraît  pas  avoir  eu  un  caractère  plus 
doux  ;  il  n'était  ni  patient,  ni  endurant.  Il  dut  cependant  s'in- 
cliner et  entrer  en  accommodement.  Les  droits  de  Montpezat 
étaient  manifestes.  Durfort  trouva  un  moyen  pour  concilier 


(1)  Histoire  de  Montpezat  et  de  Vabbaye  de    Pérignac,  par    A.  de  Belle- 
combe, pp.  102-103. 


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—  39  — 

les  exigences  de  son  adversaire  et  son  désir  de  rester  proprié- 
taire de  Castelnoubel.. 

Il  demanda  la  main  de  demoiselle  Françoise  de  Montpe- 
zat,  sœur  de  Guy,  et  Tobtint.  Le  25  mars  1498,  le  contrat  de 
mariage  fut  signé  et  en  même  temps  la  transaction  par  laquelle 
Guy  de  Monlpezat  renonçait  à  ses  prétentions  sur  Castelnoubel 
et  Mérens  (1). 

Quelques  années  après,  Françoise  de  Montpezat  étant  morte, 
Etienne  de  Durfort  se  maria,  en  secondes  noces,  avec  Rose  de 
Montesquieu,  veuve  de  Bernard  Jourdain  de  Tlsle,  seigneur 
de  Lamothe  (2). 

Le  8  octobre  1529,  se  sentant  malade,  Etienne  de  Durfort 
faisait  son  testament.  Cet  acte  est  fort  curieux.  Lorsque  j  écri- 
vais mon  travail  sur  le  Tombeau  des  Durlort,  une  partie  de  ce 
testament  avait  échappé  à  mes  recherches.  J'ai  retrouvé  depuis 
les  quelques  pages  qui  manquaient,  et  je  profite  de  la  circons- 
tance pour  les  faire  connaître.  Cela  complétera  et  corroborera 
mon  travail. 

Il  demande  d'être  enterré  «  en  la  chapelle  de  Saincte  Cathe- 
rine du  lieu  de  Lafotz  en  la  Sénéchaussée  du  lieu  d'Agennoys, 
au-devant  le  grand  autel,  laquelle  j'ay  faict  bastir  et  édifier 
nouvellement,  au  sen'ice  de  Dieu,  mon  créateur,  et  pour  ma 
sépulture,  laquelle  à  ces  lieux  j'ay  prinse  et  choisie.... 

«  Item  veulx  et  ordonne  que  mon  héritier  soit  tenu  faire  par- 
faire la  chapelle  de  Madame  Sainte  Catherine,  voulter  par  des- 
sus, la  accoustrer,  bastir  ou  faire  édifier  ainsy  que  par  moy  a 
esté  advisé,  le  plus  tôt  qu'il  sera  possible  après  mon  trespasse- 
ment... 

"  Item  veulx  et  ordonne,  que  toulz  les  jours  de  l'année  de 
mon  décez,  pour  Testât  de  mon  âme  et  des  trespassez,  et  à 
l'honneur  de  Monseigneur  S.  Sébastien,  soit  célébrée  et  chan- 
tée en  lesglise  de  Monseigneur  Saint-Denis  de  Lagorgia  (3), 


(1)  Archives  du  château  de  Lafox.  Inventaire  de  1695. 

(2)  Le  Tombeau  des  Durlort,  p.  22. 

(3)  Encore  une  église  disparue.  H  n*en  reste  plus  que  les  soubassements 
à  hauteur  d'homme,  cachés  dans  un  bois  qui  a  envahi  le  cimetière,  au-des- 
sous du  petit  château  de  Ligue,  commune  de  Bonencontre.  Elle  se  compo- 


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—  40  — 

par  les  prestres  de  lad.  paroisse,  une  messe  de  Toffice  dud. 
Saint  Sébastien,  pour  laquelle  donne  et  lègue  dix  livres  tour- 
nois une  fois  payées  par  mon  héritier  soubz  nommé.  » 

Il  nous  apprend  qu'il  eut  six  enfants  :  Antoine,  Alain,  Jean, 
Arnaud,  Jeanne  et  Catherine.  Il  fait  de  nombreux  legs  aux 
églises  et  aux  pauvres  de  ses  terres,  à  ses  serviteurs  et  aux 
divers  membres  de  sa  famille.  Alain  son  fils  est  l'héritier  uni- 
versel. 

Voici  ce  qu'il  ordonne  au  sujet  de  Castelnoubel  : 

<(  Item  veulx  et  ordonne  que  lad.  dame  Roze  de  Montesquieu 
ma  femme,  après  mon  décès,  soit  dame  maîtresse  gouveme- 
resse  et  administreresse  de  tous  et  chacuns  mes  biens  et  qu'elle 
ayt  telle  autorité  et  prééminence  en  ma  maison  et  biens  com- 
me elle  a  à  présent  et  à  laquelle  veulx. que  mesdits  enfanz  facent 
telle  honneur,  que  ont  accoustumé  faire  et  feroyent  à  moy  sy 
jestois  en  vye.  Et  au  cas  qu'elle  ne  si  peult  accorder  avec  mon 
héritier,  luy  laisse  et  veulx  qu'elle  ayt  mes  places  de  Lafotz,  de 
Castelnoubel  et  de  Mérens  et  là  unedicelles  meublées  et  raison- 
nablement pour  en  jouyr  et  prendre  les  fruitz  sa  vye  durant, 
tant  seulement,  sans  qu'elle  soit  tenue  bailher,  ny  presler  aul- 
cunes  cautions  ou  pièges  à  mondicl  héritier,  la  prestation  des- 
quelles luy  remelz  avec  charge  toutesfois  que  si  madite  femme 
ne  se  pouvait  accorder  avecques  mondict  héritier  et  qu'elle 
prins  lesdites  places  de  Lafotz,  Castelnoubel  et  Mérens,  avec 
rentes  et  prouffictz  de  icelles  payer  desditz  fruictz  la  somme  de 
six  vingtz  livres  toumoiz  aux  prestres  de  Notre-Dame  de  La- 
farguê  de  l'église  Cathédrale... 

«  Item  et  au  cas  que  m  ad.  femme  ne  se  puisse  accorder  avec 
mondicl  héritier,  comme  dict  est,  et  que  elle  ne  fist  sa  demeure 
en  madicle  place  de  Lafotz  ou  Castelnoubel,  mais  quelle  sen 
allast  faire  sa  demeure  ailleurs  et  h  abandonner  mes  biens,  au- 
dit cas  veulx  et  ordonne  que  mondict  héritier  demeure  quicte 
envers  elle  en  luy  baillant,  paiant  par  an  trois  cens  livres  tour- 
noiz  sadicte  vie  viduelle  durant.  Et  en  ce  faisant  ordonne  que 


sait  d'une  nef  rectangulaire  et  d'un  chœur  à  trois  pans  coupés  de  la  dernière 
époque  gothique. 


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~  Il  - 

mondicl  héritier  jouisse  desd.  places  de  Lafotz,  Caslelnoiihel 
et  Mérens,  cens,  renies  et  appartenances  dicelles  comme  du 
résidu  de  mesdits  biens  et  héritaiges  et  si  mondict  héritier  fai- 
sait difficulté  ou  quil  feusten  demeure  luy  paier  ladicle  somme 
de  trois  cens  livres  lournoiz  par  an,  veulx  que  lad.  dame  ma 
femme  les  puisse  prendre  par  ses  mains  sur  le  revenu  dud.  lieu 
el  place  de  Lafotz,  laquelle  somme  veulx  et  ordonne  estre  paiée 
à  mad.  femme,  savoir  est,  cent  cinquante  livres  tournoiz  au 
jour  et  feste  de  Noël  et  les  autres  cent  cinquante  le  jour  et  feste 
de  la  Nativité  de  Monseigneur  Sainct  Jehan-Baptiste,  sans  dif- 
ficulté aucune,  et  veulx  encore,  que  sy  mondict  héritier  la  fai- 
sait plaider,  lesdictes  trois  cens  livres,  quelle  en  ayt  encore 
davantage  deux  cens  livres  tournois,  toultes  et  chascunes  les 
années  qui  la  vouldroit  faire  plaider  (1).  >» 

Rose  de  Montesquieu  ne  fixa  sa  résidence  ni  à  Lafox,  ni  à 
Caslelnoul)el  et  conformément  à  la  volonté  de  son  mari,  elle 
reçut  une  pension  de  trois  cents  livres,  dont  elle  donna  quit- 
tance à  Alain  de  Durfort  jusqu'en  1553  (2). 

C  est  Rose  de  Montesquieu  qui  fut  représentée,  de  son  vi- 
vant, sur  le  tombeau  d'Etienne  de  Durfort,  élevé  dans  la  cha- 
pelle Sainte  Catherine  de  Lafox  et  conservé,  actuellement, 
au  musée  d'Agen  (3). 

Etienne  de  Durfoil  mounit  vers  1532  ou  L533. 

Le  fils  aîné,  Antoine,  étant  mort  jeune  et  sans  postérité,  le 
cadet  Alain  hérita  des  biens  de  son  père.  En  1535,  le  9  juillet, 
il  signait  son  contrat  de  mariage  avec  Françoise  de  Montai  (4). 

Celle-ci  appartenait  à  une  puissante  et  riche  famille  du 
Quercy  qui  fit  construire  ou  restaurer  le  château  de  Montai, 
de  façon  luxueuse  et  artistique.  La  façade  était  ornée  des  por- 
traits de  la  famille.  Françoise  apporta-t-elle  à  son  mari  le 
goût  des  belles  constructions  et  sut-elle  lui  faire  partager  ses 
goûts  artistiques  ?  C'est  fort  possible. 


(1)  .Vrchives  du  château  de  Lafox.  Testament  d'Etienne  de  Durfort,  copie 
de  répoque. 
C2)  IbiderUy  Inventaire  de  1587. 

(3)  \oir  Le  Tombeau  des  Durfort. 

(4)  Archives  du  château  de  Lafox.  Inventaire  de  1587. 


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—  42  — 

C'est,  en  effet,  dès  ce  moment  que  Alain  de  Durfort  restau- 
ra, agrandit  et  embellit  ses  châteaux  de  Lafox  et  de  Castelnou- 
bel.  J'ai  dit,  ailleurs,  en  quoi  consistèrent  les  réparations  fai- 
tes à  Lafox  (1). 

A  Castelnoubel,  il  adossa  au  château  rebâti  à  la  fin  du 
xv'  siècle,  deux  galeries  superposées  desservies  par  un  esca- 
lier monumental.  Il  est,  en  effet,  impossible  de  se  tromper  sur 
la  date  de  ces  adjonctions,  car  une  clef  de  voûte  du  rez-de- 
chaussée  porte  les  armes  de  Montai,  à  trois  coquilles  posées 
2etl. 

Alain  de  Durfort  imita  ses  ancêtres  et  lutta  comme  eux  con- 
tre la  ville  d'Agen.  En  1538,  il  est  en  contestation  pour  le  droit 
de  justice  du  côté  de  Boussorp.  Les  officiers  de  la  justice  de 
FaugueroUes,  qui  lui  appartenait  en  partie,  avaient  tenu  des 
assises  sur  un  territoire  contesté.  Les  consuls  d'Agen  protes- 
tèrent contre  ce  nouvel  envahissement  de  leur  territoire  (2). 

A  cette  époque,  si  nous  en  croyons  les  mémoires  des  con- 
suls agenais,  Alain  de  Durfort  commettait  crimes  sur  crimes 
et  menait  exactement  la  vie  d'un  chef  de  brigands.  Un  docu- 
ment des  archives  de  la  ville  nous  en  dit  long  à  ce  sujet.  C'est 
un  ((  fragment  d'un  mémoire  des  consuls  d'Agen  contre  Alain 
de  Durfort,  seigneur  de  Bajamont,  qu'ils  accusent  d'usurpa- 
tions sur  leurs  droits  de  justice  et  leurs  revenus,  de  vols,  pil- 
leries  et  de  sévices  graves  contre  les  habitants  de  la  juridic- 
tion, coups  et  blessures  ayant  entraîné  mort  d'hommes.  Les 
gens  dudit  seigneur  occupant  Lafox  et  Castelnoubel  commet- 
tent des  vexations  de  toutes  sortes  ». 

Du  premier  jour  qu'il  a  succédé  à  son  père,  dit  ce  docu- 
ment, Alain  k  s'est  déclaré  ennemy  mortel  des  consulz  de 
lad.  ville  et  habitanz  dicelle.  » 

Avec  une  bande  de  serviteui's  bien  dressés,  il  ne  cesse  de 
«  battre,  frapper,  piller,  destrousser,  vouller  et  maltraiter  les 
pauvres  gens  ».  Suivi  de  ces  gens  sans  scrupules  et  sans 


(1)  Notes  historiques  sur  la  Juridiction  de  Lalox,  par  J.-R.  Marboiilin.  Imp. 
Moderne,  1910. 

(2)  Archives  municipale  d'Agen.  FF.  138. 


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—  4'A  — 

aveu,  le  seigneur  de  Castelnoubel  ne  craignait  pas  de  venir, 
souvent,  dans  Agen,  faire  subir  aux  habitants  mille  vexa- 
lions.  Un  jour,  en  1533,  entre  autres,  étant  dans  la  ville,  ses 
gens  aperçurent  une  troupe  de  personnes  dansant  au  son  du 
tambourin.  Ils  se  précipitèrent  sur  eux  avec  leurs  épées  dégai- 
nées, en  blessèrent  plusieurs  et  mirent  les  autres  en  fuite.  Il 
en  résulta  ime  véritable  émeute  [)opulaire.  Le  peuple  se  retour- 
nant contre  ses  agresseurs  leur  fit  un  mauvais  parti,  et  l'un 
d  eux,  pour  se  sauver,  se  réfugia  dans  le  cloître  Saint-Caprais. 
\jo  lendemain,  Alain  de  Durfort  revint  avec  quarante  hommes 
en  armes  et  le  délivra  en  plein  jour. 

Réfugiés  à  Lafox  et  Castelnoubel,  ils  attendaient  les  occa- 
sions propices.  Le  moment  venu,  montés  sur  de  grands  che- 
vaux, bien  souvent  déguisés  et  masqués,  ils  s'élançaient  dans 
dans  la  campagne,  pillant  et  maltraitant  tous  ceux  qu'ils  ren- 
contraient. 

Un  jour  c  est  un  sergent  d'Agen  qu'ils  attaquent  et  rouent 
de  coups,  de  telle  sorte  qu'il  en  maurut  sept  jours  après.  Une 
autre  fois,  ils  tombent  sur  trois  serviteurs  de  la  Collégiale 
Saint-Caprais  qui  levaient  et  charroyaient  les  dîmes.  Us  les 
battent  et  les  amènent  avec  leurs  chevaux  et  leurs  charge  au 
château  de  Lafox.  Le  juge-mage  même  fut  leur  victime  et 
s'efforça  de  les  apaiser  par  des  «  doulces  paroles  ». 

Lafox  et  Castelnoubel  étaient  devenus  la  terreur  du  pays. 
On  évitait  de  passer  auprès  de  ces  châteaux  pour  n  être  pas 
dépouillés  de  sa  bourse  ou  de  ses  armes. 

A  Castelnoubel,  Alain  de  Durfort  avait  établi  un  capitaine 
qui  commandait  en  son  absence  et  modelait  sa  conduite  sur 
la  sienne.  Perché  sur  son  rocher,  dominant  du  haut  des  tours 
et  des  remparts  la  campagne  voisine,  il  guettait  ;  et  quand 
l'occasion  se  présentait  favorable, se  précipitant  avec  ses  hom- 
mes sur  quelque  ferme,  il  enlevait  récoltes  et  bestiaux  et  rame- 
nait le  tout  dans  le  château.  Le  pauvre  bordier  dépouillé  devait 
payer  une  forte  rançon  pour  rentrer  en  possession  de  son  bien. 
Elevait-il  la  voix  pour  se  plaindre  ou  pour  récriminer,  une 
détention  plus  ou  moins  longue  et  rigoureuse  dans  les  prisons 
du  château  avait  raison  de  ses  doléances. 


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—   14  — 

Celte  prison  -de  Castelnoubel  était  la  terreur  du  pays.  Elle 
s'étendait  sous  le  logis  principal  et  était  creusée  dans  le  rocher 
et  voûtée  en  berceau  plein  cintre.  Los  paysans  lui  avaient 
donné  le  nom  de  la  Grue. 

A  l'abri  des  fortes  murailles  de  Castelnoubel  et  de  Lafox, 
Alain  de  Durforl  et  ses  séides  semblaient  se  moquer  des  con- 
suls et  des  citoyens  agenais.  On  portait  plainte  contre  eux,  on 
ouvrait  des  enquêtes,  mais  sans  nul  souci,  avec  une  persévé- 
rance insolente,  ils  continuaient  leurs  exploits  (1). 

Ce  que  nous  venons  de  dire  n'est  que  le  résumé  d'une  lon- 
gue pièce,  où  sont  exposées  les  plaintes  des  consuls.  Il  est  très 
évident  qu'il  faut  faire  la  part  de  l'exagération  dans  ces  doléan- 
ces, mais  il  n'en  reste  pas  moins  vrai  qu'Alain  de  Durfort  était 
un  rude  et  lemble  seigneur. 

Pendant  ce  temps,  la  fortune  d'Alain  était  menacée  par  son 
cousin-germain  Jean  de  Durfort,  fils  d'autre  Jean  son  oncle. 

Ce  dernier,  par  acte  passé  en  1500,  avait  fait  cession  à  son 
fi'ère  Etienne  de  tous  ses  droits  sur  les  biens  de  la  famille, 
moyennant  l'apanage  de  Gimat  et  Esparsac  en  Lomagne. 
Etienne  était  resté  seul  maîti'e  des  nombreux  domaines  com- 
posant le  patrimoine  de  son  père. 

Jean  de  Durfort,  fils  de  celui  qui  avait  signé  la  cession  de 
1500,  se  maria  avec  Catherine  de  Lasset.  Il  ne  se  contenta  pas 
des  prétentions  modestes  de  son  père,  mais  réclama  la  succes- 
sion totale  des  biens  de  la  famille  par  droit  de  primogénilure, 
son  père  étant  en  effet  frère  aîné  d'Etienne.  Le  procès  qu'il  in- 
tenta à  son  cousin  à  cet  effet,  en  1541,  fut  très  long.  Cependant, 
un  arrêt  du  Grand  Conseil,  donné  en  1554,  ordonna,  en  sa  fa- 
veur, la  restitution  d'une  partie  des  biens  (2). 

Les  seigneuries  de  Castelnoubel  et  de  Mérens  se  trouvaient 
dans  une  situation  particulière.  Alain  de  Durfort  disait  qu'el- 
les ne  provenaient  point  de  la  succession  de  Bertrand  et  d'Ar- 
naut.  Elles  avaient  été  aliénées  par  Jean  de  Durfort,  dit  le 


fl)  Archives  municipales  d'Agen.  FF.  138. 

(2)  Archives  du  château  de  Lafox.  Arrêt  du  Grand  Conseil  de  1554.  Copie 
sur  papier. 


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—  45  — 

Roux,  qui  les  avait  données  au  seigneur  de  Montpezat.  Plus 
tard  Etienne  s'en  était  rendu  acquéreur.  Malgré  les  dires  de 
Jean  qui  prétendait  que  celte  donation  n'avait  jamais  eu  d'ef- 
fet, le  conseil  décida  que  ces  terres  ne  devaient  pas  être  com- 
prises dans  les  biens  à  restituer,  et  elles  restèrent  à  Alain. 

Celui-ci  mourut  sans  voir  la  fin  de  ce  procès.  De  son  maria- 
ge, il  avait  eu  trois  enfants  :  Ilené,  mort  sans  postérité,  Fran- 
çois et  une  fille  Philippe. 

Messire  François  de  Durfort  fut  le  personnage  le  plus  célè- 
bre de  la  famille.  Il  joua  un  très  grand  rôle  dans  les  guerres 
de  religion  qui  ensanglantèrent  le  pays.  Il  devint  en  1572 
sénéchal  d'Agenais.  Ce  fut,  avec  l'évêque  d'Agen,  M.  de  Fré- 
gose,  Martial  de  Norl  et  Monluc,  un  des  plus  fermes  soutiens 
de  la  religion  catholique. 

Il  prêta  à  ses  corréligionnaires  Tappui  de  son  courage,  de 
sa  fortune  et  de  ses  châteaux.  Il  mène  la  campagne  et  se  bat 
un  peu  partout.  Mais  à  ce  jeu  ses  ressources  s'épuisent.  Ea 
outre,  il  lui  faut  soutenir  le  procès  de  succession  intenté  par 
ses  cousins,  et  les  procès  sont  des  gouffres  sans  fonds,  où 
finissent  par  sombrer  les  situations  les  plus  solides. 

Il  arriva  donc  un  jour,  où  François  de  Durfort  se  vit  dans  la 
nécessité  d'emprunter.  Mais  il  déguisa  l'emprunt  sous  l'appa- 
rence d'une  vente. 

Castelnoubel  et  Mérens,  restés  sans  conteste  sa  propriété, 
lormaient  un  riche  domaine.  François  de  Durfort  tâcha  d'eu 
lirer  parti. 

Parmi  les  gentilshommes  qu'il  fréquentait  et  qui  avaient 
combattu  avec  lui  sous  les  ordres  de  Monluc,  Messire  Herman 
de  Raffin  était  sans  nul  doute  un  des  plus  fortunés.  C'est  à  lui 
qu'il  s'adressa.  Il  lui  vendit  avec  faculté  de  rachat  dans  un 
délai  déterminé,  ses  châteaux  de  Castelnoubel  et  de  Mérens 
avec  leurs  appartenances. 

Nous  ignorons  la  date  exacte  de  cette  vente.  Mais  elle  fut 
passée  certainement  vers  1570. 

Herman  de  Raffin,  fils  d'Arnaud  et  de  Marguerite  de  Tre- 
molhes,  était  un  rude  soldat  et  un  riche  seigneur.  Il  apparte- 
nait à  une  1res  ancienne  famille  venue  du  Rouergue,  mais  fixée 


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—  46  — 

en  Agenais  depuis  longtemps.  Elle  se  divisa  en  plusieurs  bran- 
ches. La  principale  fut  celle  d'Hauterive,  dont  Ilennan  fut  le 
fondateur. 

Il  prit  part  aux  luttes  religieuses  et  servit  vaillammenl  sous 
les  ordres  de  Monluc  qui  l'avait  en  particulière  estime.  C^lui- 
ci  lui  écrivit,  le  2  août  1509,  un  billet  très  court  mais  très  cor- 
dial, où  il  l'appelle  son  cher  compagnon  (1). 

Herman  de  liaffin  fut  donc  pendant  quelque  temps  seigneur 
de  Castelnoubel.  Mais  François  de  Durfort,  qui  affectionnait 
ce  château,  fit  tous  ses  efforts  pour  en  devenir  à  nouveau  pro- 
priétaire et  il  y  réussit. 

Au  mois  de  février  1572  (vieux  style),  en  réalité  1573,  il  put 
rembourser  le  principal  de  celte  vente,  qui  se  montait  à  deux 
mille  livres.  Restaient  les  intérêts  qu*il  s'engagea  à  payer  sous 
peu. 

Le  document  qui  nous  donne  ce  renseignement  est  un  bor- 
dereau énumérant  les  diverses  monnaies  en  cours  versées  par 
François  de  Durfort  pour  parfaire  la  somme  de  2,000  livres. 
Il  se  termine  par  cette  déclaration  : 

«  La  susdite  somme  venant  et  est  le  principal  de  la  vente  de 
!a  seigneurie  de  Gastelnovel  des  effruitz  de  laquelle  Messire 
François  de  Durfort,  chevalier  de  l'ordre  du  Roy,  seigneur 
de  Bajamont,  demeure  redevable  envers  Messire  Hermand 
Raffin,  chevaher  de  l'ordre  du  Roy  en  la  somme  de  quatre- 
vingts  trèze  livres  tournois.  —  Faict  le  second  de  février 
1572  (2).  » 

Deux  mois  après,  Messire  François  de  Durfort  signait  l'acte 
de  revente,  le  3  avril  1573  (3). 

Sa  sœur  Philippe  se  maria,  le  5  février  1570  avec  noble 
Jacques  de  Chavagnac,  seigneur  de  la  Liève  et  de  Mon- 
gourt  (4). 


(1)  L'original  de  cette  lettre  appartient  aux  archives  de  la  famille  de  Raf- 
Hn,  en  la  possession  de  M.  l'abbé  Dubois,  curé  de  Roquefort,  qui  se  propose 
de  la  publier  bientôt. 

(2)  Communiqué  par  M.  l'abbé  Dubois. 

(3)  Archives  du  chàlonu  de  Lafox.  Inventaire  de  1587. 

(4)  Ibidem. 


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-  47  - 

René  de  Durfort,  frère  de  François,  seigneur  de  Gimal  et 
d'Es'parsac  mourut  en  lui  léguant  ses  biens  et  en  laissant  à  sa 
sœur  un  don  de  mille  livres  tournois.  Philippe  de  Durfort 
n'ayant  pas  été  payée  d'un  legs  de  pareille  somme  fait  par  sa 
mère  Françoise  de  Montai,  réclama  sa  part  d'héritage.  Fran- 
çois de  Durfort  prétendant  que  le  procès  en  cours  avec  ses 
cousins,  avait  amoindri  sa  fortune,  voulait  faire  subir  une 
diminution  ^à  la  part  revenant  à  sa  sœur.  Un  procès  allait  s'ou- 
vrir, lorsque  les  parties  convinrent  de  mettre  fin  au  différend 
par  une  transaction. 

Elle  fut  passées  le  20  juin  1579,  entre  le  sénéchal  et  le  sieur 
de  la  Liève  représentant  sa  femme.  François  de  Durfort  s'en- 
p[ageait  à  payer  à  sa  sœur  la  somme  de  5,666  écus  et  deux  tiers 
d'écu  à  la  fête  de  la  Noël  suivante.  A  défaut  de  paiement,  il 
lui  abandonnerait  la  jouissance  de  la  seigneurie  de  Monbalen 
pendant  trois  ans,  avec  faculté  de  se  libérer  avant,  s'il  lui  était 
possible  (1). 

Les  affaires  de  famille  pour  aussi  graves  et  compliquées 
qu'elles  fussent,  ne  portaient  point  de  tort  aux  devoirs  de  sa 
charge  de  sénéchal.  Il  faut  suivre  les  actes  de  la  Jurade  d'Agen 
pour  se  convaincre  de  l'activité  et  du  zèle  déployé  par  Fran- 
çois de  Durfort  pour  la  défense  des  intérêts  catholiques. 

Durant  ces  guerres  incessantes,  Castelnoubel  dut  souvent 
servir  de  refuge  aux  populations  voisines  et  offrir  un  solide 
point  d'appui  aux  troupes  du  sénéchal.  Au  mois  d'octobre 
1585  notamment,  «  vingt-cinq  cuirasses  commandées  par  le 
sieur  de  La  Liève,  devaient  proléger  les  campagnes  à  l'Est, 
m  prenant  pour  poinLs  d'appui  les  châteaux  de  Lafox,  de  Cas- 
telculier,  de  Castelnoubel  et  de  Laroque-Timbaul  (2).  » 

Au  commencement  de  cette  même  année,  au  mois  de  fé- 
vrier, le  sénéchal  François  de  Durfort  était  mort.  Il  n'avait 
pas  été  marié.  Le  29  juin  1569,  au  moment  de  rejoindre  à  nou- 
veau le-^-troupes  royales,  il  avait  fait  son  testament.  Ce  testa- 


(1)  Archives  du  château  de  Lafox.  Pièce  originale. 

(2)  La  cille  d'Agen  pendant  les  guerres  de  religion  par  G.  Tholin.  In  Revue 
de  l'Agenais,  t.  xviii,  p.  227. 


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-  48  -- 

menl  avait  été  si  bien  caché  dans  iine  tour  de  Castelnoubel 
qu'on  resta  longtemps  sans  le  découvrir. 

Plusieurs  compétiteui^s  se  présentèrent  pour  recueillir  son 
héritage,  notamment  Messire  Bernard  dé  Lacombe,  abbé  de 
Blasimont,  et  Messire  François  de  Montpezat-Laugnac,  que  la 
laveur  d'Henri  III  et  le  rôle  joué,  le  23  décembre  1588,  au 
château  de  Blois,  rendit  tristement  célèbre. 

Philippe  de  Durfort  eut  donc  à  défendre  ses  droits.  Elle  lit 
rechercher  le  testament  de  son  frère.  On  le  trouva  dans  une 
cassette  où  François  de  Durfort  tenait  ses  papiers  les  plus 
précieux. 

Il  demandait  à  être  enseveli  dans  la  chapelle  de  Sainte- 
Catherine  de  Lafox.  Il  veut  que  son  héritier  «  fasse  ses  hon- 
neurs et  funérailhes  ainsin  qui  est  accoustumé  fère  a  gens  de 
semblable  qualité  et  que  pour  ce  faire  soient  apellés  les  prê- 
tres des  églises  d'Agen  Cathédralle  et  Collégiale  et  de  noz 
terres  et  juridictions  et.  autres  circonvoysins,  ensemble  les  rel- 
ligieux  des  quatre  couventz  dud.  Agen  et  que  a  chescung  pres- 
tre  soict  donné  et  payé  trois  soulz  loumoys  et  réfection  cor- 
porelle. Et  voulions  que  toutes  les  cloches  des  esglizes  et  cou- 
ventz sonnent  les  jours  de  nostre  enterrement  et  honneurs. 
Voilons  aussy  quil  soict  donné  à  manger  et  boyre  à  tous  pau- 
vres qui  viendront  et  à  chascung  ung  soûl.  Voilons  aussy  que 
nostre  héritier  habille  vingt  et  quatre  pauvres  de  nos  terres  et 
juridictions  et  à  chescung  douze  pans  de  drap  du  pays,  les- 
quels pauvres  acisteront  les  jours  de  nostre  enterrement  et 
honneurs  à  1  église  ayant  chascung  un  cierge  de  cire  alumé  en 
la  main,  dune  livre.  Donnons  aux  pauvres  de  lospital  d'Agen 
vingt  livres  tournoises  et  aux  pouvres  lépreux  quinze  livres. 
Voulions  estre  mariées  huict  filles  pouvres  de  nos  terres  et 
juridiction  et  entre  autres  fiUes  la  fille  de  maistre  Pierre  Le- 
bon  et  que  a  cliescune  soict  donnée  la  somme  de  vingt  et  cinq 
livres.  Légons  au  couvent  des  Jacopins  d'Agen  la  somme  de 
quinze  livres,  et  à  chescung  des  aultres  couventz  de  la  ville,  la 
somme  de  sept  livres  et  demye.  Et  moyennant  ce  voulions  que 
ros  religieux  desdiclz  couventz,  les  jours  de  nostre  enterre- 
ment octave  honneur  et  bout  d'an  soient  tenuz  dire  une  messe 


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-  49  — 

haulte  de  morluis,  diacre  et  soubzdiacre.  Voilons  aussy  que 
chascung  jour  pendant  lan  de  nostre  décèz,  serèt  dicte  et  cé- 
lébré une  messe  haulte  de  mortuis  en  lad.  église  Saincte  Cathe- 
rine de  Lafox,  par  les  préti-es  d'icelle,  diacre  et  soubzdiacre, 
chappes  et  offrande  avecques  vigilles  tous  les  soirs  et  pour  ce 
faire  donnons  auxd.  prêtres  la  somme  de  cent  cinquante  livres, 
davantage  voulions  et  ordonnons  que  par  six  prêtres  de  bonne 
vie  capables  et  suffisants,  les  heures  canoniques  soient  dictes 
à  haulte  voix  perpétuellement  en  lad.  église  Saincte  Catherine, 
ainsin  que  nous  avons  accoustumé  les  fere  dire  selon  lordi- 
naire  d'Agenoys.  El  voulions  que  M.  Françoys  Charpaut, 
M"  Jehan-Pierre  Lebon,  Claude,  Messire  Chabrié  Reyre  ser- 
vent tant  quilz  vivront  sans  que  mondit  héritier  les  en  puisse 
tirer.  Et  voulions  qu  après  leur  décès  notre  héritier  y  pour- 
voyt  (laultres  prêtres  de  bonne  vie  et  suffîsantz  et  que  chasquc 
jour  lesd.  prêtres  soient  tenuz  dire  troys  messes  lune  après 
prime  haulte  de  mortuis  et  les  jours  solennels  de  la  feste  com- 
me est  de  coutume,  laultre  basse  le  dimanche  du  jour,  le  lundi 
de  nomine  Jesu,  le  mardy  de  Sainct  Esprit,  le  mcrcredy  de 
quinque  plagis,  le  judy  des  angellis,  le  vendredy  de  cruce,  le 
sempmedy  de  Nostre-Dame  et  Taultre  la  grand-messe  la  so- 
lennité selon  le  jour  comme  est  de  coutume.  Pour  ce  faire 
donnons  à  chascung  desd.  prêtres  annuellement  une  pipe  de 
vin  payable  la  moitié  après  vendanges  laultre  à  Pâques  et 
oultre  à  chascung  légons  la  somme  de  soixante  livres  paya- 
bles cinq  livres  à  chascung  par  mois  et  au  cas  que  nostre  héri- 
tier succombât  au  procès  de  Lafox,  voulions  que  chaque  prê- 
tre nait  que  cinquante  chaque  an  et  diront  seulement  les  heu- 
res canoniques  en  la  grande  messe.  »  Il  lègue  ensuite  ses  biens 
à  son  frère  René  et  si  celui-ci  ne  laisse  pas  de  descendant  Thé- 
ritage  passera  à  sa  sœur  Philippe.  Il  désigne  pour  exécuteurs 
testamentaires  le  seigneur  de  Laugnac,  Nicolas  Michel,  juge 
•Je  Lafox,  et  Bertrand  Soldadier,  curé  de  Saint-Ferréol  (1). 
René  de  Durfort  étant  mort,  Philippe  était  héritier  et  les 


(1)  Archives  du  château  de  Lafox.   Toslimenl  du  29  juin  ]5()9,  copie  sur 
papier. 


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—  50  — 

tribunaux  lui  donnèrent  raison.  Mais  elle  ne  tarda  pas  à  mou- 
rir. Sa  mort  arriva  en  1587.  Elle  ne  laissait  pas  de  postérité. 

Sa  cousine  germaine  Anne  d^Omezan,  fille  de  Jeanne  de 
Durfort,  sœur  d'Alain,  étant  sa  plus  proche  parente,  revendi- 
qua l'héritage.  Mais  des  difficultés  s'étant  élevées  entre  elle 
et  Amanieu  de  Durfort,  elle  céda  ses  droits  à  Jeanne  d'Antin. 

Celle-ci  était  femme  de  messire  Hector  de  Pardaillan,  sei- 
gneur de  Montespan,  de  Gondrin,  conseiller  d'Etat,  capitaine 
de  50  hommes  d'armes  de  ses  ordonnances  et  capitaine  des 
gardes  du  corps  du  roi.  Ce  fut  un  rude  chevalier  qui  prit  une 
part  très  active  à  toutes  les  guerres  de  son  temps  (1). 

Jeanne  d*Antin  était  fille  d'Amaut  baron  d'Antin,  sénéchal 
et  gouverneur  de  Bigorre  et. d'Anne  d'Andouïn.  Elle  poursuivit 
avec  vigueur  le  procès  relatif  à  la  succession  de  Durfort.  Une 
partie  lui  échappa,  mais  Castelnoubel  et  Mérens  lui  furent  ad- 
jugées. 

En  1589,  lorsque  les  troupes  de  la  Ligue,  sous  les  ordres 
du  marquis  de  Villars,  combattaient  les  troupes  du  sénéchal 
de  Saint-Chamarand,  Castelnoubel  et  Lafox  furent  occupés 
par  ces  dernières. 

Lafox  était  défendu  par  une  vingtaine  de  soldats  sous  les 
ordres  de  Ducros  de  la  Cassaignc.  Ils  se  rendirent  sans  com- 
battre (2). 

Castelnoubel  résista-t-il  mieux?  C'est  possible.  Sa  position 
était  plus  forte  que  celle  de  Lafox.  Un  document  de  1600,  nous 
montre  Castelnoubel  pris,  pillé  et  saccagé  par  les  troupes  du 
marquis  de  Villars,  le  10  août  1589  (3). 

Avant  la  fin  du  siècle,  un  aiTél  adjugea  définitivement  Cas- 
telnoubel à  Jeanne  d'Antin. 


(1)  p.  Anselmo,  Histoire  de  Grands  officiers  de  la  Couronne^  t.  v,  p.  179. 

(2)  Brière  narration  de  ce  qui  s  est  passé  en  la  ville  d'Arjen  (1589-1590),  pu- 
bliée par  A.  Magen.  Agen,  Michel  et  Médan.  1879,  p^  23. 

(3)  Archives  du  chAteau  de  Lafox.  Sommation  par  Amanieu  de  Durfort  à 
Jeanne  d  Antin,  du  20  octobre  1600. 


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—  51  — 


CHAPITRE  IV 


Les  seigneurs  de  Caslelnoubel  aux  xvii*  et  xviif  siècles.  —  Arnaud  de  Gasc. 
Secondât  de  Roques.  —  Pa?cauU  de  Poléon. 


Avec  te  x\f  siècle,  les  Durforl  disparaissent  de  Castelnou- 
l>el.  Mais  tout  dans  ce  château  parle  encore  d'eux.  Ils  Tont 
possédé  pendant  près  de  trois  siècles.  Ils  l'ont  bâti,  fortifié, 
embelli,  défendu.  Les  cheminées  et  les  clefs  de  voûte  portent 
leurs  armes,  on  peut  dire  que  Caslelnoubel  est  l'œuvre  des 
Durfort. 

Au  début  du  xvii*  siècle,  c'est  Jeanne  d'Antin  qui  est  dame  el 
seigneuresse  de  Castelnoubel.  Elle  continue  le  procès  de  la 
succession  des  biens  de  Durfort  contre  Hector  Regnault  de 
Durfort,  fils  d'Amanieu. 

Le  8  janvier  1009,  les  grandes  salles  du  chAleau  se  remplis- 
sent d'un  brillant  cortège,  un  lieutenant  de  la  compagnie 
d'Hector  de  Pardaillan,  seigneur  et  baron  de  Gondrin,  époux 
de  Jeanne  d'Antin,  signait  ce  jour-là  son  contrat  de  mariage. 
C'était  noble  Jean  de  Godefroy  Lamarque  Manet  de  Latour, 
écuyer,  seigneur  de  Lagarde  et  de  Lafage,  fils  d'un  officier 
de  rinfante  du  Portugal,  qui  s'unissait' à  demoiselle  Henriette 
de  Nozères  de  Bézat  (1). 

Jeanne  d'Antin  assistait  à  cet  acle.  Mais  à  ce  moment,  Cas- 
lelnoubel ne  lui  appartenait  plus  en  droit.  Depuis  le  9  octobre 
1608,  elle  l'avait  vendu  à  messire  ATnaud  de  Gasq,  en  même 
temps  que  la  terre  de  Mérens. 

Arnaud  de  Gascq.  —  <^  La  famille  de  Gasq,  originaire  du 
Rouergue,  s'établit  à  La  Réole  \^rs  la  fin  du  x\'*  siècle.  Anobli 
par  achat  de  charge,  le  grand-père  de  François  avait  été  jurai 
de  cette  ville,  ses  deux  oncles  Jehannot  et  Pierre  également 
jurais,  le  premier  en  L538  et  1547  et  l'autre  en  1520.  Ce  même 
Jrhannot,  bourgeois  et  marchand,  laissa  à  l'hospital  de  La 


(l)  Communication  de  M.  Ph.  Lauzun. 


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—  52  — 

Réole  de  1556,  1.000  écus  d'or  au  soleil,  qui  furent  payés  par 
son  héritier,  Guillaume  de  Gasq,  receveur  des  décimes  en 
Bazadois  »  (1). 

Les  de  Gascq  furent  seigneurs  de  Cocumonl,  Portets,  Razac, 
etc.  (2). 

Arnaud  de  Gascq,  le  nouveau  propriétaire  de  Caslelnoubel, 
elait  abbé  de  Sainl-l^'erme,  seigneur  du  Puydieu,  Revol,  Borde 
et  Pailhés.  L'abbaye  de  Saint-Ferme  appartenait  à  Tordre  bé- 
nédictin. Elle  est  située  sur  les  confins  de  la  Gironde  et  du  Lot- 
et-Garonne,  non  loin  de  Monségur  et  de  Duras.  Son  église  ro- 
mane est  un  des  plus  intéressants  monuments  de  la  Gironde. 
La  nef,  ruinée  pendant  les  guerixîs  de  religion,  fut  restaurée 
par  Arnaud  de  Gascq. 

«  La  nef  (de  St-Ferme)  est  large  de  8  mètixîs  12  et  la  hauteui' 
de  la  voûte  poile  14  mètres  02,  sous  clé.  Cette  voiile  fut  exé- 
cutée par  les  soins  de  Tabbé  de  Gascq  en  1007,  ainsi  que  le 
rappelait  Tinscription  suivante,  qu'on  lisait  autrefois  sur  Tun 
des  piliers,  et  dont  il  n'est  resté  que  le  millésime  :  «  aunaldus 

DE     GASCO,    IIUJUS     COENOIUI   ABBAS   ET     RESTA URATOR     AN\0    liON. 

1007  »  (3). 

Arnaud  de  Gasc(i  avait  acheté  Castelnoubel  franc  de  toute 
taille,  comme  bien  noble.  I^  collecteur  de  la  juridiction  d'Agen 
prétendit  cependant  lui  imposer  le  paiement  de  la  taille  comme 
aux  biens  ruraux.  L'abbé  de  Saint-Ferme  proteste  et  refuse 
de  payer.  Le  collecteur  passe  outre  et  fait  saisir  Castelnoubel. 

Arnaud  de  Gascq  eut  recours  au  vendeur.  Jeanne  d'Antin 
prend  fait  et  cause  pour  lui  et  fait  reconnaître  la  nobilité  de 
Castelnoubel  (4). 

En  1015,  Arnaud  de  Gascq  contraignit  dame  Jeanne  de  Ba- 
jordan  à  lui  faire  une  reconnaissance  pour  certains  biens  dé- 
pendants de  son  fief  de  Castelnoubel  (5).  Mais  il  ne  resta  pas 
longtemps  propriétaire  de  cette  terre  qui  passa  aux  Secondât. 


(1)  Arcliicrs  hUtoriquc.s  de  la  (rironde,  I.  iv,  p.  236. 

(*^)  Hechrrchcs  hisforiqucs  et  stalisUques   sur  la  commune  de   Cocumonty 
par  A.  Vcilhon.  Marmande,  Duchen,  1911. 

(3)  Sotice  historique  et  statistique  sur  La  Héole,  par  Dupin.    La    Réole, 
Pasquier  1839,  p.  264. 

(4)  Archives  municipales  d'Agen,  CC.  121. 

(5)  Archives  départementales  de  Lot-et-Garonne,  B.  696. 


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-  53  - 

Les  Secondât.  —  Nous  ignorons  par  quel  moyen  d'Arnaud 
de  Gascq,  Castelnoubel  advint  à  la  famille  de  Secondât.  Mais 
tout  porte  à  croire  que  ce  fut  par  un  achat.  Toujours  est-il 
quen  1619  messire  Jacob  de  Secondât  prend  le  titre  de  sei- 
gneur de  Castelnoubel. 

La  famille  do  Secondât,  venue,  croit-on,  du  Berry,  s'était 
fixée  en  Agenais  depuis  de  longues  années.  Elle  y  joua  un  rôle 
assez  notable  et  occupa  plusieurs  terres  importantes,  Roque- 
fort, Saint-Marcel,  Montesquieu,  etc. 

]je  nouveau  seigneur  de  Castelnoubel  naquit  à  Agen  le  22 
décembre  1570.  Il  était  le  quatrième  enfant  de  Jean  de  Secon- 
dât et  d'Eléonore  dé  Brénieu,  qui  en  eurent  treize. 

Entré  dans  la  carrière  des  armes,  il  s'y  distingua  en  plu- 
sieurs affaires,  et  prit  une  part  active,  avec  plusicui's  de  ses 
frères,  à  la  prise  d'Oslende.  Chevalier  de  l'ordre  du  r^oi,  gen- 
tilhomme de  sa  chambre,  il  devint  lieutenant-colonel  du  régi- 
ment du  sieur  de  Chalillon. 

On  le  connut  d'abord  sous  le  nom  de  Roques,  puis  sous  celui 
de  Sérignac,  et  lorsque  son  frère  Henri  fut  mort^  on  l'appela 
Montesquieu.  C'est  en  sa  faveur  que  cette  terre  fut  érigée  en 
baronnie. 

Marié  à  Marguerite  de  Sevin,  le  9  mars  1610,  il  en  eut  trois 
enfants  (1). 

Peu  de  temps  après  l'acquisition  de  Castelnoubel,  il  fit  son 
testament,  le  19  juillet  1619.  Il  veut  être  enseveli  au  couvent 
des  Augustins,  et  il  demande  à  sa  femme  de  faire  dire 
chaque  jour  dans  Tan  de  son  décès  une  masse  basse  »  et  d'of- 
frir le  pain  et  le  vin  aud.  couvent  des  Augustins  ».  Il  donne  à 
ces  religieux  150  livres  pour  les  mettre  à  l'intérêt  afin  de  pou- 
voir dire  à  chaque  fête  de  Pâques,  Pentecôte  et  TouSv*^int  une 
messe  haute  d'anniversaire. 

Il  donne  à  M.  de  Raigniac,  son  juge  de  Montesquieu,  200 
livres,  à  condition  qu'il  continue  d'assister  sa  femme  et  ses 
enfants  de  ses  avis  et  con^ils. 


(1)  La  généalogie  des  Secondai  a  été  publiée  par  O'Gilvy  dans  le  Nobi- 
liaire de  Guyenne  et  Gascogne,  l.  ii. 


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—  54  — 

A  Marguerite  de  Sevin,  sa  femme  <(  dont  il  n  a  eu  que  des 
contentements  »,  il  lui  donne  la  jouissance  de  tous  ses  biens, 
si  elle  reste  veuve.  Si  elle  se  remarie,  elle  perdra  Tusufruit 
de  son  héritage  et  touchera  0.000  livres. 

A  Henri  son  puiné,  il  lègue  15.000  livres  payables  lorsqu'il 
aura  25  ans. 

A  Toinette,  sa  fille,  18.000  livres  payables  à  son  mariage. 

Au  posthume,  s'il  y  en  a  un.  15.000  livres. 

Son  héritier  imiversel  est  Jean-Baptiste  de  Secondât  son  fils 
aîné  (l). 

Marguerite  de  Sevin,  sa  veuve,  habita  longtemps  Castelnou- 
bel.  Elle  se  maria  en  secondes  noces  le  5  février  1633  avec 
Jean  du  Bernet,  premier  président  du  Parlement  de  Bordeaux. 
L/acte  fut  passé  à  Castelnoubel.  Elle  n'eut  pas  d'enfant  de  ce 
second  mariage  et  elle  sunécut  longtemps  à  son  second  époux. 
Elle  mourut  à  Agen  en  1683. 

A  l'occasion  de  sa  mort  on  écrivit  plusieurs  épitaphes  et 
pièces  divers,  en  voici  une  :  ,   * 

Pleurons   tous,   agerinois,   la   perle   iiTéparable 
De  celle  illustre  dame,  en  qui  tout  ce  pays 
Possédait  le  Ihrésor  d'une  vie  admirable 
Ki  féconde  en  lauriers,  palmes,  roses  et  lis. 

Aux  petits  cl  aux  grands,  elle  estoit  vénérable  : 
Tout  le  niondtî  t renvoi t  chez  elle  ses  appuis 
Son  co'ur  estoit  si  grand,  si  tendre  et  charitable 
Que  les  seuls  affligés  faisoient  tous  ses  emniis. 

Pleures,  pauvres,  pleures  la  mort  de  vostre  mère  ; 
Pleures,  humbles  dcvols,  vostre  bel  exemplaire  ! 
Femmes  veufves,  pleures  ce  miroir  de  vos  mœurs  ; 

*Mais,  pensant  à  la  mort,  imités  en  la  vie  ; 
El  faites  refleurir  ses  vertus  dans  vos  co'urs, 
Pour  aller  vivre  au  ciel  avec  celte  Marie  (2). 

Joseph  du  Bernet,  de  son  premier  mariage  avec  Catherine 


(1)  Archives  départcmenlales,  B.  45. 

(2)  Communay.    Le  Parlcrïient  de    Bordeaux,    Bordeaux,    Favraud,     1886, 
1886,  p.  93. 


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—  55  — 

de  Benois,  eut  trois  filles  dont  lune,  la  seconde,  Anne  du 
Bernet,  se  maria  le  20  février  1634  avec  Jean-Baptiste-Gaslon 
de  Secondât,  seigneur  et  baron  de  Montesquieu  et  de  Castel- 
noubel.  Celui-ci,  entré  dans  la  magistrature,  fut  pourx^u,  le  9 
avril  1053,  d'une  charge  de  président  à  mortier  au  Parlement 
de  Bordeaux  (1). 

Son  frère  Henri  se  maria  avec  Angélique  Marie  de  Rance. 
Il  reçut  probablement  lors  de  son  mariage  la  terre  de  Castel- 
noubel  en  apanage.  Un  acte  du  18  juillet  1651  nous  permet  de 
le  supposer.  Ce  jour-là,  en  effet,  s^em-  Marie  Henrye  de  Rance, 
religieuse  au  couvent  du  Paravis,  donne  quittance  à  Pierre 
Vissière,  serviteur  de  noble  Henri  de  Secondât,  écuyer  sei- 
gneur de  Castelnoubel,  des  arrérages  de  sa  pension  (2). 

Henri  mourut  sans  postérité,  et  Castelnoubel  revint  à  son 
frère,  le  président  à  mortier.  Celui-ci  décéda  à  Bordeaux  le 
2  août  1678. 

Son  fils  Jean-Baptiste  de  Secondât  lui  succéda.  Il  fut  sei- 
gneur de  Castelnoubel,  Talence  et  Raymond.  Comme  son  père 
il  eut  une  charge  de  président  à  mortier  au  Parlement  de  Bor- 
deaux. 

C'est  lui  qui  vendit  le  château  de  Castelnoubel  à  Louis  Pas- 

cault  de  Poléon. 

J.-R.  Marboutin. 
(.4  suivre,) 


(1)  Communay,  Le  Parlement  de  Bordeaux,  p.  93. 

(2)  Etude  de  M.  Beyries,  notaire  au  Port-Sainte-Marie.  Minutes  J.  Sirvenl. 


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LES  ARCHIVES  DÉPARTEMENTALES 

DE  LOT-ET-GARONNE 


\ous  croyons  èlre  utile  aux  travailleurs  en  leur  signalant  ici  les 
remarquables  rapports  que  M.  R.  Bonnat,  le  distingué  archiviste 
départemental,  soumet  chaque  année  au  Conseil  général  sur  le  ser- 
vice de  ses  archives,  et  en  en  reproduisant,  dans  cette  Revue,  les 
principaux  passages,  ceux  notîimmenl  des  trois  dernières  années, 
rclalifs  aux  accjuisitions  récenles,  de  livres,  brochures,  documents, 
aux  versements  des  greffes  et  des  notaires,  à  la  j)ublication  d'In- 
\entaires  nouveaux,  à  Texposé  de  l'élat  des  archives  des  sous-ï)ré- 
fecturcs  et  des  communes  du  déparlement,  enfin  aux  dons  particu- 
liers, surtout  au  legs  si  important  de  la  comtesse  Marie  de  Ray- 
mond. ' 

De  cette  nomenclature,  toujours  clairement  présentée,  ils  ne 
pourront  tirer  qu'avantages  et  profits,  surtout  si  elle  les  engage  à 
aller,  eux-mêmes,  en  vérifier  l'exactitude  dans  ce  nouveau  pa- 
villon des  Archives,  si  habilement  édifié  sur  les  données  de 
Térudil  archiviste,  et  aménagé  par  lui  si  luxueusement,  avec  autant 
de  compétence  que  de  goût  ;  vrai  modèle  que  ne  sauraient  trop  en- 
vier et  imiter  les  autres  départements,  et  qui  se  présente,  à  Agen, 
comme  un  centre  intellectuel,  un  vrai  sanctuaire  de  la  science,  où 
se  plaisent  à  se  grouper,  chaque  jour  pour  y  travailler  à  Taise,  — 
et  discourir  aussi  queUfue  peu  sur  les  questions  d'actualité,  -^  ceux 
chez  qui  ne  sont  pas  éteints  l'amour  de  la  petite  patrie  et  le  culte 
du  passé. 

Ph.  L. 


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QoO^Qi 


57  - 


RAPPORTS  AU  PRÉFET  ET  AU  CONSEIL  GÉNÉRAL 

SDH 

LE  SERVICE   DES   ARCHIVES   DE  LOT-ET-GARONNE 
Par  M.  René  BONNAT,  irehiyiste  déjNirtemeDtal 


I 
1908-1909 


V  Legs  de  Raymond.  —  Les  archives  départementales  vien- 
nent d'entrer  en  possession  de  la  plupart  des  collections,  im- 
primées ou  manuscrites,  que  la  comtesse  de  Raymond  leur 
avait  léguées  en  1885.  Madame  Gavini  de  Campile,  sœur  de 
la  testatrice,  en  avait  l'usufruit.  Cependant,  elle  avait  bien 
voulu  se  dessaisir,  au  profit  du  département,  d'un  très  grand 
nombre  de  dossiers  généalogiques  et  d'ouvrages  héraldiques, 
littéraires  et  historiques  (près  de  1700  articles)  qui  nous  fu- 
rent versés  en  1880  et  durant  ces  dernières  années,  notam- 
ment en  1904  et  1908.  A  la  suite  de  son  décès  survenu  à  Paris 
le  2  avril  dernier,  ses  héritiers,  M.  Gavini  de  Campile,  ancien 
préfet,  que  le  Conseil  général  remercia  l'an  dernier  de  ses 
nombreuses  libéralités  ;  M.  Gavini,  député  et  président  du 
Conseil  général  de  la  Corso,  et  M.  Roger  de  Montesquieu 
m'invitèrent  à  trier  avec  eux  les  ouvrages  déposés  à  l'hôtel  de 
Raymond  et  à  prendre  livraison  de  ceux  qui  revenaient  aux 
Archives  départementales.  Huit  cent  quarante-cinq  volumes 
nous  sont  ainsi  parvenus,  avec  une  table  en  chêne  blanc,  une 
grande  chaise  sculptée  aux  armes  des  Raymond,  un  encrier  en 
porcelaine  de  Sèvres,  deux  bibliothèques,  l'une  en  châtai- 
gnier, l'autre  en  chêne  avec  corniches  ornées  d'une  torsade  et 
d'un  cordon  de  billettes.  Tous  ces  ouvrages,  qui  seront  grou- 
pés dans  une  salle  spéciale  de  notre  nouveau  bâtiment,  sont 
extrêmement  intéressants.  Ils  ont  fait  l'objet,  en  1889,  d'un 
catalogue'détaillé  imprimé  aux  frais  de  la  succession.  Inutile, 


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—  58  — 

|>ar  con>^*quenl,  d'y  revenir.  Je  me  bornerai  à  signaler  quel- 
ifues  livres  de  bibliophile  avec  de  suf>erbe<  i-eliures  d'^maleur, 
linéiques  belles  éditions  anciennes,  des  manuscrils  de  Sainl- 
Amans,  un  splendide  volume  publié  par  la  Société  des  biblio- 
philes français  <ur  papier  Japon  avec  de  belles  eaux-fortes 
en  Iroi^i  teintes  :  La  bataille  de  Hocroy,  par  le  duc  dAumale. 
et  >urlout  un  superbe  registre,  in-folio,  autographe  de  M"*  de 
itaymond,  en  maroquin  plein,  avec  les  armes  sur  les  plats, 
aux  tranches  dorées  ;  c'est  V Armoriai  de  la  descendance  de  la 
noblesse  d*Agenais  en  1789.  Le  titre  est  en  lettres  ornées  :  31 
feuillets  d'armoiries  peintes  par  9  écussons  à  la  page,  sauf  à 
la  dernière,  qui  contient  seulement  7  écus  de  forme  carrée, 
809  pp.  de  généalogies  lot-et-garonnaises  commencées  en 
18fi2,  finies  en  1886;  8  pages  d'introduction;  42  d  additions  et 
de  corrections,  tout  contribue  à  rendre  ce  bel  in-folio  très  ori- 
ginal et  curieux.  C'est  une  pièce  de  musée. 

l*n  certain  nombre  d'ouvrages  de  bien  moindre  valeur 
doivent  encore  nous  revenir.  Ils  formaient  la  bibliothèque 
de  M.  de  Raymond,  maire  d'Agen  sous  le  gouvernement  de 
Juillet,  et  ils  étaient  restés  indivis  entre  ses  deux  fillles.  Ils 
appartiennent  donc,  .pour  moitié,  aux  Archives  départementa- 
les et,  pour  l'autre  moitié,  aux  héritiers  de  M°*  Gavini  de  Cam- 
pile.  Le  partage  ne  pourra  s'effectuer  qu'au  retour  à  Agen  de 
ces  derniers,  c'est-à-dire  en  septembre  1909. 

En  outre,  M.  Gavini  a  déposé  chez  M*  Bothian,  notaire 
L  Agen,  la  somme  de  2.000  francs,  léguée  par  M""  de  Ray- 
mond pour  l'installation  de  ses  collections  et  la  confection  de 
châssis  vitrés  ou  de  grilles  destinés  à  préserver  les  livres.  Ces 
2.(K)0  francs  seront  versés  à  la  Trésorerie  Générale  pour  être 
employés  conformément  à  la  volonté  de  la  testatrice,  dès  que 
l'acceptation  définitive  du  legs  sera  chose  faite.  Elle  servira  : 
1  *"  à  la  confection  de  châssis  grillés  ou  vitrés  et  de  petites  éta- 
gères destinées  aux  ouvrages  récemment  versés  qui  ne  pour- 
raient pas  contenir  sur  les  rayons  déjà  existant  ;  2**  à  l'embel- 
lissement de  la  salle  affectée  au  fonds  de  Raymond  et  légère- 
ment détériorée  par  la  pose  des  radiateurs  et  des  tuyaux  du 
calorifère  à  basse  pression  ;  3°  à  la  reliure  d'environ  200  volu- 


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-  59  - 

mes  de  la  collection;  4*  à  Tencadrement  de  quelques  gravures 
et  tableaux.  Je  prie  le  Conseil  général  de  bien  vouloir  m  auto- 
riser à  employer  ainsi  le  legs  de  la  comtesse  de  Raymond. 

Bibliothèques  du  Grand  Séminaire  el  de  lEvêché,  —  J'an- 
nonçais, l'année  dernière,  qu'une  partie  des  livres  et  manus- 
crits ayant  appartenu  à  la  mense  épiscopale  d'Agen  et  au 
lirand  Séminaire  nous  serait  attribuée.  Un  décret  du  14  dé- 
cembre 1908  et  un  arrêté  du  Ministre  de  l'Instruction  publique 
du  24  février  1909  en  ont  ainsi  décidé.  Les  bibliothèques  de 
ces  établissements  ecclésiastiques,  déclarées  biens  d'Etat,  doi- 
vent être  déposées  à  la  bibliothèque  municipale  d'Agen,  mais 
les  documents  ayant  le  caractère  de  pièces  d'archives  et  tous 
les  ouvrages  de  référence  ont  été  réservés  pour  les  archives  de 
Lot-et-Garonnè.  Avec  le  bibliothécaire  municipal,  j'ai  procédé 
à  un  triage  préliminaire  et  fait  installer  dans  notre  nouveau 
pavillon  plus  de  1.000  volumes,  dont  certains  feront  bonne 
ligure  au  milieu  des  collections  départementales  :  le  Glossaire 
de  Du  Gange,  les  dictionnaires  de  Moréri,  Bayle,  Furetière, 
Migne;  une  partie  de  l'Encyclopédie  du  wuf  siècle;  les  Mé- 
moires de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  ceux 
du  Clergé  de  France;  VAnliquité  expliquée  de  Bernard  de 
Montfaucon;  les  vingt  premiers  volumes  de  l'Histoire  littéraire 
de  la  France  par  les  Bénédictins  ;  une  Bible  polyglotte  très  in- 
téressante; la  collection  superbement  reliée  des  procès-ver- 
baux des  Assemblées  du  Clergé  ;  les  Sacrosancta  Concilia  de 
Labbe  et  Cossart  ;  la  collection  du  Moniteur  Universel  réim- 
primée, in-4**;  quelques  vieilles  éditions  du  xvf  siècle,  etc. 
Le  tout  provient  du  Grand  Séminaire.  Quant  aux  ouvrages  de 
la  ci-devant  mense  épiscopale  mieux  vaut  ne  pas  en  parler  : 
de  loin,  c'est  quelque  chose  ;  de  près,  ce  n'est  rien.  Au  reste, 
il  en  est  de  même  d'une  grande  partie  de  la  bibliothèque  du 
Séminaire.  Sur  10.000  articles  environ,  800  ont  été  mis  de 
côté  pour  les  archives,  3.000  pour  la  ville  d'Agen.  Ije  reste 
pourra  faire,  sans  inconvénient,  l'objet  d'une  vente  au  béné- 
fice d'établissements  charitables,  et  je  doute  qu'elle  soit  fruc- 
tueuse. 


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—  60  - 

Bibliothèque  :  accroissements.  —  Les  érudits  y  trouveront 
un  certain  nombre  d'ouvrages  intéressants  récemment  acquis 
ou  donnés.  Hauser  :  Les  Sources  de  Vhisloire  de  France,  XVl^ 
siècle  ;  —  Inventaire  général  des  richesses  de  la  France  ;  Mo- 
numents civils,  t.  8;  —  Manuel  d'archéologie  préhistorique, 
celtique  et  gallo-romaine,  t.  ^^  par  Déchelette;  —  les  publi-i 
cations  des  comités   départementaux   d'études   sur   l'histoire 
économique  de  la  Révolution,  concernant  le  bailliage  de  Co- 
tentin,  le  partage  des  biens  communaux,  l'élection  de  Gap,  les 
bailliages  de  Blois  et  de  Romorantin,  les  biens  nationaux  dans 
les  Bouches-du-Rhône;  l'Abolition  des  droits  seigneuriaux  en 
Savoie;  les  Comités  d'agriculture  et  de  commerce  de  la  Cons- 
tituante, de  la  Législative  et  de  la  Convention;  les  Cahiers  de 
doléances  des  bailliages  de  Sens   et  de  la   sénéchaussée    de 
Cahors;  du  District  d'Alençon.  -    Habasque  :  Le  livre  doré 
du  présidial  d'Agcn;  —  Boyer  :  Mgr  Lanusse,  Le  prêtre  et  le 
soldat;  —  Lauzun  :  La  correspondance  de  Borij  de  Saint^Vin- 
cent;  Le  château  de  Lauzun;  —  (.'haux  :  Diplôme  de  médecin 
de  1496;  —  Courteault  :  Biaise  de  Monluc  historien,  et  la  bio- 
graphie de  Biaise  de  Monluc:  —  Véchembre  :  Le  baron  Lomet 
(1759-1826)  ;  —  Jules  Serret  :  Livre  dor  des  élections  consu- 
laires et  de  l'administration  municipale  d'Agen  depuis  Vannée 
1322  jusqu'en  1909;  —  Dubois  :  Marmande.  Les  détenus  sôus 
la  Terreur.  —  Bonnat  :  Le  citoyen  Delsoert,  ci-devant  Lalau- 
rencie.  —  Inventaires  et  état  sommaire  de  la  série  L  des  Ar- 
chives départementales  des  Hautes-Alpes  et  de  l'Isère  ;  des 
Archives  nationales  (Chambre  des  Comptes,  Châtelet,  Maison 
du  Roi,  Parlement  de  Paris)  :  des  séries  T  et  V  de  la  Seine- 
Inférieure  ;  —  La  marine  militaire  de  la  France  sous  le  règne 
de  Louis  XVI,  par  Lacour-Gayet.  —  La  vente  des  biens  na- 
tionaux pendant  la  Révolution,  par  Marion.  —  L'Histoire  de 
France,  de  Lavisse,  t.  vm.    —   Les    Volontaires    nationaux 
(1791-1793),  par  E.  Déprez:  —  Voltaire  mourant,  par  F.  La- 
chèvre.  —  L'Art  religieux  de  la  lin  du  Moyen-Age  en  France, 
par  E.  Maie.  —  La  Provence  du  /*'  au  Xll*  siècle,  par  de  Man- 
leyer.  —  Les  sources  de  l'Histoire  de  France  depuis  1789  aux 
Archives  Nationales,  par  C.  Schmidt.  —  L'Avènement  de  Bo- 


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^  81  — 

naparle,  par  X'andal,  t.  n.  —  Joseph-Charles- Alexandre, 
comte  dWnierroches  el  César  d' Anterroches,  évêque  de  Con- 
dom,  par  le  comte  de  Dienne.  —  Romme  le  Montagnard,  par 
M.  de  Vissac.  —  Les  Mémoires  de  Saint-Simon,  l.  xx  et  xxi.  — 
Le  tome  ii  des  Cartulaires  Chartrains.  —  Les  Testaments  de 
Vollicialité  de  Besançon,  par  Robert,  t.  ii. 

Archives  :  réintégrations  ;  versements,  —  Par  une  circu- 
laire en  date  du  19  mai  1908,  M.  le  Ministre  de  Tlnstruction 
publique  et  des  Beaux-Arts,  d'accord  avec  son  collègue  de  la 
Justice,  a  fait  verser  aux  archives  départementales  toute  une 
série  de  pièces,  d'un  caractère  politique,  qui  se  trouvaient  au 
Parquet  du  Procureur-général  de  la  Cour  d'Agen.  Il  y  a  là 
quantité  de  documents  sur  le  Coup  d'Etat  de  décembre  :  rap- 
ports de  magistrats,  procureurs  de  la  République,  juges  de 
paix;  sur  l'action  des  sociétés  secrètes  et  des  clubs  politiques, 
les  insurrections  et  les  troubles  dont  quelques  cantons  furent 
le  théâtre  dans  les  trois  départements  du  ressort  de  la  Cour  ; 
des  états  numériques  d'inculpés  politiques:  des  renseigne- 
ments sur  les  magistrats  des  commissions  mixtes  :  des  notes 
sur  les  opinions,  avant  et  depuis  1848,  de  tous  les  magistrats 
de  la  ('Our,  depuis  les  conseillers  jusqu'aux  juges  de  paix  ; 
des  renseignements  sur  la  police  de  la  presse.  Le  tout,  for- 
mant 17  liasses,  complétera  heureusement  les  collections  dé- 
partementales, autrement  plus  riches,  puisqu'elles  possèdent 
les  rapports  des  préfets,  les  dossiers  des  commissions  mixtes 
(procès-verbaux,  instructions,  interrogatoires),  les  dossiers  in- 
dividuels des  citoyens  déportés,  arrêtés  ou  libérés  ou  mis  sous 
la  surveillance  de  la  haute  police,  et  tous  les  papiers  relatifs 
à  rindemnité,  aux  secours  et  pensions  accordés  aux  victimes 
du  Coup  d'Etat. 

Archives  :  Dons.  —  M.  Roumat,  maire  de  Saint-Pierre  de 
Nogaret,  nous  a  remis  l'étal  des  détenus  de  la  maison  darrét 
du  Comité  de  surveillance  de  Marmande,  29  nivôse  an  IL  Par 
l'intermédiaire  du  docteur  Couyba,  un  cahier  de  15  feuillets 
nous  est  parvenu  ;  c'est  l'ancien  étal-civil  de  Saint-Etienne  de 


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-  ()2  — 

Fougères  de  1652  el  Ifio*}.  A  signaler  encore  quelques  docu- 
ments manuscrits  concernant  la  commune  de  Montesquieu  et 
celle  de  Nicole  pendant  la  Révolution,  et,  surtout,  un  sac  en- 
tier bourré  de  minutes  de  notaires  du  xvnf  siècle.  Nous  les 
avons  triées,  classées  et  mises  en  liasse  ;  elles  proviennent  des 
Batut,  notaires  myaux  à  Laroque-Timbaut,  et  prendront 
place  dans  la  série  E  des  archives  départementales.  i\l.  Mom- 
méja  nous  a  offert  un  recueil  de  thèses  protestantes  passées 
à  Saumur  au  xvii*  siècle  ;  M.  Dubos,  un  cahier  et  trois  liasses 
de  comptes  provenant  du  district  et  de  la  municipalité  de  Cas- 
teljaloux  (1790-11),  et  M.  de  Sansac,  juge  de  paix  à  Damazan, 
un  recueil  de  pièces  ini[)rimées  de  la  période  révolutionnaire 
formant  un  Code  criminel  el  ayant  appartenu  à  Brostaret,  ac- 
cusateur public  près  le  tribunal  criminel  de  Lot-et-Garonne 
et,  phis  lard,  député  de  ce  département. 

Travaux  annuels  :  Invenlaircs.  —  Classer  les  livres  du  fonds 
de  Raymond  el  leur  donner  le  numéro  du  catalogue,  trier  les 
dix  mille  volumes  de  la  bibliothèque  du  grand  séminaire,  par- 
faire l'installalion  des  archives  départementales,  telles  ont  été 
celte  année  les  principales  occupations  du  service.  Nous  avons 
pu  cependant  commencer  le  deuxième  volume  d'inventaire  de 
la  série  L  :  fonds  de  la  Hévolulion,  dont  le  tome  P'  a  été  dis- 
tribué à  la  session  d'octobre  H)()8.  Cinq  feuilles  sont  tirées  ; 
elles  contiennent  l'analyse  des  documents  intéressant  la  for- 
mation du  Lot-et-tiaronne  en  1790  et  la  division  du  départe- 
ment en  72,  puis  73,  ])uis  51  cantons;  les  mesures  prises  par 
les  commissaires  du  i*oi  pour  assurer  le  fonctionnement  du 
nouveau  régime  administratif  :  les  élections  faites  :  l""  par 
l'assemblée  électorale  du  département  pour  le  Conseil  géné- 
ral, les  haut-jurés,  le  tribunal  civil  et  criminel,  Tévêque  cons- 
titutionnel, les  députés  à  l'Assemblée  législative,  à  la  Conven- 
tion, aux  Conseils  des  Anciens  et  des  Cinq-Cents  ;  2''  par  les 
assemblées  électorales  des  districts  pour  les  fonctions  d'admi- 
iiistraltMirs  vi  de  juges  :  3**  par  les  électeurs  des  cantons  el  des 
communes  pour  les  fonctions  de  juges  de  paix,  d'électeurs,  el 
de  membres  des  corps  municipaux  :  maire,  procureurs,  offi- 


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—  63  - 

ciers  municipaux,  agents  nationaux,  conseillers  et  notables. 
Le  tout  sera  suivi  des  dossiers  relatifs  à  la  police,  aux  subsis- 
tances, à  Tagriculture,  au  commerce  et  à  l'industrie,  aux  ad- 
ministrations départementales  et  communales,  aux  finances, 
aux  affaires  militaires,  aux  guerres  de  la  Révolution,  aux  tra- 
vaux publics,  à  l'instruction  publique,  aux  sciences  et  arts,  à 
la  justice,  aux  cultes  :  catholique,  constitutionnel,  de  la  Rai- 
son, théophilanthropie  :  aux  établissements  de  bienfaisance  et 
de  répression.  I^'analyse  de  ces  documents  jointe  à  celle  des 
administrations  de  district  qui  fonctionnèrent  de  1790  à  Tan  IV 
formera  le  tome  II  de  Tinventaire  de  la  série  L. 

En  môme  temps,  paraîtra  le  2*  volume  de  Tinventaire  des 
archives  communales  conservées  soit  dans  les  mairies  du  dé- 
partement, soit  au  dépôt  central.  Achevé  en  1903  il  y  manque 
une  table  générale  destinée  à  faciliter  les  recherches  des  tra- 
vailleurs, et  un  supplément  où  seront  mentionnés  les  liasses 
et  registres  antérieurs  à  1790  que  fait  découvrir  l'inspection 
des  fonds  communaux.  Le  travail  est  commencé  ;  il  sera  pom*- 
suivi  régulièrement. 

D'autre  part  une  récente  circulaire  ministérielle  prescrit  la 
rédaction  de  répertoires  numériques,  même  pour  les  docu- 
ments modernes.  Je  ne  crois  pas  qu'ils  puissent  rendre  de 
grands  services  à  Agen.  Néanmoins  l'employé  des  archives, 
sous  mon  contrôle,  commencera  l'analyse  sommaire  de  la 
série  V  :  Cultes. 

Archives  des  Sous-Prélectures  et  des  Communes.  —  Le 
classement  des  fonds  révolutionnaires  tVAgen,  continué  par 
le  bibliothécaire  municipal,  M.  Calvet,  est  aujourd'hui  ter- 
miné. Toutes  les  pièces  ont  été  groupées  et  mises  en  liasses. 
Mais  la  salle  affectée  aux  archives  municipales  est  devenue 
trop  étroite,  par  suite  du  versement  des  documents  adminis- 
tratifs modernes.  Elle  est  aussi  très  humide  et  les  fonds  an- 
ciens s'en  ressentent.  Il  y  aurait  grand  intérêt  à  les  déposer 
aux  Archives  départementales  conmie  le  proposait  en  1(S<S() 
M.  Durand,  alors  sénateur  et  maire  d'Agen. 

Aussi  bien,  la  nécessité  de  centraliser  dans  les  dépôts  dé- 


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-  64  - 

parlemenlaux  les  documents  antérieurs  à  1800,  qu'ils  intéres- 
sent Tancien  régime  ou  la  période  révolutionnaire,  s'impose 
de  plus  en  plus.  Dans  la  plupart  des  communes,  les  cahiers  et 
pièces  détachées,  épaves  souvent  très  curieuses  des  anciens 
chartriers,  sont  abandonnés.  On  les  retrouve  empilés  pêle- 
mêle  et  dans  le  plus  grand  des  désordres  au  fond  de  rayons 
poussiéreux  ou  dans  de  vieux  placards.  Estimons-nous  heu- 
reux qu'on  ne  les  ait  pas  brûlés,  comme  le  cas  s'est  produit 
souvent,  pour  ne  pas  avoir  à  les  transporter  dans  de  nouvelles 
mairies  !  Parfois  même  les  secrétaires  qui  en  ont  la  charge  ne 
connaissent  de  leurs  vieilles  archives  que  les  registres  parois- 
siaux d'état-civil.  J'en  ai  vu  qui  ne  savaient  où  se  trouvaient 
leurs  terriers,  leurs  cahiers  d'ai-pentement  ou  de  comptes, 
cependant  inventoriés  ;  pour  les  retrouver,  l'archiviste  devait 
alors  se  livrer  avec  eux  à  une  véritable  exploration  des  bâti- 
ments communaux  ! 

Exploration  d'ailleurs  fructueuse  :  elle  amène  souvent  la 
découverte  de  documents,  voire  même  de  registres,  qui  avaient 
échappé  aux  recherches,  ce  qui  prouve  bien,  une  fois  de  plus, 
qu'à  quelque  chose  malheur  est  bon. 

A  Lagarrigue,  où  les  registres  paroissiaux  sont  reliés  et  ont 
été  inventoriés,  j'ai  retrouvé  .au  fonds  d'un  carton  toute  une 
série  de  pièces  qui  les  complètent.  En  voici  l'état  numérique  : 

Paroisse  de  Noire-Dame  de  Lagarrigue,  —  Baptêmes,  ma- 
riages et  sépultures,  1G06-1()98,  un  registre  in-4'',  en  fort  mau- 
vais état.  —  Baptêmes,  1G0()-1674,  un  cahier  in-12.  —  Baptê- 
mes et  mariages,  1G57-1()()5  et  1657-16GG,  un  cahier  in-12.  — 
Baptêmes  et  mariages,  1098-1702,  deux  cahiers  in-12.  (Coté 
F  supplément  937  bis). 

Paroisse  de  Saint-Jean  (V Aubes.  —  Etat-civil,  1638-1661,  un 
cahier  in-12.  —  Idem,  1730-1737,  un  cahier  in-12,  (Coté  E  sup- 
plément 941  bis). 

Paroisse  de  Saint-Avil,  annexe  d'Aiguillon.  —  Baptêmes, 
mariages  et  décès,  1742-1740,  un  cahier  in-12.  (Coté  E  sup- 
plément 941  ter). 

Paroisse    de     Saint-Vincent    de     Goûts ,     annexe    d'Ai- 


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—  65  — 

guillon.  —  Baptêmes,  1703-1709,  un  cahier  in-12.  (Coté  E  sup- 
plément 941  quater). 

Pas  d'archives  révohilionnaires  autres  qu  une  liasse  de  lois 
et  décrets  imprimés  de  1792  (25  pièces),  un  registre  d'étal-civil 
concernant  Notre-Dame  de  Lagarrigue  de  1792  à  1802,  et  un 
cahier  de  20  pages  concernant  les  publications  de  mariages 
de  Miramonl  d'Aiguillon  (1793-an  VI). 

A  Roumagne,  il  faut  ajouter  aux  documents  inventoriés  un 
registre  d'arpenlement  de  la  paroisse  dlffour  de  1750.  (Coté  E 
supplément  1  i80  bis). 

Les  archives  révolutionnaires  de  Sainle-Bazeille  sont  ré- 
duites à  leur  plus  simple  expression.  Pas  de  pièces  détachées. 
Il  paraît  qu  en  1896,  quand  la  mairie  s'installa  dans  les  locaux 
qu'elle  occupe  actuellement,  on  fit  brûler  une  grande  quantité 
de  papiers.  En  tout,  avec  letat-civil,  trois  registres  et  un 
cahier  : 

1**  Délibérations  du  Conseil  général  de  la  conunune,  17  oc- 
tobre 1790-25  brumaire  an  III  :  1  registre  relié. 

2'*  Délibérations  du  Conseil  général  de  la  commune,  du  23 
germinal  an  III  à  l'an  IV  ;  1  registre  relié,  qui  renferme  éga- 
lement les  délibérations  de  l'Administration  cantonale  de 
l'an  IV  au  2  germinal  an  V. 

3"*  Délibérations  de  l'Administration  cantonale  du  2  germi- 
nal an  V  au  25  floréal  an  VIII.  Registre  relié  à  réintégrer  aux 
Archives  départementales. 

4*  c(  Bureau  de  la  municipalité  ».  Comptes.  1  cahier.  20 
février  1790^6  mai  1792. 

Etat-civil  :  Naissances,  mariages  et  décès,  an  IV-an  VIII. 
3  registres  reliés. 

Au  fonds  ancien  inventorié,  il  faut  joindre  :  1  registre  in-4*' 
relié  renfermant  les  délibérations  du  Bureau  des  pauvres  de- 
venu plus  tard  le  Bureau  de  bienfaisance  du  7  décembre  1781 
au  3  novembre  1872  (Coté  E  supplément,  1724  ter),  et  2  volu- 
mes in-4*,  reliés,  contenant,  l'un,  les  naissances  et  mariages 
de  1779  à  1792,  Tautre,  les  décès  pendant  la  même  période 
(E  supplément  1725,  4  et  5). 

Les  délibérations  de  la  commune  de  Nicole  ne  commencent 


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-  66  — 

qu'en  1838.  En  fouillant  dans  les  cartons  du  secrétariat,  je  n  ai 
pu  trouver  que  cinq  pièces  relatives  à  la  Révolution.  An  Il-an 
VIII  :  Etat  des  citoyens  actifs  de  \icole  en  Tan  H.  Passeports 
de  Tan  VII  et  de  Tan  VIII  ;  tableau  des  conscrits  du  canton 
d'Aiguillon  en  l'an  VII  et  pour  la  commune  de  Nicole.  Deux 
registres  reliés  d'état-civil,  an  11-1812  et  an  Il-an  X.  Le  dépar- 
tement possède  un  cahier  en  très  mauvais  état  :  «  registre  de 
police  pour  1791  »,  provenant  de  la  mairie. 

L'inventaire  imprimé  des  anciens  chartriers  des  paroisses 
oui  ont  formé  la  commune  de  liourran  en  1839,  ne  mentionne 
que  des  registres  d'arpentement.  J'en  ai  trouvé  un  de  plus, 
fort  endommagé.  Il  est  de  1730,  53  feuillets,  avec  une  table 
alphabétique  des  prénoms  (Coté  E  supplément  887  bis  et  dé- 
posé aux  Archives  de  I^t-et-Garonne).  En  outre,  dans  de  vieil- 
les armoires,  au  milieu  d'un  fouillis  de  pièces  postérieures  à 
1800,  j'ai  constaté  la  présence  de  33  cahiers  paroissiaux  ren- 
fermant l'ancien  état-civil  des  paroisses  de  Coleignes  et  de 
Saint-Vincenl-de-Dominipech.  J'ai  obtenu  du  maire  qu'ils  fus- 
sent immédiatement  reliés.  Us  seront  côté  E  supplément 
890  bis  (Coleignes,  1057-1791,  17  cahiers  in-12  et  in-8'',  ensem- 
ble 387  feuillets)  et  890  ter  (Saint-Vincent,  10  cahiers,  in-12  et 
in-4%  ensemble  220  feuillets,  lf)30.1792),  —  Quant  aux  archi- 
ves révolutionnaires,  rien  ou  presque  rien  :  2  registres  de  la 
contribution  foncière  pour  Coleignes  et  Saint-Vincent  (1792- 
1793)  et  9  registres  d'état-civil  :  Saint-Vincent,  naissances  (an 
11-1817)  :  mariages  (1792-1839)  ;  décès  (an-II-1817)  ;  Saint- 
Brice,  naissances  (an  IV-1817)  ;  mariages  (an  IV-1817)  ;  décès 
(an  IV-1818)  :  Coleignes,  naissances  (an  1-1817)  ;  mariages 
(an  11-1839)  ;  décès  (an  VII-1817). 

Chirac  a  des  archives  extrêmement  importantes.  L'inven- 
taire sommaire  des  fonds  anciens  ne  tient  pas  moins  de  44 
pages  d'impression.  Il  est  cependant  incomplet.  Au  milieu 
des  fonds  administratifs  nous  avons  découvert,  : 

1"*  Sept  petits  registres  in-4'*  qui  constituent  Tarpentement 
général  de  la  communauté  de  Clairac  et  des  paroisses  de  la 
juridiction  en  1058  :  Clairac,  Marsac,  Saint-Brice,  Saint- 
Martin,  Saint-Vincent,  Tignagues  et  Vaqué.  Un  registre  par 


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—  67  — 

paroisse,  précédé  de  la  table  alphabétique  des  noms  de  pro- 
priétaire. Le  tout  mis  en  liasse  a  été  coté  E  supplément  2089 
bis. 

2"  Un  gros  registre  relié  de  344  feuillets  in-4'*  :  rôle  des 
tailles,  décharges  et  transferts  d'impositions.  Liste  des  biens 
nobles  de  la  juridiction,  1710-1730.  (E  Supplément  2101  bis). 

3*^  l'n  cahier  de  20  feuillets  :  flegistre  des  mandats  délivrés 
par  les  consuls  du  25  mai  1768  au  4  juillet  1774.  (E  supplément 
2126  bis). 

4*  Deux  cahiers,  ensemble  68  feuillets  :  Délibérations  du 
bureau  de  l'hôpital  du  15  septembre  1744  à  1791.  Manque  de 
1771  à  1786  (E  supplément  2209  bis). 

o**  Deux  cahiers,  88  feuillets  :  Mercuriales  de  Clairac.  Prix 
des  grains,  du  3  mars  1755  au  mois  d'avril  1769  et  de  1785  à 
l'an  X  (E  supplément  2214  bis). 

6*»  Un  cahier  (E  supplément  2090  bis)  :  Table  alphabétique 
par  noms  de  propriétaires  de  l'arpentement  général  de  1748. 

Quant  aux  archives  révolutionnaires,  elles  nous  seront  en- 
voyées pour  être  classées.  C'est  indispensable,  car  le  désordre 
y  est  complet.  Aucun  triage  n'a  été  fait.  L'inventaire  dressé 
en  1842,  par  les  soins  du  maire,  ne  mentionne  pas  l'existence 
de  la  plupaii  de  ces  papiers  dont  beaucoup  sont  intéressants. 
On  n'y  parle  que  des  registres.  J'ai  procédé  sur  place  à  un 
classement  sommaire  et  feuilleté  ou  examiné  toutes  les  liasses 
ou  cartons  des  affaires  administratives  modernes.  Beaucoup 
de  pièces  y  figurent  qui  appartiennent  au  fonds  de  l'adminis- 
tration cantonale  ;  elles  devront  être  réintégrées  aux  archives 
départementales.  Voici  l'état  sommaire  de  tous  ces  docu- 
ments : 

— Série  A-B  :  Lois,  décrets,  actes  de  l'Administration  dépar- 
tementale, de  1790  à  l'an  VIII.  Imprimés,  23  liasses.  —  Enre- 
gistrement des  lois  et  décrets,  7  cahiers,  1790-1793. 

Série  C  :  Imprimés  divers  de  la  période  révolutionnaire, 
i  liasses. 

Série  D  :  Délibérations  du  Conseil  général  de  la  commune. 
Registre  relié,  29  avril  1790-15  avril  1792.  —  Correspondance, 
2  liasses.  —  Rapports  avec  le  département  et  le  district  de 


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Tonneins,  1  liasse.  —  Enregistrement  des  arrêtés  de  ce  dis- 
trict, 1  cahier,  1790-an  IL 

Série  E  :  Etat-civil.  Naissances,  8  vol.  rel.;  mariages,  8  vol. 
idem  ;  décès,  8  vol.  idem.  1  vol.  de  tables,  1793-1839.  —  Pu- 
blications de  mariages  de  1792  à  1810,  9  cahiei-s. 

Série  F  :  Foires  et  marchés,  1793,  1  liasse. 

Série  G  :  Contributions^  1  liasse,  35  cahiers.  1791-an  VIII. 

—  Contribution  patriotique,  1790,  1  cahier. —  Patentes,  1  reg., 
1  cahier.  —  Livre  des  mutations  à  compter  de  l'an  VII,  1  reg. 

Série  H  :  Secours  à  accorder  aux  parents  des  défenseurs  de 
la  patrie  et  aux  soldats  des  armées  de  la  République,  1  liasse. 

—  Affaires  militaires,  ans  VII  et  VIII,  1  liasse.  —  Gardes- 
nationaux,  1  liasse. 

Série  I  :  Affaires  de  police  et  diverses,  1  liasse.  —  Fêles  pu- 
bliques et  divers,  2  liasses.  —  .Vff aires  de  la  police  municipale, 
1  liasse.  —  Jugements  du  bureau  de  police,  2  cahiers,  1791- 
an  V.  —  12  liasses  d'affaires  diverses  où  tout  est  mêlé  et  qui 
ont  besoin  d'être  triées  pièce  par  pièce  :  Enfants  abandonnés, 
militaires  blessés,  colons  réfugiés,  1  liasse.  —  Réquisition- 
naires,  militaires  et  divers,  registres  d'oixlre,  1  liasse.  —  Co- 
mité permanent  de  Clairac  en  1790,  registre  des  dons  volon- 
taires, etc.,  1  liasse.  —  Comptes  de  la  commune,  1792,  1  liasse. 

—  Réquisitions,  contributions,  pétitions,  comptes,  états  des 
bouviers  et  des  charrettes,  2  liasses.  —  Signalements,  assem- 
blées électorales,  affaires  diverses,  4  liasses. 

Aucune  trace  des  délibérations  de  la  Société  populaire. 
Quelques  arrêtés  du  comité  de  surveillance  du  district  de  Ton- 
neins  qui  resteront  aux  archives  départementales. 


II 
1909-1910 

Bibliothèque  :  accroissements.  -^  Le  ministère  de  l'Instruc- 
tion publique  a  fait  déposer  durant  l'exercice  1909-1910  :  Les 
cahiers  des  doléances  des  bailliages  de  Troyes  et  de  Barn-sur- 
Seine,  t.  i,  par  J.  Vernier  ;  Les  cahiers  de  la  sénéchaussée  de 


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NîmeSy  par  Bligny-Bondurand  ;  Les  cahiers  de  la  sénéchaus- 
sée de  Rennes,  par  Sée  et  Lesoii  ;  ceux  du  département  de  la 
Marne,  par  Laurent  ;  les  documents  relatifs  à  la  vente  des 
biens  nationaux  dans  les  Bouches-du-Rhône,  par  Moulin  ;  Le 
catalogue  général  des  manuscrits  des  bibliothèques  publiques 
de  France  ;  Paris  :  bibliothèque  de  la  Marine,  du  Sénat  et  de 
la  Chambre  des  Députés.  Bibliothèque  de  Reims  ;  Les  diction- 
naires topographiques  de  la  Haute-Loire  et  du  Pas-de-Calais; 
Les  testaments  de  Voflicialité  de  Besançon  (12G5-1500),  t.  n, 
I)ar  U.  Robert  ;  le  Recueil  général  des  bas-reliels  de  la  Gaule 
romaine,  par  Espérandieu,  t.  u,  où  le  Lot-et-Garonne  d'au- 
jourd'hui se  trouve  compris  ;  les  tomes  18  et  19  du  Recueil  des 
Actes  du  Comité  de  Salut  Public,  par  Aulard  ;  le  t.  n*  de  la 
Correspondance  de  Carnot,  par  Charavay.  Ensemble  21  volu- 
mes in-4*'  brochés,  auxquels  il  faut  ajouter  Tlnventaire  som- 
maire des  archives  du  Gard,  série  E,  t.  iv,  et  quelques  réper- 
toires départementaux. 

Soit  par  dons,  soit  par  acquisitions,  la  bibliothèque  dépar- 
tementale s'est  encore  accrue  des  ouvrages  suivants  : 

Journal  de  Pierris  de  Casalévelery,  notaire  royal  de  Mau- 
/éoR,  par  J.  de  Jaurgain  ;  Mémoires  et  caravanes  de  J,-B,  de 
Luppé,  suivis  des  Mémoires  de  son  neveu,  J.-B.  de  Larrocan 
d'Aiguebère  ;  Le  Cartulaire  de  Vabbaye  de  St-Martin  de  Pon- 
loise,  par  J.  Depoin  ;  La  Correspondance  inédite  de  François 
duc  de  Broglie,  maréchal  de  France,  avec  le  prince  Xavier  de 
France,  comte  de  Lusace,  t.  f  ;  L'Histoire  de  France  contem- 
poraine, par  G.  Hanotaux  ;  Théophile  et  Paul  de  Viau,  par 
Garrisson  ;  Etudes  sur  Vhistoire  économique  de  la  France  : 
Vassistance  publique  (1760-1789),  par  G.  Bloch  ;  Choix  de 
poésies  de  Sallustes  du  Bartas  ;  VHistoire  de  France,  de  La- 
visse,  t.  vin,  2^  partie  :  Les  Demoiselles  de  Saint-Cyr  (1686- 
1793)  et  les  Parlementaires  français,  par  Fleury-Vindry,  et 
quelques  plaquettes  d'histoire  agenaise  faites  avec  les  docu- 
ments conservés  aux  archives  départementales.  A  signaler 
encore  un  petit  nombre  de  brochures  sur  la  franc-maçonnerie 
lol-et-garonnaise  :  Règlements  de  la  R.*.  L.'.  de  Saint-Jean 
sous  les  titres  distincts  de  l'Age  d'Or  et  des  Amis  des  Bour- 


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~  70  - 

bons  à  rO.\  de  Villeneuve  et  d'Agen  ;  deux  calendriers  ma- 
çonniques et  des  instructions  pour  les  grades  symboliques  du 
Grand-Orient,  etc. 

La  bibliothèque  du  Petit-Séminaire  d'Agen  a  été  vendue  au 
profit  des  établissements  charitables.  J'ai  obtenu  que  certains 
ouvrages  fussent  distraits  de  l'adjudication  et  déposés  aux 
Archives  départementales  :  Bibliographie  Universelle,  an- 
cienne et  moderne  Michaud,  88  volumes,  reliés,  v.  f.;  Collec- 
tion des  écrivains  et  historiens  latins  et  grecs.  Texte  avec  tra- 
duction :  Hérodote,  Thucydide,  Virgile,  Horace,  Lucain, 
Justin,  Salluste,  Tite-Live,  Tacite,  Jules  César  et  Cicéron,  83 
volumes  reliés  ;  Les  Antiquités  romaines,  de  Denis  d'Halicar- 
nasse,  2  vol.  in-4*'  rel.;  VHistoire  et  la  Bibliographie  des  Croi- 
sades, de  Michaud,  7  vol.;  Les  Mémoires  relatifs  à  l'histoire 
de  France,  de  Petitol  et  Poujoulat,  153  vol.;  Paris,  ses  orga- 
nes, ses  fonctions  et  sa  vie,  6  volumes  brochés,  par  Maxime 
du  Camp. 

Une  partie  de  la  bibliothèque  de  Raymond  avait  été  léguée 
à  M.  Pierre  de  Montesquieu  avec  prière  de  la  placer  au  château 
de  la  Brède.  Le  légataire  a  préféré  la  vendre  à  M.  Mounastre-  \ 
Picamilh,  libraire  à  Bordeaux.  J'ai  acquis,  pour  être  joints  au 
fonds  de  Raymond,  20  de  ces  volumes  magnifiquement  reliés 
[)ar  Petit  ou  Niédrée,  aux  armes  de  la  comtesse  ou  à  celles  des 
Bastard  :  Les  châteaux  historiques  de  la  France,  par  Eyriés, 
accompagnés  d'eaùx  fortes,  tirées  à  part  et  dans  le  texte  et 
gravées  par  nos  principaux  aquafortistes,  sous  la  direction  de 
M.  Eugène  Sadoux,  2  vol.  in-4**;  Les  cours  galantes,  par  Gus- 
tave Desnoiresterres,  4  vol.  in-18,  m.  r.  dent.  int.  tr.  dor.  - 
Les  Commentaires  de  messire  Biaise  de  Monluc,.Ed,  de  Ruble^ 
5  vol.  in-8^.  —  Les  zouaves  et  les  chasseurs  à  pied,  par  le  duc 
d'Aumale,  maroquin  rouge,  dent,  int.,  initiales  d'Henri  d'Or- 
léans ;  Histoire  complète  de  Bordeaux,  7  vol.  in-8**  ;  —  Généa- 
logie de  la  maison  de  Bastard,  originaire  du  comté  nantais, 
existant  encore  en  Guienne, 

Archives  :  accroissements.  —  M.  Momméja,  conservateur 
du  Musée  d'Agen,  nous  a  fait  don  d'une  plaquette  imprimée 


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—  71  — 

qui  manquait  à  noire  série  h  :  «  Exercices  publics  pour  l'Ecole 
centrale  de  Lot-et-Garonne,  an  VII  ».  M*  Bigou,  notaire  à  Vil- 
leneuve, a  versé  toutes  ses  minutes  antérieures  à  1808.  L  en- 
semble, très  important,  forme  183  gros  volumes  (dont  5  en 
mauvais  étal)  et  4  liasses  de  testaments  mystiques,  c  esl-à-dire 
de  testaments  secrets,  écrits  ou  du  moins  signés  par  le  testa- 
teur et  remis  par  lui  au  notaire,  scellés  et  clos,  en  présence  de 
six  témoins.  La  série  part  de  1545  avec  les  actes  du  notaire 
royal  Mercier.  Un  seul  registre  pour  le  xvf  siècle  ;  le  reste  a 
été  détruit  ou  a  disparu.  La  série  reprend  à  partir  de  1657; 
elle  est  complète  jusqu'en  1773.  Manquent  les  années  1774  à 
1782  inclus.  A  partir  de  1783  jusqu'en  1807,  une  seule  lacune 
pour  1793,  Tannée  de  la  Terreur.  4  volumes  servent  de  réper- 
toires.. Le  premier  va  de  1681  à  1773;  le  deuxième,  de  1700  à 
1762;  le  troisième,  de  1782  à  l'an  VII  ;  le  quatrième,  de  l'an 
VIII  à  1810.  Durant  cette  période  d'un  siècle  et  demi,  cinq  no- 
taires seulement  :  Carrière  père  (1657-1698);  Guillaume  Car- 
rière (1698-1737);  Pierre-François  Carrière  (1737-1768);  Jean- 
François  Carrière  (1768-1783),  et  Guillaume  Briet  (1783-1809). 
Inutile  d'insister  sur  le  grand  intérêt  que  présente  pour  nous 
le  versement  de  M**  Bigou.  Il  est  prouvé  que  les  minutes  nota- 
riales sont  une  des  sources  les  plus  abondantes  et  les  plus  pré- 
cieuses de  notre  histoire  et  depuis  longtemps  les  érudits  locaux 
ont  entrepris  de  l'exploiter.  Mais  nos  archives  départementa- 
les, moins  riches  que  leurs  voisines,  ne  possédaient  qu'un  petit 
nombre  d'anciens  registres  notariaux  donnés  par  des  particu- 
liers et  n'avaient  reçu  qu'un  seul  vei-sement  de  notaire  ;  et 
encore  s'agissait-il  de  documents  sur  la  seigneurie  d'Albret 
cédés  en  1899  par  M"  Labat,  de  Casteljaloux,  et  n'ayant  pas  le 
caractère  de  minutes  notariales  privées.  Avec  M"  de  Lacvi- 
vier,  d'Agen,  qui  va  incessamment  déposer  ses  actes  anté- 
rieurs à  1789,  M*  Bigou  est  le  premier  notaire  qui  ait  bien 
voulu  combler  cette  lacune  regrettable.  Il  convient  de  l'en  féli- 
citer en  formant  le  vœu  que  son  exemple  soit  suivi. 

L'archiviste  départemental  a  procédé  cette  année  :  1"*  au 
triage  de   la  bibliothèque   du  Petit   Séminaire   d'Agen   dont 


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—  72  — 

408  volumes  ont  été  déposés  aux  archives  départementales  ; 
et  2"*,  avec  M.  Rabalé,  professeur  départemental  d^agriculture, 
à  une  vaste  enquête  sur  la  délimitation  des  vins  de  la  région 
bordelaise  dont  Tavait  chargé  le  Conseil  général.  Les  résultats 
de  celte  enquête  lus  en  séance  publique  ont  été  publiés  in- 
extenso  dans  le  volume  du  Conseil  (session  extraordinaire 
d'octobre  1909). 

J'ai  également  continué  Tinventaire  de  la  série  L.  Trois 
feuilles  ont  été  tirées.  Elles  sont  relatives  aux  élections  munici- 
pales pendant  la  Révolution  ;  à  la  police  révolutionnaire,  à  la 
salubrité  publique,  aux  subsistances  ;  aux  divisions  adminis- 
tratives, à  la  population,  à  1  etat-civil,  à  Tagriculture,  au  com- 
merce et  à  rindustrie,  au  nouveau  système  des  poids  et  mesu- 
res et  à  la  comptabilité  départementale. 

Archives  des  communes,  —  Bok.  —  Dossiers  en  bon  état  de 
conservation  dans  un  placard.  Les  délibérations  municipales 
ne  commencent  qu'en  1837.  Pas  d  archives  révolutionnaires, 
si  ce  n  est  Tétat-civil  :  deux  registres  dem.-rel.  parchemin  de 
1793  à  l'an  X  et  de  Tan  II  à  1812  ;  et  un  cahier  concemant  pour 
Tan  III  la  paroisse  et  section  de  Saint-Pien^e-de-Gaubert. 

Bon-Encontre.  —  Pas  d'archives  anciennes  à  la  mairie.  La 
commune  faisait  autrefois  partie  de  la  juridiction  d'Agen, 
comme  Boé.  Les  cadastres  anciens  et  les  registres  paroissiaux 
sont  à  Agen.  Pas  d'archives  révolutionnaires,  si  ce  n'est  l'état- 
civil  :  Naissances,  1795-1812,  mariages,  1795-1812;  décès, 
1795-1812.  Ensemble  trois  registres  reliés.  Les  délibérations 
du  Conseil  municipal  sont  relativement  récentes. 

A  Lafox,  la  mairie  est  de  construction  récente.  Les  archi- 
ves municipales  étaient  entre  les  mains  d'un  érudit  qui  écrit 
actuellement  l'histoire  de  la  commune.  Ni  délibérations  de  ju- 
rade,  ni  registres  paroissiaux.  Un  terrier  de  1748  classé 
E  suppP  1125  et  marqué  à  tort  dans  l'inventaire  comme  dé- 
posé aux  archives  départementales.  Pour  la  Révolution  un 
registre  in-folio,  relié  parchemin  :  «  Délibérations  du  corps 
municipal  »  du  18  mars  1790  au  19  pluviôse  an  XIII  (100  pa- 
ges), et  en  tournant  le  volume  sens  dessus-dessous  un  <(  recen- 
sement de  la  Garde-nationale  (1790)  »,  4  pages. 


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-  73  - 

A  CoLAYRAc,  ni  fonds  ancien,  ni  documents  révolutionnai- 
res. L'état-civil  commence  en  1802  et  les  délibérations  muni- 
cipales en  1832. 

A  SAiNT-HiLAmE,  j'ai  trouvé  un  registre  relié  non  inventorié; 
c  est  l'état  civil  des  paroisses  de  Saint-Hilaire,  Maurignac, 
Saint-Laurent,  de  1742  à  1792  (E  supppP  38  bis).  Aux'archives 
départementales  a  été  déposé  un  cahier  de  baptêmes,  mortuai- 
res et  mariages  concernant  la  paroisse  Saint-Hilaire,  12  feuil- 
lets (1704-1708)  (E  suppr  30  bis).  Pas  d'autres  archives  révo- 
lutionnaires que  six  cahiers  relatifs  à  la  contribution  foncière 
et  trois  registres  reliés  d'état-civil  de  1793  à  1801. 

Les  fonds  modernes  de  la  mairie  d'AcEx  sont  aujourd'hui 
triés  et  classés.  Mais  le  classement  ne  saurait  être  que  provi- 
soire ;  il  reste  à  tout  grouper  en  séries  et  en  sous  séries. 

Le  Pas.sack  n'a  d'autres  documents  de  la  période  révolu- 
tionnaire que  deux  registres  d'état-civil  reliés  (an  ll-an  VI;  an 
Vl-an  X).  liu  fonds  ancien  inventorié,  une  pièce  de  1767  a  dis- 
paru depuis  longtemps;  elle  était  cotée  E  suppl*  15. 

A  FouLAYRONNEs  uu  registre  d'état-civil  rel.  an  IV-an  X  et 
7  liasses  du  Bulletin  des  Lois  de  l'an  II  à  l'an  VIL  Les  délibé- 
rations municipales  commencent  en  brumaire  an  IX. 

Les  délibérations  de  Bajamont  parlent  de  1838.  Et  cependant 
mention  est  faite  dans  un  inventaire  ancien  de  la  mairie  (1843 
et  1871)  d'un  cahier  contenant  les  actes  municipaux  de  1792 
au  5  thermidor  an  XL  Trois  registres  reliés  d'état-civil  :  nais- 
sances, an  IV  à  1820;  mariages,  1793-1820;  décès,  an  11-1820. 

Pont-du-Casse.  Bulletin  des  Lois  de  Tan  II  à  l'an  VIII  et  un 
registre  d'état-civil  de  1795  à  1802. 

(A  suivre.) 


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BIËLIOGUAPMIË 


Histoire  de  Damazan  depuis  le  xi*  siècle  jusqu'à  nos  jours,  par 
\e  chanoine  P.  Dubourg,  docteur  en  théologie,  curé  de  Layrac.  — 
I11-8**  de  681  pp.  Villeneuve-sur-Lot,  imp.  Renaud  Leygues,  1911, 
avec  planches. 

Voici  un  beau  volume  que  les  amateurs  de  notre  histoire  age- 
naise,  accueilleront  avec  plaisir.  Il  se  présente  sous  une  couverture 
séduisante,  que  les  bibliophiles  sauront  apprécier.  Vous  pou- 
vez l'ouvrir  sans  crainte,  Tintérieur  tient  les  promesses  du  dehors 
et  si  le  cadre  est  beau,  le  tableau  lui  est  bien  supérieur. 

Vous  suivrez,  avec  plaisir  et  aussi  avec  fruit,  l'histoire  d'une  bas- 
tide agenaise  depuis  sa  fondation  jusqu'à  nos  jours.  Avec  un  guide 
si  autorisé  et  si  bien  documenté,  vous  sortirez  charmés  et  ravis  de 
votre  excursion  dans  le  passé. 

La  paroisse  de  Damazan  existait  déjà  au  début  du  xii*  siècle, 
puisqu'elle  est  nommée  dans  une  donation  faite  à  l'abbaye  cister- 
cienne de  Fontguillem  à  cette  époque.  C'est  sur  son  territoire  que 
le  frère  de  Saint  Louis,  Alphonse  de  Poitiers,  le  grand  bâtisseur 
des  villes  neuves  du  Sud-Ouest,  jeta  les  fondements  du  Castrum 
Comilale,  château  comtal,  qui  reprit  par  la  suite  son  nom  primitif 
de  Damazan.  Cette  bastide  nouvelle  fut  entourée  de  remparts,  dé- 
fendus par  de  nombreux  ouvrages  avancés,  qui  lui  ont  valu  le  nom 
de  ville  aux  cent  tours. 

Sous  la  domination  anglaise,  Damazan  prospéra  rapidement, 
grùce  surtout  aux  foires  créées  par  les  souverains  anglais  et  qui 
attiraient  dans  ses  murs  les  populations  voisines.  Comme  toutes 
les  villes  du  pays,  elle  eut  à  souffrir  cruellement  de  la  guerre  de 
Cent  Ans,  et  des  entreprises  violentes  et  répétées  des  seigneurs, 
notamment  des  Montpezat,  mais  elle  sut  toujours  panser  ses  plaies 
et  réparer  ses  ruines. 

Au  XVI*  siècle,  l'hérésie  protestante  fit  ici  des  adeptes,  mais  moins 
nombreux  qu'ailleurs,  car  s'ils  avaient  leur  cimetière  particulier, 
ils  ne  possédaient  ni  temple  ni  ministre.  Cependant,  les  guerres, 
que  le  protestanlisiue  déchaîna,  causèrent  beaucoup  de  ruines  spi- 
rituelles et  matérielles  et  détruisirent,  entre  autres,  en  1585,  l'église 
de  Damazan. 

La  vaste  juridiction  de  Chàteau-Comtal,  qui  comprenait  au 
moyen-âge  jusqu'à  sept  paroisses,  reçut  des  coutumes  spéciales 
c|ui  réglaient  tous  les  détails  de  l'administration  municipale.  Leur 
texte  est  perdu.  M.  le  chanoine  Dubourg,  malgré  cette  lacune  re- 
grettable, a  su,  à  l'aide  de  nombreux  documents  provenant  en  par- 
tie des  études  notariales,  nous  montrer  cette  administration  se  déve- 


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loppanl  et  se  transformant  selon  les  époques.  Puis,  la  Justice,  les 
écoles,  l'hôpital,  les  seigneurs,  les  familles  et  les  maisons  nobles 
de  la  juridiction,  ses  principaux  habitants,  défilent  devant  nous, 
avec  une  riche  documentation  et  une  précision  rigoureuse.  Les 
paroisses  de  la  juridiction,  Thisloirc  des  curés,  des  grangers  de 
Fontclaire,  la  période  révolutionnaire,  la  période  moderne  avec  ses 
administrations  civiles  et  religieuses  ont  fourni  matière  à  de  co- 
pieux chapitres  ou  des  paragraphes  d'un  intérêt  très  vif. 

M.  le  chanoine  Dubourg  sait  tout  du  passé  de  Damazan,  et  il  le 
raconte  avec  un  plaisir  qu'il  ne  cache  pas.  Il  a  mis  dans  son  tra- 
vail tout  son  cœur  et  à  le  lire  on  sent  Témotion  d'un  fils  qui  parle 
avec  amour  de  sa  famille.  Relisez  sa  préface,  et  vous  verrez  com- 
Lion  il  est  fortement  attaché  à  ce  coin  de  terre  qui  la  vu  naître/ 
combien  il  éprouve  de  joie  à  en  redire  à  ses  compatriotes  l'histoire 
attachante  et  à  évoquer  le  nom  des  ancêtres.  Son  livre  est  uiT  véri- 
table chant  d'amour  à  la  petite  patrie  : 

Quinze  lustres  passés,   me  revoyant  moi-même, 
Tout  seul  en  ma  cellule,  à  celle  heure  suprême, 
Bercé  par  un  doux  rêve,  où  se  mouillent  mes  yeux, 
Je  songe  aux  vieux  parents,  qui  m'aimèrent  le  mieux. 
Je  revois  le  clocher  de  mon  bien  cher  village, 
Le  petit  jardinet,  où  dès  mon  premier  âge, 
Je  prenais  mes  ébats  ;  le  modeste  logis, 
Où  des  frères  nombreux  et  quelques  vieux  amis 
Virent  naître  en  mon  cœur  l'amour  pour  votre  gloire, 
O  mon  Dieu  î  De  ce  temps  il  reste  en  ma  mémoire 
Des  souvenirs  pieux.  Transporté  loin  de  loi. 
J'ai  gardé  ton  amour,  je  t'ai  gardé  ma  foi  ! 
De  tes  sites  gracieux,  du  riche  paysage 
Rien  n'a  pu  de  mon  cœur  en  effacer  l'image, 
O  mon  cher  Damazan  î  où  mon  cœur  est  resté, 
Ce  livre  est  le  tribut  de  ma  fidélité. 

C'est  un  fort  riche  tribut  certes,  où  nous  ne  savons  ce  qu'il  faut 
admirer  le  plus  ou  du  travail  et  des  longues  recherches  iqu'il  a  oc- 
casionnés, ou  du  soin  attentif  donné  à  la  rédaction,  ou  de  l'exécu- 
tion matérielle  du  livre.  Rien  n'a  été  négligé  pour  le  rendre  agréa- 
ble et  utile,  ni  les  fines  phototypies  qui  nous  font  connaître  les 
les  monuments  les  plus  intéressants  du  pays,  ni  les  documents 
curieux,  ni  les  tables  qui  faciliteront  les  recherches.  Aussi  bien, 
sommes-nous  persuadés  que  ce  nouvel  ouvrage  de  M.  le  chanoine 
Dubourg  aura  un  vif  et  légitime  succès.      J.-R.  Marboltin. 


Un  héros  de  la  Grande-Armée.  Jean  Gaspard  Hulot  de  Collart, 

officier  supérieur  d'arlillerie  (1780-1854),  par  le  Vicomte  du  Moley, 
lauréat  do  Tlnslitul.  (Paris,  Alph.  Picard,  1911.  —  In-8°  de  585  pp.) 
de  585  pp.) 

En  même  temps  que  paraissaient  dans  la  Revue  de  TAgenais  la 


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biographie  crabord,  puis  la  Correspondance  inédile  de  Bory  de 
Saint-Vincent,  M.  le  vicomte  du  Motey  publiait  à  Paris,  en  un  gros 
volume  orné  de  portraits  et  de  planches,  la  biographie  et  la  Corres- 
pondance de  Jean-Gaspard  llulot  de  CoUart  sous  le  titre  :  Un  héros 
de  la  Grande- Armée,  Or,  il  est  impossible,  après  avoir  lu  ces  deux 
ouvrages,  de  ne  pas  assimiler  les  deux  personnages  qui  en  font  les 
frais —  non  qu'ils  eussent  le  même  caractère  ni  les  mêmes  goûts, 
Bory,  spirituel,  vantard,  autoritaire,  et  pardessus  tout  naturaliste, 
Hulot  au  contraire  timide,  silencieux,  modeste,  homme  de  devoir' 
,ct  d'obéissance  passive,  —  mais  parce  que,  contemporains,  ils  ont 
couru  les  mêmes  dangers,  se  sont  coudoyés  sur  les  mêmes  champs 
de  bataille,  ont  partagé  à  la  paix  à  peu  près  le  même  sort,  ont  vécu 
ip  même  nombre  d'années.  Et  cependant  ils  semblent  ne  s'être  point 
connus  ;  car,  en  aucun  de  leurs  écrits,  ils  ne  parlent  l'un  de  l'autre. 
Il  est  A'rai  que  s'il  leur  avait  fallu  nommer  tous  leurs  compagnons 
d'armes,  la  France  entière  y  serait  passée.  Néanmoins,  leur  existen- 
ce a  élé  si  bien  remplie,  leur  vie  s'est  déroulée  si  mouvementée  et 
on  même  temps  si  méritoire,  qu'il  était  du  devoir  de  tout  historien, 
soucieux  des  gloires  de  la  patrie,  d'exhumer  de  l'oubli  leur  mé- 
moire et  de  la  rappeler  à  la  postérité. 

N'est-ce  pas  en  outre  un  devoir  pour  nous,  et  en  même  temps  un 
bien  grand  plaisir,  que  de  signaler  aux  lecteurs  de  ce  Bulletin  le 
nouvel  ouvrage  de  notre  collègue,  membre  résidant  de  la  Société 
académique  d'Agen  et  travailleur  infatigable,  ainsi  que  l'atteste  la 
liste  de  ses  nombreux  ouvrages,  en  tête  de  laquelle  il  convient  de 
placer  sa  belle^étude  sur  Guillaume  d'Orange  et  les  origines  des 
Antilles  françaises,  couronnée,  on  ne  l'ignore  pas,  par  l'Académie 
française. 

Le  hasard,  cette  fois  encore,  a  bien  servi  M.  du  Motey.  Car,  c'est 
en  fouillant  un  sac  volumineux  de  vieux  papiers,  qu'il  a  trouvé  des 
documents  de  premier  ordre  sur  cette  famille  llulot,  —  qui  n'a  au- 
cun  rapport,  hâtons-nous  de  le  dire,  avec  l'Agenais  —  d'abord 
originaire  4e  la  Normandie,  puis  transportée  dans  les  Ardennes  et 
fixée  particulièrement  à  Charleville.  «  Le  nom  de  Hulot,  écrit  M.  du 
Motey,  est  inscrit  sur  l'Arc-de  Triomphe  de  l'Etoile  ».  Il  fut  porté 
simultanément  par  trois  généraux  distingués  :  le  maréchal  de  camp 
d'artillerie,  Jacques-Louis,  baron  Hulot,  auteur  de  Souvenirs  mi- 
litaires estimés  ;  le  lieutenant-général  d'infanterie  Etienne,  égale- 
ment baron  llulot,  dit  de  Mazerny,  cousin  du  précédent  ;  enfin  le 
général  de  cavalerie,  Etienne-Constant  Hulot,  dit  d'Osery,  frère  de 
la  maréchale  Moreau.  Ce  n'est  d'aucun  de  ces  trois  que'  s'occupe 
'M.  du  iMotey,  mais  seulement  du  plus  jeune  frère  du  premier  de 
Jean-Gaspard  Hulot,  né  en  1780,  entré  à  l'Ecole  polytechnique  en 
1/96,  capitaine  d'artillerie  en  1807,  chef  de  bataillon  en  1813  enfin 
sur  sa  demande,  en  1830,  admis  à  la  retraite  avec  le  erade  de  lieu' 
tenant-colonel. 

«  Les  nombreuses  et  rudes  expéditions  auxquelles  il  prit  part  sans 
u  la  moindre  interruption,  la  noblesse  et  l'excessive  modestie  de  son 


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^  r?  - 

«  caraclère,  Tabus  révoltant  qu'il  en  fut  fait  lors  de  la  dispensation 
i(  (les  récompenses  h  l'issue  de  ces  luttes  de  géants,  noVis  permet- 
«  lent  de  considérer  ce  travail  comme  un  acte  d'équitable  et  loin- 
«  laine  réparation.  » 

Lutte  de  géants  en  effet  que  cette  marche  triomphale  de  la  Grande 
Armée,  de  1805  h  1811,  à  laquelle  prit  une  part  des  plus  actives 
Jean  Gaspard  Hulot,  presque  toujours  attaché,  en  sa  qualité  d'an- 
tien  polytechnicien,  à  la  direction  d'un  parc  d'artillerie,  soit  qu'il 
suivît  rEmpeVeur  en  Autriche,  en  Prusse,  en  Dalmatie,  soit  qu'il 
opérât  en  Espagne  et  en  Portugal,  où  il  fut  fait  prisonnier  et  en- 
voyé sur  les  pontons  de  la  Corogne,  où  il  demeura  plus  de  six  mois 
(4  d'où  il  ne  fut  délivré  qu'en  janvier  1809  par  son  cousin  le  colo- 
nel Etienne  Hulol,  lors  de  la  conquête  de  la  Galice  par  le  maréchal 
Soult. 

C'est  certainement  une  des  pages  les  plus  captivantes  de  ce  livre 
(jue  le  journal  de  captivité,  écrit  au  jour  le  jour  et  reproduit  in  ex- 
tenso par  M.  du  Moley,  où  Gaspard  Hulot  nous  fournit  les  plus 
curieux  renseignements  sur  ce  mode  d'emprisonnement,  cher  aux 
Anglais,  qui  consistait  à  entasser  les  soldats  français  sur  de  vieux 
vaisseaux  de  ligne  hors  de  service,  délabrés,  malsains,  où  tout 
manquait,  et  où  ils  enduraient  les  pires  misères. 

Plus  impressionnants  peut-être  encore  sont  les  détails  sur  la  dé- 
sastreuse campagne  de  Russie,  l'incendie  de  Moscou,  le  passage 
de  la  Bérésina,  la  déroute  de  la  Grande  Armée,  donnés  par  Hulot, 
non  plus  dans  un  journal,  mais  dans  les  lettres  qu'il  écrivait  à  sa 
famille,  à  son  frère,  à  ses  amis,  et  que  complète  si  éloquemment  la 
narration  toujours  claire,  sobre,  qu'y  intercale  M.  du  Motey. 

Car  deux  méthodes  s'offraient  à  lui  :  «  Celle,  écrit-il,  très  facile 
«  d'un  simple  recueil  de  documents,  ou  bien  la  tâche  plus  labo- 
«  rieuse  d'une  biographie.  Nous  avons  préféré  la  dernière,  qui 
t<  classera  ces  documents,  nous  l'espérons,  suivant  le  vœu  de 
«  Taine,  les  demandant  «  abondants,  caractéristiques  et  bien  clas- 
«  ses  »,  et  fera  aussi  avec  plus  de  vérité  revivre  l'homme  et  le  soldat. 
«  Ce  travail  n'est  le  plus  souvent  d'ailleurs  que  le  texte  et  le  simple 
«  enchaînement  des  documents  originaux.  » 

Mais  celte  chaîne  est  très  habilement  forgée,  et  c'est  plaisir  que 
de  parcourir,  sans  fatigue  aucune,  cette  longue  série  de  faits  prodi- 
gieux qui  se  déroula  pendant  dix  années  consécutives  jusqu'à  la 
chute  de  Napoléon. 

Ce  n'est  pas  sans  un  moindre  intérêt  qu'on  suit  encore  Gaspard 
Hulot,  toujours  d'après  ses  notes  de  service,  ses  diplômes  officiels, 
sa  correspondance,  ses  réflexions  personnelles,  passé,  après  1815, 
à  l'état  de  demi-solde,  remplissant  avec  zèle  les  diverses  missions 
qui  lui  furent  confiées  à  Bourges,  à  Cherbourg,  à  Douai,  puis  re- 
prenant du  service  actif  dans  l'armée  des  Pyrénées  lors  de  la  guerre 
d'Espagne  en  1823,  échouant  à  la  Martinique  comme  directeur  de 
l'artillerie  de  1826  à  1830,  rentrant  enfin  à  ce  moment  en  France  et 


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prenant  à  Charleville,  après  les  journées  de  juillet,  une  retraite 
bien  méritée. 

Jean  Gaspard  Hulot  ne  fut  pas  seulement  un  soldat  accompli,  il 
fut  aussi  un  profond  moraliste.  Témoins  ses  Conseils^  qu'il  écrivit 
dans  sa  retraite  cl  où  il  développa  «  les  idées  morales  que  lui  avait 
données  son  expérience  »  sous  le  titre  de  :  «  Règles  de  conduite  que 
«  doit  se  prescrire  un  ieune  homme  à  son  entrée  dans  le  monde  et 
«  quil  doit  suivre  pendant  toute  sa  vie  pour  iouir  du  seul  et  vrai 
«  bonheur  quil  est  possible  de  trouver  sur  la  terre  ».  Ses  réflexions 
sur  le  Bonheur,  la  Santé,  le  Savoir,  le  Travail,  la  Bonté,  le  Devoir, 
la  Vie  intérieure,  la  Religion,  dénotent  un  vrai  penseur,  professant 
une  philosophie  sereine  et  bienfaisante,  un  soldat  qui  est  demeuré 
un  homme  heureux.  Et  c'est  avec  raison  que  M.  du  Motey  écrit  en- 
core :  «  Gaspard  Hulot  s'est  aussi  révélé  à  nous  comme  un  type  très 
«  pur  de  qualités  morales,  qui  peuvent  laisser  ingrate  la  profession 
«  d'un  homme,  mais  qui  socialement  font  la  valeur  et  la  force  d'une 
«  race.  Ce  caractère,  dans  la  mesure  où  il  les  étonnera,  intéressera 
«  peut-être  les  individualistes  d'aujourd'hui,  en  leur  offrant  en 
«  dehors  de  leur  formule,  la  vue  d'une  âme  heureuse.  D'autres  qui 
«  voient  plus  loin  que  la  vie  d'un  homme,  attacheront  du  prix  à  sa 
(c  passion  pour  le  devoir,  à  sa  haine  des  faiblesses,  à  la  fermeté  de 
«  ses  croyances,  à  la  dignité  de  ses  mœurs,  à  son  énergie,  à  sa 
«  conscience,  et,  enfin,  trait  singulièrement  frappant,  à  sa  silen- 
«  cieuse,  à  son  extrême  modestie.  Et  nous  aurons  déjà  fait  une  œu- 
«  vrc  utile  aux  Français  de  notre  temps,  si  le  rayonnement  de  cette 
«  noble  figure  éveille  la  sympathie  et  force  ladmiration.  » 

Que  M.  du  Molcy  soit  satisfait.  Ses  vœux  seront  exaucés.  Car,  par 
la  manière  si  attrayante  avec  laquelle  il  a  su  présenter  cette  masse 
de  documents  et  rattacher  les  faits  particuliers  ignorés  aux  faits 
généraux  déjà  connus,  son  ouvrage  restera  une  source  précieuse 
de  rcnseigîiements  nouveaux  pour  tous  ceux  qui  ne  cesseront 
d'être  les  admirateurs  passionnés  de  Tépopée  impériale. 

Ph.  Lauzun. 


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CHRONIQUE  RÉGIONALE 


Vœux  de  nouvel  an.  —  Comme  tous  les  ans,  la  Société  archéo- 
logique de  Ta rn-et- Garonne  -a  adressé  ù  la  Société  académique 
dWgen  ses  vœux  de  nouvel  an,  formulés  er^  ces  jolis  vers  : 

1912 

u   Lmbra  [agit,  volai  hora,  dies  lugit,  occidil  annns  ;  » 

«  Mors  venit  el  saxiSj  »  olim  cecinere  poelœ    | 

\os  umbras,  horas,  scriplis  revocamus  el  annos, 

Reddimus  el  saxis  lalebrosis  lumina  vitœ. 

Sic  agri  cidlor  glebas  inverlil  aralro, 

(Il  rnandel  curvis  viventia  semina  sulcis. 

Nonne  es  tu,  (râler,  quoque  {ossor  et  artis  arator  ? 

Campos  hisloriœ  [lorenles  verte  fréquenter, 

Et  per  te,  celebris  [lorebit  gloria  patrum  ! 

A  son  tour,  la  Société  d'Agen  lui  a  répondu  par  l'envoi  des  dis 
tiques  suivants,  dus  à  la  plume    autorisée    de    M.    le    professeur 
l,  Fcrrèrc,  vice-président  de  la  Société  : 

Prospéra  qua*  nohis  mandas,  a{(lante  camena, 

Nos  juvat  exlemplo  vota  re[erre  tibi. 
Quantum  vota  placent  socium  testantia  pectus  I 

Nam  longœva  [ides,  his  renovata,  viret, 
Anni  succedunl  ut  (luclus  fluctibus  instant. 

Qui  dum  mutanlur,  [lumen  idem  superest. 
Vita  Huit  pariter,  vanescunt  corpora.  Gestis 

Scriptisque  œternum  mens  animusque  manent. 
Sic  œterna,  soror,  vives,  et  nomina  patrum 

Splendebunt,  studiis  irradiata  luis, 
Gloria  nos  ead^m  sequitur  tua  signa  secutos. 

Qui  tibi,  cara  cornes,  corda  manusque  damus, 

F.  Ferrêre. 

Les  fouilles  de  Ses.  —  Dans  les  séances  des  15  el  29  décembre 
1911,  M.  C.  Jullian  a  lu  à  T Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres  une  communication  de  M.  J.  Momméja,  conservateur  du 
Musée  d'Agen,  sur  les  découvertes  récentes  faites  à  Sos.  Cette  com- 
munication a  été  publiée  dans  le  fascicule  de  janvier  1912  de  la 


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neruc  défi  Etudes  nnciennefi  (annales  de  la. Faculté  des  Lettres  de 
liordoaux).  On  Irouvera,  en  tète  de  notre  numéro,  les  deux  excel- 
lents mémoires  de  MM.  Jj  Uuffau  .et  Ch.  Bastard  qui,  par  leur 
clarté  comme  par  leur  exactitude,  donneront,  sur  ce  sujet,  aux  lec- 
teurs de  la  Revue,  tous  les  renseignements  désirables. 

Les  ducs  d'Epemon  et  le  château  de  Gaumont.  —  Les  deux 
ducs  d'Kpernon  ont  laissé  trop  de  souvenirs  dans  TAgenais  pour 
(lue  nous  ne  signalioi^  pas  la  monographie  que  M.  le  marquis  de 
Castelbajac  publie  en  ce  moment  dans  le  Bullelin  de  la  Sociélé 
archéologique  du  Gers,  sur  le  beau  chûteau  de  Caumont,  canton  de 
Samatan  (Gers),  berceau  de  leur  famiJle  et  leur  première  résidence. 
L'auteur  en  donne  une  descri()tion  archéologique  très  complète  avec 
plan  t^  Tappui,  et  il  en  rappelle  tous  les  faits  historiques,  agrémen- 
tant sa  notice  de  superbes  phototypies  qui  en  augmentent  le  charme 
et  lui  donnent  un  intérêt  encore  plus  considérable. 

Epilogue  des  fêtes  de  Romas.  —  Par  décret  de  janvier  dernier, 
MM.  J.  Bergonié,  professeur  de  physique  biologique  et  d'électricité 
médicale  à  T Université  de  Bordeaux,  et  M.  Paul  Courteault,  pro- 
fesseur d'histoire  de  Bordeaux  et  du  Sud-Ouest  à  l'Université  do 
Bordeaux,  membres  tous  deux  de  l'Académie  de  cette  ville,  corres- 
pondants de  la  Société  des  Sciences,  Lettres  et  Arts  d'Agen,  ont  été 
nommés  le  premier,  officier,  le  second,  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur.  On  n'ignore  pas  quelle  part  importante  tous  deux  avaient 
prise  à  l'organisation  et  à  la  célébration  des  fêtes  (jui  ont  eu  lieu,  en 
octobre  dçrnier,  à  Nérac,  à  l'occasion  de  l'inauguration  du  monu- 
ment de  Jacques  de  Romas. 

Un  l'olume  vient  de  paraître  à  cette  occasion  :  Œuvres  inédites 
de  J.  de  Romas  sur  V Eleciricilé ,  publiées  par  les  soins  de  V Acadé- 
mie de  Bordeaux,  choisies  et  annotées  par  M.  J.  Bergonié,  avec 
une  notice  biographique  et  bibliographique  de  M,  P.  Courteault 
(Bordeaux,  Imp.  (iounouilhou,  1911.  ln-8^  de  306  pp.  avec  portrait 
et  planches.)  Il  contient  de  multiples  mémoires,  lettres,  obsenalions 
(le  J.  de  Romas  sur  l'électricité,  suivis  d'une  bibliographie  de  ses 
écrits  et  d'un  important  appendice  concernant  les  faits  et  gestes, 
certificats,  diplômes,  nominations,  etc.,  de  l'illustre  physicien, 
notre  compatriote. 

—  En  sa  qualité  de  professeur  d'histoire  de  Bordeaux  et  du  Sud-. 
Ouest  de  la  France,  M.  Paul  Courteault  traite  cette  année,  à  la 
Faculté  de  Bordeaux,  les  sujets  suivants  :  le  mercredi  à  5  h.  1/2  : 
Le  château  Trompette  et  la  place  des  Quinconces  (suite)  ;  le  jeudi  à 
;î  h.  \/2  :  La  Gascogne  à  travers  les  siècles. 


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-  81  - 

Le  legs  de  l'abbé  Lanusse.  —  Les  collcclions  de  Tabbé  Lanussc 
n'ont  vraiment  pa»  de  cliancc.  Après  avoir  été  refusées  par  la  ville 
de  Tonneins,  à  qui  l'ex-anmônicr  de  TEcole  de  Sainl-Cyr  les  avait 
léguées,  pour  cause  de  charges  trop  onéreuses  qu'imposait  la  vo- 
lonté du  testateur,  voici  que  la  ville  d'Agen,  qui  légataire  h  défaut 
de  Tonneins  les  avait  d'abord  acceplées  à  condition  de  ne  pas  avoir 
à  supporter  les  frais,  voit  la  délibération  de  son  Conseil  municipal 
annulée  par  le  Conseil  d'Etat,  «  comme  incomplète  et  i)ouvant  don- 
ner lieu  à  des  procès  ».  Appelé  de  nouveau  ù  délibérer  sur  ce  sujet, 
le  Conseil  municipal  d'Agen  vient,  dans  sa  séance  du  27  février  der- 
nier, en  présence  de  cet  arrêt,  de  refuser  à  son  tour  purement  et 
simplement  le  legs  de  l'abbé  Lanusse,  comme  trop  onéreux  cl  aussi 
pour  défaut  de  place  pour  son  installation.  C'est  avec  regret  que 
nous  enregistrons  celte  décision. 


Antiquités  et  objets  d'art  des  départements.  —  In  décret  du 
11  avril  19()8  avait,  on  le  sait,  modifié  du  tout  au  tout  et  organisé  à 
nou\eau,  au  ministère  des  Beaux-ArLs,  le  service  du  classement  des 
antiquités,  œuvres  d'art  et  autres  objets  meubles  et  immeubles  par 
destination  visés  par  la  loi  du  30  mars  1887.  En  dehors  d'un  ins- 
pecteur général  des  monuments  historiques,  de  trois  inspecteurs 
généraux  adjoints  des  antiquil-és  et  objeis  d'art,  et  de  six  inspec- 
teurs, il  a  été  nommé  tout  récemment,  dans  chaque  département, 
un  conservateur  spécial.  «  choisi  parmi  les  personnes  qui  possè- 
«  dent  une  compétence  reconnue  eu  matière  d'art,  d'archéologie  ou 
ft  d'histoire,  qui  résident  dans  le  département  et  ce  après  examen 
«  de  ses  titres  j)ar  le  Comité  consultatif  des  inspecteurs  généraux 
«  des  monuments  historiques  et  avis  du  préfet  (art.  4).  » 

Une  instruction  ministérielle,  en  date  du  P'  juin  1910,  fournit  les 
détails  les  jjIus  complets  sur  le  mode  de  classement  desdits  objets 
nobiliers  appartenant  à  l'Etat,  aux  départements,  aux  communes 
ou  aux  anciennes  fabriques,  ainsi  que  sur  leur  surveillance. 

Elle  rappelle  entre  autres  choses,  aux  conservateurs,  «  que  la  loi 
«  du  13  avril  1908,  portant  modifications  de  certains  articles  de  la 
«  loi  du  9  décembre  1905,  attribue  aux  communes  ou  à  l'Etat  la 
H  propriété  de  la  totalité  du  mobilier  garnissant  les  églises  ;  mais 
«  que,  par  ailleurs,  la  loi  du  2  janvier  1907,  concernant  l'exercice 
«  public  du  culte,  laisse,  en  vertu  de  l'art.  5,  à  la  disposition  des 
«  fidèles  et  des  ministres  du  Culte,  la  totalité  de  ce  même  mobi- 
«  lier  ».  D'où  il  résulte  «  que  Vensembte  des  objets,  meubles  ou  im- 
«  meubles  par  destination  garnissant  une  église,  se  trouve  immo- 
«  bilisé  dans  celte  église  et  rendu  indisponible  entre  les  mains  tant 


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-  82  — 

«  de  Uoccupant  qui  en  a  Vusage,  que  de  la  commune  qui  en  est  de- 
<(  venue  propriétaire. 

«  Enfin  il  convient  de  noter  que,  aux  termes  de  Tarticle  68  de  la 
«  loi  du  5  avril  1884,  sur  Torganisalion  municipale,  aucune  aliéna- 
<(  lion  et  aucun  échange  de  biens  communaux  ne  peut  avoir  lieu 
«  sans  une  délibération  du  Conseil  municipal,  soumise  elle-même  à 
<{  l'approbation  de  l'autorité  supérieure.  » 

Tels  sont  les  termes  même  de  l'Instruction  ministérielle.  11  était 
bon  de  les  reproduire  in  extenso  afin  que  Ton  comprenne  toute 
l'importance  du  classement  de  nos  richesses  artistiques  nationales, 
seule  manière  de  les  rendre  inaliénables  et  de  les  conserver  à  l'en- 
droit môme  où  elles  se  trouvent. 

Ont  été  nommés  Conservateurs  des  antiquités  et  objets  d'art,  dans 
la  région  :  i\lM.  le  marquis  de  Fayolle,  conservateur  du  Musée  de 
Périgucux,  pour  la  Dordogne  ;  M.  le  chanoine  Poltier,  président 
de  la  Société  archéologique  de  Monlauban,  pour  le  Tarn-el-Garon 
ne  ;  M.  J.  Monmiéja,  conservateur  du  Musée  dWgen,  pour  le  Lot 
ct-Garonne  ;  M.  Ph.  Lauzun,  président  de  la  Société  archéologique 
du  Gers,  pour  le  département  du  Gers.  Ph.  L. 


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NÉCROLOGIE 


EDOUARD  PAYEN 

Vendredi  soir,  8  mars,  la  ville  d'Agen  était  tout  à  coup  plongée 
dans  la  consternation.  Un  de  ses  plus  sympathiques  enfants, 
Edouard  Paycn,  architecte  départemental,  venait  de  mourir,  ter- 
rassé par  un  mal  foudroyant.  Il  n'était  âgé  que  de  42  ans.  Il  laissait 
une  jeune  veuve  et  trois  enfants,  disparaissant  en  pleine  force  de 
rage,  en  pleine  maturité  de  son  talent. 

Edouard  Payen  était,  depuis  sept  ans,  membre  de  la  Société  des 
Sciences,  l.ettres  et  Arts  dWgen.  La  place  toute  spéciale  qu'il  y  oc- 
cupait, les  services  (lu'il  lui  a  rendus,  les  souvenirs  si  excellents 
qu'il  y  laisse,  nous  font  un  pieux  devoir  de  les  rappeler  ici.  Mieux 
que  tout  article,  les  trois  discours  qui  ont  été  prononcés  sur  sa 
tombe  mettent  trop  bien  en  relief  ses  qualités  intellectuelles  et 
morales,  résumant  sa  vie,  malheureusement  trop  courte,  de  pro- 
bité et  de  travail,  pour  que  nous  ne  tenions  pas  à  les  publier  in- 
exlenso,  remerciant  leurs  auteurs  de  ce  qu'ils  ont  bien  voulu  choi- 
sir la  Revue  de  VAgenais  pour  y  être  insérés  et  contribuer  ainsi  à 
perpétuer  la  mémoire  de  cet  homme  de  bien,  de  ce  collègue  aux 
relations  toujours  si  courtoises,  si  correctes,  si  aimables. 

N.  D.  L.  R. 


Discours  de  M,  le  Préfet  de  Loi-^t-Garonne 

Messieurs, 

Avant-hier  soir,  une  nouvelle  affreuse  se  répandait  dans  la 
ville  :  Edouard  Payen  venait  de  succomber,  frappé  par  une 
mort  foudroyante,  et  notre  émotion  égalait  notre  stupeur. 

Comment  pourrais-je,  en  présence  d'un  malheur  aussi 
grand  et  aussi  inattendu,  Iraduiro  par  des  paroles  impuissan- 
tes toute  notre  émotion  et  tous  nos  regrets  ? 

Et  cependant,  je  ne  veux  point  manquer  à  ce  triste  et  pieux 
devoir,  et  je  viens  apporter  nos  derniers  adieux,  notre  regret 


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-  a4  — 

suprême  à  celui  qui  nous  est  enlevé  par  une  mort  aussi  im- 
prévue. 

Avec  quelle  sympalhie  émue  nous  compatissons  à  Timmense 
douleur  de  celle  qui  le  pleure  et  de  ses  pauvres  enfants  !  El 
quelle  profonde  tristesse  nous  éprouvons  en  face  de  cette  exis- 
tence brisée  en  pleine  activité. 

Gomment  détacher  notre  pensée  de  Timage  toujours  pré- 
sente de  rhonmie  laborieux,  éminemment  bon  cl  aimable,  qui, 
hier  encore,  accomplissait  sa  tâche  coutumière. 

Il  nous  semble  à  tous  que  nous  venons  de  lui  serrer  la  main  : 
et  c  est  une  impression  de  douloureuse  stupéfaction  qui  nous 
accable  en  songeant  à  la  catastrophe  qui  l'enlève  si  tragique- 
ment à  Taffection  de  sa  famille,  à  la  sympathie,  à  Testime  de 
ses  amis  et  de  ses  concitoyens. 

Des  sympathies  et  des  amitiés,  qui  pouvait,  dans  cette  ville 
d'Agen,  en  réunir  'davantage  qu'Edouard  Payen  ? 

Allié  aux  familles  les  plus  honorables  de  la  région,  (ils  de 
cette  race  agenaiso  si  aimable  et  si  douce,  il  possédait  au  plus 
haut  degré  ces  qualités  d'affabilité,  de  cordiale  simplicité,  de 
droiture,  si  souvent  appréciées  par  tous  ceux  qui  l'ont  appro- 
ché. 

Ils  lui  garderont  leur  estime  et  leur  souvenir  fidèle. 

Ancien  élève  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  architecte  distin- 
gué, homme  de  goût  et  d'expérience,  Edouard  Payen  occu- 
pait en  Lot-et-Garonne  avec  une  grande  compétence  des  fonc- 
tions où  son  grand-père  et  son  père  s'étaient  distingués  avant 
lui  par  une  longue  et  honorable  carrière. 

ijc  deuil  qui  frappe  aujourd'hui  si  cruellement  cette  vieille 
famille  agenaise  porte  en  même  temps  une  pénible  atteinte  aux 
espérances  que  ses  concitoyens  étaient  en  droit  de  fonder  sur 
les  connaissances  et  les  goûts  artistiques  d'un  homme  jeune 
encore,  et  qui  avait  déjà  donné  mainte  preuve  de  sa  haute  ca- 
pacité dans  l'art  de  l'Architecture. 

A  cette  ville  d'Agen,  berceau  de  sa  famille,  il  a  payé  sa  dette 
de  reconnaissance  en  lui  laissant  le  plus  beau  don  qu'un  fds 
{)uisse  faire  à  la  cité  natale  :  la  plus  forte  manifestation  de  son 
talent  :  cet  Hôtel  de  la  Préfecture,  dont  les  lignes  sobres  et  im- 


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—  85  - 

posantes,  prolongeant  le  Palais  de  Justice,  ferment  la  perspec- 
tive de  la  Place  Annand-Falliéres,  et  donnent  à  cette  j)artie 
de  la  ville  ce  caractère  de  calme  grandeur  qui  s'harmonise 
avec  les  lignes  paisibles  des  coteaux  agenais  et  le  large  cours 
de  la  Garonne. 

Beaucoup  d'hommes  n'ont  pas  eu,  au  coui-s  d'une  existence 
plus  longue,  une  carrière  plus  digne  et  plus  honorablement 
remplie.  Car,  dans  celte  belle  profession  où  son  père  et  son 
grand-père  lui  avaient  tracé  la  voie,  les  travaux  les  plus  per- 
sonnels concourent  encore  à  l'embellissement  de  la  cité  et  à 
l'accroissement  du  patrimoine  commun  des  générations. 

Si  quelque  adoucissement  peut  être  apporté  au  malheur  qui 
frappe  si  douloureusement  sa  famille  éplorée,  que  ce  soit  par 
ce  sentiment  de  profonde  pitié,  d'affliction  générale,  et  aussi 
d'universelle  estime,  qui  réunit  autour  d'elle  tous  les  amis  et 
les  concitoyens  de  celui  auquel  nous  adressons  ici  un  dernier 
hommage. 


Discours  de  M.  Ph.  Lauzun.  secrétaire  perpétuel^ 
au  nom  de  la  Société  académique  d'Ageiu 

MtsDAMKs,  Messieurs, 

I^  17  août  dernier,  mourait  à  Agen,  à  l'âge  de  81  ans, 
M.  Léopold  Payen,  ancien  architecte  départemental,  l'un  des 
doyens  de  la  Société  académique  de  celle  ville,  au  nom  de 
laquelle  j'ai  l'honneur  de  parler  en  ce  moment.  Nous  perdions 
en  sa  personne  un  de  nos  collègues  les  plus  estimes  et  les  plus 
aimés. 

Il  laissait  un  fils,  digne  héritier  de  sa  charge  comme  de  ses 
qualités. 

Pourquoi  faut-il  que,  six  mois  seulement  après,  ce  même 
caveau  s'entrouvre  pour  recevoir  ses  dépouilles  mortelles,  el 
que  la  mort  impitoyable  soit  venue  l'enlever  brusquement,  à 
i2  ans,  à  l'affection  des  siens,  comme  à  celle  de  tous  ceux  qui 
l'ont  connu  ? 


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Edouard  Payen  faisait,  depuis  son  arrivée  à  Agen,  après  sa 
sortie  de  l'Ecole  des  Beaux- Arts  de  Paris,  partie  de  notre 
Société.  Et  c  est  chose  trop  rare  que  de  voir  inscrits  sur  la 
liste  de  ses  membres  le  père  et  le  fils,  pour  ne  pas  que  nous 
tenions  à  le  rappeler  ici. 

Cet  honneur,  tous  deux  le  devaient  à  leurs  connaissances 
spéciales,  perpétuant  dans  leur  famille  une  tradition  ininter- 
rompue depuis  trois  quarLs  de  siècle.  Edouard  Payen  ét^it,  en 
effet,  à  tous  égards,  le  digne  continuateur  de  son  père,  comme 
.celui-ci  l'avait  été  de  son  beau-père,  M.  Bourières,  architecte 
départemental  et  également  membre  de  la  Société  des  Scien- 
ces, Lettres  et  Arts  d'Agen. 

La  part  prise  par  notre  jeune  collègue  à  nos  travaux  n'a 
pas  été  considérable.  C'est  que,  dès  ses  débuts,  il  fut  absorbé 
par  ses  occupations  professionnelles,  son  père  lui  ayant  aban- 
donné sa  nombreuse  clientèle,  et  lui  transmettant  ses  titres 
d'architecte  départemental  chargé  des  bâtiments  de  l'Etat  et 
de  rhospice,  d'architecte  de^  monuments  historiques,  d'ins- 
pecteur des  édifices  diocésains. 

C'était  plus  qu'il  ne  fallait  pour  le  rattacher  forcément  à  l'ar- 
chéologie, si  déjà  il  n'y  avait  été  porté  autant  par  ses  goûts 
personnels  que  par  ses  études  particulières,  faisant  ainsi  dé- 
mentir la  légende  qui  veut  qu'archéologues  et  architectes 
soient  des  frères  ennemis,  toujours  prêts  à  s'entredéchirer. 

Il  ne  m'appartient  pas  de  parler  ici  de  ses  travaux  d'archi- 
tecte, notamment  de  la  reconstruction  de  la  Préfecture,  ni  de 
l'aménagement  nouveau  du  Musée  d'Agen,  qui  depuis  cinq  ans 
ont  absorbé  le  meilleur  de  son  temps.  Mais  ce  que  je  puis  affir- 
mer c'est  qu'Edouard  Payen  avait  plus  qu'aucun  autre  le 
goût  de  l'archéologie,  goût  qui  s'est  manifesté  chaque  fois 
(ju'unc  occasion  se  présentait  à  lui  de  signaler  à  notre  Société 
untj  découverte,  ou  de  lui  demander  aide  et  conseil  pour  la 
restauration  de  quelque  vieux  monument. 

\e  s'est-il  pas  empressé  d'appeler  notre  aflention  sur  la 
reconstruction  des  remparts  de  Viatmc,  de  certaines  parties  du 
château  de  Bonatjuil,  de  la  vieille  abbaye  de  S^-Maurin,  de  la 
tour  d'//aa/c/aj/e,  et  de  bien  d'autres  encore,  corrigeant  par- 


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—  87  — 

fois,  sans  en  avoir  Tair,  les  fautes  que  1  eloignemenl  sans  doute 
faisait  commettre  en  haul  lieu,  et  s  efforçant  d'apporter  tou- 
jours ses  lumières  et  ses  soins  aux  opérations,  souvent  fort 
délicates,  dont  il  était  chargé.  » 

Ne  se  fit-il  pas  dernièrement  un  devoir  de  nous  soumettre 
son  projet  de  restauration  de  la  coupole  de  iéglise  de  Moirax. 
à  la  suite  des  importantes  découvertes  qu'il  y  avait  faites,  et 
de  le  publier,  sur  notre  demande,  dans  la  Revue  de  VAgenais, 
avec  planches  et  plans  sortis  de  son  crayon,  toujours  si  fidèle, 
si  artistique,  si  exact  ? 

N'avons-njus  pas  trouvé  en  lui  le  plus  précieux  des  auxiliai- 
res, lorsque  nous  avons  fait  classer,  comme  monument  histo- 
rique, la  très  curieuse  chapelle  capiiulaire  de  S*'Caprais  ?  El 
la  ville  d'Agen  ne  doit-elle  pas  à  sa  diligence  et'à  une  insistance 
que  rien  n'a  rebutée,  la  conservation  de  la  jolie  façade  de  la 
Maison  dite  du  Sénéchal,  rue  Puits-du-Saumon,  seul  spécimen 
que  nous  possédions  de  l'architecture  civile  du  xrv*  siècle. 

Enfin,  n'avons-nous  pas,  tous,  encore  présent  à  la  mémoire, 
le  beau  geste  qui  restera  à  son  honneur,  vrai  couronnement 
de  sa  trop  courte  carrière,  geste  inspiré  tant  par  sa  foi  reli- 
gieuse que  par  sa  piété  filiale  et  qui  vaut  a  notre  yille  de  con- 
server ce  clocher  de  Sainlc-Foy,  qu'il  considérait  comme  une 
des  meilleures  œuvres  de  son  père,  et  que  par  sa  généreuse 
initiative  il  a  arraché,  de  haute  allure,  à  la  pioche  des  démolis- 
seurs . 

Un  avenir  brillant  s'ouvrait  devant  Edouard  Payen.  Entouré 
de  la  plus  charmante  famille,  il  avançait,  heureux,  dans  la  vie 

qui  de  tous  côtés  lui  souriait La  mort  est  venue  bnjsque- 

ment  le  surprendre  dans  la  force  de  l'âge,  en  pleine  maturité 
de  son  talent.  Elle  a  tout  anéanti  ! 

Devant  ce  malheur  irréparable,  nous  ne  pouvons  que  nous 
incliner,  mais  non  sans  manifester  nos  plus  vifs  regrets.  Car 
en  Edouard  Payen,  à  qui  nous  adressons  ici  un  dernier  adieu, 
nous  perdons  le  collègue  le  plus  courtois,  le  plus  serviable,  le 
plus  dévoué,  assurant  sa  famille  éplorée,  à  laquelle  nous  nous 
unissons  étroitement  de  c(rur  en  ce  moment,  qu'au  sein  de  la 
Société  académique  d'Agen,  comme  partout  d'ailleurs  où  il  est 
passé,  son  souvenir  ne  périra  pas. 


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Discours  de  M.  Mauran^  entrepreneur 

au  nom  du  Syndicat  des  Entrepreneurs  et  Ouvriers 

du  Lot-et-'Garonne 

Mesdames,  Messieurs, 

Je  ne  pouvais  songer,  il  y  a  six  mois  à  peine,  que 
la  mort,  cette  faucheuse  insatiable  et  dédaigneuse  du  choix  de 
ses  viclimcs,  conlinuanl  son  œuvre  de  destruction,  viendrait 
foudroyante  et  presque  sans  répit  arracher  à  sa  famille,  rayon- 
nante hier  encore  de  joie  et  de  bonheur,  plongée  aujour- 
d'hui dans  la  plus  affreuse  détresse,  l'époux,  le  père  qui  lui 
avait  voué  les  moindres  instants  de  sa  vie  et  tout  son  amour. 

Plein  de  vie  et  d'ardeur,  rien  ne  faisait  présager  une  fin  si 
proche  et  si  inattendue  ;  dès  que  transpira  la  nouvelle  fatale, 
CCS  simples  mots  coururent  de  bouche  en  bouche  :  Monsieur 
Payen  est  mort.  Ce  fut  une  profonde  tristesse,  de  la  stupeur. 
Ces  sentiments  s[)ontanés  de  tous  les  cœurs  ne  sont-ils  pas  le 
meilleur  éloge  qui  se  puisse  faire  ? 

Tous  ceux  qui  l'ont  connu  ou  approché  savent  combien  son 
aménité  et  sa  courtoisie  rendaient  les  relations  faciles  et  agréa- 
bles ;  il  était  bon,  bienveillant  et  accueillant  pour  les  humbles, 
d'humeur  toujours  égale  pour  tous  ;  il  était  de  ceux  qui,  par 
leurs  qualités  du  cœur,  obligent  au  respect  et  forcent  la  sympa- 
thie, je  pourrais  même  dire  l'amitié. 

Digne  continuateur  de  l'œuvre  paternelle,  sa  vie  fut  toute 
de  devoir  et  d'honneur  ;  il  sut,  lui  aussi,  respecter  et  faire  res- 
[)ecler  les  intérêts  divers  dont  il  avait  charge,  intérêts  qui,  dans 
son  esprit  de  droiture  et  de  justice,  n'étaient  ni  opposés  ni  in- 
conciliables ;  il  osa  même,  en  maintes  circonstances,  se  faire 
le  défenseur  opiniâtre  de  ses  collaborateurs  sans  souci  de  ses 
propres  intérêts.  Il  remplissait  tout  son  devoir,  sachant  le  faire 
lemplir  à  chacun  sans  heurt  ni  froissement  ;  tache  souvent 
ardue  et  difficile,  mais  qu'une  nature,  douée  comme  la  sienne, 
accomplit  sans  que  rien  décèle  l'effort  ou  la  volonté  impérieuse 
(le  celui  qui  commande.  On  respectait  Tarchitecte,  on  aimait 
le  chef.  Il  eut  toujours  le  mépris,  dans  l'exercice  de  sa  profcs- 


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sion,  de  toute  idée  mercantile,  n'ayant  pour  guide  que  sa 
conscience  ;  son  rùle  fut  digne  et  bienfaisant.  C'est  encore  un 
honnête  homme  qui  nous  laisse  à  jamais. 

Que  les  regrets  et  la  douleur  qui  nous  étreignenl  soient  un 
soulagement  à  ceux  de  sa  famille  et  lui  apportent  un  adoucis- 
sement à  sa  peine. 

J'adresse  à  sa  famille  éplorée,  au  nom  des  patrons  et  ou- 
vrieiN,  ses  humbles  collaborateurs,  et  en  mon  nqfn  personnel, 
l'expression  de  nos  condoléances  les  plus  vives  et  de  nos  re- 
grets les  plus  sincères. 

Cher  Maître,  reçois,  au  seuil  de  cette  tombe  qui  va  se  fermer, 
notre  dernier  adieu. 


Enfin,  s'approchant  à  son  tour  de  cette  tombe  entr'ouverte. 
M.  Tussot,  architecte  à  Bordeaux  et  président  de  l'Association 
des  Architectes  diplômés  de  la  région  du  Sud-Ouest,  est  venu 
exprimer,  en  termes  émus,  les  regrets  profonds  qu'Edouard 
Payen  laissait  au  cœur  de  ses  anciens  camarades  de  l'Ecole 
des  Beaux-Arts  de  Paris,  comme  de  tous  les  jeunes  architectes 
de  la  région,  qui  l'avaient  connu,  apprécié  et  aimé. 


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PROCÈS-VERBAUX 

les  Séanees  ie  la  Seeiété  les  Seienees,  Lettres  et  Arts  i'Agen 


Séance  du  4  Jancier  1912,  —  Présidence  de  M.  le  chanoine  Durengues 

M.  le  trésorier  rend  ses  comptes  pour  Tannée  1911  ;  ils  sonl  ap- 
prouvés à  Tunanimité. 

Il  est  ensuite  procédé,  conformément  aux  statuts,  à  Téleclion  du 
trésorier.  M.  Ratier  est  réélu  trésorier  de  la  société. 

M.  le  chanoine  Dubourg  offre  à  ses  collègues  le  beau  volume  cfu'ii 
vient  de  publier  sur  VHistoire  de  Damazan,  depuis  le  xi'  siècle  jus- 
qu'à nos  iours.  Il  en  sera  rendu  compte  dans  la  Revue  de  VAgenais. 

La  bibliothèque  nationale  de  Florence  demande  que  la  société 
veuille  bien  lui  faire  don  du  volume  de  son  Recueil,  où  MM.  Magcn 
et  Jules  de  Lalïore  ont  publié  d'importants  document»  sur  Jules 
César  Scaliger. 

Les  Fouilles  el  Découvertes  de  Sos,  provoquées  par  l'établisse- 
ment de  la  gare  des  tramways,  occupait  trop  en  ce  moment  l'atten- 
tion du  monde  savant  pour  que  la  Société  académique  d'Agen  n'ait 
pas  tenu  à  être  mise  sciemment  au  courant  de  la  question. 

En  conséquence,  M.  J.  Momméja  a  bien  voulu  lui  expliquer, 
planches  et  plans  en  mains,  d'après  les  visites  qu'il  a  faites  sur  les 
lieux,  qu'il  vient  d'être  mis  à  jour  un  mur  d'enceinte  d'environ  15 
à  20  mètres  de  longueur,  dont  le  côté  nord  serait  formé  de  blocs 
énormes  de  pierre,  très  irrégulièrement  taillés,  renfermant  de  gros 
trous  pour  tenons  en  bois,  lesquels,  d'après  lui,  seraient  bien  anté- 
rieurs à  la  conquête  romaine. 

Plus  tard,  au  iv'  siècle,  ainsi  du  reste  qu'il  fut  fait  dans  toutes 
les  villes  du  S.-O.  de  la  Gaule,  ce  mur,  détruit  déjà  en  partie,  fut 
rebâti  avec  tous  les  matériaux  qu'on  rencontra  sous  la  main,  dallés 
de  marbre,  chapiteaux,  fûts  de  colonnes,  etc.,  provenant  de  monu- 
ments romains  renversés.  Dans  le  nombre  figure  une  stèle  votive 
dont  une  face  porte  une  inscription  fort  mutilée,  mais  où  il  est  pos- 
sible de  lire  une  dédicace  à  la  déesse  Tutèle,  dont  le  culte  était  si 
fréquent  dans  le  pays. 

De  ces  quelques  objets  et  premières  découvertes  faut-il  conclure 
déjà  que  Sos  était  l'oppidum  des  Sotiatcs  dont  le  lieutenant  de 
César,  Crassus,  eut  tant  de  peine  à  s'emparer  ?  M.  Lauzun  et,  avec 
lui,  plusieurs  de  ses  collègues  estiment  qu'il  serait  bien  téméraire 
de  l'affirmer.  Aussi,  ne  s'expliquent-ils  pas  comment,  sur  ces  sim- 
ples données,  l'éminenl  professeur  d'antiquités  au  Collège  de 
France,  M.  Camille  Jullian,  a  pu  affirmer,  dans  sa  communication 
à  l'Institut,  reproduite  et  si  fortement  amplifiée  par  toute  la  presse, 
(jue  la  question  de  l'emplacement  de  l'oppidum  des  Sotiates  était 
définitivement  tranchée,  et  que  la  ville  de  Sos  et  ses  environs,  con- 
formément au  texte  de  César,  renfermeraient  de  riches  mines  de 


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fer  et  de  cuivre,  source  inépuisable  de  fortune  pour  les  industriels 
de  l'avenir  ! 
—  La  nouvelle  pierre  à  trous,  découverte  ces  jours-ci  à  Valence- 
sur-Baïse  (Gers),  a  trop  de  ressemblance  avec  celle  du  Musée  d'Agen 
déjà  décrite,  pour  que  M.  Lauzun  n'ait  pas  cru  devoir  la  présenter 
à  ses  collègues.  Il  estime  une  fois  de  plus  qu'il  faut  voir  en  ces 
deux  petits  monumcnls,  des  Mensa  ponderaria,  ainsi  que  Ta  si 
bien  expliqué  M.  Caguat  dans  le  compte-rendu  de  1905  de  Tune  des 
séances  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  non  pas 
peut-être  des  tables  de  mesures-étalons,  comme  le  portent  les  ins- 
criptions non  équivoques  de  pierres  analogues  trouvées  récem- 
ment à  Timgad  et  à  Khamissa,  mais  de  simples  tables  servant  à 
mesurer,  soit  des  liquides  quand  elles  sont  percées  de  trous  com- 
muniquants, soit  des  solides,  grains,  denrées  alimentaires,  etc., 
dont  faisaient  commerce  les  marchands.  Est-elle  romaine,  comme 
celle  d'Afrique  ?  M.  Lauzun  ne  le  pense  pas,  la  ville  de  Valence 
sur  Baïse  ne  datant  (jue  de  l'année  1274.  Il  ne  la  croit  pas  moins 
fort  ancienne,  «  fournissant  la  preuve  évidente  d'une  survivance 
de  l'antiquité  romaine  ».  Ph.  L. 


Séance  du  7"  /écrier  1912.  —  Présidence  de  3f .  le  chanoine  Durengues 

En  réponse  aux  vœux  annuels,  formulés  en  vers  latins  par  la 
Société  archéologique  de  Tarn-et-Garonne,  M.  Ferrère  lit  de  char- 
mants distiques,  également  latins,  adressés  à  la  Société  de  Mon- 
tauban,  et  qui  ne  peuvent  que  resserrer  plus  étroitement  les  liens 
des  deux  Compagnies. 

La  Société  continue  à  s'occuper  de  la  question  de  VOppidurn  des 
Sotiates. 

M.  Lauzun  donne  lecture,  en  premier  lieu,  d'un  Mémoire  envoyé 
par  M.  Dufl'au,  pharmacien  à  Sos,  «  qui  a  suivi  pas  à  pas  les.fouil- 
«  les  et  rend  compte  de  Fétat  des  travaux,  sans  vouloir  prendre 
«  parti  pour  telle  ou  telle  école  ».  11  explique  d'abord  la  configu- 
ration topographique  du  plateau  de  Sos,  dont  la  superficie  totale 
ne  dépasse  pas  32  hectares.  Il  décrit  les  couches  géologiques  suc- 
cessives, formant,  de  haut  en  bas,  le  talus  en  terre  rapportée,  qui 
constitue,  du  côté  nord,  le  seul  ouvrai^e  défensif  de  l'ancien  oppi- 
dum. Il  suit,  après,  le  parcours  de  la  t  énarèze,  depuis  le  haut  pla- 
teau de  Loustaîet  au  nord  jusc[u'à  son  entrée  dans  la  ville  et  sa  des- 
cente dans  la  vallée  de  la  Gélisc  au  sud,  constatant  «  qu'elle  passait 
«  autrefois  aux  mêmes  points  où  elle  passe  aujourd'hui  ».  Il  rap- 
pelle, d'après  les  traditions  encore  conservées,  l'existence  des  deux 
«  Porlau  de  S^-Martin  au  nord,  et  de  la  Capère  au  sud  »;  et,  abor- 
dant la  question  controversée  des  deux  murs  parallèles,  à  5"  40  de 
distance,  construits  avec  ces  gros  blocs  de  pierres,  que  les  uns 
croient  ibérigues,  les  autres  seulement  gallo-romains,  il  estime 
qu'ils  pourraient  avoir  servi  de  soutènement  à  un  temple  païen 
^allo-romain,  élevé  peut-être  à  la  déesse  Tutèle,  démoli  ensuite  par 
les  barbares  au  iv*  siècle  et  dont  les  débris  furent  jetés  par  desssus 
les  remparts,  là  où  on  les  a  retrouvés  aujourd'hui 

Complétant  ces  données,  M.  Bastard,  conducteur  des  ponts  et 


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chaussées  à  Mézin,  qui  a  suivi  également  de  très  près  ces  fouilles, 
communique  un  second  Mémoire,  «  où  il  présente,  toujours  avec 
((  planches  et  plans  à  Tappui,  tout  ce  qui  l'a  frappé,  poussé  par  le 
<(  seul  désir  d  apporter  h  l'histoire  de  Sos  quelques  matériaux  que 
«  des  personnes  plus  autorisées  pourront  employer  à  mettre  en 
«  œuvre  ».  Il  rappelle  la  position  exacte  où  furent  trouvés  les  gros 
moellons  à  trous  à  tenons,  ainsi  que  la  stèle  votive,  dont  il  repro- 
duit les  deux  traductions,  très  différentes  Tune  de  l'autre,  celle  de 
M.  C.  Jullian  et  celle  de  M.  Tabbé  Médan  ;  et,  traversant  le  vallon- 
nement, il  énumère  tous  les  objets  gallo-romains  trouvés  sur  le  pla- 
toan  (le  Loustalet  ;  il  en  donne  des  dessins  très  exacts  ;  ayant  bien 
soin  de  ne  pas  oublier  la  dernière  découverte,  «  celle  d'une  aire  bat- 
«  tue  de  pieux,  à  3"  40  de  profondeur,  au  niveau  du  sol  de  la  tran- 
«  chée,  et  qui  semble  délimiter  un  charnier  d'où  l'on  a  sorti  des 
«  cornes,  des  os,  des  carcasses  de  bêtes  inconnues  ».  Il  conclut  en 
pensant  que  Sos  n'était  pas  seulement  la  riche  ville  gallo-romaine, 
dont  tout  le  monde  s'accorde  à  reconnaître  l'existence,  mais  un  cen- 
Ire  d'agglomération  bien  plus  ancien,  remontant  non  seulement  aux 
ibères,  mais  plus  haut,  «  à  des  populations  primitives,  qui  avaient 
((  dû  élever  avec  ces  pieux  leurs  fragiles  constructions  ». 

M.  Donnai  constate  que  les  découvertes  récentes  de  Sos  doiinent 
lieu  à  de  nombreuses  hypothèses.  Il  indique  les  anciennes  trou- 
\ailles  faites  à  diverses  reprises  dans  la  région  :  hache  de  bronze, 
poteries,  tuiles  à  rebord,  débris  de  colonnes,  monnaies  gauloises 
décrites  par  M.  de  La  Saussaye,  inscriptions,  morceaux  d'éperon, 
sépultures  antiques,  etc.,  etc.,  signalées  depuis  longtemps  par 
M.  G.  Tholin.  Aujourd'hui,  qu'a-t-on  mis  à  jour  ?  des  flbules,  une 
()U  deux  monnaies,  une  stèle  votive  romaine  dont  la  lecture  a  donné 
lieu  à  plusieurs  interprétations,  un  reste  de  mur  à  gros  blocs,  dont 
on  ne  connaît  pas  l'usage  et  dont  la  date  et  l'origine  sont  disculées  ? 
Pour  placer  à  Sos  l'oppidum  des  Sotiates,  cité  par  César,  il  faut 
s'en  rapporter  surtout  aux  travaux  anciens,  que  les  découvertes  ré- 
centes ne  font  que  confirmer. 

En 'conséquence,  M.  Donnât  propose  à  la  Société  d'émettre  le 
vœu,  qu'en  présence  des  découvertes  faites  à  Sos,  autrefois  et  au- 
jourd'hui, des  fouilles  nouvelles,  conduites  méthodiquement,  soient 
effectuées  au  plus  tôt  sous  le  patronage  de  l'Académie  des  Inscrip- 
tions et  Delles-Leltres. 

Ce  vœu  est  adopté  à  l'unanimité. 

Ph.  L. 


La  Commission  d'administration  et  de  gérance  :  0.  Fallières,  Ph.  Laasnn,  0.  Granat. 


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UN  AGENAIS  AMI  DE  RONSARD 

JEAN  DUTEEUILH  DE  BELOT 


Tout  le  monde  connaît  le  jugement  porté  par  Boileau  contre 
Ronsard,  chef  de  la  Pléiade. 

Ronsard  qui  le  suivit,  par  une  aulre  méthode 
Réglant  tout,  brouilla  tout,  fit  un  art  à  sa  mode, 
Et  toutefois  longtemps  eut  un  heureux  destin. 
Mais  sa  muse,  en  français  parlant  grec  et  latin, 
Vil  dans  Tâge  suivant,  par  un  retour  grotesque, 
Tomber  de  ses  grands  mois  le  faste  pédanlesque. 
Ce  poète  orgueilleux,  trébuché  de  si  haut, 
Rendil  plus  retenus  Desporles  et  Berlaul. 
Enfin,  Malherbe  vint  (1). 

(c  Cet  arrêt  mémorable,  au^si  injuste  par  ce  qu'il  omet  que 
par  ce  qu'il  signifie,  a  fait  la  loi,  malgré  tout,  pendant  deux  siè- 
cles (2).  »  Sainte  Beuve  mil  fin  à  cette  injustice,  et  depuis  on 
n'a  pas  cessé  de  travailler  à  la  réhabilitation  de  Ronsard.  Les 
travaux  de  MM.  Paul  Laumonier  (3)  et  Henri  Longnon  (4)  en- 
tre autres,  nous  font  connaître  en  détail  la  vie  du  poète,  son 
œuvre  et  ses  amis. 

Parmi  ces  derniers,  il  en  est  un,  dont  la  vie  a  échappé  en 
partie  aux  excellents  travailleurs  que  nous  venons  de  nom- 
mer. C'est  Jean  de  Belot,  auquel  le  poète  dédia  deux  de  ses 
poésies,  La  Lyre  et  L'Ombre  du  Cheval. 

Déjà  en  1874,  M.  Ph.  Tamizey  de  Larroque  posait  à  son  su- 
jet la  question  suivante. 

«  A  la  page  1192  des  Œuvres  complètes  de  Ronsard  (édi- 
tion de  Paris  1623),  on  trouve  une  pièce  intitulée  «  La  Lyre  » 


(1)  BoUeau,  Art  poélique^  1"  chant. 

(2)  Paul  MoriUol,   DoUecu.  Lecène  Oudin,  Paris,    Classiques    Populaires, 
p.  70. 

(3)  P.  Launionicr,  Ronsard,  poète  lyrique.  Hachelle,  1909. 

(4)  H.  Longnon,  Pierre  de  Ronsard.  Paris,  Champion,  1912. 


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adressée  «  à  Jean  Belot,  agenais,  maistre  des  requestes  de 
rhoslel  du  roi  ».  Les  commentateurs  ne  nous  apprennent  rien 
sur  ce  personnage  auquel  le  grand  poêle  parle  comme  à  un 
ami  : 

Belot,  parcelle  ains  le  tout  de  ma  vie. 
Que  sait-on   de  Belot  (D?  >» 

Jean  de  Belot,  en  effet,  était  bien  agenais  d  origine.  Son  nom 
a  été  écril  de  deux  façons  :  Belot  ou  Bellol.  La  première  forme 
est  la  vraie,  et  cesl  ainsi  qu'il  signait.  Mais  ce  n'est  là  qu'un 
surnom,  ou  plutôt  un  nom  de  terre,  ajouté  au  nom  patronymi- 
que de  Dutreuil  ou  Dulreuilh. 

A  la  fin  du  \V  siècle,  les  campagnes  agenaises,  par  suite  des 
guerres  étrangères  ou  civiles,  et  de  la  peste,  dont  les  ravages 
périodiques  faisaient  de  grands  vides  dans  la  population, 
étaient  désolées  et  dépeuplées.  La  richesse  et  la  fertilité  de  nos 
coteaux  et  de  nos  plaines  attirèrent  bientôt  le  trop  plein  des 
régions  voisines,  Saintonge,  Périgord  et  Rouei^ue. 

C'est  à  ce  moment  qu'une  colonie  de  Rouergats  vint  s'établir 
à  Cancon  et  dans  les  environs  (2).  Au  nombre  de  ces  immi- 
grants se  trouvait  la  famille  Dutreuilh,  dont  un  membre,  Mar- 
tial Dutreuilh,  était  curé  de  Cancon  en  1490. 

Au  début  du  xvi*  siècle,  Jean  Dutreuil,  qualifié  marchand, 
est  installé  au  château  de  Belot.  C'était  peut-être  le  frère  du 
curé  de  Cancon.  Il  fit  son  testament  le  24  juin  1529  (3). 

Il  laissait  trois  fils.  Martial,  François  et  Jean.  Martial  a,  en- 
tre autres  enfants,  Jean  Dutreuilh,  qui  se  maria  avec  Peyronne 
de  Plamond  et  autre  Jean  Dutreuilh,  cehii  qui  nous  intéresse. 
François  et  Jean  Dutreuilh,  entrés  dans  les  ordres,  furent 
curés,  le  dernier  de  Saint-Paul-le-Haut,  le  premier  de  Sene- 
selles  et  de  Castelnau-de-Grattecambe.  Nous  en  reparlerons 
plus  bas. 


(1)  Reuue  de  Gascogne  (1874),  l.  xv,  p. 

(2)  Reçue  de  rApenais  (1909),  l.  xxxvi.  Emigration  des  Rouergats  en  Age- 
nais  à  la  [in  du  XV'  et  au  vommen cernent  du  X\V  siècle,  par  L.  Massip, 
p.  320. 

(3)  L.  Mn.ssi[),  llisfoire  dr  la  riUe  et  des  ^icigneurs  de  Cancon.  Agen,  Michel 
01  MiMlîin,   1891,  p.  242. 


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Le  petit  château  de  Belot,  au-dessous  de  l'église  de  Millac, 
est  bâti  sur  la  penle  douce  qui  descend  vers  le  Cluzélou.  C  est 
une  habitation  du  \\f  siècle,  élevée  peul-élre  par  la  famille 
Dulreuilh. 

Le  principal  corps  de  logis-i?st  un  grand  rectangle,  divisé  en 
d^ux  par  un  mur  de  refend.  Les  vastes  salles,  ainsi  formées, 
s'ouvrent  à  chaque  étage  sur  un  escalier,  logé  dans  une  tour 
ronde,  placée  au  milieu  de  la  façade  sud.  In  toit  très  aigu, 
porté  par  une  superbe  charj^entt»,  et  de  larges  fenêtres  à  me- 
neaux croisés,  donnaient  à  ce  logis  un  air  d'élégance  originale. 

Il  paraît,  d'ailleurs,  avoir  été  édifié  avec  un  certain  luxe.  Les 
portes  étaient  munies  de  serrures  curieuses,  véritables  petites 
œuvres  d'art.  L'une  d'elles  sul)siste  encore.  Elle  est  décorée 
de  petits  arcs  trilobés  de  style  flamboyant. 

Des  bâtiments  de  diverses  natures  et  de  dates  variées,  ajou- 
tés aux  deux  extrémités  du  château,  du  côté  sud,  formèrent 
une  cour,  clôturée  par  un  mur  percé  d'un  large  portail. 

C'est  le  vrai  manoir  rural,  si  commun  dans  notre  pays,  muni 
de  toutes  les  dépendances  nécessaires  à  l'exploitation  agricole 
du  domaine.  Quelques  défenses  peu  importantes,  meurtrières, 
mâchicoulis  et  créneaux,  aujourd'hui  disparus,  le  rendaien! 
capable  de  résister  à  un  coup  de  main  (1). 

Dans  ce  petit  château  de  Belot,  caché  par  les  bois,  dans  un 
coin  de  l'Agenais,  un  peu  désert  peut-être,  mais  si  pittoresque, 
avec  ses  coteaux  boisés  et  ses  claires  vallées,  Jean  Dutreuilh, 
fils  de  Martial,  vint  au  monde,  à  une  date  que  nous  ignorons. 

De  son  enfance  nous  ne  connaissons  rien.  Où  fit-il  ses  étu- 
des? A  Bordeaux,  peut-être,  où  le  célèbre  collège  de  (îuyenne, 
dirigé  par  des  professeurs  renommés,  préparait  à  cette  ville 
une  génération  de  parlementaires  qui  devait  faire  sa  gloire  ? 

Je  serais  porté  à  croire,  en  effet,  qu'il  étudia  dans  ce  collège, 
en  même  temps  que  Michel  Montaigne,  dont  il  fut  l'ami. 

Quoiqu'il  en  soit,  c'est  dans  cette  ville,  la  capitale  de  notre 


(1)  Le  château  de  Belot  appartient  à  la  très  ancienne  famille,  originaire  du 
Bruilhois,  de  Lozes  de  Plaiîrance. 


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province,  que  Jean  Dutreuilh  de  Belot  vint  se  fixer  au  sortir  de 
Tadolescence.  Il  ne  larda  pas  à  s'y  marier  avec  Jeanne  Le- 
comte,  fille  de  Guillaume  Lecomte  et  de  Françoise  de  Coulon- 
ges. 

Guillaume  Lecomte  appartenait  à  une  très  ancienne  famille 
de  Bordeaux,  qui  fournit  au  Parlement  de  nombreux  et  remar- 
quables dignitaires.  Lui-même,  après  avoir  occupé  le  poste 
de  procureur  général,  fut  pouiTu,  en  1544,  d'une  charge  de 
cinquième  président.  Au  mois  d'août  de  Tan  1550,  il  acheta 
de  haut  et  puissant  seigneur  Messire  Frédéric  de  Foix  de 
Caudale  et  d'Astarac,  les  terres  et  seigneuries  de  La  Tresne 
et  de  Cénac  (1). 

Jean  Dutreuilh  de  Belot,  le  fils  de  l'humble  marchand  de 
Cancon,  s'alliait  donc  à  une  des  plus  riches  et  des  plus  nobles 
familles  du  Bordelais.  A  défaut  de  noblesse  très  ancienne,  il 
apportait  une  fortune  respectable  et  bien  assise.  Il  possédait 
on  effet,  en  Agenais,  des  biens  très  importants,  qui  furent  pour 
lui  une  cause  de  récusation  dans  un  procès  engagé  par  les 
jurais  de  Bordeaux  contre  un  marinier  de  Toulouse  qui  avait 
introduit  du  vin  prohibé.  Cinquante  membres  du  Parlement  fu- 
rent récusés  dans  celle  affaire  pour  diverses  raisons.  Jean  de 
Belot  le  fut  à  cause  de  ses  propriétés  «  Monsieur  de  Bellot, 
parce  qu'il  est  beau-frère  ayant  espousé  la  sœur  dudit  sieur  de 
Conte  cl  oullre  qu'il  a  grands  inléretz  à  la  descente  des  vins  du 
Haut  pays  où  il  a  grandz  biens  (2)  ». 

Bientôt  même  il  agrandissait  son  domaine,  en  achetant, 
dans  le  Bazadais,  non  loin  de  SauveteiTe  de  Guyenne,  le  châ- 
teau de  Pommiers. 

Au  xvf  siècle,  cette  seigneurie  de  Pommiers  passa  en  de 
nombreuses  mains.  En  1507,  elle  appartenait  à  dame  Isabeau 
d'Albret,  qui  eut  à  soutenir  un  procès  contre  les  habitants 
pour  le  droit  de  guêl.  Elle  eut  deux  fils,  Alain  et  Amanieu  de 
Foix. 


(1)  A.  Communay,  Le  Parlement  de  Bordeaux.  Louis  Favraud,  Bordeaux, 
188G,  p.  lie. 

(2)  Archives  historiques  de  la  Gironde,  t.  xix,  p.  i72. 


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Alain  de  Foix,  vicomte  de  Castillon,  vendit,  en  novembre 
1520,  à  Marie  d'Albret,  belle-mère  d'Isabeau,  320  livres  de 
rentes  sur  la  seigneurie  de  Pommiers.  Il  vendit  de  même  320 
livres  de  rentes  sur  la  partie  de  Pommiers,  la  plus  voisine 
de  Gironde,  à  Louise  de  Bouffil  de  Juge,  mère  d'Alain  le 
grand,  veuve  de  Jean  de  Montferrand,  le  dernier  jour  de  fé- 
vrier 1520  (1521  n.  st.). 

En  1524,  au  mois  de  novembre,  noble  Charles  de  Montfer- 
rand, fils  de  Jean  de  Montferrand  et  de  Louise  Bouffîl  de  Juge, 
reçut  en  dot,  par  son  contrat  de  mariage,  la  seigneurie  de 
Foncaude  et  les  rentes  sur  Pommiers. 

Ces  divers  actes  causèrent  bientôt  un  procès  entre  Charles 
de  Montferrand  et  Nicolas  Boyer,  devenu  acquéreur  de  Pom- 
miers (1). 

Nicolas  Boyer  (Bohier  ou  Bouhier),  est  bien  connu.  Né  à 
Montpellier  en  mai  1499,  il  fut  successivement  avocat  à  Bour- 
ges, conseiller  au  Grand  Conseil  et  président  au  Parlement 
de  Bordeaux  (2).  On  a  de  lui  plusieurs  ouvrages  en  latin,  no- 
tamment un  petit  livre  devenu  fort  rare  intitulé  ((  Prœdarus  et 
elegans  traclatus  de  sediliosis(3))),  etc.,  qui  nous  intéresse  plus 
spécialement,  par  les  détails  qu'il  fournit  sur  l'émeute  popu- 
laire survenue  à  Agen  en  1513.  11  était  marié  avec  Marie  Bour- 
sier, que  les  documents  appellent  La  Boursière. 

Nicolas  Boyer  acheta  Pommiers  le  23  juin  1531,  à  Messire 
Amanieu  de  Foix,  protonotaire  apostolique,  frère  d'Alain, 
pour  la  somme  de  12,600  livres  tournois.  Il  mourut  le  17  juin 
1539,  laissant  Pommiers  à  sa  femme  Marie  Boursier.  Celle-ci 
légua  cette  terre,  partie  à  l'hôpital  Saint-André  de  Bordeaux 
et  partie  à  son  neveu  Jean  de  Boursier  (4). 

C'est  à  Jean  de  Boursier  que,  le  31  juillet  1561,  Jean  Du- 
treuilh  de  Belot  acheta  Pommiei-s  pour  la   somme  de  600  li- 


(1)  Archives  du  château  de  Lafox,  factura  manuscrit  du  xvi'  siècle. 

(2)  A.  CommuDay,  loc.  cit.,  p.  183. 

(3)  M,  Ph.  Lauzun  a  donné,  dans  la  Revue  de  VAtjenais,  t.  xxviii,  en  tête 
d'un  article  intitulé  la  Commune  à  Agen  en  1514,  la  curieuse  gravure  qui  se 
trouve  dans  ce  livre. 

(4)  Archives  du  château  de  Lafox. 


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-  fl8  - 

vres.  Le  contrai  de  vente,  passé  à   Bordeaux  par  le  notaire 
André  Graney,  renferme  de  curieux  détails  (1). 

En  15()3,  lors  de  l'aliénation  de  certains  biens  du  clergé,  or- 
donnée par  le  roi,  l'abbé  de  Blasimonl,  Bernard  de  Lacombe, 
vendit  certaines  rentes  à  Jean  de  Belot  qui  ne  les  garda  pas 
longtemps  (2). 

L'année  suivante,  Jean  de  Belot  mariait  sa  nièce  Catherine 
à  Jean  de  Raffin.  Le  contrat  de  mariage  fut  passé  au  château 
d'Hauterive,  le  27  décembre  1564.  Le  père  de  Catherine  était 
mort,  depuis  quelques  années,  et  Jean  de  Belot,  conseiller  au 
Parlement  de  Bordeaux,  présidait  à  ce  mariage,  sans  doute  en 
qualité  de  tuteur.  Il  constitua  à  la  mariée  une  dot  de  12,000  liv. 
Parmi  les  témoins  qui  signent  au  contrat,  se  trouve  Michel  de 
Montaigne,  l'auteur  des  Essais,  un  ami  de  Jean  de  Belot  (3). 

A  cette  époque  ce  dernier  habitait,  à  Bordeaux,  une  maison 
au  Chapeau-Rouge.  Il  était  en  relation  avec  la  plupart  des 
parlementaires  lettrés  qui  illustrèrent  cette  ville.  A  ce  moment, 
en  effet,  une  phalange  d'esprits  distingués  et  d'humanistes 
remarquables,  presque  tous  sortis  du  collège  de  Guyenne,  je- 
tait sur  Bordeaux  un  vif  éclat.  «  La  savante  colonie  de  profes- 
seurs qui  était  arrivée  à  Bordeaux,  dit  M.  Dezeimeris,  trouva 
dans  les  membres  du  Parlement  des  personnages  d'un  savoir 
supérieur,  voués  au  culte  de  l'antiquité,  et,  en  peu  de  temps, 
il  se  forma  comme  une  vaste  Académie,  où  magistrats  et  ré- 
gents se  plaisaient  à  deviser  des  choses  de  l'esprit  (4).  » 

Alors  brillèrent  tour  à  tour  André  Tiraqueau,  Briand  de 
Vallée,  Arnaud  de  Ferron,  Nicolas  Boyer,  Malvyn  de  Ces- 


(1)  Archives  du  châleau  de  Lafox,  copie  vidimée  de  1621. 

(2)  Variétés  Girondines,  par  Léo  Drouyn.  Bordeaux,  F6rel,  1884,  l.  iv, 
p.  39. 

(3)  Généalogie  manuscrite  de  ht  [amitié  de  Raflin,  par  II.  Beaune,  commu- 
niquée par  M.  l'abbé  Dubois.  Dans  la  séance  du  5  novembre  1911,  M.  l'abbé 
Dubois  présenta  à  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  d'Agen,  un  livre 
de  comptes  fort  curieux  de  Jean  de  Belot.  Cet  érudit  très  obligeant,  auquel 
j  exprime  toute  ma  reconnaissance  pour  les  nouveaux  renscignenicnts  que 
je  lui  dois,  possède  des  documents  intéressants  sur  la  famille  de  Belol,  qu'il 
se  propose,  je  crois,  de  nous  faire  connaître  bientôt. 

(4)  La  Renaissance  des  Lettres  à  Bordeaux  au  XVI'  siècle,  par  Dezeime- 
ris,   in  Actes  de  l'Académie  de  Bordeaux,  1863,  p.  538  et  tirage  à  part. 


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sac,  Guillaume  de  Lur  de  Longua,  Guy  de  Goulard  de  Bras- 
sac,  Montaigne,  La  Boëtie.  «  A  Bordeaux,  disait  Joseph  Sca- 
liger,  du  temps  de  mon  père,  entre  soixante  sénateurs,  il  y  en 
avait  plus  de  vingt  habiles  et  doctes  personnages  ». 

Jean  de  Belot,  qui  peut-être  avait  lui  aussi  étudié  au  collège 
de  Guyenne,  pouvait  paraître  avec  honneur  dans  ce  milieu 
intellectuel.  Il  sut  s'y  faire  des  amis,  dont  les  principaux  furent 
les  plus  illustres^  Montaigne  et  La  Boëtie. 

Montaigne,  nous  l'avons  vu,  vint  en  Agenais,  au  château 
d'Hauterive,  sur  les  bords  du  Lot,  en  1564,  pour  assister  au 
mariage  de  Catherine  de  Belot,  nièce  de  son  ami. 

Montaigne  et  Belot,  ces  deux  noms  sont  associes  dans  une 
superbe  épitre  en  vers  latin  que  La  Boëtie,  un  ami  commun, 
leur  adressa  après  les  désordres  de  la  première  guerre  civile. 
Citons  simplement  le  début  de  cette  épître,  traduite  par  Sainte- 
Beuve  : 

«  Montaigne,  toi  le  juge  le  plus  équitable  de  mon  esprit,  et 
toi  Belot  que  la  bonne  foi  et  la  candeur  antique  recommandent, 
ô  mes  amis,  ô  mes  très  chers  compagnons,  s'écrie  le  poète, 
quels  sont  vos  desseins,  vos  projets,  vous  que  la  colère  des 
dieux  et  que  le  destin  cruel  a  réservés  pour  ces  temps  de  misè- 
re ?  Car  pour  moi,  je  n'ai  d'autre  idée  que  de  fuir  sur  des  vais- 
seaux, sur  des  coursiers,  n'importe  où,  n'importe  comment. 
Dites,  voyez,  qu'y  a-t-il,  en  effet,  de  mieux  à  faire,  si  toutefois 
on  le  peut  encore  (1).  » 

Les  temps  étaient  durs,  en  effet,  et  difficiles.  Certes,  Belot 
pouvait  en  savoir  quelque  chose.  Dans  son  pays  natal,  les  es- 
prits surchauffés  par  les  nouvelles  doctrines  ne  connaissaient 
plus  aucune  retenue.  Un  de  ses  parents,  François  Dutreuilh 
de  Belot,  curé  de  Castelnau  de  Grattecambe,  eut  beaucoup  à 
souffrir  de  leurs  agissements.  Le  11  avril  1561,  il  écrivait  à- 
Monseigneur  l'Evêque  d'Agen,  pour  demander  la  conduite  à 
tenir  dans  les  circonstances  difficiles  où  il  se  trouvait.  Il  a 
appris  que  les  protestants,  ne  craignant  plus  rien,  ont  fait  le 
projet  d'empêcher  les  offices  de  la  semaine  sainte,  de  mettre 


(1)  Sainte-Beuve.  Causeries  du  Lundi,  3'  édit.  Garnier,  t.  xii,  p.  151. 


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-  100  — 

le  feu  à  sa  maison  et  de  le  tuer.  Ils  ont  d'ailleurs  déjà  com- 
mencé à  s'attaquer  aux.  églises,  où  les  ruines  s'accumulent. 

Ce  n'étaient  pas  de  vaines  menaces.  Le  jour  de  Pâques,  pen- 
dant les  vêpres,  les  protestants  assemblés  injurient  les  per- 
sonnes qui  faisaient  une  procession.  Puis  entrant  dans  l'église, 
ils  interrompent  l'office.  Une  bagarre  s'ensuit.  Il  y  a  des  bles- 
sés de  part  et  d'autre.  François  de  Belot  est  obligé  de  se  dé- 
pouiller à  la  hâte  de  ses  vêtements  sacerdotaux,  de  s'enfuir  et 
de  s'enfermer  dans  sa  maison.  Les  protestants  le  poursuivent  et 
viennent  l'assiéger.  Mais  des  amis  le  délivrent.  Dans  la  nuit 
les  séditieux  s'emparèrent  de  sept  ou  huit  paroissiens  de  Cas- 
telnau,  les  chargèrent  de  fers  et  les  emmenèrent  prison- 
niers (1). 

Jean  de  Belot,  parent  du  curé  de  Castelnau,  pouvait  donc, 
à  bon  droit,  s'associer  aux  plaintes  de  La  Boëtie  et  gémir  avec 
lui  sur  ces  temps  de  misère.  Fidèle  à  son  Dieu,  il  resta,  comme 
nous  le  verrons,  un  ferme  et  sage  défenseur  de  la  religion  ca- 
tholique. 

C'est  vers  cette  époque  qu'il  fil  la  connaissance  de  Ronsard. 
La  cour  de  France  quitta  Fontainebleau,  au  mois  de  mars 
1564,  et  entreprit  un  voyage  autour  de  la  France.  Elle  visita 
Agen  en  février  1505,  et,  peu  après,  Mont-de-Marsan  et  Rayon- 
ne. De  grandes  fêtes  se  donnèrent  dans  cette  ville,  en  l'honneur 
de  la  Reine  d'Espagne.  Ronsard  y  fut  mandé. 

Il  partit,  en  effet,  mais  ne  put  achever  son  voyage.  M.  P. 
Laumonier,  si  merveilleusement  renseigné  pour  tout  ce  qui 
intéresse  le  chef  de  la  Pléiade,  ne  croit  pas  qu'il  ait  assisté  aux 
fêles  de  Rayonne  (2).  Arrivé  à  Rordeaux,  une  crise  de  rhuma- 
tismes l'arrêta  et  il  fut  obligé  de  séjourner  dans  cette  ville. 

Il  y  fut,  très  probablement,  l'hôte  de  de  Relot,  en  sa  maison 
du  Chapeau  rouge.  C'est  du  moins  ce  que  permet  de  croire  ce 
passage  de  la  Lyre  :     • 


(1)  Archives  déparlcnientales,  Fonds  de  l'Evêché.  F.  bis.  Deux  lettres  de 
François  Dutreuilh  de  Belol. 

(2)  P.  Laumonier.  Udilion  crilique  de  la  vie  de  Ronsard  par  Bineit  p.  157 
à  158. 


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-  101  - 

Mais  aussi  lost  qu'au  bord  de  la  Garonne 
Je  te  cognu,  d'esprit  et  d'âme  bonne 
Courtois,  honneste,  hospital,  libéral. 

Plus  loin,  il  le  compare  à  Mécène,  protecteur  des  poètes,  et 
dit  que  sa  maison  «  aux  muses  est  ouverte  ». 

La  Lyre,  cependant,  fut  écrite  plus  tard.  Elle  est  adressée 
à  u  Monsieur  de  Belot,  conseiller  et  maistre  des  requestes  de 
rhostel  du  Roy  ».  Or  Belot  ne  reçut  ce  titre  que  le  8  janvier 
1569(1). 

M.  P.  Laumonier  affirme  que  cette  pièce  fut  composée  à  la 
veille  de  la  bataille  de  Jarnac  (13  mars  15G9). 

La  Lyre  et  l'Ombre  de  cheval  parurent  pour  la  première  fois 
en  août  1569.  Le  texte  de  1571,  que  nous  donnons  plus  loin, 
n'est  que  le  second  (2). 

Au  reste,  la  dédicace  a  varié  de  forme  selon  les  éditions. 
Dans  l'édition  de  Gabriel  Buon,  de  1571,  elle  est  telle  que 
nous  venons  de  la  donner.  Dans  l'édition  de  1584,  elle  est 
ainsi  conçue  :  «  A  Jean  Belot,  bordelais,  maistre  des  reques- 
tes du  Roy  ».  Dans  celle  de  1623,  chez  Nicolas  Buon,  Paris, 
nous  trouvons  :  «  A  Jean  Belot,  agenais,  maître  des  requestes 
de  l'hôtel  du  Roy  (3)». 

Il  est  donc  impossible  de  se  tromper,  pour  l'identification 
de  ce  personnage,  agenais  par  son  origine,  bordelais  par  sa 
résidence. 

La  Lyre  est  une  longue  pièce  d'environ  450  vers  où  abondent 
les  allusions  mythologiques,  mais  qui  nous  fournit  aussi  quel- 
ques renseignements  intéressants  sur  Jean  de  Belot.  En  quel- 
ques mots  voici  le  sujet. 


(1)  p.  Laiimonièr.  Ronsard,  poêle  lyrique,  p.  23*-?,  note  1.  ~  Et  du  môme 
auteur,  Tableau  ehronolotjique  des  Œuvres  de  Ronsard,  2'  édif.  Hachette 
1911,  pp.  44  et  45.' 

(2)  V.  la  thèse  de  doctorat  de  P.  Laumonier,  Ronsard,  poète  lyrique.  Ha- 
chette 1909. 

(3)  Je  tiens  à  signaler  toute  la  part  prise  à  ce  travail  par  un  amateur  très 
avisé  de  notre  histoire  locale,  M.  J.  Daurée  de  Prades.  Grâce  à  son  obli- 
geance et  à  ses  recherchas  à  la  Bibliothèque  de  Bordeaux,  j'ai  pu  connaî- 
tre diverses  éditions  de  La  Lyre  et  de  l  Ombre  du  Cheval  et  nombre  d'autres 
notes  très  importantes.  Je  le  prie  de  vouloir  bien  trouver  ici  l'expression  de 
toute  ma  gratitude. 


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—  102  — 

Ronsard  avait  abandonné  la  poésie  et  pendu  sa  lyre  au  croc, 
pour  s'adonner  tout  entier  à  l'agriculture.  Au  cours  d'un  voya- 
ge «  aux  bords  de  la  Garonne  »  il  rencontra  Belot  avec  lequel 
il  se  lia  d'amitié.  Dès  cet  instant,  il  est  pris  du  désir  de  chanter 
son  ami,  pour  transmettre  son  nom  aux  générations  futures. 
Il  exécute  son  projet,  en  dépeignant  Belot  ami  des  muses  et  en 
décrivant  avec  complaisance  une  merveilleuse  lyre,  enrichie 
de  scènes  mythologiques  gravées  dans  l'ivoire,  que  son  ami 
aurait  ofleile  à  V Apollon  gaulois,  c'est-à-dire  â  Ronsard  lui- 
même. 

Tel  est  le  thème  de  cette  longue  pièce.  Noas  apprenons  par 
elle  que  Belot  était  «  de  corps  massif  »  et  d'aspect  un  peu 
lourd,  ((  que  son  air  était  sévère  et  son  front  pensif  »,  ce  qui  ne 
l'empêchait  nullement  d'être  gai,  tout  en  étant  <(  docte,  prudent 
et  sage  ».  Sa  marche  était  lente  mais  en  revanche  son  esprit 
était  très  vif,  et  ceux  qui,  jugeant  les  hommes  par  les  apparen- 
ces extérieures,  le  croyaient  d'intelligence  lourde  et  paresseu- 
se, se  trompaient  étrangement.  Sa  nature  bonne  le  rendait  ai- 
mable, hospitalier,  généreux,  ce  qui  lui  attira  de  vives  amitiés, 
et  entre  autres,  celle  de  Ronsard. 

Que  l'on  nous  permette  quelques  citations,  nous  les  prenons 
dans  l'édition  de  1571. 

LA  LYRE 

A  Monsieur  de  Bellot,  conseiller  et  maislre  des  requêtes 

de  Vhostel  du  Roy.  — 

Belot,  parcelle,  aiiis  le  tout  de  ma  vie, 
Quand  je  le  vy,  je  n'avois  plus  emie 
De  voir  la  Muse,  ou  danser  à  son  bal, 
Ou  m'abreuver  en  Tcau  que  le  cheval 
D'un  coup  de  pied  fit  sourçoyer  de  terre. 
Peu  me  plaisait  le  laurier  qui  enserre 
Ces  doctes  fronts  :  le  myrte  Paphien, 
Ny  la  fleur  teinte  au  sang  adonien, 
Ny  toul  Tesmail  que  le  Printemps  colore, 
Ny  tous  ces  jeux  que  la  jeunesse  honore  : 
Ne  me  plaisoient  :  Ah  !  malade  et  grison 
J*aimois  sans  plus  l'aise  de  ma  maison, 


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—  103  — 

Le  doulz  repos  :  quittant  la  Poésie 
Que  j'a\  ois  seule  eu  jeunesse  choisie 
Pour  soulager  mon  cœur  qui  bouillonnoit, 
Quand  de  son  Irait  Amour  Taiguillonnoit, 
Comme  un  venin  glissé  dedans  mes  veines, 
Entremeslanl  un  plaisir  de  cent  f)eines. 

Je  ne  faisois,  alaigre  de  séjour, 

Fust  au  coucher,  fust  au  lever  du  jour, 

(Ju'eiiler,  planter,  et  tirer  à  la  ligne 

Le  cep  tordu  de  la  joyeuse  vigne 

Oui  rend  le  ca*ur  du  jeune  plus  gaillard. 

Et  plus  puissant  l'estomac  du  vieillard. 

.Favois  TEsprit  qui  le  labeur  desdaigne, 
Depuis  un  peu  tout  en  friche  et  brehaigne, 
Stérile  et  vain,  ou  soit  qu'il  fust  lassé, 
De  trop  d'enfans  conceuz  au  temps  passé, 
Soit  qu'il  cherchast  le  repos  solitaire  : 
Il  m'assuroit  de  jamais  plus  ne  faire 
Rime,  ny  \ers,  ny  prose,  ny  escrit 
Voulant  sans  soing  vivre  comme  un  esprit. 
Mais  aussi  tost  qu'aux  bords  de  la  Garonne 
Je  le  connu  d'esprit  et  d'ame  bonne. 
Courtois,  honneste,  hospilal,  libéral, 
Toutes  vertus  ayant  en  général  : 
Soudain  au  cœur  il  me  prist  une  envie 
De  te  chanter,  à  fin  (ju'après  la  vie 
Le  peuple  sceust  (|ue  tes  Grâces  ont  eu 
Un  chantre  tel,  amy  de  la  vertu. 
Pour  ne  souffrir  (jue  tant  de  verlus  tiennes 
i'heussent  là-bas  aux  rives  Slygicnnes 
Sans  nul  honneur,  et  qu'une  mesnic  nuit 
Pressast  ta  vie  et  Ion  nom  et  ton  bruit. 
Rien,  mon  Belot,  n'y  sert  la  grand'despense, 
Les  despensiers  emboufiz  de  bonbance 
Veulent  gaigner  par  un  art  somptueux 
Ou  par  banquets,  par  vins  tumultueux, 
La  gloire  humaine,  et  abusez  se  trompent, 
Et  par  le  trop  eux-mêmes  se  corrompent. 
Sans  acquérir  un  chantre  de  renom 
Qui  sans  banquelz  peut  célébrer  leur  nom 
Par  amitié,  mon  lielot,  pour  leur  table. 
Pour  vin  exquis,  ny  pour  mets  délectable  : 


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-^  104  - 

Car  aujourd'huy  chacun  sçait  sagement 
Que  vaut  le  chou,  et  vivre  sobrement  : 
Ainsi  que  toy  qui  des  chantres  la  grâce 
Gangnes  aray,  non  par  la  soupe  grasse, 
Mais  par  l'honneur  que  gaillard  tu  leur  fais  : 
Pour  ce  à  Tenvy  sont  chantres  de  tes  faits. 
Par  quel  escrit  faut-il  que  je  commence 
Pour  envoyer  des  Muses  la  semence  ? 
J'entens  mes  vers  par  toute  Europe,  affin 
Que  ton  renom  survive  après  ta  fin  ? 
Ta  face  semble  et  tes  yeux  solitaires 
Aux  creux  vaisseaux  de  noz  apoticaires. 
Qui  par  dessus  rudement  sont  portraits 
D'hommes  de  dieux  à  plaisir  contrefaits, 
D'une  Junon  en  l'air  des  vents  soufflée, 
D'une  Pallas  qui  voit  sa  joue  enflée. 
Se  courroussant  contre  son  chalumeau, 
Que  par  despit  elle  jeta  souz  l'eau, 
D'un  Marsyas  despouillé  de  ses  veines  : 
Et  toutesfois  leurs  caissettes  sont  pleines 
D'ambre,  civette  et  de  musq  odorant. 
Manne,  Rubarbe,  aloés  secourant 
L'estomac  foible  :  et  neantmoins  il  semble, 
Voyant  à  l'œil  ces  images  ensemble, 
Que  le  dedans  soit  semblable  au  dehors. 
Tel  fut  Socratc,  et  toutefois  alors 
En  front  sévère,  en  œil  mélancholique, 
Esloit  l'honneur  de  la  chose  publique. 
Qui  rien  dehors,  mais  au  dedans  portait 
La  saincte  humeur  dont  Platon  s'alailait. 

Et  toutefois  il  estoit  comme  toy 
De  front  austère  et  de  triste  visage. 
Au  reste  gay,  docte,  prudent  et  sage. 
Celuy  qui  voit  ton  front  un  peu  pensif. 
Pense  l'esprit  comme  le  corps  massif. 
Et  ton  dedans  il  juge  par  la  montre 
Qui  morne  et  lente  et  pensive  se  montre 
Suivant  ton  estre,  ou  ton  astre  fatal  : 
Mais  il  se  trompe  et  te  juge  très  mal. 
Car  quand  tu  veux  refraischir  la  mémoire 
Des  plus  sçavants,  ou  soit  par  une  histoire 
Des  vieux  Romains,  ou  des  premiers  Grégeois, 
Ou  par  les  faits  propres  à  noz  François. 


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-  105  — 

Ou  quand  lu  veux  parler  des  Républiques, 

Du  raaniment  des  Estais  politiques, 

Comme  un  grand  Roy  soit  en  guerre  ou  en  paix 

Doibt  gouverner  soy-mesme  et  ses  subjects. 

Ou  quand  tu  veux  parler  de  la  justice, 

Et  de  la  Loy  Pédagogue  du  vice. 

Ou  quand  tu  veux  monter  jusques  aux  cieux, 

Et  descouvrir  des  astres  et  des  Dieux, 

Ou  à  propos  de  quelque  autre  science  : 

Lors  de  ta  voix  distille  l'Eloquence, 

Un  vray  Socrate,  et  ton  docte  parler 

Fait  le  doux  miel  de  tes  lèvres  couler, 

Montrant  au  jour  la  vertu  qui  t'enflame, 

Ayant  caché  au  plus  profond  de  Tâme 

Je  ne  sçay  quoy  de  rare  et  précieux 

Qui  n'aparoist  du  premier  coup  aux  yeux  : 

Car  dans  ton  vase  abondant  tu  recelés 

Dix  mille  odeurs  estranges  et  nouvelles 

Si  qu'en  parlant  tu  donnes  assez  foy 

Combien  ton  ûme  est  généreuse  en  toy 

Par  la  vertu  de  ta  langue  qui  pousse 

Un  hameçon  aux  cœurs  tant  elle  est  douce. 

Encor  que  Rome  au  temps  de  Mœcenas, 

De  PoUio,  vist  son  siècle  tout  las, 

De  factions,  d'embrasement  de  villes  ; 

Et  toutefois  le  bonheur  le  suyvoit 

D'autant  qu'en  luy  un  Mœcène  vivoit. 

Un  Pollio,  un  Messale,  un  Auguste 

Prince  guerrier,  ensemble  Prince  juste  : 

Qui  balança  d'un  équitable  poix 

Icy  la  Loy,  et  de  là  le  harnois, 

Et  le  grand  Nil  flt  couler  souz  l'empire 

Qui  par  sept  huis  dedans  la  mer  se  vire  : 

Nil  dont  la  source  aux  hommes  n'aparoist 

Et  qui  sans  pluye  en  abondance  croist 

Aux  plus  chauds  mois,  et  d'une  eau  limonneuse 

Rend  à  foison  l'Egypte  bien  heureuse. 

Ainsi  ce  siècle  à  bon  droit  sera  dit 

Heureux  d'autant  que  mon  Belot  y  vit. 

Dont  la  maison  aux  muses  est  ouverte, 

Es  dont  la  place  à  la  foule  est  couverte 

Des  pas  de  ceux  qui  reviennent  où  vont 

Boire  de  l'eau  du  Tertre  au  double  front. 


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—  106  — 

L'un  en  cecy,  l'autre  en  cela  le  chante  : 

Mais  de  chacun  la  chanson  plus  fréquente 

(Qui  plus  au  cœur  nous  laisse  d'aiguillon) 

C'est  qu'en  voyant  le  Gaulois  apollon 

Tout  mal  en  poinct  en;er  par  nostre  France, 

A  qui  la  sotte  et  maligne  ignorance 

Au  cœur  enflé  qui  suit  le  genre  humain, 

Avoit  ravis  la  Lyre  de  la  main, 

En  sa  faveur  tu  ne  t'es  montré  chiche 

Faisant  ce  Dieu  en  ton  dommage  riche, 

Luy  consacrant  par  un  vœu  solennel 

Ta  lyre  courbe,  un  présent  éternel 

D'un  art  cousteux,  afin  qu'on  la  contemple 

Pour  le  présent  de  Belot  en  son  temple. 

D'or  est  l'archet,  les  chevilles  encor 

Ont  le  bout  d'or,  le  haut  du  coude  est  d'or, 

D'où  descendant  line  lame  d'ivoire 

A  traitz  bossez  vit  une  longue  histoire 

En  fictions  d'arguments  fabuleux. 

Dont  ceste  lyre  a  le  ventre  orgueilleux. 

Suit,  alors,  une  description  longue  et  minutieuse,  des  scè- 
nes représentées  sur  cette  lyre.  La  pièce  se  termine  ainsi  : 

Telle  est  ta  Lyre  à  Phébus  apendue, 

Qui  bien  dorée  et  de  nerfs  bien  tendue, 

Pend  à  son  temple  ;  afin  que  nos  François 

Eussent,  Belot,  le  jouet  de  leurs  doigs, 

Joignant  d'accord  sous  un  pouce  qui  tremble, 

L'hymne  à  ce  Dieu,  et  le  tiens  tout  ensemble. 

Ce  que  j'ay  peu  sus  elle  fredonner. 

Petit  fredon  je  l'ay  voulu  donner 

A  l'amitié,  le  tesmoing  de  ce  Livre, 

Non  aux  faveurs,  présent  qui  te  doibt  suivre 

Outre  Pluton,  si  des  Muses  l'effort 

Force  après  nous  les  efforts  de  la  mort  (1). 

Comme  on  le  voit,  Ronsard  parle  à  Belot,    très  familière- 
ment et  le  traite  en  ami  très  cher.  Il  célèbre  sa  science  et  son 


(1)  Les  Poèmes  de  P.  de  Ronsard^  gentilhomme  Vandomois.  A  Paris,  chez 
Gabriel  Buon,  1571.  T.  m,  p.  341  à  357. 


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érudilion  étendues,  el  chante  son    éloquence   entraînante   et 
charmeuse  : 

Car  dans  ton  vase  abondant  tu  recelés 
Dix  mille  odeurs  étranges  et  nouvelles 
Si  qu'en  parlant  tu  donnes  assez  foy 
Combien  Ion  âme  est  généreuse  en  toy 
Par  la  vertu  de  ta  langue  qui  pousse 
Un  hameçon  aux  cœurs  tant  elle  est  douce. 

La  Lyre  n'est  pas  la  seule  et  la  première  poésie  que  Ronsard 
dédia  à  Belol.  Quelques  mois  auparavant,  vers  la  fin  de  1568, 
avant  la  nomination  de  son  ami  au  poste  de  maître  des  requê- 
tes de  rhôlel  du  Roi,  il  écrivit  à  son  intention  l'Ombre  du 
Cheval  (1)  : 


L OMBRE  DU  CHEVAL 

A  Monsieur  de  Belot,  conseiller  et  maistre  des  requestes  de  Vhosiel 

du  Roy 

Amy  Belol,  que  Thonneur  accompagne, 

Tu  m'as  domié,  non  un  cheval  d'Espagne, 

Mais  Tombre  vain  d'un  cheval  [)ar  escrit. 

Que  je  comprens  seulement  en  esprit. 

Je  ne  le  puis  ny  par  les  yeux  comprendre, 

Ny  par  la  main  il  ne  se  laisse  prendre, 

Chose  invisible,  et  fantôme  me  fuit. 

Ainsi  qu'on  voit  en  nos  songes  de  nuit 

Se  présonlcr  je  ne  scay  quels  images 

Sans  corps,  sans  mains,  sans  bras  et  sans  visages. 

Qui  çà  qui  là  revolent  haut  et  bas 

Plus  pour  les  prendre  on  allonge  le  bras, 

Plus  vont  fuyant,  et,  volages,  nous  laissent 

Béans  en  l'air  après  elles,  qui  naissent 

De  vent  léger  et  comme  vent  s'en  vont. 

Sans  plus  à  l'homme  un  désir  elles  font 

De  les  happer  :  ton  cheval,  ce  me  semble, 

Ton  cheval  non,  mais  l'ombre  leur  ressemble, 


(1)  P.  Laumonier.  Tableau  chronologique  des  Œuvres  de  Ftonsard,  2*  édit., 
pp.  44  et  45. 


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—  108  — 

Que  seulement  en  dormant  j'appercoy  ! 
Car  autrement  ton  cheval  je  ne  voy. 
Plus  en  songeant  ton  cheval  je  me  donne, 
Plus  il  me  trompe  et  fuis  sur  la  Garonne. 

C'est  un  cheval  que  je  nourris  sans  peine  : 
Il  ne  luy  faut  ny  paille  ny  aveine,  ' 

Il  ne  me  faut  acheter  ny  du  foin, 
Ny  des  valets  .pour  en  avoir  le  soin. 
Bride  ne  mors,  selle,  ny  estrivières  ! 
Il  n'a  souci  d'herbes  ny  de  rivières. 

•.•• 

Tu  crains,  voyant  ma  longue  maladie, 
Que  ton  cheval  en  parant  ne  me  die, 
Prophetizant,  quelque  funèbre  mot  : 
Garde-le  bien,  je  n'en  veux  point  Belot. 
Mon  cher  amy,  j'ay  bien  voulu  t'escrire 
Ces  vers  raillards  pour  mieux  te  faire  rire 
Après  ta  charge  et  le  souci  commun 
De  concéder  audience  à  chacun, 
Haut  eslevé  au  throne  de  justice. 
Aimant  vertu  et  chastiant  le  vice. 
Dieu,  qui  sous  l'homme  a  le  monde  soumis, 
A  l'homme  seul  le  seul  rire  a  permis 
Pour  s'égayer  et  non  pas  à  la  beste 
Qui  n'a  raison  ny  esprit  en  la  teste. 
Il  faut  du  rire  honnestement  user 
Pour  vivre  sain,  non  pour  en  abuser  : 
Car  volontiers  on  jette  à  gorges  pleines 
Le  ris  qui  naist  des  actions  vilaines 
Le  ris  est  fils  d'un  acte  vergougneux 
On  ne  rit  point  d'un  geste  vertueux. 
Mais  on  l'admire,  ainsi  tu  pourras  rire 
De  ma  folie,  et  de  l'oser  escrire 
Je  ne  sçay  quoy  qui  m'est  encor  plus  vain 
Que  ton  cheval  qui  n'a  selle  ny  frain  (1). 

