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Revue de FAgenais
Société des sciences, lettres
et arts d'Aqen, Société académique d'Aqen
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REVUE DE L AGENAIS
Tome xxxix. — 1912.
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REVUE
DE L'AGENAIS
DE LA
SOCIÉTÉ D AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'AGEN
Tome trente-neuvième. — Année 1912
AGEN
IMPRIMERIE MODERNE (Association Ouvrière)
1912
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^^i-»*-/*-v^'v0^n '
/«)-»I-2.(û
LES DÉCOUVERTES DE SOS
Au moment où les découvertes faites récemment à Sos, à l'oc-
casion de l'établissement d'une gare et d'une ligne de tramways,
préoccupent le monde savant et appellent l'attention aussi bien des
Académies du Sud-Ouest que de l'Institut, il nous a paru utile de
publier dans la Revue de rAgenais, puisque Sos fait partie du Lot-
et-Garonne, les mémoires inédits que "deux de nos plus zélés ar-
chéologues, MM. J. Duffau, pharmacien à Sos, et Ch. Bastard,
conducteur des ponts et chaussées à Mézin, ont écrits à son inten-
tion, ayant suivi, chacun, les fouilles pas à pas, relaté tout ce qui
les avait frappés « et voulant seulement rendre compte de l'état des
« travaux et des découvertes, sans prendre parti pour telle ou telle
« école, poussés par le seul désir d'apporter à Thistoire de Sos
« quelques matériaux nouveaux que des personnes plus autorisées
« pourront utiliser. »
Nous ne reprendrons pas une fois de plus, ici, la vieille question
de remplacement de Toppidum des Sotiates, qui a fait couler tant
d'encre, mis aux prises tant de savants, et, pour ne citer que les
derniers, Eugène Camoreyt, plaidant avec acharnement pour Lec-
lourc (1) et l'abbé Breuils, revendiquant pour Sos l'honneur d'avoir
défendu l'indépendance de l'Aquitaine contre les légions de Cras-
sus (2).
Nous passerons également sous silence les arguments, invoqués
par d'autres villes, Aire, Foix, Lourdes, Vie de Sos, etc.^ à seule
fin de s'attribuer le même mérite. i
Nous estimons, quant à nous, que la question reste entière ou
à peu près, les découvertes nouvelles étant, toutes ou presque
toutes, gallo-romaines et valant moins, comme force probante, que
(1) La Ville des Sotiates par Eugène Camoreyt. Auch, 1897. Petit in-8* de
150 pages.
(2) VOppidum des Sotiates par Tabbé Breuils. Revue de Gascogne, xxix,
399 et xxxvr, 225, 273, 430. Cf. : Tirage à part.
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— 2 —
celles faites autrefois et signalées depuis longtemps par
M. G. Tholin (1).
Un vœu a été émis par la Société académique d'Agen, à laquelle
s'est jointe la Société archéologique du Gers, « pour que, en pré-
« sence des découvertes {aites à Sos, autre{ois et aujourd'hui, des
« fouilles nouvelles, conduites méthodiquement, soient effectuées
« au plus tôt, sous le haut patronage de VAcadémie des Inscrip-
« lions et Belles-Lettres, » Espérons que ce vœu sera écouté. Jus-
que-là, attendons patiemment, avant de nous prononcer définitive-
ment.
Les mémoires si consciencieux de MM. Duffau et Bastard ne
pourront en tous cas que faciliter les recherches nouvelles, et, par
leur documentation, contrihuer à rendre de plus en plus favorable
à la ville de Sos, du côté de laquelle penche la balance, l'opinion
des chercheurs qui, comme nous, n'apportent dans la question ni
précipitation, ni parti-pris.
N. D. L. R.
I
Quelques Considérations sur TOppidum de Sos
L'établissement à Sos de la gare des tramways de Tonneins
à Sos, ayant, par les travaux exécutés, mis en actualité, dans
le monde savant, l'identification de Sos avec Toppidum Solia-
tien des Commentaires, on permettra à une personne qui a
suivi pas à pas les fouilles effectuées, de joindre ses observa-
tions à celles déjà faites, sans prendre parti pour telle ou telle
école (2).
(1) Revue de VArjenah xxin, 57, 2Ci H Noies mamiscrites, incdile>, sur les
communes du déparlemeul, aux Archives déparlemenlales de Lot -ci-Garonne.
(2) Je ferai remarquer, en passant, que ce n'est pas M. le Maire de Sos,
ainsi que cela a été lu k l'Académie âes Inscriptions, qui a le premier signalé
à M. Camille Jullian les découvertes faites A Sos, mais moi-même ; comme
M. Bastard, conducteur des Ponts et Chaussées ù Mézin, a signalé à la
Société des Sciences, Lettres et Arts U'Agen, dès l'année 1907, les pierres à
tenons étudiées par M. Momméja.
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OF
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Nord
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E I)él)ria <ie muraîlle.s et petit appareil.
F Portau de S*-Martin.
L Portau de la fontaine.
H Château du moyen âge
PLAN DU PLATKAU de SOS
D*après le plan cadastral de la GommuDe.
Ëchelle de l/iOOûO
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doo^z
— 3 —
I
Le plateau de Sos est bien le type des oppida barrés, si du
moins nous lui donnons pour limites celles déjà admises, c'est-
à-dire : au levant, le ravin du Quey, au midi la rivière Gélise,
au couchant la rivière Gueyze, au nord la dépression, aujour-
d'hui à peu près comblée, de Loustalet.
Ce plateau domine d'une soixantaine de mètres, dans ses
parties les plus hautes, les vallées environnantes. Il est formé
par un piédestal en calcaire gris de TAgenais. La roche est
recouverte d'une couche de terre qui varie de 2 à 25 mètres.
Presque au centre du plateau, s'élevait, au moyen-âge, le châ-
teau bâti probablement lui-même sur une motte artificielle et
contemporaine de l'oppidum.
Voici les dimensions exactes du plateau, prises au bas des
rocs. Si nous considérons la nature de la pierre, friable et su-
jette aux désagrégations de l'hiver, nous pouvons admettre
que ce qui est actuellement la dimension de la base, devait
être autrefois le périmètre du sommet :
AB = 522 mètres. CD = 612 mètres.
BC = 324 — DA = .540 —
Total, 1998 mètres, ou une superficie approximative de 32
hectares.
Les lignes BC, CD, DA, formées par les roches et à pic sur
les vallées, se suffisaient à elles-mêmes pour la défense. Ces
jours-ci, j'ai pourtant remarqué sur la ligne DA, gisant au pied
du roc, deux pierres taillées, provenant d'un petit appareil
gallo-romain et identiques à celles mises à jour à la gare des
tramways. (Voir planche I.)
Etudions la partie AB, c'est-à-dire la portion qui, sur une
longueur de 522 mètres en ligne droite, était la plus vulnéra-
ble de l'oppidum, celle qui peut-être soutint l'assaut des légions
de Crassus. Sur tout ce point les rochers qui entourent Sos
disparaissent, se perdent. Un puits, creusé dans la dépression
il y a une dizaine d'années, n'en a pas trouvé trace ; bien plus.
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ce même puits, quoique enlièremenl creusé dans le sable, n'a
pas d'eau, alors qu'à droite et à gauche, sur les plateaux même
de Sos et de Loustalet, la nappe aquifère est à deux ou trois
mètres de profondeur. Il résulterait de ceci que les couches
qu'il traverse sont de formation récente (comme si par exemple
la dépression de Loustalet avait été comblée) et sans continuité
avec les terres environnantes. Le plateau de Loustalet, dans
sa partie qui fait face au rempart, est sablonneux. Le plateau
de Sos, sablonneux dans son sous-sol, avec des parties argi-
leuses, ne présente dans la partie du rempart qui fait face au
vallon, qu'une pente argileuse.
Est-ce cette particularité du rocher qui disparaît qui enga-
gea les Aquitains à choisir notre plateau pour y établir leur
oppidum ? Toujours est-il que leurs travaux de tranchée furent
grandement facilités. Ils creusèrent un fossé profond et large,
rejettèrent sur le versant de Sos la couche sablonneuse qui
occupait la cuvette, et en formèrent la base de leur rempart. Le
sable trop meuble n'offrait ni la durée ni la solidité requise,
ils le recouvrirent d'une couche de glaise, à épaisseur variable,
mais jamais inférieure à 3 mètres. Cette glaise est encore telle-
ment compacte que les ouvriers, qui tous ces jours travaillaient
aux déblais, étaient obligés de l'attaquer au pic, ce qui leur
faisait dire <c qu'elle avait dû être pilonée ». Le chef de l'en-
treprise lui-même hésitait et se demandait s'il ne ferait pas
mieux d'employer la dynamite pour l'ébranler.
La tranchée, profonde de 6 mètres, présente de haut en bas
les couches suivantes :
V Une couche de terre arable (A) ;
2° Une couche de terre, mêlée de décombres, ciment ro-
main, stèle votive, grosses pierres à tenons (B) ;
3** Une couche de glaise verdâtre (E);
4* Une couche de sable (I et H). (Voir planche II.)
Ces deux dernières couches, notamment les couches de
sable, sont pleines de charbon ; on y trouve également des
fragments très rares d'une poterie friable, grossière et mal
cuite, et des pierres épaisses, toutes différentes des moellons
taillés qui forment le mur dont il sera question plus loin.
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II
|:zz:
>4
s:
s ..
lkobsn^de: :
//////^ Terre végétale.
<CX-<::*
T^erre mêlée de décombres où ont été trouvés les blocs à tenons.
^-^ Glaise.
Poche de terre noire.
Sable argileux mêlé de charbon, pierrailles, poteries.
Blocs à tenons sur mortier.
COUPE DES TKRRES
SUR LE REMPART NORD DE L»OPPIDUM DE SOS
Échelle de 0,01 p. m.
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— 5 -
La couche de glaise offre un plan de glissement de plus de
45*, et dans le sens du vallon de Louslalel.
En résumant ces diverses observations, j'en conclus que
Toppidum de Sos n était défendu de ce côté que par un mur
en terre et que le fossé qui le séparait du plateau devait avoir
une quinzaine de mètres de profondeur.
Il
L oppidum de Sos était traversé du nord au sud par une
voie, probablement Ibère, améliorée et pavée après la con-
quête romaine, actuellement désignée sous le nom de Téna-
rèze. A la sortie de Sos, au nord, cette voie se divisait en deux
branches, une allait vers les plaines de la Garonne, l'autre,
désignée sur le livre terrier de « chemin de Sos à Castelja-
loux », gagnait par Meylan et le gûa Herral (gué pavé), le pla-
teau Landais et Bordeaux : c'était la voie Anlonine.
Avant de rentrer à Sos, à cinquante mètres du rempart, la
Ténarèze passait au bord de la colline de Loustalet, sur la-
quelle s'élevait l'église romane de Saint-Martin-los-Sos. Au
pied de l'église coule une source abondante.
A l'entrée de la^Ténarèze, touchant le rempart artificiel, un
habitant du lieu possédait, en l'an 1764, un lopin de terre,
« conlronlanl au levant à la Porte de la ville ancienne ». En
l'an 1600, nous trouvons sur le livre terrier ces mêmes té-
moins, désignés du nom de « Portau de Saint-Martin ».
Dans ce même livre terrier, nous croyons que la sortie de
la Ténarèze sur la partie à pic, qui plonge dans la vallée de la
Gelise, porte le nom de « Portau de la Fontaine ». Un autre
lopin de terre, voisinant ce « Portau de la fontaine » est appelé
0 la Capère » parce qu'il contenait « les vestiges d'une ancien-
ne chapelle ».
Puisque nous avons déjà admis que les murs de l'oppidum
de Sos étaient à cet endroit fait d'une levée de terre, nous con-
cluons, maintenant, que les limites étaient là et non ailleurs, et
'que la Ténarèze le traversait aux mêmes points où elle passe
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- 6 ~
aujourd'hui. Pourquoi alors, ne pas admettre également
qu'aux endroits désignés bien plus tard sous le nom de Por-
tau de Saint-Martin et de la Fontaine, les Ibères, pour sou-
tenir les terres et resserrer les portes, avaient, pendant quel-
ques mètres, dressé verticalement un appareil de grosses pier-
res, serties avec des tenons? Ces portes fortifiées n'ayant
plus de raison d'ôlre après la conquête et resserrant trop
l'entrée de Sos, furent arrachées de leur base première, et
réemployées aux siècles suivants pour une destination qui
nous est inconnue.
III
En 1841, les ouvriers, qui percèrent une tranchée à travers
le rempart nord, mirent à jour des mui's. D'après l'opinion
d'un vieillard, qui m'a fourni ce détail, <( on éventra une vieille
chapelle ». C'est la continuation de ces mêmes murs, que
les ouvriers ont mis à jour ces temps derniers.
Ces murs, qui ont fait l'objet d'une communication de
M. Momméja, se présentent sous deux plans parallèles, l'un
côté rempart, d'une longueur d'environ 12 mètres, l'autre à
5"40 du premier, long de l'^bl, côté Sos. C'est entre ces murs,
et le long de la paiiie en glaise du rempart, mais ne se confon-
dant pas avec elle, que l'on a trouvé l'éboulis de pierres en
petit appareil gallo-romain, un fragment de voûte, un morceau
de colonne, deux fragments de marbre, la stèle votive et les
pierres à tenons. Les deux assises de pierre qui formaient ces
murs au lieu d'être placées verticalement l'une sur l'autre,
étaient au contraire en retrait, à la façon d'une marche d'esca-
lier ; et au lieu d'être mises à même sur la terre, elles repo-
saient sur un premier lit de mortier et de petites pierres.
En deçà, du côté du cimetière, les murs n'ont pas l'air de
continuer et Ton ne trouve plus trace d'éboulis.
Pour mémoire, je rappellerai que la stèle votive, d'après la
traduction de M. l'abbé Médan, devrait se lire : n A la déesse
Tutèle, aux dieux Adéhius et Capitus, les tonslrucieurs du
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temple d'Harbeleslec ont acquitté leur vœu spontanément et à
juste titre. »
Dans le livre de la Jurade de Sos, nous lisons, au 13 juillet
1713 <( qu'il y a hors des nuirs de la ville, deux portails quon
dit avoir été battis par les Romains et qui sont ce quil y a de
plus curieux et remarquable. »
Placé à rentrée de la Ténarèze, sur le ten-e-plein de l'ancien
rempart de l'oppidum, se signalant de loin aux voyageurs qui
arrivent de la Garonne et du Bordelais en suivant la Téna-
rèze, plutôt qu'un débris de rempart du i\* siècle, ,ne serait-ce
pas tout ce qui resterait d'un temple païen ? N'avail-il pas, lui
aussi, sa source sacrée, que les chrétiens des premiers siècles
placèrent sous le vocable de Saint Martin, après avoir élevé
une église au lieu du temple ruiné ?
Le même voyageur, quittant la ville hospitalière, pour ga-
gner le pays des Elusates, pouvait, au Portau de la Fontaine,
faire ses dévotions au temple de la « Capère » et « à la source
de la Fontaine » qui coulait à ses pieds.
Pour bâtir ces temples, les gallo-romains démolirent les
portes Ibères devenues inutiles et trop étroites, et se servirent
de leurs matériaux.
Plus tard, peut-être au iv*' siècle, pour se défendre des bar-
bares qui se ruèrent à l'assaut de Sos, ce temple, solidement
bAti, servit à la défense de la cité (1). Sos pris, il fut saccagé,
démoli et les pierres jetées par dessus le rempart. Seuls. les
portiques survécurent, puisqu'au 13 avril ils étaient encore de-
bout.
Pour ceux qui croient qu'au lieu d'un rempart de terre il y
avait sur ce point un mur en pien-es, je dois ajouter, pour
conclure, que la tradition veut qu'il y ait, au cimetière actuel
de Sos, et à deux autres points sur la même ligne, des murs
en gros appareil. Seules, des fouilles méthodiques permet-
traient de les retrouver et d'élayer les opinions.
J. DUFFAU.
(1) On a en cffot trouvé, il y a quelques années, tout près de là, une pile
de gros boulets de pierre, encore places en tas.
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— 8 —
II
FouiUes de Ses de 1911 1918
Les travaux de terrassements nécessités par la construction
de la ligne des tramways de Tonneins à Sos ont mis à jour
certains vestiges qui ont fait couler beaucoup d*encre et ému
le monde savant.
- Nous avons suivi de très près ces fouilles, en raison même,
de notre profession, et avons noté au fur et à mesure qu'ils se
présentaient tous les faits, toutes les découvertes susceptibles
d'éclairer cette question de l'oppidum des Sotiates, question
si controversée et si importante pour l'histoire des Gaules et
particulièrement de l'Aquitaine indépendante.
Nous allons présenter, plan et dessins à l'appui, tout ce qui
nous a frappé, poussé par le seul désir d'apporter à l'histoire
de Sos quelques matériaux que des personnes plus autorisées
pourront employer et mettre eh amvre. Nous donnerons en-
suite notre opinion personnelle basée sur de patientes recher-
ches, de longues réflexions et la connaissance que nous avons
de la région.
La tranchée ouverte au point terminus de la ligne à l'entrée
de Sos a mis à jour des blocs énormes de pierre en grès du
pays, entassés les uns sur les autres, pêle-mêle, avec des
moellons plus petits, des briques à rebord, des cendres, des
débris de poterie, un fragment de voûte en petit appai^il ro- "
main, un couvercle de sarcophage brisé.
Des blocs pareils avaient été extraits du même talus lors de
la construction de l'usine Labau, en 1897, et nous devons dire
qu'en 1910 nous les avons montrés à M. Momméja, Térudit
Conservateur du Musée d'Agen, et qu'ils furent pour lui une
révélation.
M. Momméja reconnut aux queues d'aronde l'appareil ibère
ou gaulois et nous dit toute l'importance qu'il lui attribuait.
Avec l'avancement de la tranchée apparut un mur nettement
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^ ù -
établi, de l*Est à l'Ouest, avec des blocs de même nature, sans
art, sans mortier. Derrière ce premier mur et parallèlement
à sa direction, à environ 5 mètres de distance, un second mur
parut, fait de la même façon et établi sur une faible couche de
mortier maigre. Entre les deux murs, rien que de la terre.
Parmi les décombres au pied du premier mur Une stèle votive
fut trouvée que nous fîmes mettre de côté aussitôt.
L'inscription, traduite par l'éminent M. Camille JuUian,
signifie : A la déesse Tutèle, Adéhio et Capito, lils d'Adéius
Harbellesleg, constructeurs^ ont accompli en esclaves ce vœu.
D'après Térudit M. Tabbé Médan, la traduction serait la
suivante : A la déesse Tulèle, aux dieux Adéhius et Capilus,
les constructeurs du temple d'Harbelestecs ont acquitté leur
vœu spontanément et à (uste titre.
x\ous nous contentons de reproduire ces deux versions, en
nous gardant bien d y ajouter un mot (1).
En remontant le tracé des tramways et à l'origine des tran-
chées, il a été trouvé sur environ 20 mètres de longueur de la
poterie samienne rouge, unie ou décorée, quatre morceaux de
colonne unie de (TSS de diamètre, deux fûts qui devaient les
supporter et un morceau de chapiteau brisé décoré de feuilles
de chêne. A environ 30 mètres de ces colonnes, la poterie
rouge cesse et est remplacée par de la poterie noire.
La tranchée présente un terrain nettement bouleversé qui
donne des murs jusqu'à 1"50 de profondeur, des cendres, des
tessons d'amphore. Avec la profondeur une poterie plus gros-
sière apparaît et il nous est remis un vase à la découverte du-
quel nous attachons une certaine importance. Ce vase est en
terre très grossière noire cuite au soleil et non fait au tour. Il
renfermait des cendres collées à son fond. Il présente l'aspect
d'une casserole de nos jours. Il a II centimètres 7 de diamètre.
(1) Nous croyons devoir signaler ici l'inscription « AHERBELSTE DEC »
trouvée par Julien Sacaze à S. Avantin, village bâti sur les dernières pentes
de la montagne d'Espiaup, et commentée par lui aux pages 10 et 11 de sa no-
lice sur Les anciens Dieux des Pyrénées, extraite en 1825 de la Revue de Com-
winges, livraison d'octobre. D'après cette inscription, le nom d'Herbeleste
serait donc indubitablement celui d'un dieu. Ph. L.
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— 10 —
5 cenlimètres 5 de hauteur et porte une oreillette de 3 centi-
mètres 5 de longueur. Il devait reposer sur trois pieds placés
à la périphérie et qui sont cassés.
Ce vase ressemble à ceux que M. Décheletle cite dans son
])eau Manuel d'Archéologie préhistorique, p. 563, qu'il place
à la fin du néolithique et qui ne sont pas inconnus, dit-il, dans
les palafitles. Or l'endroit où a été trouvé ce vase, est situé
au-dessus d'une aire battue de pieux qui a été rencontrée à
3 m. 40 de profondeur, au niveau du sol de la tranchée.
Cette aire établie dans la vase, dans la terre à marais et qui
se contmue sous les talus de la tranchée, est composée de
pieux de 8 centimètres et 13 centimètres en. moyenne de dia-
mètre, ayant subi un cominencement de combustion. Certains
sont taillés en octogone.
Contre cette aire, une planche posée de champ et appuyée
par des pieux verticaux de 3 centimètres de diamètre bien
affûtés, délimitait un charnier d'où nous avons vu sortir des
cornes, des mâchoires, des os de bêtes inconnues pour nous et
aussi des débris de poterie très grossière noire qui avait dû
aller au feu si Ton en juge par la couleur de sa pâte.
A l'est, à 2 mètres environ de cette aire, une sépulture a été
découverte à 3 m. 50 de profondeur, c'est-à-dire à 10 centimè-
tres au-dessous du niveau de la tête des pieux de l'aire. Nous
avons procédé nous-même au dégagement de cette inhuma-
tion qui avait été creusée dans le sable dur fen*ugineux.
Les bords de la fosse avaient été protégés par des planches
posées de champ de 18 centimètres de hauteur et 2 c. 8 d'épais-
seur. Pour empêcher que ces planches se renversent sur le
corps, des pieux de 4 centimètres de diamètre enfoncés dans
le sol les retenaient de distance en distance.
Cotte bière n'avait ni fond ni couvercle. Sa longueur
moyenne était de 50 centimètres, sa largeur était de 1 m. 10.
Les planches étaient en noyer et en chêne et travaillées gros-
sièrement à la hache. Le squelette qui en a été sorti a été
trouvé affaissé sur lui-même. 11 n'a été rencontré ni dans l'aire
ni dans le charnier, ni dans la sépulture de trace de fer.
En remontant la tranchée, la poterie noire et jaune (am-
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POTEKIES ET FIBULES DigitizedbyGoOglC
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- Il •-
phores, pots apodes avec couvercle et bouleroUe centrale) a été
trouvée jusqu'à la dépression au fond de laquelle coule un
petit ruisseau-fossé.
A cet endroit la voie Téûarèze a été coupéç. La position de
cette voie est donc nettement établie. La Ténarèze dont Tori-
gine probablement ibérique se perd dans la nuit des temps et
qui a toujours été suivie par les peuples dans leurs migra-
lions, épousait, comme nous l'avions toujours supposé, la
dépression de Loustalet.
Après cette voie, la poterie réapparaît, poterie blanche,
noire, mais absence de poterie samienne.
Un dallage en béton de 0,15 d'épaisseur est coupé, un canal ,
fait en gros appareil de 1 mètre sur 0 m. 50 et 0 m. 55 est ren-
contré. Contre ce canal il est trouvé une vanne en métal (alliage
probable de plomb et d'étain) percée de petits trous au poin-
çon destinée à filtrer les eaux écoulées.
Ce canal était encadré par un énorme dallage de 3 mètres de
longueur en grosses pierres de 0 m. 50 d'épaisseur.
De chaque côté de ce canal, à des distances variables et à
des niveaux différents, il a été rencontré deux petites condui-
tes en briques épaisses de 0 m. 05 bien bâties et qui suivaient
une direction parallèle au grand canal.
A environ 30 mètres de ce canal, la poterie samienne est de
nouveau trouvée. Cette partie est fort riche et nous avons de
cet endroit deux bols samiens dont l'un est au décor du lierre
(le même décor a été trouvé à Alésia), des fibules appartenant
aux diverses époques de La Tène, des morceaux de bracelets,
des monnaies de Vespasien, un moyen bronze saucé d'Auguste
au revers du taureau cornupète, des pièces de la colonie de
Nîmes au revers du crocodile, une médaille de Vespasien res-
titué, commémorant sa déification : Divus-Augustus Pater,
une Faustine, un Constantin au revers du Temple et quelques
bionzes gaulois de l'époque d'Auguste que possède notre
excellent ami M. Duffau.
Parmi les noms de potier qui peut-être s'ajouteront au
corpus de M. Déchelette, nous avons relevé les suivants :
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12
SICR. — FLOR TERTIUSF — ETTA — MAH - SAIVÏ — OVARII
ETTA
Un morceau de verre, sans doute mérovingien, en pâle
bleue incrustée de mosaïques de couleur a été également
trouvé.
Sans doute à cet endroit s'élevait une de ces splendides
villas du IV* siècle au temps où l'Aquitaine était le. pays le plus
riche de l'Empire « le pays gras et joyeux par excellence, le
( pays du blé doré et des huîtres savoureuses et du vin génè-
re reux ». (Camille JuUian, Histoire de Bordeaux,)
, Tels sont les résultats des découvertes faites dans les tran-
chées sur 500 mètres de longueur.
Nous devons toutefois noter, ce qui est assez surprenant,
l'absence de marbre et de mosaïques. Est-ce à dire que Sos
n'était pas l'agglomération puissante qui avait à son service
une cavalerie renommée à l'époque romaine, un chef valeu-
reux Rex-Adiantanus ? Nous ne le pensons pas.
Sans doute l'oppidum de Sos proprement dit est assez res-
treint. Mais sa position naturelle est incomparable. Il est éta-
bli, en effet, sur un promontoire dominant les trois vallées du
Quey à l'est, de la Gélise au sud, de la Gueyze à l'ouest. Le
seul endroit vulnérable était au nord et il a été défendu par
des rempart,s de terre, car la dépression de Loustalet a éte
sans nul doute accentuée encore par la main de l'homme.
La tranchée faite au point où ont appam les murs ibères
ou gaulois dont nous avons parlé, a montré que les terrains
même à 2 mètres sous la fondation de ces murs étaient des
terrains transportés.
Cet appareil grossier dont on a retrouvé les vestiges sous
la forme de remparts élevés à la hâte au rv* siècle pour se
défendre contre les barbares était plus important qu'on ne le
suppose.
Nous avons relevé et signalé en son temps que St-Martin
d'Albret, qui s'élevait à environ 100 mètres de là en bordure
de la Ténarèze. avait été bâtie en partie avec des blocs pareils
à ceux de ce rempart.
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— 13 —
Nous devons ajouter que d'autres blocs ont été utilisés
par les maçons du pays.
('es remparts, dont une délibération de 1713 retrouvée par
M. Duffau parle sous le nom de Portau romain et autorise la
démolition, avaient-ils élé tails avec des matériaux ayant servi
au temple d'Harbelleslecs comme le suppose M, Tabbé Médan,
ou provenaient-ils d'un mur de défense ibère ?
Xous {)encherions pour cette dernière version en raison des
trous et queues d'aronde relevés. Mais notre opinion est que
l'emplacement de Sos actuel était le refuge où l'on accourait
au moment de lexlréme danger.
La véritable agglomération s'étendait de Sos vers Campet
et Meylan. Tous les champs de cette région, situés autour de
Sos et en bordure des rochers qui surplombent la vallée de la
Gueyze, sont remplis de tessons de poterie, de monnaies de
bronze. Des substructions romaines y sont mises également
à jour un peu partout.
Xous avons dit, après d'autres, dans un article de la Revue
de VAgenais (avril-mai 1911) qu'autour de Luqueî^trany on
trouve des traces d'un peuple à dolmen et que sur une super-
ficie considérable de la région de Meylan apparaissent des
traces incontestables d'exploitation minière.
Les clots gaulois dans la région mégalithique de Luques-
trany et des Plassiots ont été retrouvés.
Nous avons parlé de l'aire battue de pieux et qui paraît
s'étendre loin, du charnier et de l'inhumation peut-être néo-
lithique.
Nous pensons que nous sommes bien là sur le sol des popu-
lations primitives qui avaient dû probablement élever sur ces
pieux leurs constructions fragiles dont parlent Strabon et
Vilruve. Ces populations étaient-elles nomades? Etaient-elles
sédentaires ? En tous cas la région que nous venons de décrire
paraît bien avoir été habitée depuis la plus haute antiquité.
Ces populations ne se seraient-elles pas livrées à l'exploita-
tion des mines de fer de Meylan ? A une exploitation minière
qui s'étendait d'après nous sur environ 1.2()0 hectares, il fallait
un nombre considérable de bras. Cela suppose un centre
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- 14 -
habité impoiianl. Ce centre gaulois ou ibère n elait-il pas au
pied de Toppidum de Sos en raison même des vestiges nom-
breux que nous venons de décrire ?
Sos, par sa position, nous le répétons, se prêtait admira-
blement à la défense.
L'oppidum, à peine 35 hectares, était insuffisant pour con-
tenir une population aussi dense et c'est au pied de ce refuge
naturel, comme à Alésia {Pro Alésia, juillet 1906. M. Pernet)
que ces tribus primitives se sont établies. En t^mps de danger,
elles allaient s'abriter dans l'oppidum. Cette position privilé-
giée par la nature, l'homme a dû l'utiliser depuis la plus haute
antiquité et les Sotiates, avant les Romains, en ont compris
toute l'importance.
Des routes, plus nombreuses qu'on ne le suppose, desser-
vaient Sos.
La voie Antonine, de Bazas à Toulouse, rencontrait mutalio
Sciltio avant civitas Elusa, Cette voie qui traversait la Gueyze
à Meylanau (Juay Ilerrat rencontrait la Ténarèze à Sos.
Placé ainsi au carrefour des deux grandes artères allant du
nord au sud et de l'est à l'ouest, Sos devait être une de ces
n stations pcmnanentes qui servent de refuge aux hommes,
(t d'entrepôts aux choses et par où se font le transit et l'é-
(' change des marchandises, des idées et des dieux ». (Camille
Jullian, Histoire de Bordeaux.)
Et Sos, en effet, était d'une importance capitale et capital
a été son rôle à l'éjwque de la conquête romaine. Ses mines
étaient probablement connues et ont dû tenter les conquérants
qui, merveilleux colonisateurs, ont dû en encourager l'exploi-
tation. Et Sos dut jouir, pendant deux ou trois siècles, des
Ixienfaits d'une civilisation dont Bordeaux était le centre. Les
belles poteries trouvées l'indiquent. Sos ne possédait-il pas son
temple des Vestales? M. Lefèvre-Portalis a cru le reconnaître
dans l'église de Gueyze, église à trifolium dont les fondations
sont nettement romaines et dont la porte d'entrée est couron-
née d'un morceau très curieux de sarcophage romain. Et il
serait intéressant de connaître l'histoire de ce temple élevé au
pied des sources de la Cavette consacrées probablement au
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- 15 -
dieu gaulois des eaux Borvo, ainsi que l'indique le nom de
Bourbout donné à la ferme au-dessus.
Telles sont les notes rapides que nous livrons à l'examen de
ceux qu'intéresse l'histoire locale.
Un horizon nouveau se lève. Sos va rentrer, selon le mot
récent de M. Camille Jullian, dans la pleine lumière de l'His-
toire. Et le pays des Sotiates, dont la bravoure de son roi « et
M de ces 000 solduriers fut chantée sous le règne d'Auguste
<« par Nicolas Damascène aux pieds du mont Liban et deux
t< siècles plus tard par Athénée, grammairien de Naucrate aux
<* pieds des Pyramides » (Histoire religieuse de VAgenais,
abbé Barrère), va revivre une fois de plus ses heures de gloire.
Ch. Bastard.
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LE TICOMTE DE MÉTIVIER
ET US pinnus ixntiATMXs AïontLMifas ir mvitiii
Bien longue serait Félude raisonnée des innombrables Ira-
vaux sur loppidum deî> Soliales, depuis les premiers commen-
taires sur la Guerre des Gaules de Jules César, à la lin du
xv^ siècle, jusqu'aux mémoires conlradicloires des Breuils et
des Camoreith, si impartialement résumés et confrontés par
M. (ieorges Tholin à la fin du siècle auquel nous avons sur-
vécu : cette étude demanderait des années de recherches et
fournirait la matière d'un volume dont l'intérêt serait considé-
rable pour tous ceux que passionnent la critique des textes an-
ciens, la géographie antique et l'histoire du territoire natio-
nal. C'est assez dire que les gascons laisseront aux allemands
le soin de lentreprendre et que nous l'attendrons, évidemment,
bien longtemps encore : aus>i n 'hésitons-nous pas à préparer
pour son auteur à venir un document de premier ordre, qui
lui fournira la matière d'un chapitre particulièrement intéres-
sant.
L'immense majorité de ceux qui se sont attachés à résoudre
le problème posé par le récit de la campagne du jeune Cras-
sus en Aquitaine, se sont à peu près exclusivement cantonnés
dans, la critique du texte de Jules César et dans Télude des
documents gépgraphiques : bien rares sont ceux qui ont voulu
voir de leurs propres yeux les lieux dont ils parlaient pour en
étudier la topographie et en rechercher les antiquités. Sauf
erreur, c'est à Christophe de Villeneuve-Bargemont que revient
l'honneur d'avoir eu celle pensée si naturelle et de l'avoir réa-
lisée. Les hautes fonctions administratives qu'il eut à remplir,
dans le Lot-et-Garonne, lui en fournirent l'occasion et il sut
s'attacher aux pas de la fugitive qui ne repasse jamais par le
même chemin.
Sous-préfet de Nérac en 1803, préfet de Lol-et-Garonne trois
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— 17 —
ans plus tard, il s'intéressa à l'histoire de Sos qu'il visita
attentivement, les Commentaires de César à la main. Il étudia
judicieusement la topographie de la modeste cité, constata
que sa position géographique concordait exactement avec
l'itinéraire du jeune Crassus, et il conclut, avec une compé-
tence qui avait manqué aux érudits de cabinet, que la mo-
derne ville de Sos était bien l'antique oppidum des Sotiates,
la métropole aquitanique où trônait jadis le roi Adiatunn au
milieu des six cents Soldures qui ne devaient pas lui survivre.
Son mémoire intitulé Recherches sur le lieu qu occupait dans
r Aquitaine le peuple désigné par César sous le nom de So-
liate (1) est un excellent modèle de saine critique et d'exacte
érudition fortement étayées sur l'étude directe tant stratégi-
que que topographique des lieux.
Nous n'hésitons pas à croire que cette forte étude engen-
dra, par émulation, celle du marquis de Métivier que nous
nous proposons de remettre en lumière. L'originalité de celle-
ci, son caractère propre et unique jusqu'ici, c'est de négliger
systématiquement la critique des textes et de se cantonner dans
l'observation directe des faits archéologiques. Ceux qu'ont
fatigué tant d'arguties échafaudées sur le texte de César se-
ront heureux de trouver enfin des pages qui ne parlent que de
faits matériels et vérifiables.
C'est dans le tome n des Mémoires de la Société archéologi-
que du Midi de la France qu'elle fut publiée, en 1836 ; la lec-
ture en avait été faite pendant l'année académique 1834-1835.
I^ recueil de la Société toulousaine est assez rarement con-
sulté en dehors du Languedoc, les trois premiers volumes en
sont à peu près introuvables, aussi ne faut-il pas s'étonner
que lès pages si intéressantes et pleines de faits du vicomte
de Métivier aient été ignorées de la plupart de ceux qui ont
traité de la question des Sotiates après lui. Pourtant Métivier
avait directement étudié les choses dont il a parlé ; il avait noté
(1) Agen! R. Noubel, 1808. In-8" de 27 pages et Recueil de la Société aca-
démique d\4ijen, V série, tome ii. Nos cilalions iillérieures renvoient aux
pages du Recueil.
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- 18 —
les moindres découvertes faites de son temps ; avant Sama-
zeuilh, Ducourneau et l'abbé Barrère, qui Tont plus ou moins
cyniquement plagié, il avait fait connaître les monuments mé-
galithiques de la Lague Sans-Fond ; avant le docteur Noulet,
il avait reconnu les souterrains-refuges de Saint-Pau; avant
Tabbé Brcuils, enfin, il avait exploré les habitations rupestres
de Saint-Pé-d'Homimort. C'est un précui^seur intelligent, un
observateur, parfois mal éclairé, mais toujours attentif et,
surtout, véridique, dont le témoignage est d'autant plus pré-
cieux que, sans lui, bien des découvertes intéressantes reste-
raient toujours ignorées, dont l'archéologie pratique pourra
grandement profiler dans un avenir très prochain.
Au moment où l'antique oppidum de Sos se révèle si sensa-
tionnellement à l'attention de tous, il paraît indispensable de
mettre à la portée de ceux que ces études intéressent l'impor-
tant opuscule du vieil archéologue oublié.
A l'époque déjà bien lointaine, où je négligeais si voluptu-
eusement les cours de la Faculté des Lettres de Toulouse
pour muser parmi les admirables vieilles pierres pittoresque-
ment entassées dans le cloître des Augustins et pour me for-
mer à l'archéologie pratique sous les conseils éclairés et la
parole originale d'Edward Barry, commentant les richesses
infinies de ses collections, le docteur Jean-Baptiste Noulel,
depuis peu rentré d'un voyage dans les Landes, me parla de
M. de Métivier, qu'il avait connu dans sa jeunesse, et du châ-
teau de Saint-Pau, où il venait d'étudier les (( Cryptes cVappro-
visionnemcnl )> qui le firent si cruellement malmener par
M. Devais, un autre de mes amis, moins docte encore que
combatif. Et je n'oublierai jamais l'impœssion que j'éprouvai
à la révélation de ce mélancolique paysage aux horizons mou-
tonnants et verts, comme ceux de la Mer du Nord, dont le bon
Docteur, citadin incorrigible, ne parlait qu'avait un certain
effroi.
'c Le château de Saint-Pau, a-l-il écrit (1), est très heureuse-
Ci) Les Cryptes d'approvisionnement à propos des trois souterrains de
Saint-Pau. {Bec. archéot. du Midi, t. ii, p. 4.)
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— 19 —
ment posé sur une légère éminence que couronne le calcaire
marbré supérieur. La roche solide, qui sert ici de moellon,
forme un ressaut naturel qui a été converti en terrasse autour
du vieux manoir. Celui-ci consiste en une sorte d enceinte
commençant par une ferme, limitant une première cour spa-
cieuse, encadrée par les bâtiments de l'exploitation ; puis vient
la cour d'honneur au-devant du château, grande maison sans
caractère, du xvif siècle (1).
« De ce point on jouit d'une vue fort étendue, mais l'hori-
zon a une teinte invariable d'un vert sombre ; il n'y a d'appli-
qué aux cultures champêtres que les environs immédiats du
château (2) : on dirait une de ces primitives abbayes créées au
moyen-âge, au milieu des forets de notre vieille (laule.
<c Un paysage aussi jieu varié dispose à la rêverie et, à la
longue, peut-être, à la tristesse. Quelque goût que l'on eut
poiir la vie rurale, on se trouverait bientôt trop isolé du reste
du monde. Que l'on arrive à Saint-Pau, ou que Ion en sorte,
il faut se demander par où il faudra passer, et si l'on ne s'éj^are
pas en suivant, à travers des bois qui semblent sans fin, l'un
des innombrables sentiers à peine indiqués sur l'arène mo-
bile... )>
C'est dans ce château que vint au monde, le 14 novembre
1788, Charles-Gabriel-François-Hyacinthe-Denis de Métivier,
vicomte de Saint-Pau, qui, fidèle jusqu'à la fin à la terre lan-
daise, devait finir sa vie pleine de jours, à Arx, le 3 janvier
1S62. En dépit du docteur Noulet, s'il eut quelque goût pour
(1) Complétons colle dpscriplion on nous aidant d'une note de M. Georges
Tholin : c'est un corps de logis très vasle sur plan quadrangulaire, flanqué
do quatre tours carrées ; le mur de la façade oucsl, en moyen appareil régu-
lier, avec échauguette, date du moyen âge ; toutes les ouvertures ont depuis
longtemps perdu leurs meneaux, ce qui suffit à expliquer l'expression dédai-
gneuse qu'a employée le docteur Noulet on parlant de cet édifice.
(?) Affronomo distingué lui-même, M. {\c Mélivior, qui retrouvait d'an-
liques édifices non loin du Lac sans fond, en créant une prairie, avait de
(pli tenir par son père, qui avait dédié nu maréchal de Richelieu un opuscule
intitulé : Mémoire sur la déconcerte d'une semence propre à remplacer les
hleds et les léfiumes en cas de disette ; ensemble la manière de préparer les
laines pour les préserver de la piqûre des insectes sans en altérer les cou-
leurs. (Bordeaux, 1707, in-4'.)
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— 20 —
la vie rurale, il ne fui jamais un rêveur, el, s'il connut la tris-
tesse, comme tous les hommes, il n'en fut jamais lesclave, et
son milieu natal, qui avait semblé si mélancolique au savant
toulousain, si bien fait pour porter à la vie contemplative, dé-
veloppa chez le jeune vicomte le besoin d'activité, d'énergie el
les qualités d'observation sagace qui semblent avoir caracté-
risé sa personnalité.
Légitimiste convaincu, nous le trouvons commissaire des
guerres en 1814, puis, après les Ce-nt jours, en 1817 (1), inten-
dant militaire ; mais comme il était moins fait pour les règles
d'une administration pointilleuse et sédentaire que pour une
carrière d'activité et de discussion, il entra dans la magistra-
ture debout (2) ; fut substitut à Rayonne on 1822, puis à Monl-
de-Marsan, en 1823, et, enfin procureur du roi en 1827, à
Marmande, où il resta jusqu'à sa révocation, en 1830, par le
chef de cette branche cadette de la maison de Bourbon, qu'il
n'avait jamais cessé de poursuivre de sa haine, et qu'il faisait
seule responsable de la Révolution et des malheurs qui avaient
suivi (3).
Il s<î fil inscrire au barreau de Nérac, où il eut pour bêle
noire l'avocat historien J.-F. Samazeuilh, el se livra à une
(1) En 1816 il fut à portée de voir justifier ce propos galant de Joseph H.
Kmpereiir d'Autriche, sous Louis XVI, à une dame de lu Cour de Louis W :
La beauté est toujours reine.
M. de Vlétivier parle de « la grande, belle et gracieuse comtesse d'Kchauz,
nianniise de Monlermozza, ((ui joua un rôle iinporlani à la Cour de Joseph
Honaparle, roi d'Kspagne de par l'Empereur Napoléon 1", son frère. Elle se
réfugia en France el le Héarn lui donna cet asile qu'on ne refusa jamais à
la beaulé malheureuse et distinguée à tous égards,.. » {Errata, p. 12.)
(2) II semble qu'il ail élé démissionnaire bientôt après, puisque, en 1818,
nous le voyons chargé par le sous-])réfet de ISt'rac d'étudier un litige entre
la ville de Sos et la famille de Garostc, et de concilier les parties.
(3) Voici comment de Mélivier exprime sa jîensée sur ce sujet brûlant :
« Cette révolution, qui a les amours de l'auteur de \'érae el I*au, qui
l'appelle la grande, et qui fut la page la plus cruelle, la plus ignoble de la
démoralisation, du dévergondage ambitieux et sot, de la lâcheté et des cri-
mes de la Maison d'Orléans, qui voulul s'inironiser sur les cadavres des
Kois ses parents, qu'elle avait envoyés à l'échafaud !...» {llrrata, p. 3.) « Esl-c«*
que le chef de cette branche d'Orléans, descendante d'Henri I\ , navail pas
dit qu'il n'était plus Hourbon, qu'il était le fils d'un valet de pied de sa mère ?
Ouelle pitié! etc.. » (/6id., p. 7.)
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— 21 —
série d^études d'économie politique et agricole dont les résul-
tats publiés en brochures et même en volumes lui valurent
quelques succès et beaucoup de considération ; le principe
électif, le serment politique, la canalisation des marais des
landes, les parasites des chênes-lièges loccupèrent successi-
vement, avec des intermèdes littéraires tels que la comédie in-
titulée Un ci-devanl jeune homme, ou le Serment, que nous
regrettons fort de ne pas connaître. La plupart des publica-
tions de M. de Métivier ont été cataloguées dans la Bibliogra-
phie Agenaise par Jules Andrieu. Le zélé bibliographe a pour-
tant oublié d'inscrire à son rang le mémoire que nous réédi-
tons, comme aussi une curieuse plaquette dont nous avons un
des rarissimes exemplaires sous les yeux, et qui est assez bi-
zarrement intitulée : Néhac kt Pai- par M, Samazeuilh, avo-
cat : Errata par iM. le vicomte de Métivier, ancien magistral,
membre correspondant, etc. (sic) (1).
f'/est une fort virulente satire contre le livre de Samazeuilh
et contre Samazeuilh lui-mc^me. Bien dès traits en sont bons,
bien des réprimandes en sont justes, mais, trop souvent le
pamphlétaire — le mot n est pas trop fort — s'attarde à des
minuties et surtout à des équivoques, si peu équivoques, que
des pages entières d'arguties lui suffisent à peine pour les
montrer au lecteur.
C'est là un trait de caractère qu'on a du regret à rencontrer
dans la Dissertation sur les antiquités de Sos : nous en avons
supprimé quelques manifestations par trop oiseuses ; la dis-
cussion sur un passage du mémoire de Villeneuve-Barge-
mont, que nous avons dû conserver, donnera une assez juste
idée de celte manière tatillonne et, en somme, très désagréa-
ble au lecteur qu'elle fatigue généralement sans guère l'éclai-
rer (2).
(1) Monl-do-Marsan, Typopnipliio .1. Dolaroy, 185(), in-8' do 25 pp.
(2) Je voudrais donner une idoe do la vorvo maligne dont fit preuve M. de
Métivier, en cet opuscule qu'il écrivit à l'âge de soixante-huit ans. Ayant
Cïinslalé qup Samazeuilh avait prolongé élourdîment jus(|u'à cent cinquante-
quatre ans la longévité de Pierre de Marca, qui mourut en sa soixante-<pia-
trième année, il déclare que sa curiosité fut piquée : « Je jetai çà et là mes
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— 2« >-
L'Errata contient une mention qui a son prix pour nous,
cela vient à propos de la cloche de Barbolan, qui porte, dit
Saniazeuilh, la date de 1440, à la grande indignation du con-
tradicteur qui proteste contre Teniploi du présent au lieu du
passé. « M. Saniazeuilh ne Ta pas vue, elle a été fondue il y a
quinze ans, riposte le vicomte. Elle avait une inscription go-
thique dont je pris le dessin avec M. le comte de Dijon ; celui-
ci l'a gardée, etc.. (1). » M. de Métivior était donc toujours
resté fidèle à l'archéologie, le fait était bon à noter. En lisant
sa dissertation on trouvera des traits prouvant qu'il s'était
intéressé de bonne heure aux antiquités de son pays natal,
témoin l'exploration d'une grotte artificielle accomplie en
dépit du danger quinze ans avant la rédaction du travail, c'est-
à-dire en 1818. L'expédient de se faire suspendre par une corde
au sommet d'un rocher pour pénétrer dans une prétendue de-
meure de druide, est un exploit digne de M. Martel ; s'il eut
vécu de notre temps, M. de Mélivier eut été un intrépide gro-
tologiste, comme il eut été un préhistorien, parce qu'on s'inté-
resse surtout aux monuments que l'on a près de soi, et parce
que M. de Métivier avait dès sa jeunesse connu le menhir et
le cromlech de la Lague sans fond et qu'il avait constaté que
le cercle de pierres dressées était encore intact en 1813...
Christophe de Villeneuve-Bargemont avait été éfx)nné d
déçu par l'absence, à Sos, d'antiquités caractéristiques et il
l'avoua loyalement : <i Après avoir exposé les motifs qui m'ont
convaincu que Sos était réellement la cité des Sotiates, j'avoue,
dit-il, qu'en visitant cette contrée, je n'ai pu me défendre d'un
sentiment de surprise, sur ce que les vestiges de la Ténarèse et
la tradilion récente du puits à souterrain sont les seuls monu-
rccherches, dil-il, et je tombai sur des vers fails en l'honneur de l'izard de
M' de S... mis à la sauce piquante. Oh ! pour le coup, je lis comme le niisan-
lhio])e de Molière à la lecture de l'ode (sic v>our soanel) (pie lui lisait Oronle;
je jetai le livre en Tair, en me rappelant l'ode à l'ail du noble, religieux et
savant comte de M... (de Marcellus) et l'ode aux mules de Don iMiguel par
Virnnet, ce cpii ne Ta pas empêché d'être de l'Académie française, où le
causli(pie auteur de la Métromanie prétendait que là 40 avaient de l'esprit
comme A. (Loc. cit.^ p. iv et v.)
(1) Loc. cit., p. 19.
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- 23 —
nients d'une si antique existence Cette absence totale d'ins-
criptions, de médailles et de ces monuments qu'on rencontre
partout où ont séjourné les Romains, m'aurait même inspiré
quelques doutes, si tant d'autres conjectures n'eussent déter-
miné ma conviction... (1). » Cette constatation de carence dut
être pénible au vicomte de Métivier qui se donna pour mission
d'en prouver l'inanité ; et, pour atteindre ce résultat, il ne né-
gligea aucune indication, il ne méprisa aucune trouvaille,
aussi put-il bientôt affirmer que si la ville de Sos actuelle
avait bien été la citadelle du roi Adiatunn, les descendants ro-
manisés des vaincus de Crassus avaient étendu assez loin leur
aire d'habitation sur les plateaux de Loustalet et de Saint-
Martin, pour que la Ténarèze, bordée d'édifices, fut devenue
une rue de la métropole des Sotiales. L'observation est d'im-
portance capitale : elle ne satisfit point cependant cet intelli-
gent pionnier de l'archéologie : il voulut savoir quelque chose
sur les monuments même, sur la religion des Sotiales d'avant
h\ conquête, et son ambition ne fut pas vaine, comme on pour-
ra s en convaincre.
Comme la plupart des grands propriétaires de la Lande, le
vicomte de Métivier adorait son pays et le connaissait à fond.
Ces sombres forêts qui incpiiétaient le bon docteur Noulet
n'avaient pas de secrets pour lui ; il avait tout vu, tout exploré,
dans l'étendue de son horizon, aussi est-il le premier qui ait
fait connaître des monuments mégalithiques en Aquitaine à
une époque où l'on ne les connaissait guère que par les Mar-
tyrs de Chateaubriand : mieux encore, il se livrait à des étu-
des de folkore, quarante ans avant les premiers folkloristes.
Le vicomte de Saint-Pau ne dédaignai! aucune source d'infor-
mation ; il questionnait volontiers de vieux métayers el les
prenait pour garants de ses affirmations ; sa vieille nourrice
el d'autres bonnes femmes lui racontaient des légendes qu'il
s'empressait de noter suivant la maxime du « savant son noble
ami le chevalier du Mège ». In des chapitres de sa Dissertn-
lion est tout entier puisé aux renseignements de ces humbles
(1) Loc. cit., p. 296.
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— 24 --
commensaux de Saint-Pau ; il est consacré aux sunivances
des anciens cultes des eaux, et constitua une hardiesse léuié-
raire au temps où il fut écrit. Pour coniprendre comment M. de
Métivier put 1 écrire en ce temps, il faut avoir soi-même couru
dans la Lande, dans les déserts de pins et de sable, car c'est
alors seulement qu'on peut bien sentir le charme attirant et
mystérieux des eaux de ce pays qu'a célébré, en des vers inou-
bliables de son Hymne au Centaure^ le poète sotiate Emmanuel
Delbousquet.
(Test ainsi que je sais la beauté de la oourse<
Parmi rcsj)ace libre en un pays désert,
El la doueeur de boire à Teau froide des sources,
Sur le flâne de la dune ()mi)ragé de pins veris.
Kn nul autre pays peut-être les eaux jaillissantes n'ont un
régime aussi étrange et des noms aussi channants ; près de
Saint-Pau, YArboundèro ; dans un circuit plus étendu, la Ge-
lise, la Gueyze, Tlsaule... « Les eaux surtout gardent, en sou-
venir des nymphes qui s'y baignaient autrefois, des vocables
charmants qui coulent en chantant sur les lèvres », a dit Ana-
tole France, et il semble qu'il ait dit cela en songeant aux ruis-
seaux du pays des Sotiates.
Mais c'e^^t trop s'attarder sur les détails d'une œuvre qu'il
faut lire et puis consulter au fur et à mevsure des découvertes
futures ; elle est intitulée un peu longuement Dissertation sur
divers monuments, c(]utumes, dénominations et usages an-
ciens de Vaneienne cité des Sotiate.^, Nous avons dit plus haut
(pie nous en avions élagué quelques paragraphes de polémi-
(jue parfaitement oiseuse ; nous avons agi de môme pour cer-
taines digressions par trop longuets sur les Druides, Esus et
Tentâtes, les Maures, les arcanes du nombre 9, les poèmes du
Tasse et de Gœthe. D'ailleurs nous avons toujours loyalement
indiqué ces coupures en note, avec un résumé fidèle des consi-
dérations trop longuement diluées. En usant aussi discrète-
ment que possible de cette méthode, nous croyons avoir rendu
sei'vice aux lecteurs de la Dissertation, sans manquer au res-
pect dû à la mémoire du vicomte de Métivier.
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D*ailleurs nous n'avons pas hésité à commenter abondam-
ment quelques observations particulièrement intéressantes de
ce travail, surtout en les rapprochant d'autres textes plus ou
moins anciens, que, depuis longtemps, nous avions mis de côté
en vue d'une élude générale sur TOppidum des Sotiates, com-
plément indispensable de notrfe monographie de VOppidum
des Nitiobriges. Nous avons trouvé, au surplus, que c'était
une excellente manière de rendre hommage à quelques-uns
des travailleurs, un peu oubliés, qui avaient frayé la- voie à
M. de Métivier, comme à la plupart de ceux qui ont continué
après lui à revendiquer l'honneur d'avoir été la métropole
guerrière des Sotiates pour la charmante et accueillante cité de
Sos, ce petit centre de culture et de courtoisie, dressé comme
un inaccessible refuge en face de l'horizon infini des collines
landaises, vagues de la vaste mer sombre des pins qui vient
pacifiquement mourir à ses pieds (1).
Jules Momméja.
{à suivre)
(1) Voici, plus complèle (|ue dans la Bibliographie générale de VAgenais,
la liste des travaux imprimés de M. de Métivier :
Du Principe électif et du Serment politique. (Bordeaux, 1831, in^') ;
Dissertation sur divers monuments, coutumes, dénominations d^usages an-
ciens de l'ancienne cité des Sotiates. (Toulouse, 1836, in-4*) ;
Mémoire sur divers canaux et routes du déparlement de Lot-et-Garonne et
des Landes. (Nérac, 1836, in-8' de 32 p.) ;
Mémoire sur les routes et canaux des départements de la Gironde^ des Lan-
des et de Lot-et-Garonne. (Bordeaux, 1837, in-8') ;
De V Agriculture et du dé[riehement des Landes. (Bordeaux, 1839, gros in-8%
avec planches) ;
La Magistrature et le Barreau. Dédié au Parlement de France. (Bordeaux,
1843, in-8') ;
Encore un ci-devant Jeune homme, ou les Serments, comédie en aeux actes
et en vers. (Agen, 1846, in-8');
Coup d'œil historique, politique et (inancier sur la France. (Paris, Garnier
frères, 1850, in-8');
Mémoire sur les chenilles des bois en général, et spécialement du chêne-
liège ; leur causes, leurs efiets, les moyens préserçali[s et destructifs de ces
insectes. (Paris, 1852, in-8');
\érac et Pau par M. Samazeuilh, avocat, errata par M. le vicomte de Mé-
tivier, ancien magistrat, membre correspondant, etc. (Mont-de-Marsan, 1856,
in-8').
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LA RÉORGANISATION DU BARREAU D'AGËN
(1812)
L'Ordre des Avocats fut supprimé par décret des 2-11 sep-
tembre 1790, malgré l'éloquente protestation de Robespierre
qui proclamait dans un discours célèbre <( qu'en abolissant
l'Ordre des Avocats, on dégradait des fonctions précieuses a
l'humanité essentiellement liées au progrès de l'ordre public
et au triomphe de la Liberté (1). »
L'annonce de celte mesure radicale fut des mieux accueil-
lies à Agen, et les nombreux oraleui's nés que produit notre
Gascogne se faisaient une joie de voir s'ouvrir enfin devant
eux une série de juridictions où ils pourraient faire valoir leur
talent de parole .et surtout leur faconde.
Le journal patriotique de Lot-et-Garonne se faisait l'inter-
prète de cette pensée et dans son numéro du 15 septembre
1790 on lisait : « Il n'y aura pour avocats auprès des tribu-
naux qu'un certain nombre d'agréés à peu près comme aux
conseils de Paris, lesquels ne seront admis qu'après avoir
suJ)i un examen public où chaque citoyen aura la facilité de
les interroger, plus de grades, plus de ces ridicules thèses de
droit, plus de ces écoles mercenaires où l'ignorant comme
l'homme instruit recevait à prix d'argent un brevet de science
qui, dans les mains de la plupart de ceux qui en étaient por-
teurs ne faisaient que prouver la cupide imposture de ceux
qui les avaient délivrés (1). »
Ces reproches dictés par la passion beaucoup plus que par
un réel sentiment d'impartialité ne pouvaient s'appliquer à
l'ancien barreau d'Agen dont l'histoire nous a vanté les con-
naissances juridiques, la haute distinction et les services émi-
(1) Discours prononcé le 14 décembre 1790.
(2) Journal patriotique de Lot-et-Garonne, n" du 15 septembre 1790.
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nenls rendus à la cause du Droit. Mais les détracteurs des
avocats poussés par le désir de renverser l'Ordre établi ne
songeaient pas aux ruines que l'on pouvait ainsi créer et aux
abus qui fatalement devaient se produire.
Ces abus qui se manifestèrent dès 1791 atteignirent plus
spécialement notre pays. Tout Gascon naît orateur ; s'il est
doué d'une certaine audace et pourvu de quelqu'érudition, il
arrivera facilement à en imposer à la masse du {Hîuple lou-
joui-s avide d'éloquence.
Dès la suppression de l'Ordre des Avocats, on vit un nom-
bre considérable de citoyens se révéler hommes de loi et dé-
fenseurs officieux : beaucoup de facilité d'élocution, aucune
connaissance juridique, aucun scrupule, aucune honnêteté,
tel était le bagage de ces nouvelles recrues auxquelles on ou-
vrait toutes grandes les portes des tribunaux.
A la place des hommes corrects et estimés qui faisaient par-
tie de l'ancien barreau, on vit s'intituler hommes de loi tous
les agents d'affaires véreux du pays. Habitués à des procé-
dés de polémique discourtois, ils Iransfonnèrent les prétoires
en réunions publiques ; leui's plaidoiries n'étaient que de
vigoureuses philippiques contre leurs adversaires d'où nais-
saient des altercations violentes, des discussions passionnées
où tous les sujets étaient abordés, sauf le point de vue juridi-
que. Ils plaidaient toujours le fait, jamais le droit; ils soule-
vaient des incidents sans fin et multipliaient les artifices de pro-
cédure. Ils en vinrent peu à peu aux plus has procédés de la
chicane et le métier d'avocat devint une entreprise commer-
ciale : on se livrait avec entrain au raccolage du client et on
ne songeait qu'à le pressurer et à lui extorquer le plus d'argent
possible. Pour le compte des défenseurs officieux, des offici-
nes louches fonctionnaient, se prêtant aux procédures les plus
douteuses et favorisant les hommes de loi qui leur faisaient les
conditions les meilleures.
Les quelques anciens avocats éca^urés de ce spectacle re-
gardaient, impassibles et narquois, les déplorables conséquen-
ces du décret qui avait aboli leur Ordre et supprimé les garan-
ties de moralité, de science et d'indépendance exigées des
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avocats ; ils écoulaient les doléances des plaideurs et atten-
daient avec confiance Tavenir meilleur qui devait remettre les
choses et les hommes à leur place.
Si l'on veut se faire une idée approximative du. nombre
colossal d'avocats qui abordèrent la barre, nous n'avons qu'à
jeter un coup d'œil sur les listes qui donnent leur nom et leur
adresse. Daas les dix dernières années qui précédèrent la
sui)pression, de 1780 à 1790, cinq avocats nouveaux seulement
se firent inscrire au barreau d'Agen ; pendant le même laps
de temps, de 1800 à 1810, soixante-cinq avocats nouveaux
ont obtenu le titre de défenseurs officieux (Ij ; en 1811, il y
avait encore cinquante-huit avocats inscrits au barreau ; par-
mi ceux-ci il y en avait de très dignes qui occupèrent plus,
tard avec honneur les plus hautes situations dans la magis-
trature, mais le reste était formé par une bande de hâbleurs
san^s talent, sans scrupule et sans moralité.
Pour les procès, il était d'usage d'impressionner les par-
ties par une avalanche de conclusions, par un abus des artifi-
ces de procédure ; on abusait des incidents et des répliques
qui faisaient durer indéfiniment le plus petit procès de servi-
tude et lui donnait une impoilamv* apparente qui appelait des
honoraires plus élevés.
Le genre d'éloquence des avocats agenais au commence-
ment du XIX* siècle portait encore la marque de l'influence des
grands révolutionnaires. On aimait encore l'emphase, le
genre pompeux et grandiloquent mis à la mode par les ora-
teurs de la Convention ; les comparaisons les plus imprévues,
les digressions les plus inutiles étaient de mise et un avocat
se serait cru déshonoré s'il n'avait fait étalage de connaissan-
ces classiques et émaillé son discours de citations grecques ou
latines. On abusait même de ce procédé et on en arrivait à
évoquer la guerre de Troie à propos d'une rivalité entre voi-
sins et à citer Ciceron à l'occasion d'un bris de clôture.
Quelles étaient les conséquences de ces habitudes, c'était
une effroyable longueur, les affaires languissaient sans solu-
(1) \ oir Annuaires de Lot-et-Garonne do 1800 A 1810.
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lion el les plus urgentes arrivaient péniblement à se faire juger
au bout d'une année ! Les avocats se complaisaient dans les
longues périodes oratoires, c'étaient des palabres sans fin où
la faculté d elocution propre à notre race se donnait libre car-
rière ; trop heureux d'avoir un public patient par obligation
professionnelle, ils faisaient subir aux magistrats des discours
interminables après lesquels l'affaire semblait n'avoir pas fait
un pas.
En étudiant les discours de rentrée prononcés à Agen à
celte époque, on est frappé par les récriminations de plus en
plus énergiques qu'élèvent les magistrats contre les déplora-
bles habitudes des hommes de Loi.
Le 2 novembre 1808, M. Mouyssel, procureur général im-
périal, faisait allusion à cet état de choses et reprochait aux
avocats leur longueur en termes peu voilés : « La moindre
cause est discutée à vos audiences avec une longueur presque
sans tenue, le même moyen est répété dix fois, on dirait, à n'en
juger que paï- les plaidoiries, que les juges conçoivent plus
difficilement que le reste des hommes ou qu'ils sont sujets a
des distractions continuelles. Celte espèce d'insulte faite à
vos lumières, à l'allenlion que vous portez aux affaires que
l'on discute devanl vous a souvent excité voire impatience ;
cent fois vous l'avez témoigné, mais l'abus continue et il est
temps de l'arrêter. Invitez les avocats et les avoués à bien se
pénétrer du devoir de la magistrature. Dites-leur qu'ils contri-
buent avec vous à la distribution de la justice, que ce n'est
donc pas pour en ralentir la marche qu'ils doivent employer
leur ministère, mais pour l'éclairer au contraire et pour l'ac-
célérer ; que c'est alors seulement que leurs talents et leurs
lumières sont consacrés au bien public et que leur profession
reprend le lustre que l'opinion se plaît à lui donner lorsqu'elle
est exercée avec franchise, délicatesse el loyauté.
« On remarque aiLssi que, par amour-propre ou par excès
de zèle, les défenseurs s'étudient à jeter dans les affaires des
incidents qui prouvent qu'ils ont de la subtilité dans l'esprit,
mais qui ne peuvent rien produire dans l'intérêt de leurs par-
lies ; les questions essentielles du procès sont la plupart du
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temps entourées d'une foule d'exceptions préliminaires qui
n'ont à proprement parler d'autre mérite que de rendre la
discussion plus longue et qui ferait croire, si Ton n'était fixé
sur la solidité de vos raisonnements qu'on peut, par des so-
phismes, égarer facilement votre raison.
« Tous ces moyens qu'imagine la chicane pour résister à
la vérité ne sont pas dignes d'être employés par des gens de
talent qui vous entourent et qui doivent participer à vos ver-
tus. Ils doivent être aussi jaloux que vous de la pureté de vos
oracles, car s'ils parvenaient par de faux faits ou par de faus-
ses maximes à vous faire adopter une erreur, ils seraient, bien
plus que vous, responsables de l'injustice que vous auriez com-
mise parce qu'ils ont un caractère qui, d'avance, doit vous
être garant que leur bouche ne serait jamais l'organe du moins
volontaire du mensonge (1). »
Tel est le tableau brossé de main de maître qui nous est
fait des hommes de loi de l'an 1808; au lieu de la franchise de
jadis, l'hypocrisie, le mensonge ; à la place de la lutte
loyale du droit, la lutte sournoise de la procédure ; au lieu de
la clarté, cette qualité si française, une obscurité voulue et
recherchée à plaisir. Lo seul talent de l'avocat paraît être celui
d'embrouiller son affaire pour que les juges n'y saisissent plus
rien. Tels étaient à Agen les résultats de l'abolition de l'Or-
dre des Avocats. Un état aussi lamentable ne pouvait durer,
une réforme et le retour à l'ancien état de choses s'imposaient.
Dès 1804, les anciens avocats font une tentative de scission,
dont V Annuaire de Lot-et-Garonne nous a laissé la trace ; ils
veulent se distinguer de leui's nouveaux confrères et nous
voyons au mot : hommes de loi, deux catégories : les avocats
licenciés (les anciens) et les défenseurs officieux (nouveaux)
mais l'éditeur de l'Annuaire, n'osant pas prendre sur lui cette
désignation, met en note : les litres donnés dans ce tableau
sont ceux qui sont portés dans le procès-verbal de prestation
de serment devant la Cour d'Appel; mais Tannée suivante cette
(1) Discours prononce par le procureur général impérial Mouyssel, à la
renlrée do la Cour, le 2 novembre 1808.
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arislocratique dislinclion entre les gradés et les non gradés
est supprimée probablement comme un retour aux errements
de TAncien Régime (1).
En 1805, M. le président Bergonié, à la reprise des travaux
de la Cour, n'hérite pas à mettre en opposition l'ancien bar-
reau et le nouveau en faisant allusion à la nécessité du réta-
blissement de l'Ordre des Avocats. <( Je lis dans les regards de
MM. les Avocats l'émulation qui les anime pour faire renaître
parmi eux cette solidarité d'honneur et de délicatesse à la-
quelle leur profession a été redevable de la considération dont
elle a joui. »
En 1810, M. le procureur-général Mouysset, à la rentrée de
la Cour d'Agen, revient sur le sujet qui lui est cher et réclame
la restauration de l'Ordre des Avocats : « Dans tous les temps,
dit-il, cette institution a joui des privilèges les plus distingués,
des prérogatives les plus flatteuses pour marquer que cette
profession devait primer toutes les autres; l'ancien gouverne-
ment avait voulu que les avocats composent un Etat dans
l'Etat môme ; que se livrant sans cesse à la méditation des
lois, ils en portassent pour eux-mêmes, qu'ils fussent leurs
censeui"s, leurs accusateurs et leurs juges.
« Cependant les secousses d'une grande révolution durent mê-
ler partout les vertus et les vices, le barreau ne fut pas à l'abri
de cette confusion, les changements qu'il éprouva l'en rendirent
plus susceptible au contraire. Cette réunion d'hommes ins-
truits et vertueux inspirait quelque défiance, il fallut la dissi-
per, on crut même qu'on devait les rendre méprisables en les
désignant par la dénomination insignifiante d'honmies de loi,
de défenseurs officieux, que s'attribuaient tous les faméliques cl
les déhontés de la révolution. On sentit bien dans la suite la
nécessité de les rappeler, de leur redonner leur titre d'hon-
neur et de dignité. » M. Mouysset qui se trouvait depuis
l'an VIII dans le Lot-et-Garonne, avait pu apprécier mieux
que tout autre les inconvénients qu'avait eu dans notre pays
(1) Voir Annuaire de Lol-ct-Garonne, 1804.
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- :i2 -
le décret des 2-11 septembre 1790, c'est pourquoi il en deman-
dait avec tant d'énergie le rétablissement. Quelques jours
après, par décret du 14 décembre 1810, l'Ordre des Avocats
était rétabli.
Napoléon, qui ne fut pas seulement un guerrier incompara-
ble mais encore un financier de génie et un législateur inégalé,
comprit la nécessité de renouer la tradition brusquement rom-
pue par la Révolution et de restaurer toutes les grandes forces
sociales qui avaient fait la puissance de l'ancienne France.
Au premier rang de celles-ci figurait l'Ordre des Avocats qui,
par son attachement à la justice, son indépendance, sa haute
valeur et son amour de la Liberté, avait mérité la haine de ces
révolutionnaires qui ne pouvaient souffrir aucune supériorité.
Le rétablissement de l'Ordre des Avocats fut accueilli à
Agen avec une joie égale à celle qui avait salué sa suppression;
les plaideurs se sentirent rassurés en songeant qu'un conseil
de discipline allait les protéger contre les entreprises des for-
bans qui, sous le beau nom d'hommes de loi, exploitaient un
commerce lucratif entre tous et se plaisaient à mener leurs
clients dans le maquis de la procédure, toujours au grand
dommage de leur bourse et souvejit de leurs intérêts.
L'année 1811 se passa en tâtonnements divers, mais les
bienfaits du rétablissement de l'Ordre se faisaient sentir dès
1812, car un certain nombre de défenseurs officieux, sûrs de
ne point figurer au tableau des avocats, n'avaient pas insisté
et leur nombre, qui était de 58 en 1811, se trouvait réduit de
plus de moitié, 22 en 1812 (1). L'Ordre étant reconstitué, son
tableau ayant été rétabli, il fut procédé à l'élection du bâton-
nier ; le conventionnel Duplantier fut nommé ; ancien député
de la Gironde, une démission opportune lui avait permis
d'échapper au triste sort de ses coreligionnaires politiques, il
exerçait depuis 1805 la profession d'avocat à Agen ; ses hautes
connaissances juridiques, son éloquence éclairée et précise
et enfin sa modération lui avaient valu cet honneur.
Il s'appliqua avec énergie à rétablir la discipline et l'ordre
(1) Annuaire du Lol-el-Garonne^ année 1812.
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dans le barreau d'Agen el, à cet effet, il convoqua pour la
première fois le conseil de discipline de MM. les avocats à la
Cour impériale d'Agen. C'est le 8 avril 1812 qu'eut lieu cette
première séance, dont voici le compte-rendu (1).
« Aujourd'hui, 8 avril 1812, dans une des salles du Palais
de Justice. Présents : MM. Duplantier, llybre, Ducos, Dayrie,
Chaudordi et Cabiran-Lassalle, tous membres du Conseil de
discipline .
« M. Duplantier, bâtonnier, a fait lecture d'un arrêté de
M. le Procureur général, en date du 1" avril 1812, portant
nomination des membres du Conseil de discipline, ensemble
d'une lettre du même jour, dans laquelle M. le Procureur gé-
néral l'invite à prévenir les membres du Conseil des nouvelles
fonctions qu'ils ont à remplir, après quoi le Conseil s'est cons-
titué en corps délibérant. M. Duplantier faisait les fonctions
de président et M. Lassalle, celle de secrétaire. »
Dans cette première séance, fut réglementé le fonction-
nement du Conseil de discipline, l'ordre du tableau et organisé
le bureau des consultations gratuites.
Mais il fallait surtout interdire l'accès du barreau à tous
ceux qui l'avaient déshonoré et avili et éviter le retour des
abus de jadis. Aussi, dans la séance du 15 avril 1812, le
Conseil, s'occupant de l'admission au stage, vota les quatre
articles suivants :
Article preuher.
<( Tout avocat qui voudra être admis à faire son stage sera
tenu, après la prestation de son serment, de se présenter chez
le bâtonnier pour former sa demande et jiustifier de ses titres.
Article 2.
« Nul ne sera admis à faire son stage que sur la présenta-
lion du bâtonnier qui, avant de le proposer, devra prendre les
renseignements nécessaires pour la constatation de sa bonne
conduite et de sa moralité.
(1) Extrait des registres manuscrits des procès-verbaux des séances du
Conseil de discipline de MM. les Avocats en la Cour impériale d"Agen.
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Article 3.
« L*admission au stage sera inscrite sur le diplôme du sta-
giaire et signée par le bâtonnier et par le secrétaire.
Article 4.
<( Les dispositions des articles précédents s'appliquent à
ceux qui, ayant déjà prêté leur serment, ne sont pas néan-
moins inscrits sur le tableau. »
Ces dispositions ne demeurèrent pas lettre morte, car peu
de temps après, le 27 mai 1812, M. Jean-Baptiste- Antoine
Bouet, reçu licencié en droit à Paris, le 19 avril 1811, ayant
demandé à être inscrit au stage. M'' Duplantier se livra à une
enquête sérieuse sur la bonne conduite et la moralité du pos-
tulant. Le résultat ayant été des plus favorables, M. Bouet fut
admis au stage. Le Conseil de discipline, conscient de la haute
mission qui lui était donnée de sauvegarder l'honneur* et la
dignité de l'Ordre, s'en acquitta en diverses occasions et dé-
barrassa le barreau de plusieurs avocats qui le déshonoraient
et contribua ainsi à redonner à cette profession le lustre qu'elle
avait autrefois.
Le barreau d'Agen, reconstitué sur ses bases ancienne*^,
continua sa longue tradition de gloire et d'honneur. A la barre
de notre Palais de Justice, se formèrent des jurisconsultes
éminents, des orateurs éloquents et souvent la politique vint
enlever au barreau ses plus brillants sujets pour les appeler
à présider aux destinées du pays ; appartenant à toutes les
fractions des partis politiques, les avocats de notre pays qui
firent partie du Parlement surent toujours s'y créer une place
de choix, souvent même ils brillèrent au premier rang, et
montrèrent la véracité du vieil adage : tout vrai Gascon est
éloquent.
Jacques AMBLARD.
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LE CHATEAU DE CASTELNOUBEL
(Commune de Bon-Engontre )
( SUITE )
Son fils François lui succéda. Il avait été question de le
marier avec Catherine d'Esclamal, fille de Jean d'EscIamal,
seigneur de Pujols. Ce projet n'aboutit pas. Catherine d'Es-
clamal épousa noble Renaud de Saint-Amant, sénéchal de
Guyenne (1). Eut-il toujours regret de cet échec, nous ne le
savons pas, mais ce qui est sûr, c'est que François de Durfort
ne se maria pas.
Ce fut un grand bâtisseur. Il restaura, agrandit et fortifia le
château de Lafox, et releva celui de Castelnoubel. Le pays
jouissait de la paix et se remettait peu à peu des secousêes
violentes qui si longtemps l'avaient désolé. Castelnoubel, de-
puis déjà de longues années, n'était qu'un amas de ruines et
chaque jour ses murs s'effritaient davantage. Son état était
lamentable.
François de Durfort résolut de le relever, et, peut-être aussi,
de l'agrandir. Les populations du voisinage désiraient cette
restauration, car c'était pour elles un lieu de refuge dans les
temps d'hostilités. Elles avaient, si souvent dans le passé,
enfermé leurs récoltes et leurs biens dans ces murailles en
iniines, qu'elles répondirent avec empressement à l'appel que
leur adressa le seigneur de Castelnoubel et contribuèrent lar-
gement à son relèvement.
Par contre, quelques années plus tard, lorsque la ville
d'Agen, ayant elle aussi besoin de réparer ses remparts, voulut
imposer des corvées à tous les habitants de la juridiction, ceux
(1) Essai historique sur la baronnie de Putois en AgenaiSy par Tabbé Ger-
bcau. Agen, Roche, 1891, p. 76.
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de Castelnoubel ne voulurent point se soumettre. « Les forains
des trois paroisses de Cassou, St-Denis-Lasgourgues, Saint-
Caprais-de-Lerm refusèrent de se rendre à leui^s sommations.
Ils opposaient d'ailleurs quelques bonnes raisons pour justi-
fier leur résistance. Leur asile au temps des dernières guerres
avait été le château de Castelnoubel qu'ils avaient relevé de ses
ruines ; c est là qu'ils faisaient le service de la garde ; cette
forteresse, grâce à leur fidélité, avait été le boulevard (barba-
cana et boloard) d'Agen contre les Anglais. Depuis cent ans
enfin, ils n'avaient travaillé ni aux chemins, ni aux remparts
d'Agen. Pourquoi les consuls d'Agen, se faisant juges dans
leur propre cause, prétendaient-ils leur imposer cette con-
trainte ?
« En effets les habitants d'Agen n'avaient pas contribué au ré-
tablissement et à la conseiTation du château de Castelnoubel ;
en gardant cette position, les forains avaient payé leur dette
à la communauté. C'était une mesure peu équitable autant
qu'impolitique, de leur imposer double charge. On aurait dû
maintenir leur obligation en principe, mais la tempérer dans
la pratique.
u La résistance aux ordres des consuls dura de longues an-
nées ; le Parlement de Bordeaux, saisi de cette affaire, avait
rendu un premier an^êt (16 juillet 1491), défendant de rien inno-
ver avant un jugement définitif. Cette décision se fit longtemps
attendre et nous savons seulement par un article fort court des
mémoires des consuls du commencement du xwf siècle que
ceux-ci finirent par gagner leur procès » (1).
L'enquête, qui nous a fourni des renseignements si précieux,
fut faite à l'occasion de ce procès.
François de Durfort présida au mariage de sa sœur Cathe-
rine avec Antoine de Lustrac {2).
Robert, un de ses frères, entra dans l'ordre des Chevaliers
de Malte en H88. A cette occasion, le 18 octobre, il fil aban-
don de tous ses biens, à François, le chef de la famille, moyen-
Ci) G. Tholin, Ville libre et Barons, pp. 96-97.
(2) Archives du château de Lafox. Inventaire de 1587.
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- 3^ -
nanl la somme de 400 petits écus, chaque écu valant 27 sols et
demi tournois (1).
Antoinette de Durfort, autre sœur de François, se maria avec
noble Jean du Ma\ ne, seigneur d'Escandaillac, et le 5 février
1491, elle donnait quittance à son frère « de toutz droitz que
lui pourroient appartenir ez bien^ de son père » (2).
Le seigneur de Castelnoubel était alors dans la force de
l'âge, mais sentant cependant sa santé chancelante, il se décida
à faire son testament, le 3 octobre 1493. Il veut être enterré
dans l'église des frères prêcheurs d'Agen, au tombeau de ses
parents. Il fonda une chapelle sous le vocable de Notre-Dame,
au lieu de Laroque-Timbaut. Le patronage de cette chapelle
appartiendra au seigneur de Bajamont. Le chapelain devra
dire une messe de la Sainte Vierge, une autre du Saint Esprit
et une troisième des morts chaque semaine (3). Il donne l'usu-
fruit de ses biens à sa mère Antoinette de Gourdon et si elle
ne s'entend pas avec son héritier, elle sera dame et maîtresse
de Bajamont et de Laroque-Timbaut. Après plusieurs legs aux
couvents de la ville d'Agen, il institue Etienne son frère, héri-
tier universel, avec clause de substitution (4).
Etienne de Durfoi-t, de simple cadet apanage, devient ainsi
le chef de la famille et l'héritier de ses vastes domaines. J'ai
esquissé, ailleurs, la rude physionomie de ce seigneur et ra-
conté ses démêlés avec la ville d'Agen. Je n'y reviendrai
pas (5).
(1) Archives du château de Lafox, Acte original.
(2) Ibidem, Inventaire de 1587.
(3) Cette chapelle fut bâtie presqu'aussitôt après sa mort, dans l'enceinte
diî château de Laroque. L'église de la paroisse étant éloignée du bourg,
celle chapelle fut ouverte aux xvu' et xvui' siècles, pendant la semaine, aux
habitants de Laroque. Elle était connue sous le nom de Saint-Pierre de Gro-
zîllac. Le seigneur nommait le chapelain, et celui-ci ne résidant pas sur place
la plupart du temps, payait le vicaire de la paroisse pour en faire le service,
A certains jours de la semaine, le curé y disait la messe pour la commodité
des habitants de Laroque, et cela juscju à la Révolution. Cette chapelle, très
bien bâtie, voûtée sur croisées d'ogives, existe encore, mais elle a changé de
destination. Elle sert de réservoir d'eau à la ville de Laroque.
(4) Archives du château de Lafox. Copie sur papier.
(5) V. Le Tombeau des Durlort, par J.-R. Marboulin, Imprimerie iModerne,
Agén.
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— 38 —
Parmi les seigneuries dont Etienne devenait le maître, Mé-
reas et Caslelnoubel lui furent disputées. On n'a pas oublié,
en effet, que le 8 juillet 14.37, Jean de Durfort fit donation à
Raymond-Bernard de Monl|>ezat, des terres de Mérens et de
Castelnoubel. Longtemps cette donation demeura caduque et
Bertrand, Arnaud et François de Diu^ort prirent toujours le
titre de seigneurs de ces châteaux. Mais vers la fin du xv* siè-
cle, Guy de Montpezat fit valoir les droits que la donation pré-
citée lui conférait. C'était d'ailleurs un puissant seigneur avec
lequel il fallait compter. Il était fils de Charles de Montpezat
et de Jeanne de Roquefeuil. M. de Bellecombe, dans son His-
toire de Monipezal, en a fait un sombre portrait.
« Rapace, violent, pillard, disent les mémoires, aucun moyen
ne lui coûtait pour parvenir à ses fins; les cachots du château
étaient continuellement remplis de ses vassaux et de ses tenan-
ciers, qui ne pouvaient en sortir qu'après s être remis entière-
ment à sa merci. Ce barbare seigneur, ajoutent les mémoires,
ne leur laissait leurs fermes et leurs métairies qu'à des condi-
tions si dures et si onéreuses que le travail le plus assidu pou-
vait à peine faire produire à la terre les redevances exigées. »
« Cruel et féroce, ses délassements ordinaires étaient de tirer
sur les ouvriers ou les agriculteurs que leurs occupations appe-
laient sur les arbres, les murs et les toitures, les charpentiers
surtout étaient son gibier favori (1). »
Il y a dans ce portrait beaucoup d'exagération, et certaine-
ment une large part à l'invention, mais il n'en ressort pas
moins que Guy de Montpezat n'était pas homme à laisser
échapper le beau château de Castelnoubel et la terre de Mé-
rens, qui devaient augmenter sa puissance et sa richesse. Il
fit donc entendre sa réclamation.
Etienne de Durfort ne paraît pas avoir eu un caractère plus
doux ; il n'était ni patient, ni endurant. Il dut cependant s'in-
cliner et entrer en accommodement. Les droits de Montpezat
étaient manifestes. Durfort trouva un moyen pour concilier
(1) Histoire de Montpezat et de Vabbaye de Pérignac, par A. de Belle-
combe, pp. 102-103.
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les exigences de son adversaire et son désir de rester proprié-
taire de Castelnoubel..
Il demanda la main de demoiselle Françoise de Montpe-
zat, sœur de Guy, et Tobtint. Le 25 mars 1498, le contrat de
mariage fut signé et en même temps la transaction par laquelle
Guy de Monlpezat renonçait à ses prétentions sur Castelnoubel
et Mérens (1).
Quelques années après, Françoise de Montpezat étant morte,
Etienne de Durfort se maria, en secondes noces, avec Rose de
Montesquieu, veuve de Bernard Jourdain de Tlsle, seigneur
de Lamothe (2).
Le 8 octobre 1529, se sentant malade, Etienne de Durfort
faisait son testament. Cet acte est fort curieux. Lorsque j écri-
vais mon travail sur le Tombeau des Durlort, une partie de ce
testament avait échappé à mes recherches. J'ai retrouvé depuis
les quelques pages qui manquaient, et je profite de la circons-
tance pour les faire connaître. Cela complétera et corroborera
mon travail.
Il demande d'être enterré « en la chapelle de Saincte Cathe-
rine du lieu de Lafotz en la Sénéchaussée du lieu d'Agennoys,
au-devant le grand autel, laquelle j'ay faict bastir et édifier
nouvellement, au sen'ice de Dieu, mon créateur, et pour ma
sépulture, laquelle à ces lieux j'ay prinse et choisie....
« Item veulx et ordonne que mon héritier soit tenu faire par-
faire la chapelle de Madame Sainte Catherine, voulter par des-
sus, la accoustrer, bastir ou faire édifier ainsy que par moy a
esté advisé, le plus tôt qu'il sera possible après mon trespasse-
ment...
" Item veulx et ordonne, que toulz les jours de l'année de
mon décez, pour Testât de mon âme et des trespassez, et à
l'honneur de Monseigneur S. Sébastien, soit célébrée et chan-
tée en lesglise de Monseigneur Saint-Denis de Lagorgia (3),
(1) Archives du château de Lafox. Inventaire de 1695.
(2) Le Tombeau des Durlort, p. 22.
(3) Encore une église disparue. H n*en reste plus que les soubassements
à hauteur d'homme, cachés dans un bois qui a envahi le cimetière, au-des-
sous du petit château de Ligue, commune de Bonencontre. Elle se compo-
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— 40 —
par les prestres de lad. paroisse, une messe de Toffice dud.
Saint Sébastien, pour laquelle donne et lègue dix livres tour-
nois une fois payées par mon héritier soubz nommé. »
Il nous apprend qu'il eut six enfants : Antoine, Alain, Jean,
Arnaud, Jeanne et Catherine. Il fait de nombreux legs aux
églises et aux pauvres de ses terres, à ses serviteurs et aux
divers membres de sa famille. Alain son fils est l'héritier uni-
versel.
Voici ce qu'il ordonne au sujet de Castelnoubel :
<( Item veulx et ordonne que lad. dame Roze de Montesquieu
ma femme, après mon décès, soit dame maîtresse gouveme-
resse et administreresse de tous et chacuns mes biens et qu'elle
ayt telle autorité et prééminence en ma maison et biens com-
me elle a à présent et à laquelle veulx. que mesdits enfanz facent
telle honneur, que ont accoustumé faire et feroyent à moy sy
jestois en vye. Et au cas qu'elle ne si peult accorder avec mon
héritier, luy laisse et veulx qu'elle ayt mes places de Lafotz, de
Castelnoubel et de Mérens et là unedicelles meublées et raison-
nablement pour en jouyr et prendre les fruitz sa vye durant,
tant seulement, sans qu'elle soit tenue bailher, ny presler aul-
cunes cautions ou pièges à mondicl héritier, la prestation des-
quelles luy remelz avec charge toutesfois que si madite femme
ne se pouvait accorder avecques mondict héritier et qu'elle
prins lesdites places de Lafotz, Castelnoubel et Mérens, avec
rentes et prouffictz de icelles payer desditz fruictz la somme de
six vingtz livres toumoiz aux prestres de Notre-Dame de La-
farguê de l'église Cathédrale...
« Item et au cas que m ad. femme ne se puisse accorder avec
mondicl héritier, comme dict est, et que elle ne fist sa demeure
en madicle place de Lafotz ou Castelnoubel, mais quelle sen
allast faire sa demeure ailleurs et h abandonner mes biens, au-
dit cas veulx et ordonne que mondict héritier demeure quicte
envers elle en luy baillant, paiant par an trois cens livres tour-
noiz sadicte vie viduelle durant. Et en ce faisant ordonne que
sait d'une nef rectangulaire et d'un chœur à trois pans coupés de la dernière
époque gothique.
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~ Il -
mondicl héritier jouisse desd. places de Lafotz, Caslelnoiihel
et Mérens, cens, renies et appartenances dicelles comme du
résidu de mesdits biens et héritaiges et si mondict héritier fai-
sait difficulté ou quil feusten demeure luy paier ladicle somme
de trois cens livres lournoiz par an, veulx que lad. dame ma
femme les puisse prendre par ses mains sur le revenu dud. lieu
el place de Lafotz, laquelle somme veulx et ordonne estre paiée
à mad. femme, savoir est, cent cinquante livres tournoiz au
jour et feste de Noël et les autres cent cinquante le jour et feste
de la Nativité de Monseigneur Sainct Jehan-Baptiste, sans dif-
ficulté aucune, et veulx encore, que sy mondict héritier la fai-
sait plaider, lesdictes trois cens livres, quelle en ayt encore
davantage deux cens livres tournois, toultes et chascunes les
années qui la vouldroit faire plaider (1). >»
Rose de Montesquieu ne fixa sa résidence ni à Lafox, ni à
Caslelnoul)el et conformément à la volonté de son mari, elle
reçut une pension de trois cents livres, dont elle donna quit-
tance à Alain de Durfort jusqu'en 1553 (2).
C est Rose de Montesquieu qui fut représentée, de son vi-
vant, sur le tombeau d'Etienne de Durfort, élevé dans la cha-
pelle Sainte Catherine de Lafox et conservé, actuellement,
au musée d'Agen (3).
Etienne de Durfoil mounit vers 1532 ou L533.
Le fils aîné, Antoine, étant mort jeune et sans postérité, le
cadet Alain hérita des biens de son père. En 1535, le 9 juillet,
il signait son contrat de mariage avec Françoise de Montai (4).
Celle-ci appartenait à une puissante et riche famille du
Quercy qui fit construire ou restaurer le château de Montai,
de façon luxueuse et artistique. La façade était ornée des por-
traits de la famille. Françoise apporta-t-elle à son mari le
goût des belles constructions et sut-elle lui faire partager ses
goûts artistiques ? C'est fort possible.
(1) .Vrchives du château de Lafox. Testament d'Etienne de Durfort, copie
de répoque.
C2) IbiderUy Inventaire de 1587.
(3) \oir Le Tombeau des Durfort.
(4) Archives du château de Lafox. Inventaire de 1587.
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— 42 —
C'est, en effet, dès ce moment que Alain de Durfort restau-
ra, agrandit et embellit ses châteaux de Lafox et de Castelnou-
bel. J'ai dit, ailleurs, en quoi consistèrent les réparations fai-
tes à Lafox (1).
A Castelnoubel, il adossa au château rebâti à la fin du
xv' siècle, deux galeries superposées desservies par un esca-
lier monumental. Il est, en effet, impossible de se tromper sur
la date de ces adjonctions, car une clef de voûte du rez-de-
chaussée porte les armes de Montai, à trois coquilles posées
2etl.
Alain de Durfort imita ses ancêtres et lutta comme eux con-
tre la ville d'Agen. En 1538, il est en contestation pour le droit
de justice du côté de Boussorp. Les officiers de la justice de
FaugueroUes, qui lui appartenait en partie, avaient tenu des
assises sur un territoire contesté. Les consuls d'Agen protes-
tèrent contre ce nouvel envahissement de leur territoire (2).
A cette époque, si nous en croyons les mémoires des con-
suls agenais, Alain de Durfort commettait crimes sur crimes
et menait exactement la vie d'un chef de brigands. Un docu-
ment des archives de la ville nous en dit long à ce sujet. C'est
un (( fragment d'un mémoire des consuls d'Agen contre Alain
de Durfort, seigneur de Bajamont, qu'ils accusent d'usurpa-
tions sur leurs droits de justice et leurs revenus, de vols, pil-
leries et de sévices graves contre les habitants de la juridic-
tion, coups et blessures ayant entraîné mort d'hommes. Les
gens dudit seigneur occupant Lafox et Castelnoubel commet-
tent des vexations de toutes sortes ».
Du premier jour qu'il a succédé à son père, dit ce docu-
ment, Alain k s'est déclaré ennemy mortel des consulz de
lad. ville et habitanz dicelle. »
Avec une bande de serviteui's bien dressés, il ne cesse de
« battre, frapper, piller, destrousser, vouller et maltraiter les
pauvres gens ». Suivi de ces gens sans scrupules et sans
(1) Notes historiques sur la Juridiction de Lalox, par J.-R. Marboiilin. Imp.
Moderne, 1910.
(2) Archives municipale d'Agen. FF. 138.
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— 4'A —
aveu, le seigneur de Castelnoubel ne craignait pas de venir,
souvent, dans Agen, faire subir aux habitants mille vexa-
lions. Un jour, en 1533, entre autres, étant dans la ville, ses
gens aperçurent une troupe de personnes dansant au son du
tambourin. Ils se précipitèrent sur eux avec leurs épées dégai-
nées, en blessèrent plusieurs et mirent les autres en fuite. Il
en résulta ime véritable émeute [)opulaire. Le peuple se retour-
nant contre ses agresseurs leur fit un mauvais parti, et l'un
d eux, pour se sauver, se réfugia dans le cloître Saint-Caprais.
\jo lendemain, Alain de Durfort revint avec quarante hommes
en armes et le délivra en plein jour.
Réfugiés à Lafox et Castelnoubel, ils attendaient les occa-
sions propices. Le moment venu, montés sur de grands che-
vaux, bien souvent déguisés et masqués, ils s'élançaient dans
dans la campagne, pillant et maltraitant tous ceux qu'ils ren-
contraient.
Un jour c est un sergent d'Agen qu'ils attaquent et rouent
de coups, de telle sorte qu'il en maurut sept jours après. Une
autre fois, ils tombent sur trois serviteurs de la Collégiale
Saint-Caprais qui levaient et charroyaient les dîmes. Us les
battent et les amènent avec leurs chevaux et leurs charge au
château de Lafox. Le juge-mage même fut leur victime et
s'efforça de les apaiser par des « doulces paroles ».
Lafox et Castelnoubel étaient devenus la terreur du pays.
On évitait de passer auprès de ces châteaux pour n être pas
dépouillés de sa bourse ou de ses armes.
A Castelnoubel, Alain de Durfort avait établi un capitaine
qui commandait en son absence et modelait sa conduite sur
la sienne. Perché sur son rocher, dominant du haut des tours
et des remparts la campagne voisine, il guettait ; et quand
l'occasion se présentait favorable, se précipitant avec ses hom-
mes sur quelque ferme, il enlevait récoltes et bestiaux et rame-
nait le tout dans le château. Le pauvre bordier dépouillé devait
payer une forte rançon pour rentrer en possession de son bien.
Elevait-il la voix pour se plaindre ou pour récriminer, une
détention plus ou moins longue et rigoureuse dans les prisons
du château avait raison de ses doléances.
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— 14 —
Celte prison -de Castelnoubel était la terreur du pays. Elle
s'étendait sous le logis principal et était creusée dans le rocher
et voûtée en berceau plein cintre. Los paysans lui avaient
donné le nom de la Grue.
A l'abri des fortes murailles de Castelnoubel et de Lafox,
Alain de Durforl et ses séides semblaient se moquer des con-
suls et des citoyens agenais. On portait plainte contre eux, on
ouvrait des enquêtes, mais sans nul souci, avec une persévé-
rance insolente, ils continuaient leurs exploits (1).
Ce que nous venons de dire n'est que le résumé d'une lon-
gue pièce, où sont exposées les plaintes des consuls. Il est très
évident qu'il faut faire la part de l'exagération dans ces doléan-
ces, mais il n'en reste pas moins vrai qu'Alain de Durfort était
un rude et lemble seigneur.
Pendant ce temps, la fortune d'Alain était menacée par son
cousin-germain Jean de Durfort, fils d'autre Jean son oncle.
Ce dernier, par acte passé en 1500, avait fait cession à son
fi'ère Etienne de tous ses droits sur les biens de la famille,
moyennant l'apanage de Gimat et Esparsac en Lomagne.
Etienne était resté seul maîti'e des nombreux domaines com-
posant le patrimoine de son père.
Jean de Durfort, fils de celui qui avait signé la cession de
1500, se maria avec Catherine de Lasset. Il ne se contenta pas
des prétentions modestes de son père, mais réclama la succes-
sion totale des biens de la famille par droit de primogénilure,
son père étant en effet frère aîné d'Etienne. Le procès qu'il in-
tenta à son cousin à cet effet, en 1541, fut très long. Cependant,
un arrêt du Grand Conseil, donné en 1554, ordonna, en sa fa-
veur, la restitution d'une partie des biens (2).
Les seigneuries de Castelnoubel et de Mérens se trouvaient
dans une situation particulière. Alain de Durfort disait qu'el-
les ne provenaient point de la succession de Bertrand et d'Ar-
naut. Elles avaient été aliénées par Jean de Durfort, dit le
fl) Archives municipales d'Agen. FF. 138.
(2) Archives du château de Lafox. Arrêt du Grand Conseil de 1554. Copie
sur papier.
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— 45 —
Roux, qui les avait données au seigneur de Montpezat. Plus
tard Etienne s'en était rendu acquéreur. Malgré les dires de
Jean qui prétendait que celte donation n'avait jamais eu d'ef-
fet, le conseil décida que ces terres ne devaient pas être com-
prises dans les biens à restituer, et elles restèrent à Alain.
Celui-ci mourut sans voir la fin de ce procès. De son maria-
ge, il avait eu trois enfants : Ilené, mort sans postérité, Fran-
çois et une fille Philippe.
Messire François de Durfort fut le personnage le plus célè-
bre de la famille. Il joua un très grand rôle dans les guerres
de religion qui ensanglantèrent le pays. Il devint en 1572
sénéchal d'Agenais. Ce fut, avec l'évêque d'Agen, M. de Fré-
gose, Martial de Norl et Monluc, un des plus fermes soutiens
de la religion catholique.
Il prêta à ses corréligionnaires Tappui de son courage, de
sa fortune et de ses châteaux. Il mène la campagne et se bat
un peu partout. Mais à ce jeu ses ressources s'épuisent. Ea
outre, il lui faut soutenir le procès de succession intenté par
ses cousins, et les procès sont des gouffres sans fonds, où
finissent par sombrer les situations les plus solides.
Il arriva donc un jour, où François de Durfort se vit dans la
nécessité d'emprunter. Mais il déguisa l'emprunt sous l'appa-
rence d'une vente.
Castelnoubel et Mérens, restés sans conteste sa propriété,
lormaient un riche domaine. François de Durfort tâcha d'eu
lirer parti.
Parmi les gentilshommes qu'il fréquentait et qui avaient
combattu avec lui sous les ordres de Monluc, Messire Herman
de Raffin était sans nul doute un des plus fortunés. C'est à lui
qu'il s'adressa. Il lui vendit avec faculté de rachat dans un
délai déterminé, ses châteaux de Castelnoubel et de Mérens
avec leurs appartenances.
Nous ignorons la date exacte de cette vente. Mais elle fut
passée certainement vers 1570.
Herman de Raffin, fils d'Arnaud et de Marguerite de Tre-
molhes, était un rude soldat et un riche seigneur. Il apparte-
nait à une 1res ancienne famille venue du Rouergue, mais fixée
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— 46 —
en Agenais depuis longtemps. Elle se divisa en plusieurs bran-
ches. La principale fut celle d'Hauterive, dont Ilennan fut le
fondateur.
Il prit part aux luttes religieuses et servit vaillammenl sous
les ordres de Monluc qui l'avait en particulière estime. C^lui-
ci lui écrivit, le 2 août 1509, un billet très court mais très cor-
dial, où il l'appelle son cher compagnon (1).
Herman de liaffin fut donc pendant quelque temps seigneur
de Castelnoubel. Mais François de Durfort, qui affectionnait
ce château, fit tous ses efforts pour en devenir à nouveau pro-
priétaire et il y réussit.
Au mois de février 1572 (vieux style), en réalité 1573, il put
rembourser le principal de celte vente, qui se montait à deux
mille livres. Restaient les intérêts qu*il s'engagea à payer sous
peu.
Le document qui nous donne ce renseignement est un bor-
dereau énumérant les diverses monnaies en cours versées par
François de Durfort pour parfaire la somme de 2,000 livres.
Il se termine par cette déclaration :
« La susdite somme venant et est le principal de la vente de
!a seigneurie de Gastelnovel des effruitz de laquelle Messire
François de Durfort, chevalier de l'ordre du Roy, seigneur
de Bajamont, demeure redevable envers Messire Hermand
Raffin, chevaher de l'ordre du Roy en la somme de quatre-
vingts trèze livres tournois. — Faict le second de février
1572 (2). »
Deux mois après, Messire François de Durfort signait l'acte
de revente, le 3 avril 1573 (3).
Sa sœur Philippe se maria, le 5 février 1570 avec noble
Jacques de Chavagnac, seigneur de la Liève et de Mon-
gourt (4).
(1) L'original de cette lettre appartient aux archives de la famille de Raf-
Hn, en la possession de M. l'abbé Dubois, curé de Roquefort, qui se propose
de la publier bientôt.
(2) Communiqué par M. l'abbé Dubois.
(3) Archives du chàlonu de Lafox. Inventaire de 1587.
(4) Ibidem.
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- 47 -
René de Durfort, frère de François, seigneur de Gimal et
d'Es'parsac mourut en lui léguant ses biens et en laissant à sa
sœur un don de mille livres tournois. Philippe de Durfort
n'ayant pas été payée d'un legs de pareille somme fait par sa
mère Françoise de Montai, réclama sa part d'héritage. Fran-
çois de Durfort prétendant que le procès en cours avec ses
cousins, avait amoindri sa fortune, voulait faire subir une
diminution ^à la part revenant à sa sœur. Un procès allait s'ou-
vrir, lorsque les parties convinrent de mettre fin au différend
par une transaction.
Elle fut passées le 20 juin 1579, entre le sénéchal et le sieur
de la Liève représentant sa femme. François de Durfort s'en-
p[ageait à payer à sa sœur la somme de 5,666 écus et deux tiers
d'écu à la fête de la Noël suivante. A défaut de paiement, il
lui abandonnerait la jouissance de la seigneurie de Monbalen
pendant trois ans, avec faculté de se libérer avant, s'il lui était
possible (1).
Les affaires de famille pour aussi graves et compliquées
qu'elles fussent, ne portaient point de tort aux devoirs de sa
charge de sénéchal. Il faut suivre les actes de la Jurade d'Agen
pour se convaincre de l'activité et du zèle déployé par Fran-
çois de Durfort pour la défense des intérêts catholiques.
Durant ces guerres incessantes, Castelnoubel dut souvent
servir de refuge aux populations voisines et offrir un solide
point d'appui aux troupes du sénéchal. Au mois d'octobre
1585 notamment, « vingt-cinq cuirasses commandées par le
sieur de La Liève, devaient proléger les campagnes à l'Est,
m prenant pour poinLs d'appui les châteaux de Lafox, de Cas-
telculier, de Castelnoubel et de Laroque-Timbaul (2). »
Au commencement de cette même année, au mois de fé-
vrier, le sénéchal François de Durfort était mort. Il n'avait
pas été marié. Le 29 juin 1569, au moment de rejoindre à nou-
veau le-^-troupes royales, il avait fait son testament. Ce testa-
(1) Archives du château de Lafox. Pièce originale.
(2) La cille d'Agen pendant les guerres de religion par G. Tholin. In Revue
de l'Agenais, t. xviii, p. 227.
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- 48 --
menl avait été si bien caché dans iine tour de Castelnoubel
qu'on resta longtemps sans le découvrir.
Plusieurs compétiteui^s se présentèrent pour recueillir son
héritage, notamment Messire Bernard dé Lacombe, abbé de
Blasimont, et Messire François de Montpezat-Laugnac, que la
laveur d'Henri III et le rôle joué, le 23 décembre 1588, au
château de Blois, rendit tristement célèbre.
Philippe de Durfort eut donc à défendre ses droits. Elle lit
rechercher le testament de son frère. On le trouva dans une
cassette où François de Durfort tenait ses papiers les plus
précieux.
Il demandait à être enseveli dans la chapelle de Sainte-
Catherine de Lafox. Il veut que son héritier « fasse ses hon-
neurs et funérailhes ainsin qui est accoustumé fère a gens de
semblable qualité et que pour ce faire soient apellés les prê-
tres des églises d'Agen Cathédralle et Collégiale et de noz
terres et juridictions et. autres circonvoysins, ensemble les rel-
ligieux des quatre couventz dud. Agen et que a chescung pres-
tre soict donné et payé trois soulz loumoys et réfection cor-
porelle. Et voulions que toutes les cloches des esglizes et cou-
ventz sonnent les jours de nostre enterrement et honneurs.
Voilons aussy quil soict donné à manger et boyre à tous pau-
vres qui viendront et à chascung ung soûl. Voilons aussy que
nostre héritier habille vingt et quatre pauvres de nos terres et
juridictions et à chescung douze pans de drap du pays, les-
quels pauvres acisteront les jours de nostre enterrement et
honneurs à 1 église ayant chascung un cierge de cire alumé en
la main, dune livre. Donnons aux pauvres de lospital d'Agen
vingt livres tournoises et aux pouvres lépreux quinze livres.
Voulions estre mariées huict filles pouvres de nos terres et
juridiction et entre autres fiUes la fille de maistre Pierre Le-
bon et que a cliescune soict donnée la somme de vingt et cinq
livres. Légons au couvent des Jacopins d'Agen la somme de
quinze livres, et à chescung des aultres couventz de la ville, la
somme de sept livres et demye. Et moyennant ce voulions que
ros religieux desdiclz couventz, les jours de nostre enterre-
ment octave honneur et bout d'an soient tenuz dire une messe
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- 49 —
haulte de morluis, diacre et soubzdiacre. Voilons aussy que
chascung jour pendant lan de nostre décèz, serèt dicte et cé-
lébré une messe haulte de mortuis en lad. église Saincte Cathe-
rine de Lafox, par les préti-es d'icelle, diacre et soubzdiacre,
chappes et offrande avecques vigilles tous les soirs et pour ce
faire donnons auxd. prêtres la somme de cent cinquante livres,
davantage voulions et ordonnons que par six prêtres de bonne
vie capables et suffisants, les heures canoniques soient dictes
à haulte voix perpétuellement en lad. église Saincte Catherine,
ainsin que nous avons accoustumé les fere dire selon lordi-
naire d'Agenoys. El voulions que M. Françoys Charpaut,
M" Jehan-Pierre Lebon, Claude, Messire Chabrié Reyre ser-
vent tant quilz vivront sans que mondit héritier les en puisse
tirer. Et voulions qu après leur décès notre héritier y pour-
voyt (laultres prêtres de bonne vie et suffîsantz et que chasquc
jour lesd. prêtres soient tenuz dire troys messes lune après
prime haulte de mortuis et les jours solennels de la feste com-
me est de coutume, laultre basse le dimanche du jour, le lundi
de nomine Jesu, le mardy de Sainct Esprit, le mcrcredy de
quinque plagis, le judy des angellis, le vendredy de cruce, le
sempmedy de Nostre-Dame et Taultre la grand-messe la so-
lennité selon le jour comme est de coutume. Pour ce faire
donnons à chascung desd. prêtres annuellement une pipe de
vin payable la moitié après vendanges laultre à Pâques et
oultre à chascung légons la somme de soixante livres paya-
bles cinq livres à chascung par mois et au cas que nostre héri-
tier succombât au procès de Lafox, voulions que chaque prê-
tre nait que cinquante chaque an et diront seulement les heu-
res canoniques en la grande messe. » Il lègue ensuite ses biens
à son frère René et si celui-ci ne laisse pas de descendant Thé-
ritage passera à sa sœur Philippe. Il désigne pour exécuteurs
testamentaires le seigneur de Laugnac, Nicolas Michel, juge
•Je Lafox, et Bertrand Soldadier, curé de Saint-Ferréol (1).
René de Durfort étant mort, Philippe était héritier et les
(1) Archives du château de Lafox. Toslimenl du 29 juin ]5()9, copie sur
papier.
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— 50 —
tribunaux lui donnèrent raison. Mais elle ne tarda pas à mou-
rir. Sa mort arriva en 1587. Elle ne laissait pas de postérité.
Sa cousine germaine Anne d^Omezan, fille de Jeanne de
Durfort, sœur d'Alain, étant sa plus proche parente, revendi-
qua l'héritage. Mais des difficultés s'étant élevées entre elle
et Amanieu de Durfort, elle céda ses droits à Jeanne d'Antin.
Celle-ci était femme de messire Hector de Pardaillan, sei-
gneur de Montespan, de Gondrin, conseiller d'Etat, capitaine
de 50 hommes d'armes de ses ordonnances et capitaine des
gardes du corps du roi. Ce fut un rude chevalier qui prit une
part très active à toutes les guerres de son temps (1).
Jeanne d*Antin était fille d'Amaut baron d'Antin, sénéchal
et gouverneur de Bigorre et. d'Anne d'Andouïn. Elle poursuivit
avec vigueur le procès relatif à la succession de Durfort. Une
partie lui échappa, mais Castelnoubel et Mérens lui furent ad-
jugées.
En 1589, lorsque les troupes de la Ligue, sous les ordres
du marquis de Villars, combattaient les troupes du sénéchal
de Saint-Chamarand, Castelnoubel et Lafox furent occupés
par ces dernières.
Lafox était défendu par une vingtaine de soldats sous les
ordres de Ducros de la Cassaignc. Ils se rendirent sans com-
battre (2).
Castelnoubel résista-t-il mieux? C'est possible. Sa position
était plus forte que celle de Lafox. Un document de 1600, nous
montre Castelnoubel pris, pillé et saccagé par les troupes du
marquis de Villars, le 10 août 1589 (3).
Avant la fin du siècle, un aiTél adjugea définitivement Cas-
telnoubel à Jeanne d'Antin.
(1) p. Anselmo, Histoire de Grands officiers de la Couronne^ t. v, p. 179.
(2) Brière narration de ce qui s est passé en la ville d'Arjen (1589-1590), pu-
bliée par A. Magen. Agen, Michel et Médan. 1879, p^ 23.
(3) Archives du chAteau de Lafox. Sommation par Amanieu de Durfort à
Jeanne d Antin, du 20 octobre 1600.
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CHAPITRE IV
Les seigneurs de Caslelnoubel aux xvii* et xviif siècles. — Arnaud de Gasc.
Secondât de Roques. — Pa?cauU de Poléon.
Avec te x\f siècle, les Durforl disparaissent de Castelnou-
l>el. Mais tout dans ce château parle encore d'eux. Ils Tont
possédé pendant près de trois siècles. Ils l'ont bâti, fortifié,
embelli, défendu. Les cheminées et les clefs de voûte portent
leurs armes, on peut dire que Caslelnoubel est l'œuvre des
Durfort.
Au début du xvii* siècle, c'est Jeanne d'Antin qui est dame el
seigneuresse de Castelnoubel. Elle continue le procès de la
succession des biens de Durfort contre Hector Regnault de
Durfort, fils d'Amanieu.
Le 8 janvier 1009, les grandes salles du chAleau se remplis-
sent d'un brillant cortège, un lieutenant de la compagnie
d'Hector de Pardaillan, seigneur et baron de Gondrin, époux
de Jeanne d'Antin, signait ce jour-là son contrat de mariage.
C'était noble Jean de Godefroy Lamarque Manet de Latour,
écuyer, seigneur de Lagarde et de Lafage, fils d'un officier
de rinfante du Portugal, qui s'unissait' à demoiselle Henriette
de Nozères de Bézat (1).
Jeanne d'Antin assistait à cet acle. Mais à ce moment, Cas-
lelnoubel ne lui appartenait plus en droit. Depuis le 9 octobre
1608, elle l'avait vendu à messire ATnaud de Gasq, en même
temps que la terre de Mérens.
Arnaud de Gascq. — <^ La famille de Gasq, originaire du
Rouergue, s'établit à La Réole \^rs la fin du x\'* siècle. Anobli
par achat de charge, le grand-père de François avait été jurai
de cette ville, ses deux oncles Jehannot et Pierre également
jurais, le premier en L538 et 1547 et l'autre en 1520. Ce même
Jrhannot, bourgeois et marchand, laissa à l'hospital de La
(l) Communication de M. Ph. Lauzun.
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Réole de 1556, 1.000 écus d'or au soleil, qui furent payés par
son héritier, Guillaume de Gasq, receveur des décimes en
Bazadois » (1).
Les de Gascq furent seigneurs de Cocumonl, Portets, Razac,
etc. (2).
Arnaud de Gascq, le nouveau propriétaire de Caslelnoubel,
elait abbé de Sainl-l^'erme, seigneur du Puydieu, Revol, Borde
et Pailhés. L'abbaye de Saint-Ferme appartenait à Tordre bé-
nédictin. Elle est située sur les confins de la Gironde et du Lot-
et-Garonne, non loin de Monségur et de Duras. Son église ro-
mane est un des plus intéressants monuments de la Gironde.
La nef, ruinée pendant les guerixîs de religion, fut restaurée
par Arnaud de Gascq.
« La nef (de St-Ferme) est large de 8 mètixîs 12 et la hauteui'
de la voûte poile 14 mètres 02, sous clé. Cette voiile fut exé-
cutée par les soins de Tabbé de Gascq en 1007, ainsi que le
rappelait Tinscription suivante, qu'on lisait autrefois sur Tun
des piliers, et dont il n'est resté que le millésime : « aunaldus
DE GASCO, IIUJUS COENOIUI ABBAS ET RESTA URATOR AN\0 liON.
1007 » (3).
Arnaud de Gasc(i avait acheté Castelnoubel franc de toute
taille, comme bien noble. I^ collecteur de la juridiction d'Agen
prétendit cependant lui imposer le paiement de la taille comme
aux biens ruraux. L'abbé de Saint-Ferme proteste et refuse
de payer. Le collecteur passe outre et fait saisir Castelnoubel.
Arnaud de Gascq eut recours au vendeur. Jeanne d'Antin
prend fait et cause pour lui et fait reconnaître la nobilité de
Castelnoubel (4).
En 1015, Arnaud de Gascq contraignit dame Jeanne de Ba-
jordan à lui faire une reconnaissance pour certains biens dé-
pendants de son fief de Castelnoubel (5). Mais il ne resta pas
longtemps propriétaire de cette terre qui passa aux Secondât.
(1) Arcliicrs hUtoriquc.s de la (rironde, I. iv, p. 236.
(*^) Hechrrchcs hisforiqucs et stalisUques sur la commune de Cocumonty
par A. Vcilhon. Marmande, Duchen, 1911.
(3) Sotice historique et statistique sur La Héole, par Dupin. La Réole,
Pasquier 1839, p. 264.
(4) Archives municipales d'Agen, CC. 121.
(5) Archives départementales de Lot-et-Garonne, B. 696.
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- 53 -
Les Secondât. — Nous ignorons par quel moyen d'Arnaud
de Gascq, Castelnoubel advint à la famille de Secondât. Mais
tout porte à croire que ce fut par un achat. Toujours est-il
quen 1619 messire Jacob de Secondât prend le titre de sei-
gneur de Castelnoubel.
La famille do Secondât, venue, croit-on, du Berry, s'était
fixée en Agenais depuis de longues années. Elle y joua un rôle
assez notable et occupa plusieurs terres importantes, Roque-
fort, Saint-Marcel, Montesquieu, etc.
]je nouveau seigneur de Castelnoubel naquit à Agen le 22
décembre 1570. Il était le quatrième enfant de Jean de Secon-
dât et d'Eléonore dé Brénieu, qui en eurent treize.
Entré dans la carrière des armes, il s'y distingua en plu-
sieurs affaires, et prit une part active, avec plusicui's de ses
frères, à la prise d'Oslende. Chevalier de l'ordre du r^oi, gen-
tilhomme de sa chambre, il devint lieutenant-colonel du régi-
ment du sieur de Chalillon.
On le connut d'abord sous le nom de Roques, puis sous celui
de Sérignac, et lorsque son frère Henri fut mort^ on l'appela
Montesquieu. C'est en sa faveur que cette terre fut érigée en
baronnie.
Marié à Marguerite de Sevin, le 9 mars 1610, il en eut trois
enfants (1).
Peu de temps après l'acquisition de Castelnoubel, il fit son
testament, le 19 juillet 1619. Il veut être enseveli au couvent
des Augustins, et il demande à sa femme de faire dire
chaque jour dans Tan de son décès une masse basse » et d'of-
frir le pain et le vin aud. couvent des Augustins ». Il donne à
ces religieux 150 livres pour les mettre à l'intérêt afin de pou-
voir dire à chaque fête de Pâques, Pentecôte et TouSv*^int une
messe haute d'anniversaire.
Il donne à M. de Raigniac, son juge de Montesquieu, 200
livres, à condition qu'il continue d'assister sa femme et ses
enfants de ses avis et con^ils.
(1) La généalogie des Secondai a été publiée par O'Gilvy dans le Nobi-
liaire de Guyenne et Gascogne, l. ii.
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— 54 —
A Marguerite de Sevin, sa femme <( dont il n a eu que des
contentements », il lui donne la jouissance de tous ses biens,
si elle reste veuve. Si elle se remarie, elle perdra Tusufruit
de son héritage et touchera 0.000 livres.
A Henri son puiné, il lègue 15.000 livres payables lorsqu'il
aura 25 ans.
A Toinette, sa fille, 18.000 livres payables à son mariage.
Au posthume, s'il y en a un. 15.000 livres.
Son héritier imiversel est Jean-Baptiste de Secondât son fils
aîné (l).
Marguerite de Sevin, sa veuve, habita longtemps Castelnou-
bel. Elle se maria en secondes noces le 5 février 1633 avec
Jean du Bernet, premier président du Parlement de Bordeaux.
L/acte fut passé à Castelnoubel. Elle n'eut pas d'enfant de ce
second mariage et elle sunécut longtemps à son second époux.
Elle mourut à Agen en 1683.
A l'occasion de sa mort on écrivit plusieurs épitaphes et
pièces divers, en voici une : , *
Pleurons tous, agerinois, la perle iiTéparable
De celle illustre dame, en qui tout ce pays
Possédait le Ihrésor d'une vie admirable
Ki féconde en lauriers, palmes, roses et lis.
Aux petits cl aux grands, elle estoit vénérable :
Tout le niondtî t renvoi t chez elle ses appuis
Son co'ur estoit si grand, si tendre et charitable
Que les seuls affligés faisoient tous ses emniis.
Pleures, pauvres, pleures la mort de vostre mère ;
Pleures, humbles dcvols, vostre bel exemplaire !
Femmes veufves, pleures ce miroir de vos mœurs ;
*Mais, pensant à la mort, imités en la vie ;
El faites refleurir ses vertus dans vos co'urs,
Pour aller vivre au ciel avec celte Marie (2).
Joseph du Bernet, de son premier mariage avec Catherine
(1) Archives départcmenlales, B. 45.
(2) Communay. Le Parlcrïient de Bordeaux, Bordeaux, Favraud, 1886,
1886, p. 93.
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— 55 —
de Benois, eut trois filles dont lune, la seconde, Anne du
Bernet, se maria le 20 février 1634 avec Jean-Baptiste-Gaslon
de Secondât, seigneur et baron de Montesquieu et de Castel-
noubel. Celui-ci, entré dans la magistrature, fut pourx^u, le 9
avril 1053, d'une charge de président à mortier au Parlement
de Bordeaux (1).
Son frère Henri se maria avec Angélique Marie de Rance.
Il reçut probablement lors de son mariage la terre de Castel-
noubel en apanage. Un acte du 18 juillet 1651 nous permet de
le supposer. Ce jour-là, en effet, s^em- Marie Henrye de Rance,
religieuse au couvent du Paravis, donne quittance à Pierre
Vissière, serviteur de noble Henri de Secondât, écuyer sei-
gneur de Castelnoubel, des arrérages de sa pension (2).
Henri mourut sans postérité, et Castelnoubel revint à son
frère, le président à mortier. Celui-ci décéda à Bordeaux le
2 août 1678.
Son fils Jean-Baptiste de Secondât lui succéda. Il fut sei-
gneur de Castelnoubel, Talence et Raymond. Comme son père
il eut une charge de président à mortier au Parlement de Bor-
deaux.
C'est lui qui vendit le château de Castelnoubel à Louis Pas-
cault de Poléon.
J.-R. Marboutin.
(.4 suivre,)
(1) Communay, Le Parlement de Bordeaux, p. 93.
(2) Etude de M. Beyries, notaire au Port-Sainte-Marie. Minutes J. Sirvenl.
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LES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES
DE LOT-ET-GARONNE
\ous croyons èlre utile aux travailleurs en leur signalant ici les
remarquables rapports que M. R. Bonnat, le distingué archiviste
départemental, soumet chaque année au Conseil général sur le ser-
vice de ses archives, et en en reproduisant, dans cette Revue, les
principaux passages, ceux notîimmenl des trois dernières années,
rclalifs aux accjuisitions récenles, de livres, brochures, documents,
aux versements des greffes et des notaires, à la j)ublication d'In-
\entaires nouveaux, à Texposé de l'élat des archives des sous-ï)ré-
fecturcs et des communes du déparlement, enfin aux dons particu-
liers, surtout au legs si important de la comtesse Marie de Ray-
mond. '
De cette nomenclature, toujours clairement présentée, ils ne
pourront tirer qu'avantages et profits, surtout si elle les engage à
aller, eux-mêmes, en vérifier l'exactitude dans ce nouveau pa-
villon des Archives, si habilement édifié sur les données de
Térudil archiviste, et aménagé par lui si luxueusement, avec autant
de compétence que de goût ; vrai modèle que ne sauraient trop en-
vier et imiter les autres départements, et qui se présente, à Agen,
comme un centre intellectuel, un vrai sanctuaire de la science, où
se plaisent à se grouper, chaque jour pour y travailler à Taise, —
et discourir aussi queUfue peu sur les questions d'actualité, -^ ceux
chez qui ne sont pas éteints l'amour de la petite patrie et le culte
du passé.
Ph. L.
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57 -
RAPPORTS AU PRÉFET ET AU CONSEIL GÉNÉRAL
SDH
LE SERVICE DES ARCHIVES DE LOT-ET-GARONNE
Par M. René BONNAT, irehiyiste déjNirtemeDtal
I
1908-1909
V Legs de Raymond. — Les archives départementales vien-
nent d'entrer en possession de la plupart des collections, im-
primées ou manuscrites, que la comtesse de Raymond leur
avait léguées en 1885. Madame Gavini de Campile, sœur de
la testatrice, en avait l'usufruit. Cependant, elle avait bien
voulu se dessaisir, au profit du département, d'un très grand
nombre de dossiers généalogiques et d'ouvrages héraldiques,
littéraires et historiques (près de 1700 articles) qui nous fu-
rent versés en 1880 et durant ces dernières années, notam-
ment en 1904 et 1908. A la suite de son décès survenu à Paris
le 2 avril dernier, ses héritiers, M. Gavini de Campile, ancien
préfet, que le Conseil général remercia l'an dernier de ses
nombreuses libéralités ; M. Gavini, député et président du
Conseil général de la Corso, et M. Roger de Montesquieu
m'invitèrent à trier avec eux les ouvrages déposés à l'hôtel de
Raymond et à prendre livraison de ceux qui revenaient aux
Archives départementales. Huit cent quarante-cinq volumes
nous sont ainsi parvenus, avec une table en chêne blanc, une
grande chaise sculptée aux armes des Raymond, un encrier en
porcelaine de Sèvres, deux bibliothèques, l'une en châtai-
gnier, l'autre en chêne avec corniches ornées d'une torsade et
d'un cordon de billettes. Tous ces ouvrages, qui seront grou-
pés dans une salle spéciale de notre nouveau bâtiment, sont
extrêmement intéressants. Ils ont fait l'objet, en 1889, d'un
catalogue'détaillé imprimé aux frais de la succession. Inutile,
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— 58 —
|>ar con>^*quenl, d'y revenir. Je me bornerai à signaler quel-
ifues livres de bibliophile avec de suf>erbe< i-eliures d'^maleur,
linéiques belles éditions anciennes, des manuscrils de Sainl-
Amans, un splendide volume publié par la Société des biblio-
philes français <ur papier Japon avec de belles eaux-fortes
en Iroi^i teintes : La bataille de Hocroy, par le duc dAumale.
et >urlout un superbe registre, in-folio, autographe de M"* de
itaymond, en maroquin plein, avec les armes sur les plats,
aux tranches dorées ; c'est V Armoriai de la descendance de la
noblesse d*Agenais en 1789. Le titre est en lettres ornées : 31
feuillets d'armoiries peintes par 9 écussons à la page, sauf à
la dernière, qui contient seulement 7 écus de forme carrée,
809 pp. de généalogies lot-et-garonnaises commencées en
18fi2, finies en 1886; 8 pages d'introduction; 42 d additions et
de corrections, tout contribue à rendre ce bel in-folio très ori-
ginal et curieux. C'est une pièce de musée.
l*n certain nombre d'ouvrages de bien moindre valeur
doivent encore nous revenir. Ils formaient la bibliothèque
de M. de Raymond, maire d'Agen sous le gouvernement de
Juillet, et ils étaient restés indivis entre ses deux fillles. Ils
appartiennent donc, .pour moitié, aux Archives départementa-
les et, pour l'autre moitié, aux héritiers de M°* Gavini de Cam-
pile. Le partage ne pourra s'effectuer qu'au retour à Agen de
ces derniers, c'est-à-dire en septembre 1909.
En outre, M. Gavini a déposé chez M* Bothian, notaire
L Agen, la somme de 2.000 francs, léguée par M"" de Ray-
mond pour l'installation de ses collections et la confection de
châssis vitrés ou de grilles destinés à préserver les livres. Ces
2.(K)0 francs seront versés à la Trésorerie Générale pour être
employés conformément à la volonté de la testatrice, dès que
l'acceptation définitive du legs sera chose faite. Elle servira :
1 *" à la confection de châssis grillés ou vitrés et de petites éta-
gères destinées aux ouvrages récemment versés qui ne pour-
raient pas contenir sur les rayons déjà existant ; 2** à l'embel-
lissement de la salle affectée au fonds de Raymond et légère-
ment détériorée par la pose des radiateurs et des tuyaux du
calorifère à basse pression ; 3° à la reliure d'environ 200 volu-
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- 59 -
mes de la collection; 4* à Tencadrement de quelques gravures
et tableaux. Je prie le Conseil général de bien vouloir m auto-
riser à employer ainsi le legs de la comtesse de Raymond.
Bibliothèques du Grand Séminaire el de lEvêché, — J'an-
nonçais, l'année dernière, qu'une partie des livres et manus-
crits ayant appartenu à la mense épiscopale d'Agen et au
lirand Séminaire nous serait attribuée. Un décret du 14 dé-
cembre 1908 et un arrêté du Ministre de l'Instruction publique
du 24 février 1909 en ont ainsi décidé. Les bibliothèques de
ces établissements ecclésiastiques, déclarées biens d'Etat, doi-
vent être déposées à la bibliothèque municipale d'Agen, mais
les documents ayant le caractère de pièces d'archives et tous
les ouvrages de référence ont été réservés pour les archives de
Lot-et-Garonnè. Avec le bibliothécaire municipal, j'ai procédé
à un triage préliminaire et fait installer dans notre nouveau
pavillon plus de 1.000 volumes, dont certains feront bonne
ligure au milieu des collections départementales : le Glossaire
de Du Gange, les dictionnaires de Moréri, Bayle, Furetière,
Migne; une partie de l'Encyclopédie du wuf siècle; les Mé-
moires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, ceux
du Clergé de France; VAnliquité expliquée de Bernard de
Montfaucon; les vingt premiers volumes de l'Histoire littéraire
de la France par les Bénédictins ; une Bible polyglotte très in-
téressante; la collection superbement reliée des procès-ver-
baux des Assemblées du Clergé ; les Sacrosancta Concilia de
Labbe et Cossart ; la collection du Moniteur Universel réim-
primée, in-4**; quelques vieilles éditions du xvf siècle, etc.
Le tout provient du Grand Séminaire. Quant aux ouvrages de
la ci-devant mense épiscopale mieux vaut ne pas en parler :
de loin, c'est quelque chose ; de près, ce n'est rien. Au reste,
il en est de même d'une grande partie de la bibliothèque du
Séminaire. Sur 10.000 articles environ, 800 ont été mis de
côté pour les archives, 3.000 pour la ville d'Agen. Ije reste
pourra faire, sans inconvénient, l'objet d'une vente au béné-
fice d'établissements charitables, et je doute qu'elle soit fruc-
tueuse.
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— 60 -
Bibliothèque : accroissements. — Les érudits y trouveront
un certain nombre d'ouvrages intéressants récemment acquis
ou donnés. Hauser : Les Sources de Vhisloire de France, XVl^
siècle ; — Inventaire général des richesses de la France ; Mo-
numents civils, t. 8; — Manuel d'archéologie préhistorique,
celtique et gallo-romaine, t. ^^ par Déchelette; — les publi-i
cations des comités départementaux d'études sur l'histoire
économique de la Révolution, concernant le bailliage de Co-
tentin, le partage des biens communaux, l'élection de Gap, les
bailliages de Blois et de Romorantin, les biens nationaux dans
les Bouches-du-Rhône; l'Abolition des droits seigneuriaux en
Savoie; les Comités d'agriculture et de commerce de la Cons-
tituante, de la Législative et de la Convention; les Cahiers de
doléances des bailliages de Sens et de la sénéchaussée de
Cahors; du District d'Alençon. - Habasque : Le livre doré
du présidial d'Agcn; — Boyer : Mgr Lanusse, Le prêtre et le
soldat; — Lauzun : La correspondance de Borij de Saint^Vin-
cent; Le château de Lauzun; — (.'haux : Diplôme de médecin
de 1496; — Courteault : Biaise de Monluc historien, et la bio-
graphie de Biaise de Monluc: — Véchembre : Le baron Lomet
(1759-1826) ; — Jules Serret : Livre dor des élections consu-
laires et de l'administration municipale d'Agen depuis Vannée
1322 jusqu'en 1909; — Dubois : Marmande. Les détenus sôus
la Terreur. — Bonnat : Le citoyen Delsoert, ci-devant Lalau-
rencie. — Inventaires et état sommaire de la série L des Ar-
chives départementales des Hautes-Alpes et de l'Isère ; des
Archives nationales (Chambre des Comptes, Châtelet, Maison
du Roi, Parlement de Paris) : des séries T et V de la Seine-
Inférieure ; — La marine militaire de la France sous le règne
de Louis XVI, par Lacour-Gayet. — La vente des biens na-
tionaux pendant la Révolution, par Marion. — L'Histoire de
France, de Lavisse, t. vm. — Les Volontaires nationaux
(1791-1793), par E. Déprez: — Voltaire mourant, par F. La-
chèvre. — L'Art religieux de la lin du Moyen-Age en France,
par E. Maie. — La Provence du /*' au Xll* siècle, par de Man-
leyer. — Les sources de l'Histoire de France depuis 1789 aux
Archives Nationales, par C. Schmidt. — L'Avènement de Bo-
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^ 81 —
naparle, par X'andal, t. n. — Joseph-Charles- Alexandre,
comte dWnierroches el César d' Anterroches, évêque de Con-
dom, par le comte de Dienne. — Romme le Montagnard, par
M. de Vissac. — Les Mémoires de Saint-Simon, l. xx et xxi. —
Le tome ii des Cartulaires Chartrains. — Les Testaments de
Vollicialité de Besançon, par Robert, t. ii.
Archives : réintégrations ; versements, — Par une circu-
laire en date du 19 mai 1908, M. le Ministre de Tlnstruction
publique et des Beaux-Arts, d'accord avec son collègue de la
Justice, a fait verser aux archives départementales toute une
série de pièces, d'un caractère politique, qui se trouvaient au
Parquet du Procureur-général de la Cour d'Agen. Il y a là
quantité de documents sur le Coup d'Etat de décembre : rap-
ports de magistrats, procureurs de la République, juges de
paix; sur l'action des sociétés secrètes et des clubs politiques,
les insurrections et les troubles dont quelques cantons furent
le théâtre dans les trois départements du ressort de la Cour ;
des états numériques d'inculpés politiques: des renseigne-
ments sur les magistrats des commissions mixtes : des notes
sur les opinions, avant et depuis 1848, de tous les magistrats
de la ('Our, depuis les conseillers jusqu'aux juges de paix ;
des renseignements sur la police de la presse. Le tout, for-
mant 17 liasses, complétera heureusement les collections dé-
partementales, autrement plus riches, puisqu'elles possèdent
les rapports des préfets, les dossiers des commissions mixtes
(procès-verbaux, instructions, interrogatoires), les dossiers in-
dividuels des citoyens déportés, arrêtés ou libérés ou mis sous
la surveillance de la haute police, et tous les papiers relatifs
à rindemnité, aux secours et pensions accordés aux victimes
du Coup d'Etat.
Archives : Dons. — M. Roumat, maire de Saint-Pierre de
Nogaret, nous a remis l'étal des détenus de la maison darrét
du Comité de surveillance de Marmande, 29 nivôse an IL Par
l'intermédiaire du docteur Couyba, un cahier de 15 feuillets
nous est parvenu ; c'est l'ancien étal-civil de Saint-Etienne de
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- ()2 —
Fougères de 1652 el Ifio*}. A signaler encore quelques docu-
ments manuscrits concernant la commune de Montesquieu et
celle de Nicole pendant la Révolution, et, surtout, un sac en-
tier bourré de minutes de notaires du xvnf siècle. Nous les
avons triées, classées et mises en liasse ; elles proviennent des
Batut, notaires myaux à Laroque-Timbaut, et prendront
place dans la série E des archives départementales. i\l. Mom-
méja nous a offert un recueil de thèses protestantes passées
à Saumur au xvii* siècle ; M. Dubos, un cahier et trois liasses
de comptes provenant du district et de la municipalité de Cas-
teljaloux (1790-11), et M. de Sansac, juge de paix à Damazan,
un recueil de pièces ini[)rimées de la période révolutionnaire
formant un Code criminel el ayant appartenu à Brostaret, ac-
cusateur public près le tribunal criminel de Lot-et-Garonne
et, phis lard, député de ce département.
Travaux annuels : Invenlaircs. — Classer les livres du fonds
de Raymond el leur donner le numéro du catalogue, trier les
dix mille volumes de la bibliothèque du grand séminaire, par-
faire l'installalion des archives départementales, telles ont été
celte année les principales occupations du service. Nous avons
pu cependant commencer le deuxième volume d'inventaire de
la série L : fonds de la Hévolulion, dont le tome P' a été dis-
tribué à la session d'octobre H)()8. Cinq feuilles sont tirées ;
elles contiennent l'analyse des documents intéressant la for-
mation du Lot-et-tiaronne en 1790 et la division du départe-
ment en 72, puis 73, ])uis 51 cantons; les mesures prises par
les commissaires du i*oi pour assurer le fonctionnement du
nouveau régime administratif : les élections faites : l"" par
l'assemblée électorale du département pour le Conseil géné-
ral, les haut-jurés, le tribunal civil et criminel, Tévêque cons-
titutionnel, les députés à l'Assemblée législative, à la Conven-
tion, aux Conseils des Anciens et des Cinq-Cents ; 2'' par les
assemblées électorales des districts pour les fonctions d'admi-
iiistraltMirs vi de juges : 3** par les électeurs des cantons el des
communes pour les fonctions de juges de paix, d'électeurs, el
de membres des corps municipaux : maire, procureurs, offi-
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— 63 -
ciers municipaux, agents nationaux, conseillers et notables.
Le tout sera suivi des dossiers relatifs à la police, aux subsis-
tances, à Tagriculture, au commerce et à l'industrie, aux ad-
ministrations départementales et communales, aux finances,
aux affaires militaires, aux guerres de la Révolution, aux tra-
vaux publics, à l'instruction publique, aux sciences et arts, à
la justice, aux cultes : catholique, constitutionnel, de la Rai-
son, théophilanthropie : aux établissements de bienfaisance et
de répression. I^'analyse de ces documents jointe à celle des
administrations de district qui fonctionnèrent de 1790 à Tan IV
formera le tome II de Tinventaire de la série L.
En môme temps, paraîtra le 2* volume de Tinventaire des
archives communales conservées soit dans les mairies du dé-
partement, soit au dépôt central. Achevé en 1903 il y manque
une table générale destinée à faciliter les recherches des tra-
vailleurs, et un supplément où seront mentionnés les liasses
et registres antérieurs à 1790 que fait découvrir l'inspection
des fonds communaux. Le travail est commencé ; il sera pom*-
suivi régulièrement.
D'autre part une récente circulaire ministérielle prescrit la
rédaction de répertoires numériques, même pour les docu-
ments modernes. Je ne crois pas qu'ils puissent rendre de
grands services à Agen. Néanmoins l'employé des archives,
sous mon contrôle, commencera l'analyse sommaire de la
série V : Cultes.
Archives des Sous-Prélectures et des Communes. — Le
classement des fonds révolutionnaires tVAgen, continué par
le bibliothécaire municipal, M. Calvet, est aujourd'hui ter-
miné. Toutes les pièces ont été groupées et mises en liasses.
Mais la salle affectée aux archives municipales est devenue
trop étroite, par suite du versement des documents adminis-
tratifs modernes. Elle est aussi très humide et les fonds an-
ciens s'en ressentent. Il y aurait grand intérêt à les déposer
aux Archives départementales conmie le proposait en 1(S<S()
M. Durand, alors sénateur et maire d'Agen.
Aussi bien, la nécessité de centraliser dans les dépôts dé-
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parlemenlaux les documents antérieurs à 1800, qu'ils intéres-
sent Tancien régime ou la période révolutionnaire, s'impose
de plus en plus. Dans la plupart des communes, les cahiers et
pièces détachées, épaves souvent très curieuses des anciens
chartriers, sont abandonnés. On les retrouve empilés pêle-
mêle et dans le plus grand des désordres au fond de rayons
poussiéreux ou dans de vieux placards. Estimons-nous heu-
reux qu'on ne les ait pas brûlés, comme le cas s'est produit
souvent, pour ne pas avoir à les transporter dans de nouvelles
mairies ! Parfois même les secrétaires qui en ont la charge ne
connaissent de leurs vieilles archives que les registres parois-
siaux d'état-civil. J'en ai vu qui ne savaient où se trouvaient
leurs terriers, leurs cahiers d'ai-pentement ou de comptes,
cependant inventoriés ; pour les retrouver, l'archiviste devait
alors se livrer avec eux à une véritable exploration des bâti-
ments communaux !
Exploration d'ailleurs fructueuse : elle amène souvent la
découverte de documents, voire même de registres, qui avaient
échappé aux recherches, ce qui prouve bien, une fois de plus,
qu'à quelque chose malheur est bon.
A Lagarrigue, où les registres paroissiaux sont reliés et ont
été inventoriés, j'ai retrouvé .au fonds d'un carton toute une
série de pièces qui les complètent. En voici l'état numérique :
Paroisse de Noire-Dame de Lagarrigue, — Baptêmes, ma-
riages et sépultures, 1G06-1()98, un registre in-4'', en fort mau-
vais état. — Baptêmes, 1G0()-1674, un cahier in-12. — Baptê-
mes et mariages, 1G57-1()()5 et 1657-16GG, un cahier in-12. —
Baptêmes et mariages, 1098-1702, deux cahiers in-12. (Coté
F supplément 937 bis).
Paroisse de Saint-Jean (V Aubes. — Etat-civil, 1638-1661, un
cahier in-12. — Idem, 1730-1737, un cahier in-12, (Coté E sup-
plément 941 bis).
Paroisse de Saint-Avil, annexe d'Aiguillon. — Baptêmes,
mariages et décès, 1742-1740, un cahier in-12. (Coté E sup-
plément 941 ter).
Paroisse de Saint-Vincent de Goûts , annexe d'Ai-
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guillon. — Baptêmes, 1703-1709, un cahier in-12. (Coté E sup-
plément 941 quater).
Pas d'archives révohilionnaires autres qu une liasse de lois
et décrets imprimés de 1792 (25 pièces), un registre d'étal-civil
concernant Notre-Dame de Lagarrigue de 1792 à 1802, et un
cahier de 20 pages concernant les publications de mariages
de Miramonl d'Aiguillon (1793-an VI).
A Roumagne, il faut ajouter aux documents inventoriés un
registre d'arpenlement de la paroisse dlffour de 1750. (Coté E
supplément 1 i80 bis).
Les archives révolutionnaires de Sainle-Bazeille sont ré-
duites à leur plus simple expression. Pas de pièces détachées.
Il paraît qu en 1896, quand la mairie s'installa dans les locaux
qu'elle occupe actuellement, on fit brûler une grande quantité
de papiers. En tout, avec letat-civil, trois registres et un
cahier :
1** Délibérations du Conseil général de la conunune, 17 oc-
tobre 1790-25 brumaire an III : 1 registre relié.
2'* Délibérations du Conseil général de la commune, du 23
germinal an III à l'an IV ; 1 registre relié, qui renferme éga-
lement les délibérations de l'Administration cantonale de
l'an IV au 2 germinal an V.
3"* Délibérations de l'Administration cantonale du 2 germi-
nal an V au 25 floréal an VIII. Registre relié à réintégrer aux
Archives départementales.
4* c( Bureau de la municipalité ». Comptes. 1 cahier. 20
février 1790^6 mai 1792.
Etat-civil : Naissances, mariages et décès, an IV-an VIII.
3 registres reliés.
Au fonds ancien inventorié, il faut joindre : 1 registre in-4*'
relié renfermant les délibérations du Bureau des pauvres de-
venu plus tard le Bureau de bienfaisance du 7 décembre 1781
au 3 novembre 1872 (Coté E supplément, 1724 ter), et 2 volu-
mes in-4*, reliés, contenant, l'un, les naissances et mariages
de 1779 à 1792, Tautre, les décès pendant la même période
(E supplément 1725, 4 et 5).
Les délibérations de la commune de Nicole ne commencent
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qu'en 1838. En fouillant dans les cartons du secrétariat, je n ai
pu trouver que cinq pièces relatives à la Révolution. An Il-an
VIII : Etat des citoyens actifs de \icole en Tan H. Passeports
de Tan VII et de Tan VIII ; tableau des conscrits du canton
d'Aiguillon en l'an VII et pour la commune de Nicole. Deux
registres reliés d'état-civil, an 11-1812 et an Il-an X. Le dépar-
tement possède un cahier en très mauvais état : « registre de
police pour 1791 », provenant de la mairie.
L'inventaire imprimé des anciens chartriers des paroisses
oui ont formé la commune de liourran en 1839, ne mentionne
que des registres d'arpentement. J'en ai trouvé un de plus,
fort endommagé. Il est de 1730, 53 feuillets, avec une table
alphabétique des prénoms (Coté E supplément 887 bis et dé-
posé aux Archives de I^t-et-Garonne). En outre, dans de vieil-
les armoires, au milieu d'un fouillis de pièces postérieures à
1800, j'ai constaté la présence de 33 cahiers paroissiaux ren-
fermant l'ancien état-civil des paroisses de Coleignes et de
Saint-Vincenl-de-Dominipech. J'ai obtenu du maire qu'ils fus-
sent immédiatement reliés. Us seront côté E supplément
890 bis (Coleignes, 1057-1791, 17 cahiers in-12 et in-8'', ensem-
ble 387 feuillets) et 890 ter (Saint-Vincent, 10 cahiers, in-12 et
in-4% ensemble 220 feuillets, lf)30.1792), — Quant aux archi-
ves révolutionnaires, rien ou presque rien : 2 registres de la
contribution foncière pour Coleignes et Saint-Vincent (1792-
1793) et 9 registres d'état-civil : Saint-Vincent, naissances (an
11-1817) : mariages (1792-1839) ; décès (an-II-1817) ; Saint-
Brice, naissances (an IV-1817) ; mariages (an IV-1817) ; décès
(an IV-1818) : Coleignes, naissances (an 1-1817) ; mariages
(an 11-1839) ; décès (an VII-1817).
Chirac a des archives extrêmement importantes. L'inven-
taire sommaire des fonds anciens ne tient pas moins de 44
pages d'impression. Il est cependant incomplet. Au milieu
des fonds administratifs nous avons découvert, :
1"* Sept petits registres in-4'* qui constituent Tarpentement
général de la communauté de Clairac et des paroisses de la
juridiction en 1058 : Clairac, Marsac, Saint-Brice, Saint-
Martin, Saint-Vincent, Tignagues et Vaqué. Un registre par
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paroisse, précédé de la table alphabétique des noms de pro-
priétaire. Le tout mis en liasse a été coté E supplément 2089
bis.
2" Un gros registre relié de 344 feuillets in-4'* : rôle des
tailles, décharges et transferts d'impositions. Liste des biens
nobles de la juridiction, 1710-1730. (E Supplément 2101 bis).
3*^ l'n cahier de 20 feuillets : flegistre des mandats délivrés
par les consuls du 25 mai 1768 au 4 juillet 1774. (E supplément
2126 bis).
4* Deux cahiers, ensemble 68 feuillets : Délibérations du
bureau de l'hôpital du 15 septembre 1744 à 1791. Manque de
1771 à 1786 (E supplément 2209 bis).
o** Deux cahiers, 88 feuillets : Mercuriales de Clairac. Prix
des grains, du 3 mars 1755 au mois d'avril 1769 et de 1785 à
l'an X (E supplément 2214 bis).
6*» Un cahier (E supplément 2090 bis) : Table alphabétique
par noms de propriétaires de l'arpentement général de 1748.
Quant aux archives révolutionnaires, elles nous seront en-
voyées pour être classées. C'est indispensable, car le désordre
y est complet. Aucun triage n'a été fait. L'inventaire dressé
en 1842, par les soins du maire, ne mentionne pas l'existence
de la plupaii de ces papiers dont beaucoup sont intéressants.
On n'y parle que des registres. J'ai procédé sur place à un
classement sommaire et feuilleté ou examiné toutes les liasses
ou cartons des affaires administratives modernes. Beaucoup
de pièces y figurent qui appartiennent au fonds de l'adminis-
tration cantonale ; elles devront être réintégrées aux archives
départementales. Voici l'état sommaire de tous ces docu-
ments :
— Série A-B : Lois, décrets, actes de l'Administration dépar-
tementale, de 1790 à l'an VIII. Imprimés, 23 liasses. — Enre-
gistrement des lois et décrets, 7 cahiers, 1790-1793.
Série C : Imprimés divers de la période révolutionnaire,
i liasses.
Série D : Délibérations du Conseil général de la commune.
Registre relié, 29 avril 1790-15 avril 1792. — Correspondance,
2 liasses. — Rapports avec le département et le district de
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Tonneins, 1 liasse. — Enregistrement des arrêtés de ce dis-
trict, 1 cahier, 1790-an IL
Série E : Etat-civil. Naissances, 8 vol. rel.; mariages, 8 vol.
idem ; décès, 8 vol. idem. 1 vol. de tables, 1793-1839. — Pu-
blications de mariages de 1792 à 1810, 9 cahiei-s.
Série F : Foires et marchés, 1793, 1 liasse.
Série G : Contributions^ 1 liasse, 35 cahiers. 1791-an VIII.
— Contribution patriotique, 1790, 1 cahier. — Patentes, 1 reg.,
1 cahier. — Livre des mutations à compter de l'an VII, 1 reg.
Série H : Secours à accorder aux parents des défenseurs de
la patrie et aux soldats des armées de la République, 1 liasse.
— Affaires militaires, ans VII et VIII, 1 liasse. — Gardes-
nationaux, 1 liasse.
Série I : Affaires de police et diverses, 1 liasse. — Fêles pu-
bliques et divers, 2 liasses. — .Vff aires de la police municipale,
1 liasse. — Jugements du bureau de police, 2 cahiers, 1791-
an V. — 12 liasses d'affaires diverses où tout est mêlé et qui
ont besoin d'être triées pièce par pièce : Enfants abandonnés,
militaires blessés, colons réfugiés, 1 liasse. — Réquisition-
naires, militaires et divers, registres d'oixlre, 1 liasse. — Co-
mité permanent de Clairac en 1790, registre des dons volon-
taires, etc., 1 liasse. — Comptes de la commune, 1792, 1 liasse.
— Réquisitions, contributions, pétitions, comptes, états des
bouviers et des charrettes, 2 liasses. — Signalements, assem-
blées électorales, affaires diverses, 4 liasses.
Aucune trace des délibérations de la Société populaire.
Quelques arrêtés du comité de surveillance du district de Ton-
neins qui resteront aux archives départementales.
II
1909-1910
Bibliothèque : accroissements. -^ Le ministère de l'Instruc-
tion publique a fait déposer durant l'exercice 1909-1910 : Les
cahiers des doléances des bailliages de Troyes et de Barn-sur-
Seine, t. i, par J. Vernier ; Les cahiers de la sénéchaussée de
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NîmeSy par Bligny-Bondurand ; Les cahiers de la sénéchaus-
sée de Rennes, par Sée et Lesoii ; ceux du département de la
Marne, par Laurent ; les documents relatifs à la vente des
biens nationaux dans les Bouches-du-Rhône, par Moulin ; Le
catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques
de France ; Paris : bibliothèque de la Marine, du Sénat et de
la Chambre des Députés. Bibliothèque de Reims ; Les diction-
naires topographiques de la Haute-Loire et du Pas-de-Calais;
Les testaments de Voflicialité de Besançon (12G5-1500), t. n,
I)ar U. Robert ; le Recueil général des bas-reliels de la Gaule
romaine, par Espérandieu, t. u, où le Lot-et-Garonne d'au-
jourd'hui se trouve compris ; les tomes 18 et 19 du Recueil des
Actes du Comité de Salut Public, par Aulard ; le t. n* de la
Correspondance de Carnot, par Charavay. Ensemble 21 volu-
mes in-4*' brochés, auxquels il faut ajouter Tlnventaire som-
maire des archives du Gard, série E, t. iv, et quelques réper-
toires départementaux.
Soit par dons, soit par acquisitions, la bibliothèque dépar-
tementale s'est encore accrue des ouvrages suivants :
Journal de Pierris de Casalévelery, notaire royal de Mau-
/éoR, par J. de Jaurgain ; Mémoires et caravanes de J,-B, de
Luppé, suivis des Mémoires de son neveu, J.-B. de Larrocan
d'Aiguebère ; Le Cartulaire de Vabbaye de St-Martin de Pon-
loise, par J. Depoin ; La Correspondance inédite de François
duc de Broglie, maréchal de France, avec le prince Xavier de
France, comte de Lusace, t. f ; L'Histoire de France contem-
poraine, par G. Hanotaux ; Théophile et Paul de Viau, par
Garrisson ; Etudes sur Vhistoire économique de la France :
Vassistance publique (1760-1789), par G. Bloch ; Choix de
poésies de Sallustes du Bartas ; VHistoire de France, de La-
visse, t. vin, 2^ partie : Les Demoiselles de Saint-Cyr (1686-
1793) et les Parlementaires français, par Fleury-Vindry, et
quelques plaquettes d'histoire agenaise faites avec les docu-
ments conservés aux archives départementales. A signaler
encore un petit nombre de brochures sur la franc-maçonnerie
lol-et-garonnaise : Règlements de la R.*. L.'. de Saint-Jean
sous les titres distincts de l'Age d'Or et des Amis des Bour-
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~ 70 -
bons à rO.\ de Villeneuve et d'Agen ; deux calendriers ma-
çonniques et des instructions pour les grades symboliques du
Grand-Orient, etc.
La bibliothèque du Petit-Séminaire d'Agen a été vendue au
profit des établissements charitables. J'ai obtenu que certains
ouvrages fussent distraits de l'adjudication et déposés aux
Archives départementales : Bibliographie Universelle, an-
cienne et moderne Michaud, 88 volumes, reliés, v. f.; Collec-
tion des écrivains et historiens latins et grecs. Texte avec tra-
duction : Hérodote, Thucydide, Virgile, Horace, Lucain,
Justin, Salluste, Tite-Live, Tacite, Jules César et Cicéron, 83
volumes reliés ; Les Antiquités romaines, de Denis d'Halicar-
nasse, 2 vol. in-4*' rel.; VHistoire et la Bibliographie des Croi-
sades, de Michaud, 7 vol.; Les Mémoires relatifs à l'histoire
de France, de Petitol et Poujoulat, 153 vol.; Paris, ses orga-
nes, ses fonctions et sa vie, 6 volumes brochés, par Maxime
du Camp.
Une partie de la bibliothèque de Raymond avait été léguée
à M. Pierre de Montesquieu avec prière de la placer au château
de la Brède. Le légataire a préféré la vendre à M. Mounastre- \
Picamilh, libraire à Bordeaux. J'ai acquis, pour être joints au
fonds de Raymond, 20 de ces volumes magnifiquement reliés
[)ar Petit ou Niédrée, aux armes de la comtesse ou à celles des
Bastard : Les châteaux historiques de la France, par Eyriés,
accompagnés d'eaùx fortes, tirées à part et dans le texte et
gravées par nos principaux aquafortistes, sous la direction de
M. Eugène Sadoux, 2 vol. in-4**; Les cours galantes, par Gus-
tave Desnoiresterres, 4 vol. in-18, m. r. dent. int. tr. dor. -
Les Commentaires de messire Biaise de Monluc,.Ed, de Ruble^
5 vol. in-8^. — Les zouaves et les chasseurs à pied, par le duc
d'Aumale, maroquin rouge, dent, int., initiales d'Henri d'Or-
léans ; Histoire complète de Bordeaux, 7 vol. in-8** ; — Généa-
logie de la maison de Bastard, originaire du comté nantais,
existant encore en Guienne,
Archives : accroissements. — M. Momméja, conservateur
du Musée d'Agen, nous a fait don d'une plaquette imprimée
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— 71 —
qui manquait à noire série h : « Exercices publics pour l'Ecole
centrale de Lot-et-Garonne, an VII ». M* Bigou, notaire à Vil-
leneuve, a versé toutes ses minutes antérieures à 1808. L en-
semble, très important, forme 183 gros volumes (dont 5 en
mauvais étal) et 4 liasses de testaments mystiques, c esl-à-dire
de testaments secrets, écrits ou du moins signés par le testa-
teur et remis par lui au notaire, scellés et clos, en présence de
six témoins. La série part de 1545 avec les actes du notaire
royal Mercier. Un seul registre pour le xvf siècle ; le reste a
été détruit ou a disparu. La série reprend à partir de 1657;
elle est complète jusqu'en 1773. Manquent les années 1774 à
1782 inclus. A partir de 1783 jusqu'en 1807, une seule lacune
pour 1793, Tannée de la Terreur. 4 volumes servent de réper-
toires.. Le premier va de 1681 à 1773; le deuxième, de 1700 à
1762; le troisième, de 1782 à l'an VII ; le quatrième, de l'an
VIII à 1810. Durant cette période d'un siècle et demi, cinq no-
taires seulement : Carrière père (1657-1698); Guillaume Car-
rière (1698-1737); Pierre-François Carrière (1737-1768); Jean-
François Carrière (1768-1783), et Guillaume Briet (1783-1809).
Inutile d'insister sur le grand intérêt que présente pour nous
le versement de M** Bigou. Il est prouvé que les minutes nota-
riales sont une des sources les plus abondantes et les plus pré-
cieuses de notre histoire et depuis longtemps les érudits locaux
ont entrepris de l'exploiter. Mais nos archives départementa-
les, moins riches que leurs voisines, ne possédaient qu'un petit
nombre d'anciens registres notariaux donnés par des particu-
liers et n'avaient reçu qu'un seul vei-sement de notaire ; et
encore s'agissait-il de documents sur la seigneurie d'Albret
cédés en 1899 par M" Labat, de Casteljaloux, et n'ayant pas le
caractère de minutes notariales privées. Avec M" de Lacvi-
vier, d'Agen, qui va incessamment déposer ses actes anté-
rieurs à 1789, M* Bigou est le premier notaire qui ait bien
voulu combler cette lacune regrettable. Il convient de l'en féli-
citer en formant le vœu que son exemple soit suivi.
L'archiviste départemental a procédé cette année : 1"* au
triage de la bibliothèque du Petit Séminaire d'Agen dont
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— 72 —
408 volumes ont été déposés aux archives départementales ;
et 2"*, avec M. Rabalé, professeur départemental d^agriculture,
à une vaste enquête sur la délimitation des vins de la région
bordelaise dont Tavait chargé le Conseil général. Les résultats
de celte enquête lus en séance publique ont été publiés in-
extenso dans le volume du Conseil (session extraordinaire
d'octobre 1909).
J'ai également continué Tinventaire de la série L. Trois
feuilles ont été tirées. Elles sont relatives aux élections munici-
pales pendant la Révolution ; à la police révolutionnaire, à la
salubrité publique, aux subsistances ; aux divisions adminis-
tratives, à la population, à 1 etat-civil, à Tagriculture, au com-
merce et à rindustrie, au nouveau système des poids et mesu-
res et à la comptabilité départementale.
Archives des communes, — Bok. — Dossiers en bon état de
conservation dans un placard. Les délibérations municipales
ne commencent qu'en 1837. Pas d archives révolutionnaires,
si ce n est Tétat-civil : deux registres dem.-rel. parchemin de
1793 à l'an X et de Tan II à 1812 ; et un cahier concemant pour
Tan III la paroisse et section de Saint-Pien^e-de-Gaubert.
Bon-Encontre. — Pas d'archives anciennes à la mairie. La
commune faisait autrefois partie de la juridiction d'Agen,
comme Boé. Les cadastres anciens et les registres paroissiaux
sont à Agen. Pas d'archives révolutionnaires, si ce n'est l'état-
civil : Naissances, 1795-1812, mariages, 1795-1812; décès,
1795-1812. Ensemble trois registres reliés. Les délibérations
du Conseil municipal sont relativement récentes.
A Lafox, la mairie est de construction récente. Les archi-
ves municipales étaient entre les mains d'un érudit qui écrit
actuellement l'histoire de la commune. Ni délibérations de ju-
rade, ni registres paroissiaux. Un terrier de 1748 classé
E suppP 1125 et marqué à tort dans l'inventaire comme dé-
posé aux archives départementales. Pour la Révolution un
registre in-folio, relié parchemin : « Délibérations du corps
municipal » du 18 mars 1790 au 19 pluviôse an XIII (100 pa-
ges), et en tournant le volume sens dessus-dessous un <( recen-
sement de la Garde-nationale (1790) », 4 pages.
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- 73 -
A CoLAYRAc, ni fonds ancien, ni documents révolutionnai-
res. L'état-civil commence en 1802 et les délibérations muni-
cipales en 1832.
A SAiNT-HiLAmE, j'ai trouvé un registre relié non inventorié;
c est l'état civil des paroisses de Saint-Hilaire, Maurignac,
Saint-Laurent, de 1742 à 1792 (E supppP 38 bis). Aux'archives
départementales a été déposé un cahier de baptêmes, mortuai-
res et mariages concernant la paroisse Saint-Hilaire, 12 feuil-
lets (1704-1708) (E suppr 30 bis). Pas d'autres archives révo-
lutionnaires que six cahiers relatifs à la contribution foncière
et trois registres reliés d'état-civil de 1793 à 1801.
Les fonds modernes de la mairie d'AcEx sont aujourd'hui
triés et classés. Mais le classement ne saurait être que provi-
soire ; il reste à tout grouper en séries et en sous séries.
Le Pas.sack n'a d'autres documents de la période révolu-
tionnaire que deux registres d'état-civil reliés (an ll-an VI; an
Vl-an X). liu fonds ancien inventorié, une pièce de 1767 a dis-
paru depuis longtemps; elle était cotée E suppl* 15.
A FouLAYRONNEs uu registre d'état-civil rel. an IV-an X et
7 liasses du Bulletin des Lois de l'an II à l'an VIL Les délibé-
rations municipales commencent en brumaire an IX.
Les délibérations de Bajamont parlent de 1838. Et cependant
mention est faite dans un inventaire ancien de la mairie (1843
et 1871) d'un cahier contenant les actes municipaux de 1792
au 5 thermidor an XL Trois registres reliés d'état-civil : nais-
sances, an IV à 1820; mariages, 1793-1820; décès, an 11-1820.
Pont-du-Casse. Bulletin des Lois de Tan II à l'an VIII et un
registre d'état-civil de 1795 à 1802.
(A suivre.)
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BIËLIOGUAPMIË
Histoire de Damazan depuis le xi* siècle jusqu'à nos jours, par
\e chanoine P. Dubourg, docteur en théologie, curé de Layrac. —
I11-8** de 681 pp. Villeneuve-sur-Lot, imp. Renaud Leygues, 1911,
avec planches.
Voici un beau volume que les amateurs de notre histoire age-
naise, accueilleront avec plaisir. Il se présente sous une couverture
séduisante, que les bibliophiles sauront apprécier. Vous pou-
vez l'ouvrir sans crainte, Tintérieur tient les promesses du dehors
et si le cadre est beau, le tableau lui est bien supérieur.
Vous suivrez, avec plaisir et aussi avec fruit, l'histoire d'une bas-
tide agenaise depuis sa fondation jusqu'à nos jours. Avec un guide
si autorisé et si bien documenté, vous sortirez charmés et ravis de
votre excursion dans le passé.
La paroisse de Damazan existait déjà au début du xii* siècle,
puisqu'elle est nommée dans une donation faite à l'abbaye cister-
cienne de Fontguillem à cette époque. C'est sur son territoire que
le frère de Saint Louis, Alphonse de Poitiers, le grand bâtisseur
des villes neuves du Sud-Ouest, jeta les fondements du Castrum
Comilale, château comtal, qui reprit par la suite son nom primitif
de Damazan. Cette bastide nouvelle fut entourée de remparts, dé-
fendus par de nombreux ouvrages avancés, qui lui ont valu le nom
de ville aux cent tours.
Sous la domination anglaise, Damazan prospéra rapidement,
grùce surtout aux foires créées par les souverains anglais et qui
attiraient dans ses murs les populations voisines. Comme toutes
les villes du pays, elle eut à souffrir cruellement de la guerre de
Cent Ans, et des entreprises violentes et répétées des seigneurs,
notamment des Montpezat, mais elle sut toujours panser ses plaies
et réparer ses ruines.
Au XVI* siècle, l'hérésie protestante fit ici des adeptes, mais moins
nombreux qu'ailleurs, car s'ils avaient leur cimetière particulier,
ils ne possédaient ni temple ni ministre. Cependant, les guerres,
que le protestanlisiue déchaîna, causèrent beaucoup de ruines spi-
rituelles et matérielles et détruisirent, entre autres, en 1585, l'église
de Damazan.
La vaste juridiction de Chàteau-Comtal, qui comprenait au
moyen-âge jusqu'à sept paroisses, reçut des coutumes spéciales
c|ui réglaient tous les détails de l'administration municipale. Leur
texte est perdu. M. le chanoine Dubourg, malgré cette lacune re-
grettable, a su, à l'aide de nombreux documents provenant en par-
tie des études notariales, nous montrer cette administration se déve-
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loppanl et se transformant selon les époques. Puis, la Justice, les
écoles, l'hôpital, les seigneurs, les familles et les maisons nobles
de la juridiction, ses principaux habitants, défilent devant nous,
avec une riche documentation et une précision rigoureuse. Les
paroisses de la juridiction, Thisloirc des curés, des grangers de
Fontclaire, la période révolutionnaire, la période moderne avec ses
administrations civiles et religieuses ont fourni matière à de co-
pieux chapitres ou des paragraphes d'un intérêt très vif.
M. le chanoine Dubourg sait tout du passé de Damazan, et il le
raconte avec un plaisir qu'il ne cache pas. Il a mis dans son tra-
vail tout son cœur et à le lire on sent Témotion d'un fils qui parle
avec amour de sa famille. Relisez sa préface, et vous verrez com-
Lion il est fortement attaché à ce coin de terre qui la vu naître/
combien il éprouve de joie à en redire à ses compatriotes l'histoire
attachante et à évoquer le nom des ancêtres. Son livre est uiT véri-
table chant d'amour à la petite patrie :
Quinze lustres passés, me revoyant moi-même,
Tout seul en ma cellule, à celle heure suprême,
Bercé par un doux rêve, où se mouillent mes yeux,
Je songe aux vieux parents, qui m'aimèrent le mieux.
Je revois le clocher de mon bien cher village,
Le petit jardinet, où dès mon premier âge,
Je prenais mes ébats ; le modeste logis,
Où des frères nombreux et quelques vieux amis
Virent naître en mon cœur l'amour pour votre gloire,
O mon Dieu î De ce temps il reste en ma mémoire
Des souvenirs pieux. Transporté loin de loi.
J'ai gardé ton amour, je t'ai gardé ma foi !
De tes sites gracieux, du riche paysage
Rien n'a pu de mon cœur en effacer l'image,
O mon cher Damazan î où mon cœur est resté,
Ce livre est le tribut de ma fidélité.
C'est un fort riche tribut certes, où nous ne savons ce qu'il faut
admirer le plus ou du travail et des longues recherches iqu'il a oc-
casionnés, ou du soin attentif donné à la rédaction, ou de l'exécu-
tion matérielle du livre. Rien n'a été négligé pour le rendre agréa-
ble et utile, ni les fines phototypies qui nous font connaître les
les monuments les plus intéressants du pays, ni les documents
curieux, ni les tables qui faciliteront les recherches. Aussi bien,
sommes-nous persuadés que ce nouvel ouvrage de M. le chanoine
Dubourg aura un vif et légitime succès. J.-R. Marboltin.
Un héros de la Grande-Armée. Jean Gaspard Hulot de Collart,
officier supérieur d'arlillerie (1780-1854), par le Vicomte du Moley,
lauréat do Tlnslitul. (Paris, Alph. Picard, 1911. — In-8° de 585 pp.)
de 585 pp.)
