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Full text of "Revue de l'Anjou, Volume 38"

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REVUE 


DE  L'ANJOU 


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TOME  TRENTE-HUITIÈME    " 


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ANGERS 

GERMAIN  ET  G.  GRASSIN,  IMPRIMEURS-LIBRAIRE» 
40,  rue  du  Cornet  et  rue  Saint-Laud 

1899 


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Printoil  in    France. 


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CONSEIL 


REPRtSEIITilITS  DU  FEDPIE  ET  DES  IIEICME  ÉlMMl 


Tenu  à  Saumur  le  2  septembre  1793 


Les  échecs  subis  par  les  armées  de  la  République  au 
dedans  et  au  dehors,  dans  le  mois  de  juillet  1793,  avaient 
exaspéré  la  Convention.  Elle  résolut  de  frapper  un  grand 
coup  pour  écraser  ses  ennemis. 

Dans  la  séance  du  1®'  août,  elle  adopta  à  l'unanimité  un 
projet  de  décret  que  lui  présenta  Barère  au  nom  du  Comité 
de  Salut  public,  et  qui,  dans  la  pensée  de  ses  auteurs, 
devait  anéantir  à  jamais  l'insurrection  vendéenne'. 

Ordre  était  donné  d'épurer  Tétat-major  des  commis- 
saires des  guerres  près  Tarmée  des  côtes  de  La  Rochelle, 
pour  leur  substituer  des  officiers  généraux  et  des  commis- 
saires d'un  patriotisme  prononcé.  L'organisation  des  com- 
pagnies des  pionniers  et  des  ouvriers  devait  être  accélérée  ; 
ils  devaient  être  choisis  dans  les  communes  les  plus 
patriotes  ;  les  généraux  devaient  faire  un  choix  pour 
former  des  corps  de  tirailleurs  et  de  chasseurs  intrépides  : 

«  Il  sera  envoyé  par  le  Ministre  de  la  Guerre,  ajoutait 
le  décret,  des  matières  combustibles  de  toutes  espèces 
pour  incendier  les  bois,  les  taillis  et  les  genêts,  Les  forêts 

*  Moniteur,  XXII,  p.  287-288.  Recueil  des  Actes  du  Comité  de  Salut 
public,  par  Aulard,  V,  p.  371-372. 


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-  6  — 

seront  abattues,  les  repaires  des  rebelles  seront  détruits, 
les  récoltes  seront  coupées  par  les  compagnies  d'ouvriers 
pour  être  portées  sur  les  derrières  de  Tarmée,  et  les 
bestiaux  seront  saisis.  Les  femnaes,  les  enfants  et  les 
vieillards  seront  conduits  dans  Tintérieur. 

«  Aussitôt  que  les  approvisionnements  seront  faits,  que 
Tarmée  sera  réorganisée  et  qu'elle  sera  prête  â  marcher 
sur  la  Vendée,  les  Représentants  du  peuple  se  concerteront 
avec  les  administrations  des  départements  circon voisins 
qui  se  sont  maintenus  dans  les  bons  principes,  pour  faire 
sonner  le  tocsin  dans  toutes  les  municipalités  environ- 
nantes et  faire  marcher  sur  les  rebelles  les  citoyens  depuis 
rage  de  seize  ans  jusqu'à  celui  de  soixante.  » 

Et  comme,  le  23  juillet,  les  troupes  françaises  qui  occu- 
paient la  ville  de  Mayence  depuis  un  an  avaient  été 
contraintes  de  capituler,  avec  la  condition  expresse  de 
s'abstenir  pendant  une  année  de  combattre  les  puissances 
étrangères^  la  Convention  décréta  que  ces  braves,  au 
nombre  de  1.500  environ»  fortement  organisés  et  aguerris, 
seraient  lancés  contre  la  Vendée. 

Mais  dans  quelle  armée  devait  être  versé  ce  corps  d'élite? 

Dès  le  "À  août,  le  Confite  de  Salut  public  prenait  l'arrêté 
suivant'  :  t  Le  Comité,  après  avoir  lu  attentivement  le 
mémoire  des  Représentants  du  peuple  près  l'armée  des 
côtes  de  La  Rochelle  ^  et  réfléchi  sur  le  plan  qui  y  est 
préseiUé  : 

<  Considérant  cjue  les  pouvoirs  donnés  à  ces  commis- 
saires sont  illimités  ;  que  le  décret  de  la  Convention  rendu 
le  jour  d'hier  lève  tous  les  obstacles  qqi,  jusqu'à  présent, 
ont  arrêté  que  les  circonstances  et  les  localités  peuvent 
forcer  à  chaque  instant  de  prendre  des  mesures  nouvelles, 


^  Henml  dtt^  Ar'tfs,  etc.,  V,  446. 

'  Il  fîiut  entenilrn  par  là  non  pas  tous  les  Représentants  du  peuple 

'èfi  Çfitle  arniét!^  Jnàis  F^nnrhnttp    Phniiflipii  pt.  Hirhanl.  p.nmmp  nniia 

verrons  plus  loin* 


près  cfitie  arniét!^  jnàis  Bourhotte,  Choudieuet  Kichard,  comme  nous 


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—  7  — 

arrête  qu'il  s'en  r9pporteentiôrernent,  relativement  à  Vexé- 
cution  du  plan  qui  lui  a  été  soumis,  à  la  sagesse  des 
Bepreseotants  du  peuple  près  l'armée  des  côtes  de  La 
Rochelle.  » 

Cet  arrêté,  qui  plaçait  les  brèves  ÎWayençajs  sous  les 
orçlres  de  Rossignol,  souleva  de  vives  et  nombreuses  pro- 
testations. Les  Représentants  du  p^uple  en  mission  près 
Ornnée  des  pôles  de  Brest  firent  tou^  legr^  efforts  pour 
en  obtenir  )a  révocation.  Les  cirponist3nce3  les  servirent  à 
souhait, 

Tandis  qw,  le  14  aoi)t,  le  représent3nt  Cavaignac  adres- 
sait pi}  Comité  de  Salut  public  uq  plan  proposé  par  le 
général  GroHchy,  alors  chef  d'état-mgjpr  cje  Tarmée  des 
(Botes  de  3re^t\  de  toutes  parts  éclataient  des  plaintes  sur 
l'incapacité  et  TiRconduite  du  général  en  chef  de  Tarmée 
des  eûtes  de  La  Rochelle.  Les  Représentants  du  peuple 
près  cette  pripée^  qui  résidaient  à  Niprt,  Bourdon  (de  rOj^e) 
et  GoiipjUeau  (de  Fonten^y),  à  la  suite  d'un  yol  commis 
p^r  cet  ignoble  général,  eurent  Taudape  de  le  suspendre 
de  sp^  fonctions,  le  22  août'. 

O'yn  autre  côté,  Phjlippepux,  représentant  du  peuple 
dans  les  départenienfs  du  Gentry  et  de  l'Ouest,  en  rési- 
dence ordinaire  à  Tours,  était  allé  3  Parj^,  chargé  de 
combptti'3  l^  pl9n  de  c^mpagqe  adopté  en  principe  le 
2  août  par  le  Comité  de  Splut  pi^blic  et  avait  fait  préva- 
loir ses  idées.  En  conséquence,  le  23  août,  le  Çoniité  arrêta  ^  : 
f  Qqe  r^rmée  revenant  de  ^aJ^^c^  se  rendra  ^  Nanties  et 
de  1^  près  de  Tarniée  de$  côtes  de  Rre^t  où  elle  agira  de 
ponceftgvec  pel}erci,  sous  les  ordres  du  général  en  chef 
de  cette  armée,  pour  attaquer  les  ennemis  sur  leurs  der- 
rières et  leur  interdrre  la  communication  avec  les  ennemis 
du  dehors  et  empêcher  les  secours  qu'ils  tirent  des  pays 

*  Savary,  loc.  cit.,  II,  45. 

*  RecuHl  de»  Actes,  etc.,  VI,  63,  107. 
^  Ibid,,  VI,  68. 


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—  8  — 

étratipers  ;  2°  que  le  citoyen  Phillippeaux  est  invité  à 
retourner  le  plus  tôt  possible  près  de  ladite  armée  en 
qualité  de  Représentant  du  peuple.  »  Cet  arrêté  est  aussitôt 
communiqué  à  Aubert  du  Bayet  qui  assura,  le  27,  que  son 
avant-garde  serait  le  30  à  Saumur*. 

Le  triomphe  de  Philippeaux  paraissait  être  conaplet.  Il 
n'en  fut  rien.  Le  28  août,  la  Convention^  après  une  ora- 
geuse discussion,  annulait  Tarrêté  de  Bourdon  (de  TOise) 
et  de  Goupilleau  (de  Fontenay),  et  rétablissait  Rossignol 
.dans  ses  fonctions  de  général  en  chef.  D'autre  part,  Chou- 
dieu  et  Bourbotte  accourus  à  Paris  pour  défendre  leur 
créature,  sans  obtenir  la  révocation  de  la  décision  prise, 
le  23,  par  le  Comité  de  Salut  public,  réussissaient  néan- 
moins, par  un  rapport  envoyé  le  29  à  ce  même  Comité,  à 
obtenir  Tautorisation  de  convoquer  à  Saumur  une  assem- 
blée plénière  des  Représentants  du  peuple  de  toute  la 
région  de  l'Ouest,  assistés  des  principaux  généraux  des 
deux  armées  des  côtes  de  Brest  et  de  La  Rochelle.  «  Ils 
désiraient,  dit  Kléber,  conduire  la  brave  armée  de 
Mayence,  croyant  qu'avec  elle  ils  auraient  la  gloire  de 
terminer  la  guerre,  et  que  la  nullité  du  général  en  chef 
Rossignol  ne  pourrait  leur  ravir  cette  gloire^.  » 

A  leur  retour  à  Saumur,  ils  s'empressèrent  d'adresser 
des  lettres  de  convocation  à  tous  leurs  collèggues,  au  nom 
du  mandat  dont  ils  étaient  revêtus. 

A  la  réception  de  cette  lettre  de  convocation,  Philip- 
peaux entra  dans  un  accès  de  fureur  et,  prenant  aussitôt 
la  plume,  il  écrivit  au  Comité  de  Salut  public,  le  30  août*: 
«  Ma  dépêche  d'avant-hier  matinS  expédiée  par  un  courrier 

«  Chassin,  loc.  cit.,  III,  20. 
s  lbtd.,VU  149. 

*  Mémoires  inédits. 

*  Bûi'umi  des  Actes,  etc.;  VI,  192. 

^  Il  s'a^Mt  probablement  d'une  lettre  qu'il  écrivit,  le  28,  de  concert 
avec  les  Représentants  du  peuple  Reubell  et  Merlin  (de  Thionville), 
attachés^  à  iWmée  de  Mayence  (Cf.  Recueil  des  Actes,  etc.;  VI,  154). 


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—  9  — 

extraordinaire  vous  aura  mis  au  courant  des  ressorts  que 
l'intrigue  a  fait  niouvoir  pour  paralyser  vos  sages  mesures 
et  nous  préparer  encore  de  nouvelles  déroutes. 

<  L envoi  du  plénipotentiaire  de  la  Cour  de  Saumur  ' 
n'a  pas  empêché  le  départ  de  l'armée  (de  Mayence). 
L'avant-garde  a  descendu  la  Loire,  avant-hier,  le  corps  de 
bataille,  hier,  en  deux  colonnes,  et  le  corps  de  réserve 
le  matin.  J'ai  voulu  me  blottir  à  Tarrière-garde  avec  le 
général  du  Bayet^  et  nos  collègues  Merlin  et  Reubell, 
pour  éviter  quelques  nouveaux  tours  de  Jarnac.  Quand 
nous  aurons  franchi  le  passage  de  Saumur,  beaucoup 
plus  redoutable  que  les  repaires  de  l'armée  catholique, 
je  n'aurai  plus  d'inquiétude  sur  le  salut  de  la  patrie.  On  a 
convoqué,  dans  cette  ville,  sans  ma  participation^ ^  un 
nouveau  conseil  de  guerre  pour  demain.  J'y  assisterai.  Si 
son  résultat  est  conforme  au  vôtre,  bene  sit.  S'il  était  en 
opposition,  j'ordonnerais  d'obéir  au  pouvoir  central  de  la 
République,  sous  lequel  toutes  les  têtes  orgueilleuses  ou 
malveillantes  doivent  se  courber,  et  je  vous  réponds  quon 
obéira. 

€  Dans  tous  les  cas,  je  vous  dénonce  d'avance  un  crime  de 
lèse-nation  que  je  crois  caractérisé  dans  la  publicité  funeste 
d'un  plan  de  campagne  qui  devait  être  enseveli  dans  le 
plus  profond  secrel  jusqu'au  moment  décisif  de  l'attaque. 
Cette  escapade  de  Monsieur  Choudieu,  serait  capable  de 
bouleverser  tous  nos  plans.  Il  (sic)  peut  au  moins  rendre 
l'expédition  plus  difficile  et  plus  meurtrière,  en  avertissant 
l'ennemi  de  notre  tactique,  pour  qu'il  se  précautionne.  Ce 
motif  impérieux  m'avait  fait  suspendre  l'impression  de  mon 

*  n  désigne  ainsi  la  réunion  des  Représentants  en  mission  h 
Saumur  favorables  au  projet  de  Bourbotte  et  de  Choudieu. 

*  Général  commandant  Tannée  de  Mayence. 

*  Philippeaux  fait  ici  allusion  au  mandat  explicite  qu'il  avait  reçu 
du  Comité  le  23  août,  de  diriger  la  marche  de  l'armée  de  Mayent-e 
vers  Mantes  et  de  la  placer  sous  les  ordres  de  Canclaux.  Mettre  en 
délibération  son  mandat,  c'était  à  ses  yeux  une  injure. 


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-  10- 

rapporf  que  je  vais  faire  distribuer, puisqu'il  ny  a  plus  de 
iny.slère.  » 

Évidemment,  ei)  effet,  Cboudieu  avait  publié  le  plan  de 
Grouchy  proposé  par  Philjppeauî^  poqr  le  discréditer.  La 
lettre  de  ce  dernier  était  datée  de  Tours,  le  30  au  jpatin  ; 
or,  vers  le  milieu  du  même  jour,  il  reçut  uqe  lettre  de  Ron- 
cin,  Tàme  damnée  de  Rossignol  et  très  influent  au  minis- 
tère de  la  Guerre,  qui  mit  le  comble  à  sa  colère. 

Aussitôt,  à  3  heures  du  soir',  il  écrit  une  seconde  lettre 
au  Comité  de  Salut  public  :  «  Depuis  n)a  dernière  missive, 
expédiée  por  le  courrier  extraordinaire,  une  lettre  de  Ron- 
sin  nous  annonce  que,  cédant  aux  observations  de  Bour- 
boite^  vous  avez  changé  de  fond  ^^  comble  le  plan  de  cam- 
pagne du  ±2. 

«  J'ignore  si  Bourbotte  a  su  descendre  jusqu'à  protéger 
une  ligue  infâme  qui  nous  déshonore  et  perdra  la  Répu- 
blique ;  mais,  en  tqgs  cas,  votre  rétractation,  si  elle  existe, 
ne  peut  que  vous  compromettre  essentiellement  et  vous 
faire  soupçonner  même  de  voulojr  favoriser  nos  ennemis, 
qui,  certes,  dans  cette  hypothèse,  auraient  tout  l'avan- 
tage..  ,  Cptte  nouvelle  pous  a  pétrifiés,  comme  si  oi)  nous 
eût  appris  la  perte  de  deux  batailles.  Nos  deux  collègues, 
Merlin  et  Reubell,  pénétrés  des  vices  absolus  du  plan  de 
Choudieu,  ne  conçoivent  plus  rien  à  votre  tergiversation 
gui  lue  tout.  * 

Le  général  Aubert  du  B^yet,  commandant  en  chef  de 
Tarmée  de  Mayence,  voyait  les  choses  d'une  manière  plus 
calme.  Il  avait  écrit,  le  27,  au  Ministre  de  la  Guerre'  : 

<  J'exécuterai  Tarrêté  du  Coqf^ité  dP  Salqt  public,  que  je 
reçois  avec  votre  dépêche  du  24,  portant  que  Tarmée  de 
Mayence  se  rendra  à  Nantes...  pour  attaquer  les  ennemis 
sur  leurs  derrières  et  leur  interdire  la  communication  avec 


1  mrrml  des  Actes,  etc.,  VI,  19-30. 
*  Savary,  ÏI,  84. 


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—  Il  - 

les  ennemis  du  dehors....  II  y  avait  un  projet  de  campagne 
dans  la  Vendée  différent  de  celui  que  le  Comité  de  Salut 
public  a  adopté,  d'après  le  rapport  de  Philippeaux  ;  je 
m'abstiendrai  de  toute  réflexion  à  cet  égard.  » 

Le  Comité  de  Salut  public  répondit  avec  calme  à  Philip- 
peaux :  «  Le  Comité  n'a  pas  été  peu  surpris  du  ton  d'aigreur 
et  de  reproche  avec  lequel  vous  lui  manifestez  vos  soupçons, 
vos  craintes  et  vos  vœux.;. 

«  Le  Comité  n'a  rien  changé  aux  plans  proposés  le  23.  ;^ 

Il  pense  que  V armée  de  Maxjence  doit  être  aux  ordres 
du  général  OanclauxK  Mais  il  n'a  pas  dû  s'attacher  assez 
à  une  opinion  isolée  pour  lui  sacrifier  des  opinions  con- 
traires qui  méritaient  aussi  de  sa  part  de  grandes  considé- 
rations. Nous  avons  donc  jugé  convenable  qu'il  y  eût  à  Sau- 
mur  une  réunion  des  Représentants  du  peuple  pour  con- 
certer et  arrêter  définitivement  les  mesures  qui  doivent 
enfin  rétablir  le  règne  de  la  liberté  dans  cette  partie  de  la 
République^.  » 

Il  nous  a  semblé  nécessaire  de  citer  presque  in  extenso 
ces  documents  singulièrement  suggestifs  pour  donner  aux 
lecteurs  une  idée  exacte  de  la  situation  et  de  l'état  des 
esprits  parmi  les  Membres  du  Conseil  de  guerre  appelés  à 
statuer  définitivement  sur  le  plan  de  campagne  qui,  d'après 
les  calculs  des  Représentants  du  peuple  devaient  écraser 
et  détruire  à  tout  jamais  l'insurrection  vendéenne. 

Les  délibérations  devaient  avoir  lieu  le  1®'  septembre; 
mais,  par  suite  de  divers  obstacles,  elles  furent  remises  au 
lendemain  '. 


*  Celte  phrase  a  été  ajoutée  par  Carnot. 

*  Recueil  des  Actes,  etc.,  VI,  194.  Cette  lettre  était  datée  du  1«'  sep- 
tembre. Elle  parvint  à  Philippeaux  au  moment  de  la  tenue  du  Conseil 
de  Guerre  (Cnassin,  La  Vendée  patriote,  lll,  22,  note  2). 

'  L'avant-garde  de  Tarmée  de  Mayence  était  arrivé  à  Saumur  le 
30  août,  le  corps  d'armée  le  31  et  la  réserve  le  1er  septembre  (Savary, 
II,  24).  L'avant-garde  était  à  Saint-Mathurin  entre  Angers  et  Saumur. 
le  31  août  (Recueil  des  Actes,  etc.,  VI,  212). 


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—  12  - 

Ce  fut  donc  le  2  septembre,  à  dix  heures  du  matin,  que 
l'Assemblée  des  Représentants  et  des  Généraux  commença 
ses  séances  : 

Elle  était  composée  de  vingt-deux  membres  \  onze  Repré- 
sentants et  onze  généraux.  Les  Représentants  près  l'armée 
des  côtes  de  La  Rochelle  étaient  :  Richard,  Choudieu, 
Bourbotte,  Ruelle  et  Fayau  ;  les  Généraux  étaient  :  Rossi- 
gnol, Santerre,  Duhoux,  Menou,  Salomon,  Chalbos,  Rey, 
Dembarrère  et  Mieskousky  :  les  Représentants  près  Tar- 
mée  des"  côtes  de  Brest  étaient  :  Turreau,  Cavaignac  et 
Méaulle,  et  les  généraux  Canclaux  et  Vergues,  son  chef 
d'état-major  qui  fut  exclu  des  délibérations  de  l'Assemblée, 
mais  qui  n'en  joua  pas  moins  un  rôle  prépondérant  dans  la 
décision  qui  y  fut  prise  2. 

Les  Représentants  près  l'armée  de  Mayence  étaient,  nous 
l'avons  déjà  dit,  Merlin  et  Reubell,  auxquels  était  adjoint 
Philippeaux,  par  mandat  spécial  du  Comité  de  Salut  public. 
Aubert  du  Bayet,  commandant  de  ce  corps  délite,  avait 
naturellement  sa  place  marquée  dans  cette  réunion  appelée 
à  décider  sur  son  état. 

Avant  même  la  constitution  du  Bureau,  une  vive  dis- 
cussion s'engagea  entre  Choudieu  et  Philippeaux.  Celui-ci, 
fort  de  la  réponse  qu'il  venait  de  recevoir  du  Comité  de 
Salut  public,  prétendait  que  les  Représentants sewfe  devaient 
avoir  voix  délibérative.  Mais  Choudieu  avait,  de  son  côté, 
un  mémoire  expressément  approuvé  par  le  même  Comité, 
dans  lequel  il  était  spécifié  que  tous  les  généraux  de  divi- 
sion jouiraient  du  même  privilège'.  On  se  soumit  consé- 
quemment  à  cette  décision. 

*  Savary  (II,  90)  a  oublié  de  signaler  la  présence  de  Duhoux;  mais 
ce  n'est  sans  doute  qu'une  faute  d'impression  ;  le  procès-verbal  envoyé 
au  Comité  de  Salut  public  auquel  il  se  réfère  compte  bien  S2  membres 
[Recueil  des  Actes,  VI,  262;  Chassin,  La  Vendée  patriote,  III,  23). 

*  Chassin,  La  Vendée  patriote,  III,  27-28.  Il  eut  voix  consultative. 
Mémoires  de  Kiéber,  Chassin,  loc,  cit.,  III,  28. 

»  Chassin,  Ihid.,  III,  23. 


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—  13  — 

Une  fois  ce  point  important  établi,  le  représentant 
Reubell  fut  élu  président,  et  La  Chevardière,  commissaire 
national,  s'empara  du  bureau,  dit  Philippeaux*,  et  se  fit 
nommer  secrétaire. 

Le  bureau  étant  constitué,  le  général  Canclaux  donne 
lecture  de  l'arrêté  pris  par  le  Comité  de  Salut  public  le 
23  août,  et  d'une  lettre  du  Ministre  de  la  Guerre,  qui 
statuent  que  l'armée  de  Mayenne  sera  dirigée  sur  Nantes 
et  placée  sous  ses  ordres. 

A  cela  on  oppose  la  dernière  décision  du  Comité  et,  après 
une  vive  discussion,  on  déclare  par  vingt  voix  contre  une^ 
que  la  dernière  décision  du  Gouvernement  doit  l'emporter 
sur  celle  du  23. 

La  délibération  porta  alors  sur  le  fonds  même  du  débat  : 
La  garnison  de  Mayence  sera-t-elle  dirigée  contre  les 
rebelles  par  Saumur  ou  par  Nantes  ? 

Philippeaux  développa  son  plan  de  campagne,  et  il  ter- 
mina en  disant  que  l'armée  de  Mayence  était  perdue,  si  on 
ne  se  hâtait  de  la  séparer  de  celle  de  Saumur,  qu'on  devait 
abandonner  celle-ci  à  sa  propre  nullité  et  qu'elle  ferait 
déjà  beaucoup  en  ne  faisant  pas  de  mal.  Philippeaux  fut 
appuyé  par  le  général  Canclaux,  qui  insista  particulière- 
ment sur  l'avantage  qu'il  y  avait  «  de  priver  les  rebelles 
des  secours  des  Anglais  en  les  séparant  de  la  mer;  ce  qui 
nécessitait  d'attaquer  par  Nantes^  ». 

Les  généraux  Santerre  et  Menou  parlèrent  en  faveur  du 
plan  présenté  par  Choudieu.  t  Ils  essayèrent  de  faire  conce- 
voir l'avantage  de  cerner  les  rebelles,  de  les  attaquer  en 
même  temps  par  plusieurs  points  à  la  fois,  ce  qui  était 
facile,  disaient-ils,  à  l'armée  de  La  Rochelle  qui*  était 
divisée  en  six  colonnes  éloignées  de  dix  à  douze  lieues 

*  Chassin,  Ibid.y  p.  24. 

•  Il  n'y  avait  donc  alors  que  21  membres  présents. 

'  Mémoires  inédits  de  Kleber;  Choudieu,  Mémoires  et  notes  sur  la 
Vendée,  p.  423. 


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—  14  — 

rune  de  l'autre.  Surtout  ils  appuyèrent  sur  l'avantage 
d'attaquer  sur-le-champ,  Tarmée  de  Mayence  étant  déjà 
réunie  à  Tune  des  colonnes  de  l'armée  de  La  Rochelle. 
Fayau  et  Choudieu  parlèrent  longtemps,  mais  d'une 
manière  qui  prouvait  qu'ils  ne  connaissaient  ni  le  pays,  ni 
la  guerre.  » 

«  Je  sais,  dit  Choudieu  en  terminant,  que  plusieurs 
d'entre  vous  ne  sont  indécis  entre  les  deux  plans  que 
parce  que,  en  adoptant  les  derniers,  l'armée  de  Mayence 
se  trouverait  sous  les  ordres  du  général  en  chef  de  l'armée 
des  côtes  de  La  Rochelle.  Mais*  pourquoi  ne  conférerions- 
nous  pas  le  commandement  des  deux  armées  au  général 
Canclaux?  Cette  mesure  lèverait  toutes  les  difficultés. 
Nous  sommes  tous  d'accord  sur  la  supériorité  des  talents 
de  Canclaux.  Pourquoi  balancerions-nous?  Je  connais  assez 
les  sentiments  qui  animent  Rossignol  pour  vous  répondre 
d'avance  qu'il  ne  sera  point  humilié  de  faire  la  campagne 
comme  lieutenant  de  Canclaux  et  qu'il  servirait  même 
sous  ses  ordres,  comme  simple  volontaire,  si  cela  pouvait 
lui  être  utile. 

((  Rossignol  alors  se  lève  et  dit  à  Canclaux  qu'il  était 
prêt  à  lui  abandonner  le  commandement,  s'il  voulait  entrer 
en  campagne  le  lendemain*.  » 

Les  différents  membres  du  Conseil^  continuèrent  de 
parler  pour  ou  contre  chacune  des  deux  propositions.  La 


*  Choudieu,  loc,  cit.,  p.  426,  427.  Rossignol,  dans  ses  mémoires 
cités  par  Chassin  (La  Vendée  patriote,  III,  33),  prétend  que  ce  fut 
lui  qui,  le  premier  offrit  son  concours  à  Canclaux  ;  lequel  croire  de 
Rossignol  ou  de  Choudieu?  Si  cette  question  de  détail  est  douteuse, 
il  est-  certain  que  le  concours  de  Rossignol  fut  offert  à  Canclaux, 
comme  l'attestent,  avec  Rossignol  et  Choudieu,  la  Bévue  de  la  Révo- 
lution, 1888,  p.  48-50,  le  général  Turreau  [Mémoires,  édit.  1824, 
p.  100-103). 

^  La  discussion  fut  interrompue  un  instant  par  une  proposition 
incidente,  tendant  à  ce  que  chaque  membre  du  Conseil  soit  tenu  de 
motiver  son  opinion  par  écrit.  Cette  proposition  fut  écartée  comme 
trop  absolue;  mais  on  laissa  chacun  libre  d'opiner  de  la  façon  qui  lui 
conviendrait  (Savary,  loc.  cit.,  II,  91). 


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«  «8  - 

discussion  fut  longue  et  violente;  à  trois  heures  elle  durait 
encore.  Enfin,  après  une  multitude  d'observations,  on  se 
décida  à  voter. 

Sur  vingt-deux  votants,  dit  le  procès-verbal  officiel*,  le 
représentant  Bourbotte  a  déclaré  n'être  pas  en  état  de 
donner  son  avis  ; 

«  Le  général  Dembarrère  a  demandé  que  Ton  marchât 
simultanément  par  Saumur  et  par  Nantes  ; 

«  Les  citoyens  Reubell,  Merlin,  Turreau,  Cavaignac, 
Méaulle,  Philippeaux,  Ruelle,  Canclaux,  Aubert  du  Bayet 
et  Mieskouski  ont  été  d'avis  de  marcher  par  Nantes  ; 

«  Les  citoyens  Richard,  Choudieu,  Fayau,  Rossignol, 
Menou,  Duhoux,  Santerre,  Salomon  et  Rey  ont  pensé  que 
Ton  devait  marcher  par  Saumur  ; 

€  A  regard  du  général  Chalbos,  il  a  voté  pour  que  Ton 
marchât  à  la  fois  par  Saumur  et  par  Niort. 

<  D'après  cela,  attendu  que  dix  voix  ont  été  pour  la 
marche  par  Nantes  et  dix  pour  celle  de  Saumur*,  il  ne 
s'est  pas  trouvé  de  majorité. 

«  Alors  la  discussion  s'est  engagée  de  nouveau  et,  après 
de  longs  débats,  le  Conseil  a  arrêté  que  les  généraux  se 
concerteraient  entre  eux  pour  arrêter 'un  plan  qui  serait 
soumis  le  soir  au  Conseil  ;  la  séance  a  été  levée  à  quatre 
heures  et  l'on  s'est  ajourné  à  huit  heures  du  soir^.  » 

Les  généraux,  chargés  d'arrêter  un  autre  plan  qui  pût 
sauver  la  chose  publique,  se  réunirent  pendant  cet  inter- 
valle. On  accorda  enfin,  dît  KléberS  la  parole  à  Vergnes, 
chef  d'élat-major  de  l'armée  des  côtes  de  Brest,  qui  parla 
à  peu  près  en  ces  termes  : 

*  Publié  par  Savary,  II,  90-92,  et  réédité  en  partie  par  M.  Aulard 
dans  le  Recueil  des  Actes  du  Comité  de  Salut  public,  VI,  262,  d'après 
les  Archives  nationales,  F**,  272. 

*  Evidemment,  le  vote  du  général  Dembarrère  a  été  écarté,  parce 
qu'il  ne  concluait  pas. 

'  Savary,  II,  92. 

*  Chassîn,  toc.  cit,,  III,  28. 


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-  16  - 

«  Le  pays  occupé  par  les  révoltés  est  situé  entre  la  Loire 
et  la  chaussée  de  la  Rochelle  à  Poitiers,  entre  la  mer  et  la 
chaussée  de  Poitiers  à  Angers.  Cet  espace  de  trente  lieues 
de  long  sur  vingt-cinq  de  large,  n'est  traversé  que  par  la 
seule  chaussée  de  Nantes  à  La  Rochelle.  Quelques  autres 
tètes  de  grands  chemins  s'avancent  dans  le  pays,  mais  ne 
se  joignent  pas.  On  ne  peut  y  pénétrer  que  par  des  chemins 
étroits,  creux,  impraticables  dans  Tarfière-saison.  Le  pays 
est  coupé  d'une  infinité  de  ruisseaux,  de  bois,  de  genêts, 
de  collines  escarpées;  ce  sont  des  halliers  très  connus  des 
habitants  et  très  peu  des  troupes  républicaines,  dans  les- 
quels, par  conséquent,  il  est  très  dangereux  de  s'enfoncer, 
à  moins  qu'on  n'y  pénètre  en  masse  et  en  corps  d'armée 
capable  de  repousser  les  rassemblements  des  rebelles. 

«  La  Vendée  est  partagée  en  un  certain  nombre  d'arron- 
dissements, commandés  chacun  par  un  chef  entouré  de 
quatre  à  cinq  cents  hommes  soldés,  qu'il  appelle  ses  fidèles, 
ayant  sous  ses  ordres  les  habitants  des  campagnes  qu'il 
fait  marcher  de  gré  ou  de  force.  Les  chefs  particuliers 
obéissent  à  un  chef  général,  entouré  comme  eux  d'une  force 
armée  soldée  pour  vaincre  la  résistance  à  ses  ordres. 
Lorsque  le  chef  a  résolu  d'attaquer  une  des  colonnes  qui 
l'entourent,  il  indique  un  lieu  et  un  jour  de  rendez-vous  à 
chaque  chef  d'arrondissement,  en  lui  marquant  la  quantité 
de  troupes  qu'il  doit  amener  et  le  nombre  de  jours  pour 
lequel  elles  doivent  porter  des  vivres;  l'armée  se  trouve 
ainsi  formée  en  un  instant.  On  peut  estimer  qu'elle  est 
faite  de  dix  mille  hommes  de  troupes  soldées  et  de  trente 
mille  de  paysans  armés.  Elle  attaque  avec  l'avantage  du 
nombre  la  colonne  qui  la  pressait,  la  disperse  après  la 
victoire  et  la  repousse  souvent  au  delà  du  lieu  d'où  elle 
était  partie.  Les  autres  colonnes,  trop  éloignées  pour  mar- 
cher au  secours  de  celle  qui  est  attaquée,  séparées  d'elle 
par  des  chemins  impraticables,  demeurent  les  témoins 
inutiles  du  désastre  et  sont  menacées  d'en  éprouver  un 


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r 


~  17  — 

semblable  peu  de  jours  après.  C'est  ainsi  que  les  différentes 
colonnes  de  Tarmée  des  côtes  de  la  Rochelle  ont  été  battues 
successivement,  les  unes  après  les  autres,  que  leurs 
défaites  ont  aguerri  les  rebelles  et  qu'elles  leur  ont  fourni 
une  artillerie  formidable.  Eclairons-nous  donc  par  nos 
propres  fautes  et  abandonnons  le  projet  d*attaquer  ainsi 
les  rebelles  par  des  colonnes  éloignées  de  plusieurs  lieues 
les  unes  des  autres  sous  prétexte  de  les  cerner.  Le  concert, 
raccord  et  la  protection  mutuelle  sont  impossibles  entre 
des  colonnes  ainsi  distribuées. 

«  N'oublions  pas,  comme  le  général  Ganclaux  nous  l'a 
fait  observer,  que  les  rebelles  tir^t  des  secours  d'Angle- 
terre, que  nous  en  avons  des  preuves  matérielles*,  qu'il 
importe  par  conséquent  de  les  séparer  de  cette  puissance, 
en  leur  interdisant  le  rivage  de  la  mer.  N'oublions  pas  sur- 
tout que,  pour  terminer  efficacement  la  guerre,  il  faut 
enlever  aux  chefs  Tespoir  de  s'enfuir  chez  nos  ennemis,  ce 
qu'ils  ne  manqueraient  pas  d'exécuter  s'ils  pouvaient 
s'approcher  de  la  mer  après  leur  défaite. 

c  La  Vendée  doit  être  attaquée  en  masse.  Une  bonne 
armée  de  dix-huit  à  vingt  mille  hommes  suffit,  s'il  ne  lui 
manque  rien.  L'armée  des  côtes  de  Brest,  forte  d'environ 
six  mille  hommes,  non  compris  les  garnisons  et  les  can- 
tonnements, bien  disciplinée  et  qui  a  résisté  jusqu'à  présent 
aux  rebelles,  malgré  son  infériorité,  est  digne  d'opérer 
avec  l'armée  de  Mayence,  forte  de  douze  mille  hommes 
effectifs.  L'armée  des  côtes  de  La  Rochelle  se  tiendra  sur 
la  défensive  dans  ses  différentes  positions,  jusqu'à  ce  que 
ses  diverses  colonnes  puissent  se  réunir  successivement  à 
l'armée  agissante.  La  première  opération  devra  être  celle 
de  balayer  le  rivage  de  la  mer;  elle  sera  d'autant  plus 
facile  que  nous  tenons  encore  le  château  d'O,  Paimbœuf  et 
Noirmoutier  :  une  chaussée  qui  se  dirige  sur  Machecoul 

*  Ce  qui  est  prouvé,  c*est  que  TAngleterre  n'avait  encore  prêté 
aucun  secours  à  la  Vendée. 


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—  18  - 

assurera  la  facilité  des  convois.  La  chaussée  de  Nantes  à 
La  Rochelle  et  celle  de  Nantes  à  Clisson  rempliront  le 
même  objet,  à  mesure  que  l'armée  resserrera  les  rebelles 
dans  riatérieur  de  leur  pays.  La  colonne  des  Sables,  après 
celte  première  opération,  se  réunira  à  Tarmée  agissante; 
après  elle,  celle  de  Luçon,  celle  de  Niort,  ainsi  de  suite, 
jusqu'à  ce  que  Ton  soit  dans  Mortagne,  principale  place  des 
révoltés.  L'armée  se  renforcera  ainsi,  à  mesure  que  les 
opérations  deviendront  plus  difficiles,  et,  sa  communication 
avec  Nantes  restant  libre,  elle  ne  manquera  jamais  de 
munitions  ni  de  subsistances.  En  gardant  soigneusement 
les  passages  de  la  Loira^  on  pourra  pousser  les  rebelles, 
après  la  prise  de  Mortagne  et  les  mettre  dans  Talternative 
ou  de  se  noyer,  ou  de  se  rendre  à  discrétion. 

((  N'appuyez  pas  sur  le  prétendu  avantage  de  commencer 
dès  demain  les  opérations,  si  on  attaque  par  Saumur. 
L'armée  de  Mayence  n'a  pas  de  canon,  elle  a  besoin  de 
changer  quatre  mille  fusils;  où  est  votre  artillerie?  Où 
sont  vos  arsenaux  ?  La  petite  armée  des  côtes  de  Brest  a  été 
abandonnée  par  le  Ministre  de  la  Guerre  à  ses  propres 
forces  et  à  ses  propres  ressources.  Mais,  grâce  aux  Repré- 
sentants du  peuple  Merlin  (de  Douai)  et  Gillet  (du  Morbi- 
han), elle  ne  manque  de  rien.  Nous  avons  perfectionné  un 
arsenal  de  construction  et  une  manufacture  d'armes  qui 
existaient  à  Nantes.  Nous  avqns  créé  un  arsenal  de  cons- 
truction, une  manufacture  d'armes  et  une  fonderie  de 
canons  à  Rennes.  Non  seulement  l'armée  des  côtes  de 
Brest  a  suffisamment  d'artillerie,  mais  elle  peut  encore 
céder  vingt-quatre  pièces  de  canon  à  l'armée  de  Mayence. 
Si  nous  n'avons  pas  assez  de  fusils,  la  garde  nationale  de 
Nantes  changera  volontiers  les  siens,  qui  sont  en  bon  état, 
contre  ceux  de  la  brave  armée  qui  vient  la  défendre  et  ter- 
miner la  guerre.  C'est  donc  réellement  par  Nantes  que  les 
opérations  doivent  commencer  le  plus  tôt  et  avec  le  plus 
d'espérance  de  succès.  D'ailleurs  ne  comptez-vous  pour 


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-  19  - 

rien  le  découragement  qui  se  manifeste  dans  l'armée  des 
côtes  de  La  Rochelle  ?  Ses  colonnes  ont  été  battues,  elles 
sont  toutes  plus  ou  moins  désorganisées  ;  quel  serait  l'es- 
poir de  la  bonne  cause,  si  Tarmée  de  Mayence,  une  fois 
enfoncée  dans  le  pays  difficile  de  la  Vendée,  était  abandon- 
née à  ses  propres  moyens  et  que  le  défaut  de  secours  l'obli- 
geât de  revenir  sur  ses  pas  ?  Je  ne  m'étendrai  pas  davan- 
tage sur  cette  matière  ;  il  est  plus  que  douteux  que  la 
guerre  puisse  se  terminer  en  unissant  l'armée  des  côtes  de 
La  Rochelle  à  celle  de  Mayence,  en  commençant  les  opéra- 
tions par  Saumur,  au  lieu  que  l'espoir  du  succès  est  réel 
en  unissant  l'armée  de  Mayence  à  celle  de  Brest  et  commen- 
çant les  opérations  par  Nantes.  J'opine  donc  pour  le  main- 
tien du  premier  arrêté  du  Comité  de  Salut  public.  » 

Ce  discours  fixa  définitivement  l'opinion  de  Aubert  du 
Bayet,  commandant  l'armée  de  Mayence,  et  de  Mieskouski, 
commandant  de  la  division  des  Sables,  comprise  dans 
l'armée  des  côtes  de  la  Rochelle,  lequel  vint  dire  tout  bas  à 
Vergnes  qu'il  partageait  sa  manière  de  voir.  Salomon,  de 
la  même  armée,  lui  fit  le  même  aveu,  mais  il  ajouta  qu'il 
n'oserait  voter  pour  et  qu'il  se  contenterait  de  ne  pas  voter 
du  tout.  Quant  à  Rossignol,  il  sortit  de  la  salle  et  alla,  dit 
Kléber,  se  mettre  au  lit  *.  L'avis  des  généraux  fut  que  l'ar- 
mée de  Mayence  devait  marcher  par  Nantes. 

Le  conseil  des  Représentants  et  des  Généraux  se  réunit, 
comme  il  avait  été  convenu,  le  soir  à  huit  heures,  et  on 
l'informa  que  les  généraux,  après  avoir  entendu  le  chef 
d'état-major  de  l'armée  des  côtes  de  Brest,  avaient  décidé 
que  l'armée  de  Mayence  marcherait  par  Nantes.  L'exposé 
du  discours  de  Vergnes  fit  la  plus  grande  impression  sur 
les  Représentants;  il  gagna  Richard  et  enleva  toute  hésita- 


*  Kléber,  Mémoires  inédits.  Puisque  Salomon  changea  d'avis  après 
le  discours  de  Vergnes,  ce  discours  fut  donc  prononcé  pour  la 

Ï)remière  fois  dans  la  réunion  des  généraux  comme  le  dit  Savary, 
1,93.  ^' 


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tion  dans  l'esprit  de  Reubell  et  de  Merlin  *.  Le  président 
consulta  alors  le  Conseil  pour  savoir  s'il  adoptait  l'avis  des 
généraux.  Bourbotte,  Salomon,  Duhoux  et  Rey  refusèrent 
de  prendre  part  au  vote,  en  sorte  qu'il  n'y  eut  que  17  votants. 
Quatorze  se  prononcèrent  conformément  à  Tavis  des  géné- 
raux ;  ce  furent  les  représentants  Reubell  et  Merlin,  Richard, 
L.  Turreau,  Cavaignac,  MéauUe,  Philippeau,  Ruelle,  et 
les  généraux  Canclaux,  Menou,  Santerre,  Aubert  du  Bayet, 
Mieskouski  et  Dembarrère.     • 

Les  représentants  Choudieu  et  Fayau,  ainsi  que  le  géné- 
ral Chalbos  votèrent  contre  ^ 

«  En  conséquence,  il  a  été  arrêté  par  le  Conseil  que  la 
garnison  de  Mayence  marcherait  par  Nantes  ^ 

(Extrait  de  la  Guerre  de  la  Vendée,  2«  édition,  préparée  par 
M.  Tabbé  Deniau,  ancien  curé  du  Voide,  complétée  et  achevée  par 
M.  l'abbé  Deniau,  curé  de  Saint-Macaire  en  Mauges,  sous  la  direction 
du  R.  P.  Dom  Chamard,  prieur  à  l'abbaye  de  Ligugé.) 


*  Kléber  dit  positivement  que  le  discours  de  Vergnes  «  entraîna 
les  avis  de  Reubell  et  de  Merlm  ».  Or  ces  Représentants  n'assistaient 
pas  à  la  réunion  des  généraux  ;  donc  le  discours  de  Vergnes  a  été 
prononcé  de  nouveau  ou  rappelé  du  moins  au  Conseil  de  huit  heures. 

*  Dans  une  lettre  du  3  septembre  déjà  citée,  Philippeaux  dit  :  «  Sur 
23  délibérants,  il  n'est  resté  que  Choudieu  et  Fayau  a  combattre  cette 
mesure  et  à  l'entraver  jusqu'à  extinction  de  moyens.  »  Il  est  probable 
qu'il  compte  Vergnes  parmi  les  délibérants  à  cause  du  rôle  important 
qu'il  avait  joué  dans  la  délibération. 

Dans  la  troisième  partie  de  son  compte  rendu,  Philippeaux  (Chas- 
sin,  toc»  cit.,  III,  32,  note  I)  fait  observer  que  le  député  cte  la  Vendée, 
Fayau,  n'était  attaché  à  aucune  des  armées  ;  qu'il  était  venu  de 
Paris  avec  une  aversion  aussi  ardente  qu'inexplicable  contre  le  plan 
du  Comité  de  Salut  public  (du  23  août). 

»  Savary,  II,  92. 


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J 


LES  CINQ   PAYS 


L'INDO- CHINE  FRANÇAISE 

ET     LE    SIAM 

CsuiieJ 


II 

L'ANNAM 


Situation.  —  L'Empire  d'Annam  se  composait  du  Tonkin 
(16  provinces),  de  TAnnam  central  (9  provinces)  et  de  la 
Cochinchine  (6  provinces).  Le  Tonkin  a  aujourd'hui  14  pro- 
vinces et  TAnnam  central  12»  le  traité  du  6  juin  1884  lui 
ayant  rattaché  les  3  provinces  de  Thanh-Hoa,  Nghé-An  et 
Hatinh.  Il  a  pour  limites  la  pointe  Baké  au  Sud  et  la  fron- 
tière au  Nord  du  Thanb-Hoa  qui  le  sépare  de  Ninh-Binh 
(Tonkin). 

Pays  limitrophes.  —  Au  Sud  et  à  TEst,  il  est  baigné 
sur  1.300  kilomètres  par  la  mer  de  Chine  et  il  est  limi- 
trophe de  la  Cochinchine  au  Sud,  du  Tonkin  au  Nord  et 
du  Laos  à  TOuest.  Entre  le  Laos  et  TAnnam,  séparés  par 
la  grande  chaîne  annamitique,  se  trouvent  les  régions  des 
Mois,  des  Pou-Euns,  des  Pouthai,  qui  sont  des  dépen- 
dances directes. 

Son  étendue  varie  de  30  à  80  kilomètres  entre  la  mer 
et  les  montagnes  et  de  100  à  150  kilomètres  au  delà  de 
ces  montagnes  vers  le  Mékong  et  ses  affluents.  Situé 
entre  102°  et  107°  de  longitude  Est  et  10°  30'  et  20* 
de  latitude  Nord,  il  a  une  superficie  de  70.000  kilo- 
mètres carrés  et  ses  dépendances  en  ont  environ  50.000. 


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—  22  — 

Sa  population  est  de  5  millions  d'habitants  et  se  com- 
pose d'Annamites  principalement,  de  Moïs  divisés  en  très 
nombreuses  tribus,  de  Kiams,  les  premiers  occupants, 
confinés  au  Sud  et  de  Pouthai  et  Pou-Euns,  rameaux  de 
race  thai  ou  laotienne  à  l'Ouest.  Des  Chinois  sont  établis 
dans  tous  les  centres  et  monopolisent  les  échanges  avec  les 
indigènes.  Leur  principal  entrepôt  est  Fai-Fô,  près  Tou- 
rane. 

Gouvernement.  —  Le  pays  est  gouverné  par  le  roi, 
S.  M.  Thanh-Thai,  assisté  d'un  conseil  de  gouvernement, 
appelé  Comat,  et  de  six  ministres.  Le  pays  a  la  même 
administration  indigène  que  le  Tonkin  :  Préfectures,  sous- 
préfectures,  cantons  et  communes.  Un  Résident  français 
contrôle,  au  point  de  vue  politique,  financier  et  judiciaire, 
dans  chaque  chef-lieu,  l'administration  des  trois  grands 
mandarins  provinciaux  et  un  Résident  supérieur,  repré- 
sentant du  Protectorat  français  est  institué  à  la  capitale. 
Il  est  le  chef  de  Tadministration  française  en  Annam  et  ses 
attributions  résultent  des  clauses  du  traité  de  1884  et  des 
conventions  subséquentes  avec  la  cour. 

Défense.  —  Ce  royaume  n'a  pour  armée  que  des  milices 
provinciales.  Des  troupes  françaises  tiennent  garnison  à  Hué 
et  à  Tourane.  La  police  est  faite  par  la  milice  ou  Garde 
civile,  encadrée  par  des  chefs  militaires  français,  dressée 
et  entretenue  par  l'administration  française.  Cette  force 
militaire  est  aux  ordres  des  Résidents.  C'est  la  commune 
qui  assure  le  recrutement  et  en  fournit  les  éléments  à 
l'autorité  provinciale  qui  les  transmet  à  Tautorité  française. 

Autrefois,  TAnnam  avait  une  marine.  Depuis  1885,  elle 
a  disparu  d'elle-même.  Il  n'y  a  plus  dans  les  ports  de 
stationnaires  français.  Nos  navires  circulant  constamment 
entre  Saigon,  les  ports  de  l' Annam  et  la  Chine  suffisent 
pour  assurer  la  police  des  ports  et  de  la  mer. 

Calendrier.  —  L'année  commence  à  la  lune  de  mars, 
avec  un  mois  intercalaire  tous  les  trois  ans.  Lors  des  fêtes 


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—  23  - 

du  Têt  (nouvel  an),  les  affaires  sont  supendues  pendant 
trois  jours. 

Budget.  —  Le  budget  du  Protectorat  de  T  Anna  m  est 
incorporé  à  celui  du  Tonkin.  Le  Tonkin  verse  413.000  fr. 
de  contribution  au  trésor  royal  de  Huô. 

Impôts  directs.  —  Leur  assiette  et  leur  perception  sont 
confiées  à  la  commune.  L'impôt  personnel  est  payé  par  les 
€  inscrits  »  sur  un  rôle  arrêté  tous  les  cinq  ans,  modifié 
tous  les  ans.  Des  trois  classes  d'inscrits,  celle  dite  des 
€f  Robustes  »  doit  les  prestations. 


Types  de  femmes  annamites 

L'impôt  foncier  comprend  :  1°  les  terres  communales 
aliénables;  2**  les  terres  publiques  inaliénables  dont  la 
commune  a  Tusufruit.  Les  impôts  diffèrent  suivant  la 
valeur  des  terres  et  des  cultures.  Ils  sont  maintenant  payés 
en  argent.  Ce  sont  les  notables,  les  plus  imposés,  qui  éta- 
blissent l'impôt  et  les  décimes  additionnels.  Les  rizières 


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paient  par  hectare  9  fr.  05  pour  la  1"  classe,  7  fr.  20  pour 
la  2"°  classe,  4  fr.  80  pour  la  3°*  classe.  —  Le  tabac,  les 
aréquiers,  etc.,  8  fr.  —  Les  autres  cultures,  5  fr.  —  Le 
café,  cacao,  indigo,  etc.,  sont  exempts. 

Impôts  indirects.  —  Ce  sont  les  douanes,  les  droits  de 
navigation,  les  fermes  de  l'opium,  de  l'alcool,  du  sel,  des 
marchés,  des  bacs,  papier  timbré,  etc. 

Climat.  —  Il  faut  bien  remarquer  qu'en  raison  de 
l'arrêt  des  nuages  par  la  grande  chaîne  d'Ânnam,  les 
grandes  pluies  ont  lieu  en  Annam  pendant  les  cinq  mois 
de  la  mousson  de  Nord-Est,  octobre  à  janvier  ou  février, 
avec  une  température  de  15  à  25°,  tandis  qu'en  Cochin- 
chine  la  pluie  tombe  d'avril  à  octobre  pendant  la  mousson 
de  Sud-Ouest,  avec  une  température  de  28^  De  juin  à  août, 
le  thermomètre  à  Hué  monte  de  28  à  35**.  D'août  à  janvier 
surviennent  les  typhons  ;  mais  on  en  subit  aussi  parfois 
en  mai  et  juillet.  Le  baromètre,  qui  marque  en  juillet 
750  m/m,  dépasse  en  janvier  762  m/m. 

Agriculture.  —  L'Annam  est  la  partie  de  notre  domaine 
qui  offre  le  plus  de  ressources  à  l'Agriculture,  mais  qui 
souffre  le  plus  des  sécheresses  et  des  inondations.  Les 
mesures  d'irrigation  et  de  protection  s'imposent,  ainsi  que 
la  création  de  routes  et  de  moyens  de  transport.  Toutes  les 
grandes  vallées  sont  bien  cultivées;  mais  les  moyens  d'élé- 
vation de  l'eau  nécessaire  au  repiquage  du  riz,  par  des 
systèmes  de  seaux  ou  de  roues  en  bambou  jumelées,  sont 
insuffisants.  Des  canaux  et  des  retenues  d'eau  sont  indis- 
pensables. On  fait  deux  récoltes  par  an;  mais  il  en  manque 
une  sur  trois.  L'hectare  devrait  donner  25  hectolitres  de 
riz  décortiqué  ;  cependant  la  production  est  inférieure  aux 
besoins  de  la  consommation  locale. 

Propriété  foncière.  —  Son  exploitation.  —  Elle  existe 
comme  en  France.  Elle  est  transmissible  sous  le  visa  des 
municipalités.  Les  actes  dressés  par  les  notables  servent  à 
établir  les  rôles  fonciers,  sans  droit  de  transmission.  La 


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^  2B  — 

propriété  foncière  repose  sur  une  sorte  de  matrice  cadas- 
trale, appelée  Dia  Bô,  ou  registre  des  champs,  complétée 
par  un  Dien  Bô  ou  registre  des  propriétaires.  Jusqu'ici  ces 
registres  ne  sont  basés  que  sur  un  cadastre  approximatif, 
levé  à  vue  parcellaire.  Le  revenu  de  la  propriété  foncière 
ne  dépasse  pas  20  0/0  net. 

Végétaux.  —  Le  riz  est  la  principale  culture  et  celle 
qu'il  faut  développer.  Il  s'y  ajoute  le  maïs,  les  patates,  les 
haricots  et  les  plantes  alimentaires  des  jardins. 

On  cultive  beaucoup  la  canne,  consommée  en  nature 
ou  transformée  en  tablettes  de  sucre  noir.  Au  Quang-Ngai 
on  en  fait  du  sucre  cristallisé.  Des  moulins  mieux  condi- 
tionnés sont  à  introduire.  Le  café  et  le  thé  sont  cultivés 
sous  la  direction  d'Européens  et  prennent  une  grande 
extension,  en  vue  de  l'exportation  en  Europe  et  surtout  en 
France.  On  trouve  partout  les  arbres  fruitiers  tropicaux. 

Parmi  les  végétaux  industriels,  il  faut  noter  le  coton,  la 
ramie,  le  jute,  Tarachide,  le  mûrier,  le  ricin,  l'indigo,  le 
cunao,  le  cocotier,  Tarée,  le  tabac,  la  cannelle,  etc.  Enfin, 
les  produits  des  forêts  sont  exploités  par  des  scieries  et 
les  pavés  de  nos  grandes  villes  en  proviennent,  comme  les 
étais  des  mines  et  les  traverses  des  voies  ferrées  du 
Tonkin. 

Animaux.  —  Le  buffle,  le  bœuf,  le  cheval,  le  porc,  la 
volaille  servent  partout  aux  besoins  domestiques  ou  aux 
travaux  agricoles.  Dans  l'intérieur,  le  tigre,  le  léopard, 
l'éléphant,  le  cerf,  le  paon,  le  serpent  se  rencontrent  dans 
les  régions  dépeuplées.  L'oie  sauvage,  la  sarcelle,  la  bécas- 
sine, le  lièvre,  la  caille  comptent  parmi  les  aliments  offerts 
aux  chasseurs. 

Industries  agricoles.  —  Le  décorticage  du  riz,  l'ex- 
traction de  l'huile,  l'égrenage  du  coton,  la  préparation  du 
jute,  de  l'indigo,  du  tabac  sont  des  industries  indigènes.  Il 
y  aurait  lieu  pour  les  européens  de  les  entreprendre  sur  de 
meilleures  bases.  La  soie  est  fabriquée  partout,  mal  dévidée 


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—  26  — 

et  mal  soignée.  Le  crépon  est  une  industrie  importante 
spéciale  à  TAnnam.  Il  est  supérieur  à  celui  de  Chine  pour 
la  solidité  du  tissu. 

Le  sucre  est  monopolisé  par  les  Chinois  qui  l'exportent, 
bien  que  du  sucre  brut  soit  importé  dans  le  pays  en 
grande  quantité.  La  production  pourrait  s'accroître  beau- 
coup. 

Le  thé  d^Annam  a  révélé  à  l'analyse  des  qualités  supé- 
rieures- C'est  une  industrie  qui  va  rivaliser  avec  celle  de 
rinde  et  de  la  Chine.  L'alCool  de  riz  est  fabriqué  avec  des 
alambics  primitifs  en  terre  et  en  bambou.  La  nouvelle 
ferme  de  l'alcool  va  introduire  des  alambics  européens. 

!l  est  regrettable  que  la  cannelle  soit  accaparée  par  les 
Chinois,  expédiée  à  Hong-Kong  d'où  elle  nous  revient  en 
France  de  troisième  ou  de  quatrième  main.  Celle  du 
Quang-Nam  et  du  Thanh-Hoa  est  très  recherchée  pour  son 
a  renie. 

La  pêche  fluviale  est  une  industrie  générale  dans  tout 
TAnnam  et  nombreuses  sont  les  barques  et  les  populations 
qui  s  y  livrent  toute  l'année.  Elle  contribue  grandement  à 
ralîmentatîon  des  habitants  et  l'on  expédie  ce  poisson 
jusqu'au  delà  des  montagnes  et  dans  le  bassin  du  Mé-Kong. 

La  pèche  maritime  est  tout  aussi  importante;  mais 
gênée  pendant  la  mousson  de  Nord-Est  par  les  grands 
vents  et  les  cyclones.  Ce  sont  de  véritables  flottes  qui  font 
la  pèche  côtière  jusqu'à  vingt  milles  en  avant  des  embou- 
chures des  grands  fleuves,  obstruées  par  des  pêcheries 
fixes,  vastes  enclos  de  filets  qu'on  va  relever  chaque  jour. 

Les  Posées  françaises  desservent  tout  l'Annam.  24  bu- 
reaux y  sont  établis  et  assurent  le  service  des  mandats  et 
le  service  télégraphique.  Des  colis-postaux  peuvent  être 
échangés  avec  toutes  ces  destinations,  au  prix  de  4  fr.  25. 

Télégraphes.  —  Outre  les  lignes  terrestres  de  l'intérieur, 
un  câble  sous-marin  va  de  Saigon  à  Thuan-An  et  à  Hai- 
phong,  reliant  ainsi  par  une  voie  directe  l'Annam  au 


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-  27  ~ 

réseau  universel   auquel    le  rattachent  ses  lignes   ter- 
restres. 

Cabotage.  —  Le  cabotage  est  important.  Il  a  été  en  1895 
de  9.600.000  francs  de  port  à  port  et  de  10  millions  avec 
les  pays  voisins,  total  :  19.600.000  francs.  Il  serait  autre- 
ment actif  s'il  n'était  entravé  par  le  système  des  ports 
fermés  et  des  ports  ouverts,  par  les  exigences  douanières 


Annamite  allant  au  marché 

et  par  celles  des  fermes  du  sel  et  de  l'alcool.  Le  seul  port 
desservi  par  les  vapeurs  des  messageries  fluviales  fran- 
çaises est  celui  de  Vinh.  Entre  la  Cochinchine  et  le  Tonkin, 
le  port  de  Tourane  est  l'escale  centrale  des  jonques  indi- 
gènes fort  nombreuses.  Les  jonques  chinoises  ont  cessé  de 
fréquenter  les  nombreux  petits  ports  de  la  côte. 

Services  maritimes.  —  Les  vapeurs  affrétés  ou  libres 
de  la  Compagnie  nationale  de  navigation  desservent  régu- 


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l 


—  28  — 

lièrement  Tourane  et  les  Messageries  maritimes  assurent 
les  escales  de  Nha-Trang,  Qui-Nhon,  Tourane  et,  pendant  les 
cinq  mois  delà  mousson  de  Sud-Ouest,  celle  de  Thuan-An, 
port  de  Hué. 

Monnaies,  poids  et  mesures.  —  La  sapèque  de  zinc  est 
la  base  de  transaction  des  marchés.  Les  anciennes  mon- 
naies indigènes  tendent  à  disparaître  :  ce  sont  le  nèn  ou 
barre  d'argent  de  80  fr.,  le  dinh  ou  1/10  du  nên  =  8  fr. 

Les  mesures  de  capacité  sont  le  hoc  pour  le  riz = 39 1. 90  ; 
le  thang  ou  boisseau  =  13  1.  30;  le  bat  ou  écuelle. 

Les  mesures  de  longueur  sont  les  mêmes  qu'au  Tonkin  : 
le  thuoc,  le  mau,  le  sao. 

Les  poids  sont  le  non  de  10  onces  =  3  kil.  900  gr.;  le 
yen  de  10  livres  =  7  kil.  800  gr.;  le  picul,  de  62  kil. 
400 gr.  ;  le  can  ou  livre  de  16  onces  =  0  kil.  624  gr.  et  ses 
dixièmes. 

Les  balances  sont,  comme  en  Chine,  la  romaine  réglée 
sur  le  système  décimal. 

Le  change  des  monnaies  françaises  en  espèces  ou  fidu- 
ciaires s'opère  à  la  Banque  de  Tlndo-Chine,  qui  a  une 
succursale  à  Tourane  et  qui  dessert  aussi  Fai-Fô. 

Salines.  —  Elles  sont  très  importantes  dans  les  pro- 
vinces de  Qui-Nhon,  Phu-Yen,  Binh-Thuân  et  Hatinh.  Elles 
fournissent  à  Texportation  plus  de  un  million  de  tonnes  de 
sel.  Ruinées  en  mars  1887  par  un  impôt  exorbitant,  on 
abaissa  en  1888  la  taxe  à  0  fr.  50  par  100  kilos.  En  1897, 
le  sel  fut  affermé  à  une  société  française.  Le  prix  du  sel 
passa  de  0  fr.  20  le  picul  à  0  fr.  80,  puis  à  0  fr.  40; 
puis,  les  agioteurs  chinois  le  firent  monter  à  3  piastres 
(7  fr.  50)  ;  de  là  des  plaintes  très  vives.  Or,  le  commerce 
du  sel  était  intimement  lié  à  Tindustrie  des  saumures 
et  du  poisson  salé,  base  de  Talimentation,  au  commerce 
par  cabotage  entre  la  côte,  la  Chine,  et  aux  échanges  avec 
rintérieur  et  les  populations  de  TOuest.  C'est  donc  une 
industrie  à  encourager.  Aussi  le  contrat  de  la  ferme  du 


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sel  fut  annulé.  La  vente  fut  prise  en  régie  par  la  douane- 
Une  adjudication  nouvelle  va  avoir  lieu. 

Carrières.  —  Les  carrières  de  pierres  et  de  calcaires 
marmoréens  abondent  en  Ânnam.  Elles  servent  aussi  à 
faire  la  chaux. 

Mines  et  industries  métallurgiques.  —  Les  gisements 
de  charbons  déjà  exploités  dans  la  province  de  Tourane,  à 
Nong-Son,  vont  être  repris  par  la  Société  du  port  et  des 
docks.  C'est  de  l'anthracite  pure.  La  mine  principale  est  à 
65  kilomètres  du  port,  sur  les  bords  du  Fleuve,  qui  a 
malheureusement  une  barre  à  son  entrée  et  un  banc  sans 
fond  au  milieu  de  son  cours. 

Des  mines  de  cuivre  existent  à  Duc-Bô  et  des  gisements 
aurifères,  exploités  il  y  a  bien  des  siècles  par  les  Kiams,  à 
Bong-Nieu,  sont  concédés  à  une  société  française  qui  les 
met  en  exploitation.  .  . 

Industries  tinctoriales.  —  Les  teintureries  d'étoflfes 
existent  dans  tous  les  grands  villages,  aussi  bien  pour  les 
tissus  de  coton  que  pour  la  soie  ;  la  préparation  de  Tindigo, 
du  cunao,  pour  la  teinture,  sont  en  usage  partout. 

Textiles^  soieries,  crépons.  —  La  fabrication  des  tissus 
de  soie,  des  grenadines  et  surtout  des  crépons  unis  ou 
brochés,  qui  ont  une  grande  renommée,  se  fait  en  grand, 
mais  elle  exige  des  avances  de  fonds.  Les  Chinois  y  pour- 
voient et  accaparent  ainsi  les  produits  qu'ils  envoient  en 
Chine  d*où  ils  reviennent  teints  et  apprêtés  comme  soieries 
chinoises. 

Industries  diverses.  —  La  préparation  du  vermicelle 
de  riz  ou  de  haricots  est  aussi  une  spécialité  de  T Annam, 
comme  celle  des  saumures  de  poisson. 

Toutes  les  industries  recevront  un  grand  développement 
dès  que  les  moyens  de  transport  seront  facilités. 

Voies  de  communication  par  terre.  —  La  route  man- 
darine court  parallèlement  à  la  côte  sur  1500  kilomètres. 
Sa  largeur  varie  de  2  à  10  mètres.  Elle  franchit  les  cols  en 


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—  30  — 

pente  raide;  mais  il  est  étonnant  qu'entre  les  cois  on  n'ait 
établi  ni  chars  à  bœufs,  ni  Decauville,  alors  que  les  trans- 
ports entre  les  marchés  quotidiens  se  font  à  dos  d'hommes 
et  de  femmes. 

Des  routes  perpendiculaires  se  greffent  sur  la  route 
mandarine  pour  desservir  l'intérieur.  Un  grand  nombre  de 
ponts  sont  à  faire.  La  route  de  Quang-Tri  à  Kemmarat 
(Mé-Kong)  par  Camlô  et  Ai-Lao  sera  bientôt  carrossable. 

On  laisse  envahir  par  la  brousse  la  route  dite  des  mon- 
tagnes, construite,  sous  le  roi  Ham-Nghi,  de  Hué  au  Thanh- 
Hoa.  Il  n'y  a  pas  de  digues  en  Annam  et  les  villages  ne 
sont  reliés  que  par  les  talus  de  rizières. 

La  loi  du  25  décembre  1898  a  autorisé  l'emprunt  de 
200  millions  par  l'Indo-Chine.  Cet  emprunt  va  permettre 
la  construction  de  voies  ferrées  en  Annam  :  de  Hanoi  à 
Vinh,  par  Nam-Dinh;  de  Tourane  à  Quang-Tri,  par  Hué; 
de  Saigon  à  Nha-Trang  et  à  Lang-Bian. 

Plus  tard,  les  sections  du  Sud,  du  Nord  et  du  Centre  se 
relieront  entre  elles,  traversant  tout  le  littoral  et  détachant 
deux  embranchements  à  travers  le  Laos  :  l'un  sur  Attopeu, 
centre  minier  aurifère  ;  l'autre  sur  Savanakêk,  centre  fluvial 
de  navigation  sur  le  Mé-Kong. 

Sur  les  cinquante  millions  réalisés  en  janvier  1899,  le 
premier  prélèvement  sera  pour  la  construction  des  tronçons 
Hanoi  à  Haiphong,  Hanoi  à  Viêt-Tri,  au  Tonkin  et  Hanoi  à 
Vinh  en  Annam  par  Nam-Dinh,  soit  320  kilomètres  devant 
coûter  32  millions.  Puis  viendra  la  section  Tourane  à  Hué. 
Ce  sont  là  les  travaux  urgents  et  profitables  à  tous  points 
de  vue.  Hs  vont  être  poussés  activement. 

La  transformation  économique  de  l'Annam  suivra  donc 
de  près  sa  transformation  administrative  et  financière. 

Voies  de  communication  par  fleuves  et  canaux.  — 
Des  fleuves  nombreux,  tous  barrés  malheureusement  à 
l'embouchure,  et  une  infinité  de  cours  d'eau  servent  de 
voies  de  communication  pour  les  jonques  dans  tout  l'Annam. 


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-31  - 

La  voie  la  plus  sûre  serait  rachèvement  et  la  réparation 
des  canaux  et  lagunes  qui  relient  en  plusieurs  tronçons 
Hué  au  Tonkin.  Il  y  a  des  parties  envasées,  d'autres  ensa- 
blées. Ces  canaux  seront  mis  en  état  et  assureront,  concur* 
remment  avec  une  voie  ferrée  parallèle,  les  communications 
par  jonques  et  les  transports  par  terre  entre  la  capitale  de 
TAnnam  et  celle  du  Tonkin. 

Le  Commerce  intérieur  est  entre  les  mains  des  indi- 
gènes et  des  chinois.  Quelques  maisons  françaises  sont 
cependant  établies  à  Tourane,  Fai-Fô,  Hué,  Qui-Nlion, 
Vinh. 

Les  échanges  avec  les  tribus  moïs,  les  habitants  de 
TAi-Lao  et  du  Tran-Ninh  se  font  à  dos  d'homme,  et  aussi 
par  des  éléphants.  Des  chinois  sont  établis  dans  la  région 
de  Tramy  pour  y  monopoliser  l'important  trafic  de  la 
cannelle  et  la  vente  de  Topium. 

Commerce  extérieur  européen.  —  Tout  ce  qui  s'im- 
porte dans  TAnnam  central  et  tout  ce  qui  s'en  exporte  est 
centralisé  à  Tourane  par  les  maisons  chinoises  et  quelques 
européens,  et  est  entreposé  à  Fai-fô,  grand  centre  commer- 
cial indigène.  Des  maisons  chinoises  ont  des  chaloupes  à 
vapeur.  Le  trafic  se  fait  surtout  par  eau  par  des  jonques 
indigènes. 

Importations.  —  La  total  atteint  7.500.000  fr.,  dont 
5  millions  par  Tourane,  1.200.000  par  Qui-Nhon.  Presque 
tout  vient  par  mer.  Les  produits  importés  pour  la  consom- 
mation européenne  sont  insignifiants.  Toutes  les  importa- 
tions viennent  donc  de  l'étranger,  malgré  des  tarifs  prohi- 
bitifs. C'est  que  les  produits  consommés  par  les  5  millions 
d'habitants  n'ont  pas  leurs  similaires  en  Europe  et  que  le 
chiffre  des  habitants  européens  n'est  nullement  à  comparer 
avec  celui  des  indigènes,  pour  lesquels  nos  tarifs  protec- 
teurs sont  plus  qu'onéreux.  Lorsque  le  pays  produira  davan- 
tage pour  l'exportation,  ses  importations  suivront  égale- 
ment une  marche  ascendante. 


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—  32  — 

Exportations.  —  Elles  consistent  surtout  en  coton 
égrené  pour  500.000  fr.;  en  cannelle,  pour  2  millions; 
cunao  (faux  gambier),  pour  500.000  fr.  ;  arachides,  pour 
260.000  fr.;  sel,  pour  360.000  fr. ;  cardamomes,  70.000  fr. 
Pour  ces  5  millions  d'habitants,  l'exportation  n'est  encore 
que  de  4.500.000  contre  80  millions  pour  les  1.700.000 
habitants  de  la  Cochinchine.  Les  3/4  des  produits  sont 
expédiés  en  Chine,  1/4  en  Cochinchine  et  presque  rien  pour 
la  France,  bien  que  TAnnain  soit  fréquenté  par  nos  vapeurs 
de  la  Compagnie  des  Messageries  et  de  la  Compagnie  natio- 
nale, celle-ci  offrant  un  fret  moitié  moindre  que  la  pre- 
mière. 

La  Législation  commerciale  et  industrielle  est  la  même 
qu'au  Tonkin. 

Avenir  du  pays.  —  L'Annam  est  un  pays  qui  peut 
nourrir,  s'il  était  plus  cultivé,  une  population  bien  supé- 
rieure à  celle  qu'il  possède.  Il  est  fertile.  Son  climat  est 
bien  préférable  à  celui  de  la  Cochinchine  et  de  l'Inde.  Des 
cultures  riches  sont  en  voie  de  s'y  créer.  La  production 
du  riz  doit  être  augmentée  par  des  irrigations  et  des  amé- 
liorations de  semences.  L'excellent  thé  et  le  café  sont  l'ob- 
jet de  cultures  industrielles  développées.  Les  voies  de 
communication  et  les  transports,  les  canaux  sont  à  complé- 
ter. Les  européens  peuvent  y  acquérir,  y  posséder,  y  établir 
des  cultures  et  des  industries.  Le  régime  des  concessions 
aux  colons  français  est  réglé  par  l'arrêté  du  5  septembre 
1899,  qui  sera  remanié  et  élargi  dans  des  conditions  ana- 
logues à  l'arrêté  du  18  août  1896  qui  régit  les  concessions 
au  Tonkin. 

Le  traité  de  juin  1884  ne  nous  permettait  pas  un  contrôle 
effectif  et  une  administration  complète  en  Annam.  Or  le 
roi  a  remis,  le  26  août  dernier,  entre  les  mains  du  Gouver- 
nement général,  la  perception  directe  de  tous  les  impôts  et 
de  toutes  les  taxes,  ainsi  que  la  comptabilité  publique  des 
12  provinces.  Les  paiements  se  feront  en  argent  et  non  en 


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—  33  - 

nature.  Les  revenus  indirects  feront  partie  du  budget  de 
i'Indo-Chine.  Les  revenus  directs  seront  affectés  aux 
dépenses  de  TAdministration  française  et  indigène  et  à  la 
liste  civile  de  la  Cour. 

Le  nouveau  régime  administratif  et  financier  évitera  bien 
des  pertes,  des  gaspillages,  des  affectations  improductives, 
et  contribuera  puissamment  à  la  mise  en  valeur  des  res- 
sources propres  à  TAnnam. 

Lorsque  Texploilation  du  pays  sera  ainsi  facilitée,  il  est 
susceptible  de  prendre  un  grand  essor,  grâce  à  la  main- 
d'œuvre  à  bon  marché  et  aux  qualités  de  la  race  annamite 
qui  est  docile,  travailleuse,  persévérante  et  prolifique. 


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—  34 


III 


LA  COCHINCmNE 


Situation.  —  La  Cochinchiae,  ou  pays  de  Gia-Dinh,  est 
située  entre  102°  et  105°  H  de  longitude  Est,  et  entre  8° 
et  IP  30  de  latitude  Nord.  Elle  comprend  60.000  kilo- 
mètres carrés,  dont  trois  millions  d'hectares  cultivables. 
Un  million  d'hectares  est  cultivé  en  riz.  C'est  un  pays 
d'alluvion  ;  mais  au  Nord-Est  quelques  montagnes  de  300  à 
600  mètres  le  séparent  de  la  vallée  du  Mé-Kong  et  de 
TAnnam. 

Pays  limitrophes.  —  Au  Nord,  le  pays  Moï;  à  TEst, 
l'Annam;  au  Sud,  la  mer;  à  TOuest,  le  golfe  de  Siam  et  le 
Cambodge. 

Population.  —  On  compte  2.203.000  habitants,  dont 
3,900  Français,  222  étrangers,  88.500  Chinois,  179.000 
Cambodgiens,  3.600  Malais  et  des  tribus  moïs,  kiams,  etc. 
Les  Chinois  sont  surtout  établis  à  Cho-Lon  et  à  Saigon.  Ils 
sont  répartis  suivant  leur  origine  en  cinq  corporations  : 
Canton,  Phuoc-Kien,  Triêu-Chau,  Hai-Nan  et  Ackas.  Il 
faut  noter  aussi  1 .500  Malabars.  La  Cochinchine  et  le  Cam- 
bodge comptent  comme  Français  59  agriculteurs,  36  indus- 
triels, 177  commerçants  et  2.060  fonctionnaires  —  8  pour 
un  colon  européen  et  pour  8.500  asiatiques. 

Gouvernement  et  administration.  —  Sous  la  direction 
du  Gouverneur  général  de  Tlndo-Chine,  la  Cochinchine 
est  administrée  par   un  Lieutenant-Gouverneur,  assisté 


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—  35  — 

d'un  Conseil  privé.  Un  Conseil  colonial  élu  gère  les  affaires 
de  la  Colonie.  Elle  est  divisée  en  arrondissements  à  la  tête 


a 

o 

.2 

o 

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O 


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desquels  est  un  administrateur  des  affaires  indigènes.  Ils 
ont  sous  leurs  ordres  des  Phus  (préfets)  et  Huyens  (sous- 


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—  36  — 

préfets),  les  chefs  de  canton  et  les  chefs  des  com- 
munes. Dans  les  centres  européens  fonctionnent  des  muni- 
cipalités élues  ou  des  commissions  municipales. 

La  Justice  est  rendue  par  des  Tribunaux  français  et  une 
Cour  d'appel. 

V Armée  se  compose  de  1650  hommes  de  troupes  d'in- 
fanterie de  marine,  d'artillerie,  et  de  2140  tirailleurs  indi- 
gènes. La  police  intérieure  est  faite  par  les  milices  indi- 
gènes sous  les  ordres  des  administrateurs. 

Marine.  —  Elle  se  compose  de  la  Triomphante^  YAspic, 
la  Vipère,  le  Styx  et  de  2  canonnières.  La  division  navale 
est  commandée  piair  un  capitaine  de  vaisseau  qui  commande 
aussi  l'arsenal,  avec  deux  ingénieurs,  dont  un  directeur  des 
travaux. 

Finances  et  Budget.  —  Le  budget  des  dépenses  dépasse 
33  millions.  Les  recettes  du  budget  été  ont  pour  1897  de 
12.420.195  piastres  (à  2  fr.  70),  soit 33.535.000  francs,  dont 
environ  3  millions  de  piastres  pour  les  revenus  directs  et 
8.685.700  pour  les  revenus  indirects.  Sur  le  même  chiffre 
en  dépense,  583.000  piastres  sont  absorbées  par  les  ser- 
vices militaires,  plus  de  432.000  pour  la  Justice,  428.000 
pour  l'Instruction  et  seulement  1.316.000  pour  les  Travaux 
publics,  dont  il  faut  déduire  219.500  piastres  pour  le  per- 
sonnel. Il  n'y  a  donc  sur  ce  budget  que  1.100.000  piastres 
de  dépenses  productives,  soit  un  douzième. 

C'est  la  seule  colonie  qui  paie  elle-même  tous  ses  ser- 
vices. En  outre  de  sa  contribution  de  souveraineté  à  la  métro- 
pole, elle  verse  une  subvention  aux  dépenses  du  Tonkin  de 
4.500.000  francs.  —  A  ces  33.534.526  francs  il  faut  ajouter 
le  montant  des  budgets  régionaux  :  3.024.496  francs.  Total 
du  revenu  financier  :  36.559.022  francs  pour  2.203.000 
habitants. 

Les  Impôts  directs  se  composent  de  l'impôt  foncier  des 
centres  et  de  celui  des  villages;  il  se  divise  en  rizières  et 
en  cultures. 


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-  37  - 

L'impôt  personnel  était  de  0  piastre  60  par  homme  valide. 

Les  patentes  varient  de  0  piastre  80  cents  à  150  piastres. 

Les  asiatiques  paient  une  taxe  de  capitation  de  tO  piastres 
à  320.  Outre  l'impôt  foncier  des  rizières  qui  varie  de 
0,20  cents  à  0,60  cents,  les  riz  et  paddys  exportés  à  l'étran- 
ger paient  0  piastre  26  cents  les  100  kilos  et  pour  la 
France  0,17  cents. 


Tombeau  de  révoque  d'Adran,  près  de  Saïgon  (Cochinchine) 

Impôts  indirects.  —  Les  impôts  des  salines  varient  de 
2  à  4  piastres.  L'impôt  des  barques  de  rivière  et  de  mer, 
la  vente  des  terrains,  les  produits  des  forêts,  de  l'enregis- 
trement, les  droits  d'ancrage  et  de  phare,  la  location  des 
bacs,  des  pêcheries,  les  droits  sur  l'opium,  sur  les  alcools, 
fabriqués  et  importés,  la  taxe  de  consommation  sur  l'alcool 
et  le  pétrole,  les  licences  en  constituent  les  ressources 
annuelles  indirectes,  avec  le  droit  de  sortie  des  riz  qui  rem- 
place l'impôt  foncier. 

Climat.  —  La  caractéristique  est  la  constance  de  la  tempé- 
rature de  jour  et  de  nuit,  son  humidité,  et  les  deux  moussons, 
sèche  pendant  le  N.-E.  d'octobre  à  avril  et  pluvieuse  de  mai 
à  septembre.  La  chaleur  sans  brise  est  insupportable  du 


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-  38  - 

15  avril  au  15  juin  ;  elle  est  de  SO*»  à  34^  Elle  descend  à  20« 
le  matin  en  décembre.  Les  orages  sont  fréquents  et  vio- 
lents. Les  typhons  sont  rares  :  deux  en  dix  ans.  Le  baro- 
mètre varie  de  754  m/m  à  771  m/m. 