Le  8  janvier  1569,  Jean  de  Belot  fut  nommé  maître  des  re- 
quêtes de  THôtel  du  Roi.  Sa  science  juridique,  son  éloquence, 
la  dignité  de  sa  vie  le  faisaient  estimer  en  haut  lieu.  Il  en  eut 
bientôt  la  preuve. 


(1)  Les  œuvres  de  Pierre  de  Ronsard,  édition  de  1623,  t.  m,  p.  1220  À  1221. 


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—  lOî)  — 

La  troisième  guerre  de  religion  fut  terminée  par  Fédil  de 
Sainl-dermain  signé  le  8  août  1570.  Cet  édit  accordait  aux 
protestants  d'assez  grands  avantages,  mais  il  ne  contenta  per- 
sonne, ('harles  IX  s'efforça  de  le  faire  exécuter  rigoureuse- 
ment. C'était  difficile.  A  cet  effet,  des  commissaires  spéciaux 
furent  envoyés  dans  les  villes  princi[)ales  du  royaume. 

Jean  Dutreuilh  de  Belot,  maître  des  requêtes  au  Parlement 
de  Boixleaux,  fut  choisi  pour  aller,  avec  Edouard  Mole,  con- 
seiller au  Parlement  de  Paris,  faire  exécuter  l'édit  à  Toulouse. 

Avant  de  partir,  Jean  de  Belot  voulut  mettre  ordre  à  ses 
affaires.  Il  avait  contracté  plusieurs  dettes.  A  dame 
Catherine  Leclerc,  veuve  de  Monsieur  maître  Louis  de  Pon- 
tac,  notaire  et  secrétaire  du  roy  et  contix)leur  de  la  Chancel- 
lerie de  la  ville  de  Bordeaux,  remaiiée  avec  le  seigneur  de 
('hazeltes,  trésorier  de  P'rance  en  la  généralité  de  Guyenne, 
il  devait  la  somme  de  cinq  mille  cinq  cents  livres.  Il  vendit  donc 
à  sa  belle-mère,  Françoise  de  Coulonges,  la  seigneurie  de 
Pommiers.  L'acte  de  vente,  à  pacte  de  rachat,  fut  passé  à  Bor- 
deaux le  28  décembre  1570  (1). 

Françoise  de  Coulonges,  dame  de  Latresne,  Cénac  et  \'ira- 
zeil,  était  veuve.  Brantôme  dit  qu'elle  était  d'une  rare  beauté 
et  qu'à  80  ans  <(  elle  était  très  aimable  et  désirable  :  aussi 
avait-elle  beaucoup  de  perfections  (2)  ». 

Jean  de  Belot  et  Edouard  Mole,  commissaires  nommés  par 
le  Roi,  arrivèrent  à  Toulouse  le  10  janvier  1571  (nouv.  st.).  Le 
lendemain,  ils  se  présentèrent  aux  capilouls  pour  qu'on  leur 
donnât  un  logement.  On  décida  qu'ils  seraient  hébergés  en  la 
maison  de  M.  Cosme  de  Cadilhac,  docteur,  maître  des  ports 
et  passages  en  la  sénéchaussée  de  Toulouse.  Us  s'y  installè- 
rent, en  effet,  et  y  tinrent  leui-s  audiences.  Ils  avaient  beau- 
coup à  faire,  ils  se  heurtèrent  à  de  nombreuses  difficultés. 
Mais  ils  agirent  si  bien,  avec  tant  de  sagesse  et  de  prudence, 
que  tout  en  demeurant  fennes  dans  leur  foi,  ils  surent  conten- 


(1)  Archives  du  château  de  Lafon.  Acte  de  vente  du  28  décembre  1570. 

(2)  Œuvres  de  BraïUùnie,  êdil.  de  la  Sociélé  de  1  Histoire  de  Fr;uice,  l.  i\, 
p.  359. 


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-  no- 
ter les  prolestants,  qui  ont  loué  leur  équité  et  leur  modéra- 
tion (1). 

Lorsque  Belot  eut  terminé  sa  mission  à  Toulouse,  il  rentra 
à  Bordeaux  et  voulut  racheter  sa  terre  de  Pommiers.  L'argent 
lui  faisait  défaut.  11  se  décida  à  vendre  sa  maison  du  Chapeau- 
Rouge  à  Messire  François  de  Caudale.  Avec  les  7  ou  8,000 
livres  qu'il  en  retira,  il  désintéressa  sa  belle-mère  et  recouvra 
Pommiers  (2). 

De  son  mariage  avec  Jeanne  I^comte,  il  n'eut  qu'une  fdle, 
appelée  Françoise,  qui  se  maria  deux  ans  après  la  mort  de  son 
père,  avec  Messire  François  d'Agés. 

Peu  de  temps  après  être  rentré  de  Toidouse,  et  avoir  vendu 
sa  maison  du  Chapeau-Rouge,  Jean  de  Belot  partit  pour 
la  Cour.  11  y  était  peut-être  appelé  pour  rendre  compte  de  sa 
mission  pacificatrice  dans  la  capitale  du  Languedoc.  Nous  ne 
saurions  le  dire. 

Son  dépail  eut  lieu  vers  1571  ou  1572.  11  n'alla  pas  très  loin. 
Arrivé  à  Périgueux,  il  tomba  malade  et  mourut  (3). 

Jeanne  Lecomte,  devenue  veuve,  fil  acheter  la  maison  du 
Chapeau-Rouge  par  demoiselle  Alix  de  Belot,  sœur  de  son 
mari,  et  la  lui  racheta.  Elle  fut  tutrice  de  sa  fîUe  pendant  deux 
ans,  puis  après  le  mariage  de  celle-ci,  elle  passa  la  tutelle  à 
René  d'Agés,  beau-père  de  Françoise  de  Belot  (4). 

Telle  est,  en  quelques  lignes,  la  vie  de  ce  Jean  de  Belot,  que 
les  vers  de  Ronsard  ont  immortalisé.  Nous  pouvons  en  être 
fiers,  car  il  a  fait  honneur  à  notre  petite  patrie. 

J.-R.  Marboutin. 


(1)  Hist.  du  Languedoc^  édil.  Privât,  t.  xi,  p.  541  et  t.  x,  col.  946. 

(2)  Archives  du  château  de  Lafox.  Factum  manuscrit  du  xvi*  siècle. 

(3)  Ibidem. 

(4)  Ibidem.  Dans  le  procès-verbal  de  sa  visite  à  Cancon,  Mgr  Nicolas  de 
Villars  nous  apprend  que  dans  l'église  de  cette  paroisse,  il  y  avait  une  ion- 
dation  de  M.  de  Belot  et  Dagès  (26  octobre  1597).  Arch.  départ.  Fonds  de 
l'Evèché.  C.  2.  f.  261. 


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QoO^Qi 


VILLEREAL 


(SUITE) 


CHAPIRE  IV 

Les  écoles  :  ï.  Régents  de  Villeréal.  —  If.  Instituteurs.  —  Ilï.  Les  frères  de 
Marie.  —  IV.  Ecole  oflicielle»  école  libre.  ~  V.  Les  sœurs  de  la  Foy.  — 
VL  Les  Filles  de  la  Croix.  —  VU.  Ecole  officielle,  école  libre. 


Le  plus  ancien  régent  de  Villeréal  dont  nous  trouvons  le 
nom  s'appelait  M'  Dominique  Passot,  régent  des  escoles  de 
Villeréal.  En  1561  il  devait  3  livres  tournois  à  un  conseiller 
du  parlement  de  Bordeaux.  (Fonds  de  M.  J.  Dubois.) 

102G,  P'  décembre.  —  M*'  François  Tugot.  (Archives  ^u  dé- 
parlement de  Lot-et-Garonne,  B.  770.) 

1087,  l*""  avril.  — "Jacques  Dubois,  maître  ès-arts,  est  ins- 
tallé «  en  la  fonction  de  régent  lettré  de  la  présante  ville.  >* 
Depuis  cett^.  installation,  Pierre  Léotard,  ci-devant  régent,  a 
fait  un  acte  aux  consuls,  le  22  mars  1087,  protestant  de  se 
pourvoir  pour  le  paiement  de  ses  gages.  Léotard  s  étant  très 
mal  acquitté  de  ses  fonctions  demeure  destitué.  La  nomina- 
tion de  Dubois  est  confirmée.  S'il  y  a  procès  pour  ce  sujet,  la 
communauté  cir  prend  les  frais  à  sa  charge. 

1693.  —  Etat  des  frais  municipaux  de  la  ville  et  commu- 
nauté de  Vdleréal  réglés  par  Mgr  l'Intendant  de  Pillot,  con- 
fînnés  par  arrest  du  conseil  au  greffe  de  l'élection  d'Agenais... 
Pour  les  gages  d'un  régent,  80  livres.  (Mairie  de  Villeréal, 
B.  B.  1.) 

1691,  24  juin.  —  Jean  Léotard,  escolier,  est'  parrain  de 
Marie  Serre,  fille  du  sieur  Serre,  maître  apothicaire,  et  de 
demoiselle  Louise  Molenier. 

1099,  15  janvier.  —  Jean  Serre,  escalier,  est  parrain  de 
Jeanne  Leslreille,  fille  de  Jean,  marchand,  et  de  Anne  Léo- 
tard. (Mairie  de  Villeréal,  registre  paroissial  de  Parizot.) 

1705,  8  août.  —  Jacques  Dubois  ayant  été  cassé  après  avoir 


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—  112  — 

été  interdit  par  Tévêque  d'Agen,  on  lui  donne  pour  successeur 
W  Barthélémy  Badoures  qui  a  justifié  de  sa  bonne  vie  et 
mœurs  par  des  certificats  qui  lui  ont  été  octroyés  durant  son 
séjour  à  Castillonnès.  Il  aura  80  livres  de  gages,  sera  exempt 
du  logement  des  gens  de  guerre  et  jouira  de  tous  les  autres 
privilèges  accordés  à  ses  devanciers. 

Il  percevra  la  rélribulion  attribuée  à  ses  prédécesseurs  et 
enseignera  sans  rétribution  les  enlanls  pauvres  de  la  ville  qui 
désireront  apprendre. 

1711,  20  juin.  —  Le  sieur  Badoures,  régent  pour  enseigner 
la  lecture  et  l'écriture  aux  enfants,  s'est  retiré  depuis  près  d'un 
an  pour  aller  ailleurs.  En  vue  d'apprendre  aux  enfants  la  lec- 
ture, l'écriture,  le  latin  et  l'arithmétique  ainsi  que  les  prières, 
on  reçoit  pour  régent  Jacques  Corbarand,  maître  ès-arts,  ha- 
bitant de  la  paroisse  Saint-Germain,  diocèse  de  Cahors,  qui 
est  pourvu  de  bons  certificats.  Il  devra  se  faire  approuver  par 
l'évêque  d'Agen,  aura  80  livres  de  gages  et  jouira  des  privi- 
lèges attachés  à  sa  charge  ainsi  que  de  la  rétribution  d'usage, 
à  condition*  que  les  enfants  pauvres  de  la  ville  seront  ensei- 
gnés sans  rétribution.  (Mairie  de  Villeréal,  B.  B.  2.) 

1710,  2  janvier.  —  Les  enfants  demeurant  sans  aucune  édu- 
cation depuis  longtemps,  M"  Jean  Peleguy,  prêtre  docteur  en 
théologie,  est  nommé  régent.  Gages,  80  livres  payables  par 
quartier.  Rétribution  :  lecture,  5  sols  ;  écriture,  10  sols  ;  arith- 
métique, 15  sols;  latin,  20  sols.  Le  régent  enseignera  les  en- 
fants pauvres  sans  rétribution,  s'ils  désirent  apprendre.  La 
communauté  se  réserve  le  droit  de  destituer  le  régent  quand 
elle  le  jugera  à  propos. 

IGIG,  8  janvier.  —  Léonard  Dumenc,  maître  ès-arts,  est 
nommé  à  la  place  de  Péleguy,  parti  sans  même  avertir,  et  aux 
mêmes  conditions. 

1716,  1"  juillet.  —  Réception  de  Pierre  Baldoran,  maître 
ès-arts,  aux  mêmes  conditions  que  les  précédents. 

1720,  11  juillet.  —  La  ville  se  trouvant  dépourvue  de  régent 
depuis  /longtemps,  on  reçoit  Louis-Augustin  Couchaud  dit 
Orandville,  maître  ès-arts,  reconnu  capable  par  noble  Jean 
de  Constantin,  abbé  de  Péchagut,  prêtre  et  curé  de  Villeréal, 


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—  113  ~ 

aux  mêmes  conditions  que  les  précédents,  sur  Tassentiment 
du  procureur  du  roy.  Le  régent  conduira  ses  écoliers  à  la 
messe,  au  catéchisme  et  aux  vêpres  les  dimanches  et  fêtes. 
Ses  gages  lui  seront  payés  à  partir  du  14  juin  où  il  commença 
à  faire  1  école.  {Ibidem.) 

3  juillet  1723.  —  Depuis  de  longues  années,  il  n  y  a  pas  de 
régent  à  Ville réal.  On  décide,  après  approbation  du  procureur 
du  roy,  que  Jean  Courtade,  maître  ès-arts,  habitant  de  Mon- 
pazier,  sera  reçu  régent.  Il  enseignera  la  lecture,  lecriture,  la 
doctrine  chrétienne  et  les  principes  de  la  langue  latine  aux 
gages  de  120  livres.  Cette  augmentation  de  40  livres  sera  prise 
sur  la  taille  avec  Taulorisation  de  l'intendant.  Le  régent  devra 
conduire  les  jours  de  classe  à  la  messe  et  aux  instructions. 

Les  pauvres  honteux  seront  instruits  sans  rétribution  sur 
certificat  des  consuls,  s'ils  désirent  aller  à  Técole.  Les  autres 
enfants  auront  à  payer  comme  jadis. 

Suivant  lordonnance  du  roy,  le  régent  devra  présenter  à 
la  jurade  un  certificat  d^examen.  (Ibidem.) 

9  mars  1737.  —  Pierre  Delbac,  maître  ès-arts,  habitant  ci- 
devant  de  Monclar,  approuvé  par  1  evêque  d'Agen,  est  reçu 
aux  gages  de  150  livres.  Il  enseignera  la  lecture,  récriture, 
l'arithmétique,  la  doctrine  chrétienne  (textuellement  à  prier 
Dieu)  et  le  latin. 

Rétribution  mensuelle  :  Lecture  5  sols,  écriture  10  sols, 
arithmétique  15  sols,  latin  20  sols.  (Mairie  de  Villeréal. 
B.  B.  3.) 

7  janvier  1745.  —  Vu  la  testimoniale  et  nomination  faites 
par  révoque  d'Agen,  sur  le  consentement  et  l'approbation 
donnés  par  M.  de  Constantin,  curé  de  Villeréal,  et  du  consen- 
tement du  syndic  de  la  communauté,  Jean-François  Chabrier, 
religieux  des  frères  mineurs  de  S.  François,  est  reçu  régent 
de  Villeréal  aux  gages  ordinaires.  Il  enseignera  la  lecture, 
l'écriture,  l'arithmétique  et  le  latin.  La  jeunesse  devra  prier 
Dieu  soir  et  matin. 

1752  (fin).  —  Sieur  Jacques  Boisso,  habitant  de  la  ville  de 
Sarlat,  approuvé  par  1  evêque  d'Agen,  est  reçu  régent  aux 
gages  de  150  livres,  mais  seulement  à  titre  provisoire.  Au 
bout  de  trois  mois,  s'il  y  a  lieu,  sa  réception  deviendra  défi- 


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-  114  — 

nitivc.  Même  rétribution  que  dessus.  Les  pauvres  seront  en- 
seignés gratis.  (Ibidem.) 

Etat  des  sommes  imposées  en  1752  :  (îages  d'un  régent  à 
Yilleréal,  supplément  70  livres.  (Arch.  Gironde.  G.  3073.) 

25  octobre  1755.  —  Le  sieur  Boisse,  infirme,  on  lui  donne 
pour  adjoint  le  sieur  Moignie,  précepteur  ;  ses  gages  sont  do 
150  livres.  Durant  le  premier  quartier,  Moignie  recevra  solde 
entière;  puis  il  pailagora  ses  gages  par  moitié  avec  Boisse. 
Enfin,  au  bout  de  2  ans,  il  percevra  ses  gages  en  totalité.  La 
rétribution  mensuelle  demeure  fixée  à  5,  10,  15  et  20  sols 
pour  la  lecture,  récriture,  l'aritbmétique  et  le  latin.  Le  régent 
s  engage  à  instruire  les  enfants  des  devoirs  de  la  religion 
catholique,  apostolique  et  romaine.  Il  sera  révocable  au  gré 
de  la  communauté,  sans  que  celle-ci  soit  obligée  de  motiver 
le  fait  de  la  révocation;  et  il  devr^  prêter  serment. 

24  juin  1705.  —  Jean  Ferrou,  clerc  tonsuré,  remplace,  aux 
mômes  conditions,  le  sieur  Moignie,  démissionnaire.  (Ibidem.) 

!9  septembre  1770.  —  Le  sieur  Reygasse,  régent  latiniste 
de  Villeréal  depuis  4  ans,  est  cassé  aux  gages.  Motifs  :  1.  il 
n'enseigne  pas  bien  ;  des  enfants  sont  restés  2  et  3  ans  dans 
son  école  sans  devenir  capables  de  faire  ailleurs  une  classe  de 
cinquième.  ...,  il  laisse  vagabonder  les  enfants  dans  les  rues 
sans  jamais  conduire,  durant  la  semaine,  les  enfants  à  l'église, 
sans  jamais  les  surveiller  pendant  les  offices  des  dimanches  et 
fêtes.  —  3.  Les  parents  ont  été  obligés  d'envoyer  ailleurs  leurs 
enfants,  ce  qui  est  très  onéreux.  —  4.  Quoique  le  régent  ait 
femme  et  enfants  jamais  ceux-ci  ne  sont  fixés  à  Villeréal,  ce 
qui  fait  que  le  régent  n'a  pu  recevoir  de  pensionnaires,  ce  qui 
est  très  préjudiciable  aux  intérêts  des  habitants  de  la  juridic- 
tion. 

Reygasse  se  déclara  appelant  :  la  jurade  fut  divisée  ;  fina- 
lement Reygasse  se  maintint.  (Ibid,  BB.  4.) 

2  avril  1775.  —  Reygasse  donne  sa  démission. 

Le  sieur  Lebrun,  ayant  un  certificat  de  bonne  vie  et  mœui-s 
et  une  attestation  de  capacité  donnée  par  le  curé  de  Villeréal, 
est  reçu  régent  ;  il  devra  se  faire  approuver  par  l'évêque 
d'Agen.  Il  élèvera  les  enfants  dans  la  religion  chrétienne. 


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—  115  — 

Rétribution  :  lecture  10  sols,  écriture  15  sols»  arithmétique 
20  sols,  latin  30  sols. 

La  communauté  pourra  destituer  le  régent,  sans  formuler 
le  motif  de  cette  destitution. 

9  décembre  1775.  —  Comme  le  traitement  du  régent  lati- 
niste est  trop  modique  ;  comme  il  importe  de  conserver  la 
régence  latine,  car  il  n'est  pas  possible  aux  habitants  d'en- 
voyer leurs  enfants  au  collège,  et  que  les  parents  ont  un  grand 
avantage  de  pouvoir  envoyer  leurs  entfants  à  Técole  jusqu'à 
Tage  de  dix  ans,  on  décide  de  porter  les  gages  du  régent  de 
150  à  250  livres, 

20  novembre  1776.  —  Celte  augmentation  de  100  livres  est 
autorisée  sur  l'impôt  par  l'intendant  Dupré  de  S.  Marc. 

11  juin  1780.  —  Le  régent  latin  n'est  pas  calligraphe  ;  il  est 
d'ailleurs  surchargé  d'une  foule  d'enfants  qui  apprennent  le 
latin  ;  il  serait  donc  utile  d'avoir  un  deuxième  régent  qui  s'oc- 
cuperait exclusivement  du  français.  On  priera  l'intendant 
(l'auforiser  l'établissement  d'un  régent  français  dont  le  traite- 
ment pris  sur  la  taille  sera  de  200  livres.  (Ibidem.) 

26  octobre  1783.  —  Jean-Pierre  Mural,  maître  es  arts,  ori- 
ginaire et  habitant  de  la  paroisse  S.  Sulpicé,  sénéchaussée  de 
Figeac,  pourvu  de  bons  certificats,  est  reconnu  capable,  par 
le  curé  de  Villeréal,  est  reçu  régent  aux  gages  fixées. 

Rétribution  :  lecture  10  sols,  écriture  15  sols,  arithmétique 
20  sols,  latin  30  sols. 

17  juillet  1785.  —  A  la  demande  du  sieur  Pierre  Mural,  la 
rétribution  pour  le  latin  est  élevée  à  40  sols. 

13  décembre  1789.  —  La  municipalité  et  le  comité  perma- 
nent de  Villeréal  demandent  à  l'intendant  d'autoriser  une  im- 
position de  200  livres  pour  1790.  Cette  sonmie  prise  sur  la 
taille,  servira  au  traitement  du  régent  français. 

Motifs  de  cet  établissement  : 

1.  Il  y  a  un  régent  établi  depuis  un  an  à  Villeréal.  Il  est 
calligraphe  et  connaît  bien  les  règles  de  l'arithmétique.  Il  a 
consenti  à  rester  dans  l'espérance  d'un  traitement  de  200  li- 
vres. 

2.  Le  régent  latiniste  n'est  pas  calligraphe.  D'ailleurs  les 


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-  116  - 

l'égenls  latinistes  sont  ordinairement  impropres  pour  l'écri- 
ture, même  pour  Tarithmétique. 

3.  Tous  les  pères  ne  destinent  pas  leurs  enfants  pour  la 
latinité  et  les  habitants,  en  plus  grand  nombre,  ne  s'attachent 
qu'à  faire  apprendre  leurs  enfants  à  bien  écrire  et  chiffrer. 
(Ibidem.) 

1793.  —  Réclamation  faite  par  Pierre  Murât  de  183  liv. 
0  sols,  8  d.  d'arréragé  de  pension  que  lui  faisait  la  municipa- 
lité de  Villeréal  avant  la  Révolution.  Le  Directoire  fait  droit  à 
cette  demande.  Il  obtient  un  paiement  d'arriéré.  (Arch.  de 
L.-et-G.  L.  61,  p.  35.) 

1832.  —  A  Villeréal,  S^  Sauby,  Pierre,  entra  en  fonction  le 
5  mai  1822  par  autorisation  du  recteur  d'Académie.  Il  avait, 
en  1832,  28  élèves  payant,  9  non  payant  ;  40  non  payant  au- 
raient dû  fréquenter  l'école.  11  recevait  1(K)  fr.  de  la  commune, 
750  fr.  de  ses  élèves  ;  le  local  n'était  pas  communal.  M.  S' 
Sauby  fut  proposé,  19  avril  1837,  pour  une  récompense  en 
livres  reliés  de  la  valeur  de  25  francs.  Il  mourut  le  23  mai  1858. 
28  mai  1858.  —  Le  conseil  municipal  demande  que  Augustin 
Jouve,  directeur  de  l'école  S.  Joseph,  .soit  reconnu  pour  insti- 
tuteur public  et  reçoive  l'allocation  de  200  francs  portée  sur 
le  budget  de  1859. 

1832.  —  A  S.  Martin  :  Jean  Delerm. 

A  Montant  .  Léonard  Lajou  (1). 
A  Rives  :  Jean  Durand. 
A  Tourliac  :  Augustin  Lassudrie. 
A  Doudrac  :  Bernard  Couaix-Lagreze. 
A  S.  Eutrope  :  Antoine  Bernou. 
(Arch.  dép.  L.-et-(J.,    dossiers    de    l'instruction    publique.) 
[Communication  de  M.  J.  Dubois.] 

Villeréal  avait  un  instituteur  libre  nommé  (lermain  dit  Cas- 
tellou.  Saint-Sauby  et  Germain  étant  très  vieux,  dans  les  der- 


(1)  iyu>nard  Lajoii  hMinil  son  éc(»lc  à  Monlaul-lf-jeiine,  dniis  sa  maison, 
rue  du  reniparl.  Il  y  mourut  do  la  suctc  en  1842.  Son  successeur,  ne  trou- 
vant pas  de  local  à  Monlaul-lc-Jeunc,  s'établit  à  Monlaut-le-Vicu.x  où  se 
trouve  l'église  paroissiale. 


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—  117  — 

nières  années  de  son  rectorat,  M.  Reclu,  curé  de  Villeréal,  et 
son  vicaire,  M.  l'abbé  Ollié  (185G-1804),  appelèrent  les  Petits- 
Frères  de  Marie  de  Saint-(jenis-Laval,  institut  autorisé  le  26 
juin  8151.  Ces  dévoués  et  modestes  instituteurs,  au  nombre  de 
cinq,  ouvrirent,  sous  le  patronage  de  S.  Joseph,  une  école  et 
un  |>ensionnat.  Cet  établissement  eut  des  succès  remarquables 
jusques  au  jour  où  les  maîtres  furent  brutalement  mis  à  la 
porte  et  leur  maison  confisquée  au  nom  d'une  morale  nouvelle. 
Ine  école  privée  a  été  ouverte  pour  les  garçons  à  la  rentrée 
des  classes  de  l'année  1911,  sur  la  demande  des  parents. 
Villeréal  possède  une  école  officielle  de  garçons. 

lue  couvent  de  Villeréal  pour  rinslruction  et  l'éducation  des 
jeunes  filles  est  dû  à  la  piété  de  Jeanne  Cathot,  veuve  de 
Pierre  Sarrot,  en  son  vivant  jurât  de  cette  ville.  L'acte  de 
fondation  s'exprime  ainsi  :  «  ...Pour  remplir  l'intention  qu'elle 
a  toujours  eu  d  employer  les  biens,  qu'il  a  pieu  au  Seigneur 
de  luy  donner,  en  œuvres  pies,  se  trouvant  surtout  sans  en- 
fant de  son  mariage  avec  ledit  feu  Sarrot,  et  après  s'être  bien 
examinée  et  pris  conseil  de  personnes  sages,  elle  a  creu  ne 
pouvoir  le  faire  d'une  manière  plus  agréable  à  Dieu  qu'en 
employant  son  bien  à  l'établissement  des  Filles  de  la  Foy  dans 
la  présente  ville,  pour  la  satisfaction  du  public  et  pour  contri- 
buer autant  qu'elle  peut  à  l'éducation  des  filles  qui  ne  man- 
queront pas  d'ailleurs  de  se  former  sur  le  bon  exemple  des 
filles  de  la  Foy. 

«  A  cette  cause,  Jeanne  ('alhot  a  fait  don  et  donation  pure 
et  simple  entre  vifs  et  à  jamais  irrévocable  de  tous  ses  biens 

meubles  et  immeubles à  demoiselle  Louise  de  la  Gorce, 

supérieure  des  Filles  de  la  Foy  de  la  ville  de  Beaumont  en 
Périgord,  stipulante  et  acceptante  pour  les  dites  Filles  de  la 
Foy,  pour  tous  les  susdits  bien  être  employés  à  la  fondation 
el  establissement  des  dites  Filles  de  la  Foy  en  la  présente 
ville,  laquelle  se  fera  du  premier  jour  et  non  autrement,  h 
condition  que  lad.  Cathot  sera  nourrie  et  entretenue  tant  en 
santé  qu'en  maladie  dans  leur  maison  et  communauté  ;  elle 
se  réserve  par  exprès  la  somme  de  30  livres  qu'elle  donne  à 


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-  118  ^ 

la  chapele  de  S.  Eloy  dans  1  église  de  la  présente  ville  pour 
eslre  employée  à  la  réparation  d'icelle,  el  la  somme  de  10  li- 
vres qu'elle  se  réserve  pour  en  disposer  en  faveur  de  quy  bon 
luy  semblera.... 

«  En  cas  où  lad.  demoiselle  de  la  Gorcc  négligerait  à  faire 
le  susd.  establissement,  ou  qu'elle  viendroil  à  décéder  sans  le 
faire,  lad.  Cathot  prie  M**  Antlioine  Boysserie,  prêtre,  docteur 
en  théologie  et  curé  de  la  présente  ville,  icy  présent,  d'en  faire 
restablisscmcnt  comme  dit  est,  luy  donnant  le  même  pou- 
voir... laquelle  donation  peut  estre  évaluée  de  la  valeur  de 
2.000  livres....  Fait  à  Villeréal  le  1  février  1713,  es  présence 
de  Monsieur  M"  Bernard  de  Couche,  conseiller  du  Roy  et  son 
juge  en  la  présente  ville....  Délies,  notaire  royal.  » 

Cet  établissement  fut  approuvé  par  François  Hébert,  évêque 
d'Agen,  le  11  décembre  de  la  même  année,  à  la  réquisition  du 
curé,  des  consuls  et  des  principaux  habitants.  Les  religieuses 
ouvrirent  deux  écoles  de  jeunes  filles  heureuses  de  trouver 
une  bonne  éducation  avec  renseignement  de  la  vraie  foi.  Pour 
se  conformer  aux  vœux  de  l'évêque,  de  tous  les  habitants  de 
Villeréal  et  de  tout  le  canton,  la  supérieure,  Louise  de  la 
Gorce,  sollicita,  en  1743,  des  lettres  patentes  de  confinuation 
royale  pour  s(m  établissement.  Le  17  juin  une  pétition  du 
maire  et  des  consuls  appuya  la  demande  et  le  subdélégué 
donna  un  avis  très  favorable.  (Arch.  de  la  Gironde,  C.  2499). 

Les  lettres  patentes,  datées  de  janvier  1747,  enregistrées 
au  parlement  de  Bordeaux  le  15  mai,  à  l'hôtel  de  ville  de  Vil- 
leréal le  15  août,  sur  la  demande  de  sœur  Lachaise,  supé- 
rieure, font  connaître  la  nature  de  cet  établissement.  «  Vu  le 
décret  de  l'évêcjue,  consentement  et  réquisition  du  curé,  des 
consuls  et  habitants  qui  lui  ont  même  abandonné  une  petite 
rue  reconnue  inutile  qui  sert  actuellement  d'entrée  à  leur  cha- 
pelle, leurs  offres  de  recevoir  gratuitement  et  successivement, 
à  l'advenir,  dans  leur  communauté  une  jeune  fille  de  famille 
de  lad.  ville  sa  vie  durant,  à  la  nomination  des  maire  et 
consuls  sous  Tauthorité  de  l'intendant  de  la  province,  confir- 
mons cet  établissement  pour  par  celles  qui  le  composent  ou 
le  composeront  à  l'advenir  vivre  en  communauté  sous  la  con- 


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—  119  — 

duile  de  l'évesque  d'Agen,  à  condition  que  cette  maison  ne 
pourra  eslre  changée  en  maison  de  profession,  mais  demeu- 
rera à  Tétat  séculier  sous  la  conduite  de  l'évesque  et  que  les 
Filles  de  la  P'oy  recevront  gratuitement  une  fille  à  la  nomina- 
tion des  maire  et  consuls  qui  présenteront  trois  filles  pour  en 
estre  choisi  une  pour  estre  associée,  sa  vie  durant,  à  lad.  com- 
munanuté  et  ainsi  à  peqjétuité  ;  permettons  d'accepter  dons 
et  legs  faits  par  donation  entre  vifs,  testament  ou  autrement 
et  cTacquérir  maisons/ biens  et  héritages  et  autres  l)iens  jus- 
qu'à trois  mille  livrt^  de  revenu,  compris  dans  lesdites  trois 
mille  livres  les  revenus  dont  lad.  maison  jx)uit  actuellement, 
à  l'effet  de  quoy  sera  dressé  un  inventaire  des  biens  et  revenus 
actuels  qui  sera  enregistré  au  greffe  de  la  justice  du  hôtel  de 
ville,  sans  que  les  Filles  de  la  Foy  soient  tenues  de  nous  payer 
à  nous  ni  à  nos  successeurs  aucune  finance  et  autres  droiis 
quelconques.  »  (Mairie  de  Villeréal,  BB.  3.) 

jer  février  1774.  —  Inventaire  présenté  par  sœur  Jeanne 
de  Laugnac  de  Belcastel,  supérieure  :  P  Dans  la  paroisse  de 
Rives,  17  sexterées  fonds  en  terre,  vigne,  pré,  terres  laboura- 
bles, friche  et  terre  inculte,  revenu  net  130  livres  ;  2**  Dans  la 
paroisse  de enclos  et  jardin,  revenu  net  120  livres. 

19  mai  1777.  —  ('raignant  la  disparition  de  ce  couvent,  la 
jura  de  estimant  que  .ses  revenus  montent  à  1,200  livres,  .priera 
l'évoque  d'accorder  sa  protection  et  de  lui  donner  une  forme 
stable  et  solide  ;  la  protection  de  l'Intendant  sera  aussi  de- 
mandée- (Ibidem,  B.  B.  4.) 

0  janvier  1783.  —  La  so^ur  de  Laugnac  de  Belcastel  se  re- 
commande aux  bonnes  grâces  des  Cardinaux  c|^  la  Rochefou- 
cauld et  de  Luynes  pour  l'achèvement  de  son  couvent,  ce  qui 
permettra  d'augmenter  le  nombre  des  religieuses  et  des  pen- 
sionnaires. (Ibidem.) 

7  juillet  1786.  —  La  jurade  expose  que  la  maison  s'étant 
écroulée  fut  en  partie  reconstruite  par  les  dons  de  l'abbé  de 
Péchagut,  oncle  de  la  Supériein-e  ;  lui  mort,  la  reconstruc- 
tion reste  inachevée.  De  neuf  professes  quatre  sont  mortes  ; 
une  des  deux  sueurs  convei*ses  est  morte  ;  il  y  a  deux  novices 
et  un  sujet  pour  être  sœur  convei'se.    11  y    a    ordinairement 


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—  120  — 

quinze  pensionnaires  ;  leur  nombre  augmenterait  si  la  mai- 
son était  entièrement  construite  ;  tous  les  locaux  sont  occu- 
pés. Il  y  a  deux  écoles  publiques  ;  les  aumônes  dotales  sont 
faibles,  la  pension  très  faible  ;  l'établissement  est  l'asile  des 
filles  pauvres  et  aussi  des  nouvelles  converties,  étant  dans  le 
voisinage  grand  nombre  de  familles  de  la  religion  prétendue 
réformée.  (Ibidem.) 

La  tourmente  révolutionnaire  détruisit  la  fondation  de 
Jeanne  Cathot  si  laborieusement  augmentée  par  les  filles  de 
la  Fojr  au  profit  du  bien  public. 

9  mai  1807.  — '  Leur  maison  conventuelle  avec  ses  dépen- 
dances, estimée  dans  le  procès- verbal  de  1790  à  la  somme  de 
trois  cents  francs  de  revenu,  qui,  multipliée  par  12,  portait  le 
prix  à  4,600  francs,  est  définitivement  adjugée  à  Fiancette 
pour  la  somme  de  8,600  francs.  (Archives  départementales  de 
Lot-et-Garonne,  fonds  Ville réal.)  * 

Les  Filles  de  la  Foy,  dispersées  par  la  Révolution,  furent 
quelques  années  après  remplacées  à  Villeréal  par  les  Filles 
de  la  Croix. 

L'institut  des  Filles  de  la  Croix,  fondé  par  Madame  de  Vil- 
leneuve, née  Marie  Luillier,  reçut,  en  1643,  de  Madame 
de  Combalet,  nièce  du  Cardinal  de  Richelieu,  duchesse  d'Ai- 
guillon, un  don  de  30,841  livres  à  condition  qu'il  enverrait  des 
sujets  dans  ses  terres.  D'après  un  mémoire  de  Mgr  Abelly, 
dans  le  courant  de  la  même  année,  cette  bienfaitrice  accorda 
à  ces  religieuses  la  somme  de  3,000  livres  de  revenu  à  pren- 
dre sur  les  coghes  de  Rouen,  à  la  charge  que  les  dites  Filles 
enverroint  quatre  de  leurs  sœurs  à  Aiguillon  pour  y  faire  les 
fonctions  de  leur  institut.  (Alis,  Histoire  d'Aiguillon,  p.  379.) 

Arrivées  à  Aiguillon  en  1655,  les  Filles  de  la  Croix  en  fu- 
rent chassées  par  la  Révolution. 

Vei's  l'an  1815,  quatre  d'entre  elles,  sœur  Rosalie  Adam, 
Pétrcnille  Denoyé  dite  saMir  Saint-Sauveur,  sœur  Bitaubé  et 
sœur  Sainte-Foi  I^ydet,  ayant  racheté  une  partie  de  leur  cou- 
vent, se  réunirent  pour  vivre,  comme  par  le  passé,  en  religieu- 
ses vouées  au  salut  des  âmes  par  l'instruction  religieuse.  Le 


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4  mars  181G,  \e  manjuis  de  Guer,  préfet  de  Lot-et-Garonne, 
fait  écrire  dans  Iqs  registres  de  la  Préfecture  l'autorisation 
des  sœurs  de  la  Croix  comme  religieuses  enseignantes. 

Le  9  février  1818,  les  sœurs  étant  capilulairement  assem- 
blées, la  soiur  Rosalie  Adam,  supérieure,  leur  a  déclaré  que 
les  sœurs  Anne  Chanteloube,  Hélène  Pouget  et  Antoinette 
Rissens,  natives  de  Villeréal  et  nouvelles  professes,  étaient 
venues  dans  la  communauté  dans  le  dessein  d'établir  une  mai- 
son du  même  institut  à  Villeréal,  qui  autrefois  avait  un  cou- 
vent des  Filles  de  la  Foy,  pour  y  travailler  à  l'instruction  des 
jeunes  personnes  pauvres  de  celte  contrée  ;  que  la  sœur  Anne 
Chanteloube  était  propriétaire  d'une  partie  de  l'ancien  cou- 
vent qui  leur  suffisait  pour  y  habiter  ;  que  la  sœur  Hélène 
Pouget  destinait  la  rente  de  trois  mille  francs  pour  contribuer 
à  leur  nourriture  et  que  elles  ont  l'espoir  que  différentes  per- 
sonnes de  la  ville  les  aideront  aussi  pour  former  cet  établis- 
sement ;  elle  a  ajouté  que  M.  le  Curé  et  M.  le  Maire  de  Ville- 
réal, d'après  la  lettre  qu'ils  lui  avaient  écrite  en  date  du  17 
décembre  1817,  avaient  témoigné  le  désir  de  la  contrée  de  les 
voir  s'établir  dans  leur  ville  pour  y  fonder  une  communauté 
de  notre  institut  et  que  Mgr  l'Evèque  d'Agen  avait  paru  ap- 
prouver leur  projet  en  les  engageant  à  venir  se  former  dans 
notre  maison  pour  apprendre  les  Règles.  Cette  proposition  a 
été  mise  en  délibération  et  a  été  agréée  par  toute  l'assemblée  ; 
et  il  a  été  trouvé  par  la  pluralité  des  voix  que  ledit  établisse- 
ment a  été  accepté,  d'après  les  promesses  et  les  engagements 
que  les  dites  professes  ont  contracté  par  leurs  vœux  d'obser- 
ver nos  constitutions  et  nos  règlements  dont  elles  doivent  em- 
porter une  copie  approuvée  par  la  Supérieure  et  M.  le  Supé- 
rieur. 

Signé 

Le  10  février  1818,  la  Supérieure,  Rosalie  Adam,  ayant 
assemblé  les  sœurs  conseillères  pour  procéder  au  choix  des 
sœurs  qu'elles,  jugeraient  à  propos  pour  être  envoyées  à  la 
fondation  de  Villeréal,  d'après  la  délibération  qui  a  été  prise 
la  veille  d'accepter  cet  établissement,  et  aux  charges  que  les 
dites  sœurs  envoyées  doivent  exercer,  elles  ont  choisi  sœur 


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—  122  — 

Anne  Chanteloube  dite  sœur  Sainte-Croix,  la  sœur  Hélène 
Pouget  dite  sœur  Hélène,  et  la  sœur  Antoinette  Rissen  dite 
sœur  Saint-Joseph,  natives  de  Villeréal,  pour  être  envoyées 
en  la  dite  fondation  ;  du  nombre  desquelles,  le  même  jour, 
après  avoir  recueilli  les  voix  au  scrutin  secret  (d'après  nos 
constitutions),  la  sœur  Anne  Chanteloube  dite  sœur  Sainte- 
Croix,  a  été  élue  supérieure  et  ensuite  la  sœur  Hélène  Pouget 
a  été  élue  assistante  et  économe.  M.  le  Supérieur  était  présent 
aux  dites  élections  qu'il  a  approuvées. 

Le  17  du  même  mois  de  février  les  trois  sœurs  destinées 
à  l'établissement  de  Villeréal  sont  parties  accompagnées  par 
la  sœur  Pétronille  Denoyé  assistante.  (Procès- verbaux  iné- 
dits.) 

Cet  établissement,  pensionnat  et  école  gratuite  pour  les 
filles,  fut  autorisé  le  22  avril  1827. 

Madame  Chanteloube,  supérieure  des  Dames  do  la  Croix, 
institutrice  à  Villeréal,  est  autorisée  par  le  Préfet  le 
12  mars  1832. 

Le  17  octobre  1838,  elle  reçoit  les  œuvres  complètes  de  Mas- 
sillon  en  2  volumes  reliés.  (Archives  du  département  de  Lot- 
et-Garonne.) 

Pendant  plus  de  quatre-vingts  ans,  les  Filles  de  la  Croix  ont 
donné  dans  Villeréal,  avec  l'instruction  primaire,  l'enseigne- 
ment religieux,  base  de  la  morale,  à  la  grande  satisfaction  des 
habitants.  Leur  communauté  fut  si  florissante  qu  elle  put  fon- 
der un  établissement  à  Monsempron,  autorisé  le  18  juin  1870, 
et  un  autre  à  Casseneuil,  autorisé  le  26  avril  1858. 

L'établissement  de  Villeréal  avait  peu  de  biens,  comme  le 
prouve  l'état  actif  et  passif  du  12  juin  1898  : 

Avom  (acquis  par  donation,  achat,  échange). 

Dans  la  paroisse  de  Villeréal,  3  hectares  1572  ;  capital, 
44,000  francs  ;  revenu,  892  francs  ; 

Dans  la  paroisse  de  Saint-Etienne,  11  hectares  1965  ;  capi- 
tal, 14,000  francs  ;  revenu,  040  francs  ; 

Dans  la  paroisse  de  Rives,  capital,  3,200  francs;  revenu, 
280  francs. 


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Charges  et  frais  dexécution  :  Nourriture  de  16  sœurs  de 
choeur  et  de  8  sœurs  converses  ;  éducation  gratuite  des  en- 
fants pauvres.  (Archives  départementales  de  Lot-et-Garonne, 
fonds  de  Villeréal.} 

La  Révolution,  de  nouveau  triomphante,  a  chassé,  en  1905, 
ces  admirables  Filles  de  leur  demeure  qu'elle  a  confisquée 
avec  tous  leurs  autres  biens,  en  haine  de  la  religion  et  des 
vertus  qu'elle  enseigne.  Les  habitants,  connaissant  l'importan- 
ce de  l'enseignement  religieux,  se  sont  hâtés  de  créer  une  école 
privée  pour  leurs  filles. 

(à  suivre.)  J.  Benaben. 


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DISSERTATION 

SUR 

DIVERS  MONUMENTS,  COUTUMES,  DÉNOMINATIONS  ET  USAGES  ANCIENS 
DE  L'ANCIENNE  CITÉ  DES  SOTIATES 

Par  le  vicomte  de  MÉTIVIER,  annotée  par  J.  MOMMÉJA 


Je  ne  chercherai  point  à  établir  que  la  ville  de  Sos,  située  dans 
le  canton  de  Mézin,  département  de  Lot-et-Garonne,  est  le  lieu  où 
existait  l'ancienne  cité  des  Sotiates,  parce  que  c'est  une  vérité  suffi- 
samiÀent  démontrée  (1).  Ces  peuples  belliqueux,  après  avoir  battu 
et  tué  le  lieutenant-général  Valerius  Preconiiis,  et  chassé. le  pro- 
consul Lucius  Manilius,  résistèrent  avec  gloire  au  jeune  Crassus 
et  surent  obtenir,  malgré  leur  défaite  el  Tinfraction  de  la  trêve  pen- 
dant laquelle  on  réglait  les  clauses  dé  la  reddition  de  leur  cité,  une 
honorable  capitulation.  Ils  furent  défaits,  mais  non  vaincus.  Cé- 
sar, dans  ses  Commentaires,  titre  trois,  de  la  guerre  des  Gaules, 
semble  prouver  suffisamment  la  véritable  position  de  la  Cité  des 
Sotiates,  et  s'il  existait  du  doute,  il  aurait  été  grandement  éclairci 
par  MM.  Danville,  de  Valois  et  de  Pécis  (2),  et  par  M.  de  Ville- 
neuve, dans  sa  Notice  sur  Sos  (3). 


(1)  Voy.  Comm.  de  César,  Danville,  Valois,  Pécis. 

(2)  Guerre  de  Jules  César  dans  les  Gaules,  l.  ir,  p.  125  cl  suivantes. 

(3)  Le  vicomte  de  Métivier  avait  raison  de  parler  avec  celte  belle  assu- 
rance :  après  les  derniers  travaux  qui  venaient  d'èlre  publiés  par  Villeneuvc- 
nargernont  et  Chaudruc  de  Crazanncs,  apportant  des  conslalalions  faites  sur 
place  à  l'appui  d'une  opinion  déjà  vieille  de  trois  siècles  paimi  les  érudits, 
et  qui  s'appuyait  sur  une  tradition  imn:éniorialc  à  la  fin  du  xv*  siècle,  la 
cause  était  deuniliveroenl  entendue.  Les  diver^jes  thèses  plus  ou  moins  bizar- 
res qui  ont  voulu  placer  l'oppidum  des  Sotiates  ailleurs  qu'à  Sos,  n'ont  guère 
eu  d'accueil  que  parmi  les  membres  de  quelques  sociétés  archéologiques 
de  province  ;  elles  n'ont  pas  été  acceptées  par  les  hislorfens  et  même,  dans  les 
éditions  des  Commentaires  de  César  à  l'usage  des  écoliers,  l'oppidum  des  So- 
tiates est  invariablement  idenlitié  avi?c  la  ville  de  Sos  en  Albrel. 

Un  inf-tant,  quelques  rares  érudils  uniquement  provinciaux  ont  pu  s'obstiner 
à  placer  à  Lectoure  l'oppidum  des  Soliales,  par  dévouement  chevaleresque  à 
l'opinion  de  l'un  de  leurs  amis  et  peut-être  aussi  par  l'effet  d'un  certain  pâ- 
li iotisme  de  clocher  contre  lequel  les  vérités  même  mathématiques  ne  peu- 
vent rien,  mais  cela  n'a  eu  aucune  espèce  d'importance  ;  même  un  défenseur 
né  de  cette  opinion,  parce  que  Lectourois,  J.-F.  Bladé,  réserva  prudemment 
son  opinion  jusqu'à  plus  ample  informé,  c'est-à-dire  jusqu'à  la  publication  du 


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-  125  - 

Cependant  des  circonstances  ont  été  omises  par  ce  dernier.  Peu 
importantes  en  apparence,  elles  paraîtront  avoir  quelque  prix  aux 
yeux  des  archéologues. 

La  page  suivante  est  loul  (Milii'^re  employée  à  critiquer  la  traduc- 
tion des  Commcntaire:>  par  de  Wailly  «  (jui,  défigurant  les  noms 
do  Sotiates,  Sotialium,  Sntiatum,  les'  traduit  tantôt  par  Lecloure, 
par  Gascons,  par  Gascogne  ».  M.  de  Mélivior  aimait  à  discuter  lon- 
iruemenl  et  il  le  prouve  bien  dans  celte  longue  diatribe  dont  rien 
n'est  à  retenir.  Ayant  lait  justice  de  l'infidèle  traducteur,  le  châte- 
lain de  Saint-Pau  s'attaque  sans  autre  transition  à  la  notice  de  Vil- 
leneuve-Bargemont. 


mémoire  de  l'abbé  Breuils  sur  la  question.  Or  ce  mémoire  démontra  non  seu- 
lement que  Sos  répondait  pleinement  à  loule.^  les  exigences  géographiques, 
topographiques  et  historiques  du  célèbre  texte  des  Commentaires,  mais  même 
que  Lectoure  ne  répondait  à  aucune  de  ces  exigences. 

Et  Camoreyt  lui-même,  le  protagoniste  intolérant  et  obstiné  de  Lectoure, 
paraît  avoir  vaguement  compris  l'infirmité  de  sa  Ihèse,  car  il  borna  son  ar- 
gumentation à  des  discussions  de  textes,  et  n'eut  garde  de  toucher  aux  élu- 
des topographiques  et,  surtout,  archéologiques,  qui  seules  pouvaient  démon- 
trer, non  certes  pas  que  Lectoure  a  été  l'oppidum  des  Sotiates,  mais  a  été 
un  oppidum  quelconque  au  temps  do  la  conquête  des  Gaules.  La  recherche 
était  intéressante  et  digne  de  tenter  quiconque  est  réellement  archéologue, 
mais  Camoreyt  n'était  même  pas  de  ceux,  si  nombreux,  hélas  î  qui  font  de 
«  l'archéologie  littéraire  et  non  pas  Tarchéologic  scientifique  »,  selon  la  sé- 
vère expression  de  M.  Lefèvre  Pontalis  ;  professeur  de  dessin  et  conserva- 
teur du  musée  de  Lectoure,  il  ne  paraît  jamais  avorr  songé  qu'à  des  pointil- 
lages  épigraphiques  et  à  dos  travaux  de  cabinet.  L'existence  de  moyens  dé- 
fcnsifs  attribuables  à  des  temps  antérieurs  à  la  conquête  romaine  n'est  pas 
même  effleurée  dans  son  mémoire  ;  à  peine  s'il  fait  mention  en  deux  lignes  ou 
trois,  de  ce  qui  pouvait  le  plus  favoriser  sa  thèse  :  le  fossé  qui  coupe  en  tra- 
vers l'isthme  de  Lectoure  ;  fossé  insignifiant  d'ailleurs,  large  de  moins  de 
cinq  mètres,  à  peine  profond  de  deux.  Le  seul  fait  intéressant  que  daigne  ré- 
véler Camoreyt  sur  ce  point  capital,  c'est  que  ce  fossé  est  creusé  dans  le 
roc...  Et  on  s'explique  .son  laconisme.  Un  tel  fossé,  en  effet,  n'eut  pas  coûté 
de  grands  efforts  aux  ingénieurs  de  Crassus  :  de  simples  abatis  d'arbres  avec 
quelques  fascines  l'eussent  vite  comblé,  et  point  n'eut  été  besoin  pour  le 
franchir  des  travaux  d'approche  auxquels  durent  se  livrer  les  assiégeants,  et 
que  contrarièrent  les  assiégés  par  des  sapes  souterraines.  Mais  de  tels  Irn- 
vijux  de  mineur  étaient  impossibles  à  pratiquer  dans  le  rocher,  aussi  faut-il 
excuser  Camoreyt  d'avoir  systématiquement  lais.sé  en  oubli  tout  le  cùté  ar- 
chéologique du  sujet,  et  surtout  les  travaux  de  mineurs  qui  caractérisent  le 
siège  de  l'oppidum  des  Sotiates. 

Mieux  avisé,  M.  de  Métivier  a  pris  la  méthode  contraire,  que  bien  que  mal, 
il  a  noté  des  faits,  devançant  ainsi  de  beaucoup  la  méthode  moderne  (jui  n'ad- 
met de  critique  sérieuse  des  textes  que  celle  qui  se  base  sur  l'observation 
exacte  des  faits.  Le  rôle  des  archéologues  est  de  rechercher  toutes  les  pla- 
ces fortes,  tous  les  oppida,  tous  les  refuges  antérieurs  à  la  romanisation  des 
Gaules;  les  historiens  sauront  bien  reconnaître  dans  le  nombre  ceux  dont  les 
Commentaires  de  Céaar  ont  parlé.  J.  M. 


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QoO^Qi 


-  126  - 

La  position  de  Sos,  comme  lieu  qu'occupaient  jadis  les  Soliates, 
est  donc  suffisamment  démontrée  ;  mais  nous  devons  plus  d'exten- 
sion à  ce  que  dit  à  ce  sujet  M.  de  Villeneuve,  dans  sa  Notice,  page  5: 
«  Le  souvenir  de  Texistence  des  Sotiates  ne  dut  guère  survivre  à 
leur  conquête  ;  rien  ne  s'éteint  plus  vite  que  la  réputation  d'un  peu- 
ple subjugué  (1).  » 


(1)  L'étal  de  la  controverse  sur  l'oppidum  des  Soliates  a  élé  parfailcmenl 
exposé  ])ar  Du  Mègc  dans  la  Slalislique  Générale  des  départemenls  pyré- 
néens (Toulouse  1829,  l.  ii,  p.  16  el  17),  cl  nous  hésitons  d'autant  moins  à  le 
reproduire,  que  c'était  l'opinion  du  marquis  de  Métivier  —  ami  personnel  de 
Du  Mègc  —  el  des  crudits  de  son  temps.  «  Dans  plusieurs  éditions  des  Com- 
mentaires on  lit  le  nom  des  Soliates  écrit  Sontiales  ;  mais  Fulvius  Ursinus  a 
remarqué  {Not.  in  Comment.  111)  que  la  leçon  des  manuscrits  était  toujours 
Sotiates  y  Pline  nomme  ce  peuple  Soltiales  ;  Nicolas  de  Damas,  cité  par  Athé- 
née, a  parlé  des  Sotiani  de  l'Aquitaine,  qui,  sans  doute,  ne  sont  pas  différents 
des  Sotiates  :  on  connaîl  une  de  leurs  médailles  citée  par  Pellerin  {Médailles 
des  peuples  el  des  villes^lX,  Suppl.  21)  et  sur  laquelle  on  lit  Sotioga.  11  pa- 
raît assuré  que  le  Scittium  de  YUinéraire  n'est  pas  différent  de  Sotium,  ac- 
tuellement SoSy  petite  ville  qui,  dans  les  écrits  du  moyen-âge,  est  nommée 
Sotia  ou  Solium,  et  qui,  selon  Oïhenart  el  de  Valois,  est  bien  la  patrie  des 
Sotiates. 

«  On  a  beaucoup  écrit  sur  la  vraie  position  occupée  par  les  Sotiates  de 
l'Anlifiuité.  Marca  assure  que  ce  peuple  habitait  l'ancien  diocèse  d'Aire.  San- 
son  croit  retrouver  l'ancienne  ville  des  Sotiates  à  Lectoure,  ignorant  appa- 
remment que  les  Lactorales  formaient  un  peuple  particulier,  et  qui  aurait  été 
nommé  par  César,  si  ce  peuple  eût  été  celui  qui  résista  avec  tant  de  courage 
à  Crassus.  L'nbbé  de  Longuerue  {Description  de  la  France),  dit  qu'il  est  im- 
pos.sible  d'avoir  une  opinion  sur  ce  point  historique  ;  quelques-uns.  comme 
M.  Lancelol  (Académ.  des  In.scripl.  V.  290)  ont  pensé  que  les  Sotiates  possé- 
daient celte  partie  du  déparlement  de  l'Ariège  où  l'on  trouve  encore  le  bourg 
de  Vic-de-Sos.  D'Anville  a  objecté  que  l'on  a  peine  à  concilier  une  pareille 
position  avec  ce  qu'on  lit  dans  César  ;  savoir  que  «  Crassus,  ayant  .son  quar- 
tier d'hiver  dans  l'Anjou,  in  Andihus  proximus  Oceanum,  reçoit  orc\re  de  son 
général  de  se  rendre  en  Aquitaine,  pour  que  les  cités  gauloises  confédérées 
avec  celles  de  Vannes  ne  fussent  point  secourues  par  cette  partie  de  la 
Gaule.  Les  renforts  que  Crassus  tira  de  la  province  romaine  pour  grossir 
le  corps  qu'il  commandait,  ont  dû  le  joindre  dans  la  route  :  Aiuiliis,  equitiSy 
ciris  [ortibus,  Tolosa,  Carcassone,  Sarbone^  ccocatis  ;  ce  sont  les  termes  de 
César,  ajoute  d'Anville  ;  et  celui  d'evocare  ne  veut  pas  dire  aller  chercher, 
mais  appeler  à  soi  ;  le  Poitou,  la  Saintonge,  ayant  dans  ces  circonstances 
pris  le  parli  de  la  tranquillité  el  de  la  soumission,  Pictonibus  et  Santonibus 
pacatis  regionibus,  dit  César,  c'était  la  route  que  tenait  Crassus,  sans  obsta- 
cles el  sans  retardement,  pour  se  rendre  en  Aquitaine  ;  el  on  ne  voit  point 
ce  qui  eût  pu  l'obliger,  pour  y  arriver,  de  laisser  ce  même  pays  derrière  lui, 
en  prolongeant  sa  marche  jusqu'au  pied  des  Pyrénées.  Il  est  bien  plus  vrai- 
semblable que  Crassus  ayant  dû,  en  sorlant  de  la  Saintonge,  entamer  l'Aqui- 
taine par  le  côté  s<>ptcntrional,  les  Sotiates,  qui  se  sont  présentés  les  pre- 
miers, soient  réputés  convenir  à  la  position  de  Sos,  qui  n'est  qu'à  7  ou  8 
lieues  au  midi  de  la  Garonne. 

«  M.  le  comte  de  \  illeneuve-Bargemont  a,  de  nouveau,  traité  celle  ques- 


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-  127  - 

Nous  dei'oi»  faire  remarquer  qu'il  existe  dans  la  commune  de 
Barp,  canton  de  Belin^  département  de  la  Gironde,  un  lieu  appelé 
aussi  le  Quartier  des  Sol'utles.  Voici  ce  (juc  dit  Tabbé  Baurein  (1)  : 
«  H  existe  un  lieu  très  connu  des  pasteurs  qui  y  conduisent  leurs 
«  troupeaux.  Ce  lieu  esl  appelé  les  Soliales  ;  il  parait  avoir  été  an- 
«  ciennement  habité.  Aurait-il  pris  sa  fiénominalion  de  quelque  dé- 
<i  tachement  de  cet  ancien  [)ouplo  du  mémo  nom,  qui  s'y  serait  fixé 
«  après  sa  défaite  par  Crassus,  un  des  lieutenans  de  l'armée  de 
«  Jules  César  ?  etc.  » 

Voici  les  conjectures  que  nous  avons  formées  en  lisant  ces  li- 
gnes : 

Lors  de  la  capitulation  de  la  capitale  des  Soliales,  Adcanluan, 
leur  roi  ou  chef,  méconnaissant  la  trêve  pendant  laquelle  on  trai- 
tait, «  fil  une  sortie,  par  un  autre  côté,  avec  six  cents  braves  nom- 
«  mes  Solduriers.  Ce  sont  des  hommes  qui  se  lient,  à  la  vie  et  à  la 
«  mort,  à  la  bonne  et  à  la  mauvaise  fortune  d'un  chef.  S'il  périt,  ils 
«  périssent  avec  lui  ou  se  donnent  la  mort  d'eux-mêmes.  Adcantuan 
«  ayant  donc  fait  une  sortie  avec  celte  escorte,  il  s'éleva  un  grand 
«  cri  de  ce  côté-là  de  la  part  des  Romains,  qui  gardaient  celle  par- 
«  lie  de«  retranchements  ;  chacun  courut  aux  armes  ;  le  combat  fut 
«  rude,  mais  enfin  Adcantuan  fut  rechassé  dans  la  ville  ;  ce  qui 
«  n'empêcha  pas  Crassus  de  lui  accorder  les  mêmes  conditions 
«  qu'auparavant.  »  (Commentaires  de  César,  liv.  3.)  Mais  la  capitu- 
lation une  fois  faite,  des  hommes  comme  Adcantuan  et  ses  Soldu- 
riers ne  pouvaient  supporter  patiemment  le  joug  de  leurs  vain- 
queurs ;  Crassus  marchant  sur  les  Vasates  ou  Vocales  (ceux  de  Ba- 


tion  avec  beaucoup  d'étendue,  el  a  démontré,  selon  nous,  qu'il  est  impos- 
sible de  donner  aux  Soliales  de  J'anliquilé  une  autre  position  que  celle  de 
So«,'qui  se  trouve,  d'ailleurs,  dans  une  position  extrêmement  forte,  étant 
bûlie  sur  une  hauteur  1res  escarpée  de  trois  côtés.  Au  centre,  sur  un  rocher 
aplani  par  la  main  des  hommes,  était  un  château  vaste  et  fortifié,  à  en  juger 
par  les  veslii^es  qu'on  peut  en  découvrir.  L'enceinle  était  très  considérable, 
surtout  du  côté  de  la  rampe  qui  descend  vers  la  Gélise  ;  et  on  y  a  remarqué 
jusqu'à  cinq  portes  de  ville  ;  dans  la  partie  septentrionale,  celle  que  les  lo- 
calités rendent  la  moins  inaccessible,  //  exisle  encore  des  murs  qui  onl  près 
de  deux  mètres  d'épaisseur.  • 

a  On  sait  que  les  noms  des  peuples  et  des  villes  sont  trop  souvent  écrits 
avec  peu  de  corrections  dans  les  monuments  romnins,  el  c'est,  sans  doute, 
à  celte  cause  qu'il  faut  attribuer  l'altération  du  mot  Solium  dans  Vltinéraire  ; 
«  un  O  mal  fermé  a  pu  donner  lieu  d'en  faire  \t*>  deux  lettres  CI,  et  d'écrire 
Scitiium  pour  Solium.  »  J.  M. 

(l)  Variétés  Bo^'delaises^  tome  v,  p.  .Vi8. 


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-  128  - 

zas),  et  les  Tarusates  (ceux  d'Aire  et  de  Tartas),  ne  demeura  pas 
longtemps  devant  la  cité  des  Sotiates  ;  une  confédération  spontané- 
ment formée,  lorsqu'on  apprit  la  reddition  de  celte  cité,  forte  par  la 
nature  cl  Tari,  lui  donnait  assez  d  occupations  pour  Tempôcher  de 
s'arrêter  et  d'attendre  d'être  attaqué  ;  il  marcha  contre  eux. 

Liés  d'intérêt  avec  ces  peuples,  les  Sotiates  les  plus  puissants 
d'entre  eux  ne  purent  voir  d'un  œil  indifférent  cette  confédération. 

Adcantuan  et  ses  Solduriers,  fidèles  à  leur  engagement,  durent, 
dans  Tespoir  que  la  victoire  leur  rendrait  la  suprématie,  se  réunir  k 
eux  et  préférer  même  la  mort  à  la  servitude.  La  chose  était  d'ailleurs 
facile  dans  un  pays  couvert  dont  ils  connaissaient  les  communica- 
tions mieux  que  les  Romains,  puisque,  même  en  la  présence  dé 
Crassus,  Adcantuan  avait  osé  sortir  de  la  ville  et  l'attaquer  pendant 
les  pourparlers  de  la  capitulation. 

Pour  opérer  celle  jonction,  Adcantuan  et  les  siens  durent  sortir 
de  leur  capitale  et  se  diriger  vers  les  Vocales,  dont  ils  étaient  les 
plus  voisins,  à  travers  les  landes  et  les  forêts,  parce  que  Crassus 
avait  dû  laisser  de  côté,  en  venant  vers  Sos,  ceux  de  Bordeaux  cl 
(le  Bazas  pour  se  joindre  vers  Aiguillon  (Fines),  avec  les 
secours  qui  lui  venaient  de  Toulouse,  Carcassonne  et  Narbonne. 
Celle  contrée  était  donc,  en  se  dirigeant  vers  la  mer,  la  plus  favora- 
ble à  la  sûreté  des  Sotiates,  soit  qu'ils  voulussent  se  joindre,  com- 
me cela  est  présumable,  aux  Vocales,  soit  qu'ils  voulussent  fuir  la 
servitude  dans  laquelle  ils  se  trouvaient  par  la  perle  de  leur  puis- 
sance. Et  ce  qui  vient  à  l'appui  de  mes  conjectures,  est  ce  que  dit 
Athénée  au  sujet  des  Sotiats,  qui  ne  sont  sans  doute  pas  différents 
des  Sotiates.  Voici  ce  que  dit  M.  de  Pécis(l)  :  Il  est  dans  les  règles 
«  de  rapporter  ici,  d'après  AUiénée,  que  la  coutume  entre  les  Sotia- 
«  tes  était  que  leur  roi  avait  ordinairement  six  cents  de  ses  sujets 
«  qui  mangeaient  à  sa  table,  étaient  vêtus  do  la  même  étoffe,  de 
«  même  couleur  que  lui,  et  qui  commandaient  avec  la  même  aulo- 
((  rite.  Inviolablement  attachés  à  sa  personne,-  ils  faisaient  vœu  de 
((  vivre  et  de  mourir  avec  lui,  quel  que  fut  le  genre  de  sa  mort.  Ils 
«  croyaient  leurs  jours  assez  pleins  dès  qu'ils  pouvaient  en  termi- 
ner le  cours  aussitôt  que  leur  prince  (2).  »  Ne  doit-on  pas  conclure, 


(1)  Commentaire  des  Commenlaires  de  César,  de  la  guerre  des  Gaules. 

(2)  En  Aquitaine,  Adialunnus,  chef  des  Sotiates,  avait  autour  de  lui  six 
rcMits  hommes  dévoués  qu'on  appelait  Soldurii  (César,  De  bello  gallico.  III, 
22.  Cf.  Mcul.Ms  (le  Damas  cho/.  Alliénée,  VI,  5i,  qui  les  appelait  silodourous  ou 
silodounous.)  Ces  hommes  partagent  la  bonne  comme  la  mauvaise  fortune  de 
ceux  auxquels  ils  se  sont  donnes,  el  si  le  chef  meurt,  ils  ne  lui  survivent  pas. 


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-  129  — 

d'après  celle  ciCalion,  que  voulant  rélablir  leur  puissance  en  péril, 
Adcanluan  el  les  siens  préférèrenl  affronter  de  nouveaux  périls  plu- 
tôt que  de  rester  dans  Tinaction,  sous  la  domination  romaine,  spec- 
tateur impassible  de  la  chute  de  la  puissapce  de  leurs  alliés,  eux, 
qui  n'avaient  pas  craint,  malgré  leur  trêve,  d'attaquer  les  vain- 
queurs. 

Il  est  probable  que  la  route  que  suivirent  Adcanluan  et  ses  Soldu- 
riers,  pour  aller  rejoindre  les  Vocales,  fut  celle  qui  se  dirigeait 
\ers  ces  peuples  par  OscineUim,  que  Ton  croit  être  Esquies,  suivant 
l)anvillc  et  Du  Mêge  (1),  et  la  station  de  Très  Arbores,  Ces  deux  sta- 
tions étaient  sur  la  voie  qui,  de  Bordeaux  ,  conduisait  à  Elusa,  el, 
suivant  l'Itinéraire  de  Bordeaux  à  Jérusalem,  Soiiuin,  Scittium,  se 
trouve  sur  la  voie  de  Bordeaux  à  Elusa,  dont  le  territoire  louche 
aux  limites  qu'on  peut  donner  aux  Sotiates  (2). 


Salliiste  fait  allusion  à  la  même  coulumo  et  Fattribue  aux  Celtibères.  (Ser- 
rius  ad  Georgira.  IV,  218)  (Georges  Dollin,  Manuel  pour  servir  ù  Vétude  de 
l'antiquité   Celtique,  Paris,  Champion  1906,  p.  176.) 

C^sar  nous  fait  connaître  un  chef  de  Soliates  qui  avait  six  cents  compa- 
gnons de  guerre,  el  il  ajoute  que,  dans  ceite  contrée,  on  ne  cite  aucun  exem- 
ple de  «  dévoué  »  ayant  refusé  de  mourir  avec  son  chef.  (DecotiSj  quos  Uli 
soldurios  appellant.  César,  IIÏ,  22.)  Ici  l'origine  de  Tinstitution  est  ligure  ou 
ibérique.  (Plutarque,  Scrtorius,  H,  Slrabon,  III,  4-18,  Dion  Cassius,  LUI,  20- 
2.)  (Camille  Jullian,  Histoire  de  la  Gaule,  t.  n,  p.  11  et  12.)       J.  M. 

(1)  Statistique  Pyrénéenne,  p.  16,  t.  ii. 

(2)  La  voie  antique  dont  parle  ici  de  Métivier  est  bien  connue  :  voici  ce 
qu'en  dit  de  Craïannes  {Nouvelles  considérations  sur  les  Sotiates.  Recueil 
de  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  dAf]en,  VI,  73)  :  «  Un  autre  docu- 
ment géographique,  Yltinéraire  de  Bordeaux  à  Jérusalem  vient  encore  ici 
à  l'appui  du  texte  de  Pline  pour  fixer  d'une  manière  irrécusable  Tassietle  des 
Soliates  et  de  leur  chef-lieu  dans  l'Aquitaine  novempopulaine.  Nous  ne  rap- 
porterons ici  de  cet  itinéraire,  monument  précieux  du  iv*  siècle,  que  le  frag- 
ment de  Burdigala  (Bordeaux)  à  Tolosa  (Toulouse),  passant  par  Dazas,  Sos, 
Eauze  et  Auch. 

CIVITAS  VASATAS. 

MUTATIO  THES  ARBORIS.  —  L.  v. 

MUTATIO  OSCINEIO.  —  L.  viii. 

MUTATIO  SOTTIO.  —  L.  vm. 

CIVITAS  ELVSA.  -  L.  vm. 

MUTATIO  VANESIA.  —  L.  xii. 

CIVITAS  AVSCIVS.  —  L.  vm. 
Quelques  manuscrits  et  êdilion.«»  de  cet  itinéraire  portait  SCITTIO  au  lieu 
de  SOTTIO  ;  mais  c'est  ici  une  erreur  des  anciens  copistes,  ainsi  que  l'ont 
démontré  jusqu'à  Tévidence  Danville,  Walckenaër,  etc..  » 

M.  Tholin  a  donné  quelques  indications  précieuses  sur  cette  voie.  «  Il  se- 
rait difficile,  dit-il,  de  reconnaître  exactement  la  voie  antique  entre  Les  Trois- 
Chènes  el  Sos.  Le  mouvement  des  dunes  qui  s'est  fait  sentir  jusques  à  la 


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-  130  - 

Après  leur  réunion  aux  peuples  confédérés  pour  repousser  la 
dominalion  romaine,  ils  durent  faire  partie  de  celle  armée,  qui  ne 
dut  d'être  vaincue  qu'à  un  hasard  heureux  pour  Crassus,  comme  le 
dit  M.  de  Pécis.  ('ar,  aidés  des  officiers  qui  avaient  servi  sous  Ser- 
lorius,  ils  avaient  perfectionné  leurs  moyens  de  défense,  qui  obligè- 
i-ent  Crassus  d'attaquer  ou  de  risquer  de  mourir  de  faim  au  milieu 
de  peuplades,  toutes  intéressées  à  lui  faire  éprouver  le  même  sort 
qu'à  ses  prédécesseurs. 

Après  leur  défaite,  les  [)cuples  confédérés  se  soumirent.  Mais  Ad- 
cantuan  et  ses  Solduriers  avaient,  malgré  la  générosité  de  Crassus, 
à  craindre  sa  juste  colère  pour  n'avoir  pas  tenu  leurs  promesses  ; 
ils  durent  se  séparer  des  autres  peuples,  et,  s'isolant  dans  les  dé- 
serts et  les  landes,  y  former  un  établissement  temporaire,  où,  ob- 
servateurs de  leurs  serments,  ils  périrent  tous,  soit  qu'ils  fussent 
poursuivis  et  atteints  en  ce  lieu  par  les  Romains,  soit  qu'ils  se  tuas- 
sent eux-mêmes  de  désespoir  pour  ne  pas  survivre  à  leur  défaite  et 
à  la  destruction  de  leur  puissance. 

Peut-être  aussi  qu'arrivés  au  lieu  indiqué  par  l'abbé  Baurein,  ils 
formèrent  une  nouvelle  cité  où  leurs  descendants  vécurent  jusqu'au 
via*  siècle  ;  que,  tantôt  les  Sarrasins,  tantôt  les  Normands,  et  avant 
eux  les  Vandales,  Gothes,  Visigoths,  Suèvcs,  etc.,  vinrent  porter  le 
fer  et  la  flamme  au  sein  des  populations  de  l'Aquitaine  et  laissèrent 
partout  les  traces  de  leur  funeste  passage. 


Gélise,  cl  n'a  été  arrête  par  le  boisement  qu'à  une  époque  récente,  l'invasion 
du  sable  fin  dans  nos  landes  ont  enseveli  sous  >des  couches  parfois  profon- 
des les  ruines  romaines  et  les  vieux  chemins. 

Dans  celle  région  peu  accidentée  la  route  pouvait  être  direcle  et  elle 
l'était,  si  on  en  juge  par  laccord  approximatif  du  chiffre  réel  de  la  distance 
et  des  chiffres  fournis  par  l'ilinéraire.  11. y  a  40  kilomètres  des  Trois-Chêncs 
à  Sos,  et  les  deux  étapes  de  l'Itinéraire,  chacune  de  8  lieues,  ne  représentent 
que  35  kilomètres  et  demi.  L'écart  est  en  somme  de  moins  d'un  huitième.  Il 
faut  rechercher  !a  mulaiio  Oscineio  à-  moitié  chemin  entre  Les  Trois-Chênes 
et  Sos,  c'est-à-dire  à  proximité  de  Houeillès;  les  uns  ont  proposé  Esquieys, 
enlre  Houeillès  et  Pompogne,  d'autres  Escinjol,  aujourd'hui  simple  moulin 
sur  le  Ciron  à  4  kilomètres  au  sud-ouest  de  la  ville  de  Houeillès.  On  a  trouvé 
des  substructions  antiques  dans  ces  deux  localités.  »  (Causeries  sur  les  Ori- 
(jines  de  i'Agenais,  IV.) 

Si  M.  Tholin  avait  exploré  les  environs  de  Meylan,  il  n'eût  pas  hésité  à 
reconnaître  celle  voie,  au  point  où  elle  traverse  la  Gueyze  au  Gai;  Uerrat. 
Un  gué  factice  très  bion  conservé  est  encore  là  pour  jalonner  à  travers  les 
sables  le  tracé  de  celle  route  célèbre  suivie,  sous  le  règne  de  Constantin, 
(vers  l'an  333),  par  le  chrélien  d'Aquitaine  cjui  fit  le  pèlerinage  de  Jérusalem 
et  en  nota  soigneusement  l'ilinéraire,  en  mesurant  les  dislances  en  lieues 
gauloises  de  1,134  toises,  selon  Danville.  J.  M  . 


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-  131  - 

Peut-être  encore,  qu'exterminés  en  ces  quartiers  par  les  Romains, 
Adcantuan  et  ses  Solduriers  y  laissèrent  celte  dénomination  de  Bar- 
bares, que  les  Ilomains  appliquaient  à  tous  leurs  ennemis  (1). 

J'ai  dû  supprimer  ici  une  longue  discussion  sans  intérêt  pour  le 
sujet,  à  propos  de  ce  qu'a  écrit  Baurein  sur  le  nom  de  la  commune 
de  Barp  qu*il  considère  comme  une  corruption  de  Barbares. 

Je  ne  sais  si  mes  conjectures  seront  accueillies  favorablement  par 
les  archéologues,  mais  ce  sont  celles  qui  m'ont  paru  devoir  être  les 
plus  raisonnables  pour  établir  l'origine  de  ce  quartier  des  Sotiates 
do  la  paroisse  en  commune  de  Barp. 


(1)  Chaudriic  do  Crazanncs  (ISoucelles  considérations  sur  les  Solîates.  Re- 
cueil de  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  dAgen,  t.  vi,  p.  91)  semble 
bien  près  d'adopter  Thypothcse  de  M.  de  Métivier,  qu'il  a  longuement  expo- 
fée  :  «  Il  faut  reconnaître,  dil-il,  que  peu  de  conjectures  historiques  offrent 
oulanl  de  caractères  de  vraisemblance  que  celle  dont  nous  entretenons  le 
lecteur.  Elle  explique  d'ime  manière  satisfaisante  lo  silence  sur  VAdcantua- 
nus  des  Coninimlaires  ou  VAdieluanus  des  médailles  et  sur  ses  braves  et 
fidèles  compagnons,  à  la  suite  de  la  perle  de  l'indépendance,  etc.  »  Oui,  mais 
ce  que  de  Crazannes  donne  ainsi,  d'une  main,  dans  le  texte,  il  le  retire  de 
l'autre  main,  dans  la  note  qu'il  ajoute  et  que  voici  :  «  A  propos  de  la  mé- 
daille des  Sotiates  à  la  légende  Rex  Adietvanvs,  notre  savant  confrère,  M.  de 
La  Saussoye,  émet  sur  le  sort  de  ce  chef  aquitain,  après  la  soumission  de 
.'•on  ])euple,  une  opinion  toute  contraire  à  la  nôtre. 

«  L'histoire  de  ceUe  médaille,  dit-il,  nous  permeUra  de  continuer  l'histoire 
à\Adietuanus,  à  partir  du  point  où  elle  est  restée  dans  les  Commentaires. 
Crassus  non-seulement  le  comprit  dans  la  capitulation,  mais  il  lui  laissa  son 
autorité,  à  la  condition  de  la  faire  servir  aux  projets.de  Home  sur  la  Gaule. 
.\dietuanus  devint  Tallié  et  le  tributaire  des  Romains,  frappa  monnaie  à  son 
nom  et  à  celui  de  sa  tribu,  é^n  consacrant,  d'après  un  usage  dont  le  mon- 
nayage gaulois  nous  offre  plus  d'un  exemple,  un  type  national  joint  à  un 
type  étranger.  U'un  côté,  nous  voyons  la  ligure  grossière  et  difficile  à  déter- 
miner de.s  monnaies  primitives  des  Sotiates  (une  tète  de  lion),  et  de  l'autre, 
la  louve  romaine,  symbole  de  leur  alliance  ou,  pour  mieux  dire,  de  leur  sou- 
mission à  la  République.  Les  médaiUes  consulaires  de  Publius  Satrienus 
fournirent  le  revers.  » 

«  La  conjecture  émise  ici  par  le  docte  académicien  est  ingénieuse  et  fondée, 
ajoute  Crazannes,  qui  ne  voulait  mécontenter  pej'sonne,  qui  nous  assure, 
toutefois,  que  les  Sotiates  et  leur  roi,  à  l'exemple  d'un  assez  grand  nombre 
d'autres  peuples  de  la  Claule,  n'eussent  point,  antérieurement  à  la  conquête, 
imité  dans  les  monuments  de  leur  autonomie  le  monnayage  romain  et,  par- 
ticulièrement les  types  des  deniers  consulaires  circulam  avec  abondance 
dans  une  contrée  voisine,  la  Gaule  narbonnaise  ou  province  romaine  con- 
quise un  siècle  plutôt  que  l'Aquitaine.  » 

Walckenaër  avait  contesté  rauthenticilé  de  cette  médaille  ;  il  fut  réfuté  par 
de  La  Saussaie,  dans  la  Revue  de  Numismatique  et  par  de  Crazanneé  dans  la 
Reçue  archéologique.  Celui-ci  l'avait  publiée  sous  le  titre  de  Dissertation 
sur  une  médaille  dun  chel  des  Sotiates  d'Aquitaine,  dans  le  tome  i"  des 


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—  132  - 

Bulles  d'Esquies. 

Nous  avons  parlé  d'Esquies,  et  il  est  essentiel  de  faire  remarquer 
(|ue  très  près  du  lieu  où  était  l'église,  que  la  faux  de  l'impiété  a  dé- 
truite, sont  trois  monticules  considérables,  à  égale  distance  les  uns 
des  autres,  couronnés  d'arbres  et  entourés  d'eau  à  leur  base. 

Serait-ce  des  buttes  tumulaires,  ou  bien  des  dunes  que  quelque 
cataclysme  a  laissé  au  milieu  de  ces  landes  ? 

Pour  des  buttes  tumulaires  en  usage  chez  les  Romains  et  chez  les 
Gaulois,  je  les  trouve  bien  grandes,  à  moins  que  sur  cette  route  qui 
conduisait  de  Bordeaux  à  Elusa,  il  n'y  ait  eu  (|uelque  affaire  san- 
glante qui  aurait  domié  lieu  à  élever  ces  buttes  au-dessus  des  restes 
des  combattants  qui  auront  succombé.  Car  ces  monticules,  comme 
le  remarque  l'abbé  Baurein  (1),  n'étaient  élevées  que  pour  les  per- 
sonnes capables  de  pouvoir  en  faire  les  frais,  ou  pour  décerner  un 
souvenir  aux  mûnes  des  guerriers  qui  succombaient  dans  les  com- 
bats. Ainsi,  on  en  trouve  un  assez  grand  nombre  près  de  l'église  de 
Louspeyrous,  et  deux  ù  droite  de  la  Ténarèse,  en  allant  de  Sos  à 
Eluse. 

Mais  celles  d'Esquies  me  paraissent,  comme  je  l'ai  dit,  bien  gran- 
des pour  être  des  buttes  tumulaires,  et  cependant  le  fossé  qui  les 
entoure  et  les  défend  et  dont  la  terre  a  servi  à  les  former  sont  au- 
tant de  motifs  qui  doivent  faire  considérer  ces  monticules  comme 
des  monuments  antiques. 

Tombes,  puils  sous  le  sol  des  champs  de  Louslalel  (2). 

A  une  petite  distance  de  Sos,  vers  le  nord,  est  une  maison  avec 
les  granges  nécessaires  à  l'exploitation  d'une    métairie  ;    elle  est 


Mémoires  de  la  Société,  archéologique  du  Midi  (p.  109-119),  mais  avait  été 
devancé  par  Pellerin  {Recueil  de  médailles  de  peuples  et  de  villes),  par  Mion- 
net  (Description  des  médailles  grecques  et  romaines,  t.  i"),  etc..  De  La  Saiis?- 
saye  l'étudia  à  nouveau  dans  ses  Conieclures  de  la  numismatique  de  la 
Gaule  (Revue  \umiHmntique  1851,  p.  11  et  suiv.).  Plus  près  de  nous,  de  Saiilcy 
s'est  occupé  des  pièces  soliales  dans  sa  .\umismaiique  des  cliels  (jaulois... 
J'arrête  ceUe  suile  de  références.  M,  Barlhalès  a  recueilli  plusieurs  médailles 
d'Adieluanus  à  Sos  ménie,  sur  l'emplacement  du  rempart  éventré  par  la  cons- 
truction de  la  gare  des  tramways.  J.  M. 

(1)  Variétés  Bordelaises,  t.  v,  p.  78  et  80. 

(2)  M.  Tholin  avait  noié,  au  cours  d'une  visite  li  Sos,  un  assez  grand  nom- 
bre de  découvertes  d'antiquités,  faites  assez  réccnunent,  sur  le  plateau  au- 
quel se  rattache  l'oppidum  par  le  col  de  Loustalel. 


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—  133  -- 

construite  presque  en  entier  sur  des  lombes,  et  peut-être  sur  d'au- 
tres monuments  anciens.  On  appelle  ce  lieu  Loustalet  ;  il  n'est  sé- 
paré de  Sos  que  par  un  ravin  comblé  et  aplani  en  partie  par  la  main 
de  rhomme  et  les  effets  du  temps.  Il  paraît  avoir  été,  à  l'époque  de 
la  puissance  des  Sotialcs,  le  fossé  d'enceinte  de  leur  ville  (1).  Dans 
une  chambre  de  cette  maison  on  voit  encore  deux  tombes  en  pierre 
dont  la  couverture  a  été  sans  doute  brisée,  il  n'y  a  pas  longtemps, 
quand  on  construisit  le  mur  qui  sépare  cette  chambre  d'une  autre; 
à  côté,  on  trouve  aussi  une  autre  tombe. 


«  Les  subslruclions  abondent,  a-t-il  écrit,  dans  un  de  ses  dossiers  déposés 
aux  Archives  départementales  du  Lot-et-Garonne,  dans  les  champs  de  Lous- 
talet et  de  Peyroutet.  On  y  a  trouvé  beaucoup  de  monnaies  du  Haut  et  du 
Bas-Empire  ;  les  fragments  do  poterie  et  de  tuiles  à  rebords  jonchent  le  sol. 
Près  de  Saint-Martin,  on  a  mis  au  jour  des  fragments  de  fûts  de  colonnes  en 
marbre.  On  y  a  trouvé  également,  en  18(57»  des  cercueils  de  pierre  de  l'épo- 
que carlovingienne.  L'un  d'eux  se  voit  encore  auprès  des  ruines  de  la  vieille 
église  transformée  en  serre.  On  a  trouvé  d'autres  sarcophages  en  pierre 
sur  la  place  qui  entoure  l'église  de  Sos.  A  Campet  on  a  mis  au  jour  des  sé- 
pultures antiques.  Un  éperon  et  un  tronçon  d'épée  ont  été  recueillis  auprès 
d'un  squelette.  »  Cette  sépulture  n'était  pas  antique,  puisqu'elle  contenait  un 
éperon,  aussi  M.  Tholin  se  borne-t-il  à  la  mentionner  sous  la  rubrique  Epo- 
que indéterminée.  J.  M. 

(1)  M.  de  Métivier,  homme  de  clair  bon  sens  et  qui  n'ignorait  pas  tout,  an- 
cien soldai  qu'il  était,  dQi>  principes  élémentaires  de  la  stratégie,  a  été  frappé 
tout  d'abord  par  l'importance  du  ravin  de  Coustalet  qui  sépare  le  plateau, 
de  Sos  des  collines  voisines  de  Saint-Martin,  de  Peyroutet  et  de  Campet.  H  a 
constaté,  comme  nous,  que  ce  ravin  avait  été  graduellement  comblé  par  la 
main  de  l'homme  et  par  l'action  des  agents  atmosphériques  qui  incessamment 
travaillent  et  modifient  les  reliefs  du  sol.  Or  malgré  le  colmatage  des  élé- 
ments et  le  remblai  des  humains,  le  col  par  lequel  on  pouvait  uniquement 
arriver  à  Sos  reste  aujourd'hui  de  cinq  à  sept  mètres  plus  bas  que  le  bord 
septentrional  du  plateau  de  l'oppidum.  Tel  qu'il  est,  il  offrirait  encore  une 
excellente  défense  naturelle  contre  une  troupe  qui  ne  serait  pas  protégée 
par  de  l'artillerie. 

En  est-il  de  même  à  Lectoure  7  Que  non  pas  !  L'assiette  de  cette  ville  se 
rejoint  sans  dépression  appréciable  au  plateau  voisin,  et  l'isthme  en  a  ^été 
coupé  au  moyen  âge  par  un  chélif  fossé  de  moins  de  deux  mètres  de  pro- 
fondeur, sur  quatre  de  largeur,  qui  n'eût  pu,  en  aucun  cas,  motiver  l'emploi 
des  terrasses  mobiles  dont  Crassus  fut  contraint  de  se  servir  pour  aborder 
le  rempart  de  Sos  ;  de  simples  abattis  d'arbres  et  quelques  charges  de  terre 
y  eussent  suffi,  alors  comme  aujourd'hui.  Camoreith,  d'ailleurs,  est  contraint 
de  reconnaître  (pie  ce  fossé  a  été  creusé  dans  le  roc  ;  aussi  s'cst-il  empressé 
de  ne  pas  dire  le  moindre  mot  des  travaux  souterrains,  des  mines,  par  les- 
quelles les  Sotiates  assiégés  détruisaient  les  terrasses  des  ingénieurs  de 
Crassus.  Il  ne  fait  pas  l'ombre  d'un  doute,  en  effet,  que  de  tels  travaux  de 
mine  ne  peuvent  pas  être  opérés  en  plein  roc.  Or,  à  Sos,  au  col  de  Lousta- 
let, il  n'y  a  plus  de  rocher,  la  nature  géologique  des  terrains  est  toute  diffé- 
rente de  celle  du  plateau.  Les  mineurs  d'Adiatum  pouvaient  y  creuser  tout  à 
l'aise  leurs  souterrains.  J.  M. 


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-  134  - 

A  vingt  pas,  vers  le  nord  de  celle  mélairie,  on  découvrit,  il  y  a 
environ  36  ans,  un  puits  qu'on  nettoya  jusqu'à  une  certaine  pro- 
fondeur ;  mais  arrivé  à  ce  point,  on  trouva  un  amas  considérable 
de  grandes  pierres  ;  cette  circonstance  fit  craindre  de  trop  grands 
frais  au  propriétaire  d'alors  (M.  Bermuska),  et  il  abandonna  l'eii' 
treprise.  Probablement  que  ces  pierres  n'étaient  autres  que  celles 
qui  formaient  le  cordon  du  parapet  de  ce  puits  qui  fut  de  suite  re- 
comblé. Mais  en  prenant  des  terres  à  Tentour  pour  opérer  ce  com- 
blement, on  découvrit  encore  une  tombe  dans  laquelle  se  trouva 
avec  le  squelette  qu'elle  renfermait,  une  épée  dont  le  domestique  de 
M.  Bermuska  s'empara  ;  on  ne  sait  ce  qu'elle  est  devenue  (1).  Mais 
pour  conserver  un  indice  de  ce  puils,  on  y  planta  un  peuplier  qui 
est  actuellement  très  beau,  et  peut  servir  d'indicateur  pour  la  re- 
cherche de  ces  vestiges  antiques.  (Le  nomme  Barthélémy,  vieux 
métayer  de  Loustalet,  m'a  certifié  ces  faits  (2). 

A  quelques  pas  de  lîr passait  la  voie  Césarienne  (Ténarèzc),  ou 
plutôt  une  rue  de  l'ancienne  cité  des  Sotiales,  car  le  sol  des  champs 
environnants  est  plein  de  constructions  auxquelles  heurte  souvent 


(1)  Ces  tombes  en  pierre  prouvent  que  le  cimetière  ancien  décrit  par 
M.  Charles  Baslard  dans  son  intéressante  notice  sur  Sainl-Martin-d'Albrel, 
s'étendait  jusque  sur  le  sol  occupé  par  la  fernic  de  Loustalct.  La  rencontre 
d'une  épée  dans  un  de  ces  sarcophages  révèle  peut-être  une  sépulture  carlo- 
vingienne,  mais,  en  l'absence  d'autres  indices,  cette  épée  ne  constitue  pas 
une  preuve  absolue  d'une  aussi  haute  antiquité.  11  n'est  pas  très  rare  qu'un 
noble  ail  été  enseveli  avec  son  épée  au  xiu'  siècle  ;  le  cas  a  été  constaté  dans 
une  sépulture  trouvée  dans  l'église  du  Paravis.  L'épée,  qui  y  a  été  recueillie, 
et  qui  est  conservée  au  Musée  d'Agen  est  très  caractéristique  de  cette  épo- 
que. J.  M. 

(2)  M.  Alfred  Harlhalès,  un  des  plus  anciens  et  des  plus  heureux  explora- 
teurs de  Sos,  ne  devra  pas  nous  en  vouloir  de  révéler  qu'il  est  l'auteur  d'un 
petit  livre,  déjà  rare  et  justement  recherché  :  Les  Sotiaies,  leur  origine  et 
leur^  histoire,  par  A.  B.  (Nérac,  imp.  Louis  Duthil,  1881),  où  l'histoire  de  la 
lière  cité  est  très  agréablement  exposée,  et  où  abondent  les  anecdotes  inté- 
ressantes. Une  de  celles-ci  doit  trouver  sa  place  après  ce  qu'a  dit  M.  de  Mé- 
tivier  sur  le  puils  de  Louslalet.  En  1430,  les  Anglais  s'avancèrent  jusqu'aux 
portes  de  Sos.  «  Hien  ne  reste  de  celte  entreprise  qu'une  simple  tradition,  dit 
M.  Barthalès  (loc.  cit.,  p.  fil).  Les  .Sotiales  menacés  du  pillage  par  les  ban- 
des de  routiers...  firent  un  étal  en  règle  des  valeurs  que  possédait  chaque 
particulier  et  les  réunirent  dans  une  bourse  commune  ;  ce  trésor  fut  confié  à 
la  vigilance  des  consuls,  mais  ces  derniers  ne  le  croyant  pas  en  sûreté  dans 
une  ville  qui  pouvait  être  mise  à  sac  d'un  instant  à  l'autre,  sortirent  une  nuit 
avec  leur  précieux  dépôt  et  l'ensevelirent  au  fond  d'un  vieux  puits  qui  se 
trouvait  devant  la  métairie  de  Louslalet.  Une  pierre  h  meule  du  même  dia- 
mètre fut  placée  dessus  pour  dérouter  toutes  les  recherches,  et  la  fortune 
des  habitants  se  trouva  ainsi  à  l'abri  de  toute  réquisition.  »  J.  M. 


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—  135  — 

le  laboureur  avec  sa  charrue.  En  levant  des  briques,  des  tuiles,  des 
fragments  de  pierre,  il  sillonne,  sans  s'en  douter,  des  murs  qui  ser- 
virent de  base  aux  habilalions  d'un  peuple  belliqueux.  Jadis  le 
bruit  des  armes,  le  choc  des  boucliers  el  des  lances,  les  clameurs 
guerrières  retentissaient  dans  ce  lieu,  où,  par  un  contraste  si  fré- 
quent dans  les  vicissitudes  de  la  vie,  le  paisible  laboureur  conduit 
aujourd'hui  sa  charrue,  et  cultive  en  paix  les  terres  qui  couvrent 
ces  monuments  de  la  gloire  et  des  malheurs  des  Sotiates  (1). 

Il  n'y  a  pas  longtemps,  qu'en  élargissant  la  route  actuelle  on 
trouva  un  amas  de  matières  calcinées  renfermant  des  instruments 
en  fer  de  forme  assez  grossière,  et  servant  à  la  préparation  de  la 
nourriture  des  hommes.  Ces  monuments,  dorment  encore  jusqu'à  ce 
que  la  volonté  du  propriétaire  de  ces  terres  y  fasse  opérer  des  fouil- 
les qui  enrichiront  peut-être  un  jour  l'archéologie. 


(1)  Le  vicomte  de  Mélivier  était  letlré  cl  il  le  prouve  bien  par  ceUe  agréa- 
ble variation  sur  la  classique  prophélie  de  Virgile  (Georgiques,  I.  493-497)  : 
Scilicet  et  lempus  véniel,  quum  finibus  illis 
Agricola,  incurvo  terram  molilus  aratro, 
Exesa  invenicl  scabra  robigine  pila, 

Aut  gravibus  raslris  galcas  pulsabit  inanis  , 

Grandiaque  effossis  mirabilur  ossa  sepulcris. 
Au  temps  où  nous  reporte  le  mémoire  que  nous  rééditons,  tous  les  gens 
cultivés  savaient  par  cœur  do  lels  vers  et  n'hésitaient  pas  à  en  redire  la 
traduction  par  Delille  : 

Un  jour  le  laboureur  dans  ces  mêmes  sillons 
Où  dorment  les  débris  de  tant  de  bataillons 
Heurtant  avec  le  soc  leur  antique  dépouille, 
Trouvera  plein  d'effroi  des  dards  rougis  de  rouille, 
Verra  de  vieux  tombeaux  sous  ses  pas  s'écrouler 
Et  des  soldais  romains  les  ossements  rouler. 
Ce  n'est  qu'au  mois  de  mars  1839  que  \  ictor  Ilugo  (Les  Rayons  et  les  Om- 
breSy  VIII)  devait  renouveler  ce  vieux  thème  en  des  vers  que  tout  archéolo- 
gue doit  connaître  et  qu'il  relira  ici  avec  plaisir  : 

Car  les  temps  sont  venus  qu'a  prédits  le  poète  î 
Aujourd'hui  dans  ces  champs,  vaste  plaine  muette, 
Parfois  le  laboureur,  vers  le  sillon  courbé, 
Trouve  un  noir  javelot  qu'il  croit  des  cieux  tombé. 
Puis  heurte  pêle-mêle,  au  fond  du  sol  qu'il  fouille, 
Casques  vides,  vieux  dards  quamalgarne  la  rouille, 
Et,  rouvrant  des  tombeaux  pleins  de  débris  humains, 
Pâlit  de  la  grandeur  des  ossements  romains. 
Qu'on  me  pardonne  cet  intermède  littéraire  parmi  toute  cette  archéologie; 
ce  sera,  si  l'on  veut,  une  fleur  parmi  les  épines,  jlor  entre  espinas  comme  dit 
h  devise  du  sceau  de  Loja  qu'a  si  finement  commenté  M.  Emile  Travers. 

J.  M. 


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—  136  — 

Il  est  probable  que  la  ville  de  Sos  s'étendait  jusque  vers  ces 
champs. 

Je  crois  aussi  que  M.  de  Villeneuve  a  commis  une  autre  erreur 
lorsqu'il  a  consigné  dans  son  écrit  sur  le  lieu  qu'occupaient  jadis 
les  Soliales,  qui  résistèrent  aux  armes  romaines,  que  la  ville  s'éten- 
dait du  côté  de  la  rampe  qui  se  dirige  vers  la  Gélise.  Voici  ce  qu'il 
dit  : 

«  Sos  se  trouve  dans  une  situation  extrêmement  forte  ;  elle  est 
<(  bâtie  sur  une  hauteur,  très  escarpée  de  trois  côtés  ;  et  au  centre, 
<(  sur  un  rocher,  aplani  par  la  main  des  hommes,  était  un  château 
«  vaste  et  fortifié,  à  en  juger  par  les  vestiges  qu'on  peut  en  décou- 
«  vrir.  L'enceinte  de  la  cité  était  1res  considérable  rfu'  côté  de  la 
«  rampe  qui  descend  vers  la  Gélise,  et  on  y  a  remarqué  jusqu'à 
«  cinq  grandes  portes  de  ville  (1).  » 

Sos  est,  il  est  vrai,  dans  une  situation  iadis  extrêmement  {orie 
avant  Vinvention  de  la  poudre  et  le  perfectionnement  qu'ont  éprou- 
vé l'attaque  et  la  défense  des  places.  La  hauteur  sur  laquelle  elle  est 
bâtie  était  escarpée  de  tous  côtés  ;  car  les  alentours  ont  été  depuis 
aplanis  par  la  main  des  hommes,  et  la  partie  la  plus  aplanie  ainsi 


(1)  Ce  serait  crime  d'omission  impardonnable  que  de  ne  pas  reproduire  la 
description  de  l'oppidum  de  Sos  par  M.  Georges  Tholin  :  «  Je  ne  décrirai 
point  Toppidum  de  Sos  par  cette  raison  qu'on  n'y  voit  plus  de  vestiges  des 
anciennes  fortifications,  qui  devaient  consister  principalement  en  levées  de 
terre,  peut-être  combinées  avec  des  assemblages  de  poutres.  Le  haut  plateau 
sur  lequel  s'élevait  la  capitale  des  Sotiates,  a  une  forme  presque  circulaire. 
Son  diamètre  est  de  350  mètres.  Des  arêtes  de  rocher  et  des  pentes  naturel- 
les le  protégeât  sur  les  trois  côtés  qui  forment  les  vallées  de  la  Gclisc  et  de 
la  Gueyze.  Au  nord,  il  est  séparé  des  autres  plateaux  par  une  coupure  trop 
profonde  pour  être  attribuée  à  la  main  de  l'homme.  l\  restait  peu  de  chose  à 
faire  pour  compléter  l'ouvrage  de  la  nature  et  l'emplacement  était  admira- 
blement choisi. 

«  On  a  trouvé  quelques  haches  de  bronze  aux  environs.  L'une,  qui  est  con- 
servée au  Musée  de  Nérac,  est  munie  d'une  douille  circulaire.  Elle  se  rappro- 
che des  types  R  et  S  du  Proiet  de  classilication  avec  cette  différence  que 
l'anneau  d'attache  est  placé  dans  le  sens  perpendiculaire  au  tranchant,  ce 
qui  semble  indiquer  un  mode  particulier  d'emmanchement.  »  (Stations,  Oppi- 
dum, Heluges,  p.  10.)  --  Je  me  demande  si  cotte  hache  n'est  pas  celle  qu'a 
signalé  l'abbé  Breuils  :  «  On  a  trouvé  récemment,  dans  les  champs  voisins 
de  ce  vallon  (de  la  Gueyze,  à  l'Ouest  de  Sos)  une  hache  en  bronze  romaine 
(sic)  ;  ce  fait  m'a  été  assuré  par  M.  Martel,  maire  de  Saint-Pé-Saint-Simon  » 
(Revue  de  Gascogne,  t.  xxix,  p.  401,  note  2).  Quoiqu'il  en  soit,  nous  connais- 
sons deux  haches  en  bronze  sûrement  trouvées  à  Sos  ;  l'une,  très  primitive, 
appartient  h  M.  Ch.  Bastard,  l'autre,  à  rainures,  fait  partie  des  collections 
du  Musée  d'Âgen.  j.  m. 


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se  trouve  au  nord"  du  ravin  qui  défendait  très  bien  de  ce  côté-là 
la  partie  fortifiée  de  celte  cité,  dont  l'étendue  n'était  pas,  selon  mon 
opinion,  l'inspection  des  lieux  et  des  titres  divers,  vers  la  rampe  de 
la  Gélise,  mais  bien  plutôt  vers  le  nord.  La  preuve  en  est  dans  les 
vestiges  de  fondation  que  Ton  retrouve  h  chaque  instant  (1),  cha- 
que fois  que  Ton  veut  faire  des  fouilles  pour  avoir  de  la  pierre  à 
nAtir,  soit  entre  la  ville  actuelle  et  ce  ravin  (2),  soit  au  nord  de  ce 


(1)  «  Dans  la  partie  septentrionale,  celle  que  les  localités  rendent  la  moins 
inaccessible,  il  existe  encore  des  murs  qui  ont  près  de  deux  mètres  d'épais- 
seur. »  (Villeneuve-Bargemont,  1.  c,  p.  289-290.) 

Cette  phrase  a  été  textuellement  reproduite  par  du  Mège,  dans  sa  Staiisii' 
que  générale  des  déparlements  pyrénéens  (t.  ii,  p.  17)  et  par  Chaudruc  de 
Crazannes  (1.  c,  p.  82)  qui  semble  bieri  avoir  vu  par  lui-m^me  la  chose  dont 
il  parle,  puisqu'il  ajoute,  quelques  pages  plus  loin  :  «  Quant  à  l'absence  pré- 
tendue des  médailles  sur  le  territoire  des  Sotiales,  nous  pouvons  assurer  à 
M.  Bascle  que  nous  en  avons  recueilli,  à  différents  temps,  un  assez  grand 
nombre,  consulaires  et  impériales,  en  argent  et  en  cuivre  ;  ces  dernières 
dans  les  trois  modules  et  appartenant  au  Haut  et  au  Bas-Empire.  Plusieurs 
amateurs  de  Lot-et-Garonne,  du  Gers  et  des  Landes,  en  possédaient  aussi 
provenant  de  la  môme  source.  »  Le  vieil  antiquaire  avait  donc  visité  Sos 
plusieurs  fois. 

Revenons  au  mur  signalé  par  M.  ûo  Villeneuve  :  il  me  semble  naturel  de 
croire  qu'il  avait  quelques  rapports  avec  les  veiUges  de  fondation  dont  parle 
M.  de  Métivier,  et  il  m'est  impossible  do  ne  pas  identifier  le  tout  avec  le  mur 
pré-romain  en  gros  blocs  réunis  par  des  tenons  en  double  queue  d'aronde, 
qui  ont  été  trouvés  en  si  grand  nombre  sur  l'emplacement  de  la  gare  du 
tramway,  dans  la  région  signalée  par  les  deux  auteurs,  et  tout  près  du  fau- 
bourg des  Capots,  où,  d'après  M.  de  Métivier,  existaient  aussi  des  «  fonde- 
mens  de  murailles  anciennes  très  épaisses.  »  Ces  mêmes  blocs  existent  aussi 
dans  le  cimetière  de  Sos,  où  le  fossoyeur  a  souvent  constaté  leur  présence. 

N'oublions  pas  de  constater  que  pour  la  science  archéologique  l'existence 
de  ce  mur  était. un  dogme,  et  que  Sos  était  considéré  comme  l'un  des  types 
caractéristiques  de  l'oppidum  gaulois  ;  «  un  grand  nombre  d'antiquaires,  dit 
Prosper  Mérimée,  pensent  que  les  Gaulois  n'avaient  point  de  villes,  dans 
l'acception  moderne  de  ce  mot,  et  que  ce  n'était  qu'à  l'approche  d'un  grand 
danger  que  les  populations  s'enfermaient  dans  de  vastes  enceintes,  fortifiées 
à  la  hâte,  qu'on  abandonnait  ensuite  lorsque  la  cause  qui  les  avait  fait  élever 
avait  disparu.  Les  détails  qu'on  lit  dans  les  Commentaires  de  César,  sur 
Voppidum  des  Sotiales  et  sur  celui  des  Vocates  et  des  autres  peuples  que 
soumit  Crassus,  son  lieutenant,  se  rapportent  assez  bien  à  l'enceinte  d'Entre- 
mont.  Comme  cette  dernière,  celles-là  paraîtraient  avoir  été  murées  d'un  rem- 
part du  côté  opposé  à  Tennemi,  et  négligemment  fortifiée  de  l'autre.  »  (Pros- 
per Mérimée,  ISioles  d'un  voyage  dans  le  Midi  de  la  France,  Bruxelles  1836, 
in-12,  p.  225.)  J.  M. 

(2)  En  1823,  on  répara  la  route  qui  traverse  Sos  sur  l'un  de  ses  côtés  du 
nord  au  midi.  On  trouva  des  fondemens  ou  murailles  anciennes,  très  épais- 
ses, au  faubourg  des  Capots,  quartier  jadis  réservé  à  ces  races  proscrites 
de  la  société,  n'ayant  pas  même  le  droit  d'aller  nus  pieds  dans  les  rues  et 
d'entrer  dans  l'église  par  la  même  porte  que  les  autres  {Venuti.  Du  Mège). 


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-  138  — 

ravin  dans  le  champ  actuellement  en  culture  et  dont  je  viens  de  par- 
ler :  et  rien  ne  prouve  qu'il  ail  existé  à  la  rampe  de  la  Gélise  aucun 
mur,  aucune  construction  (1). 

Pour  ce  qui  est  des  cinq  grandes  portes  de  ville,  voici  leur  situa- 
lion,  quand  elles  existaient,  ainsi  que  cela  peut  encore  se  prouver 
par  des  lettres  dont  j'ai  pris  connaissance  au  sujet  d'une  commission 
dont  je  fus  chargé  en  1818,  par  le  sous-préfet  de  Nérac,  relative- 
ment k  un  litige  existant  entre  la  ville  de  Sos  et  la  famille 
Garosle,  Ces  titres  sont  chez  MM.  de  Salis,  Garde  et  Garoste.  Il  est 
constaté,  tant  par  eux  que  par  Tinspection  des  lieux  il  y  a  peu  d'an- 
nées, et  encore  aujourd'hui  par  une  construction  que  vient  de  faire 
le  sieur  Gaston  à  une  partie  de  la  maison  qu'il  a  acquise  de  la  famille 
Garoste,  et  qui  a  fait  découvrir  le  côté  d'une  porte  de  ville  de  même 
qu'une  certaine  quantité    de  pièees    d'or  et  d'argent    d'Henri  III, 


Les  débris  servirent  à  paver  la  roule  ;  on  y  trouva  aussi  un  bel  aqueduc  qui 
la  traversait,  se  dirigeant  de  Sos  vers  le  levant ,  il  était  bien  conservé;  j'en- 
gageai le  maire  à  en  suivre  la  direction  ;  le  manque  de  ressources  commu- 
nales l'en  empêcha,  il  fut  comblé  et  se  trouve  sous  la  route,  oublié  comme 
tant  d'autres  constructions  antiques.  (Note  de  M.  de  Métivier.) 

Je  commenterai  encore  celle  note  de  M.  de  Métivier.  Le  bel  aqueduc  qu'il 
avait  vu  vient  d'être  retrouvé  au  cours  des  travaux  nécessités  par  l'établisse- 
ment des  tramways.  C'est  bien  un  aqueduc  romain.  Même  M.  Charles  Bastard 
retrouva  une  des  vannes  en  plomb  qui  en  régularisaient  le  débit  par  filtrage. 
Or,  et  le  fait  doit  être  relevé,  on  avait  employé  pour  cet  aqueduc,  un  assez 
grand  nombre  des  mêmes  blocs  de  pierre  de  dimension  colossale,  dégrossis 
simplement  et  sans  l'emploi  de  l'équerre  qui  ont  étô  trouvés  à  Textrême  front 
nord  de  l'oppidum  et  dont  l'origine  pré-romaine  ne  saurait  êlre  contestée. 

J.  M. 

(1)  J'emprunte  ce  précieux  renseignement  à  Tabbé  Breuils.  «  Une  délibé- 
ration municipale  de  Sos,  du  L5  février  1652,  dit  que  Sos  «  n'avoil  nulle  juri- 
diction que  simplement  lenclos  des  murailles  et  le  vol  du  chapon,  et  de  con- 
tenance que  1212  cartelades  (298  hectares  52)  et  places  de  maisons.  »  En 
supprimant  les  14  hectares  de  Tenclos  des  murailles,  il  reste  donc  pour  le 
«  vol  du  chapon  »  284  hectares  où  partout  «  des  pLaccs  de  maisons  »,  c'est- 
à-dire  des  ruines  diverses,  manjuaient  un  ancien  lieu  habité.  Il  y  a  là  aisé- 
ment de  quoi  satisfaire  Tobjeclion  de  M.  Camoreyt.  »  (Rev.  de  Gascogne, 
1895,  p.  274,  n'  2.)  L'abbé  Breuils  donne  ce  relevé  d'archives  pour  appuyer 
ses  constatations  sur  l'existence  de  ruines  romaines  h  une  grande  distance 
autour  du  plateau  même  de  Sos,  qui  se  poursuit,  dit-il,  «  à  l'est  vers  l'an- 
cienne paroisse  de  Sainl-Martin-lez-Sos  sur  une  grande  étendue.  Des  ruines 
nombreuses  de  constructions  romaines,  découvertes  journellement  sur  cette 
dernière  partie  du  plateau  maintenant  livré  à  la  culture,  attestent  avec  cer- 
titude qu'à  l'époque  romaine  la  ville  de  Sos  avait  franchi  la  dépres.sion  de 
Loustalet  et  s'étendait  jusqu'à  deux  ou  trois  cents  mètres  au-delà  dans  la  «H- 
reclion  de  Sainl-Martin-lez-Sos.  Et  tout  porte  à  croire  qu'il  en  fut  de  même 
de  l'oppidum.  (Breuils,  ibid.)  J.  M. 


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-  13Ô  - 

Henri  IV,  Louis  XIII,  Louis  XIV,  Rois  de  France,  Philippe  IV,  roi 
d'Espagne,  et  des  pièces  mexicaines  presque  brutes,  d'or  très  pur 
sans  alliage,  et  à  peine  frappées  au  type  espagnol  ou  portugais,  qu'il 
y  avait  1°  une  porte  de  ville  entre  la  maison  actuelle  du  sieur  Ca- 
niazonades,  et  celle  que  le  sieur  Garoste  a  vendue  à  Dêvcns  ;  2**  une 
autre  porte,  entre  la  maison  du  sieur  Mendonne,  boulanger,  et  par- 
tie de  la  même  maison  Garoste,  où  était  jadis  un  emplacement  ven- 
du par  M.  de  Salis  ;  3*  une  porte  de  ville,  à  l'extrémité  de  la  pro- 
menade actuelle,  au  sommet  de  la  chaussée,  entre  la  maison  de 
M.  Ho(|ues  et  le  jardin  de  M.  Garde,  c'était  la  deniière  de  ce  côté 
de  la  rampe  de  la  Gélise  ;  4**  une  porte  dans  le  quartier  qui  avoisine 
fancien  chûteau,  et  qui  conserve  encore  le  nom  de  Porte  Neuve  ; 
5®  une  porte  au  couchant,  au  sommet  de  la  chaussée  qui  va  à  Ga- 
barret,  à  l'angle  de  la  maison  de  M.  Labcyrie  ;  les  restes  en  sont 
encore  apparents. 

Voilà  donc  les  cinq  portes  placées  en  divers  quartiers,  et  non 
toutes,  comme  le  dit  M.  de  Villeneuve,  du  côté  de  la  rampe  de  la 
Gélise,  dont  la  plus  éloignée  de  la  ville  actuelle  se  trouvait  sur  le 
môme  plateau,  et  au  sommet  de  la  chaussée  qui  perce  cette  rampe 
cl  conduit  à  l'ancienno  Eium.  Enfin,  des  restes  de  tours  adossées 
aux  murs  de  ville  (hi  côlé  de  hi  rampe  paraissent  encore  entre  les 
maisons  Païssé  et  L)uiTau  (J),  et  viennent  corroborer  notre  opinion. 

Ainsi,  rien  ne  constate  que  la  ville  des  Sotiates  s'étendit  davan- 
tage vers  la  rampe,  où  jusqu'à  ce  jour  la  culture  et  les  fouilles  n'ont 
fait  trouver  aucuns  vestiges  de  constructions,  tandis  que  dans  les 


(1)  M.  Duffau,  à  qui  revient  l'honneur  d'avoir  découvert  la  stèle  votive  por- 
tant une  dédicace  à  la  Tulèle  par  une  corporation  de  maçons,  a  sa  pharma- 
cie installée  dans  une  belle  maison  des  Cornières,  dont  la  façade  extérieure 
est  depuis  longtemps  sans  caractère,  mais  dont  la  cour  intérieure  aux  pans 
de  bois  et  fenêtres  à  meneaux  sculpté  est  un  excellent  spécimen  des  demeu- 
res bourgeoises  du  xvi*  siècle,  dans  la  région.  Une  pièce  du  premier  étage 
est  pourvue  d'une  cheminée  en  pierre,  très  monumentale  et  d'un  style 
charmant  dans  sa  riche  sobriété.  C'est,  paraît-il,  dans  cette  maison 
que  logea  Henri  IV,  encore  roi  de  Navarre,  quand  il  fut  officiellement 
reçu  à  Sos,  pour  la  première  fois,  le  14  mars  1580.  M.  Barthalès  a  consacré 
une  fort  agréable  page  à  cet  épisode  de  l'histoire  de  sa  ville  natale.  {Les  So- 
tiates, etc.,  p.  81-83.) 

Marguerite  de  Valois,  venant  d'Eauze,  dîna  et  soupa  à  Sos,  probablement 
dans  le  même  logis,  le  2  juillet  1579.  Elle  y  fil  halte  encore  le  3  juin  1581. 
Henri  IV  dîna  encore  une  fois  à  Sos,  le  13  mai  1584. 

(Cfr.  Ph.  Lauzun,  Itinéraire  raisonné  de  MarQuerite  de  Valois  en  Gasco- 
gne. Paris,  Alph.  Picard.  1902,  pp.  111.  176  et  286). 


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champs,  les  vignes,  chemins,  maisons,  au  nord,  se  trouvent  des 
tombes,  des  constructions,  des  fragments  de  tuiles  dont  la  forme  se 
rapporte  à  celles  dont  on  se  servait  au  temps  des  Romains. 

Quant  au  château,  rien  ne  constate  qu'il  fût  de  cette  époque  recu- 
lée, mais  cela  est  probable,  ne  fût-ce  qu'à  cause  de  son  adhérence 
aux  autres  fortifications  ;  et  si  aucun  document  ne  vient  le  prouver, 
il  est  aussi  très  possible  qu'il  passa  à  des  souverains  particuliers, 
du  moyen-àge,  qui  y  attachèrent  leur  écusson,  signe  de  domination 
sur  ces  restes  de  la  gloire  et  de  la  puissance  des  Sotiates  et  des  Ro- 
mains qui  les  soumirent. 

{A  suivre). 


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LE  CHATEAU  DE  CASTELNOUBEL 

(Commune  de  Bon-Encontre) 

•;  SUITE  ) 


Les  Pascault  de  Poléon.  —  La  famille  de  Pascault  on 
Pasco  est  originaire  de  La  Rochelle.  Jean  Pascault,  écuyer, 
sieur  de  Villars,  était  en  1607  échevin  de  La  Rochelle  et  lieu- 
tenant général  au  présidial  de  celle  ville.  Ce  fut  Tauteur  de  la 
familles,  maintenue  dans  la  noblesse  par  ordonnances  du  29 
janvier  1671  et  T""  janvier  1700. 

Les  armes  des  Pascault,  baron  de  Poléon,  était  :  d'argent, 
au  mouton  naissant  de  sable,  surmonté  et  accosté  de  3  bran- 
ches d'épines  de  sinoples. 

Jean  de  Pascault,  baron  de  Poléon,  conseiller  du  roi  en  ses 
conseils  d'Etat  et  privé,  seigneur  de  Villars,  Coutures,  Châ- 
teau-Gaillard, se  maria  avec  Sara  de  Piccassary,  dont  il  eut  : 

Jean  de  Pascault,  qui  épousa,  le  22  août  1647,  demoiselle 
Suzanne  de  Galard  de  Béarn.  Celle-ci  était  fille  de  Louis  de 
Galard,  comte  de  Brassac  et  de  Béarn,  baron  de  Larochebeau- 
courl,  et  de  Marie  de  Ranconnel  de  No\  on  (1). 

De  ce  mariage,  il  y  eut,  entre  autres,  Jean  Pascault,  mar- 
quis de  Poléon,  Louis  et  Pascault,  seigneur  de  Villars. 

C'est  le  second  de  ces  enfants,  messire  Louis  Pascault  de 
Poléon,  qui  acheta  Castelnoubel  à  Jean-Baptiste  de  Secondai. 

Louis  Pascault  se  maria  avec  Marianne  de  Laborde,  fille  de 
noble  Etienne  de  Laborde,  seigneur  de  La  Cassaigne,  et  de 
demoiselle  Marie  de  Maures,  en  1699.  Marianne  était  veuve  de 
François  de  Malartic. 

Loi-s  de  son  mariage,  Louis  Pascault  habitait  dans  la  ville 
d'Agen  depuis  un  an.  Il  dut  donc  acheter  Castelnoubel  vers 


(1)  Noulens.  Maison  de  Galard,  t.  iv,  p.  1480. 

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-112- 

1700.  Nous  ignorons  le  prix  d'achat,  mais,  un  document  de 
1747  nous  apprend  que  le  seigneur  de  La  Cassaigne  avait  payé 
pour  lui  la  somme  de  3.885  livres,  «  à  M.  le  président  de  Mon- 
tesquieu à  qui  elle  était  due  pour  reste  de  prix  de  l'acquisition 
de  la  terre  de  Castelnoubel  »  (1). 

Messire  Louis  Pascaull,  seigneur  de  Chaban,  Castelnoubel, 
Mérens  et  Cassou,  lit  son  testament  le  13  août  1710.  Il  habitait 
alors  dans  la  ville  d'Agen,  rue  Daurée.  S'il  meurt  à  Agen  il 
veut  être  enteiTé  dans  l'église  des  Capucins.  S'il  meurt  à  Cas- 
telnoubel, il  «  veut  être  ensevely  dans  la  chapelle  Notre-Dame 
de  Castelnoubel  (2)  et  pour  droit  de  sa  sépulture  et  de  ses  suc- 
cesseurs il  donne  à  l'église  de  Cassou  la  somme  de  cent  livres 
payables  une  fois  après  son  décès,  pour  ladite  somme  être 
employée  aux  réparations  les  plus  nécessaires  de  la  dite  église 
et  au  cas  où  il  soit  ensevely  dans  ladite  chapelle  de  Cassou,  il 
veut  qu'il  soit  dict  au  plus  tôt  après  son  décès  cent  messes  bas- 
ses de  Requiem,  pour  le  salut  de  son  âme,  dans  lad.  église  de 
Cassou  et  Saint-Denis,  pour  lesquelles  cent  messes  il  veut  qu'il 
soit  payé  quarante  livres  après  son  décès  et  que  l'annuel  soit 
dit  aux  capucins  comme  sus  est  dit  et  à  la  discrétion  de  dame 
Marianne  de  Laborde  son  esjpouse.  Il  fixe  ses  honneurs  à  la 
somme  de  300  livres  pour  le  moins. 
Il  fait  divers  dons  à  ses  frères,  à  sa  nièce  Engélie,  fille  du  mar- 
quis de  Poléon,  donne  la  jouissance  de  ses  biens  à  sa  femme. 
Il  institue  comme  héritier  universel  Messire  Jean  César  Pasco, 
son  neveu,  fils  unique  dudit  marquis  de  Poléon  son  frère.  S'il 
meurt  sans  enfant  son  hérédité  doit  revenir  aud.  seigneur  de 
Villars  son  frère.  Si  celui-ci  n'a  pas  d'enfants  son  héritage  ira 
à  Haut  et  puissant  Messire  François  Alexandre  de  Galard  de 
Béarn,  chevalier,  seigneur,  comte  de  Brassac  son  cousin  ger- 
main (3). 

Il  mourait  un  an  après  le  P'  août  1711.  «  Messire  Louis  Pas- 
eau,  chevalier,  seigneur  de  Chaban  et  Castelnoubel  est  décédé 


(1)  Archives  départementales  de  Lot-et-Garonne,  B.  158. 

(2)  Cetlo  chapelle  (^lail  dans  l'église  de  Cassou. 

(3)  Archives  départementales  de  Lot-et-Garonne,  B.  123,  f.  19. 


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—  143  — 

en  la  foy  de  l'église  en  son  château  de  Castelnoubel^  le  premier 
jour  d'août  mil  sept  cens  onze,  et  le  lendemain  son  corps  a  esté 
inhumé  dans  la  chapelle  \olre-l)ame  de  Cassou,  près  du  ba- 
luslre  présent  Gabriel  Bénech  et  Jean  xMarche,  brassier,  qui 
n'ont  sceu  signé.  —  Rivkt,  curé  (1).  » 

La  succession  se  fit  dans  l'ordre  établi.  Jean  César  Pascault 
son  neveu  lui  succéda  immédiatement. 

Le  27  avril  1747,  Jean-Charles  Pascault,  seigneur,  marquis 
de  Poléon,  se  marie  avec  Marie  Pascault,  et  reçoit  à  cette  oc- 
casion de  Jean  César  Pascau  de  Béam  et  de  Poléon,  son  père 
peut-être,  la  «loitié  de  Castelnoubel.  Louis-Auguste  Pascault, 
abbé  de  Poléon,  au  nom  du  baron  de  Poléon,  lui  donna  la 
seigneurie  de  Castelnoubel  à  condition  de  faire  certains  paie- 
ments spécifiés  dans  l'acte  (2). 

Les  diverses  substitutions  établies  par  le  testament  de  1710 
élant  toutes  épuisées  une  dernière  substitution  s'ouvrit  en 
faveur  de  M.  Guillaume  Alexandre  de  Galard,  marquis  de 
Brassac.  Mais  à  ce  moment  la  terre  de  dastelnoubel  était  pos- 
sédée par  1°  Louis- Auguste  Pascault  de  Poléon,  comte  de  Vil- 
lars  ;  2**  Jean-Charles  Pascault,  marquis  de  Poléon  ;  3**  Dame 
Angélique-Adélaïde  Pascault  de  Poléon  épouse  de  Charles- 
Martin  de  Mardelaine  ;  i"*  Damoiselle  Marie-Charloltc-Diane 
de  Pascault  de.  Poléon. 

Des  contestations  s'élevèrent  et  on  décida  de  s'arranger'  ^ 
l'amiable.  11  fut  convenu  que  Castelnoubel  serait  vendu  par  li- 
citation. 

Louis-Auguste  Pascault  de  Poléon  se  rendit  acquéreur  pour 
la  somme  de  80,107  francs.  I^  marquis  de  Brassac  renonça  à 
ses  droits  moyennant  la  somme  de  24, ()()()  francs  (3). 

Est-ce  à  Louis-Auguste  Pascault  de  Poléon,  resté  seul  maî- 
tre de  Castelnoubel,  qu'il  faut  attribuer  ce  que  nous  lisons  dans 
un  article  de  YEcho  de  Gascogne  : 

«  Grand  veneur  et  très  jaloux  de  ses  prérogatives,  le  comte 
de  Poléon  menaçait  sans  cesse  de  faire  pendre  haut  et  court 


(1)  Archives  de  Mademoiselle  Scellier  de  Lample. 

(2)  Archives  départementales,  B.  158. 

(3)  Archives  du  château  de  Castelnoubel. 


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-  M4  — 

les  gentilshommes  el  les  manants  trouvés  sur  ces  terres  en  fla- 
grant délit  (le  chasse.  De  violentes  scènes  éclatèrent  fréquem- 
ment entre  l'irascible  giboyeur  et  bon  nombre  vie  propriétaires 
voisins  accompagnés  le  plus  souvent  d'opulents  bourgeois  de 
la  bonne  ville  d'Agen. 

<(  Une  chanson  grivoise  et  patoise,  rappelant  les  excentrici- 
tés du  noble  tenancier,  fut  longtemps  en  vogue  dans  la  con- 
tiée,  on  l'entonnait  après  boire  et  les  échos  en  redisaient  les 
refrains  mordants  jusqu'après  les  événements  de  1814  (1).  » 

La  légende  raconte  aussi  que  pendant  la  Révolution,  il  ayait 
séquestré  sa  femme  dans  une  chambre  de  la  tour  du  nord. 
Cette  pauvre  malheureuse,  dit-on,  recevait  sa  nourriture  de 
l'extérieur,  par  une  petite  fenêtre  ouverte  sur  les  fossés. 

A  la  Révolution,  le  seigneur  de  Caslelnoubel  n'émigra  pas. 
Cependant,  comme  il  avait  abandonné  son  château,  on  l'ins- 
crivit sur  la  liste  des  émigrés  et  ses  biens  furent  mis  sous  sé- 
questre. 

Pour  se  faire  rayer  de  la  liste  d'émigration  et  rentrer  en 
possession  de  ses  terres,  il  dut  faire  de  nombreuses  el  actives 
démarches.  Il  prouva  par  certificats  qu'il  avait  résidé  à  Bor- 
deaux, à  Ruffec  et  à  Agen,  et  obtint  sa  radiation  définitive  le 
7  messidor  an  VII  (2). 

11  mourut  le  13  mai  1811. 

Il  laissait  pour  héritière  unique  Augustine-Pauline-Evelina 
Pascault  de  Poléon  sa  fille,  mariée  à  Pierre-Auguste  Gascard, 
chevalier  de  l'ordre  royal  et  militaire  de  Saint-Louis,  officier 
de  la  légion  d'honneur,  ancien  trésorier  des  mousquetaires 
noirs  de  la  garde  du  roi,  receveur  particulier  des  contribu- 
tions directes  à  Montreuil-sur-Mer  (Pas-de-Calais).  Plusieurs 
créanciers  et  notamment  le  marquis  de  Galard-Brassac  s*étant 
présentés,  il  fut  décidé  que  Castelnoubel  serait  vendu. 


(1)  Echo  de  Gascogne,  5  février  1888.  L'article  accompagné  d'un  dessin  de 
Soignouret  représentant  le  côte  nord,  est  signé  Jean  Dumanoir.  U  est  mal- 
lioiinMisomont  déparé  par  quelques  orroiirs. 

(2)  Archives  départementales.  Fonds  Hévolutionnaire,  L.  49,  96,  104  et  107. 


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DE  Joskpii-Marik-Ktienni:  GiRAUD  dis  ECUKROLLKS 


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—  145  — 
CHAPITRE  V 

Castelnoubel  au  xix*  siècle.  —  M.  des  Echerolles,  ses  souvenirs. 


M.  Pierre  Loubat,  négociant,  habitant  à  Bordeaux,  acheta 
le  domaine  de  Castelnoubel,  en  1817.  Il  en  aliéna  plusieurs 
parcelles  et  revendit  le  reste  à  M.  Joseph-Marie-Etienne  Gî- 
raud,  chevalier  des  Echerolles,  écuyer^  chevalier  des  ordres 
royaux  et  militaires  de  Saint  Louis  et  de  la  légion  d'honneur, 
secrétaire  général  de  la  préfecture  de  Lot-et-Garonne.  Le  do- 
maine était  composé  «  d'un  château  et  ses  dépendances,  bâti- 
ments d'exploitation,  logements  des  cultivateurs  et  autres 
édifices,  jardin,  lac,  terres  labourables,  prés,  pactus,  vignes, 
jouais,  bois  et  friches.  »  Le  prix  d'achat  fut  de  40,200  francs  (1). 

Le  nouvel  acquéreur  de  Castelnoubel  appartenait  à  une  an- 
cienne famille  du  Bourbonnais,  dont  nous  pouvons  suivre  la 
filiation  jusqu'au  milieu  du  xvf  siècle.  Le  nom  patronymique 
est  Giraud.  Les  armes  sont  :  de  gueules  au  puits  d'argent  d'où 
sortent  deux  palmes  en  bande  et  en  barre  du  même  ;  au  chef 
cousu  d'azur  ;  à  la  fleur  de  lys  d'or,  chargé  d'un  bâton  péri  en 
bande  du  champ. 

Le  grand-père,  Gilbert-François  Giraud  des  Echerolles,  ca- 
pitaine au  régiment  de  Poitou,  avait  deux  passions,  la  guerre 
et  la  chasse.  «  A  peine  revenu  de  l'armée,  il  courait  dans  les 
bois,  y  passait  les  jours  et  les  nuits  à  faire  la  guerre  aux  loups 
et  aux  sangliers.  Il  appelait  cela  se  reposer.  Cette  manière  de 
vivre  diminua  beaucoup  sa  fortune  (2).  » 

Marié  à  Martiale  Anne  de  Melon,  il  eut  une  fille  Marie-Anne, 
guillotinée  pendant  la  Révolution  à  Lyon,  et  un  fils  Etienne- 
François,  dont  il  fit  un  militaire.  A  la  rude  école  de  son  père, 


(1)  Archives  du  château  de  Castelnoubel. 

(2)  Une  lamille  noble  sous  la  Terreur,  par  Alexandrine  des  Echerolles. 
Pion,  Paris,  1907,  p.  1. 


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—  146  — 

celui-ci  devint  un  soldai  remarquable,  qui  se  distingua  surtout 
à  la  défense  de  Lyon  en  1793. 

Etienne-François  des  EcheroUes,  chevalier  de  Saint  Louis, 
maréchal  de  camp,  épousa  en  premières  noces  Anne-Adèle  de 
Tarade  et  en  secondes  noces  Catherine  Cirlot.  De  son  premier 
mariage  il  eut  un  fils  mort  jeune,  Martial,  d'abord  officier,  puis 
émigré  servant  à  l'armée  des  princct?,  retiré  ensuite  à  Naples 
où  il  mourut,  Joseph-Etienne,  qui  nous  intéresse,  Adèle  et 
Alexandrine. 

Cette  dernière  a  raconté  l'histoire  de  sa  vie  pendant  la  Révo- 
lution et  des  malheurs  qui  fondirent  sur  la  famille.  Son  livre 
d*abord  intitulé  Quelques  années  de  ma  vie  (1),  eut  un  grand 
et  légitime  succès.  Lamartine  déclarait  n'en  avoir  pas  trouvé 
de  plus  intéressant.  Il  a  été  réédité  en  1907  sous  ce  nouveau 
titre  Une  lamille  noble  sous  la  terreur  (2).  Après  la  Révolution, 
Alexandrine  des  EcheroUes  fut  prise  comme  institutrice  par 
Madame  la  duchesse  Louise  de  Wurtemberg.  Devenue  cha- 
noinesse  du  Chapitre  de  Sainte-Anne  de  Munich,  et  dame 
d'honneur  de  l'archiduchesse,  elle  acquit  une  très  grande  in- 
fluence qu'elle  mit  au  sèr\ice  de  la  religion  catholique. 

Joseph-Marie-Elienne  Giraud  des  EcheroUes  fut  connu  pen- 
dant son  enfance  sous  le  nom  de  ChamboUe.  Entraîné  par  les 
événements  et  la  ruine  de  sa  famUle  hors  de  son  pays,  il  eut  la 
vie  la  plus  agitée  que  l'on  puisse  rêver.  Il  a  pris  soin  d'écrire 
ses  souvenirs,  mais  U  écrivait  la  plupart  du  temps  sur  des  feuil- 
les volantes,  et  presque  toujours  avec  le  crayon,  en  sorte  que 
bien  des  pages  se  sont  perdues  et  que  d'autres  sont  indéchif- 
frables. Cependant  de  la  masse  énorme  de  notes  qu'il  a  laissées 
nous  extrairons  quelques  renseignements  qui  feront  revivre 
cette  figure  originale.  Lui-même  a  tracé  en  1802  le  portrait  sui- 
vant, qui  me  paraît  exact.  «  Imagination  exaltée  qui  i>eut  en- 
traîner le  jugement. 


(1)  Quelques  Années  de  ma  vie,  par  Alexandrine  des  EcheroUes.  Chez  Mar- 
tial Place,  libraire.  Moa!ins-eur- Allier,  1813. 

(2)  Une  lamille  noble  sous  la  Terreur,    par  Alexandrine    des    EcheroUes. 
Paris,  Pion,  1907. 


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c<  Education  manquée  ;  conséquence,  ne  pourra  qu'être  su- 
perficiel, ayant  la  soif  du  savoir. 

«  Malin,  frondeur,  caustique,  austère,  s'est  aliéné  Taffec- 
lion  générale. 

»(  Foncièrement  bon,^  loyal,  original  devant  avoir  peu 
d'amis,  parce  qu'il  sera  donné  à  peu  de  le  concevoir,  mais  sera 
révéré  s'il  est  apprécié.  » 

Il  naquit  à  Moulins  le  17  mai  1775.  Dès  son  enfance,  dit-il, 
il  fut  destiné  à  l'état  ecclésiastique,  et  sa  mère,  qui  avait  fait 
connaissance  avec  le  cardinal  Giraud,  légat  du  Saint-Siège  à 
Paris,  rêvait  pour  lui  de  hautes  destinées.  Mais  ce  fut  un  rêve 
de  très  courte  durée. 

Sa  prime  enfance  s'écoula  dans  le  beau  domaine  des  Eche- 
roUes,  près  de  Moulins.  Son  père,  caractère  violent,  emporté, 
d'une  raideur  toute  militaire,  le  voit  d'assez  mauvais  œil,  à 
cause  d'une  infirmité  corporelle,  qui  lui  passa  avec  l'âge.  Sa 
mère,  bonne,  douce,  très  instruite,  lentoure  d'affection.  On  lui 
donne  pour  précepteur  un  abbé  nommé  Pinglin,  dont  il  a  gardé 
un  très  mauvais  souvenir. 

A  douze  ans,  en  1787,  il  entre  à  l'école  militaire  de  Metz, 
comme  aspirant  au  corps  royal  de  l'artillerie.  Il  y  était  encore 
lorsqu'éclatèrent  les  premiers  événements  de  la  Révolution. 
Revenu  à  Moulins,  il  fut  nommé  sous-lieutenant  dans  la  garde 
nationale  de  cette  ville,  dont  son  père  avait  été  élu  colonel.  II 
avait  alors  quatorze  ans. 

L'année  suivante,  1790,  il  est  député  à  la  fête  de  la  Fédéra- 
tion, à  Paris,  avec  son  père.  Son  séjour  dans  la  capitale,  les 
revues,  les  fêtes  et  réunions  auxquels  il  assista  laissèrent  en  sa 
mémoire  de  vifs  souvenirs  qu'il  écrivit  plus  tard.  Il  ne  nous  en 
est  parvenu  que  des  fragments,  dont  quelques-uns  sont  cu- 
rieux. Nous  en  donnerons  des  extraits.  Evidemment,  il  faut 
tenir  compte  de  la  grande  imagination  de  M.  des  Echerolles  et 
aussi  du  temps  écoulé  depuis  les  événements  qu'il  raconte  jus- 
qu'au moment  où  il  écrit.  Sa  mémoire  fut  certainement  aidée 
par  la  lecture  des  nombreuses  publications  parues  sur  la  pé- 
riode révolutionnaire,  et  plusieurs  fois  les  Mémoires  d'outre- 
tombe  sont  cités  par  lui.  Quoiqu'il  en  soit,  et  malgré  la  van- 


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-  148  -- 

tardise  qui  se  trouve  dans  ces  souvenirs,  il  me  paraît  bon  d'en 
faire  connaître  quelques  passages. 

Revue  an  Champ  de  Marfi.  —  Toute  la  matinée  fut  consacrée 
d'abord  à  préparer  la  plus  belle  tenue  possible,  à  passer  les  inspec- 
tions hiérarchiques  et  à  se  mettre  en  marche  drapeaux  déployés, 
après  avoir  déjeuné  à  la  hâte,  et  bien  nous  en  prit,  car  nous  ne  ren- 
trâmes que  dans  Taprès-midi.  Agathe  toute  glorieuse  et  pimpante 
était  encore  à  nos  fenêtres  n'ayant  des  yeux  et  des  soins  que  pour  le 
beau  balafré,  mon  respectable  père,  car  à  ses  yeux  je  n'étais  plus 
qu'un  ourson  mal  léché.  Je  ne  parlerai  donc  plus  de  cette  parisien- 
ne, vrai  modèle  de  ces  servantes  maîtresses,  au  joug  desquelles  se 
soumettent,  par  habitude,  les  célibataires  qu'elles  dorlotent.  Elle  eut 
raison,  car  elle  pouvait  espérer  de  mon  père  au  départ  de  riches 
étrennes,  tant  le  Bourbonichon  est  généreux  et  de  moi,  tout  au  plus, 
ces  trois  mots  :  «  Au  revoir,  Agathe » 

Ainsi  donc,  drapés  sous  le  drapeau  des  gardes  nationales  du 
Bourbonnais,  nous  gagnâmes  la  rive  droite  de  la  Seine,  longeant  les 
Tuileries,  traversant  un  pont,  celui  dit  royal,  je  crois,  descendant 
la  rive  gauche,  et  entrâmes  au  Champ  de  Mars  par  la  [)orte  la  plus 
rapprochée.  Nous  prîmes  le  rang  alphabétique,  ou  le  troisième,  Ain, 
Aisne,  Allier,  à  l'extrême  gauche  était,  dit-on,  les  députations  de 
Tarmée. 

Le  temps  était  beau.  Les  buttes  étaient  couvertes  de  spectateurs. 
Bientôt  le  roi  parut,  à  pied  venant  de  notre  droite,  il  marchait  len- 
tement, pesamment,  paraissant  soucieux,  mais  affectant  les  dehors 
d'une  parfaite  quiétude.  Le  hasard  voulut  que  Sa  Majesté,  que  sui- 
vait mon  père,  s'arrêta  devant  le  fédéré  de  Sainl-Pourçain.  Il  lui 
parla  de  sa  province,  avec  une  bonhomie  et  une  bonté  si  parfaite 
en  appuyant  sa  main  gauche  sur  l'épaule  droite  du  fédéré,  que 
l'arme  que  celui-ci  portait  vacillait  dans  ses  mains  et  que  yeux  se 
remplissaient  de  larmes.  J'étais  près  de  lui.  Sa  Majesté,  étant  un  peu 
plus  reposée,  marcha  plus  vite  et  ne  me  remarqua  pas.  Les  traits  du 
roi  restaient  gravés  dans  ma  mémoire.  J'eusse  été  heureux  si  le 
sacrifice  de  ma  vie  avait  pu  lui  être  utile.  Le  député  de  Saint-Pour- 
çain  disait  alors  à  celui  de  Bourbon-l'Archambaut  :  «  Vous  aviez 
raison,  mon  camarade,  Louis  XVI  est  digne  de  l'amour  le  plus  ten- 
dre, le  plus  dévoué,  le  plus  respectueux,  je  lui  appartiens  corps  et 
âme.  » 

Dans  une  voiture  d'apparat,  à  environ  60  pas  du  front  de  la  revue, 


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-  149  — 

j*aperçus  S.  M.  la  Reine  Marie-Antoinette  qui,  tournée  vers  nous, 
présentait  un  jeune  enfant.  Monseigneur  le  Dauphin.  S.  A.  Royale 
Madame  la  Duchesse  d'Angoulême,  était  en  face  et  à  sa  gauche  une 
dame  d'honneur,  une  autre  dame  était  au  côté  droit  de  la  Reine.  Je 
ne  pus  pas  distinguer  les  traits.  Hélas  !  si  les  cris  de  vive  le  Roi  ! 
avaient  accueilli  Louiâ  XVI,  le  silence  qui  fut  gardé  en  présence  de 
la  Reine  me  rappelait  toutes  les  calomnies  qui  par  toute  la  France 
avaient  élé  propagées.  J'en  étais  affligé  !....  Enfin,  Sa  Majesté  et  sa 
famille  s'étant  placés  devant  l'école  militaire,  le  défilé  eut  lieu  et 

nous  fûmes  des  premiers  rentrés 

Il  se  pourrait  que  ce  fut  dans  cette  même  soirée  que  mon  père 
me  conduisit  au  Palais-Royal.  Là  je  revis  encore  de  ces  costumes 
grecs  portés  par  des  femmes  presque  nues,  infectant  l'ambre  fel 
provoquant  ceux  qu'elles  coudoyaient  pour  les  entraîner  dans  des 
repaires  de  débauches.  L'une  d'elles  se  couvrit  ce  me  semble  d'une 
perruque  de  soie  verte,  rappelant  ces  divinités  qui  habitent,  dit-on, 
les  antres  du  fond  des  mers. 

Le  Dauphin  et  sa  sœur. 

Je  n'avais  vu  S.  A.  R.  et  Mgr  le  Dauphin  que  d'assez  loin  et  dans 
les  bras  de  la  Reine  pendant  la  première  revue.  Ayant  pu  disposer 
à  moi  seul  d'une  journée,  je  fus  aux  Tuileries  pour  voir  la  façade 
intérieure  de  ce  beau  palais.  Là  ayant  demandé  à  un  Monsieur  ce 
(ju'il  fallait  faire  pour  voir  ce  jeune  prince,  il  me  répondit  :  «  Vous 
rencontrez  une  bonne  occasion  »  et  du  doigt  m'indiquant  la  terrasse 
où  était  alors  un  enclos,  appelé  le  Jardin  du  Dauphin,  il  me  dit  : 
«  Allez,  avec  votre  médaille,  on  vous  laissera  entrer.  En  outre,  vous 
êtes  officier  des  fédérés  venus  de  la  province.  »  —  «  Du  Bourbon- 
nais, ajoutai-je  avec  fierté.  » 

Je  pus  pénétrer  dans  le  jardin  qui  était  ouvert.  Il  était  environ 
onze  heures  du  matin,  le  temps  était  beau,  sec  et  la  chaleur  déjà 
forte.  J'aperçus  un  jeune  blondin  d'une  délicieuse  tournure  qui  se 
dirigeait  en  diagonale  de  moi,  venant  do  la  gauche  allant  à  la  droite, 
H  côtoyant  un  jeune  jardinier,  poussant  une  brouette  de  métal  rem- 
plie d'eau  et  à  laquelle  était  adaptée  une  pompe,  au  moyen  de  la- 
(|uelle  l'enfant  arrosait  des  massifs  de  fleurs.  Au  bout,  étaient  non 
loin  des  loges  grillées  derrière  lesquelles  étaient  des  lapins,  des 
poules,  des  pigeons  et  une  volière  de  diverses  sortes  d'oiseaux.  Je 
m'arrêtai,  comme  il  croisait  la  direction  que  je  suivais.  Il  s'arrêta 
de  même  paraissant  étrangement  surpris  de  me  voir  et  désirant 


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—  150  — 

m'appeler  à  luj  pour  entamer  la  conversation.  Ses  yeux  allaient  de 
moi  à  son  jardinier  qu'il  entretenait  à  voix  basse.  S'il  n'avançait  pas, 
je  ne  bougeais  pas,  il  devait  lire  dans  mes  yeux  mon  innocence  et 
mon  amour.  Je  crois  cependant  qu'il  eut  fini  par  s'approcher  tout 
à  fait,  voire  même  me  parler,  si  de  malencontreux  visiteurs  n'eus- 
sent passé  entre  nous  allant  directement  à  lui.  On  m'a  assuré  depuis 
que  c'était  deux  députés  de  la  province  de  Bretagne,  l'un  d'eux  était 
Lanjuinais.  Avant  de  conter  ce  dont  je  fus  témoin  alors,  je  ferai  de 
mémoire  le  portrait  de  celte  délicieuse  créature.  Sa  figure  me  parut 
assez  rondelette  et  mignonne,  ayant  l'air  plus  du  roi  que  de  la  reine, 
de  laquelle  il  avait  la  chevelure,  mais  moins  blonde.  Ses  yeujc  étaient 
bleus  ou  vers,  ses  sourcils  bien  prononcés,  ses  joues  d'un  rose  ten- 
dre, mais  le  haut  de  la  figure  marqué  de  rousseur.  Le  col  parfait, 
comme  la  taille,  les  mains  petites  et  d'une  grande  blancheur,  les 
pieds  petits,  une  taille  fine  élancée.  Sa  tête  était"  couverte  d'un  cha- 
peau de  fine  paille  à  larges  bords  et  portail  un  vêtement  d'enfant 
qui  me  parut  en  soie  grise,  le  pantalon  boutonné  sur  le  côté.  Les 
deux  vêtements  couverts  à  leur  jonction  par  une  ceinture  bleue,  ten- 
dre à  franges  et  serrée  court.  Le  pantalon  laissait  voir  le  bas  de  la 
jambe  et  sur  les  souliers  de  fine  peau  de  couleur  gris  perle  étaient 
des  pompons  bleus.  Sa  veste  d'enfant  me  parut  garnie  tout  autour 
d'une  dentelle  et  le  col  de  la  chemise  était  rebattu  de  manière  que 
rien  ne  dérobait  alors  la  vue  d'une  peau  blanche  et  rosée  fine  et  sa- 
tinée. Le  bord  de  ses  manches  étaient  garnies  d'une  courte  ruche  de 
dentelle. 

Il  me  parut  avoir  à  cette  époque  cette  aimable  vivacité  qui  char- 
mait dans  Henri  V  enfant,  alors  qu'avec  son  grand-père,  il  sortait 
tête-à-tête  pour  aller  se  promener  en  voiture. 

Louis  XVII,  à  la  vue  des  deux  nouveaux  arrivants,  avait  quitté 
cet  air  enfantin  qui  m'avait  charmé.  Placé  entre  eux  deux  et  mar- 
chant lentement  dans  une  allée,  allant  sur  la  terrasse  des  Tuileries, 
il  écoutait.  Je  suivais  à  dislance  respectueuse,  mais  assez  près  pour 
voler  à  son  aide  s'il  m'eut  paru  nécessaire.  Je  ne  comprenais  pas, 
malgré  mon  peu  d'expérience,  qu'on  put  aussi  longtemps  adresser 
à  un  enfant  des  discours  empreints  de  pédantisme,  ayant  rapport  à 
des  choses  qu'il  devait  encore  et  fort  heureusement  ignorer.  Ah  ! 
que  j'aurais  voulu  avoir  charge  de  leur  intimer  l'ordre  de  se  retirer. 
Le  jeune  prince  les  ayant  attiré  à  la  porte  principale,  où  était  le  fac- 
tionnaire, s'arrêta  et  leur  dit  : 

«  Messieurs,  je  suis  convaincu  de  votre  amour  pour  le  roi,  mon 


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-  151  — 

seigneur  el  maîtreje  désirerais  en  entendre  plus  longtemps  le  témoi- 
gnage, mais  j'entends  crier  mes  petits  poulets,  c'est  Theure  de  pan- 
ser les  habitants  de  ma  volière,  je  suis  forcé  de  vous  quitter.  »  Sur 
ce,  il  tourna  le  dos,  repassa  en  courant  devant  moi,  paraissant 
comprendre  mon  mécontentement  et  disparut  dans  la  volière.  De- 
puis je  ne  Tai  revu. 

Ce  délicieux  enfant  venait  de  passer,  quand  j'aperçus  sur  le  seuil 
de  la  porte,  par  où  j'avais  approché  ce  prince,  une  jeune  ûUe  qui 
me  parut  être  âgée  de  12  à  14  ans.  Sa  tenue  était  assez  raide,  hau- 
taine, sa  mise  simple.  Elle  était  suivie  de  deux  dames,  qui  me  paru- 
rent avoir  au  moins  la  quarantaine!  Deux  messieurs  les  suivaient, 
puis  deux  valets.  J'avais  le  chapeau  sous  le  bras.  Je  baissai  la  main 
gauche  sur  la  dragonne,  la  main  droite  à  la  position  du  soldat  à 
une  revue.  C'était  la  duchesse  d'Angouléme.  Arrivée  à  ma  hauteur, 
elle  assembla  le  pas  et  son  regard  exprimait  l'étonnement,  qu'il  eut 
été  possible  que  j'eusse  pu  arriver  jusque  là.  La  suite  comprit 
qu'elle  devait  s'abstenir  et  je  sortis  de  ce  jardin. 

Oh  !  grand  Dieu,  que  tes  desseins  sont  étranges,  eussè-je  pu  de- 
viner alors  l'affreux  martyre  réservé  à  ces  deux  illustres  rejetons 
de  la  branche  aînée  des  Bourbons,  la  mort  de  ce  roi  que  les  Ven- 
déens ont  forcfi  les  terroristes  à  reconnaître,  qu'ils  ont  proclamé 
après  avoir  versé  des  torrents  de  sang  pour  sa  cause,  d'un  prince 
dont  l'étrange  et  horrible  martyr  s'est  terminé  dans  une  mystérieuse 
prison.  » 

Rentré  à  Moulins,  ChapiboUe  n'y  resta  pas  longtemps.  Par 
ordre  de  son  père,  il  rejoignit  à  Paris  un  de  ses  parents,  M.  de 
Tarade,  capitaine  d'artillerie,  qui  se  rendait  à  Maubeuge  où 
se  trouvait  son  régiment. 

«  Je  suis  parti  de  Moulins  en  Boubonnais  le  25  de  décembre  1791, 
me  rendant  à  Paris  par  ordre  de  mon  père,  pour  y  rejoindre  mon  pa- 
rent, M.  de  Tarade  de  Montcmonl,  capitaine  d'artillerie,  lequel  se 
rendait  à  Maubeuge,  où  était  sa  compagnie.  Madame  cjui  était  une 
demoiselle  de  Lavernier,  l'accompagnait.  Ils  voyageaient  dans  une 
chaise  de  poste  à  eux.  Je  ne  me  rappelle  rien  de  saillant  dans  ce 
voyage  :  ni  pendant  le  court  séjour  que  je  fis  à  Paris.  J'y  tenais 
compagnie,  le  soir,  à  ma  cousine  récemment  relevée  d'une  couche 
laborieuse.  Le  grand  cousin,  car  ainsi  à  cause  de  sa  haute  taille  nous 
nommions  son  mari,  m'avait  retenu  une  place  à  la  diligence,  pour 
me  rendre  de  Paris  à  Maubeuge.  Il  devait  partir  le  soir  à  ce  que  je 


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—  152  — 

crois.  Je  manquai  le  départ,  et  pour  courir  après  mon  argent,  je  dus 
aller  en  courrier  devant  la  chaise  de  poste.  N'ayant  pas  l'habitude 
du  cheval,  je  fus  bientôt  moulu,  meurtri.  Je  supportais  sans  mot  dire 
mes  souffrances  alors  qu'en  arrivant  îi  un  relai,  à  gauche  hors  de 
la  route,  la  maîtresse  de  poste,  grosse  paysanne  moqueuse,  me  dit 
que  je  me  tenais  à  cheval  comme  une  paire  de  pimettes.  La  voiture 
suivait  de  près.  Je  voulus  descendre  au  galop  l'avenue  de  la  poste 
et  le  cheval  s'abattant,  je  fus  labourer  en  avant.  Mais  mon  cousin 
s'étant  aperçu,  que  mes  fonds  de  culottes  étaient  tout  en  sang,  me  fit 
entrer  à  sa  place  dans  la  voiture  et  courut  devant  nous.  Comme  il 
était  laid  et  grDgnon  et  moi  jeune  et  frais  autant  que  potelé,  la  cou- 
sine, sous  le  prétexte  de  ménager  ma  santé,  me  conserva  et  force 
fut  à  son  mari  de  faire  le  courier  jusqu'à  Maubeuge.  Elle  était  jeu- 
ne, fraîche  et  très  jolie,  ma  chère  cousine,  nous  étions  si  serrés  que 
sa  chaleur  me  pénétrait.  Mais  yélais  encore  d'une  niaiserie  rare, 
heureusement  pour  nous  trois.  Ne  sachant  que  dire  de  mieux,  la 
jeune  femme  se  prit  ù  me  raconter  en  si  grand  détail  ses  couches 
et  suites  de  couches,  qu'il  me  prit  envie  de  vomir,  à  tel  point  que  je 
descendis  à  Maubeuge  avec  un  dégoût  invincible.  » 

A  Maubeuge,  il  se  mêle  à  la  société  militaire,  et  nous  dépeint 
ce  milieu  libertin,  tout  occupé  d'intrigues  galantes  et  de  plai- 
sirs. Puis  sur  une  injonction  de  son  père,  dit-il,  et  un  peu  à 
contre-coeur,  il  émigré  et  rejoint  à  Ath  le  régiment  de  Couronne 
infanterie  dans  lequel  il  s'engage.  Il  y  retrouve  quelques  Bour- 
bonnais, mais  il  ne  prend  pas  goût  à  sa  nouvelle  position. 

Lorsque  ce  régiment  fut  licencié  il  éprouve  le  désir  de  ren- 
trer en  France.  Il  arrive  à  Liège,  au  moment  où  l'armée  de 
Dumouriez,  victorieuse  à  Jemmapes,  faisait  son  entrée  dans  la 
ville.  A  la  faveur  du  désordre,  il  pénètre,  dit-il,  jusqu'à  la  salle 
où  siégeait  le  général. 

((  Je  pus  pénétrer  jusqu'à  un  grande  salle  on  était  assis  un  géné- 
ral coiffé  d'un  bonnet  rouge.  Derrière  lui  était  debout  un  nombreux 
étal-major  et  j'entends  un  Liégeois  qui  le  nomma,  c'était  Dumouriez. 
Conséquemment  dans  cet  état-major  devait  se  trouver  Louis  Phi- 
lippe d'Orléans  depuis  roi  des  Français.  Le  général  m'ayant  aperçu 
et  voulaukpeut-être  se  populariser,  me  dit,  avec  assez  de  douceur  : 
«  Que  veux-tu,  citoyen  ?  »  Je  répondis  peut-être  trop  humblement  : 
«  Un  passeport  pour  aller  en  France.  »  Alors,  son  œil  devint  scru- 


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lateur  et  sa  voix  se  grossissant  :  «  Qui  es-tu  ?  »  et  je  défilai  mon 
thème.  Je  ressemblai  à  l'agneau  qu'interpellerait  un  loup.  «  Ah  ! 
ah  !  un  domemstique  d'émigré  !  Va-t-en,  si  Ton  te  trouve  demain 
dans  la  ville,  je  le  ferai  laver  la  tête  avec  du  plomb.  »  Puis  il  reprit 
son  entretien  avec  les  notables  Liégeois.  » 

M.  des  Echerolles  sortit  de  Liège  et  se  dirigea  vers  la 
France.  En  roule,  il  rencontre  un  charretier,  qui  venait  de  por- 
ter une  charge  de  bidons  à  Tarmée  et  rentrait  chez  lui.  Ce  bon 
chari-elier  eut  pitié  du  jeune  homme,  il  le  prit  comme  domes- 
tique et  le  fit  ainsi  entrer  en  France.  Pour  pénétrer  dans  Paris 
il  se  cache  entre  les  sacs  de  farine  qu'un  autre  routier  trans- 
portait à  la  capitale. 

A  Paris,  il  se  réfugia  chez  de  braves  gens,  parmi  les(juels  il 
séjourna  un  certain  temps.  De  là,  il  écrivit  à  son  père,  pour 
lui  demander  de  l'argent,  car  ses  ressources  étaient  épuisées. 
Pendant  ce  séjour,  il  fut  témoin,  affirme-t-il,  du  spectacle  sui- 
vant : 

Or  donc  le  hasard  m'amena  à  la  porte  Saint-Martin  et  je  ne  fus 
pas  peu  surpris  de  rélrang<*  brouhaha  qu'on  y  faisait.  Des  pièces 
d'artillerie  étaient  bra([uéos  à  l'entrée  de  toutes  les  rues  des  fau- 
bourgs en  les  enfilant.  Aux  portes  Saint-Denis  et  Saint-Martin  ces 
pièces  étaient  desservies  par  des  hommes  habillés  en  femme.  Com- 
me ils  étaient  dans  un  complet  état  d'ivresse  ils  dansaient  des  faran- 
doles en  hurlant  Ça  ira,  Les  aristocrates  à  la  Lanterne,  Madame 
Veto  a  mal  au  c,,.,  c'est  La[ayette  qui  lui  a  /...  et  d'autres  abomina- 
lions.  Leurs  gambades  faisaient  voir  leurs  guêtres  noires. 

En  ce  temps  le  boulevard  montait  beaucoup  après  la  porte  Saint- 
Denis  et  il  y  avait  une  rue  basse  du  rempart  qui  le  longeait.  Je 
m'étais  placé  en  haut  de  cette  montée  du  côté  du  faubourg.  De  là 
j'apercevais  les  têtes  de  la  colonne  d'escorte.  D'énormes  faisceaux 
de  piques  étaient  placés  de  distance  en  distance,  des  deux  côtés  du 
boulevard,  et  des  hommes  marchant  sur  les  ailes  de  la  colonne,  for- 
çaient les  passants  à  prendre  une  pique  et  à  former  un  nouveau 
rang  derrière  chaque  peloton,  dont  le  front  remplissait  le  boulevard. 

Toute  cette  masse  arrivant  du  côté  de  la  porte  Saint-Antoine, 
avait  à  parcourir  tous  les  boulevards  jusqu'à  la  place  de  la  Révolu- 
tion. La  colonne  avançait  lentement.  J'avais  été  inaperçu.  La  voi- 
lure où  était  Sa  Majesté  venait  de  passer  ;  j'y  avais  vu  ce  prince  au 


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fond,  du  côté  droit.  Il  était  coiffé  comme  sur  les  pièces  de  monnaie, 
portait  un  petit  collet  (?)  jabot,  gillel  et  habit  à  la  française,  tel  qu'on 
les  portait  en  1790.  Sa  tête  était  découverte.  A  sa  gauche  était  un 
homme  vôtu  de  noir,  coiffé  d'un  chapeau  à  la  Henri  IV,  surmonté  de 
trois  plumes  tricolores,  et  à  son  col  pendait  un  ruban  tricolore,  où 
pendait  une  grande  médaille  d'or  ou  dorée.  Deux  pareils  étaient 
devant.  Tous  quatre  étaient  silencieux.  Le  roi  portait  ses  regards 
en  avant  et  ne  paraissait  nullement  occupé  des  latéraux,  d'où  par- 
taient d'insultantes  provocations,  des  injures  infernales.  Quant  à  la 
colonne,  elle  s'avançait  silencieuse.  Qui  était  en  tête  ?  Qui  com- 
mandait ?  Je  l'ignore. 

Sa  Majesté  était  à  peine  passée  que  je  résolus  de  traverser  les  bou- 
levards pour  arriver  au  jeu  de  paume,  en  traversant  Paris  et  voir 
ce  malheureux  roi  descendre  de  voiture.  Mais  à  peine  j'avais  pu, 
en  courant,  arriver  au  centre,  que  je  fus  bousculé  et  projeté  du  côté 
du  faubourg,  près  d'un  tas  de  piques,  et  comme  je  ne  voulus  jamais 
en  prendre  une  et  prendre  rang,  je  fus  battu  et  jeté  par  dessus  le 
parapet.  J'arrivai  heureusement  sur  le  dos  sur  le  pavé.  M'étant  re- 
levé moulu,  je  regagnai  comme  je  pus  le  logis,  en  suivant  les  rues 
alors  presque  toutes  solitaires.  Je  ne  trouvais  que  la  bonne  femme 
et  toute  kl  nuit  je  ne  fis  que  pleurer.  » 

Alexandrine  des  EcheroUes  raconte  dans  son  livre  tout  ce 
qui  précède,  et  aussi  la  façon  dont  son  frère  ayant  reçu  de  l'ar- 
gent, quitta  Paris,  el,  passant  par  le  Bourbonnais,  rejoignit 
sa  famille  à  Lyon.  Aussitôt  arrivé  dans  cette  ville  il  pi*évinl  ses 
parents  qu'il  serait  le  soir  sur  la  place  de  la  Douane.  Sa  sœur 
s'y  rendit,  mais  en  vain  : 

Je  me  promenai  assez  longtemps  sur  la  place,  observant  tous  les 
passants  ;  mais  ChamboUe  ne  parut  point.  Assez  inquiets  de  ce  re- 
tard, nous  nous  disions  :  Que  lui  est-il  suncnu  ?  La  soirée  avan- 
çait ;  il  n'arrivait  pas.  Enfin,  vers  dix  heures,  on  monte,  la  porte 
cntr'ouverte  est  doucement  poussée  ;  c'est  lui  !  Que  je  le  trouve 
changé  !  «  Où  étais-tu  donc  ?  demanda  mon  père.  »  —  A  la  comédie, 
répondit-il.  —  A  la  comédie  !  Et  pourquoi  à  la  comédie  ?  reprend 
mon  père  d'un  ton  fâché.  —  N'osant  me  présenter  chez  vous,  j'es- 
pérais vous  y  apercevoir  plus  tôt  ;  mon  cœur  et  mes  regards  vous 
ont  cherchés  partout.  »  Celte  réponse  diminua  Télonnemenl  de  mon 
père  et  l'adoucit.  La  comédie  n'allait  guère  à  notre  attente  ainsi  qu'à 


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nos  inquiétudes  ;  mais  la  jeunesse  de  mon  frère  , l'habitude  des  dan- 
gers auxquels  il  avait  su  échapper,  lui  inspiraient  une  sécurité  que 
nous  n'éprouvions  pas  pour  lui-même. 

Il  passa  trois  jours  et  trois  nuits  à  peu  près  au  secret,  prisonnier 
de  notre  amour,  objet  des  plus  tendres  soins  et  des  plus  vives  crain- 
tes. Un  émigré  était  un  personnage  bien  embarrassant  à  cette  épo- 
que. Un  émigré  portait  la  mort  avec  lui  ;  il  la  recevait,  il  la  don- 
nait à  tous  ceux  qui  l'approchaient.  M.  Mazuyer  vint  au  secours  de 
mon  père  en  lui  offrant  d'occuper  Chambolle  dans  la  verrerie  qu'il 
possédait  à  Rive-de-Gier.  On  l'y  envoya  sur  lo  champ  sous  un  nom 
supposé,  pour  y  être  commis.  Peu  après,  M.  do  (lueriot,  cet  ami 
précieux  de  notre  famille,  qui  commandait  encore  l'artillerie  de  la 
ville,  lui  donna  un  brevet  de  conducteur  du  train  d'artillerie,  avec 
la  commission  de  faire  des  achats  de  fer  et  de  charbon  pour  l'arse- 
nal de  Lyon,  ce  qui  motivait  son  séjour  à  Rive-de-Gier.  Il  ne  vint 
plus  nous  voir,  pour  éviter  le  double  danger  de  rencontrer  des  con- 
naissances et  d'être  trahi  par  notre  grande  ressemblance  (1). 

Mais  Chambolle  ne  resta  pas  longtemps  dans  celle  situation. 
Lyon  étant  assiégée  par  les  troupes  de  la  Convention,  il  rentra 
dans  cette  ville  et  s'engagea  parmi  ses  défenseurs.  Son  père, 
un  des  chefs  des  Lyonnais,  lui  ordonna  de  revenir  à  son  poste 
à  Grenoble. 

Il  suivit  le  colonel  de  Gueriot  dans  les  équipages  d'artillerie, 
en  1796  et  1797  en  Italie,  en  1798  à  l'armée  des  côtes  de  l'Ouest. 
Lorsque  son  corps  fut  licencié  il  apprit  qu'une  expédition  en 
Irlande  se  préparait.  Il  accepta  d'en  faire  partie  au  titre  d'ins- 
pecteur général  des  équipages,  aux  ordres  du  général  Hardy 
et  du  commandant  d'artillerie  Pernetli. 

Embarqué  sur  la  frégate  «  La  Coquille  ))  il  assista  à  la  ba- 
taille navale  de  Swilly,  où  il  fut  blessé  et  fait  prisonnier.  Em- 
mené avec  tous  ceux  qui  furent  pris  à  ce  combat,  il  aborda  à 
Glasgow.  On  leur  fit  traverser  toute  l'Ecosse  et  on  les  entassa 
dans  les  prisons  du  château  d'Edimbourg.  Ils  eurent  à  subir 


(1)  Alexandre  des   Echerollo?.    Vnr  lamilh  noble  sona   la   Terreur.   Pion, 
Paris  1907,  p.  70. 


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—  ir,6  — 

là  des  Iraitemenls  atroces  et  une  détention  longue  et  rigoureu- 
se. Il  a  raconté  cette  campagne  dans  de  curieuses  pages. 

Le  cadet,  ayant  fait  partie  d'une  expédition  malencontreuse,  lan- 
guissait prisonnier  dans  les  cachots  d'Edimbourg,  depuis  huit  mois. 
Je  languissais  aussi,  n'espérant  pas  une  fin  prochaine  à  tant  de 
souffrances,  lorsque  je  reçus  une  lettre  de  Chambolle  lui-môme  qui 
m'annonçait  sa  délivrance  et  son  retour  à  Paris.  Quelques  temps 
après,  je  vis  arriver  chez  M.  de  Chaligny,  où  j'étais  alors,  un  jeune 
militaire  le  sac  au  dos  ;  c'était  lui  !  De  pareils  moments  font  oublier 
les  jours  mauvais.  Il  était  gai,  bien  portant  ;  il  m'ouvrit  sa  bourse  ; 
elle  contenait  cinquante  beaux  louis  d'or.  Je  savais  qu'il  était  revenu 
avec  rien  ;  qu'on  lui  avait  disputé  et  retenu  son  traitement  ;  qu'enfin 
il  avait  été  maintenu  sur  la  liste  des  émigrés,  pendant  qu'il  gémis- 
sait dans  les  cachots.  «  D'où  vient  donc  cet  or  ?  est-il  à  toi  ?  »  —  Très 
fort  à  moi  !  —  Sans  avoir  dévalisé  la  diligence  (car  cette  mode  pre- 
nait) ?  —  Fi  donc  !  je  l'ai  gagné.  Joséphine  m'a  cru  fou  quand  elle 
m'a  vu  suspendre  mon  départ  pour  attendre  le  tirage  de  la  loterie, 
où  j'avais  mis  les  quatre  francs  qui  me  restaient  pour  toute  fortune. 
Je  n'étais  pas  si  fou  !  Je  lui  ai  rendu  ce  qu'elle  m'avait  prêté  pour 
venir  ;  il  m'en  reste  pour  toi  (1).  » 

Envoyé  à  Lorient  en  qualité  de  sergent  d'artillerie,  au  dépôt 
des  recrues  de  la  marine,  il  y  séjourne  un  an.  Puis  il  rejoint 
M.  de  Gueriot  à  Genève  et  devient  conducteur  ordinaire  d'ar- 
tillerie à  l'armée  de  réserve.  Il  eut  un  moment  la  pensée  de 
partir  pour  l'Amérique,  mais  l'amour  qu'il  avait  pour  sa  sœur 
l'en  détourna. 

M.  de  Gueriot  ayant  été  nommé  directeur  de  l'arsenal  d'Au- 
xonne,  Chambolle  l'y  suivit.  Il  y  passa  d'heureux  jours,  avec 
sa  sœur.  En  1802  il  fut  rayé  de  la  liste  des  émigrés.  Mais  les 
biens  de  sa  famille  mis  sous  séquestre  comme  propriétés  natio- 
nales, avaient  été  vendus. 

En  1804,  il  est  employé  à  l'armée  des  côtes  de  l'Océan,  au 
parc  général  d'artillerie  sous  les  ordres  du  colonel  Vermot.  A 


(1)  Alcxondrinc  des  Echerolles.  Loc.  cit.,  p.  381. 


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-  157  — 

Douai,  à  Saint-Omer  el  à  Saint-Léonard,  près  Boulogne,  il 
occupe  successivement  les  grades  de  conducteur,  garde  ordi- 
naire et  garde  principale  du  grand  parc.  A  Saint-Omer  il  se 
fait  recevoir  à  la  loge  maçonnique  de  cette  ville.  Au  camp  de 
Boulogne,  où  il  fut  proposé  une  première  fois  pour  la  légion 
d'honneur,  il  eut,  dit-il,  une  discussion  avec  Napoléon.  L'em- 
f>ereur  trouvait  qu'il  était  bien  petit  pour  son  grade.  ChamboUe 
répondit  que  si  on  mesurait  la  valeur  d'un  homme  à  la  taille, 
lui,  Napoléon,  ne  devrait  pas  être  empereur.  Loin  de  se  fâcher, 
l'empereur  lui  ordonne  de  se  rendre  à  Strasbourg  avec  le  grade 
de  garde  principal  du  parc  de  campagne  de  la  Grande  Armée. 

Il  marche  sur  Vienne,  se  distingue  à  l'affaire  de  Nordlingen 
et,  pour  la  troisième  fois,  est  proposé  pour  la  légion  d'hon- 
neur. Grâce  à  sa  présence  d'esprit  et  à  son  activité,  il  sauve, 
nous  dit-il,  le  grand  parc  d'un  désastre.  Il  assiste  à  la  reddition 
d'IJlm.  Au  cours  de  cette  campagne,  il  fut  nommé  sous-lieute- 
nant au  5*  bataillon  bis  du  train  d'artillerie. 

L'année  suivante,  il  prend  part  à  la  campagne  de  Prusse, 
assiste  à  l'affaire  de  Saaidfeld  et  à  la  bataille  d'Iéna^.  Le  14  oc- 
tobre 1806,  il  amène  au  point  du  jour,  à  l'empereur,  l'artillerie 
de  la  2*  division  du  5*  corps.  L'emf)ereur  le  félicite  et  envoie  la 
batterie  à  la  tête  de  la  première  division  où  elle  est  pulvérisée. 
Il  rallie  de  l'infanterie  dans  le  village  de  Vierzehnheiligen,  y 
est  blessé  par  la  mitraille  prussienne  ainsi  que  son  cheval,  se 
lance  sur  la  pièce  qui  l'a  blessé,  en  fait  les  canonniers  prison- 
niers. Il  a  rédigé  ses  souvenirs  sur  cette  bataille.  On  y  trouve 
de  curieux  passages,  notamment  ses  rencontres  avec  l'empe- 
reur. 

J'arrive  en  rêvassant,  dit-il,  au  bruit  qui  se  faisait  au  quart  de  la 
montée,  que  gravissait  rartillerie  de  la  1"  division  de  notre  corps... 
à  peine  ai-je  remarqué  les  fusées  des  caissons  français  qui  por- 
taient, que  je  m*écriai  :  «  Quel  est  le  f...  B...  qui  embarque  de  Tar- 
tillerie  française  par  un  chemin  de  roche  plus  étroit  que  sa  voie.  » 
A  l'instant,  se  retourne  un  gros  homme  court,  placé  devant  moi,  les 
mains  derrière  le  dos.  Il  me  lançait  un  regard  foudroyant,  que  je 
ne  fis  pas  semblant  de  remarquer,  pas  plus  que  celui  qui  le  dardait. 
C'était  l'empereur.  Mais  sentant  la  nécessité  do  me  remettre  dans  une 

II 


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-  158  - 

bonne  assiette,  j'ajoutai  en  me  plaçant  sans  façon  à  deux  pas  sur  sa 
droite  :  «  C'est  pourtant  ennuyeux  pour  Tartillerie  de  la  2"*  divi- 
sion, jamais  ils  ne  s'en  sortent  avant  le  point  du  jour.  Qu'ils  sont 
heureux,  ces  b...-là,  ils  entameront  la  danse  et  nous  n'en  serons 
pas.  »  A  peine  ^i-je  achevé  que  notre  homme  se  replace  sans  plus 
faire  attention  à  moi  et  moi  de  couler  dans  l'ombre.  » 

Après  avoir  reconnu  un  chemin  plus  facile,  il  va  trouver  ses  chefs 
et  les  décide  à  marcher.  «  Nous  partons  gardant  un  silence  profond. 
Arrivé  au  faîte  de  la  soiûraité,  j'entends  de  nouveau  le  caverneux 
«  Werda  »  mais  je  crus  remarquer  un  ton  inquiet  et  craintif.  Loin 
de  répondre,  je  m'écrie  d'une  voix  calme  et  sonore  :  «  Garde  à 
vous  !  Division  !  Tête  de  colonne  à  droite,  au  trot,  ïnarche  !  »  Je 
laisse  un  sous-officier  aîi  tournant.  Le  bruit  des  voitures  fut  tel  que 
je  n'attendis  plus  les  ennemis,  ce  qui  m'a  fait  depuis  présumer  que 
là  n'était  qu'un  poste  de  6  à  9  hommes.  A  peine  avions-nous  couru 
en  avançant  vers  le  sud,  qu'Un  groupe,  à  la  tête  duquel  je  reconnus 
rhomme  de  la  veille,  s'avança  avec  l'aube  du  jour,  en  me  criant  : 
«  Qu'est-ce  que  c'est  ?  Qu'est-ce  que  c'est  ?  »  Et  moi,  dans  l'ivresse 
de  ma  joie,  de  m'écrier  à  mon  tour  :  «  C'est  l'artillerie  de  la  2°*  di- 
vision du  5"*  corps.  A  nous  le  pompon,  nous  allons  tirer  le  premier 
coup  de  canon.  »  Que  sais-je  ce  que  j'allais  ajouter  quand  l'homme 
à  la  lévite  grise  m'interrompit  en  disant  :  «  Avez-vous  du  canon  de 
position  ?»  —  Oui,  dis-je,  2  pièces  de  8  et  2  obusiers.'  —  Bien,  bien. 
Faites  halte  !  Faites  les  avancer.  Un  sergent-major  les  commandait, 
j'ignore  pourquoi.  L'empereur  lui  dit  :  «  Placez-vous  là  pour  tirer 
dans  cette  direction  et  vous  ne  ferez  feu  que  sur  mon  ordre  verbal. 
Faites-moi  venir  une  compagnie  du  génie  et  qu'on  établisse  sur  le 
champ  un  ouvrage  de  campagne  pour  couvrir  cette  batterie.  Quant 
à  vous,  filez  dans  cette  direction  (il  nous  indiquait  le  Nord-Ouest), 
vous  allez  trouver  le  17*  léger.  » 

A  la  suite  de  cette  bataille,  il  assiste  à  la  capitulation  de 
Spandau  et  de  Slettin,  à  roccupation  de  la  Pologne  et  à  la  ba- 
taille de  Pulsluck,  où  il  se  distingue.  Il  approvisionne  de  grains 
la  2"*  division  du  5*  corps  à  Villemberg  alors  que  hommes  et 
chevaux  y  souffraient  de  la  faim.  A  Ostrolenka,  il  partage  la 
gloire  du  personnel  d'une  batterie  qui  arrête  à  portée  de  pis- 
tolet, une  division  Russe  prête  à  s'emparer  du  pont  d'Ostro- 
lenka,  occupation  qui  entraînait  nécessairement  la  capitulation 
de  l'armée  française.  Le  7  juillet  il  se  trouve  à  Tilsit. 


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—  159  — 

Il  fut  nommé  chevalier  de  la  légion  d'honneur  le  1*'  octobre 
1807. 

L'année  suivante,  ayanl  le  giade  d'adjoint  du  colonel  Bon 
de  Ligneu,  il  fait  la  cani[)agne  d'Espagne.  Par  les  ordres  et 
sous  les  yeux  du  général  de  Senanuonl,  le  19  novembre  1809, 
il  met  en  ligne  connue  oflicior  d'étal-major,  une  batterie  de  70 
pièces,  qui  décide  du  gain  de  la  bataille  d'Ocana.  Emporté 
entre  le  feu  de  cette  batterie  et  celui  des  ennemis,  son  cheval, 
frappé  d'un  coup  terrible,  est  jeté  en  l'air,  et  en  retombant  sur 
son  cavalier,  compromet  son  existence.  Remis  à  grand  peine 
sur  xm  second  cheval,  il  rejoignait  à  la  chute  du  jour  son  gé- 
néral; lorsqu'un  boulet  perdu,  tue  sous  lui  sa  nouvelle  mon- 
ture. Le  général  le  félicite  de  sa  conduite  et  lui  offre  d'être  son 
aide  de  camp.  Mais  quelques  jours  après  ce  général  était  tué  à 
Matagorda.  A  l'affaire  de  Mansurique,  il  se  joint  au  17*  chas- 
seurs pour  sauver  l'Etat-major  du  20*  dragons  qui  y  était 
bloqué. 

C'est  pendant  cette  campagne  qu'il  se  maria  à  SéviUe  avec 
Mademoiselle  Lucienne  de  Leygonié,  dont  la  famille  était  d'o- 
rigine française. 

A  la  fin  de  1810,  il  part  de  SéviUe  pour  Vérone,  en  Italie,  où 
il  est  envoyé,  avec  le  grade  de  lieutenant  adjudant-major.  Il 
fait  partie,  en  se  rendant  à  ce  poste,  de  la  colonne  aux  ordres 
du  colonel  Corbinau,  qui  devenait  aide  de  camp  de  l'empereur. 
Il  lui  offre  ses  services,  un  jour  où  dans  la  Manche,  im  effet  de 
mirage  présentait  l'aspect  d'une  armée.  Il  reconnaît  le  phéno- 
mène et  sauve  la  vie  à  400  prisonniers  anglais  qu'on  voulait 
fusiller.  Il  éclaire  de  nouveau  la  colonne,  sans  être  secondé, 
près  de  Fuente  Uuena. 

En  1811,  le  général  Gassendi  l'envoie  à  Dusseldorf  pour 
commander  et  organiser  le  train  d'artillerie  du  grand-duché 
de  Berg.  L'année  suivante,  il  passe  avec  le  grade  de  capitaine 
aux  lanciers  de  Berg.  En  1813  ce  régiment  est  licencié  à  Mont- 
medi. 

En  rentrant  à  Paris,  il  rencontre  l'Etat-major  d'artillerie  aux 
ordres  du  général  Sorbier.  Il  est  retenu  par  le  colonel  d'artil- 
lerie Bon  de  Ligneu.  Il  fait  la  campagne  de  France,  à  l'Etat- 


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^  1«Ô  - 

major  général  de  Tempereur.  Il  se  trouve  à  Sézane,  Arcis-sur- 
Aube,  Saint-Dizier.  Il  arrive  à  marche  forcée  à  Fontainebleau 
par  Troye  et  Auxerre  après  avoir  rempli  diverses  missions  pé- 
rilleuses. 

Après  l'abdication  de  Napoléon,  il  rentre  à  Paris  et  il  est  mis 
à  la  retraite  (15  juillet  1814).  Il  touchait  600  francs.  C'est  alors 
que  dans  sa  détresse,  il  fut  secouru  par  la  Duchesse  d'Angou-. 
lême,  qui  le  fit  nommer  sous-préfet  à  Villefranche  (Rhône). 

Il  occupait  ce  poste,  lorsque  Napoléon  quitta  Tlie  d'Elbe. 
Après  avoir  traversé  en  triomphateur  le  midi,  il  arrive  à  Ville- 
franche.  Le  sous-préfet  Giraud  des  EcheroUes  le  harangue, 
mais  lui  refuse  ses  services,  ayant  contracté  de  nouveaux  en- 
gagements. L'empereur  le  félicite  et  malgré  son  refus  le  nom- 
me préfet  de  Saône-et-Loire.  Il  refuse  ce  poste  et  va  rejoindre 
le  roi  Louis  XVIII,  et  reçoit  une  mission  périlleuse,  qui  l'oblige 
à  retourner  à  Lyon. 

Il  est  arrêté  à  Ileidelberg  par  ordre  d'un  général  autrichien, 
qui  doit  marcher  sur  Lyon  en  passant  par  Villefranche  et  qui 
lui  demande  de  l'accompagner.  Il  refuse,  revient  vers  son  roi, 
avec  lequel  il  rentre  à  Paris.  Il  est  alors  nommé  sous-préfet  à 
Belley  (Ain)  et  membre  de  Tordre  de  là  Fidélité. 

Il  préserva  son  arrondissement  des  troubles  et  de  la  famine, 
et  s'occupa  des  routes  qu'il  améliora.  Le  ministre  de  l'intérieur 
le  proposa  pour  le  grade  d'officier  dans  la  légion  d'honneur. 
Il  obtient  le  rétablissement  de  l'évêché  de  Belley.  Il  reçoit  du 
duc  de  Berry,  le  P'  janvier  1810,  son  brevet  de  l'ordre  de  la 
Fidélité,  ordre  que  Louis  XVIIl  qui  l'avait  créé  n'a  pas  jugé 
bon  de  maintenir,  peut-être  à  cause  du  petit  nombre  de  fidèles. 

En  181  S,  il  passe  à  la  sous-préfecture  de  Saint-Gaudens.  Ses 
relations  avec  l'Espagne  le  mettent  à  même  de  prévenir  M.  de 
Villèle,  alors  ministre,  qu'une  insurrection  allait  éclater  dans 
l'île  de  Léon.  Le  préfet  de  Toulouse  le  dénonce  comme  une  tête 
trop  ardente,  atteinte  de  folie.  Il  est  nommé  secrétaire-général 
de  la  préfecture  d'Agen.  Mais  son  dénonciateur  devient  fou 
dans  l'année  et  meurt  aux  petites  maisons. 

ILcxerça  ses  fonctions  de  secrétaire-général  pendant  dix  ans. 
Il  eut  beaucoup  de  déboires  à  Agen.  Il  les  a  racontés  dans  ses 


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—  161  ~- 

souvenirs.  C'est  pendant  son  séjour  dans  cette  ville  qu'il  acheta 
Casielnoubel.  En  1830  il  est  révoqué. 

Il  vécut  alors  soit  à  Agen  soit  à  Castelnoubel,  surveillant  ac- 
tivement l'éducation  de  sa  famille.  Pour  occuper  son  activité, 
il  écrivit  beaucoup  soit  en  prose  soit  en  vers.  Les  souvenirs  de 
son  existence  aventureuse,  écrits  longtemps  après,  sont  cu- 
rieux et  la  plupart  du  temps  appuyés  de  documents.  Souvent 
cependant  il  exagère,  et  peut-élre  quelquefois  ajoute  et  brode 
un  peu.  On  pourrait  certainement,  de  l'entassement  informe 
de  ces  notes,  extraire  d'intéressants  mémoires,  mais  il  faudrait 
beaucoup  de  temps  et  de  patience. 

Il  a  laissé  également  une  quantité  considérable  de  pièces  de 
vers.  Il  rimait  facilement  et  parfois  agréablement. 

Nous  avons  dit  que  pendant  la  guerre  d'Espagne  il  se  maria 
avec  Mademoiselle  Marie-I^uise-Lucienne  de  Leygonie,  à 
Séville,  en  1810.  De  ce  mariage  vinrent  onze  enfants  : 

1.  Maria,  née  à  Véronette  (Italie),  21  juillet  1811,  se  maria 
avec  le  Comte  Guillaume  d'Holtzendorff.  C'est  à  elle  que  sa 
tante  Alexandrine  des  EcheroUes  dédia  son  ouvrage  Quelques 
années  de  ma  vie  ; 

2.  Louis,  né  à  Kirchein,  11  avril  1813,  mort  le  26  novem- 
bre 1815  ; 

3.  Paul-Frédéric-Ilenri,  né  à  Villefranche  (Rhône),  le  8  fé- 
vrier 1815  ; 

4.  Alexandre  -  Elisabeth  -  Constantin- Anlelme-Marie-Emma- 
nuel,  né  à  Belley  le  10  novembre  1818.  Engagé  dans  les  trou- 
pes carlistes,  il  fui  tué  à  la  bataille  de  Barbastro  en  1837  ; 

5.  Hélène,  née  à  Saint-Gaudens  le  18  juin  1818,  devint  dame 
de  Saint-Denis  ; 

6.  Charles-Odile-Marie-Duguesclin,  né  à  Saint-Gaudens  le 
24  juin  1819,  se  maria  avec  Laura  de  Krusper  ; 

7.  Modesle-Marie-Joseph,  né  à  Saint-Gaudens  le  7  décem- 
bre 1820.  Il  s'engagea  en  1837  avec  son  frère  Alexandre  dans 
les  troupes  carlistes.  Après  la  mort  de  son  frère  il  continua  la 
campagne.  Revenu  en  France,  il  repart  une  seconde  fois,  de- 
vient officier,  est  fait  prisonnier  et  renvoyé  dans  son  pays.  Il 


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'  —  162  — 

s'engage  alors  dans  le  lO^  d'infanterie,  et  meurt  en  1847.  Il 
était  sergent.  Il  a  écrit  ses  souvenirs  des  guerres  carlistes,*  qui 
sont  fort  intéressants  ; 

8.  Aimard-Marie-Charlemagne,    né   à    Agen    le    31    jan- 
vier 1823  ; 

9.  Léocadie-Marie-Louise-Françoise,  née  à  Agen  le  10  août 
1827,  morte  à  Castelnoubel  ; 

10.  Marc-Anloine-Beuve-Marie-Louis,    né    à  Agen    le  24 
avril  1827  ; 

11.  Henri-Marie-Désiré,  né  à  Agen,  le  9  avril  1831. 

Le  poète  agenais  Jasmin  composa  pour  la  fête  de  Madame 
des  EcheroUes  la  pièce  suivante  : 

tous  Maynatgcs  de  Moussu  des  EcheroUes  à  lur  may  lou  four 
de  sa  (esto,  en  H  présentant  Vimagé  d'un  Pélican* 

A  Castelnoubel  arunau 

Troubéren  un  imagé  al  foun  de  la  gareno. 
Nous  pintrabo  un  bel  pélican 
Que  dans  lou  bec  oubrio  sa  béno, 

Per  nourri  sous  cinq  aouzelous,  que  touts 

Semblablon  per  amou,  bien  n*espargna  lous  glouts, 

L'imagé  en  mas,  nous  regaytéren  : 

Abian  louts  cinq  lous  els  en  plous. 

«  Acos  pla  nostro  may  !  diguéren, 

«  Alal  n'en  fay  per  sous  pichous.  » 

Dambé  lous  bréns  flourits  de  la  sazou  noubelo 

Li  fasquéren  uno  capelo 
El  dempey  cado  jour  coumo  al  pé  d'un  aouta 

Ensemble  anaben  bezita 

L'imagé  oun  ses  représentado. 
Mais  aney  bouno  may,  ta  feslo  es  arribado 
Te  baillan  nostré  imagé  en  formo  de  bouquet 
Prén  lou,  rcgayto  lou,  cado  jour  un  paouquel. 
Et  se  lou  pélican,  à  qui  tu  ses  égale 
Nous  a  lan  bien  pinlrat  loun  amou  tout  ounlgan, 
Que  lous  cinq  aouzelous  que  te  bâton  de  l'alo 
Te  pintren  à  lur  tour,  ô  may,  coumo  t'ayman. 


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—  163  — 

M.  des  EcherolléS  ne  termina  pas  sa  vie  agitée  à  Castelnou- 
bel.  Il  se  relira  à  Paris  vers  1850  et  y  mourut  le  31  Juillet  1865, 
dans  la  rue  Blomel.  Il  avait  alors  90  ans.  Ces  obsèques  eurent 
lieu  le  lendemain  1*'  août,  dans  Téglise  Saint-Lambert  de  Vau- 
girard. 

J.-R.  Marboutin. 
(à  suivre). 


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RAPPORTS  AU  PRÉFET  ET  AU  CONSEIL  GÉNÉRAL 

SUR 

LE  SERVICE   DES   ARCHIVES   DE  LOT-ET-GARONNE 
Par  M.  René  BONNAT,  arcUTiste  dèiiartfffliental 

(Suite  et  fin) 


III 
1910-1911 


Legs,  —  Par  leslamenl  en  date  du  16  octobre  1910,  M*^  Poi- 
rée,  décédée  le  30  janvier  191 1  au  château  de  Garcin  (com- 
mune de  Lamontjoie)  a  légué  aux  archives  départementales  : 
P  Toute  sa  bibliothèque,  exception  faite  des  œuvres  d'Henri 
Martin,  Elisée  Reclus,  Léon  Gautier,  Petit  de  JuUeville  et 
André  Michel  ;  2**  Tous  les  documents  qu'elle  avait  recueillis  : 
archives,  manuscrits,  papiers  de  famille,  correspondances  an- 
cienne et  nouvelle  ;  3°  Les  portraits  de  famille  qui  se  iF^^venl 
au  grand  salon  du  château,  miniatures  et  autres  portraits,  et 
4°  Une  somme  de  1000  francs  pour  l'installation  d'une  salle 
Poirée  aux  archives  départementales.  Le  legs  est  grevé,  au 
profil  de  M™*  Fournier,  nièce  de  la  testatrice,  d'un  usufruit  qui 
tomberait  en  cas  de  vente  de  Garcin.  Je  ne  puis  donner  aucun 
détail  précis  sur  l'importance  des  collections  rassemblées  par 
]yy[ii«  Poiçée,  car  l'inventaire  de  la  succession  n'a  pas  encore  été 
fait.  Je  me  suis  rendu  à  Lamontjoie  avec  M.  le  Secrétaire  gé- 
néral. Nous  n'avons  vu  que  la  légataire  univei^selle  et  les  mi- 
niatures ou  portraits  donnés  aux  archives  départementales. 
Nous  avons  demandé  à  dresser  un  état  sommaire  du  legs  qui 
nous  revenait.  Pour  répondre  aux  désirs  de  la  famille,  cet  étal 
ne  sera  fait  qu'au  commencement  du  mois  d'août.  Rien  ne  s'op- 
pose cependant  à  l'acceptation  du  legs  par  le  Conseil  général, 


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--  165  — 

à  titre  conservatoire  et  conformément  à  Tarticle  53  de  la  loi  du 
10  août  1871. 

Bibliothèque  :  accroissements.  —  Du  ministère  de  l'Instruc- 
tion publique  nous  avons  reçu  :  Les  Lettres  de  Catherine 
de  Médicis.A,  x,  par  Baguenault  de  Puchesse  ;  Inventaire  des 
sceaux  de  la  collection  des  pièces  originales  du  cabinet  des 
titres  delà  B,  N.;  Recueil  des  actes  du  Directoire  exécutil,  par 
Debidour,  t.  f  y  Recueil  général  des  bas-reliels,  statuer  et  bus- 
tes de  la  Gaule  romaine,  par  Espérandieu,  t.  m  ;  Procès-ver- 
baux des  séances  des  comités  d'agriculture  et  de  commerce, 
t.  IV.  Convention  ;  Inventaire  des  archives  historiques  du  Mi- 
nistère de  la  Guerre,  t.  iv  ;  Les  actes  de  Sully  passés  au  nom 
du  Roi  de  1600  à  1610  ;  Bibliographie  annuelle  des  travaux 
historiques  et  archéologiques,  1906-1907  ;  Recueil  des  actes  du 
Comité  de  Salut  public,  t.  xx  ;  et  toutes  les  publications  du 
Comité  d'études  sur  l'histoire  économique  de  la  Révolution 
française  :  Cahiers  des  doléances  des  bailliages  de  Troyes  et 
de  Bourges,  de  la  sénéchaussée  de  Rennes  ;  La  vente  des  biens 
nationaux  dans  les  Bouches-du-Rhône,  la  Gironde  et  les  Vos- 
ges ;  et  le  Recueil  des  documents  d'ordre  économique  intéres- 
sant le  district  d'Alençon, 

11  faut  y  ajouter  la  série  :  V  des  inventaires  sommaires  parus 
cette  année  :  Ardennes,  t.  m;  Deux-Sèvres,  II  supp*  ;  Doubs, 
archives  communales  de  Clerval  et  de  Montbéliard  ;  Drôme, 
série  E  supp*,  t.  vra;  lUe-et- Vilaine,  archives  révolutionnaires 
de  Saint-Malo  ;  Puy-de-Dôme,  série  C  ;  Saône-et-Loire,  sé- 
rie F  ;  Savoie,  t.  f;  Seine-et-Oise,  Révolution,  t.  f  ;  Somme, 
l.'vi  ;  Tarn-el-Garonne,  série  A.  Fonds  d'Armagnac,  et  2°  des 
répertoires  numériques  concernant  les  Ardennes  (Biens  Natio- 
naux); les  Bouches-du-Rhône,  le  Doubs,  la  Lozère,  la  Marne, 
l'Orne,  le  Tarn-el-Garonne. 

Signalons  encore,  comme  récemment  donnés  ou  achetés,  les 
ouvrages  suivants  :  Welvert  :  Autour  d'une  dame  d'honneur, 
Françoise  de  Chalus,  duchesse  de  Narbonne-Lara  (offert  par 
iM.  de  Rambuteau)  ;  Loliée  :  Le  duc  de  Morny  et  la  Société  du 
second  Empire;  Cussy  :  Souvenirs  du  chevalier  de  Cussy  (1795- 
1866)  par  le  comte  Marc  de  Germiny  (offerts  par  M.  Gavini  de 


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—  166  — 

Campile).  Les  archives  historiques  de  la  Gironde,  t.  xliv  ;  Les 
sources  de  VHistoire  de  France,  t.  vi,  avec  tables  générales, 
de  Molinier  et-Polain  ;  Déchelelte  :  Manuel  d'archéologie  pré- 
historique, celtique  et  gallo-romaine,  t.  n,  en  2  vol.  ;  Fleury- 
Vindry  :  Les  parlementaires  français  au  XVI"  siècle,  t.  n  ;  La- 
visse  :  Histoire  de  France,  t.  ix,  l"'  partie  ;  de  Cardenal  :  Re- 
crutement de  Varmée  en  Périgord  pendant  la  période  révolu- 
tionnaire  (1789-1800)  ;  Lettres  de  Jean  Calvin,  édit.  Jules  Bon- 
net ;  Nicolaï  :  Histoire  de  la  carte  à  jouer  en  Guyenne,  avec 
étude  préface  sur  les  maîtres-cartiers  de  Guyenne  ;  Principauté 
de  Monaco  :  Inventaire  du  fonds  Grimaldi-Régusse;  Picot  :  Les 
Italiens  en  France  au  XV f"  siècle  ;  Lestrade  :  Les  Huguenots 
en  Comminges. 

Quelques-uns  de  ces  ouvrages  contiennent  des  détails  t^rès 
utiles  à  notre  histoire  agenaise.  On  en  trouvera  encore  davan- 
tage dans  les  plaquettes  données  aux  archives  départementa- 
les par  M.  Ph.  Lauzun  (Livre  furatoire  des  consuls  d'Agen,  En 
Gascogne  :  Vabandonde  la  Terre)  et  par  M.  Maurin  (Petite  his- 
toire de  Meilhan). 

Le  général  Durand,  membre  du^  Conseil  supérieur  de  la 
Guerre,  nous  a  autorisé,  au  nom  de  sa  belle-fille.  M"*  Lucien 
Durand,  petite-fille  d'Adolphe  Magen,  secrétaire  perpétuel  de 
la  société  académique  d'Agen,  et  fille  de  Tancien  intendant 
Azéma,  meînbre  de  la  même  Société,  à  verser  aux  archives 
toute  une  série  de  plaquettes,  de  brochures  et  de  volumes  sur 
rhistoire  locale  ou  régionale,  extraits  d'une  riche  bibliothè- 
que que  nous  avons  eue  à  trier.  Il  y  a  là  de  nombreux  tirages 
à  part  d'auteurs  agenais  connus  :  Andrieu,  Bladé,  Bourrousse 
de  Laffore,  Cassany-Mazet,  Chaubart,  Ducos  du  Hauron,  De- 
beaux,*  Fourès,  Habasque,  Goux,  Magen  (Adolphe  et  Eugène\ 
Tamizey  de  Laroque,  Thplin,  Pécantin,  de  Tréverret. 

Archives  :  accroissements,  —  En  outre,  M.  le  général  Du- 
rand nous  a  fait  don  d'un  certain  nombre  de  documents  intéres- 
sants que  possédait  M.  A.  Magen.  V  Recueil  d'arrêts  rendus 
au  Parlement  de  Bordeaux  pour  servir  de  suite  aux  décisions 
de  Lapeyrère,  rangés  par  ordre  alphabétique,  1776;  1  reg.  in- 


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--  167  — 

folio  de  251  pp.  ckvssé  B.  1675.  2**  Une  liasse  de  21  pièces  ma- 
nuscrites (D.  3)  de  1776  à  1789  :  Documents  relatifs  à  rorigine 
de  la  Société  académique  d'Agen,  subventions.  Lettres  de  Du- 
pré  de  Saint-Maur  et  des  intendants  de  Boi-deaux.  P'  ouvrage 
de  Lacépède  lu  à  la  Société  libre  d'Agen  en  1776.  ((  Réflexions 
sur  les  progrès  que  la  musique  a  encore  à  faire  ».  3**  Un  regis- 
tre relié  ms.  :  Journal  de  François  de  Syrueilh  (J568-15S5), 
chanoine  de  Bordeaux,  depuis  publié  par  Clément  Simon  dans 
le  tome  13  des  archives  historiques  de  la  Gironde  (F.  10).  4*  1 
pièce  parchemin  du  14  août  1620  :  Fondation  pour  l'Ermitage 
de  Saint-Vincent  d'Agen  d'une  chapellenie  faite  par  Jean  Tour- 
tat,  argentier  du  duc  de  Mayenne,  natif  de  Dijon  (H.  11  bis). 
5«  2  p.  pap.  (E  supp*  1000  ter)  de  1761  :  Lettre  de  Paulin  de. 
Saint-Gilis  à  l'intendant  Dupré  de  Saint-Maur  sur  le  droit  de 
passage  de  Port-Sainle-Marie.  Réponse  de  ce  dernier.  6**  Rôles 
de  la  capitalion  à  Clermont-Dessus  pour  1744  et  1750  ;  reddi- 
tion des  comptes  de  la  communauté  (E  supp*  1112  bis,  3  piè- 
ces). T"  Copie  du  contrat  de  la  vente  de  4  cartonnais  de  terre  si- 
tués dans  la  paroisse  d'Allés  faite  par  M.  de  Raymond  à  M.  de 
Coquet  (13  sept.  1668),  classée  E.  supp'  3663  bis.  8'  Affaires 
militaires  intéressant  la  commune  d'Agen,  an  III,  une  liasse 
classée  dans  la  série  L.  9"*  Toute  une  série  d'observations  jour- 
nalières, météorologiques  et  astronomiques,  presque  toutes 
manuscrites,  faites  à  Agen  par  Bartayrès  (de  1840  à  1856)  et 
par  Ad.  Magen  (de  1857  à  1892).  Les  observations  faites  par  ce 
dernier  sont  contenues  dans  des  petits^  carnets.  Manque  du  11 
octobre  1887  au  31  mars  1889.  L'ensemble  se  compose  d'un 
registre,  d'une  liasse  et  de  trente  et  un  carnets.  10**  Pièces 
diverses  :  Lettres  de  Bladé  sur  la  statue  de  Cortèle  de  Prades 
à  Agen  ;  éloge  de  Clémence  Isaure  fait  par  le  même  à  l'Acadé- 
mie des  Jeux  floraux  de  Toulouse  ;  conférence  sur  Jasmin  faite 
à  Versailles  par  Messines,  etc. 

M.  Bitaubé,  secrétaire  général  de  la  Préfecture,  nous  a 
donné  une  liasse  de  11  pièces  (1690-1773)  classée  E.  94  :  Cha- 
pellenie fondée  par  Bitaubé  à  Port-Sainte-Marie.  Nomina- 
tions, etc..  De  M.  Sirech,  curé  de  Sainte-Croix,  nous  avons 
reçu  une  liasse  de  documents  sur  le  Passage-d'Agen,  Monbusq 


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—  168  -- 

et  les  îles  des  bords  de  la  Garonne  (1547-an  X).  Ces  documents 
concernent  en  outre  les  familles  de  Mongauzy,  de  Groussou, 
de  Sarrau,  de  Coquet  et  de  Raymond  (E  supp*  20  bis).  De  M. 
Calbet,  ancien  instituteur,  une  caisse  de  pièces  manuscrites  qui 
seront  classées  dans  la  série  E  et  qui  sont  relatives  à  la  famille 
de  Mothes  de  Labéziade,  près  de  Casleljaloux,  et  à  ses  alliés  : 
les  de  Laujacq,  Ogier,  Gaubert,  Sacriste  de  Malvirade,  etc... 

De  M.  Dubos,  1  pièces  (x\if  et  xvnf  siècles)  :  tableau  de  la 
subdélégation  de  Casteljaloux  en  1775.  Capitation,  milices, 
rôles  d'armes  de  Moncrabeau  ;  milices  de  Lahitte,  etc..  (E. 
supp*  95). 

Enfin,  M*  de  Lacvivier,  notaire  à  Agen,  a  bien  voulu  dépo- 
ser toutes  ses  minutes  antérieures  à  1796  (an  IV)  comme  nous 
l'annoncions  Tan  dernier.  L'ensemble  forme  323  liasses  et  64 
registres.  Il  commence  en  1639.  Manquent  les  années  1640, 
1642,  1649,  1660,  1685,  1686,  1692.  9  cahiers  et  7  registres  de 
tables,  de  1662  à  la  fin  du  xvin*  siècle,  complètent  cette  impor*- 
tante  collection  que  les  érudits  locaux  utilisent  déjà.  J'espère 
que  l'exemple  donné  par  M*"  de  Lacvivier  sera  bientôt  suivi  par 
d'autres  notaires. 

Travaux  annuels,  —  L'inventaire  de  la  série  L.,  t.  2,  a  été 
continué.  Quatre  feuilles  ont  été  tirées,  qui  portent  sur  l'admi- 
nistration communale,  les  finances  et  les  contributions  directes 
ou  indirectes  pendant  la  Révolution.  —  Les  dossiers  relatifs 
aux  biens  nationaux  et  à  l'indemnité  du  milliard  payée  aux 
émigrés  ont  été  revus.  J'y  ai  ajouté  tous  les  registres  versés 
par  l'administration  des  domaines,  soit  209  articles.  Un  réper- 
toire numérique  en  a  été  rédigé  ;  c'est  presque  un  inventaire  ; 
il  sera  publié  durant  l'exercice  prochain,  après  approbation 
ministérielle.  Le  public  le  consulte  déjà  avec  profit. 

J'ai  dû,  d'autre  part,  étudier  de  nouveau  la  question  de  déli- 
mitation du  Bordelais  vilicole  et  affirmer,  en  face  de  l'exclusi- 
visme de  la  Gironde,  les  droits  du  Lot-et-Garonne.  Le  Parle- 
ment, à  défaut  du  Conseil  d'Etat,  nous  donnera  bientôt  satis- 
faction. 


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-  169  - 

Archives  des  sons-prélectures  et  des  communes.  —  Le  local 
affecté  aux  archives  dans  la  sous-préfeclure  de  Villeneuve  est 
insuffisant.  Les  dossiers  s'y  accumulent  tous  les  jours  sans 
qu'il  soit  possible  de  s'y  reconnaître.  Les  greniers  sont  égale- 
ment encombrés.  II  serait  nécessaire  d'installer  de  nouveaux 
rayons  qui  pourraient  ôtre^placés  dans  la  salle  qu'un  <(  bureau 
des  chemins  de  fer  »  —  service  d'Etat  —  occupe  actuellement 
sans  titre,  sans  aucune  location,  dans  l'immeuble  départemen- 
tal qu'est  la  sous-préfecture.  11  semble  qu'avant  de  donner 
l'hospitalité  gratuite  à  une  administration  dont  les  charges  ne 
lui  incombent  pas,  le  département  doive  d'abord  loger  conve- 
nablement ses  propres  services. 

.  L'inspection  des  archives  communales  m'oblige  à  déclarer 
qu'il  faut,  de  toute  nécessité,  centraliser  aux  archives  les  do- 
cuments anciens,  liasses  ou  registres,  qui  se  trouvent  épars 
dans  les  communes.  Quand  la  mairie  est  bien  tenue,  quand  les 
papiers  sont  classés,  rien  à  dire  ;  mais  c'est  l'exception,  et  il 
ne  faut  point  s'en  montrer  surpris  :  les  secrétaires  sont  telle- 
ment surchargés  de  besogne  qu'ils  ne  peuvent  pourvoir  à  tout. 
Les  documents  d'archives,  qui  ont  l'éternité  devant  eux,  pas* 
sent  souvent  au  dernier  rang  de  leurs  préoccupations. 

A  Saint-Jean-de-Thurac,  pas  de  documents  sur  l'histoire 
révolutionnaire.  Seul  l'état-civil  existe  ;  il  forme  trois  volumes 
reliés  :  V  naissances,  2**  mariages  et  3"*  décès,  de  l'an  IV  à 
1812.     * 

Saint-Sixte  est  mieux  partagé.  En  plus  de  l'état-civil,  j'y  ai 
trouvé  im  registre  contenant  :  1**  les  délibérations  de  la  société 
populaire  des  sans-culottes  fondée  en  1793  par  le  Conseil  gé- 
néral de  la  commune  (5  novembre  1793-nivôse  an  III).  Les  pro- 
cès-verbaux sont  suivis  de  la  liste  des  membres  qui  se  firent 
inscrire  à  la  société  des  Amis  de  la  Constitution  ;  2*  les  déli- 
bérations municipales  de  l'an  IX  au  8  mai  1834.  Ce  registre  a 
été  réintégré  aux  archives  départementales  où  il  a  été  classé 
dans  la  série  L.  Fonds  des  sociétés  populaires,  conformément 
aux  instructions  ministérielles. 

Quant  au  fonds  ancien,  sommairement  analysé  dans  l'inven- 


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-  no- 
taire de  la  série  E  suppS  l.  f ',  page  51,  il  était  en  mauvais  état 
par  suite  de  Thumidilé.  Les  liasses  qui  en  forment  la  majeure 
partie  étaient  à  ce  point  rongées  que  j'ai  dû  les  emporter  aux 
archives  départementales  où  elles  figureront,  après  avoir  été 
reliées,  séchées  et  soigneusement  réparées.  Les  registres 
E  supp^  2G8,  269,  267,  restent  à  la  mairie  ;  ils  contiennent  Tétat- 
civil  de  1715  à  1792. 

Bhax  ne  possède  d'autres  documents  révolutionnaires  que 
son  état-civil.  1  liasse,  1790-1821.  Les  délibérations  municipa- 
les ne  commencent  qu'au  xix*  siècle. 

Il  faut  ajouter  au  fonds  conservé  à  la  mairie  de  Moncaut  et 
sommairement  analysé  par  mon  prédécesseur,  un  registre  in- 
folio de  143  pages,  papier  :  cadastre  de  la  juridiction,  xvni* 
siècle  (classé  E  supp'  3038  bis).  Pas  d'archives  révolutionnai- 
res, si  ce  n'est  l'état-civil  composé  de  40  petits  cahiers  (1790-an 
VIII),  qui  seront  reliés,  ainsi  que  les  anciens  r^islres  parois- 
siaux inventoriés. 

Il  y  a  mieux  à  Sérignac  où  sont  conservés  3  volumes  in-4*  : 
1*  naissances  ;  2**  mariages  ;  3**  décès,  de  l'an  III  à  1804.  — 
Une  table  des  registres  paroissiaux  de  1671  à  l'an  IX  a  été  ré- 
digée au  coui-s  du  xix''  siècle.  Au  fonds  ancien  inventorié  (t.  V 
pp.  125-6)  il  faut  ajouter  toute  une  série  de  registres  et  de 
cahiers  que  j'ai  découverts  au  sommet  d'une  armoire  dans  la 
salle  de  la  Mairie  : 

P  Jurades,  25  octobre  1654-4  juin  1673.  Un  gros  registre 
relié  in-4'*.  En  tournant  le  volume  sens  dessus-dessous  on 
trouve  également  des  délibérations  :  a)  du  corps  de  ville,  de 
1671  à  1679;  b)  de  la  municipalité,  du  31  janvier  1790  au  15  fri- 
maire an  IV,  date  du  fonctionnement  des  administrations  can- 
tonales, et  de  l'an  IX  à  l'an  XII  (classé  E  supp*  666  ter  aux  ar- 
chives départementales). 

2"*  Hommage  rendu  par  la  communauté  de  Sérignac  au  roi 
Louis  XIV  en  1046.  Droits  et  privilèges  des  consuls  et  habitants 
en  1668.  Cahier  parchemin,  8  feuillets  (E.  666  bis),  1646-1672. 

3**  Arpentement  général  de  la  juridiction  de   Sérignac  par 


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-  171  - 

Jean  Rivière,  arpenteur  de  la  juridiction  d'Aubiac,  avec  table 
par  ordre  alphabétique  des  prénoms.  1664.  1  registre  in-4**, 
de  128  feulilels  papier  (E  supp*  G66-4),  auquel  il  faut  joindre  : 
/)  un  autre  registre  de  même  fonnat,  contenant  a)  des  frag- 
ments d'arpentement  de  la  même  époque;  6)  l'inventaire  des 
papiers  et  titres  existant  «  dans  le  coffre  et  archif  de  la  com- 
munauté »  au  xviïf  siècle  ;  et  c)  quelques  fourleaux  de  1793  et 
de  Tan  II.  (E  supp*  666-5).  —  //)  d'autres  fragments  d'un  ar- 
pentement  du  xvu*  siècle  auquel  il  manque  les  47  premiers 
feuillets.  La  numérotation  commence  au  feuillet  48  et  s'arrête 
au  feuillet  97.  (E  supp*  666-6). 

4*  Cadastre  de  la  juridiction  de  Sérignac.  Une  liasse  for- 
mée de  2  cahiers,  l'un,  relié,  de  68  feuillets,  avec  une  table 
alphabétique  de  prénoms  de  5  feuillets,  1680;  l'autre,  broché, 
contenant  328  articles  portant  sur  947  carterées,  6  cartonats. 
(E  supp*  666-7). 