En même temps que paraissaient dans la Revue de TAgenais la
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biographie crabord, puis la Correspondance inédile de Bory de
Saint-Vincent, M. le vicomte du Motey publiait à Paris, en un gros
volume orné de portraits et de planches, la biographie et la Corres-
pondance de Jean-Gaspard llulot de CoUart sous le titre : Un héros
de la Grande- Armée, Or, il est impossible, après avoir lu ces deux
ouvrages, de ne pas assimiler les deux personnages qui en font les
frais — non qu'ils eussent le même caractère ni les mêmes goûts,
Bory, spirituel, vantard, autoritaire, et pardessus tout naturaliste,
Hulot au contraire timide, silencieux, modeste, homme de devoir'
,ct d'obéissance passive, — mais parce que, contemporains, ils ont
couru les mêmes dangers, se sont coudoyés sur les mêmes champs
de bataille, ont partagé à la paix à peu près le même sort, ont vécu
ip même nombre d'années. Et cependant ils semblent ne s'être point
connus ; car, en aucun de leurs écrits, ils ne parlent l'un de l'autre.
Il est A'rai que s'il leur avait fallu nommer tous leurs compagnons
d'armes, la France entière y serait passée. Néanmoins, leur existen-
ce a élé si bien remplie, leur vie s'est déroulée si mouvementée et
on même temps si méritoire, qu'il était du devoir de tout historien,
soucieux des gloires de la patrie, d'exhumer de l'oubli leur mé-
moire et de la rappeler à la postérité.
N'est-ce pas en outre un devoir pour nous, et en même temps un
bien grand plaisir, que de signaler aux lecteurs de ce Bulletin le
nouvel ouvrage de notre collègue, membre résidant de la Société
académique d'Agen et travailleur infatigable, ainsi que l'atteste la
liste de ses nombreux ouvrages, en tête de laquelle il convient de
placer sa belle^étude sur Guillaume d'Orange et les origines des
Antilles françaises, couronnée, on ne l'ignore pas, par l'Académie
française.
Le hasard, cette fois encore, a bien servi M. du Motey. Car, c'est
en fouillant un sac volumineux de vieux papiers, qu'il a trouvé des
documents de premier ordre sur cette famille llulot, — qui n'a au-
cun rapport, hâtons-nous de le dire, avec l'Agenais — d'abord
originaire 4e la Normandie, puis transportée dans les Ardennes et
fixée particulièrement à Charleville. « Le nom de Hulot, écrit M. du
Motey, est inscrit sur l'Arc-de Triomphe de l'Etoile ». Il fut porté
simultanément par trois généraux distingués : le maréchal de camp
d'artillerie, Jacques-Louis, baron Hulot, auteur de Souvenirs mi-
litaires estimés ; le lieutenant-général d'infanterie Etienne, égale-
ment baron llulot, dit de Mazerny, cousin du précédent ; enfin le
général de cavalerie, Etienne-Constant Hulot, dit d'Osery, frère de
la maréchale Moreau. Ce n'est d'aucun de ces trois que' s'occupe
'M. du iMotey, mais seulement du plus jeune frère du premier de
Jean-Gaspard Hulot, né en 1780, entré à l'Ecole polytechnique en
1/96, capitaine d'artillerie en 1807, chef de bataillon en 1813 enfin
sur sa demande, en 1830, admis à la retraite avec le erade de lieu'
tenant-colonel.
« Les nombreuses et rudes expéditions auxquelles il prit part sans
u la moindre interruption, la noblesse et l'excessive modestie de son
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^ r? -
« caraclère, Tabus révoltant qu'il en fut fait lors de la dispensation
i( (les récompenses h l'issue de ces luttes de géants, noVis permet-
« lent de considérer ce travail comme un acte d'équitable et loin-
« laine réparation. »
Lutte de géants en effet que cette marche triomphale de la Grande
Armée, de 1805 h 1811, à laquelle prit une part des plus actives
Jean Gaspard Hulot, presque toujours attaché, en sa qualité d'an-
tien polytechnicien, à la direction d'un parc d'artillerie, soit qu'il
suivît rEmpeVeur en Autriche, en Prusse, en Dalmatie, soit qu'il
opérât en Espagne et en Portugal, où il fut fait prisonnier et en-
voyé sur les pontons de la Corogne, où il demeura plus de six mois
(4 d'où il ne fut délivré qu'en janvier 1809 par son cousin le colo-
nel Etienne Hulol, lors de la conquête de la Galice par le maréchal
Soult.
C'est certainement une des pages les plus captivantes de ce livre
(jue le journal de captivité, écrit au jour le jour et reproduit in ex-
tenso par M. du Moley, où Gaspard Hulot nous fournit les plus
curieux renseignements sur ce mode d'emprisonnement, cher aux
Anglais, qui consistait à entasser les soldats français sur de vieux
vaisseaux de ligne hors de service, délabrés, malsains, où tout
manquait, et où ils enduraient les pires misères.
Plus impressionnants peut-être encore sont les détails sur la dé-
sastreuse campagne de Russie, l'incendie de Moscou, le passage
de la Bérésina, la déroute de la Grande Armée, donnés par Hulot,
non plus dans un journal, mais dans les lettres qu'il écrivait à sa
famille, à son frère, à ses amis, et que complète si éloquemment la
narration toujours claire, sobre, qu'y intercale M. du Motey.
Car deux méthodes s'offraient à lui : « Celle, écrit-il, très facile
« d'un simple recueil de documents, ou bien la tâche plus labo-
« rieuse d'une biographie. Nous avons préféré la dernière, qui
t< classera ces documents, nous l'espérons, suivant le vœu de
« Taine, les demandant « abondants, caractéristiques et bien clas-
« ses », et fera aussi avec plus de vérité revivre l'homme et le soldat.
« Ce travail n'est le plus souvent d'ailleurs que le texte et le simple
« enchaînement des documents originaux. »
Mais celte chaîne est très habilement forgée, et c'est plaisir que
de parcourir, sans fatigue aucune, cette longue série de faits prodi-
gieux qui se déroula pendant dix années consécutives jusqu'à la
chute de Napoléon.
Ce n'est pas sans un moindre intérêt qu'on suit encore Gaspard
Hulot, toujours d'après ses notes de service, ses diplômes officiels,
sa correspondance, ses réflexions personnelles, passé, après 1815,
à l'état de demi-solde, remplissant avec zèle les diverses missions
qui lui furent confiées à Bourges, à Cherbourg, à Douai, puis re-
prenant du service actif dans l'armée des Pyrénées lors de la guerre
d'Espagne en 1823, échouant à la Martinique comme directeur de
l'artillerie de 1826 à 1830, rentrant enfin à ce moment en France et
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- 78 -
prenant à Charleville, après les journées de juillet, une retraite
bien méritée.
Jean Gaspard Hulot ne fut pas seulement un soldat accompli, il
fut aussi un profond moraliste. Témoins ses Conseils^ qu'il écrivit
dans sa retraite cl où il développa « les idées morales que lui avait
données son expérience » sous le titre de : « Règles de conduite que
« doit se prescrire un ieune homme à son entrée dans le monde et
« quil doit suivre pendant toute sa vie pour iouir du seul et vrai
« bonheur quil est possible de trouver sur la terre ». Ses réflexions
sur le Bonheur, la Santé, le Savoir, le Travail, la Bonté, le Devoir,
la Vie intérieure, la Religion, dénotent un vrai penseur, professant
une philosophie sereine et bienfaisante, un soldat qui est demeuré
un homme heureux. Et c'est avec raison que M. du Motey écrit en-
core : « Gaspard Hulot s'est aussi révélé à nous comme un type très
« pur de qualités morales, qui peuvent laisser ingrate la profession
« d'un homme, mais qui socialement font la valeur et la force d'une
« race. Ce caractère, dans la mesure où il les étonnera, intéressera
« peut-être les individualistes d'aujourd'hui, en leur offrant en
« dehors de leur formule, la vue d'une âme heureuse. D'autres qui
« voient plus loin que la vie d'un homme, attacheront du prix à sa
(c passion pour le devoir, à sa haine des faiblesses, à la fermeté de
« ses croyances, à la dignité de ses mœurs, à son énergie, à sa
« conscience, et, enfin, trait singulièrement frappant, à sa silen-
« cieuse, à son extrême modestie. Et nous aurons déjà fait une œu-
« vrc utile aux Français de notre temps, si le rayonnement de cette
« noble figure éveille la sympathie et force ladmiration. »
Que M. du Molcy soit satisfait. Ses vœux seront exaucés. Car, par
la manière si attrayante avec laquelle il a su présenter cette masse
de documents et rattacher les faits particuliers ignorés aux faits
généraux déjà connus, son ouvrage restera une source précieuse
de rcnseigîiements nouveaux pour tous ceux qui ne cesseront
d'être les admirateurs passionnés de Tépopée impériale.
Ph. Lauzun.
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CHRONIQUE RÉGIONALE
Vœux de nouvel an. — Comme tous les ans, la Société archéo-
logique de Ta rn-et- Garonne -a adressé ù la Société académique
dWgen ses vœux de nouvel an, formulés er^ ces jolis vers :
1912
u Lmbra [agit, volai hora, dies lugit, occidil annns ; »
« Mors venit el saxiSj » olim cecinere poelœ |
\os umbras, horas, scriplis revocamus el annos,
Reddimus el saxis lalebrosis lumina vitœ.
Sic agri cidlor glebas inverlil aralro,
(Il rnandel curvis viventia semina sulcis.
Nonne es tu, (râler, quoque {ossor et artis arator ?
Campos hisloriœ [lorenles verte fréquenter,
Et per te, celebris [lorebit gloria patrum !
A son tour, la Société d'Agen lui a répondu par l'envoi des dis
tiques suivants, dus à la plume autorisée de M. le professeur
l, Fcrrèrc, vice-président de la Société :
Prospéra qua* nohis mandas, a{(lante camena,
Nos juvat exlemplo vota re[erre tibi.
Quantum vota placent socium testantia pectus I
Nam longœva [ides, his renovata, viret,
Anni succedunl ut (luclus fluctibus instant.
Qui dum mutanlur, [lumen idem superest.
Vita Huit pariter, vanescunt corpora. Gestis
Scriptisque œternum mens animusque manent.
Sic œterna, soror, vives, et nomina patrum
Splendebunt, studiis irradiata luis,
Gloria nos ead^m sequitur tua signa secutos.
Qui tibi, cara cornes, corda manusque damus,
F. Ferrêre.
Les fouilles de Ses. — Dans les séances des 15 el 29 décembre
1911, M. C. Jullian a lu à T Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres une communication de M. J. Momméja, conservateur du
Musée d'Agen, sur les découvertes récentes faites à Sos. Cette com-
munication a été publiée dans le fascicule de janvier 1912 de la
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- 80 -
neruc défi Etudes nnciennefi (annales de la. Faculté des Lettres de
liordoaux). On Irouvera, en tète de notre numéro, les deux excel-
lents mémoires de MM. Jj Uuffau .et Ch. Bastard qui, par leur
clarté comme par leur exactitude, donneront, sur ce sujet, aux lec-
teurs de la Revue, tous les renseignements désirables.
Les ducs d'Epemon et le château de Gaumont. — Les deux
ducs d'Kpernon ont laissé trop de souvenirs dans TAgenais pour
(lue nous ne signalioi^ pas la monographie que M. le marquis de
Castelbajac publie en ce moment dans le Bullelin de la Sociélé
archéologique du Gers, sur le beau chûteau de Caumont, canton de
Samatan (Gers), berceau de leur famiJle et leur première résidence.
L'auteur en donne une descri()tion archéologique très complète avec
plan t^ Tappui, et il en rappelle tous les faits historiques, agrémen-
tant sa notice de superbes phototypies qui en augmentent le charme
et lui donnent un intérêt encore plus considérable.
Epilogue des fêtes de Romas. — Par décret de janvier dernier,
MM. J. Bergonié, professeur de physique biologique et d'électricité
médicale à T Université de Bordeaux, et M. Paul Courteault, pro-
fesseur d'histoire de Bordeaux et du Sud-Ouest à l'Université do
Bordeaux, membres tous deux de l'Académie de cette ville, corres-
pondants de la Société des Sciences, Lettres et Arts d'Agen, ont été
nommés le premier, officier, le second, chevalier de la Légion
d'honneur. On n'ignore pas quelle part importante tous deux avaient
prise à l'organisation et à la célébration des fêtes (jui ont eu lieu, en
octobre dçrnier, à Nérac, à l'occasion de l'inauguration du monu-
ment de Jacques de Romas.
Un l'olume vient de paraître à cette occasion : Œuvres inédites
de J. de Romas sur V Eleciricilé , publiées par les soins de V Acadé-
mie de Bordeaux, choisies et annotées par M. J. Bergonié, avec
une notice biographique et bibliographique de M, P. Courteault
(Bordeaux, Imp. (iounouilhou, 1911. ln-8^ de 306 pp. avec portrait
et planches.) Il contient de multiples mémoires, lettres, obsenalions
(le J. de Romas sur l'électricité, suivis d'une bibliographie de ses
écrits et d'un important appendice concernant les faits et gestes,
certificats, diplômes, nominations, etc., de l'illustre physicien,
notre compatriote.
— En sa qualité de professeur d'histoire de Bordeaux et du Sud-.
Ouest de la France, M. Paul Courteault traite cette année, à la
Faculté de Bordeaux, les sujets suivants : le mercredi à 5 h. 1/2 :
Le château Trompette et la place des Quinconces (suite) ; le jeudi à
;î h. \/2 : La Gascogne à travers les siècles.
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- 81 -
Le legs de l'abbé Lanusse. — Les collcclions de Tabbé Lanussc
n'ont vraiment pa» de cliancc. Après avoir été refusées par la ville
de Tonneins, à qui l'ex-anmônicr de TEcole de Sainl-Cyr les avait
léguées, pour cause de charges trop onéreuses qu'imposait la vo-
lonté du testateur, voici que la ville d'Agen, qui légataire h défaut
de Tonneins les avait d'abord acceplées à condition de ne pas avoir
à supporter les frais, voit la délibération de son Conseil municipal
annulée par le Conseil d'Etat, « comme incomplète et i)ouvant don-
ner lieu à des procès ». Appelé de nouveau ù délibérer sur ce sujet,
le Conseil municipal d'Agen vient, dans sa séance du 27 février der-
nier, en présence de cet arrêt, de refuser à son tour purement et
simplement le legs de l'abbé Lanusse, comme trop onéreux cl aussi
pour défaut de place pour son installation. C'est avec regret que
nous enregistrons celte décision.
Antiquités et objets d'art des départements. — In décret du
11 avril 19()8 avait, on le sait, modifié du tout au tout et organisé à
nou\eau, au ministère des Beaux-ArLs, le service du classement des
antiquités, œuvres d'art et autres objets meubles et immeubles par
destination visés par la loi du 30 mars 1887. En dehors d'un ins-
pecteur général des monuments historiques, de trois inspecteurs
généraux adjoints des antiquil-és et objeis d'art, et de six inspec-
teurs, il a été nommé tout récemment, dans chaque département,
un conservateur spécial. « choisi parmi les personnes qui possè-
« dent une compétence reconnue eu matière d'art, d'archéologie ou
ft d'histoire, qui résident dans le département et ce après examen
« de ses titres j)ar le Comité consultatif des inspecteurs généraux
« des monuments historiques et avis du préfet (art. 4). »
Une instruction ministérielle, en date du P' juin 1910, fournit les
détails les jjIus complets sur le mode de classement desdits objets
nobiliers appartenant à l'Etat, aux départements, aux communes
ou aux anciennes fabriques, ainsi que sur leur surveillance.
Elle rappelle entre autres choses, aux conservateurs, « que la loi
« du 13 avril 1908, portant modifications de certains articles de la
« loi du 9 décembre 1905, attribue aux communes ou à l'Etat la
H propriété de la totalité du mobilier garnissant les églises ; mais
« que, par ailleurs, la loi du 2 janvier 1907, concernant l'exercice
« public du culte, laisse, en vertu de l'art. 5, à la disposition des
« fidèles et des ministres du Culte, la totalité de ce même mobi-
« lier ». D'où il résulte « que Vensembte des objets, meubles ou im-
« meubles par destination garnissant une église, se trouve immo-
« bilisé dans celte église et rendu indisponible entre les mains tant
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- 82 —
« de Uoccupant qui en a Vusage, que de la commune qui en est de-
<( venue propriétaire.
« Enfin il convient de noter que, aux termes de Tarticle 68 de la
« loi du 5 avril 1884, sur Torganisalion municipale, aucune aliéna-
<( lion et aucun échange de biens communaux ne peut avoir lieu
« sans une délibération du Conseil municipal, soumise elle-même à
<{ l'approbation de l'autorité supérieure. »
Tels sont les termes même de l'Instruction ministérielle. 11 était
bon de les reproduire in extenso afin que Ton comprenne toute
l'importance du classement de nos richesses artistiques nationales,
seule manière de les rendre inaliénables et de les conserver à l'en-
droit môme où elles se trouvent.
Ont été nommés Conservateurs des antiquités et objets d'art, dans
la région : i\lM. le marquis de Fayolle, conservateur du Musée de
Périgucux, pour la Dordogne ; M. le chanoine Poltier, président
de la Société archéologique de Monlauban, pour le Tarn-el-Garon
ne ; M. J. Monmiéja, conservateur du Musée dWgen, pour le Lot
ct-Garonne ; M. Ph. Lauzun, président de la Société archéologique
du Gers, pour le département du Gers. Ph. L.
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NÉCROLOGIE
EDOUARD PAYEN
Vendredi soir, 8 mars, la ville d'Agen était tout à coup plongée
dans la consternation. Un de ses plus sympathiques enfants,
Edouard Paycn, architecte départemental, venait de mourir, ter-
rassé par un mal foudroyant. Il n'était âgé que de 42 ans. Il laissait
une jeune veuve et trois enfants, disparaissant en pleine force de
rage, en pleine maturité de son talent.
Edouard Payen était, depuis sept ans, membre de la Société des
Sciences, l.ettres et Arts dWgen. La place toute spéciale qu'il y oc-
cupait, les services (lu'il lui a rendus, les souvenirs si excellents
qu'il y laisse, nous font un pieux devoir de les rappeler ici. Mieux
que tout article, les trois discours qui ont été prononcés sur sa
tombe mettent trop bien en relief ses qualités intellectuelles et
morales, résumant sa vie, malheureusement trop courte, de pro-
bité et de travail, pour que nous ne tenions pas à les publier in-
exlenso, remerciant leurs auteurs de ce qu'ils ont bien voulu choi-
sir la Revue de VAgenais pour y être insérés et contribuer ainsi à
perpétuer la mémoire de cet homme de bien, de ce collègue aux
relations toujours si courtoises, si correctes, si aimables.
N. D. L. R.
Discours de M, le Préfet de Loi-^t-Garonne
Messieurs,
Avant-hier soir, une nouvelle affreuse se répandait dans la
ville : Edouard Payen venait de succomber, frappé par une
mort foudroyante, et notre émotion égalait notre stupeur.
Comment pourrais-je, en présence d'un malheur aussi
grand et aussi inattendu, Iraduiro par des paroles impuissan-
tes toute notre émotion et tous nos regrets ?
Et cependant, je ne veux point manquer à ce triste et pieux
devoir, et je viens apporter nos derniers adieux, notre regret
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- a4 —
suprême à celui qui nous est enlevé par une mort aussi im-
prévue.
Avec quelle sympalhie émue nous compatissons à Timmense
douleur de celle qui le pleure et de ses pauvres enfants ! El
quelle profonde tristesse nous éprouvons en face de cette exis-
tence brisée en pleine activité.
Gomment détacher notre pensée de Timage toujours pré-
sente de rhonmie laborieux, éminemment bon cl aimable, qui,
hier encore, accomplissait sa tâche coutumière.
Il nous semble à tous que nous venons de lui serrer la main :
et c est une impression de douloureuse stupéfaction qui nous
accable en songeant à la catastrophe qui l'enlève si tragique-
ment à Taffection de sa famille, à la sympathie, à Testime de
ses amis et de ses concitoyens.
Des sympathies et des amitiés, qui pouvait, dans cette ville
d'Agen, en réunir 'davantage qu'Edouard Payen ?
Allié aux familles les plus honorables de la région, (ils de
cette race agenaiso si aimable et si douce, il possédait au plus
haut degré ces qualités d'affabilité, de cordiale simplicité, de
droiture, si souvent appréciées par tous ceux qui l'ont appro-
ché.
Ils lui garderont leur estime et leur souvenir fidèle.
Ancien élève de l'Ecole des Beaux-Arts, architecte distin-
gué, homme de goût et d'expérience, Edouard Payen occu-
pait en Lot-et-Garonne avec une grande compétence des fonc-
tions où son grand-père et son père s'étaient distingués avant
lui par une longue et honorable carrière.
ijc deuil qui frappe aujourd'hui si cruellement cette vieille
famille agenaise porte en même temps une pénible atteinte aux
espérances que ses concitoyens étaient en droit de fonder sur
les connaissances et les goûts artistiques d'un homme jeune
encore, et qui avait déjà donné mainte preuve de sa haute ca-
pacité dans l'art de l'Architecture.
A cette ville d'Agen, berceau de sa famille, il a payé sa dette
de reconnaissance en lui laissant le plus beau don qu'un fds
{)uisse faire à la cité natale : la plus forte manifestation de son
talent : cet Hôtel de la Préfecture, dont les lignes sobres et im-
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— 85 -
posantes, prolongeant le Palais de Justice, ferment la perspec-
tive de la Place Annand-Falliéres, et donnent à cette j)artie
de la ville ce caractère de calme grandeur qui s'harmonise
avec les lignes paisibles des coteaux agenais et le large cours
de la Garonne.
Beaucoup d'hommes n'ont pas eu, au coui-s d'une existence
plus longue, une carrière plus digne et plus honorablement
remplie. Car, dans celte belle profession où son père et son
grand-père lui avaient tracé la voie, les travaux les plus per-
sonnels concourent encore à l'embellissement de la cité et à
l'accroissement du patrimoine commun des générations.
Si quelque adoucissement peut être apporté au malheur qui
frappe si douloureusement sa famille éplorée, que ce soit par
ce sentiment de profonde pitié, d'affliction générale, et aussi
d'universelle estime, qui réunit autour d'elle tous les amis et
les concitoyens de celui auquel nous adressons ici un dernier
hommage.
Discours de M. Ph. Lauzun. secrétaire perpétuel^
au nom de la Société académique d'Ageiu
MtsDAMKs, Messieurs,
I^ 17 août dernier, mourait à Agen, à l'âge de 81 ans,
M. Léopold Payen, ancien architecte départemental, l'un des
doyens de la Société académique de celle ville, au nom de
laquelle j'ai l'honneur de parler en ce moment. Nous perdions
en sa personne un de nos collègues les plus estimes et les plus
aimés.
Il laissait un fils, digne héritier de sa charge comme de ses
qualités.
Pourquoi faut-il que, six mois seulement après, ce même
caveau s'entrouvre pour recevoir ses dépouilles mortelles, el
que la mort impitoyable soit venue l'enlever brusquement, à
i2 ans, à l'affection des siens, comme à celle de tous ceux qui
l'ont connu ?
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Edouard Payen faisait, depuis son arrivée à Agen, après sa
sortie de l'Ecole des Beaux- Arts de Paris, partie de notre
Société. Et c est chose trop rare que de voir inscrits sur la
liste de ses membres le père et le fils, pour ne pas que nous
tenions à le rappeler ici.
Cet honneur, tous deux le devaient à leurs connaissances
spéciales, perpétuant dans leur famille une tradition ininter-
rompue depuis trois quarLs de siècle. Edouard Payen ét^it, en
effet, à tous égards, le digne continuateur de son père, comme
.celui-ci l'avait été de son beau-père, M. Bourières, architecte
départemental et également membre de la Société des Scien-
ces, Lettres et Arts d'Agen.
La part prise par notre jeune collègue à nos travaux n'a
pas été considérable. C'est que, dès ses débuts, il fut absorbé
par ses occupations professionnelles, son père lui ayant aban-
donné sa nombreuse clientèle, et lui transmettant ses titres
d'architecte départemental chargé des bâtiments de l'Etat et
de rhospice, d'architecte de^ monuments historiques, d'ins-
pecteur des édifices diocésains.
C'était plus qu'il ne fallait pour le rattacher forcément à l'ar-
chéologie, si déjà il n'y avait été porté autant par ses goûts
personnels que par ses études particulières, faisant ainsi dé-
mentir la légende qui veut qu'archéologues et architectes
soient des frères ennemis, toujours prêts à s'entredéchirer.
Il ne m'appartient pas de parler ici de ses travaux d'archi-
tecte, notamment de la reconstruction de la Préfecture, ni de
l'aménagement nouveau du Musée d'Agen, qui depuis cinq ans
ont absorbé le meilleur de son temps. Mais ce que je puis affir-
mer c'est qu'Edouard Payen avait plus qu'aucun autre le
goût de l'archéologie, goût qui s'est manifesté chaque fois
(ju'unc occasion se présentait à lui de signaler à notre Société
untj découverte, ou de lui demander aide et conseil pour la
restauration de quelque vieux monument.
\e s'est-il pas empressé d'appeler notre aflention sur la
reconstruction des remparts de Viatmc, de certaines parties du
château de Bonatjuil, de la vieille abbaye de S^-Maurin, de la
tour d'//aa/c/aj/e, et de bien d'autres encore, corrigeant par-
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— 87 —
fois, sans en avoir Tair, les fautes que 1 eloignemenl sans doute
faisait commettre en haul lieu, et s efforçant d'apporter tou-
jours ses lumières et ses soins aux opérations, souvent fort
délicates, dont il était chargé. »
Ne se fit-il pas dernièrement un devoir de nous soumettre
son projet de restauration de la coupole de iéglise de Moirax.
à la suite des importantes découvertes qu'il y avait faites, et
de le publier, sur notre demande, dans la Revue de VAgenais,
avec planches et plans sortis de son crayon, toujours si fidèle,
si artistique, si exact ?
N'avons-njus pas trouvé en lui le plus précieux des auxiliai-
res, lorsque nous avons fait classer, comme monument histo-
rique, la très curieuse chapelle capiiulaire de S*'Caprais ? El
la ville d'Agen ne doit-elle pas à sa diligence et'à une insistance
que rien n'a rebutée, la conservation de la jolie façade de la
Maison dite du Sénéchal, rue Puits-du-Saumon, seul spécimen
que nous possédions de l'architecture civile du xrv* siècle.
Enfin, n'avons-nous pas, tous, encore présent à la mémoire,
le beau geste qui restera à son honneur, vrai couronnement
de sa trop courte carrière, geste inspiré tant par sa foi reli-
gieuse que par sa piété filiale et qui vaut a notre yille de con-
server ce clocher de Sainlc-Foy, qu'il considérait comme une
des meilleures œuvres de son père, et que par sa généreuse
initiative il a arraché, de haute allure, à la pioche des démolis-
seurs .
Un avenir brillant s'ouvrait devant Edouard Payen. Entouré
de la plus charmante famille, il avançait, heureux, dans la vie
qui de tous côtés lui souriait La mort est venue bnjsque-
ment le surprendre dans la force de l'âge, en pleine maturité
de son talent. Elle a tout anéanti !
Devant ce malheur irréparable, nous ne pouvons que nous
incliner, mais non sans manifester nos plus vifs regrets. Car
en Edouard Payen, à qui nous adressons ici un dernier adieu,
nous perdons le collègue le plus courtois, le plus serviable, le
plus dévoué, assurant sa famille éplorée, à laquelle nous nous
unissons étroitement de c(rur en ce moment, qu'au sein de la
Société académique d'Agen, comme partout d'ailleurs où il est
passé, son souvenir ne périra pas.
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Discours de M. Mauran^ entrepreneur
au nom du Syndicat des Entrepreneurs et Ouvriers
du Lot-et-'Garonne
Mesdames, Messieurs,
Je ne pouvais songer, il y a six mois à peine, que
la mort, cette faucheuse insatiable et dédaigneuse du choix de
ses viclimcs, conlinuanl son œuvre de destruction, viendrait
foudroyante et presque sans répit arracher à sa famille, rayon-
nante hier encore de joie et de bonheur, plongée aujour-
d'hui dans la plus affreuse détresse, l'époux, le père qui lui
avait voué les moindres instants de sa vie et tout son amour.
Plein de vie et d'ardeur, rien ne faisait présager une fin si
proche et si inattendue ; dès que transpira la nouvelle fatale,
CCS simples mots coururent de bouche en bouche : Monsieur
Payen est mort. Ce fut une profonde tristesse, de la stupeur.
Ces sentiments s[)ontanés de tous les cœurs ne sont-ils pas le
meilleur éloge qui se puisse faire ?
Tous ceux qui l'ont connu ou approché savent combien son
aménité et sa courtoisie rendaient les relations faciles et agréa-
bles ; il était bon, bienveillant et accueillant pour les humbles,
d'humeur toujours égale pour tous ; il était de ceux qui, par
leurs qualités du cœur, obligent au respect et forcent la sympa-
thie, je pourrais même dire l'amitié.
Digne continuateur de l'œuvre paternelle, sa vie fut toute
de devoir et d'honneur ; il sut, lui aussi, respecter et faire res-
[)ecler les intérêts divers dont il avait charge, intérêts qui, dans
son esprit de droiture et de justice, n'étaient ni opposés ni in-
conciliables ; il osa même, en maintes circonstances, se faire
le défenseur opiniâtre de ses collaborateurs sans souci de ses
propres intérêts. Il remplissait tout son devoir, sachant le faire
lemplir à chacun sans heurt ni froissement ; tache souvent
ardue et difficile, mais qu'une nature, douée comme la sienne,
accomplit sans que rien décèle l'effort ou la volonté impérieuse
(le celui qui commande. On respectait Tarchitecte, on aimait
le chef. Il eut toujours le mépris, dans l'exercice de sa profcs-
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sion, de toute idée mercantile, n'ayant pour guide que sa
conscience ; son rùle fut digne et bienfaisant. C'est encore un
honnête homme qui nous laisse à jamais.
Que les regrets et la douleur qui nous étreignenl soient un
soulagement à ceux de sa famille et lui apportent un adoucis-
sement à sa peine.
J'adresse à sa famille éplorée, au nom des patrons et ou-
vrieiN, ses humbles collaborateurs, et en mon nqfn personnel,
l'expression de nos condoléances les plus vives et de nos re-
grets les plus sincères.
Cher Maître, reçois, au seuil de cette tombe qui va se fermer,
notre dernier adieu.
Enfin, s'approchant à son tour de cette tombe entr'ouverte.
M. Tussot, architecte à Bordeaux et président de l'Association
des Architectes diplômés de la région du Sud-Ouest, est venu
exprimer, en termes émus, les regrets profonds qu'Edouard
Payen laissait au cœur de ses anciens camarades de l'Ecole
des Beaux-Arts de Paris, comme de tous les jeunes architectes
de la région, qui l'avaient connu, apprécié et aimé.
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PROCÈS-VERBAUX
les Séanees ie la Seeiété les Seienees, Lettres et Arts i'Agen
Séance du 4 Jancier 1912, — Présidence de M. le chanoine Durengues
M. le trésorier rend ses comptes pour Tannée 1911 ; ils sonl ap-
prouvés à Tunanimité.
Il est ensuite procédé, conformément aux statuts, à Téleclion du
trésorier. M. Ratier est réélu trésorier de la société.
M. le chanoine Dubourg offre à ses collègues le beau volume cfu'ii
vient de publier sur VHistoire de Damazan, depuis le xi' siècle jus-
qu'à nos iours. Il en sera rendu compte dans la Revue de VAgenais.
La bibliothèque nationale de Florence demande que la société
veuille bien lui faire don du volume de son Recueil, où MM. Magcn
et Jules de Lalïore ont publié d'importants document» sur Jules
César Scaliger.
Les Fouilles el Découvertes de Sos, provoquées par l'établisse-
ment de la gare des tramways, occupait trop en ce moment l'atten-
tion du monde savant pour que la Société académique d'Agen n'ait
pas tenu à être mise sciemment au courant de la question.
En conséquence, M. J. Momméja a bien voulu lui expliquer,
planches et plans en mains, d'après les visites qu'il a faites sur les
lieux, qu'il vient d'être mis à jour un mur d'enceinte d'environ 15
à 20 mètres de longueur, dont le côté nord serait formé de blocs
énormes de pierre, très irrégulièrement taillés, renfermant de gros
trous pour tenons en bois, lesquels, d'après lui, seraient bien anté-
rieurs à la conquête romaine.
Plus tard, au iv' siècle, ainsi du reste qu'il fut fait dans toutes
les villes du S.-O. de la Gaule, ce mur, détruit déjà en partie, fut
rebâti avec tous les matériaux qu'on rencontra sous la main, dallés
de marbre, chapiteaux, fûts de colonnes, etc., provenant de monu-
ments romains renversés. Dans le nombre figure une stèle votive
dont une face porte une inscription fort mutilée, mais où il est pos-
sible de lire une dédicace à la déesse Tutèle, dont le culte était si
fréquent dans le pays.
De ces quelques objets et premières découvertes faut-il conclure
déjà que Sos était l'oppidum des Sotiatcs dont le lieutenant de
César, Crassus, eut tant de peine à s'emparer ? M. Lauzun et, avec
lui, plusieurs de ses collègues estiment qu'il serait bien téméraire
de l'affirmer. Aussi, ne s'expliquent-ils pas comment, sur ces sim-
ples données, l'éminenl professeur d'antiquités au Collège de
France, M. Camille Jullian, a pu affirmer, dans sa communication
à l'Institut, reproduite et si fortement amplifiée par toute la presse,
(jue la question de l'emplacement de l'oppidum des Sotiates était
définitivement tranchée, et que la ville de Sos et ses environs, con-
formément au texte de César, renfermeraient de riches mines de
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- 91 -
fer et de cuivre, source inépuisable de fortune pour les industriels
de l'avenir !
— La nouvelle pierre à trous, découverte ces jours-ci à Valence-
sur-Baïse (Gers), a trop de ressemblance avec celle du Musée d'Agen
déjà décrite, pour que M. Lauzun n'ait pas cru devoir la présenter
à ses collègues. Il estime une fois de plus qu'il faut voir en ces
deux petits monumcnls, des Mensa ponderaria, ainsi que Ta si
bien expliqué M. Caguat dans le compte-rendu de 1905 de Tune des
séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, non pas
peut-être des tables de mesures-étalons, comme le portent les ins-
criptions non équivoques de pierres analogues trouvées récem-
ment à Timgad et à Khamissa, mais de simples tables servant à
mesurer, soit des liquides quand elles sont percées de trous com-
muniquants, soit des solides, grains, denrées alimentaires, etc.,
dont faisaient commerce les marchands. Est-elle romaine, comme
celle d'Afrique ? M. Lauzun ne le pense pas, la ville de Valence
sur Baïse ne datant (jue de l'année 1274. Il ne la croit pas moins
fort ancienne, « fournissant la preuve évidente d'une survivance
de l'antiquité romaine ». Ph. L.
Séance du 7" /écrier 1912. — Présidence de 3f . le chanoine Durengues
En réponse aux vœux annuels, formulés en vers latins par la
Société archéologique de Tarn-et-Garonne, M. Ferrère lit de char-
mants distiques, également latins, adressés à la Société de Mon-
tauban, et qui ne peuvent que resserrer plus étroitement les liens
des deux Compagnies.
La Société continue à s'occuper de la question de VOppidurn des
Sotiates.
M. Lauzun donne lecture, en premier lieu, d'un Mémoire envoyé
par M. Dufl'au, pharmacien à Sos, « qui a suivi pas à pas les.fouil-
« les et rend compte de Fétat des travaux, sans vouloir prendre
« parti pour telle ou telle école ». 11 explique d'abord la configu-
ration topographique du plateau de Sos, dont la superficie totale
ne dépasse pas 32 hectares. Il décrit les couches géologiques suc-
cessives, formant, de haut en bas, le talus en terre rapportée, qui
constitue, du côté nord, le seul ouvrai^e défensif de l'ancien oppi-
dum. Il suit, après, le parcours de la t énarèze, depuis le haut pla-
teau de Loustaîet au nord jusc[u'à son entrée dans la ville et sa des-
cente dans la vallée de la Gélisc au sud, constatant « qu'elle passait
« autrefois aux mêmes points où elle passe aujourd'hui ». Il rap-
pelle, d'après les traditions encore conservées, l'existence des deux
« Porlau de S^-Martin au nord, et de la Capère au sud »; et, abor-
dant la question controversée des deux murs parallèles, à 5" 40 de
distance, construits avec ces gros blocs de pierres, que les uns
croient ibérigues, les autres seulement gallo-romains, il estime
qu'ils pourraient avoir servi de soutènement à un temple païen
^allo-romain, élevé peut-être à la déesse Tutèle, démoli ensuite par
les barbares au iv* siècle et dont les débris furent jetés par desssus
les remparts, là où on les a retrouvés aujourd'hui
Complétant ces données, M. Bastard, conducteur des ponts et
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— 92 -
chaussées à Mézin, qui a suivi également de très près ces fouilles,
communique un second Mémoire, « où il présente, toujours avec
(( planches et plans à Tappui, tout ce qui l'a frappé, poussé par le
<( seul désir d apporter h l'histoire de Sos quelques matériaux que
« des personnes plus autorisées pourront employer à mettre en
« œuvre ». Il rappelle la position exacte où furent trouvés les gros
moellons à trous à tenons, ainsi que la stèle votive, dont il repro-
duit les deux traductions, très différentes Tune de l'autre, celle de
M. C. Jullian et celle de M. Tabbé Médan ; et, traversant le vallon-
nement, il énumère tous les objets gallo-romains trouvés sur le pla-
toan (le Loustalet ; il en donne des dessins très exacts ; ayant bien
soin de ne pas oublier la dernière découverte, « celle d'une aire bat-
« tue de pieux, à 3" 40 de profondeur, au niveau du sol de la tran-
« chée, et qui semble délimiter un charnier d'où l'on a sorti des
« cornes, des os, des carcasses de bêtes inconnues ». Il conclut en
pensant que Sos n'était pas seulement la riche ville gallo-romaine,
dont tout le monde s'accorde à reconnaître l'existence, mais un cen-
Ire d'agglomération bien plus ancien, remontant non seulement aux
ibères, mais plus haut, « à des populations primitives, qui avaient
(( dû élever avec ces pieux leurs fragiles constructions ».
M. Donnai constate que les découvertes récentes de Sos doiinent
lieu à de nombreuses hypothèses. Il indique les anciennes trou-
\ailles faites à diverses reprises dans la région : hache de bronze,
poteries, tuiles à rebord, débris de colonnes, monnaies gauloises
décrites par M. de La Saussaye, inscriptions, morceaux d'éperon,
sépultures antiques, etc., etc., signalées depuis longtemps par
M. G. Tholin. Aujourd'hui, qu'a-t-on mis à jour ? des flbules, une
()U deux monnaies, une stèle votive romaine dont la lecture a donné
lieu à plusieurs interprétations, un reste de mur à gros blocs, dont
on ne connaît pas l'usage et dont la date et l'origine sont disculées ?
Pour placer à Sos l'oppidum des Sotiates, cité par César, il faut
s'en rapporter surtout aux travaux anciens, que les découvertes ré-
centes ne font que confirmer.
En 'conséquence, M. Donnât propose à la Société d'émettre le
vœu, qu'en présence des découvertes faites à Sos, autrefois et au-
jourd'hui, des fouilles nouvelles, conduites méthodiquement, soient
effectuées au plus tôt sous le patronage de l'Académie des Inscrip-
tions et Delles-Leltres.
Ce vœu est adopté à l'unanimité.
Ph. L.
La Commission d'administration et de gérance : 0. Fallières, Ph. Laasnn, 0. Granat.
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UN AGENAIS AMI DE RONSARD
JEAN DUTEEUILH DE BELOT
Tout le monde connaît le jugement porté par Boileau contre
Ronsard, chef de la Pléiade.
Ronsard qui le suivit, par une aulre méthode
Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode,
Et toutefois longtemps eut un heureux destin.
Mais sa muse, en français parlant grec et latin,
Vil dans Tâge suivant, par un retour grotesque,
Tomber de ses grands mois le faste pédanlesque.
Ce poète orgueilleux, trébuché de si haut,
Rendil plus retenus Desporles et Berlaul.
Enfin, Malherbe vint (1).
(c Cet arrêt mémorable, au^si injuste par ce qu'il omet que
par ce qu'il signifie, a fait la loi, malgré tout, pendant deux siè-
cles (2). » Sainte Beuve mil fin à cette injustice, et depuis on
n'a pas cessé de travailler à la réhabilitation de Ronsard. Les
travaux de MM. Paul Laumonier (3) et Henri Longnon (4) en-
tre autres, nous font connaître en détail la vie du poète, son
œuvre et ses amis.
Parmi ces derniers, il en est un, dont la vie a échappé en
partie aux excellents travailleurs que nous venons de nom-
mer. C'est Jean de Belot, auquel le poète dédia deux de ses
poésies, La Lyre et L'Ombre du Cheval.
Déjà en 1874, M. Ph. Tamizey de Larroque posait à son su-
jet la question suivante.
« A la page 1192 des Œuvres complètes de Ronsard (édi-
tion de Paris 1623), on trouve une pièce intitulée « La Lyre »
(1) BoUeau, Art poélique^ 1" chant.
(2) Paul MoriUol, DoUecu. Lecène Oudin, Paris, Classiques Populaires,
p. 70.
(3) P. Launionicr, Ronsard, poète lyrique. Hachelle, 1909.
(4) H. Longnon, Pierre de Ronsard. Paris, Champion, 1912.
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adressée « à Jean Belot, agenais, maistre des requestes de
rhoslel du roi ». Les commentateurs ne nous apprennent rien
sur ce personnage auquel le grand poêle parle comme à un
ami :
Belot, parcelle ains le tout de ma vie.
Que sait-on de Belot (D? >»
Jean de Belot, en effet, était bien agenais d origine. Son nom
a été écril de deux façons : Belot ou Bellol. La première forme
est la vraie, et cesl ainsi qu'il signait. Mais ce n'est là qu'un
surnom, ou plutôt un nom de terre, ajouté au nom patronymi-
que de Dutreuil ou Dulreuilh.
A la fin du \V siècle, les campagnes agenaises, par suite des
guerres étrangères ou civiles, et de la peste, dont les ravages
périodiques faisaient de grands vides dans la population,
étaient désolées et dépeuplées. La richesse et la fertilité de nos
coteaux et de nos plaines attirèrent bientôt le trop plein des
régions voisines, Saintonge, Périgord et Rouei^ue.
C'est à ce moment qu'une colonie de Rouergats vint s'établir
à Cancon et dans les environs (2). Au nombre de ces immi-
grants se trouvait la famille Dutreuilh, dont un membre, Mar-
tial Dutreuilh, était curé de Cancon en 1490.
Au début du xvi* siècle, Jean Dutreuil, qualifié marchand,
est installé au château de Belot. C'était peut-être le frère du
curé de Cancon. Il fit son testament le 24 juin 1529 (3).
Il laissait trois fils. Martial, François et Jean. Martial a, en-
tre autres enfants, Jean Dutreuilh, qui se maria avec Peyronne
de Plamond et autre Jean Dutreuilh, cehii qui nous intéresse.
François et Jean Dutreuilh, entrés dans les ordres, furent
curés, le dernier de Saint-Paul-le-Haut, le premier de Sene-
selles et de Castelnau-de-Grattecambe. Nous en reparlerons
plus bas.
(1) Reuue de Gascogne (1874), l. xv, p.
(2) Reçue de rApenais (1909), l. xxxvi. Emigration des Rouergats en Age-
nais à la [in du XV' et au vommen cernent du X\V siècle, par L. Massip,
p. 320.
(3) L. Mn.ssi[), llisfoire dr la riUe et des ^icigneurs de Cancon. Agen, Michel
01 MiMlîin, 1891, p. 242.
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Le petit château de Belot, au-dessous de l'église de Millac,
est bâti sur la penle douce qui descend vers le Cluzélou. C est
une habitation du \\f siècle, élevée peul-élre par la famille
Dulreuilh.
Le principal corps de logis-i?st un grand rectangle, divisé en
d^ux par un mur de refend. Les vastes salles, ainsi formées,
s'ouvrent à chaque étage sur un escalier, logé dans une tour
ronde, placée au milieu de la façade sud. In toit très aigu,
porté par une superbe charj^entt», et de larges fenêtres à me-
neaux croisés, donnaient à ce logis un air d'élégance originale.
Il paraît, d'ailleurs, avoir été édifié avec un certain luxe. Les
portes étaient munies de serrures curieuses, véritables petites
œuvres d'art. L'une d'elles sul)siste encore. Elle est décorée
de petits arcs trilobés de style flamboyant.
Des bâtiments de diverses natures et de dates variées, ajou-
tés aux deux extrémités du château, du côté sud, formèrent
une cour, clôturée par un mur percé d'un large portail.
C'est le vrai manoir rural, si commun dans notre pays, muni
de toutes les dépendances nécessaires à l'exploitation agricole
du domaine. Quelques défenses peu importantes, meurtrières,
mâchicoulis et créneaux, aujourd'hui disparus, le rendaien!
capable de résister à un coup de main (1).
Dans ce petit château de Belot, caché par les bois, dans un
coin de l'Agenais, un peu désert peut-être, mais si pittoresque,
avec ses coteaux boisés et ses claires vallées, Jean Dutreuilh,
fils de Martial, vint au monde, à une date que nous ignorons.
De son enfance nous ne connaissons rien. Où fit-il ses étu-
des? A Bordeaux, peut-être, où le célèbre collège de (îuyenne,
dirigé par des professeurs renommés, préparait à cette ville
une génération de parlementaires qui devait faire sa gloire ?
Je serais porté à croire, en effet, qu'il étudia dans ce collège,
en même temps que Michel Montaigne, dont il fut l'ami.
Quoiqu'il en soit, c'est dans cette ville, la capitale de notre
(1) Le château de Belot appartient à la très ancienne famille, originaire du
Bruilhois, de Lozes de Plaiîrance.
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province, que Jean Dutreuilh de Belot vint se fixer au sortir de
Tadolescence. Il ne larda pas à s'y marier avec Jeanne Le-
comte, fille de Guillaume Lecomte et de Françoise de Coulon-
ges.
Guillaume Lecomte appartenait à une très ancienne famille
de Bordeaux, qui fournit au Parlement de nombreux et remar-
quables dignitaires. Lui-même, après avoir occupé le poste
de procureur général, fut pouiTu, en 1544, d'une charge de
cinquième président. Au mois d'août de Tan 1550, il acheta
de haut et puissant seigneur Messire Frédéric de Foix de
Caudale et d'Astarac, les terres et seigneuries de La Tresne
et de Cénac (1).
Jean Dutreuilh de Belot, le fils de l'humble marchand de
Cancon, s'alliait donc à une des plus riches et des plus nobles
familles du Bordelais. A défaut de noblesse très ancienne, il
apportait une fortune respectable et bien assise. Il possédait
on effet, en Agenais, des biens très importants, qui furent pour
lui une cause de récusation dans un procès engagé par les
jurais de Bordeaux contre un marinier de Toulouse qui avait
introduit du vin prohibé. Cinquante membres du Parlement fu-
rent récusés dans celle affaire pour diverses raisons. Jean de
Belot le fut à cause de ses propriétés « Monsieur de Bellot,
parce qu'il est beau-frère ayant espousé la sœur dudit sieur de
Conte cl oullre qu'il a grands inléretz à la descente des vins du
Haut pays où il a grandz biens (2) ».
Bientôt même il agrandissait son domaine, en achetant,
dans le Bazadais, non loin de SauveteiTe de Guyenne, le châ-
teau de Pommiers.
Au xvf siècle, cette seigneurie de Pommiers passa en de
nombreuses mains. En 1507, elle appartenait à dame Isabeau
d'Albret, qui eut à soutenir un procès contre les habitants
pour le droit de guêl. Elle eut deux fils, Alain et Amanieu de
Foix.
(1) A. Communay, Le Parlement de Bordeaux. Louis Favraud, Bordeaux,
188G, p. lie.
(2) Archives historiques de la Gironde, t. xix, p. i72.
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Alain de Foix, vicomte de Castillon, vendit, en novembre
1520, à Marie d'Albret, belle-mère d'Isabeau, 320 livres de
rentes sur la seigneurie de Pommiers. Il vendit de même 320
livres de rentes sur la partie de Pommiers, la plus voisine
de Gironde, à Louise de Bouffil de Juge, mère d'Alain le
grand, veuve de Jean de Montferrand, le dernier jour de fé-
vrier 1520 (1521 n. st.).
En 1524, au mois de novembre, noble Charles de Montfer-
rand, fils de Jean de Montferrand et de Louise Bouffîl de Juge,
reçut en dot, par son contrat de mariage, la seigneurie de
Foncaude et les rentes sur Pommiers.
Ces divers actes causèrent bientôt un procès entre Charles
de Montferrand et Nicolas Boyer, devenu acquéreur de Pom-
miers (1).
Nicolas Boyer (Bohier ou Bouhier), est bien connu. Né à
Montpellier en mai 1499, il fut successivement avocat à Bour-
ges, conseiller au Grand Conseil et président au Parlement
de Bordeaux (2). On a de lui plusieurs ouvrages en latin, no-
tamment un petit livre devenu fort rare intitulé (( Prœdarus et
elegans traclatus de sediliosis(3))), etc., qui nous intéresse plus
spécialement, par les détails qu'il fournit sur l'émeute popu-
laire survenue à Agen en 1513. 11 était marié avec Marie Bour-
sier, que les documents appellent La Boursière.
Nicolas Boyer acheta Pommiers le 23 juin 1531, à Messire
Amanieu de Foix, protonotaire apostolique, frère d'Alain,
pour la somme de 12,600 livres tournois. Il mourut le 17 juin
1539, laissant Pommiers à sa femme Marie Boursier. Celle-ci
légua cette terre, partie à l'hôpital Saint-André de Bordeaux
et partie à son neveu Jean de Boursier (4).
C'est à Jean de Boursier que, le 31 juillet 1561, Jean Du-
treuilh de Belot acheta Pommiei-s pour la somme de 600 li-
(1) Archives du château de Lafox, factura manuscrit du xvi' siècle.
(2) A. CommuDay, loc. cit., p. 183.
(3) M, Ph. Lauzun a donné, dans la Revue de VAtjenais, t. xxviii, en tête
d'un article intitulé la Commune à Agen en 1514, la curieuse gravure qui se
trouve dans ce livre.
(4) Archives du château de Lafox.
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vres. Le contrai de vente, passé à Bordeaux par le notaire
André Graney, renferme de curieux détails (1).
En 15()3, lors de l'aliénation de certains biens du clergé, or-
donnée par le roi, l'abbé de Blasimonl, Bernard de Lacombe,
vendit certaines rentes à Jean de Belot qui ne les garda pas
longtemps (2).
L'année suivante, Jean de Belot mariait sa nièce Catherine
à Jean de Raffin. Le contrat de mariage fut passé au château
d'Hauterive, le 27 décembre 1564. Le père de Catherine était
mort, depuis quelques années, et Jean de Belot, conseiller au
Parlement de Bordeaux, présidait à ce mariage, sans doute en
qualité de tuteur. Il constitua à la mariée une dot de 12,000 liv.
Parmi les témoins qui signent au contrat, se trouve Michel de
Montaigne, l'auteur des Essais, un ami de Jean de Belot (3).
A cette époque ce dernier habitait, à Bordeaux, une maison
au Chapeau-Rouge. Il était en relation avec la plupart des
parlementaires lettrés qui illustrèrent cette ville. A ce moment,
en effet, une phalange d'esprits distingués et d'humanistes
remarquables, presque tous sortis du collège de Guyenne, je-
tait sur Bordeaux un vif éclat. « La savante colonie de profes-
seurs qui était arrivée à Bordeaux, dit M. Dezeimeris, trouva
dans les membres du Parlement des personnages d'un savoir
supérieur, voués au culte de l'antiquité, et, en peu de temps,
il se forma comme une vaste Académie, où magistrats et ré-
gents se plaisaient à deviser des choses de l'esprit (4). »
Alors brillèrent tour à tour André Tiraqueau, Briand de
Vallée, Arnaud de Ferron, Nicolas Boyer, Malvyn de Ces-
(1) Archives du châleau de Lafox, copie vidimée de 1621.
(2) Variétés Girondines, par Léo Drouyn. Bordeaux, F6rel, 1884, l. iv,
p. 39.
(3) Généalogie manuscrite de ht [amitié de Raflin, par II. Beaune, commu-
niquée par M. l'abbé Dubois. Dans la séance du 5 novembre 1911, M. l'abbé
Dubois présenta à la Société des lettres, sciences et arts d'Agen, un livre
de comptes fort curieux de Jean de Belot. Cet érudit très obligeant, auquel
j exprime toute ma reconnaissance pour les nouveaux renscignenicnts que
je lui dois, possède des documents intéressants sur la famille de Belol, qu'il
se propose, je crois, de nous faire connaître bientôt.
(4) La Renaissance des Lettres à Bordeaux au XVI' siècle, par Dezeime-
ris, in Actes de l'Académie de Bordeaux, 1863, p. 538 et tirage à part.
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sac, Guillaume de Lur de Longua, Guy de Goulard de Bras-
sac, Montaigne, La Boëtie. « A Bordeaux, disait Joseph Sca-
liger, du temps de mon père, entre soixante sénateurs, il y en
avait plus de vingt habiles et doctes personnages ».
Jean de Belot, qui peut-être avait lui aussi étudié au collège
de Guyenne, pouvait paraître avec honneur dans ce milieu
intellectuel. Il sut s'y faire des amis, dont les principaux furent
les plus illustres^ Montaigne et La Boëtie.
Montaigne, nous l'avons vu, vint en Agenais, au château
d'Hauterive, sur les bords du Lot, en 1564, pour assister au
mariage de Catherine de Belot, nièce de son ami.
Montaigne et Belot, ces deux noms sont associes dans une
superbe épitre en vers latin que La Boëtie, un ami commun,
leur adressa après les désordres de la première guerre civile.
Citons simplement le début de cette épître, traduite par Sainte-
Beuve :
« Montaigne, toi le juge le plus équitable de mon esprit, et
toi Belot que la bonne foi et la candeur antique recommandent,
ô mes amis, ô mes très chers compagnons, s'écrie le poète,
quels sont vos desseins, vos projets, vous que la colère des
dieux et que le destin cruel a réservés pour ces temps de misè-
re ? Car pour moi, je n'ai d'autre idée que de fuir sur des vais-
seaux, sur des coursiers, n'importe où, n'importe comment.
Dites, voyez, qu'y a-t-il, en effet, de mieux à faire, si toutefois
on le peut encore (1). »
Les temps étaient durs, en effet, et difficiles. Certes, Belot
pouvait en savoir quelque chose. Dans son pays natal, les es-
prits surchauffés par les nouvelles doctrines ne connaissaient
plus aucune retenue. Un de ses parents, François Dutreuilh
de Belot, curé de Castelnau de Grattecambe, eut beaucoup à
souffrir de leurs agissements. Le 11 avril 1561, il écrivait à-
Monseigneur l'Evêque d'Agen, pour demander la conduite à
tenir dans les circonstances difficiles où il se trouvait. Il a
appris que les protestants, ne craignant plus rien, ont fait le
projet d'empêcher les offices de la semaine sainte, de mettre
(1) Sainte-Beuve. Causeries du Lundi, 3' édit. Garnier, t. xii, p. 151.
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- 100 —
le feu à sa maison et de le tuer. Ils ont d'ailleurs déjà com-
mencé à s'attaquer aux. églises, où les ruines s'accumulent.
Ce n'étaient pas de vaines menaces. Le jour de Pâques, pen-
dant les vêpres, les protestants assemblés injurient les per-
sonnes qui faisaient une procession. Puis entrant dans l'église,
ils interrompent l'office. Une bagarre s'ensuit. Il y a des bles-
sés de part et d'autre. François de Belot est obligé de se dé-
pouiller à la hâte de ses vêtements sacerdotaux, de s'enfuir et
de s'enfermer dans sa maison. Les protestants le poursuivent et
viennent l'assiéger. Mais des amis le délivrent. Dans la nuit
les séditieux s'emparèrent de sept ou huit paroissiens de Cas-
telnau, les chargèrent de fers et les emmenèrent prison-
niers (1).
Jean de Belot, parent du curé de Castelnau, pouvait donc,
à bon droit, s'associer aux plaintes de La Boëtie et gémir avec
lui sur ces temps de misère. Fidèle à son Dieu, il resta, comme
nous le verrons, un ferme et sage défenseur de la religion ca-
tholique.
C'est vers cette époque qu'il fil la connaissance de Ronsard.
La cour de France quitta Fontainebleau, au mois de mars
1564, et entreprit un voyage autour de la France. Elle visita
Agen en février 1505, et, peu après, Mont-de-Marsan et Rayon-
ne. De grandes fêtes se donnèrent dans cette ville, en l'honneur
de la Reine d'Espagne. Ronsard y fut mandé.
Il partit, en effet, mais ne put achever son voyage. M. P.
Laumonier, si merveilleusement renseigné pour tout ce qui
intéresse le chef de la Pléiade, ne croit pas qu'il ait assisté aux
fêles de Rayonne (2). Arrivé à Rordeaux, une crise de rhuma-
tismes l'arrêta et il fut obligé de séjourner dans cette ville.
Il y fut, très probablement, l'hôte de de Relot, en sa maison
du Chapeau rouge. C'est du moins ce que permet de croire ce
passage de la Lyre : •
(1) Archives déparlcnientales, Fonds de l'Evêché. F. bis. Deux lettres de
François Dutreuilh de Belol.
(2) P. Laumonier. Udilion crilique de la vie de Ronsard par Bineit p. 157
à 158.
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- 101 -
Mais aussi lost qu'au bord de la Garonne
Je te cognu, d'esprit et d'âme bonne
Courtois, honneste, hospital, libéral.
Plus loin, il le compare à Mécène, protecteur des poètes, et
dit que sa maison « aux muses est ouverte ».
La Lyre, cependant, fut écrite plus tard. Elle est adressée
à u Monsieur de Belot, conseiller et maistre des requestes de
rhostel du Roy ». Or Belot ne reçut ce titre que le 8 janvier
1569(1).
M. P. Laumonier affirme que cette pièce fut composée à la
veille de la bataille de Jarnac (13 mars 15G9).
La Lyre et l'Ombre de cheval parurent pour la première fois
en août 1569. Le texte de 1571, que nous donnons plus loin,
n'est que le second (2).
Au reste, la dédicace a varié de forme selon les éditions.
Dans l'édition de Gabriel Buon, de 1571, elle est telle que
nous venons de la donner. Dans l'édition de 1584, elle est
ainsi conçue : « A Jean Belot, bordelais, maistre des reques-
tes du Roy ». Dans celle de 1623, chez Nicolas Buon, Paris,
nous trouvons : « A Jean Belot, agenais, maître des requestes
de l'hôtel du Roy (3)».
Il est donc impossible de se tromper, pour l'identification
de ce personnage, agenais par son origine, bordelais par sa
résidence.
La Lyre est une longue pièce d'environ 450 vers où abondent
les allusions mythologiques, mais qui nous fournit aussi quel-
ques renseignements intéressants sur Jean de Belot. En quel-
ques mots voici le sujet.
(1) p. Laiimonièr. Ronsard, poêle lyrique, p. 23*-?, note 1. ~ Et du môme
auteur, Tableau ehronolotjique des Œuvres de Ronsard, 2' édif. Hachette
1911, pp. 44 et 45.'
(2) V. la thèse de doctorat de P. Laumonier, Ronsard, poète lyrique. Ha-
chette 1909.
(3) Je tiens à signaler toute la part prise à ce travail par un amateur très
avisé de notre histoire locale, M. J. Daurée de Prades. Grâce à son obli-
geance et à ses recherchas à la Bibliothèque de Bordeaux, j'ai pu connaî-
tre diverses éditions de La Lyre et de l Ombre du Cheval et nombre d'autres
notes très importantes. Je le prie de vouloir bien trouver ici l'expression de
toute ma gratitude.
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— 102 —
Ronsard avait abandonné la poésie et pendu sa lyre au croc,
pour s'adonner tout entier à l'agriculture. Au cours d'un voya-
ge « aux bords de la Garonne » il rencontra Belot avec lequel
il se lia d'amitié. Dès cet instant, il est pris du désir de chanter
son ami, pour transmettre son nom aux générations futures.
Il exécute son projet, en dépeignant Belot ami des muses et en
décrivant avec complaisance une merveilleuse lyre, enrichie
de scènes mythologiques gravées dans l'ivoire, que son ami
aurait ofleile à V Apollon gaulois, c'est-à-dire â Ronsard lui-
même.
Tel est le thème de cette longue pièce. Noas apprenons par
elle que Belot était « de corps massif » et d'aspect un peu
lourd, (( que son air était sévère et son front pensif », ce qui ne
l'empêchait nullement d'être gai, tout en étant <( docte, prudent
et sage ». Sa marche était lente mais en revanche son esprit
était très vif, et ceux qui, jugeant les hommes par les apparen-
ces extérieures, le croyaient d'intelligence lourde et paresseu-
se, se trompaient étrangement. Sa nature bonne le rendait ai-
mable, hospitalier, généreux, ce qui lui attira de vives amitiés,
et entre autres, celle de Ronsard.
Que l'on nous permette quelques citations, nous les prenons
dans l'édition de 1571.
LA LYRE
A Monsieur de Bellot, conseiller et maislre des requêtes
de Vhostel du Roy. —
Belot, parcelle, aiiis le tout de ma vie,
Quand je le vy, je n'avois plus emie
De voir la Muse, ou danser à son bal,
Ou m'abreuver en Tcau que le cheval
D'un coup de pied fit sourçoyer de terre.
Peu me plaisait le laurier qui enserre
Ces doctes fronts : le myrte Paphien,
Ny la fleur teinte au sang adonien,
Ny toul Tesmail que le Printemps colore,
Ny tous ces jeux que la jeunesse honore :
Ne me plaisoient : Ah ! malade et grison
J*aimois sans plus l'aise de ma maison,
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— 103 —
Le doulz repos : quittant la Poésie
Que j'a\ ois seule eu jeunesse choisie
Pour soulager mon cœur qui bouillonnoit,
Quand de son Irait Amour Taiguillonnoit,
Comme un venin glissé dedans mes veines,
Entremeslanl un plaisir de cent f)eines.
Je ne faisois, alaigre de séjour,
Fust au coucher, fust au lever du jour,
(Ju'eiiler, planter, et tirer à la ligne
Le cep tordu de la joyeuse vigne
Oui rend le ca*ur du jeune plus gaillard.
Et plus puissant l'estomac du vieillard.
.Favois TEsprit qui le labeur desdaigne,
Depuis un peu tout en friche et brehaigne,
Stérile et vain, ou soit qu'il fust lassé,
De trop d'enfans conceuz au temps passé,
Soit qu'il cherchast le repos solitaire :
Il m'assuroit de jamais plus ne faire
Rime, ny \ers, ny prose, ny escrit
Voulant sans soing vivre comme un esprit.
Mais aussi tost qu'aux bords de la Garonne
Je le connu d'esprit et d'ame bonne.
Courtois, honneste, hospilal, libéral,
Toutes vertus ayant en général :
Soudain au cœur il me prist une envie
De te chanter, à fin (ju'après la vie
Le peuple sceust (|ue tes Grâces ont eu
Un chantre tel, amy de la vertu.
Pour ne souffrir (jue tant de verlus tiennes
i'heussent là-bas aux rives Slygicnnes
Sans nul honneur, et qu'une mesnic nuit
Pressast ta vie et Ion nom et ton bruit.
Rien, mon Belot, n'y sert la grand'despense,
Les despensiers emboufiz de bonbance
Veulent gaigner par un art somptueux
Ou par banquets, par vins tumultueux,
La gloire humaine, et abusez se trompent,
Et par le trop eux-mêmes se corrompent.
Sans acquérir un chantre de renom
Qui sans banquelz peut célébrer leur nom
Par amitié, mon lielot, pour leur table.
Pour vin exquis, ny pour mets délectable :
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-^ 104 -
Car aujourd'huy chacun sçait sagement
Que vaut le chou, et vivre sobrement :
Ainsi que toy qui des chantres la grâce
Gangnes aray, non par la soupe grasse,
Mais par l'honneur que gaillard tu leur fais :
Pour ce à Tenvy sont chantres de tes faits.
Par quel escrit faut-il que je commence
Pour envoyer des Muses la semence ?
J'entens mes vers par toute Europe, affin
Que ton renom survive après ta fin ?
Ta face semble et tes yeux solitaires
Aux creux vaisseaux de noz apoticaires.
Qui par dessus rudement sont portraits
D'hommes de dieux à plaisir contrefaits,
D'une Junon en l'air des vents soufflée,
D'une Pallas qui voit sa joue enflée.
Se courroussant contre son chalumeau,
Que par despit elle jeta souz l'eau,
D'un Marsyas despouillé de ses veines :
Et toutesfois leurs caissettes sont pleines
D'ambre, civette et de musq odorant.
Manne, Rubarbe, aloés secourant
L'estomac foible : et neantmoins il semble,
Voyant à l'œil ces images ensemble,
Que le dedans soit semblable au dehors.
Tel fut Socratc, et toutefois alors
En front sévère, en œil mélancholique,
Esloit l'honneur de la chose publique.
Qui rien dehors, mais au dedans portait
La saincte humeur dont Platon s'alailait.
Et toutefois il estoit comme toy
De front austère et de triste visage.
Au reste gay, docte, prudent et sage.
Celuy qui voit ton front un peu pensif.
Pense l'esprit comme le corps massif.
Et ton dedans il juge par la montre
Qui morne et lente et pensive se montre
Suivant ton estre, ou ton astre fatal :
Mais il se trompe et te juge très mal.
Car quand tu veux refraischir la mémoire
Des plus sçavants, ou soit par une histoire
Des vieux Romains, ou des premiers Grégeois,
Ou par les faits propres à noz François.
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- 105 —
Ou quand lu veux parler des Républiques,
Du raaniment des Estais politiques,
Comme un grand Roy soit en guerre ou en paix
Doibt gouverner soy-mesme et ses subjects.
Ou quand tu veux parler de la justice,
Et de la Loy Pédagogue du vice.
Ou quand tu veux monter jusques aux cieux,
Et descouvrir des astres et des Dieux,
Ou à propos de quelque autre science :
Lors de ta voix distille l'Eloquence,
Un vray Socrate, et ton docte parler
Fait le doux miel de tes lèvres couler,
Montrant au jour la vertu qui t'enflame,
Ayant caché au plus profond de Tâme
Je ne sçay quoy de rare et précieux
Qui n'aparoist du premier coup aux yeux :
Car dans ton vase abondant tu recelés
Dix mille odeurs estranges et nouvelles
Si qu'en parlant tu donnes assez foy
Combien ton ûme est généreuse en toy
Par la vertu de ta langue qui pousse
Un hameçon aux cœurs tant elle est douce.
Encor que Rome au temps de Mœcenas,
De PoUio, vist son siècle tout las,
De factions, d'embrasement de villes ;
Et toutefois le bonheur le suyvoit
D'autant qu'en luy un Mœcène vivoit.
Un Pollio, un Messale, un Auguste
Prince guerrier, ensemble Prince juste :
Qui balança d'un équitable poix
Icy la Loy, et de là le harnois,
Et le grand Nil flt couler souz l'empire
Qui par sept huis dedans la mer se vire :
Nil dont la source aux hommes n'aparoist
Et qui sans pluye en abondance croist
Aux plus chauds mois, et d'une eau limonneuse
Rend à foison l'Egypte bien heureuse.
Ainsi ce siècle à bon droit sera dit
Heureux d'autant que mon Belot y vit.
Dont la maison aux muses est ouverte,
Es dont la place à la foule est couverte
Des pas de ceux qui reviennent où vont
Boire de l'eau du Tertre au double front.
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— 106 —
L'un en cecy, l'autre en cela le chante :
Mais de chacun la chanson plus fréquente
(Qui plus au cœur nous laisse d'aiguillon)
C'est qu'en voyant le Gaulois apollon
Tout mal en poinct en;er par nostre France,
A qui la sotte et maligne ignorance
Au cœur enflé qui suit le genre humain,
Avoit ravis la Lyre de la main,
En sa faveur tu ne t'es montré chiche
Faisant ce Dieu en ton dommage riche,
Luy consacrant par un vœu solennel
Ta lyre courbe, un présent éternel
D'un art cousteux, afin qu'on la contemple
Pour le présent de Belot en son temple.
D'or est l'archet, les chevilles encor
Ont le bout d'or, le haut du coude est d'or,
D'où descendant line lame d'ivoire
A traitz bossez vit une longue histoire
En fictions d'arguments fabuleux.
Dont ceste lyre a le ventre orgueilleux.
Suit, alors, une description longue et minutieuse, des scè-
nes représentées sur cette lyre. La pièce se termine ainsi :
Telle est ta Lyre à Phébus apendue,
Qui bien dorée et de nerfs bien tendue,
Pend à son temple ; afin que nos François
Eussent, Belot, le jouet de leurs doigs,
Joignant d'accord sous un pouce qui tremble,
L'hymne à ce Dieu, et le tiens tout ensemble.
Ce que j'ay peu sus elle fredonner.
Petit fredon je l'ay voulu donner
A l'amitié, le tesmoing de ce Livre,
Non aux faveurs, présent qui te doibt suivre
Outre Pluton, si des Muses l'effort
Force après nous les efforts de la mort (1).
Comme on le voit, Ronsard parle à Belot, très familière-
ment et le traite en ami très cher. Il célèbre sa science et son
(1) Les Poèmes de P. de Ronsard^ gentilhomme Vandomois. A Paris, chez
Gabriel Buon, 1571. T. m, p. 341 à 357.
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érudilion étendues, el chante son éloquence entraînante et
charmeuse :
Car dans ton vase abondant tu recelés
Dix mille odeurs étranges et nouvelles
Si qu'en parlant tu donnes assez foy
Combien Ion âme est généreuse en toy
Par la vertu de ta langue qui pousse
Un hameçon aux cœurs tant elle est douce.
La Lyre n'est pas la seule et la première poésie que Ronsard
dédia à Belol. Quelques mois auparavant, vers la fin de 1568,
avant la nomination de son ami au poste de maître des requê-
tes de rhôlel du Roi, il écrivit à son intention l'Ombre du
Cheval (1) :
L OMBRE DU CHEVAL
A Monsieur de Belot, conseiller et maistre des requestes de Vhosiel
du Roy
Amy Belol, que Thonneur accompagne,
Tu m'as domié, non un cheval d'Espagne,
Mais Tombre vain d'un cheval [)ar escrit.
Que je comprens seulement en esprit.
Je ne le puis ny par les yeux comprendre,
Ny par la main il ne se laisse prendre,
Chose invisible, et fantôme me fuit.
Ainsi qu'on voit en nos songes de nuit
Se présonlcr je ne scay quels images
Sans corps, sans mains, sans bras et sans visages.
Qui çà qui là revolent haut et bas
Plus pour les prendre on allonge le bras,
Plus vont fuyant, et, volages, nous laissent
Béans en l'air après elles, qui naissent
De vent léger et comme vent s'en vont.
Sans plus à l'homme un désir elles font
De les happer : ton cheval, ce me semble,
Ton cheval non, mais l'ombre leur ressemble,
(1) P. Laumonier. Tableau chronologique des Œuvres de Ftonsard, 2* édit.,
pp. 44 et 45.
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— 108 —
Que seulement en dormant j'appercoy !
Car autrement ton cheval je ne voy.
Plus en songeant ton cheval je me donne,
Plus il me trompe et fuis sur la Garonne.
C'est un cheval que je nourris sans peine :
Il ne luy faut ny paille ny aveine, '
Il ne me faut acheter ny du foin,
Ny des valets .pour en avoir le soin.
Bride ne mors, selle, ny estrivières !
Il n'a souci d'herbes ny de rivières.
•.••
Tu crains, voyant ma longue maladie,
Que ton cheval en parant ne me die,
Prophetizant, quelque funèbre mot :
Garde-le bien, je n'en veux point Belot.
Mon cher amy, j'ay bien voulu t'escrire
Ces vers raillards pour mieux te faire rire
Après ta charge et le souci commun
De concéder audience à chacun,
Haut eslevé au throne de justice.
Aimant vertu et chastiant le vice.
Dieu, qui sous l'homme a le monde soumis,
A l'homme seul le seul rire a permis
Pour s'égayer et non pas à la beste
Qui n'a raison ny esprit en la teste.
Il faut du rire honnestement user
Pour vivre sain, non pour en abuser :
Car volontiers on jette à gorges pleines
Le ris qui naist des actions vilaines
Le ris est fils d'un acte vergougneux
On ne rit point d'un geste vertueux.
Mais on l'admire, ainsi tu pourras rire
De ma folie, et de l'oser escrire
Je ne sçay quoy qui m'est encor plus vain
Que ton cheval qui n'a selle ny frain (1).
Le 8 janvier 1569, Jean de Belot fut nommé maître des re-
quêtes de THôtel du Roi. Sa science juridique, son éloquence,
la dignité de sa vie le faisaient estimer en haut lieu. Il en eut
bientôt la preuve.
(1) Les œuvres de Pierre de Ronsard, édition de 1623, t. m, p. 1220 À 1221.
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— lOî) —
La troisième guerre de religion fut terminée par Fédil de
Sainl-dermain signé le 8 août 1570. Cet édit accordait aux
protestants d'assez grands avantages, mais il ne contenta per-
sonne, ('harles IX s'efforça de le faire exécuter rigoureuse-
ment. C'était difficile. A cet effet, des commissaires spéciaux
furent envoyés dans les villes princi[)ales du royaume.
Jean Dutreuilh de Belot, maître des requêtes au Parlement
de Boixleaux, fut choisi pour aller, avec Edouard Mole, con-
seiller au Parlement de Paris, faire exécuter l'édit à Toulouse.
Avant de partir, Jean de Belot voulut mettre ordre à ses
affaires. Il avait contracté plusieurs dettes. A dame
Catherine Leclerc, veuve de Monsieur maître Louis de Pon-
tac, notaire et secrétaire du roy et contix)leur de la Chancel-
lerie de la ville de Bordeaux, remaiiée avec le seigneur de
('hazeltes, trésorier de P'rance en la généralité de Guyenne,
il devait la somme de cinq mille cinq cents livres. Il vendit donc
à sa belle-mère, Françoise de Coulonges, la seigneurie de
Pommiers. L'acte de vente, à pacte de rachat, fut passé à Bor-
deaux le 28 décembre 1570 (1).
Françoise de Coulonges, dame de Latresne, Cénac et \'ira-
zeil, était veuve. Brantôme dit qu'elle était d'une rare beauté
et qu'à 80 ans <( elle était très aimable et désirable : aussi
avait-elle beaucoup de perfections (2) ».
Jean de Belot et Edouard Mole, commissaires nommés par
le Roi, arrivèrent à Toulouse le 10 janvier 1571 (nouv. st.). Le
lendemain, ils se présentèrent aux capilouls pour qu'on leur
donnât un logement. On décida qu'ils seraient hébergés en la
maison de M. Cosme de Cadilhac, docteur, maître des ports
et passages en la sénéchaussée de Toulouse. Us s'y installè-
rent, en effet, et y tinrent leui-s audiences. Ils avaient beau-
coup à faire, ils se heurtèrent à de nombreuses difficultés.
Mais ils agirent si bien, avec tant de sagesse et de prudence,
que tout en demeurant fennes dans leur foi, ils surent conten-
(1) Archives du château de Lafon. Acte de vente du 28 décembre 1570.
(2) Œuvres de BraïUùnie, êdil. de la Sociélé de 1 Histoire de Fr;uice, l. i\,
p. 359.
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- no-
ter les prolestants, qui ont loué leur équité et leur modéra-
tion (1).
Lorsque Belot eut terminé sa mission à Toulouse, il rentra
à Bordeaux et voulut racheter sa terre de Pommiers. L'argent
lui faisait défaut. 11 se décida à vendre sa maison du Chapeau-
Rouge à Messire François de Caudale. Avec les 7 ou 8,000
livres qu'il en retira, il désintéressa sa belle-mère et recouvra
Pommiers (2).
De son mariage avec Jeanne I^comte, il n'eut qu'une fdle,
appelée Françoise, qui se maria deux ans après la mort de son
père, avec Messire François d'Agés.
Peu de temps après être rentré de Toidouse, et avoir vendu
sa maison du Chapeau-Rouge, Jean de Belot partit pour
la Cour. 11 y était peut-être appelé pour rendre compte de sa
mission pacificatrice dans la capitale du Languedoc. Nous ne
saurions le dire.
Son dépail eut lieu vers 1571 ou 1572. 11 n'alla pas très loin.
Arrivé à Périgueux, il tomba malade et mourut (3).
Jeanne Lecomte, devenue veuve, fil acheter la maison du
Chapeau-Rouge par demoiselle Alix de Belot, sœur de son
mari, et la lui racheta. Elle fut tutrice de sa fîUe pendant deux
ans, puis après le mariage de celle-ci, elle passa la tutelle à
René d'Agés, beau-père de Françoise de Belot (4).
Telle est, en quelques lignes, la vie de ce Jean de Belot, que
les vers de Ronsard ont immortalisé. Nous pouvons en être
fiers, car il a fait honneur à notre petite patrie.
J.-R. Marboutin.
(1) Hist. du Languedoc^ édil. Privât, t. xi, p. 541 et t. x, col. 946.
(2) Archives du château de Lafox. Factum manuscrit du xvi* siècle.
(3) Ibidem.
(4) Ibidem. Dans le procès-verbal de sa visite à Cancon, Mgr Nicolas de
Villars nous apprend que dans l'église de cette paroisse, il y avait une ion-
dation de M. de Belot et Dagès (26 octobre 1597). Arch. départ. Fonds de
l'Evèché. C. 2. f. 261.
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VILLEREAL
(SUITE)
CHAPIRE IV
Les écoles : ï. Régents de Villeréal. — If. Instituteurs. — Ilï. Les frères de
Marie. — IV. Ecole oflicielle» école libre. ~ V. Les sœurs de la Foy. —
VL Les Filles de la Croix. — VU. Ecole officielle, école libre.
Le plus ancien régent de Villeréal dont nous trouvons le
nom s'appelait M' Dominique Passot, régent des escoles de
Villeréal. En 1561 il devait 3 livres tournois à un conseiller
du parlement de Bordeaux. (Fonds de M. J. Dubois.)
102G, P' décembre. — M*' François Tugot. (Archives ^u dé-
parlement de Lot-et-Garonne, B. 770.)
1087, l*"" avril. — "Jacques Dubois, maître ès-arts, est ins-
tallé « en la fonction de régent lettré de la présante ville. >*
Depuis cett^. installation, Pierre Léotard, ci-devant régent, a
fait un acte aux consuls, le 22 mars 1087, protestant de se
pourvoir pour le paiement de ses gages. Léotard s étant très
mal acquitté de ses fonctions demeure destitué. La nomina-
tion de Dubois est confirmée. S'il y a procès pour ce sujet, la
communauté cir prend les frais à sa charge.
1693. — Etat des frais municipaux de la ville et commu-
nauté de Vdleréal réglés par Mgr l'Intendant de Pillot, con-
fînnés par arrest du conseil au greffe de l'élection d'Agenais...
Pour les gages d'un régent, 80 livres. (Mairie de Villeréal,
B. B. 1.)
1691, 24 juin. — Jean Léotard, escolier, est' parrain de
Marie Serre, fille du sieur Serre, maître apothicaire, et de
demoiselle Louise Molenier.
1099, 15 janvier. — Jean Serre, escalier, est parrain de
Jeanne Leslreille, fille de Jean, marchand, et de Anne Léo-
tard. (Mairie de Villeréal, registre paroissial de Parizot.)
1705, 8 août. — Jacques Dubois ayant été cassé après avoir
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— 112 —
été interdit par Tévêque d'Agen, on lui donne pour successeur
W Barthélémy Badoures qui a justifié de sa bonne vie et
mœurs par des certificats qui lui ont été octroyés durant son
séjour à Castillonnès. Il aura 80 livres de gages, sera exempt
du logement des gens de guerre et jouira de tous les autres
privilèges accordés à ses devanciers.
Il percevra la rélribulion attribuée à ses prédécesseurs et
enseignera sans rétribution les enlanls pauvres de la ville qui
désireront apprendre.
1711, 20 juin. — Le sieur Badoures, régent pour enseigner
la lecture et l'écriture aux enfants, s'est retiré depuis près d'un
an pour aller ailleurs. En vue d'apprendre aux enfants la lec-
ture, l'écriture, le latin et l'arithmétique ainsi que les prières,
on reçoit pour régent Jacques Corbarand, maître ès-arts, ha-
bitant de la paroisse Saint-Germain, diocèse de Cahors, qui
est pourvu de bons certificats. Il devra se faire approuver par
l'évêque d'Agen, aura 80 livres de gages et jouira des privi-
lèges attachés à sa charge ainsi que de la rétribution d'usage,
à condition* que les enfants pauvres de la ville seront ensei-
gnés sans rétribution. (Mairie de Villeréal, B. B. 2.)
1710, 2 janvier. — Les enfants demeurant sans aucune édu-
cation depuis longtemps, M" Jean Peleguy, prêtre docteur en
théologie, est nommé régent. Gages, 80 livres payables par
quartier. Rétribution : lecture, 5 sols ; écriture, 10 sols ; arith-
métique, 15 sols; latin, 20 sols. Le régent enseignera les en-
fants pauvres sans rétribution, s'ils désirent apprendre. La
communauté se réserve le droit de destituer le régent quand
elle le jugera à propos.
IGIG, 8 janvier. — Léonard Dumenc, maître ès-arts, est
nommé à la place de Péleguy, parti sans même avertir, et aux
mêmes conditions.
1716, 1" juillet. — Réception de Pierre Baldoran, maître
ès-arts, aux mêmes conditions que les précédents.
1720, 11 juillet. — La ville se trouvant dépourvue de régent
depuis /longtemps, on reçoit Louis-Augustin Couchaud dit
Orandville, maître ès-arts, reconnu capable par noble Jean
de Constantin, abbé de Péchagut, prêtre et curé de Villeréal,
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— 113 ~
aux mêmes conditions que les précédents, sur Tassentiment
du procureur du roy. Le régent conduira ses écoliers à la
messe, au catéchisme et aux vêpres les dimanches et fêtes.
Ses gages lui seront payés à partir du 14 juin où il commença
à faire 1 école. {Ibidem.)
3 juillet 1723. — Depuis de longues années, il n y a pas de
régent à Ville réal. On décide, après approbation du procureur
du roy, que Jean Courtade, maître ès-arts, habitant de Mon-
pazier, sera reçu régent. Il enseignera la lecture, lecriture, la
doctrine chrétienne et les principes de la langue latine aux
gages de 120 livres. Cette augmentation de 40 livres sera prise
sur la taille avec Taulorisation de l'intendant. Le régent devra
conduire les jours de classe à la messe et aux instructions.
Les pauvres honteux seront instruits sans rétribution sur
certificat des consuls, s'ils désirent aller à Técole. Les autres
enfants auront à payer comme jadis.
Suivant lordonnance du roy, le régent devra présenter à
la jurade un certificat d^examen. (Ibidem.)
9 mars 1737. — Pierre Delbac, maître ès-arts, habitant ci-
devant de Monclar, approuvé par 1 evêque d'Agen, est reçu
aux gages de 150 livres. Il enseignera la lecture, récriture,
l'arithmétique, la doctrine chrétienne (textuellement à prier
Dieu) et le latin.
Rétribution mensuelle : Lecture 5 sols, écriture 10 sols,
arithmétique 15 sols, latin 20 sols. (Mairie de Villeréal.
B. B. 3.)
7 janvier 1745. — Vu la testimoniale et nomination faites
par révoque d'Agen, sur le consentement et l'approbation
donnés par M. de Constantin, curé de Villeréal, et du consen-
tement du syndic de la communauté, Jean-François Chabrier,
religieux des frères mineurs de S. François, est reçu régent
de Villeréal aux gages ordinaires. Il enseignera la lecture,
l'écriture, l'arithmétique et le latin. La jeunesse devra prier
Dieu soir et matin.
1752 (fin). — Sieur Jacques Boisso, habitant de la ville de
Sarlat, approuvé par 1 evêque d'Agen, est reçu régent aux
gages de 150 livres, mais seulement à titre provisoire. Au
bout de trois mois, s'il y a lieu, sa réception deviendra défi-
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- 114 —
nitivc. Même rétribution que dessus. Les pauvres seront en-
seignés gratis. (Ibidem.)
Etat des sommes imposées en 1752 : (îages d'un régent à
Yilleréal, supplément 70 livres. (Arch. Gironde. G. 3073.)
25 octobre 1755. — Le sieur Boisse, infirme, on lui donne
pour adjoint le sieur Moignie, précepteur ; ses gages sont do
150 livres. Durant le premier quartier, Moignie recevra solde
entière; puis il pailagora ses gages par moitié avec Boisse.
Enfin, au bout de 2 ans, il percevra ses gages en totalité. La
rétribution mensuelle demeure fixée à 5, 10, 15 et 20 sols
pour la lecture, récriture, l'aritbmétique et le latin. Le régent
s engage à instruire les enfants des devoirs de la religion
catholique, apostolique et romaine. Il sera révocable au gré
de la communauté, sans que celle-ci soit obligée de motiver
le fait de la révocation; et il devr^ prêter serment.
24 juin 1705. — Jean Ferrou, clerc tonsuré, remplace, aux
mômes conditions, le sieur Moignie, démissionnaire. (Ibidem.)
!9 septembre 1770. — Le sieur Reygasse, régent latiniste
de Villeréal depuis 4 ans, est cassé aux gages. Motifs : 1. il
n'enseigne pas bien ; des enfants sont restés 2 et 3 ans dans
son école sans devenir capables de faire ailleurs une classe de
cinquième. ..., il laisse vagabonder les enfants dans les rues
sans jamais conduire, durant la semaine, les enfants à l'église,
sans jamais les surveiller pendant les offices des dimanches et
fêtes. — 3. Les parents ont été obligés d'envoyer ailleurs leurs
enfants, ce qui est très onéreux. — 4. Quoique le régent ait
femme et enfants jamais ceux-ci ne sont fixés à Villeréal, ce
qui fait que le régent n'a pu recevoir de pensionnaires, ce qui
est très préjudiciable aux intérêts des habitants de la juridic-
tion.
Reygasse se déclara appelant : la jurade fut divisée ; fina-
lement Reygasse se maintint. (Ibid, BB. 4.)
2 avril 1775. — Reygasse donne sa démission.
Le sieur Lebrun, ayant un certificat de bonne vie et mœui-s
et une attestation de capacité donnée par le curé de Villeréal,
est reçu régent ; il devra se faire approuver par l'évêque
d'Agen. Il élèvera les enfants dans la religion chrétienne.
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— 115 —
Rétribution : lecture 10 sols, écriture 15 sols» arithmétique
20 sols, latin 30 sols.
La communauté pourra destituer le régent, sans formuler
le motif de cette destitution.
9 décembre 1775. — Comme le traitement du régent lati-
niste est trop modique ; comme il importe de conserver la
régence latine, car il n'est pas possible aux habitants d'en-
voyer leurs enfants au collège, et que les parents ont un grand
avantage de pouvoir envoyer leurs entfants à Técole jusqu'à
Tage de dix ans, on décide de porter les gages du régent de
150 à 250 livres,
20 novembre 1776. — Celte augmentation de 100 livres est
autorisée sur l'impôt par l'intendant Dupré de S. Marc.
11 juin 1780. — Le régent latin n'est pas calligraphe ; il est
d'ailleurs surchargé d'une foule d'enfants qui apprennent le
latin ; il serait donc utile d'avoir un deuxième régent qui s'oc-
cuperait exclusivement du français. On priera l'intendant
(l'auforiser l'établissement d'un régent français dont le traite-
ment pris sur la taille sera de 200 livres. (Ibidem.)
26 octobre 1783. — Jean-Pierre Mural, maître es arts, ori-
ginaire et habitant de la paroisse S. Sulpicé, sénéchaussée de
Figeac, pourvu de bons certificats, est reconnu capable, par
le curé de Villeréal, est reçu régent aux gages fixées.
Rétribution : lecture 10 sols, écriture 15 sols, arithmétique
20 sols, latin 30 sols.
17 juillet 1785. — A la demande du sieur Pierre Mural, la
rétribution pour le latin est élevée à 40 sols.
13 décembre 1789. — La municipalité et le comité perma-
nent de Villeréal demandent à l'intendant d'autoriser une im-
position de 200 livres pour 1790. Cette sonmie prise sur la
taille, servira au traitement du régent français.
Motifs de cet établissement :
1. Il y a un régent établi depuis un an à Villeréal. Il est
calligraphe et connaît bien les règles de l'arithmétique. Il a
consenti à rester dans l'espérance d'un traitement de 200 li-
vres.
2. Le régent latiniste n'est pas calligraphe. D'ailleurs les
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- 116 -
l'égenls latinistes sont ordinairement impropres pour l'écri-
ture, même pour Tarithmétique.
3. Tous les pères ne destinent pas leurs enfants pour la
latinité et les habitants, en plus grand nombre, ne s'attachent
qu'à faire apprendre leurs enfants à bien écrire et chiffrer.
(Ibidem.)
1793. — Réclamation faite par Pierre Murât de 183 liv.
0 sols, 8 d. d'arréragé de pension que lui faisait la municipa-
lité de Villeréal avant la Révolution. Le Directoire fait droit à
cette demande. Il obtient un paiement d'arriéré. (Arch. de
L.-et-G. L. 61, p. 35.)
1832. — A Villeréal, S^ Sauby, Pierre, entra en fonction le
5 mai 1822 par autorisation du recteur d'Académie. Il avait,
en 1832, 28 élèves payant, 9 non payant ; 40 non payant au-
raient dû fréquenter l'école. 11 recevait 1(K) fr. de la commune,
750 fr. de ses élèves ; le local n'était pas communal. M. S'
Sauby fut proposé, 19 avril 1837, pour une récompense en
livres reliés de la valeur de 25 francs. Il mourut le 23 mai 1858.
28 mai 1858. — Le conseil municipal demande que Augustin
Jouve, directeur de l'école S. Joseph, .soit reconnu pour insti-
tuteur public et reçoive l'allocation de 200 francs portée sur
le budget de 1859.
1832. — A S. Martin : Jean Delerm.
A Montant . Léonard Lajou (1).
A Rives : Jean Durand.
A Tourliac : Augustin Lassudrie.
A Doudrac : Bernard Couaix-Lagreze.
A S. Eutrope : Antoine Bernou.
(Arch. dép. L.-et-(J., dossiers de l'instruction publique.)
[Communication de M. J. Dubois.]
Villeréal avait un instituteur libre nommé (lermain dit Cas-
tellou. Saint-Sauby et Germain étant très vieux, dans les der-
(1) iyu>nard Lajoii hMinil son éc(»lc à Monlaul-lf-jeiine, dniis sa maison,
rue du reniparl. Il y mourut do la suctc en 1842. Son successeur, ne trou-
vant pas de local à Monlaul-lc-Jeunc, s'établit à Monlaut-le-Vicu.x où se
trouve l'église paroissiale.
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— 117 —
nières années de son rectorat, M. Reclu, curé de Villeréal, et
son vicaire, M. l'abbé Ollié (185G-1804), appelèrent les Petits-
Frères de Marie de Saint-(jenis-Laval, institut autorisé le 26
juin 8151. Ces dévoués et modestes instituteurs, au nombre de
cinq, ouvrirent, sous le patronage de S. Joseph, une école et
un |>ensionnat. Cet établissement eut des succès remarquables
jusques au jour où les maîtres furent brutalement mis à la
porte et leur maison confisquée au nom d'une morale nouvelle.
Ine école privée a été ouverte pour les garçons à la rentrée
des classes de l'année 1911, sur la demande des parents.
Villeréal possède une école officielle de garçons.
lue couvent de Villeréal pour rinslruction et l'éducation des
jeunes filles est dû à la piété de Jeanne Cathot, veuve de
Pierre Sarrot, en son vivant jurât de cette ville. L'acte de
fondation s'exprime ainsi : « ...Pour remplir l'intention qu'elle
a toujours eu d employer les biens, qu'il a pieu au Seigneur
de luy donner, en œuvres pies, se trouvant surtout sans en-
fant de son mariage avec ledit feu Sarrot, et après s'être bien
examinée et pris conseil de personnes sages, elle a creu ne
pouvoir le faire d'une manière plus agréable à Dieu qu'en
employant son bien à l'établissement des Filles de la Foy dans
la présente ville, pour la satisfaction du public et pour contri-
buer autant qu'elle peut à l'éducation des filles qui ne man-
queront pas d'ailleurs de se former sur le bon exemple des
filles de la Foy.
« A cette cause, Jeanne ('alhot a fait don et donation pure
et simple entre vifs et à jamais irrévocable de tous ses biens
meubles et immeubles à demoiselle Louise de la Gorce,
supérieure des Filles de la Foy de la ville de Beaumont en
Périgord, stipulante et acceptante pour les dites Filles de la
Foy, pour tous les susdits bien être employés à la fondation
el establissement des dites Filles de la Foy en la présente
ville, laquelle se fera du premier jour et non autrement, h
condition que lad. Cathot sera nourrie et entretenue tant en
santé qu'en maladie dans leur maison et communauté ; elle
se réserve par exprès la somme de 30 livres qu'elle donne à
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- 118 ^
la chapele de S. Eloy dans 1 église de la présente ville pour
eslre employée à la réparation d'icelle, el la somme de 10 li-
vres qu'elle se réserve pour en disposer en faveur de quy bon
luy semblera....
« En cas où lad. demoiselle de la Gorcc négligerait à faire
le susd. establissement, ou qu'elle viendroil à décéder sans le
faire, lad. Cathot prie M** Antlioine Boysserie, prêtre, docteur
en théologie et curé de la présente ville, icy présent, d'en faire
restablisscmcnt comme dit est, luy donnant le même pou-
voir... laquelle donation peut estre évaluée de la valeur de
2.000 livres.... Fait à Villeréal le 1 février 1713, es présence
de Monsieur M" Bernard de Couche, conseiller du Roy et son
juge en la présente ville.... Délies, notaire royal. »
Cet établissement fut approuvé par François Hébert, évêque
d'Agen, le 11 décembre de la même année, à la réquisition du
curé, des consuls et des principaux habitants. Les religieuses
ouvrirent deux écoles de jeunes filles heureuses de trouver
une bonne éducation avec renseignement de la vraie foi. Pour
se conformer aux vœux de l'évêque, de tous les habitants de
Villeréal et de tout le canton, la supérieure, Louise de la
Gorce, sollicita, en 1743, des lettres patentes de confinuation
royale pour s(m établissement. Le 17 juin une pétition du
maire et des consuls appuya la demande et le subdélégué
donna un avis très favorable. (Arch. de la Gironde, C. 2499).
Les lettres patentes, datées de janvier 1747, enregistrées
au parlement de Bordeaux le 15 mai, à l'hôtel de ville de Vil-
leréal le 15 août, sur la demande de sœur Lachaise, supé-
rieure, font connaître la nature de cet établissement. « Vu le
décret de l'évêcjue, consentement et réquisition du curé, des
consuls et habitants qui lui ont même abandonné une petite
rue reconnue inutile qui sert actuellement d'entrée à leur cha-
pelle, leurs offres de recevoir gratuitement et successivement,
à l'advenir, dans leur communauté une jeune fille de famille
de lad. ville sa vie durant, à la nomination des maire et
consuls sous Tauthorité de l'intendant de la province, confir-
mons cet établissement pour par celles qui le composent ou
le composeront à l'advenir vivre en communauté sous la con-
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— 119 —
duile de l'évesque d'Agen, à condition que cette maison ne
pourra eslre changée en maison de profession, mais demeu-
rera à Tétat séculier sous la conduite de l'évesque et que les
Filles de la P'oy recevront gratuitement une fille à la nomina-
tion des maire et consuls qui présenteront trois filles pour en
estre choisi une pour estre associée, sa vie durant, à lad. com-
munanuté et ainsi à peqjétuité ; permettons d'accepter dons
et legs faits par donation entre vifs, testament ou autrement
et cTacquérir maisons/ biens et héritages et autres l)iens jus-
qu'à trois mille livrt^ de revenu, compris dans lesdites trois
mille livres les revenus dont lad. maison jx)uit actuellement,
à l'effet de quoy sera dressé un inventaire des biens et revenus
actuels qui sera enregistré au greffe de la justice du hôtel de
ville, sans que les Filles de la Foy soient tenues de nous payer
à nous ni à nos successeurs aucune finance et autres droiis
quelconques. » (Mairie de Villeréal, BB. 3.)
jer février 1774. — Inventaire présenté par sœur Jeanne
de Laugnac de Belcastel, supérieure : P Dans la paroisse de
Rives, 17 sexterées fonds en terre, vigne, pré, terres laboura-
bles, friche et terre inculte, revenu net 130 livres ; 2** Dans la
paroisse de enclos et jardin, revenu net 120 livres.
19 mai 1777. — ('raignant la disparition de ce couvent, la
jura de estimant que .ses revenus montent à 1,200 livres, .priera
l'évoque d'accorder sa protection et de lui donner une forme
stable et solide ; la protection de l'Intendant sera aussi de-
mandée- (Ibidem, B. B. 4.)
0 janvier 1783. — La so^ur de Laugnac de Belcastel se re-
commande aux bonnes grâces des Cardinaux c|^ la Rochefou-
cauld et de Luynes pour l'achèvement de son couvent, ce qui
permettra d'augmenter le nombre des religieuses et des pen-
sionnaires. (Ibidem.)
7 juillet 1786. — La jurade expose que la maison s'étant
écroulée fut en partie reconstruite par les dons de l'abbé de
Péchagut, oncle de la Supériein-e ; lui mort, la reconstruc-
tion reste inachevée. De neuf professes quatre sont mortes ;
une des deux sueurs convei*ses est morte ; il y a deux novices
et un sujet pour être sœur convei'se. 11 y a ordinairement
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— 120 —
quinze pensionnaires ; leur nombre augmenterait si la mai-
son était entièrement construite ; tous les locaux sont occu-
pés. Il y a deux écoles publiques ; les aumônes dotales sont
faibles, la pension très faible ; l'établissement est l'asile des
filles pauvres et aussi des nouvelles converties, étant dans le
voisinage grand nombre de familles de la religion prétendue
réformée. (Ibidem.)
La tourmente révolutionnaire détruisit la fondation de
Jeanne Cathot si laborieusement augmentée par les filles de
la Fojr au profit du bien public.
9 mai 1807. — ' Leur maison conventuelle avec ses dépen-
dances, estimée dans le procès- verbal de 1790 à la somme de
trois cents francs de revenu, qui, multipliée par 12, portait le
prix à 4,600 francs, est définitivement adjugée à Fiancette
pour la somme de 8,600 francs. (Archives départementales de
Lot-et-Garonne, fonds Ville réal.) *
Les Filles de la Foy, dispersées par la Révolution, furent
quelques années après remplacées à Villeréal par les Filles
de la Croix.
L'institut des Filles de la Croix, fondé par Madame de Vil-
leneuve, née Marie Luillier, reçut, en 1643, de Madame
de Combalet, nièce du Cardinal de Richelieu, duchesse d'Ai-
guillon, un don de 30,841 livres à condition qu'il enverrait des
sujets dans ses terres. D'après un mémoire de Mgr Abelly,
dans le courant de la même année, cette bienfaitrice accorda
à ces religieuses la somme de 3,000 livres de revenu à pren-
dre sur les coghes de Rouen, à la charge que les dites Filles
enverroint quatre de leurs sœurs à Aiguillon pour y faire les
fonctions de leur institut. (Alis, Histoire d'Aiguillon, p. 379.)
Arrivées à Aiguillon en 1655, les Filles de la Croix en fu-
rent chassées par la Révolution.
Vei's l'an 1815, quatre d'entre elles, sœur Rosalie Adam,
Pétrcnille Denoyé dite saMir Saint-Sauveur, sœur Bitaubé et
sœur Sainte-Foi I^ydet, ayant racheté une partie de leur cou-
vent, se réunirent pour vivre, comme par le passé, en religieu-
ses vouées au salut des âmes par l'instruction religieuse. Le
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— 121 —
4 mars 181G, \e manjuis de Guer, préfet de Lot-et-Garonne,
fait écrire dans Iqs registres de la Préfecture l'autorisation
des sœurs de la Croix comme religieuses enseignantes.
Le 9 février 1818, les sœurs étant capilulairement assem-
blées, la soiur Rosalie Adam, supérieure, leur a déclaré que
les sœurs Anne Chanteloube, Hélène Pouget et Antoinette
Rissens, natives de Villeréal et nouvelles professes, étaient
venues dans la communauté dans le dessein d'établir une mai-
son du même institut à Villeréal, qui autrefois avait un cou-
vent des Filles de la Foy, pour y travailler à l'instruction des
jeunes personnes pauvres de celte contrée ; que la sœur Anne
Chanteloube était propriétaire d'une partie de l'ancien cou-
vent qui leur suffisait pour y habiter ; que la sœur Hélène
Pouget destinait la rente de trois mille francs pour contribuer
à leur nourriture et que elles ont l'espoir que différentes per-
sonnes de la ville les aideront aussi pour former cet établis-
sement ; elle a ajouté que M. le Curé et M. le Maire de Ville-
réal, d'après la lettre qu'ils lui avaient écrite en date du 17
décembre 1817, avaient témoigné le désir de la contrée de les
voir s'établir dans leur ville pour y fonder une communauté
de notre institut et que Mgr l'Evèque d'Agen avait paru ap-
prouver leur projet en les engageant à venir se former dans
notre maison pour apprendre les Règles. Cette proposition a
été mise en délibération et a été agréée par toute l'assemblée ;
et il a été trouvé par la pluralité des voix que ledit établisse-
ment a été accepté, d'après les promesses et les engagements
que les dites professes ont contracté par leurs vœux d'obser-
ver nos constitutions et nos règlements dont elles doivent em-
porter une copie approuvée par la Supérieure et M. le Supé-
rieur.
Signé
Le 10 février 1818, la Supérieure, Rosalie Adam, ayant
assemblé les sœurs conseillères pour procéder au choix des
sœurs qu'elles, jugeraient à propos pour être envoyées à la
fondation de Villeréal, d'après la délibération qui a été prise
la veille d'accepter cet établissement, et aux charges que les
dites sœurs envoyées doivent exercer, elles ont choisi sœur
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— 122 —
Anne Chanteloube dite sœur Sainte-Croix, la sœur Hélène
Pouget dite sœur Hélène, et la sœur Antoinette Rissen dite
sœur Saint-Joseph, natives de Villeréal, pour être envoyées
en la dite fondation ; du nombre desquelles, le même jour,
après avoir recueilli les voix au scrutin secret (d'après nos
constitutions), la sœur Anne Chanteloube dite sœur Sainte-
Croix, a été élue supérieure et ensuite la sœur Hélène Pouget
a été élue assistante et économe. M. le Supérieur était présent
aux dites élections qu'il a approuvées.
Le 17 du même mois de février les trois sœurs destinées
à l'établissement de Villeréal sont parties accompagnées par
la sœur Pétronille Denoyé assistante. (Procès- verbaux iné-
dits.)
Cet établissement, pensionnat et école gratuite pour les
filles, fut autorisé le 22 avril 1827.
Madame Chanteloube, supérieure des Dames do la Croix,
institutrice à Villeréal, est autorisée par le Préfet le
12 mars 1832.
Le 17 octobre 1838, elle reçoit les œuvres complètes de Mas-
sillon en 2 volumes reliés. (Archives du département de Lot-
et-Garonne.)
Pendant plus de quatre-vingts ans, les Filles de la Croix ont
donné dans Villeréal, avec l'instruction primaire, l'enseigne-
ment religieux, base de la morale, à la grande satisfaction des
habitants. Leur communauté fut si florissante qu elle put fon-
der un établissement à Monsempron, autorisé le 18 juin 1870,
et un autre à Casseneuil, autorisé le 26 avril 1858.
L'établissement de Villeréal avait peu de biens, comme le
prouve l'état actif et passif du 12 juin 1898 :
Avom (acquis par donation, achat, échange).
Dans la paroisse de Villeréal, 3 hectares 1572 ; capital,
44,000 francs ; revenu, 892 francs ;
Dans la paroisse de Saint-Etienne, 11 hectares 1965 ; capi-
tal, 14,000 francs ; revenu, 040 francs ;
Dans la paroisse de Rives, capital, 3,200 francs; revenu,
280 francs.
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Charges et frais dexécution : Nourriture de 16 sœurs de
choeur et de 8 sœurs converses ; éducation gratuite des en-
fants pauvres. (Archives départementales de Lot-et-Garonne,
fonds de Villeréal.}
La Révolution, de nouveau triomphante, a chassé, en 1905,
ces admirables Filles de leur demeure qu'elle a confisquée
avec tous leurs autres biens, en haine de la religion et des
vertus qu'elle enseigne. Les habitants, connaissant l'importan-
ce de l'enseignement religieux, se sont hâtés de créer une école
privée pour leurs filles.
(à suivre.) J. Benaben.
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DISSERTATION
SUR
DIVERS MONUMENTS, COUTUMES, DÉNOMINATIONS ET USAGES ANCIENS
DE L'ANCIENNE CITÉ DES SOTIATES
Par le vicomte de MÉTIVIER, annotée par J. MOMMÉJA
Je ne chercherai point à établir que la ville de Sos, située dans
le canton de Mézin, département de Lot-et-Garonne, est le lieu où
existait l'ancienne cité des Sotiates, parce que c'est une vérité suffi-
samiÀent démontrée (1). Ces peuples belliqueux, après avoir battu
et tué le lieutenant-général Valerius Preconiiis, et chassé. le pro-
consul Lucius Manilius, résistèrent avec gloire au jeune Crassus
et surent obtenir, malgré leur défaite el Tinfraction de la trêve pen-
dant laquelle on réglait les clauses dé la reddition de leur cité, une
honorable capitulation. Ils furent défaits, mais non vaincus. Cé-
sar, dans ses Commentaires, titre trois, de la guerre des Gaules,
semble prouver suffisamment la véritable position de la Cité des
Sotiates, et s'il existait du doute, il aurait été grandement éclairci
par MM. Danville, de Valois et de Pécis (2), et par M. de Ville-
neuve, dans sa Notice sur Sos (3).
(1) Voy. Comm. de César, Danville, Valois, Pécis.
(2) Guerre de Jules César dans les Gaules, l. ir, p. 125 cl suivantes.
(3) Le vicomte de Métivier avait raison de parler avec celte belle assu-
rance : après les derniers travaux qui venaient d'èlre publiés par Villeneuvc-
nargernont et Chaudruc de Crazanncs, apportant des conslalalions faites sur
place à l'appui d'une opinion déjà vieille de trois siècles paimi les érudits,
et qui s'appuyait sur une tradition imn:éniorialc à la fin du xv* siècle, la
cause était deuniliveroenl entendue. Les diver^jes thèses plus ou moins bizar-
res qui ont voulu placer l'oppidum des Sotiates ailleurs qu'à Sos, n'ont guère
eu d'accueil que parmi les membres de quelques sociétés archéologiques
de province ; elles n'ont pas été acceptées par les hislorfens et même, dans les
éditions des Commentaires de César à l'usage des écoliers, l'oppidum des So-
tiates est invariablement idenlitié avi?c la ville de Sos en Albrel.
Un inf-tant, quelques rares érudils uniquement provinciaux ont pu s'obstiner
à placer à Lectoure l'oppidum des Soliales, par dévouement chevaleresque à
l'opinion de l'un de leurs amis et peut-être aussi par l'effet d'un certain pâ-
li iotisme de clocher contre lequel les vérités même mathématiques ne peu-
vent rien, mais cela n'a eu aucune espèce d'importance ; même un défenseur
né de cette opinion, parce que Lectourois, J.-F. Bladé, réserva prudemment
son opinion jusqu'à plus ample informé, c'est-à-dire jusqu'à la publication du
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- 125 -
Cependant des circonstances ont été omises par ce dernier. Peu
importantes en apparence, elles paraîtront avoir quelque prix aux
yeux des archéologues.
La page suivante est loul (Milii'^re employée à critiquer la traduc-
tion des Commcntaire:> par de Wailly « (jui, défigurant les noms
do Sotiates, Sotialium, Sntiatum, les' traduit tantôt par Lecloure,
par Gascons, par Gascogne ». M. de Mélivior aimait à discuter lon-
iruemenl et il le prouve bien dans celte longue diatribe dont rien
n'est à retenir. Ayant lait justice de l'infidèle traducteur, le châte-
lain de Saint-Pau s'attaque sans autre transition à la notice de Vil-
leneuve-Bargemont.
mémoire de l'abbé Breuils sur la question. Or ce mémoire démontra non seu-
lement que Sos répondait pleinement à loule.^ les exigences géographiques,
topographiques et historiques du célèbre texte des Commentaires, mais même
que Lectoure ne répondait à aucune de ces exigences.
Et Camoreyt lui-même, le protagoniste intolérant et obstiné de Lectoure,
paraît avoir vaguement compris l'infirmité de sa Ihèse, car il borna son ar-
gumentation à des discussions de textes, et n'eut garde de toucher aux élu-
des topographiques et, surtout, archéologiques, qui seules pouvaient démon-
trer, non certes pas que Lectoure a été l'oppidum des Sotiates, mais a été
un oppidum quelconque au temps do la conquête des Gaules. La recherche
était intéressante et digne de tenter quiconque est réellement archéologue,
mais Camoreyt n'était même pas de ceux, si nombreux, hélas î qui font de
« l'archéologie littéraire et non pas Tarchéologic scientifique », selon la sé-
vère expression de M. Lefèvre Pontalis ; professeur de dessin et conserva-
teur du musée de Lectoure, il ne paraît jamais avorr songé qu'à des pointil-
lages épigraphiques et à dos travaux de cabinet. L'existence de moyens dé-
fcnsifs attribuables à des temps antérieurs à la conquête romaine n'est pas
même effleurée dans son mémoire ; à peine s'il fait mention en deux lignes ou
trois, de ce qui pouvait le plus favoriser sa thèse : le fossé qui coupe en tra-
vers l'isthme de Lectoure ; fossé insignifiant d'ailleurs, large de moins de
cinq mètres, à peine profond de deux. Le seul fait intéressant que daigne ré-
véler Camoreyt sur ce point capital, c'est que ce fossé est creusé dans le
roc... Et on s'explique .son laconisme. Un tel fossé, en effet, n'eut pas coûté
de grands efforts aux ingénieurs de Crassus : de simples abatis d'arbres avec
quelques fascines l'eussent vite comblé, et point n'eut été besoin pour le
franchir des travaux d'approche auxquels durent se livrer les assiégeants, et
que contrarièrent les assiégés par des sapes souterraines. Mais de tels Irn-
vijux de mineur étaient impossibles à pratiquer dans le rocher, aussi faut-il
excuser Camoreyt d'avoir systématiquement lais.sé en oubli tout le cùté ar-
chéologique du sujet, et surtout les travaux de mineurs qui caractérisent le
siège de l'oppidum des Sotiates.
Mieux avisé, M. de Métivier a pris la méthode contraire, que bien que mal,
il a noté des faits, devançant ainsi de beaucoup la méthode moderne (jui n'ad-
met de critique sérieuse des textes que celle qui se base sur l'observation
exacte des faits. Le rôle des archéologues est de rechercher toutes les pla-
ces fortes, tous les oppida, tous les refuges antérieurs à la romanisation des
Gaules; les historiens sauront bien reconnaître dans le nombre ceux dont les
Commentaires de Céaar ont parlé. J. M.
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QoO^Qi
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La position de Sos, comme lieu qu'occupaient jadis les Soliates,
est donc suffisamment démontrée ; mais nous devons plus d'exten-
sion à ce que dit à ce sujet M. de Villeneuve, dans sa Notice, page 5:
« Le souvenir de Texistence des Sotiates ne dut guère survivre à
leur conquête ; rien ne s'éteint plus vite que la réputation d'un peu-
ple subjugué (1). »
(1) L'étal de la controverse sur l'oppidum des Soliates a élé parfailcmenl
exposé ])ar Du Mègc dans la Slalislique Générale des départemenls pyré-
néens (Toulouse 1829, l. ii, p. 16 el 17), cl nous hésitons d'autant moins à le
reproduire, que c'était l'opinion du marquis de Métivier — ami personnel de
Du Mègc — el des crudits de son temps. « Dans plusieurs éditions des Com-
mentaires on lit le nom des Soliates écrit Sontiales ; mais Fulvius Ursinus a
remarqué {Not. in Comment. 111) que la leçon des manuscrits était toujours
Sotiates y Pline nomme ce peuple Soltiales ; Nicolas de Damas, cité par Athé-
née, a parlé des Sotiani de l'Aquitaine, qui, sans doute, ne sont pas différents
des Sotiates : on connaîl une de leurs médailles citée par Pellerin {Médailles
des peuples el des villes^lX, Suppl. 21) et sur laquelle on lit Sotioga. 11 pa-
raît assuré que le Scittium de YUinéraire n'est pas différent de Sotium, ac-
tuellement SoSy petite ville qui, dans les écrits du moyen-âge, est nommée
Sotia ou Solium, et qui, selon Oïhenart el de Valois, est bien la patrie des
Sotiates.
« On a beaucoup écrit sur la vraie position occupée par les Sotiates de
l'Anlifiuité. Marca assure que ce peuple habitait l'ancien diocèse d'Aire. San-
son croit retrouver l'ancienne ville des Sotiates à Lectoure, ignorant appa-
remment que les Lactorales formaient un peuple particulier, et qui aurait été
nommé par César, si ce peuple eût été celui qui résista avec tant de courage
à Crassus. L'nbbé de Longuerue {Description de la France), dit qu'il est im-
pos.sible d'avoir une opinion sur ce point historique ; quelques-uns. comme
M. Lancelol (Académ. des In.scripl. V. 290) ont pensé que les Sotiates possé-
daient celte partie du déparlement de l'Ariège où l'on trouve encore le bourg
de Vic-de-Sos. D'Anville a objecté que l'on a peine à concilier une pareille
position avec ce qu'on lit dans César ; savoir que « Crassus, ayant .son quar-
tier d'hiver dans l'Anjou, in Andihus proximus Oceanum, reçoit orc\re de son
général de se rendre en Aquitaine, pour que les cités gauloises confédérées
avec celles de Vannes ne fussent point secourues par cette partie de la
Gaule. Les renforts que Crassus tira de la province romaine pour grossir
le corps qu'il commandait, ont dû le joindre dans la route : Aiuiliis, equitiSy
ciris [ortibus, Tolosa, Carcassone, Sarbone^ ccocatis ; ce sont les termes de
César, ajoute d'Anville ; et celui d'evocare ne veut pas dire aller chercher,
mais appeler à soi ; le Poitou, la Saintonge, ayant dans ces circonstances
pris le parli de la tranquillité el de la soumission, Pictonibus et Santonibus
pacatis regionibus, dit César, c'était la route que tenait Crassus, sans obsta-
cles el sans retardement, pour se rendre en Aquitaine ; el on ne voit point
ce qui eût pu l'obliger, pour y arriver, de laisser ce même pays derrière lui,
en prolongeant sa marche jusqu'au pied des Pyrénées. Il est bien plus vrai-
semblable que Crassus ayant dû, en sorlant de la Saintonge, entamer l'Aqui-
taine par le côté s<>ptcntrional, les Sotiates, qui se sont présentés les pre-
miers, soient réputés convenir à la position de Sos, qui n'est qu'à 7 ou 8
lieues au midi de la Garonne.
« M. le comte de \ illeneuve-Bargemont a, de nouveau, traité celle ques-
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- 127 -
Nous dei'oi» faire remarquer qu'il existe dans la commune de
Barp, canton de Belin^ département de la Gironde, un lieu appelé
aussi le Quartier des Sol'utles. Voici ce (juc dit Tabbé Baurein (1) :
« H existe un lieu très connu des pasteurs qui y conduisent leurs
« troupeaux. Ce lieu esl appelé les Soliales ; il parait avoir été an-
« ciennement habité. Aurait-il pris sa fiénominalion de quelque dé-
<i tachement de cet ancien [)ouplo du mémo nom, qui s'y serait fixé
« après sa défaite par Crassus, un des lieutenans de l'armée de
« Jules César ? etc. »
Voici les conjectures que nous avons formées en lisant ces li-
gnes :
Lors de la capitulation de la capitale des Soliales, Adcanluan,
leur roi ou chef, méconnaissant la trêve pendant laquelle on trai-
tait, « fil une sortie, par un autre côté, avec six cents braves nom-
« mes Solduriers. Ce sont des hommes qui se lient, à la vie et à la
« mort, à la bonne et à la mauvaise fortune d'un chef. S'il périt, ils
« périssent avec lui ou se donnent la mort d'eux-mêmes. Adcantuan
« ayant donc fait une sortie avec celte escorte, il s'éleva un grand
« cri de ce côté-là de la part des Romains, qui gardaient celle par-
« lie de« retranchements ; chacun courut aux armes ; le combat fut
« rude, mais enfin Adcantuan fut rechassé dans la ville ; ce qui
« n'empêcha pas Crassus de lui accorder les mêmes conditions
« qu'auparavant. » (Commentaires de César, liv. 3.) Mais la capitu-
lation une fois faite, des hommes comme Adcantuan et ses Soldu-
riers ne pouvaient supporter patiemment le joug de leurs vain-
queurs ; Crassus marchant sur les Vasates ou Vocales (ceux de Ba-
tion avec beaucoup d'étendue, el a démontré, selon nous, qu'il est impos-
sible de donner aux Soliales de J'anliquilé une autre position que celle de
So«,'qui se trouve, d'ailleurs, dans une position extrêmement forte, étant
bûlie sur une hauteur 1res escarpée de trois côtés. Au centre, sur un rocher
aplani par la main des hommes, était un château vaste et fortifié, à en juger
par les veslii^es qu'on peut en découvrir. L'enceinle était très considérable,
surtout du côté de la rampe qui descend vers la Gélise ; et on y a remarqué
jusqu'à cinq portes de ville ; dans la partie septentrionale, celle que les lo-
calités rendent la moins inaccessible, // exisle encore des murs qui onl près
de deux mètres d'épaisseur. •
a On sait que les noms des peuples et des villes sont trop souvent écrits
avec peu de corrections dans les monuments romnins, el c'est, sans doute,
à celte cause qu'il faut attribuer l'altération du mot Solium dans Vltinéraire ;
« un O mal fermé a pu donner lieu d'en faire \t*> deux lettres CI, et d'écrire
Scitiium pour Solium. » J. M.
(l) Variétés Bo^'delaises^ tome v, p. .Vi8.
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zas), et les Tarusates (ceux d'Aire et de Tartas), ne demeura pas
longtemps devant la cité des Sotiates ; une confédération spontané-
ment formée, lorsqu'on apprit la reddition de celte cité, forte par la
nature cl Tari, lui donnait assez d occupations pour Tempôcher de
s'arrêter et d'attendre d'être attaqué ; il marcha contre eux.
Liés d'intérêt avec ces peuples, les Sotiates les plus puissants
d'entre eux ne purent voir d'un œil indifférent cette confédération.
Adcantuan et ses Solduriers, fidèles à leur engagement, durent,
dans Tespoir que la victoire leur rendrait la suprématie, se réunir k
eux et préférer même la mort à la servitude. La chose était d'ailleurs
facile dans un pays couvert dont ils connaissaient les communica-
tions mieux que les Romains, puisque, même en la présence dé
Crassus, Adcantuan avait osé sortir de la ville et l'attaquer pendant
les pourparlers de la capitulation.
Pour opérer celle jonction, Adcantuan et les siens durent sortir
de leur capitale et se diriger vers les Vocales, dont ils étaient les
plus voisins, à travers les landes et les forêts, parce que Crassus
avait dû laisser de côté, en venant vers Sos, ceux de Bordeaux cl
(le Bazas pour se joindre vers Aiguillon (Fines), avec les
secours qui lui venaient de Toulouse, Carcassonne et Narbonne.
Celle contrée était donc, en se dirigeant vers la mer, la plus favora-
ble à la sûreté des Sotiates, soit qu'ils voulussent se joindre, com-
me cela est présumable, aux Vocales, soit qu'ils voulussent fuir la
servitude dans laquelle ils se trouvaient par la perle de leur puis-
sance. Et ce qui vient à l'appui de mes conjectures, est ce que dit
Athénée au sujet des Sotiats, qui ne sont sans doute pas différents
des Sotiates. Voici ce que dit M. de Pécis(l) : Il est dans les règles
« de rapporter ici, d'après AUiénée, que la coutume entre les Sotia-
« tes était que leur roi avait ordinairement six cents de ses sujets
« qui mangeaient à sa table, étaient vêtus do la même étoffe, de
« même couleur que lui, et qui commandaient avec la même aulo-
(( rite. Inviolablement attachés à sa personne,- ils faisaient vœu de
(( vivre et de mourir avec lui, quel que fut le genre de sa mort. Ils
« croyaient leurs jours assez pleins dès qu'ils pouvaient en termi-
ner le cours aussitôt que leur prince (2). » Ne doit-on pas conclure,
(1) Commentaire des Commenlaires de César, de la guerre des Gaules.
(2) En Aquitaine, Adialunnus, chef des Sotiates, avait autour de lui six
rcMits hommes dévoués qu'on appelait Soldurii (César, De bello gallico. III,
22. Cf. Mcul.Ms (le Damas cho/. Alliénée, VI, 5i, qui les appelait silodourous ou
silodounous.) Ces hommes partagent la bonne comme la mauvaise fortune de
ceux auxquels ils se sont donnes, el si le chef meurt, ils ne lui survivent pas.
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d'après celle ciCalion, que voulant rélablir leur puissance en péril,
Adcanluan el les siens préférèrenl affronter de nouveaux périls plu-
tôt que de rester dans Tinaction, sous la domination romaine, spec-
tateur impassible de la chute de la puissapce de leurs alliés, eux,
qui n'avaient pas craint, malgré leur trêve, d'attaquer les vain-
queurs.
Il est probable que la route que suivirent Adcanluan et ses Soldu-
riers, pour aller rejoindre les Vocales, fut celle qui se dirigeait
\ers ces peuples par OscineUim, que Ton croit être Esquies, suivant
l)anvillc et Du Mêge (1), et la station de Très Arbores, Ces deux sta-
tions étaient sur la voie qui, de Bordeaux , conduisait à Elusa, el,
suivant l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, Soiiuin, Scittium, se
trouve sur la voie de Bordeaux à Elusa, dont le territoire louche
aux limites qu'on peut donner aux Sotiates (2).
Salliiste fait allusion à la même coulumo et Fattribue aux Celtibères. (Ser-
rius ad Georgira. IV, 218) (Georges Dollin, Manuel pour servir ù Vétude de
l'antiquité Celtique, Paris, Champion 1906, p. 176.)
C^sar nous fait connaître un chef de Soliates qui avait six cents compa-
gnons de guerre, el il ajoute que, dans ceite contrée, on ne cite aucun exem-
ple de « dévoué » ayant refusé de mourir avec son chef. (DecotiSj quos Uli
soldurios appellant. César, IIÏ, 22.) Ici l'origine de Tinstitution est ligure ou
ibérique. (Plutarque, Scrtorius, H, Slrabon, III, 4-18, Dion Cassius, LUI, 20-
2.) (Camille Jullian, Histoire de la Gaule, t. n, p. 11 et 12.) J. M.
(1) Statistique Pyrénéenne, p. 16, t. ii.
(2) La voie antique dont parle ici de Métivier est bien connue : voici ce
qu'en dit de Craïannes {Nouvelles considérations sur les Sotiates. Recueil
de la Société des Lettres, Sciences et Arts dAf]en, VI, 73) : « Un autre docu-
ment géographique, Yltinéraire de Bordeaux à Jérusalem vient encore ici
à l'appui du texte de Pline pour fixer d'une manière irrécusable Tassietle des
Soliates et de leur chef-lieu dans l'Aquitaine novempopulaine. Nous ne rap-
porterons ici de cet itinéraire, monument précieux du iv* siècle, que le frag-
ment de Burdigala (Bordeaux) à Tolosa (Toulouse), passant par Dazas, Sos,
Eauze et Auch.
CIVITAS VASATAS.
MUTATIO THES ARBORIS. — L. v.
MUTATIO OSCINEIO. — L. viii.
MUTATIO SOTTIO. — L. vm.
CIVITAS ELVSA. - L. vm.
MUTATIO VANESIA. — L. xii.
CIVITAS AVSCIVS. — L. vm.
Quelques manuscrits et êdilion.«» de cet itinéraire portait SCITTIO au lieu
de SOTTIO ; mais c'est ici une erreur des anciens copistes, ainsi que l'ont
démontré jusqu'à Tévidence Danville, Walckenaër, etc.. »
M. Tholin a donné quelques indications précieuses sur cette voie. « Il se-
rait difficile, dit-il, de reconnaître exactement la voie antique entre Les Trois-
Chènes el Sos. Le mouvement des dunes qui s'est fait sentir jusques à la
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Après leur réunion aux peuples confédérés pour repousser la
dominalion romaine, ils durent faire partie de celle armée, qui ne
dut d'être vaincue qu'à un hasard heureux pour Crassus, comme le
dit M. de Pécis. ('ar, aidés des officiers qui avaient servi sous Ser-
lorius, ils avaient perfectionné leurs moyens de défense, qui obligè-
i-ent Crassus d'attaquer ou de risquer de mourir de faim au milieu
de peuplades, toutes intéressées à lui faire éprouver le même sort
qu'à ses prédécesseurs.
Après leur défaite, les [)cuples confédérés se soumirent. Mais Ad-
cantuan et ses Solduriers avaient, malgré la générosité de Crassus,
à craindre sa juste colère pour n'avoir pas tenu leurs promesses ;
ils durent se séparer des autres peuples, et, s'isolant dans les dé-
serts et les landes, y former un établissement temporaire, où, ob-
servateurs de leurs serments, ils périrent tous, soit qu'ils fussent
poursuivis et atteints en ce lieu par les Romains, soit qu'ils se tuas-
sent eux-mêmes de désespoir pour ne pas survivre à leur défaite et
à la destruction de leur puissance.
Peut-être aussi qu'arrivés au lieu indiqué par l'abbé Baurein, ils
formèrent une nouvelle cité où leurs descendants vécurent jusqu'au
via* siècle ; que, tantôt les Sarrasins, tantôt les Normands, et avant
eux les Vandales, Gothes, Visigoths, Suèvcs, etc., vinrent porter le
fer et la flamme au sein des populations de l'Aquitaine et laissèrent
partout les traces de leur funeste passage.
Gélise, cl n'a été arrête par le boisement qu'à une époque récente, l'invasion
du sable fin dans nos landes ont enseveli sous >des couches parfois profon-
des les ruines romaines et les vieux chemins.
Dans celle région peu accidentée la route pouvait être direcle et elle
l'était, si on en juge par laccord approximatif du chiffre réel de la distance
et des chiffres fournis par l'ilinéraire. 11. y a 40 kilomètres des Trois-Chêncs
à Sos, et les deux étapes de l'Itinéraire, chacune de 8 lieues, ne représentent
que 35 kilomètres et demi. L'écart est en somme de moins d'un huitième. Il
faut rechercher !a mulaiio Oscineio à- moitié chemin entre Les Trois-Chênes
et Sos, c'est-à-dire à proximité de Houeillès; les uns ont proposé Esquieys,
enlre Houeillès et Pompogne, d'autres Escinjol, aujourd'hui simple moulin
sur le Ciron à 4 kilomètres au sud-ouest de la ville de Houeillès. On a trouvé
des substructions antiques dans ces deux localités. » (Causeries sur les Ori-
(jines de i'Agenais, IV.)
Si M. Tholin avait exploré les environs de Meylan, il n'eût pas hésité à
reconnaître celle voie, au point où elle traverse la Gueyze au Gai; Uerrat.
Un gué factice très bion conservé est encore là pour jalonner à travers les
sables le tracé de celle route célèbre suivie, sous le règne de Constantin,
(vers l'an 333), par le chrélien d'Aquitaine cjui fit le pèlerinage de Jérusalem
et en nota soigneusement l'ilinéraire, en mesurant les dislances en lieues
gauloises de 1,134 toises, selon Danville. J. M .
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Peut-être encore, qu'exterminés en ces quartiers par les Romains,
Adcantuan et ses Solduriers y laissèrent celte dénomination de Bar-
bares, que les Ilomains appliquaient à tous leurs ennemis (1).
J'ai dû supprimer ici une longue discussion sans intérêt pour le
sujet, à propos de ce qu'a écrit Baurein sur le nom de la commune
de Barp qu*il considère comme une corruption de Barbares.
Je ne sais si mes conjectures seront accueillies favorablement par
les archéologues, mais ce sont celles qui m'ont paru devoir être les
plus raisonnables pour établir l'origine de ce quartier des Sotiates
do la paroisse en commune de Barp.
(1) Chaudriic do Crazanncs (ISoucelles considérations sur les Solîates. Re-
cueil de la Société des Lettres, Sciences et Arts dAgen, t. vi, p. 91) semble
bien près d'adopter Thypothcse de M. de Métivier, qu'il a longuement expo-
fée : « Il faut reconnaître, dil-il, que peu de conjectures historiques offrent
oulanl de caractères de vraisemblance que celle dont nous entretenons le
lecteur. Elle explique d'ime manière satisfaisante lo silence sur VAdcantua-
nus des Coninimlaires ou VAdieluanus des médailles et sur ses braves et
fidèles compagnons, à la suite de la perle de l'indépendance, etc. » Oui, mais
ce que de Crazannes donne ainsi, d'une main, dans le texte, il le retire de
l'autre main, dans la note qu'il ajoute et que voici : « A propos de la mé-
daille des Sotiates à la légende Rex Adietvanvs, notre savant confrère, M. de
La Saussoye, émet sur le sort de ce chef aquitain, après la soumission de
.'•on ])euple, une opinion toute contraire à la nôtre.
« L'histoire de ceUe médaille, dit-il, nous permeUra de continuer l'histoire
à\Adietuanus, à partir du point où elle est restée dans les Commentaires.
Crassus non-seulement le comprit dans la capitulation, mais il lui laissa son
autorité, à la condition de la faire servir aux projets.de Home sur la Gaule.
.\dietuanus devint Tallié et le tributaire des Romains, frappa monnaie à son
nom et à celui de sa tribu, é^n consacrant, d'après un usage dont le mon-
nayage gaulois nous offre plus d'un exemple, un type national joint à un
type étranger. U'un côté, nous voyons la ligure grossière et difficile à déter-
miner de.s monnaies primitives des Sotiates (une tète de lion), et de l'autre,
la louve romaine, symbole de leur alliance ou, pour mieux dire, de leur sou-
mission à la République. Les médaiUes consulaires de Publius Satrienus
fournirent le revers. »
« La conjecture émise ici par le docte académicien est ingénieuse et fondée,
ajoute Crazannes, qui ne voulait mécontenter pej'sonne, qui nous assure,
toutefois, que les Sotiates et leur roi, à l'exemple d'un assez grand nombre
d'autres peuples de la Claule, n'eussent point, antérieurement à la conquête,
imité dans les monuments de leur autonomie le monnayage romain et, par-
ticulièrement les types des deniers consulaires circulam avec abondance
dans une contrée voisine, la Gaule narbonnaise ou province romaine con-
quise un siècle plutôt que l'Aquitaine. »
Walckenaër avait contesté rauthenticilé de cette médaille ; il fut réfuté par
de La Saussaie, dans la Revue de Numismatique et par de Crazanneé dans la
Reçue archéologique. Celui-ci l'avait publiée sous le titre de Dissertation
sur une médaille dun chel des Sotiates d'Aquitaine, dans le tome i" des
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Bulles d'Esquies.
Nous avons parlé d'Esquies, et il est essentiel de faire remarquer
(|ue très près du lieu où était l'église, que la faux de l'impiété a dé-
truite, sont trois monticules considérables, à égale distance les uns
des autres, couronnés d'arbres et entourés d'eau à leur base.
Serait-ce des buttes tumulaires, ou bien des dunes que quelque
cataclysme a laissé au milieu de ces landes ?
Pour des buttes tumulaires en usage chez les Romains et chez les
Gaulois, je les trouve bien grandes, à moins que sur cette route qui
conduisait de Bordeaux à Elusa, il n'y ait eu (|uelque affaire san-
glante qui aurait domié lieu à élever ces buttes au-dessus des restes
des combattants qui auront succombé. Car ces monticules, comme
le remarque l'abbé Baurein (1), n'étaient élevées que pour les per-
sonnes capables de pouvoir en faire les frais, ou pour décerner un
souvenir aux mûnes des guerriers qui succombaient dans les com-
bats. Ainsi, on en trouve un assez grand nombre près de l'église de
Louspeyrous, et deux ù droite de la Ténarèse, en allant de Sos à
Eluse.
Mais celles d'Esquies me paraissent, comme je l'ai dit, bien gran-
des pour être des buttes tumulaires, et cependant le fossé qui les
entoure et les défend et dont la terre a servi à les former sont au-
tant de motifs qui doivent faire considérer ces monticules comme
des monuments antiques.
Tombes, puils sous le sol des champs de Louslalel (2).
A une petite distance de Sos, vers le nord, est une maison avec
les granges nécessaires à l'exploitation d'une métairie ; elle est
Mémoires de la Société, archéologique du Midi (p. 109-119), mais avait été
devancé par Pellerin {Recueil de médailles de peuples et de villes), par Mion-
net (Description des médailles grecques et romaines, t. i"), etc.. De La Saiis?-
saye l'étudia à nouveau dans ses Conieclures de la numismatique de la
Gaule (Revue \umiHmntique 1851, p. 11 et suiv.). Plus près de nous, de Saiilcy
s'est occupé des pièces soliales dans sa .\umismaiique des cliels (jaulois...
J'arrête ceUe suile de références. M, Barlhalès a recueilli plusieurs médailles
d'Adieluanus à Sos ménie, sur l'emplacement du rempart éventré par la cons-
truction de la gare des tramways. J. M.
(1) Variétés Bordelaises, t. v, p. 78 et 80.
(2) M. Tholin avait noié, au cours d'une visite li Sos, un assez grand nom-
bre de découvertes d'antiquités, faites assez réccnunent, sur le plateau au-
quel se rattache l'oppidum par le col de Loustalel.
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— 133 --
construite presque en entier sur des lombes, et peut-être sur d'au-
tres monuments anciens. On appelle ce lieu Loustalet ; il n'est sé-
paré de Sos que par un ravin comblé et aplani en partie par la main
de rhomme et les effets du temps. Il paraît avoir été, à l'époque de
la puissance des Sotialcs, le fossé d'enceinte de leur ville (1). Dans
une chambre de cette maison on voit encore deux tombes en pierre
dont la couverture a été sans doute brisée, il n'y a pas longtemps,
quand on construisit le mur qui sépare cette chambre d'une autre;
à côté, on trouve aussi une autre tombe.
« Les subslruclions abondent, a-t-il écrit, dans un de ses dossiers déposés
aux Archives départementales du Lot-et-Garonne, dans les champs de Lous-
talet et de Peyroutet. On y a trouvé beaucoup de monnaies du Haut et du
Bas-Empire ; les fragments do poterie et de tuiles à rebords jonchent le sol.
Près de Saint-Martin, on a mis au jour des fragments de fûts de colonnes en
marbre. On y a trouvé également, en 18(57» des cercueils de pierre de l'épo-
que carlovingienne. L'un d'eux se voit encore auprès des ruines de la vieille
église transformée en serre. On a trouvé d'autres sarcophages en pierre
sur la place qui entoure l'église de Sos. A Campet on a mis au jour des sé-
pultures antiques. Un éperon et un tronçon d'épée ont été recueillis auprès
d'un squelette. » Cette sépulture n'était pas antique, puisqu'elle contenait un
éperon, aussi M. Tholin se borne-t-il à la mentionner sous la rubrique Epo-
que indéterminée. J. M.
(1) M. de Métivier, homme de clair bon sens et qui n'ignorait pas tout, an-
cien soldai qu'il était, dQi> principes élémentaires de la stratégie, a été frappé
tout d'abord par l'importance du ravin de Coustalet qui sépare le plateau,
de Sos des collines voisines de Saint-Martin, de Peyroutet et de Campet. H a
constaté, comme nous, que ce ravin avait été graduellement comblé par la
main de l'homme et par l'action des agents atmosphériques qui incessamment
travaillent et modifient les reliefs du sol. Or malgré le colmatage des élé-
ments et le remblai des humains, le col par lequel on pouvait uniquement
arriver à Sos reste aujourd'hui de cinq à sept mètres plus bas que le bord
septentrional du plateau de l'oppidum. Tel qu'il est, il offrirait encore une
excellente défense naturelle contre une troupe qui ne serait pas protégée
par de l'artillerie.
En est-il de même à Lectoure 7 Que non pas ! L'assiette de cette ville se
rejoint sans dépression appréciable au plateau voisin, et l'isthme en a ^été
coupé au moyen âge par un chélif fossé de moins de deux mètres de pro-
fondeur, sur quatre de largeur, qui n'eût pu, en aucun cas, motiver l'emploi
des terrasses mobiles dont Crassus fut contraint de se servir pour aborder
le rempart de Sos ; de simples abattis d'arbres et quelques charges de terre
y eussent suffi, alors comme aujourd'hui. Camoreith, d'ailleurs, est contraint
de reconnaître (pie ce fossé a été creusé dans le roc ; aussi s'cst-il empressé
de ne pas dire le moindre mot des travaux souterrains, des mines, par les-
quelles les Sotiates assiégés détruisaient les terrasses des ingénieurs de
Crassus. Il ne fait pas l'ombre d'un doute, en effet, que de tels travaux de
mine ne peuvent pas être opérés en plein roc. Or, à Sos, au col de Lousta-
let, il n'y a plus de rocher, la nature géologique des terrains est toute diffé-
rente de celle du plateau. Les mineurs d'Adiatum pouvaient y creuser tout à
l'aise leurs souterrains. J. M.
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A vingt pas, vers le nord de celle mélairie, on découvrit, il y a
environ 36 ans, un puits qu'on nettoya jusqu'à une certaine pro-
fondeur ; mais arrivé à ce point, on trouva un amas considérable
de grandes pierres ; cette circonstance fit craindre de trop grands
frais au propriétaire d'alors (M. Bermuska), et il abandonna l'eii'
treprise. Probablement que ces pierres n'étaient autres que celles
qui formaient le cordon du parapet de ce puits qui fut de suite re-
comblé. Mais en prenant des terres à Tentour pour opérer ce com-
blement, on découvrit encore une tombe dans laquelle se trouva
avec le squelette qu'elle renfermait, une épée dont le domestique de
M. Bermuska s'empara ; on ne sait ce qu'elle est devenue (1). Mais
pour conserver un indice de ce puils, on y planta un peuplier qui
est actuellement très beau, et peut servir d'indicateur pour la re-
cherche de ces vestiges antiques. (Le nomme Barthélémy, vieux
métayer de Loustalet, m'a certifié ces faits (2).
A quelques pas de lîr passait la voie Césarienne (Ténarèzc), ou
plutôt une rue de l'ancienne cité des Sotiales, car le sol des champs
environnants est plein de constructions auxquelles heurte souvent
(1) Ces tombes en pierre prouvent que le cimetière ancien décrit par
M. Charles Baslard dans son intéressante notice sur Sainl-Martin-d'Albrel,
s'étendait jusque sur le sol occupé par la fernic de Loustalct. La rencontre
d'une épée dans un de ces sarcophages révèle peut-être une sépulture carlo-
vingienne, mais, en l'absence d'autres indices, cette épée ne constitue pas
une preuve absolue d'une aussi haute antiquité. 11 n'est pas très rare qu'un
noble ail été enseveli avec son épée au xiu' siècle ; le cas a été constaté dans
une sépulture trouvée dans l'église du Paravis. L'épée, qui y a été recueillie,
et qui est conservée au Musée d'Agen est très caractéristique de cette épo-
que. J. M.
(2) M. Alfred Harlhalès, un des plus anciens et des plus heureux explora-
teurs de Sos, ne devra pas nous en vouloir de révéler qu'il est l'auteur d'un
petit livre, déjà rare et justement recherché : Les Sotiaies, leur origine et
leur^ histoire, par A. B. (Nérac, imp. Louis Duthil, 1881), où l'histoire de la
lière cité est très agréablement exposée, et où abondent les anecdotes inté-
ressantes. Une de celles-ci doit trouver sa place après ce qu'a dit M. de Mé-
tivier sur le puils de Louslalet. En 1430, les Anglais s'avancèrent jusqu'aux
portes de Sos. « Hien ne reste de celte entreprise qu'une simple tradition, dit
M. Barthalès (loc. cit., p. fil). Les .Sotiales menacés du pillage par les ban-
des de routiers... firent un étal en règle des valeurs que possédait chaque
particulier et les réunirent dans une bourse commune ; ce trésor fut confié à
la vigilance des consuls, mais ces derniers ne le croyant pas en sûreté dans
une ville qui pouvait être mise à sac d'un instant à l'autre, sortirent une nuit
avec leur précieux dépôt et l'ensevelirent au fond d'un vieux puits qui se
trouvait devant la métairie de Louslalet. Une pierre h meule du même dia-
mètre fut placée dessus pour dérouter toutes les recherches, et la fortune
des habitants se trouva ainsi à l'abri de toute réquisition. » J. M.
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— 135 —
le laboureur avec sa charrue. En levant des briques, des tuiles, des
fragments de pierre, il sillonne, sans s'en douter, des murs qui ser-
virent de base aux habilalions d'un peuple belliqueux. Jadis le
bruit des armes, le choc des boucliers el des lances, les clameurs
guerrières retentissaient dans ce lieu, où, par un contraste si fré-
quent dans les vicissitudes de la vie, le paisible laboureur conduit
aujourd'hui sa charrue, et cultive en paix les terres qui couvrent
ces monuments de la gloire et des malheurs des Sotiates (1).
Il n'y a pas longtemps, qu'en élargissant la route actuelle on
trouva un amas de matières calcinées renfermant des instruments
en fer de forme assez grossière, et servant à la préparation de la
nourriture des hommes. Ces monuments, dorment encore jusqu'à ce
que la volonté du propriétaire de ces terres y fasse opérer des fouil-
les qui enrichiront peut-être un jour l'archéologie.
(1) Le vicomte de Mélivier était letlré cl il le prouve bien par ceUe agréa-
ble variation sur la classique prophélie de Virgile (Georgiques, I. 493-497) :
Scilicet et lempus véniel, quum finibus illis
Agricola, incurvo terram molilus aratro,
Exesa invenicl scabra robigine pila,
Aut gravibus raslris galcas pulsabit inanis ,
Grandiaque effossis mirabilur ossa sepulcris.
Au temps où nous reporte le mémoire que nous rééditons, tous les gens
cultivés savaient par cœur do lels vers et n'hésitaient pas à en redire la
traduction par Delille :
Un jour le laboureur dans ces mêmes sillons
Où dorment les débris de tant de bataillons
Heurtant avec le soc leur antique dépouille,
Trouvera plein d'effroi des dards rougis de rouille,
Verra de vieux tombeaux sous ses pas s'écrouler
Et des soldais romains les ossements rouler.
Ce n'est qu'au mois de mars 1839 que \ ictor Ilugo (Les Rayons et les Om-
breSy VIII) devait renouveler ce vieux thème en des vers que tout archéolo-
gue doit connaître et qu'il relira ici avec plaisir :
Car les temps sont venus qu'a prédits le poète î
Aujourd'hui dans ces champs, vaste plaine muette,
Parfois le laboureur, vers le sillon courbé,
Trouve un noir javelot qu'il croit des cieux tombé.
Puis heurte pêle-mêle, au fond du sol qu'il fouille,
Casques vides, vieux dards quamalgarne la rouille,
Et, rouvrant des tombeaux pleins de débris humains,
Pâlit de la grandeur des ossements romains.
Qu'on me pardonne cet intermède littéraire parmi toute cette archéologie;
ce sera, si l'on veut, une fleur parmi les épines, jlor entre espinas comme dit
h devise du sceau de Loja qu'a si finement commenté M. Emile Travers.
J. M.
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— 136 —
Il est probable que la ville de Sos s'étendait jusque vers ces
champs.
Je crois aussi que M. de Villeneuve a commis une autre erreur
lorsqu'il a consigné dans son écrit sur le lieu qu'occupaient jadis
les Soliales, qui résistèrent aux armes romaines, que la ville s'éten-
dait du côté de la rampe qui se dirige vers la Gélise. Voici ce qu'il
dit :
« Sos se trouve dans une situation extrêmement forte ; elle est
<( bâtie sur une hauteur, très escarpée de trois côtés ; et au centre,
<( sur un rocher, aplani par la main des hommes, était un château
« vaste et fortifié, à en juger par les vestiges qu'on peut en décou-
« vrir. L'enceinte de la cité était 1res considérable rfu' côté de la
« rampe qui descend vers la Gélise, et on y a remarqué jusqu'à
« cinq grandes portes de ville (1). »
Sos est, il est vrai, dans une situation iadis extrêmement {orie
avant Vinvention de la poudre et le perfectionnement qu'ont éprou-
vé l'attaque et la défense des places. La hauteur sur laquelle elle est
bâtie était escarpée de tous côtés ; car les alentours ont été depuis
aplanis par la main des hommes, et la partie la plus aplanie ainsi
(1) Ce serait crime d'omission impardonnable que de ne pas reproduire la
description de l'oppidum de Sos par M. Georges Tholin : « Je ne décrirai
point Toppidum de Sos par cette raison qu'on n'y voit plus de vestiges des
anciennes fortifications, qui devaient consister principalement en levées de
terre, peut-être combinées avec des assemblages de poutres. Le haut plateau
sur lequel s'élevait la capitale des Sotiates, a une forme presque circulaire.
Son diamètre est de 350 mètres. Des arêtes de rocher et des pentes naturel-
les le protégeât sur les trois côtés qui forment les vallées de la Gclisc et de
la Gueyze. Au nord, il est séparé des autres plateaux par une coupure trop
profonde pour être attribuée à la main de l'homme. l\ restait peu de chose à
faire pour compléter l'ouvrage de la nature et l'emplacement était admira-
blement choisi.
« On a trouvé quelques haches de bronze aux environs. L'une, qui est con-
servée au Musée de Nérac, est munie d'une douille circulaire. Elle se rappro-
che des types R et S du Proiet de classilication avec cette différence que
l'anneau d'attache est placé dans le sens perpendiculaire au tranchant, ce
qui semble indiquer un mode particulier d'emmanchement. » (Stations, Oppi-
dum, Heluges, p. 10.) -- Je me demande si cotte hache n'est pas celle qu'a
signalé l'abbé Breuils : « On a trouvé récemment, dans les champs voisins
de ce vallon (de la Gueyze, à l'Ouest de Sos) une hache en bronze romaine
(sic) ; ce fait m'a été assuré par M. Martel, maire de Saint-Pé-Saint-Simon »
(Revue de Gascogne, t. xxix, p. 401, note 2). Quoiqu'il en soit, nous connais-
sons deux haches en bronze sûrement trouvées à Sos ; l'une, très primitive,
appartient h M. Ch. Bastard, l'autre, à rainures, fait partie des collections
du Musée d'Âgen. j. m.
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se trouve au nord" du ravin qui défendait très bien de ce côté-là
la partie fortifiée de celte cité, dont l'étendue n'était pas, selon mon
opinion, l'inspection des lieux et des titres divers, vers la rampe de
la Gélise, mais bien plutôt vers le nord. La preuve en est dans les
vestiges de fondation que Ton retrouve h chaque instant (1), cha-
que fois que Ton veut faire des fouilles pour avoir de la pierre à
nAtir, soit entre la ville actuelle et ce ravin (2), soit au nord de ce
(1) « Dans la partie septentrionale, celle que les localités rendent la moins
inaccessible, il existe encore des murs qui ont près de deux mètres d'épais-
seur. » (Villeneuve-Bargemont, 1. c, p. 289-290.)
Cette phrase a été textuellement reproduite par du Mège, dans sa Staiisii'
que générale des déparlements pyrénéens (t. ii, p. 17) et par Chaudruc de
Crazannes (1. c, p. 82) qui semble bieri avoir vu par lui-m^me la chose dont
il parle, puisqu'il ajoute, quelques pages plus loin : « Quant à l'absence pré-
tendue des médailles sur le territoire des Sotiales, nous pouvons assurer à
M. Bascle que nous en avons recueilli, à différents temps, un assez grand
nombre, consulaires et impériales, en argent et en cuivre ; ces dernières
dans les trois modules et appartenant au Haut et au Bas-Empire. Plusieurs
amateurs de Lot-et-Garonne, du Gers et des Landes, en possédaient aussi
provenant de la môme source. » Le vieil antiquaire avait donc visité Sos
plusieurs fois.
Revenons au mur signalé par M. ûo Villeneuve : il me semble naturel de
croire qu'il avait quelques rapports avec les veiUges de fondation dont parle
M. de Métivier, et il m'est impossible do ne pas identifier le tout avec le mur
pré-romain en gros blocs réunis par des tenons en double queue d'aronde,
qui ont été trouvés en si grand nombre sur l'emplacement de la gare du
tramway, dans la région signalée par les deux auteurs, et tout près du fau-
bourg des Capots, où, d'après M. de Métivier, existaient aussi des « fonde-
mens de murailles anciennes très épaisses. » Ces mêmes blocs existent aussi
dans le cimetière de Sos, où le fossoyeur a souvent constaté leur présence.
N'oublions pas de constater que pour la science archéologique l'existence
de ce mur était. un dogme, et que Sos était considéré comme l'un des types
caractéristiques de l'oppidum gaulois ; « un grand nombre d'antiquaires, dit
Prosper Mérimée, pensent que les Gaulois n'avaient point de villes, dans
l'acception moderne de ce mot, et que ce n'était qu'à l'approche d'un grand
danger que les populations s'enfermaient dans de vastes enceintes, fortifiées
à la hâte, qu'on abandonnait ensuite lorsque la cause qui les avait fait élever
avait disparu. Les détails qu'on lit dans les Commentaires de César, sur
Voppidum des Sotiales et sur celui des Vocates et des autres peuples que
soumit Crassus, son lieutenant, se rapportent assez bien à l'enceinte d'Entre-
mont. Comme cette dernière, celles-là paraîtraient avoir été murées d'un rem-
part du côté opposé à Tennemi, et négligemment fortifiée de l'autre. » (Pros-
per Mérimée, ISioles d'un voyage dans le Midi de la France, Bruxelles 1836,
in-12, p. 225.) J. M.
(2) En 1823, on répara la route qui traverse Sos sur l'un de ses côtés du
nord au midi. On trouva des fondemens ou murailles anciennes, très épais-
ses, au faubourg des Capots, quartier jadis réservé à ces races proscrites
de la société, n'ayant pas même le droit d'aller nus pieds dans les rues et
d'entrer dans l'église par la même porte que les autres {Venuti. Du Mège).
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- 138 —
ravin dans le champ actuellement en culture et dont je viens de par-
ler : et rien ne prouve qu'il ail existé à la rampe de la Gélise aucun
mur, aucune construction (1).
Pour ce qui est des cinq grandes portes de ville, voici leur situa-
lion, quand elles existaient, ainsi que cela peut encore se prouver
par des lettres dont j'ai pris connaissance au sujet d'une commission
dont je fus chargé en 1818, par le sous-préfet de Nérac, relative-
ment k un litige existant entre la ville de Sos et la famille
Garosle, Ces titres sont chez MM. de Salis, Garde et Garoste. Il est
constaté, tant par eux que par Tinspection des lieux il y a peu d'an-
nées, et encore aujourd'hui par une construction que vient de faire
le sieur Gaston à une partie de la maison qu'il a acquise de la famille
Garoste, et qui a fait découvrir le côté d'une porte de ville de même
qu'une certaine quantité de pièees d'or et d'argent d'Henri III,
Les débris servirent à paver la roule ; on y trouva aussi un bel aqueduc qui
la traversait, se dirigeant de Sos vers le levant , il était bien conservé; j'en-
gageai le maire à en suivre la direction ; le manque de ressources commu-
nales l'en empêcha, il fut comblé et se trouve sous la route, oublié comme
tant d'autres constructions antiques. (Note de M. de Métivier.)
Je commenterai encore celle note de M. de Métivier. Le bel aqueduc qu'il
avait vu vient d'être retrouvé au cours des travaux nécessités par l'établisse-
ment des tramways. C'est bien un aqueduc romain. Même M. Charles Bastard
retrouva une des vannes en plomb qui en régularisaient le débit par filtrage.
Or, et le fait doit être relevé, on avait employé pour cet aqueduc, un assez
grand nombre des mêmes blocs de pierre de dimension colossale, dégrossis
simplement et sans l'emploi de l'équerre qui ont étô trouvés à Textrême front
nord de l'oppidum et dont l'origine pré-romaine ne saurait êlre contestée.
J. M.
(1) J'emprunte ce précieux renseignement à Tabbé Breuils. « Une délibé-
ration municipale de Sos, du L5 février 1652, dit que Sos « n'avoil nulle juri-
diction que simplement lenclos des murailles et le vol du chapon, et de con-
tenance que 1212 cartelades (298 hectares 52) et places de maisons. » En
supprimant les 14 hectares de Tenclos des murailles, il reste donc pour le
« vol du chapon » 284 hectares où partout « des pLaccs de maisons », c'est-
à-dire des ruines diverses, manjuaient un ancien lieu habité. Il y a là aisé-
ment de quoi satisfaire Tobjeclion de M. Camoreyt. » (Rev. de Gascogne,
1895, p. 274, n' 2.) L'abbé Breuils donne ce relevé d'archives pour appuyer
ses constatations sur l'existence de ruines romaines h une grande distance
autour du plateau même de Sos, qui se poursuit, dit-il, « à l'est vers l'an-
cienne paroisse de Sainl-Martin-lez-Sos sur une grande étendue. Des ruines
nombreuses de constructions romaines, découvertes journellement sur cette
dernière partie du plateau maintenant livré à la culture, attestent avec cer-
titude qu'à l'époque romaine la ville de Sos avait franchi la dépres.sion de
Loustalet et s'étendait jusqu'à deux ou trois cents mètres au-delà dans la «H-
reclion de Sainl-Martin-lez-Sos. Et tout porte à croire qu'il en fut de même
de l'oppidum. (Breuils, ibid.) J. M.
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- 13Ô -
Henri IV, Louis XIII, Louis XIV, Rois de France, Philippe IV, roi
d'Espagne, et des pièces mexicaines presque brutes, d'or très pur
sans alliage, et à peine frappées au type espagnol ou portugais, qu'il
y avait 1° une porte de ville entre la maison actuelle du sieur Ca-
niazonades, et celle que le sieur Garoste a vendue à Dêvcns ; 2** une
autre porte, entre la maison du sieur Mendonne, boulanger, et par-
tie de la même maison Garoste, où était jadis un emplacement ven-
du par M. de Salis ; 3* une porte de ville, à l'extrémité de la pro-
menade actuelle, au sommet de la chaussée, entre la maison de
M. Ho(|ues et le jardin de M. Garde, c'était la deniière de ce côté
de la rampe de la Gélise ; 4** une porte dans le quartier qui avoisine
fancien chûteau, et qui conserve encore le nom de Porte Neuve ;
5® une porte au couchant, au sommet de la chaussée qui va à Ga-
barret, à l'angle de la maison de M. Labcyrie ; les restes en sont
encore apparents.
Voilà donc les cinq portes placées en divers quartiers, et non
toutes, comme le dit M. de Villeneuve, du côté de la rampe de la
Gélise, dont la plus éloignée de la ville actuelle se trouvait sur le
môme plateau, et au sommet de la chaussée qui perce cette rampe
cl conduit à l'ancienno Eium. Enfin, des restes de tours adossées
aux murs de ville (hi côlé de hi rampe paraissent encore entre les
maisons Païssé et L)uiTau (J), et viennent corroborer notre opinion.
Ainsi, rien ne constate que la ville des Sotiates s'étendit davan-
tage vers la rampe, où jusqu'à ce jour la culture et les fouilles n'ont
fait trouver aucuns vestiges de constructions, tandis que dans les
(1) M. Duffau, à qui revient l'honneur d'avoir découvert la stèle votive por-
tant une dédicace à la Tulèle par une corporation de maçons, a sa pharma-
cie installée dans une belle maison des Cornières, dont la façade extérieure
est depuis longtemps sans caractère, mais dont la cour intérieure aux pans
de bois et fenêtres à meneaux sculpté est un excellent spécimen des demeu-
res bourgeoises du xvi* siècle, dans la région. Une pièce du premier étage
est pourvue d'une cheminée en pierre, très monumentale et d'un style
charmant dans sa riche sobriété. C'est, paraît-il, dans cette maison
que logea Henri IV, encore roi de Navarre, quand il fut officiellement
reçu à Sos, pour la première fois, le 14 mars 1580. M. Barthalès a consacré
une fort agréable page à cet épisode de l'histoire de sa ville natale. {Les So-
tiates, etc., p. 81-83.)
Marguerite de Valois, venant d'Eauze, dîna et soupa à Sos, probablement
dans le même logis, le 2 juillet 1579. Elle y fil halte encore le 3 juin 1581.
Henri IV dîna encore une fois à Sos, le 13 mai 1584.
(Cfr. Ph. Lauzun, Itinéraire raisonné de MarQuerite de Valois en Gasco-
gne. Paris, Alph. Picard. 1902, pp. 111. 176 et 286).
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— 11Ô —
champs, les vignes, chemins, maisons, au nord, se trouvent des
tombes, des constructions, des fragments de tuiles dont la forme se
rapporte à celles dont on se servait au temps des Romains.
Quant au château, rien ne constate qu'il fût de cette époque recu-
lée, mais cela est probable, ne fût-ce qu'à cause de son adhérence
aux autres fortifications ; et si aucun document ne vient le prouver,
il est aussi très possible qu'il passa à des souverains particuliers,
du moyen-àge, qui y attachèrent leur écusson, signe de domination
sur ces restes de la gloire et de la puissance des Sotiates et des Ro-
mains qui les soumirent.
{A suivre).
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LE CHATEAU DE CASTELNOUBEL
(Commune de Bon-Encontre)
•; SUITE )
Les Pascault de Poléon. — La famille de Pascault on
Pasco est originaire de La Rochelle. Jean Pascault, écuyer,
sieur de Villars, était en 1607 échevin de La Rochelle et lieu-
tenant général au présidial de celle ville. Ce fut Tauteur de la
familles, maintenue dans la noblesse par ordonnances du 29
janvier 1671 et T"" janvier 1700.
Les armes des Pascault, baron de Poléon, était : d'argent,
au mouton naissant de sable, surmonté et accosté de 3 bran-
ches d'épines de sinoples.
Jean de Pascault, baron de Poléon, conseiller du roi en ses
conseils d'Etat et privé, seigneur de Villars, Coutures, Châ-
teau-Gaillard, se maria avec Sara de Piccassary, dont il eut :
Jean de Pascault, qui épousa, le 22 août 1647, demoiselle
Suzanne de Galard de Béarn. Celle-ci était fille de Louis de
Galard, comte de Brassac et de Béarn, baron de Larochebeau-
courl, et de Marie de Ranconnel de No\ on (1).
De ce mariage, il y eut, entre autres, Jean Pascault, mar-
quis de Poléon, Louis et Pascault, seigneur de Villars.
C'est le second de ces enfants, messire Louis Pascault de
Poléon, qui acheta Castelnoubel à Jean-Baptiste de Secondai.
Louis Pascault se maria avec Marianne de Laborde, fille de
noble Etienne de Laborde, seigneur de La Cassaigne, et de
demoiselle Marie de Maures, en 1699. Marianne était veuve de
François de Malartic.
Loi-s de son mariage, Louis Pascault habitait dans la ville
d'Agen depuis un an. Il dut donc acheter Castelnoubel vers
(1) Noulens. Maison de Galard, t. iv, p. 1480.
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-112-
1700. Nous ignorons le prix d'achat, mais, un document de
1747 nous apprend que le seigneur de La Cassaigne avait payé
pour lui la somme de 3.885 livres, « à M. le président de Mon-
tesquieu à qui elle était due pour reste de prix de l'acquisition
de la terre de Castelnoubel » (1).
Messire Louis Pascaull, seigneur de Chaban, Castelnoubel,
Mérens et Cassou, lit son testament le 13 août 1710. Il habitait
alors dans la ville d'Agen, rue Daurée. S'il meurt à Agen il
veut être enteiTé dans l'église des Capucins. S'il meurt à Cas-
telnoubel, il « veut être ensevely dans la chapelle Notre-Dame
de Castelnoubel (2) et pour droit de sa sépulture et de ses suc-
cesseurs il donne à l'église de Cassou la somme de cent livres
payables une fois après son décès, pour ladite somme être
employée aux réparations les plus nécessaires de la dite église
et au cas où il soit ensevely dans ladite chapelle de Cassou, il
veut qu'il soit dict au plus tôt après son décès cent messes bas-
ses de Requiem, pour le salut de son âme, dans lad. église de
Cassou et Saint-Denis, pour lesquelles cent messes il veut qu'il
soit payé quarante livres après son décès et que l'annuel soit
dit aux capucins comme sus est dit et à la discrétion de dame
Marianne de Laborde son esjpouse. Il fixe ses honneurs à la
somme de 300 livres pour le moins.
Il fait divers dons à ses frères, à sa nièce Engélie, fille du mar-
quis de Poléon, donne la jouissance de ses biens à sa femme.
Il institue comme héritier universel Messire Jean César Pasco,
son neveu, fils unique dudit marquis de Poléon son frère. S'il
meurt sans enfant son hérédité doit revenir aud. seigneur de
Villars son frère. Si celui-ci n'a pas d'enfants son héritage ira
à Haut et puissant Messire François Alexandre de Galard de
Béarn, chevalier, seigneur, comte de Brassac son cousin ger-
main (3).
Il mourait un an après le P' août 1711. « Messire Louis Pas-
eau, chevalier, seigneur de Chaban et Castelnoubel est décédé
(1) Archives départementales de Lot-et-Garonne, B. 158.
(2) Cetlo chapelle (^lail dans l'église de Cassou.
(3) Archives départementales de Lot-et-Garonne, B. 123, f. 19.
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— 143 —
en la foy de l'église en son château de Castelnoubel^ le premier
jour d'août mil sept cens onze, et le lendemain son corps a esté
inhumé dans la chapelle \olre-l)ame de Cassou, près du ba-
luslre présent Gabriel Bénech et Jean xMarche, brassier, qui
n'ont sceu signé. — Rivkt, curé (1). »
La succession se fit dans l'ordre établi. Jean César Pascault
son neveu lui succéda immédiatement.
Le 27 avril 1747, Jean-Charles Pascault, seigneur, marquis
de Poléon, se marie avec Marie Pascault, et reçoit à cette oc-
casion de Jean César Pascau de Béam et de Poléon, son père
peut-être, la «loitié de Castelnoubel. Louis-Auguste Pascault,
abbé de Poléon, au nom du baron de Poléon, lui donna la
seigneurie de Castelnoubel à condition de faire certains paie-
ments spécifiés dans l'acte (2).
Les diverses substitutions établies par le testament de 1710
élant toutes épuisées une dernière substitution s'ouvrit en
faveur de M. Guillaume Alexandre de Galard, marquis de
Brassac. Mais à ce moment la terre de dastelnoubel était pos-
sédée par 1° Louis- Auguste Pascault de Poléon, comte de Vil-
lars ; 2** Jean-Charles Pascault, marquis de Poléon ; 3** Dame
Angélique-Adélaïde Pascault de Poléon épouse de Charles-
Martin de Mardelaine ; i"* Damoiselle Marie-Charloltc-Diane
de Pascault de. Poléon.
Des contestations s'élevèrent et on décida de s'arranger' ^
l'amiable. 11 fut convenu que Castelnoubel serait vendu par li-
citation.
Louis-Auguste Pascault de Poléon se rendit acquéreur pour
la somme de 80,107 francs. I^ marquis de Brassac renonça à
ses droits moyennant la somme de 24, ()()() francs (3).
Est-ce à Louis-Auguste Pascault de Poléon, resté seul maî-
tre de Castelnoubel, qu'il faut attribuer ce que nous lisons dans
un article de YEcho de Gascogne :
« Grand veneur et très jaloux de ses prérogatives, le comte
de Poléon menaçait sans cesse de faire pendre haut et court
(1) Archives de Mademoiselle Scellier de Lample.
(2) Archives départementales, B. 158.
(3) Archives du château de Castelnoubel.
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- M4 —
les gentilshommes el les manants trouvés sur ces terres en fla-
grant délit (le chasse. De violentes scènes éclatèrent fréquem-
ment entre l'irascible giboyeur et bon nombre vie propriétaires
voisins accompagnés le plus souvent d'opulents bourgeois de
la bonne ville d'Agen.
<( Une chanson grivoise et patoise, rappelant les excentrici-
tés du noble tenancier, fut longtemps en vogue dans la con-
tiée, on l'entonnait après boire et les échos en redisaient les
refrains mordants jusqu'après les événements de 1814 (1). »
La légende raconte aussi que pendant la Révolution, il ayait
séquestré sa femme dans une chambre de la tour du nord.
Cette pauvre malheureuse, dit-on, recevait sa nourriture de
l'extérieur, par une petite fenêtre ouverte sur les fossés.
A la Révolution, le seigneur de Caslelnoubel n'émigra pas.