Agriculture.  —  La  principale  et  presque  la  seule  culture 
est  le  riz.  Le  fret  pour  la  Chine  étant  de  7  fr.  et  pour  l'Eu- 
rope de  40  fr.,  c'est  vers  la  Chine  qu'on  Texporte. 

Le  poivre  donne  lieu  à  une  exportation  de  1.500  tonnes 
dont  un  tiers  pour  l'Europe.  Il  est  de  qualité  supérieure  et 
approvisionne  surtout  la  France. 

Le  coton,  le  cardamome,  l'indigo  liquide,  les  arachides, 
alternent  avec  le  riz,  mais  n'ont  pas  une  grande  importance 
dans  les  exportations.  Tous  ces  produits  sont  plutôt  de  con- 
sommation locale.  Toutefois  on  a  exporté  en  Chine  et  au 
Japon  en  1897  4.680  tonnes  de  coton  à  7  piastres  le 
picul  (60  kil.)  non  égrené. 

Propriété  foncière,  —  Son  exploitation.  —  Le  taux 
de  l'intérêt  entre  indigènes  est  de  36  0/0  par  an  ;  le  taux 
légal  est  de  12  0/0.  C'est  excessif.  En  outre,  la  terre  est  et 
restera  aux  mains  des  indigènes,  qui  seuls  peuvent  l'ex- 
ploiter. Les  Européens  ont  entrepris  le  métayage  et  en 
obtiennent  d'excellents  résultats.  Ils  font  aux  indigènes  les 
avances  de  semences,  de  l'achat  des  buffles,  et  leur  réservent 
une  part  en  nature  ou  en  argent  sur  la  récolte.  C'est  un 
système  à  encourager. 

Les  prêts  sur  récoltes  à  des  taux  de  8  à  10  0/0  ont  été 
essayés  ;  mais  de  plus  grandes  facilités  sont  nécessaires 
pour  ces  transactions.  Il  y  a  là  des  institutions  financières 
privées  à  organiser.  Elles  seront  un  grand  bienfait  pour  le 
cultivateur  et  d'un  bon  rapport  pour  les  capitalistes. 

Le  rôle  des  Européens  dans  les  entreprises  agricoles,  et 
surtout  celle  du  riz,  est  de  faire  les  travaux  d'irrigation, 
de  fournir  les  engrais,  les  buffles,  les  semences,  d'amé- 
liorer celles-ci  et  de  faire  cultiver  par  les  indigènes  en 
participation  de  bénéfices.  La  dépense  est  d'environ  2.000  fr. 


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-  39  - 

par  hectare,  qui  rapporte,  au  bout  de  5  à  6  ans,  800  fr. 
La  délimitation  du  domaine  colonial  au  1/20.000^  est 
presque  achevée.  Depuis  1892,  140.000  hectares  ont  été 
concédés  à  des  français. 

Le  régime  des  concessions  de  terres  est  basé  sur  l'arrêté 
du  22  août  1882.  Sur  5  millions  d'hectares,  il  n'y  en  a  que 
1.200.000  en  cultures.  Il  existe  un  Syndicat  de  planteurs 
et  une  Chambre  d'agriculture.  Dans  les  contrats  entre 
Européens  et  Asiatiques,  c'est  la  loi  française  qui  est 
toujours  applicable.  Une  conservation  des  hypothèques 
fonctionne  à  Saigon. 

Végétaux.  —  Les  bambous,  les  rotins,  les  bois  des  forêts 
donnent  lieu  à  un  commerce  actif.  Les  cocotiers,  les  aré- 
quiers, les  arbres  à  fruits,  la  canne,  les  arachides,  le  mûrier, 
le  tabac,  les  haricots,  le  maïs,  s'ajoutent  au  coton  et  au  riz. 
Le  café  n'a  pas  réussi. 

Animaux.  —  Les  animaux  de  labour,  de  basse-cour  et 
d'alimentation  se  trouvent  dans  tout  le  pays.  Pour  le 
labourage  des  rizières,  le  buffle  est  indispensable. 

Industrie  agricole.  —  Parmi  les  industries  agricoles, 
celle  du  décorticage  du  riz  est  la  plus  importante.  Il  en  a 
été  exporté  pour  la  France  pour  6.090.000  fr.  en  1895,  et 
39.652.000  fr.  pour  l'étranger,  contre  270.000  fr.  pour  la 
France  et  16  millions  pour  l'étranger  de  riz  paddy  et 
1.349.000  fr.  de  farine  de  riz. 

Le  riz  à  destination  des  colonies  françaises  n'atteint  que 
200.000  fr.  Quatre  rizeries  sont  installées  à  Cholen  et  une 
à  Saigon.  Celles  de  Cholen  fournissent  chacune  par  jour  de 
700  à  900  tonnes  de  riz  cargo  et  de  4  à  600  tonnes  de  riz 
blanc  ;  celle  de  Saigon,  800  tonnes  de  paddy.  Ses  construc- 
tions occupent  sur  le  bord  du  fleuve  20.000  mètres  carrés. 
Les  deux  machines  sont  de  800  chevaux.  Deux  de  ces  usines 
sont  à  des  Allemands. 

Le  sucre  va  à  l'étranger  pour  291.000  fr,  et  la  gomme 
laque  pour  158.000  fr. 


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r 


-  40  — 

Le  poivre  expédié  à  l'étranger  vaut  60.000  fr.,  tandis 
que  celui  pour  la  France  se  monte  à  2.760.Ô00  fr. 

Jardins  d'essai.  —  Un  magnifique  jardin  d'essai  existe 
à  Saigon,  aussi  bien  qu'à  Hanoi.  Ces  jardins  vont  être 
réorganisés.  Le  personnel  supérieur  sera  pris  parmi  les 
diplômés  des  écoles  nationales  d'agriculture,  et  le  personnel 
subalterne  parmi  les  élèves  des  écoles  pratiques  d'agricul- 
ture- Ces  établissements  font  des  échanges  de  plants  et 


Le  Préfet  de  Cholon  Do  Huu  PhuoDg  (Cochinchine) 

graines,  en  fournissent  aux  colons  et  leur  donnent  des 
renseignements  précieux  sur  les  cultures  riches.  Ils  se 
tiendront  en  relations  avec  le  jardin  central  colonial  qui 
va  être  créé  à  Vincennes. 

La  Pêche  fluviale  s'exerce  dans  tout  le  pays  par  des 
barques  indigènes. 


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—  41  — 

Pèche  maritime.  —  Des  pêcheries  sont  installées  tout 
le  long  de  la  côte  et  fournissent  chaque  jour  l'intérieur  de 
poisson  frais. 

Tramways.  —  Ils  desservent  Saigon  et  Cholen. 

Les  Chemins  de  fer  fonctionnent  de  Saigon  à  Cholen  et 
Mytho.  On  a  décidé  de  les  poursuivre  vers  Phnômpenh  et 
Battambang,  d'une  part;  et  vers  Hué,  d'autre  part.  On 
conçoit  que  de  Phnômpenh  à  Hanoi  par  Hué,  nos  posses- 
sions doivent  être  reliées  par  une  voie  ferrée.  Le  réseau 
doit  même  s'étendre  à  TOuest  jusqu'à  Chantaboun  et 
Bangkok,  et  à  TEst  et  au  Nord  se  relier  par  le  Tonkin  au 
réseau  franco-chinois. 

La  loi  du  25  décembre  1898  a  pourvu  aux  frais  d'éta- 
blissement des  sections  ferrées  de  Saigon  vers  la  capitale 
de  l'Annam,  et  de  Saigon-Mytho  prolongée  jusqu'à  Vinh- 
Long  et  Cantho. 

Le  premier  de  ces  tronçons,  dit  M.  de  Lanessan,  rappor- 
teur de  la  Commission  parlementaire,  ne  donnera  pas  de 
résultats  pécuniers  avant  longtemps  et  devra  occuper  le 
dernier  rang  dans  Tordre  des  travaux  à  entreprendre. 

Celui  de  Mytho  à  Vinh-Long  transportera  des  voyageurs 
comme  celui  de  Saigon  à  Mytho,  mais  peu  de  marchandises. 
Toute  celte  région  est,  en  effet,  desservie  admirablement 
par  les  vapeurs  fluviaux  et  les  jonques  qui  suffisent  pour 
les  denrées  encombrantes  et  à  bon  marché.  Elle  n'a  aucun 
intérêt  sérieux  et  il  vaudrait  mieux  s'appliquer  à  la  création 
de  la  ligne  ferrée  de  Saigon  à  Phnômpenh,  capitale  du 
Cambodge,  par  Tay-Ninh,  avec  prolongement  ultérieur  sur 
Battambang  et  raccordement  avec  le  projet  siamois  de 
Bangkok  à  Battambang.  Cette  section  doit  être  franco-sia- 
moise, ou  siamoise,  mais  il  ne  faudrait  pas  la  laisser 
concéder  à  une  Compagnie  anglaise,  puisque  la  région  de 
Chantaboun,  de  Battambang,  des  Grands-Lacs  est  réservée 
à  notre  influence  exclusive  par  la  convention  anglo-française 
de  janvier  1896. 


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-  42  - 

On  se  rend  donc  bien  compte  que  les  chemins  de  fer  de 
Cochinchine  n'auront  d'importance  que  s'ils  franchissent 
sea  frontières  de  l'Est  (Annam)  et  du  Nord-Ouest  (Cam- 
bodge et  Siam). 

Télégraphes  et  Postes.  — Tous  les  centres  sont  desservis 
par  des  bureaux  de  plein  exercice.  Le  réseau  terrestre  est 
relié  &  Bangkok  depuis  le  16  juillet  1883,  au  Tonkin 
depuis  1888,  au  Laos  depuis  1894,  au  Cambodge  depuis 
1S68  et  à  la  Chine  depuis  1896. 

En  outre,  des  télégraphes  sous-marins  desservent  Saigon, 
Thuan-An  (Hué),  Haiphong  et  mettent  la  Cochinchine 
en  relations  avec  l'Europe  en  6  heures,  pour  7  francs  le 
mot  sans  maximum. 

Marine  marchande.  —  En  1897,  le  mouvement  de  la 

navigation  du  port  de  Saigon  a  été  de  177  navires  français, 

savoir  ; 

62  vapeurs  de  Messageries  ma-  \  /       Jaugeant 

ritimes /      ,         \     128.000 1. 

/> ,  [  Subven-  )      ^^  ^ -^  ^ 

61  vapeurs  annexes >   .  <      62.880  t. 

ft  j     1     i-i  •   l  tionnés  i 

W  vapeurs  de  la   Compagnie!  I 

nationale /  \      57.780 1. 

248.660  t. 

Contre  296  navires  étrangers,  dont  : 

150  vapeurs  allemands 175.000  t. 

118  vapeurs  anglais 176.000  t. 

28  vapeurs  norwégiens 23.500  t. 

374.500  t. 

Il  faut  y  ajouter,  à  l'entrée,  un  seul  voilier  français, 
contre  11  allemands  et  anglais. 

Le  total  général  du  tonnage  est  de  623.160  tonnes. 

Les  navires  à  vapeur  se  sont  substitués  aux  voiliers.  On 
voit  avec  regret  que  la  plupart  des  navires  marchands, 
autres  que  ceux  des  trois  lignes  subventionnées,  sont  étran- 


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-  43  - 

gers.  Le  fret  varie  pour  Hong-Kong  de  7  à  18  cents  et  pour 
Singapour  de  12  à  20  cents,  pour  Port-Saïd  et  Marseille  de 
40  à  50  francs. 

Services  postaux  maritimes  intérieurs.  —  La  Com- 
pagnie des  Messageries  fluviales  fait  le  service  entre  tous 
les  centres  intérieurs,  outre  les  courriers  de  terre  ou  trams. 


Mytho  en  1863  (Cochinchine) 

Avec  les  centres  extérieurs,  la  môme  Compagnie  lait 
communiquer  Saigon  avec  Battambang  et  bimensuelle- 
ment  avec  Bangkok.  Les  Messageries  maritimes  relient 
Saigon  à  FAnnam  et  au  Tonkin,  à  la  Chine  et  au  Japon, 
à  Java,  à  l'Australie,  à  Singapour  et  à  TEurope,  tous  les 
14  jours. 

Monnaies.  —  Poids  et  Mesures.  —  La  monnaie  est  la 
piastre  mexicaine,  tombée  de  6  fr.  10,  en  1862,  à  2  fr.  35, 
en  1898.  On  n'admet  pas  la  piastre  choppée,  ni  coupée. 
Ses  divisions  sont  les  pièces  argent  de  50  cents,  20  cents, 
10  cents,  les  pièces  de  cuivre  de  1  centième  de  piastre,  et 
de  2  millièmes  ou  sapèque  française  percée  d'un  trou 
carré,  comme  la  sapèque  annamite  de  zinc,  ou  alliage  zinc 


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—  44  — 

et  étaiû.  Cette  dernière  a  disparu  de  Saigon  et  Gbolen, 
mais  sert  dans  Tintérieur,  où  on  la  colporte  en  ligatures 
de  600  sapèques  valant  0  fr.  40. 

L'unité  de  poids  est  le  picul  de  60  k.  400.  Pour  le  riz 
brut,  il  est  de  60  k.  700,  et  à  Cholen  de  68  k.  Pour  les 
autres  denrées,  il  est  de  63  k.  400. 

Crédit  et  Banques.  —  La  Banque  de  Tlndo-Chine, 
fondée  en  1875,  fait  toutes  les  opérations  et  émet  les  billets 
de  iOO,  20  et  5  piastres  admis  partout.  A  Saigon  sont 
établies  en  outre  :  La  Hong-Kong-Shanghai  Banking  Corpo- 
ration, la  Chartered  Bank  of  India,  Australia  et  China  et 
la  Mercantile  Bank  of  India,  London  et  China.  Ces  deux 
dernières  ne  font  que  les  affaires  de  documents.  Le  taux 
de  l'intérêt  varie  de  9  à  12  0/0. 

Les  malabars  (chetties)  prêtent  sur  gages  et  sur  signa- 
tures, surtout  aux  Chinois.  Ils  ont  ainsi  accaparé  les 
terrains  et  les  immeubles.  Les  riches  Annamites  et  les 
Chinois  pratiquent  les  prêts  à  4  0/0  par  mois,  rembour- 
sables en  riz.  L'intérêt  légal  de  12  0/0  l'an  est  plus  que 
sextuplé  et  s'ajoute  au  capital.  La  création  des  prêts  sur 
récolte  par  la  Banque  française  à  15  0/0  n'a  pas  réussi, 
parce  qu'il  eût  fallu  des  agences  privées,  des  prêts  per- 
sonnels et  non  aux  communes,  un  cadastre  et  des  titres 
de  propriété  et  de  succession  mieux  établis. 

Salines.  —  Des  salines  sont  exploitées  à  Baclieu, 
Soctrang  et  Baria.  Ces  dernières  sont  les  meilleures  et  four- 
nissent le  sel  aux  pêcheries  des  grands  lacs  cambod- 
giens. 

Carrières  et  Mines.  —  Les  carrières  de  granit  et  de 
pierres  alvéolaires  de  Bienhoa  servent  pour  les  cons- 
tructions et  les  routes.  Il  n'y  a  pas  de  mines  connues  dans 
ce  terrain  alluvionnaire. 

Industries.  —  Cinq  usines  pour  le  décorticage  du  riz 
avaient  été  fondées  par  des  Européens.  Trois  sont  passées 
en  des  mains  chinoises. 


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-  45  — 

Une  brasserie  de  bière  de  riz,  une  usine  à  glace,  une 
savonnerie,  le  dévidage  de  la  soie,  une  blanchisserie  se 
sont  installées.  Les  usines  à  sucre  de  canne  n'ont  pas 
pu  se  maintenir  parce  que  les  producteurs  indigènes  ne 
purent  fournir  aux  moulins  une  alimentation  suffisante  en 
cannes  à  des  prix  rémunérateurs  pour  l'usinier. 


Entrée  de  la  pagode  cantoonaise  à  Cholon  (Gochinchine) 

La  vannerie  de  rotin  et  bambou  se  fait  dans  les  prisons, 
par  les  indigènes.  Ce  sont  des  articles  soignés,  confec- 
tionnés avec  goût  et  variété  et  très  recherchés  en  Asie  et 
en  Europe. 

Les  industries  annamites  sont  la  distillerie  du  riz,  les 
nattes,  la  fonderie  de  fer  et  bronze,  la  poterie,  la  brique- 
terie, la  chaux,  les  scieries  chinoises,  etc. 

Textiles.  —  Les  filatures  de  soie  n'ont  pu  subsister  à 
cause  de  Tinsuffisance  du  concours  des  producteurs  indi- 


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gènes.  Les  tissus  de  soie  pour  l'étranger  ont  une  valeur  de 
55.000  francs  et  les  nattes  100.000  francs,  à  destination  de 
Chine. 

La  main-d'œuvre  industrielle  indigène  vaut  30  cents 
(1  fr.  au  plus)  par  jour  de  dix  heures.  Les  ouvriers, 
80  cents;  les  mécaniciens,  1  piastre;  les  coolies  des  champs 
hommes,  20  cents;  les  femmes,  16  cents. 

Voies  de  communications  terrestres.  —  La  Colonie 
doit  être  desservie  par  3.000  kilomètres  de  routes  classées, 
en  cours  d'achèvement. 

L'avantage  de  ce  pays,  c'est  qu'il  est  sillonné  en  toics 
sens  par  des  fleuves  et  déS  canaux  qui  relient  tous  les 
centres  et  tous  les  marchés.  Ces  fleuves  communiquent 
entre  eux  et  sont  tous  navigables.  Ce  sont  le  Donaï,  les 
deux  Vaicos,  le  Soi-Rap,  les  Bouches  du  Mékong,  avec 
leur  multitude  d'affluents. 

L'eau  est  mauvaise  et  doit  être  bouillie  ou  alunée  et 
clarifiée,  mais  il  existe  des  puits  d'eau  potable.  Un  château 
d'eau  a  été  édifié  à  Saigon.  On  a  diminué  considérable- 
ment les  maladies  par  la  distribution  d'eau  filtrée,  dans  la 
ville.     • 

Commerce  européen.  —  Il  comprend  aussi  celui  du 
Cambodge  et  se  décompose  ainsi  : 

Importations 58.333.400  fr. 

Exportations 84.375.630  fr. 

Réexportations 868.000  fr. 

Total 143.577.030  fr. 

Plus 25.116.000  fr.de  nu- 
méraire. 

Le  Cabotage  indigène  pour  la  Cochinchine  et  le  Cam- 
bodge, avec  les  pays  voisins,  a  été  en  1896,  de  2.840.000  fr. 
à  l'entrée  et  de  4  millions  à  la  sortie,  total  :  7.840.000  fr. 

Les  Importations  de  France  et  ses  Colonies,  en  1896, 
ont  été  de 22.265.777  fr. 


de  l'étranger  de  .   .   .     29.753.568  fr-  ^      52.019.945  fr. 


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-  47  - 

Sur  ces  52  millions,  il  y  a  18  millions  de  marchandises 
françaises  et  29  millions  de  l'étranger. 

LMmportation  des  tissus  français  de  coton  écru  est 
montée,  de  1895  à  1896,  de  619.200  kilos  à  851.000  kilos, 
les  tissus  blanchis  de  515.000  kilos  à  679.000  kilos.  En 
1897,  le  poids  des  tissus  blanchis  venant  de  l'étranger 
n'est  plus  que  de  588.000  kilos. 

En  valeur,  les  cotonnades  françaises  importées  en  Gochin- 
chine  en  1896,  venant  de  France,  se  montent  à  6.500.000 
francs  et  de  l'étranger  à  9  millions.  On  voit  que  nos  fabri- 
cants ont  encore  un  vigoureux  efifort  à  faire. 

Les  Exportations,  en  1896,  ont  été  (non  compris  les 
destinations  pour  TAnnam-Tonkin)  : 
Pour  France,  et  ses 

Colonies 8.413.132  fr.  ; 

Pour  l'étranger  .    .     70.149.149  fr.  \     ^^'^^^'^^^  ^^ 

Total  général  du  Commerce .   .   .     130.581.626  fr. 

Les  exportations  avaient  été  de  85.245.000  francs  en 

1895.  La  moins-value  est  due  au  manque  de  récolte  des 

riz,  des  poivres,  du  coton  et  de  la  pêche  au  Cambodge. 

Nous  donnons  ci-contre  le  tableau  des  exportations  de 
de  riz  en  1897,  qui  a  atteint  535.637  tonnes  se  répartissant 
ainsi  par  destinations  : 

France 68.567  tonnes 

Colonies  Françaises.  .    .    .       13.669    — 

Ports  d'Europe 60.770    — 

Port-Saïd,  à  ordre  .    ...       74.244    — 
Indes  Néerlandaises    .    .    .      49.167    — 

Singapore 112.701     — 

Iles  Philippines 1.081    — 

Chine 105.6i44    — 

Annam  et  Tonkin  ....        1.474    — 

Inde 2.008    — 

Japon 47.238    — 

535.637  tonnes 


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—  48  — 

La  comparaison  de  ce  total  avec  les  chiffres  afférents 
à  la  dernière  période  décennale  conduit  aux  résultats 

suivants  : 

1888 573.949  tonnes 

1889 523.376  — 

1890 592.538  — 

1891  450.796  — 

1892. 626.528  — 

1893 719.636  — 

1894 567.425  — 

1895 555.851  — 

1896 431.277  — 

1897 535.637  — 

Pour  les  deux  premiers  mois  de  1898,  les  quantités  de 
riz  tît  de  paddy  exportées  s'élèvent  à  83.578  tonnes  contre 
S8.421  tonnes  en  1897. 

La  Législation  commerciale  est  la  même  qu'en  France. 
Mciis  une  réglementation  spéciale  a  été  imposée  aux 
maisons  de  commerce  chinoises.  Quant  aux  tarifs  doua- 
niers de  1892.  ils  viennent  d'être  modifiés  par  deux  décrets 
du  :^9  décembre  189S.  Des  droits  ont  été  établis  à  la  sortie 
lie  rindo-Chine  sur  les  produits  destinés  à  Y  étranger. 

Les  produits  de  TAnnam  et  du  Tonkin,  qu'on  avait  eu  le 
tort  de  taxer  lorsqu'ils  passaient  simplement  d'un  pays 
dans  l'autre,  pourront  circuler  librement  en  Indo-Chine. 

Ce  nouveau  régime  fait  enfin  tomber  les  barrières  inté- 
rieures qui  s'élevaient  entre  les  diverses  parties  de  la  colo- 
nie, ainsi  qu'entre  l'Indo-Chine  d'une  part  et  la  métropole, 
ainsi  que  les  autres  colonies  d'autre  part. 

Désormais,  aux  termes  de  l'article  2,  les  produits  expor^ 
tés  de  rindo-Ghine  à  destination  de  la  France  et  des  colo- 
nies françaises  sont  exempts  de  tous  droits  de  sortie^ 
pourvu  qu'ils  soient  transportés  en  droiture. 

Les  droits  d'entrée  ont  été  relevés,  à  la  môme  date,  pour 
les  produits  étrangers,  importés  en  Indo-Chine. 


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-  49  - 

Nos  produits  destinés  à  notre  colonie  sont  ainsi  mieux 
favorisés.  La  production  et  l'industrie  locales  pourront  se 


développer  avec  avantage.  Il  suffira  de  consulter  ces  deux 
documents  pour  connaître  le  régime  actuel  des  importa- 


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-No- 
tions et  des  exportations,  suivant  les  tableaux  qui  y  sont 
annexés. 

Associalions.  —  Saigon  possède  une  Chambre  et  un 
Tribunal  de  commerce,  une  Chambre  d'agriculture,  des 
associations  nombreuses,  des  cercles,  sociétés  de  courses, 
vélos,  sports,  sociétés  scientifiques,  de  mutualité  et  bien- 
faisance. 

Avenir  du  pays.  —  Le  climat  de  la  Cochinchine  fait 
que  ce  pays  n'est  pas  une  colonie  de  peuplement,  mais 
d'exploitation  et  surtout  agricole.  Saigon  est  loin  de  la 
mer.  Les  grands  paquebots  de  Chine,  sauf  nos  Messageries 
maritimes,  n'y  font  pas  escale.  Mais  Saigon  est  la  clef  du 
Cambodge,  du  Laos,  et  un  grand  entrepôt  de  transit 
commercial.  Le  pays  fait  plus  d'exportation  que  d'impor- 
tation. Son  avenir  réside  dans  le  développement  de  ses 
relations  avec  les  autres  pays  indo-chinois,  ses  voisins 
immédiats^  et  dans  l'extension  de  ses  cultures.  En  1862,  le 
trafic  était  de  5  millions.  Il  est,  en  1898,  de  près  de  150  mil- 
lions. On  voit  par  ces  rapides  progrès  combien  la  Colonie 
a  une  vitalité  propre  et  un  vaste  avenir  devant  elle,  au 
grand  profit  de  la  Métropole,  aux  dépenses  de  laquelle  elle 
contribue  pour  le  Tonkin,  en  ne  lui  coûtant  qu'une  minime 
dépense  de  souveraineté. 

Charles  Lemire, 

Résident  honoraire  de  France. 
(A  suivre,) 


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HENRI  DERNIER 


CHANOINE  D'ANGERS 

fsu%tej 


IV 

Le  CSuré  de  Saumor  (1831-1837) 

Dans  sa  Notice  sur  le  Collège  de  BeaupréaUy  M.  Dernier 
oppose  à  la  description  enthousiaste  de  sa  chère  Vendée  an- 
gevine le  tableau  de  la  région  où  s'écoulèrent  dix-sept  années 
de  sa  «vie,  soit  comme  principal,  soit  comme  curé.  <  Rap- 
prochons-nous de  Saumur,  dit-il,  pour  observer  les  cam- 
pagnes environnantes,  surtout  les  communes  qui  s'étendent 
depuis  la  rive  gauche  de  la  Loire,  jusqu'aux  limites  des 
départements  de  la  Vienne  et  des  Deux-Sèvres.  Nous  trou- 
verons dans  les  villages  et  dans  les  fermes  de  vrais  philo- 
sophes, qui  ont  pris,  nous  ne  savons  pas  où,  leur  philo- 
sophie, mais  à  qui  Voltaire,  Helvétius  et  Michelet  ne 
sauraient  plus  rien  apprendre.  Pour  eux.  Dieu  existe, 
probablement,  mais  ils  ne  le  distinguent  guère  de  la 
nature  ;  ils  sont  presque  panthéistes,  sans  s'en  douter,  et 
leur  religion  est  à  peu  près  nulle.  Ils  ne  sont  pas  bien  sûrs 
d'avoir  une  âme,  et  ils  aiment  à  répéter  :  «  Quand  je  serons 
morts j  tout  sera  mort  » .  Ils  se  mettent  fort  peu  en  peine 
des  commandements  de  Dieu  et  de  l'Église.  Prédisposés  à 
croire  les  plus  grossières  absurdités,  pourvu  qu'on  les 


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débité  avec  assurance,  surtout  quand  ils  y  voient  un  vernis 
d'irréligion,  ils  réservent  pour  les  enseignements  de  leur 
curé  toute  leur  incrédulité  et  toute  leur  défiance.  Ils  sont 
rudes  et  souvent  maussades,  plutôt  que  simples;  leur 
hardiesse  dégénère  en  effronterie;  leur  franchise  ressemble 
trop  à  l'insolence,  et  souvent  elle  masque  la  mauvaise  foi. 
Si  vous  paraissez  être  au-dessus  d'eux,  ne  fût-ce  que  par 
votre  habit,  cela  suffit  pour  qu'ils  vous  suspectent  et  vous 
jalousent,  s^ils  ne  vont  pas  jusqu'à  vous  haïr.  S'il  vous 
prend  envie  de  causer  avec  eux ,  souvenez-vous  que  ces 
esprits  grossiers  ne  peuvent  s'élever  à  aucune  pensée  de 
Tordre  intellectuel  et  moral,  parce  que  chez  eux  il  n'y  a 
que  la  terre  qui  reçoive  une  culture  un  peu  soignée. 
L'instruction  primaire  y  végète  misérablement,  comme 
une  plante  exotique,  et  elle  n'y  produit  que  des  fruits  peu 
abondants  et  bâtards*.  » 

Qui  reconnaîtrait  dans  ce  portrait  Taimable  et  intelligente 
population  saumuroise  ?  Peut-être  fut-il  mieux  ressemblant 
vers  1827  ou  1831;  même  pour  cette  époque,  il  parait 
plutôt  une  caricature,  où  la  main  de  l'auteur,  guidée  par 
une  rancune  amère  et  une  haine  de  race,  a  trop  accusé  les 
traits  universels  du  scepticisme  rural  ou  de  la  crédulité 
populaire.  Quoi  qu'en  ait  dit  M.  Dernier,  tel  n'est  point 
ce  pays,  et  dans  son  irréligion  l'histoire  impartiale  peut 
découvrir  des  circonstances  atténuantes. 

Sans  remonter  au  protestantisme  dont  Saumur  fut  une 
citadelle,  ni  même  au  jansénisme,  la  décadence  religieuse 
de  cette  région  était  sensible  avant  la  Révolution.  Des 
moines  riches  et  philosophes,  des  prêtres  aux  idées  avancées 
avaient  disposé  ce  peuple  à  recevoir  avec  enthousiasme  la 
constitution  civile  du  clergé.  Le  quart  des  ecclésiastiques 
du  diocèse  d'Angers  prêta  le  serment,  mais  les  jureurs 
furent  surtout  nombreux  dans  le  Saumurois.  Les  événe- 

'  NùL  historique,  p.  6. 


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-  53  - 

ments  marchèrent  vite  et  la  Terreur,  qui  9e  fit  sentir  parti- 
culièrement en  Anjou,  poussa  bientôt  nombre  de  curés 
constitutionriels  à  l'abjuration  publique  d'une  foi  dont  on 
leur  faisait  un  crime  et  que  plusieurs,  d'ailleurs,  n'avaient 
plus.  On  en  vit  rendre  leurs  lettres  sacerdotales  avec  une 
fanfaronnade  scandaleuse.  D'autres,  moins  compromis, 
entrèrent  dans  l'arrangement  concordataire.  Nappléon  ne 
voulait  pas  qu'on  leur  demandât  de  rétractation.  Ils  firent  le 
moins  possible  amende  honorable  et  sans  le  vicaire-général 
Meilloc,  ils  l'auraient  complètement  esquivée.  D'aucuns 
n'avaient  pas  vécu  sacerdotalement  pendant  plusieurs 
années,  parfois  pas  môme  philosophiquement.  Coiffés  du 
bonnet  rouge,  quelques-uns  étaient  devenus  dai^s  les  clubs 
des  orateurs  sanguinaires  ou  grotesques,  accusateurs  de 
leurs  anciens  confrères  et  de  leurs  partisans.  En  les  voyant 
reparaître  dans  la  nouvelle  église  comment  le  peuple 
n'eùt-il  pas  été  surpris  ?  Ne  reprenaient-ils  pas  simplement 
un  métier.  Cette  pensée  n'était  pas  de  nature  à  rendre  la 
foi  au  Saumurois  et  cependant  on  y  plaça  tous  les  jureurs. 
Il  fallait  bien  les  mettre  quelque  part  et  la  partie  vendéenne 
du  diocèse  leur  restait  impossible. 

Pour  les  surveiller  dans  leur  quartier,  l'évoque  nomma 
curé  de  Saumur  un  prêtre  aussi  digne  que  capable,  l'abbé 
Forest.  Sa  qualité  d'ancien  émigré  le  fit  mal  accueillir.  On 
ne  parla  rien  moins  que  de  le  jeter  à  la  Loire.  Cependant, 
la  ville  comprit  bientôt  que  le  curé,  par  la  volonté  de 
l'empereur,  était  un  personnage  considérable,  le  sous- 
préfet  de  la  morale  et  du  dogme  traditionnel.  M.  Forest 
acquit  une  grande  autorité.  Il  devint  l'évéque  régional. 
Quand  les  paysans  des  environs  avaient  quelques  griefs 
contre  leurs  propres  pasteurs  ils  leur  faisaient  une  menace 
qui  s'est  longtemps  conservée  :  On  ira  le  dire  au  curé  de 
Saumur! 

La  Restauration  ne  fit  qu'affermir  le  prestige  de  l'archi- 
prôtre.  Toutefois,  malgré  la  protection  officielle  du  gouver- 


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—  84  — 

nement,  Topposition  religieuse  du  pays  pouvait  être 
seulement  contenue  et  non  pas  vaincue.  Un  ami  des 
jésuites  avait  acheté,  en  1825,  la  magnifique  abbaye  de 
Saint'Florent  pour  y  installer  les  Pères  :  il  fut  forcé  d'aban- 
donner son  projet  devant  une  opposition  formidable.  Le 
clergé  séculier  restait  aussi  impopulaire.  Au  sortir  d'une 
oppression  monstrueuse,  l'Église  se  trouvait  non  seulement 
libre,  mais  encore  maîtresse.  La  faveur  royale  réservée  au 
clergé  émigré  ou  nouveau,  les  lois  du  dimanche  et  du 
sacrilège,  Tinstruction  primaire  confiée  aux  évoques,  les 
encouragements  donnés  aux  congrégations  ramenaient  le 
spectre  de  l'ancien  régime.  Toujours  malléable,  le  peuple 
pouvait  se  prêter  à  la  réaction,  acclamer  ses  triomphes, 
dont  le  principal  à  Saumur  fut  la  mission  des  jésuites 
Gloriot  et  Guyon  (1828)  ;  la  classe  aisée  et  la  bourgeoisie 
crevaient  de  rage.  Pour  elles,  la  foi  de  la  populace  était 
sottise  et  lâcheté.  Quand  les  employés  et  dépendants  du 
gouvernement  paradaient  aux  exercices  religieux,  on 
taxait  leur  présence  d'ambition  et  d'hypocrisie.  Les  can- 
tiques qui  célébraient  le  roi  autant  que  Dieu  semblaient 
un  double  défi.  Des  paroles  imprudentes  avaient  blessé 
vivement,  comme  aussi  les  longues  humiliations  inten- 
tionnelles infligées  aux  acquéreurs  des  biens  nationaux. 
Ceux  qui  les  avaient  perdus  et  ceux  qui  n'en  avaient  pas 
acquis  aimaient  à  se  montrer  durs  pour  leurs  voisins 
audacieusement  enrichis  et  hors  du  danger  de  restitu- 
tion. 

Aussi  la  chute  définitive  des  Bourbons  fut-elle  le  signal 
d'une  réaction,  comme  l'avaient  été  lesCent-Jours,  mais  cette 
fois  plus  violente,  puisqu'elle  suivait  une  compression  plus 
longue.  Tandis  que  dans  les  autres  parties  de  l'Anjou  les 
libéraux  en  minorité  durent  modérer  leur  revanche,  les 
Saumurois  purent  s'en  donner  à  cœur-joie.  Abrité  par  les 
murs  de  son  collège,  M.  Bernier  n'aurait  guère  eu  à 
souffrir,  sans  la  vengeance  d'un  ancien  domestique.  Il  en 


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-  85  — 

allait  autrement  pour  le  clergé  paroissial.  A  Saumur, 
Técole  presbytérale  de  M.  Forest,  respectée  par  Tempire, 
fut  supprimée  en  décembre  1830.  On  dut  rentrer  dans 
Téglise  la  croix  élevée  sur  la  place  durant  la  mission.  Le 
vieux  curé,  hanté  par  les  souvenirs  de  son  exil,  mourut 
douloureusement  au  milieu  de  la  révolte  et  fut  enterré 
sans  honneur.  Pour  le  remplacer,  Tévéque  désigna  un 
prêtre  voisin*,  très  honorablement  connu  dans  la  ville.  Le 
gouvernement  refusa  d'agréer  cette  nomination.  Le  curé, 
n'acceptant  la  situation  que  bien  malgré  lui,  ne  se  pressa 
point  de  prendre  possession,  malgré  les  invitations  de 
M*'  Montault.  La  vacance  laissa  toute  liberté  à  la  réaction. 
Les  œuvres  catholiques  de  la  paroisse  subirent  une  crise 
terrible.  Toutes  les  croix  des  environs  furent  abattues  ou 
profanées. 

Telle  était  la  situation  quand  M.  Bernier  se  démit  de  son 
supériorat  du  collège  de  Doué.  Alors  l'évêque  offrit  à  celui 
qu'il  considérait  comme  le  curé  de  donner  sa  démission  et 
de  nommer  à  sa  place  Tex-principal.  L'arrangement  fut 
vite  conclu,  mais  le  gouvernement  ne  montra  pas  de 
meilleures  dispositions.  Plus  décidé  que  son  confrère  et 
suivant  le  conseil  de  M»*"  Montault,  l'abbé  Bernier  résolut 
de  passer  outre.  Il  avait  même  fixé  le  jour  de  son  instal- 
lation quand  arriva  l'acceptation  royale.  La  cérémonie  de 
prise  de  possession  fut  présidée,  le  17  novembre  1831,  par 
M.  Régnier,  vicaire-général. 

Les  Saumurois  ne  tardèrent  pas  à  mettre  à  l'épreuve  la 
patience  de  leur  nouveau  curé.  Il  eut  à  subir  nombre  de  ' 
petites  taquineries,  dont  quelques-unes,  bien  qu'elles 
datassent  de  1830,  n'avaient  point  encore  perdu  leur 
piquant  au  commencement  de  la  troisième  République.  A 
certains  jours  on  décorait  l'église  de  drapeaux  tricolores; 
le  28  juillet,  on  exigeait  un  service  pour  les  victimes  des 

^  M.  Jacques  Lasne^  desservant  de  Saint-Lambert-des-Levées.  Il  fut 
curé  de  Samt-Joseph  d'Angers  de  1835  à  1877. 


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—  56  - 

barricades,  et  chaque  dimanche  un  Domine,  salvum  fac 
regem  dans  le  goût  des  libéraux*,  et  pour  eux  d'autant 
plus  agréable  qu'ils  avaient  eu  grand'peine  à  l'obtenir. 

C'étaient  ces  vexations  usitées  par  toute  la  France  qui 
avaient  arraché  au  jeune  abbé  Lacordaire  une  flère  protes- 
tation :  «  Ils  exigent  de  vous  des  prières  dont  votre  cons- 
cience ne  reste  pas  juge,  et  ils  Texigent  en  n'invoquant 
qu'une  raison,  c'est  que  vous  êtes  payés.  Ils  n'ont  pas 
besoin  d'être  justes  :  vous  êtes  payés.  Ils  n'ont  point  de 

comptes   à  vous  rendre  :  vous  êtes  payés A-t-on 

jamais  traité  des  hommes  avec  plus  de  mépris  ?  Ils 
se  moquent  de  vos  prières,  et  ils  vous  ordonnent  de  les 
chanter.  Si  vous  n'obéissez,  vous  êtes  des  séditieux  à  qui 
le  trésor  sera  fermé;  si  vous  obéissez,  vous  leur  devenez 
si  vils  qu'il  n'y  aura  pas  de  termes,  dans  les  langues, 
pour  exprimer  ce  qu'ils  pensent  de  vous^  » 

Le  suprême  argument  :  Vous  êtes  payés  I  retentit 
bientôt  à  Saumur.  Dans  plusieurs  paroisses  de  la  région 
une  ancienne  coutume  s'est  maintenue  jusqu'à  nos  jours. 


*  L'histoire,  malgré  sa  gravité,  peut  conserver  la  mémoire  de  ces 
luttes. 

Après  la  Révolution  dé  juillet,  on  continua  de  chanter  dans  les 
églises,  selon  le  rit  du  diocèse,  le  Domine^  salvum  sans  nommer  le 
souverain.  Or,  dans  l'intention  des  fidèles,  Regem  désignait  le  Roi,  le 
légitime,  Tunique,  le  Roi  de  droit  divin,  et  non  l'usurpateur.  Pour 
eux  le  chant  était  une  véritable  manifestation.  Les  curés  ne  prirent 
point  le  nouvel  usage  de  la  cathédrale  où,  sur  Tordre  de  Tévéque,  on 
avait  intercalé  dans  Tantienne  le  double  nom  du  roi-citoyen.  Des 
prêtres  avaient  feint  d'accorder  satisfaction  aux  libéraux  en  faisant 
chanter  Domine,  salvum  fac  regem  Philippumj  concession  insidieuse, 
car  le  deuxième  nom  était  le  seul  usité,  en  terme  de  mépris,  par  les 
carlistes.  Et  puis  quelles  plaisanteries  ne  tiraient-ils  pas  de  cet 
accusatif  :  Philippe-pomme ^  Philippe-poire,  Philippe-poireau  î  Pour 
mettre  fin  à  ces  disputes  irritantes,  de  par  le  roi,  Tévéque,  en  sup- 
primant la  procession  du  15  août,  ordonna  d'ajouter  au  verset  les 
noms  du  souverain.  Le  mandement  épiscopal  ne  mit  point  la  paix. 
En  Vendée,  les  carlistes  sortaient  de  l'église  dès  qu  on  entonnait 
Tantienne,  même  là  où  un  seul  chantre  l'exécutait  et  presque  à  voix 
basse.  Ailleurs,  des  philippistes  se  rendaient  à  la  nn  de  la  messe 
pour  constater  leur  triompne  et  parfois  pour  le  renforcer. 

*  L'Avenir  du  27  octobre  1830;  De  la  suppression  du  budget  du 
clergé,  l^  article. 


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—  57  — 

Au  moment  de  Toffertoire  les  assistants  d'une  messe  de 
sépulture  remettent  une  offrande  pécuniaire  au  célébrant. 
Sans  avoir  conservé  tout  le  cérémonial  antique,  du  temps 
de  M.  Bernier  le  don  des  oblations  ne  manquait  pas  de 
grandeur.  Après  Tévangile,  pendant  le  chant  de  Toffer- 
toîre,  le  prêtre  descendait  à  l'entrée  du  chœur,  se  plaçait 
à  la  porte  du  balustre,  tourné  vers  le  peuple,  avec  le  diacre 
à  droite  et  le  sous-diacre  à  gauche.  Alors  tous  les  assistants 
se  présentaient  à  leur  rang  :  la  famille  du  défunt,  les 
principaux  du  deuil,  le  peuple.  Pour  éviter  la  confusion, 
les  fidèles  venaient  du  côté  de  Tévangile;  puis  ils  saluaient 
Fautel  et  le  célébrant,  baisaient  la  paix  que  celui-ci  leur 
présentait,  mettaient  leur  offerte  dans  le  bassin  et  s'en 
retournaient  du  côté  de  Tépltre  en  faisant  des  révérences 
aux  parents  du  défunt. 

Peu  de  temps  après  Tarrivée  de  M.  Bernier,  une  famille 
de  bourgeoisie  perdit  Tun  des  siens.  Quelqu'un  des  parents 
ne  se  souciait  peut-être  pas  de  traverser  toute  Téglise  pour 
aller  saluer  l'autel  et  le  curé.  Ou  bien  la  famille,  jugeant 
comme  un  abus  cette  coutume  de  Tofferte,  pensa-t-elle 
qu'il  lui  serait  glorieux  de  supprimer  délicatement  ce  reste 
d'un  autre  âge  ?  «  Nous  avons  commandé  un  service  de 
première  classe,  fit-elle  représenter  à  M.  Bernier,  avec  un 
luminaire  qui  à  lui  tout  seul  vous  sera  une  bonne  aubaine. 
Mais  il  nous  répugne  d'occasionner  à  ceux  qui  viennent 
nous  témoigner  de  la  sympathie  la  dépense  de  l'offrande. 
Nous  vous  proposons  d'en  racheter  le  deuil,  en  payant  de 
suite  ce  que  vous  voudrez,  ce  que  vous  l'estimerez,  même 
plusieurs  centaines  de  francs.  »  D'ailleurs,  laissait-on 
entendre,  le  curé  s'honorerait  grandement  et  se  concilierait 
l'estime  générale,  en  supprimant  une  coutume  locale  et 
surannée,  ou  tout  au  moins  en  permettant  de  s'en  délivrer, 
moyennant  une  somme  fixée  à  l'amiable. 

—  Je  suis,  répondit  M.  Bernier,  dans  l'impossibilité  de 
changer  de  ma  propre  autorité  une  coutume  régionale,  et 


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mon  exemple  forcerait  la  liberté  des  prêtres  voisins  en 
jouissance  du  môme  usage. 

—  Et  bien,  s'il  n'y  a  pas  moyen  de  s'entendre,  personne 
ne  bougera.  Nous  nuirons  pas  à  l'offerte. 

—  S'il  en  était  ainsi,  je  ferais  continuer  la  messe  basse. 

—  Vous  n'en  avez  pas  le  droit;  le  service  de  première 
classe  est  commandé. 

—  Oui,  mais  dans  cette  première  classe,  l'usage  com- 
prend une  cérémonie  dont  vous  ne  pouvez  vous  dispenser 
sans  rompre  le  contrat  et  me  laisser  juge  des  rites  et  de 
la  police  de  mon  église. 

On  peut  imaginer  l'excitation  produite  dans  la  ville  par 
le  récit  de  cette  conversation  et  la  curiosité  avec  laquelle 
la  nombreuse  assistance  de  la  messe  de  sépulture  attendit 
le  moment  critique.  A  l'offertoire,  M.  Bernier  descendit 
comme  à  l'ordinaire  à  l'entrée  du  chœur.  Personne  ne 
sortit  des  bancs.  La  famille  en  avait  pris  son  parti.  Le 
sacristain  éteignit  les  cierges,  à  l'exception  des  deux 
nécessités  par  les  rubriques,  et  la  messe  s'acheva  sans 
aucun  chant. 

La  victoire  restait  à  M.  Bernier,  mais  à  quel  prix!  Sans 
l'habileté  d'un  vicaire*  qui  s'employa  à  calmer  les  esprits, 
le  curé  aurait  été  obligé  de  donner  sa  démission.  L'effer- 
vescence, entretenue  par  les  événements  politiques,  dura 
tpute  l'année  1832.  Cette  année,  le  département  de  Maine- 
et-Loire  fut  mis  en  état  de  siège  durant  les  mois  de  mai  et 
de  juin.  On  n'entendait  parler  que  de  curés  dénoncés  pour 
embauchage  de  chouans,  puis  de  prêtres  emprisonnés, 
arrestations  qui  se  terminèrent  pour  la  plupart  par  des 
ordonnances  de  non-lieu.  Parfois,  l'arrivée  et  le  passage 
de  prisonniers  politiques  donnèrent  lieu  à  des  scènes 
hideuses,  et  la  surexcitation  de  la  petite  ville  empêcha, 
paralt-il,  le  gouvernement  de  confiner  dans  le  château  la 

«  M.  Coûtant. 


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duchesse  de  Berry  —  Caroline  Berry  —  comme  disaient 
les  philippistes  du  pays.  La  nouvelle  monarchie  devenait 
cependant  de  plus  en  plus  forte  et  tâchait  de  remettre  à 
l'ordre  les  alliés  trop  avancés,  dont  elle  avait  honte,  et  à 
qui,  pourtant,  elle  était  si  redevable. 

1832  fut  encore  la  date  d'une  grande  victoire  des  libé- 
raux saumurois.  Depuis  une  dizaine  d'années,  ils  s'effor- 
çaient d'établir  dans  leur  ville  une  école  mutuelle.  Ils 
réussirent  enfin  à  cette  époque*,  grâce  à  une  souscription 
publique  à  la  tête  de  laquelle  se  placèrent  les  députés 
Benjamin  Delessert  et  Félix  Bodin,  et  même,  pour  deux 
cents  francs,  le  duc  d'Orléans.  Toutefois,  le  Conseil  muni- 
cipal, réglant  le  budget  de  1833,  avait  alloué  une  somme 
de  1.200  francs  à  l'école  catholique  établie  par  M.  Forest. 

En  vain,  dans  une  délibération  subséquente,  le  vote  en 
faveur  des  Frères  fut-il  maintenu;  l'autorité  supérieure 
rejeta  l'allocation.  A  partir  du  l**"  janvier  1833,  les  Frères 
ne  reçurent  plus  aucun  secours  de  la  commune.  Bien  plus, 
leur  local  fut  livré  peu  de  temps  après  à  l'école  mutuelle. 
L'établissement  ne  pouvait  donc  se  maintenir  qu'au  moyen 
d'une  souscription  dont  le  montant  devait  entretenir  quatre 
instituteurs  et  leur  procurer  une  maison  à  loyer.  M.  Ber- 
nier  lança  en  leur  faveur  une  circulaire^  dont  le  succès 

*  En  quelques  jours,  le  nombre  des  élèves  monta  à  245. 

*  Elle  n*a  pas  encore  perdu  tout  son  intérêt,  tellement  longues 
sont  les  misérables  querelles  où  se  consume  l'activité  de  la  France. 
«  La  méthode  des  Frères,  disait  M.  Bernier,  a  un  avantage  incon- 
testable :  c'est  de  graver  profondément  la  morale  dans  le  cœur  des 
enfants,  au  moyen  d'un  langage  approprié  à  la  capacité  de  chaque 
élève,  insinuant,  varié  sous  mille  formes  et  d'autant  plus  persuasif. 
Que  les  instituteurs  le  soutiennent  par  un  langage  d'action  et 
d'exemple;  moyen  bien  plus  efficace,  il  faut  en  convenir,  pour  former 
un  jeune  cœur,  que  des  évolutions  et  des  mouvements  tout  méca- 
niques. 

€  Si  l'Ecole  chrétienne  de  Saumur  est  détruite,  plus  de  deux  cents 
familles  seront  désolées;  et  ceux  qui  comptent  pour  quelque  chose 
les  droits  et  les  affections  de  la  paternité  ne  verront  pas  sans  regret 
tant  de  citoyens  frustrés  d'une  liberté  qui  leur  est  si  précieuse  :  celle 
de  donner  a  leurs  enfants  des  maîtres  de  leur  choix. 

«  Souscrire  pour  les  Frères  sera  donc  une  œuvre  éminemment 


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permît  de  louer  un  immeuble  pour  y  installer  les  classejs  et 
un  autre  pour  loger  les  Frères.  Bientôt  après,  une  veuve* 
donna  sa  maison  pour  l'école.  Cette  générosité  n'empêcha 
pas  la  curé  de  lutter  encore  pour  assurer  la  subsistance  des 
instituteurs,  bien  plus  pour  défendre  leur  méthode. 
Les  libéraux  étaient  alors  dans  l'engouement  pour  l'ensei- 


utile.  Il  m'importe  peu  de  savoir  quelles  sont  les  opinions  de  ceux  à 
^ui  je  la  propose,  parce  que  la  religion  et  la  morale,  que  cette  œuvre 
ititérosse,  sont  en  dehors,  ou  plutôt  au-dessus  de  toutes  les  opinions; 
et,  du  reste,  s'ils  s'en  trouvait  une  dont  le  progrès  pût  être  compro- 
mis par  l'enseignement  des  préceptes  évangéliques,  elle  serait  par  là 
même  démontrée  absurde  et  anti-sociale. 

*  Je  ne  balance  pas  à  proposer  cette  bonne  œuvre  aux  souscripteurs 
pour  TEcole  mutuelle.  S'ils  ont  souscrit  dans  la  conviction  que  l'en- 
seignement mutuel  l'emporte  sur  celui  des  Frères,  ils  ne  renonce- 
ront pas  volontiers  au  glorieux  triomphe  que  la  concurrence  procu- 
rerait à  l'institution  qui  leur  est  chère;  ils  trouveront  plus  noble  de 
laisser  les  Frères  s'engager  dans  une  lutte  qui  doit  prouver  leur 
infériorité,  que  de  les  exclure  du  champ  par  force  majeure,  ou  de 
les  affamer  pour  les  obliger  à  en  sortir  sans  combat. 

«  S'ils  ont  souscrit  dans  le  désir  de  voir  s'établir  une  heureuse 
émulation,  ou  bien  pour  que  les  familles  pussent  choisir  entre  les 
deux  méthodes  et  faire  instruire  leurs  enfants  selon  leur  goût  et 
leurs  idées,  leur  raison,  qui  ne  peut  pas  avoir  deux  poids  et  deux 
mesures,  appliquant  ces  mêmes  principes  à  l'Ecole  chrétienne,  les 
conduira,  par  une  conséquence  rigoureuse,  à  souscrire  pour  cette 
Ecole. 

*  Quelques  souscripteurs  n'auraient-ils  été  que  des  complaisants? 
Leur  complaisance  n  est  pas  épuisée,  je  pense.  Ils  sauront  en  user 
dans  une  circonstance  où  elle  s'ennoblira,  en  prenant  un  caractère 
de  j^^énérosité  et  môme  d'indépendance  ;  car  il  est  bien  clair  qu'en 
souscrivant  pour  les  Frères,  sur  la  proposition  d'un  prêtre,  ils  ne 
céderont  ni  a  la  mode  qui  entraîne,  ni  au  crédit  et  à  la  faveur  qui 
séduisent,  ni  à  l'autorité  ^ui  impose,  mais  bien  au  désir  très  louable 
d'être  agréables  et  utiles  à  deux  cents  familles  peu  fortunées. 

(t  La  crainte  d'être  mal  noté,  m'a-t-on  dit,  empêchera  beaucoup  de 
personnes  de  souscrire  et  suffira  toute  seule  pour  vous  faire  échouer. 
J'ai  répondu  que  personne  ne  peut  voir  du  danger  à  entrer  dans  les 
voies  ouvertes  par  l'honorable  administration,  qui,  tout  dernièrement 
encore,  a  voté  des  fonds  pour  l'Ecole  chrétienne;  que  certaines 
uali  fi  cations,  mal  définies  et  devenues  banales,  n'inspirent  plus  que 
u  mépris  à  ceux  qui  en  sont  l'objet;  que  la  souscription  en  faveur 
des  Frères  ne  motiverait  pas  mieux  l'imputation  de  carlisme  ou  de 
jésuitisme,  que  la  souscription  pour  l'École  mutuelle  ne  motive 
rimputation  de  républicanisme  ou  d'impiété;  enfin  que  la  famille 
saumuroise,  dans  laquelle  je  me  félicite  d'être  venu  prendre  place, 
n'est  point  travaillée  par  des  divisions  profondes,  et  que  je  n'y  vois 
pas  de  ces  haines  atroces  qui  s'irritent  de  tout  et  qui  font  arme  de 
tout-  n 

*  Mme  Oudry. 


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—  61  — 

gnement  mutuel.  Il  D*y  avait  point  de  naïveté  et  de  para- 
logisme qu'ils  ne  débitassent  en  sa  faveur.  c<  En  France, 
dit  à  ce  propos  M.  Gréard,  les  esprits  généreux  ne  doutent 
jamais  de  Tefficacité  des  réformes  dont  ils  souhaitent  le 
succès.  Nous  jetons  d'un  seul  coup  tout  notre  cœur  et  toute 
notre  raison  du  côté  où  nous  entraînent  nos  désirs  et  nos 
espérances,  i  En  réalité,  sous  des  questions  pédagogiques 
se  cachait  Tantagonisme  du  parti  de  la  sécularisation  de 
l'école  avec  l'enseignement  catholique.  N'ayant  point  assez 
d'institeurs  teïques  à  opposer  aux  Frères,  les  libéraux  se 
trouvèrent  conduits  à  l'essai  d'un  autre  système  d'ins- 
truction. Au  mode  simultané,  ils  opposèrent  le  mode 
mutuel.  Cette  guerre  scolaire,  une  des  formes  de  la  grande 
lulte  politique,  s'étendit  partout  où  était  vive  la  dispute 
des  partis.  Saumur  n'y  pouvait  échapper.  Dans  sa  circu- 
laire, M.  Dernier  n'avait  pas  craint  de  faire  l'éloge  de  la 
méthode  des  Frères,  vivement  attaquée.  Un  jeune  avocat 
lui  répondit*.  Ce  fut  le  commencement  de  nouvelles 
batailles.  Gomme  on  était  alors  dans  l'intégralité  des  obser- 
vances de  l'enseignement  mutuel,  le  féroce  bon  sens  du 
curé  trouva  une  ample  matière  à  s'exercer  sur  tout  ce  qu'il 
y  avait  de  creux,  de  faux  et  dangereux  dans  le  système. 
Puis  la  loi  du  28  juin  1833  sur  l'instruction  primaire  vint 
élargir  le  champ  de  la  discussion. 

La  fin  du  ministère  de  M.  Bernier  fut  moins  agitée.  Les 
esprits  se  calmaient  et  les  voltairiens  les  plus  décidés 
n'osèrent  point  s'attaquer  à  un  polémiste  si  redoutable, 
aux  réparties  caustiques  et  toujours  prêt  à  la  lutte.  La  fon- 
dation d'un  asile  pour  les  petites  filles  abandonnées,  puis 
d'un  monastère  du  Bon  Pasteur  absorbèrent  la  plus  grande 
partie  de  ses  loisirs  dans  les  années  1834  à  1837.  Ces  deux 
œuvres  méritent  un  chapitre  particulier.  Quelques  autres 
détails  achevèrent  le  récit  de  cette  vie  pastorale. 

*  Prou  (Charles-Emile),  né  à  Beaupréau  le  19  janvier  1815,  mort  à 
Angers  le  5  janvier  1865. 


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—  62  — 

L'un  des  premiers  soins  de  M.  Dernier,  en  arrivant  dans 
sa  paroissse,  fut  d'organiser  le  service  de  secours  pour  les 
pauvres  depuis  longtemps  négligé.  Une  vieille  fille  en  avait 
été  chargée  après  la  Révolution.  Trop  fatiguée,  elle  ne 
pouvait  plus  s'acquitter  convenablement  de  sa  besogne. 
Le  curé  invita  quelques  dames'  à  l'aider,  puis  à  la  rem- 
placer. Chacune  eut  son  quartier.  Comme  l'arrangement 
était  nouveau,  il  rencontra  beaucoup  d'obstacles  et  suscita 
de  vives  récrimininations.  La  cure  n'en  resta  pas  moins  le 
centre  de  l'assistance  charitable.  Quoique  sans  fortune  et 
accablé  de  charges  de  famille,  M.  Bernier  donnait  beaucoup, 
autant  que  possible  proportionnellement  aux  besoins  réels 
des  solliciteurs  et  de  ceux  dont  il  savait  adroitement 
deviner  les  misères  secrètes.  Des  paroles  d'un  intérêt  véri- 
table et  des  conseils  judicieux  accompagnaient  toujours 
ses  aumônes.  Il  montrait  aussi  beaucoup  de  foi  et  d'habi- 
leté dans  sa  manière  de  toucher  le  cœur  de  ses  riches 
paroissiens  pour  s'en  faire  aider  à  soulager  l'infortune. 

Ce  fut  surtout  pendant  l'épidémie  du  choléra  (août- 
septembre  1832)  que  se  manifestèrent  l'intelligence  et 
l'activité  de  cette  charité  pastorale.  Les  vicaires  rivali- 
sèrent de  zèle  avec  le  curé,  et  les  dames  de  charité 
secondèrent  si  bien  le  clergé  qu'un  tel  dévouement  fit  du 
moins  tomber  quelques  préventions  contre  la  religion. 
Cependant  le  curé  se  montra  toujours  le  plus  empressé  et 
le  plus  assidu  de  tous.  Il  faisait  plusieurs  visites  par  jour 
au  quartier  de  Fenet,  particulièrement  ravagé  par  le  fléau, 
en  raison  de  l'agglomération  et  de  la  misère  des  habi- 
tants. 

La  charité  envers  le  prochain  doit  être  la  manifestation 
de  l'amour  de  Dieu.  Aussi  M.  Bernier  se  préoccupa-t-il 
d'avoir  des  foyers  de  piété  dans  sa  paroisse.  Il  établit  la 
confrérie  du  Rosaire  et  apporta  tous  ses  soins  à  celle  du 

*  M™®  Mayaud  mère,  Mïi««  Brazille,  Ghaloppin,  Jamet  et  Leguay. 


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-  63  - 

Saint-Sacrement  établie  en  1602.  II  s'occupa  surtout  de  la 
congrégation  de  demoiselles  établie  à  la  suite  de  la  mission 
de  1828.  Les  jésuites  n'avaient  pu  qu'ébaucher  cette  œuvre 
d'une  nature  toute  nouvelle  pour  Saumur  et  les  événements 
politiques  l'ébranlèrent  fortement.  M.  Dernier  la  reprit  et 
la  consolida.  Avec  tact  et  prudence,  il  commença  par 
mettre  en  exercice  un  règlement,  puis  il  sollicita  une  affi- 
liation à  Rome  pour  gagner  de  riches  indulgences.  Cette 
société  lui  était  si  chère  ;  il  y  plaçait  de  si  grandes  espé- 
rances pour  la  reconstitution  de  foyers  chrétiens,  que 
chaque  jour  il  se  rendait  à  la  chapelle  de  la  congrégation 
donner  une  allocution  familière. 

L'instruction  religieuse  lui  paraissait  une  véritable  néces- 
sité, le  premier  de  ses  devoirs,  un  de  ceux  dont  il  ne  pouvait 
se  décharger  que  sur  une  personne  parfaitement  compé- 
tente. Il  aurait  désiré  trouver  une  pieuse  laïque  capable  de 
faire  les  classes  de  religion  dans  les  pensionnats  féminins. 
Mais,  ne  croyant  môme  aucune  congréganiste  capable  de 
cette  lâche,  il  la  garda  pour  lui  et  l'accomplit  régulière- 
ment une  fois  par  semaine. 

Pour  ses  instructions  paroissiales,  il  alternait  avec  ses 
vicaires.  Ses  auditeurs  le  goûtaient  pour  sa  clarté,  sa  sim- 
plicité et  ses  conseils  pratiques.  Parfois  même,  ils  étaient 
profondément  remués,  quoique  le  curé  ne  fît  point  appel  à 
la  sensibilité  dont  Témotion  reste  d'ailleurs  souvent  stérile. 
En  chaire,  comme  dans  sa  polémique  ordinaire,  M.  Dernier 
savait  surtout  exposer  et  défendre.  Des  officiers  de  TÉcole 
de  cavalerie,  ayant  entendu  dire  qu'il  devait  prêcher  sur 
le  mystère  de  la  Trinité,  résolurent  d'aller  l'écouter,  toute- 
fois en  évitant  d'être  aperçus  du  prédicateur.  Le  Curé  fut 
averti  de  leur  projet.  «  J'assistais  à  ce  sermon,  racontait 
un  témoin  compétent  ;  je  n'ai  rien  entendu  ni  lu  sur  la 
matière  qui  fût  aussi  net  et  aussi  fort.  Comme  il  y  avait  dans 
sa  physionomie,  déjà  si  expressive,  et  dans  son  accent 
quelque  chose  d'extraordinaire,  je  ne  pus  m'empêcher  de 


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1 


—  64  — 

lui  en  faire  la  remarque.  Alors  il  me  dit  :  c  lis  étaient  der- 
rière des  piliers  »,  et  me  narra  l'affaire. 

N  ayant  point  fait  la  part  au  feu  de  Timpiété,  il  saisissait 
toutes  les  occasions  de  parler  religion  avec  les  hommes. 
La  netteté  de  son  argument,  la  facilité  avec  laquelle  il  accep- 
tait toutes  les  objections  tirées  de  Voltaire,  lecture  habi- 
tuelle des  bourgeois  de  la  ville,  Tà-propos  de  ses  ripostes, 
lui  concilièrent  une  grande  considération,  comme  aussi  la 
pureté  et  la  vivacité  de  son  zèle  et  la  dignité  de  sa  vie. 

Mais,  quand  il  fut  enlevé  à  sa  paroisse,  les  familles  légiti- 
mistes, qui  seules  Taimaient,  le  regrettèrent  seules.  Pour  la 
majorité  de  ses  paroissiens,  son  départ  fut  ce  qu'est  pour 
des  écoliers  indisciplinés  celui  d'un  régent  respectable, 
mais  ferme  et  dur.  Dans  un  temps  de  réaction  où  tout 
prêtre  était  impopulaire  à  Saumur,  où  tout  curé  de  la 
paroisse  principale  devait  l'être  encore  davantage,  il  ne  le 
fut  probablement  pas  plus  qu'un  autre  n'eût  été  à  sa  place, 
et  il  sut  bien  défendre  la  foi  constamment  attaquée. 


(A  tuivrej 


A.    HOUTIN. 


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ENTRE 

LOUIS  XllI  ET  MARIE  DE  MÉDICIS 

(iei9-1620) 


CHAPITRE  IX 
l'entrevue  de  brissag 

EnireTue  de  Louis  XIII  et  de  Marie  de  Médicis  sur  la  route  des 
Ponts-de-Cé  à  Brissac  ;  leurs  premiers  colloques  et  réception  de 
la  Reine-Mère  au  ch&teau  de  Brissac.  —  Célébration  religieuse 
de  leur  réconciliation  en  Téglise  de  Brissac.  —  La  «  Déclaration 
d'innocence  ».  —  Soumission  du  comte  de  Soissons.  —  Atti- 
tude, physionomie  et  calculs  du  duc  d'Épemon  ;  son  entreprise 
aTortée  sur  Saintes  ;  sa  marche  en  Limousin  ;  députation,  vers 
lui,  de  rarcheyèque  de  Sens  et  de  Bellegardei  leurs  offres,  son 
ralliement.  —  Attitude  du  duc  de  Mayenne  ;  il  fait  face  en 
Guyenne  aux  diversions  de  Themines  et  assiège  Moissac;  ses 
appels  au  duc  d'Épemon  rejetés  ;  captations  et  arances  tentées 
sur  lui  par  Louis  XIII  ;  son  ralliement.  —  Concert  entre  Agrippa 
d'Aubigné  et  Rohan  pour  la  marche  en  commun  sur  Paris  ; 
défection  d'Agrippa  d*Aubigné.  —  Attitude  de  La  Trémouille  ; 
arance  épistolaire  de  Louis  XIII  aux  La  Trémouille  ;  Duplessis- 
Momay  interpose  entre  le  roi  et  lui  ses  austères  consultations  de 
tutelle  et  sa  diplomatie  de  tiers-parti,  assistance  qu'en  cela  lui 
offrent  la  duchesse  douairière  de  La  Trémouille  et  Condé; 
démarche  de  soumission  de  la  municipalité  de  Thouars  à  Brissac  ; 
démarche  de  ralliement  de  La  Trémouille  à  Montreuil-Bellay  ; 
accueil  qu'il  y  reçoit  de  Louis  XIII.  —  Conclusion  à  Brissac  du 
mariage  de  M^lo  de  Poncourlay  avec  le  marquis  de  Combalet; 
calculs  réciproques  qui  y  déterminèrent  Richelieu  et  Luynes  ;  le 
cardinalat  et  la  connétablie  ;  déceptions  de  Richelieu  et  ses  ran- 
cunes contre  Luynes  ;  rupture  des  fiançailles  de  M^  de  Pont- 

'  y.  les  livraisons  de  juillet-août,  septembre-octobre,  novembre- 
décembre  1888;  janvier-février,  mars-avril,  septembre-octobre, 
novembre-décembre  *  1890  ;  juillet -août ,  septembre-octobre  1891; 
novembre-décembre  1892;  janvier-février,  mars-avril  1893;  mai-juin, 
juillet-août  1894;  janvier-février,  mai-juin  1896;  novembre-dé- 
cembre 1897;  mars-avril,  juillet-août  1898. 


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-66  - 

courlaj  avec  Hippoljte  de  Béthume  ;  rôle  de  sanctification  em- 
brassé par  la  duchesse  d'Aiguillon  dans  la  carrière  de  Richelieu. 
—  Adieux  de  Louis  XIII  et  de  Marie  de  Médicis.  —  Rappel  et  ren- 
trée à  Angers  de  Lanier,  sa  justification.  —  Réception  des  Ange- 
vins 4  Brissac.  -^  Retour  à  Angers  de  ^arie  de  l^édicis;  rfx^s 
de  corps-de-garde,  raTitaillement,  invasion  de  l'Hôtel-Dieu  par 
les  blessés  du  combat  des  Ponts-de-Cé  ;  réveil  de  panique  chez  les 
Angevins.  —  Détournement,  par  Técheviii  Marchand,  des  armes 
de  la  ville  ;  soupçons  et  cons^tation  de  son  délit  ;  dernier  retour 
de  panique  chez  les  Angevins  ;  leur  colère  ;  invasion  du  logis  de 
Marchand  ;  intervention  salutaire  de  Lanier  en  sa  favenr  ;  mesures 
et  démarches  réparatrices  de  Marie  de  Médicis  et  de  Richelieu  en 
faveur  des  Angevins  ;  leur  adieu  glacial  à  la  Reine-Mère  et  leur 
mécontentement  contre  elle  ;  ses  titres  à  une  réhabilitation  de  sa 
mémoire  dans  la  postérité.  —  Richelieu  accusé  de  trahison; 
source;  date  et  ixifluence  de  ce^  accusations  j  réstctpn  de  justjce 
pn  sa  faveiir.  t-  {{.éfut^tion  de  divers  chefs  d'accusation  :  il  |i'a 
p$$  complpté  Tj^ssassinat  de  Concini  ;  il  n'a  été  ni  par  vengeance, 
ni  par  calcul,  le  prozpoteur  de  la  guerre  civile  ;  sa  prétendue  tra- 
hison n'a  fai^  aupun^  victime  ni  en  Marie  de  Médicis,  ni  en  aucun 
des  grfuids  rebelles  ;  griefs  personnels  de  Matthieu  de  Mourgueç  ; 
silenpe  de  l'état-majoi  fie  la  J^ine-Mère  sur  cette  prétendue  tra- 
hison ;  ^iphelieu  n'^  écarté  d'auprès  de  M^ne  de  Médicis  ni 
Rohai^,  Qi  Épemqp,  ni  Majenne  ;  sur  cette  prétendue  trahison. 
Traie  date  des  récriminations  de  la  Reinf^-Mère.  —  Yrais  titres  de 
Richelieu  au  culte  des  Angevins. 

Dès  qu'au  ohàteau  de  Brissac  Louis  XIII  eut  été  averti 
de  racheminement  de  sa  mère  vers  lui,  il  lui  avait  envoyé 
aux  Ponts-de-Cé,  pour  raccompagner  de  là  jusqu'au  ter^pe 
de  son  voyage,  le  maréchal  de  Praslin  et  Ba8sqinpierr0, 
avec  une  escorte  de  500  cavaliers.  Plus  loin,  entre  les 
Ponts-de-Çé  et  Brissac,  à  son  toi|r  Taltendait  le  frère  de 
Luynes  Brantes,  à  qui  la  récente  érection  dp  sa  dot  n^^tri- 
moniale  en  duché-pairie  venait  de  conférer,  comme  pour 
mieux  rehausser  sa  démarche,  le  titre  de  duc  de  Luxem- 
bourg. Puis  enfin  (^Quis  XIIJ  lyf-môme,  le  jeudi  13  août, 
vers  quatre  heures  du  soir,  avec  le  duc  d'Anjou,  Condé  et 
Lqynes  et  5W0  gentllehomn^es,  s'était  avancé  au-devant  de 
sa  mère  jusqu'à  un  quart  de  lieue  de  Brissac.  Dès  que  lui 
apparut  là,  à  quarapte  pas  de  lui,  Mari^  de  Médicis,  eu 


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-  67  - 

s^  litière  qu'accompagnaient  les  Soissons,  Vendôme  et  la 
duchesse  de  Nemours  avec  un  cortège  de  500  cavaliers, 
Louis  XIII  mit  pied  à  terre  pour  raborder.  Elle  de  son  côté 
descendit  en  étendant  les  bras  vers  lui.  Puis,  lorsque,  à 
travers  le  débordement  d'une  foule  qu'on  ne  put  maintenir 
en  haie  sur  leur  passage,  ils  se  furent  à  grand'peine 
rejoints,  et  dès  que,  à  ce  moment,  Marie  de  Médicis  eut 
levé  son  masque,  Louis  XIII  l'embrassa  et  lui  dit  en  ri^nt  : 
«  Je  vous  tiens.  Madame,  vqus  ne  m'échapperez  plus,  i  r— 
€  Et  vous  n'aurez  pas  non  plus  grapde  peine  à  me  retenir  », 
répliqua  aussitôt  la  Reine-Mère  attendrie  jusqu'aux  larmes, 
c  puisque  mon  dessein  est  conforme  à  votre  désir.  Je  suis 
bien  résolue  à  ne  vous  plus  quitter,  car  je  me  flatte  qqe 
je  serai  traitée  et  considérée  comme  une  mère  doit  l'être 
par  un  fils  tel  que  vous  ».  Sans  s'étonner  de  voir  percer  à 
travers  les  effusions  d'abordée  cette  revendication  d'égards 
quelque  peu  haute,  mais  qu'il  pardonnait  à  celle  qui  se 
redonnait  à  lui  en  faveur  de  l'intégrité  de  soi)  retour, 
Louis  XIII  présenta  à  Marie  de  Médicis  tout  son  entourage, 
à  commencer  par  son  frère  Gaston,  qu'elle  embrassa  deq^ 
fois.  Passant  de  là  à  Condé,  à  cet  Henri  de  Bourbon  qui, 
de  par  les  prérogatives  du  sang  royal  et  jusqu'à  travers 
l'âcreté  de  ses  éruptions  finales  lui  avait  paru  au  n^oins  un 
ennemi  digne  d'elle,  elle  l'honora  d'une  ouverture  d'accueil 
tranchant  avec  la  réserve  d'un  premier  contact  avec  le 
promoteur  subalterne  de  sa  disgrâce  ;  car,  lorsqu'à  son  tour 
Luynes,  s'approchant  d'elle,  eut  baisé  le  pan  de  sa  robe, 
elle  ne  l'accueillit  qu'avec  une  révérence  grave*.  Puis, 
après  cette  seule  infraction, d'ailleurs  passagère,  à  la  détente 
générale,  Louis  XIII,  une  fois  rentré  en  possession  de  sa 
mère,  remonta  avec  elle  dans  son  carrosse  et  reprit  la  tôte 
du  cortège  qui  les  suivait  à  Brissac. 

^  Déjà,  à  la  rencontre  aux  Ponts-de-Cé  du  frère  de  Luynes 
Bnuktes,  Marie  de  Médicis  avait  maintenu  devant  lui  son  masque 
badssé,  sans  rhonorer  qu'à  peine  d'une  révérence  perceptible. 


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Arrivé  devant  le  perron  du  château,  Louis  XIII  prit  sa 
mère  par  la  main  pour  l'embrasser  de  nouveau,  y  entra  avec 
elle  et  la  conduisit  à  Tappartement  qu'il  avait  occupé  jus- 
qu'ici et  qu'il  lui  cédait  comme  le  plus  digne  de  la  recevoir. 
Mais  Marie  de  Médicis  n'y  prit  qu'à  peine  un  peu  de  repos, 
avant  d'aller  dans  une  pièce  voisine  rejoindre  Louis  XIII, 
assisté  seulement  de  Condé  et  de  Luynes.  Là  s'échangèrent 
durant  une  demi-heure  avec  ces  deux  derniers,  et  durant  une 
heure  avec  Condé  seul,  des  explications  dont  rien  n'a  trans- 
piré*, mais  qui  rompirent  les  dernières  glaces  *  et  qui  réta- 
blirent entre  eux  et  autour  d'eux,  durant  tout  le  séjour  à 
Brissac  de  la  maison  royale,  unelarge  cii^culation  d'effluves. 
Aussi,  au  sortir  de  ce  colloque  décisif,  on  vit  Louis  XIII offrir 
tendrement  le  bras  à  sa  mère  pour  passer  ensemble  dans 
la  salle  des  festins,  où  ils  soupèrent  avec  Condé,  la  comtesse 
de  Soissons,  les  Vendôme  et  les  Nemours.  Puis,  dès  au  sor- 
tir de  table,  la  mère  et  le  fils  congédièrent  toute  interposi- 
tion d'escorte  et  d'assistance  ;  et  Louis  XIII,  abordant  sa 
dernière  phase  de  réconciliation,  reconduisit  sa  mère  jus- 
qu'à sa  chambre,  pour  y  passer  la  soirée  seul  avec  elle*. 


'  Tout  ce  que  Ton  a  conjecturé  de  ce  long  colloque,  c'est  que 
Louis  XIII  et  Marie  de  Médicis  j  confirmèrent  leurs  engagements 
réciproques  du  traité  des  Ponts-de-Cé.  Du  reste,  il  n'existe  mal- 
heureusement «  «U  chartrier  de  Brissac,  nulle  trace  de  la  mémorable 
entrevue  de  ses  augustes  hôtes.  Hors  des  chroniques  et  des  mé- 
moires contemporains  nous  n'arons  là-dessus  de  révélations  plus 
intimes  que  ce  que  nous  fournit  (Bibl.  nat.  fr.,  3812)  la  correspon- 
dance de  Louis  XIII  avec  celui  des  ducs  de  Brissac  (retenu  alors 
dans  son  gouvernement  de  Bretagne)  dont  il  empruntait  la  magni- 
fique hospitalité. 

*  Le  cardinal  de  Retz  seul  essuya  le  mauvais  visage  de  Marie  de 
Médicis  qui,  malgré  ses  dénégations,  demeura  invinciblement  per- 
suadée de  sa  complicité  dans  les  défections  de  son  neveu  au  combat 
des  Ponts-de-Cé.  —  D'autre  part,  à  travers  l'empressement  de  ses  obsé- 
quiosités, Condé  ne  put  s'interdire  envers  Marie  de  Médicis  quelques 
bravades  comminatoires,  dans  l'éventualité  d'une  récidive  de  révolte. 

'  Ce  fut,  suivant  les  uns,  dans  une  des  chambres  du  ch&teau  de 
Brissac  appelée  Chambre  Judilh,  suivant  d'autres,  dans  l'embrasure 
d'une  des  fenêtres  de  la  salle  des  gardes,  que  Louis  XIII  et  sa 
mère  consommèrent  ainsi  la  réconciliation  ébauchée  sur  la  route  des 
Ponts-de-Cé  à  Brissac. 


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En  sMsolaDt  de  leur  entourage  officiel,  le  fils  et  la  mère 
ne  retenaient  avec  eux  et  n'admettaient  plus  entre  eux 
deux  que  cette  religion  qui,  après  avoir  enfanté  leur 
concorde  dans  la  diplomatie  sacerdotale  et  avant  de  la 
féconder  dans  Tapostolat  d'une  guerre  sainte,  la  voulait 
sceller  dans  sa  vertu  sacramentelle.  Le  surlendemain,  15 
août,  en  Téglise  paroissiale  de  Brissac,  Louis  XIII  et  sa 
mère  fêtèrent  TAssomption  en  communiant  Tun  auprès  de 
l'autre  ;  puis  ils  entendirent  un  sermon  du  Père  Arnould, 
qui  prêcha  sur  cette  Marie  si  tranquillement  pieuse  de 
TÉvangile  du  jour,  par  une  délicate  allusion  à  celle  qui, 
elle  aussi,  venait  de  c  choisir  la  meilleure  part  »,  en  échan- 
geant les  orages  de  sa  révolte  contre  la  félicité  du  repos 
dans  Tamour  filial  ^ 

C'est  dans  cet  amour  filial,  retrempé  en  leur  commune 
source  de  grâces,  que  Marie  de  Médicis  put  lire,  dès  avant 
sa  promulgation  du  lendemain  16  août,  la  charte  addi- 
tionnelle de  réconciliation  plénière  que  lui  avait  promise 
le  traité  des  Ponts-de-Cé,  et  qui  s'y  rattachait  sur  Tautel  de 
réglise  de  Brissac  comme  un  corollaire  consacré.  Confir- 
mant et  précisant  dans  son  développement  ce  principe 
d'amnistie  déposé  dans  le  pacte  de  la  veille,  et  abritant 
l'honneur  maternel  sous  les  fictions  les  plus  justificatives, 
étendues,  grâce  â  l'intercession  de  Marie  de  Médicis,  à  tous 
ceux  qu'elle  se  refusait  à  séparer  d'elle,  Louis  XIII,  dans  la 
déclaration  du  16  août  tirant  de  là  son  nom  officiel  de 
f(  Déclaration  d'innocence  »,  alla  (car  tels  en  sont  les 
termes  sacramentels)  jusqu'à  c  justifier  >  sa  prise  d'armes, 
tant  en  sa  personne  qu'en  celle  des  rebelles  ligués  sous 
son  nom,  comme  n'ayant  visé  que  le  bien  de  son  ser- 


*  Malheureusement  le  texte  de  cette  allocution  ne  nous  a  pas  été 

5 lus  conservé  que  celui  de  la  prédication  de  la  guerre  de  religion 
onnée  le  même  jour  et  dans  la  même  église,  sans  doute  à  Toffice 
du  soir,  par  le  Père  Joseph.  —  Toujours  dans  la  même  journée 
Louis  XIII  j  toucha  les  écrouelles.  —  L'église  de  Brissac  est  une  nef 
du  XTi^  siècle,  ornée  de  belles  yerrières. 