5**  Impositions  :  a)  Rôles  de  la  taille  et  des  autres  imposi- 
tions à  Sérignac,  1  cahier  de  26  feuillets,  1716;  b)  taille,  1 
cahier  de  30  feuillets,  1719;  c)  vingtièmes,  1  cahier,  46  feuillets 
papier,  1752.  (Classé  E  supp'  666-9). 

A  Roquefort,  je  n'ai  pas  trouvé,  en  l'absence  d'un  secré- 
taire de  mairie,  E  supp'  012  et  613.  Le  fonds  révolutionnaire 
est  représenté  par  a)  un  registre  de  délibérations  de  la  munici- 
palité de  Roquefort  du  30  nivôse  an  II  à  l'an  IV,  26  feuillets 
reliés  avec  les  délibérations  du  Conseil  municipal  à  partir  de 
1800  jusqu'en  1826;  b)  et  l'état-civil  de  1793  à  l'an  IX. 

EsTiLLAc  conserve  dans  sa  mairie,  relativement  récente,  un 
registre  relié  d'état-civil,  1793-1827.  Mais  au  fonds  ancien  il 
faut  ajouter  sous  le  numéro  E  supp*  418  bis  un  magnifique  in- 
folio de  67  feuillets,  papier  :  «  Arp^tement  général  pour  la 
faction  du  cadastre  de  l'entier  territoire  qui  compose  la  com- 
munauté d'Estillac,  élection  de  Lomagne  »,  par  Pierre  Cas- 
taing  de  Barbé,  notaire  royal  de  Cazeaux,  juridiction  de  La- 
plume,  1781-1785.  —  Les  délibérations  municipales  commen- 
cent vers  1840. 


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-  172  — 

A  la  mairie  d'AuBiAC  manque  ou  plulôl  n*a  pas  été  retrouvé 
E  supp'  408  contenant  les  jurades  de  1767  à  1774.  En  revan- 
che nous  avons  pu  reconstituer  tout  rétat-civil  des  paroisses 
de  la  communauté  qui  se  trouvait  dans  une  salle  de  Thôtel  de 
ville  en  cahiers  détachés  ou  même  en  feuillets  épars.  L'ensem- 
ble a  été  trié  et  classé  en  deux  liasses  qui  devront  être  reliées 
ou  déposées  aux  archives  départementales  en  vue  de  leur  con- 
servation :  1**  E  supp*  413  bis,  1701-1762;  2"  419  ter,  1762-1789. 
En  outre,  une  liasse  de  feuilles  d'impositions  de  1789  a  été  co- 
tée E  supp*  412  bis,  et  deux  cahiers  et  deux  feuillets  contenant 
les  rôles  de  la  taille  pour  1789,  de  la  capitation  pour  1790, 
E  supp*  412  1er.  Le  fonds  révolutionnaire  comprend  :  1*  les  dé- 
libérations de  la  municipalité  et  du  Conseil  général  de  la  com- 
mune, 1790-93,  12  feuillets;  2*»  l'étet-civil  de  1790  à  Fan  IX, 
1  grosse  liasse  qui  sera  reliée  ;  3**  des  rôles  de  la  contribution 
foncière  de  1790  à  Tan  VII,  1  liasse  de  11  cahiers  ;  4**  la  con- 
tribution patriotique  de  1790,  1  cahier;  et  5"  divers,  10  pièces. 

Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  toutes  les  archives  an- 
ciennes et  révolutionnaires  de  Monclar  ont  été  déposées  aux 
archives  départementales,  à  la  suite  d'un  vote  du  Conseil  muni- 
cipal en  date  du  23  octobre  1910.  En  procédant  au  triage  des 
documents  à  la  mairie  de  ce  chef -lieu  de  canton,  j'ai  trouvé 
toute  une  série  de  pièces  antérieures  à  1789  qui  ne  figurent  pas 
sur  l'inventaire.  En  voici  l'état  sommaire  et  les  cotes  données 
après  triage  : 

E  supp*  3360  bis  (liasse),  1724-1788.  Lettre  sur  les  limites  de 
Monclar  et  de  Casseneuil.  Dénombrement,  foi  et  hommage. 
Lettre  de  compliments  à  l'intendant.  Vaisselle  du  roi  transfor- 
mée en  monnaie.  Mémoire  sur  l'état  de  la  baronnie  de  Cancon. 
Demande  d'enregistrement  de  lettres-patentes  accordant  cer- 
tains privilèges  à  la  commune.  Convocation  des  Etats  géné- 
raux. 

E  supp'  3374  bis  (liasse),  1736-1776.  Assemblées  et  listes  de 
notables.  Nomination  par  le  roi  d'officiers  municipaux.  Re- 
mise à  la  communauté  d'une  charge  de  consul.  Edit  du   roi 


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-  173  - 

concernant  l'administration  des  villes  et  bourgs  du  royaume 
a767). 

E  supp*  3387  bis  (liasse),  1720-1783.  Comptes  du  trésorier 
de  la  communauté  (1755).  Impositions  :  capilations,  dixième, 
rachat  des  corvées.  Revenus  patrimoniaux  de  la  communauté. 
Renseignements  demandés  sur  le  Irailement  des  personnes  à 
la  charge  de  la  communaiilé  ;  gages  des  officiers. 

E  supp*  3389  bis  (liasse),  xviif  siècle.  Corvées.  Travaux  sur 
la  route  d'Agen  à  Bergerac. 

E  supp'  3391  bis  (liasse),  wiif  siècle.  Affaires  militaires. 
Milices  :  règlements,  ordonnances  et  lettres. 

E  supp*  3393  bis  (liasse),  xviif  siècle.  Justice  et  police  :  ré- 
jouisances,  publications  de  paix.  Ordonnances  de  police. 

E  supp*  3406  ^is  (liasse),  1758-1778.  Assistance.  Secours  aux 
convalescents. 

E  supp'  3408  bis  (liasse),  1720-1777.  Pain  et  blé.  Vins.  Droits 
sur  les  bestiaux  ;  beurre,  épizooties.  —  Manufactures,  tanne- 
ries, toiles  peintes.  Enquête  sur  le  personnel  des  manufactures. 
E  supp^  3406  1er  (Registre,  135  feuillets),  14  sept.  1738-1858. 
Livre  de  l'hôpital  de  Monclar  contenant  :  1**  l'état  de  ses  biens; 
2**  les  arrêtés  de  comptes  ;  3**  les  délibérations  du  bureau  des 
pauvres. 
E  supp*  3410  bis.  1756-1777  (liasse).  Affaires  diverses. 
Les  fonds  révolutionnaires,  également  versés  aux  archives 
départementales,  comprennent  :  1**  les  dossiers  de  l'adminis- 
tration cantonale,  de  l'an  IV  à  l'an  VIII,  et  2^  ceux  de  l'admi- 
nistration communale,  de  1790  à  l'an  VIII.  Dans  la  première 
série  il  faut  ranger  :  1"*  Circulaires  ministérielles,  1  liasse  de 
33  documents  imprimés,  an  VII  ;  2°  arrêtés  de  l'administration 
centrale  du  département  de  Lot-et-Garonne,  1  liasse,  an  IV- 
an-VI  ;  3^  Idem,  an  Vll-an  VIII  ;  4'*  Lettres  et  circulaires 
adressées  par  l'administration  centrale  du  département  à  l'ad- 
ministration cantonale  de  Monclar,  1  liasse,  an  VI  ;  5**  Idem, 
1  liasse,  an  VII  et  VIII;  6"*  Lettres  autres  que  celles  de  l'admi- 
nistration centrale,  1  liasse,  an  IV-an  VIII  ;  T"  Corespondance 
de  l'administration  cantonale  ;  enregistrement  ;  2  cahiers, 
3  frimaire  an  IV-28  floréal  an  VIII  ;  8°  Pétitions,  an  Ill-an 

12 


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—  in  — 

VIII,  1  liasse  de  71  pièces;  9"*  Délibérations  de  radminislralion 
cantonale  du  16  brumaire  an  IV  au  3  fructidor  de  la  même  an- 
née, 52  feuilleLs;  et,  du  14  nivôse  an  VI  au  29  floréal  an  VIII, 
2  cahiers  de  82  et  54  feuillets;  10"*  Procès-verbaux  des  assem- 
blées des  communes  formant  le  canton  de  Monclar  :  Fongrave, 
Hauterive,  Monclar,  intra  et  extra-muros,  1  liasse  de  4  cahiers, 
ans  IV  et  \'  ;  IP  Inscription  des  citoyens  ayant  droit  de  vote 
aux  assemblées  primaires  :  procès-verbaux  de  ces  assemblées, 
1  liasse,  ans  V  à  VII;  12'*  Circulaires  des  ministres  de  Tinté- 
rieur  et  de  la  police  générale  (ans  V-VIII);  émigrés,  incendies, 
vente  de  foins,  1  liasse,  an  V-an  VU:  13**  Procès-verbaux  de 
ventes  et  achats  consentis  par  Tadministration  cantonale;  péti- 
tions relatives  à  la  commune  d'Hauterive,  !•'  messidor  an  IV- 
an  VII,  1  liasse;  14'*  Finances  :  Circulaires  du  ministre.  Répar- 
tition des  impositions  entre  les  communes  du  canton.  Contri- 
butions. Comptabilité  des  communes  de  la  perception  de  Mon- 
clar pendant  la  période  révolutionnaire,  1  liasse,  ans  I V-VIII; 
15*^  Patentes,  1  liasse,  an  Ill-an  VII;  16**  Affaires  militaires  : 
Circulaires  du  ministre  de  la  guerre;  feuilles  de  route;  gardes- 
nationales,  1  liasse,  an  IV-an  VIII;  l?**  Volontaires;  militaires 
retirés  dans  le  canton;  blessés  et  prisonniers,  1  liasse,  an  IV  et 
V  ;  18**  Nourrices  des  enfants  de  la  patrie;  lettres  relatives  aux 
hôpitaux,  1  liasse  de  3  pièces  et  d'un  cahier,  an  Vl-an  VII; 
19**  Divers,  1  liasse,  ans  IV-VIII.  —  Comité  de  surveillance 
de  Monclar,  1  cahier,  9  pluviôse  an  11-28  fructidor  an  II.  Déli- 
bérations. 

Dans  la  deuxième  série  nous  relevons  :  1**  Lettres-patentes, 
arrêtés  des  administrations  du  département  et  du  district  de 
Villeneuve,  5  liasses,  1790-an  VIII;  2**  Délibérations  du  Con- 
seil général  de  la  commune,  du  maire  et  des  adjoints,  4  liasses, 
1790-an  VIII;  3**  Correspondances,  3  liasses,  1790-an  III; 
4**  Elections,  émigrés,  statistique  communale  de  1790,  grains 
et  subsistances,  biens  nationaux,  contributions,  cultes;  affai- 
res militaires,  volontaires  de  1792;  hôpitaux,  4  liasses,  1789- 
an  VIII. 


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-  175  - 

Le  bibliothécaire  chargé  des  archives  de  la  ville  d'AcEN  m*a 
signalé  la  destruction  par  le  commissariat  de  police  des  docu- 
ments antérieurs  à  1879  qui  ont  leur  place  marquée  dans  la 
série  I  des  fonds  communaux.  Il  importe  que  des  mesures 
soient  prises  pour  que  des  faits  semblables  ne  se  reproduisent 
pas.  Les  dossiers  do  police  abondent  souvent  en  renseigne- 
ments curieux  dont  Thisloire,  la  grande  ou  la  petite,  lire  tou- 
jours le  plus  heureux  parti. 

Rrnk  Bowat. 


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GUILLAUME  DE  RANSE 


Ce  n'est  pas  une  élude  définitive  que  nous  prétendons  écrire 
aujourd'hui  sur  Guillaume  de  Ranse.  Noire  but,  plus  modeste, 
est  de  donner  un  essai  biographique  de  ce  personnage  qui  joua 
un  certain  rôle  dans  les  luttes  du  xvf  siècle. 

Guillaume  de  Hanse,  fils  de  Pierre  dé  Ranse  et  de  Catherine 
de  Salenabe,  naquit  dans  la  ville  de  Sauvelerre  vers  le  com- 
mencement du  xvf  siècle,  devint  d'abord  secrétaire  d'Antoine 
de  Bourbon  et  de  Jeanne  d'Albret,  puis  en  1544  (16  février),  fut 
ettaché  avec  le  même  titre  à  la  personne  d'Henri  de  Navarre 
et  à  celle  de  Marguerite  de  France.  Il  fut  ensuite  contrôleur 
général  des  domaines  des  Navarre  et  d'Albret,  auditeur  en  sa 
Cour  des  Comptes  de  Nérac,  receveur  général  en  l'amirauté  de 
Guienne,  etc.,  etc.  (1). 

En  premières  noces,  le  4  mai*s  1549,  Guillaume  de  Ranse 
épousa  Guirautine  de  Metge,  fille  d'un  riche  bourg«)is  de  la 
ville  du  Port-Sainle-Marie  (2).  11  en  eut  un  fils  nommé  Nicolas. 
Celui-ci  se  fixa  sur  les  biens  dont  il  liérita  de  sa  mère  et  les 
transmit  à  ses  descendants.  Sa  postérité  subsiste  encore  au- 
jourd'hui dans  le  voisinage  de  la  ville  d'Aiguillon. 

Le  23  septembre  1564,  Guillaume  de  Ranse  épousa  Antoi- 
nette des  Escuycrs  de  Gandillac  (3)  issue  d'une  vieille  famille 
périgourdine  qui  possédait  en  Agenais,  dans  la  juridiction  de 
Tombebœuf,  le  repaire  noble  de  Bélissac.  De  cette  union  na- 
quirent deux  fils  et  trois  ou  quatre  filles. 

L'aîné  des  mâles,  Henri,  fut  conseiller  au  Parlement  de 
Bordeaux  et  eut  pour  fils  André,  procureur  général  en  la 
Chambre  de  l'Edil  de  Guienne,  mort  sans  avoir  eu  d'enfants 
de  sa  femme,  Marie  Mailhet  (4). 


(1)  Histoire  de  la  oille  d*Aiguillon,  par  R.  L.  Âlis. 

(2)  Etude  Beyries,  minutes  Sir  vent,  acte  du  29  avril  1558. 
C^)  Arch.  Lot-et-Garonne,  B.  29,  fol.  22. 

(4)  Arch.  de  la  famille  de  Raffin. 


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—  177  — 

Le  puîné,  Pierre  de  Ranse,  épousa,  le  12  février  1600,  Cons* 
lance  d'Estrades,  fille  de  Jean  d'Eslrades,  seigneur  de  Bonel 
et  de  Campagnac,  et  d'Antoinette  Amoul.  Devenu  veuf  sans 
enfant,  il  fut  obligé  de  rendre  la  dot  de  50.000  livres  que  lui 
avait  apporté 'sa  femme. 

Anne  de  Ranse,  épousa,  le  24  août  1598,  Jean  de  Monneins, 
conseiller  au  Parlement  de  Bordeaux,  et  fut  mère  de  plusieurs 
enfants. 

Antoinette  de  Ranse,  mariée  à  Guillaume  de  Sevin,  seigneur 
de  Lagarde  (1),  mit  au  monde  Armand  de  Sevin  et  deux  filles 
dont  Tune,  nommée  Marguerite  de  Sevin,  épousa  Jacob  de 
Secondât,  seigneur  de  Montesquieu.  De  ce  nxariage  descend 
l'immortel  auteur  de  Y  Esprit  des  Lois. 

Une  autre  filUe  de  Guillaume  de  Ranse'et  d'Antoinette  des 
Escuyers,  également  nommée  Antoinette,  épousa,  le  14  octo- 
bre 1609,  à  Agen,  par  contrat  passé  devant  Codoîng,  notaire 
de  cette  ville,  Philippe  de  Raffin,  qui  la  laissa  veuve  après 
quatre  ans  de  mariage.  Cette  dame  fut  honorée  de  l'amitié  du 
premier  duc  d'Epernon  et  eut  pour  correspondant  saint  Vin- 
cent de  Paul  (2). 

Un  passage  des  Commentaires,  de  Biaise  de  Monluc,  est 
consacré  à  Guillaume  de  Ranse. 

La  scène  se  passe  à  Villefranche  du  Rouergue,  où  le  sei- 
gneur d'Estillac  vient  de  faire  pendre  aux  fenêtres  de  la  mai- 
son de  ville  «  quatre  ou  cinq  des  principaux  séditieux  »  qui 
avaient  mis  à  sac  les  églises  de  cette  ville  (avril  15G2). 

«  Et  ne  tarda  pas  deux  heures  que  Rance,  secrétaire  du  roy 
de  Navarre,  arriva  et  pourta  les  nouvelles  à  Monsieur  de  Burie 
que  Monsieur  le  Prince  de  Condé  avoit  prins  les  armes  et 
s'esloit  saisi  d'Orléans  ;  et  comploit  nouvelles  des  grandz  for- 
ces qu'avoit  ledit  seigneur  prince,  envers  celles  du  roy  ;  et  que 
le  roy  de  Navarre,  monsieur  le  conestable,  monsieur  de  Guyse, 
monsieur  le  mareschal  de  Sainct  André,  estoient  tous  ensem- 


(1)  Généalogie  manuscrisle  de  Sevin,  par  M"  de  Raymond.  Le  contrat  fut 
passé  le  25  janvier  1587. 

(2)  Arch.  de  la  famille  de  Raffln. 


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—  178  — 

ble,  qui  ne  pouvoient  pas  trouver  ung  homme,  et  mil  menson- 
ges, car  il  s  en  sçait  fort  bien  ayder.  El  ledit  seigneur  de  Burie 
luy  deffendit  de  tenir  ce  langaige,  et  qu'il  ne  luy  alloit  que  de 
la  vye  si  j'entendois  aucune  chose...  » 

Le  messager,  à  ces  mots,  prit  peur  et  s  enfuit,  c'était  ce  qu'il 
avait  de  mieux  à  faire,  car,  ajoute  Monluc  : 

«  Que  si  alors  il  me  feust  tumbé  entre  les  mains,  je  luy  eusse 
aprins  de  pourter  telles  nouvelles  qu'il  avoit  pourlé  (1).  » 

Si  Guillaume  de  Rance  avait  un  peu  de  cette  hâblerie  qu'on 
reproche  si  volontiers  aux  Gascons,  on  ne  saurait  lui  refuser 
l'habileté  dans  les  affaires  et  l'esprit  d'économie.  Grâce  à  ces 
deux  qualités,  il  parvint  à  réaliser  une  assez  grosse  fortune. 

Jean  de  Cassaignet  possédait,  à  Sérignac  en  Brulhois,  la 
seigneurie  de  Plaisance  ;  cette  terre  lui  fut  confisquée,  sans 
doute  pour  quelque  crime,  par  son  suzerain  le  roi  de  Navarre, 
qui  avait  plus  besoin  d'argent  que  de  terre. 

Guillaume  de  Ranse,  au  courant  des  affaires  de  ses  maîtres 
et  désireux  d'acquérir  une  seigneurie,  obtint  sans  peine  la 
cession  du  fief  de  Plaisance.  La  vente  lui  en  fut  faite  en  1553, 
l'année  même  de  la  naissance  d'Henri  III  de  Navarre,  le  futur 
Henri  IV  de  France  (2).  L'argent  versé  au  roi  de  NavaiTe 
forma  la  majeure  partie  des  4.000  livres  qui  furent  payées  le 
13  mars  1553  (v.  st.)  par  ce  roi  à  son  lieutenant  général,  Jean 
d'Albret,  baron  de  Miossans,  époux  de  Suzanne  de  Bourbon- 
Busset. 

L'acte  de  vente  de  Plaisance  fut  passé  par  deux  notaires,  du 
Coulon  et  de  Cousturat. 

L'année  suivante  (23  avril  1554),  Antoine  de  Bourbon  et 
Jeanne  d'Albret,  sa  femme,  signèrent  des  lettres  patentes  por- 
tant donation  de  la  ten'e  de  Plaisance  en  faveur  de  G.  de 
Ranse,  leur  secrétaire  ordinaire.  Cet  acte  solennel,  destiné 
sans  doute  à  donner  plus  de  force  à  la  vente  déjà  faite,  fut 
insinué  le  26  avril  à  Laplume  et  le  29  mai  à  Lectoure  (3). 


(1)  Commentaires  de  Biaise  de  Monluc,  éd.  de  Ruble,  ii,  384. 

(2)  Inventaire  des  titres  de  la  maison  d'Albret,  publié  par  J.  Dubois,  pp. 
U7-148. 

(3)  \rchives  de  la  famille  de  Raffin. 


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—  179  — 

Entre  temps  (7  mai  1554),  G.  de  Ranse  avait  rendu  hommage 
pour  Plaisance  à  son  suzerain  et  remis  en  conséquence  un 
fer  de  lance  à  Antoine  de  Bourbon  (1). 

Malgré  l'accomplissement  de  toutes  ces  formalités,  la  tran- 
quillité ne  fut  point  acquise  au  nouveau  seigneur  de  Plaisance. 
Des  oppositions  s'étaient  élevées  contre  l'arrêt  de  confiscation 
qui  venait  de  frapper  Jean  de  Cassaignet.  C'est  d'abord  Jean 
de  Monlézun  qui  proteste,  puis  vient  le  tour  de  M**°  de  Cassai- 
gnet qui  réclame  certains  droits  sur  les  biens  enlevés  à  son 
époux.  Enfin  nous  voyons  entrer  en  scène  Pierre  de  Loze,  sur- 
nommé le  capitaine  Plaisance.  Ce  gentilhomme,  pressé  d'ar- 
river à  son  but,  s'empare  de  vive  force  d'une  partie  des  biens 
de  Plaisance  pendant  que  ses  procureurs  agissent  au  Grand 
Conseil  pour  y  obtenir  gain  de  cause  par  les  moyens  légaux. 
Pierre  de  Loze  ayant  triomphé  en  justice,  Plaisance  fut  possé- 
dé par  deux  co-seigneurs  (2). 

A  quelle  époque  et  pour  quel  motif  G .  de  Ranse  devint-il  sei- 
gneur de  Laperche  ?  Nous  le  saurons  un  jour  peut-être,  mais 
à  cette  heure  nous  l'ignorons.  Tout  ce  que  nous  pouvons  dire 
c'est  que  Pierre  de  Secondât,  général  des  finances  en  Guienne, 
n'ayant  pu  se  justifier  d'une  accusation  de  péculat,  fut  con- 
damné à  mort  et  ses  biens  confisqués.  Laperche  faisait  partie 
des  riches  dépouilles  de  ce  financier  malheureux.  Cette  sei- 
gneurie fut  donnée  par  le  roi  de  France  à  la  reine  d'Ecosse  et 
au  duc  de  Bourbon,  époux  de  Jeanne  d'Albret.  On  devine 
comment  toujours  obérés,  les  souverains  de  la  Navarre  traitè- 
rent avec  leur  subordonné,  G.  de  Ranse,  qui  était  toujours  dé- 
sireux d'accroître  Tétendue  de  ses  domaines.  Co-seigneur  de 
Plaisance  et  seigneur  de  Laperche,  G.  de  Ranse  s'intitulait 
encore  seigneur  de  Lacour,  mais  jamais,  quoiqu'on  en  ait  dit. 
il  n'eut  le  titre  de  vicomte  du  Bruilhois  (3). 


(1)  Arch.  de  la  famille  de  Raffîn. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Erreur  imprimée  par  l'abbé  R.  L.  Alis  dans  la  généalogie  de  la  famille 
de  Ranse  placée  à  la  fin  de  son  Histoire  d'Aiguillon.  G.  do  Ranse  fut  quelque 
temps  seigneur  de  Montforl,  de  Castelnau  de  Cernes  et  de  Cazenave.  Le  sei- 
gneur de  Turenne  lui  avait  engagé  la  première  de  ces  terres.  Les  doux 


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—  180  - 

Après  avoir  lu  le  passage  que  Monluc  a  consacré  à  Guillau- 
me de  Ranse  on  pourrait  être  tenté  de  croire  que  ce  gentilhom- 
me  fut,  comme  ses  parents  de  Monlagnac-sur-Auvignon,  com- 
plètement gagné  aux  idées  de  Calvin,  cependant  la  vérité  est 
toute  autre.  Après  avoir  testé,  le  26  avril  1589,  Guillaume  de 
Ranse  fut  tué  le  5  janvier  1591,  du  côté  des  catholiques,  dans 
les  rues  d'Agen,  que  Saint-Chamarand,  sénéchal  d'Agenais, 
chassé  depuis  deux  ans  de  cette  ville,  venait  de  surprendre,  la 
nuit,  par  trahison  (1).  I^  seigneur  de  Plaisance  fut  enseveli 
dans  Téglise  des  Cordeliers  d'Agen  où  sa  femme  fut  également 
inhumée  en  1623. 

J.  DUBOIS. 


aiUres  furent  vendues  par  le  roi  de  Navarre  à  G.  de  Ranse  et  rachetées  en 
son  nom  pour  Je  comte  de  M*  Raymond  de  Viçose,  le  19  décembre  1594. 
(Archives  de  lamille  de  RaUin.) 
(1)  Mémoires. 


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CHRONIQUE  RÉGIONALE 


Nécrologie.  —  Adrien    Planté.  —  Un  deuil  cruel  vient  de  frap 
per  le  monde  savant  du  Sud-Ouest.  Le  27  mars  dernier,  s'éteignait 
dans  sa  maison  d'Orlhez,  après  une  longue  maladie,  M.  Adrien 
Planté,  Tune  des  personnalités  les  plus  marquantes  de  la  région. 

Ce  n'est  pas  à  l'ancien  magistrat,  au  jugement  droit,  à  la  parole 
éloquente,  qui  avait  laissé  de  si  bons  souvenirs  de  son  passage  à 
Dax,  à  Saint-Palais,  à  Mont-de-Marsan  que  nous  voulons  dire  un 
dernier  adieu  ;  encore  moins  à  l'homme  politique,  ancien  député, 
ancien  conseiller  général,  ancien  maire  indéracinable  d'Orthez, 
dont  la  hauteur  de  vues  et  les  convictions  religieuses  -et  conserva- 
trices se  sont  constamment  affirmées,  respectées  même  par  ses 
adversaires  du  moment. 

De  sa  vie  si  mouvementée,  mais  toujours  si  correcte  et  si  digne, 
nous  ne  voulons  retenir  ici  que  les  services  rendus  par  lui  à  la 
science  et  rappeler  ses  litres  multiples  à  l'estime  des  travailleurs. 

Nul,  en  effet,  ne  le  fut  plus  que  lui,  embrassant  tous  les  sujets 
avec  la  même  aisance,  les  traitant  avec  une  universelle  compé- 
tence. 

Archéologue,  il  était,  depuis  plus  de  vingt  ans,  inspecteur  divi- 
sionnaire de  la  Société  française  d'archéologie  pour  les  départe- 
ments de  la  Gironde,  des  Landes,  des  Basses  et  Hautes-Pyrénées, 
du  Gers,  du  Lot-et-Ciaronne,  se  faisant  un  devoir  d'assister  à  ses 
Congrès  annuels,  où  il  émaillait  les  séances  de  ses  communications 
originales,  de  ses  observations  fines,  de  ses  saillies  humouristi- 
ques. 

Historien,  il  présidait  avec  une  autorité  incontestable  la  Société 
des  Sciences,  Lettres  cl  Arts  de  Pau  ;  et  si  nous  ouvrons  le  Recueil 
de  cette  Académie,  nous  lisons  son  nom  au  bas  de  nombreux  mé- 
moires sur  le  Béarn,  la  Basse  Navarre,  le  Labourd,  la  Soûle,  ré- 
pondant aussi  par  de  captivantes  conférences  à  l'appel  de  tous  ceux 
qui  souvent  abusaient  de  son  nom,  et  publiant  d'importants  tra- 
vaux, notamment,  en  deux  volumes,  les  Lettres  de  la  baronne  So- 
phie de  Crouseilhes. 
Lors  de- la  création  en  1907,  à  Bordeaux,  de  l'Union  des  Sociétés 


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—  182  — 

savantes  du  Sud-Ouest,  Adrien  Planté  fut  un  des  premiers  et  des 
plus  ardents  promoteurs  de  cet  essai  de  décentralisation  scientifi- 
que. Et  ses  théories,  nul  n'a  oublié  combien  il  sut  élégamment  les 
mettre  en  pratique,  Tannée  suivante,  en  organisant  si  magistrale- 
ment ce  Congres  de  Pau  dont  il  fut  l'âme,  et  qui,  grâce  à  ses  soins, 
à  son  zèle,  à  son  dévouement,  obtint  un  éclatant  succès. 

Mais  son  œuvre  scientifique  capitale  fut  la  fondation  de  VEscolo 
Gastou-PhebuSy  avec  le  développement  qu'il  n'a  cessé  de  lui  donner 
jusqu'à  ce  jour.  Ardemment  épris  de  décentralisation  régionaliste, 
son  esprit  si  fin,  si  délié,  si  conservateur  de  la  tradition  et  de  la 
langue  béarnaise,  ne  pouvait  qu'être  séduit  par  les  idées  félibréen- 
nes.  Aussi  répondit- il,  dès  la  première  heure,  à  l'appel  de  son 
illustre  ami  Frédéric  Mistral,  et  employa-l-il  ses  moyens  à  créer 
en  Béarn  une  école  qui  s'inspirât  de  sou  œuvre  et  rélevât  le  pres- 
tige de  la  langue  et  de  la  terre  «  mayrane  ».  Ses  efforts,  comme 
toujours,  furent  immédiatement  couronnés  de  succès  ;  et  l'Ecole  de 
Gaston-Phébus,  tant  par  le  nombre  de  ses  adeptes  que  par  la  dis- 
tinction de  ses  œ'uvres  et  surtout  l'éclat  donné  par  lui  à  ses  féli- 
brées  annuelles,  tient  le  haut  bout  du  félibrigc,  jouissant,  dans  tout 
le  Sud-Ouest,  d'une  réputation  incontestée. 

Nature  essentiellement  franche  et  généreuse,  aux  plus  fermes 
convictions  religieuses  Adrien  Planté  joignait  un  cœur  d'or,  un  es- 
prit ouvert,  tolérant,  en  même  temps  qu'aimable  et  enjoué.  D'une 
obligeance  inlassable,  il  ne  comptait  partout  que  des  amis. 

Aussi  sont-ils  nombreux  ceux  qui  le  pleurent  en  ce  moment  ;  et, 
de  près  comme  de  loin,  à  Orthcz,  où  ses  compatriotes  le  désignaient 
sous  le  beau  nom  «  Ion  pay  »,  comme  partout  où  il  est  passé,  tous 
sont-ils  douloureusement  affectés  à  la  pensée  qu'ils  ne  verront  plus 
venir  vers  eux  cette  belle  et  noble  figure,  dont  l'engageant  sourire 
l^romettait  une  si  attrayante  et  si  aimable  causerie. 

Pour  nous  qui  l'avons  intimement  connu,  apprécié  et  aimé,  qui 
étions  honoré  en  retour  de  sa  plus  affectueuse  sympathie,  nous  ne 
pouvons  nous  défendre,  en  écrivant  ces  lignes,  d'une  bien  pénible 
émotion.  Nous  nous  inclinons  profondément  devant  sa  tombe,  et 
nous  offrons  à  sa  famille  éplorée  l'assurance  d'un  inaltérable  sou- 
venir. 

Ph.  Lauzun. 

31  mars  1912. 


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—  183  — 

Congrès  de  la  Société  française  d'archéologie.  —  Ce  Congrès 
s'ouvrira,  cette  année  1912,  à  Angoulême,  le  lundi  17  juin,  sous  la 
direction  de  M.  Eugène  Lefèvre-Pontalis,  réminenl  professeur  d  ar- 
chéologie à  TEcole  des  Charles. 

Son  programme  est  des  plus  variés.  Outre  de  nombreuses  séan- 
ces et  conférences,  il  comporte  de  multiples  excursions,  tant  dans 
la  Charente  que  dans  la  Charente-Inférieure,  la  Gironde  et  même  à 
Poitiers.  C'est  ainsi  qu'on  ira  visiter  :  1**  Plassac,  Blanzac,  RouUet; 
2^  Saint-Amant  de  Boixc,  Melle,  Aulnay  ;  3°  Saintes,  Rioux,  Rc- 
laud  ;  4^  Mouthiers,  Montmoreau,  Saint-Emilion  ;  5°  Sainl-Michel, 
Trois-Palis,  La  Couronne,  La  Rochefoucauld  ;  6^  Poitiers;  V  Char- 
roux,  Civray,  Ruffec,  Verteuil,  Lichères  ;  8*»  Bourg-Charente, 
Pons,  Avy,  Marignac,  Chadenac,  Echebrune. 

Le  Congrès  durera  du  17  au  25  juin.  Les  adhésions  doivent  être 
envoyées  à  M.  Henri  Ileuzé,  secrétaire-adjoint,  110,  rue  de  Paris,  à 
Vincennes,  avant  le  15  mai,  dernier  délai. 


Société  de  Vesins.  —  Il  y  a  déjà  un  an,  Monseigneur  Sagot  du 
Vauroux,  évêque  d'Agen,  toujours  préoccupé  du  progrès  intellec- 
tuel de  son  clergé,  fondait  une  société  d'études  qui  porte  le  nom  de 
Monseigneur  de  Vesins,  un  de  ses  prédécesseurs.  Celte  société, 
composée  exclusivement  d'ecclésiastiques,  devra  plus  lard  com- 
prendre trois  sections.  Pour  commencer,  elle  se  caulonne  dans 
Tétude  de  l'histoire  du  diocèse.  La  déclaration,  faite  le  3  avril  1911, 
fut  insérée  au  journal  VOKiciel  du  11  avril  1911.  Dès  le  mois  de  mai, 
les  séances  commencèrent. 

Parmi  les  membres  de  celle  société,  nous  trouvons  plusieurs  de 
nos  collègues  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  :  MM.  Cou- 
zard,  Durengues,  Dubos,  Dubois,  Marlinon,  Marboulin. 

La  Semaine  calholU/ue  du  diocèse  publie  chaque  mois  un  compte- 
rendu  sommaire  des  séances.  Les  travaux  i)résenlés  à  cette  société 
sont  déjà  nombreux,  citons  au  hasard  :  Etude  sur  le  lieu  el  la  date 
du  mnrtijre  de  S.  Vincent,  par  l'abbé  Dubos  ;  Un  autel  chrétien  du 
/r*  siècle,  par  l'abbé  Marboulin  (paru  depuis  dans  la  «  Revue  de 
TAgenais  »);  Rectification  à  la  liste  épiscopale  du  diocèse  d'Agen 
à  la  {in  du  XIV*  siècle,  par  l'abbé  Dubois  ;  La  Psalette  de  la  Cathé- 
drale au  XP  siècle,  par  l'abbé  Marboulin;  diverses  communications 
de  M.  le  chanoine  Durengues  sur  le  Grand-Séminaire  de  Beauvais 
et  sur  un  Proiel  de  gouvernement  d*un  diocèse  ;  Les  droits  honori- 


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X 


-  184  - 

ligues  de  Véglise  de  Montmarès,  par  Tabbé  Magot;  la  Conirérie  des 
Pénitents  blancs  de  Caudecoste,  par  l'abbé  Gayral,  etx;.,  etc. 

La  Société  de  Vesins  vient  d'ouvrir  un  concours  sur  le  sujet  sui- 
vant :  Faire  la  monographie  d'une  circonscription  religieuse  ou  ci- 
vile (archiprâtré^  juridiction,  paroisse)  sous  Vancien  régime,  en 
mettant  bien  en  relief  l'action  bienfaisante  de  l'Eglise  en  ce  qui  con- 
cerne l'assistance,  l'instruction,  les  œuvres  corporatives,  confré- 
ries, etc.. 

Les  amis  des  Cathédrales.  —  Après  les  amis  du  vieux  Paris,  de 
Versailles,  de  Fontainebleau,  des  églises  de  campagne,  des  jardins, 
de  l'art  primitif,  que  sais-je  encore,  voici  qu'il  se  forme  actuellement 
une  nouvelle  société  d'amis  des  monuments  ;  celle  des  Amis  des  Ca- 
thédrales. 

Certes,  si  l'un  de  tous  ceux  qui  parent  notre  belle  France  mérite 
d'être  apprécié  et  protégé,  c'est  bien  la  Cathédrale.  Ne  représente- 
t  elle  pas,  en  effet,  à  notre  esprit,  «  une  des  œuvres  les  plus  parfai- 
«  les,  d'ordre  et  de  grâce,  de  logique  et  de  poésie,  que  l'art  de 
<(  l'homme  ait  su  accomplir.  De  la  cathédrale,  comme  d'un  centre 
«  de  beauté  et  de  noblesse,  s'est  répandu,  à  chaque  siècle,  un  char- 
«  me  inexprimable  sur  une  foule  d'édifices,  églises,  chapelles,  pro- 
M  près  aux  diverses  contrées,  construites  dans  les  lignes  de  styles 
«  les  plus  divers,  nues  ou  fleuries,  graves  ou  souriantes,  mais  por- 
«  tant  toutes  une  marque  d'élégance  et  de  beauté. 

«  Elles  restent  encore  debout,  en  grand  nombre,  pour  notre  joie, 
«  ces  demeures  de  la  conscience  de  l'homme,  ces  témoins  de  son 
«  art,  de  la  pensée  des  générations  et  du  passé  des  patries. 

«  Il  faut  les  garder.  Il  faut  les  défendre  et  aider  qui  les  défend, 
ft  Mais  pour  les  défendre  il  faut  les  aimer. 

((  L'art  des  cathédrales  n'est  pas  seulement  un  art.  C'est  vérita- 
«  blemcnt  un  langage,  et  un  langage  universel  ;  car  il  s'adresse  à 
«  tous,  aux  plus  savants  comme  aux  plus  humbles. 

«  Il  faut  un  peuple  pour  entendre  ce  langage.  La  cathédrale  n'est 
«  pas  seulement  la  maison  des  morts.  Il  y  faut  aussi  la  vie  et  la 
<(  parole  :  c'est  l'action  sacrée  du  rituel  de  l'Eglise  :  Ce  sont  les 
«  poèmes  inspirés  de  la  Liturgie,  qui  doivent,  aujourd'hui  comme 

«  autrefois,  éclater  en  chants,  en  mélodies  pures  et  religieuses 

«  Ces  chants,  célébrant  la  splendeur  de  l'art  dans  la  majesté  du  cé- 
«  rémonial  catholique,  complètent  la  beauté  et  l'image  de  perfection 
«  qui  réside  dans  la  cathédrale.,.  » 


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-  185  - 

Aussi,  s*esl-il  formé  une  Société,  sous  le  titre  dWmis  des  Cathé- 
drales, dont  le  but  est  «  de  permettre  non  seulement  à  ses  adhérents, 
«  mais  à  tous,  d'aller  admirer  et  étudier  les  oeuvres  d'art  d'inspira- 
«  tion  religieuse,  dans  le  cadre  architectural  pour  lequel  elles  fu- 
«  rcnt  primitivement  conçues.  » 

Cette  Société  donnera  chaque  année  deux  fêtes  artistiques  dans 
les  cathédrales  ou  églises  de  France.  En  plus  elle  organisera  des 
conférences  et  des  auditions  de  musique  religieuse  du  moyen-âge 
au  xix*  siècle  à  Paris. 

La  première  de  ces  fêtes  artistiques  comme  archéologiques,  a  eu 
lieu  dans  la  cathédrale  de  Chartres,  le  30  avril  dernier.  Tous  les 
membres  de  la  Société,  membres  d'honneur,  bienfaiteurs,  fonda- 
teurs, actifs  et  associés,  y  avaient  leur  place. marquée.  On  y  a  enten- 
du de  très  curieux  et  très  anciens  morceaux  de  musique  religieuse, 
dans  l'intervalle  desquels  M.  l'abbé  Sertillanges  a  fait  une  confé- 
rence sur  «  la  Pensée  chrétienne  au  xin"  siècle  ».  On  a  visité  en- 
suite la  cathédrale  sous  la  conduite  de  M.  Lefèvre-Pontalis,  dont 
l'érudition  bien  connue  n'a  laissé  inaperçu  aucun  détail  intéressant. 

Plus  tard,  on  visitera  Saint-Denis,  Rennes,  Laori,  Amiens,  etc., 
et,  entre  temps,  la  Société  donnera  des  concerts  à  Paris  à  partir  du 
mois  de  mai. 

,  Nous  ne  pouvons  qu'applaudir  à  une  si  louable  initiative,  et  en- 
gager nos  lecteurs  à  faire  au  plus  vite  partie  de  la  Société  des  Amis 
des  Cathédrales  dont  le  secrétaire  est  M.  Henri  Heuzé,  110,  rue  de 
Paris,  à  Vincennes  (Seine). 


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PROCÈS-VERBAUX 

des  Séances  de  la  Société  des  Sciences,  Lettres  et  Arts  d'Agen 


Séance  du  7  mars  1912,  —   Présidence  de  M.  Ferrère,  oice-préeident 

M.  Charles  de  Batz-Trenquelléon  offre  à  ses  collègues  la  troisiè- 
me édition  de  son  intéressante  brochure  Un  Aventurier  Gascon  :  le 
vrai  baron  de  Batz, 

Le  clergé  a  de  tout  temps  contribué,  sous  des  formes  qui  ont  va- 
rié, à  acquitter  les  charges  de  TEtat.  Par  un  édit  de  septembre  1594, 
Henri  IV  créa  une  première  fois  dix-huit  receveurs  généraux  pro- 
vinciaux des  décimes  et  impositions  du  clergé.  Plus  tard,  en  1622, 
Louis  XIII  y  ajouta  un  receveur  particulier  par  diocèse,  reconnais- 
sant au  clergé  le  droit  de  rembourser  ces  impositions.  Les  charges 
de  ces  fonctionnaires  devinrent  fort  lucratives,  par  suite  fort  oné- 
reuses pour  le  clergé.  Mascaron  le  comprit.  Aussi,  nous  apprend 
M.  le  chanoine  Dubourg,  chercha-t-il  à  les  alléger,  en  réunissant 
en  mai  1686,  un  important  synode  à  Agen,  «  à  l'effet  de  racheter  les 
«  offices  de  receveur  et  de  contrôleur  des  décimes  et  impositions  de 
«  KAgenais  ».  Ils  se  montaient  à  la  somme  de  89,000  livres  soit 
35,000  livres,  dont  jouissait  M.  Barbier  de  Lasserre,  receveur  prin- 
cipal ;  35,000  autres  livres  au  sieur  de  Lavigerie,  receveur  alterna- 
tif, et  19,000  livres  aux  dames  de  Castelnaud  et  de  Lavigerie,  héri- 
tières de  feu  le  sieur  de  la  Crompe,  acquéreur  et  engagiste  desdits 
offices.  Procuration  fut  donnée  à  M*  Roussel,  syndic  du  clergé, 
pour  emprunter  cette  somme  «  en  rente  constituée  au  denier  vingt, 
«  vingt-un  ou  autres  plus  avantageux  audit  clergé  ».  L'opération 
réussit  ;  l'emprunt  fut  souscrit,  même  au-delà,  et  le  rachat  opéré. 

Il  existe,  non  loin  de  Cancon,  près  de  l'église  de  Milhac,  un  joli 
petit  manoir  du  xvi*  siècle,  avec  tour  ronde  pour  cage  d'escalier  au 
milieu  de  la  face  sud,  çà  et  là  quelques  meurtrières  et,  à  la  porte 
principale,  une  superbe  serrure  ornée  de  petits  arcs  trilobés  au 
style  flamboyant.  C'est  le  manoir  de  Belot.  M.  l'abbé  Marboutin  le 
décrit  et  nous  apprend  que  c'est  là  que  naquit  Jean  de  Belot,  ma- 
gistrat au  Parlement  de  Bordeaux,  dont  la  mémoire  serait  bien  ou- 
bliée, malgré  les  importants  services  qu'il  rendit,  notamment  à 
Toulouse,  où  il  fut  envoyé  en  1570  pour  faire  exécuter  Tédit  de  pa- 
cification, s'il  n'était  devenu  l'ami  de  Montaigne,  de  La  Boëtic,  et 


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-  1H7  - 

aussi  de  Ronsard,  qui  lui  dédia  deux  de  ses  pièces  :  VOmhre  du 
Cheval  et  la  Lyre,  celte  dernière  de  476  vers,  où  Tauteur  nous  le 
dépeint  au  physique  comme  au  moral.  De  nombreux  détails  inédits 
sur  l'origine  de  sa  famille,  sa  fortune,  ses  propriétés,  particulière- 
ment les  terres  de  La  Tresne  et  de  Pommiers,  son  caractère,  ses 
charges  et  emplois,  nous  sont  fournis  par  M.  Marboutin,  qui  met 
pour  la  première  fois  en  relief,  sous  le  titre  Un  Agenais,  ami  de 
Ronsard,  ce  personnage,  dont  notre  pays  a  quelque  droit  de  se  mon- 
trer fier. 

M.  Jacques  Amblard,  membre  correspondant,  présente  à  la  So- 
ciété un  Mémoire  sur  la  Réorganisation  du  barreau  d'Agen  en  1812. 
Supprimé  par  décret  des  2-11  septembre  1790,  TOrdre  des  Avocats 
ne  fut  rétabli  par  Napoléon  qu'en  décembre  1810.  De  nombreux 
abus  réclamaient  cette  mesure.  En  des  pages  claires  et  précises, 
M.  Amblard  les  signale,  principalement  à  Agen  «  où  Ton  vit  un  nom- 
ce  bre  considérable  de  citoyens  se  révéler  hommes  de  loi  et  défen- 
«  seurs  officieux  :  beaucoup  de  facilité  d'élocution,  aucune  con- 
«  naissance  juridique,  aucun  scrupule,  aucune  honnêteté,  tel  était 
'<  le  bagage  de  ces  nouvelles  recrues,  auxquelles  on  ouvrait  toutes 
«  grandes  les  portes  des  liibunaux  ».  Aussi  le  procureur  général 
impérial  Mouyssel  ne  cossc-t-il  de  demander  le  retour  à  Tancienétat 
de  choses.  Il  ne  l  obtint  qu'en  1810.  «  Et  ce  fut  avec  une  joie 
«  égale  à  celle  qui  avait  salué  sa  suppression,  que  le  rétablissement 
«  de  rOrdre  des  Avocats  fut  salué  à'Agen  »,  où  de  58  qu'il  était  en 
1811,  le  nombre  des  avocats  inscrits  tomba  dès  Tannée  suivante  à 
22.  L'Ordre  fut  reconstitué,  le  tableau  rétabli,  le  sieur  Duplantier, 
ancien  conventionnel,  élu  bâtonnier  ;  une  discipline  sévère  fut  im- 
posée, tant  pour  pouvoir  plaider  que  pour  être  admis  au  stage  ;  et 
ces  mesures  contribuèrent  à  redonner  ainsi  h  la  profession  d'avo- 
cat le  lustre  qu'elle  avait  autrefois.  Pu.  L. 


Séance  du  11  aoril  1912.  -—  Présidence  de  M.  le  chanoine  Durengues, 

M.  Lauzun  se  fait  de  nouveau  l'interprète  des  sentiments  de  la 
Société  en  rappelant  le  deuil  cruel  qui  est  venu  la  frapper  dans  la 
personne  de  M.  Edouard  Payen,  membre  résidant.  Il  énumère  les 
titres  nombreux  que  le  défunt  possédait  à  l'estime  et  à  Taffeclion 
de  ses  collègues,  et  il  assure  une  fois  de  plus  sa  famille  de  la  part 
bien  grande  qu'ils  prennent  à  sa  douleur. 


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-  188  — 

M.  Jacques  AmblarcI,  avocat  à  Agcn,  est  élu  membre  résidant. 

M.  Tabbé  Dubois  communique  une  lettre  inédile  de  Biaise  de 
Monluc,  adressée  le  2  août  1569,  d'Agen,  à  Tun  de  ses  fidèles,  Ar- 
mand d'Ayguesvives,  de  l'illustre  famille  des  Ratfin,  pour  lui  don- 
ner rendez-vous  à  Layrac,  puis  à  Lectoure,  au  moment  où  le  futur 
maréchal  cherchait  à  concentrer  le  plus  possible  de  catholiques  pour 
essayer  d*arrêter  la  marche  désastreuse  de  Mongonmery  en  Gasco- 
gne. Extrait  des  archives  de  M.  J.  Beaune,  ce  précieux  autogra- 
phe est  l'occasion  d'une  étude  approfondie  faite  par  notre  ancien 
collègue,  non  seulement  sur  la  généalogie  de  cette  branche  des  Raf- 
fin,  mais  aussi  sur  leurs  possessions  et  le  rôle  joué  par  ses  divers 
membres  pendant  toute  cette  époque  des  troubles  religieux. 

Continuant  ses  travaux  sur  les  monuments  du  vieil  Agen,  M.  Lau- 
zun  donne  lecture  de  son  chapitre  sur  la  Tour  du  Chapelet,  ce 
curieux  édinice  qui,  vu  des  berges  du  canal,  se  détache  si  bien  au- 
dessus  des  maisons  qui  le  bordent  près  de  la  Cathédrale,  mais  qui 
devient  invisible  dès  qu'on  pénètre  en  ville  et  qu'on  cherche  à  s'en 
approcher. 

Encore  bien  conservée,  la  lour  du  Chapelet  faisait  partie  de  la 
première  enceinte  d'Agen,  celle  qui  fut  démolie  en  1229,  pour  faire 
place,  un  siècle  après,  à  l'enceinte  définitive,  plus  étendue.  Le  bas 
est  roman  et  se  rattache  à  une  portion  assez  considérable  du  mur 
primitif.  La  partie  supérieure  en  briques  est  de  beaucoup  posté- 
rieure. Entre  les  deux,  s'ouvre,  au  second  étage,  sur  la  face  ouest, 
une  charmante  fenêtre  géminée,  ornée  d'une  élégante  colonnette  en 
marbre  blanc.  Au  xvi*  siècle,  la  tour  du  Chapelet  fut  englobée  dans 
le  vaste  couvent  de  ce  nom,  que  fondèrent  à  Agen,  en  1585,  les  filles 
de  S.  Dominique.  Depuis  la  Révolution,  et  après  de  nombreuses 
attributions,  elle  est  devenue  propriété  privée. 

Ph.  L. 


La  Commission  d'administration  et  de  géranoe  :  0.  FaUiéres,  Ph.  Lanznn,  0.  Granat. 


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Cliché  Moullis 


TOUR    DU    CHAPKLET 


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SOUVENIRS  DU  VIEIL  AGEN 


LA  TOUR  DU  CHAPELET 

*  Lorsque,  gravissant  les  pentes  du  coteau  de  l'Ermitage,  ou 
se  promenant  seulement  sur  les  berges  du  canal  au-dessous 
du  pont  de  Courpian,  on  jette  ses  regards  du  côté  de  la  Cathé- 
drale, on  aperçoit,  à  Touest  du  haut  clocher  de  Saint-Caprais, 
une  tour  carrée,  de  proportions  moindres,  mais  qui  cependant, 
assez  élevée,  émerge  d'un  îlot  de  maisons,  pressées  entre  cette 
église  et  le  vaste  jardin  des  Filles  de  Marie.  Elle  offre  tous  les 
caractères  d'une  très  ancienne  construction.  C'est  la  Tour  du 
Chapelet, 

Mais  si,  rentrant  en  ville,  on  veut  s'en  approcher  et  l'exa- 
miner de  plus  près,  cette  tour  disparaît  comme  par  enchante- 
ment. On  a  beau  la  chercher  de  la  place  Saint-Caprais,  de  la 
rue  des  Cornières,  des  rues  François  Arago  ou  Neuve  des 
Augustins,  elle  reste  invisible  et  s'est  comme  évaporée.  A 
peine  arrive-t-on  péniblement  à  en  voir  un  fragment  entre 
deux  maisons  de  la  rue  Fon-Nouvelle.  Encore  n'est-ce  qu'im- 
parfaitement. 

Pour  l'étudier,  il  faut  entrer  au  n*  3  de  la  rue  François 
Arago,  ancienne  rue  Neuve  du  Chapelet,  traverser  la  maison 
et  pénétrer  dans  une  petite  cour  qui  se  trouve  à  l'ouest.  Elle 
se  dresse  alors,  très  imposante,  immédiatement  au-dessus. 
Mieux  encore,  si  l'on  veut  la  photographier,  il  est  indispensable 
de  monter,  non  sans  danger,  sur  les  toitures  successives 
des  maisons  de  la  rue  Fon-Nouvelle.  C'est  de  cet  endroit  que 
l'a  prise,  après  bien  des  difficultés,  M.  Moullis,  photographe, 
dont  nous  reproduisons  ci-contre  le  précieux  cliché,  le  remer- 
ciant d'avoir  bien  voulu  nous  autoriser  à  le  publier  en  tète  de 
cette  étude. 

Il  nous  permet  ainsi  de  consacrer  à  cette  tour,  bien  qu'exis- 

18 


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—  190  — 

tante,  mais  si  peu  ^  connue  des  Agenais,  un  chapitre  spécial 
parmi  ces  Souoenirs  du  Vieil  Agen,  N'en  est-elle  pas  l'un 
des  plus  anciens  monuments  et  ne  présente-t-elle  pas,  par 
suite,  une  importance  capitale,  digne  du  plus  vif  intérêt? 

La  Tour  du  Chapelet,  ainsi  nommée  parce  qu'elle  fut  englo- 
bée dans  le  couvent  des  religieuses  de  ce  nom  à  la  fin  du  xvi® 
siècle,  remontait  bien  au  delà.  Elle  date  de  l'époque  romane, 
au  moins  dans  sa  partie  inférieure.  Elle  faisait  en  outre  parti© 
intégrante  de  la  première  enceinte  de  la  ville,  ainsi  qu'on  peut 
le  voir  encore  par  le  pan  de  mur  qui  s'y  rattache  à  l'ouest, 
bâti  en  gros  appareil  moyen,  d'une  longueur  de  douze  mètres 
sur  près  de  six  mètres  de  haut,  dernier  vestige  debout  des  plus 
anciens  remparts  d'Agen. 

Dans  notre  étude  sur  les  Enceintes  successives  d'Agen  (1), 
nous  avons  longuement  exposé  quel  était  le  périmètre  de  l'en- 
ceinte primitive,  celle  qui,  construite  et  maintes  fois  démolie 
de  la  fin  du  m*  au  xi®  siècle,  se  trouvait  définitivement  élevée 
dès  le  commencement  du  xiP  siècle.  Nous  n'y  reviendrons  pas. 

La  Tour  du  Chapelet  y  était  comprise.  Elle  défendait  toute 
la  courtine  nord  de  la  ville,  entre  les  tours-portes  de  la  Croix 
et  de  la  Grande-Horloge  à  l'ouest,  et  celles  de  la  Petite  Bou- 
cherie et  Molinier  à  l'est,  avant  que  ne  fut  incorporée  dans  la 
deuxième  enceinte  l'église  de  Saint-Caprais,  encore  hors  des 
murs.  Elle  se  présentait  comme  une  sentinelle  avancée  du  côté 
le  plus  faible,  puisqu'il  était  dominé  par  le  coteau,  le  plus 
exposé  par  suite  aux  coups  de  l'ennemi.  La  Tour  du  Chapelet 
offre  donc  â  nos  yeux  une  importance  archéologique  excep- 
tionnelle. 

A  peu  près  intacte,  comme  aux  premiers  temps  de  sa  cons- 
truction, cette  tour  accuse,  avons-nous  dit,  dans  le  bas  tous 
les  caractères  de  l'époque  romane.  Elle  est  presque  Cîirrée  ; 
mais  sur  le  plan  elle  se  détache,  très  saillante,  en  forme  de 
losange  et  comme  en  éperon. 

Ses  murs  ont  une  épaisseur  de  1  m.  25. , 


(1)  Agen,  Imprimerie  Lamy,  1894.  Id-8*  de  71pp.  ' 

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—  191  —  ' 

Son  rez-de-chaussée  n  a  guère  été  modifié  depuis  le  xii*  siè- 
cle. Il  consiste  en  une  grande  salle  unique,  voûtée  en  berceau 
légèrement  brisé,  dont  la  longueur  des  faces  varie  de  5  m.  2') 
à  5  m.  40  et  d'une  hauteur  totale  de  6  mètres  environ.  Nous 
disons  totale,  car  il  importe  de  remarquer  que  le  plancher 
actuel  est  moderne,  posé  pour  accéder  de  plein-pied  à  la  petite 
cour  extérieure-  Il  divise  en  deux  parties  à  peu  près  égales 
cette  salle  basse,  et  il  crée  ainsi  au-dessous  une  cave  de 
2  m.  50  environ  de  haut.  Primitivement»  il  n'existait  pas, 
cave  et  rez-de  chaussée  actuels  ne  formant  qu'une  seule  et 
même  salle,  dont  le  niveau  du  sol  effleurait  celui  du  fossé  de 
ville,  creusé  au  pied  de  la  tour. 

Cette  salle  du  rez-de-chaussée,  où  deux  rainures  énigmati- 
ques,  très  rapprochées  Tune  de  l'autre,  sont  creusées  en  arc 
de  cercle  sur  la  paroi  supérieure  de  la  voûte,  n'était  ajourée 
que  par  deux  portes-fenêtres  et  une  meurtrière.  Nous  ne 
mentionnons  pas  les  trois  baies  modernes,  ouvertes  postérieu- 
rement pour  les  besoins  du  service . 

Les  deux  portes-fenêtres  à  cintre  légèrement  brisé  se  font 
face,  percées  à  2  m.  50  au-dessus  du  sol  actuel,  à  5  mètres 
par  conséquent  au-dessus  du  sol  primitif,  l'une  dans  le  mur 
méridional,  l'autre  dans  celui  du  nord.  Exiles  permettaient 
d'itccéder  au  bas  de  la  salle  au  moyen  d'échelles,  selon  les  règles 
de  l'époque  qui  voulaient  que  les  rez-de-chaussée  de  toutes  les 
ct>nstructions  fortifiées  fussent  hermétiquement  clos,  ne  ser- 
vant qu'à  loger  les  provisions  et  les  munitions.  Elles  aboutis- 
saient en  outre,  croyons-nous,  des  deux  côtés,  quoique  se 
trouvant  en  contre-bas,  au  chemin  de  ronde  qui  courait  le  long 
du  mur  d'enceinte  ;  et  elles  pouvaient  communiquer,  au  besoin, 
à  l'intérieur,  l'une  avec  l'autre,  par  un  plancher  mobile  posé 
sur  une  forte  corniche  que  l'on  voit  encore  sur  les  faces  nord 
et  sud,  à  0  m.  70  c.  au-dessous. 

La  meurtrière  qui  constitue  la  troisième  ouverture  de  cette 
salle  basse,  est  très  caractéristique  et  parfaitement  conservée. 
Percée  sur  le  côté  gauche  du  mur  septentrional,  un  peu  au- 
dessus  de  la  porte-fenêtre,  à  1  m.  30  au-dessus  du  plancher 
actueK  à  3  m.  80  par  suite  au-dessus  du  sol  primitif,  elle  se 


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--  192  — 

compose,  à  Tîntérieur,  d'une  niche  cintrée  voûtée  en  berceau, 
de  1  m.  40  de  haut  sur  1  mètre  de  large,  et  dont  les  ébrase- 
menls,  de  1  m.  10  de  profondeur,  aboutissent,  en  se  rétrécis- 
sant, à  une  rainure  droite,  ouverte  dans  l'épaisseur  du  mur. 
Large  de  0  m.  25  à  l'intérieur,  cette  rainure  doit  être  plus 
étroite  encore  à  Textérieur,  bien  que,  actuellement  murée, 
il  soit  iinpôssible  de  l'apercevoir  du  dehors.  Elle  ne  se  termine, 
croyons-nous,  par  aucune  entaille,  pas  plus  dans  sa  partie 
basse  que  supérieure.  On  peut  donc  en  conclure  que,  tout  en 
servant  à  lancer  des  traits  d'arbalète  ou  des  flèches  sur  les 
assaillants,  elle  était  plutôt  destinée  à  surveiller  les  travaux 
des  assiégants  et  à  voir  au  dehors,  sans  que  le  guetteur  eut  à 
se  découvrir.  L'absence  de  bancs  de  pierre  de  chaque  côté  de 
la  niche,  ainsi  qu'il  s'en  trouve  presque  toujours  à  l'époque 
romane,  et  sa  hauteur  au-dessus  du  sol,  sont  deux  preuves  de 
cette  principale  destination. 

On  peut  donc  dire  que  la  meurtrière  de  la  Tour  du  Chapelet, 
absolument  romane,  avait  été  percée  moins  pour  la  défense 
que  pour  donner  vue  sur  le  coteau  et  aussi  un  peu  d'air  et  de  ^ 
lumière  à  cette  sombre  salle  du  rez-de-chaussée. 

Une  petite  ouverture  carrée  se  voit  encore  à  gauche  de  cette 
niche,  percée,  comme  elle,  dans  toute  l'épaisseur  du  mur. 

Le  premier  étage  a  été  entièrement  remanié  et  transformé 
de  nos  jours  en  appartement  habitable.  La  fenêtre  et  le  balcon 
qui  donnent  sur  la  cour  datent  de  quelques  années  seulement. 
Tout  autour,  à  l'extérieur  comme  à  l'intérieur,  on  ne  voit  nulle 
trace  d'ouverture, .  ni  de  meurtrière.  11  faut  en  conclure  que 
cet  étage  était,  comme  le  rez-de-chaussée,  entièrement  clos 
selon  les  usages  du  temps  qui  se  sont  perpétués  jusqu'à  la 
fin  du  XIII®  siècle,  tels  que  nous  les  voyons  si  rigoureusement 
appliqués  dans  nos  Châteaux  Gascons,  ces  curieuses  petites  . 
forteresses  échelonnées  le  long  de  la  frontière  du  Condomois 
d'un  côté,  de  la  Lomagne  et  de  l'Armagnac  de  l'autre  (1). 

Le  second  étage  seul  est  franchement  ajouré.  Ce  qui  frappe 


(1)  Voir  notre  étude^surles  Châteaux  Gai*rons  de  la  fin  ilu  xiii'  siècle.  (Auch, 
1897.  In-8»  de  432  pp.  avec  planches  et  plans). 


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—  193  — 

en  effet  le  plus  dans  la  vue  de  la  tour  reproduite  en  tête  de 
ce  chapitre,  c'est  la  jolie  fenêtre  géminée  ouverte  sur  la  face 
ouest  de  cet  étage.  Cette  fenêtre  est  romane,  contemporaine 
par  suite  de  la  salle  basse.  Elle  est  formée  de  deux  baies, 
assez  grossièrement  cintrées,  réunies  par  une  charmante  colon- 
nette  en  marbre  blanc,  terminée  à  ses  deux  extrémités  par 
deux  gracieux  chapiteaux  de  pierre  qui  lui  servent  de  base  et 
de  couronnement.  Celui  du  haut  est  orné  de  quatre  feuilles 
renversées,  s'enchevêtrant  Tune  dans  Tautre  en  forme  de  cœur 
allongé.  Cette  baie  est  la  seule  que  nous  ayons  su  reconnaître, 
la  salle,  qu'elle  éclaire,  ayant  été,  comme  celle  du  premier 
étage,  entièrement  modifiée. 

Le  troisième  étage,  en  revanche,  est  ajouré  sur  ses  quatres 
faces,  ces  dernières  mesurant  intérieurement  6  m.  25  au  nord, 
à  l'est  et  au  sud,  et  5  m.  20  seulement  à  l'ouest.  A  l'ouest, 
presque  au-dessus  de  la  fenêtre  géminée,  on  remarque,  en  effet, 
une  large  baie  à  meneau  vertical,  ouverte  dans  une  niche  cin- 
trée, de  chaque  côté  de  laquelle  a  été  dressé  un  petit  banc  de 
pierre;  au  nord,  une  ouverture  plus  étroite,  également  à 
meneau  droit  ;  à  l'est,  une  large  ouverture  cintrée  ;  au  sud 
enfin,  un  grande  fenêtre  à  meneaux  croisés,  donnant  sur  la 
ville.  Quelques-unes  de  ces  ouvertures,  notamment  à  Test,  ont 
été  relaites  postérieurement  à  l'époque  romane.  Trois  petites 
crédences,  à  sommet  triangulaire,  y  sont  percées  dans  Vépais- 
seur  du  mur  qui  ne  dépasse  pas  0  m.  70.  Enfin,  au  coin  sud- 
est  se  voit  une  porte  assez  étroite,  qui  permettait  sans  doute 
d'accéder  à  cette  salle  et  aussi  de  monter  à  l'étage  supérieur. 

La  tour  devait  être  en  effet  plus  haute,  terminée  par  des 
combles  recouverts  d'une  charpente  quadrangulaire  plutôt  que 
par  une  plateforme  crénelée. 

Du  reste,  toute  la  partie  supérieure  de  la  Tour  du  Chapelet 
a  été  remaniée  au  xiv®  siècle,  peut-être  même  plus  tard.  A 
l'extérieur,, ne  voit-on  pas,  sur  la  face  ouest,  qu'à  partir  du 
troisième  étage,  à  la  hauteur  de  l'accoudoir  qui  coupe  en  deux 
la  colonnette,  elle  n'est  plus  construite  qu'en  briques  et  que 
les  fortes  assises  de  grossses  pierres  s'arrêtent  au  milieu  de  la 
fenêtre  géminée. 


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—  191  - 

La  Tour  du  Chapelet  n'a  pas  d'histoire.  Elle  garde,  enfouis 
dans  ses  murs,  les  secrets  des  siècles  passés.  Quelles  armées 
a-t-elle  vu  camper  devant  elle?  Si,  comme  nows  le  croyons, 
elle  est  romane,  du  xi®  ou  xii*  siècle,  à  quelle  date  remontent 
les  assises  de  son  rez-de-chaussée  et  les  murs  de  la  première 
enceinte  qui  la  flanquent  de  chaque  côté.  Ont-ils  résisté  aux 
assauts  des  Barbares,  des  Wisigoths,  des  Francs,  des  Sarra- 
sins, ou  seulement  des  Normands  ?  N'ont-ils  été  élevés,  comme 
nous  le  croyons,  qu'après  le  sac  terrible  et  la  presque  totale 
destruction  d'Agen  par  ces  derniers  au  ix«  siècle?  Toujours 
est-il  qu'ils  ont  vu  les  luttes  sanglantes  de  la  guerre  des  Albi- 
geois et  plus  tard  les  débuts  de  la  guerre  de  Cent  ans,  avant 
que  la  troisième  enceinte  n'ait  reporté  au  pied  même  du 
coteau  la  ligne  de  défense. 

A  la  fin  du  xvi«  siècle,  le  28  février  1585,  les  Dominicaines 
ou  religieuses  du  Chapelet  vinrent  de  Lectoure  s'établir  à  Agen. 
Ce  fut,  après  les  Annonciades  arrivées  en  1533,  le  deuxième 
couvent  de  femmes.  Il  .y  fut  fondé  par  les  pieuses  libéralités 
de  la  dame  de  Lisse,  Marguerite  de  Casseneuil  (1).  Elles  se 
fixèrent  près  de  l'église  de  Saint-Caprais,  «  dans  la  maison  de 
«  M.  de  Sainct-Project,  chanoine  de  la  Collégiale  ^),  et  bientôt 
elles  étendirent  leurs  possessions  depuis  l'extrémité  des  Cor- 
nières au  sud,  jusqu'au  moulin  de  Saint-Caprais  au  nord, 
depuis'le  seuil  même  du  grand  portail  de  l'église  à  l'est,  jus- 
qu'aux jardins  des  maisons  de  la  rue  Fon-Nouv«lle  à  l'ouest. 

La  vieille  tour,  avec  les  pans  de  mur  adjacents,  fut  englobée 
dans  ce  vaste  emplacement.  Et  comme  elle  se  trouvait  presque 
a  l'extrémité  ouest  de  la  chapelle,  elle  servit,  dit  la  tradition, 
de  clocher  au  monastère.  Nous  n'avons  su  voir  nulle  part  trace 
de  cette  destination.  La  Tour  du  Chapelet,  qui  servait  aussi 
principalement  de  chai  et  de  cave,  fit  donc  jusqu'à  la  Révolu- 
tion partie  intégrante  du  couvent  qui  lui  donna  son  nom. 

Dans  le  procès-verbal  d'estimation  du  couvent  du  Chapelet, 
à  la  date  du  1®'  janvier  1794,  la  Tour  du  Chapelet  figure  dans 


(1)  Voir  \fi  Chapitre  III  du  Tome  II  de  nos  Courants  d'Affcn  :  Les  rcdiQ((msos 
du  ChajMdvi^  p.  75-98. 


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—  195  — 

le  11°**  lot,  a  ledit  rez-de-chaussée,  y  est-il  dit,  consistant  en 
«  un  beau  four  et  fournial  et  un  très  vaste  chai  et  patus  ou 
«  emplacement  bordant  la  rue  Sans-Culotte  »  estimé,  avec 
les  trois  étages  supérieurs,  3.800  livres. 

Et  dans  le  devis  estimatif  .pour  la  division  en  lots,  de  la 
même  date,  nous  lisons  aussi,  au  sujM  de  cette  tour,  «  i2ej- 
«  de-ckaussée  :  Il  sera  fait  la  démolition  de  la  moitié  de  la 
«  voûte  qui  est  située  au-devant  du  four.  Et  icelle  dite  moitié 
«  qui  est  en  position  du  levant,  pour  y  être  placé  à  ladite 
«  ouverture,  un  escalier  pour  Tusage  du  premier  et  du  second 
«  étage  ;  ouverture  de  ladite  vente,  levée  et  remise  d'un  plan- 
«  cher  qui  y  est  placé  au-dessus,  escalier  et  main-d'œuvre,  le 
«  tout  ensemble  évalué  260  livres. 

ft  Plus  il  sera  fait  la  fermeture  de  deux  ouvertures  qui  sont 
«  dans  le  grand  chai,  situées  à  la  position  du  couchant,  la 
tt  première  est  une  porte  sur  neuf  pans  de  haut  et  quatre  pans 
«  et  demi  de  large  ;  la  seconde  est  une  autre  ouverture  à  la 
«  même  position,  en  forme  de  porte,  sur  sept  pans  et  demi 
«  de  haut  et  sur  trois  pans  six  pouces  de  large,  le  tout  évalué 
«  24  livres. 

(c  Plus  il  sera  fait  un  mur  de  façade  de  l'entière  largeur  du 
«  grand  chai,  lequel  sera  sur  une  canne  d'élévation  y  compris 
«  sa  fondation.  Mêmes  dimensions  d'épaisseur  que  les  autres  ; 
«  et  ledit  mur  bordera  la  rue  Sans-Culotte.  Evalué  140  livres. 

«  Plus  il  sera  fait  un  mur  divisoire,  tendant  vers  le  mur  de 
«  façade,  lequel  servira  à  diviser  le  présent  lot  du  douzième 
«  lot,  sur  une  canne  d'élévation,  y  compris  ses  fondations,  et 
«  sur  dix  pouces  d'épaisseur  ;  ledit  mur  évalué,  matériaux, 
«  chaux,  sable  et  main-d'œuvre,  30  livres. 

«  Premier  étage,  —  Il  sera  fait  une  cloison  en  un  mur  de 
«  dix  pouces  d'épaisseur  sur  onze  pouces  de  hauteur  et  sur 
«  sept  pans  de  large,  matériaux,  chaux,  sable  et  main-d'œuvre, 
«  évalué  20  livres. 

«  Plus  il  sera  fermé  une  porte  communiquant  à  un  petit 
«  cabinet  qui  restera  à  la  propriété  et  disposition  du  dixième 
«  lot,  pour  l'emplacement  de  1  ouverture  d'une  croisée  utile  à 
«  la  chambre  qui   est  située  dans   le  corps  de  la  Mirande, 


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—  196  — 

«  laquelle  est  garnie  en  placards,  ladite  porte  est  située  au 
((  midi  du  susdit  colidor,  sur  neuf  pans  de  haut  et  quatre  pans 
«  de  large,  évalué  12  livres. 

(t  Deuxième  étage,  —  Il  sera  fait  une  semblable  cloison  que 
«  celle  du  premier  étage.  Mêmes  dimensions  et  par  conséquent 
«  même  prix.  Evalué  20  livres. 

«  Troisième  étage,  —  Il  sera  fermé  le  grenier  en  partie  inter- 
«  médiaire  et  divisoire  entre  le  présent  lot  et  le  dixième  lot  ; 
«  laquelle  fermeture  sera  faite  en  torchis  pan  de  bois.  Evalué 
«  en  tout  30  livres.  » 

Les  religieuses  une  fois  expulsées,  le  couvent  du  Chapelet, 
ainsi  morcelé,  fut  vendu  à  divers  et  subit  des  destinations 
différentes.  C'est  ainsi  que  1  église  et  ses  dépendances  les  plus 
proches  servirent,  en  1795,  d'entrepôt  de  salpêtre,  puis  de 
miigasin  à  fourrages.  Telle  était  encore  leur  destination  en 
1814. 

L'année  suivante,  la  municipalité  l'utilisa  comme  prison 
^  correctionnelle.  On  y  enferma  d'abord  les  condamnés  pour 
délits  de  police,  puis  pour  dettes,  enfin  pour  délits  politiques, 
et  aussi  les  militaires  pour  cause  de  désertion.  Cet  état  de 
choses  cessa  en  1818,  année  où  le  Chapelet  devint  le  siège 
d'une  école  d'enseignement  mutuel  dont  nous  avons  longue- 
ment parlé  (1).  Elle  s'y  maintint  jusqu'en  1822.  A  ce  moment 
tout  l'ancien  couvent  fut  mis  en  vente  et,  de  nouveau,  divisé 
en  de  nombreux  lots.  La  tour  qui  nous  occupe  devint  une 
dépendance  de  la  maison  n°  3  de  la  rue  Neuve  du  Chapelet, 
aujourd'hui  rue  François  Arago.  Elle  appartient  actuellement 
à  M.  Nebout  de  Riberot. 

Ph.  Lauzun. 


(1)  Hiitto/re  de  la  So<-iè(é  Araflèmiqao  d'Afjcn,  p.  112-119.  (  Agen  1900.  In-8' 
de  255  pp.)  • 


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LE  CHATEAU  DE  CASTELNOUBEL 

(Commune  de  Bon-Encontre ) 


CHAPITRE  VI 

Castelnoubel  au  xix*  siècle.—  M"«  d'Ayzac,  M"  Meignan,  M"'  des  Echerolles 

A  la  mort  de  M.  des  Echerolles,  Castelnoubel  passa  aux 
mains  de  ses  enfants,  et  fut  bientôt  la  part  de  Madame  la  Com- 
tesse Hélène  des  Echerolles. 

Née  à  Saint-Gaudens  le  18  juin*  1818,  elle  était  la  cinquième 
enfant  de  M.  Joseph-Marie-Etienne  Giraud  des  Echerolles, 
sous-préfet  de  cette  ville,  et  de  Marie-Louise-Lucienne  de  Ley- 
gonie.  Elle  suivit  bientôt  sa  famille  à  Agen,  où  son  père  était 
nommé  secrétaire  général  de  la  Préfecture.  Quelques  années 
après,  en  sa  qualité  de  fille  d'un  ancien  officier,  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur,  elle  fut  admise  dans  la  maison  de  Saint- 
Denis,  fondée  par  Napoléon,  pour  l'éducation  des  enfants  des 
légionnaires  pauvres.  « 

Les  élèves  étaient  reçues  dans  cet  établissement  à  fâge  de 
six  à  douze  ans,  et  devaient  en  sortir  à  dix-huit,  ou  plus  tôt,  si 
les  parents  le  désiraient. 

A  Saint-Denis,  elle  trouva  Mademoiselle  Félicie  d'Ayzac, 
qui  d'élève  était  devenue  dame  dignitaire  et  professeur.  Elles 
étaient  faites  pour  se  comprendre,  et  se  lièrent  fortement,  je- 
tant les  bases  de  cette  solide  et  inaltérable  amitié  que  la  mort 
seule  devait  rompre. 

Hélène  des  Echerolles,  d'intelligence  très  vive,  fut  une  excel- 
lente élève,  mais  ayant  beaucoup  de  goût  pour  le  dessin  et  la 
[)einture,  elle  cultiva  spécialement  ces  arts.  Elle  dessinait  avec 
charme  et  précision,  et  peignait  agréablement.  On  peut  s'en 
rendre  compte,  par  les  deux  dessins  que  nous  avons  donnés, 
et  par  les  tableaux  conservés  à  l'église  de  Cassou  et  à  Castel- 
noubel. 


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—  198  — 

Lorsqu'elle  eut  terminé  ses  études,  elle  imita  son  amie  Ma- 
demoiselle Félicie  d'Ayzac.  Elle  resta  à  Saint-Denis,  devint 
dame  dignitaire  et  professeur. 

Après  la  mort  de  son  père,  elle  se  rétira  à  Caslelnoubel.  In 
de  ses  frères,  Henri,  vint  ly  rejoindre  quelques  années  après. 
Henri  des  Echerolles,  très  dévoué  aux  œuvres  catholiques, 
était  un  musicien  de  talent.  Il  a  publié  quelques-unes  de  ses 
compositions  musicales,  qui  sont  très  estimées,  il.  signait  d'ha- 
bitude une  partie  de  son  nom  D'Ech.  Un  de  ses  cantiques  sur- 
tout est  très  connu,  Rose  mystique,  dont  les  paroles  sont  d'un 
de  ses  frères. 

Au  lendemain  de  son  arrivée  à  Castelnoubel,  Madame  des 
Echerolles  se  trouva  un  peu  isolée  et  sachant  aussi  combien 
son  amie  Madame  Félicie  d'Ayzac  était  seule  à  Paris  elle  lui 
offrit  l'hospitalité  de  son  vieux  château.  Madame  d'Ayzac  se 
laissa  convaincre,  et,  dès  1868,  elle  venait  rejoindre  son  amie. 

Pour  ces  deux  femmes,  de  culture  supérieure,  ce  furent  alors 
de  douces  années  passées  dans  l'intimité.  Le  soin  des  pauvres 
et  des  malades,  les  études  préférées  continuées  dans  le  calme, 
de  douces  causeries,  et  pendant  quelques  mois  de  l'année  la 
visite  d'un  ami  commun,  ancien  aumônier  de  Saint-Denis,  de- 
venu évêque,  puis  cardinal,  Mgr  Meignan,  occupèrent  agréa- 
blement les  loisirs  de  leur  solitude  et  adoucirent  les  dernières 
années  de  l'existence. 

Elles  s'attachèrent  à  ce  vieux  château,  dont  le  site  pittores- 
que plaisait  à  leurs  goûts  artistiques,  et  dont  les  vieilles  pier- 
res et  les  remparts  découronnés  parlaient  à  leur  esprit.  Elles 
le  chantèrent  toutes  les  deux,  et  s'efforcèrent  d'en  dire  tout  le 
charm«.  Nous  avons  donné,  en  tête  de  ce  travail,  la  poésie  de 
Madame  d'Ayzac,  voici  maintenant  celle  de  Madame  des  Eche- 
rolles : 

CASTELNOUBEL 

Si  obliviscero  tui. 

J'aime  Maiiy,  Mcudon,  Orsay,  Cernay-la-Ville, 
Versaille  et  Trianon,  mais  rien,  rien  sous  le  ciel, 
Eu  plaine  ou  sur  hauteur,  sous  falaise  ou  dans  île, 


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—  199  — 

Entre  vingt  oasis,  entre  cent,  entre  mille, 
Ne  vaut  ma  roche  étroite  et  son  Castelnoubel. 

Caslelnoubel  est  blanc,  blanc  comme  un  cou  de  cygne  ; 
Blanche  est  aussi  sa  côte  où  rit  le  grenadier  ; 
Sous  son  rempart  géant  le  platane  s'aligne  ; 
L'autan  qui  sur  son  pied  dépouille  et  tord  sa  vigne, 
Effeuille  sur  son  flanc  le  chêne  et  l'amandier. 

La  ronce  cependant  fleurit  sur  ses  tourelles, 
L'essaim  des  passereaux  s'y  blottit  chaque  soir. 
Aucun  lieu  n'a  gardé  plus  de  nids  d'hirondelles. 
On  n'entend  dans  aucun  plus  de  battements  d'ailes. 
Et  le  pays  au  loin  est  fier  du  vieux  manoir. 

Pour  moi,  çon  haut  rocher  coloré  par  l'automne, 

Ses  agrestes  abords  dépouillés  par  l'hiver, 

L'herbe,  dont  son  vieux  mur  au  printemps  se  couronne, 

Le  site  qui  l'encadre  et  l'air  qui  l'environne. 

Tout  me  rend  le  passé,  tout  m'émeut,  tout  m'est  cher. 

J'aime  à  voir  à  son  pied  ces  campagnes  splendides, 
Ces  champs,  ces  beaux  vallons  que  Rolscbild  envîrail. 
Ces  verts  escarpements  et  ces  pentes  rapides. 
Et  ces  sommets,  baignés  de  teintes  si  limpides 
(Jue  le  soleil,  au«soir,  ne  quitte  qu'à  regret  ; 

Et  la  nuit,  j'aime  à  voir  des  étoiles  sans  nombre  • 
Les  phares  lumineux  scintillant  sur  la  tour, 
Le  cloître,  tour  à  tour  resplendissant  ou  sombre, 
El  le  rempart  du  nord,  projetant  sa  grande  ombre 
Sur  les  flancs  étages  des  coteaux  d'alentour. 

D'autres  cieux  m'ont  offert,  dans  mes  pèlerinages, 
Bien  des  cœurs  dévoués,  fidèles,  droits  et  sûrs  ; 
L'amitié  m'a  parlé  bien  des  tendres  langages. 
Mais  rien  ne  m'a  rendu  les  chers  et  doux  visages 
Que  j'ai  vus  rayonner  dans  l'ombre  de  ces  murs. 

Aussi,  viens-je  aspirer  dans  cette  enceinte  amie 
Leurs  souvenirs  liés  aux  beaux  jours  de  ma  vie, 
Uaviver  leur  passé  dans  ma  mémoire  en  deuil, 
Evoquer  les  appels  de  leurs  voix  bien  aimées, 
Et  presser  de  mon  front  leurs  traces  imprimées, 
Des  créneaux  de  son  faite  îiux  dalles  de  son  seuil. 


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~  200  - 

Là,  dorment  frais  encor,  là  reposent  fidèles, 
Tous  mes  rêves  d'enfant  :  les  riants  avenirs, 
'  Les  printemps  sans  déclin,  les  amours  éternelles  ; 
Là,  comme  des  oiseaux  assoupis  sous  leurs  ailes 
S'éveillent  à  ma  voix  mes  plus  doux  souvenirs. 

J'en  ai  dans  mon  passé  de  plus  brillants  sans  doute  ; 
Mais  jamais  dans  mon  cœur  aucun  n'a  fait  vibrer 
Ces  notes  d'autrefois  que  ma  pensée  écoute, 
Doux  échos  des  édens  rencontrés  sur  ma  route 
Qui  ravissent  mon  ânïe  et  qui  la  font  pleurer  ; 

Larmes  toujours  !  car  Dieu,  que  notre  orgueil  offense, 

A  voulu  que  l'instinct  de  notre  insuffisance 

Prime  et  rabatte  en  nous  celui  de  nos  grandeurs  ; 

Et  telle,  et  si  profonde  est  l'indigence  humaine, 

(Ju'affolé  par  la  joie  ou  vaincu  par  la  peine 

Pour  rendre  ce  (|u'il  sent,  l'homme  n'a  que  des  pleurs. 

Dans  l'œuvre  poétique  entièrement  inédite  de  Madame  des 
Echerolles,  nous  pourrions  cueillir  à  pleines  mains  des  choses 
exquises,  notamment  les  Hirondelles  de  CastelnoubeL 

Son  œuvre  littéraire  n'est  pas  là  toute  entière.  A  la  suite 
d'une  gageure,  elle  a  abordé  le  roman,  et  n'y  a  pas  mal  réussi. 
Voici  à  quelle  occasion. 

Trois  amies  s'entretenaient  un  jour  de  la  littérature  contem- 
poraine, et  gémissaient  sur  les  ravages  du  roman  immoral. 
L'une  d'elles  prétendit  qu'il  était  impossible  d'écrire  un  roman 
honnête,  et  qu'un  livre  de  cette  sorte  ne  pourrait  engendrer 
que  l'ennui.  Les  deux  autres  protestèrent  avec  énergie  et  com- 
me la  discussion  continuait,  elles  promirent  de  faire  la  preuve 
de  leur  opinion,  en  composant  chacune  un  roman  honnête. 

L'une  de  ces  dernières  était  Madame  Hélène  des  EcheroUes. 
Elle  se  mit  à  l'œuvre  et  en  1867,  elle  publiait  sous  le  pseudo- 
nyme transparent  d'Hélène  du  Castel,  un  roman  intitulé  Ré- 
gine ou  la  Perle  des  Grèves  (1). 


(1)  Régine,  ou  la  Perle  des  Grèves,  par  M"*  Hélène  Du  Gastcl.  —  H.  Caster- 
man,  Tournai  1866.  Dans  la  collection  des  romans  honnêtes. 


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-  201  - 

Un  vaisseau  inconnu  vint  se  perdre,  par  une  nuit  de  tempête, 
sur  les  côtes  de  Bretagne.  Tout  périt,  sauf  une  petite  fille  de 
quelques  mois  que  le  flot  déposa  sur  le  rivage.  Recueillie  par 
un  pêcheur,  le  père  Peanec,  elle  grandit  dans  la  pauvre  chau- 
mière, sous  Tœil  attentif  de  sa  mère  adoptive,  de  sa  marraine 
la  châtelaine,  baronne  de  Kergleen  et  du  recteur  de  Sainl-Ef- 
flam,  fils  de  son  sauveur.  Son  enfance  se  partage,  entre  la  ca- 
bane, le  presbytère  et  le  château,  où  elle  joue  avec  le  petit-fils 
de  la  baronne.  Celui-ci,  entré  plus  tard  dans  la  marine  militai- 
re, part  pour  le  Brésil,  où  il  se  marie  avec  Manoëlila  de  Sierra- 
flores. 

Régine,  c'est  le  nom  de  l'orpheline,  en  apprenant  ce  maria- 
ge, éprouve  une  vive  peine,  car  elle  aime  le  bel  Olivier  de  Ker- 
gleen. Elle  songe  un  moment  à  prendre  le  voile,  dans  le  cou- 
vent où  elle  a  été  élevée.  Quelques  années  après,  Manoëlita 
meurt,  laissant  deux  filles  à  son  mari  Olivier.  Celui-ci,  rentré 
en  France,  confie  ses  deux  enfants  aux  soins  de  sa  grand'mère 
et  surtout  de  Régine,  et  se  lance  bravement  dans  la  seconde 
guerre  de  Vendée. 

Blessé  grièvement,  il  se  réfugie  à  Kergleen.  11  apprend  alors 
par  la  confession  d'un  serviteur  de  ses  beaux-parents,  que  Ré- 
gine est  la  cousine-germaine  de  Manoëlita,  dépouillée  de  sa 
fortune  par  une  intrigue  criminelle.  Décidé  à  réparer,  il  rend 
à  Régine  la  fortune  qui  lui  revient  et  pajt  pour  aller  ensevelir 
son  existence  dans  une  terre  de  Vendée.  La  jeune  fille  ne  veut 
pas  accepter  et  prend  la  résolution  de  se  faire  religieuse.  Mais 
grâce  à  l'intervention  d'une  amie  dévouée,  tout  s'arrange  et 
finit  par  un  mariage. 

Tel  est,  en  quelques  mots,  la  trame  de  ce  petit  roman.  Un 
journal  Belge  le  publia  en  feuilletons,  et  il  eut  un  légitime  suc- 
cès. Il  contient  des  pages  exquivSes  et  de  charmantes  descrip- 
tions. Lorsque  l'auteur  parle  du  château  de  Kergleen,  on  voit 
qu'il  pense  à  Castelnoubel  et  la  description  qu'il  en  donne 
s'applique  bien  au  vieux  manoir  agenais.  «  Le  pauvre  castel, 
lui  aussi,  avait  perdu  peu  à  peu  de  sa  force  et  de  son  impor- 
tance. De  ses  quatre  tours  crénelées,  qui  jadis  s'élançaient 
dans  les  nues,  deux  seulement,  l'une  au  sud  et  l'autre  au  nord, 


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—  202  — 

avaient  résisté  aux  siècles  et  aux  chocs  des  révolutions  :  elles 
existaient  encore  intactes...  Ces  deux  tours,  évidemment  très 
anciennes  et  flanquées  d'échauguettes,  indiquaient  suffisam- 
ment l'ancienne  demeure  seigneuriale  de  la  paroisse.  De  même 
des  quatre  ailes  de  bâtiment,  autrefois  reliées  par  ces  tours  co- 
lossales, deux  aussi  étaient  debout,  mais  une  seule  de  ses  ailes, 
celle  du  levant,  était  encore  habitable. 

Elle  avait  été  découronnée  en  93,  ne  conservant  qu'un  rez- 
de-chaussée,  un  premier  étage  et  des  combles.  Devant  le  por- 
tail, aussi  armorié,  les  restes  d'un  pont-levis  :  autour  des  rui- 
nes, de  larges  fossés  à  demi-comblés  et  tapissés  d'un  fin  gazon: 
dans  l'intérieur,  les  larges  escaliers,  leurs  voûtes  ogivales,  cel- 
les d'une  galerie  encore  existante  toute  empreinte  du  luxe  et 
des  habitudes  des  temps  féodaux  ;  les  écuries,  les  communs, 
les  étables  même,  les  caves,  les  prisons  magnifiquement  voû- 
tés, la  plupart  taillés  dans  le  roc  vif,  tout  cet  ensemble  des  sou- 
venirs du  passé  faisait  encore  du  château  de  Kergleen  une  belle 
et  majestueuse  demeure. 

Les  deux  tours  de  l'Kst  et  de  l'Ouest  n'avaient  pas  entière- 
ment disparu  :  elles  cachaient  sous  les  pariétaires  et  les  ron- 
ces leurs  bases  puissantes,  encore  assez  bien  conservées  pour 
abriter,  chacune  dans  son  unique  salle  obscure,  les  lapins,  la 
Volaille,  les  porcs,  en  un  mot  tout  la  gent  habituelle  des  bas- 
ses-cours. » 

Le  style  est  simple,  calme,  clair.  La  sensibilité  féminine  a 
partout  laissé  son  empreinte  et  le  lecteur  se  sent  gagné  par  la 
douce  émotion  qui  se  dégage  de  ces  pages  charmantes. 

Lorsqu'elle  composait  Régine,  Madame  des  Echerolles  était 
encore  à  Paris,  mais  elle  ne  larda  pas  à  s'installer  à  Castel- 
noubel,  où  bientôt  son  amie  venait  la  rejoindre. 

Marie-Emilie-Félicie  d'Ayzac  était  née  à  Paris  le  27  février 
180L  Elle  était  fille  de  Claude-Louis-Hélion  d'Ayzac,  et  de 
Anne  Lafons. 

La  famille  d'Ayzac,  originaire  du  Vivarais,  était  très  an- 
cienne. Elle  tirait  son  nom  du  fief  et  château  d'Ayzac,  situés 
près  du  bourg  d'Antraigues.  Déjà,  au  xnf  siècle,  on  rencontre 
cette  noble  maison,  dont  plusieurs  membres  prennent  part  aux 


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—  203  - 

croisades.  Ses  armes  étaient  :  d'or  à  un  lion  rampant  de  sable; 
au  chef  d'azur  chargé  d  une  étoile  d'or  (1). 

Claude-Louis-Hélion  d'Ayzac  fut  dénoncé  pendant  la  Révo- 
lution «  pour  avoir  été  un  des  chefs  révolutionnaires  du  camp 
de  Jales,  pour  avoir  voté  avec  sa  troupe  scélérate  en  faveur 
du  ci-devant  Comte  d'Artois  ».  Un  peu  plus  tard,  germinal 
an  II,  il  est  dénoncé  au  Comité  de  Thueys  «  comme  ayant  fait 
à  la  Convention  une  adresse  contre  la  commune  de  Paris  et 
Marat  ».  Ces  accusations  le  conduisirent  à  la  prison,  où  il  fut 
heureusement  oublié  jusqu'au  9  thermidor  (2). 

La  chute  de  Robespierre  lui  rendit  la  liberté  et  lui  sauva  la 
vie.  Mais  il  avait  perdu  sa  fortune  et  sa  situation.  Il  fut  obligé 
de  s  expatrier.  Voici  l'hommage  filial  que  sa  fille  lui  rendit 
dans  un  charmant  recueil  de  poésies  intitulé  les  Soupirs. 

c(  Doué  d'une  brillante  éloquence,  il  se  distingue  dans  la 
carrière  du  barreau.  Avocat  au  parlement  de  Toulouse,  prési- 
dent du  tribunal  de  Courtray  sous  le  Consulat,  membre,  sous 
l'Empire,  de  la  haute  magistrature  de  France,  il  remplit  suc- 
cessivement les  fonctions  de  premier  juge,  de  procureur  géné- 
ral, de  président  de  ^a  Cour  criminelle  d'Aix,  et  la  haute  capa- 
cité qu'il  déploya  dans  nombre  d'affaires  épineuses,  jointe  à 
sa  connaissance  approfondie  du  droit  coutumier  et  du  droit 
écrit,  l'avaient  fait  surnommer  :  le  lameux  criminaliste  du  Lan- 
guedoc. 

«  En  1804,  les  cours  judiciaires  ayant  été  consultées  sur  le 
projet  du  code  médité  par  le  Conseil  d'Etat,  celle  des  Bouches- 
du-Rhône  commit  tout  le  soin  de  cet  examen  à  mon  père,  qui 
discuta  tous  les  articles  et  y  proposa  de  nombreux  amende- 
ments (3).  Il  fit  paraître  en  1807  un  nouvel  ouvrage  (Considé- 
rations sur  la  recomposition  de  la  magistrature  en  France),  et 
cette  publication,  empreinte  de  la  même  sagacité,  obtint  le  plus 
haut  succès  d'estime. 


(1)  Armoriai  du  Vivarais,  par  Florentin  Benoit  d'Entrevaux.  —  Privas,  imp. 
centrale  190B,  p.  35. 

(2)  Archives  de  Caslelnoubel. 

(3)  Ce  travail  est  inséré,  sous  son  nom  seul,  dans  la  collection  in-4*  des 
Observations  des  Cours,  an  XIII. 


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—  204  — 

«  Madame  Caroline  Bonaparte,  qui  aimait  à  s  environner  de 
tout  ce  qui  brillait  dans  les  lettres,  apprécia  la  profonde  érudi- 
tion de  mon  père.  Elle  sentit  quel  avantage  il  y  aurait  à  en  tirer 
parti  pour  la  science,  et  voulut  l'atlacher  à  sa  personne  et  lui 
créer  des  loisirs.  Elle  l'emmena  avec  elle  en  Italie,  où  il  fonda, 
dans  le  palais  même  de  cette  princesse,  une  bibliothèque  qui 
fait  l'admiration  des  visiteurs  et  des  étrangers.  Nommé  conser- 
vateur de  cet  établissement  el  affranchi  de  la  préoccupation  des 
affaires,  c'est  là  qu'il  entreprit,  par  son  ordre,  un  ouvrage  de 
la  plus  haute  portée,  tout  étincelant  de  découvertes,  et  fait  de 
longues  recherches  et  d'un  immense  savoir.  Le  Rectijiicaleur 
des  faits  et  des  dates  erronées  qui  ont  obscurci  el  dénaturé 
Vhistoire  sacrée  el  profane,  depuis  Vorigine  du  genre  humain 
[usqu'à  nos  iours,  tel  est  le  titre  de  ce  travail,  dont  la  reine  hâ- 
tait avec  impatience  le  complet  acl  èvement,  et  que  son  vœu  le 
plus  cher  était  de  voir  publier.  Elle  avait  compris  quelle  sensa- 
tion il  exciterait  dans  le  monde  littéraire,  el  prévu  la  polémi- 
que qu'il  devait  y  soulever  ;  elle  savait  quel  intérêt  ont  les  gou- 
vernants de  tous  les  pays  à  provoquer,  par  les  débats  de  la 
haute  littérature,  l'affennissement  des  idées  religieuses,  levier 
d'une  force  incalculable  pour  quiconque  sait  l'employer. 

«  Mais  l'échelle  de  cette  œuvre  était  immense;  le  trône  de 
Caroline  Bonaparte  s'est  écroulé,  et  longtemps  après,  mon 
père  est  descendu-  dans  la  tombe,  au  moment  où  il  venait  de 
retoucher  ses  manuscrits  une  fois  encore,  et  sans  avoir  eu  la 
consolation  de  les  publier.  Ces  travaux  ont  dévoré  sa  vie  tout 
entière,  mais  aussi  ils  en  ont  bercé  les  amers  chagrins.  Seul  et 
stérile  héritage,  ils  sont  consei^vés  religieusement  par  sa  fa- 
mille  (1). 

«  Modeste  à  l'égard  de  son  mérite,  mon  père  n'a  ambitionné 
nulle  renommée  ;  il  a  écrit  par  passion  pour  la  science,  pour 
la  religion  et  la  vérité.  L'épidémie  de  1832  le  trouva  absorbé 
par  ses  préoccupations  scientifiques,  et  le  vieillard  s'éteignit 
sans  presque  s'être  aperçu  des  commotions   politiques    qu'il 


(1)  Les  manuscrits  de  M.  d'Ayzac  sont  conservés  au  ch&teau  de  Castelnou- 
bel. 


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avait  dès  longtemps  prévues,  et  qui  se  faisaient  déjà  sentir  en 
Europe.  Un  homme  obscur,  mais  dévoué,  suivit  seul,  à  pied, 
la  dépouille  du  savant,  et  planta  en  terre  un  chétif  rameau 
pour  que  nous  puissions  retrouver  sa  tombe  ignorée  parmi  tant 
de  tombes.  Cette  mort  me  laissait  le  plus  saint  des  patrimoi- 
nes ;  un  frère,  dont  les  brillantes  facultés  s'éteignaient  dans 
l'ombre,  et  une  mère  blanchie  dans  Tadversité,  femme  forte 
et  résignée  (1).  v 

M.  d'Ayzac,  dans  les  nombreux  voyages  qu  il  fut  obligé  d'en- 
treprendre, s'occupait  de  l'éducation  de  ses  deux  enfants. 
«  Père,  mère  et  enfant  allaient  ainsi  cheminant  les  uns*  à  côté 
des  autres  et  c'est  parfois«au  bord  de  la  grande  route  que  le 
chef  de  la  famille  reprenait  une  leçon  commencée  à  la  veillée 
dans  une  auberge.  C'est  ainsi  que  M"^  d'Ayzac,  rappelant  plus 
tard  les  souvenirs  de  son  enfance,  a  pu  dire  :  «  Dans  le  cours 
de  nos  longs  voyages,  nos  études  n'étaient  pas  suspendues  en- 
tièrement et  les  classiques  de  premier  ordre  faisaient  partie 
de  notre  léger  bagage.  C'est  à  Rome  que  j'ouvris  pour  la  pre- 
mière fois  Salluste,  Tacite.  C'est  sur  les  bords  du  Mincio  et  sur 
les  rochers  de  Tivoli,  là  où  furent  Cumcs,  Baïes  que  je  com- 
mençai à  connaître  les  pages  que  ces  beaux  lieux  ont  inspi- 
rées ».  Elle  était  âgée  alors  de  sept  à  huit  ans  (2).  » 

Lorsque  M.  d'Ayzac  fut  appelé  à  la  cour  de  Naples,  Félicie 
entra  à  la  maison  d'Averse,  fondée  sur  le  modèle  d'Ecouen. 
Elle  y  fut  placée  dans  la  classe  de  perfectionnement  où  l'on 
n'enseignait  que  les  langues  étrangères  et  les  arts  d'agrément. 
Malgré  sa  jeunesse,  elle  n'avait  plus  rien  à  apprendre  de  ce 
que  l'on  enseignait  dans  cette  école. 

Après  les  événements  de  1814,  elle  suivit  son  père  à  Paris 
et,  sur  son  désir,  elle  publia,  en  1815,  son  premier  ouvrage, 
une  traduction  d'Horace.  Elle  avait  alors  quatorze  ans. 

Félicie  d'Ayzac  fut  à  ce  moment  en  rapport  avec  le  meilleur 


(1)  Soupirs^  poésies  par  Madame   Félicie  d'Ayzac,  2*  édition.  —  Périsse, 
Lyon,  1842,  pp.  40  à  45. 

(2)  Madame  Félicie  d'Ayzac,  par  Jules  Helbig,  tirage  f^i  part  d'un  article 
paru  dans  la  Remie  de  VArt  chrétien  (1886),  p.  3. 


14 


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monde  de  Paris.  «  Distinguée  tout  particulièrement  par  M"* 
Récamier,  par  les  dames  Staël,  de  Krudner  et  de  Genlis,  elle 
connut  chez  la  première  de  ces  femmes  célèbres,  alors  la  reine 
du  monde  des  salons,  les  amis  illustres  qui  composaient  sa 
cour  ;  c'étaient  Chateaubriand,  de  La  Rochefoucauld,  Benja- 
min'Constant,  Ballanche  et  d'autres  célébrités.  Félicie  d'Ay- 
zac,  en  présence  de  ces  personnages,  gardait  une  réserve  qui 
convenait  tout  à  la  fois  à  son  extrême  jeunesse  et  aux  disposi- 
tions naturelles  d'un  caractère  un  peu  timide;  mais  elle  n'en 
tirait  pas  moins  parti  d'un  commerce  aussi  précieux.  La  jeune 
fdle  savait  observer  et  porter  les  jugements  les  mieux  raison- 
nés  sur  les  hommes  et  les  choses  qui  l'entouraient  alors  (1).  » 

Le  27  mars  1817,  sur  la  vive  recommandation  de  la^maré- 
chale  Moreau,  Félicie  d'Ayzac  fut  admise  dans  la  maison  de 
la  Légion  d'honneur  à  Saint-Denis  en  qualité  de  novice.  Elle 
fut  successivement  dame  de  seconde  classe  le  11  avril  1820, 
dame  de  première  classe  le  30  octobre  1827  (2),  dame  digni- 
taire et  directrice  des  noviceis  le  10  mai  1851.  Elle  se  consacra 
à  l'enseignement  de  la  grammaire,  de  l'histoire  et  de  la  géogra- 
phie. 

Dans  cette  maison  de  Saint-Denis,  M"*  d'Ayzac  passa  les 
années  les  plus  laborieuses  de  son  existence.  Son  âme  délicate 
et  sensible  s'épanouit  à  l'aise  dans  cette  retraite,  loin  des  bruits 
du  monde,  à  l'ombre  de  cette  basilique  de  Suger  qui  offrait  à 
son  activité  intellectuelle  de  féconds  sujets  d'étude. 

Dès  1833,  elle  publia  un  petit  recueil  de  poésies  intitulé 
Soupirs,  qui  eut  un  légitime  succès  et  que  l'Académie  honora 
d'un  prix  de  500  francs. 


(1)  Ilolbig  loc.  cit.,  p.  \. 

(2)  Le  portrait  que  nous  donnons  représente  Madame  d'Ayzac  vers  Ffige  de 
.30  ans,  en  costume  de  dame  de  1"  classe.  Elle  porte  comme  les  dames  de  sa 
classe  la  décoration  à  l'épaule  gauche.  «  Cette  décoration  consiste  en  une  croix 
pattée  émailléc  de  blanc,  anglée  de  fleurs  de  lis  d'or  remplacées  maintenant 
par  des  rayons  d'or,  pour  les  dames  et  d'argent  pour  les  novices,  surmontée 
de  la  couronne  fermée.  Le  centre  de  la  croix  présente,  d'un  côté,  la  Sainte 
X'ierge  dans  son  Assomption,  de  l'autre,  sur  un  fond  d'azur,  la  devise  Hon- 
neur cl  Patrie^  avec  coltc  légende  :  Maison  déducalion  de  Saint-Denis.  »  — 
Hist.  de  l  abbaye  de  Saint-Denis,  par  F.  d'Ayzac.  Introduction,  p.  cxiv,  note. 


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~  207  — 

Mais  déjà,  elle  se  consacrait  à  des  recherches  jugées  arides, 
longues,  difficiles  et  qui  sont  rarement  du  domaine  de  la 
femme.  Connaissant  à  merveille  le  latin,  elle  ne  recula  pas 
devant  les  manuscrits  du  moyen-âge  où  les  clercs  et  les  moi- 
nes ont  consigné  leur  enseignement  mystique  et  théologique. 
Elle  fréquenta  assidûment  les  archives  et  la  bibliothèque  natio- 
nale, et  nous  voyons,  par  ses  bulletins  de  demande,  les  ouvra- 
ges qu  elle  consultait  :  manuscrits  des  xif,  \iif  et  xrv*  siècles, 
recueils  de  Fabliaux,  œuvres  de  Vincent  de  Beauvais,  de 
Boèce,  de  S.  Anselme,  d'Alcuin,  do  Rhaban-Maur,  d'Hugues 
de  S*-Viclor,  etc.,  tous  les  théologiens,  tous  les  mystiques, 
(irûce  à  ses  lectures  attentives,  elle  entasse  notes  sur  notes  et, 
ainsi  armée,  ajoutant  à  cela  ses  observations  sur  les  monu- 
ments, elle  formula  plus  tard  sa  doctrine  sur  la  Zoologie  mys- 
tique, 

<(  C'est  avec  le  secours  d'une  vaste  érudition,  en  s'appuyanl 
sur  tout  un  arsenal  de  citations  et  de  documents  qu'elle  établit 
sa  Ihèse.  I..es  artistes  au  moyen-Age  n'ont  fait  autre  chose  dans 
les  créations  de  leur  art,  que  traduire,  c'est-à-dire  donner  une 
forme  sensible  aux  images  gracieuses,  aux  pensées  formulées 
par  les  Saintes  Ecritures,  par  les  Pères  de  l'Eghse  et  leurs 
commentateurs.  On  serait  disposé  à  croire  que  femme  et  poète, 
l'auteur  se  laissera  entraîner  à  aborder  le  côté  poétique  de  ce 
domaine  ;  qu'il  s'attachera  à  faire  ressortir  le  charme  qui  se 
dégage  de  ce  langage  mystérieux  de  l'art,  de  ces  vérités  de 
l'enseignement  catholique  caché  sous  les  figures  mystiques, 
dont  le  sens  profond  se  devine  plutôt  qu'il  ne  s'explique.  Il  n'en 
est  rien  pour  Madame  d'Ayzac,  c'est  la  science  seule  qui  doit 
apporter  la  hmiière.  Ce  sont  les  glossateui"s  et  les  symbolistes 
du  Moyen-age  qui  vont  expliquer  les  artistes  de/la  même  épo- 
que. L'image  sculptée,  bâtie  ou  peinte,  répond  à  l'image  écri- 
te, et  avec  la  vie  de  l'église,  avec  sa  prise  de  possession  tou- 
jours plus  complète  des  âmes,  se  développe  aussi  le  magnifi- 
que langage  de  la  liturgie  et  du  symbolisme.  Mais  ce  qui  don- 
ne aux  travaux  de  l'auteur  une  grande  valeur,  c'est  que,  chez 
elle,  la  connaissance  des  monuments  est  à  la  hauteur  de  la 
science  des  textes.  Les  trésors  de  sa  mémoire  accumulés  par 


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—  208  — 

une  lecture  énorme  et  qui  avait  absorbé  bonne  part  de  la  vaste 
littérature  du  Moyen-âge  paraissent  inépuisables.  C'est  tous 
les  auteurs  à  la  main,  ou  plutôt  avec  un  esprit  qui  s'est  nourri 
de  leur  substance,  qu'elle  va  expliquer  telle  miniature  trouvée 
dans  un  manuscrit,  telle  sculpture  suspendue  au  gable  d'un 
portail  (1).  » 

A  partir  de  1847,  elle  donna  à  plusieurs  revues  des  articles 
remarqués,  où  elle  expliquait,  à  l'aide  des  textes,  les  animaux 
et  les  êtres  fantastiques  qui  se  rencontrent  sur  les  monuments. 
En  1847  parut  dans  la  Revue  de  V Architecture  de  Daly,  le  Mé- 
moire sur  trente-deux  statues  symboliques  observées  dans  la 
partie  haute  des  tourelles  de  Saint-Denis.  Elle  y  montre  une 
ingéniosité  merveilleuse  appuyée  sur  une  connaissance  par- 
faite des  mystiques.  Puis  vinrent  Des  quatre  animaux  apoca- 
lyptiques et  de  leurs  représentations  sur  les  basiliques  chré- 
tiennes du  Moyen-âge  (1848),  dans  les  Annales  archéologiques. 
Dans  la  Revue  archéologique  :  De  Vune  des  acceptions  mysti- 
ques de  V éléphant  dans  le  symbolisme  chrétien  du  moyen  âge. 
Des  églises  de  Vltalie  et  de  celles  de  la  France,  de  V Angleterre, 
de  r Allemagne  au  point  de  vue  de  Vesthélique  et  du  symbolis- 
me (1854),  Chœur  de  N.-D.  de  Paris.  Ystoires  et  Emblèmes  bi- 
bliques. Dans  la  Revue  de  VArt  chrétien  parurent  de  nombreux 
articles,  entre  autres  :  Du  Symbolisme  du  GriHon,  t.  iv,  p.  241  ; 
Symbolisme  de  la  déviation  de  Vaxe  des  églises,  de  Vinclinai- 
son  vers  la  droite  imprimée  aux  crucilix  du  moyen  âge  et  de  la 
plaie  également  marquée  au  côté  droit  de  ces  derniers,  t.  v, 
p.  77  (2). 

L'Académie  des  Inscriptions  et  Belles  Lettres  lui  décerna 
une  mention  honorable  pour  son  Mémoire  sur  trente-deux  sta- 
tues emblémaiiques  observées  sur  les  tourelles  du  transept  de 


(1)  Ilelbig,  loc.  cit.,  p.  8. 

(2)  Voici,  d'après  M.  Helbig,  les  articles  de  M""  d'Ayzac  que  Ton  rencon- 
tre dans  la  collection  de  la  Revue  de  t'Ari  chrétien.  Ceux  que  nous  avons  in- 
diqués plus  haut.  De  la  Démonologie  monumentale  dans  lart  chrétien  au 
Moyen  âge,  l.  i\ ,  p.  591  ;  Sur  VHistoire  naturelle  légendaire,  t.  v,  p.  138  ; 
t.  VI,  p.  300  VAgneau,  371  iAntilope  ;  t.  vu,  p.  14  Le  Hérisson  terrestre,  403 
iOnagre;  t.  vni,  pp.  75,  169,  337,  l  Iconographie  du  Dragon;  t.  ix,  p.  378  la  Bre- 
bis, p.  413  le  Relier,  p.  533  le  Bouc;  t.  x,  p.  173  fa  Chèvre,  p.  617  le  Dauphin; 


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—  209  — 

la  basilique  de  Saint-Denis  el  une  autre  pour  Les  statues  du 
porche  septentrional  de  la  Cathédrale  de  Chartres.  A  propos 
de  ce  dernier  travail,  Montalembert,  auquel  elle  avait  envoyé 
un  exemplaire,  lui  écrivit  la  lettre  suivante  : 

Paris,  ce  12  octobre  1849. 
Madame, 
A  mon  retour  de  la  campagne,  j'ai  trouvé  le  volume  que  vous 
m'avez  fait  l'honneur  de  m'adresser  à  la  fin  de  septembre  dernier. 
Celle  description,  aussi  érudite  qu'attrayanle,  des  statues  du  porche 
de  Chartres  ira  prendre  place  dans  ma  bibliothèque  à  côté  de 
l'excellent  Mémoire  sur  les  32  statues  symboliques  de  Saint-Denis, 
que  je  dois  déjà  à  votre  extrême  bonté  pour  moi.  Il  m'arrive  rare- 
ment de  pouvoir  dérober  aux  préoccupations  fatigantes  el  trop 
souvent  douloureuses  de  la  vie  politique,  le  temps  nécessaire  pour 
parcourir  les  différents  écrits  qui  me  sont  journellement  offerts. 
Mais  je  n'ai  pu  résister  au  désir  de  me  retremper,  po\ir  un  instant, 
en  vous  prenant  pour  guide,  dans  ces  douces  et  belles  études  de 
l'art  chrétien,  qui  faisaient  naguère  mes  délices.  Je  ne  saurais 
rnieux  vous  exprimer  la  reconnaissance  que  je  vous  dois.  Madame, 
qu'en  vous  parlant  du  bonheur  que  j'ai  éprouvé,  grâce  à  vous,  en 
me  retrouvant  dans  ce  monde  si  pur  et  si  profond  où  vous  promenez 
une  lumière  si  utile  et  si  bien  dirigée.  Agréez,  Madame,  avec  mes 
remercîments  les  plus  sincères  et  les  plus  humbles  l'hommage  de 
mon  respectueux  dévouement. 

C.  DE  MONTALEMBERT. 

Le  nom  de  Madame  Félicie  d'Ayzac  était  connu  de  tous  les 
amateurs  d'art  et  d'archéologie.  Mais  tout  le  monde  ne  parta- 
geait pas  ses  opinions  sur  le  symbolisme. 

Nous  lisons,  en  effet,  dans  le  Moniteur  du  12  septembre  1848: 
«  D'autres  écrivains  circonscrivent  au  contraire  Tobjel  de  leurs 
éludes  et  s'attachent  à  en  éclaircir  tous  les  aspects.  C'est  dans 
cette  honorable  catégorie  que  nous  rangerons  Madame  Félicie 


t.  XI,  pp.  241,  298  et  433  le  Chcvai;  t.  xx,  p.  74,  VAne,  196  la  Hyène;  t.  xxii, 
p.  307,  le  Castor;  t.  xxvi,  p.  180,  la  Belette:  l.  xxix,  p.  5,  le  Tauteau;  t.  iv,  1886, 
De  la  Zoologie  composite.  —  Des  signes  de  la  main  et  de  la  dactylologie  nu- 
mérale dans  Varl  chrétien,  t.  xin,  pp.  212,  298,  440;  L'Homme,  Etude  d  archéo- 
logie mystique,  t.  xvi,  pp.  93  et  194;  Les  maladies  et  les  difiormités  corporel- 
les, L  xvri,  pp.  252,  343. 


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—  210  — 

• 
d'Ayzac,  femme  d'une  rare  instruction  et  d'uq  esprit  ingé- 
nieux. Trente-deux  statues  obsei*vées  dans  la  partie  haute  des 
tourelles  de  Saint-Denis  lui  ont  donné  l'occasion  de  constater, 
à  sa  manière,  par  les  monuments  de  l'antiquité  catholique, 
l'existence  de  la  zoologie  hybride  dans  la  statuaire  chrétienne; 
ce  qui  veut  dire,  dans  un  langage  moins  obscur,  qu'aux  yeux 
de  Madame  d'Ayzac,  les  monstres  moitié  hommes  et  moitié 
animaux  suspendus  par  les  statuaires  du  moyen  âge  aux  flancs 
de  la  royale  basilique  forment  par  leur  réunion  un  système 
d'allégories  morales.  Madame  d'Ayzac  a  d'illustres  modèles 
dans  la  voie  d'interprétation  où  elle  est  engagée,  elle  en  a  aussi 
de  dangereux.  Il  y  aurait  beaucoup  à  dire  sur  les  limites  varia- 
bles de  la  composition  raisonnée  et  de  la  fantaisie  dans  la  pro- 
(luction  de  l'art  chez  tous  les  peuples  ;  contentons-nous  d'appli- 
quer avec  discrétion  au  spirituel  auteur  de  la  zoologie  hybri- 
de un  proverbe  aussi  vieux  au  moins  que  les  tourelles  de  Saint- 
Denis  :  Qui  veut  trop  prouver  ne  prouve  rien.  » 

Il  faut  bien  convenir,  en  effet,  que  la  doctrine  de  Madame 
d'Ayzac  était  contestable,  et  que  ses  travaux  sur  ce  sujet  sont 
à  l'heure  actuelle  bien  vieillis.  Un  maître  incontesté  en  ces  ma- 
tières, M.  Mâle,  va  nous  dire  ce  qu'il  faut  en  [lenscr. 

«  Madame  Félicie  d'Ayzac  fut  plus  ingénieuse  (que  l'abbé 
Auber).  Dan.s  son  Mémoire  sur  trenle-deux  slaiues  symboli- 
ques observées  dans  les  parlies  hautes  des  tourelles  de  Saini- 
Denis,  elle  fit  des  textes  l'usage  le  plus  habile.  Les  statues  de 
Saint-Denis  sont  des  monstres  hybrides;  Madame  Félicie  d'Ay- 
zac les  décompose  en  leurs  élémenls  :  lion,  chèvre,  bouc,  che- 
val; puis,  armée  du  dictionnaire  mystique  de  Saint-Eucher  ou 
de  Raban  Maur,  elle  en  découvre  le  sens  moral.  Chacun  de  ses 
monstres  devient  donc  l'expression  d'un  curieux  cas  psycholo- 
gique. Ce  sont  autant  d'états  d'âmes,  autant  d'heureuses  syn- 
thèses des  passions  (|ui  peuvent  cohabiter  dans  une  conscience. 

((  M™*  Félicie  d'Ayzac  crut  avoir  trouvé  une  méthode  et 
créé  la  science  du  symbolisme.  En  réalité,  elle  ne  démontra 
qu'une  chose,  c'est  que  jamais  nos  vieux  artistes  ne  furent 
aussi  subtils  que  leurs  exégètes  modernes.  Quelle  vraisem- 
blance qu'ils  aient  voulu  faire  dire  tant  de  choses,  et  des  choses 


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—  ^11  - 

si  délicates,  à  des  figures  qu'on  ne  peut  apercevoir  d  en  bas 
qu'avec  une  bonne  lorgnette  ! 

c<  Madame  Félicie  d'Ayzac,  nourrie  de  la  littérature  théologi- 
que du  xif  siècle,  qu  elle  possédait  parfaitement,  chercha  toute 
sa  vie,  sur  la  foi  des  docteurs,  les  symboles  les  plus  compli- 
qués dans  les  œuvres  d'art  les  plus  simples.  Elle  donna  à  la 
Revue  de  tArt  chrétien  une  foule  d'articles  ingénieux  et  stéri- 
les. Elle  mourut  sans  avoir  eu  le  temps  de  terminer  le  Traité 
de  symbolique  qu'elle  préparait  depuis  de  longues  années.  Elle 
y  eût  sans  doute  rien  démontré  de  ce  qu'elle  affirmait,  mais  elle 
eût  donné  une  preuve  nouvelle  de  son  ingéniosité.... 

<(  Il  est  surprenant  que  le  fameux  passage  de  Saint-Bernard 
sur  le  luxe  des  églises  clunisiennes,  n'ait  pas  fait  réfléchir  les 
trop  subtils  interprètes  de  l'art  du  moyen  âge. 

«  Saint-Bernard,  en  se  promenant  dans  les  cloîtres  magnifi- 
ques de  l'ordre  de  Cluny  avait,  lui  aussi,  contemplé  les  ani- 
maux et  les  monstres  qui  ornaient  les  chapiteaux,  et,  bien 
avant  nous,  il  s'était  demandé  ce  qu'ils  pouvaient  signifier  : 

«  Dans  les  cloîtres,  dit-il,  sous  les  yeux  des  frères  qui  lisent, 
que  viennent  faire  ces  monstres  ridicules...,  que  signifient  ces 
singes  immondes,  ces  lions  sauvages,  ces  centaures  mons- 
trueux? Que  viennent  faire  ces  êtres  qui  sont  moitié  bête  et  moi- 
tié homme,  ces  tigres  tachetés  ?...  On  peut  voir  plusieurs  corps 
sous  une  seule  tête  et  aussi  plusieurs  têtes  sur  un  seul  corps. 
Ici,  on  remarque  un  quadrupède  à  tête  de  serpent,  là  un  pois- 
son à  tête  de  quadrupède,  ailleurs  un  animal  est  cheval  par  de- 
vant, chèvre  par  derrière...  De  grâce,  si  on  ne  rougit  pas  de 
semblables  inepties,  qu'on  regretta  au  moins  la  dépense  (1).  » 
«  Que  deviennent  les  fines  analyses  de  Madame  d'Ayzac  ? 
Saint-Bernard,  on  le  voit,  fut  moins  pénétrant  que  notre  ingé- 
nieuse contemporaine  ;  il  ne  sut  pas  reconnaître  dans  ces  mé- 
langes de  formes  hybrides,  les  plus  délicates  nuances  des  pas- 
sions. Le  grand  mystique,  l'interprète  du  Cantique  des  Canti- 
ques, le  sermonnaire  qui  no  parle  que  par  symboles,  avoue  ne 


(1)  Apologia  ad.  Guilh.  Sancti  Theodorici  abbat,,  chap.  XI.  Patrol.,  tome 
cLxxxii,  col.  96. 


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—  212  — 

pas  comprendre  les  bizarres  créations  des  artistes  de  son 
temps.  El  il  ne  les  déclare  pas  seulement  incompréhensibles, 
il  affirme  qu'elles  sont  dangereuses  parce  qu  elles  arrachent 
l'ame  à  elle-même,  «  l'empêchent  de  méditer  sur  la  loi  de 
Dieu  ».  —  Un  pareil  témoignage  tranche  la  question.  Il  est  évi- 
dent <|ue  la  faune  et  la  flore  du  moyen  âge,  réelles  du  fantasti- 
ques, n'ont,  pour  la  plupart  du  temps,  qu'une  valeur  décora- 
tive (1).  » 

Il  n'en  reste  pas  moins  vrai  (pie  Madame  d'Ayzac  a  dans  ces 
divers  articles,  fait  preuve  d'une  science  très  étendue  et  d'une 
conviction  raisonnée.  On  peut  ne  pas  partage!^  toutes  ses  idées 
sur  le  symbolisme,  on  est  obligé  de  reconnaître  que  dans  ces 
études,  la  vanité  personnelle  n'a  aucune  part,  mais  que  la  chré- 
tienne s'y  montre  avec  toute  sa  foi  et  sa  simplicité  : 

<(  Son  travail  est  purement  objectif,  et  bien  que  ses  inter- 
prétations aient  été  contestées  quelquefois,  jamais  elle  ne  cède 
à  une  velléité  de  polémique.  Elle  ne  cède  pas  non  plus,  nous 
l'avons  dit,  à  la  tentation  de  mêler  le  charme  de  la  poésie  à  la 
science  de  ses  gloses.  Aussi  il  faut  bien  en  convenir,  souvent 
abstraite  et  peut-être  trop  abondante  dans  la  multiplicité  des 
textes  qu'elle  invoque,  c'est  un  savant  qui  écrit  pour  des  sa- 
vants :  elle  ne  peut  être  comptée  au  nombre  des  vulgarisateurs 
qui,  faisant  aimer  le  domaine  qu'ils  explorent,  en  rendent  facile 
l'accès  aux  non  initiés  (2).  )> 

L'œuvre  maîtresse  de  Madame  d'Ayzac  à  laquelle  elle  a 
donné  tous  ses  soins  et  beaucoup  de  ses  veilles,  ce  fut  VHisloire 
(le  Vabbaije  de  Sainl-Denis.  Saint-Denis  avait  été  pour  elle  un 
refuge,  elle  aimait  avec  passion  ses  mu!*s  et  ses  jardins  où  toute 
l'histoire  de  la  patrie  avait  laissé  son  empreinte,  et  elle  voulut 
faire  connaître  à  tous  le  passé  glorieux  de  cette  illustre  maison. 
Plusieurs  fois,  d'ailleurs,  elle  l'avait  chantée,  notamment  dans 
les  Soupirs  : 


(1)  Emile  Mâle.  L'Art  religieux  du  XUl*  siècle  en  France.  —  Paris,  Colin, 
190.?,  pp.  65  et  87. 
{'2)  Holbig,   loc,  cit. 


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—  213  — 


C'est  toi,  de  Saint-Denis  auguste  basilique  ! 

Salut  !  j'aime  la  nef  imposante  et  gothique, 

Tes  caveaux  préparés  pour  la  cendre  des  rois, 

Et  rillustre  abbaye  où,  sous  d'austères  lois, 

Des  riches,  oubliant,  dans  une  paix  profonde 

Les  lointains  ouragans  qui  soulèvent  le  monde. 

Des  trésors  de  savoir  rassembés  par  leurs  mains, 

Conservèrent  longtemps  Thérilage  aux  humains. 

Saint-Denis  !  dans  tes  murs,  battus  par  tant  d'orages, 

L'âme  croit  respirer  la  poussières  des  âges  ; 

Là,  chaque  souvenir  par  un  autre  est  chassé  ; 

Là,  d'hommes  et  de  jours  que  de  flots  ont  passé  ! 

Muet  et  vieux  témoin  des  passions  humaines, 

Combien  ta  vaste  enceinte  a  recelé  de  peines. 

Depuis  qu'à  l'Eternel  un  roi  religieux 

A  dédié  ton  temple  et  les  cloîtres  pieux  ! 

Combien  ils  ont  compté  d'illustres  solitaires 

Consommés  de  travaux  et  de  veilles  austères  ! 

De  captifs  expirant,  seuls  et  loin  de  la  cour, 

Des  triomphes  d'une  heure  et  des  gloires  d'un  jour  ! 

Des  ciseaux  promenés  sur  des  têtes  royales. 

De  Dieux  tombés  du  trône,  et  par  des  mains  rivales 

De  fronts,  au  diadème  en  naissant  destinés, 

Au  fond  du  sanctuaire  à  jamais  confinés  ! 

Mais  les  ans  sont  venus,  emportant  dans  leur  fuite 

Le  prince  (|ui  fut  grand,  puis  l'obscur  cénobite. 

La  jeune  vierge,  au  seuil  où  sommeillent  les  rois 

Jette  aujourd'hui  les  sons  de  sa  limpide  voix  ; 

Joyeuse,  en  se  jouant  sous  ces  voûtes  claustrales 

Foule  d'un  pas  distrait  leurs  pierres  sépulcrales, 

Vient  danser  sous  lonibrage  où  ces  nobles  reclus 

Rêvaient  aux  royautés  qu'ils  ne  possédaient  plus, 

Sur  les  gazons  qu'au  loin  blanchit  la  marguerite 

Bondit,  suspend  sa  course  ou  bien  la  précipite. 

Saisit  le  papillon  parmi  les  fleurs  errant, 

Ou  dépouille  les  prés  de  leur  luxe  odorant. 

Amis  des  souvenirs  !  sous  ces  portiques  sombres 

De  Blanclic  et  de  Suger  ne  cherchez  plus  les  ombres  ; 


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—  214  — 

Un  doux  peuple  d'enfants  habite  en  ce  palais, 
Et  sur  ses  nobles  murs  on  lit  :  Ici  la  paix  (1). 

Après  avoir  chanté  Saint-Denis,  Madame  d'Ayzac  en  écrivit 
l'histoire.  Déjà  les  annales  de  cette  maison  avaient  été  retra- 
cées par  Dom  Félibien,  Dom  Doublet,  Dom  Milet,  etc.,  mais 
Madame  d'Ayzac  tout  en  s'aidant  de  leurs  travaux,  voulut  faire 
mieux.  Elle  ne  recula  pas  devant  la  grandeur  et  la  difficulté  de 
la  tâche.  Les  cartulaires  de  Tabbaye,  les  archives  impériales, 
celles  de  Versailles,  celles  de  Saint-Denis,  furent  fouillés,  ex- 
plorés, mis  à  contribution.  Elle  ne  ménagea  ni  son  temps,  ni 
sa  peine  et  en  1860,  elle  publiait  en  deux  gros  volumes  le  ré- 
sultat de  ses  recherches.  VHisloire  de  Vabbaye  de  Saint-Denis 
en  France  est  une  œuvre  de  solide  érudition  et  qui  restera.  Elle 
eut  les  honneui-s  de  l'imprimerie  impériale. 

Dans  rintroduction,  l'auteur  fait  l'histoire  de  l'abbaye,  puis 
dans  une  série  de  chapitres,  il  passe  en  revue  la  règle,  les  cons- 
titutions, les  mœurs  des  habitants,  la  pompe  religieuse,  l'ad- 
ministration, les  possessions,  droits  et  revenus,  ele.  Ainsi 
compris,  ce  travail  donnait  <(  le  caractère  même  de  l'institution 
monastique,  étudiée  dans  la  vie  d'une  de  ses  maisons  les  plus 
illustres  ;  c'était  son  organisation  intérieure  avec  celle  de  ses 
nombreuses  dépendances  :  c'était  le  système  de  sa  gestion  ad- 
ministrative ;  c'élail  enfin  la  vie  quotidienne  de  ses  moines, 
l'action  de  ses  abbés  sur  les  savants,  les  artistes  et  les  lettrés 
de  leur  temps  »,  que  l'auleur  étudiait  et  faisait  connaître.  Il  le 
fit  avec  ime  sûreté  cl  une  richesse  d'information,  une  clarté  el 
une  méthode  que  l'Académie  reconnut  en  couronnant  son  ou- 
vrage en  1862. 

Madame  d'Ayzac  ne  pouvait  parler  du  passé  de  Saint-Denis, 
sans  dire  un  mot  de  sa  nouvelle  destination.  Fille  le  fil  avec  une 
émotion  qui  nous  a  valu  des  pages  charmantes.  «  Nous  avons 
cédé,  dit-elle,  à  rentraîncmenl  d'un  sentiment  impérissable  qui 
nous  attache  à  la  Maison  de  Saint-Denis.  C'est  pendant  notre 
longue  résidence  dans  ses  murs  que  nous  avons  conçu  l'idée  et 


(1)  Soupirs,  poésies  par  M"'  Félicie  d'Ayzac,  2"  édition,  p.  104  à  108. 


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—  215  — 

le  plan  de  noire  travail,  alors  que  nous  nous  demandions  quel- 
les mains  avaient  élevé  ce  cloître  dont  la  majesté  nous  frappait, 
quelles  cendres  reposaient  sous  le  sol  que  foulaient  nos  pas,  et 
où  de  vagues  traditions  nous  faisaient  soupçonner  des  tombes. 
Qu'on  tolère  donc  quelques  digressions  et  une  certaine  diffé- 
rence de  style  dans  ces  parties  de  notre  ouvrage  ;  et  qu'on 
veuille  nous  pardonner  si,  dans  un  domaine  lié  si  intimement 
à  nos  affections  les  plus  douces,  nous  n'avons  pas  su  oublier, 
comme  nous  l'aurions  dû  peut-être,  les  choses  qui  nous  y  sont 
chères  et  les  souvenirs  quelles  ont  réveillés  dans  notre 
âme  (1).  » 

Certes  le  lecteur  ne  saurait  s  en  plaindre,  ces  digressions  lui 
ont  valu  des  tableaux  d'une  fraîcheur  et  d'une  délicatesse  ex- 
quises. «  Tel  est  le  jardin  des  élèves.  Là  se  nouent  les  rondes 
Lruyantes  qu'\  empourprent  d'un  vif  incarnat  les  joues  des  plus 
jeunes  enfants  ;  là  volent,  se  croisent,  se  heurtent  des  Atalan- 
les  qui  n'ont  ni  fruits  d'or  à  voir  à  leurs  pieds,  ni  servant  à 
vaincre  à  la  course.  Là  se  goûtent  une  liberté  achetée  au  prix 
du  travail  et  ces  loisirs  de  l'amitié  où  s'épanouissent  les  âmes. 
Là,  les  amies  adolescentes,  en  foulant  les  vertes  allées,  se  con- 
fient leur  passQ  d'un  jour,  leurs  peines  ou  leurs  joies  naïves,  et 
essayent  de  tourner  ensemble  les  feuillets  du  livre  de  l'avenir. 
Là,  souvent,  du  milieu  du  monde  où  elle  est  maintenant  épou- 
se, où  peut-être  elle  est  déjà  mère,  ou  du  fond  de  la  solitude  où 
elle  s'est  vouée  à  Dieu,  l'élève  tourne  son  regard  tout  chargé 
de  pensées  sérieuses  ;  là,  elle  revient  en  esprit  pour  retrouver 
ses  joies  sereines  et'pour  remonter  flot  à  flot  le  doux  fleuve  de 
son  passé  (2).  )> 

]jCS  deux  volumes  de  VHisloirc  de  Vabbaye  de  Saint-Denis 
se  terminent  par  deux  dessins  de  Madame  Hélène  des  Echerol- 
les,  représentant  deux  états  de  l'abbaye. 

Au  cours  de  ses  recherches  et  dans  ses  nombreux  voyages, 
Madame  d'i\yzac  avait  recueilli  plusieui-s  légendes.  Elle  en  fit 
une  gerbe  et  les  présenta  au  public  sous  le  titre  «  Au  Temps 


(1)  Histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Denis,  préface,  p.  vu. 

(2)  Ibidem,  l.  ir,  p.  495. 


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—  216  — 

passé  »  (1).  Le  recueil  est  dédié  à  ses  anciennes  élèves,  car  rien 
ne  pouvait  lui  faire  perdre  le  souvenir  de  Saint-Denis.  Il  con- 
tient 13  récits,  où  se  retrouvent  toutes  les  qualités  brillantes  de 
Madame  d'Ayzac. 

A  lire  les  abstraites  études  d'archéologie  et  de  symbolisme 
chrétien,  ou  les  gros  volumes  de  VHistoire  de  Sainl-Denis,  on 
ne  se  douterait  guère  de  l'exquise  sensibilité  de  Madame  d'Ay- 
zac. Elle  était  née  poète.  Son  àme  délicate  vibrait  au  moindre 
souffle,  et  la  douleur  et  le  plaisir  produisaient  en  elle  de  vives 
émotions.  Ces  émotions  elle  eut  le  don  de  les  exprimer  en  un 
magnifique  langage,  qui  fait  penser  à  Lamartine.  Aussi  ne 
faut-il  pas  s'étonner  des  succès  quelle  obtint  dans  les  tournois 
poétiques,  notamment  aux  Jeux  Floraux  où  elle  fut  couronnée 
plusieurs  fois  et  dont  elle  fut  reçue  maîtresse-ès  jeux  Floraux. 

En  1833,  elle  publiait  un  recueil  intitulé  «  Soupirs  »,  qui  ob- 
tint un  prix  de  500  francs  à  TAcadémie.  La  reine  de  France, 
même,  souscrivit  pour  un  certain  nombre  d'exemplaires,  et  à 
ce  sujet  le  Journal  des  Débats  du  9  février  1834  écrivait  :  «  La 
Reine  vient  d'honorer  de  sa  souscription  pour  un  nombre 
d'exemplaires,  la  2"  édition  des  touchantes  et  harmonieuse^ 
poésies  publiées  sous  le  titre  de  Soupirs  (1  vol.  in-18,  chez 
Périsse),  par  Madame  Félicie  d'Ayzac,  Dame  de  la  Maison 
royale  de  Saint-Denis.  Une  exquise  délicatesse  de  sentiments, 
les  plus  frais  tableaux,  une  imagination  toute  poétique,  sanc- 
tifiée en  quelque  sorte  par  l'émotion  d'une  tendre  piété,  se 
présentent  là  avec  une  rare  pureté  d'expression.  Ce  qui  donne 
aux  accents  de  l'auteur  un  ton  de  vérité  que  rien  ne  remplace, 
c'est  qu'elle  n'étend  point  au-delà  du  cercle  de  ses  impressions 
son  horizon  poétique.  Chacun  de  ses  vers  exprime  un  senti- 
ment vraiment  éprouvé,  cl  l'on  peut  dire  que  le  tranquille  sé- 
jour qui  les  a  inspirés  presque  tous  ne  saurait  recevoir  impli- 
citement un  plus  bel  éloge.  Le  souvenir  de  Saint-Denis  sera 
bien  agréablement  rappelé  par  ce  livre  aux  femmes  dont  l'en- 
fance a  reçu  l'éducation  dans  celte  maison  royale,  et  qui  vou- 
draient en  montrer  à  leurs  filles  les  gracieuses  images,  tracées 


(1)  Au  temps  passée  par  M**  Fclicie  d'Ayzac.  —  Tournai,  H.  Caslerman  1867. 


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—  217  — 

par  un  talent  plein  de  distinction.  Il  est  rare  de  pouvoir  recom- 
mander avec  une  aussi  entière  confiance  un  volume  de  poésies, 
au  goût  et  aux  principes  des  lecteurs  les  plus  délicats  .  » 

La  piété  filiale  et  fraternelle  a  une  large  place  dans  ce  petit 
livre,  et  on  ne  peut  lire  sans  émotion  les  pièces  intitulées 
23  avril  Ï832,  Orpheline,  le  Reclus  de  Bicêlre,  consacrées  au 
souvenir  de  son  père  et  de  son  frère. 

Les  Soupirs  eurent  deux  éditions  devenues  rares. 

Madame  d'Ayzac  a  cultivé  la  poésie  jusqu'à  ses  derniers 
jours.  Le  Journal  des  Demoiselles  a  donné  plusieurs  de  ses 
compositions,  mais  combien  d'autres,  et  non  des  moins  char- 
mantes, sont  restées  inédites.  11  serait  facile  de  composer  un 
recueil  pouvant  rivaliser  avec  les  Soupirs.  Je  ne  résiste  point 
au  plaisir  de  transcrire  ici  trois  de  ces  pièces,  qui'  se  rappor- 
tent plus  spécialement  au  château  dont  je  viens  de  retracer 
l'histoire. 


CASSOU 

A  Madame  la  Comtesse  Hélène  des  Echerolles, 

Pourquoi  cherchè-je  ainsi  la  nef  austère  et  nue, 
Humble  église  des  champs  ceinte  de  blonds  épis  ? 
Quel  charme  m'y  retient,  comment  m'es-lu  connue, 
Et  moi-même,  vers  toi  comment  suis-je  venue. 
L'œil  encor  fasciné  des  splendeurs  de  Paris  ? 

Oh  !  c'est  que  dès  longtemps  j'aspire  à  te  connaître 
Que,  d'entre  ceux  que  j'aime,  ou  que  mon  cœur  en  deuil 
A  vus  sur  mon  chemin  passer  et  disparaître, 
Les  uns  m'ont  raconté  que  tu  les  as  vus  naître. 
Les  autres  sont  venus  dormir  près  de  ton  seuil. 

Aussi  je  viens  à  vous,  église  soHtaire, 
Vieux  porche  où  l'hirondelleèabritait  son  doux  nid 
Ormes  qui  leur  versez  votre  ombre  tutélaire, 
Dieu  présent  et  caché  dans  l'humble  sanctuaire. 
Anges  dont  la  prière  y  veille  jour  et  nuit. 


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—  218  - 

Tombes  où  sous  des  fleurs  chaque  malin  écloses 
Dorment,  sous  Tceil  de  Dieu  saintement  réunis, 
Les  frères,  morts  au  loin  pour  les  plus  saintes  causes, 
Et  la  sœur,  emportant  comme  de  blanches  roses 
Sa  sérénité  d'ange  et  sa  candeur  de  lis  (1). 

Les  frères  et  la  sœur  que  tes  premières  heures, 
Hélène,  ont  vus  naguère  au  sortir  des  berceaux 
Unis  d'un  même  amour,  vivre  aux  mêmes  demeures, 
Le  père  révéré,  la  mère  que  tu  pleures . 
Reposent  avec  eux  près  des  mêmes  arceaux. 

Ils  n'y  dorment  point  seuls  :  avec  eux  sont  couchées     • 
Sous  la  croix  qui  protège  et  bénit  leur  sommeil, 
Les  aumônes,  ces  fleurs  que  leur  mort  a  fauchées. 
Les  mérites  brillants,  et  les  vertus  cachées 
Qui  seront  leur  couronne  au  jojr  du  grand  réveil. 

Referons-nous  encore  ce  doux  pèlerinage  ? 

La  vallée  à  nos  yeux  déroulait  ses  splendeurs. 

Le  soleil  empourprait  au  loin  le  paysage, 

Et  nos  mains  moissonnaient,  tout  le  long  du  voyage, 

Des  faisceaux  odorants  de  clen.atite  en  fleurs. 

Mais  le  chemin  est  âpre  et  la  montée  est  rude 
Parfois  au  flanc  du  roc  il  fallait  nous  asseoir  ; 
Comme  nous  aspirions  la  douce  quiétude 
Du  silence,  de  l'ombre  et  de  la  solitude  ! 
Et  le  dimanche,  aussi,  que  nous  aimions  à  voir 

Chaque  maison  s'ouvrir  ;  chaque  troupe  joyeuse 
Converger  à  grands  pas  vers  la  sainte  hauteur 
Où,  sur  l'aire  où  finit  la  route  tortueuse, 
Dans  ses  groupes  serrés,  la  foule  affectueuse 
Pressait  sa  vieille  église  et  son  jeune  recteur  î 

Les  fils,  zélés  chanteurs,  orgueil  de  leurs  familles, 
Les  pères,  les  vieillards,  l'encouraient  à  la  fois  ; 


(1)  Allusion  à  Alexandre  des  Echerolles,   tué  à  Barbastro,   dans  l'armée 
carliste,  à  Modeste,  sergent  d'infanterie  Ci  à  Léocadie  des  Echerolles. 


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—  219  — 

Plus  loin,  l'essaim  discret  des  femmes  et  des  filles  ; 
Et  tout  près,  doux  oiseaux  sortis  de  leurs  charmilles, 
Les  petits  s'étageaient  aux  marches  de  la  croix. 

De  la  croix  du  chemin,  si  légère  et  si  frêle, 
Qu  elle  semble  osciller  sous  son  coq  colossal, 
Emblème  révéré  qui  prêche  et  nous  rappelle 
(Ju'il  faut,  pour  plaire  au  maître  et  lui  rester  fidèle, 
Etre  humble,  et  se  savoir  capable  de  tout  mal. 

Faudra-t-il  donc  un  jour,  ô  poétique  église 
Détourner  de  ton  seuil  ma  pensée  et  mes  pas  ? 
Faudra-t-il  te  quitter  ?...  —  0  ma  terre  promise. 
De  ton  cher  souvenir  fidèlement  éprise  ♦ 

Du  moins  dans  mon  exil  je  ne  t'oublirai  pas. 

Mon  âme  par  tes  chants  sera  souvent  bercée  : 

En  songe  j'entendrai,  le  front  dans  mes  deux  mains, 

Ta  cloche  dans  les  airs  lentement  balancée. 

Et  du  moins  par  le  cœur,  du  moins  par  la  pensée 

Je  viendrai  souvent  gravir  tes  hauts  chemins. 

Je  reverrai  ton  porche  et  tes  voûtes  bénies. 
Ton  autel  révéré,  ta  chaire  sous  la  croix, 
Et  le  chœur  débordant  de  graves  harmonies 
D'où  le  ciel  de  l'exil,  les  saintes  litanies 
Vers  la  Mère  de  grâce  ont  monté  tant  de  fois. 

Je  reverrai  la  marche  à  l'angle  de  l'abside 

Où  comme  un  ange  triste  et  propitiateur 

La  sœur  au  front  voilé,  la  sa*ur  à  l'œil  timide 

Veillait,  tout  en  priant,  sur  son  troupeau  candide 

Près  du  saint  tabernacle  et  sous  l'œil  du  pasteur. 

Et  vous,  parfois  aussi  je  vous  verrais  peut-être, 
Lindor,  Méra,  couchés  près  de  la  croix  de  fer 
Epiant  près  du  seuil  le  pas  léger  du  maître. 
Et  bien  vite  oubliant,  en  le  voyant  paraître, 
L'attente  inconsolable  et  tout  l'ennui  souffert. 

Ainsi  le  souvenir  amoindrit  les  distances  1 
Heureux,  qui  reste  aux  lieux  où  fleurit  son  bonheur, 


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—  220  — 

Où  le  même  soleil  mûrit  ses  espérances, 

Et  qui,  tranquille  au  port,  brave  les  inconstances 

Et  se  rit  des  assauts  de  l'océan  trompeur  ! 

Juillet  1868. 


CASTELNOUBEL 

oc  Domus  Dei  et  porta  cœli  ». 
(Gen.  XXVIII,  17.) 

Demeure  où  Dieu  se  plaît,  belle  entre  les  plus  belles 
Où  jamais  la  prière  ait  incliné  nos  fronts, 
Eden  où  nuit  et  jour  veillent  nos  cœurs  fidèles. 
Combien  tu  nous  es  chère,  et  combien  nous  t'aimons  ! 

Heureux  qui  comme  nous,  peut,  le  soir,  sous  ta  voûte, 
Venir,  après  un  jour  de  triste  et  long  chemin, 
Chercher  Dieu  disparu  dans  la  nuit  de  la  route 
Et  respirer  une  heure,  à  Tombre  de  sa  main  ! 

On  se  plaît  au  grand  jour  des  vastes  sanctuaires, 
On  caresse  de  l'œil,  on  loue  avec  transport 
Les  marbres  ouvragés,  les  splendides  verrières, 
Les  hauts  piliers  à  fleurs,  tout  étincelants  d'or. 

Tout  ce  qu'ont  pu  créer  les  mains  les  plus  habiles, 

L'art  le  plus  délicat  inspiré  par  la  foi, 

Les  grands  ciboriums  et  les  grands  campaniles, 

On  vante  leurs  splendeurs  :  nous,  nous  aimons  en  toi 

Ton  jour  mystérieux,  ton  charme  poétique, 
Tes  dalles,  que  nos  pas.  ne  quittent  qu'à  regret. 
Et  ton  vitrail  perlé,  dont  l'ogive  gothique 
Encadre  dans  sa  fleur  Touvroir  de  Nazareth. 

Ta  nef,  tes  murs  striés  d'antiques  ciselures. 
Tes  souvenirs  anciens,  tes  souvenirs  nouveaux. 
Ton  gracieux  autel,  dont  la  simple  parure  ' 

Aux  fleurs  de  nos  rochers  emprunte  ses  joyaux. 


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—  221  — 

Que  d'amis  disparus  dont  lu  gardes  la  place 
Aujourd'hui  dès  longtemps  amarrés  dans  le  port, 
Sur  ton  seuil  vénérable  ont  imprimé  leur  trace, 
Et  que  de  pas  aimés  s'y  graveront  encor  ! 

(  "est  de  ce  seuil  béni  que  nos  cœurs  à  toute  heure 
Vont  mouler  vers  le  ciel  nos  vœux  les  plus  fenents, 
Comme  aux  pieds  du  Seigneur,  dans  sa  sainte  demeure, 
Un  vase  trop  indigne  où  brûle  un  humble  encens. 

Ouand  des  jours  de  malheur  désolaient  nos  contrées 
Nous  vîmes  sur  ton  front  s'abattre  un  coup  mortel  : 
Mais  loul  passe,  et  des  mains  chères  et  vénérées 
T'ont  rendu  ta  beauté,  ton  culte  et  ton  autel. 

Oh  !  conserve  toujours  ces  vaillants  patronages  ! 
Rends  grâce,  ei  maintenant  rendue  à  nos  désirs. 
Garde  pure  à  ton  front,  jusqu'au  dernier  des  âges, 
La  consécration  de  ces  beaux  souvenirs. 

Et  toi,  daigne,  Seigneur,  dans  cette  nuit  profonde 
Allumer  dans  son  ciel  tes  astres  les  plus  purs, 
Ecarte  de  son  seuil  les  ouragans  du  monde, 
Que  jamais  ton  regard  n'abandonne  ses-  murs  ! 

Juillet  1879. 


HÉLÈNE 


La  grâce  est  trompeuse,  et  la  beauté  est  veine  : 
La  femme  qui  craint  le  Seigneur  est  celle  qui  sera  louée. 

(Prov.  XXX,  30.) 

Nous  étions  deux  partout,  au  repos,  à  la  course, 
Puisant  dans  notre  soif  l'eau  de  la  même  source 
Sous  l'arbre  hospitalier  rompant  le  même  pain  ! 
Deux  à  marcher  toujours  malgré  vents  ^et  tempêtes, 
Deux  à  porter  en  paix,  sans  trop  courber  nos  têtes. 
Les  soucis  de  la  veille  et  ceux  du  lendemain. 

15 


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—  222  — 

Tout  chantait  dans  nos  cœurs  quand  nous  nous  rencontrâmes 

Un  sympathique  attrait  enlaça  nos  deux  âmes  ; 

La  vie  el  l'avenir  nous  ouvraient  leurs  trésors  ; 

i\ous  n*avions  ni  renom,  ni  pouvoir,  ni  richesses, 

Mais  quel  sceptre  à  nos  yeux  eût  valu  les  promesses 

Des  rêves  enchanteurs  (pic  nous  faisions  alors  ! 

Elle  me  racontait  ses  jours  de  jeune  fille  : 

Ceux-ci,  pleins  de  soleil  dans  le  nid  de  famille, 

Ceux-là,  près  des  autels,  limpides  et  bénis. 

Et  me  disait  comment  sa  vie  accidentée 

De  halte  en  halte  un  jour  se  trouva  transplantée 

Des  vallons  (Je  Cominge  aux  murs  de  Saint-Denis. 

La  vie  alors  pour  nous  n'avait  que  douces  choses  : 
Les  buissons  nous  jetaient  des  parfums  et  des  roses 
Tout  était  sur  nos  pas  lumière  et  chants  d'oiseaux  : 
Mais  quand  eut  disparu  ce  charme"  incomparable 
De  tout  ce  que  la  terre  offre  de  plus  aimable. 
Que  le  soir  eut  voilé  ces  mirages  si  beaux  ! 

Quand  resta  sous  mes  yeux  le  désert,  sombre,  immense, 
Avec  son  ciel  d'airain,  ses  terreurs,  son  silence. 
Sans  donner  un  regard  à  son  bonheur  détruit 
Fermant  à  tout  regret  son  âme  noble  et  fière, 
Elle  ne  voulut  pas  retourner  en  arrière. 
Et  se  précipita  dans  Tombre  de  ma  nuit. 

Depuis,  où  sont  les  fleurs  que  sa  route  a  comptées  ? 
Elle  a  suivi  mes  pas  sur  toutes  les  montées 
Escorté  sous  l'autan  ma  marche  à  ciel  ouvert  : 
Disputé  son  esquif  aux  chocs  de  la  même  onde, 
Et  faite  pour  charmer  et  jouir  dans  le  monde, 
A  mes  côtés  souvent  et  plus  que  moi  souffert. 

Aussi,  Seigneur,  "aussi,  ces  dons,  ces  biens  insignes 
Que  tes  mains  ont  versés  entre  mes  mains  indignes 
Et  que  si  largement  ta  grâce  m'a  comptés. 
Reprends-les,  si  tu  veux,  hors  cette  unique  joie. 
Ce  fanal,  si  longtemps  la  splendeur  de  ma  voie. 
Qui  maintenant  vaccilio  el  Iremble  à  mes  côtés. 


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—  223  — 

riarde-moi  colle  fleur,  la  dernière  de  loules, 
Qui  sous  lous  les  olimals  et  sur  loutes  mes  roules 
(Juand  lanl  d'aslrcs  aimés  s'éleignaieni  dans  mes  cieux, , 
Farloul  où  m'ont  failli  mes  amis  les  plus  tendres 
Partout  où  mou  bonheur  n'a  laissé  que  des  cendres 
A  parfumé  ma  vie  et  reposé  mes  yeux. 

(iarde  à  mon  cœur  souffrant  la  voix  (|ui  le  console 
L'ange,  seul  entre  lous,  dont  la  blanche  auréole 
A  brillé  jusqu'au  soir  dans  mon  ciel  obscurci  : 
(jardc-les  moi,  Seigneur  ! 

Seigneur,  un  jour  aussi 
Quand  la  douce  pitié  m'effaçant  de  la  terre 
Aura  de  son  chemin  ôté  mon  front  austère. 
Donne-lui  le  repos  qu'elle  a  tant  soupiré, 
Donne-lui  le  repos  :  ses  yeux  ont  tant  pleuré  ! 
Donne,  Seigneur,  au  lieu  de  ces  plateaux  arides 
De  ces  lointains  trompeurs  aux  mirages  perfides 
Au  lieu  de  ces  rocs  noirs,  escarpés  à  mourir 
Que  tout  le  long  des  jours  il  nous  fallait  gravir  f 
Donne,  Seigneur,  au  lieu  de  ces  steppes  désertes 
A  nos  j)as  incertains  fatalement  ouvertes 
Où,  la  bise  veime  et  le  soleil  couché 
i\ous  avons  si  longtemps  marché,  marché,  marché  ; 
Au  lien  de  ce  chaos  de  lamentables  choses 
Donne,  donne  à  ses  yeux  du  soleil  et  des  roses, 
A  ses  ])icds  des  parfums,  des  gazons  sous  ses  pas, 
Dans  ses  mains  beaucoup  d'or  pour  ceux  qui  n'en  ont  pas  ; 
Domio  à  ce  pauvre  C(i;ur  si  (idèle  et  si  tendre 
Donne  enfin  des  amis  dignes  de  la  comprendre. 
Oui  lui  versent  à  flots,  qui  lui  versent  toujours 
L'oubli  de  ses  longs  deuils,  et  de  nos  mauvais  jours  ! 

Mars  1872. 


Madame  d'Ayzac  vécut  treize  ans  à  Castelnonbel,  dan?  Tu- 
nion  la  plus  étroite  avec  son  amie  Madame  des  Echerolles. 
«  Malgré  l'âge  avancé,  il  était  dans  la  destinée  do  sa  nature 
fortement  trempée  de  ne  connaître  ni  les  défaillances  de  la 


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-  224  - 

vieillesse,  ni  les  désenchantements  du  cœui*.  Elle  devait,  pour 
ainsi  dire,  descendre  d'une  pièce  dans  la  tombe.  Un  jour,  c'é- 
tait à  la  fin  du  mois  de  février,  elle  avait  pleinement  joui  encore 
d'une  tiède  journée  du  printemps,  d'ordinaire  fort  précoce 
dans  ces  régions,  cueillant  d'amples  bouquets  de  violettes  avec 
son  amie  ;  rentrée  le  soir  elle  fut  frappée  de  paralysie,  et  com- 
me foudroyée.  Pendant  un  jour  encore,  elle  reprit  conscience 
d'elle-même  et  de  son  état,  mais  elle  ne  recouvra  pas  la  parole. 
Le  20  février  1881,  par  une  soirée  éclairée  d'un  de  ces  beaux 
soleils  couchants,  comme  elle  aimait  à  les  contempler  du  haut 
des  toui^  de  Castelnoubel,  elle  rendit  son  âme  à  Dieu.  Sa  bière, 
où  la  piété  de  son  amie  avait  déposé  les  violettes  cueillies  en- 
semble, fut  placée,  en  attendant  les  funérailles,  dans  sa  cha- 
pelle castrale  qui,  tant  de  fois,  avait  été  témoin  des  pieuses 
effusions  de  la  chrétienne  et  qui  a  été  chantée  par  la  poète. 
Après  les  obsèques,  la  dépouille  mortelle  fut  inhumée  dans  le 
caveau  de  la  famille  des  EcheroUes,  établi  dans  l'humble  cime- 
tière de  Saint-Etienne  de  Cassou,  parois.se  du  château.  Toute 
la  population  de  Cassou,  quelquei!>  notables  des  environs-,  et 
un  grand  nombre  de  membres  du  clergé,  voulurent  témoigner, 
par  leur  présence  au  convoi  funèbre,  de  leur  respect  et  de  leur 
affection  pour  la  femme  d'élite  dont  la  vie  avait  été  aussi  exem- 
plaire par  les  vertus  que  féconde  par  les  travaux. 

«  Indépendamment  des  différents  prix  conquis  par  ses  li- 
vres. Madame  d'Ayzac  obtmt  plusieurs  distinctions.  Quelques 
sociétés  savantes  lui  ont  décerné  les  titres  et  les  grades  acadé- 
miques dont  elles  pouvaient  disposer  :  elle  était  membre  effec- 
tif de  la  Société  archéologique  de  Moscou,  maîtresse-ès  jeux 
floraux,  etc.  Mais,  en  réalité,  la  valeur  de  l'écrivain  dépasse 
de  beaucoup  les  honneurs  accordés  à  la  femme.  On  peut  comp- 
ter Madame  d'Ayzac  au  nombre  des  plus  savantes  de  son 
temps  (1).  » 

Chaque  année  les  deux  amies  recevaient  la  visite  d'un  pré- 


Ci)  Helbig,  loc.  cit.,  p.  11  et  12.  -  Dans  la  nevue  de  VAgenais,  1881,  p.  180, 
M.  A«l.  Maaron  écrivit  un  article  n<^crologifjue  où  il  rendait  hommage  ti  Ma- 
dame d'Ayzac. 


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—  225  — 

lai  de  grand  mérite,  Monseigneur  Meignan.  Ce  dernier  avait 
lié  connaissance  avec  ces  deux  femmes  d'élite  lorsqu'il  était  au- 
mônier de  Saint-Denis,  et  il  se  forma  entre  ces  trois  âmes  une 
amitié  que  la  mort  seule  a  pu  rompre.  Jusques  en  ses  derniè- 
res années,  Monseigneur  Meignan 'venait  à  Castclnoubel  pas- 
ser ses  vacances.  Il  affectionnait  particulièrement  le  vieux 
château  qu'il  fit  restaurer  à  ses  frais  et  où  il  pouvait  se  reposer 
loin  du  bruit  du  monde,  des  soucis  de  l'épiscopat. 

Guillaume-René  Meignan  naquit  à  Denazé  (Mayenne),  alors 
dans  le  diocèse  du  Mans,  le  12  avril  1817.  Il  fit  ses  études  à  La- 
val, à  Angers  et  au  Mans.  Après  avoir  reçu  la  prêtrise,  et,  sur 
les  conseils  de  Montalembert,  il  partit  pour  l'Allemagne  et  étu- 
dia à  Munich,  à  Bonn  et  à  Louvain.  Admis  dans  le  clergé  de 
Paris,  il  fut  obligé,  pour  raison  de  santé,  d'aller  en  Italie.  A 
Rome  il  obtint  ses  grades  théologiques.  Rentré  à  Paris,  il  fut 
préfet  des  études  au  Petit  Séminaire,  puis  troisième  aumônier 
de  Saint-Denis,  vicaire  à  Saint-Joseph,  Saint-André  d'Antin, 
Sainle-Clotilde,  et  en  1861  chargé  du  cours  d'Ecriture  Sainte 
à  la  Sorbonne,  où  il  donna  ses  leçons  sur  le  Monde  et  Vhomme 
primitil.  En  1863,  il  devenait  vicaire  général  et  archidiacre. 

L'année  suivante,  l'empereur  le  nommait  à  l'évèché  3e  Cha- 
lous.  Il  assista  au  concile  du  Vatican  et  fit  partie  de  la  minorité. 
Il  quitta  Rome  lors  du  vote  du  18  juillet  1870. 

Ije  20  septembre  1882,  il  était  transféré  à  l'évèché  d'Arras, 
où  il  ne  fit  que  passer,  et  par  un  décret  du  10  janvier  1884,  il 
était  nommé  archevêque  de  Tours. 

Dans  les  trois  diocèses  où  il  exerça  le  ministère  épiscopal, 
Monseigneur  Meignan  fut  fidèle  à  ses  études  d'Ecriture  Sainte 
et  la  bibliographie  de  ses  œuvres  est  trop  longue  pour  être  rap- 
portée ici.  Partout  il  donna  ses  soins  les  plus  assidus  et  les  plus 
attentifs  à  la  formation  intellectuelle  de  son  clergé.  Etant  à 
Chalons,  il  fut  du  nombre  des  évcques  fondateui's  de  l'Institut 
catholique  de  Paris. 

A  Tours  une  de  ses  préoccupations  fut  de  restaurer  le  culte 
de  Saint  Martin  et  il  mit  tout  son  zèle  à  glorifier  le  saint  Thau- 
maturge des  Gaules. 

Le  Souverain  Pontife  couronna  sa  vie  consacrée  à  l'honneur 


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—  226  — 

(le  l'Eglise  et  de  la  France  en  le  créant  cardinal  dans  le  consis- 
loire  du  17  janvier  1893. 

Il  mourut  le  20  janvier  1896  et  fut  enseveli  dans  la  crypte  de 
la  basilique  de  Saint-Martin. 

Monseigneur  Meignan  est  une  des  plus  grandes* figures  de 
l'épiscopat  français  au  xix"  siècle,  qu'il  faut  placer  à  côté  des 
Dupanloup,  des  Pie  et  des  Freppel.  Son  souvenir  est  pieuse- 
nient  conservé  à  Caslelnoubel. 

Madame  Hélène  des  Echerolles  survécut  à  ses  deux  amis, 
mais  bientôt  elle  s'éteignit  à  son  tour. 

;\près  sa  mort  le  chAleau  de  Castelnoubel  passa  à  sa  nièce, 
Mademoiselle  de  Leygonie.  La  famille  de  Leygonie,  de  noble 
origine  française,  [)assa  en  Espagne  au  moment  de  la  Révolu- 
tion. M.  des  EcberoUes,  ])endant  les  guerres  d'Espagne,  se 
maria  avec  Marie-Louise-Lucienne  de  Leygonie.  L'n  frère  de 
cette  dernière,  Francisco,  venu  très  lard,  fut  élevé  à  Caslelnou- 
bel, avec  les  enfants  de  M.  des  EcberoUes.  Entré  dans  la 
marine  mihtaire,  il  donna  sa  démission  pour  être  (idèle  à  la 
légitimité.  C'est  sa  fille  qui  hérita  de  M™*  des  Echerolles. 

Aujourd'hui,  M'*"  de  Leygonie,  devenue  M°*  Pardo,  vient 
passer  quelques  mois  à  Caslelnoubel  avec  sa  famille,  et  elle 
fait  les  honneurs  de  son  château  avec  une  grâce  et  une  ama- 
bilité auxquelles  je  suis  heureux  de  rendre  un  respectueux 
hommage. 

R.  Mauboutin. 


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DISSERTATION 

8UR 

DIVERS  MORUHINTS,  COUTUMES,  DÉNOMINATIONS  ET  USAGES  ANCIENS 
DE  L'ANCIENNE  CITÉ  DES  SOTIATES 

Par  le  vicomte  de  MÉTIVIER,  annotée  par  J.  MOMMÉJA 


Il  me  semble  encore  que  la  ville  de  Sos  devait,  avec  d'aulant  plus 
de  raison,  s'étendre  vers  le  nord  plutôt  que  vers  la  Gélise  au  midi, 
que,  défendue  du  côté  du  nord  par  la  nature,  à  cause  des  forêls 
immenses  qui  en  gênaient  les  approches,  elle  n*avait  d'ailleurs  que 
très  peu  à  redouter  de  ce  côté-là,  jusques  à  l'invasion  des  Romains, 
I  et  qu'ayant  plus  à  craindre  des  peuples  errans  et  pillards  des  Pyré- 
nées, tels  que  les  Vaccées  et  Cantabrcs,  elle  avait  besoin  de  se  ga- 
rantir de  ce  côté-là  et  de  laisser  cette  rampe  escarpée  et  aride,  plutôt 
que  d*y  construire  des  habitations  exposées  aux  premières  atta 
ques  des  assaillants  ;  car  alors  on  ne  pouvait  pas  défendre  les  ap- 
proches avec  des  canons  et  garantir  ainsi  les  villes  placées  au- 
dessous  des  forts  ;  et  le  jet  des  projectiles,  des  catapultes  et  autres 
machines  du  temps  n'auraient  pas  suffi.  Et  si,  comme  le  dit  César 
dans  ses  Commentaires,  Crassus  fut  obligé  «  d'employer  des  tours 
et  des  manlelets  »,  il  est  certain  que  la  rampe  du  côté  de  la  Gélise 
en  empêchait  les  approches  et  l'emploi,  et  que  c'est  plutôt  par  la 
partie  la  moins  escarpée  du  côté  du  nord  qu'il  avait  dû  s'appro- 
cher pour  altatfuer  la  ville,  moins  fortifiée,  qui  devait  s'étendre 
dans  les  terres  au-delà  des  murs  d'enceinte  cp.core  existants. 
C'est  d'ailleurs  par  ce  côté  qu'il  paraît  que  Crassus  arriva  chez  les 
Sotiates.  Il  est  probable  encore  que,  retirés  dans  l'enceinte  la  plus 
fortifiée,  qui  fut  conservée  sous  la  féodalité  et  dont  les  murailles 
existent  encore  (1),   les  Solduriers,   avec  Adcantuan  à   leur  tête. 


(1)  Ce  serait  fausser  le  souci  qui  nous  a  toujours  hanté  de  rendre  justice  à 
tous  ceux  qui  ont  combattu  pour  la  cause  de  Sos,  et  mal  comprendre  la  tâche 
que  nous  'nous  sommes  imposée  de  grouper  lo  plus  grand  nombre  possible  de 
documents  sérieux  aulouf  du  travail  de  M.  Métivier,  que  de  ne  pas  faire  une 
place  à  l'une  des  remarques  les  plus  fécondes  de  l'abbé  Breuils,  telle  que 
la  exposée  en  l'adoptant  M.  Georges  Tholin  : 

«  La  superficie  du  plateau  de  Sos,  nous  dit  M.  Camoreyt,  est  seulement  de 
liO.OùO  mètres  carrés,  alors  que  Gergovie,  le  plus  petit  des  trois  grands  oppi- 


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—  228  — 

firent  la  sortie  dont  parle  César,  pendant  qu'effrayés  par  la  prise 
de  la  ville  la  moins  fortifiée,  les  habitants  traitaient  d'un  autre 
coté  des  articles  de  la  capitulation. 

iMifin,  CCS  diverses  circonstances  constatant  l'étendue  de  la  ville 
(le  Sos  et  la  partie  faible  de  ses  fortifications  vers  le  nord,  attestent 
encore  plus  que  Crassus  dut  arriver  de  ce  côté-là,  plutôt  que  du 
côté  très  difficile  de  la  rampe  de  la  Gélise,  puisqu'il  dut  être  joint 
I^ar  les  renforts  qui  lui  venaient  de  Toulouse,  de  Carcassonne  et 
\arbonne  vers  Aiguillon,  où  sont  encore  des  vestiges  très  appa- 
rents de  constructions  romaines  (1). 

\ous  avons  parlé,  à  propos  d'Esquies,  du  tumulus  que  Ton  ren- 


liunis  connus,  en  a  750.00(1.  Leclonre  en  a  680.000,  ce  qui  est  suffisant,  mais 
Sos  n'auruil  pas  pu  abrir'er  toute  l'armée  des  Soliates  et  de  leurs  auxiliaires. 
M.  Tabbé  Brcuils  observe  avec  raison  que  le  plateau,  presque  circulaire, 
de  Sos  n'est  séparé  que  par  une  gorge  du  plateau  de  Saint-Martin  également 
élevé,  plus  vaste,  et  sur  lequel  s'est  étendue  la  ville  à  l'époque  romaine.  Les 
deux  plateaux  réunis  ont  une  superficie  convenable  pour  un  oppidum.  J'ajou- 
terai quo  ceUc  contiguraticm  d'une  place  forte  coupée  en  deux  permet  d'ex- 
pliquer les  incidents  de  la  capitulation.  Les  Sotiales  se  rendirent,  nous  dit 
César,  après  un  siège  en  règle  où  furent  employés  de  la  part  des  Romains, 
des  mantelels  et  des  tours  d'approche  et,  de  la  part  des  Aquitains,  des  raines 
pour  détruire  les  travaux  des  assiégeants.  Voilà  pour  le  plateau  de  Saint- 
Martin.  Après  la  reddition,  qui  comprenait  la  masse  des  réfugiés,  dans  l'autre 
partie  de  l'oppidum  (aliâ  ex  parte  oppidi),  le  roi  essaya  encore  de  résister, 
avec  une  troupe  d'élite.  Voilà  pour  le  plateau  de  Sos.  »  (G.  Tholin,  LOppi- 
dum  des  SotiateSy  daprès  AL  Camoreyt  el  A/.  Vabbê  iireuiU.  —  Revue  de 
l  Amenais,  1806,  p.  60.) 

Il  semble  que  M.  de  Métivicr  ail  compris  comme  ^L  Tholin  la  topographie 
de  Sos  et  expliqué  de  môme  la  sortie,  assez  extraordinaire,  d'.Xdialunn,  si  l'on 
restreint  l'oppidum  au  seul  plateau  de  Sos.  J.  M. 

(I)  Résumons  la  doctrine  de  M.  de  Métivier  sur  Sos  : 

1*  Ijilre  Loustalet  et  Sos  «  un  ravin  comblé  et  aplani  en  partie  par  la 
main  des  hommes  el  les  effets  du  temps  ».  «  11  jiaraîl  avt>ir  été,  à  ré{»oque 
(!»•  la  puissance  des  Sotiales,  le  fossé  d'enceinte  de  leur  ville.  » 

2"  Celle-ci  sur  une  hauteur  escarpée  de  tous  côtés  était  suffisamment  dé- 
fendue par  ses  escarpements  du  côté  de  la  Gélise,  qu'elle  ne  dépassait  pas 
puisqu'on  n'a  jamais  trouvé  de  ce  côté  aucun  vestige  de  constructions. 

'.V  Les  moyens  de  défense  étaient  accumulés  au  nor'd,  vers  le  ravin,  ce  que 
prouvent  «  les  vestiges  de  fomiation  que  1  on  retrouve....  entre  la  ville 
actuel!»'  el  ce  ravin  )»,  soil  de  fautre  cûlé  du  ravin,  soit  au  faubourg  des 
Capots. 

4"  C  est  i»ar  le  cùlé  nor'd  cpie  Crassus  put  seulement  ai»procher  se;»  machi- 
nes de  guerre  pour  forcer  ces  remparts. 

5*  L)  autres  remparts,  correspondant  aux  nuirs  de  ville  du  moyen-âge,  for'- 
maienl  un  dernier  réduit  d'où  Adialunn  soilit  avec  ses  Soldures  pour  faire 
une  tniuée  à  travers  les  assiégeants. 
O"  Ces  murs  existaient  au  moment  où  fui  rédige  ce  mémoire,  J.  M. 


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—  229  — 

contre  au  midi  de  Sos,  près  de  Téglise  de  Louspeyerous,  et  à  droite 
de  la  route  qui  va  de  Sos  à  Eauze.  A  quelque  distance  du  château 
de  Gajo,  sont  des  fondements  qui  ont  pu  faire  croire  qu'il  avait 
existé  en  ce  lieu  une  ville,,  du  moins  le  croit-on  par  tradition  ;  c'est 
dans  la  commune  de  Sainte-Maure,  qui  aurait,  dit-on,  tiré  son  nom 
du  séjour  des  Maures  dans  ces  contrées,  lorsqu'Abdérame  con- 
duisit ses  guerriers  dans  l'Aquitaine  et  jusque  sur  les  bords  de  la 
Loire.  Mais  il  est  facile  de  voir  qu'aucune  ville  n'a  existé  dans 
cette  position  :  ni  les  Commentaires  de  Ccsar,  ni  la  Table  Théodo- 
tienne,  ni  Vllinéraire  d'Antonin,  ni  Danville,  ni  de  Valois,  ni  au- 
cun autre  autour  qui  ont  traité  de  l'histoire  d'Aquitaine,  n'en  ont 
parlé.  Il  est  plus  probable  que  c'était  quelque  maison  considérable 
appartenant  à  quelque  chef  Homain  ou  Gaulois,  et  l'on  sait  que 
leurs  maisons  de  plaisance  étaient  généralement  appelées  villa,  ce 
qui  a  pu  faire  croire  que  c'était  une  ville  (1). 

Nous  devons  faire  remaniuer  aussi  que,  non  loin  de  Sos,  dans 
le  cimetière  de  l'église  actuellement  démolie  de  Sainl-Estèphe,  on 
trouva,  en  creusant  une  fosse,  une  tombe  renfermant  un  squelette, 
un  glaive  et  un  collier.  Le  nommé  Vidalet,  qui  creusait  la  fosse 
pour  la  femme  décédée  du  carillonneur,  celui-ci  n'ayant  pu  par  ce 
motif  la  creuser,  recombla  la  fosse  et  les  objets  qu'il  y  avait  trou- 
vés, après  avoir  toutefois  mis  le  cercueil  de  la  femme  au-dessus 
de  cette  tombe  (2). 

Il  n-y  a  pas  six  mois  qu'au  village  d'Arquisan,  sur  la  Ténarèze  (3) 


(1)  Samazeuilh  a  ignoré,  ou  voulu  ignorer,  l'exislence  de  celte  villa  à  Sainte- 
Maure. 

(2)  Puisque  le  sieur  Vidalel  ne  put  pas  creuser  jusqu'à  sa  profondeur  nor- 
male la  fos.se  de  la  femme  du  carillonneur,  parce  que  sa  bôche  rencontra 
une  tombe,  c'est  que  cette  tombe  était  en' pierre;  et  puisque  le  squelette 
(lu'elle  renfermait  avait  été  pourvu  d'un  collier  en  même  temps  que  d'une 
épée,  c'est  que  la  sépulture  remontait  au  moins  à  l'époque  carolingienne. 

Ce  passage  de  M.  de  Mélivier  est  donc  doublement  intéressant,  puisqu'il 
révèle  la  présence  à  Sainl-Estèphe  d'un  cimetière  barbare,  et  parce  qu'il  per- 
met de  prendre  sur  le  fait  un  cas  de  double  inhumation  accidentelle  dans  la 
môme  tombe  de  pierre  ;  car  très  évidemment  le  sieur  Vidalet  déposa  la  femme 
du  carillonneur  sur  les  ossements  d'un  guerrier  ou  même  d'un  chef  franc.  Je 
dis  bien  un  chef,  parce  que  les  épées  se  rencontrent  très  rarement  dans  les 
sépultures  barbares  et  paraissent  spéciales  aux  chefs,  les  guerriers  n'ayant 
que  le  cuUer  lalidus  ou  skasmassax  auprès  d'eux.  J.  M. 

(3)  «  Tout  le  monde  a  entendu  parler  de  la  Tenarèse,  ainsi  nommée  par  cor- 
ruption du  mot  lier  Cesaris,  chemin  de  César,  dit  \  illeneuve-Bargemont  (a). 
Cette  route  venant  des  Pyrénées  passe  à  Bretagne,  près  Eauze,  se  dirige 
par  Suinte-Maure  (6),  traverse  la  rivièie  de  Géli^e  sur  un  pont  au  bas  de  la 


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-   230  — 

on  a  trouvé  un  vase  en  terre,  plein  de  petites  pièces  ou  médailles 
en  bronze,  dont  quelques-unes  sont  du  temps  de  Claude,  Tétricus 
et  Gordien.  * 


côte  de  Sos  (c),  longe  la  partie  orientale  de  celle  ville  et  va  aboutir  à  la  rive 
gauche  de  la  Garonne  par  Réaup,  Lisse,  Barbasle,  Lavardac,  Thouars  ;  les 
vesUgep  de  cette  voie  romaine  se  rencontrent,' pour  ainsi  dire,  à  chaque 
pas,  et  ils  sont  généralement  bien  conservés.  La  Ténarèse  est  peu  large  ;  ta 
chaussée  se  compose  de  deux  ou  trois  couches  de  pierres  amalgamée^  dans 
du  ciment  de  chaux,  et  tellement  consolidées  par  le  temps,  qu'elles  ont 
ac(iuis  la  consistance  cl  la  durcie  du  rocher  ;  on  peut  aisément  s'en  assurer, 
car  le  sol  sabloncux  de  celte  contrée  ja'est  abaissé  par  tout  et  a  déchaussé 
la  partie  ferrée  qui  forme  le  corps  du  chemin.  Uiie  semblable  construction 
dans  un  i>ays  tellement  dépourvu  de  pierres  et  de  matériaux,  qu'il  a  fallu 
tout  y  transporter,  n'annonce-l-elle  pas  l'importance  qu'on  attachait  à  cette 
position  militaire  7  Soit  que  ce  chemin  existai  avant  César,  et  que  l'ayant 
fait  réparer,  il  lui  ail  donne  son  nom^  soit  qu'il  en  eût  ordonné  la  construc- 
tion en  entier,  il  est  impossible  de  penser  que  la  contrée,  que  les  villes  que 
traversait  cette  rtnjte,  n'eussent  pas  une  existence  bien  reconnue.  » 

II  faut  rapprocher  de  celle  page  de  Villeneuve-Bargemont,  la  description 
de  la  Ténarèze  par  M.  Georges  Tholin  (d). 

«  La  Ténarèze  a  été  assez  bien  étudiée  entre  les  Pyrénées  et  Sos,  no- 
laBiment  par  M.  Curie-Seimbre,  qui  fait  dériver  cette  route  vers  Bordeaux 
suivant  l'itinéraire  de  Bordeaux  à  Jérusalem.  Nous  préférons  voir  la  suite 
de  la  Ténarèze  dans  le  grand  chemin  qui,  de  Sos  à  Thouars  est  le  prolon- 
gement direct  de  la  route  pyrénéenne.  Son  tracé  bien  connu  a  été  particu- 
lièrement étudié  par  M.  Samazeuilh. 

En  allant  du  Sud  au  Nord,  à  partir  des  limites  du  département  du  Gers,  la 
Ténarèze,  qui  est  remplacée  par  le  chemin  n*  9,  dessert  les  localités  sui- 
vantes : 

Commune  de  Sainte-Maure  :  Taret,  Bonenconlre,  Pireou,  Péan,  Croix-de-la- 
l'icrrcy  Lesparrot,  Pinot.  Il  existe  un  tronçon  abandonné  entre  Jeandaillou 
et  Toulèze. 

Commune  de  Sos  ;  Saint-Martin. 

Commune  de  Réaup  :  Nation  (à  peu  de  dislance  sur  la  droite,  le  camp  du 
refuge  de  Lamolhc),  Mounon,  Marre.  Il  existe  un  tronçon  abandonné  à 
Crieré....  » 

C'est  en  1833  qu'on  a  enlevé  le  pavage  de  la  Ténarèze  pour  restaurer  la 
route.  Le  i»avage  composé  de  grosses  jnerres  rougeàtres,  d'un  grain  très 
dur,  reposait  sur  une  couche  de  béton  mal  aggh)méré.  Deux  anciens  agenls- 
voyers,  M.  de  Lafilte  et  M.  Boyer,  ont  donné  à  ce  sujel  des  renseignements 
identiques  à  M.  Tholin.  J.  M. 

(a)  Loc.  cit.  p.  23*2. 

(6)  On  en  voit  des  traces  près  de  l'église  de  ce  nom. 

(c)  Quelques  personnes  pensent  que  ie  pont  actuel  occupe  précisément  la 
même  place  que  l'ancien  ;  d'autres  prétendent  qu'il  était  au-dessus. 

{d)  Causerie  sur  les  origines  de  lAgenais,  Les  voies  romaines,  paragra- 
phe  IV. 


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231  — 


Châteaux  de  Sos  et  de  Gaeyze,  —  Puits.  —  Pont.  —  Moulin. 

Nous  devons  expliquer  un  peu  plus  positivement  que  ne  Ta  fait 
M.  de  Villeneuve  ce  qui  est  relatif  au  puits  trouvé  dans  le  château 
de  Sos  (1). 


(1)  Voici  le  récit  de  M.  de  Villeneuve  sur  ce  puits  : 

«  Des  personnes  dignes  de  foi  (M.  Vignes,  cooseiUer  de  préfecture,  et 
M.  son  frère,  ancien  adjudant-commandant,  maire  de  Sos),  m'ont  attesté 
que  parmi  les  décombres  du  ch&leau  et  dans  des  excavations  qui  avaient 
(Ho  faites  sous  leurs  yeux,  elles  avaient  vu  les  traces  de  plusieurs  souter- 
nviNS",  un  ontr'aulres  mérite  une  mention  toute  particulière.  On  démolissait, 
il  y  a  peu  d'années,  la  voûte  d'une  des  caves  les  plus  profondes  du  château, 
pour  en  retirer  des  pierres^  d'autant  plus  précieuses  pour  les  constructions 
que  presque  toutes  sont  carrées,  dune  assez  grande  dimension  et  de  très 
bonne  qualité  ;  et  à  travers  les  décombres,  on  parvint  à  un  puits  destiné 
sans  doute  à  fournir  de  l'eau  pendant  un  siège  ;  en  continuant  à  enlever  les 
pierres  cpii  formaient  le  revêtement  intérieur  de  ce  puits,  on  découvrit  à  une 
certaine  profondeur,  une  porte  qui  servait  d'ouverture  à  un  corridor  voûté  ; 
il  était  encombré  de  terre  ;  mais,  comme  il  se  dirigeait  vers  le  nord,  il  est 
vraisemblable  qu'il  passait  sous  la  ville  et  venait  finir  vers  les  jardins  qui 
bordent  cette  partie  des  murs.  Cette  communication  souterraine,  à  une  pro- 
fondeur si  énorme  (et  sans  doute  il  y  en  avait  plusieurs  autres,  ainsi  qu'on 
nous  l'a  assuré)  ne  prouve-t-elle  pas  évidemment  que  l'art  de  creuser  des 
galeries  sous  terre  et  de  s'en  servir  pour  la  défense  de  leur  ville,  peut  s'ap- 
pliquer à  tout  cç  que  César  raconte  des  Soliates  ?  »  (loc.  cit.,  p.  291-292). 

Ce  puits  revêtu  de  maçonnerie  et  pourvu,  dit  Métivier,  d'un  escalier  de 
descente,  était  un  travail  du  moyen-âge  dépendant  exclusivement  du  châ- 
teau. Sans  doute,  en  le  forant  un  avait  coupé  des  galeries  souterraines  bien 
antérieures,  ce  qu'on  a  longtemps  appelé  des  habitations  troglodytiques, 
du  moins  le  cas  n'est  pas  unique,  il  s'est  présenté  notamment  à  Montauban, 
au  faubourg  du  Moustier. 

Nous  avons  souligné,  dans  le  texte  de  Villeneuve-Bargemont,  la  descrip- 
tion de  l'appareil  des  substructions  trouvées  sous  le  château  ;  il  était  formé 
de  pierres  carrées  d  une  assez  grande  dimension  ;  ces  substructions  n'étaient 
donc  pas  romaines. 

Voici  maintenant  ce  que  dit  le  préfet  archéologue  du   château   de   Sos  : 

((  Au  commencement  de  la  Révolution,  les  ruines  du  château  étaient  encore 
assez  prononcées  pour  qu'on  pût  juger  qu'il  était  immense,  mais  pep  régu- 
lier ;  qu'il  était  flanqué  de  grosses  tours  carrées;  qu'on  y  avait  pratiqué  de 
vastes  souterrains,  et  qu'en  un  mot,  tout  avait  été  combiné  plutôt  pour  la 
défense  du  lieu  que  pour  la  commodité  intérieure  ;  on  y  a  trouvé  divers 
meubles  de  pierre  et  quelques  tronçons  de  statues,  que,  d'après  la  descrip- 
tion qu'on  nous  a  faite,  je  jugerais  plutôt  des  divinités  gauloises  que  des 
figures  du  paganisme.  »  {loc.  cit.,  p.  296). 

Ces  tronçons  de  statue,  dont  le  travail  n'avait  rien  d'antique  et  de  classi- 
que, étaient  sans  doute  des  restes  de  la  chapelle  du  château  médiéval.  Mais 
qui  sait,  si  ce  n'était  pas  des  sculptures  gallo-romaines  ?  Il  faudrait  avoir 
vu  pour  se  prononcer.  J.  M. 


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—  232  — 

Je  me  rappelle  très  bien  que,  lorsque  m'échappant  avec  quelques- 
uns  de  mes  camarades  des  bancs  de  l'école  qui  était  dans  le  voi- 
sinage, nous  nous  dirigions  vers  les  souterrains  de  ce  château  en 
ruines  pour  nous  y  amuser,  sans  crainte  d'entendre  la  voix  aigre 
et  menaçante  du  pédagogue,  nous  avons  vu  là  un  puits,  au  fond 
duquel  on  descendait  au  moyen  d'un  escalier  en  pierre.  Il  était 
alors  encombré  de  débris  et  de  matériaux,  et  nous  n'avons  pu  y 
voir  la  partie  souterraine  dont  parle  M.  de  Villeneuve  (1).  La  puis- 
sance de  Louis  XIII,  consistant  à  détruire  la  féodalité,  et  l'esprit 
iiiveleur  de  notre  époque,  ont  tour  a  tour  concouru  à  faire  dispa- 
raître les  restes  de  cet  ancien  château.  L'autorité  royale  et  celle 
du  peuple,  lasse  de  s'attaquer  aux  hommes,  s'attaqua  à  des  mas 
ses  inanimées  ;  et  le  peuple  exerça  ses  vengeances  sur  des  pier- 
res, en  haine  de  la  féodalité.  Ce  château  fut  vendu  par  le  gouverne- 
ment à  une  époque  où  le  vainqueur  des  Pyramides  et  de  Marengo 
avait  rappelé  l'ordre  et  la  religion  au  sein  de  celte  France  qui  les 
axait  bannis.  Il  semble  qu'un  esprit  de  conservation,  qui  aurait 
fait  connaître  le  rôle  qu'avait  joué  la  cité  des  Sotiales  dans  les 
temps  reculés,  aurait  dû  présider  à  cette  acquisition.  Mais  ces 
gens  n'achetaient  que  pour  démolir,  et  bientôt  les  tours,  les  mu- 
railles, les  donjons,  les  créneaux,  tout  fut  renversé  !  A  peine 
peut-on  reconnaître  la  place  où  exista  cette  forteresse,  dont  les  dé- 
liris  disséminés  ont  servi  à  des  routes,  des  pavés  et 'des  construc 
tions  particulières  ;  ainsi,  le  philosophe,  qui  voudrait  au  sein  de 
ces  ruines  méditer  sur  l'élévation  et  la  chute  des  empires,  ne  trou- 


Ci)  Sans  doute  faisait-il  allusion  aux  souterrains  signalés  par  Villeneuve- 
Bargemo^t,  Boudon  de  Saint-Amans,  quand  il  ajoutait  le  paragraphe  sui- 
vant au  récit  de  la  campagne  de  Crassus  contre  les  Sotiales  et  leur  capitale 
«  indùmenl  prise  par  le  géographe  Samson  pour  Leclour(\  métropole  avérée 
des  Laelorales  ».  «  Au  reste,  il  est  maintenant  reconnu  que  la  petite  ville  de 
Sos,  aujourd'hui  chef-lieu  de  commune  dans  le  4'  arrondissement  du  dcpar- 
lenïenl  de  Lot-et-Garonne,  était  la  capitale  des  Soliates,  appelés  Gascons 
par  des  auteurs  modernes,  bien  que  les  Gascons  ne  soient  entrés  en  Aqui- 
taine que  cinq  à  six  siècles  plus  tard.  Céirar  mentionne  aussi  des  souterrains 
pratiqués  par  ces  Gaulois  près  de  leur  ville,  et  dans  lesquels  ils  se  mirent 
en  embuscade*-  pour  surprendre  les  Romains.  Cet'  souterrains  existent  sans 
doute,  mais  ne  peuvent  se  rapporter  aux  travaux  des  habitants  pour  les 
fouilles  des  mines  de  cuivre....  »  Mais  un  tel  bafouillage  et  un  tel  mépris  de 
Ihi.sloire  n  est-il  pas  plutôt  de  Casimir  de  Saint-Amans  que  de  son  père,  qui, 
bien  qu'assez  étourdi,  avait  assez  lu  les  Commentaires  de  César  pour  ne  pas 
faire  embusquer  les  Sotiales  dans  des  souterrains  ?  (Histoire  ancienne  et  mo- 
derne du  départ,  de  Lot-et-Garonne,  par  J.-F.  Boudon  de  Saint-Amans.  Agen, 
1830,  t.  I,  p.  4  et  5.)  J.  M. 


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-  233  — 

verait  pas  une  pierre  pour  se  reposer,  ni  môme  quelques  fragments 
d'architecture  qui  du  moins  lui  rappellerait  le  style  de  Tépoque. 

Toutefois,  au  milieu  de  ce  désordre,  et  par  le  plus  grand  des 
hasards,  Técusson  des  antiques  sires  d*Albret,  qui  couronnait  le 
frontispice  do  la  principale  porte  d'entrée,  fut  sauvé  du  naufra- 
ge !  (1).  Il  fut  trouvé  par  moi  chez  un  charpentier  qui,  au  revers 
de  Técusson,  avait  creusé  la  pierre  pour  en  faire  un  aiguier  ;  je 
lUr'empressai  de  l'acquérir  ;  il  y  manque  cependant  la  couronne 
formée  d'une  pierre  séparée,  et  que  l'on  dit  avoir  servi  à  la  cons- 
truction d'un  four  de  boulanger.  Je  possède  aussi  un  chapiteau 
de  colonne  arabesque  dont  on  a  fait  un  KlSnitîer  pour  l'église  de 
Saint-Pau  (2). 

Le  château  de  Gueyze,  masse  carrée  dont  les  murs  sont  d'une 
épaisseur  considérable,  est  situé  au  bas  de  la  rampe  occidentale 


(1)  ((  On  voit  dans  une  des  salles  du  château  de  Saint-Pau  une  assez  grande 
pierre  sculptée,  représentant  un  écusson  nobiliaire  soutenu  par  deux  anges  ; 
celle  pierre  était  placée  sur  le  frontispice  du  vieux  capitole  Sotiate.  Elle  fut 
recueillie  par  M.  le  vicomte  de  Métivier,  peu  avant  1830.  Les  armoiries  qui 
y  sont  représentées  en  relief  étaient  probablement  celles  de  quelque  puissant 
feudataire,  possesseur  ci  haut  justicier  du  lieu  ;  il  ne  serait  pas  impossible, 
à  laide  d'un  armoriai  un  peu  étendu,  de  retrouver  son  nom.  »  .Vinsi  s'ex- 
prime M.  IJarthalès  (p.  47)  sur  le  bas-relief  retrouvé  par  Alélivier,  môme  il 
en  donne  un  dessin  sommaire,  qui  permet  de  le  dater  du  xV  siècle,  de  par 
l'allvrc  des  deux  anges  qui  servent  de  supports  à  l'écu,  et  par  la  forme 
même  de  l'écu.  Par  malheur,  si,  sur  cet  écu,  on  reconnaît  très  aisément  un 
écartelé,  il  est  impossible  de  reconnaître  assez  sûrement  les  meubles  héral- 
diques gui  le  chargent,  pour  essayer  une  identification  quelconque.      J.  M. 

(2)  A  propos  de  ce  bénitier,  donnons,  sur  l'église  de  Saint-Pau,  quelques 
renseignements,  empruntés  en  majeure  partie  à  la  notice  qui,  dans  La 
Guirlande  des  hfargueriles,  commente  un  grave  sonnet  de  M.  Georges  Tholin: 

«  Cette  petite  église,  qui  paraît  dater  du  xii'  siècle,  est  construite  sur  le 
plan  le  plus  simple.  C'est  un  vaisseau  rectangulaire  coupé  en  deux  par  une 
arcade.  D'un  côté  est  la  nef,  de  l'autre  le  chœur.  Ce  dernier,  recouvert  d'une 
voûte  en  berceau  brisé,  est  pourvu  de  trois  fenêtres  dont  la  physionomie 
est  toute  romane.  Nulle  sculpture  que  deux  renards  qui  figurent,  on  ne 
sait  trop  pourquoi,  sur  les  contours  d'un  vieux  bénitier.  Cette  succursale  de 
Meyian,  près  de  Sos,  n'est  plus  desservie,  et,  comme  Téglise,  le  cimetière 
qui  Tentoure,  est  abandonné.  Le  lierre  envahit  ses  murs  percés  de  meur- 
trières aujourd'hui  bien  inoffensives.  »  (La  Guirlande  des  Marguerites.  Nérac, 
1876,  p.  175.)  De  son.  côté,  M.  Tholin  a  dit,  dans  sou  Architecture  religieuse 
de  VAgenais,  pp.  62,  63  :  «  ....Le  seul  morceau  de  sculpture  est  un  bénitier 
relégué  dans  un  coin.  Il  a  la  forme  d'un  chapiteau  ;  des  renards  y  sont  figu- 
rés.» «  L'église  de  Saint-Pau  est  aujourd'hui  abandonnée.  Les  grands  ra- 
meaux de  lierre  dont  se  revêtent  ses  murs  et  qui  rampent  jusque  sur  la  toi- 
ture, lui  donnent  une  grâce  pittoresque  qui  rehausse  sa  simple  architec- 
ture. »  j.  M. 


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—  234  — 

de  Sos,  dans  un  lieu  bas  et  humide,  au-devant  de  l'église  de 
Gueyzc  et  d'une  source  abondante  (1)  qui  donnent  à  cette  position 
tout  le  charme  d'un  aspect  romantique. 

Ce  cluUeau,  très  fort  dans  les  anciens  temps,  par  sa  construc- 
tion, était  aussi  sans  doute  défendu  au  besoin  par  les  marécages 
(jui  Tentouraienl,  circonstance  qui,  selon  les  versions  populaires, 
contribua  à  sauver  de  la  fureur  des  Sarrasins  les  jeunes  filles  qui 
«0  réfugièrent  dans  ce  fort,  devenu  le  protecteur  et  l'asile  de  ja 
vertu.  Aussi  ai-je  entendu  dire  à  ma  mère-nourrice  et  à  d'autres 
vieillards,  «  que  les  Sarrasins,  frustrés  de  l'espoir  de  faire  une  si 
belle  capture,  envoyèrent  au  Diable  le  sieur  de  Hoquespines,  à  qui 
appartenait  ce  château.  »  Ce  seigneur  avait  pris  sous  sa  protection 
ces  filles,  qui  peut-être  un  jour  auraient  habité  les  harems  des  offi- 
ciers des  Califes  (2). 


(1)  C'esl  sans  doute  la  belle  source  de  '  ourbout  dont  le  nom  est  celui,  à 
peine  déformé,  de  Borro,  le  dieu  celtique  de  certaines  sources  comme  celle 
de  Bourbonne-les-Bains,  de  Bourbon-Lancy  et  d'Aix-les-Bains.  (Cfr.  Geor- 
ges Dottin,  Manuel  pour  servir  à  l'étude  de  VanttquUé  celtique.  Paris,  Cham- 
pion, 1906,  in-12,  pp.  220,  229,  234,  242.) 

(2)  Quand  on  se  décidera  à  fouiller  méthodiquement  le  plateau  de  Sos,  on 
devra  rechercher  l'emplacement  du  temple  de  Home  et  d'Auguste  qui  s'éle- 
vait non  loin  sans  doute  de  l'ancienne  église  romane,  puisque  c'est  en  dé- 
molissant celle-ci  qu'on  trouva  Tinscriplion  du  .second  siècle  où  il  est  parlé 
d'un  flamine  de  ce  temple  duumvir,  etc.  Nous  estimons,  en  effet,  avec  Ta^bé 
Breuils  {Her.  de  dascofjne,  1895,  p.  434),  c  que  ce  prélre-duumvir  résidait  à 
Sos  auprès  du  temple  dont  nous  avons  parlé  et  que  ce  temple  se  drossait 
sur  l'emplacement  même  de  l'église  de  Sos  »,  et,  avec  le  même  érudit,  il  est 
difficile  de  ne  pas  reconnaître  que,  «  avec  son  temple  et  son  duumvir,  la 
ville  de  Sos  se  révèle  à  nous  durant  la  période  romaine  comme  ayaïit  eu 
dans  la  cité  èlusale,  dont  elle  faisait  partie,  «ne  importance  particulière  ». 

On  devra  rechercher  aussi  les  vestiges  de  la  petite  église  ou  mcmoria 
érigée  en  l'honneur  de  saint  Saturnin,  ainsi  que  des  inscriptions  sur  marbre 
qui  relataient  l'apostolat,  à  Sos,  de  saint  Sever,  à  la  fin  du  iv'  siècle,  dont 
labbé  Breuils  signale  l'existence  d'après  un  très  remarquable  passage  de 
«  la  plus  antique  des  trois  Vies  de  saint  Sever  et  de  ses  compagnons,  mar- 
tyrs, qu'ont  publié  les  savants  et  regrettés  éditeurs  de  Historia  SancU  Severi, 
MM.  Pédegert  et  Lugat,  et  dont,  après  exament  critique  approfondi,  ils  font 
remonter  l'origirie  au  x'  siècle.  »  (Breuils,  ibid.,  p.  435.) 

Qu'on  nous  permette  ici  d'évoquer  avec  une  respectueuse  admiration  la 
belle  personnalité  de  l'abbé  Breuils  que  nous  avions  vu  quelques  heures 
seulement  chez  le  meilleur  et  le  plus  méritant  de  nos  amis  communs,  l'ex- 
cellent Philippe  Tamizry  de  Larroque.  Peu  de  mois  après  cette  rencontre, 
il  était  emporté  en  pleine  force,  en  plein  talent,  «  peut-être  victime  de  son 
amour  du  travail  »,  a  dit  M.  Iholin  qui  l'apprécie  en  ces  termes  :  «  Cet  éru- 
dit excellait  à  mettre  en  œuvre  les  documents,  à  dégager  de  leurs  formules 
toutes    les  parties    substantielles  ;  les  traits    s'appliquant    à  l'histoire    d'une 


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—  2:tô  — 

Suit,  une  longue  digression  sur  Thisloire  du  pays.  Un  sieur  de 
Ro(|uépine  était  seigneur  de  Gueyze  et  de  Meylan,  au  xvi*  siècle. 
Ses  litres  sont  aux  archives  de  Sos  et  dans  les  mains  de  M.  de  Méti- 
vier.  De  1568  à  1587,  pour  cause  de  guerre,  «  les  délibérations  ne 
purent  avoir  lieu,  comme  cela  est  constaté  par  les  archives  de  la 
ville  ».  Le  25  octobre  1670,  un  de  Roquépine  vendit  une  lettre  de 
recommandation  •  pour  rinlendant  d' Auch  à  la  municipalité  de 
Sos.  Sa  protection  fut  d'ailleurs  inulîle.  En  lî)20,  1621,  un  sieur 
Renaud  cle  Losse,  seigneur  de  Pondamat,  était  gouverneur  de  Sos. 
Le  12  octobre  1020,  les  habitants  présentèrent  une  requête  au  Con- 
seil du  Roi  en  plainte  contre  ce  gouverneur.  Le  maître  de  requête 
Morie,  envoyé  de  Pau,  en  (jualité  de  commissaire,  remit  en  d('»pôl 
le  chAteau  entre  les  mains  du  sieur  de  Lamothe-Gondrin  et  Four- 
cés.  Mais  celui-ci  ayant  laissé  Pondamat,  les  habitants  de  Sos  re- 
nouvelèrent leurs  plaintes,  en  février  et  mai  1621,  parce  que  Pon- 
damat les  avait  de  nouveau  obligés  de  quitter  la  ville.  xMolère,  vice- 
sénéchal  d'Agenais  et  Condomois,  lut  chargé  «le  remettre  les  con 
suis,  jurais  et  habitants  de  Sos,  en  possession  de  leurs  maisons, 
droits,  titres,  ejc.  Deux  satellites  de  Pondamat  furent  arrêtés,  et 
le  capitaine  Lébé  fut  nommé  gouverneur  avec  vingt-cinq  soldats 
entretenus  par. la  ville. 

A  la  suite  de  ces  faits,  par  arrêt  du  Conseil  du  4  septembre  1622. 
rendu  au  camp  devant  Montauban,   le  gouvernement  de   Sos  fut 


ville,  à  la  biographie  d'un  personnage  ;  des  ensembles,  de  vrais  tableaux, 
quand  il  avait  la  chance  d'opérer  sur  un  fond  étendu.  Pour  lui,  la  période  de 
préparation,  toujours  si  ingrate,  si  longue,  était  terminée.  Il  était  prêt  ;  il 
abordait  les  grands  sujets.  Sa  perte  est  irréparable  pour  son  pays  de  Gas- 
cogne qu'il  a  tant  aimé,  pour  sa  paroisse,  pour  ses  nombreux  amis.  »  (Revue 
de  VAgenais.  1890,  p.  264.) 

Un  des  grands  sujets  qu'il  aimait  d'aborder  était  la  géographie  antique 
de  son  pays  et  il  s'y  signalait  par  une  découverte  capitale,  l'identification  de 
VElusa  romaine  avec  la  Tasla  de  Plolémcc.  «  A  ce  m(Jtnent  même,  écrit 
M.  Tholin,  M.  Hirschfeld  communiquait  à  l'Académie  de  Berlin  un  mémoire 
sur  les  peuples  Aquitains,  qui  abonde  en  aperçus  originaux,  d'après  des 
corrections  ou  de  nouvelles  interprétations  de  textes.  Entre  autres,  il  recon- 
naissait que  les  Dalivi,  dont  la  capitale  était  Tasla,  cités  seulement  par 
Plolémée,  n'ont  pas  existé  sous  ce  nom.  La  leçon  etri  mauvaise.  Il  faut  lire 
Elousatioi  et  conclure  qu'Eause  a  porté  le  nom  de  Tasta.  Ce  fut  une  joie 
pour  le  savant  allemand  d'apprendre  que  sa  conjecture  fortement  motivée, 
était  mise  hors  de  doute  par  la  découverte  de  M.  l'abbé  Breuils.  //  voulut 
aussi  connaître  le  mémoire  que  notre  conlrère  si  regretté  avait  consacré  à 
la  question  des  Sotiates.  //  apprécia  d'autant  plus  cette  étude  que  sa  conclu- 
sion AU  sujet  des  Sothtes  est  la  même  que  celle  en  faveur  de  laquelle 
M.  l'abbé  Breuils  avait  produit  de  nouveaux  arguments.  Les  Sotiates,  d  après 
luiy  doivent  être  placés  aux  enmrons  de  Sos,  ne  se  conlondent  pas  avec  les 
Laetorales  dont  le  territoire  parait  avoir  été  de  peu  d'étendue.  Lectoure 
aurait  été  avant  tout  un  lieu  de  dévotion  du  culte  taurobolique  impérial  et 
peul-èlre  de  domaine  impérial.  »  {Ibid.  p.  268.)  On  ne  méconnaîtra  pas 
l'importance  d'un  pareil  témoignage,  qui  prouve  le  peu  d'impression  produit 
par  le  travail  de  Camoreyt  sur  les  savants  véritablement  compétents  en  la 
matière.  J.  M. 


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—  236  — 

supprimé,  et  la  démolilion  du  rliAteau  ol  des  défenses  des  portes 
ordonnée  aux  frais  des  habitants,  Uoquelaure  fut  chargé  de  l'exé- 
cution de  Tarrét  ;  il  en  ordonna  Texécution  le  18  novembre  sui- 
vant. 

Pendant  les  troubles  de  la  Fronde,  de  tels  dégâts  furent  faits  « 
Sos  que  la  princesse  de  Conti  donna  2,10)  livres  pour  réparer  les 
dommages  occasionnés  par  les  soldats  des  princes  qui  étaient  res- 
tés dix-neuf  jours  à  Sos.  Les  habitants  reconnaissants  fondèrent 
un  service  annuel,  le  4  novembre,  en  mémoire  du  prince  de 
Conti. 

Le  pont  de  Sos,  sur  la  Gélise,  au  bas  de  la  rampe  du  midi,  est 
en  partie  détruit  ;  ce  qui  en  reste  pourrait  bien  remonter  à  une 
époque  très  reculée  (1). 

Le  moulin  de  Sos,  situé  au  bas  de  la  rampe  de  la  chaussée  occi- 
dentale, était  aussi  fortifié  et  devait  de  ce  côté  défendre  les  appro- 
ches de  la  ville  (2). 


(1)  Le  pont  dont  parle  le  marquis  de  Mélivier  subsistait  encore,  il  y  a  une 
trentaine  d'années,  tout  en  ruines  et  paraissait  dater  du  moyen-âge.  Le 
moulin  est  du  xv*  siècle,  d'après  un  renseignement  de  M.  Tholin  ;  il  est 
construit  en  moyen  appareil  et  muni  de  meurtrières  ainsi  que  d'échaugueUes. 
I.c  pont  jeté  sur  la  Gueyze,  à  côté,  est  probablement  de  la  mf*mc  époque, 
il  a  trois  arches  en  cintre  brisé,  et  ses  piles  sont  munies  d'éperons  en  aval 
et  en  amont. 

J'ignore  à  quel  pont  se  rapporte  la  no(c  suivante  prise  dans  la  Hevue 
d'Aquitaine,  t.  ii,  1858,  p.  308)  :  «  Dans  la  démolition  d'un  pont,  à  Sos,  on  a 
trouvé,  il  y  a  quelque  temps,  des  médailles  et  des  épingles  romaines.  » 

Ceci  me  remet  éi\  mémoire  une  découverte  qu'a  ^gnalée  M.  Barthalès 
«  au  Béat,  moulin  de  cette  roule  (la  Ténarèze)  de  quelques  pièces  de  mon- 
naie ayant  appartenues  aux  Phocéens  de  Marseilles  {Les  Sotiates^  etc., 
p.  9).  Cette  trouvaille  fut  faite  vers  1850.  J.  M. 

(2)  J'ai  supprimé  quelques  lignes  peu  intéressantes  sur  la  décadence  de  Sos, 
par  contre,  je  me  fais  un  devoir  de  reproduire  l'agréable  paragraphe  que 
Lafont  du  Cujula  a  consacré  à  la  vieille  cité,  dans  son  Annuaire  ou  deserip- 
lion  statistique  du  département  de  Lot-et-Garonne  (Agen,  1806,  pp.  74-75)  : 
«  Sos,  petite  ville  traversée  par  le  (sic)  Tenarèse,  et  située  sur  les  confins 
des  grandes  landes,  est  le  marché  où  viennent  s'approvisionner  les  habi- 
tants de  ces  contrées. 

«  Sos  domine  sur  un  vaste  horizon,  dont  l'aspect  est  très  pittoresque  à 
cause  des  coteaux  qui  offrent  le  spectacle  varié  de  différentes  cultures,  et 
par  les  petites  rivières  qui  coulent  au  bix<  de  ces  coteaux.  Un  château  fort 
défendait  la  ville  contre  les  attaques  et  la  préservait  des  surprises.  Aucun 
vestige  d'anciens  monuments  ne  vient  à  l'appui  de  l'opinion  qui  fait  de  la 
ville  de  Sos  la  capitale  des  anciens  Sotiatcs,  vaincus  par  Crassus,  lieutenant 
de  Jules  César  dans  les  Gaules.  Quelques  géographes  placent  ce  peuple 
dans  le  diocèse  d'Aire  ;  d'autres  auprès  de  Lectoure.  La  conformité  de  nom 
s'accorde  avec  le  sentiment  du  plus  grand  nombre. 

«  L'habitude  de  la  bonne  chère,  la  gaîté  et  l'amour  des  plaisirs,  à  quoi 


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237  — 


Fontaines,  obiel  de  dévotion  et  d'un  culte 

Non  loin  de  Sos,  au  levant,  au  fond  d  une  vallée  el  au  pied  d'une 
cascade,  est  une  grotte  dont  la  voûte  présente  des  aspérités  ressem- 
blant à  des  mamelles  jetant  chacune  sa  goutte  d'eau,  se  trans- 
formant en  slalactiles  ou  stalagmites.  Il  y  a  une  grande  entrée  et 
une  petite  issue  près  de  laquelle  est  un  trou  plûin  dVau  dans  lequel 
les  femmes  qui  vont  par  dévotion  adresser  leur  prière  à  la  Vierge 
pour  obtenir  de  quoi  allaiter  leurs  enfants,  déposent  quelques  piè- 
ces de  monnaie  h  titre  d'offrande,  après  avoir,  avec  ferveur,  récité 
la  prière  d'usage  et  emporté  une  bouteille  de  cette  eau  ;  ce  lieu 
est  appelé  à  las  Poupettos  (1). 

Près  de  l'église  de  Saint-Georges  est  une  fontaine  où  vont  aussi 
par  dévotion  ceux  qui  ont  des  panaris  ;  ils  récitent  les  prières 
d'usage,  plongent  le  bras  jusqu'au  coude  dans  la  fontaine,  s'endor- 
ment sur  le  bord  et  se  croient  guéris  à  leur  réveil,  car  il  paraît  que 
l'action  de  cette  eau  a  fait  diminuer  le  mal  en  hâlant  la  fin  de 
l'inflammation.  Cette  église,  qui  dépendait  de  la  juridiction  de 
Sainl-Pau,  a  été  aussi  vendue  et  détruite  pendant  la  Révolution. 

A  Sanl-Pé,  le  jour  de  la  fête  locale,  le  l*'  juillet,  les  personnes 
(jui  ont  des  clous  ou  furoncles,  vont,  après  les  prières  d'usage, 
baigner  la  partie  malade  dans  cette  fontaine.  Ceux  qui  ont  des 
engourdissements  <les  jambes  en  font  autant. 

A   Baudrit  (Landes,  frontière  de  Lot-et-Garonne),  est  une  l'on 
laine  où  l'on  va  plonger  les  enfants  le  jour  de  la  fêle  locale  de 
S«iint-Cric,  lorsqu'ils  ne  peuvent  faire  usage  de  leurs  membres. 

A  Saint-Pau,  il  existe  une  fontaine  appelée  la  Houn  dous  Santn  ; 
elle  élfiit  invoquée  par  les  fiévreux. 


a  peut-être  contribué  le  Chapitre  qui  existait  à  Sos,  rendent  celle  petite 
ville  plu.s  agréable  et  plus  intéressante  que  sa  populatibn  de  749  habitants 
ne  le  fait  présumer.  »  J.  M. 

(1)  Ne  voulant,  autant  qu'il  est  en  noire  pouvoir,  négliger  aucun  de  ceux 
qui  ont  parlé  des  antiquités  solialcs,  nous  avons  longtemps  cherché  en 
vain  dans  YHistoire  politique,  religieuse  et  liUérairc  des  Landes,  de  P.-H, 
Dorgan  (Auch,  1846),  un  prélexte  ;  nous  le  trouvons  enfin  (p.  356)  et  c'est  un 
quasi  plagiat  du  texte  de  notre  archéologue,  à  propos  de  la  fontaine  de 
Iais  Poupetos  et  de  celle  de  Saint-Georges  ;  aussi  M.  de  Métivier  se  rencon- 
Ira-t-il,  pour  une  fois,  en  communauté  d'idées  avec  Samazeuilh  au  sujet  de 
l'auteur  de  l'histoire  des  Landes  dont  il  proclama  «  l'ouvrage  bien  inexact  ». 
{Errata,  p.  20.)  J.  M. 