Cependant, comme il avait abandonné son château, on l'ins-
crivit sur la liste des émigrés et ses biens furent mis sous sé-
questre.
Pour se faire rayer de la liste d'émigration et rentrer en
possession de ses terres, il dut faire de nombreuses el actives
démarches. Il prouva par certificats qu'il avait résidé à Bor-
deaux, à Ruffec et à Agen, et obtint sa radiation définitive le
7 messidor an VII (2).
11 mourut le 13 mai 1811.
Il laissait pour héritière unique Augustine-Pauline-Evelina
Pascault de Poléon sa fille, mariée à Pierre-Auguste Gascard,
chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, officier
de la légion d'honneur, ancien trésorier des mousquetaires
noirs de la garde du roi, receveur particulier des contribu-
tions directes à Montreuil-sur-Mer (Pas-de-Calais). Plusieurs
créanciers et notamment le marquis de Galard-Brassac s*étant
présentés, il fut décidé que Castelnoubel serait vendu.
(1) Echo de Gascogne, 5 février 1888. L'article accompagné d'un dessin de
Soignouret représentant le côte nord, est signé Jean Dumanoir. U est mal-
lioiinMisomont déparé par quelques orroiirs.
(2) Archives départementales. Fonds Hévolutionnaire, L. 49, 96, 104 et 107.
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ClU'lié Marhoiitin
PORTRAIT
DE Joskpii-Marik-Ktienni: GiRAUD dis ECUKROLLKS
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— 145 —
CHAPITRE V
Castelnoubel au xix* siècle. — M. des Echerolles, ses souvenirs.
M. Pierre Loubat, négociant, habitant à Bordeaux, acheta
le domaine de Castelnoubel, en 1817. Il en aliéna plusieurs
parcelles et revendit le reste à M. Joseph-Marie-Etienne Gî-
raud, chevalier des Echerolles, écuyer^ chevalier des ordres
royaux et militaires de Saint Louis et de la légion d'honneur,
secrétaire général de la préfecture de Lot-et-Garonne. Le do-
maine était composé « d'un château et ses dépendances, bâti-
ments d'exploitation, logements des cultivateurs et autres
édifices, jardin, lac, terres labourables, prés, pactus, vignes,
jouais, bois et friches. » Le prix d'achat fut de 40,200 francs (1).
Le nouvel acquéreur de Castelnoubel appartenait à une an-
cienne famille du Bourbonnais, dont nous pouvons suivre la
filiation jusqu'au milieu du xvf siècle. Le nom patronymique
est Giraud. Les armes sont : de gueules au puits d'argent d'où
sortent deux palmes en bande et en barre du même ; au chef
cousu d'azur ; à la fleur de lys d'or, chargé d'un bâton péri en
bande du champ.
Le grand-père, Gilbert-François Giraud des Echerolles, ca-
pitaine au régiment de Poitou, avait deux passions, la guerre
et la chasse. « A peine revenu de l'armée, il courait dans les
bois, y passait les jours et les nuits à faire la guerre aux loups
et aux sangliers. Il appelait cela se reposer. Cette manière de
vivre diminua beaucoup sa fortune (2). »
Marié à Martiale Anne de Melon, il eut une fille Marie-Anne,
guillotinée pendant la Révolution à Lyon, et un fils Etienne-
François, dont il fit un militaire. A la rude école de son père,
(1) Archives du château de Castelnoubel.
(2) Une lamille noble sous la Terreur, par Alexandrine des Echerolles.
Pion, Paris, 1907, p. 1.
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celui-ci devint un soldai remarquable, qui se distingua surtout
à la défense de Lyon en 1793.
Etienne-François des EcheroUes, chevalier de Saint Louis,
maréchal de camp, épousa en premières noces Anne-Adèle de
Tarade et en secondes noces Catherine Cirlot. De son premier
mariage il eut un fils mort jeune, Martial, d'abord officier, puis
émigré servant à l'armée des princct?, retiré ensuite à Naples
où il mourut, Joseph-Etienne, qui nous intéresse, Adèle et
Alexandrine.
Cette dernière a raconté l'histoire de sa vie pendant la Révo-
lution et des malheurs qui fondirent sur la famille. Son livre
d*abord intitulé Quelques années de ma vie (1), eut un grand
et légitime succès. Lamartine déclarait n'en avoir pas trouvé
de plus intéressant. Il a été réédité en 1907 sous ce nouveau
titre Une lamille noble sous la terreur (2). Après la Révolution,
Alexandrine des EcheroUes fut prise comme institutrice par
Madame la duchesse Louise de Wurtemberg. Devenue cha-
noinesse du Chapitre de Sainte-Anne de Munich, et dame
d'honneur de l'archiduchesse, elle acquit une très grande in-
fluence qu'elle mit au sèr\ice de la religion catholique.
Joseph-Marie-Elienne Giraud des EcheroUes fut connu pen-
dant son enfance sous le nom de ChamboUe. Entraîné par les
événements et la ruine de sa famUle hors de son pays, il eut la
vie la plus agitée que l'on puisse rêver. Il a pris soin d'écrire
ses souvenirs, mais U écrivait la plupart du temps sur des feuil-
les volantes, et presque toujours avec le crayon, en sorte que
bien des pages se sont perdues et que d'autres sont indéchif-
frables. Cependant de la masse énorme de notes qu'il a laissées
nous extrairons quelques renseignements qui feront revivre
cette figure originale. Lui-même a tracé en 1802 le portrait sui-
vant, qui me paraît exact. « Imagination exaltée qui i>eut en-
traîner le jugement.
(1) Quelques Années de ma vie, par Alexandrine des EcheroUes. Chez Mar-
tial Place, libraire. Moa!ins-eur- Allier, 1813.
(2) Une lamille noble sous la Terreur, par Alexandrine des EcheroUes.
Paris, Pion, 1907.
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c< Education manquée ; conséquence, ne pourra qu'être su-
perficiel, ayant la soif du savoir.
« Malin, frondeur, caustique, austère, s'est aliéné Taffec-
lion générale.
»( Foncièrement bon,^ loyal, original devant avoir peu
d'amis, parce qu'il sera donné à peu de le concevoir, mais sera
révéré s'il est apprécié. »
Il naquit à Moulins le 17 mai 1775. Dès son enfance, dit-il,
il fut destiné à l'état ecclésiastique, et sa mère, qui avait fait
connaissance avec le cardinal Giraud, légat du Saint-Siège à
Paris, rêvait pour lui de hautes destinées. Mais ce fut un rêve
de très courte durée.
Sa prime enfance s'écoula dans le beau domaine des Eche-
roUes, près de Moulins. Son père, caractère violent, emporté,
d'une raideur toute militaire, le voit d'assez mauvais œil, à
cause d'une infirmité corporelle, qui lui passa avec l'âge. Sa
mère, bonne, douce, très instruite, lentoure d'affection. On lui
donne pour précepteur un abbé nommé Pinglin, dont il a gardé
un très mauvais souvenir.
A douze ans, en 1787, il entre à l'école militaire de Metz,
comme aspirant au corps royal de l'artillerie. Il y était encore
lorsqu'éclatèrent les premiers événements de la Révolution.
Revenu à Moulins, il fut nommé sous-lieutenant dans la garde
nationale de cette ville, dont son père avait été élu colonel. II
avait alors quatorze ans.
L'année suivante, 1790, il est député à la fête de la Fédéra-
tion, à Paris, avec son père. Son séjour dans la capitale, les
revues, les fêtes et réunions auxquels il assista laissèrent en sa
mémoire de vifs souvenirs qu'il écrivit plus tard. Il ne nous en
est parvenu que des fragments, dont quelques-uns sont cu-
rieux. Nous en donnerons des extraits. Evidemment, il faut
tenir compte de la grande imagination de M. des Echerolles et
aussi du temps écoulé depuis les événements qu'il raconte jus-
qu'au moment où il écrit. Sa mémoire fut certainement aidée
par la lecture des nombreuses publications parues sur la pé-
riode révolutionnaire, et plusieurs fois les Mémoires d'outre-
tombe sont cités par lui. Quoiqu'il en soit, et malgré la van-
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tardise qui se trouve dans ces souvenirs, il me paraît bon d'en
faire connaître quelques passages.
Revue an Champ de Marfi. — Toute la matinée fut consacrée
d'abord à préparer la plus belle tenue possible, à passer les inspec-
tions hiérarchiques et à se mettre en marche drapeaux déployés,
après avoir déjeuné à la hâte, et bien nous en prit, car nous ne ren-
trâmes que dans Taprès-midi. Agathe toute glorieuse et pimpante
était encore à nos fenêtres n'ayant des yeux et des soins que pour le
beau balafré, mon respectable père, car à ses yeux je n'étais plus
qu'un ourson mal léché. Je ne parlerai donc plus de cette parisien-
ne, vrai modèle de ces servantes maîtresses, au joug desquelles se
soumettent, par habitude, les célibataires qu'elles dorlotent. Elle eut
raison, car elle pouvait espérer de mon père au départ de riches
étrennes, tant le Bourbonichon est généreux et de moi, tout au plus,
ces trois mots : « Au revoir, Agathe »
Ainsi donc, drapés sous le drapeau des gardes nationales du
Bourbonnais, nous gagnâmes la rive droite de la Seine, longeant les
Tuileries, traversant un pont, celui dit royal, je crois, descendant
la rive gauche, et entrâmes au Champ de Mars par la [)orte la plus
rapprochée. Nous prîmes le rang alphabétique, ou le troisième, Ain,
Aisne, Allier, à l'extrême gauche était, dit-on, les députations de
Tarmée.
Le temps était beau. Les buttes étaient couvertes de spectateurs.
Bientôt le roi parut, à pied venant de notre droite, il marchait len-
tement, pesamment, paraissant soucieux, mais affectant les dehors
d'une parfaite quiétude. Le hasard voulut que Sa Majesté, que sui-
vait mon père, s'arrêta devant le fédéré de Sainl-Pourçain. Il lui
parla de sa province, avec une bonhomie et une bonté si parfaite
en appuyant sa main gauche sur l'épaule droite du fédéré, que
l'arme que celui-ci portait vacillait dans ses mains et que yeux se
remplissaient de larmes. J'étais près de lui. Sa Majesté, étant un peu
plus reposée, marcha plus vite et ne me remarqua pas. Les traits du
roi restaient gravés dans ma mémoire. J'eusse été heureux si le
sacrifice de ma vie avait pu lui être utile. Le député de Saint-Pour-
çain disait alors à celui de Bourbon-l'Archambaut : « Vous aviez
raison, mon camarade, Louis XVI est digne de l'amour le plus ten-
dre, le plus dévoué, le plus respectueux, je lui appartiens corps et
âme. »
Dans une voiture d'apparat, à environ 60 pas du front de la revue,
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j*aperçus S. M. la Reine Marie-Antoinette qui, tournée vers nous,
présentait un jeune enfant. Monseigneur le Dauphin. S. A. Royale
Madame la Duchesse d'Angoulême, était en face et à sa gauche une
dame d'honneur, une autre dame était au côté droit de la Reine. Je
ne pus pas distinguer les traits. Hélas ! si les cris de vive le Roi !
avaient accueilli Louiâ XVI, le silence qui fut gardé en présence de
la Reine me rappelait toutes les calomnies qui par toute la France
avaient élé propagées. J'en étais affligé !.... Enfin, Sa Majesté et sa
famille s'étant placés devant l'école militaire, le défilé eut lieu et
nous fûmes des premiers rentrés
Il se pourrait que ce fut dans cette même soirée que mon père
me conduisit au Palais-Royal. Là je revis encore de ces costumes
grecs portés par des femmes presque nues, infectant l'ambre fel
provoquant ceux qu'elles coudoyaient pour les entraîner dans des
repaires de débauches. L'une d'elles se couvrit ce me semble d'une
perruque de soie verte, rappelant ces divinités qui habitent, dit-on,
les antres du fond des mers.
Le Dauphin et sa sœur.
Je n'avais vu S. A. R. et Mgr le Dauphin que d'assez loin et dans
les bras de la Reine pendant la première revue. Ayant pu disposer
à moi seul d'une journée, je fus aux Tuileries pour voir la façade
intérieure de ce beau palais. Là ayant demandé à un Monsieur ce
(ju'il fallait faire pour voir ce jeune prince, il me répondit : « Vous
rencontrez une bonne occasion » et du doigt m'indiquant la terrasse
où était alors un enclos, appelé le Jardin du Dauphin, il me dit :
« Allez, avec votre médaille, on vous laissera entrer. En outre, vous
êtes officier des fédérés venus de la province. » — « Du Bourbon-
nais, ajoutai-je avec fierté. »
Je pus pénétrer dans le jardin qui était ouvert. Il était environ
onze heures du matin, le temps était beau, sec et la chaleur déjà
forte. J'aperçus un jeune blondin d'une délicieuse tournure qui se
dirigeait en diagonale de moi, venant do la gauche allant à la droite,
H côtoyant un jeune jardinier, poussant une brouette de métal rem-
plie d'eau et à laquelle était adaptée une pompe, au moyen de la-
(|uelle l'enfant arrosait des massifs de fleurs. Au bout, étaient non
loin des loges grillées derrière lesquelles étaient des lapins, des
poules, des pigeons et une volière de diverses sortes d'oiseaux. Je
m'arrêtai, comme il croisait la direction que je suivais. Il s'arrêta
de même paraissant étrangement surpris de me voir et désirant
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m'appeler à luj pour entamer la conversation. Ses yeux allaient de
moi à son jardinier qu'il entretenait à voix basse. S'il n'avançait pas,
je ne bougeais pas, il devait lire dans mes yeux mon innocence et
mon amour. Je crois cependant qu'il eut fini par s'approcher tout
à fait, voire même me parler, si de malencontreux visiteurs n'eus-
sent passé entre nous allant directement à lui. On m'a assuré depuis
que c'était deux députés de la province de Bretagne, l'un d'eux était
Lanjuinais. Avant de conter ce dont je fus témoin alors, je ferai de
mémoire le portrait de celte délicieuse créature. Sa figure me parut
assez rondelette et mignonne, ayant l'air plus du roi que de la reine,
de laquelle il avait la chevelure, mais moins blonde. Ses yeujc étaient
bleus ou vers, ses sourcils bien prononcés, ses joues d'un rose ten-
dre, mais le haut de la figure marqué de rousseur. Le col parfait,
comme la taille, les mains petites et d'une grande blancheur, les
pieds petits, une taille fine élancée. Sa tête était" couverte d'un cha-
peau de fine paille à larges bords et portail un vêtement d'enfant
qui me parut en soie grise, le pantalon boutonné sur le côté. Les
deux vêtements couverts à leur jonction par une ceinture bleue, ten-
dre à franges et serrée court. Le pantalon laissait voir le bas de la
jambe et sur les souliers de fine peau de couleur gris perle étaient
des pompons bleus. Sa veste d'enfant me parut garnie tout autour
d'une dentelle et le col de la chemise était rebattu de manière que
rien ne dérobait alors la vue d'une peau blanche et rosée fine et sa-
tinée. Le bord de ses manches étaient garnies d'une courte ruche de
dentelle.
Il me parut avoir à cette époque cette aimable vivacité qui char-
mait dans Henri V enfant, alors qu'avec son grand-père, il sortait
tête-à-tête pour aller se promener en voiture.
Louis XVII, à la vue des deux nouveaux arrivants, avait quitté
cet air enfantin qui m'avait charmé. Placé entre eux deux et mar-
chant lentement dans une allée, allant sur la terrasse des Tuileries,
il écoutait. Je suivais à dislance respectueuse, mais assez près pour
voler à son aide s'il m'eut paru nécessaire. Je ne comprenais pas,
malgré mon peu d'expérience, qu'on put aussi longtemps adresser
à un enfant des discours empreints de pédantisme, ayant rapport à
des choses qu'il devait encore et fort heureusement ignorer. Ah !
que j'aurais voulu avoir charge de leur intimer l'ordre de se retirer.
Le jeune prince les ayant attiré à la porte principale, où était le fac-
tionnaire, s'arrêta et leur dit :
« Messieurs, je suis convaincu de votre amour pour le roi, mon
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seigneur el maîtreje désirerais en entendre plus longtemps le témoi-
gnage, mais j'entends crier mes petits poulets, c'est Theure de pan-
ser les habitants de ma volière, je suis forcé de vous quitter. » Sur
ce, il tourna le dos, repassa en courant devant moi, paraissant
comprendre mon mécontentement et disparut dans la volière. De-
puis je ne Tai revu.
Ce délicieux enfant venait de passer, quand j'aperçus sur le seuil
de la porte, par où j'avais approché ce prince, une jeune ûUe qui
me parut être âgée de 12 à 14 ans. Sa tenue était assez raide, hau-
taine, sa mise simple. Elle était suivie de deux dames, qui me paru-
rent avoir au moins la quarantaine! Deux messieurs les suivaient,
puis deux valets. J'avais le chapeau sous le bras. Je baissai la main
gauche sur la dragonne, la main droite à la position du soldat à
une revue. C'était la duchesse d'Angouléme. Arrivée à ma hauteur,
elle assembla le pas et son regard exprimait l'étonnement, qu'il eut
été possible que j'eusse pu arriver jusque là. La suite comprit
qu'elle devait s'abstenir et je sortis de ce jardin.
Oh ! grand Dieu, que tes desseins sont étranges, eussè-je pu de-
viner alors l'affreux martyre réservé à ces deux illustres rejetons
de la branche aînée des Bourbons, la mort de ce roi que les Ven-
déens ont forcfi les terroristes à reconnaître, qu'ils ont proclamé
après avoir versé des torrents de sang pour sa cause, d'un prince
dont l'étrange et horrible martyr s'est terminé dans une mystérieuse
prison. »
Rentré à Moulins, ChapiboUe n'y resta pas longtemps. Par
ordre de son père, il rejoignit à Paris un de ses parents, M. de
Tarade, capitaine d'artillerie, qui se rendait à Maubeuge où
se trouvait son régiment.
« Je suis parti de Moulins en Boubonnais le 25 de décembre 1791,
me rendant à Paris par ordre de mon père, pour y rejoindre mon pa-
rent, M. de Tarade de Montcmonl, capitaine d'artillerie, lequel se
rendait à Maubeuge, où était sa compagnie. Madame cjui était une
demoiselle de Lavernier, l'accompagnait. Ils voyageaient dans une
chaise de poste à eux. Je ne me rappelle rien de saillant dans ce
voyage : ni pendant le court séjour que je fis à Paris. J'y tenais
compagnie, le soir, à ma cousine récemment relevée d'une couche
laborieuse. Le grand cousin, car ainsi à cause de sa haute taille nous
nommions son mari, m'avait retenu une place à la diligence, pour
me rendre de Paris à Maubeuge. Il devait partir le soir à ce que je
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crois. Je manquai le départ, et pour courir après mon argent, je dus
aller en courrier devant la chaise de poste. N'ayant pas l'habitude
du cheval, je fus bientôt moulu, meurtri. Je supportais sans mot dire
mes souffrances alors qu'en arrivant îi un relai, à gauche hors de
la route, la maîtresse de poste, grosse paysanne moqueuse, me dit
que je me tenais à cheval comme une paire de pimettes. La voiture
suivait de près. Je voulus descendre au galop l'avenue de la poste
et le cheval s'abattant, je fus labourer en avant. Mais mon cousin
s'étant aperçu, que mes fonds de culottes étaient tout en sang, me fit
entrer à sa place dans la voiture et courut devant nous. Comme il
était laid et grDgnon et moi jeune et frais autant que potelé, la cou-
sine, sous le prétexte de ménager ma santé, me conserva et force
fut à son mari de faire le courier jusqu'à Maubeuge. Elle était jeu-
ne, fraîche et très jolie, ma chère cousine, nous étions si serrés que
sa chaleur me pénétrait. Mais yélais encore d'une niaiserie rare,
heureusement pour nous trois. Ne sachant que dire de mieux, la
jeune femme se prit ù me raconter en si grand détail ses couches
et suites de couches, qu'il me prit envie de vomir, à tel point que je
descendis à Maubeuge avec un dégoût invincible. »
A Maubeuge, il se mêle à la société militaire, et nous dépeint
ce milieu libertin, tout occupé d'intrigues galantes et de plai-
sirs. Puis sur une injonction de son père, dit-il, et un peu à
contre-coeur, il émigré et rejoint à Ath le régiment de Couronne
infanterie dans lequel il s'engage. Il y retrouve quelques Bour-
bonnais, mais il ne prend pas goût à sa nouvelle position.
Lorsque ce régiment fut licencié il éprouve le désir de ren-
trer en France. Il arrive à Liège, au moment où l'armée de
Dumouriez, victorieuse à Jemmapes, faisait son entrée dans la
ville. A la faveur du désordre, il pénètre, dit-il, jusqu'à la salle
où siégeait le général.
(( Je pus pénétrer jusqu'à un grande salle on était assis un géné-
ral coiffé d'un bonnet rouge. Derrière lui était debout un nombreux
étal-major et j'entends un Liégeois qui le nomma, c'était Dumouriez.
Conséquemment dans cet état-major devait se trouver Louis Phi-
lippe d'Orléans depuis roi des Français. Le général m'ayant aperçu
et voulaukpeut-être se populariser, me dit, avec assez de douceur :
« Que veux-tu, citoyen ? » Je répondis peut-être trop humblement :
« Un passeport pour aller en France. » Alors, son œil devint scru-
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lateur et sa voix se grossissant : « Qui es-tu ? » et je défilai mon
thème. Je ressemblai à l'agneau qu'interpellerait un loup. « Ah !
ah ! un domemstique d'émigré ! Va-t-en, si Ton te trouve demain
dans la ville, je le ferai laver la tête avec du plomb. » Puis il reprit
son entretien avec les notables Liégeois. »
M. des Echerolles sortit de Liège et se dirigea vers la
France. En roule, il rencontre un charretier, qui venait de por-
ter une charge de bidons à Tarmée et rentrait chez lui. Ce bon
chari-elier eut pitié du jeune homme, il le prit comme domes-
tique et le fit ainsi entrer en France. Pour pénétrer dans Paris
il se cache entre les sacs de farine qu'un autre routier trans-
portait à la capitale.
A Paris, il se réfugia chez de braves gens, parmi les(juels il
séjourna un certain temps. De là, il écrivit à son père, pour
lui demander de l'argent, car ses ressources étaient épuisées.
Pendant ce séjour, il fut témoin, affirme-t-il, du spectacle sui-
vant :
Or donc le hasard m'amena à la porte Saint-Martin et je ne fus
pas peu surpris de rélrang<* brouhaha qu'on y faisait. Des pièces
d'artillerie étaient bra([uéos à l'entrée de toutes les rues des fau-
bourgs en les enfilant. Aux portes Saint-Denis et Saint-Martin ces
pièces étaient desservies par des hommes habillés en femme. Com-
me ils étaient dans un complet état d'ivresse ils dansaient des faran-
doles en hurlant Ça ira, Les aristocrates à la Lanterne, Madame
Veto a mal au c,,., c'est La[ayette qui lui a /... et d'autres abomina-
lions. Leurs gambades faisaient voir leurs guêtres noires.
En ce temps le boulevard montait beaucoup après la porte Saint-
Denis et il y avait une rue basse du rempart qui le longeait. Je
m'étais placé en haut de cette montée du côté du faubourg. De là
j'apercevais les têtes de la colonne d'escorte. D'énormes faisceaux
de piques étaient placés de distance en distance, des deux côtés du
boulevard, et des hommes marchant sur les ailes de la colonne, for-
çaient les passants à prendre une pique et à former un nouveau
rang derrière chaque peloton, dont le front remplissait le boulevard.
Toute cette masse arrivant du côté de la porte Saint-Antoine,
avait à parcourir tous les boulevards jusqu'à la place de la Révolu-
tion. La colonne avançait lentement. J'avais été inaperçu. La voi-
lure où était Sa Majesté venait de passer ; j'y avais vu ce prince au
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fond, du côté droit. Il était coiffé comme sur les pièces de monnaie,
portait un petit collet (?) jabot, gillel et habit à la française, tel qu'on
les portait en 1790. Sa tête était découverte. A sa gauche était un
homme vôtu de noir, coiffé d'un chapeau à la Henri IV, surmonté de
trois plumes tricolores, et à son col pendait un ruban tricolore, où
pendait une grande médaille d'or ou dorée. Deux pareils étaient
devant. Tous quatre étaient silencieux. Le roi portait ses regards
en avant et ne paraissait nullement occupé des latéraux, d'où par-
taient d'insultantes provocations, des injures infernales. Quant à la
colonne, elle s'avançait silencieuse. Qui était en tête ? Qui com-
mandait ? Je l'ignore.
Sa Majesté était à peine passée que je résolus de traverser les bou-
levards pour arriver au jeu de paume, en traversant Paris et voir
ce malheureux roi descendre de voiture. Mais à peine j'avais pu,
en courant, arriver au centre, que je fus bousculé et projeté du côté
du faubourg, près d'un tas de piques, et comme je ne voulus jamais
en prendre une et prendre rang, je fus battu et jeté par dessus le
parapet. J'arrivai heureusement sur le dos sur le pavé. M'étant re-
levé moulu, je regagnai comme je pus le logis, en suivant les rues
alors presque toutes solitaires. Je ne trouvais que la bonne femme
et toute kl nuit je ne fis que pleurer. »
Alexandrine des EcheroUes raconte dans son livre tout ce
qui précède, et aussi la façon dont son frère ayant reçu de l'ar-
gent, quitta Paris, el, passant par le Bourbonnais, rejoignit
sa famille à Lyon. Aussitôt arrivé dans cette ville il pi*évinl ses
parents qu'il serait le soir sur la place de la Douane. Sa sœur
s'y rendit, mais en vain :
Je me promenai assez longtemps sur la place, observant tous les
passants ; mais ChamboUe ne parut point. Assez inquiets de ce re-
tard, nous nous disions : Que lui est-il suncnu ? La soirée avan-
çait ; il n'arrivait pas. Enfin, vers dix heures, on monte, la porte
cntr'ouverte est doucement poussée ; c'est lui ! Que je le trouve
changé ! « Où étais-tu donc ? demanda mon père. » — A la comédie,
répondit-il. — A la comédie ! Et pourquoi à la comédie ? reprend
mon père d'un ton fâché. — N'osant me présenter chez vous, j'es-
pérais vous y apercevoir plus tôt ; mon cœur et mes regards vous
ont cherchés partout. » Celte réponse diminua Télonnemenl de mon
père et l'adoucit. La comédie n'allait guère à notre attente ainsi qu'à
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nos inquiétudes ; mais la jeunesse de mon frère , l'habitude des dan-
gers auxquels il avait su échapper, lui inspiraient une sécurité que
nous n'éprouvions pas pour lui-même.
Il passa trois jours et trois nuits à peu près au secret, prisonnier
de notre amour, objet des plus tendres soins et des plus vives crain-
tes. Un émigré était un personnage bien embarrassant à cette épo-
que. Un émigré portait la mort avec lui ; il la recevait, il la don-
nait à tous ceux qui l'approchaient. M. Mazuyer vint au secours de
mon père en lui offrant d'occuper Chambolle dans la verrerie qu'il
possédait à Rive-de-Gier. On l'y envoya sur lo champ sous un nom
supposé, pour y être commis. Peu après, M. do (lueriot, cet ami
précieux de notre famille, qui commandait encore l'artillerie de la
ville, lui donna un brevet de conducteur du train d'artillerie, avec
la commission de faire des achats de fer et de charbon pour l'arse-
nal de Lyon, ce qui motivait son séjour à Rive-de-Gier. Il ne vint
plus nous voir, pour éviter le double danger de rencontrer des con-
naissances et d'être trahi par notre grande ressemblance (1).
Mais Chambolle ne resta pas longtemps dans celle situation.
Lyon étant assiégée par les troupes de la Convention, il rentra
dans cette ville et s'engagea parmi ses défenseurs. Son père,
un des chefs des Lyonnais, lui ordonna de revenir à son poste
à Grenoble.
Il suivit le colonel de Gueriot dans les équipages d'artillerie,
en 1796 et 1797 en Italie, en 1798 à l'armée des côtes de l'Ouest.
Lorsque son corps fut licencié il apprit qu'une expédition en
Irlande se préparait. Il accepta d'en faire partie au titre d'ins-
pecteur général des équipages, aux ordres du général Hardy
et du commandant d'artillerie Pernetli.
Embarqué sur la frégate « La Coquille )) il assista à la ba-
taille navale de Swilly, où il fut blessé et fait prisonnier. Em-
mené avec tous ceux qui furent pris à ce combat, il aborda à
Glasgow. On leur fit traverser toute l'Ecosse et on les entassa
dans les prisons du château d'Edimbourg. Ils eurent à subir
(1) Alexandre des Echerollo?. Vnr lamilh noble sona la Terreur. Pion,
Paris 1907, p. 70.
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— ir,6 —
là des Iraitemenls atroces et une détention longue et rigoureu-
se. Il a raconté cette campagne dans de curieuses pages.
Le cadet, ayant fait partie d'une expédition malencontreuse, lan-
guissait prisonnier dans les cachots d'Edimbourg, depuis huit mois.
Je languissais aussi, n'espérant pas une fin prochaine à tant de
souffrances, lorsque je reçus une lettre de Chambolle lui-môme qui
m'annonçait sa délivrance et son retour à Paris. Quelques temps
après, je vis arriver chez M. de Chaligny, où j'étais alors, un jeune
militaire le sac au dos ; c'était lui ! De pareils moments font oublier
les jours mauvais. Il était gai, bien portant ; il m'ouvrit sa bourse ;
elle contenait cinquante beaux louis d'or. Je savais qu'il était revenu
avec rien ; qu'on lui avait disputé et retenu son traitement ; qu'enfin
il avait été maintenu sur la liste des émigrés, pendant qu'il gémis-
sait dans les cachots. « D'où vient donc cet or ? est-il à toi ? » — Très
fort à moi ! — Sans avoir dévalisé la diligence (car cette mode pre-
nait) ? — Fi donc ! je l'ai gagné. Joséphine m'a cru fou quand elle
m'a vu suspendre mon départ pour attendre le tirage de la loterie,
où j'avais mis les quatre francs qui me restaient pour toute fortune.
Je n'étais pas si fou ! Je lui ai rendu ce qu'elle m'avait prêté pour
venir ; il m'en reste pour toi (1). »
Envoyé à Lorient en qualité de sergent d'artillerie, au dépôt
des recrues de la marine, il y séjourne un an. Puis il rejoint
M. de Gueriot à Genève et devient conducteur ordinaire d'ar-
tillerie à l'armée de réserve. Il eut un moment la pensée de
partir pour l'Amérique, mais l'amour qu'il avait pour sa sœur
l'en détourna.
M. de Gueriot ayant été nommé directeur de l'arsenal d'Au-
xonne, Chambolle l'y suivit. Il y passa d'heureux jours, avec
sa sœur. En 1802 il fut rayé de la liste des émigrés. Mais les
biens de sa famille mis sous séquestre comme propriétés natio-
nales, avaient été vendus.
En 1804, il est employé à l'armée des côtes de l'Océan, au
parc général d'artillerie sous les ordres du colonel Vermot. A
(1) Alcxondrinc des Echerolles. Loc. cit., p. 381.
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- 157 —
Douai, à Saint-Omer el à Saint-Léonard, près Boulogne, il
occupe successivement les grades de conducteur, garde ordi-
naire et garde principale du grand parc. A Saint-Omer il se
fait recevoir à la loge maçonnique de cette ville. Au camp de
Boulogne, où il fut proposé une première fois pour la légion
d'honneur, il eut, dit-il, une discussion avec Napoléon. L'em-
f>ereur trouvait qu'il était bien petit pour son grade. ChamboUe
répondit que si on mesurait la valeur d'un homme à la taille,
lui, Napoléon, ne devrait pas être empereur. Loin de se fâcher,
l'empereur lui ordonne de se rendre à Strasbourg avec le grade
de garde principal du parc de campagne de la Grande Armée.
Il marche sur Vienne, se distingue à l'affaire de Nordlingen
et, pour la troisième fois, est proposé pour la légion d'hon-
neur. Grâce à sa présence d'esprit et à son activité, il sauve,
nous dit-il, le grand parc d'un désastre. Il assiste à la reddition
d'IJlm. Au cours de cette campagne, il fut nommé sous-lieute-
nant au 5* bataillon bis du train d'artillerie.
L'année suivante, il prend part à la campagne de Prusse,
assiste à l'affaire de Saaidfeld et à la bataille d'Iéna^. Le 14 oc-
tobre 1806, il amène au point du jour, à l'empereur, l'artillerie
de la 2* division du 5* corps. L'emf)ereur le félicite et envoie la
batterie à la tête de la première division où elle est pulvérisée.
Il rallie de l'infanterie dans le village de Vierzehnheiligen, y
est blessé par la mitraille prussienne ainsi que son cheval, se
lance sur la pièce qui l'a blessé, en fait les canonniers prison-
niers. Il a rédigé ses souvenirs sur cette bataille. On y trouve
de curieux passages, notamment ses rencontres avec l'empe-
reur.
J'arrive en rêvassant, dit-il, au bruit qui se faisait au quart de la
montée, que gravissait rartillerie de la 1" division de notre corps...
à peine ai-je remarqué les fusées des caissons français qui por-
taient, que je m*écriai : « Quel est le f... B... qui embarque de Tar-
tillerie française par un chemin de roche plus étroit que sa voie. »
A l'instant, se retourne un gros homme court, placé devant moi, les
mains derrière le dos. Il me lançait un regard foudroyant, que je
ne fis pas semblant de remarquer, pas plus que celui qui le dardait.
C'était l'empereur. Mais sentant la nécessité do me remettre dans une
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- 158 -
bonne assiette, j'ajoutai en me plaçant sans façon à deux pas sur sa
droite : « C'est pourtant ennuyeux pour Tartillerie de la 2"* divi-
sion, jamais ils ne s'en sortent avant le point du jour. Qu'ils sont
heureux, ces b...-là, ils entameront la danse et nous n'en serons
pas. » A peine ^i-je achevé que notre homme se replace sans plus
faire attention à moi et moi de couler dans l'ombre. »
Après avoir reconnu un chemin plus facile, il va trouver ses chefs
et les décide à marcher. « Nous partons gardant un silence profond.
Arrivé au faîte de la soiûraité, j'entends de nouveau le caverneux
« Werda » mais je crus remarquer un ton inquiet et craintif. Loin
de répondre, je m'écrie d'une voix calme et sonore : « Garde à
vous ! Division ! Tête de colonne à droite, au trot, ïnarche ! » Je
laisse un sous-officier aîi tournant. Le bruit des voitures fut tel que
je n'attendis plus les ennemis, ce qui m'a fait depuis présumer que
là n'était qu'un poste de 6 à 9 hommes. A peine avions-nous couru
en avançant vers le sud, qu'Un groupe, à la tête duquel je reconnus
rhomme de la veille, s'avança avec l'aube du jour, en me criant :
« Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est ? » Et moi, dans l'ivresse
de ma joie, de m'écrier à mon tour : « C'est l'artillerie de la 2°* di-
vision du 5"* corps. A nous le pompon, nous allons tirer le premier
coup de canon. » Que sais-je ce que j'allais ajouter quand l'homme
à la lévite grise m'interrompit en disant : « Avez-vous du canon de
position ?» — Oui, dis-je, 2 pièces de 8 et 2 obusiers.' — Bien, bien.
Faites halte ! Faites les avancer. Un sergent-major les commandait,
j'ignore pourquoi. L'empereur lui dit : « Placez-vous là pour tirer
dans cette direction et vous ne ferez feu que sur mon ordre verbal.
Faites-moi venir une compagnie du génie et qu'on établisse sur le
champ un ouvrage de campagne pour couvrir cette batterie. Quant
à vous, filez dans cette direction (il nous indiquait le Nord-Ouest),
vous allez trouver le 17* léger. »
A la suite de cette bataille, il assiste à la capitulation de
Spandau et de Slettin, à roccupation de la Pologne et à la ba-
taille de Pulsluck, où il se distingue. Il approvisionne de grains
la 2"* division du 5* corps à Villemberg alors que hommes et
chevaux y souffraient de la faim. A Ostrolenka, il partage la
gloire du personnel d'une batterie qui arrête à portée de pis-
tolet, une division Russe prête à s'emparer du pont d'Ostro-
lenka, occupation qui entraînait nécessairement la capitulation
de l'armée française. Le 7 juillet il se trouve à Tilsit.
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— 159 —
Il fut nommé chevalier de la légion d'honneur le 1*' octobre
1807.
L'année suivante, ayanl le giade d'adjoint du colonel Bon
de Ligneu, il fait la cani[)agne d'Espagne. Par les ordres et
sous les yeux du général de Senanuonl, le 19 novembre 1809,
il met en ligne connue oflicior d'étal-major, une batterie de 70
pièces, qui décide du gain de la bataille d'Ocana. Emporté
entre le feu de cette batterie et celui des ennemis, son cheval,
frappé d'un coup terrible, est jeté en l'air, et en retombant sur
son cavalier, compromet son existence. Remis à grand peine
sur xm second cheval, il rejoignait à la chute du jour son gé-
néral; lorsqu'un boulet perdu, tue sous lui sa nouvelle mon-
ture. Le général le félicite de sa conduite et lui offre d'être son
aide de camp. Mais quelques jours après ce général était tué à
Matagorda. A l'affaire de Mansurique, il se joint au 17* chas-
seurs pour sauver l'Etat-major du 20* dragons qui y était
bloqué.
C'est pendant cette campagne qu'il se maria à SéviUe avec
Mademoiselle Lucienne de Leygonié, dont la famille était d'o-
rigine française.
A la fin de 1810, il part de SéviUe pour Vérone, en Italie, où
il est envoyé, avec le grade de lieutenant adjudant-major. Il
fait partie, en se rendant à ce poste, de la colonne aux ordres
du colonel Corbinau, qui devenait aide de camp de l'empereur.
Il lui offre ses services, un jour où dans la Manche, im effet de
mirage présentait l'aspect d'une armée. Il reconnaît le phéno-
mène et sauve la vie à 400 prisonniers anglais qu'on voulait
fusiller. Il éclaire de nouveau la colonne, sans être secondé,
près de Fuente Uuena.
En 1811, le général Gassendi l'envoie à Dusseldorf pour
commander et organiser le train d'artillerie du grand-duché
de Berg. L'année suivante, il passe avec le grade de capitaine
aux lanciers de Berg. En 1813 ce régiment est licencié à Mont-
medi.
En rentrant à Paris, il rencontre l'Etat-major d'artillerie aux
ordres du général Sorbier. Il est retenu par le colonel d'artil-
lerie Bon de Ligneu. Il fait la campagne de France, à l'Etat-
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^ 1«Ô -
major général de Tempereur. Il se trouve à Sézane, Arcis-sur-
Aube, Saint-Dizier. Il arrive à marche forcée à Fontainebleau
par Troye et Auxerre après avoir rempli diverses missions pé-
rilleuses.
Après l'abdication de Napoléon, il rentre à Paris et il est mis
à la retraite (15 juillet 1814). Il touchait 600 francs. C'est alors
que dans sa détresse, il fut secouru par la Duchesse d'Angou-.
lême, qui le fit nommer sous-préfet à Villefranche (Rhône).
Il occupait ce poste, lorsque Napoléon quitta Tlie d'Elbe.
Après avoir traversé en triomphateur le midi, il arrive à Ville-
franche. Le sous-préfet Giraud des EcheroUes le harangue,
mais lui refuse ses services, ayant contracté de nouveaux en-
gagements. L'empereur le félicite et malgré son refus le nom-
me préfet de Saône-et-Loire. Il refuse ce poste et va rejoindre
le roi Louis XVIII, et reçoit une mission périlleuse, qui l'oblige
à retourner à Lyon.
Il est arrêté à Ileidelberg par ordre d'un général autrichien,
qui doit marcher sur Lyon en passant par Villefranche et qui
lui demande de l'accompagner. Il refuse, revient vers son roi,
avec lequel il rentre à Paris. Il est alors nommé sous-préfet à
Belley (Ain) et membre de Tordre de là Fidélité.
Il préserva son arrondissement des troubles et de la famine,
et s'occupa des routes qu'il améliora. Le ministre de l'intérieur
le proposa pour le grade d'officier dans la légion d'honneur.
Il obtient le rétablissement de l'évêché de Belley. Il reçoit du
duc de Berry, le P' janvier 1810, son brevet de l'ordre de la
Fidélité, ordre que Louis XVIIl qui l'avait créé n'a pas jugé
bon de maintenir, peut-être à cause du petit nombre de fidèles.
En 181 S, il passe à la sous-préfecture de Saint-Gaudens. Ses
relations avec l'Espagne le mettent à même de prévenir M. de
Villèle, alors ministre, qu'une insurrection allait éclater dans
l'île de Léon. Le préfet de Toulouse le dénonce comme une tête
trop ardente, atteinte de folie. Il est nommé secrétaire-général
de la préfecture d'Agen. Mais son dénonciateur devient fou
dans l'année et meurt aux petites maisons.
ILcxerça ses fonctions de secrétaire-général pendant dix ans.
Il eut beaucoup de déboires à Agen. Il les a racontés dans ses
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— 161 ~-
souvenirs. C'est pendant son séjour dans cette ville qu'il acheta
Casielnoubel. En 1830 il est révoqué.
Il vécut alors soit à Agen soit à Castelnoubel, surveillant ac-
tivement l'éducation de sa famille. Pour occuper son activité,
il écrivit beaucoup soit en prose soit en vers. Les souvenirs de
son existence aventureuse, écrits longtemps après, sont cu-
rieux et la plupart du temps appuyés de documents. Souvent
cependant il exagère, et peut-élre quelquefois ajoute et brode
un peu. On pourrait certainement, de l'entassement informe
de ces notes, extraire d'intéressants mémoires, mais il faudrait
beaucoup de temps et de patience.
Il a laissé également une quantité considérable de pièces de
vers. Il rimait facilement et parfois agréablement.
Nous avons dit que pendant la guerre d'Espagne il se maria
avec Mademoiselle Marie-I^uise-Lucienne de Leygonie, à
Séville, en 1810. De ce mariage vinrent onze enfants :
1. Maria, née à Véronette (Italie), 21 juillet 1811, se maria
avec le Comte Guillaume d'Holtzendorff. C'est à elle que sa
tante Alexandrine des EcheroUes dédia son ouvrage Quelques
années de ma vie ;
2. Louis, né à Kirchein, 11 avril 1813, mort le 26 novem-
bre 1815 ;
3. Paul-Frédéric-Ilenri, né à Villefranche (Rhône), le 8 fé-
vrier 1815 ;
4. Alexandre - Elisabeth - Constantin- Anlelme-Marie-Emma-
nuel, né à Belley le 10 novembre 1818. Engagé dans les trou-
pes carlistes, il fui tué à la bataille de Barbastro en 1837 ;
5. Hélène, née à Saint-Gaudens le 18 juin 1818, devint dame
de Saint-Denis ;
6. Charles-Odile-Marie-Duguesclin, né à Saint-Gaudens le
24 juin 1819, se maria avec Laura de Krusper ;
7. Modesle-Marie-Joseph, né à Saint-Gaudens le 7 décem-
bre 1820. Il s'engagea en 1837 avec son frère Alexandre dans
les troupes carlistes. Après la mort de son frère il continua la
campagne. Revenu en France, il repart une seconde fois, de-
vient officier, est fait prisonnier et renvoyé dans son pays. Il
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' — 162 —
s'engage alors dans le lO^ d'infanterie, et meurt en 1847. Il
était sergent. Il a écrit ses souvenirs des guerres carlistes,* qui
sont fort intéressants ;
8. Aimard-Marie-Charlemagne, né à Agen le 31 jan-
vier 1823 ;
9. Léocadie-Marie-Louise-Françoise, née à Agen le 10 août
1827, morte à Castelnoubel ;
10. Marc-Anloine-Beuve-Marie-Louis, né à Agen le 24
avril 1827 ;
11. Henri-Marie-Désiré, né à Agen, le 9 avril 1831.
Le poète agenais Jasmin composa pour la fête de Madame
des EcheroUes la pièce suivante :
tous Maynatgcs de Moussu des EcheroUes à lur may lou four
de sa (esto, en H présentant Vimagé d'un Pélican*
A Castelnoubel arunau
Troubéren un imagé al foun de la gareno.
Nous pintrabo un bel pélican
Que dans lou bec oubrio sa béno,
Per nourri sous cinq aouzelous, que touts
Semblablon per amou, bien n*espargna lous glouts,
L'imagé en mas, nous regaytéren :
Abian louts cinq lous els en plous.
« Acos pla nostro may ! diguéren,
« Alal n'en fay per sous pichous. »
Dambé lous bréns flourits de la sazou noubelo
Li fasquéren uno capelo
El dempey cado jour coumo al pé d'un aouta
Ensemble anaben bezita
L'imagé oun ses représentado.
Mais aney bouno may, ta feslo es arribado
Te baillan nostré imagé en formo de bouquet
Prén lou, rcgayto lou, cado jour un paouquel.
Et se lou pélican, à qui tu ses égale
Nous a lan bien pinlrat loun amou tout ounlgan,
Que lous cinq aouzelous que te bâton de l'alo
Te pintren à lur tour, ô may, coumo t'ayman.
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— 163 —
M. des EcherolléS ne termina pas sa vie agitée à Castelnou-
bel. Il se relira à Paris vers 1850 et y mourut le 31 Juillet 1865,
dans la rue Blomel. Il avait alors 90 ans. Ces obsèques eurent
lieu le lendemain 1*' août, dans Téglise Saint-Lambert de Vau-
girard.
J.-R. Marboutin.
(à suivre).
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RAPPORTS AU PRÉFET ET AU CONSEIL GÉNÉRAL
SUR
LE SERVICE DES ARCHIVES DE LOT-ET-GARONNE
Par M. René BONNAT, arcUTiste dèiiartfffliental
(Suite et fin)
III
1910-1911
Legs, — Par leslamenl en date du 16 octobre 1910, M*^ Poi-
rée, décédée le 30 janvier 191 1 au château de Garcin (com-
mune de Lamontjoie) a légué aux archives départementales :
P Toute sa bibliothèque, exception faite des œuvres d'Henri
Martin, Elisée Reclus, Léon Gautier, Petit de JuUeville et
André Michel ; 2** Tous les documents qu'elle avait recueillis :
archives, manuscrits, papiers de famille, correspondances an-
cienne et nouvelle ; 3° Les portraits de famille qui se iF^^venl
au grand salon du château, miniatures et autres portraits, et
4° Une somme de 1000 francs pour l'installation d'une salle
Poirée aux archives départementales. Le legs est grevé, au
profil de M™* Fournier, nièce de la testatrice, d'un usufruit qui
tomberait en cas de vente de Garcin. Je ne puis donner aucun
détail précis sur l'importance des collections rassemblées par
]yy[ii« Poiçée, car l'inventaire de la succession n'a pas encore été
fait. Je me suis rendu à Lamontjoie avec M. le Secrétaire gé-
néral. Nous n'avons vu que la légataire univei^selle et les mi-
niatures ou portraits donnés aux archives départementales.
Nous avons demandé à dresser un état sommaire du legs qui
nous revenait. Pour répondre aux désirs de la famille, cet étal
ne sera fait qu'au commencement du mois d'août. Rien ne s'op-
pose cependant à l'acceptation du legs par le Conseil général,
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-- 165 —
à titre conservatoire et conformément à Tarticle 53 de la loi du
10 août 1871.
Bibliothèque : accroissements. — Du ministère de l'Instruc-
tion publique nous avons reçu : Les Lettres de Catherine
de Médicis.A, x, par Baguenault de Puchesse ; Inventaire des
sceaux de la collection des pièces originales du cabinet des
titres delà B, N.; Recueil des actes du Directoire exécutil, par
Debidour, t. f y Recueil général des bas-reliels, statuer et bus-
tes de la Gaule romaine, par Espérandieu, t. m ; Procès-ver-
baux des séances des comités d'agriculture et de commerce,
t. IV. Convention ; Inventaire des archives historiques du Mi-
nistère de la Guerre, t. iv ; Les actes de Sully passés au nom
du Roi de 1600 à 1610 ; Bibliographie annuelle des travaux
historiques et archéologiques, 1906-1907 ; Recueil des actes du
Comité de Salut public, t. xx ; et toutes les publications du
Comité d'études sur l'histoire économique de la Révolution
française : Cahiers des doléances des bailliages de Troyes et
de Bourges, de la sénéchaussée de Rennes ; La vente des biens
nationaux dans les Bouches-du-Rhône, la Gironde et les Vos-
ges ; et le Recueil des documents d'ordre économique intéres-
sant le district d'Alençon,
11 faut y ajouter la série : V des inventaires sommaires parus
cette année : Ardennes, t. m; Deux-Sèvres, II supp* ; Doubs,
archives communales de Clerval et de Montbéliard ; Drôme,
série E supp*, t. vra; lUe-et- Vilaine, archives révolutionnaires
de Saint-Malo ; Puy-de-Dôme, série C ; Saône-et-Loire, sé-
rie F ; Savoie, t. f; Seine-et-Oise, Révolution, t. f ; Somme,
l.'vi ; Tarn-el-Garonne, série A. Fonds d'Armagnac, et 2° des
répertoires numériques concernant les Ardennes (Biens Natio-
naux); les Bouches-du-Rhône, le Doubs, la Lozère, la Marne,
l'Orne, le Tarn-el-Garonne.
Signalons encore, comme récemment donnés ou achetés, les
ouvrages suivants : Welvert : Autour d'une dame d'honneur,
Françoise de Chalus, duchesse de Narbonne-Lara (offert par
iM. de Rambuteau) ; Loliée : Le duc de Morny et la Société du
second Empire; Cussy : Souvenirs du chevalier de Cussy (1795-
1866) par le comte Marc de Germiny (offerts par M. Gavini de
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— 166 —
Campile). Les archives historiques de la Gironde, t. xliv ; Les
sources de VHistoire de France, t. vi, avec tables générales,
de Molinier et-Polain ; Déchelelte : Manuel d'archéologie pré-
historique, celtique et gallo-romaine, t. n, en 2 vol. ; Fleury-
Vindry : Les parlementaires français au XVI" siècle, t. n ; La-
visse : Histoire de France, t. ix, l"' partie ; de Cardenal : Re-
crutement de Varmée en Périgord pendant la période révolu-
tionnaire (1789-1800) ; Lettres de Jean Calvin, édit. Jules Bon-
net ; Nicolaï : Histoire de la carte à jouer en Guyenne, avec
étude préface sur les maîtres-cartiers de Guyenne ; Principauté
de Monaco : Inventaire du fonds Grimaldi-Régusse; Picot : Les
Italiens en France au XV f" siècle ; Lestrade : Les Huguenots
en Comminges.
Quelques-uns de ces ouvrages contiennent des détails t^rès
utiles à notre histoire agenaise. On en trouvera encore davan-
tage dans les plaquettes données aux archives départementa-
les par M. Ph. Lauzun (Livre furatoire des consuls d'Agen, En
Gascogne : Vabandonde la Terre) et par M. Maurin (Petite his-
toire de Meilhan).
Le général Durand, membre du^ Conseil supérieur de la
Guerre, nous a autorisé, au nom de sa belle-fille. M"* Lucien
Durand, petite-fille d'Adolphe Magen, secrétaire perpétuel de
la société académique d'Agen, et fille de Tancien intendant
Azéma, meînbre de la même Société, à verser aux archives
toute une série de plaquettes, de brochures et de volumes sur
rhistoire locale ou régionale, extraits d'une riche bibliothè-
que que nous avons eue à trier. Il y a là de nombreux tirages
à part d'auteurs agenais connus : Andrieu, Bladé, Bourrousse
de Laffore, Cassany-Mazet, Chaubart, Ducos du Hauron, De-
beaux,* Fourès, Habasque, Goux, Magen (Adolphe et Eugène\
Tamizey de Laroque, Thplin, Pécantin, de Tréverret.
Archives : accroissements, — En outre, M. le général Du-
rand nous a fait don d'un certain nombre de documents intéres-
sants que possédait M. A. Magen. V Recueil d'arrêts rendus
au Parlement de Bordeaux pour servir de suite aux décisions
de Lapeyrère, rangés par ordre alphabétique, 1776; 1 reg. in-
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-- 167 —
folio de 251 pp. ckvssé B. 1675. 2** Une liasse de 21 pièces ma-
nuscrites (D. 3) de 1776 à 1789 : Documents relatifs à rorigine
de la Société académique d'Agen, subventions. Lettres de Du-
pré de Saint-Maur et des intendants de Boi-deaux. P' ouvrage
de Lacépède lu à la Société libre d'Agen en 1776. (( Réflexions
sur les progrès que la musique a encore à faire ». 3** Un regis-
tre relié ms. : Journal de François de Syrueilh (J568-15S5),
chanoine de Bordeaux, depuis publié par Clément Simon dans
le tome 13 des archives historiques de la Gironde (F. 10). 4* 1
pièce parchemin du 14 août 1620 : Fondation pour l'Ermitage
de Saint-Vincent d'Agen d'une chapellenie faite par Jean Tour-
tat, argentier du duc de Mayenne, natif de Dijon (H. 11 bis).
5« 2 p. pap. (E supp* 1000 ter) de 1761 : Lettre de Paulin de.
Saint-Gilis à l'intendant Dupré de Saint-Maur sur le droit de
passage de Port-Sainle-Marie. Réponse de ce dernier. 6** Rôles
de la capitalion à Clermont-Dessus pour 1744 et 1750 ; reddi-
tion des comptes de la communauté (E supp* 1112 bis, 3 piè-
ces). T" Copie du contrat de la vente de 4 cartonnais de terre si-
tués dans la paroisse d'Allés faite par M. de Raymond à M. de
Coquet (13 sept. 1668), classée E. supp' 3663 bis. 8' Affaires
militaires intéressant la commune d'Agen, an III, une liasse
classée dans la série L. 9"* Toute une série d'observations jour-
nalières, météorologiques et astronomiques, presque toutes
manuscrites, faites à Agen par Bartayrès (de 1840 à 1856) et
par Ad. Magen (de 1857 à 1892). Les observations faites par ce
dernier sont contenues dans des petits^ carnets. Manque du 11
octobre 1887 au 31 mars 1889. L'ensemble se compose d'un
registre, d'une liasse et de trente et un carnets. 10** Pièces
diverses : Lettres de Bladé sur la statue de Cortèle de Prades
à Agen ; éloge de Clémence Isaure fait par le même à l'Acadé-
mie des Jeux floraux de Toulouse ; conférence sur Jasmin faite
à Versailles par Messines, etc.
M. Bitaubé, secrétaire général de la Préfecture, nous a
donné une liasse de 11 pièces (1690-1773) classée E. 94 : Cha-
pellenie fondée par Bitaubé à Port-Sainte-Marie. Nomina-
tions, etc.. De M. Sirech, curé de Sainte-Croix, nous avons
reçu une liasse de documents sur le Passage-d'Agen, Monbusq
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— 168 --
et les îles des bords de la Garonne (1547-an X). Ces documents
concernent en outre les familles de Mongauzy, de Groussou,
de Sarrau, de Coquet et de Raymond (E supp* 20 bis). De M.
Calbet, ancien instituteur, une caisse de pièces manuscrites qui
seront classées dans la série E et qui sont relatives à la famille
de Mothes de Labéziade, près de Casleljaloux, et à ses alliés :
les de Laujacq, Ogier, Gaubert, Sacriste de Malvirade, etc...
De M. Dubos, 1 pièces (x\if et xvnf siècles) : tableau de la
subdélégation de Casteljaloux en 1775. Capitation, milices,
rôles d'armes de Moncrabeau ; milices de Lahitte, etc.. (E.
supp* 95).
Enfin, M* de Lacvivier, notaire à Agen, a bien voulu dépo-
ser toutes ses minutes antérieures à 1796 (an IV) comme nous
l'annoncions Tan dernier. L'ensemble forme 323 liasses et 64
registres. Il commence en 1639. Manquent les années 1640,
1642, 1649, 1660, 1685, 1686, 1692. 9 cahiers et 7 registres de
tables, de 1662 à la fin du xvin* siècle, complètent cette impor*-
tante collection que les érudits locaux utilisent déjà. J'espère
que l'exemple donné par M*" de Lacvivier sera bientôt suivi par
d'autres notaires.
Travaux annuels, — L'inventaire de la série L., t. 2, a été
continué. Quatre feuilles ont été tirées, qui portent sur l'admi-
nistration communale, les finances et les contributions directes
ou indirectes pendant la Révolution. — Les dossiers relatifs
aux biens nationaux et à l'indemnité du milliard payée aux
émigrés ont été revus. J'y ai ajouté tous les registres versés
par l'administration des domaines, soit 209 articles. Un réper-
toire numérique en a été rédigé ; c'est presque un inventaire ;
il sera publié durant l'exercice prochain, après approbation
ministérielle. Le public le consulte déjà avec profit.
J'ai dû, d'autre part, étudier de nouveau la question de déli-
mitation du Bordelais vilicole et affirmer, en face de l'exclusi-
visme de la Gironde, les droits du Lot-et-Garonne. Le Parle-
ment, à défaut du Conseil d'Etat, nous donnera bientôt satis-
faction.
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- 169 -
Archives des sons-prélectures et des communes. — Le local
affecté aux archives dans la sous-préfeclure de Villeneuve est
insuffisant. Les dossiers s'y accumulent tous les jours sans
qu'il soit possible de s'y reconnaître. Les greniers sont égale-
ment encombrés. II serait nécessaire d'installer de nouveaux
rayons qui pourraient ôtre^placés dans la salle qu'un <( bureau
des chemins de fer » — service d'Etat — occupe actuellement
sans titre, sans aucune location, dans l'immeuble départemen-
tal qu'est la sous-préfecture. 11 semble qu'avant de donner
l'hospitalité gratuite à une administration dont les charges ne
lui incombent pas, le département doive d'abord loger conve-
nablement ses propres services.
. L'inspection des archives communales m'oblige à déclarer
qu'il faut, de toute nécessité, centraliser aux archives les do-
cuments anciens, liasses ou registres, qui se trouvent épars
dans les communes. Quand la mairie est bien tenue, quand les
papiers sont classés, rien à dire ; mais c'est l'exception, et il
ne faut point s'en montrer surpris : les secrétaires sont telle-
ment surchargés de besogne qu'ils ne peuvent pourvoir à tout.
Les documents d'archives, qui ont l'éternité devant eux, pas*
sent souvent au dernier rang de leurs préoccupations.
A Saint-Jean-de-Thurac, pas de documents sur l'histoire
révolutionnaire. Seul l'état-civil existe ; il forme trois volumes
reliés : V naissances, 2** mariages et 3"* décès, de l'an IV à
1812. *
Saint-Sixte est mieux partagé. En plus de l'état-civil, j'y ai
trouvé im registre contenant : 1** les délibérations de la société
populaire des sans-culottes fondée en 1793 par le Conseil gé-
néral de la commune (5 novembre 1793-nivôse an III). Les pro-
cès-verbaux sont suivis de la liste des membres qui se firent
inscrire à la société des Amis de la Constitution ; 2* les déli-
bérations municipales de l'an IX au 8 mai 1834. Ce registre a
été réintégré aux archives départementales où il a été classé
dans la série L. Fonds des sociétés populaires, conformément
aux instructions ministérielles.
Quant au fonds ancien, sommairement analysé dans l'inven-
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- no-
taire de la série E suppS l. f ', page 51, il était en mauvais état
par suite de Thumidilé. Les liasses qui en forment la majeure
partie étaient à ce point rongées que j'ai dû les emporter aux
archives départementales où elles figureront, après avoir été
reliées, séchées et soigneusement réparées. Les registres
E supp^ 2G8, 269, 267, restent à la mairie ; ils contiennent Tétat-
civil de 1715 à 1792.
Bhax ne possède d'autres documents révolutionnaires que
son état-civil. 1 liasse, 1790-1821. Les délibérations municipa-
les ne commencent qu'au xix* siècle.
Il faut ajouter au fonds conservé à la mairie de Moncaut et
sommairement analysé par mon prédécesseur, un registre in-
folio de 143 pages, papier : cadastre de la juridiction, xvni*
siècle (classé E supp' 3038 bis). Pas d'archives révolutionnai-
res, si ce n'est l'état-civil composé de 40 petits cahiers (1790-an
VIII), qui seront reliés, ainsi que les anciens r^islres parois-
siaux inventoriés.
Il y a mieux à Sérignac où sont conservés 3 volumes in-4* :
1* naissances ; 2** mariages ; 3** décès, de l'an III à 1804. —
Une table des registres paroissiaux de 1671 à l'an IX a été ré-
digée au coui-s du xix'' siècle. Au fonds ancien inventorié (t. V
pp. 125-6) il faut ajouter toute une série de registres et de
cahiers que j'ai découverts au sommet d'une armoire dans la
salle de la Mairie :
P Jurades, 25 octobre 1654-4 juin 1673. Un gros registre
relié in-4'*. En tournant le volume sens dessus-dessous on
trouve également des délibérations : a) du corps de ville, de
1671 à 1679; b) de la municipalité, du 31 janvier 1790 au 15 fri-
maire an IV, date du fonctionnement des administrations can-
tonales, et de l'an IX à l'an XII (classé E supp* 666 ter aux ar-
chives départementales).
2"* Hommage rendu par la communauté de Sérignac au roi
Louis XIV en 1046. Droits et privilèges des consuls et habitants
en 1668. Cahier parchemin, 8 feuillets (E. 666 bis), 1646-1672.
3** Arpentement général de la juridiction de Sérignac par
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- 171 -
Jean Rivière, arpenteur de la juridiction d'Aubiac, avec table
par ordre alphabétique des prénoms. 1664. 1 registre in-4**,
de 128 feulilels papier (E supp* G66-4), auquel il faut joindre :
/) un autre registre de même fonnat, contenant a) des frag-
ments d'arpentement de la même époque; 6) l'inventaire des
papiers et titres existant « dans le coffre et archif de la com-
munauté » au xviïf siècle ; et c) quelques fourleaux de 1793 et
de Tan II. (E supp* 666-5). — //) d'autres fragments d'un ar-
pentement du xvu* siècle auquel il manque les 47 premiers
feuillets. La numérotation commence au feuillet 48 et s'arrête
au feuillet 97. (E supp* 666-6).
4* Cadastre de la juridiction de Sérignac. Une liasse for-
mée de 2 cahiers, l'un, relié, de 68 feuillets, avec une table
alphabétique de prénoms de 5 feuillets, 1680; l'autre, broché,
contenant 328 articles portant sur 947 carterées, 6 cartonats.
(E supp* 666-7).
5** Impositions : a) Rôles de la taille et des autres imposi-
tions à Sérignac, 1 cahier de 26 feuillets, 1716; b) taille, 1
cahier de 30 feuillets, 1719; c) vingtièmes, 1 cahier, 46 feuillets
papier, 1752. (Classé E supp' 666-9).
A Roquefort, je n'ai pas trouvé, en l'absence d'un secré-
taire de mairie, E supp' 012 et 613. Le fonds révolutionnaire
est représenté par a) un registre de délibérations de la munici-
palité de Roquefort du 30 nivôse an II à l'an IV, 26 feuillets
reliés avec les délibérations du Conseil municipal à partir de
1800 jusqu'en 1826; b) et l'état-civil de 1793 à l'an IX.
EsTiLLAc conserve dans sa mairie, relativement récente, un
registre relié d'état-civil, 1793-1827. Mais au fonds ancien il
faut ajouter sous le numéro E supp* 418 bis un magnifique in-
folio de 67 feuillets, papier : « Arp^tement général pour la
faction du cadastre de l'entier territoire qui compose la com-
munauté d'Estillac, élection de Lomagne », par Pierre Cas-
taing de Barbé, notaire royal de Cazeaux, juridiction de La-
plume, 1781-1785. — Les délibérations municipales commen-
cent vers 1840.
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- 172 —
A la mairie d'AuBiAC manque ou plulôl n*a pas été retrouvé
E supp' 408 contenant les jurades de 1767 à 1774. En revan-
che nous avons pu reconstituer tout rétat-civil des paroisses
de la communauté qui se trouvait dans une salle de Thôtel de
ville en cahiers détachés ou même en feuillets épars. L'ensem-
ble a été trié et classé en deux liasses qui devront être reliées
ou déposées aux archives départementales en vue de leur con-
servation : 1** E supp* 413 bis, 1701-1762; 2" 419 ter, 1762-1789.
En outre, une liasse de feuilles d'impositions de 1789 a été co-
tée E supp* 412 bis, et deux cahiers et deux feuillets contenant
les rôles de la taille pour 1789, de la capitation pour 1790,
E supp* 412 1er. Le fonds révolutionnaire comprend : 1* les dé-
libérations de la municipalité et du Conseil général de la com-
mune, 1790-93, 12 feuillets; 2*» l'étet-civil de 1790 à Fan IX,
1 grosse liasse qui sera reliée ; 3** des rôles de la contribution
foncière de 1790 à Tan VII, 1 liasse de 11 cahiers ; 4** la con-
tribution patriotique de 1790, 1 cahier; et 5" divers, 10 pièces.
Comme nous l'avons dit plus haut, toutes les archives an-
ciennes et révolutionnaires de Monclar ont été déposées aux
archives départementales, à la suite d'un vote du Conseil muni-
cipal en date du 23 octobre 1910. En procédant au triage des
documents à la mairie de ce chef -lieu de canton, j'ai trouvé
toute une série de pièces antérieures à 1789 qui ne figurent pas
sur l'inventaire. En voici l'état sommaire et les cotes données
après triage :
E supp* 3360 bis (liasse), 1724-1788. Lettre sur les limites de
Monclar et de Casseneuil. Dénombrement, foi et hommage.
Lettre de compliments à l'intendant. Vaisselle du roi transfor-
mée en monnaie. Mémoire sur l'état de la baronnie de Cancon.
Demande d'enregistrement de lettres-patentes accordant cer-
tains privilèges à la commune. Convocation des Etats géné-
raux.
E supp' 3374 bis (liasse), 1736-1776. Assemblées et listes de
notables. Nomination par le roi d'officiers municipaux. Re-
mise à la communauté d'une charge de consul. Edit du roi
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- 173 -
concernant l'administration des villes et bourgs du royaume
a767).
E supp* 3387 bis (liasse), 1720-1783. Comptes du trésorier
de la communauté (1755). Impositions : capilations, dixième,
rachat des corvées. Revenus patrimoniaux de la communauté.
Renseignements demandés sur le Irailement des personnes à
la charge de la communaiilé ; gages des officiers.
E supp* 3389 bis (liasse), xviif siècle. Corvées. Travaux sur
la route d'Agen à Bergerac.
E supp' 3391 bis (liasse), wiif siècle. Affaires militaires.
Milices : règlements, ordonnances et lettres.
E supp* 3393 bis (liasse), xviif siècle. Justice et police : ré-
jouisances, publications de paix. Ordonnances de police.
E supp* 3406 ^is (liasse), 1758-1778. Assistance. Secours aux
convalescents.
E supp' 3408 bis (liasse), 1720-1777. Pain et blé. Vins. Droits
sur les bestiaux ; beurre, épizooties. — Manufactures, tanne-
ries, toiles peintes. Enquête sur le personnel des manufactures.
E supp^ 3406 1er (Registre, 135 feuillets), 14 sept. 1738-1858.
Livre de l'hôpital de Monclar contenant : 1** l'état de ses biens;
2** les arrêtés de comptes ; 3** les délibérations du bureau des
pauvres.
E supp* 3410 bis. 1756-1777 (liasse). Affaires diverses.
Les fonds révolutionnaires, également versés aux archives
départementales, comprennent : 1** les dossiers de l'adminis-
tration cantonale, de l'an IV à l'an VIII, et 2^ ceux de l'admi-
nistration communale, de 1790 à l'an VIII. Dans la première
série il faut ranger : 1"* Circulaires ministérielles, 1 liasse de
33 documents imprimés, an VII ; 2° arrêtés de l'administration
centrale du département de Lot-et-Garonne, 1 liasse, an IV-
an-VI ; 3^ Idem, an Vll-an VIII ; 4'* Lettres et circulaires
adressées par l'administration centrale du département à l'ad-
ministration cantonale de Monclar, 1 liasse, an VI ; 5** Idem,
1 liasse, an VII et VIII; 6"* Lettres autres que celles de l'admi-
nistration centrale, 1 liasse, an IV-an VIII ; T" Corespondance
de l'administration cantonale ; enregistrement ; 2 cahiers,
3 frimaire an IV-28 floréal an VIII ; 8° Pétitions, an Ill-an
12
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— in —
VIII, 1 liasse de 71 pièces; 9"* Délibérations de radminislralion
cantonale du 16 brumaire an IV au 3 fructidor de la même an-
née, 52 feuilleLs; et, du 14 nivôse an VI au 29 floréal an VIII,
2 cahiers de 82 et 54 feuillets; 10"* Procès-verbaux des assem-
blées des communes formant le canton de Monclar : Fongrave,
Hauterive, Monclar, intra et extra-muros, 1 liasse de 4 cahiers,
ans IV et \' ; IP Inscription des citoyens ayant droit de vote
aux assemblées primaires : procès-verbaux de ces assemblées,
1 liasse, ans V à VII; 12'* Circulaires des ministres de Tinté-
rieur et de la police générale (ans V-VIII); émigrés, incendies,
vente de foins, 1 liasse, an V-an VU: 13** Procès-verbaux de
ventes et achats consentis par Tadministration cantonale; péti-
tions relatives à la commune d'Hauterive, !•' messidor an IV-
an VII, 1 liasse; 14'* Finances : Circulaires du ministre. Répar-
tition des impositions entre les communes du canton. Contri-
butions. Comptabilité des communes de la perception de Mon-
clar pendant la période révolutionnaire, 1 liasse, ans I V-VIII;
15*^ Patentes, 1 liasse, an Ill-an VII; 16** Affaires militaires :
Circulaires du ministre de la guerre; feuilles de route; gardes-
nationales, 1 liasse, an IV-an VIII; l?** Volontaires; militaires
retirés dans le canton; blessés et prisonniers, 1 liasse, an IV et
V ; 18** Nourrices des enfants de la patrie; lettres relatives aux
hôpitaux, 1 liasse de 3 pièces et d'un cahier, an Vl-an VII;
19** Divers, 1 liasse, ans IV-VIII. — Comité de surveillance
de Monclar, 1 cahier, 9 pluviôse an 11-28 fructidor an II. Déli-
bérations.
Dans la deuxième série nous relevons : 1** Lettres-patentes,
arrêtés des administrations du département et du district de
Villeneuve, 5 liasses, 1790-an VIII; 2** Délibérations du Con-
seil général de la commune, du maire et des adjoints, 4 liasses,
1790-an VIII; 3** Correspondances, 3 liasses, 1790-an III;
4** Elections, émigrés, statistique communale de 1790, grains
et subsistances, biens nationaux, contributions, cultes; affai-
res militaires, volontaires de 1792; hôpitaux, 4 liasses, 1789-
an VIII.
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- 175 -
Le bibliothécaire chargé des archives de la ville d'AcEN m*a
signalé la destruction par le commissariat de police des docu-
ments antérieurs à 1879 qui ont leur place marquée dans la
série I des fonds communaux. Il importe que des mesures
soient prises pour que des faits semblables ne se reproduisent
pas. Les dossiers do police abondent souvent en renseigne-
ments curieux dont Thisloire, la grande ou la petite, lire tou-
jours le plus heureux parti.
Rrnk Bowat.
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GUILLAUME DE RANSE
Ce n'est pas une élude définitive que nous prétendons écrire
aujourd'hui sur Guillaume de Ranse. Noire but, plus modeste,
est de donner un essai biographique de ce personnage qui joua
un certain rôle dans les luttes du xvf siècle.
Guillaume de Hanse, fils de Pierre dé Ranse et de Catherine
de Salenabe, naquit dans la ville de Sauvelerre vers le com-
mencement du xvf siècle, devint d'abord secrétaire d'Antoine
de Bourbon et de Jeanne d'Albret, puis en 1544 (16 février), fut
ettaché avec le même titre à la personne d'Henri de Navarre
et à celle de Marguerite de France. Il fut ensuite contrôleur
général des domaines des Navarre et d'Albret, auditeur en sa
Cour des Comptes de Nérac, receveur général en l'amirauté de
Guienne, etc., etc. (1).
En premières noces, le 4 mai*s 1549, Guillaume de Ranse
épousa Guirautine de Metge, fille d'un riche bourg«)is de la
ville du Port-Sainle-Marie (2). 11 en eut un fils nommé Nicolas.
Celui-ci se fixa sur les biens dont il liérita de sa mère et les
transmit à ses descendants. Sa postérité subsiste encore au-
jourd'hui dans le voisinage de la ville d'Aiguillon.
Le 23 septembre 1564, Guillaume de Ranse épousa Antoi-
nette des Escuycrs de Gandillac (3) issue d'une vieille famille
périgourdine qui possédait en Agenais, dans la juridiction de
Tombebœuf, le repaire noble de Bélissac. De cette union na-
quirent deux fils et trois ou quatre filles.
L'aîné des mâles, Henri, fut conseiller au Parlement de
Bordeaux et eut pour fils André, procureur général en la
Chambre de l'Edil de Guienne, mort sans avoir eu d'enfants
de sa femme, Marie Mailhet (4).
(1) Histoire de la oille d*Aiguillon, par R. L. Âlis.
(2) Etude Beyries, minutes Sir vent, acte du 29 avril 1558.
C^) Arch. Lot-et-Garonne, B. 29, fol. 22.
(4) Arch. de la famille de Raffin.
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— 177 —
Le puîné, Pierre de Ranse, épousa, le 12 février 1600, Cons*
lance d'Estrades, fille de Jean d'Eslrades, seigneur de Bonel
et de Campagnac, et d'Antoinette Amoul. Devenu veuf sans
enfant, il fut obligé de rendre la dot de 50.000 livres que lui
avait apporté 'sa femme.
Anne de Ranse, épousa, le 24 août 1598, Jean de Monneins,
conseiller au Parlement de Bordeaux, et fut mère de plusieurs
enfants.
Antoinette de Ranse, mariée à Guillaume de Sevin, seigneur
de Lagarde (1), mit au monde Armand de Sevin et deux filles
dont Tune, nommée Marguerite de Sevin, épousa Jacob de
Secondât, seigneur de Montesquieu. De ce nxariage descend
l'immortel auteur de Y Esprit des Lois.
Une autre filUe de Guillaume de Ranse'et d'Antoinette des
Escuyers, également nommée Antoinette, épousa, le 14 octo-
bre 1609, à Agen, par contrat passé devant Codoîng, notaire
de cette ville, Philippe de Raffin, qui la laissa veuve après
quatre ans de mariage. Cette dame fut honorée de l'amitié du
premier duc d'Epernon et eut pour correspondant saint Vin-
cent de Paul (2).
Un passage des Commentaires, de Biaise de Monluc, est
consacré à Guillaume de Ranse.
La scène se passe à Villefranche du Rouergue, où le sei-
gneur d'Estillac vient de faire pendre aux fenêtres de la mai-
son de ville « quatre ou cinq des principaux séditieux » qui
avaient mis à sac les églises de cette ville (avril 15G2).
« Et ne tarda pas deux heures que Rance, secrétaire du roy
de Navarre, arriva et pourta les nouvelles à Monsieur de Burie
que Monsieur le Prince de Condé avoit prins les armes et
s'esloit saisi d'Orléans ; et comploit nouvelles des grandz for-
ces qu'avoit ledit seigneur prince, envers celles du roy ; et que
le roy de Navarre, monsieur le conestable, monsieur de Guyse,
monsieur le mareschal de Sainct André, estoient tous ensem-
(1) Généalogie manuscrisle de Sevin, par M" de Raymond. Le contrat fut
passé le 25 janvier 1587.
(2) Arch. de la famille de Raffln.
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— 178 —
ble, qui ne pouvoient pas trouver ung homme, et mil menson-
ges, car il s en sçait fort bien ayder. El ledit seigneur de Burie
luy deffendit de tenir ce langaige, et qu'il ne luy alloit que de
la vye si j'entendois aucune chose... »
Le messager, à ces mots, prit peur et s enfuit, c'était ce qu'il
avait de mieux à faire, car, ajoute Monluc :
« Que si alors il me feust tumbé entre les mains, je luy eusse
aprins de pourter telles nouvelles qu'il avoit pourlé (1). »
Si Guillaume de Rance avait un peu de cette hâblerie qu'on
reproche si volontiers aux Gascons, on ne saurait lui refuser
l'habileté dans les affaires et l'esprit d'économie. Grâce à ces
deux qualités, il parvint à réaliser une assez grosse fortune.
Jean de Cassaignet possédait, à Sérignac en Brulhois, la
seigneurie de Plaisance ; cette terre lui fut confisquée, sans
doute pour quelque crime, par son suzerain le roi de Navarre,
qui avait plus besoin d'argent que de terre.
Guillaume de Ranse, au courant des affaires de ses maîtres
et désireux d'acquérir une seigneurie, obtint sans peine la
cession du fief de Plaisance. La vente lui en fut faite en 1553,
l'année même de la naissance d'Henri III de Navarre, le futur
Henri IV de France (2). L'argent versé au roi de NavaiTe
forma la majeure partie des 4.000 livres qui furent payées le
13 mars 1553 (v. st.) par ce roi à son lieutenant général, Jean
d'Albret, baron de Miossans, époux de Suzanne de Bourbon-
Busset.
L'acte de vente de Plaisance fut passé par deux notaires, du
Coulon et de Cousturat.
L'année suivante (23 avril 1554), Antoine de Bourbon et
Jeanne d'Albret, sa femme, signèrent des lettres patentes por-
tant donation de la ten'e de Plaisance en faveur de G. de
Ranse, leur secrétaire ordinaire. Cet acte solennel, destiné
sans doute à donner plus de force à la vente déjà faite, fut
insinué le 26 avril à Laplume et le 29 mai à Lectoure (3).
(1) Commentaires de Biaise de Monluc, éd. de Ruble, ii, 384.
(2) Inventaire des titres de la maison d'Albret, publié par J. Dubois, pp.
U7-148.
(3) \rchives de la famille de Raffin.
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— 179 —
Entre temps (7 mai 1554), G. de Ranse avait rendu hommage
pour Plaisance à son suzerain et remis en conséquence un
fer de lance à Antoine de Bourbon (1).
Malgré l'accomplissement de toutes ces formalités, la tran-
quillité ne fut point acquise au nouveau seigneur de Plaisance.
Des oppositions s'étaient élevées contre l'arrêt de confiscation
qui venait de frapper Jean de Cassaignet. C'est d'abord Jean
de Monlézun qui proteste, puis vient le tour de M**° de Cassai-
gnet qui réclame certains droits sur les biens enlevés à son
époux. Enfin nous voyons entrer en scène Pierre de Loze, sur-
nommé le capitaine Plaisance. Ce gentilhomme, pressé d'ar-
river à son but, s'empare de vive force d'une partie des biens
de Plaisance pendant que ses procureurs agissent au Grand
Conseil pour y obtenir gain de cause par les moyens légaux.
Pierre de Loze ayant triomphé en justice, Plaisance fut possé-
dé par deux co-seigneurs (2).
A quelle époque et pour quel motif G . de Ranse devint-il sei-
gneur de Laperche ? Nous le saurons un jour peut-être, mais
à cette heure nous l'ignorons. Tout ce que nous pouvons dire
c'est que Pierre de Secondât, général des finances en Guienne,
n'ayant pu se justifier d'une accusation de péculat, fut con-
damné à mort et ses biens confisqués. Laperche faisait partie
des riches dépouilles de ce financier malheureux. Cette sei-
gneurie fut donnée par le roi de France à la reine d'Ecosse et
au duc de Bourbon, époux de Jeanne d'Albret. On devine
comment toujours obérés, les souverains de la Navarre traitè-
rent avec leur subordonné, G. de Ranse, qui était toujours dé-
sireux d'accroître Tétendue de ses domaines. Co-seigneur de
Plaisance et seigneur de Laperche, G. de Ranse s'intitulait
encore seigneur de Lacour, mais jamais, quoiqu'on en ait dit.
il n'eut le titre de vicomte du Bruilhois (3).
(1) Arch. de la famille de Raffîn.
(2) Ibidem.
(3) Erreur imprimée par l'abbé R. L. Alis dans la généalogie de la famille
de Ranse placée à la fin de son Histoire d'Aiguillon. G. do Ranse fut quelque
temps seigneur de Montforl, de Castelnau de Cernes et de Cazenave. Le sei-
gneur de Turenne lui avait engagé la première de ces terres. Les doux
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Après avoir lu le passage que Monluc a consacré à Guillau-
me de Ranse on pourrait être tenté de croire que ce gentilhom-
me fut, comme ses parents de Monlagnac-sur-Auvignon, com-
plètement gagné aux idées de Calvin, cependant la vérité est
toute autre. Après avoir testé, le 26 avril 1589, Guillaume de
Ranse fut tué le 5 janvier 1591, du côté des catholiques, dans
les rues d'Agen, que Saint-Chamarand, sénéchal d'Agenais,
chassé depuis deux ans de cette ville, venait de surprendre, la
nuit, par trahison (1). I^ seigneur de Plaisance fut enseveli
dans Téglise des Cordeliers d'Agen où sa femme fut également
inhumée en 1623.
J. DUBOIS.
aiUres furent vendues par le roi de Navarre à G. de Ranse et rachetées en
son nom pour Je comte de M* Raymond de Viçose, le 19 décembre 1594.
(Archives de lamille de RaUin.)
(1) Mémoires.
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CHRONIQUE RÉGIONALE
Nécrologie. — Adrien Planté. — Un deuil cruel vient de frap
per le monde savant du Sud-Ouest. Le 27 mars dernier, s'éteignait
dans sa maison d'Orlhez, après une longue maladie, M. Adrien
Planté, Tune des personnalités les plus marquantes de la région.
Ce n'est pas à l'ancien magistrat, au jugement droit, à la parole
éloquente, qui avait laissé de si bons souvenirs de son passage à
Dax, à Saint-Palais, à Mont-de-Marsan que nous voulons dire un
dernier adieu ; encore moins à l'homme politique, ancien député,
ancien conseiller général, ancien maire indéracinable d'Orthez,
dont la hauteur de vues et les convictions religieuses -et conserva-
trices se sont constamment affirmées, respectées même par ses
adversaires du moment.
De sa vie si mouvementée, mais toujours si correcte et si digne,
nous ne voulons retenir ici que les services rendus par lui à la
science et rappeler ses litres multiples à l'estime des travailleurs.
Nul, en effet, ne le fut plus que lui, embrassant tous les sujets
avec la même aisance, les traitant avec une universelle compé-
tence.
Archéologue, il était, depuis plus de vingt ans, inspecteur divi-
sionnaire de la Société française d'archéologie pour les départe-
ments de la Gironde, des Landes, des Basses et Hautes-Pyrénées,
du Gers, du Lot-et-Ciaronne, se faisant un devoir d'assister à ses
Congrès annuels, où il émaillait les séances de ses communications
originales, de ses observations fines, de ses saillies humouristi-
ques.
Historien, il présidait avec une autorité incontestable la Société
des Sciences, Lettres cl Arts de Pau ; et si nous ouvrons le Recueil
de cette Académie, nous lisons son nom au bas de nombreux mé-
moires sur le Béarn, la Basse Navarre, le Labourd, la Soûle, ré-
pondant aussi par de captivantes conférences à l'appel de tous ceux
qui souvent abusaient de son nom, et publiant d'importants tra-
vaux, notamment, en deux volumes, les Lettres de la baronne So-
phie de Crouseilhes.
Lors de- la création en 1907, à Bordeaux, de l'Union des Sociétés
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— 182 —
savantes du Sud-Ouest, Adrien Planté fut un des premiers et des
plus ardents promoteurs de cet essai de décentralisation scientifi-
que. Et ses théories, nul n'a oublié combien il sut élégamment les
mettre en pratique, Tannée suivante, en organisant si magistrale-
ment ce Congres de Pau dont il fut l'âme, et qui, grâce à ses soins,
à son zèle, à son dévouement, obtint un éclatant succès.
Mais son œuvre scientifique capitale fut la fondation de VEscolo
Gastou-PhebuSy avec le développement qu'il n'a cessé de lui donner
jusqu'à ce jour. Ardemment épris de décentralisation régionaliste,
son esprit si fin, si délié, si conservateur de la tradition et de la
langue béarnaise, ne pouvait qu'être séduit par les idées félibréen-
nes. Aussi répondit- il, dès la première heure, à l'appel de son
illustre ami Frédéric Mistral, et employa-l-il ses moyens à créer
en Béarn une école qui s'inspirât de sou œuvre et rélevât le pres-
tige de la langue et de la terre « mayrane ». Ses efforts, comme
toujours, furent immédiatement couronnés de succès ; et l'Ecole de
Gaston-Phébus, tant par le nombre de ses adeptes que par la dis-
tinction de ses œ'uvres et surtout l'éclat donné par lui à ses féli-
brées annuelles, tient le haut bout du félibrigc, jouissant, dans tout
le Sud-Ouest, d'une réputation incontestée.
Nature essentiellement franche et généreuse, aux plus fermes
convictions religieuses Adrien Planté joignait un cœur d'or, un es-
prit ouvert, tolérant, en même temps qu'aimable et enjoué. D'une
obligeance inlassable, il ne comptait partout que des amis.
Aussi sont-ils nombreux ceux qui le pleurent en ce moment ; et,
de près comme de loin, à Orthcz, où ses compatriotes le désignaient
sous le beau nom « Ion pay », comme partout où il est passé, tous
sont-ils douloureusement affectés à la pensée qu'ils ne verront plus
venir vers eux cette belle et noble figure, dont l'engageant sourire
l^romettait une si attrayante et si aimable causerie.
Pour nous qui l'avons intimement connu, apprécié et aimé, qui
étions honoré en retour de sa plus affectueuse sympathie, nous ne
pouvons nous défendre, en écrivant ces lignes, d'une bien pénible
émotion. Nous nous inclinons profondément devant sa tombe, et
nous offrons à sa famille éplorée l'assurance d'un inaltérable sou-
venir.
Ph. Lauzun.
31 mars 1912.
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— 183 —
Congrès de la Société française d'archéologie. — Ce Congrès
s'ouvrira, cette année 1912, à Angoulême, le lundi 17 juin, sous la
direction de M. Eugène Lefèvre-Pontalis, réminenl professeur d ar-
chéologie à TEcole des Charles.
Son programme est des plus variés. Outre de nombreuses séan-
ces et conférences, il comporte de multiples excursions, tant dans
la Charente que dans la Charente-Inférieure, la Gironde et même à
Poitiers. C'est ainsi qu'on ira visiter : 1** Plassac, Blanzac, RouUet;
2^ Saint-Amant de Boixc, Melle, Aulnay ; 3° Saintes, Rioux, Rc-
laud ; 4^ Mouthiers, Montmoreau, Saint-Emilion ; 5° Sainl-Michel,
Trois-Palis, La Couronne, La Rochefoucauld ; 6^ Poitiers; V Char-
roux, Civray, Ruffec, Verteuil, Lichères ; 8*» Bourg-Charente,
Pons, Avy, Marignac, Chadenac, Echebrune.
Le Congrès durera du 17 au 25 juin. Les adhésions doivent être
envoyées à M. Henri Ileuzé, secrétaire-adjoint, 110, rue de Paris, à
Vincennes, avant le 15 mai, dernier délai.
Société de Vesins. — Il y a déjà un an, Monseigneur Sagot du
Vauroux, évêque d'Agen, toujours préoccupé du progrès intellec-
tuel de son clergé, fondait une société d'études qui porte le nom de
Monseigneur de Vesins, un de ses prédécesseurs. Celte société,
composée exclusivement d'ecclésiastiques, devra plus lard com-
prendre trois sections. Pour commencer, elle se caulonne dans
Tétude de l'histoire du diocèse. La déclaration, faite le 3 avril 1911,
fut insérée au journal VOKiciel du 11 avril 1911. Dès le mois de mai,
les séances commencèrent.
Parmi les membres de celle société, nous trouvons plusieurs de
nos collègues de la Société des lettres, sciences et arts : MM. Cou-
zard, Durengues, Dubos, Dubois, Marlinon, Marboulin.
La Semaine calholU/ue du diocèse publie chaque mois un compte-
rendu sommaire des séances. Les travaux i)résenlés à cette société
sont déjà nombreux, citons au hasard : Etude sur le lieu el la date
du mnrtijre de S. Vincent, par l'abbé Dubos ; Un autel chrétien du
/r* siècle, par l'abbé Marboulin (paru depuis dans la « Revue de
TAgenais »); Rectification à la liste épiscopale du diocèse d'Agen
à la {in du XIV* siècle, par l'abbé Dubois ; La Psalette de la Cathé-
drale au XP siècle, par l'abbé Marboulin; diverses communications
de M. le chanoine Durengues sur le Grand-Séminaire de Beauvais
et sur un Proiel de gouvernement d*un diocèse ; Les droits honori-
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- 184 -
ligues de Véglise de Montmarès, par Tabbé Magot; la Conirérie des
Pénitents blancs de Caudecoste, par l'abbé Gayral, etx;., etc.
La Société de Vesins vient d'ouvrir un concours sur le sujet sui-
vant : Faire la monographie d'une circonscription religieuse ou ci-
vile (archiprâtré^ juridiction, paroisse) sous Vancien régime, en
mettant bien en relief l'action bienfaisante de l'Eglise en ce qui con-
cerne l'assistance, l'instruction, les œuvres corporatives, confré-
ries, etc..
Les amis des Cathédrales. — Après les amis du vieux Paris, de
Versailles, de Fontainebleau, des églises de campagne, des jardins,
de l'art primitif, que sais-je encore, voici qu'il se forme actuellement
une nouvelle société d'amis des monuments ; celle des Amis des Ca-
thédrales.
Certes, si l'un de tous ceux qui parent notre belle France mérite
d'être apprécié et protégé, c'est bien la Cathédrale. Ne représente-
t elle pas, en effet, à notre esprit, « une des œuvres les plus parfai-
« les, d'ordre et de grâce, de logique et de poésie, que l'art de
<( l'homme ait su accomplir. De la cathédrale, comme d'un centre
« de beauté et de noblesse, s'est répandu, à chaque siècle, un char-
« me inexprimable sur une foule d'édifices, églises, chapelles, pro-
M près aux diverses contrées, construites dans les lignes de styles
« les plus divers, nues ou fleuries, graves ou souriantes, mais por-
« tant toutes une marque d'élégance et de beauté.
« Elles restent encore debout, en grand nombre, pour notre joie,
« ces demeures de la conscience de l'homme, ces témoins de son
« art, de la pensée des générations et du passé des patries.
« Il faut les garder. Il faut les défendre et aider qui les défend,
ft Mais pour les défendre il faut les aimer.
(( L'art des cathédrales n'est pas seulement un art. C'est vérita-
« blemcnt un langage, et un langage universel ; car il s'adresse à
« tous, aux plus savants comme aux plus humbles.
« Il faut un peuple pour entendre ce langage. La cathédrale n'est
« pas seulement la maison des morts. Il y faut aussi la vie et la
<( parole : c'est l'action sacrée du rituel de l'Eglise : Ce sont les
« poèmes inspirés de la Liturgie, qui doivent, aujourd'hui comme
« autrefois, éclater en chants, en mélodies pures et religieuses
« Ces chants, célébrant la splendeur de l'art dans la majesté du cé-
« rémonial catholique, complètent la beauté et l'image de perfection
« qui réside dans la cathédrale.,. »
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- 185 -
Aussi, s*esl-il formé une Société, sous le titre dWmis des Cathé-
drales, dont le but est « de permettre non seulement à ses adhérents,
« mais à tous, d'aller admirer et étudier les oeuvres d'art d'inspira-
« tion religieuse, dans le cadre architectural pour lequel elles fu-
« rcnt primitivement conçues. »
Cette Société donnera chaque année deux fêtes artistiques dans
les cathédrales ou églises de France. En plus elle organisera des
conférences et des auditions de musique religieuse du moyen-âge
au xix* siècle à Paris.
La première de ces fêtes artistiques comme archéologiques, a eu
lieu dans la cathédrale de Chartres, le 30 avril dernier. Tous les
membres de la Société, membres d'honneur, bienfaiteurs, fonda-
teurs, actifs et associés, y avaient leur place. marquée. On y a enten-
du de très curieux et très anciens morceaux de musique religieuse,
dans l'intervalle desquels M. l'abbé Sertillanges a fait une confé-
rence sur « la Pensée chrétienne au xin" siècle ». On a visité en-
suite la cathédrale sous la conduite de M. Lefèvre-Pontalis, dont
l'érudition bien connue n'a laissé inaperçu aucun détail intéressant.
Plus tard, on visitera Saint-Denis, Rennes, Laori, Amiens, etc.,
et, entre temps, la Société donnera des concerts à Paris à partir du
mois de mai.
, Nous ne pouvons qu'applaudir à une si louable initiative, et en-
gager nos lecteurs à faire au plus vite partie de la Société des Amis
des Cathédrales dont le secrétaire est M. Henri Heuzé, 110, rue de
Paris, à Vincennes (Seine).
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PROCÈS-VERBAUX
des Séances de la Société des Sciences, Lettres et Arts d'Agen
Séance du 7 mars 1912, — Présidence de M. Ferrère, oice-préeident
M. Charles de Batz-Trenquelléon offre à ses collègues la troisiè-
me édition de son intéressante brochure Un Aventurier Gascon : le
vrai baron de Batz,
Le clergé a de tout temps contribué, sous des formes qui ont va-
rié, à acquitter les charges de TEtat. Par un édit de septembre 1594,
Henri IV créa une première fois dix-huit receveurs généraux pro-
vinciaux des décimes et impositions du clergé. Plus tard, en 1622,
Louis XIII y ajouta un receveur particulier par diocèse, reconnais-
sant au clergé le droit de rembourser ces impositions. Les charges
de ces fonctionnaires devinrent fort lucratives, par suite fort oné-
reuses pour le clergé. Mascaron le comprit. Aussi, nous apprend
M. le chanoine Dubourg, chercha-t-il à les alléger, en réunissant
en mai 1686, un important synode à Agen, « à l'effet de racheter les
« offices de receveur et de contrôleur des décimes et impositions de
« KAgenais ». Ils se montaient à la somme de 89,000 livres soit
35,000 livres, dont jouissait M. Barbier de Lasserre, receveur prin-
cipal ; 35,000 autres livres au sieur de Lavigerie, receveur alterna-
tif, et 19,000 livres aux dames de Castelnaud et de Lavigerie, héri-
tières de feu le sieur de la Crompe, acquéreur et engagiste desdits
offices. Procuration fut donnée à M* Roussel, syndic du clergé,
pour emprunter cette somme « en rente constituée au denier vingt,
« vingt-un ou autres plus avantageux audit clergé ». L'opération
réussit ; l'emprunt fut souscrit, même au-delà, et le rachat opéré.
Il existe, non loin de Cancon, près de l'église de Milhac, un joli
petit manoir du xvi* siècle, avec tour ronde pour cage d'escalier au
milieu de la face sud, çà et là quelques meurtrières et, à la porte
principale, une superbe serrure ornée de petits arcs trilobés au
style flamboyant. C'est le manoir de Belot. M. l'abbé Marboutin le
décrit et nous apprend que c'est là que naquit Jean de Belot, ma-
gistrat au Parlement de Bordeaux, dont la mémoire serait bien ou-
bliée, malgré les importants services qu'il rendit, notamment à
Toulouse, où il fut envoyé en 1570 pour faire exécuter Tédit de pa-
cification, s'il n'était devenu l'ami de Montaigne, de La Boëtic, et
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- 1H7 -
aussi de Ronsard, qui lui dédia deux de ses pièces : VOmhre du
Cheval et la Lyre, celte dernière de 476 vers, où Tauteur nous le
dépeint au physique comme au moral. De nombreux détails inédits
sur l'origine de sa famille, sa fortune, ses propriétés, particulière-
ment les terres de La Tresne et de Pommiers, son caractère, ses
charges et emplois, nous sont fournis par M. Marboutin, qui met
pour la première fois en relief, sous le titre Un Agenais, ami de
Ronsard, ce personnage, dont notre pays a quelque droit de se mon-
trer fier.
M. Jacques Amblard, membre correspondant, présente à la So-
ciété un Mémoire sur la Réorganisation du barreau d'Agen en 1812.
Supprimé par décret des 2-11 septembre 1790, TOrdre des Avocats
ne fut rétabli par Napoléon qu'en décembre 1810. De nombreux
abus réclamaient cette mesure. En des pages claires et précises,
M. Amblard les signale, principalement à Agen « où Ton vit un nom-
ce bre considérable de citoyens se révéler hommes de loi et défen-
« seurs officieux : beaucoup de facilité d'élocution, aucune con-
« naissance juridique, aucun scrupule, aucune honnêteté, tel était
'< le bagage de ces nouvelles recrues, auxquelles on ouvrait toutes
« grandes les portes des liibunaux ». Aussi le procureur général
impérial Mouyssel ne cossc-t-il de demander le retour à Tancienétat
de choses. Il ne l obtint qu'en 1810. « Et ce fut avec une joie
« égale à celle qui avait salué sa suppression, que le rétablissement
« de rOrdre des Avocats fut salué à'Agen », où de 58 qu'il était en
1811, le nombre des avocats inscrits tomba dès Tannée suivante à
22. L'Ordre fut reconstitué, le tableau rétabli, le sieur Duplantier,
ancien conventionnel, élu bâtonnier ; une discipline sévère fut im-
posée, tant pour pouvoir plaider que pour être admis au stage ; et
ces mesures contribuèrent à redonner ainsi h la profession d'avo-
cat le lustre qu'elle avait autrefois. Pu. L.
Séance du 11 aoril 1912. -— Présidence de M. le chanoine Durengues,
M. Lauzun se fait de nouveau l'interprète des sentiments de la
Société en rappelant le deuil cruel qui est venu la frapper dans la
personne de M. Edouard Payen, membre résidant. Il énumère les
titres nombreux que le défunt possédait à l'estime et à Taffeclion
de ses collègues, et il assure une fois de plus sa famille de la part
bien grande qu'ils prennent à sa douleur.
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- 188 —
M. Jacques AmblarcI, avocat à Agcn, est élu membre résidant.
M. Tabbé Dubois communique une lettre inédile de Biaise de
Monluc, adressée le 2 août 1569, d'Agen, à Tun de ses fidèles, Ar-
mand d'Ayguesvives, de l'illustre famille des Ratfin, pour lui don-
ner rendez-vous à Layrac, puis à Lectoure, au moment où le futur
maréchal cherchait à concentrer le plus possible de catholiques pour
essayer d*arrêter la marche désastreuse de Mongonmery en Gasco-
gne. Extrait des archives de M. J. Beaune, ce précieux autogra-
phe est l'occasion d'une étude approfondie faite par notre ancien
collègue, non seulement sur la généalogie de cette branche des Raf-
fin, mais aussi sur leurs possessions et le rôle joué par ses divers
membres pendant toute cette époque des troubles religieux.
Continuant ses travaux sur les monuments du vieil Agen, M. Lau-
zun donne lecture de son chapitre sur la Tour du Chapelet, ce
curieux édinice qui, vu des berges du canal, se détache si bien au-
dessus des maisons qui le bordent près de la Cathédrale, mais qui
devient invisible dès qu'on pénètre en ville et qu'on cherche à s'en
approcher.
Encore bien conservée, la lour du Chapelet faisait partie de la
première enceinte d'Agen, celle qui fut démolie en 1229, pour faire
place, un siècle après, à l'enceinte définitive, plus étendue. Le bas
est roman et se rattache à une portion assez considérable du mur
primitif. La partie supérieure en briques est de beaucoup posté-
rieure. Entre les deux, s'ouvre, au second étage, sur la face ouest,
une charmante fenêtre géminée, ornée d'une élégante colonnette en
marbre blanc. Au xvi* siècle, la tour du Chapelet fut englobée dans
le vaste couvent de ce nom, que fondèrent à Agen, en 1585, les filles
de S. Dominique. Depuis la Révolution, et après de nombreuses
attributions, elle est devenue propriété privée.
Ph. L.
La Commission d'administration et de géranoe : 0. FaUiéres, Ph. Lanznn, 0. Granat.
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Cliché Moullis
TOUR DU CHAPKLET
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SOUVENIRS DU VIEIL AGEN
LA TOUR DU CHAPELET
* Lorsque, gravissant les pentes du coteau de l'Ermitage, ou
se promenant seulement sur les berges du canal au-dessous
du pont de Courpian, on jette ses regards du côté de la Cathé-
drale, on aperçoit, à Touest du haut clocher de Saint-Caprais,
une tour carrée, de proportions moindres, mais qui cependant,
assez élevée, émerge d'un îlot de maisons, pressées entre cette
église et le vaste jardin des Filles de Marie. Elle offre tous les
caractères d'une très ancienne construction. C'est la Tour du
Chapelet,
Mais si, rentrant en ville, on veut s'en approcher et l'exa-
miner de plus près, cette tour disparaît comme par enchante-
ment. On a beau la chercher de la place Saint-Caprais, de la
rue des Cornières, des rues François Arago ou Neuve des
Augustins, elle reste invisible et s'est comme évaporée. A
peine arrive-t-on péniblement à en voir un fragment entre
deux maisons de la rue Fon-Nouvelle. Encore n'est-ce qu'im-
parfaitement.
Pour l'étudier, il faut entrer au n* 3 de la rue François
Arago, ancienne rue Neuve du Chapelet, traverser la maison
et pénétrer dans une petite cour qui se trouve à l'ouest. Elle
se dresse alors, très imposante, immédiatement au-dessus.
Mieux encore, si l'on veut la photographier, il est indispensable
de monter, non sans danger, sur les toitures successives
des maisons de la rue Fon-Nouvelle. C'est de cet endroit que
l'a prise, après bien des difficultés, M. Moullis, photographe,
dont nous reproduisons ci-contre le précieux cliché, le remer-
ciant d'avoir bien voulu nous autoriser à le publier en tète de
cette étude.
Il nous permet ainsi de consacrer à cette tour, bien qu'exis-
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— 190 —
tante, mais si peu ^ connue des Agenais, un chapitre spécial
parmi ces Souoenirs du Vieil Agen, N'en est-elle pas l'un
des plus anciens monuments et ne présente-t-elle pas, par
suite, une importance capitale, digne du plus vif intérêt?
La Tour du Chapelet, ainsi nommée parce qu'elle fut englo-
bée dans le couvent des religieuses de ce nom à la fin du xvi®
siècle, remontait bien au delà. Elle date de l'époque romane,
au moins dans sa partie inférieure. Elle faisait en outre parti©
intégrante de la première enceinte de la ville, ainsi qu'on peut
le voir encore par le pan de mur qui s'y rattache à l'ouest,
bâti en gros appareil moyen, d'une longueur de douze mètres
sur près de six mètres de haut, dernier vestige debout des plus
anciens remparts d'Agen.
Dans notre étude sur les Enceintes successives d'Agen (1),
nous avons longuement exposé quel était le périmètre de l'en-
ceinte primitive, celle qui, construite et maintes fois démolie
de la fin du m* au xi® siècle, se trouvait définitivement élevée
dès le commencement du xiP siècle. Nous n'y reviendrons pas.
La Tour du Chapelet y était comprise. Elle défendait toute
la courtine nord de la ville, entre les tours-portes de la Croix
et de la Grande-Horloge à l'ouest, et celles de la Petite Bou-
cherie et Molinier à l'est, avant que ne fut incorporée dans la
deuxième enceinte l'église de Saint-Caprais, encore hors des
murs. Elle se présentait comme une sentinelle avancée du côté
le plus faible, puisqu'il était dominé par le coteau, le plus
exposé par suite aux coups de l'ennemi. La Tour du Chapelet
offre donc â nos yeux une importance archéologique excep-
tionnelle.
A peu près intacte, comme aux premiers temps de sa cons-
truction, cette tour accuse, avons-nous dit, dans le bas tous
les caractères de l'époque romane. Elle est presque Cîirrée ;
mais sur le plan elle se détache, très saillante, en forme de
losange et comme en éperon.
Ses murs ont une épaisseur de 1 m. 25. ,
(1) Agen, Imprimerie Lamy, 1894. Id-8* de 71pp. '
/Google
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— 191 — '
Son rez-de-chaussée n a guère été modifié depuis le xii* siè-
cle. Il consiste en une grande salle unique, voûtée en berceau
légèrement brisé, dont la longueur des faces varie de 5 m. 2')
à 5 m. 40 et d'une hauteur totale de 6 mètres environ. Nous
disons totale, car il importe de remarquer que le plancher
actuel est moderne, posé pour accéder de plein-pied à la petite
cour extérieure- Il divise en deux parties à peu près égales
cette salle basse, et il crée ainsi au-dessous une cave de
2 m. 50 environ de haut. Primitivement» il n'existait pas,
cave et rez-de chaussée actuels ne formant qu'une seule et
même salle, dont le niveau du sol effleurait celui du fossé de
ville, creusé au pied de la tour.
Cette salle du rez-de-chaussée, où deux rainures énigmati-
ques, très rapprochées Tune de l'autre, sont creusées en arc
de cercle sur la paroi supérieure de la voûte, n'était ajourée
que par deux portes-fenêtres et une meurtrière. Nous ne
mentionnons pas les trois baies modernes, ouvertes postérieu-
rement pour les besoins du service .
Les deux portes-fenêtres à cintre légèrement brisé se font
face, percées à 2 m. 50 au-dessus du sol actuel, à 5 mètres
par conséquent au-dessus du sol primitif, l'une dans le mur
méridional, l'autre dans celui du nord. Exiles permettaient
d'itccéder au bas de la salle au moyen d'échelles, selon les règles
de l'époque qui voulaient que les rez-de-chaussée de toutes les
ct>nstructions fortifiées fussent hermétiquement clos, ne ser-
vant qu'à loger les provisions et les munitions. Elles aboutis-
saient en outre, croyons-nous, des deux côtés, quoique se
trouvant en contre-bas, au chemin de ronde qui courait le long
du mur d'enceinte ; et elles pouvaient communiquer, au besoin,
à l'intérieur, l'une avec l'autre, par un plancher mobile posé
sur une forte corniche que l'on voit encore sur les faces nord
et sud, à 0 m. 70 c. au-dessous.
La meurtrière qui constitue la troisième ouverture de cette
salle basse, est très caractéristique et parfaitement conservée.
Percée sur le côté gauche du mur septentrional, un peu au-
dessus de la porte-fenêtre, à 1 m. 30 au-dessus du plancher
actueK à 3 m. 80 par suite au-dessus du sol primitif, elle se
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-- 192 —
compose, à Tîntérieur, d'une niche cintrée voûtée en berceau,
de 1 m. 40 de haut sur 1 mètre de large, et dont les ébrase-
menls, de 1 m. 10 de profondeur, aboutissent, en se rétrécis-
sant, à une rainure droite, ouverte dans l'épaisseur du mur.
Large de 0 m. 25 à l'intérieur, cette rainure doit être plus
étroite encore à Textérieur, bien que, actuellement murée,
il soit iinpôssible de l'apercevoir du dehors. Elle ne se termine,
croyons-nous, par aucune entaille, pas plus dans sa partie
basse que supérieure. On peut donc en conclure que, tout en
servant à lancer des traits d'arbalète ou des flèches sur les
assaillants, elle était plutôt destinée à surveiller les travaux
des assiégants et à voir au dehors, sans que le guetteur eut à
se découvrir. L'absence de bancs de pierre de chaque côté de
la niche, ainsi qu'il s'en trouve presque toujours à l'époque
romane, et sa hauteur au-dessus du sol, sont deux preuves de
cette principale destination.
On peut donc dire que la meurtrière de la Tour du Chapelet,
absolument romane, avait été percée moins pour la défense
que pour donner vue sur le coteau et aussi un peu d'air et de ^
lumière à cette sombre salle du rez-de-chaussée.
Une petite ouverture carrée se voit encore à gauche de cette
niche, percée, comme elle, dans toute l'épaisseur du mur.
Le premier étage a été entièrement remanié et transformé
de nos jours en appartement habitable. La fenêtre et le balcon
qui donnent sur la cour datent de quelques années seulement.
Tout autour, à l'extérieur comme à l'intérieur, on ne voit nulle
trace d'ouverture, . ni de meurtrière. 11 faut en conclure que
cet étage était, comme le rez-de-chaussée, entièrement clos
selon les usages du temps qui se sont perpétués jusqu'à la
fin du XIII® siècle, tels que nous les voyons si rigoureusement
appliqués dans nos Châteaux Gascons, ces curieuses petites .
forteresses échelonnées le long de la frontière du Condomois
d'un côté, de la Lomagne et de l'Armagnac de l'autre (1).
Le second étage seul est franchement ajouré. Ce qui frappe
(1) Voir notre étude^surles Châteaux Gai*rons de la fin ilu xiii' siècle. (Auch,
1897. In-8» de 432 pp. avec planches et plans).
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— 193 —
en effet le plus dans la vue de la tour reproduite en tête de
ce chapitre, c'est la jolie fenêtre géminée ouverte sur la face
ouest de cet étage. Cette fenêtre est romane, contemporaine
par suite de la salle basse. Elle est formée de deux baies,
assez grossièrement cintrées, réunies par une charmante colon-
nette en marbre blanc, terminée à ses deux extrémités par
deux gracieux chapiteaux de pierre qui lui servent de base et
de couronnement. Celui du haut est orné de quatre feuilles
renversées, s'enchevêtrant Tune dans Tautre en forme de cœur
allongé. Cette baie est la seule que nous ayons su reconnaître,
la salle, qu'elle éclaire, ayant été, comme celle du premier
étage, entièrement modifiée.
Le troisième étage, en revanche, est ajouré sur ses quatres
faces, ces dernières mesurant intérieurement 6 m. 25 au nord,
à l'est et au sud, et 5 m. 20 seulement à l'ouest. A l'ouest,
presque au-dessus de la fenêtre géminée, on remarque, en effet,
une large baie à meneau vertical, ouverte dans une niche cin-
trée, de chaque côté de laquelle a été dressé un petit banc de
pierre; au nord, une ouverture plus étroite, également à
meneau droit ; à l'est, une large ouverture cintrée ; au sud
enfin, un grande fenêtre à meneaux croisés, donnant sur la
ville. Quelques-unes de ces ouvertures, notamment à Test, ont
été relaites postérieurement à l'époque romane. Trois petites
crédences, à sommet triangulaire, y sont percées dans Vépais-
seur du mur qui ne dépasse pas 0 m. 70. Enfin, au coin sud-
est se voit une porte assez étroite, qui permettait sans doute
d'accéder à cette salle et aussi de monter à l'étage supérieur.
La tour devait être en effet plus haute, terminée par des
combles recouverts d'une charpente quadrangulaire plutôt que
par une plateforme crénelée.
Du reste, toute la partie supérieure de la Tour du Chapelet
a été remaniée au xiv® siècle, peut-être même plus tard. A
l'extérieur,, ne voit-on pas, sur la face ouest, qu'à partir du
troisième étage, à la hauteur de l'accoudoir qui coupe en deux
la colonnette, elle n'est plus construite qu'en briques et que
les fortes assises de grossses pierres s'arrêtent au milieu de la
fenêtre géminée.
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— 191 -
La Tour du Chapelet n'a pas d'histoire. Elle garde, enfouis
dans ses murs, les secrets des siècles passés. Quelles armées
a-t-elle vu camper devant elle? Si, comme nows le croyons,
elle est romane, du xi® ou xii* siècle, à quelle date remontent
les assises de son rez-de-chaussée et les murs de la première
enceinte qui la flanquent de chaque côté. Ont-ils résisté aux
assauts des Barbares, des Wisigoths, des Francs, des Sarra-
sins, ou seulement des Normands ? N'ont-ils été élevés, comme
nous le croyons, qu'après le sac terrible et la presque totale
destruction d'Agen par ces derniers au ix« siècle? Toujours
est-il qu'ils ont vu les luttes sanglantes de la guerre des Albi-
geois et plus tard les débuts de la guerre de Cent ans, avant
que la troisième enceinte n'ait reporté au pied même du
coteau la ligne de défense.
A la fin du xvi« siècle, le 28 février 1585, les Dominicaines
ou religieuses du Chapelet vinrent de Lectoure s'établir à Agen.
Ce fut, après les Annonciades arrivées en 1533, le deuxième
couvent de femmes. Il .y fut fondé par les pieuses libéralités
de la dame de Lisse, Marguerite de Casseneuil (1). Elles se
fixèrent près de l'église de Saint-Caprais, « dans la maison de
« M. de Sainct-Project, chanoine de la Collégiale ^), et bientôt
elles étendirent leurs possessions depuis l'extrémité des Cor-
nières au sud, jusqu'au moulin de Saint-Caprais au nord,
depuis'le seuil même du grand portail de l'église à l'est, jus-
qu'aux jardins des maisons de la rue Fon-Nouv«lle à l'ouest.
La vieille tour, avec les pans de mur adjacents, fut englobée
dans ce vaste emplacement. Et comme elle se trouvait presque
a l'extrémité ouest de la chapelle, elle servit, dit la tradition,
de clocher au monastère. Nous n'avons su voir nulle part trace
de cette destination. La Tour du Chapelet, qui servait aussi
principalement de chai et de cave, fit donc jusqu'à la Révolu-
tion partie intégrante du couvent qui lui donna son nom.
Dans le procès-verbal d'estimation du couvent du Chapelet,
à la date du 1®' janvier 1794, la Tour du Chapelet figure dans
(1) Voir \fi Chapitre III du Tome II de nos Courants d'Affcn : Les rcdiQ((msos
du ChajMdvi^ p. 75-98.
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le 11°** lot, a ledit rez-de-chaussée, y est-il dit, consistant en
« un beau four et fournial et un très vaste chai et patus ou
« emplacement bordant la rue Sans-Culotte » estimé, avec
les trois étages supérieurs, 3.800 livres.
Et dans le devis estimatif .pour la division en lots, de la
même date, nous lisons aussi, au sujM de cette tour, « i2ej-
« de-ckaussée : Il sera fait la démolition de la moitié de la
« voûte qui est située au-devant du four. Et icelle dite moitié
« qui est en position du levant, pour y être placé à ladite
« ouverture, un escalier pour Tusage du premier et du second
« étage ; ouverture de ladite vente, levée et remise d'un plan-
« cher qui y est placé au-dessus, escalier et main-d'œuvre, le
« tout ensemble évalué 260 livres.
ft Plus il sera fait la fermeture de deux ouvertures qui sont
« dans le grand chai, situées à la position du couchant, la
tt première est une porte sur neuf pans de haut et quatre pans
« et demi de large ; la seconde est une autre ouverture à la
« même position, en forme de porte, sur sept pans et demi
« de haut et sur trois pans six pouces de large, le tout évalué
« 24 livres.
(c Plus il sera fait un mur de façade de l'entière largeur du
« grand chai, lequel sera sur une canne d'élévation y compris
« sa fondation. Mêmes dimensions d'épaisseur que les autres ;
« et ledit mur bordera la rue Sans-Culotte. Evalué 140 livres.
« Plus il sera fait un mur divisoire, tendant vers le mur de
« façade, lequel servira à diviser le présent lot du douzième
« lot, sur une canne d'élévation, y compris ses fondations, et
« sur dix pouces d'épaisseur ; ledit mur évalué, matériaux,
« chaux, sable et main-d'œuvre, 30 livres.
« Premier étage, — Il sera fait une cloison en un mur de
« dix pouces d'épaisseur sur onze pouces de hauteur et sur
« sept pans de large, matériaux, chaux, sable et main-d'œuvre,
« évalué 20 livres.
« Plus il sera fermé une porte communiquant à un petit
« cabinet qui restera à la propriété et disposition du dixième
« lot, pour l'emplacement de 1 ouverture d'une croisée utile à
« la chambre qui est située dans le corps de la Mirande,
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« laquelle est garnie en placards, ladite porte est située au
(( midi du susdit colidor, sur neuf pans de haut et quatre pans
« de large, évalué 12 livres.
(t Deuxième étage, — Il sera fait une semblable cloison que
« celle du premier étage. Mêmes dimensions et par conséquent
« même prix. Evalué 20 livres.
« Troisième étage, — Il sera fermé le grenier en partie inter-
« médiaire et divisoire entre le présent lot et le dixième lot ;
« laquelle fermeture sera faite en torchis pan de bois. Evalué
« en tout 30 livres. »
Les religieuses une fois expulsées, le couvent du Chapelet,
ainsi morcelé, fut vendu à divers et subit des destinations
différentes. C'est ainsi que 1 église et ses dépendances les plus
proches servirent, en 1795, d'entrepôt de salpêtre, puis de
miigasin à fourrages. Telle était encore leur destination en
1814.
L'année suivante, la municipalité l'utilisa comme prison
^ correctionnelle. On y enferma d'abord les condamnés pour
délits de police, puis pour dettes, enfin pour délits politiques,
et aussi les militaires pour cause de désertion. Cet état de
choses cessa en 1818, année où le Chapelet devint le siège
d'une école d'enseignement mutuel dont nous avons longue-
ment parlé (1). Elle s'y maintint jusqu'en 1822. A ce moment
tout l'ancien couvent fut mis en vente et, de nouveau, divisé
en de nombreux lots. La tour qui nous occupe devint une
dépendance de la maison n° 3 de la rue Neuve du Chapelet,
aujourd'hui rue François Arago. Elle appartient actuellement
à M. Nebout de Riberot.
Ph. Lauzun.
(1) Hiitto/re de la So<-iè(é Araflèmiqao d'Afjcn, p. 112-119. ( Agen 1900. In-8'
de 255 pp.) •
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Clirh«i Marhontiii
M'"*^ Fklicii: D'AV/AC:
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h A^ / \( :
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LE CHATEAU DE CASTELNOUBEL
(Commune de Bon-Encontre )
CHAPITRE VI
Castelnoubel au xix* siècle.— M"« d'Ayzac, M" Meignan, M"' des Echerolles
A la mort de M. des Echerolles, Castelnoubel passa aux
mains de ses enfants, et fut bientôt la part de Madame la Com-
tesse Hélène des Echerolles.
Née à Saint-Gaudens le 18 juin* 1818, elle était la cinquième
enfant de M. Joseph-Marie-Etienne Giraud des Echerolles,
sous-préfet de cette ville, et de Marie-Louise-Lucienne de Ley-
gonie. Elle suivit bientôt sa famille à Agen, où son père était
nommé secrétaire général de la Préfecture. Quelques années
après, en sa qualité de fille d'un ancien officier, chevalier de la
Légion d'honneur, elle fut admise dans la maison de Saint-
Denis, fondée par Napoléon, pour l'éducation des enfants des
légionnaires pauvres. «
Les élèves étaient reçues dans cet établissement à fâge de
six à douze ans, et devaient en sortir à dix-huit, ou plus tôt, si
les parents le désiraient.
A Saint-Denis, elle trouva Mademoiselle Félicie d'Ayzac,
qui d'élève était devenue dame dignitaire et professeur. Elles
étaient faites pour se comprendre, et se lièrent fortement, je-
tant les bases de cette solide et inaltérable amitié que la mort
seule devait rompre.
Hélène des Echerolles, d'intelligence très vive, fut une excel-
lente élève, mais ayant beaucoup de goût pour le dessin et la
[)einture, elle cultiva spécialement ces arts. Elle dessinait avec
charme et précision, et peignait agréablement. On peut s'en
rendre compte, par les deux dessins que nous avons donnés,
et par les tableaux conservés à l'église de Cassou et à Castel-
noubel.
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Lorsqu'elle eut terminé ses études, elle imita son amie Ma-
demoiselle Félicie d'Ayzac. Elle resta à Saint-Denis, devint
dame dignitaire et professeur.
Après la mort de son père, elle se rétira à Caslelnoubel. In
de ses frères, Henri, vint ly rejoindre quelques années après.
Henri des Echerolles, très dévoué aux œuvres catholiques,
était un musicien de talent. Il a publié quelques-unes de ses
compositions musicales, qui sont très estimées, il. signait d'ha-
bitude une partie de son nom D'Ech. Un de ses cantiques sur-
tout est très connu, Rose mystique, dont les paroles sont d'un
de ses frères.
Au lendemain de son arrivée à Castelnoubel, Madame des
Echerolles se trouva un peu isolée et sachant aussi combien
son amie Madame Félicie d'Ayzac était seule à Paris elle lui
offrit l'hospitalité de son vieux château. Madame d'Ayzac se
laissa convaincre, et, dès 1868, elle venait rejoindre son amie.
Pour ces deux femmes, de culture supérieure, ce furent alors
de douces années passées dans l'intimité. Le soin des pauvres
et des malades, les études préférées continuées dans le calme,
de douces causeries, et pendant quelques mois de l'année la
visite d'un ami commun, ancien aumônier de Saint-Denis, de-
venu évêque, puis cardinal, Mgr Meignan, occupèrent agréa-
blement les loisirs de leur solitude et adoucirent les dernières
années de l'existence.
Elles s'attachèrent à ce vieux château, dont le site pittores-
que plaisait à leurs goûts artistiques, et dont les vieilles pier-
res et les remparts découronnés parlaient à leur esprit. Elles
le chantèrent toutes les deux, et s'efforcèrent d'en dire tout le
charm«. Nous avons donné, en tête de ce travail, la poésie de
Madame d'Ayzac, voici maintenant celle de Madame des Eche-
rolles :
CASTELNOUBEL
Si obliviscero tui.
J'aime Maiiy, Mcudon, Orsay, Cernay-la-Ville,
Versaille et Trianon, mais rien, rien sous le ciel,
Eu plaine ou sur hauteur, sous falaise ou dans île,
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Entre vingt oasis, entre cent, entre mille,
Ne vaut ma roche étroite et son Castelnoubel.
Caslelnoubel est blanc, blanc comme un cou de cygne ;
Blanche est aussi sa côte où rit le grenadier ;
Sous son rempart géant le platane s'aligne ;
L'autan qui sur son pied dépouille et tord sa vigne,
Effeuille sur son flanc le chêne et l'amandier.
La ronce cependant fleurit sur ses tourelles,
L'essaim des passereaux s'y blottit chaque soir.
Aucun lieu n'a gardé plus de nids d'hirondelles.
On n'entend dans aucun plus de battements d'ailes.
Et le pays au loin est fier du vieux manoir.
Pour moi, çon haut rocher coloré par l'automne,
Ses agrestes abords dépouillés par l'hiver,
L'herbe, dont son vieux mur au printemps se couronne,
Le site qui l'encadre et l'air qui l'environne.
Tout me rend le passé, tout m'émeut, tout m'est cher.
J'aime à voir à son pied ces campagnes splendides,
Ces champs, ces beaux vallons que Rolscbild envîrail.
Ces verts escarpements et ces pentes rapides.
Et ces sommets, baignés de teintes si limpides
(Jue le soleil, au«soir, ne quitte qu'à regret ;
Et la nuit, j'aime à voir des étoiles sans nombre •
Les phares lumineux scintillant sur la tour,
Le cloître, tour à tour resplendissant ou sombre,
El le rempart du nord, projetant sa grande ombre
Sur les flancs étages des coteaux d'alentour.
D'autres cieux m'ont offert, dans mes pèlerinages,
Bien des cœurs dévoués, fidèles, droits et sûrs ;
L'amitié m'a parlé bien des tendres langages.
Mais rien ne m'a rendu les chers et doux visages
Que j'ai vus rayonner dans l'ombre de ces murs.
Aussi, viens-je aspirer dans cette enceinte amie
Leurs souvenirs liés aux beaux jours de ma vie,
Uaviver leur passé dans ma mémoire en deuil,
Evoquer les appels de leurs voix bien aimées,
Et presser de mon front leurs traces imprimées,
Des créneaux de son faite îiux dalles de son seuil.
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~ 200 -
Là, dorment frais encor, là reposent fidèles,
Tous mes rêves d'enfant : les riants avenirs,
' Les printemps sans déclin, les amours éternelles ;
Là, comme des oiseaux assoupis sous leurs ailes
S'éveillent à ma voix mes plus doux souvenirs.
J'en ai dans mon passé de plus brillants sans doute ;
Mais jamais dans mon cœur aucun n'a fait vibrer
Ces notes d'autrefois que ma pensée écoute,
Doux échos des édens rencontrés sur ma route
Qui ravissent mon ânïe et qui la font pleurer ;
Larmes toujours ! car Dieu, que notre orgueil offense,
A voulu que l'instinct de notre insuffisance
Prime et rabatte en nous celui de nos grandeurs ;
Et telle, et si profonde est l'indigence humaine,
(Ju'affolé par la joie ou vaincu par la peine
Pour rendre ce (|u'il sent, l'homme n'a que des pleurs.
Dans l'œuvre poétique entièrement inédite de Madame des
Echerolles, nous pourrions cueillir à pleines mains des choses
exquises, notamment les Hirondelles de CastelnoubeL
Son œuvre littéraire n'est pas là toute entière. A la suite
d'une gageure, elle a abordé le roman, et n'y a pas mal réussi.
Voici à quelle occasion.
Trois amies s'entretenaient un jour de la littérature contem-
poraine, et gémissaient sur les ravages du roman immoral.
L'une d'elles prétendit qu'il était impossible d'écrire un roman
honnête, et qu'un livre de cette sorte ne pourrait engendrer
que l'ennui. Les deux autres protestèrent avec énergie et com-
me la discussion continuait, elles promirent de faire la preuve
de leur opinion, en composant chacune un roman honnête.
L'une de ces dernières était Madame Hélène des EcheroUes.
Elle se mit à l'œuvre et en 1867, elle publiait sous le pseudo-
nyme transparent d'Hélène du Castel, un roman intitulé Ré-
gine ou la Perle des Grèves (1).
(1) Régine, ou la Perle des Grèves, par M"* Hélène Du Gastcl. — H. Caster-
man, Tournai 1866. Dans la collection des romans honnêtes.
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- 201 -
Un vaisseau inconnu vint se perdre, par une nuit de tempête,
sur les côtes de Bretagne. Tout périt, sauf une petite fille de
quelques mois que le flot déposa sur le rivage. Recueillie par
un pêcheur, le père Peanec, elle grandit dans la pauvre chau-
mière, sous Tœil attentif de sa mère adoptive, de sa marraine
la châtelaine, baronne de Kergleen et du recteur de Sainl-Ef-
flam, fils de son sauveur. Son enfance se partage, entre la ca-
bane, le presbytère et le château, où elle joue avec le petit-fils
de la baronne. Celui-ci, entré plus tard dans la marine militai-
re, part pour le Brésil, où il se marie avec Manoëlila de Sierra-
flores.
Régine, c'est le nom de l'orpheline, en apprenant ce maria-
ge, éprouve une vive peine, car elle aime le bel Olivier de Ker-
gleen. Elle songe un moment à prendre le voile, dans le cou-
vent où elle a été élevée. Quelques années après, Manoëlita
meurt, laissant deux filles à son mari Olivier. Celui-ci, rentré
en France, confie ses deux enfants aux soins de sa grand'mère
et surtout de Régine, et se lance bravement dans la seconde
guerre de Vendée.
Blessé grièvement, il se réfugie à Kergleen. 11 apprend alors
par la confession d'un serviteur de ses beaux-parents, que Ré-
gine est la cousine-germaine de Manoëlita, dépouillée de sa
fortune par une intrigue criminelle. Décidé à réparer, il rend
à Régine la fortune qui lui revient et pajt pour aller ensevelir
son existence dans une terre de Vendée. La jeune fille ne veut
pas accepter et prend la résolution de se faire religieuse. Mais
grâce à l'intervention d'une amie dévouée, tout s'arrange et
finit par un mariage.
Tel est, en quelques mots, la trame de ce petit roman. Un
journal Belge le publia en feuilletons, et il eut un légitime suc-
cès. Il contient des pages exquivSes et de charmantes descrip-
tions. Lorsque l'auteur parle du château de Kergleen, on voit
qu'il pense à Castelnoubel et la description qu'il en donne
s'applique bien au vieux manoir agenais. « Le pauvre castel,
lui aussi, avait perdu peu à peu de sa force et de son impor-
tance. De ses quatre tours crénelées, qui jadis s'élançaient
dans les nues, deux seulement, l'une au sud et l'autre au nord,
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— 202 —
avaient résisté aux siècles et aux chocs des révolutions : elles
existaient encore intactes... Ces deux tours, évidemment très
anciennes et flanquées d'échauguettes, indiquaient suffisam-
ment l'ancienne demeure seigneuriale de la paroisse. De même
des quatre ailes de bâtiment, autrefois reliées par ces tours co-
lossales, deux aussi étaient debout, mais une seule de ses ailes,
celle du levant, était encore habitable.
Elle avait été découronnée en 93, ne conservant qu'un rez-
de-chaussée, un premier étage et des combles. Devant le por-
tail, aussi armorié, les restes d'un pont-levis : autour des rui-
nes, de larges fossés à demi-comblés et tapissés d'un fin gazon:
dans l'intérieur, les larges escaliers, leurs voûtes ogivales, cel-
les d'une galerie encore existante toute empreinte du luxe et
des habitudes des temps féodaux ; les écuries, les communs,
les étables même, les caves, les prisons magnifiquement voû-
tés, la plupart taillés dans le roc vif, tout cet ensemble des sou-
venirs du passé faisait encore du château de Kergleen une belle
et majestueuse demeure.
Les deux tours de l'Kst et de l'Ouest n'avaient pas entière-
ment disparu : elles cachaient sous les pariétaires et les ron-
ces leurs bases puissantes, encore assez bien conservées pour
abriter, chacune dans son unique salle obscure, les lapins, la
Volaille, les porcs, en un mot tout la gent habituelle des bas-
ses-cours. »
Le style est simple, calme, clair. La sensibilité féminine a
partout laissé son empreinte et le lecteur se sent gagné par la
douce émotion qui se dégage de ces pages charmantes.
Lorsqu'elle composait Régine, Madame des Echerolles était
encore à Paris, mais elle ne larda pas à s'installer à Castel-
noubel, où bientôt son amie venait la rejoindre.
Marie-Emilie-Félicie d'Ayzac était née à Paris le 27 février
180L Elle était fille de Claude-Louis-Hélion d'Ayzac, et de
Anne Lafons.
La famille d'Ayzac, originaire du Vivarais, était très an-
cienne. Elle tirait son nom du fief et château d'Ayzac, situés
près du bourg d'Antraigues. Déjà, au xnf siècle, on rencontre
cette noble maison, dont plusieurs membres prennent part aux
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— 203 -
croisades. Ses armes étaient : d'or à un lion rampant de sable;
au chef d'azur chargé d une étoile d'or (1).
Claude-Louis-Hélion d'Ayzac fut dénoncé pendant la Révo-
lution « pour avoir été un des chefs révolutionnaires du camp
de Jales, pour avoir voté avec sa troupe scélérate en faveur
du ci-devant Comte d'Artois ». Un peu plus tard, germinal
an II, il est dénoncé au Comité de Thueys « comme ayant fait
à la Convention une adresse contre la commune de Paris et
Marat ». Ces accusations le conduisirent à la prison, où il fut
heureusement oublié jusqu'au 9 thermidor (2).
La chute de Robespierre lui rendit la liberté et lui sauva la
vie. Mais il avait perdu sa fortune et sa situation. Il fut obligé
de s expatrier. Voici l'hommage filial que sa fille lui rendit
dans un charmant recueil de poésies intitulé les Soupirs.
c( Doué d'une brillante éloquence, il se distingue dans la
carrière du barreau. Avocat au parlement de Toulouse, prési-
dent du tribunal de Courtray sous le Consulat, membre, sous
l'Empire, de la haute magistrature de France, il remplit suc-
cessivement les fonctions de premier juge, de procureur géné-
ral, de président de ^a Cour criminelle d'Aix, et la haute capa-
cité qu'il déploya dans nombre d'affaires épineuses, jointe à
sa connaissance approfondie du droit coutumier et du droit
écrit, l'avaient fait surnommer : le lameux criminaliste du Lan-
guedoc.
« En 1804, les cours judiciaires ayant été consultées sur le
projet du code médité par le Conseil d'Etat, celle des Bouches-
du-Rhône commit tout le soin de cet examen à mon père, qui
discuta tous les articles et y proposa de nombreux amende-
ments (3). Il fit paraître en 1807 un nouvel ouvrage (Considé-
rations sur la recomposition de la magistrature en France), et
cette publication, empreinte de la même sagacité, obtint le plus
haut succès d'estime.
(1) Armoriai du Vivarais, par Florentin Benoit d'Entrevaux. — Privas, imp.
centrale 190B, p. 35.
(2) Archives de Caslelnoubel.
(3) Ce travail est inséré, sous son nom seul, dans la collection in-4* des
Observations des Cours, an XIII.
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— 204 —
« Madame Caroline Bonaparte, qui aimait à s environner de
tout ce qui brillait dans les lettres, apprécia la profonde érudi-
tion de mon père. Elle sentit quel avantage il y aurait à en tirer
parti pour la science, et voulut l'atlacher à sa personne et lui
créer des loisirs. Elle l'emmena avec elle en Italie, où il fonda,
dans le palais même de cette princesse, une bibliothèque qui
fait l'admiration des visiteurs et des étrangers. Nommé conser-
vateur de cet établissement el affranchi de la préoccupation des
affaires, c'est là qu'il entreprit, par son ordre, un ouvrage de
la plus haute portée, tout étincelant de découvertes, et fait de
longues recherches et d'un immense savoir. Le Rectijiicaleur
des faits et des dates erronées qui ont obscurci el dénaturé
Vhistoire sacrée el profane, depuis Vorigine du genre humain
[usqu'à nos iours, tel est le titre de ce travail, dont la reine hâ-
tait avec impatience le complet acl èvement, et que son vœu le
plus cher était de voir publier. Elle avait compris quelle sensa-
tion il exciterait dans le monde littéraire, el prévu la polémi-
que qu'il devait y soulever ; elle savait quel intérêt ont les gou-
vernants de tous les pays à provoquer, par les débats de la
haute littérature, l'affennissement des idées religieuses, levier
d'une force incalculable pour quiconque sait l'employer.
« Mais l'échelle de cette œuvre était immense; le trône de
Caroline Bonaparte s'est écroulé, et longtemps après, mon
père est descendu- dans la tombe, au moment où il venait de
retoucher ses manuscrits une fois encore, et sans avoir eu la
consolation de les publier. Ces travaux ont dévoré sa vie tout
entière, mais aussi ils en ont bercé les amers chagrins. Seul et
stérile héritage, ils sont consei^vés religieusement par sa fa-
mille (1).
« Modeste à l'égard de son mérite, mon père n'a ambitionné
nulle renommée ; il a écrit par passion pour la science, pour
la religion et la vérité. L'épidémie de 1832 le trouva absorbé
par ses préoccupations scientifiques, et le vieillard s'éteignit
sans presque s'être aperçu des commotions politiques qu'il
(1) Les manuscrits de M. d'Ayzac sont conservés au ch&teau de Castelnou-
bel.
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avait dès longtemps prévues, et qui se faisaient déjà sentir en
Europe. Un homme obscur, mais dévoué, suivit seul, à pied,
la dépouille du savant, et planta en terre un chétif rameau
pour que nous puissions retrouver sa tombe ignorée parmi tant
de tombes. Cette mort me laissait le plus saint des patrimoi-
nes ; un frère, dont les brillantes facultés s'éteignaient dans
l'ombre, et une mère blanchie dans Tadversité, femme forte
et résignée (1). v
M. d'Ayzac, dans les nombreux voyages qu il fut obligé d'en-
treprendre, s'occupait de l'éducation de ses deux enfants.
« Père, mère et enfant allaient ainsi cheminant les uns* à côté
des autres et c'est parfois«au bord de la grande route que le
chef de la famille reprenait une leçon commencée à la veillée
dans une auberge. C'est ainsi que M"^ d'Ayzac, rappelant plus
tard les souvenirs de son enfance, a pu dire : « Dans le cours
de nos longs voyages, nos études n'étaient pas suspendues en-
tièrement et les classiques de premier ordre faisaient partie
de notre léger bagage. C'est à Rome que j'ouvris pour la pre-
mière fois Salluste, Tacite. C'est sur les bords du Mincio et sur
les rochers de Tivoli, là où furent Cumcs, Baïes que je com-
mençai à connaître les pages que ces beaux lieux ont inspi-
rées ». Elle était âgée alors de sept à huit ans (2). »
Lorsque M. d'Ayzac fut appelé à la cour de Naples, Félicie
entra à la maison d'Averse, fondée sur le modèle d'Ecouen.
Elle y fut placée dans la classe de perfectionnement où l'on
n'enseignait que les langues étrangères et les arts d'agrément.
Malgré sa jeunesse, elle n'avait plus rien à apprendre de ce
que l'on enseignait dans cette école.
Après les événements de 1814, elle suivit son père à Paris
et, sur son désir, elle publia, en 1815, son premier ouvrage,
une traduction d'Horace. Elle avait alors quatorze ans.
Félicie d'Ayzac fut à ce moment en rapport avec le meilleur
(1) Soupirs^ poésies par Madame Félicie d'Ayzac, 2* édition. — Périsse,
Lyon, 1842, pp. 40 à 45.
(2) Madame Félicie d'Ayzac, par Jules Helbig, tirage f^i part d'un article
paru dans la Remie de VArt chrétien (1886), p. 3.
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monde de Paris. « Distinguée tout particulièrement par M"*
Récamier, par les dames Staël, de Krudner et de Genlis, elle
connut chez la première de ces femmes célèbres, alors la reine
du monde des salons, les amis illustres qui composaient sa
cour ; c'étaient Chateaubriand, de La Rochefoucauld, Benja-
min'Constant, Ballanche et d'autres célébrités. Félicie d'Ay-
zac, en présence de ces personnages, gardait une réserve qui
convenait tout à la fois à son extrême jeunesse et aux disposi-
tions naturelles d'un caractère un peu timide; mais elle n'en
tirait pas moins parti d'un commerce aussi précieux. La jeune
fdle savait observer et porter les jugements les mieux raison-
nés sur les hommes et les choses qui l'entouraient alors (1). »
Le 27 mars 1817, sur la vive recommandation de la^maré-
chale Moreau, Félicie d'Ayzac fut admise dans la maison de
la Légion d'honneur à Saint-Denis en qualité de novice. Elle
fut successivement dame de seconde classe le 11 avril 1820,
dame de première classe le 30 octobre 1827 (2), dame digni-
taire et directrice des noviceis le 10 mai 1851. Elle se consacra
à l'enseignement de la grammaire, de l'histoire et de la géogra-
phie.
Dans cette maison de Saint-Denis, M"* d'Ayzac passa les
années les plus laborieuses de son existence. Son âme délicate
et sensible s'épanouit à l'aise dans cette retraite, loin des bruits
du monde, à l'ombre de cette basilique de Suger qui offrait à
son activité intellectuelle de féconds sujets d'étude.
Dès 1833, elle publia un petit recueil de poésies intitulé
Soupirs, qui eut un légitime succès et que l'Académie honora
d'un prix de 500 francs.
(1) Ilolbig loc. cit., p. \.
(2) Le portrait que nous donnons représente Madame d'Ayzac vers Ffige de
.30 ans, en costume de dame de 1" classe. Elle porte comme les dames de sa
classe la décoration à l'épaule gauche. « Cette décoration consiste en une croix
pattée émailléc de blanc, anglée de fleurs de lis d'or remplacées maintenant
par des rayons d'or, pour les dames et d'argent pour les novices, surmontée
de la couronne fermée. Le centre de la croix présente, d'un côté, la Sainte
X'ierge dans son Assomption, de l'autre, sur un fond d'azur, la devise Hon-
neur cl Patrie^ avec coltc légende : Maison déducalion de Saint-Denis. » —
Hist. de l abbaye de Saint-Denis, par F. d'Ayzac. Introduction, p. cxiv, note.
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~ 207 —
Mais déjà, elle se consacrait à des recherches jugées arides,
longues, difficiles et qui sont rarement du domaine de la
femme. Connaissant à merveille le latin, elle ne recula pas
devant les manuscrits du moyen-âge où les clercs et les moi-
nes ont consigné leur enseignement mystique et théologique.
Elle fréquenta assidûment les archives et la bibliothèque natio-
nale, et nous voyons, par ses bulletins de demande, les ouvra-
ges qu elle consultait : manuscrits des xif, \iif et xrv* siècles,
recueils de Fabliaux, œuvres de Vincent de Beauvais, de
Boèce, de S. Anselme, d'Alcuin, do Rhaban-Maur, d'Hugues
de S*-Viclor, etc., tous les théologiens, tous les mystiques,
(irûce à ses lectures attentives, elle entasse notes sur notes et,
ainsi armée, ajoutant à cela ses observations sur les monu-
ments, elle formula plus tard sa doctrine sur la Zoologie mys-
tique,
<( C'est avec le secours d'une vaste érudition, en s'appuyanl
sur tout un arsenal de citations et de documents qu'elle établit
sa Ihèse. I..es artistes au moyen-Age n'ont fait autre chose dans
les créations de leur art, que traduire, c'est-à-dire donner une
forme sensible aux images gracieuses, aux pensées formulées
par les Saintes Ecritures, par les Pères de l'Eghse et leurs
commentateurs. On serait disposé à croire que femme et poète,
l'auteur se laissera entraîner à aborder le côté poétique de ce
domaine ; qu'il s'attachera à faire ressortir le charme qui se
dégage de ce langage mystérieux de l'art, de ces vérités de
l'enseignement catholique caché sous les figures mystiques,
dont le sens profond se devine plutôt qu'il ne s'explique. Il n'en
est rien pour Madame d'Ayzac, c'est la science seule qui doit
apporter la hmiière. Ce sont les glossateui"s et les symbolistes
du Moyen-age qui vont expliquer les artistes de/la même épo-
que. L'image sculptée, bâtie ou peinte, répond à l'image écri-
te, et avec la vie de l'église, avec sa prise de possession tou-
jours plus complète des âmes, se développe aussi le magnifi-
que langage de la liturgie et du symbolisme. Mais ce qui don-
ne aux travaux de l'auteur une grande valeur, c'est que, chez
elle, la connaissance des monuments est à la hauteur de la
science des textes. Les trésors de sa mémoire accumulés par
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une lecture énorme et qui avait absorbé bonne part de la vaste
littérature du Moyen-âge paraissent inépuisables. C'est tous
les auteurs à la main, ou plutôt avec un esprit qui s'est nourri
de leur substance, qu'elle va expliquer telle miniature trouvée
dans un manuscrit, telle sculpture suspendue au gable d'un
portail (1). »
A partir de 1847, elle donna à plusieurs revues des articles
remarqués, où elle expliquait, à l'aide des textes, les animaux
et les êtres fantastiques qui se rencontrent sur les monuments.
En 1847 parut dans la Revue de V Architecture de Daly, le Mé-
moire sur trente-deux statues symboliques observées dans la
partie haute des tourelles de Saint-Denis. Elle y montre une
ingéniosité merveilleuse appuyée sur une connaissance par-
faite des mystiques. Puis vinrent Des quatre animaux apoca-
lyptiques et de leurs représentations sur les basiliques chré-
tiennes du Moyen-âge (1848), dans les Annales archéologiques.
Dans la Revue archéologique : De Vune des acceptions mysti-
ques de V éléphant dans le symbolisme chrétien du moyen âge.
Des églises de Vltalie et de celles de la France, de V Angleterre,
de r Allemagne au point de vue de Vesthélique et du symbolis-
me (1854), Chœur de N.-D. de Paris. Ystoires et Emblèmes bi-
bliques. Dans la Revue de VArt chrétien parurent de nombreux
articles, entre autres : Du Symbolisme du GriHon, t. iv, p. 241 ;
Symbolisme de la déviation de Vaxe des églises, de Vinclinai-
son vers la droite imprimée aux crucilix du moyen âge et de la
plaie également marquée au côté droit de ces derniers, t. v,
p. 77 (2).
L'Académie des Inscriptions et Belles Lettres lui décerna
une mention honorable pour son Mémoire sur trente-deux sta-
tues emblémaiiques observées sur les tourelles du transept de
(1) Ilelbig, loc. cit., p. 8.
(2) Voici, d'après M. Helbig, les articles de M"" d'Ayzac que Ton rencon-
tre dans la collection de la Revue de t'Ari chrétien. Ceux que nous avons in-
diqués plus haut. De la Démonologie monumentale dans lart chrétien au
Moyen âge, l. i\ , p. 591 ; Sur VHistoire naturelle légendaire, t. v, p. 138 ;
t. VI, p. 300 VAgneau, 371 iAntilope ; t. vu, p. 14 Le Hérisson terrestre, 403
iOnagre; t. vni, pp. 75, 169, 337, l Iconographie du Dragon; t. ix, p. 378 la Bre-
bis, p. 413 le Relier, p. 533 le Bouc; t. x, p. 173 fa Chèvre, p. 617 le Dauphin;
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la basilique de Saint-Denis el une autre pour Les statues du
porche septentrional de la Cathédrale de Chartres. A propos
de ce dernier travail, Montalembert, auquel elle avait envoyé
un exemplaire, lui écrivit la lettre suivante :
Paris, ce 12 octobre 1849.
Madame,
A mon retour de la campagne, j'ai trouvé le volume que vous
m'avez fait l'honneur de m'adresser à la fin de septembre dernier.
Celle description, aussi érudite qu'attrayanle, des statues du porche
de Chartres ira prendre place dans ma bibliothèque à côté de
l'excellent Mémoire sur les 32 statues symboliques de Saint-Denis,
que je dois déjà à votre extrême bonté pour moi. Il m'arrive rare-
ment de pouvoir dérober aux préoccupations fatigantes el trop
souvent douloureuses de la vie politique, le temps nécessaire pour
parcourir les différents écrits qui me sont journellement offerts.
Mais je n'ai pu résister au désir de me retremper, po\ir un instant,
en vous prenant pour guide, dans ces douces et belles études de
l'art chrétien, qui faisaient naguère mes délices. Je ne saurais
rnieux vous exprimer la reconnaissance que je vous dois. Madame,
qu'en vous parlant du bonheur que j'ai éprouvé, grâce à vous, en
me retrouvant dans ce monde si pur et si profond où vous promenez
une lumière si utile et si bien dirigée. Agréez, Madame, avec mes
remercîments les plus sincères et les plus humbles l'hommage de
mon respectueux dévouement.
C. DE MONTALEMBERT.
Le nom de Madame Félicie d'Ayzac était connu de tous les
amateurs d'art et d'archéologie. Mais tout le monde ne parta-
geait pas ses opinions sur le symbolisme.
Nous lisons, en effet, dans le Moniteur du 12 septembre 1848:
« D'autres écrivains circonscrivent au contraire Tobjel de leurs
éludes et s'attachent à en éclaircir tous les aspects. C'est dans
cette honorable catégorie que nous rangerons Madame Félicie
t. XI, pp. 241, 298 et 433 le Chcvai; t. xx, p. 74, VAne, 196 la Hyène; t. xxii,
p. 307, le Castor; t. xxvi, p. 180, la Belette: l. xxix, p. 5, le Tauteau; t. iv, 1886,
De la Zoologie composite. — Des signes de la main et de la dactylologie nu-
mérale dans Varl chrétien, t. xin, pp. 212, 298, 440; L'Homme, Etude d archéo-
logie mystique, t. xvi, pp. 93 et 194; Les maladies et les difiormités corporel-
les, L xvri, pp. 252, 343.
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— 210 —
•
d'Ayzac, femme d'une rare instruction et d'uq esprit ingé-
nieux. Trente-deux statues obsei*vées dans la partie haute des
tourelles de Saint-Denis lui ont donné l'occasion de constater,
à sa manière, par les monuments de l'antiquité catholique,
l'existence de la zoologie hybride dans la statuaire chrétienne;
ce qui veut dire, dans un langage moins obscur, qu'aux yeux
de Madame d'Ayzac, les monstres moitié hommes et moitié
animaux suspendus par les statuaires du moyen âge aux flancs
de la royale basilique forment par leur réunion un système
d'allégories morales. Madame d'Ayzac a d'illustres modèles
dans la voie d'interprétation où elle est engagée, elle en a aussi
de dangereux. Il y aurait beaucoup à dire sur les limites varia-
bles de la composition raisonnée et de la fantaisie dans la pro-
(luction de l'art chez tous les peuples ; contentons-nous d'appli-
quer avec discrétion au spirituel auteur de la zoologie hybri-
de un proverbe aussi vieux au moins que les tourelles de Saint-
Denis : Qui veut trop prouver ne prouve rien. »
Il faut bien convenir, en effet, que la doctrine de Madame
d'Ayzac était contestable, et que ses travaux sur ce sujet sont
à l'heure actuelle bien vieillis. Un maître incontesté en ces ma-
tières, M. Mâle, va nous dire ce qu'il faut en [lenscr.
« Madame Félicie d'Ayzac fut plus ingénieuse (que l'abbé
Auber). Dan.s son Mémoire sur trenle-deux slaiues symboli-
ques observées dans les parlies hautes des tourelles de Saini-
Denis, elle fit des textes l'usage le plus habile. Les statues de
Saint-Denis sont des monstres hybrides; Madame Félicie d'Ay-
zac les décompose en leurs élémenls : lion, chèvre, bouc, che-
val; puis, armée du dictionnaire mystique de Saint-Eucher ou
de Raban Maur, elle en découvre le sens moral. Chacun de ses
monstres devient donc l'expression d'un curieux cas psycholo-
gique. Ce sont autant d'états d'âmes, autant d'heureuses syn-
thèses des passions (|ui peuvent cohabiter dans une conscience.
(( M™* Félicie d'Ayzac crut avoir trouvé une méthode et
créé la science du symbolisme. En réalité, elle ne démontra
qu'une chose, c'est que jamais nos vieux artistes ne furent
aussi subtils que leurs exégètes modernes. Quelle vraisem-
blance qu'ils aient voulu faire dire tant de choses, et des choses
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— ^11 -
si délicates, à des figures qu'on ne peut apercevoir d en bas
qu'avec une bonne lorgnette !
c< Madame Félicie d'Ayzac, nourrie de la littérature théologi-
que du xif siècle, qu elle possédait parfaitement, chercha toute
sa vie, sur la foi des docteurs, les symboles les plus compli-
qués dans les œuvres d'art les plus simples. Elle donna à la
Revue de tArt chrétien une foule d'articles ingénieux et stéri-
les. Elle mourut sans avoir eu le temps de terminer le Traité
de symbolique qu'elle préparait depuis de longues années. Elle
y eût sans doute rien démontré de ce qu'elle affirmait, mais elle
eût donné une preuve nouvelle de son ingéniosité....
<( Il est surprenant que le fameux passage de Saint-Bernard
sur le luxe des églises clunisiennes, n'ait pas fait réfléchir les
trop subtils interprètes de l'art du moyen âge.
« Saint-Bernard, en se promenant dans les cloîtres magnifi-
ques de l'ordre de Cluny avait, lui aussi, contemplé les ani-
maux et les monstres qui ornaient les chapiteaux, et, bien
avant nous, il s'était demandé ce qu'ils pouvaient signifier :
« Dans les cloîtres, dit-il, sous les yeux des frères qui lisent,
que viennent faire ces monstres ridicules..., que signifient ces
singes immondes, ces lions sauvages, ces centaures mons-
trueux? Que viennent faire ces êtres qui sont moitié bête et moi-
tié homme, ces tigres tachetés ?... On peut voir plusieurs corps
sous une seule tête et aussi plusieurs têtes sur un seul corps.
Ici, on remarque un quadrupède à tête de serpent, là un pois-
son à tête de quadrupède, ailleurs un animal est cheval par de-
vant, chèvre par derrière... De grâce, si on ne rougit pas de
semblables inepties, qu'on regretta au moins la dépense (1). »
« Que deviennent les fines analyses de Madame d'Ayzac ?
Saint-Bernard, on le voit, fut moins pénétrant que notre ingé-
nieuse contemporaine ; il ne sut pas reconnaître dans ces mé-
langes de formes hybrides, les plus délicates nuances des pas-
sions. Le grand mystique, l'interprète du Cantique des Canti-
ques, le sermonnaire qui no parle que par symboles, avoue ne
(1) Apologia ad. Guilh. Sancti Theodorici abbat,, chap. XI. Patrol., tome
cLxxxii, col. 96.
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pas comprendre les bizarres créations des artistes de son
temps. El il ne les déclare pas seulement incompréhensibles,
il affirme qu'elles sont dangereuses parce qu elles arrachent
l'ame à elle-même, « l'empêchent de méditer sur la loi de
Dieu ». — Un pareil témoignage tranche la question. Il est évi-
dent <|ue la faune et la flore du moyen âge, réelles du fantasti-
ques, n'ont, pour la plupart du temps, qu'une valeur décora-
tive (1). »
Il n'en reste pas moins vrai (pie Madame d'Ayzac a dans ces
divers articles, fait preuve d'une science très étendue et d'une
conviction raisonnée. On peut ne pas partage!^ toutes ses idées
sur le symbolisme, on est obligé de reconnaître que dans ces
études, la vanité personnelle n'a aucune part, mais que la chré-
tienne s'y montre avec toute sa foi et sa simplicité :
<( Son travail est purement objectif, et bien que ses inter-
prétations aient été contestées quelquefois, jamais elle ne cède
à une velléité de polémique. Elle ne cède pas non plus, nous
l'avons dit, à la tentation de mêler le charme de la poésie à la
science de ses gloses. Aussi il faut bien en convenir, souvent
abstraite et peut-être trop abondante dans la multiplicité des
textes qu'elle invoque, c'est un savant qui écrit pour des sa-
vants : elle ne peut être comptée au nombre des vulgarisateurs
qui, faisant aimer le domaine qu'ils explorent, en rendent facile
l'accès aux non initiés (2). )>
L'œuvre maîtresse de Madame d'Ayzac à laquelle elle a
donné tous ses soins et beaucoup de ses veilles, ce fut VHisloire
(le Vabbaije de Sainl-Denis. Saint-Denis avait été pour elle un
refuge, elle aimait avec passion ses mu!*s et ses jardins où toute
l'histoire de la patrie avait laissé son empreinte, et elle voulut
faire connaître à tous le passé glorieux de cette illustre maison.
Plusieurs fois, d'ailleurs, elle l'avait chantée, notamment dans
les Soupirs :
(1) Emile Mâle. L'Art religieux du XUl* siècle en France. — Paris, Colin,
190.?, pp. 65 et 87.
{'2) Holbig, loc, cit.
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C'est toi, de Saint-Denis auguste basilique !
Salut ! j'aime la nef imposante et gothique,
Tes caveaux préparés pour la cendre des rois,
Et rillustre abbaye où, sous d'austères lois,
Des riches, oubliant, dans une paix profonde
Les lointains ouragans qui soulèvent le monde.
Des trésors de savoir rassembés par leurs mains,
Conservèrent longtemps Thérilage aux humains.
Saint-Denis ! dans tes murs, battus par tant d'orages,
L'âme croit respirer la poussières des âges ;
Là, chaque souvenir par un autre est chassé ;
Là, d'hommes et de jours que de flots ont passé !
Muet et vieux témoin des passions humaines,
Combien ta vaste enceinte a recelé de peines.
Depuis qu'à l'Eternel un roi religieux
A dédié ton temple et les cloîtres pieux !
Combien ils ont compté d'illustres solitaires
Consommés de travaux et de veilles austères !
De captifs expirant, seuls et loin de la cour,
Des triomphes d'une heure et des gloires d'un jour !
Des ciseaux promenés sur des têtes royales.
De Dieux tombés du trône, et par des mains rivales
De fronts, au diadème en naissant destinés,
Au fond du sanctuaire à jamais confinés !
Mais les ans sont venus, emportant dans leur fuite
Le prince (|ui fut grand, puis l'obscur cénobite.
La jeune vierge, au seuil où sommeillent les rois
Jette aujourd'hui les sons de sa limpide voix ;
Joyeuse, en se jouant sous ces voûtes claustrales
Foule d'un pas distrait leurs pierres sépulcrales,
Vient danser sous lonibrage où ces nobles reclus
Rêvaient aux royautés qu'ils ne possédaient plus,
Sur les gazons qu'au loin blanchit la marguerite
Bondit, suspend sa course ou bien la précipite.
Saisit le papillon parmi les fleurs errant,
Ou dépouille les prés de leur luxe odorant.
Amis des souvenirs ! sous ces portiques sombres
De Blanclic et de Suger ne cherchez plus les ombres ;
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Un doux peuple d'enfants habite en ce palais,
Et sur ses nobles murs on lit : Ici la paix (1).
Après avoir chanté Saint-Denis, Madame d'Ayzac en écrivit
l'histoire. Déjà les annales de cette maison avaient été retra-
cées par Dom Félibien, Dom Doublet, Dom Milet, etc., mais
Madame d'Ayzac tout en s'aidant de leurs travaux, voulut faire
mieux. Elle ne recula pas devant la grandeur et la difficulté de
la tâche. Les cartulaires de Tabbaye, les archives impériales,
celles de Versailles, celles de Saint-Denis, furent fouillés, ex-
plorés, mis à contribution. Elle ne ménagea ni son temps, ni
sa peine et en 1860, elle publiait en deux gros volumes le ré-
sultat de ses recherches. VHisloire de Vabbaye de Saint-Denis
en France est une œuvre de solide érudition et qui restera. Elle
eut les honneui-s de l'imprimerie impériale.
Dans rintroduction, l'auteur fait l'histoire de l'abbaye, puis
dans une série de chapitres, il passe en revue la règle, les cons-
titutions, les mœurs des habitants, la pompe religieuse, l'ad-
ministration, les possessions, droits et revenus, ele. Ainsi
compris, ce travail donnait <( le caractère même de l'institution
monastique, étudiée dans la vie d'une de ses maisons les plus
illustres ; c'était son organisation intérieure avec celle de ses
nombreuses dépendances : c'était le système de sa gestion ad-
ministrative ; c'élail enfin la vie quotidienne de ses moines,
l'action de ses abbés sur les savants, les artistes et les lettrés
de leur temps », que l'auleur étudiait et faisait connaître. Il le
fit avec ime sûreté cl une richesse d'information, une clarté el
une méthode que l'Académie reconnut en couronnant son ou-
vrage en 1862.
Madame d'Ayzac ne pouvait parler du passé de Saint-Denis,
sans dire un mot de sa nouvelle destination. Fille le fil avec une
émotion qui nous a valu des pages charmantes. « Nous avons
cédé, dit-elle, à rentraîncmenl d'un sentiment impérissable qui
nous attache à la Maison de Saint-Denis. C'est pendant notre
longue résidence dans ses murs que nous avons conçu l'idée et
(1) Soupirs, poésies par M"' Félicie d'Ayzac, 2" édition, p. 104 à 108.
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le plan de noire travail, alors que nous nous demandions quel-
les mains avaient élevé ce cloître dont la majesté nous frappait,
quelles cendres reposaient sous le sol que foulaient nos pas, et
où de vagues traditions nous faisaient soupçonner des tombes.
Qu'on tolère donc quelques digressions et une certaine diffé-
rence de style dans ces parties de notre ouvrage ; et qu'on
veuille nous pardonner si, dans un domaine lié si intimement
à nos affections les plus douces, nous n'avons pas su oublier,
comme nous l'aurions dû peut-être, les choses qui nous y sont
chères et les souvenirs quelles ont réveillés dans notre
âme (1). »
Certes le lecteur ne saurait s en plaindre, ces digressions lui
ont valu des tableaux d'une fraîcheur et d'une délicatesse ex-
quises. « Tel est le jardin des élèves. Là se nouent les rondes
Lruyantes qu'\ empourprent d'un vif incarnat les joues des plus
jeunes enfants ; là volent, se croisent, se heurtent des Atalan-
les qui n'ont ni fruits d'or à voir à leurs pieds, ni servant à
vaincre à la course. Là se goûtent une liberté achetée au prix
du travail et ces loisirs de l'amitié où s'épanouissent les âmes.
Là, les amies adolescentes, en foulant les vertes allées, se con-
fient leur passQ d'un jour, leurs peines ou leurs joies naïves, et
essayent de tourner ensemble les feuillets du livre de l'avenir.
Là, souvent, du milieu du monde où elle est maintenant épou-
se, où peut-être elle est déjà mère, ou du fond de la solitude où
elle s'est vouée à Dieu, l'élève tourne son regard tout chargé
de pensées sérieuses ; là, elle revient en esprit pour retrouver
ses joies sereines et'pour remonter flot à flot le doux fleuve de
son passé (2). )>
]jCS deux volumes de VHisloirc de Vabbaye de Saint-Denis
se terminent par deux dessins de Madame Hélène des Echerol-
les, représentant deux états de l'abbaye.
Au cours de ses recherches et dans ses nombreux voyages,
Madame d'i\yzac avait recueilli plusieui-s légendes. Elle en fit
une gerbe et les présenta au public sous le titre « Au Temps
(1) Histoire de l'abbaye de Saint-Denis, préface, p. vu.
(2) Ibidem, l. ir, p. 495.
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passé » (1). Le recueil est dédié à ses anciennes élèves, car rien
ne pouvait lui faire perdre le souvenir de Saint-Denis. Il con-
tient 13 récits, où se retrouvent toutes les qualités brillantes de
Madame d'Ayzac.
A lire les abstraites études d'archéologie et de symbolisme
chrétien, ou les gros volumes de VHistoire de Sainl-Denis, on
ne se douterait guère de l'exquise sensibilité de Madame d'Ay-
zac. Elle était née poète. Son àme délicate vibrait au moindre
souffle, et la douleur et le plaisir produisaient en elle de vives
émotions. Ces émotions elle eut le don de les exprimer en un
magnifique langage, qui fait penser à Lamartine. Aussi ne
faut-il pas s'étonner des succès quelle obtint dans les tournois
poétiques, notamment aux Jeux Floraux où elle fut couronnée
plusieurs fois et dont elle fut reçue maîtresse-ès jeux Floraux.
En 1833, elle publiait un recueil intitulé « Soupirs », qui ob-
tint un prix de 500 francs à TAcadémie. La reine de France,
même, souscrivit pour un certain nombre d'exemplaires, et à
ce sujet le Journal des Débats du 9 février 1834 écrivait : « La
Reine vient d'honorer de sa souscription pour un nombre
d'exemplaires, la 2" édition des touchantes et harmonieuse^
poésies publiées sous le titre de Soupirs (1 vol. in-18, chez
Périsse), par Madame Félicie d'Ayzac, Dame de la Maison
royale de Saint-Denis. Une exquise délicatesse de sentiments,
les plus frais tableaux, une imagination toute poétique, sanc-
tifiée en quelque sorte par l'émotion d'une tendre piété, se
présentent là avec une rare pureté d'expression. Ce qui donne
aux accents de l'auteur un ton de vérité que rien ne remplace,
c'est qu'elle n'étend point au-delà du cercle de ses impressions
son horizon poétique. Chacun de ses vers exprime un senti-
ment vraiment éprouvé, cl l'on peut dire que le tranquille sé-
jour qui les a inspirés presque tous ne saurait recevoir impli-
citement un plus bel éloge. Le souvenir de Saint-Denis sera
bien agréablement rappelé par ce livre aux femmes dont l'en-
fance a reçu l'éducation dans celte maison royale, et qui vou-
draient en montrer à leurs filles les gracieuses images, tracées
(1) Au temps passée par M** Fclicie d'Ayzac. — Tournai, H. Caslerman 1867.
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— 217 —
par un talent plein de distinction. Il est rare de pouvoir recom-
mander avec une aussi entière confiance un volume de poésies,
au goût et aux principes des lecteurs les plus délicats . »
La piété filiale et fraternelle a une large place dans ce petit
livre, et on ne peut lire sans émotion les pièces intitulées
23 avril Ï832, Orpheline, le Reclus de Bicêlre, consacrées au
souvenir de son père et de son frère.
Les Soupirs eurent deux éditions devenues rares.
Madame d'Ayzac a cultivé la poésie jusqu'à ses derniers
jours. Le Journal des Demoiselles a donné plusieurs de ses
compositions, mais combien d'autres, et non des moins char-
mantes, sont restées inédites. 11 serait facile de composer un
recueil pouvant rivaliser avec les Soupirs. Je ne résiste point
au plaisir de transcrire ici trois de ces pièces, qui' se rappor-
tent plus spécialement au château dont je viens de retracer
l'histoire.
CASSOU
A Madame la Comtesse Hélène des Echerolles,
Pourquoi cherchè-je ainsi la nef austère et nue,
Humble église des champs ceinte de blonds épis ?
Quel charme m'y retient, comment m'es-lu connue,
Et moi-même, vers toi comment suis-je venue.
L'œil encor fasciné des splendeurs de Paris ?
Oh ! c'est que dès longtemps j'aspire à te connaître
Que, d'entre ceux que j'aime, ou que mon cœur en deuil
A vus sur mon chemin passer et disparaître,
Les uns m'ont raconté que tu les as vus naître.
Les autres sont venus dormir près de ton seuil.
Aussi je viens à vous, église soHtaire,
Vieux porche où l'hirondelleèabritait son doux nid
Ormes qui leur versez votre ombre tutélaire,
Dieu présent et caché dans l'humble sanctuaire.
Anges dont la prière y veille jour et nuit.
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Tombes où sous des fleurs chaque malin écloses
Dorment, sous Tceil de Dieu saintement réunis,
Les frères, morts au loin pour les plus saintes causes,
Et la sœur, emportant comme de blanches roses
Sa sérénité d'ange et sa candeur de lis (1).
Les frères et la sœur que tes premières heures,
Hélène, ont vus naguère au sortir des berceaux
Unis d'un même amour, vivre aux mêmes demeures,
Le père révéré, la mère que tu pleures .
Reposent avec eux près des mêmes arceaux.