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vice  *.  Il  est  vrai  qu'un  tel  brevet  de  légitimation,  si  nous 
nous  pouvons  exprimer  ainsi,  ne  profitait  qu'aux  rebelles 
qui,  dans  la  huitaine  de  sa  publication,  se  résignaient  vis- 
à-vis  dé  Louis  XIII  à  une  soumission  formelle  ;  et  par  là  se 
maintenait,  pour  la  sauvegarde  de  Tautorité  royale  et  pour 
infirmer  le  pieux  mensonge  de  la  clémence  filiale,  le  prin- 
cipe d'une  condamnation  de  leur  révolte. 

Une  si  juste  exigence  ne  s'appliquait  donc  qu'aux 
rebelles  qu*un  repentir  empressé  n'avait  encore,  à  la  date 
de  la  Déclaration  d'innocence,  ramenés  vers  Louis  XIII  ni 
aux  Ponts-de-Cé,  ni  à  Brissac.  En  tête  de  ceux  dont  il 
attendait  encore,  le  16  août,  cette  visite  de  résipiscence, 
figurait  rien  moins  que  leur  chef  hiérarchique.  Après 
avoir,  au  Louvre  et  à  la  table  de  Louis  XIII,  violé  les  con- 
signes d'étiquette  pour  y  envahir  les  prérogatives  du 
service;  après  avoir  à  Angers  rompu  la  surveillance 
maternelle  pour  aller  attaquer  sur  le  chemin  des  Ponts- 
de-Cé  l'avant-garde  de  l'armée  royale,  voilà  que  main- 
tenant le' capricieux  et  fringant  comte  de  Soissons,  en 
veiné  obstinée  d'indocilité  filiale,  répudiait  l'éJan  qui,  le 
13  août,  enlevait  Anne  de  Montafié  à  la  suite  de  la  reine 
mère  vers  Brissac,  pour  se  cantonner  dans  une  bouderie 
d'aparté  déguisée  sous  une  allégation  de  brouille  avec  le 

*  Voiei  les  passages  les  plas  caractéristiques  de  cette  Déclaration 
d'innocence  :  «  Après  avoir  soigneusement  examiné  ses  dispositions 
[de  la  Reine-Mère]  nous  avons  trouvé  que  ses  intentions  n'ont  eu 
d'autre  but  que  le  bien  de  nostre  service  et  de  nostre  estât  ce  qui  faici 
que  nous  recognoissons  nostre  dicte  Dame  et  Mère  innocente  de 
toutes  choses  qui  pourront  estre  advenues  pendant  ces  derniers  mou- 
vements... Et  après  qu'elle  nous  a  faict  entendre  que  ceax  qui  l'ont 
assistée  dutant  lesdicts  mouvements  n'ont  eu  que  pareilles  inten- 
tions aux  siennes  nous  les  recevons  et  voulons  tenir  pour  nos  bons 
et  fidèles  subjects  et  serviteurs.  »  —  Il  y  a  à  la  Bibliothèque  nat.  fr., 
f>  3797,  une  variante,  en  brouillon,  de  ce  texte  de  la  Déclaration 
d'innocence  inséré  au  Mercure  français  et  auquel  nous  empruntons 
les  précédentes  citations.  Mais,  si  le  texte  du  Mercure  français  a 
prévalu,  c'est  sans  doute  parce  qu'il  répondait  plus  catégoriquement 
aux  intentions  de  Louis  XIII.  —  La  Déclaration  d'innocence,  peu 
après  sa  publication,  fut  portée  par  Condé  au  parlement  pour  j 
être  enregistrée  le  27  août.  Elle  ne  le  fut  au  présidial  d'Angers  que 
le  5  septembre. 


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r 


-Il   - 

^rand  prieur  et  Neîiiours.  PeUt-étre  aussi  en  cela  cédait-ll 
à  cette  contagion  de  défiance  que  Louis  XIII,  en  et) 
SoUpçofahant  â  tort  Marie  de  Médicis  imbue  au  point 
d^hésiter  devaùt  lé  voyage  de  Brisséë,  avait  vbulu  dissiper 
^ar  roffte  eh  otage  de  Gaston  et  de  Condé.  Ou  peut-être 
^ticoré  un  peu  de  la  fierté  du  sâbg  de  F^rahce  portait  Louis 
de  Soiissons  à  faire  rechercher  sa  soumission»  fût-ce  par 
Tentremise  officieuse  de  cette  mère  qu'il  avait  laissée 
partir  seule  pbui^  Briséëé  sàiiS  renoncer  au  fond  à  8*y 
tervir  d'elle.  Quoi  qd'il  eii  sbit,  il  fallut  que  le  Père  de 
Bérdllô,  accoUru  avec  TambàsSade  dii  honce  à  Brlssac 
t)our  y  conlehiplët  Tceuvl^e  è  peîfle  traVèrëée  par  une 
încill^tddé  jùvëilile,  vlilt  MâriCer  jusqUe  datis  sa  velléité 
de  réfràctaire  Tenfant  terrible  de  Tihédi-rëclidn  àngevinet 
D'ailleurs,  il  suffit  dé  sa  rédpparitiéfi  dévslht  lui  pour  lè 
ifeconquérir  et,  dès  le  17  août,  Loui^  de  Soissdns  rejoi- 
gnait sa  mère  â  Brissàci, 

L'intégrale  sbuInISsioû  dli  sang  royal  opérait  jusqu'aux 
êxtrétnités  de  la  zôtie  ifisurrectiëhiielle  comme  un  coup 
décisif  pour  ië  ralliëinèht  des  retardataires.  A  leur  tète 
figurait  Thoiâmé  éh  qui  Marié  de  Médicis,  depuis  Touvet*- 
lliire  de  la  guerre  ci^^ilé,  avait  trouvé  le  plus  de  fidélité 
dans  son  autonomie  et  le  plus  de  sût^eté  dans  son  orgueil, 
l'homme  dont  on  ne  Sait  si  la  l-eine-môre  était  plus  rede- 
vable à  son  initiative  qu'à  sa  pèt-sévérartce,  l'homme  enfin 
en  qui  S'était  iriaugîirée  sa  ptotectlbn  avant  que  s'y 
ifacarnât  l'espoir  de  sa  revanche.  En  se  tèfaant,  depuis 
ToUVerture  dé  la  gliëi:re  civile,  cbnflné  sblitalt^ement  dans 
sa  citadelle  d'Angotiléitié,  sur  cette  perspective  de  pourpre 
romaihe  où  s'était  éveillé  son  grief  pëitet*hel,  mais  à  l'écart 
des  chânips  de  bataille  de  liBi  rive  droite  de  la  Loire  où 
avait  partout  succombé  la  révolte,  le  duc  d'Èpertïon  s'était 
toniitie  dérobé  â  la  double  solidëi*ité  de  ses  forfaitures  et 
de  àës  désastre^.  Dégagé  de  toute  àccointande  de  secte 
bU  dé  éëbàlë^  ëyatit  échâf^pé  par  rahtét-ioritë  de  son  can- 


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-Tâ- 
tonnement méridional  à  toute  catégorie  de  transfuges  ou 
de  rebelles,  et  n'ayant  encore  été  surpris  nulle  part  les 
armes  à  la  main»  le  duc  d'Épernon  s'était  comme  rangé  à 
part  et  mis  hors  de  pair  dans  le  groupe  encore  intact  visé 
par  la  Déclaration  d'innocence.  En  Tisolement  de  sa  zone 
de  résistance  et  dans  son  invulnérabilité  de  réserve  et 
d'expectative,  autant  que  dans  une  ténacité  de  point 
d  honneur  qui  lui  faisait  envisager  l'hospitalité  offerte  à 
une  reine  en  détresse  comme  la  consécration  seigneuriale 
d'un  droit  d'asile,  à  peine  osait-on  voir  en  lui  un  vaincu 
ou  un  rebelle.  Fort  de  ce  prestige  au  moins  relatif  d'une 
rectitude  immuable,  et  dans  sa  hauteur  se  recommandant 
presque  de  cette  hospitalité  dont  Louis  XIII  avait  comme 
endossé  la  reconnaissance  en  sa  réconciliation  filiale,  le 
loyal  mais  l'arrogant  et  l'avantageux  potentat  des  rives  de 
la  Charente  attendait  de  son  impassibilité  comminatoire 
autre  chose  que  l'amnistie  ou  même  la  légitimation  fictive 
d'une  révolte.  En  sa  maturité  d'une  résipiscence  où  il 
entrait  autant  de  calcul  que  de  sincérité  et  autant  d'exi- 
gence que  de  droiture,  le  duc  d'Épernon,  tel  qu'un  duc  de 
Bourgogne  au  congrès  d'Ârras  ou  un  duc  de  Mercœur  au 
dénouement  de  la  ligue,  visait  à  rien  moins  qu'à  la  récom- 
pense de  son  ralliement. 

C'est  dans  ces  dispositions  d'une  expectative  commi- 
natoire, déjà  chez  lui  bien  antérieures  au  combat  des 
Ponts-de-Cé,  qu'Épernon  avait,  dès  le  29  juin,  envoyé  à 
Saintes  un  La  Viiletière,  pour  y  commander  à  Germain, 
lieutenant  de  la  citadelle,  d'en  tenir  sur  pied,  nuit  et  jour* 
la  garnison,  d'y  interdire  et  de  lui  signaler  toute  tentative 
d'enrôlement  royaliste  et  d'y  abattre  tous  les  logis  con- 
tigus  aux  remparts,  comme  mesure  défensive  au  cas  d'un 
siège  à  soutenir  contre  Louis  XIII.  Il  est  vrai  que,  là- 
dessus,  Germain,  le  2  juillet,  s'était  honorablement  récusé 
sur  sa  qualité  de  lieutenant  du  roi,  qui  ne  le  rendait  comp- 
table qu'à  son  souverain  légitime  du  gouvernement  et  de 


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—  73  — 

I 

la  disponibilité  de  sa  place,  et  sur  les  protestations  con- 
formes et  concomitantes  de  la  population  de  Saintes.  Il  est 
vrai  aussi  qu'à  la  même  date  un  gentilhomme  poitevin 
Desbordes»  lançait  au  duc  d'Épernon  de  graves  remon- 
trances épistolaires  sur  ce  qu*il  qualifiait  hardiment  en 
lui  d'entreprises  insurrectionnelles  ;  et  qu'une  autre  lettre 
anonyme  le  dissuadait  de  compter,  pour  Fappui  de  sa 
révolte,  sur  les  Saintongeois  soulevés  contre  la  tyrannie  de 
son  règne.  Impassible  contre  tant  d'avertissements  et  de 
résistances,  Épernon  se  retranchait,  se  contractait,  se 
hérissait  dans  sa  raideur.  D'autre  part,  et  par  là  même, 
après  le  combat  des  Ponts-de-Cé,  c'eût  été  pour  son  orgueil 
trop  de  condescendance  d'aller  rejoindre  à  Bordeaux 
Mayenne  ;  aussi,  là-dessus,  rejeta-t-il  son  appel  sous  ce 
plausible  prétexte  de  ne  donner  pas  à  son  trop  grand  éloi- 
gnement  d'Angoulème,  vis-à-vis  des  vainqueurs,  l'appa- 
rence d'une  fuite.  Et  cependant,  par  une  dernière  satisfac- 
tion donnée  à  son  collègue ,  Épernon  s'avançait  avec  sa 
solide  armée  de  cinq  mille  hommes  et  de  cinq  cents  cava- 
liers vers  sa  résidence  de  Saint-Glaude  sur  les  frontières 
du  Limousin  pour  y  attendre  Mayenne,  lorsqu'il  y  reçut,  le 
12  août,  Técuyer  de  Marie  de  Médicis  Tremblay,  qu'elle  lui 
avait  envoyé  la  veille  pour  l'avertir  de  sa  réconciliation, 
en  lui  communiquant  la  teneur  du  traité  des  Ponts-de-Gé. 
Mais,  malgré  l'emphase  épistolaire  de  ses  compliments  à 
la  reine-mère  et  des  protestations  de  royalisme  que 
Tremblay  dut  rapporter  à  Brissac,  ce  qu'Épernon  attendait 
de  la  Cîour,  c'étaient  des  satisfactions  en  rapport  avec 
rinvétération  de  ses  rancunes.  Ici  reparaît  cette  phalange 
modératrice  qui,  après  avoir  ramené  la  concorde  au  cœur 
de  la  maison  de  France,  l'avait  étendue  de  là  à  tous  les 
degrés  du  trône.  C'était  toujours  cette  ambassade  du  nonce 
appelée  à  recueillir  et  à  grouper  autour  de  Louis  XIII  infa- 
tigablement les  premières  et  les  dernières  adhésions,  les 
plus  hautes  et  les  plus  lointaines.  Après  avoir  envoyé  de 


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-.  74  — 

Brissàfc  à  Angers  lé  Père  de  feérulie  pour  reconquérir  Louis 
lie  Soiàsons,  on  députa,  le l5  août,  à  Angoiilême  Bellegarde 
et  ràrchevêc[ue  de  Sens,  l'un  comme  piarent  et  l'autre 
comme  ami  dti  duc  d'Épernori,  t>our  le  gagner  avec  deë 
concessions  décisives.  Seûlenient,  pour  n'y  compromettre 
pas  directement  l'autoHté  royale,  ce  n'est  (|u'en  son  nom 
que  Bellegarde,  ce  n'est  que  de  la  part  de  Condé  qile  soû 
confident  l'archevêque  de  Sens  devaient  offrir  à  Épernon, 
pour  lui-niême  une  promotion  dé  duc  et  de  pair  ^  pour  lô 
marquis  de  La  Valette  une  nièce  de  Lùyiies  que  le  roi 
doterait  de  deux  cent  niille  dcus,  poùb  son  autre  fils,  le 
comte  de  Randeaii,  l*expectative  des  einplois  ^àterfaels 
assurée  daiis  un  brevet  de  survivance,  et  enfin  pour 
rarchevôqiie  de  Toulouse  le  chapeau  dé  ôarditial.  Et,  quant 
aux  officiers  de  l'arrhëé  dô  Chiatïlpdgnë  destitués  pout 
avoir  sUivi  Lia  Valette  dans  le  soulèveliienl  de  Metz,  en 
attendant  une  réintégration  que  leUr  interdisait  actuel- 
lement leur  quialité  de  déserteurs,  mais  que  peut-être  leur 
vaudrait  plus  tard  l'entremise  du  duc  d'Épernon,  ils 
étaient  pécuniairement  indemnisés  de  leur  disgrâce. 

Une  telle  largeur  d'avancés  devait  ébranler  le  |)lus 
ferme  sbiitien  de  la  revanche  insurrectionnelle.  Aussi 
qu'importe  qU'à  ce  moment,  pour  sauvegarder  vis-à-vis  dU 
duc  de  Mayenne  son  prestige  d'incorru^tibilé  catonieniié, 
io  duc  d^Épernon  ait  affecté  de  se  poser  en  victime  des 
négligences  d'Une  cour  méconnaissant  le  prix  de  son  ral- 
liement! Qu'importe  qu'en  maugréant  il  ait  liiis  cet  Habile 
et  fructueux  ralliement  sous  le  jour  d  uriè  magnanime 
immolation  sur  l'autel  dé  la  concordé!  Tout  en  appréciàtit 
la  convenance  et  le  décorUm  d'Uûe  soumission  dont  le 
signal  émanait  de  celle  dont  il  aVait  arboré  si  haut  lai 


^  Sont-ce  là  toutes  les  satisfactions  que  visait  à  ce  moment  le 
duc  d'Epernon?  Aurait-il  étendu  ses  vue^  jusqu'à  l'épée  dé  conné- 
Ublç?  Pour  l'af&rmer  il  ne  suffit  pas  de  la  seule  allégation  de 
Dupleix. 


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-  75  - 

défense,  on  ne  peut  prendre  au  sérieux  l'amertume  de  son 
sacrifice,  ni  ce  qu'après  coup  Richelieu,  à  travers  d'humbles 
sollicitations  d'un  surcroît  de  grâces,  a  essuyé  de  Tâcreté 
de  ses  plaintes*.  Comment  eût-on  pu  s'apitoyer  sur  un 
homme  qui  n'attendait  pour  se  soumettre  que  les  offres  de 
Duperron  et  Bellegarde  ?  Dès  qu'en  effet  les  eut  suivis  de 
près  à  Angoulêmfe,  où  Épernon  venait  de  rentrer,  le  mes- 
sager la  Saludie  pour  lui  notifier  la  déclaration  d'inno- 
cence avec  l'injonction  de  désarmer,  il  venait  de  licencier 
ses  forces  et  de  commander  à  Là  Valette  de  .licencier 
celles  de  Metz  et  de  Loches.  Et,  dès  le  17  août,  au  sortir  de 
Brissac,  à  Montreuil-Bellay,  Louis  XIII  en  recevait  la 
nouvelle  de  la  part  du  duc  d'Épernon  par  son  envoyé 
Mâi*sillac. 

Cependant,  derrière  le  duc  d'Épernon  se  dressait  encore 
dans  le  champ  de  la  revanche  méridionale  une  imposante 
réserve.  Encore  plus  persévérant  que  lui  dans  ses  entraî- 
nements chevaleresques,  mais  par  cette  impétuosité  môme 
engagé  plus  à  fond  dans  les  coalitions  d'outre-Loire,  où 
survivaient  à  la  paix  des  Ponts-de-Cé  les  obstinations 
sectaires  de  Rohan  et  de  la  Force,  le  duc  de  Mayenne 
n'avait  pas  pris  au  mot,  par  cela  seul  qu'il  émanait  de 
Marie  de  Médicis,  qui,  à  cet  effet,  lui  expédiait  la  Saludie 
en  môme  temps  que  Tremblay  vers  Angoulême,  le  signal 
du  désarmement.  A  ses  yeux  le  dénouement  des  Ponts- 
de-Cé,  loin  de  clore  la  guerre  civile,  n'avait  fait  qu'en 

*  Suriout  si,  avec  Avenel,  on  ne  place  que  longtemps  après  la 
démarche  de  Duperron  et  d^  Bellegarde,  vers  la  fin  d''  l'année  16^0, 
cette  missive  chagrine  :  c  Monsieur. . .  Je  vous  asseureré  que  quoy 
que  Vous  ne  vous  soiez  guerre  souveneu  de  mes  amis,  ny  de  moy,  en 
ces  dernières  occasiouns,  que  cela  ne  diminue  pas  mon  affection  à 
VoUs  fera  servise,  et  je  veus  crouere  que  ce  défaut  ne  vient  pas  de  la 
nécessité  des  afferes  de  la  reine  mère  du  roy  et  de  la  grande  cantité 
que  vous  en  .aviez  sur  les  bras  pour  vostre  particulier  je  vous 
supplie  dé  vouloir  fèré  souvenir  Sa  Majesté,  autant  que  vous  jugeres 
que  son  service,  le  requiert»  combien  il  luy  importe  en  la  repen- 
tasioum  et  à  vous,  en  particulier,  qui  y  âves  la  faveur  absolue,  que 
ceux  qui  lont  servie  aient  empiré  leur  condition  au  lieu  den  tirer 
récompense.  9 


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-  76  - 

inaugurer  la  seconde  phase  en  en  reportant  le  théâtre  sur 
le  bassin  de  la  Garonne.  Fier  d'avoir  levé  sur  son  seul 
crédit  une  armée  de  vingt  mille  hommes,  dont  quinze 
mille  fantassins  et  cinq  mille  cavaliers,  il  se  disait  que 
ce  n'avait  pas  été  la  peine  de  braver  en  plein  Parlement 
de  Bordeaux  Théroïque  résistance  du  président  de  Courges , 
ni  de  lancer  et  de  soutenir  la  Suze  et  par  là  même  de 
retenir  Thémines  sur  les  rives  du  Lot  et  du  Tarn,  ni  de 
pousser  sa  dominante  démonstration  obsidionale  contre  le 
soulèvement  royaliste  mal  abrité  derrière  les  fragiles  rem- 
parts de  Moissac,  pour  qu'à  la  seule  annonce  d'une  paix  con- 
clue sans  l'oublier  mais  sans  l'y  appeler,  il  n'y  eût  plus  pour 
lui  qu'à  capituler  dans  l'intégrité  de  sa  zone.  Tel  qu'un 
Coûdé  qui,  une  fois  précipité  dans  la  Fronde  par  une 
duchesse  de  Longueville,  l'y  laisse  bien  loin  derrière  lui  et 
y  survit  à  ses  désillusions  de  repentir,  le  duc  de  Mayenne, 
en  sa  fougue  aventureuse  et  en  ses  alliages  d'hétérodoxie, 
avait  trop  dépassé  dans  la  portée  de  leur  révolte  Marie  de 
Médicis  et  la  comtesse  de  Soissons  pour  les  suivre  de  près 
à  Brissac,  surtout  lorsqu'elles  y  étaient  accourues  sans  l'en 
avertir.  Une  réconciliation  où  il  n'était  pour  rien,  et  dont 
on  ne  l'avisait  qu'après  coup,  ne  lui  pouvait  lier  les  mains. 
Une  paix  conclue  par  celles  dont  il  s'était  proclamé  le 
champion  à  outrance  ne  lui  interdisait  point  de'prolonger 
la  ]utte  pour  l'honneur  de  leur  cause  et  à  ses  propres 
risques,  et  de  répudier  l'amnistie  qu'elles  lui  prétendaient 
imposer  pour  les  délivrer,  malgré  elles,  de  Gondé  et 
de  Luynes.  Seulement,  pour  qu'en  «a  personne  se  renou- 
velât vigoureusement  la  guerre  civile  en  avant  de  la 
Garonne  et  vis-à-vis  de  la  Loire,  il  lui  fallait  comme  pre- 
mière ligne  de  défense  le  maintien  de  la  Charente.  Et, 
pour  atténuer  sa  compromission  désormais  plus  flagrante 
dans  le  camp  de  l'hérésie  (car  en  son  armée  affluaient 
en  grande  partie  les  huguenots),  il  ne  croyait  pouvoir 
emprunter  assez  de  couverture  à  cette  inaltérable  signiâ- 


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—  77  — 

cation  attachée  au  protectorat  d'Angoulême*  Il  est  vrai 
que  sa  fierté,  prétextant  la  menace  des  diversions  de  Thé- 
mines  sur  le  Lot  et  le  Tarn,  Téloignait  autant  d*une 
jonction  au  duc  d'Épernon  à  Ângoulème,  que  la  morgue 
du  duc  d'Épernon  Técartait  lui-même  de  Bordeaux.  Mais 
au  moins,  depuis  la  paix  des  Ponts-de-Cé,  il  n'est  sorte 
d'instances  dont  Mayenne  n'ait  assiégé  Épernon  pour  le 
retenir  et  éterniser,  fût-ce  plus  près  d'Angoulême  que  de 
Bordeaux,  sa  secourable  solidarité  dans  la  guerre  civile. 
Peut-être  même,  avant  la  députation  de  Tremblay  vers 
son  collègue,  était-ce  Mayenne  qui  l'avait  décidé  au  moyen 
terme  du  rendez-vous  armé  de  Saint-Claude.  Mais,  une 
fois  rentré  dans  cette  cause  royale  où  le  fixaient  des  satis- 
factions souveraines,  le  superbe  autocrate,  en  voie  d'écar- 
teler  sur  un  fond  de  pourpre  romaine  une  promotion  de 
duc  et  de  pair  avec  des  brevets  de  survivance  et  les  plus 
opulentes  promesses  d'alliance,  tint  bon  contre  les  assauts 
livrés  à  la  félicité  de  son  ralliement.  Et  toutefois,  pour 
mieux  dérober  de  ce  chef,  à  son  complice  de  la  veille  la  per- 
sonnalité de  ses  calculs,  Épernon  lui  déclara  que  dès  lors 
que  les  seuls  griefs  de  Marie  de  Médicis  l'avaient  jeté  dans 
la  guerre  civile,  son  seul  contentement  le  devait  désarmer, 
c  Et  j'espère  »,  poursuivit-il,  en  congédiant  le  dernier  des 
messagers  expédiés  de  Bordeaux  à  Angoulème,  «  j'espère 
que  ceux  qui  ne  s'opiniàtrent  point  dans  la  révolte  bénéfi- 
cieront de  toute  la  clémence  royale.  Je  ne  saurais  donner 
au  duc  de  Mayenne  un  conseil  autre  que  celui  de  me  suivre 
dans  ma  soumission.  Que  si  cette  soumission  me  profite 
peu,  j'aime  mieux  être  maltraité  avec  le  sentiment  de 
mon  innocence,  qu'avec  le  remords  attaché  désormais  à 
une  obstination  sans  excuse  ». 

Par  une  telle  ostentation  et  par  d'aussi  austères  ensei- 
gnements de  droiture,  Épernon  espéra-t-il  abuser  Mayenne 
sur  l'égoïsme  de  son  déclinatoire  ?  Toujours  est-il  qu'une 
fois  acculé  par  le  retrait  de  ce  palliatif  d'avant-garde  à  des 


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complicités  d'hérésie  qui  l'eussent  voué  aux  malédictions 
de  sa  race,  le  desoendant  des  Guise  se  ressouvint  d'avoir 
i)érité  d'eux  un  sang  de  ligueur.  Ajoutons  que,  pour  le 
regagner  et  par  là  rehausser  de  la  signification  de  son  nom 
la  croisade  entée  sur  l'entrevue  de  Brissac,  Louis  XI{I 
alla  jqsqu'à  offrir  à  Mayenne  de  joindre  à  son  gou- 
vernement de  Guyenne,  vu  la  disgrâce  éventuellement 
ejacQurue  par  l'opiniâtreté  du  duc  de  la  Force,  le  gouver- 
nement de  Béarn  ;  qu'en  même  temps,  mêlant  à  ses  avances 
des  intimidations  dont  le  duc  d'Épemon,  à  travers  la  Cha- 
rente reconquise,  lui  laissait  désormais  le  champ  libre, 
Louis  XIII  inaugura  cette  crojsade  digne  de  revendiquer 
un  Guise  pour  chef,  par  une  marche  comminatoire  sur 
Bordeaux.  Mais  l'armée  royale  ne  s'approchait  de  Mayeni^e 
qu'en  propageant  autour  d'elle  le  retentissement  des  exhor- 
tations du  Père  Joseph,  de  Béruile  et  du  Père  Arpould 
à  )a  guerre  sainte.  Aussi  Mayenne  vit-il  moins  encore  à 
son  égard,  dans  la  venue  de  Louis  XIII,  une  contrainte  ou 
une  amorce,  qu'un  rappel  des  antécédents  de  famille.  Et 
c'en  fut  assez  pour  déterniiner  vers  cette  cause  royale  où 
confluait  désoripaîs  celle  du  catholicisme  l'évolution  de 
ses  effluves  ^  Maji^  un  tel  élan  d'expiation,  hélas  !  dès 
demain  devait  se  briser  contre  un  sanglant  écueil!  Et 
quel  lustre  perdu  pqur  une  défense  de  l'île  de  Rhé  ou  un 
siège  de  la  Rochelle,  sous  ces  bastions  de  Montauban  qui 
déjà  séparaient  à  ja(nais  un  Rohan  d'un  Mayenne  ! 

Rohan  n'avait  pas  trop  de  l'imposante  citadelle  des  rives 
du  Tarn  pour  s'y  retrancher  dans  l'aggravation  rapide  de 

*  De  son  côté  son  collatéral,  le  cardinal  de  Guise,  accoarait  de 
Sezanne  (en  Champagne),  pour  rejoindre  aux  Ponts-de-Cé  Tarmée 
rebelle  ayec  six  cents  cavaliers  levés  autour  de  Metz,  lorsqu'il 
apprit,  chemin  faisant,  la  déroute  et  la  réconciliation  de  Marie  de 
Médicis.  En  même  temps,  sur  l'appel  ane  lui  adressèrent  de  Brissac, 
le  15  août,  par  l'envoyé  Deshayes,  à  la  fois  Louis  XIII  et  Marie  de 
Médicis,  il  accourait  à  Brissac  les  assurer  à  son  tour  de  son 
ralliement.  —  Il  n'y  eut  pas  jusqu'au  duc  de  Retz  que  son  oncle 
le  cardinal  n'ait  réussi  à  retirer  de  la  confusion  de  son  ensevelis- 
Si^ment  au  château  de  ^eaupréau,  pour  le  ramènera  Brissiie. 


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-  79  - 

son  isolement,  car  jusque  dans  son  groupe  de  poré)igion- 
naires  il  voyait  p^irtout  autour  de  lui  se  ppeuser  le  vide. 
ItO  premier  de  ceux-là  qu|  Tabapdopna,  ce  fut  rhomme 
qui,  dans  la  transformation  de  la  guerre  civilp,  pût  le  plus 
énergiquement  ravivé  le  vjeiix  Ipvain  des  guerres  de 
religion,  en  y  infusant  rftpreté  capiteuse  et  rinc^qdescenee 
volcanique  qui  couvaient  dans  ^inv0tér^tiô^  de  son  fana- 
tisme. Dès  l'annonce  de  la  déroute  des  Ponts-de-Cé,  Rohan 
s*était  tourné  vers  Agrippa  d'Aubigné  pour  lui  rappeler  ce 
conciliabule  de  Saint-Maixent  où  tous  deux,  dès  le  débqj; 
des  hostilités  et  au  cas  d'un  premier  revers  essqyé  par 
Marie  de  Médicis,  avaient  projeté  en  sa  faveur,  à  titre  de 
diversion  ou  de  revanche,  la  marche  en  commun  sur  Paris. 
Déjà  même,  pour  se  concerter  sur  cette  équipée  de  désps- 
poir  avec  son  digne  émule  en  fait  d'envergure  et  d'audace, 
déjà  Rohan,  pour  ramener  entre  eux  deux  à  Paris  cette 
reine-mère  qui,  elle,  n'avisait  alors  avec  Richelieu  leur 
cortège  qu'en  vue  du  seul  trajet  d'Ancenis  à  Angoulême, 
déîèi  Rohan,  avec  son  frère  Soubise  et  une  escorte  de  douze 
à  quinze  cents  hommes  dont  deux  cents  cavaliers,  s'était 
avancé  ver^  d'Aubigné  jusqu'aux  environs  de  S^int-Jeanr 
d'Angely  quand  s'abattit  entre  eqx  dep^n:,  comme  une 
douche  de  glace,  l'annonce  de  la  paix  des  Pqnts-de-Cé.  Aq 
fond  c'est  ce  que  souhaitait,  pour  la  couverture  de  sa 
défection,  le  vétéran  engagé  si  à  conlre-çœur  dans  la 
guerre  civile  et  confirmé  là-dessus  dans  ses  )ioirs  pro- 
nostics et  dans  son  fiel  de  désabusemept  par  les  trahi- 
sons de  Retz  et  de  Vendôme.  D'Aubigné  n'attendait  que  ce 
réfrigérant  des  réconciliations  royales  pour  refluer  sur  sa 
bile  contrariée,  en  attendant  que  cette  bile  se  retour- 
nât en  éruptions  vengeresses  contre  ces  déserteurs  du 
combat  des  Ponts-de-Gé  qu'a  stigmatisés  ]^  diatribe  du 
Fœneste. 

.  Trop  jeune  encore  pour  avoir  expérimenté  les  désillusions 
d^  la  guerre  civile  et  déjà  asses  résolu  pour  en  affropter 


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—  80  — 

les  périls,  Henri  de  la  Trémouille,  au  début  de  Tinsur- 
rection  de  Marie  de  Médicis,  avait  offert  en  sa  personne 
aux  coreligionnaires  de  sa  race»  avec  Téclat  de  son  nom, 
avec  les  effluves  de  son  sang  royal  et  la  haute  signification 
de  ses  alliances  de  famille,  une  force  territoriale  qui  le 
rehaussait  au  cœur  de  la  confédération  du  protestantisme 
méridonal  et  sur  les  rives  du  Thouet  et  de  la  Charente, 
entre  les  Rohan  et  La  Force.  Mais,  depuis  la  paix  des  Ponts- 
de-Gé,  La  Trémouille  était  bien  activement  disputé  à  ses 
engagements  de  secte;  et  c'était  avec  la  plus  vigilante 
sollicitude  qu*à  ses  côtés  le  royalisme  maternel,  après 
avoir  en  vain  voulu  d'abord  conjurer  sa  rébellion,  aujour- 
d'bui  couvait  son  ralliement.  Pour  réconcilier  d'ailleurs, 
en  la  personne  de  son  jeune  fils,  avec  Torthodoxie  militante 
des  promulgateurs  de  Tédit  de  Béarn,  le  descendant  et  le 
collatéral  des  Nassau  et  des  électeurs  palatins,  des  Gondé, 
des  Goligny  et  des  Bouillon ,  Fadroite  et  sage  duchesse 
douairière  de  La  Trémouille  dut  recourir  à  la  médiation  la 
plus  spécialement  autorisée  dans  le  camp  de  la  réforme. 
Nous  nous  rappelons  avec  quelle  précautionneuse  jalousie 
le  gouverneur  de  Saumur,  Duplessis-Mornay,  dès  l'ou- 
verture de  la  guerre  civile  et  aux  confins  des  deux  causes 
adverses,  avait  ménagé  le  crédit  d'entremise  attaché  à  ses 
affectations  de  tiers-parti.  C'est  dans  cette  prévoyance  de 
calculs  que  tour  à  tour,  et  dans  l'esprit  de  l'édit  de  Nantes, 
accentuant  le  caractère  et  délimitant  l'usage  de  la  place  de 
sûreté  commise  à  sa  garde,  Duplessis-Mornay  avait  disputé 
l'autonomie  de  ses  arsenaux  et  de  sa  citadelle  de  Saumur, 
tour  à  tour  à  la  souveraineté  de  Louis  XIII  et  à  la  stratégie 
de  Rohan.  A  l'inverse,  mais  dans  les  mêmes  sollicitudes 
d'impartialité  arbitrale,  combinant  à  toutes  les  avenues 
de  Saumur  l'indépendance  avec  l'accessibilité  de  son  poste, 
Duplessis-Mornay,  dans  l'intervalle  des  sessions  de  l'as- 
semblée de  Loudun  et  des  colloques  avec  le  pasteur  Bou* 
chereau,  avait,  tour  à  tour,  hébergé  dans  l'inviolabilité 


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—  81  — 

strictement  maintenue  de  son  donjon  les  migrations  et  les 
exodes,  les  disgrâces  et  les  ambassades  les  plus  contraires  ; 
et  cela  au  point  d'y  voir  se  croiser  presque  devant  lui 
Montbazon  et  Blainville  avec  les  Soissons  et  les  Vendôme, 
Duperron,  Bérulle  et  le  Père  Joseph  avec  Rohan,  Les- 
diguières  et  La  Force.  Plus  tard,  durant  la  cour  plénière 
de  Brissac,  Duplessis-Mornay  se  retenait  assez  pour  décliner 
l'invitation  d'y  comparaître  en  personne,  afin  de  n'y  être 
pas  oiélé  aux  porteurs  d'amendes  honorables,  et  cependant 
y  marquait  juste  assez  de  sa  déférence  en  y  faisant  agréer, 
avec  des  excuses  de  santé,  sa  représentation  par  ses 
gendres. 

Bref,  c'est  dans  ces  croisements  d'éclipsés  et  d'ubiquités, 
d'entrevues  et  de  rencontres,  c'est  dans  ces  alternatives 
d'abouchements  et  de  mystères,  c'est  dans  ces  réciprocités 
de  discussions  et  d'avances,  que  s'était  inaugurée  dès 
avant  le  combat  des  Ponts-de-Cé  l'entremise  de  Duplessis- 
Mornay  en  faveur  de  La  Trémouille.  Lorsque,  au  début  de 
juillet,  l'ambassade  du  nonce,  en  s'acheminant  vers  Angers, 
traversa  Saumur,  Duplessis-Mornay  s'était  plaint  à  Mont- 
bazon et  à  Jeannin,  au  nom  de  La  Trémouille  et  de  sa  mère, 
de  voir  négligées  en  cour  les  velléités  de  soumission  du 
duc,  et  d'attendre  en  vain  pour  lui,  comme  un  encou- 
ragement de  passer  à  la  cause  royale,  des  avances  épisto- 
laires  de  Louis  XIU.  En  s'adressant  là-dessus  à  Montbazon 
et  à  Jeannin,  Duplessis-Mornay  ne  pouvait  presser  une 
plus  heureuse  veine  d'entremise,  à  en  juger  par  tout  ce 
qui  en  émanait  alors  pour  lui-même.  Car  c'était  par 
Jeannin  et  Montbazon  qu'il  était  en  voie  d'obtenir  quelques 
jours  après,  les  17  et  19  juillet,  avec  la  neutralité  de 
Saumur  tant  vis-à-vis  du  roi  que  de  Marie  de  Médicis, 
avec  l'augmentation  de  sa  garnison  jusqu'à  trois  cents 
hommes  et  le  remboursement  des  dépenses  pour  l'entretien 
de  sa  citadelle,  une  commission  d'un  régiment  de  mille 
hommes  pour  son  gendre  Villarnoul  et  deux  compagnies 

6 


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—  82  — 

de  chevau-légers  pour  son  gendre  La  Tabarière*,  et  enfin 
pour  son  troisième  gendre  Fontenay  le  gouvenement  de 
la  garnison  de  Montjean.  Or  c'est  par  une  suite  de  ces 
dispositions  favorables  que  les  deux   ambassadeurs  du 
nonce  déterminèrent  le  jeune  monarque  à  condescendre  au 
désir  de  La  Trémouille,  en  adressant  parallèlement  au  fils  et 
à  la  mère  deux  de  ses  plus  engageantes  missives,  mais 
dont  la  réception  coïncidait  avec  l'annonce,  émanée  de 
Duplessis-Mornay  lui-même,  des  premiers  revers  essuyés 
par  Marie  de  Médicis.   Aussi  les  gracieusetés   royales 
n'ébranlèrent  pas  tellement  La  Trémouille,  qu'il  ne  se 
sentît  en  même  temps  retenu  par  un  scrupule  de  chevalerie 
qui  lui  interdisait  de  choisir  l'heure  du  péril  pour  l'abandon 
de  sa  souveraine.  Aussi,  dans  leurs  perplexités,  le  fils  et  la 
mère  expédièrent,  le  20  juillet,  le  courrier  Pontobré  vers 
Duplessis-Mornay,  pour  requérir  des  conseils  qu'autorisait 
en  lui  le  plus  libre  royalisme.  Pour  toute  réponse,  l'homme 
qui,  à  la  même  heure,  ne  confiait  que  si  précairement  à 
Louis  XIII  l'artillerie  qui  confirmera  la  victoire  des  Ponts- 
de-Cé  par  l'interceptation  de  la  Loire,  répondit  qu'avant  de 
se  prononcer  sur  une  consultation  un  peu  tardive,  il  con- 
venait de  savoir  jusqu'à  quel  degré  La  Trémouille  s'était 
engagé  dans  la  révolte.  Puis,  pour  s'éclairer  là-dessus,  il 
renvoya   nuitamment  Pontobré  vers  le  quartier  de  La 
Trémouille,  d'où  il  revint,  dès  le  matin,  l'informer  que  le 
duc  avait  déjà  reçu  des  commissions  et  de  l'argent  de  la 
reine-mère  pour  deux  régiments  et  une  compagnie  de 
gendarmes,  qu'il  avait  de  plus  saisi  à  Thouars  les  recettes 
royales.  C'en  fut  assez  pour  qu'à  son  adresse  émanât  de 
l'oracle  si  anxieusement  écouté  cette  austère  sentence: 
«  C'est  à  vous,  seigneur,  à  prendre  conseil  de  vous-même  et 
à  choisir  entre  la  honte  et  le  préjudice.  S'il  ne  s'agissait  que 
de  quitter  la  reine-mère  au  lendemain  d'un  succès,  et  d'un 

*  A  roccasioû  d'une  entreprise  heureusement  avortée  contre  le 
pont  de  Saumur,  au  carrefour  de  la  Croix-Verte. 


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r 


succès  qui  eût  été  votre  œuvre,  avant  de  prendre  congé 
d'elle  vous  la  pourriez  supplier  de  se  contenter  d'avoir 
reçu  de  vous  ce  service.  Mais  l'abandonner  dans  l'adversité, 
et  encore  à  la  veille  d'une  aggravation  de  ses  désastres, 
voilà  de  quoi  vous  attirer  de  sa  part  un  reproche  éternel, 
avec  le  mépris  de  vos  frères  d'armes.  Quant  aux  disgrâces 
que  vous  vaudra  une  plus  fière  attitude,  vous  pouvez 
d'avance  en  chercher  un  remède  avec  vos  amis,  » 

Cependant,  avec  l'invasion  de  l'Anjou  par  Tarmée 
royale,  les  malheurs  prévus  redoublèrent  et  s'accumulèrent 
aux  portes  du  gouvernement  de  La  Trémouille.  Aussi,  dés 
que,  après  la  bataille  des  Ponts-de-Cé,  les  royalistes,  en 
occupant  aux  avenues  de  Saumur  avec  Montreuil-Bellay 
le  bassin  du  Thouet,  y  eurent  menacé  de  près,  en  amont, 
la  ville  de  Thouars,  La  Trémouille  avait  vite  évacué  ce 
chef-lieu  de  ses  domaines,  en  le  laissant  aux  mains  de  la 
duchesse  douairière  avec  la  filiale  confiance  de  ne  l'en  voir 
nantie  que  comme  d'un  gage  d'une  digne  réconciliation 
avec  l'autorité  légitime,  d'une  réconcilation  agréée  par  la 
sourcilleuse  droiture  de  son  mentor.  Mais  déjà  la  duchesse, 
elle-même,  avisait  pour  elle  et  sa  jeune  fille,  en  Touraine, 
le  refuge  devenu  nécessaire  de  l'île  Bouchard,  quand  la 
notification,  par  Marie  de  Médicis,  du  traité  des  Ponts- 
de-Cé  et  de  la  déclaration  d'innocence  atteignirent  son  fils 
comme  le  signal  d'un  honorable  dégagement  d'avec  la 
révolte  aux  abois.  Et,  quant  au  remède  aux  malheurs  que 
le  jeune  duc  croyait  avoir  encourus  par  une  fidélité  dont  le 
relevaient  seules  les  réconciliations  de  Brissac,  à  qui  le 
demander  ailleurs  qu'à  cet  ami  qui  le  lui  avait  laissé  entre- 
voir en  lui-même,  en  lui  montrant  d'avance,  pour  sa  ren- 
trée en  grâce,  la  seule  porte  à  la  hauteur  de  sa  considéra- 
tion natale?  Aussi,  dès  la  notification  de  la  reine-mère  et 
grâce  à  la  contiguïté  des  quartiers  généraux  secondant 
les  solidarités  de  tutelle,  Charlotte  de  la  Trémouille,  avec 
son  ûls,  se  retourna  vers  Duplessis-Mornay  comme  vers 


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-  84  — 

rhomme  qui»  en  adoptant  le  point  ci*honneur  de  son 
pupille,  s'était  impatronisé  plus  que  jamais  dans  sa  con- 
fiance. Et  aussitôt  le  loyal  gouverneur  voua  au  salut  des 
La  Trémouille  cette  diplomatie  de  tiers-parti  qui,  sur  ces 
confins  de  Thétérodoxie  interdite  aux  entremises  sacerdo- 
tales, suppléait  à  celle  du  nonce.  En  cela  même  il  s'associa 
rien  moins  que  le  promoteur  de  cette  guerre  que  le  traité 
des  Ponts-de-Cé  venait  de  transformer  en  guerre  sainte. 
En  la  personne  d'Henri  II  de  Bourbon,  Duplessis-Momay 
et  la  duchesse  sollicitèrent  à  Tenvi  les  inclinations  colla- 
térales du  sang  maternel,  avec  cette  condescendance  déjà 
si  éprouvée  qui  suivait,  des  Ponts-de-Cé  à  Brissac,  les 
satisfactions  de  la  victoire.  Bref,  c'est  de  Condé,  en  cela 
favorablement  inspiré  par  Luynes,  qu'émana  vite,  à 
travers  ce  champ  de  pourparlers  s'ouvrant  de  Thouars  à 
Saumur  et  de  Saumur  à  Brissac,  un  moyen  terme  de  paci- 
fication jugé  le  plus  sorlable,  et  aussitôt  mis  en  œuvre. 
Pour  prévenir  à  Thouars  l'imminente  invasion  royaliste, 
et  pour  y  associer  dans  le  même  ralliement  les  deux  reli- 
gions qui  se  partageaient  cette  résidence  filiale,  Charlotte 
de  La  Trémouille  expédia  vers  Brissac  une  délégation  mi- 
partie  de  la  municipalité  de  Thouars  qui,  sous  les  seules 
réserves  inhérentes  au  titre  que  cette  place  de  sûreté  tenait 
de  l'édit  de  Nantes,  en  ofi*rit  les  clefs  à  Louis  XHI.  A  son 
tour,  dès  que  la  cour  eut,  au  sortir  de  Brissac  et  dans  son 
essor  méridional,  atteint  sa  première  étape  de  Montreuil- 
Bellay,  La  Trémouille  y  vint,  le  17  août,  ratifier  la  démarche 
de  soumission  due  à  la  prudence  maternelle,  en  se  jetant 
aux  pieds  du  souverain  qui  lui  avait  d'avance,  par  Du- 
plessis-MornayS  promis  de  l'agréer,  et  qui,  d'ailleurs,  en 
cela  même,  à  part  le  bénéfice  acquis  de  la  déclaration  d'in- 

*  Duplessis-Momay  avait  transmis  à  La  Trémouille  là-dessus 
Foriginal  même  de  la  lettre  de  Louis  XIII.  —  Ici  mentionnons  la 
sérieuse,  bien  que  vaine  entremise  essayée  par  Duplessis-Mornay» 
concurremment  avec  Luynes,  vis-à-vis  du  duc  de  Rohan,  pour  le 
convier  au  ralliement. 


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—  85  — 

nocence,  ne  demandait  qu*à  lui  plaire.  Car  ce  jour-là  même 
Louis  XIII  venait  de  distinguer  dans  ses  acceptions  de 
miséricorde  le  plus  noble  des  trophées  vivants  de  la  vic- 
toire des  Ponts-de-Cé,  en  signant  la  grâce  de  l'héroïque 
Saint-Âignan.  Aussi  dès  qu'apparut  à  Montreuil-Bellay, 
•dans  cette  même  veine  de  clémence,  le  jeune  La  Trémouille, 
avec  ce  que  recommandait  encore  bien  plus  haut  en  lui  le 
fond  de  droiture  mêlé  à  sa  révolte,  Louis  XIII,  jusque  dans 
rindivisibilité  des  clauses  de  sa  déclaration  d'innocence, 
rhonora  de  cette  nuance  d'accueil  réservée  aux  fidélités 
intactes.  Et  vraiment  le  triomphateur  des  Ponts-de-Gé  ne 
pouvait  inaugurer  sa  phase  de  croisade  par  une  magna- 
nimité plus  heureuse.  Car  avec  la  soumission  qui  y  répon- 
dait si  pleinement,  et  dont  l'opportunité  se  doublait  de 
l'annonce  consécutive  de  celle  du  duc  d'Épernon,  Louis  XIII 
conquérait  toute  la  zone  s'étendant  de  la  Loire  à  la  Cha- 
rente, par  l'appropriation  des  étapes  de  Talmont  et  de 
Mauléon,  de  Thouars  et  de  Taillebourg^  Mais  le  plus  sûr 

*  Mém.  de  Richelieu,  pp.  86>96,  et  Lettres,  d.  659.  —  Bassom- 
pierre,  p.  143.  —  Fontenaj-Mareuil,  pp.  148-153.  —  Brienne, 
p.  343.  —  Rohan,  p.  616.  -  Arnaud  d'Andilly,  f>-  21-22.  — 
Marillac,  p.  75.  —  Herouard,  13 août.  —  Mém.  de  Pontis.,  p.  ""^ 


—  Mercure  français,  pp.  290-291,  293,  296,  328,  329,  342.  —  Vitt- 
Siri,  pp.  176,  200-201,  208^210.  —  La  Nunz.  di  Fr.,  allegata  des 
11  et  13  août,  21  août,  6  septembre.   —  Lettres  et  mém.  de  Messire 


ThiUpjie  de  Momay  :  le  roi  à  Duplessis-Momay,  17  iuillet,  16  août  ; 
Jeannin  à  Duplessis-Momay,  17  et  20  juillet  ;  Duplessis-Mornaj  au 
roi,  à  Montbazon,  à  M.  de  Sceaux,  21  juillet  ;  Duplessis-Mornay  à 
M.  de  Sceaux,  9  août;  Duplessis-Mornay  au  roi,  21  et  23  juillet, 
9  août  ;  Duplessis-Mornay  à  Messire  de  la  Trémouille,  9, 10,  12  août  ; 
Duplessis-Mornaj  à  Rohan,  14  août.  —  Vie  de  Messire  Ph.  de 
Mornay,  pp.  534,  537,  538.  —  Dispacc.  degl.  amb.  ven.,  14 juillet, 
22  et  23  août.  -  F.  Colbert,  98.  —  F.  fr.,  3799.  P  99;  3802, 
f«  61-62;  3812,  fo  61.  —  F.  fr.,  divers  ;  Supplém.'  fr.,  920.  — 
Arch.  des  aff.  étr.,  F.  fr.,  773,  p.  61.  — Archives  des  La  Trémouille 
dont  je  dois  la  communication  à  Tobligeance  de  M.  le  duc  de  La 
Trémouille.  —  Mairie  d'Angers,  Arch.  anc,  EE;  BB,  65.  —  Jehan 
Louvet,  pp.  59W,  62,  143,  319.  —  Rangcard,  pp.  377-379.  — 
Déclaration  du  Roy  de  Vinnocence  de  sa  très  honorée  Dame  et  Mère, 
et  de  sa  volonté  touchant  son  très  cher  et  très  aimé  cousin  le  Comte  de 
Soissons,  sa  très  chère  et  trèsa  mie  cottsine  la  Comtesse  sa  mère,  les 
Princes^  Ducs,  Pairs,  Officiers  de  la  couronne  et  de  tous  autres  qtn  ont 
cusisté  sa  dite  Dame  et  Mère  durant  ces  derniers  mouvements.  Publiée 
au  Parlement  le  tJ  aoust  4€$0,  A  Paris.  1620.  —  Recueil  de  pièces 
concernant  l'histoire  de  Louis  XIII,  depuis  Fan  46t7  jusqu'en  Vannée 


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-86  - 

gag^  du  ralliement  daté  de  Montreuil- Bellay,  c'était 
rorientation  de  La  Trémouille  vers  ce  catholicisme  qui, 
dès  Bt  issac,  avait  renouvelé  Tessor  guerrier  de  Louis  XIII. 
Du  moins  peut-être,  dès  lors,  entrevoyait-on  que  Richelieu, 
par  une  consommation  lointaine  de  cette  diplomatie  sacer- 
dotale datée  d'Angers  et  de  Brissac,  revendiquerait  La» 
Trémouille  comme  son  néophyte,  durant  le  siège  et  presque 
sous  les  mur3  de  La  Rochelle. 

Pour  en  revenir  è   l'indomptable  sectaire  contre  qui 
Louis  XIII  ne  renouvelait  son  essor  que  parce  que  lui-même 

463 i,  t.  II.  (Paris,  Montaient,  1716,  pp.  275-276,  280-282.)  — 
Coppie  de  la  lettre  de  M.  le  Prince  de  Piedmont  à  la  Refne-Mhre  eur 
les  affaires  présentes,  1620.  —  l.ettres  de  Messieurs  le  Duc  de  Savoie 
et  Prmce  de  Piedmont  au  Roy  et  à  la  Reyne  mère  sur  les  affaires  pré^ 
seTîU^t,  Paris,  ohez  Isaao  Mesnier,  rue  des  Mathurins,  16^0.  — 
Lb^^  J380  et  1381  :  Lettre  de  M,  le  Duc  d'Espernon  envoyée  à 
Af.  Gammin,  lieutenant  de  la  citadelle  de  Xaintes,  le  É9  juin  ytfJO. 
  Paris,  Jouxte  la  coppie  imprimée  à  Xaintes,  par  P.  Cesbroa, 
imprimée  en  ladite  ville  1620.  —  Eod  :  Response  de  la  lettre  à 
M^  d'Espêmon  par  Af.  Gammin^  lieutenant  de  la  citadelle  de  Xaintes, 
pp.  ti-7.  —  Lb"  1382  :  Coppie  d'une  lettre  escrite  à  M,  d'Espernon  par  U 
sfirnr  des  Bardes,  gentilhomme  Poictevin^  le  2^  jour  de  juillet  en  laquelle 
dtsrnurani  sur  la  naissance  des  troubles^  il  luy  représente  les  malheurs 
qui  en  peuvent  en  suivre^  avec  le  réeit  des  misères  de  notre  temps, 
Lj^D.  Jouxte  la  copie  imprimée  à  Poictiers,  1620.  Avec  permission, 
pp.  ë-7,  9-10,  12-13.  —  Lb9«  1283  :  Déclaration  de  M.  U  Duc  d'Es- 
pemon,  sur  les  plaintes  et  entreprises  de  $a  personne,  ensemble  ta 
sommation  dentrer  en  soy  meeme  et  de  se  reuntr  au  service  du  Roy  par 
L,  b.  X,  A  Paris,  Jouxte  la  coppie  imprimée  à  Poictiers,  par 
Charles  Pignon,  imprimeur  en  ladicte  ville,  16i0.  Avec  permission, 
pp.  1-8.  ^  Lb'*  1384  •  Coppie  de  la  lettre  envoyée  à  M,  le  Pwi  d'Es- 
pûrf\on  par  Ut  habitant  de  Xainies  touchant  celle  quii  avait  escrite  à 
M .  Germain.  —  Eocj.  :  La  Justification  de  Af.  le  due  d'Espernon. 
A  Paris,  Jouxte  la  copie  imprimée  à  Xaintes,  par  Samuel  Crespon, 
imprimeur  et  libraire  en  ladicte  ville,  1620.  —  Lb'*  1447  :  £n- 
treruet  etc,  pp.  10  et  11  et  pcusim,  —  Ludovici  XIII  Itinenariun%, 
pp.  37-38.  —  Roncoveri,  pp.  329-330.  —  Gramond ,  303.  — 
Malmfçre.  pp.  643,  670,  668-670.  —  Dupleix,  pp.  140-141.  — 
P.  Griffet,  pp.  270-271.  —  Levassor,  pp.  691,  595,  597-699,  693.  — 
M^^o  d'Arcouville,  pp.  60,  69,  77-78,  82-85,  79-80.  —  V.  Cousin, 
juin  1862.  p.  346.  —  Leclerc,  pp.  82,  87,  91.  —  Le  véritable 
P,  Joseph,  p.  143.  —  Le  P.  Hervé,  p.  22.  —  Batterel,  pp.  84  et 
85.  —  Hist.  de  la  vie  du  duc  d'Epemon,  par  Girard,  pp.  349,  362-353. 
—  But,  du  sieur  d'Aubigné,  p.  136.  —  Hist.  du  Mareschal  de  Totras 
(1644),  p.  8.  —  Le  premier  Président  de  Courges  ft  le  duc  d'Epernon, 
par  Louis  de  Villepreux.  Paris,  Cotillon,  1870,  pp.  19-22,  et  passtm. 
^  LouiS  XIII  et  le  Béarn,  par  l'abbA  Puyol  a872).  p.  82.  —  Bouille, 
Hist.  fies  ducs  de  Guise,  t.  IV,  p.  87.  —  Bazin,  p.  369.  —  H.  Martin, 
p,  UjS.  —  Pareste,  p.  68.  —  B.  Roger,  pp.  487-488.  —  Bodin,  pp.  464- 
465.  —  C.  Port,  art.  Brissac.  —  Godard-Faulirier,  t.  II,  pp.  2dl-2ô2, 


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-  87  - 

éternisait  dans  sa  transformation  la  guerre  civile,  dès  le 
seuil  de  cette  laborieuse  impasse  où  l'enferma  près  de  dix 
ans  son  génie  guerrier,  Rohan  perdait  à  la  fois  deux 
alliés  également,  quoique  très  diversement  considérables  : 
un  La  Trémouille  et  un  d'Aubigné.  Avec  eux  à  la  fois  lui 
échappaient  et  sa  consistance  centrale  et  Fenvolée  des 
plus  audacieuses  diversions,  Avec  le  ralliement  ou  la 
défection  de  La  Trémouille  et  de  d'Aubigné,  la  grande 
confédération  du  protestantisme  méridional  était  atteinte 
à  la  fois  au  cœqr  et  aux  ailes.  Si  encore,  avec  une  ligne  de 
bataille  aussi  entàipée,  Rohan  avait  pu  conserver  derrière 
lui  une  réserve  immuable  !  Mais  par  delà  la  Garonne  il 
voyait  déjà  chanceler  la  complicité  désabusée  du  gou- 
verneur de  Béarn.  C'est  que  le  souple  et  l'ambitieux  duc 
de  La  Force  n'était  point  à  l'épreuve  des  habiles  avances 
de  Luynes,  Encore  quelques  étapes  de  cette  rentrée  en 
campagne  de  Louis  XIII,  et  il  aura  suffi  au  connétable  du 
lendeipaia  de  montrer  de  loin  au  vieux  La  Force,  même 
appuyé  sur  sa  levée  de  cinq  mille  hommes,  le  bâton  de 
maréchal,  pour  fléchir  sa  résistance  à  l'enregistrement,  en 
plein  parlement  de  Pau,  de  Tédit  de  Béarn.  L'enregis- 
trement de  redit  de  Péarn,  telle  est  la  vraie  victoire 
qu'allait  chercher  jusqu'au  pied  des  Pyrénées  cette  mo- 
narchie catholique  ressaisie  et  relancée  sur  le  champ 
de  bataille  des  Ponts-de-Cé  par  le  Nonce  et  l'Archevêque 
de  Seps,  par  le  père  Arnould,  BéruUe  et  le  Père  Joseph. 
L'enregistrement  de  l'édit  de  Béarn,  tel  était  le  coup 
décisif  dont  s'ébranlaient  déjà,  sur  tout  le  champ  de  bataille 
qui  mesurait  la  guerre  sainte,  les  remparts  de  Montauban, 
de  Montpellier  et  de  La  Rochelle.  En  vain  ces  dernières 
citadelles  de  la  réforme  s'acharneront,  dans  une  résistance 
surhumaine,  à  tromper  leur  désespoir.  Avec  la  promul- 
gation, à  Pau,  (Je  la  rentrée  du  Béarn  dans  l'orthodoxie 
française,  aura  sonné  leur  dernière  heure.  Après  cela,  et 
dans  rimminence  de  sa  chute,  Rohan  n'aura  plus  qu'à 


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promener  tristement  dans  ces  défilés  des  Cévennes,  qu'il 
n'échangera  que  si  tard  contre  ceux  de  la  Valteline  et  de 
l'Alsace,  l'intrépidité  fourvoyée  d'un  Vercingétorix  et  d'un 
Annibal,  d'un  Charette  et  d'un  Mercœur. 

Pendant  que  la  révolte,  domptée  à  Brissac  encore  plus 
sûrement  qu'aux  Ponts-de-Cé,  ne  rencontrait  dans  sa 
métamorphose  que  la  dissolution  et  la  ruine,  chaque  jour 
la  cause  royale  s'affermissait  dans  sa  victoire.  C'était 
surtout  grâce  à  ce  qu'y  introduisirent  de  cohésion  les  affi- 
nités d'alliance  et  les  liens  de  famille  multipliés  autour  du 
trône,  dès  son  avènement  au  pouvoir,  par  la  diplomatie 
matrimoniale  de  Luynes.  En  y  envisageant  principalement 
le  favori  en  règne  au  point  de  vue  central  de  ses  calculs 
personnels,  dès  l'ouverture  de  la  guerre  civile  nous 
ravons  vu  rechercher  dans  l'état-major  de  l'armée  royale, 
pour  sa  nièce  Anne  du  Roure  de  Gombalet,  la  main  du  fils 
de  Créquy  Canaples.  Par  une  suite  de  la  même  tactique, 
et  dans  ses  sollicitudes  alternatives  de  concentration  et  de 
ralliement,  Luynes,  dès  le  lendemain  du  combat  des  Ponts- 
de-Cé,  avait  offert  en  amorce  de  réconciliation  au  duc 
d'Épernon  la  main  d'une  autre  nièce  pour  son  fils  La 
Valette.  Mais,  aux  yeux  de  Luynes,  le  chef-d'œuvre,  le 
résumé  et  le  couronnement  de  ses  industries  nuptiales, 
c'était  de  s'allier  principalement,  lui  le  persécuteur  initial 
et  le  plus  persévérant  ennemi  de  Marie  de  Médicis,  avec  le 
prélat  qui,  après  n'avoir  embrassé  Texil  de  sa  souveraine 
que  pour  y  armer  contre  lui  sa  disgrâce,  ne  la  ramenait 
avec  lui  au  Louvre  et  n'allait  rentrer  par  elle  au  Conseil 
que  pour  l'y  primer  sous  la  pourpre,  et  cela  grâce  à  la 
coïncidence  de  son  avènement  à  un  second  ministère 
avec  sa  promotion  au  cardinalat.  Primer  Luynes  au 
Conseil  sous  la  pourpre  !  tel  est  le  péril  dont  Richelieu 
allait  menacer,  dès  son  retour  de  la  guerre  sainte  à  Paris, 
Tombrageux  Luynes,  ainsi  que  nous  en  avons  déjà  chez 


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-  89- 

lui  pressenti  le  souci,  si  Luynes  n'allait  vite  obvier  aux 
suites  de  ses  vagues  promesses  de  cardinalat  datées  des 
Ponts-de*Cé,  en  assurant  d'avance,  au  regard  de  l'am- 
bitieux prélat  guettant  son  chapeau  rouge,  Tantériorité  de 
son  propre  avènement  à  la  connétablie,  et  cela  afin  de 
contrebalancer  au  Conseil,  dès  que  Richelieu  en  entrou- 
vrirait la  porte,  ce  chapeau  rouge  des  Georges  d'Amboise, 
des  Guise  et  des  Duperron  par  Tépée  des  Montmorency.  Or 
justement,  à  voir  se  développer  si  vite  aux  réunions  de 
Brissac  le  nouveau  crédit  de  Richelieu,  Luynes  en  était  à 
se  demander  si  le  prélat  assez  puissant  pour  obtenir  sans 
lui)  fût-ce  par  Marie  de  Médicis  ou  Gondé,  le  chapeau  de 
cardinal,  ne  Taiderait  pas  à  son  tour  dans  Taudace  de  ses 
brigues.  Il  est  vrai  que  Luynes  n'aurait  tenu  celte  conné- 
tablie que  pour  la  retourner  de  suite  contre  Richelieu  en 
contre-partie  d'équilibre.  Mais,  d'autre  part,  si  Richelieu, 
pour  conquérir  sa  pourpre,  n'avait  pas  renoncé  entièrement 
à  se  servir  de  Luynes,  à  ce  point  de  vue  ce  serait  pour  lui 
quelque  chose  de  l'avoir  servi  lui-môme  dans  ses  propres 
visses  pour  le  constituer  son  redevable.  Or,  entre  Richelieu 
et  Luynes,  ce  qui  pouvait  le  mieux  assurer  cette  réci- 
procité de  services  et  cet  échange  de  protections,  c'était,  ce 
semblait-il,  Tidentiâcation  de  leurs  deux  fortunes  réalisée 
dans  des  solidarités  de  famille.  C'était  l'achèvement  de  ce 
réseau  d'alliances  qui  avait  déjà  fixé  Luynes  si  avant  et 
par  tant  de  côtés  dans  la  cause  royale.  Après  y  avoir  épousé 
tour  à  tour,  en  la  personne  de  Créquy  et  d'Épernon,  le 
prestige  de  la  victoire  et  la  solennité  des  ralliements,  il  ne 
lui  manquait  plus  que  d'embrasser,  dans  cette  même 
accolade  de  fusion  domestique,  le  génie  même  des  récon- 
ciliations royales.  Et  voilà  ce  qui  détermina  Luynes,  à 
Brissac,  à  demander  à  Richelieu,  pour  son  neveu  Antoine 
de  Beauvoir  du  Roure,  marquis  de  Combalet,  frère  de 
cette  nièce  mariée  à  Canaples,  et  qui  rachetait  ses  désa- 
vantages physiques  par  l'emploi  de  mestre-de-camp  du 


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régiment  de  Normandie,  la  main  de  Marie-Madeleine  de 
Wignerod  de  Pontcourlay,  fille  de  René  de  Wignerod  de 
Pontcourlay»  jadis  gentilhomme  de  la  Chambre  de.Henri  IV, 
et  de  Françoise  de  Richelieu,  sœur  de  Tévêque  de  Luçon. 
Et  c'est  lorsque,  le  14  août,  s'acheminait  de  Brissac  le 
courrier  Chazan  vers  Rome  avec  la  demande  officielle  du 
cardinalat  pour  Richelieu  S  que  Béruile  lui  transmettait 
Touverture  matrimoniale  de  Luynes*. 

A  ne  s'en  rapporter  là-dessus  qu'au  laconisme  hautain 
de  ses  mémoires,  Richelieu  n'aurait  agréé  cette  avance 
que  par  une  concession  de  bon  prince,  et  seulement  pour 
complaire  à  Marie  de  Médicis.  Mais  aujourd'hui  nous 
savons  à  quoi  nous  en  tenir  sur  cette  affectation  d'une 
dédaigneuse  condescendance,  autant  que  sur  le  silence 
absolu  dont  s'enveloppent  dans  ses  artificieux  mémoires 
les  promesses  de  cardinalat  datées  d'Angers  et  des  Ponts- 
de-Cé.  Il  eût  par  trop  coûté  à  Richelieu  d'avouer  que,  en 
s'empressant  de  correspondre  aux  avances  du  favori  dont 
il  attendait  en  partie  le  chapeau  rouge,  et  qui,  une  fois 
empanaché  de  sa  connétablie,  l'avait  laissé  se  morfondre 
dans  une  expectative  creuse,  il  avait  été  victime  d'une 
précipitation  stérile  et  ne  s'était  embarqué  avec  lui  que 
dans  une  graduite  mésalliance.  Richelieu  eût  voulu  dérober 
à  la  postérité  Tamertume  des  confusions  ressenties  dans 


*  A  côté  de  cette  présentation  officielle  et  des  démarches  offi- 
cieuses parallèlement  poursuivies  à  Rome  en  faveur  de  Richelieu 
par  son  ami  l'abbé  de  la  Cochère  Sébastien  Bouthellier,  il  serait 
intéressant  de  suivre  les  contre-démarches  souterraines  tentées  par 
Lujnes  auprès  du  Nonce.  Mais  nous  laissons  cette  tâche,  comme 
excédent  notre  cadre,  àl'éminent  biographe  de  Richelieu  M.  Gabriel 
Hanoteaux. 

•  Les  deux  propositions  du  mariage  entre  une  nièce  de  Lujnes  et 
La  Valette  et  du  mariage  entre  le  neveu  de  Lujnes  Combalet  et 
]^iie  (il)  Pontcourlaj  furent  faites  le  même  jour.  Du  moins  Condé 
annonça  les  deux  mariaj?es  à  la  fois  à  Bentivoglio.  —  C'est  la  coïn- 
cidence du  mariage  Combalet-Pontcourlaj  avec  le  dénouement  de  la 
guerre  civile  qui  a  fait  dire  plaisamment  à  Bautru,  à  propos  du 
combat  des  Ponts-de-Cé  :  c  Les  canons  du  côté  du  roi  disaient  : 
Combalet,  et  ceux  du  côté  de  la  Reine-Mère  :  Pontcourlaj.  • 


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son  orgueil,  te  jour  où  il  crut  s'apercevoir  que  ce  favori  de 
basse-cour  à  qui  il  avait  ai  vite,  pour  ne  pas  dire  si  incon- 
sidérément livré  sa  nièce,  une  fois  investi  de  sa  suprême 
gloriole,  l'avait  leurré  du  mirage  sans  cesse  reculé  de  sa 
pourpre.  Et  tout  cela,  parce  que  Luynea  ne  lui  pardonnait 
pas  de  lui  avoir  été  nécessaire  pour  le  désarmement  de 
Marie  de  Médicis,  et  que  le  poids  d'un  tel  service  lui 
faisait  envisager  pour  lui-môme  son  élévation  comme  dan- 
gereuse. Du  moins  telle  est  la  cuisante  persuasion  dont 
s'envenime  cette  partie  des  mémoires  de  Richelieu  con« 
sacrés  à  Tentrevue  de  Brissac,  et  qui  s'érige  en  une 
•anglante  diatribe  contre  Thomme  qui  n'eut  peut-être 
envers  lui  que  le  tort  de  disparaître  avant  sa  promotion  de 
cardinal.  Mais  à  cet  égard  quelle  qu'ait  été  la  duplicité 
temporisatrice  du  favori  qui,  avant  sa  fin  prématurée,  trouva 
bien,  il  est  vrai,  le  temps  de  passer  connétable,  combien 
Richelieu  eût  eu  meilleure  grâce  à  convenir  devant  nous, 
avec  cette  libre  ingénuité  de  l'omnipotence  satisfaite,  qu'il 
n'avait  en  définitive  essuyé  là  qu'une  de  ces  mystifications 
inhérentes  aux  tâtonnements  originaires  des  plus  hautes 
destinées  !  Mais  non.  Il  aime  mieux  nous  abuser  sur  la 
source  latente  de  son  fiel,  en  infectant  de  ses  extra  va- 
sements  implacables  tout  ce  qu'a  été  Luynes  au  regard  de 
Marie  de  Médicis  depuis  l'assassinat  de  Goncini  jusqu'à 
l'entrevue  de  Brissac.  Ce  Luynes,  ce  confident  préféré  et 
cet  interlocuteur  docile  du  nonce  et  de  Duperron,  du  Père 
Arnould,  de  BéruUe  et  du  Père  Joseph  ;  ce  Luynes  à  qui, 
depuis  la  paix  d'Angoulôme  et  l'entrevue  de  Tours,  et 
jusqu'à  travers  le  champ  de  bataille  des  Ponts-de-Cé, 
Richelieu  n'avait  cessé  de  tendre  la  main,  comme  à 
l'homme  qui  avait  le  mieux  sondé  l'énigme  et  préconisé 
l'efficacité  réparatrice  du  rôle  qu'il  jouait  auprès  de 
leur  souveraine  ;  ce  Luynes  dont  on  ne  pouvait  suspecter, 
vis-à-vis  de  Marie  de  Médicis,  les  ménagements  et  les 
avances,    puisque    ses    seules    sollicitudes    d'équilibre 


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politique  en  garantissaient,  sinon  le  désintéressement 
chevaleresque,  au  moins  la  sincérité  relative  ;  ce  Luynes 
qui  savait  ne  pouvoir  mieux,  aux  conseils  du  Louvre, 
opposer  à  Condé  Marie  de  Médicis  qu'en  y  assurant  à  celle- 
ci  un  retour  honorable  et  sûr  dont  elle  lui  serait  particu- 
lièrement redevable  ;  le  voilà  tout  à  coup,  grâce  à  Richelieu, 
transformé  dans  ses  agissements  envers  la  reine-mère 
datant  de  la  phase  angevine  de  la  guerre  civile,  en  un 
nionatre  d'hypocrisie  et  de  scélératesse.  Il  n'est  sorte  de 
noirceurs  que,  par  un  renchérissement  sur  les  violences  de 
Condé,  Luynes  n'ait  ourdies  pour  la  perdre.  A  en  croire  ce 
Richelieu  trop  tardivement  investi  de  sa  pourpre,  depuis 
Temprisonnement  jusqu'au  poignard  tout  eût  été  bon  à 
Luynes  contre  celle  à  qui  il  ne  pardonne  pas,  à  elle  non 
plus,  de  n'avoir  pas  digéré  l'immolation  de  Concini.  Aux 
mains  de  Richelieu  toutes  les  calomnies  sont  recevables, 
et  il  ne  peut  dégorger  assez  de  bile  contre  cet  homme  qui 
&*est  avisé  de  la  trouver  redoutable.  Et,  dans  cette  haine 
rétrospective  contre  les  frayeurs  dilatoires  d'une  trop 
ombrageuse  faveur,  Richelieu  ne  regarde  pas  lui-même  à 
s'enferrer  dans  la  projection  de  ses  diatribes.  Par  un 
châtiment  digne  de  lui,  elles  se  retournent  contre  lui- 
même,  en  entamant  aux  yeux  de  cette  postérité  qu'abusent 
ses  rancunes  la  gloire  si  pure  de  son  entremise  angevine. 
En  le  voyant  flageller  et  stigmatiser  à  outrance  le  point  de 
mire  de  l'insurrection  s'autorisant  du  nom  de  la  reine- 
mère,  et  en  ignorant  ce  que  tous  deux  y  entretinrent  de 
ces  communications  secrètes  que  Richelieu  enfouit  comme 
un  opprobre  et  dont  la  divulgation  aujourd'hui  proclame 
sa  droiture,  on  a  longtemps  pris  cet  acharnement  pour 
Tanimosilé  d'un  rebelle.  Avec  l'habileté  consommée  qui 
préside  à  la  rédaction  de  ses  mémoires,  en  vain  Richelieu 
affecte  de  nous  opposer  les  remontrances  pacificatrices 
doni  il  assiège  Marie  de  Médicis  à  la  nomenclature  des 
prétendues  avanies  et  persécutions  de  Luynes  :  malgré  ses 


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captieuses  précautioDs  d*apologie  pamphétaire,  od  s'est 
dit  qu'un  aussi  virulent  détracteur  de  Tbomme  que  visait 
surtout  l'armement  de  la  reine-mère  ne  pouvait  être  au 
fond  qu'un  complice  des  Vendôme  et  des  Soissons,  des 
Épemon,  des  Rohan  et  des  Mayenne.  Et  une  fois  qu'on  l'a 
eu  rejeté  du  quartier  général  de  Marie  de  Médecis  dans  le 
camp  des  rebelles  qui  empruntaient  son  nom,  une  fois 
qu'on  eut  interprété  ce  qu'il  lui  prodiguait  d'assistance 
défensive  en  une  solidarité  insurrectionnelle,  on  en  a 
conclu  rigoureusement,  et  l'on  a  autorisé  ce  préjugé,  que 
Richelieu  n'avait  pu  restituer,  ou  plutôt  livrer  à  Louis  XIII 
Marie  de  Médicis  que  par  une  trahison  de  transfuge,  et 
qu'il  n'avait  tû  les  promesses  concomitantes  du  chapeau 
de  cardinal  que  parce  qu'il  en  rougissait  comme  du  prix 
d'une  félonie.  Et  voilà  comme,  sur  la  personnalité 
longtemps  problématique  du  Richelieu  de  Blois^  d'An- 
goulême  et  de  Tours,  d'Angers,  des  Ponts-de-Cé  et  de 
Brissac,  toutes  les  inculpations  s'enchaînent  entre  elles,  et 
celles  de  Richelieu  avec  celles  de  Luynes.  Mais  si  l'évêque 
de  Luçon  a  mieux  aimé  se  perdre  de  réputation  avec 
Luynes  que  de  s'associer  à  son  apologie,  en  revanche  il  a 
rendu,  par  cette  connexité  même  de  soupçons  et  de  charges, 
leurs  deux  justifications  inséparables  l'une  de  l'autre.  C'est 
pour  eux  deux  à  la  fois  que  la  correspondance  de  Richelieu 
justifie  et  corrige  ses  mémoires.  Voilà  comme,  en  dégageant 
de  son  ambiguïté  initiale  la  gloire  de  l'un,  elle  réhabilite 
l'honneur  de  l'autre  dans  toute  la  mesure  où  il  en  est 
digne.  Ah  !  certes,  dans  l'histoire  si  longtemps  dénaturée 
de  la  première  chute  de  Marie  de  Médicis,  Luynes  demeure 
déjà  bien  assez  coupable  d'en  avoir  ensanglanté  le  signal, 
sans  qu'il  y  faille  encore  grever  sa  mémoire  de  l'inutile 
barbarie  des  coups  de  grâce.  S'il  a  brutalement  renversé, 
il  s'est  interdit  d'achever  Marie  de  Médicis.  A  peine  abattue 
et  encore  meurtrie  de  sa  disgrâce,  avec  sa  modération 
avifiée  et  sa  diplomatie  secourable,  Luynes  lui  prépare 


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-  94- 

déjà  sa  réintégration  au  Louvre,  non  plus  certes  dans  la 
place  d'où  elle  est  tombée  sans  retour  avec  Goncini,  mais 
dans  une  place  grande  encore,  et  une  place  plus  légitime 
et  plus  sûre,  que  lui  enlèvera  seule  la  journée  des  dupes. 
Ce  calcul  de  restauration,  Richelieu  Tignorait  moins  que 
personne,  puisque  la  place  ménagée  par  Luynes  à  leur 
souveraine  était  au  fond  la  sienne,  et  que  Luynes  n'y 
pouvait  ramener  la  reine-mère  sans  Ty  ramener  avec  elle. 
Mais  il  suffisait  que  Luynes  y  fil  attendre  au  prélat  appelé 
à  y  régner  en  maître  cette  consécration  que  trente  ans 
plus  tard  Retz  enViera  si  dangereusement  à  Mazarin,  pour 
que  là -dessus  sa  bile  d'ambitieux  ajourné  empoisonne 
ses  souvenirs.  Aussi,  encore  une  fois,  est-il  heureux  que 
la  correspondance  de  Richelieu  démente  et  désavoue  ses 
mémoires.  Autrement,  on  n'eût  peut-être  jamais  su  jusqu*où 
peuvent  s'étendre  sur  une  réputation  déchirée  les  ravages 
d'un  grief. 

Pour  en  revenir  à  un  événement  trop  gros  de  promesses 
pour  ne  l'être  pas  en  môme  temps  de  déceptions  et  de 
vengeances,  ce  qui  nous  montre  à  quel  point  à  Brissac 
Richelieu  avait  à  cœur  l'alliance  avec  Luynes,  c'est 
l'énergie  des  obstacles  qu'il  a  brisés  lui-même  dans  le  cœur 
de  celle  dont  Antoine  de  Combalet  du  Roure  poursuivait 
l'hymen. 

Belle,  aimante  et  vertueuse,  et  nièce  d'un  prélat  en  qui 
se  décelait,  jusqu'à  travers  les  orages  de  la  guerre  civile, 
le  plus  grand  avenir,  la  jeune  fille  de  seize  ans  répondant 
au  nom  de  Pontcourlay  ne  pouvait  manquer  d'être  de 
partout  recherchée.  Aussi,  dès  le  début  de  Tannée  1620,  et 
par  conséquent  bien  avant  la  démarche  de  Luynes,  le 
marquis  de  Brézé,  capitaine  des  gardes  de  Marie  de  Médicîs, 
et  qui,  avec  la  sœur  de  Richelieu  Nicole,  avait  épousé  leurs 
sollicitudes  avunculaires,  présentait  à  Févêque  de  Luçon, 
comme  le  plus  ardent  des  soupirants  de  leur  nièce,  et 
eomme  un  soupirant  digne  d'être  agréé  d'elle,  son  ami  le 


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--98- 

jeune  comte  Hippolyte  de  Béthune,  fils  de  ce  frère  de  Sully 
Philippe  de  Béthune,  comte  de  Selle  et  ambassadeur  à  Rome, 
que  nous  avons  déjà  vu  utilement  employé  au  traité  d'Angou- 
léme.  Ce  qui  recommandait  le  plus  auxyeux  de  Marie  de  Pont- 
courlay  ce  prétendant  de  dix-sept  ans,  ce  n'était  ni  le  lustre 
du  nom  de  Sully,  ni  la  fortune,  ni  le  mérite  ni  la  situation 
du  jeune  comte,  gentilhomme  de  la  chambre  de  Oaslon,  ni 
même  les  agréments  de  son  visage  et  son  élégante  tournure, 
c*était  la  persévérance  d'une  flamme  résistant  à  Tépreuve 
de  l'exil  imposé  prudemment  à  la  juvénilité  filiale  par 
Philippe  de  Béthune,  sous  forme  d'un  rappel  à  Rome. 
Aussi,  quand  le  jeune  homme  en  eut  rapporté  aux  oncle 
et  tante  de  Marie-Madeleine,  comme  un  brevet  d'une  cons- 
tance reconnue  décidément  invincible,  les  sollicitations 
paternelles  à  l'appui  des  siennes  propres,  ce  fut  avec  un 
unanime  empressement  que,  en  mai  1620,  la  famille  réunie 
en  villégiature  au  château  héréditaire  des  Richelieu  pré- 
senta comme  fiancé  Hippolyte  de  Béthune  à  celle  qui  ne 
demandait  qu'à  le  voir  pour  s'en  éprendre.  Et  là,  dans  la 
libre  intimité  de  la  cohabitation  rurale,  et  sous  les  yeux  de 
parents  souriant  à  leur  aurore  de  félicités  nuptiales,  les 
deux  adolescents  s'aimèrent  avec  la  réciprocité  des  sym- 
pathies et  l'abandon  de  Tinnocence.  Aussi,  après  des 
jours  rapides  comme  des  heures,  et  des  heures  rapides 
comme  des  rêves,  Hippolyle  de  Béthune  repartait  avec 
Tinvincible  espoir  d'un  prochain  mariage,  avec  un  espoir 
que  n'atteignaient  pas  même  les  vagues  appréhensions  de 
Marie-Madeleine  sur  ce  que  réservaient  à  leurs  destinées 
les  contre-coups  de  la  guerre  civile. 