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Il  existe  encore  une  fontaine,  près  de  Téglise  de  Saint-Julien, 
non  loin  de  Mézin,  qui  était  aussi  un  objet  de  dévotion. 
'  Généralement,  l'esprit  religieux  qui  porta  à  élever  des  temples 
à  la  divinité,  les  plaça  près  des  fontaines  auxquelles  la  crédulité 
donna  quelque  vertu  ou  quelque  puissance,  et  que  les  traditions 
populaires,  qui  ne  sont  pas  à  dédaigner  pour  l'histoire  des  nations, 
nous  ont  transmises.  C'était  peut-être  aussi  un  reste  du  cuite  drui- 
dique qui  aurait  sunvécu  à  la  destruction  du  paganisme  dans  les 
Gaules  (1). 

Cette  dernière  phrase  amorce  un  long  chapitre  sur  les  Druides, 
dont  il  faut  retenir  seulement  Tavant-dernier  paragraphe. 

Cet  usage  de  cueillir  le  gui  au  renouvellement  de  l'année,  se  re- 
trouve encore  dans  nos  contrée.  Quelques  jours  avant  la  fête  de 
Noël,  les  jeunes  paysans  parcourent  les  campagnes,  la  nuit,  en 


(1)  Il  faut  déplorer  que  M.  de  Métivier  n'ait  pas  cru  devoir  parler  dans  ses 
notes  sur  les  coutumes  populaires  du  pays  Soliale,  des  curieuses  foires  de 
chevaux  traditionnelles  qui  se  tiennent  régulièrement  depuis  un  temps  im- 
mémorial en  pleine  forêt,  loin  de  tout  centre  habité.  L'abbé  Breuils  a  eu 
rhonnoui\de  los  signaler  et  d'en  comprendre  toute  l'importance  : 

((  Les  Sotiatcs  se  distinguaient  surtout  par  leur  cavalerie,  dit-il  (Revue  de 
Gascogne^  1895,  p,  289).  Or,  la  région  de  Sos  produit  encore,  principalement 
dans  jes  pâturages  landais,  d'excellents  chevaux  en  très  grand  nombre, 
donnant  lieu  à  un  commerce  très  animé,  notamment  aux  foires  de  Saint- 
Jacques  à  Saint-Justin  (Landes),  de  la  Saint-Louis  à  Sos,  et  du  16  juillet  à 
Pellcbusol,  entre  Losse  (Landes)  et  Allons  (Lot-et-Garonne). 

«  Celte  dernière  offre  d'ailleurs  une  telle  et  si  excessive  singularité  que 
nous  devons  nous  attacher  un  peu  à  la  faire  ressortir.  Cette  singularité 
consiste  en  ce  que  le  champ  de  foire  se  trouve  situé  loin  de  toute  habitation, 
au  milieu  d'un  désert  ;  en  pleins  bois,  sur  un  ancien  chemin  isolé  qui  marqua 
jadis  la  limite  des  diocèses  de  Condom  et  d'Auch,  et,  plus  anciennement 
encore,  de  ceux  d'.Agen  et  d'Eause,  et  demeure  encore  la  frontière  des  Lan- 
des et  du  Lot-et-Garonne.  Ce  lieu  est  marqué  dans  la  carte  de  Cassini  sous 
le  nom  légèrement  fautif  mais  très  reconnaissable,  de  Peterbusoq^  et  la  carte 
indique  aussi,  à  sa  manière,  la  vaste  et  profonde  solitude  qui  l'environne  et 
(jue  trouble  seule,  une  fois  par  an,  la  foire  du  16  juillet.  C'est  ce  pays  qui, 
vers  le  nord  principalement,  avec  Allons,  Houeillès  et  Durance,  était  connu, 
au  moyen-âge,  sous  le  nom  de  barounie  des  Lugu.es.  Ainsi,  dès  la  plus 
haute  antiquité,  cette  contrée  du  pays  sotiale  nous  apparaît  comme  couverte 
d'épaisses  forêts  et  possédant  néanmoins,  parmi  ses  vastes  pinadaSy  une 
foire  très  renommée.  On  connaît  un  autre  fait  de  ce  genre  dans  l'ancien 
l)ays  du  Tarbelli,  non  loin  de  Dax,  à  Bourrios,  où  se  réunissent  annuelle- 
ment, pour  leur  commerce,  des  milliers  d'habitants  du  Marensin.  Les  érudits 
croient  que  c'est  là  un  reste  des  usages  gaulois  qui  s'est  perpétué  à  travers 
les  siècles,  et  comme  un  souvenir  des  temps  antiques  où  la  libre  Aquitaine 
tenait  ses  assemblées  au  fond  des  bois.  Cette  foire  de  chevaux,  en  plein 
pays  soliate,  paraît  donc  remonter  à  l'époque  de  l'oppidum.  »  J.  M. 


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-  239  — 

chantant  une  chanson,  visitant  toutes  les  habitations  pour  qu*on 
leur  donne  de  quoi  célébrer  la  Gui  Van  neou  (c'est  ordinairement 
de  la  farine,  du  vin,  de  l'argent),  ce  qui  rappelle  le  mot  sacramen- 
tel prononcé  par  le  sacrificateur  lors  de  la  découverte  du  gui  :  Au 
gui  Van  neu[,  traduit  en  gascon  par  ces  mots  :  Gui  Fan  neou. 


Lac.  —  Naou  Peyrés.  —  Peyre  Soûle. 

Dans  la  commune  de  Saint-Pau,  vers  le  nord,  près  des  limites 
de  la  commune  de  Réaup  est  un  lieu  appelé  à  las  Naou  Peyres, 
silué  au  milieu  des  bois,  le  silo  en  est  sauvage,  il  s'élève  un  peu 
plus  (jue  les  terres  environnantes.  Jadis  un  amas  de  pierres  énor- 
mes, dans  l'état  brut,  couvrait  ce  terrain  ;  neuf  de  '  ces  pierres 
étaient  distinctes  des  autres  comme  plus  grandes  et  séparées  les 
unes  des  autres.  Quelques-unes  formaient  un  dolmen.  Ce  terrain 
ne  paraît  point  avoir  été  jamais  cultivé,  et  il  était  vénéré  par  le 
peuple  comme  ayant  autrefois  été  un  cimetière. 

Non  loin  de  là  est  une  grande  pierre  aussi  dans  l'état  brut  ;  on 
l'appelle  la  Peyre  Soûle.  C'était  là,  dit  le  peuple,  qu'était  la 
croix  (1). 


(1)  Oucourneau,  dans  la  Guienne  historique  et  monumentale,  a  parlé  deux 
fois  des  monuments  décrits  ci-dessus.  D'abord  (t.  i,  p.  4)  il  mentionne  Texis- 
lence  d'un  «  menhir  qu'on  appelle  Peyre-Soule,  au  milieu  d'une  plaine  en 
friches  et  d'un  aspect  sauvage  »,  non  loin  d'un  bois  de  chênes  et  de  la 
iMQue  de  sans  (ond  dont  il  transcrit  mot  à  mot  la  légende  telle  qtie  l'écrivit 
l'auteur  de  la  Dissertation.  Puis  il  ajoute  :  «  La  Peyre  soûle  pourrait  bien 
être  un  débris  de  lichawen  ou  potence  qu'on  retrouve  quelquefois  en  avant 
des  dolmens  ou  des  cromlecks.  Or,  la  Peyre  soûle  n'est  pas  éloignée  du 
cromleck  de  Saint-Pau,  et  le  peuple  l'appelle  la  Croix.  »  Un  peu  jilus  loin, 
(p.  10),  parlant  du  cromleck  de  Las  Maou  Pcyres,  il  dit  que  c'était  peut-être 
là  que  les  chefs  allaient  délibérer  sur  les  intérêts  de  la  tribu  ou  administrer 
la  justice,  et  il  ajoute  :  «  En  admettant  que  la  Peyre  soûle  ou  la  Croix  fut  la 
potence  où  l'on  pendait  les  criminels,  l'exécution  suivait  de  près  le  juge- 
ment. »  Ainsi,  pour  Ducourneau,  la  Peyre  soûle  était  très  voisine  du  cercle 
des  neuf  iiierres.  C'est  ce  que  confirme  Tabbé  Harrère  iHistoirc  religieuse 
et  monumentale  du  diocèse  d'Agen,  t.  i,  pp.  5  et  0).  Voici  ses  propres  ex- 
pressions :  «  On  en  voit  un  troisième  (menhir)  dans  la  commune  de  Meylan, 
non  loin  des  débris  d'un  kromleck....  Ce  monument  circulaire  était  formé 
d'un  assez  grand  nombre  de  pierres  dont  neuf  principales  dominaient  les 
autres.  Les  habitants  de  la  contrée  le  désignaient  sous  le  nom  de  las  naou 
peyros,  comme  ils  appellent  du  nom  de  peyro  soulo  le  menhir  solitaire  qui 
se  dresse  plus  loin  à  une  certaine  distance  du  kromleck.  » 

On  aurait  donc  tort  d'attribuer  ce  que  dit  M,  de  Métivier  de  la  Peyre 


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—  24Û  — 

Enfin,  au  couchant  de  las  Naou  Peyres,  à  cinq  cents  pas  envi-  ' 
ron,  est  un  lac  que  la  tradition  populaire,  pour  justifier  l'existence 
d'un  cimetière  à  las  Naou  Peyres  et  d'une  croix  à  Peyre  Soûle, 
considère  comme  ayant  remplacé  une  église  ensevelie  à  la  suite 
d'un  tremblement  de  terre,  pendant  qu'en  disant  la  messe  le  célé- 
brant, grand  chasseur,  ayant  entendu  les  aboiements  d'une  meute  , 
^)e  put  s'empêcher  de  s'écrier  :  que  si  un  de  ses  chiens  qu'il  nomma 
Bellaoude  (Voir  Abellion,  au  Dictionnaire  Mythologique)  était  de 
la  partie,  le  lièvre  était  pris.  (Le  peuple  rend  l'expression  d'une 
manière  plus  grossière),  et  il  croit  que  c'est  en  punition  de  cet  ou- 
bli des  devoirs  du  pasteur  (jue  l'église  et  les  assistants  furent  en- 
gloutis. (Il  semble  que  la  table  du  roi  Arlus  est  rappelée  ici)  (1). 


Soûle  au  mégalythe  que  Ton  désigne  aujourd'hui  sous  ce  nom  et  qui  sçrt  de 
borne  aux  communes  de  Meylan,  Réaup,  Durance  et  Arx.  M.  Tholiii,  dans 
les  notes  que  nous  avons  déjà  utilisées  distingue  très  nettement  ces  deux 
monuments.  Nous  pouvons  préciser,  d'ailleurs,  la  position  exacte  de  la 
pierre  de  la  croix  relaliveraenl  au  cercle  de  pierres,  grôce  à  une  note  de 
l'abbé  Dardy  {La  Légende  du  Sud-Ouest  Atjennis  sous  les  Derniers  Mérovin- 
fjiens  el  Charlematjne.  Paris,  188*2,  in-12,  p.  219,  note)  contrôlée  par  les  sou- 
venirs d'habitants  de  Saint-Pau.  «  Deux  menhirs,  chacun  appelé  peyro  soulo 
ou  croix  placés  à  égale  distance  du  cromleck,  s'élèvent  h  peine  de  quelques 
cenlimélres  au-dessus  du  sol....  Dislancés  entre  eux  de  quatre  cenls  mètres 
environ,  au  solstice  d'été  le  milieu  d^^  parcours  qui  séparait  les  deux  menhirs 
occupés  par  le  cromleck,  se  trouvait  pour  l'étang,  dans  l'orientation  du 
soleil  levant....  » 

Ce  qu'on  appelle  actuellement  la  Peyro  Soulo  a  été  mesuré  et  décrit  par 
M.  Ch.  Hastard  dans  la  Revue  de  l'Agenais  (1911,  j).  143).  Quand  M.  Tholin 
la  visita  il  constata  qu'elle  n'était  pas  isolée  ;  il  trouva  des  restes  d'autres 
pierres  levées  distants  de  3  m.,  G  m.  40  el  8  mètres,  sur  une  ligne  tendant 
vers  l'esl.  D'après  l'abbé  Dardy,  la  Peuro  Soulo  serait  une  allée  couverte  ; 
toutefois,  il  n'en  est  pas  très  sur  puisque,  trois  lignes  plus  bas,  il  dit  que 
c'était  un  autre  cromleck  {loc.  cit.  p.  214,  note  1).  Sa  description  toulefois 
se  rapproche  assez  de  celle  de  M.  Iholin.  «  De  cette  allée  couverte,  il  reste 
aujourd'hui  une  pierre  fruste  d'assez  imposanie  dimension  et  deux  plus 
l»eliles  dont  la  base  est  seule  apparente....  )>  Un  autre  menhir  subsiste  encore 
à  trois  cents  mètres  environ  de  la  Peyro  SouiOy  sur  l'autre  rive  de  la 
Ciueyze.  J.  M. 

(1)  J'éclaircirai  celle  remarque,  fort  judicieuse  d'ailleurs,  en  mettant  sous 
les  yeux  du  lecteur,  quelques  lignes  de  la  Statistique  générale  des  dépar- 
tements pyrénéens  qu'avait  lues  certainement  M.  de  Métivier.  On  ne  com- 
prend bien  un  auteur  qu'en  recortranl  aux  sources  où  il  a  puisé  :  «  Presque 
tous  les  paysans  du  Médoc,  des  Landes,  du  Comminge,  assurent  qu'ils  ont 
souvent  entendu  dans  l'air,  soit  en  plein  jour,  soit  pendant  les  belles  nuits 
d'été,  le  jappement  d'une  meute  de  chiens,  le  .son  du  cor  et  les  cris  d'une 
nomiirrnso  Iroupc  ;  cV  sont,  diM'nl-ils,  des  fjV/uV.s,  des  Hoi-s^  des  Guerriers, 
qui  aimaient  la  chasse,  et  qui  se  livrent  encore  h  cet  exercice  ;  le  plus  sou- 


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—  241  — 

Ainsi  Dieu  aurait  puni  les  ouailles  de  la  faute  de  leur  pasteur  !  La 
crédulité  prétend  encore  que  Ton  entend  des  gémissements  sortir 
du  fond  du  lac  et  que  pendant  la  nuit,  au  clair  de  lune,  paraît  un 
homme  rouge.  Toujours  du  merveilleux  ! 

Sans  nous  arrêter  à  cette  tradition  (qui  n'a  été  ainsi  contée  que 
parce  que  le  peuple  ne  pouvait,  par  ses  connaissances,  se  reporter 


vent,  c'est  Artus  qui  poursuit  sans  cesse  une  proie  qu'il  ne  doit  pas  attein- 
dre. 

«  Fameux  dans  les  légendes  populaires  de  ces  contrées,  Artus  mérite 
d'occuper  aussi  une  place  dans  les  écrits  relatifs  à  la  mythologie  du  moyen- 
âge  ;  il  possédait  toutes  les  vertus  d'un  bon  prince,  et  il  était  vaillant  dans 
les  combats.  Une  seule  passion,  poussée  à  l'extrême,  celle  de  la  chasse, 
obscurcissait,  disent  les  Landais,  les  brillantes  qualités  de  ce  monarque. 
Un  jour  de  fête  solennelle,  Artus  fut  averti  qu'un  sanglier  monstrueux 
paraissait  à  une  médiocre  distance^  du  temple  ;  la  sainteté  de  la  cérémo- 
nie, l'amour  de  la  religion,  ne  purent  retenir  Artus;  il  sortit,  et  ayant  saisi 
un  épieu,  il  courut  vers  le  sanglier.  Le  ciel,  irrité  du  peu  d'attachement 
qu'Artus  avait  montré  pour  le  culte,  en  cette  occasion,  résolut  de  le  punir, 
et  ce  Roi  fut  condamné  à  chasser  éternellement,  et  en  vain,  dans  les  vastes 
plaines  de  l'air.  »  (Du  Mège,  loc.  cit.,  t.  ii,  p.Ji54.^ 

n  est  au  moins  intéressant  de  noter  que,  entre  Sos  et  Meylan,  est  un  lieu 
dit  appelé  le  bois  des  Guerriers. 

La  légende  de  «  la  chasse  saucage  d,  sous  des  noms  divers,  se  retrouve 
dans  tous  les  pays  de  forêts  et  de  montagnes  ;  Victor-IIugo  s'en  est  servie 
pour  sa  Léijende  du  Beau  Pécopin,  et  Henry  ïleiiic  oh  a  tiré  un  des  plus 
jolis  épisodes  de  son  poème  iVAUa-Trol  ;  nombre  de  folk-loristcs  l'ont  atten- 
tivement étudiée,  mais  ils  me  paraissent  avoir  généralement  ignoré  les 
récits  landais  dont  la  léfîcnde  de  la  Laqua  sans  lohd  est  un  très  intéres- 
sant spécinient,  coniinc  aussi  le  si  curieux  passage  du  lîsbals  sur  le  pays 
du  Quercy  du  bon  vieux  Guyon  de  Maleville  que  nous  croyons  utile  de 
reproduire  ici,  loi  (ju'il  fui  écrit  à  l'aube  du  xvii'  siècle  :  «  Des  milliers  de 
contemporains  survivans  à  nostre  roy  Charles  le  Quint  ont  souvent  veu,  et 
de  jour  et  de  nuict,  durant  grand  nombre  d'années,  l'âme  d'icelluy  feu  roy 
et  de  plusieurs  de  ses  chevaliers  et  officiers,  ministres  de  quelques  siennes 
injustices,  el  dœmons  peslcmcsles  les  tous,  en  forme  de  gens  à  cheval 
marchant  tantost  par  les  champs  descouverts,  tantost  par  grands  chemins 
el  à  Iravers  villages,  et  le  plus  souvent  par  les  forés,  <»res  en  sorte  de  ve- 
neurs, avec  grandes  huées  et  rumeurs,  sons  de  trompe  et  aboy  des  chiens, 
ores  en  gens  de  guerre  tous  couverts  de  fer,  s'entrechamaillans,  sons  de 
trompettes,  cliquetis  d'armes,  courses  et  contours  de  chevaux,  croslement 
de  terre,  tourbiUons  de  vents,  eslèvement  de  poussière,  gresle  et  mugisse- 
ment d'air  ;  et  devinrent  tels  spectacles  si  notoires  et  communs,  que,  sans 
(|u*OH  >:'on  esmul  beaucoup,  on  les  mmunail  ou  tous  les  tiuartiers  on  on 
parle  français,  les  Harlequins  pour  dire  les  Charlequins,  ou  la  Mesnie  de 
Charles  le  Quint j> 

{Bsbats  de  Guyon  de  Malenille  sur  le  Pays  de  Quercy.  Cahors  1900,  gr. 
in-8%  p.  416.  )  J.  M. 


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—  242  — 

plus  loin  que  le  christianisme),  tâchons  d'expliquer  différemment 
ce  que  sont  ce  Lac,  ces  Naou  Peyres,  cette  Peyre  Soûle  (l). 

Quant  au  lac,  il  est  très  grand,  n'ayant  jamais  ni  plus  ni  moins 
d'eau  qu'il  y  ait  pluie  ou  sécheresse  ;  il  est  d'une  profondeur  telle 
que  l'on  dit  généralement  qu'il  est  sans  fond  (les  paysans  l'appel- 
lent la  Laque  de  sans  fond),  et  qu'une  corde  qui  avait  entouré 
douze  fois  le  chàleau  de  Saint-Pau  n'avait  pas  été  assez  longue 
pour  aller  au  fond. 

Dans  tout  cela,  il  y  a  de  l'exagération  et  de  la  vérité.  Que  ce  soit 
une  église,  un  loniplo,  une  maison,  un  village,  peu  importe;  il  n'est 
pas  moins  certain  (juc  l'enfouissement  a  pu  avoir  lieu  par  suite  de 
rinfiltralion  des  eaux  qui  se  trouvent  sous  cette  lande  et  dont  une 
partie  se  sera  affaissée  et  aura  formé  ce  lac.  Ce  qui  explique  mieux 
ce  phénomène  est  un  affaissement  qui  vient  d'avoir  lieu  il  y  a  six 
mois,  H  cent  pas  au  nord  de  ce  lac  et  qui  présente  une  cavité  sem- 
blable à  un  puits  ;  que,  vers  le  nord,  existent  deux  ravins  immen- 
ses et  très  profonds,  au  fond  desquels  coulent  deux  ruisseaux,  et 
qu'enfin  dans  la  même  direction,  et  au  même  niveau  de  ces  ruis- 


(1)  Comme  on  a  pu  le  voir  dans  la  notice  qui  sert  d'introduction  à  ce 
travail,  le  vicomte  de  Métivier  n'avait  pas  craint  la  dépense  d'une  assez 
forte  brochure  pour  ridiculiser  l'auteur  de  Nérac  et  Pau.  Aussi  SamazcuiJh, 
comme  on  peut  s'y  attendre,  nourrissait-il  une  forte  rancune  contre  le 
châtelain  de  Saint-Pau,  et  celte  rancune  lui  fît  systématiquement  nier  l'exis- 
tence du  cromleck  de  Las  \aoii  Peyres.  «  C'est,  dit-il,  {Dictionnaire  de 
V arrondissement  de  Nérac,  p.  246),  M.  Métivier,  propriétaire  du  château  de 
Saint-Pau,  dans  la  commune  de  Meylan,  qui  a  parlé  le  premier  de  ce 
cromleck  (sic)  et  des  menhirs  de  Saint-Pau  et  de  Meylan,  son  patriotisme 
de  clocher  s'exagérant,  à  notre  avis,  Timportance  de  ces  pierres  donl^  la 
disposition  peut  ne  provenir  que  du  hasard  ou  de  quelques  démolitions.  » 
l'augère-Dubourg,  en  rééditant  le  Dictionnaire  de  Samazeuilh,  protesta 
contre  celte  opinion  :  a  Nous  sommes  loin,  dit-il  en  note  des  lignes  ci- 
dessus,  de  partager  Topinion  de  M.  Samazeuilh,  en  ce  qui  touche  le  crom- 
leck de  Saint-Pau,  malheureusement  disparu  aujourd'hui.  Le  dessin  publié 
pat*  la  Guienne  monumentale  ne  laisse  pas  le  moindre  doute  à  ceux  qui  se 
sont  occupés  de  sciences  préhistoriques,  sur  le  caractère  de  ce  monument.)^ 

Samazeuilh,  d'ailleurs,  étant  convaincu  que  de  tels  monuments  étaient 
d'origine  druidique,  était  logique  en  refusant  d'admettre  leur  existence 
dans  un  territoire  aquitain.  «  Les  peuples  de  l'Aquitaine  de  Jules  César 
étant  Ibères  d'origine,  nous  ne  devons  pas  y  (à  Meylan)  trouver  beaucoup 
de  ces  restes  qui  appartiennent  spécialement  à  l'ancienne  Celtique  »,  et  le 
raisonnement  serait  juste,  si  les  monuments  mégalithiques  étaient  celtiques, 
et  druidiques  par  dessus  le  marché,  ce  que  personne  ne  croit  plus  depuis 
plus  de  quarante  ans.  J.  M. 


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—  243  — 

seaux,  est  une  source  sortant  de  terre  et  jetant  au  moins  un  pied 
cube  d'eau.  On  la  nomme  Arbouridère  (1). 

Je  ne  pense  pas  que  ce  lieu  ait  jamais  été  assez  habité  pour  y 
construire  une  église.  Cependant,  j'ai  trouvé,  Tan  dernier,  en  fai- 
sant une  prairie,  des  fondements  de  murs,  de  tours,  formant  une 
enceinte  assez  considérable,  non  loin  de  las  Naou  Peyres,  Les  tra- 
vaux sont  actuellement  suspendus.  Je  me  propose  de  les  conti- 
nuer. Ce  lieu  se  nomme  Loubère.  Mais  la  circonstance  relative  à 
l'église,  et  due  à  l'imagination  du  peuple,  ami  du  merveilleux, 
n'a  pas  seulement  contribué  à  la  formation  de  ce  lac. 

Quant  à  las  Naou  Peyres^  je  les  considère  comme  les  restes  d'un 
monument  druidique. 

On  sait  que  c'était  dans  les  forêts  que  les  prêtres  (les  Druides) 
exerçaient  le  culte  de  leur  dieu  Tentâtes  ;  que  c'est  à  ce  dieu  qu'ils 
sacrifiaient  des  victimes  humaiaes,  des  chiens,  des  chevaux.  «  Son 
«  culte  se  célébrait  au  clair  de  la  lune,  ou  à  la  lueur  des  flambeaux, 
«  hors  des  murs,  sur  des  lieux  élevés,  ou  dans  d'épaisses  forêts.  » 

C'eût  été  une  profanation  de  labourer  le  champ  des  cérémonies 
et,  pour  empêcher  cette  profanation,  on  le  couvrait  de  pierres  d'un 
volume  énorme.  «  Voilà  l'origine  de  ces  amas  de  pierres  dont  on 
découvre  encore  les  restes  en  certains  endroits.  »  (Voyez  Diction- 


(\)  L'auteur  est  probablement  dans  le  vrai  en  attribuant  à  un  affaisse- 
ment du  sol  la  formation  du  lac  sans  fond,  comme  le  veut  la  légende  ;  cette 
légende  appartient  à  un  groupe,  fort  connu,  des  folkloristes  gui  s'accordent 
pour  y  reconnaître  des  témoignages  poétiques  d'événements  provoqués  par 
des  causes  purement  géologiques.  Il  est  d'ailleurs  intéressant  de  constater 
que  les  deux  petits  lacs  de  la  commune  de  Pindères,  toute  voisine  de  Sob, 
ont  des  légendes  analogues.  Je  les  résume  d'après  Samazeuflh.  Le  lac  de 
Pinderesse  occupe  l'emplacement  de  la  ferme  et  des  bergeries  d'un  mau- 
vais riche  qui  avait  refusé  de  donner  du  pain  à  je  ne  sais  quel  céleste 
mendiant.  Ce  thème  a  été  varié  de  mille  manières  et  se  retrouve  dans 
l'Europe  entière.  La  légende  du  second  lac  est  moins  banale  ;  la  voici  : 

«  Une  jeune  landaise  avait  été  Oancée,  contre  son  gré,  à  un  vieillard.  Au 
moment  où,  la  veille  des  noces,  elle  vit  approcher  le  cortège  qui  conduisait 
à  son  logis  son  lit  et  sa  quenouille,  elle  voua  le  tout  au  démon,  sa  personne 
même  comprise,  et  soudain  se  forma  un  lac,  dans  lequel  s'abîmèrent  et  la 
fiancée,  et  les  donzelles,  et  le  cortège  entier.  Il  ne  surnagea  que  le  lit  de 
la  fiancée  avec  quelques  mèches  de  ses  cheveux.  Les  landais  reconnaissent 
ce  lit  et  ces  cheveux  dans  un  îlot  recouvert  de  quelques  joncî^,  lequel  flotfe 
sur  le  lac  au  gré  du  vent.  Quelquefois  il  arrive  qu'un  cheval  s'élance  des 
bords  de  ce  bassin  sur  cette  moderne  Dé/o,s,  et  que,  par  l'effet  de  la  se- 
cousse, ^ou^  leyt  de  la  nobi  s'éloigne  et  transporte  au  milieu  du  lac  l'animal 
désappointe.  »  (Saniazcuilh.  Dictionnaire,  géogr.^  litt.  et  arcfiéol.  de  larrond. 
ie  Sérac.  Nérac,  1881,  p.  583.)  J.  M. 


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—  244  — 

naire  mythologique,  mois  DruideSy  Teuiatès  ;  Histoire  des  religions; 
(Commentaires  de  César.) 

Cela  rrexplique-l-il  pas  suffisamment  (|ue  las  i\aou  Peyres  sont 
un  monument  druidique  ?  Les  temps  modernes  lôs  ont  peu  respec- 
tées depuis  \ingt  ans.  On  les  a  presque  toutes  enlevées,  il  n'en 
reste  i\nc  quatre  ou  cinq,  mais  elles  existaient  avant  cette  époque, 
et  cette  existence  est  constatée  par  des  témoins  oculaires  vivant 
encore,  et  par  l'acte  des  commissaires  du  Roi  de  Xavarre,  qui  ven- 
dirent, en  1587,  la  terre  de  Saint-Pau  (1);  elle  est  encore  constatée 
par  tous  les  cadastres,  livres  terriers  et  litres  qui  déterminent  les 
limites  de  la  terre  de  Saint-Pau.  Je  me  rappelle  les  avoir  vues,  il 
n'y  a  pas  vingt  ans. 

J'allège  ici  la  dissertation  d*une  interminable  digression  sur  les 
sacrifices  humains,  le  nombre  9,  les  dieux  Thor  et  Odin,  etc.  dont 
les  éléments  ont  été  empruntes  au  Dictionnaire  mythologique  et  à 
{Histoire  des  religions,  dont  M.  de  Métivier  semble  s'être  beaucoup 
servi. 


Grottes,  chambre  des  Fées. 

Dans  l'avant  cour  du  château  de  Saint  Pau,  qui  fut  vendu  le  20 
janvier  1587  par  le  commissaire  du  Roi  de  Navarre,  on  trouve  à 
droite  et  à  gauche  deux  massifs  de  chênes  anti(|ues.  Sous  l'un 
d'eux  sont  creusécîs  dans  le  roc  deux  chambres  où  l'on  descend  au 
moyen  d'escaliers  creusés  aussi  dans  le  roc  ;  elles  sont  exi)osées 
au  midi.   La   mythologie  populaire  regarde  ces  chambres  comme 


(1)  Il  îjcrail  Irè.s  inléressaiit  de  coiinaîlre  avec  préci?iioii  les  termes  eiii- 
ployrs  iMuir  do>i^iicr  W.  cniiiiJcck  de  Las  \aou  Peijres  piir  \cs  conii|ii8s:jir(*s 
du  roi  de  Navarre,  qui  furent  chargés  en  1587  d'opérer  la  vente  de  la  terre 
de  Saint-Pau.  On  sait,  en  effet,  combien  sont  rares  les  textes  manuscrits  et 
imprimés  antérieurs  au  xix'  siècle,  où  sont  mentionnés  les  monuments  mé- 
galithiques. J'en  ai  publié  plusieurs,  il  y  a  déjà  longtemps,  et  j'ai  pu  en 
i.oirr  qiioIqiK's  aulros  drpuis  en  vin*  d'un  Iravaii  d'ensemble  sur  ce  qu'on 
pourrait  appeler  le  Préhistorique  avant  la  PrétUstoire  ;  on  peut  les  classer 
>ous  cinq  rubriques  différentes  : 

1'  Sources  religieuses  proprement  dites  :  légendes  des  saintî^,  prescrip- 
tions contre  l'idolâtrie,  etc.  ; 

2'  Textes  notariés  :  bornages  de  fiefs,  etc.; 

3^  Textes  littéraires,  de  Rabelais  à  Ch&teaubriand  ; 

i'  L)issertalions  historiques  et  arciié<)l(>fji(|ues,  de  Geraldus  Canibrensi> 
ou  comte  de  Gaylus  ; 

5'  H^•cllerclle^.  des  i)lnlu.-uphes  et  d<\«  naturalistes. 


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—  245  — 

la  demeure  des  Hades,  Hadettes  (fées);  on  les  appelle  Las  crambes 
de  las  Hadettes.  L'imagination  du  peuple,  toujours  enclin  au  mer- 
veilleux, est  pleine  de  l'idée  que  ces  êtres  fantastiques  étaient, 
comme  les  Dames  blanches  de  l'Angleterre,  placées  dans  le  voisi- 
nage des  châteaux  pour  veiller  sur  ceux  qui  les  habitaient  (1). 

Parmi  les  contes  que  font  les  vieillards,  et  notamment  une  vieille 
femme  domestique,  qui,  de  même  que  tous  ses  aïeuls,  est  née  et 
veut  mourir  au  château  de  Sainl^Pau,  on  dit  que  les  Hadettes  fai- 
saient la  lessive  de  leur  linge  le  jour,  et  le  faisaient  sécher  à  la 
clarté  de  la  lune,  (■etlc  femme  ne  parle  qu'avec  une  crainte  res- 
pectueuse des  Hadettes  et  de  leur  demeure.  On  croyait  aussi  jadis 
que  la  fée  Mélusine  était  la  prolectrice  de  la  maison  de  Luzignan. 

A  quelques  pas  de  ces  chambres,  au  levant  et  devant  les  gran 
ges  et  les  élables,  je  fis  creuser  dans  le  roc,  il  y  a  environ  deux  ans, 
pour  y  pratiquer  une  cour  à  fumier.  L'ouvrage  près  d'être  termi- 
né, l'outil  dont  se  servait  le  carrier,  rencontra,  au  lieu  de  pierre. 


(1)  Les  souterrains  que  découvrit  à  Saint-Pau  M.  de  Métivier  ont  été  quel- 
(lue  temps  célèbres,  dans  le  monde  archéologique,  par  la  très  vive  discus- 
sion qui  s'engagea  à  leur  sujet  entre  le  docteur  Jean-Baptiste  Noulet,  de 
TuuIcMir^e,  et  mon  vieux  maitre  Devais  atné,  de  Montauban.  Celui-ci  avait 
étudié  quelques  très  anciens  souterrains  du  Tarn-et-Garonne  et,  aprèe  de 
sagaces  et  minutieuses  observations,  il  proclama  que  c'étaient  bien  des  habi- 
tations et  qu'elles  remontaient  à  l'époque  de  la  pierre  polie.  Son  premier 
travail  sur  ce  sujet  fut  publié,  si  je  ne  m'abuse,  dans  le  recueil  de  la  Société 
archéologique  du  Midi.  11  n'eut  pas  l'heur  de  convaincre  M.  Noulet  qui  pu- 
blia, en  1869,  ses  objections  dans  un  opuscule  intitulé  Lettre  à  M.  Capgrand 
sur  les  Cryptes  (V approvisionnement  de  Saint-Pau  (Lot-et-Garonne),  où  iî 
étudiait  tout  particulièrement  les  souterrains  reconnus  par  M.  de  Métivier. 
Devais  liposta  par  une  Lettre  à  M.  Noulet  datée  du  5  mars  1870,  où  il  main- 
tenait son  point  de  vue  général,  mais  abandonnait  au  docteur  les  grottes  de 
Saint-Pau.  Celui-ci  riposta  en  1872  par  une  nouvelle  brochure  intitulée 
Conlribulions  à  lliisloire  des  Cruples  d'approcisionncmenl  du  Sud-Ouesf  de 
ta  Francp,  où  il  rééditait  ce  qu'il  avait  déjà  dit  sur  les  cryptes  de  Saint-Pau 
qu  il  eut  le  malheur  de  vouloir  comparer  aux  scrfome  de?  anciens  Germains. 
■  La  répartie  de  Devais  fut  foudroyante;  elle  e.^^l  intitulée  Ih^fulalion  dm 
contributions  à  l'histoire  des  Cryptes  d'approvisionnement  du  Sud-Ouest 
de  la  i'rance,  etc.,  et  se  termine  par  un  retour  aux  soulcrrains  de  ^^ai^t- 
Pau  proclamés  habitations  véritables  puisqu'on  ne  pouvait  les  fermer  qup 
de  l'intérieur  seulement.  Les  plans  mêmes  publiés  par  le  docteur  Noulet 
prouvaient  irréfutablement  ce  fait  capital  ;  aussi  notre  vieux  professeur  e? 
ami  n'aimait-il  guère,  dans  les  dernières  années  de  sa  laborieuse  vie,  a 
parler  des  cryptes  de  Saint-Pau  et  surtout  de  l'archiviste  montalbanais 
Devais  qui  s'était  peut-être  un  peu  trop  vaillamment  défendu  ;  aux  deux 
pécheurs  miséricorde,  puisqu'ils  travaillaient  pour  la  science  et  avec  un 
mutuel  et  entier  renoncement.  J.  M. 


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—  246 


de  la  terre  meuble.  Je  fis  à  Tinstant  fouiller,  et  je  trouvai  l'entrée 
d'un  souterrain,  ensuite  un  escalier  en  spirale,  et  enfin,  deux  cham- 
bres dont  une  petite  à  droite,  et  celle  de  gauche  très  grande.  En  dé- 
blayant les  terres  amoncelées  à  l'entrée  au  souterrain,  je  trouvai 
le  bois  et  les  ossements  d'un  cerf. 


Pont  du  Héy  ou  de  VEnchanleur. 

Les  forêts  placées  dans  les  vallons,  dans  les  gorges,  étaient  les 
séjours  préférés,  suivant  l'histoire  et  la  mythologie  poi>ulaire,  par 
les  Druides  et  les  êtres  fantastiques  qui,  sous  divers  noms,  peu- 
plaient ces  contrées,  et  dont  le  souvenir  est  encore  dans  l'imagina- 
tion des  paysans.  Aussi  ne  doit-on  pas  trouver  étonnant  que  quel- 
ques-unes de  ces  dénominations  aient  été  données  à  quelque  posi- 
tion, à  quelque  passage  dont  la  difficulté  du  travail  ferait  croire 
que  pour  l'opérer  il  fallait  la  puissance  d'un  génie  surnaturel. 
Ainsi  on  trouve  dans  divers  vallons  étroits  et  profonds  comme  des 
ravins,  des  endroits  où  le  passage  (de  l'eau)  est  plus  facile.  Là  le 
roc  ou  l'argile  ont  résisté  aux  eaux  qui  ont  ouvert  ce  vallon,  tan- 
dis qu'au-dessus  et  au-dessous  la  gorge  se  dessine  et  offre  un  ruis- 
seau coulant  paisiblement  et  par  un  trou  imperceptible  sous  cette 
espèce  de  pont  de  pierre  ou  de  glaise,  d'une  largeur  à  pouvoir 
passer  plusieurs  charrettes  de  front  ;  ouvrage  dont  la  nature  a  fait 
les  frais  sans  le  secours  de  ces  êtres  fantastiques  qui,  ainsi  que  je 
l'ai  dit,  existent  encore  dans  l'esprit  de  nos  paysans. 

A  Pénougué,  le  passage  de  l'eau  est  inaperçu  ;  il  semble  qu'on 
ait  percé  sous  ce  pont,  à  l'aide  d'une  tarière.  La  difficulté  d'une 
semblable  communication  a  fait  croire  à  rinter\'ention  d'un  être 
surnaturel,  et  la  situation  fantastique  de  ce  lieu  lui  a  fait  donner  le 
nom  de  Pont  du  Hé,  c'est-à-dire  pont  du  Magicien,  de  l'Enchanteur. 

On  retrouve  une  semblable  dénomination  donnée  à  un  même 
genre  de  pont  placé  sur  un  ravin  ou  vallon  fermé  d'arbres  épais, 
qui  sépare  les  communes  de  Nuipeau  et  de  Saint-Martin  d'Albrel. 
Cependant  le  passage  du  ruisseau  est  ici  plus  apparent  qu'à  Pé- 
nougué. Mais  le  nom  de  Po;i^  du  Hé  est  aussi  donné  à  cette  portion 
de  rocher  qui  forme  un  pont  sur  ce  ravin,  et  une  propriété  voisine 
a  tiré  son  nom  de  cette  mythologie  de  nos  campagnes  (1). 


(1)  Puisque  l'auteur  s'arrête  ici  aux  légendes,  nous  allons  en  donner  une. 
peu  cummune,  pensons-nous,  sur  la  fondation  de  Sos  ;  nous  rempruntons 


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—  247  — 


Chêne  enchanté. 

Digression  sur  la  forôt  enchantée  du  Tasse,  sur  les  Dryades,  les 
druides,  etc. 

11  y  a  dans  la  belle  avenue  de  chênes  de  la  maison  de  campagne 
de  Morcau,  à  Lévège,  un  de  ces  arbres  creux,  et  dont  l'ouverture 
est  béante  ;  c  est  dans  ce  trou  que  les  sorcières  déposent  leur  fu- 
seau avant  de  pousser  plus  avant  vers  Moreau  ;  c'est  presque 
Tobole  donnée  à  Caron,  ou  le  pain  jeté  à  Cerbère.  Il  est  bien  en- 
tendu que  ces  fuseaux  disparaissent  à  mesure,  car  depuis  que  cet 
arbre  est  destiné  à  cet  office  il  serait  plus  que  plein.  Selon  nos 
paysans,  il  y  a  beaucoup  de  sorciers^  loups-garous,  Haniaoumes 
dans  ces  contrées.  Des  familles  entières  sont  en  possession  sécu- 
laire de  cette  qualification  et  de  cette  prétendue  puissance  toujours 
supposée  malfaisante  et  qui  inspire  de  Téloignement  et  de  la 
crainte. 


aux  Esbats  de  Guyon  de  Maleoille  sur  le  Pays  de  Querey,  manuscrit  de  la 
tin  du  xvr  siècle  el  du  commencement  du  xvii*,  publié  en  1900  par  la  So- 
ciété des  Etudes  du  Lot.  L'original  historien,  analysant  un  vieux  mémoire, 
raconte  l'origine  légendaire  de  la  famille  de  Caunion  qui  «  étoil  avant  les 
trois  mille  ans  »  en  grande  réputation  en  Asie  où  elle  construisit  une  ville. 
Puis  il  rappelle  les  oracles  qiîi  promettaient  une  grande  seigneurie  «  vers 
les  pays  occidentaux  »,  et  c'est  alors  que  la  légende  devient  intéressante 
pour  nous.  Je  laisse  parler  W  bon  Guyon  de  Maleville  résumant  son  «  mé- 
n.urial  »  où  il  a  trouvé  «  que  l'un  dyceux  grands  ancestres  des  Cannions, 
voulant  en  la  ïoy  d'iceux  oracles  venir  chercher  icelle  seigneurie  par  deçà, 
sesloit  joint  à  l'Ilerculos  en  l'extermination  de  Tirans  el  Monstres  dii 
Monde,  et,  après  avoir  longuement  couru  avec  icelluy,  s'estoit  arresté  avec 
sa  iiarticulièro  troupe  dans  l'entre  deux  des  Pyrénées  et  Garonne.  Disait 
(ledit  niénioriale)  com'  iceluy  avoit  imposé  audit  entre  deux  le  nom  d'.Xqui- 
taine,  el  aux  peuplades  habitans  iceluy  entre  deux  le  nom  de  Garite,  et  le 
nom  de  Basadois  au  pays  qui  en  est  nommé.  Et  de  l'imposition  de  tons 
ireux  tels  noms  randait  ledit  mémoriale  raison.  Disait  ledit  quiceluy  pre- 
miers aquitains  Caumon  avoit  fait  construire  la  (aumon  sur  Garonne  en 
mén^uirr  de  l'autre  susdit  (Caumon)  asiatique.  Que,  déplus,  iceluy  avoit  fail 
construire  le  prochain  Sos  et  autre  lieux  de  l'Aquitaine,  y  en  suite  nommés. 
Ou  iceluy  premier  aquitain  Caumon  avait  apporté  dans  ces  Gaules  la  milkl 
DES  DÉvors  SoLDURi  aucicus  gaulois.  Que  l'Ogmion  Dieu  gaulois  fut  fils  du- 

dil  premier  aquitain  Caumon etc.  »  {Esbats  de  Guyon  de  Maleville  sur 

le  pays  de  Quercy.  Cahors  1900,  ni  8%  pp.  530-637.)  J.  M. 


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Grotte  et  cimetière  Saint-MicheL 

Dans  tous  ces  contes,  monuments,  traditions,  nous  devons  re- 
marquer un  mélange  des  croyances  du  christianisme  avec  celles 
du  paganisme  des  Grecs  et  des  Romains,  et  de  celles  de  la  religion 
celte.  Ainsi,  à  Sainl-Pé,  le  nom  de  Saint  Michel  (sans  doute  parce 
que  c'était  le  vainqueur  du  Diable),  est  donné  à  ce  que  Ton  croit 
être  un  ancien  cimetière  ou  charnier,  où  selon  la  tradition  popu- 
laire, on  sacrifiait  des  hommes,  tandis  qu'immédiatement  au-des- 
sous de  ce  plateau  est  une  grotte  qui  atteste  assez,  ne  fut-co  (luo 
par  sa  situation  au  bord  d'un  vallon  jadis  couvert  d'arbres,  et  dont 
le  site  est  des  plus  mélancoliques,  que  ce  cimetière  est  encore  un 
monument  du  cullc  de  Teutatès.  Plus  tard^  peut-être,  le  chrislia- 
nisme  persécuté  y  trouva  un  refuge  pour  y  célébrer  ses  mystères. 
].à,  peut-être,  les  ossements  des  chrétiens  persécutés  et  fugitifs 
furent  mêlés  à  ceux  des  Gaulois  qui  servirent  aux  sacrifices  offerts 
par  les  Druides  à  leurs  dieux.  Etrange  mélange  de  deux  cultes 
dont  le  principe,  au  moins,  était  semblable  :  riinmortalilé  de 
TAmo  (1)  î 


(1)  Le  marquis  de  Métivier,  qui  explorai  le  premier  la  grotte  de  Saint- 
.\Uchel  et  eut  des  idées  plus  justes  qu*on  ne  saurait  le  croire  sur  le  cime- 
tière qui  l'accompagne,  ne  s'est  pas  rendu  compte  que  la  commune  de  Saint- 
F<>-Saint-Simon  possède  trois  groui)cs  très  remarquables  de  grolles  arti- 
ficielles, l'un  au  Peyré,  comprenant  cinq  habitations  respectives  ;  l'autre, 
dans  la  gorge  du  Pont-Neuf,  dont  les  demeures  creusées  dans  le  roc  ser- 
virent de  refuge  en  1789,  au  moment  de  la  Grande  Peur  ;  le  dernier  à  Sainl- 
Michcî-de-la-Roque.  C'est  l'abbé  Breuils  qui  a  découvert,  exploré  et  décrit 
ces  singulières  demeures,  si  semblables  à  celles  du  CHU  Dwellers  de  la 
Californie,  de  T Arizona,  du  Colorado  et  du  Texas  et,  plus  près  de  nous, 
celles  (juc  j'ai  dècouverles,  étalées  aux  riaiics  de  la  vallée  du  Peyrot-de- 
r Homme,  dans  la  commune  de  Frégimont,  à  quelques  centaines  de  mètre 
de  la  curieuse  église  de  Gaujac,  qu'a  trouvée  et  décrite  M.  Georges  Tholin, 
et  qui  es!  à  moitié  taillée  dans  le  roc  elle-même,  rappelant  d'assez  près 
celle  de  Saint-Michel-de-la-Roque,  jadis  annexe  de  Sainl-Pé-d'Homimorl, 
dont  voici  la  description  empruntée  à  l'importante  élude  de  l'abbé  lire\iiîs 
sur  les  «  Grottes  préhistoriques,  de  la  Ténarèze  »  {Revue  de  Gascogne,  1888, 
PII.  384-399)  : 

«   Une  de  ces  i:rottes,   <pii,   de  même    nue    les    aulres,    fori    |>rohahle- 

ment,  avait  été  une  habitation  préhistorique,  fut  plus  tard  disposée  et 
arrangée  par  les  chrétiens  de  ce  pays  en  éirijsio.  Dédiée  à  Saint  Michel, 
elle  prit,  du  heu  même  où  elle  était,  le  nom  de  la  Roque....  Elle  s'élève  à 
l'extrémité  du  val  qui  a  reçu  d'elle  le  nom  de  Saint-Michel  et  où  coule  un 
modeste  ruisseau  du  même  nom,  à  gauche,  dans  les  rochers,  dominant  les 


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249  — 


Grotte  du  Gros, 

Au  versant  opposé  à  celui  sur  lequel  est  placé  Sos,  est  une  mon- 
tée assez  rapide  et  difficile  en  hiver,  sur  le  côté  d'un  ravin  d'où 
s'échappe  un  ruisseau  allant  ^se  jeter  dans  la  Gélise  qui  sépare  les 
deux  versants. 

A  gauche,  en  montant  celte  côte  appelée  le  Cros,  est  une  cham- 
bre taillée  dans  le  roc,  dont  la  porte  ou  ouverture  est  exposée  au 
couchant.  Cette  grotte  est  hors  de  la  portée  naturelle  des  honmics; 
on  ne  peut  y  arriver  quau  moyen  d'une  échelle  très  longue.  Je 
voulus  la  visiter,  il  y  a  15  ans  environ  ;  ne  trouvant  pas  d'échelle 
assez  longue,  je  fis  planter  dans  la  terre,  sur  le  sol  supérieur,  un 
pieu  auquel  j'attachai  une  forte  corde,  et,  aidé  de  mon  beau-frère 
et  de  M.  L...,  je  passai  Cette  corde  autour  de  mon  corps,  et  me  fis 


pentes  rapides  qui  vont  expirer  au  bord  du  ruisseau.  Elle  a  environ  7  mè- 
tres de  longueur  et  3  de  largeur.  Le  sanctuaire  est  isolé  du  reste  de  la  nef 
par  un  arc  à  plein  cintre  taillé  en  relief  dans  le  rocher.  On  y  voit,  du  côté 
de  l'Evangile,  une  armoire  rectangulaire  creusée  dans  le  roc.  L'autel  a 
disparu,  mais  l'emplacement  apparaît  au  fond  du  sanctuaire,  lequel  se  ter- 
mine par  un  chevet  droit.  La  nef  n'a  que  deux  travées....  Les  retombées  des 
voûtes  s'appuient  au  rocher  de  la  grotte  par  de  grossières  arêtes  ;  du  côté 
opposé  au  rocher,  par  conséquent  du  côté  extérieur  de  la  grotte,  les  voûtes 
se  terminent  en  formant,  au  point  où  elles  s'arrêtent,  deux  sortes  de  cha- 
piteaux quadrangulaires,  très  évasés,  qui  ne  reposent  sur  rien.  11  ne  faut 
pas  oublier,  en  effet,  que  tout  cela  est  taillé  dans  le  rocher  et  que,  par  con- 
séquent^ l'architecte  avait  toute  latitude  pour  économiser  les  piliers  et  les 
colonnes.  » 

Guidé  par  un  document  de  1544,  l'explorateur  retrouva  les  ruines  des 
constructions  en  maçonnetie  qui  complétaient  le  côté,  à  moitié  vide,  de  cette 
église  monolythe.  11  les  jugea  de  l'époque  romane.  Continuant  ses  investi- 
gations, il  retrouva  le  cimeUère  paroissial  «  sur  le  plateau,  au-dessous 
même  de  la  grotte  de  l'église  ».  Un  sarcophage  sans  couvercle  s'y  voyait 
encore,  et  le  propiétaire  du  champ  y  avait  découvert  des  armes  et  des 
monnaies.  De  tous  ces  faits  et  d'autres  encore,  rapprochés  avec  sagacité, 
l'abbé  Breuils  conclut  que  cette  grotte  avait  été  aménagée  en  éghse  «  au 
vil*  ou  au  vni*  siècle,  sinon  à  des  temps  antérieurs»  . 

Dans  le  tirage  à  part  de  son  intéressant  mémoire,  l'abbé  Bréuils  compléta 
ces  renseigiiciiienl^.  Si  j  en  crois  une  noie  de  Léonce  Coulure,  il  y  élail 
parlé  d'importantes  trouvailles  céramiques  faites  dans  le  même  cimetière 
où  d  le  vase  cinéraire  celte  côtoyait  le  vase  romain  et  Tamphore  ».  M.Piette 
concluait  de  tout  cela  que  ce  cimetière  avait  été  inauguré  «  un  peu  antérieu- 
rement à  la  conquête  de  la  Gaule  ». 

Les  jeunes  explorateurs  du  pays  sotiate  devront  étudier  tout  particuliè* 
reiuenl  les  habiUilions  nipeslre.s  de  Sainl-Pé-d'IIoniimorl,  qui  leur  ré>er- 
vent,  sans  ombre  de  doute,  de  très  importantes  découvertes.  J.  M. 


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descendre  vis-à-vis  l'ouverture  de  la  grotte  où  j'entrai  difficile- 
ment, parce  qu'ainsi  suspendu,  je  n'avais  aucun  point  d'appui.  Je 
parvins  néanmoins  à  poser  mes  pieds  sur  le  bord  de  l'ouverture,  et 
j'entrai  dans  cette  chambre  de  huit  à  dix  pieds  au  plus  de  carré,  et 
dont  le  plafond  était  peu  élevé. 

Des  feuillures  intérieures  autour  de  cette  ouverture  attestaient 
(|u'une  porte  ferrée  y  avait  été  placée.  L'inspection  de  ce  lieu  dé- 
truisit bientôt  dans  mon  esprit  le  merveilleux  des  contes  que  l'on 
débitait  sur  cette  grotte  que  l'on  croyait  conduire  jusques  à  Con- 
dom. 

Je  suppose  que  cette  chambre  était,  dès  le  principe,  affectée  au 
séjour  de  quelque  Druide,  que  la  mythologie  populaire  en  faisait 

l'habitation  des  Hades Je  crois  aussi  que  du  temps  des  Maures 

et  des  guerres  féodales,  ces  grottes  en  général  étaient  des  silos  ou 
magasins  couverts  de  terre  pour  cacKér  les  grains  et  autres  objets 
précieux  (1). 


(I)  L'abbé  Breuils  ne  paraît  pas  avoir  exploré  cette  grotte  artificielle,  mais 
il  n'en  ignorait  pas  l'existence,  car  il  la  signale  avec  quelques  autres  dans 
un  passage  de  son  étude  sur  Les  Grottes  préhistoriques  de  la  Ténarèze^ 
qui  doit  trouver  place  ici,  car  il  complète  les  indications  de  M.  de  Mc- 
Uvier. 

«  Signalons  encore  un  certain  nombre  d'autres  grottes  qu'on  nous  a  dit 
exister  depuis  le  lieu  dit  à  Bournic,  sur  la  Gélise,  en  Castelnau-d'Auzan 
(Gers),  jusqu'à  Poudenas  (Lot-et-Garonne),  suivant  toujours  le  cours  de  la 
Gélise  et  de  «luelques-uns  de  ses  affluents.  Nous  n'avons  pu  encore  en  voir 
qu'un  petit  nombre.  Nous  indiquerons  parmi  elles  les  plus  fameuses  par 
les  traditions  qui  s'y  rattachent  et  le  culte  superstitieux  dont  eUes  sont  de- 
meurées l'objet.  Elles  se  cachent  à  la  naissance  de  l'étroit  et  profond  ravin 
du  Key,  sous  de  vraies  cascades  de  rochers,  sur  lesquelles,  arrivant  de 
prairies  supérieures,  tombent  et  se  brisent  pour  >ebondir  et  se  précipiter 
de  nouveau  vers  le  fond  du  gouffre,  les  eaux  écumantes  du  Key.  On  aper- 
çoit aux  voûtes  do  ces  grollcs,  d'innombrables  stalactites  de  forme  mame- 
lonnée, et  toujours  une  eau  cristalline  sort  en  gouttes  abondantes  des  ex- 
trémités de  ces  mamelles  de  pierre.  C'est  pour  cela  que,  de  temps  immé- 
morial, ces  grottes  sont  connues  sous  le  nom  de  Las  Poupetos. 

«  Ajoutons,  pour  terminer  ce  sujet,  que,  du  haut  de  la  route  de  Gabarrel 
à  Sos,  on  voit  aussi,  dans  la  direction  de  Sainte-Maure  et  de  Guoyze,  cer- 
taines grottes  à  ouverture  rectangulaire,  au-dessus  des  coteaux  qui  se  di- 
rigent vers  la  plaine  de  la  Gélise.  »  (Ru.  de  Gascogne,  1888,  p.  398.) 

L'éminent  explorateur  de  ce  district  gascon  curieux  entre  tous,  n'avait 
pas  non  plus  ignoré  les  «  légendes  traditionnelles  qui  ont  cours  dans  le 
pays,  au  sujet  de  ces  grottes.  Toute  une  population  de  fées,  hadas,  hadets 
et  hadouns,  vit,  circule,  dit-il,  dans  ces  récits  de  veillée,  curieux  à  plus 
d'un  titre,  et  qui  apporteraient  peut-être  des  éléments  nouveaux  à  notre 
folklore  gascon.  Mais  qui  ne  sait  se  borner....  et  le  reste.  » 

M.   Lagarrigue,   instituteur  à  Meylan,   a  exploré  plusieurs  grottes  arlifi- 


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Superstitions, 

Les  peuples  de  ces  contrées  sont  toujours  imbus  de  croyances 
singulières  et  de  superstitions.  D'abord,  ils  wcâeni  que  le  nombre 
13,  que  le  chant  de  la  pie,  du  hibou,  d'une  volaille,  dont  le  chant 
est  embarrassé,  indique  quelque  malheur. 

Paraît-il  quelque  météore,  ils  le  croient  le  précurseur  d'un  grand 
événement.  Compter  les  ruches  à  miel  d'un  rucher,  les  brebis  ou 
les  agneaux  d'un  parc,  porte  malheur.-  Raconter,  sous  le  couvert, 
ou  dans  l'intérieur  d'une  maison,  que  l'on  a  trouvé  quelque  nid,  ou 
quelque  autre  chose,  en  indiquant  le  lieu,  porte  malheur. 

On  croit  que  celui  qui  n'a  pas  connu  l'auteur  de  ses  jours  a  la 
puissance  de  trouver  des  sources,  des  bornes,  et  l'argent  caché  au 
moyen  de  la  baguette  divinatoire  de  coudrier. 

On  croit  aux  sorciers,  devins,  et  souvent  cette  crédylité  rend  les 


cielies  de  sa  région,  particulièrement  au  lieu  dit  La  Boulangère.  D'après  ce 
qui!  m'écrit,  la  grotte  de  La  Boulangère  est  fort  intéressante  ;  elle  est  pour- 
vue de  deux  portes  d'entrée  régulières,  fort  basses,  pourvues  de  rainures, 
deux  blocs  de  pierre,  encore  dans  la  grotte  s'y  appliquent  parfaitement.  Le 
fait  me  paraît  particulièrement  intéressant.  Au  fond  de  la  grotte  est  une 
sorte  de  lit  grossièrement  taillé  dans  le  roc.  a  Cette  grotte,  fouillée  super- 
licielloiiient  en  1910,  me  donna,  dit  M.  Lagarrigue,  deux  racloirs  en  silex.  » 

Si  l'on  veut  bien  se  rappeler  ce  que  nous  avons  dit,  dans  une  précédente' 
note,  au  sujet  des  souterrains  de  Saint-Pau,  on  reconnaîtra,  avec  l'abbé 
Breuils,  rexlrôme  abondance  des  habitations  rupestres  en  pays  soliate,  ot 
ce  fait  a  son  importance,  rapproché  du  récit  des  travaux  de  mineurs  accom- 
plis par  les  défenseurs  de  Sos,  et  de  ce  qu'il  est  dit  ailleurs  sur  les  mœurs 
troglodytiques  des  Aquitains,  au  temps  de  la  conquête  des  Gaules  et  sur 
les  mesures  cruelles  qu'elles  inspirèrent  au  vainqueur  :  «  Aquilani^  callidum 
genus,  in  speluneas  se  reeipiebant  :  iussil  includi,  »  (Florus,  livre  lU,  cha- 
pitre XI.) 

D'ailleurs  l'opinion  de  M.  de  Métiyier  sur  l'emploi  de  cette  grolle  connue 
cachette,  au  temps  des  invasions  des  Maures,  n'était  pas  nouvelle.  C'était, 
un  lieu  commun  immémorial  et  tellement  universel  qu'il  y  est  fait  allusion 
dans  Don  QuichpUe  et  dans  Gil  Blas,  et  longtemps  avant  dans  les  chansons 
de  geste  où  nos  souterrains  sont  dénommés  grottes  aux  Sarrasins,  ce  qui, 
d'après  Quicherat,  implique  une  origine  romaine  tout  au  moins.  {Bullet.  de 
la  Société  des  Antiquaires  de  France.  1867,  p.  68.)  J'en  ai  publié  d'anciens 
échos  très  curieux  dans  le  Bulletin  arcfiéologique  de  Tarn-ei-Garonne,  en 
1897,  dans  une  étude  de  circonstance,  Habitations  Troglodytiques  et  Silos 
où  je  m'étais  efforcé  d'établir  très  nettement,  par  des  textes  irrécusables, 
la  différence  radicale  qui  existe  entre  ces  deux  genres  de  souterrains  ;  les 
Habitations  troglodytiques  étant,  presque  toutes,  pourvues  de  silos. 

J.  M. 


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—  252  — 

individus  chez  lesquels  elle  exerce  son  empire,  victimes  de  char- 
latans fripons  qui  en  veulent  à  leur  bourse. 

La  Mandragore  est  aussi  un  être  dont  le  nom  est  inculqué  dans 
l'esprit  de  la  classe  populaire.  Loisqu'on  veut  dire  que  quelqu'un 
a  de  l'argent,  qu'il  n  en  manque  jamais,  on  dit  qu'il  a  le  mandagot, 
par  corruption  de  mandragore. 

Faire  une  croix  sur  le  pain  avant  de  l'entamer,  faire  ce  signe 
lorsque  dans  une  vente  on  reçoit  la  première  pièce  de  monnaie, 
(»st  un  usage  général. 

Les  phases  de  la  lune  sont  sou\îMit  consultées  par  les  culliva- 
teurs  pour  les  semis,  plantations,  cultures,  récoltes,  etc.,  etc. 

Lorsqu'une  personne  est  arrivée  à  un  grand  âge  et  sans  infirmi- 
tés, que  la  faiblesse  des  ressorts  de  la  machine  humaine  se  mani- 
feste, et  que  moribond,  mais  sans  souffrances,  les  restes  de  la  vie 
physique  luttent  encore  contre  la  mort,  on  est  persuadé  que  quel- 
qu'être  surnaturel  s'oppose  à  la  fin  de  la  vie  de  cette  personne.  On 
pense  que,  pour  détruire  ce  charme,  il  faut  enlever  une  tuile  à  la 
couverture  de  la  maison,  dans  la  direction  immédiate  de  la  tête 
(lu  moribond  qui,  dit-on,  expire  aussitôL 

Il  serait  trop  long  de  relater  toutes  les  croyances  que  l'ignorance 
et  un  respect  religieux  j)Our  les  traditions,  conserve  depuis  bien 
longtemps  [)anni  le  peuple  qui  en  fait  l'objet  d'un  culte  privé. 

Tels  sont,  à  j)ou  de  chose  près,  les  monuments  cjue  l'antiquité 
et  le  culte  (les  premiers  Gaulois  possèdent  encore  aux  environs  de 
Sos.  Quelques  fragments,  quelques  usages,  viennent  seuls  rappe- 
ler à  la  génération  actuelle  les  hommes  et  les  croyances  qui  peu- 
plèrent et  celte  terre  et  l'imagination  de  nos  ancêtres  î 

Des  ruines,  des  ciiants,  un  langage  dénaturé,  voilA  tout  ce  qui 
nous  reste  !  et  si  le  voyageur  cherchait,  comme  le  j)èlenn  qui  se 
rendait  à  Sainl-Jacques-de-Composlelle,  un  abri  dans  ces  hospi- 
ces, sous  ces  chapelles,  placées  comme  des  stations  romaines,  dans 
la  vieille  Acjuilaine,  pour  les  abriter  dans  leurs  pieux  voyages,  un 
sol  fertilisé  |)ar  la  charrue  en  cacherait  les  ruines  à  ses  recher- 
ches !  L'anti(pie  chapelle  des  Neiges  qui  se  trouvait  sur  la  route  de 
tlabarrel  à  Kause  n'existe  |)lus  !  Kn  \ain  le  pieux  habitant  des  cam- 
I»;jgnos,  l'antiquaire  religieux  la  demanderaient  î  In  champ  est  à 
sa  place  î  Toutefois,  la  piété  populaire  lui  a  consacié  un  souve- 
nir :  une  humble  croix  en  bois,  ce  signe  de  rédemption,  est  plantée 
là,  où,  à  l'abri  des  f rimais,  le  pèlerin  faisait  entendre  sa  prière.  Si 
tout  se  détruit  j)ar  la  faulx  du  temps,  félicitons  au  moins  les  hom- 


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—  253  — 

mes  qui  recueillent  avec  soiu  ce  qui  peul  nous  rappeler  ce  qui 
existait  jadis,  et  nous  donner  ainsi  une  chronologie  matérielle  de 
la  grandeur  et  de  la  décadence  des  empires,  des  hommes,  de  leurs 
mœurs  et  de  leur  génie  (1). 

Le  Vicomte  de  Métivier. 


(Ij  Les  premitîift  mémoires  d«  la  Société  archéologique  du  Midi  sont  gé- 
néralement parés  de  fort  jolies  vigneUcs  lithographiées  remplissant  agréa- 
blement la  partie  de  la  page  finale  de  chaque  mémoire  particulier.  La  Dis- 
sertation de  M.  de  Mélivier  ne  fait  pas  exception  ;  le  cul  de  lampe  dont  elle 
s'adorne  est,  toutefois,  très  peu  décoratif  et,  il  faut  bien  le  dire,  assez  peu 
intéressant.  C'est  un  simple  plan  de  Sos  dépourvu  de  toute  indication  topo- 
graphique, quelque  chose  conune  le  calque  d'un  plan  cadastral  réduit  aux 
chemins,  aux  cours  d'eau  et  aux  rues  de  la  ville.  Il  n'y  avait  donc  aucun 
intérêt  à  le  reproduire,  mais  ce  n'est  pourtant  pas  sans  regret  que  nous  nous 
sommes  résigné  à  ce  sacrifice.  Faisons  des  vœux  pour  que  d'autres,  plus 
heureux,  découvrent  dans  les  papiers  du  sympathique  archéologue,  des 
de.ssins,  des  croquis  et,  surtout,  des  notes,  qui  complètent  son  œuvre,  en 
donnant  des  renseignements  plus  circonstanciés  sur  les  sujets  passionnants 
dont  il  a  été  un  des  pionniers  les  plus  actifs,  les  plus  orfginaux  et  les  plus 
intéressants. 

J'ai  le  ferme  e.^poir  que  c'est  un  au  revoir  et  non  pas  un  adieu  que  j'adresse 
ici  au  Vicomte  de  Mélivier.  J.  M. 


17 


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LE  MONUMENT.  LAULANIÉ 

A  L'ÉCOLE  VÉTÉRINAIRE  DE  TOULOUSE 


La  mémoire  de  Ferdinand  Laulanié  est  encore  trop  vivace 
dans  le  cœur  de  tous  ceux  qui  Tonl  connu,  son  souvenir  mé- 
rite trop  d'être  conservé  en  Agenais,  pour  que,  malgré  la  dé- 
cision récente  du  Conseil  municipal,  qui,  sur  la  demande  de 
notre  Société  académique,  a  donné  son  nom  à  l'une  des  rues 
d'Agen,  nous  ne  tenions  pas  encore  à  compléter  l'article  né- 
crologique quo  lui  consacra  dans  cette  même  Revue,  en  1907, 
M.  E.  Périer,  vétérinaire  départemental,  sous  le  coup  de 
l'émotion  douloureuse  provoquée  par  sa  mort  soudaine,  et  à 
faire  connaître  quelle  solennité  imposante  présida,  au  mois 
de  mai  de  l'année  dernière,  à  la  cérémonie  de  l'inauguration 
de  son  buste,  dans  la  cour  de  l'Ecole  vétérinaire  de  Toulouse, 
où  il  avait  si  longtemps  professé. 

Aussi  croyons-nous  devoir  extraire  du  long  procès-verbal, 
publié  à  cet  effet,  les  plus  importants  passages  qui  pourront 
intéresser  nos  lecteurs,  et  plus  spécialement  le  beau  discours 
de  M.  le  professeur  Arloing,  que  Téminent  directeur  de 
l'Ecole  de  Lyon  devait  lire  lui-même,  si  une  mort  soudaine 
n'était  vtmiie  le  surprondre  à  son  tour  au  (l(»rnier  moment,  et 
qui,  supérieurement  documenté,  constitue  la  plus  complète 
analyse  de  l'cruvre  si  importante  et  encore  si  peu  connue  de 
notre  regretté  compatriote. 

Cela  dit,  laissons  la  plume  à  M.  Bourdelle,  rédacteur  du 
procès-verbal,  mais  non  sans  remercier  M.  le  Directeur  de  la 
Revue  Vétérinaire  de  Toulouse,  où  il  a  paru,  d'avoir  bien 
voulu  nous  autoriser  à  le  reproduire,  et  de  nous  avoir  si  gra- 
cieusement prêté  les  deux  clichés  de  la  vue  du  monument, 
pour  que  nous  puissions  les  insérer  aujourd'hui  dans  la 
Revue  de  V Agenais. 

Ph.  L. 


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MOMJMKNT     LAUI.ANIÉ 


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^  255  - 


INAUGURATION  DU  MONUMENT  LAULANIÉ 

Le  monument  Laulanié  a  été  inauguré  dans  la  matinée  du  samedi 
13  mai  19J1,  à  l'Ecole  vétérinaire  de  Toulouse.  Nombreuse  éUiit 
l'assisUuice  composée  de.  notabilités,  de  collègues  et  d'amis  qui 
avaient  tenu  à  rendre  un  suprême  hommage  à  la  mémoire  du  re- 
gretté savant. 

La  cérémonie  s'est  déroulée  dans  la  cour  principale  de  l'Ecole, 
où  le  monument  a  été  élevé,  à  proximité  du  laboratoire  de  physio 
logie,  dans  lequel  Laulanié  poursuivit  ses  recherches. 
.     Ce   monument,   d'une   grande   simplicité,   s'encadre   dès  l'entrée 
dans  le  porche  principal,  et,  s'il  frappe  par  la  sobriété  de  son  ar- 
chitecture, on  n'en  apprécie  pas  moins  l'harmonie  de  l'ensemble. 

11  se  compose  essentiellement  d'un  buste  et  d'une  figure  symbo- 
lique. Le  buste,  où  l'artiste  a  su  faire  revivre  la  physionomie  ex- 
pressive de  Laulanié,  est  supporté  par  une  stèle  sur  laquelle  on  a 
gravé  en  lettres  d'or  cette  inscription  : 

A 
F.    LAULANIÉ 

1850-1906 

La  figure  symbolise  la  science  sous  les  traits  d'une  jeune  femme 
drapée  à  l'antique  ;  d'un  pas  prudent  mais  assuré,  elle  marche  en 
avant  de  la  stèle,  un  flambeau  dans  la  main  droite  pour  éclairer  sa 
route.  De  chaque  côté,  se  dégage  un  banc  demi-circulaire,  destiné 
à  rappeler  le  cercle  d'élèves  et  d'admirateurs  qui  entourait  le  i)ro- 
fesseur  dans  ses  démonstrations. 

La  partie  architecturale  du  monument  est  en  pierre  de  Lens  ;  le 
buste  et  ia  figure  symbolique  sont  en  bronze.  Cette  œuvre  est  due 
à  M.  Uaynaud,  professeur  de  sculpture  (statuaire)  à  l'Ecole  des 
Heaux-Arts  de  Toulouse,  à  qui  M.  Delfau,  architecte,  professeur 
d'arts  graphiques  à  la  même  Ecole,  a  prêté  sa  collaboration. 

Le  13  mai  dernier,  le  monument  avait  perdu  son  caractère  un  peu 
sévère  sous  la  parure  fleurie  que  lui  avaient  faite  les  amis  du  ^ sa- 
vant. Dans  la  cour,  décorée  d'oriflammes  et  de  draperies,  il  se  dé- 
tachait, encadré  de  verdure,  sur  un  fond  de  tentures  rouges,  et  re- 
vêtait une  physionomie  nouvelle  des  plus  heureuses.  Sur  le  socle, 
trois  magnifiques  gerbes  déposées  par  le  Corps  enseignant,   les 


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—  256  — 

Elèves  et  rAssociation  amicale  des  anciens  élèves  de  TEcole  vété 
rinaire  de  Toulouse,  disaient  leur  affectueux  souvenir. 

La  cérémonie  d'inauguration  était  i)résidée  par  M.  Chauveau, 
membre  de  Tlnslitut,  inspecteur  général  des  Ecoles  vétérinaires. 
L'éminent  professeur  représentait  officiellement  le  Ministre  de 
TAgriculture  qui,  empêché  d'assister  en  personne  à  celte  manifes- 
tation, en  avait  exprimé  ses  vifs  regrets.  Aux  côtés  du  président 
avaient  pris  place  :  MM.  le  sénateur  Leygùes,  maire  de  la  ville  de 
Toulouse  ;  Martin,  premier  président  à  la  Cour  d'appel  ;  Fonfrède, 
l;rocureur  général  ;  Bordes,  chef  adjoint  du  cabinet  du  ministre 
du  Commerce,  représentant  M.  Massé  ;  M.  Beurdeley,  secrétaire 
général  de  la  préfecture  de  la  Haute-Garonne,  délégué  de  M.  le 
Préfet. 

Une  assistance  des  plus  nombreuses  et  des  plus  choisies,  où  se 
remarquaient,  à  côté  des  membres  de  la  famille,  toutes  les  notorié- 
tés du  monde  savant  de  Toulouse,  se  pressait  autour  de  l'estrade, 
ayant  tenu  à  honorer  de  sa  présence  celte  impressionnante  cérémo- 
nie. 

Trois  discours  ont  été  prononcés. 

M.  Chauveau  prit  le  premier  la  parole  en  qualité  de  représentant 
du  Ministre  et  de  président  du  comité.  Le  silence  se  fit,  émouvant 
et  profond,  quand  le  vénérable  savant,  intimement  remué  lui- 
niôme,  dut  se  maîtriser  pour  rappler  les  deuils  cruels  qui  ont 
frappé  la  science  et  renseignenient  vétérinaire,  dans  les  person- 
nes d'Arloing  et  de  Laulanié  .:  la  mort  du  maître  et  de  l'élève,  ses 
élèves  à  lui,  l'atteignait  personnellement  dans  ses  plus  chères  af- 
fections. Son  discours  d'une  haute  élévation  de  pensée,  d'une  lan- 
gue impeccable,  fut  dit  d'une  voix  vibrante  que  les  années  n'ont 
point  affaiblie.  Au  nom  du  Comité,  M.  Chauveau  fil  remise  du  mo- 
nument à  l'Ecole  vétérinaire  de  Toulouse  et  le  confia  à  sa  garde. 

M.  Labat,  directeur,  prit  ensuite  possession  du  monument  au 
nom  de  l'Ecole,  et,  dans  une  allocution  heureusement  inspirée  dans 
sa  forte  sobriété  et  son  éloquence  cordiale,  salua  à  son  tour  celui 
(|ui  fut  son  camarade,  son  collègue  et  son  chef. 

L'éloge  de  Laulanié,  écrit  par  le  professeur  Arloing  et  que  le 
regretté  directeur  de  l'Ecole  de  Lyon  devait  lire  lui-même,  fut  lu 
par  M.  Lafon,  successeur  de  Laulanié  dans  la  chaire  de  physio- 
logie. 

Cette  étude  rappelle  ce  que  furent  l'homme  et  le  professeur.  Tous 
los  élèves  et  amis  de  Laulanié  auront  plaisir  à  la  relire, 


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—  257 


Mesdames, 
Messieurs, 

Le  Comité  chargé  d'ériger  ce  monument  a  désiré  que  la  vie  de 
Laulanié  fût  retracée  devant  vous. 

Il  a  estimé,  en  outre,  que  cette  mission  devait  incomber  à. celui 
de  ses  membres  qui  eut  la  bonne  fortune  de  distinguer  Laulanié 
et  de  Toricnter  définitivement  vers  les  études  biologiques. 

Je  me  suis  incliné  devant  sa  volonté.  Mais  à  lui  obéir,  je  ressens 
une  émotion  mélangée  d'amertume.  Car,  en  face  de  cette  image, 
dans  celle  enceinte,  quarante  années  de  ma  carrière  sont  évoquées 
dans  ma  mémoire.  Si  plus  d'un  souvenir  me  reporte  à  des  années 
licureuscs  de  ma  jeunesse,  d'iiutres  me  rappellent  bien  des  tristes- 
ses, et  parmi  celles-ci  la  i)erle  douloureuse  de  mon  disciple  pré- 
féré, plus  tard  mon  collègue  affectionné,  dont  l'attachement  ne  s'est 
jamais  démenti  pendant  près  de  trente-cinq  ans. 

Lorsque  des  hommes  se  sont  distingués  dans  le  milieu  où  ils  ont 
évolué,  on  croirait,  en  étudiant  leur  vie,  qu'ils  durent  recevoir  un 
patronage  inattendu,  tel  celui  des  bonnes  fées,  pour  émerger  au- 
dessus  de  leur  niveau  social,  ou,  dans  leur  niveau  social,  au-dessus 
de  leurs  contemporains.  Celte  biographie  en  offre  un  exemple.' 

Laulanié,  Bertrand-Prosper-Ferdinand,  naquit  à  Agen,  en  1850. 

Son  père  se  livrait  dans  cette  ville,  sans  diplôme,  à  la  médecine 
des  animaux.  Formé  à  sa  profession  par  un  empirique  réputé  dans 
le  pays,  il  y  jouissait  lui-même  de  l'estime  générale.  Content  de  sa 
situation,  il  voyait  dans  son  fils  un  successeur  tout  naturel.  Mais  il 
hésitait  sur  la  manière  dont  il  le  préparerait  à  lui  succéder. 

L'enverrait-il  à  l'Ecole  vétérinaire  ou  se  contenterait-il  de  lui  in- 
culquer ses  quelques  connaissances  en  l'associant  de  bonne  heure 
à  sa  clientèle  quotidienne  ?  11  inclinait  vers  cette  seconde  solution. 

Mais  la  bonne  fée  veillait.  En  la  circonstance,  ce  fut  la  mère  du 
j.^une  Ferdinand. 

Modeste,  mais  particulièrement  intelligente  et  active,  pleine 
d'amour-propre,  M"*  Laulanié  trancha  nettement  la  question. 

Elle  voulut  que  son  fils  entrât  dans  la  Vétérinaire  par  la  grande 
porte,  qu'il  obtînt  un  diplôme  et  qu'on  no  lui  contestât  jamais  le 
droit  à  exercer  la  médecine.  S'il  fallait  s'imposer  des  sacrifices  ex- 
ceptionnels pour  arriver  au  but,  elle  était  prêle  à  se  dévouer. 

Devant  une  volonté  si  fermement  exprimée,  la  décision  fut  prise. 


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—  258  - 

La  mère  ajouta  aux  occupations  du  ménage  un  travail  supplémen- 
taire et  le  fils  fut  placé  au  lycée  d'Agen  où  il  poursuivit  des  études 
complètes. 

C'est  donc  à  son  afl'cclueusc  et  vaillante  mère  que  notre  ami  dut 
les  bienfaits  de  renseignement  secondaire  et  l'accès  à  l'enseigne- 
ment supérieur  pour  lequel  son  esprit  était  si  particulièrement 
adapté. 

Aussi,  vers  elle  allait  sa  reconnaissance  attendrie  ;  vers  elle  allait 
certainement  son  souvenir  lorsqu'il  répétait,  des  larmes  dans  les 
yeux,  ces  vers  de  Jasmin  parlant  de  son  aïeul  : 

Pauvre  grand-père,  le  .soir,  quand  sur  la  roule  i'allais  Vaitendre, 
Il  me  donnail  toujours  le  morceau  le  plus  tendre. 

Oui,  sa  mère  a  voulu  qu'il  eût  le  morceau  le  plus  tendre,  qu'il 
eût  la  vie  plus  douce  et  toutes  les  jomssances  de  la  culture  morale. 

Saluons  respectueusement  sa  mémoire  ! 

Au  lycée  d'Agen,  dans  les  basses  classes,  Laulanié  l'ut  un  élève 
ordinaire.  11  se  révéla  surtout  en  rhétorique  et  en  philosophie,  où 
Ton  disait  de  lui  qu'il  était  également  supérieur  dans  les  lettres  et 
dans  les  sciences. 

L'un  de  ses  anciens  maîtres,  M.  Picou,  m'écrivait  récemment  que 
le  jeune  Laulanié  ainiait  à  appliquer  son  esprit  aux  questions  qui, 
d'habitude,  ont  peu  d'attrait  pour  la  jeunesse,  donnant  son  atten- 
tion à  toute  pensée  générale,  se  distinguant  de  ses  camarades  par 
une  grande  facilité  de  conception,  par  un  esprit  (]ui  déjà  se  fami- 
liarisait avec  l'analyse  et  la  synthèse  et  par  une  ténacité  exception- 
nelle au  travail,  celle  qui  triomphe  de  tous  les  obstacles. 

Déjà  il  se  plaisait  à  manier  la  parole,  à  exposer  clairemciil  ce 
(ju'il  avait  nettonient  conçu.  Pour  cela,  il  réunissait  des  camara- 
des cliez  lui,  le  soir,  et  au  tableau  il  répétait  et  leur  rendait  acces- 
sible Ja  leçon  du  jour. 

Eu  un  mot,  Laulanié  i)assail  à  bon  droit  pour  un  sujet  des  plus 
distingués. 

T'est  ajnès  une  si  remarquable  préparation  et  muni    des  diplô- 
mes de  bachelier  ès-lettres  et  de  bachelier  ès-sciences  (|u'il  elitra  h 
l'Hcole  \éléiinair(»  de   Toulouse,  le  0  octol)re  1809.  Ouelques  mois 
plus  tard  j'y  arrivai  moi-même  en  qualité  de  professeur  d'analo 
mie  et  de  |)hysiologie. 

J'eus  à  peine  le  temps  de  distinguer  le  nouvel  élève.  La  guerre 
vie  1870  éclatait  au  moment  où  il  linissail  sa  première  année  d'étu- 


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—  259  — 

des.. Il  fut  incorporé,  par  anticipation,  comme  jeune  conscrit  dans 
un  régiment  de  marche  et  dirigé  vers  Cherbourg.  L'hiver  fut  des 
plus  rigoureux,  les  marches  furent  pénibles,  et  le  conscrit  était 
frêle.  Néanmoins,  il  revint  sain  et  sauf  et  reprit  ses  études  avec 
entrain  au  début  de  Tannée  scolaire  1871-72. 

A  ce  moment,  il  fut  attaché  à  mon  laboratoire  où  je  ne  tardai  pas 
à  constater  que  j'avais  auprès  de  moi  une  nature  d'élite,  extrême- 
ment attachante,  pleine  d'enthousiasme  et  capable  d'en  provoquer 
par  ses  remarques  et  ses  aperçus  sur  les  sciences. 

La  différence  d'âge  qui  nous  séparait  ne  pouvait  apporter  une 
entrave  à  notre  commerce  intellectuel.  Il  me  semble  assister  encore 
à  nos  conversations,  à  nos  discussions  sans  cesse  renaissantes,  où 
le  maître  ne  l'emportait  pas  toujours  sur  le  disciple. 

Toutefois,  nous  nous  trouvions  constamment  d'accord  sur  le  rôle 
prééminent  de  la  science  pure,  sur  la  noblesse  du  rôle  de  l'éduca- 
teur. Dans  notre  inexpérience  des  choses  de  la  vie  et  des  besoins 
dune  société,  nous  nous  sentions  presque  un  peu  de  dédain  pour 
quiconque  ne  professait  pas  entièrement  nos  opinions. 

Le  temps  nous  a  permis  de  rectifier  nos  idées  successives  sur  ce 
point.  Mais  à  la  période  dont  j'évoque  le  souvenir,  elles  étaient 
bien  arrêtées.  Je  n'eus  donc  pas  de  peine  à  diriger  Laulanié  vers  la 
carrière  de  l'enseignement  et  vers  les  sciences  biologiques  qui 
avaient  beaucoup  d'attrait  pour  lui  depuis  qu'il  avait  entendu,  au 
lycée  d'Agen,  les  leçons  de  son  maître,  M.  Pérès. 

Au  surplus,  un  fait  accidentel  dans  le  fonctionnement  des  Eco- 
les vétérinaires  vint  précipiter  sa  détermination. 

Dans  le  but  de  favoriser  le  recrutement  de  certains  chefs  de  tra- 
vaux on  décida,  au  commencement  de  l'année  1874,  d'admettre  au 
concours  les  élèves  de  nos  Ecoles  non  encore  diplômés. 

L'expérience  était  tentée  à  l'occasion  de  deux  places  de  chefs  de 
travaux  anatomiques  vacantes,  l'une  à  Toulouse,  l'autre  à  Alfort. 

Après  une  préparation  hâtive,  gênée  par  les  études  régulières  que 
les  candidats  devaient  suivre  pour  arriver  au  diplôme,  Laulanié  se 
rendit  au  concours. 

La  majorité  du  jury  était  hostile  à  la  mesure  et  comptait  bien  qu'il 
lui  serait  permis  de  repousser  tous  les  candidats. 

Son  attente  fut  trompée.  Malgré  quelques  impinidences  de  lan- 
gage sur  les  opinions  scientifiques  d'un  juge,  Laulanié  se  montra 
tellement  supérieur  aux  autres  candidats  et  si  fort  instruit  qu'il  fut 
déclaré  admissible  et  nommé  d'abord  à  l'Ecole  d'Alfort. 


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—  260  - 

Mais  il  fil  respectueuseménl  observer  qu'en  venant  concourir  son 
intention  était  de  rester  près  de  ses  maîtres  et  de  son  pays  natal*.  Sur 
SCS  représentations  et  ses  désirs  nettement  exprimés,  la  décision  mi- 
nistérielle fut  modifiée.  Aussi,  après  avoir  obtenu  son  diplôme,  Lau- 
lanié  fut  de  piano  atlaché  à  ma  chaire,  à  l'Ecole  de  Toulouse. 

Développant  alors  et  avec  rapidité  la  disposition  à  renseignement 
qu'il  montrait  dès  l'adolescence,  il  devint  rapidement  un  maître 
hors  pair. 

On  peut  affirmer  qu'il  instruisit  et  charma  son  auditoire  pendant 
plus  de  trente  ans. 

Non  seulement  sa  parole  était  chûtiée  sans  recherche  ;  mais  elle 
était  saisissante,  prenante,  et  par  quelques  mots  heureusement  choi- 
sis fixait  ridée  du  professeur  dans  le  ceneau  de  relève. 

Il  suffisait  de  Tcnlendre  quelques  minutes  ;  aussitôt  on  était  con- 
vaincu de  sa  liante  culture  et  de  l'ampleur  de  son  intelligence. 

A  ce  point  de  vue,  la  carrière  de  Laulanié  se  divise  en  deux  pé- 
riodes. 

Dans  la  première,  il  aborde  surtout  des  sujets  d'anatomie  géné- 
rale, d'histologie  normale  et  pathologique.  Comme  il  est  persuadé 
(|ue  la  connaissance  des  piaules  et  des  animaux  inférieurs  peut  faci- 
liter l'étude  des  \ertéhrés  supérieurs  et  ouvrir  des  aperçus  géné- 
raux sur  la  morphologie,  il  va  demander  à  la  Faculté  des  sciences 
(les  notions  plus  étendues  sur  le  monde  animé  et  fait  consacrer  ses 
études  géologiques,  bolanicjues  et  zoologiques  par  le  titre  de  licen- 
cié es  sciences  naturelles. 

Quand  il  se  sentit  armé  pour  la  recherche  scientifique,  il  se  lança 
à  la  découverte  et  en  quel(}ues  années  il  publia  trente-six  notes  pu 
mémoires  sw  l'histologie  normale  et  pathologique. 

Sur  le  terrain  de  l'histologie  normale,  il  s'atta(jua  aux  questions 
(jui  sollicitaient  i)arliculièreïnent  l'attention  des  savants  de  cette 
épotpie  et  fut  assez  heureux  pour  leur  donner  une  solution  ou  tout 
au  moins  apporter  à  leur  solution  une  contribution  de  grande 
valeur. 

Je  ne  puis  songer  à  citer  tous  ses  tra\aux  ;  je  me  bornerai  à  men- 
tionncM-  les  plus  remarqués. 

De  ce  nomlire  furent  ses  lecherches  sur  l'évolution  comparée  de 
la  sexualité  dan^  Tindividu  et  dans  lespècc,  sur  la  valeur  de  l'épi- 
thélium  germinatif  et  des  ovules  i)rimordiaux,  sur  le  rôle  et  la 
signification  des  cellules  de  Sertoli,  qui  le  classèrent  parmi  nos 
embryologistes  les  plus  réputés. 


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^  261  — 

Telles  sont  encore  ses  éludes  sur  la  structure  du  placenta  fœtal, 
qui  le  conduisirent  à  une  découverte  inattendue,  savoir  :  que  la  zone 
fonclionnello  du  placenta  des  petits  rongeurs  est  formée  d'une  cel- 
lule gigantesciue  pouvant  atteindre  jusqu'à  trois  centimètres  de  dia- 
mètre, qu'il  regarde  comme  le  premier  exemple,  chez  les  animaux, 
d'un  symplasle  cellulaire  signalé  déjà  chez  les  végétaux  inférieurs. 

La  structure  de  ce  symplaste  ou  plasmode  est  celle  d'une  immen- 
se formation  réticulaire  parsemée  de  noyaux  dont  les  mailles  sont 
autant  de  lacunes  qui  la  convertissent  en  une  sorte  d'épongé  péné- 
liée  par  les  vaisseaux  de  la  mère. 

Kn  s'atlachant  à  cette  (fuestion,  Laulanié  devint  Témule  de  Ma- 
Ihias  Duval,  dont  les  travaux  sur  le  .placenta  ^constituent  une  des 
parties  les  plus  importantes  de  l'œuvre  de  ce  maître.  Mais  après 
avoir  décrit  avec  un  soin  méticuleux  les  différentes  formes  du  pla- 
centa, Mathias  Duval  hésita  à  les  rapprocher  dans  une  sorte  de 
synthèse.  Etant  donnée  la  nature  de  son  esprit,  Laulanié  ne  pouvait, 
à  son  tour,  s'arrêter  devant  la  multiplicité  des  faits.  Il  montra,  dans 
Tune  des  pages  les  plus  lumineuses  de  ses  éléments  de  physiologie, 
(jue  les  moyens  employés  par  la  nature  pour  conduire  le  sang  du 
jeune  sujet  à  la  recherche  du  sang  maternel  dérivent  d'un  plan  uni- 
que dont  les  détails  sont  plus  ou  moins  poussés  suivant  les  espèces. 
Là  où  les  contacts  entre  les  deux  sangs  so^it  moins  intimes,  l'im- 
perfection est  compensée  par  une  étendue  plus  considérable  du  pla- 
centa et  réciproquement. 

La  signification  donnée  par  Laulanié  au  disque  placentaire  des 
petits  rongeurs  mérite  encore  d'être  retenue  parce  qu'elle  le  con- 
duisit à  des  notions  d'une  haute  portée  dans  le  domaine  de  l'anato- 
mie  pathologique. 

En  effet,  dans  les  noies  ou  mémoires  qu'il  a  [)iibliés  sur  l'histo- 
logie pathologique,  on  trouve  le  témoignage  d'une  préoccupation 
particulière  incessante  pour  la  genèse  et  la  signification  des  cellu- 
les géantes. 

Laulanié  s'attache  à  ces  cellules  dans  les  lésions  diverses  où  il 
les  rencontre.  Il  veut  en  saisir  la  signification  et  le  rôle.  Il  y  réussit 
à  ce  point  (jue  ses  obser\ations  ont  conquis  une  place  importante  et 
définitive  dans  la  solution  d'un  problème  de  pathologie  générale 
qui  fut  passionnant  à  une  certaine  époque. 

Nous  parlons  du  moment  où  nos  analomo-pathologisles  pensaient 
avoir  trouvé  dans  le  follicule  de  Koslcr  la  signature  de  la  tubercu- 
lose. Toute  lésion  renfcrniant  à  son  centre  une  cellule  géanto  et  à 


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—  262  — 

sa  périphérie  des  cellules  épithélioldes  et  des  cellules  rondes  était 
réputée  tuberculeuse. 

Cette  idée  régna  sans  conteste  pendant  plusieurs  années.  Elle  eut, 
pour  un  temps,  d'heureuses  conséquences,  notamment  de  faire  ren- 
trer la  scrofule  dans  le  domaine  de  la  tuberculose  auquel  elle  ap- 
partient réellement.  Mais  si  elle  eût  élé  acceptée  définitivement,  elle 
aurait  conduit  à  de  fâcheuses  erreurs.  On  sait  aujourd'hui  qu'il 
existe  des  lésions  tuberculeuses  où  l'on  chercherait  vainement  des 
cellules  géantes,  et  des  lésions  non  tuberculeuses  où  ces  cellules 
existent. 

A  Laulanié  revient  l'honneur  de  nous  avoir  libéré  de  cette  opinion 
excessive.  Il  montra  un  jour  que  des  parasites  végétaux  très  supé- 
rieurs aux  bacilles,  tel  ïaspergillus  niger  et  même  des  parasites 
animaux,  tels  que  le  demodex  des  follicules  pileux,  et  le  strongle 
des  vaisseaux,  provoquent  la  formation  de  cellules  géantes  dans 
les  organes  où  ils  s'arrêtent.  Les  cellules  situées  au  contact  de  ces 
parasites,  irritées  par  ce  voisinage,  s'hypertrophient  et  se  fusion- 
neiït  pour  englober  l'hôte  étranger,  laissant  comme  témoins  de  leur 
irritation  et  de  leur  fusion  de  nombreux  noyaux  voisinant  avec  les 
corps  englobés.  Le  symplastc  une  fois  constitué  s'entoure  d'une  ou 
plusieurs  ceintures  de  cellules  qui  achèvent  la  ressemblance  avec 
une  foraialion  tuberculeuse.    • 

La  cellule  géante  caractérise  donc  la  présence  d'un  corps  étran- 
ger exerçant  directement  ou  indirectement  une  irritation  soutenue 
sur  les  cellules  nonnales  capables  de  prolifération.  Elle  forme  le 
centre  d'une  granulation.  Mais  la  nature  de  la  granulation  est  dé- 
terminée par  celle  du  corps  irritant.  Elle  sera  tuberculeuse  si  ce 
corps  est  le  bacille  de  Koch;  elle  sera  pseudo-tuberculeuse  dans  tous 
les  autres  cas. 

Cette  conclusion  à  laquelle  nous  avons  été  conduits  par  les  obser- 
\alions  de  Laulanié  est  uni\ersellenient  adoptée  à  l'heure  actuelle. 
Elle  a  supprimé  des  discussions  stériles  et  hAté  la  marche  des  étu- 
des sur  la  tuberculose  et  sur  d'autres  maladies  vindentes. 

\aturellenienl,  elle  repose  sur  un  bel  et  nnportant  ensemble  de 
recherches  et  d'observations  (jui  fil  l'objet  d'une  thèse  très  remar- 
(|uée  que  Laulanié  soutint,  en,  1888,  pour  le  grade  de  docteur  en 
iné(lecin(\ 

Pendant  qu'il  poursuivait  ses  travaux  les  plus  intéressants  sur 
l'histologie  normale  et  pathologique  et  sur  l'embryologie,  l'occasion 
h'oiïrit  à  lui  de  passer  de  la  chaire  d'anatomie  descriptive  et  géné- 


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MONUMENT     LAULANIÉ 


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■|..     ■■!  -  I 


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raie  à  la  chaire  de  physiologie,  par  permutation  avec  Toussaint,  un 
autre  de  nos  collègues  enlevé  prématurément  aux  sciences  biolo 
giques  où  il  s'était  déjà  signalé  par  des  découvertes  capitales. 

La  permutation  le  tentait.  Il  la  demanda  un  peu  malgré  mes  con- 
seils. Je  craignais  que  Laulanié,  dont  l'imagination  ardente  vivifiait 
si  heureusement  les  éléments  analomiques  qu'il  observait  sous  le 
microscope,  eut  quehjuo  difficulté  A  se  plier  à  la  discipline  plus  ri- 
goureuse de  la  méthode  expérimentale. 

L'avenir  démontra  (|ue  je  ne  connaissais  pas  toute  la  souplesse  et 
toutes  les  ressources  de  rinlelligence  de  mon  disciple. 

Cette  imagination  si  vive,  si  prompte  à  s'envoler,  Laulanié  sut 
la  maîtriser.  Elle  lui  suggéra  à  coup  sûr  de  nombreuses  hypothè- 
ses. Mais,  expérimentateur  consciencieux,  il  soumit  toujours  les 
suggestions  de  son  esprit  au  contrôle  de  Texpérimentation  la  plus 
sévère. 

Aussi,  dans  cette  nouvelle  orientation,  il  ne  tarda  pas  à  se  faire 
remarquer  par  son  érudition  et  ses  découvertes,  et  encore  par  l'in- 
géniosité qu'il  déploya  dans  la  conception  de  nombreux  instruments 
ou  appareils  dont  quelques-uns,  considérables,  donnaient  à  son  la- 
boratoire un  grand  cachet  d'originalité. 

Physiologiste,  Laulanié  appose  sa  signature  sur  plus  de  soixante 
notes  ou  mémoires  de  physiologie  normale  et  pathologique  et  sur 
deux  volumes  dont  l'un  est  considérable.  J'ai  nommé  ses  Eléments 
de  physiologie. 

Il  inaugura  son  u*uvre  physiologique  par  une  étude  sur  la  con- 
traction musculaire,  étude  de  transition,  peut-on  dire,  car  elle  em- 
pruntait ses  moyens  à  la  microscopic. 

Pour  expliquer  le  raccourcissement  du  muscle,  au  plissement  de 
h  fibre  proposé  par  quelques  auteurs,  avait  été  substituée  la  théorie 
de  Tonde  musculaire.  Mais  Tonde,  dans  les  conditions  artificielles 
où  elle  avait  été  observée  et  enregistrée,  était-elle  bien  l'expression 
de  la  vie  normale  du  tissu  musculaire  ?  La  question  pouvait  se  po- 
ser. Laulanié  la  trancha  grâce  à  un  sujet  d'étude  que  le  hasard  mil 
sous  ses  yeux. 

Lorsque  nous  travaillions  ensemble,  nous  avions  l'habitude  de 
l'aire  donner  (juelques  coups  de  filet  sur  les  bords  du  canal  du  Midi. 
Kn  quelques  minutes,  on  recueillait  un  très  grand  nombre  d'inver- 
tébrés de  tous  genres,  adultes  ou  à  Tétat  larvaire,  dont  l'observation 
sous  la  loupe  ou  le  microscope  était  pour  nous  une  source  d'en- 
chantements. Ln  jour,  se  trouvant  à  la  campagne,   dans  le  départe- 


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—  264  — 

ment  du  Gers,  chez  son  ami  le  regrctlé  professeur  Lartet,  et  Thabi- 
lude  le  poussant,  il  plongea  un  filet  à  papillon  dans  une  pièce  d'eau 
et  en  retira  la  larve  du  Coielhra  plumicornis  dont  la  transparence 
permet  d'observer,  sous  le  microscope,  la  contraction  des  faisceaux 
musculaires. 

Or,  si  la  larve  est  douée  de  toute  sa  vitalité,  le  raccourcissement 
el  Tépaississement  s'opèrent  instantanément  et  simultanément  sur 
toute  la  longueur  du  faisceau  contractile  ;  au  contraire,  Tonde  ap 
paraît  lorsque  la  larve  est  sur  le  point  de  mourir  par  asphyxie, 
c'est-à-dire  lorsque  diminue  la  vitalité  du  muscle.  Donc  la  contrac- 
tion physiologique  doit  être  cherchée  en  partant  non  du  plissement 
de  la  fibre  et  de  Tonde  musculaire,  mais  du  raccourcissemeiit  géné- 
ral des  faisceaux  contractiles.  Laulanié  a  donc  enfermé  le  problème 
du  mécanisme  intime  de  la  contraction  de  la  fibre  musculaire  dans 
des  limites  plus  étroites  et  indiqué,  en  môme  temps,  la  direction 
qu'il  fallait  donner  aux  futures  recherches. 

La  circulation  du  sang  dans  le  cœur  et  les  vaisseaux  ainsi  que  la 
physiologie  du  nerf  pneumogastrique  ont  fixé  son  attention. 

C'est  pour  conduire  ce  genre  d'études  à  bonne  fin,  qu'il  fit  cons- 
truire plusieurs  instruments  originaux,  notamment  un  cardiogra- 
phe direct  à  aiguille,  une  pince  sphygmographique,  un  sphygmo 
graphe  pour  l'inscription  du  poules  des  organes,  un  manomètre  à 
eau  pour  l'enregistrement  de  la  pression  dans  les  grosses  veines  de 
la  base  du  cou. 

Mais  le  chimisme  de  la  respiration  et  tous  les  grands  problèmes 
physiologiques  qui  s'y  rattachent  furent  son  sujet  de  prédilection. 
11  lui  consacra  les  quinze  dernières  aimées  de  sa  carrière. 

L'étude  simultanée  de  la  thermogénèse  et  des  échanges  respira- 
toires, inaugurée  par  Dulong  et  Desprclz,  présente  de  grandes  dif- 
ficultés. Elles  avaient  éloigné  de  cette  étude  le  plus  grand  nombre 
des  physiologistes  qui  se  sont  proposé  la  recherche  des  lois  de  la 
calorification  dans  ses  rapports  avec  la  respiration.  Aussi  était-elle 
incomplète  et  les  notions  acquises  parfois  contradictoires. 

A  la  conception  simpliste  de  Lavoisier  sur  la  source  de  la  chaleur 
animale,  on  objectait  que  la  conibuslion  respiratoire  ne  pouvait  pas 
rendre  com})le  de  toute  la  chaleur,  que  celle-ci  devait  s'alimenter  à 
d'autres  sources  dont  la  participation  était  aussi  variable  qu'inégale 
et  qu'ainsi  la  thermogénèse  et  la  respiration  n'étaient  liées  ni  par  un 
rapport  simple  ni  [)ar  un  rapport  constant.  Dès  lors,  la  calorimétrie 
chimique,  c'est-à-dire  Tévaluation  de  la  chaleur  animale  par  la  dé- 


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—  265  — 

lermination  des  échanges  respiratoires,  ne  donnerait  que  des  résul- 
tats illusoires. 

La  théorie  ne  fournissait  d'ailleurs  aucune  indication  sur  l'éten 
due  ou  la  direction  des  changements  que  les  conditions  extérieures 
ou  intérieures  peuvent  apporter  dans  le  coefficient  thermogène  de 
la  respiration. 

La  question  appelait  donc  une  recherche  systématique  et  inten- 
tionnelle. Laulanié  s'y  lança  avec  toute  son  ardeur  et  toute  son  in- 
telligence. Il  escomptait  une  abondante  récolte  de  faits  d'une  haute 
importance  : 

S'il  parvenait  à  découvrir  les  lois  des  variations  du  coefficient 
Ihcrmogène  des  combustions  respiratoires,  la  calorimétrie  chimique 
cessait  d'être  une  vanité,  et  par  celle  méthode,  il  pouvait  acquérir 
peut-être  des  résultats  de  nature  à  jeter  quelque  lumière  sur  les  ré- 
actions extra  ou  pré-respiratoires  qui  participent  à  la  production  de 
la  chaleur  animale. 

Au  fur  et  à  mesure  qu'il  s'engagea  dans  cette  recherche,  il  créa 
un  outillage  adapté  à  ses  besoins.  Il  fit  connaître  successivement 
son  calorimètre  à  rayonnement,  son  oxygénographe,  son  grand 
cnlorimètre  à  eau  et  son  régulateur  à  écoulement,  etc.,  c'est-à-dire 
toute  une  série  d'appareils,  de  dispositifs  ingénieux  de  plus  en  plus 
perfectionnés  pour  la  mesure  des  échanges  respiratoires  et  de  la 
Ihermogénèse  dans  des  conditions  variées. 

Il  examinait,  sous  ce  rapport,  l'Influence  de  l'inanition,  du  régime 
hydrocarboné,  du  régime  carné,  du  repos  ou  de  l'activité  du  sys- 
tème musculaire,  des  conditions  qui  modifient  le  refroidissement  du 
corps  par  rayonnement,  comme  la  tonte  et  le  vernissage  de  la  peau. 

Sur  la  question  précise  qu'il  avait  tout  d'abord  embrassée,  Lau- 
lanié a  montré  que  les  courbes  de  la  thermogénie  et  celles  de  l'ab- 
sorption de  l'oxygène  et  de  l'exhalaison  de  l'acide  carbonique  sui- 
vent une  marche  parallèle  et,  par  là,  a  contribué  heureusement  à  la 
vérification  de  la  tliéorie  de  Lavoisier  sur  l'origine  de  la  chaleur 
animale.  De  plus,  il  a  éclairé  le  mécanisme  de  certaines  discordan- 
ces regrettables  observées  avant  lui  entre  l'absorption  de  l'oxygène 
et  l'exhalaison  de  l'acide  carbonique,  lorsque  variait  la  nature  de 
Talimentation. 

Parmi  les  services  les  plus  signalés  qu'il  ait  rendus  aux  physio- 
logistes, je  signalerai  l'explication  qu'il  a  donnée  de  l'influence  du 
régime  exclusivement  hydrocarboné  sur  la  marche  des  courbes  de 
la  chaleur  et  celles  des  coefficients  respiratoires. 


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—  266  — 

Ce  cas  semblait  se  soustraire  à  la  théorie  de  Lavoisier  en  ce  sens 
que  la  quantité  d'acide  carbonique  exhalée  dépasse  de  beaucoup 
celle  de  Toxygène  absorbé.  Mais  Laulanié  s'est  aperçu  que  la  courbe 
thermique  suit  la  cour}>e  de  l'absorption  de  Toxygène  ;  de  sorte 
(jue  là  encore  la  chaleur  produite  est  bien  le  résultat  des  combus- 
tions entretenues  par  Toxygène.  Quant  à  Tacide  carbonique  excé- 
dant, il  provient  d'un  acte  chimique  qui  n  a  rien  à  voir  avec  la  ther- 
mogénèse. 

Les  physiologistes  et  les  chimistes  supposaient  que  cet  acte  se 
rattachait  à  Tanaérobiose  et  consistait  en  un  dédoublement  des  hy- 
drates de  carbone  en  graisse,  eau  et  acide  carbonique,  auquel  ne 
participait  pas  Toxygènc  de  la  respiration.  Les  déterminations 
thermogénéliques  obtenues  par  Laulanié  ont  apporté  une  sanction 
expérimentale  aux  indications  théoriques. 

A  propos  des  conditions  capables  de  retentir  sur  le  processus  de 
la  thermogénèse,  nous  avions  conçu  ensemble  le  projet  de  connaître 
exactement  la  nature  des  réactions  thermiques  qui  accompagnent 
les  maladies  infectieuses. 

Nous  désirions  savoir  si  la  fièvre  est  toujours  l'indice  d'une  aug- 
mentation de  la  thermogénèse,  si  elle  ne  serait  pas  quelquefois  la 
conséquence  d'un  simple  trouble  des  actes  régulateurs  de  la  chaleur 
animale  ou  l'eiTet  d'un  trouble  portant  simultanément  sur  la  ther- 
mogénèse et  la  dispersion  de  la  chaleur  par  rayonnement.  Nous 
aurions  voulu  connaître,  en  même  temps,  les  rapports  du  chimisme 
respiratoire  et  de  la  thennogénèse  avec  la  destruction  de  la  molécule 
azotée. 

Ce  vaste  plan  reçut  à  peine  un  commencement  d'exécution.  11  a 
été  entravé  par  la  maladie  du  principal  collaborateur,  il  mériterait 
d'être  repris,  car  l'ébauche  partielle  qui  en  a  été  faite  nous  avait 
révélé  des  différences  intéressantes  :  dans  les  cas  de  tuberculose 
chronique  par  exemple,  l'hyperthernie  ne  corrcsi)ond  pas  à  une 
augmentation  des  processus  de  la  thermogénèse,  mais  à  une  régula- 
tion particulière  des  actes  de  la  déperdition,  qui  ne  laisse  entrer  ces 
derniers  en  jeu  qu'à  partir  du  moment  où  la  lemj)érature  moyenne 
dépasse  la  normale,  résultat  [)artiellenient  inattendu. 

Après  cette  série  de  travaux  où  il  est  retenu  sur  le  môme  sujet 
on  apportant,  chaque  fois,  plus  de  rigueur  et  de  précision,  il  finit 
par  envisager  la  thermogénèse  dans  ses  rapports  avec  le  travail 
musculaire. 

En  vérité,  ses  expériences  sur  cette  question  sont  limitées  à  quel- 


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ques  points  particuliers.  Par  exemple,  il  a  montré,  à  son  tour,  que 
la  consommation  de  l'oxygène  augmente  pendant  le  travail  muscu- 
laire ;  il*a  contribué  aussi  à  établir  que  le  potentiel  engagé  dans  la 
production  de  la  force  musculaire  est  du  glucose,  et  que  ce  glucose 
est  fourni,  en  partie,  par  la  graisse  alimentaire  préalablement  fixée 
dans  la  réserve  adipeuse,  puis  transportée  dans  le  foie  .où  elle  se 
transformé  en  sucre. 

L'utilisation  des  graisses  d'après  ce  processus  fait  que,  si  le  tra- 
vail se  prolonge,  le  quotient  respiratoire  dimiime,  une  certaine 
quantité  de  l'oxygène  se  trouvant  employée  h  transformer  la  graisse 
en  sucre. 

Son  incursion  dans  le  domaine  de  l'énergétique  musculaire  mit 
Laulanié  plus  f>articulièrement  en  relation  scientifique  avec  notre 
illustre  maître,  le  professeur  Chauveau,  qui,  depuis  plusieurs  an- 
nées, fouillait  ce  vaste  sujet  jusqu'en  ses  moindres  détails. 

Il  nV  eut  pas  entre  eux  de  collaboration  dans  le  sens  du  mot,  mais 
des  échanges  de  vue  fréquents,  une  correspondance  suivie,  des  dis- 
cussions même  qui  furent  profitables  à  l'avancement  de  la  question. 

Si  le  logicien  disert  qu'était  Laulanié  se  dressait  parfois  et  s'irri- 
tait contre  le  déterminisme  inébranlable  de  M.  Chauveau,  son  émi- 
nenl  adversaire  trouvait,  dans  la  résistance  d'un  savant  qu'il  esti- 
mait et  affectionnait  beaucoup,  l'indication  de  chercher  des  argu- 
ments nouveaux  et  des  faits  absolument  péremptoires 

Loin  d'altérer  leurs  relations,  ces  discussions  ne  firent  que  les 
resserrer  davantage. 

Pénétré  mieux  que  personne  de  l'œuvre  de  M.  Chauveau,  Laula- 
nié entreprit  de  la  mettre  à  la  portée  du  public  savant  dans  un  petit 
volume  extrêmement  remarquable  de  la  collection  Léaulé  intitulé 
Energétique  musculaire. 

En  présentant  ce  travail  aux  lecteurs,  M.  Chauveau  se  plaît  à 
dire  que  l'auteur  a  traité  son  sujet  avec  un  rare  talent,  «  très  heu- 
reusement servi  par  l'indépendance  d'un  libre  esprit  largement  ou- 
vert à  toutes  les  idées  générales,  c'est-à-dire  au  souffle  animateur 
des  véritables  œuvres  scientifiques  ». 

On  ne  pouvait  en  faire  un  plus  bel  éloge. 

Laulanié  écrivit  avec  le  même  esprit  et  le  même  talent  ses  Elé- 
menh  de  physiologie,  fruit  de  ses  lectures,  de  ses  méditations  et  de 
ses  recherches  personnelles.  Cet  ouvrage,  que  je  n'hésite  pas  à  qua- 
lifier d'admirable,  acheva  d'auréoler  le  nom  de  son  auteur  et  de  le 
porter  loin  hors  de  nos  frontières.  11  fut  accueilli  avec  une  faveur 


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—  268  — 

inusitée.  La  première  édition  (1902)  était  à  peine  achevée  qu'il  fallut 
en  entreprendre  une  seconde  (1905),  à  la  fois  plus  étendue  et  plus 
complète.  ' 

Le  succès  de  ce  livi'c  se  justifie  d'ailleurs  ;  non  seulement  il  est 
très  savant,  richement  documenté,  mais  encore  très  attachant,  très 
facile  à  lirç,  même  dans  ses  chapitres  les  plus  ardus,  grâce  à  l'or- 
donnance parfaite  des  matériaux,  à  la  clarté  du  style,  à  son  pittores- 
que, à  son  élégance,  co(|uettes  parures  dont  Técrivain  ne  manquait 
jamais  de  décorer  l'expression  de  sa  pensée. 

Laulanié  regardait  ce  volume  comme  l'œuvre  maîtresse  de  sa 
\ie  scientifique.  Le  hasard  a  voulu  que  j'en  acquière  la  certitude. 
J'étais,  en  effet,  près  de  Laulanié  au  moment  où  ses  éditeurs  lui 
annonçaient  que  les  dernières  épreuves  étaient  corrigées.  Alors 
je  le  vis  en  proie  à  une  émotion  réelle  qu'il  ne  parvenait  pas  à  do 
miner,  de  celles  que  peut  éprouver  un  auteur  qui  s'est  donné  tout 
entier  et  avec  amour  à  la  conception  et  à  l'exécution  de  son  œuvre. 

Les  qualités  et  le  cachet  tout  particulier  que  Laulanié  savait  don- 
ner à  ses  écrits  tenaient  à  la  tournure  de  son  esprit,  à  la  valeur  de 
son  jugement  et  aussi  à  sa  haute  culture  littéraire. 

11  réservait  à  la  satisfaction  et  à  l'ornement  de  son  esprit  tous  les 
instants  qu'il  dérobait  à  l'expérimentation  et  à  ses  fonctions.  Il  n'au- 
rait pas  accepté  des  occupations  qui  ne  lui  eussent  laissé  les  loisirs 
nécessaires  pour  suivre  le  mouvement  littéraire,  méditer  sur  le  fond 
et  la  forme  de  la  pensée  des  meilleurs  auteurs  ou  des  auteurs  à  la 
mode. 

Il  avait  organisé  dans  ses  appartements  une  bibliothèque  où  il 
s'enfermait  chaque  soir  pour  vivre  quelques  instants  avec  les  litté- 
rateurs, les  poètes,  les  sociologues  et  les  philosophes. 

La  philosophie  a  toujours  exercé  sur  son  esprit  une  sorte  de 
fascination. 

Dans  sa  jeunesse,  le  mystère  de  l'au-delà  lui  avait  donné  de  véri- 
tables angoisses. 

Devenu  expérimentateur,  esclave  de  la  méthode,  il  alla  vers  le 
positivisme.  Mais  ceux  qui  vécurent  dans  son  intimité  étaient  en 
droit  de  se  demander  s'il  était  un  adepte  bien  convaincu  d'Auguste 
Comte,  car  il  adorait  la  métaphysique. 

L'inconnaissable  le  préoccupait  et  il  saisissait  avec  empressement 
toutes  les  occasions  d'en  discuter.  Faut-il  s'en  étonner  ?  Est-ce  que 
le  rêve  de  l'infini  n'a  pas  toujours  hanté  l'esprit  humain  ? 

Dans  le  seul  passage  de  ses  Eléments  de  physiologie  où  il  pou- 


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\all  encore  dévoiler  le  fond  de  sa  pensée,  à  propos  de  Texplication 
du  moi,  on  le  trouve  indécis  et  flottant  :  «  Nous  n'en  atteignons  que 
la  condition  organique,  dit-il,  et  à  ce  moment  même  nous  parve- 
nons aux  limites  de  notre  connaissance.  Dire  que  la  conscience  est 
la  face  subjective  du  mouvement  est  une  pure  tautologie,  à  moins 
que  ce  ne  soit  une  simple  conclusion,  mais  ce  ne  sera  jamais  une 
explication  et  il  ne  faut  pas  dire  que  Ton  comprend Toute  tenta- 
tive pour  aller  au-delà  nous  fait  pénétrer  dans  le  domaine  de  la  mé- 
taphysique, où  se  confondent  tous  les  problèmes  que  la  science  re- 
jette comme  inaccessibles  à  l'esprit  humain.  » 

Au  surplus,  M.  le  docteur  Labat,  de  Laplume,  un  ami  qui  fut  sou- 
vent son  interlocuteur,  m'écrivait  récemment  que  Laulanié  prot4?s- 
tait  lorsqu'on  semblait  douter  de  son  positivisme.  Mais,  ajoutait-il, 
«  on  sentait  qu'il  était  mal  à  l'aise  sur  le  terrain  solide  et  un  peu 
étroit  de  cette  doctrine.  L'orientation  nouvelle  de  la  pensée  philo- 
sophi(|uo  contemporaine  lui  eût  apporté  du  soulagement  moral  et 
de  l'alléirresse  intellectuelle.  Le  renouvellement  de  la  psychologie, 
l'étude  de  la  portion  subcpnsciente  de  Tûme,  des  forces  vives  qu'on 
y  constate  et  qui  conditionnent  peut-être  le  fonctionnement  des  fa- 
cultés dites  supérieures,  le  pragmatisme  de  William  James,  le  livre 
de  Poincaré,  certains  articles  de  Boutroux,  l'auraient  enchanté  ». 

Après  tout,  qu'importe,  comme  l'écrivait  Renan  dans  l'éloge  de 
Cl.  Bernard  :  «  le  plus  pur  idéaliste  est  souvent  celui  qui  croit  de- 
voir à  une  certaine  franchise  de  se  dire  matérialiste  ». 

Cependant  il  faut  regretter  qu'il  n'ait  pu  fixer  sa  pensée  philoso- 
phique, car  ses  préoccupations  étaient  celles  des  plus  nobles  esprits 
de  notre  époque. 

Son  enseignement,  ses  recherches  originales  auxquelles  vinrent 
s'ajouter  des  fonctions  administratives,  ne  lui  en  ont  pas  laissé  le 
loisir. 

Nonrmié  Directeur  de  l'Ecole  vétérinaire  de  Toulouse,  en  1888, 
à  l'âge  de  38  ans,  il  dut  consacrer  beaucoup  de  temps  pour  s'adap- 
ter à  un  rôle  pour  lequel  il  ne  paraissait  pas  préparé.  Mais  il  prit 
sa  tâche  à  cœur  et  l'on  est  unanime  à  reconnaître  qu'il  s'en  acquitta 
d'une  façon  très  heureuse  pour  l'Ecole.  Il  perfectionna  les  installa- 
tions scientifiques  existantes,  surtout  il  en  créa  de  nouvelles,  afin 
de  permettre  à  toutes  les  branches  de  l'enseignement  de  poui-voir  à 
l'instruction  des  élèves  et  de  contribuer  au  progrès  des  sciences 
médicales  et  de  l'hygiène. 

D'esprit  large,  tolérant  et  bienveillant,  il  sut  rendre  son  autorité 

18 


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légère  et  s'entourer  des  sympathies  et  de  la  haute  estime  de  son 
personnel  à  tous  les  degrés. 

Laulanié  aimait  le  monde.  A  une  certaine  époque  de  sa  vie,  il 
n'en  dédaignait  pas  les  plaisirs.  Mais  ce  qu'il  a  toujours  recherché 
dans  les  réunions,  c'est  la  conversation.  Les  idées  naissent  de  la 
discussion  courtoise.  Chez  lui  elles  se  précipitaient,  nombreuses, 
alternativement  graves  et  légères.  Il  les  exprimait  vivement,  sou- 
vent d'une  manière  imagée,  car  il  partageait  avec  quelques  beaux 
esprits  le  goût  et  l'art  de  la  métaphore,  parfois  avec  éloquence. 
S'il  ne  parvenait  pas  toujours  à  convaincre  ses  interlocuteurs,  tou- 
jours il  leur  laissait  l'impression  d'un  parfait  galant  homme,  de 
haute  intelligence,  ayant  sur  toutes  choses  des  connaissances  plus 
ou  moins  approfondies,  de  qui  l'on  pouvait  presque  dire  que  rien 
de  Ce  qui  est  humain  ne  lui  était  étranger. 

Aussi  était-il  accueilli  avec  le  plus  vif  empressement  dans  tous  les 
milieux  où  une  part  était  faite  aux  préoccupations  intellectuelles. 
Dans  l'intimité,  il  était  charmant  autant  que  remarquable. 

La  plupart  des  questions  lui  fournissaient  l'occasion  d'exercer 
sa  verve  gaie  et  un  peu  mordante  ou  ironique,  de  décocher  quel- 
ques traits  et  de  provoquer  le  rire.  Maïs  si  les  questions  étaient  sé- 
rieuses, devenant  subitement  grave,  il  les  envisageait  à  tous  les 
points  de  vue  et  sous  toutes  les  faces,  avec  méthode,  en  un  langage 
élevé,  qui  impressionnait  vivement  ceux  qui  l'écoutaient. 

Sa  correspondance  était  délicieuse,  non  seulement  parce  qu'elle 
était  écrite  en  excellent  français,  mais  parce  que  toutes  choses  pre- 
naient sous  sa  plume  un  tour  agréable,  parce  que  les  mots,  leur 
arrangement,  reflétaient  les  moindres  vibrations  de  son  esprit  et 
donnaient  l'illusion  de  se  trouver  face  à  face  avec  lui. 

Cet  homme  brillant,  tantôt  gai  et  léger,  tantôt  absorbé  par  ses 
préoccupations  scientifiques,  était  un  .sensible. 

Il  revoyait  avec  émotion  tout  ce  qui  lui  rappelait  son  enfance  mo- 
deste, les  chemins,  les  sentiers  qu'il  parcourait  jadis  avec  son  père, 
les  arbres  où  il  s'était  reposé  dans  sa  jeunesse.  En  un  mot,  il  se 
plaisait  à  vivre  les  souvenirs  qui  attendrissaient  son  cœur  et  mouil- 
laient ses  paupières. 

A  un  moment  décisif  de  sa  vie,  il  embrassa  le  mariage  comme  il 
avait  embrassé  la  science,  avec  le  même  enthousiasme  et  le  même 
désintéressement.  Ensuite,  il  fut  le  plus  tendre  et  le  plus  attentionné 
(les  pères. 

Malheureusement,  les  trépidations  conlinuelles  du  système  ner- 


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veux  flans  une  nature  toute  de  sentiment  et  d'intellectualité  finirent 
par  amener  cjuelque  fatigue.  Après  avoir  lutté  pendant  un  certain 
temps  contre  le  mal,  Laulanié  dut  se  résigner  au  repos. 

H  choisit  pour  sa  retraite  les  pentes  des  environs  de  Vevey,  près 
(lu  point  où  elles  plongent  dans  les  eaux  bleues  du  Léman,  dans 
cette  partie  de  la  Suisse  où  la  nature  s'est  plu  à  rapprocher  dans 
le  cercle  de  la  vision  les  spectacles  les  plus  gracieux  et  les  plus' 
imposants,  où  les  eaux  du  lac  légèrement  ridées  par  la  brise  ou  le 
sillage  des  bateaux  brillent  scintillantes  sous  les  rayons  du  soleil  et 
reflètent  dans  le  calme  du  soir,  à  l'égal  d'un  miroir,  les  mille  feux 
<los  villages  et  des  villes  dispersées  sur  ses  bords. 

Te  prestigieux  tableau  impressionnait  vivement  notre  pauvre  ma- 
lade. 11  le  contemplait  longuement  et  trou^vait  dans  cette  vision  une 
diversion  à  sa  tristesse.  Peu  à  peu  il  se  prit  à  l'aimer  au  point  de 
songer  ne  plus  pouvoir  s'en  séparer.  Enfin,  envahi  tout  entier  par 
une  admiration  attendrie  pour  ce  merveilleux  paysage,  il  déclara  à 
plusieurs  reprises  que  là  il  voulait  dormir  son  dernier  sommeil. 

Hélas  !  ce  désir  devait  se  réaliser.  Malgré  les  soins  les  plus  atten- 
tifs et  les  plus  dévoués,  après  des  alternatives  d'améliorations  et 
d'aggravations,  c'est-.à-dire  d'espoir  et  de  découragement  pour  les 
siens  et  ses  amis,  Laulanié  succombait  au  mois  de  juin- 1906. 

Il  avait  donné  l'intuition  de  sa  haute  valeur  et  de  sa  haute  culture 
aux  personnes  qui  l'avaient  assisté  dans  sa  retraite,  tant  chez  lui 
ces  qualités  rayonnaient  sans  qu'il  s'en  préoccupât.  Une  humble 
parole  m'en  apporta  la  preuve. 

Je  voulus  me  recueillir  un  jour  devant  la  tombe  qu'il  avait  choisie. 
Le  gardien  qui  m'accompagnait  voyant  ma  physionomie  attristée 
devant  la  pierre  martelée  brutalement  sur  ses  bords,  telle  l'image 
du  Destin,  me  dit  d'un  accent  sincèrement  ému  :  «  Il  paraît  que 
c'était  un  grand  savant.  »  11  n'ajouta  pas  un  mot,  mais  il  concluait 
mcntale?ncnt  que  notre  pert«  était  imniense. 

Et  oui,  Laulanié  était  un  savant,  doué  des  facultés  les  plus  bril- 
lantes, que  le  destin  aveugle  a  brisé  avant  qu'il  ait  pu  nous  donner 
toute  sa  mesure,  avant  qu'une  grande  découverte  ou  une  grande 
idée  philosophique,  qu'il  était  capable  d'enfanter,  ait  rendu  son 
nom  à  jamais  célèbre. 

Son  vœu  a  été  respecté,  Laulanié  repose  près  de  la  petite  église 
de  La  Tour.  Mais  ses  élèves,  ses  amis,  ses  admirateurs  ont  tenu  à 
posséder  chez  nous,  dans  sa  patrie,  un  souvenir  de  celui  qui  leur 
avait  été  si  cruellement  et  prématurément  enlevé. 


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Ils  ont  érigé  ce  monument  à  sa  mémoire,  dans  la  ville  où  son 
savoir  était  si  fort  apprécié,  dans  TEcole  qu'il  était  en  train  d'illus- 
trer. 

A  l'envisager,  on  croirait  que  les  artistes  qui  l'ont  conçu  en  ont 
reçu  les  lignes  générales  de  Laulanié  lui-môme. 

Du  haut  de  son  socle,  le  maître  explore  du  regard  la  Science 
soulevant  à  peine  le  voile  qui  la  cache  ;  à  droite  et  à  gauche,  des 
bancs  demi-circulaires  semblent  prêts  à  recevoir  des  disciples  avides 
d'entendre  sa  parole.  Tel  est  bien  le  groupe  qu'il  aurait  rêvé,  car  il 
rappelle  les  deux  ambitions  de  sa  vie  :  découvrir  et  enseigner.- 


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UN  AGENAIS  A  LA  PRISE  DE  LA  BASTILLE 


L^hisloire  moderne  se  targue  de  procédés  scientifiques  et 
le  véritable  historien  ne  doit  ignorer  aucune  des  lois  de  la  psy- 
chologie ;  la  nouvelle  école  pense,  avec  raison,  que  le  docu- 
ment le  plus  futile  peut  présenter  un  intérêt  pour  nous  rensej" 
gner  sur  la  mentalité  d'une  société  ou  Tétat  d'esprit  d'une 
époque.  A  ce  titre,  il  nous  a  paru  utile  de  publier  une  lettre 
écrite  par  un  Agenais  quelques  jours  après  la  -prise  de  la  Bas- 
tille; dans  cette  épilre,  il  nous  narre  ses  impressions,  ses  crain- 
tes, ses  appréhensions  et,  s'il  ne  nous  apprend  rien  de  nouveau 
au  point  de  vue  des  faits,  il  nous  permet  de  saisir  avec  la  plus 
grande  netteté  les  opinions  d'un  bourgeois  agenais  à  tendan- 
ces libérales  ;  dans  les  termes  qu'il  emploie,  il'est  facile  de 
deviner  avec  quel  enthousiasme  il  voit  arriver  un  nouvel  or- 
dre de  choses.  M.  du  Prat  était  un  riche  négociant  en  draps 
installé  rue  Cornières,  il  appartenait  à  une  vieille  famille  de 
bourgeois  agenais,  qui  avait  essaimé  dans  les  environs  et 
fondé  à  Bordeaux  'et  à  Toulouse  des  maisons  analogues  à  celle 
d'Agen.  Vers  1789,  c'est  chez  lui  que  les  élégantes  agenaises 
trouvaient  les  soies  brochées,  les  satins  brodés  de  roses  et 
pailletés  d'or  et  d'argent,  ainsi  que  toutes  les  étoffes  à  la 
mode  l'pereienne,  musulmane,  indienne,  égyptienne  et  Gour- 
gourand;  il  exerçait  en  ce  moment  le  rôle  délicat  d'arbitre  des 
élégances.  Son  magasin  avait  une  réputation  régionale  et  chez 
lui  on  trouvait  toujours  l'étoffe  à  la  dernière  mode  de  Paris, 
.la  dernière  fantaisie  du  moment.  Il  se  faisait  un  point  d'hon- 
neur de  se  tenir  au  courant  des  nouveautés  et  entreprenait 
chaque  année  un  voyage  à  la  capitale.  Ce  n'était  pas  une  petite 
affaire.  Parti  dans  les  derniers  jours  de  juin,  après  s'être  ar- 
rêté à  Bordeaux  pour  voir  son  frère,  il  arriva  à  Paris  le  10 
juillet  1912.  A  partir  de  cotte  date,  il  assiste  avec  un  intérêt 
passionné  à  toutes  les  phases  de  la  Révolution  et  oubliant  pour 
un  instant  d'observer  cl  de  noter  les  évolutions  de  la  mode,  il 


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—  274  — 

préfère  s'occuper  de  celles  de  la  politique.  En  Gascon  avisé, 
il  se  trouve  toujours  à  l'endroit  où  il  y  a  quelque  chose  à  voir. 
Sa  correspondance  (1)  est  pleine  d'aperçus  intéressants  qui 
nous  fixent  sur  les  passions  politiques  de  ce  temps.  Une  chose 
frappe  surtout  à  la  lecture  de  ces  documents,  c'est  le  rôle  effa- 
cé joué  par  Louis  XVI  dont  il  parle  à  peine  et  au  contraire,  la 
place  prépondérante  qu'y  occupe  Marie-Antoinette,  contre  la- 
quelle il  s'acharne,  l'accusant  de  tous  les  crimes  et  de  toutes 
les  infamies.  Faût-il  voir  dans  cette  haine  l'influence  du  duc 
d'Aiguillon  qui  ne  pardonnait  pas  à  la  Reine  le  veto  formel 
qu'elle  opposait  à  son  retour  aux  affaires?  Dans  ce  cas, 
nous  ne  saurions  nous  étonner  de  voir  un  de  nos  com- 
patriotes -se  faire  l'écho  des  cancans  populaires  contre  une 
reine  assez  audacieuse  pour  empêcher  un  Gascon  d'arriver 
au  ministère,  où,  de  tous  temps,  notre  race  a  eu  une  place  mar- 
quée. A  ces  raisons  d'intérêt  régional,  il  faut  en  ajouter  d'or- 
dre plus  général  ;  Ma  rie- Antoinette  était  à  celte  époque  calom- 
niée par  toutes  les  chansons  et  diffamée  par  tous  les  libelles, 
en  racontant  tous  ces  cancans  à  son  frère,  M.  du  Pral  ne  fai- 
sait que  remplir  consciencieusement  son  rôle  d'informateur... 
il  le  faisait  avec  d'autant  plus  de  plaisir  qu'il  ne  cachait  pas 
ses  préférences  marquées  pour  le  nouveau  régime,  qu'il  espère 
être  celui  de  l'égalité  et  de  la  liberté. 

La  prise  de  la  Bastille  ayant  été  le  premier  acte  de  la  Révo- 
lution, il  est  intéressant  de  noter  l'impression  que  produisit 
cet  événement  sur  les  contemporains.  Par  une  lettre  datée  du 
18  juillet  1789,  M.  du  Prat  nous  fixe  à  cet  égard. 

«  Mo  voici  arrivé,  mon  cher  frère,  depuis  huit  jours,  mais  dans 
un  inoirH^nl  bien  criliquo  puiscjuo  j'ai  trouvé  Paris  dans  un  désoi*- 
(Jre  aflnuix  causé  par  le  renvoi  de  M.  Nccker  cl  rarrivéc  d*un  corps 
de  li'oupes  étrangères.  On  n'a  su  ([ue  dimanche  le  renvoi  de 
M.  \ccker,  le  même  jour,  le  connnun  du  peuple  s'est  armé  el  il  y 


(1)  Celte  correspondance  est  adressée  à  son  frère  M.  du  Prat,  négociant  à 
Bordeaux,  rue  du  Fort-l'Esparre  ;  elle  se  trouve  actuelleraeni  en  la  posses- 
sion de  M.  Paul  Amblard,  qui  la  tient  de  son  bisaïeul  M.  Louis  Amblard,  qui 
fut  1  exécuteur  testamentaire  de  M.  du  Prat. 


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—  275  — 

a  eu  des  incursions  par  les  troupes  étrangères.  Lundi  la  bourgeoi- 
sie s'est  armée,  mardi  elle  s'est  emparée  des  canons  des  Invalides 
avec  leurs  munitions  et  de  soixante  mille  fusils  qui  y  étaient  en  dé- 
pôt; le  même  jour,  la  Bastille  a  été  assiégée  et  forcée,  la  gaVnison 
passée  au  fil  de  Tépée,  cl  le  gouverneur  décapité  ainsi  que  le  ma- 
jor, le  prévôt  des  marchands  a  subi  le  même  sort  comme  traître 
envers  la  nation  et  leurs  tôles  ont  été  promenées  dans  la  ville,  les 
prisonniers  ont  été  élargis  et  le  même  soir,  ce  monument  du  des- 
potisme a  été  démoli  en  partie  ;  le  mercredi  le  Roy  a  fait  annoncer 
le  renvoi  des  troupes  étrangères  par  une  députation  des  Etats;  le 
lundi  la  bourgeoisie  s'est  fortifiée  et  a  doublé  ses  gardes  et  hier 
vendredi  le  Roy  est  venu  sceller  la  paix,  annoncer  le  renvoi  de  ses 
nouveaux  ministres  et  le  rappel  des  anciens.  La  bourgeoisie  a  for- 
mé un  corps  de  150,000  hommes  bien  armés  et  les  gardes  françai- 
ses étaient  de  leur  parti.  Voilà  des  choses  bien  étranges  et  si  je 
n'en  avais,  été  le  témoin,  je  croirais  que  c'est  un  rêve.  Il  était  temps 
d'en  agir  ainsi,  autrement  nous  devions  être  canonnés  à  boulets 
rouges  et  peut-être  n'existerions-nous  plus. 
«  Adieu,  porte-toi  bien,  etc..  » 

La  fin  de  cette  lettre  nous  paraît  aujourd'hui  un  peu  exagé- 
rée, mais  nous  excuserons  son  auteur  en  songeant  qu'il  arri- 
vait des  bords  de  la  Garonne  et  qu'à  ses  yeux,  de  modéré,  il 
fallait  bien  trouver  des  excuses  à  des  violences  que  Tami  de 
Tordre  réprouvait,  même  lorsqu'elles  annonçaient  l'avènement 
du  régime  de  ses  rêves  ! 

Jacques  Amblard. 


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BIBLIOGRAPHIE 


Correspondance  de  Bossuet,  nouvelle  édition  augmentée  de  let- 
Iros  inédiles  et  publiée,  avec  des  notes  et  des  appendices,  sous  le 
patronage  de  rAcadémie  française,  par  C\\,  Urbain  et  E.  Le\es- 
que,  tome  v  (janvier  lG92-septeinbre  1693).  —  Paris,  librairie  Ha- 
chette et  C***,  79,  boulevard  Saint-Germain,  1912,  1  vol.  in-8**  de 
558  pages. 

Les  éditeurs  de  la  Correspondance  de  Bossuet  poursuivent  mé- 
Ihodiquemont-  et  régulièrement  la  réalisation  de  Tœuvre  entrepri- 
se (1).  Les  éloges  mérités  par  les  j)récédents  volumes  peuvent  à 
bon  droit  être  décernés  à  celui  qui  vient  de  paraître.  C'est  toujours 
la  même  précision  et  la  même  abondance  dans  les  notes. 

Quand  on  ferme  le  livre  après  Tavoir  lu,  Timpression  qui  en  reste 
esl  excellente.  On  a  la  sensation  qu'après  l'achèvement  d'une  oeu- 
vre pareille  il  sera  possible  d'écrire  une  biographie  plus  complète 
et  plus  exacte  de  celui  qui  fut  et  sera  [)eut-être  toujours  le  plus 
grand  des  orateurs  de  la  France. 

Les  appendices  de  plus  en  plus  nombreux  occupent  en  ce  der- 
nier volume  85  pages  de  lexle.  Des  243  lettres  qu'il  contient,  197  ont 
été  publiées  d'après  les  originaux,  ou  sur  des  copies  authentiques, 
et  les  autres,  sauf  indication  spéciale,  d'après  le  texte  donné  par 
Deforis.  On  remarquera  (jue  42  de  ces  lettres  ne  figurent  pas  dans 
l'édition  Lâchât,  qui  est  jusqu'ici  la  plus  complète  et  la  plus  répan- 
due ;  le  texte  de  la  plupart  des  autres,  déjà  données  par  cet  édi- 
teur a  été  notablement  complété  d'après  les  originaux.  Enfin  on 
doit  regarder  connue  inédites  celles  qui  n'on-t  été  publiées  dans  la 
Uevue  Bossuet  qu'en  vue  de  la  présente  édition. 

Jean  Dubois. 


(1)  Voir  Revue  de  VAgennis,  année  1911,  p.  173. 


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CHRONIQUE 


Classement  comme  monument  historique  de  l'autel  de  la  cha- 
pelle de  Tancien  Couvent  des  Carmélites  d'Agen,  aujourd'hui 
le  Lycée  de  lilles.  —  Il  y  a  plus  de  vingt  ans  déjà  nous  appelions 
dans  celle  Revue  (1)  Taltenlion  de  ses  lecteurs,  comme  des  archéo- 
logues et  des  artistes,  sur  le  magnifique  autel  Louis  XV  de  la  cha- 
pelle de  l'ancien  couvent  des  Carmélites  d'Agen,  plus  tard  le  lycée 
impérial  de  garçons,  aujourd'hui  le  lycée  de  filles.  Sa  riche  orne- 
mentation, ses  boiseries,  ses  dorures,  en  font  un  des  plus  remar- 
quables des  églises  d'Agen.  Son  importance  est  encore  accrue  par 
un  superbe  tableau  représentant  sainte  Thérèse  en  extase,  que  Ton 
croit  pouvoir  attribuer  à  l'Ecole  espagnole  et  qui  en  orne  le  pan- 
neau principal. 

Une  menace  de  vente  a  pesé,  il  y  a  quelques  années,  sur  ce  bel 
immeuble.  Aussi  la  Société  académique  d'Agen  crùl-elle  devoir  à 
ce  moment  en  demander  le  classement.  S'il  n'a  pas  été  effectué 
jusqu'à  ce  jour,  du  moins  tout  danger  d'aliénation  paraît  devoir 
être  à  tout  jamais  écarté. 

Néanmoins,  le  nouveau  Conseil  municipal  d'Agen,  pressenti  par 
l'autorité  supérieure,  s'est  empressé,  dans  sa  séance  du  29  mai  der- 
nier, d'émettre  à  l'unanimité  un  avis  favorable  de  classement.  Nous 
Icn  félicitons  hautement. 

Aussi  croyons-nous  devoir  reproduire  ici  in-exlens'o  le  remarqua- 
ble rapport  que  noire  collègue,  M.  Allègre,  a  présenté  au  Conseil 
nmnicip^l,  auquel  s'associe  de  nouveau  pleinement  la  vSociété  aca- 
démique d'Agen  : 

«  Messieurs,  M.  le  Préfet  de  Lot-et-Garonne  a  informé  M.  le 
«  Maire  d'Agen,  le  2  avril  dernier,  que  la  Commission,  des  Monu- 
((  ments  historiques  a  proposé  de  faire  prononcer  le  classement,  au 
(1  nombre  des  monuments  historiques,  de  l'autel  situé  dans  la  cha- 
«  pelle  du  Lycée  des  jeunes  filles  d'Agen. 

«  Hier,  26  mai,  vous  m'avez  chargé  de  recueillir  les  renseigne- 


(1)  Voir  nevue  dr  rArjenais,  ann'7«»  1911,  p.  173. 


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—  27S  — 

«  ments  utiles  pour  vous  éclairer  à  ce  sujet,  et,  ce  matin,  je  me 
(1  suis  présenté  à  notre  Lycée  de  jeunes  filles,  où  j'ai  exposé  l'objet 
«  de  ma  mission  à  M"*  l'Econome,  qui  aussitôt  m'a  fait  ouvrir  la 
«  porte  de  l'église. 

«  Cet  édifice,  à  nef  unique,  frappe  par  ses  heureuses  proportions 
«  et  par  la  grâce  de  ses  voûtes  ogivales.  Ensuite,  lorsqu'on  dirige 
«  ses  regards  vers  le  chœur,  on  est  comme  ébloui  par  la  richesse 
«  de  la  décoration  de  Tîmlel  qui  occupe  le  fond  de  la  chapelle.  Au 
«  centre  une  pointure  représentant  sainte  Thérèse  retient  les  yeux 
<i  émerveillés  par  le  cliarmc  harmonieux  du  coloris,  la  correction 
«  du  dessin,  l'attitude  hiératique  de  la  Patronne  des  Carmélites. 
«  Quatre  colonnes  de  porphyre  soutiennent  le  dessus  de  l'autel,  et 
((  des  plaques  de  marbre  de  Sarrancolin  et  de  Campan,  aux  brillan- 
ce tes  couleurs,  sont  symétriquement  disposées  à  droite  et  à  gauche 
u  entre  les  colonnes  et  à  côté  d'elles. 

«  L'ensemble  est  d'un  élégant  rococo.  Les  f>ierres  et  les  bois 

«  sculptés,  les  peintures  et  les  dorures  sont  en  parfait  état  de  con- 

<i  servation  cl  forment  un  précieux  joyau  dont  nous  avons  le  droit 

«  d'être  fiers.  Je  crois  donc  devoir  vous  proposer  de  donner  un 

«  avis  favorable  au  classement  comme    monument    historique    de 

«  l'autel    et   du  retable  de   la  chapelle  du    Lycée  de  jeunes   filles 

(i  d'Agen. 

«  Ce  27  mai  1912. 

«  Allègre.  » 

Le  Conseil  municipal  a  adopté  les  conclusions  du  rapport  ci- 
dessus. 

Congrès  international  d'anthropolo^e  et  d'archéologie  préhis- 
toriques. —  La  XIV*  session  du  Congrès  international  d'anthropo- 
logie et  d'archéologie  préhistoriques  aura  lieu  ù  Genève,  du  9  au 
15  septembre  do  cette  année.  Le  Comité  d'organisation  adresse  un 
chaleureux  appel  à. toutes  les  sociétés  savantes  de  France.  Voici  les 
(juestions  générales  qu'il  propose  et  dont  il  envoie  le  programme 
à  notre  Société  : 

Questions  générales  proposées  par  le  Comité. 

1.  Chronologie  des  temps  quaternaires. 

2.  Les  races  fossiles  de  l'Europe. 

3.  Classification  des  Hominida;  actuels. 

•i.  Documents  nouveaux  sur  l'art  quaternaire. 


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—  279  — 

/ 

5.  Jusqu'à  quel  point  les  résultais  chronologiques  obtenus  par  les 

observations  slratigraphiques  pour  un  territoire  de  civili- 
sation déterminé,  peuvent-ils  s'appliquer  à  d'autres  terri- 
toires présentant  des  phénomènes  de  civilisation  analogues  ? 

6.  Les  restes  des  races  préhistoriques,  en  Afrique,  en  Asie  et  ei> 

Amérique. 

7.  Y  a-t-il   une  corrélation  génétique  entre  les  époques  de  la 

pierre  en  Europe  et  en  Asie  ? 

8.  Les  Pygmées,  préhistoriques  et  actuels. 

9.  Les  «  Primitifs  »  actuellement  vivants. 

10.  Les  rapports  méditerranéens  entre  l'Afrique  et  l'Europe  aux 

temps  préhistoriques. 

11.  Répartition  géographique  des  trouvailles  aziliennes. 

12.  Déterminer  l'époque  ou  les  époques  auxquelles  remonte  la 

fabrication  des  objets  en  pierre  taillée  et  en  pierre  polie 
dans  l'Afrique  intertropicale  ;  indiquer  la  répartition  géo 
graphique  de  ces  objets  et  les  traces  de  fabrication  actuelle 
d'objets  semblables  dans  les  mêmes  régions. 

13.  Terminologie  et  classification  des  vases  néolithiques  ornés. 

14.  De  l'utilité  et  do  l'extension  des  constructions  lacustres  dans 

les  temps  passés  et  dans  le  présent. 

15.  Comment  ont  pris  fin  les  palafittes  de  la  Suisse. 

16.  Indiquer  les  stations  dans  lesquelles  on  a  recueilli  des  pote- 

ries à  ornements  géométriques  incisés  antérieures  à  l'épo- 
que gallo-romaine. 

17.  Les  relations  entre  l'Italie  et  l'Europe  au  nord  des  Alpes 

pendant  l'âge  de  bronze. 

18.  Origine  de  l'emploi  du  fer. 

19.  Rechercher  par  quelles  voies  commerciales  sont  parvenus, 

dans  l'Europe  centrale,  et  la  Gaule  orientale,  divers  produits 
iiidustriels  de  provenance  hellénique  aux  époques  de  Halls- 
ladt  et  de  la  Tène. 

21.  Etude  comparative  des  signes  symboliques  représentés  sur 

les  monuments  ou  objets  des  temps  protohistoriques. 

22.  Les  pierres  à  bassins,  à  écuelles,  y  cupules.  Leur  origine, 

leur  signification  ou  leur  destination. 

23.  l'nificalion  des  mesures  anthropologi(|ues  (suite  du  travail 

entrepris  ù  Monaco),  l'nification  de  la  nomenclature. 

*      * 

La  défense  des  églises  de  France.  —  Une  magnifique  conférence 
sur  la  question   «  Commviil  aaiu  cr  nos  cyliscs  ?  »  vient  d'a\oir  lieu 


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-  280  ~ 

à  Caen,  le  31  mai  dernier,  sous  les  auspices  de  la  Société  française 
d'archéologie. 

On  sait  que  cette  société,  que  préside  depuis  plus  de  dix  aihs  avec 
tant  d'autorité  M.  Eugène  Lefèvre-Pontalis,  professeur  d'ardiéolo- 
gie  à  l'Ecole  des  Chartes  et  membre  de  la  Commission  des  Monu- 
ments historiques,  a  été  fondée  à  Caen  eu  1834  par  Arcisse  de 
Caumonl,  soutenu  par  Montaiembert  et  \  ictor  Hugo,  qui  menaient, 
en  présence  des  mêmes  dangers,  une  campagne  identique  à  celle 
qu*a  entreprise  de  nos  jours  M.  Maurice  Barrés. 

Aussi  ce  dernier  s'est-il  empressé  de  répondre  à  lappel  de 
M.  Eug.  Lefèvre-Ponlalis,  en  motivant  ainsi  son  acceptation  : 

«  J'aurais  voulu,  a-l-il  dit  à  M.  F.  Engerand,  député  du  Calva- 
«  dos,  faire  une  visite  de  remerciements  à  chacune  de  ces  nombreu- 
«  ses  sociétés  arcliéologiqucs  ou  académies  provinciales  <\uï  ont 
«  apjiorté  un  ap[)Ui  si  précieux  à  la  campagne  des  églises  et  qui 
«  ont  signé  la  «  pétition  des  artistes  »;  avec  la  meilleure  bonne  vo- 
<(  lonlé  du  monde,  je  ne  le  pouvais  pas  :  mais,  en  me  rendant  à 
u  Caen,  sur  l'invitation  de  Fillustre  Société  fondée  par  M.  de  Cau- 
«  mont,  j'enl«nds  donner  un  témoignage  de  déférence  et  de  grali- 
<(  tude  à  toutes  ces  compagnies  qui  groupent  un  si  grand  nombre 
«  d'hommes  éminenls  et  qui  sont  admirablement  placés,  en  dehors 
«  de  toute  politique,  pour  obtenir  le  sakit  de  notre  architecture  reli- 
«  gieuse  et  des  monuments  de  la  vie  spirituelle  française.  » 

On  n'ignore  pas  que  la  Société  académique  d'Agen  a  été  une  des 
premières  à  envoyer  son  adhésion  à  M.  Maurice  Barrés. 

Le  succès  de  cette  conférence  a  dépassé  toute  espérance.  Plus  de 
deux  mille  persoinies  y  assistaient.  Sur  l'estrade  avaient  pris  place, 
aux  côtés  de  l'éminent  conférencier  et  du  président,  Mgr  l'évèque 
de  Baveux,  M.  Fernand  Engerand,  rainiable  député  du  Calvados, 
si  dévoué  lui  aussi  à  la  défense  des  causes  artistiques  ;  M.  Flandin, 
député  de  Pont-l'Evêque  ;  M.  PerroUe,  maire  de  Caen  ;  M.  Sou- 
ri'au,  président  de  l'Académie  de  Caen  ;  M.  de  Longuemare,  pré- 
sident de  l'Association  normande  ;  M.  Le  Vard,  i)résident  de  la 
Société  des  beaux-arts,  etc.... 

La  renommée  du  conférencier,  le  puissant  inlérèt  national  et  ar 
listique  du  sujet,  avaient  réalisé  le  miracle  de  réunir  dans  la  salle 
des  hommes  de  toutes  opinions  politiques  et  de  loules  croyances. 
Leur  accord  unanime  pour  affirmer  qu'il  faut  sauver  nos  églises 
élait  H  lui  seul  un  programme  d'action.  El  tous  encore  se  sont  Irou- 


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—  281  — 

vés  d*accord  pour  faire  une  chaleureuse  ovation  à  M.  Maurice  Bar- 
rés. 

Avec  ce  prestigieux  talent  d'évocation  qui  le  caractérise,  Torateur 
a  tracé  un  tableau  émouvant  de  la  beauté  des  églises  de  France  et 
du  péril  qu'elles  courent.  Il  s*est  surtout  attaché  à  bien  définir  le 
caractère  et  le  but  de  la  campagne  qu'il  mène  pour  elles  et  qui  est 
au-dessus  de  toute  politique  de  parti. 

«  —  Empêchons,  a-l-il  dit,  les  églises  de  s'écrouler  ;  plus  tard, 
«  nous  nous  occuperons  du  règlement  général  des  difficultés  créées 
«  par  la  loi  de  séparation.  Une  solution  générale  et  définitive,  tout 
«  le  monde  le  sait  bien,  ne  s'obtiendra  que  le  jour  où  l'on  voudra 
«  s'entendre  avec  Rome.  Mais  aujourd'hui  le  problème  urgent  pour 
«  lequel  il  faut  une  solution,  fût-elle  provisoire,  c'est  que  les  égli- 
«  ses  soient  entreténues,  sauvegardées,  même  si  les  conseils  mu- 
«  nicipaux  s'y  opposent.  » 

Ajoutons  que  M.  Barrés  est  en  mesure  d'apporter  devant  la  Cham- 
bre une  solution  provisoire  qui  cadrera  avec  l'ensemble  de  notre 
législation,  en  s'en  tenant  au  point  de  vue  des  monuments  histori- 
ques. 

Ph.  L. 


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PROCÈS-VERBAUX 

Des  fléuiees  de  la  S^iété  des  SeieMes,  LellKS  et  Arts  d'Agei 


Séance  du  2  mai  1912.  —  PrésUlence  de  M,  le  rhanoine  Durengues 

M.  de  Lagraiige-Ferrègues,  membre  correspondant,  est  élu  mem- 
bre résidant. 

M.  Jacques  Amblard  remercie  la  Société  de  l'honneur  qu'elle  lui 
a  fait  en  le  nommant  membre  titulaire.  Il  l'assure  de  son  zèle  et  de 
son  dévouement. 

M.  J.  Duffau,  pharmacien  à  Sos,  fait  part  des  dernières  décou- 
vertes effectuées  dans  celle  ville.  Il  cite  notamment  «  un  fragment 
«  de  flûte  ou  de  sifflet  en  os,  percé  de  quatre  trous,  présentant  Tas- 
«  pect  de  ceux  signalés  dans  les  (-..vernes  de  Tépoque  néolitique  ou 
«  dans  les  Palafittes.  »  Il  a  été  trouvé  à  6  mètres  de  profondeur, 
dans  la  couche  sablonneuse  de  la  brèche  du  rempart  nord,  non  loin 
de  l'endroit  où  gisaient  les  pierres  à  tenons.  M.  Duffau  en  repro- 
duit le  dessin  grandeur  naturelle. 

A  son  tour,  M.  Lagarrigue,  instituteur  ^  Meylan,  fournit  d'inté- 
ressants renseignements  sur  les  projets  d'exploitation  des  miniè- 
res de  fer  de  la  vallée  de  la  Gueyze,  formant  tant  dans  le  Lot-et- 
Garonne  que  dans  les  Landes  une  étendue  de  près  de  15,000  hecta- 
res. Il  donne  copie  de  l'analyse  de  ce  minerai,  où,  à  côté  du  man- 
ganèse, de  l'alumine,  du  soufre,  du  phosphore,  se  révèle  une  pro- 
portion de  fer  de  46,20  pour  cent.  Il  a  été  découvert  également,  au 
lieu  de  Lussole,  commune  de  Losse  (Landes),  une  très  importante 
mine  de  lignite.  Quant  aux  vestiges  d'antique  exploitation,  M.  La- 
garrigue estime  qu'on  a  beaucoup  exagéré.  Il  fournit  un  croquis 
des  endroits  où  se  trouvent  encore  quelques  menhirs,  et  il  énumère 
les  divers  objets  ï)réhistoriques  qu'il  a  pu  lui-môme  recueillir. 

M.  0.  Fallières  communique  enfin  un  très  curieux  document, 
conservé  aux  archives  départementales,  sous  le  titre  de  «  Vente  des 
«  effets  mobiliers  trouvés  dans  une  malle  appartenant  à  feu  Solmi- 
«  niac,  oncle  de  l'émigré  Solminiac,  cadet.  »  Celte  pièce,  qui  porte 
la  date  du  9  prairial  an  III,  permet  de  constater  quelle  était  la  gar- 
de-robe habituelle  d'un  officier  de  cavalerie  sous  Louis  XVI,  de 
l'ordre  de  la  noblesse,  et  qui  avait  ses  entrées  à  la  cour.  M.  Lauzun 


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—  283  - 

donne  lecture  des  divers  articles  spécifiés  dans  celte  vente  aux  en- 
chères, non  sans  avoir  cherché  à  identifier  les  personnages  dont 
il  est  question,  d'après  le  travail  sur  la  famille  de  Solminihac,  pu- 
blié par  MM.  de  Saint-Saud,  Paul  Huet  et  le  marquis  de  FayoUe, 
et  à  prouver  que  le  propriétaire  desdils  objets  devait  être  Pierre 
Slull  de  Solminihac,  cornette  de  cavalerie  au  régiment  de  La  Vieu- 
villc,  et  tué,  croit-on,  aux  Tuileries  dans  la  tragique  journée  du 
10  août  1792. 


Séance  du  6  juin  1912.  —  Présidence  de  M.  Allègre 

En  termes  choisis  et  des  plus  heureux,  M.  de  Lagrange-Ferrè 
gucs  adresse  ses  remerciements  à  la  Société  qui  a  bien  voulu  Tad- 
metlre  dans  ses  rangs  comme  membre  résidant  ;  il  restera  toujours 
son  fidèle  compagnon  de  route  et  s'efforcera  de  devenir  son  plus 
zélé  collaborateur. 

M.  le  Secrétaire  donne  connaissance  du  programme  du  prochain 
Congrès  international  d'anthropologie  et  d'archéologie  préhislori- 
(jues  qui  se  tiendra  à  Genève  du  9  au  15  septembre  prochain. 

Il  communique  ensuite  une  lettre  de  M.  le  docteur  Martin,  prési- 
dent actuel  do  la  Société  des  Archives  historiques  de  la  (lironde, 
auteur  de  remarquables  travaux  d'ampélographie  et  d'œnologie, 
(|ui  signale  les  dangers  que  font  courir  aux  vignes  greffées  les  ge- 
lées d'hiver  et  qui  indique  comme  préservatif  le  couchage  des  dites 
vignes.  Il  demande  en  conséquence  à  toutes  les  Sociétés  savantes 
du  Sud-Ouest  de  vouloir  bien  le  renseigner  sur  la  question  de  sa- 
voir dans  quelle  directipn  et  jusqu'où  se  font  sentir  d'ordinaire  4es 
froids  qui  atteignent  les  vignes  des  déparlements  voisins  de  la  Gi- 
ronde, et  quels  ont  été  chez  eux  les  hivers  viticides  depuis  le  xv'  siè- 
cle. De  ces  données,  l'agriculture  et  la  météorologie  ne  pourront 
retirer  que  le  plus  grand  profit,  car  l'histoire  doit  nous  apprendre 
à  craindre  ces  fléaux  anciens,  pour  nous  amener  à  les  combattre  et 
à  nous  en  préserver  k  l'avenir. 

Sur  la  demande  de  ses  collègues,  M.  Allègre  veut  bien  donner  lec- 
ture de  son  rapport  présenté  au  Conseil  municipal  d'Agen  sur  le 
projet  de  classement  comme  monument  historique  du  magnifique 
autel  Louis  XV  et  du  non  moins  .beau  tableau  qui  le  décore,  Sainte 
Thérèse  en  extase,  de  la  chapelle  de  l'ancien  couvent  des  Carméli- 
tes d'Agen,  aujourd'hui  le  lycée  de  filles.  C'est   à  l'unanimité    que 


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—  284  — 

l'approuve  la  Société,  et  qu'elle  s'associe  ù  ce  projel  de  classement 
dont  elle  avait  pris  depuis  longtemps  Tinitiative  et  dont  elle  deman- 
de Turgence. 

La  biographie  de  Mgr  de  Belsunci;  est  trop  connue  pour  que  M. 
Tabbé  Marboulin  ait  besoin  de  la  rappeler,  il  lient  seulement  à  si- 
gnaler Tarticle  que  M.  Dujarric-Descombes  vient  de  publier  sur  ce 
[>rélat  dans  le  dernier  numéro  du  Bulletin  do  la  Société  historique 
v\  archéologique  du  Périgord,  et  tout  particulièrement  le  beau  por- 
trait qui  orne  cette  étude,  les  fac-similé  de  ses  ex-libris,  et  le  goût 
très  prononcé  qu'avait  notre  illustre  compatriote  pour  la  littérature, 
les  beaux-arts  et  les  livres  rares  et  précieux  dont  il  avait  orné  la 
riche  bibliothèque  de  son  palais  épiscopal  de  Marseille. 

Tout  a  été  dit  sur  la  prise  de  la  Bastille.  Très  goûtée  néanmoins 
a  été  la  lettre  qu'un  sieur  Duprat,  négociant  des  Cornières  d'Agen, 
écrivait  de  Paris  à  son  ami  Louis  Amblard,  le  lendemain  même  de 
cet  événement,  lettre  lue  par  son  propriétaire  actuel  M.  Jacques 
Amblard,  et  qui  dénote  d'une  façon  bien  curieuse  quel  était  Télat 
d'esprit  d'un  bourgeois  Agenais  de  cette  époque,  inféodé  déjà  au 
parti  Girondin. 

Revenant  sur  les  découvertes  de  Sos,  M.  Lauzun  résume  le  mé- 
moire, orné  de  fort  jolis  croquis,  que  lui  a  envoyé  M.  Lagarrigues, 
instituteur  à  Meylan,  sur  les  Exploitations  minières  du  pays  des 
Sotiates,  et  qui  traite  successivement  des  Sources  minérales  de  la 
région,  de  ses  gisements  miniers  et  des  vestiges  d'anciennes  exploi- 
tations. 

Ph.  L 


La  commission  d'administ.  et  de  gérance  :  O.  Fallières,  Pli.  Lauzun,  O.  Granat 


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SOUVENIRS  DU  VIEIL  AGEN 


L'ÉGLISE  ET  LE  QUARTIER  S^^-FOY 

Le  culte  de  Sainte  Foy  a  toujours  été  en  grand  honneur  à 
Agen. 

Comment  en  aurait-il  été  autrement  ?  Le  martyre  de  la 
jeune  patricienne  agenaise,  les  supplices  atroces  que  lui  fit 
endurer  le  proconsul  Dacien,  sa  mort  héroïque,' le  nombre 
considérable  de  chrétiens  qui  suivirent  son  exemple  et  qui 
tous,  comme  elle,  subirent  la  décollation,  les  miracles  enfin 
qui  pendant  tout  le  haut  moyen-âge  se  multiplièrent  autour 
de  ses  reliques,  tout  cela  n'était-il  pas  fait  pour  frapper 
l'imagination  de  ses  compatriotes,  pour  lui  assurer  la  plus 
éclatante  dévotion,  et,  depuis  Tan  303  jusqu'à  nos  jours, 
o'est-à-dire  pendant  plus  de  seize  siècles,  perpétuer  sa 
mémoire,  ses  vertus,  la  gloire  et  la  sainteté  de  son  nom  ? 

Le  premier  soin  des  Agenais  fut  de  lui  élever  un  temple. 
On  n'ignore  pas  quelles  furent,  du  reste,  les  phases  diverses, 
dans  notre  cité  et  ailleurs,  du  culte  de  Sainte  Foy.  D'autres 
plus  autorisés  l'ont  raconté  avant  nous.  A  leurs  ouvrages  nous 
renvoyons  nos  lecteurs  (1).  Rappelons  seulement  ici,  d'après 
les  documents  authentiques  qui  nous  «ont  fournis  par  les 
Acta  Sanctorum  et  le  Texte  de  la  Passion  de  Sainte  Foy^ 
que  la  vierge  agenaise  fut  martyrisée  le  6  octobre  de  l'an 
303  sur  une  des  places  publiques  de  l'Aginnum  romain  ;  que 
son   corps  avec  ceux  de  sa  sœur   Alberte,    de    Caprais,   de 


(1)  Voir  notamment  sur  Sainte  Foy  les  nombreux  écrits  de  MM.  les  abbés 
Servières  et  A.  Bouillet  :  Histofro  de  Sainte  Foy,  Rodez,  1879,  in-12.  —  Petite 
histoire  de  Sainte  Foy,  Rodez,  1896,  in-12.  —  Sainte  Foy,  cierye  et  martyre, 
Rodez,  1900,  in-4'  de  800  p.  avec  de  nombreuses  gravures.  —  Sainte  Foy, 
rierye  et  martyre  à  Afjun.  Agen,  1901,  in-S".  —  Fs.-fai  sur  l'iconofjrnplue  de 
Sainte  Foy,  Caen  et  Paris,  1902,  in-8»;  etc. 

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—  2^C^  — 

Prime,  de  Félicien,  qui,  comme  elle,  avaient  confessé  leur 
foi  et  subi  le  même  supplice,  furent  jetés  dans  les  marais  que 
formaient  au  nord  de  la  ville  les  eaux  croupissantes  de  la 
Masse;  que  plus  tard  enfin,  lorsque  le  christianisme  eut 
conquis  les  Gaules,  les  débris  de  ces  corps  furent  pieusement 
recueillis  et  portés,  dès  le  V  siècle,  dans  le  petit  temple  élevé 
en  leur  honneur  sur  l'emplacement  même  où  ils  avaient  été 
découverts. 

Cette  crypte,  dite  des  Martyrs^  existe  encore  dans  son  état 
primitif.  Elle  est  placée  sous  l'autel  même  de  la  chapelle,  dite 
des  Pénitents  Gris,  autrefois  la  chapelle  de  l'hôpital  Saint- 
Jacques.  De  forme  sensiblement  carrée,  elle  mesure,  ainsi  que 
nous  l'avons  déjà  écrit,  4  mètres  dans  sa  plus  grande  longueur. 
«  Au  mur  du  fond  est  adossé  un  autel,  au  devant  duquel 
((  s'ouvre  le  puits  où  furent  précipités,  dit  la  tradition,  les 
«  corps  des  martyrs.  L'appareil  primitif  du  mur  est 
ft  malheureusement  recouvert  d'un  enduit  sous  lequel  se 
«  distinguent  d'anciennes  peintures.  Tout  autour  le  sol  est 
«  jonché  de  sarcophages,  dont  quelques-uns  ont  été  extraits 
«  et  portés  au  Musée  d'Agen.  La  crypte  des  Martyrs  est, 
«  avec  celle  de  Monsempron,  la  seule  que  Ton  retrouve  dans 
«  les  églises  romanes  de  TAgenais  (1)  ». 

Mais  cette  modeste  chapelle  ne  pouvait  suffire  longtemps 
à  l'ardente  foi  de  nos  pères.  Un  temple  plus  grand  et  plus  beau 
s'imposait  pour  abriter  plus  convenablement  les  précieuses 
reliques  de  la  sainte.  Il  fut  construit,  vers  l'an  405,  par  l'évêque 
Dulcide,  à  côté  de  la  crypte  primitive,  «  là  même,  ajoute  la 
légende,  où  le  martyre  avait  eu  lieu.  » 

Des  plus  impressionnantes  fut  la  cérémonie  de  la  translation 
des  saintes  reliques.  Elle  a  été  racontée  tout  au  long  par 
MM.  Servières  et  Douillet  à  la  page  473  du  tome  xxviii  de 
cette  même  revue.  Nous  n'y  reviendrons  pas.  Disons  seulement 


(1)  Guide  archéologique  du  Congrès  d*Agen  et  d'Auch  en  1901,  par  Ph.  Lau- 
zun,  p.  9.—  Cf.  :  Reçue  de  l'Agenais^  t.  xxviii,  p.  471, 1901,  Sainte  Foy,  vierge  e^ 
martyre  à  Agen^  par  MM.  Servières  et  A.  Bouillet.  Voir,  à  ladite  page,  le  pe- 
tit plan  de  cette  crypte  des  martyrs,  dû  à  l'obligeance  de  M.  G.  Rohault  de 
Fleury,  qui  l'avait  déjà  reproduit  dans  l'un  de  ses  beaux  ouvrages. 


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—  ^K7  — 

qu'alors  fut  opérée  la  séparation  des  corps  des  saints  martyrs. 
Celui  de  Sainte  Foy  fut  dépose  avec  les  plus  grands  honneurs 
dans  la  basilique  nouvelle  et  enfermé  dans  un  riche  sépulcre 
de  marbre,  taillé  avec  art,  portant  une  inscription  sculptée 
en  relief  ;  tandis  que  celui  de  Saint  Caprais  fut  porté  dans  la 
basilique  voisine,  encore  plus  belle,  qu  on  éleva  tout  exprès 
pour  le  recevoir. 

De  la  basilique  primitive  de  Sainte  Foy,  élevée  au  v*  'siècle, 
nous  ne  savons  rien,-  quoiqu'en  disent  MM.  Servières  et 
Bouillet  (1).  Quels  étaient  sa  forme,  son  style,  son  genre  de 
construction,  ses  dimensions?  Nous  l'ignorons  absolument. 
Résista-t  elle  au  choc  des  Barbares,  des  Sarrasins,  des 
Normands?  Il  est  probable  que  non  ;  car,  construite  hors  des 
murs  de  la  première  enceinte,  elle  se  trouvait  exposée,  sans 
défense  aucune,  aux  premiers  coups  de  Tennemi. 

Ce  qui  malheureusement  est  plus  certain,  c'est  qu'à  la  fin 
du  IX*  siècle,  par  manque  de  surveillance  et  abandon  dans 
cet  endroit  écarté,  les  reliques  de  Sainte  Foy  furent  effron- 
tément volées  par  les  moines  de  Conques,  et,  comme  celles 
de  Saint  Vincent,  aussi  mal  gardées  dans  l'église  du  Mas- 
d'Agenais  où  elles  avaient  été  déposées  (?),  portées,  sans 
scrupule  aucun,  à  seule  fin  d'allécher  les  fidèles  et  de  recevoir 
leurs  offrandes,  dans  l'abbaye  Rouergate,  où,  en  dépit  de  la 
désolation  et  des  vaines  revendications  des  Agenais,  elles  sont 
toujours  demeurées  depuis. 

Ce  vol  audacieux  ne  fit  qu'accroître  la  dévotion  de  nos 
pères  à  Sainte  Foy.  Témoin  Tégliso  qu'ils  lui  élevèrent  de 
nouveau  au  xui®  siècle,  sur  les  ruines  sans  doute  de  la 
basilique  de  Saint  Dulcide,  et  qui  est  restée  debout  jusqu'à 
ces  derniers  temps. 

L'église  de  Sainte-Foy,  en  efïet,  telle  que  nous  l'avons 
vue  jusqu'au  moment  du  percement  du  boulevard  Carnot  en 
1892,  offrait  tous  les  caractères  de  la  période  gothique.  Elle 
ne  consistait  au  début  qu'en  une  seule  nef,  à  trois  travées, 
voûtées  en  grandes  croisées  d'ogives  légèrement  surhaussées. 


(1)  Reçue  fie  l'Amenais,  xxviii,  1901,  p.  472. 


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«  Les  arcs,  écrit  M.  Tholin,  qui  l'avait  d'abord  vue  d'un  œil 
«  défavorable,  mais  qui  était  revenu  sur  ses  premières 
«  impressions  lors  de  la  démolition  des  bas  côtés  et  du 
«  dégagement  de  ses  fenêtres;  la  considérant  alors,  avec  U 
«  chapelle  de  Notre-Dame  du  Bourg,  comme  un  des  rares 
«  spécimens  de  larchitecture  de  cette  époque  dans  notre 
«  région,  les  arcs,  dit-il,  dont  les  moulures  sont  assez  fines, 
((  reposent  sur  des  consoles  dont  la  plupart  ont  été  refaites. 
«  Les  fenêtres  à  cintres  brisés  sont  étroites,  munies  à 
«  l'intérieur  de  colonnettes  dans  leurs  montants,  comme  les 
«  baies  romanes.  On  remarque  des  cordons  qui  forment  un 
«  encadrement  en  forme  de  merlons  autour  de  ces  fenêtres. 

«  Les  murs  sont  en  grande  partie  bâtis  en  briques  beaucoup 
«  plus  petites  que  celles  employées  dans  la  construction  des 
((  Jacobins. 

«  A  rintérieur,  un  cordon,  au  profil  carré,  posé  sur  un  rang 
((  de  raodillons,  circule  aux  deux  tiers  environ  de  la  hauteur. 
((  Au  dessous  de  la  charpente  à  angles  très  obtus,  on  a  ménagé 
((  une  sorte  de  retraite  qui  a  des  baies  en  plein  cintre,  faisant 
«  sans  doute  l'office  de  créneaux.  Car  l'église  était  reliée  à 
«  l'enceinte  fortifiée  (!).»> 

Le  plan  d'après  Lomet,  que  nous  donnons  ci-contre,  de 
l'église  de  Sainte-Foy,  A,  commode  celle  de  Saint-Caprais, B, 
et  de  tout  ce  quartier  nord  de  la  ville,  nous  montre  que  la 
basilique  en  question,  non  seulement  n'était  pas  attenante  à 
l'enceinte  des  murailles,  mais  qu'elle  en  était  séparée  d'une 
douzaine  de  mètres  au  moins.  Ses  murs  toutefois,  à  la  rigueur 
crénelés,  pouvaient,  en  cas  de  siège,  constituer  une  défense 
assez  sérieuse. 

Au  XV®  siècle,  d'importantes  modifications  furent  apportées 
à  l'économie  primitive  de  cette  église.  Forcé  de  l'agrandir  par 
suite  de  l'affluence  toujours  plus  considérable  des  fidèles, 
l'architecte  construisit,  d'abord  sur  ses  deux  faces  nord  et 
sud  deux  bas  côtés  C  et  D,  qui  furent  voûtés  en  croisées 
d'ogives  longitudinales,  puis  à   la  suite   du  chevet  plat  un 


(1)  G,  Tholin,  Etudes  sur  l'arr/ûUirturo  roUgieusi^  de  l'AK)enais^  p.  263. 


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chevet  pentagonal  E,  en  pierre,  flanqué  aux  angles  de 
contreforts,  mais  plus  bas  que  la  nef.  De  larges  fenêtres  dans 
Je  style  flamboyant  vinrent  Tajourer  sur  trois  de  ses  côtés, 
tandis  que  à  Tintérieur  les  murs  latéraux  étaient  ouverts  en 
brèche,  afin  de  permettre  la  communication  avec  ces  deux 
bas- côtés. 

La  seule  partie  disparate  de  l'église  de  Sainte-Foy  était  le 
maigre  clocher  qui  s'élevait  au-dessus  du  mur  de  façade 
ouest,  et  dont  les  proportions  mesquines  juraient  avec  le  reste 
de  Tédifice. 

On  peut  s'en  rendre  compte  par  la  vue,  que  nous  donnons  en 
tête  de  ce  chapitre,  de  1  église  de  Sainte-Foy,  telle  qu'elle  se 
trouvait  au  milieu  du  dernier  siècle,  avant  que  le  mur  d'en- 
ceinte n'ait  été  démoli  pour  faire  place  à  la  gare  actuelle.  C'est 
une  des  premières  photographies  qui  ait  été  obtenue  à  Agen. 
Son  ancienneté  constitue  seule  sa  valeur.  Aussi  n'avons-nous 
pas  hésité  à  la  reproduire  ;  car  elle  nous  donne  une  idée  très 
nette  de  l'aspect  qu'otîrait  à  cette  époque  le  quartier  Sainte- 
Foy,  avec  sa  vieille  église,  le  mur  de  la  dernière  enceinte  en 
moyen  appareil,  le  cimetière  attenant,  dont  on  voit  les 
tombes  surmontées  d'une  petite  croix  ou  ombragées  par  des 
cyprès,  enfin  la  petite  tour  Saint-Fiary  encore  intacte,  sur 
laquelle  nous  reviendrons. 

Peu  de  temps  après  la  construction  de  la  gare  des  voyageurs 
et  de  la  voie  ferrée,  les  paroissiens  de  Sainte-Foy,  jugeant 
avec  raison  que  ce.  semblant  de  clocher  déparait  absolument 
leur  église,  s'imposèrent  pour  en  élever  un  plus  digne.  Ils 
s'adressèrent  à  M.  Léopold  Payen,  architecte  départemental, 
qui  construisit  la  flèche  hardie  que  l'on  voit  encore  et  dont 
l'élancement  harmonisait  alors  très  convenablement  la  masse 
de  l'édifice. 

Le  percement  du  boulevard  Caruot  a  modifié,  en  ces  derniers 
temps,  cet  état  de  choses.  Le  chevet  et  les  deux  travées 
supérieures  de  la  nef  ayant  été  expropriés  pour  cause  d'utilité 
publique  et  démolis  en  1892,  il  n  est  plus  resté  que  la  première 
travée  et  le  clocher. 

Bien  que  fort  disparate  par  son  manque  de  proportions. 


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—  i90  — 

rimmble  chapelle,  toujours  dédiée  à  la  vierge  martyre,  n'en 
constitue  pas  moins  un  monument,  digne  de  la  plus  haute 
considération  et  du  plus  profond  respect.  Aussi  ne  saurions- 
nous  trop  nous  élever  contre  tout  projet  de  démolition  totale 
ou  partielle,  ou  de  désaffectation  de  cet  édifice,  faisant  des 
vœux  pour  qu'il  nous  soit  toujours  conservé,  à  seule  fin 
d'attester  quelle  fut  jadis  la  foi  de  nos  pères,  quels  hommages 
ils  ont  rendus  pendant  des  siècles  à  leur  sainte  patronne,  et 
aussi  quelle  confiance,  protégés  par  elle,  leurs  fils  doivent  avoir 
en  l'avenir. 

Peu  de  détails  intéressants  restent  à  fournir  sur  l'histoire  de 
1  église  de  Sainte-Foy . 

En  1413,  le  6  janvier,  le  roi  de  France,  Charles  IV,  accorde 
des  lettres  de  grâce  aux  habitants  de  la  paroisse  de  Sainte-Foy 
d'Agen,  coupables  de  s'être  ameutés  et  transportés  en  troupes 
à  la  maison  épiscopale  pour  obtenir  la  mise  en  liberté  de  leur 
curé,  que  l'évêque  tenait  en  prison;  nous  ignorons  pour  quels 
motifs  (1). 

Vers  le  milieu  du  xvii®  siècle,  les  Archives  municipales 
relatent  les  plaintes  portées  par  les  raarguillers  de  Sainte-Foy 
d'Agen  au  sujet  des  usurpations  faites  sur  la  rue  de  Cajarc;  ce 
qui  empêche,  disent-ils,  de  passer  par  ladite  rue  pour  admi- 
nistrer les  sacrements  (2).  Peu  de  temps  avant,  vers  1630,  ils 
avaient  eu  une  autre  contestation,  suivie  de  procès- verbal, 
avec  les  mêmes  Consuls  d'Agen.  au  sujet  du  curage  du  ruisseau 
et  des  fossés  qui  bordent  l'église  de  Sainte-Foy  (3). 

En  1697,  écrit  Labrunie,  la  dévotion  pour  les  âmes  du 
Purgatoire  fut  établie  dans  cette  église  (4). 

Lors  de  la  réouverture  des  églises  en  vertu  de  la  loi  du  11 
prairial,  an  m,  l'église  de  Sainte-Foy,  fermée  depuis  deux 
ans,   fut    une   des  premières   livrées    au  culte,  à  Agen,   au 


{!)  Archives  municipales  d'Agen,  FF.  285. 
{2)  Idem,  FF.  98. 

(3)  Idem,  FF.  87. 

(4)  Ahrùijé  dironolotjùjiic,  p.  173. 


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—  291  - 

mois  de  juin  1795  et  rebénie  par  l'évéque  constitutionnel 
Constant  (1). 

Comme  conséquence  de  la  visite  de  l'Empereur  à  Agen,  le 
30  juillet  1808,  «  la  succursale  de  Sainte-Foy  fut  érigée  en 
cure  de  2®  classe.  En  vertu  de  ce  décret,  le  traitement  des 
deux  curés  de  Sainte-Foy  et  de  Saint-Hilaire,  qui  n'était  que 
de  500  francs,  fut  porté  à  1000  francs  »  (2). 

Le  15  juillet  1814,  les  trpià  confréries  de  Pénitents  d'Agen, 
blancs,  bleus  et  gris,  choisirent  l'église  de  Sainte-Foy  pour 
y  célébrer  un  service  solennel  pour  le  repos  de  l'âme  de 
Louis  XVL  «  Deux  jours  avant,  écrit  Proche,  MM.  les  curés 
«  et  fabriciens  de  cette  paroisse  avaient  fait  leur  service.  Leur 
«  sarcophage  était  construit  d'après  le  plan  de  celui  de  la 
«  Cathédrale  ;  il  était  très  bien  décoré  et  éclairé...  Le  chœur 
«  était  composé  des  meilleures  voix  des  trois  compagnies.  Les 
«  Pénitents  gris,  qui  font  leur  service  dans  cette  église, 
«  n'ont  fait  d'autre  dépense  que  celle  du  luminaire  >  (3). 

Aux  Cent-Jours,  le  curé  de  Sainte-Foy  protesta  contre  le 
rétablissement  de  l'autorité  impériale.  D'abord  il  refusa, 
malgré  les  ordres  de  l'évéque,  de  faire  chanter,  le  14  mai, 
jour  de  la  Pentecôte,  le  Domine  saloum  Jac  Imperatorem. 
Puis,  le  28  du  même  mois,  il  s'obstina  avec  son  vicaire,  à  ne 
pas  se  rendre  à  la  procession  du  Corpus  Cltristi.  Enfin,  pen- 
dant Toctave  du  Saint  Sacrement,  il  défendit  de  chanter 
l'antienne  (4).  —  Etc. 

Lorsque,  vers  la  fin  du  xiv*'  siècle,  la  municipalité  Agenaise, 
sur  la  demandQ  réitérée  de  l'autorité  ecclésiastique  et  les 
instances  des  fidèles,  eut  décidé  d'incorporer  dans  l'enceinte 
fortifiée  les  deux  églises  voisines  de  Sainte-Foy  et  de  Saint- 
Phébade  ou  Saint-Fiary,  comme  elle  venait  de  le  faire  pour 
la  basilique  do  Saint-Caprais,  la  ligne  des  fortifications  fut 


(1)  Proche,  Annales  ue  la  cille  d'Af/t'n^  p.  55. 

(2)  Idem,  p.  114. 

(3)  Idem,  p.  166. 

(1)  Itiem,  p.  196-198. 


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reportée  plus  au  nord,  depuis  la  porte  Saint-Pierre  à  Test, 
jusqu'au  couvent  des  Augustins  à  l'ouest.  Par  ce  fait  se 
trouvèrent  englobés  dans  la  dernière  enceinte,  non  seulement 
ces  deux  églises  et  tout  le  quartier  environnant,  mais  encore 
le  ruisseau  de  la  Masse,  depuis  les  Tanneries  jusqu'au  moulin 
de  Saint-Caprais  ou  Saint-Côme.  Aussi,  se  privant  de  cette 
défense  naturelle  qui  jusque  là  avait  baigné  les  murs  de  la 
ville,  les  constructeurs  jugèrent-ils  prudent  de  la  remplacer 
par  de  nombreux  ouvrages  de  défense,  et  élevèrent-ils  sur  ce 
point  tout  un  système  de  tours,  très  rapprochées  les  unes  des 
autres. 

Trois  de  ces  tours  existaient  encore  à  la  fin  du  xviii®  siècle. 
On  peut  les  voir  sur  le  fragment  ci-inclus  du  plan  Lomet,  dressé 
on  le  sait,  à  partir  de  1782.  Ce  sont  en  F  la  tour  d/ Armagnac, 
en  H  la  tour  Saint- Fiary,  en  M  la  tour  Saint-Côme.  Mais  il 
en  existait  une  quatrième,  la  tour  Sainte-Foy,  renversée 
quelque  temps  avant,  qui  s'élevait  en  N  entre  les  deux  pre- 
mières et  protégerait  une  petite  porte,  dite  aussi  la  porte 
Sainte-Foy,  «  laquelle,  écrit  A.  Magen,  ne  fut  démolie  que 
«  vers  1856  et  se  trouvait  dans  l'axe  du  boulevard  Sylvain- 
«  Dumon,  à  la  hauteur  du  buffet  de  la  gare  »  (1). 

Dans  le  livre  des  Jurades  de  1345  à  1355,  il  n'est  jamais 
question  ni  de  cette  porte,  ni  des  tours  Sainte-Foy  et  Saint- 
Fiary.  Ce  qui  prouve  qu'à  cette  époque  ces  tours  n'existaient 
pas.  et  que  l'enceinte  de  la  ville  n'avait  pas  été  reportée  encore 
jusque  là.  Contrairement  à  ce  qu'écrit  Labrunie  (2),  les  deux 
églises  de  Sainte-Foy  et  de  Saint-Fiary  ne  furent  donc 
englobées  dans  l'enceinte  définitive  que  dans  le  dernier  quart 
du  xiv*  siècle.  Mais,  à  partir  de  ce  moment,  il  est  souvent 
question  d'elles  dans  les  documents  municipaux. 

En  1500,  une  brèche  importante  a  été  ouverte  aux  murailles 
de  Sainte-Foy.  Il  faut  la  réparer  (3). 

En  1525,  il  est  utile  de  terminer  au  plus  vite  le  pont  de 


(1)  Annales  da  la  cille  U'Afjen,  par  Proche,  p.  m,  note 

(2)  Abrèijù  chronolofji(]ut\  p.  38. 

(3)  Archives  municipales,  BB.  21. 


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-  293  - 

Sainte-Foy  (1),  pont  dénommé  plus  tard  \e  Pont  des  Anes, 
qui  servait  de  passage  sur  la  Masse,  au  bas  de  la  montée  de 
Courpian,  et  qui  se  trouvait  au  lieu  et  place  de  la  gare  des 
voyageurs.* 

En  1612,  lors  de  l'enquête  ordonnée  par  M.  de  Gourgues 
pour  procéder  aux  réparations  à  faire  aux  murailles  d'Agen. 
tout  ce  quartier  Sainte-Foy  attira  particulièrement  Tattention 
des  commissaires. 

La  tour  d'Armafjnac  est  sans  défenses  aucunes.  Il  importe 
de  les  rétablir  à  nouveau  et  d'y  percer  des  canonières.  On  sait 
que  cette  tour  F,  très  en  saillie  comme  du  reste  toutes  ses 
semblables,  devait  son  nom  à  Bernard  d'Armagnac,  sénéchal 
d'Agenais  pour  le  roi  de  France  de  1361  à  1372,  époque  où 
sur  l'ordre  duquel  très  probablement  elle  fut  construite, 

«  Et  après,  lisons-nous  dans  le  procès- verbal,  sommes  allés 
((  de  ladite  tour  d'Armaignac  à  la  tour  et  autres  corps  de 
«  garde  de  Saint-Caprasy  ;  et,  sur  ledit  chemin  avons  trouvé 
«  une  tour  appelée  la  tour  de  Sainte-Foy,  laquelle  est  toute 
«  descouverte;  à  cause  de  quoy  le  mauvais  temps  a  gasté  et 
«  corrompu  ladite  muraille,  laquelle  il  faut  réparer,  recou- 
((  vrir  et  planchéer  et  y  faire  des  défenses  à  icelle  et  une 
«  gueriite,  comme  elle  y  estait  cy-devant,  pour  y  mettre  ung 
«  sentinelle.  » 

Si  la  tour  de  Sainte-Foy  défendait  principalement  la  porte 
et  l'église  de  ce  nom,  elle  protégeait  aussi  le  vaste  cimetière 
qui  s'étendait  à  ses  pieds  des  deux  côtés  de  la  muraille. 

Le  cimetière  de  Sainte-Foy,  tel  qu'il  est  indiqué  sur  notre 
plan,  R,  était  encore,  avant  1850,  la  seule  nécropole  de  la  ville 
d'Agen.  Il  avait  remplacé  le  très  ancien  cimetière  de  la  cha- 
pelle de  N.-D.  du  Bourg,  qui  occupait  tout  l'emplacement 
compris  entre  la  petite  place  au-devant  de  cette  chapelle,  la 
rue  Paulin  jusqu'à  la  maison  Amblard,  la  rue  Porte-Neuve 
jusqua  la  rue  Saint-François,  aujourd'hui  rue  Ledru-Rollin, 


(1)  Archives  municipales,  BB.  25. 


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—  294  — 

et  celle-ci  jusqu'au  milieu  de  sa  longueur.  Sa  superticie, 
d'après  Ad.  Magen,  était  d'environ  3.500  mètres. 

En  1810,  un  décret  ordonna  que  tous  les  cimetières  seraient 
établis  hors  de  Tenceinte  des  villes.  C'est  alors  que  fut  choisi 
par  la  municipalité  Agenaise  le  vaste  terrain  qui,  faisant 
suite  au  vieux  cimetière  Sainte-Foy,  longeait  extérieurement 
le  mur  de  ville  et  aboutissait  à  la  tour  Saint-Fiary. 

«  Ce  local,  écrit  Proche,  fut  entouré  d'un  mur  de  clôture 
«  qui,  au  nord  est  baigné  dans  toute  sa  longueur  par  les  eaux 
«  qui  viennent  du  moulin  de  la  Salève.  Le  voisinage  de  ce 
«  ruisseau  rend  le  cimetière  très  aquatique,  de  sorte  que 
«  quand  on  y  creuse  une  fosse,  elle  est  aussitôt  remplie  d'eau, 
tt  C'est  là  cependant  qu'il  faut  déposer  le  cercueil,  ce  qui  dé- 
«  plaît  beaucoup  aux  habitants.  Quoiqu'il  en  soit,  ce  nouveau 
«  cimetière  fut  béni  le  27  septembre  1810  par  l'évêque,  assisté 
«  de  son  chapitre  et  du  clergé  de  la  ville,  avec  toute  la  solen- 
«  nité  du  rit  pontifical.  M.  le  Maire  et  ses  adjoints  assistèrent 
«  à  cette  cérémonie.  Quoique  ce  cimetière  doive  être  commun 
«  aux  quatre  paroisses,  M.  le  Maire  a  obtenu  que  celui  de 
«  Saint-Hilaire  serait  conservé  pour  les  habitants  de  cette 
«  paroisse.  M.  de  Saint-Phélip,  chevalier  de  Saint-Louis,  a 
«  été  le  premier  enterré  dans  le  nouveau  cimetière  (1)...» 

A  son  tour,  le  cimetière  de  Sainte-Foy  fut  supprimé  lors 
de  la  construction  de  la  voie  ferrée  et  de  la  gare  d'Agen,  et 
les  ossements,  qui  le  remplissaient,  transportés,  du  moins  en 
grande  partie,  dans  le  nouveau  cimetière  de  Gaillard,  inau- 
guré et  béni  solennellement  le  25  août  1850. 

«  Plus,  avons  trouvé  autre  tour,  lisons-nous  dans  le  procès- 
«  verbal,  appelée  la  tour  de  Saint-Fiary,  laquelle  est  cou- 
«  verte  et  demy  planchéée,  sans  aulcune  deffence  dans  icelle, 
«  à  laquelle  fault  faire  lesdites  deffences  et  achever  ledit  plan- 
((  cher.  » 

La  tour  de  Saint-Fiary ,  H,  existait  encore  en  1856.  C'est 


(1)  Annah'i^  (h  lu  cille  d'Afjan,  p.  126. 


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—  295  — 

celle  que  reproduit  la  vue  photographique  donnée  en  tête  de  ce 
chapitre. 

Elle  tirait  son  nom  de  V église  de  Saint-Fiary  ou  Saint-Phé- 
bade  qui  se  trouvait  tout  à  côté,  en  avant  du  cloître  Saint- 
Caprais,  vers  le  milieu  de  cette  petite  rue  Saint-Fiary,  qui  va 
de  Téglise  Sainte-Foy  au  moulin  de  Saînt-Caprais. 

Labénazie  nous  fournit  sur  elle  les  curieux  renseignements 
suivants:  «  Lorsque  les  Wisigoths  ariens  eurent  été  anéantis 
«  à  la  bataille  de  Veuille,  les  Agenais,  pour  effacer  le  souve- 
«  nir  de  la  persécution,  firent  bâtir  deux  églises,  Saint-Phé- 
«  bade  et  Saint-Hilaire,  Et,  pour  marquer  l'horreur  qu'ils 
«  avaient  de  Tarianisme  et  leur  vénération  pour  ces  deux  dé- 
«  fenseurs  du  mystère  de  la  Sainte-Trinité,  ils  joignirent,  par 
«  reconnaissance  Téglise  de  Saint-Phébade  à  celle  de  Saint- 
((  Caprais  et  de  Sainte-Foy,  comme  pour  marquer  que,  si  ces 
«  deux  premiers  martyrs  avaient  établi  la  foi,  Phébade  après 
«  eux  l'avait  défendue  et  conservée.  On  ne  sait  pas  précisé- 
«  ment  le  temps  qu'elle  fut  achevée.  C'est  sans  doute  sous 
«  Tépiscopat  de  Bébien,  le  premier  évoque  catholique,  vers 
«  536  (1). 

L  église  agenaise  de  Saint-Fiary  aurait  donc  été  bâtie,  d'a- 
près Labénazie,  au  vi®  siècle,  et  ce  pour  abriter  le  corps  de 
Saint  Phébade.  Elle  aurait  même  eu  le  titre  de  paroisse. 

Lors  des  troubles  religieux,  cette  église  eut  beaucoup  à 
souffrir.  En  1561,  après  la  prise  d'Agen  par  les  Huguenots, 
ce  sanctuaire  leur  fut  donné  par  M.  de  Burie  pour  y  établir 
leur  prêche.  Mais  dès  l'année  suivante,  lorsque  les  catholiques 
furent  rentrés  on  possession  de  la  ville,  ils  se  ruèrent  sur 
la  malheureuse  chapelle,  et,  parcequ'elle  avait  servi  plus  d'un 
an  au  culte  des  réformés,  ils  la  démolirent  de  fond  en  comble 
et  jonchèrent  la  rue  de  ses  débris.  Ce  ne  fut  qu'en  1591  que  les 
matériaux  en  furent  enlevés  et  servirent  à  la  construction  de  la 
chapelle  et  du  collège  des  Jésuites,  fondé  cette  année-là  à  Agen 
par  la  reine  Marguerite  (2). 


(1)  Labénazie  :  Hûttoiro  en  partinuUor  du  Diorèsi'  et  di's  Eglises  d'Agen^  ma- 
nuscrit inédit,  appartenant  à  Madame  de  Boéry.         \ 

(2)  Voir  notre  étude  sur  le  CoUègc  d'Afjvn  (1888). 


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-  296  — 

Circulaire,  assez  basse  et  fort  en  saillie,  la  tour  Saint-Fiary 
ne  présentait,  du  moins  lors  de  sa  démolition,  aucun  caractère 
architectonique  qui  méritât  d'être  signalé. 

Nous  en  dirons  autant  de  sa  voisine,  la  tour  de  Saint-Côme 
ou  de  Saint-Caprais,  sise,  en  M,  à  l'extrême  gauche  de  notre 
plan. 

«  Et,  estant  arrivés  audit  Corps  de  garde  de  Saint-Caprasy, 
«  avons  icelluy  veu  et  visitté,  et  avons  trouvé  estre  besoing  et 
«  nécessaire  de  faire  des  canonières  et  deËfences  à  ladite  tour, 
('  n'en  ayant  point.  » 

La  tour  Saint-Côme  ou  du  moulin  de  Saint-Caprais 
était  située  à  Textrémité  de  la  rue  Saint-Caprais,  près  du  mou- 
lin actuel,  un  peu  au-delà  de  l'ancienne  porte  de  Saint-Caprais 
de  la  première  enceinte,  à  l'endroit  même  où  sortait  de  la  ville 
le  ruisseau  de  la  Masse,  emprisonné  depuis  Cajarc. 

Cette  tour  était  déjà  bâtie  en  1350.  «  Il  faut  armer,  est-il 
((  écrit  dans  le  registre  des  Jurades  de  cette  année,  la  tor  del 
((  moli  de  Saint  Cabrari,  d'une  caisse  de  vire  tons,  d'un  arc 
«  de  deux  pieds,  avec  cinquante  carreaux  et  d'un  arc  à 
«  étrier  »>  (1).  Mêmes  précautions  pour  les  années  1352  et 
1353  (2). 

La  tour  Saint-Côme  existait  encore  au  commencement  du 
XIX®  siècle.  Par  suite  de  sa  proximité  de  l'hôpital  du  martyre 
et  du  cimetière  de  Sainte-Foy,  elle  servait  à  ce  moment  de 
lieu  de  dissection  aux  jeunes  élèves,  qui,  sous  la  direction 
bienveillante  du  docteur  Belloc,  étudiaient  la  lAédecine.  L'un 
d'eux  était  le  futur  docteur  Pons,  dont  Ad.  Magen  a  si  fine- 
ment esquissé  la  silhouette  (3). 

Nous  ne  saurions  mieux  terminer  ce  chapitre  qu'en  rappe- 
lant sommairement  l'incident,  à  la  fois  macabre  et  burlesque, 
dont  la  tour  Saint-Côme  fut  alors  le  théâtre  et  où  le  jeune 
Pons  joua  le  principal  rôle. 


(1)  Jurades  de  la  cille  d'Agen^  p.  190. 

(2)  Idem,  p.  308  et  309. 

i3)  Revue  de  l'Agenais,  i,  p.  21. 


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Or  donc,  dans  les  premières  années  du  dernîer  siècle,  les 
sujets  de  dissection  manquant  depuis  plus  de  deux  mois  à 
l'amphithéâtre  agenais,  le  docteur  Belloc,  qui  en  était  le  chef, 
apprit  un  jour  qu'on  allait  enterrer  une  superbe  femme,  qui 
venait  de  mourir  au  quartier  Jacquelot.  Le  fossoyeur  était 
complice;  les  rôles  furent  distribués  entre  les  jeunes  carabins 
pour  déterrer  le  cadavre,  l'enlever,  le  faire  passer  au-dessus  du 
mur  à  l'endroit  choisi,  et  le  porter  au  rez  de  chaussée  de  la 
tour  Saint-Côme,  sur  la  porte  de  laquelle  avait  été  gravée 
cette  inscription  : 

Hic  mors  vitam  tueri  docei, 
qu'un  mauvais  plaisant  avait  ainsi  traduite: 

Ici  le  mort  apprend  à  tuer  le  vivant. 

Le  jeune  Pons  avait  été  chargé  de  se  tenir  à  cheval  sur  le 
mur  de  ville,  de  recevoir  d'un  côté  le  cadavre  et  de  le  descen- 
dre du  côté  de  la  rue.  «  D'abord,  raconte-t-il  lui-même,  tout 
«  marcha  bien.  Je  crus  qu'il  en  irait  de  même  jusqu'au  bout. 
«  Erreur  !  quand  mon  tour  vint,  j'étais,  selon  la  consigne,  assis 
«  sur  la  crête  du  mur,  une  jambe  ballant  du  côté  du  cimetière, 
«  l'autre  au  dehors,  vers  la  rue.  On  me  passe  le  cadavre  ;  Je 
«  l'assieds  sur  mes  genoux,  non  sans  peine,  —  il  pesait  horri- 
«  blement,  —  ni  terreur,  vous  pensez  bien.  A  ce  moment,  il 
«  me  semble  entendre  un  bruit,  du  côté  des  Tanneries  ;  ce 
«  sont  des  pas  ;  ils  viennent  de  mon  côté  !  Une  forme  vague 
«  se  dessine;  c'est  un  homme;  il  continue  à  marcher,  et,  arrivé 
«  juste  au-dessous  de  moi,  tout  au  bas  du  mur,  il  s'arrête, 

«  lève  la  tête  et  regarde  fixement Ai-je  crié,  sans  en 

«  avoir  conscience?  Trahi  mon  maître,  mes  camarades,  moi- 
«  même,  complice  d'un  rapt  infâme,  pris  le  pied  au  traque- 
((  nard?  Oh!  le  misérable  lâche!  pensais-je,  et  je  sentis 
«  que  mon  cœur  s'en  allait,  et  je  perdis  connaissance. 

«  Quand  je  m'éveillai  le  lendemain,  après  un  long  cauche- 
(c  mar,  voici  ce  que  j'appris.  J'étais  tombé,  lâchant  enfin  mon 
«  cadavre  sur  le  promeneur  nocturne.  Cet  homme  était  un 
«  maçon  qui  allait  à  sa  journée,  et  qui,  par  hasard,  comme  il 
«  passait  devant  moi  et  sans  se  douter  de  ma  présence,  deman- 


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—  ^298  — 

«  dait  l'heure  aux  étoiles.  On  l'avait  transporté  à  Thopital, 
«  après  l'avoir  dégagé  de  mes  étreintes,  qui  l'avaient  plus  que 
«  gêné,  car  je  serrais  dur,  croyant  tenir  le  cadavre.  Quant  à 
«  celui-ci,  on  l'avait  mis  en  lieu  sûr.  L'honneur  était  sauf  !  »> 

Le  soir  du  même  jour,  le  jeune  Pons  recevait  de  M.  le  comte 
de  Cessac  une  commission  d'interne  dans  les  hôpitaux  de 
Paris.  Quant  au  pauvre  diable  qu'il  avait  manqué  tuer,  une 
fois  remis,  il  s'en  alla  faire  son  tour  de  France  et  d'Espagne,  et 
poussa  même  jusqu'en  Afrique  où  il  séjourna  longtemps.  Ce  ne 
fut  que  trente-trois  ans  après,  que,  revenu  à  Agen,  toujours 
comme  maçon,  il  revit  le  docteur  Pons,  en  travaillant  par  ha- 
sard chez  lui.  Il  le  reconnut  ;  et  son  émotion  fut  si  grande  qu'il 
perdit  une  seconde  fois  connaissance  et  dut  être  porté  chez  lui, 
plutôt  mort  que  vif.  Huit  jours  après,  il  quittait  Agen,  comp- 
tant bien  cette  fois  ne  plus  y  revenir,  mais  ayant  fini  par  li- 
vrer son  secret. 

La  tour  Saint-Côme  fut  démolie  en  1833,  pour  cause  d'assai- 
nissement du  quartier.  C'est  toujours  l'époque  où  disparu- 
rent les  majestueuses  ruines  de  Saint- tltienne,  le  beffroi 
de  l'Hôtel  de  Ville,  la  tour  de  la  Grande  Horloge,  etc,  en 
un  mot  tous  les  monuments,  au  profil  si  pittoresque,  du  vieil 
Agen! 

Ph.  Lauzun. 


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LE  mi  ET  LES  SEIGNEURS  DU  FAUDON 

A  SAINT-PIERRE  DE  NOGARET 


I_/e  beau  domaine  dti  P'audon,  situé  dans  la  commune  de 
Sainl-Pierre-de-Nogarel,  faisait  autrefois  partie  de  la  juridic- 
tion de  (iontaud  qui  se  composait  en  1789  de  quati'e  paroisses  : 
\ulre-()am(*-(Ie-(iontaud,  Saint-Pierre-de-Nogaret,  Saint-Mar- 
lin  de  Bislauzac  et  Saint-Martin-de-Fauguerolles. 

l.c  fief,  ou  lerœ  noble,  du  Faudon,  fut  très  anciennement 
[Mjssédce  par  la  famille  de  Melel  qui  le  vendit,  au  xvnf  siècle, 
à  la  famille  de  Cialz. 

L*hi*itoire  de  cette  terre  "étant  intimement  unie  à  celle  de  ses 
possesseurs,  nous  aurons  à  nous  occui>er  beaucoup  dans  cet 
article  des  familles  de  Melet  et  de  (îalz  qui  jouèrent  dans  la  ju- 
ridiction un  rôle  dont  nous  aurons  à  tenir  compte.  Ce  travail 
constituera  ainsi  un  apport  nouveau  à  cette  histoire  de  Gon- 
laud  dont  quelques  épisodes  ont  été  étudiés  par  Philippe  Tami- 
zey  de  Larroque  et  par  Maurice  Campagne. 

\os  renseignements  seront  puisés  à  plusieurs  sources  que 
nous  croyons  utiles  de  citer  au  moins  pailiellemenl  ici.  Les 
références  seront  d'ailleui-s  fournies  au  fur  et  à  mesure  de  nos 
emprunts. 

Il  importe  en  premier  lieu  de  citer  le  tome  II  du  Nobiliaire 
de  Guienne  et  de  Gascogne  publié  par  OTiilvy  en  1859.  Dans 
cet  ouvrage  onze  pages  sont  consacrées  à  la  généalogie  de  la 
famille  de  IVIelet.  L'auteur  a  composé  ce  travail  daprès  les 
titres  que  cette  maison  possédait  encore  en  grand  nombre  (1). 


(Ij  i\obiiiaire  de  Guienne  et  de  Gascogne^  Reçue  des  {amUles  d'ancienne 
rhevnlerir  ou  anoblies  de  ces  provinces^  antérieures  à  1789^  avec  leurs  généa- 
logies  et  artncSy  suivie  dun  traité  héraldique,  sous  [orme  de  dictionnaire,  par 
VI.  O'Gilvy.  —  Paris,  Dumoulin,  libr.-éd.,  quai  des  Augustiiis,  13;  1859.  Le 
lomc  II  (in-4')  contient  468  pages  et  des  planches. 


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—  300  - 

Sous  le  litre  de  Variétés  Girondines,  Léo  Drouyn,  qui  fui  en 
même  temps  artiste  de  valeur^  archéologue  éminent  et  cons- 
ciencieux historien,  a  consacré  à  la  partie  de  l'ancien  diocèse 
de  Bazas,  renfermée  entre  la  Garonne  et  la  Dordogne,  une  étude 
savante  qu'il  a  qualifiée  en  sous  lilre  d'Essai  historique  et  ar- 
chéologique (1).  Plusieurs  pallies  de  ce  remarqualjle  ouvrage 
concernent  la  famille  de  Meletet  leurs  fiefs  du  Bazadais.  Nous 
aurons  également  à  les  consulter. 

En  1902,  Maurice  Campagne  fil  paraître  une  brochure  de 
85  pages  ayant  pour  titre  Notes  et  Documents  sur  les  paroisses 
de  Saint-Pierre-de-N ogaret  et  Saint-Martin-de-Bistauzac  au 
diocèse  d'Agen  (2).  L'un  des  chapitres  de  cet  ouvrage  se  rap- 
porte trop  directement  à  notre  sujet  pour  que  nous  n'en  tenions 
pas  compte.  Il  est  intitulé  :  Conflits  avec  la  jurade. 

L'ouvrage  du  même  auteur  intitulé  Histoire  des  Bacalan,  du 
XV"  au  XX^  siècle  renferme  encore  quelques  pages  se  référant 
à  notre  sujet,  nous  les  citerons  également  (3). 

M.  l'abbé  Dubois,  qui  recueille  [)atie!nment  depuis  plusieurs 
années  des  documents  concernant  ÏOrigine  de  la  réalité  des 
tailles  en  Agenais,  a  bien  voulu  nous  faire  profiter  de  l'expé- 
rience qu'il  possède  en  cette  matière  pour  jeter  un  peu  de  lu- 
mière sur  les  conflits  que  la  famille  de  Melet  eut  avec  la  jurade 
de  Gontaud  au  sujet  du  payement  des  tailles  et  de  la  nobililé 
du  Faudon. 

Les  archives  municipales  de  (iontaud,  conservées  en  cette 
localité  ou  déposées  aux  archives  de  Lot-et-Garonne,  et  beau- 
coup de  documents  originaux  sur  la  famille  de  Galz  nous  ont 
permis,  en  outre  des  ouvrages  déjà  mentionnés,  de  composer 
l'article  que  nous  donnons  en  ce  moment. 

O'Gilvy  a  eu  raison  de  distinguer  la  famille  gontaudaise  de 
Melet  de  ses  homonymes,  l'une  Périgourdine,  l'autre  origi- 
naire de  Condom.  Ces  deux  dernières  étant  étrangères  à  notre 


(1)  Ouvrage  en  3  vol.  in-lO,  extrait  des  Actes  de  l'Académie  nationale  de$ 
Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts  de  Bordeaux,  avec  des  gravures  el  planches. 
IJordeaux,  Feret  el  fils,  libr.-édit.;  1878-1886. 

(2)  Volume  in-16,  de  84  pages.  Bergerac,  1902. 

(3)  X'olume  in-16,  de  308  pages;  Bergerac,  1905. 


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-  801  — 

sujet,  nous  n'en  reparlerons  i)oint.  Notre  attention  se  portera 
exclusivement  sur  les  Melet,  de  Gontaud.  L'acte  le  plus  ancien 
qui  soit  parvenu  jusqu'à  nous  et  qui  concerne  ces  Melet  est  du 
13  février  1349,  d'après  la  manière  de  compter  en  usage  alors, 
du  13  février  1350,  d'après  notre  manière  actuelle.  C'est  un 
litre  original  et  sur  parchemin  en  idiome  gascon  par  lequel  no- 
ble Gaston  de  Melet,  donzel  et  seigneur  en  partie  de  Gontaud, 
fait  un  échange  avec  (iuillainuo  Raymond  de  Fargues,  donzel 
et  co-seigneur  de  Gontaud. 

Ce  document  nous  montre  que  Gontaud  avait  alors  plusieuis 
seigneurs.  Il  ne  faut  pas  s'en  étonner,  car  il  en  était  ainsi  déjà 
en  1259  (1). 

C'est  par  son  mariage  avec  Alamana  de  (iontaud  que  Guil- 
laume-Raymond de  Fargues  était  devenu  seigneur  d'une  partie 
de  la  terre  de  Gontaud,  où  il  fit,  le  13  avril  1329,  l'achat  d'un 
domaine  en  présence  de  Piéride  d'Hautes  vignes,  un  seigneur  du 
voisinage  (?). 

Nous  n'avons  pu  savoir  comment  Gaston  de  Melet  avait  ob- 
tenu sa  portion  de  la  terre  de  Gontaud  dont  il  jouissait  h  litre 
de  seigneur.  Le  morcellement  de>^  seigneuries  se  faisait  au 
n)oyen-Age  facilement.  Nous  venons  de  voir  qu'Alamana  do 
Gontaud  reçut  en  dot  la  portion  de  seigneurie  qu'elle  apporta 
à  (luillaume-Raymond  de  Fargues.  La  transmission  de  pro- 


(1)  Un  rôle  des  liominagos  rendus  par  les  feiidataires  de  l'Agenais  à  leur 
seigneur,  le  comte  de  TcHiUnise,  a  élé  publié  dans  le  lome  xin  du  Heeueil  des 
Travaux  de  la  Soriêtc  d'AfjricuUure^  Sciences  et  Arts  dA<jen.  Ce  document 
conservé  a\ix  archives  nati<males  nesl  i>as  date.  Les  éditeurs  ont  établi  qu'il 
était  de  1259  contrairement  à  l'opmion  du  P.  Anselme  qui  le  faisait  remonter 
à  1235.  D'après  ce  rôle  les  coseigneurs  de  Gontaud  étaient  :  Guillaume  Fer- 
réol,  Jean  de  Saubiac  et  Haymond  de  Sainte-Marthe. 

Le  tènement  «  tenementum  »,  ou  fief  «  aUarium  »  de  Nogaret,  possédé  i)dr 
Vital  de  Nogaret,  ou  ses  frères,  passa  au  roi  d'Angleterre  qui,  étant  à  Melle 
en  Poitou,  le  donna  (1"  juillet  1289)  à  Géraud  de  Lauriole,  damoiseau,  de 
Caumonl  en  Agenais,  pour  en  jouir  à  perpétuité,  lui  et  ses  héritiers  et  suc- 
cesseurs, aux  conditions  ordinaires  observées  dans  la  région  {(  in  parlibus 
iUis  »  par  les  possesseurs  de  semblables  fiefs  ou  censives  «  pro  similibus 
fendis  vel  eensibus  »  et  sous  le  cns  annuel  et  perpétïiel  de  cent  sous  de  la 
monnaie  arnaldaise  payables  à  la  Toussaint  au  receveur  du  roi  d'Angleterre 
en  Agenais.  (Rôles  Gascons  publiés  par  Charles  Bémont,  II,  :?09.) 