Ils n'y dorment point seuls : avec eux sont couchées •
Sous la croix qui protège et bénit leur sommeil,
Les aumônes, ces fleurs que leur mort a fauchées.
Les mérites brillants, et les vertus cachées
Qui seront leur couronne au jojr du grand réveil.
Referons-nous encore ce doux pèlerinage ?
La vallée à nos yeux déroulait ses splendeurs.
Le soleil empourprait au loin le paysage,
Et nos mains moissonnaient, tout le long du voyage,
Des faisceaux odorants de clen.atite en fleurs.
Mais le chemin est âpre et la montée est rude
Parfois au flanc du roc il fallait nous asseoir ;
Comme nous aspirions la douce quiétude
Du silence, de l'ombre et de la solitude !
Et le dimanche, aussi, que nous aimions à voir
Chaque maison s'ouvrir ; chaque troupe joyeuse
Converger à grands pas vers la sainte hauteur
Où, sur l'aire où finit la route tortueuse,
Dans ses groupes serrés, la foule affectueuse
Pressait sa vieille église et son jeune recteur î
Les fils, zélés chanteurs, orgueil de leurs familles,
Les pères, les vieillards, l'encouraient à la fois ;
(1) Allusion à Alexandre des Echerolles, tué à Barbastro, dans l'armée
carliste, à Modeste, sergent d'infanterie Ci à Léocadie des Echerolles.
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Plus loin, l'essaim discret des femmes et des filles ;
Et tout près, doux oiseaux sortis de leurs charmilles,
Les petits s'étageaient aux marches de la croix.
De la croix du chemin, si légère et si frêle,
Qu elle semble osciller sous son coq colossal,
Emblème révéré qui prêche et nous rappelle
(Ju'il faut, pour plaire au maître et lui rester fidèle,
Etre humble, et se savoir capable de tout mal.
Faudra-t-il donc un jour, ô poétique église
Détourner de ton seuil ma pensée et mes pas ?
Faudra-t-il te quitter ?... — 0 ma terre promise.
De ton cher souvenir fidèlement éprise ♦
Du moins dans mon exil je ne t'oublirai pas.
Mon âme par tes chants sera souvent bercée :
En songe j'entendrai, le front dans mes deux mains,
Ta cloche dans les airs lentement balancée.
Et du moins par le cœur, du moins par la pensée
Je viendrai souvent gravir tes hauts chemins.
Je reverrai ton porche et tes voûtes bénies.
Ton autel révéré, ta chaire sous la croix,
Et le chœur débordant de graves harmonies
D'où le ciel de l'exil, les saintes litanies
Vers la Mère de grâce ont monté tant de fois.
Je reverrai la marche à l'angle de l'abside
Où comme un ange triste et propitiateur
La sœur au front voilé, la sa*ur à l'œil timide
Veillait, tout en priant, sur son troupeau candide
Près du saint tabernacle et sous l'œil du pasteur.
Et vous, parfois aussi je vous verrais peut-être,
Lindor, Méra, couchés près de la croix de fer
Epiant près du seuil le pas léger du maître.
Et bien vite oubliant, en le voyant paraître,
L'attente inconsolable et tout l'ennui souffert.
Ainsi le souvenir amoindrit les distances 1
Heureux, qui reste aux lieux où fleurit son bonheur,
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Où le même soleil mûrit ses espérances,
Et qui, tranquille au port, brave les inconstances
Et se rit des assauts de l'océan trompeur !
Juillet 1868.
CASTELNOUBEL
oc Domus Dei et porta cœli ».
(Gen. XXVIII, 17.)
Demeure où Dieu se plaît, belle entre les plus belles
Où jamais la prière ait incliné nos fronts,
Eden où nuit et jour veillent nos cœurs fidèles.
Combien tu nous es chère, et combien nous t'aimons !
Heureux qui comme nous, peut, le soir, sous ta voûte,
Venir, après un jour de triste et long chemin,
Chercher Dieu disparu dans la nuit de la route
Et respirer une heure, à Tombre de sa main !
On se plaît au grand jour des vastes sanctuaires,
On caresse de l'œil, on loue avec transport
Les marbres ouvragés, les splendides verrières,
Les hauts piliers à fleurs, tout étincelants d'or.
Tout ce qu'ont pu créer les mains les plus habiles,
L'art le plus délicat inspiré par la foi,
Les grands ciboriums et les grands campaniles,
On vante leurs splendeurs : nous, nous aimons en toi
Ton jour mystérieux, ton charme poétique,
Tes dalles, que nos pas. ne quittent qu'à regret.
Et ton vitrail perlé, dont l'ogive gothique
Encadre dans sa fleur Touvroir de Nazareth.
Ta nef, tes murs striés d'antiques ciselures.
Tes souvenirs anciens, tes souvenirs nouveaux.
Ton gracieux autel, dont la simple parure '
Aux fleurs de nos rochers emprunte ses joyaux.
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Que d'amis disparus dont lu gardes la place
Aujourd'hui dès longtemps amarrés dans le port,
Sur ton seuil vénérable ont imprimé leur trace,
Et que de pas aimés s'y graveront encor !
( "est de ce seuil béni que nos cœurs à toute heure
Vont mouler vers le ciel nos vœux les plus fenents,
Comme aux pieds du Seigneur, dans sa sainte demeure,
Un vase trop indigne où brûle un humble encens.
Ouand des jours de malheur désolaient nos contrées
Nous vîmes sur ton front s'abattre un coup mortel :
Mais loul passe, et des mains chères et vénérées
T'ont rendu ta beauté, ton culte et ton autel.
Oh ! conserve toujours ces vaillants patronages !
Rends grâce, ei maintenant rendue à nos désirs.
Garde pure à ton front, jusqu'au dernier des âges,
La consécration de ces beaux souvenirs.
Et toi, daigne, Seigneur, dans cette nuit profonde
Allumer dans son ciel tes astres les plus purs,
Ecarte de son seuil les ouragans du monde,
Que jamais ton regard n'abandonne ses- murs !
Juillet 1879.
HÉLÈNE
La grâce est trompeuse, et la beauté est veine :
La femme qui craint le Seigneur est celle qui sera louée.
(Prov. XXX, 30.)
Nous étions deux partout, au repos, à la course,
Puisant dans notre soif l'eau de la même source
Sous l'arbre hospitalier rompant le même pain !
Deux à marcher toujours malgré vents ^et tempêtes,
Deux à porter en paix, sans trop courber nos têtes.
Les soucis de la veille et ceux du lendemain.
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Tout chantait dans nos cœurs quand nous nous rencontrâmes
Un sympathique attrait enlaça nos deux âmes ;
La vie el l'avenir nous ouvraient leurs trésors ;
i\ous n*avions ni renom, ni pouvoir, ni richesses,
Mais quel sceptre à nos yeux eût valu les promesses
Des rêves enchanteurs (pic nous faisions alors !
Elle me racontait ses jours de jeune fille :
Ceux-ci, pleins de soleil dans le nid de famille,
Ceux-là, près des autels, limpides et bénis.
Et me disait comment sa vie accidentée
De halte en halte un jour se trouva transplantée
Des vallons (Je Cominge aux murs de Saint-Denis.
La vie alors pour nous n'avait que douces choses :
Les buissons nous jetaient des parfums et des roses
Tout était sur nos pas lumière et chants d'oiseaux :
Mais quand eut disparu ce charme" incomparable
De tout ce que la terre offre de plus aimable.
Que le soir eut voilé ces mirages si beaux !
Quand resta sous mes yeux le désert, sombre, immense,
Avec son ciel d'airain, ses terreurs, son silence.
Sans donner un regard à son bonheur détruit
Fermant à tout regret son âme noble et fière,
Elle ne voulut pas retourner en arrière.
Et se précipita dans Tombre de ma nuit.
Depuis, où sont les fleurs que sa route a comptées ?
Elle a suivi mes pas sur toutes les montées
Escorté sous l'autan ma marche à ciel ouvert :
Disputé son esquif aux chocs de la même onde,
Et faite pour charmer et jouir dans le monde,
A mes côtés souvent et plus que moi souffert.
Aussi, Seigneur, "aussi, ces dons, ces biens insignes
Que tes mains ont versés entre mes mains indignes
Et que si largement ta grâce m'a comptés.
Reprends-les, si tu veux, hors cette unique joie.
Ce fanal, si longtemps la splendeur de ma voie.
Qui maintenant vaccilio el Iremble à mes côtés.
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— 223 —
riarde-moi colle fleur, la dernière de loules,
Qui sous lous les olimals et sur loutes mes roules
(Juand lanl d'aslrcs aimés s'éleignaieni dans mes cieux, ,
Farloul où m'ont failli mes amis les plus tendres
Partout où mou bonheur n'a laissé que des cendres
A parfumé ma vie et reposé mes yeux.
(iarde à mon cœur souffrant la voix (|ui le console
L'ange, seul entre lous, dont la blanche auréole
A brillé jusqu'au soir dans mon ciel obscurci :
(jardc-les moi, Seigneur !
Seigneur, un jour aussi
Quand la douce pitié m'effaçant de la terre
Aura de son chemin ôté mon front austère.
Donne-lui le repos qu'elle a tant soupiré,
Donne-lui le repos : ses yeux ont tant pleuré !
Donne, Seigneur, au lieu de ces plateaux arides
De ces lointains trompeurs aux mirages perfides
Au lieu de ces rocs noirs, escarpés à mourir
Que tout le long des jours il nous fallait gravir f
Donne, Seigneur, au lieu de ces steppes désertes
A nos j)as incertains fatalement ouvertes
Où, la bise veime et le soleil couché
i\ous avons si longtemps marché, marché, marché ;
Au lien de ce chaos de lamentables choses
Donne, donne à ses yeux du soleil et des roses,
A ses ])icds des parfums, des gazons sous ses pas,
Dans ses mains beaucoup d'or pour ceux qui n'en ont pas ;
Domio à ce pauvre C(i;ur si (idèle et si tendre
Donne enfin des amis dignes de la comprendre.
Oui lui versent à flots, qui lui versent toujours
L'oubli de ses longs deuils, et de nos mauvais jours !
Mars 1872.
Madame d'Ayzac vécut treize ans à Castelnonbel, dan? Tu-
nion la plus étroite avec son amie Madame des Echerolles.
« Malgré l'âge avancé, il était dans la destinée do sa nature
fortement trempée de ne connaître ni les défaillances de la
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vieillesse, ni les désenchantements du cœui*. Elle devait, pour
ainsi dire, descendre d'une pièce dans la tombe. Un jour, c'é-
tait à la fin du mois de février, elle avait pleinement joui encore
d'une tiède journée du printemps, d'ordinaire fort précoce
dans ces régions, cueillant d'amples bouquets de violettes avec
son amie ; rentrée le soir elle fut frappée de paralysie, et com-
me foudroyée. Pendant un jour encore, elle reprit conscience
d'elle-même et de son état, mais elle ne recouvra pas la parole.
Le 20 février 1881, par une soirée éclairée d'un de ces beaux
soleils couchants, comme elle aimait à les contempler du haut
des toui^ de Castelnoubel, elle rendit son âme à Dieu. Sa bière,
où la piété de son amie avait déposé les violettes cueillies en-
semble, fut placée, en attendant les funérailles, dans sa cha-
pelle castrale qui, tant de fois, avait été témoin des pieuses
effusions de la chrétienne et qui a été chantée par la poète.
Après les obsèques, la dépouille mortelle fut inhumée dans le
caveau de la famille des EcheroUes, établi dans l'humble cime-
tière de Saint-Etienne de Cassou, parois.se du château. Toute
la population de Cassou, quelquei!> notables des environs-, et
un grand nombre de membres du clergé, voulurent témoigner,
par leur présence au convoi funèbre, de leur respect et de leur
affection pour la femme d'élite dont la vie avait été aussi exem-
plaire par les vertus que féconde par les travaux.
« Indépendamment des différents prix conquis par ses li-
vres. Madame d'Ayzac obtmt plusieurs distinctions. Quelques
sociétés savantes lui ont décerné les titres et les grades acadé-
miques dont elles pouvaient disposer : elle était membre effec-
tif de la Société archéologique de Moscou, maîtresse-ès jeux
floraux, etc. Mais, en réalité, la valeur de l'écrivain dépasse
de beaucoup les honneurs accordés à la femme. On peut comp-
ter Madame d'Ayzac au nombre des plus savantes de son
temps (1). »
Chaque année les deux amies recevaient la visite d'un pré-
Ci) Helbig, loc. cit., p. 11 et 12. - Dans la nevue de VAgenais, 1881, p. 180,
M. A«l. Maaron écrivit un article n<^crologifjue où il rendait hommage ti Ma-
dame d'Ayzac.
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— 225 —
lai de grand mérite, Monseigneur Meignan. Ce dernier avait
lié connaissance avec ces deux femmes d'élite lorsqu'il était au-
mônier de Saint-Denis, et il se forma entre ces trois âmes une
amitié que la mort seule a pu rompre. Jusques en ses derniè-
res années, Monseigneur Meignan 'venait à Castclnoubel pas-
ser ses vacances. Il affectionnait particulièrement le vieux
château qu'il fit restaurer à ses frais et où il pouvait se reposer
loin du bruit du monde, des soucis de l'épiscopat.
Guillaume-René Meignan naquit à Denazé (Mayenne), alors
dans le diocèse du Mans, le 12 avril 1817. Il fit ses études à La-
val, à Angers et au Mans. Après avoir reçu la prêtrise, et, sur
les conseils de Montalembert, il partit pour l'Allemagne et étu-
dia à Munich, à Bonn et à Louvain. Admis dans le clergé de
Paris, il fut obligé, pour raison de santé, d'aller en Italie. A
Rome il obtint ses grades théologiques. Rentré à Paris, il fut
préfet des études au Petit Séminaire, puis troisième aumônier
de Saint-Denis, vicaire à Saint-Joseph, Saint-André d'Antin,
Sainle-Clotilde, et en 1861 chargé du cours d'Ecriture Sainte
à la Sorbonne, où il donna ses leçons sur le Monde et Vhomme
primitil. En 1863, il devenait vicaire général et archidiacre.
L'année suivante, l'empereur le nommait à l'évèché 3e Cha-
lous. Il assista au concile du Vatican et fit partie de la minorité.
Il quitta Rome lors du vote du 18 juillet 1870.
Ije 20 septembre 1882, il était transféré à l'évèché d'Arras,
où il ne fit que passer, et par un décret du 10 janvier 1884, il
était nommé archevêque de Tours.
Dans les trois diocèses où il exerça le ministère épiscopal,
Monseigneur Meignan fut fidèle à ses études d'Ecriture Sainte
et la bibliographie de ses œuvres est trop longue pour être rap-
portée ici. Partout il donna ses soins les plus assidus et les plus
attentifs à la formation intellectuelle de son clergé. Etant à
Chalons, il fut du nombre des évcques fondateui's de l'Institut
catholique de Paris.
A Tours une de ses préoccupations fut de restaurer le culte
de Saint Martin et il mit tout son zèle à glorifier le saint Thau-
maturge des Gaules.
Le Souverain Pontife couronna sa vie consacrée à l'honneur
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(le l'Eglise et de la France en le créant cardinal dans le consis-
loire du 17 janvier 1893.
Il mourut le 20 janvier 1896 et fut enseveli dans la crypte de
la basilique de Saint-Martin.
Monseigneur Meignan est une des plus grandes* figures de
l'épiscopat français au xix" siècle, qu'il faut placer à côté des
Dupanloup, des Pie et des Freppel. Son souvenir est pieuse-
nient conservé à Caslelnoubel.
Madame Hélène des Echerolles survécut à ses deux amis,
mais bientôt elle s'éteignit à son tour.
;\près sa mort le chAleau de Castelnoubel passa à sa nièce,
Mademoiselle de Leygonie. La famille de Leygonie, de noble
origine française, [)assa en Espagne au moment de la Révolu-
tion. M. des EcberoUes, ])endant les guerres d'Espagne, se
maria avec Marie-Louise-Lucienne de Leygonie. L'n frère de
cette dernière, Francisco, venu très lard, fut élevé à Caslelnou-
bel, avec les enfants de M. des EcberoUes. Entré dans la
marine mihtaire, il donna sa démission pour être (idèle à la
légitimité. C'est sa fille qui hérita de M™* des Echerolles.
Aujourd'hui, M'*" de Leygonie, devenue M°* Pardo, vient
passer quelques mois à Caslelnoubel avec sa famille, et elle
fait les honneurs de son château avec une grâce et une ama-
bilité auxquelles je suis heureux de rendre un respectueux
hommage.
R. Mauboutin.
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DISSERTATION
8UR
DIVERS MORUHINTS, COUTUMES, DÉNOMINATIONS ET USAGES ANCIENS
DE L'ANCIENNE CITÉ DES SOTIATES
Par le vicomte de MÉTIVIER, annotée par J. MOMMÉJA
Il me semble encore que la ville de Sos devait, avec d'aulant plus
de raison, s'étendre vers le nord plutôt que vers la Gélise au midi,
que, défendue du côté du nord par la nature, à cause des forêls
immenses qui en gênaient les approches, elle n*avait d'ailleurs que
très peu à redouter de ce côté-là, jusques à l'invasion des Romains,
I et qu'ayant plus à craindre des peuples errans et pillards des Pyré-
nées, tels que les Vaccées et Cantabrcs, elle avait besoin de se ga-
rantir de ce côté-là et de laisser cette rampe escarpée et aride, plutôt
que d*y construire des habitations exposées aux premières atta
ques des assaillants ; car alors on ne pouvait pas défendre les ap-
proches avec des canons et garantir ainsi les villes placées au-
dessous des forts ; et le jet des projectiles, des catapultes et autres
machines du temps n'auraient pas suffi. Et si, comme le dit César
dans ses Commentaires, Crassus fut obligé « d'employer des tours
et des manlelets », il est certain que la rampe du côté de la Gélise
en empêchait les approches et l'emploi, et que c'est plutôt par la
partie la moins escarpée du côté du nord qu'il avait dû s'appro-
cher pour altatfuer la ville, moins fortifiée, qui devait s'étendre
dans les terres au-delà des murs d'enceinte cp.core existants.
C'est d'ailleurs par ce côté qu'il paraît que Crassus arriva chez les
Sotiates. Il est probable encore que, retirés dans l'enceinte la plus
fortifiée, qui fut conservée sous la féodalité et dont les murailles
existent encore (1), les Solduriers, avec Adcantuan à leur tête.
(1) Ce serait fausser le souci qui nous a toujours hanté de rendre justice à
tous ceux qui ont combattu pour la cause de Sos, et mal comprendre la tâche
que nous 'nous sommes imposée de grouper lo plus grand nombre possible de
documents sérieux aulouf du travail de M. Métivier, que de ne pas faire une
place à l'une des remarques les plus fécondes de l'abbé Breuils, telle que
la exposée en l'adoptant M. Georges Tholin :
« La superficie du plateau de Sos, nous dit M. Camoreyt, est seulement de
liO.OùO mètres carrés, alors que Gergovie, le plus petit des trois grands oppi-
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— 228 —
firent la sortie dont parle César, pendant qu'effrayés par la prise
de la ville la moins fortifiée, les habitants traitaient d'un autre
coté des articles de la capitulation.
iMifin, CCS diverses circonstances constatant l'étendue de la ville
(le Sos et la partie faible de ses fortifications vers le nord, attestent
encore plus que Crassus dut arriver de ce côté-là, plutôt que du
côté très difficile de la rampe de la Gélise, puisqu'il dut être joint
I^ar les renforts qui lui venaient de Toulouse, de Carcassonne et
\arbonne vers Aiguillon, où sont encore des vestiges très appa-
rents de constructions romaines (1).
\ous avons parlé, à propos d'Esquies, du tumulus que Ton ren-
liunis connus, en a 750.00(1. Leclonre en a 680.000, ce qui est suffisant, mais
Sos n'auruil pas pu abrir'er toute l'armée des Soliates et de leurs auxiliaires.
M. Tabbé Brcuils observe avec raison que le plateau, presque circulaire,
de Sos n'est séparé que par une gorge du plateau de Saint-Martin également
élevé, plus vaste, et sur lequel s'est étendue la ville à l'époque romaine. Les
deux plateaux réunis ont une superficie convenable pour un oppidum. J'ajou-
terai quo ceUc contiguraticm d'une place forte coupée en deux permet d'ex-
pliquer les incidents de la capitulation. Les Sotiales se rendirent, nous dit
César, après un siège en règle où furent employés de la part des Romains,
des mantelels et des tours d'approche et, de la part des Aquitains, des raines
pour détruire les travaux des assiégeants. Voilà pour le plateau de Saint-
Martin. Après la reddition, qui comprenait la masse des réfugiés, dans l'autre
partie de l'oppidum (aliâ ex parte oppidi), le roi essaya encore de résister,
avec une troupe d'élite. Voilà pour le plateau de Sos. » (G. Tholin, LOppi-
dum des SotiateSy daprès AL Camoreyt el A/. Vabbê iireuiU. — Revue de
l Amenais, 1806, p. 60.)
Il semble que M. de Métivicr ail compris comme ^L Tholin la topographie
de Sos et expliqué de môme la sortie, assez extraordinaire, d'.Xdialunn, si l'on
restreint l'oppidum au seul plateau de Sos. J. M.
(I) Résumons la doctrine de M. de Métivier sur Sos :
1* Ijilre Loustalet et Sos « un ravin comblé et aplani en partie par la
main des hommes el les effets du temps ». « 11 jiaraîl avt>ir été, à ré{»oque
(!»• la puissance des Sotiales, le fossé d'enceinte de leur ville. »
2" Celle-ci sur une hauteur escarpée de tous côtés était suffisamment dé-
fendue par ses escarpements du côté de la Gélise, qu'elle ne dépassait pas
puisqu'on n'a jamais trouvé de ce côté aucun vestige de constructions.
'.V Les moyens de défense étaient accumulés au nor'd, vers le ravin, ce que
prouvent « les vestiges de fomiation que 1 on retrouve.... entre la ville
actuel!»' el ce ravin )», soil de fautre cûlé du ravin, soit au faubourg des
Capots.
4" C est i»ar le cùlé nor'd cpie Crassus put seulement ai»procher se;» machi-
nes de guerre pour forcer ces remparts.
5* L) autres remparts, correspondant aux nuirs de ville du moyen-âge, for'-
maienl un dernier réduit d'où Adialunn soilit avec ses Soldures pour faire
une tniuée à travers les assiégeants.
O" Ces murs existaient au moment où fui rédige ce mémoire, J. M.
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contre au midi de Sos, près de Téglise de Louspeyerous, et à droite
de la route qui va de Sos à Eauze. A quelque distance du château
de Gajo, sont des fondements qui ont pu faire croire qu'il avait
existé en ce lieu une ville,, du moins le croit-on par tradition ; c'est
dans la commune de Sainte-Maure, qui aurait, dit-on, tiré son nom
du séjour des Maures dans ces contrées, lorsqu'Abdérame con-
duisit ses guerriers dans l'Aquitaine et jusque sur les bords de la
Loire. Mais il est facile de voir qu'aucune ville n'a existé dans
cette position : ni les Commentaires de Ccsar, ni la Table Théodo-
tienne, ni Vllinéraire d'Antonin, ni Danville, ni de Valois, ni au-
cun autre autour qui ont traité de l'histoire d'Aquitaine, n'en ont
parlé. Il est plus probable que c'était quelque maison considérable
appartenant à quelque chef Homain ou Gaulois, et l'on sait que
leurs maisons de plaisance étaient généralement appelées villa, ce
qui a pu faire croire que c'était une ville (1).
Nous devons faire remaniuer aussi que, non loin de Sos, dans
le cimetière de l'église actuellement démolie de Sainl-Estèphe, on
trouva, en creusant une fosse, une tombe renfermant un squelette,
un glaive et un collier. Le nommé Vidalet, qui creusait la fosse
pour la femme décédée du carillonneur, celui-ci n'ayant pu par ce
motif la creuser, recombla la fosse et les objets qu'il y avait trou-
vés, après avoir toutefois mis le cercueil de la femme au-dessus
de cette tombe (2).
Il n-y a pas six mois qu'au village d'Arquisan, sur la Ténarèze (3)
(1) Samazeuilh a ignoré, ou voulu ignorer, l'exislence de celte villa à Sainte-
Maure.
(2) Puisque le sieur Vidalel ne put pas creuser jusqu'à sa profondeur nor-
male la fos.se de la femme du carillonneur, parce que sa bôche rencontra
une tombe, c'est que cette tombe était en' pierre; et puisque le squelette
(lu'elle renfermait avait été pourvu d'un collier en même temps que d'une
épée, c'est que la sépulture remontait au moins à l'époque carolingienne.
Ce passage de M. de Mélivier est donc doublement intéressant, puisqu'il
révèle la présence à Sainl-Estèphe d'un cimetière barbare, et parce qu'il per-
met de prendre sur le fait un cas de double inhumation accidentelle dans la
môme tombe de pierre ; car très évidemment le sieur Vidalet déposa la femme
du carillonneur sur les ossements d'un guerrier ou même d'un chef franc. Je
dis bien un chef, parce que les épées se rencontrent très rarement dans les
sépultures barbares et paraissent spéciales aux chefs, les guerriers n'ayant
que le cuUer lalidus ou skasmassax auprès d'eux. J. M.
(3) « Tout le monde a entendu parler de la Tenarèse, ainsi nommée par cor-
ruption du mot lier Cesaris, chemin de César, dit \ illeneuve-Bargemont (a).
Cette route venant des Pyrénées passe à Bretagne, près Eauze, se dirige
par Suinte-Maure (6), traverse la rivièie de Géli^e sur un pont au bas de la
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on a trouvé un vase en terre, plein de petites pièces ou médailles
en bronze, dont quelques-unes sont du temps de Claude, Tétricus
et Gordien. *
côte de Sos (c), longe la partie orientale de celle ville et va aboutir à la rive
gauche de la Garonne par Réaup, Lisse, Barbasle, Lavardac, Thouars ; les
vesUgep de cette voie romaine se rencontrent,' pour ainsi dire, à chaque
pas, et ils sont généralement bien conservés. La Ténarèse est peu large ; ta
chaussée se compose de deux ou trois couches de pierres amalgamée^ dans
du ciment de chaux, et tellement consolidées par le temps, qu'elles ont
ac(iuis la consistance cl la durcie du rocher ; on peut aisément s'en assurer,
car le sol sabloncux de celte contrée ja'est abaissé par tout et a déchaussé
la partie ferrée qui forme le corps du chemin. Uiie semblable construction
dans un i>ays tellement dépourvu de pierres et de matériaux, qu'il a fallu
tout y transporter, n'annonce-l-elle pas l'importance qu'on attachait à cette
position militaire 7 Soit que ce chemin existai avant César, et que l'ayant
fait réparer, il lui ail donne son nom^ soit qu'il en eût ordonné la construc-
tion en entier, il est impossible de penser que la contrée, que les villes que
traversait cette rtnjte, n'eussent pas une existence bien reconnue. »
II faut rapprocher de celle page de Villeneuve-Bargemont, la description
de la Ténarèze par M. Georges Tholin (d).
« La Ténarèze a été assez bien étudiée entre les Pyrénées et Sos, no-
laBiment par M. Curie-Seimbre, qui fait dériver cette route vers Bordeaux
suivant l'itinéraire de Bordeaux à Jérusalem. Nous préférons voir la suite
de la Ténarèze dans le grand chemin qui, de Sos à Thouars est le prolon-
gement direct de la route pyrénéenne. Son tracé bien connu a été particu-
lièrement étudié par M. Samazeuilh.
En allant du Sud au Nord, à partir des limites du département du Gers, la
Ténarèze, qui est remplacée par le chemin n* 9, dessert les localités sui-
vantes :
Commune de Sainte-Maure : Taret, Bonenconlre, Pireou, Péan, Croix-de-la-
l'icrrcy Lesparrot, Pinot. Il existe un tronçon abandonné entre Jeandaillou
et Toulèze.
Commune de Sos ; Saint-Martin.
Commune de Réaup : Nation (à peu de dislance sur la droite, le camp du
refuge de Lamolhc), Mounon, Marre. Il existe un tronçon abandonné à
Crieré.... »
C'est en 1833 qu'on a enlevé le pavage de la Ténarèze pour restaurer la
route. Le i»avage composé de grosses jnerres rougeàtres, d'un grain très
dur, reposait sur une couche de béton mal aggh)méré. Deux anciens agenls-
voyers, M. de Lafilte et M. Boyer, ont donné à ce sujel des renseignements
identiques à M. Tholin. J. M.
(a) Loc. cit. p. 23*2.
(6) On en voit des traces près de l'église de ce nom.
(c) Quelques personnes pensent que ie pont actuel occupe précisément la
même place que l'ancien ; d'autres prétendent qu'il était au-dessus.
{d) Causerie sur les origines de lAgenais, Les voies romaines, paragra-
phe IV.
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231 —
Châteaux de Sos et de Gaeyze, — Puits. — Pont. — Moulin.
Nous devons expliquer un peu plus positivement que ne Ta fait
M. de Villeneuve ce qui est relatif au puits trouvé dans le château
de Sos (1).
(1) Voici le récit de M. de Villeneuve sur ce puits :
« Des personnes dignes de foi (M. Vignes, cooseiUer de préfecture, et
M. son frère, ancien adjudant-commandant, maire de Sos), m'ont attesté
que parmi les décombres du ch&leau et dans des excavations qui avaient
(Ho faites sous leurs yeux, elles avaient vu les traces de plusieurs souter-
nviNS", un ontr'aulres mérite une mention toute particulière. On démolissait,
il y a peu d'années, la voûte d'une des caves les plus profondes du château,
pour en retirer des pierres^ d'autant plus précieuses pour les constructions
que presque toutes sont carrées, dune assez grande dimension et de très
bonne qualité ; et à travers les décombres, on parvint à un puits destiné
sans doute à fournir de l'eau pendant un siège ; en continuant à enlever les
pierres cpii formaient le revêtement intérieur de ce puits, on découvrit à une
certaine profondeur, une porte qui servait d'ouverture à un corridor voûté ;
il était encombré de terre ; mais, comme il se dirigeait vers le nord, il est
vraisemblable qu'il passait sous la ville et venait finir vers les jardins qui
bordent cette partie des murs. Cette communication souterraine, à une pro-
fondeur si énorme (et sans doute il y en avait plusieurs autres, ainsi qu'on
nous l'a assuré) ne prouve-t-elle pas évidemment que l'art de creuser des
galeries sous terre et de s'en servir pour la défense de leur ville, peut s'ap-
pliquer à tout cç que César raconte des Soliates ? » (loc. cit., p. 291-292).
Ce puits revêtu de maçonnerie et pourvu, dit Métivier, d'un escalier de
descente, était un travail du moyen-âge dépendant exclusivement du châ-
teau. Sans doute, en le forant un avait coupé des galeries souterraines bien
antérieures, ce qu'on a longtemps appelé des habitations troglodytiques,
du moins le cas n'est pas unique, il s'est présenté notamment à Montauban,
au faubourg du Moustier.
Nous avons souligné, dans le texte de Villeneuve-Bargemont, la descrip-
tion de l'appareil des substructions trouvées sous le château ; il était formé
de pierres carrées d une assez grande dimension ; ces substructions n'étaient
donc pas romaines.
Voici maintenant ce que dit le préfet archéologue du château de Sos :
(( Au commencement de la Révolution, les ruines du château étaient encore
assez prononcées pour qu'on pût juger qu'il était immense, mais pep régu-
lier ; qu'il était flanqué de grosses tours carrées; qu'on y avait pratiqué de
vastes souterrains, et qu'en un mot, tout avait été combiné plutôt pour la
défense du lieu que pour la commodité intérieure ; on y a trouvé divers
meubles de pierre et quelques tronçons de statues, que, d'après la descrip-
tion qu'on nous a faite, je jugerais plutôt des divinités gauloises que des
figures du paganisme. » {loc. cit., p. 296).
Ces tronçons de statue, dont le travail n'avait rien d'antique et de classi-
que, étaient sans doute des restes de la chapelle du château médiéval. Mais
qui sait, si ce n'était pas des sculptures gallo-romaines ? Il faudrait avoir
vu pour se prononcer. J. M.
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— 232 —
Je me rappelle très bien que, lorsque m'échappant avec quelques-
uns de mes camarades des bancs de l'école qui était dans le voi-
sinage, nous nous dirigions vers les souterrains de ce château en
ruines pour nous y amuser, sans crainte d'entendre la voix aigre
et menaçante du pédagogue, nous avons vu là un puits, au fond
duquel on descendait au moyen d'un escalier en pierre. Il était
alors encombré de débris et de matériaux, et nous n'avons pu y
voir la partie souterraine dont parle M. de Villeneuve (1). La puis-
sance de Louis XIII, consistant à détruire la féodalité, et l'esprit
iiiveleur de notre époque, ont tour a tour concouru à faire dispa-
raître les restes de cet ancien château. L'autorité royale et celle
du peuple, lasse de s'attaquer aux hommes, s'attaqua à des mas
ses inanimées ; et le peuple exerça ses vengeances sur des pier-
res, en haine de la féodalité. Ce château fut vendu par le gouverne-
ment à une époque où le vainqueur des Pyramides et de Marengo
avait rappelé l'ordre et la religion au sein de celte France qui les
axait bannis. Il semble qu'un esprit de conservation, qui aurait
fait connaître le rôle qu'avait joué la cité des Sotiales dans les
temps reculés, aurait dû présider à cette acquisition. Mais ces
gens n'achetaient que pour démolir, et bientôt les tours, les mu-
railles, les donjons, les créneaux, tout fut renversé ! A peine
peut-on reconnaître la place où exista cette forteresse, dont les dé-
liris disséminés ont servi à des routes, des pavés et 'des construc
tions particulières ; ainsi, le philosophe, qui voudrait au sein de
ces ruines méditer sur l'élévation et la chute des empires, ne trou-
Ci) Sans doute faisait-il allusion aux souterrains signalés par Villeneuve-
Bargemo^t, Boudon de Saint-Amans, quand il ajoutait le paragraphe sui-
vant au récit de la campagne de Crassus contre les Sotiales et leur capitale
« indùmenl prise par le géographe Samson pour Leclour(\ métropole avérée
des Laelorales ». « Au reste, il est maintenant reconnu que la petite ville de
Sos, aujourd'hui chef-lieu de commune dans le 4' arrondissement du dcpar-
lenïenl de Lot-et-Garonne, était la capitale des Soliates, appelés Gascons
par des auteurs modernes, bien que les Gascons ne soient entrés en Aqui-
taine que cinq à six siècles plus tard. Céirar mentionne aussi des souterrains
pratiqués par ces Gaulois près de leur ville, et dans lesquels ils se mirent
en embuscade*- pour surprendre les Romains. Cet' souterrains existent sans
doute, mais ne peuvent se rapporter aux travaux des habitants pour les
fouilles des mines de cuivre.... » Mais un tel bafouillage et un tel mépris de
Ihi.sloire n est-il pas plutôt de Casimir de Saint-Amans que de son père, qui,
bien qu'assez étourdi, avait assez lu les Commentaires de César pour ne pas
faire embusquer les Sotiales dans des souterrains ? (Histoire ancienne et mo-
derne du départ, de Lot-et-Garonne, par J.-F. Boudon de Saint-Amans. Agen,
1830, t. I, p. 4 et 5.) J. M.
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- 233 —
verait pas une pierre pour se reposer, ni môme quelques fragments
d'architecture qui du moins lui rappellerait le style de Tépoque.
Toutefois, au milieu de ce désordre, et par le plus grand des
hasards, Técusson des antiques sires d*Albret, qui couronnait le
frontispice do la principale porte d'entrée, fut sauvé du naufra-
ge ! (1). Il fut trouvé par moi chez un charpentier qui, au revers
de Técusson, avait creusé la pierre pour en faire un aiguier ; je
lUr'empressai de l'acquérir ; il y manque cependant la couronne
formée d'une pierre séparée, et que l'on dit avoir servi à la cons-
truction d'un four de boulanger. Je possède aussi un chapiteau
de colonne arabesque dont on a fait un KlSnitîer pour l'église de
Saint-Pau (2).
Le château de Gueyze, masse carrée dont les murs sont d'une
épaisseur considérable, est situé au bas de la rampe occidentale
(1) (( On voit dans une des salles du château de Saint-Pau une assez grande
pierre sculptée, représentant un écusson nobiliaire soutenu par deux anges ;
celle pierre était placée sur le frontispice du vieux capitole Sotiate. Elle fut
recueillie par M. le vicomte de Métivier, peu avant 1830. Les armoiries qui
y sont représentées en relief étaient probablement celles de quelque puissant
feudataire, possesseur ci haut justicier du lieu ; il ne serait pas impossible,
à laide d'un armoriai un peu étendu, de retrouver son nom. » .Vinsi s'ex-
prime M. IJarthalès (p. 47) sur le bas-relief retrouvé par Alélivier, môme il
en donne un dessin sommaire, qui permet de le dater du xV siècle, de par
l'allvrc des deux anges qui servent de supports à l'écu, et par la forme
même de l'écu. Par malheur, si, sur cet écu, on reconnaît très aisément un
écartelé, il est impossible de reconnaître assez sûrement les meubles héral-
diques gui le chargent, pour essayer une identification quelconque. J. M.
(2) A propos de ce bénitier, donnons, sur l'église de Saint-Pau, quelques
renseignements, empruntés en majeure partie à la notice qui, dans La
Guirlande des hfargueriles, commente un grave sonnet de M. Georges Tholin:
« Cette petite église, qui paraît dater du xii' siècle, est construite sur le
plan le plus simple. C'est un vaisseau rectangulaire coupé en deux par une
arcade. D'un côté est la nef, de l'autre le chœur. Ce dernier, recouvert d'une
voûte en berceau brisé, est pourvu de trois fenêtres dont la physionomie
est toute romane. Nulle sculpture que deux renards qui figurent, on ne
sait trop pourquoi, sur les contours d'un vieux bénitier. Cette succursale de
Meyian, près de Sos, n'est plus desservie, et, comme Téglise, le cimetière
qui Tentoure, est abandonné. Le lierre envahit ses murs percés de meur-
trières aujourd'hui bien inoffensives. » (La Guirlande des Marguerites. Nérac,
1876, p. 175.) De son. côté, M. Tholin a dit, dans sou Architecture religieuse
de VAgenais, pp. 62, 63 : « ....Le seul morceau de sculpture est un bénitier
relégué dans un coin. Il a la forme d'un chapiteau ; des renards y sont figu-
rés.» « L'église de Saint-Pau est aujourd'hui abandonnée. Les grands ra-
meaux de lierre dont se revêtent ses murs et qui rampent jusque sur la toi-
ture, lui donnent une grâce pittoresque qui rehausse sa simple architec-
ture. » j. M.
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— 234 —
de Sos, dans un lieu bas et humide, au-devant de l'église de
Gueyzc et d'une source abondante (1) qui donnent à cette position
tout le charme d'un aspect romantique.
Ce cluUeau, très fort dans les anciens temps, par sa construc-
tion, était aussi sans doute défendu au besoin par les marécages
(jui Tentouraienl, circonstance qui, selon les versions populaires,
contribua à sauver de la fureur des Sarrasins les jeunes filles qui
«0 réfugièrent dans ce fort, devenu le protecteur et l'asile de ja
vertu. Aussi ai-je entendu dire à ma mère-nourrice et à d'autres
vieillards, « que les Sarrasins, frustrés de l'espoir de faire une si
belle capture, envoyèrent au Diable le sieur de Hoquespines, à qui
appartenait ce château. » Ce seigneur avait pris sous sa protection
ces filles, qui peut-être un jour auraient habité les harems des offi-
ciers des Califes (2).
(1) C'esl sans doute la belle source de ' ourbout dont le nom est celui, à
peine déformé, de Borro, le dieu celtique de certaines sources comme celle
de Bourbonne-les-Bains, de Bourbon-Lancy et d'Aix-les-Bains. (Cfr. Geor-
ges Dottin, Manuel pour servir à l'étude de VanttquUé celtique. Paris, Cham-
pion, 1906, in-12, pp. 220, 229, 234, 242.)
(2) Quand on se décidera à fouiller méthodiquement le plateau de Sos, on
devra rechercher l'emplacement du temple de Home et d'Auguste qui s'éle-
vait non loin sans doute de l'ancienne église romane, puisque c'est en dé-
molissant celle-ci qu'on trouva Tinscriplion du .second siècle où il est parlé
d'un flamine de ce temple duumvir, etc. Nous estimons, en effet, avec Ta^bé
Breuils {Her. de dascofjne, 1895, p. 434), c que ce prélre-duumvir résidait à
Sos auprès du temple dont nous avons parlé et que ce temple se drossait
sur l'emplacement même de l'église de Sos », et, avec le même érudit, il est
difficile de ne pas reconnaître que, « avec son temple et son duumvir, la
ville de Sos se révèle à nous durant la période romaine comme ayaïit eu
dans la cité èlusale, dont elle faisait partie, «ne importance particulière ».
On devra rechercher aussi les vestiges de la petite église ou mcmoria
érigée en l'honneur de saint Saturnin, ainsi que des inscriptions sur marbre
qui relataient l'apostolat, à Sos, de saint Sever, à la fin du iv' siècle, dont
labbé Breuils signale l'existence d'après un très remarquable passage de
« la plus antique des trois Vies de saint Sever et de ses compagnons, mar-
tyrs, qu'ont publié les savants et regrettés éditeurs de Historia SancU Severi,
MM. Pédegert et Lugat, et dont, après exament critique approfondi, ils font
remonter l'origirie au x' siècle. » (Breuils, ibid., p. 435.)
Qu'on nous permette ici d'évoquer avec une respectueuse admiration la
belle personnalité de l'abbé Breuils que nous avions vu quelques heures
seulement chez le meilleur et le plus méritant de nos amis communs, l'ex-
cellent Philippe Tamizry de Larroque. Peu de mois après cette rencontre,
il était emporté en pleine force, en plein talent, « peut-être victime de son
amour du travail », a dit M. Iholin qui l'apprécie en ces termes : « Cet éru-
dit excellait à mettre en œuvre les documents, à dégager de leurs formules
toutes les parties substantielles ; les traits s'appliquant à l'histoire d'une
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— 2:tô —
Suit, une longue digression sur Thisloire du pays. Un sieur de
Ro(|uépine était seigneur de Gueyze et de Meylan, au xvi* siècle.
Ses litres sont aux archives de Sos et dans les mains de M. de Méti-
vier. De 1568 à 1587, pour cause de guerre, « les délibérations ne
purent avoir lieu, comme cela est constaté par les archives de la
ville ». Le 25 octobre 1670, un de Roquépine vendit une lettre de
recommandation • pour rinlendant d' Auch à la municipalité de
Sos. Sa protection fut d'ailleurs inulîle. En lî)20, 1621, un sieur
Renaud cle Losse, seigneur de Pondamat, était gouverneur de Sos.
Le 12 octobre 1020, les habitants présentèrent une requête au Con-
seil du Roi en plainte contre ce gouverneur. Le maître de requête
Morie, envoyé de Pau, en (jualité de commissaire, remit en d('»pôl
le chAteau entre les mains du sieur de Lamothe-Gondrin et Four-
cés. Mais celui-ci ayant laissé Pondamat, les habitants de Sos re-
nouvelèrent leurs plaintes, en février et mai 1621, parce que Pon-
damat les avait de nouveau obligés de quitter la ville. xMolère, vice-
sénéchal d'Agenais et Condomois, lut chargé «le remettre les con
suis, jurais et habitants de Sos, en possession de leurs maisons,
droits, titres, ejc. Deux satellites de Pondamat furent arrêtés, et
le capitaine Lébé fut nommé gouverneur avec vingt-cinq soldats
entretenus par. la ville.
A la suite de ces faits, par arrêt du Conseil du 4 septembre 1622.
rendu au camp devant Montauban, le gouvernement de Sos fut
ville, à la biographie d'un personnage ; des ensembles, de vrais tableaux,
quand il avait la chance d'opérer sur un fond étendu. Pour lui, la période de
préparation, toujours si ingrate, si longue, était terminée. Il était prêt ; il
abordait les grands sujets. Sa perte est irréparable pour son pays de Gas-
cogne qu'il a tant aimé, pour sa paroisse, pour ses nombreux amis. » (Revue
de VAgenais. 1890, p. 264.)
Un des grands sujets qu'il aimait d'aborder était la géographie antique
de son pays et il s'y signalait par une découverte capitale, l'identification de
VElusa romaine avec la Tasla de Plolémcc. « A ce m(Jtnent même, écrit
M. Tholin, M. Hirschfeld communiquait à l'Académie de Berlin un mémoire
sur les peuples Aquitains, qui abonde en aperçus originaux, d'après des
corrections ou de nouvelles interprétations de textes. Entre autres, il recon-
naissait que les Dalivi, dont la capitale était Tasla, cités seulement par
Plolémée, n'ont pas existé sous ce nom. La leçon etri mauvaise. Il faut lire
Elousatioi et conclure qu'Eause a porté le nom de Tasta. Ce fut une joie
pour le savant allemand d'apprendre que sa conjecture fortement motivée,
était mise hors de doute par la découverte de M. l'abbé Breuils. // voulut
aussi connaître le mémoire que notre conlrère si regretté avait consacré à
la question des Sotiates. // apprécia d'autant plus cette étude que sa conclu-
sion AU sujet des Sothtes est la même que celle en faveur de laquelle
M. l'abbé Breuils avait produit de nouveaux arguments. Les Sotiates, d après
luiy doivent être placés aux enmrons de Sos, ne se conlondent pas avec les
Laetorales dont le territoire parait avoir été de peu d'étendue. Lectoure
aurait été avant tout un lieu de dévotion du culte taurobolique impérial et
peul-èlre de domaine impérial. » {Ibid. p. 268.) On ne méconnaîtra pas
l'importance d'un pareil témoignage, qui prouve le peu d'impression produit
par le travail de Camoreyt sur les savants véritablement compétents en la
matière. J. M.
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— 236 —
supprimé, et la démolilion du rliAteau ol des défenses des portes
ordonnée aux frais des habitants, Uoquelaure fut chargé de l'exé-
cution de Tarrét ; il en ordonna Texécution le 18 novembre sui-
vant.
Pendant les troubles de la Fronde, de tels dégâts furent faits «
Sos que la princesse de Conti donna 2,10) livres pour réparer les
dommages occasionnés par les soldats des princes qui étaient res-
tés dix-neuf jours à Sos. Les habitants reconnaissants fondèrent
un service annuel, le 4 novembre, en mémoire du prince de
Conti.
Le pont de Sos, sur la Gélise, au bas de la rampe du midi, est
en partie détruit ; ce qui en reste pourrait bien remonter à une
époque très reculée (1).
Le moulin de Sos, situé au bas de la rampe de la chaussée occi-
dentale, était aussi fortifié et devait de ce côté défendre les appro-
ches de la ville (2).
(1) Le pont dont parle le marquis de Mélivier subsistait encore, il y a une
trentaine d'années, tout en ruines et paraissait dater du moyen-âge. Le
moulin est du xv* siècle, d'après un renseignement de M. Tholin ; il est
construit en moyen appareil et muni de meurtrières ainsi que d'échaugueUes.
I.c pont jeté sur la Gueyze, à côté, est probablement de la mf*mc époque,
il a trois arches en cintre brisé, et ses piles sont munies d'éperons en aval
et en amont.
J'ignore à quel pont se rapporte la no(c suivante prise dans la Hevue
d'Aquitaine, t. ii, 1858, p. 308) : « Dans la démolition d'un pont, à Sos, on a
trouvé, il y a quelque temps, des médailles et des épingles romaines. »
Ceci me remet éi\ mémoire une découverte qu'a ^gnalée M. Barthalès
« au Béat, moulin de cette roule (la Ténarèze) de quelques pièces de mon-
naie ayant appartenues aux Phocéens de Marseilles {Les Sotiates^ etc.,
p. 9). Cette trouvaille fut faite vers 1850. J. M.
(2) J'ai supprimé quelques lignes peu intéressantes sur la décadence de Sos,
par contre, je me fais un devoir de reproduire l'agréable paragraphe que
Lafont du Cujula a consacré à la vieille cité, dans son Annuaire ou deserip-
lion statistique du département de Lot-et-Garonne (Agen, 1806, pp. 74-75) :
« Sos, petite ville traversée par le (sic) Tenarèse, et située sur les confins
des grandes landes, est le marché où viennent s'approvisionner les habi-
tants de ces contrées.
« Sos domine sur un vaste horizon, dont l'aspect est très pittoresque à
cause des coteaux qui offrent le spectacle varié de différentes cultures, et
par les petites rivières qui coulent au bix< de ces coteaux. Un château fort
défendait la ville contre les attaques et la préservait des surprises. Aucun
vestige d'anciens monuments ne vient à l'appui de l'opinion qui fait de la
ville de Sos la capitale des anciens Sotiatcs, vaincus par Crassus, lieutenant
de Jules César dans les Gaules. Quelques géographes placent ce peuple
dans le diocèse d'Aire ; d'autres auprès de Lectoure. La conformité de nom
s'accorde avec le sentiment du plus grand nombre.
« L'habitude de la bonne chère, la gaîté et l'amour des plaisirs, à quoi
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Fontaines, obiel de dévotion et d'un culte
Non loin de Sos, au levant, au fond d une vallée el au pied d'une
cascade, est une grotte dont la voûte présente des aspérités ressem-
blant à des mamelles jetant chacune sa goutte d'eau, se trans-
formant en slalactiles ou stalagmites. Il y a une grande entrée et
une petite issue près de laquelle est un trou plûin dVau dans lequel
les femmes qui vont par dévotion adresser leur prière à la Vierge
pour obtenir de quoi allaiter leurs enfants, déposent quelques piè-
ces de monnaie h titre d'offrande, après avoir, avec ferveur, récité
la prière d'usage et emporté une bouteille de cette eau ; ce lieu
est appelé à las Poupettos (1).
Près de l'église de Saint-Georges est une fontaine où vont aussi
par dévotion ceux qui ont des panaris ; ils récitent les prières
d'usage, plongent le bras jusqu'au coude dans la fontaine, s'endor-
ment sur le bord et se croient guéris à leur réveil, car il paraît que
l'action de cette eau a fait diminuer le mal en hâlant la fin de
l'inflammation. Cette église, qui dépendait de la juridiction de
Sainl-Pau, a été aussi vendue et détruite pendant la Révolution.
A Sanl-Pé, le jour de la fête locale, le l*' juillet, les personnes
(jui ont des clous ou furoncles, vont, après les prières d'usage,
baigner la partie malade dans cette fontaine. Ceux qui ont des
engourdissements <les jambes en font autant.
A Baudrit (Landes, frontière de Lot-et-Garonne), est une l'on
laine où l'on va plonger les enfants le jour de la fêle locale de
S«iint-Cric, lorsqu'ils ne peuvent faire usage de leurs membres.
A Saint-Pau, il existe une fontaine appelée la Houn dous Santn ;
elle élfiit invoquée par les fiévreux.
a peut-être contribué le Chapitre qui existait à Sos, rendent celle petite
ville plu.s agréable et plus intéressante que sa populatibn de 749 habitants
ne le fait présumer. » J. M.
(1) Ne voulant, autant qu'il est en noire pouvoir, négliger aucun de ceux
qui ont parlé des antiquités solialcs, nous avons longtemps cherché en
vain dans YHistoire politique, religieuse et liUérairc des Landes, de P.-H,
Dorgan (Auch, 1846), un prélexte ; nous le trouvons enfin (p. 356) et c'est un
quasi plagiat du texte de notre archéologue, à propos de la fontaine de
Iais Poupetos et de celle de Saint-Georges ; aussi M. de Métivier se rencon-
Ira-t-il, pour une fois, en communauté d'idées avec Samazeuilh au sujet de
l'auteur de l'histoire des Landes dont il proclama « l'ouvrage bien inexact ».
{Errata, p. 20.) J. M.
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Il existe encore une fontaine, près de Téglise de Saint-Julien,
non loin de Mézin, qui était aussi un objet de dévotion.
' Généralement, l'esprit religieux qui porta à élever des temples
à la divinité, les plaça près des fontaines auxquelles la crédulité
donna quelque vertu ou quelque puissance, et que les traditions
populaires, qui ne sont pas à dédaigner pour l'histoire des nations,
nous ont transmises. C'était peut-être aussi un reste du cuite drui-
dique qui aurait sunvécu à la destruction du paganisme dans les
Gaules (1).
Cette dernière phrase amorce un long chapitre sur les Druides,
dont il faut retenir seulement Tavant-dernier paragraphe.
Cet usage de cueillir le gui au renouvellement de l'année, se re-
trouve encore dans nos contrée. Quelques jours avant la fête de
Noël, les jeunes paysans parcourent les campagnes, la nuit, en
(1) Il faut déplorer que M. de Métivier n'ait pas cru devoir parler dans ses
notes sur les coutumes populaires du pays Soliale, des curieuses foires de
chevaux traditionnelles qui se tiennent régulièrement depuis un temps im-
mémorial en pleine forêt, loin de tout centre habité. L'abbé Breuils a eu
rhonnoui\de los signaler et d'en comprendre toute l'importance :
(( Les Sotiatcs se distinguaient surtout par leur cavalerie, dit-il (Revue de
Gascogne^ 1895, p, 289). Or, la région de Sos produit encore, principalement
dans jes pâturages landais, d'excellents chevaux en très grand nombre,
donnant lieu à un commerce très animé, notamment aux foires de Saint-
Jacques à Saint-Justin (Landes), de la Saint-Louis à Sos, et du 16 juillet à
Pellcbusol, entre Losse (Landes) et Allons (Lot-et-Garonne).
« Celte dernière offre d'ailleurs une telle et si excessive singularité que
nous devons nous attacher un peu à la faire ressortir. Cette singularité
consiste en ce que le champ de foire se trouve situé loin de toute habitation,
au milieu d'un désert ; en pleins bois, sur un ancien chemin isolé qui marqua
jadis la limite des diocèses de Condom et d'Auch, et, plus anciennement
encore, de ceux d'.Agen et d'Eause, et demeure encore la frontière des Lan-
des et du Lot-et-Garonne. Ce lieu est marqué dans la carte de Cassini sous
le nom légèrement fautif mais très reconnaissable, de Peterbusoq^ et la carte
indique aussi, à sa manière, la vaste et profonde solitude qui l'environne et
(jue trouble seule, une fois par an, la foire du 16 juillet. C'est ce pays qui,
vers le nord principalement, avec Allons, Houeillès et Durance, était connu,
au moyen-âge, sous le nom de barounie des Lugu.es. Ainsi, dès la plus
haute antiquité, cette contrée du pays sotiale nous apparaît comme couverte
d'épaisses forêts et possédant néanmoins, parmi ses vastes pinadaSy une
foire très renommée. On connaît un autre fait de ce genre dans l'ancien
l)ays du Tarbelli, non loin de Dax, à Bourrios, où se réunissent annuelle-
ment, pour leur commerce, des milliers d'habitants du Marensin. Les érudits
croient que c'est là un reste des usages gaulois qui s'est perpétué à travers
les siècles, et comme un souvenir des temps antiques où la libre Aquitaine
tenait ses assemblées au fond des bois. Cette foire de chevaux, en plein
pays soliate, paraît donc remonter à l'époque de l'oppidum. » J. M.
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chantant une chanson, visitant toutes les habitations pour qu*on
leur donne de quoi célébrer la Gui Van neou (c'est ordinairement
de la farine, du vin, de l'argent), ce qui rappelle le mot sacramen-
tel prononcé par le sacrificateur lors de la découverte du gui : Au
gui Van neu[, traduit en gascon par ces mots : Gui Fan neou.
Lac. — Naou Peyrés. — Peyre Soûle.
Dans la commune de Saint-Pau, vers le nord, près des limites
de la commune de Réaup est un lieu appelé à las Naou Peyres,
silué au milieu des bois, le silo en est sauvage, il s'élève un peu
plus (jue les terres environnantes. Jadis un amas de pierres énor-
mes, dans l'état brut, couvrait ce terrain ; neuf de ' ces pierres
étaient distinctes des autres comme plus grandes et séparées les
unes des autres. Quelques-unes formaient un dolmen. Ce terrain
ne paraît point avoir été jamais cultivé, et il était vénéré par le
peuple comme ayant autrefois été un cimetière.
Non loin de là est une grande pierre aussi dans l'état brut ; on
l'appelle la Peyre Soûle. C'était là, dit le peuple, qu'était la
croix (1).
(1) Oucourneau, dans la Guienne historique et monumentale, a parlé deux
fois des monuments décrits ci-dessus. D'abord (t. i, p. 4) il mentionne Texis-
lence d'un « menhir qu'on appelle Peyre-Soule, au milieu d'une plaine en
friches et d'un aspect sauvage », non loin d'un bois de chênes et de la
iMQue de sans (ond dont il transcrit mot à mot la légende telle qtie l'écrivit
l'auteur de la Dissertation. Puis il ajoute : « La Peyre soûle pourrait bien
être un débris de lichawen ou potence qu'on retrouve quelquefois en avant
des dolmens ou des cromlecks. Or, la Peyre soûle n'est pas éloignée du
cromleck de Saint-Pau, et le peuple l'appelle la Croix. » Un peu jilus loin,
(p. 10), parlant du cromleck de Las Maou Pcyres, il dit que c'était peut-être
là que les chefs allaient délibérer sur les intérêts de la tribu ou administrer
la justice, et il ajoute : « En admettant que la Peyre soûle ou la Croix fut la
potence où l'on pendait les criminels, l'exécution suivait de près le juge-
ment. » Ainsi, pour Ducourneau, la Peyre soûle était très voisine du cercle
des neuf iiierres. C'est ce que confirme Tabbé Harrère iHistoirc religieuse
et monumentale du diocèse d'Agen, t. i, pp. 5 et 0). Voici ses propres ex-
pressions : « On en voit un troisième (menhir) dans la commune de Meylan,
non loin des débris d'un kromleck.... Ce monument circulaire était formé
d'un assez grand nombre de pierres dont neuf principales dominaient les
autres. Les habitants de la contrée le désignaient sous le nom de las naou
peyros, comme ils appellent du nom de peyro soulo le menhir solitaire qui
se dresse plus loin à une certaine distance du kromleck. »
On aurait donc tort d'attribuer ce que dit M, de Métivier de la Peyre
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— 24Û —
Enfin, au couchant de las Naou Peyres, à cinq cents pas envi- '
ron, est un lac que la tradition populaire, pour justifier l'existence
d'un cimetière à las Naou Peyres et d'une croix à Peyre Soûle,
considère comme ayant remplacé une église ensevelie à la suite
d'un tremblement de terre, pendant qu'en disant la messe le célé-
brant, grand chasseur, ayant entendu les aboiements d'une meute ,
^)e put s'empêcher de s'écrier : que si un de ses chiens qu'il nomma
Bellaoude (Voir Abellion, au Dictionnaire Mythologique) était de
la partie, le lièvre était pris. (Le peuple rend l'expression d'une
manière plus grossière), et il croit que c'est en punition de cet ou-
bli des devoirs du pasteur (jue l'église et les assistants furent en-
gloutis. (Il semble que la table du roi Arlus est rappelée ici) (1).
Soûle au mégalythe que Ton désigne aujourd'hui sous ce nom et qui sçrt de
borne aux communes de Meylan, Réaup, Durance et Arx. M. Tholiii, dans
les notes que nous avons déjà utilisées distingue très nettement ces deux
monuments. Nous pouvons préciser, d'ailleurs, la position exacte de la
pierre de la croix relaliveraenl au cercle de pierres, grôce à une note de
l'abbé Dardy {La Légende du Sud-Ouest Atjennis sous les Derniers Mérovin-
fjiens el Charlematjne. Paris, 188*2, in-12, p. 219, note) contrôlée par les sou-
venirs d'habitants de Saint-Pau. « Deux menhirs, chacun appelé peyro soulo
ou croix placés à égale distance du cromleck, s'élèvent h peine de quelques
cenlimélres au-dessus du sol.... Dislancés entre eux de quatre cenls mètres
environ, au solstice d'été le milieu d^^ parcours qui séparait les deux menhirs
occupés par le cromleck, se trouvait pour l'étang, dans l'orientation du
soleil levant.... »
Ce qu'on appelle actuellement la Peyro Soulo a été mesuré et décrit par
M. Ch. Hastard dans la Revue de l'Agenais (1911, j). 143). Quand M. Tholin
la visita il constata qu'elle n'était pas isolée ; il trouva des restes d'autres
pierres levées distants de 3 m., G m. 40 el 8 mètres, sur une ligne tendant
vers l'esl. D'après l'abbé Dardy, la Peuro Soulo serait une allée couverte ;
toutefois, il n'en est pas très sur puisque, trois lignes plus bas, il dit que
c'était un autre cromleck {loc. cit. p. 214, note 1). Sa description toulefois
se rapproche assez de celle de M. Iholin. « De cette allée couverte, il reste
aujourd'hui une pierre fruste d'assez imposanie dimension et deux plus
l»eliles dont la base est seule apparente.... )> Un autre menhir subsiste encore
à trois cents mètres environ de la Peyro SouiOy sur l'autre rive de la
Ciueyze. J. M.
(1) J'éclaircirai celle remarque, fort judicieuse d'ailleurs, en mettant sous
les yeux du lecteur, quelques lignes de la Statistique générale des dépar-
tements pyrénéens qu'avait lues certainement M. de Métivier. On ne com-
prend bien un auteur qu'en recortranl aux sources où il a puisé : « Presque
tous les paysans du Médoc, des Landes, du Comminge, assurent qu'ils ont
souvent entendu dans l'air, soit en plein jour, soit pendant les belles nuits
d'été, le jappement d'une meute de chiens, le .son du cor et les cris d'une
nomiirrnso Iroupc ; cV sont, diM'nl-ils, des fjV/uV.s, des Hoi-s^ des Guerriers,
qui aimaient la chasse, et qui se livrent encore h cet exercice ; le plus sou-
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— 241 —
Ainsi Dieu aurait puni les ouailles de la faute de leur pasteur ! La
crédulité prétend encore que Ton entend des gémissements sortir
du fond du lac et que pendant la nuit, au clair de lune, paraît un
homme rouge. Toujours du merveilleux !
Sans nous arrêter à cette tradition (qui n'a été ainsi contée que
parce que le peuple ne pouvait, par ses connaissances, se reporter
vent, c'est Artus qui poursuit sans cesse une proie qu'il ne doit pas attein-
dre.
« Fameux dans les légendes populaires de ces contrées, Artus mérite
d'occuper aussi une place dans les écrits relatifs à la mythologie du moyen-
âge ; il possédait toutes les vertus d'un bon prince, et il était vaillant dans
les combats. Une seule passion, poussée à l'extrême, celle de la chasse,
obscurcissait, disent les Landais, les brillantes qualités de ce monarque.
Un jour de fête solennelle, Artus fut averti qu'un sanglier monstrueux
paraissait à une médiocre distance^ du temple ; la sainteté de la cérémo-
nie, l'amour de la religion, ne purent retenir Artus; il sortit, et ayant saisi
un épieu, il courut vers le sanglier. Le ciel, irrité du peu d'attachement
qu'Artus avait montré pour le culte, en cette occasion, résolut de le punir,
et ce Roi fut condamné à chasser éternellement, et en vain, dans les vastes
plaines de l'air. » (Du Mège, loc. cit., t. ii, p.Ji54.^
n est au moins intéressant de noter que, entre Sos et Meylan, est un lieu
dit appelé le bois des Guerriers.
La légende de « la chasse saucage d, sous des noms divers, se retrouve
dans tous les pays de forêts et de montagnes ; Victor-IIugo s'en est servie
pour sa Léijende du Beau Pécopin, et Henry ïleiiic oh a tiré un des plus
jolis épisodes de son poème iVAUa-Trol ; nombre de folk-loristcs l'ont atten-
tivement étudiée, mais ils me paraissent avoir généralement ignoré les
récits landais dont la léfîcnde de la Laqua sans lohd est un très intéres-
sant spécinient, coniinc aussi le si curieux passage du lîsbals sur le pays
du Quercy du bon vieux Guyon de Maleville que nous croyons utile de
reproduire ici, loi (ju'il fui écrit à l'aube du xvii' siècle : « Des milliers de
contemporains survivans à nostre roy Charles le Quint ont souvent veu, et
de jour et de nuict, durant grand nombre d'années, l'âme d'icelluy feu roy
et de plusieurs de ses chevaliers et officiers, ministres de quelques siennes
injustices, el dœmons peslcmcsles les tous, en forme de gens à cheval
marchant tantost par les champs descouverts, tantost par grands chemins
el à Iravers villages, et le plus souvent par les forés, <»res en sorte de ve-
neurs, avec grandes huées et rumeurs, sons de trompe et aboy des chiens,
ores en gens de guerre tous couverts de fer, s'entrechamaillans, sons de
trompettes, cliquetis d'armes, courses et contours de chevaux, croslement
de terre, tourbiUons de vents, eslèvement de poussière, gresle et mugisse-
ment d'air ; et devinrent tels spectacles si notoires et communs, que, sans
(|u*OH >:'on esmul beaucoup, on les mmunail ou tous les tiuartiers on on
parle français, les Harlequins pour dire les Charlequins, ou la Mesnie de
Charles le Quint j>
{Bsbats de Guyon de Malenille sur le Pays de Quercy. Cahors 1900, gr.
in-8% p. 416. ) J. M.
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— 242 —
plus loin que le christianisme), tâchons d'expliquer différemment
ce que sont ce Lac, ces Naou Peyres, cette Peyre Soûle (l).
Quant au lac, il est très grand, n'ayant jamais ni plus ni moins
d'eau qu'il y ait pluie ou sécheresse ; il est d'une profondeur telle
que l'on dit généralement qu'il est sans fond (les paysans l'appel-
lent la Laque de sans fond), et qu'une corde qui avait entouré
douze fois le chàleau de Saint-Pau n'avait pas été assez longue
pour aller au fond.
Dans tout cela, il y a de l'exagération et de la vérité. Que ce soit
une église, un loniplo, une maison, un village, peu importe; il n'est
pas moins certain (juc l'enfouissement a pu avoir lieu par suite de
rinfiltralion des eaux qui se trouvent sous cette lande et dont une
partie se sera affaissée et aura formé ce lac. Ce qui explique mieux
ce phénomène est un affaissement qui vient d'avoir lieu il y a six
mois, H cent pas au nord de ce lac et qui présente une cavité sem-
blable à un puits ; que, vers le nord, existent deux ravins immen-
ses et très profonds, au fond desquels coulent deux ruisseaux, et
qu'enfin dans la même direction, et au même niveau de ces ruis-
(1) Comme on a pu le voir dans la notice qui sert d'introduction à ce
travail, le vicomte de Métivier n'avait pas craint la dépense d'une assez
forte brochure pour ridiculiser l'auteur de Nérac et Pau. Aussi SamazcuiJh,
comme on peut s'y attendre, nourrissait-il une forte rancune contre le
châtelain de Saint-Pau, et celte rancune lui fît systématiquement nier l'exis-
tence du cromleck de Las \aoii Peyres. « C'est, dit-il, {Dictionnaire de
V arrondissement de Nérac, p. 246), M. Métivier, propriétaire du château de
Saint-Pau, dans la commune de Meylan, qui a parlé le premier de ce
cromleck (sic) et des menhirs de Saint-Pau et de Meylan, son patriotisme
de clocher s'exagérant, à notre avis, Timportance de ces pierres donl^ la
disposition peut ne provenir que du hasard ou de quelques démolitions. »
l'augère-Dubourg, en rééditant le Dictionnaire de Samazeuilh, protesta
contre celte opinion : a Nous sommes loin, dit-il en note des lignes ci-
dessus, de partager Topinion de M. Samazeuilh, en ce qui touche le crom-
leck de Saint-Pau, malheureusement disparu aujourd'hui. Le dessin publié
pat* la Guienne monumentale ne laisse pas le moindre doute à ceux qui se
sont occupés de sciences préhistoriques, sur le caractère de ce monument.)^
Samazeuilh, d'ailleurs, étant convaincu que de tels monuments étaient
d'origine druidique, était logique en refusant d'admettre leur existence
dans un territoire aquitain. « Les peuples de l'Aquitaine de Jules César
étant Ibères d'origine, nous ne devons pas y (à Meylan) trouver beaucoup
de ces restes qui appartiennent spécialement à l'ancienne Celtique », et le
raisonnement serait juste, si les monuments mégalithiques étaient celtiques,
et druidiques par dessus le marché, ce que personne ne croit plus depuis
plus de quarante ans. J. M.
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— 243 —
seaux, est une source sortant de terre et jetant au moins un pied
cube d'eau. On la nomme Arbouridère (1).
Je ne pense pas que ce lieu ait jamais été assez habité pour y
construire une église. Cependant, j'ai trouvé, Tan dernier, en fai-
sant une prairie, des fondements de murs, de tours, formant une
enceinte assez considérable, non loin de las Naou Peyres, Les tra-
vaux sont actuellement suspendus. Je me propose de les conti-
nuer. Ce lieu se nomme Loubère. Mais la circonstance relative à
l'église, et due à l'imagination du peuple, ami du merveilleux,
n'a pas seulement contribué à la formation de ce lac.
Quant à las Naou Peyres^ je les considère comme les restes d'un
monument druidique.
On sait que c'était dans les forêts que les prêtres (les Druides)
exerçaient le culte de leur dieu Tentâtes ; que c'est à ce dieu qu'ils
sacrifiaient des victimes humaiaes, des chiens, des chevaux. « Son
« culte se célébrait au clair de la lune, ou à la lueur des flambeaux,
« hors des murs, sur des lieux élevés, ou dans d'épaisses forêts. »
C'eût été une profanation de labourer le champ des cérémonies
et, pour empêcher cette profanation, on le couvrait de pierres d'un
volume énorme. « Voilà l'origine de ces amas de pierres dont on
découvre encore les restes en certains endroits. » (Voyez Diction-
(\) L'auteur est probablement dans le vrai en attribuant à un affaisse-
ment du sol la formation du lac sans fond, comme le veut la légende ; cette
légende appartient à un groupe, fort connu, des folkloristes gui s'accordent
pour y reconnaître des témoignages poétiques d'événements provoqués par
des causes purement géologiques. Il est d'ailleurs intéressant de constater
que les deux petits lacs de la commune de Pindères, toute voisine de Sob,
ont des légendes analogues. Je les résume d'après Samazeuflh. Le lac de
Pinderesse occupe l'emplacement de la ferme et des bergeries d'un mau-
vais riche qui avait refusé de donner du pain à je ne sais quel céleste
mendiant. Ce thème a été varié de mille manières et se retrouve dans
l'Europe entière. La légende du second lac est moins banale ; la voici :
« Une jeune landaise avait été Oancée, contre son gré, à un vieillard. Au
moment où, la veille des noces, elle vit approcher le cortège qui conduisait
à son logis son lit et sa quenouille, elle voua le tout au démon, sa personne
même comprise, et soudain se forma un lac, dans lequel s'abîmèrent et la
fiancée, et les donzelles, et le cortège entier. Il ne surnagea que le lit de
la fiancée avec quelques mèches de ses cheveux. Les landais reconnaissent
ce lit et ces cheveux dans un îlot recouvert de quelques joncî^, lequel flotfe
sur le lac au gré du vent. Quelquefois il arrive qu'un cheval s'élance des
bords de ce bassin sur cette moderne Dé/o,s, et que, par l'effet de la se-
cousse, ^ou^ leyt de la nobi s'éloigne et transporte au milieu du lac l'animal
désappointe. » (Saniazcuilh. Dictionnaire, géogr.^ litt. et arcfiéol. de larrond.
ie Sérac. Nérac, 1881, p. 583.) J. M.
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naire mythologique, mois DruideSy Teuiatès ; Histoire des religions;
(Commentaires de César.)
Cela rrexplique-l-il pas suffisamment (|ue las i\aou Peyres sont
un monument druidique ? Les temps modernes lôs ont peu respec-
tées depuis \ingt ans. On les a presque toutes enlevées, il n'en
reste i\nc quatre ou cinq, mais elles existaient avant cette époque,
et cette existence est constatée par des témoins oculaires vivant
encore, et par l'acte des commissaires du Roi de Xavarre, qui ven-
dirent, en 1587, la terre de Saint-Pau (1); elle est encore constatée
par tous les cadastres, livres terriers et litres qui déterminent les
limites de la terre de Saint-Pau. Je me rappelle les avoir vues, il
n'y a pas vingt ans.
J'allège ici la dissertation d*une interminable digression sur les
sacrifices humains, le nombre 9, les dieux Thor et Odin, etc. dont
les éléments ont été empruntes au Dictionnaire mythologique et à
{Histoire des religions, dont M. de Métivier semble s'être beaucoup
servi.
Grottes, chambre des Fées.
Dans l'avant cour du château de Saint Pau, qui fut vendu le 20
janvier 1587 par le commissaire du Roi de Navarre, on trouve à
droite et à gauche deux massifs de chênes anti(|ues. Sous l'un
d'eux sont creusécîs dans le roc deux chambres où l'on descend au
moyen d'escaliers creusés aussi dans le roc ; elles sont exi)osées
au midi. La mythologie populaire regarde ces chambres comme
(1) Il îjcrail Irè.s inléressaiit de coiinaîlre avec préci?iioii les termes eiii-
ployrs iMuir do>i^iicr W. cniiiiJcck de Las \aou Peijres piir \cs conii|ii8s:jir(*s
du roi de Navarre, qui furent chargés en 1587 d'opérer la vente de la terre
de Saint-Pau. On sait, en effet, combien sont rares les textes manuscrits et
imprimés antérieurs au xix' siècle, où sont mentionnés les monuments mé-
galithiques. J'en ai publié plusieurs, il y a déjà longtemps, et j'ai pu en
i.oirr qiioIqiK's aulros drpuis en vin* d'un Iravaii d'ensemble sur ce qu'on
pourrait appeler le Préhistorique avant la PrétUstoire ; on peut les classer
>ous cinq rubriques différentes :
1' Sources religieuses proprement dites : légendes des saintî^, prescrip-
tions contre l'idolâtrie, etc. ;
2' Textes notariés : bornages de fiefs, etc.;
3^ Textes littéraires, de Rabelais à Ch&teaubriand ;
i' L)issertalions historiques et arciié<)l(>fji(|ues, de Geraldus Canibrensi>
ou comte de Gaylus ;
5' H^•cllerclle^. des i)lnlu.-uphes et d<\« naturalistes.
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— 245 —
la demeure des Hades, Hadettes (fées); on les appelle Las crambes
de las Hadettes. L'imagination du peuple, toujours enclin au mer-
veilleux, est pleine de l'idée que ces êtres fantastiques étaient,
comme les Dames blanches de l'Angleterre, placées dans le voisi-
nage des châteaux pour veiller sur ceux qui les habitaient (1).
Parmi les contes que font les vieillards, et notamment une vieille
femme domestique, qui, de même que tous ses aïeuls, est née et
veut mourir au château de Sainl^Pau, on dit que les Hadettes fai-
saient la lessive de leur linge le jour, et le faisaient sécher à la
clarté de la lune, (■etlc femme ne parle qu'avec une crainte res-
pectueuse des Hadettes et de leur demeure. On croyait aussi jadis
que la fée Mélusine était la prolectrice de la maison de Luzignan.
A quelques pas de ces chambres, au levant et devant les gran
ges et les élables, je fis creuser dans le roc, il y a environ deux ans,
pour y pratiquer une cour à fumier. L'ouvrage près d'être termi-
né, l'outil dont se servait le carrier, rencontra, au lieu de pierre.
(1) Les souterrains que découvrit à Saint-Pau M. de Métivier ont été quel-
(lue temps célèbres, dans le monde archéologique, par la très vive discus-
sion qui s'engagea à leur sujet entre le docteur Jean-Baptiste Noulet, de
TuuIcMir^e, et mon vieux maitre Devais atné, de Montauban. Celui-ci avait
étudié quelques très anciens souterrains du Tarn-et-Garonne et, aprèe de
sagaces et minutieuses observations, il proclama que c'étaient bien des habi-
tations et qu'elles remontaient à l'époque de la pierre polie. Son premier
travail sur ce sujet fut publié, si je ne m'abuse, dans le recueil de la Société
archéologique du Midi. 11 n'eut pas l'heur de convaincre M. Noulet qui pu-
blia, en 1869, ses objections dans un opuscule intitulé Lettre à M. Capgrand
sur les Cryptes (V approvisionnement de Saint-Pau (Lot-et-Garonne), où iî
étudiait tout particulièrement les souterrains reconnus par M. de Métivier.
Devais liposta par une Lettre à M. Noulet datée du 5 mars 1870, où il main-
tenait son point de vue général, mais abandonnait au docteur les grottes de
Saint-Pau. Celui-ci riposta en 1872 par une nouvelle brochure intitulée
Conlribulions à lliisloire des Cruples d'approcisionncmenl du Sud-Ouesf de
ta Francp, où il rééditait ce qu'il avait déjà dit sur les cryptes de Saint-Pau
qu il eut le malheur de vouloir comparer aux scrfome de? anciens Germains.
■ La répartie de Devais fut foudroyante; elle e.^^l intitulée Ih^fulalion dm
contributions à l'histoire des Cryptes d'approvisionnement du Sud-Ouest
de la i'rance, etc., et se termine par un retour aux soulcrrains de ^^ai^t-
Pau proclamés habitations véritables puisqu'on ne pouvait les fermer qup
de l'intérieur seulement. Les plans mêmes publiés par le docteur Noulet
prouvaient irréfutablement ce fait capital ; aussi notre vieux professeur e?
ami n'aimait-il guère, dans les dernières années de sa laborieuse vie, a
parler des cryptes de Saint-Pau et surtout de l'archiviste montalbanais
Devais qui s'était peut-être un peu trop vaillamment défendu ; aux deux
pécheurs miséricorde, puisqu'ils travaillaient pour la science et avec un
mutuel et entier renoncement. J. M.
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— 246
de la terre meuble. Je fis à Tinstant fouiller, et je trouvai l'entrée
d'un souterrain, ensuite un escalier en spirale, et enfin, deux cham-
bres dont une petite à droite, et celle de gauche très grande. En dé-
blayant les terres amoncelées à l'entrée au souterrain, je trouvai
le bois et les ossements d'un cerf.
Pont du Héy ou de VEnchanleur.
Les forêts placées dans les vallons, dans les gorges, étaient les
séjours préférés, suivant l'histoire et la mythologie poi>ulaire, par
les Druides et les êtres fantastiques qui, sous divers noms, peu-
plaient ces contrées, et dont le souvenir est encore dans l'imagina-
tion des paysans. Aussi ne doit-on pas trouver étonnant que quel-
ques-unes de ces dénominations aient été données à quelque posi-
tion, à quelque passage dont la difficulté du travail ferait croire
que pour l'opérer il fallait la puissance d'un génie surnaturel.
Ainsi on trouve dans divers vallons étroits et profonds comme des
ravins, des endroits où le passage (de l'eau) est plus facile. Là le
roc ou l'argile ont résisté aux eaux qui ont ouvert ce vallon, tan-
dis qu'au-dessus et au-dessous la gorge se dessine et offre un ruis-
seau coulant paisiblement et par un trou imperceptible sous cette
espèce de pont de pierre ou de glaise, d'une largeur à pouvoir
passer plusieurs charrettes de front ; ouvrage dont la nature a fait
les frais sans le secours de ces êtres fantastiques qui, ainsi que je
l'ai dit, existent encore dans l'esprit de nos paysans.
A Pénougué, le passage de l'eau est inaperçu ; il semble qu'on
ait percé sous ce pont, à l'aide d'une tarière. La difficulté d'une
semblable communication a fait croire à rinter\'ention d'un être
surnaturel, et la situation fantastique de ce lieu lui a fait donner le
nom de Pont du Hé, c'est-à-dire pont du Magicien, de l'Enchanteur.
On retrouve une semblable dénomination donnée à un même
genre de pont placé sur un ravin ou vallon fermé d'arbres épais,
qui sépare les communes de Nuipeau et de Saint-Martin d'Albrel.
Cependant le passage du ruisseau est ici plus apparent qu'à Pé-
nougué. Mais le nom de Po;i^ du Hé est aussi donné à cette portion
de rocher qui forme un pont sur ce ravin, et une propriété voisine
a tiré son nom de cette mythologie de nos campagnes (1).
(1) Puisque l'auteur s'arrête ici aux légendes, nous allons en donner une.
peu cummune, pensons-nous, sur la fondation de Sos ; nous rempruntons
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Chêne enchanté.
Digression sur la forôt enchantée du Tasse, sur les Dryades, les
druides, etc.
11 y a dans la belle avenue de chênes de la maison de campagne
de Morcau, à Lévège, un de ces arbres creux, et dont l'ouverture
est béante ; c est dans ce trou que les sorcières déposent leur fu-
seau avant de pousser plus avant vers Moreau ; c'est presque
Tobole donnée à Caron, ou le pain jeté à Cerbère. Il est bien en-
tendu que ces fuseaux disparaissent à mesure, car depuis que cet
arbre est destiné à cet office il serait plus que plein. Selon nos
paysans, il y a beaucoup de sorciers^ loups-garous, Haniaoumes
dans ces contrées. Des familles entières sont en possession sécu-
laire de cette qualification et de cette prétendue puissance toujours
supposée malfaisante et qui inspire de Téloignement et de la
crainte.
aux Esbats de Guyon de Maleoille sur le Pays de Querey, manuscrit de la
tin du xvr siècle el du commencement du xvii*, publié en 1900 par la So-
ciété des Etudes du Lot. L'original historien, analysant un vieux mémoire,
raconte l'origine légendaire de la famille de Caunion qui « étoil avant les
trois mille ans » en grande réputation en Asie où elle construisit une ville.
Puis il rappelle les oracles qiîi promettaient une grande seigneurie « vers
les pays occidentaux », et c'est alors que la légende devient intéressante
pour nous. Je laisse parler W bon Guyon de Maleville résumant son « mé-
n.urial » où il a trouvé « que l'un dyceux grands ancestres des Cannions,
voulant en la ïoy d'iceux oracles venir chercher icelle seigneurie par deçà,
sesloit joint à l'Ilerculos en l'extermination de Tirans el Monstres dii
Monde, et, après avoir longuement couru avec icelluy, s'estoit arresté avec
sa iiarticulièro troupe dans l'entre deux des Pyrénées et Garonne. Disait
(ledit niénioriale) com' iceluy avoit imposé audit entre deux le nom d'.Xqui-
taine, el aux peuplades habitans iceluy entre deux le nom de Garite, et le
nom de Basadois au pays qui en est nommé. Et de l'imposition de tons
ireux tels noms randait ledit mémoriale raison. Disait ledit quiceluy pre-
miers aquitains Caumon avoit fait construire la (aumon sur Garonne en
mén^uirr de l'autre susdit (Caumon) asiatique. Que, déplus, iceluy avoit fail
construire le prochain Sos et autre lieux de l'Aquitaine, y en suite nommés.
Ou iceluy premier aquitain Caumon avait apporté dans ces Gaules la milkl
DES DÉvors SoLDURi aucicus gaulois. Que l'Ogmion Dieu gaulois fut fils du-
dil premier aquitain Caumon etc. » {Esbats de Guyon de Maleville sur
le pays de Quercy. Cahors 1900, ni 8% pp. 530-637.) J. M.
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Grotte et cimetière Saint-MicheL
Dans tous ces contes, monuments, traditions, nous devons re-
marquer un mélange des croyances du christianisme avec celles
du paganisme des Grecs et des Romains, et de celles de la religion
celte. Ainsi, à Sainl-Pé, le nom de Saint Michel (sans doute parce
que c'était le vainqueur du Diable), est donné à ce que Ton croit
être un ancien cimetière ou charnier, où selon la tradition popu-
laire, on sacrifiait des hommes, tandis qu'immédiatement au-des-
sous de ce plateau est une grotte qui atteste assez, ne fut-co (luo
par sa situation au bord d'un vallon jadis couvert d'arbres, et dont
le site est des plus mélancoliques, que ce cimetière est encore un
monument du cullc de Teutatès. Plus tard^ peut-être, le chrislia-
nisme persécuté y trouva un refuge pour y célébrer ses mystères.
].à, peut-être, les ossements des chrétiens persécutés et fugitifs
furent mêlés à ceux des Gaulois qui servirent aux sacrifices offerts
par les Druides à leurs dieux. Etrange mélange de deux cultes
dont le principe, au moins, était semblable : riinmortalilé de
TAmo (1) î
(1) Le marquis de Métivier, qui explorai le premier la grotte de Saint-
.\Uchel et eut des idées plus justes qu*on ne saurait le croire sur le cime-
tière qui l'accompagne, ne s'est pas rendu compte que la commune de Saint-
F<>-Saint-Simon possède trois groui)cs très remarquables de grolles arti-
ficielles, l'un au Peyré, comprenant cinq habitations respectives ; l'autre,
dans la gorge du Pont-Neuf, dont les demeures creusées dans le roc ser-
virent de refuge en 1789, au moment de la Grande Peur ; le dernier à Sainl-
Michcî-de-la-Roque. C'est l'abbé Breuils qui a découvert, exploré et décrit
ces singulières demeures, si semblables à celles du CHU Dwellers de la
Californie, de T Arizona, du Colorado et du Texas et, plus près de nous,
celles (juc j'ai dècouverles, étalées aux riaiics de la vallée du Peyrot-de-
r Homme, dans la commune de Frégimont, à quelques centaines de mètre
de la curieuse église de Gaujac, qu'a trouvée et décrite M. Georges Tholin,
et qui es! à moitié taillée dans le roc elle-même, rappelant d'assez près
celle de Saint-Michel-de-la-Roque, jadis annexe de Sainl-Pé-d'Homimorl,
dont voici la description empruntée à l'importante élude de l'abbé lire\iiîs
sur les « Grottes préhistoriques, de la Ténarèze » {Revue de Gascogne, 1888,
PII. 384-399) :
« Une de ces i:rottes, <pii, de même nue les aulres, fori |>rohahle-
ment, avait été une habitation préhistorique, fut plus tard disposée et
arrangée par les chrétiens de ce pays en éirijsio. Dédiée à Saint Michel,
elle prit, du heu même où elle était, le nom de la Roque.... Elle s'élève à
l'extrémité du val qui a reçu d'elle le nom de Saint-Michel et où coule un
modeste ruisseau du même nom, à gauche, dans les rochers, dominant les
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249 —
Grotte du Gros,
Au versant opposé à celui sur lequel est placé Sos, est une mon-
tée assez rapide et difficile en hiver, sur le côté d'un ravin d'où
s'échappe un ruisseau allant ^se jeter dans la Gélise qui sépare les
deux versants.
A gauche, en montant celte côte appelée le Cros, est une cham-
bre taillée dans le roc, dont la porte ou ouverture est exposée au
couchant. Cette grotte est hors de la portée naturelle des honmics;
on ne peut y arriver quau moyen d'une échelle très longue. Je
voulus la visiter, il y a 15 ans environ ; ne trouvant pas d'échelle
assez longue, je fis planter dans la terre, sur le sol supérieur, un
pieu auquel j'attachai une forte corde, et, aidé de mon beau-frère
et de M. L..., je passai Cette corde autour de mon corps, et me fis
pentes rapides qui vont expirer au bord du ruisseau. Elle a environ 7 mè-
tres de longueur et 3 de largeur. Le sanctuaire est isolé du reste de la nef
par un arc à plein cintre taillé en relief dans le rocher. On y voit, du côté
de l'Evangile, une armoire rectangulaire creusée dans le roc. L'autel a
disparu, mais l'emplacement apparaît au fond du sanctuaire, lequel se ter-
mine par un chevet droit. La nef n'a que deux travées.... Les retombées des
voûtes s'appuient au rocher de la grotte par de grossières arêtes ; du côté
opposé au rocher, par conséquent du côté extérieur de la grotte, les voûtes
se terminent en formant, au point où elles s'arrêtent, deux sortes de cha-
piteaux quadrangulaires, très évasés, qui ne reposent sur rien. 11 ne faut
pas oublier, en effet, que tout cela est taillé dans le rocher et que, par con-
séquent^ l'architecte avait toute latitude pour économiser les piliers et les
colonnes. »
Guidé par un document de 1544, l'explorateur retrouva les ruines des
constructions en maçonnetie qui complétaient le côté, à moitié vide, de cette
église monolythe. 11 les jugea de l'époque romane. Continuant ses investi-
gations, il retrouva le cimeUère paroissial « sur le plateau, au-dessous
même de la grotte de l'église ». Un sarcophage sans couvercle s'y voyait
encore, et le propiétaire du champ y avait découvert des armes et des
monnaies. De tous ces faits et d'autres encore, rapprochés avec sagacité,
l'abbé Breuils conclut que cette grotte avait été aménagée en éghse « au
vil* ou au vni* siècle, sinon à des temps antérieurs» .
Dans le tirage à part de son intéressant mémoire, l'abbé Bréuils compléta
ces renseigiiciiienl^. Si j en crois une noie de Léonce Coulure, il y élail
parlé d'importantes trouvailles céramiques faites dans le même cimetière
où d le vase cinéraire celte côtoyait le vase romain et Tamphore ». M.Piette
concluait de tout cela que ce cimetière avait été inauguré « un peu antérieu-
rement à la conquête de la Gaule ».
Les jeunes explorateurs du pays sotiate devront étudier tout particuliè*
reiuenl les habiUilions nipeslre.s de Sainl-Pé-d'IIoniimorl, qui leur ré>er-
vent, sans ombre de doute, de très importantes découvertes. J. M.
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- 250 -
descendre vis-à-vis l'ouverture de la grotte où j'entrai difficile-
ment, parce qu'ainsi suspendu, je n'avais aucun point d'appui. Je
parvins néanmoins à poser mes pieds sur le bord de l'ouverture, et
j'entrai dans cette chambre de huit à dix pieds au plus de carré, et
dont le plafond était peu élevé.
Des feuillures intérieures autour de cette ouverture attestaient
(|u'une porte ferrée y avait été placée. L'inspection de ce lieu dé-
truisit bientôt dans mon esprit le merveilleux des contes que l'on
débitait sur cette grotte que l'on croyait conduire jusques à Con-
dom.
Je suppose que cette chambre était, dès le principe, affectée au
séjour de quelque Druide, que la mythologie populaire en faisait
l'habitation des Hades Je crois aussi que du temps des Maures
et des guerres féodales, ces grottes en général étaient des silos ou
magasins couverts de terre pour cacKér les grains et autres objets
précieux (1).
(I) L'abbé Breuils ne paraît pas avoir exploré cette grotte artificielle, mais
il n'en ignorait pas l'existence, car il la signale avec quelques autres dans
un passage de son étude sur Les Grottes préhistoriques de la Ténarèze^
qui doit trouver place ici, car il complète les indications de M. de Mc-
Uvier.
« Signalons encore un certain nombre d'autres grottes qu'on nous a dit
exister depuis le lieu dit à Bournic, sur la Gélise, en Castelnau-d'Auzan
(Gers), jusqu'à Poudenas (Lot-et-Garonne), suivant toujours le cours de la
Gélise et de «luelques-uns de ses affluents. Nous n'avons pu encore en voir
qu'un petit nombre. Nous indiquerons parmi elles les plus fameuses par
les traditions qui s'y rattachent et le culte superstitieux dont eUes sont de-
meurées l'objet. Elles se cachent à la naissance de l'étroit et profond ravin
du Key, sous de vraies cascades de rochers, sur lesquelles, arrivant de
prairies supérieures, tombent et se brisent pour >ebondir et se précipiter
de nouveau vers le fond du gouffre, les eaux écumantes du Key. On aper-
çoit aux voûtes do ces grollcs, d'innombrables stalactites de forme mame-
lonnée, et toujours une eau cristalline sort en gouttes abondantes des ex-
trémités de ces mamelles de pierre. C'est pour cela que, de temps immé-
morial, ces grottes sont connues sous le nom de Las Poupetos.
« Ajoutons, pour terminer ce sujet, que, du haut de la route de Gabarrel
à Sos, on voit aussi, dans la direction de Sainte-Maure et de Guoyze, cer-
taines grottes à ouverture rectangulaire, au-dessus des coteaux qui se di-
rigent vers la plaine de la Gélise. » (Ru. de Gascogne, 1888, p. 398.)
L'éminent explorateur de ce district gascon curieux entre tous, n'avait
pas non plus ignoré les « légendes traditionnelles qui ont cours dans le
pays, au sujet de ces grottes. Toute une population de fées, hadas, hadets
et hadouns, vit, circule, dit-il, dans ces récits de veillée, curieux à plus
d'un titre, et qui apporteraient peut-être des éléments nouveaux à notre
folklore gascon. Mais qui ne sait se borner.... et le reste. »
M. Lagarrigue, instituteur à Meylan, a exploré plusieurs grottes arlifi-
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- 251 -
Superstitions,
Les peuples de ces contrées sont toujours imbus de croyances
singulières et de superstitions. D'abord, ils wcâeni que le nombre
13, que le chant de la pie, du hibou, d'une volaille, dont le chant
est embarrassé, indique quelque malheur.
Paraît-il quelque météore, ils le croient le précurseur d'un grand
événement. Compter les ruches à miel d'un rucher, les brebis ou
les agneaux d'un parc, porte malheur.- Raconter, sous le couvert,
ou dans l'intérieur d'une maison, que l'on a trouvé quelque nid, ou
quelque autre chose, en indiquant le lieu, porte malheur.
On croit que celui qui n'a pas connu l'auteur de ses jours a la
puissance de trouver des sources, des bornes, et l'argent caché au
moyen de la baguette divinatoire de coudrier.
On croit aux sorciers, devins, et souvent cette crédylité rend les
cielies de sa région, particulièrement au lieu dit La Boulangère. D'après ce
qui! m'écrit, la grotte de La Boulangère est fort intéressante ; elle est pour-
vue de deux portes d'entrée régulières, fort basses, pourvues de rainures,
deux blocs de pierre, encore dans la grotte s'y appliquent parfaitement. Le
fait me paraît particulièrement intéressant. Au fond de la grotte est une
sorte de lit grossièrement taillé dans le roc. a Cette grotte, fouillée super-
licielloiiient en 1910, me donna, dit M. Lagarrigue, deux racloirs en silex. »
Si l'on veut bien se rappeler ce que nous avons dit, dans une précédente'
note, au sujet des souterrains de Saint-Pau, on reconnaîtra, avec l'abbé
Breuils, rexlrôme abondance des habitations rupestres en pays soliate, ot
ce fait a son importance, rapproché du récit des travaux de mineurs accom-
plis par les défenseurs de Sos, et de ce qu'il est dit ailleurs sur les mœurs
troglodytiques des Aquitains, au temps de la conquête des Gaules et sur
les mesures cruelles qu'elles inspirèrent au vainqueur : « Aquilani^ callidum
genus, in speluneas se reeipiebant : iussil includi, » (Florus, livre lU, cha-
pitre XI.)
D'ailleurs l'opinion de M. de Métiyier sur l'emploi de cette grolle connue
cachette, au temps des invasions des Maures, n'était pas nouvelle. C'était,
un lieu commun immémorial et tellement universel qu'il y est fait allusion
dans Don QuichpUe et dans Gil Blas, et longtemps avant dans les chansons
de geste où nos souterrains sont dénommés grottes aux Sarrasins, ce qui,
d'après Quicherat, implique une origine romaine tout au moins. {Bullet. de
la Société des Antiquaires de France. 1867, p. 68.) J'en ai publié d'anciens
échos très curieux dans le Bulletin arcfiéologique de Tarn-ei-Garonne, en
1897, dans une étude de circonstance, Habitations Troglodytiques et Silos
où je m'étais efforcé d'établir très nettement, par des textes irrécusables,
la différence radicale qui existe entre ces deux genres de souterrains ; les
Habitations troglodytiques étant, presque toutes, pourvues de silos.
J. M.
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— 252 —
individus chez lesquels elle exerce son empire, victimes de char-
latans fripons qui en veulent à leur bourse.
La Mandragore est aussi un être dont le nom est inculqué dans
l'esprit de la classe populaire. Loisqu'on veut dire que quelqu'un
a de l'argent, qu'il n en manque jamais, on dit qu'il a le mandagot,
par corruption de mandragore.
Faire une croix sur le pain avant de l'entamer, faire ce signe
lorsque dans une vente on reçoit la première pièce de monnaie,
(»st un usage général.
Les phases de la lune sont sou\îMit consultées par les culliva-
teurs pour les semis, plantations, cultures, récoltes, etc., etc.
Lorsqu'une personne est arrivée à un grand âge et sans infirmi-
tés, que la faiblesse des ressorts de la machine humaine se mani-
feste, et que moribond, mais sans souffrances, les restes de la vie
physique luttent encore contre la mort, on est persuadé que quel-
qu'être surnaturel s'oppose à la fin de la vie de cette personne. On
pense que, pour détruire ce charme, il faut enlever une tuile à la
couverture de la maison, dans la direction immédiate de la tête
(lu moribond qui, dit-on, expire aussitôL
Il serait trop long de relater toutes les croyances que l'ignorance
et un respect religieux j)Our les traditions, conserve depuis bien
longtemps [)anni le peuple qui en fait l'objet d'un culte privé.
Tels sont, à j)ou de chose près, les monuments cjue l'antiquité
et le culte (les premiers Gaulois possèdent encore aux environs de
Sos. Quelques fragments, quelques usages, viennent seuls rappe-
ler à la génération actuelle les hommes et les croyances qui peu-
plèrent et celte terre et l'imagination de nos ancêtres î
Des ruines, des ciiants, un langage dénaturé, voilA tout ce qui
nous reste ! et si le voyageur cherchait, comme le j)èlenn qui se
rendait à Sainl-Jacques-de-Composlelle, un abri dans ces hospi-
ces, sous ces chapelles, placées comme des stations romaines, dans
la vieille Acjuilaine, pour les abriter dans leurs pieux voyages, un
sol fertilisé |)ar la charrue en cacherait les ruines à ses recher-
ches ! L'anti(pie chapelle des Neiges qui se trouvait sur la route de
tlabarrel à Kause n'existe |)lus ! Kn \ain le pieux habitant des cam-
I»;jgnos, l'antiquaire religieux la demanderaient î In champ est à
sa place î Toutefois, la piété populaire lui a consacié un souve-
nir : une humble croix en bois, ce signe de rédemption, est plantée
là, où, à l'abri des f rimais, le pèlerin faisait entendre sa prière. Si
tout se détruit j)ar la faulx du temps, félicitons au moins les hom-
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— 253 —
mes qui recueillent avec soiu ce qui peul nous rappeler ce qui
existait jadis, et nous donner ainsi une chronologie matérielle de
la grandeur et de la décadence des empires, des hommes, de leurs
mœurs et de leur génie (1).
Le Vicomte de Métivier.
(Ij Les premitîift mémoires d« la Société archéologique du Midi sont gé-
néralement parés de fort jolies vigneUcs lithographiées remplissant agréa-
blement la partie de la page finale de chaque mémoire particulier. La Dis-
sertation de M. de Mélivier ne fait pas exception ; le cul de lampe dont elle
s'adorne est, toutefois, très peu décoratif et, il faut bien le dire, assez peu
intéressant. C'est un simple plan de Sos dépourvu de toute indication topo-
graphique, quelque chose conune le calque d'un plan cadastral réduit aux
chemins, aux cours d'eau et aux rues de la ville. Il n'y avait donc aucun
intérêt à le reproduire, mais ce n'est pourtant pas sans regret que nous nous
sommes résigné à ce sacrifice. Faisons des vœux pour que d'autres, plus
heureux, découvrent dans les papiers du sympathique archéologue, des
de.ssins, des croquis et, surtout, des notes, qui complètent son œuvre, en
donnant des renseignements plus circonstanciés sur les sujets passionnants
dont il a été un des pionniers les plus actifs, les plus orfginaux et les plus
intéressants.
J'ai le ferme e.^poir que c'est un au revoir et non pas un adieu que j'adresse
ici au Vicomte de Mélivier. J. M.
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LE MONUMENT. LAULANIÉ
A L'ÉCOLE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE
La mémoire de Ferdinand Laulanié est encore trop vivace
dans le cœur de tous ceux qui Tonl connu, son souvenir mé-
rite trop d'être conservé en Agenais, pour que, malgré la dé-
cision récente du Conseil municipal, qui, sur la demande de
notre Société académique, a donné son nom à l'une des rues
d'Agen, nous ne tenions pas encore à compléter l'article né-
crologique quo lui consacra dans cette même Revue, en 1907,
M. E. Périer, vétérinaire départemental, sous le coup de
l'émotion douloureuse provoquée par sa mort soudaine, et à
faire connaître quelle solennité imposante présida, au mois
de mai de l'année dernière, à la cérémonie de l'inauguration
de son buste, dans la cour de l'Ecole vétérinaire de Toulouse,
où il avait si longtemps professé.
Aussi croyons-nous devoir extraire du long procès-verbal,
publié à cet effet, les plus importants passages qui pourront
intéresser nos lecteurs, et plus spécialement le beau discours
de M. le professeur Arloing, que Téminent directeur de
l'Ecole de Lyon devait lire lui-même, si une mort soudaine
n'était vtmiie le surprondre à son tour au (l(»rnier moment, et
qui, supérieurement documenté, constitue la plus complète
analyse de l'cruvre si importante et encore si peu connue de
notre regretté compatriote.
Cela dit, laissons la plume à M. Bourdelle, rédacteur du
procès-verbal, mais non sans remercier M. le Directeur de la
Revue Vétérinaire de Toulouse, où il a paru, d'avoir bien
voulu nous autoriser à le reproduire, et de nous avoir si gra-
cieusement prêté les deux clichés de la vue du monument,
pour que nous puissions les insérer aujourd'hui dans la
Revue de V Agenais.
Ph. L.
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MOMJMKNT LAUI.ANIÉ
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^ 255 -
INAUGURATION DU MONUMENT LAULANIÉ
Le monument Laulanié a été inauguré dans la matinée du samedi
13 mai 19J1, à l'Ecole vétérinaire de Toulouse. Nombreuse éUiit
l'assisUuice composée de. notabilités, de collègues et d'amis qui
avaient tenu à rendre un suprême hommage à la mémoire du re-
gretté savant.
La cérémonie s'est déroulée dans la cour principale de l'Ecole,
où le monument a été élevé, à proximité du laboratoire de physio
logie, dans lequel Laulanié poursuivit ses recherches.
. Ce monument, d'une grande simplicité, s'encadre dès l'entrée
dans le porche principal, et, s'il frappe par la sobriété de son ar-
chitecture, on n'en apprécie pas moins l'harmonie de l'ensemble.
11 se compose essentiellement d'un buste et d'une figure symbo-
lique. Le buste, où l'artiste a su faire revivre la physionomie ex-
pressive de Laulanié, est supporté par une stèle sur laquelle on a
gravé en lettres d'or cette inscription :
A
F. LAULANIÉ
1850-1906
La figure symbolise la science sous les traits d'une jeune femme
drapée à l'antique ; d'un pas prudent mais assuré, elle marche en
avant de la stèle, un flambeau dans la main droite pour éclairer sa
route. De chaque côté, se dégage un banc demi-circulaire, destiné
à rappeler le cercle d'élèves et d'admirateurs qui entourait le i)ro-
fesseur dans ses démonstrations.
La partie architecturale du monument est en pierre de Lens ; le
buste et ia figure symbolique sont en bronze. Cette œuvre est due
à M. Uaynaud, professeur de sculpture (statuaire) à l'Ecole des
Heaux-Arts de Toulouse, à qui M. Delfau, architecte, professeur
d'arts graphiques à la même Ecole, a prêté sa collaboration.
Le 13 mai dernier, le monument avait perdu son caractère un peu
sévère sous la parure fleurie que lui avaient faite les amis du ^ sa-
vant. Dans la cour, décorée d'oriflammes et de draperies, il se dé-
tachait, encadré de verdure, sur un fond de tentures rouges, et re-
vêtait une physionomie nouvelle des plus heureuses. Sur le socle,
trois magnifiques gerbes déposées par le Corps enseignant, les
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— 256 —
Elèves et rAssociation amicale des anciens élèves de TEcole vété
rinaire de Toulouse, disaient leur affectueux souvenir.
La cérémonie d'inauguration était i)résidée par M. Chauveau,
membre de Tlnslitut, inspecteur général des Ecoles vétérinaires.
L'éminent professeur représentait officiellement le Ministre de
TAgriculture qui, empêché d'assister en personne à celte manifes-
tation, en avait exprimé ses vifs regrets. Aux côtés du président
avaient pris place : MM. le sénateur Leygùes, maire de la ville de
Toulouse ; Martin, premier président à la Cour d'appel ; Fonfrède,
l;rocureur général ; Bordes, chef adjoint du cabinet du ministre
du Commerce, représentant M. Massé ; M. Beurdeley, secrétaire
général de la préfecture de la Haute-Garonne, délégué de M. le
Préfet.
Une assistance des plus nombreuses et des plus choisies, où se
remarquaient, à côté des membres de la famille, toutes les notorié-
tés du monde savant de Toulouse, se pressait autour de l'estrade,
ayant tenu à honorer de sa présence celte impressionnante cérémo-
nie.
Trois discours ont été prononcés.
M. Chauveau prit le premier la parole en qualité de représentant
du Ministre et de président du comité. Le silence se fit, émouvant
et profond, quand le vénérable savant, intimement remué lui-
niôme, dut se maîtriser pour rappler les deuils cruels qui ont
frappé la science et renseignenient vétérinaire, dans les person-
nes d'Arloing et de Laulanié .: la mort du maître et de l'élève, ses
élèves à lui, l'atteignait personnellement dans ses plus chères af-
fections. Son discours d'une haute élévation de pensée, d'une lan-
gue impeccable, fut dit d'une voix vibrante que les années n'ont
point affaiblie. Au nom du Comité, M. Chauveau fil remise du mo-
nument à l'Ecole vétérinaire de Toulouse et le confia à sa garde.
M. Labat, directeur, prit ensuite possession du monument au
nom de l'Ecole, et, dans une allocution heureusement inspirée dans
sa forte sobriété et son éloquence cordiale, salua à son tour celui
(|ui fut son camarade, son collègue et son chef.
L'éloge de Laulanié, écrit par le professeur Arloing et que le
regretté directeur de l'Ecole de Lyon devait lire lui-même, fut lu
par M. Lafon, successeur de Laulanié dans la chaire de physio-
logie.
Cette étude rappelle ce que furent l'homme et le professeur. Tous
los élèves et amis de Laulanié auront plaisir à la relire,
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— 257
Mesdames,
Messieurs,
Le Comité chargé d'ériger ce monument a désiré que la vie de
Laulanié fût retracée devant vous.
Il a estimé, en outre, que cette mission devait incomber à. celui
de ses membres qui eut la bonne fortune de distinguer Laulanié
et de Toricnter définitivement vers les études biologiques.
Je me suis incliné devant sa volonté. Mais à lui obéir, je ressens
une émotion mélangée d'amertume. Car, en face de cette image,
dans celle enceinte, quarante années de ma carrière sont évoquées
dans ma mémoire. Si plus d'un souvenir me reporte à des années
licureuscs de ma jeunesse, d'iiutres me rappellent bien des tristes-
ses, et parmi celles-ci la i)erle douloureuse de mon disciple pré-
féré, plus tard mon collègue affectionné, dont l'attachement ne s'est
jamais démenti pendant près de trente-cinq ans.
Lorsque des hommes se sont distingués dans le milieu où ils ont
évolué, on croirait, en étudiant leur vie, qu'ils durent recevoir un
patronage inattendu, tel celui des bonnes fées, pour émerger au-
dessus de leur niveau social, ou, dans leur niveau social, au-dessus
de leurs contemporains. Celte biographie en offre un exemple.'
Laulanié, Bertrand-Prosper-Ferdinand, naquit à Agen, en 1850.
Son père se livrait dans cette ville, sans diplôme, à la médecine
des animaux. Formé à sa profession par un empirique réputé dans
le pays, il y jouissait lui-même de l'estime générale. Content de sa
situation, il voyait dans son fils un successeur tout naturel. Mais il
hésitait sur la manière dont il le préparerait à lui succéder.
L'enverrait-il à l'Ecole vétérinaire ou se contenterait-il de lui in-
culquer ses quelques connaissances en l'associant de bonne heure
à sa clientèle quotidienne ? 11 inclinait vers cette seconde solution.
Mais la bonne fée veillait. En la circonstance, ce fut la mère du
j.^une Ferdinand.
Modeste, mais particulièrement intelligente et active, pleine
d'amour-propre, M"* Laulanié trancha nettement la question.
Elle voulut que son fils entrât dans la Vétérinaire par la grande
porte, qu'il obtînt un diplôme et qu'on no lui contestât jamais le
droit à exercer la médecine. S'il fallait s'imposer des sacrifices ex-
ceptionnels pour arriver au but, elle était prêle à se dévouer.
Devant une volonté si fermement exprimée, la décision fut prise.
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— 258 -
La mère ajouta aux occupations du ménage un travail supplémen-
taire et le fils fut placé au lycée d'Agen où il poursuivit des études
complètes.
C'est donc à son afl'cclueusc et vaillante mère que notre ami dut
les bienfaits de renseignement secondaire et l'accès à l'enseigne-
ment supérieur pour lequel son esprit était si particulièrement
adapté.
Aussi, vers elle allait sa reconnaissance attendrie ; vers elle allait
certainement son souvenir lorsqu'il répétait, des larmes dans les
yeux, ces vers de Jasmin parlant de son aïeul :
Pauvre grand-père, le .soir, quand sur la roule i'allais Vaitendre,
Il me donnail toujours le morceau le plus tendre.
Oui, sa mère a voulu qu'il eût le morceau le plus tendre, qu'il
eût la vie plus douce et toutes les jomssances de la culture morale.
Saluons respectueusement sa mémoire !
Au lycée d'Agen, dans les basses classes, Laulanié l'ut un élève
ordinaire. 11 se révéla surtout en rhétorique et en philosophie, où
Ton disait de lui qu'il était également supérieur dans les lettres et
dans les sciences.
L'un de ses anciens maîtres, M. Picou, m'écrivait récemment que
le jeune Laulanié ainiait à appliquer son esprit aux questions qui,
d'habitude, ont peu d'attrait pour la jeunesse, donnant son atten-
tion à toute pensée générale, se distinguant de ses camarades par
une grande facilité de conception, par un esprit (]ui déjà se fami-
liarisait avec l'analyse et la synthèse et par une ténacité exception-
nelle au travail, celle qui triomphe de tous les obstacles.
Déjà il se plaisait à manier la parole, à exposer clairemciil ce
(ju'il avait nettonient conçu. Pour cela, il réunissait des camara-
des cliez lui, le soir, et au tableau il répétait et leur rendait acces-
sible Ja leçon du jour.
Eu un mot, Laulanié i)assail à bon droit pour un sujet des plus
distingués.
T'est ajnès une si remarquable préparation et muni des diplô-
mes de bachelier ès-lettres et de bachelier ès-sciences (|u'il elitra h
l'Hcole \éléiinair(» de Toulouse, le 0 octol)re 1809. Ouelques mois
plus tard j'y arrivai moi-même en qualité de professeur d'analo
mie et de |)hysiologie.
J'eus à peine le temps de distinguer le nouvel élève. La guerre
vie 1870 éclatait au moment où il linissail sa première année d'étu-
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— 259 —
des.. Il fut incorporé, par anticipation, comme jeune conscrit dans
un régiment de marche et dirigé vers Cherbourg. L'hiver fut des
plus rigoureux, les marches furent pénibles, et le conscrit était
frêle. Néanmoins, il revint sain et sauf et reprit ses études avec
entrain au début de Tannée scolaire 1871-72.
A ce moment, il fut attaché à mon laboratoire où je ne tardai pas
à constater que j'avais auprès de moi une nature d'élite, extrême-
ment attachante, pleine d'enthousiasme et capable d'en provoquer
par ses remarques et ses aperçus sur les sciences.
La différence d'âge qui nous séparait ne pouvait apporter une
entrave à notre commerce intellectuel. Il me semble assister encore
à nos conversations, à nos discussions sans cesse renaissantes, où
le maître ne l'emportait pas toujours sur le disciple.
Toutefois, nous nous trouvions constamment d'accord sur le rôle
prééminent de la science pure, sur la noblesse du rôle de l'éduca-
teur. Dans notre inexpérience des choses de la vie et des besoins
dune société, nous nous sentions presque un peu de dédain pour
quiconque ne professait pas entièrement nos opinions.
Le temps nous a permis de rectifier nos idées successives sur ce
point. Mais à la période dont j'évoque le souvenir, elles étaient
bien arrêtées. Je n'eus donc pas de peine à diriger Laulanié vers la
carrière de l'enseignement et vers les sciences biologiques qui
avaient beaucoup d'attrait pour lui depuis qu'il avait entendu, au
lycée d'Agen, les leçons de son maître, M. Pérès.
Au surplus, un fait accidentel dans le fonctionnement des Eco-
les vétérinaires vint précipiter sa détermination.
Dans le but de favoriser le recrutement de certains chefs de tra-
vaux on décida, au commencement de l'année 1874, d'admettre au
concours les élèves de nos Ecoles non encore diplômés.
L'expérience était tentée à l'occasion de deux places de chefs de
travaux anatomiques vacantes, l'une à Toulouse, l'autre à Alfort.
Après une préparation hâtive, gênée par les études régulières que
les candidats devaient suivre pour arriver au diplôme, Laulanié se
rendit au concours.
La majorité du jury était hostile à la mesure et comptait bien qu'il
lui serait permis de repousser tous les candidats.
Son attente fut trompée. Malgré quelques impinidences de lan-
gage sur les opinions scientifiques d'un juge, Laulanié se montra
tellement supérieur aux autres candidats et si fort instruit qu'il fut
déclaré admissible et nommé d'abord à l'Ecole d'Alfort.
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— 260 -
Mais il fil respectueuseménl observer qu'en venant concourir son
intention était de rester près de ses maîtres et de son pays natal*. Sur
SCS représentations et ses désirs nettement exprimés, la décision mi-
nistérielle fut modifiée. Aussi, après avoir obtenu son diplôme, Lau-
lanié fut de piano atlaché à ma chaire, à l'Ecole de Toulouse.
Développant alors et avec rapidité la disposition à renseignement
qu'il montrait dès l'adolescence, il devint rapidement un maître
hors pair.
On peut affirmer qu'il instruisit et charma son auditoire pendant
plus de trente ans.
Non seulement sa parole était chûtiée sans recherche ; mais elle
était saisissante, prenante, et par quelques mots heureusement choi-
sis fixait ridée du professeur dans le ceneau de relève.
Il suffisait de Tcnlendre quelques minutes ; aussitôt on était con-
vaincu de sa liante culture et de l'ampleur de son intelligence.
A ce point de vue, la carrière de Laulanié se divise en deux pé-
riodes.
Dans la première, il aborde surtout des sujets d'anatomie géné-
rale, d'histologie normale et pathologique. Comme il est persuadé
(|ue la connaissance des piaules et des animaux inférieurs peut faci-
liter l'étude des \ertéhrés supérieurs et ouvrir des aperçus géné-
raux sur la morphologie, il va demander à la Faculté des sciences
(les notions plus étendues sur le monde animé et fait consacrer ses
études géologiques, bolanicjues et zoologiques par le titre de licen-
cié es sciences naturelles.
Quand il se sentit armé pour la recherche scientifique, il se lança
à la découverte et en quel(}ues années il publia trente-six notes pu
mémoires sw l'histologie normale et pathologique.
Sur le terrain de l'histologie normale, il s'atta(jua aux questions
(jui sollicitaient i)arliculièreïnent l'attention des savants de cette
épotpie et fut assez heureux pour leur donner une solution ou tout
au moins apporter à leur solution une contribution de grande
valeur.
Je ne puis songer à citer tous ses tra\aux ; je me bornerai à men-
tionncM- les plus remarqués.
De ce nomlire furent ses lecherches sur l'évolution comparée de
la sexualité dan^ Tindividu et dans lespècc, sur la valeur de l'épi-
thélium germinatif et des ovules i)rimordiaux, sur le rôle et la
signification des cellules de Sertoli, qui le classèrent parmi nos
embryologistes les plus réputés.
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^ 261 —
Telles sont encore ses éludes sur la structure du placenta fœtal,
qui le conduisirent à une découverte inattendue, savoir : que la zone
fonclionnello du placenta des petits rongeurs est formée d'une cel-
lule gigantesciue pouvant atteindre jusqu'à trois centimètres de dia-
mètre, qu'il regarde comme le premier exemple, chez les animaux,
d'un symplasle cellulaire signalé déjà chez les végétaux inférieurs.
La structure de ce symplaste ou plasmode est celle d'une immen-
se formation réticulaire parsemée de noyaux dont les mailles sont
autant de lacunes qui la convertissent en une sorte d'épongé péné-
liée par les vaisseaux de la mère.
Kn s'atlachant à cette (fuestion, Laulanié devint Témule de Ma-
Ihias Duval, dont les travaux sur le .placenta ^constituent une des
parties les plus importantes de l'œuvre de ce maître. Mais après
avoir décrit avec un soin méticuleux les différentes formes du pla-
centa, Mathias Duval hésita à les rapprocher dans une sorte de
synthèse. Etant donnée la nature de son esprit, Laulanié ne pouvait,
à son tour, s'arrêter devant la multiplicité des faits. Il montra, dans
Tune des pages les plus lumineuses de ses éléments de physiologie,
(jue les moyens employés par la nature pour conduire le sang du
jeune sujet à la recherche du sang maternel dérivent d'un plan uni-
que dont les détails sont plus ou moins poussés suivant les espèces.
Là où les contacts entre les deux sangs so^it moins intimes, l'im-
perfection est compensée par une étendue plus considérable du pla-
centa et réciproquement.
La signification donnée par Laulanié au disque placentaire des
petits rongeurs mérite encore d'être retenue parce qu'elle le con-
duisit à des notions d'une haute portée dans le domaine de l'anato-
mie pathologique.
En effet, dans les noies ou mémoires qu'il a [)iibliés sur l'histo-
logie pathologique, on trouve le témoignage d'une préoccupation
particulière incessante pour la genèse et la signification des cellu-
les géantes.
Laulanié s'attache à ces cellules dans les lésions diverses où il
les rencontre. Il veut en saisir la signification et le rôle. Il y réussit
à ce point (jue ses obser\ations ont conquis une place importante et
définitive dans la solution d'un problème de pathologie générale
qui fut passionnant à une certaine époque.
Nous parlons du moment où nos analomo-pathologisles pensaient
avoir trouvé dans le follicule de Koslcr la signature de la tubercu-
lose. Toute lésion renfcrniant à son centre une cellule géanto et à
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sa périphérie des cellules épithélioldes et des cellules rondes était
réputée tuberculeuse.
Cette idée régna sans conteste pendant plusieurs années. Elle eut,
pour un temps, d'heureuses conséquences, notamment de faire ren-
trer la scrofule dans le domaine de la tuberculose auquel elle ap-
partient réellement. Mais si elle eût élé acceptée définitivement, elle
aurait conduit à de fâcheuses erreurs. On sait aujourd'hui qu'il
existe des lésions tuberculeuses où l'on chercherait vainement des
cellules géantes, et des lésions non tuberculeuses où ces cellules
existent.
A Laulanié revient l'honneur de nous avoir libéré de cette opinion
excessive. Il montra un jour que des parasites végétaux très supé-
rieurs aux bacilles, tel ïaspergillus niger et même des parasites
animaux, tels que le demodex des follicules pileux, et le strongle
des vaisseaux, provoquent la formation de cellules géantes dans
les organes où ils s'arrêtent. Les cellules situées au contact de ces
parasites, irritées par ce voisinage, s'hypertrophient et se fusion-
neiït pour englober l'hôte étranger, laissant comme témoins de leur
irritation et de leur fusion de nombreux noyaux voisinant avec les
corps englobés. Le symplastc une fois constitué s'entoure d'une ou
plusieurs ceintures de cellules qui achèvent la ressemblance avec
une foraialion tuberculeuse. •
La cellule géante caractérise donc la présence d'un corps étran-
ger exerçant directement ou indirectement une irritation soutenue
sur les cellules nonnales capables de prolifération. Elle forme le
centre d'une granulation. Mais la nature de la granulation est dé-
terminée par celle du corps irritant. Elle sera tuberculeuse si ce
corps est le bacille de Koch; elle sera pseudo-tuberculeuse dans tous
les autres cas.
Cette conclusion à laquelle nous avons été conduits par les obser-
\alions de Laulanié est uni\ersellenient adoptée à l'heure actuelle.
Elle a supprimé des discussions stériles et hAté la marche des étu-
des sur la tuberculose et sur d'autres maladies vindentes.
\aturellenienl, elle repose sur un bel et nnportant ensemble de
recherches et d'observations (jui fil l'objet d'une thèse très remar-
(|uée que Laulanié soutint, en, 1888, pour le grade de docteur en
iné(lecin(\
Pendant qu'il poursuivait ses travaux les plus intéressants sur
l'histologie normale et pathologique et sur l'embryologie, l'occasion
h'oiïrit à lui de passer de la chaire d'anatomie descriptive et géné-
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MONUMENT LAULANIÉ
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■|.. ■■! - I
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raie à la chaire de physiologie, par permutation avec Toussaint, un
autre de nos collègues enlevé prématurément aux sciences biolo
giques où il s'était déjà signalé par des découvertes capitales.
La permutation le tentait. Il la demanda un peu malgré mes con-
seils. Je craignais que Laulanié, dont l'imagination ardente vivifiait
si heureusement les éléments analomiques qu'il observait sous le
microscope, eut quehjuo difficulté A se plier à la discipline plus ri-
goureuse de la méthode expérimentale.
L'avenir démontra (|ue je ne connaissais pas toute la souplesse et
toutes les ressources de rinlelligence de mon disciple.
Cette imagination si vive, si prompte à s'envoler, Laulanié sut
la maîtriser. Elle lui suggéra à coup sûr de nombreuses hypothè-
ses. Mais, expérimentateur consciencieux, il soumit toujours les
suggestions de son esprit au contrôle de Texpérimentation la plus
sévère.
Aussi, dans cette nouvelle orientation, il ne tarda pas à se faire
remarquer par son érudition et ses découvertes, et encore par l'in-
géniosité qu'il déploya dans la conception de nombreux instruments
ou appareils dont quelques-uns, considérables, donnaient à son la-
boratoire un grand cachet d'originalité.
Physiologiste, Laulanié appose sa signature sur plus de soixante
notes ou mémoires de physiologie normale et pathologique et sur
deux volumes dont l'un est considérable. J'ai nommé ses Eléments
de physiologie.
Il inaugura son u*uvre physiologique par une étude sur la con-
traction musculaire, étude de transition, peut-on dire, car elle em-
pruntait ses moyens à la microscopic.
Pour expliquer le raccourcissement du muscle, au plissement de
h fibre proposé par quelques auteurs, avait été substituée la théorie
de Tonde musculaire. Mais Tonde, dans les conditions artificielles
où elle avait été observée et enregistrée, était-elle bien l'expression
de la vie normale du tissu musculaire ? La question pouvait se po-
ser. Laulanié la trancha grâce à un sujet d'étude que le hasard mil
sous ses yeux.
Lorsque nous travaillions ensemble, nous avions l'habitude de
l'aire donner (juelques coups de filet sur les bords du canal du Midi.
Kn quelques minutes, on recueillait un très grand nombre d'inver-
tébrés de tous genres, adultes ou à Tétat larvaire, dont l'observation
sous la loupe ou le microscope était pour nous une source d'en-
chantements. Ln jour, se trouvant à la campagne, dans le départe-
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ment du Gers, chez son ami le regrctlé professeur Lartet, et Thabi-
lude le poussant, il plongea un filet à papillon dans une pièce d'eau
et en retira la larve du Coielhra plumicornis dont la transparence
permet d'observer, sous le microscope, la contraction des faisceaux
musculaires.
Or, si la larve est douée de toute sa vitalité, le raccourcissement
el Tépaississement s'opèrent instantanément et simultanément sur
toute la longueur du faisceau contractile ; au contraire, Tonde ap
paraît lorsque la larve est sur le point de mourir par asphyxie,
c'est-à-dire lorsque diminue la vitalité du muscle. Donc la contrac-
tion physiologique doit être cherchée en partant non du plissement
de la fibre et de Tonde musculaire, mais du raccourcissemeiit géné-
ral des faisceaux contractiles. Laulanié a donc enfermé le problème
du mécanisme intime de la contraction de la fibre musculaire dans
des limites plus étroites et indiqué, en môme temps, la direction
qu'il fallait donner aux futures recherches.
La circulation du sang dans le cœur et les vaisseaux ainsi que la
physiologie du nerf pneumogastrique ont fixé son attention.
C'est pour conduire ce genre d'études à bonne fin, qu'il fit cons-
truire plusieurs instruments originaux, notamment un cardiogra-
phe direct à aiguille, une pince sphygmographique, un sphygmo
graphe pour l'inscription du poules des organes, un manomètre à
eau pour l'enregistrement de la pression dans les grosses veines de
la base du cou.
Mais le chimisme de la respiration et tous les grands problèmes
physiologiques qui s'y rattachent furent son sujet de prédilection.
11 lui consacra les quinze dernières aimées de sa carrière.
L'étude simultanée de la thermogénèse et des échanges respira-
toires, inaugurée par Dulong et Desprclz, présente de grandes dif-
ficultés. Elles avaient éloigné de cette étude le plus grand nombre
des physiologistes qui se sont proposé la recherche des lois de la
calorification dans ses rapports avec la respiration. Aussi était-elle
incomplète et les notions acquises parfois contradictoires.
A la conception simpliste de Lavoisier sur la source de la chaleur
animale, on objectait que la conibuslion respiratoire ne pouvait pas
rendre com})le de toute la chaleur, que celle-ci devait s'alimenter à
d'autres sources dont la participation était aussi variable qu'inégale
et qu'ainsi la thermogénèse et la respiration n'étaient liées ni par un
rapport simple ni [)ar un rapport constant. Dès lors, la calorimétrie
chimique, c'est-à-dire Tévaluation de la chaleur animale par la dé-
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lermination des échanges respiratoires, ne donnerait que des résul-
tats illusoires.
La théorie ne fournissait d'ailleurs aucune indication sur l'éten
due ou la direction des changements que les conditions extérieures
ou intérieures peuvent apporter dans le coefficient thermogène de
la respiration.
La question appelait donc une recherche systématique et inten-
tionnelle. Laulanié s'y lança avec toute son ardeur et toute son in-
telligence. Il escomptait une abondante récolte de faits d'une haute
importance :
S'il parvenait à découvrir les lois des variations du coefficient
Ihcrmogène des combustions respiratoires, la calorimétrie chimique
cessait d'être une vanité, et par celle méthode, il pouvait acquérir
peut-être des résultats de nature à jeter quelque lumière sur les ré-
actions extra ou pré-respiratoires qui participent à la production de
la chaleur animale.
Au fur et à mesure qu'il s'engagea dans cette recherche, il créa
un outillage adapté à ses besoins. Il fit connaître successivement
son calorimètre à rayonnement, son oxygénographe, son grand
cnlorimètre à eau et son régulateur à écoulement, etc., c'est-à-dire
toute une série d'appareils, de dispositifs ingénieux de plus en plus
perfectionnés pour la mesure des échanges respiratoires et de la
Ihermogénèse dans des conditions variées.
Il examinait, sous ce rapport, l'Influence de l'inanition, du régime
hydrocarboné, du régime carné, du repos ou de l'activité du sys-
tème musculaire, des conditions qui modifient le refroidissement du
corps par rayonnement, comme la tonte et le vernissage de la peau.
Sur la question précise qu'il avait tout d'abord embrassée, Lau-
lanié a montré que les courbes de la thermogénie et celles de l'ab-
sorption de l'oxygène et de l'exhalaison de l'acide carbonique sui-
vent une marche parallèle et, par là, a contribué heureusement à la
vérification de la tliéorie de Lavoisier sur l'origine de la chaleur
animale. De plus, il a éclairé le mécanisme de certaines discordan-
ces regrettables observées avant lui entre l'absorption de l'oxygène
et l'exhalaison de l'acide carbonique, lorsque variait la nature de
Talimentation.
Parmi les services les plus signalés qu'il ait rendus aux physio-
logistes, je signalerai l'explication qu'il a donnée de l'influence du
régime exclusivement hydrocarboné sur la marche des courbes de
la chaleur et celles des coefficients respiratoires.
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Ce cas semblait se soustraire à la théorie de Lavoisier en ce sens
que la quantité d'acide carbonique exhalée dépasse de beaucoup
celle de Toxygène absorbé. Mais Laulanié s'est aperçu que la courbe
thermique suit la cour}>e de l'absorption de Toxygène ; de sorte
(jue là encore la chaleur produite est bien le résultat des combus-
tions entretenues par Toxygène. Quant à Tacide carbonique excé-
dant, il provient d'un acte chimique qui n a rien à voir avec la ther-
mogénèse.
Les physiologistes et les chimistes supposaient que cet acte se
rattachait à Tanaérobiose et consistait en un dédoublement des hy-
drates de carbone en graisse, eau et acide carbonique, auquel ne
participait pas Toxygènc de la respiration. Les déterminations
thermogénéliques obtenues par Laulanié ont apporté une sanction
expérimentale aux indications théoriques.
A propos des conditions capables de retentir sur le processus de
la thermogénèse, nous avions conçu ensemble le projet de connaître
exactement la nature des réactions thermiques qui accompagnent
les maladies infectieuses.
Nous désirions savoir si la fièvre est toujours l'indice d'une aug-
mentation de la thermogénèse, si elle ne serait pas quelquefois la
conséquence d'un simple trouble des actes régulateurs de la chaleur
animale ou l'eiTet d'un trouble portant simultanément sur la ther-
mogénèse et la dispersion de la chaleur par rayonnement. Nous
aurions voulu connaître, en même temps, les rapports du chimisme
respiratoire et de la thennogénèse avec la destruction de la molécule
azotée.
Ce vaste plan reçut à peine un commencement d'exécution. 11 a
été entravé par la maladie du principal collaborateur, il mériterait
d'être repris, car l'ébauche partielle qui en a été faite nous avait
révélé des différences intéressantes : dans les cas de tuberculose
chronique par exemple, l'hyperthernie ne corrcsi)ond pas à une
augmentation des processus de la thermogénèse, mais à une régula-
tion particulière des actes de la déperdition, qui ne laisse entrer ces
derniers en jeu qu'à partir du moment où la lemj)érature moyenne
dépasse la normale, résultat [)artiellenient inattendu.
Après cette série de travaux où il est retenu sur le môme sujet
on apportant, chaque fois, plus de rigueur et de précision, il finit
par envisager la thermogénèse dans ses rapports avec le travail
musculaire.
En vérité, ses expériences sur cette question sont limitées à quel-
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ques points particuliers. Par exemple, il a montré, à son tour, que
la consommation de l'oxygène augmente pendant le travail muscu-
laire ; il*a contribué aussi à établir que le potentiel engagé dans la
production de la force musculaire est du glucose, et que ce glucose
est fourni, en partie, par la graisse alimentaire préalablement fixée
dans la réserve adipeuse, puis transportée dans le foie .où elle se
transformé en sucre.
L'utilisation des graisses d'après ce processus fait que, si le tra-
vail se prolonge, le quotient respiratoire dimiime, une certaine
quantité de l'oxygène se trouvant employée h transformer la graisse
en sucre.
Son incursion dans le domaine de l'énergétique musculaire mit
Laulanié plus f>articulièrement en relation scientifique avec notre
illustre maître, le professeur Chauveau, qui, depuis plusieurs an-
nées, fouillait ce vaste sujet jusqu'en ses moindres détails.
Il nV eut pas entre eux de collaboration dans le sens du mot, mais
des échanges de vue fréquents, une correspondance suivie, des dis-
cussions même qui furent profitables à l'avancement de la question.
Si le logicien disert qu'était Laulanié se dressait parfois et s'irri-
tait contre le déterminisme inébranlable de M. Chauveau, son émi-
nenl adversaire trouvait, dans la résistance d'un savant qu'il esti-
mait et affectionnait beaucoup, l'indication de chercher des argu-
ments nouveaux et des faits absolument péremptoires
Loin d'altérer leurs relations, ces discussions ne firent que les
resserrer davantage.
Pénétré mieux que personne de l'œuvre de M. Chauveau, Laula-
nié entreprit de la mettre à la portée du public savant dans un petit
volume extrêmement remarquable de la collection Léaulé intitulé
Energétique musculaire.
En présentant ce travail aux lecteurs, M. Chauveau se plaît à
dire que l'auteur a traité son sujet avec un rare talent, « très heu-
reusement servi par l'indépendance d'un libre esprit largement ou-
vert à toutes les idées générales, c'est-à-dire au souffle animateur
des véritables œuvres scientifiques ».
On ne pouvait en faire un plus bel éloge.
Laulanié écrivit avec le même esprit et le même talent ses Elé-
menh de physiologie, fruit de ses lectures, de ses méditations et de
ses recherches personnelles. Cet ouvrage, que je n'hésite pas à qua-
lifier d'admirable, acheva d'auréoler le nom de son auteur et de le
porter loin hors de nos frontières. 11 fut accueilli avec une faveur
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inusitée. La première édition (1902) était à peine achevée qu'il fallut
en entreprendre une seconde (1905), à la fois plus étendue et plus
complète. '
Le succès de ce livi'c se justifie d'ailleurs ; non seulement il est
très savant, richement documenté, mais encore très attachant, très
facile à lirç, même dans ses chapitres les plus ardus, grâce à l'or-
donnance parfaite des matériaux, à la clarté du style, à son pittores-
que, à son élégance, co(|uettes parures dont Técrivain ne manquait
jamais de décorer l'expression de sa pensée.
Laulanié regardait ce volume comme l'œuvre maîtresse de sa
\ie scientifique. Le hasard a voulu que j'en acquière la certitude.
J'étais, en effet, près de Laulanié au moment où ses éditeurs lui
annonçaient que les dernières épreuves étaient corrigées. Alors
je le vis en proie à une émotion réelle qu'il ne parvenait pas à do
miner, de celles que peut éprouver un auteur qui s'est donné tout
entier et avec amour à la conception et à l'exécution de son œuvre.
Les qualités et le cachet tout particulier que Laulanié savait don-
ner à ses écrits tenaient à la tournure de son esprit, à la valeur de
son jugement et aussi à sa haute culture littéraire.
11 réservait à la satisfaction et à l'ornement de son esprit tous les
instants qu'il dérobait à l'expérimentation et à ses fonctions. Il n'au-
rait pas accepté des occupations qui ne lui eussent laissé les loisirs
nécessaires pour suivre le mouvement littéraire, méditer sur le fond
et la forme de la pensée des meilleurs auteurs ou des auteurs à la
mode.
Il avait organisé dans ses appartements une bibliothèque où il
s'enfermait chaque soir pour vivre quelques instants avec les litté-
rateurs, les poètes, les sociologues et les philosophes.
La philosophie a toujours exercé sur son esprit une sorte de
fascination.
Dans sa jeunesse, le mystère de l'au-delà lui avait donné de véri-
tables angoisses.
Devenu expérimentateur, esclave de la méthode, il alla vers le
positivisme. Mais ceux qui vécurent dans son intimité étaient en
droit de se demander s'il était un adepte bien convaincu d'Auguste
Comte, car il adorait la métaphysique.
L'inconnaissable le préoccupait et il saisissait avec empressement
toutes les occasions d'en discuter. Faut-il s'en étonner ? Est-ce que
le rêve de l'infini n'a pas toujours hanté l'esprit humain ?
Dans le seul passage de ses Eléments de physiologie où il pou-
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\all encore dévoiler le fond de sa pensée, à propos de Texplication
du moi, on le trouve indécis et flottant : « Nous n'en atteignons que
la condition organique, dit-il, et à ce moment même nous parve-
nons aux limites de notre connaissance. Dire que la conscience est
la face subjective du mouvement est une pure tautologie, à moins
que ce ne soit une simple conclusion, mais ce ne sera jamais une
explication et il ne faut pas dire que Ton comprend Toute tenta-
tive pour aller au-delà nous fait pénétrer dans le domaine de la mé-
taphysique, où se confondent tous les problèmes que la science re-
jette comme inaccessibles à l'esprit humain. »
Au surplus, M. le docteur Labat, de Laplume, un ami qui fut sou-
vent son interlocuteur, m'écrivait récemment que Laulanié prot4?s-
tait lorsqu'on semblait douter de son positivisme. Mais, ajoutait-il,
« on sentait qu'il était mal à l'aise sur le terrain solide et un peu
étroit de cette doctrine. L'orientation nouvelle de la pensée philo-
sophi(|uo contemporaine lui eût apporté du soulagement moral et
de l'alléirresse intellectuelle. Le renouvellement de la psychologie,
l'étude de la portion subcpnsciente de Tûme, des forces vives qu'on
y constate et qui conditionnent peut-être le fonctionnement des fa-
cultés dites supérieures, le pragmatisme de William James, le livre
de Poincaré, certains articles de Boutroux, l'auraient enchanté ».
Après tout, qu'importe, comme l'écrivait Renan dans l'éloge de
Cl. Bernard : « le plus pur idéaliste est souvent celui qui croit de-
voir à une certaine franchise de se dire matérialiste ».
Cependant il faut regretter qu'il n'ait pu fixer sa pensée philoso-
phique, car ses préoccupations étaient celles des plus nobles esprits
de notre époque.
Son enseignement, ses recherches originales auxquelles vinrent
s'ajouter des fonctions administratives, ne lui en ont pas laissé le
loisir.
Nonrmié Directeur de l'Ecole vétérinaire de Toulouse, en 1888,
à l'âge de 38 ans, il dut consacrer beaucoup de temps pour s'adap-
ter à un rôle pour lequel il ne paraissait pas préparé. Mais il prit
sa tâche à cœur et l'on est unanime à reconnaître qu'il s'en acquitta
d'une façon très heureuse pour l'Ecole. Il perfectionna les installa-
tions scientifiques existantes, surtout il en créa de nouvelles, afin
de permettre à toutes les branches de l'enseignement de poui-voir à
l'instruction des élèves et de contribuer au progrès des sciences
médicales et de l'hygiène.
D'esprit large, tolérant et bienveillant, il sut rendre son autorité
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légère et s'entourer des sympathies et de la haute estime de son
personnel à tous les degrés.
Laulanié aimait le monde. A une certaine époque de sa vie, il
n'en dédaignait pas les plaisirs. Mais ce qu'il a toujours recherché
dans les réunions, c'est la conversation. Les idées naissent de la
discussion courtoise. Chez lui elles se précipitaient, nombreuses,
alternativement graves et légères. Il les exprimait vivement, sou-
vent d'une manière imagée, car il partageait avec quelques beaux
esprits le goût et l'art de la métaphore, parfois avec éloquence.
S'il ne parvenait pas toujours à convaincre ses interlocuteurs, tou-
jours il leur laissait l'impression d'un parfait galant homme, de
haute intelligence, ayant sur toutes choses des connaissances plus
ou moins approfondies, de qui l'on pouvait presque dire que rien
de Ce qui est humain ne lui était étranger.
Aussi était-il accueilli avec le plus vif empressement dans tous les
milieux où une part était faite aux préoccupations intellectuelles.
Dans l'intimité, il était charmant autant que remarquable.
La plupart des questions lui fournissaient l'occasion d'exercer
sa verve gaie et un peu mordante ou ironique, de décocher quel-
ques traits et de provoquer le rire. Maïs si les questions étaient sé-
rieuses, devenant subitement grave, il les envisageait à tous les
points de vue et sous toutes les faces, avec méthode, en un langage
élevé, qui impressionnait vivement ceux qui l'écoutaient.
Sa correspondance était délicieuse, non seulement parce qu'elle
était écrite en excellent français, mais parce que toutes choses pre-
naient sous sa plume un tour agréable, parce que les mots, leur
arrangement, reflétaient les moindres vibrations de son esprit et
donnaient l'illusion de se trouver face à face avec lui.
Cet homme brillant, tantôt gai et léger, tantôt absorbé par ses
préoccupations scientifiques, était un .sensible.
Il revoyait avec émotion tout ce qui lui rappelait son enfance mo-
deste, les chemins, les sentiers qu'il parcourait jadis avec son père,
les arbres où il s'était reposé dans sa jeunesse. En un mot, il se
plaisait à vivre les souvenirs qui attendrissaient son cœur et mouil-
laient ses paupières.
A un moment décisif de sa vie, il embrassa le mariage comme il
avait embrassé la science, avec le même enthousiasme et le même
désintéressement. Ensuite, il fut le plus tendre et le plus attentionné
(les pères.
Malheureusement, les trépidations conlinuelles du système ner-
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veux flans une nature toute de sentiment et d'intellectualité finirent
par amener cjuelque fatigue. Après avoir lutté pendant un certain
temps contre le mal, Laulanié dut se résigner au repos.
H choisit pour sa retraite les pentes des environs de Vevey, près
(lu point où elles plongent dans les eaux bleues du Léman, dans
cette partie de la Suisse où la nature s'est plu à rapprocher dans
le cercle de la vision les spectacles les plus gracieux et les plus'
imposants, où les eaux du lac légèrement ridées par la brise ou le
sillage des bateaux brillent scintillantes sous les rayons du soleil et
reflètent dans le calme du soir, à l'égal d'un miroir, les mille feux
<los villages et des villes dispersées sur ses bords.
Te prestigieux tableau impressionnait vivement notre pauvre ma-
lade. 11 le contemplait longuement et trou^vait dans cette vision une
diversion à sa tristesse. Peu à peu il se prit à l'aimer au point de
songer ne plus pouvoir s'en séparer. Enfin, envahi tout entier par
une admiration attendrie pour ce merveilleux paysage, il déclara à
plusieurs reprises que là il voulait dormir son dernier sommeil.
Hélas ! ce désir devait se réaliser. Malgré les soins les plus atten-
tifs et les plus dévoués, après des alternatives d'améliorations et
d'aggravations, c'est-.à-dire d'espoir et de découragement pour les
siens et ses amis, Laulanié succombait au mois de juin- 1906.
Il avait donné l'intuition de sa haute valeur et de sa haute culture
aux personnes qui l'avaient assisté dans sa retraite, tant chez lui
ces qualités rayonnaient sans qu'il s'en préoccupât. Une humble
parole m'en apporta la preuve.
Je voulus me recueillir un jour devant la tombe qu'il avait choisie.
Le gardien qui m'accompagnait voyant ma physionomie attristée
devant la pierre martelée brutalement sur ses bords, telle l'image
du Destin, me dit d'un accent sincèrement ému : « Il paraît que
c'était un grand savant. » 11 n'ajouta pas un mot, mais il concluait
mcntale?ncnt que notre pert« était imniense.
Et oui, Laulanié était un savant, doué des facultés les plus bril-
lantes, que le destin aveugle a brisé avant qu'il ait pu nous donner
toute sa mesure, avant qu'une grande découverte ou une grande
idée philosophique, qu'il était capable d'enfanter, ait rendu son
nom à jamais célèbre.
Son vœu a été respecté, Laulanié repose près de la petite église
de La Tour. Mais ses élèves, ses amis, ses admirateurs ont tenu à
posséder chez nous, dans sa patrie, un souvenir de celui qui leur
avait été si cruellement et prématurément enlevé.
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Ils ont érigé ce monument à sa mémoire, dans la ville où son
savoir était si fort apprécié, dans TEcole qu'il était en train d'illus-
trer.
A l'envisager, on croirait que les artistes qui l'ont conçu en ont
reçu les lignes générales de Laulanié lui-môme.
Du haut de son socle, le maître explore du regard la Science
soulevant à peine le voile qui la cache ; à droite et à gauche, des
bancs demi-circulaires semblent prêts à recevoir des disciples avides
d'entendre sa parole. Tel est bien le groupe qu'il aurait rêvé, car il
rappelle les deux ambitions de sa vie : découvrir et enseigner.-
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UN AGENAIS A LA PRISE DE LA BASTILLE
L^hisloire moderne se targue de procédés scientifiques et
le véritable historien ne doit ignorer aucune des lois de la psy-
chologie ; la nouvelle école pense, avec raison, que le docu-
ment le plus futile peut présenter un intérêt pour nous rensej"
gner sur la mentalité d'une société ou Tétat d'esprit d'une
époque. A ce titre, il nous a paru utile de publier une lettre
écrite par un Agenais quelques jours après la -prise de la Bas-
tille; dans cette épilre, il nous narre ses impressions, ses crain-
tes, ses appréhensions et, s'il ne nous apprend rien de nouveau
au point de vue des faits, il nous permet de saisir avec la plus
grande netteté les opinions d'un bourgeois agenais à tendan-
ces libérales ; dans les termes qu'il emploie, il'est facile de
deviner avec quel enthousiasme il voit arriver un nouvel or-
dre de choses. M. du Prat était un riche négociant en draps
installé rue Cornières, il appartenait à une vieille famille de
bourgeois agenais, qui avait essaimé dans les environs et
fondé à Bordeaux 'et à Toulouse des maisons analogues à celle
d'Agen. Vers 1789, c'est chez lui que les élégantes agenaises
trouvaient les soies brochées, les satins brodés de roses et
pailletés d'or et d'argent, ainsi que toutes les étoffes à la
mode l'pereienne, musulmane, indienne, égyptienne et Gour-
gourand; il exerçait en ce moment le rôle délicat d'arbitre des
élégances. Son magasin avait une réputation régionale et chez
lui on trouvait toujours l'étoffe à la dernière mode de Paris,
.la dernière fantaisie du moment. Il se faisait un point d'hon-
neur de se tenir au courant des nouveautés et entreprenait
chaque année un voyage à la capitale. Ce n'était pas une petite
affaire. Parti dans les derniers jours de juin, après s'être ar-
rêté à Bordeaux pour voir son frère, il arriva à Paris le 10
juillet 1912. A partir de cotte date, il assiste avec un intérêt
passionné à toutes les phases de la Révolution et oubliant pour
un instant d'observer cl de noter les évolutions de la mode, il
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— 274 —
préfère s'occuper de celles de la politique. En Gascon avisé,
il se trouve toujours à l'endroit où il y a quelque chose à voir.
Sa correspondance (1) est pleine d'aperçus intéressants qui
nous fixent sur les passions politiques de ce temps. Une chose
frappe surtout à la lecture de ces documents, c'est le rôle effa-
cé joué par Louis XVI dont il parle à peine et au contraire, la
place prépondérante qu'y occupe Marie-Antoinette, contre la-
quelle il s'acharne, l'accusant de tous les crimes et de toutes
les infamies. Faût-il voir dans cette haine l'influence du duc
d'Aiguillon qui ne pardonnait pas à la Reine le veto formel
qu'elle opposait à son retour aux affaires? Dans ce cas,
nous ne saurions nous étonner de voir un de nos com-
patriotes -se faire l'écho des cancans populaires contre une
reine assez audacieuse pour empêcher un Gascon d'arriver
au ministère, où, de tous temps, notre race a eu une place mar-
quée. A ces raisons d'intérêt régional, il faut en ajouter d'or-
dre plus général ; Ma rie- Antoinette était à celte époque calom-
niée par toutes les chansons et diffamée par tous les libelles,
en racontant tous ces cancans à son frère, M. du Pral ne fai-
sait que remplir consciencieusement son rôle d'informateur...
il le faisait avec d'autant plus de plaisir qu'il ne cachait pas
ses préférences marquées pour le nouveau régime, qu'il espère
être celui de l'égalité et de la liberté.
La prise de la Bastille ayant été le premier acte de la Révo-
lution, il est intéressant de noter l'impression que produisit
cet événement sur les contemporains. Par une lettre datée du
18 juillet 1789, M. du Prat nous fixe à cet égard.
« Mo voici arrivé, mon cher frère, depuis huit jours, mais dans
un inoirH^nl bien criliquo puiscjuo j'ai trouvé Paris dans un désoi*-
(Jre aflnuix causé par le renvoi de M. Nccker cl rarrivéc d*un corps
de li'oupes étrangères. On n'a su ([ue dimanche le renvoi de
M. \ccker, le même jour, le connnun du peuple s'est armé el il y
(1) Celte correspondance est adressée à son frère M. du Prat, négociant à
Bordeaux, rue du Fort-l'Esparre ; elle se trouve actuelleraeni en la posses-
sion de M. Paul Amblard, qui la tient de son bisaïeul M. Louis Amblard, qui
fut 1 exécuteur testamentaire de M. du Prat.
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— 275 —
a eu des incursions par les troupes étrangères. Lundi la bourgeoi-
sie s'est armée, mardi elle s'est emparée des canons des Invalides
avec leurs munitions et de soixante mille fusils qui y étaient en dé-
pôt; le même jour, la Bastille a été assiégée et forcée, la gaVnison
passée au fil de Tépée, cl le gouverneur décapité ainsi que le ma-
jor, le prévôt des marchands a subi le même sort comme traître
envers la nation et leurs tôles ont été promenées dans la ville, les
prisonniers ont été élargis et le même soir, ce monument du des-
potisme a été démoli en partie ; le mercredi le Roy a fait annoncer
le renvoi des troupes étrangères par une députation des Etats; le
lundi la bourgeoisie s'est fortifiée et a doublé ses gardes et hier
vendredi le Roy est venu sceller la paix, annoncer le renvoi de ses
nouveaux ministres et le rappel des anciens. La bourgeoisie a for-
mé un corps de 150,000 hommes bien armés et les gardes françai-
ses étaient de leur parti. Voilà des choses bien étranges et si je
n'en avais, été le témoin, je croirais que c'est un rêve. Il était temps
d'en agir ainsi, autrement nous devions être canonnés à boulets
rouges et peut-être n'existerions-nous plus.
« Adieu, porte-toi bien, etc.. »
La fin de cette lettre nous paraît aujourd'hui un peu exagé-
rée, mais nous excuserons son auteur en songeant qu'il arri-
vait des bords de la Garonne et qu'à ses yeux, de modéré, il
fallait bien trouver des excuses à des violences que Tami de
Tordre réprouvait, même lorsqu'elles annonçaient l'avènement
du régime de ses rêves !
Jacques Amblard.
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BIBLIOGRAPHIE
Correspondance de Bossuet, nouvelle édition augmentée de let-
Iros inédiles et publiée, avec des notes et des appendices, sous le
patronage de rAcadémie française, par C\\, Urbain et E. Le\es-
que, tome v (janvier lG92-septeinbre 1693). — Paris, librairie Ha-
chette et C***, 79, boulevard Saint-Germain, 1912, 1 vol. in-8** de
558 pages.
Les éditeurs de la Correspondance de Bossuet poursuivent mé-
Ihodiquemont- et régulièrement la réalisation de Tœuvre entrepri-
se (1). Les éloges mérités par les j)récédents volumes peuvent à
bon droit être décernés à celui qui vient de paraître. C'est toujours
la même précision et la même abondance dans les notes.
Quand on ferme le livre après Tavoir lu, Timpression qui en reste
esl excellente. On a la sensation qu'après l'achèvement d'une oeu-
vre pareille il sera possible d'écrire une biographie plus complète
et plus exacte de celui qui fut et sera [)eut-être toujours le plus
grand des orateurs de la France.
Les appendices de plus en plus nombreux occupent en ce der-
nier volume 85 pages de lexle. Des 243 lettres qu'il contient, 197 ont
été publiées d'après les originaux, ou sur des copies authentiques,
et les autres, sauf indication spéciale, d'après le texte donné par
Deforis. On remarquera (jue 42 de ces lettres ne figurent pas dans
l'édition Lâchât, qui est jusqu'ici la plus complète et la plus répan-
due ; le texte de la plupart des autres, déjà données par cet édi-
teur a été notablement complété d'après les originaux. Enfin on
doit regarder connue inédites celles qui n'on-t été publiées dans la
Uevue Bossuet qu'en vue de la présente édition.
Jean Dubois.
(1) Voir Revue de VAgennis, année 1911, p. 173.
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CHRONIQUE
Classement comme monument historique de l'autel de la cha-
pelle de Tancien Couvent des Carmélites d'Agen, aujourd'hui
le Lycée de lilles. — Il y a plus de vingt ans déjà nous appelions
dans celle Revue (1) Taltenlion de ses lecteurs, comme des archéo-
logues et des artistes, sur le magnifique autel Louis XV de la cha-
pelle de l'ancien couvent des Carmélites d'Agen, plus tard le lycée
impérial de garçons, aujourd'hui le lycée de filles. Sa riche orne-
mentation, ses boiseries, ses dorures, en font un des plus remar-
quables des églises d'Agen. Son importance est encore accrue par
un superbe tableau représentant sainte Thérèse en extase, que Ton
croit pouvoir attribuer à l'Ecole espagnole et qui en orne le pan-
neau principal.
Une menace de vente a pesé, il y a quelques années, sur ce bel
immeuble. Aussi la Société académique d'Agen crùl-elle devoir à
ce moment en demander le classement. S'il n'a pas été effectué
jusqu'à ce jour, du moins tout danger d'aliénation paraît devoir
être à tout jamais écarté.
Néanmoins, le nouveau Conseil municipal d'Agen, pressenti par
l'autorité supérieure, s'est empressé, dans sa séance du 29 mai der-
nier, d'émettre à l'unanimité un avis favorable de classement. Nous
Icn félicitons hautement.
Aussi croyons-nous devoir reproduire ici in-exlens'o le remarqua-
ble rapport que noire collègue, M. Allègre, a présenté au Conseil
nmnicip^l, auquel s'associe de nouveau pleinement la vSociété aca-
démique d'Agen :
« Messieurs, M. le Préfet de Lot-et-Garonne a informé M. le
« Maire d'Agen, le 2 avril dernier, que la Commission, des Monu-
(( ments historiques a proposé de faire prononcer le classement, au
(1 nombre des monuments historiques, de l'autel situé dans la cha-
« pelle du Lycée des jeunes filles d'Agen.
« Hier, 26 mai, vous m'avez chargé de recueillir les renseigne-
(1) Voir nevue dr rArjenais, ann'7«» 1911, p. 173.
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— 27S —
« ments utiles pour vous éclairer à ce sujet, et, ce matin, je me
(1 suis présenté à notre Lycée de jeunes filles, où j'ai exposé l'objet
« de ma mission à M"* l'Econome, qui aussitôt m'a fait ouvrir la
« porte de l'église.
« Cet édifice, à nef unique, frappe par ses heureuses proportions
« et par la grâce de ses voûtes ogivales. Ensuite, lorsqu'on dirige
« ses regards vers le chœur, on est comme ébloui par la richesse
« de la décoration de Tîmlel qui occupe le fond de la chapelle. Au
« centre une pointure représentant sainte Thérèse retient les yeux
<i émerveillés par le cliarmc harmonieux du coloris, la correction
« du dessin, l'attitude hiératique de la Patronne des Carmélites.
« Quatre colonnes de porphyre soutiennent le dessus de l'autel, et
(( des plaques de marbre de Sarrancolin et de Campan, aux brillan-
ce tes couleurs, sont symétriquement disposées à droite et à gauche
u entre les colonnes et à côté d'elles.
« L'ensemble est d'un élégant rococo. Les f>ierres et les bois
« sculptés, les peintures et les dorures sont en parfait état de con-
<i servation cl forment un précieux joyau dont nous avons le droit
« d'être fiers. Je crois donc devoir vous proposer de donner un
« avis favorable au classement comme monument historique de
« l'autel et du retable de la chapelle du Lycée de jeunes filles
(i d'Agen.
« Ce 27 mai 1912.
« Allègre. »
Le Conseil municipal a adopté les conclusions du rapport ci-
dessus.
Congrès international d'anthropolo^e et d'archéologie préhis-
toriques. — La XIV* session du Congrès international d'anthropo-
logie et d'archéologie préhistoriques aura lieu ù Genève, du 9 au
15 septembre do cette année. Le Comité d'organisation adresse un
chaleureux appel à. toutes les sociétés savantes de France. Voici les
(juestions générales qu'il propose et dont il envoie le programme
à notre Société :
Questions générales proposées par le Comité.
1. Chronologie des temps quaternaires.
2. Les races fossiles de l'Europe.
3. Classification des Hominida; actuels.
•i. Documents nouveaux sur l'art quaternaire.
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— 279 —
/
5. Jusqu'à quel point les résultais chronologiques obtenus par les
observations slratigraphiques pour un territoire de civili-
sation déterminé, peuvent-ils s'appliquer à d'autres terri-
toires présentant des phénomènes de civilisation analogues ?
6. Les restes des races préhistoriques, en Afrique, en Asie et ei>
Amérique.
7. Y a-t-il une corrélation génétique entre les époques de la
pierre en Europe et en Asie ?
8. Les Pygmées, préhistoriques et actuels.
9. Les « Primitifs » actuellement vivants.
10. Les rapports méditerranéens entre l'Afrique et l'Europe aux
temps préhistoriques.
11. Répartition géographique des trouvailles aziliennes.
12. Déterminer l'époque ou les époques auxquelles remonte la
fabrication des objets en pierre taillée et en pierre polie
dans l'Afrique intertropicale ; indiquer la répartition géo
graphique de ces objets et les traces de fabrication actuelle
d'objets semblables dans les mêmes régions.
13. Terminologie et classification des vases néolithiques ornés.
14. De l'utilité et do l'extension des constructions lacustres dans
les temps passés et dans le présent.
15. Comment ont pris fin les palafittes de la Suisse.
16. Indiquer les stations dans lesquelles on a recueilli des pote-
ries à ornements géométriques incisés antérieures à l'épo-
que gallo-romaine.
17. Les relations entre l'Italie et l'Europe au nord des Alpes
pendant l'âge de bronze.
18. Origine de l'emploi du fer.
19. Rechercher par quelles voies commerciales sont parvenus,
dans l'Europe centrale, et la Gaule orientale, divers produits
iiidustriels de provenance hellénique aux époques de Halls-
ladt et de la Tène.
21. Etude comparative des signes symboliques représentés sur
les monuments ou objets des temps protohistoriques.
22. Les pierres à bassins, à écuelles, y cupules. Leur origine,
leur signification ou leur destination.
23. l'nificalion des mesures anthropologi(|ues (suite du travail
entrepris ù Monaco), l'nification de la nomenclature.
* *
La défense des églises de France. — Une magnifique conférence
sur la question « Commviil aaiu cr nos cyliscs ? » vient d'a\oir lieu
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- 280 ~
à Caen, le 31 mai dernier, sous les auspices de la Société française
d'archéologie.
On sait que cette société, que préside depuis plus de dix aihs avec
tant d'autorité M. Eugène Lefèvre-Pontalis, professeur d'ardiéolo-
gie à l'Ecole des Chartes et membre de la Commission des Monu-
ments historiques, a été fondée à Caen eu 1834 par Arcisse de
Caumonl, soutenu par Montaiembert et \ ictor Hugo, qui menaient,
en présence des mêmes dangers, une campagne identique à celle
qu*a entreprise de nos jours M. Maurice Barrés.
Aussi ce dernier s'est-il empressé de répondre à lappel de
M. Eug. Lefèvre-Ponlalis, en motivant ainsi son acceptation :
« J'aurais voulu, a-l-il dit à M. F. Engerand, député du Calva-
« dos, faire une visite de remerciements à chacune de ces nombreu-
« ses sociétés arcliéologiqucs ou académies provinciales <\uï ont
« apjiorté un ap[)Ui si précieux à la campagne des églises et qui
« ont signé la « pétition des artistes »; avec la meilleure bonne vo-
<( lonlé du monde, je ne le pouvais pas : mais, en me rendant à
u Caen, sur l'invitation de Fillustre Société fondée par M. de Cau-
« mont, j'enl«nds donner un témoignage de déférence et de grali-
<( tude à toutes ces compagnies qui groupent un si grand nombre
« d'hommes éminenls et qui sont admirablement placés, en dehors
« de toute politique, pour obtenir le sakit de notre architecture reli-
« gieuse et des monuments de la vie spirituelle française. »
On n'ignore pas que la Société académique d'Agen a été une des
premières à envoyer son adhésion à M. Maurice Barrés.
Le succès de cette conférence a dépassé toute espérance. Plus de
deux mille persoinies y assistaient. Sur l'estrade avaient pris place,
aux côtés de l'éminent conférencier et du président, Mgr l'évèque
de Baveux, M. Fernand Engerand, rainiable député du Calvados,
si dévoué lui aussi à la défense des causes artistiques ; M. Flandin,
député de Pont-l'Evêque ; M. PerroUe, maire de Caen ; M. Sou-
ri'au, président de l'Académie de Caen ; M. de Longuemare, pré-
sident de l'Association normande ; M. Le Vard, i)résident de la
Société des beaux-arts, etc....
La renommée du conférencier, le puissant inlérèt national et ar
listique du sujet, avaient réalisé le miracle de réunir dans la salle
des hommes de toutes opinions politiques et de loules croyances.
Leur accord unanime pour affirmer qu'il faut sauver nos églises
élait H lui seul un programme d'action. El tous encore se sont Irou-
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— 281 —
vés d*accord pour faire une chaleureuse ovation à M. Maurice Bar-
rés.
Avec ce prestigieux talent d'évocation qui le caractérise, Torateur
a tracé un tableau émouvant de la beauté des églises de France et
du péril qu'elles courent. Il s*est surtout attaché à bien définir le
caractère et le but de la campagne qu'il mène pour elles et qui est
au-dessus de toute politique de parti.
« — Empêchons, a-l-il dit, les églises de s'écrouler ; plus tard,
« nous nous occuperons du règlement général des difficultés créées
« par la loi de séparation. Une solution générale et définitive, tout
« le monde le sait bien, ne s'obtiendra que le jour où l'on voudra
« s'entendre avec Rome. Mais aujourd'hui le problème urgent pour
« lequel il faut une solution, fût-elle provisoire, c'est que les égli-
« ses soient entreténues, sauvegardées, même si les conseils mu-
« nicipaux s'y opposent. »
Ajoutons que M. Barrés est en mesure d'apporter devant la Cham-
bre une solution provisoire qui cadrera avec l'ensemble de notre
législation, en s'en tenant au point de vue des monuments histori-
ques.
Ph. L.
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PROCÈS-VERBAUX
Des fléuiees de la S^iété des SeieMes, LellKS et Arts d'Agei
Séance du 2 mai 1912. — PrésUlence de M, le rhanoine Durengues
M. de Lagraiige-Ferrègues, membre correspondant, est élu mem-
bre résidant.
M. Jacques Amblard remercie la Société de l'honneur qu'elle lui
a fait en le nommant membre titulaire. Il l'assure de son zèle et de
son dévouement.
M. J. Duffau, pharmacien à Sos, fait part des dernières décou-
vertes effectuées dans celle ville. Il cite notamment « un fragment
« de flûte ou de sifflet en os, percé de quatre trous, présentant Tas-
« pect de ceux signalés dans les (-..vernes de Tépoque néolitique ou
« dans les Palafittes. » Il a été trouvé à 6 mètres de profondeur,
dans la couche sablonneuse de la brèche du rempart nord, non loin
de l'endroit où gisaient les pierres à tenons. M. Duffau en repro-
duit le dessin grandeur naturelle.
A son tour, M. Lagarrigue, instituteur ^ Meylan, fournit d'inté-
ressants renseignements sur les projets d'exploitation des miniè-
res de fer de la vallée de la Gueyze, formant tant dans le Lot-et-
Garonne que dans les Landes une étendue de près de 15,000 hecta-
res. Il donne copie de l'analyse de ce minerai, où, à côté du man-
ganèse, de l'alumine, du soufre, du phosphore, se révèle une pro-
portion de fer de 46,20 pour cent. Il a été découvert également, au
lieu de Lussole, commune de Losse (Landes), une très importante
mine de lignite. Quant aux vestiges d'antique exploitation, M. La-
garrigue estime qu'on a beaucoup exagéré. Il fournit un croquis
des endroits où se trouvent encore quelques menhirs, et il énumère
les divers objets ï)réhistoriques qu'il a pu lui-môme recueillir.
M. 0. Fallières communique enfin un très curieux document,
conservé aux archives départementales, sous le titre de « Vente des
« effets mobiliers trouvés dans une malle appartenant à feu Solmi-
« niac, oncle de l'émigré Solminiac, cadet. » Celte pièce, qui porte
la date du 9 prairial an III, permet de constater quelle était la gar-
de-robe habituelle d'un officier de cavalerie sous Louis XVI, de
l'ordre de la noblesse, et qui avait ses entrées à la cour. M. Lauzun
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— 283 -
donne lecture des divers articles spécifiés dans celte vente aux en-
chères, non sans avoir cherché à identifier les personnages dont
il est question, d'après le travail sur la famille de Solminihac, pu-
blié par MM. de Saint-Saud, Paul Huet et le marquis de FayoUe,
et à prouver que le propriétaire desdils objets devait être Pierre
Slull de Solminihac, cornette de cavalerie au régiment de La Vieu-
villc, et tué, croit-on, aux Tuileries dans la tragique journée du
10 août 1792.
Séance du 6 juin 1912. — Présidence de M. Allègre
En termes choisis et des plus heureux, M. de Lagrange-Ferrè
gucs adresse ses remerciements à la Société qui a bien voulu Tad-
metlre dans ses rangs comme membre résidant ; il restera toujours
son fidèle compagnon de route et s'efforcera de devenir son plus
zélé collaborateur.
M. le Secrétaire donne connaissance du programme du prochain
Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhislori-
(jues qui se tiendra à Genève du 9 au 15 septembre prochain.