C'est,  en  effet,  dans  les  premiers  jours  de  l'entrevue  de 
Brissac  que  le  Père  BéruUe  transmit  à  Richelieu,  comme 
l'épilogue  des  réconciliations  royales,  ces  ouvertures  matri- 
moniales qui  transformaient  le  neveu  de  Luynes  Combalet, 
auprès  de  M""  de  Pontcourlay,  en  un  dangereux  rival  de 
Béthune.  Si  Richelieu  eût  vraiment  dédaigné,  autant  qu'il 


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—  96  — 

s'applique  à  nous  rinsinuer,  TalliaDce  avec  le  fauconnier 
du  Louvre,  qui  Tobligeait  de  lui  livrer  si  vite  sa  nièce?  Et 
pourquoi  mettre  ici  en  avant  les  exigences  de  Marie  de* 
Médicis?  Pour  décliner  ce  qu'il  nous  veut  faire  passer  vis- 
à-vis  de  Luynes  comme  une  aussi  dérogeante  concession, 
que  ne  lui  opposait-il,  comme  la  plus  péremptoire  excuse, 
Fantériorité  de  ses  engagements  avec  Hippolyte  de  Bé- 
thune?  Certes,  il  avait  beau  jeu  en  s'en  tenant  à  ce  brillant 
parti  sans  offenser  le  prétendant  qu'évinçait  la  tardi- 
vite  de  sa  démarche.  Mais  c'est  que  derrière  Combalet  il  y 
avait  la  plénitude  d'une  faveur  rajeunie  dans  la  paix  des 
Ponts-de-Gé,  tandis  qu'en  somme  Béthune  avait  le  tort 
d'être  le  neveu  de  l'ancien  ministre  dont  le  nom  ne  servait 
plus  qu'à  mesurer  l'immensité  de  sa  disgrâce,  d'une  de  ces 
solennelles  disgrâces  qui  se  projettent  sur  toute  une  race. 
Un  Luynes  a  pris  la  place  de  tout  ce  qu'évoquent  de  glo- 
rieux dans  l'histoire  des  grands  serviteurs  de  la  France 
les  souvenirs  de  la  confiance  et  de  l'amitié  d'Henri  IV.  Or, 
en  attendant  qu'il  continue  en  lui-même  les  hautes  tra- 
ditions par  lesquelles  Sully,  dans  le  culte  de  la  postérité, 
se  rattache  à  Mazarin  et  à  Golbert,  Richelieu  trouve  plus 
sûr  de  répudier  tout  contact  avec  ce  nom  d'une  signifi- 
cation actuelle  trop  nuisible,  et  surtout  de  s'en  écarter  à  la 
veille  d'une  guerre  de  religion  comme  d'un  rejaillissement 
de  défaveur.  C'est  du  moins  ce  que  semble  lui  rappeler  un 
peu  tard,  en  ces  colloques  du  château  de  Brissac  succédant 
aux  réunions  de  famille  que  venait  d'abriter  le  vieux 
manoir  des  Richelieu,  l'opportunité  d'une  correspondance 
aux  ouvertures  avunculaires  de  Luynes.  D'ailleurs,  nous 
le  répétons,  si  rapides  qu'aient  semblé  à  Brissac  la  reprise 
et  l'essor  de  son  crédit  politique,  Richelieu  ne  s'y  sent  pas 
encore  assez  invétéré  pour  y  négliger  les  protections  d'an- 
tichambre et  d'alcôve.  Si  Luynes  le  recherche,  lui,  en 
revanche,  ne  trouve  pas  encore  au-dessous  de  lui  de 
l'exploiter.  Et  voilà  ce  qui  décide  Richelieu,  en  souverain 


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—  97  - 

arbitre  des  destinées  de  sa  famille,  à  immoler  le  cœur  de 
sa  nièce  aux  exigences  de  Tambition  la  plus  autoritaire. 
Voilà  pourquoi  il  a  cru  pouvoir  impunément,  avec  la  plus 
tyrannique  soudaineté,  substituer  dans  les  plus  chères 
inclinations  de  Madeleine  de  Pontcourlay  un  Combalet  à 
un  Béthune. 

Mais  à  quelque  degré  qu*une  mémorable  disgrâce  ait  pu 
déteindre  sur  la  famille  du  fiancé  déjà  condamné  de 
Madeleine,  cette  famille  était  encore  trop  considérable,  à 
en  juger  par  l'emploi  qui  fixait  à  Rome  Philippe  de 
Béthune,  pour  qu*on  n*y  regardât  pas  à  rompre  avec  elle 
sans  ménagements.  Richelieu  était  un  politique  trop  pré- 
cautionneux pour  ne  s'attacher  à  Luynes  qu'en  offensant 
les  Béthune.  Sans  doute  il  a,  lui-même,  infléchi  impéra- 
tivement dans  le  sens  de  son  volte-face  matrimonial  les 
sollicitudes  paternelles.  Sans  doute,  avec  les  injonctions 
d'un  oracle,  il  a  remontré  à  son  beau-frère  combien  il  lui 
importait,  à  lui  le  vétéran  négligé  des  campagnes  d'Henri  IV, 
à  lui  dont  on  avait  oublié  l'anoblissement  sur  le  champ 
de  bataille  d'Arqués  en  le  solidarisant  dans  ses  propres 
disgrâces;  combien  il  lui  importait  d'échanger  la  stéri- 
lité d'un  roman  fragile  comme  l'adolescence  contre 
l'alliance  moins  idéale,  mais  plus  fructueuse  qui  lui  rou- 
vrait le  chemin  de  la  cour.  Il  lui  déduisit  à  quel  point  un 
Pontcourlay  se  devait  à  lui-même,  comme  il  se  devait  au 
nom  déjà  si  honorablement  classé  de  Richelieu,  d'em- 
brasser les  partis  qui  lui  promettraient  le  plus  sûrement 
de  dégager,  de  pousser  et  d'exhausser  sa  famille.  Seule- 
ment, en  pratiquant  dans  le  coeur  des  deux  amants  une 
rupture  commandée  par  d'inexorables  convenances,  en 
brusquant  un  coup  qui  rendait  Marie-Madeleine  non  pas 
certes  à  elle-même,  mais  à  cette  politique  dont  elle  subis- 
sait lesclavage,  il  était  bien  entendu  que  M.  de  Pontcourlay 
n'agirait  que  comme  de  lui-même  et  à  ses  proprçs  risques, 
et  n'y  mettrait  en  cause  que  Tautorité  paternelle.  Richelieu 


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.  —  98  — 

devait  demeurer  étranger  à  une  aussi  cruelle  opération ,  et 
cela  même  dans  l'intérêt  des  calculs  qui  y  présidaient. 
Tandis  qu^au  prix  des  violentes  désillusions  de  sa  nièce 
se  déroulerait,  sur  le  grand  théâtre  des  réconciliations 
royales,  cette  intrigue  rien  moins  que  sentimentale  dont 
r  il  ne  pourrait  plus  nier  aujourd'hui  d'avoir  été  l'impérieux 

^'  artisan,  avec  sa  dissimulation  mise  déjà  à  une  si  longue 

'  épreuve  derrière  Marie  de  Médicis,  il  se  devait  retrancher 

dans  rimpassibilité  d*un  observateur  de  coulisse. 
M.  de  Pontcourlay  dut  donc  prendre  sur  lui  seul  d'exé- 
^/  cuter  le  cœur  de  sa  fille  et  d'attenter  à  l'enchantement  de 

I  ses  rêves,  avec  les  douloureuses  rigueurs  de  Tautorilé 

•::  paternelle.  Et  c'est  à  peine  si  les  ménagements  de  sa 

^  démarche  eussent  conjuré  le  désespoir  chez  toute  autre 

;•  que  Marie-Madeleine,  trop  sérieusement  éprise  d'Hippo- 

l^  lyte  de  Béthune  pour  n'être  pas  meurtrie  de  la  sentence 

?  qui  l'arrachait  de  lui,  mais  aussi  trop  prédestinée  par  sa 

r  vertu  précoce  aux  plus  héroïques  renoncements  de  la  vie 

;  chrétienne  pour  n'accepter  pas  avec  l'intrépide  résignation 

de  Tobéissance  filiale  les  dures  décisions  de  sa  famille. 
Quant  à  Philippe  de  Béthune,  dès  que  cette  famille  qui 
d'abord  avait  si  cordialement  embrassé  son  alliance  lui 
eut  laissé  dans  un  refroidissement  embarrassé  pressentir 
1  une  rupture,  avec  l'affectation  d'un  orgueil  froissé  il  s'em- 

pressa de  ressaisir,  au  nom  de  son  fils,  la  liberté  si  heu- 
i  reusement  engagée  dans  les  fiançailles  de  la  veille.  Hélas  ! 

■  il  avait  là  compté  encore  une  fois  sans  l'énergie  d'une 

passion  en  vain  refoulée  déjà  jusqu'à  Rome;  et  Hippolyte 
de  Béthune  n'avait  pas  rapporté  du  plus  lointain  exil  à 
I  Madeleine  de  Pontcourlay  une  passion  dont  on  le  pût 

t  affranchir  sans  déchirement.  Aussi  lui  suffit-il  de  montrer, 

l  sa  blessure  et  de  laisser  couler  ses  larmes  pour  atteindre 

i  jusqu'à  travers  la  raideur  cassante  du  fier  gentilhomme 

;.  d'où   dépendait   son  avenir   les  flexibilités  de  l'amour 

u.  paternel.  Philippe  de  Béthune  s'humilia  donc  jusqu'à 

( 

? 

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(Conjurer  Richelieu,  ce  vrai  maître  des  destinées  de  sa 
famille,  de  prendre  en  pitié  l*inconsolable  amant  de  Made- 
leine, en  révoquant  l'arrêt  de  mort  qui  l'avait  détaché 
d'elle.  Mais  le  jeune  homme  eut  beau  venir  lui-même 
présenter  à  Richelieu  cette  supplique  épistolaire,  il  eut 
beau  plaider  sa  cause  avec  Téloquence  du  désespoir  :  à 
travers  un  honorable  accueil  il  se  sentit  évincé  sans  appel, 
.et  ne  rapporta  à  son  père  que  cette  réponse  polie  mais 
sèchement  évasive  :  «  J'ai  été  très  aise  de  savoir  de 
M.  votre  fils  qu'il  soit  revenu  satisfait  du  voyage  qu'il  a 
fait  vers  sa  maltresse,  et  sur  le  sujet  de  quoi  je  n'ai  rien  à 
vous  dire,  la  conclusion  de  cette  affaire  dépendant  de 
M.  de  Pontcourlay.  C'est  à  lui  que  vous  devez  vous  adresser. 
Pour  mon  particulier,  je  conlribuerai  toujours  à  ce  que 
je  saurai  être  de  votre  contentement,  vous  assurant  qu'il 
n'y  a  personne  qui  vous  estime  plus  que  moi  qui  suis 
véritablement,  Monsieur,  votre  affectionné  à  vous  servir^  ». 
Ainsi  Richelieu  renvoie  HippoIytedeBétbuneà  M.  de  Pont- 
courlay, et  M.  de  Pontcourlay  ne  décide  rien  sans  son 
beau-frère.  En  vérité,  c'est  une  comédie,  et  une  comédie 
où  se  décèle  le  peu  de  franchise  du  jeu  de  Richelieu  ! 
Disons-le  bien  haut.  Après  avoir  disposé  là  en  despote, 
ainsi  qu'il  le  fera  toute  sa  vie,  des  aspirations  de  cette 

*  Cette  lettre  a  subi  en  sa  rédaction ^  dans  le  passage  de  Toriginal 
à  la  copie,  divers  changements  significatifs.  Les  mots  :  «  Sur  le 
«abject  de  quoj  je  n'ay  rien  à  vous  dire  >  ont  pris  la  place  de  ceux* 
ci  :  a  et  le  seroy  encore  davantage  quand  sa  recherche  se  terminera 
à  voBtre  contentement  et  au  mien,  mais. . .  »  Plus  loin,  au  lieu  de  : 
«  Pour  mon  particulier,  etc..  (jusqu'à  la  fin),  il  y  avait  :  «  Sinon 
que  lorsqu'il  7  aura  donné  son  consentement  jj  donnerai  aussi 
très  volontiers  le  mien  pour  vous  témoigner  l'estime  que  je  fais  du 
père  et  du  fils...  »  On  peut  conjecturer  de  ces  corrections  jetées 
comme  des  sourdines  sur  des  expressions  d'affectueux  assentiment, 
que  ce  ne  fut  pas  sans  regret  et  sans  hésitations,  que  Richelieu 
rompt  un  mariage  d'inclination  pour  imposer  à  sa  nièce  une 
alliance  toute  politique.  —  La  lettre  de  Ricnelieu,  sans  date,  a  été 
classée  par  Avenel  au  commencement  de  l'année  1620.  Mais  on  ne 
peut  la  rapporter  (comme  cela  s'impose)  à  la  rupture  des  fiançailles 
de  M'^  de  Pontcourlay  avec  Béthume,  sans  la  reporter  par  là  même 
à  la  date  de  la  conclusion  du  mariage  avec  Combalet,  décidé  durant 
rentr«T««  de  Briasae. 


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.—  iOO  — 

nièce  dont  la  carrière  se  résume  toute  dans  l'immolation  aux 
grandeurs  de  son  oncle,  Richelieu  devait  au  moins  avoir 
vis-à-vis  d'elle,  comme  vis-à-vis  de  Tamant  à  qui  il  Ta 
enlevée,  le  courage  à  la  fois  de  son  infidélité  et  de  ses 
rigueurs. 

Ajoutons  que,  quand  on  a  immolé  les  engagements  de 
sa  famille  au  culte  d'un  favori,  on  a  perdu  le  droit  d'incri- 
miner si  sévèrement  dans  ce  favori  les  manquements  de 
parole.  Et,  si  tant  est  qu'aux  Ponts-de-Cé  et  à  Brissac 
Richelieu  a  été  joué  par  Luynes,  on  serait  tenté  presque 
de  lui  appliquer  cette  réflexion  vulgaire  :  il  n'a  que  ce 
qu'il  mérite.  Ou  plutôt  disons  qu'il  vaut  mieux  pour 
Richelieu  d'avoir  été  dupe  de  sa  propre  infidélité,  que 
d'en  recevoir  ce  qui  n'en  serait  apparu  que  comme  une 
fâcheuse  récompense.  En  songeant  à  ce  dont  il  s'est 
détourné  pour  courir  à  Luynes,  on  doit  pour  sa  plus  grande 
gloire  le  féliciter  de  n'avoir  pas,  en  retour,  reçu  de  ses 
mains  le  chapeau  de  cardinal.  Quand  on  s'est  rendu  si 
digne  de  la  pourpre  en  réconciliant  et  en  sauvant  Marie  !de 
Médicis,  on  est  au-dessus,  non  seulement  de  la  trahison 
dont  l'histoire  absout  Richelieu,  mais  même  de  la 
déloyauté  dont  il  esquive  en  vain  le  reproche.  Dans  sa 
recherche  du  cardinalat,  il  n'avait  besoin  de  rien  de  tout 
cela  pour  en  conquérir  le  lustre.  Le  lustre  de  cette  pourpre 
qui  l'introduit  et  le  consacre  aux  conseils  du  Louvre  plane 
à  la  fois  au-dessus  de  la  prétendue  trahison  ourdie  contre 
Marie  de  Médicis,  et  de  l'indéniable  répudiation  de  Béthune. 
En  s'en  revêtant  sous  le  seul  patronage  de  la  reine-mère, 
du  nonce  ou  de  Gondé,  Richelieu  eût  dû  s'estimer  heu^ 
reux  d'éviter  par  là  d'en  être  amoindri.  Car,  en  définitive, 
Luynes  a  disparu  à  temps  pour  nous  démontrer  qu'il  n'était 
point  nécessaire  au  couronnement  de  son  redoutable 
client,  puisque  les  justes  titres  qui  l'ont  finalement  assuré 
à  Richelieu  lui  ont  survécu,  et  ont  survécu  à  son  alliance. 
Et  lorsqu'aura  sonné  pour  Richelieu  l'heure  d'endosser 


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r 


—  401  — 

cette  pourpre  tant  ambitionnée,  nul  n'ira  tirer  Luynes  du 
rapide  abandon  de  son  cercueil  pour  le  convier  à  lui  en 
venir  déférer  l'investiture  comme  son  œuvre. 

En  attendant  la  promotion  de  son  oncle  à  la  pourpre,  en 
attendant  sa  propre  élévation  au  titre  de  duchesse  d'Ai- 
guillon, la  très  éprouvée,  mais  la  courageuse  Madeleine  de 
Pontcourlay,  peu  après  Tentrevue  de  Brissac,  au  Louvre, 
s'acheminait  résolument  vers  l'époux  que  lui  imposait  la 
politique,  elle  allait  à  l'autel  tendre  la  main  à  Antoine  de 
Combalet  du  Roure*  avec  l'abnégation  d'une  victime  parée 
pour  le  sacrifice.  Cette  magnanimité  même  ne  fit  qu'aviver 
la  plaie  toujours  saignante  derrière  elle.  Hipppolyte  de 
Béthune  n'apprécia  jamais  mieux  que  dans  l'intrépidité 
d'un  tel  détachement  toute  l'étendue  de  sa  perte.  Il  ne 
ressentit  jamais  avec  un  regret  plus  poignant  combien 
Marie-Madeleine,  en  le  sacrifiant,  était  digne  de  lui,  aussi 
digne  de  lui  qu'en  la  comprenant  il  se  montrait  digne  d'elle. 
Aussi  quand,  après  un  veuvage  prématuré*,  une  nouvelle 
entremise  du  Père  de  Bérulle  eut  encore  une  fois  brisé  la 
volonté  de  M>*®  de  Pontcourlay  en  imposant  à  cette  nièce  de 
Richelieu,  qui  la  revendiquait  comme  inséparable  de  ses 
destinées,  le  renoncement  à  ses  aspirations  claustrales,  le 
constant  Hippolyte  de  Béthune  revint  la  redemander.  Mais 
ce  n'est  pas  dans  son  noviciat  de  carmélites  que  la  jeune 
femme  avait  appris  à  transiger  avec  les  immolations.  Elle 
n'avait  pas  encore  épuisé  son  élan  de  sacrifices.  Quant  à 
rentrer  dans  le  monde,  ce  n'était  que  pour  y  rester  fidèle 
aux  leçons  de  sainte  Thérèse.  Elle  ne  voulut  se  venger  de 
cet  oncle  impérieux  qui  avait  deux  fois  violenté  son  grand 
cœur,  qu'en  lui  sacrifiant  çUe-même  une  seconde  fois 
Béthune'.  Dans  son  émigration  du  Garmel,  et  dans  son 

*  Le  iO  noTembre. 

*  Combaret  décéda  dès  1632  au  siège  de  Montpellier,  sans  postérité. 

>  Hippolyte  de  Béthune  finit  par  épouser,  en  1629,  Anne-Marie 
de  Beauvilliers. 


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-  1M  - 

immuable  veuvage,  elle  voulut  embrasser  sans  partage 
le  rôle  pour  lequel  Bérulle  Tavait  relancée  dans  le  siècle, 
ce  rôle  que  la  Providence  lui  assignait  auprès  de  Thomme 
qui  la  voulait  toute  à  lui.  Clouée  à  des  grandeurs 
qu'elle  eût  préféré  perdre  de  Vue  dès  qu'elle  s'en  était 
radicalement  désabusée,  elle  se  voua  toute  à  Richelieu, 
non  seulement  pour  affermir  et  à  la  fois  humaniser  et 
et  embellir  son  règne,  mais  encore  pour  le  sanctiâer.  Noû 
seulement  la  duchesse  d'Aiguillon  offrit  à  Richelieu  dans 
son  apanage  maritime,  parmi  les  anxiétés  gouvernementales 
où  le  plongèrent  tour  à  tour  les  nouvelles  menaces  de  dis- 
grâce ou  de  giierre  civile  et  les  invasions  de  TEspagne,  un 
refuge  et  un  arsenal.  Non  seulement,  en  mariant  sa  cousine 
Glaire-Clémence  deMaillé-Brézé  avec  le  jeune  duc  d'Enghien, 
qui  allait  sitôt  devenir  le  vainqueur  de  Rocroy,  elle  élèvera 
Richelieu,  par  cette  alliance  avec  la  maison  de  France, 
bien  plus  haut  que  n'avait  pu  l'abaisser  l'alliance  avec 
Luynes,  et  le  réinstallera  dans  cette  perspective  centrale 
que  lui  assignent  les  réconciliations  de  Brissac  entre  Condé 
et  Luynes,  entre  la  plénitude  de  la  faveur  et  la  majesté  des 
avenues  du  trône.  Non  seulement  elle  s'instituera  l'inten- 
dante de  ses  réceptions  et  l'ordonnatrice  de  ses  fêtes*  Mais 
encore  et  surtout,  derrière  la  gouvernante  de  la  citadelle 
du  Hftvre,  derrière  la  princesse-nièce  du  Palais-Cardinal, 
derrière  la  châtelaine  des  splendeurs  de  Richelieu  et  de 
Ruel,  il  y  aura  Tillustre  dame  de  charité,  qui,  dans  ce 
magnifique  exil  où  l'a  enchaînée  le  cardinal-ministre,  épu- 
rera sa  gloire.  Richelieu  lui  devra  les  plus  beaux  titres  à 
cette  dignité  d'abord  trop  humainement  ambitionnée  de 
prince  de  l'église.  Pour  être  un  digne  cardinal,  il  ne  lui 
suffira  pas  d'avoir,  auprès  de  Marie  de  Médicis,  encouragé 
et  soutenu  les  apostolats  de  Bérulle  et  du  Père  Joseph.  Il 
faudra  encore  que  M™*  d'Aiguillon,  de  concert  avec  ses 
pieuses  amies  M"*  de  Miramion  et  M"*  Legras,  Térige,  en 


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-  toa  - 

rassociant  à  leurs  œuvrqs»  en  an  proteibteur  des  apos* 
tolata  de  M.  Olier  et  de  saint  Vincent  de  PauL 

Pour  l'efficacité  de  Tapostolat  de  M.  Olier  et  de  saint 
Vincent  de  Paul»  il  faut  d'abord  que  la  France  achève  de 
recouvrer  militairement  son  unité  religieuse.  Il  faut  que 
ces  deux  athlètes  de  la  charité  et  du  sacerdoce  niaient  plus 
qu*à  verser  leurs  germes  de  rénovation  spirituelle  sur 
les  ruines  du  protestantisme.  Il  faut  que»  sur  ce  théâtre  de 
Ten^revue  de  Louis  XIII  et  de  Marie  de  Médicis,  et  au  pied 
de  Tau  tel  où  ils  ont  scellé  leur  concorde,  BéruUe  et  le  Père 
Joseph  donnent  le  signal  de  la  guerre  sainte^  Il  faut  que 
par  là  d'avance  ils  assurent  à  Richelieu»  en  retour  de  ce 
que  lui  doivent,  avec  Marie  de  Médicis,  TOratoire,  le 
Garmel  et  le  Calvaire,  leur  propre  part  dans  la  justification 
de  sa  pourpre.  Il  faut  que  Richelieu  leur  doive  cette  guerre 
sainte  due  à  leur  initiative,  mais  qu'il  a  si  glorieusement 
close  par  la  prise  de  La  Rochelle.  Mais  arrêtons-nous  au 
seuil  de  cette  dernière  de  nos  guerres  de  religion  dont  le 
théâtre  s*étend  de  Montauban  à  La  Rochelle^  comme  d'une 
nouvelle  phase  du  règne  de  Louis  XIII  dont  le  récit  excède 
notre  t&che;  et  bornons-nous  à  proclamer  une  dernière  fois 
tout  ce  qui  s'attache  de  mémorable  à  l'entrevue  de  érissac, 
rien  que  parce  qu'il  en  surgi  l'élan  vers  le  Béarn.  A 
d'autreà  d'y  surprendre  à  ce  point  de  vue»  dans  cet  Éden 
d'amnisties,  les  colloques  préparatoires  de  Duperron,  de 
Rebs  et  du  Père  Arnoutd  avec  Bérulle  et  le  Père  Joseph,  du 
Père  Joseph  avec  Luynes»  et  de  Luynes  avec  Louis  XIÎL  A 
d'autres  surtout  de  nous  y  ressusciter  dans  son  originalité 
grandiose  cette  prédication  de  croisade  par  laquelle  le  Père 
Joseph,  en  l'église  de  Brissac,  inaugura  le  prosélytisme  d'une 
œuvre  où  le  Béarn  même  n'apparaît  que  comme  une  étape 
sur  le  chemin  de  Gonstantinople.  Jamais  n'éclata  mieux 
qu'à  Brissac  l'étrangeté  sublime  de  cet  apôtre  doublé  de 
diplomatie  et  d'ascétisme,  de  cet  homme  où  confinent  les 


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—  104  — 

aspects  si  diverl^  d'un  Mazarin,  d'un  saint  François  de 
Salles  et  d'un  Pierre  THermite.  La  prédication  de  la  guerre 
sainte  par  le  Père  Joseph  en  TEglise  de  Brissac^  c'est  une 
prédication  qui  tient  à  la  fois  du  Te  Deum  et  du  Vent 
Creator.  Ce  sont  à  la  fois  les  jubilations  du  repos  et  les 
défis  de  la  lutte.  Elle  arme  les  réconciliations,  elle  attise 
la  concorde,  elle  rend  les  amnisties  formidables,  elle  régit 
la  paix  comme  un  arsenal.  Dans  Tharmonie  des  embras- 
sements  elle  suscite  Touragan  et  transpose  la  victoire.  On 
surprend  dans  cette  éloquence  aussi  ondoyante  qu'abrupte 
autant  de  baume  et  d'onction  que  de  flamme,  autant  de 
suavité  que  d'incandescence.  A  voir  à  Brissac,  au  contact 
et  dans  Tentourage  du  Père  Joseph  fondre  les  inimitiés  de 
la  veille,  tandis  que,  sur  ses  lèvres  frémissantes,  retentit 
un  nouveau  «  Dieu  le  veut  »,  on  le  voit  revivre  dans  les 
imaginations  contemporaines  comme  un  de  ces  volcans 
dont  les  flaucs  neigeux  recèlent  un  cratère  fumant,  et  qui, 
tout  en  déversant  à  leurs  pieds  la  fraîcheur  des  sources, 
sèment  au  loin  les  éclairs  et  la  foudre  ^ 


(A  tuivrej 


Eusèbe  Pavie. 


*  Lettres  de  Richelieu  (pabl.  Avenel),  pp.  84,  647,  648,  texte  etn. 

—  Fontenay-Mareuil,  p.  153.  —  Montglat,  p.  31.  —  A.  d'Aadillj, 
f  21.  —  Vitt-Siri,  p.  Ô9-200,  212.  —  La  Nunz.  di  Fr.,  19  août, 
16  septembre,  18  novembre.  —  Disp.  degl.  amb.  ven.,  22  août.  — 
Arch.  des  aff.  étr.  :  Rome,  nr23,  pp.  490-491.  —  Matt.  de  Mourgaes  ; 
Très  humble,  très  vériUibles  et  très  chrétiennes  remonstrances  au  Rov, 
p.  21  ;  Lumières  pour  Vhist,  de  France,  p.  36.  —  Rangeard^p.  367, 

—  Roncoveri,  p.  429.  —  Gramond,  pp.  302^03,  313.  —  Griffet, 
p.  274.  —  Levassor,  p.  696.  —  V.  Cousin,  mai  1862,  pp.  336-336. 

—  Vie  du  cardinal  de  Bérulle,  par  Fabbé  Gruget,  p.  159.  —  La 
Duchesse  d^  AiguiUon,  par  A.  Bonneau- A  venant,  pp.  76-77279-82,84. 

—  Les  Historiettes  de  TaUemant  des  Reaux^  pp.  348-349.  ^  H.  Martin, 
p.  163.  —  Dareste,  p.  68. 


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CHANTONS    LA   MER  I 


Chantons  la  mer, 

La  mer  profonde  ! 
C'est  l'inépuisable  Golconde  : 
Elle  a  de  l'or  plein  son  flot  vert, 

La  mer  profonde  : 

Chantons  la  mer  I 

Chantons  la  mer, 

La  mer  sonore  ! 
Dans  la  nuit  sombre  ou  dans  l'aurore, 
De  son  murmure  elle  emplit  l'air, 

La  mer  sonore  : 

Chaatons  la  mer  I 

Chantons  la  mer, 
*  La  mer  immense  ! 

Aux  filets,  draguant  en  silence, 
Elle  ouvre  son  sillon  amer, 

La  mer  immense  : 

Chantons  la  mer  I 

Chantons  la  mer, 

La  mer  rebelle  ! 
Elle  ne  sait  être  plus  belle 
Que  sous  la  foudre  et  sous  l'éclair, 

La  mer  rebelle  : 

Chantons  la  mer  ! 


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Chantons  la  mer, 

La  mer  jolie  ! 
Elle  ae  pare,  en  l'embellie, 
Des  fauves  splendeurs  de  Téther, 

La  mer  jolie  : 

Chantons  la  mer  I 

Chantons  la  mer, 

La  mer  sublime  ! 
Le  soir,  elle  met  sur  la  cime 
De  ses  flots  noirs  Vot  du  ciel  clair, 

La  mer  sublime  : 

Chantons  la  mer  ! 

Chantons  la  mer, 

La  mer  clémente  ! 
Au  malheureux  qui  se  lamente 
Elle  offre  la  moisson  d'hiver, 

La  mer  clémente  : 

Chantons  la  mer  ! 

Chantons  la  mer, 

La  mer  superbe  1 
La  mer  robuste,  au  large  verbe  ! 
Elle  porte  mon  Drapeau  fier, 

La  mer  superbe  : 

Chantons  la  mer  ! 

Chantons  la  mer, 

La  mer  profonde  ! 
C'est  l'inépuisable  Golconde  ! 
Elle  a  de  l'or  plein  son  flot  vert, 

La  mer  profonde  : 

Chantons  la  mer  ! 


De  d'Ouessant,  1898. 


René  Daxor. 


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ARTHUR  DU  CHÊNE 


La  Revue  de  P Anjou  vient  de  perdre  un  de  ses  plus 
anciens  et  de  ses  plus  dévoués  collaborateurs,  M.  Arthur 
du  Chêne,  décédé  à  Châteaugontier,  le  6  janvier  dernier,  à 
la  suite  d'une  courte  maladie. 

Né  à  Saiût-Michel-de'Chavdignes  (Sarthe),  le  13  juin 
1848,  Arthur  du  Chêne  fit  au  collège  de  Précigné  la  plus 
grande  partie  de  ses  études  qu'il  acheva  chez  les  RR.  PP. 
Jésuites,  à  Poitiers. 

Entré  en  1868  à  l'école  des  Chartes,  il  en  sortit  en  1870 
pour  se  battre  contre  les  Prussiens. 

Nous  ne  saurions  mieux  faire  Ici,  pour  retracer  son  rôle 
pendant  cette  terrible  campagne,  que  de  reproduire  les 
paroles  émues  prononcées  sur  sa  tombe,  à  Baugé,  le 
10  janvier,  par  son  ancien  capitaine  au  29^  mobiles, 
M.  Scévole  de  Livonnière  : 

c  Mon  cher  Arthur, 

c  Je  ne  veux  pas  laisser  cette  tombe  se  fermer  sans  venir 
vous  dire  un  dernier  adieu,  à  vous  que  j'ai  connu,  que  j'ai 
apprécié,  que  j'ai  aimé  comme  vous  le  méritiez  si  bien! 

c  Je  vous  ai  vu  à  l'œuvre  pendant  cette  rude  campagne 
de  1870;  j'avais  l'honneur  de  commander  la  compagnie  dont 
vous  étiez  le  sous-lieutenant  :  nous  défendions  ensemble  ce 
drapeau  français  autour  duquel,  aujourd'hui  plus  que  jamais, 
tous  les  patriotes  doivent  se  serrer  sans  distinction  de  partis. 

€  J'en  appelle  à  vous,  mobiles  du  29*1  Vous  n'avez  pas 
oublié  avec  quel  zèle  le  lieutenant  du  Chêne  remplissait  tous 


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—  lus- 
ses devoirs  militaires  —  avec  quel  cœur  et  quelle  sollicitude 
il  s'occupait  de  ses  hommes  et  cherchait  à  adoucir  pour  vous 
les  souffrances  et  les  privations  de  cette  terrible  campagne. 

c  Vous  avez  pu  admirer  son  courage  en  avant  d'Orléans^ 
au  pont  de  Cercottes,  où,  le  dimanche  4  décembre,  les  compa- 
gnies de  Baugé  et  de  Beaufort  avaient  été  envoyées,  à  un 
poste  d'honneur  et  de  sacrifice,  pour  protéger  la  retraite  de 
nos  troupes  débordées  par  l'armée  du  prince  Frédéric- 
Charles. 

c  Je  vous  vois  encore,  avec  votre  haute  taille,  debout  sur 
le  pont  de  Cèrcolles,  au  moment  où  les  obus,  éclatant  sans 
relâche  au-dessus  de  nos  tètes,  fracassaient  les  arbres  et 
semaient  la  mort  dans  nos  rangs. 

c  C'est  là  que  tombèrent  à  vos  pieds,  tués  ou  blessés, 
Joseph  Nouchet  de  Brion,  Auguste  Launay  de  Corné,  Pierre 
Léger  de  Fontaine-Guérin,  Charles  Choiseau,  Pierre  Cbignard 
de  Saint-Léger-du-Bois,  Joseph  Guérineau  qui  reçut  la 
médaille  militaire,  et  d'autres  encore  dont  nous  saluons 
aujourd'hui  l'héroïsme  et  la  mémoire. 

c  Je  vous  vois  encore,  lieutenant  du  Chêne,  calme  et 
impassible  sous  la  mitraille,  dirigeant  le  tir  de  vos  hommes 
comme  un  Jour  de  manœuvre,  Jusqu'au  moment  où,  frappé 
vous-même  d'une  cruelle  blessure,  vous  tombiez  à  votre 
tour,  privant  la  compagnie  d'un  chef  valeureux,  et  votre  capi- 
taine du  meilleur  des  camarades. 

c  Et  depuis,  tous  à  Baugé  vous  ont  vu  portant  au  visage 
la  glorieuse  et  irréparable  cicatrice  qui  vous  valut  la  croix 
d'honneur. 

c  Je  n'ai  point  à  parler  de  vos  vertus  privées;. vous  avez 
été  le  modèle  des  maris,  le  plus  fidèle  des  amis. 

c  Dans  un  de  ces  récits  que  vous  avez  publiés  sur  les 
choses  vues  au  29*  de  mobiles  vous  parliez  de  ceux  qui,  en 
marchant  au  combat,  à  l'heure  suprême,  <  tracent  un  grand 
signe  de  croix  sur  leur  poitrine  ».  Vous  étiez  de  ceux-là! 
c'est  ce  qui  nous  permet  de  vous  dire  aujourd'hui,  au  nom 
des  divines  espérances,  non  pas  adieu,  mais  au  revoir  I  » 

En  1872,  M.  du  Chêne  reçut  son  diplôme  d'archiviste  et 
fut  nommé  en  cette  qualité  à  La  Roche-sur-Yon,  où  il 
resta  jusqu'en  1874,  année  dé  son  mariage.  II  donna  alors 
sa  démission  et  se  fixa  à  Baugé. 


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—  109  - 

C*est  à  cette  époque  qu'il  commença  à  écrire.  Outre  deux 
feuilletons  :  Le  Chevalier  de  la  Jabouillère  et  Les  Gars 
vendéens,  dont  le  premier  parut  en  1880,  dans  Ylllustra- 
tion  pour  totÂS,  et  le  second  dans  ÏUnion^  en  1883,  il 
publia  successivement  et  à  des  dates  très  rapprochées  :  La 
morale  de  Le  Sage  dans  c  Gil  Blas  »  {Revue  littéraire  de 
Nantes),  Le  Combat  de  la  Robla  {Revue  de  Bretagne  et 
de  Vendée),  Étude  sur  les  anciennes  vies  de  Saint-Malo 
{Revue  historique  de  l'Ouest),  Le  Chevalier  de  Villiers- 
Lauberdière  {Revue  des  Facultés  Catholiques  de 
rOuest),  Le  maréchal  Macdonald  d'après  ses  souvenirs 
{id.),  et  un  grand  nombre  d'autres  travaux  qui  témoignent 
autant  de  la  richesse  de  son  imagination  que  de  la  solidité 
et  de  la  variété  de  son  érudition.  Il  donna  notamment  à  la 
Revue  de  V Anjou  :  Baugé  au  XV  siècle;  Baugé  de  1682 
à  1793;  Un  petit  collège  avant  et  pendant  la  Révolution; 
Mort  et  descehdance  du  marquis  de  Jarzé;  L'ancienne 
chapelle  de  Notre-Dame  de  Montplacé  ;  Guettas  et 
Bieuzy,  légende  bretonne;  Foulques  d'Anjou,  chanson 
de  geste;  Le  Lorteniguet,  conte  diabolique;  Figaro,  ou 
considérations  d'un  voyageur  qui  attend  le  train;  Le 
pays  de  Chemillé,  d'après  une  charte  mérovingienne; 
Josué  et  Fange  de  Galgala;  La  villa  de  Saint-Félix, 
etc. 

Son  ouvrage  le  plus  récent  et  de  beaucoup  le  plus 
important,  Origines  de  la  Chouannerie  dans  le  pays  de 
Segré,  va  paraître  prochainement  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  d'Agriculture,  Sciences  et  Arts  d'Angers. 

Arthur  du  Chêne  collaborait  encore,  d'une  façon  très 
active  et  depuis  de  longues  années,  sous  le  pseudonyme  de 
Joseph  Grandet,  au  journal  l'Anjou,  dont  les  lecteurs 
appréciaient  fort  ses  articles,  tantôt  politiques,  tantôt 
philosophiques  ou  littéraires,  tous  marqués  au  coin  de 
cette  originalité  qui  était  la  caractéristique  de  son  talent. 
Le  dernier,  paru  quinze  jours  à  peine  avant  sa  mort,  était 


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1 


-  110  - 

consacré  à  La  Terre  qui  meurt,  le  magistral  roman  de 
M,  René  Bazin. 

C'ast  également  dans  V Anjou  que  M.  du  Chêne  publia, 
soqs  ce  titre  Choses  vues  au  29^  de  mobiles  *  les  émouvants 
souvenirs  de  la  guerre  auxquels,  le  jour  de  ses  obsèques, 
ût  allusion  M.  de  Livonnière  dans  l'éloquente  allocution 
reproduite  plus  haut. 

Le  polémiste  qui  doublait  chez  lui  le  lettré  et  donnait 
tant  de  relief  à  son  style  toujours  alerte,  souvent  caustique 
et  virulent,  eut  plus  d'une  fois  l'occasion  d'exercer  sa 
verve  en  défendant  les  petits  et  les  faibles  contre  les 
attaques  de  ces  tyranneaux  de  petite  ville  dont  la  morgue 
n'a  d'égale  que  la  nullité.  Il  le  fit  avec  une  vaillance  pleine 
d*entraio»  et  ceux  dont  il  stigmatisa  les  ridicules  ou  flagella 
Toutrecuidance  conserveront  longtemps  la  cuisante  mé- 
moire de  ses  coups  de  lanière  magistralement  adminis- 
trés. 

Intelligence  ouverte  et  cultivée,  caractère  loyal  et  cheva- 
leresque, Arthur  du  Chêne  sera  vivement  regretté  de  tous 
ceux  qui,  l'ayant  connu,  avaient  pu  apprécier  Télévation 
de  son  esprit  et  la  sûreté  de  ses  relations. 

Avant  tout  et  par-dessus  tout  chrétien  sans  peur  et  sans 
reproche,  fidèle  jusqu'au  bout  à  ses  convictions  politiques 
en  même  temps  qu'à  sa  foi  religieuse,  il  évoquait  par 
son  allure,  son  geste  et  son  regard,  le  souvenir  héroïque 
des  preux  du  moyen  âge. 

La  Revue  de  r Anjou,  qui  perd  en  lui  un  collaborateur 
érudit  et  un  ami  dévoué,  adresse  à  U°^  du  Chêne  et  à  ses 
enfants  l'hommage  de  ses  douloureuses  et  très  respec- 
tueuses sympathies. 

Alphonse  Poirier. 


*  Ces  souvenirs,  réunis  en  brochure,  sont  en  vente  à  la  librairie 
Germain  et  G.  Grassin.  — ■  Prix  1  franc. 


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UN    HOMME    DE    CŒUR 


PRUDENT -JEAN  BRULEY 


1759  - 1 847 

(tuiitj 


XIV 

Xia  Gonscriptloii.  —  Xae  caractère  anglais  comparé  au  fran- 
çais. —  Le  choix  d'une  carrière  :  l'administration  des 
domaines.  —  Incident  de  Toyage.  —  Captivité  du  général 
CDiabert.  —  X"^  de  (U^eyreuse  exilée  à  Tours.  —  Xae  choix 
d'un  état  et  la  persérérance,  —  La  magistrature.  — 
Reirers  de  fortune.  —  Nécessité  de  conserver  certains 
dehors.  —  Nc^les  épanohement.  —  Il  faut  tendre  è  dere- 
nir  l'artisan  de  sa  fortune.  —  Désintéressement  de 
Prudent  Brnley. 

Les  cruelles  nécessités  de  la  guerre  avaient  fait  de  la 
conscription  Teffroi  de  toutes  les  familles.  M.  Clément  de 
Ris,  questeur  du  Sénat,  vivait  dans  les  angoisses,  sachant 
son  fils  Emile,  le  dernier  de  quatre  enfants,  exposé  à 
tous  les  hasards  si  meurtriers  de  la  guerre  d*Espagne. 
Eugène  de  Villaire,  parent  de  Jean  Bruley,  avait  été  réduit 
à  se  faire  simple  soldat,  bien  que  fils  d*un  colonel  du  génie. 

«  On  me  persuadera  difficilement,  écrivait  J^ap  Bruley 
à  son  fils  le  32  décembre  1808,  que  c*est  un  avantage  pour 
lui.  L'essentiel  est  qu'il  ne  soit  pas  soumis  à  Texcessive 
fatigue  dont  on  accable  nos  troupes,  avant  l'entier  dévelop- 
pement de  ses  forces.  Que  de  dangers  à  courir  avant  de 
devenir  général  ! 

«  J*ai  reçu  ici  un  autre  de  tes  amis,  ou  pour  mieux  dire 
de  tes  camarades  d'étude  :  II  se  nomme  Garbonnel  de 
Beaumanoir.  Il  dit  avoir  été  avec  toi  é  Pont-Levoy  et  au 
Prytanée  et  avoir  été  Tun  de  tes  plus  intimes,  surtout  tant 


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-.  112  -. 

qu'il  s'agissait»  à  toa  occasion,  de  donner  et  conséquemmént 
de  recevoir  des  taloches.  M.  Garboiinel  est,  dans  la  Garde 
impériale,  fourrier  des  canonniers  de  la  marine.  C'est  un 
breton  qui  me  parait  tout  formé  pour  le  métier  des  armes. 
A  l'entendre,  il  a  beaucoup  ferraillé  ;  et  il  n'y  avait  pas 
cinq  minutes  qu'il  était  enfermé  avec  moi,  au  coin  de  mon 
feu,  qu'il  avait  tiré  son  grand  sabre  recourbé,  pour  me 
faire  une  démonstration  sur  l'art  de  s'en  servir.  Ce 
militaire  me  parait  avoir  suivi  sa  vocation  :  il  va  en  Espagne, 
que  Dieu  le  bénisse  !...  » 

Dans  cette  lettre  se  trouve  un  parallèle  entre  l'Anglais  et 
le  Français  que  je  crois  intéressant  à  reproduire,  autant  à 
cause  de  cette  époque  que  de  la  nôtre. 

c  L'ingratitude  des  Anglais  envers  les  Français,  qui 
exercent  à  leur  égard  l'hospitalité,  tient  à  l'orgueil  insou- 
tenable de  ce  peuple  et  à  d'autres  causes,  résultat  de  la  haine 
qu'il  nous  porte. 

c  Les  Anglais,  voyageant  en  France,  affectent  un  dédain 
dont  nous  avons  la  sottise  de  ne  pas  nous  formaliser.  Ceux 
qui  les  accueillent  et  leur  font  fête,  malgré  cette  arrogance, 
paraissent  à  leurs  yeux  à  peu  près  comme  des  aubergistes 
qui  ne  reçoivent  le  voyageur  que  dans  la  vue  du  bénéfice 
qui  en  résultera*  Indépendamment  de  leur  insolence  natio- 
nale, ils  ont  encore  la  morgue  grossière  que  donne  l'extrême 
richesse  et  qu'on  retrouve  partout.  Il  arrive  que  les  Anglais 
croient  payer  toutes  les  préveuances  que  l'on  a  pour  eux 
avec  les  guinées  distribuées  sur  la  route,  et  ils  se  croient  en 
droit  de  nous  mépriser. 

«  Le  Français  a  une  prévenance  si  habituelle,  si  banale 
que,  franchement,  l'accueil  qu'il  fait  aux  étrangers  n'est 
pas  fait  pour  mériter  beaucoup  de  reconnaissance.  Vanité, 
légèreté,  voilà  les  grands  mobiles  de  sa  conduite.  Au 
surplus  il  faut  avouer  que  nous  sommes  bien  plus  aimables 
chez  nous  que  chez  les  autres.  De  tout  temps  le  Français 
s'est  rendu  ridicule  et  même  haïssable  chez  l'étranger  par 


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—  113  — 

son  indiscrétion,  sa  légèreté,  son  penchant  constant  à 
fronder  tous  les  usages  et  à  vouloir  tout  rapporter  à  ceux 
de  sa  nation. 

«  S'il  fallait  sans  partialité  prononcer  entre  les  Anglais  et 
les  Français,  je  crois  que  cela  ne  serait  pas  difficile.  Ceux- 
ci,  malgré  leurs  travers,  sont  bons,  confiants,  aimables; 
les  autres  sont  durs,  insolents  et  ne  savent  répandre 
aucun  agrément  dans  la  société » 

Le  choix  d'une  carrière  honorable  pour  son  fils  ne 
cessait  point  de  préoccuper  Jean  Bruley;  aussi  écrivait-il, 
le  28  décembre  1808,  à  M.  de  Courbière,  ancien  directeur 
des  Domaines.  :?i 

«  Plusieurs  fois,  mon  cher  ami,  je  me  suis  présenté  ^'-M 

chez  toi  sans  avoir  été  assez  heureux  pour  te  rencontrer.  | 

Je  ne  puis  dissimuler  que  le  plaisir  de  te  voir  n'était  pas  | 

Tunique   motif  de   mes    visites   :  je  désirais  savoir  si  | 

je  puis,  avec  quelque  espérance  de  succès,  engager  mon  fils  il 

dans  la  partie  des  Domaines  que  tu  as  parcourue  avec  3 

tant  d'honneur  et  de  distinction.  Je  sais  que  tout  état 
nourrit  son  homme  ;  mais  je  sais  aussi  que  certains  le 
font  d'une  manière  si  chétive,  qu'ils  ne  peuvent  être  suivis 
que  par  des  gens,  ou  avec  assez  de  crédit  pour  parvenir 
rapidement  aux  premiers  emplois,  ou  qui,  dénués  de  toute 
autre  ressource,  sont  forcés  de  saisir  avidement  tous  les 
moyens  de  se  soutenir.  Mon  fils  n'est  ni  dans  Tune  ni  dans 
l'autre  de  ces  situations.  S'il  entrait  dans  l'Administration 
des  Domaines,  je  voudrais,  et  cette  ambition  m'est  permise, 
qu'il  eût  la  chance  d'un  avancement  sinon  très  rapide,  du 
moins  assez  certain,  pour  ne  point  le  voir  languir  longtemps 
dans  les  derniers  degrés  de  cette  carrière. 

«  Il  fait  présentement  son  droit  :  il  en  est  à  sa  troisième 
année  et  il  se  livre  avec  assez  d'aptitude  à  ce  cours  d'étude 
pour  en  recueillir  une  instruction  solide.  Cette  instruction, 
à  ce  qu'il  me  semble,  n'est  pas  de  rigueur  pour  entrer 
dans  les  Domaines,  et  j'en  conclus  que  ceux  qui  l'ont  reçue 


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1 


—  114  — 

ont  un  grand  avantage  sur  leurs  concurrents,  car  dans 
mille  circonstances  on  y  a  des  questions  de  droit  bien 
délicates  à  traiter. 

«  Mon  fils  a  fait  de  bonnes  études  à  Paris  :  il  est  fort  en 
mathématiques,  il  a  de  la  littérature,  une  rédaction  cor- 
recte, précise,  élégante^  et  une  fort  belle  écriture. 

«  Il  me  semble  que  tous  ces  avantages,  fruits  d'une 
éducation  très  soignée,  joints  à  une  fortune  aisée,  à  une 
bonne  conduite  et  à  un  grand  fonds  d'honneur,  doivent  lui 
aplanir  les  voies. 

«  J'ajouterai,  mon  bon  ami,  une  dernière  considération: 
mon  père,  jeune  encore,  était  inspecteur  des  Domaines; 
et  iJ  serait  sûrement  parvenu  à  une  direction,  s'il  ne  s'était 
pas  laissé  séduire  par  M.  de  Magnanville  qui  l'attira  dans 
les  bureaux  de  Tlutendance. 

c  Mon  ambition,  mon  ami,  serait  que  mon  fils,  une  fois 
engagé  dans  les  Domaines,  fût  appelé  à  la  correspondance 
auprès  des  administrateurs  généraux.  Là,  j'en  suis  con- 
vaincu, par  sa  bonne  conduite  et  son  intelligence,  il 
mériterait  d'être  distingué  par  ses  supérieurs  et  il  ferait 
son  chemin  plus  rapidement  que  par  les  moyens  ordinaires 
qui  sont  cruellement  lents. 

«  Je  te  conjure,  mon  ami,  de  me  dire,  avec  ta  franchise 
ordinaire,  ton  sentiment  sur  ce  projet  encore  mal  affermi. 
En  ta  qualité  d'un  des  plus  anciens  directeurs  des  Domaines 
et  des  plus  considérés,  tu  peux  mieux  que  personne  nous 
guider  par  tes  conseils.  Je  les  attends  avec  autant  d'em- 
pressement que  j'aurai  de  reconnaissance  en  les  recevant. 
Que  mon  fils  devienne  ton  client,  sois  son  patron  et  son 
appui.  Si  nous  nous  décidons  pour  celte  carrière,  il  faudra 
bien  m'en  occuper  dès  que  je  vais  être  rendu  à  Paris.  Il 
s'agira  de  préparer  les  voies  pour  le  moment  où  notre 
jeune  homme  aura  terminé  son  droit  par  sa  réception  au 
grade  de  licencié...  » 
Je  ne  sais  quelle  fut  la  réponse  de  M.  deCourbière,  mais 


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—  11o  — 

la  carrière  de  rEnregistrement  ne  fut  point  adoptée  par 
notre  étudiant. 

Les  voyages  de  Tours  à  Paris  n'étaient  point  alors  chose 
facile  et  exempte  de  périls,  témoin  cette  lettre  de  M"^  Bruley 
racontant  à  son  mari  son  arrivée  dans  la  capitale  le  12 
janvier  1809. 

«  ...  Noas  n'avions  pas  fait  une  lieue  qu'un  des  crics 
retenant  les  soupentes  de  la  diligence  a  lâché  et  nous  a  mis 
de  côté,  comme  s'il  eût  été  cassé.  Il  a  fallu  descendre  pour 
qu  on  relevât  la  voiture,  et  nous  avons  eu  le  plaisir  de  faire 
un  cours  d'astronomie  pendant  une  bonne  demi-heure  sur 
la  levée.  C'était  précisément  dans  l'endroit  où  il  n'y  a  pas 
de  maisons. 

t  Nous  remontons  en  voiture.  Tout  a  été  parfaitement 
jusqu'à  la  Frillère  (à  trois  lieues  de  Tours)  où  pareil 
événement  s'est  reproduit.  Heureusement  que  c'était  en 
face  d'une  chaumière  où  nous  sommes  entrés.  Les  bonnes 
gens  se  sont  levés  pour  nous  faire  du  feu,  et  nous  avons 
attendu  patiemment  près  d'une  heure. 

€  Remontés  en  voiture  bien  chaudement,  notre  con- 
ducteur s'efforce  de  nous  rassurer  en  nous  affirmant  que 
rien  de  semblable  n'arrivera  plus.  Nous  atteignîmes  en 
effet  Blois  sans  nouvel  accident  ;  mais  après  avoir  quitté 
cette  ville,  au  haut  du  coteau,  un  ouragan  si  violent  se 
déchaîna,  que  les  plus  braves  eussent 'été  inquiets  :  toutes 
les  voitures  étaient  arrêtées  et,  pour  surcroît  de  danger, 
nous  avions  à  côté  de  nous  un  roulier,  ce  qui  nous  obligeait 
à  longer  le  précipice  où,  il  y  a  quelques  années,  par  une 
tempête  semblable,  une  diligence  fut  précipitée.  Heureu- 
sement que  nos  chevaux  ne  furent  pas  effrayés,  car  sans 
cela  nous  étions  perdus.  Depuis  cet  instant  il  ne  nous  est 
rien  arrivé  jusqu'à  notre  catastrophe. 

«  Malgré  plusieurs  arrêts,  nous  sommes  arrivés  à 
Orléans  assez  tôt  pour  y  passer  une  bonne  nuit,  après  un 
lort  bon  dîner.  Nous  repartîmes  très  galment  :  M.  de 


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—  116  — 

Saint-Cyr  avait  emporté  des  cartes  pour  nous  faire  des 
tours  de  Cornus.  Le  temps  se  passait  agréablement  et  nous 
approchions  du  terme  de  notre  voyage  sans  nous  aperce- 
voir de  la  longueur  de  la  route,  quand  un  misérable  roulier, 
ne  voulant  pas  quitter  le  milieu  de  la  chaussée,  obligea 
notre  postillon  à  se  ranger  trop  de  côté,  ce  qui  nous  a  fait 
verser,  mais  si  doucement  que  nous  avons  eu  le  temps  de 
nous  préparer  à  la  chute.  Aucun  des  voyageurs  n'a  éprouvé 
de  mal  :  j'étais  avec  mes  deux  filles  dans  le  fond  de  la  voi- 
ture. Heureusement  pour  elles,  j'étais  du  côté  qui  a  versé. 
Elles  se  sont  échappées  par  l'ouverture  de  la  glace,  ce  fut 
l'affaire  d'un  instant.  Quant  à  moi,  qui  ne  suis  pas  si 
mince,  j'ai  dû  attendre  qu'on  ouvrit  la  portière.  D'ailleurs, 
rassurée  sur  mes  enfants,  je  ne  me  pressais  point  de  sortir  : 
je  voulais  retrouver  nos  sacs  qui  contenaient  mon  argent 
et  autres  effets  précieux  pour  moi.  Les  pauvres  petites, 
effrayées  de  ne  pas  me  voir,  quoique  je  leur  eusse  dit  que 
je  n'avais  rien,  criaient  à  tout  le  monde  :  «  Je  vous  en 
prie,  sortez  maman!  >  Et  cela  d'un  accent  si  attendrissant 
que  tous  les  voyageurs  en  avaient  les  larmes  aux  yeux. 
J'ai  été  obligée  de  céder  à  leurs  instances  et  d'abandonner 
tous  mes  effets.  Le  conducteur  est  descendu  dans  la  voi- 
ture et  nous  a  donné  tout  ce  qui  était  resté,  excepté  nos 
souliers  qu'il  ne  trouva  point.  Mes  filles  voulaient  néan- 
moins s'en  aller  sanâ  eux  au  village,  situé  à  un  quart  de 
lieue.  Je  m'y  suis  opposée,  car  nous  étions  toutes  les  trois 
sans  chaussures. 

«  A  force  de  chercher,  le  conducteur  a  trouvé  les  chaus- 
sures de  Valentine  et  les  miennes  :  celles  de  Prudence  ont 
été  perdues.  Elle  les  aurait  eues  qu'il  nous  eût  été  impos- 
sible de  nous  tirer  de  la  boue. 

«  Il  a  donc  fallu  attendre  qu'il  passât  une  voiture  :  au 
bout  d'une  demi-heure,  un  marchand,  qui  avait  une  charrette 
couverte,  voulut  bien  retourner  sur  ses  pas  et  nous  conduire 
à  Antony,  moyennant  neuf  francs  qu'il  exigea  d'avance. 


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—  117  — 


€  Mais  ce  n'est  pas  tout;  il  fallait  gagner  cette  voiture 
et  il  était  impossible  d'y  aller  à  pied  :  Le  conducteur  nous 
y  porta.  Nous  descendîmes  dans  un  cabaret.  Il  n'y  avait 
pas  un  quart  d'heure  que  nous  y  étions,  que  nous  riions 
déjà  de  notre  mésaventure,  et  surtout  de  nous  trouver  en 
compagnie  d'une  vingtaijie  de  rouliers,  mangeant,  fumant 
et  faisant  un  tapage  épouvantable.  Nous  avions,  heureuse- 
ment, trois  messieurs  avec  nous. 

«  Tu  n'as  pas  idée,  mon  bon  ami,  des  soins,  des  atten- 
tions recherchées  que  M.  de  Saint-Cyr  a  eues  pour  nous  et 
même  du  mal  qu'il  s'est  donné  pour  nous  garantir  du 
froid  pendant  que  nous  étions  sur  cette  malheureuse 
charrette.  C'est  lui  qui  est  allé  au  devant  du  petit  mar- 
chand, dans  la  boue  jusqu'à  mi-jambes.  Il  pouvait  gagner 
Paris  le  soir  même  :  il  a  voulu  nous  attendre.  Nous  avons 
couché  dans  ce  misérable  cabaret,  tant  bien  que  mal.  Je 
t'assure  que  tu  n'aurais  pas  pu  avoir  pour  nous  plus 
d'attentions  prévenantes  que  M.  de  Saint-Cyr,  et  ce  n'est 
pas  peu  dire.  Je  t'en  prie,  mon  ami,  écris-lui  pour  le 
remercier  :  il  est  venu  lui-même,  hier,  savoir  de  nos  nou- 
velles. J'oubliais  de  te  dire  que  nous  avons  été  réveillées  à 
notre  cabaret  par  notre  bon  Prudent  qui,  mortellement 
inquiet  après  une  nuit  passée  à  nous  attendre  au  bureau 
de  la  diligence  à  Paris,  avait  pris  la  voiture  de  quatre 
heures  du  matin  pour  venir  à  notre  rencontre.  Tu  juges  du 
plaisir  que  nous  avons  eu  à  l'embrasser  :  il  n'y  a  que  celui 
que  nous  éprouverons  à  t^^voir  qui  pourra  l'égaler. . .  » 

Mais  laissons  là  cet  épisode  de  voyage,  comme  il  s'en 
trouvait  alors  si  souvent,  et  reprenons  le  cours  des  événe- 
ments. 

Après  la  fatale  capitulation  de  Baylen,  le  général  Chabert 
était  rentré  en  France;  l'Empereur  l'avait  fait  aussitôt 
arrêter  avec  les  autres  commandants  du  corps  d'armée. 
Pour  empêcher  que  la  lumière  se  fît  sur  les  véritables 
causes  de  l'échec  de  nos  armes,  échec  imputable  à  l'impru- 


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—  118  — 

dence  de  TEmpereur  lui-même,  le  chef  de  l'État  ne  voulait 
pas  que  les  inculpés  fussent  jugés  par  un  Conseil  de 
guerre,  juridiction  ordinaire  :  il  voulait  les  rendre  justi- 
ciables de  la  Haute-Cour. 

L'Empereur  était  dans  une  extrême  irritation,  ayant 
aussitôt  entrevu  les  conséquences  militaires  et  politiques 
de  ce  premier  insuccès  grave  :  il  y  avait  un  véritable 
péril  à  s'intéresser  aux  prétendus  coupables.  Il  ne  faut  pas 
oublier  que  la  liberté  et  la  vie  des  meilleurs  citoyens 
étaient  alors  à  sa  discrétion  absolue  et  que  la  plupart  des 
prisons  avaient  pour  geôliers  d'anciens  terroristes  capables 
de  tous  les  crimes.  Alors  que  les  anciens  amis  du  général 
n*osaient  plus  le  connaître,  Jean  Bruley  lui  envoyait  son 
fils,  dès  le  lendemain  de  son  incarcération  à  la  prison  de 
TAbbaye,  afin  de  lui  oJQfrir  tous  les  secours  de  son  inalté- 
rable affection,  née  de  sa  profonde  estime.  En  même  temps 
que  des  secours  de  toute  nature,  il  lui  faisait  donner  le 
conseil  salutaire  de  modérer  la  brusque  franchise  de  son 
langage,  toutes  les  paroles  d'un  détenu  étant  rapportées  et 
souvent  mal  interprétées.  Il  ajoutait  à  son  fils  : 

a  ...  Toi-même,  observe-toi  beaucoup,  tant  auprès  de  lui 
qu'en  son  absence.  Ton  âge  et  la  nature  de  cette  affaire  te 
prescrivent  une  extrême  circonspection.  Le  stupide  vulgaire 
croit  bonnement  que  les  choses  doivent  être  appelées  par 
leur  nom  :  à  lire  la  pièce  demandée  (la  copie  de  la  capitu- 
lation de  Baylen,  nécessaire  au  général  pour  sa  défense)  il 
s'imaginerait  qu'elle  ne  contient  rien  que  d'honorable  pour 
notre  ami  et  ses  compagnons  d'infortune  ;  il  irait  même 
jusqu'à  penser  que  des  personnes  qui  ont  si  bien  disputé 
le  terrain  mériteraient  plutôt  des  éloges  qu'une  accu- 
sation. —  Mais  qui  peut  calculer  les  profondeurs  de  la 
politique? 

«  Encore  une  fois ,  pour  ton  repos  comme  pour  le 
nôtre,  calcule  bien  toutes  les  démarches  et  pèse  tes 
paroles. 


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«  M'"®  de  ChevreuseS  comme  ta  sais,  est  disgraciée  et  a 
pour  lieu  d*exil  la  ville  de  Tours.  Elle  est  accompagnée  de 
M"^  de  Luynes,  sa  belle-mère,  qui  a  la  noblesse  de  la 
suivre.  Dans  le  but  de  ne  compromettre  qui  que  ce  soit, 
ces  deux  dames,  instruites  que  toutes  leurs  démarches  sont 
connues,  ne  veulent  voir  personne.  Leur  discrétion  est  à 
citer  et  à  méditer...  » 

Ces  sages  conseils,  dictés  par  Texpérience,  empêchèrent 
Prudent  Bruley  de  se  compromettre  et  lui  permirent  de 
continuer  à  voir  l'infortuné  général",  auquel  il  servait 
d'internjédiaire  avec  le  dehors. 

Tout  cela  ne  détournait  pas  Jean  Bruley  de  sa  préoccu- 
pation du  choix  d'une  carrière  pour  son  fils. 

Il  lui  écrivait  à  ce  sujet  le  17  février  1809  : 

c<  ...  Rien  n'est  plus  important  que  le  choix  d'un  état. 
On  ne  saurait  y  apporter  trop  de  méditation,  et  un  jeune 
homme  capable  d'en  peser  les  avantages  et  les  incon- 
vénients donne  une  garantie  de  ses  succès  dans  la  carrière 
qu'il  aura  librement  adoptée.  Je  dois  t'ôbserver  cependant 
qu'il  ne  faut  pas  que  de  semblables  réflexions  soient 
poussées  trop  loin  :  il  n  y  a  rien  qui  n'ait  un  bon  et  un 
mauvais  côté  ;  et  quiconque  ne  verrait  d'un  état  que  les 
inconvénients,  finirait  par  n'en  prendre  aucun,  ce  qui 
serait  le  pire  de  tous  les  partis. 

«  Je  t'ai  parlé  de  la  magistrature  :  c'est  une  profession 
fort  honorable  ;  elle  ne  mène  pas  à  la  fortune,  mais  aussi 
elle  a  l'avantage  d'assurer  de  bonne  heure  l'existence  poli- 
tique, ce  qui  donne  la  facilité  de  faire,  dans  sa  jeunesse, 
un  bon  établissement. 

«  D'autres  états,  tels  que  le  parti  désarmes,  l'Adminis- 
tration des  Domaines,  ont  l'inconvénient  de  vous  faire 
languir  dans  les  grades  inférieurs  et  de  ne  vous  donner 
une  véritable  consistance  que  dans  l'âge  du  retour.  Mais 

*  La  duchesse  de  Chevreuse,  dame  du  Palais  de  l'Impératrice 
Joséphine,  s'était  fait  remarquer  à  la  Cour  par  son  esprit  d'opposition . 


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—  120  — 

aussi  Témulation  y  est  fortement  soutenue,  et  l'espoir 
qu'elle  vous  donne  n'est  pas  sans  avoir  ses  douceurs, 
quoiqu'il  soit  bien  souvent  déçu. 

«  De  cet  inconvénient,  qui  est  grave,  faut-il  conclure 
que  ces  professions  ne  sont  pas  bonnes  à  suivre?  Tu  parais 
désirer  le  barreau  :  ce  serait  une  résolution  bien  louable; 
mais,  avant  de  se  livrer  à  la  profession  d'avocat,  il  faut  bien 
tâter  ses  forces  et  surtout  son  courage.  S'engager  pour 
reculer  ensuite,  c'est  de  toutes  les  fautes  la  plus  grave  : 
c'est  le  découragement  qui  peuple  la  société  de  tant  d'êtres 
inoccupés.  On  estime  davantage,  en  quelque  sorte,  une 
personne  qui  n'a  jamais  eu  d'état,  que  celles  qui  olit  quitté 
le  leur  avant  le  temps.  Ceux-là  laissent  au  moins  à  penser 
que,  s'ils  avaient  voulu  faire  quelque  chose,  ils  en  auraient . 
eu  la  capacité.  L'on  est  au  contraire  toujours  disposé  à 
penser  que  ceux  qui  ont  reculé  l'ont  fait  par  incapacité  ou 
inconduite.  Nous  jaserons  de  tout  cela,  et  je  m'attends  à 
trouver  dans  tes  idées  de  la  justesse  et  de  la  maturité  sur 
ce  sujet  intéressant. 

«  On  a  eu  ici  d'assez  belles  fêtes  cet  hiver*  Ton  ami 
Ballan,  comme  le  seul  bon  danseur,  a  été  très  recherché, 
et  Ton  trouve  que  cela  lui  a  donné  un  air  suffisant  qui  ne 
le  rend  pas  plus  aimable.  Quelle  sottise  de  se  croire  per- 
sonnage, pour  faire  mieux  qu'un  autre  une  pirouette  ou 
une  roulade  !  Le  véritable  mérite  est  toujours  modeste,  et 
c'est  parce  qu'il  n'y  a  rien  de  si  rare,  i^ue  tant  de  gens  ont 
de  la  fatuité...  » 

Toujours  préoccupé  de  l'avenir  de  son  fils,  il  le  fit  entrer 
dans  les  bureaux  de  M.  Outrequin,  banquier  à  Paris,  afin 
de  l'initier  aux  grandes  affaires.  Pour  l'encourager  il  lui 
écrit  le  30  juillet  1809: 

«  ...  Il  n'est  à  Paris  aucun  maître-clerc  de  notaire, 
aucun  commis  de  banque  un  peu  versé  dans  les  opérations 
de  son  état  qui,  s'il  a  un  peu  d'intelligence  ou  d'activité, 
ne  fasse  quelques  affaires  pour  son  propre  compte  e^  ne 


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—  121  — 

commence  à  fonder  de  la  sorte  son  état.  Tout  cela  se  peut 
faire  sans  blesser  aucunement  la  délicatesse  et  la  connais- 
sance de  son  patron  auquel,  sous  quelque  prétexte  que  ce 
soit,  on  ne  doit  jamais  faire  tort.  Voici  donc  ce  que  je  te 
propose  pour  jeter  les  fondements  de  ta  fortune,  et  il  est 
bien  juste  que  je  pose  la  première  pierre  de  cet  édifice.  A 
partir  de  ce  jour,  tu  prendras  une  commission  de  banque 
de  un  demi  pour  cent,  tant  sur  les  recouvrements  que  sur 
les  paiements  dont  tu  seras  chargé  pour  moi.  Cette  remise 
sera  indépendante  des  ports  de  lettres,  faux  frais,  etc., 
qu'en  style  de  banque  vous  appelez  frais  de  débours.  Cette 
opération  exige  de  ta  part  un  compte  ouvert  que  nous 
arrêterons  à  chaque  négociation,  pour  te  faire  contracter 
l'habitude  de  Tordre  et  de  la  célérité.  Tu  sais  que  les  bons 
comptes  font  les  bons  amis,  et  ce  sera  à  la  lucidité  des  tiens 
dans  toutes  les  affaires  que  tu  pourras  avoir  à  traiter,  que 
tu  devras  essentiellement  la  confiance  dont  tu  pourras  jouir. 

€  Tu  conçois  que  tes  bénéfices  de  banque  seront  avec 
moi  bien  modiques,  mais  qu'importe  :  une  affaire  en 
appelle  toujours  d'autres,  et  je  pense  qu'il  me  sera  facile 
de  t'en  ménager  ici  de  bien  plus  importantes  quand  lu  te 
sentiras  de  force  à  les  entreprendre. 

«  Dans  ta  lettre  du  28,  deux  choses  m'ont  particuliè- 
rement frappé  et  satisfait  :  ta  bonne  santé  et  l'assurance 
que  ton  état  te  platt.  C'est  à  ces  deux  circonstances  que 
tient  essentiellement  le  bien-être.  Règle  si  bien  ton  temps 
que,  tes  devoirs  chez  le  banquier  remplis,  il  t'en  reste 
assez  pour  orner  ta  mémoire,  cultiver  tes  talents,  acquérir 
des  connaissances  et  te  livrer  à  des  plaisirs  modérés, 
car  il  est  bon  d'entretenir  le  sommeil,  l'appétit  et  la 
vigueur.  Tout  cela,  mon  ami,  peut  se  faire.  Combien  de 
gens  font  plus  de  choses  en  24  heures  que  d'autres,  qui  se 
croient  actifs  et  occupés,  n'en  font  en  une  semaine!  M.  Mu- 
sarde&i  un  personnage  tellement  calqué  sur  la  nature,  que 
bien  des  gens,  et  moi  le  premier,  peuvent  s'y  reconnaître. 


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—  122  — 

Ne  sois  ni  musard,  ni  lent  en  toutes  choses,  vise  droit  au 
but,  prends  la  ligne  la  plus  cx)urte,  et  tu  seras  étonné  de 
tes  succès  et  de  la  rapidité  de  tes  opérations...  » 

Voyant  ses  enfants  arriver  à  Tâge  de  s'établir,  Jean 
Bruley  songeait  avec  mélancolie  à  son  opulence  passée.  Il 
avait  essayé  de  réagir  contre  les  événements;  mais 
plusieurs  spéculations  des  mieux  combinées  s'étaient 
converties  en  désastres  par  des  causes  impossibles  à 
prévoir.  Ayant  réuni  les  épaves  de  ses  capitaux,  il  fit 
consulter  par  son  fils  les  financiers  les  plus  experts  sur  le 
placement  qu'on  pouvait  en  faire  avec  le  plus  de  sécurité. 

Il  lui  recommanda  de  ne  pas  leur  laisser  deviner  ses 
précédents  déboires  parce  que,  disait-il,  les  hommes 
occupés  par  état  de  spéculations  commerciales  n'estiment 
les  autres  qu'en  raison  de  leur  avoir. 

€  Ah!    mon    ami,    continûaît-il    dans   sa    lettre    du 

7  novembre  1809,  qu'il  est  pénible  d'avoir  vu  couler  la 

partie  la  plus  claire  de  sa  fortune,  et  dans  quel  moment  : 

quand  je  ne  m'étais  livré  à  l'ambition  de  ne  l'accroître  que 

pour  le  bien-être  de  mes  enfants!  Tu  es  à  même  de  réparer 

cet  échec  qui  pourra  devenir  avantageux  pour  toi,  s'il  te 

fait  sentir  la  nécessité  de  ressaisir  par  toi-même  la  fortune 

qui  nous  fuit.  Mais  tes  sœurs,  tes  pauvres  soeurs!  Combien 

leur  sort  nie  fait  de  peine;  comme  ta  pauvre  nrère  en  est 

affectée!. . .  » 

Son  fils  lui  répondit  : 

20  novembre. 

«  ...  Je  le  vois  trop  bien,  mon  cher  papa  et  bon  ami, 
tes  chagrins  sont  grands  de  n'avoir  pu  réaliser  tes  géné- 
reux projets  qui  avaient  pour  unique  but  l'établissement 
plus  avantageux  de  chacune  de  mes  sœurs..  Tout  a  tourné 
contre  toi,  tous  les  événements  semblent  avoir  conspiré  à 
déjouer  des  plans  sagement  conçus,  à  déjouer  ta  tendre 
sollicitude.  Mais  tu  t'affectes  comme  s'il  y  avait  de  ta  faute 
^t  les  reproches  mal  fondés  que  'tu  semblés  sans  cesse  te 


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—  123  - 

faire  en  secret,  empoisonnent  ton  existence  et  nous 
affligent.  Ta  femme,  tes  enfants  ne  l'ignorent  pas,  malgré 
tes  efforts  pour  le  leur  dissimuler,  et  c'est  ce  dont  ils  te 
blâment.  C'est  la  seule  chose  qu*}ls  te  reprocihent,  la  seule 
sans  doute  qui  leur  èa use  des  regrets.  Maman,  comme  toi, 
a  gémi  sur  nos  revers;  mais  le  sujet  de  sa  tristesse  habi- 
tuelle, j*en  appelle  â  elle-même,  les  peines  qui  la  font 
soupirer  si  souvent,  c'est  assurément  les  chagrins  dont  tu 
te  tourmentes  et  qui  te  ruinent. 

«  Mon  cher  papa,  je  t'adresse  au  nom  de  mes  sœurs  de 
leiidres  reproches  qu'elles  ont,  comme  moi,  à  te  faire  : 
potivons-nous  être  heureux  sans  la  tranquillité  d'âme  des 
amis  qui  nous  sont  les  plus  chers  au  monde?  Je  sais  que 
la  résignation  n'est  pas  facile  à  des  âmes  comme  les  vôtres, 
et  qu'elles  se  consolent  difficilement  de  se  voir  trompées 
dans  leurs  espérances  de  prospérité,  conçues  uniquement 
pour  leurs  eùfants;  mais  persuadez- vous  donc  enfin  que 
nous  n'avons  pas  connu  cette  fortune  brillante  dans 
laquelle  vous  vous  ëtiéz  flattés  de  nous  établir!  Songeons 
ensemble  à  ce  que  nous  pourrions  être  si  le  soh  nous  eût 
tous  fait  naître  loin  de  cet  état  dont  vous  vous  trouvez  si  à 
plaindre  d'être  déchus.  Nous  n'aurions  sans  doute  ni 
regrets,  ni  soucis  :  nous  ne  vous  verrions  pas  vous  aban- 
donner aux  chagrins  rongeurs.  Que  ne  pouvez-vous  donc 
alors  perdre  le  souvenir  du  passé  et  reconnaître  que  tout 
le  monde  pourrait  vivre  heureux  dans  les  positions  quel- 
conques de  la  vie  où  Ton  se  trouve  au-dessus  du  besoin! 
Que  de  familles,  heureuses  en  apparence,  portent  dans  leur 
sein  le  poison  dévorant  des  chagrins,  des  discordes,  des 
inquiétudes  et  souvent  même  des  remords! 

€  Vous  n'avez  pas,  je  le  sais,  la  faiblesse  de  vous  croire 
avilis  aux  yeux  de  ceux  qui  vous  ont  connus  plus  opulents 
et  par  conséquent  amoindris  à  vos  propres  yeux  ;  vos 
cœurs  sont  purs  et  devraient  être  heureux  :  pourquoi  donc 
se  refusent-ils  à  ce  qu'ils  méritent? 


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—  124  — 

«  Oui,  cher  papa,  tu  n*as  qu'une  faiblesse,  celle  dont  je 
viens  de  te  parler,  faiblesse  bien  pardonnable  sans  doute, 
mais  qui  n'en  existe  pas  moins.  Maman,  avec  un  cœur 
aussi  tendre,  a  peut-être  plus  de  fermeté,  plus  de  résigna- 
tion. Pardonne  à  ma  franchise,  je  suis  certain  qu'elle  ne 
blessera  pas  ton  cœur. 

«  Il  est  un  moyen,  mes  chers  parents,  je  vous  l'ai  déjà 
dit,  d'augmenter  la  dot  de  chacune  de  mes  sœurs,  c'est 
d'ailleurs  une  justice  et  de  plus  un  désir  ardent  et  sincère 
de  mon  âme  ;  je  vous  le  répète  parce  que  ma  tendresse 
pour  vous  et  pour  elles  m'en  fait  un  devoir  que  je  remplis 
avec  une  véritable  satisfaction  :  jusqu'ici,  je  vous  ai  coûté 
plus  que  mes  deux  sœurs  epsemble.  Je  ne  vous  parlerai 
pas  des  reproches  secrets  que  je  me  suis  faits  mille  fois 
quoiqu'entralné  toujours,  en  partie,  par  une  faiblesse  que 
je  condamne  le  premier,  et  plus  encore  par  une  sorte  de 
nécessité,  car,  il  faut  Tavouer,  à  la  honte  de  toutes  nos  insti- 
tutions, un  certain  vernis  d'aisance  et  même  de  richesse, 
lequel  s'apprécie  toujours  (et  principalement  à  Paris)  sur 
l'extérieur,  sur  Thabillement,  est  le  plus  puissant  levier 
qui  vous  pousse  dans  le  monde  et  qui  vous  assure  le  succès. 
L'extérieur  de  l'honnête  médiocrité  prévient  moins  que 
l'impudence  même  soqs  les  dehors  de  la  prospérité,  et  il 
faut  être  riche,  heureux,  du  moins  le  paraître,  pour  pos- 
séder les  moyens  de  le  devenir  davantage.  Ce  sont  des 
vérités  qu'on  ne  conteste  plus;  J'ai  donc  voulu  aussi  user 
d'un  innocent  charlatanisme  qui  me  réussira  mieux,  je 
n'en  doute  point.  J.-J.  Rousseau  n'avait-il  pas  raison  quand 
il  disait  :  «  Si  vous  ne  savez  jamais  d'autre  métier  que  le 
vôtre,  vous  ne  serez  jamais  qu'un  ignorant,  » 

«  Dispose  de  tout  à  mon  égard,  mon  cher  papa,  selon  la 
justice,  selon  ton  cœur;  fais  au-delà  même  de  ton  inten- 
tion, pour  te  conformer  à  mes  désirs.  Je  me  plais  à  entrer 
avec  vous  dans  tous  ces  détails,  certain  de  Tiatérêt  que 
vous  y  prendrez  :  songez  à  la  mise,  même  ordinaire,  des 


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jeunes  gen^  ainsi  qu'à  Id  cherté  désespérante  de  tous  les 
articles  de  rhabillenient,  et  vous  reconnaîtrez  que  ma 
dépense  en  ce  genre  n'est  vraiment  pas  excessive.  Cepen- 
dant, je  sais  que  je  dépense  au-delà  de  ce  qui  devrait  me  reve- 
nir, et  tu  ne  dois  pas  manquer  non  plus  d'en  tenir  note...» 