(2)  Voir  Histoire  de  Maucezinj  par  l'abbé  Alis,  p.  55. 

20 


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—  '.m  — 

priété  pouvait  se  faire  aussi  par  actes  de  partage,  d'achat,  de 
donation,  etc. 

Un  acte  passé  dix  ans  plus  tard  montre  que  ce  morcellement 
de  la  segneurie  de  Gontaud  s  était  singulièrement  augmenté 
depuis  1259. 

Le  9  juillet  13()3  les  coseigneurs  do  (ioniaud  rendiixînt  hom- 
mage lige  pour  cette  terre  au  Prince  de  Galles  dans  la  ville  de 
Bergerac  (1). 

Gaston  de  Mclct  vivait  encore,  liuillaume-Raymond  de  Far- 
gues  n'existait  plus  ;  il  était  mort  vers  1352  laissant  à  son  fils, 
Raymond  de  Fargues,  la  totalité  ou  une  partie  seulement  de 
ses  biens  de  Gontaud.  Descendu  à  son  tour  dans  la  tombe  en 
1353,  Raymond  de  Fargues  eut  jjour  successeur,  à  Gontaud, 
son  fils,  Bertrand  de  Fargues.  ('e  dernier  figure  au  nombre  des 
seigneurs  ([ui  rendirent  hommage  au  Prince  de  (îalles. 

Les  autres  coseigneurs  étaient  Aymeric  de  Cuzom,  Amatid 
de  Montmorel  (2),  Bernard  d'Auriac,  Jean  de  Bougipn,  Arnaud 
de  Lalande,  écuyer,  qui  agissait  du  consentement  de  Marthe 
de  Preyssac,  dame  dudit  lieu  et  de  Madaillan.  Puis  venaient 
dame  Sybille  de  Durfort;  Pierre  de  Gontaud,  seigneur  et  baron 
dudit  lieu:  Léonard  de  Rovignan,  sieur  de  Castelculier;  Gilles 
de  Pellegrue  (3). 

L'acte  qui  nous  donne  ces  curieux  renseignements  a  été  con- 
sei-vé  par  une  copie  collationnée.  O'Gilvy,  qui  en  donne  une 
analyse,  n'a  pas  précisé  à  quelle  époque  fut  faite  cette  copie, 
(y'cst  vraiment  dommage  car  un  acte  si  important  mériterait 
une  sérieuse  discussion.  .\ous  aurions  voulu  savoir  également 
s'il  détermine  et  limite  les  biens  respectifs  de  chacun  de  ceux 
qui  rendirent  honnnage  au  Prince  de  Galles. 

Parmi  ces  biens  devait  figurer  le  Faudon  et  les  autres  fiefs 
de  la  famille  de  Melet. 


(1)  Armoriai  de  Guyenne  et  de  Gascogne ^  par  O'Gilvy,  ii,  76. 

C2)  Ce  nom  a  été,  croyons-nous,  défiguré  par  les  copistes.  Nous  avons  réta- 
bli dans  sa  forme  primitive  celui  de  Rovignan  ou  Rovinhan  qui  avait  été 
Irans formé  à  tort  en  Ravignan. 

(3)  Généalogie  de  Melet  par  O'Gilvy  dans  V Armoriai  de  Guienne  et  dr  Gas- 
cogne. 


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Le  fils  de  Gaston  de  Melel,  Jean,  fut  marié  en  1370  avec  Ar- 
mande  de  Gonlaud.  De  cette  union  naquit  Bernard  de  Melcl 
(fui  fut,  d'après  un  titre  original  du  29  janvier  1412,  juge  ordi- 
naire pour  le  roi  d'Agenais  et  Condomois.  Il  prenait  le  titre  de 
seigneur  de  Pujols  en  Bazadais.  Le  fils  qu'il  eut  de  son  mariage 
avec  Comtesse  de  Fumel-Monségur  porta  le  nom  de  Jean;  il 
;  «e  qualifiait  seigneur  de  la  (juatrième  pailie  de  Gonlaud,  en 
Agenais,  et  de  Loubens  et  Pujols  dans  la  sénéchaussée  de  Ba- 
zas.  Il  était  né  en  1418.  Une  expédition  de  l'hommage  qu'il  ren- 
dit au  duc  de  Guienne,  le  3  décembre  1463,  pour  les  terres  pré- 
citées, fut  délivrée  en  1660  sur  l'original  qui  tétait  conservé  à  la 
Chambre  des  Comptes  de  Languedoc.  Ces  minutieux  détails 
sont  à  noter,  car  ils  eurent  une  importance  énorme  au  cours 
du  procès  qui  pendant  plus  de  vingt  années  divisa  la  commu- 
nauté de  Gontaud  et  la  famille  de  Mélet. 

En  tête  de  la  généalogie  de  la  famille  de  Gontaud,  le  Père  An- 
selme dit  qu'en  1473  Lamothe  Pujols  dépendait  de  (jontaud. 
Ce  renseignement  rapproché  de  ceux  qui  nous  sont  fournis  par 
les  Variétés  Girondines  (1)  nous  amène  à  une  précision.  Il  y 
avait  dans  la  juridiction  de  Pujols  une  maison  noble  dite  La- 
motte  Sicard  ou  La  Motte  de  Pujols.  Sur  cet  ancien  l\rï  II 
déclare  n'avoir  trouvé  aucun  titre  antérieur  au  wii**  siècle.  S'il 
avait  eu  à  sa  disposition  les  archives  de  la  famille  de  Melet,  il 
aurait  pu  nous  énumérer  les  seigneurs  de  celte  maison  noble 
au  xV  et  au  xvf  siècle. 

Tandis  que  les  Madaillan,  puis  les  Angevin  et  enfin  les  Dur- 
fort  possédaient  Pujols,  à  côté  d'eux  et  probablement  sous  leur 
suzeraineté,  les  Melet  possédaient  Lamotte  de  Pujols.  Ainsi 
s'explique  une  apparente  contradiction. 

Jean  de  Melet  épousa,  soit  en  1444,  soit  en  1454  (2),  Marie  de 
Madaillan,  fille  de  Gilbert  de  Madaillan,  seigneur  de  Montviel. 
Il  testa  le  26  mai  146o  devant  Mirambeau,  notaire.  Par  cet  acte 
il  voulut  être  enseveli  dans  l'église  Notre-Dame  de  Gontaud,  en 
la  chapelle  de  Saint-André  qui  avait  été  fondée  par  sa  famille 


(1)  Variétés  Girondines,  ii,  232,  2i9. 

(2)  O'Gilvy  dit  1444,  l'auteur  de  l'arbre  généalogique  conservé  dans  le  fonds 
de  Raymond  aux  Archives  de  Lot-et-Garonne  dit  1454. 


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cl  clans  laquelle  reposaient  les  restes  de  son  ancêtre,  Gaston  de 
Melet. 

L'aîné  des  enfants  issu  de  ce  mariage  porta  aussi  le  nom  de 
Jean;  il  guerroya  pendant  la  conquête  du  royaume  de  Naples, 
sous  les  ordres  du  bâtard  de  Bourbon.  En  récompenses  de  ses 
grands  services,  ce  capitaine  reçut,  de  ('harles  VIII  les  droits 
que  S.  M.  posséda  il  sur  la  seigneurie  de  Gontaud.  Les  commis- 
saires du  roi  de  France  avaient  vendu,  à  pacte  de  rachat, 
moyennant  2,500  livres,  à  Catherine  d'Anglade  et  à  Jean  de 
Verdun,  son  fils,  les  droits  que  la  couronne  possédait  sur  cette 
terre  et  son  château.  L'acte  cité  par  O'Gilvy  est  du  5  janvier 
1496.  Nous  ignorons  si  Jean  de  Melet  fit  le  rachat  en  question 
et  s'il  devint  [)ar  ce  uioyen  uui(jue  seigneur  <le  (iontaud. 

Le  3  décembre  1471,  étant  dans  la  ville  de  Saint-Jean  d'Au- 
gély,  Jean  de  Meiet  avait  rendu  hommage  à  Charles  de  France, 
duc  de  Guienne,  comte  de  Saintonge  et  seigneur  de  La  Ro- 
chelle pour  tous  les  droits  qu'il  i)ossédait  sur  les  seigneuries  de 
Gontaud,  Loubens  et  Pujols. 

Nous  croyons  que  l'hommage  de  1 471  a  réellement  été  rendu  : 
l'acte  de  149(>  parait  au  contraire  forl  suspect,  car  il  renferme 
un  détail  erronée  plaçant  on  Agenais  et  à  (iôntaud  la  seigneu- 
rie (le  Loubéns  (pii  en  réalité  faisait  paiiie  du  Bazadais.  Cette 
erreur  dut  être  relevée  dans  la  suite  par  les  consuls  de  Gontaud. 

Jean  de  Melet  fut  en  procès  avec  ses  frères,  il  transigea  avec 
eux,  le  11  octobre  1508,  sur  le  partage  des  biens  qui  leur  étaient 
échus  par  la  mort  de  leur  père,  et  rendit  hommage  de  la  terrt^, 
de  La  Roche-Marais,  le  24  avril  1518.  O'Gilvy  qui  nous  donne 
ces  détails  ne  parle  point  du  Faudon. 

Jean  de  Melet  avait  épousé  vers  1480  Jacquette  de  La  Tou- 
che. Il  en  eut  plusieurs  enfants.  Nous  citerons  Louis  qui  reçut 
la  tonsure  dans  l'église  de  (iontaud,  le  14  février  1508,  puis, 
ayant  renoncé  à  la  cléricature,  épousa,  le  9  septembre  1521, 
devant  François  Briand,  notaire  royal,  Guyonne  de  Chassai- 
gnes,  fille  de  Bertrand  de  Chassaignes,  conseiller  au  parlement 
de  Bordeaux,  et  de  Jeanne  Georges  (1).  Par  ce  mariage,  Louis 


(1)  Note  de  M.  Tabbé  Dubois. 


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—  305  — 

de  Melet  devint  seigneur  de  la  maison  noble  de  Grain,  en  la  pa- 
roisse de  Baron  dans  l'Entre-deux-Mers. 

Gaston  (1),  autre  fils  de  Jean  de  Melet,  fut  père  de  Jean- 
Pierre  de  Melet,  qui  le  premier  porte  dans  la  généalogie  faite 
par  O'Gilvy  le  litre  de  seigneur  du  Faudon.  Il  se  qualifiait  aussi 
seigneur  de  Melet,  La  Salle,  La  Roche-Marais  et  Gonlaud  en 
sa  partie;  il  fut  convoqué  au  ban  et  arrière-ban  de  la  noblesse 
d'Agenais  en  looO,  1542,  1557  et  15(31:  il  épousa,  en  1599, 
Jeanne  de  Gordièges,  fille  de  Jean  de  Gordièges,  seigneur  de 
Mazières,  entie  Castillorniès  et  X'illeréal,  et  de  Lisse,  près  de 
Mézin. 

Ive  24  avril  1018,  Jean-Pierre  de  Melet  rendit  hommage  au 
roi  pour  la  maison  noble  de  La  Roche-Marais.  Dans  cet  acte 
sont  mentionnés  l'hommage  de  13(>3  rendu  par  Gaston  de  Melet 
et  celui  de  1039  qui  aurait  été  rendu  par  Jean  de  Melet.  La  Cour 
des  Aydes  de  (îuienne  ayant  à  se  prononcer  [)ar  la  suite  sur  la 
valeur  de  l'honnuage  de  1039  en  reconnut  la  fausseté. 
•  Jean-Pierre  de  Melet  n'existait  plus  le  11  janvier  l(i2(),  ainsi 
(pie  l'atteste  une  sentence  du  i^iésidial  d'Agen  (2).  Durant  sa 
vie  il  resta  en  paix  avec  la  connnunauté  de  Gontaud.  Après  sa 
mort  cet  état  de  choses  dui*a  encore  jusqu'en  1044.  ('elle  année- 
là,  le  sieur  du  Tandon  intenta  un  [irocès  en  la  (^)ur  des  Aydes 
de  Guienne  contre  la  communauté  (3).  Le  différend  était  de 
grande  importance,  car  s'il  tendait  d'un  côté  à  grever  les  char- 
ges des  contribuables  aux  tailles  de  la  juridiction,  il  affectait 
d'un  auli'o  c(>té  de  dénier  au  Faudon  son  litiv  de  fief  noble. 
Chaque  partie  croyant  être  le  bon  droit  et  l'objet  du  litige  tou- 
chant à  ses  plus  vifs  intérêts  la  quei'elle  s'envenima  et  fut  de 
longue  durée. 


(1)  (ja>lun  do  Mrlet  lesla  \e  '21  mars  17)1  \  (O'dilvy,).  Une  cxpcdilioii  (\v  ce 
ronlrnl  fut  délivrée  le  7  novembre  1574  par  I.acosle,  notaire  royal,  el  pro- 
diiilc  le  8  août  \TAHj  dans  un  procès  pendant  au  sénéchal  d'Agen  (Arch.  de 
Lol-el-Oaronne,  H.  50."^.  --  Note  de  M.  l'abbé  Dubois.) 

('2)  Archives  d«'  Lol-el-liaronne,  U.  7G7.  Celle  sentence  permet  de  corapléler 
.*iur  quelques  points  la  généalogie  faite  par  O'Ciilvy.  Elle  nous  apprend  que 
Anne  de  Melet  était  veuve  de  ForL  de  Chadois,  Suzanne  de  Vïelel,  veuve 
d'Antoine  de  La  Peyre,  sieur  de  Blenin. 

(3)  Archives  de  Lot-et-Garonne,  L.  supplément  15-44. 


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-  :Wi;  — 

Le  seigneur  du  Faudon  ne  fut  pas  d^ailleui-s  seul  à  entrer  €n 
lutte  avec  la  jurade  de  Gontaud.  Son  voisin,  Thimothée  de  Ba- 
calan,  seigneur  de  Maisonneuve,  avait  des  raisons  aussi  fortes 
de  refuser  le  payement  des  tailles  dont  on  voulait  aussi  frapper 
son  fief.  Cette  terre  noble  de  iMaisonneuve  avait  été  portée  en 
dot  à  Timothée  de  Bacalan  par  sa  femme,  Louise  de  Melet  (1). 

Pour  le  seigneur  du  Faudon  et  celui  de  Maisonneuve  les  li- 
tres invoqués  en  vue  de  lexemption  des  tailles  étaient  com- 
muns. Nous  essaierons  de  projeter  un  peu  de  lumière  sur  cette 
affaire  demeurée  obscure  jusqu'ici.  Comme  elle  se  rattache  à 
la  question  des  origines  de  la  réalité  des  tailles  en  Agenais  nous 
donnerons  aussi  brièvement  que  possible  les  renseignements 
que  réclame  l'exposé  de  cette  dernière  question. 

La  taille  était  un  impôt  royal  qui  n'atteignait  pas  également 
et  proportionnellement  tous  les  propriétaires  du  sol.  Sa  percep- 
tion variait  suivant  les  pays.  Au  moyen-âge  les  nobles,  en  rai- 
son de  leurs  services,  étaient  exempts  de  la  taille  ou  des  contri- 
butions analogues.  Cet  impôt  retombait  sur  les  roturiers.  Il* 
y  eut  aussi  plusieurs  catégories  de  leiTes,  les  unes  soumises  à 
l'impôt  et  les  autres  exemptes  de  cette  charge. 

Vers  1550,  en  Agenais,  des  discussions  fréquentes  s'élevaient 
entre  les  communautés  et  certains  nobles  possesseui's  de  petits 
fiefs.  Sommés  de  payer  leur  ({uote-paii  de  taille,  à  raison  de  la 
valeur  et  de  l'étendue  de  leurs  terres,  ces  gentilshommes  s'y 
refusaient  arguant  de  la  qualité  de  leurs  personnes.  Les  jurais 
et  les  nobles  ne  voulant  point  se  désister  de  leurs  prétentions, 
il  fallait  recourir  aux  tiibùnaux.  La  Cour  des  Aydes  de  Guien- 
ne,  nouvellement  établie  près  du  Parlement  de  Bordeaux,  fut 
la  juridiction  (|ualinée  plus  particulièrement  pour  connaître  de 
•ces  sortes  d'affaires.  La  jurispnidence  qu'elle  paraît  avoir 
adoptée  exemptait  les  nobles  de  toute  taille  :  on  ne  j)ouvait  les 
astreindre  à  cet  impôt  (|u'en  établissant  qu'ils  étaient  de  condi- 
tion rôturièi'e. 

Un  demi-siècle  se  passa  durant  lequel  ces  conflits  particu- 
liei-s,  souvent  assoupis  par  les  guerres  civiles,  renaissaient  à  la 


(1)  M.  Campagne,  Hifitoire  des  Buralan. 


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-  307  — 

première  occasion  favorable.  Toutes  les  juridictions  compélen- 
les  furent  successivement  éi)uisées.  Après  l'abjuration 
d'Henri  IV  et  l'établissement  do  l'édit  de  Nantes,  la  question  de 
la  contribution  aux  tailles  [)ri(  une  telle  gravité  qu'il  fallut  lui 
donner  une  solution  générale  et  définitive.  Il  n'y  eut  plus  une 
foule  de  petits  procès  particuliers,  mais  un  seul  grand  procès 
en  la  Cour  des  Aydes  de  Paris.  Le  clergé,  la  noblesse  et  le  tiers 
étiat  d'Agenais,  chacim  des  Ij-ois  grands  ordres  re[)résenté  par 
son  délégué  ou  syndic,  [)Iaidèrenl  l'affaire  (pii  ])assionnait  lous 
les  esprits. 

La  solution  (|ui  avait  élé  adoptée  ailleui's,  mais  non  partout, 
fui  rejetée  [)our  l'Agenais.  Le  liers-état  obtint  ce  qu'il  désirait, 
à  savoir  la  réalité  i\es  tailles.  Le  pays  d'Agenais  devait  être 
ari)enté,  les  juridictions  devaient  éli*e  classées,  suivant  la  qua- 
lité de  leur  sol,  les  plus  riches  devaient  sup{K)rter  une  charge* 
plus  foi-te  que  les  auties.  Entre  juridictions  ^ayant  temtoire  de 
même  qualité  et  de  même  étendue  réelle,  la  charge  d'impôt  de- 
vait être  identiqu(\  Chacpie  juridiction  devait  comprendre  dans 
son  terrier,  ou  cadastre,  le  détail  des  biens  nobles  et  des  biens 
rôturiei^s,  les  pn^niers  non  astreints  à  la  taille  et  les  seconds 
devant  la  supporter,  lue  juridiction  d'une  étendue  de  1,300 
journaux  par  excMuple  devait  payer  poiu*  cett-e  étendue;  s'il  y 
avait  100  joui*naux  de  lief^  nobles,  par  conséquent  exempts  de 
laille.  les  1,200  journaux  nMuiMers  devaient  supporter  la  taille 
totale  inq)osée  pour  l'entièjfî  juridiction.  Les  juridictions 
avaient  donc  intérêt  à  lestreindre  la  ipiantité  des  terres  nobles 
et  à  augmenlei*  l'étendue  des  terres  roturières,  (iénéralement 
il  y  eut  transaction  :  les  fiefs  nobles  fnr(»nt  reconnus  tels  par  les 
conuuunautés.  Ayant  obtenu  cette  reconnaissance  les  gcnlils- 
honnnes  modérèrent  leurs  prétentions  et  consentirent  généra- 
lement à  voir  diviser  leui's  domaines  en  deux  portions,  l'une 
noble  (*t  l'autre  l'tMurière.  ("était  h'  parti  le  plus  sage.  A  (îon- 
taud  il  n'y  eut  pas  de  transaclicm  entre  la  ccmmiunaulé  et  la 
famille  de  Melet. 

La  jurade  alléguait  que  le  seigneur  de  Gontaud  était  le  roi 
de  France  seul,  elle  ne  voulait  donc  reconnaître  qu'au  seul  fief 
du  roi  la  qualité  de  noble  et  s'obstinait,  en  conséquence,  à  taxer 


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—  :i08  — 

les  biens  des  gentilshommes,  feux-ci,  malgré  la  chose  jugée, 
prétendaient  s'exempter  de  toute  taille  et,  si  leurs  propos  sont 
exactement  rapportés,  ils  se  sont  autorisés  suH^>ul  de  la  qua- 
lité de  leurs  personnes.  Etait-ce  par  erreur  ou  bien  de  mauvaise 
foi  ?  On  l'ignore. 

F.es  registres  de  la  jurade  de  Gontaud  ont  consigné  le  récit 
d'une  agression  dont  fut  victime  un  consul  de  la  part  de  Timo- 
thée  de  Baca'an  (1). 

Portée  d'abord  à  la  Cour  des  Aydes  de  Guienne,  l'affaire  des 
seigneurs  du  Faudon  et  de  Maisonneuve  lut  ensuite  évoquée 
au  Conseil  du  roi  qui  la  renvoya  en  la  Cour  des  Aydes  de  Car- 
cassonne.  Ce  tribunal  ayant  porté  son  siège  à  Montpellier,  ce 
fut  en  cette  ville  que  la  jurade  de  Gontaud  dut  constituer  des 
procureurs  pour  réjwndre  à  l'assignation  qui  lui  avait  été  don- 
née. Pour  mieux  sui-veiller  le  procès,  elle  envoya  même  en  cette 
ville  des  délégués  MM.  Samuel,  chevalier  et  Jean  de  Ricaud 
(12  décembre  1659)  (2). 

La  communauté  fit  procéder  à  des  recherches  au  greffe  de 
la  sénéchaussée  d'Agenais.  Le  greffier  Cruzel  certifia  qu'il 
n'avait  trouvé  dans  ses  registres  ni  les  lettres  patentes  données 
par  Charles  VII  à  Lyon,  le  5  janvier  1490,  ni  celles  d'Henri  IV 
octroyées  à  Paris  au  mois  de  février  1609  en  faveur  du  s'  de 
Melet.  Ce  certificat  fut  envoyé  à  Montpellier  où  l'on  fit  aussi 
])ai'venir  le  contrat  de  transaction  passé  entre  le  corps  de  ville 
et  feu  Timothée  de  Bacalan,  père  de  Samuel  de  Bacalan,  con- 
cernant quelque  fief  vraisemblablement  (3). 


(1)  Ce  document  a  clo  reproduit  par  Maurice  Campagne  dans  les  Noies  et 
Documents  sur  les  paroisses  de  Saint-Pie rre-de-yog are t  et  Saint-Martin-de- 
liislauzuCy  au  diocèse  c/'4f/en,  p.  61  et  dans  Yflisloire  des  bacalan^  p.  81. 

{'2)  Arch.  de  Lol-el-Garonne,  jurados  de  Gontaud.  E.  suppl.  1551. 

CA)  Arch.  de  Lot-el-(Jlaronne,  K.  !?uppl.  1551.  Nous  aurions  bien  voulu  savoir 
vu  (juoi  consistait  exactement  celle  trant-aclion  dont  M.  Campa<,'ne  na  rien 
dit  dans  \  Histoire  des  Bacalan. 

L'arpentement  fait  le  8  avril  1598  par  Gorse  donne  le  détail  des  possessions 
de  M.  de  Melet  dans  la  juridiction  de  Gontaud.  La  contenance  totale  était  de 
253  journaux  28  escats.  Nous  avons  sous  les  yeux  un  extrait  de  cet  arpenle- 
ment.  En  1638  les  consuls  disent  que  M.  de  Melet,  possesseur  d'au  moins 
400  journaux  de  terre  ne  veut  payer  la  taille  que  pour  24.  {Notes  et  Docu- 
ntents  sur  les  paroisses  de  Soinl-Piern*-dr'\ooarrf  et  Saint-Martin  de  Bis- 
iauzac,  par  M.  Campagne,  p.  6-4,  65.) 


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—  309  — 

Des  recherches  furent  aussi  faites  pour  la  communauté  à 
Bordeaux  dans  les  registres  de  la  Trésorerie  (1660). 

Le  18  octobre  1(560,  la  jurade  envoie  en  Bazadais  François 
Rouzié  et  lui  donne  mission  de  s'enquérir  de  la  situation  exacte 
de  Loubens  et  Pujoulet  (sic,  pour  Pujols),  localités  mention- 
nées avec  Gontaud  dans  l'hommage  qui  avait  été  déjà  produit, 
contredit  et  jugé  sommairement  en  la  Cour  des  Aydes  de 
Guienne.  A  cet  hommage  qui  fut  réellement  rendu  en  1463,  elle 
donne  pour  date  l'année  1469  (1).  Nous  ferons  observer  que 
l'hommage  en  question  et  sous  sa  vraie  date  fut  effectivement 
délivré  en  expédition  d'après  l'original  conservé  à  la  Chambre 
des  Comptes  de  Languedoc  (1(560)  (2).  Les  imprécisions  des 
actes  de  jurades  permettent  aussi  de  penser  qu'il  pourrait  s'agir 
de  l'hommage  apocryphe  de  1039  ou  peut-être  de  celui  de  1471 . 

L'hommage  de  14i)3  avait  trop  de  valeur  pour  qu'il  n'en  fut 
pas  tenu  compte  par  la  Cour  des  Aydes  de  Montpellier.  Celle- 
ci  rendit  donc  un  arrêt  déclarant  nobles  les  terres,  tènements 
et  maison  de  La  Salle.  Une  vérification  de  ces  biens  devait  être 
faite  par  un  commissaire  délégué.  La  jurade  commentant  cet 
arrêt  ne  perdit  pas  courage  ;  connaissant  l'imprécision  des 
actes  d'hommages,  elle  déclara  qu'à  l'aide  de  ces  pièces  il  ne 
serait  pas  possible  d'établir  la  nobilité  des  domaines  du  Fau- 
don,  La  Roche-Marais,  Maisonneuve  et  Labordelle  (3). 

Le  7  mars  1661,  un  délégué  de  la  jurade  arrive  de  Paris  ;  il 
déclare  qu'on  lui  a  délivré  en  cette  ville,  sans  doute  en  la  Cham- 
bre des  Comptes,  l'hommage  l'endu  au  duc  de  Guienne  en  la 
ville  de  Saint-Jean  d'Angély.  Ici  encore,  suivant  son  habitude, 
le  scribe  donne  une  fausse  date,  10()9  au  lieu  de  1471. 

Le  moment  semblait  proy)ice  i)our  un  accomodement,  l'avo- 
cat général  de  Bacalan  en  parla  à  la  jurade  qui  i^mercia  poli- 
ment, demanda  à  réfléchir  et  finalement  refusa  (4)  et  fit  appel  au 
Conseil  du  roi. 


(1)  Arch.  de  Lot-et-Garonne,  E.  siippl.  1551,  foi.  57,  GO  et  6*2. 

(2)  O'Gilvy,  Généalogie  de  Melet,  t.  ii,  p.  77  de  l'Armoriai  de  Guienne  et  de 
Gascogne. 

(3)  Archives  de  Lot-et-Garonne,  E.  suppl.  1551,  fol.  70. 
(i)  Ibid.,  E.  suppl.  1552. 


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—  310  — 

Profilant  du  répit  qu'il  avait  obtenu,  Samuel  de  Bacalan  ren- 
dit hommage  au  roi  pour  la  maison  noble  de  Maisonneuve  en 
1G02  (1).  Nous  ne  connaissons  pas  d'acte  analogue  fait  à  cette 
époque  par  son  voisin,  le  seigneur  de  Faudon. 

Les  seigneurs  du  Faudon  et  de  Maisonneuve  restèrent  en 
lutte  avec  la  communauté  ;  en  octobre  1078,  il  y  eut  une  police 
de  passée  entm  eux  et  la  jurade. 

En  1651  (22  avril),  F'rançois  de  jMelet  avait  rendu  hommage 
au  roi  pour  les  maisons  nobles  du  r'audon  et  de  La  Roche- 
Marais  (2);  en  1()82  ou  1683,  son  fils  et  successeur,  Jean-Pierre 
de  Melet,  réitéra  cet  hommage.  Le  10  février  1683,  pour  empê- 
cher la  vérification  du  dénombrement  rendu,  les  jurais  fonuè- 
rent  une  opposition  au  bureau  des  trésonei's  de  France  à  Bor- 
deaux. Quelques  semaines  plus  tôt  des  saisies  avaient  élé  opé- 
rées contre  Samuel  de  Bacalan,  on  en  fit  également  contre 
Jean-Pierre  de  Melet  (3). 

En  1686,  les  consuls  Rouzié,  de  Bicaud  et  Cassan  firent  signi- 
fier l'arrêt  du  Conseil  rendu  au  profit  de  la  communauté  contre 
MM.  de  Melet  et  de  Bacalan.  Les  seigneurs  du  Faudon  et  de 
Maisonneuve  qui  succombaient  s'étaient  ruiné  et  la  commu- 
nauté avait  dépensé  plus  de  10.000  livres. 

Le  Faudon  et  Maisonneuve,  terres  nobles  et  exemptes  de 
rentes,  relevaient  directement  du  roi  comme  par  le  passé,  mais 
au  point  de  vue  fiscal  elles  restaient  soumises  à  la  taille.  Au 
commencement  du  xvif  siècle,  le  Conseil  du  roi  aurait  jugé 
tout  autrement  ;  en  ce  temps  là  les  deux  fiefs  eussent  été  décla- 
rés ou  roturiers  ou  nobles  sans  restnction. 

Ayant  perdu  leurs  procès  et  condamnés  aux  frais,  les  s"  du 
l^'audon  et  de  Maisonneuve  durent  s'exécuter.  Pour  éviter  un 
surcroît  de  frais,  l'affaire  fut  liquidée  à  l'amiable  (10  oct.  1691}. 
Ine  transaction  passée,  le  22  juin  1603,  devant  Maguot, 
notaire  royal  à  (iontaud,  entre  la  communauté  d'un  côté,  Jean- 
Pierre  de  Melet  et  Timothée  de  Bacalan  de  l'autre,  mit  pour 


(1)  Histoire  des  Bacalan,  par  M.  Campayne,  p.  89. 

(2)  Archives  de  Lot-et-Garonne,  E.  suppl.  844,  fol.  11. 
en  Ibitï.,  E.  siipi)!.  1598. 


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-  311  - 

toujours  fin  à  celte  affaire  (1).  L'intendant  Bazin  de  Bezons 
homologua  cet  acte  pour  lui  donner  la  vigueur  requise  ;  jadis 
riiomologation  eut  été  accordée  par  un  tribunal,  le  Conseil  du 
roi,  le  Parlement  ou  la  Cour  des  Aydes  (2). 

La  maison  noble  du  Faudon  resta  quelque  temps  encore 
dans  la  famille  de  Melet,  elle  fut  vendue  le  17  juin  1713  par 
François  de  Melet  à  Jean  de  Galz,  avocat.  L'acte  passé  devant 
M*  Viaud,  notaire  à  Gonlaud,  dit  que  ce  domaine,  situé  en  la 
paroisse  de  Saint-Pierre  de  Nogaret,  contenait  53  journaux 
3/4,  y  compris  10  journaux  de  l)ois  à  Gageac,  une  maison  de 
maître  et  une  métairie.  Les  biens  furent  acquis  au  prix  de 
7.200  livres. 

L'acquéreur,  qui  habitait  Tonneins,  avait  une  assez  grosse 
fortune,  il  l'employa  en  achat  de  terres  dans  le  voisinage  du 
Faudon.  Le  1"  mars  1714,  il  acquiert  une  pièce  de  terre  au 
Cardoua,  en  la  paroisse  Saint-Pierre  de  Nogaret  (acte  devant 
Viaud).  Ije  15  janvier  171G,  il  achète  à  Jean-PieiTe  de  Melet, 
sieur  de  St-Mclan  et  du  Cluseau,  et  à  demoiselle  Marie- 
Suzanne  de  Melet,  enfants  de  noble  François  de  Melet,  la  mai- 
son noble  do  Cluseau,  en  Saint-Pierre  de  Nogaret,  de  la  conte- 
nance de  onze  journaux  (acte  devant  Lescure,  notaire  à  Ton- 
neins). 

Le  2J9  mars  17  J()  (devant  le  même  notaire)  l'avocat  tonnein- 
quais  achète  à  François  de  Melet  4  jouniaux  de  teiTe  au 
Cluseau.  Dans  celte  vente  sont  compris  tous  les  droits  de 
nobilité. 

Quatre  ans  .se  passent  au  bout  desquels  Jean  de  Galz  fait  un 
nouvel  achat  de  biens  fonds.  Les  immeubles  qu'il  acquiert  sont 
situés  dans  les  paroisses  de  Saint-Pierre  de  Nogaret  et  de 
Saint-Mailin  de  Bistauzac;  ils  fonnaient  la  métairie  de  Bistau- 
zac  aujourd'hui  nommée  Lapeyrère  (3).  La  vente  en  fut  faite 
au  prix  de  3.285  livres  par  Hilaire  de  Melet,  fils  et  donataire 


(1)  Voir  Notes  et  Documents  sur  Sainl-IHerre-de-Sogaret,  par  M.  Campa- 
gne, p.  65. 

(2)  Archives  de  Lot-et-Garonne,  E.  puppl.  1553,  fol.  45. 

(3)  L'acte  passé  devant  Lescure  se  trouve  en  minute  aux  Archives  de  Lot- 
et-Garonne. 


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—  siè- 
cle Gaston  de  Melel.  Ce  dernier  avait  relâché  cette  terre  à  son 
frère  puîné,  Jean  de  Melel,  pour  lui  tenir  lieu  de  .ses  droits  pa- 
ternels et  maternels.  Jean  de  Melet,  par  contrat  d'accord  passé 
à  x\gen  devant  Dutreilh,  notaire  de  cette  ville,  le  17  mai  1089, 
rendit  à  son  frère  aîné  la  terre  de  Bistauzac  parce  qu'elle  n'était 
que  noble  de  rentes,  par  conséquent  sujette  à  la  taille. 

Jean  de  Galz,  de  passage  à  Bordeaux,  y  fit  son  testament 
(devant  Despiet,  notaire),  le  19  mai-s  1721 .  Il  mourut  dans  la 
même  ville  le  lendemain,  laissant  ajjrès  lui  sa  veuve,  Germaine 
Desclaux.  Celle-ci  continua  avec  ses  associés,  Larrard,  Silly  c\ 
(''*,  le  conuneixe  des  tabacs  dans  lecjuel  son  mari  avait  fait 
fortune. 

Comme  toutes  les  marchandises,  le  tabac  était  sujet  à  des 
fluctuations;  en  1730,  les  opérations  (fue  la  veuve  de  GrJz  avait 
faites  sur  cette  denrée  n'ayant  pas  été  fructueuses,  elle  adressa 
à  l'Intendant  une  supplique  (2()  septembre)  [)our  obtenir  une 
modération  de  capilation.  Dans  cette  pièce  elle  parlait  d'un 
procès  qu'elle  avait  à  soutenir  à  Paris,  d'un  lils  dissipateur 
mort  laissant  après  lui  trois  enfants  dénués  de  tout. 

Le  22  avril  1734  (iermaine  Desclaux  demande  à  emprunter 
0,000  livres  pour  parfaire  la  sonmie  de  40,000  livres  que  lui  a 
coûté  la  charge  de  trésorier  de  France  qu'elle  a  acquise  pour 
l'un  de  ses  enfants  (]). 

(iermainc  Desclaux,  veuve  et  héj-itière  sous  l)énéfice  d'inven- 
taire de  Jean  de  Galz,  transigea,  le  27  juin  1740,  avec  Pierre 
Duniagou,  ancien  jurât  de  la  ville  (hi  Mas-d'Agenais.  Elle  avait 
fait  son  testament  le  29  septembi-e  1730.  Son  princii^al  héritier 
fut  Jean-IMerre  de  Galz,  son  fils. 

Jean-Pierre  de  Galz,  reçu  docteur  en  di'oil  devant  la  faculté 
de  Bordeaux,  le  3  juillet  1723,  épousa,  par  ccmtral  du  9  juin 
1730  \devant  Couzin,  notaire  à  Tonneins^,  Marie- Anne  Laper- 
che,  qui  lui  apporta  en  dot  20,000  livres.  Le  mariage  fut  béni 
en  l'église  de  Tonneins  le  i  juillet  173(K 

La  déclaration  de  succ(îssi(m  (|ue  Jean-lMerre  de  (ialz  fit 
après  la  mort  de  son  père,  le  13  n».ars  1741,  porte  que  les  biens 


(1)  Lellrc  conlL'niic  (lan^  le  cahier  hrouillord  de  Germaine  De!^claux. 


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immeubles  laissés  par  le  défunt  se  composaient  du  fief  noble 
du  Faudon  et  de  la  métairie  de  Lacourège  d'une  étendue  de 
200  journaux  valant  10,000  livres. 

Dans  son  testament  du  8  octobre  1712  devant  Jean  Royal, 
notaire  à  Gontaud,  Jean-Pierre  de  Galz  énuméra  ses  enfants 
i  garçons  et  2  filles.  Le  21  juin  1754,  il  rendit  hommage  pour 
la  maison  noble  du  Faudon,  située  dans  les  paroisses  de  Saint- 
Pierre  de  :\ogaret  et  de  Bistauzac,  contenant  155  journaux 
deux  tiers,  douze  escats. 

Le  11  juin  1766,  Jean  de  dalz,  avocat,  lieutenant  de  la  Gran- 
de Louvelerie  de  France,  seigneur  de  Faudon,  dans  une  sup- 
plique adrc'^sée  aux  Trésoriers  de  France  en  Guienne,  deman- 
da acte  de  la  présentation  du  dénombrement  qu'il  avait  fait  le 
21  juin  175i. 

Dans  son  testament  du  23  septembre  1781,  Jean-Pierre  de 
Galz  du  Faudon  déclare  avoir  eu  vingt-huit  enfants  de  Marie- 
Anne  Laperche,  son  épouse,  décédée.  De  cette  nombreuse 
postérité  il  lui  restait  encore  dix  enfants  vivants  :  cinq  garçons 
et  cinq  filles  (1). 

L-e  testateur  mourut  au  Faudon,  le  28  mai  1786,  âgé  de  85 
ans.  Le  testament,  qui  était  clos,  fut  ouvert  le  30  mai  1786  et 
déposé  en  l'élude  de  M"  (Jampmas,  notaire  à  Gontaud. 

Marie-Anne  Laperche,  épouse  de  Jean-Pierre  de  Galz,  était 
fille  de  Pierre  Laperche,  sieur  de  La  Ramière  et  de  Anne  de 
Réau:  elle  passa  dans  ce  monde  sans  faire  grand  bruit.  Le  sou- 
venir de  sa  prodigieuses  fécondité  ne  s'est  pas  ei^ore  éteint  dans 
la  contrée  où  les  vieillards  disent  qu'elle  n'avait  jamais  vu  le 
clocher  de  Saint-Pierre  de  Nogaret  sans  être  enceinte  ou  nour- 
rice. File  mourut  à  Tonneins,  le  23  août  1774  (2). 

Alexandre  de  Galz,  né  le  2  octobre  1735,  fut  baptisé,  à  Saint- 

•  Pierre  de  Nogaret,  le  6  du  même  mois  (3).  11  épousa,  le  31  mai 

1761,  à  Tonneins.  (.'atherine  Péfau,  fille   de   Jacques   Péfau, 

bourgeois  et  d'Anne  de  Traversât.  A  la  mort  de  Jean-Pierre  de 


(1)  Voir  :  Vn  père  de  vingt-huit  enfants  sous  Louis  XV.  (Noie  parue  dans  la 
Hcrue  de  l'Agenais  de  j;invier-février  1899,  par  E.  Uouinat). 

(2)  Registres  paroissiaux  de  Notre-Dame  de  Tonneins. 

(3)  F<egistres  paroissiaux  de  Saint-Pierre  de  Nogaret. 


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--  314  - 

Galz,  son  père,  il  quitta  Latuque  où  il  habitait  et  vint  occuper 
le  Faudon. 

Ancien  officier  de  cavalerie  et  seigneur  du  Faudon,  Alexan- 
dre de  Galz  comparut,  le  9  mai's  1789,  à  l'assemblée  de  la  no- 
blesse, tenue  à  Agen.  Il  était  donc  considéré  comme  noble, 
néanmoins  en  1793,  dans  un  mémoire,  il  s'attacha  à  prouver 
que  sa  famille  étail  roturière.  La  charge  de  lieutenant  de  la 
Grande  Louveterie  acquise  par  son  père  était  demeurée  ineffi- 
cace, puisque  le  défunt  n'avait  pu  s'exempter  ni  de  la  levée  des 
impositions,  ni  du  logement  des  gens  de  guerre,  ni  du  paiement 
du  droit  de  franc-fief. 

Alexandre  de  Galz  mourut  au  Faudon,  le  3  août  1801  (1), 
laissant  deux  enfants  :  Pierre  de  Galz,  marié  à  Sérène  Borie  et 
Anne  de  Galz,  mariée  au  citoyen  Duvigneau-Beaulieu. 

Pierre  de  Galz  était  né  à  Tonneins  le  25  août  17G4;  il  fit  ses 
études  au  collège  royal  de  Sorèze,  fut  reçu  avocat  à  Toulouse, 
le  10  août  1790;  il  épousa  religieusement  en  la  chapelle  de 
Gassies,  diocèse  de  Bordeaux,  le  5  novembre  1797,  Marie- 
Sérène  Borie,  fille  de  feu  Joseph  Borie  et  de  Suzanne-Renée 
Giac,  habitante  de  la  commune  de  Latresne,  canton  de  Qjiin- 
sac.  La  bénédiction  nuptiale  fut  donnée  aux  nouveaux  époux 
par  J.  Richard,  prêtre  catholique  en  communion  avec  Jérôme- 
Marie  Champion  de  Cicé,  archevêque  de  Bordeaux. 

Pierre  de  (ialz  n'émigra  point;  il  fut  commissaire  du  direc- 
toire du  district  de  Tonneins  jusqu'à  la  fondation  des  munici- 
pahtés  nouvelles  et  fut  nommé  maire  de  Saint-Pierre  de  Noga- 
ret  en  remplacement  de  M.  Laurent  de  Ricaud,  décédé,  le  5 
messidor  an  XI,  par  arrêté  du  Préfet  de  Lot-et-Garonne.  Son 
installation  fut  faite  le  15  du  même  mois  (4  juillet  1803). 

A  la  chute  de  l'Empire  (3  juin  181 4),  le  maire  de  Saint-Pierre 
de  Nogarel  embrassa  facilement  la  cause  de  Louis  XVIII.  11^ 
n'y  a  rien  là  qui  doive  nous  surprendre. 

De  son  mariage  avec  Marie  Sérène  de  Borie  Pierre  de  Galz 
eut  deux  enfanta  :  Marie-Nathalie,  née  au  Faudon,  le  23  bru- 
maire an  VII,  mariée  le  22  janvier  1818  à  M.  Laurent  Thomas 


(1)  Etat-civil  de  Saint-Pierre  de  Nogaret. 


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de  Ricaud,  avocat,  fils  de  Pierre  Laurent  de  Ricaud,  ancien 
conseiller  à  la  Cour  des  Aydes  de  Guienne,  et  de  Marguerite 
Chauzenque;  Jacques-François- Alexandre  de  Galz,  né  au  Fau- 
(lon,  le  9  septembre  1800,  décédé  le  9  novembre  1807. 

Pierre  de  Galz  habita  le  Faudon  jusqu'à  sa  mort  qui  arriva 
le  7  août  1830.  C'est  à  cette  époque  que  ce  domaine  passa  à  la 
fainille  de  Ricaud. 

K.   HoiMXT 


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VILLEREAL 


CHAPITRE  V. 

I.  L'Eglise.  ---  II.  Le  Clergé.  —  III.  N.-D.  du  Dropt.  Chapelle  S'-Roch. 
IV.  Résumé.  —  V.  Pièces  justificalives.  —  VI.  Archiprêtrô  de  Monlaut. 


I.  —  L'église  de  Villeréal  a  tous  les  caractères  des  édifices 
de  ce  genre  construits  dans  nos  contrées  vers  le  milieu  du 
xiif  siècle.  C'est  un  grand  vaisseau  en  croix  latine,  à  chevet 
plat  ;  deux  chapelles  sont  abritées  dans  les  aisselles  des  croi- 
sillons. Ces  édicules  et  les  bras  du  transept  ont  consente  leurs 
voûtes  en  croisées  d'ogive.  Cette  église  semble  avoir  été  cons- 
truite d'un  seul  jet  et  n'offre  la  trace  d'aucune  addition.  Sa 
longueur  dans  œuvre  est  de  39  mètres,  sa  largeur  de  10  m.  80 
et,  dans  les  croisillons,  de  .26  mètres.  La  voûte  centrale  re- 
construite dans  les  années  1884-1885,  suivant  le  plan  indiqué 
par  les  arcs  fonrierets  restés  aux  murailles  du  clocher  et  de 
l'abside,  a  14  mètres  de  hauteur  sous  clé.  Il  a  fallu  exhausser 
les  murs  de  plus  de  deux  mètres  pour  leur  rendre  l'élévation 
primitive.  Une  porte  monumentale  est  ouverte  dans  la  façade, 
à  l'occident.  Des  statuettes,  aujourd'hui  mutilées,  ornaient 
les  archivoltes  du  portail  aux  vastes  proportions.  Deux  meur- 
trières, placées  dans  le  tympan  entre  deux  anges  adorateurs  et 
de  chaque  côté  du  Christ  bénissant,  protégeaient  l'entrée.  Deux 
portos  de  dégagement  sont  percées  l'une  en  face  de  l'au- 
tre dans  les  murs  de  la  nef  ;  l'une  d'elles  a  été  murée.  La  façade 
est  flanquée  de  deux  tourelles  carrées,  reliées  au  sommet  par  un 
chemin  de  ronde  crénelé,  couvert  d'une  petite  toiture  ;  l'une 
renferme  l'escalier  à  vis,  l'autre  porte  à  son  sommet  une 
chambre  de  sûreté  qui  a  longtemps  servi  de  prison  provisoire. 
Tous  les  tiers  points  des  baies  des  portes  et  des  fenêtres  sont 
de  forme  lancéolée.  Les  dosserets  placés  dans  les  angles  sont 
des  colonettes  isolées  ;  ceux  qui  sont  appliqués  aux  murs  de 
la  nef  se  composent  d'un  faisceau  de  cinq  colonettes  rondes  ; 


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—  317  - 

ils  partagent  le  vaisseau  en  cinq  travées.  Les  dessins  rayon- 
nant des  reniplages  de>s  fenêtres  et  des  caissons  du  portail  ; 
les  profils  des  croisées  d'ogive  construites  dans  les  chapelles, 
les  feuillages  des  chapiteaux  des  colonettes  ont  le  style  du 
niilicHi  (lu  \nf  siècle.  La  fenêtre  placée  au  centre  du  chevet 
est  large  et  haute  ;  elle  est  divisée  par  deux  meneaux  et  rem- 
plie au  sommet  par  trois  cercles.  Toutes  les  fenêtres  sont 
ornées  de  riches  verrières,  représentant  les  mystères  de  N.-D., 
sorties  des  ateliers  de  M.  Feur,  peintre  verrier  à  Bordeaux. 

f.es  murs  sont  fort  épais  et  munis  de  contreforts  de  trois 
sortes  ;  ceux  de  la  nef  sont  appliqués  pei'pendiculairement  au 
mur  ;  ceux  des  angles  du  chevet  ont  la  forme  des  tourelles 
carrées  de  la  façade  ;  ils  doublent  complètement  ces  angles 
se  présentant  à  l'extérieur  :  ce  sont  de  véritables  éperons. 

II.  —  Villeréal  fut  jusques  au  xix*  siècle  annexe  de  Saint- 
Etienne,  ce  qui  indique  que  la  paroisse  de  Saint-Etienne 
appelée,  nous  ne  savons  pourquoi,  de  Leventes  dans  la  lettre 
d'Alfonse  de  Poitiers  aux  habitants  de  Monflan(|uin,  et  de 
Lezenne  dans  des  écrits  postérieurs,  s'étendait  primitivement 
jusques  au  Drot.  Son  recteur,  aidé  de  vicaires,  faisait  h*  ser- 
vice de  Notre-Dame  de  Villeréal.  Il  était  nommé  par  le  cha- 
noine de  la  cathédrale  Saint-Etienne  d'Agen  qui  se  trouvait 
de  semaine  à  la  mort  du  titulaire,  l'évêque  n'ayant  que  le  droit 
de  viser  la  nomination. 

Les  registres  paroissiaux  de  Saint-Etienne,  de  Villeréal,  de 
Rives  et  autres  documents  nous  ont  permis  d'établir  la  liste 
complète  du  clergé  de  Villeréal  depuis  l'année  1610. 

1612-10)21.  —  Curé,  François  de  Laura,  signe  recteur  de 
Saint-Etienne,  recteur  et  archiprêtre  de  Villeréal.  Démission- 
naire en  1621,  il  signe  encore  le  21  avril  1627  et  le  4  octobre 
1628. 

Vicaires  :  Pierre  Kaminade,  1610-19.  Vidal  Rataboul , 
1611-14.  Léonard  Maureau,  1619-11)21.  François  Passerieu, 
docteur,  1620.  J.  Foyssac,  1620.  Bertrand  Derigal  1620-21. 
Raynal,  1620-21. 

1621-1662.  —  Curé,  Jehan  Gardés,  docteur,  signe  curé  de 

21 


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-  :uH  — 

Saint-Etienne  et  de  Villeréal  son  annexe  ;  fut  remplacé  par  un 
homonyme;  leur  écriture  est  différente. 

Vicaires  :  Gaffard,  1623-26.  Pierre  Bouchet,  1627-36.  Du- 
rand Montaigne,  1637.  Isaac  Laporte,  1638-56.  Delrieu,  1656- 
61. 

1662-1678.  —  Jehan  Gardés,  docteur,  n'aurait  pu  être  curé 
en  1621;  il  n'avait  que  58  ans  à  sa  mort,  arrivée  le  29  janvier 
1678  ;  il  fut  enseveh  dans  l'église  de  Villeréal  par  Martinet, 
vicaire,  en  présence  de  Fr.  Saturnin  Laporle,  religieux  de 
l'observance  de  Saint  François,  prédicateur  de  l'Avent  et  du 
Carême,  de  Vigier,  curé  de  Rives,  et  de  Marmié,  curé  de  Ma- 
zières. 

Vicaires  :  Jacques  Dages,  1663-64.  Lagarrigue,  1664-75. 
Benne,  1666-68.  Alric,  1668-69.  Delrieux,  1669-70.  Martinet, 
1670-78. 

1678-1686.  —  Curé,  Maurice  Lantoume,  docteur,  avait  élo 
curé  d'Envals.  Admirateur  de  la  révocation  de  ledit  de 
Nantes.  Il  meurt  à  l'âge  de  51  ans,  le  23  octobre  1686,  est  en- 
seveli dans  l'église  de  Villeréal  ;  il  était  archiprêtre  (1). 

Vicaires  :  Gineste,  1679-82.  Mouly,  1680-84.  Combaret, 
1682.  Duthil,   1684-85.  Vergues,  1682-91. 

1687.  —  Curé,  Henri  Lobies  ou  de  Louies,  docteur,  dépose 
le  8  janvier,  au  greffe  de  la  Cour  royale  de  Villeréal,  la  minute 
des  baptêmes,  mortuaires  et  mariages  de  lesglize  de  Nostre- 
Dame  de  Villeréal  et  annexe  de  Saint-Estienne  de  Lezennes; 
dernière  signature  2  septembre. 

Vicaire,  Granié. 

1687-1713.  --  Curé,  Anthoine  Boissarie,  docteur.  Son  pre- 
mier acte  est  du  10  septembre  1687,  son  dernier  du  5  octobre 
1713.  Il  fait  refondre,  le  5  juillet  1711,  la  grande  cloche  de 
Villeréal,  qui  porte  l'inscription  :  Hoc  campanum  ecclesie 
Sandœ  Mariœ  de  Villeréal  Fusum  est  cum  cura  et  labore  do- 
mini  recioriSy  (M.D.CC.XI).  Ora  pro  nobis,  sancta  Dei  geni- 
Irix,  A  Fulgure  et  tempesiale  libéra  nos,  Domine,  Le  procès- 


(1)  Le  titre  d' archiprêtre  n'était  pas  inhérent  à  la  cure  de  Saint-Etiennc- 
Villeréal.  En  1609  siégea  au  synode  d'Agen  en  qualité  d'archiprètre  de  \^il- 
leréal  M*  Raymond  Fieux,  curé  de  Celles.  (Abbé  Barrère.) 


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^  —  319  — 

verbal  est  signé  :  Devaux,  vicaire,  sieur  Destourniès,  sieur 
Labalui,  sieur  Granié  el  Estienne  Lafon,  sindics,  qui  ont  fait 
la  dépense  de  la  fusion  et  de  la  bénédiction. 

Vicaires  :  Granié,  1087-88.  Vergues,  1689-91.  Jean  Gre- 
nier, 1089.  Combler,  1689-91.  Grolzat,  1692-97.  Audart,  1697. 
Bley,  1098.  Malique,  1()99-1708.  Martinet,  1703-05.  Soleil, 
1705-08.  Fiancette,  1708.  —  Vergue,  1709.  —  (larry,  1710. 
Louis  Devaux,  1711-13. 

1713-1734.  —  Curé,  Pechegut.  Telle  est  la  signatui^e  de 
Jean  de  Constantin,  nom  qu'il  prit  d'une  terre  située  en  Péi*i- 
gord.  Jean  de  Constantin,  encore  au  Séminaire,  reçut  [)ar 
testament  daté  du  16  décembre  1697,  de  Jean  Villeréal,  sieur 
de  Guibal,  son  parrain,  la  moitié  de  son  héritage  qui  lui  don- 
na un  petit  château  avec  la  terre  qui  Tentourait,  à  condition 
qu'il  se  ferait  prêtre  et  serait  tenu  de  venir  dire  la  messe  dans 
l'église  de  Rives  tous  les  dimanches  pour  la  satisfaction  du 
public  et  deux  messes  chaque  semaine  pour  le  testateur  el 
ses  parents  défunts.  Il  devait  transmettre  cet  héritage  à  un 
prêtre  des  plus  proches  parents  du  testateur,  aux  mêmes  con- 
ditions. Jean  de  Constantin  fit,  dans  l'église  de  Rives,  un 
baptême  le  19  mai  et  un  autre  le  26  juillet  1701.  Il  se  démit  en 
1734  de  la  cure  de  Villeréal  qui  fut  donnée  à  Marc  de  Cons- 
tantin que  la  mort  cueillit. en  1700,  trois  ans  plutôt  que  Tabbé 
de  Pechegut.  ('elui-ci  légua  le  château  et  la  métairie  de  Rives, 
par  acte  en  forme  de  codicille  clos  le  27  juillet  1763  el  ouvert 
le  14  octobre  suivant,  à  Jacques  de  Léotard  de  la  Calvic  en- 
core au  séminaire,  son  petit  neveu  et  parent  au  quatrième  de- 
gré de  feu  Jean  Villeréal,  sieur  de  Guibal.  Ce  testament  com- 
mence par  ces  mots  :  «  Je  soussigné,  messire  Jean  de  Cons- 
tantin, abbé  de  PécheguI,  prieur  et  seigneur  de  la  paroisse  de 
Rives... 

ije  terrier  de  Jean  de  Constanlin  (*n  qualité  de  seigneui*, 
prieur  du  prieuré  simple  et  séculier  de  Saint-Pierre  de  Rives 
dépendant  de  l'abbaye  d'AurilIac,  commencé  \o  25  juillet  1755, 
avait  été  fini  le  25  octobre  1702  (1). 


(1)  Voir  la  notice  de  Rives  pour  les  renseignements  complets. 


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Vicaires  :  Tremolines,  1713-14.  Pelegry,  1714.  Belloq, 
1715.  Capdeville,  1716.  Pierre  Lantourne,  1716-18.  Escodeca, 
1718-20.  Laborie,  1720-21.  Demartres,  1721-23,  Laprade, 
1723-24.  Sarrazin,  1723.  De  Laporte,  1722^25.  Calviac,  1724- 
27.  Clayrac,  1727-33.  Labartlie,  1728-29.  Magniac,  1733. 
Alfac,  1733-35. 

1734-60.  —  Curé,  Marc  de  (Constantin.  Mortuaire  <<  me^ssire 
Marc  de  Constantin,  bachelier  et  curé  dfe  Nostre  Dame  de  Vil- 
leréal,  âgé  d'environ  soixante-dix  ans,  muni  des  sacrements 
de  Téglise,  est  mort  le  23  du  mois  de  may  mil  sept  cens  soi- 
xante, à  trois  heures  et  demie  du  soir  et  enterré  le  vingt-quatre 
du  dict  mois  dans  le  sanctuaire  de  la  dite  église,  auquel  enter- 
rement ont  assisté  dix-huit  prêtres  des  environs.  —  Laborie, 
vicaire  de  Villeréal.  » 

Vicaires  :  De  Massac,  1735-50.  Lassaigne,  1736.  Vignial, 
1737.  Ferrou,  1737-42.  Xauzières,  1742.  Gironde,  1743-45. 
Caillava,  1745.  Fr.  Mathieu,  déliniteur  des  Récollets,  1745. 
Fr.  Joseph,  récollel,  1745.  Fr.  Cyprien,  récollet,  1746.  Car- 
rian,  1748.  Jansenel,  1748.  De  Saubusse,  1750-52.  Lartigue, 
1752-53.  LaLorie  Deponls,  1753-63.  Jean-Baptiste  de  Lassai- 
gne, sieur  de  Villeréal,  vicaire  de  Laurenque  en  1752,  fait  les 
fonctions  de  vicaire  de  Villeréal  de  1756  à  1759.  It  meurt  le  25 
juin  et  est  enseveli  dans  l'église. 

1760.  —  Curé,  Joseph  Illy,  nommé  en  remplacement  de 
messire  Marc  de  Constantin,  prend  possession  le  3  juin  1760. 

1760-1772.  —  Curé,  Claude  Pélissier,  bachelier  en  théolo- 
gie, prieur  de  Rives  après  Jean  de  Constantin,  chanoine  du 
Chapitre  de  Saint-Caprais  d'Agen  en  1772,  prieur  de  Roussel, 
vote  à  Agen  en  1789,  pour  lui,  pour  M**  Pourchet,  curé  de 
Tourliac  et  Paul  Vergues,  curé  de  Clairac. 

Vicaire,  Laborie  Deponls,  1753-1763.  Ici  cessent  les  regis- 
tres. 

1782.  —  Curé,  Champier,  connu  par  le  visa  de  deux  certifi- 
cats de  mortuaires,  18  avril  1782,  l'un  signé  Laborie  et  l'au- 
tre Pélissier. 

1793.  —  Curé,  Guillaume  Bruzac,  curé  de  Parranquet  après 
Gaussinel,  que  les  Révolutionnaires  avaient  obligé  de  partir  ; 


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—  821  — 

signe  cure  constitutionnel  de  Villeréal  ;  est  chassé  par  les  Re- 
ligieuses de  la  Foy  de  leur  chapelle  ;  se  marie  ;  signe,  P""  juil- 
let 1793,  curé  de  Cancon. 

1803-1812.  —  Jean  Tourel,  curé  schisniatique  de  Saint- 
Etienne,  réconcihé;  meurt  le  29  janvier  1812. 

1812-1810.  —  Curé,  Jacques  Léotard  de  la  Calvie,  docteur, 
vicaire  de  Sainte-Sabine,  17(55-68;  curé  de  Naresse,  1768  à  la 
Révolution;  déporté:  rentra  dans  sa  paroisse  jusqu'en  1812; 
mort  pauvre  à  Villeréal  le  V^  mars  1810;  il  avait  fait  eximer  le 
chûteau  et  la  métairie  de  Rives  de  la  liste  des  biens  nationaux, 
on  prouvant  au  district  de  Monflan(|uin  que  cet  établissement 
était  nu)ins  une  fondation  qu'une  substitution,  que  les  évéques 
n'avaient  pris  aucune  part  ni  connaissance  sur  ces  biens  qui 
n'avaient  aucun  rapport  avec  ce  qui  peut  être  dit  Chapelle  ou 
Prestimonie,  et  n'était  qu'un  bien  en  tout  séculier  et  laïcal  dont 
la  propriété  entière  restait  sur  la  tête  du  possesseur,  en  rem- 
plissant les  charges  imjmsées  par  le  testateur.  Ce  bien  fut  ven- 
du connue  bien  de  déporté.  La  nièce  et  héritière  de  l'abbé  de 
I^éotard,  Rose-Luce  de  Léotard,  loucha  en  1827  une  indemnité 
(le  18,783  fr.  75,  sur  le  milliard  (jue  le  gouvernement  distribua 
pour  réparer  en  (|uelque  manière  les  spoliations  révolutionnai- 
res. 

C'est  donc  à  tort  (|ue  cette  fondation  a  été  confondue  avec  le 
prieuré  Sajut-Pierre  de  Rives  par  l'abbé  Monmont,  ancien  curé 
de  Capdrot,  dans  son  opuscule  :  Ancienne  collégiale  de  Cap- 
droU  Périgueux  1885;  par  l'abbé  J.-A.  (1)  ;  nolice  sur  lorigine 
du  Prieuré  de  Uives,  publié  dans  les  Semaines  religieuses 
d'Agen  et  de  Périgueux,  avril  1887. 

1816-1843.  —  Curé,  Antoine  Thomas  de  Lavais.*^ière.  Signait 
messire  Antoine-Thomas  de  Lavaissière,  curé  de  la  ville  et  can- 
ton de  Villeréal.  Mort  à  Monclar. 

Vicaires  :  (iirou,  1813-li.  Demurs,  1810-U).  Daubart,  1819- 
20.  Ducomct,   1821.  Josei)h  Boyer,  1821-22  (2).  Dumas,  1823. 


(I;  Joan  Andrion,  curé  de  Capdrol  après  lablH'  Monmonl. 

(?)  Labbé  Joseph  Boyer,  natif  de  Laguiole  [Aveiron]  fut  nommé  curé  de 
Uonrnel  el  y  nioin'iil  après  plus  de  50  années  d'un  pieux  ministère,  secondé 
daub  so  derniers  lenips  par  Tabbé  Pierre  Delagc,  curé  de  Montaut. 


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—  322  -- 

Derras,  1826-31.  Escadafals,  1832.  Fabre,  1833-34.  Simonnin, 
1834.  Moreau,  1835.  Dubedat,  1835-36.  Marchand,  1836-41. 
Mauron,  1837-38.  Brandely,  1839-40.  Marie,  1840-43.  May- 
dieu,  1841-44. 

1843-1863.  —  Curé,  Jacques  Heclu,  ancien  vicaire  de  Sainle- 
('alherine  de  Villeneuve  et  curé  de  Rives. 

Vicaires  :  Marbouiin,  1845-47.  Constans^  1848-51.  Lârtiguc, 
1852-53.  Taché,  1853-5(5.  Olliei-,  1856-04. 

1864-1870.  —  François  Barbouian  ;  lonne  le  projet  de  res- 
taurer son  église  ;  meurt  le  24  mai  1870,  âgé  de  45  ans. 

\'icaircs  :  Jean  Labbé,  1865-69.  Raymond  Joubes,  1869-71. 

1870-1909.  --  Curé,  Joseph-Aicolas  Audhuy,  réalise  la  res- 
tauration de  son  église  en  1884-85:  la  fait  consacrer  par  Mgr 
Cœuret-Varin,  évoque  d*Agen,  le  dimanche  de  la  Dédicace  des 
églises,  A.  1880. 

\^icaires  :  Dauzon,  1871-75.  Mary,  1875-77.  Courtios,  1877- 
78.  Jean  Régnier,  1878-80.  Fatin,  188Q-81.  Mouly,  1882-84. 
Cailleton,  1884-86.  Pourriol,    1886-88.   Félix  Thomas,    1888- 

Dans  le  diocèse  d'Agen,  le  curé  de  canton  porte  le  titre  d'ar- 
chiprêtre. 

D'après  le  pouillé  de  M.  l'abbé  Guillon,  secrétaire  de  Mgr  Ja- 
coupy,  l'archiprétré  de  Villeréal  comprenait,  avant  la  Révolu- 
lion,  34  paroisses,  11  annexes,  45  églises  (1)  : 

Saint-Amand,  près  Monflanquin  ; 
Saint-Aubin,  annexe  Saint-Pardoux  ; 
Saint-Pierre  de  Crozillac  ; 
Saint-Pierre  de  Lacaussade  ; 

Notre-Dame  de  Corconnat,  annexe  Saint-Michel  de  la  Sau- 
vetat  ; 


d)  L'iirchiprclro  de  \  illeréal  fui  créé,  après  les  gdorres  tlo  religion,  ;uix 
dépens  des  archiprèlrés  de  Kunicl  et  de  Montant.  Montant  ruiné  i^ar  les  Hii- 
mienols,  réuni  au  duché  de  lîiron,  perdit  jusqu'à  son  litre  d'archipréiré.  Nous 
trouvons,  dans  les  archives  historiques  de  la  Gironde,  tome  xix,  les  noms  de 
quelques  paroisses  de  l'archiprèlrc  de  Monlaut  en  1327;  ils  sont  les  mêmes, 
mais  mieux  copiés,  en  1.720,  dans  le  PouiUé  de  Jean  de  Valier,  Valéri,  vicaire- 
.1,'énéral  de  D^véque  d  Atren.  .\(uis  les  doinions  ici  en  y  njoulanl  leurs  noms 
actuels,  (juelques-unes  de  ces  paroisses  ont  été  supprimées. 


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—  323  — 

Saint-Pierre  de  Cailladelles,  annexe  Saint-Sulpice  de  Caillai. 

SainUCaprès,  près  Monflanquin  ; 

Saint-Biaise  de  Calviac  ; 

Notre-Dame  d'Envals  ; 

Sainl-Hilaire  près  Monflanquin  ; 

Saint-Martin  de  Barbas.  —  Annexes  :  Saint-Pierre  de  Tarra- 
del,  Saint-Biaise  de  Boudy  ; 

Saint-Martin  de  Bom.  —  Annexes  :  Saint-Jiist,  Notre-Dame 
de  Veillas  : 

Saint-Etienne.   —  Annexe  :  Notre-Dame  de  Villeréal  ; 

Saint-Eutrope  d'Escandaillac  ; 

Saint-Pierre  de  Montant.  -  Annexe  :  Sainle-Madelaine  de 
Boumel  ; 

Saint-Vivien  ; 

Saint-Etienne  de  Lougratte  ; 

Notre-Dame  de  Lugagniac  ; 

Saint-Pierre  de  Laussou;  annexe  :  N.-D.  de  Bonnes-Nou- 
velles. 

Saint-Michel  de  Laurès. 

Saint-Maurice. 

Saint-Jean  de  Montauriol. 

Saint- André  de  Monflanquin. 

N.-D.  de  Pompiac. 

Sainle-Foy  de  Roqu^det.  —  Annexe  :  N.-D.  de  Celles. 

Sainte-Madeleine  de  Roquefère. 

Sainl-Semin  de  Labarthe. 

Saint-Jean  de  Savignac. 

Saint-Germain  de  Tayrac. 

N.-D.dèValcttes. 

Saint-Barthelemy  de  Dévillac. 

Saint-Sylvestre  de  Piix. 

Saint-Caprès  de  Galissac. 

Sainte-Anne  d'Estrades. 

L'archiprêtré  de  Villeréal  n'a  \>l\\>  aujourd'hui  que  16  pa- 
roisses :  Villeréal,  Barbas,  Born,  Bournel,  Dévillac,  Doudrac, 
Montant,  Monseyrou,  Naresse,  Parranquel,  l^iis,  Rives,  Saint- 
Etienne,  Sainl-Eutrope,  Saint-Martin,  Tourliac. 


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—  :\2 1  — 

XoIre-lJame  du  Drnl.  -  -  Chapelle  de  Suml-Iioch, 

Au  bout  (lu  pont  qui  reliait  la  paroisse  de  Villeréal  en  Age- 
nais  à  la  paroisse  de  Rives  en  Férigord.  la  piété  des  habitants 
avait  construit  une  chapelle  de  dévotion  à  Xotre-Oanie,  fré- 
quentée par  de  nombreux  pèlerins.  L'occasion  et  la  date  de 
cette  construction  ne  sont  pas  bien  connues.  Une  pierre  com- 
inémoralive  dép6>ée  à  la  mairie  de  \'illeréal  est  probablenienl 
indicatrice  de  1  époque. 

Voici  rinscription  gravée  sur  cette  pierre  : 

SiT  \OMEX   DOMIM  BENEDICTLM 
ÉDIFIÉE 

Rkgxat.  Loi  is  XIll,  hov  de  France  et  de  Xavarre 
PAR  Ms  H.  Dltii..  L  Rolssee,  a.  Lantourne,  consuls 

1622 
Gravé  par  Roi  gié  M. 

Cette  chapelle  couvrant  environ  6  escats  fut  adjugée  avec 
son  pactus,  le  28  messidor  an  VI,  à  Barthélémy  Lavergne, 
pour  la  somme  de  1,625  francs,  l'ne  simple  croix  en  rappelle 
le  souvenir. 

l'ne  autre  chapelle  fut  érigée  à  la  porte  de  la  ville,  sur  la 
route  de  Montpasier,  en  l'honneur  de  Saint  Roch,  patron  des 
pestiférées,  lors  de  la  peste  qui  ravagea  \^illeréal  en  1652.  La 
moitié  de  la  population  fut  enlevée  par  le  fléau  ;  la  partie  la 
plus  atteinte  fut  la  rue  Landcl  qui  reçut  le  nom  de  rue  Saint- 
Roch,  s  étant  mise  sous  la  protection  particulière  du  saint.  11 
ne  reste  de  la  chapelle  qu'un  édicule  surmonté  dune  croix  et 
abritant  une  fontaine. 

RESUME. 

Villeréal  est  une  bastide  de  l'Agenais  conunencée,  en  1205, 
au  temps  d'Alfonse  comte  de  Poitiers  et  de  Toulouse:  ce  prince 
ajouta  à  son  lerriloire,  m  1269,  les  paroisses  de  Montant  lel 
Hounielj,  Saint-Klienne,  Dévillac  et  Estrades  (|u'il  délacha  du 
district  de  Monflaiicjuin,  environ  (),060  hectares. 


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-  325  — 

Edouard  ?^  roi  d'Angleten-e,  duc  d'Aquitaine,  en  posses- 
sion de  l'Agenais  depuis  le  mois  d'août  1279,  donna,  en  1289. 
une  coutume  à  Villeréal.  Il  lui  rendit,  en  1305,  Royaulmont, 
ou  Montréal  [Le  Ravet]  du  diocèse  de  Périgueux,  que  Philippe- 
le-Hardi  avait  distrait  de  son  lemtoire.  M*  Pierre  de  la  Proue 
avait,  en  1289,  au  nom  du  roi  de  France,  commencé  de  fortifier 
Royaulmont  ;  le  bailli,  les  consuls  de  Royaulmont  et  autres 
parties  avaient  continué  de  bâtir  malgré  les  protestations  des 
autorités  anglaises  de  Villeréal  et  malgré  Tinst^nce  d'un  pro- 
cès; Philippe  IV  donna,  en  1291,  à  Royaulmont  ou  Montréal, 
une  coutume  dont  une  traduction  sur  parchemin  a  été  retrou- 
vée à  Villeréal  où  elle  dut  remplacer  celle  du  roi  d'Angleterre 
après  l'expulsion  définitive  des  Anglais,  à  la  fin  de  la  guerre  de 
Cent  ans,  1453  :  ce  qui  a  fait  supposer  que- Villeréal  était,  à 
l'origine,  du  diocèse  de  Périgueux,  et  s'appelait  Montréal. 
Pal-mi  les  villes  spécialement  unies,  en  1318,  à  la  couronne 
d'Angleterre,  duché  d'Aquitaine,  figure  Villeréal  avec  les  pa- 
roisses de  Sainte-Sabine  [Sainte-Sabine  et  ses  annexes  :  Saint- 
(iermain  et  Le  Belj,  qui  lui  demeurèrent  imies  jus- 
ques  en  1791.  Villeréal  fut  Tune  des  vingt  places  que  le  roi 
d'Angleterre  retint  en  sa  main,  en  cédant  1,500  aux  princes 
français  confédérés  (}ui  se  reconnurent  ses  vassaux  [traité  de 
Bourges  1412].  Villeréal  obtint  (1582-1583)  de  Henri  III,  le  re- 
nouvellement de  ses  anciens  privilèges  en  récompense  de  son 
dévouement  à  la  cause  royale  et  catholique  et  en  dédommage- 
ment des  misères  subies  pendant  les  guerres  de  religion.  Elle 
eut  beaucoup  à  souffi-ir  de  la  seconde  guerre  de  la  Fronde 
[1650-1C53],  et  du  passage  des  troupes  sur  la  fin  du  xxif  siècle. 

PIECES  JUSTIFICATIVES 

Fondation  de  Villeréal,  1265.  —  Fondation  de  la  bastide  de 
Royaulmont,  1289.  (Fond  Duchène,  lOCf  vol.,  fol.  326.  Bibl. 
Xal.  de  Paris.  Xolcs  manuscrites  en  caractères  très  fins,  avec 
bien  des  mots  illisibles,  résumé  d'anciens  titres  par  Oïhénart.) 

Constat  quod  Villa  Hc^alis  iiicopta    fuit    lempore    Alfonsi 


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coilis  picla\  ic  el  Iholosc,  anno  1265.  Et  dans  lequel  après  il  est  dit  : 
iiichoalio  bastide  l\egalis  Moiilis  incepta  fuit,  anno  1289,  per  ma- 
gistrum  pelrum  de  la  proue  nornine  régis  francie.  Au  seujet  de  cette 

ivichoalio  bastide  Regalis  Aïontis  dépend de  la  terre  d'Agen, 

pour  lamploys  et  licence  de  Raymundus  de  Campania...  délivrées... 
iiou\ elles  lettres...  les  consuls  Ville  Regalis  a  RaduU'us  de  broli 
miles  substitulus  procur...  pro  regc  francie,  el  magister  ardus 
Clari  judex  maior  et...  dudit  broli  se  transporta  à  la  dite  bastide 
el  deffendit  dy  bastir  pendant  procès  ineu  et  menaçant  rclirer  do 
toutes  terres  -  -baiulus  Regalis  Moutis  et  consules  et  alie  parles 
continèrent  de  bastir. 


Lettres  patentes  d'Alfonse  de  Poitiers  ratifiées  par  sa  femme 
Jeanne  de  Toulouse,  confirmant  la  formation  du  district  do 
Monflanquîn  à  1  exception  des  quatre  paroisses  de  Montaut, 
Saint-Etienne,  Estrades  el  Dévillac  qu'il  retranche  pour  les 
mettre  dans  la  juridiction  de  Villeréal,  mars  1209.  Privilèges 
accordés  aux  habitants  de  Monflanquin.  (Mss.  Doat,  74''  vol., 
f.  216.  Bibl.  Nat.  de  Paris.) 

Alfonsus  filius  régis  francie,  cornes  pictavic  et  tholose  universis 
l)rcsentcs  littcras    ins})ccluris,  salulem  in  Domino. 

Xostris  non  diffidinius  \acare  profectis  si  subditoruni  noslrorum 
connnodis  et  queti  diligpiitius  iutcndamus.  \otum  ilaque  facimus 
((uod  nos  liabitatoribus  et  liabitaturis  in  poste rum  honorom,  beu- 
loncam  sou  districlum  bastide  nostrc  de  Monleflanquino  duduni 
per  bone  memorie  Guillelmuni  de  Balneolis,  niilitem,  quondani 
senescallum  nostrum  Agcnnensem  assignalUm  certis  distinctuni, 
]irout  in  littera  dicti  Guillelmi  super  hoc  confecta  plenius  dicitur 
conlineri  concedimus  e(  etiam  confirmanius  :  hoc  exceplo  (juod 
])arochias  de  Montealto,  de  Devillaco,  (rKstratis,  et  S.  Stephani 
de  Lcientes,  quas  ad  bastidam  Ville  Regalis  quoad  honoreni  volu- 
inus  j)ertinere,  tan(juani  in  littera  prefati  Guillelnii  fuerint  compre- 
henso  iii  concessioue  huiusniodi,  vohunus  assignari.  Preterea, 
cum  una  eademquc  res  non  debeat  duplici  quodammodo  iure  cen- 
s(M-i,  volumus  el  concedimus  (juod  hominos  dicte  bastide  de  Mon- 
leflanquino licct  extra  clausuram  dicte  bastide  in  eiusdem  territo- 
lio  connnoiantes  duos  solidos  et   sex  denarios  arnaldenses  dum- 


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—  327  — 

taxai,  quemaclnioclum  eiustiem  bastide  municipes  seu  incole,  pro- 
clamore  solvere  teneantur  antiquis  camisiis  in  territorio  dicte  bas- 
lide  anliquiliis  coiistructis  ab  huiusmodi  liberlale  ad  bec.  Ut  prc- 
diclis  habitatoribus  decoquendi  panem  ad  usus  proprios  seu  yena- 
loin  liberior  solido  (1)  licentia  tribuaiur,  volumus  et  concedimus  quod 
liominibus  dicte  baslide  uinvcrsis  et  siuprulis  furnum  habere  pro- 
]>rium  in  quo  panem  suum  liceat  sine  furnagio  decoquerc.  Scd,  si 
in  oodem  furno  panem  vicini  aut  venalem  decoxerit.  Deeem  solides 
arnaldenses  tantum  annualim  pro  furnagio  nobis  et  successoribus 
nostris  in  craslino  nativitatis  solvcrc  teneantur  (2).  Celerum  ad  maio- 
ris  gratie  cumuium  prefate  bastide  habitatoribus  et  in  eiupdern 
territorio  commorantibus  seu  commoraturis  in  posterum  liberaliler 
concedimus  ut  eisdem  sal  emere  ad  usus  proprios  liceat  ubicumque 
si  viderint  expedire;  nec  ipsi  et  eorum  posteri  per  nos,  heredes  et 
siiccessores  nostros  arec  ri  possint  vel  compelli  sal  emere  ad  suos 
usus  vel  in  salino  nostro  de  Agenno  seu  alibi  in  districtu  nostro, 
nisi  v*jna  mera  et  gratuita  processerint  voluntate  :  in  cuius  rei  testi 
monium  sigillum  nostrum  prcsentibus  lilteris  fecimus  apponi.  El 
jio^  Johanna...  Datum  apud  Ruppen. 


Alfonsc,  {ils  du  roi  de  France  y  comte  de  Poitiers  et  de  Toulouse, 
à  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront,  salut  dans  le  Sei- 
gneur. 

.Nous  sommes  certains  de  travailler  à  nos  intérêts  en  nous  appli- 
quant avec  le  plus  grand  soin  au  bien  être  et  à  la  tranquillité  de 
nos  sujets.  G'esH  pourquoi  nous  faisons  savoir  que  nous  accordons 
aux  habitants  actuels  et  à  venir  de  notre  bastide  de  Monflanquin, 
rhonneur,  territoire  ou  district  tel  qu'il  a  été  auparavant  délimité 
par  Guillaume  de  Bagnols,  chevalier,  (juand  vivait  notre  sénéchal 
«r.Vgenais,  de  bojnie  mémoire,  et  cjue  Ton  peut  voir  plus  ample- 
ment dans  sa  lettre,  et  le  confirmons  iqu-ès,  toutefois,  en  avoir  dé.- 
taché  les  paroisses  de  Mojilaut,   ficvillac,   Estrades  et  S.   Etienne 


(1)  Sulido  pour  solilo. 

(2)  Dans  la  coulumc  (lonnèc  par  Kdouard  l"  à  \  illcrêal,  les  habitants  poii- 
vent  avoir  un  four  parliculior  i)our  ItMii*  pain,  mais  ils  doivent  payer  12  de- 
niers [un  sou]  par  semaine  s'ils  cuisent  le  pain  du  voisin  ou  le  pain  à  vendre; 
lel  aussi  nou>  parall  être  Ir  sens  <lc  licrnlia  fihcrior  solido  de  la  lettre  d'Aï- 
loiise  pour  Monflanquin. 


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-  328  - 

de  Levenles  (|ue  nous  voulons  mettre  dans  riioinieur  de  la  bastide 
de  Villeréal  à  laquelle  nous  les  attribuons,  quoique  la  lettre  de 
Guillaume  les  ail  com|)iises  dans  Thouneur  de  Monflanquin. 

De  plus,  comme  une  même  allaire  ne  doit  ])as  être  soumise  à 
i\ne  espèce  de  double  droil,  nous  voulons  el  concédons  que  les 
habitants  de  la  bastide  de  Monflanquin,  habitant  hors  des  murs, 
mais  dans  son  territoire,  paient  seulement  pour  droit  de  justice 
2  sous  et  6  deniers,  tout  comme  les  citadins,  pour  les  cheminées 
construites  jusques  à  ce  jour  dans  ce  territoire.  Afin  de  leur  don- 
ner une  licence  plus  libérale  que  il  n'est  de  coutume  pour  la  cuisson 
du  pain  à  teur  usage  comme  du  pain  à  \endre,  nous  voulons  et  leur 
concédons,  à  tous  et  h  chacun,  la  faculté  d'avoir  un  four  pour  cuire 
leur  i)ain  sans  payer  le  fournage  :  mais  si  dans  ce  four  ils  cuisent 
le  pain  du  voisin  ou  le  pain  à  \endre,  ils  devront  nous  payer  annuel- 
lement, pour  fournage,  à  nous  et  à  nos  successeurs,  10  sous  arnau- 
dins  le  lendemain  de  \oël. 

Et  encore  nous  concédons  libéralement,  i)ar  comble  de  grâce, 
aux  habitants  présents  et  futurs  de  cette  bastide  et  de  son  territoire, 
la  faculté  d'acheler  leur  provision  de  sel  où  ils  voudront,  sans 
(ju'ils  puisiîent  être  forcés  par  nous  et  nos  successeurs,  à  racheter 
dans  notre  salin  d'Agen  ou  ailleurs  dans  notre  territoire,  ni  en  être 
empêchés,  si  ce  n'est  de  leur  pure  et  gratuite  volojité. 

En  foi  de  quoi  nous  avons  fait  apposer  notre  sceau.  Et  Nous 
Jeamie 

ARCHIPRËTHK  DE  MOMAOT  W  XIV«  SIÈCLE. 

Eglises  et  prieurés.  -  -  Sommes  recueillies  [)ar  Faydit  Gui- 
raudon,  prieur  de  Sarlat,  par  ordre  de  Jean  XXII,  pour  la  ré- 
pression des  hérétiques  el  des  ennemis  en  Italie.  (Archives 
historiques  de  la  Gironde,  XIX,  20'^) 

1.  Abbas  de  Clarato  (Clairac),  200  livres  bordelaises; 

2.  Capella  de  Castellione  (Castillonnès),   110  s.; 

3.  -  Cathadelis  cum  ecdesia  de  Calhaco  (Gailladèles  et 

Caillac,  à  Beauregard),  100  sols  ; 
i.  —         Bannato  cum  ecglesia    de  Bornio  (1),  41  1.  10  s.  ; 


(1)  Ces  deux  noms  sont  remplac^'s  dans  le  Pouillé  de  Valéri  par  BornelJo  : 
Hournel.  église  ronuino-ljyzanline  jadi>  annexe  de  Montaul.  Dornio  n'est  pas 


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—  M29  — 

5.  —  Longraca,  Lougrala  (Lougralle),  60  s.  ; 

6.  —  Sancti  Pasloris  (Sainl-Pastour),  60  s.  ; 

7.  —  Lopiaco,  Pompiaco  (Pompiac),  12  s.  6  d.; 

8.  —  Mozens  (Douzains),  60  s.; 

9.  —  S.  P.  de  Brunhaco  (Brugnac),  40  s.; 

10.  Prior  de     Montando,  Montaudo  (Montaul)  (1),  10  1.  ; 

11.  Capella  de  S.  Slephani  de  Falgires  (S.  E.  de  Fougères),  20  s.; 

12.  —        Montando,  Montaudo  (Monlaut),  100  s.  (2)  ; 

13.  —        Sobires  (Soubirous)  (4),  7  s.  ; 

14.  —        Dayches  (Eysses  ?),  7  1.  ; 

15.  Prior  de     Brolio  (prieur  au  Commandeur  du  Temple  de  B.), 

60  s.  ; 

16.  Capella  de  Sancli  Mauricii  (S. -Maurice),  40  s.  ; 

17.  —        Giatalop  (Grateloup),  40  s.  ; 

18.  Prior  de     Fongrana  (Fongrave),  50  s.  ; 
H).  CapeJla  de  Bcrdugal  (Verdegas),  48  s.  ; 

20.  —         Moiitbaus  (Monbahus),  6  1.  ; 

21.  '        —        S.  Johaimis  de  Sanclo  CiUerano(S.-Gayrand),  30  s.; 

22.  —        Vilars,  10<J  s.; 

2iJ.  —  Allas  Vineis  (Hautes-Vignes),  40  s.  ; 

24.  —  Marsaco  (Marsac),  4  1.  ; 

25.  —  Sarinbac  (Sérignac  de  Lauzun),  6  1.  ; 

26.  —  Bonra,  10  s.  ; 

27.  —  Glerato  (Glairac),  70  s.  ; 

28.  —  Faulhelo  (Faulhet),  60  s.  ; 

29.  —  Monteclaro  (Mont-Glar),  6  1.  8  s.  ; 

30.  —  Coz  et  de  Garo  (Gouls  et  Garrou),  40  s.  ; 

31.  —  Monte- xVureoli  (Montauriol),  70  s.  ; 

32.  ~  Vueto,  Vuelo  (Monviel),  40  s.  ; 
3ii.  —  Sanc  Golo  (Sainl-Golomb),  40  s.  ; 


Born,  lequel  était,  avec  ses  annexes,  (fans  l'archiprêlré  de  Fumel,  ainsi  que 
\  illeréal,  Scandaillac,  Sainl-\  ivien,  Piis,  Barbas... 

(1)  Monlaut  (Saint-Pierre  de),  prieuré  de  l'ordre  de  Cluny;  les  terres  et  prés 
qui  rcnlourent  à  TKst  et  au  Sud  sont  encore  appelés  :  lou  prioulat.  —  Ce 
prieuré  ost  appelé  de  Monteils  dans  Ihistoire  du  prieuré  de  Moirax  de 
M.  P.  Dubourg,^curé  de  Layrac.  —  Le  seigneur  de  Montaut  est  aussi  appelé 
seigneur  de  Monteils  dans  la  notice  de  Guienne,  Agen...  de  MM.  Barthé- 
Icmy-Saint-Hilaire  et  Aristide  Guilbert  :  c'est  la  traduction  libre  de  Monlealto. 

(2)  Montaut  (N.-D.  de),  Capella,  était  dans  l'enceinte  de  la  ville  fortifiée,  à 
?  kilomètres  dans  la  direction  de  Villcréal. 


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34.  —  Laussrmo,  Lauznno  (Lauzun),  40  s.  ; 

35.  —  Moyrihac  (Maurilhac),  20  s.  ; 

36.  —  Cabanes  (Cabanne),  20  s.  ; 

37.  -  -  Peynles  (Saiivt-Etienne  de  Périllac),  10  s.  ; 

38.  —  Mont  Oustruc  (MonlasUuc),  4  1.  ; 

31).  -  Campachac,  Campanhac  (Campagnac),  15  s.  ; 

\0.  —  Cassanhol  (Casseneuil),  11  1.  IG  s.  0  d.  ; 

il.  Senezellis  (Senezeiles),  4  1.  ; 

42.  -  Ponporl  (Tourlrès),  340  s.  ; 

'j3.  Valetis  (Valette),  20  s.  ; 

44.  -  Bertel  (Verteuil),  10  s.  ; 

45.  —  Bello  videre  (St-Pierre  de  Belvès,  à  Caubei),  70  s.  ; 

46.  —  Podio  bino  et  de  Vezalmar  (Loupinat  et    ), 

45  s.  <1)  ; 

47.  —  Massalito,  50  s.  (2)  ; 

48.  Prior  de  Uydat  (Lédat),  6  l.  ; 

49.  Capella  de  Laydat  (Lédat),  20  s.  ; 

50.  —  Sermelo  (Sermel),  10  s.  ; 

51.  —  Sebos  (Subrebosc),  10  s.  ; 

52.  -  xMilhaco  (Milhac),  10  s.  ; 

53.  —  Alta  rifsa  (Hautesrive),  70  s.  ; 

54.  —  Savinhac  (Savignac),  60  s.  ; 

55.  Castelmoros  (Caslelmoron),  20  s.  ; 

56.  Canlor,  Cancor,  (Caiicon),  4  1.  ; 

57.  —  Sancli  Uemigii  ( Saint- Remy);  20  s.  ; 

58.  —  Cambos  (Gambes),  10  s.  ; 

59.  —  Tonenx  (Tonjieins),  4  1.  ; 


(1)  Vezalmar  n'est  pas  Villebramar  qui  était  avec  ïoinbabove  dans  l'archi- 
prôlré  de  Vesalme. 

(2)  De  Marsilhaco  {Fouillé  de  Valéri,  a.  1520).  Marcillac  sur  une  des  collines 
de  Montaut.  Un  vieux  registre  paroissial,  conservé  aux  martyrs  portait  cetic 
noie  :  Confrérie  érigée  en  la  sainte  chapelle  de  Noslre-Damc  de  Marcilhac 
et  commencée  le  jour  et  feste  de  la  Sainte  Nativité  de  l'année  mil  six  cens 
cinquante  un  à  la  plus  grande  gloire  de  Dieu  et  de  la  Très  Saincte  Vierge. 
Plusieurs  personnes  font  dire  une  messe  votive  et  donnent  cinq  sols  pour 
honoraire.  M'  Philippe  Lacan,  notaire  royal  de  la  paroisse  de  Farransac, 
juridiction  de  Castillonnès,  tant  pour  lui  que  pour  Marguerite  sa  fille,  donne 
une  serviette  marquée  de  deux  bouts  de  fil  d'argent,  8  septembre  1659...  Le 
seigneur  d'Escandaillac  donne  un  canapé  rouge... 

Cette  chapelle,  estimée  avec  ses  friches  et  23  pieds  d'arbres,  d'un  revenu  de 
19  livres  15  sols  pour  un  capital  de  366  livre?,  10  sols,  en  1790,  fut  vendue  et 
démolie. 


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60.  —        Boiiihonc  (Sainle-Quilleiie  de  Magnon),  4  1.  ; 

01.  —        Sancli  Georgii  de  Bens  (Saint-Georges  de  Rams), 

10  s.; 
62.  Prior  de    Monlis  Aurioli  et  Sancti  Martini  (Montauriol),  91.; 
tJ3.  —        Rovillo  (Roubillon),  4 1.; 

64.  Capella  de  Laparada  (Laparade),  6  1.  ; 
Arclîidiaconus  de  Montaudes  (Montaut),  2  florins. 

Total  :  2  florins,  290  livres,  16  sols  arnaudins  (1). 

J.  Benaben. 


(1)  Valeri  nomme  123  églises  dont  9  prieurés  de  l'archiprêtré  de  Montaut, 
mêmes  limites. 


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SYNODE 

tenu  à  Agen,  sous  Fépiscopat  de  Mgr  Mascaron,  du  28  au  29  mai  1686  \ 

pour  le  raebat  des  offices  de  Receveur  el  de  Contrêleur 

des  décimes  el  impositions  du  Clergé. 


Le  Clergé  a  de  tous  temps  contribué,  sous  des  formes  qui 
ont  varié,  à  acquitter  les  charges  de  l'Etal.  Il  n'y  a  eu  entre 
l'Ordre  du  Clergé  et  les  autres  Ordres  que  la  différence  dans 
la  manière  d'imposer  les  redevances  et  de  percevoir  ces  im- 
pôts. 

Nous  ne  ferons  pas  une  élude  spéciale  de  cette  question,  qui 
demanderait  trop  de  détails  et  d'explications;  nous  nous  bor- 
nerons, pour  le  sujet  que  nous  avons  à  traiter,  à  rappeler  que 
tous  les  ecclésiastiques  et  possesseurs  de  bénéfices  ou  de  quel- 
que bien  d'église  étaient  soumis  à  la  taxe  des  décimes.  Les 
rois,  à  plusieurs  reprises,  ont  établi  des  règlements  très  pré- 
cis pour  la  perception  de  ces  impôts  qui  frappaient  le  Clergé. 
Henri  IV,  par  un  édit  du  mois  de  septembre  1594,  voulant 
(lue  les  finances  de  son  royaume  fussent  dignement  et  fidèle- 
ment administrées  au  bien  de  son  service  et  utilité  commune 
de  ses  sujets,  et  voulant  remédier  aux  désordres  antérieurs, 
créa  et  érigea  dix-sept  "receveurs 'généraux  provinciaux  des 
décimes  et  subventions  du  Clergé,  es  dix-sept  généralités  an- 
ciennes de  son  royaume,  à  savoir  :  Paris Bordeaux  où  res- 

sorlissent  Bazas,  Acqs,  Bayonne,  Tarbes,/ Agen,  Périgueux, 

l^ctoure,  ('ondom Auxquels  receveurs  particuliers  desd; 

diocèses,  chacun  en  la  généralité  où  il  ressortit,  porteront  et 
envoyeront  dorénavant  tous  et  chacun  les  deniers  des  décimes 
et  subventions  ordinaires  et  extraordinaires  qui  seront  impo- 
sées sur  ledit  Clergé. 

Lesquels  receveurs  généraux  provinciaux  jouiront  de  tels  et 
semblables  honneurs  et  privilèges  et  prérogatives,  prééminen- 


(1)  Jules  de  Mascaron  fut  évèque  d'Agen  de  1G79  à  1703. 


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—  333  — 

ces,  francliLses  et  libertés,  dont  jouissent  les  receveurs  géné- 
raux de  nos  finances,  en  chacune  des  généralités,  et  des  gages 
et  taxations  ci-après  déclarées  que  nous  leur  avons  ordonnées 
et  ordonnons  pour  faii'c  la  recette,  entretenement  de  leurs 
commis,  port  o\  voilure  des  deniers  desdiles  décimes  ordinai- 
res et  extraordinaires,  des  recettes  générales  provinciales  en 
ladite  recette  du  Clergé,  à  savoir  :  Le  receveur  général  provin- 
cial en  la  généralité  de  j^aris,  000  écus  de  gages  :  le  receveur 
de  Bordeaux,  800  écus  de  gages  et  G  deniers  ])oiu'  livre  des 

deniers  de  sa  recette Et  il  leur  sera  délivré  pour  lexercice 

de  leurs  charges  des  provisions  enregistrées,  pour  d'iceux 
offices  jouis  par  ceux  qui  en  seront  pourvus,  leurs  hoirs  suc- 
cesseurs et  ayant  cause  et  en  disposer  comme  de  leur  propre 
chose  et  loyal  acquêt.  Et  le  roi  ajoutait  :  Et  lesdits  du  Clergé 
ne  pourront  les  racheter  ni  rembourser  les  titulaires  d'iceux, 
si  ce  n'est  à  une  seule  fois  et  à  un  seul  paiement  pour  chacun 
office,  tout  de  la  finance  par  eux  payée  de  l'acquisition  d'icelui. 

Tel  est  notre  plaisir.  Donné  à  Paris,  septembre  1594  (1). 

Supprimés  en  1600,  ces  offices  de  receveui'  et  de  contrôleurs 
sont  rétablis  en  1608  (2).  Louis  XIII,  par  un  édit  de  juin  1621, 
porta  création  d'un  receveur  et  contrôleur  particulier  des  dé- 
cimes en  chaque  diocèse,  avec  faculté  reconnue  au  Clergé  de 
les  rembourser.  Nous  érigeons,  dit-il,  établissons  en  chef  et 
titre  d'offices  héréditaires  un  Receveur  et  ('ontrôleur  particu- 
lier triennal  des  décimes  en  chacun  diocèse  de  notre  royaume. 
—  Les  émoluments  du  receveur  et  contrôleur  d'Agen  sont  âv 
950  livres  obole  chacun  (3). 

En  1625,  par  un  autre  édit,  Louis  XIII  augmente  les  gages 
des  receveurs  diocésains  :  celui  de  Bordeaux  aura  :  2,400  li- 
vres de  gages  et  3,235  livres  IS  sols,  9  deniers  de  taxations  à 
laison  de  6  deniers  par  livre  de  recette  ordinaire.  Mais  faculté 
est  reconnue  au  ('lergé  de  pouvoir  remboui-ser  ladite  financer 
de  ladite  augmentation,  en  tous  temps  (A). 


(1)  Mémoires  du  Clergé  de  inmee,  \  UT,  p.  1572. 

(2)  Ibid.,  1600. 

(3)  Ibid.,  1651. 

(4)  Jbid.,  1622. 


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In  arrêt  du  Conseil  d'Etat  du  19  janvier  1651  porte  que  Sa 
Majesté  déclare  que  le  Clergé  jouira  de  la  faculté  de  racheter 
les  offices  de  receveur  et  contrôleur  des  décimes,  tant  princi- 
paux que  particuliers  (5). 

De  l'exposé  de  ces  documents  il  résulte  que  les  charges  ou 
fonctions  de  receveur  el  de  contrôleur  des  décimes  du  Clergé 
étaient  très  lucratives  et  très  avantageuses  pour  ceux  qui  en 
étaient  pourvus,  et  par  suite  très  onéreuses  pour  le  Clergé. 
C'est  ce  que  comprit  Mgr  Mascaron.  Ce  prélat,  qui  venait  de 
bâtir  le  Séminaire  et  avait  fait  appel  à  son  Clergé  pour  lui 
aider  dans  cette  grande  œuvre,  entreprit  de  dégrever  les  béné- 
fîciers  de  son  diocèse  en  lui  proposant  de  racheter  les  offices 
de  Receveur  et  de  C/ontrôleur  des  décimes  ecclésiastiques. 

L'office  de  Receveur  ancien  était  à  cette  époque  la  propriété 
du  sieur  Barbier  de  Lasserre  (1)  cjui  évalua  à  la  somme  <le 
35,000  livres  la  valeur  de  sa  charge. 

L'office  de  Receveur  alternatif  appartenait,  pour  une  part, 
au  siéur  de  Lavigerie,  conseiller  au  Parlement  de  Guienne,  et 
à  son  épouse,  et  cette  part  était  estimée  35,000  livres. 

L'office  de  Contrôleur  appartenait  au  sieur  de  Castelnaud 
et  à  la  dame  son  épouse,  et  celle  part  était  estimée  19,000  li- 
vres. 

Les  dames  de  Castelnaud  et  de  Lavigerie  étaient  héritières 
de  feu  sieur  de  la  Cronipe,  ac(|uéreur  el  engagiste  desdils 
offices. 

Ce  rachat  exigeait  donc  la  somme  de  89,000  livres  que  le 
Clergé  devait  verser  et  i*embourser  pour  obtenir  la  propriété 
des  offices  de  Receveur  et  de  ('ontrôleur. 


(1)  Messire  Claude  Barbier  de  La  Serre  dont  il  est  ici  question  naquit  h 
Agen  le  8  octobre  1668;  il  était  fils  de  sieur  Claude  de  Barbier,  seigneur  de 
la  Serre,  conseiller  du  Roy  en  la  Cour  des  Aydcs  de  Guienne,  et  de  feue 
dame  de  Brussy.  Cette  famille  de  Barbier  installée  à  Agen  sous  Mgr  de 
(rélas,  acheta  d'abord  la  propriété  de  l^asserre,  paroisse  d'Artigues,  juri- 
diction d'Agen,  et  plus  tard,  vers  1639,  le  domaine  et  château  de  Goulens. 
Cette  famille  a  donné  un  grand  nombre  de  ses  membres  au  clergé  régulier 
«•t  séculier.  Elle  est  représentée  encore  aujourd'hui  par  le  docteur  Barbier 
de  Lasserre,  médecin  à  Agen,  propriétaire  à  Goulens,  et  par  son  frère  rési- 
dant à  Laplum6. 


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—  335  -- 

Mgr  Mascaron  crut  qu'il  pouvait  compter  sur  le  concours 
de  son  Clergé  pour  procurer  cette  somme  et  c'est  dans  ce  but 
qu'il  convoqua  le  Synode  dont  nous  allons  rapporter  les  actes. 

OusEHx  ATioN  .'  On  distinguait  trois  sortes  de  Receveurs  par- 
ticuliers des  décimes  du  ( -Icrgé  :  Les  anciens,  les  allernalils  cl 
les  triennaux.  Ces  divers  Ueceveurs  liraient  leur  (jualilicalion 
des  temps  différents  où  ils  furent  créés.  La  première  création 
remonte  à  l'édit  d'Henri  II,  du  mois  de  juin  1557  (1). 

P.  DiJBonu;. 


ACTES  DU  SYNODE  DE  1686 

Sous  l'Épiscopat  de  M^*"  Jules  de  MASCARON,  Évêque  d'Agkn 

Extrait  du  i  erbat  de  la  convocation,  tenue,  assistaiwe  et  délibération 
du  Sinode  diocésain  d\iyen,  indit  par  niessire  Jules  de  Masca- 
ron, évesque  et  comte  d'Agen,  conseiller  du  Roy  en  ses  conseils 
et  son  prédicateur  ordinaire,  commencé  le  28  mai  1686  et  [ini  le 
29^  de  Vannée  1686. 

V  estant  mondil  seigneur  Evesque,  et  assistants  :  M.  Collier,  \i- 
caire-général;  M.  Dauréo,  officiai;  Roussel,  lieutenant;  Sabouraux, 
promoteur;  Olive,  sous-promoieur  du  diocèse.  Ensemble  M.  de 
Ducros,  grand  archidiacre;  Hoissonnade,  chantre  cl  député  de  la 
Cathédrale;  Ratier,  chanoine  et  député  de  la  Collégiale;  Beaumonl, 
doyen  et  député  du  Chapitre  de  Pujols;  Grafeuil,  chanoine  et  dé- 
puté du  Chapitre  du  Mas;  le  sieur  Sevin,  archiprétre  de  l'Archiprê- 
Iré  du  siège  d'Agen;  Lagareime,  curé  de  Saint-Sulpice,  archiprétre 
de  Toumon;  Massac,  curé  d'Aiguillon,  archipreslre  de  Montpezat; 
Tancoigne,  curé  de  Gontaud,  archipreslre  de  Tonneins;  Dandraul, 
curé  de  Saint-Etienne  de  Fougères,  archipreslre  de  Monclar:  Lod. 
Beaumonl,  archipreslre  de  Villeneuve;  Bourrillon,  curé  de  Seiche, 
archipreslre  de  Marmandc;  Feydil,  curé  de  Saint- Victor,  archipres- 
lre de  lenyssac;  Lantourne,  archipreslre  el  curé  de  V'illeréal;  Au- 
gié,  curé  do  Sauveterre,  archipreslre  de  Fumel  ;  Sabouroux,  curé 
de  \olre-Dame;  Dalès,  archipreslre  de  Lauzun,  el  Capoulau,  curé 


(1)  Mémoires  du  Clergé  de  France,  VIII,  p.  1839,  elc. 


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—  :^3«  — 

fie  Sainl-Nazaire,  archiprcslrc  de  Sainte-Foy.  El  environ  trois  cents 
cillés  et  plusieurs  autres  ecclésiastiques  comme  se  certifie  de  la 
place  Sinodale. 

Ledit  seigneur  et  l'assemblée  composant  ledit  Sinode  ont  procédé 
suivant  Tusage  et  coustume  et  règlement  du  clergé,  à  la  nomination 
de  mess,  les  sindics  et  députés  au  Bureau  du  présent  diocèse  d'Agcn. 
Et  après  diverses  propositions  et  considérations,  d'un  commun  aç- 
r.iml  et  consentement,  M.  Bonaventure  Uoussel,  prestre  et  cha- 
noine de  l'église  collégiale  d'Agen,  a  été  nommé,  créé  et  esleu  pour 
sindic  et  député  au  Bureau  du  présent  diocèse:  et  pour  députés  au 
Bureau  dudil  diocèse  et  Clergé  d'Agen  ont  esté  aussi  nommés, 
csleus  et  créés  :  MM.  Jean  Ducros,  grand  archidiacre;  Jean  Dau- 
rée,  archidiacre  et  chanoine  de  la  ('alhédrale  d'Agen,  officiai  d'Age- 
nois;  Chrisostôme  de  Sevin,  chanoine  de  ladite  église  cathédrale, 
ruré  de  Saint-Etienne  de  Fougère;  r)aunefort,  curé  de  Puymirol: 
(•anessin,  curé  de  Cazideroque;  Lesparre,  curé  de  Sainte-Livrade; 
Hugonis,  curé  de  Frespech;  Flouret,  curé  de  Saint-Amans  de  Cas- 
lelcullier  et  Gigault,  curé  de  Saint-Robert. 

La  susdite  élection  faite,  par  le  commandement  dud.  seigneur 
Evesque,  par  le  greffier  du  Clergé  a  été  dit  qu'il  se  trouvera  dos 
personnes  qui  presteront  au  diocèse,  à  raison  du  denier  vingt,  les 
sommes  nécessaires  pour  le  rachat  des  offices  des  sieurs  Receveurs 
et  Contrôleurs  des  décimes  du  présent  diocèse. 

L'assemblée  a  donné  pouvoir  à  mess,  les  sindics  et  députés  du 
Bureau  d'emprunter  les  sommes  (ju'ils  trouveront  nécessaires  pour 
le  rachapl  desd.  offices  ou  partie  d'iceux,  ainsi  qu'ils  trouveront  à 
propos,  selon  la  faculté  que  le  diocèse  en  a,  leur  donnant  pouvoir 
d'affecter,  pour  cet  effet,  au  [)rofit  de  ceux  qui  presteront,  tous  les 
biens  et  revenus  ecclésiastiques  du  diocèse  d'Agen,  môme  pour 
leur  plus  grande  asseurance,  les  subroger  au  privilège  et  hypothè- 
ques desd.  sieurs  officiers  des  décimes  et  de  poursuivre  lesd.  offi- 
ciers des  décimes  en  justice,  sils  refusent  de  remettre  lesdits  offices, 
et  prendre  leur  remboursement.  Ainsy  signés  au  bas  dudit  verbal  : 
.Iules,  évesque  et  comte  dWgen;  Colin,  vicaire-général;  Roussel, 
sindicq  ;  Sevin,  archiprestre  du  siège;  Feydil,  archiprestre  de  Fer- 
russac;  Beaumonl,  archiprestre  de  Villeneubvc  et  doyen  de  Pujols; 
Avoyer,  archiprestre  de  Villeréal;  Bourrillon,  archiprestre  de  ïon- 
neins;  Sabouroux,  archiprestre  de  Lauzun;  Saint-Sulpice  de  La 
Garenne,  archiprestre;  et  moy  aussi  signé  Flouret,  greffier. 
Donné  pour  coppie  par  moy  Passalaigue,  notaire  royal. 


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—  337  — 

A  la  ^uile  de  cette  élection  synodale  eut  lieu  la  séance  du 
Bureau  du  Clergé  d'Agen  du  mardi  27  août  1086. 

Y  présidant  Mgr  rEvesquc  et  comte  d'Agen  et  y  assistant  > 

Mess.  Daurce  et  Collier,  vicaires-généraux  ;  Ducros,  archidiacre 
de  la  Cathédrale  ;  Sevin,  chanoine  de  lad.  Cathédrale  :  Roussel, 
syiidicq  du  chargé  et  chanoine  de  la  (.'ollégiale  :  Dandraud,  curé  de 
Snint-Elieinie  et  de  Fougère  ;  Lespaiir,  curé  de  Sainte-Livrade  ; 
Ilugonis,  curé  de  Frespech  ;  et  Flouret,  curé  de  Saint-Amans,  dé- 
l.uUés. 

Le  Bureau  ayant,  en  conséquence  de  hx  délibération  prise  au 
sinode  dernier,  examiné  les  finances,  gages  et  atlributions  des  sieurs 
recepveurs  et  conlrolleurs  des  décimes,  et  trouvé  estre  advanlageux 
au  clergé  d'emprunter  au  denier  vingt,  vingt-un,  ou  autre  rente  plus 
advantageuse,  les  sonnnes  nécessaires  pour  le  remboursement  de  ce 
(juils  ont  financé  a  esté  déHbéré  et  arresié  que  ledit  Rachapt  auxdils 
olfices,  ou  paHlIe  d'iceux,  sera  l'ail  le  pluslôl  (ju'il  se  pourra  ;  el  à 
ces  fins  donne  charge  et  pou\  oir  au  dit  sieur  Roussel,  sindiq,  d'em- 
jnunter  où  il  trouvera,  d'une  ou  de  plusieurs  personnes,  lesdites 
sonmies  à  ce  nécessaire,  en  rente  constituée  au  denier  vingt,  vingt - 
un  ou  autres  plus  advanlageux  audit  clergé  ;  et  à  ces  fins  obliger  les 
l)iens  et  revenus  dudit  clergé  et  donner  aux  créditeurs  toutes  les 
asseurances  de  droit  et  de  justice,  comme  il  advisera.  Lequel  ra- 
chapt, il  faira  volontairement,  s'il  se  peut,  et  en  reffus,  lui  donne 
pouvoir  de  poi\rsuivre  en  justice  lesdils  sieurs  officiers  des  décimes, 
reiïusant  ou  dilayant  de  faire,  pour  raison  de  ce,  tous  actes  et 
exploits  que  besoin  sera. 

Ainsi  signés  à  l'original  qui  est  dans  le  livre  des  délibérations  du 
Hureau  du  Clergé  :  Jlli:s,  evesque  d'Agen,  et  moy  aussy  signé, 
l'i.onun',  greffier. 

Autre  séance  du  Bureau  du  Clergé  d'Agen  du  jeudi  9  jan- 
vier 1087. 

I^-ésidenl  Myr  TEvesque  et  comte  d'Agen  et  assistant  mess.  : 
l)aurée,  archidiacre  et  chantre  de  l'église  cathédrale,  et  Collier, 
chanoine  de  la  Collégiale,  vicaires  généraux  ;  Roussel,  chanoine 
de  lad.  (Collégiale  el  sindicq  de  la  Cathédrale  ;  Canesin,  curé  de 
Ouazideroque  ;  Lesparre,  curé  de  Sainte-Livrade  ;  Ilugonis,  curé 
i\v,  Frespech  ;  Flouret,  curé  de  Saint- Amans  de  CastelcuUier  ; 
(iigault,  curé  de  Saint-Robert;  et  Daunefort,  curé  de  Puymirol, 
deputlés  au  Bureau  du  Clergé. 


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—  3H8  — 

Sur  ce  qui  a  esté  représenté  par  led.  sieur  Roussel,  sindicq,  con- 
cernant le  rachapt  des  offices  des  recepveurs  et  conlrolleurs  des  dé- 
cimes du  présent  diocèse,  ce  Bureau,  conformément  aux  délibéra- 
tions précédentes,  tant  du  Sinode  que  du  Bureau,  a  délibéré,  résolu 
et  arreslé  qu'il  sera  emprunté  somme  convenable  et  suffisante  à 
rente  constituée  au  denier  vingt,  vingt-un,  ou  vingt-deux,  pour  le 
rachapt  desd.  offices,  de  passer  tous  contracts  d'obligation  et  subro- 
gation que  besoin  sera,  mesmc  de  faire  procuration  à  une  ou  plu- 
sieurs personnes  de  prendre  comme  dessus,  à  rente  constituée,  l'ar- 
gent où  il  sera  treuvé,  à  condition  de  l'employer  audit  rachapt,  et  de 
faire  pour  ledit  rachapt  tous  les  actes  et  diligences  que  besoin  sera, 
prometant  d'avoir  le  tout  pour  agréable  et  de  le  relever  indenme. 

Ainsi  :  signés  :  Jules,  evesque  et  comte  d'Agen  ;  Daurée,  vicaire 
général  ;  Hugonis,  Lesparre,  Daurée,  vie.  général  ;  Collier,  vie. 
général  ;  Ducros,  députté  ;  Slvin',  deputté  ;  Roussel,  sindicq.; 
Daunefort,  dép.;  Flouret,  dép.;  Gigai  lt,  dep.;  Canesins,  députté, 
et  moy  aussi  signé  :  Flouret,  greffier. 

Autre  séance  du  Bureau  du  Clei'gé  d'Agen  (20  avril  1087)  : 

Y  présent  Mgr  l'Evesque  et  comte  d'Agen  ;  et  assistants  :  mess. 
Daurée,  archidiacre,  chanoine  de  la  Cathédrale,  et  Collier,  chanoine 
de  la  Collégiale,  vicaire  général  ;  Ducros,  grand  archidiacre,  et 
Se  vin,  chanoine  de  la  Cathédrale  ;  Roussel,  chanoine  de  la  Collé- 
giale, sindicq  du  Clergé,  et  Flouret,  curé  de  Saint-Amans,  de  Cas- 
telcuUier,  députtés. 

Le  Bureau,  conformément  au  pouvoir  donné  par  le  Sinode  de 
Mess,  les  Beneficiers  du  présent  diocèse  du  28  mai  dernier  et  par 
les  délibérations  précédentes  prises  au  présent  Bureau,  a  de  nou- 
veau délibéré  et  arrcsté  que  le  rachapt  de  l'office  de  recepveur  an- 
cien des  décimes  du  présent  diocèse,  dont  le  sieur  de  Barbier  do 
La  Serre  est  pourveu,  et  l'office  de  recepveur  alternatif  des  décimes 
appartenant  au  sieur  Lavigerio,  conseiller  au  Parlement  de  Guienne, 
ou  à  la  Dame  son  épouse,  ensemble  l'office  do  controllcur  ancien 
dos  (lécimos  apparlouant  au  sieur  do  Caslelnaud  ou  à  la  dame  son 
ojîouso,  iiéritiors  ou  légataires  de  fou  sieur  de  la  Crompe,  sera  in- 
cossanunent  fait,  et  à  ces  fins  le  Bureau  donne  pouvoir  aud.  s*' 
Roussel,  sindicq,  d'emprunter  à  rente  constituée,  au  denier  vingt, 
\intit-un  ou  viiigl-donx.  d'une  ou  i)lusicurs  personnes,  à  la  part  où 
il  trouvera,  la  sonnne  de  89  mille  livres  pour  être  employée,  sçavoir  : 


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—  339  — 

35.000  livres  au  remboursement  de  la  taxe  et  finance  desd.  sieur  et 
dame  de  Castelnaud.  Et  à  ces  fins  d'obliger  les  biens  et  revenus 
ecclésiastiques  desdits  sieurs  bénéficiers  du  présent  diocèse,  même 
de  subroger  ceux  qui  pesteront  lad.  somme,  ou  partie  d'icelle^  au 
lieu,  droit  et  place  et  hypothèque  desd.  sieurs  officiers  des  décimes, 
pour  les  sommes  qu'ils  presteront  et  de  porter  annuellement,  où  il 
conviendra,  la  rentte  à  la  fin  de  chaque  année  et  eslire  domicile  où 
besoin  sera.  Comme  aussi  luy  a  donné  pouvoir  de  s'obliger  par 
exprès  de  leur  déclarer,  huit  jours  après  le  remboursement  fait, 
(]ue  les  sonunes  qu'il  aura  employées  audit  remboursement  sont  les 
niêines  deniers  et  espèces  qu'il  avait  recrues  et  empruntées  desdits 
sieurs  créditeurs,  et  les  subroger  de  nouveau,  en  tant  de  besoin 
seroit,  en  hypothèques  desd.  officiers  remboursés  ;  comme  aussi 
s'oblige  de  remettre  aux  dits  sieurs  créanciers  et  à  celui  dont  ils 
conviendront,  copie  collationnée  de  finance  et  provision  desdils 
offices,  avec  faculté  aud.  diocèse  d'Agen  de  se  racheter  quand  bon 
Uii  semblera  en  adverlissant  Icsd.  créanciers  deux  mois  auparavant, 
à  celte  condition  toutefois  que  lesd.  créantiers  ne  pourront  jamais 
contraindre  led.  clergé  d'Agen  au  payement  des  sommes  principa- 
les, qu'au  cas  seulement  où  ledit  clergé  discontinuerait  le  payement 
de  la  rentte  d'icelles,  pendant  trois  ans  consécutifs. 

Ainsi  signés  à  l'original  :  Jule,  evesque  et  comte  d'Agen  ;  Dau- 
RKE,  vie.  général  ;  Collier,  vie.  général  ;  Ducros,  députté  ;  Sevln, 
id.;  Roussel,  sindicc/,  députlé,  et  moy  signé  :  Floureï,  greffier. 

Procuration  pour  emprunler  la  somme  de  SV.OOO  livrca,  donnée 
à  M.  Uonssel,  sindicq  du  Clergé,  le  20  août  1687. 

Dans  le  palais  épiscopal  de  la  ville  d'Agen,  ce  jourdhui  X*  du 
mois  d'avril  1687,  par  devant  notaire  royal  soubsigné,  présents  les 
témoins  bas  nommés,  ont  été  constitués  en  leurs  personnes  messire 
Jules  de  Mascaron,  evesque  et  comte  d'Agen,  conseiller  du  Roy  en 
ses  conceils,  et  son  prédicateur  ordinaire  ;  vénérables  M"  M®*  Jean 
iJaurée,  archidiacre  et  chanoine  en  leglise  cathédrale  d'Agen,  et 
Pierre  Estienne  Collier,  chanoine  de  l'église  collégiale  d'Agen, 
vicaire  général  dudit  seigneur  evesque  ;  Jean  Ducros,  grand  archi- 
diacre ;  rhrisostome  Seviii,  chanoine  de  lad.  église  cathédrale, 
habitant  dud.  Agen,  et  Martial  Flourel,  prestre  et  curé  de  Saint- 
Amans  de  Castelcullier,  y  habitant,  tous  depultés  au  Bureau  du 
Clergé  d'Agenois,  lesquels,  en  exécution  du  pouvoir  à  eux  donné 


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}>ar  tous  les  bénéficiers  du  diocèse  d'Agen  au  sinode  diocésain  du 
28  mai  dernier,  et  délibération  prise  ce  jourdhuy  au  Bureau  du 
Clergé,  ont  fait  et  constitué  procureur  M'  M**  Bonaventure  Roussel, 
|)restro,  chanoine  en  lad.  église  collégiale  d'Agen  et  sindicq  dud. 
Clergé  d'Agenois,  habitant  aud.  Agen,  présent  et  acceptant,  pour 
par  exprès  emprunter  pour  le  diocèse  d'Agen,  à  la  part  où  il  trou- 
\cra,  d'une  ou  plusieurs  personnes,  à  rente  constituée,  au  denier 
\ingl,  vingt-un  ou  vingt-deux,  jusqu'à  la  somme  de  89.00()  livres 
pour  employer  au  rachapt  desd.  offices  de  recepveur  ancien,  recep- 
veur  alternatif  et  controlleur  anlicn  des  décimes  du  diocèse,  ainsi 
qu'il  a  esté  résolu  et  délibéré  par  led.  sindicq  et  Bureau  du  Clergé  ; 
et  pour  cet  effet  donnons  pouvoir  aud.  sieur  de  Roussel  d'obliger 
tous  les  biens  et  revenus  ecclésiastiques  desdits  sieurs  bénéficiers, 
stipuler  et  promettre  d'employer  lesd.  sommes  qu'il  empruntera, 
savoir  :  35.0000  livres  au  remboursement  dud.  s'  de  Barbier  de  la 
Serre,  provenant  dud.  office  de  recepveur  anlicn  ;  pareille  somme 
de  35.000  livres  pour  remboursement  dud.  s'  de  Lavigerie  et  de  la 
dame  son  épouse,  à  qui  l'office  de  recepveur  alternatif  appartient  ; 
et  la  somme  de  19.000  livres  au  sieur  de  Castelnaud  et  à  la  dame 
son  épouse,  à  qui  l'office  de  controlleur  ancien  appartient,  comme 
lesdiles  dames  estant  héritières  et  légataires  dud.  feu  sieur  de  la 
(Jronipe,  acquéreur  et  cngagisle  desd.  offices.  Lesquels  sieurs  créan- 
liers  qui  tairont  lesdils  prêts  seront  et  demeureront  subrogés  audit 
droit,  lieu,  place  et  hypothèque  desd.  sieurs  officiers,  à  la  concur- 
rence desd.  sommes  qu'ils  presteront  aud.  sieur  de  Roussel.  Et  ap- 
près  avoir  fait  l'emploi  de  leur  argent  aud.  remboursement  desd. 
sieurs  officiers,  selon  la  faculté  que  le  Clergé  en  a  par  les  édits  et 
déclaration  du  Roi,  et  contrat  passé  entre  led.  Roy  et  le  Clergé,  led. 
sieur  de  Roussel,  audit  nom  de  sindicq,  sera  tenu  de  déclarer  dans 
huit  jours  au  plus  tard  que  lesd.  payements  et  remboursements  ont 
esté  faits  des  mêmes  deniers  et  espèces  par  lui  empruntées.  Et  su- 
brogeant de  nouveau  lesd.  sieurs  créditeurs  en  hypothèque  spéciallc 
desd.  sieurs  oflicieis  lemboursés,  et  leur  remettre  coppie  en  forme 
(le  (juitlance  Josd.  officiers,  et  cop[)ies  collalionnées  de  leurs  per- 
iiiissicMis  et  (juitlanc(^s  dcî  finaii<:e,  comme  aussi  kiy  donnent  [louvoir 
d'estipuler  (jue  h^s  rentes  des  sommes  (ju'il  empruntera,  sera  portée 
<;l  payée  annuellement  dans  les  lieux  où  il  faira  emprunt,  où  il  pour- 
ra aussi  faire  esleclion  de  domicile,  pour  y  eslre  faits  tous  actes  re- 
(juis  et  nécessaires  |)our  l'exécution  des  contrats  qu'il  passera  avec 
lesd.  sieurs  créditeurs,  à  condition  (jue  led.  clergé  d'Agen  pourra 


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-  341   — 

faire  le  rachapt  et  amortir  lesd.  reiilhes,  quand  bon  lui  semblera,  en 
ndvertissant  deux  mois  avant  lesd.  créanliers,  et  que  led.  Clergé  ne 
pourra  eslre  contraint  au  payement  dud.  capital  desd.  sommes  em- 
pruntées, si  ce  n'est  à  défaut  de  payement  de  lad.  renthe  pendant 
trois  années  consécutives,  promettant  avoir  pour  agréable  el  entre- 
lonir  tout  ce  que  par  led.  Roussel  sera  fait  et  réglé  quant  à  ce,  sur 
tout  le  relepver  indempniser  et  pour  ce  faire  obligent  les  biens  et 
ro venus  ecclésiastiques  desd.  sieurs  bénéfîciers  du  présent  diocèse, 
conformément  aux  dites  délibérations  du  Sinode  et  du  Bureau. 
Ainsi  Font  promis  et  juré  en  présence  de  M*  Jean  Bailhe,  prestre, 
et  s^  Jean-Martin  Bourgeois,  habitans  dud.  Agcn  soubsignés,  avec 
led.  seigneur  Evesquc,  et  Sevin,  députté,  led.  s'  Roussel,  Collier, 
Douréo,  Ducros,  Sevin,  Flouret  et  Baille  Martin,  Passelaigue,  no- 
taire aussi  signés  à  l'original  de  lad.  Procuration;  duquel  le  présent 
a  été  lire  par  moy,  notaire  royal,  soubsigné,  que  je  en  mon  pouvoir 
signe  escolier,  notaire  royal. 

Donné  pour  coppie  par  moy  Passelaigue. 


Compte  que  présente,  remet  et  a[(irmc  contenir  vérité,  par  devant 
nous  Mgr  VEvesque  el  Comte  cVAgen  et  Messieurs  les  Députtés 
composant  le  Bureau  du  Clergé  de  ce  diocèse,  celourd'huy  5  sep- 
tembre 1687,  Bonaventure  Roussel,  pfestre,  chanoine  de  Sainl- 
Caprais  et  sindicq  du  Cierge,  du  reste  de  son  dernier  compte, 
de  toutes  les  sommes  quil  a  empruntées  par  Vordre  dudit  sei- 
gneur et  du  Bureau  pour  le  rachapt  des  o[{ices  des  Recepveurs 
antiens  el  alternatiis  et  des  controlleurs  antiens  et  alternati{s  et 
triennal,  et  de  ce  qu'il  a  reçu  de  la  vente  qu'il  a  faite  aux  Pères 
du  Tiers  Ordre  de  Saint- Franc  ois,  de  la  maison  où  habite  à  pré- 
sent le  Séminaire  des  ecclésiastiques  du  diocèse. 

Recette.  —  Premièrement  dit  le  comptable  qu'ayant  rendu 
compte  au  Bureau  de  la  somme  de  800  livres  (|u'il  avait  empruntée 
l>ar  (lélibcralion  dud.  Bureau,  par  l'acte  de  closture  dud.  compte, 
ii  resta  redevable  de  30  livcrs  19  sols  9  deniers,  comme  il  paroit  par 
Ir  double  (ludit  coniple  qui  avait  élé  remis  dans  les  archives  du  Bu- 
reau et  passé  eu  rcceplc,  soit 30  1.   19  s. 


Il  expose  ses  divers  emprunts. 

Il  a  prins  :  Du  î^""  Cliristaud,  procureur  de  s' 


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—  34:^  — 

Marc-Aiitlioine  Chaniborl,  conseiller  du  Roy,  re- 
ceveur des  décimes  h  Bordeaux 13.000  l. 

à  la  rente  constituée  de  750  livres  par  an. 

Des  Religieuses  Carmélites  d'Agen 4.000  l. 

à  rente  constituée  de  200  livres  par  an. 

Des  Religieuses  du  Chapelet 9.021  1.   10  s - 

à  la  renie  constituée  de  i51  1.  1  s.  G  d. 
A  Toulouse,  de  M.  Victor  Dubreuil,  sieur  de 

la  Godinière    12.000  1. 

à  la  rente  constituée  de  600  livres. 
Do  niessire  Léonard  de  Laigneau  de  Hessan, 

conseiller  au  Parlement  de  Toulouse 7.000  1. 

à  la  rente  constituée  de  350  livres. 

De  demoiselle  Marguerite  de   Renies 2.000  1. 

à  la  rente  constituée  de  100  livres  par  an. 
Des  Religieuses  de  la  Visitation  de  Toulouse, 

la  somme  de   8.000  1. 

a  la  rente  constituée  de  iOO  livres. 
De  M"  Pierre  Dubarry,  advocat  au  Parlement.         1.000  l. 

à  la  reiite  constituée  de  50  livres. 
De  la  table  des  Obits  de  Téglise  métropolitaine 

de  Toulouse    7 .  000  1 . 

à  la  rente  constituée  de  350  livres. 

De  M.  Tabbé  Larafinie,  preslre i.OOO  l. 

à  la  rente  constituée  de  200  livres. 

Du  s^  Cabrol,  procureur  au  Parlement 1  .(H)0  1. 

à  la  rente  constituée  de  50  livres. 
I)es  Religieuses  de  Notre-Dame  du  Coing  du 

.^ ec 0 .  000  1 . 

à  la  rente  constituée  de  300  livres. 
De  M.  de  Caulet,  président  au  Bureau  des  Fi- 
nances de  Toulouse 0.000  1. 

y  la  rente  constituée  de  300  livies. 

De  M.  le  chevalier  d'Agret (i.OOO  l. 

à  la  rente  constituée  de  300  livres. 
De  M.  Claude  Barbier,  conseiller  en  la  Cour 

(l(\s    \y<les  de  (iuienne 2.800  1. 

à  la  rente  de  140  livres. 

Des  Religieuses  de  Fongrave 2.000  1. 

à  la  rente  constituée  de  lOO  livres. 


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—  343  — 

Do  darne  Louise  Danceau,  femme  de  Charles 

Diicaiize  de  Nazelles 2.000  1. 

à  la  renie  constituée  de  100  livres. 

Plus  de  Marie-Louise  Danceau 3.000  1. 

à  la  rente  constituée  de  150  livres. 

De  M.  Seillade,  prêtre 500  1. 

à  la  rente  de  25  livres. 
Vente  aux  Pères  du  Tiers-Ordre  de  Saint-Fran- 
rois  de  la  maison  du  Séminaire,  place  de  Pau- 
lin, pour  aider  à  payer  les  frais    du    Séminaire 

hàli  hors  ville    3.000  1. 

De  M.  Charles  de  Raignac,  advocat  au  Parle- 
ment          2.500  1. 

à  la  rente  de  125  livres. 

Recepte  totale 130.052  1.9  s. 

Suit  la  dépense  iail-e  poui-  le  leniboursement. 

Et  du  tout  coppie  tirée  de  son  original  qui  est  dans  les  Archives 
du  Clergé,  cejourd'hui  18  de  février  1688.  Passalaigue,  notaire, 
signé. 

Voici  quel  fut  l'emploi  des  fonds  recueillis  : 

Dkspexsks.  —  I.  Premièrement  dit  le  comptable  qu'en  exécution 
(les  actes  des  Sinode  et  délibérations  du  Bureau  qu'il  a  produites 
au  2"  article  de  sa  recepte  et  procédant  au  rachapt  de  l'office  de 
Controlleur  triennal  des  décimes  dont  M.  de  Faure  estoit  enga- 
gisle  (1),  il  auroil  payé  audit  s'  de  Faure  la  somme  de  24,621  livres 
lu  sols  2  deniers,  à  quoi  ai)près  une  exacte  discussion  faite  avec 
lod.  s""  de  Faure,  auroit  esté  trouvé  revenir  le  prix  total  du  corps, 
taxes,  arrérages  des  gages  et  loyaux  coûts  dud.  office,  savoir  :  pour 
led.  corps  d'office  et  taxes,  2i,.*iô0  livres  0  sols  0  deniers;  pour  les 
arrérages  de  ces  gages,  1,245  livres  3  sols  8  deniers,  et  20  livres 
])uur  les  loyaux  coûts. 

Le(|uel  })ayement  fui  fait  aud.  s""  de  Faure  en  18,1ÎJ0  livres  16  sols 


(l)  i\obl<î  Joaii  de  Fauro  de  la  Crarde,  .'^icur  de  Jh!auiM*î,'ard,  ccuycr  ol  ca- 
pitaine au  régiment  de  Périgord,  était  lils  de  Bernard  de  Faure  et  de  demoi- 
selle Marie  do  Sainl-Gillis.  U  épousa  demoiselle  Thérèze  Barbier  de  la  Serre. 
Les  de  Faure  étaieul  une  xioille  famille  ruible  établie  à  Agen  depuis  assez 
longtemps. 


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—  344  "- 

8  deniers  d'argent  comptant  à  lui  délivré,  cl  6,130  livres  13  sols  6 
deniers,  consignés  entre  les  mains  du  s'  Passelaigue,  un  des  gref- 
fiers du  Clergé  laissant  Tordre  du  Bureau  à  cause  de  deux  opposi- 
tions à  lui  faites  par  le  s'  de  Grimard,  chanoine  et  chapelain  de  la 
Chappellenie  de  Cahusières,  et  le  s'  de  Misandres,  pour  des  préten- 
tions, qu'ils  disoient  avoir  sur  led.  s'  de  Faure,  moyennant  lequel 
payement  et  consignation  led.  s^  de  Faure  auroit  fait  démission  dud. 
office  en  fa\our  du  Clergé  et  auroit  remis  es  mains  du  comptable 
tous  les  liltres  en  composant  les  tiltres  et  attributions,  comme  do 
tout  le  contenu  au  [)résent  article  paraît  par  le  contrat  passé  entre 
led.  s'  de  Faure  et  le  comptable  le  3  mars  de  la  |)résente  année,  re- 
tenu par  Grand,  notaire,  les  tiltres  dudit  office  au  nombre  de  vingt, 
et  les  oppositions  faites  par  led.  s'  de  (irimard  et  de  Misandres, 
avec  tous  les  actes  en  dépendant,  que  le  com[)table  produit,  décla- 
rant que  la  consignation  qu'il  avoit  faite  à  l'occasion  de  roï)posi- 
lion  dud.  s'  de  (irimard  a  esté  du  depuis  levée  du  consenlement  de 
toutes  parties,  et  le  payement  fait  de  la  somme  de  3.800  livres  par 
\?.  s'  Passelaigue  aud.  s'  de  Faure,  comme  il  paraît  par  acte  du 
12  juin  de  la  présente  année,  retenu  par  Gelieu,  notaire,  que  le 
comptable  produit  aussi,  et  moyennant  ce  demande  qu'il  lui  soit 
tenu  en  dépense  la  somme  de  '^M,G21  livres  10  sols  2  deniers. 

11.  Dit  de  plus  led.  (•om[)lable  que  procédant  au  rachapl  de  l'of- 
lice  de  llceepveur  antien,  dont  W  Harbier,  conseiller  en  la  Cour  des 
Aydes  de  Guienne  estoit  engagisle,  apprès  une  discussion  exacte 
faite  a\ec  lui  de  tout  ce  qui  pouvoit  estre  deu  du  corj)s  et  taxe  dud. 
office,  a\ec  les  loyaux  coûts  et  distractions  des  acquisitions  faites 
par  led.  Clergé  de  parties  des  attributions,  connue  il  est  exprimé 
ilans  led.  contrat  de  rachapt,  il  lui  auroit  payé  argent  comptant  la 
somme  de  35,006  livres  2  sols  0  deniers.  Led.  s^  de  lîarbier  ayant 
déclaré  qu'il  avoit  reçu  dud.  Gelieu,  commis  à  la  receple  des  déci- 
mes, la  somme  de  820  livres  pour  tous  les  arrérages  de  ses  gages 
de  la  présente  année  à  lui  deus,  jusqu'au  jour  du  contrat  passé  en- 
tre lui  et  le  comptable  le  8  mai  de  la  présente  année,  et  moyennant 
ce,  ayant  fait  démission  et  venle  dud.  office  de  Ueccpvenv  anlicn, 
en  faveur  du  clergé,  il  a  remis  au  c()nq)table  tous  les  liltres,  au 
ijcunbro  de  dix-neuf,  composant  le  corps  et  les  taxes  dud.  office  (jue 
le  comptable  remet  avec  IchI.  contrat  de  revente,  ensemble  deux 
quittances.  Tune  de  3.860  livres  ;  l'autre  de  2.000  livres,  avec  la 
le\ée  (le  l'opposition  desd.   sonnnes  (|ue  le  s*"  de   I.anauze,   beau- 


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QoO^Qi 


-  845  - 

frère  dud.  s''  Barbier,  et  des  religieuses  du  Chapelet  de  la  présente 
ville  avoient  fait  l'aire  sur  le  comptable,  et  nioyennaiit  ce  demande 
le  comptable  que  le  Bureau  ail  à  lui  tenir  en  compte  et  despense 
hid,  somme  de  35.906  1.  2  sols,  6  deniers  =  35.906  1.  2  s.,  6  d. 

TU.  Plus  led.  comptable  dit  que  procédant  au  rachapt  de  Toffice 
do  llecefweur  alicrnatii,  dont  Madame  de  Lavigerie,  héritière  de 
feu  \L  (le  la  Crompe,  osloit  engagisie,  après  une  discussion  faite 
(le  tout  ce  qui  pouvoit  lui  cslre  deu  du  corps  et  taxe  dud.  office, 
a\ec  los  loyaux  coûts,  distraction  des  acquisitions  faites  par  led. 
clergé,  de  partie  des  attributions,  comme  il  est  exprimé  par  led. 
contrat  de  rachapt,  il  lui  auroit  compté  en  argent  la  somme  de 
n3.212  livres,  2  deniers. 

M"*  Darche,  veuve  de  feu  M.  de  la  Crompe  et  usufruitière  dud. 
office,  ayant  déclaré  qu'elle  estoit  payée  des  arrérages  des  gages 
dud.  office  à  elle  deus  jusqu'au  jour  dud.  rachapt,  ainsi  que  du  tout 
il  paroit  par  le  contrat  passé  avec  lad.  dame  de  La\igerie,  dame 
l)arche,  sa  mère  et  le^ comptable,  retenu  par  Oelieu,  notaire,  le  10 
mai  1687,  avec  l'acte  d'hautorisation  que  M.  de  Lavigerie  a  faite  à 
ladite  dame  sa  femme  par  la  réception  de  lad.  somme,  et  de  dix- 
neuf  tiltres  du  corps  et  taxes  dud.  office  remis  par  lad.  dame  de.  La- 
vigerie, que  le  comptable  produit,  moyennant  quoi  il  demande  que 
le  Bureau  lui  passe  en  despense  lad.  somme,  33,212  livres  0  sol  6 
deniers. 

IV.  Dit  encore  le  comptable  que  procédant  au  rachapt  de  l'office 
de  conttoUeur  aniien  des  décimes  de  ce  diocèse,  apprès  une  discus- 
sion faite  avec  M°"  de  Castelnau,  héritière  de  feu  M.  de  la  Crompe, 
et  engagiste  dud.  office,  il  lui  auroit  compté  réellement  en  argent 
00,613  livres  1  sol  1  denier  pour  le  prix  du  corps  et  taxe  dud.  office 
avec  les  loyaux  coûts,  distraction  des  acquisitions  faites  par  le 
Clergé  des  parties  des  attributions,  comme  il  est  exprimé  dans  led. 
contrat  de  rachapt,  lad.  dame  Darche,  usufruitière  dud.  office  ayant 
déclaré  qu'elle  estoit  payée  de  tous  les  arrérages  de  gages  à  elle 
deus  jusqu'au  jour  du  contrat  passé,  revenant  à  la  somme  de  356 
Inrcs  15  sols,  comme  du  tout  il  paroit  par  led.  contrat  que  led. 
comptable  a  passé  avec  lesd.  dames  le  10  mai  de  la  présente  année, 
retenu  par  Gelieu,  par  l'acte  d'hautorisation  que  le  s'  de  Castelnau 
a  fait  à  lad.  dame,  sa  femme,  à  l'effet  de  la  réception  de  lad.  somme 
et  par  dix-neuf  tiltres  composant  le  corps  et  attributions  dud.  office, 
par  lad.  dame  remis,  que  le  comptable  a  produits,  et  moyennant  ce 


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demande  que  lui  soit  alloué  en  despense  lad.  somme  de  16,613  livres 
1  sol  1  denier. 

V.  Déclare  encore  led.  comptable  que  procédant  au  rachapt  de 
l'office  de  controUe  aUernaii(  des  décimes  de  ce  diocèse^  dont  le 
s'  Conte  étoil  engagisie,  après  une  discussion  faite  avec  lui  par 
MM*  Daurée  et  Sevin  à  cet  effet  depputés,  le  comptable  lui  auroit 
I»ayé  pour  le  prix  du  corj)s,  des  taxes  et  loyaux  coûts  dud.  office, 
distraction  des  acquisitions  faites  par  le  Clergé  de  partie  des  attri- 
butions, comme  il  est  exprimé  dans  led.  contrat  de  rachapt,  la  som- 
me de  11,692  livres  4  sols  4  deniers,  par  contrat  passé  avec  lui  le 
15  mai  de  la  présente  année,  retenu  par  Passelaigue,  en  vertu  du- 
quel contrat  de  lad.  somme  de  11,692  livres  4  sols  4  deniers  led. 
s'  Conte  en  avait  délivré  au  s'  Raignac  la  sonmie  de  2,500  livres,  et 
pareille  somme  au  s'  Baret,  ses  beaux-frères  pour  la  dot  de  leurs 
femmes,  suivant  que  led.  s'  Conte  en  étoit  chargé  par  son  contrat 
de  mariage,  portant  don  et  vante  dud.  office,  et  le  restant  de  lad. 
somme,  nonobstant  led.  contrat  et  quittance  que  le  s'  Conte  a  voit 
fait,  attendu  une  opposition,  que  le  s*"  Séries,  marchand,  y  a  fait 
et  que  lad.  somme  fait  partie  du  dol  de  la  fennnc  dud.  s'  Conte,  du 
consentement  mutuel  dud.  s'  Conte  et  du  comptable,  elle  a  resté  par 
un  acte  subséquent,  retenu  par  led.  Passelaigue,  jusqu'à  ce  que^ 
led.  s'  Conte  aura  fait  lever  l'opposition  dud.  s'  Séries  et  qu'il  aura 
payé  finalement  tout  ce  qu'il  peut  devoir  à  M.  iiuinet,  seigneur 
de  Monbalein,  et  de  l'achat  qu'il  lui  a  fait  de  la  maison  et  biens  dé- 
pendans  de  Féchon,  lesquels  biens  ainsi  acquittés  demeureront  spé- 
cialement hypothéqués  pour  le  dol  de  la  demoiselle  femme  du 
s*"  Conte,  hors  toutefois  la  somme  de  GOO  livres,  que  led.  s'  Conte  a 
\oulu  délivrer  aud.  s'  de  Raignac  pour  les  causes  énoncées  dans 
led.  acte  que  le  comptable  produit,  ensemble  le  P'  contrat  passé 
avec  led.  s'  Conte  et  seize  tiltres  composant  le  corps  et  taxes  dud. 
office  par  lui  remis  et  moyennant  ce,  demande  qu'il  lui  soit  alloué 
on  despense  la  somme  de  11,692  livres  4  sols  4  deniers. 

VI.  bit  de  plus  led.  comptable  que  feu  M.  de  Barbier  de  la  Serre, 
vivant  conseiller  en  la  Cour  des  Aydes  de  Guienne,  ayant  eu  par 
leslamenl  de  son  père  le  droit  de  jouir  dud.  office  de  controllear  di- 
te rnali[  pendant  le  temps  de  la  minorité  de  M.  de  Barbier,  à  pré- 
sent chanoine  de  Saint-Caprais,  et  qu'il  a  donné  et  vendu  led.  office 
de  controlleur  aud.  s'  Conte  lorsqu'il  maria  sa  fille  avec  lui  pendant 
la  minorité  dud.  s'  Barbier,  ayant  payé  et  acquis  deux  taxes,  lune 


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-  317  - 

de  2,562  livres,  imposée  en  1640;  et  Taulre  de  2,057  livres  10  sols 
imposée  en  1645,  M,  de  JBarbier  aurait  vendu  les  deux  taxes  à  feu 
s'  Posterle  (1);  et  le  comptable  désirant  les  rachepter  comme  estant 
les  dépendances  dud.  office  de  controlleur  alternaiH,  il  avait  payé 
À  la  demoiselle  de  Serville,  veuve  et  héritière  de  feu  s'  Posterle,  le 
prix  des  deux  dites  taxes,  revenant  à  la  somme  de  4,019  livres  10 
sols  comme  il  paroit  par  le  contrat  de  racliapt  passé  avec  lad.  de- 
moiselle le  15  mai  de  cette  année,  reteim  par  led.  Passelaigue,  no- 
taire, que  led.  comptable  produit  avec  les  deux  quittances  de  paye- 
ments faits  au  Uoy  des  deux  taxes  et  le  contrat  d'achapt  que  led.  feu 
s*^  Posterle  en  avoit  fait  aud.  s'  de  Barbier,  et  moyennant  ce,  de- 
mande que  le  Bureau  lui  passe  en  despense  la  somme  de  4,619  livres 
10  sols. 

VU.  Dit  encore  le  comptable  que  led.  s'  Conte  ayant  durant  le 
temps  qu'il  possédait  led.  office  de  controlleur  acquis  une  taxe  de 
],i23  livres  imposée  en  1679,  eÀ  ayant  ensuite  vendu  sa  dite  taxe  aux 
Ueligieuscs  du  Chapelet  de  la  présente  ville,  le  comptable  a  racheté 
lad.  taxe  et  paye  aux  Religieuses  la  somme  de  1,423  livres,  comme 
apport  par  led.  contrat  de  rachapt,  qu'il  a  passé  avec  elles,  retenu 
I)ar  Passelaigue  led.  jour  15  mai  de  la  présente  année,  (jue  le  comp- 
table produit  avec  la  quittance  du  payement  fait  au  Roy  du  montant 
(le  lad.  taxe  et  le  contrat  de  l'achapt  que  les  Religieuses  en  avoient 
l'ait  aud.  s'  Conte;  et  moyennant  ce,  demande  led.  comptable  que  le 
Bureau  lui  passe  on  dépense  la  somme  de  1,423  livres. 

VIII.  Oit  de  plus  led.  comptable  qu'en  vertu  d'une  délibération 
du  Bureau  du  2  juin  de  la  présente  année,  ayant  fait  vente  aux  Pères 
du  Tiers-Ordre  de  Saint-François  de  la  province  de  Guienne,  de  la 
maison  située  en  la  présente  ville,  rue  de  Paulin,  où  habite  à  pré- 
sent le  Séminaire  des  Prestres  du  diocèse,  pour  4,400  livres,  de  lad. 
somme  suivant  la  clause  et  condition  prise  dans  lad.  délibération, 
il  auroit  reçu  desd.  Pères  du  Tiers-Ordre  la  somme  de  3,000  livres 
qu'il  auroit,  suivant  Tintention  du  Bureau,  remise  à  Mgr  l'Evesquc 


(1)  Sieur  Arnaud  de  Poslerlc,  écuyer,  dont  il  est  ici  question,  fui  capitaine 
exempt  des  gardes  du  Roi  en  la  Grande  Prévôté  de  France.  U  acheta  le  do- 
maine et  la  terre  de  Saint-Philip  en  la  juridiction  de  Caudecoste  du  Marquis 
de  Roquetaillade,  sénéchal  et  gouverneur  de  la  sénéchaussée  d'Albret.  U 
avait  épousé  demoiselle  Wagdeleine  de  ServUle. 

Le  sieur  de  Posterle  avait  une  résidence  en  la  ville  d'Agen.  (Voir  Monogra- 
phie de  Caudecoste^  p.  265,  etc. 


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d*Agen  pour  estre  employée  au  baslimenl  qui  est  fait  hors  la  ville 
pour  la  maison  destinée  pour  Thabitation'  dudit  Séminaire,  comme 
du  tout  paroit  par  lad.  délibération,  le  contrat  passé  par  le  compta- 
ble avec  lesd.  Pères,  et  le  bilhet  de  Monseigneur  TEvesque  portant 
réception  des  3,000  livres,  que  le  comptable  produit,  et  moyennant 
ce,  demande  que  le  Bureau  lui  passe  en  dépense  la  somme  de  3,000 
livres. 

IX.  Plus  dit  led.  comptable  qu'il  a  fait  plusieurs  fraix  et  despens 
pour  l'emprunt  et  Temploy  des  susd.  sommes  dont  il  a  fait  un  état 
distingué  en  articles,  montant  led.  état  à  703  livres  18  sols,  que  le 
comptable  demande  lui  être  passé  par  le  Bureau  en  dépense,  soit 
703  livres  18  sols. 

Monte  la  totale  despense  contenue  en  neuf  articles  h  la  somme  de 
130,981  livres  6  sols  3  deniers. 

Partant  se  trouve  que  la  despense  qui  monte  à  130,981  livres  ex- 
cède de  la  somme  de  recepte  montant  à  130,  052  livres  9  sols  9  de- 
niers de  la  somme  de  928  livres  16  sols  ô  deniers,  laquelle  somme 
sera  passée  en  dépense  aud.  s'  Roussel  dans  un  autre  compte  qu'il 
^•a  rendre  au  Clergé. 

Fait  double,  clos  et  arresté  au  Bureau  du  Clergé,  tenu  dans  le 
palais  épiscopal  ce  jourdhui  5  septembre  1687. 

Et  ledit  Roussel  a  remis  toutes  ses  pièces  justificatives  dud. 
compte,  qui  ont  esté  remises  dans  les  archives  du  Clergé. 


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VENTE  DES  EFFETS  MOBILIERS 

tnwvés  dans  une  malle  apiiarteaaiit  à  feu  Solminiae,  oncle  de  l'émigré 

Solminiac  cadet 


Sous  ce  litre,  existe  aux  Archives  départementales  de  I.ot- 
et-Garonne  (1)  une  pièce  fort  curieuse,  (jue  nous  n'hésitons  pai; 
à  publier  ici,  comme  pouvant  servir  de  document  précieux 
pour  Tétude  du  costume  à  la  fin  du  xvni*  siècle.  Elle  permet  de 
constater  officiellement  quelle  était  la  garde-robe  habituelle 
d'un  officier  de  cavalerie  sous  Louis  XVI,  de  l'ordre  de  la  no- 
blesse et  ayant  ses  entrées  à  la  Cour. 

Celte  pièce  a  été  copiée  par  notre  excellent  collègue  et  ami 
M.  Oswald  Fallières,  qui  nous  l'a  transmise  pour  être  insérée, 
comme  inédite,  dans  la  Revue  de  iAffeîiais. 

Il  est  assez  difficile  d'identifier  les  trois  personnages  dont  il 
est  question,  l'acte  susdit  ne  fournissant  sur  eux,  ni  prénom, 
ni  autre  qualification,  ni  aucune  indication  généalogique. 

Néanmoins,  en  consultant  le  beau  travail  sur  la  famille  de 
Solminihac,  publié  par  MM.  le  ccmile  de  Saint-Saud  et  Paul 
Huet,  '«  avec  étude  critique,  historique  et  archéologique  du 
marquis  de  Kayolle  >»  (2),  nous  estimons,  M.  l'abbé  Dubois  et 
moi,  que  «  feu  Solminiac  »,  le  propriétaire  desdits  effets,  a[)- 
parlenait  à  la  branche  des  Stutt,  dits  de  Solminihac,  seigneurs 
de  Bouniagues,  commune  du  canton  d'Issigeac,  et  de  Boisver- 
dun,  château  dans  la  commune  de  Tombebœuf  (Lot-et-(ia- 
ronne),  où  très  probablement  dut  se  faire  l'inventaire.  Ce  de- 
vait être  Pierre  Stutt  de  Solminihac,  dit  le  chevalier  de  Sol- 
ininihai\  quatrième  fils  de  Henîy  de  Solminihac  et  de  Marie- 
Olympe  de  Ségur,  cornette  de  cavalerie  au  régiment  de  La 
Vieuville,  qui  vota,  en  1789,  à  Bordeaux,  aux  Etats-Généraux, 


(1)  Série  O.,  canloii  do  Sl-Barthélemy.  Art.  Solminiac  éiiiigré. 

(2)  La  lumille  el  les  oriqines  du   vénérable  Alain  dp.   Solminihac.   Paris, 
n.  Daragon,  éditeur.  1905.  In-8*  de  250  pp.,  avec  quatre  gravuies  cl  un  index. 


23 


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-  :u)  - 

dans  Tordre  de  la  noblesse,  et  fui,  croit-on,  tué  aux  Tuileries 
en  1792.  11  se  maria  deux  fois  :  le  15  février  1773,  avec  Cathe- 
rine Pan,  et  le  4  juin  1790  avec  Françoise  d'Absac. 

Son  neveu,  «  émigré  »,  serait  Pierre-Jean,  fils  cadet  de  son 
frère  aîné  Pierre  Destul,  baron  de  Sainl-Pardoux,  Boisver- 
dun,  Eymel,  seigneur  de  Sainl-Barlhélcmy,  lequel  Pierre- 
Jean,  appelé  le  chevalier  de  SolminUiac,  était  né  à  Bordeaux 
vers  1760,  devint  officier  de  chevau-légers  le  30  mars  1780, 
puis  capitaine  au  régiment  royal  de  Lorraine,  émigra,  fut  am- 
nistié le  27  mai  1803,  et  mourut  en  1838  seulement. 

Il  avait  une  sœur,  Alexandrine  Elisabeth,  mariée  le  9  mai 
1785,  à  Pierre  de  Rossane,  qui  semble  bien  devoir  être  «  la 
ciloyenne  Elisabeth  Solminiac,  dépositaire  desdits  objets  »  (1). 

Cela  dit,  l'eproduisons  in-exienso  ce  curieux  document  : 

Ph.  L. 


Aujourd'hui,  neuvième  prairial  au  III  de  la  République  française 
une  et  indivisible,  nous  Jean-Buptiste  Teissier  Severin,  adminis- 
trateur du  district  de  Lauzun,  commissaire  nommé  par  led.  district 
en  vertu  de  son  arrêté  du  sept  prairial  an  Ifl,  pour  procéder  à  la 
\enle  des  effets  contenus  dans  une  malle  appartenant  à  feu  Solmi- 
niac, oncle  de  Témigré  Solminiac  cadet,  nous  sommes  transportés 
dans  la  maison  habitée  par  la  ciloyenne  Elisabeth  Solminiac  où  est 
«léposée  lad.  malle,  la  clef  de  laquelle  nous  a  été  remise  par  lad. 
eiloyeime  Solminiac,  qui  s'en  était  rendue  dépositaire,  et  ayant  fait 
ouvrir  lad.  malle,  avons  procédé  à  la  vente  des  effets  y  contenus,  de 
la  manière  suivante,  en  présence  des  citoyens  Tessier  et  Joly,  jeune, 
officiers  municipaux  : 

Une  chenille  d'espagnolette  et  une  veste  de  drap  gris,  le  tout 
très  usé,  adjugé  à  Gerbaud  aîné,  pour  trente  livres,  ci 30  1. 

Un  gilet  de  flanelle  d\^ngleterre  demi-neuf,  adjugé  à  Vèze,  offi- 
cier de  santé,  pour  vingt  livres,  ci ^ 20  1. 

Une  culotte  de  velours  rayé  à  fleurs,  doublée  de  futaine,  adjugée 
Il  Bazon  pour  trente  livres,  ci 30  1. 

L'ne  culotte  de  drap  de  colon  rayé  gris  usée,  adjugée  à  Gerbaud 
pour  onze  livres,  ci 11  1. 


(1)  Voir  loiivrage  précité,  pp.  117-119. 


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~  sr.i  - 

Un  habit  de  drap  brun  doublé  de  soye,  boulons  d*acier,  fort  usé, 
adjugé  à  Gerbaud  pour  cent  livres,  ci 100  1. 

Un  gilet  de  coton  rayé  et  à  fleurs,  le  devant  doublé  de  soye,  adjugé 
à  Morin,  pour  trente  livres,  ci 30  1. 

Une  veste  de  drap  de  coton  rayé,  doublé  de  toile,  le  derrière  et 
les  uianelies  de  camelot,  usés,  adjugée  à  (ierliaud  ]k)U]'  treize  livics, 
ci 13  1. 

Une  culotte  de  uankiuette  rayée  violet  et  jaune,  doublée  de  fu- 
taine,  adjugée  à  Morin  pour  trente  livres,  ci 30  l. 

Un  habit  de  sillerine  changeant,  doublé  i\c  soye,  usé,  adjugé  à  la 
cité>'enne  Brunet  pour  (juarante  livres,  ci -40  I. 

Un  habit  de  toile  rayée,  doublé  de  la  même  pièce  (sic),  demi- 
neuf,  adjugé  à  la  femme  de  Bourilhon  pour  cinquante  livres, 
ci   50  1. 

Une  veste  de  soye,  rayée,  doublée  de  soye  blanche,  demi-neuve, 
adjugée  à  Pierre  Martin,  pour  vingt  livres,  ci 20  1. 

Un  habit  de  soye  appelée  gros-grame  (?),  doublé  d'étamine 
pièce,  presque  neuf,  adjugé  à  Pasqualie  pour  cent  vingt  livres, 
ci   120  1 . 

Un  gilet  de  velours  en  soye  rayé  vert  et  bleu,  les  manches  et  la 
doublure  blanches,  adjugé  à  la  citoyenne  Tessier  pour  soixante 
livres,   ci / 60  1. 

Deux  vestes  de  basin,  sans  manches,  adjugée  à  la  citoyemu; 
veuve  Bardôche  pour  soixante-dix  livres,  ci 70  1. 

I)eux  vestes  de  mousselinette  blanche,  demi-neuves,  adjugées  au 
citoyen  Planton  pour  soixante  livres,  ci 60  1. 

Vne  culotte  de  basin,  croisé,  demi-neuve,  adjugée  à  Bajou  pour 
trente  livres,   ci 30  1. 

Huit  chemises  de  toile  de  marcliand,  garnies  de  mousseline,  demi- 
usées,  adjugées  à  Pierre  Dubernard  pour  doux  cent  dix  livres, 
ci    210  1. 

Un  chapeau  et  une  cocarde  fort  usés,  adjugés  à  Giron  pour  cinq 
livres,   ci    5  l. 

Deux  cravates  de  mousseline  presque  neuves,  adjugées  au  citoyen 
(  hadois  pour  vingt  li\  rcs,  ci 20  1. 

Oualre  paires  de  bas  de  soye,  dont  deux  noires,  une  grise  et  Tau- 
Ire  rayée,  très  usés,  adjugées  à  Gerbaud  pour  quatorze  livres, 
ci    14  1. 

Trois  paires  de  bas  de  filoselle  gris,  dont  une  paire  à  cotes,  usés, 
adjugés  aud.  Gerbaud  pour  treize  livres,  ci 13  1. 


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Quatre  paires  de  bas  de  colon  blanc  dont  trois  à  cotes,  usés,  adju- 
gés à  Bazon  pour  vingt  livres,  ci 20  1. 

Onze  paires  de  chaussettes  en  fil  gris  et  blanc,  fort  usées,  adjugées 
ifi  Gerbaud  pour  trente  livres,  ci 30  1. 

Neuf  cols  do  mousseline,  assez  bons,  adjugés  à  Berger  pour  cinq 
livres,  ci    5  1. 

Deux  bonnets  de  coton  usés,  adjugés  îi  Vèze  pour  six  livres, 
ci    6  1. 

Trois  mouchoirs  de  toile,  servant  de  serretêtes,  adjugés  à  la  ci- 
toyenne Brunet  pour  cinq  livres,  ci 5  1. 

Neuf  mouchoirs  de  poche,  rayés  bleu  et  rouge,  demi  neufs,  adju- 
gés au  citoyen  Joly  pour  cent  quarante  livres,  ci 140  1. 

Deux  paires  de  souliers  et  une  iiairc  de  boucles  de  cuivre,  demi 
usées,  adjugées  à  Montaud  pour  soixante  livres,  ci 60  1. 

Ouatre  rasoirs  adjugés  h  Girou  pour  trente  livres,  ci 30  l. 

In  étui  de  bois  avec  une  paire  de  boutons  de  manche,  de  cuivre, 
adjugés  ù  Treyssend  pour  vingt  cinq  sols,  ci 11.5  8. 

liie  malle  usée,  ferrée  et  fermant  à  clef,  adjugée  à  Berger  pour 
trente-trois  livres,  ci 35  1. 

l'n  petit  anneau  d*or,  adjugé  à  la  citoyenne  Tessier  pour  trente 
livres,   ci    30  1. 

In  petit  porte-feuille  adjuge  à  Gerbaud  pour  quinze  sols, 
ci    15  s. 

Toulcs  lesquelles  sommes  ci-dessus  leviennent  à  celle  de  treize 
cent  Irente-sept  livres,  montant  dés  effets  ayant  appartenu  audit 
Solminiac  et  contenus  dans  ladite  malle,  et  dont  aucun  n'a  été  sous- 
Irail.  Ainsi  avons  mis  fin  au  présent  verbal  de  vente  les  jour,  mois 
et  an  susdits.  Et  avons  signé  avec  lesdits  citoyens  Tessier  et  Joly. 
Signé  :  Tkssier  Severin,  commissaire.  —  Enregistré  à  Miramont  le 
11  prairial  an  3*  de  la  République,  reçu  une  livre.  Margeride. 


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PETITE  MONOGRAPHIE 

DB   LA 

CONFRÉRIE  DES  PÉNITENTS  BLANCS  DE  CAUDECOSTE 

AUX  XWV  ET  XVIir  SIÈCLES  (1624-!79l) 


PRÉLIMINAIRES 


Les  murailles  en  ruine  et  les  fossés  des  fortifications  nous  rap- 
pellent les  luîtes  héroïques  que  la  modeste  ville  de  (^audecosle 
eut  à  soutenir,  il  y  a  plus  de  trois  siècles,  pour  garder  une  in- 
violable fidélité  à  son  Roi.  Les  registres  manuscrits  d'une  épo- 
que contemporaine  et  d'autres  plus  récents  racontent  les  fails 
et  gestes  de  cette  [)opulation  toute  pénétrée  de  sentiments  reli- 
gieux. Tous  ces  monuments  de  parchemin  et  de  pierres  cla- 
ment aux  générations  nouvelles  de  garder  bien  avant  dans  leur 
cœur  le  culte  du  passé  que  nous  pouvons  ici  peut-être  mieux 
qu'ailleurs  résumer  dans  ces  deux  mots  :  Dieu  et  Patrie. 

Quelques  pans  de  murs,  vieux  restes  des  fortifications  pres- 
que entièrement  disparues,  rappellent  le  souvenir  d'une  de  ces 
confréries  établies  à  Caudecoste  dans  un  siècle  de  foi.  De  la 
chapelle  des  Pénitents,  il  ne  reste  rien  autre  chose  et  la  rue 
(iaiou  semble  présentement  oublier  ses  origines  à  jamais  célè- 
bres, barbare  héritière  des  noms  de  la  <<  Cotelerie  »  et  de  Saint- 
Jean. 

Dans  ce  chanq)  où  est  déjà  passé  un  infatigable  moiîjson- 
neur  (1),  nous  nous  permettons  cependant  de  glaner  quelques 
épis  oubliés  par  mégarde,  et  dans  ce  travail  nous  ajouterons 
quelques  précisions  qui  nous  feront  mieux  connaître  la  Con-  ' 
frérie  des  Pénitents  blancs  de  la  ville  de  Caudecoste. 


(1)  \f.  Dubourg,  curé  de  Layrac,  dans  sa  Monographie  de  Caudecoste. 


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—  :i5i  — 


PREMIÈRE  PARTIE  (1624-1717) 


Chapitre  I«^r.  _  Occasion  4c  la  ffondatloa  do  la  Confrérie. 

a)  Helèvemenl  des  ruines  nialérielles  el  morales.  —  Les  lul- 
los  politiques  et  religieuses  n'avaient  |>as  épargné  le  Binilhois  : 
Layrac  et  ses  environs  avaient  ressenti  les  atteintes  du  Protes- 
tantisme. Cette  ville  fut  un  lieu  de  refuge  accordé  par  Henri  l\ 
à  ses  coreligionnaires  (1).  On  ne  trouve  néanmoins  aucune 
trace  de  Thérésie  de  Calvin  à  Caudecosle.  Bien  au  contraire, 
les  documents  qui  nous  ont  gardé  le  souvenir  du  sac  et  du  pil- 
lage de  cette  ville  en  1623  attestent  hautement  les  sentiments 
catholiques  de  cette  population.  Guillaume  de  Labat,  recteur 

de  Saint-Sixte,  rapporte  :  «  Et  ce  qui  scandaliza  beaucoup 

«  les  habitants,  ce  fut  de  voir  (|ue  les  soldats  mangeaient  de  la 
<(  chair,  bien  que  ce  fut  en  temps  de  Carême.  Et  les  bouchers 
((  durent,  par  ordre,  coupper  et  vendre  chair  publiquement 
<f  afin  d'ajoutei'  le  sacrilège  el  le  blasphème  aux  viols  et  aux 
«  pilleries...  (2).  » 

Il  fallait  relever  les  ruines  matérielles  et  morales.  N'écoulant 
que  leur  sentiment  patriotique  et  religieux,  les  habitants  de 
Caudecoste  se  mirent  résolument  à  Tœuvre.  Les  fortifications 
furent  réparées  sous  la  direction  des  consuls.  Ce  travail  était 
terminé  en  1627,  lorsque  M.  de  Chastenet  vint  faire  la  visite  de 
Caudecosle  dont  il  trouva  les  murailles,  les  tours,  les  fossés 
convenablement  entretenus. 

A  cette  é|>oque,  (Caudecosle,  petite  juridiction  du  lîridhois 
(m  Armagnac,  comprenait  une  popidation  assez  dense  et  ses 
habitants  sentirent  le  besoin  de  s'unir  pour  résister  i>lus  effi- 
cacement aux  ennemis  de  leur  pays,  ronnne  aussi  à  la  dispa- 
rition ou  à  la  diminution  de  res])ril  religieux,  ('et  adage* 
H  {Union  fait  la  lonc  »  n'avait  pas  échappé  à  ce  j>euple  éprou- 
vé. Mus  par  un  sentiment  de  piété  et  de  charité,  ils  essayèrent 


(1)  \'.  M.  Duboiirg.  M onoif rapine  de  Caudecosle,  p.  87. 

(2)  Ibid.,  p.  104. 


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—  355  — 

de  retirer  le  plus  grand  bien  d'une  association  religieuse-  De 
là,  en  1G24,  la  fondation  des  Pénitents  blancs.  Cette  confrérie 
vint  s'ajouter  à  d'autres  déjà  établies  sous  le  vocable  de  Sainte 
Marie-Magdeleine,  de  Saint-Jean,  de  Saint-Joseph,,  de  Saint- 
Eutrope.  Loin  de  semer  la  zizanie  ou  la  division,  cette  œuvre 
fut  comme  un  ferment  nouveau  d'union,  de  charité,  de  dévoue- 
ment. 

Le  vent  soufflait  alors  à  la  formation  des  associations  reli- 
gieuses que  nous  trouvons  dans  y>resque  toutes  les  villes  du 
Midi:  et  notre  liascogne,  si  réfraclaire  maintenant  aux  idées 
religieuses,  vivait  alors  d'une  vie  catholique  intense.  Témoins 
pour  notre  pays,  les  confréries  de  Dunes,  d'Astaffort,  de  Lay- 
rac,  d'Agen,  etc..  Chaque  hameau,  chaque  village,  chaque 
agglomération  se  faisait  un  honneur,  par  des  obligations  vo- 
lontairement acceptées  et  scrupuleusement  gai'dées,  de  contri- 
buer à  la  pi'ospérité  et  à  la  bonne  harmonie  de  la  société  dont 
il  était  le  centre. 

b)  Reyislre  de  la  Conirérie.  —  Nous  avons  vu  dans  les  archi- 
ves paroissiales  de  Caudecoste  ce  précieux  registre  de  176  pa- 
ges qui  renferme  toute  la  vie  matéiielle,  morale  et  religieuse 
de  la  confrérie.  Nous  y  trouvons  les  Statuts  approuvés  par  les 
évêques  de  ('ondom  en  cours  de  visite  pastorale,  l'admission 
(les  sociétaires,  l'élection  des  officiers,  les  travaux  exécutés  à 
la  chapelle,  les  règlemenls  de  comptes,  les  inventaires,  les  res- 
sources et  les  dépenses  effectuées.  La  diversité  du  style  et  des 
écritures  depuis  les  procès-verbaux  corrects  et  mei^veilleuse- 
ment  tracés  des  notaires  et  des  prêtres,  jusqu'au  relevé  de 
compte  des  humbles  et  modestes  ouvriers  fonne  un  tout  remar- 
quable de  beauté  et  de  perfection  qui  réjouit  le  chercheur  et 
étonne  le  connaisseur. 

C'est  vraiment  une  belle  page  de  l'histoire  religieuse  de  Cau- 
decoste écrite  par  les  contemporains  de  ces  temps  d'autrefois. 
Nous  y  relevons  les  noms  des  anciens  recteurs  de  la  paroisse  et 
de  leurs  vicaires  avec  ceux  des  prêtres  obituaires,  des  curés 
des  paroisses  environnantes  qui  ont  été  affiliés  à  la  confrérie 
et  qui  ont  partagé  ses  fêtes.  En  même  temps  nous  avons  une 


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—  35«  — 

idée  de  la  culture  intellectuelle  de  ce  peuple  et  de  la  situation 
d'un  certain  nombre  de  familles  qui  n'ont  pas  encore  disparu. 
La  fondation,  le  but,  l'administration,  les  travaux,  les  actes 
de  celle  confrérie  rempliront  le  modeste  cadre  que  nous  nous 
sommes  proposé. 


Chapitre  IL  --  Appratotloii  dos  Statuts. 

f^s  Slaluts  sont  l'œuvre  d'un  pi'ctre  pieux  et  zélé  qui  n'a 
pas  mis  son  nom  au  bas  de  ce  document  précieux.  Sans  doute 
ils  ont  pu  être  copiés  dans  quelques  dispositions  générales  sur 
ceux  des  confréries  existantes  ou  similaires,  mais  les  disposi- 
tions particulières  témoignent  combien  dans  le  plus  humble 
village  les  âmes  éprises  de  l'idéal  divin  s'appliquaient  à  la  per- 
fection. 

L'Association  fut  fondée  pour  procurer  un  plus  grand  bien 
à  ses  membres.  Dès  la  première  ligne  des  Statuts,  les  fonda- 
teurs nous  disenl  qu'ils  ont  eu  en  vue  l'union  des  coeurs  et  des 
âmes.  Leur  Société  s'apjxîllera  «  V Union  de  Dieu  ».  Pour  réa- 
liser ce  programme,  Dieu  vivra  dans  les  cœurs  et  son  esprit 
rayonnera  comme  sa  charité  dans  l'Association.  Tout  cela  sera 
rédigé  en  dix  j)aragraphes  empreints  d'une  foi  digne  des  pre- 
miers âges  de  l'Eglise. 

Erigée  sous  le  nom  de  la  Bienheureuse  Vierge  Marie,  sous  le 
vocable  de  Sainl-Jean-Baptisle,  l'Association  aura  pour  mem- 
bres une  élite  qui  gardera  religieusement  les  préceptes  de  Dieu 
el  de  l'Eglise,  qui  vivra  de  la  vie  chrétienne  par  la  réception 
fréquente  des  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie.  Ainsi 
seront  célébrées  les  quatre  fêtes  annuelles,  le  Corpus  Christi, 
l'Assomption,  la  Nativité,  la  Purification  el  l'Annonciation  de 
la  Très  Sainte  Vierge  ;  ces  mêmes  jours,  son  office  sera  récité 
allernativement  c'esl-à-dire  en  clueui*.  11  en  sera  de  même  le 
jour  du  saint  Pation,  mais  de  plus  les  confrères  assisteront  à 
la  procession  revêtus  de  leur  sac  de  toile  blanche,  nu-pieds, 
un  flambeau  à  la  main  et  chantant  des  hymnes  à  l'honneur  de 
la  fête.  Tous  les  samedis  seront  sanctifiés  par  le  jeûne  en  l'hon- 


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—  357  — 

neur  de  la  Très  Sainte  Vierge,  et  ces  mêmes  jours  on  fera  dire 
une  messe  aux  intentions  de  la  Confrérie  à  l'issue  de  laquelle 
on  chantera  le  Stabal  et  le  soir  il  y  aura  réunion  dans  la  cha- 
pelle pour  la  récitation  ou  le  chant  des  Litanies.  Deux  proces- 
sions solennelles  en  l'honneur  de  l'Eucharistie  auront  lieu  tous 
les  ans  auxquelles  les  pénitents  assisteront  vêtus  de  leur  sac 
et  nu-pieds.  Enfin  les  statuts  règlent  les  obligations  à  l'égard 
des  confrères  malades,  défunts  ou  plaideui^  pour  s'occuper  en 
dernier  lieu  des  indignes  que  l'assemblée  réunie  pourra  rejeter 
hors  de  son  sein. 

Tout,  dans  ces  statuts,  chaque  mot,  chaque  pensée  émane  de 
l'idée  religieuse.  Vivre  en  bons  chrétiens,  se  sanctifier  par  des 
œuvres  de  perfection,  voilà  le  but  des  fondateurs.  Ils  se  propo- 
sent d'améliorer  la  Société  par  l'influence  logique  et  rigou- 
reuse de  cet  esprit  de  charité  apporté  au  monde  par  le  Christ, 
('e  fut  l'unique  ambition  de  ces  âmes  nobles  et  généreuses  qui 
s'empressèrent  de  profiter  de  la  visite  pastorale  de  Monsei- 
gneur de  Condom,  Antoine  de  Cons,  pour  faire  bénir  et  ap- 
prouver l'œuvre  naissante.  «  A  vous,  Mgr  le  Révérendissimc 
«  Evêque  de  Condom,  exposent  en  toute  humilité  quelques 
«  habitants  de  la  ville  de  Caudecoste  bas-nommés  comme  ainsi 
•<  s<ut  que  le  Père  de  bonté  ne  veut  point  la  mort  du  pécheur, 
'•<  mais  qu'il  se  convertisse  et  qu'il  vive  pour  faire  des  fruits  di- 
«  gnes  de  pénitence  les  ave  inspirés  de  se  mettre  sous  le  doux 
"  joug  de  Jésu5?,  joug  de  pénitence  pour  le  suivre  au  mieux 
«  qu'il  leur  sera  possible,  portant  une  croix  et  imitant  selon 
«  leui's  petites  forces  cet  exemplaire  qui  leui'  a  été  montré  sur 
'<  les  crouppes  du  Calvaiie.  Ils  ont  estimé  et  cru  ne -le  pouvoir 
«  raisonnablement  ni  mériloirement  faire  sans  l'aveu  de  Celui 
'<  à  qui  a  été  donné  de  Dieu  le  soin  de  leurs  âmes  et  de  leur 
"  salut.  C'est  pourquoi  ils  ont  à  présent  recours  à  vous  espé- 
'<  l'ant  de  votre  bonté  pastorale  d'autant  plus  de  faveur  pour 
«  ce  regard  que  {)lus  ce  ([u'ils  vous  demandent  vise  à  la  gloire 
'«  de  Dieu  et  à  l'exaltation  de  la  sainte  Eglise  et  au  bien  des 
<(  ûmes  :  trois  choses  qui  sei-vent  de  but  et  de  visée  à  tous  vos 
^<  desseins  et  actions.  Ils  vous  supplient  donc  qu'agréant  leurs 
«  pieux  projets,  il  vous  plaise  leur  permettre  qu'à  l'imitation 


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—  358  — 

»  (le  plusieurs  auties  villes  ils  érigent  dans  lad.  ville  de  Cau- 
«  decosle  une  confrérie  de  pénitents  blancs  sous  l'invocation 
(»  de  la  Très  Sainte  Vierge  et  du  prédicateur  de  pénitence 
«  Saint-Joan-Baptiste  ;  et  pour  ce  sujet  appn)uver  les  articles 
«  qu'ils  vous  ont  proposés  ci-dessus,  écrits  pour  être  inviola- 
«  blement  obsenés  des  confrères,  et  en  outre  assigner  dans 
«  lad.  ville  un  lieu  et  place  pour  y  bàlir  une  chapelle  en  la- 
'•  ([uelle  ils  puissent  s'assembler  et  faire  tout  ce  (|ui  sera  de 
«  leur  devoir.  Ce  faisant,  vous  obligerez,  ^Monseigneur,  lesd. 
«  suppliants  à  prier  Dieu  pour  votiv  [n-ospérité  et  santé.  >' 

Mgr  de  (^ondom  encouragea  cl  l)énit  cette  (euvre,  il  l'enri- 
chit d'indulgences.  X'oici  d'ailleurs  la  teneur  de  son  Approba- 
tion : 

«  Antoniusmiseiatione  divina  Kpiscopus  Condoni.  visis  sta- 
<'  tutis  a  libello  suplici  pouiilenliuru  alboruni  dictoi'um  conli- 
«  nente  (pialenus  dictani  confraternitateni  sub  invocatione 
«  Sancti  Joannis  Baptistîe  inslitutam  necnon  statuta  illius  su- 
<(  perius  descripta  et  contenta  a|)robare  auclorilateque  nostra 
«  illa  niuniri  et  confu-rnare  dignemur.  Xos  igitur  devotionem 
«  dictorum  pœnitentiuni  favere  volentes  illorunique  precibus 
«  annuenles,  dictam  donfraternitatem  cum  suis  slatulis  supra- 
«  dictis  approbamus:  ilHsque  auctoritatem  noslram  apponi- 
i<  mus.  Prœterea  de  misericordia  Dei  omnipolentis  confisi 
ce  predictis  confratribus  indulgentiam  quadraj^inta  dierum  in 
«  die  receptionis  sua^  et  in  diebus  quibus  secundum  statuta 
«  pra»dicta  sacrosanclum  Eucharistiie  sacramentum  récipient 
<(  et  officiis  pnedictcv  confratrite  intererunt,  in  Domino  cpnce- 
«  dimus.'  In  quorum  (idem  subscripsimus  in  oppido  Calida^ 
«  Costie  nostra^  di(vcezis,  ecclesiam  parrochialem  dicti  loci  vi- 
('  sitantes  die  vigezima  tcrtia  mensis  maij  anno  Dni  mill° 
('  sexcenf'  vigesimo  quarto  Beatissinue  semi)er  Virginis  Ma- 
(•  ria^  necnon  +  C.  O. 

((  Antonjis,  E.  ('oxdom. 

((   De  mandato  dicti  Dni  Ueverendi  Epi. 
((  Jau,  Secrelus.  » 


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Tandis  que  Mgr  de  Condom  visitait  son  peuple  et  accueillait 
favorablement  la  requête  des  fondateurs  en  l'enrichissant  des 
Indulgences  qu'il  pouvait  accorder  de  son  autorité  épiscopale, 
il  fut  très  certainement  mis  au  courant  des  projets  de  la  cons- 
truction de  la  future  chapelle.  Il  dut  appmuver  séance  tenante 
le  lieu  et  la  place  choisis  puisqu'il  n'en  est  pas  parlé  dans  l'ap- 
probation citée  ci-dessus. 

Monseigneur  (liarles-Louis  de  Lorraine,  évèque  de  Con- 
dom, approuva  de  nouveau  la  ('onfrérie  en  16G7,  le  14  juillet. 
Il  la  confh'ma  dans  ses  Indulgences  et  privilèges.  En  tournée 
épiscopale  à  Caudecoste,  il  paraît  s'être  particulièrement  in- 
téressé à  cette  œuvre.  ((  Confraternitatem  predictam  pœniten- 
((  tium  ejusque  supra  scripta  staluta  approbamus  et  confirma- 
««  mus  cum  iisdem  privilegiis  et  indulgentiis  quaî  a  prœdeces- 
»<  sore  nostro  illis  fuere  concessa.  Datum  in  oppido  de  Caude- 
('  coste    die  décima    quarla  Julii    1607  in    cursu    visitationis 

«(  nostra^. 

«    L  +  S.  C.VHor.i  s  LunovKis  a  Lotil\ringia, 
Episcopus  Condomiensis, 

«  De  mandate  dieli  lliustrissimi  et  Revercndissimi  Domini  Domini 

Episcopi  Condomiensis. 

«  Champestiœ,  secrél.  » 


Chapitre  III.  —  Chapolto  des  Pénitents  blancs. 

a)  Conslruclion.  —  A  peine  Mgr  de  Cons  a-t-il  quitté  Caude- 
coste que  les  fondateurs  de  la  nouvelle  confrérie  se  mettent  ré- 
.^olûment  à  l'œuvre.  La  maison  visitée  par  Sa  Grandeur  est 
achetée  el  très  vite  elle  est  ap])ropriée  aux  l)esoins  du  culte. 
Le  procès-verbal  qui  suit  nous  donne  sur  ce  point  tous  les  ren- 
seignements voulus.  «  L'an  1624  et  le  13**  jour  du  mois  de  juin, 
"  jou!"  d'Octave  de  la  I^'él(î-l)ieu,  dans  la  ville  de  ('audecosle, 
*•  à  la  ré([uisilion  desdits  Labalul,  (ialabrun,  Lanarès,  Daune- 
«<  fort,  rhoron,  Dusol  el  Demaux,  confrères  el  pénitents 
'(  blancs,  et  en  vertu  du  pouvoir  à  nous  donné  par  Mgr  le  Ré- 
<(  vérvndissime  l^vèqiie  de  ('ondom,  après  avoir  le  jour  aupa- 
«  ravani,  planté  une  gi*ande  croix  au  lieu  destiné  pour  l'aule^ 


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—  3(iÛ  — 

de  lad.  chapelle,  la  pierre  angulaire  et  fondamentale  a  été 
aussi  par  nous  Léonart  Dubon,  licencié  en  théologie  et  rec- 
teur de  la  présente  ville,  mise  et  posée  au  lieu  et  place  dési- 
gnée i)0ur  construire  une  cha[)elle  j)0ur  l'usage  et  service 
desd.  pénitents  en  la  rue  appelée  ci-devant  «  la  Cotderie  »  et 
à  présent  de  nouveau  nommée  Saint-Jean  dans  led.  ('aude- 
coste  et  au  fond  d'icelle  du  coté  de  main  droite,  selon  le  pou- 
voir octroyé  i)ar  Mondit  Seigneur  de  (-ondom,  lors  de  sa 
visite  en  la  présente  vilU*  qui  fut  le  2.T  mai  dernier  ainsi 
(pi'est  contrtMé  au  présent  livre  de  leur  érection  et  statuts. 
Laquelle  pieiTe  après  être  bénite  a  été  placée  contre  la  mu- 
raille de  la  ville  droit  place  désignée  pour  Tautel  du  côté  de 
1  e[)itre  et  a  été  mise  dans  ladite  pierre  marquée  de  cinq  croix 
la  présente  inscription  :  «  liic  primarius  lapis  benedictus  et 
impositus  est  in  fundamenlo  hujus  sacelli  c(msecrandi  ad 
honorem  Dei  omnipolentis,  B.  Maria»  Virginis  et  Sancii 
Joannis  Baptista^  a  magistro  Leonaido  Dubon  pbro  et  hu- 
jusce  urbis  rectoi-e  anno  l)ni  millesimo  sexcentesimo  vige- 
simo  quaito  die  décima  terlià  Junii  sedente  l'rbano  oclavo 
Summo  P(mli(ice  stante  Anthonio  de  Cons  Condomiensi  Epo 
et  régnante  Ludovico  tertio  francorum  et  Xavarniî  rege  ad 
instantiam  totius  Congregationis  alborum  iximitentium  de 
licentiû  et  consensu  dicti  Domini  Reverendissimi  Episcopi 
in  bac  urbe  institula»  et  approbabe.  >• 

«  A  la  dite  inscription  se  sont  signés  led.  Hebon  et  susdits 
confrères  fundateurs.  f^iis  les  fondements  qm  étaient  ou- 
verts ont  été  bénis  et  aspergés  v[  ce  fait  après  avoir  fait  priè- 
res générales  pour  l'I^lglise,  le  Hoy.  Et  le  i)euple  chantant  le 
Te  Dcum  en  actions  de  grâces,  nous  v\\  sonnnes  revenus  en 
l'église  parrochelle  de  ladite  ville  d'où  nous  étions  sortis 
revélus  de  nos  aubes,  surplis  et  pluvials.  El  tout  incontinent 
la  pi'ocession  en  le  jour  accoutumé  a  été  par  nous  faite  par 
ladite  ville  et  tous  ci-dessus  présents  et  assistants  les  soussi- 
gnés confrères,  messieurs  les  consuls  el  autres  habitants  en 
bon  nombre  dudit  Caudecosle. 

«  Signés  :  Dkhox,  rect^HU*  ;  Baplacl,  consul;  Dalnefoht, 
i*(M*leui'  de  Saint-Denis:  Dtmaix,  prêtre  assistant  : 
Dliolh,  prêtre  assistant,  recteur  de  Faits.  » 


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QoO^Qi 


li)  Bénédiction.  —  Xolre  persuasion  est  qu'on  a  adapté  un 
chai  ou  une  grange  aux  besoins  du  culte,  car  dix  jours  après 
eut  lieu  la  bénédiction  de  la  chapelle.  Mgr  de  Condom  fut  avisé 
i\r  la  célérité  avec  laquelle  les  travaux  étaient  poussés  et  il 
écrivit  à  M.  le  Recteur  :  «  Je  suis  bien  aise  que  les  pénitents 
"  aient  déjà  accommodé  leur  chapelle.  Je  vous  donne  pouvoir 
«  de  la  bénir,  afin  que  désonnais  ils  puissent  faire  dire  messe 
«  et  y  célébrer  les  autres  offices  divins  et  puissent  commencer 
('  à  cette  fêle  de  S.  Jean.  Je  vous  donne  pouvoir  aussi  de  bénir 
a  leurs  aubes  et  ornements.  Pour  les  corporaux,  quand  quel- 
«  qu'un  de  Caudecosie  viendra  ici,  vous  poun^ez  les  lui  bailher 
((  pour  les  m'apporter  et  je  les  bénirai.  Et  en  cet  endroit  je 
((  vous  assurerai  que  je  suis 

«  Do  Condom,  ce  22  juin  1024. 

"    AXTOINK,    E.   DK   CoNDOM.    )• 

(yetle  lettre,  remise  au  Recteur  de  Caudecosie  par  les  soins 
d'un  commissionnaire  dépéché  par  lui,  permit  de  faire  la  béné- 
diction solennelle  de  la  chapelle  le  lendemain.  «  Est  advenu  ce 
«<  dimanche  2^"  jour  du  mois  de  juin,  veille  de  la  fête  de 
<•  S.  Jean  Baptiste  1624,  heure  de  8  heures  du  matin,  par 
'(  Nous  Léonard  Debon,  licencié  en  théologie,  prêtre  et  recteur 
«  de  la  présente  ville,  du  pouvoir  délivré  de  Rome  aud.  frère 
«  en  Dieu  Messire  .Anthoine  de  Cons,  évoque  de  Condom,  a  été 
«  procédé  à  la  bénédiction  de  la  chapelle  érigée,  fondée  et 
«  bâtie  en  la  présente  ville  par  les  susd.  pénitents  blancs,  à  la- 
«  quelle  chapelle  de  l'église  parrochelle  en  là  nous  sommes 
«  acheminés  en  procession  et  après  icelle  avoir  visitée  dehors 
«  et  dedans,  et  trouvée  en  état  de  pouvoir  célébrer  sans  danger 
((  de  scandale,  l'avons  bénite  dehors  et  dedans  selon  qu'est 
«  porté  dans  le  Pontifical  et  Rituel  rorilain  avec  les  cérémonies 
<i  en  ce  cas  requises,  et  la  bénédiction  parachevée  a  été  par 
«  nous  et  autres  prêtres  soussignés,  dite  et  chantée  une  grand 
«  messe  à  dilacre  et  sous-diacre  de  la  dominique  courante 
(t  qu'est  la  quatrième  après  la  Pentecôte  et  a  été  dédiée  et  bé- 
'(  nite  sous  le  nom  el  invocatiim  de  la  glorieuse  Vierge  et  do 


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—  :m  — 

((  Monsieur  S.  Jean  Baptiste  à  condition  que  par  ci-après  en 
((  lad.  chapelle  ne  pourra  être  officié  ou  célébré  pendant  que  le 
((  divin  office  le  sera  en  Téglise  parrochelle  Sainte  Marie  Mag- 
«  dalene  de  la  présente  ville,  ni  aucun  sacrement  que  de  çéni- 
«  tence  et  de  Tautel  être  administré  ou  office  parrochel  fait  au 
«  préjudice  des  droits  cui'iaux.  Même  les  confrères  cjui  sont  oii 
<*  seront  en  lad.  chapelle  ne  pourront  être  exempts  du  devoir 
'(  (jue  doivent  à  Pâques  chacun  à  son  curé.  De  laquelle  béné- 
«  diction,  procession  et  autres  offices  par  nous  faits,  avons 
<(  dressé  notre  présent  procès-verbal  pour  être  remis  et  porté 
«  à  mondit  Seigneur  le  Révércndissime  Evêque  de  Condoni 
((  pour  notre  décharge.  Copie  duquel  nous  avons  expédié  aux 
((  dits  confrères,  ensemble  délivré  la  missive  de  mondit  Sei- 
(c  gneur  à  nous  adressante  portant  pouvoir  de  faire  la  bénédic- 
<(  tion  qu'ils  ont  obtenue  pour  leurs  soins  comme  de  raison. 
<(  Fait  à  Caudecoste  led.  jour  23*^  du  mois  de  juin  162i. 

<(  Présents  les  soussignés  :  Debon  recteur,  Delblancuot 
<i  prêtre  recteur  de  S'-Sixte  assistant,  Raplace  consul,  autre 
((  prêtre.  » 

Ces  deux  dernières  pièces  nous  montrent  combien  les  canons 
du  concile  de  Trente  étaient  respectés.  C'est  d'abord  l'Evêquc 
qui  accorde  le  pouvoir  de  bénir  le  nouveau  temple,  mais  qui  se  , 
rései-ve  la  bénédiction  des  linges  sacrés  de  l'autel.  Puis  c'est 
la  réserve  des  droits  curiaux  et  l'affirmation  de  la  juridiction 
curiale  sur  les  paroissiens  au  temps  pascal.  L'accessoire  ne 
peut  et  ne  doit  pas  détruire  le  principal  et  l'essentiel  ;  le  devoir 
d'abord  dans  son  église  paroissiale  et  puis  les  œuvres  de  per- 
fection. \'ous  y  voyons  encore  la  reconnaissance  claire  et  ex- 
plicite des  droits  du  curé  au  temporel  car  celui  qui  a  charge 
d'Ames  a  droit  aux  bénéfices  de  sa  charge.  Dépendance  du  curé 
à  l'égard  de  son  Evêque,  dépendance  des  paroissiens  à  l'égard 
de  leur  curé,  tout  ici  s'affirme  méthodiquement  et  rigoureuse- 
ment. L'ne  dernièi'e  remarque  s'impose  :  la  liturgie  romaine 
était  en  honneur  en  France  et  pour  rompre  cette  unité  dans 
l'Eglise,  il  faudra  que  soient  promulguées  plus  tard  les  libertés 
de  l'Eglise  gallicane.  Cette  diversité  disparaîtra  un  jour  et  vers 


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le  milieu  du  xw"  siècle  la  France  reprendra  à  peu  près  partout 
la  liturgie  des  Pontifes  romains. 

Chapitre  IV.  —  La  Clocha  te  la  Chapalla. 

a)  Bénédiction.  -  La  chapelle  était  bâtie,  aménagée,  les  of- 
fices s'y  célébraient  régulièrement  suivant  les  statuts,  mais  elle 
était  muette.  La  cloche  arriva  à  son  heure,  petite  il  et?t  vrai,  du 
poids  de  40  livres,  mais  le  nouveau  temple  eut  sa  voix.  La  pa- 
roisse de  Caudecoste  étant  veuve  de  son  pasteur,  Mgr  de  Cons 
délégua  pour  la  bénir  M.  Demaux,  recteur  de  Cuq  et  affilié  à 
la  Confrérie.  «  M.  Demaux,  lui  écrivit  le  Prélat,  vous  pourrez 
('  bénir  la  cloche  que  les  pénitents  blancs  de  Caudecoste  ont 
«  fait  faire,  comme  aussi  vous  pourrez  les  ouïr  en  confession 
«  et  leur  administrer  le  S.  Sacrement  d'Eucharistie  hors  le 
('  temps  de  Pâques,  auquel  vous  les  renvoyez  à  leur  curé  ou 
"  à  ses  vicaires  et  pai'  ce  je  suis  votre 

«  De  (>assagne,  ce  18  décembre  1627. 

«'  Antoine,  E.  de  Condom:  » 

La  bénédiction  de  cette  cloche  eut  lieu  le  2  janvier  1628  sui- 
vant le  procès-verbal  qui  en  fut  dressé.  «  L'an  1628  et  le  diman- 
«  che  second  jour  du  mois  de  janvier  dans  lad.  chapelle  des 
«  Pénitents  par  x\oui=^  Jean  Demaux,  prêtre  et  recteur  de  Cm|, 
a  confrère  en  la  Congrégation,  assisté  des  sieurs  Jean  Deblan- 
'(  chot,  prêtre  et  recteur  de  S*^-Sixte,  et  Jean  Dauneforf-,  aussi 
((  prêtre  et  recteur  de  S'-Denis,  suivant  le  pouvoir  au  susd. 
«  Daunefort  et  autorité  de  Mgr  Antoine  de  Cons,  évêque  de 
«  Condom,  et  donnéen  sa  lettre  écrite  et  signée  de  sa  propre 
«  main,  datée  à  Condom  le  18  déc.  1627,  en  la  présence  de  la 
«  plupart  des  confrères  et  grand  nombre  d'habitants,  a  été 
'(  procédé  avec  les  solennités  en  tel  cas  requises,  à  la  bénédic- 
«  tion  de  la  cloche  étant  pour  le  jour  d'huy  dans  lad.  chapelle 
«  et  pour  l'usage  d'icelle  du  poids  environ  de  46  livres  tenue 
((  par  Jean  Galabrun,  un  desd.  confrères,  et  Jeanne  Daunefort, 
((  femme  de  Jean  Demaux  auxquels  du  commun  consentement 


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«  de  la  Congrégation  a  été  donnée  pour  parrain  et  marraine. 
«  En  foi  de  quoi  nous  sommes  signés  avec  lesd.  Deblanchot, 
^(  Daunefort  cl  Galabrun,  parrain,  n'ayant  lad.  Daunefort, 
«  marraine,  signé  pour  ne  savoir.  » 

(Suivent  les  signatures.) 

Evidemment  on  dut  prendre  le  parrain  et  la  marraine  parmi 
reux  qui  avaient  été  les  principaux  bionfaileurs.  Les  confrères, 
d'ailleurs,  rendirent  encore  hommage  à  leur  nouvel  aumônier 
en  prenant  sa  mère  pour  marraine. 

b)  Histoire  de  cette  cloche.  —  Lorsque  vinrent  les  temps 
malheureux  du  siège  et  de  la  prise  de  Caudecoste  en  1652,  le 
prince  de  Conti,  frère  du  grand  Condé,  ne  garda  pas  la  parole 
donnée  aux  vaincus.  Il  ne  conserva  pas  la  foi  du  traité  et  il 
laissa  les  soldats  se  livrer  à  toutes  les  hontes  et  à  toutes  les  tur- 
pitudes ainsi  qu'à  tous  les  sacrilèges.  Il  s'oublia  même  jusqu'à 
ordonner  le  pillage  qui  commença  par  les  églises.  La  cloche 
des  pénitents  fut  vendue  par  un  canonier  à  la  chapelle  Sainte- 
Catherine  hors  les  murs  d'Agen  et  on  la  retrouva  plus  lard  au 
pouvoir  d'un  nommé  Chadella.  Mais  citons  le  manuscrit  de 
l'époque  :  «  En  Tannée  1652  et  au  mois  de  janvier,  la  ville  de 
^  Caudecoste  avait  été  assiégée  par  Mgr  le  prince  de  Conty  et 
H  demeuré  devant  icelle  avec  deux  pièces  de  canon  et  4.0()0 
((  hommes  l'espace  de  onze  jours  enfin  a  manqué  par  M.  le 
'(  marquis  de  Saint-Luc  et  M.  de  Marin  d'avoir  voulu  délivrer, 
«  secourir  les  habitants  comme  led.  s""  Marin  avait  fait  lors  du 
«  premier  siège.  Iceux  habitants  auraient  été  contraints  capi- 
<(  tuler  sous  de  bons  articles,  auraient  livré  lad.  ville  au  pou- 
<(  voir  du  Seigneur  prince,  lequel  après  avoir  entré  dans  lad. 
«  ville  avec  toute  son  armée  au  lieu  d'observer  les  promesses 
«  cont-enues  ès-articles,  aurait  commandé  le  pillage  général 
u  comme  aurait  été  fait  do  toute  la  ville  et  commencé  par  les 
<t  églises,  et  commis  beaucoup  d'actes  d'hostilité,  même  au- 
«  raient  été  commis  luxure  dans  la  chapelle  de  la  Congréga- 
«  tion  S.  Jean  et  au  moyen  de  ce  rendre  lad.  chapelle  polluée 
«  et  privé  les  confrères  y  faire  aucun  office.  Et  le  canonier  em- 


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—  3(15  - 

«  porta  la  cloche  d'icelle  quoiqu'elle  ne  l'ail  prise  juste  ensem- 

<i  ble  toutes  les  autres  de  la  ville.  Lad.  chapelle  aurait  demeuré 

Cl  en  l'état  depuis  le  jour  de  la  réduction  qui  fut  le  matin  de 

<(  N.-D.  de  la  Chandeleur,  le  6  du  mois  de  février  en  lad.  année 

«  1052  jusques  en  l'année  1053  et  le  jour  du  Jeudi-Saint  que 

<(  par  la  sollicitation  et  grand  soin  pris  par  Messieurs  de  Tho- 

(.  ron  jeune,  Hergognié,  notaire,  et  Dauneforl  jeune,  greffiei , 

"  confrères  c|ui  auraient  obtenu    l'ouvrir   el    communication 

t<  pour  faire  rebénir  lad.  chapelle  comme  aurait  été  fait  par 

«  Monsieur  Cosle,  recteur,  led.  jour  du  Jeudi-Saint  et  la  messe 

H  fut  dite  par  Monsieur  Dauneforl,  prêtre  docteur,  sans  qu'il 

<*  y  eut  sollicitation  d'autres  confrères  en  moins  au  recouvre- 

<»  ment  de  la  cloche  qui  aurait  été  vendue  par  le  canonier  à  la 

«  chapelle  Sainte-Catherine  hors  les  murs  d'Agen  et  y  était  au 

'i  pouvoir  par  deux  diverses  Ordonnances  l'une  étant  rendue 

<(  par  M.  de  Pontac  lors  intendant  soussigné  autorisé  de  Mgr 

u  le  Comte  d'Harcourt,  général  des  armées  du  Roi  en  Guyen- 

H  ne,  et  la  dernière  par  Mgr  le  duc  de  Candalle  à  présent  gé- 

c(  néral  des  armées  du  Roi  en  Guyenne  laquelle  cloche  ils  au- 

M  raient  recouvert  sans  rendre  l'argent  ([u'on  avait  promis 

«  parce  que  les  choses  sacrées  ne  doivent  point  être  comprises 

<'  dans  des  articles  car  ce  serait  faire  des  sacrilèges  et  n'au- 

«  raient  avancé  que  les  frais  pour  loblenlion  des  Ordonnances 

H  et  de  leur  argent  el  à  présent  lad.  chapelle  est  en  son  premier 

:(  état. 

«  Fait  et  écrit  au  présent  lieu  pour  servir  de  mémoire  à 
(i  l'avenir  dans  lad.  chapelle  le  3*  avril  1653  par  moi  Daune- 
((  fort,  confrère  soussigné,  secrétaire.  » 

Cette  cloche  resta  à  Caudecosle  jusqu'à  la  Révolution.  A  ce 
moment  les  Révolutionnaires  ne  surent  pas  la  respecter,  pas 
plus  d'ailleurs  que  celles  de  l'église  Sainte-Madeleine.  Des  q\ia- 
tre  cloches  que  possédait  cette  ville,  il  n'en  resta  plus  qu'une 
seule. 

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m\  — 


Chapitre  Y.  — 

a)  Olfice  de  la  Très  Sainte  Vierge.  —  A  trois  quarts  de  siè- 
cle de  distance,  en  1031  et  en  1712,  la  contagion  et  la  peste  vin- 
rent fondre  dans  le  pays  de  Gascogne  et  la  ville  de  (3audecoste 
(ut  particulièrement  éprouvée.  Aux  époques  de  grande  cala- 
mité, les  sentiments  religieux  se  réveillent  dans  l'impuissance 
où  l'homme  se  trouve  d'arrêter  les  fléaux.  Les  Pénitents 
blancs  de  Caudecoste  étaient  hommes  trop  religieux  pour  ne 
pas  s'imposer  des  sacrifices  dans  le  but  de  désarmer  la  colère 
de  Dieu.  Afin  d'obtenir  gain  de  cause  ils  prièrent  la  Très  Sainte 
Vierge  patronne  de  letu-  Confrérie,  promettant  de  réciter  ou 
plutôt  de  chanter  l'Office  de  Notre-Dame  tous  les  dimanches 
à  la  pointe  du  jour.  Ils  s'adressèrent  à  l'autorité  ecclésiastique 
poui"  taire  approuver  cette  dévotion.  «  A  vous.  Monseigneur 
•(  le  Révérendissime  Evéque  de  Condom  supplie  humbleiAenl 
•(  M'  Jean  Dupouy,  prêtre  et  prieur  des  Pénitents  blancs  de 
((  Caudecoste  que  pour  apaiser  l'ire  de  Dieu  et  détourner  le 
<t  fléau  de  la  contagion  dont  nous  sommes  menacés  à  cause  de 
«  nos  péchés,  ils  auraient  résolu  de  se  mettre  en  dévotion  et 
«<  sous  Votre  bon  plaisir  chanter  en  leur  chapelle  le  petit  office 
u  de  \otre-l)ame  tous  les  dimanches  à  la  pointe  du  jour  et  im- 
«^  médiatement  après  faire  célébrer  la  sainte  messe.  A  ces  fins 
<<  plaira  à  Vos  grâces  approuver  leur  dite  dévotion;  ce  faisant, 
<«  ils  prieront  pour  Votre  prospérité  de  faire  bien.  » 

A  cette  requête  Monseigneur  répondit  :  (c  Soit  fait  comme  il 
'<  est  requis  pourvu  que  ce  soit  à  autres  heures  que  celles  des 
Ai  messes  paroissielles  et  matutinales  de  lad.  paroisse. 

«  Fait  à  ('ondom,  le  13  décembre  1631. 

«  Antoine,  évêque  de  Condom.  »   ' 

La  récitation  de  l'office  devint  une  charge  lorsque  le  danger 
ne  fut  plus  ni  si  menaçant  ni  si  proche.  Sans  doute  comme  en- 
couragement le  Souverain  Pontife  avait  enrichi  la  Confrérie  de 
nombreuses  et  précieuses  indulgences,  particulièrement  pour 
le  dimanche  dans  l'Octave  de  la  Fête-Dieu,  mais  il  n'en  reste 


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pas  moins  que  le  25  avril  1047  en  présence  de  M.  Gabriel  de 
Cosle,  prêtre  et  docteur,  curé  de  Caudecoste,  la  délibération 
suivante  fut  prise  à  l'unanimité  des  voix  :  «  A  été  par  les  com- 
'<  niuns  suffrages  de  tous  les  confrères  que  le  sieur  de  Labatut 
«î  l'un  d'iceux  se  portera  dans  la  ville  de  Condom  pour  présen- 
o  1er  les  Indulgences  à  Mgr  l'Evêque  et  prendre  de  lui  lo  Man- 
f«  dément  pour  la  publication  d'icelles  et  par  même  moyen  lui 
«  donner  requête  aux  lins  qu'il  lui  plaise  décharger  lesdils 
••  confrères  de  la  récitation  do  l'Ofiice  lequel  suivant  leurs 
<(  statuts  ils  sont  obligés  de  réciter  conformément  au  Concil(î 
«<  de  Trente  aux  quatre  fêles  annuelles  et  aux  fêtes  de  la  Nati- 
'<  vite,  Purification,  Annonciation,  Assomption  de  la  sacrée 
u  Vierge  et  au  lieu  d'iceux  demander  qu'aux  dits  jours  ensem- 
«  ble,  tous  les  premiers  dimanches  de  chaque  mois  diront  le 
«  petit  office  de  Xotre-Dame  comme  il  est  couché  dans  les  heu- 
«  res  qui  ont  été  nouvellement  dressées  poin-  l'usage  de  tous 
'<  les  Pénitents  blancs  sans  préjudice  de  satisfaire  par  lesdits 
((  confrères  aux  offices  de  la  Fêle-Dieu,  de  la  Nativité  de  Sainl- 
«  Jean-Baptiste  notre  patron,  du  Jeudi-saint  conformément  au 
u  Concile  et  suivant  qu'ils  sont  aussi  couchés  tout  du  long  dans 
«  lesd.  heures.  Comme  aussi  â  été  arrêté  (ju'a])rès  avoir  obtenu 
»  led.  MandemenI,  led.  I.abatut  sc^  portera  dans  la  ville  d'Agen 
«  pour  les  faire  impiimer  avec  h*sd.  Indulgences  et  (pie  lous 
"  les  confrères  se  cotiseront  volontiers  pour  subvenir  aux 
'<  frais  desd.  voyages  et  autres  (pi'il  conviench'a  faire  pour  rai- 
«  son  desd.  Indulgences  et  ouverture  d'icelles  et  que  chacun 
«'  remettra  es-mains  dud.  Peloux,  maître  de  chapelle,  les  som- 
<i  mes  auxquelles  il  se  sera  cotisé  à  la  charge  par  \ei\.  Peloux 
'c  d'en  rendre  bon  et  loyal  compte. 

<<  En  foi  de  quoi )> 

Monseigneur  félicite*  la  ( Onfrérie  des  privilégias  et  indulgen- 
ces dont  le  Souverain  Pontife  venait  d(»  l'enrichir,  et  il  usa  de 
condescendance  <^n  faisant  bon  accueil  aux  desiderata  (pii  lui 
étaient  ex[)osés.  Les  nouveaux  offices  parurent  en  français 
(ui  tout  au  moins  avec  ime  traduction  française.  Pour  ce  motif, 
en  date  du  8  mai  suivant,  une  nouvelle  requête  fut  présentée  à 


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Sa  Grandeur  tendant  à  obtenir  rautorisalion  de  réciter  les  of- 
lices  en  français,  voulant  éviter,  disaient  les  suppliants,  de  tom- 
ber bien  souvent  on  faute  et  confusion,  d'autant  plus  qu'il  y  a 
fort  peu  de  confrères  qui  sachent  réciter  les  susd.  offices. 

M.  de  Cons,  vicaire-général,  annota  la  requête  de  la  fonnule: 
«  soit  fait  comme  il  est  requis  ». 

b)  Pèlerinage  à  Xolre-Dame  de  Bon-Encontre.  -  En  outre 
des  promesses  dont  nous  venons  de  parler,  la  Confrérie  des 
Pénitents  blancs  fit  vœu  pour  mériter  une  plus  grande  protec- 
tion du  ciel  de  se  rendre  annuellement  en  pèlerinage  à  Notre- 
Dame  de  Bon-Encontre.  Cette  dévotion  fut  fixée  au  premier 
dimanche  de  septembre.  Cne  ordonnance  royale  ayant  fixé  la 
nomination  des  consuls  ce  même  jour,  la  procession  à  Notre- 
Dame  de  Bon-Encontre  eut  lieu  le  second  dimanche  et  elle  dut 
être  encore  transférée  au  dernier  dimanche  d'août  1763. 

C'était  un  vrai  pèlerinage  de  pénitence,  mais  qui  ne  fut  pas 
toujours  accompli.  Aussi  l'Assemblée  délibéra-t-elle,  le  12  août 
16(38,  <(  que  la  procession  qu'on  a  coutume  de  faire  annuelle- 
«  ment  par  vœu  depuis  la  contagion  dernière ^dont  la  présente 
<'  ville  fut  affligée,  «^  Notre-Dame  de  Bon-Encontre  (le  premier 
<f  dimanche  de  septembre),  s<^ra  continuée  à  l'avenir.  Et  parce 
«  ([u'elle  ne  peut  être  faite  sans  de  grands  frais  et  que  l'argent 
M  pour  iceul  ne  peut  être  pris  que  des  confrères  de  lad.  Con- 
<t  grégation,  il  a  été  trouvé  à  piopos  que  chacun  desd.  confrè- 
"  vci^  bailhera  et  remettra  ès-mains  du  maître  de  chapelle  qui 
«  sera  en  charge  12  sols  et  <S  sols  pour  le  droit  annuel  faisant 
<<  le  tout  20  sols  à  chaque  Notre-Dame  d'août  et  ce  à  la  pre- 
<(  mière  réquisition  du  maître  de  chapelle  ou  d'autre  ayant  de 
«  lui  charge,  à  peine  de  tous  dépens  et  d'y  être  contraint  par 
<(  prise  de  meubles  sans  formalité  de  justice.  Et  afin  que  la 
«  présente  délibération  ait  plus  de  force,  nous  nous  sommes 
«  signés  capitulairement  dans  la  chapelle  le  jour  12*  d'août 
<(  1668.  » 

A.  Gayral. 
(.4  suivre,) 


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BIBLIOGRAPHIE 


Un  assassin  du  Duc  Henri  de  Guise.  -  Frant^ois  II  de  Monlpc- 
zdL  Baron  de  IjuKjtuic,  cajnUdne  des  Quaraulc-Cinq  (156(3-1390),  par 
.!.  llazon  de  Saint- Finnin.  —  Pans,  A.  Picard,  1912,  72  pp. 

\.o  roman  dWlc^xiTiidrc  Dinnas  «  Les  Quarante-Cinq  »  débute  par 
rentrée  [)itt()res(|ue  à  Paris  de  genlilshonnnes  gascons  aux  noms  re- 
tentissants, atix  i)ourpoints  râpés,  à  la  |)arole  éelalanle  et  vantarde. 
In  homme  présule  à  leur  reconnaissance,  c'est  Loignac.  iNous  le 
reirouvons  [)lus  tard,  les  amenant  au  Kou\rc,  leur  traçant  leur  de- 
\oii%  leur  i)arlanl  toujours  avec  sévérité  et  leur  imposant  une  disci- 
pline rig()ureus(\  Plusieurs  sans  doute  se  sont  demandés  si  ce  per- 
sonnage, qui  apparaît  à  toutes  les  [)ages  de  ce  roman,  sous  des  vôte- 
ineiiLs  sombres  el  avec  un  caractère  dur  et  altier,  avait  réellement 
existé,  si  fauteur  ne  l'avait  pas  créé  de  toutes  pièces,  ou  si,  prenant 
dans  riiisloire  sou  héros,  il  ne  l'avait  i)as  alïublé  d'une  persoimalité 
[)lus  ou  moins  ranlaisisl(\  comme  il  a  fait  pour  d'ArUignan. 

Laugnac,  c'est  ainsi  qu'il  faut  écrire,  est  un  persoimage  histori- 
que. Les  chroniques  de  ia  fin  du  xm®  siècle  parlent  souvent  de  lui; 
h»s  dictioimaires  de  Hayle  et  de  Moréri  lui  ont  consacré  chacun  une 
notice  curieuse.  Mais  désormais",  pour  bien  connaître  le  personnage, 
il  faudra  lire  l'excellent  volume  que  je  présente  aux  lecteurs  de  la 
iievue,  et  (jue  vient  de  publier  Mademoiselle  J.  Hazon  de  S'-Firmin. 