Il communique ensuite une lettre de M. le docteur Martin, prési-
dent actuel do la Société des Archives historiques de la (lironde,
auteur de remarquables travaux d'ampélographie et d'œnologie,
(|ui signale les dangers que font courir aux vignes greffées les ge-
lées d'hiver et qui indique comme préservatif le couchage des dites
vignes. Il demande en conséquence à toutes les Sociétés savantes
du Sud-Ouest de vouloir bien le renseigner sur la question de sa-
voir dans quelle directipn et jusqu'où se font sentir d'ordinaire 4es
froids qui atteignent les vignes des déparlements voisins de la Gi-
ronde, et quels ont été chez eux les hivers viticides depuis le xv' siè-
cle. De ces données, l'agriculture et la météorologie ne pourront
retirer que le plus grand profit, car l'histoire doit nous apprendre
à craindre ces fléaux anciens, pour nous amener à les combattre et
à nous en préserver k l'avenir.
Sur la demande de ses collègues, M. Allègre veut bien donner lec-
ture de son rapport présenté au Conseil municipal d'Agen sur le
projet de classement comme monument historique du magnifique
autel Louis XV et du non moins .beau tableau qui le décore, Sainte
Thérèse en extase, de la chapelle de l'ancien couvent des Carméli-
tes d'Agen, aujourd'hui le lycée de filles. C'est à l'unanimité que
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— 284 —
l'approuve la Société, et qu'elle s'associe ù ce projel de classement
dont elle avait pris depuis longtemps Tinitiative et dont elle deman-
de Turgence.
La biographie de Mgr de Belsunci; est trop connue pour que M.
Tabbé Marboulin ait besoin de la rappeler, il lient seulement à si-
gnaler Tarticle que M. Dujarric-Descombes vient de publier sur ce
[>rélat dans le dernier numéro du Bulletin do la Société historique
v\ archéologique du Périgord, et tout particulièrement le beau por-
trait qui orne cette étude, les fac-similé de ses ex-libris, et le goût
très prononcé qu'avait notre illustre compatriote pour la littérature,
les beaux-arts et les livres rares et précieux dont il avait orné la
riche bibliothèque de son palais épiscopal de Marseille.
Tout a été dit sur la prise de la Bastille. Très goûtée néanmoins
a été la lettre qu'un sieur Duprat, négociant des Cornières d'Agen,
écrivait de Paris à son ami Louis Amblard, le lendemain même de
cet événement, lettre lue par son propriétaire actuel M. Jacques
Amblard, et qui dénote d'une façon bien curieuse quel était Télat
d'esprit d'un bourgeois Agenais de cette époque, inféodé déjà au
parti Girondin.
Revenant sur les découvertes de Sos, M. Lauzun résume le mé-
moire, orné de fort jolis croquis, que lui a envoyé M. Lagarrigues,
instituteur à Meylan, sur les Exploitations minières du pays des
Sotiates, et qui traite successivement des Sources minérales de la
région, de ses gisements miniers et des vestiges d'anciennes exploi-
tations.
Ph. L
La commission d'administ. et de gérance : O. Fallières, Pli. Lauzun, O. Granat
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<
<
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V
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SOUVENIRS DU VIEIL AGEN
L'ÉGLISE ET LE QUARTIER S^^-FOY
Le culte de Sainte Foy a toujours été en grand honneur à
Agen.
Comment en aurait-il été autrement ? Le martyre de la
jeune patricienne agenaise, les supplices atroces que lui fit
endurer le proconsul Dacien, sa mort héroïque,' le nombre
considérable de chrétiens qui suivirent son exemple et qui
tous, comme elle, subirent la décollation, les miracles enfin
qui pendant tout le haut moyen-âge se multiplièrent autour
de ses reliques, tout cela n'était-il pas fait pour frapper
l'imagination de ses compatriotes, pour lui assurer la plus
éclatante dévotion, et, depuis Tan 303 jusqu'à nos jours,
o'est-à-dire pendant plus de seize siècles, perpétuer sa
mémoire, ses vertus, la gloire et la sainteté de son nom ?
Le premier soin des Agenais fut de lui élever un temple.
On n'ignore pas quelles furent, du reste, les phases diverses,
dans notre cité et ailleurs, du culte de Sainte Foy. D'autres
plus autorisés l'ont raconté avant nous. A leurs ouvrages nous
renvoyons nos lecteurs (1). Rappelons seulement ici, d'après
les documents authentiques qui nous «ont fournis par les
Acta Sanctorum et le Texte de la Passion de Sainte Foy^
que la vierge agenaise fut martyrisée le 6 octobre de l'an
303 sur une des places publiques de l'Aginnum romain ; que
son corps avec ceux de sa sœur Alberte, de Caprais, de
(1) Voir notamment sur Sainte Foy les nombreux écrits de MM. les abbés
Servières et A. Bouillet : Histofro de Sainte Foy, Rodez, 1879, in-12. — Petite
histoire de Sainte Foy, Rodez, 1896, in-12. — Sainte Foy, cierye et martyre,
Rodez, 1900, in-4' de 800 p. avec de nombreuses gravures. — Sainte Foy,
rierye et martyre à Afjun. Agen, 1901, in-S". — Fs.-fai sur l'iconofjrnplue de
Sainte Foy, Caen et Paris, 1902, in-8»; etc.
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Prime, de Félicien, qui, comme elle, avaient confessé leur
foi et subi le même supplice, furent jetés dans les marais que
formaient au nord de la ville les eaux croupissantes de la
Masse; que plus tard enfin, lorsque le christianisme eut
conquis les Gaules, les débris de ces corps furent pieusement
recueillis et portés, dès le V siècle, dans le petit temple élevé
en leur honneur sur l'emplacement même où ils avaient été
découverts.
Cette crypte, dite des Martyrs^ existe encore dans son état
primitif. Elle est placée sous l'autel même de la chapelle, dite
des Pénitents Gris, autrefois la chapelle de l'hôpital Saint-
Jacques. De forme sensiblement carrée, elle mesure, ainsi que
nous l'avons déjà écrit, 4 mètres dans sa plus grande longueur.
« Au mur du fond est adossé un autel, au devant duquel
(( s'ouvre le puits où furent précipités, dit la tradition, les
« corps des martyrs. L'appareil primitif du mur est
ft malheureusement recouvert d'un enduit sous lequel se
« distinguent d'anciennes peintures. Tout autour le sol est
« jonché de sarcophages, dont quelques-uns ont été extraits
« et portés au Musée d'Agen. La crypte des Martyrs est,
« avec celle de Monsempron, la seule que Ton retrouve dans
« les églises romanes de TAgenais (1) ».
Mais cette modeste chapelle ne pouvait suffire longtemps
à l'ardente foi de nos pères. Un temple plus grand et plus beau
s'imposait pour abriter plus convenablement les précieuses
reliques de la sainte. Il fut construit, vers l'an 405, par l'évêque
Dulcide, à côté de la crypte primitive, « là même, ajoute la
légende, où le martyre avait eu lieu. »
Des plus impressionnantes fut la cérémonie de la translation
des saintes reliques. Elle a été racontée tout au long par
MM. Servières et Douillet à la page 473 du tome xxviii de
cette même revue. Nous n'y reviendrons pas. Disons seulement
(1) Guide archéologique du Congrès d*Agen et d'Auch en 1901, par Ph. Lau-
zun, p. 9.— Cf. : Reçue de l'Agenais^ t. xxviii, p. 471, 1901, Sainte Foy, vierge e^
martyre à Agen^ par MM. Servières et A. Bouillet. Voir, à ladite page, le pe-
tit plan de cette crypte des martyrs, dû à l'obligeance de M. G. Rohault de
Fleury, qui l'avait déjà reproduit dans l'un de ses beaux ouvrages.
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— ^K7 —
qu'alors fut opérée la séparation des corps des saints martyrs.
Celui de Sainte Foy fut dépose avec les plus grands honneurs
dans la basilique nouvelle et enfermé dans un riche sépulcre
de marbre, taillé avec art, portant une inscription sculptée
en relief ; tandis que celui de Saint Caprais fut porté dans la
basilique voisine, encore plus belle, qu on éleva tout exprès
pour le recevoir.
De la basilique primitive de Sainte Foy, élevée au v* 'siècle,
nous ne savons rien,- quoiqu'en disent MM. Servières et
Bouillet (1). Quels étaient sa forme, son style, son genre de
construction, ses dimensions? Nous l'ignorons absolument.
Résista-t elle au choc des Barbares, des Sarrasins, des
Normands? Il est probable que non ; car, construite hors des
murs de la première enceinte, elle se trouvait exposée, sans
défense aucune, aux premiers coups de Tennemi.
Ce qui malheureusement est plus certain, c'est qu'à la fin
du IX* siècle, par manque de surveillance et abandon dans
cet endroit écarté, les reliques de Sainte Foy furent effron-
tément volées par les moines de Conques, et, comme celles
de Saint Vincent, aussi mal gardées dans l'église du Mas-
d'Agenais où elles avaient été déposées (?), portées, sans
scrupule aucun, à seule fin d'allécher les fidèles et de recevoir
leurs offrandes, dans l'abbaye Rouergate, où, en dépit de la
désolation et des vaines revendications des Agenais, elles sont
toujours demeurées depuis.
Ce vol audacieux ne fit qu'accroître la dévotion de nos
pères à Sainte Foy. Témoin Tégliso qu'ils lui élevèrent de
nouveau au xui® siècle, sur les ruines sans doute de la
basilique de Saint Dulcide, et qui est restée debout jusqu'à
ces derniers temps.
L'église de Sainte-Foy, en efïet, telle que nous l'avons
vue jusqu'au moment du percement du boulevard Carnot en
1892, offrait tous les caractères de la période gothique. Elle
ne consistait au début qu'en une seule nef, à trois travées,
voûtées en grandes croisées d'ogives légèrement surhaussées.
(1) Reçue fie l'Amenais, xxviii, 1901, p. 472.
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« Les arcs, écrit M. Tholin, qui l'avait d'abord vue d'un œil
« défavorable, mais qui était revenu sur ses premières
« impressions lors de la démolition des bas côtés et du
« dégagement de ses fenêtres; la considérant alors, avec U
« chapelle de Notre-Dame du Bourg, comme un des rares
« spécimens de larchitecture de cette époque dans notre
« région, les arcs, dit-il, dont les moulures sont assez fines,
(( reposent sur des consoles dont la plupart ont été refaites.
« Les fenêtres à cintres brisés sont étroites, munies à
« l'intérieur de colonnettes dans leurs montants, comme les
« baies romanes. On remarque des cordons qui forment un
« encadrement en forme de merlons autour de ces fenêtres.
« Les murs sont en grande partie bâtis en briques beaucoup
« plus petites que celles employées dans la construction des
(( Jacobins.
« A rintérieur, un cordon, au profil carré, posé sur un rang
(( de raodillons, circule aux deux tiers environ de la hauteur.
(( Au dessous de la charpente à angles très obtus, on a ménagé
(( une sorte de retraite qui a des baies en plein cintre, faisant
« sans doute l'office de créneaux. Car l'église était reliée à
« l'enceinte fortifiée (!).»>
Le plan d'après Lomet, que nous donnons ci-contre, de
l'église de Sainte-Foy, A, commode celle de Saint-Caprais, B,
et de tout ce quartier nord de la ville, nous montre que la
basilique en question, non seulement n'était pas attenante à
l'enceinte des murailles, mais qu'elle en était séparée d'une
douzaine de mètres au moins. Ses murs toutefois, à la rigueur
crénelés, pouvaient, en cas de siège, constituer une défense
assez sérieuse.
Au XV® siècle, d'importantes modifications furent apportées
à l'économie primitive de cette église. Forcé de l'agrandir par
suite de l'affluence toujours plus considérable des fidèles,
l'architecte construisit, d'abord sur ses deux faces nord et
sud deux bas côtés C et D, qui furent voûtés en croisées
d'ogives longitudinales, puis à la suite du chevet plat un
(1) G, Tholin, Etudes sur l'arr/ûUirturo roUgieusi^ de l'AK)enais^ p. 263.
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chevet pentagonal E, en pierre, flanqué aux angles de
contreforts, mais plus bas que la nef. De larges fenêtres dans
Je style flamboyant vinrent Tajourer sur trois de ses côtés,
tandis que à Tintérieur les murs latéraux étaient ouverts en
brèche, afin de permettre la communication avec ces deux
bas- côtés.
La seule partie disparate de l'église de Sainte-Foy était le
maigre clocher qui s'élevait au-dessus du mur de façade
ouest, et dont les proportions mesquines juraient avec le reste
de Tédifice.
On peut s'en rendre compte par la vue, que nous donnons en
tête de ce chapitre, de 1 église de Sainte-Foy, telle qu'elle se
trouvait au milieu du dernier siècle, avant que le mur d'en-
ceinte n'ait été démoli pour faire place à la gare actuelle. C'est
une des premières photographies qui ait été obtenue à Agen.
Son ancienneté constitue seule sa valeur. Aussi n'avons-nous
pas hésité à la reproduire ; car elle nous donne une idée très
nette de l'aspect qu'otîrait à cette époque le quartier Sainte-
Foy, avec sa vieille église, le mur de la dernière enceinte en
moyen appareil, le cimetière attenant, dont on voit les
tombes surmontées d'une petite croix ou ombragées par des
cyprès, enfin la petite tour Saint-Fiary encore intacte, sur
laquelle nous reviendrons.
Peu de temps après la construction de la gare des voyageurs
et de la voie ferrée, les paroissiens de Sainte-Foy, jugeant
avec raison que ce. semblant de clocher déparait absolument
leur église, s'imposèrent pour en élever un plus digne. Ils
s'adressèrent à M. Léopold Payen, architecte départemental,
qui construisit la flèche hardie que l'on voit encore et dont
l'élancement harmonisait alors très convenablement la masse
de l'édifice.
Le percement du boulevard Caruot a modifié, en ces derniers
temps, cet état de choses. Le chevet et les deux travées
supérieures de la nef ayant été expropriés pour cause d'utilité
publique et démolis en 1892, il n est plus resté que la première
travée et le clocher.
Bien que fort disparate par son manque de proportions.
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rimmble chapelle, toujours dédiée à la vierge martyre, n'en
constitue pas moins un monument, digne de la plus haute
considération et du plus profond respect. Aussi ne saurions-
nous trop nous élever contre tout projet de démolition totale
ou partielle, ou de désaffectation de cet édifice, faisant des
vœux pour qu'il nous soit toujours conservé, à seule fin
d'attester quelle fut jadis la foi de nos pères, quels hommages
ils ont rendus pendant des siècles à leur sainte patronne, et
aussi quelle confiance, protégés par elle, leurs fils doivent avoir
en l'avenir.
Peu de détails intéressants restent à fournir sur l'histoire de
1 église de Sainte-Foy .
En 1413, le 6 janvier, le roi de France, Charles IV, accorde
des lettres de grâce aux habitants de la paroisse de Sainte-Foy
d'Agen, coupables de s'être ameutés et transportés en troupes
à la maison épiscopale pour obtenir la mise en liberté de leur
curé, que l'évêque tenait en prison; nous ignorons pour quels
motifs (1).
Vers le milieu du xvii® siècle, les Archives municipales
relatent les plaintes portées par les raarguillers de Sainte-Foy
d'Agen au sujet des usurpations faites sur la rue de Cajarc; ce
qui empêche, disent-ils, de passer par ladite rue pour admi-
nistrer les sacrements (2). Peu de temps avant, vers 1630, ils
avaient eu une autre contestation, suivie de procès- verbal,
avec les mêmes Consuls d'Agen. au sujet du curage du ruisseau
et des fossés qui bordent l'église de Sainte-Foy (3).
En 1697, écrit Labrunie, la dévotion pour les âmes du
Purgatoire fut établie dans cette église (4).
Lors de la réouverture des églises en vertu de la loi du 11
prairial, an m, l'église de Sainte-Foy, fermée depuis deux
ans, fut une des premières livrées au culte, à Agen, au
{!) Archives municipales d'Agen, FF. 285.
{2) Idem, FF. 98.
(3) Idem, FF. 87.
(4) Ahrùijé dironolotjùjiic, p. 173.
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mois de juin 1795 et rebénie par l'évéque constitutionnel
Constant (1).
Comme conséquence de la visite de l'Empereur à Agen, le
30 juillet 1808, « la succursale de Sainte-Foy fut érigée en
cure de 2® classe. En vertu de ce décret, le traitement des
deux curés de Sainte-Foy et de Saint-Hilaire, qui n'était que
de 500 francs, fut porté à 1000 francs » (2).
Le 15 juillet 1814, les trpià confréries de Pénitents d'Agen,
blancs, bleus et gris, choisirent l'église de Sainte-Foy pour
y célébrer un service solennel pour le repos de l'âme de
Louis XVL « Deux jours avant, écrit Proche, MM. les curés
« et fabriciens de cette paroisse avaient fait leur service. Leur
« sarcophage était construit d'après le plan de celui de la
« Cathédrale ; il était très bien décoré et éclairé... Le chœur
« était composé des meilleures voix des trois compagnies. Les
« Pénitents gris, qui font leur service dans cette église,
« n'ont fait d'autre dépense que celle du luminaire > (3).
Aux Cent-Jours, le curé de Sainte-Foy protesta contre le
rétablissement de l'autorité impériale. D'abord il refusa,
malgré les ordres de l'évéque, de faire chanter, le 14 mai,
jour de la Pentecôte, le Domine saloum Jac Imperatorem.
Puis, le 28 du même mois, il s'obstina avec son vicaire, à ne
pas se rendre à la procession du Corpus Cltristi. Enfin, pen-
dant Toctave du Saint Sacrement, il défendit de chanter
l'antienne (4). — Etc.
Lorsque, vers la fin du xiv*' siècle, la municipalité Agenaise,
sur la demandQ réitérée de l'autorité ecclésiastique et les
instances des fidèles, eut décidé d'incorporer dans l'enceinte
fortifiée les deux églises voisines de Sainte-Foy et de Saint-
Phébade ou Saint-Fiary, comme elle venait de le faire pour
la basilique do Saint-Caprais, la ligne des fortifications fut
(1) Proche, Annales ue la cille d'Af/t'n^ p. 55.
(2) Idem, p. 114.
(3) Idem, p. 166.
(1) Itiem, p. 196-198.
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reportée plus au nord, depuis la porte Saint-Pierre à Test,
jusqu'au couvent des Augustins à l'ouest. Par ce fait se
trouvèrent englobés dans la dernière enceinte, non seulement
ces deux églises et tout le quartier environnant, mais encore
le ruisseau de la Masse, depuis les Tanneries jusqu'au moulin
de Saint-Caprais ou Saint-Côme. Aussi, se privant de cette
défense naturelle qui jusque là avait baigné les murs de la
ville, les constructeurs jugèrent-ils prudent de la remplacer
par de nombreux ouvrages de défense, et élevèrent-ils sur ce
point tout un système de tours, très rapprochées les unes des
autres.
Trois de ces tours existaient encore à la fin du xviii® siècle.
On peut les voir sur le fragment ci-inclus du plan Lomet, dressé
on le sait, à partir de 1782. Ce sont en F la tour d/ Armagnac,
en H la tour Saint- Fiary, en M la tour Saint-Côme. Mais il
en existait une quatrième, la tour Sainte-Foy, renversée
quelque temps avant, qui s'élevait en N entre les deux pre-
mières et protégerait une petite porte, dite aussi la porte
Sainte-Foy, « laquelle, écrit A. Magen, ne fut démolie que
« vers 1856 et se trouvait dans l'axe du boulevard Sylvain-
« Dumon, à la hauteur du buffet de la gare » (1).
Dans le livre des Jurades de 1345 à 1355, il n'est jamais
question ni de cette porte, ni des tours Sainte-Foy et Saint-
Fiary. Ce qui prouve qu'à cette époque ces tours n'existaient
pas. et que l'enceinte de la ville n'avait pas été reportée encore
jusque là. Contrairement à ce qu'écrit Labrunie (2), les deux
églises de Sainte-Foy et de Saint-Fiary ne furent donc
englobées dans l'enceinte définitive que dans le dernier quart
du xiv* siècle. Mais, à partir de ce moment, il est souvent
question d'elles dans les documents municipaux.
En 1500, une brèche importante a été ouverte aux murailles
de Sainte-Foy. Il faut la réparer (3).
En 1525, il est utile de terminer au plus vite le pont de
(1) Annales da la cille U'Afjen, par Proche, p. m, note
(2) Abrèijù chronolofji(]ut\ p. 38.
(3) Archives municipales, BB. 21.
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Sainte-Foy (1), pont dénommé plus tard \e Pont des Anes,
qui servait de passage sur la Masse, au bas de la montée de
Courpian, et qui se trouvait au lieu et place de la gare des
voyageurs.*
En 1612, lors de l'enquête ordonnée par M. de Gourgues
pour procéder aux réparations à faire aux murailles d'Agen.
tout ce quartier Sainte-Foy attira particulièrement Tattention
des commissaires.
La tour d'Armafjnac est sans défenses aucunes. Il importe
de les rétablir à nouveau et d'y percer des canonières. On sait
que cette tour F, très en saillie comme du reste toutes ses
semblables, devait son nom à Bernard d'Armagnac, sénéchal
d'Agenais pour le roi de France de 1361 à 1372, époque où
sur l'ordre duquel très probablement elle fut construite,
« Et après, lisons-nous dans le procès- verbal, sommes allés
(( de ladite tour d'Armaignac à la tour et autres corps de
« garde de Saint-Caprasy ; et, sur ledit chemin avons trouvé
« une tour appelée la tour de Sainte-Foy, laquelle est toute
« descouverte; à cause de quoy le mauvais temps a gasté et
« corrompu ladite muraille, laquelle il faut réparer, recou-
(( vrir et planchéer et y faire des défenses à icelle et une
« gueriite, comme elle y estait cy-devant, pour y mettre ung
« sentinelle. »
Si la tour de Sainte-Foy défendait principalement la porte
et l'église de ce nom, elle protégeait aussi le vaste cimetière
qui s'étendait à ses pieds des deux côtés de la muraille.
Le cimetière de Sainte-Foy, tel qu'il est indiqué sur notre
plan, R, était encore, avant 1850, la seule nécropole de la ville
d'Agen. Il avait remplacé le très ancien cimetière de la cha-
pelle de N.-D. du Bourg, qui occupait tout l'emplacement
compris entre la petite place au-devant de cette chapelle, la
rue Paulin jusqu'à la maison Amblard, la rue Porte-Neuve
jusqua la rue Saint-François, aujourd'hui rue Ledru-Rollin,
(1) Archives municipales, BB. 25.
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— 294 —
et celle-ci jusqu'au milieu de sa longueur. Sa superticie,
d'après Ad. Magen, était d'environ 3.500 mètres.
En 1810, un décret ordonna que tous les cimetières seraient
établis hors de Tenceinte des villes. C'est alors que fut choisi
par la municipalité Agenaise le vaste terrain qui, faisant
suite au vieux cimetière Sainte-Foy, longeait extérieurement
le mur de ville et aboutissait à la tour Saint-Fiary.
« Ce local, écrit Proche, fut entouré d'un mur de clôture
« qui, au nord est baigné dans toute sa longueur par les eaux
« qui viennent du moulin de la Salève. Le voisinage de ce
« ruisseau rend le cimetière très aquatique, de sorte que
« quand on y creuse une fosse, elle est aussitôt remplie d'eau,
tt C'est là cependant qu'il faut déposer le cercueil, ce qui dé-
« plaît beaucoup aux habitants. Quoiqu'il en soit, ce nouveau
« cimetière fut béni le 27 septembre 1810 par l'évêque, assisté
« de son chapitre et du clergé de la ville, avec toute la solen-
« nité du rit pontifical. M. le Maire et ses adjoints assistèrent
« à cette cérémonie. Quoique ce cimetière doive être commun
« aux quatre paroisses, M. le Maire a obtenu que celui de
« Saint-Hilaire serait conservé pour les habitants de cette
« paroisse. M. de Saint-Phélip, chevalier de Saint-Louis, a
« été le premier enterré dans le nouveau cimetière (1)...»
A son tour, le cimetière de Sainte-Foy fut supprimé lors
de la construction de la voie ferrée et de la gare d'Agen, et
les ossements, qui le remplissaient, transportés, du moins en
grande partie, dans le nouveau cimetière de Gaillard, inau-
guré et béni solennellement le 25 août 1850.
« Plus, avons trouvé autre tour, lisons-nous dans le procès-
« verbal, appelée la tour de Saint-Fiary, laquelle est cou-
« verte et demy planchéée, sans aulcune deffence dans icelle,
« à laquelle fault faire lesdites deffences et achever ledit plan-
(( cher. »
La tour de Saint-Fiary , H, existait encore en 1856. C'est
(1) Annah'i^ (h lu cille d'Afjan, p. 126.
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— 295 —
celle que reproduit la vue photographique donnée en tête de ce
chapitre.
Elle tirait son nom de V église de Saint-Fiary ou Saint-Phé-
bade qui se trouvait tout à côté, en avant du cloître Saint-
Caprais, vers le milieu de cette petite rue Saint-Fiary, qui va
de Téglise Sainte-Foy au moulin de Saînt-Caprais.
Labénazie nous fournit sur elle les curieux renseignements
suivants: « Lorsque les Wisigoths ariens eurent été anéantis
« à la bataille de Veuille, les Agenais, pour effacer le souve-
« nir de la persécution, firent bâtir deux églises, Saint-Phé-
« bade et Saint-Hilaire, Et, pour marquer l'horreur qu'ils
« avaient de Tarianisme et leur vénération pour ces deux dé-
« fenseurs du mystère de la Sainte-Trinité, ils joignirent, par
« reconnaissance Téglise de Saint-Phébade à celle de Saint-
(( Caprais et de Sainte-Foy, comme pour marquer que, si ces
« deux premiers martyrs avaient établi la foi, Phébade après
« eux l'avait défendue et conservée. On ne sait pas précisé-
« ment le temps qu'elle fut achevée. C'est sans doute sous
« Tépiscopat de Bébien, le premier évoque catholique, vers
« 536 (1).
L église agenaise de Saint-Fiary aurait donc été bâtie, d'a-
près Labénazie, au vi® siècle, et ce pour abriter le corps de
Saint Phébade. Elle aurait même eu le titre de paroisse.
Lors des troubles religieux, cette église eut beaucoup à
souffrir. En 1561, après la prise d'Agen par les Huguenots,
ce sanctuaire leur fut donné par M. de Burie pour y établir
leur prêche. Mais dès l'année suivante, lorsque les catholiques
furent rentrés on possession de la ville, ils se ruèrent sur
la malheureuse chapelle, et, parcequ'elle avait servi plus d'un
an au culte des réformés, ils la démolirent de fond en comble
et jonchèrent la rue de ses débris. Ce ne fut qu'en 1591 que les
matériaux en furent enlevés et servirent à la construction de la
chapelle et du collège des Jésuites, fondé cette année-là à Agen
par la reine Marguerite (2).
(1) Labénazie : Hûttoiro en partinuUor du Diorèsi' et di's Eglises d'Agen^ ma-
nuscrit inédit, appartenant à Madame de Boéry. \
(2) Voir notre étude sur le CoUègc d'Afjvn (1888).
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Circulaire, assez basse et fort en saillie, la tour Saint-Fiary
ne présentait, du moins lors de sa démolition, aucun caractère
architectonique qui méritât d'être signalé.
Nous en dirons autant de sa voisine, la tour de Saint-Côme
ou de Saint-Caprais, sise, en M, à l'extrême gauche de notre
plan.
« Et, estant arrivés audit Corps de garde de Saint-Caprasy,
« avons icelluy veu et visitté, et avons trouvé estre besoing et
« nécessaire de faire des canonières et deËfences à ladite tour,
(' n'en ayant point. »
La tour Saint-Côme ou du moulin de Saint-Caprais
était située à Textrémité de la rue Saint-Caprais, près du mou-
lin actuel, un peu au-delà de l'ancienne porte de Saint-Caprais
de la première enceinte, à l'endroit même où sortait de la ville
le ruisseau de la Masse, emprisonné depuis Cajarc.
Cette tour était déjà bâtie en 1350. « Il faut armer, est-il
(( écrit dans le registre des Jurades de cette année, la tor del
(( moli de Saint Cabrari, d'une caisse de vire tons, d'un arc
« de deux pieds, avec cinquante carreaux et d'un arc à
« étrier »> (1). Mêmes précautions pour les années 1352 et
1353 (2).
La tour Saint-Côme existait encore au commencement du
XIX® siècle. Par suite de sa proximité de l'hôpital du martyre
et du cimetière de Sainte-Foy, elle servait à ce moment de
lieu de dissection aux jeunes élèves, qui, sous la direction
bienveillante du docteur Belloc, étudiaient la lAédecine. L'un
d'eux était le futur docteur Pons, dont Ad. Magen a si fine-
ment esquissé la silhouette (3).
Nous ne saurions mieux terminer ce chapitre qu'en rappe-
lant sommairement l'incident, à la fois macabre et burlesque,
dont la tour Saint-Côme fut alors le théâtre et où le jeune
Pons joua le principal rôle.
(1) Jurades de la cille d'Agen^ p. 190.
(2) Idem, p. 308 et 309.
i3) Revue de l'Agenais, i, p. 21.
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Or donc, dans les premières années du dernîer siècle, les
sujets de dissection manquant depuis plus de deux mois à
l'amphithéâtre agenais, le docteur Belloc, qui en était le chef,
apprit un jour qu'on allait enterrer une superbe femme, qui
venait de mourir au quartier Jacquelot. Le fossoyeur était
complice; les rôles furent distribués entre les jeunes carabins
pour déterrer le cadavre, l'enlever, le faire passer au-dessus du
mur à l'endroit choisi, et le porter au rez de chaussée de la
tour Saint-Côme, sur la porte de laquelle avait été gravée
cette inscription :
Hic mors vitam tueri docei,
qu'un mauvais plaisant avait ainsi traduite:
Ici le mort apprend à tuer le vivant.
Le jeune Pons avait été chargé de se tenir à cheval sur le
mur de ville, de recevoir d'un côté le cadavre et de le descen-
dre du côté de la rue. « D'abord, raconte-t-il lui-même, tout
« marcha bien. Je crus qu'il en irait de même jusqu'au bout.
« Erreur ! quand mon tour vint, j'étais, selon la consigne, assis
« sur la crête du mur, une jambe ballant du côté du cimetière,
« l'autre au dehors, vers la rue. On me passe le cadavre ; Je
« l'assieds sur mes genoux, non sans peine, — il pesait horri-
« blement, — ni terreur, vous pensez bien. A ce moment, il
« me semble entendre un bruit, du côté des Tanneries ; ce
« sont des pas ; ils viennent de mon côté ! Une forme vague
« se dessine; c'est un homme; il continue à marcher, et, arrivé
« juste au-dessous de moi, tout au bas du mur, il s'arrête,
« lève la tête et regarde fixement Ai-je crié, sans en
« avoir conscience? Trahi mon maître, mes camarades, moi-
« même, complice d'un rapt infâme, pris le pied au traque-
(( nard? Oh! le misérable lâche! pensais-je, et je sentis
« que mon cœur s'en allait, et je perdis connaissance.
« Quand je m'éveillai le lendemain, après un long cauche-
(c mar, voici ce que j'appris. J'étais tombé, lâchant enfin mon
« cadavre sur le promeneur nocturne. Cet homme était un
« maçon qui allait à sa journée, et qui, par hasard, comme il
« passait devant moi et sans se douter de ma présence, deman-
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« dait l'heure aux étoiles. On l'avait transporté à Thopital,
« après l'avoir dégagé de mes étreintes, qui l'avaient plus que
« gêné, car je serrais dur, croyant tenir le cadavre. Quant à
« celui-ci, on l'avait mis en lieu sûr. L'honneur était sauf ! »>
Le soir du même jour, le jeune Pons recevait de M. le comte
de Cessac une commission d'interne dans les hôpitaux de
Paris. Quant au pauvre diable qu'il avait manqué tuer, une
fois remis, il s'en alla faire son tour de France et d'Espagne, et
poussa même jusqu'en Afrique où il séjourna longtemps. Ce ne
fut que trente-trois ans après, que, revenu à Agen, toujours
comme maçon, il revit le docteur Pons, en travaillant par ha-
sard chez lui. Il le reconnut ; et son émotion fut si grande qu'il
perdit une seconde fois connaissance et dut être porté chez lui,
plutôt mort que vif. Huit jours après, il quittait Agen, comp-
tant bien cette fois ne plus y revenir, mais ayant fini par li-
vrer son secret.
La tour Saint-Côme fut démolie en 1833, pour cause d'assai-
nissement du quartier. C'est toujours l'époque où disparu-
rent les majestueuses ruines de Saint- tltienne, le beffroi
de l'Hôtel de Ville, la tour de la Grande Horloge, etc, en
un mot tous les monuments, au profil si pittoresque, du vieil
Agen!
Ph. Lauzun.
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LE mi ET LES SEIGNEURS DU FAUDON
A SAINT-PIERRE DE NOGARET
I_/e beau domaine dti P'audon, situé dans la commune de
Sainl-Pierre-de-Nogarel, faisait autrefois partie de la juridic-
tion de (iontaud qui se composait en 1789 de quati'e paroisses :
\ulre-()am(*-(Ie-(iontaud, Saint-Pierre-de-Nogaret, Saint-Mar-
lin de Bislauzac et Saint-Martin-de-Fauguerolles.
l.c fief, ou lerœ noble, du Faudon, fut très anciennement
[Mjssédce par la famille de Melel qui le vendit, au xvnf siècle,
à la famille de Cialz.
L*hi*itoire de cette terre "étant intimement unie à celle de ses
possesseurs, nous aurons à nous occui>er beaucoup dans cet
article des familles de Melet et de (îalz qui jouèrent dans la ju-
ridiction un rôle dont nous aurons à tenir compte. Ce travail
constituera ainsi un apport nouveau à cette histoire de Gon-
laud dont quelques épisodes ont été étudiés par Philippe Tami-
zey de Larroque et par Maurice Campagne.
\os renseignements seront puisés à plusieurs sources que
nous croyons utiles de citer au moins pailiellemenl ici. Les
références seront d'ailleui-s fournies au fur et à mesure de nos
emprunts.
Il importe en premier lieu de citer le tome II du Nobiliaire
de Guienne et de Gascogne publié par OTiilvy en 1859. Dans
cet ouvrage onze pages sont consacrées à la généalogie de la
famille de IVIelet. L'auteur a composé ce travail daprès les
titres que cette maison possédait encore en grand nombre (1).
(Ij i\obiiiaire de Guienne et de Gascogne^ Reçue des {amUles d'ancienne
rhevnlerir ou anoblies de ces provinces^ antérieures à 1789^ avec leurs généa-
logies et artncSy suivie dun traité héraldique, sous [orme de dictionnaire, par
VI. O'Gilvy. — Paris, Dumoulin, libr.-éd., quai des Augustiiis, 13; 1859. Le
lomc II (in-4') contient 468 pages et des planches.
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— 300 -
Sous le litre de Variétés Girondines, Léo Drouyn, qui fui en
même temps artiste de valeur^ archéologue éminent et cons-
ciencieux historien, a consacré à la partie de l'ancien diocèse
de Bazas, renfermée entre la Garonne et la Dordogne, une étude
savante qu'il a qualifiée en sous lilre d'Essai historique et ar-
chéologique (1). Plusieurs pallies de ce remarqualjle ouvrage
concernent la famille de Meletet leurs fiefs du Bazadais. Nous
aurons également à les consulter.
En 1902, Maurice Campagne fil paraître une brochure de
85 pages ayant pour titre Notes et Documents sur les paroisses
de Saint-Pierre-de-N ogaret et Saint-Martin-de-Bistauzac au
diocèse d'Agen (2). L'un des chapitres de cet ouvrage se rap-
porte trop directement à notre sujet pour que nous n'en tenions
pas compte. Il est intitulé : Conflits avec la jurade.
L'ouvrage du même auteur intitulé Histoire des Bacalan, du
XV" au XX^ siècle renferme encore quelques pages se référant
à notre sujet, nous les citerons également (3).
M. l'abbé Dubois, qui recueille [)atie!nment depuis plusieurs
années des documents concernant ÏOrigine de la réalité des
tailles en Agenais, a bien voulu nous faire profiter de l'expé-
rience qu'il possède en cette matière pour jeter un peu de lu-
mière sur les conflits que la famille de Melet eut avec la jurade
de Gontaud au sujet du payement des tailles et de la nobililé
du Faudon.
Les archives municipales de (iontaud, conservées en cette
localité ou déposées aux archives de Lot-et-Garonne, et beau-
coup de documents originaux sur la famille de Galz nous ont
permis, en outre des ouvrages déjà mentionnés, de composer
l'article que nous donnons en ce moment.
O'Gilvy a eu raison de distinguer la famille gontaudaise de
Melet de ses homonymes, l'une Périgourdine, l'autre origi-
naire de Condom. Ces deux dernières étant étrangères à notre
(1) Ouvrage en 3 vol. in-lO, extrait des Actes de l'Académie nationale de$
Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, avec des gravures el planches.
IJordeaux, Feret el fils, libr.-édit.; 1878-1886.
(2) Volume in-16, de 84 pages. Bergerac, 1902.
(3) X'olume in-16, de 308 pages; Bergerac, 1905.
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- 801 —
sujet, nous n'en reparlerons i)oint. Notre attention se portera
exclusivement sur les Melet, de Gontaud. L'acte le plus ancien
qui soit parvenu jusqu'à nous et qui concerne ces Melet est du
13 février 1349, d'après la manière de compter en usage alors,
du 13 février 1350, d'après notre manière actuelle. C'est un
litre original et sur parchemin en idiome gascon par lequel no-
ble Gaston de Melet, donzel et seigneur en partie de Gontaud,
fait un échange avec (iuillainuo Raymond de Fargues, donzel
et co-seigneur de Gontaud.
Ce document nous montre que Gontaud avait alors plusieuis
seigneurs. Il ne faut pas s'en étonner, car il en était ainsi déjà
en 1259 (1).
C'est par son mariage avec Alamana de (iontaud que Guil-
laume-Raymond de Fargues était devenu seigneur d'une partie
de la terre de Gontaud, où il fit, le 13 avril 1329, l'achat d'un
domaine en présence de Piéride d'Hautes vignes, un seigneur du
voisinage (?).
Nous n'avons pu savoir comment Gaston de Melet avait ob-
tenu sa portion de la terre de Gontaud dont il jouissait h litre
de seigneur. Le morcellement de>^ seigneuries se faisait au
n)oyen-Age facilement. Nous venons de voir qu'Alamana do
Gontaud reçut en dot la portion de seigneurie qu'elle apporta
à (luillaume-Raymond de Fargues. La transmission de pro-
(1) Un rôle des liominagos rendus par les feiidataires de l'Agenais à leur
seigneur, le comte de TcHiUnise, a élé publié dans le lome xin du Heeueil des
Travaux de la Soriêtc d'AfjricuUure^ Sciences et Arts dA<jen. Ce document
conservé a\ix archives nati<males nesl i>as date. Les éditeurs ont établi qu'il
était de 1259 contrairement à l'opmion du P. Anselme qui le faisait remonter
à 1235. D'après ce rôle les coseigneurs de Gontaud étaient : Guillaume Fer-
réol, Jean de Saubiac et Haymond de Sainte-Marthe.
Le tènement « tenementum », ou fief « aUarium » de Nogaret, possédé i)dr
Vital de Nogaret, ou ses frères, passa au roi d'Angleterre qui, étant à Melle
en Poitou, le donna (1" juillet 1289) à Géraud de Lauriole, damoiseau, de
Caumonl en Agenais, pour en jouir à perpétuité, lui et ses héritiers et suc-
cesseurs, aux conditions ordinaires observées dans la région {( in parlibus
iUis » par les possesseurs de semblables fiefs ou censives « pro similibus
fendis vel eensibus » et sous le cns annuel et perpétïiel de cent sous de la
monnaie arnaldaise payables à la Toussaint au receveur du roi d'Angleterre
en Agenais. (Rôles Gascons publiés par Charles Bémont, II, :?09.)
(2) Voir Histoire de Maucezinj par l'abbé Alis, p. 55.
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— '.m —
priété pouvait se faire aussi par actes de partage, d'achat, de
donation, etc.
Un acte passé dix ans plus tard montre que ce morcellement
de la segneurie de Gontaud s était singulièrement augmenté
depuis 1259.
Le 9 juillet 13()3 les coseigneurs do (ioniaud rendiixînt hom-
mage lige pour cette terre au Prince de Galles dans la ville de
Bergerac (1).
Gaston de Mclct vivait encore, liuillaume-Raymond de Far-
gues n'existait plus ; il était mort vers 1352 laissant à son fils,
Raymond de Fargues, la totalité ou une partie seulement de
ses biens de Gontaud. Descendu à son tour dans la tombe en
1353, Raymond de Fargues eut jjour successeur, à Gontaud,
son fils, Bertrand de Fargues. ('e dernier figure au nombre des
seigneurs ([ui rendirent hommage au Prince de (îalles.
Les autres coseigneurs étaient Aymeric de Cuzom, Amatid
de Montmorel (2), Bernard d'Auriac, Jean de Bougipn, Arnaud
de Lalande, écuyer, qui agissait du consentement de Marthe
de Preyssac, dame dudit lieu et de Madaillan. Puis venaient
dame Sybille de Durfort; Pierre de Gontaud, seigneur et baron
dudit lieu: Léonard de Rovignan, sieur de Castelculier; Gilles
de Pellegrue (3).
L'acte qui nous donne ces curieux renseignements a été con-
sei-vé par une copie collationnée. O'Gilvy, qui en donne une
analyse, n'a pas précisé à quelle époque fut faite cette copie,
(y'cst vraiment dommage car un acte si important mériterait
une sérieuse discussion. .\ous aurions voulu savoir également
s'il détermine et limite les biens respectifs de chacun de ceux
qui rendirent honnnage au Prince de Galles.
Parmi ces biens devait figurer le Faudon et les autres fiefs
de la famille de Melet.
(1) Armoriai de Guyenne et de Gascogne ^ par O'Gilvy, ii, 76.
C2) Ce nom a été, croyons-nous, défiguré par les copistes. Nous avons réta-
bli dans sa forme primitive celui de Rovignan ou Rovinhan qui avait été
Irans formé à tort en Ravignan.
(3) Généalogie de Melet par O'Gilvy dans V Armoriai de Guienne et dr Gas-
cogne.
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Le fils de Gaston de Melel, Jean, fut marié en 1370 avec Ar-
mande de Gonlaud. De cette union naquit Bernard de Melcl
(fui fut, d'après un titre original du 29 janvier 1412, juge ordi-
naire pour le roi d'Agenais et Condomois. Il prenait le titre de
seigneur de Pujols en Bazadais. Le fils qu'il eut de son mariage
avec Comtesse de Fumel-Monségur porta le nom de Jean; il
; «e qualifiait seigneur de la (juatrième pailie de Gonlaud, en
Agenais, et de Loubens et Pujols dans la sénéchaussée de Ba-
zas. Il était né en 1418. Une expédition de l'hommage qu'il ren-
dit au duc de Guienne, le 3 décembre 1463, pour les terres pré-
citées, fut délivrée en 1660 sur l'original qui tétait conservé à la
Chambre des Comptes de Languedoc. Ces minutieux détails
sont à noter, car ils eurent une importance énorme au cours
du procès qui pendant plus de vingt années divisa la commu-
nauté de Gontaud et la famille de Mélet.
En tête de la généalogie de la famille de Gontaud, le Père An-
selme dit qu'en 1473 Lamothe Pujols dépendait de (jontaud.
Ce renseignement rapproché de ceux qui nous sont fournis par
les Variétés Girondines (1) nous amène à une précision. Il y
avait dans la juridiction de Pujols une maison noble dite La-
motte Sicard ou La Motte de Pujols. Sur cet ancien l\rï II
déclare n'avoir trouvé aucun titre antérieur au wii** siècle. S'il
avait eu à sa disposition les archives de la famille de Melet, il
aurait pu nous énumérer les seigneurs de celte maison noble
au xV et au xvf siècle.
Tandis que les Madaillan, puis les Angevin et enfin les Dur-
fort possédaient Pujols, à côté d'eux et probablement sous leur
suzeraineté, les Melet possédaient Lamotte de Pujols. Ainsi
s'explique une apparente contradiction.
Jean de Melet épousa, soit en 1444, soit en 1454 (2), Marie de
Madaillan, fille de Gilbert de Madaillan, seigneur de Montviel.
Il testa le 26 mai 146o devant Mirambeau, notaire. Par cet acte
il voulut être enseveli dans l'église Notre-Dame de Gontaud, en
la chapelle de Saint-André qui avait été fondée par sa famille
(1) Variétés Girondines, ii, 232, 2i9.
(2) O'Gilvy dit 1444, l'auteur de l'arbre généalogique conservé dans le fonds
de Raymond aux Archives de Lot-et-Garonne dit 1454.
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cl clans laquelle reposaient les restes de son ancêtre, Gaston de
Melet.
L'aîné des enfants issu de ce mariage porta aussi le nom de
Jean; il guerroya pendant la conquête du royaume de Naples,
sous les ordres du bâtard de Bourbon. En récompenses de ses
grands services, ce capitaine reçut, de ('harles VIII les droits
que S. M. posséda il sur la seigneurie de Gontaud. Les commis-
saires du roi de France avaient vendu, à pacte de rachat,
moyennant 2,500 livres, à Catherine d'Anglade et à Jean de
Verdun, son fils, les droits que la couronne possédait sur cette
terre et son château. L'acte cité par O'Gilvy est du 5 janvier
1496. Nous ignorons si Jean de Melet fit le rachat en question
et s'il devint [)ar ce uioyen uui(jue seigneur <le (iontaud.
Le 3 décembre 1471, étant dans la ville de Saint-Jean d'Au-
gély, Jean de Meiet avait rendu hommage à Charles de France,
duc de Guienne, comte de Saintonge et seigneur de La Ro-
chelle pour tous les droits qu'il i)ossédait sur les seigneuries de
Gontaud, Loubens et Pujols.
Nous croyons que l'hommage de 1 471 a réellement été rendu :
l'acte de 149(> parait au contraire forl suspect, car il renferme
un détail erronée plaçant on Agenais et à (iôntaud la seigneu-
rie (le Loubéns (pii en réalité faisait paiiie du Bazadais. Cette
erreur dut être relevée dans la suite par les consuls de Gontaud.
Jean de Melet fut en procès avec ses frères, il transigea avec
eux, le 11 octobre 1508, sur le partage des biens qui leur étaient
échus par la mort de leur père, et rendit hommage de la terrt^,
de La Roche-Marais, le 24 avril 1518. O'Gilvy qui nous donne
ces détails ne parle point du Faudon.
Jean de Melet avait épousé vers 1480 Jacquette de La Tou-
che. Il en eut plusieurs enfants. Nous citerons Louis qui reçut
la tonsure dans l'église de (iontaud, le 14 février 1508, puis,
ayant renoncé à la cléricature, épousa, le 9 septembre 1521,
devant François Briand, notaire royal, Guyonne de Chassai-
gnes, fille de Bertrand de Chassaignes, conseiller au parlement
de Bordeaux, et de Jeanne Georges (1). Par ce mariage, Louis
(1) Note de M. Tabbé Dubois.
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— 305 —
de Melet devint seigneur de la maison noble de Grain, en la pa-
roisse de Baron dans l'Entre-deux-Mers.
Gaston (1), autre fils de Jean de Melet, fut père de Jean-
Pierre de Melet, qui le premier porte dans la généalogie faite
par O'Gilvy le litre de seigneur du Faudon. Il se qualifiait aussi
seigneur de Melet, La Salle, La Roche-Marais et Gonlaud en
sa partie; il fut convoqué au ban et arrière-ban de la noblesse
d'Agenais en looO, 1542, 1557 et 15(31: il épousa, en 1599,
Jeanne de Gordièges, fille de Jean de Gordièges, seigneur de
Mazières, entie Castillorniès et X'illeréal, et de Lisse, près de
Mézin.
Ive 24 avril 1018, Jean-Pierre de Melet rendit hommage au
roi pour la maison noble de La Roche-Marais. Dans cet acte
sont mentionnés l'hommage de 13(>3 rendu par Gaston de Melet
et celui de 1039 qui aurait été rendu par Jean de Melet. La Cour
des Aydes de (îuienne ayant à se prononcer [)ar la suite sur la
valeur de l'honnuage de 1039 en reconnut la fausseté.
• Jean-Pierre de Melet n'existait plus le 11 janvier l(i2(), ainsi
(pie l'atteste une sentence du i^iésidial d'Agen (2). Durant sa
vie il resta en paix avec la connnunauté de Gontaud. Après sa
mort cet état de choses dui*a encore jusqu'en 1044. ('elle année-
là, le sieur du Tandon intenta un [irocès en la (^)ur des Aydes
de Guienne contre la communauté (3). Le différend était de
grande importance, car s'il tendait d'un côté à grever les char-
ges des contribuables aux tailles de la juridiction, il affectait
d'un auli'o c(>té de dénier au Faudon son litiv de fief noble.
Chaque partie croyant être le bon droit et l'objet du litige tou-
chant à ses plus vifs intérêts la quei'elle s'envenima et fut de
longue durée.
(1) (ja>lun do Mrlet lesla \e '21 mars 17)1 \ (O'dilvy,). Une cxpcdilioii (\v ce
ronlrnl fut délivrée le 7 novembre 1574 par I.acosle, notaire royal, el pro-
diiilc le 8 août \TAHj dans un procès pendant au sénéchal d'Agen (Arch. de
Lol-el-Oaronne, H. 50."^. -- Note de M. l'abbé Dubois.)
('2) Archives d«' Lol-el-liaronne, U. 7G7. Celle sentence permet de corapléler
.*iur quelques points la généalogie faite par O'Ciilvy. Elle nous apprend que
Anne de Melet était veuve de ForL de Chadois, Suzanne de Vïelel, veuve
d'Antoine de La Peyre, sieur de Blenin.
(3) Archives de Lot-et-Garonne, L. supplément 15-44.
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- :Wi; —
Le seigneur du Faudon ne fut pas d^ailleui-s seul à entrer €n
lutte avec la jurade de Gontaud. Son voisin, Thimothée de Ba-
calan, seigneur de Maisonneuve, avait des raisons aussi fortes
de refuser le payement des tailles dont on voulait aussi frapper
son fief. Cette terre noble de iMaisonneuve avait été portée en
dot à Timothée de Bacalan par sa femme, Louise de Melet (1).
Pour le seigneur du Faudon et celui de Maisonneuve les li-
tres invoqués en vue de lexemption des tailles étaient com-
muns. Nous essaierons de projeter un peu de lumière sur cette
affaire demeurée obscure jusqu'ici. Comme elle se rattache à
la question des origines de la réalité des tailles en Agenais nous
donnerons aussi brièvement que possible les renseignements
que réclame l'exposé de cette dernière question.
La taille était un impôt royal qui n'atteignait pas également
et proportionnellement tous les propriétaires du sol. Sa percep-
tion variait suivant les pays. Au moyen-âge les nobles, en rai-
son de leurs services, étaient exempts de la taille ou des contri-
butions analogues. Cet impôt retombait sur les roturiers. Il*
y eut aussi plusieurs catégories de leiTes, les unes soumises à
l'impôt et les autres exemptes de cette charge.
Vers 1550, en Agenais, des discussions fréquentes s'élevaient
entre les communautés et certains nobles possesseui's de petits
fiefs. Sommés de payer leur ({uote-paii de taille, à raison de la
valeur et de l'étendue de leurs terres, ces gentilshommes s'y
refusaient arguant de la qualité de leurs personnes. Les jurais
et les nobles ne voulant point se désister de leurs prétentions,
il fallait recourir aux tiibùnaux. La Cour des Aydes de Guien-
ne, nouvellement établie près du Parlement de Bordeaux, fut
la juridiction (|ualinée plus particulièrement pour connaître de
•ces sortes d'affaires. La jurispnidence qu'elle paraît avoir
adoptée exemptait les nobles de toute taille : on ne j)ouvait les
astreindre à cet impôt (|u'en établissant qu'ils étaient de condi-
tion rôturièi'e.
Un demi-siècle se passa durant lequel ces conflits particu-
liei-s, souvent assoupis par les guerres civiles, renaissaient à la
(1) M. Campagne, Hifitoire des Buralan.
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- 307 —
première occasion favorable. Toutes les juridictions compélen-
les furent successivement éi)uisées. Après l'abjuration
d'Henri IV et l'établissement do l'édit de Nantes, la question de
la contribution aux tailles [)ri( une telle gravité qu'il fallut lui
donner une solution générale et définitive. Il n'y eut plus une
foule de petits procès particuliers, mais un seul grand procès
en la Cour des Aydes de Paris. Le clergé, la noblesse et le tiers
étiat d'Agenais, chacim des Ij-ois grands ordres re[)résenté par
son délégué ou syndic, [)Iaidèrenl l'affaire (pii ])assionnait lous
les esprits.
La solution (|ui avait élé adoptée ailleui's, mais non partout,
fui rejetée [)our l'Agenais. Le liers-état obtint ce qu'il désirait,
à savoir la réalité i\es tailles. Le pays d'Agenais devait être
ari)enté, les juridictions devaient éli*e classées, suivant la qua-
lité de leur sol, les plus riches devaient sup{K)rter une charge*
plus foi-te que les auties. Entre juridictions ^ayant temtoire de
même qualité et de même étendue réelle, la charge d'impôt de-
vait être identiqu(\ Chacpie juridiction devait comprendre dans
son terrier, ou cadastre, le détail des biens nobles et des biens
rôturiei^s, les pn^niers non astreints à la taille et les seconds
devant la supporter, lue juridiction d'une étendue de 1,300
journaux par excMuple devait payer poiu* cett-e étendue; s'il y
avait 100 joui*naux de lief^ nobles, par conséquent exempts de
laille. les 1,200 journaux nMuiMers devaient supporter la taille
totale inq)osée pour l'entièjfî juridiction. Les juridictions
avaient donc intérêt à lestreindre la ipiantité des terres nobles
et à augmenlei* l'étendue des terres roturières, (iénéralement
il y eut transaction : les fiefs nobles fnr(»nt reconnus tels par les
conuuunautés. Ayant obtenu cette reconnaissance les gcnlils-
honnnes modérèrent leurs prétentions et consentirent généra-
lement à voir diviser leui's domaines en deux portions, l'une
noble (*t l'autre l'tMurière. ("était h' parti le plus sage. A (îon-
taud il n'y eut pas de transaclicm entre la ccmmiunaulé et la
famille de Melet.
La jurade alléguait que le seigneur de Gontaud était le roi
de France seul, elle ne voulait donc reconnaître qu'au seul fief
du roi la qualité de noble et s'obstinait, en conséquence, à taxer
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— :i08 —
les biens des gentilshommes, feux-ci, malgré la chose jugée,
prétendaient s'exempter de toute taille et, si leurs propos sont
exactement rapportés, ils se sont autorisés suH^>ul de la qua-
lité de leurs personnes. Etait-ce par erreur ou bien de mauvaise
foi ? On l'ignore.
F.es registres de la jurade de Gontaud ont consigné le récit
d'une agression dont fut victime un consul de la part de Timo-
thée de Baca'an (1).
Portée d'abord à la Cour des Aydes de Guienne, l'affaire des
seigneurs du Faudon et de Maisonneuve lut ensuite évoquée
au Conseil du roi qui la renvoya en la Cour des Aydes de Car-
cassonne. Ce tribunal ayant porté son siège à Montpellier, ce
fut en cette ville que la jurade de Gontaud dut constituer des
procureurs pour réjwndre à l'assignation qui lui avait été don-
née. Pour mieux sui-veiller le procès, elle envoya même en cette
ville des délégués MM. Samuel, chevalier et Jean de Ricaud
(12 décembre 1659) (2).
La communauté fit procéder à des recherches au greffe de
la sénéchaussée d'Agenais. Le greffier Cruzel certifia qu'il
n'avait trouvé dans ses registres ni les lettres patentes données
par Charles VII à Lyon, le 5 janvier 1490, ni celles d'Henri IV
octroyées à Paris au mois de février 1609 en faveur du s' de
Melet. Ce certificat fut envoyé à Montpellier où l'on fit aussi
])ai'venir le contrat de transaction passé entre le corps de ville
et feu Timothée de Bacalan, père de Samuel de Bacalan, con-
cernant quelque fief vraisemblablement (3).
(1) Ce document a clo reproduit par Maurice Campagne dans les Noies et
Documents sur les paroisses de Saint-Pie rre-de-yog are t et Saint-Martin-de-
liislauzuCy au diocèse c/'4f/en, p. 61 et dans Yflisloire des bacalan^ p. 81.
{'2) Arch. de Lol-el-Garonne, jurados de Gontaud. E. suppl. 1551.
CA) Arch. de Lot-el-(Jlaronne, K. !?uppl. 1551. Nous aurions bien voulu savoir
vu (juoi consistait exactement celle trant-aclion dont M. Campa<,'ne na rien
dit dans \ Histoire des Bacalan.
L'arpentement fait le 8 avril 1598 par Gorse donne le détail des possessions
de M. de Melet dans la juridiction de Gontaud. La contenance totale était de
253 journaux 28 escats. Nous avons sous les yeux un extrait de cet arpenle-
ment. En 1638 les consuls disent que M. de Melet, possesseur d'au moins
400 journaux de terre ne veut payer la taille que pour 24. {Notes et Docu-
ntents sur les paroisses de Soinl-Piern*-dr'\ooarrf et Saint-Martin de Bis-
iauzac, par M. Campagne, p. 6-4, 65.)
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— 309 —
Des recherches furent aussi faites pour la communauté à
Bordeaux dans les registres de la Trésorerie (1660).
Le 18 octobre 1(560, la jurade envoie en Bazadais François
Rouzié et lui donne mission de s'enquérir de la situation exacte
de Loubens et Pujoulet (sic, pour Pujols), localités mention-
nées avec Gontaud dans l'hommage qui avait été déjà produit,
contredit et jugé sommairement en la Cour des Aydes de
Guienne. A cet hommage qui fut réellement rendu en 1463, elle
donne pour date l'année 1469 (1). Nous ferons observer que
l'hommage en question et sous sa vraie date fut effectivement
délivré en expédition d'après l'original conservé à la Chambre
des Comptes de Languedoc (1(560) (2). Les imprécisions des
actes de jurades permettent aussi de penser qu'il pourrait s'agir
de l'hommage apocryphe de 1039 ou peut-être de celui de 1471 .
L'hommage de 14i)3 avait trop de valeur pour qu'il n'en fut
pas tenu compte par la Cour des Aydes de Montpellier. Celle-
ci rendit donc un arrêt déclarant nobles les terres, tènements
et maison de La Salle. Une vérification de ces biens devait être
faite par un commissaire délégué. La jurade commentant cet
arrêt ne perdit pas courage ; connaissant l'imprécision des
actes d'hommages, elle déclara qu'à l'aide de ces pièces il ne
serait pas possible d'établir la nobilité des domaines du Fau-
don, La Roche-Marais, Maisonneuve et Labordelle (3).
Le 7 mars 1661, un délégué de la jurade arrive de Paris ; il
déclare qu'on lui a délivré en cette ville, sans doute en la Cham-
bre des Comptes, l'hommage l'endu au duc de Guienne en la
ville de Saint-Jean d'Angély. Ici encore, suivant son habitude,
le scribe donne une fausse date, 10()9 au lieu de 1471.
Le moment semblait proy)ice i)our un accomodement, l'avo-
cat général de Bacalan en parla à la jurade qui i^mercia poli-
ment, demanda à réfléchir et finalement refusa (4) et fit appel au
Conseil du roi.
(1) Arch. de Lot-et-Garonne, E. siippl. 1551, foi. 57, GO et 6*2.
(2) O'Gilvy, Généalogie de Melet, t. ii, p. 77 de l'Armoriai de Guienne et de
Gascogne.
(3) Archives de Lot-et-Garonne, E. suppl. 1551, fol. 70.
(i) Ibid., E. suppl. 1552.
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— 310 —
Profilant du répit qu'il avait obtenu, Samuel de Bacalan ren-
dit hommage au roi pour la maison noble de Maisonneuve en
1G02 (1). Nous ne connaissons pas d'acte analogue fait à cette
époque par son voisin, le seigneur de Faudon.
Les seigneurs du Faudon et de Maisonneuve restèrent en
lutte avec la communauté ; en octobre 1078, il y eut une police
de passée entm eux et la jurade.
En 1651 (22 avril), F'rançois de jMelet avait rendu hommage
au roi pour les maisons nobles du r'audon et de La Roche-
Marais (2); en 1()82 ou 1683, son fils et successeur, Jean-Pierre
de Melet, réitéra cet hommage. Le 10 février 1683, pour empê-
cher la vérification du dénombrement rendu, les jurais fonuè-
rent une opposition au bureau des trésonei's de France à Bor-
deaux. Quelques semaines plus tôt des saisies avaient élé opé-
rées contre Samuel de Bacalan, on en fit également contre
Jean-Pierre de Melet (3).
En 1686, les consuls Rouzié, de Bicaud et Cassan firent signi-
fier l'arrêt du Conseil rendu au profit de la communauté contre
MM. de Melet et de Bacalan. Les seigneurs du Faudon et de
Maisonneuve qui succombaient s'étaient ruiné et la commu-
nauté avait dépensé plus de 10.000 livres.
Le Faudon et Maisonneuve, terres nobles et exemptes de
rentes, relevaient directement du roi comme par le passé, mais
au point de vue fiscal elles restaient soumises à la taille. Au
commencement du xvif siècle, le Conseil du roi aurait jugé
tout autrement ; en ce temps là les deux fiefs eussent été décla-
rés ou roturiers ou nobles sans restnction.
Ayant perdu leurs procès et condamnés aux frais, les s" du
l^'audon et de Maisonneuve durent s'exécuter. Pour éviter un
surcroît de frais, l'affaire fut liquidée à l'amiable (10 oct. 1691}.
Ine transaction passée, le 22 juin 1603, devant Maguot,
notaire royal à (iontaud, entre la communauté d'un côté, Jean-
Pierre de Melet et Timothée de Bacalan de l'autre, mit pour
(1) Histoire des Bacalan, par M. Campayne, p. 89.
(2) Archives de Lot-et-Garonne, E. suppl. 844, fol. 11.
en Ibitï., E. siipi)!. 1598.
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- 311 -
toujours fin à celte affaire (1). L'intendant Bazin de Bezons
homologua cet acte pour lui donner la vigueur requise ; jadis
riiomologation eut été accordée par un tribunal, le Conseil du
roi, le Parlement ou la Cour des Aydes (2).
La maison noble du Faudon resta quelque temps encore
dans la famille de Melet, elle fut vendue le 17 juin 1713 par
François de Melet à Jean de Galz, avocat. L'acte passé devant
M* Viaud, notaire à Gonlaud, dit que ce domaine, situé en la
paroisse de Saint-Pierre de Nogaret, contenait 53 journaux
3/4, y compris 10 journaux de l)ois à Gageac, une maison de
maître et une métairie. Les biens furent acquis au prix de
7.200 livres.
L'acquéreur, qui habitait Tonneins, avait une assez grosse
fortune, il l'employa en achat de terres dans le voisinage du
Faudon. Le 1" mars 1714, il acquiert une pièce de terre au
Cardoua, en la paroisse Saint-Pierre de Nogaret (acte devant
Viaud). Ije 15 janvier 171G, il achète à Jean-PieiTe de Melet,
sieur de St-Mclan et du Cluseau, et à demoiselle Marie-
Suzanne de Melet, enfants de noble François de Melet, la mai-
son noble do Cluseau, en Saint-Pierre de Nogaret, de la conte-
nance de onze journaux (acte devant Lescure, notaire à Ton-
neins).
Le 2J9 mars 17 J() (devant le même notaire) l'avocat tonnein-
quais achète à François de Melet 4 jouniaux de teiTe au
Cluseau. Dans celte vente sont compris tous les droits de
nobilité.
Quatre ans .se passent au bout desquels Jean de Galz fait un
nouvel achat de biens fonds. Les immeubles qu'il acquiert sont
situés dans les paroisses de Saint-Pierre de Nogaret et de
Saint-Mailin de Bistauzac; ils fonnaient la métairie de Bistau-
zac aujourd'hui nommée Lapeyrère (3). La vente en fut faite
au prix de 3.285 livres par Hilaire de Melet, fils et donataire
(1) Voir Notes et Documents sur Sainl-IHerre-de-Sogaret, par M. Campa-
gne, p. 65.
(2) Archives de Lot-et-Garonne, E. puppl. 1553, fol. 45.
(3) L'acte passé devant Lescure se trouve en minute aux Archives de Lot-
et-Garonne.
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— siè-
cle Gaston de Melel. Ce dernier avait relâché cette terre à son
frère puîné, Jean de Melel, pour lui tenir lieu de .ses droits pa-
ternels et maternels. Jean de Melet, par contrat d'accord passé
à x\gen devant Dutreilh, notaire de cette ville, le 17 mai 1089,
rendit à son frère aîné la terre de Bistauzac parce qu'elle n'était
que noble de rentes, par conséquent sujette à la taille.
Jean de Galz, de passage à Bordeaux, y fit son testament
(devant Despiet, notaire), le 19 mai-s 1721 . Il mourut dans la
même ville le lendemain, laissant ajjrès lui sa veuve, Germaine
Desclaux. Celle-ci continua avec ses associés, Larrard, Silly c\
(''*, le conuneixe des tabacs dans lecjuel son mari avait fait
fortune.
Comme toutes les marchandises, le tabac était sujet à des
fluctuations; en 1730, les opérations (fue la veuve de GrJz avait
faites sur cette denrée n'ayant pas été fructueuses, elle adressa
à l'Intendant une supplique (2() septembre) [)our obtenir une
modération de capilation. Dans cette pièce elle parlait d'un
procès qu'elle avait à soutenir à Paris, d'un lils dissipateur
mort laissant après lui trois enfants dénués de tout.
Le 22 avril 1734 (iermaine Desclaux demande à emprunter
0,000 livres pour parfaire la sonmie de 40,000 livres que lui a
coûté la charge de trésorier de France qu'elle a acquise pour
l'un de ses enfants (]).
(iermainc Desclaux, veuve et héj-itière sous l)énéfice d'inven-
taire de Jean de Galz, transigea, le 27 juin 1740, avec Pierre
Duniagou, ancien jurât de la ville (hi Mas-d'Agenais. Elle avait
fait son testament le 29 septembi-e 1730. Son princii^al héritier
fut Jean-IMerre de Galz, son fils.
Jean-Pierre de Galz, reçu docteur en di'oil devant la faculté
de Bordeaux, le 3 juillet 1723, épousa, par ccmtral du 9 juin
1730 \devant Couzin, notaire à Tonneins^, Marie- Anne Laper-
che, qui lui apporta en dot 20,000 livres. Le mariage fut béni
en l'église de Tonneins le i juillet 173(K
La déclaration de succ(îssi(m (|ue Jean-lMerre de (ialz fit
après la mort de son père, le 13 n».ars 1741, porte que les biens
(1) Lellrc conlL'niic (lan^ le cahier hrouillord de Germaine De!^claux.
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immeubles laissés par le défunt se composaient du fief noble
du Faudon et de la métairie de Lacourège d'une étendue de
200 journaux valant 10,000 livres.
Dans son testament du 8 octobre 1712 devant Jean Royal,
notaire à Gontaud, Jean-Pierre de Galz énuméra ses enfants
i garçons et 2 filles. Le 21 juin 1754, il rendit hommage pour
la maison noble du Faudon, située dans les paroisses de Saint-
Pierre de :\ogaret et de Bistauzac, contenant 155 journaux
deux tiers, douze escats.
Le 11 juin 1766, Jean de dalz, avocat, lieutenant de la Gran-
de Louvelerie de France, seigneur de Faudon, dans une sup-
plique adrc'^sée aux Trésoriers de France en Guienne, deman-
da acte de la présentation du dénombrement qu'il avait fait le
21 juin 175i.
Dans son testament du 23 septembre 1781, Jean-Pierre de
Galz du Faudon déclare avoir eu vingt-huit enfants de Marie-
Anne Laperche, son épouse, décédée. De cette nombreuse
postérité il lui restait encore dix enfants vivants : cinq garçons
et cinq filles (1).
L-e testateur mourut au Faudon, le 28 mai 1786, âgé de 85
ans. Le testament, qui était clos, fut ouvert le 30 mai 1786 et
déposé en l'élude de M" (Jampmas, notaire à Gontaud.
Marie-Anne Laperche, épouse de Jean-Pierre de Galz, était
fille de Pierre Laperche, sieur de La Ramière et de Anne de
Réau: elle passa dans ce monde sans faire grand bruit. Le sou-
venir de sa prodigieuses fécondité ne s'est pas ei^ore éteint dans
la contrée où les vieillards disent qu'elle n'avait jamais vu le
clocher de Saint-Pierre de Nogaret sans être enceinte ou nour-
rice. File mourut à Tonneins, le 23 août 1774 (2).
Alexandre de Galz, né le 2 octobre 1735, fut baptisé, à Saint-
• Pierre de Nogaret, le 6 du même mois (3). 11 épousa, le 31 mai
1761, à Tonneins. (.'atherine Péfau, fille de Jacques Péfau,
bourgeois et d'Anne de Traversât. A la mort de Jean-Pierre de
(1) Voir : Vn père de vingt-huit enfants sous Louis XV. (Noie parue dans la
Hcrue de l'Agenais de j;invier-février 1899, par E. Uouinat).
(2) Registres paroissiaux de Notre-Dame de Tonneins.
(3) F<egistres paroissiaux de Saint-Pierre de Nogaret.
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Galz, son père, il quitta Latuque où il habitait et vint occuper
le Faudon.
Ancien officier de cavalerie et seigneur du Faudon, Alexan-
dre de Galz comparut, le 9 mai's 1789, à l'assemblée de la no-
blesse, tenue à Agen. Il était donc considéré comme noble,
néanmoins en 1793, dans un mémoire, il s'attacha à prouver
que sa famille étail roturière. La charge de lieutenant de la
Grande Louveterie acquise par son père était demeurée ineffi-
cace, puisque le défunt n'avait pu s'exempter ni de la levée des
impositions, ni du logement des gens de guerre, ni du paiement
du droit de franc-fief.
Alexandre de Galz mourut au Faudon, le 3 août 1801 (1),
laissant deux enfants : Pierre de Galz, marié à Sérène Borie et
Anne de Galz, mariée au citoyen Duvigneau-Beaulieu.
Pierre de Galz était né à Tonneins le 25 août 17G4; il fit ses
études au collège royal de Sorèze, fut reçu avocat à Toulouse,
le 10 août 1790; il épousa religieusement en la chapelle de
Gassies, diocèse de Bordeaux, le 5 novembre 1797, Marie-
Sérène Borie, fille de feu Joseph Borie et de Suzanne-Renée
Giac, habitante de la commune de Latresne, canton de Qjiin-
sac. La bénédiction nuptiale fut donnée aux nouveaux époux
par J. Richard, prêtre catholique en communion avec Jérôme-
Marie Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux.
Pierre de (ialz n'émigra point; il fut commissaire du direc-
toire du district de Tonneins jusqu'à la fondation des munici-
pahtés nouvelles et fut nommé maire de Saint-Pierre de Noga-
ret en remplacement de M. Laurent de Ricaud, décédé, le 5
messidor an XI, par arrêté du Préfet de Lot-et-Garonne. Son
installation fut faite le 15 du même mois (4 juillet 1803).
A la chute de l'Empire (3 juin 181 4), le maire de Saint-Pierre
de Nogarel embrassa facilement la cause de Louis XVIII. 11^
n'y a rien là qui doive nous surprendre.
De son mariage avec Marie Sérène de Borie Pierre de Galz
eut deux enfanta : Marie-Nathalie, née au Faudon, le 23 bru-
maire an VII, mariée le 22 janvier 1818 à M. Laurent Thomas
(1) Etat-civil de Saint-Pierre de Nogaret.
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de Ricaud, avocat, fils de Pierre Laurent de Ricaud, ancien
conseiller à la Cour des Aydes de Guienne, et de Marguerite
Chauzenque; Jacques-François- Alexandre de Galz, né au Fau-
(lon, le 9 septembre 1800, décédé le 9 novembre 1807.
Pierre de Galz habita le Faudon jusqu'à sa mort qui arriva
le 7 août 1830. C'est à cette époque que ce domaine passa à la
fainille de Ricaud.
K. HoiMXT
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VILLEREAL
CHAPITRE V.
I. L'Eglise. --- II. Le Clergé. — III. N.-D. du Dropt. Chapelle S'-Roch.
IV. Résumé. — V. Pièces justificalives. — VI. Archiprêtrô de Monlaut.
I. — L'église de Villeréal a tous les caractères des édifices
de ce genre construits dans nos contrées vers le milieu du
xiif siècle. C'est un grand vaisseau en croix latine, à chevet
plat ; deux chapelles sont abritées dans les aisselles des croi-
sillons. Ces édicules et les bras du transept ont consente leurs
voûtes en croisées d'ogive. Cette église semble avoir été cons-
truite d'un seul jet et n'offre la trace d'aucune addition. Sa
longueur dans œuvre est de 39 mètres, sa largeur de 10 m. 80
et, dans les croisillons, de .26 mètres. La voûte centrale re-
construite dans les années 1884-1885, suivant le plan indiqué
par les arcs fonrierets restés aux murailles du clocher et de
l'abside, a 14 mètres de hauteur sous clé. Il a fallu exhausser
les murs de plus de deux mètres pour leur rendre l'élévation
primitive. Une porte monumentale est ouverte dans la façade,
à l'occident. Des statuettes, aujourd'hui mutilées, ornaient
les archivoltes du portail aux vastes proportions. Deux meur-
trières, placées dans le tympan entre deux anges adorateurs et
de chaque côté du Christ bénissant, protégeaient l'entrée. Deux
portos de dégagement sont percées l'une en face de l'au-
tre dans les murs de la nef ; l'une d'elles a été murée. La façade
est flanquée de deux tourelles carrées, reliées au sommet par un
chemin de ronde crénelé, couvert d'une petite toiture ; l'une
renferme l'escalier à vis, l'autre porte à son sommet une
chambre de sûreté qui a longtemps servi de prison provisoire.
Tous les tiers points des baies des portes et des fenêtres sont
de forme lancéolée. Les dosserets placés dans les angles sont
des colonettes isolées ; ceux qui sont appliqués aux murs de
la nef se composent d'un faisceau de cinq colonettes rondes ;
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— 317 -
ils partagent le vaisseau en cinq travées. Les dessins rayon-
nant des reniplages de>s fenêtres et des caissons du portail ;
les profils des croisées d'ogive construites dans les chapelles,
les feuillages des chapiteaux des colonettes ont le style du
niilicHi (lu \nf siècle. La fenêtre placée au centre du chevet
est large et haute ; elle est divisée par deux meneaux et rem-
plie au sommet par trois cercles. Toutes les fenêtres sont
ornées de riches verrières, représentant les mystères de N.-D.,
sorties des ateliers de M. Feur, peintre verrier à Bordeaux.
f.es murs sont fort épais et munis de contreforts de trois
sortes ; ceux de la nef sont appliqués pei'pendiculairement au
mur ; ceux des angles du chevet ont la forme des tourelles
carrées de la façade ; ils doublent complètement ces angles
se présentant à l'extérieur : ce sont de véritables éperons.
II. — Villeréal fut jusques au xix* siècle annexe de Saint-
Etienne, ce qui indique que la paroisse de Saint-Etienne
appelée, nous ne savons pourquoi, de Leventes dans la lettre
d'Alfonse de Poitiers aux habitants de Monflan(|uin, et de
Lezenne dans des écrits postérieurs, s'étendait primitivement
jusques au Drot. Son recteur, aidé de vicaires, faisait h* ser-
vice de Notre-Dame de Villeréal. Il était nommé par le cha-
noine de la cathédrale Saint-Etienne d'Agen qui se trouvait
de semaine à la mort du titulaire, l'évêque n'ayant que le droit
de viser la nomination.
Les registres paroissiaux de Saint-Etienne, de Villeréal, de
Rives et autres documents nous ont permis d'établir la liste
complète du clergé de Villeréal depuis l'année 1610.
1612-10)21. — Curé, François de Laura, signe recteur de
Saint-Etienne, recteur et archiprêtre de Villeréal. Démission-
naire en 1621, il signe encore le 21 avril 1627 et le 4 octobre
1628.
Vicaires : Pierre Kaminade, 1610-19. Vidal Rataboul ,
1611-14. Léonard Maureau, 1619-11)21. François Passerieu,
docteur, 1620. J. Foyssac, 1620. Bertrand Derigal 1620-21.
Raynal, 1620-21.
1621-1662. — Curé, Jehan Gardés, docteur, signe curé de
21
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- :uH —
Saint-Etienne et de Villeréal son annexe ; fut remplacé par un
homonyme; leur écriture est différente.
Vicaires : Gaffard, 1623-26. Pierre Bouchet, 1627-36. Du-
rand Montaigne, 1637. Isaac Laporte, 1638-56. Delrieu, 1656-
61.
1662-1678. — Jehan Gardés, docteur, n'aurait pu être curé
en 1621; il n'avait que 58 ans à sa mort, arrivée le 29 janvier
1678 ; il fut enseveh dans l'église de Villeréal par Martinet,
vicaire, en présence de Fr. Saturnin Laporle, religieux de
l'observance de Saint François, prédicateur de l'Avent et du
Carême, de Vigier, curé de Rives, et de Marmié, curé de Ma-
zières.
Vicaires : Jacques Dages, 1663-64. Lagarrigue, 1664-75.
Benne, 1666-68. Alric, 1668-69. Delrieux, 1669-70. Martinet,
1670-78.
1678-1686. — Curé, Maurice Lantoume, docteur, avait élo
curé d'Envals. Admirateur de la révocation de ledit de
Nantes. Il meurt à l'âge de 51 ans, le 23 octobre 1686, est en-
seveli dans l'église de Villeréal ; il était archiprêtre (1).
Vicaires : Gineste, 1679-82. Mouly, 1680-84. Combaret,
1682. Duthil, 1684-85. Vergues, 1682-91.
1687. — Curé, Henri Lobies ou de Louies, docteur, dépose
le 8 janvier, au greffe de la Cour royale de Villeréal, la minute
des baptêmes, mortuaires et mariages de lesglize de Nostre-
Dame de Villeréal et annexe de Saint-Estienne de Lezennes;
dernière signature 2 septembre.
Vicaire, Granié.
1687-1713. -- Curé, Anthoine Boissarie, docteur. Son pre-
mier acte est du 10 septembre 1687, son dernier du 5 octobre
1713. Il fait refondre, le 5 juillet 1711, la grande cloche de
Villeréal, qui porte l'inscription : Hoc campanum ecclesie
Sandœ Mariœ de Villeréal Fusum est cum cura et labore do-
mini recioriSy (M.D.CC.XI). Ora pro nobis, sancta Dei geni-
Irix, A Fulgure et tempesiale libéra nos, Domine, Le procès-
(1) Le titre d' archiprêtre n'était pas inhérent à la cure de Saint-Etiennc-
Villeréal. En 1609 siégea au synode d'Agen en qualité d'archiprètre de \^il-
leréal M* Raymond Fieux, curé de Celles. (Abbé Barrère.)
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^ — 319 —
verbal est signé : Devaux, vicaire, sieur Destourniès, sieur
Labalui, sieur Granié el Estienne Lafon, sindics, qui ont fait
la dépense de la fusion et de la bénédiction.
Vicaires : Granié, 1087-88. Vergues, 1689-91. Jean Gre-
nier, 1089. Combler, 1689-91. Grolzat, 1692-97. Audart, 1697.
Bley, 1098. Malique, 1()99-1708. Martinet, 1703-05. Soleil,
1705-08. Fiancette, 1708. — Vergue, 1709. — (larry, 1710.
Louis Devaux, 1711-13.
1713-1734. — Curé, Pechegut. Telle est la signatui^e de
Jean de Constantin, nom qu'il prit d'une terre située en Péi*i-
gord. Jean de Constantin, encore au Séminaire, reçut [)ar
testament daté du 16 décembre 1697, de Jean Villeréal, sieur
de Guibal, son parrain, la moitié de son héritage qui lui don-
na un petit château avec la terre qui Tentourait, à condition
qu'il se ferait prêtre et serait tenu de venir dire la messe dans
l'église de Rives tous les dimanches pour la satisfaction du
public et deux messes chaque semaine pour le testateur el
ses parents défunts. Il devait transmettre cet héritage à un
prêtre des plus proches parents du testateur, aux mêmes con-
ditions. Jean de Constantin fit, dans l'église de Rives, un
baptême le 19 mai et un autre le 26 juillet 1701. Il se démit en
1734 de la cure de Villeréal qui fut donnée à Marc de Cons-
tantin que la mort cueillit. en 1700, trois ans plutôt que Tabbé
de Pechegut. ('elui-ci légua le château et la métairie de Rives,
par acte en forme de codicille clos le 27 juillet 1763 el ouvert
le 14 octobre suivant, à Jacques de Léotard de la Calvic en-
core au séminaire, son petit neveu et parent au quatrième de-
gré de feu Jean Villeréal, sieur de Guibal. Ce testament com-
mence par ces mots : « Je soussigné, messire Jean de Cons-
tantin, abbé de PécheguI, prieur et seigneur de la paroisse de
Rives...
ije terrier de Jean de Constanlin (*n qualité de seigneui*,
prieur du prieuré simple et séculier de Saint-Pierre de Rives
dépendant de l'abbaye d'AurilIac, commencé \o 25 juillet 1755,
avait été fini le 25 octobre 1702 (1).
(1) Voir la notice de Rives pour les renseignements complets.
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Vicaires : Tremolines, 1713-14. Pelegry, 1714. Belloq,
1715. Capdeville, 1716. Pierre Lantourne, 1716-18. Escodeca,
1718-20. Laborie, 1720-21. Demartres, 1721-23, Laprade,
1723-24. Sarrazin, 1723. De Laporte, 1722^25. Calviac, 1724-
27. Clayrac, 1727-33. Labartlie, 1728-29. Magniac, 1733.
Alfac, 1733-35.
1734-60. — Curé, Marc de (Constantin. Mortuaire << me^ssire
Marc de Constantin, bachelier et curé dfe Nostre Dame de Vil-
leréal, âgé d'environ soixante-dix ans, muni des sacrements
de Téglise, est mort le 23 du mois de may mil sept cens soi-
xante, à trois heures et demie du soir et enterré le vingt-quatre
du dict mois dans le sanctuaire de la dite église, auquel enter-
rement ont assisté dix-huit prêtres des environs. — Laborie,
vicaire de Villeréal. »
Vicaires : De Massac, 1735-50. Lassaigne, 1736. Vignial,
1737. Ferrou, 1737-42. Xauzières, 1742. Gironde, 1743-45.
Caillava, 1745. Fr. Mathieu, déliniteur des Récollets, 1745.
Fr. Joseph, récollel, 1745. Fr. Cyprien, récollet, 1746. Car-
rian, 1748. Jansenel, 1748. De Saubusse, 1750-52. Lartigue,
1752-53. LaLorie Deponls, 1753-63. Jean-Baptiste de Lassai-
gne, sieur de Villeréal, vicaire de Laurenque en 1752, fait les
fonctions de vicaire de Villeréal de 1756 à 1759. It meurt le 25
juin et est enseveli dans l'église.
1760. — Curé, Joseph Illy, nommé en remplacement de
messire Marc de Constantin, prend possession le 3 juin 1760.
1760-1772. — Curé, Claude Pélissier, bachelier en théolo-
gie, prieur de Rives après Jean de Constantin, chanoine du
Chapitre de Saint-Caprais d'Agen en 1772, prieur de Roussel,
vote à Agen en 1789, pour lui, pour M** Pourchet, curé de
Tourliac et Paul Vergues, curé de Clairac.
Vicaire, Laborie Deponls, 1753-1763. Ici cessent les regis-
tres.
1782. — Curé, Champier, connu par le visa de deux certifi-
cats de mortuaires, 18 avril 1782, l'un signé Laborie et l'au-
tre Pélissier.
1793. — Curé, Guillaume Bruzac, curé de Parranquet après
Gaussinel, que les Révolutionnaires avaient obligé de partir ;
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— 821 —
signe cure constitutionnel de Villeréal ; est chassé par les Re-
ligieuses de la Foy de leur chapelle ; se marie ; signe, P"" juil-
let 1793, curé de Cancon.
1803-1812. — Jean Tourel, curé schisniatique de Saint-
Etienne, réconcihé; meurt le 29 janvier 1812.
1812-1810. — Curé, Jacques Léotard de la Calvie, docteur,
vicaire de Sainte-Sabine, 17(55-68; curé de Naresse, 1768 à la
Révolution; déporté: rentra dans sa paroisse jusqu'en 1812;
mort pauvre à Villeréal le V^ mars 1810; il avait fait eximer le
chûteau et la métairie de Rives de la liste des biens nationaux,
on prouvant au district de Monflan(|uin que cet établissement
était nu)ins une fondation qu'une substitution, que les évéques
n'avaient pris aucune part ni connaissance sur ces biens qui
n'avaient aucun rapport avec ce qui peut être dit Chapelle ou
Prestimonie, et n'était qu'un bien en tout séculier et laïcal dont
la propriété entière restait sur la tête du possesseur, en rem-
plissant les charges imjmsées par le testateur. Ce bien fut ven-
du connue bien de déporté. La nièce et héritière de l'abbé de
I^éotard, Rose-Luce de Léotard, loucha en 1827 une indemnité
(le 18,783 fr. 75, sur le milliard (jue le gouvernement distribua
pour réparer en (|uelque manière les spoliations révolutionnai-
res.
C'est donc à tort (|ue cette fondation a été confondue avec le
prieuré Sajut-Pierre de Rives par l'abbé Monmont, ancien curé
de Capdrot, dans son opuscule : Ancienne collégiale de Cap-
droU Périgueux 1885; par l'abbé J.-A. (1) ; nolice sur lorigine
du Prieuré de Uives, publié dans les Semaines religieuses
d'Agen et de Périgueux, avril 1887.
1816-1843. — Curé, Antoine Thomas de Lavais.*^ière. Signait
messire Antoine-Thomas de Lavaissière, curé de la ville et can-
ton de Villeréal. Mort à Monclar.
Vicaires : (iirou, 1813-li. Demurs, 1810-U). Daubart, 1819-
20. Ducomct, 1821. Josei)h Boyer, 1821-22 (2). Dumas, 1823.
(I; Joan Andrion, curé de Capdrol après lablH' Monmonl.
(?) Labbé Joseph Boyer, natif de Laguiole [Aveiron] fut nommé curé de
Uonrnel el y nioin'iil après plus de 50 années d'un pieux ministère, secondé
daub so derniers lenips par Tabbé Pierre Delagc, curé de Montaut.
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— 322 --
Derras, 1826-31. Escadafals, 1832. Fabre, 1833-34. Simonnin,
1834. Moreau, 1835. Dubedat, 1835-36. Marchand, 1836-41.
Mauron, 1837-38. Brandely, 1839-40. Marie, 1840-43. May-
dieu, 1841-44.
1843-1863. — Curé, Jacques Heclu, ancien vicaire de Sainle-
('alherine de Villeneuve et curé de Rives.
Vicaires : Marbouiin, 1845-47. Constans^ 1848-51. Lârtiguc,
1852-53. Taché, 1853-5(5. Olliei-, 1856-04.
1864-1870. — François Barbouian ; lonne le projet de res-
taurer son église ; meurt le 24 mai 1870, âgé de 45 ans.
\'icaircs : Jean Labbé, 1865-69. Raymond Joubes, 1869-71.
1870-1909. -- Curé, Joseph-Aicolas Audhuy, réalise la res-
tauration de son église en 1884-85: la fait consacrer par Mgr
Cœuret-Varin, évoque d*Agen, le dimanche de la Dédicace des
églises, A. 1880.
\^icaires : Dauzon, 1871-75. Mary, 1875-77. Courtios, 1877-
78. Jean Régnier, 1878-80. Fatin, 188Q-81. Mouly, 1882-84.
Cailleton, 1884-86. Pourriol, 1886-88. Félix Thomas, 1888-
Dans le diocèse d'Agen, le curé de canton porte le titre d'ar-
chiprêtre.
D'après le pouillé de M. l'abbé Guillon, secrétaire de Mgr Ja-
coupy, l'archiprétré de Villeréal comprenait, avant la Révolu-
lion, 34 paroisses, 11 annexes, 45 églises (1) :
Saint-Amand, près Monflanquin ;
Saint-Aubin, annexe Saint-Pardoux ;
Saint-Pierre de Crozillac ;
Saint-Pierre de Lacaussade ;
Notre-Dame de Corconnat, annexe Saint-Michel de la Sau-
vetat ;
d) L'iirchiprclro de \ illeréal fui créé, après les gdorres tlo religion, ;uix
dépens des archiprèlrés de Kunicl et de Montant. Montant ruiné i^ar les Hii-
mienols, réuni au duché de lîiron, perdit jusqu'à son litre d'archipréiré. Nous
trouvons, dans les archives historiques de la Gironde, tome xix, les noms de
quelques paroisses de l'archiprèlrc de Monlaut en 1327; ils sont les mêmes,
mais mieux copiés, en 1.720, dans le PouiUé de Jean de Valier, Valéri, vicaire-
.1,'énéral de D^véque d Atren. .\(uis les doinions ici en y njoulanl leurs noms
actuels, (juelques-unes de ces paroisses ont été supprimées.
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— 323 —
Saint-Pierre de Cailladelles, annexe Saint-Sulpice de Caillai.
SainUCaprès, près Monflanquin ;
Saint-Biaise de Calviac ;
Notre-Dame d'Envals ;
Sainl-Hilaire près Monflanquin ;
Saint-Martin de Barbas. — Annexes : Saint-Pierre de Tarra-
del, Saint-Biaise de Boudy ;
Saint-Martin de Bom. — Annexes : Saint-Jiist, Notre-Dame
de Veillas :
Saint-Etienne. — Annexe : Notre-Dame de Villeréal ;
Saint-Eutrope d'Escandaillac ;
Saint-Pierre de Montant. - Annexe : Sainle-Madelaine de
Boumel ;
Saint-Vivien ;
Saint-Etienne de Lougratte ;
Notre-Dame de Lugagniac ;
Saint-Pierre de Laussou; annexe : N.-D. de Bonnes-Nou-
velles.
Saint-Michel de Laurès.
Saint-Maurice.
Saint-Jean de Montauriol.
Saint- André de Monflanquin.
N.-D. de Pompiac.
Sainle-Foy de Roqu^det. — Annexe : N.-D. de Celles.
Sainte-Madeleine de Roquefère.
Sainl-Semin de Labarthe.
Saint-Jean de Savignac.
Saint-Germain de Tayrac.
N.-D.dèValcttes.
Saint-Barthelemy de Dévillac.
Saint-Sylvestre de Piix.
Saint-Caprès de Galissac.
Sainte-Anne d'Estrades.
L'archiprêtré de Villeréal n'a \>l\\> aujourd'hui que 16 pa-
roisses : Villeréal, Barbas, Born, Bournel, Dévillac, Doudrac,
Montant, Monseyrou, Naresse, Parranquel, l^iis, Rives, Saint-
Etienne, Sainl-Eutrope, Saint-Martin, Tourliac.
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— :\2 1 —
XoIre-lJame du Drnl. - - Chapelle de Suml-Iioch,
Au bout (lu pont qui reliait la paroisse de Villeréal en Age-
nais à la paroisse de Rives en Férigord. la piété des habitants
avait construit une chapelle de dévotion à Xotre-Oanie, fré-
quentée par de nombreux pèlerins. L'occasion et la date de
cette construction ne sont pas bien connues. Une pierre com-
inémoralive dép6>ée à la mairie de \'illeréal est probablenienl
indicatrice de 1 époque.
Voici rinscription gravée sur cette pierre :
SiT \OMEX DOMIM BENEDICTLM
ÉDIFIÉE
Rkgxat. Loi is XIll, hov de France et de Xavarre
PAR Ms H. Dltii.. L Rolssee, a. Lantourne, consuls
1622
Gravé par Roi gié M.
Cette chapelle couvrant environ 6 escats fut adjugée avec
son pactus, le 28 messidor an VI, à Barthélémy Lavergne,
pour la somme de 1,625 francs, l'ne simple croix en rappelle
le souvenir.
l'ne autre chapelle fut érigée à la porte de la ville, sur la
route de Montpasier, en l'honneur de Saint Roch, patron des
pestiférées, lors de la peste qui ravagea \^illeréal en 1652. La
moitié de la population fut enlevée par le fléau ; la partie la
plus atteinte fut la rue Landcl qui reçut le nom de rue Saint-
Roch, s étant mise sous la protection particulière du saint. 11
ne reste de la chapelle qu'un édicule surmonté dune croix et
abritant une fontaine.
RESUME.
Villeréal est une bastide de l'Agenais conunencée, en 1205,
au temps d'Alfonse comte de Poitiers et de Toulouse: ce prince
ajouta à son lerriloire, m 1269, les paroisses de Montant lel
Hounielj, Saint-Klienne, Dévillac et Estrades (|u'il délacha du
district de Monflaiicjuin, environ (),060 hectares.
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- 325 —
Edouard ?^ roi d'Angleten-e, duc d'Aquitaine, en posses-
sion de l'Agenais depuis le mois d'août 1279, donna, en 1289.
une coutume à Villeréal. Il lui rendit, en 1305, Royaulmont,
ou Montréal [Le Ravet] du diocèse de Périgueux, que Philippe-
le-Hardi avait distrait de son lemtoire. M* Pierre de la Proue
avait, en 1289, au nom du roi de France, commencé de fortifier
Royaulmont ; le bailli, les consuls de Royaulmont et autres
parties avaient continué de bâtir malgré les protestations des
autorités anglaises de Villeréal et malgré Tinst^nce d'un pro-
cès; Philippe IV donna, en 1291, à Royaulmont ou Montréal,
une coutume dont une traduction sur parchemin a été retrou-
vée à Villeréal où elle dut remplacer celle du roi d'Angleterre
après l'expulsion définitive des Anglais, à la fin de la guerre de
Cent ans, 1453 : ce qui a fait supposer que- Villeréal était, à
l'origine, du diocèse de Périgueux, et s'appelait Montréal.
Pal-mi les villes spécialement unies, en 1318, à la couronne
d'Angleterre, duché d'Aquitaine, figure Villeréal avec les pa-
roisses de Sainte-Sabine [Sainte-Sabine et ses annexes : Saint-
(iermain et Le Belj, qui lui demeurèrent imies jus-
ques en 1791. Villeréal fut Tune des vingt places que le roi
d'Angleterre retint en sa main, en cédant 1,500 aux princes
français confédérés (}ui se reconnurent ses vassaux [traité de
Bourges 1412]. Villeréal obtint (1582-1583) de Henri III, le re-
nouvellement de ses anciens privilèges en récompense de son
dévouement à la cause royale et catholique et en dédommage-
ment des misères subies pendant les guerres de religion. Elle
eut beaucoup à souffi-ir de la seconde guerre de la Fronde
[1650-1C53], et du passage des troupes sur la fin du xxif siècle.
PIECES JUSTIFICATIVES
Fondation de Villeréal, 1265. — Fondation de la bastide de
Royaulmont, 1289. (Fond Duchène, lOCf vol., fol. 326. Bibl.
Xal. de Paris. Xolcs manuscrites en caractères très fins, avec
bien des mots illisibles, résumé d'anciens titres par Oïhénart.)
Constat quod Villa Hc^alis iiicopta fuit lempore Alfonsi
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coilis picla\ ic el Iholosc, anno 1265. Et dans lequel après il est dit :
iiichoalio bastide l\egalis Moiilis incepta fuit, anno 1289, per ma-
gistrum pelrum de la proue nornine régis francie. Au seujet de cette
ivichoalio bastide Regalis Aïontis dépend de la terre d'Agen,
pour lamploys et licence de Raymundus de Campania... délivrées...
iiou\ elles lettres... les consuls Ville Regalis a RaduU'us de broli
miles substitulus procur... pro regc francie, el magister ardus
Clari judex maior et... dudit broli se transporta à la dite bastide
el deffendit dy bastir pendant procès ineu et menaçant rclirer do
toutes terres - -baiulus Regalis Moutis et consules et alie parles
continèrent de bastir.
Lettres patentes d'Alfonse de Poitiers ratifiées par sa femme
Jeanne de Toulouse, confirmant la formation du district do
Monflanquîn à 1 exception des quatre paroisses de Montaut,
Saint-Etienne, Estrades el Dévillac qu'il retranche pour les
mettre dans la juridiction de Villeréal, mars 1209. Privilèges
accordés aux habitants de Monflanquin. (Mss. Doat, 74'' vol.,
f. 216. Bibl. Nat. de Paris.)
Alfonsus filius régis francie, cornes pictavic et tholose universis
l)rcsentcs littcras ins})ccluris, salulem in Domino.
Xostris non diffidinius \acare profectis si subditoruni noslrorum
connnodis et queti diligpiitius iutcndamus. \otum ilaque facimus
((uod nos liabitatoribus et liabitaturis in poste rum honorom, beu-
loncam sou districlum bastide nostrc de Monleflanquino duduni
per bone memorie Guillelmuni de Balneolis, niilitem, quondani
senescallum nostrum Agcnnensem assignalUm certis distinctuni,
]irout in littera dicti Guillelmi super hoc confecta plenius dicitur
conlineri concedimus e( etiam confirmanius : hoc exceplo (juod
])arochias de Montealto, de Devillaco, (rKstratis, et S. Stephani
de Lcientes, quas ad bastidam Ville Regalis quoad honoreni volu-
inus j)ertinere, tan(juani in littera prefati Guillelnii fuerint compre-
henso iii concessioue huiusniodi, vohunus assignari. Preterea,
cum una eademquc res non debeat duplici quodammodo iure cen-
s(M-i, volumus el concedimus (juod hominos dicte bastide de Mon-
leflanquino licct extra clausuram dicte bastide in eiusdem territo-
lio connnoiantes duos solidos et sex denarios arnaldenses dum-
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— 327 —
taxai, quemaclnioclum eiustiem bastide municipes seu incole, pro-
clamore solvere teneantur antiquis camisiis in territorio dicte bas-
lide anliquiliis coiistructis ab huiusmodi liberlale ad bec. Ut prc-
diclis habitatoribus decoquendi panem ad usus proprios seu yena-
loin liberior solido (1) licentia tribuaiur, volumus et concedimus quod
liominibus dicte baslide uinvcrsis et siuprulis furnum habere pro-
]>rium in quo panem suum liceat sine furnagio decoquerc. Scd, si
in oodem furno panem vicini aut venalem decoxerit. Deeem solides
arnaldenses tantum annualim pro furnagio nobis et successoribus
nostris in craslino nativitatis solvcrc teneantur (2). Celerum ad maio-
ris gratie cumuium prefate bastide habitatoribus et in eiupdern
territorio commorantibus seu commoraturis in posterum liberaliler
concedimus ut eisdem sal emere ad usus proprios liceat ubicumque
si viderint expedire; nec ipsi et eorum posteri per nos, heredes et
siiccessores nostros arec ri possint vel compelli sal emere ad suos
usus vel in salino nostro de Agenno seu alibi in districtu nostro,
nisi v*jna mera et gratuita processerint voluntate : in cuius rei testi
monium sigillum nostrum prcsentibus lilteris fecimus apponi. El
jio^ Johanna... Datum apud Ruppen.
Alfonsc, {ils du roi de France y comte de Poitiers et de Toulouse,
à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut dans le Sei-
gneur.
.Nous sommes certains de travailler à nos intérêts en nous appli-
quant avec le plus grand soin au bien être et à la tranquillité de
nos sujets. G'esH pourquoi nous faisons savoir que nous accordons
aux habitants actuels et à venir de notre bastide de Monflanquin,
rhonneur, territoire ou district tel qu'il a été auparavant délimité
par Guillaume de Bagnols, chevalier, (juand vivait notre sénéchal
«r.Vgenais, de bojnie mémoire, et cjue Ton peut voir plus ample-
ment dans sa lettre, et le confirmons iqu-ès, toutefois, en avoir dé.-
taché les paroisses de Mojilaut, ficvillac, Estrades et S. Etienne
(1) Sulido pour solilo.
(2) Dans la coulumc (lonnèc par Kdouard l" à \ illcrêal, les habitants poii-
vent avoir un four parliculior i)our ItMii* pain, mais ils doivent payer 12 de-
niers [un sou] par semaine s'ils cuisent le pain du voisin ou le pain à vendre;
lel aussi nou> parall être Ir sens <lc licrnlia fihcrior solido de la lettre d'Aï-
loiise pour Monflanquin.
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- 328 -
de Levenles (|ue nous voulons mettre dans riioinieur de la bastide
de Villeréal à laquelle nous les attribuons, quoique la lettre de
Guillaume les ail com|)iises dans Thouneur de Monflanquin.
De plus, comme une même allaire ne doit ])as être soumise à
i\ne espèce de double droil, nous voulons el concédons que les
habitants de la bastide de Monflanquin, habitant hors des murs,
mais dans son territoire, paient seulement pour droit de justice
2 sous et 6 deniers, tout comme les citadins, pour les cheminées
construites jusques à ce jour dans ce territoire. Afin de leur don-
ner une licence plus libérale que il n'est de coutume pour la cuisson
du pain à teur usage comme du pain à \endre, nous voulons et leur
concédons, à tous et h chacun, la faculté d'avoir un four pour cuire
leur i)ain sans payer le fournage : mais si dans ce four ils cuisent
le pain du voisin ou le pain à \endre, ils devront nous payer annuel-
lement, pour fournage, à nous et à nos successeurs, 10 sous arnau-
dins le lendemain de \oël.
Et encore nous concédons libéralement, i)ar comble de grâce,
aux habitants présents et futurs de cette bastide et de son territoire,
la faculté d'acheler leur provision de sel où ils voudront, sans
(ju'ils puisiîent être forcés par nous et nos successeurs, à racheter
dans notre salin d'Agen ou ailleurs dans notre territoire, ni en être
empêchés, si ce n'est de leur pure et gratuite volojité.
En foi de quoi nous avons fait apposer notre sceau. Et Nous
Jeamie
ARCHIPRËTHK DE MOMAOT W XIV« SIÈCLE.
Eglises et prieurés. - - Sommes recueillies [)ar Faydit Gui-
raudon, prieur de Sarlat, par ordre de Jean XXII, pour la ré-
pression des hérétiques el des ennemis en Italie. (Archives
historiques de la Gironde, XIX, 20'^)
1. Abbas de Clarato (Clairac), 200 livres bordelaises;
2. Capella de Castellione (Castillonnès), 110 s.;
3. - Cathadelis cum ecdesia de Calhaco (Gailladèles et
Caillac, à Beauregard), 100 sols ;
i. — Bannato cum ecglesia de Bornio (1), 41 1. 10 s. ;
(1) Ces deux noms sont remplac^'s dans le Pouillé de Valéri par BornelJo :
Hournel. église ronuino-ljyzanline jadi> annexe de Montaul. Dornio n'est pas
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— M29 —
5. — Longraca, Lougrala (Lougralle), 60 s. ;
6. — Sancti Pasloris (Sainl-Pastour), 60 s. ;
7. — Lopiaco, Pompiaco (Pompiac), 12 s. 6 d.;
8. — Mozens (Douzains), 60 s.;
9. — S. P. de Brunhaco (Brugnac), 40 s.;
10. Prior de Montando, Montaudo (Montaul) (1), 10 1. ;
11. Capella de S. Slephani de Falgires (S. E. de Fougères), 20 s.;
12. — Montando, Montaudo (Monlaut), 100 s. (2) ;
13. — Sobires (Soubirous) (4), 7 s. ;
14. — Dayches (Eysses ?), 7 1. ;
15. Prior de Brolio (prieur au Commandeur du Temple de B.),
60 s. ;
16. Capella de Sancli Mauricii (S. -Maurice), 40 s. ;
17. — Giatalop (Grateloup), 40 s. ;
18. Prior de Fongrana (Fongrave), 50 s. ;
H). CapeJla de Bcrdugal (Verdegas), 48 s. ;
20. — Moiitbaus (Monbahus), 6 1. ;
21. ' — S. Johaimis de Sanclo CiUerano(S.-Gayrand), 30 s.;
22. — Vilars, 10<J s.;
2iJ. — Allas Vineis (Hautes-Vignes), 40 s. ;
24. — Marsaco (Marsac), 4 1. ;
25. — Sarinbac (Sérignac de Lauzun), 6 1. ;
26. — Bonra, 10 s. ;
27. — Glerato (Glairac), 70 s. ;
28. — Faulhelo (Faulhet), 60 s. ;
29. — Monteclaro (Mont-Glar), 6 1. 8 s. ;
30. — Coz et de Garo (Gouls et Garrou), 40 s. ;
31. — Monte- xVureoli (Montauriol), 70 s. ;
32. ~ Vueto, Vuelo (Monviel), 40 s. ;
3ii. — Sanc Golo (Sainl-Golomb), 40 s. ;
Born, lequel était, avec ses annexes, (fans l'archiprêlré de Fumel, ainsi que
\ illeréal, Scandaillac, Sainl-\ ivien, Piis, Barbas...
(1) Monlaut (Saint-Pierre de), prieuré de l'ordre de Cluny; les terres et prés
qui rcnlourent à TKst et au Sud sont encore appelés : lou prioulat. — Ce
prieuré ost appelé de Monteils dans Ihistoire du prieuré de Moirax de
M. P. Dubourg,^curé de Layrac. — Le seigneur de Montaut est aussi appelé
seigneur de Monteils dans la notice de Guienne, Agen... de MM. Barthé-
Icmy-Saint-Hilaire et Aristide Guilbert : c'est la traduction libre de Monlealto.
(2) Montaut (N.-D. de), Capella, était dans l'enceinte de la ville fortifiée, à
? kilomètres dans la direction de Villcréal.
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34. — Laussrmo, Lauznno (Lauzun), 40 s. ;
35. — Moyrihac (Maurilhac), 20 s. ;
36. — Cabanes (Cabanne), 20 s. ;
37. - - Peynles (Saiivt-Etienne de Périllac), 10 s. ;
38. — Mont Oustruc (MonlasUuc), 4 1. ;
31). - Campachac, Campanhac (Campagnac), 15 s. ;
\0. — Cassanhol (Casseneuil), 11 1. IG s. 0 d. ;
il. Senezellis (Senezeiles), 4 1. ;
42. - Ponporl (Tourlrès), 340 s. ;
'j3. Valetis (Valette), 20 s. ;
44. - Bertel (Verteuil), 10 s. ;
45. — Bello videre (St-Pierre de Belvès, à Caubei), 70 s. ;
46. — Podio bino et de Vezalmar (Loupinat et ),
45 s. <1) ;
47. — Massalito, 50 s. (2) ;
48. Prior de Uydat (Lédat), 6 l. ;
49. Capella de Laydat (Lédat), 20 s. ;
50. — Sermelo (Sermel), 10 s. ;
51. — Sebos (Subrebosc), 10 s. ;
52. - xMilhaco (Milhac), 10 s. ;
53. — Alta rifsa (Hautesrive), 70 s. ;
54. — Savinhac (Savignac), 60 s. ;
55. Castelmoros (Caslelmoron), 20 s. ;
56. Canlor, Cancor, (Caiicon), 4 1. ;
57. — Sancli Uemigii ( Saint- Remy); 20 s. ;
58. — Cambos (Gambes), 10 s. ;
59. — Tonenx (Tonjieins), 4 1. ;
(1) Vezalmar n'est pas Villebramar qui était avec ïoinbabove dans l'archi-
prôlré de Vesalme.
(2) De Marsilhaco {Fouillé de Valéri, a. 1520). Marcillac sur une des collines
de Montaut. Un vieux registre paroissial, conservé aux martyrs portait cetic
noie : Confrérie érigée en la sainte chapelle de Noslre-Damc de Marcilhac
et commencée le jour et feste de la Sainte Nativité de l'année mil six cens
cinquante un à la plus grande gloire de Dieu et de la Très Saincte Vierge.
Plusieurs personnes font dire une messe votive et donnent cinq sols pour
honoraire. M' Philippe Lacan, notaire royal de la paroisse de Farransac,
juridiction de Castillonnès, tant pour lui que pour Marguerite sa fille, donne
une serviette marquée de deux bouts de fil d'argent, 8 septembre 1659... Le
seigneur d'Escandaillac donne un canapé rouge...
Cette chapelle, estimée avec ses friches et 23 pieds d'arbres, d'un revenu de
19 livres 15 sols pour un capital de 366 livre?, 10 sols, en 1790, fut vendue et
démolie.
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60. — Boiiihonc (Sainle-Quilleiie de Magnon), 4 1. ;
01. — Sancli Georgii de Bens (Saint-Georges de Rams),
10 s.;
62. Prior de Monlis Aurioli et Sancti Martini (Montauriol), 91.;
tJ3. — Rovillo (Roubillon), 4 1.;
64. Capella de Laparada (Laparade), 6 1. ;
Arclîidiaconus de Montaudes (Montaut), 2 florins.
Total : 2 florins, 290 livres, 16 sols arnaudins (1).
J. Benaben.
(1) Valeri nomme 123 églises dont 9 prieurés de l'archiprêtré de Montaut,
mêmes limites.
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SYNODE
tenu à Agen, sous Fépiscopat de Mgr Mascaron, du 28 au 29 mai 1686 \
pour le raebat des offices de Receveur el de Contrêleur
des décimes el impositions du Clergé.
Le Clergé a de tous temps contribué, sous des formes qui
ont varié, à acquitter les charges de l'Etal. Il n'y a eu entre
l'Ordre du Clergé et les autres Ordres que la différence dans
la manière d'imposer les redevances et de percevoir ces im-
pôts.
Nous ne ferons pas une élude spéciale de cette question, qui
demanderait trop de détails et d'explications; nous nous bor-
nerons, pour le sujet que nous avons à traiter, à rappeler que
tous les ecclésiastiques et possesseurs de bénéfices ou de quel-
que bien d'église étaient soumis à la taxe des décimes. Les
rois, à plusieurs reprises, ont établi des règlements très pré-
cis pour la perception de ces impôts qui frappaient le Clergé.
Henri IV, par un édit du mois de septembre 1594, voulant
(lue les finances de son royaume fussent dignement et fidèle-
ment administrées au bien de son service et utilité commune
de ses sujets, et voulant remédier aux désordres antérieurs,
créa et érigea dix-sept "receveurs 'généraux provinciaux des
décimes et subventions du Clergé, es dix-sept généralités an-
ciennes de son royaume, à savoir : Paris Bordeaux où res-
sorlissent Bazas, Acqs, Bayonne, Tarbes,/ Agen, Périgueux,
l^ctoure, ('ondom Auxquels receveurs particuliers desd;
diocèses, chacun en la généralité où il ressortit, porteront et
envoyeront dorénavant tous et chacun les deniers des décimes
et subventions ordinaires et extraordinaires qui seront impo-
sées sur ledit Clergé.
Lesquels receveurs généraux provinciaux jouiront de tels et
semblables honneurs et privilèges et prérogatives, prééminen-
(1) Jules de Mascaron fut évèque d'Agen de 1G79 à 1703.
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ces, francliLses et libertés, dont jouissent les receveurs géné-
raux de nos finances, en chacune des généralités, et des gages
et taxations ci-après déclarées que nous leur avons ordonnées
et ordonnons pour faii'c la recette, entretenement de leurs
commis, port o\ voilure des deniers desdiles décimes ordinai-
res et extraordinaires, des recettes générales provinciales en
ladite recette du Clergé, à savoir : Le receveur général provin-
cial en la généralité de j^aris, 000 écus de gages : le receveur
de Bordeaux, 800 écus de gages et G deniers ])oiu' livre des
deniers de sa recette Et il leur sera délivré pour lexercice
de leurs charges des provisions enregistrées, pour d'iceux
offices jouis par ceux qui en seront pourvus, leurs hoirs suc-
cesseurs et ayant cause et en disposer comme de leur propre
chose et loyal acquêt. Et le roi ajoutait : Et lesdits du Clergé
ne pourront les racheter ni rembourser les titulaires d'iceux,
si ce n'est à une seule fois et à un seul paiement pour chacun
office, tout de la finance par eux payée de l'acquisition d'icelui.
Tel est notre plaisir. Donné à Paris, septembre 1594 (1).
Supprimés en 1600, ces offices de receveui' et de contrôleurs
sont rétablis en 1608 (2). Louis XIII, par un édit de juin 1621,
porta création d'un receveur et contrôleur particulier des dé-
cimes en chaque diocèse, avec faculté reconnue au Clergé de
les rembourser. Nous érigeons, dit-il, établissons en chef et
titre d'offices héréditaires un Receveur et ('ontrôleur particu-
lier triennal des décimes en chacun diocèse de notre royaume.
— Les émoluments du receveur et contrôleur d'Agen sont âv
950 livres obole chacun (3).
En 1625, par un autre édit, Louis XIII augmente les gages
des receveurs diocésains : celui de Bordeaux aura : 2,400 li-
vres de gages et 3,235 livres IS sols, 9 deniers de taxations à
laison de 6 deniers par livre de recette ordinaire. Mais faculté
est reconnue au ('lergé de pouvoir remboui-ser ladite financer
de ladite augmentation, en tous temps (A).
(1) Mémoires du Clergé de inmee, \ UT, p. 1572.
(2) Ibid., 1600.
(3) Ibid., 1651.
(4) Jbid., 1622.
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In arrêt du Conseil d'Etat du 19 janvier 1651 porte que Sa
Majesté déclare que le Clergé jouira de la faculté de racheter
les offices de receveur et contrôleur des décimes, tant princi-
paux que particuliers (5).
De l'exposé de ces documents il résulte que les charges ou
fonctions de receveur el de contrôleur des décimes du Clergé
étaient très lucratives et très avantageuses pour ceux qui en
étaient pourvus, et par suite très onéreuses pour le Clergé.
C'est ce que comprit Mgr Mascaron. Ce prélat, qui venait de
bâtir le Séminaire et avait fait appel à son Clergé pour lui
aider dans cette grande œuvre, entreprit de dégrever les béné-
fîciers de son diocèse en lui proposant de racheter les offices
de Receveur et de C/ontrôleur des décimes ecclésiastiques.
L'office de Receveur ancien était à cette époque la propriété
du sieur Barbier de Lasserre (1) cjui évalua à la somme <le
35,000 livres la valeur de sa charge.
L'office de Receveur alternatif appartenait, pour une part,
au siéur de Lavigerie, conseiller au Parlement de Guienne, et
à son épouse, et cette part était estimée 35,000 livres.
L'office de Contrôleur appartenait au sieur de Castelnaud
et à la dame son épouse, et celle part était estimée 19,000 li-
vres.
Les dames de Castelnaud et de Lavigerie étaient héritières
de feu sieur de la Cronipe, ac(|uéreur el engagiste desdils
offices.
Ce rachat exigeait donc la somme de 89,000 livres que le
Clergé devait verser et i*embourser pour obtenir la propriété
des offices de Receveur et de ('ontrôleur.
(1) Messire Claude Barbier de La Serre dont il est ici question naquit h
Agen le 8 octobre 1668; il était fils de sieur Claude de Barbier, seigneur de
la Serre, conseiller du Roy en la Cour des Aydcs de Guienne, et de feue
dame de Brussy. Cette famille de Barbier installée à Agen sous Mgr de
(rélas, acheta d'abord la propriété de l^asserre, paroisse d'Artigues, juri-
diction d'Agen, et plus tard, vers 1639, le domaine et château de Goulens.
Cette famille a donné un grand nombre de ses membres au clergé régulier
«•t séculier. Elle est représentée encore aujourd'hui par le docteur Barbier
de Lasserre, médecin à Agen, propriétaire à Goulens, et par son frère rési-
dant à Laplum6.
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— 335 --
Mgr Mascaron crut qu'il pouvait compter sur le concours
de son Clergé pour procurer cette somme et c'est dans ce but
qu'il convoqua le Synode dont nous allons rapporter les actes.
OusEHx ATioN .' On distinguait trois sortes de Receveurs par-
ticuliers des décimes du ( -Icrgé : Les anciens, les allernalils cl
les triennaux. Ces divers Ueceveurs liraient leur (jualilicalion
des temps différents où ils furent créés. La première création
remonte à l'édit d'Henri II, du mois de juin 1557 (1).
P. DiJBonu;.
ACTES DU SYNODE DE 1686
Sous l'Épiscopat de M^*" Jules de MASCARON, Évêque d'Agkn
Extrait du i erbat de la convocation, tenue, assistaiwe et délibération
du Sinode diocésain d\iyen, indit par niessire Jules de Masca-
ron, évesque et comte d'Agen, conseiller du Roy en ses conseils
et son prédicateur ordinaire, commencé le 28 mai 1686 et [ini le
29^ de Vannée 1686.
V estant mondil seigneur Evesque, et assistants : M. Collier, \i-
caire-général; M. Dauréo, officiai; Roussel, lieutenant; Sabouraux,
promoteur; Olive, sous-promoieur du diocèse. Ensemble M. de
Ducros, grand archidiacre; Hoissonnade, chantre cl député de la
Cathédrale; Ratier, chanoine et député de la Collégiale; Beaumonl,
doyen et député du Chapitre de Pujols; Grafeuil, chanoine et dé-
puté du Chapitre du Mas; le sieur Sevin, archiprétre de l'Archiprê-
Iré du siège d'Agen; Lagareime, curé de Saint-Sulpice, archiprétre
de Toumon; Massac, curé d'Aiguillon, archipreslre de Montpezat;
Tancoigne, curé de Gontaud, archipreslre de Tonneins; Dandraul,
curé de Saint-Etienne de Fougères, archipreslre de Monclar: Lod.
Beaumonl, archipreslre de Villeneuve; Bourrillon, curé de Seiche,
archipreslre de Marmandc; Feydil, curé de Saint- Victor, archipres-
lre de lenyssac; Lantourne, archipreslre el curé de V'illeréal; Au-
gié, curé do Sauveterre, archipreslre de Fumel ; Sabouroux, curé
de \olre-Dame; Dalès, archipreslre de Lauzun, el Capoulau, curé
(1) Mémoires du Clergé de France, VIII, p. 1839, elc.
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— :^3« —
fie Sainl-Nazaire, archiprcslrc de Sainte-Foy. El environ trois cents
cillés et plusieurs autres ecclésiastiques comme se certifie de la
place Sinodale.
Ledit seigneur et l'assemblée composant ledit Sinode ont procédé
suivant Tusage et coustume et règlement du clergé, à la nomination
de mess, les sindics et députés au Bureau du présent diocèse d'Agcn.
Et après diverses propositions et considérations, d'un commun aç-
r.iml et consentement, M. Bonaventure Uoussel, prestre et cha-
noine de l'église collégiale d'Agen, a été nommé, créé et esleu pour
sindic et député au Bureau du présent diocèse: et pour députés au
Bureau dudil diocèse et Clergé d'Agen ont esté aussi nommés,
csleus et créés : MM. Jean Ducros, grand archidiacre; Jean Dau-
rée, archidiacre et chanoine de la ('alhédrale d'Agen, officiai d'Age-
nois; Chrisostôme de Sevin, chanoine de ladite église cathédrale,
ruré de Saint-Etienne de Fougère; r)aunefort, curé de Puymirol:
(•anessin, curé de Cazideroque; Lesparre, curé de Sainte-Livrade;
Hugonis, curé de Frespech; Flouret, curé de Saint-Amans de Cas-
lelcullier et Gigault, curé de Saint-Robert.
La susdite élection faite, par le commandement dud. seigneur
Evesque, par le greffier du Clergé a été dit qu'il se trouvera dos
personnes qui presteront au diocèse, à raison du denier vingt, les
sommes nécessaires pour le rachat des offices des sieurs Receveurs
et Contrôleurs des décimes du présent diocèse.
L'assemblée a donné pouvoir à mess, les sindics et députés du
Bureau d'emprunter les sommes (ju'ils trouveront nécessaires pour
le rachapl desd. offices ou partie d'iceux, ainsi qu'ils trouveront à
propos, selon la faculté que le diocèse en a, leur donnant pouvoir
d'affecter, pour cet effet, au [)rofit de ceux qui presteront, tous les
biens et revenus ecclésiastiques du diocèse d'Agen, môme pour
leur plus grande asseurance, les subroger au privilège et hypothè-
ques desd. sieurs officiers des décimes et de poursuivre lesd. offi-
ciers des décimes en justice, sils refusent de remettre lesdits offices,
et prendre leur remboursement. Ainsy signés au bas dudit verbal :
.Iules, évesque et comte dWgen; Colin, vicaire-général; Roussel,
sindicq ; Sevin, archiprestre du siège; Feydil, archiprestre de Fer-
russac; Beaumonl, archiprestre de Villeneubvc et doyen de Pujols;
Avoyer, archiprestre de Villeréal; Bourrillon, archiprestre de ïon-
neins; Sabouroux, archiprestre de Lauzun; Saint-Sulpice de La
Garenne, archiprestre; et moy aussi signé Flouret, greffier.
Donné pour coppie par moy Passalaigue, notaire royal.
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— 337 —
A la ^uile de cette élection synodale eut lieu la séance du
Bureau du Clergé d'Agen du mardi 27 août 1086.
Y présidant Mgr rEvesquc et comte d'Agen et y assistant >
Mess. Daurce et Collier, vicaires-généraux ; Ducros, archidiacre
de la Cathédrale ; Sevin, chanoine de lad. Cathédrale : Roussel,
syiidicq du chargé et chanoine de la (.'ollégiale : Dandraud, curé de
Snint-Elieinie et de Fougère ; Lespaiir, curé de Sainte-Livrade ;
Ilugonis, curé de Frespech ; et Flouret, curé de Saint-Amans, dé-
l.uUés.
Le Bureau ayant, en conséquence de hx délibération prise au
sinode dernier, examiné les finances, gages et atlributions des sieurs
recepveurs et conlrolleurs des décimes, et trouvé estre advanlageux
au clergé d'emprunter au denier vingt, vingt-un, ou autre rente plus
advantageuse, les sonnnes nécessaires pour le remboursement de ce
(juils ont financé a esté déHbéré et arresié que ledit Rachapt auxdils
olfices, ou paHlIe d'iceux, sera l'ail le pluslôl (ju'il se pourra ; el à
ces fins donne charge et pou\ oir au dit sieur Roussel, sindiq, d'em-
jnunter où il trouvera, d'une ou de plusieurs personnes, lesdites
sonmies à ce nécessaire, en rente constituée au denier vingt, vingt -
un ou autres plus advanlageux audit clergé ; et à ces fins obliger les
l)iens et revenus dudit clergé et donner aux créditeurs toutes les
asseurances de droit et de justice, comme il advisera. Lequel ra-
chapt, il faira volontairement, s'il se peut, et en reffus, lui donne
pouvoir de poi\rsuivre en justice lesdils sieurs officiers des décimes,
reiïusant ou dilayant de faire, pour raison de ce, tous actes et
exploits que besoin sera.
Ainsi signés à l'original qui est dans le livre des délibérations du
Hureau du Clergé : Jlli:s, evesque d'Agen, et moy aussy signé,
l'i.onun', greffier.
Autre séance du Bureau du Clergé d'Agen du jeudi 9 jan-
vier 1087.
I^-ésidenl Myr TEvesque et comte d'Agen et assistant mess. :
l)aurée, archidiacre et chantre de l'église cathédrale, et Collier,
chanoine de la Collégiale, vicaires généraux ; Roussel, chanoine
de lad. (Collégiale el sindicq de la Cathédrale ; Canesin, curé de
Ouazideroque ; Lesparre, curé de Sainte-Livrade ; Ilugonis, curé
i\v, Frespech ; Flouret, curé de Saint- Amans de CastelcuUier ;
(iigault, curé de Saint-Robert; et Daunefort, curé de Puymirol,
deputlés au Bureau du Clergé.
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— 3H8 —
Sur ce qui a esté représenté par led. sieur Roussel, sindicq, con-
cernant le rachapt des offices des recepveurs et conlrolleurs des dé-
cimes du présent diocèse, ce Bureau, conformément aux délibéra-
tions précédentes, tant du Sinode que du Bureau, a délibéré, résolu
et arreslé qu'il sera emprunté somme convenable et suffisante à
rente constituée au denier vingt, vingt-un, ou vingt-deux, pour le
rachapt desd. offices, de passer tous contracts d'obligation et subro-
gation que besoin sera, mesmc de faire procuration à une ou plu-
sieurs personnes de prendre comme dessus, à rente constituée, l'ar-
gent où il sera treuvé, à condition de l'employer audit rachapt, et de
faire pour ledit rachapt tous les actes et diligences que besoin sera,
prometant d'avoir le tout pour agréable et de le relever indenme.
Ainsi : signés : Jules, evesque et comte d'Agen ; Daurée, vicaire
général ; Hugonis, Lesparre, Daurée, vie. général ; Collier, vie.
général ; Ducros, députté ; Slvin', deputté ; Roussel, sindicq.;
Daunefort, dép.; Flouret, dép.; Gigai lt, dep.; Canesins, députté,
et moy aussi signé : Flouret, greffier.
Autre séance du Bureau du Clei'gé d'Agen (20 avril 1087) :
Y présent Mgr l'Evesque et comte d'Agen ; et assistants : mess.
Daurée, archidiacre, chanoine de la Cathédrale, et Collier, chanoine
de la Collégiale, vicaire général ; Ducros, grand archidiacre, et
Se vin, chanoine de la Cathédrale ; Roussel, chanoine de la Collé-
giale, sindicq du Clergé, et Flouret, curé de Saint-Amans, de Cas-
telcuUier, députtés.
Le Bureau, conformément au pouvoir donné par le Sinode de
Mess, les Beneficiers du présent diocèse du 28 mai dernier et par
les délibérations précédentes prises au présent Bureau, a de nou-
veau délibéré et arrcsté que le rachapt de l'office de recepveur an-
cien des décimes du présent diocèse, dont le sieur de Barbier do
La Serre est pourveu, et l'office de recepveur alternatif des décimes
appartenant au sieur Lavigerio, conseiller au Parlement de Guienne,
ou à la Dame son épouse, ensemble l'office do controllcur ancien
dos (lécimos apparlouant au sieur do Caslelnaud ou à la dame son
ojîouso, iiéritiors ou légataires de fou sieur de la Crompe, sera in-
cossanunent fait, et à ces fins le Bureau donne pouvoir aud. s*'
Roussel, sindicq, d'emprunter à rente constituée, au denier vingt,
\intit-un ou viiigl-donx. d'une ou i)lusicurs personnes, à la part où
il trouvera, la sonnne de 89 mille livres pour être employée, sçavoir :
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— 339 —
35.000 livres au remboursement de la taxe et finance desd. sieur et
dame de Castelnaud. Et à ces fins d'obliger les biens et revenus
ecclésiastiques desdits sieurs bénéficiers du présent diocèse, même
de subroger ceux qui pesteront lad. somme, ou partie d'icelle^ au
lieu, droit et place et hypothèque desd. sieurs officiers des décimes,
pour les sommes qu'ils presteront et de porter annuellement, où il
conviendra, la rentte à la fin de chaque année et eslire domicile où
besoin sera. Comme aussi luy a donné pouvoir de s'obliger par
exprès de leur déclarer, huit jours après le remboursement fait,
(]ue les sonunes qu'il aura employées audit remboursement sont les
niêines deniers et espèces qu'il avait recrues et empruntées desdits
sieurs créditeurs, et les subroger de nouveau, en tant de besoin
seroit, en hypothèques desd. officiers remboursés ; comme aussi
s'oblige de remettre aux dits sieurs créanciers et à celui dont ils
conviendront, copie collationnée de finance et provision desdils
offices, avec faculté aud. diocèse d'Agen de se racheter quand bon
Uii semblera en adverlissant Icsd. créanciers deux mois auparavant,
à celte condition toutefois que lesd. créantiers ne pourront jamais
contraindre led. clergé d'Agen au payement des sommes principa-
les, qu'au cas seulement où ledit clergé discontinuerait le payement
de la rentte d'icelles, pendant trois ans consécutifs.
Ainsi signés à l'original : Jule, evesque et comte d'Agen ; Dau-
RKE, vie. général ; Collier, vie. général ; Ducros, députté ; Sevln,
id.; Roussel, sindicc/, députlé, et moy signé : Floureï, greffier.
Procuration pour emprunler la somme de SV.OOO livrca, donnée
à M. Uonssel, sindicq du Clergé, le 20 août 1687.
Dans le palais épiscopal de la ville d'Agen, ce jourdhui X* du
mois d'avril 1687, par devant notaire royal soubsigné, présents les
témoins bas nommés, ont été constitués en leurs personnes messire
Jules de Mascaron, evesque et comte d'Agen, conseiller du Roy en
ses conceils, et son prédicateur ordinaire ; vénérables M" M®* Jean
iJaurée, archidiacre et chanoine en leglise cathédrale d'Agen, et
Pierre Estienne Collier, chanoine de l'église collégiale d'Agen,
vicaire général dudit seigneur evesque ; Jean Ducros, grand archi-
diacre ; rhrisostome Seviii, chanoine de lad. église cathédrale,
habitant dud. Agen, et Martial Flourel, prestre et curé de Saint-
Amans de Castelcullier, y habitant, tous depultés au Bureau du
Clergé d'Agenois, lesquels, en exécution du pouvoir à eux donné
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}>ar tous les bénéficiers du diocèse d'Agen au sinode diocésain du
28 mai dernier, et délibération prise ce jourdhuy au Bureau du
Clergé, ont fait et constitué procureur M' M** Bonaventure Roussel,
|)restro, chanoine en lad. église collégiale d'Agen et sindicq dud.
Clergé d'Agenois, habitant aud. Agen, présent et acceptant, pour
par exprès emprunter pour le diocèse d'Agen, à la part où il trou-
\cra, d'une ou plusieurs personnes, à rente constituée, au denier
\ingl, vingt-un ou vingt-deux, jusqu'à la somme de 89.00() livres
pour employer au rachapt desd. offices de recepveur ancien, recep-
veur alternatif et controlleur anlicn des décimes du diocèse, ainsi
qu'il a esté résolu et délibéré par led. sindicq et Bureau du Clergé ;
et pour cet effet donnons pouvoir aud. sieur de Roussel d'obliger
tous les biens et revenus ecclésiastiques desdits sieurs bénéficiers,
stipuler et promettre d'employer lesd. sommes qu'il empruntera,
savoir : 35.0000 livres au remboursement dud. s' de Barbier de la
Serre, provenant dud. office de recepveur anlicn ; pareille somme
de 35.000 livres pour remboursement dud. s' de Lavigerie et de la
dame son épouse, à qui l'office de recepveur alternatif appartient ;
et la somme de 19.000 livres au sieur de Castelnaud et à la dame
son épouse, à qui l'office de controlleur ancien appartient, comme
lesdiles dames estant héritières et légataires dud. feu sieur de la
(Jronipe, acquéreur et cngagisle desd. offices. Lesquels sieurs créan-
liers qui tairont lesdils prêts seront et demeureront subrogés audit
droit, lieu, place et hypothèque desd. sieurs officiers, à la concur-
rence desd. sommes qu'ils presteront aud. sieur de Roussel. Et ap-
près avoir fait l'emploi de leur argent aud. remboursement desd.
sieurs officiers, selon la faculté que le Clergé en a par les édits et
déclaration du Roi, et contrat passé entre led. Roy et le Clergé, led.
sieur de Roussel, audit nom de sindicq, sera tenu de déclarer dans
huit jours au plus tard que lesd. payements et remboursements ont
esté faits des mêmes deniers et espèces par lui empruntées. Et su-
brogeant de nouveau lesd. sieurs créditeurs en hypothèque spéciallc
desd. sieurs oflicieis lemboursés, et leur remettre coppie en forme
(le (juitlance Josd. officiers, et cop[)ies collalionnées de leurs per-
iiiissicMis et (juitlanc(^s dcî finaii<:e, comme aussi kiy donnent [louvoir
d'estipuler (jue h^s rentes des sommes (ju'il empruntera, sera portée
<;l payée annuellement dans les lieux où il faira emprunt, où il pour-
ra aussi faire esleclion de domicile, pour y eslre faits tous actes re-
(juis et nécessaires |)our l'exécution des contrats qu'il passera avec
lesd. sieurs créditeurs, à condition (jue led. clergé d'Agen pourra
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- 341 —
faire le rachapt et amortir lesd. reiilhes, quand bon lui semblera, en
ndvertissant deux mois avant lesd. créanliers, et que led. Clergé ne
pourra eslre contraint au payement dud. capital desd. sommes em-
pruntées, si ce n'est à défaut de payement de lad. renthe pendant
trois années consécutives, promettant avoir pour agréable el entre-
lonir tout ce que par led. Roussel sera fait et réglé quant à ce, sur
tout le relepver indempniser et pour ce faire obligent les biens et
ro venus ecclésiastiques desd. sieurs bénéfîciers du présent diocèse,
conformément aux dites délibérations du Sinode et du Bureau.
Ainsi Font promis et juré en présence de M* Jean Bailhe, prestre,
et s^ Jean-Martin Bourgeois, habitans dud. Agcn soubsignés, avec
led. seigneur Evesquc, et Sevin, députté, led. s' Roussel, Collier,
Douréo, Ducros, Sevin, Flouret et Baille Martin, Passelaigue, no-
taire aussi signés à l'original de lad. Procuration; duquel le présent
a été lire par moy, notaire royal, soubsigné, que je en mon pouvoir
signe escolier, notaire royal.
Donné pour coppie par moy Passelaigue.
Compte que présente, remet et a[(irmc contenir vérité, par devant
nous Mgr VEvesque el Comte cVAgen et Messieurs les Députtés
composant le Bureau du Clergé de ce diocèse, celourd'huy 5 sep-
tembre 1687, Bonaventure Roussel, pfestre, chanoine de Sainl-
Caprais et sindicq du Cierge, du reste de son dernier compte,
de toutes les sommes quil a empruntées par Vordre dudit sei-
gneur et du Bureau pour le rachapt des o[{ices des Recepveurs
antiens el alternatiis et des controlleurs antiens et alternati{s et
triennal, et de ce qu'il a reçu de la vente qu'il a faite aux Pères
du Tiers Ordre de Saint- Franc ois, de la maison où habite à pré-
sent le Séminaire des ecclésiastiques du diocèse.
Recette. — Premièrement dit le comptable qu'ayant rendu
compte au Bureau de la somme de 800 livres (|u'il avait empruntée
l>ar (lélibcralion dud. Bureau, par l'acte de closture dud. compte,
ii resta redevable de 30 livcrs 19 sols 9 deniers, comme il paroit par
Ir double (ludit coniple qui avait élé remis dans les archives du Bu-
reau et passé eu rcceplc, soit 30 1. 19 s.
Il expose ses divers emprunts.
Il a prins : Du î^"" Cliristaud, procureur de s'
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— 34:^ —
Marc-Aiitlioine Chaniborl, conseiller du Roy, re-
ceveur des décimes h Bordeaux 13.000 l.
à la rente constituée de 750 livres par an.
Des Religieuses Carmélites d'Agen 4.000 l.
à rente constituée de 200 livres par an.
Des Religieuses du Chapelet 9.021 1. 10 s -
à la renie constituée de i51 1. 1 s. G d.
A Toulouse, de M. Victor Dubreuil, sieur de
la Godinière 12.000 1.
à la rente constituée de 600 livres.
Do niessire Léonard de Laigneau de Hessan,
conseiller au Parlement de Toulouse 7.000 1.
à la rente constituée de 350 livres.
De demoiselle Marguerite de Renies 2.000 1.
à la rente constituée de 100 livres par an.
Des Religieuses de la Visitation de Toulouse,
la somme de 8.000 1.
a la rente constituée de iOO livres.
De M" Pierre Dubarry, advocat au Parlement. 1.000 l.
à la reiite constituée de 50 livres.
De la table des Obits de Téglise métropolitaine
de Toulouse 7 . 000 1 .
à la rente constituée de 350 livres.
De M. Tabbé Larafinie, preslre i.OOO l.
à la rente constituée de 200 livres.
Du s^ Cabrol, procureur au Parlement 1 .(H)0 1.
à la rente constituée de 50 livres.
I)es Religieuses de Notre-Dame du Coing du
.^ ec 0 . 000 1 .
à la rente constituée de 300 livres.
De M. de Caulet, président au Bureau des Fi-
nances de Toulouse 0.000 1.
y la rente constituée de 300 livies.
De M. le chevalier d'Agret (i.OOO l.
à la rente constituée de 300 livres.
De M. Claude Barbier, conseiller en la Cour
(l(\s \y<les de (iuienne 2.800 1.
à la rente de 140 livres.
Des Religieuses de Fongrave 2.000 1.
à la rente constituée de lOO livres.
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— 343 —
Do darne Louise Danceau, femme de Charles
Diicaiize de Nazelles 2.000 1.
à la renie constituée de 100 livres.
Plus de Marie-Louise Danceau 3.000 1.
à la rente constituée de 150 livres.
De M. Seillade, prêtre 500 1.
à la rente de 25 livres.
Vente aux Pères du Tiers-Ordre de Saint-Fran-
rois de la maison du Séminaire, place de Pau-
lin, pour aider à payer les frais du Séminaire
hàli hors ville 3.000 1.
De M. Charles de Raignac, advocat au Parle-
ment 2.500 1.
à la rente de 125 livres.
Recepte totale 130.052 1.9 s.
Suit la dépense iail-e poui- le leniboursement.
Et du tout coppie tirée de son original qui est dans les Archives
du Clergé, cejourd'hui 18 de février 1688. Passalaigue, notaire,
signé.
Voici quel fut l'emploi des fonds recueillis :
Dkspexsks. — I. Premièrement dit le comptable qu'en exécution
(les actes des Sinode et délibérations du Bureau qu'il a produites
au 2" article de sa recepte et procédant au rachapt de l'office de
Controlleur triennal des décimes dont M. de Faure estoit enga-
gisle (1), il auroil payé audit s' de Faure la somme de 24,621 livres
lu sols 2 deniers, à quoi ai)près une exacte discussion faite avec
lod. s"" de Faure, auroit esté trouvé revenir le prix total du corps,
taxes, arrérages des gages et loyaux coûts dud. office, savoir : pour
led. corps d'office et taxes, 2i,.*iô0 livres 0 sols 0 deniers; pour les
arrérages de ces gages, 1,245 livres 3 sols 8 deniers, et 20 livres
])uur les loyaux coûts.
Le(|uel })ayement fui fait aud. s"" de Faure en 18,1ÎJ0 livres 16 sols
(l) i\obl<î Joaii de Fauro de la Crarde, .'^icur de Jh!auiM*î,'ard, ccuycr ol ca-
pitaine au régiment de Périgord, était lils de Bernard de Faure et de demoi-
selle Marie do Sainl-Gillis. U épousa demoiselle Thérèze Barbier de la Serre.
Les de Faure étaieul une xioille famille ruible établie à Agen depuis assez
longtemps.
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— 344 "-
8 deniers d'argent comptant à lui délivré, cl 6,130 livres 13 sols 6
deniers, consignés entre les mains du s' Passelaigue, un des gref-
fiers du Clergé laissant Tordre du Bureau à cause de deux opposi-
tions à lui faites par le s' de Grimard, chanoine et chapelain de la
Chappellenie de Cahusières, et le s' de Misandres, pour des préten-
tions, qu'ils disoient avoir sur led. s' de Faure, moyennant lequel
payement et consignation led. s^ de Faure auroit fait démission dud.
office en fa\our du Clergé et auroit remis es mains du comptable
tous les liltres en composant les tiltres et attributions, comme do
tout le contenu au [)résent article paraît par le contrat passé entre
led. s' de Faure et le comptable le 3 mars de la |)résente année, re-
tenu par Grand, notaire, les tiltres dudit office au nombre de vingt,
et les oppositions faites par led. s' de (irimard et de Misandres,
avec tous les actes en dépendant, que le com[)table produit, décla-
rant que la consignation qu'il avoit faite à l'occasion de roï)posi-
lion dud. s' de (irimard a esté du depuis levée du consenlement de
toutes parties, et le payement fait de la somme de 3.800 livres par
\?. s' Passelaigue aud. s' de Faure, comme il paraît par acte du
12 juin de la présente année, retenu par Gelieu, notaire, que le
comptable produit aussi, et moyennant ce demande qu'il lui soit
tenu en dépense la somme de '^M,G21 livres 10 sols 2 deniers.
11. Dit de plus led. (•om[)lable que procédant au rachapl de l'of-
lice de llceepveur antien, dont W Harbier, conseiller en la Cour des
Aydes de Guienne estoit engagisle, apprès une discussion exacte
faite a\ec lui de tout ce qui pouvoit estre deu du corj)s et taxe dud.
office, a\ec les loyaux coûts et distractions des acquisitions faites
par led. Clergé de parties des attributions, connue il est exprimé
ilans led. contrat de rachapt, il lui auroit payé argent comptant la
somme de 35,006 livres 2 sols 0 deniers. Led. s^ de lîarbier ayant
déclaré qu'il avoit reçu dud. Gelieu, commis à la receple des déci-
mes, la somme de 820 livres pour tous les arrérages de ses gages
de la présente année à lui deus, jusqu'au jour du contrat passé en-
tre lui et le comptable le 8 mai de la présente année, et moyennant
ce, ayant fait démission et venle dud. office de Ueccpvenv anlicn,
en faveur du clergé, il a remis au c()nq)table tous les liltres, au
ijcunbro de dix-neuf, composant le corps et les taxes dud. office (jue
le comptable remet avec IchI. contrat de revente, ensemble deux
quittances. Tune de 3.860 livres ; l'autre de 2.000 livres, avec la
le\ée (le l'opposition desd. sonnnes (|ue le s*" de I.anauze, beau-
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- 845 -
frère dud. s'' Barbier, et des religieuses du Chapelet de la présente
ville avoient fait l'aire sur le comptable, et nioyennaiit ce demande
le comptable que le Bureau ail à lui tenir en compte et despense
hid, somme de 35.906 1. 2 sols, 6 deniers = 35.906 1. 2 s., 6 d.
TU. Plus led. comptable dit que procédant au rachapt de Toffice
do llecefweur alicrnatii, dont Madame de Lavigerie, héritière de
feu \L (le la Crompe, osloit engagisie, après une discussion faite
(le tout ce qui pouvoit lui cslre deu du corps et taxe dud. office,
a\ec los loyaux coûts, distraction des acquisitions faites par led.
clergé, de partie des attributions, comme il est exprimé par led.
contrat de rachapt, il lui auroit compté en argent la somme de
n3.212 livres, 2 deniers.
M"* Darche, veuve de feu M. de la Crompe et usufruitière dud.
office, ayant déclaré qu'elle estoit payée des arrérages des gages
dud. office à elle deus jusqu'au jour dud. rachapt, ainsi que du tout
il paroit par le contrat passé avec lad. dame de La\igerie, dame
l)arche, sa mère et le^ comptable, retenu par Oelieu, notaire, le 10
mai 1687, avec l'acte d'hautorisation que M. de Lavigerie a faite à
ladite dame sa femme par la réception de lad. somme, et de dix-
neuf tiltres du corps et taxes dud. office remis par lad. dame de. La-
vigerie, que le comptable produit, moyennant quoi il demande que
le Bureau lui passe en despense lad. somme, 33,212 livres 0 sol 6
deniers.
IV. Dit encore le comptable que procédant au rachapt de l'office
de conttoUeur aniien des décimes de ce diocèse, apprès une discus-
sion faite avec M°" de Castelnau, héritière de feu M. de la Crompe,
et engagiste dud. office, il lui auroit compté réellement en argent
00,613 livres 1 sol 1 denier pour le prix du corps et taxe dud. office
avec les loyaux coûts, distraction des acquisitions faites par le
Clergé des parties des attributions, comme il est exprimé dans led.
contrat de rachapt, lad. dame Darche, usufruitière dud. office ayant
déclaré qu'elle estoit payée de tous les arrérages de gages à elle
deus jusqu'au jour du contrat passé, revenant à la somme de 356
Inrcs 15 sols, comme du tout il paroit par led. contrat que led.
comptable a passé avec lesd. dames le 10 mai de la présente année,
retenu par Gelieu, par l'acte d'hautorisation que le s' de Castelnau
a fait à lad. dame, sa femme, à l'effet de la réception de lad. somme
et par dix-neuf tiltres composant le corps et attributions dud. office,
par lad. dame remis, que le comptable a produits, et moyennant ce
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demande que lui soit alloué en despense lad. somme de 16,613 livres
1 sol 1 denier.
V. Déclare encore led. comptable que procédant au rachapt de
l'office de controUe aUernaii( des décimes de ce diocèse^ dont le
s' Conte étoil engagisie, après une discussion faite avec lui par
MM* Daurée et Sevin à cet effet depputés, le comptable lui auroit
I»ayé pour le prix du corj)s, des taxes et loyaux coûts dud. office,
distraction des acquisitions faites par le Clergé de partie des attri-
butions, comme il est exprimé dans led. contrat de rachapt, la som-
me de 11,692 livres 4 sols 4 deniers, par contrat passé avec lui le
15 mai de la présente année, retenu par Passelaigue, en vertu du-
quel contrat de lad. somme de 11,692 livres 4 sols 4 deniers led.
s' Conte en avait délivré au s' Raignac la sonmie de 2,500 livres, et
pareille somme au s' Baret, ses beaux-frères pour la dot de leurs
femmes, suivant que led. s' Conte en étoit chargé par son contrat
de mariage, portant don et vante dud. office, et le restant de lad.
somme, nonobstant led. contrat et quittance que le s' Conte a voit
fait, attendu une opposition, que le s*" Séries, marchand, y a fait
et que lad. somme fait partie du dol de la fennnc dud. s' Conte, du
consentement mutuel dud. s' Conte et du comptable, elle a resté par
un acte subséquent, retenu par led. Passelaigue, jusqu'à ce que^
led. s' Conte aura fait lever l'opposition dud. s' Séries et qu'il aura
payé finalement tout ce qu'il peut devoir à M. iiuinet, seigneur
de Monbalein, et de l'achat qu'il lui a fait de la maison et biens dé-
pendans de Féchon, lesquels biens ainsi acquittés demeureront spé-
cialement hypothéqués pour le dol de la demoiselle femme du
s*" Conte, hors toutefois la somme de GOO livres, que led. s' Conte a
\oulu délivrer aud. s' de Raignac pour les causes énoncées dans
led. acte que le comptable produit, ensemble le P' contrat passé
avec led. s' Conte et seize tiltres composant le corps et taxes dud.
office par lui remis et moyennant ce, demande qu'il lui soit alloué
on despense la somme de 11,692 livres 4 sols 4 deniers.
VI. bit de plus led. comptable que feu M. de Barbier de la Serre,
vivant conseiller en la Cour des Aydes de Guienne, ayant eu par
leslamenl de son père le droit de jouir dud. office de controllear di-
te rnali[ pendant le temps de la minorité de M. de Barbier, à pré-
sent chanoine de Saint-Caprais, et qu'il a donné et vendu led. office
de controlleur aud. s' Conte lorsqu'il maria sa fille avec lui pendant
la minorité dud. s' Barbier, ayant payé et acquis deux taxes, lune
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- 317 -
de 2,562 livres, imposée en 1640; et Taulre de 2,057 livres 10 sols
imposée en 1645, M, de JBarbier aurait vendu les deux taxes à feu
s' Posterle (1); et le comptable désirant les rachepter comme estant
les dépendances dud. office de controlleur alternaiH, il avait payé
À la demoiselle de Serville, veuve et héritière de feu s' Posterle, le
prix des deux dites taxes, revenant à la somme de 4,019 livres 10
sols comme il paroit par le contrat de racliapt passé avec lad. de-
moiselle le 15 mai de cette année, reteim par led. Passelaigue, no-
taire, que led. comptable produit avec les deux quittances de paye-
ments faits au Uoy des deux taxes et le contrat d'achapt que led. feu
s*^ Posterle en avoit fait aud. s' de Barbier, et moyennant ce, de-
mande que le Bureau lui passe en despense la somme de 4,619 livres
10 sols.
VU. Dit encore le comptable que led. s' Conte ayant durant le
temps qu'il possédait led. office de controlleur acquis une taxe de
],i23 livres imposée en 1679, eÀ ayant ensuite vendu sa dite taxe aux
Ueligieuscs du Chapelet de la présente ville, le comptable a racheté
lad. taxe et paye aux Religieuses la somme de 1,423 livres, comme
apport par led. contrat de rachapt, qu'il a passé avec elles, retenu
I)ar Passelaigue led. jour 15 mai de la présente année, (jue le comp-
table produit avec la quittance du payement fait au Roy du montant
(le lad. taxe et le contrat de l'achapt que les Religieuses en avoient
l'ait aud. s' Conte; et moyennant ce, demande led. comptable que le
Bureau lui passe on dépense la somme de 1,423 livres.
VIII. Oit de plus led. comptable qu'en vertu d'une délibération
du Bureau du 2 juin de la présente année, ayant fait vente aux Pères
du Tiers-Ordre de Saint-François de la province de Guienne, de la
maison située en la présente ville, rue de Paulin, où habite à pré-
sent le Séminaire des Prestres du diocèse, pour 4,400 livres, de lad.
somme suivant la clause et condition prise dans lad. délibération,
il auroit reçu desd. Pères du Tiers-Ordre la somme de 3,000 livres
qu'il auroit, suivant Tintention du Bureau, remise à Mgr l'Evesquc
(1) Sieur Arnaud de Poslerlc, écuyer, dont il est ici question, fui capitaine
exempt des gardes du Roi en la Grande Prévôté de France. U acheta le do-
maine et la terre de Saint-Philip en la juridiction de Caudecoste du Marquis
de Roquetaillade, sénéchal et gouverneur de la sénéchaussée d'Albret. U
avait épousé demoiselle Wagdeleine de ServUle.
Le sieur de Posterle avait une résidence en la ville d'Agen. (Voir Monogra-
phie de Caudecoste^ p. 265, etc.
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d*Agen pour estre employée au baslimenl qui est fait hors la ville
pour la maison destinée pour Thabitation' dudit Séminaire, comme
du tout paroit par lad. délibération, le contrat passé par le compta-
ble avec lesd. Pères, et le bilhet de Monseigneur TEvesque portant
réception des 3,000 livres, que le comptable produit, et moyennant
ce, demande que le Bureau lui passe en dépense la somme de 3,000
livres.
IX. Plus dit led. comptable qu'il a fait plusieurs fraix et despens
pour l'emprunt et Temploy des susd. sommes dont il a fait un état
distingué en articles, montant led. état à 703 livres 18 sols, que le
comptable demande lui être passé par le Bureau en dépense, soit
703 livres 18 sols.
Monte la totale despense contenue en neuf articles h la somme de
130,981 livres 6 sols 3 deniers.
Partant se trouve que la despense qui monte à 130,981 livres ex-
cède de la somme de recepte montant à 130, 052 livres 9 sols 9 de-
niers de la somme de 928 livres 16 sols ô deniers, laquelle somme
sera passée en dépense aud. s' Roussel dans un autre compte qu'il
^•a rendre au Clergé.
Fait double, clos et arresté au Bureau du Clergé, tenu dans le
palais épiscopal ce jourdhui 5 septembre 1687.
Et ledit Roussel a remis toutes ses pièces justificatives dud.
compte, qui ont esté remises dans les archives du Clergé.
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VENTE DES EFFETS MOBILIERS
tnwvés dans une malle apiiarteaaiit à feu Solminiae, oncle de l'émigré
Solminiac cadet
Sous ce litre, existe aux Archives départementales de I.ot-
et-Garonne (1) une pièce fort curieuse, (jue nous n'hésitons pai;
à publier ici, comme pouvant servir de document précieux
pour Tétude du costume à la fin du xvni* siècle. Elle permet de
constater officiellement quelle était la garde-robe habituelle
d'un officier de cavalerie sous Louis XVI, de l'ordre de la no-
blesse et ayant ses entrées à la Cour.
Celte pièce a été copiée par notre excellent collègue et ami
M. Oswald Fallières, qui nous l'a transmise pour être insérée,
comme inédite, dans la Revue de iAffeîiais.
Il est assez difficile d'identifier les trois personnages dont il
est question, l'acte susdit ne fournissant sur eux, ni prénom,
ni autre qualification, ni aucune indication généalogique.
Néanmoins, en consultant le beau travail sur la famille de
Solminihac, publié par MM. le ccmile de Saint-Saud et Paul
Huet, '« avec étude critique, historique et archéologique du
marquis de Kayolle >» (2), nous estimons, M. l'abbé Dubois et
moi, que « feu Solminiac », le propriétaire desdits effets, a[)-
parlenait à la branche des Stutt, dits de Solminihac, seigneurs
de Bouniagues, commune du canton d'Issigeac, et de Boisver-
dun, château dans la commune de Tombebœuf (Lot-et-(ia-
ronne), où très probablement dut se faire l'inventaire. Ce de-
vait être Pierre Stutt de Solminihac, dit le chevalier de Sol-
ininihai\ quatrième fils de Henîy de Solminihac et de Marie-
Olympe de Ségur, cornette de cavalerie au régiment de La
Vieuville, qui vota, en 1789, à Bordeaux, aux Etats-Généraux,
(1) Série O., canloii do Sl-Barthélemy. Art. Solminiac éiiiigré.
(2) La lumille el les oriqines du vénérable Alain dp. Solminihac. Paris,
n. Daragon, éditeur. 1905. In-8* de 250 pp., avec quatre gravuies cl un index.
23
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- :u) -
dans Tordre de la noblesse, et fui, croit-on, tué aux Tuileries
en 1792. 11 se maria deux fois : le 15 février 1773, avec Cathe-
rine Pan, et le 4 juin 1790 avec Françoise d'Absac.
Son neveu, « émigré », serait Pierre-Jean, fils cadet de son
frère aîné Pierre Destul, baron de Sainl-Pardoux, Boisver-
dun, Eymel, seigneur de Sainl-Barlhélcmy, lequel Pierre-
Jean, appelé le chevalier de SolminUiac, était né à Bordeaux
vers 1760, devint officier de chevau-légers le 30 mars 1780,
puis capitaine au régiment royal de Lorraine, émigra, fut am-
nistié le 27 mai 1803, et mourut en 1838 seulement.
Il avait une sœur, Alexandrine Elisabeth, mariée le 9 mai
1785, à Pierre de Rossane, qui semble bien devoir être « la
ciloyenne Elisabeth Solminiac, dépositaire desdits objets » (1).
Cela dit, l'eproduisons in-exienso ce curieux document :
Ph. L.
Aujourd'hui, neuvième prairial au III de la République française
une et indivisible, nous Jean-Buptiste Teissier Severin, adminis-
trateur du district de Lauzun, commissaire nommé par led. district
en vertu de son arrêté du sept prairial an Ifl, pour procéder à la
\enle des effets contenus dans une malle appartenant à feu Solmi-
niac, oncle de Témigré Solminiac cadet, nous sommes transportés
dans la maison habitée par la ciloyenne Elisabeth Solminiac où est
«léposée lad. malle, la clef de laquelle nous a été remise par lad.
eiloyeime Solminiac, qui s'en était rendue dépositaire, et ayant fait
ouvrir lad. malle, avons procédé à la vente des effets y contenus, de
la manière suivante, en présence des citoyens Tessier et Joly, jeune,
officiers municipaux :
Une chenille d'espagnolette et une veste de drap gris, le tout
très usé, adjugé à Gerbaud aîné, pour trente livres, ci 30 1.
Un gilet de flanelle d\^ngleterre demi-neuf, adjugé à Vèze, offi-
cier de santé, pour vingt livres, ci ^ 20 1.
Une culotte de velours rayé à fleurs, doublée de futaine, adjugée
Il Bazon pour trente livres, ci 30 1.
L'ne culotte de drap de colon rayé gris usée, adjugée à Gerbaud
pour onze livres, ci 11 1.
(1) Voir loiivrage précité, pp. 117-119.
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~ sr.i -
Un habit de drap brun doublé de soye, boulons d*acier, fort usé,
adjugé à Gerbaud pour cent livres, ci 100 1.
Un gilet de coton rayé et à fleurs, le devant doublé de soye, adjugé
à Morin, pour trente livres, ci 30 1.
Une veste de drap de coton rayé, doublé de toile, le derrière et
les uianelies de camelot, usés, adjugée à (ierliaud ]k)U]' treize livics,
ci 13 1.
Une culotte de uankiuette rayée violet et jaune, doublée de fu-
taine, adjugée à Morin pour trente livres, ci 30 l.
Un habit de sillerine changeant, doublé i\c soye, usé, adjugé à la
cité>'enne Brunet pour (juarante livres, ci -40 I.
Un habit de toile rayée, doublé de la même pièce (sic), demi-
neuf, adjugé à la femme de Bourilhon pour cinquante livres,
ci 50 1.
Une veste de soye, rayée, doublée de soye blanche, demi-neuve,
adjugée à Pierre Martin, pour vingt livres, ci 20 1.
Un habit de soye appelée gros-grame (?), doublé d'étamine
pièce, presque neuf, adjugé à Pasqualie pour cent vingt livres,
ci 120 1 .
Un gilet de velours en soye rayé vert et bleu, les manches et la
doublure blanches, adjugé à la citoyenne Tessier pour soixante
livres, ci / 60 1.
Deux vestes de basin, sans manches, adjugée à la citoyemu;
veuve Bardôche pour soixante-dix livres, ci 70 1.
I)eux vestes de mousselinette blanche, demi-neuves, adjugées au
citoyen Planton pour soixante livres, ci 60 1.
Vne culotte de basin, croisé, demi-neuve, adjugée à Bajou pour
trente livres, ci 30 1.
Huit chemises de toile de marcliand, garnies de mousseline, demi-
usées, adjugées à Pierre Dubernard pour doux cent dix livres,
ci 210 1.
Un chapeau et une cocarde fort usés, adjugés à Giron pour cinq
livres, ci 5 l.
Deux cravates de mousseline presque neuves, adjugées au citoyen
( hadois pour vingt li\ rcs, ci 20 1.
Oualre paires de bas de soye, dont deux noires, une grise et Tau-
Ire rayée, très usés, adjugées à Gerbaud pour quatorze livres,
ci 14 1.
Trois paires de bas de filoselle gris, dont une paire à cotes, usés,
adjugés aud. Gerbaud pour treize livres, ci 13 1.
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Quatre paires de bas de colon blanc dont trois à cotes, usés, adju-
gés à Bazon pour vingt livres, ci 20 1.
Onze paires de chaussettes en fil gris et blanc, fort usées, adjugées
ifi Gerbaud pour trente livres, ci 30 1.
Neuf cols do mousseline, assez bons, adjugés à Berger pour cinq
livres, ci 5 1.
Deux bonnets de coton usés, adjugés îi Vèze pour six livres,
ci 6 1.
Trois mouchoirs de toile, servant de serretêtes, adjugés à la ci-
toyenne Brunet pour cinq livres, ci 5 1.
Neuf mouchoirs de poche, rayés bleu et rouge, demi neufs, adju-
gés au citoyen Joly pour cent quarante livres, ci 140 1.
Deux paires de souliers et une iiairc de boucles de cuivre, demi
usées, adjugées à Montaud pour soixante livres, ci 60 1.
Ouatre rasoirs adjugés h Girou pour trente livres, ci 30 l.
In étui de bois avec une paire de boutons de manche, de cuivre,
adjugés ù Treyssend pour vingt cinq sols, ci 11.5 8.
liie malle usée, ferrée et fermant à clef, adjugée à Berger pour
trente-trois livres, ci 35 1.
l'n petit anneau d*or, adjugé à la citoyenne Tessier pour trente
livres, ci 30 1.
In petit porte-feuille adjuge à Gerbaud pour quinze sols,
ci 15 s.
Toulcs lesquelles sommes ci-dessus leviennent à celle de treize
cent Irente-sept livres, montant dés effets ayant appartenu audit
Solminiac et contenus dans ladite malle, et dont aucun n'a été sous-
Irail. Ainsi avons mis fin au présent verbal de vente les jour, mois
et an susdits. Et avons signé avec lesdits citoyens Tessier et Joly.
Signé : Tkssier Severin, commissaire. — Enregistré à Miramont le
11 prairial an 3* de la République, reçu une livre. Margeride.
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PETITE MONOGRAPHIE
DB LA
CONFRÉRIE DES PÉNITENTS BLANCS DE CAUDECOSTE
AUX XWV ET XVIir SIÈCLES (1624-!79l)
PRÉLIMINAIRES
Les murailles en ruine et les fossés des fortifications nous rap-
pellent les luîtes héroïques que la modeste ville de (^audecosle
eut à soutenir, il y a plus de trois siècles, pour garder une in-
violable fidélité à son Roi. Les registres manuscrits d'une épo-
que contemporaine et d'autres plus récents racontent les fails
et gestes de cette [)opulation toute pénétrée de sentiments reli-
gieux. Tous ces monuments de parchemin et de pierres cla-
ment aux générations nouvelles de garder bien avant dans leur
cœur le culte du passé que nous pouvons ici peut-être mieux
qu'ailleurs résumer dans ces deux mots : Dieu et Patrie.
Quelques pans de murs, vieux restes des fortifications pres-
que entièrement disparues, rappellent le souvenir d'une de ces
confréries établies à Caudecoste dans un siècle de foi. De la
chapelle des Pénitents, il ne reste rien autre chose et la rue
(iaiou semble présentement oublier ses origines à jamais célè-
bres, barbare héritière des noms de la << Cotelerie » et de Saint-
Jean.
Dans ce chanq) où est déjà passé un infatigable moiîjson-
neur (1), nous nous permettons cependant de glaner quelques
épis oubliés par mégarde, et dans ce travail nous ajouterons
quelques précisions qui nous feront mieux connaître la Con- '
frérie des Pénitents blancs de la ville de Caudecoste.
(1) \f. Dubourg, curé de Layrac, dans sa Monographie de Caudecoste.
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— :i5i —
PREMIÈRE PARTIE (1624-1717)
Chapitre I«^r. _ Occasion 4c la ffondatloa do la Confrérie.
a) Helèvemenl des ruines nialérielles el morales. — Les lul-
los politiques et religieuses n'avaient |>as épargné le Binilhois :
Layrac et ses environs avaient ressenti les atteintes du Protes-
tantisme. Cette ville fut un lieu de refuge accordé par Henri l\
à ses coreligionnaires (1). On ne trouve néanmoins aucune
trace de Thérésie de Calvin à Caudecosle. Bien au contraire,
les documents qui nous ont gardé le souvenir du sac et du pil-
lage de cette ville en 1623 attestent hautement les sentiments
catholiques de cette population. Guillaume de Labat, recteur
de Saint-Sixte, rapporte : « Et ce qui scandaliza beaucoup
« les habitants, ce fut de voir (|ue les soldats mangeaient de la
<( chair, bien que ce fut en temps de Carême. Et les bouchers
(( durent, par ordre, coupper et vendre chair publiquement
<f afin d'ajoutei' le sacrilège el le blasphème aux viols et aux
« pilleries... (2). »
Il fallait relever les ruines matérielles et morales. N'écoulant
que leur sentiment patriotique et religieux, les habitants de
Caudecoste se mirent résolument à Tœuvre. Les fortifications
furent réparées sous la direction des consuls. Ce travail était
terminé en 1627, lorsque M. de Chastenet vint faire la visite de
Caudecosle dont il trouva les murailles, les tours, les fossés
convenablement entretenus.
A cette é|>oque, (Caudecosle, petite juridiction du lîridhois
(m Armagnac, comprenait une popidation assez dense et ses
habitants sentirent le besoin de s'unir pour résister i>lus effi-
cacement aux ennemis de leur pays, ronnne aussi à la dispa-
rition ou à la diminution de res])ril religieux, ('et adage*
H {Union fait la lonc » n'avait pas échappé à ce j>euple éprou-
vé. Mus par un sentiment de piété et de charité, ils essayèrent
(1) \'. M. Duboiirg. M onoif rapine de Caudecosle, p. 87.
(2) Ibid., p. 104.
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— 355 —
de retirer le plus grand bien d'une association religieuse- De
là, en 1G24, la fondation des Pénitents blancs. Cette confrérie
vint s'ajouter à d'autres déjà établies sous le vocable de Sainte
Marie-Magdeleine, de Saint-Jean, de Saint-Joseph,, de Saint-
Eutrope. Loin de semer la zizanie ou la division, cette œuvre
fut comme un ferment nouveau d'union, de charité, de dévoue-
ment.
Le vent soufflait alors à la formation des associations reli-
gieuses que nous trouvons dans y>resque toutes les villes du
Midi: et notre liascogne, si réfraclaire maintenant aux idées
religieuses, vivait alors d'une vie catholique intense. Témoins
pour notre pays, les confréries de Dunes, d'Astaffort, de Lay-
rac, d'Agen, etc.. Chaque hameau, chaque village, chaque
agglomération se faisait un honneur, par des obligations vo-
lontairement acceptées et scrupuleusement gai'dées, de contri-
buer à la pi'ospérité et à la bonne harmonie de la société dont
il était le centre.
b) Reyislre de la Conirérie. — Nous avons vu dans les archi-
ves paroissiales de Caudecoste ce précieux registre de 176 pa-
ges qui renferme toute la vie matéiielle, morale et religieuse
de la confrérie. Nous y trouvons les Statuts approuvés par les
évêques de ('ondom en cours de visite pastorale, l'admission
(les sociétaires, l'élection des officiers, les travaux exécutés à
la chapelle, les règlemenls de comptes, les inventaires, les res-
sources et les dépenses effectuées. La diversité du style et des
écritures depuis les procès-verbaux corrects et mei^veilleuse-
ment tracés des notaires et des prêtres, jusqu'au relevé de
compte des humbles et modestes ouvriers fonne un tout remar-
quable de beauté et de perfection qui réjouit le chercheur et
étonne le connaisseur.