Son  père  lui  répondit  : 

«  Dans  les  contrariétés  et  les  peines  qui  pénètrent  mon 
âme,  je  ne  puis  éprouver  de  véritables  consolations  que 
celles  qui  me  viennent  de  ma  vertueuse  et  excellente 
femme  et  de  mes  enfants.  L'élévation  de  tes  sentiments, 
mon  cher  fils,  et  la  bonté  de  ton  cœur,  me  touchent  au-delà 
de  ce  que  je  pourrais  dire  et  cependant  ne  me  surprennent 
point.  Je  t'ai  toujours  apprécié  ce  que  tu  vaux  et  tu  sais 
que  je  n'ai  jamais  combattu  en  toi  aucun  vice,  aucun 
défaut  essentiel.  Si  je  n'avais  que  toi,  mon  ami,  si  je 
n'avais  même  que  des  garçons  qui  pensassent  comme  toi, 
loin  de  m'affliger  des  revers  de  la  fortune,  je  m'en  applau- 
dirais en  ce  que  mes  enfants  y  puiseraient  une  salutaire 
leçon  et  sentiraient  la  nécessité  d'être  quelque  chose  par 
eux-mêmes.  Je  suis  convaincu  que  mon  adversité  tournera 
à  ton  profit,  et,  je  te  le  dis  franchement,  ce  n'est  point 
pour  toi  que  je  m'en  afflige. 

«  La  plus  grande  marque  d'estime  que  nous  puissions 
te  donner  serait  d'user  de  Tinvitation  que  tu  nous  fais 
d'avantager  tes  sœurs  à  tes  dépens  :  il  y  a  bien  peu 
d'enfants  qui  soient  capables,  je  ne  dis  pas  de  faire  une 
semblable  proposition  à  leurs  père  et  mère  parce  qu'il  ne 
faut  pour  cela  qu'un  bon  moment  de  générosité,  mais  de 
persévérer  dans  un  pareil  sentiment,  de  donner  les  mains 
à  son  exécution,  et  d'avoir  assez  de  véritable  élévation 
dans  l'àme  pour  n'en  éprouver  de  regret  dans  aucun 
temps. 

«  Mon  plus  grand  désir,  mon  cher  ami,  est  de  te  faire 
recueillir  les  fruits  de  ton  désintéressement  et  de  faire  en 
sorte  que  tu  n'aies  pas  du  moins  à  en  souffrir.  Au  surplus, 


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—  1-26  — 

ce  que  tu  as  de  mieux  à  faire  pour  ton  propre  intérêt  est 
de  te  conduire  comnne  si  tu  n'avais  que  fort  peu  de  chose  à 
attendre  de  notre  succession.  Toutes  tes  vues,  toute  ton 
ambition  doivent  tendre  à  être  Tinstrument  de  ta  fortune. 
Si  tu  y  parviens,  comme  on  ne  peut  en  douter,  tu  éprou- 
veras, par  la  suite,  quelles  jouissances  suivent  la  bonne 
conduite  et  le  succès  de  ses  entreprises.  Une  fortune 
acquise  par  des  travaux  honorables  est  mille  fois  plus 
chère  que  celle  due  au  hasard  de  la  naissance. 

«  Nous  ne  pouvons  te  dissimuler  que,  quand  nous  ne 
ferions  à  tes  sœurs  aucun  avantage  à  ton  préjudice,  tu  ne 
pourrais  attendre  de  nous  les  mêmes  avances  de  notre 
vivant.  Pour  les  établir  le  plus  convenablement  que  le 
permet  notre  situation,  il  faudra  forcer  les  dots  et  nous 
réduire  au  strict  nécessaire.  Ce  ne  pourra  donc  être 
réellement  que  dans  notre  succession  que  tu  pourras  être 
égalé  à  Prudence  et  à  Valenline. 

«  ...  Je  regrette  de  m'ôtre  trop  laissé  aller  sur  ce  chapitre 
qui  est  aussi  délicat  que  pénible  à  traiter... 

«  Tu  me  blâmes  de  m'affecter  aussi  vivement  que  je  le 
fais  des  revers  que  j'ai  éprouvés  ;  et  cependant  doit-on 
traiter  ma  peine'de  faiblesse,  quand  personnellement  je  ne 
regrette  rien  ? 

«  Ton  traitement  est  bien  au-dessus  de  ce  que  je  m'étais 
proposé  de  faire  :  les  privations  que  tu  en  éprouves  te  sont 
pénibles,  te  contraignent  à  faire  de  petites  dettes,  et  tu 
t'étonnes  de  mon  affliction  !  —  Va,  mon  cher  fils,  si  nous 
pouvons  être  assez  heureux,  ta  mère  et  moi,  pour  le  voir, 
ainsi  que  tes  sœurs,  bien  établi,  satisfait,  au-dessus  d'une 
trop  grande  médiocrité,  sois  certain  qu'alors  rien  ne  man- 
quera à  nous-mêmes,  c'est-à-dire  que  nous  serons  parfai- 
tement satisfaits  de  ce  qui  nous  restera...  » 


(A  suivre  J 


Georges  Bruley, 

Ancien  magistrat. 


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r 


.  LA 


FAMILLE  BOYLESVE 


NEUVIEME   DEGRE 


1**  Charles  Boylesve,  Écuyer,  Seigneur  d'Auvers,  des 
Roches  de  Rablay,  de  la  Quantinière,  receveur  des  tailles 
d'Angers,  épousa  Demoiselle  Gatienne  Charlot\  fille  de 
noble  homme  Ëstienne  Chariot,  sieur  de  Quelaines,  lieu- 
tenant général  à  Châteaugontier,  contrôleur  et  intendant 
de  M"'  la  duchesse  d'Alençon  et  de  Guyonne  Erfroy,  sa 
seconde  femme. 

Il  mourut  à  Paris  le  6  février  1578,  laissant  deux  enfans  : 
Etienne  et  Renée. 

On  trouvera  à  l'article  de  son  frère  les  partages  qu'il  fit 
le  28  juin  1571  avec  François  Boylesve. 

11  eut  pour  son  préciput  et  les  deux  tiers,  comme  héritier 
principal  et  noble. .. 

La  maison  seigneuriale  des  Roches. 

La  Chotardière,  les  métairies  de  la  Quantinière,  de  la 
Brouarderie,  les  closeries  de  Vallet  et  des  Oiseaux,  le  bordage 
des  Garellières,  trente  quartiers  de  prés,  une  maison  sise 
rue  de  l'Hôpital,  une  somme.de  18.000  1.  payée  parles  dits 
deffunts,  sieur  et  dame  dé  la  Brizarderie  pour  Tachât  de 
roffice  de  receveur  des  tailles  d'Angers,  500  1.  de  rente  sur 


*  Chariot  :  d'azur  au  chevron  cTor,  accompagné  de  trois  croi&sans 
d'argent,  celui  de  la  pointe  surmonté  dun  trèfle  dor. 


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—  128  — 

divers  particuliers,  à  charge  d'acquiler  les  délies  des  diles 
successions. 

DIXIÈME   DEGRÉ 

1°  Etienne,  qui  suit. 

2®  Renée  BoYLEsvE  épousa,  par  contrat  du  9  février  1578, 
André  Hurault',  Chevalier,  Seigneur  de  Maesse,  Conseiller 
d'État  et  ambassadeur  à  Venise.  Elle  testa  le  9  février  1582 
devant  Thibault,  notaire  au  Châtelet  de  Paris,  et  mourut 
sans  enfans  avant  1594.  Lui  fut  inhumé  le  22  septembre 
1607  en  Tabbaye  de  Morigny. 

Chartrier  de  Boylesve^  1578.  —  En  la  cour  du  Roy  nostre 
Sire  et  de  Monseigneur  duc  d'Anjou  a  Angers  par  devant 
René  Fouree,  notaire  royal...  Noble  homme  André  Hurault 
Conseiller^  du  Roy,  maître  des  requêtes  ordinaire  de  son 
hostel,  sieur  de  Maisse,  demeurant  en  la  ville  de  Paris,  en 
présence  de  noble  homme  Jean  Hurault,  Conseiller  du  Roy  et 
maître  des  requesles  ordinaire  de  son  hostel  et  de  Jacques 
Brosset,  Escuyer,  sîeur  de  Davionvîlle  d'une  part  et  Damoi- 
selle  Renée  Boylesve,  fille  de  deffunt  noble  homme  Charles 
Boylesve,  vivant  sîeur  des  Roches  et  du  Grand  Auvers  et  de 
deffuncteGatienne  Chariot,  demeurant  à  Angers  en  la  maison 
de  noble  homme  maistre  François  Boylesve,  Conseiller  du 
Roy,  lieutenant  en  la  prevosté  d'Angers  et  conservateur  des 
privilèges  de  l'Université,  sîeur  de  la  Brizardière  et  de  la 
Maurousière,  ledit  sieur  de  la  Brizarderie,  oncle  paternel  de 
laditle  Renée,  présent,  d'autre  part,. . .  le  futur  constitue  une 
rente  au  denier  20  sur  la  seigneurie  de  Maisse  et  promet  un 
douaire  de  KOO 1.  de  rente  ;  la  future  apporte  en  dot  IS.OOO  1.  en 
deniers...  Fait  à  Angers,  le  9  février  1578  en  présence  du 
sieur  de  Bueil,  du  sîeur  de  la  Bovardaie  Brosset  et  de  noble 
homme  Fiacre  Goureau,  sieur  de  la  Chambraie,  Hector  Bros- 
set, Reliant  et  honorable  Jean  Lefebre,  sîeur  de  Laubrière. 

R.  FoUREE. 

Grosse  en  papier. 

*  Hurault  :  (Tor  à  la  croix  d^azur  cantonnée  de  quatre  ombres  de 
soleil  de  gueules. 


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r 


—  129  — 


Chartrier  de  Boylesm,  1578.  —  En  la  Cour  du  Roy,  nosire 
sire  et  de  Monseigneur  le  duc  d'Anjou,  Angers  devant  René 
Fourré,  notaire. . .  Noble  homme  François  Boylesve,  Conseiller 
du  Roy  et  de  Monseigneur,  lieutenant  au  siège  de  la  prevosté 
royalle  d'Anjou  et  conservateur  des  privilèges  royaux  de 
rUoiversité  dudit  lieu,  sieur  de  la  Brizarderie  d'une  part  et 
noble  homme  André  Hurault,  sieur  de  Maissé,  Conseiller  du 
Roy  et  maître  des  requestes  ordinaire  de  son  hostel  et 
Demoiselle  Renée  Boylesve  son  espouse...  et  noble  homme 
Estienne  Boylesve,  sieur  des  Roches,  les  dits  Estienne  et 
Renée  héritiers  de  deffunt  noble  homme  Charles  Boylesve 
vivant  sieur  des  Roches  et  d'Auvers...  transigent  sur  une 
somme  de  9.S00  I.  due  par  Charles  Boylesve,  à  son  frère 
François  pour  un  prêt  fait  par  une  cédulle  du  1"«^  avril  1576 
et  sur  le  règlement  de  diverses  dépensés.*..  François  avait 
nourri  pendant  sept  années  ladite  Renée  en  sa  maison 
avec  sa  servante,  à  raison  de  cent  escus  sol  par  an,  ils  avaient 
emprunté  par  moitié  cinquante  escus  de  noble  homme 
Aotboine  de  Lesperonnière,  sieur  du  Pineau,  pour  ventes  de 
rentes  acquises  par  deffunte  Simonne  Quantin,  leur  mère,  de 
François  du  Vau,  sieur  du  lieu...  et  s'accordent  pour  une 
somme  de  4.005  escus,  deux  tiers  d'écu,  treize  sous  quatre 
deniers. . .  Fait  à  Angers  le  22  février  mil  cinq  cens  soixante 
et  dix-huit^  présence  de  noble  homme  François  Lefebvre, 
sieur  de  Laubrière,  avocat  au  siège  présidial  d'Angers  et 
Fiacre  Oourreau,  sieur  de  la  Chamberye.  Fauveau. 

Grosse  en  papier. 

Âudouis,  Ms8  1.005,  1594.  —  Transaction  entre  Messire 
André  Hurault,  sieur  de  Maesse,  Conseiller  d'État,  cy  devant 
ambassadeur  vers  le  duc  et  seigneur  de  Venise,  mari  de  feue 
Renée  Boylesve  et  noble  homme  Estienne  Boylesve,  sieur 
d'Auvers,  Conseiller,  notaire  secrétaire  du  Roy,  frère  et 
unique  héritier  de  la  dite  deffunte  dame  morte  sans  postérité. 

1'  Etienne  Boylesve,  Ecuyer,  Seigneur  du  Grand 
Auvers,  des  Roches,  Conseiller,  notaire  et  secrétaire  du 
Roy,  épousa  Demoiselle  Thierrye  ou  Théodora  Vignoys, 
fille  de  René  Vignoys,  Docteur  en  médecine  et  de  Thierrye 
Richer  ;  elle  épousa  en  deuxièmes  noces  Lazare  de  Selve, 


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1 


-  130  - 


seigneur  de  Breuil  e.t  de  Marignan,  Conseiller  du  Roy  bd 
son  Conseil  d'Étal  et  privé,  président  es  villes,  comtés  et 
évêchés  de  Metz  et  TouU  en  1606. 

Il  fit  une  fondation  dans  la  chapelle  des  Boylesve  aux 
Cordeliers  d'Angers  et  mourut  le  14  avril  1597.  Sa  veuve 
augmenta  cette  donation.  Ils  laissaient  trois  enfans 
mineurs  :  Gabriel,  René  et  Charles. 

Chartrier  de  Boylesve.  —  Il  transigea  comme  nous  l'avons 
vu,  ainsi  que  sa  sœur,  avec  François  Boylesve,  sieur  de  la 
Brizarderie,  le  22  février  1578. 

•  Bibliothèque  Nationale^  Pièces  Originales^  vol.  382,  1584.  — 
Quittance  en  parchemin  signée  de  Estienne  Boylesve,  sieur 
d'Auvers,  notaire  et  secrétaire  du  Roy,  maison  et  couronne 
de  France. 

État  civil  (T Angers,  1587.  —  Noble  homme  Estienne  Boy- 
lesve, Conseiller,  notaire  secrétaire  du  Roy,  sieur  du  Grand 
Àuvers,  parain  à  Féglise  Saint-Pierre. 

Bibliothèque  Nationale,  Nouveau  D'Hozier^  vol.  48,  1592. 
—  Ratification  faite  par  noble  homme  Estienne  Boylesve, 
sieur  d* Auvers,  Conseiller,  notaire  et  secrétaire  du  Rpy,  fils 
de  noble  homme  Charles  Boylesve,  sieur  des  Roches. 

Audouis,  Mss  1.005, 1597.  —  Testament  passé  devant  Deillé, 
notaire  à  Angers,  de  Estienne  Boylesve,  Escuier,  sieur 
d'Auvers,  Conseiller,  notaire,  secrétaire  du  Roy,  par  lequel  il 
fonde  une  messe  à  perpétuité,  chaque  vendredi  de  l'année, 
en  la  chapelle  de  nouveau  édiffiée  par  Messieurs  de  Boylesve, 
ses  cousins,  au  côté  seneslre  du  grand  autel  de  l'église  des 
Cordeliers  d'Angers,  donne  12 1. 10  s.  de  rente  et  demande  à  y 
être  inhumé...  le  30  mars  1597.  Le  14  avril  1597,  inhumation 
de  noble  homme  Estienne  Boylesve,  secrétaire  du  Roi,  sieur 
d'Auvers. 

28  novembre  1597.  Par  acte  passé  devant  Deillé,  notaire, 
Thierrie  Vignoy,  veuve  et  tutrice  de  Gabriel  et  Charles,  ses 
enfans  mineurs,  augmente  la  fondation  de  son  mari  et  donne 
une  rente  de  5  1.  10  s. 


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—  131  — 


ONZIÈME  DEGRÉ 


1*  Gabriel  Boylesvb,  Ecuyer,  Seigneur  du  Grand  Au  vers. 
2*  René  Boylksve,  Ecuyer,  mort  jeune. 

État  civil  d'Angers.  —  Le  4  février  1587,  baptême  à  Saint- 
Maurille  de  René,  âis  Estienne. . .  parain,  N.  H.  René  Vignoy, 
Conseiller  et  médecin  ordinaire  du  Roi. 

3^  Charles  Boylesvë,  Ecuyer,  entra  dans  la  compagnie 
de  Jésus. 

État  civil  d'Angers.  —  Le  14  avril  1595  fut  baptisé  à  Saint- 
Haarille,  Charles,  âls  d'Estienne  Boylesve,  Ecuyer,  sieur  du 
Grand  Auvers  et  de  Thierrye  Vignoys,  parain  :  Charles  Mir<»i, 
évoque  d* Angers. 

NEUVIÈME   DEGRÉ  (V.  p.  127). 

2"  François  Boylesve,  Ecuyer  (second  fils  de  Marin 
Boylesve,  Ecuyer,  seigneur  de  la  Bourelière,  la  Brizarderie, 
des  Roches  et  de  Simonne  Quentin),  Seigneur  de  la 
Brizarderie,  de  la  Biquerie,  de  la  Morousière,  de  la  Bour- 
dinière,  de  la  Gilière,  de  Chanzé,  des  Paragères,  des 
Thibaudières,  etc.,  licencié  es  lois,  avocat  en  la  Sénéchaus- 
sée d'Anjou,  eut  en  1562  «  commission  de  poursuivre  les 
huguenots,  »  fut  la  même  année  nommé  Echevîn  d'Angers 
sur  la  demande  du  duc  de  Montpensîer.  En  1569,  il  fut 
nommé  lieutenant  en  la  prévosté  et  juge  conservateur  des 
privilèges  de  l'Université  d'Angers. 

«  François  Boylesve  entra  fort  avant  dans  les  guerres 
«  civiles  sous  le  règne  de  Charles  IX  et  signala  àouvent 

<  son  attachement  pour  la  religion  et  le  Roy;  son  zèle 

<  pour  le  bien  public  lui  attira  des  ennemis  irréconci- 
«  liables.  Il  fit  destituer  de  la  charge  de  procureur  du  Roy 
«  an  siège  présidial  d'Angers  Malhurin  Cochelin,  qui 
«  commettoit  des  malversations  criantes  et  qui  étoit  un 


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—  132  - 

«  grand  partisan  de  la  ligue.  Cet  homme  perdu  songea  à 
se  venger  en  répandant  un  libelle  diffamatoire  dans 
lequel  il  altaquoit  la  noblesse  des  Boylesve  par  les 
calomnies  les  plus  incensées...  François  Boylesve 
mourut  dans  celte  circonstance»  ne  laissant  pour  tout 
héritage  à  ses  enfans  que  son  nom  et  sa  réputation  à 
soutenir.  Ils  se  réunirent  avec  leur  mère  pour  poursuivre 
Cochelin  au  Parlement.  II  eut  l'audace  de  s'y  défendre, 
comptant  sur  le  crédit  que  la  ligue  avoit  alors  dans  cette 
célèbre  compagnie.  Cette  ressource,  quelque  puissante 
qu'elle  fût,  n'empêcha  point  le  Parlement  (tant  l'injustice 
étoit  criante)  de  rendre  un  arrêt  contradictoire  sur  les 
conclusions  du  procureur  général  le  10  décembre  1587, 
lequel  condamna  le  libelle  à  estre  lacéré  et  Cochelin, 
son  auteur,  en  100 1.  parisis  d'amende.  Cet  arrêt  fit  droit 
sur  la  requeste  de  Messieurs  Boylesve  qui  ne  demandoient 
qu'à  être  reconnus  pour  gens  nés  d'ancienne  extraction 
noble  et  il  énonce  et  vérifie  tous  les  titres  qui  établissent 
une  filiation  suivie  depuis  Estienne  Boylesve,  Chevalier, 
prévost  de  Paris,  jusqu'à  François  Boylesve. . .  Cochelin 
s'étant  ensuite  jette  ouvertement  dans  le  parti  du  duc  de 
Mercœur,  chef  de  la  ligue,  pilla  les  terres,  les  biens  et 
les  maisons  de  François  Boylesve  et  de  ses  enfans,  les 
fit  saisir  et  mettre  au  bail  judiciaire  sur  les  ordinaires 
du  duc  de  Mercœur,  comme  appartenants  aux  ennemis 
de  la  Sainte-Union. . .  Lorsque  la  justice  eut  repris  son 
juste  cours,  Philippe  Prioulleau  et  ses  enfans  poursui- 
virent les  brigands  qui  avaient  ravagé  leurs  biens  sous 
les  ordres  de  Cochelin,  mais  ils  avoient  pris  la  fuite 
«  avec  leur  chef.  » 

«  Ils  n'y  gagnèrent  donc  que  l'honorable  avantage  de 
«  constater  les  sacrifices  que  François  Boylesve  avoit  faits 
«  pour  sa  patrie  et  que  les  ennemis  de  l'État  l'avoient  jugé 
€  un  homme  assez  considérable  pour  mériter  leur  haine 
«  et  leur  vengeance. . .  » 


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—  133  — 

Il  avait  épousé,  vers  1545,  Damoiselle  Phîlippes  Prioul- 
LEAU  *  fille  deN.  H.  Jean  PriouUeau, avocat  au  présidial  d'An- 
gers, Seigneur  de  la  Bourdinière,  et  de  Perrine  Taupier. 

Il  mourut  le  27  novembre  1587  et  fut  inhumé  aux  Gorde- 
liers  d*Angers,  en  la  chapelle  des  Boylesve,  que  son  flls 
Marin  venait  de  fonder. 

Sa  veuve  fit  une  fondation  et  fut  inhumée  dans  la  môme 
chapelle,  le  10  juin  1610  ;  ils  laissaient  huit  enfans  :  Mau- 
rice, Marin,  François,  Charles,  René,  Françoise,  Philippe 
et  Charlotte. 

Archives  de  Maine-et-Loire^  E,  1.810.  —  Le  23  mars  1548, 
quittance  de  Claude  Guillonneau,  sieur  du  Goupilloux,  à  son 
cousin  M*  François  Boylesve,  licencié  es  lois,  de  8  1.  sur  42,  et 
8  juin  1549,  quittance  de  34  1. 10  s. 

Id.  —  Le  10  mai  1656,  François  du  Vau  et  Renée  Fresneau, 
sa  femme,  vendent  le  fief  de  la  Biquerie  à  H.  H.  M^  François 
Boylesve,  licencié  es  lois,  avocat  à  Angers,  à  charge  de 
relever  du  fief  de  la  Turpinière  à  foy  et  hommage  et  à  2  s.  6  d. 
de  service,  pour  1 .0001.  avec  faculté  de  Réméré,  devant  Rabeau, 
notaire  à  Angers.  —  3  octobre  1557,  quittance  des  ventes. 

Id.  —  Le  30  octobre  1557,  sentence  du  siège  présidial 
d'Angers,  condamnant  M®  François  Boylesve,  de  son  consente- 
ment, à  payer  à  N.  h.  François  du  Vau,  Escuyer,  sieur  du 
lieu,  840 1.  pour  supplément  du  contrat  de  vendilion  du  fief  de 
la  Biquerie. 

Id.  —  Le  9  décembre  1558,  M*  François  Boylesve. . .  cons- 
titue un  procureur  pour  prendre  possession  des  Grande  et 
Petite  Charpentrye  à  Saint-Laurans-de-la-Plaine,  acquises  de 
N.  h.  Jehan  Grébourg,  sieur  du  Pineau. 

Id.  —  Le  28  novembre  1559,  achat  du  fief  des  Paragères  et 
Tbibaudières  à  Chaudefond,  pour  50  1.  de  Messire  Jacques 


*  PriouUeau  :  d'or  à  la  fasce  de  gueules  accompagnée  de  trois 
croissans  de  même,  ^Z  etl. 


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-  134  - 

Drouault,  prestre;  ce  fief  tenu  du  sieur  de  la  Hellière  à  foy  et 
hommage  simple. 

Bibliothèque  d'Angers,  Mss  920,  P.  Î52.  —  François  Boylesve, 
fermier  Judiciaire  de  la  Basse  Guerche. . .  d'une  famille  riche 
et  passablement  alliée  (Âudouys). 

Archives  de  Maine-et-Loire^  £",  1810.  —  Le  27  décembre 
1560,  h.  h.  M*"  François  Boylesve,  avocat  au  siège  présidial 
d'Angers,  achète  un  quartier  de  bois  taillis  à  la  Bicquerie. 

Maintenue  de  1667,  titres  généraïuc,  —  26  juin  1B62,  lettre 
du  duc  de  Montpensier,  Gouverneur  d'Anjou,  aux  maire  et 
écbevins  d'Angers,  pour  les  prier  de  <  pourvoir  M*  François 
Boylesve  d'un  état  et  office  d'Ëscbevin  de  la  ville  d'Angers  >. 

Chartrier  de  Boylesve^  1562.  —  Extrait  des  registres  du 
greffe  de  la  ville  et  mayrie  d'Angers.  Du  septiesme  juillet 
1K62,  au  Conseil  tenu  en  Thostel  et  maison  commune  de  la 
ville  et  mayrie  d'Angers,  par  Messeurs  le  maire,  eschevins  et 
conseillers  du  corps  de  la  dite  mayrie  pour  procéder  à 
l'élection  de  deux  Eschevins,  conseillers  perpétuels  de  la  dite 
ville,  au  lieu  et  place  de  Messire  Jean  Belhomme  et  Pierre  Le 
Mal,  démis  des  dites  charges  par  Monsieur  de  Montpensier, 
comme  rebelles,  séditieux  et  de  la  nouvelle  religion,  et  y  pro- 
cédant, ont  esté  élus  es  dites  charges,  Eschevins,  conseillers 
perpétuels  à  la  pluralité  des  voix,  scavoir  au  lieu  et  place  du 
sieur  Le  Mal,  François  Boylesve,  EscuyerS  Seigneur  de  la 
Brisardière  et  au  lieu  du  dit  sieur  Belhomme,  Maitre  JuUien 
Goupilleau,  maistre  des  traites  foraines  d'Anjou. 

(Signé)  :  Le  Doichreux. 
Original  en  papier. 

Chartrier  de  Boylesve,  1871.  —  A  tous  ceux  qui  ces  présentes 
lettres  verront,  les  gens  tenant  le  siège  présidial  d'Angers 
salut.  Scavoir  faisons  que  aujourdhuy,  jour  et  date  des 
présentes,  a  été  procédé  par  les  copartageants,  cy  après 


*  Cet  extrait  prouve  bien  qu'en  1562  François  Boylesve  était 
reconnu  noble  et  l'on  peut  voir  la  différence  qui  existe  entre  lui, 
qualifié  Ecuyer,  et  ïullien  Goupilleau,  qualifié  seulement  maître. 


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—  135  — 

nommés  à  choisie  des  lois  et  partages  dont  la  teneur  s*en 
suit  :  Ce  sont  les  lots  et  partages  des  choses  heriteaux  des 
biens  et  successions  de  deffunct  Marin  Boylesve,  Escuyer, 
sieur  de  la  Brisarderie  et  Simonne  Quentin  son  épouse,  que 
Charles  Boylesve,  Escuyer,  sieur  des  Roches,  61s  aisné  et 
principal  héritier  des  dits  deffunts,  sieur  et  Damoiselle  de  la 
Brisarderie,  baille  et  fournist  t  François  Boylesve,  Ecuyer, 
Seigneur  de  la  Brisarderie...  lequel  a  déclaré  que  proceddant 
par  luy  aux  partages  et  divisions  des  domniaines,  terres, 
fiefs  et  seigneuries  et  choses  heritaux  demeurés  de  la  succes- 
sion des  dits  deffunts  sieur  et  Damoiselle  de  la  Brizarderie,  il 
a  par  ces  présentes  donné  et  délaissé  en  pleine  propriété  à 
François  Boylesve,  Escuyer,  sieur  de  la  Brisarderie,  Conseiller 
du  Roy,  lieutenant  en  la  prevoslé,  conservation,  ville  et  Uni- 
versité d'Angers,  son  frère  puisné  pour  son  tiers  et  partage 
des  biens  de  la  dite  succession  pour  luy  ses  hoirs  et  ayant 
cause,  disposer  et  Jouir  comme  de  leurs  propres  scavoir  est 
le  lieu  et  domaine  de  la  Brisarderie,  terres,  bois  marmentaux 
(de  haute  futaie),  taillis  et  prés  et  tout  ce  qui  en  dépend  sans 
réservation  situés  en  la  paroisse  de  Chanzeaux,  lefîef  de  la 
Bourelière  en  Juigné-sur-Loire,  rentes,  hommes  et  sujets 
avec  les  lieux,  domaines  et  métairies  de  la  Gueffrie  et  Ville- 
blanche,  es  paroisses  de  Saint-Pierre  et  Saint-Aubin,  avec  les 
prés,  pastures  et  bois  en  dépendants,  et  cinquante-sept  bois- 
seaux de  seigle,  mesure  de  Chemillé,  de   rente  foncière 
scavotr  vingt  boisseaux  sur  le  lieu  du  Bignon,  paroisse  de 
Thouarcé,  dix  sur  les  terres  nommées  L'Escole  appartenans  à 
Jean  Mesnier  et  vingt-sept  sur  le  lieu  de  la  Boutière,  paroisse 
de  la  Tourlandry,  une  maison  et  un  pressouer  appelé  le 
pressouer  Turquart  au  bourg  de  Rochefort  avec  les  prés, 
pastures,  pescheries  et  vignes  en  dépendant  situés  tant  audit 
Saint-Aubin  de  Luigné,  Chavigné,  Rochefort,  avec  la  rente 
foncière  de  33  sols  due  sur  les  vignes  des  Gasniers  et  tout 
ainsy  que  les  dîtes  choses  se  poursuivent  et  comportent  à  la 
charge  que  le  dit  François  acquitera  et  paiera  à  Tadvenir  les 
cens,  rentes  et  devoirs  et  pour  le  precipu  et  advantaige  et 
les  deux  tierces  parties  es  quelles  le  dit  Charles  Boylesve  est 
fondé  comme  aisné  et  principal  héritier  suivant  la  coustume 
d'Anjou,  il  s'est  retenu  et  retient  la  maison  seigneuriale  des 
Roches  composée  d*un  grand  corps  de  logis,  cours,  greniers, 
astables,  pressouer,  vergers,  jardins,  bois  de  haute  futaie, 


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—  136  — 

iailli8,  garennes,  rues,  issues,  vignes,  prés  et  pastures,  âefs» 
cens,  rentes,  hommes  et  sujets;  la  terre  de  la  Cholardière, 
fief,  hommes  et  sujets  avec  les  métairies  det  la  Quantinière  et 
de  la  Brouarderie  y  compris  trente^sept  quartiers  de  vignes, 
la  closerie  de  Vallet  en  la  paroisse  de  Saint-Aubin-de-Luigné, 
les  bordages  des  Garellières,  la  closerie  des  Oiseaux,  trente 
quartiers  de  prés  tant  en  la  vallée  de  Rochefort  que  Chalonnes, 
la  maison  située  en  la  rue  de  Thôpital  de  cette  videavecla 
somme  de  18.000>  payée  parles  ditsdeffunts,  sieur  et  Damoi- 
selle  de  la  Brisarderie  pour  l'achat  de  l'office  de  receveur  des 
tailles  d'Angers  et  les  cinq  cents  livres  de  rente  dues  tant 
par  les  Bequiliiers,  les  Geslin  que  maistre  Jean  CoUasseau 
comme  est  amplement  porté  par  les  contrats  de  constitution 
de  rente  passés  par  Bardin,  notaire  royal  en  cette  ville  avec 
tous  et  chacuns  les  meubles  délaissés  tant  en  la  maison  des 
Roches  que  celle  de  celte  ville,  au  moyen  desquels  le  dit 
Charles  acquittera  pour  le  tout  les  dettes  de  la  ditte  succes- 
sion sans  que,  au  moyen  du  don  qu'il  fait  audit  François, 
puisné,  de  la  propriété  des  héritages  cy  dessus,  il  puisse 
estre  contribuable  aux  susdittes  detes.  Aux  quels  partages 
ledit  sieur  des  Roches,  aisné,  fait  arrest  par  devant  nous 
dont  lui  avons  décerné  acte.     * 

Et  le  jeudi  28*  jour  de  juin  l'an  1571,  fut  présent  en  sa 
personne,  estably  et  soumis  le  dit  François,  puisné,  nommé 
audit  partage  cy  dessus,  lequel,  après  avoir  eu  communica- 
tion des  dits  partages,  a  retenu  le  tiers  à  lui  relaissé  par 
ledit  sieur  des  Roches,  son  frère  aisné,  et  par  lui  accepté  et 
d'iceluy  s'est  contenté  aux  charges  et  conditions  et  clauses  y 
apposées,  dont  l'avons  jugé.  Fait  à  Angers  par  devant  nous 
René  Gohin,  Conseiller  et  juge  magistrat  au  dit  siège  présidial 
d'Angers  le  jeudi  28*  jour  de  juin  l'an  susdit  1871.  Signé. 
Gohin,  Boylesve  et  Boylesve. 

(Signé)  :  Bernard,  avec  paraphe. 

Délivré  le  présent  le  18*  avril  1637. 

Pour  ce  peine  et  perquisition  quarante  sols. 

Copie  sur  papier*. 

*  Il  existe  aux  Archives  de  Maine-et-Loire,  E,  1.810,  une  copie  des 
partages  de  Marin  Boylesve  et  de  Simonne  Quentin,  absolument 
différente  de  celle-ci.  Cette  copie,  sans  valeur  puisqu'elle  n'est  ni 
signée  ni  datée  par  un  notaire,  ni  collationnée  à  son  original,  a  été 


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—  137  — 

Chartrier  de  Boylesve^  1874.  —  Sachent  tous  presens  et 
avenir  que  en  la  cour. . .  d'Angers. . .  par  devant  nous  Denis 
Fauveau  et  Mathurin  Grudé,  notaires.. .,  N.  h.  René  Masson, 
sieur  de  la  Verronnière,  la  Roullière,  Réaulmur  et  de  la 
Maurouzière. . .  tant  en  son  nom  q%ie  pour  Damoiselle  Loyse 
Chasteigner  son  espouse...  confesse  avoir  vendu  à  h.  b. 
M*  François  Boyiesve,  Conseiller  du  Roy  et  Lieutenant  au 
siège  de  la  prevosté. . .  sieur  de  la  Brissarderye  et  de  Chanzé 
et  à  Damoiselle  Pbelipes  Prioulleau...  la  terre,  fief,  seigneurie 
de  la  Maurousiëre  située  en  la  paroisse  de  Neufvy-en-Mauge... 
telle  qu'elle  étoit  possédée  par  deffunte  Damoiselle  Marye 
Masson,  sœur  du  vendeur,  vivante  femme  de  feu  François  de 
Casse,  son  premier  mary  et  de  feu  N.  b.  Jacques  Le  Gay, 
sieur  de  la  Gasnerye,  son  dernier  mary. . .  et  est  faite  ladite 
vendition  pour  le  prix  et  somme  de  29.000  1.  sur  laquelle 
somme  les  acquéreurs  ont  sollu  et  payé  comptant  la  somme 
de  19.000  1.  au  vu  de  nous  en  4.880  escus  sol,  1.000  doubles 
ducats  à  2  testes  et  18  1.  en  doczains...  pour  les  10.000  restants 
ont  promis  payer  aux  cbanoines  et  chapitre  de  Saint- 
Léooard-de-Chevilly,  2.000 1.  pour  le  rachat  de  la  métairie  des 
Roches  et  la  Hâblerie  à  eux  vendues  le  21  décembre  1571,  o 
grâce  qui  encore  dure...  pairont  le  reste  en  la  maison  de 
h.  h.  M*'  François  Lefebvre,  sieur  de  Lauberière,  avant  le 
l*"^  janvier  prochain. . .  Le  21  octobre  1874  a  esté  payé  pour 
le  vin  du  marché  et  aux  médiateurs  dudit  contrat  la  somme 
de  300  escus  sol.  Signé  en  la  minute  :  René  Masson,  Boylesve, 
Lefebvre,  et  a  déclaré  la  ditte  Prioulleau  ne  savoir  escrire  ne 


imprimée  en  majeure  partie  par  M.  Gontard  de  Laûnay,  dans  ses 
Recherches  sur  les  familles  des  Maires  cV  Angers  y  t.  ii,  p.  105.  Les 
enfans  desdits  defrunts  y  sont  simplement  qualifiés  de  honorable 
homme,  et  leurs  père  et  mère  ne  le  sont  aucunement.  On  y  parle 
bien  d'un  préciput  attribué  à  l'aîné  «  pour  les  choses  tombées  en 
tierce  foi  »  mais  les  lots  sont  égaux  et  le  partage  roturier...  Cet  acte  se 
termine  ainsi  :  Fait  à  Angers. . .  Signé  Gaultier  et  collationné.  Mais 
cette  mention,  absolument  différente  de  la  précédente,  a  été  écrite 
de  la  môme  main  que  le  reste  de  l'acte,  au  xviiie  siècle. 

On  se  trouve  donc  en  présence  de  deux  actes  datés  du  même  jour 
l'un  qualifiarif  les  parties  d'Ecuyers,  l'autre  d'honorable  homme.  On 
ne  saurait  trop  insister  sur  ce  que  le  premier  a  un  caractère 
d'authenticité  qui  manque  au  second,  et  qu'enfin  le  !«'  est  seul  cité 
dans  les  carrés  d'Hozier,  vol.  101,  dans  l'arrêt  du  Parlement  de 
Paris  du  10  décembre  1587,  dans  les  maintenues  de  16'}5,  de  1671  en 
Bretagne,  de  Chauvelin  en  1716,  dans  les  preuves  de  Saint-Cyr  en 
1728,  tandis  qu'il  n'est  nulle  part  fait  mention  du  second. 


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1 


—  138  — 

signer.  Ainsi  sigHié  M.  Gradé  et  D.  Fauveau^  scellée  en  double 
queue  de  cire  verte  pendant  à  un  rubai\  de  taffetas  jaulne. 
Au  bas,  quittance  des  ventes  de  la  Maurousière  pour  ce  qui 
relève  de  la  Cbaperonnière  le  15  juillet  lo75. 
Copie  collalionnée  le  mardy  !?•  jour  de  janvier  1577. 

(Signé)  :  Vivibr. 

Id.  ■—  Le  31  mai  1574,  François  Boylesve,  lieutenant  de  la 
prévoslé  d'Angers,  fit  aveu,  au  château  de  Beaupreau,  pour 
sa  terre  de  Cbanzé. 

Id.  —  Le  8  janvier  1575,  transaction  entre  François  du  Vau 
et  M*  François  Boylesve,  sieur  de  la  Brisarderie  et  de  Chanzé 
ratifiant  les  traités  passés  des  6  mai  1556,  30  octobre  1557, 
2  décembre  1858,  19  juillet  1563.  En  conséquence  de  tout 
quoi,  celui-ci  demeure  propriétaire  incommutable  de  la 
Biquerie.  (Signé)  :  Éran. 

Id.  diaprés  les  titres  de  Véglise  d* Angers^  tome  xix,  fol.  188.— 
Le  13  juillet  1576,  François  Boylesve  fut  nommé  commissaire, 
pour  le  subside,  par  les  ofâciers  de  la  Chambre  delà  Reine. 

Id,  —  Le  20  mai  1581,  N.  h.  François  Boylesve. . .  s'oblige, 
envers  h.  h.  Pichon,  de  la  somme  de  361  1.  à  payer  en  un  an 
prochain  venant.  Signature. 

Archives  de  Maine-et-Loire  y  E.  4.327.  —  1587,  récusation 
motivée  de  Mathurin  le  Boindre,  par  François  Boylesve... 
dans  l'affaire  qu'il  soutient  contre  Mathurin  Cochelin. 

Chartrier  de  Boylesve^  1587.  —  Les  gens  du  présidial 
d'Angers,  conservateurs  des  privilèges  de  l'Université, 
mandent  à  la  requeste  de  N.  h.  M*  Jehan  Collasseau,  conseiller 
du  Roi,  esleu  en  l'élection  de  contraindre  N.  H.  François 
Boylesve...  à  payer  4  escus,  deux  tiers,  14  s.  taxés  par 
M«  Simon  Saguier,  conseiller. 

Bibliothèque  d'Angers^  Mss  871,  Bruneau  de  Tartifumey  t.  i, 
p.  423.  —  «  On  entre  en  la  chapelle  des  sieurs  Boylesves  qui 
«  sont  une  des  plus  illustres  familles  d'Anjou^^e  laquelle 
«  sont  sortis  plusieurs  grands  personnages  qui  ont  rendu  une 
€  infinité  de  bons  services  aux  rois  de  France  et  à  l'Anjou, 
«  leur  patrie...  Entrant  donc  en  ladite  chapelle,  on  ren- 
«  contre,  à  ses  pieds,  une  grande  tombe,  longue  de  7  pieds 


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-  139  - 

4  poulces,  large  de  3  pieds  3  poulces,  sur  laquelle  a  esté 
gravée  la  réprésentçition  d'un  homme  de  judicature.  > 
«  Les  lettres  qui  sont  autour  de  ladite  tombe  sont  presque 
effacées.  Seulement  on  peut  Jire ces  mots  : 
•  Cy  gist  (François)  Boylesve,  sieur  de  la  Brisarderie,  de 
la  Gillière  et  de  la  Maurousière,  vivant  conseiller  du  Roy 
(lieutenant  de   la    prévosté,    conservateur)  de  privilèges 
royaulx  de  l'Université  d'Angers,  lequel  décéda  le  27  no- 
vembre 1587. 
<  Aux  quatre  coings  de  ladite  tombe  sont  ces  armes.  » 


XX 
X 

[a 

p.    DE   FaRGY. 


{A  suivra;,) 


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CHRONIQUE 


M»'  Rumeau,  notre  nouvel  évéque,  a  été  sacré,  dans  la 
Cathédrale  d*Agen,  le  jeudi  i  février,  jour  de  la  Purification 
de  la  Sainte  Vierge. 

La  cérémonie  a  élé  des  plus  imposantes.  Le  prélat,  assisté 
de  NN.  SS.  Mathieu,  archevêque  de  Toulouse,  et  Fallières, 
évëque  de  Saint-Brieuc,  a  reçu  Tonclion  sainte  des  mains  de 
M«'  Cœuret-Varin,  évéque  d'Agen.  Deux  abbés  milrés,  le 
T.  R.  P.  Jean-Marie,  de  la  Trappe  de  Bellefontaine  et  le  T.  R.  P. 
dom  •  du  Coêtlosquet,  de  Saint-Maur  de  Glanfeuil  ;  sept 
évéques  :  NN.  SS.  Balaïn,  archevêque  d'Auch  ;  Jauffret,  évéque 
de  Rayonne  ;  Fiard,  évéque  de  Monlauban  ;  Rougerie,  évéque 
de  Pamiers;  Énard,  évéque  de  Cahors  ;  Frérot,  évéque  d'An- 
goulème;  Renouard,  évéque  de  Limoges;  le  cardinal-arche- 
vêque de  Bordeaux  assistaient  à  celle  fêle,  dont  le  récit, 
animé  par  l'enthousiasme  vibrant  du  Midi,  formera  Tune  des 
plus  belles  pages  des  annales  de  TAgenais. 

Le  clergé  de  TAnjou  était  représenté  au  Sacre  de  M»*" 
Rumeau,  par  MM.  Grellier  et  Baudriller,  vicaires-généraux; 
Bazin,  curé  de  la  Cathédrale;  Letourneau,  supérieur  du 
Grand  Séminaire  ;  Grimault,  chanoine;  Thibault,  secrétaire 
général  de  TÉvêché;  M»^  Pasquier,  re.cteur,  M.  Delahaye, 
secrétaire  général,  et  le  R.  P.  Vétillart,  directeur  des 
Internais  de  TUniversilé  catholique. 

Du  côté  des  laïques,  on  remarquait  MH.  Merletet  Bodinier, 
sénateurs  ;  de  Grandmaison  et  F.  Bougère,  députés  ;  M.  le 
comte  L.  de  Terves,  ancien  député,  président  de  la  Société 
civile  des  FacuUés  calholiques  de  l'Ouest,  etc. 

Trois  semaines  plus  lard,  le  lundi  27  février,  escorté  par 
les  représenlanls  des  communautés  religieuses,  des  collèges 
catholiques,  des  corporations  ouvrières,  entouré  des  chanoines 


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—  141  — 

et  de  plus  de  cinq  cents  prêtres,  le  nouvel  èvèque  faisait  son 
entrée  solennelle  dans  sa  ville  épiscopale  et  dans  son  église 
Cathédrale. 

La  réception  fut  digne  de  notre  antique  cité  et  du  bon 
renom  de  ses  habitants.  La  foule  --  une  véritable  fourmilière 
humaine  —  s'entassait,  comme  elle  pouvait,  sur  les  trottoirs, 
aux  fenêtres,  aux  balcons,  dans  les  voitures,  arrêtées  par  le 
flot  et  transformées  en  estrades.  Les  maisons  étaient  décorées 
de  tapisseries,  de  tentures  de  gaze,  de  guirlandes  dé  fleurs 
et  de  verdure,  surtout  de  joyeux  et  sympathiques  visages. 

Les  autorités  civiles,  les  chefs  de  la  justice  et  de  Tarmée 
attendaient,  à  Saint  Maurice,  Tarrivée  du  prélaL  La  vieille 
cathédrale,  rajeunie  par  d'innombrables  décors  et  par  les 
chauds  rayons  d'un  soleil  printanier,  s'était  remplie,  comme 
aux  plus  beaux  jours,  pour  accueillir  le  successeur  des  grands 
Évoques  qui  ont  contribué,  par  leur  science  et  par  leurs 
vertus,  à  établir  au  loin  la  réputation  de  notre  terre  angevine. 

Après  la  longue  cérémonie  de  VObédience,  Mgr  Rumeau  est 
monté  en  chaire,  et, commentant  ce  texte  des  livres  saints  :  Ego 
8um  Joseph  frater  vester^  il  a  indiqué,  dans  un  très  beau  et 
très  éloquent  discours,  les  lignes  principales  du  ministère  qu'il 
vient  exercer  parmi  nous.  —  Puissent  tous  ses  vœux  se 
réaliser  et  aussi  les  souhaits  qui  lui  ont  été  adressés,  en  cette 
inoubliable  journée  !  Puisse  son  épiscopat  être  long  comme 
celui  de  M«''  Monlault,  fécond  comme  celui  de  M»''  Angebault, 
glorieux  comme  celui  de  M^''  Freppel  1 

•  Les  armes  de  M»''  Rumeau  sont  :  D'azur 
au  chevron  d'or,  accompagné  à  dextre  de 
la  clef  d*argent  d'Angers  et  à  seneslre  de  la 
tour  de  même  d'Agen  et  portant  en  pointe 
une  gerbe  d'or. 
Sa  devise  est  :  Pater  et  custos. 


Il  avait  été  question  de  faire  coïncider  la  réunion  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  avec  le  37«  Congrès  annuel  des 
Sociétés  savantes  des  départements  qui,  pour  la  première 
fois  aura  lieu  non  plus  à  la  Sorbonne,  mais  en  province,  et, 
pour  cette  année  1899,  à  Toulouse,  durant  la  semaine  de 
Pâques. 


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1 


—  142  — 

Une  sorte  de  plébiscite  a  été  provoqué  par  le  Ministre  de 

Tins  traction  publique  et,  d'après  les  réponses  reçues  (47  pour, 

168  contre^),  il  vient  d*êlre  décidé,  d'après  Ta  vis  du  Comité  des 

Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements,  que  la  33'' réunion 

desdites  Sociétés  se  tiendra,  non  à  Toulouse»  comme  le 

Congrès  des  Sociétés  savantes,  mais  à  Paris,  pendant  la 

semaine  de  la  Pentecôte. 

•♦♦ 

La  Société  d'Agriculture,  Sciences  et  Arts  d'Angers  vient 
de  confier  à  M.  Adrien  Planchenault,  archiviste-paléographe, 
le  soin  d'éditer  le  Cartulaire  de  Saini-Laud^  retrouvé  par 
H.  le  marquis  de  Villoutreys.  Ce  travail  continuera  la  série 
des  documents  historiques  sur  VAnjou,  si  dignement  inau- 
gurée par  la  publication  du  Cartulaire  de  Saint-Aubin, 


Une  élection  pour  la  Chambre  des  députés  a  eu  lieu,  dans 
ràrrondissement  de  Baugé,  le  12  février,  après  un  premier 
tour  de  scrutin  le  29  janvier»  en  remplacement  de  M.  Cou- 
dreuse,  décédé. 

Trois  candidats  étaient  en  présence  au  premier  tour  de 
scrutin  :  M.  E.  Lemasson,  maire  de  Fougère,  conseiller  géné- 
ral, soutenu  par  les  gauches  ;  M.  AUaume,  socialiste  ;  M.  Scé- 
vole  de  Livonoière,  conseiller  général  du  canton  de  Beaufort» 
candidat  des  conservateurs. 

Après  un  ballottage,  M.  Lemasson  a  été  élu  député  de  l'ar- 
rondissement de  Baugé  par  9.637  voix,  contre  7.880  données 
à  M.  de  Livonnière;  en  tout  17.610  votants  sur  21.587  électeurs 

inscrits. 

# 

«  » 

La  Loire  navigable  : 

Le  Comité  central  de  Nantes  continue  son  énergique  action. 
A  son  instigation,  M.  le  Ministre  des  travaux  publics  vient  de 
prendre  deux  importantes  décisions. 

Le  plan  de  sondages  du  lit  de  la  Loire,  entre  Nantes  et  le 
confluent  de  la  Maine,  étant  achevé,  M.  le  Ministre  a  décidé 
qu'un  travail  identique  serait  entrepris  sur  la  section  du  fleuve 
comprise  entre  l'embouchure  de  la  Maine  et  celle  de  la  Vienne. 

*  La  Société  nationale  d'Agriculture,  Sciences  et  Arts  d'Angers, 
a  y oté  pour. 


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—  U3  — 

M.  ringénieur  Robert  a  encore  été  chargé  de  la  direcîlion 
de  celle  étude,  qui  sera,  comme  celle  à  laquelle  elle  fait  suite, 
exécutée  moitié  aux  frais  de  TÉtat,  moitié  aux  frais  des 
Comités  de  la  Loire  navigable. 

De  plus,  H.  Robert  a  également  reçu  la  mission  officielle 
d'aller  en  Allemagne  effectuer  une  enquête  générale  et 
technique  sur  les  différents  systèmes  qui  y  ont  été  mis  en 
oeuvre,  pour  obtenir  Tapprofondissement  des  fleuves  et 
rivières  dans  le  but  spécial  de  les  approprier  à  la  navigabilité 
permanente. 

Tous  ceux  qui  s'intéressent  à  la  question  de  la  Loire  navi- 
gable se  félicitent  de  voir  M.  Tlngénieur^Robert  chargé  de 
cette  mission.  11  doit  la  remplir  au  cours  de  Tété  prochain. 

Pendant  que  la  question  technique  est  ainsi  en  bonne  voie, 
nous  avons  d'excellentes  nouvelles  du  délégué  que  le  Comité 
central  de  Nantes  a  envoyé  de  son  côté  en  Allemagne,  pour  y 
recueillir,  aux  sources  mêmes,  les  éléments  du  travail  qu'il 
prépare  pour  faire  la  démonstration  de  l'utilité  économique 
de  son  projet. 

Son  délégué,  M.  Lafâtte,  a  su  obtenir  des  autorités  alle- 
mandes. Chambres  de  commerce,  négociants,  consuls  auxquels 
il  s'est  adressé,  un  excellent  accueil.  Comme  nous  avons  déjà 
pu  l'apprécier,  les  documents  qu'il  s'est  procurés,  et  qui 
seront  publiés  après  son  retour  prochain,  seront  un  des  élé- 
ments importants  de  la  démonstration  en  préparation. 

En  attendant  les  résultats  de  tous  ces  travaux  préliminaires, 
la  Loire  joue,  en  ce  moment  même,  à  ses  clients  les  plus 
fidèles,  un  de  ces  mauvais  tours  dont  elle  est  coutumière. 
Dans  la  première  quinzaine  de  février  elle  débordait.  Les 
vingt  jours  de  sécheresse  que  nous  venons  de  traverser  ont 
suffi  pour  faire  réapparaître  les  grèves  et  rendre  le  fleuve  à 
peu  près  inutilisable. 

Des  bateaux  chargés  en  prévision  du  maintien  du  niveau 
(ce  qui  n'était  pas  trop  présumer,  en  cette  saison),  qui 
auraient  pu  monter  à  pleine  charge,  il  y  a  quinze  jours,  sont 
obligés,  depuis  une  semaine,  de  mettre  leurs  cargaisons  en 
wagons  à  J^antes.  Comme  conséquence,  les  destinataires,  qui 
espéraient  travailler  à  loisir,  sont  obligés  de  limiter  leurs 
réceptions  au  nombre  de  wagons  qu'ils  peuvent  charger 
quotidiennement  à  Nantes  et  décharger  réglementairement 
dans  les  gares  d'arrivée  pendant  leurs  heures  d'ouverture. 
Lamentable  1 


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—  144  - 

Mais  celle  situalion  ne  se  perpélaera  pas.  II.  n*est  pas 
léméraire  cl*enlrevoir  la  Loire  navigable  en  lout  temps,  de 
Nantes  à  Angers,  d'ici  à  deux  ou  trois  années. 

7  mars  1899. 

* 
*  * 

On  vient  de  découvrir  aux  Léards,  commune  de  Lire,  dans 
la  carrière  de  calcaire  de  Sainte- Marie,  trois  squelettes 
humains  dont  il  est  difficile  de  donner  l'âge.  Ces  squelettes 
sont  placés  en  V,  la  tète  d'un  des  cadavres  touchant  les 
pieds  de  Tautre.  C'est  à  O'^âS  de  profondeur  seulement  que 
ces  découvertes  ont  été  faites.  Nous  n'avons  pas  pu  avoir  de 
renseignements  plus  précis,  mais  il  convient  de  noter  qu'un 
certain  nombre  de  ces  squelettes  ont  été  trouvés  dans  les  envi- 
rons en  ces  dernières  années,  plus  de  vingt,  nous  assure-t-on. 

Faut-il  ajouter  que  l'armée  vendéenne  a  passé  la  Loire  aux 
Léards?  Il  parait,  au  surplus,  que  ces  inhumations  sont  bien 
plus  anciennes;  mais,  comme  il  faut  être  très  prudent  en 
archéologie,  nous  ne  pouvons  formuler  aucune  conjecture, 
faute  d'avoir  étudié  de  près  ces  découvertes. 

A  Andard,  en  creusant  un  jeu  de  boules  et  à  Doué-la-Fon- 
taine,  on  a  trouvé  également  un  certain  nombre  d'anciennes 
sépultures,  toutes  sans  intérêt  archéologique. 


Les  verrières  du  sanctuaire  de  la  chapelle  du  Champ-des- 
Martyrs  (Avrillé)  viennent  d'être  complétées  par  la  pose  d'un 
cinquième  vitrail  offert  par  la  famille  Dean  de  Luigné. 

Dans  la  partie  supérieure,  cette  verrière  représente  saiiUe 
Catherine  et  la  scène  de  son  martyre.  Le  médaillon  inférieur 
montre  Varrestation  de  M^""  Dean  de  Luigné^  de  ses  trois 
filles  et  de  Tabbé  Ledoyen  au  château  de  la  Bossivière,  à 
Argenton,  près  Cbâleaugontier.  On  sait  que  l'abbé  Ledoyen 
a  été  guillotiné  à  Angers  en  1794,  sur  la  place  du  Ralliement, 
et  que  M"**  Dean  de  Luigné  et  l'une  de  ses  filles  ont  été  fusil- 
lées au  Champ  des  Martyrs. 


C'est  à  Brissarthe  (Maine-et-Loire)  qu'en  86S  ou  866  tomba 
glorieusement  Robert- le-Fort. 

A  plusieurs  reprises,  il  avait  été  question  d'élever  un  monu- 
ment à  ce  vaillant,  en  1828,  puis  en  1875.  La  Semaine  reli- 


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—  145  — 

gieuse  d'Angers  rend  compte  de  la  cérémonie  d'inauguration 
de  la  statue  du  chef  de  la  maison  de  France. 

Le  dimanche  4  décembre  1898,  Brissarthe  recevait  le  reste  de  cette 
phalange  glorieuse  qui,  en  1870,  combattait  vaillamment  pour  la 
défense  du  drapeau. 

Dans  cette  belle  journée,  Brissarthe  a  voulu  associer  le  souvenir 
de  deux  grands  hèroïsmes  :  celui  de  Robert-le-Fort,  luttant  vaillam- 
ment contre  l'invasion  barbare  des  Normands  résolus  à  ruiner  d*un 
même  coup  et  la  Religion  et  la  Patrie,  et  celui  des  mobiles  du  canton 
de  Châteauneuf  qui.  avec  une  vaillance  couronnée  parfois  de  succès, 
comme  à  Patay,  comme  à  Monnaie,  etc.,  faisaient  reculer  Tennemi 
et  montraient  ce  que  peuvent  des  cœurs  français,  quand  des  chefs 
comme  MM.  de  la  Yingtrie,  Ernest  Retailliau,  André  Joùbert,  Thuau..., 
sont  là  pour  leur  communiquer  une  généreuse  ardeur  et  enflammer 
leur  courage. 

Le  4  décembre  au  çûatin,  M.  le  curé  de  Brissarthe,  revêtu  du  sur- 
plis, sur  le  seuil  de  l'église,  recevait  un  cortège  sympathique  composé 
de  M.  le  maire  de  Brissarthe  et  de  son  Conseil  municipal;  de  M.  Lau- 
rent Bougère,  député  de  Tarrondissement,  si  dévoué  aux  intérêts  de 
tous,  de  MM.  les  membres  du  Conseil  de  fabrique,  et  enfin  de  MM.  les 
mobiles  du  canton  sous  la  conduite  de  leur  chef  aimé,  M.  le  comte 
Retailliau. 

Si  nous  parcourons  du  regard  les  murs  de  cette  vieille  église,  trans- 
formée pour  la  circonstance,  nous  apercevons,  se  dressant  menaçant 
comme  au  jour  du  combat,  la  statue  de  Robert-le-Fort,  avec  cette 
inscription  sur  le  socle  :  Robert- le-Fort,  tué  à  Brissarthe  Van  866. 

Sur  les  piliers  apparaissent  douze  cartouches  rappelant  les  batailles 
où  les  mobiles  de  Maine-et-Loire  donnèrent,  suivant  les  circonstances, 
la  mesure  de  leur  courage.  L'autel  est  environné  de  lumières  et  de 
fleurs,  et  c'est  au  milieu  d'une  foule  compacte,  accourue  de  toutes 
les  communes  environnantes  et  comme  électrisée  par  la  vue  des 
étendards  et  les  chants  guerriers  que  fait  retentir  la  musique  dirigée 
par  son  chef  dévoué,  M.  le  Vicaire  de  Châteauneuf,  que  commence 
le  saint  sacrifice  de  la  messe.  On  se  serait  cru  à  la  veille  d'une 
bataille.  Chacun  prie  et  écoute  dans  le  plus  grand  silence  les  voix  si 
belles  et  si  fraîches  de  ces  jeunes  gens  et  de  ces  hommes  du  patro- 
nage de  Châteauneuf,  que  M.  le  Curé  ne  put  s'empêcher  de  remercier 
avec  enthousiasme. 

Après  la  messe,  M.  l'abbé  Baudriller,  vicaire  capitulai re,  qui  avait 
accepté,  suivant  le  désir  de  M.  le  Curé,  de  donner  par  sa  présence 
un  plus  grand  éclat  à  cette  fête,  voulut  bien  monter  en  chaire  et 
montrer,  dans  un  discours  aussi  solide  que  brillant,  les  graves  ensei- 
gnements de  l'histoire,  au  sujet  de  Robert-le-Fort,  premier  comte  de 
Paris  et  fondateur  de  la  maison  de  France.  Il  présenta  son  héros, 
chrétien  avant  d'être  soldat,  qui,  à  la  tête  d'une  poignée  de  braves, 

10 


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1 


—  146  — 


sur  Tordre  de  Tempereur  Charles-le-Chauve,  arrêta  un  moment  Tin- 
vasion  redoutable.  Jusque-là  victorieux,  il  s'apprêtait,  après  un  repos 
nécessité  par  la  violence  des  combats  précédents,  à  porter  un  dernier 
coup  aux  Normands  réfugiés  dans  Téglise  de  Brissarthe  comme  dans 
•une  forteresse,  lorsqu'un  javelot,  lancé  perfidement  par  une  fenêtre 
de  Téglise,  atteignit  en  pleine  poitrine  ce  grand  et  illustre  guerrier, 
heureux  de  donner  son  sang  pour  son  Dieu  et  pour  sa  patrie. 

Après  ce  discours,  on  se  rappela  ceux  qui  étaient  morts,  glorieuse- 
ment au  champ  d'honneur.  Sur  les  marches  de  l'autel,  on  étendit  le 
drap  mortuaire  et,  pour  eux,  l'église  chanta  ces  versets  si  plaintifs 
et  si  consolants  du  De  Profondis, 

Ce  devoir  rempli,  la  musique  militaire  se  fit  de  nouveau  entendre 
et  quitta  l'église  suivie  de  la  population  qui  semblait  s'attacher  à  ses 
pas  et  à  ses  accords  harmonieux. 

Comme  de  juste,  cette  cérémonie  se  termina  par  un  grand  banquet 
offert  par  M.  le  comte  Retailliau  aux  membres  des  deux  Conseils  de 
la  paroisse,  aux  mobiles  et  aux  musiciens  de  Châteauneuf. 

A  la  suite  de  cette  fête,  une  large  distribution  de  vêtements 
a  été  faite  aux  pauvres  de  la  paroisse  au  nom  de  M***^  la 
duchesse  d^Orléans. 


Sait- on  que  les  cloches  de  Notre-Danie  de  Paris  sont  ange- 
vines? 

Dans  un  article  du  Temps  consacré  aux  «  souvenirs  de 
Notre-Danie  »,  M.  Adolphe  Brison  s'exprime  en  ces  termes  : 
€  J'ai  grimpé  les  degrés  qui  mènent  aux  quatre  cloches  de  la 
«  tour  nord.  Elles  furent  fondues  à  Angers  par  Guillaume 
€  Besson,  La  première  se  nomme  Angélique- Françoise  ;  la 
<  seconde,  AnLoinelle- Charlotte;  la  Iroisième  Hyacinthe- 
«  Jeanne  ;  la  quatrième,  Denise-David.  > 


Une  première  souscription,  faite  à  Paris,  pour  le  monument 
à  élever  à  M.  J.-E.  Lenepveu  monte  à  1.220  fr.;  la  première 
liste  de  souscription  d'Angers,  à  2.589  fr. 

Dans  une  de  ses  dernières  séances,  la  Société  nationale 
d'Agriculture^  Sciences  et  Arts  d'Aogers,  sur  la  proposilioa 
de  M.  le  D"*  Maisonneuve,  son  dévoué  secrétaire,  a  décidé  de 
faire  poser  une  plaque  commémorative  sur  la  maisou  w  est 
ûé  le  Maître*.  On  ne  peut  que  louer  la  Société  de  cette  déeisioa. 


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pp  •  '^ 


-  147  - 


Nos  compalriotes  : 

Nous  lisons  dans  le  Gaulois  : 

«  Les  élections  pour  le  renouvellement  du  Conseil  de  la 
Société  des  Agriculteurs  de  France  viennent  d'avoir  lieu. 

<  Parmi  les  élus,  nous  remarquons  le  nom  de  M.  le  comte 
de  Blois.  Nous  félicitons  de  ce  choix  Timportante  Société.  Le 
sénateur  de  Maine-et-Loire  est* un  agronome  éminent.  Il 
maintient  en  Anjou  toutes  les  grandes  traditions  du  comte 
de  Falloux,  dont  il  est  Théritier  et  le  digne  continuateur.  > 


L'Académie  des  beaux-arls  a  décerné  le  prix  Rossini,  dont 
le  sujet  était  la  Vision  du  Dante,  à  la  partition  numéro  5, 
dont  Fauteur  est  M.  Max  d'Olonne,  ancien  grand-prix  de 
Rome,  actuellement  pensionnaire  de  la  villa  Médicis. 


Notre  collaborateur  et  ami»  M.  Joseph  Denais,  a.  été, 
par  arrêté  ministériel  du  11  février,  nommé  membre  de  la 
Commission  de  la  Presse  à  l'Exposition  universelle  de  1900, 
commission  qui  vient  d'ôlre  constituée  en  dehors  de  toutes' 
opinions  politiques,  ainsi  que  l'indiquent  les  noms  de  ses 
membres  :  MM.  Paul  de  Cassagnac,  Ranc,  Alfred  Mézières, 
Pierre  Baudin,  Jean  Dupuy,  Ernest  Merson,  Jules  Claretie, 
Paul  Strauss,  Edmond  Robert,  Léon  de  la  Brière,  comte  de 
Godlewski,  comte  de  Valèche,  —  rédacteurs  de  V  Autorité  y 
Paris,  le  Temps,  la  Petite  République^  le  Petit  Parisien,  le 
Soleil,  la  Gazette  de  France,  le  Journal  des  Débats,  etc. 

M.  Joseph  Denais  vient  aussi  d*ètre  délégué,  par  l'Associa- 
tion des  Journalistes  Parisiens  au  prochain  Congrès  Interna- 
tional de  la  Presse  qui  s'ouvrira  à  Rome  le  5  avriL 


Nous  apprenons  avec  plaisir  que  M.  de  la  Devansaye,  pré- 
sident de  la  Société  d'horticulture  d^Angers  et  du  départe- 
ment de  Maine-et-Loire,  vient  d'èlre  compris,  parla  Société 
royale  d'horticulture  de  Londres,  dans  le  nombre  des  onze 
botanistes  français  invités  à  la  conférence  internationale  qui 
sera  appelée  à  discuter,  exclusivement,  au  mois  de  juillet 
prochain,  sur  la  fécondation  artificielle  des  plantes. 


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1 


-  148  - 


M.  de  la  Devansaye  prendra  la  parole  à  cette  réunion  et 
lira  en  anglais  un  mémoire  sur  la  fécondation  des  aroïdées, 
principalement  du  genre  Anthurium. 

H.  de  la  Devansaye  a  été  également  nommé  membre  du 
Comité  d'organisation  de  la  section  française  à  TExposition 
internationale  d'horticulture  de  Saint-Pétersbourg  et  membre 
du  jury  de  ladite  exposition- 


La  Société  de  Géographie  a  accordé,  pour  Tannée  1899, 
une  médaille  d*or  (prix  A.  Logerot)  à  notre  compatriote  M.  le 
marquis  de  Bonchamps,  pour  son  exploration  dans  TÉthiopie. 


M.  René  Bazin  vient  de  poser  sa  candidature  à  TAcadémie 
française,  en  même  temps  que  MM.  Deschanel  et  Henry  Fou- 
quier,  pour  la  succession  de  H.  Edouard  Hervé,  mort  récem- 
ment. 


.  Les  Journaux  allemands  annoncent  la  représentation  pro- 
chaine, sur  le  théâtre  de  l'Opéra  de  Berlin,  d'un  opéra- 
comique  français  en  4  actes,  Mudarray  musique  de  Leborne, 
paroles  de  notre  compatriote  M.  Lionel  Bonnemère  et  de 
M.  Louis  Tiercelln. 


Le  Journal  officiel  a  publié  les  arrêtés  ministériels  nom- 
mant : 
Officiers  de  l'instruction  publique  : 
M.  le  docteur  Boell,  inspecteur  des  écoles  à  Baugé  ; 
M.  le  docteur  Peton,  maire  de  Saumur. 

Officiers"  d'Académie  : 

Séraphin  Denécbeau,  statuaire  angevin,  l'auteur  du  Volney^ 
récemment  inauguré  dans  la  Mayenne. 

M.  Cardi  (Paul),  président  de  la  section  d'Angers  de  la 
Dotation  de  la  Jeunesse  de  France,  conseiller  municipal  et 
administrateur  du  Petit  Courrier  ; 

M.  Roche,  directeur  des  tramways  d'Angers  ; 

M.  Boyer,  chef  de  la  musique  municipale  ; 


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-  149  — 

U.  Porcher,  de  Fontevrault,  sculpteur^  auteur  du  moDu- 
ment  élevé,  à  Hontreuil-Bellay,  en  Thonneur  de  Toussenel, 
Horeau,  Dovalle  et  Duret  ; 

M.  Demartial,  ancien  procureur  général  à  la  Cour  d'appel 
d'Angers  ; 

H.  Fouillaroh,  vice* président  de  la  Caisse  des  écoles  à 
Cholet  ; 

M"*  Lavenue,  directrice  d'école  privée  à  Angers  ; 

M.  Lemasson,  délégué  cantonal  à  Fougère  ; 

M.  Pichard,  Juge  au  tribunal  de  première  instance  d'Angers  ; 

M.  Schmitt,  capitaine  adjudant-major  au  77*  régiment  d'in- 
fanterie, à  Cholet  ; 

M.  le  docteur  Vidal,  délégué  cantonal  à  Gennes. 


Au  nombre  des  plus  récentes  lectures  faites  à  la  Société 
nationale  d'Agriculture,  Sciences  et  Arts  d'Angers  (ancienne 
Académie  d'Angers),  citons,  comme  susceptibles  d'intéresser 
particulièrement  nos  lecteurs  : 

Recherches  sur  les  sépultures  faites  dans  réglise  de  Sœurdres 
au  XVif  et  au  XVIIP  siècles,  par  Henri  du  Mas  ; 

Des  relations  de  confraternité  scientifique,  par  M.  l'abbé  Hy  ; 

Négociations  au  château  de  Brissac  (août  1620)  entre 
Richelieu  et  de  Luynes,  au  sujet  d'un  mariage  destiné  à  rap- 
procher leurs  deux  familles^  par  M.  Eusèbe  Pavie. 


Notre  distingué  collaborateur,  M.  Eusèbe  Pavie,  vient 
d'achever  l'ouvrage  que  la  Re^ue  de  rAnjou  publie  sous  ce 
litre  :  La  guerre  entre  Louis  XllI  et  Marie  de  Médicis 
(1619-1620).  Mais  cette  réalisation  d'un  but,  si  persévéram- 
ment  poursuivi  durant  une  grande  partie  de  sa  carrière 
littéraire,  ne  lui  semble  pas  un  titre  acquis  à  Poisivelé.  Il  a 
déjà  enlamé  la  rédaction  d'un  nouveau  travail  :  la  biographie 
du  baron  Hercule  de  Charnacé,  le  célèbre  diplomate  angevin 
qui  fut,  au  xvii*  siècle,  le  principal  négociateur  des  traités 
d'alliance  avec  la  Suède  et  la  Hollande,  et  Vauxiliaire  de 
Richelieu  dans  la  préparation  de  la  période  française  de  la 
guerre  de  Trente  ans. 

M.  E.  Pavie  n'a  pas  abordé  un  si  grave  sujet  sans  une 
sérieuse  préparation.  Il  a  notamment  dépouillé  aux  Archives 


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'"^ 


^  13:)  - 

du  Ministère  des  afTaires  étrangères  toute  la  correspondance 
diplomatique  de  noire  illustre  compatriote,  aân- d'être  en 
mesure  d'élever  à  la  mémoire  du  baron  de  Charnacé  un 
monument  4ui  soit  proportionné  à  sa  gloire  et  aux  services 
qu'il  a  rendus.  Nous  faisons  des  vœux  pour  que  le  travail  de 
M.  E.  Pavie  ne  tarde  pas  à  paraître. 


Parmi  les  dernières  conférences  de  la  Faculté  catholique, 
nous  devons  signaler  celles  de  H^'  Pasquier,  de  M.  Jules 
Delahaye  et  du  R*  P.  de  Salinis  : 

L'éminent  recteur  a  dit  avec  son  talent  et  avec  son  cœur, 
son  opinion  sur  la  chevaleresque  figure  du  Comte  Théodore 
de  Quatrebarbes,  le  châtelain  de  Chanzeaux,  dont  il  a  publié 
l'histoire  au  temps  de  la  Révolution,  sous  le  titre  :  Une  paroisse 
vendéenne  sotts  la  Terroir  : 

Soldat  comme  ses  ancêtres  qui  durant  les  Croisades  luttèrent  vail- 
lamment contre  les  mécréants,  officier  d'avenir  (dit  le  Journal  de 
Maine-ei- Loire  ^  en  analysant  la  conférence  de  M*^  Pasquier)>  le 
oomte  de  Quatrebarbes  prit  part  à  la  guerre  d'Espagne  et  à  la  glorieuse 
expédition  qui  donna  l'Algérie  à  la  France.  La  Révolution  de 
Juillet  1830  brisa  son  épée,  mais  il  n'hésita  pas  à  s'armer  de  nouveau 
quand  Pie  IX  et  Lamoricière  lui  demandèrent  de  défendre  la  ville 
d'Ancône.  Ce  croisé  du  dix-neuvième  siècle  maniait  la  plume  et  la 
parole  aussi  bien  que  Tépée.  Il  écrivit  des  ouvrages  remarquables  et, 
à  la  tribune  de  la  Chambre  desr  députés,  il  prononça  de  beaux  dis- 
cours. Mais,  plus  encore  que  son  talent  littéraire  et  oratoire,  ses  con- 
temporains admirèrent  ses  vertus  morales,  sa  piété  tendre  et  forte, 
sa  charité  inépuisable,  son  dévouement  à  la  Sainte  Eglise  et  sa  fidé- 
lité à  la  cause  du  roi.  Ferme  dans  sa  foi  monarchique  comme  dans 
sa  foi  religieuse,  il  a  été  enseveli  dans  les  plis  de  ce  drapeau  blanc 
qu'il  a  défendu  avec  autant  de  constance  que  de  courage.  A  une 
époque  où  les  apostasies  politiques  n'étaient  pas  rares,  quand  la  voix 
de  l'intérêt  parlait  souvent  plus  haut  que  la  voix  de  l'honneur,  il  fut 
pour  ses  adversaires  comme  pour  ses  amis  le  type  du  chevalier  sans 
peur  et  sans  reproche.  Quand  il  parut  devant  Dieu,  il  put  dire  à  son 
Juge  :  <  Seigneur,  j'ai  tenu  tous  mes  serments. . .  > 

Sur  les  origines  des  Quatrebarbes,  on  peut  lire  une  note 
intéressante  de  Dom  Chamàrd  dans  la  Semaine  Religieuse  de 
1868,  p.  39. 

M.  Jules  Delahaye,  né  à  Angers,  ancien  élève  de  Cpmbrée 
et  de  Mongazon,  ancien  député  d'Indre-et-Loire,  a  fait,  le 


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pi     ^ 


—  151  — 

27  janvier»  une  conférence  sur  :  Le$  grands  militante^  Wind- 
ihorst^  O'ConnelU  etc.,  etc. 

L'orateur  s'est  fait  beaucoup  applaudir  en  parlant  de  la 
force  morale  qui  a  permis  à  O'Connell  et  à  Windthorst  de 
triompher  après  une  lutte  énergique  et  de  faire  prévaloir, 
malgré  la  puissance  de  leurs  adversaires,  la  cause  de  Tlrlande. 
et  celle  des  catholiques  allemands. 

Il  a  terminé  en  parlant  de  M^^*  Freppel,  qu'aucun  obstacle 
ne  pouvait  effrayer,  loujours  debout  sur  la  brèche,  sans  s'in- 
quiéter de  savoir  s'il  était  seul  ou  s'il  était  suivi. 

Très  intéressante  aussi  la  conférence  du  P.  de  Salinls  sur  le 
Dahomey. 

Après  avoir  mis  en  relief  le  rôle  civilisateur  de  la  France,  le 
conférelicier  a  retracé  l'historique  des  négociations  qui  ont 
préparé  le  traité  avec  le  roi  Behanzin  puis  les  difficultés  de 
toutes  sortes  survenues  et  il  a  rendu  hommage  au  P.  Dorgère, 
à  l'amiral  de  Cuverville>  à  M.  de  Montesquiou-Fezensac,  et  à 
notre  intelligent  et  distingué  compatriote,  le  lieutenant  Oouin 
d'Ambrières,  qui  ont  su,  grâce  à  leur  habileté  diplomatique  et 
leur  infatigable  dévouement,  mener  à  bonne  fin  cette  délicate 

et  importante  entreprise. 

* 
*  * 

Aux  Amis  des  Arts  : 

Le  46  janvier,  les  membres  du  bureau  de  la  Société  des 
Amis  des  Arts  se  sont  rendus  en  corps  chez  M.  Valenlin 
Huaull-Dupuy  pour  lui  offrir,  au  nom  de  la  Société,  eh  témoi- 
gnage des  services  rendus  pendant  ses  deux  années  de  pré- 
sidence, une  plaquette,  œuvre  de  notre  compatriote  Saulo. 
M.  Gilles  Deperrière,  le  nouveau  président,  fidèle  interprète 
des  sentiments  de  tous  ceux  qui  avaient  tenu  à  se  Joindre  à 
lui,  s'est  exprimé  en  fort  bons  termes.  Nous  extrayons  de  sa 
petite  allocution  les  passages  suivants  : 

Vous  succédiez  à  deux  hommes  venant  de  laisser  parmi  nous  des 
souvenirs  qui  ne  s'effacent  pas, 'môme  encore  aujourd'hui,  mais  qui 
alors,  plus  près,  rendaient  votre  poste  plus  périlleux  à  occuper. 

Cormeray  avait  été  un  fondateur  vaillant,  habile  et  heureux,  son 
nom  vivra  parmi  nous  aussi  longtemps  que  notre  association  elle- 
même  ; 

Bodinier,  un  premier  continuateur  charmant,  apportant  dans  son 
action  les  formes  aimables  qui  caractérisent  la  généralité  des  Ange- 
vins, mais  qui  chez  lui  ont  quelque  chose  de  plus  parfait  que  chez 


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—  1.^2  — 

tout  autre,  par  ce  tact  lettré,  si  estimé  dans  tout  ce  qu'il  dit  ou  écrit, 
par  cette  aménité  toute  particulière,  bien  personnelle,  connue  de 
tous,  qualités  qui  lui  font  une  place  de  choix  parmi  nous. 

Vous  avez  su,  mon  cher  ami,  tenir  votre  rang  après  ces  deux 
devanciers,  être  leur  successeur  diligent.  Vous  avez  été  un  adminis- 
trateur impeccable,  et,  jaloui  de  conserver  à  la  maison  sa  bonne 
'renommée,  vous  Tavez  énergiquement  défendue  contre  tout  écart  de 
goût,  allant  même  jusqu'à  éviter  l'ombre  d'un  détail  qui  pût  alarmer 
la  plus  sévère  des  familles. 

En  somme,  chacun  pense  que  vous  vous  êtes  retiré  trop  tôt,  et 
vous  emportez  tous  nos  regrets. 

Aujourd'hui,  il  nous  reste  un  souhait  à  former,  celui  de  voir 
l'œuvre  d'art  que  nous  vous  apportons,  vous  faire  le  même  plaisir  à 
recevoir  que  celui  que  nous  avons  à  vous  l'oflfrir. 

Saulo  y  a  mis  tout  son  talent. 

Vous  êtes  angevin,  artiste  peintre  et  graveur. 

Dans  sa  plaquette  composée  pour  vous,  notre  jeune  maître 
sculpteur,  pensant  aux  arts  que  vous  aimez  et  cultivez,  a  représenté 
la  peinture  devant  un  paysage  sobre,  où  d'un  trait  léger  il  a  mis  la 
cathédrale. 

Il  a  modelé  notre  déesse  travaillant,  le  pinceau  à  ki  main,  ayant 
devant  elle  un  robuste  bambin,  à  l'allure  fière  et  décidée,  semblant 
heureux  d'apporter  son  concours  à  l'action,  en  supportant,  chevalet 
vivant  mais  docile,  le  cartouche  sur  lequel  va  paraître  bientôt 
l'image  de  la  nature. 

M.  Huault-Dupuy  a  répondu  avec  un  tact  parfait  et  un  rare 
bonheur  d'expression,  renvoyant  les  éloges  qu'on  lui  adressait 
à  ses  collaborateurs  dévoués  et  à  seâ  amis. 