Depuis  |)lusieurs  années,  je  faisais  des  recherches  sur  le  fameux 
ï.augnac,  ((ue  nos  auteurs  agenais  avaient  identifié  ù  tort  avec  Hono- 
rai (le  Montpezat-I.augnac,  et  grâce  à  des  trouvailles  heureuses, 
j'avais  pu,  sans  Tombre  d'un  doute,  lui  res^tituer  sa  vraie  personna- 
lilé,  lorsque  j<*  reçus  une  lettre  par  laiiuelle  M*^  de  Saint-Finnin  me 
ileinandait  des  renseignements  sur  le  capitaine  des  «  Quaranlc- 
Cintf  ».  Après  avoir  hésité  un  certain  temps,  je  me  décidai  à  livrer 
le  résultat  de  mes  recherches.  Je  ne  m'en  plains  pas,  je  suis  au 
contraire  très  heureux  el  fier  d'avoir  collaboré,  pour  une  minime 
pari  certes,  au  travail  (jui  fait  l'objet  de  ce  compte-rendu. 

Personne,  d'ailleurs,  n'était  mieux  i)réparé  que  M"®  de  Saint-Fir- 


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QoO^Qi 


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min  à  traiter  ce  sujet.  Ses  publications  précédentes  (1),  ses  recher- 
clics  longues  et  minulieuscs  diins  les  archives  de  France  et  d'Italie, 
ses  lecUires  attentives  de  toutes  les  chroniques  de  l'époque,  lui  ont 
donné  une  connaissance  parfaite  du  temps  de  la  Ligue  et  des  person- 
nages qui  s'agitent  au  milieu  des  troubles.  Aussi,  le  tableau  qu'elle 
nous  trace  de  la  vie  de  Laugnac  et  de  son  rôle,  est  une  vraie  résurrec- 
tion nette,  claire,  précise,  et  sera  pour  l>eaucouj)  une  révélation. 

François  II  de  Montpezat-I.augnac  appartenait  à  une  branche 
cadette  de  la  gra-nde  famille  agenaise  de  Montpezat.  Jl  était  fils  de 
l''ran(:ois  P'  de  Montpezat,  soldat  valeureux  fort  estimé  de  Montluc, 
et  de  Nicole  de  Livron.  Il  naquit  vers  1560. 

Introduit  très  jeune  à  la  Cour,  probablement  par  d'Epernon,  il  sut, 
grâce  à  la  i)rotection  de  ce  dernier  et  du  duc  de  Joyeuse,  à  son  sa- 
\oir-faire  et  à  son  ambition,  s'y  créer  une  situation  importante.  Sa 
faveur  au])rès  d'Henri  III,  il  la  dut,  croit-on,  à  Joyeuse.  Il  fut  mis 
à  la  tète  de  la  garde  des  Ouarante-Cinq  créée  en  158'!. 

Ou'était-ce  au  juste  (jue  cette  garde  ?  On  est  i>eu  renseigné  à  son 
^ujet,  l)ien  que  i)lusieurs  érudits  se  soient  occupés  d'elle.  M*^  de 
Sainl-Firmin  nous  donne  ih}i^  précisions  fort  curieuses  sur  son  rôle 
et  l'ordre  de  service,  et  nous  fait  connaître  le  nom  de  vingt-deux 
de  ses  membres. 

Laugnac  fut  leur  chef,  sinon  en  titre  du  moins  en  fait.  Dès  lors  il 
se  iit  remarquer  par  son  train  de  maison  et  par  le  luxe  inouï  de  ses 
habits.  Les  archi\es  des  Montpezat  nous  édifient  à  ce  sujet.  Sa  for- 
tune certes  était  respectable.  Il  était  seigneur  de  Laugnac,  Frégi- 
mont,  Thouars  et  du  Fréchou,  et  ces  terres  lui  donnaient  de  beaux 
revenus.  Mais  ces  revenus  étaient-ils  suffisants  pour  subvenir  à  tout 
ce  luxe.  Il  est  permis  d'en  douter  en  le  voyant  emprunter  de  gros- 
ses sommes  d'argent  à  ses  voisins,  à  ses  amis,  obérant  ainsi  son  pa- 
trimoine. 

Le  fameux  duel  (jontaud-Carency  le  mit  en  relief.  Hientôt,  grâce 
au  duc  d'Epernon,  il  entia  plus  avant  dans  les  faveurs  du  roi.  Au 
début  de  1588,  sur  les  insistances  de  son  protecteur,  il  fut  nommé 
niaitre  de  la  garde-robe. Lue  note  retrouvée  lécennnent  dans  les  ar- 
chives des  \l()nt[)ezal  nous  apprend  i[\w  ses  appointements  étaient  de 
LOOO  livres,  ce  (jui,  i)Our  réi)0(|ue,  était  un  beau  traitement  . 


(1)  F/Af foire  lie  Salures  cl  Henri,  duc  de.  Guise  {oclobrc-dccembre  1Ô88)  por 
Jane  Hazon  de  Saint-Firmin.  Blois,  MigauU,  1907.  —  Lue  page  d'Histoire  et 
les  Mémoires  du  nwire  de  Hounjes  i'ranrois  Le  'Maresrhal,  sieur  de  Corhel, 
Bourges,  \  euve    I  anl\-Pigelet  et  fils;,   191U. 


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-  371  — 

Il  exerça,  dès  lors,  sur  l'esprit  du  roi,  une  telle  influence,  que 
M'***  de  Sainl-Firniin  croit  pouvoir  faire  retomber  sur  lui  la  respon- 
sabilité do  Tassassinal  du  Duc  de  (iuisc.  «  Allant  plus  loin  que  le  Duc 
(rEi)ernon,  le  jeune  baron  de  Lau^mac,  toujours  à  l'affût  d'une  oc- 
casion de  s'implaiilcr  solidement  dans  l'amitié  du  plus  changeant 
des  monanjues,  a  conçu  un  projet  insensé  :  celui  de  faire  assassiner 
le  clief  de  la  Ligue,  qui  lui  paraît  représenter  le  seul  et  perpétuel 
oi)slacle  contre  lecjuel  échouent  tous  les  projets  ».  N'est-ce  pas  aller 
un  [)eu  loin  ?  Bien  avant  la  faveur  de  Laugnac,  l'idée  de  se  débarras- 
ser de  (Juise  avait  germé  dans  l'esprit  du  roi. 

Ouoi(|u'il  en  soit,  Laugnac  se  chargea,  avec  l'aide  des  Quarante- 
('iu(|,  de  Tcxéculion  de  l'attentat.  La  scène  est  trop  connue  |)our  que 
nous  y  revenions.  Mais  quel  fut  exactement  le  rôle  de  notre  compa- 
triote ?  Les  uns  disent  cju'il  assista  froidement  au  meurtre,  sans  y 
prendre  une  part  active,  d'autres,  eu  j)articulier  les  ligueurs,  pré- 
tcMident  (juil  Frappa  de  son  é|)ée  la  victime  déjà  étendue  à  terre. 
Ce  (jui  est  srtr,  e'(\sl  (jue  Laugnac  avait  préparé  le  guel-apens  et 
t(u'il  y  présida. 

Le  lendemain,  à  l'exemple  de  i)lusieurs  des  Ouarante-Cinq,  il  re- 
fusa d'aller  tuer  le  Cardinal  de  Guise,  mais  il  désigna  au  roi  son  ami 
de  (iast,  qui  ne  recula  pas. 

La  fa\eur  de  Laugnac  ne  sur\écut  guère  à  ces  événements  san- 
glants. Sa  morgue  et  son  ambition  effrénée  hâtèrent  la  disgrâce. 
Ayant  obtenu  le  gouvernement  de  l'Anjou  -et  de  la  Touraine,  il  dut 
malgré  lui  (juiller  la  Cour  ]»our  aller  <mi  [)r(Midre  possession.  Il  gagna 
Am boise  où  de  (iast,  qui  y  commandait,  gardait  les  prisonniers  con- 
fiés par  le  roi,  la  duchesse»  de  Xemours,  le  Cardinal  de  Bourbon, 
les  ducs  de  Cuise  (^td'Klbeuf,  raichevéque  de  Lyon  et  autres  person- 
nages. 

Les  deux  amis  se  mirent  d'accord  pour  trahir  le  roi  et  vendre  chè- 
rement à  la  Ligue  les  prisonniers  qu'ils  avaient  en  garde.  Cepen- 
dant, an  bout  rie  quelques  jours,  de  (iast  voulant  coUvServer  pour  lui 
seul  tout  le  bénéficie  de  la  trahison,  se  débarrassa  de  Laugnac  de  fa- 
çon eavalière  et  originale.  Celui-ci,  un  ))eu  honteux  du  piège  gros- 
sier dans  le(|uel  il  était  tombé,  se  retira  (|uelque  temps  à  Tours,  puis 
regagna  ses  terres  de  Guienne. 

Il  s'établit  tantôt  à  Laugnac,  tantôt  au  Fréchou,  remonta  sa  mai- 
son et  son  éeuri(»,  leva  un  légiment  et  se  mit  à  guerroyer  contre  la 
Ligue.  Le  roi,  malgré  tout,  n'oubliait  pas  son  ancien  favori,  et  après 
lui  a\olr  donné  une  commission  de  maître  de  camp  d'un  régiment 


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—  372  - 

il  lui  octroyait  les  revenus  de  l'Evêché  d'Agen  vacant,  selon  l'expres- 
sion du  brevet,  par  la  félonie  de  son  possesseur,  Nicolas  de  Villars, 
intrépide  ligueur.  Il  n*on  profita  pas  longtemps,  au  début  de  Tannée 
suivante  1590  il  fut  blessé  grièvcnrient  au  combat  do  Brignemont  en 
chargeant  vaillamment  à  la  tête  de  ses  compagnies,  et  il  mourut 
(juelques  jours  après  à  Mauvezin  (Gers). 

Telle  est  Oïl  (|ucl(|ues  mots  l'histoire  de  Laugnac  (|uc  vient  d'écrire 
M"*'  de  Saint-Finnin.  C'est  une  curieuse  page  de  l'histoire  de  France, 
à  laquelle  je  suis  persuadé  on  ne  pourra  i)as  désormais  ajouter 
grand'chose.  Elle  a  été  racontée  d'un  style  net,  précis,  vigoureux, 
qui  laisse  transpercer  parfois  l'indigHation  soulevée' par  le  cynisme 
du  personnage  et  de  ses  quarante-cinq.  L'auteur  ne  cherche  pas 
(railleurs  à  cacher  toute  la  sympathie  qu'elle  éprouve  pour  Henry 
de  (iuise  et  c'est  à  l'actif  de  ce  prince  charmant  une  conquête  nou- 
\elle  et  f)osthume.  11  semble,  au  reste,  (ju'il  fut  dans  la  nature  du 
Balafré  de  s'attirer  toutes  les  sympathies,  lui  dont  la  Franco  était 
folio,  selon  le  mot  de  Balzac  <(  cai*  c'est  trop  peu  dire  amoureuse  ». 
Aussi  bien  M"*  de  Saint-Firmin  est  sans  indulgence  pour  ses  assas- 
sins. D'aucuns  peut-être  trouveront  trop  de  sévérité  dans  son  juge- 
ment; mais  tout  le  nionde  soi'a  obligé  d'avouer  que  ce  jugement  est 
fortement  motivé  et  bien  mérité. 

Le  travail  que  nous  présentons  aux  lecteurs  de  cette  Uevue  <*st 
donc  excellent  eu  tous  points  et  c'est  à  |)eine  si  ncms  [)ourrions  y 
relever  quelques  légères  imperfections.  Notons  cependant  que 
Laugnac  n'est  pas  dans  la  vallée  du  Lot,  mais  sur  les  coteaux  qui 
séparent  le  Lot  de  la  Garonne. 

Désormais  il  sera  impossible  de  s'occuper  de  la  Ligue  et  du  crime 
d(î  Blois  sans  lire  ce  livre,  et  tout  amateur  éclairé  de  notre  histoire 
agcnaise  devra  le  posséder  dans  sa  bibliothèque. 

H.  Marijoutin. 


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CHRONIQUE  RÉGIONALE 


Distinction  honorifique.  —  Nous  a[)prcnoiis  que  la  Société 
d'Encouragement  au  Bien  vient  de  décerner  à  M.  Jules  Serret  un 
diplôme  de  Médaille  d'or,  pour  rensemble  de  ses  publications. 

La  Société  académi([ue  d'Agen  est  heureuse  de  s'associer  à  celle 
distinction  honorifique  et  de  féliciter  à  son  tour  son  plus  ancien 
nieml^re  résidant. 

Fouilles  de  Sos.  —  Par  avis  du  18  juillet  dernier,  le  Comité  des 
Travaux  historiques  et  archéologitjues  du  Ministère  de  ITnstruclion 
]>ul)li(|Uc  ol  des  Reaux-Aris  a  volé  et  alloué  îi  la  Société  des  Scien- 
ces, Lotlres  et  Arts  fFAgcn  une  subvention  de  1,000  francs  pour 
procéder  à  des  fouilles  gallo-romaines  à  Sos.  Il  a  ainsi  répondu  au 
\(eu  émis  par  elle,  au  mois  de  février  dernier,  à  la  suite  des  premiè- 
res découvertes  occasionnées  par  l'établissement  d'une  ligne  et 
d'une  gare  du  tramway. 

La  Sociélé  s'est  inmiédiatement  réunie  et  a  nommé  une  Commis- 
sion composée  de  MM.  Lauzun,  Bonnat,  Marboutin,  Chaux  et  Allè- 
lire,  à  l'effet  de  s'entendre  avec  MM.  le  I)*"  Bâches,  maire  et  conseil- 
ler général  de  Sos,  Bastard,  conducteur  des  Ponts  et  ('haussées  à 
Mézin,  et  J.  Duffau,  pharmacien  à  .Sos,  que  leur  situation  et  l'inté- 
rùl  avec  lequel  ils  ont  suivi  les  travaux  désignaient  tout  spéciale- 
ment pour  collaborer  à  Tcruvre  de  la  Société. 

Ces  Messieurs,  aux(|nels  s'étaient  joints  MM.  Barlhalès  et  Lagar- 
ligue,  instituteur  à  iMeylan,  ont  teim  i\  Sos  une  première  réunion  le 
hindi  12  août.  Ils  ont  examiné  en  détail  tous  les  lieux,  autour  de  la 
\illc,  qui  pouvaient  présenter  un  intérêt  particulier  et  ils  ont  décidé 
(juo  d'ores  et  déjà  des  sondages  piéalables  seraient  effectués  :  P  Au 
contre  même  de  la  ville,  sur  la  place  puMique  actuelle,  là  où  se  trou- 
vait, il  y  a  peu  de  lenq)s  encore,  Tancienne  église  (|ui,  d'après  cer- 
taines données,  aurait  été  éle\ée  sur  renq^lacement  même  du  lenj- 
]>le  de  Borne  et  d'Auguste  et  d'où  aurait  été  extraite  l'inscription  ro- 
maine 0/do  Elusalium,  qui  se  trouve  au  Musée  d'Agen  ; 

•J**  Sur  le  talus  nord  qui  borde  le  cimetière,  sur  une  ligne  faisant 
suite  au  mur  do  ))ierres  à  tenons  et  à  queues  d'aronde,  objet  de  pré- 
cédentes controverses  ; 


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-  374  - 

3°  el  4°  A  roiiest  et  au  sud-ouest  de  la  ville,  sur  les  remparts,  là 
où  on  aurait  trouvé  des  vestiges  d'habitations  que  l'on  croit  anté- 
rieures à  roccupalion  romaine  : 

5^  Enfin,  de  l'autre  côté  du  ravin,  au  plateau  de  Loustalet,  sur 
les  bords  de  la  Ténarèze,  où  se  voit  une  rangée  de  pieus  énigniati- 
cjues  et  où  Ton  foule  à  chaque  pas  de  nombreux  vestiges  romains  : 
cubes  de  mosaïques,  débris  d'amphores,  poids  de  tisserands,  tuiles 
à  rebords,  elc,  loules  choses  attestant  qu'en  cet  endroit  s'élevait 
une  riche  villa  gallo-romaine,  ou  peut-être  môme  le  faubourg  le 
plus  riche  du  Sos  romain. 

Les  fouilles  seront  entreprises  dès  ce  mois  de  septembre. 

Comité  Lauianié.  —  Un  comité  s'est  formé,  à  Agen,  pour  que 
notre  regretté  compatriote  Lauianié  soit  représenté  en  un  portrait 
(|ui  serait  placé  dans  la  salle  des  Illustres  de  l'Hôtel  de  \'iHe.  La 
Société  académique  d' Agen  fait  partie  de  ce  comité.  Aussi  s'esl-elle 
enq)ressée  de  répondre  à  rapj)el  de  M.  Guittard,  directeur  du  Jour- 
nal de  médecine  vétérinaire  à  Aslaffffort,  el  de  lui  adresser  sa  sous- 
cri  [)tion. 

Congrès  de  la  Société  française  d'archéologie.--  Ainsi  que  nous 
l'avons  annoncé  dans  le  mnnéro  précédent,  la  Société  française 
d'archéologie  a  tenu,  à  Angoulôme,  du  17  au  25  juin  dernier,  son 
soixanle-dix-neuvièrne  (>ongrès  ammel. 

Co  (.'ongrès,  cjui  a  réuni  plus  de  250  membres,  a  présenté  une  im- 
portiuice  particulière.  Magistralement  dirigé  comme  toujours  par 
M.  Kugène  Lefè\re-Pontalis.  professeur  d'archéologie  à  l'Ecole  des 
Chartes  et  membre  de  la  Commission  des  Monuments  historiques, 
il  a  permis  de  visiter  et  d'étudier  de  près,  sous  sa  haute  compé- 
tence el  celle  de  M.  Louis  Serbat,  ancien  chartisle,  secrétaire  géné- 
ral du  ('ongrès,  les  monuments  les  plus  remarquables  de  TAngou- 
mois  el  de  la  Saintonge.  Dans  le  nombre,  il  convient  de  citer,  en 
dehors  (\g  la  belle  cathédrale  (rAngoublme  et  du  vieux  château  où 
nacpiit  la  Marguerite  des  Marguerites,  soun*  de  Kranç;ois  I",  les 
éulises  (W  Plassac,  Hlanzac,  Houllot,  Saint-Amant  de  Boixe,  Melle, 
Aulnay  de  Saintonge,  Charroux,  Civray,  Unlfec,  Lichères,  Mou- 
Ihiers,  Monlmoreau,  Saint-Michel  d'Entraigues,  les  Trois  Palis,  etc. 
pr(»s(|ue  loules  romanes  et  surmonlêes  de  co\q)oles;  les  chAteaux  de 
\  erteuil  et  ses  admirables  tapisseries,  de  Monlmoreau,  si  fièrement 
ciunpé,  r\  surtout  <le  La  Hochefoucauld,   (ief  i)atrimonial  de  cette 


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—  375  — 

illustre  famille,  dont  l'élégance  ne  le  cède  en  rien  à  celle  des  plus 
beaux  châteaux  des  bords  de  la  Loire  ;  les  ruines,  enfin,  imposantes 
et  si  pittoresques  de  La  Couronne,  riche  abbaye  cistercienne,  dé- 
truite à  la  Révolution,  à  l'ombre  (lesquelles  les  congressistes  ont  pu 
se  reposer  des  fatigues  de  ces  rudes  journées  d'excursions  et  de  tra- 
vail continu.  Une  journée  a  été  consacrée  à  Saintes,  une  autre  à 
Sainl-Kmilion,  une  aussi  à  Poitiers  où  le  Congrès  s'est  transporté 
pour  inaugurer  solennellement  le  monument  érigé  à  la  mémoire  du 
célèbre  archéologue  que  fut  le  II.  P.  de  La  Croix. 

Chaque  soir  les  congressistes  trouvaient  asile  dans  les  riches  sal- 
les de  l'Hôtel  de  Ville,  gracieusement  mises  à  leur  disposition,  où 
étaient  tenues  les  séances  de  lectures  et  de  discussions  archéologi- 
ques, et  où  fut  offert,  le  vendredi  21  juin,  un  Champagne  d'honneur 
[)ar  le  Congrès  à  la  très  hospitalière  municipalité  d'Angoulême. 

Ck>uchage  des  vignes  greftées  pour  prévenir  certaines  consé- 
quences graves  des  gelées  d'hiver,  tel  est  le  titre  de  la  brochure 
(jue  M.  le  IV  Georges  Martin,  président  de  la  Société  des  Archives 
Jiistoriques  de  la  Gironde  et  viticulteur  distingué,  vient  d'envoyer  à 
toutes  les  Sociétés  savantes  du  Sud-Ouest,  en  la  faisant  accompa- 
gner de  la  lettre  explicative  suivante  : 

«  MoNsiKLR  1.E  Président, 

«  Je  vous  adresse  par  le  même  courrier  une  brochure  sur  «  le 
coucliage  des  vignes  greffées  pour  prévenir  certaines  conséquences 
graves  des  gelées  d'hi\er  ».  A  la  lecture  de  ce  titre,  vous  vous  de- 
manderez, sans  doute,  i)ourquoi  je  fais  parvenir  ce  travail,  essen- 
tiellement viticole,  au  président  d'une  Société  d'histoire  et  de  scien- 
ce. La  raison,  la  voici  en  quelques  mots  : 

«  Les  froids  d'hiver  exposent  les  vignes  greffées  à  des  dangers 
(jue  nu  connaissaient  pas  les  vignes  fram^aises.  Ces  dangers,  on 
peut  s'en  prés(îrver  par  une  pratique  spéciale  que  j'indique.  Mais, 
connue  cette  pratique  entraine  à  des  frais,  il  était  impoiiant,  pour 
(li'cider  nos  viticulteurs  à  entreprendif  de  nouvelles  dépenses,  de 
leui'  montnn-  la  fré(|uence  et  la  gravité  du  danger  contre  lequel  ujie 
lutte  doit  être  organisée.  Cela  m'a  amené  à  rechercher  combien  il  y 
a  eu,  dans  le  Bordelais,  d'hivfMs  viticides  depuis  le  xv"  siècle.  Ln 
long  chapitre  de  ma  brochure  est  consacré  à  l'étude  de  ces  hivers. 
Je  suis  arrivé  à  en  trouver  vingt,  soit  une  moyenne  de  quatre  par 
siècle.  C'est  un  chiffre  qui  a  étonné  bien  des  gens;  ils  ne  soupçon- 
naient pas  une  telle  fréquence. 


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—  37()  — 

«  Les  froids,  (jui  amènent  la  mort  de  nos  vignes,  produisent  par- 
fois les  mômes  effets  dans  les  vignobles  des  autres  centres  viticoles 
(Champagne,  Hourgogne,  etc.,  etc.):  mais,  le  plus  souvent,  les  ge- 
l«'es  (jni  sont  viticides  pour  le  Bordelais,  ne  le  sont  pas  pour  ces  re- 
liions éloignées;  par  contre,  elles  le  sont  pour  les  départements  qui 
nous  touchent. 

«  Il  serait  fort  intéressant  de  savoir  dans  quelles  directions  et 
insijunù  se  [oïd  senlir  d'nvdinnive  les  froids  qui  allcignenl  nos  ti- 
ques. On  le  sauraif,  en  faisant  pour  chacun  des  départements  du 
Sud-Ouest  une  étude  semblable  à  celle  à  laquelle  je  viens  de  me 
livrer  pour  la  (iironde.  Comme  une  telle  élude  doit  être  très  docu- 
menlée,  il  convient  qu'elle  soit  effecluée  par  des  travailleurs  locaux 
j»ouvanl  consulter  facilement  les  archives  de  leur  déi)artement. 

«  A|)rès  en  avoir  conféré  avec  la  section  centrale  de  TUnion  his- 
l(ni(|ue  et  archéol()gi(|ue  du  Sud-Ouest  el  avoir  reçu  d'elle  son 
entière  api)robalion,  je  viens,  sous  ses  aus[)ices,  prier  MM.  les  Pré- 
sidenls  de  chacune  des  sociétés  de  cefte  union,  de  vouloir  bien  me 
désigner  celui  de  ses  qoI lègues  susceptible  d'entreprendre  pour  son 
déi)artement  des  recherches  historiques  analogues  aux  miennes,  et 
de  les  résumer  en  un  travail  concis,  mais  aussi  précis  que  possible. 
Cou  études  isolées  pourraient  être  conummicpiées  par  leur  auteur 
au  [irochain  Congrès  d'hisloire  (H  d'archéologie  qui  doit  se  tenir  l'an 
|»F'ocliain.  Kl,  (hms  la  mente  s<'îance,  un  lra\'ail  <r«Misemble,  confié  à 
l'un  d'eux,  couronnerait  la  série  des  communications  sûr  ce  sujet, 
ou  montrant  les  faits  jM'incipaux  (|ui  se  dégageraient  de  ces  études 
isolées. 

«  Il  est  hors  de  doute  (ju'il  ressortirait  de  ces  recherches,  des 
renseij^nements  dont  l'aufriculture  et  la  météorologie  tireraient  un 
grand  |)rofil.  On  a  souvent  reproché  aux  études  historiques  d'être 
|»ar  Iroj)  si)éculalives.  Ce  ne  serait  pas  là  le  cas.  Les  fléaux  du^passé 
sont  appelés  à  réapparaître.  L'histoire  doit  nous  apprendre  à  les 
ciaindre,  pour  nous  amener  à  nous  en  préserver  dans  certaines 
limites. 

«  .1(^  m'excuse,  Monsicnr  le  Président,  de  la  ])ein(»  que  je  vais 
NOUS  (tomiei*  en  \<)us  mettant  ainsi  à  contribution.  Mon  e.xcuse  se 
trouve  dans  le  vif  désir  (juc  j'ai  de  faiie  faire  un  grand  pas  à  cette 
(|uesli<)n  des  gelées  d'hiver,  intéressante  à  bien  des  i)oints  de  vue. 

«  Je  vous  prie  de  trouver  ici.  Monsieur  le  Président,  avec  mes 
remerciements  anticipés,  l'assurance  de  mes  sentiments  distingués. 

«  D""  Georges  Martin, 


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—  :^77  - 

Ck>ngrès  national  du  Froid-  —  Le  deuxième  Congrès  national 
du  Froid  se  licndra  celle  année  à  Toulouse,  du  22  au  25  septembre 
prochain,  dans  les  locaux  de  T Université. 

Le  programme,  1res  chargé,  comprend  de  nombreuses  études  sur 
le  matériel  frigorifique  et  gaz  liquéfiés,  les  applications  générales 
(in  froid,  noiammeht  à  ralimenlalion  et  aux  industries  chimiques  et 
électriques,  les  transports  frigorifiques,  Tadministration  et  la  légis- 
lalion,  enfin  l'application  du  froid  à  l'hygiène  et  à  la  médecine. 

Deux  excursions  sont  projetées  pour  clôturer  les  travaux  du 
Congrès.  Elles  seront  à  la  fois  pittoresques  et  techniques. 

La  première  aura  lieu  du  26  au  30  septembre.  Son  but  technique 
est  l'application  du  froid  aux  fromageries  et  la  visite  de  l'Exposition 
(h*  Hourges.  I/itinéraire  sera  le  suivant  :  Toulouse,  Carcassonne, 
Xarhonne,  Rcxpieforl  el  ses  fromageries,  Séverac-le-Château,  les 
(lorges  du   Tarn,  Millau  el  Bourges. 

La  seconde  excursion,  également  du  2()  au  M)  septembre,  a  pour 
l'Ut  technique  l'étude  des  applications  du  froid  à  la  fabrication  du 
\in  el  au  commerce  des  primeurs.  L'itinéraire  sera  le  suivant  : 
Carcassonne,  (Juillan,  Axai,  visite  des  grandes  stations  électriques 
de  la  région,  Perpignan,  Vernet-les-Bains,  Montlouis,  Font-Romeu, 
Puigcerda,  ITIospitalet,  Ax  el  Foulouse. 

Ph.  L. 


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PROCES -VERBAUX 

des  Séances  de  h  Soeiété  des  Sciences,  Lettres  et  Arts  d'Agen 


Sranrt»  <fu  4  JuilU't  1912,  —  PrÂsidenre  do  M.  (c  chanoino  D  trenguo» 

M.  le  Secrétaire  communique  une  lettre  de  M.  le  Président  de 
l'Académie  de  Bordeaux,  invitant  la  Société  aux  fêtes  qu'elle  se 
propose  de  célébrer  en  novembre  prochain  pour  commémorer  lo 
bicentenaire  de  sa  fondation. 

Il  donne  également  connaissance  :  du  programme  du  VI*  Congrès 
international  d'électrologie  et  de  radiologie  générales  et  médicales 
qui  se  tiendra  à  Prague  du  26  au  30  juillet  prochains  ;  de  celui  du 
IX*  Congrès  international  de  zoologie  qui  s'ouvrira  à  Monaco  le 
25  mars  de  Tannée  prochaine  ;  d'une  lettre  de  M.  Emile  Gandoff, 
directeur  du  service  des  tabacs  à  Vesoul,  demandant  des  renseigne- 
ments sur  la  culture,  la  fabrication  et  la  fiscalité  du  tabac  dans  le 
Lot-et-Garonne,  en  vue  d'un  travail  sur  l'impôt  du  tabac  en  France 
sous  l'ancienne  monarchie  ;  enfin,  d'un  projet  d'érection  d'un  monu- 
ment près  de  l'ancienne  abbaye  de  Saint-Evroul,  diocèse  de  Séez,  à 
la  mémoire  de  Orderic  Vital,  moine  de  cette  abbaye  et  auteur  de 
V Histoire  ecclésiastique  de  Normandie. 

Aï,  Ferrère,  vice-président,  est  nommé  correspondant  de  la  Revue 
des  Pifrénées,  cliargé  d'y  rendre  compte  des  travaux  de  la  Société 
d'Agen. 

En  quelques  pages,  qui  pour  être  fort  humouristiques  n'en  sont 
pas  moins  très  documentées,  iM.  de  Lagrange-Ferrègues,  le  livre  de 
raison  de  Pierre  de  Catuffe  en  mains,  prouve  que  si  Molière  stig- 
matise d'une  façon  si  plaisante  dans  son  Malade  Imaginaire  la  fA- 
cheuse  manie  de  saigner  et  de  purger  à  tout  propos,  môme  un  ma- 
lade imaginaire,  il  n'est  pas  seulement  l'immortel  comédien  que 
l'on  applaudira  toujours,  mais  qu'il  appartient  aussi  à  l'histoire  ; 
car,  le  record  de  la  purgation  qu'Argan  détenait  jusqu'à  ce  jour  l'ut 
battu  en  Agenais  à  la  fin  du  xviii*  siècle.  Ce  n'est  pas  sans  stupé- 
faction, en  effet,  que  l'on  lit  sur  les  pages  du  carnet  de  famille  du 
sieur  de  Cantemerle  et  du  Boscas,  près  de  Tonneins,  le  nombre  in- 
calculable de  fois,  où,  à  très  courte  échéance,  il  prenait  médecine, 
cl  aussi  les  résultats,  souvent  extraordinaires,  qui  en  provenaient... 


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L'église  Sainlc-Foy  d'Agen  n'est  pas  seulement  intéressante  par 
les  pieux  et  loucliants  souvenirs  qu'évoque  la  jeufie  martyre  age- 
uaise  ;  ses  constructions  successives,  sa  position,  d'abord  hors  des 
murs  de  la  ville,  puis  son  incorporation,  à  la  lin  du  xiv®  siècle,  dans 
la  dernière  enceinte,  son  voisinage  enfin,  attirent  l'attention  des 
amis  du  vieil  Ap^en.  Aussi  i\I.  Lauzun,  dans  un  chapitre  spécial  de 
son  étude  sui-  les  anciens  monuments  de  cette  ville,  ne  traite-t-il 
l)as  uniquement  de  son  histoire  et  de  sa  description  archéologique, 
(Paprès  un  très  ancien  dessin  du  milieu  du  dernier  siècle  ;  il  parle 
aussi  du  vieux  cimetière  qui  l'entourait,  ayant  remplacé  en  1810 
l'ancien  cimetière  de  la  chapelle  de  Notre-Dame  du  Bourg,  et,  en- 
core, des  quatre  tours  qui  la  défendaient  sur  la  courtine  nord  de  la 
ville,  les  tours  d'Armagnac,  de  Sainte-Foy,  de  Saint-Fiary  et  de 
Saint-Côme  ou  Saint-Caprais,  cette  dernière  ayant  servi  de  salle  de 
dissection  au  commencement  du  xix®  siècle,  et  ayant  donné  lieu  à 
la  macabre  aventure  dont  le  docteur  Pons  fut  le  héros. 

Dans  une  note  î^énéalogique,  puisée  aux  meilleures  sources,  M. 
l'abbé  Dubois  fournit  (rinléressanls  détails  sur  Charles  Ogier  de 
Sérignac,  fils  de  Messire  Bertrand  de  Sérignac,  sieur  de  Belmont, 
en  la  sénéchaussée  d'Armagnac  et  d'Anne  de  Bruyères-Chalabre. 
Vrai  cadet  de  Gascogne,  d'abord  lieutenant  d'une  compagnie  des 
gardes  du  Roi,  puis  capitaine,  Ogier  de  Sérignac  fut  grièvement 
blessé  en  1620  au  siège  de  Caen,  et  il  reçut,  en  récompense,  la  char- 
lie  de  gouverneur  de  Clairac,  en  vertu  de  lettres  de  provision,  des 
plus  élogieuses,  (jue  lui  octroya  Louis  XIII.  C'est  toujours,  investi 
de  la  confiance  du  Hoi,  qu'il  mourut  dans  cette  ville,  le  30  novem- 
bre 1639. 

SAance  du  3  aoiït  1912. —  Présicitince  rie  Af.  le  nhanoint*  Durengues 

Prenant  en  considération  le  vœu  précédemment  émis  par  la  So- 
ciété des  Sciences,  Lettres  et  Arts  d'Agen,  le  Ministère  de  l'Instruc- 
tion publique  et  des  Beaux-Arts  lui  a  alloué,  par  avis  du  18  juillet 
dernier,  une  subvention  de  1,000  francs  pour  effectuer  des  fouilles 
y  Sos. 

Aussi  la  Société  a-t-elle  cru  devoir  se  réunir  extraordinairement 
pour  a\  iser  au  mode  d'emploi  de  cette  somme  et  prendre  des  mesu^ 
res  immédiates  en  vue  de  répondre  le  plus  convenablement  possible 
à  cet  encouragement. 

Elle  a  nommé  une  commission  de  cinq  membres,  MM.  Lauzun, 


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secrétaire  perpétuel,  Bonnat,  archiviste  dépailcniental,  Marboulin, 
(^haux  el  Allègre,  chargée  de  se  transporter  incessamment  sur  les 
li(Mix  el  (le  s'entendre  avec  MM.  Bast^u-d,  conducteur  des  Ponts  et 
Chaussées  à  \[ézin  et  DulTau,  pharmacien  à  Sos,  que  leurs  commu- 
nications antérieures  el  l'intérêt  avec  lequel  ils  ont  suivi  les  travaux 
(l"élai)lissemenl  de  la  ligne  des  lramv\ays  désignaient  loul  particu- 
lit'rement  |)our  collaborer  à  l'œuvre  de  la  Société. 

Elle  l'ail  aj)pel  également  à  la  haule  situation  comme  maire  et 
conseiller  général  de  M.  le  docteur  Bâches,  ainsi  qu'à  son  obligean- 
ce el  à  son  dévouemenl  habituels  pour  qu'il  veuille  bien,  en  cette 
circonslance,  l'éclairer  de  son  expérience  comme  de  ses  conseils. 

La  Société  académique  d'Agen  espère  ainsi  pouvoir  utiliser  le 
mieux  possible  la  so»nme  qui  lui  est  îdlouée,  et,  par  des  sondages 
l)réalables  le  long  du  talus  nord,  ou  de  la  voie  romaine  sur  le  pla- 
teau de  Loustalel,  ou  en  tout  autre  lieu  qui  lui  paraîtra  le  plus  con- 
\enable,  arriver  peut-être  à  découvrir  quelques  documents  qui  lui 
permettront  d'acquérir  la  certitude  que  la  ville  de  Sos  est  bien  l'op- 
pidum gallo-ibérique  contre  lequel  sont  venues  se  buter  les  légions 
de  Crassus. 

M.  Allègre  fournil  quehiues  détails  intéressants  sur  des  décou- 
vertes faites  par  lui  à  Rimbez,  non  loin  de  Sos,  d'ossements  et  de 
végétaux  qu'il  croit  être  préhistoriques. 

M.  Chaux  donne  enfin  lecture  d'une  note  sur  la  localité  d'Eslus- 
san,  au-dessus  de  Barbaste,  qu'il  croit  devoir  identifier  avec  le  lieu 
dit  Scussamim,  cité  par  dom  Vaisselle,  comme  ayant  été  assiégé  en 
liH42  par  Jourdain  de  l'isle,  où  se  trouve  une  fort  jolie  petite  église 
1  omane  qu'il  décrit,  el,  à  côté,  des  pans  de  vieux  murs  romains  eX 
aussi  deux  pierres  rondes  qui  pourraient  être  prises  pour  des  bor- 
nes milliaires. 

Ph.  L. 


I.;i  Commiasii)!!  d'administration   et   dr    gc^ranc»»  :   G.    FalliAreg.   Ph.  r.au/nn.  G.  Grenat. 


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SOUVENIRS  DU  VIEIL  AGEN 


SAINT-CAPRAIS   D\4GEN 

La  vue  que  nous  donnons  ci-contre  représente  la  façade  mé- 
ridionale de  Saint-Caprais  d'Agen,  telle  qu'elle  se  trouvait 
dans  la  première  moitié  du  dernier  siècle,  avant  que  Mgr  de 
Vesins  n'en  ait  entrepris  la  restauration. 

Elle  a  été  dessinée  par  un  certain  Bulliera  et  gravée  par  Boul- 
lemier. 

Vers  la  même  époque,  c'est-à-dire  autour  de  1835,  Brécy 
dessina  également  le  vieux  Saint-Caprais  d'Agen.  Mais  son 
dessin,  que  nous  avons  sous  les  yeux,  reproduit  seulement  la 
partie  orientale,  c'est-à-dire  l'abside  et  les  absidioles,  domi- 
nées par  l'ancien  clocher,  à  peu  près  telles  qu'elles  se  trou- 
vent encore  aujourd'hui. 

Aussi  n'avons-nous  pas  hésité  à  donner  la  préférence  au 
premier  de  ces  dessins,  qui  offre  à  notre  cathédrale  un  aspect 
que  nous  ne  lui  connaissons  plus  aujourd'hui. 

Qu'était  ce  Bulliera  ?  Nous  l'ignorons  absolument.  En  re- 
vanche, il  n'est  pas  inutile  de  rappeler  ici  l'époque  où  Bré- 
cy résida  à  Agen.  date  précieuse  pour*  nous  en  ce  qu'elle 
nous  fournit  en  même  temps  celle  des  nombreux  dessins  qu'il 
exécuta,  relatant  ainsi  exactement  à  cette  époque  l'état  des 
monuments,  Catiiédrale  Saint-Etienne,  Beffroi  de  THotel  de 
Ville,  portes  de  ville,  etc.,  que  nous  avons  reproduits  dans  les 
chapitres  précédents  de  cette  étude  sur  les  monuments  dispa- 
rus du  vieil  Agen. 

Né  à  Paris  en  1804,  Henri  Brécy  vint  à  Agen  en  1831  com- 
me commis  des  Ponts  et  Chaussées.  Il  y  demeura  jusqu'en  1837, 
époque  où  il  fut  envoyé  à  Tarbes.  Mais  il  n'accepta  pas  ce  pos- 
te et  préféra  se  retirer  à  Montauban  où  il  s'installa,  dès  le  mois 


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—  3H2  — 

de  novembre  de  cette  année, en  qualité  d'ingénieur  civil,  et  où 
il  demeura  jusqu'en  1876.  II  mourut  à  Paris  en  1883. 

Son  goût  pour  l'archéologie,  son  talent  de  dessinateur  le  dé- 
signèrent de  bonne  heure  aux  suffrages  des  membres  de  la 
société  académique  d'Agen.  Il  y  entra  en  1835  en  qualité  de 
membre  résidant,  et  ne  passa  non  résidant  qu'en  1838,  lors- 
qu'il.eut  quitté  définitivement  notre  ville. 

Brécy  s'intéressa  tout  particulièrement  à  l'église  Saint- 
Caprais  d'Agen.  Il  engagea  avec  le  chanoine  Simil,  au  sujet 
de  l'origine  de  la  première  église,  une  très  curieuse  polémique, 
Brécy  la  faisant  remonter  au  v  ou  vi«  siècle,  suivant  l'opinion 
généralement  adoptée,  l'abbé  Simil  au  contraire  ne  la  datant, 
à  tort,  que  du  xi*"  siècle.  Dans  ses  n***  des  10  septembre,  24 
novembre.  '^'6  novembre  et  13  décembre  1836,  le  Journal  dp. 
Lot-et-Garonne  en  reproduit  tous  les  détails.  Brécy  accompa- 
gna même  ses  lettres  d'un  rarisisme  dessin  qu'il  intitula  :  Cro- 
quis pour  servir  à  l'intelligence  de  la  discussion,  où  sont 
figurés  la  pierre  commémorative  du  jour  et  du  mois  de  la  pre- 
mièï'e  église  de  Saint  Caprais  d'Agen,  un  tombeau  du  v^siôcle, 
et  deux  autres  Christnies,  le  tout  en  une  seule  feuille,  dont 
M.  Louis  Recours  possède  l'unique  exemplaire  que  nous  con- 
naissions. 

Le  dessin  ci-contre  nous  donne  la  façade  méridionale  de 
Saint-Caprais  telle  qu'elle  était  au  monient  de  sa  construction, 
c'est-à-dire  au  xni^  siècle.  En  la  comparant  à  la  façade  actuelle, 
on  constate  de  notables  différences. 

Le  portail  qui  s'ouvre  dans  le  croisillon  sud  du  transept 
est,  en  effet,  de  même  style  que  le  grand  portail  occidental, 
quoique  moins  élégant  et  moins  chargé.  Au  lieu  de  neuf 
colonnettes,  sur  lesquelles  s'appuient  les  tores  des  archivoltes, 
on  n'en  compte  plus  que  quatre.  Mais  les  arcs,  comme  les 
chapitaux,  sont  semblables.  C'est  donc  bien  le  portail  pri- 
mitif. 

Ce  portail  est  surmonté,  dans  notre  dessin,  d'une  grande 
rose  à  sept  lobes,  encadrée  dans  de  hauts  contreforts.  La  façade 
se  termine  par  une  galerie  ajourée  de  quatre  baies  trilobées, 
sorte  de  chemin  de  ronde  crénelé  et  couvert,  que  domine  à 


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—  383  — 

Touest  le  clocher  en  bois,  quadrangulaire,  éclairé  par  deux 
petites  fenêtres  sur  ses  deux  faces  et  découronné  de  la  flèche 
qui,  autrefois,  devait  le  surmonter. 

Car,  ce  clocher  bas,  trapu,  fort  laid,  n'était  pas,  croyons- 
nous,  le  clocher  primitif.  Dans  la  Perspec/ice  d'Agen  de  1648, 
le  clocher  de  Saint-Caprais  se  présente  plus  élevé,  terminé  par 
une  calotte  pyramidale.  La  partie  supérieure  en  fut-elle 
détruite  par  la  foudre,  l'incendie,  la  vétusté  ?  Fut-elle  démo- 
lie en  1793  par  ordre  de  Paganel,  en  même  temps  que  le  clo- 
cher de  Saint-Etienne  ?  Ce  qui  pourrait  le  faire  croire,  c'est 
la  phrase  de  Proche,  qui,  parlant  à  cette  date  de  la  démoli- 
tion du  beffroi  de  Saint-Etienne,  écrit  que  «  ce  beffroi  du  clo- 
«  cher  de  la  cathédrale  était  semblable  à  celui  de  Saint- 
«  Caprais  (1)  »...  Le  clocher,  dessiné  par  Bulliera, aurait  donc 
été  construit  depuis,  à  la  hâte,  à  seule  fin  de  protéger  les  clo- 
ches et  devrait  n'être  considéré  que  comme  provisoire. 

Déjà,  en  1826,  sous  l'épiscopat  de  Mgr  Jacoupy  (1802-1840) 
il  avait  été  question  de  modifier  toute  cette  faç^ide  sud  et  de 
construire  un  nouveau  clocher.  Dans  un  volumineux  dossier 
relatif  à  la  reconstruction  de  la  cathédrale,  sous  le  gouverne- 
ment de  Juillet,  il  est  dit,  à  cette  date,  <  que  le  clocher  actuel 
«  est  en  bois  ».  Un  joli  lavis  accompagne  ce  projet  de  restau- 
ration. Mais  il  semble  que  le  manque  d'argent  ait  arrêté,  à  ce 
moment,  les  projets  du  prélat. 

Ce  ne  fut  guère  qu'en  1839  qu'ils  furent  repris  et  poussés 
sans  discontinuation.  Le  18  octobre  de  cette  année  a  lieu,  en 
effet,  à  l'hôtel  de  la  Préfecture,  une  «  adjudication  à  exécuter 
«  pour  la  construction  d'un  clocher  à  la  cathédrale  d'Agen  ». 
La  dépense  est  évaluée  à  la  somme  de  98.000  francs.  L'archi- 
tecte est  M.  Bourrières  ;  l'entrepreneur  le  sieur  Magnac. 

Là-dessus,  Mgr  Jacoupy  donne  sa  démission  et  est  remplacé 
en  1841  par  MgrLevezou  de  Vesins.  Très  épris  d'archéologie, 
le  nouveau  prélat  pousse  avec  ardeur  les  travaux  déjà  com- 
mencés. D'innombrable  pièces,  conservées  aux  archives  dépar- 


(1)  Annales  de  la  cille  d'Aficn^  p.  39. 


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-  384  — 

teinentales  (1)  l'attestent,  toutes  prouvant  avec  quel  zèle 
Mgr  de  Vesins  entend  restaurer  sa  vieille  cathédrale.  Aussi 
donne-t-il  a  larchitecte  les  ordres  les  plus  précis  pour  que  la 
façade  méridionale  prenne  une  allure  plus  en  rapport  avec  le 
style  gothique  du  transept  et  de  la  nef.  C'est  donc  sur  ses  con- 
seils que  M.  Bourrières  modifie  le  portail,  en  y  ajoutant  deux 
ou  trois  rangs  de  voussures,  mais  en  utilisant,  croyons- nous, 
les  anciennes  colonnettes  et  leur  chapiteaux  ;  en  le  surmon- 
tant d'un  gable  orné  de  roses  et  d'écoinçons,  et  accosté  de  deux 
pinacles  à  crochets  ;  en  murant  les  deux  croisées  en  tiers, 
point  qui  se  voient  de  chaque  côté  ;  en  modifiant  l'ornemen- 
tation de  la  rosace  inférieure  ;  enfin,  en  surélevant  considéra- 
blement le  mur  de  façade  et  en  le  terminant  par  un  large 
fronton  triangulaire  percé  d'une  seconde  rosace  à  peu  près  de 
même  style  que  la  première. 

C'est  alors  également  que  le  vieux  clocher  fut  démoli  et  que 
s'éleva  à  sa  place  le  clocher  actuel,  sur  plan  quadrangulaire, 
à  trois  étages,  terminé  par  une  terrasse.  Il  était  achevé  en 
1846  (2).  Les  styles  en  sont  fort  mal  assortis 

Cette  faute,  Mérimée  ne  manqua  pas  de  la  relever,  affirme- 
t-on,  le  jour  où,  envoyé  dans  le  Midi  comme  inspecteur  des 
monuments  historiques  et  des  édifices  diocésains,  il  s'écria,  à  la 
vue  du  nouveau  clocher  que  Mgr  de  Vesins  était  tout  fier  delui 
montrer  :  a  Mais,  Monseigneur,-  votre  clocher  est  renversé? 
«  Ne  voyez-vous  donc  pas  que  le  xv®  siècle  est  en  bas,  le  xiV 
«  au  milieu,  et  des  motifs  du  xm^  dans  le  haut,  alors  que  logi- 
«  quement  le  contraire  devrait  avoir  lieu,  et  que,  puisqu'on 
«  avait  voulu  le  gratifier  des  trois  styles,  le  flamboyant  aurait 
«  dû  flamboyer  plutôt  à  la  partie  supérieure?  »  Tout  le  monde 
rit  de  cette  boutade  du  spirituel  archéologue,  au  fond  exacte 
et  très  vraie,  Monseigneur  tout  le  premier.  Seul,  ne  riait  pas 
l'architecte,  qui  faisait  également  partie  du  cortège. 

Un  peu  plus  loin,  dans  notre  vue,  se  dresse  à  l'angle  sud- 


(1)  Archives  départementales  de  Lot  et-Garonne.  Série  V.  7  (5  liasses). 

(2)  Voir  dans  ce  même  dossier,   les   plans,  lavis,  coupes,  élévations,  signé  s 
fourrières  et  dont  quelques-uns  sont  exécutés  avec  le  plus  grand  soin. 


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—  385  — 

ouest  de  l'édifice  la  tourelle  hexagonale,  dite  le  petit  clocher 
ou  clocher  de  l'horloge.  Elle  n'a  jaipais  été  modifiée.  Telle 
elle  se  trouve  dans  la  perspective  de  1648,  telle  nous  la  voyons 
aujourd'hui. 

Entre  les*  deux  clochers  s'étend,  dans  le  bas,  un  corps  de 
logis,  à  sept  fenêtres  de  façade,  sur  le  prolongement  même  du 
portail.  C'était  la  sacristie,  qui  existe  de  nos  jours,  mais  qui  a 
été  amoindrie  par  la  construction  du  clocher  et  complètement 
modifiée. 

Dans  le  fond,  se  distingue  le  vieux  couvent  du  Chapelet  ; 
c'était,  après  les  Annonciades,  le  plus  ancien  couvent  de  religieu- 
ses d'Agen.  Il  avait  été  fondé,  en  1585,  par  les  libéralités  de  la 
dame  de  Lisse,  et  occupait  tout  l'emplacement  compris  entre 
la  rue  et  place  Saint-Caprais  à  l'est;  la  rue  d'Amour  et  maisons 
des  citoyens  Fontané,  Carbonneau  et  autres  particuliers,  au 
sud  ;  la  rue  Fon-Nouvelle,  à  l'ouest  ;  les  maisons  des  citoyens 
Charrière,  Boé  et  du  chanoine  Rangouse,  au  nord,  allant  pres- 
que jusqu'au  moulin  de  Saint-Caprais  (1).  La  Révolution  le 
morcela  en  plusieurs  lots.  Le  plus  important  servit  alors  d'ate- 
lier de  salpêtre,  de  magasin  de  grains  et  de  fourrages,  de  pri- 
son correctionnelle,  puis  A'éccSle  d'enseignement  mutuel.  En 
1822  il  fut  de  nouveau  morcelé  et  vendu  à  divers.  Seul  sub- 
sistait, vers  1835,  le  grand  portail  d'entrée,  esquissé  sur  notre 
gravure,  et  qui  se  trouvait  exactement  dans  l'axe  de  la  rue 
Neuve-des- Augustins,  percée  depuis . 

Enfin,  tout  à  fait  à  gauche,  au-dessus  d'une  croix  de  mis- 
sion, le  dessinateur  a  reproduit  le  coin  de  la  terrasse  d'un 
grand  jardin,  qui  se  dressait  à  la  hauteur  d'un  premier  étage 
et  qui  occupait  tout  le  centre  de  la  place  actuelle  de  Saint- 
Caprais.  C'était  le  jardin  du  curé.  Enguirlandé  de  hautes  treil- 
les et  émaillé  de  fleurs  rares  et  odorantes,  ne  fait-il  point 
songer  à  ce  joli  jardin  de  curé,  si  amoureusement  décrit  par 
Georges  Sand  dans  son  beau  roman  de  Consuelq,  où  «  les  ber- 
«  ceaux  devigne,  coquettement  arrondis  en  arceaux,  portaient, 


(1)  Voir  le   chapitre  III  du  tome  ii  de  nos    Anciens  coucents  d'Agen  avant 
1789. 


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—  386  — 

«  comme  autant  de  girandoles,  d'énormes  grappes  de  raisin 
«  succulent...  et  où,  le  soir  venu,  les  belles  de  nuit,  belles  et 
«  pures  comme  les  étoiles  du  ciel,  tournaient  leurs  corolles; 
(i  encore  vierges,  vers  la  lune,  leur  bonne  amie  ?  »  De  grands 
arbres  séculaires,  plantés  en  dehors,  lui  faisaient  escorté,  qui 
donnaient  à  cette  place  un  cachet  particulier  de  pittoresque, 
de  calme  et  de  repos. 

Notre  description  de  la  place  Saint-Caprais,  autrefois  place 
de  la  Monnaie  (1),  serait  incomplète,  si  nous  ne  signalions  pas 
le  vieux  cimetière  qui,  bien  que  ne  paraissant  pas  sur  notre 
gravure,  s'étendait  à  Test  de  la  place  et  ceignait  le  chevet  de  la 
cathédrale.  «  Le  mur  qui  lui  servait  d'enceinte,  écrit  M.  Ad. 
«  Magen,  qui  l'avait  vu  dans  son  enfance,  partait  de  la  pletite 
«  chapelle  absidiale,  auprès  de  laquelle  s'ouvre  la  porte  laté- 
«  raie  qui  regarde  le  sud,  se  dirigeait  en  ligne  droite  vers 
«  l'est,  formait  une  sorte  de  pan  coupé,  se  retournait  du  côté . 
«  du  nord  et  allait  s'appuyer  sur  la  petite  maison  isolée 
«  comme  un  îlot,  qui  est  la  première  à  gauche  de  la  rue  des 
((  Martyrs,  »  maison,  sur  la  porte  de  laquelle  on  lisait  encore, 
il  n'y  a  pas  longtemps,  cette  inscription  :  «  La  République  ou 
la  Mort.  »  Cette  ligne  est  trèfe  bien  tracée  et  parfaitement 
visible  sur  la  fraction  du  plan  Lomet,  que  nous  avons  repro- 
duite au  chapitre  précédent  de  Sainte-Foy,  et  qui  renferme 
également  le  plan  et  les  abords  de  l'église  Saint-Caprais. 

((  On  entrait  au  cimetière,  ajoute  Magen,  par  une  porte 
((  assez  basse,  placée  à  la  naissance  du  mur,  près  de  la  cba- 
«  pelle  dont  nous  venons  de  parler.  Beaumesnil,  dans  ses 
«  Antiquités  d'Agen,  manuscrit,  figure  trois  tombeaux  anti- 
«  ques  pittoresquement  groupés  dans  l'encoignure  formée  par 
«  la  jonction  de  ce  mur  avec  l'abside,  et  au-dessus  même  de 
«  la  porte  le  couvercle  d'un  quatrième  tombeau  dont  un  autre 
«  dessin  reproduit  isolément  les  détails  (2).  Les  sigles  D.  M, 


(1)  Nous  lisons,  en  effet,  au  registre  BB,42,des  Archives  municipales  d'Agen, 
que  les  Jurades  eurent  à  délibérer,  en  1614.  au  sujet  d'une  nouvelle  construc- 
tion des  religieuses  du  Chapelet  «  sur  la  place  de  la  Monnaie,  près  de  Saint- 
Caprais.  » 

(2)  C'est  la  gravure  que  nous  reproduisons  ci-contre. 


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—  387  — 

«  gravés  sur  la  face  antérieure,  prouvent  qu'il  n'a  pas  renfermé 
«  les  cendres  d'un  chrétien,  et  l'urne  cinéraire  qui  fut  trou- 
M  vée  dans  ses  profondeurs  le  dénonce  comme  probablement 
«  antérieur  au  iv®  siècle,  l'ustion  ayant  dès  cette  époque,  et 
('  d'une  manière  presque  générale,  fait  place  à  l'inhumation. 
«  Un  cinquième  tombeau,  aussi  dessiné  séparément,  offre  le 
«  monogramme  du  Christ  et  paraît  appartenir  au  v®  ou  vi« 
.«  siècle.  Tous  les  tombeaux  étaient  en  marbre  (1)  ». 

Ces  cercueils  décrit  par  Magen,  d'après  Beaumesnil,  avaient 
été  pour  la  première  fois  signalés  par  Proche  en  ces  termes,  à 
la  date  de  1815  : 

»  Dans  le  courant  du  mois  d'avril  dernier  (1815),  le  mur  de 
«  clôture  de  l'ancien  cimetière  de  Saint-Caprais  a  été  détruit 
«  pour  y  établir  le  marché  de  bois  à  brûler,  qui  se  tenait  aupa- 
«  ravant  sur  la  place,  et,  en  dernier  lieu,  devant  l'église  de 
«  Saint-Caprais.  On  a  reconnu  que  ce  local  était  trop  petit  et 
«  gênait  le  passage  de  l'église  qui  était  trop  obstrué  par  les 
«  charrettes.  Dans  les  fouilles  qui  ont  été  faites  pour  extirper 
«  les  fondements  de  ces  murs,  on  a  trouvé  des  cercueils  de  mar- 
«  bre  et  de  pierre,  dont  quelques-uns  étaient  à  une  grande 
«  profondeur.  On  pensait  qu'ils  renfermaient  quelques  monu- 
«  ments  d'antiquité,  quelques  médailles  ou  inscriptions  qui 
«  fissent  connaître  l'époque  à  laquelle  ils  avaient  été  déposés 
«  dans  ces  lieux  ;  mais  ils  n'offraient  rien  de  curieux,  pas 
((  même  une  croix.  Après  avoir  ùté  la  couverture  avec  soin,  on 
«  n'y  trouva  que  les  os  d'un  cadavre  ou  des  cendres.  On  a 
((  remarqué  seulement,  au  fond  de  ces  cercueils,  une  couche 
«  de  charbon  très  bien  conservée,  sur  laquelle  le  cadavre  était 
«  étendu.  Les  cercueils  ont  été  retirés  et  vendus  à  des  parti- 
ft  culiers  qui  les  destinent  à  divers  usages  (2)  ». 

Dans  son  Essat  sur  les  Antiquités  du  département  de  Lot- 
et-Garonne,  Saint  Amans  cite  également  ces  sarcophages; 
il   les  décrit  sommairement  et  en  reproduit  les  dessins  (3). 


(1)  Proche  :  Annales  de  la  rille  d'Agen,  p.  193.  Note  d'A.  Magen. 

(2)  Annales  de  la  cille  d'Agen^  p.  193. 

(3)  VP  Notice.  Explication  sommaire  des  planches,  pp.  156-157  et  planches 
1  à  5. 


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-  388  - 

Quelques-uns  ont  été  retrouvés  depuis  et  portés   au   Musée 
d'Agen. 

Nous  n'avons  pas  la  prétention,  nos  lecteurs  le  pensent  bien, 
de  transformer  cette  simple  causerie  en  une  étude  complète 
sur  Saint-Caprais  d'Agen.  Cette  étude,  du  reste,  a  été  faite 
en  partie.  Nous  estimons  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'y  revenir. 

Au  point  de  vue  archéologique  d'abord,  MM.  de  Caumont,. 
Viollet-le-Duc,Didron,  Crosnier,  se  sont  occupés  plus  ou  moins 
de  l'église  agenaise.  L'abbé  Barrère,  un  précurseur,  dont  nous 
devons  saluer  respectueusement  la  mémoire,  en  a  fait  dans  son 
Histoire  religieuse  et  monumentale  d'Agen,  t.  1.  une  longue 
description,  précis.int  la  diversité  de  son  style,  et  s'étendant 
longuement  sur  le  symbolisme  de  ses  sculptures.  De  nos  jours 
enfin,  M.  G.  Tholin,  dans  ses  Etudes  sur  l'Architecture  reli- 
gieuse de  l'A  gênais,  lui  a  consacré  l'une  de  ses  meilleures  et 
plus  complètes  monographies.  Il  s'est  surtout  attaché  «  à  faire 
«  ressortir  les  caractères  de  l'œuvre  de  ses  architectes  et  à  pré- 
«  ciser  les  modifications  apportées  au  plan  primitif.  *)  Et  c'est 
ainsi  que,  la  rattachant  au  groupe  des  églises  byzantines,  «  à 
«  l'école  régionale  dont  Saint-Front  et  peut-être  en  même 
a  temps  Saint-Etienne  de  Périgueux  sont  les  types  ori- 
«  ginels  »,  il  la  présente  comme  une  des  premières  églises 
byzantines  auxquelles  on  ajouta  un  transept  et  des  chapelles 
rayonnantes. 

«  En  étudiant,  écrit-il,  les  édifices  élevés  sur  ce  plan,  on 
«  remarque  dans  les  divisions  du  sanctuaire  et  dans  le  triple 
((  étagement  produit  à  l'extérieur  par  les  chapelles,  l'abside 
«  et  le  transept,  plus  d'une  analogie  avec  Saint-Sernin  de 
«  Toulouse  et  certaines  églises  de  l'Auvergne.  J'admettrais 
«  donc  volontiers,  sur  cette  preuve,  une  alliance  entre  l'école 
tt  de  Périgueux  et  celle  d'Auvergne,  produisant  un  type 
((  mixte  ». 

C'est,  en  effet,  la  partie  orientale  extérieure  deSaint-Caprais 
avec  son  abside  et  ses  absidioles  qui  offre  le  plus  d'intérêt. 

A  l'intérieur,  on  n'ignore  pas  que  le  chœur  est  roman,  de  la 
seconde  moitié  du  xii®  siècle,  et  que  si  les  quatre  énormes 


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-  389  — 

piliers  qui  délimitent  le  carré  du  transept  étaient  destinés 
dans  le  plan  primitif  à  supporter  une  coupole,  une  interrup- 
tion de  cinquante  ans  environ,  dans  la  construction,  motivée 
par  les  guerres  incessantes  et  notamment  la  guerre  des  Albi- 
geois, la  modifia  du  tout  au  tout,  et  que  la  coupole,  passée  de 
mode,  fut  alors  remplacée  par  la  voûte  sur  ci^oisée  d'ogives. 
Saint-Caprais  n'échappa  point  à  cette  évolution.  Le  style 
gothique  fut  substitué,  tant  dans  le  transept  que  dans  la  nef, 
au  style  roman.  On  travailla  ainsi,  tout  le  xni*  et  xiv®  siècle, 
à  la  continuation  de  l'édilice.  Et  ce  ne  fut  qu'au  commence- 
ment du  XVI®  siècle,  en  1508,  ainsi  que  le  porte  l'inscription 
j  de  la  clef  de  voiCite  de  la  dernière  travée,  A.  X.  M. V. VIII. 
CONSVMAP.  ECL..  que  le  vaste  vaisseau  fut  terminé  (1). 

Malgré  cette  diversité  de  style,  l'église  Saint-Caprais  d'Agen 
a  fort  grand  air.  Son  ornementation,  en  outre,  est  des  plus 
riches.  Les  chapiteaux  des  piliers  du  transept,  ainsi  que  ceux 
des  grands  arcs  des  chapelles  latérales,  ne  le  cèdent  en  rien, 
par  leur  modèle  et  le  fini  de  leur  exécution,  aux  plus  beaux 
des  autres  églises  romanes.  Nous  doutons  fort  également  qu'on 
puîssse  trouver,  quoique  postérieur  au  moins  d'un  siècle,  un 
plus  remarquable  cul  de  lampe  que  celui  qui  est  placé  dans 
l'angle  nord-ouest  du  croisillon  nord,  dont  le  dais  abrite  un 
personmige  couronné,  et  que  Viollet-le-Duc  a  trouvé  digne 
de  reproduire  dans  son  Dictionnaire  d'architecture  (2). 

Est-il  nécessaire  de  rappeler  aussi  l'intérêt  que  présente,  au 
point  de  vue  archéologique,  la  salle  capitulaire  du  Chapitre, 
aujourd'hui  la  chapelle  du  collège  Saint-Caprais,  avec  son  por- 
tail roman,  les  merveilleux  chapiteaux  qui  surmontent  les 
jolies  colonnettes  de  ses  fenêtres,  dont  l'un  figure  des  soldats 
dans  l'attitude  de  la  tristesse,  et  les  deux  panneaux,  maintes 
fois   décrits,  de  deux   magnifiques  sarcophages  chrétiens,  le 


(1)  En  montant  ces  derniers  temps,  M.  Tabbé  Marboutin  et  moi,  au-dessus 
des  voûtes,  et  en  examinant  de  près  la  calotte  de  la  croisée  d'ogive  du  tran- 
sept, nous  avons  parfaitement  distingué,  aux  quatre  coins  du  carré,  les  pen- 
dentifs encore  existants  de  la  coupole  primitive,  ainsi  que  le  cercle,  bien  tracé, 
de  son  soubassement.  La  coupole  proprement  dite  a-t-elle  jamais  existé  ? 
Toujours  est-il  que  tout  était  prêt  pour  la  recevoir. 

(2)  Tome  iv,  pp.  492  et  193, 


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—  390  — 

plus  beau  représentant,  à  droite  et  à  gauche  du  monogramme 
du  Christ   soutenu   par    deux  anges,  la  légende  de  Jonas? 

Cette  chapelle,  qui  vient  d'être  classée  comme  monument 
historique,  faisait  autrefois  partie  du  cloître  de  Saint-Caprais. 
lequel  était  formé,  d'après  Saint-Amans,  «  par  un  rang  de 
«  colonnes  accouplées,  dont  les  chapiteaux  étaient  en  général 
((  très  bizarres  et  dont  quelques-uns  offraient  d'incroyables 
((  obscénités,  qu'on  trouve,  du  reste,  très  fidèlement  dessinées 
((  dans  le  manuscrit  de  Beaumesnil.  »  Ici,  nous  nous  inscri- 
vons en  faux  contre  l'assertion  de  Saint- Amaijis,  reconnaissant 
bien  l'obscénité  des  dessins  de  Beaumesnil,  mais  convaincu  que 
l'imagination  seule  de  ce  personnage  l'avait  poussé  à  les  pré- 
senter ainsi  et  à  les  attribuer,  tels  quels,  au  cloître  Saint- 
Caprais. 

Acheté  à  la  Révolution  par  M.  Amblard,  le  cloître  de 
Saint-Caprais  fut  démoli  par  lui  peu  après.  Mais  les  plus 
beaux  chapiteaux  ont  été  conservés  et  donnés  par  son  petit- 
fils,  le  docteur  Louis  Amblard,  au  Musée  d'Agen,  dont  ils 
ornent  l'une  des  salles  du  rez-de-chaussée. 

L'histoire  de  l'église  et  du  Chapitre  de  Saint-Caprais 
d'Agen  occuperait  tout  un  volume.  Innombrables,  en  effet,  se 
présentent  le^  documents  sur  elle,  depuis  le  xi"  siècle  jusqu'à 
nos  jours.  Elle  est  digne  de  tenter,  en  tous  cas,  la  plume  d'un 
jeune  écrivain,  qui  trouverait,  tant  à  Paris  que  dans  les  diver- 
ses archives  d'Agen,  tous  les  matériaux  nécessaires  à  sa  com- 
position. 

Cette  histoire  a,  du  reste,  été  déjà  écrite,  par  Labénazie, 
ancien  prieur  de  la  Collégiale;  mais  il  ne  l'a  jamais  publiée. 
Elle  demeure  donc  à  l'état  de  manuscrit  inédit,  à  la  Biblio- 
thèque nationale,  à  Paris,  sous  la  cote  de  :  Fonds  français. 
N.  14426.  Elle  forme  un  in-4''  de  287  pages. 

Nous  croyons  être  utile  aux  travailleurs  agenais  en  la  leur 
signalant,  et  en  résumant  peureux  le  contenu,  d'après  sa  table, 
de  ce  précieux  registre. 

Le  manuscrit  commence  par  une  préface  renfermant  la  note 
suivante  de  M.  le  comte  de  Durfort  : 


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—  391  — 

(«  Je  prye  Monsieur  Béjot  (1) de  vouloir  bien  renvoyer  parle  porteur 
«  une  nouvelle  reconnaissance  qui  fasse  mention,  comme  je  l'ai  mar- 
«  que,  du  don  que  M.  de  Couloussac  (2)  fait  à  la  Bibliothèque,  de 
((  l'histoire  de  S.  Caprais.  Il  sera  flatté  qu'il  en  soit  fait  note. 

«  M.  Béjot  obligera  les  personnes  qui  s*occuperont  de  l'histoire  de 
«  la  Guyenne  de  les  prévenir  des  avantages  que  l'on  peut  tirer  de 
«  la  combinaison  des  ouvrages  suivants  : 

((  1°  La  susdUe  histoire  de  S.  Caprais,  de  La  Bénazie  ; 

((  29  L'hi$toire  du,  diocèse  d'Agen,  par  le  même,  qui  est  aux  Im- 
«  primés  ; 

«  3<>  Les  manuscrits  de  dom  Estiennot,  à  Saint-Germain  des  Prés, 
«  sur  la  Guyenne; 

«  4°  L'histoire  de  Vabbaie  de  Condom  (3),  manuscrit  à  la  Biblio- 
((  thèquedu  Roi  ; 

«  5^  L* histoire  des  Ecèques  d'Agen,  dans  la  Gallia  christiana, 

((  L'on  reconnaîtra  dans  ces  ouvrages  que  les  seigneurs  de  Clair- 
«  mont  et  de  Beauville  étaient  des  barons  d'Agenais,  qu'ils  étaient 
((  de  même  maison  que  les  seigneurs  de  Moirax  (?)  et  tous  issus, 
((  peut-être,  des  comtes  d'Agen  dont  l'histoire  ne  dit  rien  et  qui  étaient 
«  des  ducs  de  Gascogne.  Voilà  l'intérêt  de  l'histoire. 

('  Le  premier  examen  doit  se  porter  sur  l'histoire  des  abbayes  de 
«  Condom  (?),  de  Saint-Maurin  et  monastères  de  Moirax  et  de  Layrac, 
((  dans  l'histoire  d'Agen  par  La  Bénazie. 

«  P.  S.  —  On  pourrait  laisser  cette  note  (4)  dans  le  manuscrit  de 
«  S.  Caprais.  On  y  trouve  aux  pages  138,  155,  160,  des  renseigne- 
«  ments  sur  quelques  objets  cy  dessus  indiqués  »>. 

Puis,  vient  la  table  ci -après  de  l'ouvrage^: 

«  Partage  de  £" Histoire  de  l'Eglise  Collégiale  de  S.  Caprais 
«  d'Agen. 

((  Livre  premier  : 
«  Le  premier  livre  traite  du  Patron  de  cette  église  et  est  divisé  en 
•'  cinq  chapitres  : 
«  1.  Le  chapitre  1*'  est  de  l'avènement  de  S.  Caprasi  dans  Agen. 
«  2.  Le  chapitre  2^  est  de  l'épiscopat  de  S.  Caprasi. 


(1)  Béjot,  Conservateur  de  la  Bibliothèque  du  Roi. 

(2)  Couloussac,  dernier  prieur  de  S.  Caprais, 

(3)  Nous  croyons  qu'il  faut  lire  Gondon.  (?) 

(4)  Note  écrite  de  la  main  même  du  comte  de  Durfort. 


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-  392  — 

«  3.  Le  3^  chapitre  est  de  son  ministère. 

•  4.  Le4«  de  son  martire. 

<  5.  Le  5*  est  de  ses  reliques  et  des  autres  martires  qui  furent  les 
«  compagnons  de  son  triomphe. 

«  Livre  second  : 

«  Le  livre  second  traite  de  V Ancienneté  de  cette  église  en  cinq  cha- 
•  pitres  : 

t  Chapitre  1"  :  L'ancienneté  de  cette  église  et  du  tems  de  sa  cons- 
truction. 

<  Chapitre  2  :  Du  corps  et  de  la  grandeur  et  figure  de  cette  église. 
«  Chapitre  3  :  Sa  fondation  et  dotation. 

«  Chapitre  4:  Ses  premiers  revenus. 

«  Chapitre  5  :  Il  traite  des  prérogatives  de  cette  église,  du  droit  de 
«  cimetière,  des  paroisses,  des  fonctions  des  Evéques,  du  serment  des 
a  Evéques,  del'Avent,  du  Carême,  du  Jour  de  Pâques. 

«  Livre  troisième  : 
«  Le  livre  troisième  traite  de  la  Noblesse  du  Chapitre  et  contient 
«  cinq  chapitres  : 
«  Chapitre  1^^  :  L'ancienneté  de  ce  Chapitre. 

•  Chapitre  2  :  La  manière  de  vie  des  anciens  chanoines. 

«  Chapitre  3  :  La  manièreet  1  état  du  même  Chapitre  maintenant. 
«  Chapitre  4  :  Les  hommes  illustres  qui  en  sont  sortis. 

<  Chapitré  5  :  Des  honneurs  du  Chapitre. 

«  Livre  quatrième  : 
«  Il  traite  en  cinq  chapitres  du  Prieur  : 
«  Chapitre  1®'  :  De  la  dignité  du  prieur. 
«  Chapitre  2  :  Lisle  des  prieurs. 

•  Chapitre  3  :  De  la  promotion  et  institution  des  prieurs. 

a  Chapitre  4  :  Des  honneurs  et  revenus  qu'ils  ont  à  Tégard  du  cha- 
«  pitre. 
«  Chapitres  :  De  leurs  prééminences  et  préséances  hors  du  Chapitre. 

((  Livre  cinquième. 

«  Des  biens  du  Chapitre  : 
((  Chapitre  1*':  De  sfiefs  du  Chapitre. 
«  Chapitre  2  :  Des  bénéfices  et  autres  biens  du  Chapitre. 
((  Chapitre  3  :  Des  terres  en  justice  :  droits  seigneuriaux. 
«  Chapitre  4  ;  Des  péages  du  Chapitre. 
((  Chapitre  5  :  Des  droits  du  Chapitre,  et  de  ses  honorifiques.  » 


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—  393  — 

Et  au-dessous  en  notes  : 

«  1.  Ce  manuscrit  m'a  été  remis  de  la  part  de  M.  le  maréchal  de 
«  Mouchy,  par  M.  le  comte  de  Durfort,  le  15  novembre  1785. 

«  Signé  :  Béjot.  » 

*  2.  «  Je  certifie  que  c'est  M.  de  La  Bénazie.  prieur  de  Tinsigne 
«  église  collégiale  de  S.  Caprais  d'Agen,  qui  a  composé  et  écrit  de  sa 
((  propre  main  cette  histoire  de  ladite  église*,  sur  281  pages,  et  que  je 
«  Tai  remise  à  Mgr  le  maréchal  de  Mouchy,  pour  être  déposée  à  la 
«  bibliothèque  du  Roi. 

«  Agen,  le  22  juillet  1785. 

«  Signé:  Couloussac,  prieur  de  S.  Caprais.  » 

Longtennps  chanoine  de  Saint-Caprais  d'Agen,  La  Bénazie 
(1635  1724),  devint  prieur  du  Chapitre  collégial  en  1709.  Dès 
cette  époque,  il  employa  tout  son  temps  à  mettre  en  relief, 
dans  ses  nombreux  écrits,  les  principaux  faits  de  l'histoire  de 
la  Collégiale.  C'est  ainsi  qu'il  lui  consacre  le  livre  premier, 
presque  tout  entier^  du  tome  n  de  son  Histoire  du  Diocèse  et 
des  Eglises  d'Agen,  toujours  manuscrit,  et  dont  Toriginal 
appartient  ù  M"*<*  deBoéry,  née  Martinelly. 

Sans  parler  d'Argenton,  de  Labrunie,  de  Saint-Amans, 
c'est-à-dire  de  nos  anciens  annalistes,  qui  tous  battent  en  brè- 
che la  plupart  des  opinions  émises  par  La  Bénazie,  souvent  à 
tort,  l'histoire  de  Saint-Caprais  offre  trop  d'intérêt  pour  n'avoir 
pas  tenté  bien  des  auteurs  modernes. 

C'est  d abord  l'abbé  Barrère  qui,  dans  son  Histoire  reli- 
gieuse et  monumentale  du  diocèse  d'Agen  lui  consacra  de 
nombreuses  pages.  Puis  vient  l'abbé  David,  curé  de  la  cathé- 
drale, qui  a  écrit  une  Notice  historique  de  l'ancienne  église 
collégiale  de  Saint-Caprais,  parue  dans  le  Calendrier  ecclé- 
siastique d'Agen  pour  184?,  sous  de  simples  initiales  où 
Jules  Andrieu  a  cru  lire  le  nom  de  l'abbé  Duzil,  erreur  qu'a 
rectifiée  M.  l'abbé  Marboutin  C'est,  enfin,  M.  l'abbé  Du- 
rengues  qui,  dans  son  Fouillé  historique  du  diocèse  d'Agen 
pour  Vannée  1789,  écrit  sur  Saint-Caprais  plus  de  quarante 
pages.  Il  y  discute  ses  origines  anciennes,  contemporaines 
peut-être  de  la  translation  des  reliques  du  saint  dans  la  pre- 


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—  394  — 

mîère  église  du  v«  siècle,  mais  sans  qu'aucun  document  for- 
mel puisse  rassurer,  aucun  titre  authentique  ne  remontant 
au-delà  du  xi«  siècle.  L'acte  le  plus  ancien  est  une  charte  dé 
1180  octroyée  au  Chapitre,  par  Henri  If,  roi  d'Angleterre  et 
duc  d'Aquitaine.  Aussi  ne  peut-on  affirmer  que  les  deux  Cha- 
pitres d'Agen,  de  Saint-Etienne  et  de  Saint  Caprais,  fussent 
réguliers  à  un  moment  donné  de  leur  histoire.  S'ils  le  furent, 
c'est  à  la  règle  de  Saint  Augustin  qu'ils  durent  être  soumis. 
Mais  dès  la  fin  du  xm«  siècle,  le  Chapitre  de  Saint  Caprais  était 
séculier  et  il  l'est  resté  jusqu'à  la  Révolution. 

M.  Durengues  rappelle  ensuite  sa  fortune,  l'autorité  incon- 
testable dont  il  jouissait  au  moyen-âge,  les  honneurs  qui  lui 
étaient  rendus,  notamment  par  les  nouveaux  évèques,  les 
biens  qu'il  possédait,  les  terres  dont  il  touchait  les  revenus 
dans  la  juridiction  d'Agen,  comme  au-delà,  les  services  sur- 
tout qu'il  rendit  si  longtemps  à  la  cité  d'Agen. 

«  Gardien  de  nos  saintes  reliques,  écrit-il,  le  Chapitre  de 
«  SaintCaprais  vit,  aux  siècles  de  foi,  les"  peuples  accourir 
«  vers  lui  et,  par  leurs  aumônes,  augmenter  ses  richesses  et  son 
«  influence.  Par  suite,  il  semble  avoir  été  parmi  nous  l'un  des 
«  premiers  et  des  principaux  agents  de  la  civilisation  chré- 
«  tienne.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  pendant  trois  cents 
((  ans,  il  a  seul,  ou  à  peu  près  seul,  pourvu  à  Agen  à  l'instruc- 
(I  tion  de  la  jeunesse.  A  ce  titre  il  mérite  une  reconnaissance 
«  éternelle.  » 

Nous  ne  suivrons  pas  l'auteur  dans  les  détails  qu'il  nous 
donne  ensuite  sur  la  composition  du  Chapitre,  la  liste  des 
prieurs,  toujours  d'après  La  Bénazie,  les  chapelles  fondées  dans 
cette  église,  etc.,  etc. 

Nous  nous  contenterons  de  rappeler  avec  lui  que  la  tradition 
veut  que  Saint  Dulcide  fit,  le  premier,  bâtir  une  église  en 
l'honneur  de  Saint  Caprais,  au  v*  siècle,  et  que,  comme  prieur 
de  Sainte  Foy,  il  y  transporta,  en  grande  pompe,  les  reliques 
du  saint. 

Il  est  certain,  du  reste",  qu'il  existait,  vers  580  déjà,  une 
basilique  à  Agen  en  l'honneur  de  Saint  Caprais,  puisque  Gré- 
goire de  Tours  écrit  :  «  Didier,  ayant  rassemblé  son  armée, 


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—  ;»5  — 

((  entra  dans  Pérîgueux, après  avoir  chassé  le  général  Renaud; 
*.et,  ayant  exigé  des  habitants  le  serment  de  fidélité,  il 
a  js'avança  vers  Agen.  A  la  nouvelle  de  la  défaîte  de  son  mari, 
«  réponse  de  Renaud,  ne  doutant  pas  que  la  ville  ne  fit  sa 
((  soumission  au  roi  Chilpéric,  se  réfugia  dans  la  basilique  de 
»  Saint  Caprais,  martyr,  d'où  elle  fut  arrachée  par  les  soldats 
«  de  Didier,  dépouillée  de  ses  richesses  et  conduite  à  Tou- 
«  louse  (1)  ». 

Mais  jusqu'au  xn^  siècle,  nous  ne  savons  plus  rien  de  positif. 
Cette  première  église  résista-t-elle  aux  chocs  des  Sarrasins  et 
des  Normands  ?  Fut-elle,  au  contraire,  saccagée,  démolie  p  :r 
eux  ?  Et  sur  ses  ruines  éleva  ton,  l'orage  passé,  la  basilique 
actuelle  ?  Aucun  document,  sauf  toutefois  le  testament- de 
Raymond,  marquis  de  Gothie,  qui  spécifie  formellement  Texis- 
tence,  en  961,  d'une  église  de  Saint-Caprais  à  Agen  (2),  ne 
nous  permet  de  nous  prononcer  catégoriquement  sur  cette 
question.  Toujours  est-il  que  la  partie  la  plus  ancienne  de 
l'église  actuelle  ne  date  que  de  la  seconde  moitié  du  xii*  siècle, 
et,  qu'à  cette  époque,  elle  était  encore  hors  des  murs. 

Nous  avons  écrit  déjà  (3)  que  la  plus  ancienne  enceinte 
d'Agen,  celle  qui  existait  depuis  le  plus  haut  moyen-âge  et  qui 
fut  démolie  en  1229  par  ordre  du  Roi  de  France  imposé  au 
comte  de  Toulouse,  suivait,  au  nord,  une  ligne  qui,  partant  de 
la  Porte  de  la  Croix,  près  du  couvent  des  Augustins,  compre- 
nait la  Tour  du  Chapelet  et  aboutissait  par  la  petite  rue 
d'Amour  à  la  place  Caillives  et,  un  peu  plus  loin^  à  la  place 
du  Poids  de  la  Ville,  d'où  elle  se  dirigeait,  à  angle  droit,  vers 
le  sud.  Cette  face  nord  comprenait  la  porte  de  la  Petite  Bou- 
cherie, à  l'extrémité  des  Cornières  actuelles  et  la  porte  de 
l'Hôpital.  Saint-Caprais  était  donc,  avant  le.  xiii^  siècle,  hors  de 
cette  enceinte. 

Cependant,  dès  1229,  lors  de  sa  démolition,  et  surtout  dans 
la  seconde  moitié  du  xiii*  siècle,  lors  de  la  construction  rapide 


(1)  Grégoire  de  Tours.  Histoire  fr.,  livre  vi,  chap.  12. 

{i)  fJisioire  tlu  Laïujuedor^  tome  m. 

(3)  Voir  LcA  fCnceintc-i  sucrci*sices  ^/'^/yt'/i,  1894. 


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-  396- 

de  l'enceinte  de  transition  qui  incorpora  les  faubourgs  Saint- 
Georges  à  l'ouest  et  Lassaigoe  à  lest,  il  semble  que  Téglise 
de  Saint-Caprais,  contrairement  à  celle  de  Saint-Phébade  et 
de  Sainte-Foy,  ses  voisines,  ait  été  déjà  englobée  dans  l'en- 
ceinte de  la  cité,  cette  enceinte,  reportée  vers  le  nord,  étant 
limitée  par  la  porte  du  moulin  de  Saint-Caprais,  pour'revenîr 
brusquement  à  la  porte  de  l'Hôpital.  Pourquoi  cette  adjonc- 
tion ?  C'est  que  les  Agenais  professaient  de  tout  temps  un 
véritable  culte  pour  leur  patron  Saint  Caprais,  et  qu'ils 
tinrent  à  incorporer,  le  plus  tôt  possible,  son  église  dans 
leurs  murs,  afin  de  la  mettre,  avec  les  précieuses  reliques 
qu'elle  possédait,  à  l'abri  d'un  coup  de  main,  d'unpillage,  d'un 
incendie,  d'une  profanation  quelconque,  toutes  choses  trop  (rér 
quentes  hélas  I  en  ces  siècles  de  fer. 

A  partir  du  xni"  siècle,  les  documents  abondent  sur  l'his- 
toire de  Saint -Caprais  d'Agen.  Nous  ne  signalerons,  et  encore 
très  sommairement,  que  les  plus  importants. 

Le  22  juillet  1263,  une  grandiose  cérémonie  se  déroula  sous 
les  voûtes  de^Saint-Caprais.  Guillaume,  évêque  de  Lidda  ou  de 
Diospolis,  en  Palestine,  nommé  àTEvèché  d'Agen,  y  fit  son 
entrée  solennelle.  «  C'est  la  première  entrée  solennelle  de  nos 
«  évoques,  écrit  Labrunie,dont  nous  possédions  l'acte  dans  nos 
archives.  En  voici  la  traducti(»n  littérale  : 

«  Lorsque  TEvêque  d'Agen,  nouvellement  sacré,  y  vient 
((  pour  la  première  foiç,  il  descend  devant  la  porte  de  Saint- 
«  Caprais  d'Agen,  où  il  est  reçu  en  procession.  Cela  fait,  on 
((  le  place  sur  une  chaise  spécialement  destinée  à  cet  usage, 
«  devant  l'autel  de  Saint-Caprais  ;  et  de  là  il  est  porté  sur  leurs 
i  cous  et  sur  leurs  bras  par  les  nobles  seigneurs  de  Clermont- 
«  Dessus,  du  Fossat,  de  Beauville,  de  MadaîUan  etdeFumel, 
«  depuis  l'autel  de  Saint-Caprais  jusqu'aux  portes  de  l'église 
«  de  Saint-Etienne.  Il  y  célèbre  de  sujte  la  messe  solennelle 
((  et  tient  sa  cour  le  même  jour.  Le  lendemain,  il  reçoit  les 
<  hommages  et  les  reconnaissances  des  fiefs  de  ses  vassaux. 

«  Et  nous,  Guillaume,  ancien  évêque  de  Lidda,  à  présent 
<«  évêque  d'Agen,  l'an  du  Seigneur  1263,  le  dimanche,  fête  de 
«  Sainte   Marie-Madeleine,  le  11™°  jour  avant  les  Calendes 


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—  397  — 

<  d'août,  avons  été  porté  en  la  manière  et  en  la  forme  près- 
«  crite  par  les  susdits  barons  ;  et,  le  lendemain  lundi,  avons 
X  reçu  les  hommages  que  chacun  d*eux  nous  a  rendus  en  per- 
ce sonne,  en  nous  faisant  serment  de  fidélité  et  de  nous  défen- 
«  dre  nous  et  les  nôtres  (1)  ». 

Cet  usage  était  fort  ancien.  Il  ne  fut  aboli  qu'en  1492,  année 
où,  le  28  octobre,  Léonard  de  La  Rovère  y  fit  son  entrée.  Les 
quatre  barons,  qui  le  portaient,  s'étant  disputés  pour  une  ques- 
tion de  préséance  jusqu'à  dégainer  leurs  épées,  quatre  archers 
du  Sénéchal,  nous  apprend  La  Bénazie,  les  remplacèrent  et 
portèrent  ce  prélat  jusqua  la  cathédrale  Saint  -  Etienne, 
w  Depuis  ce  temps-là  nos  évéques  s'y  sont  transportés  eux- 
mêmes.  »  Mais  l'obligation  de  se  rendre  d  abord  à  Saint-Ca- 
prais  leur  fut  toujours  imposée,  afin  de  promettre  aux  chanoi- 
nes de  protéger  leurs  perosnnes,  de  conserver  leurs  immunités 
et  de  recevoir  des  mains  du  prieur  la  mitre  et  la  crosse. 

Cinq  ans  plus  tard,'  le  14  octobre  1268,  procuration  générale 
était  donnée  par  Pierre,  prieur  de  Saint-Caprais,  à  Fors  San- 
che,  chanoine  de  Sos,  pour  le  représenter  dans  toutes  ses 
affaires.  Cet  acte  ne  mérite  d'être  signalé  que  parce  que  Tori- 
ginal  contient  le  sceau  du  prieur.  Il  est  de  forme  ovale,  en  cire 
jaune,  sur  double  cordelette  de  fil  ;  et  il  représente,  au  droit 
un  évêque  mitre,  entouré  de  la  légende  S.  PETRI,  priORIS. 
S.CA,....  (2). 

En  1299,  des  meurtres  sacrilèges  furent  commis  dans  l'église 
Saint-Caprais.  Deux  hommes  y  furent  tués.  Ce  qui  occasionna 
un  long  procès  entre  le  Chapitre  et  la  municipalité,  celui-là 
accusant  les  Consuls  d'y  avoir  prêté  la  main,  ces  derniers  se 
justifiant  d*une  telle  accusation  et  obtenant,  après  de  longs 
pourparlers,  une  transaction  en  vertu  de  laquelle  ils  sont 
dégagés  de  toute  poursuite  par  Tévêque  de  Soissons,  l'archi- 
diacre de  Lisieux  et  le  sénéchal  de  Toulouse,  mais  doivent 
néanmoins  payer  au  Chapitre  une  somme  de  500  livres  à  titre 
d'indemnité.  Ce  procès  dura  plus  de  dix  ans.  Toutes  les  piè- 


(1)  Abrégé  chronologique,  p.  66. 

(2)  Archives  municipales  d'Agen,  GG,  178. 

2« 


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—  398  — 

ces  en  ont  été  publiées  par  MM.  Magen  et  Tholin,  dans  leur 
Recueil  de  Chartes  agenaises  (1).  • 

Les  Jurades  de  la  ville  d'Agen,  de  1345  à  1355.  contiennent 
de  nombreux  documents  sur  les  faits  et  gestes  du  Chapitre  de 
Saint-Caprais  pendant  ce  laps  de  temps,  et  aussi  sur  le  mou- 
lin de  Saint-Caprais,  attenant  à  Téglise.  Ils  n'offrent  aucun 
intérérét  particulier  (2). 

Le  Chapitre  de  Saint-Caprais,  avons-nous  dit,  avait,  au 
moyen-âge,  presque  exclusivement  dans  Agen  le  monopole  de 
l'enseignement.  Lorsque,  dès  la  fin  du  xv« siècle,  il  fut  démode 
de  créer  des  écoles  libres  en  ville,  il  s'arrogea  le  droit  de  nom- 
mer lui-même  les  régents  et  de  fixer  leur  salaire.  En  1493, 
Frère  Charles  Verdun,  cordelier,  de  mœurs  peu  édifiantes, 
fut  nommé  par  le  Chapitre  pour  diriger  les  écoles  d'Agen. 
Léonard  de  La  Rovère,  qui  venait  de  monter  sur  le  trône  épis- 
copal  de  cette  ville,  le  destitua  de  sa  propre  autorité  et  le  rem- 
plaça par  un  certain  Jean  Largus.  «  Mais  Charles  Verdun, 
«  nous  apprend  Labrunie,  aidé  des  gens  ses  alliés  et  ses  com- 
«  plices,  battit  les  écoliers  et  chassa  le  pauvre  Largus  »,  fait 
qu'approuva  le  Chapitre,  «  qui  appela  de  l'ordonnance  de 
('  l'Evêque,  et  se  maintint  longtemps  encore  dans  la  possession 
«  des  écoles  et  dans  le  droit  de  régler  le  salaire  des  maîtres, 
«  quoiqu'il  ne  contribuât  en  rien  à  les  payer  (3)  ». 

De  grandes  réparations  furent  faites  à  l'église  Saint-Caprais 
en  ce  commencement  du  xvr  siècle.  La  nef  fut  achevée  et  l'ins- 
cription, déjà  citée  par  nous,  placée  sur  la  clef  de  voûte  de  la 
dernière  travée,  et  portant  la  date  de  1508,  commémora  cet 
événement. 

Le  dimanche  13  octobre  1566,  Saint-Caprais  était  en  fête. 
On  y  rapportait  processionnellement  «les  saintes  reliques,  cap- 
«  ses  d'argent  de  Monsieur  Sainct  Caprasy  et  de  Madame 
«  Saincte  Foy,  et  plusieurs  autres  reliquaires,  calices,  croix, 


[Vf  Voirn"  cxiv,  cxvi,  cxvii,  cxxvi,  cxxviii,  cxxix,  cxxxi,  xcLii,  et  Archi- 
ves municipales  FF,  131  ci  GG,  178. 

(2)  Jurades  de   la  cille  d'Agen,  par  A.  Mgen.  Voir,  h  la  table  ,  aux  mots  : 
Sanrtus  Caprasius  ;  Chapitre,  Eglise,  Moulin. 
|3)  Abréffé  chronologique^  pp.  90,91. 


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—  399  - 

«  encensoirs,  le  tout  d'argent  et  surdorés  »,  qui  avaient  été 
cachés  depuis  Fan  1562  au  manoir  de  la  Lande,  appelé  Lamo- 
the-Cantal,  et  qui  appartenait  au  chanoine  de  Lalande,  et  ce 
«  par  la  fureur  et  la  cruauté  des  Huguenots  qui^  en  ladite 
«  année  1562,  pillèrent,  emportèrent  et  dérobèrent  les  chas- 
((  ses  des  églises  d'Agen  pour  en  faire  des  testons  et  dresser  la 
«  guerre  civile  contre  les  gens  d'église  et  les  catholiques  ». 

Et  Labrunie  ajoute  :  «  Nos  cathédraux  ne  furent  pas  si  heu- 
«  reux,  ni  si  adroits  que  leurs  rivaux.  Ils  ne  purent  ou  ne 
«  surent  rien  metttre  à  couvert.  Je  crois  que  la  Collégiale,  mai- 
re gré  ses  précautions,  perdit  alors  le  corps  de  Saint  Caprais. 
«  Du  moins  n'est-il  pas  fait  mention,  dans  la  translation  que 
«  je  viens  de  transcrire,  de  la  grande  chasse  qui  contenait,  (en 
«  1511),  ses  reliques  (1)  ». 

Ces  précieux  objets  furent-  ils  de  nouveaux  pet^dus  en  partie 
pendant  les  troubles  religieux  qui  suivirent  ?  Toujours  est-il 
qu'ils  sont  à  peine  mentionnés  dans  le  procès-verbal  de  la 
visite  que  fit  à  Saint-Caprais,  le  21  avril  1592,  Mgr  de  Vil- 
lars.  A  la  sacristie,  en  effet,  cet  acte  ne  relate  que  «  deux  reli- 
«  quaires,  en  Tun  desquels  ont  été  trouvés  sept  ossements  avec 
«  un  cartel  d'assez  fresche  lettre,  savoir  de  Saint  Caprasy, 
«  Saint  Antoine,  Saint  Tomas.  Saint  Martin,  Saint  Genifort, 
«  Saint  Julien,  Saint  André.  Dans  l'autre  reliquaire,  une  des 
«  Saintes  Epines  de  la  Couronne  de  N.  S.  enchâssée  en 
«  argent,  et  une  dent  qu'on  ne  m'a  su  dire  de  qui  elle  pour- 
<  rait  estre.  Aussi  une  croix  d'argent  doré,  assez  ancienne,  où 
«  on  m'a  dit  y  avoir  de  la  Sainte  Croix.  Elle  a  été  réparée 
«  depuis  par  le  chapelain,  et  aussi  le  vase  où  était  la  Sainte 
«  Epine.  »  Le  procès-verbal  continue  par  la  description  détail- 
lée des  chapelles,  des  autels  qu'elles  contiennent,  du  cloître, 
de  la  chapelle  capitulaire,  du  cimetière,  enfin  du  clocher  où  se 
trouvaient  «  cinq  cloches  assez  grosses,  dont  Tune  était  rora- 
>  pue  (2)». 

Durant  presque  tout  le  xvii®  siècle,  la  question  de  l'épiscopat 


(1)  Abrégé  chronologique,  pp.  108,  109. 

(2)  Archives  départementales  de   Lot-et-Garonne,  G.  I.  —  Cf.  Ai"chives  de 
l'Evêché.  Procès- verbaux  de  Visites  des  Evoques. 


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-  400*- 

de  Saint-Caprais  passionna  le  monde  religieux  d'Agen.  Les  uns, 
comme  le  chanoine  Antoine  Lescazes,  soutenaient  que  le  saint 
martyr  avait  été  le  premier  évêqued'Agen,  les  autres,  comme 
le  théologal  Pierre  Saulveur,  lui  déniaient  ce  titre  et  se  refu- 
saient obstinément  à  l'inscrire  sur  la  liste  épiscopale.  D'inter- 
minables mémoires  furent  écrits  sur  cette  question  ;  des 
discours  fameux .  prononcés  par  ces  deux  personnages  , 
amenèrent  de  véritables  émeutes  et  provoquèrent  de  nombreux 
sciindales.  Les  Consuls  s'en  mêlèrent.  Ils  envoyèrent  à  Bordeaux 
l'un  des  leurs,  Jean  de  Singlande,  avocat,  pour  solliciter  du 
cardinal  de  Sourdis  une  ordonnance,  adjugeant  à  Saint 
Caprais  le  titre  d'évêque,  ordonnance  qui  fut  rendue  par  crainte 
d'un  soulèvement  du  peuple,  et  à  la  suite  de  laquelle  il  fut 
décidé  qu'on  chômerait  désormais  le  jour  de  la  fête  de  Saint 
Caprais. 

Mais  Saulveur  s'obstinait  toujours.  Il  fit  casser  cette  déci- 
sion, ce  qui  porta  à  son  comble  la  fureur  de  ses  adversaires. 
Ils  la  lui  firent  bien  voir  le  jour  où,  chargé  de  prononcer  le 
sermon  des  S.  S.  Innocents,  il  voulut,  le  28  décembre  1622, 
monter  dans  la  chaire  de  Saint-Caprais.  A  peine  commençait- 
il  son  discours  que  l'organiste  fit  chanter  les  orgues  ;  ce  qui 
provoqua  un  tel  vacarme,  les  cris  de  la  plupart  des  auditeurs  s'y 
étant  mêlés,  que  l'orateur  dut  abandonner  la  partie  et  descen- 
dre de  sa  chaire,  «  au  risque,  écrit  Labrunie,  de  se  casser  le 
«  cou,  le  Chapitre  collégial  ou  quelqu'un  de  ses  suppôts, 
ayant  enlevé  le  marchepied  qui  servait  pour  y  monter  (8)  ». 

Cinquante  ans  après,  la  question  préoccupait  tellement  l'opi- 
nion que  de  nouveaux  troubles  éclatèrent  dans  Téglise  Saint- 
Caprais,  le  jour  de  la  Fête-Dieu,  à  l'occasion  du  sermon  pro- 
noncé par  le  prédicateur.  Ce  qui  amena  un  nouveau  conflit 
entre  l'Evêque  et  les  Consuls  par  suite  de  l'interdiction  de 
ladite  prédication  (2). 

Le  Chapitre  de  Saint-Caprais  du  reste  et  la  municipalité 
agenaise  ne  s'entendirent  jamais,  cherchant  toutes  les  occa- 


(1)  Ahréfié  rlironoliffiquc,  p.  \^^- 

(2)  Archives  municipales,  BB,  61. 


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-  401  — 

sions  de  s'être  désagréables.  C'est  ainsi,  qu'entre  autres  nom- 
breux actes  qu'il  serait  trop  long  de  citer  ici,  les  chanoines 
intentèrent,  en  1702,  un  procès  à  deux  Consuls,  dont  M.  de 
Singlande,  qui,  pour  opérçr  une  arrestation  dans  leur  église, 
avaient  fait  entrer  pendant  l'office  le  capitaine  du  guet  avec 
des  archers  (1). 

Dès  1790.  la  Révolution  supprima  les  deux  chapitres  de 
Saint-Etienne  et  de  Saint-Caprais, 

Trois  ans  après,  l'église  Saint-Caprais  était  fermée  et  les 
cloches,  «  il  y  en  avait  quatre,  écrit  Proche,  à  peu  près  de  la 
«  même  grosseur  que  celles  de  Saint-Etienne,  descendues  de 
«  la  même  manière,  c'est-à-dîre  quelles  furent  cassées  et 
«  jetées  sur  la  place  »  (2). 

Lors  de  la  réouverture  des  églises,  deux  ans  après,  Saint- 
Ililaire  et  Saint-Caprais  furent  les  premières  dans  Agen  où 
purent  pénétrer  les  fidèles. 

Le  17  octobre  1802,  Mgr  Jacoupy,  nommé  évêque  d'Agen 
le  17  juin  et  sacré  à  Paris  le  18  juillet,  fut  installé  solennelle- 
ment dans  l'église  Saint-Caprais,  «  en  présence  de  toutes  les 
«  autorités  constituées  et  d'une  foule  immense  de  peuple  qui 
«  était  accourue  des  villes  du  département  pour  voir  cette 
«  auguste  cérémonie.  Conformément  aux  intentions  du  gou- 
«  vernement  et  au  vœu  de  tous  les  citoyens,  on  lui  donna 
ft  toute  la  pompe  et  la  solennité  dont  la  ville  d'Agen  était 
«  susceptible  &  (3). 

L'année  suivante,  le  20  octobre,  la  vieille  Collégiale  age- 
naisesuccédait  comme  Cathédrale  à  Saint-Etienne  en  ruines. 
«  Elle  prenait  officiellement  ce  titre  sous  le  vocable  de  Saint- 
«  Etienne,  patron  du  diocèse.»  (4).  Malgré  cette  décision,  c'est 
le  nom  de  Saint-Caprais  qu'elle  a  toujours  continué  de  porter. 

A  dater  de  ce  moment,  il  n'est  pas  une  année  jusqu'à  la 
fin  de  1815,  où  les  voûtes  de  Saint-Caprais  n'aient  retenti  du 
chant  du  Te  Deum,  à  l'occasion  d'abord  des  victoires  impé- 


(1)  Archives  départementales,  B,  E73. 

(2)  Annales  de  la  cille  d'Agen^  p.  40. 
13)  Iffem,  p   93. 

(4)  Idem,  p.  94. 


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—  402  — 

riales,  puis  du  rétablissement  des  Bourbons  et  de  la  fête  du 
Roi  (1). 

Dès  1816,  de  nouvelles  réparations  furent  effectuées  à  la 
Cathédrale.  Nous  avons  déjà  dit  au  commencement  de  ce 
chapitre  que  le  mur  qui  clôturait,  à  Test,  le  vieux  cimetière, 
fut  alors  démoli  et  ce  vaste  local  utilisé  pour  y  établir  le 
marché  de  bois  à  brûler.  La  Cathédrale  fut  aussi  reblanchie  à 
Tintérieur  pendant  les  mois  d'octobre,  novembre  et  décembre 
de  cette  année  1816.  «  L'autel  de  la  paroisse,  à  côté  de  la 
«  chaire,  dédié  à  Notre-Dame,  a  été  fait  à  neuf  dans  les  mois 
«  de  mars  et  avril  1817.  Le  devant  d  autel  et  les  autres  orne- 
ce  ments  en  marbre  sont  faits  par  le  sieur  Galinié,  sculpteur, 
((  et  la  peinture  par  le  sieur  Rigal,  d'Astaffort,  italien  d'ori- 
«  gine  ».  A  cette  page  de  Proche  Magen  ajoute  une  note  des 
plus  ironiques  et  des  plus  piquantes  sur  le  talent  très  contesté 
de  ce  soi-disant  peintre  (2). 

Autrement  plus  artistiques  et  dignes  d'être  consignées  ici 
sont  les  belles  peintures,  exécutées  dans  le  chœur  vers  le  mi- 
lieu du  dernier  siècle  par  M.  Bézard,  et  qui  représentent  sur 
grands  panneaux  correspondants  aux  cinq  pans  de  l'abside,  à 
droite  et  à  gauche  du  panneau  central  où  se  voient  le  Christ 
bénissant  et  au-dessous  la  Vierge  Marie,  le  martyre,  et^  au- 
dessus,  l'apothéose  des  Saints  de  TAgenais  ,  Saint  Caprais, 
Sainte  Foy,  Saint  Prime  et  Saint  Félicien.  Les  chapelles  la- 
téiales,  ainsi  que  les  piliers  du  transept  sont  également  déco- 
rés de  sujets  tirés  des  Saintes  Ecritures.  Les  voûtes  du 
transept  et  de  la  nef  sont  ornées  de  dessins  de  fond.  L'en- 
semble est  des  plus  heureux.  Par  leur  facture,  leur  dessin, 
leur  coloris,  ces  peintures  ne  rappellent-elles  pas  les  fresques 
suaves  de  Flandrin  à  Saint-Germain-des-Prés,  et  n'attestent- 
elles  pas  une  fois  de  plus  combien  la  peinture  murale  s'est  de 
tout  temps  harmonisée  avec  le  style  roman  ? 

Ph.  Lauzun. 


(1)  Annales  cfe  la  cilla  d'A()en,  p.  15«,  161,  165,  170,  181,  195,  223,  236,  267,  etc 

(2)  Idem,  p.  275. 


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RIVES 


.  Rives.—  I[.  L'Eglise  de  Rives.  —  III.  Prieurs  de  Rives.  .—  IV.  Curés  de 
Rives.  —  V.  Chapellenie  familiale  de  Rives. 


I.  La  commune  cl  paroisse  de  Rives  [Lot-et-Garonne]  d'une 
étendue  de  1,279  hectares  pour  461  habitants,  sur  la  rive  droite 
du  Dropt,  était  à  l'origine  du  diocèse  de  Périgueux  qui  fournit 
en  1318  [1317  v.  st.]  le  territoire  du  diocèse  de  Sarlat.  Elle  ap- 
pai;tenait  à  l'archiprêtré  ou  doyenné  de  Capdrot,  doyenné 
transféré  à  Monlpazier  en  1490.  Pour  le  civil  et  le  criminel  elle 
relevait,  comme  ses  voisines,  du  consulat  et  bailliage  de  Mon- 
tréal de  Biron  qu'on  appelait  aussi  Royaulmont  [Le  Rayet]. 
Montréal  avec  ses  dépendances  fut  uni,  en  1305,  au  consulat 
et  au  bailliage  de  Villeréal  et  à  la  sénéchaussée  d'Agen.  (Mo- 
nographie de  Villeréal.) 

La  réorganisation  des  territoires  en  départements  et  com- 
munes, opérée  en  1790,  les  comprit  dans  le  département  de 
Lot-et-Garonne  ;  la  réorganisation  des  diocèses,  en  1802,  les 
fit  entrer  dans  le  diocèse  d'Agen. 

IL  A  cinq  cents  mètres  de  Villeréal,  sur  la  route  d'Issigeac, 
couronnant  un  humble  monticule  jadis  fortifié  qu'entourait  un 
fossé  de  défense  large  et  profond  s'élève  l'église  Saint-Pierre 
de  Rives,  ancienne  chapelle  d'un  prieuré  bénédictin. 

L'église  paroissiale  était  autrefois  à  un  kilomètre  plus  loin, 
au  bord  de  la  roule  du  Rayet,  dans  l'angle,  à  droite,  formé  par 
le  croisement  du  chemin  de  Cauffet  à  Pradagé.  Les  fonde- 
ments ont  été  enlevés  vers  l'année  1880;  plusieurs  pièces  de 
monnaies  y  furent  trouvées,  dit-on;  elles  ont  malheureusement 
disparu  sans  avoir  été  examinées  et  étudiées. 

Cette  église  fut  démolie  en  même  temps  que  le  prieuré  du- 
rant les  premières  guerres  de  religion.  Placé  en  avant-poste,  le 
prieuré  dut  être  pris  avant  Villeréal  dont  les  Calvinistes  s'em- 
parèrent en  1569  et  1572.  Les  assaillants  durent  laisser  bon 


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nombre  des  leurs  dans  le  combat  :  de  nombreux  ossements 
déposés  sans  ordre  dans  le  champ,  en  face  de  1  église,  témoi- 
gnent d'un  ensevelissement  précipité. 

La  chapelle  du  prieuré,  refaite  sans  art,  devint  l'église  pa- 
roissiale. Il  ne  reste  de  Tancienne  construction  que  la  grande 
abside  et  Tabsidiole  de  droite,  privées  de  leur  voûte.  «  Leur 
style  est  celui  du  \if  siècle.  La  décoration  de  la  grande  abside 
est  remarquable.  On  y  voit  deux  étages  d'arcatures  extrados- 
sées.  Celle  du  rez  de  chaussée  a  10  arcades  sur  11  colonnettes, 
Tautre  9'  arcades  sans  correspondances  avec  celles  d'en  bas. 
Parmi  les  supports  de  ces  dernières  se  trouvent  deux  colonnes 
géminées  ;  trois  fenêtres  sont  ouvertes  dans  l'étage  supérieur, 
l.n  cordon  de  petites  billettes  court  entre  les  arcatures.  Les 
chapiteaux  sont  d'un  bon  style  :  trois  sont  historiés,  les  autres 
sont  ornés  d'entrelacs  variés  et  de  volutes  diversement  combi- 
nées, rappelant  les  œuvres  de  ferronnerie.  La  flore  a  fourni 
quelques  motifs  délicats  :  des  feuilles  de  charme,  des  roses, 
des  pommes  de  pin.  Les  abasques  sont  décorés  de  perles  et  de 
pointes  de  diamant.  A  l'extérieur,  les  contreforts  à  deux  res- 
sauts sont  unis  par  des  arcatures.  Quelques  fragments  de 
sculptures  d'un  édifice  remontant  peut-être  aux  premiers  siè- 
cles du  môyen-âge  ont  été  utilisés  dans  cette  construction.  » 
(G.  Tholin,  archiviste  :  supplément  aux  Etudes  sur  Varchitec- 
tare  religieuse  de  VAgenais,  1883.) 

Il  reste  de  l'ancienne  nef  deux  grands  chapiteaux  ;  le  mieux 
conservé,  orné  d'entrelacs  perlés,  fut  encastré  au-dessus  de  la 
porte  de  l'église,  lors  de  la  reconstruction  ;  un  autre,  déposé 
dans  l'avenue,  présente  deux  moines  en  robe  et  manteau  dans 
deux  arcades  cordelées  que  supportent  des  colonnettes  roma- 
nes ;  les  gémeaux  garnissent  la  troisième  arcade. 

Le  prieuré  de  Rives  dépendait  de  l'abbaye  d'Aurillac,  fondé 
par  S.  Géraud  comte  d'Auvergne,  né  en  850,  mort  le  13  octo- 
bre 920  (1).  Gomme  le  monastère  d'Aurillac,    le   prieuré   de 


(1)  Les  armes  du  bon  comte  devenues  celles  de  Tabbaye  étaient  mi-partie 
d'or  à  l'engrclure  de  sinopic  en  chef,  et  de  sinople  à  Tengrelure  d'or  tout 
autour,  écusson  unique  en  France.  {Histoire  générale  de  VAuvcrfjnCy  par 
M.  le  président  André  Imberdis.  I.  275.) 


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Rives  était  sous  le  vocable  de  S.  Pierre.  Etait-il  du  même 
temps  ?  A  défaut  d'autres  documents  les  fragments  de  sculp- 
tures dont  parle  M.  Tholin  permettent  de  le  supposer.  Les  im- 
menses possessions  dont  le  bon  comte  avait  doté  son  monas- 
tère, s'étendaient  dans  le  Périgord  et  en  bien  d'autres  contrées. 

Le  prieuré  de  Rives  est  mentionné  dans  une  bulle  de  Nicolas 
IV  donnée  en  1289,  en  faveur  de  l'abbé  et  des  religieux  d'Au- 
rillac  (Cantal). 

<(  Xous  accueillons  favorablement  vos  justes  demandes  et 
nous  recevons  sous  la  protection  du  bienheureux  Pierre, 
apôtre,  le  monastère  d'Aurillac,  propriété  immédiate  de 
l'Eglise  romaine,  ainsi  que  ses  possessions...  dans  le  diocèse 
de  Périgueux,  le  monastère  de  Fontgaulfier  avec  les  prieurés 
el  membres  qui  en  dépendent,  les  prieurés  de  Saint-Privat, 
de  Saint-Paxence,  de  Rives  (de  Hippis)  et  de  Saint-Front,  avec 
les  églises  appartenant  à  ces  prieurés  et  leurs  dépendances...» 

IIL  Les  noms  de  quelques  prieurs  de  Rives  sont  parvenus 
jusqu'à  nous  : 

l.  1319.  —  Guallard  de  Caslelnaud,  prieur  du  prieuré  de 
Rives,  diocèse  de  Sarlat,  institue  ses  procureurs  ordinaires  et 
extraordinaires  M**  Pierre  de  Moychet,  recteur  de  l'église  de 
Rives;  frère  Gui  de  Coucous,  moine,  et  Hélie  de  Pierre,  clerc, 
par  acte  fait  à  Rives  le  15  juillet  1319,  en  présence  des  témoins 
M"  Gervais  de  Lesmaries,  Pierre  de  Cagnac,  Vital  de  Pêne, 
Jean  de  Seguin,  Guillaume  Blanc  el  Aymeric  Tallefer,  notaire 
public  d'Agen.  <(  Religiosus  vir  dominus  Guallardus  de  Cas- 
Ironovo,  prior  prioratus  de  Rippis,  Sarlatens  diocesis  consti- 
luil....  procura  tores  suos  ordinarios  et  exlraordinarios  domi- 
num  Petrum  Moycheti  rectorem  ecclesie  de  Rippis,  fratrem 
Guidonem  de  Ocous  monachum,  Heliam  de  Petra,  clericum, 
quos....  Actum  apud  Rippis  XV  die  introitus  Julii,  anno  do* 
mini  M.  CCC.  XiX.  Testes  magisler  Gervasius  de  Lasmarias, 
Petrus  de  Canhaco,  Vilalis  de  Pena  clericus,  Johannes  Se- 
guini,  Guillelmus  Blanc  et  ego  Aymericus  Tallafer,  publicus 
notarius  Ageni.  »  (Arch.  dép.  Lot-et-G.  F.  suppl.  3912.) 

Ce  texte  montre  que,  à  cette  date,  l'église  paroissiale  était 


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distincte  du  prieuré,  et  que  le  prieuré  était  entre  les  mains  des 
religieux. 

2.  XV*  siècle.  —  Bertrand  de  Clarens,  révélé  par  son  sceau 
qui  était  en  1886  entre  les  mains  de  M.  Carré,  pharmacien 
à  Bergerac.  Ce  sceau,  dont  le  propriétaire  donna  plusieurs 
empreintes  en  cire  rouge,  est  en  cuivre  de  fonne  ronde  ;  son 
diamètre  de  33  millimètres,  son  écusson  triangulaire  à  la 
bande  de  sable,  à  la  bordure  chargée  de  huit  étoiles  ;  il  porte 
en  légende  S.  Bertdi  de  Clarens  poris  de  Rippis.  Il  est  men- 
tionné dans  la  sigillographie  du  Périgord,  au  titre  Clergé  ré- 
gulier, n"*  431  ;  il  est  indiqué  comme  remontant  au  xv*  siècle. 

3.  1512.  —  Messire  Nicolas  de  Tournemire  ;  son  terrier  fut 
commencé  en  1512  et  fini  l'année  suivante  devant  DéceiTo, 
notaire. 

4.  1640.  —  Mcssirc  Anthoine  de  Nouaillcs.  Par  bail  du 
4  juillet  1640,  M.  Durand  Montagne,  prêtre  et  recteur  de  la 
ville  et  paroisse  de  Monsempron  en  Agenais,  procureur  fondé 
de  messire  Anthoine  de  Nouailles,  prieur  du  prieuré  de  Ribes, 
demeurant  aux  faubourgs  Saint-Michel  les  Paris,  à  la  maison 
du  Soleil  d*Or,  afferme  et  arrante  tous  et  chacun,  les  droits 
appartenant  au  prieuré  dudit  Ribes,  et  ce  pour  un  an,  moyen- 
nant la  somme  de  500  livres  ;  plus  la  quantié  de  quarante  sacs 
de  bled  froment  à  payer  à  M*  Jehan  Gontié,  curé  de  Ribes  ; 
plus  la  pension  que  le  prieur  de  Ribes  doit  payer  à  Messieurs 
du  Chapitre  d'Aurillac  :  et  aitssi  les  deniers  et  décimes 
qui  sont  ou  seront  imposés  la  présente  année  sur  le  prieur. 
(Rives.) 

5.  1663.  —  Messire  Pierre  de  Fumel  (habitant  au  lieu  de 
Cavarc),  prieur  du  prieuré  S.  Pierre  de  Ribes,  afferme  les 
fruits  et  dixmes  du  prieuré  de  Ribes  pour  10  ans,  moyennant 
le  prix  et  somme  de  1010  livres  pour  chacune  des  dites  an- 
nées ;  et  en  outre  le  fermier  payera  au  curé  de  la  paroisse, 
annuellement,  40  sacs  de  bled  froment  pour  sa  pension  an- 
nuelle. (Rives). 

Dans  ce  bail  n'est  pas  mentionnée  la  pension  due  au  Chapi- 
tre d'Aurillac  ;  elle  est  donc  comprise  dans  la  somme  de  1010 
livres,  somme  double  de  la  précédente  afferme,  ce  qui  indique 


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que  le  montant  de  cette  pension  était  de  500  livres,  ou  encore 
de  la  moitié  du  fermage. 

Le  terrier  de  noble  Pierre  de  Fumel,  commencé  le  7  no- 
vembre 165G  et  fini  le  23  avril  1657,  fut  fait  devant  Rouzières 
et  Lantourne,  notaires  royaux.  (Rives). 

G.  1690.  —  Messire  Arnaud  de  Gordièges.  Son  terrier,  com- 
mencé le  20  novembre  1692,  fut  fini  le  1"  mars  1693,  devant 
Conche.  Une  note,  sans  date  ni  signature,  porte  :  les  messieurs 
de  Mazières  ont  joui  pendant  cinquante  ans  le  prieuré  de 
Rives  sans  qu'ils  aient  rien  donné  pour  l'église.  (Rives).  Les 
messieurs  de  Mazières  étaient  les  Gordièges. 

7.  1740-1763.  —  Jean  de  Constantin,  dit  Pechegul,  nom 
d'une  terre  sise  en  Périgord.  Chapelain  dès  l'année  1697  de  la 
chapelL*  familiale  créée  par  Jean  Villeréal  frère  de  sa  mère  ; 
prêtre  vers  l'an  1700  ;  curé  (1713-1734)  de  Villeréal  où  il  fut 
remplacé  par  Marc  de  Constantin,  auquel  il  survécut  3  ans. 
Par  acte  du  21  novembre  1754,  messire  Jean  de  Constantin, 
abbé  de  Pechcgut,  seigneur  prieur  du  prieuré  S.  Pierre  de 
Ribes,  habitant  Villeréal,  baille,  devant  Malespine  notaire 
royal,  à  titre  de  ferme  et  vente  de  fruits,  pour  neuf  années,  à 
sieur  Louis  Toilhe  bourgeois  négossiant  de  la  ville  de  Mon- 
flanquin  «  tous  et  chacuns  les  fruits  et  revenus  décimaux  ap- 
partenant et  dépendants  de  son  prieuré  de  Ribes  qui  ont  cou- 
tume de  se  lever  dans  lad.  paroisse,  consistant  en  bled  fro- 
ment, meture,  seigle,  orges,  baillarges,  avoines,  pailles,  vin, 
lin,  chanvres...  cens,  rente  et  droit  d'acapte  soit  en  argent 
soit  en  bled  froment  ou  melures  et  avoines  appartenantes  aud. 
prieuré,  tant  connues  qu'inconnues,  situées  dans  lad.  paroisse 
de  Ribes,  Villeréal  et  S.  Etienne  et  autrement  en  quel  lieu  et 
place  qu'elles  soient  sises  et  situées  tant  sur  moulins  qu'ail- 
. leurs...  aussi  le  quart  des  lods  et  ventes  de  toutes  mutations 
qui  arriveront  dans  le  cours  du  présent  bail...  seront  tenus 
les  preneurs  donner  sur  la  dime,  annuellement,  à  M.  le  Curé 
de  lad.  paroisse,  la  quantité  de  cinquante  cinq  sacs  de  bled 
froment  et  une  paillère  et  partageront  avec  lui  la  dime  verte 
à  l'exception  du  vin.  Et  ce  pour  le  prix  de  treize  cent  cinquante 
livres  pour  chacune  des  neuf  années  et  par  dessus  les  réserves 


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ci-dessus  ;  les  preneurs  s'obligent  à  payer  en  deux  pactes 
égaux  le  premier  à  Noël  et  l'autre  au  jour  de  la  feste  de  Saint- 
Jean.  » 

Par  acte  du  8  juin  17(33,  devant  Lestang  notaire  à  Villeréal, 
noble  Caliste  Moleiiier  de  Trélons,  écuyer,  subroge  en  son 
lieu  et  place  Martial  Taurel,  munier  habitant  du  lieu  de  Lafa- 
ge  basse  paroisse  de  Parisot,  son  moulin  de  Pradagé,  situé  sur 
le  ruisseau  du  Dropt  avec  tous  les  accoutrements,  baptisments 
et  preds  et  dépendances,  y  compris  sept  cartonnais  ou  environ 
de;  pred,  délaissés  aud.  sieur  Trefons  avec  led.  moulin,  apar- 
lenances  et  dépendances,  par  messire  Jean  de  Constantin, 
écuyer,  seigneur  prieur  de  Ribes,  par  contract  à  rante  consti- 
tuée au  revenu  de  trois  cents  livres,  déclarant  que  led.  moulin 
et  apartenances  relève  du  prieuré  de  Ribes... 

Son  terrier,  devant  conche,  commencé  le  25  juillet  1755,  fut 
terminé  le  25  octobre  1762.  Son  codicille,  clos  le  27  juillet  1763, 
fut  ouvert  le  14  octobre  suivant. 

8.  1763-1772.  —  Claude  Pellissier,  docteur  en  théologie, 
curé  de  Villeréal  de  1760  à  1772,  fut  prieur  de  Rives  après  Jean 
de  Constantin,  devint,  en  1772,  chanoine  de  Sainl-Caprais 
d'Agen  où  il  résida.  Procureur  fondé,  15  mars  1772,  de  Vin- 
cent d'Arches,  prieur  de  Rives,  il  reçut,  en  son  nom,  devant 
Martinet  notaire  royal,  le  20  novembre  1775,  les  reconnais- 
sances des  tenanciers  ou  emphytéotes  de  Rives.  En  1789, 
Claude  Pellissier,  chanoine  de  Saint-Caprais  d'Agen  et  chape- 
lain de  Roussel  [  ou  Rousselle,  Rousserre,  Notre-Dame  de 
Rosserre,  près  Laplume,  bénéfice  sans  charge  d'âmes],  vota 
à  Agen  pour  les  députés  aux  Etats  Généraux,  en  son  nom  et 
au  noni  de  M.  Pourchef,  curé  de  Tourliac  et  pour  M.  Vergues, 
curé  de  Clairac. 

9.  1772-1779.  —  Vincent  d'Arches,  trésorier  de  l'église  pri- 
matiale  Saint-André  de  Bordeaux,  y  demeurant.  I^s  lettres 
de  terrier,  données  par  le  roi  le  8  février  1775,  furent  publiées' 
le  27  mars  suivant,  à  l'audience  de  la  Cour  sénéchale  d'Age- 
nais.  (Rives.)  Il  semble  que  Vincent  d'Arches  ne  fut  pas  le  der- 
nier prieur  de  Rives.  On  lit  dans  un  acte  fait,  le  7  avril  1786, 
(levant  Albre  notaire  royal  ;  ((  Vente  par  noble  Pierre  De- 


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champs  de  la  Mothe  et  sa  mère  dame  Marie  Valadié,  habitante 
du  village  Descayroux,  paix)isse  de  Saint-Etienne,  moyen- 
nant le  prix  et  somme  de  quatorze  cent  vingt  livres  seilze  sols, 
huit  deniers,  de  une  pièce  de  terre,  vigne  et  pred,  le  tout  joi- 
gnant et  contigu,  au  lieu  appelé  à  la  Renardière,  paroisse  de 
Saint-Etienne,  de  la  contenance  de  douze  cartonnats,  sept 
boisselats,  trois  escats,  à  Pierre  Lavergne,  maître  menuisier 
et  Françoise  Dubourg,  conjoints,  lesquels  en  payeront  dors  en 
avant  les  impositions  royales  et  la  renie  à  M.  Dudon  et  au 
prieur  de  Rives...  Par  délégation  des  vendeurs,  les  acqué- 
reurs en  ont  compté  mille  deux  livres,  deux  sols,  six  deniers, 
aux  sieui^  Fenéol  Martin  Laborie  et  M**  Joseph  Malespine 
notaire  royal,  anciens  fermiers  dud.  prieuré  de  Rives  pour  les 
années  mil  sept  cent  cinquante-cinq  jusques  et  y  compris  mil 
sept  cent  soixante-trois...  encore  pour  les  années  mille  sept 
cent  quatre-vingt  jusques  et  y  compris  mil  sept  cent  quatre- 
vingt-cinq...  encore,  comme  arrérages  de  rente  à  eux  cédés 
par  bail  et  pour  la  portion  qui  compete  Tabbé  Darche,  prieur 
dud.  Rives,  pour  les  années  mil  sept  cent  soixante-douze  jus-» 
ques  et  y  compris  mille  sept  cent  soixante-dix-neul.,.  encore 
compris  la  somme  de  cinquante-deux  livres  pour  le  quart  des 
arrérages  de  rente  qui  étaient  dus  à  M.  l'abbé  Pélissier,  ancien 
prieur  dud.  Rives  jusques  à  l'année  1772.  »  (Rives.) 

D'après  cet  acte  il  semble  que  V.  Darches  n'était  plus  prieur 
de  Rives  après  1779.  De  plus,  V.  d'Arches  figure  sur  les  regis- 
tres des  élections  de  1789,  comme  chapelain  de  Caries.  (Arch. 
dép.  de  Lot-et-Garonne.) 

IV.  1591-1055. —  Jehan  Gontier.  Son  dernier  acte  est  du  26 
septembre  1655.  «  Le  trente  septembre,  Jean  Gontier,  prêtre 
et  curé  de  la  paroisse  Saint-Pierre  de  Rives,  est  tombé  malade; 
il  n'a  plus  rempli  les  fonctions  de  recteur;  il  est  mort  peu  après 
âgé  de  près  de  quatre-vingt-dix  ans,  ayant  été  curé  de  Rives 
pendant  soixante-quatre  ans,  ce  qui  est  à  noter.  »  [Acte  mor- 
tuaire en  latin].  Il  fut  enseveli  dans  l'église  le  26  octobre  1655. 

Les  25  novembre  et  2  décembre  1612,  Jean  Gontier  réunit 
les  paroissiens,  à  l'issue  de  la  messe,  devant  la  porte  de  Tégli- 


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se,  en  présence  du  notaire  Giraudel,  pour  obliger  Jehan  Du- 
bois, collecteur  du  luminaire,  à  lui  fournir  des  flambeaux  ou 
chandelles  pour  l'administration  du  Saint  Sacrement  aux  ma- 
lades, disant  sa  résolution  de  porter  plainte  à  Tévêque  de  Sar- 
lat.  Les  parroissiens  firent  droit  à  sa  demande. 

N'ayant  pas  de  logement  à  Rives,  Jean  Gontier  alla  demeu- 
rer chez  M.  Gardes,  à  Villeréal,  en  1614,  moyennant  une  pen- 
sion annuelle  de  cinquante  écus  pour  le  logement  et  la  nourri- 
ture. 

Dans  les  années  1631  et  1632  la  peste  fit  tant  de  victimes 
qu'il  fallut  les  enterrer  dans  les  champs;  cinq  ans  après,  leurs 
ossements  furent  transportés  dans  le  cimetière  de  la  paroisse, 
en  présence  d'un  nombreux  clergé. 

Jehan  Gontier  obtint,  13  mai  1631,  un  jugement  de  la  Cour 
de  Villeréal  contre  Bernade  Delvit  veuve  de  Laurent  Mansart. 
Elle  fut  condamnée  à  laisser  le  curé  de  Rives  actuel  et  ses  suc- 
cesseurs prendre  de  l'eau  à  son  puits  pour  le  service  de  l'église 
et  leur  particulier.  La  veuve  avait  obtenu  du  curé  les  pierres, 
dont  il  y  avait  un  grand  las  dans  le  cimetière,  pour  bâtir  son 
puits  en  échange  de  la  promesse  d'accorder  aux  curés  de  Rives 
le  puisage;  une  fois  le  puits  construit  elle  refusa  celte  servitude 
sous  prétexte  qu'elle  n'avait  pas  le  droit  de  porter  tort  à  ses 
enfants  mineurs.  L'évêque  de  Sarlat,  Jean  de  Lingendes,  fit 
une  visite  à  Rives,  en  1644;  il  donna,  à  la  date  du  P'  juin,  une 
ordonnance  où  nous  lisons  :  1**  Le  sanctuaire  et  l'église  seront 
lambrissés  aux  frais  des  paroissiens  pour  les  2  tiers,  et  du  curé 
et  du  prieur  pour  l'autre  tiers:  2°  Un  presbitère  sera  fait  aux 
frais  des  paroissiens,  dans  un  an,  aussi  proche  de  l'église  qu'il 
se  pourra;  en  attendant  ils  en  loueront  une  commode  pour 
loger  le  curé  (1);  3"  Un  calice  d'argent  et  un  vaisseau  de  cuivre 
blanchi  en  dedans  avec  son  couvercle  ;  4°  Il  y  aura  des  livres 
reliés  pour  inscrire  les  baptêmes,  mariages,  communiants  et 


(1)  Le  presbytère  fut  construit  la  même  année  avec  des  pierres  provenant 
d'un  ancien  édifice  ;  le  grand  las  qui  existait  dans  le  cimetière  provenait  de 
cet  édifice,  le  prieuré  démoli  pendant  les  guerres,  sans  doute  ;  elles  sont 
équarries,  quelques-unes  ont  des  fragments  de  moulure. 


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mortuaires;  5**  Défense  de  permetlrê  aucun  banc  ni  sépulture 
dans  Téglise  sans  titres  authentiquçs  visés  par  l'évéque  ;  6**  Dé- 
fense de  publier  aucune  annonce,  ni  de  célébrer  aucun  mariage 
entre  personnes  de  diverses  religions  qu'auparavant  l'héréti- 
que n'ait  profession  de  la  religion  catholique  et  reçu  l'absolu- 
lion  de  son  hérésie  ;  7°  Le  cimetière  sera  fermé  de  bonnes  mu- 
railles aux  despans  des  parroissiens.  »  Ces  murailles  ne  furent 
pas  faites,  ce  qui  aurait  été  difficile  dans  un  pays  dépourvu  de 
pierres;  un  fossé  large  et  profond  creusé  ou  restauré,  facile  à 
remplir  d'eau,  et  qu'on  surnomma  vivier,  enferma  le  cimetière, 
c'est-à-dire  tout  le  terrain  environnant  l'église;  le  presbytère 
fut  construit  la  même  année,  1644,  appuyé  à  l'église,  au  midi, 
avec  des  matériaux  provenant  d'anciennes  constructions.  Le  3 
juillet  1649,  Nicolas  Sevin,  successeur  de  J.  de  Lingendes,  en 
cours  de  visite  pastorale,  ordonna  de  creuser  une  fosse  avec 
une  grille  de  bois  à  l'entrée  du  cimetière  pour  empescher  que 
les  bestes  n'y  entrent,  avant  la  Toussaint,  à  faute  de  quoi  et 
ledit  délay,  passé  inhibition  au  sieur  curé  d'y  enterrer  per- 
sonne, ce  à  peine  d'interdiction.  {Registres  à  la  mairie  de  Vil- 
leréal.)  Jehan  Gontié  concéda  le  droit  de  sépulture  dans  son 
cglise,  moyennant  certaines  conditions  utiles  à  la  paroisse,  à 
Guilhem  Dellart,  le  21  mai  1645,  à  Jean  Vaysset  le  11  novem- 
bre 1645,  à  Pierre  Léotard,  du  lieu  de  Ricard,  le  7  février  1645, 
à  Hélias  Giraudel  le  5  novembre  1645. 

2.  1655-1670.  —  Anthoine  Martinet  était  curé  de  Rives  à  la 
mort  de  son  prédécesseur  ;  il  concéda,  2  juin  1667,  droit  de 
banc  et  de  sépulture  à  Jean  Roïex,  du  lieu  des  Jouandous;  il 
fut  aidé  les  3  dernières  années  de  sa  vie,  par  ses  vicaires  Alric 
et  de  Rivo,  et  par  le  clergé  de  Villeréal. 

3.  1()70-1691.  —  Pierre  Vigier.  Pendant  son  magistère,  son 
paroissien,  noble  (iaspard  de  Brajac,  escuyer,  sieur  de  Lon- 
jaigues,  habitant  du  lieu  de  Fontrives,  fit  son  testament,  20 
octobre  1687,  devant  Marceron  notaire  de  Villeréal.  Il  ordon- 
ne que  son  corps  soit  ensevely  dans  l'église,  au  tombeau  qu'il 
V  a;  que  son  héritière  donne  cent  livres  en  tout  aux  pauvres  qui 
assisteront  à  son  enterrement,  octave  et  bout  de  Tan;  il  lègue  à 
l'église  de  Rives  dix  livres  pour  l'entretien  du  grand  autel, 


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—  412  — 

somme  à  payer  annuellement  par  ses  héritiers  tant  que  le 
monde  sera,  à  condition  que  le  sindiq  soit  tenu  de  faire  dire 
une  messe  à  chacune  des  fêtes  annuelles  pour  l'âme  du  testa- 
teur et  de  son  héritière  (1);  il  lègue  la  somme  de  soixante  livres 
annuellement  à  l'ahbaye  de  Cadoin  à  l'honneur  du  Saint- 
Suaire  à  condition  que  les  religieux  seront  tenus  de  dire,  pour 
l'âme  du  testateur  et  de  son  héritière,  une  messe  basse  chaque 
semaine,  une  grand  messe  de  trois  mois  en  trois  mois,  tant  que 
le  monde  sera.  Il  institue  pour  son  héritière  universelle  damoi- 
selle  Marguerite  de  Beaulac,  son  épouse,  à  condition  que  elle 
sera  tenue  de  remettre  son  hérédité,  à  la  fin  de  ses  jours,  à  Jean 
Villeréal,  escuyer,  sieur  de  Guibal,  garde  de  corps  du  roy,  son 
fils  et  filhastre  du  testateur,  et  qu'il  sera  teneu  de  porter  le  nom 
et  les  armes  du  sieur  de  Lonjaïgues,  testateur  (2). 

Pierre  Vigier,  démissionnaire,  vécut  quelques  temps  auprès 
de  son  successeur. 

4.  1691-1724.  —  Pierî*e  Vergues.  V  acte  17  septembre  1691, 
dernier  11  novembre  1724.  Il  vit  fonder,  en  1697,  par  Jean  Vil- 
leréal, sieur  de  Guibal,  la  chapellenie  de  Rives 

5.  1725-1748.  —  Louis  Deveaux,  enseveli  le  19  mai  1748, 
dans  le  sanctuaire  de  l'église;  il  avait  quatre-vingt-deux  ans. 
Sa  signature  est  la  même  que  celle  de  Louis  Deveaux,  curé  de 
Saint-Germain  [paroisse  de  Sainte-Sabine  (Dordogne)]. 

6.  1745-1765,  —  Laborie,  enseveli  le  3*  dimanche  d'octo- 
bre 1765. 

7.  1765-1790.  —  Pierre  Latreille.  Présida,  10  décembre 
1769,  à  la  nomination  par  les  paroissiens  réunis  devant  la 
porte  de  l'église,  d'un  sindic,  Jean  Boisserie  en  remplacement 
de  noble  Louis  Duthil,  démissionnaire.  Pendant  son  adminis- 
tration, fut  fondue,  en  1784,  la  cloche  de  Rives,  pour  laquelle 


(1)  Une  copie  de  ce  testament  vidinnée  à  Villeréal,  4  janvier  1778,  par 
B.  Giady,  acquéreur  de  l'office  de  M'  Marceron,  permit  au  sindic  de  la  fabri- 
que de  veiller  à  Texéculion  de  ce  legs  qui  fut  acquitté,  au  moins  en  partie, 
jusque  vers  1880  ;  elle  passa  aux  mains  d'un  coUeclionneur  d'archives  ;  la 
propriété  des  Jouandous  -qui  payait  le  legs  aux  derniers  temps,  fut  vendue 
par  acte  passé  à  Monpasicr;  on  omit  de  mentionner  la  fondation  en  l'absence 
du  litre;  ce  fut  sa  perte. 

(2)  D'azur  à  trois  sarcelles  de  file. 


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—  4i:^  — 

huit  répondants  étaient  engagés,  Boisserie  sindic,  M.  Lafage 
de  Ricart,  M.  Tresfonds,  aîné,  M.  Saint- Amans,  Bozoul,  Dou- 
lut,  le  sieur  Roger  et  Rudelle  de  Cauffet,  à  raison  d'un  huitiè- 
me chacun;  la  somme  à  payer  aux  sieurs  Cochoix,  fondeurs, 
s'élevait  à  457  livres,  1  sol.  Cette  cloche  porte  en  relief  :  par- 
rain, nohle  Louis  Léotard  de  la  Fage,  marraine  Madame  Ma- 
rie-Rose Gravier  de  Dutil;  4  écussons  : 

a)  Prélat  en  chappe,  crosse  et  mitre  hénissant: 

b)  Madeleine  tenant  emhrassés  les  pieds  de  Jésus  crucilié  ; 

c)  Cochois,  Alexis,  une  cloche  montée: 

d)  La  Vierge  tenant  Jésus  sur  le  bras  gauche  et  le  sceptre 
sur  son  bras  droit.  Au  bas  une  crosse;  le  dragon  cherchant  à 
saisir  l'enfant  Jésus. 

Pierre  Lalreille,  très  Agé,  disparut  pendant  la  Révolution. 

Pons,  schismatique,  fit  le  service  religieux  sous  la  constitu- 
tion civile  du  clergé.  Réconcilié,  après  le  Concordat,  il  fut  curé 
de  Monseirou  et  mourut,  en  retraite,  à  Villeréal. 

8.  1803-1823.  —  Antoine  Bastid,  curé,  avant  la  Révolution, 
de  Saint-Martin  Transfort  [aujourd'hui  annexe  de  Ferrensacj, 
diocèse  de  Sarlat,  émigré,  curé  de  Rives  en  1803,  y  mourut, 
âgé  de  70  ans,  le  23  février  1823:  fut  enseveli  dans  le  cimetière 
de  cette  paroisse. 

9.  1823-1831.  —  Dumas,  vicaire  de  Villertal,  nommé  en 
1823  à  la  cure  de  Rives,  a  laissé  une  réputation  vivace  de  zèle 
et  de  charité.  Durant  son  magistère,  le  presbytère,  vendu  à  la 
Révolution,  fut  rendu  à  sa  destination  et  l'intégrité  de  ses  dé- 
pendances défendue  avec  succès. 

Par  acte  du  12  juillet  1824,  devant  Labatut  notaire  à  Ville- 
réal, M.  Jacques  Rogier,  propriétaire  aux  Jouandous,  fit  (Uma- 
tiofi  à  la  commune  de  Rives  d'une  maison,  grange,  pactus, 
jardin  et  pré,  le  tout  joignant,  contenant  environ  30  perches 
composant  l'ancien  Presbilaire  de  la  paroisse  de  Rives,  à  la 
charge  par  la  commune  :  1"*  De  faire  dire  après  le  décès  du 
donateur,  à  son  intention  et  à  celle  de  feu  son  frère  douze 
messes  annuellement  et  perpétuellement  :  2°  Que  la  commune 
payera  au  donateur  annuellement  pendant  sa  vie  une  pension 
annuelle  de  cent  francs. 

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-  41 1  - 

La  commune,  par  délibération  du  5  septembre  1824,  accep- 
ta, considérant  que  le  donateur  acquit  du  Gouvernement  Tob- 
jel  de  la  donation  moyennant  la  somme  de  deux  mille  Irancs 
dans  l'intention  de  le  rendre;  qu'il  renonce  au  remboursement 
de  son  capital;  que  les  objets  donnés  valent  quatre  mille  Irancs, 
que  dés  lors  les  charges  imposées  de  douze  messes  n'est  pas 
une  charge;  que  la  pension  annuelle  n'est  que  la  moitié  de  leur 
valeur  locative...  ([ue  la  commune,  sans  nul  sacrifice,  retrouve 
son  ancien  presbytère  qui  est  contigu  à  l'église,  composé  d'une 
belle  maison,  grange,  étables,  entourés  d'un  vivier  et  d'un  su- 
perbe enclos  où  il  existe  un  jardin  verger  et  pré...  M.  Rogier 
mourut  le  10  octobre  1833,  âgé  de  91  ans. 

Kn  1828,  les  mariés  Mellelet  Bonfilh,  propriétaires  d'une  pe- 
Uh'  pièce  de  terre  confrontant,  au  midi,  au  vivier  firent  brèche 
au  Tap  [francbordj  par  un  large  fossé.  Le  Conseil  de  Fabrique, 
8  juillet  1828,  considérant  que  de  tout  temps  la  Fabrique  avait 
joui  sans  trouble  et  sans  empêchements  aucuns  le  vivier  for- 
mant la  clôture  du  cimetière,  du  presbytère  et  de  l'avenue  de 
l'église;  que  ce  vivier,  constamment  plein  d'eau,  défend  le  ci- 
metière, l'église  et  le  presbytère  de  tout  passage  et  incursion  ; 
que  ce  vivier  est  incontestablement  une  dépendance  du  cime- 
tière et  du  presbytère...  demanda  que  la  commune  défende 
ses  droits  et  lui  garantisse  la  paisible  jouissance  du  vivier. 

Par  délibération  du  1(>  novembre  1828,  le  Conseil  municipal 
autorisa  le  maire  à  plaider  pour  la  Fabrique. 

Les  époux  Mellel  furent  condamnés  par  le  juge  de  paix  de 
Villeréal  à  restituer  le  Tap,  distance  intermédiaire  entre  leur 
propriété  et  le  vivier,  à  combler  leur  fosse  et  à  payer  300  lranr<s 
de  dommages-intérêts.  II  motivait  sa  sentence  sur  l'usufruit  du 
desservant. 

L'abbé  Dumas,  transféré  à  Moncrabeau  vers  le  milieu  de 
1831,  y  mourut  peu  d'années  après. 

10.  1832-1843.  ^ —  Jacques  Reclu  administra  pendant  11  ans 
la  paroisse  de  Rives;  il  fut  nommé  à  l'archiprêtré  de  Villeréal 
le  1*'  août  184.'i  et  y  mourut  en  fonction  le  23  décembre  1863. 

11.  Guillaume-Justin  Sérougne,  curé  de  Monsempron,  prit 
possession  de  la  cure  de  Rives  le  27  août  1843. 


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—  415  — 

Pendant  40  ans  il  y  exerça  avec  fruit  son  ministère.  Licencié 
en  théologie,  chapelain  de  la  cathédrale,  il  mourut  âgé  de  72 
ans  le  19  octobre  1883  et  fut  enseveli  à  Parranquet  (1)  dans  le 
tombeau  de  sa  famille.  Deux  de  ses  frères  Vy  avaient  précédé  : 
Sérougne  aîné,  ancien  supérieur  du  grand  séminaire,  chanoine 
titulaire,  Mérigou  [nom  de  leur  domaine  familial],  Sérougne, 
ancien  curé  de  Sainte-Foi  d'Agon,  chanoine  titulaire,  l  ne  de 
leurs  sœurs,  Madame  Rosalie,  s<rur  de  la  Croix  du  couvent  de 
Villeréal,  dont  elle  avait  été  supérieure,  regrettait  vivement  de 
ne  pouvoir  y  réunir  les  restes  de  leur  frère  Jules,  mort  mission- 
naire dans  rinde.  Elle  y  vint  en  1889,  étant  décédée,  à  l'agc  de 
86  ans,  dans  son  cher  couvent  où  elle  avait  passé  presque  toute 
sa  vie,  modèle  de  piété  simple  et  aimable. 

L*abbé  Sérougne  eut  le  chagrin,  en  1871,  de  voir  entamer 
les  appartenances  séculaires  du  presbytère  de  Rives.  Malgré 
ses  légitimes  protestations,  un  maire  de  circonstance  combla 
une  partie  du  vivier,  à  louest.  Depuis,  la  spoliation  a  été  con- 
tinuée et  consommée. 

Par  son  testament  olographe,  déposé  aux  minutes  de  M"  Ra- 
bot, notaire  à  Villeneuve-sur-Lôl,  M.  Justin  Sérougne  léguait 
à  la  Fabrique  de  Rives  trois  mille  francs  dont  les  revenus  de- 
vront servira  Ventretien  de  Véglise  et  au  paiement  des  mission- 
naires qui  pourraient  être  appelés  à  évangéliser  la  paroisse  ; 
et  à  l'hospice  de  Villeréal  une  autre  somme  de  trois  mille  francs 
dont  les  revenus  devront  être  employés  à  secourir  les  pauvres 
les  plus  nécessiteux  de  la  paroisse  de  Rives  désignés  par  la 
Fabrique;  chacun  de  ces  deux  établissements  sera  tenu  de 
faire  dire  chaque  année  et  à  perpétuité  douze  messes  aux  inten- 
tions du  testateur. 

12.  1884-1889.  —  Jean  Benaben,  né  à  Montaut-le-Jeune,  fil 
restaurer  le  presbytère  et  travailla  sans  succès  à  en  consener 
les  dépendances  :  la  spoliation  fut  continuée.* 

13.  1889- —    Dominique    Carrère,    né     à    Gaillagos 


(1)  Paroisse  do  rancicn  diocèse  de  Sarlal,  api)elée  Parrenquo,  Parroncho, 
Pourriolcuil,  unie  en  1548  à  la  collégiale  de  Hiron  qui  avait  élé  de  nouveau 
édifiée  cl  dotée  en  1515  par  Pons  de  Golaut,  baron  de  Biron.  Eglise  romane. 


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[Hautes-Pyrénéesj.  Le  legs  de  M.  Sérougne  est  employé  à  res- 
taurer Téglise. 

V.  La  chapellenie  familiale  de  Rives  fut  fondée  par 
le  filhatre  de  noble  Gaspard  de  Brajac,  Jean  Villeréal  sieur  de 
(luihal,  mort  d'une  pleurésie  le  10  décembre  1697  en  sa  maison 
de  Rives,  enseveli  le  lendemain  dans  l'église  de  cette  paroisse. 
Par  son  testament  clos  et  ouvert  le  10  décembre,  devant  Mar- 
ceron,  notaire  à  Villeréal,  Jean  Villeréal,  après  divers  legs  à 
ses  serviteurs  et  aux  pauvres,  fait  deux  parts  de  ses  biens*:  Pour 
les  biens  de  la  descendue  de  sa  mère,  demoiselle  Marguerite 
de  Beaulac,  il  institue  ses  héritiers  universels  Jean  de  Beaulac, 
son  filleul,  fils  de  Micheau  et  Marguerite  de  Beaulac,  sa  filleule, 
fille  de  M*  Pierre  de  Beaulac,  défunt  conseiller  du  roy,  ses  cou- 
sins germains,  par  égales  portions;  pour  les  biens  qui  sont  de 
la  descendue  de  feu  son  père  Pierre  Villeréal,  sieur  de  Péchal- 
gut,  il  institue  ses  héritiers  universels  Marie  d'Abzac,  demoi- 
selle, sa  filleule,  et  Jean  Constantin  son  filleul,  à  présent  au 
Séminaire,  aussi  ses  cousins  germains,  chacun  par  égales  por- 
tions, ((  à  condition  néanmoins  que  led.  sieur  Constantin  ce  fera 
prestre  et  qu'il  sera  tenu  de  dire  messe  tous  les  dimanches 
pendant  sa  vie  dans  l'église  de  Rives  pour  la  satisfaction  du 
public  et  deux  autres  jours  chaque  semaine  tel  jour  qu'il  vou- 
dra, pendant  sa  vie,  pour  le  salut  de  l'âme  du  donateur  et  de 
ses  parents  fidèles  trépassés,  ayant  néanmoins  l'approbation 
de  l'évêque  de  Sarlat.  Il  veut  (juc,  après  son  décès,  ses  plus 
proches  parents  étant  prestres  provenant  du  paternel  ou  ma- 
ternel soient  substitués  à  la  place  du  donataire,  lui  donnant 
néanmoins  la  liberté  de  nommer  tel  que  bon  lui  semblera  de 
ses  parents  prestres  et  ainsi  consécutivement  tant  que  sa  race 
sera.  » 

Jean  de  Constantin  eut  pour  sa  part  le  château  et  la  métairie 
de  Rives.  Ordonné  prêtre  peu  de  temps  après,  il  fut  curé  de 
Villeréal  de  1713  à  1734,  puis  Prieur  du  prieuré  simple  et  sécu- 
lier Saint-Pierre  de  Rives.  Par  testament  en  forme  de  codicile, 
retenu  par  Malespine,  notaire  à  Villeréal,  testament  clos  le  27 
juillet  1763,  ouvert  le  14  octobre  de  la  même  année,  Jean  de 


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—  417  — 

Constantin  transmet  à  M"*  Jacques  de  Léotard  de  la  Calvie,  son 
petit-neveu,  parent  au  quatrième  degré  de  feu  sieur  de  Guibal, 
actuellement  au  Séminaire  de  Sarlat,  l'héritage  du  s'  de  Gui- 
bal,  aux  mêmes  conditions  qu'il  l'avait  reçu.  Ce  testament  com- 
mence ainsi  ;  <(  Je  soussigné,  messire  Jean  de  Constantin,  abbé 
de  Pechegut,  prieur  et  seigneur  de  la  paroisse  de  Ribcs...  » 

Jacques  de  Léotard,  ordonné  prêtre  deux  ans  après,  fut 
nommé  vicaire  de  Sainte-Sabine:  il  manqua  26  messes  dans  les 
années  1705  et  1760.  Les  Hecollets  de  Monpazier,  trop  peu 
nombreux,  n'avaient  pu  lui  fournir  un  prêti*e;  les  capucins  de 
Caslillonnès  n'avaient  pu  accepter  ses  demandes  le  chemin 
coupé  par  plusieurs  ruisseaux  étant  impraticable,  le  religieux 
de  Monflanquin  auquel  il  donnait  50  écus  par  an  outre  la  nour- 
riture et  le  logement  à  l'auberge  du  religieux  et  de  son  cheval, 
avait  manqué  plusieurs  fois  soit  à  cause  du  mauvais  temps  soit 
à  cause  de  maladie.  Le  sindic  de  la  paroisse  de  Rives,  noble 
I^ouis  Duthil  de  Fontrives,  chevalier  de  l'ordre  militaire  de 
S.  Louis,  muni  de  la  procuration  de  17  habitants  donnée  le  7 
septembre  170(),  intenta,  devant  la  cour  sénéchale  d'Agen,  un 
procès  à  l'abbé  demandant  que  les  26  messes  fussent  payées, 
pour  être  employées  aux  réparations  de  l'église,  au  prorata 
des  revenus  de  la  métayrie  qu'il  évaluait  à  800  livres.  L'abbé 
soutenait  que  le  manquement  ne  lui  était  pas  imputable  et 
offrait  de  consacrer  cet  argent  à  telle  bonne  œuvre  que  lui  indi- 
querait sa  conscience  ou  son  évoque.  Après  de  nombreuses 
plaidoiries  le  sindic  ol)linl,  2!  août  17()9,  que  les  parties  fussent 
mises  hors  procès,  dépens  compensés  et  donna  sa  démission. 

La  chapellenie  do  Rives  formée  d'un  petit  château  habité  en 
partie  par  le  métayer  et  de  2i  sexterées,  5  quartonnats  de  terres 
fut  saisie  comme  bien  national.  L'abbé  de  Léotard,  curé  de 
Naresses  depuis  l'an  1768,  soutint  avec  un  mémoire  signé  de 
Dufour,  Vulpian,  Laget  et  Piales,  avocats  à  Paris,  que  cette 
fondatiori  ne  devait  pas  entrer  dans  la  classe  des  biens  du 
clergé  par  la  raison  que  les  actes  de  son  établissement  offraient 
bien  moins  une  fondation  qu'une  substitution  claire  et  évidente, 
que  jamais  les  évecjues  n'avaient  pris  aucune  part  ni  connais- 
sance sur  ces  biens  qui  n'ont  aucun  rapport  avec  ce  qui  peut 


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—  418  - 

être  dit  chapelle  ou  Prestimonie  et  n  est  qu'un  bien  en  tout 
séculier  et  laïcal  dont  la  propriété  entière  reste  sur.  la  tête  du 
possesseur  en  remplissant  les  charges  imposées  par  le  testa- 
ment. 

Le  district  de  Monflanquin  donna  un  avis  favorable  le  19  no- 
vembre 1791  et  le  directoire  départemental  exhima  de  la  liste 
des  biens  nationaux  les  biens  du  ci-devant  abbé  de  la  Calvie 
comme  étant  une  propriété  de  famille. 

La  spoliation  n'était  que  partie  remise.  L*abbé,  fidèle  à  sa 
foi,  fut  déporté;  son  château  et  sa  terre  de  Rives,  estimées,  le 
4  germinal  an  2,  à  la  somme  de  27,340  francs,  furent  adjugés 
aux  enchères,  le  17  prairial  suivant,  à  sept  acquéreurs  pour  la 
somme  de  50,000  francs  payés  en  assignats. 

L'abbé  de  Léotard  rentra  dans  sa  paroisse  après  la  Révolu- 
tion :  les  registres  portent  sa  signature  depuis  le  4  novembre 
1804  jusques  au  7  janvier  1812.  Nommé  à  la  cxxve  cantonale  de 
Villeréal,  il  y  mourut  le  1*'  mars  1810. 

Sa  nièce  et  héritière,  Rose-Luce  de  Léotard,  toucha,  en 
1827,  une  indemnité  de  18,783  fr.  75  sur  le  milliard  que  le 
Gouvernement  distribua  pour  réparer  en  quehjue  manière  les 
spoliations  révolutionnaires. 

(Extrait  des  archives  de  Rives,  des  archives  de  la  Préfecture 
cl  des  registres  conservés  à  la  mairie  de  Villeréal.) 

Nota.  —  La  chapellenie  familiale  fondée  par  Jean  Villeréal 
et  qui  n'a  eu  que  deux  titulaires  ou  propriétaires  a  été  confon- 
due avec  le  prieuré  S.  Pierre  de  Rives  par  M.  l'abbé  M.  Mon- 
mont,  ancien  curé  de  Capdrot,  curé  d'Azerat,  dans  son  opus- 
cule intitulé  :  Histoire  d'un  coin  du  Périgord,  Vancienne  Collé- 
(jiale  de  Capdrol,  près  Montpazier,  page  9.  Périgueux,  1885. 

La  même  erreur  a  été  reproduite  par  M.  l'abbé  Jean  Andrieu, 
curé  de  Capdrot,  dans  sa  notice  :  Origine  du  Prieuré  de  Rives, 
(Semaines  Catholiques  d'Agen  et  de  Périgueux,  avril  1887.) 

Ces  messieurs  ont  été  induits  en  erreur  par  leurs  fournis- 
seurs de  documents. 

Les  pierres  du  petit  château  ont  été  employées  à  constiniire 
une  humble  demeure  ;  il  n'en  reste  que  le  nom. 


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TOURLIAC 


Tourliac,  anciennement  el  dans  la  langue  des  indigènes. 
Troiilhac,  du  mol  Trouil,  Treuil,  Pressoir,  fut  l'un  des  mem- 
bres de  la  commanderie  du  Temple  de  Condat-sur-Vézèrc 
(Dordogne). 

Le  fond  de  Malte  (Arch.  Haute-Garonne)  renferme  sur 
Trouilhac  quelques  renseignements  historiques. 

En  1000,  3  octobre,  le  commandeur  de  Condat,  présente 
Nicolas  Etienne,  prêtre,  religieux  de  son  ordre,  à  l'évêque  de 
Sarlat  pour  la  vicairie  perpétuelle  de  S.  Jean  de  Trouilhac 
(Inventaire  Condat). 

En  ir).*39,  2  février,  la  vicairie  perpétuelle  S.  Jean  de  Trou- 
lliac  est  conférée  à  M™  Pierre  Teulier,  prêtre.  11  donna  sa  dé- 
mission le  19  octobre  1704  et  demanda  au  commandeur  une 
pension  viagère  (ibid.). 

«  Le  commandeur  est  seigneur  directe  de  Tourliac  avec 
messieurs  de  Biron  el  de  Monpeiran  et  de  Monsavignac,  cha- 
cun ayant  son  droit  de  ranle  séparée  ;  celle  du  commandeur 
consiste  en  3  livres  (Fargent,  19  quart^ons  de  froment,  13  quar- 
tons  d'avoine,  mesure  de  Villeréal,  8  poules  et  8  journées 
d'homme,  avec  Tacapte  de  3  livres  en  argent  sur  le  terroir  des 
villages  de  Delpuch,  de  Martel  et  de  Clairac.  Il  est  seigneur 
foncier  el  directe  de  plusieurs  maisons  dans  le  bourg  et  près 
de  l'église.  Il  jcmit  d'un  pré  contenant  15  pugnères,  1  boisseau, 
lequel  pré,  quoique  noble,  on  ne  laisse  pas  de  l'avoir  compris 
au  rolle  de  la  taille  ;  il  faudra  la  faire  ôter. 

<(  Le  commandeur  est  .seigneur  spirituel  de  la  paroisse  de 
Trouilhac,  diocèse  de  Sarlal,  sénéchaussée  d'Agen  ;  il  a  droit 
de  nommer  le  vicaire  perpétuel,  la  vacance  arrivant,  el  de 
prendre  la  moitié  de  la  dîme  de  tous  les  gros  grains  :  froment, 
.seigle,  orge,  avoine,  baillarge,  vin,  fèves  et  bleds  d'espaigne, 
à  raison  de  douze  un  ;  l'autre  moitié  appartient,  avec  l'entière 


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—  420  — 

(lime  des  chanvres»  linets  cl  de  tous  les  menus  grains,  prise  au 
douzième,  au  vicaire  perpétuel. 

<(  Tous  les  dils  revenus  sont  affermés  à  M.  Jacques  Trabul, 
vicaire  perpétuel,  et  au  sieur  Balmelte  pour  la  somme  de 
555  livres.  Le  sieur  Fonpudie,  n""  à  Biron,  chargé  de  faire  le 
terrier,  procurera  régulièrement  la  dime  de  douze  un  ;  il  exi- 
gera le  droit  de  dime  de  tout  ce  qui  sera  au-dessus  ou  au-des- 
sous de  12  gerbes,  pour  corriger  Tabus  frauduleux  que  les 
habitants  ont  prétendu  introduire  de  ne  payer  point  de  dime 
des  gerbes  et  autres  fruits  au-delà  de  12  juscjues  à  23.  Le  com- 
mandeur dépensa,  en  1732,  55  livres  en  achat  d'ornements 
d'église,  remise  de  vitres  au  sanctuaire  et  réparation  à  la  sa- 
cristie. (Visites  général,  en  1732.  Condat,  fond  de  Malte,  Tou- 
louse.) » 

I^s  biens  du  commandeur,  appelés  an  pré  du  comman- 
deur, d'une  contenance  totale  de  6  quartonats  14  boisselats, 
furent  vendus  l'an  III,  S""  jour  complémentaire,  en  3  lots,  la 
somme  globale  de  70.000  livres  en  assignats  valant  1728  livres 
métal.  {.\rch.  dép.  Lot-et-Garonne.) 

J.  Benahen. 


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LE  TEMPLE  DE  BBULHES  et  ses  COMMANDEURS 

AU  XVIII»  SIÈCLE  (') 


Au  xviif  siècle,  de  la  Commanderie  du  Temple  dépendaient  : 
l'ancien  hôpital  de  Sauvagnas  qu'on  lui  adjoignit  quelque  cin- 
quante ans  plus  tôt,  la  paroisse  de  Dominipech,  Sainte-Quit- 
terie  d'Agen  et  Sainte-Foy  de  Jérusalem  son  annexe,  Saint- 
Sulpice  de  Ribalède,  S'-Jean  de  l'Herm,  S'-Caprais  et  Sainl- 
Jean  de  Villedieu  près  Roquecor.  L'étendue,  la  richesse  de  ces 
possessions,  faisaient  du  Commandeur  de  Brulhes  un  des  pre- 
miers seigneurs  du  pays  d'Agenais.  On  peut  aisément  se  ren- 
dre compte  de  l'importance  de  ce  fief  de  l'ordre  de  Malte,  et  du 
Commandeur  qui  le  jouissait  à  l'aide  des  procès-verbaux  de 
visite  de  1069  et  de  1711. 

((  Le  chef  de  la  Commanderie  est  appelé  le  Temple  de 
Breulh,  donc  ladite  Commanderie  porte  ce  nom  et  est  située 
dans  l'Agenois  (!)  en  Guienne,  sur  la  rivière  du  Lot.  La  juri- 
diction d'icelle  est  contigue  à  celle  de  Sainte-Livrade  du  costé 
du  Levant  et  de  la  juridiction  de  Montpezat  du  costé  du  midy; 
et  couchant  et  septentrion  à  la  rivière  du  Lot.  »  Le  Comman- 
deur y  possédait  <(  ung  grand  et  beau  chasteau  bien  logeable  ». 
Celui-ci  était  réuni  à  un  fort  entouré  de  murailles.  A  l'intérieur 
était  le  petit  village  du  Temple  composé  en  1069  de  «  30  mai- 
sons ou  logettes.  Au  coing  duquel  fort  y  a  une  grande  tour  bas- 
tye  de  bricques,  carrée...  laquelle  tour  appartient  au  Comman- 
deur et  quantes  fois  on  a  faict  sen  ir  de  pigeonnier  et  dans  le 
temps  à  la  guerre.  Elle  sert  de  deffcnsc  au  fort,  sa  situation  est 
en  effet  avantageuse  pour  ce  faire  et  dauvs  led.  chasteau  y  a  une 


(1)  Au  chapitre  II  du  tome  i"  des  Couvents  de  la  ville  d'A(jt*n  avant  1789, 
expliquer  l'étymologie  de  ce  mut  Brulhes,  francisé  dans  la  suite  en  mot 
Breuil. 

(2)  Archives  de  la  Haute-Garonne,  Ordre  de  Malte.  Le  Temple  :  Liasse  X\  I; 
Dénombrement  de  la  Commanderie  du  Temple  du  20  avril  1669, 


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—  422  — 

muralhe  qui  joint  l'esglise  paroissiele,  une  grande  cour  qui  est 
enfermée.  »  Le  château  avait  deux  portes  qui  le  faisaient  com- 
muniquer avec  le  fort  et  le  jardin  du  Commandeur.  De  la  cour 
on  pénétrait  directement  dans  le  principal  corps  de  logis,  au- 
trefois habité  par  les  commandeurs,  et  depuis  qu'ils  ne  rési- 
daient plus  au  Temple,  par  les  fermiers  de  la  Commanderic. 
En  bas  u  on  peut  voir  une  cave  qui  tient  toute  la  longueur  du 
chasteau.  Montant  à  main  droite,  montant  trois  ou  quatre  de- 
grés, on  entre  dans  une  salle  ».  Sur  le  même  pallier,  «  on  y 
voit  quatre  officines  que  l'on  fait  servir  à  ce  que  l'on  veut  et  une 
prison  en  bas  d'icelle.  Et  montant  plus  haut  par  le  mesme  de- 
gré, on  entre  dans  une  salle  autour  de  laquelle  il  y  a  cinq  cham- 
bres séparées  l'une  de  l'autre.  Au  bout  de  l'une  à  main  gauche 
il  y  a  ung  cabinet  et  ung  necessère  dans  une  tour  et  au  bout 
d'une  autre  chambre  y  a  ung  cabinet  et  ung  necessère  dans 
une  autre  tour,  et  montant  plus  haut  par  le  mesme  degré...  on 
entre  dans  une  pareille  salle  autour  de  laquelle  il  y  a  mesme 
quantité  et  qualité  de  logement  »  (avec  celte  différence  qu'une 
chambre  est  partagée  en  deux  par  une  cloison)  «  et  montant  au 
hault  du  chasteau  une  petite  tour  avec(]  une  chambre  faicte  en 
cul  de  lampe,  et  une  garite  qui  deffand  l'entrée  dud.  iortet  flan- 
que le  chasteau,  qui  va  respondre  à  ime  autre  tour,  qui  est  sur 
le  coing  dud.  chasteau,  d'où  Ton  entre  dans  une  autre  tour,  qui 
est  sur  la  porte  dud.  chasteau  :  laquelle  le  deffand  avec  les  au- 
tres tours  qui  se  flanquent  l'une  à  l'autre;  sur  lequel  hault  du 
chasteau  y  a  quelques  petites  chambres  que  les  habitants  tien- 
nent pour  y  entrer  en  temps  de  guerre...  »  La  description  que 
nous  en  font  messire  frèie  François  de  Ponlevès,  commandeur 
de  Golfech  et  Gimbrède,  et  frère  Jean  Carbonnel,  prêtre,  reli- 
gieux d'obédiance,  collégial  et  archidiacre  au  grand  Prieuré 
de  Toulouse,  à  l'occasion  de  leur  visite  du  10  juillet  1711  (1), 
est  à  peu  près  identique.  Comme  la  période  des  guerres  civiles 
a  disparu,  les  fossés  du  chaleau  sont  à  moitié  rasés,  et  le  fer- 
mier y  sème  des  grains.  De  plus  la  fameuse  tour  carrée,  au 


(l)  Archives  de   la   Haiile-Garonnc,   ordre  de   Malle.   Regislre   des   visites, 


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-  423  — 

coin  du  fort,  s'était  écroulée  en  partie,  mais  un  Commandeur 
l'avait  relevée.  A  côté  du  château,  était  une  magnifique  garen- 
ne, longeant  le  ruisseau  qui  arrose  le  village  du  Temple.  «  Elle 
était  garnie  de  très  beaux  ormeaux  dont  plusieurs  ont  le  corps 
d'une  élévation  extraordinaire,  droits  et  unis  au  possible.  » 
Quelques  chênes  périrent  par  la  rigueur  de  l'hiver  de  1709. 
Pénétrons  maintenant  dans  l'église  paroissiale,  à  la  suite  des 
visiteurs  de  1711.  «  A  la  porte  nous  avons  esté  reçus  au  son 
de  la  cloche  et  autres  cérémonies  accoustumées  par  M*  Pierre 
Mérail  (2),  vicaire  perpétuel,  assisté  de  M*  Jean  Molinaer,  son 
secondaire,  qui  nous  ont  conduit  au  Maistre  autel  où  nous 
avons  chanté  le  Veni  (yeator,  le  Tanlum  Ergo  et  ensuite  donne 
la  bénédiction  du  Très  Saint  Sacrement.  »  Le  maître-autel  se 
composait  «  d'un  beau  tabernacle  orné  de  ses  ailes,  colonnes 
torses,  chapiteaux,  corniches,  denticules,  estatues  et  autres 
ornements  de  sculpture.  La  niche  pour  l'exposition  du  Très 
Saint  Sacrement  terminée  par  la  figure  de  la  résurrection  du 
Sauveur,  le  tout  doré  à  fonds.  I^e  tableau  garni  de  son  cadre 
bois  de  noyer  représente  l'assomption  de  la  Vierge,  un  ciel 
peint  au-dessus  ;  au  milieu  un  Jésus-Maria.  L'autel  est  orné  de 
deux  gradins  l'un  peint  à  têtes  d'anges  et  fleurs  sur  lequel  sont 
quatre  chandeliers  de  bois  en  menuiserie  dorés,  et  quatre  vases 
de  fayence  garnis  de  beaux  bouquets  artificiels.  L'autre  gradin 
qui  porte  le  tabernacle  est  doré  de  même  garni  de  deux  chan- 
deliers de  laton  et  d'un  petit  crucifix.  » 

Au  Temple,  le  seigneur  Commandeur  avait  la  justice 
<v  haute,  moyenne  et  basse,  mère,  mixte  impère  et  a  pouvoir 
d'establir  juge,  lieutenant  de  juge,  greffier,  procureur  d'office 
et  tout  autres  officiers  necessères  pour  l'administration  de  la 
justice  ».  Les  émoluments  du  juge  riaient  de  12  livres;  le  lieu- 
tenant de  juge  avait  la  jouissance  de  deux  lopins  de  terre,  et  le 
procureur  d'office  avait  10  livres.  Chaque  année  on  présentait 
au  Commandeur  une  liste  de  quatre  personnes  élues  par  la 
Jurade,  parmi  lesquelles  il  était  tenu  d'en  choisir  deux  pour 
êlre  consuls  du  Temple.  Il  était  le  seul  seigneur  de  la  juridic- 


(2)  Pourvu  de  la  cure  du  Temple,  en  1G94,  par  le  Commandeur  de  Guôrin. 


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lion  «  avec  tou?  droits  de  lods  et  ventes  qui  se  payent  de  douze 
deniers  ung  et  droit  de  prélation  et  accapte  et  double  accaple... 
plus  droit  de  fournage  sive  fougage  qui  est  deux  quartons 
seigle  mesure  d'Agen  pour  chaque  feu  vif  et  allumé  dans  led. 
lieu  et  juridiction,  plus  certains  droits  de  péage  sur  la  rivière 
du  Lot  ».  En  1288,  Amanieu  de  Castelmoron  donna  à  Tordre 
le  péage  du  passage  de  la  rivière  du  Dropt  (5  mars).  Mais  au 
wm"  siècle,  ce  droit  était  joui  par  les  religieuses  de  Fongrave 
sans  qu'on  sut  à  quel  titre  elles  le  possédaient  de  temps  immé- 
morial (1).  A  la  fois  seigneur  spirituel  et  temporel,  le  com- 
mandeur nommait  le  vicaire  perpétuel  du  Temple.  L'église 
était  dédiée  à  Notre-Dame  et  l'on  en  célébrait  la  fête  le  jour 
de  l'Annonciation,  u  De  laquelle  esglize  dépend  deux  esglizes 
annexes  Tune  est  dans  la  juridiction  du  Temple  du  Breuilh 
sous  le  nom  do  Saint-Germain,  l'autre  est  dans  la  juridiction 
de  Montpezat  sous  k»  nom  de  St-Caprasy.  Le  senice  des- 
quelles esglizes  est  fait  par  le  sieur  Laubert  viquère  perpétuel 
et  auquel  viquère  perpétuel  led.  seigr.  commandeur  paye  an- 
nuellement de  pension  la  quantité  de  doutze  sacs  bled  et  douze 
sacs  sègle,  mesure  d'Agen,  cinq  barriques  de  vïn,  quatorze 
liv.  argent  et  encore  led.  viquère  perpétuel  prend  et  perçoit  la 
quatorziesme  partie  des  dismçs  du  chanvre  et  lin,  et  aud. 
soubz  viquère  mobile  cent  quarante  livres  ;  dans  laquelle  éten- 
due et  juridiction  paroisse  dud.  Temple  du  Brulh  led.  sei- 
gneur commandeur  prend  et  perçoit  en  sus  tous  les  dismes  et 
tous  fruicts  décimaux  quy  se  paye  scavoir  de  dix  gerbes  une 
et  tous  les  grains....  et  herbes  prit  sur  le  champ...  le  disme  se 
prand  sur  le  sol  du  propriétaire  de  treize  ung.  (La  dime  du 
vin  se  payait  de  vingt  une  «  soit  corbeille  soit  pannier  »;  et 
cette  vendange  devait  être  portée  par  les  propriétaires  dans 
les  chaix  du  château  du  Temple.)....  Ledit  seigneur  prand  Je 
disme  des  aigneaux  et  cochons  de  dix  ung  et  dud.  chamvre  et 
lin  de  treize  ung  sur  le  champ.  >»  Du  Temple  dépendait  encore 
la  paroisse  de  Dominipech,  située  dans  la  juridiction  de  Mont- 
pezat. Le  commandeur  étant  prieur  primitif  de  l'Eglise  en 


(U  Ordre  de  Malle.  Vi.-iles,  n"  423 


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—  425  — 

nommait  le  vicaire  perpétuel.  L'abbé  de  Clairac  prenait  le 
douzième  de  la  dime  du  blé  et  le  marquis  de  Montpe^at  faisait 
rente  au  commandeur  de  20  sacs  de  blé,  10  d'avoine,  10  livres 
d'argent,  cinq  paires  de  chapons  et  autant  de  poulets. 

Dans  le  prorés-verbal  de  visite  de  1721  (1),  il  est  dit  que  le 
commandeur  a  le  droit  de  percevoir  dans  toute  la  paroisse  de 
Roubillon  le  quart  de  la  dinu\  «  de  toutes  sortes  de  grains, 
vin,  chanvre  et  lin  ».  L'autre  quart  était  pris  par  le  curé  de 
Roubillon  pour  le  service  de  la  paroisse  et  la  moitié  restante 
revenait  à  la  chapelle  de  Saint-Sernin  de  Toulouse.  ]je  27  sep- 
tembre 1707  le  membre  de  Dominipech  contient  en  fonds  re- 
connus ((  une  carlérée  deux  ([uartonats,  sept  picotins  et  demi 
à  raison  de  deux  quartons  bled,  deux  quartons  avoine,  cinq 
sols  argent  et  une  paire  de  poules  par  carterée.  »  (Domini- 
pech. n^  lOOL) 

En  1780,  la  contenance  de  la  commanderie  du  Temple  qui 
faisait  rente  était  de  cinq  cent  quatre-vingt  onze  carterées 
cinq  carlonats  à  raison  de  deux  picotins  de  blé,  de  seigle  et 
d'avoine,  un  sol  d'argent,  la  quinzième  partie  d'une  poule  et 
la  dixième  partie  d'une  journée  par  chaque  carterée.  La  rente 
(Hait  donc  :  de  39  sacs  13  picotins  1/4  de  blé,  autant  de  seigle 
et  d'avoine  ;  39  livres  19  sols  1/2  d'argent  ;  74  poules  2/3  1/20 
et  94  journées. 

1.  —  Membre  âm  Salnte-Qulttorle  (2) 

Ije  fief  de  Sainte-Quitterie  comprenait  l'église  paroissiale 
de  Sainte-Foy  distante  d'une  lieue  environ  de  la  ville  d'Agen, 
mais  cependant  dans  sa  juridiction.  Sainte-Quitterie  était  une 
église  d'Agen  où  <(  on  dit  mesvse  par  dévotion  et  ledit  sieur 
Commandeur  de  Carbonneau  la  bailhée  aux  confrères  de  la 
confrérie  de  Saint-Jean-Baptiste  sous  la  condition  qu'ils  la 
feront  servir  et  entretenir  de  ce  quy  sera  necesseï^  et  ce  pour 


(1)  \  isitc  de  la  Commanderie  du  Temiile  i>ar  Charles  de  Marquin-Roqiio- 
forl,  Commandeur  de  Caubins  et  Mourlas  el  Jean  Carbonnel,  prêtre,  prieur 
et  curé  de  Cazillac,  n*  424. 

(2)  Voir  la  note  de  la  page  1. 


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—  426  — 

le  temps  qu'il  plaira  aud.  sieur  Commandeur  et  à  ses  succes- 
seurs à  l'advenir  comme  paroil  par  acte  public  ».  L'église  était 
entourée  d'un  grand  jardin  affermé  ordinairement  quarante- 
cinq  livres,  la  maison  comprise.  Il  était  partagé  eh  deux  par- 
lies  inégales  par  un  ruisseau.  »<  La  maison  est  en  brique  ou 
pierre  et  habitée  par  le  jardinier  ;  située  au  milieu  du  jardin... 
Dans  la  ville  y  a  plus  de  quarante  maisons  qui  font  rante  au 
Commandeur,  mais  cette  rante  est  fort  petite  ;  elle  fut  renou- 
velée par  le  Commandeur  de  Carbonneau...  Plus  quelques 
terres  et  rantes  dans  la  paroisse  de  Saint-Arnaud,  Sainte- 
Geme,  Artigues,  Sainte-Radegonde,  lesquelles  rentes  sont 
jointes  au...  de  Sainte-Foy  de  Jérusalem  et  ledit  seigneur 
Commandeur  n'en  a  jamais  joui  non  plus  que  ses  prédéces- 
seurs. » 


2.  —  Me 

Cette  terre  était  située  à  une  grande  lieue  d'Agen  et  de  Puy- 
mirol  (aujourd'hui  canton  de  Laroque-Timbault).  Le  Com- 
mandeur était  «  seigneur  spirituel  et  temporel  avec  toute  jus- 
lice  haute,  moyenne  et  basse,  mère,  mixte  et  impère.  Auquel 
lieu  jougnant  le  chasleau  est  une  grande  esglize  paroissielle 
lambrissée  et  couverte  de  tuille  à  canal,  avec  ung  grand  clo- 
cher gamy  de  deux  grandes  cloches.  Ladite  esglise  dédiée 
sous  le  nom  de  Saint-Jean,  garnie  de  tous  les  ornements  né- 
cesseres  pour  le  service  divin,  estant  à  présent  servie  par  frère 
Pierre  Thouron,  religieux  profîès  de  notre  ordre  et  viquère 
perpétuel  de  ladite  paroisse  dont  il  a  été  pourvu  par  feu  Mon- 
sieur de  Mand,*  Commandeur  dudit  Sauvagnas  en  ce  temps-là. 
Près  de  l'esglize  ung  chasteau  avec  trois  tours  du  copte  du 
levant  et  midy  qui  servent  à  la  deffanse...  avec  ses  dépendan- 
ces, écuries,  chaix,  etc..  Le  Commandeur  possède  noblement 
exempt  de  toutes  charges  le  nombre  treize  carterées  de  terre 
labourable  et  pred  qui  sont  devant  et  à  oosté  du  chasteau  ». 
Devant  le  château  il  possède  un  pigeonnier  monté  sur  quatre 
piliers  et  placé  dans  une  pièce  de  terre.  Il  a  encore  un  moulin, 
quatre  cartonats  de  terre  noble,  nomme  les  officiers  de  justice, 


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—  427  — 

les  deux  consuls  sur  une  liste  de  quatre  personnes  présentées 
par  la  jurade.  La  dîme  se  j)arlage  entre  le  Commandeur, 
TEvéque  d*Afi[en  et  le  vicaire  perpétuel.  Sur  seize  sacs  de  blé 
l'Evéque  en  prend  trois,  le  Commandeur  neuf  et  le  vicaire 
quatre,  de  même  pour  les  autres  grains.  La  dîme  du  chanvre, 
du  lin  et  des  agnearix  est  de  treize  un:  pour  les  agneaux, 
quand  le  nombre  est  supriiMir  ou  inférieur  à  treize,  le  proprié- 
taire donne  six  sols  par  tote.  Les  rentes  foncières,  lods  et  ven- 
tes, droits  de  préleva tion  appartiennent  au  Commandeur  «  qui 
prand  de  dix  ung  avec  droipt  d  acapte  ».  Dans  celte  Comman- 
derie  le  chapitre  de  Sainl-Caprais  d'Agen  possède  certain  té- 
nenement  qui  n'était  pas  encore  réglé  lors  du  dénombrement 
de  1()()9.  Tout  près  était  une  chapelle  votive  «  à  portée  de 
mousquet  du  chasleau  sous  le  nom  de  \otre-Dame  de  Pitié. 
Le  viquére  per|)éluel  va  célébrer  la  sainte  messe  lorsqu'il  y 
est  requis  ».  Donnons  maintenant  quelques  détails  sur  l'inté- 
rieur de  l'église  de  Sauvagnas.  «  Le  tabernacle  (1)  (du  maître- 
autel)  est  orné  de  plusieurs  figures,  colonnes  et  pièces  de 
sculpture,  le  tout  doré  de  même  que  les  parois.  Le  taberna- 
cle qui  est  doul)Ié  de  soye  en  dedans  est  porté  sur  un  gradin 
avec  six  chandeliers  de  bois  doré  avec  un  crucifix  assortissant. 
Derrière  et  au-dessus  du  tabernacle  est  un  tableau  représen- 
tant un  chemin  de  croix;  la  sainte  V^ierge  d'un  coté,  saint  Jean 
patron  de  ladite  église  et  la  Magdeleine  de  l'autre,  entouré 
d'un  cadre  peint  et  doré,  surmonté  d'un  surciel  de  toile  peinte 
avec  l'image  du  Père  Eternel  ^u  milieu  y  ayant  un  rideau  de 
toile  bleue,  avec  une  tringle  qui  couvre  ledit  tabernacle  et  ta- 
bleau. Le  devant  d'autel  est  de  cuir  doré  monté  sur  son  cadre, 
les  deux  collatereaux  sont  boisés...  Le  sanctuaire  est  pavé, 
lambrissé,  éclairé  par  deux  fenêtres  vitrées.  I^  fond  est  peint 
en  forme  de  rétable  et  est  séparé  de  la  nef  par  un  ballustre  de 
bois  en  menuiserie;  au  milieu '  est  suspendu  une  lampe  de 
laiton.  Du  côté  de  l'évangiJe  est  placé  le  banc  de  Monsieur  le 


(1)  Visite  du  30  juin  1759  par  François-Louis  de  Montgey  et  Michel  Durand, 
l)rélre  et  collégial  de  l'cglisr  Saint-Jean  au  grand  Prieuré  de  Toulouse.  Visi- 
tes, n*  438. 


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-  428  — 

Commandeur  et  du  côté  de  TépUre  celuy  du  preslre...  Nous 
sommes  ensuite  revenus  à  la  chapelle  dédiée  à  saint  Salvyqui 
est  du  côté  de  1  epitre  pour  y  visiter  la  relique  de  l'entier  crâ- 
ne de  ce  saint,  enchâssé  dans  une  châsse  d'argent  qui  est  tenue 
dans  une  armoire  pratiquée  dans  l'épaisseur  de  la  muraille, 
laquelle  armoire  est  fermée  par  deux  portes,  l'une  d'une  gros- 
se griUe  de  fer  à  deux  cadenats,  et  la  porte  extérieure  est  en 
bois  bien  ferré...  » 

3.  —  Salnto-Fey  de  MnisalMi 

Le  Commandeur  y  jouit  un  domaine  noble  de  deux  carte- 
rées,  sept  quartonnats,  un  picotin  et  demi.  A  cela  il  faut  ajou- 
ter quelques  petits  fiefs  dans  la  paroisse  pouvant  rapporter 
environ  douze  livres  de  rente.  La  dîme  était  abandonnée  en 
entier  au  curé  pour  sa  pension. 

4.  —  Salnt-SvIplM  de  Rl¥elède'et  Selnt-Jeen  de  l'Henn 

Deux  petites  paroisses  situées  dans  la  juridiction  de  Mont- 
flanquin.  L'église  de  Saint-Sulpice  dépendait  du  membre  de 
Sauvagnas.  Le  Commandeur  étant  prieur  primitif,  nommait 
en  cette  qualité  le  vicaire  perpétuel.  Tous  deux  se  partageaient 
également  la  dîme  de  cette  paroisse,  agneaux  et  cochons 
compris.  Cette  dîme  «  se  prend  de  dix  ung  pour  le  froment 
et  autres  grains,  prise  sur  le  champ  et  pour  le  disme  de  la  ven- 
dange se  prand  de  doutze  ung  ».  Le  Commandeur  prenait  en- 
core dans  la  paroisse  certaines  rentes  foncières. 

B.  —  Salnt-Ceprels 

Petite  paroisse  située  dans  la  juridiction  de  Montflanquin 
et  à  un  quart  de  lieue  de  la  ville.  Comme  Saint-Sulpice  elle 
dépendait  du  membre  de  Sauvagnas.  Le  Commandeur  y  nom- 
mait le  vicaire  perpétuel  et  partageait  avec  lui  la  dîme  de  la 
paroisse. 

De  la  Commanderie  du  Temple  dépendait  encore  le  petit 
dîmier  de  Saint-Jean  de  Villedieu,  dans  la  juridiction  de  Ro- 


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—  429  — 

quecor  (aujourd'hui  Tarn-el-CJaronne).  «  La  disme  quoique 
se  percevant  sur  tous  les  fruits  et  graines  est  de  très  petit  re- 
venu. » 

6.  —  Salnt-Jsaii  ûm  Ferran 

Par  une  délibération  de  la  vénérable  langue  de  Malte,  en 
1715,  le  membre  de  Saint-Jean  de  Ferrand»  près  Marmande, 
fut  réuni  au  Temple.  Cette  mesure  dut  être  prise  à  la  mort 
d'Honoré  de  Champossin,  commandeur  du  lieu,  administra- 
teur général  des  Commanderies  de  Bordeaux,  Rayonne  et 
Roquebrune,  en  faveur  de  Messire  Louis-Joseph  du  Gascq, 
récemment  poui-vu  de  la  ('ommanderie  du  Temple  du  Rreuilh 
et  membres  en  dépendant  (1).  Ce  fief  comprenait  en  1724  <(  une 
chapelle  dédiée  à  Saint-Jean,  appelée  à  l'Hôpital  de  Ferran 
auprès  Marmande,  sur  le  grand  chemin  de  Toulouse,  de  la- 
quelle dépendent  plusieurs  liefs  sans  <lomaine  qui  pourront 
valoir  environ  100  livres  quand  ils  seront  reconnus  et  recou- 
vrés ».  En  1730,  les  visiteurs  nous  disent  que  la  chapelle  de 
Saint-Jean  de  Ferran  n'était  plus  (ju'une  masure  (2).  Une  re- 
connaissance de  176t^  (3)  indique  la  contenance  de  ce  fief.  <(  127 
journaux,  trois  quart  journal,  18  escats  et  3/4  d'escat,  dont 
cent  vingt-un  journal,  y  compris  une  maison  et  décharge  dans 
Marmande  et  deux  moulins  à  Ferran  forment  en  total  la  rente 
ou  cencive  annuelle  de  41  livres  4  deniers  en  argent,  deux  sacs 
quatre  picotins  de  seigle  et  deux  paires  chapons  et  le  restant 
de  ladite  contenance  est  au  huitiesme  de  fruits  et  sous  la  rente 
de  23  deniers  un  demi  en  argent  en  foy  de  quoy,  etc..  » 

La  valeur  de  la  Conmianderie  a  sensiblement  varié  au  cours 
du  siècle  et  presque  à  chaque  renouvellement  de  bail,  le  fer- 
mage en  était  augmenté.  Durant  cette  période  nous  avons  re- 
levé le  nom  de  quatorze  Commandeurs  du  Temple  ;  nous 
allons  en  donner  le  nom  avec  les  [)rincipaux  actes  à  leur  nom 
que  nous  avons  retrouvé. 


(1)  Visites  de  1724,  n'  424. 

(2)  Visites  de  1730,  n"  426. 

Ci)  Sniiit-Jran  de  Ferran.  Heconnaijssances  1763.  n"  1057. 


28 


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—  430  - 


Jean  ém 

(1093-1711).  —  Au  début  du  xviif  siècle,  Jean  de  Guérin  du 
Caslellet  jouissait  la  ( -omnianderie  du  Temple.  Il  en  avait  pro- 
bablement été  pourvu  en  1()93,  car  l'année  suivanle  il  nomma 
vicaire  |>erpétuel  du  lieu  M*  Jean  Mérail,  prêtre.  Il  élail  encore 
Commandeur  le  18  juin  1711  (1).  En  Î698  il  avait  eu  un  procès 
avec  M''  Antoine  Fourcauld,    maire   du   Temple  et   le   sieur 
Pierre  de  Billon  de  Postan  au  sujet  d'arrérages  de  rentes  et 
certains  droits  de  fournage.  Le  sénéchal  d'Agen  condamna  le 
Commandeur,  mais  celui-ci  porta  la  cause  devant  le  Parle- 
ment de  Bordeaux.  Il  s'agissait  de  savoir  si  les  propriétaires 
de  plusieurs  maisons  doivent  un  droit  de  fournage  ou  bien 
plusieurs,  suivant  les  différents  feux  qu'on  fait  dans  leurs  mai- 
sons et  s'ils  doivent  ce  droit  au  seigneur  tant  pour  eux  que 
pour  leurs  locataires  et  métayers.  C/e  droit  de  fournage  était 
fixé  à  2  cartons  de  seigle  par  feu.  Le  3  avril  1705,  le  Parle- 
ment, par  sa  sentance,  oblige  «  lesdits  Billon  et  Fourcauld  à 
payer  au  Commandeur  les  droits  de  fournage  tant  pour  les 
maisons  qu'ils  occu[ieront  (|ue  pour  celles  qu'ils  feront  occu- 
per par  leurs  métayers  et  locataires  dans  la  juridiction  du 
Temple,  à  raison  de  2  quarlons  de  sègle  par  an  pour  chaque 
maison  où  ils  tiendront  ou  feront  tenir  feu  vif  et  allumé,  en- 
semble les  rentes  dues  par  lesdits  avec  les  arrérages  d'icelles, 
et  (ludit  droit  de  fournage  depuis  la  prise  de  possessoin  de  la 
Commanderie  du  Temple  faite  par  ledit  de  Guerin  sauf  à  dé- 
duire le  payé  s'il  y  en  a...  condamne  en  outre  ledit  Billon  et 
Fourcauld  au  quart  des  dépens  envers  ledit  Guérin...  » 

Un  décret  du  Grand  Maître  de  Malte  et  de  son  Conseil 
d'Etat,  daté  du  11  septembre  1702,  cita  Jean  de  Guérin  à 
Malte.  En  même  temps  le  chevalier  Bertrand  de  Larroquan 
d'Ayguebere,  Commandeur  d'IIomps,  sur  le  canal  de  Langue- 
doc (près  Narbonne),  était  chargé  d'administrer  la  Comman- 
derie du  Temple.  Le  21  avril  1703  ce  dernier  baille  à  ferme  au 


(1)  Reconnaissances  de  Sainte-Quitterie. 


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—  131  — 

sieur  Mouret  les  fruits  décimaux  de  la  paroisse  de  Saint-Ca- 
prais  et  la  moitié  de  ceux  de  Saint-Sulpice  de  Rivalède  et  de 
Saint-Jean  de  l'Herm  son  annexe,  le  tout  pour  trois  ans, 
moyennant  600  livres  annuellement.  Sur  cette  somme  le  fer- 
mier devait  compter  2(X)  livres  au  curé  de  Saint-Caprais.  En 
1704  (17  juin),  «  Honoré  de  Champossin,  prêtre  conventuel  de 
l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  docteur  en  théologie  de 
l'Université  d'Avignon,  Commandeur  de  Saint-Jean  de  Fer- 
ran,  collégial  au  Grand  Prieuré  de  Toulouse  et  administrateui' 
général  de  la  Commanderie  du  Temple  de  Bordeaux,  de 
Bayonne,  de  Roquebrune  en  Bazadois  »  avait  succédé  comme 
administrateur  du  Temple  au  chevalier  d'Ayguebère  (1).  Jean 
de  Guérin  était  de  retour  de  Malte  le  25  août  1705. 

Le  Commandeur  de  Guérin  avait  été  reçu  dans  l'ordre  de 
Malte  le  1*'  février  1045  (2).  Il  était  issu  de  la  famille  de  Gué- 
rin, de  Provence,  établie  à  Aix  depuis  François  de  Guérin, 
reçu  conseiller  au  Parlement  en  1580.  Ses  armes  étaient  :  «  l)e 
gueules  à  la  colombe  efforant  d'argent  béquée  et  membrée 
d'or  (3).  » 

En  1705  la  Commanderie  du  Temple  lui  valait  un  revenu 
net  de  5,205  livres  (4).  * 

Les  charges,  en  1698,  se  répartissaient  ainsi  :  131  livres 
1  sol  pour  décimes  payés  au  roi  ;  705  livres  17  sols  7  deniers 
pour  responsions  dues  annuellement  au  Trésor  de  l'ordre,  35 
livres  11  sols  3  deniers  pour  taxe  de  la  capitation;  210  livres 
pour  la  pension  du  chevalier  de  Relhanette  et  105  livres  pour 
celle  du  chevalier  Cortade. 

César  ém  Vlllanauve-Basuregard 

(1711-1713).  —  César  de  Villeneuve  ne  jouit  pas  longtemps 
des  revenus  du  Temple  car  il  s'éteignit  au  château  de  Sauva- 
gnas  le  26  juin  1713.  L'inventaire  de  ses  effets  fut  dressé  le  10 


(1)  Sjùnto-Ouiltcrie.  Reconnaissances,  n*   1047. 
C2)  Fond  de  Malle,  H.  192,  n'  2. 

(3)  La  Chesnayc  du  Bois,  tome  VII. 

(4)  Archive.-  de  la  Houle-Garonno.  Fond  de  Malte,  II.  192,  n"  1. 


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—  432  — 

juillet  suivant  par  les  soins  de  M*  Pierre  Carbonel,  notaire  et 
procureur  de  Messire  frère  (Claude  de  Seigneuret  de  Fabre- 
/an,  receveur  de  son  oi'dre  au  (irand  Prieuré  de  Toulouse  (1). 
Mentionnons  : 

Douze  chaises  de  bois  sans  garniture; 

Un  méchant  piatelas  do  laine  et  une  couverture  blanche  de  laine 
l'oi'l  usée; 

Plus  une  épée  la  poignée  fausse; 

Plus  uu  surtout  de...  juesque  hors  d'usage,  les  boutons  garnis 
d'une  feuille  d'argent; 

Plus  un  just  au  corps  et  veste  et  culotte  de  drap  gris  avec  des 
boutonnières  et  boulons  d'or  garni  d'un  galon  d'or  sur  les  manches 
et  sur  les  poches  plus  que  demy  usé; 

Plus  un  autre  jusl  au  corps  et  veste  de  camelot  noir  fort  usé. 

Plus  une  robe  de  chambre  doublée  d'un  taffetas  fort  usé; 

...  Deux  chapeaux  et  deux  perruques  presque  hors  d'usage; 

Plus  dans  un  méchant  coiîre  s'est  trouvé  plusieurs  lettres,  pa- 
piers et  parchemins  avec  de  méchants  livres  concernant  le  recueil 
des  privilèges  de  l'ordre,  que  nous  avons  jugé  inutile  d'inventorier 
comme  n'étant  d'aucun  usage. 

Lrs  meubles  et  la  batterie  de  cuisine  dont  ce  Commandeur 

faisait  usage  lui  avaient  été  prêtés  par  son  fermier  de  Sauva- 

gnas  le  sieur  Bourdelles  (2). 

P. -Henry  GimiiAMON. 
(A  suivre.) 


(1)  Archives  de  la  Uaule-Garonne,  H.  197,  n*  2. 

(2)  Crsar  tic  Vilieneuve-ncaiiregard  clait  issu  de  ceUe  famille  de  Villeneuve, 
une  des  plus  anciennes  et  des  plus  illustres  de  Provence.  (Voir  abbé  Robert, 
tome  III).  On  la  fait  descendre  dos  rois  d'Aragon.  Le  premier  ancc^lre  connu, 
en  Provence,  est  Raimond  de  Villeneuve,  général  des  troupes  du  Comte  de 
Barcelone,  l'an  1114.  —  Moreri  :  Dictionnaire  Historique.  —  César  de  Villc- 
neuve-Beauregard,  fds  de  Barthélémy  de  Villeneuve. B.  et  Catherine  de  De- 
mantolx,  fut  baptisé  à  Fayence  (Var)  le  16  mai  1645.  Le  10  novembre  1710,  se 
trouvant  le  plus  ancien  chevalier,  il  préside  rassemblée  des  chevaliers  du 
Grand  Prieuré  de  Saint-Gilles  tenue  à  Arles.  Il  était  alors  Commandeur  de 
Cavales.  —  La  famille  des  Villcneuve-neauregard  était  le  second  rameau 
sorti  de  la  branche  des  \  illeneuve  Comtes  de  Touretle-le.s-Fayence  et  mar- 
quis de  Vrans.  Elle  avait  les  seigneuries  de  Beauregard  et  d'Alins.  Parmi 
les  hommes  illustres  sortis  de  cette  maison,  citons  Armand  de  Villeneuve, 
grand  Maître  de  la  maison  du  roi  de  Naples,  Helion,  Grand  Maître  de  Rho- 
des, etc.. 


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UN  ARGAN  AGENAIS  :  PIERRE  DE  CATUFPE 


Lorsque,  le  10  février  1073,  Molière  fil  représenter  au  Palais- 
Royal  son  immortel  Malade  Imaginaire,  il  y  eut  ris  au  théâtre 
et  grand  bruit  dans  le  monde  des  chirurgiens  et  des  apothicai- 
res. Ces  deux  anciennes  corporations  en  voulurent  toujours, 
paraît-il,  au  grand  comédien,  de  les  avoir  un  peu  ridiculisées 
publiquement. 

Y  eut-il,  à  cette  époque,  pamphlet  ou  réponse  des  apothicai- 
res ?  On  ne  sait.  La  lutte  eut  été  intéressante  entre  Molière  et 
S4»s  victimes  et  les  rieurs  du  pailerre  et  de  la  scène  eussent  sans 
doute  avoué  bien  bas  (ju'ils  étaient  les  seuls  coupables  de  ce 
conflit. 

Somme  toute  Molière  ne  mit  à  la  scène  que  ce  qu'il  vit  par- 
tout, (.'e  grand  observateur,  moins  réser\'é  peut-ôtre  mais  à 
coup  sûr  plus  facétieux  que  son  illustre  contemporain  La 
Bruyère,  sut  présenter  sous  une  foi-me  comique  les  excès,  les 
abus  et  le  ridicule  de  chacun  et  de  tous. 

La  fâcheuse  et  débilitante  manie  de  saigner  et  de  purger  à 
tout  propos  même  un  malade  imaginaire,  et,  ce  faisant,  de 
rendre  interminable  un  compte  d'apothicaire,  est  stigmatisée 
dès  la  scène  I  de  l'acte  premier. 

Si  prenant  dos  mains  de  l'irrascible  Argan  le  compte  à  lui 
soumis  par  M"  Fleurant,  son  apothicaire  ordinaire,  nous  nous 
livrons  aux  douceurs  de  la  statistique  notre  calcul  aidant  le 
sien,  nous  trouvons  8  médecines  et  12  lavements  dans  un  mois 
et  12  médecines  et  20  lavements  le  mois  précédent. 

Cei^  chiffres  semblent  exagérés  et  grossis  à  plaisir  pour  la 
plus  grande  hilarité  d'une  salle  :  il  n'en  est  rien  cependant  et, 
dès  mainlenani,  Molière  appartient  à  l'histoire  car  ce  record 
de  la  purgation  fut  battu  en  Agenais  à  la  fin  du  xvm*  siècle. 

Il  existait  à  cette  époque,  aux  environs  de  Tonneins,  lieu  dit 
à  Cantemerle,  une  famille  très  ancienne  et  fort  lettrée  :  les 
Catulle.   Celui  qui  va  nous  occuper  était  Pierre  de  Catuffe, 


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—  434  — 

sieur  de  Cantemerle  et  du  Boscas,  né  le  24  janvier  1725,  époux 
de  demoiselle  Françoise  Dubosc,  et  fils  de  maître  Jean  de  Ca- 
luffe,  sieur  des  mêmes  lieux,  conseiller  du  Roi,  elc...  et  de  de- 
moiselle Suzanne  Marrauld.  Bien  que  reçu  avocat  au  Parle- 
ment de  Guienne  il  n  exerça  pas  et  vécut  beaucoup  entre  sa 
table,  sa  basse-cour  et  ses  arbres  fruiliei-s.  La  bonne  chère 
semble  avoir  été  le  fond  de  son  existence  et  comme  une  table 
ne  se  couvre  qu'autant  que  les  provisions  abondent,  il  n'eut 
garde  de  mentionner  méticuleuscment  les  époques  et  de  sur- 
veiller lui-même  ses  semis,  ses  plantations,  ses  récoltes  et  de 
noter  avec  soin,  au  hasard  des  conversations,  les  recettes  les 
plus  compliquées.  Tel  était  son  livre  de  raison.  Mais  en  homme 
appliqué,  observateur  et  soucieux  de  connaître  les  effets  et  les 
causes,  sa  plume,  fidèle  compagne  des  événements  intimes, 
composa  un  livre  de  santé.  Ot  étrange  monument  de  la  vie 
domestique  n'est  plus  représenté,  malgré  d'activés  recherches 
dans  les  papiers  de  famille,  que  par  un  maigre  feuillet  qui 
porte  en  lui,  d'éloquente  façon,  l'art  de  traiter  les  excès  de 
table. 

Ce  feuillet  mentionne  des  observations  et  des  constatations 
du  22  avril  1782  au  30  mars  1784.  Il  sort  du  cadre  habituel  des 
publications  historiques,  c'est  vrai,  mais  ne  convient-il  pas  de 
fouiller  un  peu  dans  le  passé  de  la  bourgeoisie  rurale  et  de  no- 
ler  avec  soin  des  délails  qui,  pour  quelque  scatologiques  qu'ils 
paraissent,  avaient  leur  importance  aux  siècles  derniers, 
étaient  considérés  comme  choses  naturelles  et  toujours  expo- 
sés sans  ambages  ? 

Le  22  d'avril  1782  je  me  suis  peurgé  de  nouveau  avec  Vonce  el 
demy  de  manne  et  la  drachme  et  demij  de  {olliceulles  de  senne  qui 
mont  évaqué  ncu[  (ois  sans  tranchées  mj  douleurs. 

Trez  [ntigué  par  une  opfn'cssion  de  poitrine  depuis  Ut  nuit  du  26 
au  27  may  et  quy  a  toute  apparence  de  devenir  rhume  de  poitrine,  [e 
me  suis  peurgé  le  30  dudii  may  avec  Vonce  el  demy  de  manne  et  la 
drachme  et  demy  de  folliceulles  de  setmé  qui  mont  évaqué  huit  lois, 

La  même  oppression  subsistant  [e  me  suis  repeurgé  le  6  dudil 
juin  avec  Fonce  et  demy  de  manne  et  la  drachme  et  demy  de  [ollic- 
cules  de  senne  qui  mont  évaqué  aussi  huit  {ois. 


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—  435  — 

Mon  derengement  continuant  /e  me  fis  seigner  le  17  îuillet  et 
peurgé  le  27  avec  Vonce  et  demy  de  manne  et  la  drachme  et  demy  de 
lolliccules  de  senne  pris  el  payé  chez  le  sieur  Melge  mais  qui  ne  ma 
pas  beaucoup  éiaqué  nayant  [ait  que  six  petites  selles. 

Le  8  d*aoust  le  me  suis  peurgé  de  nouveau  avec  Vonce  et  demy  de 
manne  et  la  drachme  et  demy  de  folliccules  de  senne  que  i'ai  {ait 
acheter  cl  paier  chez  Arlhaud  et  qui  estant  de  meilleure  qualité  sans 
doute  que  la  pressedentte  ma  su[issament  évaqué  huit  {ois  sans 
tranchées. 

Me  trouvant  derengé  la  nuit  du  27  au  28  aoust  par  beaucoup  de 
grouillements  dans  les  entrailles  qui  paraissait  m'anoncer  quelque 
diarrhée,  /V  me  suis  donc  peurgé  le  28  avec  deux  onces  de  manne  et 
une  drachme  de  .seriné,  ce  qui  ma  procuré  douze  évaqcuations  sans 
tranchées  ny  douleurs,    . 

Affligé  depuis  le  18  d'octobre  1782  d'une  cruelle  maladie  nerveuse 
el  spamodique  ou  dans  Vespace  d'un  mois  et  demy  l'ai  été  peurgé 
douze  fois  toufours  avec  une  once  et  demy  de  manne,  une  drachme 
et  demy  de  [ollicculles  de  senne  et  demy  once  de  tamarins,  /e  me  suis 
encore  peurgé  le  10  du  mois  de  février  1783  avec  les  mêmes  drogues 
qui  mont  fait  faire  dix  selles,  très  copieuses  sans  tranchées,  mais  de 
faiblesses  d'estomac  vers  le  soir. 

Me  trouvant  depuis  quelques  jours  trez  derengé  et  accablé  de  dou- 
leurs, suites  fe  pence  de  ma  maladie  nerveuse  et  spamodique  et  de 
iusage  de  la  soupe  aux  poids,  fe  me  suis  donc  peurgé  le  5  fuin  1783 
avec  l'once  el  demy  de  manne,  la  drachme  et  demy  de  folliccules  de 
senne  el  la  demy  once  de  thamarins  gras,  ce  qui  ma  évaqué  huit  fois 
sans  tranchées  ny  douleurs. 

Le  30  fuillet  1783  fe  me  suis  peurgé  avec  les  mêmes  drogues  que 
cy  desseus  (jui  mont  proccuré  neuf  évaquations  sans  tranchées,  dou- 
leurs ny  dégouls. 

Le  10  d' aoust  au  soir  1783  ayant  eu  une  cruelle  indigestion  occa- 
sionnée fe  pence  par  de  morue  verte  non  assez  dessalée,  ny  assez 
cuitle  et  une  prisse  de  l'élixir  de  Le  Lièvre  mayanl  heureusement 
fait  refetter  quatre  à  cinq  fois  dans  la  mineutte  (1)  mais  ayant  tou- 
jours néanmoins  le  ventre  trez  tendeu  et  très  douloureux  malgré  un 
lavement,  fai  donc  creu  devoir  me  f)eurger  avec  le  peurgatif  cy  des- 
seus ce  que  j'ai  fait  le  12  ditdil  qui  ma  proccuré  neuf  bonnes  évaq- 
cuations sans  tranchées,  soufrant  depuis  cimj  à  six  jours  de  ma  mal- 


(1)  Cet  élixir  de  Le  Lièvre  à  la  fois  stomachique,  digestif  et  vermifuge,  était 
composé  d'aloès,  de  myrrhe,  de  zédoaire,  d'ag;Aric  blanc,  de  gentiane,  de  sa- 
fran, de  rhubarbe  et  enfin  de  celle  panacée  universelle  nommée  thériaque  do 
Venise.  Le  prix  de  ces  drogues  bien  pulvl^risées  était  de  60  sols.  (Note  de 
Caluffe.) 


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—  436  — 

heureuse  oppression  de  poitrine  iai  été  [orcé  de  me  repeurger  le  25 
dudit  mois  d*aoust  avec  le  peurgaii(  ordinaire  qui  ma  éiaqué  9  à  10 
fois. 

Le  15  de  septembre  au  soir  ayant  eu  un  violent  accez  de  fièvre 
suivi  dun  grand  dégoût  />  me  suis  peurgé  le  17  dudil  avec  le  même 
peurgalif  que  cy  desseus  qui  ma  évaqué  huit  fois. 

Le  7  d'octobre  17S3  /e  me  suis  peurgé  avec  les  mêmes  peurgatifs 
que  cy  desseus  qui  ma  evaqué  neuf  fois  sans  douleur  ny  tranchées. 

Le  14  de  novembre  fe  me  suis  peurgé  comme  cy  desseus  et  ai  été 
evaqué  dix  à  douze  fois. 

Le  20  mars  1784  fe  me  suis  peurgé  avec  Vonce  et  demy  de  manne, 
la  drachme  et  demy  de  folliceulles  de  senne  et  la  demy  once  de  tha- 
marins  gras,  ce  qui  ma  évaqué  huit  fois  sans  tranchées. 

Le  30  mars  me  trouvant  Irez  derengé  par  une  vive  touxs,  oppre- 
sion  de  poitrine  et  mauvaises  digestions,  /c  me  suis  repeurgé  ledit 
lour  avec  Vonce  et  demi  de  manne  et  la  drachme  et  demy  de  folli- 
ceule  de  senne,  sans  tamarins  et  fai  été  évaqué  huit  fois  sans  pas 
une  douleur 

Pierre  de  Caluffe,  qu'il  faut  cependant  réhabiliter,  pour 
s'être  laissé  aller  aux  cxcèi?  d'Argan,  ne  saurait  titre  assimilé 
à  Chr}'sale.  S'il  vécut  de  bonne  soupe,  en  désœuvré  gounnand, 
il  sut  nourrir  son  esprit  de  bonnes  lectures.  Il  annota  et  com- 
menta certains  ouvrages  de  sa  bibliothèque,  Moreri  notam- 
ment. Le  beau  langage  ne  lui  aurait  point  déplu,  au  contraire, 
car  il  s'exprimait  fort  bien,  mais  autrefois  comme  de  nos  jours, 
si  Ton  parla  beaucoup  on  causa  peu  dans  la  région  qu'il  habi- 
tait. Sa  femme,  à  ce  point  de  vue,  n'aurait  pu  lui  être  d'un 
grand  secours;  son  rôle  fut  effacé  comme  effacées  furent  les 
femmes  éternellement  fixées  aux  champs.  La  science  de  Phi- 
lamint^,  d'ailleurs,  aurait  pu  nuire  à  ses  parfaites  qualités  de 
ménagère  active  et  soumise  et  Catuffe,  interrogé  sur  la  ques- 
tion brûlante  du  féminisme  moderne,  bien  que  placé  de  nou- 
veau entre  deux  selles,  eut  préféré  sans  hésitation  la  sainte  et 
digne  femme,  héroïne  passive,  qui  vécut  sous  l'enseigne  de  la 
Reine  Pédauque. 