C'est vraiment une belle page de l'histoire religieuse de Cau-
decoste écrite par les contemporains de ces temps d'autrefois.
Nous y relevons les noms des anciens recteurs de la paroisse et
de leurs vicaires avec ceux des prêtres obituaires, des curés
des paroisses environnantes qui ont été affiliés à la confrérie
et qui ont partagé ses fêtes. En même temps nous avons une
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— 35« —
idée de la culture intellectuelle de ce peuple et de la situation
d'un certain nombre de familles qui n'ont pas encore disparu.
La fondation, le but, l'administration, les travaux, les actes
de celle confrérie rempliront le modeste cadre que nous nous
sommes proposé.
Chapitre IL -- Appratotloii dos Statuts.
f^s Slaluts sont l'œuvre d'un pi'ctre pieux et zélé qui n'a
pas mis son nom au bas de ce document précieux. Sans doute
ils ont pu être copiés dans quelques dispositions générales sur
ceux des confréries existantes ou similaires, mais les disposi-
tions particulières témoignent combien dans le plus humble
village les âmes éprises de l'idéal divin s'appliquaient à la per-
fection.
L'Association fut fondée pour procurer un plus grand bien
à ses membres. Dès la première ligne des Statuts, les fonda-
teurs nous disenl qu'ils ont eu en vue l'union des coeurs et des
âmes. Leur Société s'apjxîllera « V Union de Dieu ». Pour réa-
liser ce programme, Dieu vivra dans les cœurs et son esprit
rayonnera comme sa charité dans l'Association. Tout cela sera
rédigé en dix j)aragraphes empreints d'une foi digne des pre-
miers âges de l'Eglise.
Erigée sous le nom de la Bienheureuse Vierge Marie, sous le
vocable de Sainl-Jean-Baptisle, l'Association aura pour mem-
bres une élite qui gardera religieusement les préceptes de Dieu
el de l'Eglise, qui vivra de la vie chrétienne par la réception
fréquente des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie. Ainsi
seront célébrées les quatre fêtes annuelles, le Corpus Christi,
l'Assomption, la Nativité, la Purification el l'Annonciation de
la Très Sainte Vierge ; ces mêmes jours, son office sera récité
allernativement c'esl-à-dire en clueui*. 11 en sera de même le
jour du saint Pation, mais de plus les confrères assisteront à
la procession revêtus de leur sac de toile blanche, nu-pieds,
un flambeau à la main et chantant des hymnes à l'honneur de
la fête. Tous les samedis seront sanctifiés par le jeûne en l'hon-
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— 357 —
neur de la Très Sainte Vierge, et ces mêmes jours on fera dire
une messe aux intentions de la Confrérie à l'issue de laquelle
on chantera le Stabal et le soir il y aura réunion dans la cha-
pelle pour la récitation ou le chant des Litanies. Deux proces-
sions solennelles en l'honneur de l'Eucharistie auront lieu tous
les ans auxquelles les pénitents assisteront vêtus de leur sac
et nu-pieds. Enfin les statuts règlent les obligations à l'égard
des confrères malades, défunts ou plaideui^ pour s'occuper en
dernier lieu des indignes que l'assemblée réunie pourra rejeter
hors de son sein.
Tout, dans ces statuts, chaque mot, chaque pensée émane de
l'idée religieuse. Vivre en bons chrétiens, se sanctifier par des
œuvres de perfection, voilà le but des fondateurs. Ils se propo-
sent d'améliorer la Société par l'influence logique et rigou-
reuse de cet esprit de charité apporté au monde par le Christ,
('e fut l'unique ambition de ces âmes nobles et généreuses qui
s'empressèrent de profiter de la visite pastorale de Monsei-
gneur de Condom, Antoine de Cons, pour faire bénir et ap-
prouver l'œuvre naissante. « A vous, Mgr le Révérendissimc
« Evêque de Condom, exposent en toute humilité quelques
« habitants de la ville de Caudecoste bas-nommés comme ainsi
•< s<ut que le Père de bonté ne veut point la mort du pécheur,
'•< mais qu'il se convertisse et qu'il vive pour faire des fruits di-
« gnes de pénitence les ave inspirés de se mettre sous le doux
" joug de Jésu5?, joug de pénitence pour le suivre au mieux
« qu'il leur sera possible, portant une croix et imitant selon
« leui's petites forces cet exemplaire qui leui' a été montré sur
'< les crouppes du Calvaiie. Ils ont estimé et cru ne -le pouvoir
« raisonnablement ni mériloirement faire sans l'aveu de Celui
'< à qui a été donné de Dieu le soin de leurs âmes et de leur
" salut. C'est pourquoi ils ont à présent recours à vous espé-
'< l'ant de votre bonté pastorale d'autant plus de faveur pour
« ce regard que {)lus ce ([u'ils vous demandent vise à la gloire
'« de Dieu et à l'exaltation de la sainte Eglise et au bien des
<( ûmes : trois choses qui sei-vent de but et de visée à tous vos
^< desseins et actions. Ils vous supplient donc qu'agréant leurs
« pieux projets, il vous plaise leur permettre qu'à l'imitation
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— 358 —
» (le plusieurs auties villes ils érigent dans lad. ville de Cau-
« decosle une confrérie de pénitents blancs sous l'invocation
(» de la Très Sainte Vierge et du prédicateur de pénitence
« Saint-Joan-Baptiste ; et pour ce sujet appn)uver les articles
« qu'ils vous ont proposés ci-dessus, écrits pour être inviola-
« blement obsenés des confrères, et en outre assigner dans
« lad. ville un lieu et place pour y bàlir une chapelle en la-
'• ([uelle ils puissent s'assembler et faire tout ce (|ui sera de
« leur devoir. Ce faisant, vous obligerez, ^Monseigneur, lesd.
« suppliants à prier Dieu pour votiv [n-ospérité et santé. >'
Mgr de (^ondom encouragea cl l)énit cette (euvre, il l'enri-
chit d'indulgences. X'oici d'ailleurs la teneur de son Approba-
tion :
« Antoniusmiseiatione divina Kpiscopus Condoni. visis sta-
<' tutis a libello suplici pouiilenliuru alboruni dictoi'um conli-
« nente (pialenus dictani confraternitateni sub invocatione
« Sancti Joannis Baptistîe inslitutam necnon statuta illius su-
<( perius descripta et contenta a|)robare auclorilateque nostra
« illa niuniri et confu-rnare dignemur. Xos igitur devotionem
« dictorum pœnitentiuni favere volentes illorunique precibus
« annuenles, dictam donfraternitatem cum suis slatulis supra-
« dictis approbamus: ilHsque auctoritatem noslram apponi-
i< mus. Prœterea de misericordia Dei omnipolentis confisi
ce predictis confratribus indulgentiam quadraj^inta dierum in
« die receptionis sua^ et in diebus quibus secundum statuta
« pra»dicta sacrosanclum Eucharistiie sacramentum récipient
<( et officiis pnedictcv confratrite intererunt, in Domino cpnce-
« dimus.' In quorum (idem subscripsimus in oppido Calida^
« Costie nostra^ di(vcezis, ecclesiam parrochialem dicti loci vi-
(' sitantes die vigezima tcrtia mensis maij anno Dni mill°
(' sexcenf' vigesimo quarto Beatissinue semi)er Virginis Ma-
(• ria^ necnon + C. O.
(( Antonjis, E. ('oxdom.
(( De mandato dicti Dni Ueverendi Epi.
(( Jau, Secrelus. »
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Tandis que Mgr de Condom visitait son peuple et accueillait
favorablement la requête des fondateurs en l'enrichissant des
Indulgences qu'il pouvait accorder de son autorité épiscopale,
il fut très certainement mis au courant des projets de la cons-
truction de la future chapelle. Il dut appmuver séance tenante
le lieu et la place choisis puisqu'il n'en est pas parlé dans l'ap-
probation citée ci-dessus.
Monseigneur (liarles-Louis de Lorraine, évèque de Con-
dom, approuva de nouveau la ('onfrérie en 16G7, le 14 juillet.
Il la confh'ma dans ses Indulgences et privilèges. En tournée
épiscopale à Caudecoste, il paraît s'être particulièrement in-
téressé à cette œuvre. (( Confraternitatem predictam pœniten-
(( tium ejusque supra scripta staluta approbamus et confirma-
«« mus cum iisdem privilegiis et indulgentiis quaî a prœdeces-
»< sore nostro illis fuere concessa. Datum in oppido de Caude-
(' coste die décima quarla Julii 1607 in cursu visitationis
«( nostra^.
« L + S. C.VHor.i s LunovKis a Lotil\ringia,
Episcopus Condomiensis,
« De mandate dieli lliustrissimi et Revercndissimi Domini Domini
Episcopi Condomiensis.
« Champestiœ, secrél. »
Chapitre III. — Chapolto des Pénitents blancs.
a) Conslruclion. — A peine Mgr de Cons a-t-il quitté Caude-
coste que les fondateurs de la nouvelle confrérie se mettent ré-
.^olûment à l'œuvre. La maison visitée par Sa Grandeur est
achetée el très vite elle est ap])ropriée aux l)esoins du culte.
Le procès-verbal qui suit nous donne sur ce point tous les ren-
seignements voulus. « L'an 1624 et le 13** jour du mois de juin,
" jou!" d'Octave de la I^'él(î-l)ieu, dans la ville de ('audecosle,
*• à la ré([uisilion desdits Labalul, (ialabrun, Lanarès, Daune-
«< fort, rhoron, Dusol el Demaux, confrères el pénitents
'( blancs, et en vertu du pouvoir à nous donné par Mgr le Ré-
<( vérvndissime l^vèqiie de ('ondom, après avoir le jour aupa-
« ravani, planté une gi*ande croix au lieu destiné pour l'aule^
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— 3(iÛ —
de lad. chapelle, la pierre angulaire et fondamentale a été
aussi par nous Léonart Dubon, licencié en théologie et rec-
teur de la présente ville, mise et posée au lieu et place dési-
gnée i)0ur construire une cha[)elle j)0ur l'usage et service
desd. pénitents en la rue appelée ci-devant « la Cotderie » et
à présent de nouveau nommée Saint-Jean dans led. ('aude-
coste et au fond d'icelle du coté de main droite, selon le pou-
voir octroyé i)ar Mondit Seigneur de (-ondom, lors de sa
visite en la présente vilU* qui fut le 2.T mai dernier ainsi
(pi'est contrtMé au présent livre de leur érection et statuts.
Laquelle pieiTe après être bénite a été placée contre la mu-
raille de la ville droit place désignée pour Tautel du côté de
1 e[)itre et a été mise dans ladite pierre marquée de cinq croix
la présente inscription : « liic primarius lapis benedictus et
impositus est in fundamenlo hujus sacelli c(msecrandi ad
honorem Dei omnipolentis, B. Maria» Virginis et Sancii
Joannis Baptista^ a magistro Leonaido Dubon pbro et hu-
jusce urbis rectoi-e anno l)ni millesimo sexcentesimo vige-
simo quaito die décima terlià Junii sedente l'rbano oclavo
Summo P(mli(ice stante Anthonio de Cons Condomiensi Epo
et régnante Ludovico tertio francorum et Xavarniî rege ad
instantiam totius Congregationis alborum iximitentium de
licentiû et consensu dicti Domini Reverendissimi Episcopi
in bac urbe institula» et approbabe. >•
« A la dite inscription se sont signés led. Hebon et susdits
confrères fundateurs. f^iis les fondements qm étaient ou-
verts ont été bénis et aspergés v[ ce fait après avoir fait priè-
res générales pour l'I^lglise, le Hoy. Et le i)euple chantant le
Te Dcum en actions de grâces, nous v\\ sonnnes revenus en
l'église parrochelle de ladite ville d'où nous étions sortis
revélus de nos aubes, surplis et pluvials. El tout incontinent
la pi'ocession en le jour accoutumé a été par nous faite par
ladite ville et tous ci-dessus présents et assistants les soussi-
gnés confrères, messieurs les consuls el autres habitants en
bon nombre dudit Caudecosle.
« Signés : Dkhox, rect^HU* ; Baplacl, consul; Dalnefoht,
i*(M*leui' de Saint-Denis: Dtmaix, prêtre assistant :
Dliolh, prêtre assistant, recteur de Faits. »
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QoO^Qi
li) Bénédiction. — Xolre persuasion est qu'on a adapté un
chai ou une grange aux besoins du culte, car dix jours après
eut lieu la bénédiction de la chapelle. Mgr de Condom fut avisé
i\r la célérité avec laquelle les travaux étaient poussés et il
écrivit à M. le Recteur : « Je suis bien aise que les pénitents
" aient déjà accommodé leur chapelle. Je vous donne pouvoir
« de la bénir, afin que désonnais ils puissent faire dire messe
« et y célébrer les autres offices divins et puissent commencer
(' à cette fêle de S. Jean. Je vous donne pouvoir aussi de bénir
a leurs aubes et ornements. Pour les corporaux, quand quel-
« qu'un de Caudecosie viendra ici, vous poun^ez les lui bailher
(( pour les m'apporter et je les bénirai. Et en cet endroit je
(( vous assurerai que je suis
« Do Condom, ce 22 juin 1024.
" AXTOINK, E. DK CoNDOM. )•
(yetle lettre, remise au Recteur de Caudecosie par les soins
d'un commissionnaire dépéché par lui, permit de faire la béné-
diction solennelle de la chapelle le lendemain. « Est advenu ce
«< dimanche 2^" jour du mois de juin, veille de la fête de
<• S. Jean Baptiste 1624, heure de 8 heures du matin, par
'( Nous Léonard Debon, licencié en théologie, prêtre et recteur
« de la présente ville, du pouvoir délivré de Rome aud. frère
« en Dieu Messire .Anthoine de Cons, évoque de Condom, a été
« procédé à la bénédiction de la chapelle érigée, fondée et
« bâtie en la présente ville par les susd. pénitents blancs, à la-
« quelle chapelle de l'église parrochelle en là nous sommes
« acheminés en procession et après icelle avoir visitée dehors
« et dedans, et trouvée en état de pouvoir célébrer sans danger
(( de scandale, l'avons bénite dehors et dedans selon qu'est
« porté dans le Pontifical et Rituel rorilain avec les cérémonies
<i en ce cas requises, et la bénédiction parachevée a été par
« nous et autres prêtres soussignés, dite et chantée une grand
« messe à dilacre et sous-diacre de la dominique courante
(t qu'est la quatrième après la Pentecôte et a été dédiée et bé-
'( nite sous le nom el invocatiim de la glorieuse Vierge et do
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— :m —
(( Monsieur S. Jean Baptiste à condition que par ci-après en
(( lad. chapelle ne pourra être officié ou célébré pendant que le
(( divin office le sera en Téglise parrochelle Sainte Marie Mag-
« dalene de la présente ville, ni aucun sacrement que de çéni-
« tence et de Tautel être administré ou office parrochel fait au
« préjudice des droits cui'iaux. Même les confrères cjui sont oii
<* seront en lad. chapelle ne pourront être exempts du devoir
'( (jue doivent à Pâques chacun à son curé. De laquelle béné-
« diction, procession et autres offices par nous faits, avons
<( dressé notre présent procès-verbal pour être remis et porté
« à mondit Seigneur le Révércndissime Evêque de Condoni
(( pour notre décharge. Copie duquel nous avons expédié aux
(( dits confrères, ensemble délivré la missive de mondit Sei-
(c gneur à nous adressante portant pouvoir de faire la bénédic-
<( tion qu'ils ont obtenue pour leurs soins comme de raison.
<( Fait à Caudecoste led. jour 23*^ du mois de juin 162i.
<( Présents les soussignés : Debon recteur, Delblancuot
<i prêtre recteur de S'-Sixte assistant, Raplace consul, autre
(( prêtre. »
Ces deux dernières pièces nous montrent combien les canons
du concile de Trente étaient respectés. C'est d'abord l'Evêquc
qui accorde le pouvoir de bénir le nouveau temple, mais qui se ,
rései-ve la bénédiction des linges sacrés de l'autel. Puis c'est
la réserve des droits curiaux et l'affirmation de la juridiction
curiale sur les paroissiens au temps pascal. L'accessoire ne
peut et ne doit pas détruire le principal et l'essentiel ; le devoir
d'abord dans son église paroissiale et puis les œuvres de per-
fection. \'ous y voyons encore la reconnaissance claire et ex-
plicite des droits du curé au temporel car celui qui a charge
d'Ames a droit aux bénéfices de sa charge. Dépendance du curé
à l'égard de son Evêque, dépendance des paroissiens à l'égard
de leur curé, tout ici s'affirme méthodiquement et rigoureuse-
ment. L'ne dernièi'e remarque s'impose : la liturgie romaine
était en honneur en France et pour rompre cette unité dans
l'Eglise, il faudra que soient promulguées plus tard les libertés
de l'Eglise gallicane. Cette diversité disparaîtra un jour et vers
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le milieu du xw" siècle la France reprendra à peu près partout
la liturgie des Pontifes romains.
Chapitre IV. — La Clocha te la Chapalla.
a) Bénédiction. - La chapelle était bâtie, aménagée, les of-
fices s'y célébraient régulièrement suivant les statuts, mais elle
était muette. La cloche arriva à son heure, petite il et?t vrai, du
poids de 40 livres, mais le nouveau temple eut sa voix. La pa-
roisse de Caudecoste étant veuve de son pasteur, Mgr de Cons
délégua pour la bénir M. Demaux, recteur de Cuq et affilié à
la Confrérie. « M. Demaux, lui écrivit le Prélat, vous pourrez
(' bénir la cloche que les pénitents blancs de Caudecoste ont
« fait faire, comme aussi vous pourrez les ouïr en confession
« et leur administrer le S. Sacrement d'Eucharistie hors le
(' temps de Pâques, auquel vous les renvoyez à leur curé ou
" à ses vicaires et pai' ce je suis votre
« De (>assagne, ce 18 décembre 1627.
«' Antoine, E. de Condom: »
La bénédiction de cette cloche eut lieu le 2 janvier 1628 sui-
vant le procès-verbal qui en fut dressé. « L'an 1628 et le diman-
« che second jour du mois de janvier dans lad. chapelle des
« Pénitents par x\oui=^ Jean Demaux, prêtre et recteur de Cm|,
a confrère en la Congrégation, assisté des sieurs Jean Deblan-
'( chot, prêtre et recteur de S*^-Sixte, et Jean Dauneforf-, aussi
(( prêtre et recteur de S'-Denis, suivant le pouvoir au susd.
« Daunefort et autorité de Mgr Antoine de Cons, évêque de
« Condom, et donnéen sa lettre écrite et signée de sa propre
« main, datée à Condom le 18 déc. 1627, en la présence de la
« plupart des confrères et grand nombre d'habitants, a été
'( procédé avec les solennités en tel cas requises, à la bénédic-
« tion de la cloche étant pour le jour d'huy dans lad. chapelle
« et pour l'usage d'icelle du poids environ de 46 livres tenue
(( par Jean Galabrun, un desd. confrères, et Jeanne Daunefort,
(( femme de Jean Demaux auxquels du commun consentement
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« de la Congrégation a été donnée pour parrain et marraine.
« En foi de quoi nous sommes signés avec lesd. Deblanchot,
^( Daunefort cl Galabrun, parrain, n'ayant lad. Daunefort,
« marraine, signé pour ne savoir. »
(Suivent les signatures.)
Evidemment on dut prendre le parrain et la marraine parmi
reux qui avaient été les principaux bionfaileurs. Les confrères,
d'ailleurs, rendirent encore hommage à leur nouvel aumônier
en prenant sa mère pour marraine.
b) Histoire de cette cloche. — Lorsque vinrent les temps
malheureux du siège et de la prise de Caudecoste en 1652, le
prince de Conti, frère du grand Condé, ne garda pas la parole
donnée aux vaincus. Il ne conserva pas la foi du traité et il
laissa les soldats se livrer à toutes les hontes et à toutes les tur-
pitudes ainsi qu'à tous les sacrilèges. Il s'oublia même jusqu'à
ordonner le pillage qui commença par les églises. La cloche
des pénitents fut vendue par un canonier à la chapelle Sainte-
Catherine hors les murs d'Agen et on la retrouva plus lard au
pouvoir d'un nommé Chadella. Mais citons le manuscrit de
l'époque : « En Tannée 1652 et au mois de janvier, la ville de
^ Caudecoste avait été assiégée par Mgr le prince de Conty et
H demeuré devant icelle avec deux pièces de canon et 4.0()0
(( hommes l'espace de onze jours enfin a manqué par M. le
'( marquis de Saint-Luc et M. de Marin d'avoir voulu délivrer,
« secourir les habitants comme led. s"" Marin avait fait lors du
« premier siège. Iceux habitants auraient été contraints capi-
<( tuler sous de bons articles, auraient livré lad. ville au pou-
<( voir du Seigneur prince, lequel après avoir entré dans lad.
« ville avec toute son armée au lieu d'observer les promesses
« cont-enues ès-articles, aurait commandé le pillage général
u comme aurait été fait do toute la ville et commencé par les
<t églises, et commis beaucoup d'actes d'hostilité, même au-
« raient été commis luxure dans la chapelle de la Congréga-
« tion S. Jean et au moyen de ce rendre lad. chapelle polluée
« et privé les confrères y faire aucun office. Et le canonier em-
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— 3(15 -
« porta la cloche d'icelle quoiqu'elle ne l'ail prise juste ensem-
<i ble toutes les autres de la ville. Lad. chapelle aurait demeuré
Cl en l'état depuis le jour de la réduction qui fut le matin de
<( N.-D. de la Chandeleur, le 6 du mois de février en lad. année
« 1052 jusques en l'année 1053 et le jour du Jeudi-Saint que
<( par la sollicitation et grand soin pris par Messieurs de Tho-
(. ron jeune, Hergognié, notaire, et Dauneforl jeune, greffiei ,
" confrères c|ui auraient obtenu l'ouvrir el communication
t< pour faire rebénir lad. chapelle comme aurait été fait par
« Monsieur Cosle, recteur, led. jour du Jeudi-Saint et la messe
H fut dite par Monsieur Dauneforl, prêtre docteur, sans qu'il
<* y eut sollicitation d'autres confrères en moins au recouvre-
<» ment de la cloche qui aurait été vendue par le canonier à la
« chapelle Sainte-Catherine hors les murs d'Agen et y était au
'i pouvoir par deux diverses Ordonnances l'une étant rendue
<( par M. de Pontac lors intendant soussigné autorisé de Mgr
u le Comte d'Harcourt, général des armées du Roi en Guyen-
H ne, et la dernière par Mgr le duc de Candalle à présent gé-
c( néral des armées du Roi en Guyenne laquelle cloche ils au-
M raient recouvert sans rendre l'argent ([u'on avait promis
« parce que les choses sacrées ne doivent point être comprises
<' dans des articles car ce serait faire des sacrilèges et n'au-
« raient avancé que les frais pour loblenlion des Ordonnances
H et de leur argent el à présent lad. chapelle est en son premier
:( état.
« Fait et écrit au présent lieu pour servir de mémoire à
(i l'avenir dans lad. chapelle le 3* avril 1653 par moi Daune-
(( fort, confrère soussigné, secrétaire. »
Cette cloche resta à Caudecosle jusqu'à la Révolution. A ce
moment les Révolutionnaires ne surent pas la respecter, pas
plus d'ailleurs que celles de l'église Sainte-Madeleine. Des q\ia-
tre cloches que possédait cette ville, il n'en resta plus qu'une
seule.
24
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m\ —
Chapitre Y. —
a) Olfice de la Très Sainte Vierge. — A trois quarts de siè-
cle de distance, en 1031 et en 1712, la contagion et la peste vin-
rent fondre dans le pays de Gascogne et la ville de (3audecoste
(ut particulièrement éprouvée. Aux époques de grande cala-
mité, les sentiments religieux se réveillent dans l'impuissance
où l'homme se trouve d'arrêter les fléaux. Les Pénitents
blancs de Caudecoste étaient hommes trop religieux pour ne
pas s'imposer des sacrifices dans le but de désarmer la colère
de Dieu. Afin d'obtenir gain de cause ils prièrent la Très Sainte
Vierge patronne de letu- Confrérie, promettant de réciter ou
plutôt de chanter l'Office de Notre-Dame tous les dimanches
à la pointe du jour. Ils s'adressèrent à l'autorité ecclésiastique
poui" taire approuver cette dévotion. « A vous. Monseigneur
•( le Révérendissime Evéque de Condom supplie humbleiAenl
•( M' Jean Dupouy, prêtre et prieur des Pénitents blancs de
(( Caudecoste que pour apaiser l'ire de Dieu et détourner le
<t fléau de la contagion dont nous sommes menacés à cause de
« nos péchés, ils auraient résolu de se mettre en dévotion et
«< sous Votre bon plaisir chanter en leur chapelle le petit office
u de \otre-l)ame tous les dimanches à la pointe du jour et im-
«^ médiatement après faire célébrer la sainte messe. A ces fins
<< plaira à Vos grâces approuver leur dite dévotion; ce faisant,
<« ils prieront pour Votre prospérité de faire bien. »
A cette requête Monseigneur répondit : (c Soit fait comme il
'< est requis pourvu que ce soit à autres heures que celles des
Ai messes paroissielles et matutinales de lad. paroisse.
« Fait à ('ondom, le 13 décembre 1631.
« Antoine, évêque de Condom. » '
La récitation de l'office devint une charge lorsque le danger
ne fut plus ni si menaçant ni si proche. Sans doute comme en-
couragement le Souverain Pontife avait enrichi la Confrérie de
nombreuses et précieuses indulgences, particulièrement pour
le dimanche dans l'Octave de la Fête-Dieu, mais il n'en reste
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pas moins que le 25 avril 1047 en présence de M. Gabriel de
Cosle, prêtre et docteur, curé de Caudecoste, la délibération
suivante fut prise à l'unanimité des voix : « A été par les com-
'< niuns suffrages de tous les confrères que le sieur de Labatut
«î l'un d'iceux se portera dans la ville de Condom pour présen-
o 1er les Indulgences à Mgr l'Evêque et prendre de lui lo Man-
f« dément pour la publication d'icelles et par même moyen lui
« donner requête aux lins qu'il lui plaise décharger lesdils
•• confrères de la récitation do l'Ofiice lequel suivant leurs
<( statuts ils sont obligés de réciter conformément au Concil(î
«< de Trente aux quatre fêles annuelles et aux fêtes de la Nati-
'< vite, Purification, Annonciation, Assomption de la sacrée
u Vierge et au lieu d'iceux demander qu'aux dits jours ensem-
« ble, tous les premiers dimanches de chaque mois diront le
« petit office de Xotre-Dame comme il est couché dans les heu-
« res qui ont été nouvellement dressées poin- l'usage de tous
'< les Pénitents blancs sans préjudice de satisfaire par lesdits
(( confrères aux offices de la Fêle-Dieu, de la Nativité de Sainl-
« Jean-Baptiste notre patron, du Jeudi-saint conformément au
u Concile et suivant qu'ils sont aussi couchés tout du long dans
« lesd. heures. Comme aussi â été arrêté (ju'a])rès avoir obtenu
» led. MandemenI, led. I.abatut sc^ portera dans la ville d'Agen
« pour les faire impiimer avec h*sd. Indulgences et (pie lous
" les confrères se cotiseront volontiers pour subvenir aux
'< frais desd. voyages et autres (pi'il conviench'a faire pour rai-
« son desd. Indulgences et ouverture d'icelles et que chacun
«' remettra es-mains dud. Peloux, maître de chapelle, les som-
<i mes auxquelles il se sera cotisé à la charge par \ei\. Peloux
'c d'en rendre bon et loyal compte.
<< En foi de quoi )>
Monseigneur félicite* la ( Onfrérie des privilégias et indulgen-
ces dont le Souverain Pontife venait d(» l'enrichir, et il usa de
condescendance <^n faisant bon accueil aux desiderata (pii lui
étaient ex[)osés. Les nouveaux offices parurent en français
(ui tout au moins avec ime traduction française. Pour ce motif,
en date du 8 mai suivant, une nouvelle requête fut présentée à
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Sa Grandeur tendant à obtenir rautorisalion de réciter les of-
lices en français, voulant éviter, disaient les suppliants, de tom-
ber bien souvent on faute et confusion, d'autant plus qu'il y a
fort peu de confrères qui sachent réciter les susd. offices.
M. de Cons, vicaire-général, annota la requête de la fonnule:
« soit fait comme il est requis ».
b) Pèlerinage à Xolre-Dame de Bon-Encontre. - En outre
des promesses dont nous venons de parler, la Confrérie des
Pénitents blancs fit vœu pour mériter une plus grande protec-
tion du ciel de se rendre annuellement en pèlerinage à Notre-
Dame de Bon-Encontre. Cette dévotion fut fixée au premier
dimanche de septembre. Cne ordonnance royale ayant fixé la
nomination des consuls ce même jour, la procession à Notre-
Dame de Bon-Encontre eut lieu le second dimanche et elle dut
être encore transférée au dernier dimanche d'août 1763.
C'était un vrai pèlerinage de pénitence, mais qui ne fut pas
toujours accompli. Aussi l'Assemblée délibéra-t-elle, le 12 août
16(38, <( que la procession qu'on a coutume de faire annuelle-
« ment par vœu depuis la contagion dernière ^dont la présente
<' ville fut affligée, «^ Notre-Dame de Bon-Encontre (le premier
<f dimanche de septembre), s<^ra continuée à l'avenir. Et parce
« ([u'elle ne peut être faite sans de grands frais et que l'argent
M pour iceul ne peut être pris que des confrères de lad. Con-
<t grégation, il a été trouvé à piopos que chacun desd. confrè-
" vci^ bailhera et remettra ès-mains du maître de chapelle qui
« sera en charge 12 sols et <S sols pour le droit annuel faisant
<< le tout 20 sols à chaque Notre-Dame d'août et ce à la pre-
<( mière réquisition du maître de chapelle ou d'autre ayant de
« lui charge, à peine de tous dépens et d'y être contraint par
<( prise de meubles sans formalité de justice. Et afin que la
« présente délibération ait plus de force, nous nous sommes
« signés capitulairement dans la chapelle le jour 12* d'août
<( 1668. »
A. Gayral.
(.4 suivre,)
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BIBLIOGRAPHIE
Un assassin du Duc Henri de Guise. - Frant^ois II de Monlpc-
zdL Baron de IjuKjtuic, cajnUdne des Quaraulc-Cinq (156(3-1390), par
.!. llazon de Saint- Finnin. — Pans, A. Picard, 1912, 72 pp.
\.o roman dWlc^xiTiidrc Dinnas « Les Quarante-Cinq » débute par
rentrée [)itt()res(|ue à Paris de genlilshonnnes gascons aux noms re-
tentissants, atix i)ourpoints râpés, à la |)arole éelalanle et vantarde.
In homme présule à leur reconnaissance, c'est Loignac. iNous le
reirouvons [)lus tard, les amenant au Kou\rc, leur traçant leur de-
\oii% leur i)arlanl toujours avec sévérité et leur imposant une disci-
pline rig()ureus(\ Plusieurs sans doute se sont demandés si ce per-
sonnage, qui apparaît à toutes les [)ages de ce roman, sous des vôte-
ineiiLs sombres el avec un caractère dur et altier, avait réellement
existé, si fauteur ne l'avait pas créé de toutes pièces, ou si, prenant
dans riiisloire sou héros, il ne l'avait i)as alïublé d'une persoimalité
[)lus ou moins ranlaisisl(\ comme il a fait pour d'ArUignan.
Laugnac, c'est ainsi qu'il faut écrire, est un persoimage histori-
que. Les chroniques de ia fin du xm® siècle parlent souvent de lui;
h»s dictioimaires de Hayle et de Moréri lui ont consacré chacun une
notice curieuse. Mais désormais", pour bien connaître le personnage,
il faudra lire l'excellent volume que je présente aux lecteurs de la
iievue, et (jue vient de publier Mademoiselle J. Hazon de S'-Firmin.
Depuis |)lusieurs années, je faisais des recherches sur le fameux
ï.augnac, ((ue nos auteurs agenais avaient identifié ù tort avec Hono-
rai (le Montpezat-I.augnac, et grâce à des trouvailles heureuses,
j'avais pu, sans Tombre d'un doute, lui res^tituer sa vraie personna-
lilé, lorsque j<* reçus une lettre par laiiuelle M*^ de Saint-Finnin me
ileinandait des renseignements sur le capitaine des « Quaranlc-
Cintf ». Après avoir hésité un certain temps, je me décidai à livrer
le résultat de mes recherches. Je ne m'en plains pas, je suis au
contraire très heureux el fier d'avoir collaboré, pour une minime
pari certes, au travail (jui fait l'objet de ce compte-rendu.
Personne, d'ailleurs, n'était mieux i)réparé que M"® de Saint-Fir-
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- 37D -
min à traiter ce sujet. Ses publications précédentes (1), ses recher-
clics longues et minulieuscs diins les archives de France et d'Italie,
ses lecUires attentives de toutes les chroniques de l'époque, lui ont
donné une connaissance parfaite du temps de la Ligue et des person-
nages qui s'agitent au milieu des troubles. Aussi, le tableau qu'elle
nous trace de la vie de Laugnac et de son rôle, est une vraie résurrec-
tion nette, claire, précise, et sera pour l>eaucouj) une révélation.
François II de Montpezat-I.augnac appartenait à une branche
cadette de la gra-nde famille agenaise de Montpezat. Jl était fils de
l''ran(:ois P' de Montpezat, soldat valeureux fort estimé de Montluc,
et de Nicole de Livron. Il naquit vers 1560.
Introduit très jeune à la Cour, probablement par d'Epernon, il sut,
grâce à la i)rotection de ce dernier et du duc de Joyeuse, à son sa-
\oir-faire et à son ambition, s'y créer une situation importante. Sa
faveur au])rès d'Henri III, il la dut, croit-on, à Joyeuse. Il fut mis
à la tète de la garde des Ouarante-Cinq créée en 158'!.
Ou'était-ce au juste (jue cette garde ? On est i>eu renseigné à son
^ujet, l)ien que i)lusieurs érudits se soient occupés d'elle. M*^ de
Sainl-Firmin nous donne ih}i^ précisions fort curieuses sur son rôle
et l'ordre de service, et nous fait connaître le nom de vingt-deux
de ses membres.
Laugnac fut leur chef, sinon en titre du moins en fait. Dès lors il
se iit remarquer par son train de maison et par le luxe inouï de ses
habits. Les archi\es des Montpezat nous édifient à ce sujet. Sa for-
tune certes était respectable. Il était seigneur de Laugnac, Frégi-
mont, Thouars et du Fréchou, et ces terres lui donnaient de beaux
revenus. Mais ces revenus étaient-ils suffisants pour subvenir à tout
ce luxe. Il est permis d'en douter en le voyant emprunter de gros-
ses sommes d'argent à ses voisins, à ses amis, obérant ainsi son pa-
trimoine.
Le fameux duel (jontaud-Carency le mit en relief. Hientôt, grâce
au duc d'Epernon, il entia plus avant dans les faveurs du roi. Au
début de 1588, sur les insistances de son protecteur, il fut nommé
niaitre de la garde-robe. Lue note retrouvée lécennnent dans les ar-
chives des \l()nt[)ezal nous apprend i[\w ses appointements étaient de
LOOO livres, ce (jui, i)Our réi)0(|ue, était un beau traitement .
(1) F/Af foire lie Salures cl Henri, duc de. Guise {oclobrc-dccembre 1Ô88) por
Jane Hazon de Saint-Firmin. Blois, MigauU, 1907. — Lue page d'Histoire et
les Mémoires du nwire de Hounjes i'ranrois Le 'Maresrhal, sieur de Corhel,
Bourges, \ euve I anl\-Pigelet et fils;, 191U.
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- 371 —
Il exerça, dès lors, sur l'esprit du roi, une telle influence, que
M'*** de Sainl-Firniin croit pouvoir faire retomber sur lui la respon-
sabilité do Tassassinal du Duc de (iuisc. « Allant plus loin que le Duc
(rEi)ernon, le jeune baron de Lau^mac, toujours à l'affût d'une oc-
casion de s'implaiilcr solidement dans l'amitié du plus changeant
des monanjues, a conçu un projet insensé : celui de faire assassiner
le clief de la Ligue, qui lui paraît représenter le seul et perpétuel
oi)slacle contre lecjuel échouent tous les projets ». N'est-ce pas aller
un [)eu loin ? Bien avant la faveur de Laugnac, l'idée de se débarras-
ser de (Juise avait germé dans l'esprit du roi.
Ouoi(|u'il en soit, Laugnac se chargea, avec l'aide des Quarante-
('iu(|, de Tcxéculion de l'attentat. La scène est trop connue |)our que
nous y revenions. Mais quel fut exactement le rôle de notre compa-
triote ? Les uns disent cju'il assista froidement au meurtre, sans y
prendre une part active, d'autres, eu j)articulier les ligueurs, pré-
tcMident (juil Frappa de son é|)ée la victime déjà étendue à terre.
Ce (jui est srtr, e'(\sl (jue Laugnac avait préparé le guel-apens et
t(u'il y présida.
Le lendemain, à l'exemple de i)lusieurs des Ouarante-Cinq, il re-
fusa d'aller tuer le Cardinal de Guise, mais il désigna au roi son ami
de (iast, qui ne recula pas.
La fa\eur de Laugnac ne sur\écut guère à ces événements san-
glants. Sa morgue et son ambition effrénée hâtèrent la disgrâce.
Ayant obtenu le gouvernement de l'Anjou -et de la Touraine, il dut
malgré lui (juiller la Cour ]»our aller <mi [)r(Midre possession. Il gagna
Am boise où de (iast, qui y commandait, gardait les prisonniers con-
fiés par le roi, la duchesse» de Xemours, le Cardinal de Bourbon,
les ducs de Cuise (^td'Klbeuf, raichevéque de Lyon et autres person-
nages.
Les deux amis se mirent d'accord pour trahir le roi et vendre chè-
rement à la Ligue les prisonniers qu'ils avaient en garde. Cepen-
dant, an bout rie quelques jours, de (iast voulant coUvServer pour lui
seul tout le bénéficie de la trahison, se débarrassa de Laugnac de fa-
çon eavalière et originale. Celui-ci, un ))eu honteux du piège gros-
sier dans le(|uel il était tombé, se retira (|uelque temps à Tours, puis
regagna ses terres de Guienne.
Il s'établit tantôt à Laugnac, tantôt au Fréchou, remonta sa mai-
son et son éeuri(», leva un légiment et se mit à guerroyer contre la
Ligue. Le roi, malgré tout, n'oubliait pas son ancien favori, et après
lui a\olr donné une commission de maître de camp d'un régiment
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— 372 -
il lui octroyait les revenus de l'Evêché d'Agen vacant, selon l'expres-
sion du brevet, par la félonie de son possesseur, Nicolas de Villars,
intrépide ligueur. Il n*on profita pas longtemps, au début de Tannée
suivante 1590 il fut blessé grièvcnrient au combat do Brignemont en
chargeant vaillamment à la tête de ses compagnies, et il mourut
(juelques jours après à Mauvezin (Gers).
Telle est Oïl (|ucl(|ues mots l'histoire de Laugnac (|uc vient d'écrire
M"*' de Saint-Finnin. C'est une curieuse page de l'histoire de France,
à laquelle je suis persuadé on ne pourra i)as désormais ajouter
grand'chose. Elle a été racontée d'un style net, précis, vigoureux,
qui laisse transpercer parfois l'indigHation soulevée' par le cynisme
du personnage et de ses quarante-cinq. L'auteur ne cherche pas
(railleurs à cacher toute la sympathie qu'elle éprouve pour Henry
de (iuise et c'est à l'actif de ce prince charmant une conquête nou-
\elle et f)osthume. 11 semble, au reste, (ju'il fut dans la nature du
Balafré de s'attirer toutes les sympathies, lui dont la Franco était
folio, selon le mot de Balzac <( cai* c'est trop peu dire amoureuse ».
Aussi bien M"* de Saint-Firmin est sans indulgence pour ses assas-
sins. D'aucuns peut-être trouveront trop de sévérité dans son juge-
ment; mais tout le nionde soi'a obligé d'avouer que ce jugement est
fortement motivé et bien mérité.
Le travail que nous présentons aux lecteurs de cette Uevue <*st
donc excellent eu tous points et c'est à |)eine si ncms [)ourrions y
relever quelques légères imperfections. Notons cependant que
Laugnac n'est pas dans la vallée du Lot, mais sur les coteaux qui
séparent le Lot de la Garonne.
Désormais il sera impossible de s'occuper de la Ligue et du crime
d(î Blois sans lire ce livre, et tout amateur éclairé de notre histoire
agcnaise devra le posséder dans sa bibliothèque.
H. Marijoutin.
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CHRONIQUE RÉGIONALE
Distinction honorifique. — Nous a[)prcnoiis que la Société
d'Encouragement au Bien vient de décerner à M. Jules Serret un
diplôme de Médaille d'or, pour rensemble de ses publications.
La Société académi([ue d'Agen est heureuse de s'associer à celle
distinction honorifique et de féliciter à son tour son plus ancien
nieml^re résidant.
Fouilles de Sos. — Par avis du 18 juillet dernier, le Comité des
Travaux historiques et archéologitjues du Ministère de ITnstruclion
]>ul)li(|Uc ol des Reaux-Aris a volé et alloué îi la Société des Scien-
ces, Lotlres et Arts fFAgcn une subvention de 1,000 francs pour
procéder à des fouilles gallo-romaines à Sos. Il a ainsi répondu au
\(eu émis par elle, au mois de février dernier, à la suite des premiè-
res découvertes occasionnées par l'établissement d'une ligne et
d'une gare du tramway.
La Sociélé s'est inmiédiatement réunie et a nommé une Commis-
sion composée de MM. Lauzun, Bonnat, Marboutin, Chaux et Allè-
lire, à l'effet de s'entendre avec MM. le I)*" Bâches, maire et conseil-
ler général de Sos, Bastard, conducteur des Ponts et ('haussées à
Mézin, et J. Duffau, pharmacien à .Sos, que leur situation et l'inté-
rùl avec lequel ils ont suivi les travaux désignaient tout spéciale-
ment pour collaborer à Tcruvre de la Société.
Ces Messieurs, aux(|nels s'étaient joints MM. Barlhalès et Lagar-
ligue, instituteur à iMeylan, ont teim i\ Sos une première réunion le
hindi 12 août. Ils ont examiné en détail tous les lieux, autour de la
\illc, qui pouvaient présenter un intérêt particulier et ils ont décidé
(juo d'ores et déjà des sondages piéalables seraient effectués : P Au
contre même de la ville, sur la place puMique actuelle, là où se trou-
vait, il y a peu de lenq)s encore, Tancienne église (|ui, d'après cer-
taines données, aurait été éle\ée sur renq^lacement même du lenj-
]>le de Borne et d'Auguste et d'où aurait été extraite l'inscription ro-
maine 0/do Elusalium, qui se trouve au Musée d'Agen ;
•J** Sur le talus nord qui borde le cimetière, sur une ligne faisant
suite au mur do ))ierres à tenons et à queues d'aronde, objet de pré-
cédentes controverses ;
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- 374 -
3° el 4° A roiiest et au sud-ouest de la ville, sur les remparts, là
où on aurait trouvé des vestiges d'habitations que l'on croit anté-
rieures à roccupalion romaine :
5^ Enfin, de l'autre côté du ravin, au plateau de Loustalet, sur
les bords de la Ténarèze, où se voit une rangée de pieus énigniati-
cjues et où Ton foule à chaque pas de nombreux vestiges romains :
cubes de mosaïques, débris d'amphores, poids de tisserands, tuiles
à rebords, elc, loules choses attestant qu'en cet endroit s'élevait
une riche villa gallo-romaine, ou peut-être môme le faubourg le
plus riche du Sos romain.
Les fouilles seront entreprises dès ce mois de septembre.
Comité Lauianié. — Un comité s'est formé, à Agen, pour que
notre regretté compatriote Lauianié soit représenté en un portrait
(|ui serait placé dans la salle des Illustres de l'Hôtel de \'iHe. La
Société académique d' Agen fait partie de ce comité. Aussi s'esl-elle
enq)ressée de répondre à rapj)el de M. Guittard, directeur du Jour-
nal de médecine vétérinaire à Aslaffffort, el de lui adresser sa sous-
cri [)tion.
Congrès de la Société française d'archéologie.-- Ainsi que nous
l'avons annoncé dans le mnnéro précédent, la Société française
d'archéologie a tenu, à Angoulôme, du 17 au 25 juin dernier, son
soixanle-dix-neuvièrne (>ongrès ammel.
Co (.'ongrès, cjui a réuni plus de 250 membres, a présenté une im-
portiuice particulière. Magistralement dirigé comme toujours par
M. Kugène Lefè\re-Pontalis. professeur d'archéologie à l'Ecole des
Chartes et membre de la Commission des Monuments historiques,
il a permis de visiter et d'étudier de près, sous sa haute compé-
tence el celle de M. Louis Serbat, ancien chartisle, secrétaire géné-
ral du ('ongrès, les monuments les plus remarquables de TAngou-
mois el de la Saintonge. Dans le nombre, il convient de citer, en
dehors (\g la belle cathédrale (rAngoublme et du vieux château où
nacpiit la Marguerite des Marguerites, soun* de Kranç;ois I", les
éulises (W Plassac, Hlanzac, Houllot, Saint-Amant de Boixe, Melle,
Aulnay de Saintonge, Charroux, Civray, Unlfec, Lichères, Mou-
Ihiers, Monlmoreau, Saint-Michel d'Entraigues, les Trois Palis, etc.
pr(»s(|ue loules romanes et surmonlêes de co\q)oles; les chAteaux de
\ erteuil et ses admirables tapisseries, de Monlmoreau, si fièrement
ciunpé, r\ surtout <le La Hochefoucauld, (ief i)atrimonial de cette
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— 375 —
illustre famille, dont l'élégance ne le cède en rien à celle des plus
beaux châteaux des bords de la Loire ; les ruines, enfin, imposantes
et si pittoresques de La Couronne, riche abbaye cistercienne, dé-
truite à la Révolution, à l'ombre (lesquelles les congressistes ont pu
se reposer des fatigues de ces rudes journées d'excursions et de tra-
vail continu. Une journée a été consacrée à Saintes, une autre à
Sainl-Kmilion, une aussi à Poitiers où le Congrès s'est transporté
pour inaugurer solennellement le monument érigé à la mémoire du
célèbre archéologue que fut le II. P. de La Croix.
Chaque soir les congressistes trouvaient asile dans les riches sal-
les de l'Hôtel de Ville, gracieusement mises à leur disposition, où
étaient tenues les séances de lectures et de discussions archéologi-
ques, et où fut offert, le vendredi 21 juin, un Champagne d'honneur
[)ar le Congrès à la très hospitalière municipalité d'Angoulême.
Ck>uchage des vignes greftées pour prévenir certaines consé-
quences graves des gelées d'hiver, tel est le titre de la brochure
(jue M. le IV Georges Martin, président de la Société des Archives
Jiistoriques de la Gironde et viticulteur distingué, vient d'envoyer à
toutes les Sociétés savantes du Sud-Ouest, en la faisant accompa-
gner de la lettre explicative suivante :
« MoNsiKLR 1.E Président,
« Je vous adresse par le même courrier une brochure sur « le
coucliage des vignes greffées pour prévenir certaines conséquences
graves des gelées d'hi\er ». A la lecture de ce titre, vous vous de-
manderez, sans doute, i)ourquoi je fais parvenir ce travail, essen-
tiellement viticole, au président d'une Société d'histoire et de scien-
ce. La raison, la voici en quelques mots :
« Les froids d'hiver exposent les vignes greffées à des dangers
(jue nu connaissaient pas les vignes fram^aises. Ces dangers, on
peut s'en prés(îrver par une pratique spéciale que j'indique. Mais,
connue cette pratique entraine à des frais, il était impoiiant, pour
(li'cider nos viticulteurs à entreprendif de nouvelles dépenses, de
leui' montnn- la fré(|uence et la gravité du danger contre lequel ujie
lutte doit être organisée. Cela m'a amené à rechercher combien il y
a eu, dans le Bordelais, d'hivfMs viticides depuis le xv" siècle. Ln
long chapitre de ma brochure est consacré à l'étude de ces hivers.
Je suis arrivé à en trouver vingt, soit une moyenne de quatre par
siècle. C'est un chiffre qui a étonné bien des gens; ils ne soupçon-
naient pas une telle fréquence.
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— 37() —
« Les froids, (jui amènent la mort de nos vignes, produisent par-
fois les mômes effets dans les vignobles des autres centres viticoles
(Champagne, Hourgogne, etc., etc.): mais, le plus souvent, les ge-
l«'es (jni sont viticides pour le Bordelais, ne le sont pas pour ces re-
liions éloignées; par contre, elles le sont pour les départements qui
nous touchent.
« Il serait fort intéressant de savoir dans quelles directions et
insijunù se [oïd senlir d'nvdinnive les froids qui allcignenl nos ti-
ques. On le sauraif, en faisant pour chacun des départements du
Sud-Ouest une étude semblable à celle à laquelle je viens de me
livrer pour la (iironde. Comme une telle élude doit être très docu-
menlée, il convient qu'elle soit effecluée par des travailleurs locaux
j»ouvanl consulter facilement les archives de leur déi)artement.
« A|)rès en avoir conféré avec la section centrale de TUnion his-
l(ni(|ue et archéol()gi(|ue du Sud-Ouest el avoir reçu d'elle son
entière api)robalion, je viens, sous ses aus[)ices, prier MM. les Pré-
sidenls de chacune des sociétés de cefte union, de vouloir bien me
désigner celui de ses qoI lègues susceptible d'entreprendre pour son
déi)artement des recherches historiques analogues aux miennes, et
de les résumer en un travail concis, mais aussi précis que possible.
Cou études isolées pourraient être conummicpiées par leur auteur
au [irochain Congrès d'hisloire (H d'archéologie qui doit se tenir l'an
|»F'ocliain. Kl, (hms la mente s<'îance, un lra\'ail <r«Misemble, confié à
l'un d'eux, couronnerait la série des communications sûr ce sujet,
ou montrant les faits jM'incipaux (|ui se dégageraient de ces études
isolées.
« Il est hors de doute (ju'il ressortirait de ces recherches, des
renseij^nements dont l'aufriculture et la météorologie tireraient un
grand |)rofil. On a souvent reproché aux études historiques d'être
|»ar Iroj) si)éculalives. Ce ne serait pas là le cas. Les fléaux du^passé
sont appelés à réapparaître. L'histoire doit nous apprendre à les
ciaindre, pour nous amener à nous en préserver dans certaines
limites.
« .1(^ m'excuse, Monsicnr le Président, de la ])ein(» que je vais
NOUS (tomiei* en \<)us mettant ainsi à contribution. Mon e.xcuse se
trouve dans le vif désir (juc j'ai de faiie faire un grand pas à cette
(|uesli<)n des gelées d'hiver, intéressante à bien des i)oints de vue.
« Je vous prie de trouver ici. Monsieur le Président, avec mes
remerciements anticipés, l'assurance de mes sentiments distingués.
« D"" Georges Martin,
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— :^77 -
Ck>ngrès national du Froid- — Le deuxième Congrès national
du Froid se licndra celle année à Toulouse, du 22 au 25 septembre
prochain, dans les locaux de T Université.
Le programme, 1res chargé, comprend de nombreuses études sur
le matériel frigorifique et gaz liquéfiés, les applications générales
(in froid, noiammeht à ralimenlalion et aux industries chimiques et
électriques, les transports frigorifiques, Tadministration et la légis-
lalion, enfin l'application du froid à l'hygiène et à la médecine.
Deux excursions sont projetées pour clôturer les travaux du
Congrès. Elles seront à la fois pittoresques et techniques.
La première aura lieu du 26 au 30 septembre. Son but technique
est l'application du froid aux fromageries et la visite de l'Exposition
(h* Hourges. I/itinéraire sera le suivant : Toulouse, Carcassonne,
Xarhonne, Rcxpieforl el ses fromageries, Séverac-le-Château, les
(lorges du Tarn, Millau el Bourges.
La seconde excursion, également du 2() au M) septembre, a pour
l'Ut technique l'étude des applications du froid à la fabrication du
\in el au commerce des primeurs. L'itinéraire sera le suivant :
Carcassonne, (Juillan, Axai, visite des grandes stations électriques
de la région, Perpignan, Vernet-les-Bains, Montlouis, Font-Romeu,
Puigcerda, ITIospitalet, Ax el Foulouse.
Ph. L.
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PROCES -VERBAUX
des Séances de h Soeiété des Sciences, Lettres et Arts d'Agen
Sranrt» <fu 4 JuilU't 1912, — PrÂsidenre do M. (c chanoino D trenguo»
M. le Secrétaire communique une lettre de M. le Président de
l'Académie de Bordeaux, invitant la Société aux fêtes qu'elle se
propose de célébrer en novembre prochain pour commémorer lo
bicentenaire de sa fondation.
Il donne également connaissance : du programme du VI* Congrès
international d'électrologie et de radiologie générales et médicales
qui se tiendra à Prague du 26 au 30 juillet prochains ; de celui du
IX* Congrès international de zoologie qui s'ouvrira à Monaco le
25 mars de Tannée prochaine ; d'une lettre de M. Emile Gandoff,
directeur du service des tabacs à Vesoul, demandant des renseigne-
ments sur la culture, la fabrication et la fiscalité du tabac dans le
Lot-et-Garonne, en vue d'un travail sur l'impôt du tabac en France
sous l'ancienne monarchie ; enfin, d'un projet d'érection d'un monu-
ment près de l'ancienne abbaye de Saint-Evroul, diocèse de Séez, à
la mémoire de Orderic Vital, moine de cette abbaye et auteur de
V Histoire ecclésiastique de Normandie.
Aï, Ferrère, vice-président, est nommé correspondant de la Revue
des Pifrénées, cliargé d'y rendre compte des travaux de la Société
d'Agen.
En quelques pages, qui pour être fort humouristiques n'en sont
pas moins très documentées, iM. de Lagrange-Ferrègues, le livre de
raison de Pierre de Catuffe en mains, prouve que si Molière stig-
matise d'une façon si plaisante dans son Malade Imaginaire la fA-
cheuse manie de saigner et de purger à tout propos, môme un ma-
lade imaginaire, il n'est pas seulement l'immortel comédien que
l'on applaudira toujours, mais qu'il appartient aussi à l'histoire ;
car, le record de la purgation qu'Argan détenait jusqu'à ce jour l'ut
battu en Agenais à la fin du xviii* siècle. Ce n'est pas sans stupé-
faction, en effet, que l'on lit sur les pages du carnet de famille du
sieur de Cantemerle et du Boscas, près de Tonneins, le nombre in-
calculable de fois, où, à très courte échéance, il prenait médecine,
cl aussi les résultats, souvent extraordinaires, qui en provenaient...
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L'église Sainlc-Foy d'Agen n'est pas seulement intéressante par
les pieux et loucliants souvenirs qu'évoque la jeufie martyre age-
uaise ; ses constructions successives, sa position, d'abord hors des
murs de la ville, puis son incorporation, à la lin du xiv® siècle, dans
la dernière enceinte, son voisinage enfin, attirent l'attention des
amis du vieil Ap^en. Aussi i\I. Lauzun, dans un chapitre spécial de
son étude sui- les anciens monuments de cette ville, ne traite-t-il
l)as uniquement de son histoire et de sa description archéologique,
(Paprès un très ancien dessin du milieu du dernier siècle ; il parle
aussi du vieux cimetière qui l'entourait, ayant remplacé en 1810
l'ancien cimetière de la chapelle de Notre-Dame du Bourg, et, en-
core, des quatre tours qui la défendaient sur la courtine nord de la
ville, les tours d'Armagnac, de Sainte-Foy, de Saint-Fiary et de
Saint-Côme ou Saint-Caprais, cette dernière ayant servi de salle de
dissection au commencement du xix® siècle, et ayant donné lieu à
la macabre aventure dont le docteur Pons fut le héros.
Dans une note î^énéalogique, puisée aux meilleures sources, M.
l'abbé Dubois fournit (rinléressanls détails sur Charles Ogier de
Sérignac, fils de Messire Bertrand de Sérignac, sieur de Belmont,
en la sénéchaussée d'Armagnac et d'Anne de Bruyères-Chalabre.
Vrai cadet de Gascogne, d'abord lieutenant d'une compagnie des
gardes du Roi, puis capitaine, Ogier de Sérignac fut grièvement
blessé en 1620 au siège de Caen, et il reçut, en récompense, la char-
lie de gouverneur de Clairac, en vertu de lettres de provision, des
plus élogieuses, (jue lui octroya Louis XIII. C'est toujours, investi
de la confiance du Hoi, qu'il mourut dans cette ville, le 30 novem-
bre 1639.
SAance du 3 aoiït 1912. — Présicitince rie Af. le nhanoint* Durengues
Prenant en considération le vœu précédemment émis par la So-
ciété des Sciences, Lettres et Arts d'Agen, le Ministère de l'Instruc-
tion publique et des Beaux-Arts lui a alloué, par avis du 18 juillet
dernier, une subvention de 1,000 francs pour effectuer des fouilles
y Sos.
Aussi la Société a-t-elle cru devoir se réunir extraordinairement
pour a\ iser au mode d'emploi de cette somme et prendre des mesu^
res immédiates en vue de répondre le plus convenablement possible
à cet encouragement.
Elle a nommé une commission de cinq membres, MM. Lauzun,
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secrétaire perpétuel, Bonnat, archiviste dépailcniental, Marboulin,
(^haux el Allègre, chargée de se transporter incessamment sur les
li(Mix el (le s'entendre avec MM. Bast^u-d, conducteur des Ponts et
Chaussées à \[ézin et DulTau, pharmacien à Sos, que leurs commu-
nications antérieures el l'intérêt avec lequel ils ont suivi les travaux
(l"élai)lissemenl de la ligne des lramv\ays désignaient loul particu-
lit'rement |)our collaborer à l'œuvre de la Société.
Elle l'ail aj)pel également à la haule situation comme maire et
conseiller général de M. le docteur Bâches, ainsi qu'à son obligean-
ce el à son dévouemenl habituels pour qu'il veuille bien, en cette
circonslance, l'éclairer de son expérience comme de ses conseils.
La Société académique d'Agen espère ainsi pouvoir utiliser le
mieux possible la so»nme qui lui est îdlouée, et, par des sondages
l)réalables le long du talus nord, ou de la voie romaine sur le pla-
teau de Loustalel, ou en tout autre lieu qui lui paraîtra le plus con-
\enable, arriver peut-être à découvrir quelques documents qui lui
permettront d'acquérir la certitude que la ville de Sos est bien l'op-
pidum gallo-ibérique contre lequel sont venues se buter les légions
de Crassus.
M. Allègre fournil quehiues détails intéressants sur des décou-
vertes faites par lui à Rimbez, non loin de Sos, d'ossements et de
végétaux qu'il croit être préhistoriques.
M. Chaux donne enfin lecture d'une note sur la localité d'Eslus-
san, au-dessus de Barbaste, qu'il croit devoir identifier avec le lieu
dit Scussamim, cité par dom Vaisselle, comme ayant été assiégé en
liH42 par Jourdain de l'isle, où se trouve une fort jolie petite église
1 omane qu'il décrit, el, à côté, des pans de vieux murs romains eX
aussi deux pierres rondes qui pourraient être prises pour des bor-
nes milliaires.
Ph. L.
I.;i Commiasii)!! d'administration et dr gc^ranc»» : G. FalliAreg. Ph. r.au/nn. G. Grenat.
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SOUVENIRS DU VIEIL AGEN
SAINT-CAPRAIS D\4GEN
La vue que nous donnons ci-contre représente la façade mé-
ridionale de Saint-Caprais d'Agen, telle qu'elle se trouvait
dans la première moitié du dernier siècle, avant que Mgr de
Vesins n'en ait entrepris la restauration.
Elle a été dessinée par un certain Bulliera et gravée par Boul-
lemier.
Vers la même époque, c'est-à-dire autour de 1835, Brécy
dessina également le vieux Saint-Caprais d'Agen. Mais son
dessin, que nous avons sous les yeux, reproduit seulement la
partie orientale, c'est-à-dire l'abside et les absidioles, domi-
nées par l'ancien clocher, à peu près telles qu'elles se trou-
vent encore aujourd'hui.
Aussi n'avons-nous pas hésité à donner la préférence au
premier de ces dessins, qui offre à notre cathédrale un aspect
que nous ne lui connaissons plus aujourd'hui.
Qu'était ce Bulliera ? Nous l'ignorons absolument. En re-
vanche, il n'est pas inutile de rappeler ici l'époque où Bré-
cy résida à Agen. date précieuse pour* nous en ce qu'elle
nous fournit en même temps celle des nombreux dessins qu'il
exécuta, relatant ainsi exactement à cette époque l'état des
monuments, Catiiédrale Saint-Etienne, Beffroi de THotel de
Ville, portes de ville, etc., que nous avons reproduits dans les
chapitres précédents de cette étude sur les monuments dispa-
rus du vieil Agen.
Né à Paris en 1804, Henri Brécy vint à Agen en 1831 com-
me commis des Ponts et Chaussées. Il y demeura jusqu'en 1837,
époque où il fut envoyé à Tarbes. Mais il n'accepta pas ce pos-
te et préféra se retirer à Montauban où il s'installa, dès le mois
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de novembre de cette année, en qualité d'ingénieur civil, et où
il demeura jusqu'en 1876. II mourut à Paris en 1883.
Son goût pour l'archéologie, son talent de dessinateur le dé-
signèrent de bonne heure aux suffrages des membres de la
société académique d'Agen. Il y entra en 1835 en qualité de
membre résidant, et ne passa non résidant qu'en 1838, lors-
qu'il.eut quitté définitivement notre ville.
Brécy s'intéressa tout particulièrement à l'église Saint-
Caprais d'Agen. Il engagea avec le chanoine Simil, au sujet
de l'origine de la première église, une très curieuse polémique,
Brécy la faisant remonter au v ou vi« siècle, suivant l'opinion
généralement adoptée, l'abbé Simil au contraire ne la datant,
à tort, que du xi*" siècle. Dans ses n*** des 10 septembre, 24
novembre. '^'6 novembre et 13 décembre 1836, le Journal dp.
Lot-et-Garonne en reproduit tous les détails. Brécy accompa-
gna même ses lettres d'un rarisisme dessin qu'il intitula : Cro-
quis pour servir à l'intelligence de la discussion, où sont
figurés la pierre commémorative du jour et du mois de la pre-
mièï'e église de Saint Caprais d'Agen, un tombeau du v^siôcle,
et deux autres Christnies, le tout en une seule feuille, dont
M. Louis Recours possède l'unique exemplaire que nous con-
naissions.
Le dessin ci-contre nous donne la façade méridionale de
Saint-Caprais telle qu'elle était au monient de sa construction,
c'est-à-dire au xni^ siècle. En la comparant à la façade actuelle,
on constate de notables différences.
Le portail qui s'ouvre dans le croisillon sud du transept
est, en effet, de même style que le grand portail occidental,
quoique moins élégant et moins chargé. Au lieu de neuf
colonnettes, sur lesquelles s'appuient les tores des archivoltes,
on n'en compte plus que quatre. Mais les arcs, comme les
chapitaux, sont semblables. C'est donc bien le portail pri-
mitif.
Ce portail est surmonté, dans notre dessin, d'une grande
rose à sept lobes, encadrée dans de hauts contreforts. La façade
se termine par une galerie ajourée de quatre baies trilobées,
sorte de chemin de ronde crénelé et couvert, que domine à
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Touest le clocher en bois, quadrangulaire, éclairé par deux
petites fenêtres sur ses deux faces et découronné de la flèche
qui, autrefois, devait le surmonter.
Car, ce clocher bas, trapu, fort laid, n'était pas, croyons-
nous, le clocher primitif. Dans la Perspec/ice d'Agen de 1648,
le clocher de Saint-Caprais se présente plus élevé, terminé par
une calotte pyramidale. La partie supérieure en fut-elle
détruite par la foudre, l'incendie, la vétusté ? Fut-elle démo-
lie en 1793 par ordre de Paganel, en même temps que le clo-
cher de Saint-Etienne ? Ce qui pourrait le faire croire, c'est
la phrase de Proche, qui, parlant à cette date de la démoli-
tion du beffroi de Saint-Etienne, écrit que « ce beffroi du clo-
« cher de la cathédrale était semblable à celui de Saint-
« Caprais (1) »... Le clocher, dessiné par Bulliera, aurait donc
été construit depuis, à la hâte, à seule fin de protéger les clo-
ches et devrait n'être considéré que comme provisoire.
Déjà, en 1826, sous l'épiscopat de Mgr Jacoupy (1802-1840)
il avait été question de modifier toute cette faç^ide sud et de
construire un nouveau clocher. Dans un volumineux dossier
relatif à la reconstruction de la cathédrale, sous le gouverne-
ment de Juillet, il est dit, à cette date, < que le clocher actuel
« est en bois ». Un joli lavis accompagne ce projet de restau-
ration. Mais il semble que le manque d'argent ait arrêté, à ce
moment, les projets du prélat.
Ce ne fut guère qu'en 1839 qu'ils furent repris et poussés
sans discontinuation. Le 18 octobre de cette année a lieu, en
effet, à l'hôtel de la Préfecture, une « adjudication à exécuter
« pour la construction d'un clocher à la cathédrale d'Agen ».
La dépense est évaluée à la somme de 98.000 francs. L'archi-
tecte est M. Bourrières ; l'entrepreneur le sieur Magnac.
Là-dessus, Mgr Jacoupy donne sa démission et est remplacé
en 1841 par MgrLevezou de Vesins. Très épris d'archéologie,
le nouveau prélat pousse avec ardeur les travaux déjà com-
mencés. D'innombrable pièces, conservées aux archives dépar-
(1) Annales de la cille d'Aficn^ p. 39.
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teinentales (1) l'attestent, toutes prouvant avec quel zèle
Mgr de Vesins entend restaurer sa vieille cathédrale. Aussi
donne-t-il a larchitecte les ordres les plus précis pour que la
façade méridionale prenne une allure plus en rapport avec le
style gothique du transept et de la nef. C'est donc sur ses con-
seils que M. Bourrières modifie le portail, en y ajoutant deux
ou trois rangs de voussures, mais en utilisant, croyons- nous,
les anciennes colonnettes et leur chapiteaux ; en le surmon-
tant d'un gable orné de roses et d'écoinçons, et accosté de deux
pinacles à crochets ; en murant les deux croisées en tiers,
point qui se voient de chaque côté ; en modifiant l'ornemen-
tation de la rosace inférieure ; enfin, en surélevant considéra-
blement le mur de façade et en le terminant par un large
fronton triangulaire percé d'une seconde rosace à peu près de
même style que la première.
C'est alors également que le vieux clocher fut démoli et que
s'éleva à sa place le clocher actuel, sur plan quadrangulaire,
à trois étages, terminé par une terrasse. Il était achevé en
1846 (2). Les styles en sont fort mal assortis
Cette faute, Mérimée ne manqua pas de la relever, affirme-
t-on, le jour où, envoyé dans le Midi comme inspecteur des
monuments historiques et des édifices diocésains, il s'écria, à la
vue du nouveau clocher que Mgr de Vesins était tout fier delui
montrer : a Mais, Monseigneur,- votre clocher est renversé?
« Ne voyez-vous donc pas que le xv® siècle est en bas, le xiV
« au milieu, et des motifs du xm^ dans le haut, alors que logi-
« quement le contraire devrait avoir lieu, et que, puisqu'on
« avait voulu le gratifier des trois styles, le flamboyant aurait
« dû flamboyer plutôt à la partie supérieure? » Tout le monde
rit de cette boutade du spirituel archéologue, au fond exacte
et très vraie, Monseigneur tout le premier. Seul, ne riait pas
l'architecte, qui faisait également partie du cortège.
Un peu plus loin, dans notre vue, se dresse à l'angle sud-
(1) Archives départementales de Lot et-Garonne. Série V. 7 (5 liasses).
(2) Voir dans ce même dossier, les plans, lavis, coupes, élévations, signé s
fourrières et dont quelques-uns sont exécutés avec le plus grand soin.
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ouest de l'édifice la tourelle hexagonale, dite le petit clocher
ou clocher de l'horloge. Elle n'a jaipais été modifiée. Telle
elle se trouve dans la perspective de 1648, telle nous la voyons
aujourd'hui.
Entre les* deux clochers s'étend, dans le bas, un corps de
logis, à sept fenêtres de façade, sur le prolongement même du
portail. C'était la sacristie, qui existe de nos jours, mais qui a
été amoindrie par la construction du clocher et complètement
modifiée.
Dans le fond, se distingue le vieux couvent du Chapelet ;
c'était, après les Annonciades, le plus ancien couvent de religieu-
ses d'Agen. Il avait été fondé, en 1585, par les libéralités de la
dame de Lisse, et occupait tout l'emplacement compris entre
la rue et place Saint-Caprais à l'est; la rue d'Amour et maisons
des citoyens Fontané, Carbonneau et autres particuliers, au
sud ; la rue Fon-Nouvelle, à l'ouest ; les maisons des citoyens
Charrière, Boé et du chanoine Rangouse, au nord, allant pres-
que jusqu'au moulin de Saint-Caprais (1). La Révolution le
morcela en plusieurs lots. Le plus important servit alors d'ate-
lier de salpêtre, de magasin de grains et de fourrages, de pri-
son correctionnelle, puis A'éccSle d'enseignement mutuel. En
1822 il fut de nouveau morcelé et vendu à divers. Seul sub-
sistait, vers 1835, le grand portail d'entrée, esquissé sur notre
gravure, et qui se trouvait exactement dans l'axe de la rue
Neuve-des- Augustins, percée depuis .
Enfin, tout à fait à gauche, au-dessus d'une croix de mis-
sion, le dessinateur a reproduit le coin de la terrasse d'un
grand jardin, qui se dressait à la hauteur d'un premier étage
et qui occupait tout le centre de la place actuelle de Saint-
Caprais. C'était le jardin du curé. Enguirlandé de hautes treil-
les et émaillé de fleurs rares et odorantes, ne fait-il point
songer à ce joli jardin de curé, si amoureusement décrit par
Georges Sand dans son beau roman de Consuelq, où « les ber-
« ceaux devigne, coquettement arrondis en arceaux, portaient,
(1) Voir le chapitre III du tome ii de nos Anciens coucents d'Agen avant
1789.
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« comme autant de girandoles, d'énormes grappes de raisin
« succulent... et où, le soir venu, les belles de nuit, belles et
« pures comme les étoiles du ciel, tournaient leurs corolles;
(i encore vierges, vers la lune, leur bonne amie ? » De grands
arbres séculaires, plantés en dehors, lui faisaient escorté, qui
donnaient à cette place un cachet particulier de pittoresque,
de calme et de repos.
Notre description de la place Saint-Caprais, autrefois place
de la Monnaie (1), serait incomplète, si nous ne signalions pas
le vieux cimetière qui, bien que ne paraissant pas sur notre
gravure, s'étendait à Test de la place et ceignait le chevet de la
cathédrale. « Le mur qui lui servait d'enceinte, écrit M. Ad.
« Magen, qui l'avait vu dans son enfance, partait de la pletite
« chapelle absidiale, auprès de laquelle s'ouvre la porte laté-
« raie qui regarde le sud, se dirigeait en ligne droite vers
« l'est, formait une sorte de pan coupé, se retournait du côté .
« du nord et allait s'appuyer sur la petite maison isolée
« comme un îlot, qui est la première à gauche de la rue des
(( Martyrs, » maison, sur la porte de laquelle on lisait encore,
il n'y a pas longtemps, cette inscription : « La République ou
la Mort. » Cette ligne est trèfe bien tracée et parfaitement
visible sur la fraction du plan Lomet, que nous avons repro-
duite au chapitre précédent de Sainte-Foy, et qui renferme
également le plan et les abords de l'église Saint-Caprais.
(( On entrait au cimetière, ajoute Magen, par une porte
(( assez basse, placée à la naissance du mur, près de la cba-
« pelle dont nous venons de parler. Beaumesnil, dans ses
« Antiquités d'Agen, manuscrit, figure trois tombeaux anti-
« ques pittoresquement groupés dans l'encoignure formée par
« la jonction de ce mur avec l'abside, et au-dessus même de
« la porte le couvercle d'un quatrième tombeau dont un autre
« dessin reproduit isolément les détails (2). Les sigles D. M,
(1) Nous lisons, en effet, au registre BB,42,des Archives municipales d'Agen,
que les Jurades eurent à délibérer, en 1614. au sujet d'une nouvelle construc-
tion des religieuses du Chapelet « sur la place de la Monnaie, près de Saint-
Caprais. »
(2) C'est la gravure que nous reproduisons ci-contre.
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« gravés sur la face antérieure, prouvent qu'il n'a pas renfermé
« les cendres d'un chrétien, et l'urne cinéraire qui fut trou-
M vée dans ses profondeurs le dénonce comme probablement
« antérieur au iv® siècle, l'ustion ayant dès cette époque, et
(' d'une manière presque générale, fait place à l'inhumation.
« Un cinquième tombeau, aussi dessiné séparément, offre le
« monogramme du Christ et paraît appartenir au v® ou vi«
.« siècle. Tous les tombeaux étaient en marbre (1) ».
Ces cercueils décrit par Magen, d'après Beaumesnil, avaient
été pour la première fois signalés par Proche en ces termes, à
la date de 1815 :
» Dans le courant du mois d'avril dernier (1815), le mur de
« clôture de l'ancien cimetière de Saint-Caprais a été détruit
« pour y établir le marché de bois à brûler, qui se tenait aupa-
« ravant sur la place, et, en dernier lieu, devant l'église de
« Saint-Caprais. On a reconnu que ce local était trop petit et
« gênait le passage de l'église qui était trop obstrué par les
« charrettes. Dans les fouilles qui ont été faites pour extirper
« les fondements de ces murs, on a trouvé des cercueils de mar-
« bre et de pierre, dont quelques-uns étaient à une grande
« profondeur. On pensait qu'ils renfermaient quelques monu-
« ments d'antiquité, quelques médailles ou inscriptions qui
« fissent connaître l'époque à laquelle ils avaient été déposés
« dans ces lieux ; mais ils n'offraient rien de curieux, pas
(( même une croix. Après avoir ùté la couverture avec soin, on
« n'y trouva que les os d'un cadavre ou des cendres. On a
(( remarqué seulement, au fond de ces cercueils, une couche
« de charbon très bien conservée, sur laquelle le cadavre était
« étendu. Les cercueils ont été retirés et vendus à des parti-
ft culiers qui les destinent à divers usages (2) ».
Dans son Essat sur les Antiquités du département de Lot-
et-Garonne, Saint Amans cite également ces sarcophages;
il les décrit sommairement et en reproduit les dessins (3).
(1) Proche : Annales de la rille d'Agen, p. 193. Note d'A. Magen.
(2) Annales de la cille d'Agen^ p. 193.
(3) VP Notice. Explication sommaire des planches, pp. 156-157 et planches
1 à 5.
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Quelques-uns ont été retrouvés depuis et portés au Musée
d'Agen.
Nous n'avons pas la prétention, nos lecteurs le pensent bien,
de transformer cette simple causerie en une étude complète
sur Saint-Caprais d'Agen. Cette étude, du reste, a été faite
en partie. Nous estimons qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.
Au point de vue archéologique d'abord, MM. de Caumont,.
Viollet-le-Duc,Didron, Crosnier, se sont occupés plus ou moins
de l'église agenaise. L'abbé Barrère, un précurseur, dont nous
devons saluer respectueusement la mémoire, en a fait dans son
Histoire religieuse et monumentale d'Agen, t. 1. une longue
description, précis.int la diversité de son style, et s'étendant
longuement sur le symbolisme de ses sculptures. De nos jours
enfin, M. G. Tholin, dans ses Etudes sur l'Architecture reli-
gieuse de l'A gênais, lui a consacré l'une de ses meilleures et
plus complètes monographies. Il s'est surtout attaché « à faire
« ressortir les caractères de l'œuvre de ses architectes et à pré-
« ciser les modifications apportées au plan primitif. *) Et c'est
ainsi que, la rattachant au groupe des églises byzantines, « à
« l'école régionale dont Saint-Front et peut-être en même
a temps Saint-Etienne de Périgueux sont les types ori-
« ginels », il la présente comme une des premières églises
byzantines auxquelles on ajouta un transept et des chapelles
rayonnantes.
« En étudiant, écrit-il, les édifices élevés sur ce plan, on
« remarque dans les divisions du sanctuaire et dans le triple
(( étagement produit à l'extérieur par les chapelles, l'abside
« et le transept, plus d'une analogie avec Saint-Sernin de
« Toulouse et certaines églises de l'Auvergne. J'admettrais
« donc volontiers, sur cette preuve, une alliance entre l'école
tt de Périgueux et celle d'Auvergne, produisant un type
(( mixte ».
C'est, en effet, la partie orientale extérieure deSaint-Caprais
avec son abside et ses absidioles qui offre le plus d'intérêt.
A l'intérieur, on n'ignore pas que le chœur est roman, de la
seconde moitié du xii® siècle, et que si les quatre énormes
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piliers qui délimitent le carré du transept étaient destinés
dans le plan primitif à supporter une coupole, une interrup-
tion de cinquante ans environ, dans la construction, motivée
par les guerres incessantes et notamment la guerre des Albi-
geois, la modifia du tout au tout, et que la coupole, passée de
mode, fut alors remplacée par la voûte sur ci^oisée d'ogives.
Saint-Caprais n'échappa point à cette évolution. Le style
gothique fut substitué, tant dans le transept que dans la nef,
au style roman. On travailla ainsi, tout le xni* et xiv® siècle,
à la continuation de l'édilice. Et ce ne fut qu'au commence-
ment du XVI® siècle, en 1508, ainsi que le porte l'inscription
j de la clef de voiCite de la dernière travée, A. X. M. V. VIII.
CONSVMAP. ECL.. que le vaste vaisseau fut terminé (1).
Malgré cette diversité de style, l'église Saint-Caprais d'Agen
a fort grand air. Son ornementation, en outre, est des plus
riches. Les chapiteaux des piliers du transept, ainsi que ceux
des grands arcs des chapelles latérales, ne le cèdent en rien,
par leur modèle et le fini de leur exécution, aux plus beaux
des autres églises romanes. Nous doutons fort également qu'on
puîssse trouver, quoique postérieur au moins d'un siècle, un
plus remarquable cul de lampe que celui qui est placé dans
l'angle nord-ouest du croisillon nord, dont le dais abrite un
personmige couronné, et que Viollet-le-Duc a trouvé digne
de reproduire dans son Dictionnaire d'architecture (2).
Est-il nécessaire de rappeler aussi l'intérêt que présente, au
point de vue archéologique, la salle capitulaire du Chapitre,
aujourd'hui la chapelle du collège Saint-Caprais, avec son por-
tail roman, les merveilleux chapiteaux qui surmontent les
jolies colonnettes de ses fenêtres, dont l'un figure des soldats
dans l'attitude de la tristesse, et les deux panneaux, maintes
fois décrits, de deux magnifiques sarcophages chrétiens, le
(1) En montant ces derniers temps, M. Tabbé Marboutin et moi, au-dessus
des voûtes, et en examinant de près la calotte de la croisée d'ogive du tran-
sept, nous avons parfaitement distingué, aux quatre coins du carré, les pen-
dentifs encore existants de la coupole primitive, ainsi que le cercle, bien tracé,
de son soubassement. La coupole proprement dite a-t-elle jamais existé ?
Toujours est-il que tout était prêt pour la recevoir.
(2) Tome iv, pp. 492 et 193,
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plus beau représentant, à droite et à gauche du monogramme
du Christ soutenu par deux anges, la légende de Jonas?
Cette chapelle, qui vient d'être classée comme monument
historique, faisait autrefois partie du cloître de Saint-Caprais.
lequel était formé, d'après Saint-Amans, « par un rang de
« colonnes accouplées, dont les chapiteaux étaient en général
(( très bizarres et dont quelques-uns offraient d'incroyables
(( obscénités, qu'on trouve, du reste, très fidèlement dessinées
(( dans le manuscrit de Beaumesnil. » Ici, nous nous inscri-
vons en faux contre l'assertion de Saint- Amaijis, reconnaissant
bien l'obscénité des dessins de Beaumesnil, mais convaincu que
l'imagination seule de ce personnage l'avait poussé à les pré-
senter ainsi et à les attribuer, tels quels, au cloître Saint-
Caprais.
Acheté à la Révolution par M. Amblard, le cloître de
Saint-Caprais fut démoli par lui peu après. Mais les plus
beaux chapiteaux ont été conservés et donnés par son petit-
fils, le docteur Louis Amblard, au Musée d'Agen, dont ils
ornent l'une des salles du rez-de-chaussée.
L'histoire de l'église et du Chapitre de Saint-Caprais
d'Agen occuperait tout un volume. Innombrables, en effet, se
présentent le^ documents sur elle, depuis le xi" siècle jusqu'à
nos jours. Elle est digne de tenter, en tous cas, la plume d'un
jeune écrivain, qui trouverait, tant à Paris que dans les diver-
ses archives d'Agen, tous les matériaux nécessaires à sa com-
position.
Cette histoire a, du reste, été déjà écrite, par Labénazie,
ancien prieur de la Collégiale; mais il ne l'a jamais publiée.
Elle demeure donc à l'état de manuscrit inédit, à la Biblio-
thèque nationale, à Paris, sous la cote de : Fonds français.
N. 14426. Elle forme un in-4'' de 287 pages.
Nous croyons être utile aux travailleurs agenais en la leur
signalant, et en résumant peureux le contenu, d'après sa table,
de ce précieux registre.
Le manuscrit commence par une préface renfermant la note
suivante de M. le comte de Durfort :
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— 391 —
(« Je prye Monsieur Béjot (1) de vouloir bien renvoyer parle porteur
« une nouvelle reconnaissance qui fasse mention, comme je l'ai mar-
« que, du don que M. de Couloussac (2) fait à la Bibliothèque, de
(( l'histoire de S. Caprais. Il sera flatté qu'il en soit fait note.
« M. Béjot obligera les personnes qui s*occuperont de l'histoire de
« la Guyenne de les prévenir des avantages que l'on peut tirer de
« la combinaison des ouvrages suivants :
(( 1° La susdUe histoire de S. Caprais, de La Bénazie ;
(( 29 L'hi$toire du, diocèse d'Agen, par le même, qui est aux Im-
« primés ;
« 3<> Les manuscrits de dom Estiennot, à Saint-Germain des Prés,
« sur la Guyenne;
« 4° L'histoire de Vabbaie de Condom (3), manuscrit à la Biblio-
(( thèquedu Roi ;
« 5^ L* histoire des Ecèques d'Agen, dans la Gallia christiana,
(( L'on reconnaîtra dans ces ouvrages que les seigneurs de Clair-
« mont et de Beauville étaient des barons d'Agenais, qu'ils étaient
(( de même maison que les seigneurs de Moirax (?) et tous issus,
(( peut-être, des comtes d'Agen dont l'histoire ne dit rien et qui étaient
« des ducs de Gascogne. Voilà l'intérêt de l'histoire.
(' Le premier examen doit se porter sur l'histoire des abbayes de
« Condom (?), de Saint-Maurin et monastères de Moirax et de Layrac,
(( dans l'histoire d'Agen par La Bénazie.
« P. S. — On pourrait laisser cette note (4) dans le manuscrit de
« S. Caprais. On y trouve aux pages 138, 155, 160, des renseigne-
« ments sur quelques objets cy dessus indiqués »>.
Puis, vient la table ci -après de l'ouvrage^:
« Partage de £" Histoire de l'Eglise Collégiale de S. Caprais
« d'Agen.
(( Livre premier :
« Le premier livre traite du Patron de cette église et est divisé en
•' cinq chapitres :
« 1. Le chapitre 1*' est de l'avènement de S. Caprasi dans Agen.
« 2. Le chapitre 2^ est de l'épiscopat de S. Caprasi.
(1) Béjot, Conservateur de la Bibliothèque du Roi.
(2) Couloussac, dernier prieur de S. Caprais,
(3) Nous croyons qu'il faut lire Gondon. (?)
(4) Note écrite de la main même du comte de Durfort.
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- 392 —
« 3. Le 3^ chapitre est de son ministère.
• 4. Le4« de son martire.
< 5. Le 5* est de ses reliques et des autres martires qui furent les
« compagnons de son triomphe.
« Livre second :
« Le livre second traite de V Ancienneté de cette église en cinq cha-
• pitres :
t Chapitre 1" : L'ancienneté de cette église et du tems de sa cons-
truction.
< Chapitre 2 : Du corps et de la grandeur et figure de cette église.
« Chapitre 3 : Sa fondation et dotation.
« Chapitre 4: Ses premiers revenus.
« Chapitre 5 : Il traite des prérogatives de cette église, du droit de
« cimetière, des paroisses, des fonctions des Evéques, du serment des
a Evéques, del'Avent, du Carême, du Jour de Pâques.
« Livre troisième :
« Le livre troisième traite de la Noblesse du Chapitre et contient
« cinq chapitres :
« Chapitre 1^^ : L'ancienneté de ce Chapitre.
• Chapitre 2 : La manière de vie des anciens chanoines.
« Chapitre 3 : La manièreet 1 état du même Chapitre maintenant.
« Chapitre 4 : Les hommes illustres qui en sont sortis.
< Chapitré 5 : Des honneurs du Chapitre.
« Livre quatrième :
« Il traite en cinq chapitres du Prieur :
« Chapitre 1®' : De la dignité du prieur.
« Chapitre 2 : Lisle des prieurs.
• Chapitre 3 : De la promotion et institution des prieurs.
a Chapitre 4 : Des honneurs et revenus qu'ils ont à Tégard du cha-
« pitre.
« Chapitres : De leurs prééminences et préséances hors du Chapitre.
(( Livre cinquième.
« Des biens du Chapitre :
(( Chapitre 1*': De sfiefs du Chapitre.
« Chapitre 2 : Des bénéfices et autres biens du Chapitre.
(( Chapitre 3 : Des terres en justice : droits seigneuriaux.
« Chapitre 4 ; Des péages du Chapitre.
(( Chapitre 5 : Des droits du Chapitre, et de ses honorifiques. »
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— 393 —
Et au-dessous en notes :
« 1. Ce manuscrit m'a été remis de la part de M. le maréchal de
« Mouchy, par M. le comte de Durfort, le 15 novembre 1785.
« Signé : Béjot. »
* 2. « Je certifie que c'est M. de La Bénazie. prieur de Tinsigne
« église collégiale de S. Caprais d'Agen, qui a composé et écrit de sa
(( propre main cette histoire de ladite église*, sur 281 pages, et que je
« Tai remise à Mgr le maréchal de Mouchy, pour être déposée à la
« bibliothèque du Roi.
« Agen, le 22 juillet 1785.
« Signé: Couloussac, prieur de S. Caprais. »
Longtennps chanoine de Saint-Caprais d'Agen, La Bénazie
(1635 1724), devint prieur du Chapitre collégial en 1709. Dès
cette époque, il employa tout son temps à mettre en relief,
dans ses nombreux écrits, les principaux faits de l'histoire de
la Collégiale. C'est ainsi qu'il lui consacre le livre premier,
presque tout entier^ du tome n de son Histoire du Diocèse et
des Eglises d'Agen, toujours manuscrit, et dont Toriginal
appartient ù M"*<* deBoéry, née Martinelly.
Sans parler d'Argenton, de Labrunie, de Saint-Amans,
c'est-à-dire de nos anciens annalistes, qui tous battent en brè-
che la plupart des opinions émises par La Bénazie, souvent à
tort, l'histoire de Saint-Caprais offre trop d'intérêt pour n'avoir
pas tenté bien des auteurs modernes.
C'est d abord l'abbé Barrère qui, dans son Histoire reli-
gieuse et monumentale du diocèse d'Agen lui consacra de
nombreuses pages. Puis vient l'abbé David, curé de la cathé-
drale, qui a écrit une Notice historique de l'ancienne église
collégiale de Saint-Caprais, parue dans le Calendrier ecclé-
siastique d'Agen pour 184?, sous de simples initiales où
Jules Andrieu a cru lire le nom de l'abbé Duzil, erreur qu'a
rectifiée M. l'abbé Marboutin C'est, enfin, M. l'abbé Du-
rengues qui, dans son Fouillé historique du diocèse d'Agen
pour Vannée 1789, écrit sur Saint-Caprais plus de quarante
pages. Il y discute ses origines anciennes, contemporaines
peut-être de la translation des reliques du saint dans la pre-
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— 394 —
mîère église du v« siècle, mais sans qu'aucun document for-
mel puisse rassurer, aucun titre authentique ne remontant
au-delà du xi« siècle. L'acte le plus ancien est une charte dé
1180 octroyée au Chapitre, par Henri If, roi d'Angleterre et
duc d'Aquitaine. Aussi ne peut-on affirmer que les deux Cha-
pitres d'Agen, de Saint-Etienne et de Saint Caprais, fussent
réguliers à un moment donné de leur histoire. S'ils le furent,
c'est à la règle de Saint Augustin qu'ils durent être soumis.
Mais dès la fin du xm« siècle, le Chapitre de Saint Caprais était
séculier et il l'est resté jusqu'à la Révolution.
M. Durengues rappelle ensuite sa fortune, l'autorité incon-
testable dont il jouissait au moyen-âge, les honneurs qui lui
étaient rendus, notamment par les nouveaux évèques, les
biens qu'il possédait, les terres dont il touchait les revenus
dans la juridiction d'Agen, comme au-delà, les services sur-
tout qu'il rendit si longtemps à la cité d'Agen.
« Gardien de nos saintes reliques, écrit-il, le Chapitre de
« SaintCaprais vit, aux siècles de foi, les" peuples accourir
« vers lui et, par leurs aumônes, augmenter ses richesses et son
« influence. Par suite, il semble avoir été parmi nous l'un des
« premiers et des principaux agents de la civilisation chré-
« tienne. Ce qu'il y a de certain, c'est que pendant trois cents
(( ans, il a seul, ou à peu près seul, pourvu à Agen à l'instruc-
(I tion de la jeunesse. A ce titre il mérite une reconnaissance
« éternelle. »
Nous ne suivrons pas l'auteur dans les détails qu'il nous
donne ensuite sur la composition du Chapitre, la liste des
prieurs, toujours d'après La Bénazie, les chapelles fondées dans
cette église, etc., etc.
Nous nous contenterons de rappeler avec lui que la tradition
veut que Saint Dulcide fit, le premier, bâtir une église en
l'honneur de Saint Caprais, au v* siècle, et que, comme prieur
de Sainte Foy, il y transporta, en grande pompe, les reliques
du saint.
Il est certain, du reste", qu'il existait, vers 580 déjà, une
basilique à Agen en l'honneur de Saint Caprais, puisque Gré-
goire de Tours écrit : « Didier, ayant rassemblé son armée,
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— ;»5 —
(( entra dans Pérîgueux, après avoir chassé le général Renaud;
*.et, ayant exigé des habitants le serment de fidélité, il
a js'avança vers Agen. A la nouvelle de la défaîte de son mari,
« réponse de Renaud, ne doutant pas que la ville ne fit sa
(( soumission au roi Chilpéric, se réfugia dans la basilique de
» Saint Caprais, martyr, d'où elle fut arrachée par les soldats
« de Didier, dépouillée de ses richesses et conduite à Tou-
« louse (1) ».
Mais jusqu'au xn^ siècle, nous ne savons plus rien de positif.
Cette première église résista-t-elle aux chocs des Sarrasins et
des Normands ? Fut-elle, au contraire, saccagée, démolie p :r
eux ? Et sur ses ruines éleva ton, l'orage passé, la basilique
actuelle ? Aucun document, sauf toutefois le testament- de
Raymond, marquis de Gothie, qui spécifie formellement Texis-
tence, en 961, d'une église de Saint-Caprais à Agen (2), ne
nous permet de nous prononcer catégoriquement sur cette
question. Toujours est-il que la partie la plus ancienne de
l'église actuelle ne date que de la seconde moitié du xii* siècle,
et, qu'à cette époque, elle était encore hors des murs.
Nous avons écrit déjà (3) que la plus ancienne enceinte
d'Agen, celle qui existait depuis le plus haut moyen-âge et qui
fut démolie en 1229 par ordre du Roi de France imposé au
comte de Toulouse, suivait, au nord, une ligne qui, partant de
la Porte de la Croix, près du couvent des Augustins, compre-
nait la Tour du Chapelet et aboutissait par la petite rue
d'Amour à la place Caillives et, un peu plus loin^ à la place
du Poids de la Ville, d'où elle se dirigeait, à angle droit, vers
le sud. Cette face nord comprenait la porte de la Petite Bou-
cherie, à l'extrémité des Cornières actuelles et la porte de
l'Hôpital. Saint-Caprais était donc, avant le. xiii^ siècle, hors de
cette enceinte.
Cependant, dès 1229, lors de sa démolition, et surtout dans
la seconde moitié du xiii* siècle, lors de la construction rapide
(1) Grégoire de Tours. Histoire fr., livre vi, chap. 12.
{i) fJisioire tlu Laïujuedor^ tome m.
(3) Voir LcA fCnceintc-i sucrci*sices ^/'^/yt'/i, 1894.
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- 396-
de l'enceinte de transition qui incorpora les faubourgs Saint-
Georges à l'ouest et Lassaigoe à lest, il semble que Téglise
de Saint-Caprais, contrairement à celle de Saint-Phébade et
de Sainte-Foy, ses voisines, ait été déjà englobée dans l'en-
ceinte de la cité, cette enceinte, reportée vers le nord, étant
limitée par la porte du moulin de Saint-Caprais, pour'revenîr
brusquement à la porte de l'Hôpital. Pourquoi cette adjonc-
tion ? C'est que les Agenais professaient de tout temps un
véritable culte pour leur patron Saint Caprais, et qu'ils
tinrent à incorporer, le plus tôt possible, son église dans
leurs murs, afin de la mettre, avec les précieuses reliques
qu'elle possédait, à l'abri d'un coup de main, d'unpillage, d'un
incendie, d'une profanation quelconque, toutes choses trop (rér
quentes hélas I en ces siècles de fer.
A partir du xni" siècle, les documents abondent sur l'his-
toire de Saint -Caprais d'Agen. Nous ne signalerons, et encore
très sommairement, que les plus importants.
Le 22 juillet 1263, une grandiose cérémonie se déroula sous
les voûtes de^Saint-Caprais. Guillaume, évêque de Lidda ou de
Diospolis, en Palestine, nommé àTEvèché d'Agen, y fit son
entrée solennelle. « C'est la première entrée solennelle de nos
« évoques, écrit Labrunie,dont nous possédions l'acte dans nos
archives. En voici la traducti(»n littérale :
« Lorsque TEvêque d'Agen, nouvellement sacré, y vient
(( pour la première foiç, il descend devant la porte de Saint-
« Caprais d'Agen, où il est reçu en procession. Cela fait, on
(( le place sur une chaise spécialement destinée à cet usage,
« devant l'autel de Saint-Caprais ; et de là il est porté sur leurs
i cous et sur leurs bras par les nobles seigneurs de Clermont-
« Dessus, du Fossat, de Beauville, de MadaîUan etdeFumel,
« depuis l'autel de Saint-Caprais jusqu'aux portes de l'église
« de Saint-Etienne. Il y célèbre de sujte la messe solennelle
(( et tient sa cour le même jour. Le lendemain, il reçoit les
< hommages et les reconnaissances des fiefs de ses vassaux.
« Et nous, Guillaume, ancien évêque de Lidda, à présent
<« évêque d'Agen, l'an du Seigneur 1263, le dimanche, fête de
« Sainte Marie-Madeleine, le 11™° jour avant les Calendes
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— 397 —
< d'août, avons été porté en la manière et en la forme près-
« crite par les susdits barons ; et, le lendemain lundi, avons
X reçu les hommages que chacun d*eux nous a rendus en per-
ce sonne, en nous faisant serment de fidélité et de nous défen-
« dre nous et les nôtres (1) ».
Cet usage était fort ancien. Il ne fut aboli qu'en 1492, année
où, le 28 octobre, Léonard de La Rovère y fit son entrée. Les
quatre barons, qui le portaient, s'étant disputés pour une ques-
tion de préséance jusqu'à dégainer leurs épées, quatre archers
du Sénéchal, nous apprend La Bénazie, les remplacèrent et
portèrent ce prélat jusqua la cathédrale Saint - Etienne,
w Depuis ce temps-là nos évéques s'y sont transportés eux-
mêmes. » Mais l'obligation de se rendre d abord à Saint-Ca-
prais leur fut toujours imposée, afin de promettre aux chanoi-
nes de protéger leurs perosnnes, de conserver leurs immunités
et de recevoir des mains du prieur la mitre et la crosse.
Cinq ans plus tard,' le 14 octobre 1268, procuration générale
était donnée par Pierre, prieur de Saint-Caprais, à Fors San-
che, chanoine de Sos, pour le représenter dans toutes ses
affaires. Cet acte ne mérite d'être signalé que parce que Tori-
ginal contient le sceau du prieur. Il est de forme ovale, en cire
jaune, sur double cordelette de fil ; et il représente, au droit
un évêque mitre, entouré de la légende S. PETRI, priORIS.
S.CA,.... (2).
En 1299, des meurtres sacrilèges furent commis dans l'église
Saint-Caprais. Deux hommes y furent tués. Ce qui occasionna
un long procès entre le Chapitre et la municipalité, celui-là
accusant les Consuls d'y avoir prêté la main, ces derniers se
justifiant d*une telle accusation et obtenant, après de longs
pourparlers, une transaction en vertu de laquelle ils sont
dégagés de toute poursuite par Tévêque de Soissons, l'archi-
diacre de Lisieux et le sénéchal de Toulouse, mais doivent
néanmoins payer au Chapitre une somme de 500 livres à titre
d'indemnité. Ce procès dura plus de dix ans. Toutes les piè-
(1) Abrégé chronologique, p. 66.
(2) Archives municipales d'Agen, GG, 178.
2«
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— 398 —
ces en ont été publiées par MM. Magen et Tholin, dans leur
Recueil de Chartes agenaises (1). •
Les Jurades de la ville d'Agen, de 1345 à 1355. contiennent
de nombreux documents sur les faits et gestes du Chapitre de
Saint-Caprais pendant ce laps de temps, et aussi sur le mou-
lin de Saint-Caprais, attenant à Téglise. Ils n'offrent aucun
intérérét particulier (2).
Le Chapitre de Saint-Caprais, avons-nous dit, avait, au
moyen-âge, presque exclusivement dans Agen le monopole de
l'enseignement. Lorsque, dès la fin du xv« siècle, il fut démode
de créer des écoles libres en ville, il s'arrogea le droit de nom-
mer lui-même les régents et de fixer leur salaire. En 1493,
Frère Charles Verdun, cordelier, de mœurs peu édifiantes,
fut nommé par le Chapitre pour diriger les écoles d'Agen.
Léonard de La Rovère, qui venait de monter sur le trône épis-
copal de cette ville, le destitua de sa propre autorité et le rem-
plaça par un certain Jean Largus. « Mais Charles Verdun,
« nous apprend Labrunie, aidé des gens ses alliés et ses com-
« plices, battit les écoliers et chassa le pauvre Largus », fait
qu'approuva le Chapitre, « qui appela de l'ordonnance de
(' l'Evêque, et se maintint longtemps encore dans la possession
« des écoles et dans le droit de régler le salaire des maîtres,
« quoiqu'il ne contribuât en rien à les payer (3) ».
De grandes réparations furent faites à l'église Saint-Caprais
en ce commencement du xvr siècle. La nef fut achevée et l'ins-
cription, déjà citée par nous, placée sur la clef de voûte de la
dernière travée, et portant la date de 1508, commémora cet
événement.
Le dimanche 13 octobre 1566, Saint-Caprais était en fête.
On y rapportait processionnellement «les saintes reliques, cap-
« ses d'argent de Monsieur Sainct Caprasy et de Madame
« Saincte Foy, et plusieurs autres reliquaires, calices, croix,
[Vf Voirn" cxiv, cxvi, cxvii, cxxvi, cxxviii, cxxix, cxxxi, xcLii, et Archi-
ves municipales FF, 131 ci GG, 178.
(2) Jurades de la cille d'Agen, par A. Mgen. Voir, h la table , aux mots :
Sanrtus Caprasius ; Chapitre, Eglise, Moulin.
|3) Abréffé chronologique^ pp. 90,91.
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— 399 -
« encensoirs, le tout d'argent et surdorés », qui avaient été
cachés depuis Fan 1562 au manoir de la Lande, appelé Lamo-
the-Cantal, et qui appartenait au chanoine de Lalande, et ce
« par la fureur et la cruauté des Huguenots qui^ en ladite
« année 1562, pillèrent, emportèrent et dérobèrent les chas-
(( ses des églises d'Agen pour en faire des testons et dresser la
« guerre civile contre les gens d'église et les catholiques ».
Et Labrunie ajoute : « Nos cathédraux ne furent pas si heu-
« reux, ni si adroits que leurs rivaux. Ils ne purent ou ne
« surent rien metttre à couvert. Je crois que la Collégiale, mai-
re gré ses précautions, perdit alors le corps de Saint Caprais.
« Du moins n'est-il pas fait mention, dans la translation que
« je viens de transcrire, de la grande chasse qui contenait, (en
« 1511), ses reliques (1) ».
Ces précieux objets furent- ils de nouveaux pet^dus en partie
pendant les troubles religieux qui suivirent ? Toujours est-il
qu'ils sont à peine mentionnés dans le procès-verbal de la
visite que fit à Saint-Caprais, le 21 avril 1592, Mgr de Vil-
lars. A la sacristie, en effet, cet acte ne relate que « deux reli-
« quaires, en Tun desquels ont été trouvés sept ossements avec
« un cartel d'assez fresche lettre, savoir de Saint Caprasy,
« Saint Antoine, Saint Tomas. Saint Martin, Saint Genifort,
« Saint Julien, Saint André. Dans l'autre reliquaire, une des
« Saintes Epines de la Couronne de N. S. enchâssée en
« argent, et une dent qu'on ne m'a su dire de qui elle pour-
< rait estre. Aussi une croix d'argent doré, assez ancienne, où
« on m'a dit y avoir de la Sainte Croix. Elle a été réparée
« depuis par le chapelain, et aussi le vase où était la Sainte
« Epine. » Le procès-verbal continue par la description détail-
lée des chapelles, des autels qu'elles contiennent, du cloître,
de la chapelle capitulaire, du cimetière, enfin du clocher où se
trouvaient « cinq cloches assez grosses, dont Tune était rora-
> pue (2)».
Durant presque tout le xvii® siècle, la question de l'épiscopat
(1) Abrégé chronologique, pp. 108, 109.
(2) Archives départementales de Lot-et-Garonne, G. I. — Cf. Ai"chives de
l'Evêché. Procès- verbaux de Visites des Evoques.
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- 400*-
de Saint-Caprais passionna le monde religieux d'Agen. Les uns,
comme le chanoine Antoine Lescazes, soutenaient que le saint
martyr avait été le premier évêqued'Agen, les autres, comme
le théologal Pierre Saulveur, lui déniaient ce titre et se refu-
saient obstinément à l'inscrire sur la liste épiscopale. D'inter-
minables mémoires furent écrits sur cette question ; des
discours fameux . prononcés par ces deux personnages ,
amenèrent de véritables émeutes et provoquèrent de nombreux
sciindales. Les Consuls s'en mêlèrent. Ils envoyèrent à Bordeaux
l'un des leurs, Jean de Singlande, avocat, pour solliciter du
cardinal de Sourdis une ordonnance, adjugeant à Saint
Caprais le titre d'évêque, ordonnance qui fut rendue par crainte
d'un soulèvement du peuple, et à la suite de laquelle il fut
décidé qu'on chômerait désormais le jour de la fête de Saint
Caprais.
Mais Saulveur s'obstinait toujours. Il fit casser cette déci-
sion, ce qui porta à son comble la fureur de ses adversaires.
Ils la lui firent bien voir le jour où, chargé de prononcer le
sermon des S. S. Innocents, il voulut, le 28 décembre 1622,
monter dans la chaire de Saint-Caprais. A peine commençait-
il son discours que l'organiste fit chanter les orgues ; ce qui
provoqua un tel vacarme, les cris de la plupart des auditeurs s'y
étant mêlés, que l'orateur dut abandonner la partie et descen-
dre de sa chaire, « au risque, écrit Labrunie, de se casser le
« cou, le Chapitre collégial ou quelqu'un de ses suppôts,
ayant enlevé le marchepied qui servait pour y monter (8) ».
Cinquante ans après, la question préoccupait tellement l'opi-
nion que de nouveaux troubles éclatèrent dans Téglise Saint-
Caprais, le jour de la Fête-Dieu, à l'occasion du sermon pro-
noncé par le prédicateur. Ce qui amena un nouveau conflit
entre l'Evêque et les Consuls par suite de l'interdiction de
ladite prédication (2).
Le Chapitre de Saint-Caprais du reste et la municipalité
agenaise ne s'entendirent jamais, cherchant toutes les occa-
(1) Ahréfié rlironoliffiquc, p. \^^-
(2) Archives municipales, BB, 61.
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- 401 —
sions de s'être désagréables. C'est ainsi, qu'entre autres nom-
breux actes qu'il serait trop long de citer ici, les chanoines
intentèrent, en 1702, un procès à deux Consuls, dont M. de
Singlande, qui, pour opérçr une arrestation dans leur église,
avaient fait entrer pendant l'office le capitaine du guet avec
des archers (1).
Dès 1790. la Révolution supprima les deux chapitres de
Saint-Etienne et de Saint-Caprais,
Trois ans après, l'église Saint-Caprais était fermée et les
cloches, « il y en avait quatre, écrit Proche, à peu près de la
« même grosseur que celles de Saint-Etienne, descendues de
« la même manière, c'est-à-dîre quelles furent cassées et
« jetées sur la place » (2).
Lors de la réouverture des églises, deux ans après, Saint-
Ililaire et Saint-Caprais furent les premières dans Agen où
purent pénétrer les fidèles.
Le 17 octobre 1802, Mgr Jacoupy, nommé évêque d'Agen
le 17 juin et sacré à Paris le 18 juillet, fut installé solennelle-
ment dans l'église Saint-Caprais, « en présence de toutes les
« autorités constituées et d'une foule immense de peuple qui
« était accourue des villes du département pour voir cette
« auguste cérémonie. Conformément aux intentions du gou-
« vernement et au vœu de tous les citoyens, on lui donna
ft toute la pompe et la solennité dont la ville d'Agen était
« susceptible & (3).
L'année suivante, le 20 octobre, la vieille Collégiale age-
naisesuccédait comme Cathédrale à Saint-Etienne en ruines.
« Elle prenait officiellement ce titre sous le vocable de Saint-
« Etienne, patron du diocèse.» (4). Malgré cette décision, c'est
le nom de Saint-Caprais qu'elle a toujours continué de porter.
A dater de ce moment, il n'est pas une année jusqu'à la
fin de 1815, où les voûtes de Saint-Caprais n'aient retenti du
chant du Te Deum, à l'occasion d'abord des victoires impé-
(1) Archives départementales, B, E73.
(2) Annales de la cille d'Agen^ p. 40.
13) Iffem, p 93.
(4) Idem, p. 94.
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— 402 —
riales, puis du rétablissement des Bourbons et de la fête du
Roi (1).
Dès 1816, de nouvelles réparations furent effectuées à la
Cathédrale. Nous avons déjà dit au commencement de ce
chapitre que le mur qui clôturait, à Test, le vieux cimetière,
fut alors démoli et ce vaste local utilisé pour y établir le
marché de bois à brûler. La Cathédrale fut aussi reblanchie à
Tintérieur pendant les mois d'octobre, novembre et décembre
de cette année 1816. « L'autel de la paroisse, à côté de la
« chaire, dédié à Notre-Dame, a été fait à neuf dans les mois
« de mars et avril 1817. Le devant d autel et les autres orne-
ce ments en marbre sont faits par le sieur Galinié, sculpteur,
(( et la peinture par le sieur Rigal, d'Astaffort, italien d'ori-
« gine ». A cette page de Proche Magen ajoute une note des
plus ironiques et des plus piquantes sur le talent très contesté
de ce soi-disant peintre (2).
Autrement plus artistiques et dignes d'être consignées ici
sont les belles peintures, exécutées dans le chœur vers le mi-
lieu du dernier siècle par M. Bézard, et qui représentent sur
grands panneaux correspondants aux cinq pans de l'abside, à
droite et à gauche du panneau central où se voient le Christ
bénissant et au-dessous la Vierge Marie, le martyre, et^ au-
dessus, l'apothéose des Saints de TAgenais , Saint Caprais,
Sainte Foy, Saint Prime et Saint Félicien. Les chapelles la-
téiales, ainsi que les piliers du transept sont également déco-
rés de sujets tirés des Saintes Ecritures. Les voûtes du
transept et de la nef sont ornées de dessins de fond. L'en-
semble est des plus heureux. Par leur facture, leur dessin,
leur coloris, ces peintures ne rappellent-elles pas les fresques
suaves de Flandrin à Saint-Germain-des-Prés, et n'attestent-
elles pas une fois de plus combien la peinture murale s'est de
tout temps harmonisée avec le style roman ?
Ph. Lauzun.
(1) Annales cfe la cilla d'A()en, p. 15«, 161, 165, 170, 181, 195, 223, 236, 267, etc
(2) Idem, p. 275.
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RIVES
. Rives.— I[. L'Eglise de Rives. — III. Prieurs de Rives. .— IV. Curés de
Rives. — V. Chapellenie familiale de Rives.
I. La commune cl paroisse de Rives [Lot-et-Garonne] d'une
étendue de 1,279 hectares pour 461 habitants, sur la rive droite
du Dropt, était à l'origine du diocèse de Périgueux qui fournit
en 1318 [1317 v. st.] le territoire du diocèse de Sarlat. Elle ap-
pai;tenait à l'archiprêtré ou doyenné de Capdrot, doyenné
transféré à Monlpazier en 1490. Pour le civil et le criminel elle
relevait, comme ses voisines, du consulat et bailliage de Mon-
tréal de Biron qu'on appelait aussi Royaulmont [Le Rayet].
Montréal avec ses dépendances fut uni, en 1305, au consulat
et au bailliage de Villeréal et à la sénéchaussée d'Agen. (Mo-
nographie de Villeréal.)
La réorganisation des territoires en départements et com-
munes, opérée en 1790, les comprit dans le département de
Lot-et-Garonne ; la réorganisation des diocèses, en 1802, les
fit entrer dans le diocèse d'Agen.
IL A cinq cents mètres de Villeréal, sur la route d'Issigeac,
couronnant un humble monticule jadis fortifié qu'entourait un
fossé de défense large et profond s'élève l'église Saint-Pierre
de Rives, ancienne chapelle d'un prieuré bénédictin.
L'église paroissiale était autrefois à un kilomètre plus loin,
au bord de la roule du Rayet, dans l'angle, à droite, formé par
le croisement du chemin de Cauffet à Pradagé. Les fonde-
ments ont été enlevés vers l'année 1880; plusieurs pièces de
monnaies y furent trouvées, dit-on; elles ont malheureusement
disparu sans avoir été examinées et étudiées.
Cette église fut démolie en même temps que le prieuré du-
rant les premières guerres de religion. Placé en avant-poste, le
prieuré dut être pris avant Villeréal dont les Calvinistes s'em-
parèrent en 1569 et 1572. Les assaillants durent laisser bon
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nombre des leurs dans le combat : de nombreux ossements
déposés sans ordre dans le champ, en face de 1 église, témoi-
gnent d'un ensevelissement précipité.
La chapelle du prieuré, refaite sans art, devint l'église pa-
roissiale. Il ne reste de Tancienne construction que la grande
abside et Tabsidiole de droite, privées de leur voûte. « Leur
style est celui du \if siècle. La décoration de la grande abside
est remarquable. On y voit deux étages d'arcatures extrados-
sées. Celle du rez de chaussée a 10 arcades sur 11 colonnettes,
Tautre 9' arcades sans correspondances avec celles d'en bas.
Parmi les supports de ces dernières se trouvent deux colonnes
géminées ; trois fenêtres sont ouvertes dans l'étage supérieur,
l.n cordon de petites billettes court entre les arcatures. Les
chapiteaux sont d'un bon style : trois sont historiés, les autres
sont ornés d'entrelacs variés et de volutes diversement combi-
nées, rappelant les œuvres de ferronnerie. La flore a fourni
quelques motifs délicats : des feuilles de charme, des roses,
des pommes de pin. Les abasques sont décorés de perles et de
pointes de diamant. A l'extérieur, les contreforts à deux res-
sauts sont unis par des arcatures. Quelques fragments de
sculptures d'un édifice remontant peut-être aux premiers siè-
cles du môyen-âge ont été utilisés dans cette construction. »
(G. Tholin, archiviste : supplément aux Etudes sur Varchitec-
tare religieuse de VAgenais, 1883.)
Il reste de l'ancienne nef deux grands chapiteaux ; le mieux
conservé, orné d'entrelacs perlés, fut encastré au-dessus de la
porte de l'église, lors de la reconstruction ; un autre, déposé
dans l'avenue, présente deux moines en robe et manteau dans
deux arcades cordelées que supportent des colonnettes roma-
nes ; les gémeaux garnissent la troisième arcade.
Le prieuré de Rives dépendait de l'abbaye d'Aurillac, fondé
par S. Géraud comte d'Auvergne, né en 850, mort le 13 octo-
bre 920 (1). Gomme le monastère d'Aurillac, le prieuré de
(1) Les armes du bon comte devenues celles de Tabbaye étaient mi-partie
d'or à l'engrclure de sinopic en chef, et de sinople à Tengrelure d'or tout
autour, écusson unique en France. {Histoire générale de VAuvcrfjnCy par
M. le président André Imberdis. I. 275.)
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Rives était sous le vocable de S. Pierre. Etait-il du même
temps ? A défaut d'autres documents les fragments de sculp-
tures dont parle M. Tholin permettent de le supposer. Les im-
menses possessions dont le bon comte avait doté son monas-
tère, s'étendaient dans le Périgord et en bien d'autres contrées.
Le prieuré de Rives est mentionné dans une bulle de Nicolas
IV donnée en 1289, en faveur de l'abbé et des religieux d'Au-
rillac (Cantal).
<( Xous accueillons favorablement vos justes demandes et
nous recevons sous la protection du bienheureux Pierre,
apôtre, le monastère d'Aurillac, propriété immédiate de
l'Eglise romaine, ainsi que ses possessions... dans le diocèse
de Périgueux, le monastère de Fontgaulfier avec les prieurés
el membres qui en dépendent, les prieurés de Saint-Privat,
de Saint-Paxence, de Rives (de Hippis) et de Saint-Front, avec
les églises appartenant à ces prieurés et leurs dépendances...»
IIL Les noms de quelques prieurs de Rives sont parvenus
jusqu'à nous :
l. 1319. — Guallard de Caslelnaud, prieur du prieuré de
Rives, diocèse de Sarlat, institue ses procureurs ordinaires et
extraordinaires M** Pierre de Moychet, recteur de l'église de
Rives; frère Gui de Coucous, moine, et Hélie de Pierre, clerc,
par acte fait à Rives le 15 juillet 1319, en présence des témoins
M" Gervais de Lesmaries, Pierre de Cagnac, Vital de Pêne,
Jean de Seguin, Guillaume Blanc el Aymeric Tallefer, notaire
public d'Agen. <( Religiosus vir dominus Guallardus de Cas-
Ironovo, prior prioratus de Rippis, Sarlatens diocesis consti-
luil.... procura tores suos ordinarios et exlraordinarios domi-
num Petrum Moycheti rectorem ecclesie de Rippis, fratrem
Guidonem de Ocous monachum, Heliam de Petra, clericum,
quos.... Actum apud Rippis XV die introitus Julii, anno do*
mini M. CCC. XiX. Testes magisler Gervasius de Lasmarias,
Petrus de Canhaco, Vilalis de Pena clericus, Johannes Se-
guini, Guillelmus Blanc et ego Aymericus Tallafer, publicus
notarius Ageni. » (Arch. dép. Lot-et-G. F. suppl. 3912.)
Ce texte montre que, à cette date, l'église paroissiale était
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distincte du prieuré, et que le prieuré était entre les mains des
religieux.
2. XV* siècle. — Bertrand de Clarens, révélé par son sceau
qui était en 1886 entre les mains de M. Carré, pharmacien
à Bergerac. Ce sceau, dont le propriétaire donna plusieurs
empreintes en cire rouge, est en cuivre de fonne ronde ; son
diamètre de 33 millimètres, son écusson triangulaire à la
bande de sable, à la bordure chargée de huit étoiles ; il porte
en légende S. Bertdi de Clarens poris de Rippis. Il est men-
tionné dans la sigillographie du Périgord, au titre Clergé ré-
gulier, n"* 431 ; il est indiqué comme remontant au xv* siècle.
3. 1512. — Messire Nicolas de Tournemire ; son terrier fut
commencé en 1512 et fini l'année suivante devant DéceiTo,
notaire.
4. 1640. — Mcssirc Anthoine de Nouaillcs. Par bail du
4 juillet 1640, M. Durand Montagne, prêtre et recteur de la
ville et paroisse de Monsempron en Agenais, procureur fondé
de messire Anthoine de Nouailles, prieur du prieuré de Ribes,
demeurant aux faubourgs Saint-Michel les Paris, à la maison
du Soleil d*Or, afferme et arrante tous et chacun, les droits
appartenant au prieuré dudit Ribes, et ce pour un an, moyen-
nant la somme de 500 livres ; plus la quantié de quarante sacs
de bled froment à payer à M* Jehan Gontié, curé de Ribes ;
plus la pension que le prieur de Ribes doit payer à Messieurs
du Chapitre d'Aurillac : et aitssi les deniers et décimes
qui sont ou seront imposés la présente année sur le prieur.
(Rives.)
5. 1663. — Messire Pierre de Fumel (habitant au lieu de
Cavarc), prieur du prieuré S. Pierre de Ribes, afferme les
fruits et dixmes du prieuré de Ribes pour 10 ans, moyennant
le prix et somme de 1010 livres pour chacune des dites an-
nées ; et en outre le fermier payera au curé de la paroisse,
annuellement, 40 sacs de bled froment pour sa pension an-
nuelle. (Rives).
Dans ce bail n'est pas mentionnée la pension due au Chapi-
tre d'Aurillac ; elle est donc comprise dans la somme de 1010
livres, somme double de la précédente afferme, ce qui indique
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que le montant de cette pension était de 500 livres, ou encore
de la moitié du fermage.
Le terrier de noble Pierre de Fumel, commencé le 7 no-
vembre 165G et fini le 23 avril 1657, fut fait devant Rouzières
et Lantourne, notaires royaux. (Rives).
G. 1690. — Messire Arnaud de Gordièges. Son terrier, com-
mencé le 20 novembre 1692, fut fini le 1" mars 1693, devant
Conche. Une note, sans date ni signature, porte : les messieurs
de Mazières ont joui pendant cinquante ans le prieuré de
Rives sans qu'ils aient rien donné pour l'église. (Rives). Les
messieurs de Mazières étaient les Gordièges.
7. 1740-1763. — Jean de Constantin, dit Pechegul, nom
d'une terre sise en Périgord. Chapelain dès l'année 1697 de la
chapelL* familiale créée par Jean Villeréal frère de sa mère ;
prêtre vers l'an 1700 ; curé (1713-1734) de Villeréal où il fut
remplacé par Marc de Constantin, auquel il survécut 3 ans.
Par acte du 21 novembre 1754, messire Jean de Constantin,
abbé de Pechcgut, seigneur prieur du prieuré S. Pierre de
Ribes, habitant Villeréal, baille, devant Malespine notaire
royal, à titre de ferme et vente de fruits, pour neuf années, à
sieur Louis Toilhe bourgeois négossiant de la ville de Mon-
flanquin « tous et chacuns les fruits et revenus décimaux ap-
partenant et dépendants de son prieuré de Ribes qui ont cou-
tume de se lever dans lad. paroisse, consistant en bled fro-
ment, meture, seigle, orges, baillarges, avoines, pailles, vin,
lin, chanvres... cens, rente et droit d'acapte soit en argent
soit en bled froment ou melures et avoines appartenantes aud.
prieuré, tant connues qu'inconnues, situées dans lad. paroisse
de Ribes, Villeréal et S. Etienne et autrement en quel lieu et
place qu'elles soient sises et situées tant sur moulins qu'ail-
. leurs... aussi le quart des lods et ventes de toutes mutations
qui arriveront dans le cours du présent bail... seront tenus
les preneurs donner sur la dime, annuellement, à M. le Curé
de lad. paroisse, la quantité de cinquante cinq sacs de bled
froment et une paillère et partageront avec lui la dime verte
à l'exception du vin. Et ce pour le prix de treize cent cinquante
livres pour chacune des neuf années et par dessus les réserves
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ci-dessus ; les preneurs s'obligent à payer en deux pactes
égaux le premier à Noël et l'autre au jour de la feste de Saint-
Jean. »
Par acte du 8 juin 17(33, devant Lestang notaire à Villeréal,
noble Caliste Moleiiier de Trélons, écuyer, subroge en son
lieu et place Martial Taurel, munier habitant du lieu de Lafa-
ge basse paroisse de Parisot, son moulin de Pradagé, situé sur
le ruisseau du Dropt avec tous les accoutrements, baptisments
et preds et dépendances, y compris sept cartonnais ou environ
de; pred, délaissés aud. sieur Trefons avec led. moulin, apar-
lenances et dépendances, par messire Jean de Constantin,
écuyer, seigneur prieur de Ribes, par contract à rante consti-
tuée au revenu de trois cents livres, déclarant que led. moulin
et apartenances relève du prieuré de Ribes...
Son terrier, devant conche, commencé le 25 juillet 1755, fut
terminé le 25 octobre 1762. Son codicille, clos le 27 juillet 1763,
fut ouvert le 14 octobre suivant.
8. 1763-1772. — Claude Pellissier, docteur en théologie,
curé de Villeréal de 1760 à 1772, fut prieur de Rives après Jean
de Constantin, devint, en 1772, chanoine de Sainl-Caprais
d'Agen où il résida. Procureur fondé, 15 mars 1772, de Vin-
cent d'Arches, prieur de Rives, il reçut, en son nom, devant
Martinet notaire royal, le 20 novembre 1775, les reconnais-
sances des tenanciers ou emphytéotes de Rives. En 1789,
Claude Pellissier, chanoine de Saint-Caprais d'Agen et chape-
lain de Roussel [ ou Rousselle, Rousserre, Notre-Dame de
Rosserre, près Laplume, bénéfice sans charge d'âmes], vota
à Agen pour les députés aux Etats Généraux, en son nom et
au noni de M. Pourchef, curé de Tourliac et pour M. Vergues,
curé de Clairac.
9. 1772-1779. — Vincent d'Arches, trésorier de l'église pri-
matiale Saint-André de Bordeaux, y demeurant. I^s lettres
de terrier, données par le roi le 8 février 1775, furent publiées'
le 27 mars suivant, à l'audience de la Cour sénéchale d'Age-
nais. (Rives.) Il semble que Vincent d'Arches ne fut pas le der-
nier prieur de Rives. On lit dans un acte fait, le 7 avril 1786,
(levant Albre notaire royal ; (( Vente par noble Pierre De-
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champs de la Mothe et sa mère dame Marie Valadié, habitante
du village Descayroux, paix)isse de Saint-Etienne, moyen-
nant le prix et somme de quatorze cent vingt livres seilze sols,
huit deniers, de une pièce de terre, vigne et pred, le tout joi-
gnant et contigu, au lieu appelé à la Renardière, paroisse de
Saint-Etienne, de la contenance de douze cartonnats, sept
boisselats, trois escats, à Pierre Lavergne, maître menuisier
et Françoise Dubourg, conjoints, lesquels en payeront dors en
avant les impositions royales et la renie à M. Dudon et au
prieur de Rives... Par délégation des vendeurs, les acqué-
reurs en ont compté mille deux livres, deux sols, six deniers,
aux sieui^ Fenéol Martin Laborie et M** Joseph Malespine
notaire royal, anciens fermiers dud. prieuré de Rives pour les
années mil sept cent cinquante-cinq jusques et y compris mil
sept cent soixante-trois... encore pour les années mille sept
cent quatre-vingt jusques et y compris mil sept cent quatre-
vingt-cinq... encore, comme arrérages de rente à eux cédés
par bail et pour la portion qui compete Tabbé Darche, prieur
dud. Rives, pour les années mil sept cent soixante-douze jus-»
ques et y compris mille sept cent soixante-dix-neul.,. encore
compris la somme de cinquante-deux livres pour le quart des
arrérages de rente qui étaient dus à M. l'abbé Pélissier, ancien
prieur dud. Rives jusques à l'année 1772. » (Rives.)
D'après cet acte il semble que V. Darches n'était plus prieur
de Rives après 1779. De plus, V. d'Arches figure sur les regis-
tres des élections de 1789, comme chapelain de Caries. (Arch.
dép. de Lot-et-Garonne.)
IV. 1591-1055. — Jehan Gontier. Son dernier acte est du 26
septembre 1655. « Le trente septembre, Jean Gontier, prêtre
et curé de la paroisse Saint-Pierre de Rives, est tombé malade;
il n'a plus rempli les fonctions de recteur; il est mort peu après
âgé de près de quatre-vingt-dix ans, ayant été curé de Rives
pendant soixante-quatre ans, ce qui est à noter. » [Acte mor-
tuaire en latin]. Il fut enseveli dans l'église le 26 octobre 1655.
Les 25 novembre et 2 décembre 1612, Jean Gontier réunit
les paroissiens, à l'issue de la messe, devant la porte de Tégli-
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se, en présence du notaire Giraudel, pour obliger Jehan Du-
bois, collecteur du luminaire, à lui fournir des flambeaux ou
chandelles pour l'administration du Saint Sacrement aux ma-
lades, disant sa résolution de porter plainte à Tévêque de Sar-
lat. Les parroissiens firent droit à sa demande.
N'ayant pas de logement à Rives, Jean Gontier alla demeu-
rer chez M. Gardes, à Villeréal, en 1614, moyennant une pen-
sion annuelle de cinquante écus pour le logement et la nourri-
ture.
Dans les années 1631 et 1632 la peste fit tant de victimes
qu'il fallut les enterrer dans les champs; cinq ans après, leurs
ossements furent transportés dans le cimetière de la paroisse,
en présence d'un nombreux clergé.
Jehan Gontier obtint, 13 mai 1631, un jugement de la Cour
de Villeréal contre Bernade Delvit veuve de Laurent Mansart.
Elle fut condamnée à laisser le curé de Rives actuel et ses suc-
cesseurs prendre de l'eau à son puits pour le service de l'église
et leur particulier. La veuve avait obtenu du curé les pierres,
dont il y avait un grand las dans le cimetière, pour bâtir son
puits en échange de la promesse d'accorder aux curés de Rives
le puisage; une fois le puits construit elle refusa celte servitude
sous prétexte qu'elle n'avait pas le droit de porter tort à ses
enfants mineurs. L'évêque de Sarlat, Jean de Lingendes, fit
une visite à Rives, en 1644; il donna, à la date du P' juin, une
ordonnance où nous lisons : 1** Le sanctuaire et l'église seront
lambrissés aux frais des paroissiens pour les 2 tiers, et du curé
et du prieur pour l'autre tiers: 2° Un presbitère sera fait aux
frais des paroissiens, dans un an, aussi proche de l'église qu'il
se pourra; en attendant ils en loueront une commode pour
loger le curé (1); 3" Un calice d'argent et un vaisseau de cuivre
blanchi en dedans avec son couvercle ; 4° Il y aura des livres
reliés pour inscrire les baptêmes, mariages, communiants et
(1) Le presbytère fut construit la même année avec des pierres provenant
d'un ancien édifice ; le grand las qui existait dans le cimetière provenait de
cet édifice, le prieuré démoli pendant les guerres, sans doute ; elles sont
équarries, quelques-unes ont des fragments de moulure.
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mortuaires; 5** Défense de permetlrê aucun banc ni sépulture
dans Téglise sans titres authentiquçs visés par l'évéque ; 6** Dé-
fense de publier aucune annonce, ni de célébrer aucun mariage
entre personnes de diverses religions qu'auparavant l'héréti-
que n'ait profession de la religion catholique et reçu l'absolu-
lion de son hérésie ; 7° Le cimetière sera fermé de bonnes mu-
railles aux despans des parroissiens. » Ces murailles ne furent
pas faites, ce qui aurait été difficile dans un pays dépourvu de
pierres; un fossé large et profond creusé ou restauré, facile à
remplir d'eau, et qu'on surnomma vivier, enferma le cimetière,
c'est-à-dire tout le terrain environnant l'église; le presbytère
fut construit la même année, 1644, appuyé à l'église, au midi,
avec des matériaux provenant d'anciennes constructions. Le 3
juillet 1649, Nicolas Sevin, successeur de J. de Lingendes, en
cours de visite pastorale, ordonna de creuser une fosse avec
une grille de bois à l'entrée du cimetière pour empescher que
les bestes n'y entrent, avant la Toussaint, à faute de quoi et
ledit délay, passé inhibition au sieur curé d'y enterrer per-
sonne, ce à peine d'interdiction. {Registres à la mairie de Vil-
leréal.) Jehan Gontié concéda le droit de sépulture dans son
cglise, moyennant certaines conditions utiles à la paroisse, à
Guilhem Dellart, le 21 mai 1645, à Jean Vaysset le 11 novem-
bre 1645, à Pierre Léotard, du lieu de Ricard, le 7 février 1645,
à Hélias Giraudel le 5 novembre 1645.
2. 1655-1670. — Anthoine Martinet était curé de Rives à la
mort de son prédécesseur ; il concéda, 2 juin 1667, droit de
banc et de sépulture à Jean Roïex, du lieu des Jouandous; il
fut aidé les 3 dernières années de sa vie, par ses vicaires Alric
et de Rivo, et par le clergé de Villeréal.
3. 1()70-1691. — Pierre Vigier. Pendant son magistère, son
paroissien, noble (iaspard de Brajac, escuyer, sieur de Lon-
jaigues, habitant du lieu de Fontrives, fit son testament, 20
octobre 1687, devant Marceron notaire de Villeréal. Il ordon-
ne que son corps soit ensevely dans l'église, au tombeau qu'il
V a; que son héritière donne cent livres en tout aux pauvres qui
assisteront à son enterrement, octave et bout de Tan; il lègue à
l'église de Rives dix livres pour l'entretien du grand autel,
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somme à payer annuellement par ses héritiers tant que le
monde sera, à condition que le sindiq soit tenu de faire dire
une messe à chacune des fêtes annuelles pour l'âme du testa-
teur et de son héritière (1); il lègue la somme de soixante livres
annuellement à l'ahbaye de Cadoin à l'honneur du Saint-
Suaire à condition que les religieux seront tenus de dire, pour
l'âme du testateur et de son héritière, une messe basse chaque
semaine, une grand messe de trois mois en trois mois, tant que
le monde sera. Il institue pour son héritière universelle damoi-
selle Marguerite de Beaulac, son épouse, à condition que elle
sera tenue de remettre son hérédité, à la fin de ses jours, à Jean
Villeréal, escuyer, sieur de Guibal, garde de corps du roy, son
fils et filhastre du testateur, et qu'il sera teneu de porter le nom
et les armes du sieur de Lonjaïgues, testateur (2).
Pierre Vigier, démissionnaire, vécut quelques temps auprès
de son successeur.
4. 1691-1724. — Pierî*e Vergues. V acte 17 septembre 1691,
dernier 11 novembre 1724. Il vit fonder, en 1697, par Jean Vil-
leréal, sieur de Guibal, la chapellenie de Rives
5. 1725-1748. — Louis Deveaux, enseveli le 19 mai 1748,
dans le sanctuaire de l'église; il avait quatre-vingt-deux ans.
Sa signature est la même que celle de Louis Deveaux, curé de
Saint-Germain [paroisse de Sainte-Sabine (Dordogne)].
6. 1745-1765, — Laborie, enseveli le 3* dimanche d'octo-
bre 1765.
7. 1765-1790. — Pierre Latreille. Présida, 10 décembre
1769, à la nomination par les paroissiens réunis devant la
porte de l'église, d'un sindic, Jean Boisserie en remplacement
de noble Louis Duthil, démissionnaire. Pendant son adminis-
tration, fut fondue, en 1784, la cloche de Rives, pour laquelle
(1) Une copie de ce testament vidinnée à Villeréal, 4 janvier 1778, par
B. Giady, acquéreur de l'office de M' Marceron, permit au sindic de la fabri-
que de veiller à Texéculion de ce legs qui fut acquitté, au moins en partie,
jusque vers 1880 ; elle passa aux mains d'un coUeclionneur d'archives ; la
propriété des Jouandous -qui payait le legs aux derniers temps, fut vendue
par acte passé à Monpasicr; on omit de mentionner la fondation en l'absence
du litre; ce fut sa perte.
(2) D'azur à trois sarcelles de file.
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huit répondants étaient engagés, Boisserie sindic, M. Lafage
de Ricart, M. Tresfonds, aîné, M. Saint- Amans, Bozoul, Dou-
lut, le sieur Roger et Rudelle de Cauffet, à raison d'un huitiè-
me chacun; la somme à payer aux sieurs Cochoix, fondeurs,
s'élevait à 457 livres, 1 sol. Cette cloche porte en relief : par-
rain, nohle Louis Léotard de la Fage, marraine Madame Ma-
rie-Rose Gravier de Dutil; 4 écussons :
a) Prélat en chappe, crosse et mitre hénissant:
b) Madeleine tenant emhrassés les pieds de Jésus crucilié ;
c) Cochois, Alexis, une cloche montée:
d) La Vierge tenant Jésus sur le bras gauche et le sceptre
sur son bras droit. Au bas une crosse; le dragon cherchant à
saisir l'enfant Jésus.
Pierre Lalreille, très Agé, disparut pendant la Révolution.
Pons, schismatique, fit le service religieux sous la constitu-
tion civile du clergé. Réconcilié, après le Concordat, il fut curé
de Monseirou et mourut, en retraite, à Villeréal.
8. 1803-1823. — Antoine Bastid, curé, avant la Révolution,
de Saint-Martin Transfort [aujourd'hui annexe de Ferrensacj,
diocèse de Sarlat, émigré, curé de Rives en 1803, y mourut,
âgé de 70 ans, le 23 février 1823: fut enseveli dans le cimetière
de cette paroisse.
9. 1823-1831. — Dumas, vicaire de Villertal, nommé en
1823 à la cure de Rives, a laissé une réputation vivace de zèle
et de charité. Durant son magistère, le presbytère, vendu à la
Révolution, fut rendu à sa destination et l'intégrité de ses dé-
pendances défendue avec succès.
Par acte du 12 juillet 1824, devant Labatut notaire à Ville-
réal, M. Jacques Rogier, propriétaire aux Jouandous, fit (Uma-
tiofi à la commune de Rives d'une maison, grange, pactus,
jardin et pré, le tout joignant, contenant environ 30 perches
composant l'ancien Presbilaire de la paroisse de Rives, à la
charge par la commune : 1"* De faire dire après le décès du
donateur, à son intention et à celle de feu son frère douze
messes annuellement et perpétuellement : 2° Que la commune
payera au donateur annuellement pendant sa vie une pension
annuelle de cent francs.
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La commune, par délibération du 5 septembre 1824, accep-
ta, considérant que le donateur acquit du Gouvernement Tob-
jel de la donation moyennant la somme de deux mille Irancs
dans l'intention de le rendre; qu'il renonce au remboursement
de son capital; que les objets donnés valent quatre mille Irancs,
que dés lors les charges imposées de douze messes n'est pas
une charge; que la pension annuelle n'est que la moitié de leur
valeur locative... ([ue la commune, sans nul sacrifice, retrouve
son ancien presbytère qui est contigu à l'église, composé d'une
belle maison, grange, étables, entourés d'un vivier et d'un su-
perbe enclos où il existe un jardin verger et pré... M. Rogier
mourut le 10 octobre 1833, âgé de 91 ans.
Kn 1828, les mariés Mellelet Bonfilh, propriétaires d'une pe-
Uh' pièce de terre confrontant, au midi, au vivier firent brèche
au Tap [francbordj par un large fossé. Le Conseil de Fabrique,
8 juillet 1828, considérant que de tout temps la Fabrique avait
joui sans trouble et sans empêchements aucuns le vivier for-
mant la clôture du cimetière, du presbytère et de l'avenue de
l'église; que ce vivier, constamment plein d'eau, défend le ci-
metière, l'église et le presbytère de tout passage et incursion ;
que ce vivier est incontestablement une dépendance du cime-
tière et du presbytère... demanda que la commune défende
ses droits et lui garantisse la paisible jouissance du vivier.
Par délibération du 1(> novembre 1828, le Conseil municipal
autorisa le maire à plaider pour la Fabrique.
Les époux Mellel furent condamnés par le juge de paix de
Villeréal à restituer le Tap, distance intermédiaire entre leur
propriété et le vivier, à combler leur fosse et à payer 300 lranr<s
de dommages-intérêts. II motivait sa sentence sur l'usufruit du
desservant.
L'abbé Dumas, transféré à Moncrabeau vers le milieu de
1831, y mourut peu d'années après.
10. 1832-1843. ^ — Jacques Reclu administra pendant 11 ans
la paroisse de Rives; il fut nommé à l'archiprêtré de Villeréal
le 1*' août 184.'i et y mourut en fonction le 23 décembre 1863.
11. Guillaume-Justin Sérougne, curé de Monsempron, prit
possession de la cure de Rives le 27 août 1843.
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Pendant 40 ans il y exerça avec fruit son ministère. Licencié
en théologie, chapelain de la cathédrale, il mourut âgé de 72
ans le 19 octobre 1883 et fut enseveli à Parranquet (1) dans le
tombeau de sa famille. Deux de ses frères Vy avaient précédé :
Sérougne aîné, ancien supérieur du grand séminaire, chanoine
titulaire, Mérigou [nom de leur domaine familial], Sérougne,
ancien curé de Sainte-Foi d'Agon, chanoine titulaire, l ne de
leurs sœurs, Madame Rosalie, s<rur de la Croix du couvent de
Villeréal, dont elle avait été supérieure, regrettait vivement de
ne pouvoir y réunir les restes de leur frère Jules, mort mission-
naire dans rinde. Elle y vint en 1889, étant décédée, à l'agc de
86 ans, dans son cher couvent où elle avait passé presque toute
sa vie, modèle de piété simple et aimable.
L*abbé Sérougne eut le chagrin, en 1871, de voir entamer
les appartenances séculaires du presbytère de Rives. Malgré
ses légitimes protestations, un maire de circonstance combla
une partie du vivier, à louest. Depuis, la spoliation a été con-
tinuée et consommée.
Par son testament olographe, déposé aux minutes de M" Ra-
bot, notaire à Villeneuve-sur-Lôl, M. Justin Sérougne léguait
à la Fabrique de Rives trois mille francs dont les revenus de-
vront servira Ventretien de Véglise et au paiement des mission-
naires qui pourraient être appelés à évangéliser la paroisse ;
et à l'hospice de Villeréal une autre somme de trois mille francs
dont les revenus devront être employés à secourir les pauvres
les plus nécessiteux de la paroisse de Rives désignés par la
Fabrique; chacun de ces deux établissements sera tenu de
faire dire chaque année et à perpétuité douze messes aux inten-
tions du testateur.
12. 1884-1889. — Jean Benaben, né à Montaut-le-Jeune, fil
restaurer le presbytère et travailla sans succès à en consener
les dépendances : la spoliation fut continuée.*
13. 1889- — Dominique Carrère, né à Gaillagos
(1) Paroisse do rancicn diocèse de Sarlal, api)elée Parrenquo, Parroncho,
Pourriolcuil, unie en 1548 à la collégiale de Hiron qui avait élé de nouveau
édifiée cl dotée en 1515 par Pons de Golaut, baron de Biron. Eglise romane.
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— 416 —
[Hautes-Pyrénéesj. Le legs de M. Sérougne est employé à res-
taurer Téglise.
V. La chapellenie familiale de Rives fut fondée par
le filhatre de noble Gaspard de Brajac, Jean Villeréal sieur de
(luihal, mort d'une pleurésie le 10 décembre 1697 en sa maison
de Rives, enseveli le lendemain dans l'église de cette paroisse.
Par son testament clos et ouvert le 10 décembre, devant Mar-
ceron, notaire à Villeréal, Jean Villeréal, après divers legs à
ses serviteurs et aux pauvres, fait deux parts de ses biens*: Pour
les biens de la descendue de sa mère, demoiselle Marguerite
de Beaulac, il institue ses héritiers universels Jean de Beaulac,
son filleul, fils de Micheau et Marguerite de Beaulac, sa filleule,
fille de M* Pierre de Beaulac, défunt conseiller du roy, ses cou-
sins germains, par égales portions; pour les biens qui sont de
la descendue de feu son père Pierre Villeréal, sieur de Péchal-
gut, il institue ses héritiers universels Marie d'Abzac, demoi-
selle, sa filleule, et Jean Constantin son filleul, à présent au
Séminaire, aussi ses cousins germains, chacun par égales por-
tions, (( à condition néanmoins que led. sieur Constantin ce fera
prestre et qu'il sera tenu de dire messe tous les dimanches
pendant sa vie dans l'église de Rives pour la satisfaction du
public et deux autres jours chaque semaine tel jour qu'il vou-
dra, pendant sa vie, pour le salut de l'âme du donateur et de
ses parents fidèles trépassés, ayant néanmoins l'approbation
de l'évêque de Sarlat. Il veut (juc, après son décès, ses plus
proches parents étant prestres provenant du paternel ou ma-
ternel soient substitués à la place du donataire, lui donnant
néanmoins la liberté de nommer tel que bon lui semblera de
ses parents prestres et ainsi consécutivement tant que sa race
sera. »
Jean de Constantin eut pour sa part le château et la métairie
de Rives. Ordonné prêtre peu de temps après, il fut curé de
Villeréal de 1713 à 1734, puis Prieur du prieuré simple et sécu-
lier Saint-Pierre de Rives. Par testament en forme de codicile,
retenu par Malespine, notaire à Villeréal, testament clos le 27
juillet 1763, ouvert le 14 octobre de la même année, Jean de
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— 417 —
Constantin transmet à M"* Jacques de Léotard de la Calvie, son
petit-neveu, parent au quatrième degré de feu sieur de Guibal,
actuellement au Séminaire de Sarlat, l'héritage du s' de Gui-
bal, aux mêmes conditions qu'il l'avait reçu. Ce testament com-
mence ainsi ; <( Je soussigné, messire Jean de Constantin, abbé
de Pechegut, prieur et seigneur de la paroisse de Ribcs... »
Jacques de Léotard, ordonné prêtre deux ans après, fut
nommé vicaire de Sainte-Sabine: il manqua 26 messes dans les
années 1705 et 1760. Les Hecollets de Monpazier, trop peu
nombreux, n'avaient pu lui fournir un prêti*e; les capucins de
Caslillonnès n'avaient pu accepter ses demandes le chemin
coupé par plusieurs ruisseaux étant impraticable, le religieux
de Monflanquin auquel il donnait 50 écus par an outre la nour-
riture et le logement à l'auberge du religieux et de son cheval,
avait manqué plusieurs fois soit à cause du mauvais temps soit
à cause de maladie. Le sindic de la paroisse de Rives, noble
I^ouis Duthil de Fontrives, chevalier de l'ordre militaire de
S. Louis, muni de la procuration de 17 habitants donnée le 7
septembre 170(), intenta, devant la cour sénéchale d'Agen, un
procès à l'abbé demandant que les 26 messes fussent payées,
pour être employées aux réparations de l'église, au prorata
des revenus de la métayrie qu'il évaluait à 800 livres. L'abbé
soutenait que le manquement ne lui était pas imputable et
offrait de consacrer cet argent à telle bonne œuvre que lui indi-
querait sa conscience ou son évoque. Après de nombreuses
plaidoiries le sindic ol)linl, 2! août 17()9, que les parties fussent
mises hors procès, dépens compensés et donna sa démission.
La chapellenie do Rives formée d'un petit château habité en
partie par le métayer et de 2i sexterées, 5 quartonnats de terres
fut saisie comme bien national. L'abbé de Léotard, curé de
Naresses depuis l'an 1768, soutint avec un mémoire signé de
Dufour, Vulpian, Laget et Piales, avocats à Paris, que cette
fondatiori ne devait pas entrer dans la classe des biens du
clergé par la raison que les actes de son établissement offraient
bien moins une fondation qu'une substitution claire et évidente,
que jamais les évecjues n'avaient pris aucune part ni connais-
sance sur ces biens qui n'ont aucun rapport avec ce qui peut
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— 418 -
être dit chapelle ou Prestimonie et n est qu'un bien en tout
séculier et laïcal dont la propriété entière reste sur. la tête du
possesseur en remplissant les charges imposées par le testa-
ment.
Le district de Monflanquin donna un avis favorable le 19 no-
vembre 1791 et le directoire départemental exhima de la liste
des biens nationaux les biens du ci-devant abbé de la Calvie
comme étant une propriété de famille.
La spoliation n'était que partie remise. L*abbé, fidèle à sa
foi, fut déporté; son château et sa terre de Rives, estimées, le
4 germinal an 2, à la somme de 27,340 francs, furent adjugés
aux enchères, le 17 prairial suivant, à sept acquéreurs pour la
somme de 50,000 francs payés en assignats.
L'abbé de Léotard rentra dans sa paroisse après la Révolu-
tion : les registres portent sa signature depuis le 4 novembre
1804 jusques au 7 janvier 1812. Nommé à la cxxve cantonale de
Villeréal, il y mourut le 1*' mars 1810.
Sa nièce et héritière, Rose-Luce de Léotard, toucha, en
1827, une indemnité de 18,783 fr. 75 sur le milliard que le
Gouvernement distribua pour réparer en quehjue manière les
spoliations révolutionnaires.
(Extrait des archives de Rives, des archives de la Préfecture
cl des registres conservés à la mairie de Villeréal.)
Nota. — La chapellenie familiale fondée par Jean Villeréal
et qui n'a eu que deux titulaires ou propriétaires a été confon-
due avec le prieuré S. Pierre de Rives par M. l'abbé M. Mon-
mont, ancien curé de Capdrot, curé d'Azerat, dans son opus-
cule intitulé : Histoire d'un coin du Périgord, Vancienne Collé-
(jiale de Capdrol, près Montpazier, page 9. Périgueux, 1885.
La même erreur a été reproduite par M. l'abbé Jean Andrieu,
curé de Capdrot, dans sa notice : Origine du Prieuré de Rives,
(Semaines Catholiques d'Agen et de Périgueux, avril 1887.)
Ces messieurs ont été induits en erreur par leurs fournis-
seurs de documents.
Les pierres du petit château ont été employées à constiniire
une humble demeure ; il n'en reste que le nom.
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TOURLIAC
Tourliac, anciennement el dans la langue des indigènes.
Troiilhac, du mol Trouil, Treuil, Pressoir, fut l'un des mem-
bres de la commanderie du Temple de Condat-sur-Vézèrc
(Dordogne).
Le fond de Malte (Arch. Haute-Garonne) renferme sur
Trouilhac quelques renseignements historiques.
En 1000, 3 octobre, le commandeur de Condat, présente
Nicolas Etienne, prêtre, religieux de son ordre, à l'évêque de
Sarlat pour la vicairie perpétuelle de S. Jean de Trouilhac
(Inventaire Condat).
En ir).*39, 2 février, la vicairie perpétuelle S. Jean de Trou-
lliac est conférée à M™ Pierre Teulier, prêtre. 11 donna sa dé-
mission le 19 octobre 1704 et demanda au commandeur une
pension viagère (ibid.).
« Le commandeur est seigneur directe de Tourliac avec
messieurs de Biron el de Monpeiran et de Monsavignac, cha-
cun ayant son droit de ranle séparée ; celle du commandeur
consiste en 3 livres (Fargent, 19 quart^ons de froment, 13 quar-
tons d'avoine, mesure de Villeréal, 8 poules et 8 journées
d'homme, avec Tacapte de 3 livres en argent sur le terroir des
villages de Delpuch, de Martel et de Clairac. Il est seigneur
foncier el directe de plusieurs maisons dans le bourg et près
de l'église. Il jcmit d'un pré contenant 15 pugnères, 1 boisseau,
lequel pré, quoique noble, on ne laisse pas de l'avoir compris
au rolle de la taille ; il faudra la faire ôter.
<( Le commandeur est .seigneur spirituel de la paroisse de
Trouilhac, diocèse de Sarlal, sénéchaussée d'Agen ; il a droit
de nommer le vicaire perpétuel, la vacance arrivant, el de
prendre la moitié de la dîme de tous les gros grains : froment,
.seigle, orge, avoine, baillarge, vin, fèves et bleds d'espaigne,
à raison de douze un ; l'autre moitié appartient, avec l'entière
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— 420 —
(lime des chanvres» linets cl de tous les menus grains, prise au
douzième, au vicaire perpétuel.
<( Tous les dils revenus sont affermés à M. Jacques Trabul,
vicaire perpétuel, et au sieur Balmelte pour la somme de
555 livres. Le sieur Fonpudie, n"" à Biron, chargé de faire le
terrier, procurera régulièrement la dime de douze un ; il exi-
gera le droit de dime de tout ce qui sera au-dessus ou au-des-
sous de 12 gerbes, pour corriger Tabus frauduleux que les
habitants ont prétendu introduire de ne payer point de dime
des gerbes et autres fruits au-delà de 12 juscjues à 23. Le com-
mandeur dépensa, en 1732, 55 livres en achat d'ornements
d'église, remise de vitres au sanctuaire et réparation à la sa-
cristie. (Visites général, en 1732. Condat, fond de Malte, Tou-
louse.) »
I^s biens du commandeur, appelés an pré du comman-
deur, d'une contenance totale de 6 quartonats 14 boisselats,
furent vendus l'an III, S"" jour complémentaire, en 3 lots, la
somme globale de 70.000 livres en assignats valant 1728 livres
métal. {.\rch. dép. Lot-et-Garonne.)
J. Benahen.
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LE TEMPLE DE BBULHES et ses COMMANDEURS
AU XVIII» SIÈCLE (')
Au xviif siècle, de la Commanderie du Temple dépendaient :
l'ancien hôpital de Sauvagnas qu'on lui adjoignit quelque cin-
quante ans plus tôt, la paroisse de Dominipech, Sainte-Quit-
terie d'Agen et Sainte-Foy de Jérusalem son annexe, Saint-
Sulpice de Ribalède, S'-Jean de l'Herm, S'-Caprais et Sainl-
Jean de Villedieu près Roquecor. L'étendue, la richesse de ces
possessions, faisaient du Commandeur de Brulhes un des pre-
miers seigneurs du pays d'Agenais. On peut aisément se ren-
dre compte de l'importance de ce fief de l'ordre de Malte, et du
Commandeur qui le jouissait à l'aide des procès-verbaux de
visite de 1069 et de 1711.
(( Le chef de la Commanderie est appelé le Temple de
Breulh, donc ladite Commanderie porte ce nom et est située
dans l'Agenois (!) en Guienne, sur la rivière du Lot. La juri-
diction d'icelle est contigue à celle de Sainte-Livrade du costé
du Levant et de la juridiction de Montpezat du costé du midy;
et couchant et septentrion à la rivière du Lot. » Le Comman-
deur y possédait <( ung grand et beau chasteau bien logeable ».
Celui-ci était réuni à un fort entouré de murailles. A l'intérieur
était le petit village du Temple composé en 1069 de « 30 mai-
sons ou logettes. Au coing duquel fort y a une grande tour bas-
tye de bricques, carrée... laquelle tour appartient au Comman-
deur et quantes fois on a faict sen ir de pigeonnier et dans le
temps à la guerre. Elle sert de deffcnsc au fort, sa situation est
en effet avantageuse pour ce faire et dauvs led. chasteau y a une
(1) Au chapitre II du tome i" des Couvents de la ville d'A(jt*n avant 1789,
expliquer l'étymologie de ce mut Brulhes, francisé dans la suite en mot
Breuil.
(2) Archives de la Haute-Garonne, Ordre de Malte. Le Temple : Liasse X\ I;
Dénombrement de la Commanderie du Temple du 20 avril 1669,
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— 422 —
muralhe qui joint l'esglise paroissiele, une grande cour qui est
enfermée. » Le château avait deux portes qui le faisaient com-
muniquer avec le fort et le jardin du Commandeur. De la cour
on pénétrait directement dans le principal corps de logis, au-
trefois habité par les commandeurs, et depuis qu'ils ne rési-
daient plus au Temple, par les fermiers de la Commanderic.
En bas u on peut voir une cave qui tient toute la longueur du
chasteau. Montant à main droite, montant trois ou quatre de-
grés, on entre dans une salle ». Sur le même pallier, « on y
voit quatre officines que l'on fait servir à ce que l'on veut et une
prison en bas d'icelle. Et montant plus haut par le mesme de-
gré, on entre dans une salle autour de laquelle il y a cinq cham-
bres séparées l'une de l'autre. Au bout de l'une à main gauche
il y a ung cabinet et ung necessère dans une tour et au bout
d'une autre chambre y a ung cabinet et ung necessère dans
une autre tour, et montant plus haut par le mesme degré... on
entre dans une pareille salle autour de laquelle il y a mesme
quantité et qualité de logement » (avec celte différence qu'une
chambre est partagée en deux par une cloison) « et montant au
hault du chasteau une petite tour avec(] une chambre faicte en
cul de lampe, et une garite qui deffand l'entrée dud. iortet flan-
que le chasteau, qui va respondre à ime autre tour, qui est sur
le coing dud. chasteau, d'où Ton entre dans une autre tour, qui
est sur la porte dud. chasteau : laquelle le deffand avec les au-
tres tours qui se flanquent l'une à l'autre; sur lequel hault du
chasteau y a quelques petites chambres que les habitants tien-
nent pour y entrer en temps de guerre... » La description que
nous en font messire frèie François de Ponlevès, commandeur
de Golfech et Gimbrède, et frère Jean Carbonnel, prêtre, reli-
gieux d'obédiance, collégial et archidiacre au grand Prieuré
de Toulouse, à l'occasion de leur visite du 10 juillet 1711 (1),
est à peu près identique. Comme la période des guerres civiles
a disparu, les fossés du chaleau sont à moitié rasés, et le fer-
mier y sème des grains. De plus la fameuse tour carrée, au
(l) Archives de la Haiile-Garonnc, ordre de Malle. Regislre des visites,
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- 423 —
coin du fort, s'était écroulée en partie, mais un Commandeur
l'avait relevée. A côté du château, était une magnifique garen-
ne, longeant le ruisseau qui arrose le village du Temple. « Elle
était garnie de très beaux ormeaux dont plusieurs ont le corps
d'une élévation extraordinaire, droits et unis au possible. »
Quelques chênes périrent par la rigueur de l'hiver de 1709.
Pénétrons maintenant dans l'église paroissiale, à la suite des
visiteurs de 1711. « A la porte nous avons esté reçus au son
de la cloche et autres cérémonies accoustumées par M* Pierre
Mérail (2), vicaire perpétuel, assisté de M* Jean Molinaer, son
secondaire, qui nous ont conduit au Maistre autel où nous
avons chanté le Veni (yeator, le Tanlum Ergo et ensuite donne
la bénédiction du Très Saint Sacrement. » Le maître-autel se
composait « d'un beau tabernacle orné de ses ailes, colonnes
torses, chapiteaux, corniches, denticules, estatues et autres
ornements de sculpture. La niche pour l'exposition du Très
Saint Sacrement terminée par la figure de la résurrection du
Sauveur, le tout doré à fonds. I^e tableau garni de son cadre
bois de noyer représente l'assomption de la Vierge, un ciel
peint au-dessus ; au milieu un Jésus-Maria. L'autel est orné de
deux gradins l'un peint à têtes d'anges et fleurs sur lequel sont
quatre chandeliers de bois en menuiserie dorés, et quatre vases
de fayence garnis de beaux bouquets artificiels. L'autre gradin
qui porte le tabernacle est doré de même garni de deux chan-
deliers de laton et d'un petit crucifix. »
Au Temple, le seigneur Commandeur avait la justice
<v haute, moyenne et basse, mère, mixte impère et a pouvoir
d'establir juge, lieutenant de juge, greffier, procureur d'office
et tout autres officiers necessères pour l'administration de la
justice ». Les émoluments du juge riaient de 12 livres; le lieu-
tenant de juge avait la jouissance de deux lopins de terre, et le
procureur d'office avait 10 livres. Chaque année on présentait
au Commandeur une liste de quatre personnes élues par la
Jurade, parmi lesquelles il était tenu d'en choisir deux pour
êlre consuls du Temple. Il était le seul seigneur de la juridic-
(2) Pourvu de la cure du Temple, en 1G94, par le Commandeur de Guôrin.
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lion « avec tou? droits de lods et ventes qui se payent de douze
deniers ung et droit de prélation et accapte et double accaple...
plus droit de fournage sive fougage qui est deux quartons
seigle mesure d'Agen pour chaque feu vif et allumé dans led.
lieu et juridiction, plus certains droits de péage sur la rivière
du Lot ». En 1288, Amanieu de Castelmoron donna à Tordre
le péage du passage de la rivière du Dropt (5 mars). Mais au
wm" siècle, ce droit était joui par les religieuses de Fongrave
sans qu'on sut à quel titre elles le possédaient de temps immé-
morial (1). A la fois seigneur spirituel et temporel, le com-
mandeur nommait le vicaire perpétuel du Temple. L'église
était dédiée à Notre-Dame et l'on en célébrait la fête le jour
de l'Annonciation, u De laquelle esglize dépend deux esglizes
annexes Tune est dans la juridiction du Temple du Breuilh
sous le nom do Saint-Germain, l'autre est dans la juridiction
de Montpezat sous k» nom de St-Caprasy. Le senice des-
quelles esglizes est fait par le sieur Laubert viquère perpétuel
et auquel viquère perpétuel led. seigr. commandeur paye an-
nuellement de pension la quantité de doutze sacs bled et douze
sacs sègle, mesure d'Agen, cinq barriques de vïn, quatorze
liv. argent et encore led. viquère perpétuel prend et perçoit la
quatorziesme partie des dismçs du chanvre et lin, et aud.
soubz viquère mobile cent quarante livres ; dans laquelle éten-
due et juridiction paroisse dud. Temple du Brulh led. sei-
gneur commandeur prend et perçoit en sus tous les dismes et
tous fruicts décimaux quy se paye scavoir de dix gerbes une
et tous les grains.... et herbes prit sur le champ... le disme se
prand sur le sol du propriétaire de treize ung. (La dime du
vin se payait de vingt une « soit corbeille soit pannier »; et
cette vendange devait être portée par les propriétaires dans
les chaix du château du Temple.).... Ledit seigneur prand Je
disme des aigneaux et cochons de dix ung et dud. chamvre et
lin de treize ung sur le champ. >» Du Temple dépendait encore
la paroisse de Dominipech, située dans la juridiction de Mont-
pezat. Le commandeur étant prieur primitif de l'Eglise en
(U Ordre de Malle. Vi.-iles, n" 423
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— 425 —
nommait le vicaire perpétuel. L'abbé de Clairac prenait le
douzième de la dime du blé et le marquis de Montpe^at faisait
rente au commandeur de 20 sacs de blé, 10 d'avoine, 10 livres
d'argent, cinq paires de chapons et autant de poulets.
Dans le prorés-verbal de visite de 1721 (1), il est dit que le
commandeur a le droit de percevoir dans toute la paroisse de
Roubillon le quart de la dinu\ « de toutes sortes de grains,
vin, chanvre et lin ». L'autre quart était pris par le curé de
Roubillon pour le service de la paroisse et la moitié restante
revenait à la chapelle de Saint-Sernin de Toulouse. ]je 27 sep-
tembre 1707 le membre de Dominipech contient en fonds re-
connus (( une carlérée deux ([uartonats, sept picotins et demi
à raison de deux quartons bled, deux quartons avoine, cinq
sols argent et une paire de poules par carterée. » (Domini-
pech. n^ lOOL)
En 1780, la contenance de la commanderie du Temple qui
faisait rente était de cinq cent quatre-vingt onze carterées
cinq carlonats à raison de deux picotins de blé, de seigle et
d'avoine, un sol d'argent, la quinzième partie d'une poule et
la dixième partie d'une journée par chaque carterée. La rente
(Hait donc : de 39 sacs 13 picotins 1/4 de blé, autant de seigle
et d'avoine ; 39 livres 19 sols 1/2 d'argent ; 74 poules 2/3 1/20
et 94 journées.
1. — Membre âm Salnte-Qulttorle (2)
Ije fief de Sainte-Quitterie comprenait l'église paroissiale
de Sainte-Foy distante d'une lieue environ de la ville d'Agen,
mais cependant dans sa juridiction. Sainte-Quitterie était une
église d'Agen où <( on dit mesvse par dévotion et ledit sieur
Commandeur de Carbonneau la bailhée aux confrères de la
confrérie de Saint-Jean-Baptiste sous la condition qu'ils la
feront servir et entretenir de ce quy sera necesseï^ et ce pour
(1) \ isitc de la Commanderie du Temiile i>ar Charles de Marquin-Roqiio-
forl, Commandeur de Caubins et Mourlas el Jean Carbonnel, prêtre, prieur
et curé de Cazillac, n* 424.
(2) Voir la note de la page 1.
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— 426 —
le temps qu'il plaira aud. sieur Commandeur et à ses succes-
seurs à l'advenir comme paroil par acte public ». L'église était
entourée d'un grand jardin affermé ordinairement quarante-
cinq livres, la maison comprise. Il était partagé eh deux par-
lies inégales par un ruisseau. »< La maison est en brique ou
pierre et habitée par le jardinier ; située au milieu du jardin...
Dans la ville y a plus de quarante maisons qui font rante au
Commandeur, mais cette rante est fort petite ; elle fut renou-
velée par le Commandeur de Carbonneau... Plus quelques
terres et rantes dans la paroisse de Saint-Arnaud, Sainte-
Geme, Artigues, Sainte-Radegonde, lesquelles rentes sont
jointes au... de Sainte-Foy de Jérusalem et ledit seigneur
Commandeur n'en a jamais joui non plus que ses prédéces-
seurs. »
2. — Me
Cette terre était située à une grande lieue d'Agen et de Puy-
mirol (aujourd'hui canton de Laroque-Timbault). Le Com-
mandeur était « seigneur spirituel et temporel avec toute jus-
lice haute, moyenne et basse, mère, mixte et impère. Auquel
lieu jougnant le chasleau est une grande esglize paroissielle
lambrissée et couverte de tuille à canal, avec ung grand clo-
cher gamy de deux grandes cloches. Ladite esglise dédiée
sous le nom de Saint-Jean, garnie de tous les ornements né-
cesseres pour le service divin, estant à présent servie par frère
Pierre Thouron, religieux profîès de notre ordre et viquère
perpétuel de ladite paroisse dont il a été pourvu par feu Mon-
sieur de Mand,* Commandeur dudit Sauvagnas en ce temps-là.
Près de l'esglize ung chasteau avec trois tours du copte du
levant et midy qui servent à la deffanse... avec ses dépendan-
ces, écuries, chaix, etc.. Le Commandeur possède noblement
exempt de toutes charges le nombre treize carterées de terre
labourable et pred qui sont devant et à oosté du chasteau ».
Devant le château il possède un pigeonnier monté sur quatre
piliers et placé dans une pièce de terre. Il a encore un moulin,
quatre cartonats de terre noble, nomme les officiers de justice,
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— 427 —
les deux consuls sur une liste de quatre personnes présentées
par la jurade. La dîme se j)arlage entre le Commandeur,
TEvéque d*Afi[en et le vicaire perpétuel. Sur seize sacs de blé
l'Evéque en prend trois, le Commandeur neuf et le vicaire
quatre, de même pour les autres grains. La dîme du chanvre,
du lin et des agnearix est de treize un: pour les agneaux,
quand le nombre est supriiMir ou inférieur à treize, le proprié-
taire donne six sols par tote. Les rentes foncières, lods et ven-
tes, droits de préleva tion appartiennent au Commandeur « qui
prand de dix ung avec droipt d acapte ». Dans celte Comman-
derie le chapitre de Sainl-Caprais d'Agen possède certain té-
nenement qui n'était pas encore réglé lors du dénombrement
de 1()()9. Tout près était une chapelle votive « à portée de
mousquet du chasleau sous le nom de \otre-Dame de Pitié.
Le viquére per|)éluel va célébrer la sainte messe lorsqu'il y
est requis ». Donnons maintenant quelques détails sur l'inté-
rieur de l'église de Sauvagnas. « Le tabernacle (1) (du maître-
autel) est orné de plusieurs figures, colonnes et pièces de
sculpture, le tout doré de même que les parois. Le taberna-
cle qui est doul)Ié de soye en dedans est porté sur un gradin
avec six chandeliers de bois doré avec un crucifix assortissant.
Derrière et au-dessus du tabernacle est un tableau représen-
tant un chemin de croix; la sainte V^ierge d'un coté, saint Jean
patron de ladite église et la Magdeleine de l'autre, entouré
d'un cadre peint et doré, surmonté d'un surciel de toile peinte
avec l'image du Père Eternel ^u milieu y ayant un rideau de
toile bleue, avec une tringle qui couvre ledit tabernacle et ta-
bleau. Le devant d'autel est de cuir doré monté sur son cadre,
les deux collatereaux sont boisés... Le sanctuaire est pavé,
lambrissé, éclairé par deux fenêtres vitrées. I^ fond est peint
en forme de rétable et est séparé de la nef par un ballustre de
bois en menuiserie; au milieu ' est suspendu une lampe de
laiton. Du côté de l'évangiJe est placé le banc de Monsieur le
(1) Visite du 30 juin 1759 par François-Louis de Montgey et Michel Durand,
l)rélre et collégial de l'cglisr Saint-Jean au grand Prieuré de Toulouse. Visi-
tes, n* 438.