Le  31  janvier  la  Société  des  Amis  des  Arts  a  inauguré  son 
Salon  annuel  dans  son  nouveau  local,  au  milieu  d'une  assis- 
tance tout  à  fait  choisie,  dans  laquelle  nous  devons  citer  : 
MM.  RogerBallu,  inspecteur  des  Beaux- Arts,  délégué  de  H.  le 
ministre  des  Beaux-Arts  ;  MM.  6,  Bodinier,  sénateur;  F.  Bou- 
gère  et  Joxé,  députés  ;  Delpech,  préfet  de  Maine-et-Loire  ;  le 
général  de  division  Hartschmidt;  Huault-Dupuy,  ancien  pré- 
sident de  la  Société,  etc. 

Les  invités  étaient  reçus  par  le  président  actuel,  M.  Gilles 
Deperrière,  assisté  des  membres  de  la  Commission:  MM.  A. 
Bruas,  A.  Planchenault,  Max  Richard,  Cointreau,  de  Romain, 
Auguste  Michel,  Georges  de  Chemellier,  Mercier  âls. 

Le  Président  a,  dans  son  allocution,  rappelé  qu'au  moment 
même  où  elle  allait  se  demander  si  elle  disparaîtrait,  la 


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-  183  — 

Société  a  rencontré  de  telles  sympathies  qu'elle  s'est  vue  plus 
affermie  que  jamais. 

Il  s'agissait  pour  elle,  n'ayant  plus  de  gite,  de  savoir  si  elle  ne 
serait  plus,  oa  si  elle  trouverait  un  asile  pour  y  porter  ses  pénates. 

Avec  une  persévérance  que  rien  ne  pouvait  lasser,  avec  la  volonté 
de  ne  pas  périr^  afin  de  continuer  la  marche  de  ses  heureuses  desti- 
nées^ elle  a  étudié  patiemment  et  méthodiquement^  par  le  travail  de 
ses  commissions,  d'innombrables  projets,  et  c'est  au  cours  de  ce 
labeur  qu'elle  a  vu  combien  étaient  nombreux  les  dévouements  qui 
lui  sont  acquis.  Le  souvenir  de  la  multiplicité  des  solutions  présen- 
tées, qui  s'accumulaient  journellement,  et  l'étude  réfléchie  de  chacune 
d'elles,  sontlà  pour  en  témoigner. 

Le  but  de  la  Société  ? 

Mettre  en  lumière  les  efforts  de  nos  artistes  angevins,  ouvrir  la 
porte  à  toutes  les  expressions  des  arts  de  la  forme,  des  séductions  de 
la  couleur,  faire  la  place  la  plus  large  à  ce  que  Ton  est  convenu  d'ap- 
peler les  arts  décoratifs  et  industriels,  et  ne  pas  cesser  d'appeler  tous 
les  artistes  de  France,  ceux  de  Paris  en  particulier,  à  nous  prêter  et 
donner  leur  concours,  leurs  exemples,  leurs  leçons,  pour  faire  parti- 
ciper l'Anjou  au  mouvement  général  artistique  du  moment,  et  l'y  lier 
le  plus  étroitement  possible. 

Dans  cet  ordre  d'idées,  imbus  d'éclectisme  et  du  charme  de  la  liberté, 
nous  avons  non  seulement  accueilli  mais  sollicité  les  œuvres  de  plu- 
sieurs artistes  voués  au  culte  d'un  faire  qu'ils  désignent  eux-mêmes 
sous  le  nom  d'Art  moderne.  Vous  trouverez  plusieurs  d'entre  elles 
répandues  ou  groupées  sur  divers  points  de  nos  galeries. 

Pour  l'agencement  matériel  de  notre  logis  (comme  on  dit  en  Anjou), 
nous  avons  pensé  que,  si  des  salles  d'exposition  d'objets  d'art  doivent 
être  un  lieu  de  recueillement  où  se  pratique  une  sorte  de  culte,  cela 
n'imposait  pas  la  tristesse,  et  nous  avons  été  heureux  de  trouver  des 
dispositions  faites  qui  nous  permettaient  de  prendre  la  lumière  du 
dehors  tout  en  conservant  le  spectacle  de  la  vie  extérieure  à  notre 
temple,  que  nous  voulons  le  plus  aimable  et  le  plus  attrayant  possible. 

M.  6.  Deperrière  n'a  pas  manqué  l'occasion  toute  favo- 
rable de  parler  de  M.  Lenepveu  : 

Notre  association  rendra  hommage  à  la  mémoire  du  grand  fils  de 
l'Anjou  qu'était  Jules-Eugène  Lenepveu . 

Dans  tout  Angers,  les  âmes  sont  prises,  les  volontés  sont  arrêtées 
pour  lui  élever  un  monument.  A  Paris,  il  y  a  un  puissant  écho, 
parti  des  voûtes  de  l'Institut,  et  qui  se  répand  non  seulement  dans 
le  monde  artistique  affligé  de  la  perte  de  l'une  de  ses  illustrations, 
mais  dans  la  pléiade  de  ceux  des  gens  du  monde  qui  savent  embellir 
les  heures  de  leur  existence  de  l'amour  des  Arts,  et  desquels  notre 
vénéré  compatriote  était  connu. 


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-  iU  - 

Ici,  sous  peu,  nous  grouperons  quelques  œuvres  du  Maître»  au 
milieu  de  cette  Exposition  * 

La  Société  demandera  aa  gouvernement  l'autorisation 
d'émettre  une  loterie  pour  doter  Angers  d'un  Palais  des  Arts. 

Le  maire,  le  préfet,  MM.  Max  Richard  et  Roger  Ballu  ont 
ensuite  pris  la  parole,  et  la  soirée  s'est  terminée  par  un 
lunch  où  l'on  a  bu  à  la  prospérité  de  celle  excellente  œuvre. 

Plusieurs  matinées  musicales  ont  été  données  chez  les 
Amis  des  Arts. 

On  y  a  fort  applaudi  deux  excellents  violonistes  de  l'or- 
chestre du  théâtre,  MM.  Lagarde  et  Ernaldy,  le  ténor,  M.  Tillet, 
enfin  M"'  Bressler,  la  charmante  et  habile  harpiste,  qui  a  été 
littéralement  acclamée. 

M.  le  comte  de  Romain,  avec  sa  bienveillance  habituelle, 
tenait  le  piano  d'accompagnement. 

On  y  a  revu  aussi  avec  grand  plaisir  M"«  Veillon-Dalifard, 
après  deux  ans  d'absence.  M.  Miron  d'Aussy  a  fort  diverti  les 
spectateurs  avec  sa  spiriluelle  parodie  d'Homère,  Guerre  de 
'Troie,  jouée  par  ses  ombres  et  récitée  par  l'auteur,  avec 
accompagnement  de  chœurs  d'amateurs  que  dirigeait  M.  de 
Romain. 

La  séance  de  clôture  du  Salon  a  eu  lieu  le  dimanche 
12  mars,  ainsi  que  le  tirage  des  lon^bolas. 


Le  dimanche  5  mars,  M.  Gustave  Larroumel  a  fait,  dans  la 
salle  des  Amis  des  Arts,  une  remarquable  conférence  sur 
J.-E.  Lenepveu  et  son  œuvre.  Aujourd'hui,  contentons-nous 
de  signaler  l'hommage  rendu  à  noire  grand  peintre  par  un 
critique  aussi  compétent. 

Nous  avions  retardé  la  publication  du  numéro  de  janvier- 
février  dans  l'espoir  d'y  pouvoir  publier  le  texte  de  la  confé- 
rence de  M.  Larroumel.  Par  suite  de  circonslancea  indépen- 
dantes de  noire  volonté,  cela  nous  a  élé  impossible  et  nous 
ne  croyons  pas  devoir  faire  attendre  plus  longtemps  nos 
abonnés.  La  savante  causerie  de  M.  Larroumel  sera  imprimée 

?  Cette  exposition  d'œuvres  et  d'études  du  maître  angevin  a  eu 
lieu  du  '21  février  au  5  mars. 


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dans  la  prochaîne  livraison  de  la  Revue  de  V Anjou,  que  nous 
nous  efforcerons  de  faire  paraître  dans  le  plus  bref  délai 

possible. 

* 
*  • 

Nos  grands  concerts  : 

Le  sixième  concert  était  conduit  par  M.  Georges  Marty, 
premier  grand  prix  de  Rome,  professeur  au  .Conservatoire, 
chef  de  chant  et  des  concerts  à  l'Opéra. 

«  M.  Marty,  dit  avec  raison  le  Patriote  de  VOuest,  dirige  avec 
un  art  incomparable  ;  le  geste  est  sobre,  la  baguette  à  la  fois 
souple,  nette  et  précise  dans  ses  indications.  L'exécutant  se 
sent  soutenu,  encouragé  mais  dompté  aussi,  car  le  maestro 
ne  fait  aucune  concession.  Inutile  d'essayer  de  presser  ou  de 
ralenlir  contre  son  gré.  M.  Marty  sait  ce  qu'il  veul,  conserve 
son  sang-froid;  l'orchestre,  entre  ses  mains,  est  un  instrument 
docile  dont  i\  joue  comme  d'autres  du  piano  ou  du  violon,  > 

Avec  un  pareil  chef,  l'orclïestre  devait  produire  des  merveilles, 
et  une  parfaite  exécution  de  la  magnifique  Symphonie  en  mi 
bémol  de  Saiiit-Saëns  a  reçu  du  public  de  nos  concerts  un 
accueil  enthousiaste.  Même  succès  pour  l'ouverture  de  Léonore 
de  Beethoven  et  le  gracieux  Scherzo  du  Songe  d*une  nuit 
d'été  de  MendelshoD,  dont  M.  Marty  a  su  bien  faire  ressortir 
toutes  les  fines  broderies  et  que  l'orchestre,  malgré  les  diffi- 
cultés de  ce  morceau,  a  enlevé  avec  entrain. 

Nuit  d'Été  de  M.  Marty  et  la  Petite  suite  romantique, 
dénotent  une  grande  habileté  de  facture  et  la  solide  érudition 
de  l'auteur.  Cependant,  ces  deux  œuvres  nous  ont  paru  mono- 
tones et  n'ont  pas  intéressé  beaucoup  l'auditoire. 

Madame  Marly  a  chanté  avec  beaucoup  d'art  et  un  véritable 
sentiment  dramatique  un  air  à'fférodiade  de  Massenet, 
accueilli  parles  bravos  unanimes.  Puis,  de  sa  voix  chaude  et 
expressive,  elle  nous  a  dit  en  musicienne  accomplie  les  petites 
pièces  de  son  mari  intitulées  Sonnet  à  Ophélie,  Cest  le  vent 
qui  m'a  fait  pleurer^  Berceuse,  C'est  vraiment  une  bonne  for- 
tune pour  un  compositeur  de  pouvoir  faire  interpréter  ses 
œuvres  par  une  artiste  à  l'intelligence  musicale  aussi  déve- 
loppée. 

Le  Concert  était  terminé  par  la  Marche  nuptiale  de  Men- 
delshon,  dont  l'exécution,  inférieure  à  celle  des  autres  mor- 
ceaux du  programme,  semblait,  par  sa  lourdeur,  dénoter  la 
fatigue  de  l'orchestre. 


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1 


—  156- 

7»«  Concert.  —  L'orchestre  enlève  tout  d'abord  d'une  façon 
remarquable  la  toujours  si  belle  Ouverture  d'Obéron^  puis 
nous  donne  une  audition  très  soignée  et  qui  lui  fait  le  plus 
grand  honneur,  ainsi  qu'à  son  chef,  M.  Brahy,  de  la  Sympho- 
nie en  ré  mineur  de  C.  Franck. 

«  La  symphonie  de  C.  Franck,  dit  la  notice  analytique 
«  à^ AngerB-Artiste,  la  plus  belle  œuvre  instrumentale  due  au 

<  pur  génie  initiateur  de  la  jeune  école  française,  s'impose  à 
«  l'admiration  par  la  pureté  et  la  noblesse  de  son  inspiration, 

<  sa  richesse  mélodique  parée  d'un  revêtement  harmonique 

<  merveilleux,  la  profondeur  de  sa  pensée  et  l'idéale  beauté 
c  du  sentiment  dont  elle  est  emplie.  Sa  forme  se  distingue  de 

<  celle  de  la  symphonie  classique  proprement  dite  par  Tem- 

<  ploi  d'un  système  thématique  spécial,  assez  semblable  au 
«  leitmotiv  de  Wagner,  ce  qui  contribue  à  donner  à  toute 

<  l'œuvre  un  caractère  de  continuité  absolu.  L'un  des  motifs, 

<  notamment,  est  employé  dans  chacune  des  parties,  soit  dans 

<  sa  forme  primitive,  soit  modifié  ou  rattaché,  ce  qui  rattache 

<  chacun  des  morceaux  par  une  pensée  conductrice  présentée 
«  ainsi  sous  ses  aspects  les  plus  multiples.  x> 

Nous  avons  cru  devoir  donner  à  nos  lecteurs  l'appréciation 
d'un  critique  de  premier  ordre,  trop  bon  juge  en  la  matière 
pour  que  nous  nous  permettions  de  discuter  son  opinion. 
Nous  avouerons  toutefois  que  le  public  n'a  pas  compris  toutes 
ces  beautés  et  a  semblé  trouver  bien  longue  la  symphonie  de 
C.  Franck. 

M"«  Rose  Stelle  (qui  n'est  pas  encore  une  étoile)  a  chanté 
l'air  de  Sigurd  t  Splendeur  du  jour  »  et  celui  du  Freyschutz. 
Cette  chanteuse  possède  une  voix  étendue,  qui  lui  promel, 
pour  l'avenir,  nous  le  lui  souhaitons,  de  brillants  succès. 

V Adagio  du  Concerto  pour  deux  violons  de  Bach,  a  été 
remarquablement  interprété  par  MM.  Lemaitre  et  Lagarde, 
qui  ont  été  chaleureusement  applaudis  et  ont  joué  Oi^i  Adagio 
avec  une  grande  virtuosité  et  beaucoup  de  style.  Nous  ne 
ferons  pas  l'éloge  de  noire  premier  violon  solo,  dont  le  talent 
est  toujours  si  apprécié  des  angevins;  mais  nous  croyons 
devoir  adresser  à  M.  Lagarde,  que  nous  entendions  pour  la 
première  fois,  nos  bien  sincères  félicitations. 

Nous  osons  espérer  que  la  Société  des  Concerts  voudra 
bien  quelque  jour  donner  à  ce  jeune  artiste  l'occasion  de  se 
produire  seul  et  lui   confier  l'exécution  d'une   œuvre   de 


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r 


-  157  — 

quelque  importance  qui  nous  permit  d'admirer  plus  à  Taise 
sa  belle  qualité  de  son  et  son  jeu  en  même  temps  si  sobre  et 
si  expressif. 

La  JSuUe  de  ballet  (danse  orientale  et  vision)  de  M.  Bleich- 
mann,un  compositeur  russe,  quoique  non  dépourvued'intérèt, 
a  paru  monotone  et  n*a  pas  produit  grande  impression  sur 
les  auditeurs;  surtout  dans  sa  première  partie. 

Le  concert  était  terminé  par  Espana  de  Chabrier,  enlevé 
par  Torchestre  avec  chaleur  et  entrain. 

Dimanche  5  février,  Concert  extraordinaire  consacré  en 
grande  partie  aux  œuvres  de  M.  Xavier  Leroux,  avec  le 
concours  de  W^^  Héglon,  la  grande  cantatrice  de  l'Opéra. 

Après  la  belle  ouverture  d'Euryante,  de  Weber,  l'orchestre, 
toujours  sous  Thabile  direction  de  M.  Brahy ,  joue  une 
symphonie  en  si  mineur  du  compositeur  russe  Borodine.  Cette 
symphonie  se  compose  :  1°  d'un  allegro  original,  pour  la 
variété  des  rythmes,  puissamment  orchestré,  et  d'une  grande 
richesse  harmonique  ;  2°  d'un  andante,  à  la  phrase  mélan- 
colique, pleine  de  charme,  très  bien  rendu  par  les  flûtes, 
hautbois,  clarinettes  et  bassons. 

Avec  quel  brio,  quelle  maestria,  quelle  justesse  irré- 
prochable M.  Lemaitre,  le  distingué  violon-solo  de  l'Associa- 
tion, exécute  V Introduction  et  le  rondo  capricciosot  Le  succès 
remporté  par  M.  Lemaitre  est  considérable,  et  des  applau- 
dissements frénétiques  saluent,  à  différentes  reprises,  l'im- 
peccable violoniste,  qui  semble  se  jouer  des  difficultés  de 
toutes  sortes  accumulées  dans  cette  belle  page  de  Saint-Saëns. 

M.  Leroux  dirige  ensuite  une  de  ses  compositions  le  Nil, 
délicieuse  mélodie  qui  valut  à  l'auteur  et  à  ses  interprèles, 
Unit  Héglon  et  M.  Lemaitre,  une  véritable  ovation. 

L'exécution  du  Prélude  de  Lohengrin^  par  l'orchestre,  sous 
la  direction  de  M.  Brahy,  a  été  absolument  parfaite. 

Le  Concert  était  terminé  par  une  scène  lyrique  de 
M.  Leroux,  Vénus  et  Adonis  :  La  partition  de  Téminent  com- 
positeur est  vraiment  remarquable.  M""*  Héglon  y  a  été 
superbe  et,  de  sa  belle  voix  chaude  et  bien  timbrée,  surtout 
dans  les  notes  graves,  a  su  rendre,  avec  un  accent  dra- 
matique, la  tendresse,  la  passion  et  la  douleur  de  Vénus. 
M°»e  Ernaldy  a  chanté  agréablement  les  répliques  d'Adonis, 
et  l'orchestre  a  accompli  des  prodiges.  Les  chœurs,  composés 


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n 


--  438  - 

des  choristes  du  Ibéâlre  el  d*amateurs,  se  sont  bien  tenus, 
avec  cependant  quelques  défaillances,  bien  explicables  si  on 
considère  le  petit  nombre  de  répétitions  consacrées  à  un 
ouvrage  aussi  important.  Ajoutons  que  M.  Leroux  a  dirigé  son 
œuvre  avec  beaucoup  d'énergie  et  une  grande  compétence. 

Le  programme  du  8"  concert  ne  comportait  le  nom  d'aucune 
célébrité  musicale  étrangère  à  notre  ville.  Il  n'en  a  cependant 
été  ni  moins  intéressant,  ni  moins  goûté,  et  le  public  a 
applaudi  à  pleines  mains  les  artistes  qui  lui  ont  été  pré- 
sentés. 

Tout  d*abord  une  symphonie  inachevée,  de  Schubert,  nous 
séduit  par  le  charme,  l'harmonie  qui  s'en  dégage  depuis  le 
commencement  jusqu'à  la  fin,  tant  dans  Yallegro  que  dans 
Yandante. 

Puis  M"«  Charlotte  La  Perrière,  avec  une  grâce  et  une 
correction  parfaites,  exécute  le  concerto  en  ut  mineur  de 
Mozart.  Sous  les  doigts  agiles  de  notre  jeune  compatriote, 
l'œuvre  du  maître  semble  plus  fraîche  que  jamais,  et  c'est 
aux  applaudissements  unanimes  de  la  salle  que  la  charmante 
pianiste  se  voit  couvrir  de  fleurs. 

c<  C'est  l'œuvre  d'une  âme  géniale  que  la  mort  emporta  à 
l'heure  où  d'autres  s'éveillent  à  peine  pour  la  vie  artistique  >, 
cet  adagio  pour  instruments  à  cordes^  de  Lekeu,  à  la  phrase 
mélodique  et  sentimentale,  tout  vibrant  de  jeunesse  et  de 
conviction.  Pourquoi  la  mort  impitoyable  a-t-elle  fauché  trop 
tôt  ce  digne  fils  de  l'Anjou,  dont  l'avenir  se  révélait  sous 
de  si  heureux  auspices?  «  Toute  l'œuvre  est  empoignante  de 
sen'imenl  :  c'est  une  œuvre  qu'on  peut  rapprocher  à  cet  égard 
des  plus  belles  de  Beethoven  >,  et  dont  notre  orchestre  a  su 
rendre,  par  une  exécution  irréprochable,  toute  la  grâce  el  la 
délicatesse. 

Une  triple  salve  d'applaudissements  accueille  M"*  Homer, 
la  contralto  si  sympathique  de  notre  théâtre  qui,  de  sa 
voix  expressive  et  bien  timbrée,  chante  l'air  du  cinquième 
acte  du  Prophète.  Avec  quelle  «notion  pénétrante,  la 
distinguée  artiste,  que  Bruxelles  nous  ravit,  nous  dit  :  «  Mon 
pauvre  enfant,  mon  bien-aimé,  sois  pardonné  »  !  La  musique 
de  Meyerbeer  n'a  pas  vieilli,  et  peu  d'œuvres  modernes 
sont  empreintes  d'un  charme  aussi  pénétrant,  surtout  lors- 
qu'elles trouvent  des  interprètes  tels  que  M"*  Homer. 


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—  459  —  . 

L'orchestre  aUaque  ensuite,  et  enlève  avec  brio,  Tottt^er- 
ture  du  Carnaval  romain,  du  grand  Berlioz. 

M.  Lagarde  est  un  violoniste  parfait.  Le  concerto,  de  Max 
Bruch,  el  le  Passaoaglia,  d'Haendel,  arrangé  par  son  maître, 
le  professeur  Thomson,  sont,  pour  lui,  l'occasion  d*\in  véri- 
table triomphe.  Pour  M.  Lagarde,  il  n'existe  aucune  difficulté, 
et  pourtant.  Dieu  sait  si  elles  sont  nombreuses  dans  ces  deux 
morceaux,  surtout  dans  le  dernier.  Mais  tout  cela,  pour  lui, 
n'est  qu'un  Jeu  d'enfant,  et  à  lu  voir  là  immobile,  sans  une 
seule  contraction  du  corps,  tous  ces  lours  de  forces,  ces 
arpèges,  ces  doubles  cordes,  ces  accords  d'octave,  ces  stac- 
catos  vous  semblent  simples,  trop  simples;  on  désirerait 
presque  le  voir  triompher  avec  plus  de  peine  des  écueils  nom- 
breux  semés  sur  sa  route. 

Huldingungsmarsch  (marche  d'hommage)  terminait  le  con- 
cert. Très  bruyante,  cette  pièce,  de  Wagner,  nous  paraît 
inférieure  à  beaucoup  de  ses  compositions,' inférieure  aussi  à 
SchiUer-marsch  et  à  la  marche  aux  flambeaux,  de  Meyerbeer. 
Les  violons,  trop  peu  nombreux,  malgré  des  efforts  désespé- 
rés, étaient  écraaés  sous  la  puissance  dea  cuivres. 

Le  programme  du  neuvième  concert  était  très  varié  et  très 
intéressant.  11  a  d'un  bout  à  l'autre. été  dirigé  par  M.  Vincent 
d'Indy,  qui  avait  bien  voulu  honorer  la  Société  artistique 
d'Angers  de  sa  savante  collaboration.  Avec  lui  était  venu 
M.  Enge),qui  fut  un  des  chanteurs  les  plus  accomplis,  un  des 
plus  beaux  ténors  de  notre  époque.  C'est  en  musicien  que  ce 
dernier  a  dit  la  Procession  de  C.  Franck,  le  Clair  de  Lune  de 
Fauré,  un  Madrigal  dans  le  style  ancien  de  d'Indy  et  une  mélo- 
die de  Ch.  Desbordes,  Dansons  la  Gigue,  Malgré  la  faiblesse 
d*un  organe  fatigué,  M.  Engel  a  obtenu  un  succès  mérité. 

L'orchestre,  sous  la  baguette  d'un  maître  comme  M.  Vincent 
d'Indy,  devait  accomplir  et  a  accompli  des  prodiges.  L'exé- 
cution de  Namotmay  suite  d'orchestre  de  Lalo,  composée 
A'nsx  prélude  (andante)et  Ae  Parades  de  foire  et  fêles  foraines 
et  celle  de  la  Musique  en  concert  pour  les  soupers  du  roi  de 
M.  R.  de  Lalande  ont  prouvé  toutes  les  ressources  dont  il  est 
capable. 

Le  Camp  de  Wallenstein  et  le  Prélude  du  /"  acte  de  Fervaal, 
le  premier  surtout,  a  été  pour  M.  d'Indy  l'occasion  d'un  véri- 
table triomphe. 


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1 


.  —  160  — 

Mais  le  bouquet  du  concert  ce  fut  sans  contredit  TéxécutioD 
de  la  Symphonie  pastoralCf  dont  le  public,  malgré  sa  lon- 
gueur, a  écouté  avec  un  respectueux  silence  et  une  attention 
soutenue  les  admirables  développements.  On  ne  peut  rêver 
rien  de  plus  mélodieux,  de  plus  suave  que  ce  poème  si  frais 
sorti  de  l'inspiralion  de  Beetlioven,  qui  restera  longtemps  le 
roi  des  musiciens. 

Aujourd'hui  dimanche,  13»  mars,  élait  donné  le  dixième 
concert,  le  dernier  de  l'abonnement. 

C'était  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  un  concert  ordinaire. 
Pas  de  nom  de  sommité  artistique  en  tète  de  l'affiche  :  notre 
orchestre  était  livré  à  ses  propres  ressources.  Eh  bieni  à 
notre  avis,  cette  matinée  a  peut-être  été  la  meilleure  et  la 
plus  intéressante  de  la  saison. 

Le  programme  était  varié,  composé  d'oeuvres  de  valeur  : 
VOuverture  du  Carnaval  romain^  de  Berlioz;  la  Symphonie 
en  ré  mineur^de  Schumann  ;  YOuverture  de  Faust^  de  Wagner; 
la  Danse  macabre,  de  Saint-Saëns;  un  Air  de  ballet  d'Orphée, 
de  Gluck;  un  Aria,  de  Bach;  les  Erynnies,  de  Massenet. 

Notre  orchestre  s'est  surpassé  ;  tout  a  été  absolument 
parfait.  Les  solistes  :  MM.  Lemaitre^  Reuland,  Ënglebert, 
Schreurs,  etc.,  ont  joué  dans  la  perfection.  Quant  à  M.  Brahy» 
il  a  plus  que  jamais  affirmé  son  autorité,  sa  science  musicale. 
Nous  l'avons  dit  et  nous  ne  saurions  trop  le  répéter,  notre 
chef  d'orchestre  a  le  sentiment  artistique  développé  au  plus 
haut  degré;  c'est  un  convaincu  doublé  d'un  savant,  et  le 
talent  avec  lequel  il  dirige,  de  mémoire  et  sans  partition,  les 
œuvres  les  plus  difficiles  et  les  plus  diverses,  la  façon  per- 
sonnelle avec  laquelle  il  interprète  les  auteurs  anciens  et 
modernes  le  feront  bientôt  classer  en  bonne  place  à  côté  des 
Pasdeloup,  des  Lamoureux,  des  Colonne  et  des  Gehin. 

Notre  théâtre,  sous  la  direction  de  M.  Breton,  a  continué 
le  cours  de  ses  succès  et,  entre  autres,  les  représentations 
nombreuses  de  Samson  et  Dalila,  de  Princesse  d'Auberge,  de 
l'Africaine,  de  Lohengrin,  etc.,  lui  font  le  plus  grand  hon- 
neur. 

Reconnaissant  les  services  rendus  et  désireux  d'encourager 
les  efforts  de  la  Société  du  Théâtre  et  des  Concerts,  le  Conseil 
municipal  d'Angers  vient  d'augmenter  de  15,000  francs,  pour 


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—  161  — 

1%  prochaine  saison,  la  subvention  accordée  précédemment 
parla  ville.  Nous  ne  saurions  trop  le  féliciter  de  celte  décision. 


Nécrologie  : 

Aux  obsèques  de  M.  Paul  Corroy,  vétérinaire  principal  ins- 
pecteur en  retraite,  accompagnées  d'un  grand  nombre  d'offi- 
ciers, M.  Foucbé,  vétérinaire  principal  en  retraite,  a  prononcé 
Féloge  du  défunt,  en  donnant  sa  biographie  qui  doit  trouver 
place  ici  : 

Paul-Ludovic  Corroy,  né  à  Angers  le  26  mars  1835,  de  Charles- 
Ambroise  Corroy  et  de  Marie-Stéphanie  Delestre,  se  fait  recevoir  à 
recelé  d'Alfort  le  l***  octobre  1852,  et  quatre  ans  après,  le  13  août  1856, 
diplômé  vétérinaire,  il  s'établit  dans  son  pays  ;  mais  le  25  avril  1860, 
après  un  stage  d'une  année  à  Saumur,  il  est  nommé  aide- vétérinaire 
au  2e  hussards. 

Détaché  de  son  régiment  du  11  février  1864  au  12  avril  1867,  il  fait 
la  campagne  du  Mexique,  où  il  obtient  le  grade  de  vétérinaire  en  2> 
et  la  croix  de  chevalier  de  G uadaloupe,  qu'il  reçoit  des  propres  mains 
de  l'empereur  Maximilien. 

Pendant  cette  campagne  lointaine,  un  de  ses  camarades  devenu 
depuis  général  commandant  de  corps  d'armée,  remarqua  l'indomp- 
table énergie  de  ce  jeune  vétérinaire  plein  d'entrain,  trouvant  tou- 
jours le  temps  de  prodiguer  ses  soins  aux  malades  et  le  moyen  d'être 
des  premiers  à  cheval  quand  il  y  avait  des  coups  de  sabre  à  donner, 
le  général  baron  Berge  n'oublia  pas  Corroy,  et  plus  tard  il  fit  récom- 
penser ses  services  éminents  par  la  croix  d'offîcier  de  la  Légion 
d'honneur. 

Rentré  en  France  le  12  avril  1867,  Corroy  s'aperçoit  bien  vite  que 
la  vie  de  garnison  ne  peut  convenir  à  son  infatigable  activité  ;  il  va 
en  Algérie  le  15  mai  1869  et,  pendant  quatre  ans,  il  parcourt  dans  tou£f 
les  sens  ce  pays  nouveau  pour  lui,  y  fait  d'intéressantes  recberchetf 
scientifiques  et  des  travaux  techniques  remarquables. 

Le  7  août  1873,  la  Cochincbine  demande  un  vétérinaire  actif,  intel- 
ligent, instruit,  organisateur  ;  on  choisit  Corroy,  et  là-bas,  pendant 
dix  ans,  malgré  le  climat  meurtrier  de  ces  régions  tropicales,  il  se 
montre  à  la  hauteur  de  ses  multiples  et  difficiles  fonctions. 

Mis  à  la  tête  des  Haras  de  Cochinchine,  il  les  dirige  avec  une  intel- 
ligence remarquable  et,  chargé  à  diverses  reprises  d'aller  dans  le 
nord  de  la  Chine,  en  Mandchourie,  au  Japon,  ainsi  qu'aux  Philip- 
pines pour  y  faire  l'acquisition  d'un  grand  nombre  de  chevaux  et  de 
mulets,  il  acquiert  des  connaissances  hippiques  considérables  en 
comparant  dans  son  existance  militaire  les  races  équestres  de  toutes 
les  parties  du  monde. 

11 


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—.162 


En  1877,  il  dirige  à  Saïgon  la  ferme  expérimentale  des  Mares  et  y 
organise  un  jardin  botanique^  véritable  jardin  d'acclimatation,  où  il 
rassemble  et  cultive  les  essences  végétales  des  pays  les  plus  éloignés, 
les  plus  variés,  les  plus  disparates,  démontrant  ainsi  la  possibilité 
d'exploiter  et  d'utiliser  sous  les  tropiques  une  foule  de  plantes  alimen- 
taires ou  industrielles  nécessaires  aux  Européens,  et  par  là  même 
susceptibles  de  donner  un  grand  essor  à  l'agriculture,  au  commerce 
et  à  l'industrie  de  notre  colonie. 

La  Société  française  d'acclimatation  s'adresse  souvent  à  Corroy 
pour  se  procurer  des  plantes  exotiques  qui,  aujourd'hui,  sont  culti- 
vées en  grand  dans  nos  pays  et  y  font  l'objet  d'importantes  transac- 
tions commerciales. 

La  Société  d'acclimatation  récompense  Corroy  de  ses  services  en 
lui  accordant  une  médaille  d'argent  de  première  classe. 

L'Académie  internationale  de  géographie  botanique,  voulant  bien 
montrer,  bien  établir  la  valeur  scientifique  des  travaux  de  Cîorroy, 
lui  décerne  les  insignes  de  la  Compagnie,  la  précieuse  et  rare  médaille 
d'or  au  ruban  vert. 

Corroy,  promu  vétérinaire  en  premier  le  6  juin  1875,  reste  en 
Cochinchine  attaché  à  l'artillerie  de  marine.  De  retour  en  France 
dans  le  courant  de  l'année  1882,  il  sert  successivement  au  5«  d'artil- 
lerie et  au  l®*"  hussards.  Le  30  novembre  1888,  il  est  placé  à  la  tête 
du  8«  ressort  vétérinaire  avec  le  grade  de  vétérinaire  principal  ins- 
pecteur, dont  il  exerce  les  fonctions  pendant  trois  ans  et  arrive  ainsi 
à  sa  retraite  le  10  avril  1891,  après  36  ans  de  services  effectifs  et  30 
campagnes. 

Et  quelles  campagnes  j  Toujours  sous  les  plus  meurtriers  climats. 
Dans  ces  régions  tropicales  si  dangereuses  pour  l'Européen  ;  dans 
ces  terres  chaudes  du  Mexique,  où  tant  de  Français  dorment  leur  der- 
nier sommeil  ;  dans  ce  Sahara,  où  la  mort  est  toujours  menaçante  ; 
dans  ce  désert  dont  les  sables  ont  si  souvent  été  arrosés  du  sang  géné- 
reux de  nos  compatriotes. 

M.  Fouché  a  terminé  son  discours  par  cet  éloge  : 

Corroy,  sous  des  dehors  un  peu  froids,  possédait  un  cœur  géné- 
reux, une  nature  d'élite,  vibrante,  fine  et  délicate . 

Son  caractère  ferme  et  tenace  s'alliait  à  une  grande  douceur,  à 
une  inaltérable  bienveillance,  et  tous  ses  subordonnés  ont  su  appré- 
cier sa  bonté  d'âme,  son  esprit  charitable,  sa  complaisance,  son 
absolu  désintéressement  et  son  désir  d'être  utile  ;  tous  sont  restés 
ses  amis  reconnaissants. 

Corroy,  digne  fils  de  l'Anjou,  fut  un  vétérinaire  distingué,  un  ser- 
viteur dévoué  de  sa  patrie,  un  bon  Français,  un  soldat  courageux, 
et  il  combattit  vaillamment  pour  le  drapeau. 


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—  163  — 

Nous  avons  le  regret  d'apprendre  à  nos  lectears  la  mort 
de  M.  Emile  Chevalier,  banquier  à  Montreuil-Bellay,  enlevé, 
dans  sa  37^  année,  à  Taffection  de  sa  famille  et  de  ses  nom- 
breux amis. 

M.  Chevalier  était  un  esprit  délicat,  un  lettré,  un  ami  de  la 
Eevtie  de  V Anjou  ^  à  laquelle  il  avait  bien  voulu  donner 
plusieurs  travaux  intéressants  :  Alphonse  Toussenelj  Charles 
DovatUy  sa  vie  et  son  œuvre.  Annaliste  de  ses  concitoyens 
distingués,  il  fut  le  président  du  Comité  auquel  Monlreuil 
doit  le  monument  élevé  à  la  mémoire  de  ses  enfants  : 
Alphonse  Toussenel,  Charles  Dovalle,  René  Moreau,  Pierre 
Duret.  Il  voulut  bien  aussi  publier  dans  notre  recueil  la 
relation  des  fêtes  qui  eurent  lieu,  le  14  août,  à  cette  occasion, 
compte  rendu  où  il  rendit  justice  à  tous,  excepté  à  lui-même, 
qui  en  avait  été  vraiment  le  promoteur  et  aussi  Torganisa- 
teur. 

Les  obsèques  de  notre  regretté  collaborateur  ont  eu  lieu 
au  milieu  d'un  grand  concours  de  notabilités  et  d'amis  qui 
avaient  tenu  à  rendre  hommage  à  l'homme  de  bien  et  à  l'éru- 
dit,  en  même  temps  qu'à  apporter  à  S9  veuve  et  à  sa  famille 
désolées  leurs  sympathiques  et  respectueuses  condoléances. 
Le  char  funèbre  était  orné  de  couronnes  offertes  par  sa 
famille,  par  le  Conseil  municipal  de  Montreuil  et  la  musique 
municipale  de  cette  ville,  qui  a  exécuté  plusieurs  morceaux 
funèbres. 

L'inhumation  eut  lieu  au  cimetière  du  Puy-Notre-Dame, 
où  un  discours  fut  prononcé  par  M.  Lucas,  adjoint  au  maire 
de  Montreuil. 

•  • 

On  annonce  la  mort  de  M.  BeautempsBeaupré  (Charles- 
Jean),  magistrat  français,  ancien  vice-président  du  tribunal 
de  la  Seine,  né  à  Saint-Pierre  de  Terre-Neuve  en  1823,  qui  a 
laissé  un  grand  nombre  d'ouvrages  estimés  et  à  qui  nous 
devons,  notamment,  un  ouvrage  d'un  intérêt  de  premier 
ordre,  spécialement  pour  notre  région,  les  Coutumes  et  insti- 
tutions de  V Anjou  et  du  Maine  antérieures  au  XVI^  siècle, 
textes  et  documents  avec  notes  et  dissertations  (Paris,  1883), 
4  vol.  in-8^,  travail  complété,  ces  temps  derniers,  par  les 
Institution»  judiciaires  de  l'Anjou  et  du  Maine  (Paris,  3  vol. 
in-S""  de  texte  et  1  vol.  de  documents,  contenant  227  pièces 
inédites  empruntées  surtout  aux  Archives  nationales).  Ces 

11. 


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1 


-  164  — 

deux  grands  ouvrages,  terminés  par  des  tables  détaillées, 
pour  répondre  à  toutes  recherches»  ont  obtenu  l'un  et  Tautre, 
à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- Lettres,  le  premier 
prix  au  concours  des  Antiquités  Nationales;  c'est  dire  en 
quelle  estime  il  faut  les  tenir,  et  nous  ne  pouvons  faire  un 
plus  bel  éloge  des  services  que  M.  Beau  temps- Beaupré  a 
rendus  à  l'érudition  française,  spécialement  aux  Angevins  K 


M.  le  général  de  Rocbebouët,  conseiller  général  de  Maine-et- 
Loire,  vient  de  mourir  à  Paris  dans  sa  SI""  année.  M.  le  comte 
de  Blois,  le  distingué  sénateur  de  Maine-et-Loire,  a  accepté  de 
faire  revivre  sous  les  yeux  des  lecteurs  de  la  JRevue  de  F  Anjou 
cette  belle  figure.  Nous  l'en  remercions  bien  sincèrement. 


Nous  avons  le  regret  d'enregistrer  la  mort  de  M.  le  D'  Ber- 
nard, maire  du  Lion-d'Angers,  beau-père  de  M.  Chaumet, 
avocat,  et  de  M.  R^né  Lelong,  avoué  à  la  Cour  d'appel  et 
maire  des  Rairies. 

M.  le  D'  Bernard,  dit  le  Journal  de  Maine-et-Loire,  emporte  avec 
lui  la  reconnaissance  de  tous  ses  cpncitoyens. 

Par  pur  dévouement  il  accepta,  à  plusieurs  reprises,  les  fonctions 
de  maire  du  Lion  d'Angers,  dérobant  ainsi  de'précieux  instants  à  ses 
malades. 

En  1870,  son  cœur  de  sincère  patriote  saigna  en  voyant  nos  revers. 
N'écoutant  que  les  cris  de  la  patrie  éplorée  et  ses  généreux  senti- 
ments, il  abandonna  une  charmante  famille,  dont  il  était  le  père 
adoré/  une  situation  acquise,  dès  malades  que,  chaque  jour,  il 
entourait  de  sa  sollicitude.  Bien  que  son  âge  ne  Ty  obligeât  pas,  il 
offrit  son  concours  le  plus  désintéressé  au  comité  de  nos  ambulances 
départementales.  Assisté  de  M.  ie  D'  H.  Godard,  de  Tigné,  et  d'un 
jeune  étudiant,  devenu  depuis  le  savant  docteur  Maisonneuve,  il  fut 
à  titre  de  chef  d'ambulance,  attaché  au  5e  bataillon  des  mobiles  de 
Maine-et-Loire,  commandé  par  le  commandant  Christian  de  Bernard. 
On  le  vit  alors,  entouré  de  ses  dignes  auxiliaires,  devenir  la  provi- 
dence de  ce  bataillon.  Les  services  qu'il  rendit  aux  enfants  de 
l'Anjou  et  à  tous  les  soldats  souffinnts  qui  venaient,  pendant  les 

*  M.  G.  d'Espinay  a  consacré  une  très  consciencieuse  étude  aux 
Institutions  judiciaires  de  M.  Beautemps- Beaupré  dans  le  dernier 
volume  (tome  XI,  1897,  pp.  l  à  89)  des  Mémoires  de  la  Société  natio- 
nale d'Agriculture,  Sciences  et  Arts  d'Angers, 


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-  16S  - 

heures  d'arrêt,  solliciter  ses  soins,  sont  innombrables.  Comme  il 
accueillait  avec  bonté  et  empressement  ses  jeunes  compatriotes, 
quand,  après  un  dur  service,  de  rudes  fatigues  (et  elles  furent 
nombreuses  dans  les  neiges  de  l'Est),  ils  allaient  demander  un 
soulagement  à  un  mal  naissant  !  Combien  d'affections  graves  furent 
conjurées,  grâce  à  lui.  Combien  d'hommes  aujourd'hui  lui  doivent 
vie  et  santé  ! 

Si  les  services  rendus  par  M.  le  D'  Bernard  n'étaient  pas  de  ceux 
qu'aucune  distinction  honorifique  ne  saurait  récompenser,  la  croix 
des  braves  aurait  dû  briller  sur  sa  poitrine. 

M.  le  Dr  Bernard  était  avant  tout  l'homme  de  devoir.  Le  lende- 
main»  il  oubliait  le  bienfait  accompli  par  lui  la  veille.  La  guerre 
terminée,  il  rentra  près  des  siens  et  de  ses  malades,  ne  sollicita  pas 
la  croix  et,  comme  probablement  personne  ne  la  sollicita  pour  lui, 
il  ne  fut  pas  décoré. 

Heureusement,  la  reconnaissance  est  une  plante  vive  qui,  souvent, 
s'exalte  en  vieillissant.  Elle  est  là  aujourd'hui  pour  rendre  un  pieux 
et  suprême  hommage  au  passé  de  M.  le  D^  Bernard  et  pour  prier 
Dieu  qu'il  récompense  la  vie  de  sacrifice  qui  fut  ]a  sienne. 

A  ses  obsèques  qui  eurent  lieu  le  24  février,  MM.  le 
D'  Gripat,  Gauvin  et  de  Montergon  se  firent  les  interprètes  de 
tous  en  faisant  l'éloge  de  cet  homme  de  bien. 

A.  Z. 


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1 


-  166  - 


A  travers  les  Livres  et  les  Revues 


Il  faut  donc,  cette  année  encore,  recommencer  ma  coarse  à 
travers  les  livres  et  les  revues,  avec  la  conviction  intime  d'en- 
nuyer ceux  qui  ont  le  grand  courage  de  me  suivre  !  Si,  pour 
atténuer  Teffet  des  pavots  que  Je  sème  -—  J'en  suis  bien  sûr 
—  à  pleines  mains  sur  ma  route,  J'avais  du  moins  la  res- 
source de  parler,  nejût-cequ'à  mots  couverts,  du  «  com- 
plot >,  de  <  l'affaire  >,  de  ces  grandes  questions  qui  pas- 
sionnent et  divisent  les  intellectuels  eux-mêmes  et  les 
membres  des  mêmes  ligues,  je  pourrais  peut-être  tirer  mes 
lecteurs  du  sommeil  profond  que  ma  littérature  a  le  don  de 
provoquer.  Hais  non.  Le  règlement  auquel  les  revues 
savantes  sont  soumises  n'est  guère  moins  draconien  que 
celui  auquel  obéissent  les  sociétés  improprement  dites  de 
tempérance  :  la  politique  et  la  religion  sont  rigoureusement 
bannies  de  nos  discussions.  —  Puisqu'il  en  est  ainsi,  non  plus 
que  par  le  passé,  Je  me  contenterai  de  signaler  sèchement, 
sans  m'écarter  ni  à  gauche  ni  à  droite,  les  livres,  les  bro- 
chures, les  articles  qu'on  voudra  bien  adresser  au  directeur 
de  la  Bévue  de  V Anjou, 

Voici  tout  d'abord,  dans  une  élégante  brochure,  une  notice 
sur  la  vie,  les  reliques  et  le  culte  de  Saini  Marcoul,  abbé  de 
Nanteuil,  par  M.  l'abbé  Gautier,  vicaire  à  Notre-Dame  d'An- 
gers *. 

Le  but  que  se  propose  l'auteur  est  surtout  d'attirer  l'atten- 
tion de  ses  compatriotes  sur  le  culte  dont  l'abbé  de  Nanteuil 
était  entouré,  avant  la  Révolution,  dans  l'ancienne  paroisse 
de  Saint-Michel-du-Terlre  et  sur  la  relique  de  saint  Marcoul 
que  possède  aujourd'hui  l'église  Notre-Dame,  à  Angers.  Son 


*  Angers,  Germain  et  G.  Grassin,  1899  ;  broch.  in-12  de  78  pages. 
Prix  :  50  centimes . 


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—  167  — 

ambition  sera  satisfaite;  car  son  travail  est  d'une  lecture  facile 
et  agréable. 

M.  Tabbé  Gautier  me  permettrait-il  de  lui  signaler  un  détail, 
un  simple  détail,  qu'il  pourra  utiliser  dans  une  seconde  édi- 
tion. Déjà  au  XI*  siècle,  Angers  possédait  des  reliques  de 
saint  Marconi.  Je  crois  même  qu'une  partie  de  la  dépouille 
mortelle  du  saint  abbé  de  Nanteuil  aurait  été  envoyée  dans 
notre  ville  avec  le  corps  de  saint  Laud,  évèque  de  Coutances. 
Une  portion  importante  de  ce  précieux  trésor  serait  restée  à 
la  chapelle  des  comtes  d'Anjou,  puis,  de  là,  aurait  été  trans- 
portée en  l'église  Saint-Laud  ;  l'autre  aurait  été  confiée  à  la 
garde  des  moines  de  Saint-Aubin  ^  En  effet,  de  1027  à  1036, 
quand  on  fit  l'inventaire  des  reliques  conservées  à  l'abbaye, 
on  trouva  deux  châsses,  avec  ces  inscriptions  :  sur  la  pre- 
mière :  Hic  8unt  corpara  sanctorum  Lauthonis,  Rumpharii  et 
Coronarii^  de  page  Constantino.  —  Factum  X  kalendas  octo- 
bres^ in  festo  scilicet  sanctiLauthonis;  —  sur  la  seconde  :  Hic 
iunt  corpora  sanctorum  Marculfl,  Carulli,  —  Ce  saint  LauthOy 
Lauto  ou  Laudus,  c'est  saint  Laud,  dont  la  fête  se  célèbre  le 
22  septembre. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  travail  de  M.  l'abbé  Gautier  fera  con- 
naître et  aimer  davantage  le  saint  confesseur  auquel  les  parois- 
siens de  Notre-Dame  d'Angers  élèveront  un  autel,  dans  leur 
nouvelle  église. . .  quand  elle  sera  terminée. 

Après  l'histoire,  la  poésie  : 

M.  Quélin,  qui  fut  d'abord  boulanger,  —  tout  comme  Rebôul, 
à  Nîmes,  —  avant  de  devenir  directeur  de  l'Observatoire  mu- 
nicipal d'Angers,  a  réuni  dans  un  volume  <  les  moins  mau- 
vaises de  ses  poésies  >>  comme  il  dit  lui-même,  avec  cette 
modestie  qui  sied  si  bien  au  mérite.  Le  poète  astronome 
a  eu  raison  de  donner  à  son  livre  un  grand  et  noble  titre  : 
Aspirations;  car  il  contient  de  réels  élans  et  de  belles  envo- 
lées. Mais,  comme  le  remarque  la  Bévue  Angevine,  «  M.  Qué- 

*  Sur  ce  double  fait,  qui  n'a  pas  encore  été  suffisamment  mis  en 
lumière,  cf.  Cartulaire  de  V abbaye  de  Saint- Aubin,  ^\xh\\é  parle 
comte  B.  de  Broussillon,  t.  II,  p-.  5  ;  Péan  de  la  Tuillerie,  Descrip- 
tion de  la  ville  d'Angers,  édition  C.  Port,  p.  223  et  :?24.  —  Jusqu'à 
la  Révolution,  les  relia ues  de  saint  Marcoul  furent  entourées  d  un 
culte  public,  dans  Téglise  de  Saint-Laud.  Aujourd'hui  encore,  l'église 
de  Tancoigné  honore  comme  un  de  ses  patrons  le  saint  abbe  de 
Nanteuil . 


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-  168  - 

lin  est  un  peu  trop  classique;  on  pourrait  lui  demander  une 
plus  grande  variété  d'expressions,  plus  d'adresse  dans 
Tagencement  et  le  maniement  des  mots  et  des  rimes,  un  plus 
vîf  souci  de  la  forme  ». 

Tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de  Thistoire  de  l'abbaye  de 
Fonte vrault  savent  que  les  filles  de  Louis  XV  y  furent  élevées  ; 
et  M.  C.  Port  a  donné  jadis,  à  la  Revue,  un  savant  article 
sur  les  Enfants  de  France  à  FontevrauU  *.  Presque  en  même 
temps,  deux  publications  pleines  d'intérêt  sur  ces  illustres 
pensionnaires  viennent  de  paraître.  L'une,  due  à  la  plume  de 
M,  Léon  de  la  Brière  —  qui,  comme  sous-préfet  de  Baugé,  a 
laissé  de  si  excellents  souvenirs  dans  notre  région,  —  est 
un  gros  volume  tout  entier  consacré  à  Madame  Louise  de 
France*.  Le  travail  de  M.  L.  de  la  Brière  jette  une  vive 
lumière  sur  la  cour  de  Louis  XV  et  plus  particulièrement  sur 
la  vie  de  la  pieuse  princesse  carmélite,  dont  la  cause  a  été 
introduite  à  Rome. 

L'autre  est  une  note  du  R.  P.  Henri  Chérot,  de  la  Compagnie 
de  Jésus,  dans  l'excellent  Bulletin  du  Bibliophile^  y  qui  complète 
de  la  manière  la  plus  curieuse  ce  beau  livre,  en  donnant  des 
lettres  inédites  et  fort  originales,  sur  le  séjour  des  Filles 
de  Louis  XV  à  FontevrauU.  On  y  a  même  joint  un  dessin  de 
l'abbaye  signé  :  c  Louise  fecit  i7i6  >*:  c'est  le  seul  dessin 
connu  et  le  plus  ancien  autographe  de  M"*  Louise,  qui  n'avait 
alors  pas  plus  de  9  ans;  ce  n'est  pas  d'ailleurs  un  chef- 
d'œuvre,  il  est  superflu  de  le  dire  ! 

Le  Journal  des  Débats  a  publié  récemment  un  important 
article  de  M,  le  comte  H.  de  Castries  sur  le  Sahara  français. 

Après  avoir  rappelé  le  mot  de  lord  Salisbury  en  1890,  «  le 
coq  gaulois  trouvera  où  gratter  dans  le  sable  saharien  ;  nous 
le  lui  avons  compté  sans  mesure  »,  M.  le  comte  de  Castries 
nous  montre  à  quel  point  étaient  malheureusement  justifiées 
les  ironiques  prédictions  du  ministre  anglais.  Depuis  qua- 
rante années,  la  situation  de  la  France  ne  s'est  pas  améliorée 

»  Revue  de  V Anjou,  1868,  t.  II,  p.  67. 

■  Paris,  V.  Retaux,  in-8o  de  403  pages. 

'  Librairie  Téchener  (H.  Leclerc  et  Comuau),  219,  rue  Saînt- 
Honoré. 


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^^^r^^^'-^'i-r 


-  169  — 

au  Soudan,  malgré  les  efforts  tentés  en  tous  sens  :  explora- 
tions, création  de  troupes  spéciales  et  de  postes  dans  le 
désert,  essais  de  construction  de  chemins  de  fer,  négocia- 
tions, etc. 

Le  Sahara  français  penchant  vers  l'Ouest,  ce  n'est  pas  vers 
Ghadamès  et  Ohât,  c'est  sur  le  Touàt  que  nous  devons 
aujourd'hui  concentrer  nos  efforts,  en  nous  installant  à  In- 
Salah  et  en  poussant  le  chemin  de  fer  du  Sud  Oranais  au-delà 
de  Djeneïenn-Bou-Rezg.  -—  Telle  est  la  conclusion  de  l'article 
très  documenté  de  M.  le  comte  de  Castries,  dont  la  compé- 
tence dans  les  questions  afk*icaines  est  depuis  longtemps 
indiscutée. 

Une  revue  de  Lisbonne,  bien  connue  en  Europe,  Bevisla 
Portugueza  Colonial  e  MarUima^  contient  dans  son  numéro 
du  20  Janvier  dernier  un  fort  intéressant  article  de  M.  Joseph 
Joûbert. 

En  cas  de  conflit  entre  la  France  et  TAnglerre,  M.  Joûbert 
se  demande  quel  serait  l'intérêt  du  Portugal  ;  et  il  répond  : 

c  Son  intérêt  bien  entendu,  si  nous  laissons  de  côté  toute 
considération  sentimentale  tirée  de  la  communauté  des  races 
latines,  semble  devoir  le  porter  à  aider  la  France  à  sortir  vic- 
toiieuse  de  ce  duel  redoutable  entre  les  deux  puissances 
occidentales,  qu'il  parait  difficile  d'écarter  dans  un  avenir 
plus  ou  moins  proche,  et  dont  l'Afrique  sera  sans  doute  prin- 
cipalement le  théâtre  et  l'enjeu. 

c  Qui  sait  si  la  Lusitanie  ne  sera  pas  alors  l'arbitre  des  des- 
tinées de  l'Afrique  et  si,  en  Jetant  sa  noble  et  vaillante  épée 
dans  un  des  plateaux  de  la  balance^  elle  ne  fera  pas  pencher 
la  victoire  du  côté  de  Tune  ou  de  l'autre  puissance?  Les 
hommes  d'État  éminents,  investis  de  la  confiance  de  la  cou- 
ronne à  Lisbonne,  sauront,  nul  n'en  doute  en  Europe,  puiser 
alors  dans  leur  patriotisme  Intelligent  et  élevé  leurs  meil- 
leures inspirations  pour  l'orientation  de  la  politique  exté- 
rieure de  la  Monarchie,  au  Jour  de  cette  lutte  suprême  où  se 
Jouera  par  contre-coup  rexistence  même  de  l'empire  d'outre- 
mer du  Portugal  1  > 

Dans  la  Gazette  de  France  du  29  Janvier,  M.  Edmond  Biré 
a  consacré  une  très  remarquable  Causerie  littéraire  au  bel 
ouvrage  de  M.  l'abbé  Bourgain,  L'Église  d'Angers  pendant  la 


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"^ 


—  170  — 

RévoluHon.  M.  Biré  conclut  ainsi  :  <  ...  II  y  a  là  de  tels 
enseignements,  de  si  précieuses  et  si  dramatiques  leçons, 
qu'on  nous  permettra  de  consacrer  au  beau  livre  de  M.  Bour- 
gain  un  second  et  dernier  article.  » 

M.  l'abbé  Deniau  a  donné,  dans  la  Revue  des  Facultés  catho- 
liques de  VOuest  [numéro  de  décembre  1898),  un  récit  détaillé 
de  la  fameuse  bataille  de  TorfoUj  19  septembre  1793,  Cet 
article  est  «  extrait  de  Y  Histoire  de  la  Vendée^  deuxième  édi- 
tion préparée  par  M.  Tabbé  Deniau,  curé  du  Voide,  complétée 
et  achevée  par  M.  l'abbé  Deniau,  curé  de  Saint-Macaire-en- 
Mauges,  sous  la  direction  de  Dom  Chamard,  prieur  de  l'ab- 
baye de  Ligugé  >.  —  Espérons  que  l'ouvrage  ne  tardera  pas  à 
paraître. 

Dans  le  même  fascicule,  M.  l'abbé  J.  Moreau,  supérieur  du 
Petit-Séminaire  de  Beaupréau,  a  tracé  le  curieux  portrait 
d'un  instituteur  chrétien  y  Jean-Baptiste  Dreux,  plus  connu 
sous  le  nom  de  M.  Johannès,  né  en  1771  à  Bouconvillers,  dans 
l'Oise,  qui  vint  s'établir  vers  1809  à  Villedieu,  où  il  établit 
une  école,  construisit  une  église  et  fonda  une  paroisse. 

M.  H.  Baguenier-Desormeaux  poursuit  avec  un  zèle  infati- 
gable ses  recherches  sur  la  Vendée  angevine.  Dans  le  fasci- 
cule qui  contient  les  deux  articles  dont  je  viens  de  parler,  il 
étudie  les  suspects. 

M.  l'abbé  Uzureau,  dans  le  numéro  de  février  1899,  publie 
le  compte  rendu  des  dernières  rentrées  publiques  de  notre 
ancienne  Université,  de  1774  à  1789.  C'est  une  contribution 
importante  à  l'histoire  de  l'Université  d'Angers. 

A  signaler  aussi  : 

Dans^les  Archives  médicales  d' Angers ^  une  notice  de  M.  le 
D'  Gripat  sur  le  D^  Laboulbène^  professeur  à  la  Faculté  de 
Médecine  de  Paris,  enterré,  le  9  décembre  1898,  à  Saint-Denis- 
d'Anjou  (numéro  du  20  Janvier)  ;  et  la  première  partie  d'une 
étude  de  M.  Germain,  proviseur  du  Lycée  d'Angers,  sur  les 
peintures  murakè  de  la  chapelle  Sainte-Marie,  à  l'Hôtel-DIeU 
(numéro  du  20  février).  -—  Je  ne  veux  pas  résumer  cette  déli- 
cate critique,  qui  mérite  d'être  lue  tout  entière,  d*autaDt 
mieux  qu'elle  est  sobre  et  courte;  je  préfère  en  détacher 
quelques  lignes,  —  celles  où  l'auteur  insiste  avec  raison  sur 
l'harmonie  qui  doit  exister  entre  la  décoration  d'un  édifice  et 


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-J 


M^ 


—  171  - 

les  lignes  architecturales.  Les  Angevins  qui  ont  peint  les 
fresques  de  Sainte-Marie  c  ont  pris  soin,  dit  M.  Germain,  de 
subordonner  leur  œuvre  à  celle  de  rarchitecle.  Ce  mérite 
n'est  pas  si  commun  qu'il  doive  passer  inaperçu.  On  ne  trouve 
pas  tous  les  jours  des  décorateurs  qui  résistent  à  la  tentation 
de  faire,  comme  on  dit,  c  des  trous  dans  les  murailles  »,  ou  du 
moins  de  nous  en  donner  Tiliusion,  de  substituer  au  c  plein  » 
qu'exige  Tharmonie  de  l'édi&ce  et  sa  solidité  un  c  vide  »  qui, 
pour  être  simulé,  n'en  est  pas  moins  pour  déconcerter  les 
yeux  et  inquiéter  l'esprit  >.  Cette  observation  est  très  juste, 
mais  malheureusement  trop  oubliée  :  aujourd'hui,  la  plupart 
des  artistes  auxquels  on  demande  de  faire  de  la  peinture 
décorative  se  contentent  purement  et  simplement  de  faire  des 
tableaux.  Et  les  peintres- verriers  !. . .  Mais  n'en  disons  rien  ; 
car  c'est  un  compte  rendu  que  l'on  me  demande  et  non  de  la 
critique  artistique. 

Dans  la  Revue  de  VArt  chrétien  (1898,  6*  livraison),  sous 
le  titre  A'Épaves,  une  description,  par  M.  L.  de  Farcy,  du 
cor  d'ivoire  de  la  cathédrale  d'Angers,  conservé  au  musée 
archéologique  de  notre  ville,  et  deux  notices  importantes, 
l'une  sur  la  crosse  d'ivoire,  trouvée  le  17  juin  1896,  dans  le 
tombeau  de  l'évoque  Ulger,  l'autre  sur  la  crosse  en  os,  décou- 
verte le  10  septembre  1898,  dans  le  caveau  de  l'évéque 
Hardouin  de  Bueil.  Trois  gravures  et  une  planche  en  couleur, 
où  sont  reproduites  les  deux  crosses,  accompagnent  ces 
pages,  sur  lesquelles  j'appelle  tout  particulièrement  l'atten- 
tion des  archéologues. 

Dans  \h  Bévue  Poitevine  et  Saumuroise  (numéro  de  janvier), 
un  article  nécrologique  sur  notre  collaborateur.  M,  Emile 
Chevalier^  de  Monlreuil-Bellay  ;  une  note  dé  M.  0.  de  Chavi- 
gny  sur  les  Oratoriens  et  le  trésor  des  Ardilliers;  la  relation 
du  passage  du  Duc  d'Angouléme  à  Saumur,  en  1814,  par 
M.  C.  Leroux-Cesbron. 

Dans  la  Revue  Angevine,  un  compte  rendu  très  littéraire  du 
dernier  roman  de  M.  René  Bazin,  la  Terre  qui  meurt,  par 
M.  Léon  Philouze  (numéro  du  1"  février),  et  une  intéressante 
causerie  de  M.  C.  Leroux-Cesbron  sur  la  fressure  (numéro  du 
15  février)  Composée  de  viande  et  de  sang  de  porc,  d'eau,  de 
pain,  —  beaucoup  de  pain,  —  d'oignon,  de  persil,  de  condi- 
ments, la  fressure  doit  cuire,  vingt  heures  durant,  dans  un 
énorme  chaudron  :  c'est  le  mets  national  des  Choletais  ; 
comme  qui  dirait  leur  bouillabaisse! 


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1 


—  172  — 

A  lire  encore  : 

Dans  Angers  Artiste,  du  14  janvier,  le  récit  d'une  visite 
faite  par  M.  A.  Planchenault  à  la  tour  Saint  Aubin.  Notre  dis- 
tingué collaborateur,  en  demandant  la  restauration  de  la 
vieille  tour,  plaide  une  cause  que  nous  avons  défendue  plus 
d'une  fois,  à  la  Revue  de  r Anjou,  non  pas  avec  la  même  compé- 
tence, mais  avec  le  même  succès. 

Dans  la  Revue  historique  et  archéologique  du  Maine  (pre* 
mier  semestre  1899)  et  dans  la  Province  du  Maine  (février 
1899),  une  polémique  savante  et  courtoise  —  ce  qui  n'arrive 
pas  toujours  —  au  sujet  dHmages  n^ses  qui  représenteraient, 
paraît-il,  saint  Julien,  évèque  du  Mans. 

Dans  la  Revue  du  Bas-Poitou^  la  mort  de  d'Eibée  à  Noir- 
moutier^  janvier  1794,  par  M.  le  marquis  d'Eibée.  L'article, 
tiré  à  part,  forme  une  brochure  de  36  pages  *. 

La  querelle,  à  propos  de  légendaires  et  de  documentaires  *j 
semble  s'envenimer.  On  commence  à  s'adresser  des  mots 
aigres-doux'.  J'aime  à  croire  qu'on  ne  glissera  pas  davantage 
sur  cette  pente  dangereuse. 

En  terminant  cette  chronique,  j'ai  le  grand  plaisir  d'annon- 
cer que  le  premier  fascicule  du  Dictionnaire  historique,  topo- 
graphique  et  biographique  de  la  Mayenne,  par  M.  l'abbé  Angot, 
vient  d'être  distribué  aux  souscripteurs.  S'il  faut  juger  de 
Touvrage  tout  entier  par  ces  cent  vingt-huit  pages,  le  Diction-- 
naire  de  M.  l'abbé  Angot  figurera  en  très  bonne  place  parmi 
les  meilleurs  travaux  d'érudition.  J'aurai  d'ailleurs,  plus  d'une 
fois,  l'occasion  d'en  reparler.  Ch.  U. 

*  Vannes,  Lafolye,  1898  ;  prix  fort  2  fr.,  net  1  fr.  60. 

»  Mercure  Poitevin,  janvier  1899,  p.  13  ;  février  1899,  p.  100. 

^  La  Vendée  angevine,  n^  51  et  52. 


Le  THrecteur-Gérant  :    G.  GRASSIN. 


An«en,  Imp.  Oennain  et  G.  GraasiQ*  —  527-99. 


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Le  Général  de  Rochebouët 


Le  général  de  Rochebouët,  qui  vient  de  disparaître, 
après  avoir  fourni  une  longue  et  belle  carrière  militaire, 
était  né  à  Angers,  le  16  mars  1813,  d'une  famille  noble  et 
ancienne  qui,  par  ses  services  et  sa  bienfaisance,  a  marqué 
sa  place  dans  les  annales  de  notre  province. 

Entré  à  TÉcole  polytechnique  à  19  ans,  il  débuta 
en  Afrique,  près  du  duc  d'Aumale,  qui  lui  témoigna  tou- 
jours la  plus  affectueuse  estime.  Capitaine  en  1845,  il  fit 
partie  du  corps  expéditionnaire  envoyé  à  Rome  en  1849, 
pour  y  faire  respecter  la  souveraineté  temporelle  du  Pape 
et,  à  la  fin  des  travaux  d'investissement  de  la  ville,  fut 
désigné  pour  ouvrir  la  brèche.  Blessé  en  exécutant  cette 
opération  dont  RafTet  a  fixé  le  souvenir  dans  une  toile  du 
musée  de  Chantilly,  le  capitaine  de  Rochebouët  fut  mis  à 
Tordre  du  jour  de  l'armée  pour  sa  bravoure  et  son  sang- 
froid. 

Il  était  déjà  Thomme  ponctuel  et  soigneux  que  nous 
avons  connu,  et  le  trait  suivant,  que  je  tiens  de  Tun  de  ses 
camarades,  n'étonnera  pas  ceux  qui,  plus  tard,  ont  pu 
admirer  le  régiment  à  cheval  de  Tartillerie  de  la  garde  et 
son  brillant  colonel. 

Ramenant  sa  batterie  de  Marseille  à  Paris,  pour  défiler 
devant  le  Prince-Président  et  l'Assemblée,  le  capitaine 


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-  174  - 

trouva  moyen,  pendant  les  temps  d'arrêt  de  ce  long  voyage, 
de  faire  habiller  ses  hommes  à  neuf  et  repeindre  tous  les 
affûts  de  ses  pièces  et  leurs  caissons,  si  bien  qu'en  voyant 
passer,  auprès  de  batteries  dont  le  matériel  avait  souffert 
du  sièg#  #t  du  voyage,  des  canons  qui  semblaient  sortir  de 
Tarsenal,  le  Président  s'écria  :  «  Mais  cette  batterie  n'a  pas 
fait  campagne!  »  Et,  comme  on  lui  donnait  la  clef  de 
l'énigme,  il  se  fit  présenter  le  commandant  et  ne  l'oublia 
pas,  pas  plus  que  les  officiers  qui  ont  servi  sous  les  ordres 
du  général  de  Rochebouët  n'ont  oublié  sa  bonté,  son  obli- 
geance et  cette  faculté  précieuse  pour  un  chef  de  discerner 
le  vrai  mérite  et  de  le  faire  valoir. 

G'e^t  à  elle  que  Tarmée  doit  la  ipise  Qn  lundière  de  trois 
bommei  émioeats  qui  ont  été  aou$  ses  ordrea  directs  :  les 
généraux  Berge,  Miribel  et  Jamont. 

Chef  d'état-m^or  de  l'artillerie  du  corps  d'armée  de 
débarquement  de  1«  Baltique,  le  lieutewant-eoloAel  de 
Roobebouët  se  distingua  à  Bomaraund,  pui9  fut  placé  à  la 
tête  du  régiment  d'artillerie  de  la  Garde  doM  il  fit,  par  son 
habile  directiont  uA  eorps  absolument  hors  ligue. 

Ce  fut  à  aa  tête  qu'il  partit  pour  1$  campagne  d'Italie,  Il 
le  quitta  avec  autant  d'étonnemeni  que  de  regret»  lorsque, 
le  soir  de  le  bataille  de  Solférino,  le  maréchal  Vaillant  lui 
«nuonça  que  l'Empereur  l'avait  déïigné  pour  remplacer  le 
général  Auger,  tué  dana  la  journée. 

Il  racontait  aa  surprise  avec  beaucoup  d'humour  et  ajou- 
tait que,  le  major  général  de  l'armée  ayaut  voulu  lui  impo- 
ser l'aide  de  camp  du  défunt,  qui  n'avait  pas  la  réputation 
d'être  un  aigle  :  *  Est-ce  un  ordre,  demanda  le  colonel,  ou 
l'expression  d'un  simple  désir?  --'  Un  simple  désir,  *— 
Alors,  monaieur  le  Maréchal,  vous  me  permettrez  d'en 
choisir  un  autre,  car  je  n'ai  paa  assea  d'esprit  pour  deux;  » 
et  il  choisit  le  baron  Berge,  qu'il  conserva  pendant  vingt 
«na  Qomme  aide  de  camp. 

En  1867,  le  général  fut  promu  diviaionnaîre,  et  c'est 


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-  178  - 

comme  inspecteur  des  places  fortes  de  l'Est  que  le  surprit 
la  guerre  de  1870.  Ayant  signalé  au  Ministre  de  la  Guerre, 
en  revenant  de  sa  tournée  d'inspection,  le  triste  état  des 
fortifications  de  Strasbourg,  il  eut,  à  cette  occasion,  une 
violente  altercation  avec  le  maréchal  Lebœuf. 

Commandant  Tartillerie  du  S''  corps,  il  fut  placé  sous  les 
ordres  du  maréchal  Bazaine,  dans  les  glorieuses,  mais 
infructueuses  journées  des  14, 16  et  18  août.  Que  de  fois,  bien 
avant  qu'un  historien  militaire'  eût  définitivement  fixé  les 
responsabilités  dans  une  œuvre  qui  restera  comme  le  plus 
beau  monument  élevé  à  Tarmée  du  Rhin,  le  général  de 
Rochebouët  nous  a  confié  ses  efforts  désespérés  pour  arra- 
cher un  ordre  à  Tapathie  coupable  de  Bazaine. 

Dans  la  terrible  journée  où  se  décida  le  sort  de  Tarmée 
de  Metz  et,  on  peut  le  dire,  la  destinée  de  la  France,  il  tût 
suffi  au  maréchal  d'écouter  les  supplications  du  common- 
dant  de  l'artillerie  et  de  lancer  sur  la  gauche  allemande,  à 
bout  de  forces,  la  garde  impériale  et  la  réserve  d'artillerie 
—  troupes  toutes  fraîches  —  pour  que  Tarmée  prussienne, 
comme  la  écrit  le  colonel  Rousset,  eût,  elle  aussi,  son 
Rosbach  ! 

Enfermé  dans  Metz,  il  vit  fondre  lentement,  sous  le  coup 
des  privations  et  de  la  maladie,  cette  admirable  armée  à 
laquelle,  avant  nous,  nos  adversaires  ont  rendu  une  écla- 
tante justice.  Il  partagea  ensuite  sa  captivité  et  revint  en 
France  pour  entrer  au  Comité  d'artillerie  et  être  placé,  en 
1874,  à  la  tête  du  18*  corps  d'armée,  à  Bordeaux  *. 

Appelé  le  14  novembre  1877,  par  le  maréchal  de  A!ac- 
Mabon,  à  la  tête  d'un  ministère  dont  on  s'est  plu  à  faire  un 
ministère  de  combat,  alors  qu'il  avait  la  prétention  de 
n'être  qu'un  ministère  d'aflaires,  il  fut  renversé,  dix  jouis 

*  Le  colonel  Rousset. 

*  Le  général  de  Rochebouët  avait  été  élevé,  en  1871,  à  la  dignité 
de  grand-officier  de  la  Légion  d'Honneur. 


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—  176  — 

plus  tard,  par  la  coalition  de  toutes  les   gauches,  au 
moment  même  de  sa  constitution  définitive. 

Quand  on  songe,  d'une  part,  à  la  légende  qui  s*est  faite 
autour  de  la  formation  de  ce  ministère  et  qu'on  se  reporte, 
de  Tautre,  à  ses  déclarations,  on  comprend  que  les  modé- 
rés qui  l'ont  renversé  prennent  aujourd'hui  le  ciel  à 
témoin  de  leur  aberration  et  de  leur  repentir. 

Ce  ministère,  en  effet,  étranger  aux  conflits  qui  avaient 
amené  la  chute  du  duc  de  Broglie,  composé  d'hommes 
indépendants  vis-à-vis  des  partis  et  résolus  à  faire  respec^ 
ter  la  Constitution  républicaine  —  ce  sont  les  termes 
mêmes  de  leur  déclaration  —  sans  autre  préoccupation 
que  d'assurer  à  la  France  Vordre  et  la  paix,  aurait  dû 
plutôt  rassurer  les  esprits  modérés  qui  ne  pouvaient  se 
faire  illusion  sur  la  pente  fatale  où  le  parti  républicain  était 
engagé  par  Gambetta. 

Mais  le  spectre  du  coup  d'État  les  hantait.  Ils  voulurent 
voir,  dans  le  soldat  correct  que  le  maréchal  venait  d'appeler 
au  pouvoir,  comme  un  émule  de  Saint-Arnaud,  et  ils  le 
renversèrent  sous  prétexte  qu'il  représentait  le  pouvoir  per- 
sonnel. 

II  suffit  de  lire  les  récents  discours,  si  découragés  et  si 
attristés,  de  M.  de  Marcère  dont  Tordre  du  jour,  dans  la 
séance  du  24  novembre  1877,  contribua  à  renverser  le 
ministère,  pour  juger  à  quel  point  le  général  de  Rochebouët 
et  ses  collègues  ont  été  vengés  ! 

Quant  à  lui,  enchanté  de  sortir  si  vite  de  la  galère  où  son 
dévouement  au  Maréchal  l'avait  embarqué,  il  reprit  joyeu- 
sement le  chemin  de  Bordeaux,  où  vint  l'atteindre  la  limite 
d'âge,  en  mars  1878. 

Son  admission  dans  le  cadre  de  réserve  ne  lui  fit  point 
perdre  de  vue  l'arme  à  la  réorganisation  de  laquelle  il 
avait  puissamment  contribué;  il  en  suivait  les  progrès  avec 
bonheur  et  l'on  sentait,  en  l'approchant,  que,  dans  sa  vie, 


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—  177  — 

une  préoccupation  dominait  toutes  les  autres  :  celle  de  voir    * 
l'armée  conserver  sa  discipline  et  ses  traditions. 

Ajoutons  que,  s'il  avait  horreur  de  la  politique,  les 
questions  administratives  avaient  pour  lui  de  Tattrait,  et 
qu*il  fut,  pendant  quarante  ans,  au  Conseil  Général,  le 
défenseur  éclairé  des  intérêts  du  canton  de  Gandé. 

Dans  la  séance  d'ouverture  de  la  session  d'avril  de 
l'Assemblée  départementale,  le  comte  de  Maillé,  son  ami, 
lui  a  rendu  un  trop  bel  hommage  pour  que  nous  y  insis- 
tions, et  nous  ne  pouvons  mieux  faire,  en  terminant  cette 
esquisse  incomplète,  que  de  répéter,  avec  le  Président  du 
Gonseil  Général,  qu'on  ne  saurait  témoigner  assez  d'admi- 
ration pour  une  vie  si  remplie  de  courage,  de  dignité, 
d'esprit  résolu  et  de  dévouement. 

Gom^e  DE  Blois. 


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DEVANT  L'ENNEMI 

Souvenirs  d'un  Bataillon  de  Mobilisés 
de  Maine-et-Loire 


A  M.  le  comte  de  Maillé^  sénateur, 
ancien  commandant  du  4*  Batailion 
de  la  2^  Légion  de$  Mobilisés  de 
Maine-et-Loire, 


Mon  Commandant, 

Permettez-moi  de  vous  donner  ce  nom,  qui  nous  rappelle 
de  si  beaux  souvenirs  militaires,  et  par  lequel,  aujourd'hui 
encore,  aiment  tant  à  vous  désigner  vos  anciens  Mobilisés 
de  1870. 

Après  les  instants  que  je  viens  de  consacrer  à  étudier 
rhistoire  si  touchante  et  si  empoignante  des  quatre  mois 
de  campagne  de  guerre  de  votre  4**  Bataillon,  à  vivre  par 
le  souvenir  de  votre  vie  militaire,  à  vous  suivre  par  la 
pensée  dans  votre  lutte  héroïque  aux  champs  de  Monnaie 
et  dans  votre  marche  à  travers  les  bois  de  Clefs  et  de  la 
Bertraie,  à  causer  surtout  longuement  avec  vos  vieux  sol- 
dats, chez  qui  j*ai  surpris  bien  des  larmes  au  récit  de  leurs 
souvenirs  et  au  nom  de  leur  commandant,  je  me  considère 
un  peu  comme  ayant  appartenu  au  4*  Bataillon,  avec  le 
droit  de  vous  appeler  mon  commandant! 

J'ai  tenu  à  consigner  dans  ces  quelques  pages,  à  Thon- 
neur  des  anciens  combattants  de  nos  cantons  de  Chemillé 
et  de  Vihiers,  tout  ce  que  j'avais  appris  des  beaux  faits 


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—  179 


d'armes  et  de  l'admirable  conduite  de  ce  4'  Bataillon,  dont 
je  puis  dire  que  vous  avez  été  l'àme  au  moins  autant  que 
l'organisateur,  considérant  que  citer  à  nos  jeunes  gens 
de  pareils  exemples,  c'était  un  enseignement,  c'était  un 
drapeau  ! 

A  défaut  du  talent  littéraire,  qui  eût  bien  convenu  pour- 
tant à  un  pareil  sujet,  j'ai  apporté  à  mes  récits  toute  la 
sincérité  d'une  conviction  profonde,  et  je  crois  leur  avoir 
assuré  une  exactitude  absolue. 

Voilà  les  raisons  pour  lesquelles  je  vous  demande,  mon 
Commandant,  de  vouloir  bien  agréer  l'hommage  de  mon 
petit  livre,  avec  l'expression  de  mon  dévouement  le  plus 
respectueux. 

R.    DE   FOUOEROLLE. 


Fougerolle,  mars  1899. 


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if. 


—  180  - 


AVANT-PROPOS 


^  Il  y  a  vingt-huit  ans  se  terminait  la  campagne  de  1870» 

fi^  l'une  des  plus  désastreuses  dans  Thistoire  de  France,  et 

I  qui  n'a  pas  coûté  seulement  à  notre  patrie,  avec  l'Alsace, 

î  une  partie  de  la  Lorraine  et  une  écrasante  rançon,  le 

$\.  meilleur  de  son  sang,  mais  dont  nous  subissons  aujour- 

f.  d'hui  encore  les  suites  terribles  dans  des  troubles  sociaux 

^-  et  économiques,  dans  des  divisions  religieuses  et  politiques, 

i{  dont  on  est  bien  obligé  de  faire  remonter  jusque-là  Tori- 

I    ,  gine.  Quand  on  veut  désigner  cette  campagne  de  1870,  on 

^'  l'appelle  simplement  :  la  guerre!  comme  si  toutes  les 

'■  autres  guerres,  dont  furent  témoin  les  générations  actuelles, 

î  s'effaçaient  devant  l'importance  de  celle-là  ! 

y.  Au  moment  où  beaucoup  déjà  sont  disparus  des  hommes 

;  qui  ont  pris  part  alors  à  la  défense  de  leur  patrie,  et  où  les 

l;,  survivants  d'entre  eux  peuvent  compter  les  courtes  années 

L'  qui  leur  restent  à  vivre,  il  m'a  semblé  utile  de  dire  aux 

l  jeunes  gens,  à  ceux  qui  forment  l'armée  d'aujourd'hui,  et 

^  qui  formeront  l'armée  de  demain,  comment  se  compor- 

l  tarent,  au  moment  de  l'épreuve,  leurs  pères,  qui  formaient 

;,  l'armée  d'hier.  Le  moment  m'a  paru  d'autant  plus  oppor- 

i;.  tun  de  leur  proposer  cet  exemple  réconfortant  que  cette 

armée  de  demain,  dans  laquelle  nous  sommes  si  intéressés 

'-  à  maintenir  les  vertus  d'honneur,  de  discipline,  de  désin- 

^  téressement  et  de  sacrifice,  puisque  tous  nos  fils  devront  y 

t  passer,  et  qu'elle  reste  notre  suprême  espérance,  au  cas 

où  notre  pays  serait  de  nouveau  menacé,  cette  armée, 


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—  481  — 

dis-je,  est  plus  violemment  attaquée  par  des  gens  qui  sacri- 
fient légèrement  ou  perfidement  à  leurs  rancunes  person- 
nelles et  à  leurs  querelles  dé  partis  les  intérêts  vitaux  de 
leur  patrie. 