G.  DE  LaghaiNge-Ferrêgles. 


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PETITE  MONOGRAPHIE 

DE    LA 

CONFRÉRIE  DES  PÉNITENTS  BL\NCS  DE  CAODECOSTE 

AUX  XVIÏ'  ET  XVIIP  SIÈCLES  (1624-1791) 


c)  Pèlerinage  à  Xotre-Dame  du  Sainl-Voile,  à  Dunes. —  Une 
seconde  fois,  nous  Tavons  dil,  la  peste  visita  Caudecoste.  Les 
Pénitents  blancs  firent  alors  le  vœu  de  se  rendre  dans  la  ville 
de  Dunes,  aux  pieds  de  N.-D.  du  Saint-Voile.  Les  mémoires 
des  témoins  de  cette  époque  nous  rapportent  la  grande  désola- 
tion qui  régna  dans  le  pays.  En  1712  la  grêle  et  une  inondation 
extraordinaire  occasionnent  la  ruine  dans  toute  la  contrée.  La 
peste  vient  ensuite  décimer  cette  population  malheureuse.  Du- 
rant Thiver  1718-1719  les  fièvres  réapparaissent.  Il  fallut  bien 
dans  ces  circonstances  diverses  se  décider  à  demander  à  Dieu 
grâce  et  pardon.  M.  Dubois,  prieur,  porta  lui-même  la  requête 
suivante  adressée  à  Mgr  de  Condom  :  «  Supplient  humblement 
<(  les  Pénitents  de  la  ville  de  Caudecoste  disant  que  l'année 
«  1712  ils  avaient  été  affligés  par  la  grêle  et  par  une  inonda- 
«  tion  extraordinaire  et  par  une  mortalité  de  chefs  de  famille 
«  à  cause  de  quoi  ils  auraient  projeté  de  faire  un  vœu  d'aller  en 
(«  procession  à  Notre-Dame  du  Saint-Voille  à  la  ville  de  Du- 
<(  nés  une  fois  par  an,  vers  la  fête  de  la  PenteccMe,  sous  le  bon 
«  plaisir  de  Votre  Grandeur,  auquel  dessein  certains  confrères 
«  se  seraient  opposés.  Mais  l'année  présente  ayant  été  affligés 
«  et  l'étant  encore  par  des  fièvres  malignes  que  depuis  environ 
«  six  mois  ont  été  enterrés  près  de  soixante  personnes  presque 
«  tous  chefs  de  famille  et  à  présent  tous  les  Pénitents  qui  com- 
<*  posent  le  Corps,  sont  dans  le  dessein  de  prier  et  prient  Votre 
«  Grandeur  de  vouloir  bien  leur  accorder  la  permission  de 
«  faire  led.  vœu.  Considéré,  il  plaira  à  Votre  Grandeur,  eu 
«  égard  aux  cas  graves  qui  les  meuvent,  leur  permettre  de 


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—  438  — 

r(  faire  led.  vœu  et  de  l'exécuter,  leur  prescrivant  si  bon  lui 

a  semble  la  manière  de  l'accomplir  et  au  surplus  ordonner  à 

«  M.  le  Curé  de  Dunes  qu'ils  seront  reçus  dans  son  église,  et 

«  pour  l'accomplissement  de  leur  vœu  et  prieront  le  Seigneur 

«  pour  votre  prospérité  et  Grandeur. 

«  Dubois,  prieur;  Cluzel,  sous-prieur;  Parbarieu,  maître 

de  chapelle.  » 

M.  Maiibranches,  vicaire-général  de  Monseigneur,  répon- 
dit :  « \pprouvant  le  vœu  fait  par  les  Pénitents  blancs  de 

«  la  ville  de  Caudecoste  nous  leur  permettons  de  l'exécuter  et 
<(  d'aller  en  conséquence  en  procession  chaque  année  vers  la 
<•  fête  de  la  Pentecôte  à  Notre-Dame  du  Saint-\'oille  dans 
(»  1  église  de  Dunes,  exhortant  le  curé  de  Dunes  de  les  recevoir 
«  avec  bonté  dans  son  église,  persuadés  (|ue  lad.  procession 
«  se  fera  avec  la  piété  et  la  modestie  en  tel  cas  requises. 

«  Fait  à  Condom,  le  12  avril  1719.  )> 

La  délibération  du  7  mai  suivant  montre  avec  quel  sérieux 
les  confrères  accomplissaient  ce  pèlerinage.  Après  avoir  rap- 
pelé les  motifs  de  leur  dévotion  déjà  exprimés  dans  la  lettre 
écrite  à  l'Evéque  de  Condom  et  l'autorisation  accoidée  par  Sa 
Grandeur,  ils  ajoutent  :  «  Et  conmie  il  est  de  la  dernière  impor- 
((  tance  que  la  procession  se  fasse  avec  toute  la  modestie  et  la 
<(  régularité  possible,  tous  les  confrères  ont  délibéré  qu'ils  par- 
«  tiront  de  leur  église  pour  aller  aux  Dunes  la  seconde  fête  de 
«  la  Pentecôte  si  matin  qu'on  pourra,  accompagnés  de  M.  le 
«  Curé  et  d'un  des  messieurs  ses  vicaires,  s'il  se  peut. 

<(  Etant  arrivés  aux  Dunes,  confesseront  et  communieronl. 
((  Et  s'il  se  trouvait  des  confrères  si  indécents  qu'ils  ne  voulus- 
<(  sent  pas  faire  cette  sainte  et  pieuse  action,  toute  la  peine 
«  qu'ils  auront  sera  qu'ils  seront  exclus  d'élre  de  la  masse  du 
«  vuMi  «  inhabitus  ».  mais  bien  (entendront  la  messe  sans  s'é- 
•<  carier  du  Corps  de  la  Confréi'if  sous  peine  de  trois  livres 
'<  d'amende,  à  moins  (jue  ce  ne  fût  par  permission  expresse 
«  du  prieur.  Pour  le  payement  de  lad.  amende  on  se  munira 
<(  du  sac.  Celui  qui  fera  cette  faute,  lad.  amende  sera  appliquée 


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—  439  — 

«  pour  les  réparations  de  la  présente  chapelle.  Ayant  fait  sa 
if  dévotion,  comme  il  vient  d'être  dit,  les  confrères  s'en  iront 
«  tous  ensemble  à  une  maison  qu'il  y  a  tout  proche  l'église  qui 
(^  appartient  au  sieur  Maynagues,  marchand,  sans  entrer  dans 
<(  la  ville  à  moins  que  ce  ne  fût  par  permission  expresse  du 
«  prieur,  pour  faire  dans  lad.  maison  une  collation  modérée  et 
«  honnête  sans  que  Dieu  y  soit  offensé  et  le  prochain  scandali- 
«  se.  El  pour  que  ça  se  fasse  en  ordre,'  tous  les  confrères  se- 
«  ront  la  veille  de  lad.  procession  billetés,  c'est-à-dire  que  le 
«  prieur  les  mettra  de  6  en  6  ou  de  8  en  8  comme  il  le  trouvera 
«  à  propos.  Et  là  étant,  mangeront  et  boiront  comme  il  a  été 
«  dit  ci-dessus  avec  défense  aux  confrères,  de  boire  ni  manger 
<•  sous  peine  d'amende  de  3  livres  qu'avec  ceux  qui  .lui  seront 
«  marqués.  El  comme  il  ne  convient  pas,  attendu  ce  vœu,  con- 
«  sommer  lad.  Confrérie  en  frais,  tous  lesd.  confrères  seront 
«  tenus  donner  3  sols  au  maître  de  chapelle  pour  être  em- 
*f  ployés  aux.  frais  nécessaires  pour  lad.  procession.  Et  à 
'(  1  egaixl  des  prières  que  nous  devons  dire,  nous  dirons  en 
«  allant,  c'est-à-dire  en  partant  de  la  chapelle  l'hymne  «  Veni 
a  Creator  avec  le  verset  et  oraison,  ensuite  l'office  de  la  Vierge 
'<  et  ensuite  en  arrivant  à  Dunes  on  dira  O  Gloriosa  Domina. 
'(  Ensuite  étant  arrivés  devant  le  Saint  Sacrement  on  chantera 
<  le  Tanlum  ergo  et  le  verset  et  oraison  du  Saint  Sacrement. 
i(  Et  ensuite  on  saluera  la  Magdeleine,  patronne  de  lad.  église, 
*<  par  l'antienne,  verset  et  oraison.  El  au  retour  nous  irons 
«  saluer  la  Vierge  devant  son  autel  par  l'hymne  Regina  cœli 
«(  lœlare  et  ensuite  on  commencera  les  litanies  de  la  Sainte 
<-  Vierge.  El  pour  le  reste  du  voyage,  afin  d'arriver  dans  notre 
<«  église  nous  dirons  les  vêpres  et  Complies  de  la  Vierge.  » 

d)  Dévotion  au  Très  Saint  Sacrement,  —  Parmi  les  autres 
œuvres  do  piété  signalons  tout  particulièrement  la  -dévotion 
des  confrères  au  Très  Saint  Sacrement.  En  1735,  dans  le  mois 
de  mai,  ils  présentent  une  requête  à  Mgr  de  Condom  pour  obte- 
nir l'autorisalion  d'exposer  le  Très  Saint  Sacrement  le  jour 
de  Sainl-Jean-Baptiste  et  de  célébrer  ainsi  dignement  dans  leur 
chapelle  une  fête  d'Adoration.  M.  Mons,  vicaire-général,  ré- 


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—  440  — 

pondit  que  Monseigneur  les  autorisait  jusqu'à  nouvel  ordre 
d'y  exposer  le  Très  Saint  Sacrement,  d'y  faire  prêcher  par  un 
prêtre  approuvé  dans  le  diocèse,  d'y  donner  la  bénédiction  à  la 
charge  néanmoins  que  cette  chapelle  sera  ornée  et  illuminée 
d'une  manière  décente  et  qu'il  y  aura  toujours  deux  confrères 
au  moins  à  genoux  devant  le  Très  Saint  Sacrement  tandis  qu'il 
demeurera  exposé. 

Pour  satisfaire  leur  piété,  les  Pénitents  appelèrent  auprès 
d'eux  des  prédicateurs  extraordinaires  pour  leur  prêcher  des 
retraites  et  les  préparer  aux  solennités  religieuses.  En  1647, 
le  R.  P.  Tartaran,  religieux  <•  minimes  »,  les  avait  déjà  pré- 
paré aux  solennités  pascales. 


Chapitre  VI.  —  Admission  st  Récoptlon  dss  nouveaux  Conffrèros. 

Remarquons  d'abord  que  cette  Confrérie  s'adressait  unique- 
ment aux  hommes  et  sur  ce  point  il  n'y  a  jamais  eu  d'exception. 
Le  postulant  s'adressait  au  prieur  pour  obtenir  son  admission. 
Durant  les  huit  jours  qui  suivaient  sa  demande,  un  rapport 
était  dressé  sur  sa  vie,  son  étal,  sa  suffisance  et  communiqué  à 
la  Compagnie  qui  statuait  sur  l'acceptation  ou  le  rejet  de  la 
demande.  Nous  trouvons  cependant  des  cas  d'un  long  postulat 
où  l'admission  de  l'intéressé  n'est  due  qu'aux  largesses  qu'il 
fait  à  la  Compagnie  sans  qu'on  signale  aucun  reproche  à  son 
égard.  Quelle  que  fût  la  discrétion  de  l'enquête,  sa  communi- 
cation publique  était  un  moyen  puissant  et  infaillible  d'arrêter 
les  audacieux  et  les  indignes  qui  n'auraient  pas  manqué  de 
s'introduire  au  sein  de  la  Confrérie. 

La  réception  avait  lieu  ordinairement  le  24  juin  de  chaque 
année,  fête  de  Saint-Jean,  et  la  veille  des  fêtes  célébrées  solen- 
nellement, dans  la  chapelle  de  la  Confrérie. 

L'élu  s'avançait  au  sein  de  l'Assemblée,  et  le  prieur  le  revê- 
tait de  l'habit  des  pénitents  qui  était  un  sac  de  toile  blanche 
avec  ceinture  de  même  couleur.  Après  avoir  entendu  une  brève 
exhortation  ou  remontrance  qu'on  lui  recommandait  de  pren- 
dre en  bonne  part,  le  nouveau  confrère  s'avançait  vers  le  prieur 


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—  441  — 

assisté  (lu  maître  de  chapelle  et  des  conseillers,  et  il  prêtait  le 
seiTïient  requis  sur  le  livre  des  statuts  en  se  tenant  à  genoux 
devant  l'autel.  Tandis  que  son  nom  était  inscrit  sur  le  Registre 
avec  les  indications  d'état,  de  nationalité  et  avec  mention  des 
jour,  mois  et  an  de  la  réception,  toute  l'Assemblée  chantait  le 
Veni  Creator.  Ceiie  cérémonie  ne  fut  jamais  modifiée. 

Si  une  juste  sévérilé  paraissait  exister  à  l'égard  des  senti- 
ments religieux  ou  de  la  moralité  des  postulants,  on  usait  de. 
par  ailleurs  d'une  grande  condescendance  et  le  petit  noyau  du 
début  augmenta  assez  vite.  Les  membres  se  recrutèrent  dans 
toutes  les  classes  de  la  société.  Le  prêtre  et  l'ouvrier,  le  méde- 
cin et  le  brassier,  le  notaire  et  le  chirurgien,  l'apothicaire  et  le 
praticien,  le  propriétaire  et  le  faizandier,  l'homme  lettré  et 
l'homme  dé  moindre  culture  intellectuelle,  le  riche  et  le  pauvre 
se  trouvent  côte  à  côte,  usant  des  mêmes  bienfaits  de  la  Con- 
frérie, ayant  les  mêmes  avantages,  partageant  tour  à  tour  les 
charges  et  les  responsabilités.  Cet  esprit  de  charité  se  répan- 
dit dans  les  paroisses  voisines  et  Saint-Sixte,  Saint-Nicolas, 
Cuq,  Saint-Denis,  Dunes,  Astaffort,  Agen  donnèrent  de  nou- 
veaux membres  à  l'Association. 

Ln  droit  d'entrée  était  exigé  le  jour  de  la  réception  et  une 
offrande  annuelle  devait  également  être  faite  entre  les  mains 
du  maître  de  chapelle.  Mais  cette  cotisation  ne  fut  jamais  une 
condition  «  sine  qua  non  »  de  l'admission  à  la  Confrérie.  Les 
pauvres  trouvaient  grâce  auprès  des  confrères  qui,  à  l'occa- 
sion, surent  accepter  en  travail  ou  en  nalui'e  les  offrandes  qu'on 
ne  pouvait  donner  en  argent  et  dont  ils  firent  parfois  rémis- 
sion totale. 

Nous  n'avons  jamais  eu  dans  nos  contrées  cette  grande  no- 
blesse française  qui  formait  l'aristocratie  de  la  cour  du  Roi  ou 
qui  donnait  les  hommes  de  guerre.  Mais  nous  avons  eu  la  petite 
noblesse  des  campagnes  qui  vivait  dans  un  contact  incessant 
avec  le  paysan  et  que  le  paysan  savait  apprécier  et  aimer.  Nous 
avons  eu  la  bourgeoisie  qui  a  donné  ces  familles,  vraies  provi- 
dences des  populations,  au  sein  desquelles  se  recrutaient  les 
prêtres,  les  médecins,  les  notaires,  les  chirurgiens,  etc..  et 
loin  de  se  mépriser,  ces  deux  classes  de  la  société  ont  eu  à  cœur, 


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—  442  — 

l*un€,  de  semer  el  de  jeter  le  bien  à  profusion  par  rétablisse- 
ment des  œuvres  de  charité  ou  l'impulsion  religieuse  qu'elle 
imprimait  autour  d'elle,  l'autre,  d'honorer  et  de  suivre  les  di- 
rections des  classes  dirigeantes.  Noble  Coste  sieur  de  Polignac, 
noble  de  Montratier,  noble  Redon  de  Monplaisir,  et  les  bour 
geois  Demaux,  Thoron,  Galabrun,  Peloux,  Pilhac,  Da- 
vach,  etc.,  ont  vécu  au  contact  quotidien  des  charrons,  des 
charpentiers,  des  tisserands,  des  cordonniers,  des  laboureurs, 
donnant  l'exemple  vivant  et  admirable  de  ce  que  peut  et  doit 
réaliser  la  charité  chrétienne. 

La  réception  des  nouveaux  confrères  eut  lieu  parfois  en 
dehors  de  la  chapelle  des  Pénitents.  C'est  ainsi  que  souvent  le 
chœur  de  l'église  des  Religieux  à  Notre-Dame  de  Bon-Encon- 
tre  fut  le  théâtre  de  ces  pieuses  cérémonies  lorsque  la  confrérie 
s'y  était  rendue  en  dévotion. 


Chapitre  VIL  ~  ÉlMtlra  dmm  Olllcl( 


L'élection  des  officiers  de  la  Confrérie  a  toujours  eu  lieu  à 
Caudecoste  dans  la  chapelle.  S'il  n'y  avait  pas  eu  une  autorité, 
combien  il  eût  été  difficile  de  diriger  ces  éléments  !  C'était  une 
République,  mais  une  République  bien  comprise  où  jamais  au- 
cun pouvoir  étranger  ne  vint  diriger  les  confrères  ni  l'Associa- 
tion. C'est  l'Association  elle-même  qui  nommait  ses  chefs,  et  ils 
avaient,  semble-t-il,  d'autant  plus  d'autorité  qu'à  l'expiration 
de  leur  mandat,  ils  devaient  rendre  un  compte  très  exact  et  très 
sévère  de  leur  charge.  Le  livre  des  statuts  garde  le  souvenir 
précieux  de  ces  assemblées  régulièrement  tenues  depuis  la  fon- 
dation de  la  Confrérie,  jusqu'à  sa  dissolution  sauf  peut-être 
pendant  la  reconstruction  de  la  chapelle  de  1755  à  1763. 

Les  officiers  restaient  en  charge  l'espace  d'une  année.  Bien 
que  la  réélection  ne  fût  pas  formellement  défendue  par  les  sta- 
tuts, nous  constatons  généralement  que  les  membres  sont  an- 
nuellement renouvelés  et  pris  dans  toutes  les  classes  des  mem- 
bres de  l'Association.  Si  des  mandats  ont  été  parfois  prorogés, 
c'est  plutôt  dans  les  temps  proches  de  la  Révolution.  C'est  un 
signe  de  relâchement,  par  conséquent  de  décadence. 


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—  443  — 

Le  14  août  de  chaque  année,  après  le  chanl  du  Veni  Creator. 
cette  élection  se  faisait  solennellement  à  la  pluralité  d€S  suffra- 
ges. Il  reste  deux  spécimens  de  listes  qui  nous  permettent  de 
penser  que  pour  simplifier  les  opérations  du  scrutin,  des  con- 
frères influents  proposaient  deux  noms  pour  chaque  office  et 
celui  qui  était  favorisé  rentrait  en  charge.  Toutes  les  charges 
étaient  remplies  gratuitemenl. 

Le  prieur  et  en  son  al)sence  le  sous-priein*  avait  charge  totale 
de  la  Compagnie,  mais  ne  pouvait  rien  ordonner  sans  l'avis  de 
son  Conseil  composé  d'un  maître  de  chapelle,  d'un  trésorier,  de 
deux  conseillers  et  d'un  sacristain  attitré. 


Chapitre  VIII.  —  Résultats. 

a)  Religieux.  —  Otte  Association,  nous  venons  de  le  voir, 
développa  ^heaucoup  la  pratique  non  seulement  du  devoir  reli- 
gieux strict,  mais  d'œuvres  de  surérogation  capables  de  faire 
grandir  les  âmes  dans  la  perfection. 

Lorsque  la  société  a  reçu  une  forte  empreinte  religieuse,  elle 
est  en  marche  vers  un  progrès  ou  un  idéal  que  les  savants  n'at- 
teindront jamais  avec  leurs  systèmes  scientifiques  ou  philoso- 
phiques. Dieu  vivant  au  milieu  de  la  société,  quoi  de  plus  grand 
et  de  plus  beau  !  (^e  sentiment  du  divin  n'est-il  pas  le  mobile  le 
plus  puissant  qui  trempe  les  courages  et  raffermit  les  énergies! 

h)  Moraux.  -  -  Nous  avons  deux  faits  authentiques  consi- 
gnés dans  les  Registres  de  la  Confrérie  qui  jettent  sur  cette 
question  une  grande  lumière. 

<(  C'était  en  1632,  le  24  février,  jour  de  mardi.  —  Serait-ce 
«  téméraire  de  penser  (jue  c'était  un  jour  de  mardi-gras  ?  — 
«  Vers  3  heures  de  l'après-midi,  Dupeyrat  et  Cluzel  pénélrè- 
"  rent  dans  (^audecosto  suivis  de  personnages  déguisés,  l'un 
«  en  habit  de  cordilhat,  l'autre  revêtu  d'un  habit  des  pénitents 
('  blancs  avec  son  capuchon  et  ceint  du  cordon,  un  troisième 
«  vêtu  d'une  robe  blanche  et  d'autres  encore  habillés  en  fem- 
<«  mes  ou  en  pèlerins  avec  des  marques  particulières  aux  cha- 
«  peaux  et  aux  bâtons  et  tous  ensemble,  marchant  en  ordre, 


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—  444  — 

-  défilèrent  sous  les  aubans  de  la  ville.  Demaux,  un  confrère 
<i  pénitent,  fut  le  témoin  attristé  de  cette  mascarade.  Il  conféra 
«  avec  Dupeyrat  pour  faire  cesser  ce  scandale  et  obtenir  un 
((  plus  grand  respect  de  la  règle  de  la  Confrérie.  Mais  on  ne 
'(  tint  aucun  compte  de  ses  avertissements  et  on  continua  à 
«  faire  le  tour  des  aubans.  Demaux  s'adressa  alors  aux  consuls 
'(  de  la  ville  Jean  Carcuat  et  Pierre  Delpech  comme  aussi  à 
<(  Jean  Dufagel,  procureur,  pour  admonester  les  délinquants 
«  de  tenue  offensante.  On  alla  même  jusqu'à  se  fâcher  et  De- 
ce  maux  ayant  suivi  celui  qui  était  revêtu  de  l'habit  de  pénitent, 
'(  lui  infligea  une  verte  punition...  » 

Cette  affaire  fut  portée  devant  l'Assemblée  pour  statuer  sur 
le  cas,  et  on  décida  d'en  informer  le  Procureur  du  Roy. 

On  le  voit,  les  confrères  pénitents  n'admettaient  pas  qu'on 
jetât  le  ridicule  sur  une  œuvre  de  tous  points  dignes  de  respect, 
même  par  une  farce  qu'on  jugerait  moins  sévèrement  de  nos 
jours.  . 

c)  Sociaux,  —  L'autre  affaire  est  de  1725.  Ije  20  mars,  à 
l'issue  des  vêpres,  les  confrères  furent  avisés  que  le  sieur  Corne 
allait  être  en  procès  avec  les  sieurs  Dieulouhec et  Laguilhermie 
affiliés  tous  à  la  Confrérie.  Ils  furent  invités  à  user  des  statuts 
et  à  soumettre  leur  différend  «  en  arbitrage  et  amiable  compo- 
«  sition  et  acquiescer  à  ce  qui  sera  jugé  par  les  arbitres  dont 
(1  ils  conviendront.  »  Demaux  fut  choisi  comme  arbitre  com- 
mun par  les  intéressés  Corne  et  Laguilhermie.  Dans  la  seconde 
affaire  Corne  s'en  remit  à  l'arbitrage  de  Demaux  et  Dieulouhec 
chargea  Antoine  Boue  de  ses  intérêts.  Tous  promirent  d'ac- 
quiescer à  la  solution  arbitrale  sous  peine  de  10  livres  d'amen- 
de applicable  aux  réparations  de  la  présente  chapelle,  qui  sera 
payée  par  le  refusant,  à  quoi  s'obligent  tous  réciproquement. 

Heureux  temps,  où  on  savait  s'affranchir  des  tribunaux  et 
des  hommes  d'affaires  ou  de  loi,  pour  régler  à  l'amiable  les  dif- 
ficultés. Toutes  les  zizanies  qui  naissent  des  procès,  l'esprit 
chrétien  qui  animait  cette  confrérie,  savait  les  éviter  par  un 
désintéressement  absolu.  L'amende  acceptée  n'enrichissait 
elle-même  que  le  budget  des  bonnes  œuvres.  Cette  époque  est 


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~  445  — 

aussi  dign€  d'admiration  que  celle  où  Saint  Louis  rendait  la 
justice  sous  le  chêne  de  la  forêt  de  Vincennes. 


Chapitre  IX.  —  Oharlté  Confratomslto 

a)  Malades.  —  De  telles  mœurs  provoquaient  au  sein  de 
TAssemblée  une  vraie  fraternité.  De  par  la  règle,  cette  charité 
devait  se  traduire  d'une  manière  particulière  durant  la  maladie 
des  confrères  ou  à  leur  décès. 

Lorsque  la  maladie  avait  frappé  dans  les  rangs  de  la  Confré- 
rie, les  associés  étaient  tenus  de  visiter  les  malades.  Dans  ces 
pieuses  et  amicales  visites»  on  n'éloignait  pas  ces  pensées  à  la 
fois  troublantes  et  salutaires  de  1  éternité.  On  parlait  des  misè- 
res de  la  terre  et  des  récompenses  célestes  afin  de  préparer  les 
malades  à  la  visite  du  prêtre  et  à  la  réception  des  sacrements. 
Le  jugement  de  Dieu  et  le  salut  de  l'ame  étaient  la  constante 
préoccupation  des  visiteurs  amis.  Le  prêtre  pouvait  alors  se 
présenter  avec  confiance  :  sa  cause  était  gagnée. 

b)  Défunts,  —  Si  le  malade  venait  à  décéder,  le  lendemain 
de  sa  sépulture  les  confrères  se  cotisaient  et  faisaient  dire  des 
messes  pour  le  repos  de  l'âme  du  défunt.  Quel  spectacle  impo- 
sant et  sublime,  cette  théorie  d'hommes  en  prières  accompa- 
gnant tous  le  moindre  d'entre  eux  à  sa  dernière  demeure  !  Le 
mort  à  cette  heure  était  devenu  un  prédicateur  éloquent.  Il  s'en 
allait  dormir  son  dernier  sommeil  porté  par  six  confrères,  le 
visage  découvert,  et  les  pieds  nus.  Son  titre  de  pénitent  l'accom- 
pagnait jusqu'au  tombeau.  Oh  !  comme  nous  voudrions  que 
le  pinceau  d'un  artiste  nous  eût  gardé  le  souvenir  vivant  et 
fidèle  d'une  de  ces  scènes  à  jamais  inoubliables  !  Ce  n'était  pas 
alors  comme  aujourd'hui  un  spectacle  indifférent  que  ce  cor- 
tège où  la  prière  avait  une  large  part  ! 

Tel  était  le  rôle  de  cette  charité/ de  veiller  sur  les  malades  et 
les  défunts,  de  se  charger  du  soin  de  leurs  funérailles  en  même 
temps  que  de  les  entourer  de  leurs  prières  au  sein  de  l'éternité. 

c)  Indignes,  —  Cette  bienveillance  si  vraie  et  si  profonde  se 


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—  446  — 

manifestait  encore  à  l'égard  de  ceux  qui  s  étaient  laissés  aller 
à  un  grave  oubli  de  leur  devoii\  Ils  étaient  paternellement  aver- 
tis de  leur  faute  et  invités  à  résipiscence  par  le  prieur.  En  cas 
de  récidive,  s'ils  ne  tenaient  pas  compte  des  avertissements 
donnés,  on  leur  infligeait  une  bonne  amende  qui  servait  à  allé- 
ger les  frais  de  la  Compagnie.  Enfin,  si  ime  troisième  monition 
était  restée  vaine  et  inutile,  l'Assemblée  se  substituait  au  prieur 
et  prononçait  l'exclusion  des  délinquants. 

Cette  doctrine  évangélique  consignée  ainsi  dans  les  statuts 
a  produit  les  meilleurs  résultats  et  nous  n'avons  pas  à  déplorer 
des  cas  graves  ayant  amené  l'Assemblée  à  user  de  cette  sévé- 
rité. C'est  dire  que  dans  la  société  des  Pénitents  blancs,  née 
d'une  élite,  aucun  membre  n'a  jamais  failli  à  son  honneur. 

Il  est  hors  de  doute  que  cette  communauté  de  droits,  de  de- 
voirs, d'intérêts,  a  établi  entre  tous  les  membres  une  égalité 
morale  qui  a  produit  sous  l'action  d'une  jusle  déférence  due  à 
l'autorité  et  à  la  hiérarchie  constituée  suivant  la  souveraineté 
de  la  Société,  les  résultats  que  nous  venons  d'apprécier. 


Chapitre  X.  —  Statuts  dm  la  bonfrérla  de  PénNants  Blancs 
*'  L'Union  da  Diau  "  mn  la  villa  éo  Caudacosta  érigea  dans  i'annéa 

1624. 

t 

Au  Nom  de  Dieu. 

Règlement  pour  la  Conlrairie  des  Pénitens  blancz  érigés  soulz 
le  nom  de  la  glorieuze  Vierge  Marie  et  soulz  le  tittre  du  glo- 
rieux Saint  Jean-Baptiste  l'an  de  grâce  mil  six  cens  vingt- 
quatre,  à  Caudecoste,  soulz  le  bon  plaisir  de  Notre  Saint- 
Père  et  de  Monseigneur  le  Révérendissime  Evesque  de 
Condom. 

I. 

Tous  ceux -qui  voudront  estre  de  la  présente  Confrairie  des 
pénitans  après  avoir  invoqué  Dieu  et  la  glorieuze  Vierge  Mère 
par  plusieurs  jours  à  ces  fins,  s'adresseront  à  l'un  des  supé- 
rieurs afin  d 'estre  par  Luy  informés  de  tout  ce  qu*il  convient 


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_  447  — 

fere  pour  y  entrer.  Cependant  donnant  charge  aux  deux  con- 
seilhans  de  s'enquérir  de  la  vye,  estai  et  suffisance  des  requé- 
rans  et  ce  pour  l'espace  de  huicl  jours  et  après  avoir  esté  faict 
le  rapport  en  plaine  Conipanie,  en  jour  nommé,  ils  seront  ad- 
mis ou  non  comme  la  pluralité  des  voix  portera. 

II. 

L'habilhemenl  sera  de  loille  blanche  pour  mieux  représenter 
la  pureté  des  pénitens;  la  ceinture  de  mesme  couleur;  duquel 
habit  sera  reveslu  en  plaine  assemblée  de  la  main  de  l'un  des 
supérieurs  celluy  qui  sera  admis  en  la  Confrairie  et  après  avoir 
ouy  une  briesve  remonstrance  ou  exhortation  laquelle  il  pren- 
dra en  bonne  part  qui  luy  sera  faicte  par  le  prieur  ou  soubs- 
prieur  a  ciste  du  Mettre  de  la  Chapelle  et  conseilhers,  prestera 
le  scerment  sur  le  livre  des  Estatuts,  à  genoux  devant  l'autel 
de  la  Confrairie,  promettant  de  garder  et  tenir  secret  tout  ce 
qui  se  fera  en  icelle;  là  acistera  le  secrétaire  qui  escrira  son 
nom,  son  estât  et  son  paiis  l'an  et  jour  de  sa  réception  au  pré- 
.sent  livre  ou  autre.  Cella  faict  sera  chanté  l'himne  Veni  Crea- 
tor spiritus, 

m. 

El  pour  autant  que  nulle  Congrégation  ou  familhe  ne  peut 
longuement  subsister  sans  le  bon  conseilh,  régisme  et  gouver- 
nement de  quelque  bon  chef  accompagné  de  quelques  officiers, 
tous  les  ans  la  veilhe  de  l'Assomption  de  la  glorieuze  Vierge 
Mère  qui  est  le  quinziesme  aoust,  le  malin  après  avoir  faict  dire 
la  messe  du  Saint  Spril  et  chanté  l'himne  Veni  Creator  tous  les 
confraires  esliront  du  corps  de  la  Companye  par  pluralité  de 
voix  exédante  de  la  moytié  un  prieur  avec  un  soubsprieur  de 
pareille  aulhorilté  que  Luy  en  son  absance  à  qui  tous  les  con-^ 
fraires  obeyront  entièrement  pour  l'amour  de  Jésus-Christ  et 
qui  aura  la  charge  tolalle  de  la  Companye,  sans  qu'il  puisse 
portant  rien  ordonner  de  nouveau  qu'avec  l'advis  de  ses  con- 
seilhers et  officiers  et  qui  tiendra  le  premier  et  le  plus  honnora- 
ble  lieu  en  toutes  leurs  assamblées  et  fera  tout  acte  de  Supé- 
rieur et  en  son  absance  le  soubsprieur.  Et  après  la  création 


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—  448  — 

iFiceux,  ils  eslironl  aussy  par  pluralité  des  voix  deux  con- 
soiihers,  Mettre  de  Chapelle,  trésorier  et  sacrislaing  toUs  les- 
quels avec  le  prieur  et  soubsprieur  disposeront  et  ordonneront 
de  toutes  les  affaires  de  la  Confrairie.  Le  tout  avec  charge  an- 
nuelle et  feront  les  susdites  officiers  leurs  charges  gratis;  ran- 
dant  tous  bon  compte  de  leurs  actions  et  maniements. 

IV. 

Les  charges  des  confrâires  pénilens  seront  de  garder  reli- 
gieusement les  conunandemens  de  Dieu  et  de  son  Eglize,  de 
confesser  leurs  péchés  et  recepvoir  le  très  saint  et  précieux 
corps  de  Nostre  Seigneur  Jésus-Christ,  scavoir  à  l'honneur  de 
la  Sainte  Vierge  les  festes  de  TAssomption,  xXativité,  Purifica- 
tion et  Annontiation  d'Icelle,  les  quatre  festes  annuelles,  en- 
semble le  jour  de  la  fesle  Dieu;  comme  aussy  les  susdits  jours 
réciteront  les  offices  selon  le  saint  Concilie  alternativement  et 
après  feront  dire  la  sainte  Messe  chascun  des  susdits  jours  où 
les  tous  acisteront. 

V. 

Aussy  seront  teneus  et  obligés  tous  lesdit^  confrâires  le  jour 
de  la  feste  de  Saint  Jean-Baptiste  confesser  et  communier,  acis- 
ter  à  vespres  et  procession  (}ui  se  faict  toutes  les  années  reves- 
lus  de  leurs  habits  blancz  portant  les  flambeaux  allumés  chas- 
cuns  pieds  nuds,  chantant  certains  himnes  à  l'honneur  de  la 
feste.  Et  au  cas  où  ne  se  seroient  confessés  et  communies  ledit 
jour,  seront  teneus  le  lendemain  jour  de  la  feste,  comme  aussy 
le  jour  de  la  Décolation  d'icelluy  feront  dire  une  messe  dudict 
jour  et  fesle  et  réciteront  les  offices  comme  dessus. 

Pareilhement  seront  teneus  jeûner  tous  les  jours  de  sapmedis 
à  l'honneur  de  la  saci^e  \  ierge  comme  aussy  chascun  desdits 
jours  fere  dire  et  célébrer  la  sainte  messe  à  l'honneur  d'icelle 
en  admelant  deux  collectes,  l'une  de  Saint  Jean-Baptiste  et  l'au- 
tre pour  ceux  de  la  Confrairie  et  à  la  fin  de  la  messe  chanteront 
dévotement  Stabat  Maler  dolorosa  avec  l'antienne  et  oraison 
gui  suivent  et  puis  le  soir  seront  teneus  se  rendre  dans  la  cha- 


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—  449  — 

pelle  el  là  estant  diront  et  chanteront  les  litanies  de  la  Glo- 
rieuze  \^ierge  Marie  el  oraison  ensemble  le  verset  et  oraison 
de  Saint  Jean-Baptiste  el  ceux  qui  seront  absant  le  réciteront 
en  particulier  à  la  part  où  ils  seront. 

VI. 

D'abondant  feront  les  confraires  deux  processions  tous  les 
ans,  l'une  le  jeudy  saint  auquel  et  après  estre  assamblés  en 
leur  chapelle  vestus  de  leur  sac  nuds  pieds,  sy  ce  n'est  que  pour 
infirmité  vériffiée  au  prieur  ou  susprieur  on  soist  dispensé 
partiront  de  leur  chapelle  et  yront  visiter  le  monument  de 
l'église  parrochielle  de  leur  ville  ayant  auparavant  récithé  el 
chanté  l'office  dud.  jour.  El  l'aulre  procession  le  dimanche 
dans  l'octave  de  la  fesle  du  Corps  de  Dieu  auquel  jour  ils  par- 
tiront de  la  chapelle  après  avoir  ouy  la  messe  et  faict  la  Com- 
munion sy  ne  l'ont  faict  le  jour  el  feste  d'icel  nuds  pieds  comme 
dessus,  portant  chascun  im  cierge  alumé  accompaignant  le 
précieux  corps  de  Jésus-Christ  qui  sera  porté  solempnellement. 

VIL 

Tous  à  l'entrée  de  lad.  Confrairie  pour  une  foys  seront  te- 
neus  chascun  pour  soy  mettre  es-mains  du  trésorier  trois 
livres  quatre  soûls  et  annuellement  à  la  feste  et  solenithé  de 
l'Assomption  de  la  Glorieuze  Vierge  huit  soûls  tourijois  pour 
estre  employé  aux  frais  nécessaires. 

VIII. 

Quand  quelcun  sera  malade  de  lad.  Confrairie  en  sera  ad- 
verti  le  prieur  ou  soubsprieur  qui  le  fera  visiter  et  secourir 
tous  les  jours  et  fei^ont  prier  Dieu  dévotement  pour  Luy  en  la 
chapelle.  Ils  feront  au  commencement  de  sa  maladye  exhorter 
de  se  confesser  el  comnumier:  où  il  arriverait  que  la  maladye 
feust  sy  griesve  qu'il  en  vint  à  décéder,  lors  tous  les  confraires 
se  trouveront  à  la  chapelle  à  l'heure  qui  leur  sera  ordonné  où 
estant  vesteus  de  leurs  sacs,  sera  porté  au  lieu  de  la  sépulture 
le  visage  découvert  et  les  pieds  nuds  par  six  confraires  accom- 


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—  450  — 

paignés  de  tous  les  autres  et  après  se  retireront  à  la  chapelle 
où  estant  diront  un  De  Prolundis  pour  le  défunt  et  le  lendemain 
du  décès  immédiatement  feront  cellebrer  une  Messe  des  Tré- 
passés qui  sera  chantée  en  leur  chapelle  pour  l'âme  du  desfunl 
et  bailheront  chascun  des  confraires  trois  soûls  pour  fere  dire 
des  messes  pour  le  desfunt. 

IX. 

Que  s'il  advient  ce  que  Dieu  ne  veuilhe  que  quelcun  des  con- 
fraires se  monstrat  en  sa  vye  et  conversation  moings  modeste 
et  arresté  qu'il  est  dessent  et  convenable  et  qu'il  ne  feroil 
compte  des  œuvres  de  pénitence  qu'on  auroit,  pour  la  première 
foys  le  prieur  ou  soubsprieur  luy  remontreront  sellon  l'évan- 
gille  honnestement  la  faute,  l'advertissant  néantmoings  de 
prendre  garde  de  retomber  sur  peyne  d'une  bonne  amende 
pour  la  seconde  fois  laquelle  se  remettra  à  la  discrétion  des 
supérieurs  et  de  son  Conseil.  Que  s'il  se  montrait  opignastre 
pour  la  troisième  foys,  tous  les  confraires  assamblés  d'une 
voix  le  déclarei-ont  indigne,  quand  et  quand  effaceront  son  nom 
du  livre  de  la  confrairie,  laquelle  se  saizira  de  droit  de  son 
habit. 

X. 

Et  arrivant  quelque  différant  entre  aucun  desd.  confraires  ne 
pourront- plaider  ensemble,  ainsi  seront  leneus  mettre  leur  dif- 
férant entre  les  mains  du  prieur  [ou  arbitres]  et  acquiesser  à  ce 
que  [par  eux]  en  sera  ordonné  [et  si  l'un  des  confraires  ny  vou- 
lait acquiesser,  il  sera  rayé  du  livre  de  la  Confrairie]  (1). 

Pour  la  contravention  dcv^^d.  estatuts  aucun  ne  pourra  encou- 
rir péché  mortel  moings  véniel  sinon  qu'en  choses  qui  conser- 
nent  les  commandements  de  Dieu  et  de  son  Eglize  ou  par  mé- 
pris desd.  estatuts  les(|uels  onl  été  dressés  en  l'année  mil  six 
cens  vingt-quatre  et  le  premier  jour  du  moys  de  may  dans 
l'églize  Sainte  Marye  Magdallenne  de  la  dite  ville  pour  iceux 


(1)  Primilivemenl  soûl  le  prieur  fut  {îrbilrc.  Plus  lard  les  statuts  furent  mo- 
difiés cl  on  ajouta  ce  qui  est  entre  [    ]. 


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—  451  — 

estre  gardés  et  observés  de  tous  les  conîraires  pénitens  de  lad. 
confrairye  laquelle  a  esté  érigée  et  installée  dans  la  présente 
ville  par  nous  M"  Marc  Labalut,  praticien,  Jean  Galabnin, 
notaire,  Jean  Lanares,  marchant,  M*'  Etienne  Thoron,  Es- 
tienne  Dauneforl,  notaires,  Jean  Dusol,  praticien  et  Jean  De- 
niaux,  M^-chirurgicn  cl  en  foy  de  ce  avons  signé  les  présents 
eslatulz. 

(suivent  les  signatures.) 


DEUXIEME  PARTIE  (1717-1791) 


Chapitre  I.  -    La  Chapollo 

a)  Agrandissements.  —  Il  y  a  près  d'un  siècle  que  l'CEuvre 
des  Pénitents  existe.  Elle  a  grandi  et  prospéré  au  point  que  la 
chapelle  est  devenue  insuffisante.  Cet  état  de  choses  pro- 
voquera des  dons  et  excitera  la  générosité  des  bienfaiteurs. 
<«  En  1717,  le  28  mars,  Etienne  I.aglayze,  charpentier,  qui 
'(  depuis  longtemps  postule  aux  fins  d'être  reçu  dans  notre 
('  Congrégation,  et  pour  sa  réception  et  de  tout  ce  que 
K  feu  Martin  Laglayze  son  père  pouvait  devoir  à  la  cha- 
<(  pelle,  led.  Etienne  Lagleyze  a  voulu  donner  comme  il  donne 
<i  dors  et  déjà  le  palus  qui  nous  sera  nécessaire  pour  agrandir 
«  le  corroir  qui  le  joint  et  de  la  même  longueur  que  dure  la 
<(  pctit-e  chambre  de  notre  chapelle  ou  pour  d'autres  usages, 
u  lequel  dit  Laglayze  consent  que  doi-s  et  déjà  nous  en  pre- 
<i  nions  la  possession  qui  confronte  du  levant  à  pâtus  restant 
i<  audit  Laglayze,  du  midi  à  la  tribune  de  Messieurs  les  Péni- 
«  tents,  du  septentrion  les  murs  de  la  présente  ville  et  du  cou- 
M  chant  courroir  qui  joint  le  ])àtus  à  tout  ce  d'iceux.  Ledit  La- 
«(  glayze  a  promis  garder  et  observer  à  peine  de  tous  dépens, 
«  dommages  et  intérêts. 

«  Le  23  mai  1717,   Fabien  Dieulouhec  prieur,   Bernard 
"  Larroche  sous-prieur,  et  Bernard  Bordes  m*'  de  Chapelle,  re- 


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—  152  — 

«  présentent  à  l'assemblée  des  pénitents  qu'il  est  de  nécessité 
«  urgente  de  faire  élargir  le  courroir  qui  est  à  côté  de  la  pré- 
«  sente  chapelle  pour  qu'on  puisse  passer  plus  facilement  pour 
«  faire  les  processions  ordinaires.  Et  comme  il  se  trouve  que 
«  dans  lad.  chapelle  il  n'y  a  pas  «  du  fons  »  pour  faire  les  répa- 
«  rations  nécessaires  et  d'autant  qu'à  présent  on  ne  peut  jusle- 
((  ment  savoir  ce  qu'il  en  pourra  coûter,  les  susdits  Dieulouhec, 
((  Larroche  et  Bordes  ont  requis  tout  le  corps  de  vouloir  qu'ils 
«  en  fissent  les  avances  et  que  après  que  la  réparation  sera 
«  faite,  ils  en  remettront  le  compte  de  tous  les  frais.  Et  soudain 
«  tout  le  corps,  chacun  en  son  particulier,  sera  tenu  de  payer 
<(  ce  qu'il  sera  taxé  pour  sa  cote-part.  Et  que  au  cas  aucun  des 
((  dits  confrères  qui  sera  cotisé  refuse  de  payer,  nous  permet- 
«  tons  à  celui  qui  sera  proposé  pour  faire  la  levée  des  cotisés, 
«  de  l'exécuter  sur  ces  effets,  sans  aucune  formalité  de  justice  ; 
n  c'est  de  quoi  nous  lous  en  corps  lui  permettons.  Il  sera  loi- 
(1  sible  aux  confrères  de  bailher  du  bois  propre  pour  lad.  ré- 
'(  paration  et  autres  choses  qui  pourront  servir  à  cet  usage 
«  qui  leur  sera  tenu  en  compte  au  dire  des  maîtres.  » 

Ces  réparations  durent  probablement  se  faire  devant  cette 
approbation  générale,  mais  on  ne  toucha  pas  à  la  chapelle  ou 
fort  peu.  De  nouveau,  en  effet,  en  1744,  les  confrères  délibè- 
rent qu'il  est  pressant  de  faire  des  réparations  à  leur  tribune. 
Malgré  leur  urgence,  elles  furent  retardées  et,  en  1755,  on 
songea  sérieusement  à  les  exécuter.  Dans  ce  but  les  confrères 
furent  invités  à  régler  plus  régulièrement  que  par  le  passé  leurs 
cotisations  annuelles  et  les  reliquats  s'il  y  en  avait,  sous  peine 
d'aller  en  justice.  Le  sieur  Carcuat  fît  donc  commencer  les  ré- 
parations afin  d'éviter  l'écroulement  total  de  la  chapelle,  maii? 
il  trouva  de  grandes  difficultés  pour  faire  rentrer  les  fonds  qu'il 
avait  avancés.  Devant  l'indifférence  des  confrères,  le  généreux 
initiateur  déclara  que  l(*s  réparations  ne  continueraient  pas  si 
on  ne  l'aidait  pas.  Il  espérait  que  les  pénitents  reculeraient 
devant  cette  inconvenance  et  que  la  chapelle  serait  bientôt  dans 
un  état  propre  au  service  divin.  A  ce  moment  la  Providence 
suscita  quelques  offrandes  et  les  dons  remis  à  la  confrérie 
par  M™  de  Redon  et  par  son  mari   noble  Marc-Antoine  de 


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—  453  — 

Redon,  s'  de  Monpiaisir,  écuyer,  déterminèrent  une  recons- 
truction intégrale  de  la  chapelle.  Elle  était  en  si  mauvais  état 
qu*on  n'hésita  pas  à  la  reprendre  aux  fondements.  La  recons- 
truction alla  doucement  :  commencée  en  1755,  elle  ne  fut  ter- 
minée qu'en  1763.  Nous  ne  savons  quelles  modifications  inté- 
rieures on  apporta  à  1  édifice  primitif,  mais  une  note  nous  ap- 
prend que  la  nouvelle  chapelle  eut  un  portail  de  quatorze  pans 
et  demi  de  hauteur  sur  huit  de  largeur.  Un  double  «  auban  » 
fut  adapté  à  cette  chapelle. 

h)  Nouvelle  béhédiction  de  la  chapelle,  —  Le  culte  fut  sus- 
pendu dans  la  tribime  des  pénitents  durant  huit  ans.  Enfin  une 
grande  joie  régna  dans  la  confrérie,  lorsque,  après  bien  des 
difficultés,  on  put  enfin,  le  1*'  janvier  1763,  adresser  à  Mgr  de 
Condom  une  requête  tendant  à  demander  l'autorisation  de  faire 
procéder  à  la  bénédiction  du  nouveau  temple,  afin  que  les  con- 
frères puissent  y  célébrer  les  mêmes  offices  que  précédemment. 

M.  Oaguilhe,  vicaire  général  de  Condom,  délégua  M.  Lé- 
glise,  curé  de  la  paroisse,  pour  bénir  la  nouvelle  chapelle.  La 
bénédiction  se  fit  très  solennellement  le  15  février  suivant. 


Chapitre  II.  —  Désorganisation  do  In  Conffrério  «t  Ronalssnnco 

Les  réunions  de  la  Confi'érie  furent-elles  suspendues  durant 
le  temps  de  la  reconstruction  de  la  chapelle?  Eurent-t^les  lieu 
dans  l'église  paroissiale  de  Saintc-Marie-Madeleine  ?  Nous 
l'ignorons.  Nous  savons  cependant  que  tout  caractère  officiel 
avait  disparu  parce  que  les  registres  de  l'Association  ne  men- 
tionnent aucune^  réunion,  aucune  élection,  aucune  admission 
(le  1755  à  1763,  sauf  cependant  une  seule  élection  dans  la  mai- 
son de  Pierre  Bonel,  le  28  décembre  1755. 

La  Confrérie  était  donc  désorganisée,  elle  n'existait  plus 
(jue  de  nom.  Au  sur|)lus,  lo  procès-verbal  de  bénédiclion^dc 
cette  chapelle  nous  fixe  suffisamment  sur  ce  point.  M.  Léglize, 
curé  de  Caudecoste,  mentionne,  en  effet,  que  la  Confrérie  a 
interrompu  ses  exercices  durant  huit  ans  qui  ont  été  pour  elle 


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—  454  — 

un  temps  de  dépérissement.  Il  déclare,  en  outre,  que  le  présent 
procès-verbal  a  été  dressé  pour  sei-vir  en  tant  que  de  besoin 
auxdits  pénitents  à  se  faire  réhabiliter  par  Mgr  l'Evêque  ou 
MM.  les  Vicaires  généraux  dans  leurs  exercices  ^t  à  faire 
renouveler  et  approuver  leurs  statuts,  etc.... 

Nous  allons  dès  ce  moment  assister  à  la  Renaissance  de  la 
Confrérie  des  Pénitents  qui,  par  suitj  de  l'interruption  des  réu- 
nions durant  un  laps  de  tempes  si  considérable,  se  trouvait  dans 
la  nécessité  de  savoir  où  elle  en  était  de  ses  Privilèges  et  des 
Indulgenceîà.  Dans  ce  but  la  requête  suivante  fut  adressée  à 
Mgr  de  Condom.  <(  Les  prieur,  sous-prieur,  maître  de  cha- 
«  pelle  et  confrères  des  Pénitents  blancs  de  la  ville  de  Caude- 
«  coste,  ont  l'honneur  de  représenter  très  respectueusement  à 
'(  Votre  Grandeur  qu'ayant  été  obligés  de  faire  réparer  en  en- 
<«  tier  leur  chapelle  qui  était  prête  à  crouler,  et  après  l'avoir 
«  fait  mettre  dans  un  état  de  décence  et  de  propreté  convena- 
«  ble,  ils  eurent  l'honneur  de  vous  demander  la  permission  de 
«  la  faire  bénir  et  les  rétablir  dans  leurs  anciens  droits  et  usa- 
o  ges  où  ils  étaient  qui  sont  d'y  faire  célébrer  la  Messe,  d'y 
<'  faire  les  offices  les  jeudi  et  vendredi  saint,  d'y  dire,  les  fêtes 
«  annuelles,  tous  les  premiers  dimanches  de  chaque  mois  et 
<(  toutes  les  fêtes  de  la  Sainte  Vierge,  le  jour  de  Saint-Jean- 
«  Baptiste  et  le  jour  de  la  Décollation,  les  offices  accoutumés, 
«  d'exposer  le  Très  Saint  Sacrement  le  jour  de  la  Saint-Jean- 
«  Baptiste,  pendant  les  vêpres  et  à  l'issue  d'icelles,  y  faire  don- 
if  ner  la  bénédiction,  de  faire  les  processions,  savoir  :  le  diman- 
«  che  dans  l'octave  du  Saint-Sacrement  dans  la  ville,  celle  de 
«  Saint-Jean  tout  autour  de  la  ville,  et  celle  du  dernier  diman- 
«  che  d'août  qui  va  à  Notre-Dame  de  Bon-Encontre  le  matin 
«  et  se  retire  le  même  jour  pour  y  .accomplir  le  vœu  que  nos 
((  ancêtres  firent  du  temps  de  la  contagion.  Et  connue  les  sup- 
«  pliants  sont  dans  le  doute  de  savoir  si  Votre  Grandeur  ou 
«'  Messieurs  les  Vicaires  généraux  les  ont  rétablis  dans  leurs 
'(  anciens  usages,  n'ayant  vu  aucune  de  vos  Ordonnances  ni 
«  pouvoir  qui  les  aient  rétablis,  ils  ont  l'hcmnein-  de  vous  de- 
«  mander.  Monseigneur,  qu'il  plaise  à  V.  G.  les  rétablir  dans 
<i  tous  leui*s  droits,  ensemble  celui  d'exposer  le  T.  S.  S.  tous 


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—  455  — 

«  'les  troisièmes  dimanches  de  chaque  mois  pendant  les  vêpres 
«  et  à  rissue  d'icelles  y  donner  la  bénédiction...  » 

Le  zèle  des  nouveaux  fondateurs  égalait  celui  des  premiers 
et  la  Confrérie,  malgré  la  longue  interruption  de  ses  devoirs, 
paraît  n'avoir  rien  perdu  de  son  esprit  religieux.  Par  la  requête 
ci-dessus  datée  du  20  août  1763,  nous  constatons  que  la  proces- 
sion à  Notre-Dame  de  Bon-Encontre  fixée  en  second  lieu  au 
2*  dimanche  de  septembre  a  été  reportée  au  dernier  dimanche 
d  août  et  qu'en  dehors  des  privilèges  acquis,  les  Pénitents  de- 
mandent à  Monseigneur  de  favoriser  chez  eux  le  culte  à  la 
Sainte  Eucharistie.  Une  ordonnance  de  Mgr  d'Anterroches  en 
date  du  24  du  même  mois  confirma  les  privilèges  acquis,  et  les 
augmenta  même  suivant  l'étendue  des  pouvoirs  épiscopaux 
pour  garder  cette  assemblée  dans  les  bonnes  dispositions  que 
témoignait  la  requête  des  officiei*s. 

«  Nous,  le  tout  considéré,  et  le  saint  Nom  de  Dieu  invo- 

«  que,  avons  réhabilité  et  rétabli,  réhabilitons  et  rétablissons 
<i  par  ces  présentes  lad.  Compagnie  des  Pénitents  de  Caude- 
«  coste  dans  leurs  exercices,  offices  et  processions  accoutu- 
<(  mées  dans  lesquels  ils  étaient  autorisés  ci-devant,  leur  intér- 
êt disant  expressément  de  faire  célébrer  la  Messe,  ni  de  faire 
((  aucune  fonction  ni  office  dans  leur  chapelle  pendant  les  heu- 
i'  res  que  le  service  divin  se  fera  dans  l'église  paroissiale,  com- 
«  me  aussi  d'y  faire  dire  la  messe  par  aucun  prêtre  étranger 
<'  et  inconnu  sans  notre  permission  ou  celle  dudit  sieur  curé; 
<  défendons  aussi  auxdits  pénitents  de  recevoir  dans  leur  Con- 
«  frérie  des  personnes  d'une  vie  publiquement  scandaleuse.  » 

Deux  ans  plus  lard,  le  9  juin  1765,  les  Pénitents  demandent 
encore  à  S.  G.  la  permission  de  la  Bénédiction  du  Très  Saint 
Sacrement  «  tous  les  vendredis  de  Carême,  l'octave  de  la  Fête- 
•^  Dieu  à  commencer  du  dimanche  alternativement  à  la  pa- 
<'  roisse  et  à  raison  des  XL  heures  les  trois  jours  du  Carnaval.» 

Chapitre  III.  —  Etat  de  dénumant  d«  la  Chapalla. 

Que  se  passa-t-il,  tandis  que  se  développait  merveilleuse- 
ment la  dévotion  à  l'Eucharistie,  rien  n'a  pu  nous  fixer  sur  ce 


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—  456  — 

point.  Ce  culte  qui  semblait  devoir  prendre  une  certaine  exten- 
sion eut-il  le  don  de  faire  surgir  bien  des  récriminations  ?  Peut- 
être.  Des  griefs  et  des  plaintes  furent  portés  à  TEvêché  de  Con- 
dom  sur  et  contre  la  Confrérie.  On  dénonça  tout  particulière- 
ment 1  état  de  déniiment  de  leur  chapelle.  Par  ordre  de  Mon- 
seigneur, M.  Daguilhe,  vicaire-général,  défendit  la  Bénédiction 
du  Très  Saint  Sacrement  dans  cette  chapelle  «  parce  qu'il  n'y 
'(  avait  point  de  sacristie,  soleil,  pluvial,  écharpe  et  calice  ». 

Ce  refus  justifié  de  TEvêciue  provoqua  dans  la  réunion  tenue 
le  11  août  une  résolution  ferme  et  unanime  de  se  procurer  le 
nécessaire. 

«  Chaque  confrère,  y  fut-il  décidé,  contribuera  pour  ces  ac- 
«  quisitions  à  raison  de  dix  sols  chacun  et  l'avance  de  leur 
«  annuel  de  Tannée  courante.  Il  sera  néanmoins  plus  édifiant 
«  pour  chacun  de^ceux  qui  voudront  donner  quelque  chose  au- 
«  delà  de  la  taxe...  I/argent  de  lad.  taxe  ne  sera  employé  ni 
('  diverty  à  autre  usage  que  pour  l'acquisition  dud.  pluvial  et 
<»  surplis.  )) 

M.  le  chevalier  Delard  de  Rigoulières,  maître  de  chapelle,  fut 
chargé  de  percevoir  les  cotisations,  de  faire  les  achats  et  d'en 
rendre  bon  compte.  Mais  ayant  été  obligé  de  s'absenter,  le  23 
août  suivant,  l'assemblée  donna  les  mêmes  pouvoirs  au  R.  P. 
Teyssinie,  docteur  en  théologie  et  confrère.  Ce  dernier  se  ren- 
dit dès  le  lendemain  à  la  ville  d'Agt»n  poiu'  faire  les  emplettes 
utiles  et  nécessaires  à  la  chapelle. 

Les  Pénitents  avaient  hâte  de  revenir  chez  eux  ;  ils  firent  tant 
et  si  bien  que  la  sacristie  fut  aménagée,  les  vases  sacrés,  les  lin- 
ges et  les  omemenls  furent  achetés.  En  septembre  ils  adressè- 
rent à  Mgr  de  Condom  une  requête  pour  l'aviser  qu'ils  s'étaient 
conformés  à  son. Ordonnance  du  27  juillet  précédent.  «  Aujour- 
(«  d'huy  qu'ils  ont  une  sacristie,  un  calice,  un  ostensoir,  un  ta- 
<'  bernacle,  une  écharpe,  un  pluvial,  et  généralement  tous  les 
«  effets  nécessaires  et  tels  que  V.  G.  l'exige,  ils  espèrent  qu'il 
«<  |)laira  à  Vos  grâces.  Monseigneur,  de  les  réhabiliter  et  réta- 
«  blir  dans  les  mém(»s  fonctions  que  vous  leur  accordâtes  der- 
«  nièrement.  >»  Monseigneur  ne  s'en  tint  pas  à  la  teneur  de  celte 
requête  ni  à  la  seule  déclaration  faite  par  le  clergé  de  Caude- 


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—  457  - 

cosle  sur  ce  point.  Il  écrivit,  le  11  septembre  1705,  à  M*  Ber- 
nard Fontenille,  docteur  en  théologie,  curé  de  Laplume,  de 
faire  la  visite  canonique  de  cette  chapelle  des  Pénitents  ainsi 
que  des  fournitures  et  réparations  qui  ont  été  faites  tant  à  lad. 
chapelle  qu  a  la  sacristie,  le  priant  d'examiner  si  tx)ut  était 
dans  Tétat  de  décence  requis  et  convenable. 

M.  Fontenille  se  trouva  satisfait  et  il  fit  à  son  Evêque  un 
rapport  très  bienveillant.  Les  Pénitents  reçurent,  le  9  octobre 
suivant,  le  pouvoir  de  jouir  des  concessions  précédemment  ob- 
tenues et  de  reprendre  dans  leur  chapelle  les  exercices  momen- 
tanément suspendus. 

• 
Chapitre  IV.  —  Mobilier  ot  inventaires. 

On  voit,  par  ce  qui  précède,  que  la  chapelle  des  Pénitents  de 
Caudecoste  était  loin  de  connaître  le  luxe.  Le  strict  nécessaire 
a  parfois  manqué.  Nous  connaissons  le  mobilier  de  cette  tri- 
bune par  la  liste  des  achats  dont  nous  venons  de  parler,  ou  par 
d'autres  acquisitions  faites  en  1008  et  en  1773,  surtout  par  trois 
inventaires  qu'on  avait  dressés  en  1718,  en  1785  et  en  1791. 

En  1008,  une  donation  testamentaire  avait  servi  à  l'achat 
d'un  tableau  qu'on  avait  placé  au-dessus  de  l'autel.  Ce  tableau 
resta  dans  la  chapelle  jusqu'à  la  Révolution,  époque  où  il  fut 
vendu.  En  1705  on  fit  les  achats,  ci-dessus  mentionnés.  Le  ta- 
bernacle étant  tout  vermoulu,  on  prit  en  1773  une  délibération 
pour  le  remplacer.  La  dorure  dont  on  l'avait  agrémenté  en  1082 
ne  le  rendait  plus  convenable.  -• 

Voici  maintenant  les  trois  inventaires  indiqués  plus  haut  : 

1"  ((  Ainvantère  des  effets  trouvés  dans  la  chapelle  le  jour  de 
«  la  Saint-Jean-Baptiste  de  l'année  1778  :  un  aube  et  trois 
«  amicts,  un  calisse  en  arjant,  un  ostensoir  ajouté  au  calisse; 
<t  trois  chazeubles  et  une  deffele;  cinq  napes,  sept  lavabes;  un 
«  encansoir  avec  sa  navette;  vm  voile  noir,  un  voile  blanc;  dus 
('  tapis  dolet:  dus  bassins,  2  chaineine  en  cuivre,  deus  buretes, 
(t  un  sac  pour  un  anfan. 

«  S'est  tout  ce  qui  s'est  trouvé  led.  jour  1778.  —  Signés  : 
<c  Bordes,  Bedel. 


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—  458  — 

u  En  1779,  a  esté  fail  dus  chandeliers  détein.  >» 
2"  «  Le  mobilier  de  la  chapelle  en  1785  comprend  les  objets 
«  suivants  :  un  tabernacle  et  six  chandeliers;  un  crucifix  pour 
a  l'autel;  une  croix  processionnelle;  un  missel,  une  aube:  un 
<(  cordon  ;  deux  amicts  ;  un  ornement,  un  voile  en  taffetas  pour 
«  la  croix  avec  son  ruban,  une  clochette,  un  rideau  d'indienne 
«  avec  son  cordon,  anneaux  et  tringles,  un  missel,  enfin  le  ré- 
<•  table,  tableau  qu'on  fit  repasser  celte  même  année  1785.  » 

3*  «  [^'inventaire  fait  au  moment  de  la  Révolution  par 
M.  l'abbé  Ibre  comprend  :  «  Un  calice  d'étain  doré,  sa  patène, 
<.  deux  corporaux  avec  le  corporal;  une  palle,  deux  voiles  de 
((  calice,  l'un  de  satin  violet  et  l'autre  de  ligature,  une  chasu- 
«  ble  de  ligature,  un  missel,  une  aube  et  amict;  un  bonnet  car- 
<*  ré,  custode  ou  soleil  d'étain  plus  un  autre  missel.  —  1791.  » 

Nous  avons  fait  le  relevé  des  ornements  de  la  chapelle  en 
1785  sur  une  note  détaillée  de  quelques  comptes.  La  lecture  de 
ce  document  montre  que  par  décence  pour  le  lieu  saint,  les  con- 
frères voulurent,  pendant  leurs  délibérations,  cacher  l'autel. 
Le  rideau  d'indienne  pris  par  de  petits  anneaux  à  des  tringles 
fixes  sur  lesquelles  on  pouvait  le  faire  coulisser,  pouvait-il  ser- 
vir à  autre  chose  ?  Afin  de  protéger  le  portail  récemment  fait 
et  les  bois  des  croisées  contre  les  intempéries,  on  les  fit  peindre 
à  l'huile.  Enfin  ce  même  document  nous  apprend  que  les  bâ- 
tons des  Pénitents  étaient  surmontés  d'une  épine,  c'est-à-dire 
d'une  pique. 


Chapitre  V.  —  Btonfalt^urs. 

Les  ressources  pour  les  réparations  et  les  achats  du  mobi- 
lier quelque  modeste  qu'il  fût,  ne  furent  pas  entièrement  four- 
nies par  les  confrères.  Des  âmes  généreuses  vinrent  les  aider 
et  les  Pénitents,  disons-le  à  leur  honneur,  surent  témoigner  à 
tous  leurs  bienfaiteurs  une  vive  et  profonde  reconnaissance. 

Signalons  au  passage  Jeanne  Daunefort,  épouse  de  Jean 
Demaux,  confrère  et  mère  de  M*'  Demaux,  également  confrère 
et  curé  de  Cuq  : 


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—  459  — 

((  Attendu  que  lad.  Jeanne  Dauneforl  sur  l'établissement  de 
u  lad.  chapelle  donna  partie  des  ornements  d'icelle,  que  depuis 
<(  elle  a  été  marraine  de  la  cloche  dont  on  se  sert  pour  appeler 
«<  le  peuple  au  divin  service,  que  d'ailleurs  elle  a  fait  un  légat 
'<  pour  la  réparation  de  lad.  chapelle,  l'assemblée  délibère  que 
M  les  confrères  assisteront  à  la  sépulture  de  lad.  Daunefort  et 
u  que  six  d'iceux  porteront  le  corps  jusques  à  l'église  parois- 
u  siale  et  de  là  au  tombeau  el  (pi'ils  seront  revêtus  de  leurs  sacs 
i^  avec  la  croix  devant  eux.  —  2  mai  16(>3. 

«  Le  12  août  1668,  les  officiers  de  la  Confrérie  déclarent 
«  avoir  reçu  d'Anthoine  Bergoigne,  chirurgien,  comme  héri- 
(i  lier  de  feu  Martin  son  frère;  confrère  de  la  présente  Congré- 
(^  gation,  la  somme  de  dix  livres,  laquelle  il  avait  léguée  par 
i<  son  dernier  testament  à  lad.  Congrégation  retenu  par  Ber- 
(•  goigne,  notaire  de  l'année  16oi  et  ce  par  les  mains  et  deniers 
M  propres  de  M*  (iabriel  de  (  osle,  prêtre  et  curé  de  la  présente 
«(  ville,  laquelle  lui  était  due  pour  l'avoir  fournie  à  la  décharge 
«  de  la  Congrégation  pour  partage  du  prix  du  tableau  qui  est 
((  à  présent  sur  l'autel...  » 

N'omettons  pas  les  noms  de  M.  et  de  M™  de  Redon,  bienfai- 
teurs de  la  chapelle.  Une  délibération  du  6  mars  1763,  relative 
aux  réparations  de  la  chapelle  commencées  par  le  sieur  Car- 
cuat,  nous  apprend  «  que  noble  Marie  Antoine  de  Redon,  sieur 
«  de  Monplaisir,  aurait  bien  voulu,  sans  y  être  sollicité  et  de 
«  son  pur  abondant,  a  bien  voulu  et  nous  fait  encore  des  pré- 
«  sents  en  état  de  couronner  l'ouvrage  commencé.  Nous,  con^ 
<i  frères  soussignés,  ayant  toujours  pour  principe  et  laissant 
"  même  après  nous  la  reconnaissance  due  à  ses  bontés,  avons 
«  trouvé  à  {)ropos  de  lui  faire  faire  un  service  le  21  du  mois 
«<  de  février  dernier  et  nous  obligeons  et  obligerons  ceux  qui 
<'  viendront  après  nous  de  faire  faire  à  pareil  jour  un  sembla- 
^(  ble  sei-vice  pour  le  repos  de  l'âme  de  M°*  de  Redon,  et  toutes 
«  les  fois  que  nous  nous  assemblerons  la  recommander  aux 
«  prières  de  ceux  qui  se  trouveront  à  nos  offices.  »  Les  offran- 
des de  cette  famille  permirent,  on  Ta  vu,  l'agrandissement  de 
la  tribune. 

Le  26  juin  1703,*  après  le  règlement  de  compte  des  répara- 


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—  460  — 

lions  faites  à  la  chapelle,  l'assemblée  doit  à  Antoine  Carcual, 
docteur  en  médecine,  72  livres  9  sols  et  ce  dernier  en  fait  don 
à  la  chapelle.  Carcuat  a  voulu  se  libérer  ainsi  à  l'avenir  de  ses 
annuels,  comme  aussi  de  la  chandelle.  Il  obtient  encore  que 
son  frère  Jean  Carcuat  soit  libéré  de  ses  arrérages. 

Au  sieur  Villes  cadet,  il  était  dû  une  somme  de  18  livres 
9  sols;  à  Ybre,  celle  de  15  livres  9  sols  6  deniers.  Ils  abandon- 
nent tous  deux  ces  sommes  à  la  Congrégation  qui  ne  leur  de- 
mandera rien  jusqu'à  concurrence  de  leur  don.  Egalement 
Pierre  Bordes  fait  don  à  la  chapelle  de  14  livres  et  la  chapelle 
ne  lui  demandera  rien  de  14  années. 


Chapitre  VI.  — 


Les  ressources  ordinaires  de  la  Confrérie  étaient  fournies 
par  les  droits  d'entrée  et  par  les  annuels.  Puis  vinrent  s'ajouter 
les  donations  testamentaires  pour  des  obits. 

Les  droits  d'entrée  paraissent  n'avoir  pas  été  établis  d'une 
manière  fixe.  Chacun  semble  donner  suivant  ses  moyens  et  sa 
piété.  Les  pauvres  en  ont  été  exemptés.  L'annuel  fut  fixé  à  20 
sols  par  an.  Mais  lorsque  les  cotisations  furent  plus  lentes  à 
rentrer,  on  convint  de  payer  10  sols  par  an  et  un  cierge  blanc 
de  cire  de  six  à  la  livre.  —  24  juin  1710. 

Si  nous  voulons  savoir  le  montant  des  recettes  et  être  ainsi 
fixés  sur -le  nombre  des  associés,  un  procès-verbal  de  1683  dit 
qu'il' y  a  en  tout  38  livres  de  recettes.  «  On  a, acheté,  il  est  vrai, 
((  un  tableau,  en  plus  la  façon  du  clocher  à  neuf  comme  il  est 
«  sur  les  murs  de  la  ville,  que  pour  y  mettre  la  cloche,  recou- 
re vrir  la  tribune  et  auban,  blanchir  la  tribune  et  l'église,  ache- 
«  ter  des  cierges  et  procession  à  Notre-Dame  de  Bon-Encon- 
«  tre  :  d'où  dépense  de  50  livres  17  sols  9  deniers.  On  a  fait  dire 
^(  deux  messes  hautes  de  Requiem  avec  diacre  et  sous-diacre 
«  et  15  confrères  ont  seuls  payé  l'annuel.  »  C  est  une  année  ex- 
ceptionnelle de  dépenses  et  ce  déficit  n'existait  pas  ordinaire- 
ment :  il  y  avait  un  petit  reliquat.  Malgré  les  appels  et  les  me- 
naces, les  annuels  tardaient  à  rentrer. 


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—  461  — 

Les  comptes  étaient  exactement  et  rigoureusement  tenus. 

Avec  les  quêtes  et  les  offrandes  particulières  le  budget  finis- 
sait par  s'équilibrer.  Les  retai<îs  apportés  dans  le  'versement 
des  cotisations,  les  menaces  de  poursuite , devant  toutes  les 
cours  jusques  à  sentence  ou  arrêt  définitif  sont  un  indice  de 
mauvaise  volonté.  Ajoutons  à  celte  persistance  le  peu  d'em- 
pressement que  plusieurs  mettaient  à  assister  aux  réunions  et 
nous  constaterons  un  grand  relAchemenl  au  sein  de  la  Con- 
grégation. 

Chapitre  VII.  —  Dissolution. 

Les  officiers  ne  cessaient  de  gémir  sur  cet  état  de  choses. 
Les  exhortations  devinrent  plus  pressantes  et  malgré  cela  il 
advint  qu'en  1770  l'élection  des  nouveaux  dignitaires  ne  put 
avoir  lieu  à  la  date  réglementaire  à  cause  du  trop  grand  nom- 
bre d'absents.  L'élection  fut  renvoyée  au  dimanche  5  août.  Ce 
jour-là  encore,  la  réunion  ne  fut  pas  brillante,  mais  l'assem- 
,  bléo  passa  outre. 

La  Confrérie  paraît  alors  avoir  été  frappée  en  plein  cœur; 
elle  ne  vit  plus  que  d'une  vie  éphémère  et  anémiée  jusqu'au 
jour  où  le  flot  révolutionnaire  l'emportera  dans  sa  vague  irré- 
sistible, ne  laissant  de  cette  belle  et  florissante  institution  qu'un 
souvenir  à  peu  près  disparu. 

Il  est  bon  cependant  de  le  conserver,  pour  garder  en  nos 
cœui^  l'espérance  de  revivre  un  jour  dans  notre  pays  ces  vieil- 
les traditions  chrétiennes  qui  furent  la  force  et  l'honneur  des 
générations  disparues. 

APPENDICE 
Vontos  tfos  Mons  tfos  PénHonts  tfo  Coutfocosto  (1) 


1.  La  chapelle  des  Pénitents  estimée  par  Crébessac  de  Sau- 
veterre  d'un  revenu  de  25  livres  et  d'un  capital  de  500  livres 
fut  vendue  le  22  brumaire  an  VII,  à  Capdeville,  notaire,  pour 


(1)  Archives  dcparlementales. 

30 


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—  462  — 

CoO  francs.  Elle  confrontait  du  levant  à  maison  de  Bernard 
Liarouze,  ainsi  que  du  midi  et  du  couchant;  du  septentrion  aux 
remparts. 

2.  Une  pièce  de  terre  au  lieu  de  Pémojan,  propriété  des  Pé- 
nitents, de  2  cartonats  3  picotins  estimée  d'un  revenu  de  3  livres 
fut  vendue  à  Constelle  le  18  juillet  1791  pour  88  livres. 

3.  l'ne  vigne  d'une  carlerée  au  lit'u  de  Pierroche,  propriété 
des  Pénitents,  estimée  d'un  revenu  de  30  livres,  fut  vendue  à 
Pérès,  le  24  décembre  1790,  pour  1,350  livres. 

A.  Gavkal, 


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BlBLlOGRAPfllE  RÉGIONALE 


La  Vocation  Paysanne  et  l'Ecole,  par  M.  le  docteur  Emmanuel 
Labat.  (Extrait  de  la  Revue  des  Deux-Mondes,  n"*  du  !•'  juillet  1912.) 

Dans  deux  articles  supérieurement  traités,  comme  tout  ce  qu'il 
entreprend,  et  qui  ont  fait  sensation  dans  la  lievue  des  Deux-Mondes 
où  ils  ont  paru  (1),  M.  le  docteur  Emmanuel  Labat  a  signale  les 
dangers  que  font  courir  à  son  cher  pays  de  Gascogne  ces  deux  plaies 
dévorantes,  V Abandon  de  la  Terre  et  Val{aiblissement  de  la  Natalité, 
11  en  a  cherché  les  causes,  en  a  déduit  les  effets  et  constaté  que  le 
mal  va  toujours  croissant.  L'éminent  docteur  ne  pouvait  mieux 
faire  que  d'en  apporter  aujourd'hui  les  remèdes,  et,  dans  une  étude 
psychologique  des  plus  serrées,  que  de  mettre  à  nu  la  vocation  du 
petit  paysan,  exposant  «  son  origine,  sa  nature,  ses  principaux 
«  caractères,  les  dangers  que  l'Ecole  lui  fait  courir,  les  moyens  par 
«  lesquels  elle  devrait  au  contraire  la  défendre,  la  soutenir  et  la 
«  fixer  ».  Car  c'est  d'une  culture  purement  morale  qu'il  s'agit.  Ce 
sont  les  soins  que  l'Ecole  doit  lui  donner,  mais  dont  malheureuse- 
ment elle  ne  paraît  pas  avoir  saisi  la  portée.  Il  va  sans  dire  que 
nous  ne  quittons  pas  les  bords  de  la  Garonne,  bien  que  le  mal  s'é- 
tende plus  au  loin  et  que  celte  étude  puisse  s'appliquer  à  presque 
toutes  les  autres  régions  de  la  France. 

Mais  avant  d'entrer  dans  le  plain  de  son  sujet,  l'auteur  rappelle 
que  l'abandon  de  la  Terre  et  Vhyponatalité  sont  deux  phénomènes 
sociaux,  absolument  lies  chez  nous  l'un  à  l'autre.  «  11  est  clair,  dit-il, 
«  que  s'il  naît  peu  d'enfants  au  village,  les  champs  manqueront  de 
«  laboureurs.  11  ne  l'est  pas  moins  qu'une  population  agricole,  en  se 
«  raréfiant,  condamne  ceux  qui  restent  à  un  surmenage  pénible, 
a  douloureux,  qui  les  inquiète,  les  aigrit,  les  décourage  et  à  la 
«  longue  les  révolte  contre  le  métier.  »  Et  cependant  le  travail  de  la 
terre  invite  le  couple  paysan  à  une  natalité  élevée.  «  Pour  peu  que 


(1)  N"  des  I"  août  1910  cl  1"  juillet  1911.  \'oir  le  comple-rojidu  qui  en  a  <Hc 
fait  dans  la  Reçue  de  lAgenais,  n"  des  septembre-octobre  1910  et  1911, 


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—  464  — 

«  la  prairie  s'étende  sur  les  bords  du  ruisselel,  dont  la  ligne  argen- 
«(  lée  des  saules  suit  le  cours  sinueux,  et  que  les  sillons  s'allongent 
u  sur  les  flancs  de  la  colline,  il  ne  fait  pas  bon  se  sentir  seul,  quand 
<(  les  foins  sont  mûrs  et  les  moissons  jaunissantes.  On  n'a  pas  be- 
«  soin  de  s'entourer  d'enfants  pour  être  fadeur  ou  cantonnier,  valet 
«  de  chambre  ou  cocher;  ici  le  métier  donne  des  conseils  tout  diffé- 
<(  rents.  » 

«  L'abandon  de  la  terre  et  l'affaiblissement  de  la  natalité,  ajoute 
<(  M.  Labat,  se  juxtaposent,  se  combinent  et  se  pénètrent  pour  cons- 
«  lituer  une  crise  unique,  qui  est  avant  tout  morale,  bien  qu'on  n'ait 
«  pas  manqué  d'en  proposer  des  explications    purement  économi- 
(i  ques^.  »  Il  les  réfute  en  prouvant  que  la  terre  Gasconne  est  assez 
riche  pour  pouvoir  nourrir  tous  ses  enfants,  pourvu  qu'ils  restent 
économes  comme  leurs  pères,  et  ne  se  laissent  pas  séduire  par  la 
folie  des  dépenses  et  des  grandeurs;  pourvu  surtout  qu'ils  combat- 
tent chez  leurs  enfants  cet  esprit  d'Individualisme  féroce,  qui  les 
domine  dès  leur  plus  jeune  âge  et  met  à  néant  ces  idées  de  solida 
rite,  de  mutualité,  de  progrès  social,  dont  s'affublent  les  soi-disant 
directeurs  de  la  société  moderne,  mais  qui  s'évanouissent  comme 
fumée  devant  la  réalité  des  faits  et  l'égoïsme  révoltant  des  Indivi- 
dus. «  Les  jeunes,  reconnaît  M.  Labat,  grandissent  dans  une  atmos- 
«  phère  de  solidarité;  et  malgré  cette  leçon  continue  et  touchante, 
«  ils  se  dérobent,  dès  qu'ik  le  peuvent,  à  la  plus  facile,  la  plus  na- 
K{  turelle,  la  plus  sacrée  des  solidarités,  qui  est  celle  de  la  famille.  » 
Combattons  donc  cet  individualisme  dès  qu'il  apparaît  dans  l'es- 
prit de  l'enfant.  Mais  surtout  entretenons  sa  vocation  de  paysan;  en- 
courageons-la,  développons-la  et  montrons-lui  qu'elle  est,   à  son 
égard,  supérieure  à  tout  autre.  .\e  l'a-til  pas,  du  reste,  invétérée 
dès  sa  naissance  ? 

Et  ici,  ce  joli  passage,  qu'il  nous  faut  citer  tout  entier  :  «  Le  petit 
«  paysan,  qui,  à  l'âge  de  six  ans,  entre  à  l'école  pour  la  première 
((  fois,  est  bien  un  apprenti  de  la  terre  ;  on  peut  môme  dire  qu'il  l'a 
«  été  en  quelque  sorte  en  naissant.  Pendant  les  pluvieuses  journées 
«  d'hiver,  où  le  travail  ne  presse  guère,  la  mère  a  souvent  porté  le 
iK  nourrisson  à  l'étable  chaude;  et,  en  manière  de  jeu,  elle  l'a  mis  à 
u  califourchon  sur  le  dos  de  la  vieille  vache  au  regard  mélancoli- 
«  que  et  indifférent.  Dès  qu'il  a  pu  marcher,  il  a  saisi  un  bâton;  et, 
<(  matin  et  soir,  très  sérieusement,  comme  la  mouché  du  coche,  il 
«  s'est  employé  à  faire  entrer  et  sortir  les  bestiaux.  Aux  semailles 
«  d'automne,  quand  les  guérets  sont  fins  et  doux,  le  père,  assis  sur 


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—  465  — 

«  la  herse,  l'a  pris  dans  ses  bras,  et  il  a  tenu  les  guides.  Dans  ses 
«  premières  conversations  avec  les  autres  écoliers,  il  racontera 
«  qu'il  sait  labourer,  et  il  a  labouré  en  effet.  La  main  agrippée  au 
«  mancheron  de  la  charrue,  à  côté  de  celle  de  son  père,  il  a  suivi  le 
<(  soc  de  ses  petits  pas;  il  a  répété  les  vieux  commandements  aux 
u  Iraînatiles  inlonatioiis;  il  a  enflé  sa  voix  pour  lancer  les  jurons  qui 
«  tendent  les  jarrets  et  courbent  les  nuques  de  l'attelage  sur  les 
«  affleurements  d'argiles  compactes  ;  au  bout  du  champ,  pendant 
«  que  les  bêtes  soufflent,  il  s'est  retourné  pour  contempler  le  travail 
<(  fait,  le  sillon  droit  et  profond,  d'où  s'échappe  une  buée  légère, 
«  les  grandes  mottes  renversées;  il  a  aspiré  à  pleins  poumons 
«  l'odeur  salubre  de  la  terre,  et  senti  déjà,  lui  aussi,  dans  son  cœur, 
li  la  joie  et  l'orgueil  du  beau  labeur.  » 

D'ores  et  déjà  cet  enfant  a  choisi  son  métier;  il  en  a  commencé 
l'apprentissage;  il  en  a  la  vocation. 

Et  mettant  en  parallèle  deux  écoliers,  rencontrés  chaque  soir  con- 
duisant leurs  bestiaux  à  la  prairie,  dont  l'un  ne  sait  guère  que  le 
nom  et  le  nombre  de  ses  bêtes,  tandis  que  l'autre  est  intarissable  sur 
l'âge,  le  mérite,  les  aptitudes,  l'avejiir  de  chacune  d'elles,  «  le  pre- 
«  mier,  dit-il,  n'aura  jamais  la  vocation.  Elle  est  née  au  contraire 
«  chez  le  second,  décidée,  vigoureuse,  opérante,  et  sous  la  forme 
«  qu'elle  a  toujours  chez  l'enfant,  qui  est  l'admiration.  » 

«  Voyez-vous,  Monsieur,  me  dit-il,  quand  il  parl.e  des  deux  rois 
«  du  troupeau,  des  grands  bœufs  gris  aux  cornes  noires,  lorsque 
«  mon  père  les  met  à  la  forte  charrue  et  qu'il  appuie  des  deux  mains, 
<(  elle  s'enfonce  jusqu'au  manche...  Ils  lèvent  de  la  terre  à  charre- 
«  t(>es...  Ça  fait  peur...  Tout  le  monde  s'arrête  pour  regarder... 
«  Dites  au  \  oisin  qu'il  y  vienne  avec  sa  brabant  et  ses  quatre  garon- 
H  naises.  » 

C'est  cette  admiration  qu'il  faut  soigneusement  conserver  et  dé- 
velopper. Car  elle  est  la  semence  la  plus  féconde  de  l'éducabilité. 

Mais  il  faut  aussi  la  semence  qui  apporte  l'hérédité,  la  vocation. 
Nulle  n'est,  du  reste,  plus  merveilleusement  préparée  que  celle  du 
petit  paysan  :  «  11  doit  à  une  longue  série  d'ancêtres  laboureurs  une 
«  sensibilité  très  vive  au  charme  de  la  terre,  et  son  admiration 
«  pour  elle  éclate  dans  tous  ses  propos  au  moment  où  il  entre  à 
«  l'école.  -))  Appliquons-nous  donc,  pour  la  mieux  défendre,  à  bien 
coiuiaîtrc  celte  admiration  qui  est  personnelle,  parce  qu'une  per- 
sonne, le  père  presque  toujours  quand  il  est  vaillant,  en  est  l'ob- 
jet; qui  est  fragile,  car  sur  le  cerveau  de  l'enfant  les  sentiments  les 


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—  466  — 

plus  opposés  se  succèdent  avec  une  rapidité  inouïe,  «  comme  sur 
«  leur  visage  le  rire  n'attend  pas  que  les  pleurs  soient  séchés  »; 
(|ui  est  enfin  particulièrement  sensible  à  une  cause  spéciale  de 
ruine. 

Et  développant  cette  dernière  idée,  M.  le  D'  Labat  montre  quel 
(langer  attend  Tenfanl  à  son  arrivée  à  l'école  primaire,  où  on  le  lire 
hruscjucment  de  son  village  pour  le  promener  dans  les  grandes  villes 
(le  France,  de  l'Europe,  du  monde  entier  ;  où  on  lui  fait  voir  les  dis 
«  tances  supprimées,  la  parole  et  la  pensée  portées  avec  la  rapidité 
«  de  l'éclair  à  travers  l'espace,  les  solitudes  de  l'air  disputées  aux 
«  oiseaux,  partout  la  matière  vaincue  et  asservie,  partout  la  terre 
«  trépidante  de  machines  dont  les  unes  ont  la  précision  et  la.délica- 
«  tcssc  des  doigts  les  plus  fins,  et  les  autres  soulèvent  des  blocs  que 
<i  des  milliers  de  bras  ne  pourront  ébranler;  on  évoque  devant  lui 
«  le  long  et  curieux  passé  de  l'humanité,  moins  troublant  peut-être 
«  que  l'effort  du  présent  i)our  préparer  un  avenir  dont  l'image  est 
((  onchanteresse.  Pendant  six  ans  l'école  tient  l'ûmc  de  l'enfant 
«  dans  un  émerveillement  continu.  Que  deviennent  ses  premières 
«     admirations  aux(|uelles  sa  vocation  agricole  est  liée  ? 

<(  Nous  pouvons  témoigner  que  le  voyage  leur  est  funeste.  Au  re- 
«  lour,  au  lendemain  du  certificat  d'études,  quand  nous  cheminons 
«  cote  à  côte,  connue  il  y  a  six  ans  entre  les  haies  odorantes  du  pe- 
ii  lit  chemin  creux,  l'écolier  ne  nous  chante  plus  le  fier  couplet  des 
«  grands  bœufs  gris  aux  cornes  noires  !  » 

* 

• 

L'Ecole  ruine  donc  la  vocation  du  petit  paysan.  Tout  au  contraire 
elle  devrait  la  fortifier.  Mais  comment  ?  En  inculquant  dans  son  es- 
l»rit  l'amour  du  pays,  en  lui  inoculant  le  mal  du  pays.  «  Jadis  la 
«  prise  du  village  sur  l'âme  des  jeunes  était  telle  que  quelques-uns, 
«  devenus  soldats,  ne  se  consolaient  pas  de  l'avoir  quitté.  Les  mé- 
«  decins  militaires  nous  ont  laissé  d'émouvantes  descriptions  de  ce 
<(  curieux  mal  du  pays,  qui  frappait  plus  d'un  conscrit,  brisait  ses 
«  résistances  physiques,  le  couchait  sur  un  lit  d'hôpital  et  fermait 
«  à  jamais  ses  pau\  res  yeux,  parce  qu'ils  étaient  privés  de  la  dou- 
«  ceur  de  l'horizon  natal.  » 

Et  ce  n'est  pas  seulement  le  pays  en  général,  la  province  que 
l'Ecole  doit  faire  aimer.  «  Elle  doit  donner  au  village,  pour  qu'au- 
«  cune  comparaison  ne  lui  soit    humiliante    ou    défavorable,    une 


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«  grandeur  cl  une  beauté  d'emprunt,  qui  seront  celles  de  tout  le 
«  passé  de  la  France.  »  El  le  docteur  Labat  de  demander  que  This- 
toirc  de  la  grande  patrie*  se  déroule  tout  entière  dans  la  petite,  de 
foçon  à  ce  que  celle  dernière  prenne,  dans  Timaginalion  de  l'enfant, 
au  récit  de  contes  merveilleux,  des  proportions  incomparables 
au-dessus  de  toute  atteinte. 

Déjà,  il  y  a  deux  ou  trois  ans,  un  ministre  de  rinstruction  publi- 
(|ue,  Maurice  Faurc,  je  crois,  était  entré  dans  cette  voie.  Une  circu- 
laire recommandait  aux  maîtres  «  Tétude  de  la  géographie  et  de 
'<  l'histoire  locales  pour  en  môler  l'enseignement  à  celui  de  la  géo- 
ce  gra[)liie  et  de  l'histoire  nationales.  Il  importe,  disait-il,  de  mêler 
«  les  deux  enseignements  en  puisant  le  plus  possible  les  exemples 
«  dans  le  milieu  même  où  les  élèves  résident,  qu'ils  connaissent  et 
«  qu'ils  aiment...  L'histoire  doit  être  pour  eux,  selon  le  mot  de  Mi- 
«  chelet,  une  résurrection.  » 

On  ne  saurait  mieux  dire.  M.  le  D'  Labat  le  demande  depuis  long- 
temps. Mnis  il  va  plus  loin.  11  n'est  pas  un  grand  événement  de  l'his- 
toire qui  n'ait  eu  sa  répercussion  au  village.  Là,  Tinsliluleur  devra 
s'appliquer  à  le  rechercher,  à  l'enseigner,  à  le  faire  mousser.  Mais 
dans  les  villages  où  il  n'y  a  rien,  et  ils  sont  nombreux,  que  faire  ? 
Kl  M.  Labat  de  proposer  audacieu.sement  :  «  Si  les  documents  man- 
«  quent,  qu'on  n'hésite  pas  à  recourir  à  la  {iction  pour  établir  la 
«  trame  du  récit,  l'animer,  le  rendre  fécond.  »  Avec  beaucoup  d'élo- 
(juence  il  plaide  cette  cause  et  il  répond  aux  historiens,  «  qui  ne  man- 
(.<  queront  pas  de  faire  des  réser\'es  :  nous  sommes  des  paysans, 
«  uniquement  désireux  de  voir  nos  fils  rester  à  la  charrue;  vos 
<•  préoccupations  nous  sont  indifférentes.  » 

C'est  peut-être  aller  bien  loni.  En  faussant  ainsi,  pour  les  besoins 
de  sa  noble  cause,  la  vérité  hislori(fue,  qui,  à  nos  yeux,  sous  n'im- 
porte quel  prétexte,  ne  doit  jamais  être  faussée,  M.  le  docteur  Labat 
ne  \  oil-il  pas  le  danger  que  lui-môme  fait  ainsi  courir  à  l'enfant  ? 
Lorsque,  ((uelcfues  années  plus  tard,  à  l'heure  psychologique  où  la 
raison  viendra  contrôler  l'enseignement  du  maître,  où  le  jeune 
lîonune  se  demandera  si  tout  ce  qu'on  lui  a  appris  est  bien  vrai,  et 
où  il  saura  —  et  il  ne  manquera  j)as  tlo  gens  pour  le  lui  démontrer 
-  -  (juc  jan»ais  son  village  n'a  été  le  théâtre  des  faits  glorieux  qu'on 
lui  a  racontés,  ou  n'a  seulement  pas  abrité  le  grand  pcrsoimage  qui 
l'aurait  honoré  de  sa  présence,  ce  jour-là  le  doute  l'envahira.  Il  se 
demandera  s'il  n'en  est  pas  de  même  des  vérités  scientifiques,  éco- 
nomiques, morales,  religieuses,  qu'avec  tant  de  peine  on  a  incul- 


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quées  dans  son  esprit.  Il  n'aura  pas  plus  confiance  en  elles  qu'en  ces 
beaux  faits  et  gestes  qui  avaient  fait  son  admiration.  Et,  dégagé 
ainsi  de  tout  lien,  de  toute  attache,  il  sera  mûr  pour  accepter  comme 
seules  vraies  ces  utopies  sociales  et  politiques,  que  de  tous  côtés  on 
lui  soufflera  aux  oreilles,  flèches  empoisonnées  qui  le  blesseront  et 
le  tueront. 

Non;  il  ne  faut  pas  toucher  à  la  vérité  historique,  si  péniblement 
acquise,  pas  plus  qu'à  n'importe  quelle  autre  vérité.  Le  bénéfice, 
très  problématique,  qu'on  retirerait  de  ces  mensonges  ne  vaut  pas 
qu'on  expose  l'enfant  à  des  dangers  pareils. 

Il  est  vrai  qu'  «  une  nuit  épaisse  règne  actuellement  sur  l'histoire 
«  dans  le  cerveau  des  paysans  ».  11  est  vrai  que  trop  de  jeunes 
conscrits,  interrogés  à  leur  arrivée  au  régiment,  par  leurs  chefs, 
montrent  qu'ils  ignorent  totalement  les  faits  les  plus  élémentaires 
de  l'histoire  de  leur  pa}s.  A  qui  la  faute  ?  A  l'Ecole,  qui  ne  fait  rien 
pour  les  leur  apprendre.  Ils  sont  assez  nombreux  et  assez  beaux, 
cependant,  pour  qu'on  n'ait  pas  besoin  de  recourir  à  la  fiction.  Si 
renseignement  technique  de  l'histoire  est  mauvais  et  ne  donne  aucun 
résultat  satisfaisant,  que  le  maître  évoque  au  moins  chez  ses  élèves 
«  la  notion  morale  de  l'héritage,  des  devoirs  et  des  responsabilités 
«  qu'il  implique,  telle  que  la  noblesse  française  l'imprimait  dans 
«  le  cœur  de  ses  enfants;  sentiment  qui  a  inspiré  tant  de  beaux  ges- 
«  les  et  qui  soutient  encore  bien  des  hommes  qui  entendent  toujours 
servir  la  France,  comme  autrefois  ils  auraient  servi  le  Roi.  » 

Et  ici,  ce  beau  passage  que  l'auteur  nous  pardonnera  encore  de 
reproduire,  dans  ce  compte-rendu  forcément  incomplet;  car  tout 
l'article  du  docteur  Labat  serait  à  citer  : 

«  Le  jeune  gentilhomme  recevait  cette  notion  directrice  de  tout  ce 
<(  qui  l'entourait  et  l'accueillait  dans  la  vie,  des  premiers  récits  dont 
«  il  était  bercé,  des  usages  et  des  traditions  de  la  famille,  des  lias- 
«  ses  de  vieilles  lettres  souvent  relues,  des  portraits  accrochés  aux 
«  murs,  des  pierres  mêmes  du  château.  Pourquoi  les  petits  pay- 
«  sans,  les  vrais  fils  de  la  même  terre,  ses  fils  les  plus  humbles,  les 
«  plus  fidèles,  les  plus  môritanls,  ne  recevraient-ils  pas  un  enseigne - 
«  ment  analogue  ?  Pourquoi  ne  senti raientr-ils  pas  eux  aussi  ces 
«  excitations,  douces  et  toniques  à  la  fois,  qui  de  bonne  heure  ins- 
«  pirent  à  l'homme  l'orgueil  de  ses  origines  et  l'ambition  d'en  rester 
«  digne  ?  Ils  n'ont  rien  autour  d'eux  qui  puisse  les  leur  donner,  ni 
«  château,  ni  archi\es,  ni  portraits  d'ancêtres.  Mais  ils  ont  l'école, 
«  la  petite  école.  Celle-ci  doit  tout  faire  et  elle  peut  beaucoup.  Elle 


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«  peut  loucher,  ravir,  entraîner  ses  écoliers,  si  elle  sait  leur  montrer 
<(  la  grande  œuvre  du  passé,  d'où  est  sortie  la  France  moderne,  len- 
«  Icment,  doucement  poursuivie  et  façonnée  par  des  oïlvricrs  qui 
«  étaient  du  village,  dont  le  sang  coule  dans  leurs  veines,  dont  ils 
«  portent  les  noms,  qui  comme  eux  parlaient  patois,  qui  habitaient 
«  les  mêmes  maisons,  passaient  tous  les  jours  sur  les  mômes  che- 
«  mins,  travaillaient  les  mêmes  champs.  N'est-ce  pas  le  vrai  moyen 
«  de  donner  à  ces  enfants  le  sentiment  de  la  solidarité,  de  faire 
«  naître  en  eux  des  fiertés  qui  se  transformeraient  en  énergies,  d'at- 
«  tend  ri r  leurs  jeunes  cœurs  à  l'idée  du  devoir  social  qu'on  rendrait 
«  ainsi  présente,  saisissable  et  vivante.  L'efficacité  de  cette  méthode 
«  est  certaine.  Nous  Tavons^cssayée  plus  d'une  fois  avec  succès...  » 

• 

L'école  doit  encore  faire  aimer  le  métier.  Le  fait-elle  comme  elle 
le  devrait  ?  Non,  répond  M.  le  docteur  Labat.  Car  ce  n'est  pas  indis- 
tinctement à  tous  ceux  qui  lui  sont  envoyés  que  l'enseignement  agri- 
cole doit  être  donné,  mais  à  ceux  seulement  qui  ont  réellement  la 
v(. cation.  Car  là  encore,  il  y  a  souvent  opposition  entre  la  vocation 
et  le  choix  du  m'étier. 

«  Il  est  assez  ordinaire  qu'on  choisisse  le  métier  dont  on  a  la 
«  vocation,  mais  le  contraire  n'est  pas  rare.  »  Et  M.  Labat  de  citer 
l'exemple  de  neuf  enfants  qu'il  a  connus,  qui  sont  entrés  dans  trois 
ferme-écoles  différentes,  qui  en  ont  suivi  l'enseignement  avec  assi- 
duité, même  avec  succès.  «  Aucun  d'eux,  dit-il,  n'est  resté  à  la  terre. 
«  Actuellement  deux  sont  commis  dans  des  magasins  de  nouveau- 
«  tés,  un  est  comptable  dans  une  compagnie  d'assurances,  un  autre 
«  dans  une  usine  d'engrais;  l'armée  en  a  gardé  un  comme  sous- 
«  officier  et  conduit  un  autre  à  être  agent  de  police  ;  nous  en  savons 
«  un  qui  est  dans  les  contributions  indirectes,  un  autre  tonnelier,  le 
<^  dernier  est  marchand  de  meubles  à  Bordeaux.  » 

Aucun  n'avait  la  \'Ocation.  Malgré  leurs  études,  elle  n'est  pas 
\  enue  ;  et  elle  ne  pouvait  pas  venir,  car  ces  enfants  étaient  fils  d'ins- 
tituteurs, de  gendarmes,  de  boulangers,  de  petits  bourgeois,  de  do- 
nicsticjues  attachés  à  des  maisons  bourgeoises.  «  Tous  étaient  fils 
a  d'évadés  de  la  terre.  L'hérédité  leur  manquait  et  surtout  l'impré- 
«  gnation  spéciale  des  premières  années.  » 

Si  donc  la  vocation  est  absente,  l'enseignement  agricole  est  plu- 
tôt nuisible,  car  il  fait  naître  dans  l'esprit  des  élèves  des  rêves  inat- 


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tendus.  Leurs  succès  mêmes  les  grisent  et  aussi  leurs  parents.  Et  il 
est  prouvé  que  pas  un  des  lauréats  des  écoles  d'agriculture  ne  re- 
vient à  la  charrue 

Des  quelques  remèdes  à  la  crise  actuelle  que  propose  M.  le  doc- 
teur Labat  ,il  en  est  un  que  nous  croyons  devoir  plus  particulière- 
ment signaler.  C'est  renseignement  à  Técole  primaire  des  dictons, 
préceptes,  proverbes,  traditions,  légendes,  se  rattachant  plus  spé- 
cialement aux  travaux  des  champs,  et  où  «  à  côté  d'erreurs  et  de 
«  croyances  puériles,  se  trouvent  des  observations  dont  la  justesse 
«  étonne,  ([uand  on  a  soin  de  ne  pas  sortir  du  canton,  parfois  très 
«  circonscrit,  auquel  elles  s'appliquent.  » 

Mais  c'est  surtout  le  patois,  la  langue  «  mayrano  »,  qu'à  côté  du 
français,  il  importe  de  conserver.  Aussi  M.  le  docteur  Làbat  a-l-il 
mille  fois  raison  de  proclamer  que  «  iudicieu sèment  employé  dans 
«  renseignement  agricole,  il  est  une  des  (orces  éducatriccs  les  plus 
«  puissantes  dont  puisse  béné[icier  la  vocation  du  petit  paysan  ». 

«  Le  patois,  ajoute-t-il,  est  la  langue  agricole  de  la  Gascogne. 
«  C'est  de  lui  qu'on  se  sert  pour  commander  les  animaux,  les  flat- 
«  ter,  les  gourmander.  C'est  en  patois  qu'on  sème  et  qu'on  mois- 
ce  sonne,  (ju'on  salue  les  épis  lourds  qui  courbent  la  tête  comme  le 
((  col  d'une  oie,  et  qu'en  septembre  éclate  la  joie  triomphale  des 
«  vendanges.  C'est  en  patois  que  le  vin  nouveau  délie  les  langues 
«  pour  célébrer  la  vigne  et  conseiller  aux  jeunes  de  la  planter  de 
«  bon  plant. 

«  Comme  de  bonne  mère  il  faut  choisir  la  fille,  joies,  sentiments, 
«  images,  tous  les  mouvements  de  l'ilme,  liés  aux  travaux  agricoles, 
K  sont  fixés  dans  des  mots  patois.  Quand  il  s'agit  de  la  terre,  on 
«  pense  en  patois,  connne  le  montre  une  petite  expérience  que  nous 
a  avons  faite  bien  souvent  et  qu'il  est  facile  de  renouveler. 
'  «  On  expose  à  quelques  jeunes  paysans  une  question  de  science  ■ 
«  agricole.  On  s'applique  à  être  méthodique,  simple,  clair  ;  on  re- 
«  vient  plusieurs  fois  sur  les  points  difficiles.  On  s'assure  (|ue  tout 
«  est  bien  compris  par  les  auditeurs  aîlentifs.  Mais  ils  restent  silen- 
ce cieux  et  graves.  On  reprend  la  leçon  en  s'aidant  du  patois.  Les 
«  visages  s'éclairent  ;  les  remarques,  les  réflexions  arrivent,  même 
«  les  objections.  C'est  de  l'allégresse.  Le  patois  a  accompli  ce  mi- 
«  lacle  de  transfigurer  la  science  sous  leurs  yeux  ;  ils  la  sentent 
«  mainleaanl  faite  pour  eux  ;  ils  pourront  l'emporter  à  la  maison, 
«  la  garder  avec  leurs  habits  de  tous  les  jours,  en  parler  et  s'en 
«  î5<Mvir.  L'instrument  de  luxe  dont  on  se  méfiait  tout  à  l'heure,  est 
<(  devenu  un  outil  familier.  » 


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Cette  expérience,  ne  Tavons-nous  pas  vue  nous-même  se  renou- 
veler, Tan  passé,  chaque  fois  que  dans  les  séances  données  par  la 
Société  du  Laré  Gascoun  dans  les  principales  villes  du  Gers,  et  no- 
tamment à  Auch  et  à  Lectoure,  non  seulement  les  citations,  mais 
môme  les  réflexions  et  aussi  les  chansons  en  patois  de  M.  Tabbé 
Sarrau,  «  lou  Cascarot  de  FArmanac  de  la  Gascougno  »,  toujours 
si  populaire,  réveillaient  l'auditoire,  quelque  peu  somnolent  après 
les  aperçus  archéologiques,  historiques  et  philologiques  des  précé- 
dents conférenciers,  et,  sous  la  vivifiante  bouffée  de  l'idiome  natal, 
le  déridaient,  réchauffaient,  le  faisaient  rire  jusqu'aux  larmes  et 
provoquaient  son  enthousiasme  qu'il  manifestait  par  les  applaudis- 
sements les  plus  sonores  et  les  plus  mérités. 

Le  vrai  paysan  a  l'amour  de  la  terre  inné  dans  le  cœur.  La  terre 
est  sa  passion,  sa  maîtresse,  à  laquelle  il  reporte  tout.  «  La  vie  de 
«  la  terre,  écrit  encore  très  poétiquement  M.  le  docteur  Labat, 
«  comme  celle  de  la  mer  pour  le  marin,  a  toujours  exercé  sur  le 
«  payasan  un  charmfe  poétique  et  religieux.  Il  frémit  au  premier 
«  chant  du  coucou  qui  est  pour  lui  l'annonciateur  des  sèves  prin- 
<(  tannières,  et  il  sent  la  mélancolie  de  l'automne  dans  ces  journées, 
«  déjà  sombres,  où  l'on  jette  le  grain  à  la  hâte,  sous  un  ciel  bas,  que 
«  traversent  les  appels  étranges  des  grands  oiseaux  migrateurs.  » 

Il  croit  ;  et  devant  l'imposant  spectacle  de  la  natiirc,  son  émotion 
«  dépasse  la  poésie  et  devient  religieuse....  Il  sent  confusément  une 
^  «  puissance  souverainement  créatrice  et  maternelle,  dans  le  rythme 
«  annuel  de  son  inlassable  fécondité  ».  C'est  peut-être  «  un  vague 
«  panthéisme,  qui  subsiste  sous  la  couche  épaisse  du  Christianisme 
«  qui  l'a  absorbé  et  le  recouvre  ?  »  Quoiqu'il  en  soit,  il  a  le  senti- 
ment religieux  profondément  gravé  dans  son  âme  ;  et  il  l'a  bien 
prouvé  lorsque,  sous  la  Terreur,  se  passant  facilement  du  prêtre 
])our  les  cérémonies  religieuses  les  plus  indispensables,  s'accomo 
dant  même  fort  bien  du  curé  constitutionnel,  il  restait  troublé,  en 
Lomagnc,  à  l'endroit  de  sa  terre,  se  gardait  de  toute  impiété  envers 
elle,  et  supi)liait  le  vrai  prêtre,  quand  il  le  savait  caché  quelque  part, 
de  venir  nuitamment  iïénir  ses  champs  et  ses  bestiaux. 

«  Si  jamais,  ajoute  M.  Labat,  l'idée  chrétienne,  en  qui  se  sont 
«  réfugiées  et  transformées  toutes  les  formes  antérieures  et  durables 
<t  (lu  sentiment  religieux,,  venait  à  disparaître  ;  si  jamais  l'àme  pay- 
«  sanne,  entièrement  vidée  de  tout  son  passé,  n'était  plus  accessible 
«  qu'à  la  science,  la  terre  aurait  beaucoup  moins  de  prise  sur  elle. 
«  Il  y  aurait  peu  de  vrais  paysans.  » 


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Développons  donc,  en  l'âme  du  petit  paysan,  le  sentiment  reli- 
gieux. Mais  ce  n'est  pas  l'Ecole  laïque,  dîsons-le  encore  une  fois, 
qui  saurait  le  faire;  c'est  à  la  famille,  au  prêtre,  qu'il  faut  le  deman- 
der. 

Que  l'Ecole  se  contente  de  combattre  en  oUe  l'individualisme  me- 
naçant, et  qu'elle  s'applique  à  nous  la  conserver,  «  en  cultivant  soi- 
«  gneusement  les  vocations  naissantes  des  petits  apprentis  qu'on 
«  lui  confie....  Mais  elle  n'y  parviendra  que  si  le  maître  lui  apporte 
«  des  qualités  très  personnelles.  Ou  ne  peut  faire  aimer  la  terre 
«  qu'à  la  condition  de  l'aimer  profondément  soi-même.  11  ne  s'agit 
«  donc  plus  d'un  enseignement  où  il  suffit  d'être  clair,  méthodique, 
«  ingénieux  et  patient,  mais  d'une  culture  morale,  où  chaque  pa- 
«  rôle,  chaque  geste,  doivent  être  appuyés  par  le  rayonnement  de 
«  Tâme.  » 

Ce  rayonnement  de  l'âme,  l'instituteur  primaire  le  possède-t-il  ? 
Peut-il  le  posséder  ?  Son  foyer  est-îl  allumé,  et  entretenu  dans  les 
Ecoles  Normales  qui  l'ont  façonné  ?  Que  M.  le  docteur  Labat  y  pé- 
nètre, y  fasse  une  enquête,  et  qu'il  nous  dise,  en  sortant,  l'impres- 
sion qu'il  en  a  ressentie.  Non  :  ce  n'est  pas  là  encore  qu'est  la  source 
du  mal  ;  c'est  plus  haut;  plus  haut  quH  faut  aller  chercher  la  réfor- 
me; plus  haut  qu'il  faut  viser. 

Retenons  simplement,  en  terminant,  cette  seule  phrase,  conclu- 
sion de  ce  bel  article  : 

«  La  terre  qui  nous  nourrit,  est  la  principale  source  de  notre  ri- 
«  chesse  et  de  notre  puissance;  elle  est  au  premier  rang  des  influen- 
ce ces  qui  ont  déterminé  la  personnalité  morale  de  la  France  et  fa- 
'(  çonné  le  génie  national.  L'Ecole,  malgré  de  très  louables  efforts, 
«  ne  fait  pas  son  devoir  on\ers  elle;  nous  avons  essayé  de  montrer 
«  les  erreurs  qui  l'en  empêchent...  Sur  la  mince  tranche  de  vie  que 
«  nous  venons  d'étudier,  l'esprit  et  la  méthode  rationalistes  abouUs- 
«  sent  à  un  véritable  échec.  » 

La  voix  de  M.  le  docteur  Labat,  si  éloquente,  si  sincère,  si  débor- 
dante de  vrai  patriotisme,  sera-t-elle  jamais  entendue  ?  Dans  l'étal 
actuel  des  choses,  tout  empêche  qu'elle  le  soiU 

Pn.  Lauzijn. 


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CHRONIQUE  RÉGIONALE 


Dons  de  M.  G.  Tholin.  —  Nous  sommes  heureux  d'avoir  à  enre- 
gislrer  ici  trois  dons  importants  que  vient  de  faire  au  Musée  d'Agen 
cl  aux  Archivas  déparlementalos  de  Lot-et-Garonne  notre  ami 
M.  (icorges  Tholin,  ancien  archi\isle  départemental,  ancien  secré 
taire  perpétuel  de  la  Société  académique  d'Agen,  dont  Téloignement 
<U»  notre  ville  est  toujours  si  profondément  et  si  «miversellemcnt 
logretté. 

Au  premier  de  ces  établissements  il  a  fait  parvenir  :  d'abord  le 
dessin  original,  à  la  plume,  de  la  vue  cavalière  du  château  de  Ma- 
(laillan  au  xv"  siècle,  si  magistralement  exécuté  par  feu  Pierre  Be- 
nouville,  et  qui  a  servi  à  illustrer  Tune  des  pages  de  la  remarqua- 
ble étude  sur  ce  château  par  G.  Tholin  et  P.  Benouville  (Revue  de 
lAgenaiSy  XIll,  1886,  et  tirage  à  part,  Agen  1887,  in-8"  de  68  pages 
a\  ec  planches  et  plan)  ;  puis,  le  premier  essai  du  tirage  aux  trois 
encres  d'une  héliochromie  de  Ducos  du  Hauron  en  1883,  exécuté 
par  la  maison  Quinsac,  de  Toulouse,  représentant  une  odalisque 
à  moitié  nue,  les  bras  relevés,  d'après  un  tableau  de  G.  Moreau  de 
Tours  ;  document  inappréciable,  attestant  une  fois  de  plus  la  décou- 
\erle  de  Tinvenleur  de  THéliochromie. 

M.  G.  Tholin  n'a  pas  voulu  demeurer  en  reste  avec  les  Archives 
départementales,  son  ancien  domaine.  A  la  Bibliothèque  départe- 
menlale  il  a  envoyé  plusieurs  ouvrages  importants,  et  surtout  une 
caisse  renfermant  de  nombreuses  lettres  reçues  et  conservées  par 
lui,  touchant  à  des  sujets  d'histoire  et  d'archéologie.  Dans  le  nombre 
figurent  une  trentaine  de  lettres  de  Léopold  Delisle,  une  vingtaine 
de  Quicherat,  des  centaines  de  divers.  Le  donateur  s'est  réservé 
toutefois  le  droit  que  cette  caisse  ne  sera  ouverte  et  son  contenu 
communiqué  qu'après  son  décès. 

Au  nom  des  artistes  comme  des  érudits  de  la  région  nous  adres- 
sons à  M.  G.  Tholin,  pour  sa  généreuse  libéralité,  nos  plus  recon- 
naissants remerciements. 

Mosaïque  gallo-romaine,  trouvée  à  Auch.  —  Une  très  belle  mo- 
saïque gallo-romaine  vient  d'être  découverte  à  Auch,  dans  le  jardin 
potager  de  M.  Dumonl,  24,  rue  de  Pessan.  Le  quartier  Mathalin  où 
elle  se  trouve  est  situé  sur  la  rive  droite  du  Gers,  là  où  il  est  avéré 
que  s'élevait  la  ville  romaine.  Si  la  maison,  dont  elle  ornait  Tune 


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-  474  — 

(les  principales  salles,  Valrium  ou  le  iriclinium  de  préférence, 
irclail  pas  comprise  au  centre  de  la  cité,  que  l'on  croil  devoir  ôlre 
l'emplacement  de  THôpilal  actuel,  elle  n'en  était  éloignée  que  de 
500  mètres  à  peine,  on  peut  donc  la  considérer  comme  faisant  partie 
de  la  capitale  des  Auscii,  l'ancienne  Climberris  aquitaine,  et  la  re- 
garder comme  l'habitation  d'un  riche  patricien. 

L'ensemble  de  cette  mosaïque  est  des  plus  harmonieux  et  dénoie 
chez  son  auteur  un  réel  sentiment  artistique. 

Longuement  décrite  par  M.  Métivier,  architecte  à  Auch,  et  pu- 
bliée avec  planche  à  l'appui  par  le  Bulletin  archéologique  du  Gers 
(2*  trimestre  1912),  la  partie  seule  visible  de  cette  mosaïque  se 
divise  en  quatire  carrés  différents,  séparés  les  uns  des  autres  par 
une  bordure  ornée  d'entrelacs. 

Le  premier  carré,  à  droite,  comprend  un  dessin  octogonal  avec, 
à  rinlérieur,  des  feuilles  d'acanthe  symétriques,  réunies  au  centre 
sur  un  cercle  de  couleur  différente  de  celle  des  feuilles.  Le  deuxiè- 
me, ù  gauche,  renferme  un  losange,  orné  d'une  sorte  de  damier. 
Le  troisième,  plus  bas,  toujours  à  gauche,  se  compose  d'une  autre 
rosace  octogonale,  ornée  de  figures  géométriques  et  de  lignes  rou- 
ges en  zigzac.  Le  quatrième  enfin,  à  moitié  découvert  seulement,  est 
formé  d'une  série  de  rectangles  avec  divers  ornements  à  l'intérieur. 

Ces  carrés  ont  1™25  de  côté.  Les  cubes  employés,  de  petites  di- 
mensions, sont  peints  en  blanc,  noir,  jaune,  rouge,  bleu,  formant 
un  enchevêtrement  des  plus  artistiques  et  d'un  effet  charmant. 

Par  sa  technique,  son  coloris,  la  forme  de  son  ornementation, 
assez  semblable  à  celle  de  la  plupart  des  mosaïques  découvertes 
dans  le  département  du  Gers,  notamment  la  belle  mosaïque  du  dieu 
Océanus,  au  Musée  de  la  Société  archéologique  du  Gers,  et  encore 
celle  qui  se  trouve  à  Séviac,  près  de  Monréal,  la  mosaïque  d'Auch 
doit  remonter  au  m*  siècle. 

iNous  faisons  des  \œ\ix  pour  que  les  fouilles  soient  continuées, 
que  ce  beau  spécimen  soit  découvert  en  entier,  et  qu'il  vienne  orner 
la  grande  salle  du  Musée  archéologique  d'Auch,  en  nouvelle  voie  de 
formation. 

Histoire  de  rOrdre  de  Fontevrault  (1100-1908),  par  les  religieu 
ses  de  Sainte-Marie  de  Fontevrault  de  Boulaur  (Gers)  exilées  à 
Vera  de  Navarra  (Espagne).  1"  partie  :  Vie  de  Robert  d'Arbrissel 
(Auch,  imp.  Cocharaux,  1911,  in-8^  de  xxvni-407  pp.). 

L'ordre  de  Fontevrault  a  été  trop  vivace  dans  notre  région,  les 
monastères  de  Fongrave  en  Agenais,  du  Paravis,  de  Vaupillon, 
de  Boulaur,  etc.  en  Gascogne,  ont  été  trop  florissants  et  ont  laissé 
de  trop  bons  souvenirs,  pour  que  nous  ne' signalions  pas  ici  cette 


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—  475  — 

belle  [mblicalion,  ornée  Ho  nombreuses  planches,  touchant  témoi- 
gnage de  piété  et  d'admiration  élevé  au  fondateur  de  leur  ordre 
par  les  pieuses  (illes  que  la  loi  de  Séparation  a  forcées  de  se  réfu- 
gier en  Espagne.  Malheureusement,  cet  ouvrage  n  est  écrit  que  sur 
de  bien  faibles  données  historiques,  Tune  des  principales  sources 
où  ont  puisé  les  religieuses  se  trouvant  être  un  poème  en  douze 
cliants  composé  au  xvin*  siècle. 

Les  débuts  de  la  Réforme  protestante  à  Bordeaux  et  dans  le 
ressort  du  Parlement  de  Guienne,  par  H.  Patry,  archiviste  paléo- 
graphe aux  Archives  nationales,  à  Paris  {Revue  historique,  juillet- 
août  1912). 

En  trois  petits  chapitres,  M.  Patry  esquisse  sommairement  les 
origines  de  la  Réforme  dans  notre  pays.  Les  deux  premiers  sont 
relatifs  à  Bordeaux.  11  traite  d'abord  de  Thomas  Illyricus,  ce  moine 
franciscain,  originaire  de  l'Illyrie,  qui  prêchait  en  Guienne  entre 
les  années  1516  et  1522  et  tonnait  contre  les  mœurs  relâchées,  du 
clergé,  ses  prévarications,  les  abus  de  toutes  sortes.  Il  cite  entre 
autres  le  texte  d'une  jurade  de  Condom,  qui  résume  très  exactement 
les  sermons  de  ce  premier  réformateur  dans  cette  ville.  Puis  il  s'oc- 
fuipo  des  premiers  professeurs  du  Collège  de  Guienne  ;  il  les  passe 
presque  tous  en  revue,  fournit  sur  eux  d'intéressants  détails  bio- 
bibliographiques,  et  les  représente  comme  les  propagateurs  prin- 
cipaux des  idées  religieuses  nouvelles.  Le  troisième  enfin,  qui  nous 
intéresse  plus  particulièrement,  concerne  uniquement  les  débuts  de 
la  Réforme  à  Agen. 

Dans  ce  chapitre  de  onze  pages,  M.  Patry  utilise  exclusivement 
le  si  curieux  document  des  archives  de  rEvêché,dont  il  a  été  souvent 
parlé,  et  qui  est  l'enquête  faite  en  1538  par  l'inquisiteur  Louis  de 
Rocheto  sur  les  menées  hérétiques  dans  la  ville  d'Agen;  pièce  inap- 
piéciable  qui  permet  d'étudier  en  détail  «  le  mouvement  réformiste 
«  à  Agen  à  cette  époque,  de  connaître  les  idées  qui  pénétraient  peu 
«  à  peu  dans  la  population,  de  désigner  enfin  quels  étaient  les 
«  agents  de  propagande.  »  La  plupart  des  régents,  Philibert  Sar- 
razin,  Pierre  AUard,  Nicolas  Roillet,  NicoUe  Morel,  Jean  de  La- 
garde,  Max  Richard,  prieur  du  couvent  des  Augustins,  sont  souvent 
nommés  comme  enseignant  la  fausse  doctrine  aux  enfants  de  plu- 
sieurs familles  nobles  ou  aisées  de  la  ville,  telles  que  les  Godailho, 
les  Sevin,  les  de  Vaurs,  les  Durfort,  tous  commensaux  de  l'illustre 
savant  Jules-César  Scaliger,  qui  se  plaisait  à  les  réunir  autour  de 
sa  table  et  à  discuter  avec  eux  les  nouvelles  théories.  Dénoncés  à 
l'autorité  ecclésiastique,  ils  durent  subir  un  long  interrogatoire 
devant  un  tribunal  composé  de  Louis  de  Rocheto,  jacobin,  grand 


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—  476  - 

inquisiteur  de  la  foi,  assisté  de  Geoffroy  de  la  Chassaigne,  conseiller 
au  Parlement  de  Bordeaux,  de  frères  Jean  de  Planchia,  Pierre  de 
Toulouse,  Bernard  OUvié  et  autres  frères  dominicains.  Seul  fut 
condamné  à  mort  un  ancien  jacobin,  Jérôme  Vindocin,  qui,  le  4  fé- 
vrier 1539,  «  fust  brûlé  tout  vif  en  une  prairie  près  la  rivière,  nom- 
«  mée  le  Gravier,  hors  la  ville  ».  Scaliger,  un  moment  inquiété, 
fut  obligé  momentanément  «  de  prendre  le  large  ». 

C'est  le  contenu  de  cette  enquête  qu'analyse,  avec  force  détails, 
M.  Patry.  Nous  est-il  permis  de  regretter,  qu'utilisant  ainsi  la  copie 
que  lui  avait  prêtée  très  obligeamment  notre  confrère  et  ami, 
M.  0.  Fallières,  M.  Patry  ne  se  soit  pas  borné,  comme  nous  l'avons 
fait  nous-même  dans  notre  chapitre  sur  le  Couvent  des  Dominicains 
à  Agen,  à  l'analyser  simpleitient,  mais  ait  cru  devoir  reproduire  en 
note  le  texte  même  des  principales  pages,  empiétant  ainsi  sur  la 
publication  in-extenso  de  ce  curieux  document  que  s'était  réservée 
M.  Fallières,  qu'il  prépare  de  longue  date  et  que  nous  attendons 
toujours  impatiemment. 

Ph.  L. 


La  CommUtion  dVdminUtration  e(  do  gérance  :  0.  Fallières,  Ph.  Launin,  0.  Granat. 


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UN  POËTË  MÉRIDIONAL  AU  XVir  SIÈCLE 

THÉOPHILE  DE  VIAU 


Un  an  ne  s'est  pas  écoulé  que  mourait  à  Bordeaux,  dans  la  fleur 
ch  Tûge,  un  de  nos  jeunes  compatriotes,  Maurice  de  Bcllegarde,  que 
sa  rare  intelligence,  ses  études,  ses  titres,  ses  talents  avaient  mis 
au  premier  rang  des  travailleurs  de  la  région,  donnant  Tespoir 
qu'en  lui  allaient  renaître  les  brillantes  qualités  de  son  ancêtre, 
1  héophile  de  Viau. 

Car  Maurice  de  Bcllegarde  descendait,  non  pas  en  ligne  directe, 
mais  en  ligne  collatérale  de  Tilluslre  Théophile,  lequel  ne  fut 
jamais  marié.  Une  de  ses  sœurs,  en  effet,  Marie  de  Viau,  recueillit, 
par  suite  d'arrangements  avec  ses  frères,  dont  l'un,  Daniel,  était 
seigneur  de  Bellegarde  (l),  l'entière  hérédité  de  son  père,  Janus  de 
Viau,  avocat  au  Parlement  de  Bordeaux.  Elle  épousa  le  sieur  de 
Boget,  devint  propriétaire  de  la  terre  de  Boussères  entre  Aiguillon 
et  le  F^ort-Sainle- Marie  (2),  où  vécut  souvent  le  poète  et  qu'il  a  si 
souvent  chantée  (3),  et  elle  la  transmit,  avec  les  noms  de  Viau  et  de 
Bellegarde  qui  allaient  disparaître  et  qu'elle  conserva,  à  son  petit- 
fils  Pol  Boger.  C'est  ce  dernier,  Pol  Boger  de  Bellegarde  de  Viau, 
élevé  d'office,  en  1701,  dans  la  religion  catholique,  alors  que  toute 
sa  famille  de  religion  réformée  avait  dû  prendre,  à  la  révocation 
(le  l'édit  de  Nantes,  le  chemin  de  l'exil,  qui  est  l'auteur  de  la  bran- 
che de  ce  nom,  d'où  est  descendu,  en  ligne  directe,  Maurice  de  Bel- 
legarde. 


(1)  Le  fief  de  Bellegarde  se  trouvait,  croyons-nous,  dans  la  plaine  du  Lot, 
en  face  de  Clairac.  Le  domaine  de  Viau  existe  encore  dans  la  plaine  d'Ai- 
guillon. Il  fut  vendu,  au  xvni*  siècle,  par  la  famille  de  Bellegarde  el  appar- 
tient aujourd'hui  à  Madame  Albert  de  Bazignan  née  Nebout.  (Note  fournie 
par  M.  Paul  de  Bellegarde.) 

(2)  Roget  est  le  véritable  nom  de  la  vieille  propriété  de  la  famille  de  Bel- 
legarde. Boussères,  qui  l'a  remplacé,  désignait  le  petit  groupe  de  maisons 
avoisinanl  l'église,  et  qui  du  reste  y  sont  presque  attenantes.  Le  véritable 
nom  de  la  maison  patrimoniale  devrait  donc  être  Roget  de  Boussères.  {Idem  ) 

(3)  Nous  avons  cherché  c^  prouver,  avec  Jules  Andrieu,  que  Théophile  de 
Viau  n'était  pas  né  à  Clairac,  mais  bien  h  Boussères  do  Mazèrcs,  dans  l'arti- 
cle que  nous  lui  avons  consacré  (Hecue  de  VAgencis,  t.  XXIX,  1902),  et  où 
nous  avons  déjà  présenté  son  portrait. 


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—  478  — 

Né  le  10  décembre  1877,  à  Caliors,  où  son  père,  magistrat  distin- 
gué, venait  de  débuter  comme  substitut  près  du  tribunal  civil  de 
cette,  ville,  mais  où  il  ne  resta  que  deux  ans,  nommé  bientôt  après, 
en  janvier  1879,  procureur  de  la  République  à  Nérac,  Maurice  de 
Bellegarde  fit  ses  premières  éludes  dans  cette  dernière  ville,  inter- 
rompues par  une  maladie  d'une  extrême  gravité  qu'il  contracta  sur 
les  bancs  de  l'école,  et  dont,  malgré  les  soins  les  plus  empressés,  il 
ne  se  releva  jamais.  D'une  complexion  frêle  et  délicate,  il  acheva 
ce{>cndant  ses  éludes  classiques  au  collège  Sainl-Elme,  à  Arcachon, 
slalion  où  son  père  s'était  retiré,  ayant  donné,  après  les  décrets, 
sa  démission  de  magistral.  Il  subit,  avec  succès,  les  exa- 
mens du  baccalauréat  ès-lellres  en  juillet  1897  et  il  se  fit  inscrire 
aussitôt  à  la  faculté  de  droit  de  Bordeaux,  qui  lui  octroya,  trois  ans 
plus  tard,  le  diplôme  de  licencié. 

Mais  le  droit  ne  convenait  pas  à  celle  nature  essentiellement  lilté- 
riiire  et  artistique  Au  contact  des  savants  de  Bordeaux,  Maurice  se 
passionna  pour  les  recherches  historiques  et  archéologiques,  et, 
simultanément  a\ec  ses  études  de  droit,  il  se  prépara  à  subir  le 
concours  de  l'Ecole  des  Charles.  Il  y  fut  reçu  dès  la  première  fois, 
en  1900,  et,  pendant  un  an,  il  en  suivit  les  cours  avec  assiduité. 

Le  climat  de  Paris  vint  seul  j)orter  obstacle  à  la  continuation  de 
ses  nouvelles  études.  Gravement  atteint  dès  sa  seconde  année,  il 
dut  aller  demander  l'amélioration  de  sa  santé  au  doux  soleil  de  la 
Côte  d'Azur.  Il  prit  un  congé  d'un  an;  mais  il  ne  fut  plus  en  état  de 
rentrer  à  l'Ecole  des  Chartes.  Il  résolut  alors,  momentanément  ré- 
tabli, de  se  fixer  à  Bordeaux,  ville  qui  lui  offrait  suffisamment  de 
ressources  intellectuelles,  où  il  s'ét^iit  créé  des  relations  agréables, 
et  dont  la  proximité  lui  permettait  d'aller  voir  souvent  sa  famille  ù 
Boussères,  où  elle  s'était  définitivement  retirée. 

Pendant  dix  ans,  Maurice  de  Bellegarde  se  livra  à  de  nombreux 
travaux  de  littérature  et  d'art.  Excellent  musicien  comme  son  père, 
ardent  admirateur  de  Wagner,  il  ne  dédaignait  pas  de  cgmmuni- 
quer  ses  impressions  aux  feuilles  Bordelaises,  qui,  toutes,  recher- 
chaient sa  précieuse  collaboration. 

L'œuvre  surtout  de  son  aïeul  Théophile  hantait  obstinément  son 
cer\eau.  Il  se  plaisait  à  disséquer  chacune  de  ses  pièces,  et  il  au- 
rait certainement  laissé  de  leur  ensemble  un  important  ouvrage  de 
critique,  si  sa  santé,  de  plus  en  plus  chancelante,  ne  lui  avait  inter- 
dit tout  travail  de  longue  haleine.  Son  plus  ardent  désir,  dans  ces 
derniers  temps,  n'était-il  pas  d'organiser  dans  sa  province  un  Go 
mité  en  vue  d'ériger  un  buste  à  Théophile,  soit  à  Glairac,  qu'il  croyait 
être  sa  ville  natale,  soit  dans  un  centre  plus  rapproché  comme  Ai- 
guillon ou  le  Port-Sainte-Marie,  voire  même  à  Boussères,  sous  ces 


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beaux  ombrages,  où  le  poète,  persécuté  ou  malade,    aimait  tant   à 
venir  chercher  asile  et  repos  ? 

La  mort  Ta  pris,  le  15  mars  1912,  renversant  tous  ces  beaux  pro- 
jets, anéantissant  toutes  les  espérances  qu'avaient  fondées  sur  lui 
sa  famille  et  ses  nombreux  amis 

C'est  en  1898,  alors  qu'il  n'était  encore  qu'étudiant  en  droit,  que 
Maurice  de  Bellegardfe  écrivit  l'étude  que  l'on  va  lire  (1). 

Au  point  ie  vue  biographique,  elle  n'apprend  rien  que  l'on  ne 
sache,  tout  ayant  été  déjà  dit  sur  Théophile,  et  chaque  jour  de  nou- 
velles pages  venant  s'ajouter  à  celles  déjà  écrites  depuis  le  temps 
même  où  il  vivait.  Le  jeune  auteur,  du  reste,  le  reconnaît  très  mo- 
destement lui-même  : 

«  Après  ces  magistrales  études,  il  resl-e  assez  peu  de  choses  à  dire 
«  sur  le  rival  de  Malherbe;  et  nous  ne  prétendons  pas  faire  ici  une 
«  œuvre  nouvelle  considérable,  descendant  aux  détails,  discutant 
«  toutes  les  questions  controversées...  Néanmoins,  nous  estimons 
«  que  le  public,  initié  aux  ouvrages  ou  travaux  auxquels  nous  fai- 
«  sons  allusion  est  demeuré  assez  restreint  ;  leurs  conclusions  ne 
«  sont  encore  malheureusement  connues  que  du  petit  nombre. 
((  Aussi,  avons-nous  cru  pouvoir  et  même  devoir  suggérer  le  désir, 
u  donner  l'idée  générale  d'une  plus  exacte  connaissance  de  Théo- 
«  phile  aux  personnes  qui  ne  le  voient  encore  que  par  les  yeux  de 
«  Boileau,  et  à  travers  deux  siècles  d'oubli  et  de  ridicule...  » 

Ce  n'est  donc  pas  un  simple  essai  de  vulgarisation  que  tente 
Maurice  de  Bellegarde,  c'est  aussi  la  réhabilitation  de  son  ancêtre. 
Bien  plus,  c'est  une  critique  des  plus  serrées  et  des  plus  impartiales 
de  son  œuvre  poétique,  appuyée  sur  de  multiples  citations  permet- 
tant à  tous  cçux  qui  n'auraient  pas  ses  volumes  en  mains  de  la  juger 
en  pleine  connaissance  de  cause  et  de  l'apprécier  comme  elle  le 
mérite. 

Pour  ces  motifs,  nous  croyons  juste  et  utile  de  la  publier  aujour- 
d'hui, l'accompagnant  d'un  nouveau  portrait  du  grand  poète,  et 
nous  estimant  heureux  si  nous  pouvons  ainsi  répondre  au  désir  bien 
légitime  d'un  père  désolé,  (jui  est  toujours  resté  l'un  de  nos  meil- 
leurs amis. 

Pu.  L.vrzi  \. 


(1)  Elle  a  déjà  vu  le  jour,  en  plusieurs  fragmenls,  dans  la  Heine  de.  Bor- 
deaux et  du  Sud'Ouest,  année  1898,  périodique  aujourd'hui  disparu  et  dont 
les  livraisons  sont  devenues  fort  rares. 


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UN  POÈTE  MÉRIDIONAL  AU  XVir  SIECLE 

THÉOPHILE  DE  VIAU 


I 

("est  une  des  figures  les  plus  curieuses  de  notre  littérature 
que  nous  voudrions  contribuer  à  mettre  ici  sous  son  vrai  jour, 
à  placer  à  son  rang  véritable.  Certainement,  le  poète  Théo- 
phile de  Viau,  que  nous  désignons  ainsi,  a  été  depuis  un  demi- 
siècle  environ,  Tobjet  de  travaux  remarquables,  définitifs  en 
nombre  de  parties  ;  tous  ceux  qui  veulent  parler  de  lui,  sont 
dans  l'obligation,  sinon  de  reproduire  entièrement  ces  derniè- 
res, du  moins  de  s'en  inspirer  le  plus  possible  et  de  leur  faire 
de  larges  emprunta.  Après  ces  magistrales  études,  assez  peu 
de  choses  restent  en  définitive  à  dire  sur  le  rival  de  Malherbe, 
et  encore  vont-elles  être  probablement  bientôt  connues  du  pu- 
blic curieux  de  les  apprendre  (1).  Aussi  ne  prétendons-nous 
pas  faire  ici  une  œuvre  nouvelle,  considérable,  descendant  aux 
détails,  discutant  toutes  les  questions  controversées.  Notre 
défaut  d'autorité,  de  compétence,  le  cadre  qui  nous  est  tracé, 
se  réunissent  pour  nous  enlever  toute  espèce  de  prétentions  de 
ce  genre.  Mais  le  public  initié  aux  ouvrages  ou  travaux  aux- 


(1)  Voici  la  liste  des  principaux  ouvrages  écrits  sur  Théophile  depuis  le 
XMiï*  siècle  :  Recherches  sur  le  pays  de  Théophile  de  Viau\  suivies  d'un  Pré- 
cis historique  des  villes  de.  Clairac,  du  Port-Sainte-Maric  et  d'Aiguillon  en 
Agenois  1788.  Ouvrage  rare.  —  Philarète  Chasles  :  Etude  publiée  dans  la 
livraison  du  7  août  1839  de  la  Revue  des  Deux-Mondes.  —  Th.  Gautier  :  Lr? 
Grotesques  f étude  .sur  Théophile)  —  Notice  sur  Théophile,  par  M.  Alleaumc, 
en  léte  de  l'édition  des  œuvres  complètes  parues  chez  Jannet  en  1855.  — 
l'Aude  biographique  sur  le  poète  Théophile  de  Viau,  par  M.  Serret.  Celle 
notice  fait  partie  de  la  Biographie  universelle.  —  Etude  bi-bibliographique 
sur  Théophile  de  Viau,  par  M.  Jules  Andrieu,  1887.  Picard,  Paris.  Contient 
une  pièce  inédite  et  un  tableau  généalogique.  —  Leçons  consacrées  à  Théo- 
phile de  Viau  dans  le  cours  professa  à  la  Sorbonne  par  M.  Emile  Faguct 
sur  la  Poésie  franraise  de  1600  à  1620  (Revue  des  Cours  et  Conférences,  an- 
née 181)i-95.  Lecènc  et  Oudin).  -  Enfin,  l'ouvrage  le  plus  récent  est  une  no- 
tice publiée  en  Allemagne  par  M"*  Kathe  Schirmacher  (Sonderarbruck  aus 
dem  Archiv.  fur  das  Studium  der  neueren  Spraclien  und  Litteraturen,  — 
Band  XVT,  Band  XVII;  Georges  Westermann,  Brunswick.  —  M.  Aug.  Bes- 


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-  481  — 

quels  nous  faisions  allusion  est  demeuré  assez  restreint;  leurs 
conclusions  ne  sont  encore  malheureusement  connues  que  du 
petit  nombre.  Nous  avons  donc  cru  pouvoir  et  même  devoir 
suggérer  le  désir,  donner  Tidée  générale  d'une  plus  exacte 
connaissance  de  Théophile  aux  personnes  qui  ne  Iç  voient  en- 
core que  par  les  yeux  de  Boileau,  et  à  travers  deux  siècles 
d'oubli  et  de  ridicule.  Depuis  le  mouvement  romantique,  on  a 
généralement,  jusqu'ici,  fait  bon  accueil  aux  réhabilitations' 
littéraires;  op  a  ainsi  enrichi  notre  patriotisme  artistique  d'au- 
tant d'œuvres  dignes  d'attention,  qui  en  étaient  jadis  exclues. 
Dans  le  Midi,  en  outre,  et  plus  qu'ailleurs  certainement,  s'af- 
firme, réagit  contre  une  centralisation  dévastatrice  un  autre 
mouvement  d'ordre  plus  général  encore  que  le  romantisme 
nous  voulons  parler  du  régionalisme.  Se  levant  à  la  fois,  nos 
provinces  d'oc,  d'un  commun  accord,  se  tournent  enfin  avec 
orgueil  vers  un  passé  plein  de  vie  et  de  grandeur;  elles  en  re- 
vivent, en  ressuscitent  toutes  les  gloires,  et,  demandant  à  la 
mère-patrie  de  leur  rendre  un  peu  de  leur  liberté  primitive, 
elles  lui  en  montrent  les  éclatants  résultats  comme  autant  de 
titres  qui  s'imposent.  Mais,  et  nous  espérons  bien  le  faire  au 
moins  entrevoir,  notre  Théophile  est  lui  aussi,  lui  surtout,  un 
insigne  méconnu,  un  méconnu  qui  fut  très  bien  douê^  et  qui 
était  un  vrai  fils  dii  Midi  !  N'est-ce  pas  un  double  motif  d'espé- 
rer pour  celui  qui  entreprend  aujourd'hui  d'en  entretenir  les 


sou,  professeur  agrégé  à  l'école  Colbcrt,  devait,  croyons-nous,  soutenir  en 
Sorbonne  et  faire  paraître  bientôt  une  thèse  sur  Théophile;  elle  contiendrait 
les  derniers  résultats,  de  la  critique  et  ne  saurait  manquer  d'être  intéressante 
à  tous  points  do  vue.  Mentionnons  aussi  le  spirituel  chapitre  de  M.  Gaston 
Bastit,   dans   son   récent   volume    La   Gascogne   liltéraire  (Bordeaux,    Ferel, 


A  celte  note  do  l'auteur  nous  croyons  devoir  ajouter  comme  ouvrages 
ayant  paru  depuis  1898  :  litude  historique  et  littéraire  sur  Théophile  et  Paul 
de  Viau,  par  Ch.  (iarrisson.  (Toulouse,  Privât  1809.  în-8'  de  237  pp.)  Et  sur- 
tout, par  Frédéric  Lachèvre  :  Le  Procès  du  poète  Théophile  de  Viau.  Paris, 
Champion  1911.  2  vol.  in-8';  —  Disciples  et  successeurs  de  Th.  de  Viau  (Des 
Barreaux,  Saint-Savin).  Id.  1911.  —  Une  2*  édition  des  œuvres  de  Th.  de  Viau, 
publiées  en  1€^3  par  Esprit  Aubert,  suivies  de  pièces  inédites.  Paris,  Cham- 
pion 1911;  1  vol.  in-8'  —  Enfin  La  Querelle  des  anciens  et  des  modernes, 
Claude  Garnier  contre  Th.  de  Viau,  etc.  Paris,  Leclerc.  (Extrait  du  Bulletin 
du  Bibliophile.) 


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—  482  — 

lecteurs  de  celte  Revue,  auxquels  il  ne  demande  qu*indulgence 
pour  son  compte  personnel  et  justice  pour  son  poète  ! 

Théophile  de  Viau  (souvent  désigné  sous  le  nom  de  Théo- 
phile Viau,  ou  Viaud,  ou  plus  fréquemment  peut-être  sous  son 
simple  prénom  de  Théophile),  naquit  en  1590,  à  Clairac  en 
Agenois.  Ce  n'est  pas  que  le  lieu  de  sa  naissance  n*ait  été,  de- 
puis un  siècle,  Tobjet  de  discussions  plus  ou  moins  documen- 
tées. On  a  fait  naître  Théophile  ou  bien  à  Boussères  Sainle- 
Radegonde  (près  de  Clairac),  avec  lequel  il  n'a  absolument 
aucun  rapport;  ou  bien  à  Clairac,  ou  enfin  à  Boussères  de  Ma- 
zères  qui  est  le  domaine  familial  dont  il  parle  dans  plusieurs 
de  ses  poésies.  Nous  croyons  avoir  de  fort  bonnes  raisons  à 
Tappui  de  l'opinion,  que  nous  avançons  et  qui  est  d'ailleurs 
celle  de  l'auteur  anonyme  des  Recherches  sur  le  pays  de  Théo- 
phile de  Viau,  Son  père,  Janus  de  Viau,  calviniste,  était  fils 
lui-môme  d'un  secrétaire  membre  du  conseil  privé  de  la  célè- 
bre Marguerite  de  Navarre.  Le  poète  appartenait  donc  à  cette 
noblesse  méridionale  d'alors,  instruite  et  batailleuse  tout  à  la 
fois,  presque  entièrement  prolestante,    qui  aida    Henri  IV  ù 
conquérir  son  royaume  et  s'inscrivit  dans  nos  fastes  littéraires 
avec  les  noms  de  d'Aubigné,  de  du  Bartas,  de  Montaigne.  Ja- 
nus de  Viau  avait  été  avocat  au  Parlement  de  Bordeaux  (1); 
retiré  dans  son  domaine  à  cause  des  guerres  de  religon,  il  y 
donna  à  son  fils  les  premiers  éléments  de  cette  forte  culture  des 
hommes  de  la  Renaissance,  puis  il  l'envoya  continuer  ses  étu- 
des chez  les  régpnls  écossais  de  Saumur.  Théophile  vint  à 
Paris  en  1610.  Protégé  et  pensionné  par  le  duc  de  Montmo- 
rency, il  fit  avec  Balzac,  le  célèbre  épistolier,  un  voyage  en 
Hollande  au  cours  duquel  il  se  brouilla  avec  son  peu  sympa- 
thique compagnon.  Puis  il  revint  à  Paris. 

Cependant,  depuis  sa  sortie  «  des  escholes  »  —  Théophile 
nous  l'apprend  lui-même  en  termes  pittoresques  et  souvent 
cités  —  il  avait  mené  joyeuse  mais  peu  édifiante  vie  ;  il  s'était 


(1)  Un  petit-neveu  de  Théophile  fut  aussi  avocat  au  Parlement  de  Bor- 
deaux, et  un  des  fils  de  celui-là  fut  capiloul  de  Toulouse.  Un  frère  de  Théo- 
phile était  capitaine  dans  les  compagnies  protestantes. 


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—  483  — 

aussi  attiré  une  réputation  considérable,  par  son  talent,  son 
esprit  ;  il  passait  enfin  pour  le  plus  illustre  représentant  de 
l'athéisme  épicurien,  qu'avait  professé  l'italien  Lucilio  Vanini. 
En  fait,  il  se  conduisait  et  pensait  comme  beaucoup  de  jeunes 
poètes  et  nobles  d'alors,  sans  y  mettre  plus  d'ostentation  ni 
plus  d'hypocrisie.  Aussi,  la  malencontreuse  renommée  qui  lui 
valut  d'être  choisi  comme  le  bouc  émissaire,  la  victime  expia- 
toire, les  persécutions  qui  en  résultèrent,  tout  cela  est  demeuré 
pour  nous  une  quasi-énigme  qu'il  serait  intéressant  d'éclair- 
cir  (1).  Quoi  qu'il  en  fut,  Théophile  reçut  en  1619  l'ordre  de 
quitter  le  royaume,  à  cause  de  ce  la  licence  de  ses  mœurs  et  de 
ses  écrits.  »  Il  s'enfuit  à  Boussères  de  Mazères,  à  Montpellier, 
dans  les  Pyrénées,  à  Boussères  de  nouveau,  enfin  en  Angle- 
terre où  Buckingham  le  protégea  et  où  Jacques  P'  refusa  de 
le  voir.  Mais  vient  l'année  1621;  grâce  à  Montmorency,-  Théo- 
phile peut  rentrer  en  France.  Il  se  convertit  alors  au  catholi- 
cisme avec  plus  ou  moins  de  désintéressement  et  de  conviction. 
Comment  pourrions-nous  le  lui  reprocher  sérieusement?  On 
va  voir  que  pour  lui,  de  telles  précautions,  si  elles  ne  furent 
pas  efficaces,  étaient  loin  d'être  inutiles. 

Il  rentre  alors  en  faveur  auprès  du  roi,  qui  le  pensionne. 
Pour  celui-ci,  et  pour  de  Luynes,  il  écrit  des  vers  officiels,  des 
ballets;  il  les  accompagne  tous  deux  dans  la  campagne  de  1621 
contre  les  prolestants,  campagne  au  cours  de  laquelle  meurt 
de  Luynes.  En  1622  nouvel  exode  de  Théophile  à  la  suite  du 
roi  parti  derechef  contre  les  protestants.  C'est  ensuite  le  «  plein 
repos  »  de  la  vie  du  poète,  le  plus  haut  moment  de  son  crédit, 
de  sa  réputation.  Alors,  il  se  lie  étroitement  avec  Mairet,  un 
de  ses  disciples  les  plus  connus  :  il  trône  parmi  ce  cercle  des 
((  libertins  »  qui  comprend  Desbarreaux,  Saint-Pavin,  Boissat, 
Vallot.  Sa  tragédie  de  Pyrame  et  Thisbé,  jouée  devant  la  cour, 
a  remporté  un  succès  éclatant. 


(1)  Théophile  ayant  été  mis  en  vue  par  ses  succès  de  poète  et  d'homme 
d'esprit,  on  dut  d'autant  moins  hésiter  à  le  choisir  comme  cihle  des  traits  de 
la  «  pieuse  ?  »  cabale,  qu'il  était  par  lui-même  moins  puissant  et  moins  ri- 
che, n  était  en  outre  loin  de  sa  famille,  ce  qui  empêchait  celle-ci  de  le  secou- 
rir efficacement  et  permellail  à  ses  ennemis  de  lui  contester  sa  naissance  de 
parents  nobles  (Garasse  l'affirmait  fils  d'un  aubergiste  de  Clairac!) 


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—  484  — 

f 

Ce  bonheur  fut  brusquement  interrompu  à  la  suite  de  la 
publication,  par  les  libraires  Bilaine,  Ouesnel  et  Sommaville, 
d'un  recueil  licencieux,  le  Parnasse  satyrique,  dont  la  pre- 
mière édition  est  de  1622  et  dont  la  seconde,  où  le  nom  de 
Théophile  se  trouve  à  côté  de  plusieurs  poésies,  parut  en  1623. 
Ces  poésies  sont-elles  vraiment  de  Théophile?  A  la  vérité,  il 
est  aussi  impossible  de  l'affirmer  que  de  le  nier.  Tant  d'écri- 
vains, parmi  lesquels  on  compte  même  des  magistrats  très 
sérieux,  se  permettaient  alors  ces  «  gayetés  »  que  le  fait  n'au- 
rait rien  de  surprenant.  Il  est  en  tout  cas  absolument  certain 
que  ces  vers  ne  figurèrent  dans  le  recueil  que  sans  l'aveu  de 
leur  auteur  et  dans  le  seul  but  d'allécher  le  public. 

Le  poète,  comprenant  les  funestes  conséquences  qu'entraî- 
nerait pour  lui  l'indélicatesse  des  libraires,  leur  intenta  ausssi- 
lôt  un  procès  et  fit  saisir  les  exemplaires  où  se  trouvait  son 
nom.  Ce  fut  en  vain;  une  action  criminelle  était  bientôt  dirigée 
contre  lui-même.  Se^s  ennemis,  animés  d'une  haine  tenace, 
furieuse  à  tel  point  qu'elle  paraît  étrange  à  notre  époque,  ob- 
tinrent une  sentence  (1)  qui  condamnait  Théophile  de  Viau  à 
être  bnilé  vif  en  place  de  Grève.  Mais  celui-ci,  prévoyant  l'is- 
sue du  procès,  s'était  enfui  presqu'à  son  début,  et  l'arrêt  fut 
seulement  exécuté  en  effigie. 

<(  I^  18  août,  dit  M.  Alleaume,  on  achevait  d'imprimer  un 
gros  volume  in-4  lancé  contre  Théophile  :  la  Doctrine  curieuse 
des  beaux  esprits  de  ce  temps.  Cet  ouvrage  était  du  père  Fran- 
çois Garassus  (2)  ancien  régent  de  Balzac.  Ainsi  la  main  qui 
avait  préparé  l'arrêt  s'inscrivait  elle-même  sur  le  titre  du  livre  : 
cette  main  était  celle  des  jésuites  ».  Ce  furent  eux  qui  menèrent 
la  campagne  contre  Théophile,  par  l'intermédiaire  des  pères 
Voisin,  Guérin,  Renaud  et  Garasse,  l'auteur  du  livre  précité. 
Ce  laclwn  est  un  curieux  amas  d'injures  baroques,  de  basses 
plaisanteries,  d'indigeste  érudition,  mêlées  à  d'âpres  et  dan- 
gereuses menaces.  Le  tout  est  à  l'adresse  des  plus   fameux 


(1)  Rendue  en  une  matinée  par  dix  juges  des  enquêtes.  Le  reste  du  Parlc- 
rpenl  était  absent  de  Paris,  à  cause  de  la  peste  qui  y  régnait. 

(2)  Ou  plutôt  Garasse. 


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<(  libertins  »  (Mahomet,  Luther,  Vanini)  et  particulièrement  de 
Théophile.  L'acharnement  des  religieux  ne  fera  d'ailleurs  que 
s'accroître  au  cours  du  second  procès,  quand  Théophile  aura 
dévoilé  certaine  turpitudes  du  père  Voisin. 

Notre  Gascon  errait  cependant  dans  le  nord  de  la  France, 
gardant  toujours  quelque  espoir  du  ccMé  du  roi  (qu'il  savait 
ne  pas  lui  être  foncièrement  hostile),  ne  se  décidant  pas  à 
franchir  la  frontière.  Il  finit  ainsi  par  être  arrêté  au  Caslelet, 
en  Picardie,  ramené  à  Paris  brutalement  et  avec  ignominie;  on 
le  jeta  dans  le  cachot  de  Ravaillac,  où  il  devait  souffrir  durant 
près  d'une  année.  Le  procès  s'ouvrit  de  nouveau;  il  était  ins- 
truit par  Mathieu  Mole,  alors  procureur  général  du  Parlement; 
le  duc  de  Montmorency  lui  écrivit  en  faveur  de  Théophile. 
Buckingham  lui-même  intercéda  officieusement  auprès  du 
roi,  par  ambassadeur.  On  le  voit,  le  procès,  ou  plutôt  la  lutl^, 
que  Théophile  eut  à  soutenir  contre  les  jésuites  ne  fut  pas  seu- 
lement l'événement  dominant  de  la  vie  du  poète;  il  fut  encore 
un  des  plus  célèbres  de  l'époque.  L'accusé  avait  des  amis  nom- 
breux et  dévoués,  des  ennemis  (1)  non  moins  puissants  et  déci- 
dés à  tout  pour  le  perdre.  Tous  s'agitaient,  intriguaient,  écri- 
vaient, et  passionnaient  diversement  le  public  instruit. 

Enfin,  après  les  longs  et  délicats  débats  d'une  procédure  qui 
fut  loin  de  tourner  à  l'avantage  des  détracteurs  de  Théophile 
de  Viau,  après  une  hitte  pied  à  pied  entre  ce  dernier  et  ses  ad- 
versaires qui  mirent  tout  en  œuvre  pour  assouvir  leur  ven- 
geance, malgré  les  calomnies  répandues,  les  témoignages  sou- 
doyés, les  interprétations  criminelles  données  aux  moindres 
actes,  aux  moindres  écrits  du  poète,  un  an-êt  du  1"  septembre 
1025  condamna  ce  dernier  au  simple  bannissement.  A  cette 
époque,  les  arrêts  de  bannissement  étaient  loin  d'être  tous  ri- 
goureusement exécutés;  les  ennemis  de  Théophile  furent  donc 
pas  mal  déçus.  Aussi  les  voit-on  continuer  comme  par  le  passé, 
L  espionner,  menacer  leur  victime,  à  persécuter  sourdement 


(1)  Parmi  lesquels  Balzac,  bien  qu'ancien  ami  de  Théophile  el  brouillé  au 
début  du  moins  avec  Garasse,  s'était  rangé  sans  vergogne.  H  s'attira  une 
vigoureuse  réplique  de  Théophile,  qui  le  réduisit  au  silence. 


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le  protégé  de  Montmorency  par  mille  petites  vexations,  tandis 
qu'il  suit  son  Mécène  au  siège  de  .la  Rochelle  et  que,  revenu  à 
Paris,  il  paraît  de  nouveau  à  la  cour  où  on  le  voit  même  se  ris- 
quer au  lever  du  roi. 

Le  poète  passa  l'été  de  1626  au  château  de  Selles,  en  Berry, 
chez  le  frère  de  Sully,  et  à  Chantilly,  chez  Montmorency.  Il 
avait  d'ailleurs  déjà  joui  des  agréments  de  cette  dernière  rési- 
dence, et  il  les  avait  chantés  dans  une  suite  de  pièces  intitulée 
la  Maison  de  Sylvie  (1). 

Ces  beaux  jours  durent  certainement  être  bien  doux  à  celui 
qui  sortait  à  peine  d'une  dure  captivité  et  de  rudes  épreuves; 
ils  furent  malheureusement  trop  courts  :  le  25  septembre  1620 
Théophile  de  Viau  mourait  à  Paris,  dans  l'hôtel  de  Montmo- 
rency «  probablement  d'une  méningite  »  dit  M.  Emile  Faguet, 
qui  ajoute  :  «  Théophile  était  d'un  tempérament  ardent  et  déli- 
cat; il  avait  beaucoup  souffert;  ses  nerfs  surtout,  s'étaient  trou- 
vés extrêmement  secoués  et  malmenés;  il  mourut  très  jeune,  et 
ce  fut  certainement  une  des  plus  grandes  pertes  que  la  littéra- 
ture française  ait  jamais  faites.  On  veiTa,  en  effet,  qu'il  n'y  a 
pas  eu  d'imagination  plus  vive,  plus  fraîche  ef  plus  brillante, 
que  cet  homme  n'eut  pas  manqué  d'êlre  le  grand  poète  roman- 
tique du  xvif  siècle  et  le  digne  pendant  de  Malherbe  ». 

Ces  lignes,  d'une  remarquable  justesse  de  pensée  et  d'ex- 
pression, nous  amènent  à  rechercher  brièvement  ce  que  fut 
l'homme  dans  Théophile  de  Viau,  puis  à  examiner  plus  lon- 
guement l'auteur,  soit  comme  poète,  soit  comme  prosateur. 

Nous  voudrions  auparavant  nous  excuser  d'avoir  insisté  à 
ce  point  sur  une  simple  biographie.  Mais  Théophile  est  un  de 
ces  poètes  dont  la  vie  explique  au  plus  haut  point  les  œuvres 
et  on  verra  que  ces  dernières  portent  l'empreinte  profonde  des 
vicissitudes  de  l'existence  de  leur  auteur.  C'est  le  récit  som- 
maire de  cette  existence  que  nous  avons  cru  nécessaire  de 
donner  comme  préface  à  notre  modesle  travail. 


(l)  Sylvie  représente  la  duchesse  de  Montmorency.   On  voit  encore,  pa- 
rait-il, à  Chantilly,  les  «  Bosquets  de  Sylvie  ». 


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-487  - 


II 


Théophile  de  Vian  est  bien  un  vrai  Méridional  :  son  humeur 
changeante,  ses  idées  variables,  s'expriment  volontiers  par 
boutades  sincères,  mais  qu'il  faut  se  garder  de  prendre  comme 
des  indications  sérieuses  sous  peine  d'arriver  à  des  contradic- 
tions insolubles.  Essayons  d'indiquer  sommairement  les  traits 
dominants  du  caractère  de  Théophile  qui  se  dégagent  le  plus 
nettement  d'une  lectui'e  intelligente  de  ses  œuvres  et  d'une  con- 
naissance intime  de  son  existence. 

Il  y  a  d'abord  des  ombres  au  tableau;  Théophile,  comme 
beaucoup  de  poètes  et  d'artistes  qui  ont  voué  une  sorte  de 
culte  sensuel  à  la  femme,  a  été  entraîné  par  ce  séduisant  mi- 
rage à  de  graves  écarts  de  conduite;  sa  vie  privée  n'est  pas 
plus  à  l'abri  du  reproche  que  celle  de  Régnier,  et,  plus  près 
de  nous,  de  Musset.  Mais  Théophile  n'a  pas  cependant  été 
livré  aux  imaginations  erotiques;  c'est  à  tort  qu'il  est  présenté 
sous  ce  jour  fâcheux  dans  le  roman  d'Arsène  Houssaye  intitulé 
Une  Pécheresse  et  dont  il  est  le  héros;  c'est  à  tort  qu'il  est  qua- 
lifié par  M.  Gustave  Merlet,  dans  une  de  ses  Etudes  littéraires 
iV  «  Arétin  de  carrefour  ».  Il  faut  aussi  remarquer  que  notre 
poète  était  jeune,  qu'il  n'a  jamais  été  marié  et  que  ses  déporte- 
ments n'ont  fait  souffrir  que  lui  seul. 

Ensuite,  il  n'a  pas  reculé,  comme  d'ailleurs  les  poètes  ses 
contemporains,  devant  les  flatteries  exagérées  ;  il  n'a  pas 
hésité  à  désavouer  plus  ou  moins  ses  convictions  intimes,  à 
déguiser  ses  idées  quand  il  l'a  cru  nécessaire  pour  son 
repos  (1).  Il  serait  donc  difficile  d'en  faire  un  martyr.  Mais  les 


(1)  Voici  ce  que  nous  lisons,  à  ce  sujet,  dans  VOde  à  M.  de  Loziéres 

Mais  jamais  encore  Tenvie 
D'escrire  un  pasouin  ne  me  prit, 
Et  tout  le  soin  ae  mon  esprit 
Ne  tond  qu'à  l'aise  de  ma  vie. 
J'aime  bien  mieux  ne  dire  mot 
Dn  pins  infâme  et  du  plus  sot, 
Et  me  sauver  dans  le  silence, 
Que  d'expoi^er  mal  à  propos 
A  l'effort  d'une  violence 
Ma  renommée  et  mon  repos. 


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—  488  — 

concessions  de  ce  genre,  qui  auraient  certainement  trouvé 
grâce  devant  Montaigne,  se  comprennent  facilement  chez  le 
pauvre  poète,  à  la  vie  toujours  incertaine  et  menacée  ;  nous 
serions  presque  tentés  de  dire  qu'il  aurait  du  en  faire  davan- 
tage et  plus  habilement,  pour  le  bonheur  de  sa  vie,  sinon  pour 
la  dignité  de  son  caractère  (1). 

Nous  savons  que  ce  furent  les  Jésuites  qui  attaquèrent  les 
idées  de  Théophile  autant  que  sa  vie.  Quelles  étaient  au  juste 
ces  idées  ?  Il  nous  paraît  probable  que  Théophile,  protestant 
peu  rigoriste,  puis  catholique  encore  moins  convaincu,  a  suivi, 
au  moins  jusqu'à  sa  captivité,  ce  que  M.  Brunetière  a  juste- 
ment nommé  la  philosophie  de  la  nature.  Il  rejette  les  austé- 
rités de  l'ascétisme,  pratiquées  en  vue  d'une  vie  future  qui  lui 
paraît  hypothétique,  d'après  les  prétendus  ordres  d'un  Dieu 
qui  probablement  se  soucie  fort  peu  de  ce  que  les  mortels  peu- 
vent faire.  A  ce  point  de  vue,  Théophile  de  Viau  a  été  comme 
un  des  anneaux  de  la  chaîne  qui  relie  le  siècle  de  Montaigne  et 
de  Rabelais  à  celui  de  Voltaire  et  de  Diderot  à  travers  celui  de 
.Descartes  et  de  Bossuet.  Nous  croyons  d'ailleurs  très  probable 
qu'à  partir  des  terribles  épreuves-  de  son  second  procès,  lassé, 
désabusé,  malade,  pressentant  peut-être  parfois  sa  mort  pro- 
chaine, il  s'est  tourné  sérieusement  vers  les  idées  religieuses. 
A  plusieurs  reprises,  on  reconnaît  dans  ce  qu'il  écrivit  alors  (?) 
un  accent  significatif  qui  éveille  dans  l'esprit  le  souvenir  des 
<(  litanies  catholiques  »  de  Verlaine  dans  Sagesse,  et  des  vers 
de  repentance  de  Villon.  Ce  n'est  pas  sans  motif  que  lés  noms 


(1)  Ces  concessions  s'alliaient  d'ailleurs,  par  un  bizarre  contraste  qui  existt 
aussi  chez  Montaigne,  avec  un  fond  de  franchise,  d'esprit  criliquê. 

(2)  M.  AUeaume  croit  que  Théophile  reçut  en  mourant  les  secours  de  la 
religion,  et  tout  en  effet  le  fait  présumer.  Dans  la  poésie  intitulée  la  Pénitence^ 
Théophile  dit  que  Saint  Augustin  lui  sert  «  d'entretien  »  dans  sa  prison;  il 
ajoute  : 

Je  maudis  mes  jours  déhanchés. 
Et  dans  l'horreur  He  mes  péchés. 
Bénissant  mille  fois  l'outrage 

?|ui  m'en  donne  le  repentir, 
e  trouve  encoren  mon  courage 
Quelque  espoir  de  me  garantir. 


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de  Villon  et  de  Verlaine  viennent  de  se  trouver  ici  sous  notre 
plume.  Théophile  a  au  moins  un  trait  commun  avec  eux  : 
l'existence  souffrante  et  précaire.  C*est  encore,  cest  surtout, 
chez  ces  poètes,  la  même  ingénuité,  la  même  candeur,  pour- 
rcil-on  dire,  dans  le  vice  comme  dans  le  remords,  et  le  côté 
quasi^nfanlin  qui  est  un  des  charmes  de  ces  poétiques  orga- 
nisations, de  ces  pittoresques  figures  nous  fait  passer  en  leur 
faveur  sur  bien  des  choses.... 

Nous  avons  vu,  que  comme  Montaigne,  Théophile  n'est  pas 
très  disposé  à  souffrli*  poui'  des  idées;  comme  Montaigne 
aussi,  il  a  un  grand  amour  de  l'indépendance.  M.  Emile  Fa- 
guet,  qui  a  bien  mis,  en  lumière  cette  caractéristique,  a  dit  de 
lui  qu'  i(  il  détestait  la  dépendance  sous  ses  deux  formes,  celle 
du  serviteur  et  civile  du  maître  ».  Le  même  critique  ne  croit 
pas  d'ailleurs  que  celui  qu'il  appelle  <(  le  bon  Théophile  »  fut 
capable  «  de  ces  attachements  passionnés  et  de  ces  dévoue- 
ments qui  caractérisent  le  véritable  homme  de  bien  ».  Nous 
ne  partageons  pas  cette  trop  sévère  manière  de  voir.  Du  dé- 
vouement, notre  poète  en  montra,  en  Hollande,  pour  ce  Balzac 
qui  le  lui  rendit  si  mal  et  pour  lequel  il  mit  l'épée  à  la  main  ; 
de  l'attachement,  il  en  eut  pour  Desbarreaux,  pour  Mairet,  à 
tel  point  que  la  calomnie  n'épargna  pas  ses  immondes  insinua- 
tions à  la  première  de  ces  liaisons.  Les  lettres  de  Théophile  a 
ses  parents,  plusieurs  de  ses  poésies  nous  le  montrent  plein 
d'une  touchante,  sincère  affection  pour  le  foyer  familial,  d'un 
culte  véritable  pour  son  pays  natal,  cette  magnifique  et  pitto- 
resque plaine  de  la  Garonne  qui  rivaliserait  justement  avec 
celle  de  la  Loire  si  elle  avait  eu  la  bonne  fortune  de  voir  s'éle- 
ver, en  son  cadre  plantureux  aux  lignes  sereines,  les  chefs- 
d'œuvre  de  nos  architectes  de  la  Renaissance  !  Ce  fut  là  qu'il 
apprit  à  aimer  la  nature,  à  rêver  devant  elle  comme  bien  peu 
savaient  alors  !  Son  amour  de  la  rêverie  solitaire,  de  l'obser- 
vation minutieuse  du  monde  extérieur  dont  les  impressions 
étaient  très  vives  en  lui,  le  rapprochent  singulièrement  de  La 
Fontaine.  Mais  il  avait,  à  défaut  d'autres  qualités,  un  agré- 
ment qui  manquait  à  l'auteur  des  Fables  :  une  conversation 
spirituelle  au  plus  haut  point  et  que  les  plus  grands  seigneurs 


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—  490  — 

recherchaient  (1).  Reconnaissant  envers  ses  bienfaiteurs,  il  ré- 
ser\ail  à  ses  ennemis  de  ces  ripostes  fières,  cinglantes,  qui  sen- 
tent leur  gentilhomme,  remettent  les  gens  à  leur  place  et  par- 
lent do  la  plus  vindcnte  indignation  (2). 

\ous  connaissons  trois  gravures  d'après  lesquelles  on  peut 
se  représenter  Théophile  de  Viau.  La  meilleure  est  une  es- 
tampe gravée  par  Daret.  Théophile  nous  y  apparaît  «  fin,  spi- 
rituel, mélancolique  et  moqueur,  la  lèvre  inférieure  un  peu 
forte...  »  (.S).  Avec  Théophile  Gautier,  nous  reconnaissons 
aussi  dans  celle  physionomie  «  la  figure  de  quelqu'un  qui  a 
aimé  et  soufferl,  qui  a  pensé  et  qui  a  agi,  qui  a  manqué  de  loul 
et  abusé  de  tout;  la  figure  d'un  poète  qui  a  vécu  enfin,  chose 
malheureusement  trop  rare  parmi  les  poêles  ». 

11  est  temps  maintenant  de  céder  le  plus  possible  la  parole 
au  poète  lui-même  :  aussi  bien  est-ce  là  le  meilleur  moyen  de 
faire  partager  au  lecteur  la  sympathie  que  nous  semble  mé- 
riter celui  qui,  malgré  le  Père  Carrasse,  est  et  restera  «  le  bon 
Théophile  ». 

III 

c(  On  représente  généralement  Théophile  de  Viau  comme 
Tauleur  de  Pyrame  et  Thisbé  ;  on  cile  de  cette  œuvre  quelques 
vei-s  ridicules,  et  tout  est  dit  ».  M.  Faguel  caractérise  ainsi  une 
des  plus  fausses  idées  que  le  public  se  soit  jamais  faites  d'une 
oeuvre.  Pyrame  el  Thisbé  vaut  d'abord  mieux  que  sa  réputa- 


(1)  Ce  seraient  certains  Irails  de  sa  verve  satirique  dirigés  contre  de  Luy- 
nes  que  ses  ennemis  auraient  exploités  pour  son  prenxier  bannissement.  Aussi 
Théophile  lit-il  plus  tard  amende  honorable  avec  l'Ode  au  duc  de  Luynes, 
où  sont  accumuk'es  des  louanges  forcément  hyperboliques.  Le  caractère  de 
notre  poète  est  ainsi  fait  de  verve  railleuse  et  d'amour  de  la  tranquillité,  ce 
«pii  va  difficilement  ensemble  dans  la  réalité. 

(2)  Théophile  a  été  «  d'une  vanité  qui  allait  jusqu'à  l'extravagance  »,  disent 
certains  biographes  de  dictionnaire  qui  ne  l'ont  d'ailleurs  certainement  pas 
lu.  Ils  avaient  trouvé,  dans  Malherbe,  les  mêmes  vanteries  naïves  qui  se 
voient  chez  Horace,  Lucain,  Ronsard,  etc.  et  dont  personne  ne  s'étonnait  ; 
l'affectation  de  modestie  de  la  part  des  auteurs,  qui  n'est  trop  souvent,  hèlas! 
qu'hypocrisie,  ne  leur  a  guère  élé  imposée  par  le  bon  ton  que  vers  le  milieu 
du  dix-septième  siècle. 

(3)  Kaethe  Schismacher,  lettre  à  l'auteur  de  cette  notice. 


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—  491  — 

lion  ;  c  est  même  une  pièce  qui  a  son  importance  dans  l*his- 
loire  du  théâtre  ;  mais  surtout  il  faut  ne  pas  connaître  Théo- 
phile pour  le  présenter  comme  poète  dramatique.  Ce  n'est 
qu'une  fois,  par  accident,  qu'il  a.  abordé  le  théâtre,  et  même 
alcrs,  il  est  resté  ce  qu'il  était  avant  tout  :  poète  lyrique.  Poète 
lyrique,  il  a  écrit  de  très  nombreuses  Odes,  des  Elégies,  nom- 
breuses aussi,  des  Stances,  des  vers  pour  les. ballets  du  roi, 
deux  satires,  quelques  sonnets,  enfin  des  pièces  diverses.  Mais 
les  qualifications  qui  lui  servent  à  dénommer  le  genre  de  ses 
poésies  sont  généralement  assez  menteuses.  C'est  ainsi,  par 
exemple,  que  nombre  de  ses  «  Elégies  »  sont  en  réalité  de  vé- 
ritables épitres,  adressées  à  diverses  personnes  à  qui  le  poète 
fait  part  de  ses  opinions,  de  ses  soucis....  du  moment.  Il  faut 
plutôt,  croyons-nous,  s'attacher  à  la  source,  à  l'essence  intime 
de  l'inspiration.  Avant  d'aller  plus  loin  dans  cette  voie,  et  de 
commencer  à  passer  en  revue  les  diverses  manifestations  de 
l'individualité  poétique  que  nous  éludions,  essayons  dès  main- 
tenant de  déterminer  les  traits  saillants  de  celte  dernière. 

On  peut  la  faire  connaître  en  quelques  mots  :  Théophile  de 
Viau  posséda  des  dons  remarquables  dont  il  abusa  en  les  gâ- 
tant, soit  qu'il  y  eut  de  sa  faute  propre,  soit  qu'il  faille  en  ren- 
dre responsable  son  époque  où  débordait  le  plus  intense  mau- 
vais goût.  Doué,  celles,  il  le  fut  éminemment,  de  cette  faculté 
magique  et  divine  qui  fait  se  revêtir  naturellement  l'idée,  le 
fait,  abstraits  et  froids,  l'émotion,  brutale  ou  vague,  de  l'image 
expressive,  neuve,  colorée,  de  cette  faculté  qui  en  fait,  sans 
efforts  apparents,  des  rj^thmes  harmonieux  et  qui  par  l'Œuvre 
d'art,  transforme  en  Idéal  la  vile  et  ingrate  matière  offerte  par 
la  Vie  !  A  cet  égard,  on  ne  peut  que  répéter  après  Théophile 
Gautier  :  Théophile  de  Viau  est  «  un  poêle  dans  le  sens  le  plus 
étendu  du  mot  »,  il  s'élève  en  cela  bien  au-dessus  de  nombre 
de  ses  prédécesseurs  ou  de  ses  contemporains  plus  célèbres 
que  lui,  au-dessus  notamment  du  froid,  sec  et  prosaïque  Mal- 
herbe (1). 


(I)  Parmi  ses  plus  heiircMises  images,  donnons  celle   qui  se  trouve  dans 
€es  vers  sur  Henri  IV  : 


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—  492  — 

En  revanche,  le  grand  mérik'  qu'a  eu  Malherbe  et  qui  a  été 
de  s'astreindre  à  une  sévère  discipline,  à  l'heure  où  personne 
n  en  avait,  a  trop  manqué  à  notre  poète.  Son  goût  qu'il  ne  sou- 
met à  aucun  contrôle  est  déplorablemenl  perverti  par  les  in- 
fluences étrangères  alors  toutes  puissantes.  Puis,  de  même 
que  Malherbe  a  proclamé  la  nécessité  d'écrire  peu  pour  bien 
écrire,  de  même  aussi  Théophile,  qui  est  tout  justement  l'anti- 
thèse de  Malherbe,  nous  a  légué  une  œuvre  considérable  et  hâ- 
tivement écrite  (si  Ton  prend  garde  à  la  brève  carrière  de  son 
auteur.)  De  là  les  critiques  si  souvent  faites  à  Théophile  ;  on  a 
eu  le  tort  de  les  exagérer  au-delà  de  toute  mesure  :  mais,  sa- 
chons le  reconnaître,  elles  visent  avec  raison  des  défauts  gra- 
ves et  incontestables.  En  premier  lieu,  l'exagération  des  ima- 
ges, qui  relève  évidemment  de  l'influence  espagnole  aggravée 
du  tempérament  méridional  de  l'auteur.  Puis,  les  pointes,  les 
jeux  de  mots  :  la  recherche  puérile  et  affectée  du  Irait  final,  qui 
sont  les  funestes  effets  de  l'imitation  italienne...  De  l'abus  que 
Théophile  a  fait  de  sa  facilité  naturelle  résultent  enfin  trop 
souvent  la  diffusion  verbeuse,  la  faiblesse  du  style,  l'incohé- 
rence des  idées  qui  atteint  parfois  l'obscurité. 

Voilà  assurément  bien  des  défauts,  et  très  sérieux  (1).  Mais 


Ainâi  que  le  soleil  penchant  vers  le  tombeau 
Jetait  sur  l'univers  l'œil  plus  grand  et  plus  beau 
Sa  valeur  trop  longtemps  honteusement  oisive, 
Méditnit  d'arrachet  son  myrte  et  son  olive  :.. 
Tous  les  rois  ses  voisins  penchaient  sur  la  balance, 
Egalement  douteux  où  fondrait  sa  vaillance  ; 
Son  r'iurn.(/e  riait  de  voie  qu«»  la  terrear 
Se  mêlait  parmi  tous  dans  lear  confuse  erreur. 

(1)  Tout  le  inonde  connaît  les  deux  vers  de  l^yrame  et  Thisbé  que  Ton  va 

répétant  sans  s'occuper  de  savoir  si  tout  ce  qu'a  écrit  Théophfle  est  dans  ce 

goût  : 

Ah  !  voici  le  poignard  qui  du  sang  de  son  maître 
S'est  souillé  lâchement  ;  il  en  rougit  le  traître  ! 

Pour  achever  de  donner  une  idée  du  mauvais  goùl  auquel  se  laisse  trop 

souvent  entraîner  Théophile,  et  pour  les  personnes  qui  ne  les  connaîtraient 

pas,  citons  encore  ces  quelques  vers,  toujours  pris  dans  Pyrame  et  Thisbé. 

(C'est  Thisbé  qui  parle.) 

11  m'est  ici  permis  de  te  nommer,  Pyrame, 
II  m'est  ici  permis  de  t'appeler  mon  âme. 
Mon  âme,  qu'ai-je  dit  ?  C'est  fort  mal  discourir, 
Car  l'âme  nous  fait  vivre  et  tu  me  fais  mourir. 

C'est  un  joli  exemple  de  ce  que  M.  Faguet  appelle  :  «  la  pointe  redoublée 

et  corrigée  ».  Il  y  a  aussi  l'apostrophe  de  l'amant  de  Thisbé  à  leurs  parents  : 

Conseillers  inhumains  !  Pères  sans  amitié  I 
Voyez  comme  ce  marbre  est  fendu  de  pitié. 
Et  qu'à  notre  douleur  le  sein  de  ces  murailles 
Pour  resserrer  nos  feux  entr'ouvre  les  entrailles  ! 


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—  493  — 

nous  allons  voir  que  ce  n  est  pas  d'après  eux  seuls  qu*il  faut 
juger  Théophile,  comme  on  Ta  trop  fait  depuis  Boileau. 

Une  importante  partie  de  s-on  œuvre  est  composée  de  piè- 
ces, désignées  sous  le  nom  d'Odes,  et  dans  lesquelles  il  expri- 
me, non  ses  vrais  sentiments  personnels,  mais  plutôt  des  senti- 
ments u  de  commande  »,  impersonnels  et  généraux.  C'est  le 
genre  qui  a  été  succcussivement  cultivé  par  Malherbe,  Jean- 
Baptiste  Rousseau,  Couchard  Lebrun,  et  par  les  autres  «  lyri- 
ques »  antérieui-s  au  romantisme.  Demandant  surtout  une  pa- 
tience-industrieuse à  combiner  froidement  les  images  et  les 
rythmes,  habile  à  feindre  un  enthousiasme  inspiré,  ce  genre 
n'était  pas  celui  qui  convenait  à  Théophile.  Le  ton  général  de 
ses  Odes  est  loin  d'être  aussi  soutenu,  le  style  d'être  aussi  châ- 
tié que  dans  celles  de  Malherbe.  Mais  que  de  morceaux  pour- 
tant méritent  d'y  être  admirés,  pour  la  vigueur  énergique  et 
sobre  des  expressions,  la  noblesse  de  l'accent  et  la  facilité  du 
rythme  !  Citons  au  premier  rang  l'ode  la  plus  connue  de  Théo- 
phile, celle  qu'il  adressa  «  Au  Roy,  sur  son  exil  »  : 

Celui  qui  lance  le  tonnerre, 

Qui  gouverne  les  éléments 

Et  meut  avec  des  tremblements 

La  grande  masse  de  la  terre  ; 

Dieu,  qui  vous  mit  le  sceptre  en  main  ; 

Qui  vous  le  peut  ôter  demain, 

Lui,  qui  vous  prête  sa  lumière, 

Et  qui,  malgré  les  fleurs  de  lys, 

Un  jour  fera  de  la  poussière 

De  vos  membres  ensevelis  ; 

Ce  grand  Dieu  qui  fit  les  abîmes 
Dans  le  centre  de  l'univers, 
Et  qui  les  lient  toujours  ouverts 
A  la  punition  des  crimes, 
Veut  aussi  que  les  innocents 
A  l'ombre  de  ses  bras  puissants 
Trouvent  un  assuré  refuge, 
Et  ne  sera  point  irrité 
Que  vous  tarrissiez  le  déluge 
Des  maux  où  vous  m'avez  jeté. 


Z2 


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494 


Aujouid'liui,  parmi  des  sauvages, 
Où  je  ne  trouve  à  qui  parler, 
Ma  triste  voix  se  [)erd  en  Tair 
Et  dedans  Técho  des  images. 
Au  lieu  des  pompes  de  Paris, 
Où  le  peuple  avccque  des  cris, 
Bénit  le  roi  })armi  les  rues, 
Ici  les  accents  des  corbeaux 
Kt  les  foudres  dedans  les  nues 
\e  me  parlent  (jue  de  tombeaux. 


C.'omme  il  fait  à  l'humaine  race 
Qui  se  prosterne  à  ses  autels, 
\*ous  ferez  paraître  aux  mortels 
Moins  de  justice  que  de  grâce. 
Moi,  dans  le  mal  qui  me  poursuit. 
Je  fais  des  mvux  pour  (jui  me  nuit  : 
Oue  jamais  une  telle  foudre 
.\ 'ébranle  l'établissement 
De  ceux  «pii  vous  ont  fait  résoudre 
A  signer  mon  bannissement  ! 

Un  jour  leurs  haines  apaisées 
Feront  caresse  à  ma  douleur 
Et  mon  sort,  loin  de  mon  malheur, 
Trouvera  des  routes  aisées. 
Si  la  clarté  me  dure  assez 
Pour  voir,  après  ces  maux  passés, 
Un  ciel  plus  doux  à  ma  fortune, 
Mon  Ame  ne  rencontrera 
Aucun  souci  qui  Timportune 
Dans  les  vers  qu'elle  vous  fera. 

De  la  veine  la  plus  hardie 
Qu'Apollon  ait  jamais  rempli 
Et  du  chant  le  plus  accompli 
De  sa  parfaite  mélodie, 
Dessus  la  feuille  d'un  papier 
Plus  durable  que  de  l'acier, 


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—  495  - 

Je  ferai  pour  vous  une  image 
Où  des  mots  assez  complaisants 
Pour  bien  parler  de  mon  ouvrage 
Manqueront  à  vos  courtisans. 

Là,  suivant  une  longue  trace 
De  l'histoire  de  tous  nos  rois 
La  Navarre  et  les  monts  de  Foix 
S'étonneront  de  votre  race  ; 
Là  ces  vieux  portraits  effacés, 
Dans  mes  poèmes  retracés, 
Sortiront  des  vieilles  chroniques, 
Et,  ressuscitez  dans  mes  vers, 
Ils  reviendront  plus  magnifiques 
En  l'estime  de  l'univers  (1). 

Nous  ne  manquerions  pas,  si  nous  avions  la  place  de  les 
citer,  de  vers  aussi  excellents  que  ceux-là.  Contentons-nous  de 
donner  quelques  strophes  de  YOde  au  Prince  d'Orange  qui, 
d  après  M.  Alleaume,  «  sentent  le  huguenot  »  et  qui  sont  com- 
me un  hymne  triomphal  à  l'accent  rude,  mâle  et  austère  : 

L'Espagne,  mère  de  l'orgueil. 
Ne  préparait  votre  cercueil 
Que  de  là  corde  et  de  la  roue 
Et  venait  avec  des  vaisseaux 
Qui  portaient  peintes  sur  la  proue 
Des  potences  et  des  bourreaux. 

Ses  troupes  à  pleine  licence 
Venaient  fouler  votre  innocence 
Et  l'appareil  de  ses  efforts 
Craignait  de  manquer  de  matière 
Où  vos  champs,  tapissés  de  corps. 
Manquaient  plutôt  de  cimetière 
Pour  le  sépulcre  de  ses  morts. 


(1)  Th.  Gautier  voit  dans  ce  dessein  d'écrire  «  un  poème  national  tiré  de 
nos  vieilles  ctironiques  »  (dessein  qui  n'a  pas  été  exécuté,  ou  dont  les  résul- 
tais nous  sont  en  tous  cas  demeurés  inconnus)  un  trait  qui  complète  le  ro- 
mantisme «  avant  la  lettre  »  de  Théophile  de  Viau,  romantisme  dont  nous 
aurons  à  parler  à  propos  de  Théophile  poète  de  la  nature.  «  Vous  voyez 
que  son  plan  d'insurrection  était  complet  et  que  rien  n'y  manque  pour  être 
parfaitement  semblable  à  celui  qui  vient  d'avoir  lieu,  pas  même  le  retour  au 
moyen-âge.  » 


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—  496  — 

Les  vôtres,  que  mordit  sa  rage, 

Mourant  disaient  en  leur  courage  : 

0  nos  terres  !  o  nos  cités  î 

Si  vous  n'êtes  plus  asservies, 

Ayant  gagné  nos  libertés 

Nous  voulons  bien  perdre  nos  vies. 

0  vous  (jue  le  destin  d'honneur 
Retira  pour  notre  bonheur, 
Belles  âmes  soyez  apprises 
(Juo  l'horreur  de  vos  corps  détruits 
\'a  point  rompu  vos  entreprises 
Et  (|ue  nous  rocueinons  les  fruits 
Des  peines  que  vous  avez  prises. 

\os  ports  sont  libres,  nos  remparts 
Sont  assurés  de  toutes  parts  ; 
Picorans  jus(ju'au  bout  du  monde 
Si  nos  victorieux  nochers, 
Trouvent  des  ennemis  sur  Tonde, 
Ce  sont  les  vents  et  les  rochers. 

MAvmcE  DE  Belî.egarde  (de  Viau). 
(A  suivre,) 


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UNE  QUESTION  POSÉE  PAR  M.  LE  D"  E.  LABAT 


C'est  d'un  très  petit  fait  que  je  voudrais  parler  et  surtout  sou- 
mettre à  la  Société  académique  d'Agen  l'interprétation  qui 
m'en  a  paru  possible.  Comme  c'est  uniquement  par  voie  d'in- 
duction que  j'y  suis  arrivé,  il  est  nécessaire  qu'elle  soit  histori- 
quement confirmée.  C'est  pourquoi  j'ai  recours  aux  lumières 
de  mes  collègues. 

Il  s'agit  de  hameaux,  qui  ne  sont  pas  rares  en  Gascogne, 
non  pas,  à  la  vérité,  de  tous,  mais  de  ceux  qui  présentent  de 
prime  abord  un  triple  caractère  :  ils  sont  très  anciens;  ils  ont 
eu  de  l'importance  par  le  nombre  de  leurs  foyers,  dix,  quinze, 
vingt,  même  davantage;  on  n'y  trouve  jamais  ni  église,  ni 
cimetière,  ni  ruines  qui  les  rappellent,  ni  souvenirs  qui  s'y  rat- 
tachent: ils  n'ont  jamais  été  le  centre  d'une  petite  circonscrip- 
tion administrative  ou  religieuse;  ils  n'ont  jamais  été,  nous 
insistons  là-dessus,  qu'un  simple  habitat.  Pourquoi  un  certain 
nombre  de  familles  s'y  sont-elles  un  jour  groupées  et  fixées  ? 
C'est  le  point  qui  a  piqué  notre  curiosité. 

Il  est  bien  entendu,  d'ailleurs,  que  l'origine  de  ces  hameaux 
est  extrêmement  diverse;  beaucoup  présentent  nettement  les 
trois  caractères  qu'on  vient  de  dire,  pour  qui  ne  serait  pas  va- 
lable l'explication  que  nous  réservons  à  quelques-uns,  où  d'au- 
tres particularités  se  rencontrent. 

Ceux-ci  sont,  à  première  vue,  une  agglomération  assez  irré- 
gulière de  maisons;  mais  un  examen  plus  attentif  y  montre 
toujours  un  bâtiment  central,  en  général  le  plus  important,  et 
toujours  le  plus  vieux. 

Sa  vieillesse  est  attestée  par  sa  forme,  Ja  qualité  des  maté- 
riaux, une  foule  de  détails  de  sa  construction.  C'est  le  noyau 
primitif  du  hameau.  Presque  toujoui-s  c'est  un  toit,  à  vaste  dé- 


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—  498  — 

veloppement  sur  plusieurs  versants  qui  descendent  jusqu'à 
2  ou  3  mètres  du  sol.  Tout  autour  s'ouvrent  des  portes,  et  à 
côté  de  chacune  d'elles  une  fenêtre  et  un  évier.  La  porte  cor- 
respond à  un  logis,  ouslal  ou  ouslaou,  composé  d'une  première 
chambre  claire  avec  cheminée  et  d'une  seconde,  obscure, 
chambre  de  derrière  ou  cratuhol.  Telle  est  la  disposition  pri- 
mitive qu'il  est  facile  de  retrouver  à  travers  les  nombreuses 
modifications  ultérieures,  qui  la  masquent,  et  dont  les  plus  or- 
dinaires sont  la  transforma^tion  d'un  logis  en  étable  ou  la  fusion 
de  deux  logis  en  un  seul.  L'ensemble  éveille  l'idée  d'un  cla- 
pier, tel  qu'on  le  construit  artificiellement  avec  des  pierres  re- 
couvertes de  terre,  et  c'est  d'ailleurs  la  comparaison  employée- 
volontiers  par  les  paysans. 

Ce  bâtiment  est  aujourd'hui  rarement  habité.  Il  est  devenu 
grenier  à  fourrages,  chambre  de  débarras  ou  étable.  Il  tombe 
de  vétusté.  Depuis  trente  ans  on  l'a  souvent  démoli  pour  utili- 
ser les  matériaux.  Sa  démolition  nous  a  révélé  qu'il  fut  parfois 
bâti  d'un  seul  coup, sur  un  plan  arrêté  à  l'avance,  pour  permet- 
tre d'établir  sous  le  même  toit  une  série  de  foyers.  La  forme 
de  la  charpente,  la  longueur  et  l'importance  de  ses  pièces  prin- 
cipales, la  disposition  des  murs  intérieurs  ne  laissent  aucun 
doute.  Voilà  le  fait. 

Essayons  de  l'interpréter,  c'est-à-dire  de  répondre  à  la  ques- 
tion suivante  :  par  qui  fut  bâtie  cette  singulière  maison  ? 

Ce  ne  fut  certainement  pas  par  l'un  de  ses  habitants.  Ils 
étaient  tous  trop  pauvres  pour  cela.  S'associèrent-ils  pour 
grouper  leurs  ressources  et  leui-s  efforts  ?  Il  est  possible,  en- 
core qu'il  soit  nécessaire  de  le  savoir  par  des  documents. 
Même,  dans  ce  cas,  il  est  difficile  d'admettre  qu'ils  ne  furent 
pas  aidés  par  quelqu'un,  plus  riche  qu'eux,  d'où  leur  vint  le 
terrain,  les  matériaux,  surtout  les  belles  poutres  en  cœur  de 
chêne  ou  de  châtaignier,  tirées  d'arbres  magnifiques,  qu'on 
ne  trouve  guère  dans  les  maigres  taillis  des  pauvres  gens. 

Nous  avons  pu  étudier  un  de  ces  hameaux  dans  la  commune 
de  Gimbrède,  avant  qu'il  ne  fut  complètement  démoli.  Quinze 
familles  y  vivaieni,  dans  le  bâtiment  central,  au  moment  de  la 
Révolution.  Chacune  avait  jardin,  champ,  pré  ou  vigne.  Le 


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four,  la  mare,  un  pâtus  étaient  communs.  Le  total  des  terres 
possédées  par  ces  familles  ne  dépassait  pas  une  douzaine 
d'hectares.  Elles  formaient  un  seul  lot  au  milieu  des  biens  de 
la  Commanderie  qui  s'étendaient  au  loin  tout  autour.  Le  ha- 
meau était  situé  à  deux  pas  d'une  grosse  métairie  et  à  l'entrée 
des  bois  qui  appartenaient  à  l'ordre  de  Malte.  Il  semble  donc 
évident  qu'à  un  moment  donné  le  lot  fut  découpé,  en  plein 
drap,  dans  la  terre  seigneuriale,  et  divisé  en  une  foule  de  |>etits 
champs  que  se  partagèrent  les  habitants  du  hameau. 

On  devine  la  suggestion.  La  voici  qui  se  précise.  Nous  avons 
connu  le  bâtiment  à  peu  près  intact.  Toutes  les  portes  étaient 
t\  encadrement  de  bois.  Une  seule  faisait  exception  par  ses  bel- 
les pierres  de  taille.  De  génération  en  génération  elle  s'était 
toujours  appelée  la  porte  du  seigneur.  Le  logement,  auquel 
elle  correspondait,  était  d'ailleurs  pareil  aux  autres. 

D'autres  détails  confirment  la  suggestion.  Les  derniers  habi- 
tants du  hameau  n'y  étaient  pas  depuis  plus  d'un  siècle.  Ils  por- 
taient des  noms  différents,  n'étaient  pas  parents  entre  eux  ou 
ne  l'étaient  que  par  des  alliances  récentes.  En  revanche,  un 
assez  grand  nombre  de  familles  dans  la  commune  garde  en- 
core le  souvenir  d'y  avoir  eu  un  logis  à  l'époque  lointaine  où 
«  l'on  était  en  métairie  ».  Le  toit  central  du  hameau  était  donc 
un  abri  transitoire,  un  premier  établissement  familial,  d'où  le 
(î  brassier  »  sortait  pour  devenir  métayer.  Le  métayage  était  la 
première  étape  de  l'ascension  sociale. 

On  devine  la  conclusion  qui  se  présente.  A  une  époque  don- 
née, la  main-d'œuvre  agricole  étant  devenue  très  rare,  plus 
rare  qu'aujourd'hui,  le  seigneur  de  l'endroit,  grand  proprié- 
taire du  sol,  fait  un  énergique  effort  pour  attirer  près  de  lui  les 
travailleurs.  Il  prend  une  pièce  dans  sa  ten^e,  la  divise  en  15 
champs  et,  au  milieu,  bâtit  un  hameau.  Le  logement,  le  champ, 
peut-être  d'autres  avantages  dans  les  chaumes,  les  prairies  et 
les  bois  sont  abandonnés  sous  certaines  conditions.  Un  loge- 
ment est  réservé  au  représentant  direct  du  seigneur  qui  sur- 
veillera l'exécution  du  contrat.  En  d'autres  termes  je  soup- 
çonne qu'au  xv"*  siècle,  après  la  guerre  de  Cent  ans,  par  exem- 
ple, un  chevalier  de  Malle,  devançant  l'avenir,  a  bâti,  près  de 


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—  500  — 

mon  village,  une  véritable  maison  ouvrière,  sans  avoir  d'ail- 
leurs aucune  des  pi-éoccupations  d'hygiène  physique  et  morale 
qui  sont  l'honneur  du  temps  présent. 

Nous  ne  vous  soumettons  qu'une  hypothèse.  S'il  faut  l'aban- 
donner, elle  aura  toujours  rempli  son  rôle  qui  est  d'exciter  la 
curiosité  et  de  provoquer  la  recherche.  Si  l'on  peut  au  con- 
traire la  tenir  pour  vraie,  elle  démontrera  une  fois  de  plus  que 
les  faits  économiques  pèsent  sur  l'histoire  d'un  poids  plus 
lourd  qu'on  ne  pense  et  que  la  loi  de  l'offre  et  de  la  demande 
est  une  loi  d'airain  contre  laquelle  rien  ne  saurait  prévaloir,  ni 
les  doctrines  et  les  rêves  des  uns,  ni  les  violences  des  autres. 
Son  jeu  pose,  à  plusieurs  siècles  de  distance,  les  mêmes  pro- 
blèmes, leur  donne  les  mômes  solutions.  Quand  l'homme  se 
raréfie,  il  devient  cher,  et,  comme  il  est  une  marchandise  mo- 
rale, on  lui  offre  non  seulement  plus  d'argent  mais  certains 
avantages  qui  le  peuvent  séduire.  Autrefois  on  relevait  sociale- 
ment et  l'émancipation  des  serfs  au  moyen  âge  a  été  surtout  un 
fait  économique  (Georges  d'Avenel,  La  Propriété  loncière  de 
Philippe  Le  Bel  à  Napoléon);  on  lui  donnait  une  maison,  un 
champ  où  il  serait  le  maître,  on  le  rendait  propriétaire.  On  n'a 
guère  trouvé  mieux  depuis. 

D'  E.  Labat. 


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FOUILLES  DE  SOS 


RAPPORT  des  Membres  de  la  Sovs-Gommission  ehargée  d'effeetner  les  fonilies 
de  Sos,  adressé  à  la  Soeiélé  des  Sciences,  Lettres  et  Aris  d'Agen 


Messieurs, 

NoUs  venons  de  suspendre  les  travaux  de  sondage  pour  les- 
quels vous  avez  bien  voulu  nous  déléguer.  Nous  croyons  qu'il 
est  de  toute  nécessité  de  les  renvoyer  au  printemps  ou  à  l'été 
1913.      • 

Les  journées  sont  trop  courtes  et  trop  peu  rémunératrices; 
les  terres  trop  boueuses  pourront  garder  les  petits  objets 
qu'elles  récèlent;  la  subvention  ministérielle,  connue  trop  tard, 
n'a  pas  permis  de  diriger  les  travaux  sur  le  plateau  de  Lousta- 
let,  déjà  livré  à  la  culture.  Les  sondages  ont  uniquement  porté 
sur  quelques  points  du  plateau  de  Sos.  l'n  peu  sur  la  place; 
principalement  sur  la  ligne  de  faîte  qui  domine  la  dépression 
de  Loustalet,  que  les  anciens  terriers  de  la  jurade  appellent 
«  vieux  lassés  de  V ancienne  ville  ».  Nous  avons  commencé  vers 
rentrée  de  la  Ténarèze,  dans  Yoppidum,  à  l'est,  jusqu'à  la  Pey- 
rade  de  Gueyze,  à  l'ouest.  Nous  allons  passer  en  revue  les 
neuf  sondages  entrepris. 


L 


Découverte,  sur  la  place  du  Maure  (actuellement  place  Ar- 
mand-Fallières)  des  absides  des  églises  de  Sas. 

Commencées  le  2  septembre  1912,  les  fouilles  entreprises  en 
cet  endroit  ont  amené  la  découverte,  d'abord  des  fondements 
de  l'abside  de  l'ancienne  église  paroissiale  de  Sos,  église  ro- 
mano-byzantine,  consacrée  au  culte,  dès  l'année  1095,  par 
Guillaume  I"   évèqup  d'Auch,  assisté  de   Simon   II,    évêque 


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—  502  — 

d'Agen  et  de  Pierre  II,  évêque  d'Aire,  et  qui  a  été  récemment 
démolie  en  1873;  puis,  de  deux  piliers  reposant  sur  yn  massif 
de  béton  de  2"80  d'épaisseur  et  du  premier  dallage  fait  en  bri- 
ques et  pierres  plates  à  0^30  de  profondeur.  Nos  recherches 
n'ont  pas  dépassé  la  limile  intérieure  de  Tabside  romane. 

Nous  avons  ensuite  creusé  l'intérieur  de  cette  abside  et  nous 
avons  mis  à  jour  une  autre  abside  plus  petite,  à  0"80.  Nous 
avons  trouvé  un  autre  dallage,  qui  était,  croyons-nous,  le  dal- 
lage primitif  de  l'église  de  1093.  'Car,  au  cours  des  siècles,  la 
terre  extérieure  du  cimetière  s'était  exhaussée,  et  on  fut  obligé 
de  surélever  le  dallage  intérieur  de  l'église.  La  différence  de 
niveau  entre  ce  dallage  et  le  sol  actuel  est  de  l'^lO  environ. 

Nous  avons  ensuite  dégagé  le  mur  de  l'abside  primitive,  in- 
térieurement et  extérieurement.  Nous  avons  constaté  que  le 
mur  de  la  grande  abside  était  fait  de  pierres  régulièrement  ap- 
pareillées, ou  grosses  pierres  de  taille. 

L'église  romane  de  1095  avait  donc  succédé  à  une  autre 
église  primitive  que  les  invasions  et  les  pillages  des  guen-es 
avaient  sans  doute  détruite.  Sa  forme  en  plus  petit  suit  les  con- 
tours de  l'église  du  \f  siècle;  tandis  que  les  murs  de  l'église  de 
1093  sont  solidement  appareillés  et  les  pierres  bien  taillées,  le 
mur  de  la  primitive  est  fait  de  moellons  et  de  pierres  en  petit 
appareil  gallo-romain.  Cet  appareil  n'est  pas  régulièrement 
arrangé.  Il  est  noyé  dans  la  masse  des  matériaux  sans  ordre. 
Ce  petit  appareil  provenait  certainement  d'un  édifice  gallo- 
romain  tout  proche,  dont  on  a  utilisé  les  fragments  détruits,  et 
que  nous  n'avons  pas  encore  retrouvé. 

Cette  abside  a  ses  premières  pierres  à  2  mètres  de  profon- 
deur. Elles  reposent  sur  une  argile  vert-jaune,  qui  n'est  pas 
encore  le  sol  vierge.  Contre  ce  mur  barbare,  nous  avons  trouve 
aggloméré  de  la  terre,  des  quantités  de  graines  brûlées  en  tas. 
Ces  graines  proviennent  d'une  légumineuse,  une  espèce  de 
faverolle,  et  des  bois  brûlés.  La  leiTc,  entre  les  deux  absides, 
comprenait  des  matières  organiques,  quelques  fragments  de 
colonnettes  et  du  marbre  blanc  brûlé.  Toutes  ces  matières  brû- 
lées proviennent-belles  d'un  rite  à  la  consécration  de  l'église  ? 
Ou  bien  celte  église  avait-elle  servi  de  magasin  a  vivres,  et  l'in- 


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—  503  — 

vasion  a-l-elle  brûlé  le  tout  après  son  sac  par  les  Arabes  ou  les 
Normands  ? 

Dans  l'espace  situé  entre  les  deux  absides,  nous  avons  trouvé 
deux  squelettes  ensevelis  dans  une  bière  en  bois;  sans  doute 
quelques  dignitaires  d'église;  car  on  a  retrouvé  les  fragments 
de  leur  costume  d'apparat,  en  cuivre  doré,  lissé.  L'orientation 
était  ordinaire;  les  bras  le  long  du  corps;  une  pièce  de  monnaie 
dans  la  main.  Sur  l'une  on  lisait  «  010  »,  et  plus  loin  «  xm  », 
sans  doute  un  double  tournois.  Sur  l'autre,  une  croix  ancrée. 

Occupons-nous  maintenant  de  Tintérieur  de  l'abside  de 
l'église  primitive.  On  y  voit  deux  aires  successives  à  des  ni- 
veaux différents.  La  supérieure  faite  de  mortier  sur  lequel  re- 
posaient des  carreaux  de  briques  de  0°77  en  carré,  placés  dia- 
gonalement;  la  seconde  faite  seulement  de  mortier  et  de  bri- 
ques pilées,  qui  était  l'aire  première  de  cette  église  primitive. 
Sous  cette  aire  nous  avons  trouvé  des  décombres  en  abondan- 
ce, surtout  des  tuiles  à  rebord,  et  une  fusaiole  en  terre  cuite. 

A  une  certaine  distance  du  cul  de  l'abside  primitive  nous 
avons  trouvé  une  masse  de  maçonnerie,  faite  de  moellons,  de 
débris  de  sarcophages,  de  tuiles  à  rebord  et  de  pierres  en  petit 
appareil.  Cette  maçonnerie,  que  nous  n'avons  pas  continuée  à 
déblayer,  devait  être  le  support  de  l'autel. 

L'épaisseur  du  mur  de  la  seconde  abside  est  de  P70,  quand 
tout  l'intérieur  n'est  que  de  4"40  seulement. 

Entre  les  deux  aires  de  la  primitive  église  nous  avons  trouvé 
des  ossements  humains,  provenant  de  sépultures  anciennes, 
qui  étaient  formées  de  dalles  bâties  bout  à  bout,  et  qui  peuvent 
remonter  à  l'époque  carolingienne. 

Enfin,  dans  un  sarcophage  cité  plus  haut,  nous  avons  trouvé, 
pris  dans  le  mortier,  un.  culot  de  vase  en  verre  noir,  fondu  sous 
l'action  d'un  violent  incendie. 


IL 

Terrain  Duflau^  à  gauche,  en  bordure  de  la  Ténarèze.^  — 
Nous  avons  reconnu  un  mur  formé  de  grosses  pierres,  et  pou- 
vant avoir  1"10  à  P20  d'épaisseur.  De  quelle  époque  est  ce 


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—  504  — 

mur?  Esl-ce  le  débris  d'un  mur  de  l'époque  de  la  Gaule  indé- 
f>endanle  ?  Un  mur  du  iv*  ou  v*  siècle,  établi  pour  mieux  résis- 
ter à  l'assaut  des  barbares  ?  Est-ce  le  contrefort  de  la  porte  qui 
s'élevait  à  cet  endroit,  ou  la  continuation  du  mur  d'enceinte  ? 
Quel  est,  au  juste,  son  appareil  ?  Nous  ne  pouvons  le  dire;  le 
propriétaire  ne  nous  a  pas  autorisé  à  y  fouiller;  ce  qui  est  re- 
grettable, car  nous  aurions  pu  voir  s'il  est  analogue  à  ceux 
découverts  aux  fouilles  VI  et  IX. 

IIL 

Terrain  Labau,  en  bordure  à  lest  du  cimetière,  en  face  du 
monument  élevé  à  la  mémoire  du  poète  E.  Delbousquet,  sur  le 
tcrre-plein  du  rempart.  —  Fouilles  de  4"80  de  long,  1  mètre  de 
large,  3"70  de  profondeur.  —  Coupe  des  terres  :  1**  terre  ara- 
ble; 2*"  argile;  3*'  sable.  Débris  de  poteries  gallo-romaines, 
fragments  informes  de  bronze,  débris  de  fibule  en  bronze;  pas 
trace  de  mur. 

IV. 

Sur  le  rempart  de  Voppidum,  terrain  Labau,  au  nord  du 
mur  du  cimetière.  —  1**  terre  arable;  2"*  argile;  3"*  sable.  Débris 
de  poteries,  deux  petits  bronzes,  monnaie  très  frustes;  pas 
trace  de  murs. 

V. 

Du  côté  du  parc  Darribeau,  notaire,  sur  le  rempart,  —  Une 
seule  portion  du  champ  a  été  fouillée,  l'autre  partie  venait 
d'être  ensemencée.  Le  locataire  de  ce  terrain  ayant  précédem- 
ment rencontré,  en  labourant,  des  pierres  de  petit  appareil, 
nous  avons,  dans  la  zone  autorisée,  fait  faire  cinq  à  six  fosses, 
d'une  dizaine  de  mètres  de  long.  Nous  espérions  rencontrer 
l'édifice  d'où  provenaient  ces  pierres.  Nos  recherches  n'ont  pas 
été  couronnées  de  succès. 

Dans  un  de  ces  fossés,  nous  avons  trouvé  un  amas  de  pierres 
et  tout  autour  comme  une  poche  pleine  de  charbon;  à  côté,  un 
fragment  de  meule  en  pierre  calcaire.  Dans  cette  partie,  la  cou- 


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—  505  — 

che  d'argile  manque.  De  la  terre  arable  nous  arrivons  directe- 
ment au  sable,  mêlé  de  mortier  et  de  pierrailles.  C'est  d'ailleurs 
le  point  où  la  culture  a  le  plus  nivelé  le  terrain. 

VI. 

Terrain  communal,  devenu  le  préau  de  l'école  des  garçons, 

Nous  avons  découvert  deux  mui-s.  Un  premier  mur  A,  à 

moitié  versant  du  remparl;  à  cet  endix)it  la  présence  d'un  mur 
moderne,  pour  un  besoin  quelconque,  ne  s'explique  pas.  Ce 
mur  n'a  plus  que  5  mètres  le  long,  sur  0"70  à  0"90  d'épaisseur. 
Il  s'est  défilé  sous  la  poussée  des  terres  du  dessus,  ce  qui  nous 
laisse  supposer  que  si  par  ailleurs  nous  ne  le  retrouvons 
plus,  c'est  qu'il  a  dû  s'écrouler  dans  le  ravin. 

A  ce  mur  vient  se  souder  perpendiculairement  un  autre  mur 
B.  Ce  mur  B  est  flanqué  d'un  contrefort.  Le  premier  mur  A  est 
orienté  de  l'est  à  l'ouest,  le  second  du  nord  au  sud. 

Ces  deux  murs,  qui  sont  d'un  aspect  relativement  récent, 
présentent  quelques  particularités  intéressantes  à  signaler. 

Les  diverses  pierres  taillées  de  petit  appareil  de  l'époque 
gallo-romaine  que  nous  rencontrons  ici,  les  moellons,  qui  for- 
ment l'intérieuj'  des  murailles  de  cette  époque,  sont  faits  d'un 
calcaire  blanc  (dont  un  banc  utilisé  à  l'époque  actuelle  émerge 
au  Cavali  près  Sos).  Cette  pierre  assez  dure  résiste  aux  gelées. 
Le  mortier,  soigneusement  fait,  contient  ou  de  la  brique  ou  de 
petits  cailloux. 

Les  moellons  qui  composent  les  deux  murs  sont  au  contraire 
grossièrement  équarris,  la  pierre  est  d'une  qualité  tout  autre; 
c  est  du  calcaire  gris  de  l'Agenais,  pierre  gélive  qui  forme  la 
base  des  rochers  qui  entourent  la  ville. 

Les  ouvriers  qui  ont  lié  ces  pierres  étaient  peu  expérimen- 
tés. Le  mortier  est  très  mal  gâché  ;  tantôt  le  sable  est  presque 
pur  ;  tantôt  la  chaux  se  rencontre  en  morceaux  de  la  grosseur 
d'un  œuf. 

Les  assises  qui  forment  le  contre-fort  sont  d'un  plus  gros 
volume  que  le  reste  du  mur. 

La  partie  B  s'est  consei-vée  plus  haute  que  la  partie  A.  Les 


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premières  assises,  sur  1  mètre  de  haut,  sont  liées  par  ce  gros- 
sier mortier  à  la  chaux;  les  autres,  simplement  avec  de  la  terre. 

Au  niveau  des  premières  assises  du  mur  A  nous  avons  trouvé 
plusieurs  fragments  d'une  poterie  grossière,  sans  doute  bien 
antérieure  à  l'époque  romaine.  . 

jCoupe  des  terres  le  long  du  mur  :  1*"  terre  arable;  2**  argile. 

Le  chapeau  de  terre  qui  recouvrait  les  murs  A  et  B  est  d'en- 
viron 0.90  d'épaisseur. 

VII. 

En  terrain  communal,  derrière  le  préau  de  Vécole  des  gar- 
çons, à  1  m,  50  du  mur  B  vers  l'ouest.  —  Coupe  des  terres  : 
P  terre  arable,  0.40;  2^  argile,  2.70.  Poteries,  fusaioles. 