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- 428 —
Commandeur et du côté de TépUre celuy du preslre... Nous
sommes ensuite revenus à la chapelle dédiée à saint Salvyqui
est du côté de 1 epitre pour y visiter la relique de l'entier crâ-
ne de ce saint, enchâssé dans une châsse d'argent qui est tenue
dans une armoire pratiquée dans l'épaisseur de la muraille,
laquelle armoire est fermée par deux portes, l'une d'une gros-
se griUe de fer à deux cadenats, et la porte extérieure est en
bois bien ferré... »
3. — Salnto-Fey de MnisalMi
Le Commandeur y jouit un domaine noble de deux carte-
rées, sept quartonnats, un picotin et demi. A cela il faut ajou-
ter quelques petits fiefs dans la paroisse pouvant rapporter
environ douze livres de rente. La dîme était abandonnée en
entier au curé pour sa pension.
4. — Salnt-SvIplM de Rl¥elède'et Selnt-Jeen de l'Henn
Deux petites paroisses situées dans la juridiction de Mont-
flanquin. L'église de Saint-Sulpice dépendait du membre de
Sauvagnas. Le Commandeur étant prieur primitif, nommait
en cette qualité le vicaire perpétuel. Tous deux se partageaient
également la dîme de cette paroisse, agneaux et cochons
compris. Cette dîme « se prend de dix ung pour le froment
et autres grains, prise sur le champ et pour le disme de la ven-
dange se prand de doutze ung ». Le Commandeur prenait en-
core dans la paroisse certaines rentes foncières.
B. — Salnt-Ceprels
Petite paroisse située dans la juridiction de Montflanquin
et à un quart de lieue de la ville. Comme Saint-Sulpice elle
dépendait du membre de Sauvagnas. Le Commandeur y nom-
mait le vicaire perpétuel et partageait avec lui la dîme de la
paroisse.
De la Commanderie du Temple dépendait encore le petit
dîmier de Saint-Jean de Villedieu, dans la juridiction de Ro-
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— 429 —
quecor (aujourd'hui Tarn-el-CJaronne). « La disme quoique
se percevant sur tous les fruits et graines est de très petit re-
venu. »
6. — Salnt-Jsaii ûm Ferran
Par une délibération de la vénérable langue de Malte, en
1715, le membre de Saint-Jean de Ferrand» près Marmande,
fut réuni au Temple. Cette mesure dut être prise à la mort
d'Honoré de Champossin, commandeur du lieu, administra-
teur général des Commanderies de Bordeaux, Rayonne et
Roquebrune, en faveur de Messire Louis-Joseph du Gascq,
récemment poui-vu de la ('ommanderie du Temple du Rreuilh
et membres en dépendant (1). Ce fief comprenait en 1724 <( une
chapelle dédiée à Saint-Jean, appelée à l'Hôpital de Ferran
auprès Marmande, sur le grand chemin de Toulouse, de la-
quelle dépendent plusieurs liefs sans <lomaine qui pourront
valoir environ 100 livres quand ils seront reconnus et recou-
vrés ». En 1730, les visiteurs nous disent que la chapelle de
Saint-Jean de Ferran n'était plus (ju'une masure (2). Une re-
connaissance de 176t^ (3) indique la contenance de ce fief. <( 127
journaux, trois quart journal, 18 escats et 3/4 d'escat, dont
cent vingt-un journal, y compris une maison et décharge dans
Marmande et deux moulins à Ferran forment en total la rente
ou cencive annuelle de 41 livres 4 deniers en argent, deux sacs
quatre picotins de seigle et deux paires chapons et le restant
de ladite contenance est au huitiesme de fruits et sous la rente
de 23 deniers un demi en argent en foy de quoy, etc.. »
La valeur de la Conmianderie a sensiblement varié au cours
du siècle et presque à chaque renouvellement de bail, le fer-
mage en était augmenté. Durant cette période nous avons re-
levé le nom de quatorze Commandeurs du Temple ; nous
allons en donner le nom avec les [)rincipaux actes à leur nom
que nous avons retrouvé.
(1) Visites de 1724, n' 424.
(2) Visites de 1730, n" 426.
Ci) Sniiit-Jran de Ferran. Heconnaijssances 1763. n" 1057.
28
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— 430 -
Jean ém
(1093-1711). — Au début du xviif siècle, Jean de Guérin du
Caslellet jouissait la ( -omnianderie du Temple. Il en avait pro-
bablement été pourvu en 1()93, car l'année suivanle il nomma
vicaire |>erpétuel du lieu M* Jean Mérail, prêtre. Il élail encore
Commandeur le 18 juin 1711 (1). En Î698 il avait eu un procès
avec M'' Antoine Fourcauld, maire du Temple et le sieur
Pierre de Billon de Postan au sujet d'arrérages de rentes et
certains droits de fournage. Le sénéchal d'Agen condamna le
Commandeur, mais celui-ci porta la cause devant le Parle-
ment de Bordeaux. Il s'agissait de savoir si les propriétaires
de plusieurs maisons doivent un droit de fournage ou bien
plusieurs, suivant les différents feux qu'on fait dans leurs mai-
sons et s'ils doivent ce droit au seigneur tant pour eux que
pour leurs locataires et métayers. C/e droit de fournage était
fixé à 2 cartons de seigle par feu. Le 3 avril 1705, le Parle-
ment, par sa sentance, oblige « lesdits Billon et Fourcauld à
payer au Commandeur les droits de fournage tant pour les
maisons qu'ils occu[ieront (|ue pour celles qu'ils feront occu-
per par leurs métayers et locataires dans la juridiction du
Temple, à raison de 2 quarlons de sègle par an pour chaque
maison où ils tiendront ou feront tenir feu vif et allumé, en-
semble les rentes dues par lesdits avec les arrérages d'icelles,
et (ludit droit de fournage depuis la prise de possessoin de la
Commanderie du Temple faite par ledit de Guerin sauf à dé-
duire le payé s'il y en a... condamne en outre ledit Billon et
Fourcauld au quart des dépens envers ledit Guérin... »
Un décret du Grand Maître de Malte et de son Conseil
d'Etat, daté du 11 septembre 1702, cita Jean de Guérin à
Malte. En même temps le chevalier Bertrand de Larroquan
d'Ayguebere, Commandeur d'IIomps, sur le canal de Langue-
doc (près Narbonne), était chargé d'administrer la Comman-
derie du Temple. Le 21 avril 1703 ce dernier baille à ferme au
(1) Reconnaissances de Sainte-Quitterie.
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— 131 —
sieur Mouret les fruits décimaux de la paroisse de Saint-Ca-
prais et la moitié de ceux de Saint-Sulpice de Rivalède et de
Saint-Jean de l'Herm son annexe, le tout pour trois ans,
moyennant 600 livres annuellement. Sur cette somme le fer-
mier devait compter 2(X) livres au curé de Saint-Caprais. En
1704 (17 juin), « Honoré de Champossin, prêtre conventuel de
l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, docteur en théologie de
l'Université d'Avignon, Commandeur de Saint-Jean de Fer-
ran, collégial au Grand Prieuré de Toulouse et administrateui'
général de la Commanderie du Temple de Bordeaux, de
Bayonne, de Roquebrune en Bazadois » avait succédé comme
administrateur du Temple au chevalier d'Ayguebère (1). Jean
de Guérin était de retour de Malte le 25 août 1705.
Le Commandeur de Guérin avait été reçu dans l'ordre de
Malte le 1*' février 1045 (2). Il était issu de la famille de Gué-
rin, de Provence, établie à Aix depuis François de Guérin,
reçu conseiller au Parlement en 1580. Ses armes étaient : « l)e
gueules à la colombe efforant d'argent béquée et membrée
d'or (3). »
En 1705 la Commanderie du Temple lui valait un revenu
net de 5,205 livres (4). *
Les charges, en 1698, se répartissaient ainsi : 131 livres
1 sol pour décimes payés au roi ; 705 livres 17 sols 7 deniers
pour responsions dues annuellement au Trésor de l'ordre, 35
livres 11 sols 3 deniers pour taxe de la capitation; 210 livres
pour la pension du chevalier de Relhanette et 105 livres pour
celle du chevalier Cortade.
César ém Vlllanauve-Basuregard
(1711-1713). — César de Villeneuve ne jouit pas longtemps
des revenus du Temple car il s'éteignit au château de Sauva-
gnas le 26 juin 1713. L'inventaire de ses effets fut dressé le 10
(1) Sjùnto-Ouiltcrie. Reconnaissances, n* 1047.
C2) Fond de Malle, H. 192, n' 2.
(3) La Chesnayc du Bois, tome VII.
(4) Archive.- de la Houle-Garonno. Fond de Malte, II. 192, n" 1.
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— 432 —
juillet suivant par les soins de M* Pierre Carbonel, notaire et
procureur de Messire frère (Claude de Seigneuret de Fabre-
/an, receveur de son oi'dre au (irand Prieuré de Toulouse (1).
Mentionnons :
Douze chaises de bois sans garniture;
Un méchant piatelas do laine et une couverture blanche de laine
l'oi'l usée;
Plus une épée la poignée fausse;
Plus uu surtout de... juesque hors d'usage, les boutons garnis
d'une feuille d'argent;
Plus un just au corps et veste et culotte de drap gris avec des
boutonnières et boulons d'or garni d'un galon d'or sur les manches
et sur les poches plus que demy usé;
Plus un autre jusl au corps et veste de camelot noir fort usé.
Plus une robe de chambre doublée d'un taffetas fort usé;
... Deux chapeaux et deux perruques presque hors d'usage;
Plus dans un méchant coiîre s'est trouvé plusieurs lettres, pa-
piers et parchemins avec de méchants livres concernant le recueil
des privilèges de l'ordre, que nous avons jugé inutile d'inventorier
comme n'étant d'aucun usage.
Lrs meubles et la batterie de cuisine dont ce Commandeur
faisait usage lui avaient été prêtés par son fermier de Sauva-
gnas le sieur Bourdelles (2).
P. -Henry GimiiAMON.
(A suivre.)
(1) Archives de la Uaule-Garonne, H. 197, n* 2.
(2) Crsar tic Vilieneuve-ncaiiregard clait issu de ceUe famille de Villeneuve,
une des plus anciennes et des plus illustres de Provence. (Voir abbé Robert,
tome III). On la fait descendre dos rois d'Aragon. Le premier ancc^lre connu,
en Provence, est Raimond de Villeneuve, général des troupes du Comte de
Barcelone, l'an 1114. — Moreri : Dictionnaire Historique. — César de Villc-
neuve-Beauregard, fds de Barthélémy de Villeneuve. B. et Catherine de De-
mantolx, fut baptisé à Fayence (Var) le 16 mai 1645. Le 10 novembre 1710, se
trouvant le plus ancien chevalier, il préside rassemblée des chevaliers du
Grand Prieuré de Saint-Gilles tenue à Arles. Il était alors Commandeur de
Cavales. — La famille des Villcneuve-neauregard était le second rameau
sorti de la branche des \ illeneuve Comtes de Touretle-le.s-Fayence et mar-
quis de Vrans. Elle avait les seigneuries de Beauregard et d'Alins. Parmi
les hommes illustres sortis de cette maison, citons Armand de Villeneuve,
grand Maître de la maison du roi de Naples, Helion, Grand Maître de Rho-
des, etc..
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UN ARGAN AGENAIS : PIERRE DE CATUFPE
Lorsque, le 10 février 1073, Molière fil représenter au Palais-
Royal son immortel Malade Imaginaire, il y eut ris au théâtre
et grand bruit dans le monde des chirurgiens et des apothicai-
res. Ces deux anciennes corporations en voulurent toujours,
paraît-il, au grand comédien, de les avoir un peu ridiculisées
publiquement.
Y eut-il, à cette époque, pamphlet ou réponse des apothicai-
res ? On ne sait. La lutte eut été intéressante entre Molière et
S4»s victimes et les rieurs du pailerre et de la scène eussent sans
doute avoué bien bas (ju'ils étaient les seuls coupables de ce
conflit.
Somme toute Molière ne mit à la scène que ce qu'il vit par-
tout, (.'e grand observateur, moins réser\'é peut-ôtre mais à
coup sûr plus facétieux que son illustre contemporain La
Bruyère, sut présenter sous une foi-me comique les excès, les
abus et le ridicule de chacun et de tous.
La fâcheuse et débilitante manie de saigner et de purger à
tout propos même un malade imaginaire, et, ce faisant, de
rendre interminable un compte d'apothicaire, est stigmatisée
dès la scène I de l'acte premier.
Si prenant dos mains de l'irrascible Argan le compte à lui
soumis par M" Fleurant, son apothicaire ordinaire, nous nous
livrons aux douceurs de la statistique notre calcul aidant le
sien, nous trouvons 8 médecines et 12 lavements dans un mois
et 12 médecines et 20 lavements le mois précédent.
Cei^ chiffres semblent exagérés et grossis à plaisir pour la
plus grande hilarité d'une salle : il n'en est rien cependant et,
dès mainlenani, Molière appartient à l'histoire car ce record
de la purgation fut battu en Agenais à la fin du xvm* siècle.
Il existait à cette époque, aux environs de Tonneins, lieu dit
à Cantemerle, une famille très ancienne et fort lettrée : les
Catulle. Celui qui va nous occuper était Pierre de Catuffe,
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— 434 —
sieur de Cantemerle et du Boscas, né le 24 janvier 1725, époux
de demoiselle Françoise Dubosc, et fils de maître Jean de Ca-
luffe, sieur des mêmes lieux, conseiller du Roi, elc... et de de-
moiselle Suzanne Marrauld. Bien que reçu avocat au Parle-
ment de Guienne il n exerça pas et vécut beaucoup entre sa
table, sa basse-cour et ses arbres fruiliei-s. La bonne chère
semble avoir été le fond de son existence et comme une table
ne se couvre qu'autant que les provisions abondent, il n'eut
garde de mentionner méticuleuscment les époques et de sur-
veiller lui-même ses semis, ses plantations, ses récoltes et de
noter avec soin, au hasard des conversations, les recettes les
plus compliquées. Tel était son livre de raison. Mais en homme
appliqué, observateur et soucieux de connaître les effets et les
causes, sa plume, fidèle compagne des événements intimes,
composa un livre de santé. Ot étrange monument de la vie
domestique n'est plus représenté, malgré d'activés recherches
dans les papiers de famille, que par un maigre feuillet qui
porte en lui, d'éloquente façon, l'art de traiter les excès de
table.
Ce feuillet mentionne des observations et des constatations
du 22 avril 1782 au 30 mars 1784. Il sort du cadre habituel des
publications historiques, c'est vrai, mais ne convient-il pas de
fouiller un peu dans le passé de la bourgeoisie rurale et de no-
ler avec soin des délails qui, pour quelque scatologiques qu'ils
paraissent, avaient leur importance aux siècles derniers,
étaient considérés comme choses naturelles et toujours expo-
sés sans ambages ?
Le 22 d'avril 1782 je me suis peurgé de nouveau avec Vonce el
demy de manne et la drachme et demij de {olliceulles de senne qui
mont évaqué ncu[ (ois sans tranchées mj douleurs.
Trez [ntigué par une opfn'cssion de poitrine depuis Ut nuit du 26
au 27 may et quy a toute apparence de devenir rhume de poitrine, [e
me suis peurgé le 30 dudii may avec Vonce el demy de manne et la
drachme et demy de folliceulles de setmé qui mont évaqué huit lois,
La même oppression subsistant [e me suis repeurgé le 6 dudil
juin avec Fonce et demy de manne et la drachme et demy de [ollic-
cules de senne qui mont évaqué aussi huit {ois.
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— 435 —
Mon derengement continuant /e me fis seigner le 17 îuillet et
peurgé le 27 avec Vonce et demy de manne et la drachme et demy de
lolliccules de senne pris el payé chez le sieur Melge mais qui ne ma
pas beaucoup éiaqué nayant [ait que six petites selles.
Le 8 d*aoust le me suis peurgé de nouveau avec Vonce et demy de
manne et la drachme et demy de folliccules de senne que i'ai {ait
acheter cl paier chez Arlhaud et qui estant de meilleure qualité sans
doute que la pressedentte ma su[issament évaqué huit {ois sans
tranchées.
Me trouvant derengé la nuit du 27 au 28 aoust par beaucoup de
grouillements dans les entrailles qui paraissait m'anoncer quelque
diarrhée, /V me suis donc peurgé le 28 avec deux onces de manne et
une drachme de .seriné, ce qui ma procuré douze évaqcuations sans
tranchées ny douleurs, .
Affligé depuis le 18 d'octobre 1782 d'une cruelle maladie nerveuse
el spamodique ou dans Vespace d'un mois et demy l'ai été peurgé
douze fois toufours avec une once et demy de manne, une drachme
et demy de [ollicculles de senne et demy once de tamarins, /e me suis
encore peurgé le 10 du mois de février 1783 avec les mêmes drogues
qui mont fait faire dix selles, très copieuses sans tranchées, mais de
faiblesses d'estomac vers le soir.
Me trouvant depuis quelques jours trez derengé et accablé de dou-
leurs, suites fe pence de ma maladie nerveuse et spamodique et de
iusage de la soupe aux poids, fe me suis donc peurgé le 5 fuin 1783
avec l'once el demy de manne, la drachme et demy de folliccules de
senne el la demy once de thamarins gras, ce qui ma évaqué huit fois
sans tranchées ny douleurs.
Le 30 fuillet 1783 fe me suis peurgé avec les mêmes drogues que
cy desseus (jui mont proccuré neuf évaquations sans tranchées, dou-
leurs ny dégouls.
Le 10 d' aoust au soir 1783 ayant eu une cruelle indigestion occa-
sionnée fe pence par de morue verte non assez dessalée, ny assez
cuitle et une prisse de l'élixir de Le Lièvre mayanl heureusement
fait refetter quatre à cinq fois dans la mineutte (1) mais ayant tou-
jours néanmoins le ventre trez tendeu et très douloureux malgré un
lavement, fai donc creu devoir me f)eurger avec le peurgatif cy des-
seus ce que j'ai fait le 12 ditdil qui ma proccuré neuf bonnes évaq-
cuations sans tranchées, soufrant depuis cimj à six jours de ma mal-
(1) Cet élixir de Le Lièvre à la fois stomachique, digestif et vermifuge, était
composé d'aloès, de myrrhe, de zédoaire, d'ag;Aric blanc, de gentiane, de sa-
fran, de rhubarbe et enfin de celle panacée universelle nommée thériaque do
Venise. Le prix de ces drogues bien pulvl^risées était de 60 sols. (Note de
Caluffe.)
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— 436 —
heureuse oppression de poitrine iai été [orcé de me repeurger le 25
dudit mois d*aoust avec le peurgaii( ordinaire qui ma éiaqué 9 à 10
fois.
Le 15 de septembre au soir ayant eu un violent accez de fièvre
suivi dun grand dégoût /> me suis peurgé le 17 dudil avec le même
peurgalif que cy desseus qui ma évaqué huit fois.
Le 7 d'octobre 17S3 /e me suis peurgé avec les mêmes peurgatifs
que cy desseus qui ma evaqué neuf fois sans douleur ny tranchées.
Le 14 de novembre fe me suis peurgé comme cy desseus et ai été
evaqué dix à douze fois.
Le 20 mars 1784 fe me suis peurgé avec Vonce et demy de manne,
la drachme et demy de folliceulles de senne et la demy once de tha-
marins gras, ce qui ma évaqué huit fois sans tranchées.
Le 30 mars me trouvant Irez derengé par une vive touxs, oppre-
sion de poitrine et mauvaises digestions, /c me suis repeurgé ledit
lour avec Vonce et demi de manne et la drachme et demy de folli-
ceule de senne, sans tamarins et fai été évaqué huit fois sans pas
une douleur
Pierre de Caluffe, qu'il faut cependant réhabiliter, pour
s'être laissé aller aux cxcèi? d'Argan, ne saurait titre assimilé
à Chr}'sale. S'il vécut de bonne soupe, en désœuvré gounnand,
il sut nourrir son esprit de bonnes lectures. Il annota et com-
menta certains ouvrages de sa bibliothèque, Moreri notam-
ment. Le beau langage ne lui aurait point déplu, au contraire,
car il s'exprimait fort bien, mais autrefois comme de nos jours,
si Ton parla beaucoup on causa peu dans la région qu'il habi-
tait. Sa femme, à ce point de vue, n'aurait pu lui être d'un
grand secours; son rôle fut effacé comme effacées furent les
femmes éternellement fixées aux champs. La science de Phi-
lamint^, d'ailleurs, aurait pu nuire à ses parfaites qualités de
ménagère active et soumise et Catuffe, interrogé sur la ques-
tion brûlante du féminisme moderne, bien que placé de nou-
veau entre deux selles, eut préféré sans hésitation la sainte et
digne femme, héroïne passive, qui vécut sous l'enseigne de la
Reine Pédauque.
G. DE LaghaiNge-Ferrêgles.
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PETITE MONOGRAPHIE
DE LA
CONFRÉRIE DES PÉNITENTS BL\NCS DE CAODECOSTE
AUX XVIÏ' ET XVIIP SIÈCLES (1624-1791)
c) Pèlerinage à Xotre-Dame du Sainl-Voile, à Dunes. — Une
seconde fois, nous Tavons dil, la peste visita Caudecoste. Les
Pénitents blancs firent alors le vœu de se rendre dans la ville
de Dunes, aux pieds de N.-D. du Saint-Voile. Les mémoires
des témoins de cette époque nous rapportent la grande désola-
tion qui régna dans le pays. En 1712 la grêle et une inondation
extraordinaire occasionnent la ruine dans toute la contrée. La
peste vient ensuite décimer cette population malheureuse. Du-
rant Thiver 1718-1719 les fièvres réapparaissent. Il fallut bien
dans ces circonstances diverses se décider à demander à Dieu
grâce et pardon. M. Dubois, prieur, porta lui-même la requête
suivante adressée à Mgr de Condom : « Supplient humblement
<( les Pénitents de la ville de Caudecoste disant que l'année
« 1712 ils avaient été affligés par la grêle et par une inonda-
« tion extraordinaire et par une mortalité de chefs de famille
« à cause de quoi ils auraient projeté de faire un vœu d'aller en
(« procession à Notre-Dame du Saint-Voille à la ville de Du-
<( nés une fois par an, vers la fête de la PenteccMe, sous le bon
« plaisir de Votre Grandeur, auquel dessein certains confrères
« se seraient opposés. Mais l'année présente ayant été affligés
« et l'étant encore par des fièvres malignes que depuis environ
« six mois ont été enterrés près de soixante personnes presque
« tous chefs de famille et à présent tous les Pénitents qui com-
<* posent le Corps, sont dans le dessein de prier et prient Votre
« Grandeur de vouloir bien leur accorder la permission de
« faire led. vœu. Considéré, il plaira à Votre Grandeur, eu
« égard aux cas graves qui les meuvent, leur permettre de
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— 438 —
r( faire led. vœu et de l'exécuter, leur prescrivant si bon lui
a semble la manière de l'accomplir et au surplus ordonner à
« M. le Curé de Dunes qu'ils seront reçus dans son église, et
« pour l'accomplissement de leur vœu et prieront le Seigneur
« pour votre prospérité et Grandeur.
« Dubois, prieur; Cluzel, sous-prieur; Parbarieu, maître
de chapelle. »
M. Maiibranches, vicaire-général de Monseigneur, répon-
dit : « \pprouvant le vœu fait par les Pénitents blancs de
« la ville de Caudecoste nous leur permettons de l'exécuter et
<( d'aller en conséquence en procession chaque année vers la
<• fête de la Pentecôte à Notre-Dame du Saint-\'oille dans
(» 1 église de Dunes, exhortant le curé de Dunes de les recevoir
« avec bonté dans son église, persuadés (|ue lad. procession
« se fera avec la piété et la modestie en tel cas requises.
« Fait à Condom, le 12 avril 1719. )>
La délibération du 7 mai suivant montre avec quel sérieux
les confrères accomplissaient ce pèlerinage. Après avoir rap-
pelé les motifs de leur dévotion déjà exprimés dans la lettre
écrite à l'Evéque de Condom et l'autorisation accoidée par Sa
Grandeur, ils ajoutent : « Et conmie il est de la dernière impor-
(( tance que la procession se fasse avec toute la modestie et la
<( régularité possible, tous les confrères ont délibéré qu'ils par-
« tiront de leur église pour aller aux Dunes la seconde fête de
« la Pentecôte si matin qu'on pourra, accompagnés de M. le
« Curé et d'un des messieurs ses vicaires, s'il se peut.
<( Etant arrivés aux Dunes, confesseront et communieronl.
(( Et s'il se trouvait des confrères si indécents qu'ils ne voulus-
<( sent pas faire cette sainte et pieuse action, toute la peine
« qu'ils auront sera qu'ils seront exclus d'élre de la masse du
« vuMi « inhabitus ». mais bien (entendront la messe sans s'é-
•< carier du Corps de la Confréi'if sous peine de trois livres
'< d'amende, à moins (jue ce ne fût par permission expresse
« du prieur. Pour le payement de lad. amende on se munira
<( du sac. Celui qui fera cette faute, lad. amende sera appliquée
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— 439 —
« pour les réparations de la présente chapelle. Ayant fait sa
if dévotion, comme il vient d'être dit, les confrères s'en iront
« tous ensemble à une maison qu'il y a tout proche l'église qui
(^ appartient au sieur Maynagues, marchand, sans entrer dans
<( la ville à moins que ce ne fût par permission expresse du
« prieur, pour faire dans lad. maison une collation modérée et
« honnête sans que Dieu y soit offensé et le prochain scandali-
« se. El pour que ça se fasse en ordre,' tous les confrères se-
« ront la veille de lad. procession billetés, c'est-à-dire que le
« prieur les mettra de 6 en 6 ou de 8 en 8 comme il le trouvera
« à propos. Et là étant, mangeront et boiront comme il a été
« dit ci-dessus avec défense aux confrères, de boire ni manger
<• sous peine d'amende de 3 livres qu'avec ceux qui .lui seront
« marqués. El comme il ne convient pas, attendu ce vœu, con-
« sommer lad. Confrérie en frais, tous lesd. confrères seront
« tenus donner 3 sols au maître de chapelle pour être em-
*f ployés aux. frais nécessaires pour lad. procession. Et à
'( 1 egaixl des prières que nous devons dire, nous dirons en
« allant, c'est-à-dire en partant de la chapelle l'hymne « Veni
a Creator avec le verset et oraison, ensuite l'office de la Vierge
'< et ensuite en arrivant à Dunes on dira O Gloriosa Domina.
'( Ensuite étant arrivés devant le Saint Sacrement on chantera
< le Tanlum ergo et le verset et oraison du Saint Sacrement.
i( Et ensuite on saluera la Magdeleine, patronne de lad. église,
*< par l'antienne, verset et oraison. El au retour nous irons
« saluer la Vierge devant son autel par l'hymne Regina cœli
«( lœlare et ensuite on commencera les litanies de la Sainte
<- Vierge. El pour le reste du voyage, afin d'arriver dans notre
<« église nous dirons les vêpres et Complies de la Vierge. »
d) Dévotion au Très Saint Sacrement, — Parmi les autres
œuvres do piété signalons tout particulièrement la -dévotion
des confrères au Très Saint Sacrement. En 1735, dans le mois
de mai, ils présentent une requête à Mgr de Condom pour obte-
nir l'autorisalion d'exposer le Très Saint Sacrement le jour
de Sainl-Jean-Baptiste et de célébrer ainsi dignement dans leur
chapelle une fête d'Adoration. M. Mons, vicaire-général, ré-
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pondit que Monseigneur les autorisait jusqu'à nouvel ordre
d'y exposer le Très Saint Sacrement, d'y faire prêcher par un
prêtre approuvé dans le diocèse, d'y donner la bénédiction à la
charge néanmoins que cette chapelle sera ornée et illuminée
d'une manière décente et qu'il y aura toujours deux confrères
au moins à genoux devant le Très Saint Sacrement tandis qu'il
demeurera exposé.
Pour satisfaire leur piété, les Pénitents appelèrent auprès
d'eux des prédicateurs extraordinaires pour leur prêcher des
retraites et les préparer aux solennités religieuses. En 1647,
le R. P. Tartaran, religieux <• minimes », les avait déjà pré-
paré aux solennités pascales.
Chapitre VI. — Admission st Récoptlon dss nouveaux Conffrèros.
Remarquons d'abord que cette Confrérie s'adressait unique-
ment aux hommes et sur ce point il n'y a jamais eu d'exception.
Le postulant s'adressait au prieur pour obtenir son admission.
Durant les huit jours qui suivaient sa demande, un rapport
était dressé sur sa vie, son étal, sa suffisance et communiqué à
la Compagnie qui statuait sur l'acceptation ou le rejet de la
demande. Nous trouvons cependant des cas d'un long postulat
où l'admission de l'intéressé n'est due qu'aux largesses qu'il
fait à la Compagnie sans qu'on signale aucun reproche à son
égard. Quelle que fût la discrétion de l'enquête, sa communi-
cation publique était un moyen puissant et infaillible d'arrêter
les audacieux et les indignes qui n'auraient pas manqué de
s'introduire au sein de la Confrérie.
La réception avait lieu ordinairement le 24 juin de chaque
année, fête de Saint-Jean, et la veille des fêtes célébrées solen-
nellement, dans la chapelle de la Confrérie.
L'élu s'avançait au sein de l'Assemblée, et le prieur le revê-
tait de l'habit des pénitents qui était un sac de toile blanche
avec ceinture de même couleur. Après avoir entendu une brève
exhortation ou remontrance qu'on lui recommandait de pren-
dre en bonne part, le nouveau confrère s'avançait vers le prieur
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assisté (lu maître de chapelle et des conseillers, et il prêtait le
seiTïient requis sur le livre des statuts en se tenant à genoux
devant l'autel. Tandis que son nom était inscrit sur le Registre
avec les indications d'état, de nationalité et avec mention des
jour, mois et an de la réception, toute l'Assemblée chantait le
Veni Creator. Ceiie cérémonie ne fut jamais modifiée.
Si une juste sévérilé paraissait exister à l'égard des senti-
ments religieux ou de la moralité des postulants, on usait de.
par ailleurs d'une grande condescendance et le petit noyau du
début augmenta assez vite. Les membres se recrutèrent dans
toutes les classes de la société. Le prêtre et l'ouvrier, le méde-
cin et le brassier, le notaire et le chirurgien, l'apothicaire et le
praticien, le propriétaire et le faizandier, l'homme lettré et
l'homme dé moindre culture intellectuelle, le riche et le pauvre
se trouvent côte à côte, usant des mêmes bienfaits de la Con-
frérie, ayant les mêmes avantages, partageant tour à tour les
charges et les responsabilités. Cet esprit de charité se répan-
dit dans les paroisses voisines et Saint-Sixte, Saint-Nicolas,
Cuq, Saint-Denis, Dunes, Astaffort, Agen donnèrent de nou-
veaux membres à l'Association.
Ln droit d'entrée était exigé le jour de la réception et une
offrande annuelle devait également être faite entre les mains
du maître de chapelle. Mais cette cotisation ne fut jamais une
condition « sine qua non » de l'admission à la Confrérie. Les
pauvres trouvaient grâce auprès des confrères qui, à l'occa-
sion, surent accepter en travail ou en nalui'e les offrandes qu'on
ne pouvait donner en argent et dont ils firent parfois rémis-
sion totale.
Nous n'avons jamais eu dans nos contrées cette grande no-
blesse française qui formait l'aristocratie de la cour du Roi ou
qui donnait les hommes de guerre. Mais nous avons eu la petite
noblesse des campagnes qui vivait dans un contact incessant
avec le paysan et que le paysan savait apprécier et aimer. Nous
avons eu la bourgeoisie qui a donné ces familles, vraies provi-
dences des populations, au sein desquelles se recrutaient les
prêtres, les médecins, les notaires, les chirurgiens, etc.. et
loin de se mépriser, ces deux classes de la société ont eu à cœur,
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l*un€, de semer el de jeter le bien à profusion par rétablisse-
ment des œuvres de charité ou l'impulsion religieuse qu'elle
imprimait autour d'elle, l'autre, d'honorer et de suivre les di-
rections des classes dirigeantes. Noble Coste sieur de Polignac,
noble de Montratier, noble Redon de Monplaisir, et les bour
geois Demaux, Thoron, Galabrun, Peloux, Pilhac, Da-
vach, etc., ont vécu au contact quotidien des charrons, des
charpentiers, des tisserands, des cordonniers, des laboureurs,
donnant l'exemple vivant et admirable de ce que peut et doit
réaliser la charité chrétienne.
La réception des nouveaux confrères eut lieu parfois en
dehors de la chapelle des Pénitents. C'est ainsi que souvent le
chœur de l'église des Religieux à Notre-Dame de Bon-Encon-
tre fut le théâtre de ces pieuses cérémonies lorsque la confrérie
s'y était rendue en dévotion.
Chapitre VIL ~ ÉlMtlra dmm Olllcl(
L'élection des officiers de la Confrérie a toujours eu lieu à
Caudecoste dans la chapelle. S'il n'y avait pas eu une autorité,
combien il eût été difficile de diriger ces éléments ! C'était une
République, mais une République bien comprise où jamais au-
cun pouvoir étranger ne vint diriger les confrères ni l'Associa-
tion. C'est l'Association elle-même qui nommait ses chefs, et ils
avaient, semble-t-il, d'autant plus d'autorité qu'à l'expiration
de leur mandat, ils devaient rendre un compte très exact et très
sévère de leur charge. Le livre des statuts garde le souvenir
précieux de ces assemblées régulièrement tenues depuis la fon-
dation de la Confrérie, jusqu'à sa dissolution sauf peut-être
pendant la reconstruction de la chapelle de 1755 à 1763.
Les officiers restaient en charge l'espace d'une année. Bien
que la réélection ne fût pas formellement défendue par les sta-
tuts, nous constatons généralement que les membres sont an-
nuellement renouvelés et pris dans toutes les classes des mem-
bres de l'Association. Si des mandats ont été parfois prorogés,
c'est plutôt dans les temps proches de la Révolution. C'est un
signe de relâchement, par conséquent de décadence.
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Le 14 août de chaque année, après le chanl du Veni Creator.
cette élection se faisait solennellement à la pluralité d€S suffra-
ges. Il reste deux spécimens de listes qui nous permettent de
penser que pour simplifier les opérations du scrutin, des con-
frères influents proposaient deux noms pour chaque office et
celui qui était favorisé rentrait en charge. Toutes les charges
étaient remplies gratuitemenl.
Le prieur et en son al)sence le sous-priein* avait charge totale
de la Compagnie, mais ne pouvait rien ordonner sans l'avis de
son Conseil composé d'un maître de chapelle, d'un trésorier, de
deux conseillers et d'un sacristain attitré.
Chapitre VIII. — Résultats.
a) Religieux. — Otte Association, nous venons de le voir,
développa ^heaucoup la pratique non seulement du devoir reli-
gieux strict, mais d'œuvres de surérogation capables de faire
grandir les âmes dans la perfection.
Lorsque la société a reçu une forte empreinte religieuse, elle
est en marche vers un progrès ou un idéal que les savants n'at-
teindront jamais avec leurs systèmes scientifiques ou philoso-
phiques. Dieu vivant au milieu de la société, quoi de plus grand
et de plus beau ! (^e sentiment du divin n'est-il pas le mobile le
plus puissant qui trempe les courages et raffermit les énergies!
h) Moraux. - - Nous avons deux faits authentiques consi-
gnés dans les Registres de la Confrérie qui jettent sur cette
question une grande lumière.
<( C'était en 1632, le 24 février, jour de mardi. — Serait-ce
« téméraire de penser (jue c'était un jour de mardi-gras ? —
« Vers 3 heures de l'après-midi, Dupeyrat et Cluzel pénélrè-
" rent dans (^audecosto suivis de personnages déguisés, l'un
« en habit de cordilhat, l'autre revêtu d'un habit des pénitents
(' blancs avec son capuchon et ceint du cordon, un troisième
« vêtu d'une robe blanche et d'autres encore habillés en fem-
<« mes ou en pèlerins avec des marques particulières aux cha-
« peaux et aux bâtons et tous ensemble, marchant en ordre,
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- défilèrent sous les aubans de la ville. Demaux, un confrère
<i pénitent, fut le témoin attristé de cette mascarade. Il conféra
« avec Dupeyrat pour faire cesser ce scandale et obtenir un
(( plus grand respect de la règle de la Confrérie. Mais on ne
'( tint aucun compte de ses avertissements et on continua à
« faire le tour des aubans. Demaux s'adressa alors aux consuls
'( de la ville Jean Carcuat et Pierre Delpech comme aussi à
<( Jean Dufagel, procureur, pour admonester les délinquants
« de tenue offensante. On alla même jusqu'à se fâcher et De-
ce maux ayant suivi celui qui était revêtu de l'habit de pénitent,
'( lui infligea une verte punition... »
Cette affaire fut portée devant l'Assemblée pour statuer sur
le cas, et on décida d'en informer le Procureur du Roy.
On le voit, les confrères pénitents n'admettaient pas qu'on
jetât le ridicule sur une œuvre de tous points dignes de respect,
même par une farce qu'on jugerait moins sévèrement de nos
jours. .
c) Sociaux, — L'autre affaire est de 1725. Ije 20 mars, à
l'issue des vêpres, les confrères furent avisés que le sieur Corne
allait être en procès avec les sieurs Dieulouhec et Laguilhermie
affiliés tous à la Confrérie. Ils furent invités à user des statuts
et à soumettre leur différend « en arbitrage et amiable compo-
« sition et acquiescer à ce qui sera jugé par les arbitres dont
(1 ils conviendront. » Demaux fut choisi comme arbitre com-
mun par les intéressés Corne et Laguilhermie. Dans la seconde
affaire Corne s'en remit à l'arbitrage de Demaux et Dieulouhec
chargea Antoine Boue de ses intérêts. Tous promirent d'ac-
quiescer à la solution arbitrale sous peine de 10 livres d'amen-
de applicable aux réparations de la présente chapelle, qui sera
payée par le refusant, à quoi s'obligent tous réciproquement.
Heureux temps, où on savait s'affranchir des tribunaux et
des hommes d'affaires ou de loi, pour régler à l'amiable les dif-
ficultés. Toutes les zizanies qui naissent des procès, l'esprit
chrétien qui animait cette confrérie, savait les éviter par un
désintéressement absolu. L'amende acceptée n'enrichissait
elle-même que le budget des bonnes œuvres. Cette époque est
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aussi dign€ d'admiration que celle où Saint Louis rendait la
justice sous le chêne de la forêt de Vincennes.
Chapitre IX. — Oharlté Confratomslto
a) Malades. — De telles mœurs provoquaient au sein de
TAssemblée une vraie fraternité. De par la règle, cette charité
devait se traduire d'une manière particulière durant la maladie
des confrères ou à leur décès.
Lorsque la maladie avait frappé dans les rangs de la Confré-
rie, les associés étaient tenus de visiter les malades. Dans ces
pieuses et amicales visites» on n'éloignait pas ces pensées à la
fois troublantes et salutaires de 1 éternité. On parlait des misè-
res de la terre et des récompenses célestes afin de préparer les
malades à la visite du prêtre et à la réception des sacrements.
Le jugement de Dieu et le salut de l'ame étaient la constante
préoccupation des visiteurs amis. Le prêtre pouvait alors se
présenter avec confiance : sa cause était gagnée.
b) Défunts, — Si le malade venait à décéder, le lendemain
de sa sépulture les confrères se cotisaient et faisaient dire des
messes pour le repos de l'âme du défunt. Quel spectacle impo-
sant et sublime, cette théorie d'hommes en prières accompa-
gnant tous le moindre d'entre eux à sa dernière demeure ! Le
mort à cette heure était devenu un prédicateur éloquent. Il s'en
allait dormir son dernier sommeil porté par six confrères, le
visage découvert, et les pieds nus. Son titre de pénitent l'accom-
pagnait jusqu'au tombeau. Oh ! comme nous voudrions que
le pinceau d'un artiste nous eût gardé le souvenir vivant et
fidèle d'une de ces scènes à jamais inoubliables ! Ce n'était pas
alors comme aujourd'hui un spectacle indifférent que ce cor-
tège où la prière avait une large part !
Tel était le rôle de cette charité/ de veiller sur les malades et
les défunts, de se charger du soin de leurs funérailles en même
temps que de les entourer de leurs prières au sein de l'éternité.
c) Indignes, — Cette bienveillance si vraie et si profonde se
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manifestait encore à l'égard de ceux qui s étaient laissés aller
à un grave oubli de leur devoii\ Ils étaient paternellement aver-
tis de leur faute et invités à résipiscence par le prieur. En cas
de récidive, s'ils ne tenaient pas compte des avertissements
donnés, on leur infligeait une bonne amende qui servait à allé-
ger les frais de la Compagnie. Enfin, si ime troisième monition
était restée vaine et inutile, l'Assemblée se substituait au prieur
et prononçait l'exclusion des délinquants.
Cette doctrine évangélique consignée ainsi dans les statuts
a produit les meilleurs résultats et nous n'avons pas à déplorer
des cas graves ayant amené l'Assemblée à user de cette sévé-
rité. C'est dire que dans la société des Pénitents blancs, née
d'une élite, aucun membre n'a jamais failli à son honneur.
Il est hors de doute que cette communauté de droits, de de-
voirs, d'intérêts, a établi entre tous les membres une égalité
morale qui a produit sous l'action d'une jusle déférence due à
l'autorité et à la hiérarchie constituée suivant la souveraineté
de la Société, les résultats que nous venons d'apprécier.
Chapitre X. — Statuts dm la bonfrérla de PénNants Blancs
*' L'Union da Diau " mn la villa éo Caudacosta érigea dans i'annéa
1624.
t
Au Nom de Dieu.
Règlement pour la Conlrairie des Pénitens blancz érigés soulz
le nom de la glorieuze Vierge Marie et soulz le tittre du glo-
rieux Saint Jean-Baptiste l'an de grâce mil six cens vingt-
quatre, à Caudecoste, soulz le bon plaisir de Notre Saint-
Père et de Monseigneur le Révérendissime Evesque de
Condom.
I.
Tous ceux -qui voudront estre de la présente Confrairie des
pénitans après avoir invoqué Dieu et la glorieuze Vierge Mère
par plusieurs jours à ces fins, s'adresseront à l'un des supé-
rieurs afin d 'estre par Luy informés de tout ce qu*il convient
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fere pour y entrer. Cependant donnant charge aux deux con-
seilhans de s'enquérir de la vye, estai et suffisance des requé-
rans et ce pour l'espace de huicl jours et après avoir esté faict
le rapport en plaine Conipanie, en jour nommé, ils seront ad-
mis ou non comme la pluralité des voix portera.
II.
L'habilhemenl sera de loille blanche pour mieux représenter
la pureté des pénitens; la ceinture de mesme couleur; duquel
habit sera reveslu en plaine assemblée de la main de l'un des
supérieurs celluy qui sera admis en la Confrairie et après avoir
ouy une briesve remonstrance ou exhortation laquelle il pren-
dra en bonne part qui luy sera faicte par le prieur ou soubs-
prieur a ciste du Mettre de la Chapelle et conseilhers, prestera
le scerment sur le livre des Estatuts, à genoux devant l'autel
de la Confrairie, promettant de garder et tenir secret tout ce
qui se fera en icelle; là acistera le secrétaire qui escrira son
nom, son estât et son paiis l'an et jour de sa réception au pré-
.sent livre ou autre. Cella faict sera chanté l'himne Veni Crea-
tor spiritus,
m.
El pour autant que nulle Congrégation ou familhe ne peut
longuement subsister sans le bon conseilh, régisme et gouver-
nement de quelque bon chef accompagné de quelques officiers,
tous les ans la veilhe de l'Assomption de la glorieuze Vierge
Mère qui est le quinziesme aoust, le malin après avoir faict dire
la messe du Saint Spril et chanté l'himne Veni Creator tous les
confraires esliront du corps de la Companye par pluralité de
voix exédante de la moytié un prieur avec un soubsprieur de
pareille aulhorilté que Luy en son absance à qui tous les con-^
fraires obeyront entièrement pour l'amour de Jésus-Christ et
qui aura la charge tolalle de la Companye, sans qu'il puisse
portant rien ordonner de nouveau qu'avec l'advis de ses con-
seilhers et officiers et qui tiendra le premier et le plus honnora-
ble lieu en toutes leurs assamblées et fera tout acte de Supé-
rieur et en son absance le soubsprieur. Et après la création
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iFiceux, ils eslironl aussy par pluralité des voix deux con-
soiihers, Mettre de Chapelle, trésorier et sacrislaing toUs les-
quels avec le prieur et soubsprieur disposeront et ordonneront
de toutes les affaires de la Confrairie. Le tout avec charge an-
nuelle et feront les susdites officiers leurs charges gratis; ran-
dant tous bon compte de leurs actions et maniements.
IV.
Les charges des confrâires pénilens seront de garder reli-
gieusement les conunandemens de Dieu et de son Eglize, de
confesser leurs péchés et recepvoir le très saint et précieux
corps de Nostre Seigneur Jésus-Christ, scavoir à l'honneur de
la Sainte Vierge les festes de TAssomption, xXativité, Purifica-
tion et Annontiation d'Icelle, les quatre festes annuelles, en-
semble le jour de la fesle Dieu; comme aussy les susdits jours
réciteront les offices selon le saint Concilie alternativement et
après feront dire la sainte Messe chascun des susdits jours où
les tous acisteront.
V.
Aussy seront teneus et obligés tous lesdit^ confrâires le jour
de la feste de Saint Jean-Baptiste confesser et communier, acis-
ter à vespres et procession (}ui se faict toutes les années reves-
lus de leurs habits blancz portant les flambeaux allumés chas-
cuns pieds nuds, chantant certains himnes à l'honneur de la
feste. Et au cas où ne se seroient confessés et communies ledit
jour, seront teneus le lendemain jour de la feste, comme aussy
le jour de la Décolation d'icelluy feront dire une messe dudict
jour et fesle et réciteront les offices comme dessus.
Pareilhement seront teneus jeûner tous les jours de sapmedis
à l'honneur de la saci^e \ ierge comme aussy chascun desdits
jours fere dire et célébrer la sainte messe à l'honneur d'icelle
en admelant deux collectes, l'une de Saint Jean-Baptiste et l'au-
tre pour ceux de la Confrairie et à la fin de la messe chanteront
dévotement Stabat Maler dolorosa avec l'antienne et oraison
gui suivent et puis le soir seront teneus se rendre dans la cha-
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pelle el là estant diront et chanteront les litanies de la Glo-
rieuze \^ierge Marie el oraison ensemble le verset et oraison
de Saint Jean-Baptiste el ceux qui seront absant le réciteront
en particulier à la part où ils seront.
VI.
D'abondant feront les confraires deux processions tous les
ans, l'une le jeudy saint auquel et après estre assamblés en
leur chapelle vestus de leur sac nuds pieds, sy ce n'est que pour
infirmité vériffiée au prieur ou susprieur on soist dispensé
partiront de leur chapelle et yront visiter le monument de
l'église parrochielle de leur ville ayant auparavant récithé el
chanté l'office dud. jour. El l'aulre procession le dimanche
dans l'octave de la fesle du Corps de Dieu auquel jour ils par-
tiront de la chapelle après avoir ouy la messe et faict la Com-
munion sy ne l'ont faict le jour el feste d'icel nuds pieds comme
dessus, portant chascun im cierge alumé accompaignant le
précieux corps de Jésus-Christ qui sera porté solempnellement.
VIL
Tous à l'entrée de lad. Confrairie pour une foys seront te-
neus chascun pour soy mettre es-mains du trésorier trois
livres quatre soûls et annuellement à la feste et solenithé de
l'Assomption de la Glorieuze Vierge huit soûls tourijois pour
estre employé aux frais nécessaires.
VIII.
Quand quelcun sera malade de lad. Confrairie en sera ad-
verti le prieur ou soubsprieur qui le fera visiter et secourir
tous les jours et fei^ont prier Dieu dévotement pour Luy en la
chapelle. Ils feront au commencement de sa maladye exhorter
de se confesser el comnumier: où il arriverait que la maladye
feust sy griesve qu'il en vint à décéder, lors tous les confraires
se trouveront à la chapelle à l'heure qui leur sera ordonné où
estant vesteus de leurs sacs, sera porté au lieu de la sépulture
le visage découvert et les pieds nuds par six confraires accom-
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paignés de tous les autres et après se retireront à la chapelle
où estant diront un De Prolundis pour le défunt et le lendemain
du décès immédiatement feront cellebrer une Messe des Tré-
passés qui sera chantée en leur chapelle pour l'âme du desfunl
et bailheront chascun des confraires trois soûls pour fere dire
des messes pour le desfunt.
IX.
Que s'il advient ce que Dieu ne veuilhe que quelcun des con-
fraires se monstrat en sa vye et conversation moings modeste
et arresté qu'il est dessent et convenable et qu'il ne feroil
compte des œuvres de pénitence qu'on auroit, pour la première
foys le prieur ou soubsprieur luy remontreront sellon l'évan-
gille honnestement la faute, l'advertissant néantmoings de
prendre garde de retomber sur peyne d'une bonne amende
pour la seconde fois laquelle se remettra à la discrétion des
supérieurs et de son Conseil. Que s'il se montrait opignastre
pour la troisième foys, tous les confraires assamblés d'une
voix le déclarei-ont indigne, quand et quand effaceront son nom
du livre de la confrairie, laquelle se saizira de droit de son
habit.
X.
Et arrivant quelque différant entre aucun desd. confraires ne
pourront- plaider ensemble, ainsi seront leneus mettre leur dif-
férant entre les mains du prieur [ou arbitres] et acquiesser à ce
que [par eux] en sera ordonné [et si l'un des confraires ny vou-
lait acquiesser, il sera rayé du livre de la Confrairie] (1).
Pour la contravention dcv^^d. estatuts aucun ne pourra encou-
rir péché mortel moings véniel sinon qu'en choses qui conser-
nent les commandements de Dieu et de son Eglize ou par mé-
pris desd. estatuts les(|uels onl été dressés en l'année mil six
cens vingt-quatre et le premier jour du moys de may dans
l'églize Sainte Marye Magdallenne de la dite ville pour iceux
(1) Primilivemenl soûl le prieur fut {îrbilrc. Plus lard les statuts furent mo-
difiés cl on ajouta ce qui est entre [ ].
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estre gardés et observés de tous les conîraires pénitens de lad.
confrairye laquelle a esté érigée et installée dans la présente
ville par nous M" Marc Labalut, praticien, Jean Galabnin,
notaire, Jean Lanares, marchant, M*' Etienne Thoron, Es-
tienne Dauneforl, notaires, Jean Dusol, praticien et Jean De-
niaux, M^-chirurgicn cl en foy de ce avons signé les présents
eslatulz.
(suivent les signatures.)
DEUXIEME PARTIE (1717-1791)
Chapitre I. - La Chapollo
a) Agrandissements. — Il y a près d'un siècle que l'CEuvre
des Pénitents existe. Elle a grandi et prospéré au point que la
chapelle est devenue insuffisante. Cet état de choses pro-
voquera des dons et excitera la générosité des bienfaiteurs.
<« En 1717, le 28 mars, Etienne I.aglayze, charpentier, qui
'( depuis longtemps postule aux fins d'être reçu dans notre
(' Congrégation, et pour sa réception et de tout ce que
K feu Martin Laglayze son père pouvait devoir à la cha-
<( pelle, led. Etienne Lagleyze a voulu donner comme il donne
<i dors et déjà le palus qui nous sera nécessaire pour agrandir
« le corroir qui le joint et de la même longueur que dure la
<( pctit-e chambre de notre chapelle ou pour d'autres usages,
u lequel dit Laglayze consent que doi-s et déjà nous en pre-
<i nions la possession qui confronte du levant à pâtus restant
i< audit Laglayze, du midi à la tribune de Messieurs les Péni-
« tents, du septentrion les murs de la présente ville et du cou-
M chant courroir qui joint le ])àtus à tout ce d'iceux. Ledit La-
«( glayze a promis garder et observer à peine de tous dépens,
« dommages et intérêts.
« Le 23 mai 1717, Fabien Dieulouhec prieur, Bernard
" Larroche sous-prieur, et Bernard Bordes m*' de Chapelle, re-
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« présentent à l'assemblée des pénitents qu'il est de nécessité
« urgente de faire élargir le courroir qui est à côté de la pré-
« sente chapelle pour qu'on puisse passer plus facilement pour
« faire les processions ordinaires. Et comme il se trouve que
« dans lad. chapelle il n'y a pas « du fons » pour faire les répa-
« rations nécessaires et d'autant qu'à présent on ne peut jusle-
(( ment savoir ce qu'il en pourra coûter, les susdits Dieulouhec,
(( Larroche et Bordes ont requis tout le corps de vouloir qu'ils
« en fissent les avances et que après que la réparation sera
« faite, ils en remettront le compte de tous les frais. Et soudain
« tout le corps, chacun en son particulier, sera tenu de payer
<( ce qu'il sera taxé pour sa cote-part. Et que au cas aucun des
(( dits confrères qui sera cotisé refuse de payer, nous permet-
« tons à celui qui sera proposé pour faire la levée des cotisés,
« de l'exécuter sur ces effets, sans aucune formalité de justice ;
n c'est de quoi nous lous en corps lui permettons. Il sera loi-
(1 sible aux confrères de bailher du bois propre pour lad. ré-
'( paration et autres choses qui pourront servir à cet usage
« qui leur sera tenu en compte au dire des maîtres. »
Ces réparations durent probablement se faire devant cette
approbation générale, mais on ne toucha pas à la chapelle ou
fort peu. De nouveau, en effet, en 1744, les confrères délibè-
rent qu'il est pressant de faire des réparations à leur tribune.
Malgré leur urgence, elles furent retardées et, en 1755, on
songea sérieusement à les exécuter. Dans ce but les confrères
furent invités à régler plus régulièrement que par le passé leurs
cotisations annuelles et les reliquats s'il y en avait, sous peine
d'aller en justice. Le sieur Carcuat fît donc commencer les ré-
parations afin d'éviter l'écroulement total de la chapelle, maii?
il trouva de grandes difficultés pour faire rentrer les fonds qu'il
avait avancés. Devant l'indifférence des confrères, le généreux
initiateur déclara que l(*s réparations ne continueraient pas si
on ne l'aidait pas. Il espérait que les pénitents reculeraient
devant cette inconvenance et que la chapelle serait bientôt dans
un état propre au service divin. A ce moment la Providence
suscita quelques offrandes et les dons remis à la confrérie
par M™ de Redon et par son mari noble Marc-Antoine de
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Redon, s' de Monpiaisir, écuyer, déterminèrent une recons-
truction intégrale de la chapelle. Elle était en si mauvais état
qu*on n'hésita pas à la reprendre aux fondements. La recons-
truction alla doucement : commencée en 1755, elle ne fut ter-
minée qu'en 1763. Nous ne savons quelles modifications inté-
rieures on apporta à 1 édifice primitif, mais une note nous ap-
prend que la nouvelle chapelle eut un portail de quatorze pans
et demi de hauteur sur huit de largeur. Un double « auban »
fut adapté à cette chapelle.
h) Nouvelle béhédiction de la chapelle, — Le culte fut sus-
pendu dans la tribime des pénitents durant huit ans. Enfin une
grande joie régna dans la confrérie, lorsque, après bien des
difficultés, on put enfin, le 1*' janvier 1763, adresser à Mgr de
Condom une requête tendant à demander l'autorisation de faire
procéder à la bénédiction du nouveau temple, afin que les con-
frères puissent y célébrer les mêmes offices que précédemment.
M. Oaguilhe, vicaire général de Condom, délégua M. Lé-
glise, curé de la paroisse, pour bénir la nouvelle chapelle. La
bénédiction se fit très solennellement le 15 février suivant.
Chapitre II. — Désorganisation do In Conffrério «t Ronalssnnco
Les réunions de la Confi'érie furent-elles suspendues durant
le temps de la reconstruction de la chapelle? Eurent-t^les lieu
dans l'église paroissiale de Saintc-Marie-Madeleine ? Nous
l'ignorons. Nous savons cependant que tout caractère officiel
avait disparu parce que les registres de l'Association ne men-
tionnent aucune^ réunion, aucune élection, aucune admission
(le 1755 à 1763, sauf cependant une seule élection dans la mai-
son de Pierre Bonel, le 28 décembre 1755.
La Confrérie était donc désorganisée, elle n'existait plus
(jue de nom. Au sur|)lus, lo procès-verbal de bénédiclion^dc
cette chapelle nous fixe suffisamment sur ce point. M. Léglize,
curé de Caudecoste, mentionne, en effet, que la Confrérie a
interrompu ses exercices durant huit ans qui ont été pour elle
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— 454 —
un temps de dépérissement. Il déclare, en outre, que le présent
procès-verbal a été dressé pour sei-vir en tant que de besoin
auxdits pénitents à se faire réhabiliter par Mgr l'Evêque ou
MM. les Vicaires généraux dans leurs exercices ^t à faire
renouveler et approuver leurs statuts, etc....
Nous allons dès ce moment assister à la Renaissance de la
Confrérie des Pénitents qui, par suitj de l'interruption des réu-
nions durant un laps de tempes si considérable, se trouvait dans
la nécessité de savoir où elle en était de ses Privilèges et des
Indulgenceîà. Dans ce but la requête suivante fut adressée à
Mgr de Condom. <( Les prieur, sous-prieur, maître de cha-
« pelle et confrères des Pénitents blancs de la ville de Caude-
« coste, ont l'honneur de représenter très respectueusement à
'( Votre Grandeur qu'ayant été obligés de faire réparer en en-
<« tier leur chapelle qui était prête à crouler, et après l'avoir
« fait mettre dans un état de décence et de propreté convena-
« ble, ils eurent l'honneur de vous demander la permission de
« la faire bénir et les rétablir dans leurs anciens droits et usa-
o ges où ils étaient qui sont d'y faire célébrer la Messe, d'y
<' faire les offices les jeudi et vendredi saint, d'y dire, les fêtes
« annuelles, tous les premiers dimanches de chaque mois et
<( toutes les fêtes de la Sainte Vierge, le jour de Saint-Jean-
« Baptiste et le jour de la Décollation, les offices accoutumés,
« d'exposer le Très Saint Sacrement le jour de la Saint-Jean-
« Baptiste, pendant les vêpres et à l'issue d'icelles, y faire don-
if ner la bénédiction, de faire les processions, savoir : le diman-
« che dans l'octave du Saint-Sacrement dans la ville, celle de
« Saint-Jean tout autour de la ville, et celle du dernier diman-
« che d'août qui va à Notre-Dame de Bon-Encontre le matin
« et se retire le même jour pour y .accomplir le vœu que nos
(( ancêtres firent du temps de la contagion. Et connue les sup-
« pliants sont dans le doute de savoir si Votre Grandeur ou
«' Messieurs les Vicaires généraux les ont rétablis dans leurs
'( anciens usages, n'ayant vu aucune de vos Ordonnances ni
« pouvoir qui les aient rétablis, ils ont l'hcmnein- de vous de-
« mander. Monseigneur, qu'il plaise à V. G. les rétablir dans
<i tous leui*s droits, ensemble celui d'exposer le T. S. S. tous
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— 455 —
« 'les troisièmes dimanches de chaque mois pendant les vêpres
« et à rissue d'icelles y donner la bénédiction... »
Le zèle des nouveaux fondateurs égalait celui des premiers
et la Confrérie, malgré la longue interruption de ses devoirs,
paraît n'avoir rien perdu de son esprit religieux. Par la requête
ci-dessus datée du 20 août 1763, nous constatons que la proces-
sion à Notre-Dame de Bon-Encontre fixée en second lieu au
2* dimanche de septembre a été reportée au dernier dimanche
d août et qu'en dehors des privilèges acquis, les Pénitents de-
mandent à Monseigneur de favoriser chez eux le culte à la
Sainte Eucharistie. Une ordonnance de Mgr d'Anterroches en
date du 24 du même mois confirma les privilèges acquis, et les
augmenta même suivant l'étendue des pouvoirs épiscopaux
pour garder cette assemblée dans les bonnes dispositions que
témoignait la requête des officiei*s.
« Nous, le tout considéré, et le saint Nom de Dieu invo-
« que, avons réhabilité et rétabli, réhabilitons et rétablissons
<i par ces présentes lad. Compagnie des Pénitents de Caude-
« coste dans leurs exercices, offices et processions accoutu-
<( mées dans lesquels ils étaient autorisés ci-devant, leur intér-
êt disant expressément de faire célébrer la Messe, ni de faire
(( aucune fonction ni office dans leur chapelle pendant les heu-
i' res que le service divin se fera dans l'église paroissiale, com-
« me aussi d'y faire dire la messe par aucun prêtre étranger
<' et inconnu sans notre permission ou celle dudit sieur curé;
< défendons aussi auxdits pénitents de recevoir dans leur Con-
« frérie des personnes d'une vie publiquement scandaleuse. »
Deux ans plus lard, le 9 juin 1765, les Pénitents demandent
encore à S. G. la permission de la Bénédiction du Très Saint
Sacrement « tous les vendredis de Carême, l'octave de la Fête-
•^ Dieu à commencer du dimanche alternativement à la pa-
<' roisse et à raison des XL heures les trois jours du Carnaval.»
Chapitre III. — Etat de dénumant d« la Chapalla.
Que se passa-t-il, tandis que se développait merveilleuse-
ment la dévotion à l'Eucharistie, rien n'a pu nous fixer sur ce
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point. Ce culte qui semblait devoir prendre une certaine exten-
sion eut-il le don de faire surgir bien des récriminations ? Peut-
être. Des griefs et des plaintes furent portés à TEvêché de Con-
dom sur et contre la Confrérie. On dénonça tout particulière-
ment 1 état de déniiment de leur chapelle. Par ordre de Mon-
seigneur, M. Daguilhe, vicaire-général, défendit la Bénédiction
du Très Saint Sacrement dans cette chapelle « parce qu'il n'y
'( avait point de sacristie, soleil, pluvial, écharpe et calice ».
Ce refus justifié de TEvêciue provoqua dans la réunion tenue
le 11 août une résolution ferme et unanime de se procurer le
nécessaire.
« Chaque confrère, y fut-il décidé, contribuera pour ces ac-
« quisitions à raison de dix sols chacun et l'avance de leur
« annuel de Tannée courante. Il sera néanmoins plus édifiant
« pour chacun de^ceux qui voudront donner quelque chose au-
« delà de la taxe... I/argent de lad. taxe ne sera employé ni
(' diverty à autre usage que pour l'acquisition dud. pluvial et
<» surplis. ))
M. le chevalier Delard de Rigoulières, maître de chapelle, fut
chargé de percevoir les cotisations, de faire les achats et d'en
rendre bon compte. Mais ayant été obligé de s'absenter, le 23
août suivant, l'assemblée donna les mêmes pouvoirs au R. P.
Teyssinie, docteur en théologie et confrère. Ce dernier se ren-
dit dès le lendemain à la ville d'Agt»n poiu' faire les emplettes
utiles et nécessaires à la chapelle.
Les Pénitents avaient hâte de revenir chez eux ; ils firent tant
et si bien que la sacristie fut aménagée, les vases sacrés, les lin-
ges et les omemenls furent achetés. En septembre ils adressè-
rent à Mgr de Condom une requête pour l'aviser qu'ils s'étaient
conformés à son. Ordonnance du 27 juillet précédent. « Aujour-
(« d'huy qu'ils ont une sacristie, un calice, un ostensoir, un ta-
<' bernacle, une écharpe, un pluvial, et généralement tous les
« effets nécessaires et tels que V. G. l'exige, ils espèrent qu'il
«< |)laira à Vos grâces. Monseigneur, de les réhabiliter et réta-
« blir dans les mém(»s fonctions que vous leur accordâtes der-
« nièrement. >» Monseigneur ne s'en tint pas à la teneur de celte
requête ni à la seule déclaration faite par le clergé de Caude-
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— 457 -
cosle sur ce point. Il écrivit, le 11 septembre 1705, à M* Ber-
nard Fontenille, docteur en théologie, curé de Laplume, de
faire la visite canonique de cette chapelle des Pénitents ainsi
que des fournitures et réparations qui ont été faites tant à lad.
chapelle qu a la sacristie, le priant d'examiner si tx)ut était
dans Tétat de décence requis et convenable.
M. Fontenille se trouva satisfait et il fit à son Evêque un
rapport très bienveillant. Les Pénitents reçurent, le 9 octobre
suivant, le pouvoir de jouir des concessions précédemment ob-
tenues et de reprendre dans leur chapelle les exercices momen-
tanément suspendus.
•
Chapitre IV. — Mobilier ot inventaires.
On voit, par ce qui précède, que la chapelle des Pénitents de
Caudecoste était loin de connaître le luxe. Le strict nécessaire
a parfois manqué. Nous connaissons le mobilier de cette tri-
bune par la liste des achats dont nous venons de parler, ou par
d'autres acquisitions faites en 1008 et en 1773, surtout par trois
inventaires qu'on avait dressés en 1718, en 1785 et en 1791.
En 1008, une donation testamentaire avait servi à l'achat
d'un tableau qu'on avait placé au-dessus de l'autel. Ce tableau
resta dans la chapelle jusqu'à la Révolution, époque où il fut
vendu. En 1705 on fit les achats, ci-dessus mentionnés. Le ta-
bernacle étant tout vermoulu, on prit en 1773 une délibération
pour le remplacer. La dorure dont on l'avait agrémenté en 1082
ne le rendait plus convenable. -•
Voici maintenant les trois inventaires indiqués plus haut :
1" (( Ainvantère des effets trouvés dans la chapelle le jour de
« la Saint-Jean-Baptiste de l'année 1778 : un aube et trois
« amicts, un calisse en arjant, un ostensoir ajouté au calisse;
<t trois chazeubles et une deffele; cinq napes, sept lavabes; un
« encansoir avec sa navette; vm voile noir, un voile blanc; dus
(' tapis dolet: dus bassins, 2 chaineine en cuivre, deus buretes,
(t un sac pour un anfan.
« S'est tout ce qui s'est trouvé led. jour 1778. — Signés :
<c Bordes, Bedel.
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u En 1779, a esté fail dus chandeliers détein. >»
2" « Le mobilier de la chapelle en 1785 comprend les objets
« suivants : un tabernacle et six chandeliers; un crucifix pour
a l'autel; une croix processionnelle; un missel, une aube: un
<( cordon ; deux amicts ; un ornement, un voile en taffetas pour
« la croix avec son ruban, une clochette, un rideau d'indienne
« avec son cordon, anneaux et tringles, un missel, enfin le ré-
<• table, tableau qu'on fit repasser celte même année 1785. »
3* « [^'inventaire fait au moment de la Révolution par
M. l'abbé Ibre comprend : « Un calice d'étain doré, sa patène,
<. deux corporaux avec le corporal; une palle, deux voiles de
(( calice, l'un de satin violet et l'autre de ligature, une chasu-
« ble de ligature, un missel, une aube et amict; un bonnet car-
<* ré, custode ou soleil d'étain plus un autre missel. — 1791. »
Nous avons fait le relevé des ornements de la chapelle en
1785 sur une note détaillée de quelques comptes. La lecture de
ce document montre que par décence pour le lieu saint, les con-
frères voulurent, pendant leurs délibérations, cacher l'autel.
Le rideau d'indienne pris par de petits anneaux à des tringles
fixes sur lesquelles on pouvait le faire coulisser, pouvait-il ser-
vir à autre chose ? Afin de protéger le portail récemment fait
et les bois des croisées contre les intempéries, on les fit peindre
à l'huile. Enfin ce même document nous apprend que les bâ-
tons des Pénitents étaient surmontés d'une épine, c'est-à-dire
d'une pique.
Chapitre V. — Btonfalt^urs.
Les ressources pour les réparations et les achats du mobi-
lier quelque modeste qu'il fût, ne furent pas entièrement four-
nies par les confrères. Des âmes généreuses vinrent les aider
et les Pénitents, disons-le à leur honneur, surent témoigner à
tous leurs bienfaiteurs une vive et profonde reconnaissance.
Signalons au passage Jeanne Daunefort, épouse de Jean
Demaux, confrère et mère de M*' Demaux, également confrère
et curé de Cuq :
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(( Attendu que lad. Jeanne Dauneforl sur l'établissement de
u lad. chapelle donna partie des ornements d'icelle, que depuis
<( elle a été marraine de la cloche dont on se sert pour appeler
«< le peuple au divin service, que d'ailleurs elle a fait un légat
'< pour la réparation de lad. chapelle, l'assemblée délibère que
M les confrères assisteront à la sépulture de lad. Daunefort et
u que six d'iceux porteront le corps jusques à l'église parois-
u siale et de là au tombeau el (pi'ils seront revêtus de leurs sacs
i^ avec la croix devant eux. — 2 mai 16(>3.
« Le 12 août 1668, les officiers de la Confrérie déclarent
« avoir reçu d'Anthoine Bergoigne, chirurgien, comme héri-
(i lier de feu Martin son frère; confrère de la présente Congré-
(^ gation, la somme de dix livres, laquelle il avait léguée par
i< son dernier testament à lad. Congrégation retenu par Ber-
(• goigne, notaire de l'année 16oi et ce par les mains et deniers
M propres de M* (iabriel de ( osle, prêtre et curé de la présente
«( ville, laquelle lui était due pour l'avoir fournie à la décharge
« de la Congrégation pour partage du prix du tableau qui est
(( à présent sur l'autel... »
N'omettons pas les noms de M. et de M™ de Redon, bienfai-
teurs de la chapelle. Une délibération du 6 mars 1763, relative
aux réparations de la chapelle commencées par le sieur Car-
cuat, nous apprend « que noble Marie Antoine de Redon, sieur
« de Monplaisir, aurait bien voulu, sans y être sollicité et de
« son pur abondant, a bien voulu et nous fait encore des pré-
« sents en état de couronner l'ouvrage commencé. Nous, con^
<i frères soussignés, ayant toujours pour principe et laissant
" même après nous la reconnaissance due à ses bontés, avons
« trouvé à {)ropos de lui faire faire un service le 21 du mois
«< de février dernier et nous obligeons et obligerons ceux qui
<' viendront après nous de faire faire à pareil jour un sembla-
^( ble sei-vice pour le repos de l'âme de M°* de Redon, et toutes
« les fois que nous nous assemblerons la recommander aux
« prières de ceux qui se trouveront à nos offices. » Les offran-
des de cette famille permirent, on Ta vu, l'agrandissement de
la tribune.
Le 26 juin 1703,* après le règlement de compte des répara-
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lions faites à la chapelle, l'assemblée doit à Antoine Carcual,
docteur en médecine, 72 livres 9 sols et ce dernier en fait don
à la chapelle. Carcuat a voulu se libérer ainsi à l'avenir de ses
annuels, comme aussi de la chandelle. Il obtient encore que
son frère Jean Carcuat soit libéré de ses arrérages.
Au sieur Villes cadet, il était dû une somme de 18 livres
9 sols; à Ybre, celle de 15 livres 9 sols 6 deniers. Ils abandon-
nent tous deux ces sommes à la Congrégation qui ne leur de-
mandera rien jusqu'à concurrence de leur don. Egalement
Pierre Bordes fait don à la chapelle de 14 livres et la chapelle
ne lui demandera rien de 14 années.
Chapitre VI. —
Les ressources ordinaires de la Confrérie étaient fournies
par les droits d'entrée et par les annuels. Puis vinrent s'ajouter
les donations testamentaires pour des obits.
Les droits d'entrée paraissent n'avoir pas été établis d'une
manière fixe. Chacun semble donner suivant ses moyens et sa
piété. Les pauvres en ont été exemptés. L'annuel fut fixé à 20
sols par an. Mais lorsque les cotisations furent plus lentes à
rentrer, on convint de payer 10 sols par an et un cierge blanc
de cire de six à la livre. — 24 juin 1710.
Si nous voulons savoir le montant des recettes et être ainsi
fixés sur -le nombre des associés, un procès-verbal de 1683 dit
qu'il' y a en tout 38 livres de recettes. « On a, acheté, il est vrai,
(( un tableau, en plus la façon du clocher à neuf comme il est
« sur les murs de la ville, que pour y mettre la cloche, recou-
re vrir la tribune et auban, blanchir la tribune et l'église, ache-
« ter des cierges et procession à Notre-Dame de Bon-Encon-
« tre : d'où dépense de 50 livres 17 sols 9 deniers. On a fait dire
^( deux messes hautes de Requiem avec diacre et sous-diacre
« et 15 confrères ont seuls payé l'annuel. » C est une année ex-
ceptionnelle de dépenses et ce déficit n'existait pas ordinaire-
ment : il y avait un petit reliquat. Malgré les appels et les me-
naces, les annuels tardaient à rentrer.
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Les comptes étaient exactement et rigoureusement tenus.
Avec les quêtes et les offrandes particulières le budget finis-
sait par s'équilibrer. Les retai<îs apportés dans le 'versement
des cotisations, les menaces de poursuite , devant toutes les
cours jusques à sentence ou arrêt définitif sont un indice de
mauvaise volonté. Ajoutons à celte persistance le peu d'em-
pressement que plusieurs mettaient à assister aux réunions et
nous constaterons un grand relAchemenl au sein de la Con-
grégation.
Chapitre VII. — Dissolution.
Les officiers ne cessaient de gémir sur cet état de choses.
Les exhortations devinrent plus pressantes et malgré cela il
advint qu'en 1770 l'élection des nouveaux dignitaires ne put
avoir lieu à la date réglementaire à cause du trop grand nom-
bre d'absents. L'élection fut renvoyée au dimanche 5 août. Ce
jour-là encore, la réunion ne fut pas brillante, mais l'assem-
, bléo passa outre.
La Confrérie paraît alors avoir été frappée en plein cœur;
elle ne vit plus que d'une vie éphémère et anémiée jusqu'au
jour où le flot révolutionnaire l'emportera dans sa vague irré-
sistible, ne laissant de cette belle et florissante institution qu'un
souvenir à peu près disparu.
Il est bon cependant de le conserver, pour garder en nos
cœui^ l'espérance de revivre un jour dans notre pays ces vieil-
les traditions chrétiennes qui furent la force et l'honneur des
générations disparues.
APPENDICE
Vontos tfos Mons tfos PénHonts tfo Coutfocosto (1)
1. La chapelle des Pénitents estimée par Crébessac de Sau-
veterre d'un revenu de 25 livres et d'un capital de 500 livres
fut vendue le 22 brumaire an VII, à Capdeville, notaire, pour
(1) Archives dcparlementales.
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CoO francs. Elle confrontait du levant à maison de Bernard
Liarouze, ainsi que du midi et du couchant; du septentrion aux
remparts.
2. Une pièce de terre au lieu de Pémojan, propriété des Pé-
nitents, de 2 cartonats 3 picotins estimée d'un revenu de 3 livres
fut vendue à Constelle le 18 juillet 1791 pour 88 livres.
3. l'ne vigne d'une carlerée au lit'u de Pierroche, propriété
des Pénitents, estimée d'un revenu de 30 livres, fut vendue à
Pérès, le 24 décembre 1790, pour 1,350 livres.
A. Gavkal,
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BlBLlOGRAPfllE RÉGIONALE
La Vocation Paysanne et l'Ecole, par M. le docteur Emmanuel
Labat. (Extrait de la Revue des Deux-Mondes, n"* du !•' juillet 1912.)
Dans deux articles supérieurement traités, comme tout ce qu'il
entreprend, et qui ont fait sensation dans la lievue des Deux-Mondes
où ils ont paru (1), M. le docteur Emmanuel Labat a signale les
dangers que font courir à son cher pays de Gascogne ces deux plaies
dévorantes, V Abandon de la Terre et Val{aiblissement de la Natalité,
11 en a cherché les causes, en a déduit les effets et constaté que le
mal va toujours croissant. L'éminent docteur ne pouvait mieux
faire que d'en apporter aujourd'hui les remèdes, et, dans une étude
psychologique des plus serrées, que de mettre à nu la vocation du
petit paysan, exposant « son origine, sa nature, ses principaux
« caractères, les dangers que l'Ecole lui fait courir, les moyens par
« lesquels elle devrait au contraire la défendre, la soutenir et la
« fixer ». Car c'est d'une culture purement morale qu'il s'agit. Ce
sont les soins que l'Ecole doit lui donner, mais dont malheureuse-
ment elle ne paraît pas avoir saisi la portée. Il va sans dire que
nous ne quittons pas les bords de la Garonne, bien que le mal s'é-
tende plus au loin et que celte étude puisse s'appliquer à presque
toutes les autres régions de la France.
Mais avant d'entrer dans le plain de son sujet, l'auteur rappelle
que l'abandon de la Terre et Vhyponatalité sont deux phénomènes
sociaux, absolument lies chez nous l'un à l'autre. « 11 est clair, dit-il,
« que s'il naît peu d'enfants au village, les champs manqueront de
« laboureurs. 11 ne l'est pas moins qu'une population agricole, en se
« raréfiant, condamne ceux qui restent à un surmenage pénible,
a douloureux, qui les inquiète, les aigrit, les décourage et à la
« longue les révolte contre le métier. » Et cependant le travail de la
terre invite le couple paysan à une natalité élevée. « Pour peu que
(1) N" des I" août 1910 cl 1" juillet 1911. \'oir le comple-rojidu qui en a <Hc
fait dans la Reçue de lAgenais, n" des septembre-octobre 1910 et 1911,
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« la prairie s'étende sur les bords du ruisselel, dont la ligne argen-
«( lée des saules suit le cours sinueux, et que les sillons s'allongent
u sur les flancs de la colline, il ne fait pas bon se sentir seul, quand
<( les foins sont mûrs et les moissons jaunissantes. On n'a pas be-
« soin de s'entourer d'enfants pour être fadeur ou cantonnier, valet
« de chambre ou cocher; ici le métier donne des conseils tout diffé-
<( rents. »
« L'abandon de la terre et l'affaiblissement de la natalité, ajoute
<( M. Labat, se juxtaposent, se combinent et se pénètrent pour cons-
« lituer une crise unique, qui est avant tout morale, bien qu'on n'ait
« pas manqué d'en proposer des explications purement économi-
(i ques^. » Il les réfute en prouvant que la terre Gasconne est assez
riche pour pouvoir nourrir tous ses enfants, pourvu qu'ils restent
économes comme leurs pères, et ne se laissent pas séduire par la
folie des dépenses et des grandeurs; pourvu surtout qu'ils combat-
tent chez leurs enfants cet esprit d'Individualisme féroce, qui les
domine dès leur plus jeune âge et met à néant ces idées de solida
rite, de mutualité, de progrès social, dont s'affublent les soi-disant
directeurs de la société moderne, mais qui s'évanouissent comme
fumée devant la réalité des faits et l'égoïsme révoltant des Indivi-
dus. « Les jeunes, reconnaît M. Labat, grandissent dans une atmos-
« phère de solidarité; et malgré cette leçon continue et touchante,
« ils se dérobent, dès qu'ik le peuvent, à la plus facile, la plus na-
K{ turelle, la plus sacrée des solidarités, qui est celle de la famille. »
Combattons donc cet individualisme dès qu'il apparaît dans l'es-
prit de l'enfant. Mais surtout entretenons sa vocation de paysan; en-
courageons-la, développons-la et montrons-lui qu'elle est, à son
égard, supérieure à tout autre. .\e l'a-til pas, du reste, invétérée
dès sa naissance ?
Et ici, ce joli passage, qu'il nous faut citer tout entier : « Le petit
« paysan, qui, à l'âge de six ans, entre à l'école pour la première
(( fois, est bien un apprenti de la terre ; on peut môme dire qu'il l'a
« été en quelque sorte en naissant. Pendant les pluvieuses journées
« d'hiver, où le travail ne presse guère, la mère a souvent porté le
iK nourrisson à l'étable chaude; et, en manière de jeu, elle l'a mis à
u califourchon sur le dos de la vieille vache au regard mélancoli-
« que et indifférent. Dès qu'il a pu marcher, il a saisi un bâton; et,
<( matin et soir, très sérieusement, comme la mouché du coche, il
« s'est employé à faire entrer et sortir les bestiaux. Aux semailles
« d'automne, quand les guérets sont fins et doux, le père, assis sur
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« la herse, l'a pris dans ses bras, et il a tenu les guides. Dans ses
« premières conversations avec les autres écoliers, il racontera
« qu'il sait labourer, et il a labouré en effet. La main agrippée au
« mancheron de la charrue, à côté de celle de son père, il a suivi le
<( soc de ses petits pas; il a répété les vieux commandements aux
u Iraînatiles inlonatioiis; il a enflé sa voix pour lancer les jurons qui
« tendent les jarrets et courbent les nuques de l'attelage sur les
« affleurements d'argiles compactes ; au bout du champ, pendant
« que les bêtes soufflent, il s'est retourné pour contempler le travail
<( fait, le sillon droit et profond, d'où s'échappe une buée légère,
« les grandes mottes renversées; il a aspiré à pleins poumons
« l'odeur salubre de la terre, et senti déjà, lui aussi, dans son cœur,
li la joie et l'orgueil du beau labeur. »
D'ores et déjà cet enfant a choisi son métier; il en a commencé
l'apprentissage; il en a la vocation.
Et mettant en parallèle deux écoliers, rencontrés chaque soir con-
duisant leurs bestiaux à la prairie, dont l'un ne sait guère que le
nom et le nombre de ses bêtes, tandis que l'autre est intarissable sur
l'âge, le mérite, les aptitudes, l'avejiir de chacune d'elles, « le pre-
« mier, dit-il, n'aura jamais la vocation. Elle est née au contraire
« chez le second, décidée, vigoureuse, opérante, et sous la forme
« qu'elle a toujours chez l'enfant, qui est l'admiration. »
« Voyez-vous, Monsieur, me dit-il, quand il parl.e des deux rois
« du troupeau, des grands bœufs gris aux cornes noires, lorsque
« mon père les met à la forte charrue et qu'il appuie des deux mains,
<( elle s'enfonce jusqu'au manche... Ils lèvent de la terre à charre-
« t(>es... Ça fait peur... Tout le monde s'arrête pour regarder...
« Dites au \ oisin qu'il y vienne avec sa brabant et ses quatre garon-
H naises. »
C'est cette admiration qu'il faut soigneusement conserver et dé-
velopper. Car elle est la semence la plus féconde de l'éducabilité.
Mais il faut aussi la semence qui apporte l'hérédité, la vocation.
Nulle n'est, du reste, plus merveilleusement préparée que celle du
petit paysan : « 11 doit à une longue série d'ancêtres laboureurs une
« sensibilité très vive au charme de la terre, et son admiration
« pour elle éclate dans tous ses propos au moment où il entre à
« l'école. -)) Appliquons-nous donc, pour la mieux défendre, à bien
coiuiaîtrc celte admiration qui est personnelle, parce qu'une per-
sonne, le père presque toujours quand il est vaillant, en est l'ob-
jet; qui est fragile, car sur le cerveau de l'enfant les sentiments les
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plus opposés se succèdent avec une rapidité inouïe, « comme sur
« leur visage le rire n'attend pas que les pleurs soient séchés »;
(|ui est enfin particulièrement sensible à une cause spéciale de
ruine.
Et développant cette dernière idée, M. le D' Labat montre quel
(langer attend Tenfanl à son arrivée à l'école primaire, où on le lire
hruscjucment de son village pour le promener dans les grandes villes
(le France, de l'Europe, du monde entier ; où on lui fait voir les dis
« tances supprimées, la parole et la pensée portées avec la rapidité
« de l'éclair à travers l'espace, les solitudes de l'air disputées aux
« oiseaux, partout la matière vaincue et asservie, partout la terre
« trépidante de machines dont les unes ont la précision et la.délica-
« tcssc des doigts les plus fins, et les autres soulèvent des blocs que
<i des milliers de bras ne pourront ébranler; on évoque devant lui
« le long et curieux passé de l'humanité, moins troublant peut-être
« que l'effort du présent i)our préparer un avenir dont l'image est
(( onchanteresse. Pendant six ans l'école tient l'ûmc de l'enfant
« dans un émerveillement continu. Que deviennent ses premières
« admirations aux(|uelles sa vocation agricole est liée ?
<( Nous pouvons témoigner que le voyage leur est funeste. Au re-
« lour, au lendemain du certificat d'études, quand nous cheminons
« cote à côte, connue il y a six ans entre les haies odorantes du pe-
ii lit chemin creux, l'écolier ne nous chante plus le fier couplet des
« grands bœufs gris aux cornes noires ! »
*
•
L'Ecole ruine donc la vocation du petit paysan. Tout au contraire
elle devrait la fortifier. Mais comment ? En inculquant dans son es-
l»rit l'amour du pays, en lui inoculant le mal du pays. « Jadis la
« prise du village sur l'âme des jeunes était telle que quelques-uns,
« devenus soldats, ne se consolaient pas de l'avoir quitté. Les mé-
« decins militaires nous ont laissé d'émouvantes descriptions de ce
<( curieux mal du pays, qui frappait plus d'un conscrit, brisait ses
« résistances physiques, le couchait sur un lit d'hôpital et fermait
« à jamais ses pau\ res yeux, parce qu'ils étaient privés de la dou-
« ceur de l'horizon natal. »
Et ce n'est pas seulement le pays en général, la province que
l'Ecole doit faire aimer. « Elle doit donner au village, pour qu'au-
« cune comparaison ne lui soit humiliante ou défavorable, une
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« grandeur cl une beauté d'emprunt, qui seront celles de tout le
« passé de la France. » El le docteur Labat de demander que This-
toirc de la grande patrie* se déroule tout entière dans la petite, de
foçon à ce que celle dernière prenne, dans Timaginalion de l'enfant,
au récit de contes merveilleux, des proportions incomparables
au-dessus de toute atteinte.
Déjà, il y a deux ou trois ans, un ministre de rinstruction publi-
(|ue, Maurice Faurc, je crois, était entré dans cette voie. Une circu-
laire recommandait aux maîtres « Tétude de la géographie et de
'< l'histoire locales pour en môler l'enseignement à celui de la géo-
ce gra[)liie et de l'histoire nationales. Il importe, disait-il, de mêler
« les deux enseignements en puisant le plus possible les exemples
« dans le milieu même où les élèves résident, qu'ils connaissent et
« qu'ils aiment... L'histoire doit être pour eux, selon le mot de Mi-
« chelet, une résurrection. »
On ne saurait mieux dire. M. le D' Labat le demande depuis long-
temps. Mnis il va plus loin. 11 n'est pas un grand événement de l'his-
toire qui n'ait eu sa répercussion au village. Là, Tinsliluleur devra
s'appliquer à le rechercher, à l'enseigner, à le faire mousser. Mais
dans les villages où il n'y a rien, et ils sont nombreux, que faire ?
Kl M. Labat de proposer audacieu.sement : « Si les documents man-
« quent, qu'on n'hésite pas à recourir à la {iction pour établir la
« trame du récit, l'animer, le rendre fécond. » Avec beaucoup d'élo-
(juence il plaide cette cause et il répond aux historiens, « qui ne man-
(.< queront pas de faire des réser\'es : nous sommes des paysans,
« uniquement désireux de voir nos fils rester à la charrue; vos
<• préoccupations nous sont indifférentes. »
C'est peut-être aller bien loni. En faussant ainsi, pour les besoins
de sa noble cause, la vérité hislori(fue, qui, à nos yeux, sous n'im-
porte quel prétexte, ne doit jamais être faussée, M. le docteur Labat
ne \ oil-il pas le danger que lui-môme fait ainsi courir à l'enfant ?
Lorsque, ((uelcfues années plus tard, à l'heure psychologique où la
raison viendra contrôler l'enseignement du maître, où le jeune
lîonune se demandera si tout ce qu'on lui a appris est bien vrai, et
où il saura — et il ne manquera j)as tlo gens pour le lui démontrer
- - (juc jan»ais son village n'a été le théâtre des faits glorieux qu'on
lui a racontés, ou n'a seulement pas abrité le grand pcrsoimage qui
l'aurait honoré de sa présence, ce jour-là le doute l'envahira. Il se
demandera s'il n'en est pas de même des vérités scientifiques, éco-
nomiques, morales, religieuses, qu'avec tant de peine on a incul-
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quées dans son esprit. Il n'aura pas plus confiance en elles qu'en ces
beaux faits et gestes qui avaient fait son admiration. Et, dégagé
ainsi de tout lien, de toute attache, il sera mûr pour accepter comme
seules vraies ces utopies sociales et politiques, que de tous côtés on
lui soufflera aux oreilles, flèches empoisonnées qui le blesseront et
le tueront.
Non; il ne faut pas toucher à la vérité historique, si péniblement
acquise, pas plus qu'à n'importe quelle autre vérité. Le bénéfice,
très problématique, qu'on retirerait de ces mensonges ne vaut pas
qu'on expose l'enfant à des dangers pareils.
Il est vrai qu' « une nuit épaisse règne actuellement sur l'histoire
« dans le cerveau des paysans ». 11 est vrai que trop de jeunes
conscrits, interrogés à leur arrivée au régiment, par leurs chefs,
montrent qu'ils ignorent totalement les faits les plus élémentaires
de l'histoire de leur pa}s. A qui la faute ? A l'Ecole, qui ne fait rien
pour les leur apprendre. Ils sont assez nombreux et assez beaux,
cependant, pour qu'on n'ait pas besoin de recourir à la fiction. Si
renseignement technique de l'histoire est mauvais et ne donne aucun
résultat satisfaisant, que le maître évoque au moins chez ses élèves
« la notion morale de l'héritage, des devoirs et des responsabilités
« qu'il implique, telle que la noblesse française l'imprimait dans
« le cœur de ses enfants; sentiment qui a inspiré tant de beaux ges-
« les et qui soutient encore bien des hommes qui entendent toujours
servir la France, comme autrefois ils auraient servi le Roi. »
Et ici, ce beau passage que l'auteur nous pardonnera encore de
reproduire, dans ce compte-rendu forcément incomplet; car tout
l'article du docteur Labat serait à citer :
« Le jeune gentilhomme recevait cette notion directrice de tout ce
<( qui l'entourait et l'accueillait dans la vie, des premiers récits dont
« il était bercé, des usages et des traditions de la famille, des lias-
« ses de vieilles lettres souvent relues, des portraits accrochés aux
« murs, des pierres mêmes du château. Pourquoi les petits pay-
« sans, les vrais fils de la même terre, ses fils les plus humbles, les
« plus fidèles, les plus môritanls, ne recevraient-ils pas un enseigne -
« ment analogue ? Pourquoi ne senti raientr-ils pas eux aussi ces
« excitations, douces et toniques à la fois, qui de bonne heure ins-
« pirent à l'homme l'orgueil de ses origines et l'ambition d'en rester
« digne ? Ils n'ont rien autour d'eux qui puisse les leur donner, ni
« château, ni archi\es, ni portraits d'ancêtres. Mais ils ont l'école,
« la petite école. Celle-ci doit tout faire et elle peut beaucoup. Elle
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« peut loucher, ravir, entraîner ses écoliers, si elle sait leur montrer
<( la grande œuvre du passé, d'où est sortie la France moderne, len-
« Icment, doucement poursuivie et façonnée par des oïlvricrs qui
« étaient du village, dont le sang coule dans leurs veines, dont ils
« portent les noms, qui comme eux parlaient patois, qui habitaient
« les mêmes maisons, passaient tous les jours sur les mômes che-
« mins, travaillaient les mêmes champs. N'est-ce pas le vrai moyen
« de donner à ces enfants le sentiment de la solidarité, de faire
« naître en eux des fiertés qui se transformeraient en énergies, d'at-
« tend ri r leurs jeunes cœurs à l'idée du devoir social qu'on rendrait
« ainsi présente, saisissable et vivante. L'efficacité de cette méthode
« est certaine. Nous Tavons^cssayée plus d'une fois avec succès... »
•
L'école doit encore faire aimer le métier. Le fait-elle comme elle
le devrait ? Non, répond M. le docteur Labat. Car ce n'est pas indis-
tinctement à tous ceux qui lui sont envoyés que l'enseignement agri-
cole doit être donné, mais à ceux seulement qui ont réellement la
v(. cation. Car là encore, il y a souvent opposition entre la vocation
et le choix du m'étier.
« Il est assez ordinaire qu'on choisisse le métier dont on a la
« vocation, mais le contraire n'est pas rare. » Et M. Labat de citer
l'exemple de neuf enfants qu'il a connus, qui sont entrés dans trois
ferme-écoles différentes, qui en ont suivi l'enseignement avec assi-
duité, même avec succès. « Aucun d'eux, dit-il, n'est resté à la terre.
« Actuellement deux sont commis dans des magasins de nouveau-
« tés, un est comptable dans une compagnie d'assurances, un autre
« dans une usine d'engrais; l'armée en a gardé un comme sous-
« officier et conduit un autre à être agent de police ; nous en savons
« un qui est dans les contributions indirectes, un autre tonnelier, le
<^ dernier est marchand de meubles à Bordeaux. »
Aucun n'avait la \'Ocation. Malgré leurs études, elle n'est pas
\ enue ; et elle ne pouvait pas venir, car ces enfants étaient fils d'ins-
tituteurs, de gendarmes, de boulangers, de petits bourgeois, de do-
nicsticjues attachés à des maisons bourgeoises. « Tous étaient fils
a d'évadés de la terre. L'hérédité leur manquait et surtout l'impré-
« gnation spéciale des premières années. »
Si donc la vocation est absente, l'enseignement agricole est plu-
tôt nuisible, car il fait naître dans l'esprit des élèves des rêves inat-
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tendus. Leurs succès mêmes les grisent et aussi leurs parents. Et il
est prouvé que pas un des lauréats des écoles d'agriculture ne re-
vient à la charrue
Des quelques remèdes à la crise actuelle que propose M. le doc-
teur Labat ,il en est un que nous croyons devoir plus particulière-
ment signaler. C'est renseignement à Técole primaire des dictons,
préceptes, proverbes, traditions, légendes, se rattachant plus spé-
cialement aux travaux des champs, et où « à côté d'erreurs et de
« croyances puériles, se trouvent des observations dont la justesse
« étonne, ([uand on a soin de ne pas sortir du canton, parfois très
« circonscrit, auquel elles s'appliquent. »
Mais c'est surtout le patois, la langue « mayrano », qu'à côté du
français, il importe de conserver. Aussi M. le docteur Làbat a-l-il
mille fois raison de proclamer que « iudicieu sèment employé dans
« renseignement agricole, il est une des (orces éducatriccs les plus
« puissantes dont puisse béné[icier la vocation du petit paysan ».
« Le patois, ajoute-t-il, est la langue agricole de la Gascogne.
« C'est de lui qu'on se sert pour commander les animaux, les flat-
« ter, les gourmander. C'est en patois qu'on sème et qu'on mois-
ce sonne, (ju'on salue les épis lourds qui courbent la tête comme le
(( col d'une oie, et qu'en septembre éclate la joie triomphale des
« vendanges. C'est en patois que le vin nouveau délie les langues
« pour célébrer la vigne et conseiller aux jeunes de la planter de
« bon plant.
« Comme de bonne mère il faut choisir la fille, joies, sentiments,
« images, tous les mouvements de l'ilme, liés aux travaux agricoles,
K sont fixés dans des mots patois. Quand il s'agit de la terre, on
« pense en patois, connne le montre une petite expérience que nous
a avons faite bien souvent et qu'il est facile de renouveler.
' « On expose à quelques jeunes paysans une question de science ■
« agricole. On s'applique à être méthodique, simple, clair ; on re-
« vient plusieurs fois sur les points difficiles. On s'assure (|ue tout
« est bien compris par les auditeurs aîlentifs. Mais ils restent silen-
ce cieux et graves. On reprend la leçon en s'aidant du patois. Les
« visages s'éclairent ; les remarques, les réflexions arrivent, même
« les objections. C'est de l'allégresse. Le patois a accompli ce mi-
« lacle de transfigurer la science sous leurs yeux ; ils la sentent
« mainleaanl faite pour eux ; ils pourront l'emporter à la maison,
« la garder avec leurs habits de tous les jours, en parler et s'en
« î5<Mvir. L'instrument de luxe dont on se méfiait tout à l'heure, est
<( devenu un outil familier. »
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Cette expérience, ne Tavons-nous pas vue nous-même se renou-
veler, Tan passé, chaque fois que dans les séances données par la
Société du Laré Gascoun dans les principales villes du Gers, et no-
tamment à Auch et à Lectoure, non seulement les citations, mais
môme les réflexions et aussi les chansons en patois de M. Tabbé
Sarrau, « lou Cascarot de FArmanac de la Gascougno », toujours
si populaire, réveillaient l'auditoire, quelque peu somnolent après
les aperçus archéologiques, historiques et philologiques des précé-
dents conférenciers, et, sous la vivifiante bouffée de l'idiome natal,
le déridaient, réchauffaient, le faisaient rire jusqu'aux larmes et
provoquaient son enthousiasme qu'il manifestait par les applaudis-
sements les plus sonores et les plus mérités.
Le vrai paysan a l'amour de la terre inné dans le cœur. La terre
est sa passion, sa maîtresse, à laquelle il reporte tout. « La vie de
« la terre, écrit encore très poétiquement M. le docteur Labat,
« comme celle de la mer pour le marin, a toujours exercé sur le
« payasan un charmfe poétique et religieux. Il frémit au premier
« chant du coucou qui est pour lui l'annonciateur des sèves prin-
<( tannières, et il sent la mélancolie de l'automne dans ces journées,
« déjà sombres, où l'on jette le grain à la hâte, sous un ciel bas, que
« traversent les appels étranges des grands oiseaux migrateurs. »
Il croit ; et devant l'imposant spectacle de la natiirc, son émotion
« dépasse la poésie et devient religieuse.... Il sent confusément une
^ « puissance souverainement créatrice et maternelle, dans le rythme
« annuel de son inlassable fécondité ». C'est peut-être « un vague
« panthéisme, qui subsiste sous la couche épaisse du Christianisme
« qui l'a absorbé et le recouvre ? » Quoiqu'il en soit, il a le senti-
ment religieux profondément gravé dans son âme ; et il l'a bien
prouvé lorsque, sous la Terreur, se passant facilement du prêtre
])our les cérémonies religieuses les plus indispensables, s'accomo
dant même fort bien du curé constitutionnel, il restait troublé, en
Lomagnc, à l'endroit de sa terre, se gardait de toute impiété envers
elle, et supi)liait le vrai prêtre, quand il le savait caché quelque part,
de venir nuitamment iïénir ses champs et ses bestiaux.
« Si jamais, ajoute M. Labat, l'idée chrétienne, en qui se sont
« réfugiées et transformées toutes les formes antérieures et durables
<t (lu sentiment religieux,, venait à disparaître ; si jamais l'àme pay-
« sanne, entièrement vidée de tout son passé, n'était plus accessible
« qu'à la science, la terre aurait beaucoup moins de prise sur elle.
« Il y aurait peu de vrais paysans. »
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Développons donc, en l'âme du petit paysan, le sentiment reli-
gieux. Mais ce n'est pas l'Ecole laïque, dîsons-le encore une fois,
qui saurait le faire; c'est à la famille, au prêtre, qu'il faut le deman-
der.
Que l'Ecole se contente de combattre en oUe l'individualisme me-
naçant, et qu'elle s'applique à nous la conserver, « en cultivant soi-
« gneusement les vocations naissantes des petits apprentis qu'on
« lui confie.... Mais elle n'y parviendra que si le maître lui apporte
« des qualités très personnelles. Ou ne peut faire aimer la terre
« qu'à la condition de l'aimer profondément soi-même. 11 ne s'agit
« donc plus d'un enseignement où il suffit d'être clair, méthodique,
« ingénieux et patient, mais d'une culture morale, où chaque pa-
« rôle, chaque geste, doivent être appuyés par le rayonnement de
« Tâme. »
Ce rayonnement de l'âme, l'instituteur primaire le possède-t-il ?
Peut-il le posséder ? Son foyer est-îl allumé, et entretenu dans les
Ecoles Normales qui l'ont façonné ? Que M. le docteur Labat y pé-
nètre, y fasse une enquête, et qu'il nous dise, en sortant, l'impres-
sion qu'il en a ressentie. Non : ce n'est pas là encore qu'est la source
du mal ; c'est plus haut; plus haut quH faut aller chercher la réfor-
me; plus haut qu'il faut viser.
Retenons simplement, en terminant, cette seule phrase, conclu-
sion de ce bel article :
« La terre qui nous nourrit, est la principale source de notre ri-
« chesse et de notre puissance; elle est au premier rang des influen-
ce ces qui ont déterminé la personnalité morale de la France et fa-
'( çonné le génie national. L'Ecole, malgré de très louables efforts,
« ne fait pas son devoir on\ers elle; nous avons essayé de montrer
« les erreurs qui l'en empêchent... Sur la mince tranche de vie que
« nous venons d'étudier, l'esprit et la méthode rationalistes abouUs-
« sent à un véritable échec. »
La voix de M. le docteur Labat, si éloquente, si sincère, si débor-
dante de vrai patriotisme, sera-t-elle jamais entendue ? Dans l'étal
actuel des choses, tout empêche qu'elle le soiU
Pn. Lauzijn.
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CHRONIQUE RÉGIONALE
Dons de M. G. Tholin. — Nous sommes heureux d'avoir à enre-
gislrer ici trois dons importants que vient de faire au Musée d'Agen
cl aux Archivas déparlementalos de Lot-et-Garonne notre ami
M. (icorges Tholin, ancien archi\isle départemental, ancien secré
taire perpétuel de la Société académique d'Agen, dont Téloignement
<U» notre ville est toujours si profondément et si «miversellemcnt
logretté.
Au premier de ces établissements il a fait parvenir : d'abord le
dessin original, à la plume, de la vue cavalière du château de Ma-
(laillan au xv" siècle, si magistralement exécuté par feu Pierre Be-
nouville, et qui a servi à illustrer Tune des pages de la remarqua-
ble étude sur ce château par G. Tholin et P. Benouville (Revue de
lAgenaiSy XIll, 1886, et tirage à part, Agen 1887, in-8" de 68 pages
a\ ec planches et plan) ; puis, le premier essai du tirage aux trois
encres d'une héliochromie de Ducos du Hauron en 1883, exécuté
par la maison Quinsac, de Toulouse, représentant une odalisque
à moitié nue, les bras relevés, d'après un tableau de G. Moreau de
Tours ; document inappréciable, attestant une fois de plus la décou-
\erle de Tinvenleur de THéliochromie.
M. G. Tholin n'a pas voulu demeurer en reste avec les Archives
départementales, son ancien domaine. A la Bibliothèque départe-
menlale il a envoyé plusieurs ouvrages importants, et surtout une
caisse renfermant de nombreuses lettres reçues et conservées par
lui, touchant à des sujets d'histoire et d'archéologie. Dans le nombre
figurent une trentaine de lettres de Léopold Delisle, une vingtaine
de Quicherat, des centaines de divers. Le donateur s'est réservé
toutefois le droit que cette caisse ne sera ouverte et son contenu
communiqué qu'après son décès.
Au nom des artistes comme des érudits de la région nous adres-
sons à M. G. Tholin, pour sa généreuse libéralité, nos plus recon-
naissants remerciements.
Mosaïque gallo-romaine, trouvée à Auch. — Une très belle mo-
saïque gallo-romaine vient d'être découverte à Auch, dans le jardin
potager de M. Dumonl, 24, rue de Pessan. Le quartier Mathalin où
elle se trouve est situé sur la rive droite du Gers, là où il est avéré
que s'élevait la ville romaine. Si la maison, dont elle ornait Tune
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(les principales salles, Valrium ou le iriclinium de préférence,
irclail pas comprise au centre de la cité, que l'on croil devoir ôlre
l'emplacement de THôpilal actuel, elle n'en était éloignée que de
500 mètres à peine, on peut donc la considérer comme faisant partie
de la capitale des Auscii, l'ancienne Climberris aquitaine, et la re-
garder comme l'habitation d'un riche patricien.
L'ensemble de cette mosaïque est des plus harmonieux et dénoie
chez son auteur un réel sentiment artistique.
Longuement décrite par M. Métivier, architecte à Auch, et pu-
bliée avec planche à l'appui par le Bulletin archéologique du Gers
(2* trimestre 1912), la partie seule visible de cette mosaïque se
divise en quatire carrés différents, séparés les uns des autres par
une bordure ornée d'entrelacs.
Le premier carré, à droite, comprend un dessin octogonal avec,
à rinlérieur, des feuilles d'acanthe symétriques, réunies au centre
sur un cercle de couleur différente de celle des feuilles. Le deuxiè-
me, ù gauche, renferme un losange, orné d'une sorte de damier.
Le troisième, plus bas, toujours à gauche, se compose d'une autre
rosace octogonale, ornée de figures géométriques et de lignes rou-
ges en zigzac. Le quatrième enfin, à moitié découvert seulement, est
formé d'une série de rectangles avec divers ornements à l'intérieur.
Ces carrés ont 1™25 de côté. Les cubes employés, de petites di-
mensions, sont peints en blanc, noir, jaune, rouge, bleu, formant
un enchevêtrement des plus artistiques et d'un effet charmant.
Par sa technique, son coloris, la forme de son ornementation,
assez semblable à celle de la plupart des mosaïques découvertes
dans le département du Gers, notamment la belle mosaïque du dieu
Océanus, au Musée de la Société archéologique du Gers, et encore
celle qui se trouve à Séviac, près de Monréal, la mosaïque d'Auch
doit remonter au m* siècle.
iNous faisons des \œ\ix pour que les fouilles soient continuées,
que ce beau spécimen soit découvert en entier, et qu'il vienne orner
la grande salle du Musée archéologique d'Auch, en nouvelle voie de
formation.
Histoire de rOrdre de Fontevrault (1100-1908), par les religieu
ses de Sainte-Marie de Fontevrault de Boulaur (Gers) exilées à
Vera de Navarra (Espagne). 1" partie : Vie de Robert d'Arbrissel
(Auch, imp. Cocharaux, 1911, in-8^ de xxvni-407 pp.).
L'ordre de Fontevrault a été trop vivace dans notre région, les
monastères de Fongrave en Agenais, du Paravis, de Vaupillon,
de Boulaur, etc. en Gascogne, ont été trop florissants et ont laissé
de trop bons souvenirs, pour que nous ne' signalions pas ici cette
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belle [mblicalion, ornée Ho nombreuses planches, touchant témoi-
gnage de piété et d'admiration élevé au fondateur de leur ordre
par les pieuses (illes que la loi de Séparation a forcées de se réfu-
gier en Espagne. Malheureusement, cet ouvrage n est écrit que sur
de bien faibles données historiques, Tune des principales sources
où ont puisé les religieuses se trouvant être un poème en douze
cliants composé au xvin* siècle.
Les débuts de la Réforme protestante à Bordeaux et dans le
ressort du Parlement de Guienne, par H. Patry, archiviste paléo-
graphe aux Archives nationales, à Paris {Revue historique, juillet-
août 1912).
En trois petits chapitres, M. Patry esquisse sommairement les
origines de la Réforme dans notre pays. Les deux premiers sont
relatifs à Bordeaux. 11 traite d'abord de Thomas Illyricus, ce moine
franciscain, originaire de l'Illyrie, qui prêchait en Guienne entre
les années 1516 et 1522 et tonnait contre les mœurs relâchées, du
clergé, ses prévarications, les abus de toutes sortes. Il cite entre
autres le texte d'une jurade de Condom, qui résume très exactement
les sermons de ce premier réformateur dans cette ville. Puis il s'oc-
fuipo des premiers professeurs du Collège de Guienne ; il les passe
presque tous en revue, fournit sur eux d'intéressants détails bio-
bibliographiques, et les représente comme les propagateurs prin-
cipaux des idées religieuses nouvelles. Le troisième enfin, qui nous
intéresse plus particulièrement, concerne uniquement les débuts de
la Réforme à Agen.
Dans ce chapitre de onze pages, M. Patry utilise exclusivement
le si curieux document des archives de rEvêché,dont il a été souvent
parlé, et qui est l'enquête faite en 1538 par l'inquisiteur Louis de
Rocheto sur les menées hérétiques dans la ville d'Agen; pièce inap-
piéciable qui permet d'étudier en détail « le mouvement réformiste
« à Agen à cette époque, de connaître les idées qui pénétraient peu
« à peu dans la population, de désigner enfin quels étaient les
« agents de propagande. » La plupart des régents, Philibert Sar-
razin, Pierre AUard, Nicolas Roillet, NicoUe Morel, Jean de La-
garde, Max Richard, prieur du couvent des Augustins, sont souvent
nommés comme enseignant la fausse doctrine aux enfants de plu-
sieurs familles nobles ou aisées de la ville, telles que les Godailho,
les Sevin, les de Vaurs, les Durfort, tous commensaux de l'illustre
savant Jules-César Scaliger, qui se plaisait à les réunir autour de
sa table et à discuter avec eux les nouvelles théories. Dénoncés à
l'autorité ecclésiastique, ils durent subir un long interrogatoire
devant un tribunal composé de Louis de Rocheto, jacobin, grand
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inquisiteur de la foi, assisté de Geoffroy de la Chassaigne, conseiller
au Parlement de Bordeaux, de frères Jean de Planchia, Pierre de
Toulouse, Bernard OUvié et autres frères dominicains. Seul fut
condamné à mort un ancien jacobin, Jérôme Vindocin, qui, le 4 fé-
vrier 1539, « fust brûlé tout vif en une prairie près la rivière, nom-
« mée le Gravier, hors la ville ». Scaliger, un moment inquiété,
fut obligé momentanément « de prendre le large ».
C'est le contenu de cette enquête qu'analyse, avec force détails,
M. Patry. Nous est-il permis de regretter, qu'utilisant ainsi la copie
que lui avait prêtée très obligeamment notre confrère et ami,
M. 0. Fallières, M. Patry ne se soit pas borné, comme nous l'avons
fait nous-même dans notre chapitre sur le Couvent des Dominicains
à Agen, à l'analyser simpleitient, mais ait cru devoir reproduire en
note le texte même des principales pages, empiétant ainsi sur la
publication in-extenso de ce curieux document que s'était réservée
M. Fallières, qu'il prépare de longue date et que nous attendons
toujours impatiemment.
Ph. L.
La CommUtion dVdminUtration e( do gérance : 0. Fallières, Ph. Launin, 0. Granat.
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THÉOPHILE [)i; VI AU
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i \ roj.s*
îiilijHV^'. '
.■i< ..
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UN POËTË MÉRIDIONAL AU XVir SIÈCLE
THÉOPHILE DE VIAU
Un an ne s'est pas écoulé que mourait à Bordeaux, dans la fleur
ch Tûge, un de nos jeunes compatriotes, Maurice de Bcllegarde, que
sa rare intelligence, ses études, ses titres, ses talents avaient mis
au premier rang des travailleurs de la région, donnant Tespoir
qu'en lui allaient renaître les brillantes qualités de son ancêtre,
1 héophile de Viau.
Car Maurice de Bcllegarde descendait, non pas en ligne directe,
mais en ligne collatérale de Tilluslre Théophile, lequel ne fut
jamais marié. Une de ses sœurs, en effet, Marie de Viau, recueillit,
par suite d'arrangements avec ses frères, dont l'un, Daniel, était
seigneur de Bellegarde (l), l'entière hérédité de son père, Janus de
Viau, avocat au Parlement de Bordeaux. Elle épousa le sieur de
Boget, devint propriétaire de la terre de Boussères entre Aiguillon
et le F^ort-Sainle- Marie (2), où vécut souvent le poète et qu'il a si
souvent chantée (3), et elle la transmit, avec les noms de Viau et de
Bellegarde qui allaient disparaître et qu'elle conserva, à son petit-
fils Pol Boger. C'est ce dernier, Pol Boger de Bellegarde de Viau,
élevé d'office, en 1701, dans la religion catholique, alors que toute
sa famille de religion réformée avait dû prendre, à la révocation
(le l'édit de Nantes, le chemin de l'exil, qui est l'auteur de la bran-
che de ce nom, d'où est descendu, en ligne directe, Maurice de Bel-
legarde.
(1) Le fief de Bellegarde se trouvait, croyons-nous, dans la plaine du Lot,
en face de Clairac. Le domaine de Viau existe encore dans la plaine d'Ai-
guillon. Il fut vendu, au xvni* siècle, par la famille de Bellegarde el appar-
tient aujourd'hui à Madame Albert de Bazignan née Nebout. (Note fournie
par M. Paul de Bellegarde.)
(2) Roget est le véritable nom de la vieille propriété de la famille de Bel-
legarde. Boussères, qui l'a remplacé, désignait le petit groupe de maisons
avoisinanl l'église, et qui du reste y sont presque attenantes. Le véritable
nom de la maison patrimoniale devrait donc être Roget de Boussères. {Idem )
(3) Nous avons cherché c^ prouver, avec Jules Andrieu, que Théophile de
Viau n'était pas né à Clairac, mais bien h Boussères do Mazèrcs, dans l'arti-
cle que nous lui avons consacré (Hecue de VAgencis, t. XXIX, 1902), et où
nous avons déjà présenté son portrait.
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— 478 —
Né le 10 décembre 1877, à Caliors, où son père, magistrat distin-
gué, venait de débuter comme substitut près du tribunal civil de
cette, ville, mais où il ne resta que deux ans, nommé bientôt après,
en janvier 1879, procureur de la République à Nérac, Maurice de
Bellegarde fit ses premières éludes dans cette dernière ville, inter-
rompues par une maladie d'une extrême gravité qu'il contracta sur
les bancs de l'école, et dont, malgré les soins les plus empressés, il
ne se releva jamais. D'une complexion frêle et délicate, il acheva
ce{>cndant ses éludes classiques au collège Sainl-Elme, à Arcachon,
slalion où son père s'était retiré, ayant donné, après les décrets,
sa démission de magistral. Il subit, avec succès, les exa-
mens du baccalauréat ès-lellres en juillet 1897 et il se fit inscrire
aussitôt à la faculté de droit de Bordeaux, qui lui octroya, trois ans
plus tard, le diplôme de licencié.
Mais le droit ne convenait pas à celle nature essentiellement lilté-
riiire et artistique Au contact des savants de Bordeaux, Maurice se
passionna pour les recherches historiques et archéologiques, et,
simultanément a\ec ses études de droit, il se prépara à subir le
concours de l'Ecole des Charles. Il y fut reçu dès la première fois,
en 1900, et, pendant un an, il en suivit les cours avec assiduité.
Le climat de Paris vint seul j)orter obstacle à la continuation de
ses nouvelles études. Gravement atteint dès sa seconde année, il
dut aller demander l'amélioration de sa santé au doux soleil de la
Côte d'Azur. Il prit un congé d'un an; mais il ne fut plus en état de
rentrer à l'Ecole des Chartes. Il résolut alors, momentanément ré-
tabli, de se fixer à Bordeaux, ville qui lui offrait suffisamment de
ressources intellectuelles, où il s'ét^iit créé des relations agréables,
et dont la proximité lui permettait d'aller voir souvent sa famille ù
Boussères, où elle s'était définitivement retirée.
Pendant dix ans, Maurice de Bellegarde se livra à de nombreux
travaux de littérature et d'art. Excellent musicien comme son père,
ardent admirateur de Wagner, il ne dédaignait pas de cgmmuni-
quer ses impressions aux feuilles Bordelaises, qui, toutes, recher-
chaient sa précieuse collaboration.
L'œuvre surtout de son aïeul Théophile hantait obstinément son
cer\eau. Il se plaisait à disséquer chacune de ses pièces, et il au-
rait certainement laissé de leur ensemble un important ouvrage de
critique, si sa santé, de plus en plus chancelante, ne lui avait inter-
dit tout travail de longue haleine. Son plus ardent désir, dans ces
derniers temps, n'était-il pas d'organiser dans sa province un Go
mité en vue d'ériger un buste à Théophile, soit à Glairac, qu'il croyait
être sa ville natale, soit dans un centre plus rapproché comme Ai-
guillon ou le Port-Sainte-Marie, voire même à Boussères, sous ces
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— 479 —
beaux ombrages, où le poète, persécuté ou malade, aimait tant à
venir chercher asile et repos ?
La mort Ta pris, le 15 mars 1912, renversant tous ces beaux pro-
jets, anéantissant toutes les espérances qu'avaient fondées sur lui
sa famille et ses nombreux amis
C'est en 1898, alors qu'il n'était encore qu'étudiant en droit, que
Maurice de Bellegardfe écrivit l'étude que l'on va lire (1).
Au point ie vue biographique, elle n'apprend rien que l'on ne
sache, tout ayant été déjà dit sur Théophile, et chaque jour de nou-
velles pages venant s'ajouter à celles déjà écrites depuis le temps
même où il vivait. Le jeune auteur, du reste, le reconnaît très mo-
destement lui-même :
« Après ces magistrales études, il resl-e assez peu de choses à dire
« sur le rival de Malherbe; et nous ne prétendons pas faire ici une
« œuvre nouvelle considérable, descendant aux détails, discutant
« toutes les questions controversées... Néanmoins, nous estimons
« que le public, initié aux ouvrages ou travaux auxquels nous fai-
« sons allusion est demeuré assez restreint ; leurs conclusions ne
« sont encore malheureusement connues que du petit nombre.
(( Aussi, avons-nous cru pouvoir et même devoir suggérer le désir,
u donner l'idée générale d'une plus exacte connaissance de Théo-
« phile aux personnes qui ne le voient encore que par les yeux de
« Boileau, et à travers deux siècles d'oubli et de ridicule... »
Ce n'est donc pas un simple essai de vulgarisation que tente
Maurice de Bellegarde, c'est aussi la réhabilitation de son ancêtre.
Bien plus, c'est une critique des plus serrées et des plus impartiales
de son œuvre poétique, appuyée sur de multiples citations permet-
tant à tous cçux qui n'auraient pas ses volumes en mains de la juger
en pleine connaissance de cause et de l'apprécier comme elle le
mérite.
Pour ces motifs, nous croyons juste et utile de la publier aujour-
d'hui, l'accompagnant d'un nouveau portrait du grand poète, et
nous estimant heureux si nous pouvons ainsi répondre au désir bien
légitime d'un père désolé, (jui est toujours resté l'un de nos meil-
leurs amis.
Pu. L.vrzi \.
(1) Elle a déjà vu le jour, en plusieurs fragmenls, dans la Heine de. Bor-
deaux et du Sud'Ouest, année 1898, périodique aujourd'hui disparu et dont
les livraisons sont devenues fort rares.
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- 480 -
UN POÈTE MÉRIDIONAL AU XVir SIECLE
THÉOPHILE DE VIAU
I
("est une des figures les plus curieuses de notre littérature
que nous voudrions contribuer à mettre ici sous son vrai jour,
à placer à son rang véritable. Certainement, le poète Théo-
phile de Viau, que nous désignons ainsi, a été depuis un demi-
siècle environ, Tobjet de travaux remarquables, définitifs en
nombre de parties ; tous ceux qui veulent parler de lui, sont
dans l'obligation, sinon de reproduire entièrement ces derniè-
res, du moins de s'en inspirer le plus possible et de leur faire
de larges emprunta. Après ces magistrales études, assez peu
de choses restent en définitive à dire sur le rival de Malherbe,
et encore vont-elles être probablement bientôt connues du pu-
blic curieux de les apprendre (1). Aussi ne prétendons-nous
pas faire ici une œuvre nouvelle, considérable, descendant aux
détails, discutant toutes les questions controversées. Notre
défaut d'autorité, de compétence, le cadre qui nous est tracé,
se réunissent pour nous enlever toute espèce de prétentions de
ce genre. Mais le public initié aux ouvrages ou travaux aux-
(1) Voici la liste des principaux ouvrages écrits sur Théophile depuis le
XMiï* siècle : Recherches sur le pays de Théophile de Viau\ suivies d'un Pré-
cis historique des villes de. Clairac, du Port-Sainte-Maric et d'Aiguillon en
Agenois 1788. Ouvrage rare. — Philarète Chasles : Etude publiée dans la
livraison du 7 août 1839 de la Revue des Deux-Mondes. — Th. Gautier : Lr?
Grotesques f étude .sur Théophile) — Notice sur Théophile, par M. Alleaumc,
en léte de l'édition des œuvres complètes parues chez Jannet en 1855. —
l'Aude biographique sur le poète Théophile de Viau, par M. Serret. Celle
notice fait partie de la Biographie universelle. — Etude bi-bibliographique
sur Théophile de Viau, par M. Jules Andrieu, 1887. Picard, Paris. Contient
une pièce inédite et un tableau généalogique. — Leçons consacrées à Théo-
phile de Viau dans le cours professa à la Sorbonne par M. Emile Faguct
sur la Poésie franraise de 1600 à 1620 (Revue des Cours et Conférences, an-
née 181)i-95. Lecènc et Oudin). - Enfin, l'ouvrage le plus récent est une no-
tice publiée en Allemagne par M"* Kathe Schirmacher (Sonderarbruck aus
dem Archiv. fur das Studium der neueren Spraclien und Litteraturen, —
Band XVT, Band XVII; Georges Westermann, Brunswick. — M. Aug. Bes-
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- 481 —
quels nous faisions allusion est demeuré assez restreint; leurs
conclusions ne sont encore malheureusement connues que du
petit nombre. Nous avons donc cru pouvoir et même devoir
suggérer le désir, donner Tidée générale d'une plus exacte
connaissance de Théophile aux personnes qui ne Iç voient en-
core que par les yeux de Boileau, et à travers deux siècles
d'oubli et de ridicule. Depuis le mouvement romantique, on a
généralement, jusqu'ici, fait bon accueil aux réhabilitations'
littéraires; op a ainsi enrichi notre patriotisme artistique d'au-
tant d'œuvres dignes d'attention, qui en étaient jadis exclues.
Dans le Midi, en outre, et plus qu'ailleurs certainement, s'af-
firme, réagit contre une centralisation dévastatrice un autre
mouvement d'ordre plus général encore que le romantisme
nous voulons parler du régionalisme. Se levant à la fois, nos
provinces d'oc, d'un commun accord, se tournent enfin avec
orgueil vers un passé plein de vie et de grandeur; elles en re-
vivent, en ressuscitent toutes les gloires, et, demandant à la
mère-patrie de leur rendre un peu de leur liberté primitive,
elles lui en montrent les éclatants résultats comme autant de
titres qui s'imposent. Mais, et nous espérons bien le faire au
moins entrevoir, notre Théophile est lui aussi, lui surtout, un
insigne méconnu, un méconnu qui fut très bien douê^ et qui
était un vrai fils dii Midi ! N'est-ce pas un double motif d'espé-
rer pour celui qui entreprend aujourd'hui d'en entretenir les
sou, professeur agrégé à l'école Colbcrt, devait, croyons-nous, soutenir en
Sorbonne et faire paraître bientôt une thèse sur Théophile; elle contiendrait
les derniers résultats, de la critique et ne saurait manquer d'être intéressante
à tous points do vue. Mentionnons aussi le spirituel chapitre de M. Gaston
Bastit, dans son récent volume La Gascogne liltéraire (Bordeaux, Ferel,
A celte note do l'auteur nous croyons devoir ajouter comme ouvrages
ayant paru depuis 1898 : litude historique et littéraire sur Théophile et Paul
de Viau, par Ch. (iarrisson. (Toulouse, Privât 1809. în-8' de 237 pp.) Et sur-
tout, par Frédéric Lachèvre : Le Procès du poète Théophile de Viau. Paris,
Champion 1911. 2 vol. in-8'; — Disciples et successeurs de Th. de Viau (Des
Barreaux, Saint-Savin). Id. 1911. — Une 2* édition des œuvres de Th. de Viau,
publiées en 1€^3 par Esprit Aubert, suivies de pièces inédites. Paris, Cham-
pion 1911; 1 vol. in-8' — Enfin La Querelle des anciens et des modernes,
Claude Garnier contre Th. de Viau, etc. Paris, Leclerc. (Extrait du Bulletin
du Bibliophile.)
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— 482 —
lecteurs de celte Revue, auxquels il ne demande qu*indulgence
pour son compte personnel et justice pour son poète !
Théophile de Viau (souvent désigné sous le nom de Théo-
phile Viau, ou Viaud, ou plus fréquemment peut-être sous son
simple prénom de Théophile), naquit en 1590, à Clairac en
Agenois. Ce n'est pas que le lieu de sa naissance n*ait été, de-
puis un siècle, Tobjet de discussions plus ou moins documen-
tées. On a fait naître Théophile ou bien à Boussères Sainle-
Radegonde (près de Clairac), avec lequel il n'a absolument
aucun rapport; ou bien à Clairac, ou enfin à Boussères de Ma-
zères qui est le domaine familial dont il parle dans plusieurs
de ses poésies. Nous croyons avoir de fort bonnes raisons à
Tappui de l'opinion, que nous avançons et qui est d'ailleurs
celle de l'auteur anonyme des Recherches sur le pays de Théo-
phile de Viau, Son père, Janus de Viau, calviniste, était fils
lui-môme d'un secrétaire membre du conseil privé de la célè-
bre Marguerite de Navarre. Le poète appartenait donc à cette
noblesse méridionale d'alors, instruite et batailleuse tout à la
fois, presque entièrement prolestante, qui aida Henri IV ù
conquérir son royaume et s'inscrivit dans nos fastes littéraires
avec les noms de d'Aubigné, de du Bartas, de Montaigne. Ja-
nus de Viau avait été avocat au Parlement de Bordeaux (1);
retiré dans son domaine à cause des guerres de religon, il y
donna à son fils les premiers éléments de cette forte culture des
hommes de la Renaissance, puis il l'envoya continuer ses étu-
des chez les régpnls écossais de Saumur. Théophile vint à
Paris en 1610. Protégé et pensionné par le duc de Montmo-
rency, il fit avec Balzac, le célèbre épistolier, un voyage en
Hollande au cours duquel il se brouilla avec son peu sympa-
thique compagnon. Puis il revint à Paris.
Cependant, depuis sa sortie « des escholes » — Théophile
nous l'apprend lui-même en termes pittoresques et souvent
cités — il avait mené joyeuse mais peu édifiante vie ; il s'était
(1) Un petit-neveu de Théophile fut aussi avocat au Parlement de Bor-
deaux, et un des fils de celui-là fut capiloul de Toulouse. Un frère de Théo-
phile était capitaine dans les compagnies protestantes.
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— 483 —
aussi attiré une réputation considérable, par son talent, son
esprit ; il passait enfin pour le plus illustre représentant de
l'athéisme épicurien, qu'avait professé l'italien Lucilio Vanini.
En fait, il se conduisait et pensait comme beaucoup de jeunes
poètes et nobles d'alors, sans y mettre plus d'ostentation ni
plus d'hypocrisie. Aussi, la malencontreuse renommée qui lui
valut d'être choisi comme le bouc émissaire, la victime expia-
toire, les persécutions qui en résultèrent, tout cela est demeuré
pour nous une quasi-énigme qu'il serait intéressant d'éclair-
cir (1). Quoi qu'il en fut, Théophile reçut en 1619 l'ordre de
quitter le royaume, à cause de ce la licence de ses mœurs et de
ses écrits. » Il s'enfuit à Boussères de Mazères, à Montpellier,
dans les Pyrénées, à Boussères de nouveau, enfin en Angle-
terre où Buckingham le protégea et où Jacques P' refusa de
le voir. Mais vient l'année 1621; grâce à Montmorency,- Théo-
phile peut rentrer en France. Il se convertit alors au catholi-
cisme avec plus ou moins de désintéressement et de conviction.
Comment pourrions-nous le lui reprocher sérieusement? On
va voir que pour lui, de telles précautions, si elles ne furent
pas efficaces, étaient loin d'être inutiles.
Il rentre alors en faveur auprès du roi, qui le pensionne.
Pour celui-ci, et pour de Luynes, il écrit des vers officiels, des
ballets; il les accompagne tous deux dans la campagne de 1621
contre les prolestants, campagne au cours de laquelle meurt
de Luynes. En 1622 nouvel exode de Théophile à la suite du
roi parti derechef contre les protestants. C'est ensuite le « plein
repos » de la vie du poète, le plus haut moment de son crédit,
de sa réputation. Alors, il se lie étroitement avec Mairet, un
de ses disciples les plus connus : il trône parmi ce cercle des
(( libertins » qui comprend Desbarreaux, Saint-Pavin, Boissat,
Vallot. Sa tragédie de Pyrame et Thisbé, jouée devant la cour,
a remporté un succès éclatant.
(1) Théophile ayant été mis en vue par ses succès de poète et d'homme
d'esprit, on dut d'autant moins hésiter à le choisir comme cihle des traits de
la « pieuse ? » cabale, qu'il était par lui-même moins puissant et moins ri-
che, n était en outre loin de sa famille, ce qui empêchait celle-ci de le secou-
rir efficacement et permellail à ses ennemis de lui contester sa naissance de
parents nobles (Garasse l'affirmait fils d'un aubergiste de Clairac!)
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— 484 —
f
Ce bonheur fut brusquement interrompu à la suite de la
publication, par les libraires Bilaine, Ouesnel et Sommaville,
d'un recueil licencieux, le Parnasse satyrique, dont la pre-
mière édition est de 1622 et dont la seconde, où le nom de
Théophile se trouve à côté de plusieurs poésies, parut en 1623.
Ces poésies sont-elles vraiment de Théophile? A la vérité, il
est aussi impossible de l'affirmer que de le nier. Tant d'écri-
vains, parmi lesquels on compte même des magistrats très
sérieux, se permettaient alors ces « gayetés » que le fait n'au-
rait rien de surprenant. Il est en tout cas absolument certain
que ces vers ne figurèrent dans le recueil que sans l'aveu de
leur auteur et dans le seul but d'allécher le public.
Le poète, comprenant les funestes conséquences qu'entraî-
nerait pour lui l'indélicatesse des libraires, leur intenta ausssi-
lôt un procès et fit saisir les exemplaires où se trouvait son
nom. Ce fut en vain; une action criminelle était bientôt dirigée
contre lui-même. Se^s ennemis, animés d'une haine tenace,
furieuse à tel point qu'elle paraît étrange à notre époque, ob-
tinrent une sentence (1) qui condamnait Théophile de Viau à
être bnilé vif en place de Grève. Mais celui-ci, prévoyant l'is-
sue du procès, s'était enfui presqu'à son début, et l'arrêt fut
seulement exécuté en effigie.
<( I^ 18 août, dit M. Alleaume, on achevait d'imprimer un
gros volume in-4 lancé contre Théophile : la Doctrine curieuse
des beaux esprits de ce temps. Cet ouvrage était du père Fran-
çois Garassus (2) ancien régent de Balzac. Ainsi la main qui
avait préparé l'arrêt s'inscrivait elle-même sur le titre du livre :
cette main était celle des jésuites ». Ce furent eux qui menèrent
la campagne contre Théophile, par l'intermédiaire des pères
Voisin, Guérin, Renaud et Garasse, l'auteur du livre précité.
Ce laclwn est un curieux amas d'injures baroques, de basses
plaisanteries, d'indigeste érudition, mêlées à d'âpres et dan-
gereuses menaces. Le tout est à l'adresse des plus fameux
(1) Rendue en une matinée par dix juges des enquêtes. Le reste du Parlc-
rpenl était absent de Paris, à cause de la peste qui y régnait.
(2) Ou plutôt Garasse.
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— 485 —
<( libertins » (Mahomet, Luther, Vanini) et particulièrement de
Théophile. L'acharnement des religieux ne fera d'ailleurs que
s'accroître au cours du second procès, quand Théophile aura
dévoilé certaine turpitudes du père Voisin.
Notre Gascon errait cependant dans le nord de la France,
gardant toujours quelque espoir du ccMé du roi (qu'il savait
ne pas lui être foncièrement hostile), ne se décidant pas à
franchir la frontière. Il finit ainsi par être arrêté au Caslelet,
en Picardie, ramené à Paris brutalement et avec ignominie; on
le jeta dans le cachot de Ravaillac, où il devait souffrir durant
près d'une année. Le procès s'ouvrit de nouveau; il était ins-
truit par Mathieu Mole, alors procureur général du Parlement;
le duc de Montmorency lui écrivit en faveur de Théophile.
Buckingham lui-même intercéda officieusement auprès du
roi, par ambassadeur. On le voit, le procès, ou plutôt la lutl^,
que Théophile eut à soutenir contre les jésuites ne fut pas seu-
lement l'événement dominant de la vie du poète; il fut encore
un des plus célèbres de l'époque. L'accusé avait des amis nom-
breux et dévoués, des ennemis (1) non moins puissants et déci-
dés à tout pour le perdre. Tous s'agitaient, intriguaient, écri-
vaient, et passionnaient diversement le public instruit.
Enfin, après les longs et délicats débats d'une procédure qui
fut loin de tourner à l'avantage des détracteurs de Théophile
de Viau, après une hitte pied à pied entre ce dernier et ses ad-
versaires qui mirent tout en œuvre pour assouvir leur ven-
geance, malgré les calomnies répandues, les témoignages sou-
doyés, les interprétations criminelles données aux moindres
actes, aux moindres écrits du poète, un an-êt du 1" septembre
1025 condamna ce dernier au simple bannissement. A cette
époque, les arrêts de bannissement étaient loin d'être tous ri-
goureusement exécutés; les ennemis de Théophile furent donc
pas mal déçus. Aussi les voit-on continuer comme par le passé,
L espionner, menacer leur victime, à persécuter sourdement
(1) Parmi lesquels Balzac, bien qu'ancien ami de Théophile el brouillé au
début du moins avec Garasse, s'était rangé sans vergogne. H s'attira une
vigoureuse réplique de Théophile, qui le réduisit au silence.
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— 486 —
le protégé de Montmorency par mille petites vexations, tandis
qu'il suit son Mécène au siège de .la Rochelle et que, revenu à
Paris, il paraît de nouveau à la cour où on le voit même se ris-
quer au lever du roi.
Le poète passa l'été de 1626 au château de Selles, en Berry,
chez le frère de Sully, et à Chantilly, chez Montmorency. Il
avait d'ailleurs déjà joui des agréments de cette dernière rési-
dence, et il les avait chantés dans une suite de pièces intitulée
la Maison de Sylvie (1).
Ces beaux jours durent certainement être bien doux à celui
qui sortait à peine d'une dure captivité et de rudes épreuves;
ils furent malheureusement trop courts : le 25 septembre 1620
Théophile de Viau mourait à Paris, dans l'hôtel de Montmo-
rency « probablement d'une méningite » dit M. Emile Faguet,
qui ajoute : « Théophile était d'un tempérament ardent et déli-
cat; il avait beaucoup souffert; ses nerfs surtout, s'étaient trou-
vés extrêmement secoués et malmenés; il mourut très jeune, et
ce fut certainement une des plus grandes pertes que la littéra-
ture française ait jamais faites. On veiTa, en effet, qu'il n'y a
pas eu d'imagination plus vive, plus fraîche ef plus brillante,
que cet homme n'eut pas manqué d'êlre le grand poète roman-
tique du xvif siècle et le digne pendant de Malherbe ».
Ces lignes, d'une remarquable justesse de pensée et d'ex-
pression, nous amènent à rechercher brièvement ce que fut
l'homme dans Théophile de Viau, puis à examiner plus lon-
guement l'auteur, soit comme poète, soit comme prosateur.
Nous voudrions auparavant nous excuser d'avoir insisté à
ce point sur une simple biographie. Mais Théophile est un de
ces poètes dont la vie explique au plus haut point les œuvres
et on verra que ces dernières portent l'empreinte profonde des
vicissitudes de l'existence de leur auteur. C'est le récit som-
maire de cette existence que nous avons cru nécessaire de
donner comme préface à notre modesle travail.
(l) Sylvie représente la duchesse de Montmorency. On voit encore, pa-
rait-il, à Chantilly, les « Bosquets de Sylvie ».
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-487 -
II
Théophile de Vian est bien un vrai Méridional : son humeur
changeante, ses idées variables, s'expriment volontiers par
boutades sincères, mais qu'il faut se garder de prendre comme
des indications sérieuses sous peine d'arriver à des contradic-
tions insolubles. Essayons d'indiquer sommairement les traits
dominants du caractère de Théophile qui se dégagent le plus
nettement d'une lectui'e intelligente de ses œuvres et d'une con-
naissance intime de son existence.
Il y a d'abord des ombres au tableau; Théophile, comme
beaucoup de poètes et d'artistes qui ont voué une sorte de
culte sensuel à la femme, a été entraîné par ce séduisant mi-
rage à de graves écarts de conduite; sa vie privée n'est pas
plus à l'abri du reproche que celle de Régnier, et, plus près
de nous, de Musset. Mais Théophile n'a pas cependant été
livré aux imaginations erotiques; c'est à tort qu'il est présenté
sous ce jour fâcheux dans le roman d'Arsène Houssaye intitulé
Une Pécheresse et dont il est le héros; c'est à tort qu'il est qua-
lifié par M. Gustave Merlet, dans une de ses Etudes littéraires
iV « Arétin de carrefour ». Il faut aussi remarquer que notre
poète était jeune, qu'il n'a jamais été marié et que ses déporte-
ments n'ont fait souffrir que lui seul.
Ensuite, il n'a pas reculé, comme d'ailleurs les poètes ses
contemporains, devant les flatteries exagérées ; il n'a pas
hésité à désavouer plus ou moins ses convictions intimes, à
déguiser ses idées quand il l'a cru nécessaire pour son
repos (1). Il serait donc difficile d'en faire un martyr. Mais les
(1) Voici ce que nous lisons, à ce sujet, dans VOde à M. de Loziéres
Mais jamais encore Tenvie
D'escrire un pasouin ne me prit,
Et tout le soin ae mon esprit
Ne tond qu'à l'aise de ma vie.
J'aime bien mieux ne dire mot
Dn pins infâme et du plus sot,
Et me sauver dans le silence,
Que d'expoi^er mal à propos
A l'effort d'une violence
Ma renommée et mon repos.
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QoO^Qi
— 488 —
concessions de ce genre, qui auraient certainement trouvé
grâce devant Montaigne, se comprennent facilement chez le
pauvre poète, à la vie toujours incertaine et menacée ; nous
serions presque tentés de dire qu'il aurait du en faire davan-
tage et plus habilement, pour le bonheur de sa vie, sinon pour
la dignité de son caractère (1).
Nous savons que ce furent les Jésuites qui attaquèrent les
idées de Théophile autant que sa vie. Quelles étaient au juste
ces idées ? Il nous paraît probable que Théophile, protestant
peu rigoriste, puis catholique encore moins convaincu, a suivi,
au moins jusqu'à sa captivité, ce que M. Brunetière a juste-
ment nommé la philosophie de la nature. Il rejette les austé-
rités de l'ascétisme, pratiquées en vue d'une vie future qui lui
paraît hypothétique, d'après les prétendus ordres d'un Dieu
qui probablement se soucie fort peu de ce que les mortels peu-
vent faire. A ce point de vue, Théophile de Viau a été comme
un des anneaux de la chaîne qui relie le siècle de Montaigne et
de Rabelais à celui de Voltaire et de Diderot à travers celui de
.Descartes et de Bossuet. Nous croyons d'ailleurs très probable
qu'à partir des terribles épreuves- de son second procès, lassé,
désabusé, malade, pressentant peut-être parfois sa mort pro-
chaine, il s'est tourné sérieusement vers les idées religieuses.
A plusieurs reprises, on reconnaît dans ce qu'il écrivit alors (?)
un accent significatif qui éveille dans l'esprit le souvenir des
<( litanies catholiques » de Verlaine dans Sagesse, et des vers
de repentance de Villon. Ce n'est pas sans motif que lés noms
(1) Ces concessions s'alliaient d'ailleurs, par un bizarre contraste qui existt
aussi chez Montaigne, avec un fond de franchise, d'esprit criliquê.
(2) M. AUeaume croit que Théophile reçut en mourant les secours de la
religion, et tout en effet le fait présumer. Dans la poésie intitulée la Pénitence^
Théophile dit que Saint Augustin lui sert « d'entretien » dans sa prison; il
ajoute :
Je maudis mes jours déhanchés.
Et dans l'horreur He mes péchés.
Bénissant mille fois l'outrage
?|ui m'en donne le repentir,
e trouve encoren mon courage
Quelque espoir de me garantir.
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de Villon et de Verlaine viennent de se trouver ici sous notre
plume. Théophile a au moins un trait commun avec eux :
l'existence souffrante et précaire. C*est encore, cest surtout,
chez ces poètes, la même ingénuité, la même candeur, pour-
rcil-on dire, dans le vice comme dans le remords, et le côté
quasi^nfanlin qui est un des charmes de ces poétiques orga-
nisations, de ces pittoresques figures nous fait passer en leur
faveur sur bien des choses....
Nous avons vu, que comme Montaigne, Théophile n'est pas
très disposé à souffrli* poui' des idées; comme Montaigne
aussi, il a un grand amour de l'indépendance. M. Emile Fa-
guet, qui a bien mis, en lumière cette caractéristique, a dit de
lui qu' i( il détestait la dépendance sous ses deux formes, celle
du serviteur et civile du maître ». Le même critique ne croit
pas d'ailleurs que celui qu'il appelle <( le bon Théophile » fut
capable « de ces attachements passionnés et de ces dévoue-
ments qui caractérisent le véritable homme de bien ». Nous
ne partageons pas cette trop sévère manière de voir. Du dé-
vouement, notre poète en montra, en Hollande, pour ce Balzac
qui le lui rendit si mal et pour lequel il mit l'épée à la main ;
de l'attachement, il en eut pour Desbarreaux, pour Mairet, à
tel point que la calomnie n'épargna pas ses immondes insinua-
tions à la première de ces liaisons. Les lettres de Théophile a
ses parents, plusieurs de ses poésies nous le montrent plein
d'une touchante, sincère affection pour le foyer familial, d'un
culte véritable pour son pays natal, cette magnifique et pitto-
resque plaine de la Garonne qui rivaliserait justement avec
celle de la Loire si elle avait eu la bonne fortune de voir s'éle-
ver, en son cadre plantureux aux lignes sereines, les chefs-
d'œuvre de nos architectes de la Renaissance ! Ce fut là qu'il
apprit à aimer la nature, à rêver devant elle comme bien peu
savaient alors ! Son amour de la rêverie solitaire, de l'obser-
vation minutieuse du monde extérieur dont les impressions
étaient très vives en lui, le rapprochent singulièrement de La
Fontaine. Mais il avait, à défaut d'autres qualités, un agré-
ment qui manquait à l'auteur des Fables : une conversation
spirituelle au plus haut point et que les plus grands seigneurs
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— 490 —
recherchaient (1). Reconnaissant envers ses bienfaiteurs, il ré-
ser\ail à ses ennemis de ces ripostes fières, cinglantes, qui sen-
tent leur gentilhomme, remettent les gens à leur place et par-
lent do la plus vindcnte indignation (2).
\ous connaissons trois gravures d'après lesquelles on peut
se représenter Théophile de Viau. La meilleure est une es-
tampe gravée par Daret. Théophile nous y apparaît « fin, spi-
rituel, mélancolique et moqueur, la lèvre inférieure un peu
forte... » (.S). Avec Théophile Gautier, nous reconnaissons
aussi dans celle physionomie « la figure de quelqu'un qui a
aimé et soufferl, qui a pensé et qui a agi, qui a manqué de loul
et abusé de tout; la figure d'un poète qui a vécu enfin, chose
malheureusement trop rare parmi les poêles ».
11 est temps maintenant de céder le plus possible la parole
au poète lui-même : aussi bien est-ce là le meilleur moyen de
faire partager au lecteur la sympathie que nous semble mé-
riter celui qui, malgré le Père Carrasse, est et restera « le bon
Théophile ».
III
c( On représente généralement Théophile de Viau comme
Tauleur de Pyrame et Thisbé ; on cile de cette œuvre quelques
vei-s ridicules, et tout est dit ». M. Faguel caractérise ainsi une
des plus fausses idées que le public se soit jamais faites d'une
oeuvre. Pyrame el Thisbé vaut d'abord mieux que sa réputa-
(1) Ce seraient certains Irails de sa verve satirique dirigés contre de Luy-
nes que ses ennemis auraient exploités pour son prenxier bannissement. Aussi
Théophile lit-il plus tard amende honorable avec l'Ode au duc de Luynes,
où sont accumuk'es des louanges forcément hyperboliques. Le caractère de
notre poète est ainsi fait de verve railleuse et d'amour de la tranquillité, ce
«pii va difficilement ensemble dans la réalité.
(2) Théophile a été « d'une vanité qui allait jusqu'à l'extravagance », disent
certains biographes de dictionnaire qui ne l'ont d'ailleurs certainement pas
lu. Ils avaient trouvé, dans Malherbe, les mêmes vanteries naïves qui se
voient chez Horace, Lucain, Ronsard, etc. et dont personne ne s'étonnait ;
l'affectation de modestie de la part des auteurs, qui n'est trop souvent, hèlas!
qu'hypocrisie, ne leur a guère élé imposée par le bon ton que vers le milieu
du dix-septième siècle.
(3) Kaethe Schismacher, lettre à l'auteur de cette notice.
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— 491 —
lion ; c est même une pièce qui a son importance dans l*his-
loire du théâtre ; mais surtout il faut ne pas connaître Théo-
phile pour le présenter comme poète dramatique. Ce n'est
qu'une fois, par accident, qu'il a. abordé le théâtre, et même
alcrs, il est resté ce qu'il était avant tout : poète lyrique. Poète
lyrique, il a écrit de très nombreuses Odes, des Elégies, nom-
breuses aussi, des Stances, des vers pour les. ballets du roi,
deux satires, quelques sonnets, enfin des pièces diverses. Mais
les qualifications qui lui servent à dénommer le genre de ses
poésies sont généralement assez menteuses. C'est ainsi, par
exemple, que nombre de ses « Elégies » sont en réalité de vé-
ritables épitres, adressées à diverses personnes à qui le poète
fait part de ses opinions, de ses soucis.... du moment. Il faut
plutôt, croyons-nous, s'attacher à la source, à l'essence intime
de l'inspiration. Avant d'aller plus loin dans cette voie, et de
commencer à passer en revue les diverses manifestations de
l'individualité poétique que nous éludions, essayons dès main-
tenant de déterminer les traits saillants de celte dernière.
On peut la faire connaître en quelques mots : Théophile de
Viau posséda des dons remarquables dont il abusa en les gâ-
tant, soit qu'il y eut de sa faute propre, soit qu'il faille en ren-
dre responsable son époque où débordait le plus intense mau-
vais goût. Doué, celles, il le fut éminemment, de cette faculté
magique et divine qui fait se revêtir naturellement l'idée, le
fait, abstraits et froids, l'émotion, brutale ou vague, de l'image
expressive, neuve, colorée, de cette faculté qui en fait, sans
efforts apparents, des rj^thmes harmonieux et qui par l'Œuvre
d'art, transforme en Idéal la vile et ingrate matière offerte par
la Vie ! A cet égard, on ne peut que répéter après Théophile
Gautier : Théophile de Viau est « un poêle dans le sens le plus
étendu du mot », il s'élève en cela bien au-dessus de nombre
de ses prédécesseurs ou de ses contemporains plus célèbres
que lui, au-dessus notamment du froid, sec et prosaïque Mal-
herbe (1).
(I) Parmi ses plus heiircMises images, donnons celle qui se trouve dans
€es vers sur Henri IV :
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— 492 —
En revanche, le grand mérik' qu'a eu Malherbe et qui a été
de s'astreindre à une sévère discipline, à l'heure où personne
n en avait, a trop manqué à notre poète. Son goût qu'il ne sou-
met à aucun contrôle est déplorablemenl perverti par les in-
fluences étrangères alors toutes puissantes. Puis, de même
que Malherbe a proclamé la nécessité d'écrire peu pour bien
écrire, de même aussi Théophile, qui est tout justement l'anti-
thèse de Malherbe, nous a légué une œuvre considérable et hâ-
tivement écrite (si Ton prend garde à la brève carrière de son
auteur.) De là les critiques si souvent faites à Théophile ; on a
eu le tort de les exagérer au-delà de toute mesure : mais, sa-
chons le reconnaître, elles visent avec raison des défauts gra-
ves et incontestables. En premier lieu, l'exagération des ima-
ges, qui relève évidemment de l'influence espagnole aggravée
du tempérament méridional de l'auteur. Puis, les pointes, les
jeux de mots : la recherche puérile et affectée du Irait final, qui
sont les funestes effets de l'imitation italienne... De l'abus que
Théophile a fait de sa facilité naturelle résultent enfin trop
souvent la diffusion verbeuse, la faiblesse du style, l'incohé-
rence des idées qui atteint parfois l'obscurité.
Voilà assurément bien des défauts, et très sérieux (1). Mais
Ainâi que le soleil penchant vers le tombeau
Jetait sur l'univers l'œil plus grand et plus beau
Sa valeur trop longtemps honteusement oisive,
Méditnit d'arrachet son myrte et son olive :..
Tous les rois ses voisins penchaient sur la balance,
Egalement douteux où fondrait sa vaillance ;
Son r'iurn.(/e riait de voie qu«» la terrear
Se mêlait parmi tous dans lear confuse erreur.
(1) Tout le inonde connaît les deux vers de l^yrame et Thisbé que Ton va
répétant sans s'occuper de savoir si tout ce qu'a écrit Théophfle est dans ce
goût :
Ah ! voici le poignard qui du sang de son maître
S'est souillé lâchement ; il en rougit le traître !
Pour achever de donner une idée du mauvais goùl auquel se laisse trop
souvent entraîner Théophile, et pour les personnes qui ne les connaîtraient
pas, citons encore ces quelques vers, toujours pris dans Pyrame et Thisbé.
(C'est Thisbé qui parle.)
11 m'est ici permis de te nommer, Pyrame,
II m'est ici permis de t'appeler mon âme.
Mon âme, qu'ai-je dit ? C'est fort mal discourir,
Car l'âme nous fait vivre et tu me fais mourir.
C'est un joli exemple de ce que M. Faguet appelle : « la pointe redoublée
et corrigée ». Il y a aussi l'apostrophe de l'amant de Thisbé à leurs parents :
Conseillers inhumains ! Pères sans amitié I
Voyez comme ce marbre est fendu de pitié.
Et qu'à notre douleur le sein de ces murailles
Pour resserrer nos feux entr'ouvre les entrailles !
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nous allons voir que ce n est pas d'après eux seuls qu*il faut
juger Théophile, comme on Ta trop fait depuis Boileau.
Une importante partie de s-on œuvre est composée de piè-
ces, désignées sous le nom d'Odes, et dans lesquelles il expri-
me, non ses vrais sentiments personnels, mais plutôt des senti-
ments u de commande », impersonnels et généraux. C'est le
genre qui a été succcussivement cultivé par Malherbe, Jean-
Baptiste Rousseau, Couchard Lebrun, et par les autres « lyri-
ques » antérieui-s au romantisme. Demandant surtout une pa-
tience-industrieuse à combiner froidement les images et les
rythmes, habile à feindre un enthousiasme inspiré, ce genre
n'était pas celui qui convenait à Théophile. Le ton général de
ses Odes est loin d'être aussi soutenu, le style d'être aussi châ-
tié que dans celles de Malherbe. Mais que de morceaux pour-
tant méritent d'y être admirés, pour la vigueur énergique et
sobre des expressions, la noblesse de l'accent et la facilité du
rythme ! Citons au premier rang l'ode la plus connue de Théo-
phile, celle qu'il adressa « Au Roy, sur son exil » :
Celui qui lance le tonnerre,
Qui gouverne les éléments
Et meut avec des tremblements
La grande masse de la terre ;
Dieu, qui vous mit le sceptre en main ;
Qui vous le peut ôter demain,
Lui, qui vous prête sa lumière,
Et qui, malgré les fleurs de lys,
Un jour fera de la poussière
De vos membres ensevelis ;
Ce grand Dieu qui fit les abîmes
Dans le centre de l'univers,
Et qui les lient toujours ouverts
A la punition des crimes,
Veut aussi que les innocents
A l'ombre de ses bras puissants
Trouvent un assuré refuge,
Et ne sera point irrité
Que vous tarrissiez le déluge
Des maux où vous m'avez jeté.
Z2
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494
Aujouid'liui, parmi des sauvages,
Où je ne trouve à qui parler,
Ma triste voix se [)erd en Tair
Et dedans Técho des images.
Au lieu des pompes de Paris,
Où le peuple avccque des cris,
Bénit le roi })armi les rues,
Ici les accents des corbeaux
Kt les foudres dedans les nues
\e me parlent (jue de tombeaux.
C.'omme il fait à l'humaine race
Qui se prosterne à ses autels,
\*ous ferez paraître aux mortels
Moins de justice que de grâce.
Moi, dans le mal qui me poursuit.
Je fais des mvux pour (jui me nuit :
Oue jamais une telle foudre
.\ 'ébranle l'établissement
De ceux «pii vous ont fait résoudre
A signer mon bannissement !
Un jour leurs haines apaisées
Feront caresse à ma douleur
Et mon sort, loin de mon malheur,
Trouvera des routes aisées.
Si la clarté me dure assez
Pour voir, après ces maux passés,
Un ciel plus doux à ma fortune,
Mon Ame ne rencontrera
Aucun souci qui Timportune
Dans les vers qu'elle vous fera.
De la veine la plus hardie
Qu'Apollon ait jamais rempli
Et du chant le plus accompli
De sa parfaite mélodie,
Dessus la feuille d'un papier
Plus durable que de l'acier,
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— 495 -
Je ferai pour vous une image
Où des mots assez complaisants
Pour bien parler de mon ouvrage
Manqueront à vos courtisans.
Là, suivant une longue trace
De l'histoire de tous nos rois
La Navarre et les monts de Foix
S'étonneront de votre race ;
Là ces vieux portraits effacés,
Dans mes poèmes retracés,
Sortiront des vieilles chroniques,
Et, ressuscitez dans mes vers,
Ils reviendront plus magnifiques
En l'estime de l'univers (1).
Nous ne manquerions pas, si nous avions la place de les
citer, de vers aussi excellents que ceux-là. Contentons-nous de
donner quelques strophes de YOde au Prince d'Orange qui,
d après M. Alleaume, « sentent le huguenot » et qui sont com-
me un hymne triomphal à l'accent rude, mâle et austère :
L'Espagne, mère de l'orgueil.
Ne préparait votre cercueil
Que de là corde et de la roue
Et venait avec des vaisseaux
Qui portaient peintes sur la proue
Des potences et des bourreaux.
Ses troupes à pleine licence
Venaient fouler votre innocence
Et l'appareil de ses efforts
Craignait de manquer de matière
Où vos champs, tapissés de corps.
Manquaient plutôt de cimetière
Pour le sépulcre de ses morts.
(1) Th. Gautier voit dans ce dessein d'écrire « un poème national tiré de
nos vieilles ctironiques » (dessein qui n'a pas été exécuté, ou dont les résul-
tais nous sont en tous cas demeurés inconnus) un trait qui complète le ro-
mantisme « avant la lettre » de Théophile de Viau, romantisme dont nous
aurons à parler à propos de Théophile poète de la nature. « Vous voyez
que son plan d'insurrection était complet et que rien n'y manque pour être
parfaitement semblable à celui qui vient d'avoir lieu, pas même le retour au
moyen-âge. »
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Les vôtres, que mordit sa rage,
Mourant disaient en leur courage :
0 nos terres ! o nos cités î
Si vous n'êtes plus asservies,
Ayant gagné nos libertés
Nous voulons bien perdre nos vies.
0 vous (jue le destin d'honneur
Retira pour notre bonheur,
Belles âmes soyez apprises
(Juo l'horreur de vos corps détruits
\'a point rompu vos entreprises
Et (|ue nous rocueinons les fruits
Des peines que vous avez prises.
\os ports sont libres, nos remparts
Sont assurés de toutes parts ;
Picorans jus(ju'au bout du monde
Si nos victorieux nochers,
Trouvent des ennemis sur Tonde,
Ce sont les vents et les rochers.
MAvmcE DE Belî.egarde (de Viau).
(A suivre,)
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UNE QUESTION POSÉE PAR M. LE D" E. LABAT
C'est d'un très petit fait que je voudrais parler et surtout sou-
mettre à la Société académique d'Agen l'interprétation qui
m'en a paru possible. Comme c'est uniquement par voie d'in-
duction que j'y suis arrivé, il est nécessaire qu'elle soit histori-
quement confirmée. C'est pourquoi j'ai recours aux lumières
de mes collègues.
Il s'agit de hameaux, qui ne sont pas rares en Gascogne,
non pas, à la vérité, de tous, mais de ceux qui présentent de
prime abord un triple caractère : ils sont très anciens; ils ont
eu de l'importance par le nombre de leurs foyers, dix, quinze,
vingt, même davantage; on n'y trouve jamais ni église, ni
cimetière, ni ruines qui les rappellent, ni souvenirs qui s'y rat-
tachent: ils n'ont jamais été le centre d'une petite circonscrip-
tion administrative ou religieuse; ils n'ont jamais été, nous
insistons là-dessus, qu'un simple habitat. Pourquoi un certain
nombre de familles s'y sont-elles un jour groupées et fixées ?
C'est le point qui a piqué notre curiosité.
Il est bien entendu, d'ailleurs, que l'origine de ces hameaux
est extrêmement diverse; beaucoup présentent nettement les
trois caractères qu'on vient de dire, pour qui ne serait pas va-
lable l'explication que nous réservons à quelques-uns, où d'au-
tres particularités se rencontrent.
Ceux-ci sont, à première vue, une agglomération assez irré-
gulière de maisons; mais un examen plus attentif y montre
toujours un bâtiment central, en général le plus important, et
toujours le plus vieux.
Sa vieillesse est attestée par sa forme, Ja qualité des maté-
riaux, une foule de détails de sa construction. C'est le noyau
primitif du hameau. Presque toujoui-s c'est un toit, à vaste dé-
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veloppement sur plusieurs versants qui descendent jusqu'à
2 ou 3 mètres du sol. Tout autour s'ouvrent des portes, et à
côté de chacune d'elles une fenêtre et un évier. La porte cor-
respond à un logis, ouslal ou ouslaou, composé d'une première
chambre claire avec cheminée et d'une seconde, obscure,
chambre de derrière ou cratuhol. Telle est la disposition pri-
mitive qu'il est facile de retrouver à travers les nombreuses
modifications ultérieures, qui la masquent, et dont les plus or-
dinaires sont la transforma^tion d'un logis en étable ou la fusion
de deux logis en un seul. L'ensemble éveille l'idée d'un cla-
pier, tel qu'on le construit artificiellement avec des pierres re-
couvertes de terre, et c'est d'ailleurs la comparaison employée-
volontiers par les paysans.
Ce bâtiment est aujourd'hui rarement habité. Il est devenu
grenier à fourrages, chambre de débarras ou étable. Il tombe
de vétusté. Depuis trente ans on l'a souvent démoli pour utili-
ser les matériaux. Sa démolition nous a révélé qu'il fut parfois
bâti d'un seul coup, sur un plan arrêté à l'avance, pour permet-
tre d'établir sous le même toit une série de foyers. La forme
de la charpente, la longueur et l'importance de ses pièces prin-
cipales, la disposition des murs intérieurs ne laissent aucun
doute. Voilà le fait.
Essayons de l'interpréter, c'est-à-dire de répondre à la ques-
tion suivante : par qui fut bâtie cette singulière maison ?
Ce ne fut certainement pas par l'un de ses habitants. Ils
étaient tous trop pauvres pour cela. S'associèrent-ils pour
grouper leurs ressources et leui-s efforts ? Il est possible, en-
core qu'il soit nécessaire de le savoir par des documents.
Même, dans ce cas, il est difficile d'admettre qu'ils ne furent
pas aidés par quelqu'un, plus riche qu'eux, d'où leur vint le
terrain, les matériaux, surtout les belles poutres en cœur de
chêne ou de châtaignier, tirées d'arbres magnifiques, qu'on
ne trouve guère dans les maigres taillis des pauvres gens.
Nous avons pu étudier un de ces hameaux dans la commune
de Gimbrède, avant qu'il ne fut complètement démoli. Quinze
familles y vivaieni, dans le bâtiment central, au moment de la
Révolution. Chacune avait jardin, champ, pré ou vigne. Le
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four, la mare, un pâtus étaient communs. Le total des terres
possédées par ces familles ne dépassait pas une douzaine
d'hectares. Elles formaient un seul lot au milieu des biens de
la Commanderie qui s'étendaient au loin tout autour. Le ha-
meau était situé à deux pas d'une grosse métairie et à l'entrée
des bois qui appartenaient à l'ordre de Malte. Il semble donc
évident qu'à un moment donné le lot fut découpé, en plein
drap, dans la terre seigneuriale, et divisé en une foule de |>etits
champs que se partagèrent les habitants du hameau.
On devine la suggestion. La voici qui se précise. Nous avons
connu le bâtiment à peu près intact. Toutes les portes étaient
t\ encadrement de bois. Une seule faisait exception par ses bel-
les pierres de taille. De génération en génération elle s'était
toujours appelée la porte du seigneur. Le logement, auquel
elle correspondait, était d'ailleurs pareil aux autres.
D'autres détails confirment la suggestion. Les derniers habi-
tants du hameau n'y étaient pas depuis plus d'un siècle. Ils por-
taient des noms différents, n'étaient pas parents entre eux ou
ne l'étaient que par des alliances récentes. En revanche, un
assez grand nombre de familles dans la commune garde en-
core le souvenir d'y avoir eu un logis à l'époque lointaine où
« l'on était en métairie ». Le toit central du hameau était donc
un abri transitoire, un premier établissement familial, d'où le
(î brassier » sortait pour devenir métayer. Le métayage était la
première étape de l'ascension sociale.
On devine la conclusion qui se présente. A une époque don-
née, la main-d'œuvre agricole étant devenue très rare, plus
rare qu'aujourd'hui, le seigneur de l'endroit, grand proprié-
taire du sol, fait un énergique effort pour attirer près de lui les
travailleurs. Il prend une pièce dans sa ten^e, la divise en 15
champs et, au milieu, bâtit un hameau. Le logement, le champ,
peut-être d'autres avantages dans les chaumes, les prairies et
les bois sont abandonnés sous certaines conditions. Un loge-
ment est réservé au représentant direct du seigneur qui sur-
veillera l'exécution du contrat. En d'autres termes je soup-
çonne qu'au xv"* siècle, après la guerre de Cent ans, par exem-
ple, un chevalier de Malle, devançant l'avenir, a bâti, près de
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— 500 —
mon village, une véritable maison ouvrière, sans avoir d'ail-
leurs aucune des pi-éoccupations d'hygiène physique et morale
qui sont l'honneur du temps présent.
Nous ne vous soumettons qu'une hypothèse. S'il faut l'aban-
donner, elle aura toujours rempli son rôle qui est d'exciter la
curiosité et de provoquer la recherche. Si l'on peut au con-
traire la tenir pour vraie, elle démontrera une fois de plus que
les faits économiques pèsent sur l'histoire d'un poids plus
lourd qu'on ne pense et que la loi de l'offre et de la demande
est une loi d'airain contre laquelle rien ne saurait prévaloir, ni
les doctrines et les rêves des uns, ni les violences des autres.
Son jeu pose, à plusieurs siècles de distance, les mêmes pro-
blèmes, leur donne les mômes solutions. Quand l'homme se
raréfie, il devient cher, et, comme il est une marchandise mo-
rale, on lui offre non seulement plus d'argent mais certains
avantages qui le peuvent séduire. Autrefois on relevait sociale-
ment et l'émancipation des serfs au moyen âge a été surtout un
fait économique (Georges d'Avenel, La Propriété loncière de
Philippe Le Bel à Napoléon); on lui donnait une maison, un
champ où il serait le maître, on le rendait propriétaire. On n'a
guère trouvé mieux depuis.
D' E. Labat.
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FOUILLES DE SOS
RAPPORT des Membres de la Sovs-Gommission ehargée d'effeetner les fonilies
de Sos, adressé à la Soeiélé des Sciences, Lettres et Aris d'Agen
Messieurs,
NoUs venons de suspendre les travaux de sondage pour les-
quels vous avez bien voulu nous déléguer. Nous croyons qu'il
est de toute nécessité de les renvoyer au printemps ou à l'été
1913. •
Les journées sont trop courtes et trop peu rémunératrices;
les terres trop boueuses pourront garder les petits objets
qu'elles récèlent; la subvention ministérielle, connue trop tard,
n'a pas permis de diriger les travaux sur le plateau de Lousta-
let, déjà livré à la culture. Les sondages ont uniquement porté
sur quelques points du plateau de Sos. l'n peu sur la place;
principalement sur la ligne de faîte qui domine la dépression
de Loustalet, que les anciens terriers de la jurade appellent
« vieux lassés de V ancienne ville ». Nous avons commencé vers
rentrée de la Ténarèze, dans Yoppidum, à l'est, jusqu'à la Pey-
rade de Gueyze, à l'ouest. Nous allons passer en revue les
neuf sondages entrepris.
L
Découverte, sur la place du Maure (actuellement place Ar-
mand-Fallières) des absides des églises de Sas.