Si  la  guerre  de  1870  a  démontré  surabondamment  que 
nos  préparatifs  militaires  avaient  été  alors  insuffisants  et 
que  la  direction  des  opérations  avait  été  souvent  défec- 
tueuse, elle  a  prouvé  en  même  temps  fort  souvent  le  cou- 
rage et  Tabnégation  du  soldat  français.  Toute  Thistoire  de 
la  guerre  est  remplie  d'actions  admirables  de  nos  vieilles 
troupes  d'abord,  dont  le  courage  a  forcé  l'admiration  de 
leurs  adversaires  eux-mêmes,  de  nos  jeunes  mobiles 
ensuite,  qui,  dans  beaucoup  d'occasions,  et  ceci  est  parti- 
culièrement vrai  pour  les  mobiles  de  Maine-et-Loire,  mar- 
chèrent résolument  et  bravement  au  feu  comme  de  vieilles 
troupes. 

C'est  Thistoire  seulement  d'un  bataillon  de  Mobilisés 
que  je  me  suis  proposé  d'écrire,  le  V  Bataillon  de  la 
2*  Légion  de  Maine-et-Loire,  qui  comprenait  les  hommes 
des  cantons  de  Ghemillé  et  de  Vihiers. 

Les  Mobilisés  furent  les  derniers  appelés  de  nos  soldats 
de  1870,  et  nécessairement  les  moins  bien  organisés,  les 
moins  encadrés  par  des  officiers  jeunes  et  actifs,  dont  la 
plupart  avaient  été  pris  par  la  mobile,  les  moins  bien  armés. 
Âgés  de  vingt-cinq  à  quarante  ans,  ils  avaient  dépassé 
l'âge  où  la  jeunesse  assure  l'insouciance  du  danger  et 
adoucit  Téloignement  du  foyer.  Très  peu,  du  reste,  de 
bataillons  de  Mobilisés  eurent  l'occasion  d'aller  au  feu. 

Habitants  des  cantons  de  Vihiers  et  de  Ghemillé  et  jeunes 
gens,  pour  qui  surtout  j'ai  écrit  ces  pages,  vous  verrez,  en 
suivant  mon  récit,  comment,  malgré  toutes  ces  difficultés, 
se  comportèrent,  dans  les  jours  d'épreuve  et  de  danger, 
les  «  vieux  gars  »  de  chez  vous,  comme  on  les  appelait 
familièrement,  lorsqu'ils  eurent  revêtu  l'uniforme  de  l'ar- 
mée française,  quelque  modeste  que  fût  le  leur,  lorsqu'ils 


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%  •  ■ 


—  182  — 

eurent  appris,  en  quelques  semaines,  de  chefs  respectés,  la 
pratique  des  vertus  militaires,  lorsqu'ils  virent  enfin  à  leur 
tête  rincomparable  commandant  que  fut  le  commiandant 
de  Maillé,  qui  put  compter  sans  limites  sur  ses  soldats, 
parce  que  ses  soldats  purent  compter  sans  mesure  sur  lui. 

Mon  récit  n'a  qu'un  mérite,  mais  que  je  revendique  éner- 
giquement  :  je  me  suis  appliqué  à  y  apporter  une  scrupu- 
leuse exactitude,  j'ai  tenu  à  contrôler,  soit  dans  les  rapports 
officiels,  soit  auprès  des  anciens  combattants  du  4*  Bataillon, 
tous  les  faits  que  j'ai  rapportés. 

J'ai  trouvé  aussi  de  précieux  renseignements  auprès  de 
M.  le  lieutenant-colonel  Bonneville,  qui  commanda  héroï- 
quement la  3®  Légion  des  Mobilisés  de  Maine-et-Loire  au 
combat  de  Monnaie,  à  côté  de  notre  2*  Légion.  Je  tiens  à 
lui  en  exprimer  ici  toute  ma  gratitude. 


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—  183  - 


CHAPITRE  PREMIER 
Formation  des  Compagnies  mobilisées 

Un  décret  du  29  septembre  1870,  daté  de  Tours  et  signé 
de  GlaisBizouin  et  de  Grémieux»  avait  appelé  sous  les 
drapeaux,  pour  les  organiser  en  compagnies  de  gardes 
nationaux  mobilisés:!® tous  les  volontaires  n'appartenant 
ni  à  Tarmée  régulière,  ni  à  la  garde  mobile  ;  S"*  tous  les 
Français  de  vingt  et  un  ans  ft  quarante  ans,  non  mariés  ou 
veufs  sans  enfants,  et,  mettant  aussitôt  en  œuvre,  pour  ce 
qui  concernait  le  département  de  Maine-et-Loire,  ce  décret 
de  mobilisation,  le  préfet  d'Angers,  M.  H.  AUain-Targé, 
envoyait,  dès  le  l^'*'  octobre,  aux  maires  du  département  les 
instructions  nécessaires  pour  former  les  tableaux  de  recen- 
sement. Les  intéressés  étaient  invités  à  se  présenter  immé- 
diatement à  la  mairie  de  leur  commune,  pour  réclamer 
leur  inscription  sur  ces  tableaux,  les  conseils  de  révision 
devaient  commencer  leurs  opérations  dès  le  6  octobre  ;  ceux 
de  Ghemillé,  notamment,  et  de  Vihiers  étaient  convoqués 
pour  le  samedi  8  octobre,  à  huit  heures  du  matin  et  à 
une  heure  et  demie  de  Taprès^midi,  et,  pour  gagner  du 
temps,  ils  ne  devaient  visiter  que  ceux  qui,  alléguant  une 
infirmité,  en  feraient  expressément  la  demande. 

L'administration  désirait  vivement  Tenrôlement  d'an* 
ciens  militaires,  dont  on  avait  bien  besoin  pour  former  les 
cadres  des  officiers  et  sous*officiers  ;  on  allait,  du  reste,  en 
vertu  d'une  tradition  essentiellement  démocratique,  en 
demander  le  choix  à  l'élection.  Mais  rien  n'était  plus 
difficile  à  trouver  ;  toute  une  catégorie,  la  plus  jeune  et  la 


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—  184  — 

plus  active,  celle  des  anciens  militaires  restés  célibataires, 
de  vingt-cinq  à  trente-cinq  ans,  avait  été  déjà  précédemment 
rappelée  sous  les  drapeaux,  par  une  loi  du  40  août,  et  la 
plupart  des  officiers  démissionnaires,  dans  la  force  de  Tâge, 
avaient  formé  volontairement  les  cadres  de  la  garde 
mobile. 

Que  restait-il  donc  pour  les  cadres  des  nouvelles  compa- 
gnies mobilisées?  —  Quelques  célibataires,  anciens  soldats, 
approchant  de  la  quarantaine,  ou  d*anciens  officiers, 
quelquefois  même  de  simples  civils,  ayant  dépassé,  si  je 
puis  dire,  Tâge  de  se  battre,  la  plupart  pères  de  famille, 
mais  à  qui  un  patriotisme  ardent  interdisait  de  rester 
inactifs  en  présence  de  l'envahissement  de  la  patrie,  et  qui 
n'hésitèrent  pas,  devant  l'immensité  de  nos  malheurs,  à 
entreprendre  une  campagne,  rendue  singulièrement 
pénible  par  les  rigueurs  de  Thiver  qui  approchait  ;  et  Dieu 
sait  si  l'hiver  de  1870-1871  fut  particulièrement  rigide. 

Les  officiers  supérieurs  furent  à  peu  près  uniquement 
recrutés  parmi  ces  hommes  de  cœur,  et  c'est  ainsi  que 
nous  vîmes  bientôt  à  la  tête  de  la  légion  qui  nous  occupe, 
la  2«  Légion  de  Maine-et-Loire,  le  lieutenant-colonel  Tessié 
de  la  Motte,  ancien  capitaine  au  2^  chasseurs  à  cheval,  les 
commandants  Blavier,  ingénieur  des  mines,  de  la  Frégeo- 
lière,  lieutenant  d'artillerie  démissionnaire,  âgé  de  soixante- 
trois  ans,  de  Maillé,  ancien  lieutenant  de  cavalerie.  — 
Nous  verrons  tout  à  l'heure  comment  se  comportèrent  ces 
hommes  de  cœur,  et  ce  qu'ils  surent  faire  devant  l'ennemi 
avec  nos  braves  Mobilisés. 

La  situation  de  la  France,  qui  avait  dicté  leur  coura- 
geuse résolution,  était  alors  effroyable  :  Wissembourg, 
le  4  août,  puis  Reichsoffen  avait  précédé  le  désastre  de 
Sedan  le  1®'  septembre  /  Toul  s'était  rendu  le  23  septembre, 
Strasbourg  avait  capitulé  le  28  du  même  mois,  et  l'armée 
de  Metz,  après  les  héroïques  combats  livrés  à  Borny,  Gra- 
velotte,  Mars-la-Tour  et  Saint-Privat,  les  14,  16  et  18  août 


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—  186  — 

sans  résultats  appréciables,  allait  capituler  le  27  octobre. 
L'investissement  de  Paris  par  les  armées  allemandes  était 
complet  depuis  le  19  septembre  et  ces  mêmes  armées 
avaient  envahi,  à  cette  date  du  commencement  d'octobre, 
une  partie  notable  du  territoire,  marchant  déjà  sur  Orléans, 
qu'elles  allaient  occuper  le  11  octobre.  Or,  pour  s'opposer 
au  flot  toujours  croissant  de  l'invasion  prussienne,  il  ne 
restait  à  la  France  aucune  force  sérieusement  organisée. 

Voilà  pourquoi  la  France  faisait  appel  à  tous  ses  enfants; 
voilà  pourquoi  tant  d'héroïques  volontaires  répondirent  à 
son  appel. 

—  L'organisation  des  Mobilisés  se  continua  rapidement; 
un  arrêté  du  Préfet  de  Maine-et-Loire,  du  24  octobre,  leur 
donnait  pour  uniforme  une  vareuse  en  drap  bleu  foncé, 
avec  collet  rabattu  et  parements  rouges,  pattes  à  liséré 
rouge,  pantalon  de  drap  gris  foncé,  képi  en  drap  bleu  foncé 
avec  bande  rouge,  sur  laquelle  était  cousue  une  plaque  en 
cuivre  argenté,  portant  les  initiales  :  M.-et-L.  Un  ceintu- 
ron avec  boucle  en  cuivre,  cartouchière,  porte- fourreau  et 
fourreau  de  baïonnette,  une  cravate  bleue  et  des  guêtres 
blanches  complétaient  l'uniforme.  L,es  Mobilisés  étaient 
invités  à  se  faire  habiller  à  leurs  frais,  si  faire  se  pouvait, 
en  se  conformant  au  type  adopté.  Pour  les  autres,  ils 
devaient  l'être  au  moyen  de  contingents  fournis  par  le 
département  et  les  communes. 

Ces  contingents,  qui  devaient  pourvoir  en  outre  à  la 
solde  des  Mobilisés,  avaient  été  déterminés  par  un  décret  . 
du  22  octobre  1870.  Cette  solde  devait  être  attribuée  aux 
Mobilisés  aussitôt  la  sortie  de  leur  canton  ;  elle  était  calcu- 
culée  pour  trois  mois,  à  raison  de  1  fr.  50  par  jour  et  par 
homme,  et  pour  les  officiers  et  les  sous-officiers  au  même 
tarif  que  dans  la  garde  mobile.  On  comptait  60  fr.  pour 
l'habillement  et  l'équipement,  soit  en  tout  195  fr.  par 
homme.  C'était  pour  les  12.000  gardes  nationaux  à  mobi- 
liser du  département  de  Maine-et-Loire  une  dépense  pré- 


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-  186  - 

vue  de  2.340.000  fr.,  somme  sur  le  montant  de  laquelle  le 
département  devait  fournir  669.000  fr.  et  les  communes 
4.671.000  fr.  On  tenait  compte  aux  communes,  sur  leur 
part,  des  dépenses  d'habillement  et  d'équipement  faites 
aux  frais  personnels  des  mobilisés  ;  pour  faire  face  au  sur- 
plus» elles  avaient  le  choix  entre  remploi  de  leurs  fonds 
libres,  pour  celles  qui  en  possédaient,  et  un  emprunt  ou 
une  imposition  pour  celles  qui  n'en  avaient  pas. 

C'est  ainsi  que  les  communes  du  canton  de  Chemillé 
furent  taxées  à  fournir  ensemble  34.693  fr.  14  cent.,  et 
celles  du  canton  de  Vihiers  54.160  fr.  82  cent.,  ces  sommes 
réparties  entre  les  communes  au  moyen  d'une  taxe  établie 
sur  chaque  contribuable  inscrit  au  rôle  des  quatre  contri- 
butions directes,  proportionnellement  au  montant  de  ses 
impositions. 

Les  conseils  de  révision,  avons-nous  dit,  avaient  été  réu- 
nis à  Vihiers  et  à  Chemillé  le  8  octobre.  Étaient  tenus  de 
s'y  présenter  tous  les  célibataires  ou  veufs  sans  enfants 
de  vingt-et-un  à  quarante  ans.  Or,  celle  catégorie  compre- 
nait un  certain  nombre  d'hommes  appartenant  à  l'armée 
active  ou  à  la  mobile,  maintenus  dans  leurs  foyers  à  titre 
de  soutiens  de  famille.  Leurs  litiges  comme  indispensables 
souHem  de  famille  devaient  être  de  nouveau  examinés  par 
les  conseils  de  révision,  qui  furent  invités  successivement 
à  plusieurs  reprises  à  se  montrer  pour  ces  dispenses  de 
plus  en  plus  sévères,  de  même  que  pour  les  infirmités. 
C'est  ainsi  que  certains  hommes,  précédemment  exemptés, 
seront  invités  à  se  représenter  devant  de  nouveaux  conseils 
de  révision,  notamment  dans  le  département  de  Maine-et- 
Loire,  le  7  novembre,  et  jusqu'au  17  du  même  mois,  et 
qu*en  fin  de  compte  un  bon  nomtoe  d'hommes  en  âge 
d'être  mobiles  firent  partie  des  compagnies  de  Mobi- 
lisés, 

Cette  garde  nationale  mobilisée  comprit  en  somme  dans 
le  déparlement  de  Maine-et-Loire,  d'après  un  état  établi 


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-  187  - 

daoB  le  Rectieil  des  actes  administratifs,  un  effectif  de 
12.657  hommes,  répartis  pour  11.849  hommes  eu  trois 
légioDa;  du  surplus  de  reffectif,  590  hommes  avaient  été 
distraits  de  ces  légions  poyr  former  cinq  batteries  d*ar- 
tillerie,  93  versés  dans  une  compagnie  du  génie,  125  dans 
une  compagnie  du  train  auxiliaire»  Le  commandant  supé- 
rieur de  ces  Mobilisés  fut  le  colonel,  plus  tard  général 
Jean-Jacques  Cléret-Langavant,  ancien  capitaine  de  vais- 
seau. Son  chef  d'état- major  était  le  chef  d'escadron  Massé, 
ingénieur  des  ponts  et  chausaéea;  M.  Lallemand,  conseiller 
de  préfecture,  avait  le  grade  de  major-intendant,  et 
MM.  Proust,  de  Gaqueray,  Boutrais  et  Delabrouase  rem- 
plissaient auprès  du  commandant  supérieur  les  fonctions 
de  capitaines  d'état-major. 

La  première  Légion,  aux  ordres  du  lieutenant- colonel 
Vétault,  ancien  capitaine,  comprenait  les  trois  bataillons 
de  Saumur,  commandant  Fermé  des  Ghesneaux,  ancien 
lieutenant  de  vaisseau,  de  Baugé,  commandant  Bounhoure, 
ancien  capitaine  d'infanterie,  des  Ponts-de-Cé;  comman- 
dant Peltier,  ancien  aous^ officier  d'infanterie,  au  total 
3,841  hommes.  —  Cette  légion,  primitivement  caaernée  à 
Angera,  ne  marcha  presque  jamais  pendant  la  campagne 
avec  les  deux  autres  de  Maine-et-Loire»  et  nous  ne  la 
retrouverons  pas  au  cours  de  ce  récit  :  mais  elle  se  com- 
porta de  son  côté  bravement  au  feu  ^  Vendôme  et  à  Parigné- 
rÉvéque,  où  elle  perdit  un  bon  nombre  de  son  effectif. 
C'e*t  à  cette  dernière  affaire  notamment,  le  10  janvier  1871, 
que  le  capitaine-ddjudant* major  du  S""  Bataillon,  dit  de 
Baugé,  M.  Couscher  deChampfleury,  aujourd'hui  conseiller 
d'arrondissement  du  canton  de  Montreuil-Bellay,  fait  pri- 
sonnier et  emmené  en  captivité,  trouva  moyen,  avec  le 
commandant  Bounhoure  et  le  sous-lieutenant  Lair  »  au  risque 
de  leur  vie»  d'échapper  aux  soldats  qui  les  conduisaient, 
de  passer  la  Loire  à  Beaugency  et  de  venir  retrouver  leur 
r^iœent  à  Saumur.  Déooré  pour  sa  belle  conduîtei  M.  Cous- 


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—  188  — 

cher  de  Ghampfleury  tut  alors  nommé  au  commandement 
de  son  bataillon. 

La  deuxième  Légion  était  la  plus  nombreuse  ;  elle  com- 
prenait 4.515  hommes  en  quatre  bataillons  et  était  com- 
mandée par  le  lieutenant-colonel  Tessié  de  la  Motte,  avec 
M.  Charles  Hiron  comme  capitaine-trésorier.  Elle  avai] 
pour  aumônier  Tabbé  Huchon,  originaire  de  la  Chapelle- 
du-Genêt,  mort  depuis  lors  curé  de  Saint-Jean-des-Mau- 
vrets,  et  le  docteur  Eugène  Lemardelay  comme  médecin- 
major  de  2«  classe,  avec  le  docteur  Dupont,  MM.  Bariller, 
Simon  et  Goubault  comme  aides-majors. 

Le  l**^  Bataillon  de  cette  Légion,  dit  de  Beaupréau,  com- 
mandant Blavier,  ingénieur  des  mines,  comprenait  les 
quatre  compagnies  de  Montjean,  Jallais,  Beaupréau- 
Gesté  et  Beaupréau- Sud,  avec  MM.  Lhuillier,  Ôrevet, 
Bellot  et  de  Beaurepos,  capitaines  en  premier.  En  tout 
1.065  hommes. 

Le  2«  Bataillon,  de  Montrevault,  commandant  Henry 
Bernard  de  la  Frégeolière,  ancien  lieutenant  d'artillerie, 
comprenait  les  quatre  compagnies  de  Saint-FIorent-le-Vieil, 
Champtoceaux,  Montrevault  (Nord-Ouest)  et  Montrevault 
(Est),  avec  MM.  Raimbault,  Kilbourg,  Gettes  et  Bonnafé, 
capitaines  en  premier,  et  un  effectif  de  1.054  hommes. 

Le  3*"  Bataillon,  de  Cholet,  était  sous  les  ordres  du  chef 
de  bataillon  Ransberger,  ancien  officier  d^infanterie  :  il  se 
composait  des  cinq  compagnies  de  Cholet  (ville),  Cholet 
(Est),  La  Séguinière,  Montfaucon  et  Saint-Germain,  avec 
les  capitaines  en  premier  Ricou,  Désormeaux,  Mocque- 
reau,  de  la  Tour  et  Gautret  de  la  Moricière.  Au  total 
1.345  hommes. 

Le  4''  Bataillon  de  la  2*  Légion,  dit  de  Chemillé,  est  celui 
dont  je  voudrais  retracer  Thistoire,  et  c'est  pourquoi,  dès 
maintenant,  je  m'en  vais  m'étendre  sur  la  formation  de  " 
cadres.  Il  était  commandé  par  le  comte  Armand  de  Mî  " 
aujourd'hui  sénateur  et  président  du  Conseil  génér 


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COMBAT      DE      MONNAIE 

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189  — 


Maine-et-Loire,  ancien  lieutenant  de  cavalerie,  qui  avait 
M.  Desseure  pour  capitaine-adjudant-major.  Ce  bataillon 
comprenait  exactement  les  hommes  mobilisés  des  cantons 
de  Chemillé  et  de  Vihiers,  en  tout  1.051  hommes  divisés 
en  quatre  compagnies,  la  1"  et  la  2«  de  Chemillé  (Nord  et 
Sud),  avec  256  et  242  hommes,  la  3*  et  la  V  de  Vihiers 
(Nord  et  Sud),  avec  283  et  270  hommes.  Ce  fut  la  route 
nationale  n^  460,  de  Saumur  aux  Sables-d'Olonne,  qui, 
dans  le  canton  de  Vihiers,  délimita  la  compagnie  du  Nord 
et  la  compagnie  du  Sud.  Le  commandant  et  les  officiers,  le 
capitaine  adjudant-major  excepté,  furent  élus  par  les  Mobi- 
lisés. La  1"  compagnie  élut  M.  Gavard  capitaine  en  pre- 
mier, M.  Dixneuf  capitaine  en  deuxième  ;  la  2"  compagnie 
M.  Alfred  Pineau  capitaine  en  premier,  M.  Edouard  Pineau 
capitaine  en  deuxième  ;  la  3**  compagnie  M.  Jean  Brault 
capitaine  en  premier,  M.  Terrien  capitaine  en  deuxième; 
la  4'  M.  Chaboisseau  capitaine  en  premier,  Drouineau 
capitaine  en  deuxième, 

Les  capitaines  en  deuxième  prendront  plus  tard  le  com- 
mandement des  compagnies  de  réserve,  lorsque  les  batail- 
lons seront  dédoublés  et  que  les  Mobilisés  du  2®  ban,  de 
trente  à  quarante  ans,  seront  appelés  sous  les  drapeaux, 
pour  former  les  nouvelles  compagnies  n*»  5  et  6  pour 
Chemillé,  7  et  8  pour  Vihiers,  correspondant  dans  le 
4*  Bataillon  aux  compagnies  1,  2,  3,  4.  Ce  second  ban  ne 
fut  convoqué  qu'au  moment  du  départ  de  Saumur  des 
hommes  du  \^  ban.  Mais  les  officiers  des  deux  bans  avaient 
dû  accompagner  les  Mobilisés  du  premier  appel,  de  ving^- 
cinq  à  trente  ans,  pour  faire  une  période  d'exercices,  d'au- 
tant plus  nécessaires  que  bien  peu  parmi  eux  avaient  été 
autrefois  soldats. 

Lorsque  le  4*"  Bataillon  quittera  Saumur  le  16  décembre, 
pour  être  mis  à  la  disposition  du  Ministre  de  la  Guerre  et 
être  dirigé  sur  Tours,  les  cadres  du  1®'  ban  seront  ainsi 
constitués  : 


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-  490  ~ 

i"  Compagnie 

Capitaine  Dixxeup,  de  Chemillé. 
Lieutenant  Chevalier,  de  Chemillé. 
Sous-Lieutenant  Viau,  de  Saint-Lezln. 
Sergent-Major  Chalet,  de  Chemillé. 
Sergents  :  Coulbaut,  de  Chemillé  ;  Guais,  de  Chetoillé  ; 
Blanvillaïn,  de  Chemillé  ;  Charruau,  de  Saint-Lezin. 

2«  Compagnie 

Capitaine  Alfred  Pineau,  des  Gardes. 

Lieutenant  Jules  Pineau,  des  Gardes. 

Sous-Lieutenant  Germain  Cagneux,  de  Melay. 

Sergent-Major  Edouard  Neveu,  aujourd'hui  instituteur 
au  May. 

Sergents  :  Grosbois,  de  La  Tour-Landry;  Charrier,  de 
La  Tour-Landry,  aujourd'hui  maire  des  Gardes  ;  Germain 
Tessé,  de  La  Tour-Landry  ;  Carreau,  de  La  Tour-Landry  ; 
Jean  Baumard,  de  Melay. 

3*  Compagnie 

Capitaine  Jean  Brault,  de  Montilliers. 

Lieutenant  Jérémie  Janeteau,  de  Coron. 

Sous-Lieutenant  Jean  Blanchard,  de  Coron. 

Sergent -Major  Pascal  Jouin,  de  Montilliers,  mort  en 
décembre  1898  adjoint  de  cette  commune. 

Sergents  :  Gazeau,  de  La  Salle,  adjoint  aujourd'hui  de 
cette  commune;  Blouin,  de  La  Salle;  Charbonnier,  de 
Coron. 

4®  Compagnie 

Capitaine  Charles  Chaboisseao,  de  Vlhiers. 
Lieutenant  Eugène  Piau,  de  Vihiers. 
Sous-Lieutenant  Louis  Clémot,  de  Vihiers. 
Sergent-Major  Gelusseau,  de  Vihiers. 


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—  191  — 

Sergents  :  Gabory,  de  Vihiers;  Besson,  de  Vihiers; 
Baptiste  Dénécheau,  de  Vihiers;  Duc,  de  Vihiers;  Henri 
Grangereau,  de  Saint-Hilaire-du-Bois. 

La  3®  Légion,  forte  de  3.493  hotntnes  et  commandée  par  le 
lieutenant-colonel  Bonneville,  ancien  capitaine  au  4®  Lan- 
ciers, comprenait  les  trois  bataillons  d'Angers,  comman- 
dant Petit,  ancien  capitaine  de  cavalerie,  du  Lion-d'Angers, 
commandant  Moreau,  ancien  ca{)o^al  d'infanterie,  et  de 
Segré,  Commandant  Fermet,  ancien  capitaine  d'InfanteHe. 
Cette  Légion  fut,  dès  Tappel  du  1"  ban,  casernée  à  Fonte- 
vrault.  Nous  la  retrouverons  à  Tours  et  à  Monnaie^  où  elle 
fut  brillamment  conduite  au  feu  par  le  lieutenant-colonel 
Bonûeville. 

Trois  batteries  d'artillerie  seulement  sur  ciùq  furent 
complètement  formées,  lors  de  Tappel  du  1""  ban.  Elles 
étaient  commandées  par  les  capitaines  Liger,  Girard  et 
Mongendre.  La  compagnie  du  génie  le  fut  par  le  capitaine 
Joyau,  et  la  compagnie  du  train  auxiliaire  par  le  capitaine 
Gâignard. 


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—  192  — 


CHAPITRE  II 
De  Saumur  à  Tours 

Ce  fut  le  2  novembre  1870  que  les  Mobilisés  du  premier 
ban  du  4""  Bataillon  de  la  2^^  Légion  furent  appelés  à  Saumur, 
avec  les  cadres  des  deux  bans,  pour  y  faire  une  période 
d*exercices  préparatoires.  Il  fallut  tout  d'abord  habiller  et 
armer  ces  soldats  improvisés,  puis  les  loger.  On  avait 
évalué  à  60  fr.  le  prix  de  Téquipement  complet  des  Mobili- 
sés ;  ce  prix  fut  un  peu  dépassé  et  s'éleva  à  71  fr.  45,  d'après 
un  état  administratif.  Encore  avait-il  été  décidé  que  les 
chemises  et  les  gilets  de  laine  ne  seraient  fournis  qu'aux 
individus  nécessiteux. 

M.  AIlain-Targé  avait  été  remplacé  à  la  Préfecture  de 
Maine-et-Loire  par  M.  Engelhard  ;  ce  dernier,  dans  un  rap- 
port adressé  au  Ministre  de  l'Intérieur,  le  5  décembre,  sur 
l'organisation  de  la  garde  nationale  mobilisée,  se  flatta 
d'avoir  réussi  à  équiper  les  Mobilisés  avec  solidité  et  éco- 
nomie. Malheureusement  le  sol  détrempé  du  champ  de 
bataille  de  Monnaie,  dans  lequel  nombre  de  souliers  laisse- 
ront leurs  semelles,  donnera  un  cruel  démenti  à  ces  illu- 
sions, entretenues  sans  doute  par  la  vivacité  restée  légen- 
daire des  opinions  révolutionnaires  du  Préfet  Engelhard. 

Pour  armer  les  six  mille  mobilisés  du  1®'  ban,  M.  En- 
gelhard ne  possédait  que  mille  chassepots,  achetés  par  le 
département  en  Angleterre,  et  qui  furent  distribués  aux 
hommes  du  2*  Bataillon  de  la  V^  Légion,  Commandant 
Bounhoure.  Les  autres  Bataillons,  et  notre  4®  Bataillon  de 
Chemillé  notamment,  durent  se  contenter  de  fusils  à  pis- 
ton, d'un  modèle  connu  sous  le  nom  de  fusils  Springfield. 


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—  193  — 

La  2^  Légion,  appelée  à  Saumur  le  2  novembre,  compre- 
nait plus  de  deux  mille  hommes.  On  les  logea  dans  de  vastes 
caves  creusées  dans  le  tufieau,  dans  les  locaux  de  TÉcole 
mutuelle,  dans  les  greniers  de  TÉcole  de  cavallerie,  enfin 
dans  les  écuries  de  M.  Hublot.  C'est  là  que  furent  installés 
les  hommes  du  4«  Bataillon,  couchés  sur  la  paille  et  roulés 
dans  leurs  couvertures. 

La  période  d'exercices  commença,  et  les  officiers  prirent 
le  contact  avec  leurs  soldats.  Ce  contact  produisit  les 
meilleurs  et  les  plus  efficaces  résultats  la  plupart  du  temps. 
C'est  là  que  les  pauvres  Mobilisés,  à  peine  arrivés  de  leurs 
foyers,  la  plupart  sortis  pour  la  première  fois  de  leurs 
fermes  et  de  lejurs  villages,  tous  inexpérimentés  et  troublés 
par  la  grandeur  du  sacrifice  qu'on  leur  demandait  et  par 
un  changement  de  vie  aussi  radical,  apprirent  à  connaître 
leurs  chefs.  Ceux-ci  se  prodiguèrent  pour  former  leur  édu- 
cation militaire,  en  même  temps  que  pour  leur  assurer, 
avec  le  réconfort  moral,  les  soins  matériels,  dont  ils  avaient 
bien  besoin. 

De  ce  contact  journalier,  de  cette  vie  de  garnison  si 
nouvelle  pour  eux,  va  naître  la  confiance,  cette  confiance 
que  le  caractère  des  Vendéens,  dont  se  composaient  presque 
exclusivement  le  4*  Bataillon  et  la  2^^  Légi.on  tout  entière, 
leur  fait  accorder  assez  difficilement,  mais  qui  ne  se 
dément  plus,  une  fois  qu'elle  a  été  accordée,  cette  confiance 
qui  va  permettre,  dans  cinq  semaines,  à  des  officiers  im- 
provisés, de  conduire  au  feu  et  de  maintenir  courageuse- 
ment devant  un  ennemi  organisé  des  paysans  et  des 
ouvriers  qui  ne  sont  pas  soldats. 

Dans  le  cadre  des  officiers  du  4*  Bataillon  deux  seule- 
ment, outre  le  commandant,  avaient  été  militaires,  le 
capitaine  Brault,  ancien  maréchal  des  logis  d'artillerie,  et 
le  capitaine  Chaboisseau,  autrefois  simple  artilleur;  mais 
tous  étaient  du  pays,  connus,  aimés  et  estimés  de  leurs 
hommes  :  puis  à  la  tète  du  Bataillon  a 'été  élu  un  comman- 


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1 


-  194  — 

dant  exception nel,  dont  la  bravoure  copinriunicative,  unie 
au  respect  et  à  la  sympathie  que  ne  peuvent  lui  refuser 
même  ses  adversaires,  va  s'imposer  à  ses  officiers  et  à  ses 
soldats.  Ancien  officier  de  Tarmée  d'Afrique,  où  il  s'est 
brillamment  conduit  dans  des  combats  très  meurtriers,  le 
comte  Armand  de  Maillé,  à  Tâge  de  cinquante-quatre  ans, 
n'a  pas  hésité  à  reprendre  du  service  et  à  ofl'rir  à  la  patrie 
envahie  et  déchirée  le  sacrifice  d'une  existence  embellie 
cependant  par  les  avantages  de  la  fortune,  d'un  graad 
nom,  d^une  intelligence  d^élite  et  d'une  famille  aimée. 

Il  est  des  hommes  qui  ne  sont  pas  siipplemept  braves 
pour  eux-mêmes,  mais  dont  le  courage  entraînant  ^e  com- 
munique autour  d'eux;  on  les  suit  n'importe  où  ils  vous 
conduisent,  il  semble  qu'auprès  d'eux  le  danger  soit  moins 
à  craindre.  Le  compnandant  de  Maillé  était  deceshommps- 
là.  Ses  gars  de  Ghemillé  et  de  Vihiers,  comme  il  aimait 
à  les  appeler  familiôrenr^ent,  le  lui  diront  dans  un^ 
réponse  héroïque,  le  soir  de  Monnaie,  au  plus  fort  du  dan- 
ger, dans  un  de  ces  moments  critiques,  où,  tout  aussi  près 
de  la  mort  que  de  la  vie,  on  ne  s'attarde  pas  à  faire  des 
phrases,  mais  où  tous  les  mots  sortent  du  cœur. 

Mais  si  les  chef^  connus  et  aimés  avaient  pria  sur  leurs 
hommes  un  ascendant,  qui  parvenait  à  les  soumettre  è  une 
discipline  bien  nouvelle  pour  eux  et  très  éloignée  du  carac- 
tère indépendant  de  notre  contrée,  ce  ne  fut  pas  sans 
quelques  difficultés  dans  leurs  rapports  avec  les  gradés, 
quMls  ne  connaissaient  pas.  Plusieurs  fois  les  capitaines 
durent  s'interposer  pour  éviter  des  révoltes,  même  des 
actes  de  violence,  et  un  jour,  entre  autres,  à  Saumur,  les 
têtes  étaient  tellement  échauflFées  et  si  bien  montées,  que, 
pour  éviter  une  grosse  révolte,  le  comte  de  Maillé,  grimpé 
sur  une  borne  de  la  place  de  la  Bilange,  dut  faire  un  véri- 
table discours  à  se^  Mobilisés,  qui  cédèrent  enfin  aux  solli- 
citations de  leur  commandant.  L'objet  du  grief  des  Mobili- 
sés était  je  ne   sais  quelle  mesure  prise  par  un  gros 


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-  195  - 

persûiîopge,  quoq,  parlait  tout  bonnement  de  jet0r  à  la 
Loire,  et  ce  gros  personnage  était  le  niajre  de  Saumur, 

—  Dès  le  27  novembre,  le  2*  Bataillon  de  I^  1"*  Légion, 
Bataillon  de  Baugé,  oonfimandant  Bounboure,  avait  été  mis 
à  la  disposition  du  Ministre  de  la  guerre,  et  dirigé  sur  Le 
Mans.  Le  3  décembre,  le  Bataillon  de  Saumur,  1®''  de  la 
même  Légion,  était  parti  à  son  tour,  sous  la  conduite  du 
lieutenant-colonel  Vétault  et  du  commandant  Fermé. 

Pendant  que  la  8^  Légion,  h  Saumur,  et  la  3%  à  Fontnr 
vrault,  complétaient  leur  organisation  mililairo,  les  événe- 
ments se  précipitaient  da  plus  en  plus  alarmants  sur  la 
tbélitpe  de  la  guerre.  Le  9  novembre,  la  victoire  de  Coulr 
miers,  suivie  de  Tévacuation  d'Orléaqs  par  las  armées 
allemandes^  n'avait  pas  donné  les  résultats  espérés  ;  la 
glo^i^U8e  défaite  de  Patay,  le  2  décembre,  qui  nous  avait 
coûté  le  meilleur  ,du  sang  français,  puirf  l'évacuation  d'Or-r 
léans  par  les  troupes  françaises  le  5  déoafnfere,  devant  d^» 
forces  supérieures  gros^je^  par  une  partie  de  Tarmée  de 
Metz,  avaient  été  le  préluda  d'une  série  nouvelle  de  défaites^ 
Pendant  que  le  général  Bourbaki  recevait  Tprdre  da  diriger 
vers  TEst  Tarmée  de  la  rjve  gauche  do  la  Loire,  le  généra} 
Cbanzy,  à  la  téta  do  l'armée  de  la  rive  droite,  ^p*  et 
17®  corps,  après  les  journées  des  7  et  10  décembre,  à  Beaq- 
gency  et  à  Josnes,  avait  dû  commencpr  son  mouv^^ent 
de  retraite  vers  Vendôme  et  La  Mans. 

La  délégation  du  gouvernemant  de  la  Défensa  nationale, 
installée  à  Tours  depuis  rinveslissen<ant  de  Paris,  démen- 
tait f  hardimmt  >»  il  est  vrai,  tous  le^  bruits  dp  défaita. 
Mais  néanmoins,  par  un  décret  dn  8  décembro,  alip  croyait 
devoir  tranaférep  la  ajége  du  gouvernement  de  Tours  à 
Bordeaux;  et  sas  trois  rnembres  quittaient  précipitamment 
la  ville  de  Tours,  Grémieux  pour  gagner  diractament  Bor- 
deaux le  9  décembre,  Glais-Pigoin  poqr  la  rejoindre,  après 
avoir  été  passer  quelques  jours  au  camp  de  Gonlie;  Ot 
enfin  le  ministre  de  la  guerre  Gambetta,  Ip  11  décembre 


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^ 


—  196  -^ 

au  matin ,  après  avoir  pris  la  précaution  de  protéger  sa 
retraite  par  l'envoi  d'un  bataillon  d'infanterie  et  d'un  esca- 
dron de  cavalerie  à  la  gare  de  Saint-Pierre-des-Corps, 
gagnait  Bourges  par  la  ligne  de  Poitiers,  la  ligne  de  Vierzon 
étant  interceptée  par  un  poste  de  cavalerie  prussienne. 

Le  général  Sol,  qui  commandait  à  Tours,  fut  destitué  le 
14  décembre  par  un  décret  de  Gambetta,  et  remplacé  par 
Je  général  de  division  comte  Ferri-Pisani  Jourdan.  G*est 
alors  que,  le  17  décembre,  furent  appelées  à  Tours  les  2*  et 
3*  Légions  de  Mobilisés  de  Maine-et-Loire.  On  les  dirigeait 
à  cet  instant  même  sur  Le  Mans,  si  bien  qu'on  dut  faire 
rétrograder  le  train  qui  les  emmenait  sur  la  ligne  d'Angers. 
Ces  deux  légions  furent  logées  à  Tours  dans  les  casernes. 

Le  18,  le  général  Pisani  passa  en  revue  les  troupes  ras- 
semblées à  Tours.  Ces  troupes  formaient  deux  brigades 
d'infanterie  :  la  première,  commandée  par  le  colonel  Cléret- 
Langavant,  commandant  supérieur  des  Mobilisés  de  Maine- 
et-Loire,  comprenait,  outre  la  2*  Légion  de  Maine-et-Loire, 
lieutenant- colonel  Tessié  de  la  Motte,  forte  de  2.261 
hommes,  et  la  3*  Légion  du  même  département,  lieutenant- 
colonel  Bonneville,  forte  de  1.648  hommes,  un  bataillon 
des  mobiles  de  la  Gironde,  une  compagnie  du  H*'  régi- 
ment d'infanterie  de  ligne,  une  section  d'artillerie  de  mon- 
tagne, pièces  de  4,  et  deux  escadrons  du  l*'  chasseurs 
d'Afrique,  en  tout  4.900  hommes  environ. 

La  2*  Brigade,  aux  ordres  du  général  Huyot,  comprenait 
un  Bataillon  des  Mobiles  de  Maine-et-Loire,  commandant 
de  la  Vingtrie,  des  mobilisés  de  Seine-et-Marne,  des  soldats 
du  4""  Régiment  de  zouaves,  une  batterie  d'artillerie  de  pièces 
de  4  et  une  de  pièces  de  l25,  avec  un  escadron  du  8'  hus- 
sards. L'effectif  de  cette  deuxième  brigade  était  un  peu 
moindre  que  celui  delà  première.  Le  commandant  Mugnier 
remplissait  les  fonctions  de  chef  d'état-major,  et  le  colonel 
Lacombe  commandait  la  cavalerie. 

Prévenu  dans  la  nuit  du  18  au  19  qu'une  colonne  prus- 


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r 


—  197  — 

sienne  s'avançait  vers  Tours  parChâteaurenault,  le  général 
Pisani  donne  Tordre  à  sa  première  brigade  d'aller  occuper 
les  baraquements  construits  entre  Ghampaigné  et  Nolre- 
Dame-d'Oé.  Ces  troupes  commencèrent  à  quitter  Tours 
le  19,  vers  onze  heures  du  matin.  Le  4"*  Bataillon  de  la 
2^  Légion,  parti  un  peu  plus  tard,  arriva  seulement  vers 
quatre  heures  du  soir  au  camp  de  Notre-Dame-d'Oé,  après 
avoir  franchi  les  sept  kilomètres  qui  séparent  ce  camp  de 
la  ville  de  Tours. 

Lorsque  ces  troupes,  quittant  Tours,  défilèrent  dans  la 
rue  Royale,  la  tournure  martiale  et  Tentrain  des  Mobilisés 
de  Maine-et-Loire  furent  remarqués,  mais  contrastèrent 
avec  Taspect  moins  satisfaisant  des  mobiles  de  la  Gironde. 


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-  198 


CHAPITRE  m 

La  Qamp  de  irotre-Daine  d'Oé 

Au  Camp  de  Notre-Dame  d'Oé,  des  chasseurs  d'Afrique, 
envoyés  en  éclaireurs,  vinrent  dans  la  soirée  sigpaler  la 
présence  à  Monnaie  de  soldats  ennemis.  C'étaient  les  éclai- 
reurs  du  X*  Corps  de  l'armée  allemande,  qui,  commandé 
par  le  général  de  Voigts-Rhete  et  fort  de  vingt  à  vingt-cinq 
mille  hommes,  marchait  sur  la  ville  de  Tours,  profitant  du 
mouvement  du  général  Chanzy,  obligé,  le  16  décembre, 
d'évacuer  Vendôme,  pour  opérer  sa  retraite  sur  le  Mans  : 
ce  mouvement  avait  entièrement  découvert  la  ville  de 
Tours.. 

Dès  le  18,  quinze  uhlans  se  montrèrent  à  Châteaurenault, 
annonçant  pour  le  lendemain  l'arrivée  de  trois-mille  sol- 
dais, avec  ordre  de  préparer  les  logements.  Ce  ne  furent 
pas  trois  mille  qui  se  présentèrent  le  19  à  Châteaurenault, 
mais  les  vingt  et  quelques  mille  hommes  du  X*  Corps,  avec 
quarante  ou  cinquante  pièces  d'artillerie.  Ils  s'y  établirent 
pour  la  nuit,  écrasant  par  leurs  réquisitions,  et  au  besoin 
par  le  pillage,  cette  petite  ville  de  quatre  mille  habitants. 
Trois  mille  hommes  furent  détachés,  pour  se  porter  en 
avant  sur  Villedomer.  C'étaient  des  éclaireurs  de  cette 
colonne  qui  avaient  été  rencontrés  ce  même  jour,  19,  par 
les  chasseurs  d'Afrique  du  général  Pisani. 

Entre  Villedomer  et  Monnaie,  sur  la  grande  route  de 
Châteaurenault  à  Tours,  existait  une  position  stratégique 
de  la  plus  grande  importance,  au  lieu  appelé  la  Grande- 
Vallée.  La  route,  à  partir  de  Châteaurenault,  après  avoir 
abandonné  la  vallée  de  la  Brenne,  escalade  le  plateau  de 


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-  190  - 

Villedomer,  à  144  mètres  d'altitude,  puis,  après  avoir 
franchi  la  Grande-Vallée,  s'abaisse  à  92  naètres  pour 
remonter  sur  un  autre  plateau  à  138  mètres  !  A  partir 
de  ce  point  elle  descend  eit  pente  doqoe  par  Monnaie  et 
Meslay,  jusqu'aux  portes  de  Tours,  à  la  Tranchée,  où  elle 
n'est  plus  qu'à  97  mètres  d'altitude. 

La  Grande-Vallée  était  le  point  stratégique  qu'il  était 
importantd'occuper,  en  raison  de  cette  profonde  dépression, 
d'autant  plus  qu'on  y  avait  eipeumulé  toutas  sortes  de 
moyens  de  défense,  redoutas,  abêtis  d'arbres  &\  tr^nphées. 
Ce  furent  malheureusement  le^  troi^pes  pr^ssi^np^8  qui 
y  arrivèrent  les  premières,  occupant  la  Grande-Yîlllée  dès 
le  19,  en  même  temps  que  trois  mjlle  homm^^J  détachés 
du  gros,  étaient  dirigés  sup'TpMrs  pap  Tsu^re  poute  d'Ou- 
zouër,  Reugny  pt  Vernou,  prêts  h  appuyer  aq  b^soir^  les 
troupes  qui  opéraient  sur  la  route  p0rallèl3  de  MonnaJ3. 

Le  général  Pisani  ignorait  tout  celp,  Iprsque  cp  mêipp 
jour,  J9  décembre,  il  dirigeait  ses  troupps  sur  Notre-Dame 
d'Oé,  dans  la  pppsée  d'occuper  l^i  Qrancje-Vallpe,  C'est  le 
lendpmain  matin  seulement  qu'il  apprjt  l'occupation  de 
Monnaie  par  les  troupes  prussiennes. 

Ces  troupes  qui  allaient  engager  le  combat  avec  nos 
Jtfobilisés  étaient,  au  dire  du  rapport  officiel  de  l'Élat- 
major  allemand,  une  partie  de  la  19^  Division  d'infanterie, 
aousle  commandement  du  lieutenaqt-gépéraj  de  Schwarz- 
koppen,  p'est-à-dirp  jp  Régimpnt  d'iniîpmterie  de  la  Frise 
orieHtale  n^  78,  polpnel  baron  de  Lypcker,  de  ]a  37«*  Bri^ 
gade,  le  3^  pégjment  dp  ^yestphalie  n""  16,  colonel  fie 
Brixen,  unp  partie  du  8"  Régiment  de  Westphalje,  colonel 
de  Cranach,  un  Bataillon  d^  I3  W  Pngade  ;  toutes  ces 
troupes  appuyées  par  les  deux  premiers  Escadrons  du 
l*""  Régiment  de  dragons  du  Hanovre  n**  9,  lieutenant- 
colonel  pomle  de  Rardenberg,  par  deux  Escadrons  (le  l*' 
et  le  4®)  du  2*  Dragons  de  Hanovre  n°  16,  par  le  Régiment 
de  Poméranie  des  cuirassiers  de  la  peiue,  n°  2,  colonel  de 


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1 


—  200  -- 


Pfuhl  et  par  le  Régiment  de  uhlans  de  Poméranie  n®  9, 
lieutenant-colonel  de  Kleist,  ces  deux  derniers  Régiments 
de  la  4"  Brigade  de  cavalerie,  aux  ordres  du  général  major 
de  LUderitz,  et  enfin  par  vingt-cinq  pièces  de  canons  à 
longue  portée.  --'^ 

Ces  troupes  présentaient  un  effectif  d'environ  dix  mille 
hommes,  sous  le  commandement  du  général  de  Voigts- 
Rhetz,  qui  avait  pour  chef  d'État-major  le  lieutenant- 
colonel  de  Caprivi,  devenu  en  1890  chancelier  de  l'Empire 
allemand,  après  la  retraite  du  prince  de  Bismarck,  et  mort 
en  février  1898.  —  Le  colonel  baron  de  Becke  commandait 
Tartillerie. 

Ici  une  courte  description  topographique  est  nécessaire 
pour  l'intelligence  de  ce  qui  va  suivre. 

Le  village  de  Notre-Dame  d'Oé,  de  moins  de  cinq  cents 
habitants,  près  duquel  le  camp  était  établi,  est  assis  à  deux 
kilomètres  à  gauche  de  la  route  de  Tours  à  Monnaie.  Une 
petite  route  conduit  d'Oé  à  la  grande  route,  qu'elle  rejoint 

4 

à  la  hauteur  du  bourg  de  Parçay.  La  grande  route,  après 
avoir  atteint  à  partir  de  ce  point  le  château  de  Meslay,  à 
106  mètres  d'altitude,  monte  pendant  un  kilomètre  et 
demi  jusqu'à  123  mètres.  Au  château  de  Meslay  se  détache 
à  gauche  un  chemin,  qui  conduit  au  château  de  la  Vallée, 
et,  de  là,  laissant  à  droite  le  village  de  la  Gaubretelle, 
passe  entre  la  ferme  des  Petites  Ruries,  les  Tardines  et  le 
château  des  Belles-Ru  ries,  pour  s'embrancher  sur  la  route 
dé  l'Angennerie  à  Monnaie;  cette  dernière  route,  pour 
gagner  le  bourg  de  Monnaie,  traverse  la  partie  Nord  des 
bois  des  Belles-Ruries.  Toute  cette  partie  à  gauche  de  la 
grande  route  est  coupée  de  petits  bois  et  traversée  par  la 
ligne  du  chemin  de  fer  de  Tours  à  Vendôme,  qui,  après 
avoir  touché  le  hameau  de  la  Gaubretelle,  passe  la  grande 
route  à  l'extrémité  Sud  des  bois  des  Belles-Ruries.  Le 
village  de  la  Gaubretelle  occupe  le  fond  d'une  petite  vallée 
(112  mètres  d'altitude),  ainsi  que  le  château  de  la  Vallée. 


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-  201  - 

Des  bords  du  petit  ruisseau  qui  relie  la  Gaubretelle  au 
château  de  la  Vallée,  le  terrain  couvert  de  vignes  remonte 
à  122  mètres  jusqu'à  la  crête  d'un  plateau  occupé  par  la 
ferme  des  Petites-Ruries.  Ce  plateau  est  borné  à  TEst  par 
le  bois  des  Belles-Ruries,  qui  s'étend  du  château  à  la  ligne 
du  chemin  de  fer  sur  une  longueur  d'un  kilomètre  et  demi. 

Un  chemin  creux,  le  long  duquel  sont  semées  les  mai- 
sons de  la  Gaubretelle,  conduit  de  ce  village  aux  Petites- 
Ruries,  où  il  rejoint,  au  point  culminant  du  plateau,  la 
petite  route  de  la  Vallée  aux  Belles-Rtfries.Tout  ce  plateau, 
planté  d'arbres  fruitiers,  est  coupé  par  des  vignes  et  par 
quelques  cultures.  A  ses  deux  extrémités  la  dépression  du 
terrain  a  permis  d'y  établir  des  prairies,  à  gauche  entre 
Tardines  et  le  chftteau  des  Belles-Ruries,  à  droite  entre  la 
Gaubretelle,  le  grand  bois  et  un  étang,  près  de  la  ligne  du 
chemin  de  fer.  Autour  du  village  de  la  Gaubretelle  et  de  la 
Vallée  le  chemin  creux,  des  arbres  nombreux,  les  haies 
des  jardins  forment  autant  de  couverts  propices  à  abriter 
des  tirailleurs.  Voilà  pour  la  partie  de  gauche. 

La  partie  à  droite  de  la  grande  route  de  Monnaie  est 
plus  élevée  et  plus  découverte.  A  partir  du  point  123,  la 
grande  route  se  poursuit  à  peu  près  au  même  niveau  jus- 
qu'à Monnaie,  pendant  quatre  kilomètres.  Son  point  cul- 
minant est  à  la  Coulonnière  (124  mètres),  mais  le  terrain 
dans  les  champs  s'élève  sur  ïa  droite  jusqu'à  127  mètres, 
vers  la  Barre-du-Fresne  et  la  Brunellerie,  fermes  situées 
le  long  de  la  route  de  Vouvray  à  Monnaie,  ainsi  que  la 
Gaucherie  et  enfin  la  Feuillée,  cette  dernière  plus  rappro- 
chée du  bourg  de  Monnaie. 

A  partir  du  chemin  de  fer  la  grande  route  de  Tours  à 
Monnaie,  après  avoir  longé  les  bois  des  Belles-Ruries, 
passe  à  la  ferme  du  Boulay,  sur  le  bord  même  du  bois. 

C'est  sur  ce  terrain  que  s'engagera  le  combat  du 
20  décembre. 

Des  chasseurjs  d'Afrique,  avons-nous  dit  précédemment, 
étaient  venus  dans  la  soirée  du  19  donner  avis  au  camp  de 


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-  m  - 

Notre-Daine-d'Oé  que  des  éclaireurs  du  X'  Corps  prussien 
avaient  paru  â  Monnaie.  G*élait  la  bataille  à  peu  près  assu- 
rée pour  le  lendemain  et^  dès  lors,  le  colonel  Gléret-Lan- 
gavant  et  les  officiers  supérieurs  des  2*"  et  3*  Légions  de 
Maine-et-Loire  durent  prendre  leurs  dispositions  de  combat. 

Les  forces  des  deux  adversaires  étaient  bien  inégales  : 
si  les  renseignements  très  incomplets  recueillis  par  nos 
officiers  ne  leur  permettaient  pas  d'apprécier  les  forces 
supérieures  en  hommes  et  en  artillerie  qu'ils  allaient  ren- 
contrer sur  leur  route,  ils  savaient  du  moins  qu'aux  troupes 
allemandes  organisées,  bien  encadrées^  aguerries  et  tou- 
jours soutenues  par  des  réserves  amenées  en  temps  voulu, 
confiantes  enfin  dans  la  victoire  qui  ne  les  avait  guère  aban- 
données depuis  le  commencement  de  la  campagne,  ils 
n'avaient  à  opposer  que  de  pauvres  jeunes  gens,  soldats 
depuis  cinq  semaines,  n'ayant  jamais  vu  le  feu,  conduits 
par  des  officiers  aussi  novices  qu'eux-mêmes,  armés  de 
fusils  à  baguettesi  sans  artillerie  sérieuse  pour  les  proté- 
ger, et  découragés  d'avance  par  une  série  de  défaites  sans 
précédents. 

Puis  les  bruits  de  trahison  imprudemment  répandus 
jusque  par  les  membres  du  Gouvernement  et  par  le 
Ministre  de  la  Guerre  faisaient  tenir  en  suspicion  par  leurs 
soldats  tous  ceux  qui  avaient  à  exercer  un  commandement* 
Il  fallait  à  Ces  derniers  une  force  morale  toute  particulière 
pour  prendre  sur  leurs  soldats  l'ascendant  dont  ils  avaient 
besoin  dans  une  pareille  situation. 

Cette  force  morale  et  cet  ascendant  ne  manquaient  pas 
du  moins,  nous  avons  déjà  dit  pourquoi^  aux  officiers  supé-^ 
rieurs  des  Légions  de  Maine-et-Loire,  aux  Gléret-Langa- 
vant,  aux  Tessié  de  la  Motte,  aux  Bonneville^  aux  Maillé, 
aux  Blavier,  aux  La  Frégedlière;  leurs  paroles  d'encoura- 
gement, dites  pour  remonter  les  courages,  furent  écoutées 
religieusement. 

La  2«  Légion  se  composait  à  peu  près  entièrement  de 
Vendéens  :  or,  le  Vendéen,  s'il  est  long  à  accorder  sa  cofi- 


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—  203  — 

fiance,  est  du  moins  fidèle  à  la  conserver,  une  fois  qu*il  Ta 
donnée.  S'il  est  indépendant  quelquefois  jusqu'à  la  révolte, 
il  est  brave  et  n'abandonne  ni  le  chef  qui  lui  montre 
l'exemple  du  sacrifice,  ni  le  camarade  qui  a  besoin  de  son 
aide.  Son  patriotisme  intelligent  a  compris  facilement  que 
son  foyer  menacé  par  Tinvasion,  ce  foyer  auquel  il  est  resté 
de  tout  temps  si  attaché,  devait  être  défendu,  fût-ce  au 
prix  de  son  sang.  Voilà  pourquoi  nos  Mobilisés  écoutent 
volontiers  les  chefs  qui  leur  demandent  pour  la  patrie  le 
sacrifice  de  leur  vie. 

Enfin  le  Vendéen  a  la  foi,  la  foi  qui  donne  l'espérance 
d*une  vie  meilleure  à  celui  qui  va  mourir,  la  foi  qui  assure 
au  petit  soldat  tombé  obscurément  sur  le  champ  de  bataille 
que  son  sacrifice,  généreusement  offert  pour  une  sainte 
cause,  peut  être  récompensé  autrement  que  par  une  vaine 
gloire  humaine.  Dès  que  la  nouvelle  du  prochain  combat 
fut  répandue  dans  le  camp,  chacun  voulut,  en  prévision  du 
grand  branlebas,  mettre  sa  conscience  en  ordre.  L'aumô- 
nier passa  la  nuit  à  peu  près  toute  entière  à  confesser  les 
Mobilisés.  Le  confessionnal  était  peu  confortable^  au  coin 
d'un  champ)  les  pieds  deiis  la  boue;  mais  à  la  guerre 
comme  à  la  guerre,  Tessentiel  était  que  tout  le  monde  fût 
prêt,  et  on  le  fut. 

On  dormit  peu,  du  reste,  cette  nuit-là^  au  camp  de 
Notre-Dame-d'Oé.  Les  officiers  surtout,  préoccupés  de  la  re§- 
ponsâbillté  qui  allait  leur  incomber,  demeurèrent  éveillés, 
tout  bottés,  sabre  et  revolver  au  côté,  toujours  sur  le  qui 
vive.  Pour  passer  le  temps,  et  en  même  temps  assurer  les 
vivres,  certaines  compagnies  s'étaient  procuré  des  mou- 
tons, assez  nombreux  dans  ces  parages^  et  les  faisaient 
cuire  à  des  feux  de  fagots,  parfois  même  d'échalas  arra- 
chés auï  vignes. 

La  nuit  pouftaût  se  passa  sans  ordre  de  marcher  en 
avant. 

R.    DE   FOUGEROLLE. 

(A  suivre, J 


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n 


HENRI   BERNIER 


CHANOINE  D'ANGERS 

fsuitej 


CHAPITRE  V 


La  fondation  d'une  Maison  pour  les  X^nfants  trouvés 
(i833-i835) 

L'une  des  œuvres  les  plus  utiles  organisées  par  M.  Der- 
nier, sur  sa  paroisse,  fut  celle  des  Dames  de  Charité. 
Toutes  de  familles  riches  ou  aisées,  ces  pieuses  personnes 
avaient  pour  charge  d'assister  les  pauvres  de  leur  quartier, 
ou,  du  moins,  de  les  signaler  au  curé.  Leurs  visites, 
pleines  de  sollicitude,  découvrirent  de  grandes  misères. 
L'une  des  plus  affligeantes  était  la  situation  des  enfants  de 
rhospice.  On  les  confiait  à  des  femmes  pauvres  qui  ne  s*en 
chargeaient  que  dans  un  but  d'intérêt.  Une  nourrice  rece- 
vait six  ou  huit  franps  par  mois.  Une  fois  la  rétribution 
payée,  chaque  trimestre,  Tadministration  ne  s'occupait 
plus  de  rien.  Pourtant,  elle  exigeait  bien  peu  de  garanties 
de  ces  mercenaires,  quand  elles  se  présentaient  pour  rece- 
voir les  enfants.  Un  certiflcat  de  bonnes  vie  et  mœurs, 
pièce  qu'un  maire  refuse  seulement  aux  personnes  de 
mauvaise  conduite  notoire,  était  le  seul  témoignage 
demandé.  Les  pupilles,  s'ils  demeuraient  en  ville,  s*em- 
ployaient  le  plus  souvent  à  mendier.  Vers  la  fin  de  1833, 
sur  la  seule  paroisse  de  Saint-Pierre,  des  familles  nécessi- 
teuses, sans  honneur  et  sans  mœurs,  en  élevaient  de  la 


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—  205  — 

sorte  une  quinzaine.  A  ia  campagne,  les  fermiers  les  uti- 
lisaient le  plus  vite  possible  à  garder  leurs  troupeaux. 
Tous  ces  pauvres  abandonnés  ne  recevaient,  pas  plus  leà 
uns  que  les  autres,  ni  instruction,  ni  éducation.  Et  pour- 
tant on  aurait  pu  facilement  les  patronner,  dans  une  ville 
comme  Saumur,  et  en  faire  d'honnêtes  et  habiles  ouvriers. 
Frappées  de  ces  pensées,  les  Dames  de  Charité  réfléchirent 
sur  les  moyens  à  prendre  pour  atteindre  ce  but.  Elles 
commencèrent  par  solliciter  d'envoyer  assidûment  les 
enfants  à  la  classe  gratuite  des  Sœurs.  Efforts  inutiles.  Si 
petite  que  fût  la  recette  d'une  journée,  la  mendicité  et 
quelques  services  rendus  rapportaient  davantage  aux 
nourrices.  Alors,  M"^  Ghaloppin,  la  fille  d'un  notaire,  pensa 
à  fonder  une  œuvre  spéciale  :  t  On  fait,  en  France,  dit-elle, 
c  des  quêtes  et  des  associations  pour  arracher  de  petits 
€  étrangers  à  Tidolâtrie  ;  pourquoi  ne  pas  chercher  à 
€  sauver  ceux  qu'on  voit  se  perdre  près  de  soi  ?»  Et  la 
pieuse  demoiselle  fit  part  de  ses  idées  à  d'autres  per- 
sonnes. Un  projet  fut  formé;  il  parut  à  ses  propres  auteurs 
si  extraordinaire  qu'ils  n'osèrent  d'abord  en  parler  à 
M.  Bernier. 

Vers  la  fin  de  1832,  ils  se  risquèrent  toutefois,  et  glis- 
sèrent leurs  idées  dans  une  conversation,  en  feignant  la 
plaisanterie.  A  leur  grande  surprise,  le  curé  écouta  sérieu- 
sement et  déclara  qu'il  réfléchirait.  Trouvant  le  projet 
acceptable,  malgré  de  nombreuses  difficultés,  M.  Bernier, 
pour  le  mieux  étudier,  écrivit  les  objections  :  «  Qu'on  ne 
«  croie  pas,  en  lisant  ces  observations,  disait-il,  que  je 
<îf  désapprouve  le  projet  et  que  je  cherche  à  le  faire  aban- 
«  donner.  Je  cherche,  au  contraire,  à  m'en  faire  une  idée 
«  juste,  à  en  comprendre  toute  retendue,  afin  de  le  fonder 
«  solidement.  Je  n'incidenterai  point  sur  l'article  des  diffl- 
«  cultes  pécuniaires  ;  je  suis  convaincu  que,  si  Tœuvre  est 
«  entreprise  avec  un  courage  généreux  et  une  sainte  con- 
«  fiance  en  Dieu,  les  ressources  viendront.  Ce  que  je  crains 


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«  plutôt,  c'est  qu'on  manque  des  vertus  nécessaires  pour 
«  la  faire  prospérer,  mais  je  puis  assurer  que  je  n'ai 
«  jamais  rien  entrepris  avec  plus  de  confiance.  » 

Une  personne  de  la  paroisse  s'offrait  comme  gardienne 
des  enfants  :  c'était  Justine  Leguay,  âgée  d'environ  trente 
ans.  Après  avoir  suivi,  en  qualité  d'externe,  depuis  l'âge 
de  cinq  ans  jusqu'à  quinze,  les  cours  d'un  pensionnat  de 
la  ville,  elle  avait  aidé  ses  parents  dans  leur  maison  de 
commerce.  A  la  mort  de  sa  mère,  elle  persuada  son  père 
de  se  contenter  de  sa  modeste  fortune  et  de  quitter  les 
affaires,  «  craignant  qu'elles  nefussent  un  obstacle  à  leur 
salut  ».  —  Ils  fabriquaient  et  vendaient  des  cartes  à  jouer. 
—  Quelques  années  après,  la  connaissance  de  la  Congré- 
gation de  la  Retraite  d'Angers  aviva  des  désirs  de  vie 
religieuse  déjà  longuement  caressés.  Il  se  livra  un  long  et 
pénible  combat  entre  le  père  et  la  fille,  pour  la  doulou- 
reuse séparation  que,  pourtant,  ni  l'un  ni  l'autre  ne  vou- 
laient refuser  à  Dieu.  Le  confesseur  de  Justine  ne  voulut 
rien  trancher.  Elle  resta  près  de  son  père,  mais  décidée  à 
travailler  seulement  aux  œuvres  de  charité.  C'est  ^lors  que 
se  présenta  l'œuvre  des  enfants  abandonnés.  «  Cette  entre- 
«  prise,  pensa  d'abord  la  pieuse  fille,  va  me  rattacher  au 
«  monde  et  créer  peut-être  des  liens  difficiles  à  briser.  » 
Il  lui  semblait  s'engager  pour  la  vie.  Spn  inquiétude, 
devenue  extrême,  eut  besoin  d'être  calmée  par  son  direc- 
teur. 

Justine  Leguay  se  vit  bientôt  amener  par  M.  Bernierune 
compagne  ;  c'était  M"'  Epagneul,  âgée  de  vingt-deux  ans, 
orpheline  dès  son  enfance  et  restée  pensionnaire  libre  dans 
une  maison  d'éducation.  A  ces  deux  pieuses  filles,  dp  cha- 
ritables dames  assurèrent  leur  protection,  et  quelques 
amies  promirent  même  une  aide  personnelle.  Il  ne  restait 
plus  qu'à  chercher  une  maison  pour  s'établir.  Les  fonda- 
teurs de  Tœuvre  naissante  avaient  espéré  trouver  dans"  la 
congrégation  des  demoiselles  un  concours  officieux.  Ils 


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avaient  mêajp  pepsé  que  le  Ipc^l  où  sp  topaient  les  réu- 
nions ppprr^it  étrp  l'asile  des  enfant?,  fin  aUepdapt  les 
ressources  pécessaires  à  ]a  loeatipp  ou  à  Tachât  d'une 
maison  particqlière.  \  |£|  preipjère  ouvertqfe  que  fi|;  le 
curé  au  copseil  des  çqqgréganistQ^»  toutes  rejetèrent  avec 
n^éprjsf  sa  prpposition»  ep  criant  au  scandale.  Jeunes  pour 
la  plupart,  elles  pe  pouvaient  guère  coinprepdrp  le  dévoup- 
ment  d'encombrer  d'enfants  trouvés  leur  maison  ;  pt, 
pomnae  il  fallait  déjà  du  courage  pour  entrer  daps  l'asso- 
piation,  les  quolibets  ne  redoubleraiept-ils  pas  en  yoyapt 
ses  n^embres  s'pceuper  d'une  ouvre  si  bi:^arre?  M-  3ernier 
respecta  de  telles  susceptibilités  et  pe  cop^pta  plus  sur  un 
concours  gépéral  de  la  part  de  ces  d^Q^oiselIes.  Quoique 
K.  Lpgpay  eût  îfccepjé  déjà  le^  fonctipi)^  de  trésorier  de 
fabrique  et  de  secrétaire  de  la  CQpqn^is^jpp  des  écples,  sa 
fille  et  le  curé  p'osèrent  cependapt  pas  luj  demander  de 
prêter  sa  maison  à  Tœuyre.  Ils  louèreqt  qpp  phapbre  et 
résolurent  de  comippnper  sans  plus  attendre. 

M..pernier  alla  à  Thospice  faire  part  de  Tentreprisp.  ÇUe 
ne  parut  pas  mériter  confiance,  et  les  administrateurs  df^pi- 
dèrept  de  ne  confier  à  M"®  Leguay  que  de^  pquveau-nés, 
ce  qui  augmentait  beaucoup  les  difficulté^.  Qn  fit  alors  des 
négociations  près  des  nourrices  pour  obtenir,  pioyen- 
nant  indemnité,  leurs  enfants  d'up  an  ou  depx.  «  A  cet 
«  âge,  répondirept-elles,  le  nourrisson  est  élpyé  et  va 
m  bientôt  commencer  à  rapporter.  ?  TpuJes  les  pégopia- 
tions  furent  inutiles. 

Force  fut  donc  à  M"®  Leguay  de  reprendre  sos  pourpar- 
lers avep  rhôpital  et  d'en  accepter  Ips  condition?.  Le 
i^  d^PpDQbre  elle  se  déclara  prête  à  recevoir  quelques 
pupilles,  et  le  lendemain  M.  Bernier  offrit  le  saipt  sacrifice 
pour  implorer  la  bénédiction  de  Dieu. 

Pendant  trois  semaines,  les  pieuses  filles  attendirent  en 
vain,  soit  qu'il  ne  fût  pas  exposé  d'enfant,  soit  mauvais 
vouloir  de  l'hospice.  Enfin,  le  26,  le  curé  reçut  avis  de 


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1 


—  208  — 

faire  prendre  deux  petites  filles*.  La  coïncidence  de  leur 
réception  avec  le  temps  de  Noël  parlait  éloquemment  au 
cœur  de  celles  qui  s'étaient  constituées  leurs  mères.  Elles 
pensaient,  en  les  soignant,  à  Celui  qui  est  venu  chez  les 
siens  et  que  les  siens  n*ont  point  reçu,  et  il  leur  semblait 
que  le  divin  enfant  Jésus  voulait  bien  accepter,  comme 
rendus  à  lui-même,  les  soins  prodigués  à  ces  petites  créa^ 
tures. 

Ces  consolantes  pensées  s'évanouirent  bientôt  devant 
une  dure  réalité.  Après  quelques  jours  de  soins  assidus  et 
compétents  les  deux  petites  filles  moururent.  Le  11  jan- 
vier 1834,  les  pauvres  mères  adoptives  se  trouvèrent  sans 
enfants  et  fortement  tentées  de  s'en  tenir  à  cet  essai.  Huit 
jours  après,  deux  autres  enfants  furent  mises  à  leur  dis- 
position. Les  demoiselles  hésitèrent  à  les  accepter  et  con- 
sultèrent M.  Bernier.  c  En  entreprenant  Tœuvre,  leur 
dit-il,  vous  n'avez  pu  poser  à  la  divine  Providence  la 
condition  que  les  vides  faits  par  la  mort  ne  seraient  pas 
comblés  ».  Il  ranima  leur  courage  et  elles  reprirent  leur 
tâche. 

Les  deux  enfants  dépérirent  bientôt.  Le  public  s'émut; 
il  en  rendit  responsable  les  pauvres  nourrices.  On  les 
appelait  des  «  faiseuses  d'anges  »  ;  elles  avaient  établi  «  un 
couvent  de  poupons  à  envoyer  au  ciel  ».  En  vain  le  méde- 
cin défendit-il  énergiquementM^^Leguay,  la  sottise  répan- 
dait dans  le  peuple  d'absurbes  calomnies  ;  ni  les  adminis- 
trateurs, ni  même  les  religieuses  de  l'Hospice  ne  montraient 
de  bienveillance. 

Rebutées  de  si  mauvaises  dispositions,  les  demoiselles 
résolurent  de  rendre  leur  trop  frôle  dépôt  et  avertirent  le 
secrétaire  de  l'hospice. 

C'était  un  pieux  chrétien,  connu  dans  la  ville  sous  le 

*  Elles  s'appelaient  Marie  Issachar  et  Marthe  Zabulon.  Celles  que 
Mi*^'  Leffuay  reçut  par  la  suite  étaient  semblablement  affublées  de 


noms  hé 


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-~  209  - 


nom  de  Saint-Marquet.  Il  avait  des  communications  avec 
Dieu,  croyait  Justine  Leguay,  qui  se  trouvait  ainsi  dans  la 
disposition  de  recevoir  toute  parole  de  sa  bouche,  Marquet 
déclara  qu'il  ne  pouvait  reprendre  les  enfants  avant  deux 
jours,  temps  nécessaire  pour  se  procurer  des  nourrices. 
Puis,  d'un  ton  d'assurance  où  la  pieuse  flUe  vit  un  com- 
mandement divin,  il  lui  déclara  que,  sans  s'alarmer,  elle 
devait  continuer  son  œuvre,  les  pauvres  petites  étant  mieux 
entre  ses  mains  qu'eo,  toutes  autres,  (v  Je  me  fais  fort, 
«r  ajoutait-il,  de  prouver,  par  les  registres,  que  la  mortalité 
«  des  enfants  abandonnés  est  très  considérable.  Vos 
«r  malheurs  sont  une  épreuve  de  Dieu  et  le  découragement 
<(  serait  coupable.  » 

Réconfortée,  M"«  Leguay  garda  les  enfants  ;  le  5  février, 
elle  en  reçut  môme  une  autre.  C'était  assez  pour  des  per- 
sonnes tourmentées  de  la  crainte  de  nouveaux  décès,  peu 
accoutumées  au  travail  et  à  qui  les  veilles  semblaient 
pénibles. 

Elles  résolurent  bientôt  de  mettre  les  enfants  en  nourrice 
et  traitèrent  avec  des  femmes  de  la  campagne.  La  rétribu- 
tion était  augmentée,  on  fournissait  un  trousseau,  mais  on 
conservait,  outre  le  droit  de  surveillance,  celui  de  reprendre 
les  nourrissons  quand  bon  semblait. 

Cette  combinaison  ne  fut  pas  de  longue  durée.  Les  nour- 
rices, parfois  négligentes,  trouvaient  excessives  les  préten- 
tions des  demoiselles  :  surveiller  les  enfants  et  les  retirer 
occasionnaient  des  explications  pénibles.  Une  fois  même, 
un  de  ces  incidents  faillit  devenir  tragique. 

Ayant  appris  qu'une  nourrice,  demeurante  Saint-Lam- 
bert, n'accomplissait  pas  ses  devoirs  religieux,  M"®  Leguay 
résolut  de  lui  reprendre  Tenfant.  Elle  partit  donc  pour  le 
chercher,  en  se  rendant  sur  un  bel  âne,  fort  gentiment 
harnaché,  prêté  par  une  amie  dont  la  domestique  l'accompa- 
gnait. Arrivée  chez  la  villageoise.  M"*  Leguay  lui  expliqua 
les  motifs  de  sa  visite.  La  femme  ne  protesta  guère  ;  mais 


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-  210  - 

à  peine  ëtàleht-èlieâ  soHieâ  cjù'elle  âllë  aoieiiiér  ses  voi- 
sins. En  Un  cliii  d'œîl,  uil  atlrdiipeiiièiit  se  fdi-iîia  et  se 
mil  à  la  poursuite  des  dévotes.  Furieuses,  ihjuriatit  à 
Tenvi  ces  entrepreneuses  de  codverit,  s'excitàùt  lïiutufel- 
leriieril  par  leurs  cris,  ces  feiriines  se  trouvèrent  bientôt 
d'avis  d'en  venit*  âUx  coups.  Comtne  bii  àrHvalt  alors  à 
réîidrbit  oîi  la  leVée  (|ul  longe  1ë  Loire  n*èst  plds  sét)arée 
du  fleuve,  la  dëclsioh  changea,  tl  ne  s'dgit  rien  moins 
que  de  jeter  à  l'eau  «  les  ânesses  et  Tâilon  ii.  Fatiguée 
de  trotter,  et  trertiblàhte  de  peiit-,  là  dbrtiestiqué  (jui  con- 
duit ràtië  par  la  bride  né  peut  plùâ  lever  les  jambes. 
lli"«  Legiiay  saute  à  brfs,  la  fait  asseoir  à  sa  t)iace,  llil  pose 
l'enfant  entre  les  bras,  prend  la  bride  et  sfe  liiëi  à  bourif 
en  iihplorétit  le  secôiir^  dé  saint  Jose^ih  obligé  de  fliii*  en 
Egypte. 

Aux  iiiboni^étiîetilg  présentes  par  le  ^irétème  de  ftiltè 
éîfever  les  faou^rlsèorig  à  là  cétnp^gne,  â'ajoUtâ  le  chagrin 
d'une  mortalité  considérable.  Dans  l'espace  de  trois  thoîS, 
ciriq  fiëtltes  llllës  siii-  six  tiibUrUretit.  Le  piibllb  vit  alors 
qùë  les  premiers  débês  fae  t)bù*dlfetit  être  imputé^  à  des 
sbiris  ibsut'tisatiiâ.  Bieil  {ilils,  Mlospicë  dëtb^lldà  que  les 
eiifatits  restassetit  ciiëJ:  At"«  Lëgliëy  fet  finit  nlèndë  par  Itlt 
ordonner  de  les  reprendt-b  tbu^,  aVeb  là  défende  d'éh 
retnetti-e  désormais  en  tiolit-rice. 

M*^  LëgUàjr  hëlirà  les  tfbiâ  pelitës  filles  (JUi  tefetàierit  et 
tout  alla  sans  modlflbàtirin  jus^U'aii  mois  de  jtlin,  bti  finis- 
sait la  location  de  la  bdattibi-ë  d'ësile. 

A  cette  époque,  tbdbhé  de  voir  fed  flllë  se  fatiguer  datis 
les  allées  et  venuel^;  fet  elinuyé  de  l'isolement  datis  lequel 
il  ^e  trouvait  loiitë  la  JoUi'néë,  M.  Lëguay  voulut  bieti 
metlt-e  à  la  dispb^ltioii  aeTcfeiivre  uhe  Vastd  miliisarde.  On 
r&pptdprià  à  sa  nouvelle  destination.  M*^«  Epagneui  Vint 
prendre  |3ëhéldn  cWèï  JJl*'®  Leguây  et  la  vie  parUt  tJlUs 
dodce  et  plus  facile. 

Toutefois,  les  demoiselles  n'osdlent  t^âs  atbet)teh  db  Hoii- 


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~  211  — 

veaux   nourrissons,  quand  une  circonstance  inattendue 
modifia  leur  situation. 

Voulant  alléger  les  lourdes  charges  qui  pesaient  sur 
plusieurs  Hôtels-Dieu,  les  conseils  généraux  des  départe- 
ments voisins  adoptèrent,  d'un  commun  accord,  la  décision 
d'échanger  entre  diverses  maisolis  les  enfants  trouvés. 

Cette  mutation  donnant  à  M"^  Leguay  la  facilité  d'obte- 
nir des  autres  hospices  des  enfants  sortis  du  premier  âge, 
la  pieuse  fllle  regarda  la  circonstance  veiiue  si  à  propos 
comme  l'expression  de  la  volonté  de  t)ieu  pour  là  conti- 
nualloù  de  son  entreprise. 

Une  dizaine  de  petites  filles  de  déni  à  hait  ans  bientôt 
recueillies  comtnencèretit  une  nouvelle  période  de  l'œuvre. 
Mais  lès  deîiioiselles  ne  trouvèrent  mêrhe  pas  de  domes- 
tiques à  gages  pour  leUr  venir  eh  aidé.  L'entreprise  restait 
généralement  peu  sympathique,  tnême  à  ceux  dont  on 
aurait  pu  espérer  la  blenveillailce.  Par  un  sentimetit  dont 
rhistoire  fournit  de  nombreux  exemples,  les  Sœurs  de 
rhospice  elles-mêmes  ne  voyaient  pas  d'un  bon  oeil  cette 
œuvre  si  humble  qui  pouvait  prendre  accroissement  et, 
peut-être,  porter  préjudice  à  leur  communauté. 

Un  curé  de  la  ville  fit  aussi  de  l'oppositioh  et  ne  se  gêna 
point  de  déUoûcet-  l'œuvre  nouvelle  parmi  les  excentricités 
qui  font  toujours  tort  â  la  religion.  «  Les  saints  seuls 
«  peuvent  tenter  ces  entreprises,  disait-il,  ceux  qui  portent 
«  le  cilice  et  se  macèrent.  Or,  ces  demoiselles  ùe  font  point 
«  cela  !  » 

Il  fallUi  tbute  Id  prudence  et  la  chaiHtë  de  M.  Berniet- 
pour  soutenir  les  pauvres  filles.  «  AUohs,  leijr  disait-il, 
€  ayons  courage,  marchons,  marchons  toujours  !  Si  Dieu 
«  est  pour  nous,  nous  il'aurons  rien  à  craindre.  Cepen- 
€  dant,  ce  ne  serait  pas  notre  amour-propre  qui  nous  ferait 
«  persévérer,  s'il  nous  était  démontré  que  la  Providence 
€  n'agt'ée  pas  nos  projets.  » 

Tout  en  donnant  ces  encouragements,  le  curé  acquérait 


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—  212  - 

la  conviction  qu'il  serait  impossible  de  continuer  long- 
temps une  telle  besogne  et  que  des  religieuses  seules  pour* 
raient  s'en  charger. 