Il  est  à  remarquer  que  dans  la  fouille  6  et  7,  il  n'y  a  pas  trace 
de  sable. 

VIII. 

Fouille  en  terrain  communal,  derrière  le  préau  de  Vécole  des 
garçons,  à  10  m.  environ  du  mur  B,  vers  Vouesl.  —  Coupe  des 
terres  :  terre  arable,  0  m.  40;  sable,  2  m.;  terre  noire,  1  m.  70. 

Nous  attirons  votre  attention  sur  ce  sondage.  Vous  pouvez 
remarquer  qu'ici  la  nature  des  terirains  n'est  plus  la  même,  que 
le  sable  vient  après  la  terre  arable,  et  que  sous  le  sable  appa- 
raît une  terre  noire. 

Nous  nous  trouvons  sur  une  véritable  poche,  les  terres,  au 
lieu  d'être  inclinées  dans  le  sens  de  la  dépression  de  Loustalet, 
le  sont  dans  le  sens  de  l'intérieur  de  l'oppidum. 

Le  sable  contient  quelques  fragments  de  poterie. 

Au-dessous,  nous  trouvons  une  terre  noire,  qui  présente  le 
plus  vif  intérêt;  sa  coloration  tranche  vivement  sur  les  autres 
terres.  Elle  est  remplie  de  débris  organiques,  charbon,  os  brû- 
lés; les  poteries  sont  des  plus  grossières;  un  échantillon  re- 
cueilli n'a  pas  moins  de  3  centimètres  d'épaisseur,  avec  un 
dessin  en  bordure,  qui  semble  avoir  été  fait  par  la  simple  pres- 
sion des  doigts  sur  la  terre  molle.  (Voir  Décheletle,  âge  du 
bronze,  page  373.)  Dans  le  fond  de  la  tranchée,  avec  quelques 
ossements  humains  (?)  brûlés,  nous  avons  i^cueilli  un  crochet 


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—  507   - 

en  bronze,  une  pointe  en  fer  d'une  arme  offensive,  javelot  ou 
lance,  des  fusaioles  en  terre  séchée  au  soleil.  Nous  nous  de- 
mandons si  nous  ne  sommes  pas,  à  cet  endroit,  en  présence 
d'un  fond  de  cabane  ou  d'un  lieu  d'incinération. 

IX. 

Terrain  communal,  à  iouest  de  loppidum^  en  bordure  de  la 
route  dite  «  Route  neuve  ».  —  La  pioche  de  l'ouvrier  a  mis  à 
jour,  à  une  profondeur  de  0  m.  00,  les  fondations  d'un  édifice 
gallo-romain  des  premiers  âges  chrétiens.  L'appareil,  bien 
assemblé,  est  d'un  genre  allongé.  L'abside  est  plus  grossière- 
ment appareillée.  Malheureusement,  une  route  qui  longe  ces 
substructions  et  en  déblai  en  a  enlevé  une  aile.  Suivant  votre 
désir,  nous  avons  fait  déblayer  les  terres  de  l'intérieur  et  le 
plan  des  lieux  a  été  dressé.  Nous  vous  laissons  le  soin  de  vous 
étendre  plus  longuement  sur  ce  sujet. 

Cette  cellq  (petite  chambre  ou  chapelle)  repose  directement 
sur  le  rocher.  Primitivement,  un  pavage  devait  niveller  le 
rocher.  Le  fragment  que  nous  avons  découvert  est  fait  d'un 
conglomérat  de  cailloux  blancs,  noirs  et  rouges  unis  par  de  la 
chaux.  Ces  substructions  avaient  dû  rester  longtemps  à  décou- 
vert et  servir  de  carrière.  Dans  les  déblais  nous  avons  trouvé 
deux  double-toumois,  un  objet  en  fer  recouvert  d'une  feuille 
d'or,  ornée  d'un  dessin  à  la  pointe  (un  bouquet  de  fleurs  sur 
une  face  ;  deux  oiseaux  sur  un  carquois  sur  l'autre  ;  objet  de 
parure  Louis  XIV  ou  Louis  XV),  une  clochette  cassée  en 
bronze. 

Au  milieu  de  la  cella,  la  partageant  du  nord  au  sud,  la  dépas- 
sant même  vers  le  sud,  on  voit  les  restes  d'un  mur,  d'une  cons- 
truction toute  différente,  tant  par  les  matériaux  que  par  le  mor- 
tier 

La  cella  est  bâtie  avec  des  pierres  du  Cavali.  Le  mur  du 
milieu  est  en  moellons  de  pierres  gélives,  identique  aux  murs 
A  de  la  fouille  VI. 

Que  vient  faire  ce  mur  de  0  m.  90  d'épaisseur  au  milieu 
d'une  si  petite  chambrette  ?  De  quelle  époque  est-il  ? 


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—  508  — 

A-l-on  construit  ce  mur  au  \^  ou  \f  siècle  pour  renforcer  la 
défense?  Comment  admettre  dans  ce  cas  qu'il  eut  été  édifié 
dans  l'intérieur  d'un  édifice,  laissant  une  moitié  dans  les  rem- 
parts, l'autre  moitié  au  dehors.  La  cella  était-elle  ruinée  ?  Dans 
ce  cas  pourquoi  n'aurait-on  pas  utilisé  ses  matériaux,  plutôt 
que  d'aller  chercher  des  pierres  au  fond  de  la  vallée. 

Ne  serait-ce  pas  plutôt  le  débris  du  fameux  mur  aquitain, 
rencontré  en  A,  soupçonné  par  la  tradition  dans  l'intérieur  du 
cimetière,  entrevu  peut-être  à  la  fouille  II,  et  que  M.  Momméja 
avait  cru  reconnaître  l'an  passé  lors  des  travaux  des  tramways. 

Ici  nous  n'en  trouvons  plus  que  lés  dernières  assises  respec- 
tées par  les  constructeurs  de  la  cella,  qui  avaient  établi  sur  elles 
le  pavage  de  leur  édifice. 

Ce  mur  aurait  chevauché  le  rempart,  tantôt  dessus,  tantôt 
sur  pente,  suivant  la  vulnérabilité  du  lieu.  Il  n'aurait  pas  été 
bâti  en  grosses  pierres  de  taille,  mais  en  moellons  comme  ce- 
lui de  Costellaros  de  la  Malle  (voir  Déchelette).  Ses  premières 
assises,  pour  plus  de  solidité,  étaient  peut-être  liées  à  la  marne, 
et  les  autres  s'emplirent  avec  de  la  boue  ou  en  pierres  sèches. 

Mais,  ce  mur  est-il  aquitain  ? 

Dans  un  fossé-rigole  qui  longe  ce  mur  nous  avons  trouvé 
une  pointe  de  javelot  en  fer,  une  poterie  à  dessin,  deux  frag- 
ments de  mâchoires  d'animaux. 

Quoiqu'il  en  soit,  les  sondages  effectués  n'ont  pas  été  vains. 
Si  nous  n'avons  pas  eu  le  bonheur  de  trouver  des  bronzes,  de 
belles  poteries  ou  des  inscriptions  qui  nous  auraient  fixé  sur 
l'importance  ou  le  nom  de  la  tribu  qui,  aux  époques  lointaines 
des  âges  pré-romains,  foulaient  le  sol  des  sables  Landais  ou 
des  plateaiLX  de  la  Ténarèze,  nous  pouvons  hardiment  con- 
clure qu'un  peuple  aquitain,  soit  d'une  façon  passagère,  soit 
à  demeure,  a  habité  le  plateau  de  Sos.  Ces  hordes  avaient  ap- 
précié la  solidité  de  l'assiette  pour  se  défendre  conti-e  les  atta- 
ques du  dehors.  Peut-être  ont-elles  aidé  la  nature  dans  celle 
dépression  de  Louslalet,  qui  va  du  vallon  du  Key,  à  l'est,  à  la 
vallée  de  la  Gueyze,  à  l'ouest.  Mais  la  gigantesque  levée  de 
terre  qui  borde,  au  nord,  le  plateau  de  Sos,  a  été  faite  de  la 


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-  509  - 

main  des  hommes.  Jusques  à  0  mètres  de  profondeur  il  nous 
a  été  pennis  de  reconnaître  leur  signature  par  les  poteries 
qu'ils  y  ont  semées,  et  nous  pouvons  évaluer  à  15.000  mètres 
cubes  la  terre  transportée  pour  les  bâtir. 

Voilà,  Messieurs,  ce  qu'il  nous  est  permis  de  conclure  en 
attendant  les  fouilles  complémentaires. 

Lks  Mlmbrfs  dk  la  Sois-Commission. 


A  ce  rapport  de  la  sous-commission  nous  croyons  devoir  ajouter, 
en  guise  de  supplément,  les  deux  notes  suivantes,  que  nous  adresse 
sur  le  même  sujet  M.  Barlhalès,  de  Sos. 


LES  FOUILLES  DE  SOS 


I 


Ce  groupe  de  ruines  gallo-romaines  que  Ton  voit  le  long 
de  la  ligne  des  tramways  en  sortant  du  village  de  Sos,  paraît 
avoir  été  la  mulalio  Scitlio  de  l'Itinéraire  d'Anlonin. 

Cet  Itinéraire,  connu  sous  le  nom  ditinerarium  provincia- 
rum,  fut  tracé,  croit-on,  sous  le  règne  d'Antonin  le  pieux  (138- 
161),  pour  faciliter  les  moyens  de  communication  dans  les  pro- 
vinces de  son  vaste  empire. 

Mais  .quand  furent  tolérées  par  ce  monarque  les  premiè- 
res manifestations  du  culte  chréti^^n,  quand  le  llabarum  de 
Constantin  fut  porté  à  la  tête  des  années,  et,  quand  surtout  sur- 
vinrent les  premières  croisades,  cet  itinéraire  fut  adopté  par 
les  nombreux  chrétiens  d'Aquitaine  qui  entreprenaient  le 
voyage  en  terre  sainte,  par  voie  de  terre  jusqu'à  Mai'seille.  Cela 
valut,  dès  lors,  à  la  fraction  qui  nous  intéresse,  le  surnom  d'Iti- 
néraire de  Bordeaux  à  Jérusalem. 

Les  distances  marquées  en  lieues  gauloises  sur  cet  itinéraire 
sont  : 


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-  510- 

De  Civilas  Vasalum  à  ires  arbores V. 

De  1res  arbores  à  Oscineio VIII. 

D'Oscineio  ù  Sciltio VIII. 

De  Scittio  à  Civitas  Elusalum VIIL 

La  lieue  était  de  quinze  cent  pas  romains,  et  le  pas  romain 
de  quatre  pieds  six  pouces. 

Il  n'est  plus  possible  aujourd'hui  de  contrôler  exactement 
ces  distances;  la  végétation  forestière  et  le  remaniement  des 
terres  ne  le  perm:  lient  plus  :  à  peine  aperçoit-on  encore  le  silla- 
ge de  celle  voie  sur  quel(}ues  points  de  la  grande  lande,  entre 
Bazas  v{  Sos.  Néanmoins,  on  peut  préjuger  que  ces  distances 
sont  approximativement  le^  mômes. 

Xous  retrouvons,  en  effet,  après  Bazas,  la  halte  de  Très  ar- 
bores,  désignée  aujourd'hui  sous  le  nom  de  Lous  très  cassous 
dans  le  canlon  de  (irignols;  la  halte  d' Oscineio,  désignée  au- 
jourd'hui sous  le  nom  d'Esqninjos,  qui  est  un  moulin  sur  le 
Ciron,  non  loin  de  Lubbon;  la  mulatio  Sciltio  qui  est  Sos,  et 
enfin  Civilas  Elusatani  qui  est  Eauze.  Le  tout  échelonné  sur  la 
même  ligne,  à  des  dislances  qui  se  trouvent  être  sensiblement 
les  mêmes  que  sur  ledit  itinéraire. 

A  quelques  trois  cent  mètres  environ  au  nord  de  la  miitatio 
de  Sos,  cette  voie  se  branchait  sur  la  Ténarèze,  également  voie 
romaine,  et  se  confondait  avec  elle  jusqu'à  la  métropole 
d'Eauze. 

C'est  donc  à  la  jonction  de  ces  deux  routes,  et  pour  ainsi 
dire  aux  portes  de  l'oppidum,  qu'était  établie  la  mutatio  men- 
tionnée par  l'itinéraire 

Maintenant,  qu'était-ce  qu'une  Mutatio  à  cette  époque  si  re- 
culée de  la  domination  romaine J?  Une  Mutatio  ou  Mansis  était 
ce  qu'on  appelle  de  nos  jours  un  relai  de  poste.  C'est  là  que 
les  voyageurs  devaient  Irouver  les  installations  nécessaires 
pour  se  refaire  des  fatigues  de  la  route,  et  trouver  du  matériel 
de  n^hange  en  chevaux,  bouifs,  charriots,  etc.  pour  pouvoir 
franchir  une  nouvelle  étape. 

C'est  donc  d'hôlelleries  surtout  que  se  composait  une  Muta- 
lio  ;  il  fallait  des  inslallations  assez  vastes  pour  loger  et  héber- 
ger les  caravanes  qui  passaient,   fréquentes  et  nombreuses, 


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~  511  - 

notamment  à  partir  des  premières  croisades.  Il  fallait  que  ces 
hôtelleries  fussent  abondamment  pourvues  en  vivres,  loge- 
ments et  tous  autres  objets  nécessaires  aux  pèlerins  et  voya- 
geurs qui  arrivaient  harassés  et  poudreux  des  sables  brûlants 
de  la  lande.  Il  fallait  des  installations  confortables  pour  les 
gens  de  condition  qui  arrivaient  avec  leur  train  de  maison. 

Tout  cela  devait  se  trouver  à  la  Mutalio  de  Sos,  puisque  nous 
en  retrouvons  les  vestiges  au  milieu  de  ce  fouillis  de  décom- 
bres, que  l'on  remue  à  la  pelle  quand  on  ouvre  le  sol. 

Nous  y  retrouvons  des  aires  d'appartements  parquetés  en 
mosaïque,  jonchés  de  débris  de  poteries  :  fragments  de  coupes 
de  toute  forme  et  de  toute  dimension;  des  fibules  et  des  objets 
de  toilette  en  bronze;  des  quantités  de  tessons  d'amphores  dont 
les  culots  de  quelques-unes  sont  encore  barrés  de  lie  de  vin  ou 
d'huile;  quantité  aussi  d'ossements  d'animaux  domestjques, 
dont  les  cassures  intentionnelles  accusent  des  reliefs  de  cuisine. 

Nous  y  avons  môme  rencontré  les  derniers  vestiges  d'un  éta- 
blissement de  bains,  avec  son  hypocauste  et  ses  tuyaux  de  cha- 
leur. Le  tout  fort  délabré,  mais  encore  reconnaissable. 

Mais,  ce  n'est  pas  seulement  par  la  voie  Antonine  que  les 
voyageurs  arrivaient  à  la  Mulatio,  il  y  avait  encore  la  voie  Cé- 
sarée  qui  y  aboutissait;  c'est  à  partir  de  là  que  les  deux  voies  se 
confondaient  pour  n'en  former  qu'une  seule  jusqu'à  Eauze,  qui 
fut  un  temps  la  capitale  de  la  troisième  Aquitaine. 

Les  caravanes  qui  arrivaient  par  cette  dernière  artère  étaient 
le  plus  souvent  composées  non  seulement  de  pèlerins,  mais  de 
traficanls  venant  de  la  Celtique,  qui  nous  apportaient  des  hui- 
les, des  soies,  des  armes  et  de  fines  poteries.  Ils  s'en  retour- 
naient avec,  en  échange,  des  miels  et  des  goudrons  de  résine 
pour  les  Massaliotes;  des  minerais  de  fer  et  des  paillettes  d'or 
pour  les  Arelates  et  pour  les  Némausates. 

Ces  transactions  se  confirment,  en  quelque  sorte,  par  le 
grand  nombre  de  monnaies  coloniales  que  l'on  rc^trouve  à 
travers  ces  ruines. 

C'est  celte  double  artère  débouchant  à  la  Mutatio  de  Sos, 
qui  en  faisait  l'iniportancp.  Voilà  pourquoi  nous  y  retrouvons 
aujourd'hui  tant  de  vestiges  de  ce  lointain  passé. 


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-  512  - 

Mais  alors,  à  quoi  senait  l'oppiciuiii  à  quelques  deux  cents 
mètres  en  arrière?  L'Oppidum  démenlelé,  ruiné  el  très  peu 
peuplé  sans  doute,  n'en  restait  pas  moins,  le  cas  échéant,  !e 
dernier  refuge  d(*s  habilanls  du  pays,  qui  couraient  s'y  enfer- 
mer dans  les  moments?  de  péril  extrême.  Ces  moments  n'é- 
taient pas  rares  dans  les  temps  si  troublés  de  la  décadence  et 
de  la  chute  de  l'Empire. 

Des  hordes  nombreuses  de  Barbares,  en  quête  de  butin  et 
cL"  territoire,  fondaient  à  l'impmx  iste  sur  nos  meilleures  popu- 
lations et  les  raziaient  sans  pitié. 

Le  vieil  oppidum  devenait  aloi's  leur  refuge  in  extremis. 

Ces  gros  blocs  de  pierre  que  nous  retrouvons  aujourd'hui  un 
peu  partout,  dans  le  sous-sol  du  village,  tantôt  seuls,  tantôt 
par  groupes,  hissés  comme  à  la  hâte  les  uns  par  dessus  les  au- 
tres, ne  sont  autres  que  de  pauvres  remparts  de  fortune,  der- 
rière lesquels  ils  vendaient  chèrement  leur  vie. 

La  peur  des  Barbai^es  !  voilà  quel  fut  le  cri  d'effroi  des  peu- 
ples de  l'Aquitaine,  depuis  les  derniei*s  temps  de  l'occupation 
romaine  jusqu'aux  premières  tentatives  d'unité  nationale  par 
Charlemagne. 

L'oppidimi  était  demeuré,  quoique  ruiné,  la  place  forte,  la 
citadelle  des  clans  el  des  tribus  du  voisinage,  dans  lequel  elles 
couraient  s'enfermer  au  premier  cri  de  guerre. 

Kl  la  nnilalion  élail,  pendanl  les  périodes  de  Iranquillilé  et 
de  paix,  le  siège  de  l'évolution  civile,  le  lieu  où  se  faisait  l'é- 
change des  marchandises,  des  produits  divei*s  et  des  idées  nou- 
velles. 

Voilà  la  version  qui  a  paru  la  plus  vraisemblable  à  un  vieux 
chercheur  du  pays,  à  l'occasion  des  fouilles  qui  se  font  dans  ce 
petit  village,  qu'on  a  déjà  surnommé  l'Alésia  du  Midi. 

II 

Sur  la  place  du  marché  de  Sos,  anciennement  dénommée 
place  du  Mouré,  en  souvenir  des  Maures  venus  d'Espagne,  on 
a  mis  à  découvert  les  absides  de  deux  églises  bien  distinctes: 
une  petite  et  une  grande,  la  petite  enfermée  dans  la  grande. 


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—  513  - 

La  petite  abside  est  celle  de  la  première  église  chrétienne 
qui  ail  été  construite  à  Sos.  Son  existence  nous  en  est  révélée 
par  un  manuscrit  du  quatrième  siècle,  intitulé  Hisloriœ  sancli 
Severi.  Voici,  en  substance,  ce  qui  y  est  rappelé  : 

«  C'était  vers  l'an  392.  Saint  Sever  et  ses  compagnons  étant 
allés  à  Toulouse  pour  y  vénérer  les  reliques  de  saint  Saturnin, 
obtinrent  du  clergé  de  cette  ville  une  portion  de  ces  glorieuses 
dépouilles,  et  se  rendirent  directement  à  Sos  pour  y  prêcher 
Iê^  foi  catholique. 

<c  Là,  ils  trouvèrent  une  memoria  ou  petite  église,  érigée  en 
l'honneur  de  saint  Saturnin.  Les  hérétiques  prisciliens  ayant 
auparavant  enlevé  les  reliques  qui  s'y  trouvaient,  ils  les  rem- 
placèrent et  demeurèrent  un  certain  temps  à  Sos  ou  dans  la 
région,  pour  y  rétablir  pleinement  l'empire  de  la  vraie  foi.  » 

Comment  et  à  quelle  époque  a  disparu  cette  église  ?  C'est 
encore  un  autre  manuscrit  du  temps  qui  va  nous  l'apprendre; 
celui-ci  est  connu  sous  le  nom  de  cartulaire  de  Lescar,  et  rap- 
poilé  par  l'historien  toulousain  Nicolas  Bertrandi.  Voici  ce 
qu'il  nous  raconte  : 

<(  Vers  Tan  840,  apparut  sur  les  côtes  de  Gascogne  une  flotte 
nombreuse  de  barbares,  composée  de  peuples  divers  et  com- 
munément appelés  Normands.  Corsaires  sur'mer,  pillards  sur 
terre,  c'étaient  des  professionnels  du  vol  et  du  crime. 

«  Ils  abordèrent  donc  devant  Bordeaux  qu'ils  ne  purent 
prendre  à  cause  de  ses  solides  fortifications.  Remontant  quel- 
(|ue  temps  la  Garonne,  ils  se  jetèrent  sur  Bazas  et  livrèrent  la 
ville  aux  flammes  après  en  avoir  massacré  les  habitants.  Ne 
trouvant  pas  leur  butin  suffisant,  ils  continuèrent  leur  course 
dans  la  direction  de  Sos.  Là,  comme  à  Bazas,  les  habitants  pris 
à  l'improvisle  furent  massacrés,  leurs  édifices  renversés  et 
Téglise  incendiée.  » 

Voilà  comment  finit  la  memoria  ou  petite  église  de  Sos. 

Mais  au  xf  siècle,  quand  cette  grande  panique  de  fin  du 
monde  se  fut  dissipée  comme  un  mauvais  rêve,  sur  ce  même 
emplacement  s'éleva  une  autre  église  plus  grande  et  plus  somp- 
tueuse que  la  première.  Les  annaks  du  temps  disent  que  c'était 
une  des  plus  belles  du  diocèse.  Pour  la  consécration  de  son 


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^  514  — 

grand  aut/el,  en  1095,  il  y  avait  un  archevêque,  deux  évêques  et 
quantités  de  notables  prélats;  le  titulaire  portail  le  litre  d'archi- 
prêlre  de  Sos. 

Les  stalles  du  chœur  étaient,  paraît-il,  remarquablement 
belles.  Le  grand  orgue,  qui  était  d  une  grande  valeur,  fut  ven- 
du à  la  cathédrale  d'Auch,  le  produit  de  cette  vente  devant  con- 
tribuer au  rachat  de  François  I**,  prisonnier  de  Charles-Quint. 

(^tte  église  devait  avoir,  elle  aussi,  ses  mauvais  jours.  Au 
\vf  siècle,  le  protestantisme  parut  et  avec  lui  les  haines,  les 
divisions  et  les  guerres  civiles. 

Dans  les  premiers  temps  de  l'an  1570,  une  bande  armée  com- 
posée de  protestants,  entra  en  ville  et  y  commit  de  grandes  dé- 
prédations, chez  les  catholiques  et  surtout  à  Téglise  parois- 
siale. 

Un  procès-verbal  de  constat,  dressé  par  les  commissaires  de 
Monluc,  nous  appr'end  que  <(  la  toiture  de  Téglise  (ut  enfoncée, 
les  cloches  brisées,  le  chanu',  autel,  images,  entièrement  dé- 
truits, l'église  elle-même  en  grand  danger  de  s'effondrer,  si  on 
ne  la  répare  promptement.  » 

Avec  la  collaboration  du  Chapitre,  la  communauté  de  Sos 
put  faire  les  réparations  les  plus  urgentes;  mais  comme  on 
n'est  généralement  pas  riche,  en  temps  de  guerre  civile,  on  se 
contenta  de  quelques  bons  murs  d'appui,  avec  des  replâtrages 
de  fortune.  Ainsi  )*éparé,  l'édifice  fut  rendu  provisoirement  au 
culte. 

Ce  provisoire  dura  encore  plus  de  300  ans.  Pendant  les  som- 
bres jours  de  la  terreur,  son  nom  d'église  fut  changé  en  celui 
de  temple  à  l'Eltre  suprême,  et  les  citoyennes  de  la  cité  y  ve- 
naient chanter  des  hymne«s  civiques  à  l'autel  de  la  déesse  Rai- 
son. Un  peu  plus  tard,  sous  l'épopée  impériale,  des  Te  Deum 
d'allégresse  raisonnèrent  encore  sous  ses  voûtes,  à  la  gloire 
de  nos  armées  victorieuses;  ce  fut  pour  elle  le  chant  du  cygne. 

Dans  les  premières  années  de  notre  troisième  République, 
survint  une  administration  municipale  qui,  la  trouvant  trop  vé- 
tusté ou  trop  encombrante,  la  fit  démolir  jusqu'au  ras  du  sol. 

Voilà  l'histoire,  plus  quejnillénaire,  des  églises  de  Sos. 

A.  Barthalès. 


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LE  TEMPLE  DE  BBULHES  et  ses  COMMANDEURS 

AU  XVIII^  SIÈCLE 


Louis  Josoph  do  Qaoq 

(1716-1722),  —  Louis-Joseph  de  Gascq  est  un  des  rares 
commandeurs  du  Temple  au  xvnf  siècle  issu  d'une  famille  du 
Sud-Ouest.  La  famille  de  Gascq,  en  effet,  est  originaire  de 
Gascogne.  Jean  de  Gasc  fui  intendant  de  Guienne  et  fut  reçu 
conseiller  au  Grand  Conseil  le  15  avril  1581.  Il  avait  épousé 
Esllier  de  Vallier  (1).  Louis  Joseph  fui  reçu  chevalier  de  Malte 
le  24  avril  1(>04.  Il  était  Commandeur  du  Temple  avant  le 
11  janvier  1716  (2),  et  il  1  était  encore  le  27  février  1722.  En 
1719,  le  21  août,  il  obtint  un  arrêt  du  Parlement  de  Bordeaux 
qui  le  confirma  dans  ses  privilèges  de  seigneur  justicier  du 
Temple,  dans  son  droit  de  boucherie,  etc.,  contre  la  commu- 
nauté qui  réclamait  le  droit  de  simple  police,  de  taxer  les 
viandes,  et  enfin  que  le  Commandeur  fut  débouté  de  son  droit 
de  boucherie.  La  Cour  maintenait  purement  et  simplement  les 
privilèges  accordés  le  18  et  31  juillet  1663.  Le  22  février  1722 
Caprais  de  Fourcauld,  advocat  à  la  Cour,  fut  condamné  à  lui 
payer  la  somme  de  huit  cent  quarante  livres  de  dommages  in- 
térêts. 

Josoph  do  Raynond  Modéno  do  Pommorols 

Pendant  que  Louis-Joseph  du  Gasq  jouissait  de  la  Com- 
manderie  du  Temple,  nous  voyons  un  autre  chevalier  de 
Malte  prendre  ce  titre,  c'est  Messire  frère  Joseph  Raymond  de 
Modène-Pommerols,  déjà  Commandeur  de  Golfech  et  Gim- 


(1)  La  Chesnay  des  Bois,  tome  VTÏ. 

(2)  Sainle-QuiUerie.  Reconnaissances,  n*  1048. 


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•  —  516  - 

brède  en  1713.  Joseph  était  fils  de  Charles-Raymond  de  Ville- 
neuve, deuxième  du  nom,  seigneur  de  Pommerols  et  de 
Hilletle  du  Pré,  dame  du  Mas-Blanc.  La  branche  de  cette 
famille  provençale,  dite  des  seigneurs  de  Villeneuve,  était  éta- 
blie à  Tarascon  au  x\uf  siècle.  Leur  ancêtre  connu  est  Guil- 
laume-Raymond, chevalier  qui  se  croisa  pour  la  Terre  Sainte 
à  la  suite  de  Raymond  de  Saint-Gilles,  comte  de  Toulouse  en 
1098.  Cette  famille  était  encore  établie  à  la  même  époque  à 
Carpentras  et  à  l'île  de  Naxis.  Un  frère  de  Joseph,  Conrad  de 
Raymond,  avait  été  déjà  Commandeur  du  Temple  de  Breuilh 
et  de  Sauvagnas  (1688-1692).  En  1674,  Joseph  commandait 
un  bataillon  au  régiment  de  Normandie.  Auparavant  il  avait 
pris  part  au  siège  de  Messine.  Les  armes  de  cette  famille  sont 
«  d^argent,  à  la  croix  de  gueules,  chargée  de  cinq  coquilles 
aussi  d'argen  »  (1).  Lorsque  Joseph  de  Raymond  fit  son 
premier  testament  au  château  de  Gimbrède,  il  était  Com- 
mandeur de  Golfech  (11  juillet  1714)  (2).  Il  mourut  Comman- 
deur du  Temple  et  de  Golfech,  au  château  de  Sauvagnas  le 
15  juillet  1718.  Dans  son  testament,  refait  quelque  temps  avant 
de  mourir,  il  institue  pour  héritier  du  cinquième  de  ses  biens 
(avec  Tautorisation  du  grand  maître  de  Malle,  de  1708)  son 
frère  Jean-François-Angélique,  abbé  de  l'abbaye  cistercienne 
du  Lieu-Dieu  depuis  1706  (3).  Comme  le  Commandeur  avait 
logé  chez  son  frère,  pendant  six  ans  avant  de  s'établir  dans 
une  commanderie  avec  son  valet  de  chambre  et  sa  servante, 
par  son  testament  il  faisait  à  Tabbé  une  pension  de  1,800  livres 
pour  le  dédommager  des  sommes  par  lui  avancées  autrefois. 
De  là  des  contestations  entre  l'ordre  de  Malte  et  l'abbé  com- 
mendataire  du  Lieu-Dieu,  contestations  qui  ne  prirent  fin 
qu'en  1724. 

Durant  l'espace  de  trois  années  il  y  eut  donc  deux  Comman- 
deurs du  Temple  de  Breuilh.  Il  est  probable  qu'en  réunissant 
Saint-Jean  de  Ferran  au  Temple,  le  Grand  Maître  en  détacha, 


(1)  La  Chesnaye  des  Bois,  t.  XI,  p.  710. 

(2)  Archives  de  la  Haute-Garonne.  Fond  de  Malte,  H.  197,  n'  8. 

(3)  La  Chesnaye,  t.  XI. 


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—  517  — 

I 

en  même  temps,  le  membre  de  Sauvagnas  pour  le  donner  au 
chevalier  de  Raymond.  C'est  là  une  hypothèse  gratuite  que 
l'on  peut  admettre  cependant  tant  qu'un  document  ne  l'aura 
pas  détruite. 

Octave  do  telléam 

(1723-17Ô5).  —  Octave  de  Galléans  est  incontestablement  le 
«plus  illustre  Commandeur  du  Temple,  au  xviif  siècle.  Il  na- 
quit à  Nice  et  y  fut  baptisé  le  28  avril  1663.  Il  était  fils  d'André 
de  Galléan,"  citoyen  de  Nice,  et  de  Suzanne  de  Grimaldy.  L'il- 
lustre famille  de  Galléano  ou  Galléani,  appelée  soit  par  cor- 
ruption soit  pour  franciser  son  nom  depuis  le  xvi*  siècle,  Gal- 
léan  était  alors  établie  en  France,  au  comté  d'Avignon  et  en 
Italie.  L'ancêtre  commun  est  Simon  Galliano  ;  »  il  est  incon- 
testable, dit  un  mémoire  que  les  ancêtres  de  Simon  Galliano 
se  transplantèrent  de  Bordeaux  à  Vintimilles,  vers  l'an  1000, 
et  peu  après  à  Gênes,  d'où  leur  nom  de  Galléani  (1).  Octave 
était  de  la  branche  des  seigneurs  du  Castellel,  Cadaraches, 
Barons  des  Issarls,  marquis  de  Salerne,  ducs  de  Galléan, 
princes  romains  et  du  Saint-Empire.  Il  avait  été  reçu  cheva- 
lier de  Malte  le  15  décembre  1675.  Successivement  Comman- 
deur du  Temple,  Grand  Prieur  de  Toulouse,  Receveur  géné- 
ral de  l'ordre  au  même  prieuré.  Commandeur  de  la  Selve,  en 
Rouergue,  il  fut  nommé  Grand  Prieur  de  Saint-Gilles  le  17 
mai-s  1745,  pour  succéder  au  Grand  Prieur  Vincent  Sauveur 
de  Gaillard,  qui  venait  de  mourir  (2).  Déjà  le  15  avril  1743  il 
avait  été  nommé  Grand  Commandeur.  Comme  il  se  trouvait  à 
Malte  lors  de  sa  nomination  à  Saint-Gilles,  il  donna  ordre  au 
chevalier  Jean-Bapllste  de  Thaon  de  Revel  de  prendre  en  son 
nom  possession  du  Grand  Prieuré.  Le  voulant  aussi  récom- 
penser de  son  mérite,  le  roi  l'avait  nommé  conseiller  du  Roi 
en  ses  conseils  d'Etat  et  privés. 


(1)  La  Chesnaye  des  Bois,  t.  VII. 

(2)  Abbé  Chaillan,  pp.  r25-29.  Lordre  de  Malte  dans  la  cille  d'Arles,  Berge- 
rac 1908. 


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Octave  de  Galléan  mourut  à  Malle  le  7  avril  1750,  à  Tâgc 
de  87  ans;  il  fut  enseveli  dans  le  sépulcre  qu'il  s  était  préparé 
dans  l'église  de  Saint-Jean.  On  grava  sur  sa  dalle  funèbre 
Tépitaphe  suivante  (1)  : 

OCTAVE  DE  GALLÉAN 

D.   0.    M. 

FRATER   OCTAVIUS  GALLEANUS   NICIENSIS 

EMENSA   FELICITER    IN   TURCAS   CURSIONE 
DUM   PATRUI  TOLOS/E   PRIORIS   VICES   GERERET. 
AD   RECEPTORIS   MUNIA.    AC   BAJULIUS,   FA8TIGIA 
PRGENIA   VIRTUTUM   CORONA  ERECTUS   EST, 
CRESCENTIBUS  LNDE   SUPRA   ANNOS   MEIUTIS, 
DIGNITATES    INFRA   MERITA   CREVERE 
TYRORUM   MAGISTERIUM   PROBITATE  : 
SORORUM   SUl  ORDINIS   TUTELAM    VIRTUTE 
MAGNI   COMMENDARII,   GRADUM,   JUSTITIA  ; 
PRΠ GRANDEM   S.   wEGEDII   PRIORATUM   PROEMIO 
IN   VEN    :  .PROVINCIiE   CGETU   ADEPTUS 
CINERl   SKPULCRUM,   TROPHOEUM   NOMINI, 

POSTERITATI   MONUMENTDM 

ADHUC  VIVENS   OCTOGENERIO   MAJOR 
EREXIT 

OBIIT   DIE  VII   APRIL.   AN.    MDCCL 
ITEM   PRO  FR.  CAPP.  DE  OBED.    AGONIAM   FUNDAVIT 
AN.    MDCCXUX 

Comme  il  jouit  1res  peu  de  temps Ja  Commanderie  du  Tem- 
ple, les  archives  de  ce  fief  ne  renferment  aucun  document  oii 
il  soit  fait  mention  de  lui. 

Améiléo  do  Cays 

(1725-1735).  —  La  famille  de  Cays  (2),  originaire  du  Comté 
de  Nice,  était  établie  à  Arles  au  xvif  siècle.  Le  premier  connu, 
Jacques  de  Cays,  exerça  dans  ce  comté  la  charge  d'amiral  dès 
Tan  1262  et  fut  l'un  des  ambassadeurs  que  Charles  d'Aragon, 
Comte  de  Provence,  envoya  à  Gênes  pour  recevoir  le  serment 
de  fidélité  de  cette  république.  Raymond  de  Cays  était  cheva- 
lier de  S^-Jean  de  Jérusalem  et  Commandeur  de  S'-Luce  ou  du 


(1)  Abbé  Chaillan,  page  355. 

(2)  Morcri,  Dictionnaire  Historique^  t.  III  ;  Ardefeiiil,  Histoire  de  la  Noblesse 
de  Provence^  t.  I". 


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Temple  en  1320.  Outre  Raymond,  celte  famille  a  encore  donné 
d'autres  chevaliers  de  Malte  (huit),  enlr'aulres  François 
Joseph,  reçu  en  1668,  plus  lard  commandeur  de  Condal,  et  An- 
selme, Commandeur  d'Argentins,  oncle  d'Amédée  (1).  'Ce  der- 
nier était  bailli  el  commandeur  de  la  Cavalerie  et  du  Temple 
(1728-6  octobre).  En  1730  il  afferma  la  Commanderie  du  Tem- 
ple, quille  de  charges  locales,  la  somme  de  8,300  livres  dont 
7,112  livres  18  sols  10  deniers  lui  revenaient.  (P.-v.  de  visite 
de  1730,  n**  426).  Une  bulle  du  Grand  Maître  (1"  septembre 
1731)  accorda  à  frère  Pierre  de  Glandèvre-Castellel,  à  cause 
de  ses  vertus  et  de  "^es  .mérites,  une  pension  de  «'  quadraginta- 
rum  octoginla  octo  turonem  (2)  »,  sur  les  revenus  de  la  Com- 
manderie du  Temple  de  Bruelh. 

Mentionnons  encore,  sous  son  administration,  i'arpenle- 
menl  des  terres  de  la  Commanderie  de  Sauvagnas  (5  et  7  mai 
1731)  par  le  sieur  Antoine  Dufoui-,  arpenteur. 


(1735-1737).  —  Jacques  des  Aiguës  fut  reçu  chevalier  de 
Malle  le  1"^  septembre  1684.  Le  2  mars  1735,  son  frère  Jac- 
ques des  Aiguës,  chevalier  seigneur  de  Perslruq,  habitant  de 
la  ville  de  Bordeaux,  paroisse  Sainte-Eulalie,  étant  son  pro- 
cureur, «  baille  à  ferme  la  Commanderie  du  Temple  à  la  ré- 
serve du  membre  de  Saint-Jean  de  Ferrand,  moyennant  7,400 
livres,  six  douzaines  de  serviettes  de  valeur  de  quinze  livres 
chacune,  six  nappes,  deux  sacs  d'avoine,  huit  paires  d'oyes 
grasses,  douze  paires  de  chapons  assez  gros  el  trente  quin- 
taux de  foin  pour  chaque  année  ». 

Charlos  do  VI|iies-Parlzot 

(1738-1744).  —  Le  chevalier  de  Vignes-Parizot,  issu  de  l'il- 
lustre famille  des  La  Valette,  qui  a  donné  un  si  grand  nombre 

(1)  Amédée  fil  graver  l'épitaphe  sur  le  tombeau  de  son  oncle  Anselme,  com- 
mandeur d'Argenleins  el  bailly  de  Manosque,  enterré  dans  l'église  Saint-Jean 
de  Malte. 

(2)  Le  Temple.  Liasse  16. 


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de  chevaliers  à  Tordre  de  Malte,  naquit  le  15  février  1687.  .11 
fut  admis  dans  l'ordre  le  14  juin  10(S8.  Son  mérite,  ses  vertus, 
sa  naissance  l'appelaient  aux  plus  grandes  dignités  de  l'ordre. 
Tour  à^  tour  Commandeur  de  Saint-Biaise  du  Mont,  Le  Tem- 
ple d'Agen,  Béziers,  receveur  général  au  Grand  Prieuré  de 
Toulouse,  il  mourut  Grand  ('ommandeur  de  l'ordre,  le  12 
avril  1731,  à  l'âge  de  63  ans,  dans  l'île  de  Malte.  Il  fut  enterré 
dans  l'église  de  Saint-Jean  et  l'on  grava  sur  sa  tombe  l'épita- 
phe  suivante  : 

CHARLES  DE  VIGNES  PARIZOT  {{) 

D.   O.    M 

FR.   CAROLUS   DE   VIGNDS-PARIZOT 

EM.    M.    MAGISTRl   VALETTiB   PRONEPOS. 

SÂCRI  ORDINIS   CENOUS   DE  S.    FELIX 

COMMENDATARIUS 

QUI   VARIIS   MUNERIBUS  FUNCTU8 

RECEPTOREM  TOLOSiC   ET   M.   COMMENDATARII 

LOCUMTENENTEM   EGIT 

DEIN   M.   COMMENDATARH   DIGNITATEM 

COISSEQUUTUS   EST 

MORTIS   HAUD   IMMEMOR   LOCUM   SIBI 

VIVENS   P08UIT 

ANNO   REPARAT/E  SALUTIS   1750 

.«TATI8   SU^   63 

OBIIT   DIE   12   APRILIS   1751 

Charles  de  Vignes  jouit  pour  la  première  fois  des  revenus 
du  Temple  en  Tannée  1738  (2).  La  première  reconnaissance 
dans  laquelle  il  soit  fait  mention  de  lui  date  du  9  août  de  la 
même  année  (3).  Sous  son  administration  on  supprima  le  droit 
de  péage  du  Temple  «  tant  par  eau  que  par  terre  »  (arrêt  donné 
au  Conseil  de  Sa  Majesté  le  21  février  1741).;  il  était  perçu 
depuis  1363.  —  En  1743  le  Temple  rapportait  à  son  comman- 
deur 7,000  livres  environ.  La  rente  que  lui  faisait  le  duc  d'Ai- 
guillon, pair  de  France,  comme  baron  de  Montpezat,  était,  en 
1739,  de  «  20  sacs  froment,  10  sacs  avoine,  10  livres  d'argent 


(1)  Mas  Lastrie.  Archives  de  Malle  à  Lavaletle,  p.  231,  n*  409. 

(2)  H.  192,  n*  4. 

(3)  Reconnaissances  du  Temple,  n*  1052. 


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ol  dix  paires  de  poules  ».  En  1744,  Charles  de  Vignes  aban- 
donna la  Commanderie  du  Temple,  pour  celle  de  Béziers, 
beaucoup  plus  importante;  il  entra  en  route  le  l*'  mai  1745  (1). 


(1744-1749).  —  Lne  bulle  magistrale,  signée  le  23  janvier 
1744,  accordait  la  (Jommanderie  du  Temple  et  Sauvagnas  au 
chevalier  Joseph  de  Demandolx,  alors  Commandeur  de  Saint- 
Biais:*  du  Mont.  Il  était  fils  de  Fortuné  de  Demandolx,  sei- 
gneur de  Chateauvieux  et  de  Mandolx  et  de  Gabrielle  de  Bla- 
cas,  des  seigneurs  d'Aups,  de  Verignon  et  de  Fabrèges  (ma- 
riés le  22  septembre  1006).  Né  le  5  mai  1670,  il  fut  reçu  cheva- 
lier le  14  décembre  1693  (2).  Ce  commandeur  ne  vmt  proba- 
blement jamais  au  Temple;  il  avait  pour  régisesur  M*  Pralviel, 
notaire  de  l'ordre,  à  Toulouse,  l  ne  lettre  du  bailly  de  Froul- 
lay  (3)  à  son  î^mi  le  bailly  de  Langon  (('ommandeur  d'Argen- 
teins),  du  10  septembre  1747,  annonce  que  l'ordre  va  faire  ven- 
dre vingt-deux  arpents  de  bois,  dans  la  Commanderie  du  Tem- 
ple, faisant  le  quart  en  réserve  de  la  fulaye  appelée  le  Bois  de 
(,'Ourtis,  à  deux  lieues  d'Agen  et  à  pareille  distance  de  la  Ga- 
ronne; ce  bois  était  estimé  204  livrevS  11  sols  11  deniers  l'ar- 
pent et  4,500  livres  le  tout.  Le  bailly  de  Langon  se  proposa 
pour  effectuer  celte  vente,  mais  l'ambassadeur  de  Froullay, 
pour  ne  pas  abuser  de  lui,  car  sa  santé  était  mauvaise,  profita 
de  ce  (jue  les  chevaliers  de  Xupce  et  de  Pins  allaient  à  Agen 
vendre  d'autres  parties,  pour  leur  confier  aussi  la  vente  des 
bois  du  Temple.  [Condat  :  Liasse  13].  Joseph  s-éteignit  chez 


(1)  Archives  de  la  Haule-Garonne,  H.  192,  n'  8. 

(2)  La  famille  de  Demandolx,  des  plus  anciennes  et  plus  illustres  de  Pro- 
vence, a  donné  plus  de  trente  chevaliers  de  Malte.  Elle  a  possédé  la  terre 
de  ce  nom  pendant  près  de  cinq  siècles.  Le  premier  ancêtre  connu  est  Isnard 
de  Demandolx,  qui  était  seigneur  en  partie  au  commencement  du  xiv*  siècle, 
et  qui  prêta  hommage  pour  sa  seigneurie  en  135L  —  Le  frère  aîné  de  Joseph, 
Fortuné  II  du  nom,  seigneur  de  Mandolx,  épousa  le  26  avril  1700  Geneviève 
de  Forbin-Janson,  nièce  germaine  du  Cardinal,  Grand  Aumônier  de  France  et 
ministre  d'Etat.  —  Arlefeuil,  Histoire  de  la  noblesse  de  Provence,  t.  1",  p.  32. 

(3)  Ambassadeur  du  Grand  Maîlre  près  le  Roi  de  France. 


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son  frère  aîné  Fortuné,  au  château  de  Mandolx,  près  Castel- 
lane,  dans  les  Alpes,  le  30  mars  1749,  vers  3  ou  4  heures  du 
soir.  Il  mourut  des  suites  d'une  maladie  de  trois  semaines  cl 
fut  enterré  dans  l'église  paroissiale  de  Mandolx.  Dès  qu'il  fut 
mort,  M*  Jean-Baptiste  Gras,  notaire  de  l'ordre,  se  rendit  chez 
le  défunt  pour  apposer  les  scellés  sur  tout  ce  qui  lui  avait  ap- 
partenu (31  mars).  L'inventaire  signale  un  bien  petit  nombre 
d'objets,  trouvés  dans  la  chambre  mortuaire,  au  premier 
étage  : 

Un  habit  veste  et  culotte  drap  de  montagne  couleur  prussc  à 
boutons  d'or  glacé  assez  usé; 

Un  bonnet  drapé  couleur  rouge  de  laine,  très  mauvais; 

Une  paire  de  bas  de  laine  blanche  très  usés; 

...  Trois  chemises  de  toile  de  maison  hors  de  service; 

Deux  mauvaises  serviettes  hors  d*usage; 

Une  vieille  épée  dont  la  monture  de  cuivre,  la  poignée  de  bois 
sans  garniture,  dans  un  vieux  fourreau  avec  son  ceinturon  de 
buffre.  ♦ 

Quelques  jours  plus  tard,  le  30  avril,  Gaspard  de  Ray- 
mond, accompagné  de  M*  Gras,  vint  faire  la  levée  des  scellés. 
Avec  l'autorisation  du  père  et  du  frère  du  Commandeur,  ses 
effets  furent  transportés  à'  Castellane  et  mis  en  vente  sur  la 
place  publique.  On  les  adjugea  à  un  certain  Joseph  Blanc, 
cordonnier  du  lieu,  pour  la  somme  de  vingt-quatre  livres  (1). 

François  do  Pallavicinl 

(1794-1703).  —  Jean-François  de  Pallavicini  naquit  à  Nice  le 
30  septembre  1038  et  fut  reçu  chevalier  de  Malte  le  2  décembre 
1701.  Il  était  fils  de  haut  et  puissant  seigneur  Messire  Aimée 
l*hiliberl,  Comte  Palavicini  de  Perlo  (2).  L'illustre  famille  de 
Pallavicini  a  produit  divei^es  branches  à  Rome,  Gênes  et  en 
Lombardie.  Ceux  de  Rome,  qui  ont  eu  plusieurs  cardinaux. 


(1)  Archives  de  la  naule-Garonnc.  Fond  de  Malte;  Le  Temple,  liasse  16. 

(2)  Sainle-Quilterie.  Liasse  3. 


N 


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sont  princes  de  Cîvitella.  Les  Pallavicihi  de  Gênes  étaient  aussi 
en  grande  considération;  c'est  de  cette  dernière  branche  qu'est 
issu  le  Commandeur  de  Pallavicini  (1).  Il  existait  aussi,  dans 
les  anciens  états  de  Savoie,  une  branche  des  Pallavicini,  mar- 
q;:is  de  Ceva  (2). 

Le  25  novembre  1749,  M"  Bernard  Pratviel,  notaire  royal  de 
Toulouse,  procureur  de  Messire  François  de  Pallavicini,  che- 
valier de  l'ordre  de  Sain-Jean  de  Jérusalem,  Commandeur  du 
Temple  et  membres  en  dépendant  (3  novembre  1749)  «  bailhe 
a  litre  de  ferme  et  arrantcment,  aux  sieurs  Jean  Darquié,  Cres- 
pin  Delmas,  Bernard  Barsalou,  Laurent  Fedas,  tous  négo- 
ciants de  la  ville  d'Agen  y  habitant  et  sieur  Antoine  Hugo- 
nier,  bourgeois,  habitant  de  Burtayre,  paroisse  et  juridiction 
de  Sauvagnas  »  la  Commanderie  du  Temple  d'Agen  avec  tous 
les  membres  en  dépendant,  la  rente  que  fait  M.  le  duc  d'Aiguil- 
lon dans  la  Conlmanderie  ensemble  pour  le  membre  de  Domi- 
nipech,  suivant  la  scntance  du  15  novembre  mil  cinq  cent  cin- 
quante sept,  et  généralement  tout  ce  que  led.  sieur  Comman- 
deur a  droit  de  jouir  et  percevoir  dans  la  Commanderie  du 
Temple  et  membres  en  dépendant  y  compris  les  lods  et  ventes, 
rentes  et  droits  de  boucherie  en  quoy  que  le  tout  puisse  con- 
sister, sous  la  réserve  tant  seulement  des  droits  cachés,  incon- 
nus et  non  payés  depuis  29  ans,  les  honorifiques  personnels, 
amendes,  confiscations,  indemnités,  droits  de  Prélation  et  de 
chasse,  les  entiers  bois  du  Temple  et  Sauvagnas...  «  pendant 


(1)  La  Chesnaye  des  Bois,  I^obUiairCy  l.  XI,  p.  158. 

(2)  Parmi  les  principaux  niembres  de  la  famille  Pallavicini  citons  :  a)  Lazare 
de  Pallavicini,  des  princes  de  Civitella,  fait  cardinal  en  1669  par  Clément  IV, 
cl  mort  à  Rome  le  20  avril  1680;  6)  Antoine,  évêque  de  Vinlimille  et  de  Pam- 
pelune,  né  à  Gênes  en  1441;  Innocent  VIII  le  nomma  cardinal  en  mars  1489. 
Le  successeur  de  ce  pape,  /Vlexandre  VI,  eut  aussi  beaucoup  de  considéra- 
tion pour  lui  dont  il  estimait  surtout  la  lermeté  et  le  courage.  C'est  ce  cardi- 
nal qui  reçut  le  roi  Charles  VIII  lorsque  ce  prince  entra  à  Rome,  le  28  dé- 
cembre 1494.  Jules  II  l'envoya  plus  lard,  comme  légat,  à  Savoqne,  où  se  fit 
l'entrevue  de  Louis  XII  et  de  Ferdinand,  roi  d'Aragon.  Xi  mourût  à  Rome,  à 
peine  de  retour  de  celte  ambassade,  le  10  septembre  1507  ;  c)  Ferrante,  cha- 
noine régulier  de  Saint-Augustin,  de  la  Congrégation  de  Latran,  se  distingua 
surtout  pour  le  brillant  de  son  esprit.  Il  eut  la  lêle  tranchée  à  Avignon  en 
1644  ;  d)  Sforza,  jésuite  puis  cardinal  (1607-1667).  Il  écîrivit  en  italien  une  his- 
toire du  Concile  de  Trente,  etc.  —  Moreri  :  Dict.  Historique ^  tome  VIII. 


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six  années  qui  commneceront  le  premier  de  may  de  Tan  pro- 
chain 1750  et  finiront  à  pareil  jour,  moyennant  le  prix  de  8,  ibO 
livres  payables  en  deux  paiements  égaux,  le  premier  à  la  fête 
de  Noël  de  lad.  année  1750  et  le  second  aux  fêtes  de  Pâques 
suivantes  (1).  »  Les  fermiers  s'obligent  encore  à  payer  les  pen- 
sions des  curés  :  à  celui  du  Temple  <<  24  sacs  de  blé,  5  barri- 
ques de  vin,  90  livres  d'argent,  en  outre  le  curé  percevra  le 
quart  du  chanvre  et  du  lin  et  jouira  comme  par  le  passé  d'une 
pièce  de  t-erre.  A  ses  vicaires  on  donnera  150  livres  à  chacun. 
La  pension  du  curé  de  Saint-Caprais  de  Montflanquin  était 
fixée  à  300  livres;  celle  du  curé  de  Dominipech  24  sacs  de  blé, 
4  barriques  de  vin,  30  livres  d'argent.  Enfin  le  Commandeur 
ye  réservait  de  pouvoir  oc-cuper  tous  les  appartements  qu'il 
voudrait  dans  les  châteaux  de  Sauvagnas  ou  du  Temple,  s'il 
voulait  aller  y  habiter.  Les  femiiers  devaient  encore  donner 
30  livres  de  gages  aux  gardes  des  bois  du  Temple  et  de  Sau- 
vagnas. 

Déjà,  au  début  du  wif  siècle,  les  chevaliers  de  Malle  avaient 
essayé  de  tirer  parti  de  la  vieille  église  de  Sainte-Quitterie 
d'Agen,  aussi  le  Commandeur  Raymond  de  Gozon-Mélac  la 
céda-t-il,  en  1601,  à  la  confrérie  des  Pénitents.  En  1746  une 
ordonnance  du  roy  autorisa,  à  Agen,  l'établissement  d'une 
maison  de  refuge,  qui  fut  installée  en  1753  dans  les  locaux  du 
Temple.  Le  chevalier  de  Polastron  trouva  que  l'acte  d'inféo- 
dation  lésait  les  intérêts  de  l'ordre  (2).  Le  Conseil  de  Malte  le 
cassa  et  nomma,  le  3  juillet  1755,  les  chevaliers  d'Eaulx  et  de 
Valence  pour  se  rendre  à  Agen,  et  s'entendre  avec  l'Evêque 
afin  de  consentir  un  nouveau  bail  d'inféodation  dans  lequel  les 
intérêts  de  Tordre  ne  fussent  pas  lésés.  Le  Commandeur  de 
Pallavicini,  qui  habitait  la  ville  de  Turin,  constitua  pour  son 
procureur  général  et  spécial  M'  Jean-Baptiste  de  Lagrèze, 
docteur  en  théologie,  curé  de  la  ville  d'Aiguillon  en  Agenais 
«  pour  avec  messieurs  les  commissaires  députés  par  Son  Al- 
tesse Emin.  Mgr  le  Orand  Maître  dud.  ordre  et  son  sacré  Con- 


(1)  Fond  de  Malte  ;  Le  Temple,  liasse  8. 

(2)  Sainte-Oiiitterie,  liasse  3,  n*  4. 


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-  525  — 

seil,  par  décret  du  4  février  1753,  consentir  le  bail  d'inféoda- 
lion  en  faveur  de  Mgr  TEvêque  d'Agen  ».  L'accord  définitif 
fut  conclu  le  17  juillet  1755  (1). 

«  Entre  Messire  frère  Joseph  de  Raymond  d'Eaulx,  cheva- 
lier de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  commandeur  de 
Villeneuve,  Jaurenc,  La  Grande  et  Sainte  Marguerite  de  Lu- 
zeran  et  Messire  frère  Claude-Sylvestre  de  Timbrunne-Va- 
lence,  aussi  chevalier  de  l'ordre,  colonel  au  régiment  de  Béarn 
et  M*  Jean-Baptiste  de  Lagrèze,  prêtre,  docteur  en  théologie 
et  curé  de  la  ville  d'Aiguillon,  et  Illustrissime  et  Reverendis- 
sime  Père  en  Dieu  Monseigneur  Joseph-Gilbert  Gaspard  de 
Chabannes,  conseiller  du  Roy  en  tous  ses  conseils,  évêque  et 
comte  d'Agen,  supérieur  de  la  Communauté  du  Refuge  »  fut 
passé  le  nouvel  acte  d'inféodation  de  «  une  chapelle  dédiée  à 
Sainte-Quitterie,  une  ^  tour  joignant  servant  de  sacristie,  un 
cloître  au  milieu  duquel  il  y  avait  un  petit  jardin,  un  lopin  de 
jardin  et  terre  derrière  ledit  cloître  et  chapelle,  un  grand  jar- 
din séparé  en  deux  par  le  fossé  de  la  ville,  rive  Gourbaut  et 
une  maison  pour  le  jardinier  et  qui  consiste  aujourd'huy  en 
un  bastiment  à  deux  étages  destinés  pour  ladite  Communauté 
du  Refïuge  et  en  un  grand  jardin  séparé  aussi  en  deux  par 
ledit  fossé.  Le  susdit  local  contenant  quatorze  cartonats  deux 
picotins  suivant  Tarpentemenl  qui  en  a  été  fait  en  présence  des 
parties  par  Jean  Bonnet,  arpenteur,  juré  de  la  ville  d'Agen... 
sous  la  censive  annuelle  et  perpétuelle  de  dix  sacs  bled  fro- 
ment, mesure  d'Agen,  le  sac  composé  de  quatre  quartons  et 
le  quarton  de  huit  picotins  beau,  bon,  pur,  et  marchand,  paya- 
ble annuellement  et  à  perpétuité  par  ladite  (Communauté  du 
Refuge  chaque  jour  et  fête  de  Saint-Jean-Baptiste...  Attendu 
que  le  fond  cy-dessus  inféodé  tombe  en  main  morte,  il  a  été 
convenu  entre  parties  qu'il  sera  payé  audit  seigneur  Comman- 
deur du  Temple  par  ladite  conniiunauté  du  Reffuge,  un  droit 
de  lods  ou  d'indemnité  de  trente  en  trente  ans,  fixé  à  la  somme 
de  cent  quarante  une  livre  treize  sols.  Les  commissaires  de 
l'Ordre  se  réservent  les  droits  de  visitte  et  honorifiques  dans 


(1)  Archives  de  la  Haute-Garonne.  Sainte-Quilierie,  liasse  3,  n*  A. 

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—  596  — 

ladite  chapelle,  qui  consisl^^nl  scavoir  :  Lorsque  Messieurs  les 
Commissaires  députés  pour  les  visites  de  la  susdite  comman- 
derie  arriveront  à  Agen  ils  fairont  avertir  la  supérieure  de 
ladite  maison  qui  sera  tenue  d'envoyer  chez  eux  pour  prendre 
leur  heure  pour  la  visite  de  ladite  chapelle,  à  la  porte  de  la- 
quelle ils  seront  reçus  au  son  des  cloches  par  l'aumonier  re- 
vêtu de  surplis  et  étoile  (ju'il  remettra  ^u  prêtre  visiteur,  leur 
présentera  do  l'eau  bénite  avec  le  goupillon,  les  conduira  à 
l'autel  en  chantant  l'antienne,  le  coutume  et  oraison  de  l'ordre 
et  après  y  avoir  fait  leur  prière  le  Prêtre  visiteur  donnera  la 

bénédiction  du  Très  Saint-Sacrement » 

Le  2  septembre  1757,  le  Commandeur  de  Pallavicini  fut 
maintenu  dans  la  possession  et  jouissance  de  la  nobilité  de 
81  carterées,  4  cartonats  2  picotins  et  demitiers  de  picotin  de 
fond  noble  qu'il  possédait  dans  la  juridiction  du  Temple  (1). 
CeHe  même  année  l'ut  reconnu  le  fief  de  Sainte-Quitterie  qui 
comprenait  208  carterées,  7  cartonats,  5  picotins  2/3.  La  cen- 
sive  s'élevait  à  une  quarte  cinq  picotins  un  quart  de  blé,  trois 
quartes  deux  picotins  d'avoine,  deux  paires  de  poules,  dix- 
sept  livres  seix  sols  six  deniers  d'argent.  Enfin,  le  14  septem- 
bre 1763,  à  la  requête  du  Commandeur  de  Glandevès-Cas- 
tellet,  le  grand-maître  des  Eaux  et  Forêts  de  France  au  dé- 
partement de  Guiennc^,  visita  les  bois  de  Courty,  à  deux  lieues 
d'Agen  ;  il  les  trouva  dans  un  fort  mauvais  état  d'entretien  (2). 


François   de  Qlandovès-Castoltol 

(1705-170G).  —  François  de  Glandevès  jouissait  déjà  le 
membre  de  Saint-Jean  de  Ferrand  lorsqu'il  fut  pourvu  de 
l'entière  commanderie  du  Temple  en  1765  (3).  Il  naquit  à  Aix 
le  22  février  1696  et  fut  admis  dans  l'ordre  le  22  octobre  1712. 
C'était  le  troisième  enfant  mâle  de  Jean  de  Glandevès,  sei- 


(1)  Archives  de  la  Haute-Garonne,  Fond  de  Malte.  Le  Temple,  liasse  15. 

(2)  Par  di'^crel  du  Grand  Vlaiire  et  de  son  Conseil  du  13  mars  1761,  la  Com- 
manderie du  Temple  fut  imposée,  pour  3  ans,  d'une  somme  de  1,700  livres 
15  sols  6  deniers,  soit  568  1.  18  s.  6  d.  par  an.  (H.  233,  n'  2-6.) 

(3)  Saint- Jean  de  Ferrand;  Reconnaissances  1763,  n*  1057. 


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-  527  — 

gneur  dix  Castellet,  élu  premier  consul  d'Aix,  Procureur  du 
Pays  en  1702,  et  de  Demoiselle  N...  de  Flotte  d'Agoult  de 
Saint-Auban.  Il  était  issu  de  la  branche  des  Glandèves  de 
Monlblanc-Castellet.  Cette  noble  famille,  d'origine  proven- 
çale, a  comme  premier  ancêtre  connu,  Anselme  Perraud,  sei- 
gneur de  Thoranne,  qui  épousa  en  1235  Théritière  des  sei- 
gneurs de  Glandevès  du  nom  de  Balb.  Celte  famille  des  plus 
illustres  et  des  plus  anciennes  de  Provence,  a  pour  armes 
((  fascé  d*or  et  de  gueules  de  six  pièces  »  (1).  Les  archives  du 
Temple  sont  complètement  muettes  sur  ce  commandeur  (2). 

Honry  Suar^Sp  ballly  d'Aulan 

1772  [?].  —  Le  chevalier  Henry  de  Suarez  d'Aulan  naquit 
le  14  mai  1704.  On  l'admit  dans  l'ordre  le  21  mai  1718.  Il  as- 
sita  à  la  prise  de  possession  du  Grand  Prieuré  de  Saint-Gilles 
par  le  chevalier  de  Revel  au  nom  du  Grand-Prieur  Octave  de 
Galléans,  son  prédécesseur  au  Temple,  le  5  mai  1745  (abbé 
Chaillan,  p.  126).  Le  G  may  1772,  Messire  Henri  de  Suarez, 
Bailly  d'Aulan,  Commandeur  de  l'Ordre  de  Malte,  Maréchal 
des  Camps  et  armées  du  roy,  gouverneur  de  Tîle  de  Rhé,  et 
commandant  en  icelle,  donne  procuration  à  Messire  Claude 
Sylvestre  de  Timbrune,  chevalier  de  Valence,  maréchal  des 
Camps  et  armées  du  roy,  chevalier  de  l'Ordre  de  Saint-Jean 
de  Jérusalem,  Commandeur  de  la  Villedieu  et  membres  en 
dépendant  pour  bail  à  ferme  de  la  Commanderie  du  Temple, 
pour  cinq  ans,  avec  les  réserves  ordinaires,  moyennant  qua- 
torze mille  cinq  cent  livres  pour  chaque  année. 

Bornait!  de  Polastron  la  Hllllèro  la  Dain 

(1777-1786).  —  La  famille  de  Polastron,  une  des  plus  ancien- 
nes de  Languedoc,  a  donné  un  grand  nombre  de  chevaliers 
de  Malte.  Au  \\\f  siècle,  un  arrière  grand  oncle  de  Bernard, 


(1)  La  Chesnaye  des  Bois,  lorae  VII. 

(2)  Le  3  juin  1772.  François  de  Glandevcs  est  bailly   et  commandeur  d<î 
Raissac  à  Marsoilles.  (Abbé  Chaillan,  p.  326.) 


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~  528  — 

Denys  de  Polaslron,  fut  grand  Prieur  de  Toulouse.  A  cette 
même  époque,  un  autre  Polaslron,  neveu  du  grand  prieur  et 
probablement  le  grand  père  du  Commandeur  du  Temple,  Ber- 
nard, seigneur  de  la  Martinière,  «  mareschal  de  bathailhes  ez 
armées  de  Sa  Majesté  »  s'empara  du  célèbre  aventurier  Gas- 
pard Dispan  du.  Plan,  qui  pillait  impunément  les  biens  du 
Grand  Prieur  à  Boudrac  (1060)  (1).  Bernard  naquit  le  22  oc- 
tobre 1719.  Il  était  très  probablement  fds  de  Denis  comte  de 
Polastron,  seigneur  de  Lorac  et  de  Villeneuve,  chevalier 
grand  croix  de  l'Ordre  royal  et  militaire  de  Saint-Louis.  Lieu- 
tenant-général des  armées  du  Roy,  commandant  pour  Sa 
Majesté  dans  les  trois  évêchés  de  Saint-Malo,  Dol  et  Saint- 
Brieux.  Cette  famille  portait  pour  armes  «  d  argent  au  lion  de 
sable  lampassé  de  gueules  »  (2).  Il  fut  reçu  chevalier  le  22  oc- 
tobre 1732  (3). 

Le  24  juin  1777,  Bernard  de  Polastron  baille  à  ferme  sa 
commanderie  du  Temple,  avec  les  réserves  habituelles, 
moyennant  14.000  liiivs,  quitte  de  charges.  Lors  de  l'imposi- 
tion générale  de  .1777  de  500.000  écus  d'or,  le  Grand  Prieuré 
de  Toulouse  fut  taxé  à  33.000,  répartis  sur  les  diverses  com- 
manderies.  La  taxe  du  Temple  fut  de  940  livres  6  sols  15  de- 
niers. Nous  avons  vu  qu'en  1703  le  Grand  maître  des  Eaux  et 
Forets  de  Guii^nne  trouva  les  bois  de  Courly  en  fort  mauvais 
état.  Le  (/ommandeur  de  Polastron  voulut  les  remettre  en 
valeur  et  il  les  fit  arpenter  le  5  août  1779.  M.  de  Polaslron 
demanda  aussi  une  nouvelle  reconnaissance  du  local  inféodé 
par  la  Maison  du  Refuge,  dépendant  de  la  commanderie  du 
Temple.  Pour  répondre  à  ses  désirs,  le  14  août  1780,  messire 
Jean-Bernard  de  Passalaigue,  chanoine  de  la  Cathédrale, 
abbé  de  Pérignac,  vicaire-général  et  officiai  d'Agen,  agissant  ■ 
comme  député  du  bureau  d'administration  de  la  Maison  du 
Refuge  de  la  ville  d'Agen  (par  délibération  du  27  juin  dernier) 
et  M**  Jean-Bernard  Dayrie,  procureur  à  la  Cour  d'Agen,  pro- 


(1)  Archives  de  la  Haute-Garonne.  Houdrac,  liasse  2. 

(2)  La  Chesnaye  des  Bois,  lome  XI,  p.  385.  Bremond  :  Nobiliaire  Toulou- 
sain, tome  II. 

(3)  Archives  de  la  Haute-Garonne,  série  H,  192,  n"  2. 


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—  529  — 

cureur  fondé  de  Bernard  de  Polastron  la  Hillière  le  Dain, 
Commandeur  du  Temple,  renouvellent  l'acle  d'inféodation  de 
1755  dans  les  mêmes  conditions  (1).  En  1781,  il  fut  pourvu  de 
la  commanderie  de  Saint-Biaise  du  Mont.  Le  dernier  docu- 
ment des  archives  du  Temple  qui  fasse  mention  de  lui  est  le 
bail  à  feiTne  de  la  Commanderie  du  Temple,  pour  6  ans,  avec 
réser\^es,  moyennant  la  somme  de  14,000  livres  par  an  (29  jan- 
vier 1782). 

Jossph-François-Ignace  do   Marcel  do  Blain  du  Poét 

(1787-1790).  —  Joseph-François  Ignace  de  Marcel  naquit  le 
G  février  1723  et  fut  reçu  chevalier  le  23  novembre  1739.  Il  des- 
cendait de  la  famille  de  Marcel,  établie  dans  le  Comté  Venais- 
sin,  qui  remonte  à  Charles  Marcel,  marié  le  23  septembre  1361 
à  Jeannette  de  Bellecombe.  Son  frère  aîné  Joseph  Laurent  de 
Marcel  Blain,  né  en  1715,  fut  capitaine  (1735)  dans  le  régiment 
de  Dauphin  étranger  cavalerie.  Les  armes  de  cette  famille  sont 
t(  d'argent  à  la  bande  de  gueules  chargée  de  trois  croissans 
d'argent  (2).  »  Le  21  octobre  1787,  Joseph-François  Ignace  de 
Marcel  Blain  de  Poét,  chevalier  profès  de  l'ordre  de  Saint- 
Jean  de  Jérusalem,"  Commandeur  du  Temple  d'Agén,  habitant 
ordinairement  à  Montélimart  en  bas  Dauphiné,  étant  ce  jour- 
là  dans  la  ville  d'Agen,  bailhe  à  ferme  pour  9  ans,  sa  Com- 
manderie, moyennant  15,000  livres  par  an,  avec  les  réserves. 
De  cette  somme  le  fer-mier  devait  verser  au  trésor  de  l'ordre 
entre  les  mains  du  Receveur  général  du  Grand  Prieuré  de 
Toulouse  la  somme  de  6i0  livres  12  sols  9  deniers,  scavoir  : 
3,127  livres  13 -s.  7  d.  en  raison  des  responsions;  3,000  livres 
de  pension  dont  il  est  obligé  envers  M.  le  chevalier  de  Léau- 
mont,  et  de  celle  de  310  livres  19  s.  2  d.  de  pension  envers  M.  le 
chevalier  de  Glandevès.  Il  restait  donc  pour  le  Commandeur 
8,600  livres.  En  plus  des  15,000  livres  les  fermiers  devaient 
payer  150  livres  au  vicaire  du  Temple,  100  livres  au  curé  de 


Cl)  Sainle-Ouitlerie,  HI,  n'  5. 

(2)  La  Chesnaye  des  Bois,  tome  ÎX,  p.  497. 


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Saint-Caprais,  100  livres  au  curé  de  Dominipech,  60  livres  au 
garde  du  Temple. 

Le  chevalier  de  Blain  fut  le  dernier  Commandeur  du  Tem- 
ple. La  suppression  arbitraire  de  l'ordre  en  1790  par  l'Assem- 
blée constituante,  le  dépouilla  pour  toujours  de  sa  Comman- 
derie. 

P.-Henry  Gun  hamon. 


Bibliographie  :  Ouvrages  consultés.  —  La  Chesnaye  des  Bois  : 
Nobiliaire;  Saint-Allais  :  Nobiliaire;  D'Hozier  :  Nobiliaire;  Bre- 
MOXD  :  Nobiliaire  Toulousain;  P.  Anselme  :  Grands  Olfices  de  la 
Couronne;  Gaufridus  :  Histoire  de  Provence;  Imhoff  :  Familles 
dltalie  (Latin);  Comte  de  Grasset  :  Essai  sur  le  Prieuré  de  Saint- 
Gilles:  Uayband  :  Grand  Prieuré-  et  Grands  Prieurs  de  Saint-Gilles; 
abbé  Chaillan  :  Histoire  de  iordre  de  Malte  dans  la  ville  d'Arles, 
Critique  du  nobiliaire  de  Provence  de  Tabbé  de  Briançon  (manus- 
crit de  la  Bibliothèque  municipale  de  Toulouse);  Ailefeuil  :  His- 
toire héroïque  de  la  noblesse  de  Provence;  Moreri  :  Dictionnaire 
historique;  Du  Bourg  :  Le  Grand  Prieuré  de  Toulouse;  Bulletin  de 
|a  Soc.  archéologique  de  T.-et-G.,  tome  vi  :  Chev.  de  Malte  du  can- 
ton de  Saint-Antonin;  E.  de  Juignc  de  Lassigny;  Pitton-Curl  :  Hist. 
de  la  noblesse  du  Comté  Venaissin;  Mas-Latrie  :  Archives  de  Malte 
à  Lavalette;  Meller  :  Armoriai  du  Bordelais, 


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CHARLES-OGIER  DE  SÉRIGNAC 

GOUVERNEUR  DE  GLAIRAC  (1623-1639) 


Messire  Bertrand  de  Sérignac,  fils  de  Jean  de  Sérignac  et 
de  Catherine  de  Ferraboiic,  était  co-seigneur  de  Belmont,  près 
de  Vic-Fezensac,  en  la  sénéchaussée  d'Armagnac,  diocèse 
d'Auch.  Il  se  maria  deux  fois.  Sa  première  femme,  Jeanne  de 
Clarac,  fille  de  noble  Jean  de  Clarac  et  de  demoiselle  Anne  de 
Saint-Jean,  lui  donna  deux  fils  :  Jean  et  Jean-Jacques  de  Séri- 
gnac (1). 

En  secondes  noces  (par  contrat  du  6  mai  1566,  passé,  à  Cas- 
telfranc,  devant  Saubat  Plasensat,  notaire  à  Marciac),  Ber- 
trand de  Sérignac  épousa  Anne  de  Bruyères-Chalabre,  fille  de 
noble  Gabriel  de  Bruyères-Chalabre,  seigneur  d'Estampes,  et 
de  Catherine  d'Eslaing. 

De  ce  dernier  mariage  naquit  une  fille  qui  fut  nommée 
Anne.  L'enfant  qui  devait  être  gouverneur  de  Clairac  en  Age- 
nais  n'avait  pas  encore  vu  le  jour  quand  son  père  malade  fit 
son  testament  au  château  de  Lescurry  en  Bigorre,  le  26  juil- 
let 1570. 

Peu  de  temps  après,  l'enfant  dont  Anne  de  Brugères-Chala- 
bre  était  enceinte  fut  mis  au  monde.  On  lui  donna  le  nom 
d'Ogier  qu'il  fit  plus  tard  lui-même  précéder  de  celui  de 
Charles. 

De  bonne  heure  Charles-Ogier  de  Sérignac  quitta  la  Gasco- 
gne pour  habiter  en  France,  comme  on  disait  alors  en  parlant 
de  l'Ile  de  France. 

Le  28  juillet  1594  étant  à  Paris,  rue  Saint-Martin,  paroisse 


(1)  Cet  article  a  été  composé  entièrement  avec  les  archives  de  M.  le  vi- 
comte de  Fontac,  héritier  par  sa  mère  de  la  famille  de  Sérignac  aujourd'hui 
éteinte.  Ces  archives  conservées  naguères  à  Belmont  (Gers)  viennent  d'être 
transportées  par  son  possesseur  au  château  du  Vigneau,  près  de  Sauternes 
(Gironde).  Elles  sont  entièrement  classées. 


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—  532  — 

Saint-Nicolas  des  Champs,  le  jeune  cadet  de  Gascogne  (par 
acte  passé  devant  Jean  Muret  et  Jean  Cadier,  notaires  au  châ- 
telel),  donna  pouvoir  à  sa  sœur  et  à  d'autres  personnes  de  pro-' 
céder  avec  ses  frères  aînés  au  partage  de  la  succession  de  ses 
père  et  mère. 

Le  contrat  de  partage  fut  passé  le  27  juillet  1596  par  le  no- 
taire de  Belmont;  Charles  Ogier  de  Sérignac  et  sa  sœur  eurent 
pour  leur  part  866  écus  sol  en  argent  et  des  immeubles.  Le 
lundi  22  juin  1598,  pour  être  mis  en  possession  de  la  portion 
du  capital  qui  lui  avait  été  attribuée  et  des  intérêts  produits 
par  cette  somme  et  aussi  pour  faire  cesser  l'indivision  qui  ré- 
gnait entre  sa  sœur  et  lui  pour  les  immeubles  dont  ils  étaient 
conjointement  et  par  égales  portions  propriétaires  il  donna  à 
sa  sœur  une  nouvelle  procuration. 

Dans  ce  contrat  il  est  dit  que  «  noble  homme  Ogier  de  Séri- 
gnac de  Behnont,  lieutenant  de  la  compagnie  de  M.  de  Mar- 
san, capitaine  des  gardes  du  roi  »  était  logé  au  faubourg  Saint- 
Victor,  rue  des  Corpeaux,  en  la  maison  où  pendait  pour  ensei- 
gne la  Tête  Noire,  sur  le  territoire  de  la  paroisse  Saint-Mé- 
dard. 

Ayant  plus  besoin  d'argent  que  de  terre,  Ogier  de  Sérignac 
revient  en  Gascogne;  le  29  mars  1599  il  emprunte  à  sa  sœur 
1,087  écus  et  lui  donne  en  gage  le  domaine  noble  de  Landié, 
en  Belmont  rachetable  dans  le  délai  de  deux  ans. 

En  1605,  le  22  novembre,  il  signe  son  contrat  de  mariage 
avec  Diane  de  Ferragut,  fille  de  Pierre  de  Ferragut,  seigneur 
de  Gignan  en  Fezensac,  et  de  dame  Madeleine  de  Batz. 

Le  futur  époux,  qualifié  dans  cet  acte  écuyer  et  sefgneur  de 
Belmont,  n'est  encore  que  lieutenant  d'une  compagnie  aux 
gardes  du  roi. 

Quelque  temps  après,  Ogier  de  Sérignac  devient  possesseur 
d'une  compagnie  d'infanterie  dans  le  régiment  de  Chappes.  Il 
commande  à  cinquante  hommes. 

Comme  il  importait  d'accroître  le  nombre  des  gens  de 
guerre,  le  roi  Louis  XIII  étant  à  Paris,  le  11  août  1615,  donna 
commission  à  son  bien  amé  le  capitaine  Belmont  de  porter  rà 
cent  cinquante  le  nombre  des  hommes  de  sa  compagnie. 


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--  533  — 

Malgré  cet  ordre,  le  chiffre  fixé  par  le  roi  ne  fut  pas  atteint; 
la  compagnie  du  capitaine  Belmont  ne  contenait  que  soixante 
soldats,  lorsque  le  roi,  par  un  nouveau  brevet  signé  k  Paris,  le 
30  janvier  1617,  donna  commission  de  la  porter  à  cent  hommes 
dans  le  délai  d  un  mois.  ^ 

Le  parchemin  revêtu  de  la  signature  de  Louis  XIII  porte  le 
contre-seing  dli  cardinal  de  Richelieu, 

En  1620,  le  capitaine  Belmont,  à  la  tête  de  sa  compagnie, 
prend  part  au  siège  de  Caen;  il  ^  reçoit  une  blessure  si  terri- 
ble que  Louis  XIII  le  croit  hors  d'état  de  continuer  son  ser-, 
vice.  Sa  Majesté  octroie  aussitôt  au  brave  capitaine  une  pen- 
sion de  deux  mille  livres.  Le  brevet  fut  signé  dans  la  ville 
même  de  Caen  de  la  main  du  roi  le  20  juillet.  La  pension  devait 
être  comptée  à  partir  du  P*"  juillet  de  la  même  année. 

Malgré  sa  grave  blessure  et  p ontre  tout  espoir,  le  capitaine 
Belmont  continua  son  service.  11  en  fut  récompensé  quelques 
années  plus  tard  (2  février  1623)  par  le  titre  de  gouverneur  de 
Clairac  en  Agenais. 

Voici  les  provisions  de  cette  charge. 

Louis,  par  la  gnlce  de  Dieu,  roy  de  France  et  de  Navarre,  à  tous 
cculx  qui  ces  présentes  IcUres  verront,  salut.  Ayant  résolu  pour  le 
bien  de  nostre  service  de  pour\'oir  à  la  charge  de  gouverneur  de 
noslre  ville  et  réduicl  de  Clérac,  et  estant  nécessaire  pour  cet  effet 
d'en  commettre  la  charge  à  quelque  personnage  dont  la  fidélité  et 
affection  au  bien  de  nostre  service  nous  soict  entièrement  cogneue 
et  sur  la  vigilance  duquel  nous  nous  puissions  reposer  de  la  seureté 
et  conservation  de  lad.  place  en  nostre  obéissance,  nous  avons  esti- 
mé ne  pouvoir  sur  ce  subiet  faire  meilleur  ny  plus  digne  choix  que 
de  la  personne  de  noslre  cher  el  bien  amé  le  s*"  de  Belmont,  Charles 
de  Sérignac,  capitaine  d'une  compagnie  de  gens  de  pied  au  régiment 
du  s'  de  Chappes,  pour  les  preu\es  signalées  qu'il  a  rendues  de  sa 
^aUeur  et  courage  en  plusieurs  occasions  qui  se  sont  présentées 
pour  nostre  service,  Scavoir  faisons  que  nous,  pour  ces  causes  et 
autres  à  ce  nous  niouvans  et  à  [)lain  confians  de  ses  sens,  suffizance, 
loyauté,  preudhoniniie,  expérience  au  fait  des  armes,  valleur  el 
bonne  conduilte,  Avons  a  icelluy  s'  de  Belmont  donné  et  octroyé, 
donnons  et  octroyons  par  ces  présentes  la  charge  de  gouverneur  de 
nostre  dite  ville  et  réduicl  de  .Clérac,  pour  d'icelle  jouir  et  user  aux 
honneurs,  auctorilés,   prérogatives,    prééminances,    franchises    el 


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—  534  — 

libériez  qui  y  appartiennent  et  aux  appoinclemens  qui  luy  seront  cy 
après  ordonnez  par  nos  Esialz,  avec  pouvoir  de  commander  aux 
consulz,  habilans  de  lad.  ville  el  gens  de  guerre,  qui  sont  et  seront 
cy  après  establiz  en  garnison  en  lad.  place,  ce  qu*ilz  auront  à  faire 
pour  le  bien  de  nostrc  dit  service,  seurelé  et  conservation  d'icelle  en 
nostre  obéissance;  faire  vivre  lesd.  habilans  el  consulz  en  bonne 
amîtyé,  union  el  concorde  les  ungs  avec  les  autres,  soubz  nostre 
obéissance  el  lesd.  gens  de  guerre  en  bon  ordre  eUpolice,  suivant 
nos  ordonnances  militaires,  tant  qu'il  nous  plaira;  le  tout  soubz 
rauctorité  de  nostre  très  cher  et  bien  amé  cousin  le  duc  d'Espernon, 
pair  et  colonnel  général  de  Tlnfanlerie  de  France,  gouverneur  et 
jiostre  lieutenant  général  en  nostre  province  de  Guyenne  et  en  son 
absence  de  nostre  cher  et  bien  amé  cousin  le  s'  de  Thémines,  maré- 
chal de  France,  nostre  lieutenant  général  aud.  gouvernement.  Si 
donnons  en  mandemeirt  à  nostre  dit  cousin  le  duc  d'Espernon  et  en 
son  absence  à  nostre  dit  cousin  le  maréchal  de  Thémines  que,  dud. 
s'  de  Belmont  pris  et  receu  le  serment  en  tel  cas  requis  et  accoustu- 
mé,  ilz  le  mettent  et  i^isli tuent  oi^  facenl  mettre  et  instituer  de  par 
nous  en  possession  et  saisine  de  lad.  charge  de  gouverneur  de  nos- 
tre dite  ville  el  réduicl  de  Clérac  et  d'icelle,  ensemble  des  honneurs, 
pouvoirs,  aucthoritez,  prééminances,  droiclz  el  aj)poinclemens  des- 
sus dits,  le  facenl- jouir  et  user  plainement  el  paisiblement  et  à  luy 
obéir  el  entendre  de  tous  ceux  et  ainsy  qu'il  appartiendra  es  choses 
touchans  cl  concernans  lad.  charge.  Mandons  en  outre  à  noz  amez 
el  féaux  les  trésoriers  généraux  de  l'extraordinaire  de  noz  guerres 
que  les  appoinlemens  qui  seront  cy  après  ordonnés  par  noz  Estatz  à 
lad.  charge  ilz  facenl  dorénavant  payer,  bailler  et  dellivrer  comptant 
aud.  s'  de  Belmont  par  chascun  aji,  aux  termes  et  en  la  manière  ac- 
coustumée,  à  commencer  du  jour  el  datte  de  cesdiles  présentes,  rap- 
portant lesquelles  ou  coppie  d'icelles  deuement  collationnées  pour 
une  fois  seulement,  avec  quiclance  dud.  s'  de  Belmont  sur  ce  suffi- 
sante, nous  voulons  lesd.  appoinlemens  el  tout  ce  que  payé,  baillé 
el  délivré  luy  aura  esté  à  l'occasion  susdite  eslre  passé  et  alloué  en 
la  despence  de  leurs  comptes  ausquelz  mandons  ainsy  le  faire  sans 
difficulté.  Car  tel  est  nostre  plaisir.  En  tesmoing  de  quoy  nous 
avons  faict  mettre  nostre  scel  ausdites  présentes.  Donné  à  Paris,  le 
deuxième  jour  de  febvrier,  Tan  de  grâce  mil  six  cens  vingt  trois  el 
de  nostre  règne  le  treiziesme. 

Louis. 


[Sur  le  replis]      Par  le  Roy, 


Phelypeaux. 


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—  535  =    . 

Par  lettres  données  à  Bordeaux,  le  4  juillet  1623,  Jean-Louis 
de  La  Valette,  duc  d'Epernon,  installa  le  sieur  de  Belmonl  en 
sa  charge  de  gouverneur  de  Clairac.  Ces  lettres,  revêtues  de 
la  signature  et  du  cachet  du  duc,  sont  contresignées  Girard. 

Charles-Ogier  de  Sérignac  mouinit  le  30  novembre  1639, 
revêtu  de  la  charge  de  gouverneur  de  Clairac.  Son  frère  aîné, 
Jean  de  Sérignac,  mort  depuis  près  de  vingt  ans,  avait  été  lui- 
même  précédé  dans  la  tombe  par  sa  femme  (1),  Marie  du  Faur, 
fille  de  Charles  du  Faur  et  de  Jeanne  de  Mansencal,  seigneur 
et  dame  de  Pujols  en  Agenais,  et  par  son  fils  Jean-Antoine  de 
Sérignac  (2). 

A  sa  mort,  le  gouverneur  de  Clairac  laissait  une  assez 
grosse  fortune.  Son  principal  débiteur  était  le  roi  de  France. 
Ln  1630,  comme  on  le  voit  par  le  testament  du  gouverneur, 
luouis  XIII  devait  aloi^s  plus  de  cent  mille  livres.  L'entretien 
de  la  garnison  de  Clairac  coûtait  plus  de  11,000  livres  par  an; 
h  gouverneur  faisait  l'avance;  il  y  eut  plusieurs  années  d'ar- 
réragé; la  pension  de  2,000  livres  donnée  à  Caen  et  réduite 
un  peu  plus  tard  à  1,500  livres  ne  fut  pas  toujours  payée  régu- 
lièrement; les  appointements  de  gouverneur  fixés  à  3,720  li- 
vres furent  souvent  retardés.  Il  fallait  que  le  trésor  royal  fut 
bien  obéré  pour  qu'aussi  importantes  et  si  justes  dettes  res- 
tassent aussi  longtemps  impayées. 

Abbé  Jean  Dubois. 


(1)  Le  contrat  de  mariage  fut  passé  le  1"  juillet  1591,  devant  Jacques  Du- 
puy,  notaire  à  Vie. 

(2)  J.-A.  de  Sérignac  mourut  en  1617.  Son  fils  lui  succéda  comme  gouver- 
neur de  Clairac. 


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LES 

CORRESPONDANTS  DE  BORY  DE  S'-VINCENT 


Jean-Vincent-Félix  LAMOUROUX 


INTRODUCTION 

Le  Muséum  d'histoire  naturelle,  à  Paris,  possède  une  pré- 
cieuse collection  que  lui  a  léguée  1  eminetit  botaniste  M.  le  doc- 
teur Bomet,  membre  de  l'Institut.  En  plus  de  plantes  rares 
qui  constituent  son  herbier,  se  trouve  toute  une  série  d'auto- 
graphes des  principaux  savants  français.  Dans  le  nombre,  ont 
été  déjà  indiquées  par  nous  les  si  intéressantes  réponses  de 
Léon  Dufour  aux  lettres  de  son  ami  Bory  de  Saint- Vincent, 
dont  nous  avons  reproduit  les  plus  curieux  passages  en  note 
de  la  volumineuse  Correspondance  du  colonel-botaniste  age- 
nais. 

Préparateur  à  ce  même  Muséum,  M.  Paul  Biers  nous  si- 
gnale aujourd'hui,  comme  émanant  de  la  même  source,  une 
nouvelle  série  de  lettres  adressées  toujours  à  Bory  par  quel- 
ques-uns de  nos  savants  agenais.  Sous  ce  titre,  les  Correspond 
danls  de  Bory,  il  nous  demande  si  nous  ne  pourrions  pas  don- 
ner asile  dans  cette  Revue  à  ces  pages,  dont  l'histoire  natu- 
relle, et  particulièrement  la  botanique,  font  à  peu  près  tous  les 
frais.  Les  noms  de  Saint-Amans,  de  Lacépède,  de  Brondeau, 
de  Lamouroux,  etc.  honorent  trop  notre  pays  pour  que  nous 
ne  considérions  pas  comme  une  bonne  aubaine  l'offre  de  notre 
distingué  confrère. 

Aussi  nous  empressons-nous  de  l'en  remercier,  et  sommes- 
nous  heureux  de  l'accepter,  en  commençant  par  la  publication 
de  douze  lettres  de  Jean-Vincent  Félix  Lamouroux,  le  savant 
professeur  à  la  Faculté  de  Caen,  dont  les  travaux  sur  les  plan- 
tes marines  et  principalement  les  Polypiers  et  les  Fucus,  font 
toujours  loi. 


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-  537  - 

Est-il  utile  d'ajouter  coinbien  il  nous  est  doux,  à  nous,  un 
de  ses  petits-neveux,  de  rappeler  ici  les  qualités  principales  de 
cet  homme  de  bien  dont  toute  la  vie  fut  consacrée  au  travail  et 
à  la  science,  et  à  quels  moments  de  sa  trop  courte  mais  si  la- 
h:  î'ifMise  existence  il  communiqua  à  son  compatriote  Bory  ses 
impressions  de  botaniste  sans  cesse  épris  de  la  vérité,  comme 
aussi  ses  sentiments,  toujours  si  purs,  d'inaltérable  amitié. 

Lamouroux  et  Bory  étaient  du  même  âge.  Tous  deux  naqui- 
rent à  Agen,  Bory  le  G  juillet  1778,  Lamouroux  le  3  mai  1779. 
Tout  enfants  ils  firent  connaissance,  leurs  familles  se  trouvant 
fort  liées.  Mais  ce  ne  fut  que  plus  tard,  lorsque  Bory  eut  quitté 
Agen  pour  aller  finir  ses  études  à  Bordeaux,  où  le  recueillit 
son  oncle  maternel  Journu-Aubert,  qu'à  la  suite  des  premiers 
voyages  faits  par  Lamouroux  dans  cette  ville  pour  y  repré- 
senter la  maison  de  commerce  de  son  père,  le  goût  de  la  bota- 
nique réunit  les  deux  jeunes  gens  et  cimenta  à  tout  jamais 
leur  amitié. 

Nous  ne  dirons  pas  à  nouveau  ici  quelle  était,  à  la  fin  du 
xvui*  siècle,  la  position  sociale  dans.  Agen  de  la  famille  Lamou- 
roux, ni  quel  rôle  considérable  joua,  tant  dans  les  sciences  que 
dans  la  politique,  Claude  Lamouroux,  le  père  du  futur  savant, 
l'un  des  fondateurs  de  l'Académie  d'Agen  en  1776,  et  plus 
tard,  de  novembre  1791  à  décembre  1792,  c'est-à-dire  pendant 
une  des  années  les  plus  troublées  et  les  plus  difficiles  de  la 
Révolution,  maire  de  la  ville  d'Agen.  Nous  les  avons  suffisam- 
ment fait  connaître  dans  notre  Etude  sur  Une  Famille  Age- 
naise  :  les  Lamouroux  (1). 

Nous  en  dirons  autant  de  la  biographie  de  Bory  de  Saint- 
Vincent,  dont  nous  avons  esquissé  les  principaux  traits  dans 
la  Préface  de  sa  Correspondance  (2). 

Tout  ce  que  nous  nous  permettons  d'ajouter  c'est  que  ces 
deux  esprits  supérieurs,  ces  deux  amants  de  la  nature,  pour 
employer  la  locution  chère  à  leur  époque,  étaient  bien  faits 
pour  s'entendre,  qu'ils  furent  toujours  unis  par  un  lien  com- 


(1)  Recueil  de  la  Société  Académique  d'Agen,  t.  xu,  2*  série,  el  tirage  à. 
part.  Ageo,  1893.  In-8'  de  160  p.  avec  planche  el  portraits. 

(2)  Correspondance  de  Bory  de  Saint-Vincent.  Reçue  de  iAgenais,  t.  xxx  à 
XXXV,  el  tirape  à  part  (Agen,  1908.  In-8'  de  358  p.)  avec  Supplément,  Revue 
de  rAyenais,  t.  xxxvii  à  xïxmii,  et  tirage  à  part.  (Agen,  1912.  In-S*  de  106  p.) 


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—  538  — 

niun,  Tamoiir  de  la  science,  et  que',  malgré  quelques  nuages 
passagers,  de  1res  courte  durée,  leur  amitié  ne  s'altéra  jamais. 

L'année  1797,  date  de  la  première  lettre  de  Lamouroux  à 
Bor\',  marque  dans  leur  existence  réciproque.  C  est  celle  où 
Bory,  grisé,  comme  tous  les  jeunes  gens  de  son  âge,  par  les 
fumées  de  la  gloire,  s'engagea  dans  l'armée  de  TOuest  tl 
moins  d'un  an  après  n'hésita  pas  à  suivre  le  capitaine  Baudin 
dans  son  expédition  autour  du  monde.  C'est  également  l'an- 
née où,  dans  une  sphère  plus  modeste,  Lamouroux  renonça 
tout  à  coup  aux  plaisirs  bniyants  et  vides  de  son  âge,  et,  sous 
l'heureuse  influence  de  Saint-Amans,  son  bon  génie,  alors 
professeur  d'histoire  naturelle  à  l'Ecole  Centrale  de  Lot-et-Ga- 
ronne, s'adonna  corps  et  àme  à  la  botanique,  y  faisant  en  peu 
de  temps  de  si  rapides  progrès  que  son  maître  n'hésita  pas  à 
se  Tattaclier,  d'abord  comme  secrétaire,  puis  bientôt  comme 
suppléant  au  cours  qu'il  professait.  Lamouroux  n'avait  alors 
que  dix-huit  ans. 

Dans  les  notes,  du  reste,  qui  accompagneront  chacune  de 
ses  lettres,  nous  aurons  soin  de  faire  connaître  aux  lecteurs 
les  faits  et  gestes  des  deux  amis,  complétant  autant  que  nous 
lo  pourrons  les  détails,  souvent  trop  sommaires,  de  leur  exis- 
tence mouvementée.  Ils  verront  ainsi  comment,  jusqu'à  la 
mort  prématurée  de  notre  grand-oncle,  le  25  mars  1825,  La- 
mouroux était  heureux  de  renseigner  son  ami,  non  seulement 
sur  ses  occupations  journalières,  ses  travaux,  ses  découvertes 
scientifiques,  ses  communications  à  l'Institut,  mais  aussi  sur 
ce  qui  se  passait  à  Agen,  sur  la  société  de  cette  ville  à  la  fin  du 
Directoire,  les  mœurs  de  ses  habitants,  et,  lorsqu'il  eut  quitté 
sa  ville  natale,  sur  ce  qu'il  faisait  à  Paris  et  sur  les  nombreux 
savants  qu'il  fréquentait. 

Si  noire  bagage  est  aujourd'hui  quelque  peu  restreint,  il 
n'en  offre  pas  moins  un  réel  intérêt  scientifique,  avant-goût 
savoureux  à  celui,  plus  considérable,  que  ne  manqueront 
point  de  présenter  les  lettres  de  Saint-Amans  à  Bory,  et  après 
lui,  celles  de  quelques  autres  de  ses  compatriotes  botanistes, 
qui  se  sont  fait  un  nom  dans  cette  branche  aimable  de  Thistoire 
naturelle. 

Ph.   Lauzun. 


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—  S39  — 

LETTRES 

DE  J  -V.-F-  LAMOUROUX  A  BORY  DE  SMMNCENT 


A  Monsieur  Sainl-Vincent  Bory^  chés  son  père, 
rue  du  Grand  Cancera^  à  Bordeaux  (1). 

Agen,  25  mars  1797* 
Monsieur, 

Mon  départ  précipité  de  Bordeaux  m'ayant  empêché  de  proffîter 
de  vos  offres,  j'ose  vous  en  faire  rappeler.  Vous  me  promettes  de 
me  doiuier  quelques  échantillons  de  plantes;  j'espère  les  recevoir,  a 
charge  à  moi  de  vous  envoyer  tous  ceux  qui  vous  feront  plaisir.  Je 
travaille  au  Catalogue  de  mes  plantes  ;  elles  ne  sont  pas  nombreu- 
ses,  mais  elles  sont  toutes  i\  votre  service.  J'ai  peu  de  choses  et  vous 
avez  beaucoup  ;  le  temps  viendra  où  je  serai  riche;  alors  je  pourrai 
vous  rendre  ce  que  j'espère  vous  devoir. 

Si  vous  aviez  (|uelque  occasion  de  faire  venir  de  Paris  la  quator- 
zième édition  du  Systema  Vegetarium  Linnei,  je  vous  prierai  d'en 
réserver  un  exemplaire  pour  M.  Saint- Amans  qui  n'a  que  la  trei- 
zième (2). 

J'ose  encore  vous  faire  une  prière.  Vous  m'aviez  offert  de  me  pré- 
senter à  la  Société  d'histoire  naturelle;  je  n'ai  pu  proffîter  de  cette 
offre  pendant  mon  séjour  à  Bordeaux.  J'espère  que,  malgré  que 
je  sois  absent,  je  pourrai  être  présenté  par  vous  et  que  j'aurai  bien- 


Ci)  I.o  père  de  Hory  de  Sainl-\  incont  était  noble  Géraud  de  Bory  et  habi- 
lait  Agon  ;  sa  mèro,  Madeleine  Journii,  de  Bordeaux.  Il  est  probable  qu'à 
celte  date  du  25  mar>  1797,  le  père  de  Bory  se  trouvait  momentanément  de 
pasj=;age  à  Bordeaux.  • 

(*2)  Jean  Florimond  Boudon  de  Soint-Amans  était  alors  professeur  d'his- 
toire naturelle  h  l'Ecole  centrale  du  département  de  Lot-et-Garonne,  fondée 
par  décret  du  25  octobre  1795  et  presque  aussitôt  après  organisée.  «  Ledit 
professeur,  est-il  dit  dans  le  programme,  devra  s'inspirer  des  méthodes  de 
Daubenton  pour  les  minéraux,  de  Linné  pour  les  végétaux,  et  de  Linné  et 
de  Geoffroy  pour  les  animaux.  »  On  voit  dès  lors  de  quelle  utilité  pouvaient 
être  pour  le  savant  agenais  le?  éditions  successives  de  la  Flore  de  Linné. 


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—  540  —     • 

loi  le  bonheur  d'être  membre  d'une  Société  qui  possède  Latapie, 
Bory  et  Saint- Amans. 

Bien  mes  respects  à  tous  vos  parents.  Votre  frère  est  sans  doute 
en  bonne  santé  (1).  Vous  voyez  souvent  M.  et  M°*  Latapie.  Dites- 
leur  que  je  nie  souviendrai  toujours  des  honnêtetés  qu'ils  m'ont  fai- 
tes |)ondant  mon  séjour  à  Bordeaux,  et  que  je  voudrais  étudiei*  sous 
M.  Latapie,  si  M.  Saint-Amans  ne  m'eût  donné  les  premiers  princi- 
pes de  la  botanique. 

Votre  compatriote  et  ami, 

Lamouroux  fils. 

Mon  adresse  est  :  à  Lamouroux  fils,  chez  son  père,  négociant  à 
Agen  (2). 

II 

A  Monsieur  Bory  de  Saint-Vincent,  naturaliste^ 
rue  du  petit  Cancera,  n°  8,  à  Bordeaux  (3). 

Agen,  5  juin  1797. 

Ce  n'est  que  depuis  hier,  cher  Bory,  que  j'ai  reçu  le  charmant 
herbier  que  vous  m'avez  envoyé.  Je  me  hâte  de  vous  en  accuser  la 
réception.  Les  grandes  occupations  que  j'ai  dans  ce  moment  de 


(1)  Dans  notre  ouvrage  pur  la  Correspondance  de  Bory,  nous  avons  déjà 
écrit,  en  note  de  la  page  5,  que  Bory  avait  eu  un  frère  plus  jeune  que  lui. 
11  entra  dans  les  bureaux  de  la  Banque  de  France  à  Paris,  et  y  fit  toute  sa 
carrière,  brusquement  interrompue  par  une  cécité  presque  absolue,  contrac- 
tée à  la  suite  d'une  imprudence.  Il  prit  dès  lors  sa  retraite  à  Agen,  où  sa 
conversation  enjouée,  pleine  de  verve  et  d'humour,  ne  le  cédait  en  rien  à 
celle  de  squ  frère  le  colonel. 

(2)  La  maison  Lamouroux,  à  Agen,  occupait  tout  l'emplacement  de  la  rue 
de  l'Evèché,  actuellement  rue  du  Marché-au-Blé,  qui  fait  face,  du  côté  du 
Midi,  au  Marché-Couvert.  C'était  une  dépendance  du  vieil  Evêché,  démoli,  on 
le  sait,  à  partir  de  1774.  Elle  fut  (Considérablement  agrandie  par  Claude  La- 
mouroux, en  vertu  d'un  achat  du  7  janvier  1778.  Entièrement  transformé  par 
lui  en  maison  de  commerce  pour  la  vente  de  ces  indiennes,  dont  si  grande 
fut  la  vogue  sous  la  Révolution  et  le  Directoire,  cet  immeuble  possédait  en 
outre  un  mafnilique  salon  où  se  réunissait,  pour  entendre  les  productions 
musicales  du  maître  de  céans,  toute  la  société  d'Agen  et  aussi  de  vaste» 
appartements  où  logèrent  successivement  Mgr  de  Bonnac  pendant  qu'on 
c(uistruisait  son  beau  palais  épiscopal,  puis,  plus  tard,  en  1802,  Mgr  Jacoupy, 
jusqu'au  moment  où  le  département  eut  acheté  pour  lui,  en  1808,  l'hôtel  de 
Narbonne. 

(3)  C'est  la  maison  qu'habitait  l'oncle  maternel,  M.  Journu-Aubert,  plus 
tard  sénateur  de  l'Empire. 


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-  541  - 

{aire  (1)  m*empêchent  de  vous  expédier  de  suite  les  plantes  que  vous 
me  demandez.  J'espère  que  ce  retard  ne  me  fera  point  perdre  votre 
amitié. 

Votre  compatriote  et  toujours  votre  ami, 

Lamouroux  fils. 

Depuis  ma  dernière,  j'ai  trouvé  aux  environs  d'Agen  quelques- 
unes  des  plantes  que  vous  m'avez  envoyées  et  notamment  les  Are- 
naria  irinerviaj  8erfjylli[olia  et  ienuilolia.  Je  crois  que  celle  que 
vous  avez  nommée  A,  trinervia  est  la  serpyllifolia,  parce  que  ses 
feuilles  sont  sessiles  et  que  celles  de  VA.  trinervia  sont  petiolées  ot 
marquées  de  nervures  très  apparentes  dans  les  feuilles  radicales. 

Je  vous  remercie  aussi  du  livre  que  vous  m'avez  envoyé.  Je  ne 
connais  pas  er^core  assez  cette  partie  pour  en  parler;  avec  le  temps 
on  vient  à  boi;t  de  tout. 

III 

A  Monsieur  Bory  de  Saint-Vincent,  naturaliste, 
rue  du  petit  Cancera,  n^  8,  à  Bordeaux. 

13  décembre  1797. 

Espérant  depuis  ce  jour  que  les  occupations  de  Monsieur  Saint- 
Amans  lui  permeltroient  de  complétter  votre  mémoire  (2),  je  retar- 
dais l'expédition  de  mes  plantes,  afin  d'envoyer,  le  tout  ensemble; 
mais  voyant  qu'il  y  en  a  pour  longtemps  avant  que  ce  mémoire  soit 
complet,  je  m'empresse  de  vous  expédier  celles  dont  vous  avez  reçu 
note  par  ma  lettre  du  13  novembre  et  auxquelles  j'ai  ajouté  : 


(1)  Les  foires  du  Gravier,  qui  se  sont  toujours  tenues  dans  la  première 
semaine  de  juin.  On  ne  se  doute  pas  aujourd'hui  du  succès  qu'elles  avaient 
à  celle  époque,  ni  de  Taffluence  d'étrangers  qui,  de  tous  les  points  du  sud- 
ouest»  résidaient  pendant  huit  jours  dans  notre  ville  et  lui  apportaient  l'ai- 
sance et  le  mouvement. 

(2)  A  cette  date  Saint-Amans  est  encore  professeur  d'histoire  naturelle  h 
l'Ecole  Centrale.  Son  cours  est  des  plus  suivis,  non  seulement  par  ses  élè- 
ves, mais  par  beaucoup  d  amateurs,  au  nombre  desquels  figurent  plusieurs 
dames.  Il  y  enseigne  la  minéralogie,  l'entomologie,  mais  .surtout  la  botani- 
que, pour  laquelle  un  jardin  des  plantes  avait  été  organisé  dans  l'enclos  du 
ci-devant  séminaire  «  qui  est  très  bien  entretenu  par  les  soins  de  M.  Brie, 
«  jardinier,  et  où  M.  de  Saint-Amans  fait  les  démonstrations  les  plus  inléres- 
«  sante.<3,  ayant  enrichi  ce  jardin  de  toutes  les  plantes  étrangères  qu'il  a  ]ni 
«  se  procur^îr.  »  C'est  le  moment  où  J.-\'.-F.  l.amouroux  fut  choisi  par 
Saint-.Vmans  d'abord  conune  secrétaire,  i)uis  comme  suppléant  de  son  cours. 


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-  542  —  . 

Géranium  liicidum.  N°  1. 

Leonlodon  pyrenaicum  el  uliginosa,  N®  2. 

Epilobium  monkinum.  N""  3.  \ 

JunC'us  nivens.  N**  4. 

Malva  moschala.  N"*  5. 

S'cabiosa  pyrenaica.  i\**  6. 

Pldtitago  squarrosa.  N**  7. 

Veronica  latifolia.  N**  8. 

Alopecurus  Gerardi.  N°  9. 

Aira  autjUHlifolia,  \°  10. 

Le  Loperia  circeoide^  que  vous  me  demandez  est  le  même  que  le 
liacemosa  de  Villars. 

S'il  vous  était  possible  de  m'envoyer  les  plantes  que  vous  m'avez 
offertes,  aussitôt  que  vous  aurez  reçu  les  miennes,  vous  obligeriez 
Votre  ami  et  dévoué  serviteur, 

Lamouroux  fils. 


rv 

Monsieur    Bory    de    Saint-Vincent,    naturaliste^ 
à  Bardeaux,  rue  du  petit  Cancera,  n'*  8. 

Agen,  7  février  1798. 

Vous  devez  être  étonné  que  j'aie  attendu  ce  jour  pour  vous  remer- 
cier et  vous  accuser  la  réception  du  charmant  et  magnifique  envoi 
(jue  vous  m'avez  fait;  mais  pensant  que  vous  n'auriez  pas  envoyé 
cette  riche  collection  sans  lettre  d'avis,  je  l'attendais;  surtout  n'ayant 
pas  reçu  avec  les  plantes  les  deux  exemplaires  de  votre  ouvrage  que 
vous  m'annonciez  dans  votre  lettre  du  30  décembre  dernier. 

Voyant  que  cet  avis  tardait  trop  à  arriver  et  pensant  que  vous 
pourriez  croire  que  c'est  par  négligence  que  je  ne  vous  avais  pas 
accusé  la  réception  de  votre  envoi,  j'ai  jugé  à  propos  de  vous  écrire 
la  présente  qui,  je  l'espère,  vous  trouvera  en  bonne  santé  et  un  peu 
fatigué,  peut-être,  des  amusements  du  Carnaval  qui,  à  Bordeaux, 
sont  très  vifs,  surtout  quand  on  les  compare  à  ceux  d'Agen. 
Votre  ami  et  dévoué  serviteur, 

Lamouboux  fils. 

llccevrais-je  bientôt  les  cryptogames  que  vous  m'avez  promis  ? 


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—  543  — 


A  Monsieur  Bory  de  Saint-Vincent,  naturaliste, 
rue  du  petit  Cancera,  n®  8,  à  Bordeaux. 

Agen,  29  germinal  an  VI  (18  avril  1798). 
Cher  Bory, 

Des  occupations  majeures  m'ont  empêché  de  vous  écrire,  aussi  tôt 
que  je  l'aurais  voulu;  maintenant  que  je  me  vois  un  peu  plus  libre, 
je  ihe  liûte  de  renouveler  une  correspondance  qui  peut  m'êlre  utile 
sous  tant  de  rapports. 

Dans  mon  dernier  envoi,  j'avais  oublié  quelques  plantes;  je  ne 
me  les  rappelle  plus.  Daignez  m'en  donner  une  note,  et  de  suite 
vous  les  recevrez. 

En  visitant  votre  herbier,  je  vis  deux  Hypnuin  sans  fructification. 
Je  ne  sais  si  ce  sera  un  plaisir  pour  vous  d'en  recevoir  des  échantil- 
lons complets.  M.  Saint- Amans  n'a  jamais  trouvé  ces  plantes  en 
fructification  que  cette  année. 

Mon  départ  précipité  de  Bordeaux  m'empêcha  de  prendre  les 
deux  mémoires  sur  les  Cirrus  :  un  pour  M.  Saint- Amans,  et  l'autre 
pour  Ramond.  Si  vous  êtes  toujours  dans  l'intention  de  leur  en  en- 
voyer, vous  ferez  bien  de  me  les  expédier  de  suite  par  la  diligence; 
car  dans  7  à.  8  jours,  un  de  mes  commis  part  pour  un  petit  voyage. 
Il  passera  à  Tarbcs  et  renaettra  votre  paquet  à  Ramond  (1). 

Que  ce  départ  précipité  de  votre  ville  m'a  fait  perdre  !  Si  j'avais 
demeuré  quelques  jours  de  plus  j'aurais  vu  votre  superbe  herbier, 
et  vous  m'auriez  fait  part  d'une  partie  de  vos  richesses  ;  mais  j'es- 
père que  ce  qui  est  différé  n'est  pas  perdu. 

Attendant  une  réponse,  j'ai  l'honneur  d'être 
Votre  serviteur  et  ami, 

Lamouroux  fils. 


(1)  Louis-François  Ramond  de  Carbonnières  (1755-1827),  physicien  et  géo- 
logue. Député  à  la  Législative,  il  fut  réduit,  sous  la  Terreur,  à  se  cacher 
dans  les  Pyrénées  où  il  commença  de  se  livrer  à  ses  célèbres  explorations 
scientifiques.  En  1798,  il  était  encore,  comme  Saint-Amans,  professeur  d'his- 
toire naturelle  à  l'Ecole  Centrale  de  Tarbes.  Il  devint  plus  tard  député  an 
Corps  législatif,  préfet  du  Puy-de-Dôme,  baron  de  l'Empire,  conseiller 
d'Etat  en  1818  et  membre  de  l'Académie  des  Sciences. 


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-  544  - 


VI 

Au  citoyen  Bory  Saint-Vincent,  naturaliste, 
rue  du  petit  Cancera,  n""  8,  à  Bordeaux. 

Agen,  7  messidor  an  VI  (25  juin  1798). 

Cher   Bory, 

Je  ne  sais  comment  vous  exprimer  le  plaisir  que  j'ai  eu  en  rece- 
\  ant  voire  chère  lettre,  et  ce  qu'elle  contenait.  Je  craignais  que  vous 
ne  lussiez  malade.  J'étais  sur  le  point  de  vous  écrire  pour  m'infor- 
mer  de  l'état  de  votre  santé,  lorsque  votre  missive  m'est  parvenue 
cl  m'a  rassuré. 

Je  vous  félicite  d'être  revenu  sain  et  sauf  du  voyage  intéressant 
que  vous  avez  fait  et  qui  vous  a  procuré  de  nouvelles  richesses  (1). 
Quant  à  nous,  pauvres  botanistes,  nous  n'avons  fait  aucune  course 
majeure;  quelques  promenades  aux  environs  d'Agen  nous  ont  pro- 
curé une  trentaine  d'espèces  nouvelles  (pour  nous);  je  vous  en  en- 
voie une  note.  Si  vous  ne  les  avez  pas,  je  vous  les  enverrai  avec 
plaisir.  Dans  le  commencement  de  juillet,  nous  ferons  trois  ou  qua- 
tre courses,  qui  nous  procureront  quelques  espèces  rares.  Nous 
connaissons  leur  gîte,  et  nous  ne  les  manquerons  pas. 

Le  citoyen  Saint-Amans  n'a  fait  aucun  voyage,  ei  même. ne  quit- 
tera Agcn  qu'aux  vacances.  Son  école  est  extrêmement  suivie.  11  a 


(1)  Un  voyage  dans  les  Landos  du  lilloral,  depuis  la  Teste  jusqu'à  Sainl- 
Jcan-de-Luz. 

('2)  Voici  la  liste  de  celle  «  Note  de  quelques  plantes  de  cette  année  dont 
j'ai  des  doubles  »  :  Ophrys  arachniles^  --  Orchis  mascula^  maculata,  corio- 
phora  —  Narcissus  poeticus,  —  Cancalis  damoides,  —  Serapias  lingua^  — 
Malva  nioschata^  —  Spanjanium  erectum,  —  Allhœa  hirsuta,  —  Euphorbia 
illyricay  —  Rhamnus  alaternuSy  —  Juncus  conglomeratus,  —  Spirea  /i7i- 
. pendilla,  —  Ranunculus  thora,  R.R.R.,  ~  Androsace  villosay  R.R.R.,  —  4/u- 
ga  pyramidalis,  —  Salix  triandra,  —  Polygonum  aviculare,  —  Euphorbia 
dulcis,  —  Ilelleborus  ciridis,  -  Anthémis  altissima,  —  Carex  muricata^  — 
ChœrophyUum  temulum,  —  Herniaria  glabra,  —  Trilolium  liliiorme,  —  Eu- 
phorbia cypariosiaa,  —  Fiimaria  capreolata,  —  Adonis  iBStioalis,  —  Nimphea 
hitca,  —  l:rica  scoparia,  —  Tri{oliun\  ochroleucum,  —  Melampyrum  crista- 
lum,  -  Periploea  grœna,  —  Ophrys  antropophora,  —  Scirpus  holoschœnus, 
--  Carduus  (jaliistris,  agroslis^  puncila,  —  Euphorbia  lothyris,  —  Hypericum 
hircinum. 


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--  545  — 

de  18  à  20  élèves  assidus  (1).  Il  m*a  chargé  de  vous  dire  qu'il  ne 
partira  pour  les  Pyrénées  qu'à  la  fin  de  la  saison. 
Votre  ami, 

Lamouroux  fils. 

Réponse  de  suite,  je  vous  prie,  si  vous  voulez  que  je  vous  réponde 
d'Agen. 

VII 

Au  citoyen  Bory  Saint-Vincent^  naturaliste,  chez  le  citoyen  Journu^ 
négociant,  au  Chapeau-Rouge*  n°  35,  à  Bordeaux, 

Agen,  25  frimaire  an  VII  (15  décembre  1798). 

Il  faut,  cher  Saint-Vincent,  que  Tastronomie  vous  occupe  beau- 
coup, puisqu'elle  vous  empêche  d'crire  à  votre  ami.  Quel  attrait 
trouvez-vous  à  examiner  ces  mondes  errans  et  inconnus  ?  J'examine 
quelquefois  les  astres,  mais  jamais  seul.  Ne  vaut-il  pas  mieux  étu- 
dier l'histoire  naturelle  (2)  ?  Sur  les  sommets  des  hautes  montagnes, 
au  bord  de  la  mer,  on  trouve  mille  plantes  les  unes  plus  belles  que 
les  autres;  quelquefois,  dans  ces  bosquets  formés  par  la  main  de 
la  Nature,  on  trouve  celte  plante  qui  ne  porte  jamais  qu'une  fleur. 
Heureux  le  botaniste  qui  a  le  bonheur  de  la  cueillir  (3).  Cette  plante 
manque  à  beaucoup  d'herbiers. 

Si  vous  voulez  me  faire  croire  que  je  suis  encore  votre  ami,  écri- 
vez-moi. J'attends  vos  ordres  avec  impatience. 
Vale  et  ama, 

Lamouroux  fils. 


(1)  Voir  la  note  de  la  lettre  III. 

(2)  Lamouroux  devait  plus  tard  changer  d'avis  et  se  mettre,  lui  aussi,  a 
oludior  sôrioupement  l'aslroruimie.  Ne  lui  a-l-il  pas  consacre  la  première 
piirlic  do  son  Cours  de  Gêoijraphie  physique^  prorcssé,  dès  1811,  à  la  Fa- 
cuUé  des  Sciences  de  Caen,  imprimé  en  1821  (Caen,  in-8'  de  368  p.)  et  réédité 
par  les  soins  de  son  frère,  en  1829  (Paris,  Verdière,  in-8'  de  397  p.  avec 
portrait  et  notice  biographique)  ?  Mais  ses  préférences  restèrent  toujours 
pour  la  botanique  et  surtout  l'étude  des  plantes  marines. 

(3)  On  n'est  pas  plus  galant. 


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—  546 


VIII 

Citoyen  Bonj  de  Sainl-Vinccnt,  soldai  de  la  4*  Compagnie  du  second 
bàlaillon  de  la  82"  demi-brùjade  de  Vaile  gauche  de  Varmée  d'An- 
ylelerrCy  à  Rennes  (1). 

Agen,  11  pluviôse  an  VII  (30  janvier  1799). 

Jamais  je  n*aî  soupçonné  mon  ami  Sainl-Vincent  de  négligence. 
J*ai  cru  que  quelque  beauté  nouvelle,  les  amusements  de  la  saison 
et  Tastronomie  absorbaient  tous  ses  moments  et  privaient  ses  amis 
du  plaisir  de  recevoir  de  s^  nouvelles.  Je  suis  fâché  que  d'autres 
raisons  aient  été  causes  de  ce  silence. 

L'emploi  de  votre  temps,  décrit  si  joliment  dans  votre  lettre,  me 
fait  voir  que,  nouveau  Alcibiadc,  vous  réunissez  la  fermeté  d'un 
Spartiate  à  l'amabilité  d'un  Athénien.  Comme  lui,  vous  êtes  le  plus 
brave;  comme  lui  vous  êtes  le  plus  aimable;  les  fatigues  de  la  guerre 
ne  peuvent  altérer  cette  humeur  enjouée  que  les  amusements  de  la 
sais9n  ne  peuvent  augmenter.  Ces  amusements  sont-ils  aussi 
bruyants  à  Uenncs  (ju'à  Agen  ?  Ici  un  vauxhall  superbe  a  lieu  de 
cinq  jours  en  cinq  jours.  Les  étrangers  y  arrivent  de  toute  part,  et 
ceux  qui  viennent  de  Bordeaux  mettent  ce  bal  au-dessus  des  plus 
beaux  de  cette  ville  si  renommée  pour  les  sociétés  de  danse. 

Nos  dames  se  mettent  avec  goût  et  à  la  mode;  et  si  elles  n'étaient 
pas  si  sévères,  elles  seraient  parfaites.  Ce  défaut  que  bien  des  per- 
sonnes regardent  comme  une  vertu,  fait  enrager  certains  jeunes 
gens  et  surtout  moi,  qui  me  trouve  réduit  à  quelques  grisetles,  jeu- 
nes, fraîches  et  charmantes,  agréables  dans  le  plaisir  et  maussades 
dans  tout  autre  moment  (2). 


(1)  La  vip  monotone  de  Bordeaux  ne  lui  suffis-anl  plus,  Bory  de  Salnt-Vln- 
ccnt  vient  de  s'engager  dans  l'armée  de  l'Ouesl.  Il  est  encore  siijiple  soldat, 
mais  il  ne  va  pas  tarder,  grâce  à  ses  mérites  et  aussi  à  la  protection  très 
efficace  de  Lacuée  et  de  Lacépède,  d'être  nommé  sous-lieulcnant.  Bien  plus, 
il  est  déji\  depuis  cinq  mois  désigné  par  le  Gouvernement  «  pour  occuper 
une  des  places  de  naluraliste  dans  «  l'expédition  du  contre-amiral  Baudin 
autour  du  monde  ».  Ce  sont  les  lerm«^s  même  dont  il  se  sert  pour  annoncer 
celle  bonne  nouvelle  à  Saint-Amans,  dans  sa  lettre  du  15  septembre  1798, 
déjà  publiée  par  nous.  Il  semble  bien  élonnant  que  Lamouroux,  qui  voyait 
chaque  jour,  à  Agen,  ce  dernier,  n'ait  pas  appris  de  lui  ce  changement 
d'existence  de  son  ami  ?  Xous  avons  dit  toutefois  que  Baudin,  et  avec  lui 
Bory,  ne  partirent  que  vers  la  fin  de  l'année  1799. 

(2)  Nous  n'avons  pas  besoin  de  souligner  ce  passage  pour  appeler  l'atten- 


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—  547  — 

J'aime  toujours  la  botanique.  Avant  les  gelées,  j  ai  trouvé  des 
mousses  rares.  Mon  herbier  en  est  augmenté,  et  si  le  vôtre  est  en- 
core à  votre  disposition  j'ose  vous  répondre  que  celles  que  je  vous 
enverrai  ne  seront  pas  les  moins  belles  de  votre  riche  collection. 

Adieu,  écrivez-moi  souvent.  Joie,  santé,  fermeté  et  prospérité. 

Lamouroux  fils. 

IX 

Monsieur  Bory  Saint-Vincent,  chez  M.  Journu-Aubert,  sénateur, 
rue  de  la  Loi,  à  Bordeaux. 

Agen,  23  brumaire  an  XI  (14  novembre  1802). 

Cher  Ami, 

Je  suis  arrivé  à  Agen  depuis  deux  jours,  après  une  absence  de 
doux  mois  et  demi.  J*ai  trouvé  M.  de  Saint- Amans  de  retour  de  son 
voyage.  Il  m'a  communiqué  votre  lettre,  et  j*ai  vu  avec  plaisir  que 
vous  ne  m'aviez  pas  oublié.  Vous  lui  demandez  où  je  suis;  toujours 
à  Agcn,  que  je  quille  deux  ou  trois  fois  par  an,  pour  aller  à  Tou- 
louse, à  Bordeaux,  ou  dans  d'autres  villes  où  m'attirent  les  affaires 
de  mon  commerce.  Quant  à  la  botanique,  je  la  néglige  le  moins  que 
je  puis  (1);  mais  obligé  de  diriger  notre  fabrique  d'indiennes  et  une 


lion  de  nos  lecteurs  sur  l'intérêt  local  qu'il  présente  au  point  de  vue  des 
mœurs  agenaises,  à  celte  curieuse  époque  de  la  dernière  année  du  Direc- 
toire. 

(1)  De  nombreux  événements  se  sont  produits  dans  l'existence  des  deux 
amis,  depuis  la  dernière  lettre  de  Lamouroux.  Près  de  quatre  ans  se  sont 
passés.  Uory  a  suivi  h'  capitaine  Baudin  jusqu'aux  îles  Bourbon  et  de  France. 
Mais,  là,  ils  se  sont  brouillés.  Bory  est  reste  seul,  en  panne,  dans  ces  deux 
îles,  les  explorant  le  plus  sérieusement  possible  au  point  de  vue  géographi- 
que, physique  cl  botanique  jusqu'à  ce  qu'un  navire  ait  consenti  à  le  ramener 
on  Kurope.  Il  s'arrête  à  Sainte-Hélène,  puis  quelques  jours  à  Bordeaux, 
chez  ses  parents;  et  il  rejoint  son  régiment  à  Kennes,  où  il  ne  tarde  pas  à 
se  marier  (1802),  et  à  publier  ses  premiers  ouvrages  .*  lissai  sur  les  lies  For- 
tunées de  lanlique  Atlantide  et  Voyage  dans  les  quatre  principales  îles  des 
mers  d  Afrique  (1803).   (Voir   notre   biographie   de   Bory   de   Saint-Vincent.) 

Lamouroux,  de  son  côté,  a  fait  de  nombreux  voyages  pour  écouler  les 
pr<Kliiils  de  la  grande  fabrique  d'indiennes  de  son  père,  établie  aux  Petits 
Carmes,  aujourd'hui  caserne  Lacuée;  d'abord  son  tour  de  France,  de  juillet 
1799  à  septembre  1800,  durant  lequel  il  écrit  à  Saint-Amans  de  si  intéressan- 
tes lettres,  datées  de  Perpignan,  Barcelonne,  Narbonne,  Nîmes,  Montpellier, 
Paris  où  il  travaille  assidûment,  fait  la  connaissance  de  Chaptal,  Berthollet, 
Ju^sieu,  Candolle,   va  à   l'Institut,  y  voit   Bonaparte,   fréquente  assidûment 


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—  548  ~ 

I 

partie  du  comptoir,  je  ne  puis  m'y  livrer  comme  je  le  désirerais. 
Malgré  cela  j'ai  eu  le  bonheur,  par  mes  correspondances  en  Suisse, 
en  Allemagne,  en  Espagne  et  dans  plusieurs  parties  de  la  France, 
d'augmenter  un  peu  mes  collections,  principalement  en  Fucus  que 
j*aime,  autant  que  vous  chérissez  les  confen'es.  Je  suis  parvenu  à 
me  procurer  plus  de  deux  cents  espèces  de  ce  genre  si  difficile,  non 
compris  les  variétés.  J'ai  fait  venir  de  Londres  et  d'Allemagne  tous 
les  ouvrages  qui  ont  paru  sur  les  Fucus;  et  j'ai  le  plaisir,  à  une  ving- 
taine d'espèces  près,  de  posséder  tout  ce  qui  est  décrit  ou  figuré,  et 
beaucoup  dont  on  ne  parle  pas  (1). 

Il  paraît,  par  votre  lettre,  que  vous  avez  beaucoup  travaillé,  beau- 
coup vu,  beaucoup  observé.' Je  ne  doute  pas  que  si  jamais  vous  faites 
paraître  un  journal  de  votre  voyage,  il  ne  soit  classé  au  premier 
rang  (2). 

Les  conferves  que  vous  avez  envoyées  à  M.  de  Saint-Amans  sont 
belles  et  rares.  J'en  ai  reçu  trois  ou  quatre  espèces  de  Philadelphie 
qui,  par  leur  beauté,  me  font  croire  que,  dans  cette  partie  du 
monde,  ce  genre  y  est  peut-être  plus  gigantesque  et  plus  magnifi- 
que (en  couleur)  qu'en  Europe. 

ri  paraît,  par  votre  lettre,  que  nous  aurons  le  plaisir  de  vous  voir 
le  printemps  prochain.  Ou'il  me  tarde  !  Vous  verrez  alors,  en  visi- 
tant mon  herbier,  cl  en  y  choisissant  ce  qui  vous  fera  plaisir,  la  faus- 


Lacépède,  Lomct,  Larozière,  etc.,  puis  revient  par  la  Normandie,  la  Breta- 
gne, la  Vendée,  les  Charenlcs  cl  Bordeaux.  Nous  en  avons  publié  les  prin- 
cipaux fragments.  Il  va  ensuite  à  Toulouse,  d'où  il  adresse,  le  16  février 
1801,  toujours  à  Saint-Amans,  celte  curieuse  lettre  sur  les  mœurs  et  usages 
mondains  de  celle  ville,  reproduite  par  nous  in-exlenso,  p.  85-86  et  dont  les 
détails  sont  à  rapprocher  de  ceux  fournis  déjà  par  lui  sur  la  société  d'Agen. 
Enfin,  pendant  les  voyages  que  Saint-Amans  fit  aux  Pyrénées  en  août 
1801,  et  l'année  suivante  à  Paris  cl  en  Angleterre,  Lamouroux  prend  officiel- 
lement possession  à  l'Kcole  Centrale  d'Agcn  de  la  chaire  de  professeur 
d  histoire  naturelle.  11  entretient  le  jardin  des  Plantes,  et  commence  le  2  juin 
1802  son  cours  de  botanique.  Il  a  une  vingtaine  d'élèves,  leur  fait  faire  des 
hciiborisations  dans  les  frais  vallons  des  environs  d'Agcn,  et  U  obtient,  mal- 
gré son  jeune  âge,  un  succès  des  plus  flatteurs  et  des  plus  mérités.  (Voir 
notre  Etude  sur  les  Lamouroux.) 

(1)  Trois  ans  après,  Lamouroux  publiait  son  premier  ouvrage  dédié  à 
Saint-Amans  :  Dissertations  sur  plusieurs  espèces  de  Fucus  peu  connues  ou 
nouvelles,  avec  leur  description  en  latin  et  en  {rançais.  (Agen,  Imp.  Noubel, 
an  XIII-1805.  In-4'  de  83  p.  avec  planches.)  Cet  ouvrage,  qui  devait  mener 
Lamouroux  à  l'Inslihit,  fait  encore  loi  dans  le  monde  savant 

(2)  Nous  venons  de  dire  quels  furent  les  litres  des  deux  relations  de  ce 
voyage.  ^ 


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-  549  — 

setô  de  certaine  bruits  auxquels  vous  n'avez  pas  ajouté  foi,  j'en  suis 
sûr(l). 

Adieu,  cher  savant  ami.  Si  vous  avez  un  moment  de  libre,  écrivez- 
moi,  ne  fut-ce  que  deux  mots.  De  vous,  ils  me  seront  précieux. 
Amitié  sincère  cl  dévouement, 

Lamouroux  fils. 

X 

Monsieur  Borij  de  Sainl-Vincent,  capitaine-adiudanl  à  VElai-maior 
du  Maréchal  Ney,  à  Varmée  d'Espagne^  à  Bayonne, 

Paris,  28  novembre  1808. 
Mon  cher  Bory, 

Je  me  hâte  de  répondre  à  ta  lettre  du  15  qui  a  demeuré  bien  du 
temps  en  route;  car  il  n'y  a  que  deux  jours  que  je  l'ai  reçue.  Je  com- 
mence par  te  remercier  des  choses  amicales  que  tu  me  dis.  Je  n'y 
suis  point  insensible,  et  quelque  chose  qui  m'arrive,  je  te  regarde- 
rai toujours  comme  un  de  mes  meilleurs  amis. 

Que  de  choses  tu  as  faites  dans  le  peu  d'instants  de  ton  séjour  à 
Bordeaux  !  Ouelle  activité  !  Que  de  visites  !  J'ai  beau  chercher,  j'ai 
lioau  mo  creuser  la  cervelle,  je  ne  peux  deviner  ces  personnes  chez 
lesquelles  tu  as  été  te  rappeler  et  auxcjuelles  je  ne  pense  pas;  éclair- 
cis  ce  mystère.  S'il  est  possible,  tu  me  feras  bien  plaisir  (2). 


(1)  Lamouroux'fait  allusion,  dans  ceUe  phrase,  à  certains  bruits  qui  avaient 
été  faussement  répandus  pour  brouiller  les  deux  amis,  et  d'après  lesquels, 
profitant  de  sa  longue  absence,  il  aurait  pris  à  Bory,  dans  son  herbier  do 
Paris,  de  nombreux  échantillons.  En  arrivant  de  l'Ile  Bourbon  Bory  trouva 
en  effet  ses  collections  en  fort  piteux  état.  Mais  il  eut  soin  de  ne  pas  croire 
aux  calomnies  méchamment  répandues.  Il  fit  une  enquête  et  trouva  bientôt 
les  vrais  coupables  :  a  Je  ne  pourrai,  écrit-il  ce  même  mois  de  novembre 
«  1802  à  Saint-Amans,  envoyer,  malgré  ma  bonne  volonté,  beaucoup  de  fu- 
«  eus  à  Lamouroux;  car,  en  mon  absence,  M.  Dutrouil  et  autres  ont  volé 
«  mon  herbier  d'une  manière  infâme.  Ils  ont  tout  pris  et  fait  ensuite  les  gé- 

'«  néreux  à  mes  dépens.  »  (Corresp.  de  Bory,  p.  70.)  Les  deux  savants  restè- 
rent donc  toujours  unis.  Six  ans  phis  tard,  le  5  novembre  1808,  Lamouroux 
n'écrivail-il  pas  lui-même  à  Saint-Amans,  de  Paris  où  il  était,  avant  de  se 
rendre  à  Caon  :  «  J'ai  rviicontré  Bory  de  Saint-Vincent,  toiiiours  mon  intime 
<i  ami,  mahjré  tout  ce  quon  a  (ait  pour  nous  brouiller  ensemble.  La  première 
«  explication  a  dissipé  tous  les  nuages  »  ? 

(2)  Sa  volumineuse  Correspondance  nous  apprend  qu'après  avoir  fait 
partie,  comme  capitaine  de  dragons,  de  1805  à  1807  de  la  Grande-Armée,  et 
avoir  suivi  Napoléon  sur  tous  les  champs  de  bataille  de  celte  époque,  Bory 


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—  450  — 

Tes  genres  Batrachosperma  et  Draparnaldia  s'impriment  à  force. 
Ils  ne  tarderont  pas  à  paraître. 

J'ai  vu  plusieurs  fois  Madame  Legouvé.  Je  suis  bien  aise  d'avoir 
fait  sa  connaissance.  C'est  à  toi  que  je  la  dois.  Grâces  à  ta  recom- 
mandation, j'ai  visité  les  herbiers  de  Bosc,  de  Lile,  de  La  Billar- 
dière,  Léman,  de  La  Roche,  etc.,  etc.  J'ai  trouvé  de  bien  belles 
choses,  et  si  ces  messieurs  tiennent  leurs  promesses,  j'aurai,  avant 
peu,  la  plus  belle  collection  de  Fucus  qui  existe  (1). 

Adieu,  mon  cher  ami,  ménage  ta  santé.  Tes  talents  la  rendent 
trop  précieuse  pour  l'exposer  sans  raison.  Amuse  toi  et  travaille  on 
peu. 

Tout  à  toi  pour  la  vie. 

Lamouroux  ^ils. 
Chez  M.  Gros  Davillier  et  C"*,  nég'  à  Paris. 

XI 

l 

Monsieur  Bory  de  Saint-Vincent,  capitaine  à  VEtat-Malor^  membre 
correspondant  de  V Institut,  etc.,  chez  M.  de  Clermont-Tonnerre^ 
aide  de  camp  du  Uoi  d'Espagne,  Calle  Leganitos,  à  Madrid. 

Paris,  20  novembre  1809  (2). 

Mon  cher  Ami, 

Après  un  an  d'attente,  j'ai  enfin  reçu  de  tes  nouvelles  par  ta  lettre 
du  6  octobre,  la  seule  qui  me  soit  parvenue  depuis  ton  séjour  dans 


rentra  à  Paris  au  commencement  de  1808,  mais  fui  désigKé  presque  tout  de 
suite  pour  être  attaché  à  l'état-major  du  maréchal  Ney,  chef  de  l'armée 
d!Espagne.  Il  quitta  Paris  le  6  octobre,  et  passa  par  Bordeaux  où  il  résida 
huit  jours  et  rendit  visite  à  tous  ses  anciens  amis.  C'est  ce  qui  résulte  des 
premières  lignes  de  sa  lettre  à  Léon  Dufour,-  datée  du  6  octobre  1809,  de 
Madrid,  que  nous  avons  publiée,  pages  2  et  3  de  notre  Supplément.  Quant 
aux  personnes  auxquelles  il  crut  devoir  se  rappeler  et  qui  intriguent  si  fort 
Lamouroux,  il  nous  est  impossible,  à  notre  tour,  d'éclaircir  ce  mystère,  Bory 
se  contentant  d'écrire,  dans  sa  même  lettre,  à  Léon  Dufour  cette  phrase 
énigmatique  :  «  Il  me  fallut  voir  à  Bordeaux  tous  les  Musons  et  entendre 
«  les  plaintes  des  uns  et  des  autres.  Je  passai  par  Castets,  d'où  j'écrivis  à 
«  Tlion\  Je  no  s.iis  cv  q\w  jr  lui  ni  fait,  mais  il  ne  m'a  pas  répondu.  » 

(1)  Pour  lous  ces  personnages,  voir  les  miles  que  nous  avons  fournies  sur 
eux  dans  la  Correspondance  de  Bory  de  Saint-Vincent,  et  leurs  noms  dans 
VIndex  qui  termine  ce  volume,  ainsi  que  dans  le  Supplément. 

(2)  A  cette  date,  J.-V.-F.  Lamouroux  habitait  Paris.  Forcé  de  quitter  Agen, 
l'année  précédente,  à  la  suite  de  la  liquidation  de  la  mais\)n  de  commerce  de 
son  père  qui,  après  avoir  fait  face  à  lous  ées  engagements,  se  vil  obligé,  par 


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—  551  — 

la  patrie  du  Cid  et  de  Don  Quichotte.  Ton  frère  m'en  avait  quelque- 
fois donné,  mais  nous  les  trouvions  tous  bien  rares.  Maintenant  que 
les  communications  seront  plus  faciles,  écris-nous  quelquefois.  Tu 
luî  saurais  croire  le  plaisir  que  j'ai  à  recevoir  les  lettres,  en  général 
hcaucoup  hop  courtes  cl  jamais  Irop  longues  (1). 

N'ayant  jamais  eu  de  relations  en  Espagne  et  n'ayant  parcouru 
qu'une  partie  de  la  Catalogne,  je  suis  très  pauvre  en  plantes  de  ce 
beau  pays.  Ne  m'oublie  pas  dans  les  herborisations.  Tu  ne  perdras 
pas  dans  les  échanges  que  nous  ferons  ensemble,  surtout  si  lu  ap- 
portes beaucoup  de  plantes  marines. 

Que  je  te  félicite  des  facilités  que  tu  as  trouvées  d'augmenter  tout 
à  la  fois  et  tes  connaissances  et  les  collections.  Bosc  a  annoncé  à 
l'Institut  de  nombreux  mémoires.  Tu  disposes  des  herbiers  des  bo- 
tanistes espagnols,  que  de  richesses  !  que  de  choses  nouvelles  à  pu- 
blier î 

Tes  mémoires  sur  les  genres  Balrachosperma  et  Draparnaldia 
ont  été  publiés.  M.  Deleuze  garde  à  ta  disposition  les  exemplaires 
que  tu  lui  avais  demandés. 

Il  y  a  longtemps  que  livré  entièrement  à  l'étude,  j'ai  renoncé  à 
toute  espèce  de  société  autre  que  celle  des  savants  ;  mais  j'apprends 
quelquefois  des  nouvelles  de  ce  qui  se  passe  dans  le  monde.  Ma- 
dame Dav.  a  passé  la  belle  saison  à  sa  campagne.  Elle  est  revenue 
à  Paris  en  bonne  santé  (2).  Madame  Legouvé  est  morte,  il  y  a  3  ou 
\  mois.  Soii  mari  ne  jouit  pas  d'une  bonne  santé  (3).  Richerand  a 


suite  des  guerres  de  rErtipire  el  du  blocus  continental,  de  renoncer  pour 
toujours  à  ses  opérations  commerciales,  Félix  Lamouroux,  ne  voulant  pas 
demeurer  à  charge  à  sa  famille,  se  décida  pour  la  carrière  médicale  et  il 
partit  pour  Paris,  afin  d'y  terminer  ses  éludes  commencées  à  Agen.  Nous 
savons  par  les  lettres  si  louchantes  qu'il  adressa  à  ceUe  époque  à  son  maître 
el  ami,  F.  de  Saint-Amans,  quels  rebuts  do  toutes  sortes,  quelles  privations 
il  eut  à  endurer,  mais  aussi  quel  courage,  quelle  persévérance  il  montra 
pour  atteindre  le  but  désiré.  (\'oir  notre  Etude  sur  les  Lamouroux,  p.  93  et 
suivantes.) 

(1)  Bory,  depuis  un  an  également ,  se  trouvait  en  Kspagne,  attaché  d'abord 
à  rélat-major  du  maréchal  Noy,  puis  pendant  phis  de  quatre  ans  à  cehii  du 
maréchal  Soult,  dont  il  devait  suivre  la  fortune  diverse.  (\  oir  le  Supplémejit 
d?  .sa  Correspondance  et  les  nombreuses  lettres  qu'il  écrivit  de  ses  diverses 
étapes,  en  •Andalousie  notamment,  à  son  fidèle  ami  Léon  Dufour.) 

(2)  Madame  Davilier,  chez  laquelle  logeait  Lamouroux,  à  Paris. 

(3)  Le  poète'  Legouvé,  l'auteur  du  Mérite  des  {emmes,  membre  de  rin§li- 
tul,  mort  en  1812. 


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—  552  - 

été  bien  malade  (1).  Peron  a  passé  Tété  à  Nice;  il  va  un  peu  mieux. 
Je  crains  bien  que  ce  mieux  ne  soit  qu'apparent,  et  que  nous  ne  per- 
dions notre  ami  au  moment  que  tout  dans  la  nature  prendra  une  nou- 
velle vie  (2).  Léman,  Delile,  Bosc,  etc.,  et  tous  les  amis  font  des 
livres,  des  enfans,  de  la  médecine,  suivant  leur  goût  el  leur  état. 

Quant  à  moi,  car  il  faut  bien  que  je  t'en  dise  quelque  chose,  j'ai  lu 
deux  mémoires  à  l'Institut  qui  ont  été  approuvés  ;  j'ai  été  reçu  doc- 
teur en  médecine  ;  je  suis  nommé  professeur  adjoint  d'histoire  na- 
turelle à  la  faculté  des  sciences  de  Caen.  Je  suis  membre  correspon- 
dant des  Sociétés  philomatique,  de  médecine  et  des  sciences  natu- 
relles de  Paris,  toujours  travaillant  les  plantes  marines  et  me  dispo- 
sant à  présenter  dans  trois  semaines  un  nouveau  mémoire  à  l'Insti- 
tut, sur  des  genres  anciens  ou  nouveaux  de  la  famille  des  zoophytes. 
J'ai  encore  lu  à  la  Société  philomatique  des  notes  sur  l'emploi  du 
marc  des  couleurs  dans  les  fabriques  d'indiennes,  sur  la  culture  du 
coton  en  France,  sur  l'organisation  interne  des  plantes  marines,  sur 
CCS  plantes  considérées  sous  les  rapports  de  leur  usage  comme  plan- 
tes médicinales,  alimentaires,  employées  dans  les  arts.  J'ai  com- 
battu l'opinion  des  auteurs  sur  l'emploi  qu'on  leur  attribuait  dans 
Téconomic  de  la  nature,  etc.  (3). 

Tu  vois,  mon  cher  Saint-Vincent,  que  j'ai  profité  autant  que  pos- 
sible de  mon  séjour  à  Paris.  J'aurai  pu  faire  davantage.  Mais  les 
sollicitations,  les  courses,  le  tems  que  Ton  prend  à  faire  anticham- 
bre, ne  me  l'ont  pas  permis. 

Au  moment  où  tu  recevras  la  présente,  mon  frère  sera  peut-être 
arrivé  à  Madrid.  Je  lui  ai  fait  avoir  une  place  de  pharmacien  de 
3^  classe,  qui,  en  lui  donnant  un  état,  lui  évitera  la  corruption.  Il  est 
très  instruit  pour  son  âge  et  amant  zélé  de  la  botanique.  Sous  le 
triple  rapport  de  botaniste,  de  compatriote  et  de  frère  de  ton  ami,  je 
te  le  recommande.  Tache  d'obtenir  du  |)harmacien  général  des  ar- 
mées d'Espagne,  M.  Laubert,  que  mon  frère  reste  sous  tes  yeux  à 
Madrid.  Là  il  pourra  travailler  avec  fruit  et  à  son  instruction  et  à  son 


(1)  Richrraiid  (Anthelme).  célèbre  chirurgien  français,  né  à  Bellcy  en  1779, 
mort  à  Paris  en  1840,  professeur* ;i  l'Ecole  de  médecine,  auteur  de  nombreux 
ouvra  ires  sur  la  pathologie  et  la  chirurgie. 

(2)  Peron  (François),  naturaliste,  avait  fait  partie  de  lexpédition  Baudin; 
ra(»rt  en  1810.  • 

(3)  Lamouroux  n'indique  ici  que  quelques-uns  de  ses  mémoires.  Nous  en 
avons  donné  la  liste  complète  dans  sa  biblio(jraphic  :  Une  famille  agenaise, 
les  Lamouroux,  p.  119-128. 


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—  553  — 

avancement.  Engage  M.  Laubeit  à  demander  pour  lui  la  place  de 
pharmacien  de  2*  classe.  Sa  demande  sera  appuyée  à  Paris  par 
M.  Parmenlier,  Duméril,  Lacépède,  Lacuée  et  Allent.  J'ai  envoyé 
ton  adresse  à  mon  frère.  Dans  le  cas  que  ma  lettre  se  perdrait,  en- 
voie à  lettre  vue,  chez  M.  Laubert  pour  savoir  des  nouvelles  de 
Jeannin  Lamouroux  (1). 

Adieu,  bonne  santé,  plaisir,  fortune  et  le  reste  après. 

Toui  à  loi  et  pour  la  vie. 

Lamouroux  fils,  D'  m. 
Chez  MM.  Gros    Davillier  et  0\ 


XII 

.4  Monsieur  Bory  de  Sainl  Vincent,  de  V Institut  de  France,  lieute- 
nant-colonel, aide  de  camp  de  S.E.  le  maréchal  duc  de  Dalmatie, 
général  en  chel  de  Varméc  du  Midi,  en  Espagne,  au  quartier 
général,  par  Bayonne  et  Madrid. 

Caen,  26  octobre  1811  (2). 

Tu  me  reproches,  mon  cher  Saint-Vincent,  de  ne  pas  répondre  à 
les  lettres.  Cependant  je  t'ai  écrit  plusieurs  fois,  notamment  pour  te 


(1)  l\  s'agit  ici  de  Jean-Pierre  Lamouroux  dit  Jeannin,  le  treizième  enfant 
de  Claude  et  de  Catherine  Longayrou.  Né  à  Agen,  le  12  février  1792,  Jean- 
nin contracta  de  bonne  heure,  comme  son  frère  aîné,  le  goùl  de  la  botani- 
que; et,  dirigé,  lui  aussi,  par  Saint-Amans,  il  acquit  bien  vite  assez  de  con- 
naissances pour  collaborer  avec  fruit  à  ses  travaux.  A  17  ans,  il  répondit  c'i 
l'appel  que  l'Empereur  adressait  en  1809  à  la  jeunesse  française,  et  il  se  Fit 
commissionner  par  le  Ministre  de  la  Guerre  pour  l'armée  d'Espagne  en  qua- 
lité d'officier  de  santé  et  de  pharmacien  de  3*  classe.  Pendant  trois  ans  Jean- 
nin Lamouroux  suivit  toutes  les  vicissitudes  de  l'armée  impériale.  Mais  lors- 
qu'on 1812  nos  troupes  durent  évacuer  Madrid,  il  demanda  à  demeurer  au 
Retiro  pour  continuer  à  soigner  les  blessés.  Sa  générosité  ne  fut  pas  com- 
prise des  Anglais  qui  se  saisirent  de  lui,  l'envoyèrent  au  bagne  de  Lisbonne, 
puis,  après  quelques  mois  d'atroces  souffrances,  sur  les  pontons  de  Porsi- 
mouth  où  il  demeura  près  d'une  année.  Il  ne  rentra  à  Paris  qu'à  la  seconde 
Restauration.  11  s'y  fixa  comme  médecin,  fut  décoré  pour  sa  belle  conduite 
pendant  le  choléra  et  mourut  en  1866.  Il  avait  épousé  Sophie  Paganel.  Jean- 
nin Lamouroux  a  laissé  de  nombreux  mémoires  sur  la  botanique,  sur  la 
science  médicale  et  aussi  de  charmantes  poésies. 

Ci)  Wory  est  toujours  en  Espagne  dans  l'élal-major  du  maréchal  Soult,  La- 
mouroux à  Caen,  où  il  a  été  nommé  professeur  d'hisoire  naturelle  à  la  Fa- 
culté des  sciences  de  cette  ville,  dès  la  fin  de  1809.  D'abord  simple  adjoint 
au  cours  d'un  certain  M.  Roussel,  il  devint  titulaire  de  sa  chaire,  par  suite 
du  décès  de  ce  dernier,  dans  le  courant  de  1810. 


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-  554  — 

recommander  mon  frère,  aide  pharmacien  à  l'hôpital  général  de 
Madrid.  Je  n  ai  reçu  que  deux  lettres  de  toi,  y  compris  la  dernière. 
Aussi,  vu  le  plaisir  qu'elle  m'a  fait,  je  prends  tous  les  loris  pour 
moi,  et  je  te  promets  de  l'écrire  toutes  les  fois  que  je  saurai  où  l'a- 
dresser mes  lettres. 

Tu  supposes  avec  raison  que  je  m'occupe  toujours  des  (ucus  que 
j'aime  plus  que  toutes  les  autres  plantes.  J'avais  d'abord  nommé 
cette  famille  Algophyles.  Ce  nom-là  ne  me  satisfaisait  pas  et  je  crus 
devoir  le  changer  en  celui  (ïOneanophyles.  Enfin,  je  me  suis  décidé 
maintenant  à  les  appeller  des  Thalassiophytefi  ou  plantes  marines. 
Connaissant  bien  les  espèces,  je  me  suis  attaché  à  la  physique  de 
ces  êtres.  D'abord,  j'ai  trouvé  dans  la  lige  des  grands  fucus  un  épi- 
derme,  une  écorce,  un  bois  et  une  moelle.  Guidé  par  cette  décou- 
verte, comme  le  naulonnier  par  la  boussole,  j'ai  trouvé  dans  les 
Thalassiophyles  des  espèces  analogues  aux  feuilles,  aux  corolles, 
aux  cotylédons,  etc.,  des  plantes  terrestres;  et  je  me  suis  servi  de 
ces  grands  caractères  pour  partager  les  plantes  marines  en  plu> 
sieurs  grandes  familles  que  je  crois  aussi  naturelles  que  celles  des 
graminées,  des  labiées,  etc.,  etc.  (1). 

Ma  collection  augmente  chaque  jour,  et  quatre  espèces  que  lu 
m'annonces  enrichiront  mon  Species  que  je  publierai  au  commen- 
cement de  1812  (2).  Moir  général  est  parti  pewr  Rairi»  ilupiiin  pftiu  Si 
tu  pouvais  les  envoyer  à  Madrid,  il  serait  facile  d'y  trouver  une  oc- 
casion pour  Paris,  et  en  les  adressant  à  M.  Davillier,  je  ne  tarderai 
pas  à  les  recevoir. 

Je  te  félicite  du  thrésor  que  tu  as  trouvé.  9  à  10  mille  plantes  de 
l'Amérique  méridionale,  quelle  fortune  !  S'il  y  a  des  thalassiophytes 
parmi,  je  me  recommande  à  toi. 

Nouvel  Aristote  d'un  nouvel  Alexandre,  lu  herborises  à  la  tète 
d'une  armée.  Comme  le  naturaliste  grec,  lu  visites  des  pays  incon- 


(1)  Ce  fut  en  1813  que  Lainouroux  publia  son  Hssai  sur  les  genres  de  la 
iamille  des  Thalassiophytes  non  articulées.  (Paris,  Caen,  Gab.  Dufour  1813, 
in-4'"  avec  ïiuil  planches  d'excellentes  figures.)  Ce  travail,  qui  fut  d'abord 
inséré  dans  les  Annales  du  Muséum  d'histoire  naturelle,  tome  XV,  fil  épo- 
<|ue  dans  la  science  de  l'algologie.  II  est  devenu  aujourd'hui  fort  rare. 

(2)  Kn  1812,  parut,  en  effet,  un  Mémoire  sur  la  Classification  des  Polypiers. 
C'est  rinlroducliôn  à  ÏUistoirc  des  Polypiers,  qui  ne  vit  le  jour  qu'en  1816. 
(C;ien,  imp.  Poisson,  in-S"  de  360  p.  avec  19  planches  dessinées  par  l'auteur.) 
Comme  celui  sur  les  Fucus  et  les  Thalassiophytes,  cet  ouvrage  de  Lamou- 
roux  eut  un  grand  retenlisscmcnl.  II  conduisit  son  auteur  à  Tlnstitul,  en  qua- 
lité de  membre  correspondant. 


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—  555  - 

nus  ;  comme  lui  sans  doulo  lu  enrichiras  la  France  de  les  décou 
vertes  ;  et  ton  pays  qui  se  félicite  d'avoir  donné  naissance  à  Lacé- 
pède,  à  Palissy,  etc.,  le  classera  également  au  nombre  des  grands 
hommes  qui  Tont  illustré.  La  gloire  des  hommes  célèbres  rejaillit 
sur  leur  pays  et  influe  prodigieusement  sur  les  jeunes  gens  qui  sui- 
vent la  carrières  des  armes,  des  sciences  et  des  lettres. 

Ce  qui  m*étonne  beaucoup,  c'est  de  voir  en  Espagne  des  mçnla- 
gnes  de  1824  toises  et  de  1780  toises.  Adieu,  le  Mont  Perdu  (1763). 
On  Ig  regardait  comme  le  sommet  le  plus  élevé  du  Midi  de  l'Europe. 
Le  Mulahncen  et  la  Velela  l'cmporlent  sur  lui.  Que  de  belles  choses 
lu  as  du  trouver  dans  ces  régions  glacées  !  La  liste  que  tu  me  don- 
nes est  superbe,  et  un  échantillon  de  chaque  espèce  enrichirait  un 
herbier  (1). 

Répondant  à  ta  lettre  article  par  article,  ne  sois  pas  étonné  que  ce 
soit  seulement  ici  que  je  te  félicite  du  nouveau  grade  que  tu  as  ob- 
tenu. Tu  ne  pouvais  manquer  d'être  avancé,  après  les  éloges  de  ta 
bravoure,  que  Ton  a  vus  dans  les  journaux  de  l'Empire.  Il  ne  reste 
maintenant  qu'à  avoir  la  croix  de  la  Légion  d'honneur,  un  majorât, 
et  un  héritier  (2). 

Tu  me  demandes  des  nouvelles  d'Europe  et  des  miennes.  En  nou- 
.  velles  d'Europe,  les  journaux  t'en  apprennent  autant  qu^'à  moi.  Les 
sciences  sont  un  peu  en  retard.  Duméril  a  concouru  pour  une 
chaire  de  professeur  adjoint  à  la  faculté  des  sciences  de  Paris. 
Wildenow  a  resté  six  mois  dans  la  capitale.  Léman  est  toujours  chez 
M.  de  Dérée.  Delile  ne  sait  trop  ce  qu'il  veut  ;  il  fait  de  la  médecine, 
quelquefois  à  Versailles,  maintenant  à  Paris.  Lesueur  garde  les  col- 
lections de  Peron.  On  croit  que  M.  Cuvier  va  continuer  les  travaux 


(1)  Dans  une  longue  lettre  à  Léon  Dufour,  du  25  août  1811,  datée  de  Gre- 
nade et  que  nous  avons  publiée  dans  le  Supplément  de  sa  Correspondance, 
p.  18-20,  Bory  raconte  dans  tous  ses  détails  son  exploration  botanic^e  de  la 
Sierra  Nevada,  dont  La  Veleta  et  le  Mulahacen  sont  les  pics^es  plus  élevés. 
Il  en  parle  avec  enthousiasme  et  fournit,  tant  sur  la  configuration  et  la  na- 
ture des  terrains  de  ces  montagnes,  que  sur  leur  Flore,  des  détails  extrê- 
mement intéressants.  Nul  doute  qu'il  ne  se  soit  répété  dans  sa  lettre  à  La- 
mouroux. 

(2)  Lamouroux  fait  ici  allusion  au  siège  de  Badajos  où  Bory  de  Saint-Vin- 
cent, chargé  de  conduire  linfanlerie,  fut  très  exposé  et  se  couvrit  de  gloire 
(18  mars  1811),  et  à  la  suite  duquel  il  fut  proposé,  «  avec  une  belle  mention 
honorable,  pour  le  .grade  de  chef  d'escadron.  »  (Lettre  du  26  mars  1811.  Siip- 
plémentj  p.  ir-15.)  Il  l'obtint  aussitôt,  et  fut  même  nommé  la  même  année, 
lieutenant-colonel,  après  sa  brillante  conduite  à  la  Venta  del  Booul.  (Lettre 
du  16  août  1811.  Supplément,  p.  15-18.) 


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-  556  — 

do  notre  malheureux  ami.  Rrogniart  est  toujours  à  Sèvres.  Denys 
de  MonlfortMie  finira  jamais  son  histoire  des  coquilles.  Mirbel  fait 
toujours  de. la  physiologie  et  prend  quelquefois  des  écailles  paur 
des  feuilles.  Poiteaud  et  Taupin  continuent  les  arbres  fruitiers, 
l'herbier  de  Paris  et  peignent  pour  tous  ceux  qui  les  paient.  Bon- 
pland  se  repose  sur  ses  lauriers.  M.  de  Jussieu  n'y  voit  plus.  Des- 
vaux analyse  pour  lui.  Richard  observe  toujours,  etc.  (1). 

Si  nous  quittons  Paris  pour  la  province,  Anthany  à  Bordeaux 
fait  toujours  de  la  bonne  botanique.  M.  de  La  Terrade  a  ta]^  une 
flore  bordelaise.  Dargelas  est  conservateur  du  Muséum  de  Bor- 
deaux. M"'  Dargelas,  une  baguette  à  la  main,  en  fait  l'explication. 
Il  est  également  professeur  de  botanique.  ïhore  a  fait  un  volume 
in-S""  de  Ses  ProMenades  dans  les  Landes.  Elles  pourraient  être 
mieux  écrites  et  auraient  tesoin  du  style  de  l'auteur  du  Voyage  dans 
les  quatres  principales  tles  de  la  mer  Atlantique,  Grateloup  fait  de 
la  médecine  et  des  observations.  De  Candolle  fait  l'ornement  de 
l'Ecole  de  Montpellier  et  parcourt  l'Europe  pour  faire  la  Flore  de 
l'Empire  français.  Saint-Amans  travaille  à  une  Flore  du  Lot-et- 
Garonne  et  à  ses  Voyages  dans  les  Landes,  Tournon  a  fait  une  flore 
Toulousaine  et  s'est  brouillé  avec  Lapeyrouse;  sans  doute  qu'il  a 
voulu  traiter  la  botanique  comme  la  femme  et  que....  etc.  (2). 

Voilà  bien  des  personnages  passés  en  revue.  Je  désire  l'avoir 
appris  du  nouveau  sur  leur  compte.  Maintenant  je  vais  te  parler  un 
peu  de  moi.  En  1809,  j'ai  été  nommé  professeur-adjoint  à  la  faculté 
des  Sciences  de  Caen  et  professeur  d'histoire  naturelle  au 
Lycée.  Je  suis  entré  en  fonctions  au  mois  de  mars  1810.  Je  te 
l'écrivis  à  Séville  où  tu  étais  alors  et  à  Madrid  chez  l'aide  de  camp- 
du  Roi  d'Espagne.  J'ai  4,500  francs  d'appointements  qui  ne  me  suf- 
fisent pas  à  cause  de  la  tenue  que  je  suis  forcé  d'avoir  et  qui  me 
ruine.  N'ayant  aucun  cahier  de  fait,  dictant  des  leçons  aux  élèves 
et  ne  voulant  pas  copier  des  auteurs,  j'ai  eu  beaucoup  d'ou\Tage  et 
j'en  aurais  encore,  si  je  n'avais  refait  cette  année  mon  cours  de 
mammifères  et  celui  de  botanique  que  j'ai  professés  l'an  dernier  (3). 


(1)  Voir,  pour  la  plupart  de  ces  personnages  ÏIndex  et  les  Notes  bio-tiblio- 
firaphiques  que  nous  leur  avons  consacrées  dans  notre  Correspondance  de 
Bory  de  Saint-Vincenl. 

(2)  Idem. 

(3)  «  Lamouroux,  a  écrit  plus  lard  son  frère  Jeannin,  s'énonçait  avec  tant 
«  de  facilité  et  d'élégance,  ses  descriptions  étaient  si  claires,  il  savait  si  bien 
«  captiver  l'intérêt  de  ses  auditeurs,  en  faisant  de  nombreuses  applications 
((  du  sujet  qu'il  traitait,  aux  usages  habituels  de  la  vie,  que  tous  les  jours 


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-  557  — 

J*ai  parcouru  toute  la  cote  depuis  Honfleur  jusqu'à  Cherbourg. 
J'ai  habité  à  plusieurs  reprises  les  bords  de  la  mer  pendant  trois 
mois.  J'ai  fait  beaucoup  d'observations  sur  les  productions  marines, 
principalement  sur  les  plantes,  les  polypiers,  les  rochers,  les  falai- 
ses et  leur  destruction,  etc.  J  ai  visité  les  monuments  druidiques  des 
environs  de  Cherbourg.  J'ai  presque  fini  un  Gênera  Zoophyiorum. 
Enfin,  si  j'étais  bien  payé,  à  Paris  ou  à  Bordeaux,  je  ne  serais  pas 
mécontent  de  mon  sort. 

Adieu,  fortune,  santé  et  plaisir.  Voilà  les  vœux  que  fait  partir  ton 
sincère  et  ancien  ami  Lamoi.roux  ffls  (1). 


«  on  venait  écouter  ses  leçons  avec  un  nouveau  plaisir.  C'était  principale- 
«  ment  dans  les  excursions  botaniques  et  zoologiques  faites  aux  environs 
«  de  Caen  avec  ses  élèves,  lorsqu'il  croyait  pouvoir  tempérer  le  sérieux  du 
«  professeur  par  ramabililé  de  1  homme  du  monde  qu'il  embellissait  sesdes- 
«  criplions  de  saillies  heureuses  et  piquantes.  Aussi,  plus  favorisé  que  bien 
a  d'autres  professeurs,  eut-il  souvent  le  plaisir  de  voir  son  auditoire,  aux 
«  dernières  séances  de  son  cours,  plus  nombreux  qu'à  la  première. 

«  Lamouroux  jouissait  en  outre  du  précieux  avantage  dînspirer  à  ses  élè- 
«  ves  autant  de  confiance  et  d'amitié  que  de  respect;  il  le  devait  à  la  fois  à 
«  son  éloignement  pour  les  formes  pédantesques  et  à  son  caractère  franc, 
«  vif  et  loyal.  11  en  reçut  des  témoignages  non  équivoques  à  toutes  ces  époques 
«  où  les  exagérations  de  quelques  opinions  politiques,  ou  bien  quelques  cir- 
a  constances  moins  graves,  tendirent  à  établir  une  espèce  de  scission  entre 
«  la  jeunesse  et  les  hommes  chargés  de  la  diriger.  »  (Notice  biographique 
sur  J.-V.-F.  Lamouroux,  en  tète  de  son  Cours  de  Géographie  physique  par 
son  frère  Jeannin  Lamouroux.) 

(1)  Cette  lettre  est  la  dernière,  do  la  collection  IJornel,  que  Lamouroux 
écrivit  à  Bory  de  Saint-Vincent.  Mais  bien  d'autres,  perdues  ou  ignorées, 
durent  s'échanger,  depuis  celte  année  1811  jusqu'en  1825,  date  de  la  mort 
de  Lamouroux,  entre  les  deux  distingués  botanistes.  Leurs  rapports  en 
tous  cas  ne  s'altérèrent  jamais.  Nous  en  avons  pour  preuve  les  quelques 
passages  de  ses  lettres  a  Léon  Dufour  où  Bory  parle  en  termes  toujours 
flatteurs  de  notre  grand-oncle.  Ne  se  réfugia-t-il  pas  chez  lui,  en  Normandie, 
lorsque,  iraqué  par  la  police  de  Fouché,  il  dut  quitter  Paris  aussitôt  après 
la  seconde  Restauration,  en  octobre  1815,  et  ne  resta-t-il  pas  ignoré  à  Caen, 
passant  son  temps  à  herboriser  avec  lui  et  sa  jeune  femme,  ainsi  qu'il  ré- 
sulte de  certaines  notes  écrites  par  lui  sur  des  échantillons  de  plantes  ma- 
rines, conservées  au  Nfuséum  ?  Ne  s'adressa-t-il  pas  A  lui,  en  1821,  pour  col- 
laborer un  des  premiers  à  son  grand  Dictionnaire  d'histoire  naturelle  (voir 
Corresp.,  p.  235)  ?  Ne  revint-il  pas  le  voir  à  Caen,  en  1824,  cette  fois  ouver- 
tement, et  ne  puisa-t-il  pas  largement  dans  ses  doubles  (p.  271)  ?  Ne  dit-il 
pas  de  lui,  après  sa  mort  :  «  Je  travaille  dans  ce  moment  (septembre  1825)  à 
«  une  monographie  des  Laminaires  que  jç  publierai  comme  une  œuvre  pos- 
«  thume  de  mon  bon  ami  Lamouroux  et  qui,  /e  crois,  sera  diijne  de  sa  mé- 
«  moire  »  (p.  278)  ?  Et,  seize  ans  après,  en  1841,  ne  se  souvient-il  pas  encore 
de  lui  et  n'écrit-il  pas  d'Alger  à  Léon  Dufour,  à  propos  de  la  mort  récenle 
de  son  ami  Delèse  :  «  C'était  le  meilleur  élre  qu'il  fût  possible  d'imaginer, 
«  et  celui  que  j'ai  le  plus  regretté,  depuis  la  mort  de  Thore  et  celle  de  La- 
«  mouroux  »  ?  {Supplément,  p.  89.) 

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—  558  - 


Xill 

Monsieur  Thiébaut  de  Berrieaud,  membre  de  plusieurs 
Sociétés  savantes,  à  Paris,  rue  du  Dragon. 

Caen,  12  novembre  1821. 
Mon  très  cher  Confrère, 

Je  dois  réponse  à  votre  aimable  lettre  du  20  du  passé.  Je  m'ac- 
quitte un  iKîU  tard  de  ce  devoir;  je  n^ai  pu  le  faire  plus  tôt.  A  Timpos- 
sibie  nul  n'est  tenu. 

Je  vous  remercie  de  la  faveur  que  vous  avez  faite  à  M.  Deslong- 
champs,  mon  ami,  en  le  recevant  membre  correspondant  de  la 
Société  Linéenne  de  Paris;  vous  ne  pouviez  faire  une  meilleure  ac- 
quisition; les  travaux  intéressants  auxquels  se  livre  mon  collabora- 
teur vous  le  prouveront  (1). 

Vous  m'engagez  à  vous  faire  de  nouvelles  propositions  de  corres- 
pondants. Je  ne  crains  pas  de  vous  envoyer  une  liste  un  peu  nom- 
breuse, bien  certain  que  la  plupart  sont  déjà  nos  confrères;  mais 
je  connais  digne  de  vous  être  associé  : 

M.  Dawson  Turner,  auteur  d'un  tableau  des  Fucus  de  la  Grande- 
Bretagne,  d'un  superbe  ouvrage,  intitulé  Historia  [ucorum,  4  vol. 
in-4**,  etc.;  etc.; 

M.  Agardh,  professeur  de  botanique  à  Lund,  en  Siiède,  auteur  de 
{plusieurs  ouvrages  sur  les  plante^  marines; 

M.  Schulles,  professeur  à  Landshut,  en  Bavière,  auteur  d'un 
nouveau  Siistema  Vegelabilim,  dont  il  a  paru  6  vol.  in-8*. 


(1)  Eudes  Deslongchamps,  savant  naturaliste  normand,  qui  après  avoir  été 
l'cMève  de  Lamouroux,  à  Gaen,  devint  son  collaborateur  et  son  ami.  Indépen- 
damment de  l'éloge  nécrologique  que  son  frère  Jeannin  lui  consacra  en  tête 
de  la  seconde  édition  de  son  Cours  de  Géographie  physique,  Eudes  Des- 
longchamps  crut  devoir  payer  son  tribut  d'ami  fidèle,  en  faisant  insérer  dans 
les  Mémoires  de  VAcadémie  royale  des  Sciences,  Arts  el  Belles-LeUres  de 
Caen  une  Sotice  des  pjus  élogieuses  sur  la  Vie  ei  les  ouvrages  de  J.-V.-F. 
I^amouroux.  (Caen,  Chalopin,  1829.)  Il  y  vante  notamment  «  ses  cours,  en 
«  tous  points  excellents,  sa  grande  facilité  pour  le  travail,  sa  gaieté  franche 
«  el  originale  qui  le  faisait  rechercher,  sa  conversation  vive  et  animée,  qu'il 
«  savait  assaisonner  à  propos  de  certaines  tournures  méridionales,  sa  gé- 
«  nérosité,  son  œuvre  scientifiriue,  etc.  »  el  il  souligne  tout  particulièrement 
l'affection  constante  que  lui  prodiguaient  ses  élèves,  ainsi  que  Testime  pro- 
fonde dont  il  jouissait  auprès  de  ses  très  nombreux  correspondants,  Iran 
çais  el  étrangers. 


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—  5.59  — 

M.  Balbis,  professeur  de  botanique  à  Lyon,  auteur  de  beaucoup 
d'ouvrages  ; 

M.  B.  Gaillon,  receveur  à  la  navigation  aux  douanes  royales,  à 
Dieppe,  mon  ami  depuis  quinze  ans,  auteur  de  plusieurs  mémoires 
sur  les  plantes  marines,  sur  l'animal  qui  donne  aux  héritiers  la  cou- 
leur verte,  etc.; 

Af.  Saint- Amans,  botaniste  à  Agen,  auteur  d'une  Flore  agenaise, 
d'un  Voyage  dans  les  Pyrénées,  d'un  Voyage  dans  les  Landes,  eic; 

M.  Chaubard,  botaniste  à  Agen;  le  collaborateur,  l'ami  et  l'élève 
de  M.  de  Saint-Amans; 

A/.  Bonnemaison  aîné,  pharmacien  à  Quimpcr,  auteur  d'excel- 
lents mémoires  sur  les  plantes  marines; 

M,  Aug,  Leprévost,  propriétaire  à  Rouen,  président  de  l'Acadé-  i 
mie  des  Sciences,  bon  botaniste,  auteur  de  bons  mémoires  sur  l'agri- 
culture. 

Je  pourrais  augmenter  cette  liste  déjà  trop  nombreuse.  Regardez 
comme  non  avenus  ceux  que  vous  jugerez  convenables,  quoique  je 
ne  les  propose  que  dans  l'intime  conviction  qu'ils  feront  honneur  à 
la  Société. 

Vous  me  demandez  quelque  article  pour  le  premier  volume  de 
vos  mémoires.  Avant  de  vous  les  envoyer,  ayez  la  bonté  de  répon- 
dre aux  questions  que  je  prends  la  liberté  de  vous  adresser  : 

1**  Quel  sera  le  format  de  vos  mémoires  ? 

2®  Le  nombre  des  planches  est-il  limité  ou  illimité  ? 

3®  Peut-on  faire  tirer  des  exemplaires  à  part  des  mémoires  que 
l'on  fournira  ? 

4°  Quel  sera  le  prix  par  feuille  d'impression  et  par  planches  pour 
100,  200  ou  plus  d'exemplaires  ? 

o**  Combien  en  revient-il  de  droit  à  l'auteur  d'un  mémoire  ? 

6®  Combien  paraîtra-t-il  de  volumes  par  an  ? 

Aussitôt  votre  réponse  reçue,  je  vous  écrirai;  ma  lettre  ne  sera 
point  retardée,  maintenant  que  j'ai  quitté  la  campagne  pour  repren 
dre  mes  cours  et  mes  travaux. 

Comme  vous,  je  jouis  du  plaisir  du  coin  du  feu;  j'ai  de  nombreu- 
ses pincettes  pour  les  amateurs,  et,  tout  en  tisonnant,  nous  donnons 
des  lois  au  monde,  nous  faisons  la  guerre  et  la  paix,  nous  gouver- 
nons les  empires,  nous  donnons  la  paix  et  la  liberté  à  la  Grèce,  etc. 

Je  vous  salue  de  cœur. 

Lamouroix  fils. 

J'oubliais,  dans  les  personnes  ])roposées,  M,  Duhérissier  de  Ger- 

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-  560  — 

villej  naturaliste  à  Valognes,  Taini,  le  guide  de  tous  ceux  que 
l'amour  des  sciences  naturelles  attire  dans  le  département  de  la 
Manche,  auteur  d'une  flore  manuscrite  de  ce  département  et  de  plu- 
sieurs mémoires  sur  les  fossiles  des  environs  de  Valognes.  Il  connaît 
parfaitement  les  terrains  et  les  antiquités  de  la  Basse  Normandie, 
objets  qui  n*ont  point  de  rapports  entre  eux. 

Je  ne  serai  pas  étonné  quand  tous  les  membres  que  je  vous  pro- 
[^ose  seraient  déjà  sur  votre  liste  (1). 


XIV   ET   DERNIÈRE 

Sans  adresse  (2). 

Caen,  18  mars  1822. 
Monsieur, 

J'ai  eu  l'honneur  de  vous  écrire,  il  y  a  quelques  jours,  par  un 
ami  qui  se  rend  à  Londres  et  qui  s'était  chargé  de  faire  partir  ma 
lettre.  Depuis,  M.  Lair,  secrétaire  de  notre  Société  d'agriculture, 
m'ayaiil  offert  de  faire  parvenir  à  Calcutta  tous  mes  paquets,  j'en 
ai  profilé  pour  vous  prier  d'accepter  un  ouvrage  que  j'ai  publié  dans 
le  temps  sur  les  plantes  marines  et  pour  vous  renouveler  mes  de- 
mandes et  mes  offres.  Dans  ma  dernière,  je  prenais  la  liberté  de 
vous  demander  : 

1*  Des  plantes  marines  des  mers  de  l'Inde  sans  aucune  prépara- 
tion, telles  que  la  mer  les  jette  sur  le  rivage  ou  qu'on  les  ramasse 
sur  les  rochers  en  paquets,  comme  des  bottes  de  foin; 

2**  Des  Polypiers,  tels  que  madrépores,  éponges,  alcyons,  gorgo- 
nes, vertulaires,  corallines,  etc.; 

3**  Quelques  coquilles  fluvialiles,  terrestres  ou  marines. 

Tous  ces  objets  emballés  dans  des  mousses  et  des  fougères. 

Je  vous  offrais  en  échange  : 

V  Des  plantes  marines  et  des  polypiers  des  mers  d'Europe; 

2*  Des  phanogames  de  France,  des  Alpes  et  des  Pyrénées; 

3*  Des  polypiers  fossiles  des  environs  de  Caen; 


(1)  Les  noms  de  la  plupart  de  ces  savants  sont  trop  connus,  pour  que  nous 
nous  croyons  obligé  de  leur  consacrer  ici  une  note  bibliographique  spéciale. 
Lamouroux,  du  reste,  s'acquitte  suffisamment  lui-môme  de  ce  soin. 

(2)  Il  semble  résulter  dune  note,  écrite  en  anglais,  au  dos  de  celte  lettre, 
que  le  correspondant  de  Lamouroux  était  un  savant  anglais,  un  botaniste, 
en  résidence  dans  les  Indes  et,  à  ce  moment,  à  Calcutta. 


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—  561  — 

4®  Quelques  roches  des  Pyrénées  et  des  terrains  calcaires  secon- 
daires des  environs  de  Caen; 

5**  Quelques  produits  volcaniques  de  TAuvergne  et  de  la  Martini- 
que. 

Envoyez-moi  un  desiderata;  je  le  remplirai  de  mon  mieux. 

Si  vous  daignez  entrer  en  relations  avec  moi,  je  vous  prie  d'adres- 
ser vos  objels  à  MM.  Leseigneur  Alexandre,  frères  et  de  La  Fre- 
naye,  négociants  au  Havre,  on  ajoutant  :  pour  M.  Lamouroux,  à 
Caen.  Indiquez-moi  également  par  quelle  voie  je  pourrai  expédier 
les  objets  que  vous  me  demanderez. 

Je  regarderai  comme  un  des  plus  beaux  et  des  plus  heureux  jours 
de  ma  vie  celui  qui  me  portera  une  réponse  de  vous  et  qui  m'appren- 
dra que  ma  demande  a  été  favorablement  accueillie. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  les  sentiments  de  la  plus  haute  considé- 
ration, 

Votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Lamouroux  fils. 
Correspondant  de  l'Institut  de  France,  à  Caen  (Calvados). 


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BIBLIOGRAPHIE 


Une  lettre  inédite  de  Louis  XI,  par  Charles  SamaraiN.  —  Paris, 
1911,  in-8*',  8  pp.  Exlr.  de  V Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  VHis- 
toire  de  France^  année  1911. 

Il  est  rare  qu'après  avoir  publié  un  ouvrage  l'historien  ne  trouve 
pas  quelque  document  nouveau  sur  le  sujet  qu'il  a  traité.  M.  Char- 
les Samaran,  auteur  de  la  Maison  d'Armagnac  au  XF*  siècle  (1),  a 
découvert  dans  les  dossiers  de  feu  M.  Noulens,  le  généalogiste 
gascon  bien  coiniu,  père  du  député  de  Mirande,  et  publié  avec  tous 
les  renseignements  désirables,  une  lettre  inédite  de  Louis  XI  rela- 
tive à  la  chute  de  la  maison  d'Armagnac. 

Le  31  octobre  1472,  le  roi  de  F'rance  «  avait  chargé  les  sires  de 
«  Samson  et  de  Monberon  d'arrêter  tous  les  traîtres  qui  avaient 
«  fa\'orisé  la  sortie  de  Jean  V  de  Lcctoure  et  de  brûle/  sans  pitié 
«  leurs  maisons  et  leurs  forteresses  (2).  »  Mais  après  l'entrée  de 
l'armée  royale  à  Lectourc  et  l'assassinat  du  comte  d'Armagnac  (6 
mars  1473)  les  domaines  et  les  vasseaux  de  nos  comtes  apparte- 
naient au  roi,  il  devait  se  rattacher  ses  nouveaux  sujets  par  de  bons 
traitements  et  faire  cesser  les  désordres. 

Le  13  mars,  Louis  XI  quitta  le  château  de  Montilz-lez-Tours  et  se 
rendit  dans  le  midi.  Dans  ce  voyage,  il  apprit  sans  doute  que  les 
dévastations  ordonnées  à  la  fin  de  l'année  précédente  se  faisaient 
encore.  Le  premier  avril,  de  Mimizan,  dans  les  Landes,  il  écrivit 
aux  commissaires  royaux  en  Armagnac  une  lettre  que  le  seigneur 
d'Arblade-Brassal  (3)  remit  à  Odon  du  Faur,  notaire  de  la  ville  de 
Vic-Fezensac,  lieutenant  du  sénéchal  d'Armagnac.  Le  5  avril  1473, 
Odon  du  Faur,  solennellement  assis  sur  la  pierre  de  la  mesure  mu- 
nicipale placée  au-dessous  de  la  maison  commune,  en  donna  lec- 
ture à  ses  concitoyens. 

Louis  XI,  dans  cette  lettre,  reproche  à  ses  commissaires  d'  «  aba- 
«  trc  lez  maisons  des  gcutilz  hommes  du  pays  dWrmaignac,  »  et  de 
faire  «  de  grans  excès  et  domaiges  aux  habitans  en  icettuy.  »  Et  il 
ajoute  :  «  \o  les  faites  plus  lesdits  excès  et  dommaigez,  veu  qu'ils 
««  sont  en  noslre  obeyssanse.  Aultrement,  nous  nous  en  prendrons 
«  à  vostres  personnes.  Nous  envoyons  par  delà  ung  commissaire 
((  pour  soy  informer  desdits  excès  faiz  par  vous  depuis  que  ledit 


(1)  J'ai  rendu  compte  de  cet  ouvrage  dans  la  Revue  de  VAgenais,  1908. 

(2)  Ce  mandement  a  été  publié  par  M.  Samaran,  La  Maison  d'Armagnac 
au  XV'  Siècle,  pp.  435-43G. 

(3)  Aujourd'hui  Arblade-le-Bas,  canton  de  Riscle  (Gers). 


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-  563  - 

«  païs  es  en  noslre  obéissance  et  vous  asseurons  que  vous  en  ré- 
«  pondrez.  » 

Evidemment  la  lecture  publique  de  la  lettre  royale  avait  pour  but 
de  tranquilliser  les  habitants  du  comté  d*Armagnac  et  de  leur  faire 
accepter  de  bon  cœur  leur  nouveau  maître. 

Ces  mesures  municipales  en  pierre  placées  au-dessous  de  la  mai- 
son commune  de  Vic-Fezensac  et  sur  lesquelles  s'assit  Odon  Du 
Faur  pour  lire  la  lettre  de  Louis  XI  existaient  encore  en  1866,  épo- 
que où  fut  démolie  la  halle.  M.  Baqué,  dans  son  Histoire  de  Vic- 
Fezensac  (1"  partie)  (1),  nous  en  a  conservé  le  souvenir  : 

(La  halle  de  Vic-Fezensac)  fut  commencée  en  1426,  comme  l'indi- 
quait l'inscription  suivante  qu'on  pouvait  lire  en  lettres  gothiques  sur 
Tun  de  ses  piliers  :  La  halle  de  la  préêenlc  ville  dont  on  posa  la  pre- 
mière pierre  du  fondement  le  quatorze  septembre  mil  quatre  cent 
vingt-sixy  fut  construite  par  Vordre  de  Vabbé  de  Vie,  Jean  Dubignaux, 
Jean  Dupuif,  N...,  /V...,  consuls  de  Vie  (2). 

Elle  comprenait  vingt-cinq  piliers  de  pierre  disposés  en  carré  sur 
le  terre-plein  qui  entoure  le  kiosque.  Ils  soutenaient  une  toiture  dis- 
posée en  auvent.  Les  neuf  du  centre  supportaient  en  outre  un  étage 
assez  bas  où  l'on  trouvait  la  salle  de  la  justice  et  le  lieu  où  se  réu- 
nissaient les  consuls.  Sous  le  terrassement  destiné  à  donner  au  sol  un 
niveau  horizontal,  on  avait  ménagé  des  prisons  dont  l'entrée  avoisi- 
nait  la  rue  du  Général-Labadie.  Un  mur  de  clôture  faisait  le  tour  de 
la  halle,  et,  dans  un  coin  étaient  des  mesures  de  pierre,  las  peyrolos, 
qui  servaient  autant  aux  transactions  commerciales  qu'aux  ébats  des 
jeunes  garçons  de  la  ville. 

A.   Lavergne. 

Chronologie  des  archevêques,  évêques  et  abbés  de  rancienne 
province  ecclésiastique  d'Auch  et  des  diocèses  de  Gondom  et  de 
Lombez  (1300-1801).  Abbevillc,  in-8«  de  xvii-214  p.  —  La  Curie  et 
les  bénéfices  consistoriaux.  Etude  sur  les  conunuiis  et  mêmes 
services.  Paris,  in-S*»,  x-316  p.,  par  M.  labbé  Clergeac. 

M.  l'abbé  Clergeac,  aujourd'hui  secrétaire  général  de  Tarchevô- 
ché  d'Auch,  obtint  en  1903  de  la  îSociété  d'encouragement  des  études 
supérieures  dans  le  clergé  une  bourse  d'études  à  Rome,  et  entra 
dans  la  communauté  des  chapelains  de  Saiul-Louis  des  Français. 

Durant  un  séjour  de  quatre  années  dans  la  Ville  Eternelle,  dit-il, 
je  n'ai  pas  cru  pouvoir  mieux  employer  mon  temps  et  rendre  un  plus 
grand  service  aux  études  d'histoire  provinciale  qu'en  établissent,  d'a- 
près des  documents  surtout  romains,  la  chronologie  des  archevêques 
et  abbés  de  Gascogne  de  1300  à  1801. 


(1)  Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Gers,  1912,  p.  176  et  tirage  à 
pari,  p.  20. 

(2)  Voir  dans  [Annuaire  du  Gers  de  1857  l Histoire  de  Vic-Fezensac,  par 
le  chanoine  Monlezun,  p.  P. 


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—  564  - 

Le  commencement  du  xiv^  siècle  marque  une  date  très  importante 
dans  rhistoire  de  la  nomination  aux  évêchés  et  aux  abbayes.  Grâce  au 
système  des  réserves  pontificales,  le  droit  d'élection  fut  enlevé  aux 
chapitres  des  cathédrales  d'abord,  puis,  progressivement,  aux  chapi- 
tres des  monastères,  et  exercé  par  le  pape.  De  lui  le  prélat  reçut  les 
bulles  qui  l'instituaient  dans  sa  charge  et  ces  bulles  furent  à  la  curie 
inscrites  dans  des  registres  spéciaux  appelés  aujourd'hui  Rcgesla  Va- 
tioana,  Avenioniensia,  Laleranensia. 

Les  listes  des  évêques  ou  d'abbés  publiées  ici  ne  remontent  pas 

plus  haut  que  le  xiv«  siècle,  certaines  même  ne  dépassent  pas  le  xv« 
J'ai  commencé  pour  chaque  bénéfice  la  liste  de  ses  titulaires  au  mo- 
ment où  il  était  l'objet  d'une  réserve  pontificale  et  d'une  taxation  à  la 
Chambre  apostolique  qui  en  faisaient  un  bénéfice  consistorial. 

Les   établissements   ecclésiastiques,    évêchés  ou  abbayes,   s'ils 

furent  de  fait  supprimés  par  la  Révolution,  ne  le  furent  en  droit  qu'au 
Concordat  de  1801...  C'est  pourquoi  1300  et  1801  marquent  les  dates 
extrêmes  de  ce  travail. 

Ce  travail  est  Tune  des  deux  thèses  de  M.  Tabbé  Clergeac  pour 
le  doctoral.  Il  constitue  le  16*  fascicule  de  la  2"®  série  des  Archives 
historiques  de  la  Gascogne.  Il  a  pour  titre  :  Chronologie  des  arche- 
vêques, évêques  et  abbés  de  Vancienne  province  ecclésiastique 
d^Auch  et  des  diocèses  de  Condom  et  de  Lombez,  1300-1801.  (Auch, 
impr.  L.  Cocharaux,  MGMXII,  in-8**,  xix-214  pp.) 

Cet  ouvrage  est  un  instrument  de  travail  de  première  importance. 
Les  érudits  Oascons  doivent  l'avoir  constamment  à  portée  de  leur 
main.  Il  rectifie  et  complète  nos  vieux  auteurs,  et  il  dispense  de  li- 
vres fort  voluniiiicux  ot  fort  chers  qu'il  complète  et  rectifie  d'ailleurs. 

En  ouvrant  co  livre,  j'ai  été  frappé  par  le  peu  d'étendue  de  VIndex 
bibliographique.  Comment  l'auteur  n'a-l-il  pas  jugé  à  propos  de 
nionliouner  les  ouvrages  des  chanoines  Monlezun  et  Canélo  et  quan- 
tité de  travaux  parus  dans  la  Revue  de  Gascogne  et  ailleurs  ? 

Je  souhaite  qu'un  vaillant  et  patient  bibliophile  veuille  bien  re- 
cueillir, coordonner,  et,  d'un  esprit  judicieux,  peser  tout  ce  qui  a 
été  écrit  sur. chacun  de  nos  prélats,  sur  chacun  de  nos  monastères 
de  tout  ordre  et  de  toute  importance.  Combien  celle  littérature,  pour 
me  servir  d'un  mot  employé  par  Léonce  Couture,  combien  celle  lit- 
térature aiderait  à  la  rédaction  du  Gasconia  Christiana  qui  manque  à 
la  science. 

% 

En  compulsant  les  documents  romains  pour  le  travail  dont  nous 
venons  de  parler,  M.  Clergeac  a  noté  tous  les  renseignements  rela- 
tifs à  l'histoire  et  au  fonctionnement  des  taxes  que  payaient  les  pré- 
lats et  les  abbés  quand  ils  recevaient  les  bulles  dejeur  promotion; 
il  en  a  fait  le  sujet  de  sa  thèse  principale.  Elle  a  pour  titre  :  La  Curie 
et  les  Bénéficiers  cousistoriaux;  étude  sur  les  communs  et  menufi 
services,  1300-1600.  (Paris,  A.  Picard,  1911,  in-8%  xi-316  pp.). 

AI.  Bellanger,  dans  les  Annales  du  Midi  (avril,  1912,  p.  313),  a 


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—  565  — 

fort  bien  défini  le  sujet  de  ce  livre  en  déterminant  ainsi  les  termes 
du  litre  : 

La  curiej  c'est  l'administration  pontificale;  les  bénéficiers  consista- 
riauxy  ce  sont  les  personnages  investis  par  Rome  de  charges  ecclésias- 
tiques importantes.  Les  communs  services  comprennent  les  sommes 
dues  au  Pape  et  aux  cardinaux.  Par  menus  services,  il  faut-entendre 
les  offrandes  faites  aux  fonctionnaires  inférieurs  de  la  curie. 

Dans  ce  livre,  d'un  intérêt  général,  on  trouve  parfois  la  Gasco- 
gne. Ainsi  on  y  voit  (p.  92)  que  rarchcvôque  d'Auch  était  taxé  à 
10.000  florins.  C'élail  une  somme  considérable  ! 

Il  est  impossible  de  fixer  la  valeur  du  florin,  nous  dit  M.  Clergeac  : 
il  a  eu  beaucoup  de  fluctuations.  Si,  d'après  M.  Mûntz,  le  florin  en 
usage  pendant  la  période  d'Avignon  équivalait  à  60  ou  70  francs  de 
notre  monnaie,  il  diminua  plus  tard;  et  quand,  à  la  fin  du  xv*  siècle, 
il  fut  identifié  au  franc  d  or,  sa  valeur  ne  devait  pas  dépasser  la  valeur 
de  ce  dernier  soit  environ  13  francs  (p.  119). 

Donc,  à  soixante-dix  francs  le  florin,  l'archevêque  d'Auch  aurait 
payé  pour  sa  nomination  une  somme  équivalente  à  sept  cent  mille 
francs;  et  h  l'époque  où  le  florin  représentait  treize  francs,  cent 
trente  mille  francs  ! 

Comme  curiosité  je  recommande  le  compte  des  dépenses  faites  au 
nom  de  Jean  de  Lesciire,  archevêque  d'Auch,  pour  V expédition  des 
bulles  des  archevêchés  d'Auch  et  d'Arles,  du  monastère  de  Mont- 
majour  et  du  prieuré  de  Saint-Côme  (pièces  justificatives,  p.  260). 
Il  s'élève  à  10.987  florins,  iv  gros  2/3.  11  y  a  des  étrennes  même 
pour  le  cuisinier. 

Le  couvent  de  Berdoues,  le  plus  fortement  taxé  de  nos  monastè- 
res, payait  1,500  florins  à  chaque  mutation  d'abbé. 

Ce  n'est  pas  tout.  Si  le  personnage  pourvu  de  l'épiscopat  ou  de 
l'abbaye  venait  à  mourir  sans  payer,  son  successeur  était  tenu  de 
prendre  la  dette  arriérée  à  sa  charge. 

On  sait  que  le  Pape  exigeait  du  clergé  d'autres  subsides.  Ceux  qui 
s'intéressent  à  ces  (juestions  devront  lire  l'important  ouvrage  publié 
par  MM.  Samaran  et  Mollat  sous  ce  titre  :  La  fiscalité  pontificale  en 
France  au  X!V^  siècle  (période  d'Avignon  et  du  Grand  Schisme 
d'Occident),  96'  fascicule  do  la  Bibliothèque  des  écoles  françaises 
d'Athènes  et  de  Rome  (1). 

Les  deux  thèses  fort  remarquables  de  M.  l'abbé  Clergeac  ont  ob- 
tenu à  leur  auteur,  devant  la  P'acult^^  des  Lettres  de  Paris,  le  titre  de 
docteur  ès-lettres  avec  mention  honorable. 


I 


A.   Lavergne. 


(1)  J'en  ai  rendu  compte  dans  le  Bulletin  de  la  Société  archéologique  du 
Gers,  1906,  p.  175. 


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PROCÈS-VERBAUX 

des  Semées  de  la  Société  des  Sdences,  Lettres  et  Arts  d'Ageo 


Séance  du  7  nocembre  1912.  —  Présidence  de  M.  le  chanoine  Durengue9 

La  Société  procède  au  renouvellement  de  son  bureau  pour  Tan- 
née 1913.  M.  Ferrère,  vice-président,  est  nommé  président  ; 
M.  Labadie-Lagrave,  vice-président. 

M.  le  Secrétaire  rend  compte  des  nombreuses  publications,  bro- 
chures,* demandes  de  souscriptions,  etc.  reçues  pendant  les  vacan- 
ces. 

M.  Tabbé  Uubos  présente  un  iVIémoire  très  documenté  sur  la 
(lueslion  de  savoir  si  S.  Vincent  fut  martyrisé  après  S.  Caprais  ? 
Oui,  dit  la  tradition  ;  non,  répond  Thistoire.  L'auteur  prouve  d'a- 
bord que  ce  fut  sous  le  gouvernement  de  Maximien,  ayanf  pour 
pro-consul  en  Aquitaine  Dacien,  que  S.  Caprais  fut  martyrisé.  Il 
ne  pouvait  l'être  sous  Constance  Chlore,  ami  et  protecteur  des  chré- 
tiens. Le  martyre  de  S.  Caprais  doit  donc  être  placé  entre  les  an- 
nées 286  et  292. 

Quant  à  celui  de  S.  Vincent,  M.  l'abbé  Dubos  estime,  avec  Tille- 
mont  et  la  plupart  de  nos  annalistes,  qu'il  a  dû  précéder  celte  épo- 
que. Il  résulte,  en  effet,  de  nombreuses  preuves  citées  par  lui,  no- 
tamment de  la  date  de  la  violation  de  sa  sépulture  et  de  l'invention 
de  ses  reliques,  qu'il  faut  adopter,  pour  date  de  sa  mort  dans  notre 
région,  l'intervalle  compris  entre  les  années  250  et  257. 

M.  l'abbé  Dubos  conclut  donc  que  le  martyre  de  S.  Vincent  a 
précédé  de  trente  à  quarante  ans  celui  de  S.  Caprais,  et  que  par 
suite  S.  Vincent  serait  le  premier  martyr  connu  de  l'Agenais. 

Dans  deux  articles  supérieurement  traités,  comme  tout  ce  qu'il 
entreprend,  et  qui  ont  fait  sensation  dans  la  Revue  des  Deux-Mon- 
des, M.  le  docteur  Emmanuel  Labat  a  signalé  les  dangers  que  font 
courir  à  notre  pays  de  Gascogne  ces  deux  plaies  dévorantes  : 
V Abandon  de  la  Terre  et  VA[[aiblissemeni  de  la  Natalité.  Il  en  a 
cherché  les  causes,  en  a  déduit  les  effets  et  constaté  quelle  mal  va 
toujours  croissant.  L'éminent  docteur  ne  pouvait  mieux  faire  que 
d'en  apporter  aujourd'hui  les  rem^jdes,  et,  dans  une  étude  psycho- 
logique des  plus  serrées,  que  de  mettre  à  nu  la  vocation  du  petit 


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-  567  — 

paysan  ;  exposant  «  son  origine,  sa  nature,  ses  principaux  carao 
«  tères,  les  dangers  que  T Ecole  lui  fait  courir,  les  moyens  par 
«  lesquels  elle  devrait  au  contraire  la  défendre,  la  soutenir  et  la 
a  fixer.  »  Car  c'est  d'une  culture  purement  morale  qu'il  s'agit.  Ce 
sont  les  soins  qiie  TEcole  doit  lui  donner,  mais  dont  malheureuse- 
ment elle  ne  paraît  pas  avoir  saisi  la  portée. 

M.  Lauzun  rend  compte,  comme  il  Ta  fait  pour  les  deux  pre- 
miers, de  ce  bel  article  ,  et  il  s'attache,  par  de  nombreuses  cita- 
tions, à  faire  ressortir  le  charme  pénétrant  qui  s'en  dégage,  comme 
aussi  l'incontestable  valeur. 

Ph.  L 


Séance  du  5  décembre  1912.  —  Préaidonce  de  M.  le   chanoine   Durenguee 

Le  prochain  Congrès  des  Sociétés  savantes  se  tiendra  du  mardi 
13  au  samedi  17  mai  prochains,  à  Grenoble.  Les  communications 
devront  être  adressées  au  3™  bureau  de  l'Enseignement  supérieur. 
Ministère  de  l'Instruction  publique,  à  Paris,  avant  le  31  janvier, 
dernier  délai. 

Messieurs  les  membres  du  Comité  départemental  d'études  sur 
THistoire  économique  de  la  Révolution  française  sont  prévenus, 
par  circulaire  ministérielle,  qu'une  Assemblée  générale  aura  lieu  à 
Paris,  à  la  Sorbonno,  les  3,  A  et  5  février  prochains.  Les  demandes 
pour  obtenir  la  réduction  de  place  devront  être  adressées  avant  le 
15  décembre  de  cette  année. 

On  sait  que  l'ancienne  abbaye  de  Clairac  fut  donnée,  en  1604  par 
Henri  IV  au  Chapitre  de  Saint-Jean  de  Latran,  qui  délégua  régu- 
lièrement, jusqu'à  la  Révolution,  un  de  ses  membres,  pour  y  faire 
fonctions  d'abbé  et  en  gérer  les  revenus.  C'est  le  rapport  d'un  de 
ces  administrateurs,  écrit  en  1779,  que  communique  aujourd'hui  à 
la  Société -M.  le  chanoine  Durengues,  où  est  présenté,  avec  des  dé- 
tails du  plus  haut  intérêt,  l'état  juridictionnel  et  économique  de 
Tabbaye,  «  afin  que  l'Illustrissime  et  Révérendissime  Chapitre, 
«  libre  et  absolu  seigneur  de  l'abbaye,  puisse  à  simple  vue  et  mal- 
«  gré  la  distance,  connaître,  apprécier  et  relever  les  intérêts  de  sa 
u  propriété  ». 

Et  c'est  ainsi  qu'après  avoir  jeté  un  coup  d'œil  sur  la  situation 
lopographique  de  Clairac  et  les  principaux  faits  de  son  histoire,  il 
passe  en  revue,  tant  les  revenus  des  biens  immobiliers,  dîmes,  rcn- 


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—  568  - 

tes,  contrats  de  lods  et  ventes,  pactes  de  rachat,  droits  de  prélation, 
etc.,  elc,  les  énumérant  dans  chaque  propriété,  que  les  droits  ho- 
norifiques de  l'abbé,  ses  charges  nombreuses  et  toutes  les  questions 
pendantes  non  encore  tranchées. 

MM.  Dufl'au  et  Baslard  adressent  à  la  Société  un  rapport  très 
détaillé,  que  lit  M.  Bonnal,  sur  les  fouilles  de  Sos.  Ils  lui  font  con- 
naître les  sondages  exécutés  depuis  trois  mois  en  neuf  endroits 
différents,  désignés  par  la  Commission.  Ils  énumèrent  les  multiples 
objets  découverts,  poteries,  fragments  de  bronze,  pointes  de  fer, 
ossements  quelquefois  brûlés,  etc.;  et  ils  appellent  plus  particuliè- 
rement l'attention  de  la  Société  d'abord  sur  les  murs,  retrouvés  au 
milieu  de  l'abside  de  la  dernière  église  paroissiale,  d'une  abside 
plus  ancienne  et  plus  petite,  au  centre  de  la  place  du  Mouré;puis, 
sur  ceux  d'une  cella  rectangulaire,  terminée  par  une  abside  en 
forme  d'hémicycle,  découverte  sur  les  rebords  de  la  route  neuve,  à 
l'ouest  deja  ville,  et  dont  l'appareil  allongé  peut  remonter  à  l'épo- 
que carolingienne  ou  même  mérovingienne.  Un  mur  a  été  trouvé  au- 
dessous,  la  traversant  dans  toute  sa  longueur.  Construit  en  gros 
moellons,  on  peut  se  demander  s'il  n'est  pas  un  débris  de  rempart 
d'une  époque  bien  plus  ancienne. 

Si  ces  sondages  n'ont  encore  amené  la  découverte  d'aucun  objet 
précieux  ou  antérieur  à  la  conquête  romaine,  on  est  cependant  en 
droit  de  penser  qu'un  peuple  aquitain  a  dû  habiter  le  plateau  de 
Sos  et  que  par  de  solides  retranchements  il  a  fortifié  tout  le  côté 
nord  de  l'oppidum. 

Les  fouilles,  interrompues  par  les  pluies,  seront  reprises  au  prin- 
temps. 

A  cause  des  fêtes  du  Jour  de  l'An,  la  prochaine  réunion  n'aura 
lieu  que  le  9  janvier,  second  jeudi  du  mois. 

Ph.  L. 


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TABLE  MÉTHODIQUE 


DES 


MATIÈRES  CONTENUES  DANS  LE  TOME  XXXIX 


ARCHEOLOGIE 

Archéologie  gallo-romaine 

Les  fouilles  et  découvertes  de  Sos,  en  1912,  par  MM.  J.  Duffau  et 
Ch.  de  Bastard,  1.  —  Rapport  des  Membres  de  la  Sous-Commis- 
sion chargée  d'effectuer  les  fouilles  de  Sos,  adressé  à  la  Société 
des  Sciences,  Lettres  ci  Arts  d'Agen,  501.  —  Notes  de  A.  Barlha- 
lès,  509. 

Le  vicomte  de  Métivier  et  les  premières  explorations  archéologiques 
du  pays  des  Sotiales,  par  J.  Momméja,  16,  124,  227. 

Arohôologie  religieuse  et  ciTile 

Souvenirs  du  vieil  Agen  :  La  tour  du  Chapelet,  189.  —  L'église  et  le 
quartier  Saiute-Foy,  285.  —  Saint  Caprais  d'Agen,  381,  par  Ph. 
Lauzun. 

HISTOIRE 

Histoire  religieuse 

Synode  tenu  à  Agen  sous  l'épiscopat  de  Mgr  Mascaron,  du  28  au 
29  mai  1686,  pour  le  rachat  des  offices  de  receveur  et  de  contrô- 
leur des  décimes  et  impositions  du  Clergé,  par  P.  Dubourg,  332. 

Petite  monographie  de  la  Confrérie  des  Pénitents  blancs  de  Cau- 
decoste  aux  xvii"  et  xviii®  siècles,  par  A.  Gayral,  353,  437. 

Le  temple  de  Brulhes  et  ses  Commandeurs  au  xviii*  siècle,  par 
P.-H.  Guilhamon,  421,  515. 

Histoire  régionale,  civile  et  militaire 

Le  château  de  Castelnoubel  (suite  et  fin),  par  R.  Marboutin,  35, 

141,  197. 
Les  Archives  départementales  de  Lot-et-Garonne,  par  R.  Bonnat, 

56,  164. 


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—  570  — 

Villeréal  (suite  et  fin),  par  J.  Benaben,  111,  316. 

Rives  et  Tourliac,  par  J.  Benaben,  403. 

Une  question  posée  par  M.  le  docteur  Emm.  Labat,  497. 

Histoire  juridique 

La  réorganisation  du  barreau  d*Agen  (1812),  par  Jacques  Amblard, 
26. 

Histoire  nobiliaire 

Le  fief  et  les  seigneurs  du  Faudon  à  Saint-Pierre  de  Nogarel.  par 
E.  Romat,  299.  y 

Histoire  révolutionnaire 

Vente  des  effets  mobiliers  trouvés  dans  une  malle  appartenant  à  feu 
Solminiac,  par  0.  Fallières  et  Ph.  Lauzun,  349. 

DOCUMENTS  INÉDITS 

Lettre  d'un  Agenais  sur  la  prise  de  la  Bastille,  par  Jacques  Amblard, 

273.* 
Un  Argan  agenais,  Pierre  de  Catuffe,  par  G.  de  Lagrange-Ferrè- 

gues,  433. 
Les  correspondants  de  Bory  de  Saint-Vincent  :  1*  J.  V.  F.  Lamou- 

roux,  par  Ph.  Lauzun,  536. 

BIBLIOGRAPHIE  RÉGIONALE 

Histoire  de  Damazan,  depuis  le  xi®  siècle  jusqu'à  nos  jours,  par  le 
chanoine  P.  Dubourg  (R.  Marbouiin),  74. 

Un  héros  de  la  Grande  Armée,  Jean-Gaspard  Hulot  de  Gollard,  par 
le  vicomte  du  Moley  (Ph.  Lauzun),  75. 

Correspondance  de  Bossuet  («/.  Dubois),  27(5. 

Un  assassin  du  duc  Henri  de  Guise  :  François  H  de  Monipezat, 
baron  de  Laugnac,  capitaine  des  Quarante-cinq,  par  J.  Hazon  de 
Saint-Firmin  (/?.  Marbvutin),  309. 

La  Vocation  paysanne  et  l'Ecole,  par  le  docteur  Emm.  Labat  (Ph. 
Lauzun),  463. 

Une  lettre  inédile  de  Louis  XI,  par  Ch.  Samaran  (^4.  Lavergnc),  562. 

Chronologie  des  archevêques,  évêques  et  abbés  de  l'ancienne  pro- 
vince ecclésiastique  d'Auch  et  des  diocèses  de  Condom  et  de  Lom- 
bez  (1300-1801).  —  Abbeviile,  in-8»  de  xvii-214  p.  —  La  Curie  et 


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les  bénéfices  consisloriaux.  Etude  sur  les  communs  et  mêmes 
services. —  Paris,  in-8",  x-316  p.,  par  M.  Vsibbé  Clergeac  (0.  La- 
vergne),  563. 

BIOGRAPHIE 

Un  Agenais,  ami  de  Ronsard  :  Jean  Dutreuilh  de  Belot,  par  R.  Mar- 

boutin,  93. 
(iuilloumc  do  Ranse,  par  J.  Dubois,  176. 

Laulanié  et  son  monument  à  l'Ecole  vétérinaire  de  Toulouse,  254. 
Tn  poète  méridional  au  xvn**  siècle  :  Théopliîle  de  Viau,  par  M.  de 

Bellegarde,  477. 
pgier  de  Sérignac,  par  J.  Dubois,  531. 

NÉCROLOGIE 

Edouard  Payen,  par  Ph.  Lauzun,  83. 
Adrien  Planté,  par  Ph.  Lauzun,  181. 

CHRONIQUE  RÉGIONALE 

Vœux  de  nouvel  an  (F.  Ferrère),  79. 

Les  fouilles  de  Sos,  79,  373. 

Les  ducs  d'Epernon  et  le  cliàteau  de  Caumont,  80. 

Epilogue  des  fêtes  de  Romas,  80. 

Le  legs  de  Tabbé  Lanusse,  81. 

Antiquités  et  objets  d'art  des  départements,  81. 

Congrès  de  la  Société  fran^^aise  d'archéologie,  183,  374. 

Société  de  Vesins,  183. 

Les  amis  des  Cathédrales,  184. 

C'iassement  de  Tautel  de  Tancien  couvent  des  Carmélites  d'Agen, 
277. 

Congrès  international  d'anthropologie  et  d'archéologie  préhistori- 
que, 278.  . 

La  défense  des  Eglises  de  France,  279. 

Distinctions  honorifiques,  373. 

Comité  Laulanié,  374. 

Couchage  des  vignes  greffées  pour  prévenir  certaines  conséquences 
graves  des  gelées  d'hiver,  375. 

Congrès  national  du  froid,  377. 


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-  572  - 

Dons  de  M.  G.  Tholiu,  473. 
Mosaïque  gallo-romaine  trouvée  à  Auch,  473. 
Histoire  de  l'ordre  de  Fontevrault,  474. 

Les  débuts  de  la  Réforme  protestante  à  Bordeaux  et  dans  le  ressort 
du  Parlement  de  Guienne,  475. 

PROCÈS-VERBAUX  DE  LA  SOCIÉTÉ  (1912) 

Séance  du  4  janvier,  90. 

—  !•'  février,  91. 

—  7  mars,  186. 
1"  avril,  187. 

—  2  mai,  282. 

—  6  juin,  283. 

—  4  juillet,  378. 

—  3  août,  379. 

—  7  novembre,  566. 

—  5  décembre,  567. 

TABLE  DES  PLANCHES  ET  PLANS 

Plan  du  plateau  de  Sos,  2. 

Coupe  de  terre  sur  le  rempart  nord  de  Toppidum  de  Sos,  5. 

Poteries  et  fibules  trouvées  dans  les  fouilles  de  Sq^,  11. 

Château  de  Castelnoubel,  vue  de  Touest,  141. 

Idem,  galerie  supérieure,  157. 

Idem,  portrait  de  M.  des  Echeroiles,  144. 

Idem,  portrait  de  M°*.P'élicie  d'Ayzac,  197. 

Idem,  portrait  de  M"*  Hélène  des  Echeroiles,  217. 

Château  de  Belot,  93. 

Tour  du  Chapelet,  191. 

Monument  Laulanié,  254,  263. 

L'Eglise  Sainte-Foy  et  la  tour  Saint-Fiary,  285. 

Quartier  Sainte-Foy,  d'après  le  plan  Lomet,  288. 

I/Eglise  Saint-Caprais  d'Agen,  381. 

Fac-similé  d'un  dessin  de  Beaumesnil,  386. 

Portrait  de  Théophile  de  Viau,  477. 


La  CotnmÎ88iu&  d'administration  et  de  gérance  :  0.  Faîtières,  Ph.  Laozun,  0.  Gratuit. 


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