Commencées le 2 septembre 1912, les fouilles entreprises en
cet endroit ont amené la découverte, d'abord des fondements
de l'abside de l'ancienne église paroissiale de Sos, église ro-
mano-byzantine, consacrée au culte, dès l'année 1095, par
Guillaume I" évèqup d'Auch, assisté de Simon II, évêque
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— 502 —
d'Agen et de Pierre II, évêque d'Aire, et qui a été récemment
démolie en 1873; puis, de deux piliers reposant sur yn massif
de béton de 2"80 d'épaisseur et du premier dallage fait en bri-
ques et pierres plates à 0^30 de profondeur. Nos recherches
n'ont pas dépassé la limile intérieure de Tabside romane.
Nous avons ensuite creusé l'intérieur de cette abside et nous
avons mis à jour une autre abside plus petite, à 0"80. Nous
avons trouvé un autre dallage, qui était, croyons-nous, le dal-
lage primitif de l'église de 1093. 'Car, au cours des siècles, la
terre extérieure du cimetière s'était exhaussée, et on fut obligé
de surélever le dallage intérieur de l'église. La différence de
niveau entre ce dallage et le sol actuel est de l'^lO environ.
Nous avons ensuite dégagé le mur de l'abside primitive, in-
térieurement et extérieurement. Nous avons constaté que le
mur de la grande abside était fait de pierres régulièrement ap-
pareillées, ou grosses pierres de taille.
L'église romane de 1095 avait donc succédé à une autre
église primitive que les invasions et les pillages des guen-es
avaient sans doute détruite. Sa forme en plus petit suit les con-
tours de l'église du \f siècle; tandis que les murs de l'église de
1093 sont solidement appareillés et les pierres bien taillées, le
mur de la primitive est fait de moellons et de pierres en petit
appareil gallo-romain. Cet appareil n'est pas régulièrement
arrangé. Il est noyé dans la masse des matériaux sans ordre.
Ce petit appareil provenait certainement d'un édifice gallo-
romain tout proche, dont on a utilisé les fragments détruits, et
que nous n'avons pas encore retrouvé.
Cette abside a ses premières pierres à 2 mètres de profon-
deur. Elles reposent sur une argile vert-jaune, qui n'est pas
encore le sol vierge. Contre ce mur barbare, nous avons trouve
aggloméré de la terre, des quantités de graines brûlées en tas.
Ces graines proviennent d'une légumineuse, une espèce de
faverolle, et des bois brûlés. La leiTc, entre les deux absides,
comprenait des matières organiques, quelques fragments de
colonnettes et du marbre blanc brûlé. Toutes ces matières brû-
lées proviennent-belles d'un rite à la consécration de l'église ?
Ou bien celte église avait-elle servi de magasin a vivres, et l'in-
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— 503 —
vasion a-l-elle brûlé le tout après son sac par les Arabes ou les
Normands ?
Dans l'espace situé entre les deux absides, nous avons trouvé
deux squelettes ensevelis dans une bière en bois; sans doute
quelques dignitaires d'église; car on a retrouvé les fragments
de leur costume d'apparat, en cuivre doré, lissé. L'orientation
était ordinaire; les bras le long du corps; une pièce de monnaie
dans la main. Sur l'une on lisait « 010 », et plus loin « xm »,
sans doute un double tournois. Sur l'autre, une croix ancrée.
Occupons-nous maintenant de Tintérieur de l'abside de
l'église primitive. On y voit deux aires successives à des ni-
veaux différents. La supérieure faite de mortier sur lequel re-
posaient des carreaux de briques de 0°77 en carré, placés dia-
gonalement; la seconde faite seulement de mortier et de bri-
ques pilées, qui était l'aire première de cette église primitive.
Sous cette aire nous avons trouvé des décombres en abondan-
ce, surtout des tuiles à rebord, et une fusaiole en terre cuite.
A une certaine distance du cul de l'abside primitive nous
avons trouvé une masse de maçonnerie, faite de moellons, de
débris de sarcophages, de tuiles à rebord et de pierres en petit
appareil. Cette maçonnerie, que nous n'avons pas continuée à
déblayer, devait être le support de l'autel.
L'épaisseur du mur de la seconde abside est de P70, quand
tout l'intérieur n'est que de 4"40 seulement.
Entre les deux aires de la primitive église nous avons trouvé
des ossements humains, provenant de sépultures anciennes,
qui étaient formées de dalles bâties bout à bout, et qui peuvent
remonter à l'époque carolingienne.
Enfin, dans un sarcophage cité plus haut, nous avons trouvé,
pris dans le mortier, un. culot de vase en verre noir, fondu sous
l'action d'un violent incendie.
IL
Terrain Duflau^ à gauche, en bordure de la Ténarèze.^ —
Nous avons reconnu un mur formé de grosses pierres, et pou-
vant avoir 1"10 à P20 d'épaisseur. De quelle époque est ce
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mur? Esl-ce le débris d'un mur de l'époque de la Gaule indé-
f>endanle ? Un mur du iv* ou v* siècle, établi pour mieux résis-
ter à l'assaut des barbares ? Est-ce le contrefort de la porte qui
s'élevait à cet endroit, ou la continuation du mur d'enceinte ?
Quel est, au juste, son appareil ? Nous ne pouvons le dire; le
propriétaire ne nous a pas autorisé à y fouiller; ce qui est re-
grettable, car nous aurions pu voir s'il est analogue à ceux
découverts aux fouilles VI et IX.
IIL
Terrain Labau, en bordure à lest du cimetière, en face du
monument élevé à la mémoire du poète E. Delbousquet, sur le
tcrre-plein du rempart. — Fouilles de 4"80 de long, 1 mètre de
large, 3"70 de profondeur. — Coupe des terres : 1** terre ara-
ble; 2*" argile; 3*' sable. Débris de poteries gallo-romaines,
fragments informes de bronze, débris de fibule en bronze; pas
trace de mur.
IV.
Sur le rempart de Voppidum, terrain Labau, au nord du
mur du cimetière. — 1** terre arable; 2"* argile; 3"* sable. Débris
de poteries, deux petits bronzes, monnaie très frustes; pas
trace de murs.
V.
Du côté du parc Darribeau, notaire, sur le rempart, — Une
seule portion du champ a été fouillée, l'autre partie venait
d'être ensemencée. Le locataire de ce terrain ayant précédem-
ment rencontré, en labourant, des pierres de petit appareil,
nous avons, dans la zone autorisée, fait faire cinq à six fosses,
d'une dizaine de mètres de long. Nous espérions rencontrer
l'édifice d'où provenaient ces pierres. Nos recherches n'ont pas
été couronnées de succès.
Dans un de ces fossés, nous avons trouvé un amas de pierres
et tout autour comme une poche pleine de charbon; à côté, un
fragment de meule en pierre calcaire. Dans cette partie, la cou-
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— 505 —
che d'argile manque. De la terre arable nous arrivons directe-
ment au sable, mêlé de mortier et de pierrailles. C'est d'ailleurs
le point où la culture a le plus nivelé le terrain.
VI.
Terrain communal, devenu le préau de l'école des garçons,
Nous avons découvert deux mui-s. Un premier mur A, à
moitié versant du remparl; à cet endix)it la présence d'un mur
moderne, pour un besoin quelconque, ne s'explique pas. Ce
mur n'a plus que 5 mètres le long, sur 0"70 à 0"90 d'épaisseur.
Il s'est défilé sous la poussée des terres du dessus, ce qui nous
laisse supposer que si par ailleurs nous ne le retrouvons
plus, c'est qu'il a dû s'écrouler dans le ravin.
A ce mur vient se souder perpendiculairement un autre mur
B. Ce mur B est flanqué d'un contrefort. Le premier mur A est
orienté de l'est à l'ouest, le second du nord au sud.
Ces deux murs, qui sont d'un aspect relativement récent,
présentent quelques particularités intéressantes à signaler.
Les diverses pierres taillées de petit appareil de l'époque
gallo-romaine que nous rencontrons ici, les moellons, qui for-
ment l'intérieuj' des murailles de cette époque, sont faits d'un
calcaire blanc (dont un banc utilisé à l'époque actuelle émerge
au Cavali près Sos). Cette pierre assez dure résiste aux gelées.
Le mortier, soigneusement fait, contient ou de la brique ou de
petits cailloux.
Les moellons qui composent les deux murs sont au contraire
grossièrement équarris, la pierre est d'une qualité tout autre;
c est du calcaire gris de l'Agenais, pierre gélive qui forme la
base des rochers qui entourent la ville.
Les ouvriers qui ont lié ces pierres étaient peu expérimen-
tés. Le mortier est très mal gâché ; tantôt le sable est presque
pur ; tantôt la chaux se rencontre en morceaux de la grosseur
d'un œuf.
Les assises qui forment le contre-fort sont d'un plus gros
volume que le reste du mur.
La partie B s'est consei-vée plus haute que la partie A. Les
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premières assises, sur 1 mètre de haut, sont liées par ce gros-
sier mortier à la chaux; les autres, simplement avec de la terre.
Au niveau des premières assises du mur A nous avons trouvé
plusieurs fragments d'une poterie grossière, sans doute bien
antérieure à l'époque romaine. .
jCoupe des terres le long du mur : 1*" terre arable; 2** argile.
Le chapeau de terre qui recouvrait les murs A et B est d'en-
viron 0.90 d'épaisseur.
VII.
En terrain communal, derrière le préau de Vécole des gar-
çons, à 1 m, 50 du mur B vers l'ouest. — Coupe des terres :
P terre arable, 0.40; 2^ argile, 2.70. Poteries, fusaioles.
Il est à remarquer que dans la fouille 6 et 7, il n'y a pas trace
de sable.
VIII.
Fouille en terrain communal, derrière le préau de Vécole des
garçons, à 10 m. environ du mur B, vers Vouesl. — Coupe des
terres : terre arable, 0 m. 40; sable, 2 m.; terre noire, 1 m. 70.
Nous attirons votre attention sur ce sondage. Vous pouvez
remarquer qu'ici la nature des terirains n'est plus la même, que
le sable vient après la terre arable, et que sous le sable appa-
raît une terre noire.
Nous nous trouvons sur une véritable poche, les terres, au
lieu d'être inclinées dans le sens de la dépression de Loustalet,
le sont dans le sens de l'intérieur de l'oppidum.
Le sable contient quelques fragments de poterie.
Au-dessous, nous trouvons une terre noire, qui présente le
plus vif intérêt; sa coloration tranche vivement sur les autres
terres. Elle est remplie de débris organiques, charbon, os brû-
lés; les poteries sont des plus grossières; un échantillon re-
cueilli n'a pas moins de 3 centimètres d'épaisseur, avec un
dessin en bordure, qui semble avoir été fait par la simple pres-
sion des doigts sur la terre molle. (Voir Décheletle, âge du
bronze, page 373.) Dans le fond de la tranchée, avec quelques
ossements humains (?) brûlés, nous avons i^cueilli un crochet
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— 507 -
en bronze, une pointe en fer d'une arme offensive, javelot ou
lance, des fusaioles en terre séchée au soleil. Nous nous de-
mandons si nous ne sommes pas, à cet endroit, en présence
d'un fond de cabane ou d'un lieu d'incinération.
IX.
Terrain communal, à iouest de loppidum^ en bordure de la
route dite « Route neuve ». — La pioche de l'ouvrier a mis à
jour, à une profondeur de 0 m. 00, les fondations d'un édifice
gallo-romain des premiers âges chrétiens. L'appareil, bien
assemblé, est d'un genre allongé. L'abside est plus grossière-
ment appareillée. Malheureusement, une route qui longe ces
substructions et en déblai en a enlevé une aile. Suivant votre
désir, nous avons fait déblayer les terres de l'intérieur et le
plan des lieux a été dressé. Nous vous laissons le soin de vous
étendre plus longuement sur ce sujet.
Cette cellq (petite chambre ou chapelle) repose directement
sur le rocher. Primitivement, un pavage devait niveller le
rocher. Le fragment que nous avons découvert est fait d'un
conglomérat de cailloux blancs, noirs et rouges unis par de la
chaux. Ces substructions avaient dû rester longtemps à décou-
vert et servir de carrière. Dans les déblais nous avons trouvé
deux double-toumois, un objet en fer recouvert d'une feuille
d'or, ornée d'un dessin à la pointe (un bouquet de fleurs sur
une face ; deux oiseaux sur un carquois sur l'autre ; objet de
parure Louis XIV ou Louis XV), une clochette cassée en
bronze.
Au milieu de la cella, la partageant du nord au sud, la dépas-
sant même vers le sud, on voit les restes d'un mur, d'une cons-
truction toute différente, tant par les matériaux que par le mor-
tier
La cella est bâtie avec des pierres du Cavali. Le mur du
milieu est en moellons de pierres gélives, identique aux murs
A de la fouille VI.
Que vient faire ce mur de 0 m. 90 d'épaisseur au milieu
d'une si petite chambrette ? De quelle époque est-il ?
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A-l-on construit ce mur au \^ ou \f siècle pour renforcer la
défense? Comment admettre dans ce cas qu'il eut été édifié
dans l'intérieur d'un édifice, laissant une moitié dans les rem-
parts, l'autre moitié au dehors. La cella était-elle ruinée ? Dans
ce cas pourquoi n'aurait-on pas utilisé ses matériaux, plutôt
que d'aller chercher des pierres au fond de la vallée.
Ne serait-ce pas plutôt le débris du fameux mur aquitain,
rencontré en A, soupçonné par la tradition dans l'intérieur du
cimetière, entrevu peut-être à la fouille II, et que M. Momméja
avait cru reconnaître l'an passé lors des travaux des tramways.
Ici nous n'en trouvons plus que lés dernières assises respec-
tées par les constructeurs de la cella, qui avaient établi sur elles
le pavage de leur édifice.
Ce mur aurait chevauché le rempart, tantôt dessus, tantôt
sur pente, suivant la vulnérabilité du lieu. Il n'aurait pas été
bâti en grosses pierres de taille, mais en moellons comme ce-
lui de Costellaros de la Malle (voir Déchelette). Ses premières
assises, pour plus de solidité, étaient peut-être liées à la marne,
et les autres s'emplirent avec de la boue ou en pierres sèches.
Mais, ce mur est-il aquitain ?
Dans un fossé-rigole qui longe ce mur nous avons trouvé
une pointe de javelot en fer, une poterie à dessin, deux frag-
ments de mâchoires d'animaux.
Quoiqu'il en soit, les sondages effectués n'ont pas été vains.
Si nous n'avons pas eu le bonheur de trouver des bronzes, de
belles poteries ou des inscriptions qui nous auraient fixé sur
l'importance ou le nom de la tribu qui, aux époques lointaines
des âges pré-romains, foulaient le sol des sables Landais ou
des plateaiLX de la Ténarèze, nous pouvons hardiment con-
clure qu'un peuple aquitain, soit d'une façon passagère, soit
à demeure, a habité le plateau de Sos. Ces hordes avaient ap-
précié la solidité de l'assiette pour se défendre conti-e les atta-
ques du dehors. Peut-être ont-elles aidé la nature dans celle
dépression de Louslalet, qui va du vallon du Key, à l'est, à la
vallée de la Gueyze, à l'ouest. Mais la gigantesque levée de
terre qui borde, au nord, le plateau de Sos, a été faite de la
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main des hommes. Jusques à 0 mètres de profondeur il nous
a été pennis de reconnaître leur signature par les poteries
qu'ils y ont semées, et nous pouvons évaluer à 15.000 mètres
cubes la terre transportée pour les bâtir.
Voilà, Messieurs, ce qu'il nous est permis de conclure en
attendant les fouilles complémentaires.
Lks Mlmbrfs dk la Sois-Commission.
A ce rapport de la sous-commission nous croyons devoir ajouter,
en guise de supplément, les deux notes suivantes, que nous adresse
sur le même sujet M. Barlhalès, de Sos.
LES FOUILLES DE SOS
I
Ce groupe de ruines gallo-romaines que Ton voit le long
de la ligne des tramways en sortant du village de Sos, paraît
avoir été la mulalio Scitlio de l'Itinéraire d'Anlonin.
Cet Itinéraire, connu sous le nom ditinerarium provincia-
rum, fut tracé, croit-on, sous le règne d'Antonin le pieux (138-
161), pour faciliter les moyens de communication dans les pro-
vinces de son vaste empire.
Mais .quand furent tolérées par ce monarque les premiè-
res manifestations du culte chréti^^n, quand le llabarum de
Constantin fut porté à la tête des années, et, quand surtout sur-
vinrent les premières croisades, cet itinéraire fut adopté par
les nombreux chrétiens d'Aquitaine qui entreprenaient le
voyage en terre sainte, par voie de terre jusqu'à Mai'seille. Cela
valut, dès lors, à la fraction qui nous intéresse, le surnom d'Iti-
néraire de Bordeaux à Jérusalem.
Les distances marquées en lieues gauloises sur cet itinéraire
sont :
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- 510-
De Civilas Vasalum à ires arbores V.
De 1res arbores à Oscineio VIII.
D'Oscineio ù Sciltio VIII.
De Scittio à Civitas Elusalum VIIL
La lieue était de quinze cent pas romains, et le pas romain
de quatre pieds six pouces.
Il n'est plus possible aujourd'hui de contrôler exactement
ces distances; la végétation forestière et le remaniement des
terres ne le perm: lient plus : à peine aperçoit-on encore le silla-
ge de celle voie sur quel(}ues points de la grande lande, entre
Bazas v{ Sos. Néanmoins, on peut préjuger que ces distances
sont approximativement le^ mômes.
Xous retrouvons, en effet, après Bazas, la halte de Très ar-
bores, désignée aujourd'hui sous le nom de Lous très cassous
dans le canlon de (irignols; la halte d' Oscineio, désignée au-
jourd'hui sous le nom d'Esqninjos, qui est un moulin sur le
Ciron, non loin de Lubbon; la mulatio Sciltio qui est Sos, et
enfin Civilas Elusatani qui est Eauze. Le tout échelonné sur la
même ligne, à des dislances qui se trouvent être sensiblement
les mêmes que sur ledit itinéraire.
A quelques trois cent mètres environ au nord de la miitatio
de Sos, cette voie se branchait sur la Ténarèze, également voie
romaine, et se confondait avec elle jusqu'à la métropole
d'Eauze.
C'est donc à la jonction de ces deux routes, et pour ainsi
dire aux portes de l'oppidum, qu'était établie la mutatio men-
tionnée par l'itinéraire
Maintenant, qu'était-ce qu'une Mutatio à cette époque si re-
culée de la domination romaine J? Une Mutatio ou Mansis était
ce qu'on appelle de nos jours un relai de poste. C'est là que
les voyageurs devaient Irouver les installations nécessaires
pour se refaire des fatigues de la route, et trouver du matériel
de n^hange en chevaux, bouifs, charriots, etc. pour pouvoir
franchir une nouvelle étape.
C'est donc d'hôlelleries surtout que se composait une Muta-
lio ; il fallait des inslallations assez vastes pour loger et héber-
ger les caravanes qui passaient, fréquentes et nombreuses,
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~ 511 -
notamment à partir des premières croisades. Il fallait que ces
hôtelleries fussent abondamment pourvues en vivres, loge-
ments et tous autres objets nécessaires aux pèlerins et voya-
geurs qui arrivaient harassés et poudreux des sables brûlants
de la lande. Il fallait des installations confortables pour les
gens de condition qui arrivaient avec leur train de maison.
Tout cela devait se trouver à la Mutalio de Sos, puisque nous
en retrouvons les vestiges au milieu de ce fouillis de décom-
bres, que l'on remue à la pelle quand on ouvre le sol.
Nous y retrouvons des aires d'appartements parquetés en
mosaïque, jonchés de débris de poteries : fragments de coupes
de toute forme et de toute dimension; des fibules et des objets
de toilette en bronze; des quantités de tessons d'amphores dont
les culots de quelques-unes sont encore barrés de lie de vin ou
d'huile; quantité aussi d'ossements d'animaux domestjques,
dont les cassures intentionnelles accusent des reliefs de cuisine.
Nous y avons môme rencontré les derniers vestiges d'un éta-
blissement de bains, avec son hypocauste et ses tuyaux de cha-
leur. Le tout fort délabré, mais encore reconnaissable.
Mais, ce n'est pas seulement par la voie Antonine que les
voyageurs arrivaient à la Mulatio, il y avait encore la voie Cé-
sarée qui y aboutissait; c'est à partir de là que les deux voies se
confondaient pour n'en former qu'une seule jusqu'à Eauze, qui
fut un temps la capitale de la troisième Aquitaine.
Les caravanes qui arrivaient par cette dernière artère étaient
le plus souvent composées non seulement de pèlerins, mais de
traficanls venant de la Celtique, qui nous apportaient des hui-
les, des soies, des armes et de fines poteries. Ils s'en retour-
naient avec, en échange, des miels et des goudrons de résine
pour les Massaliotes; des minerais de fer et des paillettes d'or
pour les Arelates et pour les Némausates.
Ces transactions se confirment, en quelque sorte, par le
grand nombre de monnaies coloniales que l'on rc^trouve à
travers ces ruines.
C'est celte double artère débouchant à la Mutatio de Sos,
qui en faisait l'iniportancp. Voilà pourquoi nous y retrouvons
aujourd'hui tant de vestiges de ce lointain passé.
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- 512 -
Mais alors, à quoi senait l'oppiciuiii à quelques deux cents
mètres en arrière? L'Oppidum démenlelé, ruiné el très peu
peuplé sans doute, n'en restait pas moins, le cas échéant, !e
dernier refuge d(*s habilanls du pays, qui couraient s'y enfer-
mer dans les moments? de péril extrême. Ces moments n'é-
taient pas rares dans les temps si troublés de la décadence et
de la chute de l'Empire.
Des hordes nombreuses de Barbares, en quête de butin et
cL" territoire, fondaient à l'impmx iste sur nos meilleures popu-
lations et les raziaient sans pitié.
Le vieil oppidum devenait aloi's leur refuge in extremis.
Ces gros blocs de pierre que nous retrouvons aujourd'hui un
peu partout, dans le sous-sol du village, tantôt seuls, tantôt
par groupes, hissés comme à la hâte les uns par dessus les au-
tres, ne sont autres que de pauvres remparts de fortune, der-
rière lesquels ils vendaient chèrement leur vie.
La peur des Barbai^es ! voilà quel fut le cri d'effroi des peu-
ples de l'Aquitaine, depuis les derniei*s temps de l'occupation
romaine jusqu'aux premières tentatives d'unité nationale par
Charlemagne.
L'oppidimi était demeuré, quoique ruiné, la place forte, la
citadelle des clans el des tribus du voisinage, dans lequel elles
couraient s'enfermer au premier cri de guerre.
Kl la nnilalion élail, pendanl les périodes de Iranquillilé et
de paix, le siège de l'évolution civile, le lieu où se faisait l'é-
change des marchandises, des produits divei*s et des idées nou-
velles.
Voilà la version qui a paru la plus vraisemblable à un vieux
chercheur du pays, à l'occasion des fouilles qui se font dans ce
petit village, qu'on a déjà surnommé l'Alésia du Midi.
II
Sur la place du marché de Sos, anciennement dénommée
place du Mouré, en souvenir des Maures venus d'Espagne, on
a mis à découvert les absides de deux églises bien distinctes:
une petite et une grande, la petite enfermée dans la grande.
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— 513 -
La petite abside est celle de la première église chrétienne
qui ail été construite à Sos. Son existence nous en est révélée
par un manuscrit du quatrième siècle, intitulé Hisloriœ sancli
Severi. Voici, en substance, ce qui y est rappelé :
« C'était vers l'an 392. Saint Sever et ses compagnons étant
allés à Toulouse pour y vénérer les reliques de saint Saturnin,
obtinrent du clergé de cette ville une portion de ces glorieuses
dépouilles, et se rendirent directement à Sos pour y prêcher
Iê^ foi catholique.
<c Là, ils trouvèrent une memoria ou petite église, érigée en
l'honneur de saint Saturnin. Les hérétiques prisciliens ayant
auparavant enlevé les reliques qui s'y trouvaient, ils les rem-
placèrent et demeurèrent un certain temps à Sos ou dans la
région, pour y rétablir pleinement l'empire de la vraie foi. »
Comment et à quelle époque a disparu cette église ? C'est
encore un autre manuscrit du temps qui va nous l'apprendre;
celui-ci est connu sous le nom de cartulaire de Lescar, et rap-
poilé par l'historien toulousain Nicolas Bertrandi. Voici ce
qu'il nous raconte :
<( Vers Tan 840, apparut sur les côtes de Gascogne une flotte
nombreuse de barbares, composée de peuples divers et com-
munément appelés Normands. Corsaires sur'mer, pillards sur
terre, c'étaient des professionnels du vol et du crime.
« Ils abordèrent donc devant Bordeaux qu'ils ne purent
prendre à cause de ses solides fortifications. Remontant quel-
(|ue temps la Garonne, ils se jetèrent sur Bazas et livrèrent la
ville aux flammes après en avoir massacré les habitants. Ne
trouvant pas leur butin suffisant, ils continuèrent leur course
dans la direction de Sos. Là, comme à Bazas, les habitants pris
à l'improvisle furent massacrés, leurs édifices renversés et
Téglise incendiée. »
Voilà comment finit la memoria ou petite église de Sos.
Mais au xf siècle, quand cette grande panique de fin du
monde se fut dissipée comme un mauvais rêve, sur ce même
emplacement s'éleva une autre église plus grande et plus somp-
tueuse que la première. Les annaks du temps disent que c'était
une des plus belles du diocèse. Pour la consécration de son
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^ 514 —
grand aut/el, en 1095, il y avait un archevêque, deux évêques et
quantités de notables prélats; le titulaire portail le litre d'archi-
prêlre de Sos.
Les stalles du chœur étaient, paraît-il, remarquablement
belles. Le grand orgue, qui était d une grande valeur, fut ven-
du à la cathédrale d'Auch, le produit de cette vente devant con-
tribuer au rachat de François I**, prisonnier de Charles-Quint.
(^tte église devait avoir, elle aussi, ses mauvais jours. Au
\vf siècle, le protestantisme parut et avec lui les haines, les
divisions et les guerres civiles.
Dans les premiers temps de l'an 1570, une bande armée com-
posée de protestants, entra en ville et y commit de grandes dé-
prédations, chez les catholiques et surtout à Téglise parois-
siale.
Un procès-verbal de constat, dressé par les commissaires de
Monluc, nous appr'end que <( la toiture de Téglise (ut enfoncée,
les cloches brisées, le chanu', autel, images, entièrement dé-
truits, l'église elle-même en grand danger de s'effondrer, si on
ne la répare promptement. »
Avec la collaboration du Chapitre, la communauté de Sos
put faire les réparations les plus urgentes; mais comme on
n'est généralement pas riche, en temps de guerre civile, on se
contenta de quelques bons murs d'appui, avec des replâtrages
de fortune. Ainsi )*éparé, l'édifice fut rendu provisoirement au
culte.
Ce provisoire dura encore plus de 300 ans. Pendant les som-
bres jours de la terreur, son nom d'église fut changé en celui
de temple à l'Eltre suprême, et les citoyennes de la cité y ve-
naient chanter des hymne«s civiques à l'autel de la déesse Rai-
son. Un peu plus tard, sous l'épopée impériale, des Te Deum
d'allégresse raisonnèrent encore sous ses voûtes, à la gloire
de nos armées victorieuses; ce fut pour elle le chant du cygne.
Dans les premières années de notre troisième République,
survint une administration municipale qui, la trouvant trop vé-
tusté ou trop encombrante, la fit démolir jusqu'au ras du sol.
Voilà l'histoire, plus quejnillénaire, des églises de Sos.
A. Barthalès.
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LE TEMPLE DE BBULHES et ses COMMANDEURS
AU XVIII^ SIÈCLE
Louis Josoph do Qaoq
(1716-1722), — Louis-Joseph de Gascq est un des rares
commandeurs du Temple au xvnf siècle issu d'une famille du
Sud-Ouest. La famille de Gascq, en effet, est originaire de
Gascogne. Jean de Gasc fui intendant de Guienne et fut reçu
conseiller au Grand Conseil le 15 avril 1581. Il avait épousé
Esllier de Vallier (1). Louis Joseph fui reçu chevalier de Malte
le 24 avril 1(>04. Il était Commandeur du Temple avant le
11 janvier 1716 (2), et il 1 était encore le 27 février 1722. En
1719, le 21 août, il obtint un arrêt du Parlement de Bordeaux
qui le confirma dans ses privilèges de seigneur justicier du
Temple, dans son droit de boucherie, etc., contre la commu-
nauté qui réclamait le droit de simple police, de taxer les
viandes, et enfin que le Commandeur fut débouté de son droit
de boucherie. La Cour maintenait purement et simplement les
privilèges accordés le 18 et 31 juillet 1663. Le 22 février 1722
Caprais de Fourcauld, advocat à la Cour, fut condamné à lui
payer la somme de huit cent quarante livres de dommages in-
térêts.
Josoph do Raynond Modéno do Pommorols
Pendant que Louis-Joseph du Gasq jouissait de la Com-
manderie du Temple, nous voyons un autre chevalier de
Malte prendre ce titre, c'est Messire frère Joseph Raymond de
Modène-Pommerols, déjà Commandeur de Golfech et Gim-
(1) La Chesnay des Bois, tome VTÏ.
(2) Sainle-QuiUerie. Reconnaissances, n* 1048.
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• — 516 -
brède en 1713. Joseph était fils de Charles-Raymond de Ville-
neuve, deuxième du nom, seigneur de Pommerols et de
Hilletle du Pré, dame du Mas-Blanc. La branche de cette
famille provençale, dite des seigneurs de Villeneuve, était éta-
blie à Tarascon au x\uf siècle. Leur ancêtre connu est Guil-
laume-Raymond, chevalier qui se croisa pour la Terre Sainte
à la suite de Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse en
1098. Cette famille était encore établie à la même époque à
Carpentras et à l'île de Naxis. Un frère de Joseph, Conrad de
Raymond, avait été déjà Commandeur du Temple de Breuilh
et de Sauvagnas (1688-1692). En 1674, Joseph commandait
un bataillon au régiment de Normandie. Auparavant il avait
pris part au siège de Messine. Les armes de cette famille sont
« d^argent, à la croix de gueules, chargée de cinq coquilles
aussi d'argen » (1). Lorsque Joseph de Raymond fit son
premier testament au château de Gimbrède, il était Com-
mandeur de Golfech (11 juillet 1714) (2). Il mourut Comman-
deur du Temple et de Golfech, au château de Sauvagnas le
15 juillet 1718. Dans son testament, refait quelque temps avant
de mourir, il institue pour héritier du cinquième de ses biens
(avec Tautorisation du grand maître de Malle, de 1708) son
frère Jean-François-Angélique, abbé de l'abbaye cistercienne
du Lieu-Dieu depuis 1706 (3). Comme le Commandeur avait
logé chez son frère, pendant six ans avant de s'établir dans
une commanderie avec son valet de chambre et sa servante,
par son testament il faisait à Tabbé une pension de 1,800 livres
pour le dédommager des sommes par lui avancées autrefois.
De là des contestations entre l'ordre de Malte et l'abbé com-
mendataire du Lieu-Dieu, contestations qui ne prirent fin
qu'en 1724.
Durant l'espace de trois années il y eut donc deux Comman-
deurs du Temple de Breuilh. Il est probable qu'en réunissant
Saint-Jean de Ferran au Temple, le Grand Maître en détacha,
(1) La Chesnaye des Bois, t. XI, p. 710.
(2) Archives de la Haute-Garonne. Fond de Malte, H. 197, n' 8.
(3) La Chesnaye, t. XI.
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— 517 —
I
en même temps, le membre de Sauvagnas pour le donner au
chevalier de Raymond. C'est là une hypothèse gratuite que
l'on peut admettre cependant tant qu'un document ne l'aura
pas détruite.
Octave do telléam
(1723-17Ô5). — Octave de Galléans est incontestablement le
«plus illustre Commandeur du Temple, au xviif siècle. Il na-
quit à Nice et y fut baptisé le 28 avril 1663. Il était fils d'André
de Galléan," citoyen de Nice, et de Suzanne de Grimaldy. L'il-
lustre famille de Galléano ou Galléani, appelée soit par cor-
ruption soit pour franciser son nom depuis le xvi* siècle, Gal-
léan était alors établie en France, au comté d'Avignon et en
Italie. L'ancêtre commun est Simon Galliano ; » il est incon-
testable, dit un mémoire que les ancêtres de Simon Galliano
se transplantèrent de Bordeaux à Vintimilles, vers l'an 1000,
et peu après à Gênes, d'où leur nom de Galléani (1). Octave
était de la branche des seigneurs du Castellel, Cadaraches,
Barons des Issarls, marquis de Salerne, ducs de Galléan,
princes romains et du Saint-Empire. Il avait été reçu cheva-
lier de Malte le 15 décembre 1675. Successivement Comman-
deur du Temple, Grand Prieur de Toulouse, Receveur géné-
ral de l'ordre au même prieuré. Commandeur de la Selve, en
Rouergue, il fut nommé Grand Prieur de Saint-Gilles le 17
mai-s 1745, pour succéder au Grand Prieur Vincent Sauveur
de Gaillard, qui venait de mourir (2). Déjà le 15 avril 1743 il
avait été nommé Grand Commandeur. Comme il se trouvait à
Malte lors de sa nomination à Saint-Gilles, il donna ordre au
chevalier Jean-Bapllste de Thaon de Revel de prendre en son
nom possession du Grand Prieuré. Le voulant aussi récom-
penser de son mérite, le roi l'avait nommé conseiller du Roi
en ses conseils d'Etat et privés.
(1) La Chesnaye des Bois, t. VII.
(2) Abbé Chaillan, pp. r25-29. Lordre de Malte dans la cille d'Arles, Berge-
rac 1908.
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— 518 —
Octave de Galléan mourut à Malle le 7 avril 1750, à Tâgc
de 87 ans; il fut enseveli dans le sépulcre qu'il s était préparé
dans l'église de Saint-Jean. On grava sur sa dalle funèbre
Tépitaphe suivante (1) :
OCTAVE DE GALLÉAN
D. 0. M.
FRATER OCTAVIUS GALLEANUS NICIENSIS
EMENSA FELICITER IN TURCAS CURSIONE
DUM PATRUI TOLOS/E PRIORIS VICES GERERET.
AD RECEPTORIS MUNIA. AC BAJULIUS, FA8TIGIA
PRGENIA VIRTUTUM CORONA ERECTUS EST,
CRESCENTIBUS LNDE SUPRA ANNOS MEIUTIS,
DIGNITATES INFRA MERITA CREVERE
TYRORUM MAGISTERIUM PROBITATE :
SORORUM SUl ORDINIS TUTELAM VIRTUTE
MAGNI COMMENDARII, GRADUM, JUSTITIA ;
PRŒ GRANDEM S. wEGEDII PRIORATUM PROEMIO
IN VEN : .PROVINCIiE CGETU ADEPTUS
CINERl SKPULCRUM, TROPHOEUM NOMINI,
POSTERITATI MONUMENTDM
ADHUC VIVENS OCTOGENERIO MAJOR
EREXIT
OBIIT DIE VII APRIL. AN. MDCCL
ITEM PRO FR. CAPP. DE OBED. AGONIAM FUNDAVIT
AN. MDCCXUX
Comme il jouit 1res peu de temps Ja Commanderie du Tem-
ple, les archives de ce fief ne renferment aucun document oii
il soit fait mention de lui.
Améiléo do Cays
(1725-1735). — La famille de Cays (2), originaire du Comté
de Nice, était établie à Arles au xvif siècle. Le premier connu,
Jacques de Cays, exerça dans ce comté la charge d'amiral dès
Tan 1262 et fut l'un des ambassadeurs que Charles d'Aragon,
Comte de Provence, envoya à Gênes pour recevoir le serment
de fidélité de cette république. Raymond de Cays était cheva-
lier de S^-Jean de Jérusalem et Commandeur de S'-Luce ou du
(1) Abbé Chaillan, page 355.
(2) Morcri, Dictionnaire Historique^ t. III ; Ardefeiiil, Histoire de la Noblesse
de Provence^ t. I".
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— 519 —
Temple en 1320. Outre Raymond, celte famille a encore donné
d'autres chevaliers de Malte (huit), enlr'aulres François
Joseph, reçu en 1668, plus lard commandeur de Condal, et An-
selme, Commandeur d'Argentins, oncle d'Amédée (1). 'Ce der-
nier était bailli el commandeur de la Cavalerie et du Temple
(1728-6 octobre). En 1730 il afferma la Commanderie du Tem-
ple, quille de charges locales, la somme de 8,300 livres dont
7,112 livres 18 sols 10 deniers lui revenaient. (P.-v. de visite
de 1730, n** 426). Une bulle du Grand Maître (1" septembre
1731) accorda à frère Pierre de Glandèvre-Castellel, à cause
de ses vertus et de "^es .mérites, une pension de «' quadraginta-
rum octoginla octo turonem (2) », sur les revenus de la Com-
manderie du Temple de Bruelh.
Mentionnons encore, sous son administration, i'arpenle-
menl des terres de la Commanderie de Sauvagnas (5 et 7 mai
1731) par le sieur Antoine Dufoui-, arpenteur.
(1735-1737). — Jacques des Aiguës fut reçu chevalier de
Malle le 1"^ septembre 1684. Le 2 mars 1735, son frère Jac-
ques des Aiguës, chevalier seigneur de Perslruq, habitant de
la ville de Bordeaux, paroisse Sainte-Eulalie, étant son pro-
cureur, « baille à ferme la Commanderie du Temple à la ré-
serve du membre de Saint-Jean de Ferrand, moyennant 7,400
livres, six douzaines de serviettes de valeur de quinze livres
chacune, six nappes, deux sacs d'avoine, huit paires d'oyes
grasses, douze paires de chapons assez gros el trente quin-
taux de foin pour chaque année ».
Charlos do VI|iies-Parlzot
(1738-1744). — Le chevalier de Vignes-Parizot, issu de l'il-
lustre famille des La Valette, qui a donné un si grand nombre
(1) Amédée fil graver l'épitaphe sur le tombeau de son oncle Anselme, com-
mandeur d'Argenleins el bailly de Manosque, enterré dans l'église Saint-Jean
de Malte.
(2) Le Temple. Liasse 16.
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— 580 —
de chevaliers à Tordre de Malte, naquit le 15 février 1687. .11
fut admis dans l'ordre le 14 juin 10(S8. Son mérite, ses vertus,
sa naissance l'appelaient aux plus grandes dignités de l'ordre.
Tour à^ tour Commandeur de Saint-Biaise du Mont, Le Tem-
ple d'Agen, Béziers, receveur général au Grand Prieuré de
Toulouse, il mourut Grand ('ommandeur de l'ordre, le 12
avril 1731, à l'âge de 63 ans, dans l'île de Malte. Il fut enterré
dans l'église de Saint-Jean et l'on grava sur sa tombe l'épita-
phe suivante :
CHARLES DE VIGNES PARIZOT {{)
D. O. M
FR. CAROLUS DE VIGNDS-PARIZOT
EM. M. MAGISTRl VALETTiB PRONEPOS.
SÂCRI ORDINIS CENOUS DE S. FELIX
COMMENDATARIUS
QUI VARIIS MUNERIBUS FUNCTU8
RECEPTOREM TOLOSiC ET M. COMMENDATARII
LOCUMTENENTEM EGIT
DEIN M. COMMENDATARH DIGNITATEM
COISSEQUUTUS EST
MORTIS HAUD IMMEMOR LOCUM SIBI
VIVENS P08UIT
ANNO REPARAT/E SALUTIS 1750
.«TATI8 SU^ 63
OBIIT DIE 12 APRILIS 1751
Charles de Vignes jouit pour la première fois des revenus
du Temple en Tannée 1738 (2). La première reconnaissance
dans laquelle il soit fait mention de lui date du 9 août de la
même année (3). Sous son administration on supprima le droit
de péage du Temple « tant par eau que par terre » (arrêt donné
au Conseil de Sa Majesté le 21 février 1741).; il était perçu
depuis 1363. — En 1743 le Temple rapportait à son comman-
deur 7,000 livres environ. La rente que lui faisait le duc d'Ai-
guillon, pair de France, comme baron de Montpezat, était, en
1739, de « 20 sacs froment, 10 sacs avoine, 10 livres d'argent
(1) Mas Lastrie. Archives de Malle à Lavaletle, p. 231, n* 409.
(2) H. 192, n* 4.
(3) Reconnaissances du Temple, n* 1052.
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- 521 -
ol dix paires de poules ». En 1744, Charles de Vignes aban-
donna la Commanderie du Temple, pour celle de Béziers,
beaucoup plus importante; il entra en route le l*' mai 1745 (1).
(1744-1749). — Lne bulle magistrale, signée le 23 janvier
1744, accordait la (Jommanderie du Temple et Sauvagnas au
chevalier Joseph de Demandolx, alors Commandeur de Saint-
Biais:* du Mont. Il était fils de Fortuné de Demandolx, sei-
gneur de Chateauvieux et de Mandolx et de Gabrielle de Bla-
cas, des seigneurs d'Aups, de Verignon et de Fabrèges (ma-
riés le 22 septembre 1006). Né le 5 mai 1670, il fut reçu cheva-
lier le 14 décembre 1693 (2). Ce commandeur ne vmt proba-
blement jamais au Temple; il avait pour régisesur M* Pralviel,
notaire de l'ordre, à Toulouse, l ne lettre du bailly de Froul-
lay (3) à son î^mi le bailly de Langon (('ommandeur d'Argen-
teins), du 10 septembre 1747, annonce que l'ordre va faire ven-
dre vingt-deux arpents de bois, dans la Commanderie du Tem-
ple, faisant le quart en réserve de la fulaye appelée le Bois de
(,'Ourtis, à deux lieues d'Agen et à pareille distance de la Ga-
ronne; ce bois était estimé 204 livrevS 11 sols 11 deniers l'ar-
pent et 4,500 livres le tout. Le bailly de Langon se proposa
pour effectuer celte vente, mais l'ambassadeur de Froullay,
pour ne pas abuser de lui, car sa santé était mauvaise, profita
de ce (jue les chevaliers de Xupce et de Pins allaient à Agen
vendre d'autres parties, pour leur confier aussi la vente des
bois du Temple. [Condat : Liasse 13]. Joseph s-éteignit chez
(1) Archives de la Haule-Garonne, H. 192, n' 8.
(2) La famille de Demandolx, des plus anciennes et plus illustres de Pro-
vence, a donné plus de trente chevaliers de Malte. Elle a possédé la terre
de ce nom pendant près de cinq siècles. Le premier ancêtre connu est Isnard
de Demandolx, qui était seigneur en partie au commencement du xiv* siècle,
et qui prêta hommage pour sa seigneurie en 135L — Le frère aîné de Joseph,
Fortuné II du nom, seigneur de Mandolx, épousa le 26 avril 1700 Geneviève
de Forbin-Janson, nièce germaine du Cardinal, Grand Aumônier de France et
ministre d'Etat. — Arlefeuil, Histoire de la noblesse de Provence, t. 1", p. 32.
(3) Ambassadeur du Grand Maîlre près le Roi de France.
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— 522 —
son frère aîné Fortuné, au château de Mandolx, près Castel-
lane, dans les Alpes, le 30 mars 1749, vers 3 ou 4 heures du
soir. Il mourut des suites d'une maladie de trois semaines cl
fut enterré dans l'église paroissiale de Mandolx. Dès qu'il fut
mort, M* Jean-Baptiste Gras, notaire de l'ordre, se rendit chez
le défunt pour apposer les scellés sur tout ce qui lui avait ap-
partenu (31 mars). L'inventaire signale un bien petit nombre
d'objets, trouvés dans la chambre mortuaire, au premier
étage :
Un habit veste et culotte drap de montagne couleur prussc à
boutons d'or glacé assez usé;
Un bonnet drapé couleur rouge de laine, très mauvais;
Une paire de bas de laine blanche très usés;
... Trois chemises de toile de maison hors de service;
Deux mauvaises serviettes hors d*usage;
Une vieille épée dont la monture de cuivre, la poignée de bois
sans garniture, dans un vieux fourreau avec son ceinturon de
buffre. ♦
Quelques jours plus tard, le 30 avril, Gaspard de Ray-
mond, accompagné de M* Gras, vint faire la levée des scellés.
Avec l'autorisation du père et du frère du Commandeur, ses
effets furent transportés à' Castellane et mis en vente sur la
place publique. On les adjugea à un certain Joseph Blanc,
cordonnier du lieu, pour la somme de vingt-quatre livres (1).
François do Pallavicinl
(1794-1703). — Jean-François de Pallavicini naquit à Nice le
30 septembre 1038 et fut reçu chevalier de Malte le 2 décembre
1701. Il était fils de haut et puissant seigneur Messire Aimée
l*hiliberl, Comte Palavicini de Perlo (2). L'illustre famille de
Pallavicini a produit divei^es branches à Rome, Gênes et en
Lombardie. Ceux de Rome, qui ont eu plusieurs cardinaux.
(1) Archives de la naule-Garonnc. Fond de Malte; Le Temple, liasse 16.
(2) Sainle-Quilterie. Liasse 3.
N
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— 523 —
sont princes de Cîvitella. Les Pallavicihi de Gênes étaient aussi
en grande considération; c'est de cette dernière branche qu'est
issu le Commandeur de Pallavicini (1). Il existait aussi, dans
les anciens états de Savoie, une branche des Pallavicini, mar-
q;:is de Ceva (2).
Le 25 novembre 1749, M" Bernard Pratviel, notaire royal de
Toulouse, procureur de Messire François de Pallavicini, che-
valier de l'ordre de Sain-Jean de Jérusalem, Commandeur du
Temple et membres en dépendant (3 novembre 1749) « bailhe
a litre de ferme et arrantcment, aux sieurs Jean Darquié, Cres-
pin Delmas, Bernard Barsalou, Laurent Fedas, tous négo-
ciants de la ville d'Agen y habitant et sieur Antoine Hugo-
nier, bourgeois, habitant de Burtayre, paroisse et juridiction
de Sauvagnas » la Commanderie du Temple d'Agen avec tous
les membres en dépendant, la rente que fait M. le duc d'Aiguil-
lon dans la Conlmanderie ensemble pour le membre de Domi-
nipech, suivant la scntance du 15 novembre mil cinq cent cin-
quante sept, et généralement tout ce que led. sieur Comman-
deur a droit de jouir et percevoir dans la Commanderie du
Temple et membres en dépendant y compris les lods et ventes,
rentes et droits de boucherie en quoy que le tout puisse con-
sister, sous la réserve tant seulement des droits cachés, incon-
nus et non payés depuis 29 ans, les honorifiques personnels,
amendes, confiscations, indemnités, droits de Prélation et de
chasse, les entiers bois du Temple et Sauvagnas... « pendant
(1) La Chesnaye des Bois, I^obUiairCy l. XI, p. 158.
(2) Parmi les principaux niembres de la famille Pallavicini citons : a) Lazare
de Pallavicini, des princes de Civitella, fait cardinal en 1669 par Clément IV,
cl mort à Rome le 20 avril 1680; 6) Antoine, évêque de Vinlimille et de Pam-
pelune, né à Gênes en 1441; Innocent VIII le nomma cardinal en mars 1489.
Le successeur de ce pape, /Vlexandre VI, eut aussi beaucoup de considéra-
tion pour lui dont il estimait surtout la lermeté et le courage. C'est ce cardi-
nal qui reçut le roi Charles VIII lorsque ce prince entra à Rome, le 28 dé-
cembre 1494. Jules II l'envoya plus lard, comme légat, à Savoqne, où se fit
l'entrevue de Louis XII et de Ferdinand, roi d'Aragon. Xi mourût à Rome, à
peine de retour de celte ambassade, le 10 septembre 1507 ; c) Ferrante, cha-
noine régulier de Saint-Augustin, de la Congrégation de Latran, se distingua
surtout pour le brillant de son esprit. Il eut la lêle tranchée à Avignon en
1644 ; d) Sforza, jésuite puis cardinal (1607-1667). Il écîrivit en italien une his-
toire du Concile de Trente, etc. — Moreri : Dict. Historique ^ tome VIII.
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— 524 -
six années qui commneceront le premier de may de Tan pro-
chain 1750 et finiront à pareil jour, moyennant le prix de 8, ibO
livres payables en deux paiements égaux, le premier à la fête
de Noël de lad. année 1750 et le second aux fêtes de Pâques
suivantes (1). » Les fermiers s'obligent encore à payer les pen-
sions des curés : à celui du Temple << 24 sacs de blé, 5 barri-
ques de vin, 90 livres d'argent, en outre le curé percevra le
quart du chanvre et du lin et jouira comme par le passé d'une
pièce de t-erre. A ses vicaires on donnera 150 livres à chacun.
La pension du curé de Saint-Caprais de Montflanquin était
fixée à 300 livres; celle du curé de Dominipech 24 sacs de blé,
4 barriques de vin, 30 livres d'argent. Enfin le Commandeur
ye réservait de pouvoir oc-cuper tous les appartements qu'il
voudrait dans les châteaux de Sauvagnas ou du Temple, s'il
voulait aller y habiter. Les femiiers devaient encore donner
30 livres de gages aux gardes des bois du Temple et de Sau-
vagnas.
Déjà, au début du wif siècle, les chevaliers de Malle avaient
essayé de tirer parti de la vieille église de Sainte-Quitterie
d'Agen, aussi le Commandeur Raymond de Gozon-Mélac la
céda-t-il, en 1601, à la confrérie des Pénitents. En 1746 une
ordonnance du roy autorisa, à Agen, l'établissement d'une
maison de refuge, qui fut installée en 1753 dans les locaux du
Temple. Le chevalier de Polastron trouva que l'acte d'inféo-
dation lésait les intérêts de l'ordre (2). Le Conseil de Malte le
cassa et nomma, le 3 juillet 1755, les chevaliers d'Eaulx et de
Valence pour se rendre à Agen, et s'entendre avec l'Evêque
afin de consentir un nouveau bail d'inféodation dans lequel les
intérêts de Tordre ne fussent pas lésés. Le Commandeur de
Pallavicini, qui habitait la ville de Turin, constitua pour son
procureur général et spécial M' Jean-Baptiste de Lagrèze,
docteur en théologie, curé de la ville d'Aiguillon en Agenais
« pour avec messieurs les commissaires députés par Son Al-
tesse Emin. Mgr le Orand Maître dud. ordre et son sacré Con-
(1) Fond de Malte ; Le Temple, liasse 8.
(2) Sainte-Oiiitterie, liasse 3, n* 4.
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- 525 —
seil, par décret du 4 février 1753, consentir le bail d'inféoda-
lion en faveur de Mgr TEvêque d'Agen ». L'accord définitif
fut conclu le 17 juillet 1755 (1).
« Entre Messire frère Joseph de Raymond d'Eaulx, cheva-
lier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, commandeur de
Villeneuve, Jaurenc, La Grande et Sainte Marguerite de Lu-
zeran et Messire frère Claude-Sylvestre de Timbrunne-Va-
lence, aussi chevalier de l'ordre, colonel au régiment de Béarn
et M* Jean-Baptiste de Lagrèze, prêtre, docteur en théologie
et curé de la ville d'Aiguillon, et Illustrissime et Reverendis-
sime Père en Dieu Monseigneur Joseph-Gilbert Gaspard de
Chabannes, conseiller du Roy en tous ses conseils, évêque et
comte d'Agen, supérieur de la Communauté du Refuge » fut
passé le nouvel acte d'inféodation de « une chapelle dédiée à
Sainte-Quitterie, une ^ tour joignant servant de sacristie, un
cloître au milieu duquel il y avait un petit jardin, un lopin de
jardin et terre derrière ledit cloître et chapelle, un grand jar-
din séparé en deux par le fossé de la ville, rive Gourbaut et
une maison pour le jardinier et qui consiste aujourd'huy en
un bastiment à deux étages destinés pour ladite Communauté
du Refïuge et en un grand jardin séparé aussi en deux par
ledit fossé. Le susdit local contenant quatorze cartonats deux
picotins suivant Tarpentemenl qui en a été fait en présence des
parties par Jean Bonnet, arpenteur, juré de la ville d'Agen...
sous la censive annuelle et perpétuelle de dix sacs bled fro-
ment, mesure d'Agen, le sac composé de quatre quartons et
le quarton de huit picotins beau, bon, pur, et marchand, paya-
ble annuellement et à perpétuité par ladite (Communauté du
Refuge chaque jour et fête de Saint-Jean-Baptiste... Attendu
que le fond cy-dessus inféodé tombe en main morte, il a été
convenu entre parties qu'il sera payé audit seigneur Comman-
deur du Temple par ladite conniiunauté du Reffuge, un droit
de lods ou d'indemnité de trente en trente ans, fixé à la somme
de cent quarante une livre treize sols. Les commissaires de
l'Ordre se réservent les droits de visitte et honorifiques dans
(1) Archives de la Haute-Garonne. Sainte-Quilierie, liasse 3, n* A.
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— 596 —
ladite chapelle, qui consisl^^nl scavoir : Lorsque Messieurs les
Commissaires députés pour les visites de la susdite comman-
derie arriveront à Agen ils fairont avertir la supérieure de
ladite maison qui sera tenue d'envoyer chez eux pour prendre
leur heure pour la visite de ladite chapelle, à la porte de la-
quelle ils seront reçus au son des cloches par l'aumonier re-
vêtu de surplis et étoile (ju'il remettra ^u prêtre visiteur, leur
présentera do l'eau bénite avec le goupillon, les conduira à
l'autel en chantant l'antienne, le coutume et oraison de l'ordre
et après y avoir fait leur prière le Prêtre visiteur donnera la
bénédiction du Très Saint-Sacrement »
Le 2 septembre 1757, le Commandeur de Pallavicini fut
maintenu dans la possession et jouissance de la nobilité de
81 carterées, 4 cartonats 2 picotins et demitiers de picotin de
fond noble qu'il possédait dans la juridiction du Temple (1).
CeHe même année l'ut reconnu le fief de Sainte-Quitterie qui
comprenait 208 carterées, 7 cartonats, 5 picotins 2/3. La cen-
sive s'élevait à une quarte cinq picotins un quart de blé, trois
quartes deux picotins d'avoine, deux paires de poules, dix-
sept livres seix sols six deniers d'argent. Enfin, le 14 septem-
bre 1763, à la requête du Commandeur de Glandevès-Cas-
tellet, le grand-maître des Eaux et Forêts de France au dé-
partement de Guiennc^, visita les bois de Courty, à deux lieues
d'Agen ; il les trouva dans un fort mauvais état d'entretien (2).
François de Qlandovès-Castoltol
(1705-170G). — François de Glandevès jouissait déjà le
membre de Saint-Jean de Ferrand lorsqu'il fut pourvu de
l'entière commanderie du Temple en 1765 (3). Il naquit à Aix
le 22 février 1696 et fut admis dans l'ordre le 22 octobre 1712.
C'était le troisième enfant mâle de Jean de Glandevès, sei-
(1) Archives de la Haute-Garonne, Fond de Malte. Le Temple, liasse 15.
(2) Par di'^crel du Grand Vlaiire et de son Conseil du 13 mars 1761, la Com-
manderie du Temple fut imposée, pour 3 ans, d'une somme de 1,700 livres
15 sols 6 deniers, soit 568 1. 18 s. 6 d. par an. (H. 233, n' 2-6.)
(3) Saint- Jean de Ferrand; Reconnaissances 1763, n* 1057.
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- 527 —
gneur dix Castellet, élu premier consul d'Aix, Procureur du
Pays en 1702, et de Demoiselle N... de Flotte d'Agoult de
Saint-Auban. Il était issu de la branche des Glandèves de
Monlblanc-Castellet. Cette noble famille, d'origine proven-
çale, a comme premier ancêtre connu, Anselme Perraud, sei-
gneur de Thoranne, qui épousa en 1235 Théritière des sei-
gneurs de Glandevès du nom de Balb. Celte famille des plus
illustres et des plus anciennes de Provence, a pour armes
(( fascé d*or et de gueules de six pièces » (1). Les archives du
Temple sont complètement muettes sur ce commandeur (2).
Honry Suar^Sp ballly d'Aulan
1772 [?]. — Le chevalier Henry de Suarez d'Aulan naquit
le 14 mai 1704. On l'admit dans l'ordre le 21 mai 1718. Il as-
sita à la prise de possession du Grand Prieuré de Saint-Gilles
par le chevalier de Revel au nom du Grand-Prieur Octave de
Galléans, son prédécesseur au Temple, le 5 mai 1745 (abbé
Chaillan, p. 126). Le G may 1772, Messire Henri de Suarez,
Bailly d'Aulan, Commandeur de l'Ordre de Malte, Maréchal
des Camps et armées du roy, gouverneur de Tîle de Rhé, et
commandant en icelle, donne procuration à Messire Claude
Sylvestre de Timbrune, chevalier de Valence, maréchal des
Camps et armées du roy, chevalier de l'Ordre de Saint-Jean
de Jérusalem, Commandeur de la Villedieu et membres en
dépendant pour bail à ferme de la Commanderie du Temple,
pour cinq ans, avec les réserves ordinaires, moyennant qua-
torze mille cinq cent livres pour chaque année.
Bornait! de Polastron la Hllllèro la Dain
(1777-1786). — La famille de Polastron, une des plus ancien-
nes de Languedoc, a donné un grand nombre de chevaliers
de Malte. Au \\\f siècle, un arrière grand oncle de Bernard,
(1) La Chesnaye des Bois, lorae VII.
(2) Le 3 juin 1772. François de Glandevcs est bailly et commandeur d<î
Raissac à Marsoilles. (Abbé Chaillan, p. 326.)
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~ 528 —
Denys de Polaslron, fut grand Prieur de Toulouse. A cette
même époque, un autre Polaslron, neveu du grand prieur et
probablement le grand père du Commandeur du Temple, Ber-
nard, seigneur de la Martinière, « mareschal de bathailhes ez
armées de Sa Majesté » s'empara du célèbre aventurier Gas-
pard Dispan du. Plan, qui pillait impunément les biens du
Grand Prieur à Boudrac (1060) (1). Bernard naquit le 22 oc-
tobre 1719. Il était très probablement fds de Denis comte de
Polastron, seigneur de Lorac et de Villeneuve, chevalier
grand croix de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis. Lieu-
tenant-général des armées du Roy, commandant pour Sa
Majesté dans les trois évêchés de Saint-Malo, Dol et Saint-
Brieux. Cette famille portait pour armes « d argent au lion de
sable lampassé de gueules » (2). Il fut reçu chevalier le 22 oc-
tobre 1732 (3).
Le 24 juin 1777, Bernard de Polastron baille à ferme sa
commanderie du Temple, avec les réserves habituelles,
moyennant 14.000 liiivs, quitte de charges. Lors de l'imposi-
tion générale de .1777 de 500.000 écus d'or, le Grand Prieuré
de Toulouse fut taxé à 33.000, répartis sur les diverses com-
manderies. La taxe du Temple fut de 940 livres 6 sols 15 de-
niers. Nous avons vu qu'en 1703 le Grand maître des Eaux et
Forets de Guii^nne trouva les bois de Courly en fort mauvais
état. Le (/ommandeur de Polastron voulut les remettre en
valeur et il les fit arpenter le 5 août 1779. M. de Polaslron
demanda aussi une nouvelle reconnaissance du local inféodé
par la Maison du Refuge, dépendant de la commanderie du
Temple. Pour répondre à ses désirs, le 14 août 1780, messire
Jean-Bernard de Passalaigue, chanoine de la Cathédrale,
abbé de Pérignac, vicaire-général et officiai d'Agen, agissant ■
comme député du bureau d'administration de la Maison du
Refuge de la ville d'Agen (par délibération du 27 juin dernier)
et M** Jean-Bernard Dayrie, procureur à la Cour d'Agen, pro-
(1) Archives de la Haute-Garonne. Houdrac, liasse 2.
(2) La Chesnaye des Bois, lome XI, p. 385. Bremond : Nobiliaire Toulou-
sain, tome II.
(3) Archives de la Haute-Garonne, série H, 192, n" 2.
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— 529 —
cureur fondé de Bernard de Polastron la Hillière le Dain,
Commandeur du Temple, renouvellent l'acle d'inféodation de
1755 dans les mêmes conditions (1). En 1781, il fut pourvu de
la commanderie de Saint-Biaise du Mont. Le dernier docu-
ment des archives du Temple qui fasse mention de lui est le
bail à feiTne de la Commanderie du Temple, pour 6 ans, avec
réser\^es, moyennant la somme de 14,000 livres par an (29 jan-
vier 1782).
Jossph-François-Ignace do Marcel do Blain du Poét
(1787-1790). — Joseph-François Ignace de Marcel naquit le
G février 1723 et fut reçu chevalier le 23 novembre 1739. Il des-
cendait de la famille de Marcel, établie dans le Comté Venais-
sin, qui remonte à Charles Marcel, marié le 23 septembre 1361
à Jeannette de Bellecombe. Son frère aîné Joseph Laurent de
Marcel Blain, né en 1715, fut capitaine (1735) dans le régiment
de Dauphin étranger cavalerie. Les armes de cette famille sont
t( d'argent à la bande de gueules chargée de trois croissans
d'argent (2). » Le 21 octobre 1787, Joseph-François Ignace de
Marcel Blain de Poét, chevalier profès de l'ordre de Saint-
Jean de Jérusalem," Commandeur du Temple d'Agén, habitant
ordinairement à Montélimart en bas Dauphiné, étant ce jour-
là dans la ville d'Agen, bailhe à ferme pour 9 ans, sa Com-
manderie, moyennant 15,000 livres par an, avec les réserves.
De cette somme le fer-mier devait verser au trésor de l'ordre
entre les mains du Receveur général du Grand Prieuré de
Toulouse la somme de 6i0 livres 12 sols 9 deniers, scavoir :
3,127 livres 13 -s. 7 d. en raison des responsions; 3,000 livres
de pension dont il est obligé envers M. le chevalier de Léau-
mont, et de celle de 310 livres 19 s. 2 d. de pension envers M. le
chevalier de Glandevès. Il restait donc pour le Commandeur
8,600 livres. En plus des 15,000 livres les fermiers devaient
payer 150 livres au vicaire du Temple, 100 livres au curé de
Cl) Sainle-Ouitlerie, HI, n' 5.
(2) La Chesnaye des Bois, tome ÎX, p. 497.
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— 530 -
Saint-Caprais, 100 livres au curé de Dominipech, 60 livres au
garde du Temple.
Le chevalier de Blain fut le dernier Commandeur du Tem-
ple. La suppression arbitraire de l'ordre en 1790 par l'Assem-
blée constituante, le dépouilla pour toujours de sa Comman-
derie.
P.-Henry Gun hamon.
Bibliographie : Ouvrages consultés. — La Chesnaye des Bois :
Nobiliaire; Saint-Allais : Nobiliaire; D'Hozier : Nobiliaire; Bre-
MOXD : Nobiliaire Toulousain; P. Anselme : Grands Olfices de la
Couronne; Gaufridus : Histoire de Provence; Imhoff : Familles
dltalie (Latin); Comte de Grasset : Essai sur le Prieuré de Saint-
Gilles: Uayband : Grand Prieuré- et Grands Prieurs de Saint-Gilles;
abbé Chaillan : Histoire de iordre de Malte dans la ville d'Arles,
Critique du nobiliaire de Provence de Tabbé de Briançon (manus-
crit de la Bibliothèque municipale de Toulouse); Ailefeuil : His-
toire héroïque de la noblesse de Provence; Moreri : Dictionnaire
historique; Du Bourg : Le Grand Prieuré de Toulouse; Bulletin de
|a Soc. archéologique de T.-et-G., tome vi : Chev. de Malte du can-
ton de Saint-Antonin; E. de Juignc de Lassigny; Pitton-Curl : Hist.
de la noblesse du Comté Venaissin; Mas-Latrie : Archives de Malte
à Lavalette; Meller : Armoriai du Bordelais,
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CHARLES-OGIER DE SÉRIGNAC
GOUVERNEUR DE GLAIRAC (1623-1639)
Messire Bertrand de Sérignac, fils de Jean de Sérignac et
de Catherine de Ferraboiic, était co-seigneur de Belmont, près
de Vic-Fezensac, en la sénéchaussée d'Armagnac, diocèse
d'Auch. Il se maria deux fois. Sa première femme, Jeanne de
Clarac, fille de noble Jean de Clarac et de demoiselle Anne de
Saint-Jean, lui donna deux fils : Jean et Jean-Jacques de Séri-
gnac (1).
En secondes noces (par contrat du 6 mai 1566, passé, à Cas-
telfranc, devant Saubat Plasensat, notaire à Marciac), Ber-
trand de Sérignac épousa Anne de Bruyères-Chalabre, fille de
noble Gabriel de Bruyères-Chalabre, seigneur d'Estampes, et
de Catherine d'Eslaing.
De ce dernier mariage naquit une fille qui fut nommée
Anne. L'enfant qui devait être gouverneur de Clairac en Age-
nais n'avait pas encore vu le jour quand son père malade fit
son testament au château de Lescurry en Bigorre, le 26 juil-
let 1570.
Peu de temps après, l'enfant dont Anne de Brugères-Chala-
bre était enceinte fut mis au monde. On lui donna le nom
d'Ogier qu'il fit plus tard lui-même précéder de celui de
Charles.
De bonne heure Charles-Ogier de Sérignac quitta la Gasco-
gne pour habiter en France, comme on disait alors en parlant
de l'Ile de France.
Le 28 juillet 1594 étant à Paris, rue Saint-Martin, paroisse
(1) Cet article a été composé entièrement avec les archives de M. le vi-
comte de Fontac, héritier par sa mère de la famille de Sérignac aujourd'hui
éteinte. Ces archives conservées naguères à Belmont (Gers) viennent d'être
transportées par son possesseur au château du Vigneau, près de Sauternes
(Gironde). Elles sont entièrement classées.
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— 532 —
Saint-Nicolas des Champs, le jeune cadet de Gascogne (par
acte passé devant Jean Muret et Jean Cadier, notaires au châ-
telel), donna pouvoir à sa sœur et à d'autres personnes de pro-'
céder avec ses frères aînés au partage de la succession de ses
père et mère.
Le contrat de partage fut passé le 27 juillet 1596 par le no-
taire de Belmont; Charles Ogier de Sérignac et sa sœur eurent
pour leur part 866 écus sol en argent et des immeubles. Le
lundi 22 juin 1598, pour être mis en possession de la portion
du capital qui lui avait été attribuée et des intérêts produits
par cette somme et aussi pour faire cesser l'indivision qui ré-
gnait entre sa sœur et lui pour les immeubles dont ils étaient
conjointement et par égales portions propriétaires il donna à
sa sœur une nouvelle procuration.
Dans ce contrat il est dit que « noble homme Ogier de Séri-
gnac de Behnont, lieutenant de la compagnie de M. de Mar-
san, capitaine des gardes du roi » était logé au faubourg Saint-
Victor, rue des Corpeaux, en la maison où pendait pour ensei-
gne la Tête Noire, sur le territoire de la paroisse Saint-Mé-
dard.
Ayant plus besoin d'argent que de terre, Ogier de Sérignac
revient en Gascogne; le 29 mars 1599 il emprunte à sa sœur
1,087 écus et lui donne en gage le domaine noble de Landié,
en Belmont rachetable dans le délai de deux ans.
En 1605, le 22 novembre, il signe son contrat de mariage
avec Diane de Ferragut, fille de Pierre de Ferragut, seigneur
de Gignan en Fezensac, et de dame Madeleine de Batz.
Le futur époux, qualifié dans cet acte écuyer et sefgneur de
Belmont, n'est encore que lieutenant d'une compagnie aux
gardes du roi.
Quelque temps après, Ogier de Sérignac devient possesseur
d'une compagnie d'infanterie dans le régiment de Chappes. Il
commande à cinquante hommes.
Comme il importait d'accroître le nombre des gens de
guerre, le roi Louis XIII étant à Paris, le 11 août 1615, donna
commission à son bien amé le capitaine Belmont de porter rà
cent cinquante le nombre des hommes de sa compagnie.
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-- 533 —
Malgré cet ordre, le chiffre fixé par le roi ne fut pas atteint;
la compagnie du capitaine Belmont ne contenait que soixante
soldats, lorsque le roi, par un nouveau brevet signé k Paris, le
30 janvier 1617, donna commission de la porter à cent hommes
dans le délai d un mois. ^
Le parchemin revêtu de la signature de Louis XIII porte le
contre-seing dli cardinal de Richelieu,
En 1620, le capitaine Belmont, à la tête de sa compagnie,
prend part au siège de Caen; il ^ reçoit une blessure si terri-
ble que Louis XIII le croit hors d'état de continuer son ser-,
vice. Sa Majesté octroie aussitôt au brave capitaine une pen-
sion de deux mille livres. Le brevet fut signé dans la ville
même de Caen de la main du roi le 20 juillet. La pension devait
être comptée à partir du P*" juillet de la même année.
Malgré sa grave blessure et p ontre tout espoir, le capitaine
Belmont continua son service. 11 en fut récompensé quelques
années plus tard (2 février 1623) par le titre de gouverneur de
Clairac en Agenais.
Voici les provisions de cette charge.
Louis, par la gnlce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous
cculx qui ces présentes IcUres verront, salut. Ayant résolu pour le
bien de nostre service de pour\'oir à la charge de gouverneur de
noslre ville et réduicl de Clérac, et estant nécessaire pour cet effet
d'en commettre la charge à quelque personnage dont la fidélité et
affection au bien de nostre service nous soict entièrement cogneue
et sur la vigilance duquel nous nous puissions reposer de la seureté
et conservation de lad. place en nostre obéissance, nous avons esti-
mé ne pouvoir sur ce subiet faire meilleur ny plus digne choix que
de la personne de noslre cher el bien amé le s*" de Belmont, Charles
de Sérignac, capitaine d'une compagnie de gens de pied au régiment
du s' de Chappes, pour les preu\es signalées qu'il a rendues de sa
^aUeur et courage en plusieurs occasions qui se sont présentées
pour nostre service, Scavoir faisons que nous, pour ces causes et
autres à ce nous niouvans et à [)lain confians de ses sens, suffizance,
loyauté, preudhoniniie, expérience au fait des armes, valleur el
bonne conduilte, Avons a icelluy s' de Belmont donné et octroyé,
donnons et octroyons par ces présentes la charge de gouverneur de
nostre dite ville et réduicl de .Clérac, pour d'icelle jouir et user aux
honneurs, auctorilés, prérogatives, prééminances, franchises el
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— 534 —
libériez qui y appartiennent et aux appoinclemens qui luy seront cy
après ordonnez par nos Esialz, avec pouvoir de commander aux
consulz, habilans de lad. ville el gens de guerre, qui sont et seront
cy après establiz en garnison en lad. place, ce qu*ilz auront à faire
pour le bien de nostrc dit service, seurelé et conservation d'icelle en
nostre obéissance; faire vivre lesd. habilans el consulz en bonne
amîtyé, union el concorde les ungs avec les autres, soubz nostre
obéissance el lesd. gens de guerre en bon ordre eUpolice, suivant
nos ordonnances militaires, tant qu'il nous plaira; le tout soubz
rauctorité de nostre très cher et bien amé cousin le duc d'Espernon,
pair et colonnel général de Tlnfanlerie de France, gouverneur et
jiostre lieutenant général en nostre province de Guyenne et en son
absence de nostre cher et bien amé cousin le s' de Thémines, maré-
chal de France, nostre lieutenant général aud. gouvernement. Si
donnons en mandemeirt à nostre dit cousin le duc d'Espernon et en
son absence à nostre dit cousin le maréchal de Thémines que, dud.
s' de Belmont pris et receu le serment en tel cas requis et accoustu-
mé, ilz le mettent et i^isli tuent oi^ facenl mettre et instituer de par
nous en possession et saisine de lad. charge de gouverneur de nos-
tre dite ville el réduicl de Clérac et d'icelle, ensemble des honneurs,
pouvoirs, aucthoritez, prééminances, droiclz el aj)poinclemens des-
sus dits, le facenl- jouir et user plainement el paisiblement et à luy
obéir el entendre de tous ceux et ainsy qu'il appartiendra es choses
touchans cl concernans lad. charge. Mandons en outre à noz amez
el féaux les trésoriers généraux de l'extraordinaire de noz guerres
que les appoinlemens qui seront cy après ordonnés par noz Estatz à
lad. charge ilz facenl dorénavant payer, bailler et dellivrer comptant
aud. s' de Belmont par chascun aji, aux termes et en la manière ac-
coustumée, à commencer du jour el datte de cesdiles présentes, rap-
portant lesquelles ou coppie d'icelles deuement collationnées pour
une fois seulement, avec quiclance dud. s' de Belmont sur ce suffi-
sante, nous voulons lesd. appoinlemens el tout ce que payé, baillé
el délivré luy aura esté à l'occasion susdite eslre passé et alloué en
la despence de leurs comptes ausquelz mandons ainsy le faire sans
difficulté. Car tel est nostre plaisir. En tesmoing de quoy nous
avons faict mettre nostre scel ausdites présentes. Donné à Paris, le
deuxième jour de febvrier, Tan de grâce mil six cens vingt trois el
de nostre règne le treiziesme.
Louis.
[Sur le replis] Par le Roy,
Phelypeaux.
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— 535 = .
Par lettres données à Bordeaux, le 4 juillet 1623, Jean-Louis
de La Valette, duc d'Epernon, installa le sieur de Belmonl en
sa charge de gouverneur de Clairac. Ces lettres, revêtues de
la signature et du cachet du duc, sont contresignées Girard.
Charles-Ogier de Sérignac mouinit le 30 novembre 1639,
revêtu de la charge de gouverneur de Clairac. Son frère aîné,
Jean de Sérignac, mort depuis près de vingt ans, avait été lui-
même précédé dans la tombe par sa femme (1), Marie du Faur,
fille de Charles du Faur et de Jeanne de Mansencal, seigneur
et dame de Pujols en Agenais, et par son fils Jean-Antoine de
Sérignac (2).
A sa mort, le gouverneur de Clairac laissait une assez
grosse fortune. Son principal débiteur était le roi de France.
Ln 1630, comme on le voit par le testament du gouverneur,
luouis XIII devait aloi^s plus de cent mille livres. L'entretien
de la garnison de Clairac coûtait plus de 11,000 livres par an;
h gouverneur faisait l'avance; il y eut plusieurs années d'ar-
réragé; la pension de 2,000 livres donnée à Caen et réduite
un peu plus tard à 1,500 livres ne fut pas toujours payée régu-
lièrement; les appointements de gouverneur fixés à 3,720 li-
vres furent souvent retardés. Il fallait que le trésor royal fut
bien obéré pour qu'aussi importantes et si justes dettes res-
tassent aussi longtemps impayées.
Abbé Jean Dubois.
(1) Le contrat de mariage fut passé le 1" juillet 1591, devant Jacques Du-
puy, notaire à Vie.
(2) J.-A. de Sérignac mourut en 1617. Son fils lui succéda comme gouver-
neur de Clairac.
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LES
CORRESPONDANTS DE BORY DE S'-VINCENT
Jean-Vincent-Félix LAMOUROUX
INTRODUCTION
Le Muséum d'histoire naturelle, à Paris, possède une pré-
cieuse collection que lui a léguée 1 eminetit botaniste M. le doc-
teur Bomet, membre de l'Institut. En plus de plantes rares
qui constituent son herbier, se trouve toute une série d'auto-
graphes des principaux savants français. Dans le nombre, ont
été déjà indiquées par nous les si intéressantes réponses de
Léon Dufour aux lettres de son ami Bory de Saint- Vincent,
dont nous avons reproduit les plus curieux passages en note
de la volumineuse Correspondance du colonel-botaniste age-
nais.
Préparateur à ce même Muséum, M. Paul Biers nous si-
gnale aujourd'hui, comme émanant de la même source, une
nouvelle série de lettres adressées toujours à Bory par quel-
ques-uns de nos savants agenais. Sous ce titre, les Correspond
danls de Bory, il nous demande si nous ne pourrions pas don-
ner asile dans cette Revue à ces pages, dont l'histoire natu-
relle, et particulièrement la botanique, font à peu près tous les
frais. Les noms de Saint-Amans, de Lacépède, de Brondeau,
de Lamouroux, etc. honorent trop notre pays pour que nous
ne considérions pas comme une bonne aubaine l'offre de notre
distingué confrère.
Aussi nous empressons-nous de l'en remercier, et sommes-
nous heureux de l'accepter, en commençant par la publication
de douze lettres de Jean-Vincent Félix Lamouroux, le savant
professeur à la Faculté de Caen, dont les travaux sur les plan-
tes marines et principalement les Polypiers et les Fucus, font
toujours loi.
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- 537 -
Est-il utile d'ajouter coinbien il nous est doux, à nous, un
de ses petits-neveux, de rappeler ici les qualités principales de
cet homme de bien dont toute la vie fut consacrée au travail et
à la science, et à quels moments de sa trop courte mais si la-
h: î'ifMise existence il communiqua à son compatriote Bory ses
impressions de botaniste sans cesse épris de la vérité, comme
aussi ses sentiments, toujours si purs, d'inaltérable amitié.
Lamouroux et Bory étaient du même âge. Tous deux naqui-
rent à Agen, Bory le G juillet 1778, Lamouroux le 3 mai 1779.
Tout enfants ils firent connaissance, leurs familles se trouvant
fort liées. Mais ce ne fut que plus tard, lorsque Bory eut quitté
Agen pour aller finir ses études à Bordeaux, où le recueillit
son oncle maternel Journu-Aubert, qu'à la suite des premiers
voyages faits par Lamouroux dans cette ville pour y repré-
senter la maison de commerce de son père, le goût de la bota-
nique réunit les deux jeunes gens et cimenta à tout jamais
leur amitié.
Nous ne dirons pas à nouveau ici quelle était, à la fin du
xvui* siècle, la position sociale dans. Agen de la famille Lamou-
roux, ni quel rôle considérable joua, tant dans les sciences que
dans la politique, Claude Lamouroux, le père du futur savant,
l'un des fondateurs de l'Académie d'Agen en 1776, et plus
tard, de novembre 1791 à décembre 1792, c'est-à-dire pendant
une des années les plus troublées et les plus difficiles de la
Révolution, maire de la ville d'Agen. Nous les avons suffisam-
ment fait connaître dans notre Etude sur Une Famille Age-
naise : les Lamouroux (1).
Nous en dirons autant de la biographie de Bory de Saint-
Vincent, dont nous avons esquissé les principaux traits dans
la Préface de sa Correspondance (2).
Tout ce que nous nous permettons d'ajouter c'est que ces
deux esprits supérieurs, ces deux amants de la nature, pour
employer la locution chère à leur époque, étaient bien faits
pour s'entendre, qu'ils furent toujours unis par un lien com-
(1) Recueil de la Société Académique d'Agen, t. xu, 2* série, el tirage à.
part. Ageo, 1893. In-8' de 160 p. avec planche el portraits.
(2) Correspondance de Bory de Saint-Vincent. Reçue de iAgenais, t. xxx à
XXXV, el tirape à part (Agen, 1908. In-8' de 358 p.) avec Supplément, Revue
de rAyenais, t. xxxvii à xïxmii, et tirage à part. (Agen, 1912. In-S* de 106 p.)
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— 538 —
niun, Tamoiir de la science, et que', malgré quelques nuages
passagers, de 1res courte durée, leur amitié ne s'altéra jamais.
L'année 1797, date de la première lettre de Lamouroux à
Bor\', marque dans leur existence réciproque. C est celle où
Bory, grisé, comme tous les jeunes gens de son âge, par les
fumées de la gloire, s'engagea dans l'armée de TOuest tl
moins d'un an après n'hésita pas à suivre le capitaine Baudin
dans son expédition autour du monde. C'est également l'an-
née où, dans une sphère plus modeste, Lamouroux renonça
tout à coup aux plaisirs bniyants et vides de son âge, et, sous
l'heureuse influence de Saint-Amans, son bon génie, alors
professeur d'histoire naturelle à l'Ecole Centrale de Lot-et-Ga-
ronne, s'adonna corps et àme à la botanique, y faisant en peu
de temps de si rapides progrès que son maître n'hésita pas à
se Tattaclier, d'abord comme secrétaire, puis bientôt comme
suppléant au cours qu'il professait. Lamouroux n'avait alors
que dix-huit ans.
Dans les notes, du reste, qui accompagneront chacune de
ses lettres, nous aurons soin de faire connaître aux lecteurs
les faits et gestes des deux amis, complétant autant que nous
lo pourrons les détails, souvent trop sommaires, de leur exis-
tence mouvementée. Ils verront ainsi comment, jusqu'à la
mort prématurée de notre grand-oncle, le 25 mars 1825, La-
mouroux était heureux de renseigner son ami, non seulement
sur ses occupations journalières, ses travaux, ses découvertes
scientifiques, ses communications à l'Institut, mais aussi sur
ce qui se passait à Agen, sur la société de cette ville à la fin du
Directoire, les mœurs de ses habitants, et, lorsqu'il eut quitté
sa ville natale, sur ce qu'il faisait à Paris et sur les nombreux
savants qu'il fréquentait.
Si noire bagage est aujourd'hui quelque peu restreint, il
n'en offre pas moins un réel intérêt scientifique, avant-goût
savoureux à celui, plus considérable, que ne manqueront
point de présenter les lettres de Saint-Amans à Bory, et après
lui, celles de quelques autres de ses compatriotes botanistes,
qui se sont fait un nom dans cette branche aimable de Thistoire
naturelle.
Ph. Lauzun.
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— S39 —
LETTRES
DE J -V.-F- LAMOUROUX A BORY DE SMMNCENT
A Monsieur Sainl-Vincent Bory^ chés son père,
rue du Grand Cancera^ à Bordeaux (1).
Agen, 25 mars 1797*
Monsieur,
Mon départ précipité de Bordeaux m'ayant empêché de proffîter
de vos offres, j'ose vous en faire rappeler. Vous me promettes de
me doiuier quelques échantillons de plantes; j'espère les recevoir, a
charge à moi de vous envoyer tous ceux qui vous feront plaisir. Je
travaille au Catalogue de mes plantes ; elles ne sont pas nombreu-
ses, mais elles sont toutes i\ votre service. J'ai peu de choses et vous
avez beaucoup ; le temps viendra où je serai riche; alors je pourrai
vous rendre ce que j'espère vous devoir.
Si vous aviez (|uelque occasion de faire venir de Paris la quator-
zième édition du Systema Vegetarium Linnei, je vous prierai d'en
réserver un exemplaire pour M. Saint- Amans qui n'a que la trei-
zième (2).
J'ose encore vous faire une prière. Vous m'aviez offert de me pré-
senter à la Société d'histoire naturelle; je n'ai pu proffîter de cette
offre pendant mon séjour à Bordeaux. J'espère que, malgré que
je sois absent, je pourrai être présenté par vous et que j'aurai bien-
Ci) I.o père de Hory de Sainl-\ incont était noble Géraud de Bory et habi-
lait Agon ; sa mèro, Madeleine Journii, de Bordeaux. Il est probable qu'à
celte date du 25 mar> 1797, le père de Bory se trouvait momentanément de
pasj=;age à Bordeaux. •
(*2) Jean Florimond Boudon de Soint-Amans était alors professeur d'his-
toire naturelle h l'Ecole centrale du département de Lot-et-Garonne, fondée
par décret du 25 octobre 1795 et presque aussitôt après organisée. « Ledit
professeur, est-il dit dans le programme, devra s'inspirer des méthodes de
Daubenton pour les minéraux, de Linné pour les végétaux, et de Linné et
de Geoffroy pour les animaux. » On voit dès lors de quelle utilité pouvaient
être pour le savant agenais le? éditions successives de la Flore de Linné.
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— 540 — •
loi le bonheur d'être membre d'une Société qui possède Latapie,
Bory et Saint- Amans.
Bien mes respects à tous vos parents. Votre frère est sans doute
en bonne santé (1). Vous voyez souvent M. et M°* Latapie. Dites-
leur que je nie souviendrai toujours des honnêtetés qu'ils m'ont fai-
tes |)ondant mon séjour à Bordeaux, et que je voudrais étudiei* sous
M. Latapie, si M. Saint-Amans ne m'eût donné les premiers princi-
pes de la botanique.
Votre compatriote et ami,
Lamouroux fils.
Mon adresse est : à Lamouroux fils, chez son père, négociant à
Agen (2).
II
A Monsieur Bory de Saint-Vincent, naturaliste^
rue du petit Cancera, n° 8, à Bordeaux (3).
Agen, 5 juin 1797.
Ce n'est que depuis hier, cher Bory, que j'ai reçu le charmant
herbier que vous m'avez envoyé. Je me hâte de vous en accuser la
réception. Les grandes occupations que j'ai dans ce moment de
(1) Dans notre ouvrage pur la Correspondance de Bory, nous avons déjà
écrit, en note de la page 5, que Bory avait eu un frère plus jeune que lui.
11 entra dans les bureaux de la Banque de France à Paris, et y fit toute sa
carrière, brusquement interrompue par une cécité presque absolue, contrac-
tée à la suite d'une imprudence. Il prit dès lors sa retraite à Agen, où sa
conversation enjouée, pleine de verve et d'humour, ne le cédait en rien à
celle de squ frère le colonel.
(2) La maison Lamouroux, à Agen, occupait tout l'emplacement de la rue
de l'Evèché, actuellement rue du Marché-au-Blé, qui fait face, du côté du
Midi, au Marché-Couvert. C'était une dépendance du vieil Evêché, démoli, on
le sait, à partir de 1774. Elle fut (Considérablement agrandie par Claude La-
mouroux, en vertu d'un achat du 7 janvier 1778. Entièrement transformé par
lui en maison de commerce pour la vente de ces indiennes, dont si grande
fut la vogue sous la Révolution et le Directoire, cet immeuble possédait en
outre un mafnilique salon où se réunissait, pour entendre les productions
musicales du maître de céans, toute la société d'Agen et aussi de vaste»
appartements où logèrent successivement Mgr de Bonnac pendant qu'on
c(uistruisait son beau palais épiscopal, puis, plus tard, en 1802, Mgr Jacoupy,
jusqu'au moment où le département eut acheté pour lui, en 1808, l'hôtel de
Narbonne.
(3) C'est la maison qu'habitait l'oncle maternel, M. Journu-Aubert, plus
tard sénateur de l'Empire.
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- 541 -
{aire (1) m*empêchent de vous expédier de suite les plantes que vous
me demandez. J'espère que ce retard ne me fera point perdre votre
amitié.
Votre compatriote et toujours votre ami,
Lamouroux fils.
Depuis ma dernière, j'ai trouvé aux environs d'Agen quelques-
unes des plantes que vous m'avez envoyées et notamment les Are-
naria irinerviaj 8erfjylli[olia et ienuilolia. Je crois que celle que
vous avez nommée A, trinervia est la serpyllifolia, parce que ses
feuilles sont sessiles et que celles de VA. trinervia sont petiolées ot
marquées de nervures très apparentes dans les feuilles radicales.
Je vous remercie aussi du livre que vous m'avez envoyé. Je ne
connais pas er^core assez cette partie pour en parler; avec le temps
on vient à boi;t de tout.
III
A Monsieur Bory de Saint-Vincent, naturaliste,
rue du petit Cancera, n^ 8, à Bordeaux.
13 décembre 1797.
Espérant depuis ce jour que les occupations de Monsieur Saint-
Amans lui permeltroient de complétter votre mémoire (2), je retar-
dais l'expédition de mes plantes, afin d'envoyer, le tout ensemble;
mais voyant qu'il y en a pour longtemps avant que ce mémoire soit
complet, je m'empresse de vous expédier celles dont vous avez reçu
note par ma lettre du 13 novembre et auxquelles j'ai ajouté :
(1) Les foires du Gravier, qui se sont toujours tenues dans la première
semaine de juin. On ne se doute pas aujourd'hui du succès qu'elles avaient
à celle époque, ni de Taffluence d'étrangers qui, de tous les points du sud-
ouest» résidaient pendant huit jours dans notre ville et lui apportaient l'ai-
sance et le mouvement.
(2) A cette date Saint-Amans est encore professeur d'histoire naturelle h
l'Ecole Centrale. Son cours est des plus suivis, non seulement par ses élè-
ves, mais par beaucoup d amateurs, au nombre desquels figurent plusieurs
dames. Il y enseigne la minéralogie, l'entomologie, mais .surtout la botani-
que, pour laquelle un jardin des plantes avait été organisé dans l'enclos du
ci-devant séminaire « qui est très bien entretenu par les soins de M. Brie,
« jardinier, et où M. de Saint-Amans fait les démonstrations les plus inléres-
« sante.<3, ayant enrichi ce jardin de toutes les plantes étrangères qu'il a ]ni
« se procur^îr. » C'est le moment où J.-\'.-F. l.amouroux fut choisi par
Saint-.Vmans d'abord conune secrétaire, i)uis comme suppléant de son cours.
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- 542 — .
Géranium liicidum. N° 1.
Leonlodon pyrenaicum el uliginosa, N® 2.
Epilobium monkinum. N"" 3. \
JunC'us nivens. N** 4.
Malva moschala. N"* 5.
S'cabiosa pyrenaica. i\** 6.
Pldtitago squarrosa. N** 7.
Veronica latifolia. N** 8.
Alopecurus Gerardi. N° 9.
Aira autjUHlifolia, \° 10.
Le Loperia circeoide^ que vous me demandez est le même que le
liacemosa de Villars.
S'il vous était possible de m'envoyer les plantes que vous m'avez
offertes, aussitôt que vous aurez reçu les miennes, vous obligeriez
Votre ami et dévoué serviteur,
Lamouroux fils.
rv
Monsieur Bory de Saint-Vincent, naturaliste^
à Bardeaux, rue du petit Cancera, n'* 8.
Agen, 7 février 1798.
Vous devez être étonné que j'aie attendu ce jour pour vous remer-
cier et vous accuser la réception du charmant et magnifique envoi
(jue vous m'avez fait; mais pensant que vous n'auriez pas envoyé
cette riche collection sans lettre d'avis, je l'attendais; surtout n'ayant
pas reçu avec les plantes les deux exemplaires de votre ouvrage que
vous m'annonciez dans votre lettre du 30 décembre dernier.
Voyant que cet avis tardait trop à arriver et pensant que vous
pourriez croire que c'est par négligence que je ne vous avais pas
accusé la réception de votre envoi, j'ai jugé à propos de vous écrire
la présente qui, je l'espère, vous trouvera en bonne santé et un peu
fatigué, peut-être, des amusements du Carnaval qui, à Bordeaux,
sont très vifs, surtout quand on les compare à ceux d'Agen.
Votre ami et dévoué serviteur,
Lamouboux fils.
llccevrais-je bientôt les cryptogames que vous m'avez promis ?
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— 543 —
A Monsieur Bory de Saint-Vincent, naturaliste,
rue du petit Cancera, n® 8, à Bordeaux.
Agen, 29 germinal an VI (18 avril 1798).
Cher Bory,
Des occupations majeures m'ont empêché de vous écrire, aussi tôt
que je l'aurais voulu; maintenant que je me vois un peu plus libre,
je ihe liûte de renouveler une correspondance qui peut m'êlre utile
sous tant de rapports.
Dans mon dernier envoi, j'avais oublié quelques plantes; je ne
me les rappelle plus. Daignez m'en donner une note, et de suite
vous les recevrez.
En visitant votre herbier, je vis deux Hypnuin sans fructification.
Je ne sais si ce sera un plaisir pour vous d'en recevoir des échantil-
lons complets. M. Saint- Amans n'a jamais trouvé ces plantes en
fructification que cette année.
Mon départ précipité de Bordeaux m'empêcha de prendre les
deux mémoires sur les Cirrus : un pour M. Saint- Amans, et l'autre
pour Ramond. Si vous êtes toujours dans l'intention de leur en en-
voyer, vous ferez bien de me les expédier de suite par la diligence;
car dans 7 à. 8 jours, un de mes commis part pour un petit voyage.
Il passera à Tarbcs et renaettra votre paquet à Ramond (1).
Que ce départ précipité de votre ville m'a fait perdre ! Si j'avais
demeuré quelques jours de plus j'aurais vu votre superbe herbier,
et vous m'auriez fait part d'une partie de vos richesses ; mais j'es-
père que ce qui est différé n'est pas perdu.
Attendant une réponse, j'ai l'honneur d'être
Votre serviteur et ami,
Lamouroux fils.
(1) Louis-François Ramond de Carbonnières (1755-1827), physicien et géo-
logue. Député à la Législative, il fut réduit, sous la Terreur, à se cacher
dans les Pyrénées où il commença de se livrer à ses célèbres explorations
scientifiques. En 1798, il était encore, comme Saint-Amans, professeur d'his-
toire naturelle à l'Ecole Centrale de Tarbes. Il devint plus tard député an
Corps législatif, préfet du Puy-de-Dôme, baron de l'Empire, conseiller
d'Etat en 1818 et membre de l'Académie des Sciences.
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- 544 -
VI
Au citoyen Bory Saint-Vincent, naturaliste,
rue du petit Cancera, n"" 8, à Bordeaux.
Agen, 7 messidor an VI (25 juin 1798).
Cher Bory,
Je ne sais comment vous exprimer le plaisir que j'ai eu en rece-
\ ant voire chère lettre, et ce qu'elle contenait. Je craignais que vous
ne lussiez malade. J'étais sur le point de vous écrire pour m'infor-
mer de l'état de votre santé, lorsque votre missive m'est parvenue
cl m'a rassuré.
Je vous félicite d'être revenu sain et sauf du voyage intéressant
que vous avez fait et qui vous a procuré de nouvelles richesses (1).
Quant à nous, pauvres botanistes, nous n'avons fait aucune course
majeure; quelques promenades aux environs d'Agen nous ont pro-
curé une trentaine d'espèces nouvelles (pour nous); je vous en en-
voie une note. Si vous ne les avez pas, je vous les enverrai avec
plaisir. Dans le commencement de juillet, nous ferons trois ou qua-
tre courses, qui nous procureront quelques espèces rares. Nous
connaissons leur gîte, et nous ne les manquerons pas.
Le citoyen Saint-Amans n'a fait aucun voyage, ei même. ne quit-
tera Agcn qu'aux vacances. Son école est extrêmement suivie. 11 a
(1) Un voyage dans les Landos du lilloral, depuis la Teste jusqu'à Sainl-
Jcan-de-Luz.
('2) Voici la liste de celle « Note de quelques plantes de cette année dont
j'ai des doubles » : Ophrys arachniles^ -- Orchis mascula^ maculata, corio-
phora — Narcissus poeticus, — Cancalis damoides, — Serapias lingua^ —
Malva nioschata^ — Spanjanium erectum, — Allhœa hirsuta, — Euphorbia
illyricay — Rhamnus alaternuSy — Juncus conglomeratus, — Spirea /i7i-
. pendilla, — Ranunculus thora, R.R.R., ~ Androsace villosay R.R.R., — 4/u-
ga pyramidalis, — Salix triandra, — Polygonum aviculare, — Euphorbia
dulcis, — Ilelleborus ciridis, - Anthémis altissima, — Carex muricata^ —
ChœrophyUum temulum, — Herniaria glabra, — Trilolium liliiorme, — Eu-
phorbia cypariosiaa, — Fiimaria capreolata, — Adonis iBStioalis, — Nimphea
hitca, — l:rica scoparia, — Tri{oliun\ ochroleucum, — Melampyrum crista-
lum, - Periploea grœna, — Ophrys antropophora, — Scirpus holoschœnus,
-- Carduus (jaliistris, agroslis^ puncila, — Euphorbia lothyris, — Hypericum
hircinum.
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-- 545 —
de 18 à 20 élèves assidus (1). Il m*a chargé de vous dire qu'il ne
partira pour les Pyrénées qu'à la fin de la saison.
Votre ami,
Lamouroux fils.
Réponse de suite, je vous prie, si vous voulez que je vous réponde
d'Agen.
VII
Au citoyen Bory Saint-Vincent^ naturaliste, chez le citoyen Journu^
négociant, au Chapeau-Rouge* n° 35, à Bordeaux,
Agen, 25 frimaire an VII (15 décembre 1798).
Il faut, cher Saint-Vincent, que Tastronomie vous occupe beau-
coup, puisqu'elle vous empêche d'crire à votre ami. Quel attrait
trouvez-vous à examiner ces mondes errans et inconnus ? J'examine
quelquefois les astres, mais jamais seul. Ne vaut-il pas mieux étu-
dier l'histoire naturelle (2) ? Sur les sommets des hautes montagnes,
au bord de la mer, on trouve mille plantes les unes plus belles que
les autres; quelquefois, dans ces bosquets formés par la main de
la Nature, on trouve celte plante qui ne porte jamais qu'une fleur.
Heureux le botaniste qui a le bonheur de la cueillir (3). Cette plante
manque à beaucoup d'herbiers.
Si vous voulez me faire croire que je suis encore votre ami, écri-
vez-moi. J'attends vos ordres avec impatience.
Vale et ama,
Lamouroux fils.
(1) Voir la note de la lettre III.
(2) Lamouroux devait plus tard changer d'avis et se mettre, lui aussi, a
oludior sôrioupement l'aslroruimie. Ne lui a-l-il pas consacre la première
piirlic do son Cours de Gêoijraphie physique^ prorcssé, dès 1811, à la Fa-
cuUé des Sciences de Caen, imprimé en 1821 (Caen, in-8' de 368 p.) et réédité
par les soins de son frère, en 1829 (Paris, Verdière, in-8' de 397 p. avec
portrait et notice biographique) ? Mais ses préférences restèrent toujours
pour la botanique et surtout l'étude des plantes marines.
(3) On n'est pas plus galant.
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— 546
VIII
Citoyen Bonj de Sainl-Vinccnt, soldai de la 4* Compagnie du second
bàlaillon de la 82" demi-brùjade de Vaile gauche de Varmée d'An-
ylelerrCy à Rennes (1).
Agen, 11 pluviôse an VII (30 janvier 1799).
Jamais je n*aî soupçonné mon ami Sainl-Vincent de négligence.
J*ai cru que quelque beauté nouvelle, les amusements de la saison
et Tastronomie absorbaient tous ses moments et privaient ses amis
du plaisir de recevoir de s^ nouvelles. Je suis fâché que d'autres
raisons aient été causes de ce silence.
L'emploi de votre temps, décrit si joliment dans votre lettre, me
fait voir que, nouveau Alcibiadc, vous réunissez la fermeté d'un
Spartiate à l'amabilité d'un Athénien. Comme lui, vous êtes le plus
brave; comme lui vous êtes le plus aimable; les fatigues de la guerre
ne peuvent altérer cette humeur enjouée que les amusements de la
sais9n ne peuvent augmenter. Ces amusements sont-ils aussi
bruyants à Uenncs (ju'à Agen ? Ici un vauxhall superbe a lieu de
cinq jours en cinq jours. Les étrangers y arrivent de toute part, et
ceux qui viennent de Bordeaux mettent ce bal au-dessus des plus
beaux de cette ville si renommée pour les sociétés de danse.
Nos dames se mettent avec goût et à la mode; et si elles n'étaient
pas si sévères, elles seraient parfaites. Ce défaut que bien des per-
sonnes regardent comme une vertu, fait enrager certains jeunes
gens et surtout moi, qui me trouve réduit à quelques grisetles, jeu-
nes, fraîches et charmantes, agréables dans le plaisir et maussades
dans tout autre moment (2).
(1) La vip monotone de Bordeaux ne lui suffis-anl plus, Bory de Salnt-Vln-
ccnt vient de s'engager dans l'armée de l'Ouesl. Il est encore siijiple soldat,
mais il ne va pas tarder, grâce à ses mérites et aussi à la protection très
efficace de Lacuée et de Lacépède, d'être nommé sous-lieulcnant. Bien plus,
il est déji\ depuis cinq mois désigné par le Gouvernement « pour occuper
une des places de naluraliste dans « l'expédition du contre-amiral Baudin
autour du monde ». Ce sont les lerm«^s même dont il se sert pour annoncer
celle bonne nouvelle à Saint-Amans, dans sa lettre du 15 septembre 1798,
déjà publiée par nous. Il semble bien élonnant que Lamouroux, qui voyait
chaque jour, à Agen, ce dernier, n'ait pas appris de lui ce changement
d'existence de son ami ? Xous avons dit toutefois que Baudin, et avec lui
Bory, ne partirent que vers la fin de l'année 1799.
(2) Nous n'avons pas besoin de souligner ce passage pour appeler l'atten-
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— 547 —
J'aime toujours la botanique. Avant les gelées, j ai trouvé des
mousses rares. Mon herbier en est augmenté, et si le vôtre est en-
core à votre disposition j'ose vous répondre que celles que je vous
enverrai ne seront pas les moins belles de votre riche collection.
Adieu, écrivez-moi souvent. Joie, santé, fermeté et prospérité.
Lamouroux fils.
IX
Monsieur Bory Saint-Vincent, chez M. Journu-Aubert, sénateur,
rue de la Loi, à Bordeaux.
Agen, 23 brumaire an XI (14 novembre 1802).
Cher Ami,
Je suis arrivé à Agen depuis deux jours, après une absence de
doux mois et demi. J*ai trouvé M. de Saint- Amans de retour de son
voyage. Il m'a communiqué votre lettre, et j*ai vu avec plaisir que
vous ne m'aviez pas oublié. Vous lui demandez où je suis; toujours
à Agcn, que je quille deux ou trois fois par an, pour aller à Tou-
louse, à Bordeaux, ou dans d'autres villes où m'attirent les affaires
de mon commerce. Quant à la botanique, je la néglige le moins que
je puis (1); mais obligé de diriger notre fabrique d'indiennes et une
lion de nos lecteurs sur l'intérêt local qu'il présente au point de vue des
mœurs agenaises, à celte curieuse époque de la dernière année du Direc-
toire.
(1) De nombreux événements se sont produits dans l'existence des deux
amis, depuis la dernière lettre de Lamouroux. Près de quatre ans se sont
passés. Uory a suivi h' capitaine Baudin jusqu'aux îles Bourbon et de France.
Mais, là, ils se sont brouillés. Bory est reste seul, en panne, dans ces deux
îles, les explorant le plus sérieusement possible au point de vue géographi-
que, physique cl botanique jusqu'à ce qu'un navire ait consenti à le ramener
on Kurope. Il s'arrête à Sainte-Hélène, puis quelques jours à Bordeaux,
chez ses parents; et il rejoint son régiment à Kennes, où il ne tarde pas à
se marier (1802), et à publier ses premiers ouvrages .* lissai sur les lies For-
tunées de lanlique Atlantide et Voyage dans les quatre principales îles des
mers d Afrique (1803). (Voir notre biographie de Bory de Saint-Vincent.)
Lamouroux, de son côté, a fait de nombreux voyages pour écouler les
pr<Kliiils de la grande fabrique d'indiennes de son père, établie aux Petits
Carmes, aujourd'hui caserne Lacuée; d'abord son tour de France, de juillet
1799 à septembre 1800, durant lequel il écrit à Saint-Amans de si intéressan-
tes lettres, datées de Perpignan, Barcelonne, Narbonne, Nîmes, Montpellier,
Paris où il travaille assidûment, fait la connaissance de Chaptal, Berthollet,
Ju^sieu, Candolle, va à l'Institut, y voit Bonaparte, fréquente assidûment
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— 548 ~
I
partie du comptoir, je ne puis m'y livrer comme je le désirerais.
Malgré cela j'ai eu le bonheur, par mes correspondances en Suisse,
en Allemagne, en Espagne et dans plusieurs parties de la France,
d'augmenter un peu mes collections, principalement en Fucus que
j*aime, autant que vous chérissez les confen'es. Je suis parvenu à
me procurer plus de deux cents espèces de ce genre si difficile, non
compris les variétés. J'ai fait venir de Londres et d'Allemagne tous
les ouvrages qui ont paru sur les Fucus; et j'ai le plaisir, à une ving-
taine d'espèces près, de posséder tout ce qui est décrit ou figuré, et
beaucoup dont on ne parle pas (1).
Il paraît, par votre lettre, que vous avez beaucoup travaillé, beau-
coup vu, beaucoup observé.' Je ne doute pas que si jamais vous faites
paraître un journal de votre voyage, il ne soit classé au premier
rang (2).
Les conferves que vous avez envoyées à M. de Saint-Amans sont
belles et rares. J'en ai reçu trois ou quatre espèces de Philadelphie
qui, par leur beauté, me font croire que, dans cette partie du
monde, ce genre y est peut-être plus gigantesque et plus magnifi-
que (en couleur) qu'en Europe.
ri paraît, par votre lettre, que nous aurons le plaisir de vous voir
le printemps prochain. Ou'il me tarde ! Vous verrez alors, en visi-
tant mon herbier, cl en y choisissant ce qui vous fera plaisir, la faus-
Lacépède, Lomct, Larozière, etc., puis revient par la Normandie, la Breta-
gne, la Vendée, les Charenlcs cl Bordeaux. Nous en avons publié les prin-
cipaux fragments. Il va ensuite à Toulouse, d'où il adresse, le 16 février
1801, toujours à Saint-Amans, celte curieuse lettre sur les mœurs et usages
mondains de celle ville, reproduite par nous in-exlenso, p. 85-86 et dont les
détails sont à rapprocher de ceux fournis déjà par lui sur la société d'Agen.
Enfin, pendant les voyages que Saint-Amans fit aux Pyrénées en août
1801, et l'année suivante à Paris cl en Angleterre, Lamouroux prend officiel-
lement possession à l'Kcole Centrale d'Agcn de la chaire de professeur
d histoire naturelle. 11 entretient le jardin des Plantes, et commence le 2 juin
1802 son cours de botanique. Il a une vingtaine d'élèves, leur fait faire des
hciiborisations dans les frais vallons des environs d'Agcn, et U obtient, mal-
gré son jeune âge, un succès des plus flatteurs et des plus mérités. (Voir
notre Etude sur les Lamouroux.)
(1) Trois ans après, Lamouroux publiait son premier ouvrage dédié à
Saint-Amans : Dissertations sur plusieurs espèces de Fucus peu connues ou
nouvelles, avec leur description en latin et en {rançais. (Agen, Imp. Noubel,
an XIII-1805. In-4' de 83 p. avec planches.) Cet ouvrage, qui devait mener
Lamouroux à l'Inslihit, fait encore loi dans le monde savant
(2) Nous venons de dire quels furent les litres des deux relations de ce
voyage. ^
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- 549 —
setô de certaine bruits auxquels vous n'avez pas ajouté foi, j'en suis
sûr(l).
Adieu, cher savant ami. Si vous avez un moment de libre, écrivez-
moi, ne fut-ce que deux mots. De vous, ils me seront précieux.
Amitié sincère cl dévouement,
Lamouroux fils.
X
Monsieur Borij de Sainl-Vincent, capitaine-adiudanl à VElai-maior
du Maréchal Ney, à Varmée d'Espagne^ à Bayonne,
Paris, 28 novembre 1808.
Mon cher Bory,
Je me hâte de répondre à ta lettre du 15 qui a demeuré bien du
temps en route; car il n'y a que deux jours que je l'ai reçue. Je com-
mence par te remercier des choses amicales que tu me dis. Je n'y
suis point insensible, et quelque chose qui m'arrive, je te regarde-
rai toujours comme un de mes meilleurs amis.
Que de choses tu as faites dans le peu d'instants de ton séjour à
Bordeaux ! Ouelle activité ! Que de visites ! J'ai beau chercher, j'ai
lioau mo creuser la cervelle, je ne peux deviner ces personnes chez
lesquelles tu as été te rappeler et auxcjuelles je ne pense pas; éclair-
cis ce mystère. S'il est possible, tu me feras bien plaisir (2).
(1) Lamouroux'fait allusion, dans ceUe phrase, à certains bruits qui avaient
été faussement répandus pour brouiller les deux amis, et d'après lesquels,
profitant de sa longue absence, il aurait pris à Bory, dans son herbier do
Paris, de nombreux échantillons. En arrivant de l'Ile Bourbon Bory trouva
en effet ses collections en fort piteux état. Mais il eut soin de ne pas croire
aux calomnies méchamment répandues. Il fit une enquête et trouva bientôt
les vrais coupables : a Je ne pourrai, écrit-il ce même mois de novembre
« 1802 à Saint-Amans, envoyer, malgré ma bonne volonté, beaucoup de fu-
« eus à Lamouroux; car, en mon absence, M. Dutrouil et autres ont volé
« mon herbier d'une manière infâme. Ils ont tout pris et fait ensuite les gé-
'« néreux à mes dépens. » (Corresp. de Bory, p. 70.) Les deux savants restè-
rent donc toujours unis. Six ans phis tard, le 5 novembre 1808, Lamouroux
n'écrivail-il pas lui-même à Saint-Amans, de Paris où il était, avant de se
rendre à Caon : « J'ai rviicontré Bory de Saint-Vincent, toiiiours mon intime
<i ami, mahjré tout ce quon a (ait pour nous brouiller ensemble. La première
« explication a dissipé tous les nuages » ?
(2) Sa volumineuse Correspondance nous apprend qu'après avoir fait
partie, comme capitaine de dragons, de 1805 à 1807 de la Grande-Armée, et
avoir suivi Napoléon sur tous les champs de bataille de celte époque, Bory
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— 450 —
Tes genres Batrachosperma et Draparnaldia s'impriment à force.
Ils ne tarderont pas à paraître.
J'ai vu plusieurs fois Madame Legouvé. Je suis bien aise d'avoir
fait sa connaissance. C'est à toi que je la dois. Grâces à ta recom-
mandation, j'ai visité les herbiers de Bosc, de Lile, de La Billar-
dière, Léman, de La Roche, etc., etc. J'ai trouvé de bien belles
choses, et si ces messieurs tiennent leurs promesses, j'aurai, avant
peu, la plus belle collection de Fucus qui existe (1).
Adieu, mon cher ami, ménage ta santé. Tes talents la rendent
trop précieuse pour l'exposer sans raison. Amuse toi et travaille on
peu.
Tout à toi pour la vie.
Lamouroux ^ils.
Chez M. Gros Davillier et C"*, nég' à Paris.
XI
l
Monsieur Bory de Saint-Vincent, capitaine à VEtat-Malor^ membre
correspondant de V Institut, etc., chez M. de Clermont-Tonnerre^
aide de camp du Uoi d'Espagne, Calle Leganitos, à Madrid.
Paris, 20 novembre 1809 (2).
Mon cher Ami,
Après un an d'attente, j'ai enfin reçu de tes nouvelles par ta lettre
du 6 octobre, la seule qui me soit parvenue depuis ton séjour dans
rentra à Paris au commencement de 1808, mais fui désigKé presque tout de
suite pour être attaché à l'état-major du maréchal Ney, chef de l'armée
d!Espagne. Il quitta Paris le 6 octobre, et passa par Bordeaux où il résida
huit jours et rendit visite à tous ses anciens amis. C'est ce qui résulte des
premières lignes de sa lettre à Léon Dufour,- datée du 6 octobre 1809, de
Madrid, que nous avons publiée, pages 2 et 3 de notre Supplément. Quant
aux personnes auxquelles il crut devoir se rappeler et qui intriguent si fort
Lamouroux, il nous est impossible, à notre tour, d'éclaircir ce mystère, Bory
se contentant d'écrire, dans sa même lettre, à Léon Dufour cette phrase
énigmatique : « Il me fallut voir à Bordeaux tous les Musons et entendre
« les plaintes des uns et des autres. Je passai par Castets, d'où j'écrivis à
« Tlion\ Je no s.iis cv q\w jr lui ni fait, mais il ne m'a pas répondu. »
(1) Pour lous ces personnages, voir les miles que nous avons fournies sur
eux dans la Correspondance de Bory de Saint-Vincent, et leurs noms dans
VIndex qui termine ce volume, ainsi que dans le Supplément.
(2) A cette date, J.-V.-F. Lamouroux habitait Paris. Forcé de quitter Agen,
l'année précédente, à la suite de la liquidation de la mais\)n de commerce de
son père qui, après avoir fait face à lous ées engagements, se vil obligé, par
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— 551 —
la patrie du Cid et de Don Quichotte. Ton frère m'en avait quelque-
fois donné, mais nous les trouvions tous bien rares. Maintenant que
les communications seront plus faciles, écris-nous quelquefois. Tu
luî saurais croire le plaisir que j'ai à recevoir les lettres, en général
hcaucoup hop courtes cl jamais Irop longues (1).
N'ayant jamais eu de relations en Espagne et n'ayant parcouru
qu'une partie de la Catalogne, je suis très pauvre en plantes de ce
beau pays. Ne m'oublie pas dans les herborisations. Tu ne perdras
pas dans les échanges que nous ferons ensemble, surtout si lu ap-
portes beaucoup de plantes marines.
Que je te félicite des facilités que tu as trouvées d'augmenter tout
à la fois et tes connaissances et les collections. Bosc a annoncé à
l'Institut de nombreux mémoires. Tu disposes des herbiers des bo-
tanistes espagnols, que de richesses ! que de choses nouvelles à pu-
blier î
Tes mémoires sur les genres Balrachosperma et Draparnaldia
ont été publiés. M. Deleuze garde à ta disposition les exemplaires
que tu lui avais demandés.
Il y a longtemps que livré entièrement à l'étude, j'ai renoncé à
toute espèce de société autre que celle des savants ; mais j'apprends
quelquefois des nouvelles de ce qui se passe dans le monde. Ma-
dame Dav. a passé la belle saison à sa campagne. Elle est revenue
à Paris en bonne santé (2). Madame Legouvé est morte, il y a 3 ou
\ mois. Soii mari ne jouit pas d'une bonne santé (3). Richerand a
suite des guerres de rErtipire el du blocus continental, de renoncer pour
toujours à ses opérations commerciales, Félix Lamouroux, ne voulant pas
demeurer à charge à sa famille, se décida pour la carrière médicale et il
partit pour Paris, afin d'y terminer ses éludes commencées à Agen. Nous
savons par les lettres si louchantes qu'il adressa à ceUe époque à son maître
el ami, F. de Saint-Amans, quels rebuts do toutes sortes, quelles privations
il eut à endurer, mais aussi quel courage, quelle persévérance il montra
pour atteindre le but désiré. (\'oir notre Etude sur les Lamouroux, p. 93 et
suivantes.)
(1) Bory, depuis un an également , se trouvait en Kspagne, attaché d'abord
à rélat-major du maréchal Noy, puis pendant phis de quatre ans à cehii du
maréchal Soult, dont il devait suivre la fortune diverse. (\ oir le Supplémejit
d? .sa Correspondance et les nombreuses lettres qu'il écrivit de ses diverses
étapes, en •Andalousie notamment, à son fidèle ami Léon Dufour.)
(2) Madame Davilier, chez laquelle logeait Lamouroux, à Paris.
(3) Le poète' Legouvé, l'auteur du Mérite des {emmes, membre de rin§li-
tul, mort en 1812.
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QoO^Qi
— 552 -
été bien malade (1). Peron a passé Tété à Nice; il va un peu mieux.
Je crains bien que ce mieux ne soit qu'apparent, et que nous ne per-
dions notre ami au moment que tout dans la nature prendra une nou-
velle vie (2). Léman, Delile, Bosc, etc., et tous les amis font des
livres, des enfans, de la médecine, suivant leur goût el leur état.
Quant à moi, car il faut bien que je t'en dise quelque chose, j'ai lu
deux mémoires à l'Institut qui ont été approuvés ; j'ai été reçu doc-
teur en médecine ; je suis nommé professeur adjoint d'histoire na-
turelle à la faculté des sciences de Caen. Je suis membre correspon-
dant des Sociétés philomatique, de médecine et des sciences natu-
relles de Paris, toujours travaillant les plantes marines et me dispo-
sant à présenter dans trois semaines un nouveau mémoire à l'Insti-
tut, sur des genres anciens ou nouveaux de la famille des zoophytes.
J'ai encore lu à la Société philomatique des notes sur l'emploi du
marc des couleurs dans les fabriques d'indiennes, sur la culture du
coton en France, sur l'organisation interne des plantes marines, sur
CCS plantes considérées sous les rapports de leur usage comme plan-
tes médicinales, alimentaires, employées dans les arts. J'ai com-
battu l'opinion des auteurs sur l'emploi qu'on leur attribuait dans
Téconomic de la nature, etc. (3).
Tu vois, mon cher Saint-Vincent, que j'ai profité autant que pos-
sible de mon séjour à Paris. J'aurai pu faire davantage. Mais les
sollicitations, les courses, le tems que Ton prend à faire anticham-
bre, ne me l'ont pas permis.
Au moment où tu recevras la présente, mon frère sera peut-être
arrivé à Madrid. Je lui ai fait avoir une place de pharmacien de
3^ classe, qui, en lui donnant un état, lui évitera la corruption. Il est
très instruit pour son âge et amant zélé de la botanique. Sous le
triple rapport de botaniste, de compatriote et de frère de ton ami, je
te le recommande. Tache d'obtenir du |)harmacien général des ar-
mées d'Espagne, M. Laubert, que mon frère reste sous tes yeux à
Madrid. Là il pourra travailler avec fruit et à son instruction et à son
(1) Richrraiid (Anthelme). célèbre chirurgien français, né à Bellcy en 1779,
mort à Paris en 1840, professeur* ;i l'Ecole de médecine, auteur de nombreux
ouvra ires sur la pathologie et la chirurgie.
(2) Peron (François), naturaliste, avait fait partie de lexpédition Baudin;
ra(»rt en 1810. •
(3) Lamouroux n'indique ici que quelques-uns de ses mémoires. Nous en
avons donné la liste complète dans sa biblio(jraphic : Une famille agenaise,
les Lamouroux, p. 119-128.
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— 553 —
avancement. Engage M. Laubeit à demander pour lui la place de
pharmacien de 2* classe. Sa demande sera appuyée à Paris par
M. Parmenlier, Duméril, Lacépède, Lacuée et Allent. J'ai envoyé
ton adresse à mon frère. Dans le cas que ma lettre se perdrait, en-
voie à lettre vue, chez M. Laubert pour savoir des nouvelles de
Jeannin Lamouroux (1).
Adieu, bonne santé, plaisir, fortune et le reste après.
Toui à loi et pour la vie.
Lamouroux fils, D' m.
Chez MM. Gros Davillier et 0\
XII
.4 Monsieur Bory de Sainl Vincent, de V Institut de France, lieute-
nant-colonel, aide de camp de S.E. le maréchal duc de Dalmatie,
général en chel de Varméc du Midi, en Espagne, au quartier
général, par Bayonne et Madrid.
Caen, 26 octobre 1811 (2).
Tu me reproches, mon cher Saint-Vincent, de ne pas répondre à
les lettres. Cependant je t'ai écrit plusieurs fois, notamment pour te
(1) l\ s'agit ici de Jean-Pierre Lamouroux dit Jeannin, le treizième enfant
de Claude et de Catherine Longayrou. Né à Agen, le 12 février 1792, Jean-
nin contracta de bonne heure, comme son frère aîné, le goùl de la botani-
que; et, dirigé, lui aussi, par Saint-Amans, il acquit bien vite assez de con-
naissances pour collaborer avec fruit à ses travaux. A 17 ans, il répondit c'i
l'appel que l'Empereur adressait en 1809 à la jeunesse française, et il se Fit
commissionner par le Ministre de la Guerre pour l'armée d'Espagne en qua-
lité d'officier de santé et de pharmacien de 3* classe. Pendant trois ans Jean-
nin Lamouroux suivit toutes les vicissitudes de l'armée impériale. Mais lors-
qu'on 1812 nos troupes durent évacuer Madrid, il demanda à demeurer au
Retiro pour continuer à soigner les blessés. Sa générosité ne fut pas com-
prise des Anglais qui se saisirent de lui, l'envoyèrent au bagne de Lisbonne,
puis, après quelques mois d'atroces souffrances, sur les pontons de Porsi-
mouth où il demeura près d'une année. Il ne rentra à Paris qu'à la seconde
Restauration. 11 s'y fixa comme médecin, fut décoré pour sa belle conduite
pendant le choléra et mourut en 1866. Il avait épousé Sophie Paganel. Jean-
nin Lamouroux a laissé de nombreux mémoires sur la botanique, sur la
science médicale et aussi de charmantes poésies.
Ci) Wory est toujours en Espagne dans l'élal-major du maréchal Soult, La-
mouroux à Caen, où il a été nommé professeur d'hisoire naturelle à la Fa-
culté des sciences de cette ville, dès la fin de 1809. D'abord simple adjoint
au cours d'un certain M. Roussel, il devint titulaire de sa chaire, par suite
du décès de ce dernier, dans le courant de 1810.
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- 554 —
recommander mon frère, aide pharmacien à l'hôpital général de
Madrid. Je n ai reçu que deux lettres de toi, y compris la dernière.
Aussi, vu le plaisir qu'elle m'a fait, je prends tous les loris pour
moi, et je te promets de l'écrire toutes les fois que je saurai où l'a-
dresser mes lettres.
Tu supposes avec raison que je m'occupe toujours des (ucus que
j'aime plus que toutes les autres plantes. J'avais d'abord nommé
cette famille Algophyles. Ce nom-là ne me satisfaisait pas et je crus
devoir le changer en celui (ïOneanophyles. Enfin, je me suis décidé
maintenant à les appeller des Thalassiophytefi ou plantes marines.
Connaissant bien les espèces, je me suis attaché à la physique de
ces êtres. D'abord, j'ai trouvé dans la lige des grands fucus un épi-
derme, une écorce, un bois et une moelle. Guidé par cette décou-
verte, comme le naulonnier par la boussole, j'ai trouvé dans les
Thalassiophyles des espèces analogues aux feuilles, aux corolles,
aux cotylédons, etc., des plantes terrestres; et je me suis servi de
ces grands caractères pour partager les plantes marines en plu>
sieurs grandes familles que je crois aussi naturelles que celles des
graminées, des labiées, etc., etc. (1).
Ma collection augmente chaque jour, et quatre espèces que lu
m'annonces enrichiront mon Species que je publierai au commen-
cement de 1812 (2). Moir général est parti pewr Rairi» ilupiiin pftiu Si
tu pouvais les envoyer à Madrid, il serait facile d'y trouver une oc-
casion pour Paris, et en les adressant à M. Davillier, je ne tarderai
pas à les recevoir.
Je te félicite du thrésor que tu as trouvé. 9 à 10 mille plantes de
l'Amérique méridionale, quelle fortune ! S'il y a des thalassiophytes
parmi, je me recommande à toi.
Nouvel Aristote d'un nouvel Alexandre, lu herborises à la tète
d'une armée. Comme le naturaliste grec, lu visites des pays incon-
(1) Ce fut en 1813 que Lainouroux publia son Hssai sur les genres de la
iamille des Thalassiophytes non articulées. (Paris, Caen, Gab. Dufour 1813,
in-4'" avec ïiuil planches d'excellentes figures.) Ce travail, qui fut d'abord
inséré dans les Annales du Muséum d'histoire naturelle, tome XV, fil épo-
<|ue dans la science de l'algologie. II est devenu aujourd'hui fort rare.
(2) Kn 1812, parut, en effet, un Mémoire sur la Classification des Polypiers.
C'est rinlroducliôn à ÏUistoirc des Polypiers, qui ne vit le jour qu'en 1816.
(C;ien, imp. Poisson, in-S" de 360 p. avec 19 planches dessinées par l'auteur.)
Comme celui sur les Fucus et les Thalassiophytes, cet ouvrage de Lamou-
roux eut un grand retenlisscmcnl. II conduisit son auteur à Tlnstitul, en qua-
lité de membre correspondant.
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— 555 -
nus ; comme lui sans doulo lu enrichiras la France de les décou
vertes ; et ton pays qui se félicite d'avoir donné naissance à Lacé-
pède, à Palissy, etc., le classera également au nombre des grands
hommes qui Tont illustré. La gloire des hommes célèbres rejaillit
sur leur pays et influe prodigieusement sur les jeunes gens qui sui-
vent la carrières des armes, des sciences et des lettres.
Ce qui m*étonne beaucoup, c'est de voir en Espagne des mçnla-
gnes de 1824 toises et de 1780 toises. Adieu, le Mont Perdu (1763).
On Ig regardait comme le sommet le plus élevé du Midi de l'Europe.
Le Mulahncen et la Velela l'cmporlent sur lui. Que de belles choses
lu as du trouver dans ces régions glacées ! La liste que tu me don-
nes est superbe, et un échantillon de chaque espèce enrichirait un
herbier (1).
Répondant à ta lettre article par article, ne sois pas étonné que ce
soit seulement ici que je te félicite du nouveau grade que tu as ob-
tenu. Tu ne pouvais manquer d'être avancé, après les éloges de ta
bravoure, que Ton a vus dans les journaux de l'Empire. Il ne reste
maintenant qu'à avoir la croix de la Légion d'honneur, un majorât,
et un héritier (2).
Tu me demandes des nouvelles d'Europe et des miennes. En nou-
. velles d'Europe, les journaux t'en apprennent autant qu^'à moi. Les
sciences sont un peu en retard. Duméril a concouru pour une
chaire de professeur adjoint à la faculté des sciences de Paris.
Wildenow a resté six mois dans la capitale. Léman est toujours chez
M. de Dérée. Delile ne sait trop ce qu'il veut ; il fait de la médecine,
quelquefois à Versailles, maintenant à Paris. Lesueur garde les col-
lections de Peron. On croit que M. Cuvier va continuer les travaux
(1) Dans une longue lettre à Léon Dufour, du 25 août 1811, datée de Gre-
nade et que nous avons publiée dans le Supplément de sa Correspondance,
p. 18-20, Bory raconte dans tous ses détails son exploration botanic^e de la
Sierra Nevada, dont La Veleta et le Mulahacen sont les pics^es plus élevés.
Il en parle avec enthousiasme et fournit, tant sur la configuration et la na-
ture des terrains de ces montagnes, que sur leur Flore, des détails extrê-
mement intéressants. Nul doute qu'il ne se soit répété dans sa lettre à La-
mouroux.
(2) Lamouroux fait ici allusion au siège de Badajos où Bory de Saint-Vin-
cent, chargé de conduire linfanlerie, fut très exposé et se couvrit de gloire
(18 mars 1811), et à la suite duquel il fut proposé, « avec une belle mention
honorable, pour le .grade de chef d'escadron. » (Lettre du 26 mars 1811. Siip-
plémentj p. ir-15.) Il l'obtint aussitôt, et fut même nommé la même année,
lieutenant-colonel, après sa brillante conduite à la Venta del Booul. (Lettre
du 16 août 1811. Supplément, p. 15-18.)
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- 556 —
do notre malheureux ami. Rrogniart est toujours à Sèvres. Denys
de MonlfortMie finira jamais son histoire des coquilles. Mirbel fait
toujours de. la physiologie et prend quelquefois des écailles paur
des feuilles. Poiteaud et Taupin continuent les arbres fruitiers,
l'herbier de Paris et peignent pour tous ceux qui les paient. Bon-
pland se repose sur ses lauriers. M. de Jussieu n'y voit plus. Des-
vaux analyse pour lui. Richard observe toujours, etc. (1).
Si nous quittons Paris pour la province, Anthany à Bordeaux
fait toujours de la bonne botanique. M. de La Terrade a ta]^ une
flore bordelaise. Dargelas est conservateur du Muséum de Bor-
deaux. M"' Dargelas, une baguette à la main, en fait l'explication.
Il est également professeur de botanique. ïhore a fait un volume
in-S"" de Ses ProMenades dans les Landes. Elles pourraient être
mieux écrites et auraient tesoin du style de l'auteur du Voyage dans
les quatres principales tles de la mer Atlantique, Grateloup fait de
la médecine et des observations. De Candolle fait l'ornement de
l'Ecole de Montpellier et parcourt l'Europe pour faire la Flore de
l'Empire français. Saint-Amans travaille à une Flore du Lot-et-
Garonne et à ses Voyages dans les Landes, Tournon a fait une flore
Toulousaine et s'est brouillé avec Lapeyrouse; sans doute qu'il a
voulu traiter la botanique comme la femme et que.... etc. (2).
Voilà bien des personnages passés en revue. Je désire l'avoir
appris du nouveau sur leur compte. Maintenant je vais te parler un
peu de moi. En 1809, j'ai été nommé professeur-adjoint à la faculté
des Sciences de Caen et professeur d'histoire naturelle au
Lycée. Je suis entré en fonctions au mois de mars 1810. Je te
l'écrivis à Séville où tu étais alors et à Madrid chez l'aide de camp-
du Roi d'Espagne. J'ai 4,500 francs d'appointements qui ne me suf-
fisent pas à cause de la tenue que je suis forcé d'avoir et qui me
ruine. N'ayant aucun cahier de fait, dictant des leçons aux élèves
et ne voulant pas copier des auteurs, j'ai eu beaucoup d'ou\Tage et
j'en aurais encore, si je n'avais refait cette année mon cours de
mammifères et celui de botanique que j'ai professés l'an dernier (3).
(1) Voir, pour la plupart de ces personnages ÏIndex et les Notes bio-tiblio-
firaphiques que nous leur avons consacrées dans notre Correspondance de
Bory de Saint-Vincenl.
(2) Idem.
(3) « Lamouroux, a écrit plus lard son frère Jeannin, s'énonçait avec tant
« de facilité et d'élégance, ses descriptions étaient si claires, il savait si bien
« captiver l'intérêt de ses auditeurs, en faisant de nombreuses applications
(( du sujet qu'il traitait, aux usages habituels de la vie, que tous les jours
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- 557 —
J*ai parcouru toute la cote depuis Honfleur jusqu'à Cherbourg.
J'ai habité à plusieurs reprises les bords de la mer pendant trois
mois. J'ai fait beaucoup d'observations sur les productions marines,
principalement sur les plantes, les polypiers, les rochers, les falai-
ses et leur destruction, etc. J ai visité les monuments druidiques des
environs de Cherbourg. J'ai presque fini un Gênera Zoophyiorum.
Enfin, si j'étais bien payé, à Paris ou à Bordeaux, je ne serais pas
mécontent de mon sort.
Adieu, fortune, santé et plaisir. Voilà les vœux que fait partir ton
sincère et ancien ami Lamoi.roux ffls (1).
« on venait écouter ses leçons avec un nouveau plaisir. C'était principale-
« ment dans les excursions botaniques et zoologiques faites aux environs
« de Caen avec ses élèves, lorsqu'il croyait pouvoir tempérer le sérieux du
« professeur par ramabililé de 1 homme du monde qu'il embellissait sesdes-
« criplions de saillies heureuses et piquantes. Aussi, plus favorisé que bien
a d'autres professeurs, eut-il souvent le plaisir de voir son auditoire, aux
« dernières séances de son cours, plus nombreux qu'à la première.
« Lamouroux jouissait en outre du précieux avantage dînspirer à ses élè-
« ves autant de confiance et d'amitié que de respect; il le devait à la fois à
« son éloignement pour les formes pédantesques et à son caractère franc,
« vif et loyal. 11 en reçut des témoignages non équivoques à toutes ces époques
« où les exagérations de quelques opinions politiques, ou bien quelques cir-
a constances moins graves, tendirent à établir une espèce de scission entre
« la jeunesse et les hommes chargés de la diriger. » (Notice biographique
sur J.-V.-F. Lamouroux, en tète de son Cours de Géographie physique par
son frère Jeannin Lamouroux.)
(1) Cette lettre est la dernière, do la collection IJornel, que Lamouroux
écrivit à Bory de Saint-Vincent. Mais bien d'autres, perdues ou ignorées,
durent s'échanger, depuis celte année 1811 jusqu'en 1825, date de la mort
de Lamouroux, entre les deux distingués botanistes. Leurs rapports en
tous cas ne s'altérèrent jamais. Nous en avons pour preuve les quelques
passages de ses lettres a Léon Dufour où Bory parle en termes toujours
flatteurs de notre grand-oncle. Ne se réfugia-t-il pas chez lui, en Normandie,
lorsque, iraqué par la police de Fouché, il dut quitter Paris aussitôt après
la seconde Restauration, en octobre 1815, et ne resta-t-il pas ignoré à Caen,
passant son temps à herboriser avec lui et sa jeune femme, ainsi qu'il ré-
sulte de certaines notes écrites par lui sur des échantillons de plantes ma-
rines, conservées au Nfuséum ? Ne s'adressa-t-il pas A lui, en 1821, pour col-
laborer un des premiers à son grand Dictionnaire d'histoire naturelle (voir
Corresp., p. 235) ? Ne revint-il pas le voir à Caen, en 1824, cette fois ouver-
tement, et ne puisa-t-il pas largement dans ses doubles (p. 271) ? Ne dit-il
pas de lui, après sa mort : « Je travaille dans ce moment (septembre 1825) à
« une monographie des Laminaires que jç publierai comme une œuvre pos-
« thume de mon bon ami Lamouroux et qui, /e crois, sera diijne de sa mé-
« moire » (p. 278) ? Et, seize ans après, en 1841, ne se souvient-il pas encore
de lui et n'écrit-il pas d'Alger à Léon Dufour, à propos de la mort récenle
de son ami Delèse : « C'était le meilleur élre qu'il fût possible d'imaginer,
« et celui que j'ai le plus regretté, depuis la mort de Thore et celle de La-
« mouroux » ? {Supplément, p. 89.)
3i
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— 558 -
Xill
Monsieur Thiébaut de Berrieaud, membre de plusieurs
Sociétés savantes, à Paris, rue du Dragon.
Caen, 12 novembre 1821.
Mon très cher Confrère,
Je dois réponse à votre aimable lettre du 20 du passé. Je m'ac-
quitte un iKîU tard de ce devoir; je n^ai pu le faire plus tôt. A Timpos-
sibie nul n'est tenu.
Je vous remercie de la faveur que vous avez faite à M. Deslong-
champs, mon ami, en le recevant membre correspondant de la
Société Linéenne de Paris; vous ne pouviez faire une meilleure ac-
quisition; les travaux intéressants auxquels se livre mon collabora-
teur vous le prouveront (1).
Vous m'engagez à vous faire de nouvelles propositions de corres-
pondants. Je ne crains pas de vous envoyer une liste un peu nom-
breuse, bien certain que la plupart sont déjà nos confrères; mais
je connais digne de vous être associé :
M. Dawson Turner, auteur d'un tableau des Fucus de la Grande-
Bretagne, d'un superbe ouvrage, intitulé Historia [ucorum, 4 vol.
in-4**, etc.; etc.;
M. Agardh, professeur de botanique à Lund, en Siiède, auteur de
{plusieurs ouvrages sur les plante^ marines;
M. Schulles, professeur à Landshut, en Bavière, auteur d'un
nouveau Siistema Vegelabilim, dont il a paru 6 vol. in-8*.
(1) Eudes Deslongchamps, savant naturaliste normand, qui après avoir été
l'cMève de Lamouroux, à Gaen, devint son collaborateur et son ami. Indépen-
damment de l'éloge nécrologique que son frère Jeannin lui consacra en tête
de la seconde édition de son Cours de Géographie physique, Eudes Des-
longchamps crut devoir payer son tribut d'ami fidèle, en faisant insérer dans
les Mémoires de VAcadémie royale des Sciences, Arts el Belles-LeUres de
Caen une Sotice des pjus élogieuses sur la Vie ei les ouvrages de J.-V.-F.
I^amouroux. (Caen, Chalopin, 1829.) Il y vante notamment « ses cours, en
« tous points excellents, sa grande facilité pour le travail, sa gaieté franche
« el originale qui le faisait rechercher, sa conversation vive et animée, qu'il
« savait assaisonner à propos de certaines tournures méridionales, sa gé-
« nérosité, son œuvre scientifiriue, etc. » el il souligne tout particulièrement
l'affection constante que lui prodiguaient ses élèves, ainsi que Testime pro-
fonde dont il jouissait auprès de ses très nombreux correspondants, Iran
çais el étrangers.
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— 5.59 —
M. Balbis, professeur de botanique à Lyon, auteur de beaucoup
d'ouvrages ;
M. B. Gaillon, receveur à la navigation aux douanes royales, à
Dieppe, mon ami depuis quinze ans, auteur de plusieurs mémoires
sur les plantes marines, sur l'animal qui donne aux héritiers la cou-
leur verte, etc.;
Af. Saint- Amans, botaniste à Agen, auteur d'une Flore agenaise,
d'un Voyage dans les Pyrénées, d'un Voyage dans les Landes, eic;
M. Chaubard, botaniste à Agen; le collaborateur, l'ami et l'élève
de M. de Saint-Amans;
A/. Bonnemaison aîné, pharmacien à Quimpcr, auteur d'excel-
lents mémoires sur les plantes marines;
M, Aug, Leprévost, propriétaire à Rouen, président de l'Acadé- i
mie des Sciences, bon botaniste, auteur de bons mémoires sur l'agri-
culture.
Je pourrais augmenter cette liste déjà trop nombreuse. Regardez
comme non avenus ceux que vous jugerez convenables, quoique je
ne les propose que dans l'intime conviction qu'ils feront honneur à
la Société.
Vous me demandez quelque article pour le premier volume de
vos mémoires. Avant de vous les envoyer, ayez la bonté de répon-
dre aux questions que je prends la liberté de vous adresser :
1** Quel sera le format de vos mémoires ?
2® Le nombre des planches est-il limité ou illimité ?
3® Peut-on faire tirer des exemplaires à part des mémoires que
l'on fournira ?
4° Quel sera le prix par feuille d'impression et par planches pour
100, 200 ou plus d'exemplaires ?
o** Combien en revient-il de droit à l'auteur d'un mémoire ?
6® Combien paraîtra-t-il de volumes par an ?
Aussitôt votre réponse reçue, je vous écrirai; ma lettre ne sera
point retardée, maintenant que j'ai quitté la campagne pour repren
dre mes cours et mes travaux.
Comme vous, je jouis du plaisir du coin du feu; j'ai de nombreu-
ses pincettes pour les amateurs, et, tout en tisonnant, nous donnons
des lois au monde, nous faisons la guerre et la paix, nous gouver-
nons les empires, nous donnons la paix et la liberté à la Grèce, etc.
Je vous salue de cœur.
Lamouroix fils.
J'oubliais, dans les personnes ])roposées, M, Duhérissier de Ger-
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- 560 —
villej naturaliste à Valognes, Taini, le guide de tous ceux que
l'amour des sciences naturelles attire dans le département de la
Manche, auteur d'une flore manuscrite de ce département et de plu-
sieurs mémoires sur les fossiles des environs de Valognes. Il connaît
parfaitement les terrains et les antiquités de la Basse Normandie,
objets qui n*ont point de rapports entre eux.
Je ne serai pas étonné quand tous les membres que je vous pro-
[^ose seraient déjà sur votre liste (1).
XIV ET DERNIÈRE
Sans adresse (2).
Caen, 18 mars 1822.
Monsieur,
J'ai eu l'honneur de vous écrire, il y a quelques jours, par un
ami qui se rend à Londres et qui s'était chargé de faire partir ma
lettre. Depuis, M. Lair, secrétaire de notre Société d'agriculture,
m'ayaiil offert de faire parvenir à Calcutta tous mes paquets, j'en
ai profilé pour vous prier d'accepter un ouvrage que j'ai publié dans
le temps sur les plantes marines et pour vous renouveler mes de-
mandes et mes offres. Dans ma dernière, je prenais la liberté de
vous demander :
1* Des plantes marines des mers de l'Inde sans aucune prépara-
tion, telles que la mer les jette sur le rivage ou qu'on les ramasse
sur les rochers en paquets, comme des bottes de foin;
2** Des Polypiers, tels que madrépores, éponges, alcyons, gorgo-
nes, vertulaires, corallines, etc.;
3** Quelques coquilles fluvialiles, terrestres ou marines.
Tous ces objets emballés dans des mousses et des fougères.
Je vous offrais en échange :
V Des plantes marines et des polypiers des mers d'Europe;
2* Des phanogames de France, des Alpes et des Pyrénées;
3* Des polypiers fossiles des environs de Caen;
(1) Les noms de la plupart de ces savants sont trop connus, pour que nous
nous croyons obligé de leur consacrer ici une note bibliographique spéciale.
Lamouroux, du reste, s'acquitte suffisamment lui-môme de ce soin.
(2) Il semble résulter dune note, écrite en anglais, au dos de celte lettre,
que le correspondant de Lamouroux était un savant anglais, un botaniste,
en résidence dans les Indes et, à ce moment, à Calcutta.
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— 561 —
4® Quelques roches des Pyrénées et des terrains calcaires secon-
daires des environs de Caen;
5** Quelques produits volcaniques de TAuvergne et de la Martini-
que.
Envoyez-moi un desiderata; je le remplirai de mon mieux.
Si vous daignez entrer en relations avec moi, je vous prie d'adres-
ser vos objels à MM. Leseigneur Alexandre, frères et de La Fre-
naye, négociants au Havre, on ajoutant : pour M. Lamouroux, à
Caen. Indiquez-moi également par quelle voie je pourrai expédier
les objets que vous me demanderez.
Je regarderai comme un des plus beaux et des plus heureux jours
de ma vie celui qui me portera une réponse de vous et qui m'appren-
dra que ma demande a été favorablement accueillie.
J'ai l'honneur d'être avec les sentiments de la plus haute considé-
ration,
Votre très humble et obéissant serviteur.
Lamouroux fils.
Correspondant de l'Institut de France, à Caen (Calvados).
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BIBLIOGRAPHIE
Une lettre inédite de Louis XI, par Charles SamaraiN. — Paris,
1911, in-8*', 8 pp. Exlr. de V Annuaire-Bulletin de la Société de VHis-
toire de France^ année 1911.
Il est rare qu'après avoir publié un ouvrage l'historien ne trouve
pas quelque document nouveau sur le sujet qu'il a traité. M. Char-
les Samaran, auteur de la Maison d'Armagnac au XF* siècle (1), a
découvert dans les dossiers de feu M. Noulens, le généalogiste
gascon bien coiniu, père du député de Mirande, et publié avec tous
les renseignements désirables, une lettre inédite de Louis XI rela-
tive à la chute de la maison d'Armagnac.
Le 31 octobre 1472, le roi de F'rance « avait chargé les sires de
« Samson et de Monberon d'arrêter tous les traîtres qui avaient
« fa\'orisé la sortie de Jean V de Lcctoure et de brûle/ sans pitié
« leurs maisons et leurs forteresses (2). » Mais après l'entrée de
l'armée royale à Lectourc et l'assassinat du comte d'Armagnac (6
mars 1473) les domaines et les vasseaux de nos comtes apparte-
naient au roi, il devait se rattacher ses nouveaux sujets par de bons
traitements et faire cesser les désordres.
Le 13 mars, Louis XI quitta le château de Montilz-lez-Tours et se
rendit dans le midi. Dans ce voyage, il apprit sans doute que les
dévastations ordonnées à la fin de l'année précédente se faisaient
encore. Le premier avril, de Mimizan, dans les Landes, il écrivit
aux commissaires royaux en Armagnac une lettre que le seigneur
d'Arblade-Brassal (3) remit à Odon du Faur, notaire de la ville de
Vic-Fezensac, lieutenant du sénéchal d'Armagnac. Le 5 avril 1473,
Odon du Faur, solennellement assis sur la pierre de la mesure mu-
nicipale placée au-dessous de la maison commune, en donna lec-
ture à ses concitoyens.
Louis XI, dans cette lettre, reproche à ses commissaires d' « aba-
« trc lez maisons des gcutilz hommes du pays dWrmaignac, » et de
faire « de grans excès et domaiges aux habitans en icettuy. » Et il
ajoute : « \o les faites plus lesdits excès et dommaigez, veu qu'ils
«« sont en noslre obeyssanse. Aultrement, nous nous en prendrons
« à vostres personnes. Nous envoyons par delà ung commissaire
(( pour soy informer desdits excès faiz par vous depuis que ledit
(1) J'ai rendu compte de cet ouvrage dans la Revue de VAgenais, 1908.
(2) Ce mandement a été publié par M. Samaran, La Maison d'Armagnac
au XV' Siècle, pp. 435-43G.
(3) Aujourd'hui Arblade-le-Bas, canton de Riscle (Gers).
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- 563 -
« païs es en noslre obéissance et vous asseurons que vous en ré-
« pondrez. »
Evidemment la lecture publique de la lettre royale avait pour but
de tranquilliser les habitants du comté d*Armagnac et de leur faire
accepter de bon cœur leur nouveau maître.
Ces mesures municipales en pierre placées au-dessous de la mai-
son commune de Vic-Fezensac et sur lesquelles s'assit Odon Du
Faur pour lire la lettre de Louis XI existaient encore en 1866, épo-
que où fut démolie la halle. M. Baqué, dans son Histoire de Vic-
Fezensac (1" partie) (1), nous en a conservé le souvenir :
(La halle de Vic-Fezensac) fut commencée en 1426, comme l'indi-
quait l'inscription suivante qu'on pouvait lire en lettres gothiques sur
Tun de ses piliers : La halle de la préêenlc ville dont on posa la pre-
mière pierre du fondement le quatorze septembre mil quatre cent
vingt-sixy fut construite par Vordre de Vabbé de Vie, Jean Dubignaux,
Jean Dupuif, N..., /V..., consuls de Vie (2).
Elle comprenait vingt-cinq piliers de pierre disposés en carré sur
le terre-plein qui entoure le kiosque. Ils soutenaient une toiture dis-
posée en auvent. Les neuf du centre supportaient en outre un étage
assez bas où l'on trouvait la salle de la justice et le lieu où se réu-
nissaient les consuls. Sous le terrassement destiné à donner au sol un
niveau horizontal, on avait ménagé des prisons dont l'entrée avoisi-
nait la rue du Général-Labadie. Un mur de clôture faisait le tour de
la halle, et, dans un coin étaient des mesures de pierre, las peyrolos,
qui servaient autant aux transactions commerciales qu'aux ébats des
jeunes garçons de la ville.
A. Lavergne.
Chronologie des archevêques, évêques et abbés de rancienne
province ecclésiastique d'Auch et des diocèses de Gondom et de
Lombez (1300-1801). Abbevillc, in-8« de xvii-214 p. — La Curie et
les bénéfices consistoriaux. Etude sur les conunuiis et mêmes
services. Paris, in-S*», x-316 p., par M. labbé Clergeac.
M. l'abbé Clergeac, aujourd'hui secrétaire général de Tarchevô-
ché d'Auch, obtint en 1903 de la îSociété d'encouragement des études
supérieures dans le clergé une bourse d'études à Rome, et entra
dans la communauté des chapelains de Saiul-Louis des Français.
Durant un séjour de quatre années dans la Ville Eternelle, dit-il,
je n'ai pas cru pouvoir mieux employer mon temps et rendre un plus
grand service aux études d'histoire provinciale qu'en établissent, d'a-
près des documents surtout romains, la chronologie des archevêques
et abbés de Gascogne de 1300 à 1801.
(1) Bulletin de la Société archéologique du Gers, 1912, p. 176 et tirage à
pari, p. 20.
(2) Voir dans [Annuaire du Gers de 1857 l Histoire de Vic-Fezensac, par
le chanoine Monlezun, p. P.
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Le commencement du xiv^ siècle marque une date très importante
dans rhistoire de la nomination aux évêchés et aux abbayes. Grâce au
système des réserves pontificales, le droit d'élection fut enlevé aux
chapitres des cathédrales d'abord, puis, progressivement, aux chapi-
tres des monastères, et exercé par le pape. De lui le prélat reçut les
bulles qui l'instituaient dans sa charge et ces bulles furent à la curie
inscrites dans des registres spéciaux appelés aujourd'hui Rcgesla Va-
tioana, Avenioniensia, Laleranensia.
Les listes des évêques ou d'abbés publiées ici ne remontent pas
plus haut que le xiv« siècle, certaines même ne dépassent pas le xv«
J'ai commencé pour chaque bénéfice la liste de ses titulaires au mo-
ment où il était l'objet d'une réserve pontificale et d'une taxation à la
Chambre apostolique qui en faisaient un bénéfice consistorial.
Les établissements ecclésiastiques, évêchés ou abbayes, s'ils
furent de fait supprimés par la Révolution, ne le furent en droit qu'au
Concordat de 1801... C'est pourquoi 1300 et 1801 marquent les dates
extrêmes de ce travail.
Ce travail est Tune des deux thèses de M. Tabbé Clergeac pour
le doctoral. Il constitue le 16* fascicule de la 2"® série des Archives
historiques de la Gascogne. Il a pour titre : Chronologie des arche-
vêques, évêques et abbés de Vancienne province ecclésiastique
d^Auch et des diocèses de Condom et de Lombez, 1300-1801. (Auch,
impr. L. Cocharaux, MGMXII, in-8**, xix-214 pp.)
Cet ouvrage est un instrument de travail de première importance.
Les érudits Oascons doivent l'avoir constamment à portée de leur
main. Il rectifie et complète nos vieux auteurs, et il dispense de li-
vres fort voluniiiicux ot fort chers qu'il complète et rectifie d'ailleurs.
En ouvrant co livre, j'ai été frappé par le peu d'étendue de VIndex
bibliographique. Comment l'auteur n'a-l-il pas jugé à propos de
nionliouner les ouvrages des chanoines Monlezun et Canélo et quan-
tité de travaux parus dans la Revue de Gascogne et ailleurs ?
Je souhaite qu'un vaillant et patient bibliophile veuille bien re-
cueillir, coordonner, et, d'un esprit judicieux, peser tout ce qui a
été écrit sur. chacun de nos prélats, sur chacun de nos monastères
de tout ordre et de toute importance. Combien celle littérature, pour
me servir d'un mot employé par Léonce Couture, combien celle lit-
térature aiderait à la rédaction du Gasconia Christiana qui manque à
la science.
%
En compulsant les documents romains pour le travail dont nous
venons de parler, M. Clergeac a noté tous les renseignements rela-
tifs à l'histoire et au fonctionnement des taxes que payaient les pré-
lats et les abbés quand ils recevaient les bulles dejeur promotion;
il en a fait le sujet de sa thèse principale. Elle a pour titre : La Curie
et les Bénéficiers cousistoriaux; étude sur les communs et menufi
services, 1300-1600. (Paris, A. Picard, 1911, in-8% xi-316 pp.).
AI. Bellanger, dans les Annales du Midi (avril, 1912, p. 313), a
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fort bien défini le sujet de ce livre en déterminant ainsi les termes
du litre :
La curiej c'est l'administration pontificale; les bénéficiers consista-
riauxy ce sont les personnages investis par Rome de charges ecclésias-
tiques importantes. Les communs services comprennent les sommes
dues au Pape et aux cardinaux. Par menus services, il faut-entendre
les offrandes faites aux fonctionnaires inférieurs de la curie.
Dans ce livre, d'un intérêt général, on trouve parfois la Gasco-
gne. Ainsi on y voit (p. 92) que rarchcvôque d'Auch était taxé à
10.000 florins. C'élail une somme considérable !
Il est impossible de fixer la valeur du florin, nous dit M. Clergeac :
il a eu beaucoup de fluctuations. Si, d'après M. Mûntz, le florin en
usage pendant la période d'Avignon équivalait à 60 ou 70 francs de
notre monnaie, il diminua plus tard; et quand, à la fin du xv* siècle,
il fut identifié au franc d or, sa valeur ne devait pas dépasser la valeur
de ce dernier soit environ 13 francs (p. 119).
Donc, à soixante-dix francs le florin, l'archevêque d'Auch aurait
payé pour sa nomination une somme équivalente à sept cent mille
francs; et h l'époque où le florin représentait treize francs, cent
trente mille francs !
Comme curiosité je recommande le compte des dépenses faites au
nom de Jean de Lesciire, archevêque d'Auch, pour V expédition des
bulles des archevêchés d'Auch et d'Arles, du monastère de Mont-
majour et du prieuré de Saint-Côme (pièces justificatives, p. 260).
Il s'élève à 10.987 florins, iv gros 2/3. 11 y a des étrennes même
pour le cuisinier.
Le couvent de Berdoues, le plus fortement taxé de nos monastè-
res, payait 1,500 florins à chaque mutation d'abbé.
Ce n'est pas tout. Si le personnage pourvu de l'épiscopat ou de
l'abbaye venait à mourir sans payer, son successeur était tenu de
prendre la dette arriérée à sa charge.
On sait que le Pape exigeait du clergé d'autres subsides. Ceux qui
s'intéressent à ces (juestions devront lire l'important ouvrage publié
par MM. Samaran et Mollat sous ce titre : La fiscalité pontificale en
France au X!V^ siècle (période d'Avignon et du Grand Schisme
d'Occident), 96' fascicule do la Bibliothèque des écoles françaises
d'Athènes et de Rome (1).
Les deux thèses fort remarquables de M. l'abbé Clergeac ont ob-
tenu à leur auteur, devant la P'acult^^ des Lettres de Paris, le titre de
docteur ès-lettres avec mention honorable.
I
A. Lavergne.
(1) J'en ai rendu compte dans le Bulletin de la Société archéologique du
Gers, 1906, p. 175.
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PROCÈS-VERBAUX
des Semées de la Société des Sdences, Lettres et Arts d'Ageo
Séance du 7 nocembre 1912. — Présidence de M. le chanoine Durengue9
La Société procède au renouvellement de son bureau pour Tan-
née 1913. M. Ferrère, vice-président, est nommé président ;
M. Labadie-Lagrave, vice-président.
M. le Secrétaire rend compte des nombreuses publications, bro-
chures,* demandes de souscriptions, etc. reçues pendant les vacan-
ces.
M. Tabbé Uubos présente un iVIémoire très documenté sur la
(lueslion de savoir si S. Vincent fut martyrisé après S. Caprais ?
Oui, dit la tradition ; non, répond Thistoire. L'auteur prouve d'a-
bord que ce fut sous le gouvernement de Maximien, ayanf pour
pro-consul en Aquitaine Dacien, que S. Caprais fut martyrisé. Il
ne pouvait l'être sous Constance Chlore, ami et protecteur des chré-
tiens. Le martyre de S. Caprais doit donc être placé entre les an-
nées 286 et 292.
Quant à celui de S. Vincent, M. l'abbé Dubos estime, avec Tille-
mont et la plupart de nos annalistes, qu'il a dû précéder celte épo-
que. Il résulte, en effet, de nombreuses preuves citées par lui, no-
tamment de la date de la violation de sa sépulture et de l'invention
de ses reliques, qu'il faut adopter, pour date de sa mort dans notre
région, l'intervalle compris entre les années 250 et 257.
M. l'abbé Dubos conclut donc que le martyre de S. Vincent a
précédé de trente à quarante ans celui de S. Caprais, et que par
suite S. Vincent serait le premier martyr connu de l'Agenais.
Dans deux articles supérieurement traités, comme tout ce qu'il
entreprend, et qui ont fait sensation dans la Revue des Deux-Mon-
des, M. le docteur Emmanuel Labat a signalé les dangers que font
courir à notre pays de Gascogne ces deux plaies dévorantes :
V Abandon de la Terre et VA[[aiblissemeni de la Natalité. Il en a
cherché les causes, en a déduit les effets et constaté quelle mal va
toujours croissant. L'éminent docteur ne pouvait mieux faire que
d'en apporter aujourd'hui les rem^jdes, et, dans une étude psycho-
logique des plus serrées, que de mettre à nu la vocation du petit
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paysan ; exposant « son origine, sa nature, ses principaux carao
« tères, les dangers que T Ecole lui fait courir, les moyens par
« lesquels elle devrait au contraire la défendre, la soutenir et la
a fixer. » Car c'est d'une culture purement morale qu'il s'agit. Ce
sont les soins qiie TEcole doit lui donner, mais dont malheureuse-
ment elle ne paraît pas avoir saisi la portée.
M. Lauzun rend compte, comme il Ta fait pour les deux pre-
miers, de ce bel article , et il s'attache, par de nombreuses cita-
tions, à faire ressortir le charme pénétrant qui s'en dégage, comme
aussi l'incontestable valeur.
Ph. L
Séance du 5 décembre 1912. — Préaidonce de M. le chanoine Durenguee
Le prochain Congrès des Sociétés savantes se tiendra du mardi
13 au samedi 17 mai prochains, à Grenoble. Les communications
devront être adressées au 3™ bureau de l'Enseignement supérieur.
Ministère de l'Instruction publique, à Paris, avant le 31 janvier,
dernier délai.
Messieurs les membres du Comité départemental d'études sur
THistoire économique de la Révolution française sont prévenus,
par circulaire ministérielle, qu'une Assemblée générale aura lieu à
Paris, à la Sorbonno, les 3, A et 5 février prochains. Les demandes
pour obtenir la réduction de place devront être adressées avant le
15 décembre de cette année.
On sait que l'ancienne abbaye de Clairac fut donnée, en 1604 par
Henri IV au Chapitre de Saint-Jean de Latran, qui délégua régu-
lièrement, jusqu'à la Révolution, un de ses membres, pour y faire
fonctions d'abbé et en gérer les revenus. C'est le rapport d'un de
ces administrateurs, écrit en 1779, que communique aujourd'hui à
la Société -M. le chanoine Durengues, où est présenté, avec des dé-
tails du plus haut intérêt, l'état juridictionnel et économique de
Tabbaye, « afin que l'Illustrissime et Révérendissime Chapitre,
« libre et absolu seigneur de l'abbaye, puisse à simple vue et mal-
« gré la distance, connaître, apprécier et relever les intérêts de sa
u propriété ».
Et c'est ainsi qu'après avoir jeté un coup d'œil sur la situation
lopographique de Clairac et les principaux faits de son histoire, il
passe en revue, tant les revenus des biens immobiliers, dîmes, rcn-
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tes, contrats de lods et ventes, pactes de rachat, droits de prélation,
etc., elc, les énumérant dans chaque propriété, que les droits ho-
norifiques de l'abbé, ses charges nombreuses et toutes les questions
pendantes non encore tranchées.
MM. Dufl'au et Baslard adressent à la Société un rapport très
détaillé, que lit M. Bonnal, sur les fouilles de Sos. Ils lui font con-
naître les sondages exécutés depuis trois mois en neuf endroits
différents, désignés par la Commission. Ils énumèrent les multiples
objets découverts, poteries, fragments de bronze, pointes de fer,
ossements quelquefois brûlés, etc.; et ils appellent plus particuliè-
rement l'attention de la Société d'abord sur les murs, retrouvés au
milieu de l'abside de la dernière église paroissiale, d'une abside
plus ancienne et plus petite, au centre de la place du Mouré;puis,
sur ceux d'une cella rectangulaire, terminée par une abside en
forme d'hémicycle, découverte sur les rebords de la route neuve, à
l'ouest deja ville, et dont l'appareil allongé peut remonter à l'épo-
que carolingienne ou même mérovingienne. Un mur a été trouvé au-
dessous, la traversant dans toute sa longueur. Construit en gros
moellons, on peut se demander s'il n'est pas un débris de rempart
d'une époque bien plus ancienne.
Si ces sondages n'ont encore amené la découverte d'aucun objet
précieux ou antérieur à la conquête romaine, on est cependant en
droit de penser qu'un peuple aquitain a dû habiter le plateau de
Sos et que par de solides retranchements il a fortifié tout le côté
nord de l'oppidum.
Les fouilles, interrompues par les pluies, seront reprises au prin-
temps.
A cause des fêtes du Jour de l'An, la prochaine réunion n'aura
lieu que le 9 janvier, second jeudi du mois.
Ph. L.
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TABLE MÉTHODIQUE
DES
MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOME XXXIX
ARCHEOLOGIE
Archéologie gallo-romaine
Les fouilles et découvertes de Sos, en 1912, par MM. J. Duffau et
Ch. de Bastard, 1. — Rapport des Membres de la Sous-Commis-
sion chargée d'effectuer les fouilles de Sos, adressé à la Société
des Sciences, Lettres ci Arts d'Agen, 501. — Notes de A. Barlha-
lès, 509.
Le vicomte de Métivier et les premières explorations archéologiques
du pays des Sotiales, par J. Momméja, 16, 124, 227.
Arohôologie religieuse et ciTile
Souvenirs du vieil Agen : La tour du Chapelet, 189. — L'église et le
quartier Saiute-Foy, 285. — Saint Caprais d'Agen, 381, par Ph.
Lauzun.
HISTOIRE
Histoire religieuse
Synode tenu à Agen sous l'épiscopat de Mgr Mascaron, du 28 au
29 mai 1686, pour le rachat des offices de receveur et de contrô-
leur des décimes et impositions du Clergé, par P. Dubourg, 332.
Petite monographie de la Confrérie des Pénitents blancs de Cau-
decoste aux xvii" et xviii® siècles, par A. Gayral, 353, 437.
Le temple de Brulhes et ses Commandeurs au xviii* siècle, par
P.-H. Guilhamon, 421, 515.
Histoire régionale, civile et militaire
Le château de Castelnoubel (suite et fin), par R. Marboutin, 35,
141, 197.
Les Archives départementales de Lot-et-Garonne, par R. Bonnat,
56, 164.
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Villeréal (suite et fin), par J. Benaben, 111, 316.
Rives et Tourliac, par J. Benaben, 403.
Une question posée par M. le docteur Emm. Labat, 497.
Histoire juridique
La réorganisation du barreau d*Agen (1812), par Jacques Amblard,
26.
Histoire nobiliaire
Le fief et les seigneurs du Faudon à Saint-Pierre de Nogarel. par
E. Romat, 299. y
Histoire révolutionnaire
Vente des effets mobiliers trouvés dans une malle appartenant à feu
Solminiac, par 0. Fallières et Ph. Lauzun, 349.
DOCUMENTS INÉDITS
Lettre d'un Agenais sur la prise de la Bastille, par Jacques Amblard,
273.*
Un Argan agenais, Pierre de Catuffe, par G. de Lagrange-Ferrè-
gues, 433.
Les correspondants de Bory de Saint-Vincent : 1* J. V. F. Lamou-
roux, par Ph. Lauzun, 536.
BIBLIOGRAPHIE RÉGIONALE
Histoire de Damazan, depuis le xi® siècle jusqu'à nos jours, par le
chanoine P. Dubourg (R. Marbouiin), 74.
Un héros de la Grande Armée, Jean-Gaspard Hulot de Gollard, par
le vicomte du Moley (Ph. Lauzun), 75.
Correspondance de Bossuet («/. Dubois), 27(5.
Un assassin du duc Henri de Guise : François H de Monipezat,
baron de Laugnac, capitaine des Quarante-cinq, par J. Hazon de
Saint-Firmin (/?. Marbvutin), 309.
La Vocation paysanne et l'Ecole, par le docteur Emm. Labat (Ph.
Lauzun), 463.
Une lettre inédile de Louis XI, par Ch. Samaran (^4. Lavergnc), 562.
Chronologie des archevêques, évêques et abbés de l'ancienne pro-
vince ecclésiastique d'Auch et des diocèses de Condom et de Lom-
bez (1300-1801). — Abbeviile, in-8» de xvii-214 p. — La Curie et
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les bénéfices consisloriaux. Etude sur les communs et mêmes
services. — Paris, in-8", x-316 p., par M. Vsibbé Clergeac (0. La-
vergne), 563.
BIOGRAPHIE
Un Agenais, ami de Ronsard : Jean Dutreuilh de Belot, par R. Mar-
boutin, 93.
(iuilloumc do Ranse, par J. Dubois, 176.
Laulanié et son monument à l'Ecole vétérinaire de Toulouse, 254.
Tn poète méridional au xvn** siècle : Théopliîle de Viau, par M. de
Bellegarde, 477.
pgier de Sérignac, par J. Dubois, 531.
NÉCROLOGIE
Edouard Payen, par Ph. Lauzun, 83.
Adrien Planté, par Ph. Lauzun, 181.
CHRONIQUE RÉGIONALE
Vœux de nouvel an (F. Ferrère), 79.
Les fouilles de Sos, 79, 373.
Les ducs d'Epernon et le cliàteau de Caumont, 80.
Epilogue des fêtes de Romas, 80.
Le legs de Tabbé Lanusse, 81.
Antiquités et objets d'art des départements, 81.
Congrès de la Société fran^^aise d'archéologie, 183, 374.
Société de Vesins, 183.
Les amis des Cathédrales, 184.
C'iassement de Tautel de Tancien couvent des Carmélites d'Agen,
277.
Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhistori-
que, 278. .
La défense des Eglises de France, 279.
Distinctions honorifiques, 373.
Comité Laulanié, 374.
Couchage des vignes greffées pour prévenir certaines conséquences
graves des gelées d'hiver, 375.
Congrès national du froid, 377.
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Dons de M. G. Tholiu, 473.
Mosaïque gallo-romaine trouvée à Auch, 473.
Histoire de l'ordre de Fontevrault, 474.
Les débuts de la Réforme protestante à Bordeaux et dans le ressort
du Parlement de Guienne, 475.
PROCÈS-VERBAUX DE LA SOCIÉTÉ (1912)
Séance du 4 janvier, 90.
— !•' février, 91.
— 7 mars, 186.
1" avril, 187.
— 2 mai, 282.
— 6 juin, 283.
— 4 juillet, 378.
— 3 août, 379.
— 7 novembre, 566.
— 5 décembre, 567.
TABLE DES PLANCHES ET PLANS
Plan du plateau de Sos, 2.
Coupe de terre sur le rempart nord de Toppidum de Sos, 5.
Poteries et fibules trouvées dans les fouilles de Sq^, 11.
Château de Castelnoubel, vue de Touest, 141.
Idem, galerie supérieure, 157.
Idem, portrait de M. des Echeroiles, 144.
Idem, portrait de M°*.P'élicie d'Ayzac, 197.
Idem, portrait de M"* Hélène des Echeroiles, 217.
Château de Belot, 93.
Tour du Chapelet, 191.
Monument Laulanié, 254, 263.
L'Eglise Sainte-Foy et la tour Saint-Fiary, 285.
Quartier Sainte-Foy, d'après le plan Lomet, 288.
I/Eglise Saint-Caprais d'Agen, 381.
Fac-similé d'un dessin de Beaumesnil, 386.
Portrait de Théophile de Viau, 477.
La CotnmÎ88iu& d'administration et de gérance : 0. Faîtières, Ph. Laozun, 0. Gratuit.
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