Vers  la  fin  de  Tannée,  une  circonstance  vint  lui  fournir 
l'occasion  de  réaliser  son  idée. 

En  1828,  TAdministration  de  Saumur  avait  remplacé, 
dans  le  service  de  THôlel-Dieu,  les  Augustines  par  les 
Sœurs  de  Sainte-Anne.  La  communauté  expulsée  vint  à 
Angers.  Mais  des  religieuses  eurent  des  troubles  de  cons- 
cience sur  ce  qu'elles  avaient  quitté  la  maison  de  Saumur 
où  elles  avaient  fait  vœu  de  vivre  et  de  mourir.  Quelques- 
unes  se  retirèrent  à  la  Trappe  ;  trois  autres  écrivirent  à 
M.  Bernier,  pour  lui  exprimer  leur  désir  de  rentrer  dans 
sa  paroisse  et  lui  demander  s'il  n'aurait  point  quelque 
œuvre  à  leur  confier.  Espérant  consolider  et  étendre 
l'œuvre  de  M"®  Leguay  par  l'adjonction  de  ces  religieuses, 
M.  Bernier  écrivit  sur-le-champ  son  projet  aux  deux  pieuses 
filles  : 

€  Saumur^  28  octobre  1834. 

c  Mesdemoiselles, 

c  Vous  avez  quelques  heures  pour  vous  décider.  Il  n'en 
faut  pas  tant  quand  la  charité  agit  vivement  dans  un  cœur. 
Lisez  donc,  dans  la  Vie  de  saint  Vincent  de  Paulj  la 
petite  harangue  qu'il  adressa  à  de  pieuses  dames  qui 
l'avaient  secondé  pour  l'Œuvre  des  Enfants  trouvés, 
mais  qui  se  décourageaient  :  t  Or^  sus^  Mesdames^  vou- 
leZ'Vous  ou  non  laisser  périr  ces  pauvres  petites  créa- 
tures... »  Lisez  et  figurez-vous  que  c'est  encore  lui  qui 
vous  adresse  la  parole. . . 

«  Vous  êtes  dévouées  de  vos  personnes  à  l'Œuvre  des 
petites  filles,  mais  vous  n'êtes  assez  libres,  assez  indé- 
pendantes, ni  l'une  ni  l'autre,  pour  la  soutenir,  ni  du 
moins  pour  lui  donner  l'extension  dont  elle  peut  être  sus- 
ceptible. En  élever  chrétiennement  une  demi-douzaine. 


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—  213  — 

les  sauver  de  la  corruption  est  déjà  une  belle  œuvre  et 
digne  de  votre  ambition.  Sans  nul  doute  n'eussiez-vous 
fait  toute  votre  vie  que  cela,  ce  serait  pour  vous  une 
grande  consolation  à  la  mort  :  une  belle  couronne  en  serait 
le  prix.  Mais,  enfin,  pourquoi  se  borner  ainsi  dans  le  bien 
et  mettre  par  là  comme  des  entraves  à  la  miséricorde  du 
Seigneur?  C'est  par  vous  qu'il  a  voulu  commencer  cette 
œuvre.  En  l'entreprenant  vous  avez  dû  vouloir,  par  rap- 
port à  elle,  tout  ce  que  Dieu  voudra,  soit  sa  chute,  soit  son 
agrandissement.  Vous  devez  donc,  avec  courage  et  géné- 
rosité, entreprendre  ce  qui  peut  contribuer  à  la  faire 
réussir. 

«  Or,  il  est  bien  évident  que,  réduites  à  vous  deux,  vous 
ne  pouvez  lui  faire  faire  aucun  progrès  ;  vous  êtes  rendues 
au  point  le  plus  élevé  que  vous  puissiez  atteindre.  Si  donc 
la  divine  Providence  vous  présente  le  secours  le  plus 
propre  à  aviver  TOËuvre,  à  l'accréditer,  à  l'étendre  par  le 
dévouement  de  nouvelles  mères  qui  méritent  toute  con- 
fiance, vous  manquerez  à  la  Providence  si  vous  ne  faites 
tous  les  sacrifices  qui  sont  en  votre  pouvoir  pour  vous  pro- 
curer ce  secours.  Eh  bien  !  la  Providence  se  prononce  en 
faveur  de  deux  ou  trois  religieuses,  ou  plutôt  en  faveur  de 
cette  œuvre  à  laquelle  elle  les  appelle.  Mille  circonstances 
se  réunissent  pour  manifester  sa  volonté.  Vous  devez  donc 
vous  expédier  généreusement  dans  cette  occasion.    . 

€  Vous  êtes  dévouées  de  vos  personnes.  Mais  l'êtes-vous 
bien  assez  de  vos  moyens  pécuniaires?  Remarquez  bien 
qu'il  ne  s'agit  pas,  quand  je  parle  d'argent,  de  la  dépense 
des  enfants.  C'est  la  besogne  de  la  Providence,  elle  s'en 
acquittera.  Et  lorsque,  depuis  un  an,  elle  a  dépassé  en 
double  ou  en  triple  les  besoins  par  les  ressources  qu'elle  a 
fournies,  il  serait  honteux  de  s'inquiéter  sous  ce  rapport. 
Si  donc  elle  augmente  le  nombre  des  enfants,  elle  augmen- 
tera les  ressources  dans  la  même  proportion.  Il  s'agit  de 
nourrir  les  nouvelles  mères  et  de  leur  assurer  une  exis- 


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MK  —  214  — 

^  tence.  Déjà  des  offres  m*ont  été  faites  à  Cet  égard  ;  j'ai 

%■  besoin,  dès  aujourd'hui,  de  les  comparer  aitec  les  vôtres 

1"  pour  savoir  sur  qUoi  nous  pouvons  compter. 

t;?  «  Que  ferîez-vous,  Mesdemoiselles,  si  vous  étiez  libres, 

f'  Tune  et  l'autre,  de  votre  petite  fortune?  Voyons,  que  dit  le 

T  cœur?  Eh  bien,  faites  donc  dd  moins  ce  que  vous  pouvez 

(i  faire,  si  vous  voulez  que  votre  bon  Maître  vous  tienne 

i  compte  de  ce  que  vous  regrettez  de  ne  pas  faire. 

^  «  Vous,  iiademoiselle  Leguay,  à  cottibien  évaluez-vous 

les  menus  plaisirs  d'une  demoiselle  de  la  classe  moyenne 
5  qui  pourrait  s'adonner  aux  spectacles  et  aux  bals,  et  bien 

^  soigner  sa  toilette,  sans  que  personne  pût  y  trouver  à 

^  redire?  A  combien  évaldez-vdus,  je  ne  dis  pas  la  part  de 

î;  reveriu  dont  se  serait  dessaisi  Vot^e  père,  âl  volls  aviez  pris 

'^  utl  hiari,  iîiais  bien  lès  avantages  que  lui  procure  vot^e 

\- ,  présence?  Voilà  des  valeurs  qiie  M.  Leguay  ne  mécontlal- 

K  tra  tertainement  pa^  et  qUi  fednt  bieti  au-dessus  de  votre 

quote-part  dans  le  bieîi  tju'il  s'agit  d'entreprendre, 

i  Vous,  Mademoiselle  Épagheul,  hë;  Wotl  DieU  !  je  ne 
voiis  ëborde  ce  ttiatin  qu'èh  tretnblanl.  J'àl  \ph\iT  de  vdtl'e 
titfaidité!  j'aurai  ceperiddnt  la  braVoul-e  de  vbus  parler  de 
vos  revenus.  Vou^  seW-t-il  perttlife  d'eh  dépenser,  chaque 
année,  in  hioins  Une  pdrtlé  en  bonnes  œuvres?  Vous  laiis- 
sët*ez-VoiiS  irtiposer  là  nécessité  de  les  entasser  pour  aug- 
menter vos  terres? 

«  Pourquoi  doiic  et  pour  cjbi  dbhc?  Je  crois  bien  vous 
côrttialtî^,  Maderhoiselle,  fet  je  sais  fort  bien  que  vous  n'avez 
pas  le  tœur  étroit.  Mais  la  timidité,  là  défiance  de  vous- 
mêitie,  la  modestie  vous  le  resserrent.  Allons,  mettez-le  donc 
un  peil  àU  large,  voilà  le  moment.  Soyez  tranquille;  si 
vous  offriez  thop,  je  n'accepterais  pas.  Une  petite  part  de  ce 
revenu  annuel,  pour  ces  bonnes  filles,  amies  de  Dieu  et 
qui  n'en  ont  pas,  et  ce  ne  sera  point  pour  la  grande  famille 
que  la  nature  vous  a  donnée,  mais  pour  la  petite  famille 
que  la  Providence  y  a  substituée  et  dont  vous  êtes  la  mère. 


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—  218  — 

Voyez  comme  je  parle  ce  matin,  nous  verrons  comment 
vous  parlerez  ce  soir  l'une  et  l'autre.  Pour  moi,  je  vous 
parle  de  Tabondance  du  cœiir  avec  une  pleine  liberté  et 
beaucxiup  de  confiance.  Vous  en  ferez  de  même,  n'est-ce 
pas  ? 

«  Voil&  toute  la  question  :  voulez-vous  faire  uti  sacrifice 
pour  assurer  à  deux  Du  trois  religieuses  les  choses  néces- 
saires à  leur  entretien  ?  Et  quel  sera  ce  sacrifice?  Je  désire 
avoir  votre  réponse  devers  trois  heubes  aujourd'hui. 

«  Votte  tout  dévoué  serviteur, 

«  tt.  ËERNFER,  pfétré.  > 

• 

La  réponse  des  demoiselles  permit  à  M.  Bernier  d'écrire 
aux  religieuses  qu'une  œuvre  leur  était  offerte  et  qu'elles 
seraient  accueillies  avec  une  sincère  cordialité. 

Après  quelques  mois  de  réflexion,  les  Augustines  arri- 
vèrent, le  19  mars  1835.  Le  lendemain,  M>'"  Leguay  écrivit 
à  M.  Bernier  :  «  Vous  allez  me  gronder,  si  je  vous  confie 
que  mon  cœur  saigne  à  la  pensée  que  d'autres  mères  vont 
prendre  ma  place  auprès  de  nos  chères  filles.  0  fatal  moi 
que  tu  me  causes  de  mal  !  Cependant  je  comprends  très 
bien  l'avantage  que  nos  chères  enfants  recevront  de  cette 
nouvelle  direction  et  non  seulement  j'y  consens,  mais  bien 
franchement  je  le  désire.  Mais  je  me  trouve  dans  la  posi- 
tion d'une  personne  qui  consent  et  même  qui  désire  qu'on 
lui  ampute  soit  un  bras,  soit  une  jambe,  parce  que  sa  vie 
en  dépend,  mais  qui  ne  laisse  pas  de  pousser  des  cris 
lorsqu'on  en  vient  à  la  douloureuse  opération  ». 

Le  curé,  plein  d'espérance,  rêvait  tout  un  établissement. 
Déjà  il  avait  arrêté  les  conditions  de  l'acte  d'acquisition 
d'une  grande  maison  quand,  avant  de  s'engager  plus  avant, 
il  voulut  avoir  des  garanties  officielles  de  la  bienveillance  et 
du  concours  de  l'administration  des  Hospices.  Celle-ci 
n'aioiait  pas  les  religieuses  et,  nes'étant  point  entièrement 


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—  216  — 

renouvelée  depuis  1828,  conservait  de  plus  le  souvenir  de 
ses  démêlés  avec  les  Augustines. 

Sans  se  soucier  de  l'approbation  expresse  du  préfet,  les 
administrateurs  déclarèrent  vouloir  se  tenir  dans  les  bornes 
d*une  simple  tolérance.  Ils  rappelèrent  encore  à  M.  Bernier 
qu  il  avait  laissé  sans  réponse  une  lettre  où  on  lui  deman- 
dait les  ressources  du  nouvel  établissement,  son  local, 
son  administration.  Le  curé  pouvait  difficilement  répondre 
à  ces  questions,  quand  il  n'avait  pour  tout  bien  qu'une  man- 
sarde d'emprunt  et  une  grande  confiance  dans  la  Provi- 
dence. Aussi,  ses  espérances  s'évanouirent  prompte- 
ment,  et  il  vit  que,  loin  d'être  un  secours  pour  son  œuvre, 
les  Augustines  ne  feraient  que  lui  susciter  des  difficultés. 


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—  217  — 


CHAPITRE  VI 
La  fondation  d*un  Monastère  du  Bon-Pasteur  (1835-1837) 

Au  mois  de  mai  1835,  la  supérieure  générale  du  Bon- 
Pasteur  d'Angers,  la  mère  Marie  de  Sainte-Ëupbrasie 
Pelletier,  priait  M.  Bernier  de  bien  vouloir  se  trans- 
porter à  son  monastère  pour  y  prendre  connaissance 
d'un  projet  de  fondation  à  Saumur.  L'entrevue  eut  lieu  le 
29.  Pour  la  première  fois  se  trouvaient  en  présence 
ces  deux  remarquables  personnages.  Enfants  de  la  Vendée, 
leurs  âmes  paraissaient  encore  sœurs  par  la  ressemblance 
des  facultés.  Clarté  d'intelligence,  invincible  ténacité,  ces 
dons  leur  semblaient  départis  pour  conduire  à  bonne  fin  de 
grands  desseins  et  supporter  les  nombreux  outrages  et  les 
disgrâces  accablantes  qui  auraient  brisé  des  natures  ordi- 
naires. 

La  mère  Pelletier  conquit  immédiatement  M.  Bernier  à 
la  congrégation  et  à  la  nouvelle  entreprise.  De  suite  il 
s'empressa  de  détruire  les  objections  restant  à  la  supérieure 
contre  son  propre  projet.  A  la  fin  de  Tentrevue,  la  fondation 
était  décidée.  Le  curé  promit  de  lui  chercher  sur-le-champ 
une  maison  convenable. 

Bientôt  après,  en  effet,  il  lui  signalait  l'ancienne  abbaye 
de  Saint-Florent-le-Jeune,  dont  on  venait  de  démolir  avec 
beaucoup  d'efforts  les  deux  tiers  pour  en  vendre  les  maté- 
riaux. Il  restait  un  seul  corps  de  bâtiments,  appelé  la  Séna- 
torerie,  parce  que  Napoléon  l'avait  fait  décorer  pour  deve- 
nir la  résidence  du  sénateur  Lemercier.  Le  curé  fit  arrêter 
de  suite  la   démolition.  On  lui  offrait  la  maison  et  son 


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vaste  enclos  pour  quarante-cinq  mille  francs,  à  peu  près 
ce  que  la  propriété  avait  coûté.  Il  était  impossible  de  trou- 
ver une  plus  belle  occasion  pour  fonder  un  grand  établis- 
sement; aussi  pressa-t-il  vivement  la  supérieure  de  la 
saisir.  Elle  ne  pouvait  hésiter,  et  l'entreprise  lui  parut 
d'autant  plus  attrayante  (Qu'elle  rendait  au  culte  un  sanc- 
tuaire profané-  Cett^  pensée  de  fol  in^pressionna  tellement 
la  mère  Pelletier  qu'elle  eut  désormais  la  dévotion  de 
reconstruire  les  maisons  du  Seigneur  détruites  par  la 
Révolution  L  Ellp  vint  viajter  l'abbaye,  consulta  Tévêque 
et  fit  r^cquisition. 

Dès  son  retour  d'Angers,  M.  Bernier  avait  averti  les 
Augustines  qu'il  allait  consacrer  à  l'œuvre  du  Bon-Pasteur 
tous  ses  soins,  toute  son  influence.  Elles  ne  pouvaient  plus 
se  flatter  de  former  un  établissement  quelconque  à  Sau- 
mur  :  mais  la  supérieure  du  Bon-Pasteur  leur  offrait  un 
asile  temporaire,  ou  même  un  emploi  fixe  dans  son  monas- 
tère général.  Bien  que  la  Mère  Pelletier  leur  renouvelât 
elle-même  ces  propositions,  les  religieuses  préférèrent 
s'occuper  d'établir  à  Angers  une  œuvre  des  Enfants  trou- 
vés. Elles  entrèrent  en  pourparlers  avec  l'administration 
de  l'hospice  de  cette  ville  et,  voyant  le  succès  de  leurs 
négociations,  quittèrent  Saumur  dès  la  fin  de  juin  ^. 

Ces  événements  affaiblissaient  d'ailleurs  singulièrement 
le  courage  de  M"*  Leguay.  Absorbé  tout  entier  par  sa  fon- 
dation, le  curé  délaissait  l'asile,  et,  dans  ses  rares  visites, 
sa  rudesse  ne  ménageait  pas  la  susceptibilité  de  celle  qui 
s'était  toute  dévouée  à  sa  première  entreprise.  Non  seule- 
ment il  ne  parlait  plus  d'agrandissement,  mais  une  fois 
même  il  dit  à  la  directrice  :  «  Je  ne  veux  plus  du  tout 


*  Cf.  Monseigneur  Pasquier,  Vie  de  la  /?.  M.  Marie  de  Sainte- 
Euphrasie  Pelïetierj  tom.  I,  p.  234- 

'  Bientôt  leurs  résolutions  changèrent  et  elles  ouvrirent  pour  des 
dames  pensionnaires  une  maison  qui  devint  promptemeut  floris- 
sante. 


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—  219  - 

m'occuper  de  ces  enfants.  »  Pendant  quinze  jours  M"'  Le- 
guay  garda  pour  elle  sa  douleur.  Ne  pouvant  plus  se  con- 
tenir, elle  écrivit  à  son  curé  :  «  Si,  par  impossible,  lui 
a  marquait-elle,  Dieu  venait  vous  flire  qu'il  ne  s'occupe 
«  plus  aucunement  du  troupeau  confié  h  V03  sqins,  et  que, 
«  quoi  que  vous  fassiez  pour  lui,  il  ne  s'en  inquiéterait 
€  point,  est-ce  que  vous  travailleriez  avec  autant  de  zèle 
«  que  d'ardeur?...  Dieu  ne  m'a  point  tenu  ce  langage,  me 
«  direz-vous,  mais  qui  est-ce  qui  me  tient  ici-bas  la  place 
((  de  Dieu?  Je  suis  obligée  de  conclure  que  la  volonté  de 
«  Dieu  n'est  pas  que  je  continue.  Cette  pensée  que  vous 
<(  me  laissez  faire,  avec  toute  TindifTérence  possible 
(i  de  votre  part,  cette  pensée  m'ôte  tout  désir  de  persévp- 
«  rance.  Ajoutez  à  cela  l'incertitude  deM*^*  Epagneul,  que 
«  vous  me  signalez  très  bien,  les  répugnances  de  paon 
«  père,  ma  mauvaise  sauté.  Est-ce  ainsi  qu'on  reconnaît 
«  la  volonté  de  Dieu?...  Non,  Monsieur,  non  ;  si  la  tâcjie 
«  vous  paraît  facile,  elle  dépasse  mes  forces  ;  si  le  succès 
«  à  en  attendre  est  trop  peu  de  chose  ppur  papUvier 
«  votre  attention,  je  n'en  veux  point  du  méfitp  toute 
«  seule. 'Au  moins,  jusqu'à  ce  jour,  j'ai  pu  me  rendre  ce 
«  ^épQoignage  :  je  ne  fais  rien  par  mpi-n^ême  ;  c'e^t  ce 
«  qui  m'a  conservé  la  paix  intérieure;  je  ne  veux  pas  la 
((  perdre,  et  je  n'irais  pas  changer  de  route*  Souteqez- 
«  moi,  encouragez-moi,  dites-moj  de  marcher  malgré  tout, 
a  j'irai  ;  mais  laisez-moi  à  ma  propre  conduite,  je  rends 
«  les  armes.  » 

M***  Leguay  comprit,  à  la  réponse  du  curé,  qu'elle 
n'avait  plus  qu'à  se  résigner  et,  devant  cette  substitution 
d'une  puînée  à  l'œuvre  première,  son  cœur  de  mère  pensa 
qu'autrefois  Jacob  avait  dépouillé  Esaii  du  droit  d'aînesse. 
Elle  crut  que  son  entreprise  devait  s'effacer  devant  une 
autre,  dont  l'importance  réunirait  tous  les  privilèges  et 
tous  les  avantages.  Les  Dames  du  Bon-Pasteur  ne  pou- 
vaient manquer    d'arriver   bientôt.  Suivant  l'impulsion 


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donnée,  M"«  Leguay  aida  M.  Bernier  à  leur  préparer  un 
beau  mobilier  ;  même  elle  voulut  bien  offrir  à  leur  orphe- 
linat ce  que,  depuis  deux  ans,  elle  avait,  pour  le*  sien, 
recueilli  de  la  charité  publique. 

Le  29  juillet,  le  curé  envoya  prendre  les  cinq  religieuses 
de  la  fondation  à  Angers  par  une  voiture.  Il  en  vante  à 
la  supérieure  l'intéressant  conducteur  «  qui  ne  fait  entendre 
à  ses  chevaux  qu'un  langage  soigné  et  sentimental.  Quant 
à  la  verse,  ces  dames  peuvent  être  tranquilles.  Dalençon 
(le  voilurier)  n'a  versé  qu'une  fois  dans  sa  vie,  il  y  a 
quelques  semaines,  dans  les  chemins  de  la  Vendée  ;  et  cela 
ne  doit  arriver  que  très  rarement  à  un  homme  de  son 
mérite  ».  Le  curé  reçut  les  religieuses  avec  beaucoup 
d'égards,  leur  fit  présent  d'un  mobilier  et,  sous  leur  direc- 
tion, s'occupa  des  travaux  de  reconstruction  et  de  répa- 
ration. Il  alla  même  jusqu'à  s'imposer  de  quêter  à  domi- 
cile K 

'  Voici  une  partie  du  prospectus  dont  il  se  faisait  précéder  poar 
solliciter  des  aumônes  en  faveur  des  Dames  du  Bon-Pasteur  :  a  Nous 
ne  connaissons  point  d'œuvre  plus  utile  ou  plus  appropriée  aux 
besoins  de  la  société  que  celles  qui  se  font  dans  leurs  etablissemens. 
Elles  encouragent  le  retour  à  la  vertu,  en  offrant  un  asile  au  repen- 
tir. Elles  préservent  de  la  corruption  de  jeunes  cœurs  que  le  vice 
flétrirait  infailliblement,  s'ils  n'étaient  pas  soustraits  de  bonne  heure 
aux  influences  qui  les  menacent.  De  plus,  et  ceci  mérite  une  atten- 
tion toute  particulière,  elles  savent  épargner  à  des  familles  très  hono- 
rables des  numiliations  et  de  grands  chagrins,  soit  en  affermissant 
dans  la  vertu  des  filles  que  les  illusions  de  1  âge  et  de  premières 
impressions  pourraient  ébranler,  soit  en  opposant  les  soins  assidus 
d'une  éducation  spéciale  à  des  inclinations  alarmantes,  que  des 
parens  ont  quelquefois  la  douleur  d'observer  dans  une  jeune  enfant. 

«  Le»  personnes  oui  sont  l'objet  de  ces  bonnes  œuvres,  quoique 
dans  un  même  établissement,  forment  différentes  classes  totalement 
séparées,  même  à  l'église,  et  qui  n'ont  entre  elles  aucune  relation. 
Aucun  sujet  n'est  admis  au  nombre  des  religieuses,  qui  n'appar- 
tienne à  une  famille  honorable,  et  dont  la  conduite  dans  le  monde 
n'ait  été  sans  reproche. 

c  Les  douces  insinuations  d'une  charité  à  la  fois  compatissante  et 
ingénieuse  sont  le  grand  moyen  que  ces  dames  emploient  :  mais  il 
serait  peu  efficace  sans  le  travail  auquel  elles  attachent  les  sujets  qui 
entrent  dans  leurs  maisons.  Elles  supplient  donc  les  personnes  bien- 
faisantes de  leur  procurer  de  l'ouvrage  en  linge,  brocferie,  omemens 
d'église,  fleurs  artificielles 

c  Aux  filles  ou  femmes,  pénitentes  libres,  on  demande  300  francs 
une  fois  donnés,  et  20  francs  pour  le  costume  qui  est  brun.  Elles 


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Non  content  de  relever  les  murs  du  monastère,  M.  Der- 
nier se  mît,  avec  la  môme  ardeur,  à  le  peupler  de  reli- 
gieuses. Il  trouva  bientôt  deux  novices  et,  au  mois  de 
décembre,  il  en  annonçait  une  troisième  dont  le  départ 
causa  bien  des  larmes  à  M"«  Leguay,  mais  qui  devait  être 
d'un  grand  secours  dans  les  embarras  financiers  de  la 
nouvelle  fondation.  «  J'éprouve,  écrivait-il  à  la  mère 
Pelletier,  une  grande  satisfaction  à  vous  annoncer,  une 
postulante  dont  vous  aurez,  je  l'espère,  du  contentement, 
car  c'est  une  bien  bonne  et  bien  belle  âme.  C'est  M"®  Épa- 
gneul,  âgée  de  vingt-deux  ans  et  demi.  J'ai  beaucoup 
hésité,  je  l'avoue,  à  la  séparer  de  M"®  Leguay  et  à  lui  faire 
abandonner  une  œuvre  à  laquelle  j'avais  contribué  à  l'atta- 
cher. Mais  plusieurs  considérations  me  paraissent  déci- 
sives, et  celle-ci  entre  autres  :  c'est  que  cette  jeune  per- 
sonne, excessivement  timide,  et  par  caractère  et  par  déli- 
catesse de  conscience,  a  besoin,  pour  être  dans  un  état  de 
calme  et  de  repos,  d'une  autorité,  d'une  règle  qui  lui  fasse 
bien  connaître  à  tous  les  instants  de  quel  côté  sa  volonté 
doit  se  porter  et  ce  que  Dieu  demande  d'elle.  Une  certaine 
dose  de  liberté  l'embarrasse  et  elle  est  façonnée  tout  exprès 
pour  Tobéissance.  Du  reste,  vous  reconnaîtrez  qu'elle  ne 
manque  ni  de  vues,  quoiqu'elle  n'ait  pas  un  talent  au-des- 
sus du  médiocre,  ni  de  courage  et  de  fermeté,  malgré  sa 
timidité  *  » 

M.  Bernier  était  si  complètement  gagné  à  la  congréga- 
tion qu'il  intervint  même  dans  les  disputes  au  sujet  de  la 

restent  dans  la  maison  tant  qu'elles  veulent.  Ces  daines  désirent,  et 
eUes  Tespèrent  si  la  bienfaisance  vient  à  leur  secours,  ne  jamais 
renvoyer  les  pénitentes  qui  se  présenteront  sans  pouvoir  payer. 

«  Les  orphelines  sont  reçues  depuis  3  ans  jusqu'à  18.  La  pension 
annuelle  est  150  francs,  et  Ton  ajoute  20  francs  pour  le  costume  qui 
est  bleu. 

«  Pour  les  jeunes  personnes  qui  appartiennent  à  de  bonnes  familles, 
mais  qu'on  veut  soustraire  à  des  dangers,  la  pension  est  de  300 
francs.  Elles  fournissent  le  trousseau,  et  elles  prennent  en  entrant 
le  costume  noir,  avec  une  pèlerine  blanche.  » 

>  Lettre  du  29  décembre  1835. 


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réforme  de  sa  constitution.  L*ordre  a  été  institué  à  Caen, 
en  1642,  par  le  père  Eudes.  Ce  premier  monastère  fit  plu- 
sieurs fondations  ;  mais  les  maisons  étaient  indépendantes 
les  unes  des  autres,  comme  encore  aujourd'hui  celles  de  la 
Visitation,  entre  lesquelles  il  n'existe  que  des  liens  de 
charité.  La  mère  Pelletier,  religieuse  de  la  maison  de 
Tours  et  fondatrice  de  celle  d'Angers,  eut  Tidée  de  faire 
un  çrand  ordre  où  l'association  des  maisons,  réchange 
facile  des  sujets,  rendant  la  force  plus  considérable,  per- 
mettraient un  plus  grand  bien.  Un  décret  de  la  Congréga- 
tion des  É  vèques  et  Réguliers,  du  16  janvier  1836,  confirmé 
par  Bref  du  Pape,  le  3  avril,  établit  la  supérieure  du  Bon- 
Pasteur  d'Angers  générale  de  toutes  les  maisons  qu'elle 
avait  fondées  ou  qu'elle  fonderait.  L'affaire  n'alla  point 
sans  protestation.  Des  monastères  réclamèrent  la  fidélité 
au  principe  séparatiste  du  père  Eudes.  M.  de  Montblanc, 
l'archevêque  de  Tours,  qui  avait  quelque  raison  de  se 
sentir  froissé,  se  plaignit  au  Pape  du  changement  et,  en 
1835,  Grégoire  XVI  défendit  l'idée  du  généralat.  VAmi 
de  la  religion  *  inséra  la  lettre  papale,  en  la  faisant  pré- 
céder d'une  note  terne,  d'aspect  impartial,  mais  où  quelques 
épithètes  étaient  de  nature  à  causer  une  impression  défa- 
vorable aux  prétentions  du  monastère  d'Angers.  M.  Ber- 
nier  en  écrivit  au  rédacteur  Picot.  «  Insérer  une  réclamation, 
répondit  celui-ci ,  serait  manquer  d'égard  à  l'archevêque 
de  Tours.  »  C'était  une  défaite.  La  note  de  VAmi  n'avait 
pas  craint  d'être  défavorable  à  M^  Montault  et  aux  évêques 
qui  avaient  approuvé  le  projet  de  la  mère  Pelletier.  Le 
curé  de  Saumur  répondit  au  journaliste  en  maintenant  sa 
demande.  «  Ceux  qui  ont  occasionné  le  tort,  dit-il,  l'ont 
oublié;  cela  arrive  d'ordinaire.  Mais  la  congrégation  qui 
le  subit  injustement  doit-elle  rester  absolument  passive, 
quand  il  lui  est  si  facile  de  se  justifier  ?  Il  me  serait  très 

*  N»  du  jeudi  12  novembre  1836. 


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pénible  de  déplaire  à  M*'  rArchfevôque  de  Tours.  Mais  je 
ne  parle  de  lui  que  pour  protester,  au  nom  de  ces  dames, 
de  la  vénération  et  de  la  reconnaissance  qu^elles  ont  pour 
lui...  Si  vous  connaissiez  les  détails  de  cette  affaire,  vous 
verriez,  Monsieur  le  Rédacteur,  de  quelle  droiture,  de 
quelle  modération^  de  quelle  patience  on  a  usé  à  Angers, 
et  de  quels  avantages  ces  dames  auraient  pu  se  prévaloir. 
Un  de  ceux  qui  ont  écrit  en  cour  de  Rome  disait,  dans  une 
lettre  à  M™  la  Supérieure,  assez  peu  de  temps  avant  de  se 
lancer  dans  Topposition  :  «r  Je  regarde  les  ennemis  du 
généralat  comme  les  ennemis  de  Dieu.  »  On  a  de  lui  plu- 
sieurs lettres  en  ce  sens.  Ce  n'est  point  un  prélat  qui  est 
tombé  dans  cette  inconséquence*.  » 

Douée  du  talent  de  la  temporisation  et  se  croyant  trop 
faible  pour  la  lutte^  la  mère  Pelletier  n'appuya  point  la 
réclamation  de  M.  Bemier.  De  cette  abstention,  Picot  con- 
clut, selon  ses  désirs,  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  de  rien  insé- 
rer. L'affaire  se  trouva  donc  terminée.  Une  tentative  de 
réconciliation,  essayée  entre  la  congréation  d'Angers  et  un 
des  adversaires  du  généralat,  n'eut  pas  plus  de  succès. 
M.  Bernier  aurait  voulu  amener  M.  Dufôtre,  le  tout  puis- 
sant grand-vicaire  de  Tours*,  d'un  état  d'aigreur  et  d'hos- 
tilité à  l'indifférence  pacifique.  Sa  médiation  ne  fut  pas 
encouragée. 

Cependant  la  fondation  s'aménageait.  Il  fut  réglé  que 
M*'  Montault,  accompagné  d'un  évoque  missionnaire,  béni- 
rait la  chapelle  et  le  monastère  le  25  avril  1836.  Le  curé 
prépara  la  fôte  et  déclara,  d'une  manière  délicate  et  spiri- 
tuelle, qu'il  en  voulait  faire  les  frais. 

a  Ce  n'est  point  ici  affaire  de  politesse  et  de  générosité, 
écrivait-il  à  la  supérieure  générale.  Il  y  a  des  considéra- 
tions d'une  nature  plus  grave.  Nos  originaux  de  Saumur 

•  Lettre  du  15  février  1836. 

*  M.  Dufôtre  mourut  évoque  de  Nevers. 


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—  224  — 

s'accrochent  à  tous  les  moyens  pour  se  dispenser  de  faire  le 
bien,  surtout  quand  il  s'agit  d'une  maison  religieuse  :  s'ils 
la  voient  souffrante  et  manquant  de  quelques  parties  essen- 
tielles à  son  établissement,  ils  disent  que  cela  n'a  pas 
d'avenir^  que  c'est  un  projet  téméraire^  que  cela  tom- 
bera ;  s'ils  voient  des  dépenses,  ils  en  concluent  que  la 
maison  est  riche,  qu'elle  ne  manque  de  rien.  Je  me  tue 
à  dire  qu'elle  a  d'autant  plus  besoin  d'être  secourue  et  que 
sa  pénurie  est  d'autant  plus  grande,  que  Saumur  ne  fait 
rien  pour  les  frais  énormes  d'acquêt  et  de  premier  établis- 
sement. . .  Je  serai  bien  moins  écouté  encore,  lorsque  la 
malveillance  aura  transformé  un  diner  modeste  que 
donnerait  la  communauté  en  un  festin  splendideet  dispen- 
dieux. Vous  verrez,  si  le  diner  se  fait  à  la  communauté, 
que  les  dames  du  Bon-Pasteur  auront,  un  jour  de  Saint- 
Marc,  été  les  émules  du  sénateur  Lemercier  ou  de  dom 
Macé^  joyeux  et  dodu  bénédictin.  C'est  comme  cela  que 
nous  avons  l'esprit  tourné  à  Saumur.  J'espère  donc,  Madame 
la  Supérieure,  que  vous  joindrez  à  toutes  v©s  obligeances 
celle  de  ne  laisser  faire  pour  ce  qui  concerne  le  diner 
du  25.  » 

On  ne  peut  pas  ne  point  se  rendre  à  de  telles  considéra- 
tions. Mais  que  servir  un  jour  maigre  à  des  hôtes  distin- 
gués? Le  poisson  était  très  rare  et  fort  cher  à  Saumur, 
parce  qu'en  ce  temps-là  personne  n'y  faisait  abstinence;  les 
marchands  n'en  avaient  que  de  très  petites  quantités. 
M.  Bernier  voulut  bien  que  la  mère  Pelletier  lui  envoyât 
un  panier,  mais  à  la  condition  expresse  de  le  payer  lui- 
même.  Un  peu  plus  tard,  il  offrait  de  la  sorte  l'hospitalité 
aux  religieux  qui  venaient  prêcher  la  retraite  au  monas- 
tère. Ses  aimables  propositions  sont  toujours  mêlées  de 
judicieux  conseils  cachés  sous  des  plaisanteries  enjouées. 

*  Prieur  claustral  de  Saint-Florent,  et  l'un  des  22  membres  de 
TAssemblée  provinciale  d*Anjou  en  1787.  Il  fut  massacré  à  Paris 
en  1792. 


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Toute  sa  correspondance  le  montre  ami  dévoué  de  l'œuvre. 
Son  zèle  de  quêteur  alla  jusqu'à  recueillir  douze  mille 
francs  pour  elle  et,  cette  année-là  môme,  une  de  ses  nièces 
entra  au  noviciat  d'Angers.  Jusqu'à  la  fin  de  son  ministère 
paroissial  le  curé  mit  cette  fondation  au-dessus  de  toutes 
ses  entreprises. 

Il  ne  semblait  plus  se  préoccuper  du  petit  asile.  Sans 
vouloir  en  témoigner  de  Taffliction,  Justine  Leguay  rendait 
le  plus  de  services  possible  à  la  fondation.  Au  moment  où 
rentrée  de  sa  compagne  dans  le  monastère  lui  causait 
autant  d'embarras  que  de  chagrin,  elle  dit  aux  dames  du 
Bon-Pasteur  :  t  Puisque  vous  enlevez  la  mère,  vous  devriez 
aussi  vous  charger  des  enfants  !  »  Quelle  ne  fut  pas  sa  sur- 
prise en  entendant  les  religieuses  lui  répondre  qu'avant 
leur  départ  d'Angers  la  supérieure  générale  les  avait  auto- 
risées à  recevoir  les  enfants  que  M^**  Leguay  ne  manquerait 
pas  de  leur  offrir.  Là-'dessus  la  pieuse  fille  consulta. 
€  L'abandon  s'impose  »  répondit  simplement  M.  Bernier. 
D'autres  influences  se  firent  sentir  dans  le  sens  de  la  conti- 
nuation et  M"*  Leguay  s  y  résolut,  t  Je  vous  admire,  mais 
je  ne  vous  approuve  pas  »,  lui  écrivit  le  curé,  et  il  ajoutait 
qu'il  entendait  par  cette  déclaration  se  décharger  de  toute 
responsabilité  dans  l'œuvre,  assurant  d'ailleurs  qu'il 
continuerait  à  lui  porter  un  vif  intérêt.  La  fondatrice  de 
l'asile  ne  cessa  cependant  point  de  le  consulter,  et,  quand 
elle  apprit,  au  commencement  de  1837,  que  Monsieur  le 
curé  venait  d'être  nommé  supérieur-suppléant  du  petit 
séminaire  Mongazon,  elle  songea  de  suite  à  remettre  les 
enfants  au  Bon-Pasteur.  L'orphelinat  abritait  alors  de 
quinze  à  dix-huit  petites  filles.  Ceux  qui  avaient  déjà  rem- 
porté la  victoire  pour  faire  continuer  l'œuvre  revinrent 
encore  à  la  charge  et  M.  Bernier  lui-même  se  rangea  de 
leur  avis.  Il  resta  d'ailleurs  le  conseiller  le  plus  judicieux 
et  le  plus  influent  de  la  pieuse  fille. 

Lorsqu'elle  sollicita  son  avis  pour  la  première  fois  après 


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—  226  — 

son  départ  en  lui  demandant  la  permission  de  lui  écrire 
quand  elle  en  aurait  besoin,  il  lui  répondit  en  ces  termes  '  : 

c  N'hésitez  point,  ma  bien  chère  demoiselle,  quand 
vous  aurez  à  m'écrire.  Je  pourrai  bien  quelquefois  tarder  à 
vous  répondre,  mais  je  n'hésiterai  jamais. 

c  Bépondrai-je  à  la  partie  de  votre  lettre  qui  a  pour  objet 
notre  séparation?  Dieu  sait  combien  elle  m*est  pénible; 
mais  il  m'est  bien  consolant  de  voir  et  de  sentir  que  ces 
liens  formés  par  l'estime  et  la  reconnaissance,  sous  les  aus- 
pices de  la  sainte  charité,  seront  durables  et,  j'ose  l'espérer, 
éternels!...  Du  reste,  plus  je  pense  à  Saumur,  plus  je  com- 
prends que  la  paroisse  de  Saint-Pierre,  si  misérable  à  bien 
des  égards,  inspire  aux  prêtres  que  la  Providence  y  envoie 
une  si  forte  affection,  et  à  ceux  qu'elle  en  éloigne  de  si  vifs 
regrets.  C'est  que  cette  miséricordieuse  Providence  y  sus- 
cite, pour  soutenir,  pour  animer  et  consoler  ses  ministres, 
de  bonnes  et  belles  âmes,  d'une  excellente  trempe;  des 
cœurs  bons  et  généreux,  et  singulièrement  disposés  à  la 
reconnaissance  et  au  dévouement.  C'est  une  belle  mission 
que  le  Seigneur  donne  à  ces  âmes,  au  profit  des  âmes  peu 
chrétiennes.  Vous  l'avez  remplie,  sans  vous  en  douter,  cette 
noble  mission.  Vous  l'avez  remplie  largement  à  mon  égard, 
vous  et  quelques  autres,  et  j'en  suis  sincèrement  touché. 
Pour  vous  comme  pour  elles,  je  dis  du  fond  de  mon  âme  : 
Que  le  Seigneur  vous  traite  selon  votre  cœur  et  qu'il 
confirme  tous  vos  desseins.  Transmettez  ce  vœu  à  votre 
excellent  Père,  qui,  lui  aussi,  y  a  tant  de  droits  et  que 
j'embrasse  bien  cordialement.  » 

A.    HOUTIN. 
fA  suivre  J 

*  Lettre  datée  du  U  février  1837. 


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LES  CINQ  PAYS 


L'INDO-CHINE  FRANÇAISE 

ET     LE    8IAM 

/"suitej 


IV 
LE  CAMBODGE 

Situation.  —  Le  Cambodge  est  situé  entre  le  10<^  et  le 
ly.  de  latit.  Nord  et  le  101"  et  104*  de  longit.  Est.  Son  terri- 
toire compte  400  kilom.  de  Katnpong-Som  à  Stung-Treng, 
limite  du  Laos,  et  300  kilom.  de  TOuest  (Pursat)  à  TEst. 

La  superficie  est  de  100.000  kilom.  carrés,  à  peu  près  le 
cinquième  de  celle  de  la  France. 

Pays  limitrophes.  —  Au  Nord-Est  s'allonge  le  Laos,  à 
rOuest  le  Siam,  au  Sud  le  golfe  de  Siam,  au  Sud-Est  la 
Cochinchine  et  à  TEst  des  tribus  sauvages. 

Population.  —  Le  pays  est  habité  par  1.300.000  Cam- 
bodgiens, 200.000  Annamites,  Chinois  et  races  diverses  et 
environ  300  Français.  Les  4/5  de  la  population  sont  agglo- 
mérés dans  la  zone  qui  borne  le  grand  fleuve  du  Mé-Kong. 
—  Les  terrains  si  fertiles  du  centre  se  sont  dépeuplés  à  la 
suite  de  troubles  séculaires. 

Gouvernement  et  Administration.  —  Le  Cambodge 
8*est  placé  sous  le  protectorat  français  depuis  le  traité  du 
11  août  1863,  élargi  par  des  conventions  successives. 
Le  Roi  est  assisté  d'un  Conseil  des  ministres  présidé  par  le 
Résident  supérieur  qui  réside  auprès  de  lui,  à  Phnom- 
Penh,  la  capitale.  Des  Résidents  contrôlent  Fadministration 


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—  228  — 

indigène  dans  les  provinces,  qui  sont  groupées  en  sept 
circonscriptions. 

Finances  et  Budget.  —  Le  budget  local  est,  en  1896, 
de  5.556.000  fr.  La  dotation  du  Roi  est  de  1.120.000  fr. 
Les  dépenses  en  personnel  restent  à  1.773.000  fr.  et  celles 
du  matériel  et  travaux  à  2.663.000  fr. 

Impôts  directs.  —  Ils  se  composent  de  la  contribution 
personnelle,  de  la  capitation  des  Asiatiques,  du  rachat  des 
prestations,  pour  600.000  piastres.  La  contribution  foncière 
est  de  100.000  piastres.  L*imp6t  sur  les  barques  atteint 
25.000  piastres. 

Impôts  indirects.  —  Le  droit  de  pèche  fournit  plus  de 
70.000  piastres  ;  les  droits  sur  Talcool  de  riz  et  sur  l'opium 
400.000  piastres.  Les  douanes,  les  produits  des  forêts,  les 
ventes  et  locations  de  terrains  forment  un  ensemble  arri- 
vant à  2  millions  de  piastres. 

Le  Climat  est  le  même  que  celui  de  la  Cocbinchine  ; 
mais  les  montagnes  sont  malsaines  et  on  y  contracte  la 
fièvre  des  bois.  Il  y  a  deux  saisons  :  celle  de  la  sécheresse 
et  celle  des  pluies  et  de  Tinondation. 

Agriculture.  —  Les  bords  du  fleuve  ne  sont  qu'une  suite 
de  cultures,  depuis  Banam  jusqu'aux  rapides  de  Samboc. 
Les  dépressions  du  centre  et  les  plateaux  sont  également 
cultivés.  Les  montagnes  sont  couvertes  de  forêts.  On  y 
récolte  la  cardamome  et  la  gomme  gutte.  La  récolte  de  car- 
damome est  aux  mains  de  collecteurs  spéciaux.  Des  essais 
de  culture  de  coton  et  de  café  ont  été  entrepris  à  Kampot 
par  des  Européens. 

Propriété  foncière.  Son  exploitation.  —  Les  sujets 
français  peuvent  s'établir  librement  et  posséder  dans  toute 
rétendue  du  royaume.  La  propriété  a  été  constituée  par 
Tacte  du  28  octobre  1884  ;  celle-ci  a  permis  aux  Européens 
de  créer  des  établissements  et  aux  indigènes  d'étendre 
leurs  cultures.  Le  Roi,  seul  maître  des  terres,  les  donnait 
à  bail  pour  10  ans  et  les  bâtiments  construits  devaient  lui 


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faire  retour  avec  le  fonds.  Désormais,  ces  terres  sont 
acquises  à  titre  définitif.  Les  ordonnances  du  Roi,  obte- 
nues en  1897,  complètent  la  sécurité  foncière  et  les  faci- 
lités offertes  aux  Français.  Cette  situation  est  consolidée 
par  la  remise  de  Texercice  de  la  justice  entre  des  mains 
françaises.  Le  Cambodgien  étant  indolent,  ce  sont  nos 
sujets  annamites  qui  exploiteront  ces  territoires  fertiles. 


Types  de  Cambodgiens 

Végétaux.  —  Le  cardamome  se  vend  140  fr.  les  60  kilos 
à  Pursat  et  le  cardamome  sauvage  60  fr.,  aux  Chinois. 
Le  coton,  le  mûrier,  Tindigo,  le  tabac,  le  maïs,  la  canne  à 
sucre,  le  poivre,  le  café  sont  les  principales  cultures.  Les 
fruits  sont  nombreux  et  de  bonne  qualité.  Le  palmier  à 
sucre  est  une  source  de  richesse.  Neuf  espèces  de  cannelle 
poussent  sans  aucun  soin  de  la  part  des  indigènes.  Il  y  a 
deux  saisons  pour  la  culture  du  riz,  celle  des  pluies  et 
celle  de  la  sécheresse.  Cette  dernière  récolte  ne  se  fait  qu'en 
bordure  des  fleuves  ou  des  marais  intérieurs. 

Outre  le  coton  herbacé,  on  exploite  les  gousses  de  coton 


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—  230  — 

arborescent  ou  ouate  qui  se  vend  8  fr.  les  60  kilos;  égrenée, 
elle  vaut  40  fr.  Les  bois  de  teinture  s'exportent  en  France 
et  en  Chine  pour  240.000  fr.  Le  poivre  est  très  estimé  et 
on  en  exporte  en  moyenne  1.500  tonnes  valant  plus  de 
5  millions.  Ces  poivres,  jouissant  de  la  détaxe  à  l'entrée  en 
France,  sont  maintenant  transportés  directement  sur  les 
ports  delà  métropole,  ainsi  que  les  1.000  tonnes  expédiées 
de  Gochinchine.  La  soie,  les  cocons,  les  nattes,  les  matelas, 
les  bambous  donnent  lieu  à  un  trafic  courant. 


Plantation  de  poivre  (Cambodge) 

Animaux.  —  Les  buffles,  bœufs,  veaux  et  porcs  alimen- 
tent une  exportation  de  20.000  têtes,  plus  50.000  volailles 
(poulets  et  canards).  Les  plumes,  cornes  et  os,  l'ivoire, 
récaille  de  tortue  représentent  une  centaine  de  mille  francs. 

Industries.  —  Un  Français  avait  établi  en  1891  des 
usines  d'égrenage  de  coton,  d'huile  et  de  tourteaux  prove- 
nant de  la  graine.  De  500  balles,  la  production  passa  à 
8.000  balles  en  1895,  soit  440.000  kilos  valant  480.000 
piastres.  Le  tout  était  exporté  au  Japon.  Ces  usines  viennent 


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-  231  - 

d'être  cédées  à  des  Chinois  malheureusement.  Quelques 
exploitations  agricoles  sont  dirigées  par  les  missionnaires. 
Les  bois  d'essence  rare  sont  expédiés  en  Chine  pour  un 
million  de  piastres  et,  si  les  droits  énormes  et  le  fret  étaient 
réduits»  cette  industrie  prendrait  une  grande  extension. 


l^JitMTemans,  So 


Les  grands  lacs  du  Cambodge  (Ch.  Lemire) 


Le  sucre  de  palme  est  exporté  en  Cochinchine.  On  en 
fait  sur  place,  par  incisions  dans  l'arbre,  une  boisson  fer- 
mentée  très  agréable  lorsqu'elle  est  fraîche.  On  la  fait 
chauffer  dans  des  tubes  de  bambou. 


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—  232  - 

Une  industrie  à  créer  est  celle  de  la  ouate,  dont  la  pro- 
duction est  de  60.000  kilos.  Il  en  est  de  m^me  pour  le 
chanvre  (ou  abaca),  l'ortie  de  Chine,  la  gomme  gutte, 
le  jute,  que  les  Européens  pourraient  développer  avec  profit. 

La  Pêche  fluviale  et  maritime  est  une  des  grandes  res- 
sources du  Cambodge  ;  mais  la  richesse  spéciale  au  pays 
provient  de  la  pêche  annuelle  des  grands  lacs  qui  couvrent 
140  kilom.  de  superficie.  Ils  se  composent  de  trois  nappes 
d'eau  appelées  la  plaine  de  boue,  le  petit  lac  et  le  grand 
lac. 

Dans  la  plaine  de  boue,  les  bancs  fournissent  gratuite- 
ment aux  pauvres  gens  et  aux  buffles  une  sorte  de  riz  sau- 
vage. Puis  de  gros  poissons,  du  genre  Bar,  y  affluent  et  y 
sont  retenus  par  la  baisse  des  eaux. 

Un  canal  de  80  centim.  de  profondeur  mène  à  travers  le 
petit  lac  jusqu'à  Pursat. 

Enfin,  le  grand  lac  a  de  1  mètre  aux  basses  eaux  jusqu'à 
12  mètres  de  fond  pendant  l'inondation,  qui  atteint  Battam- 
bang  et  Angkor.  Les  berges  sont  couvertes  de  forêts  inon- 
dées d  où  le  poisson  sort  en  quantité  prodigieuse. 

Ce  poisson,  salé  sur  place,  alimente  le  Cambodge,  la 
Cochinchine,  la  presqu'île  de  Malacca  et  le  sud  de  la  Chine; 
c'est  merveilleux.  Et  l'on  n'en  prend  qu'une  partie. 

Ce  sont  des  Annamites,  des  Chinois  par  milliers  et 
quelques  Cambodgiens  qui  font  ces  opérations  de  pêche, 
de  salaison,  de  préparation  des  vessies,  de  la  fabrication 
d'huile  et  de  colle  de  poisson  et  d'exportation,  de  mars  à 
juin.  On  établit  de  même  des  barrages  dans  les  nombreux 
affluents  et  les  mares.  Les  femmes  et  les  enfants  participent 
à  ces  travaux.  Le  poisson  est  acheté  surplace  par  des  Chinois 
exportateurs.  Ce  sont  eux  qui  apportent  de  Baria  le  sel 
nécessaire  aux  salaisons.  On  voit  que  cette  industrie  est 
des  plus  importantes  et  des  plus  lucratives.  On  pourrait  en 
tripler  le  rapport. 

Postes  et  Télégraphes.  —  Les  centres  sont  tous  desser- 


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r 


-  233  — 

vis  par  des  bureaux  français.  Le  Cambodge  est  relié  au 
réseau  intérieur  indo-cliinois  et  au  réseau  international. 
La  ligne  de  Phnompenli-Bangkok  a  été  ouverte  le  16  juillet 
1883.  Il  est  à  désirer  qu'elle  soit  remise  de  nouveau  aux 
mains  d'agents  français,  en  renouvelant  la  convention 
franco-siamoise  conclue  à  cet  effet.  La  taxe  entre  le  Cam- 
bodge et  le  Siam  est  de  8  centièmes  de  piastre  par  mot. 

Projets  de  Chemins  de  fer.  —  Une  ligne  doit  relier  le 
Cambodge  à  Saigon  par  Mytho,  section  française.  L'autre 
section,  celle  de  Phnômpenh  à  Bangkok  par  Battambang, 
est  vivement  sollicitée  par  une  Compagnie  anglaise,  la  Siam 
Exploring  C*.  Cette  ligne,  passant  en  territoire  réservé  à 
rinfluence  française,  devrait  être  une  ligne  franco-sia- 
moise. 

Le  Cabotage  se  confond  avec  celui  de  la  Cochinchine. 


Charrette  à  bœufs  (Cambodge) 

Services  postaux  maritimes  intérieurs.  —  La  capitale, 
les  centres  de  Battambang  et  ceux  du  Mékong  jusqu'à 
Stung-Treng,  où  commence  le  Laos,  sont  desservis  régu- 
lièrement par  la  Compagnie  des  Messageries  fluviales.  Ses 
services  sont  en  relation  avec  les  grands  paquebots  qui 


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—  234  — 

assurent  les  communications  extérieures.  Un  service  spécial 
bi-mensuel  met  en  communication  Phnômpenh  avec  Bang- 
kok et  Chantaboun  par  Saigon. 

Monnaies.  —  Notre  système  monétaire  est  adopté  au 
Cambodge.  La  piastre,  les  sapèques,  les  lingots  y  ont  cours. 
Les  anciennes  monnaies  indigènes  sont  devenues  rares 
et  tendent  à  disparaître.  La  barre  d'argent  (viên)  pèse 
385  gr.  86  et  vaut  16  piastres  ou  100  ligatures  de  sapèques. 
Nos  monnaies  divisionnaires  de  Cochinchine  y  sont  très 
recherchées. 

Poids  et  mesures.  —  L'unité  de  poids  est  le  picul  de 
60  kil.  400  gr.  Voici  ses  divisions  : 

Picul  ou  hap  =  60H00 

Thong  =  30.200 

Néel  ou  livre         ==    0»^605 

Damlong  ou  once  =    0,380 

Chi  =    0,038 

L'unité  de  mesure  de  longueur  est  le  Hat  ou  coudée.  Elle 
est  de  trois  sortes  et  varie  pour  les  superficies,  les  étoffes 
et  les  autres  usages.  Dans  les  marchés,  on  spécifie  quel 
sera  le  hat  employé. 

Crédit.  —  L'agence  de  la  Banque  de  Tlndo-Chine  fait 
un  chiffre  d'opérations  de  près  de  5  millions.  Nous  donnons 
des  chiffres  ronds  parce  qu'ils  frappent  et  se  retiennent 
plus  facilement  dans  une  notice  aussi  écourtée  que  celle-ci. 
Carrières  et  mines.  —  Dans  les  montagnes  abonde  le 
fer,  surtout  à  Kompong-Soai.  La  cherté  du  combustible  et 
le  mauvais  état  des  communications  ont  empêché  une 
grande  exploitation  qui  serait  très  fructueuse  et  dont  pro- 
fitent seules  les  tribus  kongs.  Plusieurs  gisements  aurifères 
sont  exploitables. 

Les  carrières  principales  sont  celles  de  kaolin,  près  de 
Kratié,  celles  de  calcaire  à  Kampot,  de  salpêtre  près  de  ce 
port,  des  schistes  ardoisiers  de  Kratié,  des  marbres  de 
Pursat,  des  grès  de  Çheung-Prey. 


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On  fabrique  à  Kompong-Chnang  des  poteries,  de  la  chaux. 
Il  y  a  de  nombreuses  briqueteries  et  tuileries. 


Textiles,  —  Les  étoffes  de  soie  brochée  sont  renommées 
et  de  supérieure  qualité.  Dans  toutes  les  familles,  leç 


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—  236  - 

femmes  ont  des  métiers  à  tisser  le  coton,  la  soie  écrue,  la 
soie  teinte,  lesv  étoffes  à  fleurs.  C'est  une  industrie  à  déve- 
lopper. 

Voies  de  communicatiion  par  terre.  —  Une  belle 
chaussée  en  maçonnerie  va  de  Oudong,  ancienne  capitale, 
à  Kampot,  port  sur  le  golfe  du  Siam.  Sa  longueur  était  de 
150  kilom.  ;  ce  n'est  plus  qu'un  sentier  pour  les  chars  à 
bœufs.  Il  se  relie  à  Phnômpenh.  Une  route,  passant  par 
Pursat,  va  à  Battambang;  mais  elle  est  très  mauvaise.  La 
deuxième  route  est  à  l'abri  de  l'inondation,  mais  n'est  pra- 
ticable qu'en  saison  sèche  ;  elle  traverse  les  forêts.  La  troi- 
sième longe  le  fleuve.  La  seule  route  sérieuse  est  celle  qui 
suit  les  rives  du  Mékong  et  dont  les  ponts  sont  encore  en 
bon  état. 

Voies  de  communication  par  fleuves  et  canaicx.  — 
Il  n'y  a  pas  de  canaux  au  Cambodge.  Le  grand  fleuve  et 
ses  affluents  sont  les  principales  voies  de  communication. 
Pendant  les  inondations  annuelles,  les  relations  entre  les 
villages  se  font  en  barques. 

Le  Commerce  européen  a  passé  de  20  millions  au  début 
à  40  millions  de  francs.  Les  maisons  de  la  capitale  s'appro- 
visionnent à  Saigon.  Nos  négociants  créent  des  succursales 
dans  le  Cambodge  et  sont  entrés  en  ligne  avec  les  Chinois. 

Le  Commerce  indigène  est  entre  les  mains  des  Chinois 
et  des  Annamites. 

Importations.  —  Elles  se  chiffrent  par  10  millions  de 
francs.  Ce  sont  le  sel  de  saumure,  les  poissons  du  pays,  les 
vins,  spiritueux,  sucres  et  tissus  français,  farine,  outils, 
conserves  d'Europe,  articles  de  Paris,  thé,  médecines  et 
papiers  de  Chine,  opium  de  Chine  et  de  l'Inde. 

Les  exportations  atteignent  30  millions. 

Le  riz  a  donné  à  l'exportation  150.000  tonnes  à  9  fr.  les 
100  kilos,  soit  près  de  15  millions  ;  mais  cette  exportation 
est  en  diminution.  Le  poisson  sec  (20  millions  de  kilos) 
représente  3  millions  et  le  poisson- vivant  300.000  fr.,  les 
haricots 900.000  fr.,  le  cardamome  450.000  fr.,  le  sucre  de 


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palme  plus  d'un  million,  le  coton  un  million  et  demi,  le 
tabac  un  million  et  demi,  les  peaux  250.000  fr.,  la  sau- 
mure et  rhuile  de  poisson  450.000  fr. 

Le  Transit  avec  le  Siam  a  beaucoup  diminué  par  suite 
des  droits  sur  les  riz  du  Siam.  D'autre  part,  les  droits  d'en- 
trée au  Siam  étant  bien  inférieurs  à  ceux  du  tarif  français, 
il  y  aura  des  mesures  à  prendre  pour  détourner  le  courant 
du  trafic  vers  la  Cochinchine. 


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Chariot  de  transports  [Cambodge] 

La  Législaton  commerciale  est  la  même  qu'en  Cochin- 
chine. 

Avenir  du  pays.  —  Par  suite  de  Toccupation  du  Laos  et 
des  stipulations  de  la  convention  de  1896  réservant  à  la 
France  les  anciens  territoires  cambodgiens  du  bassin  du 
Mékong,  usurpés  par  les  Siamois  jusqu'au  Mê-Nam  et  qui 
Jious  feront  retour,  le  Cambodge  offre  un  vaste  champ 
à  Tactivité  des  Français.  Ils  y  seront  devancés  par  les 
Annamites  qui  y  sont  nos  auxiliaires  naturels.  Le  sol  est 
fertile.  L'administration  du  pays  étant  entre  nos  mains^ 
des  progrès  considérables  s'accomplissent  chaque  jour. 
Lorsque  le  chemin  de  fer  desservira  la  capitale,  le  com- 
merce prendra  un  grand  essor  et  Saigon,  qui  est  l'entrepôt 
naturel  de  la  grande  artère  fluviale,  aidera  à  ce  développe- 
ment et  en  recueillera  les  profits» 

16 


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-238  - 


LE  LAOS 


Situation.  —  Le  Laos  français  s'étend  de  SluDg-Treng 
à  la  frontière  de  Chine,  sur  la  rive  gauche  du  Mékong.  Les 
principautés  qui  le  composent  sont  divisées  par  ce  grand 
fleuve  en  deux  parties.  Le  Siam  retient  au  nord,  sur  la  rive 
droite,  5  états  :  Xiengmai,  Lakhon,  Lampoun,  Phré  et 
Nan  où  nous  avons  un  consul.  On  compte,  dans  ces  pro- 
vinces, 15.000  protégés  français. 

Pays  limitrophes.  —  Ces  province»  siamoises  bordent 
à  Touest  le  Laos  français,  qui  a  pour  voisins  au  nord  le 
Yunnan,  à  Test  le  Tonkin  et  rAnnam,  au  sud  la  Cochin- 
chine  et  au  nord-ouest  la  Birmanie  anglaise. 

Population.  —  Elle  est  d'environ  600.000  indigènes, 
Laotiens  et  Kbas,  de  plus  de  5.000  Asiatiques  et  170  Fran- 
çais. 

Les  Kbamus  et  les  Lus  sont  employés  surtout  à  Texploi- 
tation  des  forêts  de  ték  et  au  dressage  des  éléphants.  Us 
habitent  surtout  la  vallée  du  Namou,  grand  fleuve  qui 
aboutit  à  Luang-Prabang.  Des  Birmans  (Kaulas),  des  Chi- 
nois, des  Annamites,  des  Thais  s'y  mélangent  pourtant. 
Dans  le  Luang-Prabang,  il  y  a  300.000  habitants.  Le  roi 
administre  la  rive  gauche  et  le  second  roi  la  rive  droite. 

Gouvernement  et  Administration.— Sous  l'autorité  du 
gouverneur  général  de  Tlndo-Chine,  le  Laos  était  administré 
par  un  commandant  supérieur  (civil)  du  Haut-Laos  et  un 
commandant  supérieur  (militaire)  du  Bas-Laos  et  par  vingt 


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-  23Ô  - 

commissaires  du  gouvernement,  auxquels  il  faut  ajouter 
neuf  agents  commerciaux.  Un  payeur,  deux  médecins,  un 
instituteur,  un  agent  des  travaux  complètent  les  cadres 
administratifs.  Le  royaume  a  pour  chef  le  roi  Zaccharine, 
qui  régne  depuis  le  14  juillet  1896,  et  le  prince  héritier  est 
Baune-Kbong.  Le  Haut-Laos  est  divisé  en  8  commissariats 


Bonzes  du  temple  d'Angkor  (Cambodge) 

et  le  Bas- Laos  en  7  commissariats  principaux  ou  pro- 
vinces. 

Depuis  février  1899,  l'administration  de  tout  le  Laos  est 
entre  les  mains  d'un  seul  résident  supérieur.  Le  Luang 
Prabang  forme  un  commissariat  principal. 

L'installation  du  siège  de  la  résidence  supérieure  à 
Savannaket  offre  les  plus  grands  avantages  à  tous  les 
points  de  vue.  Les  attributions  du  résident  supérieur  ayant 
augmenté,  son  autorité  vis-à-vis  des  grands  mandarins 


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-  240  — 

siamois  établis  à  Oubone,  Nan  et  Korat,  ne  fera  que 
grandir  et  il  pourra  rapidement  et  facilement  entrer  en 
relations  avec  eux. 

Au  point  de  vue  économique,  le  choix  du  poste  de 
Savannaket  s'imposait;  placé  au  milieu  du  grand  bief 
navigable  sur  plus  de  700  kilomètres,  il  commande  à 
toute  cette  région,  et  les  routes  rayonnantes  autour  de  lui 
permettent  d'exercer  une  surveillance  plus  active. 

Près  de  lui  passent  les  grandes  routes  commerciales 
suivies  par  les  caravanes,  qui,  par  le  Tonkin,  Nan  etKorat, 
vont  du  Yun-Nan  à  Bangkok,  puis,  enfin,  Savannaket  sera, 
dans  quelques  années,  le  point  terminus  de  la  ligne  qui, 
par  Tourane,  Hué,  Quang-Tri,  le  col  d'Ai-Lao,  débouchera 
sur  le  Mékong,  mettant  le  grand  fleuve  indo-chinois  en 
communication  avec  la  mer,  tout  en  traversfant  de  riches 
contrées  minières  et  côtoyant  d'immenses  forêts. 

Une  route  est  actuellement  en  construction  entre  Hué  et 
Savannaket,  et  rendra  elle-même  de  très  grands  services 
en  drainant  les  marchandises  qui  filaient  sur  Bangkok. 

La  Police  est  assurée  parla  garde  civile  annamite  enca- 
drée de  26  gradés  européens.  La  marine  de  TÉtat  se  com- 
pose du  La  Grandière.  Le  Massiez  été  cédé  aux  Message- 
ries fluviales.  La  population  est  douce  et  docile,  et  Ton 
peut  circuler  partout  en  sécurité. 

Le  Budget  du  Laos  est  de  2.185.000  fr.  Il  est  alimenté 
par  les  subventions  de  la  Gochinchine,  du  Cambodge  et  du 
Tonkin.  Il  fournit  une  subvention  de  65.000  piastres  au 
budget  du  Protectorat,  auquel  il  est  incorporé  depuis  1897. 
—  Ce  contingent  est  applicable  aux  dépenses  des  postes  et 
télégraphes  du  Laos. 

Les  dépenses  sont  de  1.230.420  fr.  pour  le  personnel  et 
de  585.600  fr.  pour  le  matériel,  c'est-à-dire  de  moins  de  la 
moitié,  alors  que  tous  les  travaux  publics  sont  à  faire.  Il 
n  y  a  de  ce  chef  que  125.000  fr.  alloués,  sur  1.816.000  fr. 
L^Annam  et  le  Tonkin   contribuent  au  budget  du  Laos 


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—  241  - 

pour  607.000  fr.,  le  Cambodge  et  la  Ck)chînchine  pour 
1.150.000  fr. 

Les  recettes  proviennent  de  l'impôt,  des  amendes,  des 
régies  d'alcool  et  d'opium.  Les  dépenses  s'appliquent  à  la 
liste  civile  du  roi,  des  princes,  à  la  solde  des  mandarins,  à 
l'entretien  d'une  école  et  d'un  hôpital. 


École  des  bonzes  (Laos) 

Les  Impôts  consistent  surtout  en  une  taxe  personnelle 
récemment  établie  et  dans  les  corvées  ou  prestations.  L'im- 
pôt personnel  est  de  5  fr.  par  tête,  dont  moitié  pour  le 
trésor  royal  et  moitié  pour  le  trésor  français.  Ces  impôts 
sont  perçus  dans  les  commissariats  français.  Mais  on  ne 
peut  espérer  de  longtemps  que  le  Laos  couvre  ses  dépenses. 
Après  tant  d'années  d'oppression,  le  Laos  est  à  organiser, 
el  on  ne  peut  le  faire  que  peu  à  peu. 

Climat.  —  La  région  des  forêts  est  malsaine.  La  tem- 
pérature varie  de  5  à  6*  entre  la  plaine  et  les  plateaux. 
Sur  les  hauts  plateaux,  elle  tombe  jusqu'à  0*.  D'octobre  à 
mai,  tout  est  desséché,  et  de  juin  à  septembre  les  pluies 


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sont  constantes  et  les  rivières  débordent.  Les  bords  du 
fleuve  sont  sains;  mais  le  pied  des  montagnes  est  très 
humide  et  dur  à  supporter.  Les  mois  d^avril  et  mai  sont 
très  fatigants. 

Végétaux,  —  Les  arbres  à  huile,  les  pins,  les  bambous, 
les  arbres  fruitiers  des  tropiques  sont  abondants.  Le 
bambou  à  fleurs,  c'est-à-dire  dont  Técorce  veinée  figure 
des  dessins  naturels,  est  une  spécialité  du  pays. 

Le  coton,  le  riz  gluant,  le  maïs,  le  mûrier,  le  tabac,  le 
siciète  (écorce  à  chiquer)  forment  les  principaux  produits. 

Animaux.  —  L'éléphant,  le  rhinocéros,  le  bœuf  sau- 
vage, le  buffle,  les  coqs  et  poules  sauvages,  la  perdrix,  le 
porc,  le  paon,  les  cerfs,  les  singes,  les  tigres,  les  sangsues 
de  terre  et  des  arbres  peuplent  les  forêts.  Le  jour,  elles 
sont  silencieuses.  Le  soir,  il  faut  faire  des  feux  pour 
écarter  les  fauves.  Le  commerce  des  buffles  et  bœufs  est 
très  actif.  Les  cornes  et  les  peaux  font  l'objet  d'une  expor- 
tation importante. 

Industries  agricoles,  —  Ce  sont  la  laque,  le  benjoin, 
l'indigo,  la  cire,  les  bois.  La  culture  du  pavot  à  opium 
offre  un  grand  avenir. 

Les  autres  industries  sont  celles  des  pirogues,  des  pote- 
ries, du  fer,  du  plomb  valant  sur  les  lieux  80  cent,  le  kilo. 

Pêche  fluviale.  —  Elle  est  très  développée  sur  le  grand 
fleuve  et  dans  ses  importants  affluents.  La  nourriture  con- 
sistant en  riz  et  poisson,  Tactivité  des  indigènes  est  entre- 
tenue par  les  besoins  journaliers.  Toutes  les  rivières  étant 
très  poissonneuses,  ainsi  que  les  mares  et  étangs,  toute  la 
population  se  livre  à  la  pêche  pour  ses  propres  besoins. 

Télégraphes  et  Postes.  —  Les  bureaux  du  télégraphe  et 
de  la  poste  sont,  pour  le  Bas-Laos,  rattachés  au  réseau  de 
la  Gochinchine.  Dans  le  Haut-Laos,  7  bureaux  sont  établis 
en  concordance  avec  le  réseau  du  Tonkin.  Ils  font  le  ser- 
vice des  mandats.  Le  Laos  est  relié  au  service  postal  et 
télégraphique  universel. 


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p^' 


-  243  - 

Les  courriers  postaux  pour  Luang-Prabang  sont  expé- 
diés de  Hanoi  par  Gho-Bo,  la  rivière  noire,  et  Nam-Hou  en 
25  jours. 

Les  Services  maritimes  intérieurs  sont  faits  par  les 
vapeurs  de  la  Compagnie  des  Messageries  fluviales  qui 
assurent  le  service  de  la  poste  et  des  passagers  et  relient 
le  Laos  aux  services  des  grandes  lignes  de  navigation  de 
Saigon. 

Monnaies.  —  On  se  sert  de  morceaux  de  lingots  d^argent, 
de  mauvais  alliage,  de  petits  lingots  de  cuivre  et  de  gros 


Musicienne  du  Cambodge 

lingots  de  fer  en  forme  de  fer  de  lance.  La  roupie  indienne 
est  très  répandue  et  vaut  1  fr.  60.  Le  tical  siamois  vaut 
1  fr.  60.  La  monnaie  de  Tlndo-Chine  française  se  répand 
dans  tout  le  Laos  ;  des  chapelets  de  100  coquillages  font  la 
24r.  partie  d'une  roupie. 

Poids  et  mesures,  —  Ce  sont  les  mêmes  qu'au  Cam- 
bodge, mais  avec  des  variétés  encore  plus  grandes. 
Le  commerce  consistant  surtout  en  échanges  en  nature, 
c'est  au  gré  des  parties  et  sur  le  vu  des  marchandises  que 


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"1 


—  244  — 

se  fait  l'échange.  Nos  poids  et  mesures  de  Cochinchine  se 
répandront  en  peu  de  temps  au  Laos.  ;.'- 

Mines.  —  Le  fer  et  le  plomb  sont  exploités  sur  les  bords* 
du  Nam-Hin-Boun. 

Les  rochers  calcaires  fournissent  les  éléments  de  la 
chaux.  Du  cristal  de  roche,  des  saphirs  et  rubis,  de  Tor,  se 
trouvent  en  gisements  reconnus.  Les  mines  d'Attopeu  sont 
exploitées  par  une  société  française.  M.  l'ingénieur  Bel  y  a 
reconnu  sur  place  des  filons  aurifères. 


Acteur  et  actrices  au  Cambodge 

Industries.  —  Le  sel  gemme  est  extrait  de  la  terre. 
L'eau  des  puits  est  évaporée  au  feu  dans  des  bassines  don- 
nant en  deux  jours  un  bloc  de  sel  de  60  kilogs. 

Textiles.  —  On  tisse  le  coton  et  la  .soie,  on  les  teint  en 
de  riches  couleurs.  On  fabrique  des  nattes  très  recherchées. 
Dans  toutes  les  maisons,  il  y  a  un  métier  a  tisser  et  les 
femmes  laotiennes  ont  pour  les  étoffes  de  couleur  une  spé- 
cialité et  une  supériorité  sur  le  tissage  annamite  d'étoffes 
écrues.  Les  dessins  sont  aussi  variés  que  bizarres. 
"'  Voies  de  communication  par  terre.  —  On  va  de  Lao- 
Kai  à  Luang-Prabang  par  Laï-Ghau  et  Dien-Bien-Phu  ea 


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—  248  — 


25  jours.  Le  Laos  a  été  en  communication  avec  TÀnnam  et 
le  Tonkin  par  six  voix  différentes,  qu'il  s'agit  de  transfor- 
mer en  routes  praticables.  De  Nong-Kay  à  Bangkok  par 
Bassac  il  faut  40  jours  ;  on  va  à  éléphant  de  Korat  à  Bang- 
Kok.  Les  voies  terrestres  avec  Tlndo-Chine  sont  celles  de 
Kratié  à  Saigon,  de  Kemmarat  à  HuéetTourane  par  Ailao, 
de  Outène  à  Vinh  et  de  Luang-Prabang  à  Hanoi  par  Dien- 
Bien-Phu. 

Voies  de  communication  par  fleuves.  —  La  grande 
route  qui  marche  est  celle  du  Mékong  divisé  en  trois 
biefs,  séparés  par  des  barrages  difficiles,  exigeant  des 


Femmes  laotiennes  (Laos) 


transbordements.  Les  contrats  des  25  septembre  1894  et 
18  octobre  1895  établissent  le  service  de  navigation  sur  le 
Mékong  par  la  Compagnie  des  Messageries  fluviales  de 
Khone  à  Luang-Prabang.  Là  Compagnie  est  chargée  du 
transbordement  par  la  voie  ferrée  de  5  kil.  dans  l'île  de 
Khong.  Ce  service  se  fait  depuis  octobre  1896.  De  Khone  à 
Pakmoun  (200  kil.),  le  service  est  régulier  de  juin  à  fin 
novembre  en  18  heures.  Le  deuxième  bief  de  Savanna-Kek 
à  Vien-Tian  (500  kil.),  de  40  à  50  heures  ;  le  troisième  bief 


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^M 


1^ 


—  246  — 

est  celui  de  Vien-Tiane  à  Luang-Prabang.  La  marche  est 
incertaine  ;  mais  de  Saigon  à  Vien-Tiane,  on  met  24  jours, 
à  cause  des  transbordements  en  pirogues.  On  met  20  jours 
de  plus  jusqu*à  Luang-Prabang  ;  on  en  descend  en 
25  jours. 

Commerce.  —  Il  consiste  surtout  en  buffles,  bœufs, 
porcs,  peaux,  cornes  de  buffles,  de  bœufs  et  cerfs,  gomme  - 
laque,  cardamome,  benjoin,  cire,  ivoire,  paddy,  etc. 

L*importation  s'accentuera  en  calicots,  toiles  de  Vichy, 
couvertures  de  laine,  vestons  blancs,  serviettes-éponges,  en 
quincaillerie,  coutellerie,  verrerie,  parfumerie,  pétrole; 
mais  les  Anglais,  et  surtout  les  Allemands,  inondent  le 
pays  de  leurs  articles  dans  le  goût  indigène  et  à  bas  prix. 

Nous  donnons  ci-après  le  tableau  des  taxes  sur  les  pro- 
duits du  Bas-Laos. 

TABIiEAXJ  des  taxes  de  sortie  appliipiées  aux  produita 
du  Bas-Laos  (Expert.) 


DÉSIGNATION 


Paddy  nép 

Riz  blanc  ^ 

Cardamone  sauvage . 

Gomme  laque 

Ortie  de  Chine 

Cornes  de  rhinocéros 
Cornes  de  buffles .... 

Cornes  de  ceris 

Peaux  de  buffles 

Peaux  de  cerfs 

Os  de  tigre 

Os  d'éléphant 

Ecaille  ae  pangolin. . 

Cire 

Benjoin  (l'*  qualité).. 

Ivoire 

Bœufs  et  vaches 

Buffles 

Éléphants  * 

Pirogues  • 


Unité 


Picul  60  k. 

» 

Tune 

le  picul 


» 
l'un 


Valeur 


30  à  35  e. 

l  d.  50 
12  à  15 
12  à  15 
15 

9 
9 
6 
9 
18 


70 
80  à  100 
350 
3à4d. 
10  à  12 
200à800 
3à60d. 


Taxe 

de  sortie 

ad  valorem 


30  0/0 
20  0/0 
10  à  8  0/0 
10  à  8  0/0 
8  0/0 
nulle 
7  0/0 
7  0/0 
10  0/0 
7  0/0 
nulle 
nulle 
nulle 

7  0/0 

nulle 

5  0/0 

15à20  0/0 

10  0/0 

10  0/0 

100à5  0/0 


PriK 
de  vente 
à  Saigon 


1  50  à  1  70 

25à30 
17  à  18 

100  4  200 

16  50 

24 

17 

19  à  20 

44 

25 
? 

75 
200 
500 

30 

25À50 


*  Ne  s'exporte  pas. 

'  Revendus  en  Birmanie  et  dans  Tlnde. 

*  Vendus  au  Cambodge. 


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—  247  — 

Législation  commerciale.  —  Un  arrêté  du  30  juin  1897 
édicté  un  droit  de  sortie  sur  les  productions  locales  du 
Laos.  Cette  mesure,  appliquée  en  1898,  est  prématurée. 
Il  suffit,  pour  s'en  rendre  compte,  de  consulter  le  tableau 
ci-dessus. 

Le  droit  sur  les  importatioDs  au  Siam  étant  de  3  0/0  ad 
valorem,  nos  tarifs  onéreux  détournent  de  Saigon  vers 
Bangkok  le  trafic  de  nos  propres  possessions. 

De  Bangkok  à  Luang-Prabang,  le  prix  du  fret  est  de  150 
à  200  piastres  la  tonne;  de  Saigon  à  Luang-Prabang,70  fr.  ; 
de  Bangkok  à  Vien-Tian  (voie  siamoise),  150  f.  ;  de  Saigon 
à  Vien-Tian  (voie  fluviale),  60  f.  ;  de  Bangkok  à  Outène, 
120  f.  ;  de  Saïgon  à  Outène,  de  20  à  40  fr. 

Avenir  du  pays.  —  Le  Laos  est  un  pays  exactement 
semblable  à  la  Birmanie,  que  les  Anglais  ont  su  organiser. 
Ils  y  font  un  commerce  considérable.  Nous  pourrons  tirer 
du  Laos  de  grandes  ressources,  si  nous  nous  préoccupons 
davantage  des  facilités  commerciales  que  des  formalités 
fiscales.  Le  premier  soin  doit  être  d*établir  des  voies  de 
communication  avec  Saigon,  avec  Tourane  et  avec  Hanoi,  et 
le  succès  sera  assuré  en  une  quarantaine  d^années.  La 
pénétration  commerciale  se  fera  simultanément  par  les 
voies  fluviales  et  terrestres. 


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—  248  — 


LOCALITÉS -PORTS 


TONKIIT 


HAIPHONG 


Situé  au  confluent  du  Cua-Cam  et  du  Song-Tani-Bac,  à 
20  milles  de  la  mer,  Haï-phong,- concession  française,  est  le 
grand  port  du  Tonkin,  aussi  bien  pour  les  produits  euro- 
péens que  pour  les  marchandises  annamites  et  chinoises. 
L'entrée  du  Cua-Cam  est  marquée  par  le  phare  de  Hon- 
Dau  et  celui  de  Norways. 

Une  série  de  balises,  de  bouées  d'amarre  soigneusement 
entretenues  et  de  feux  permettent  aux  navires  de  remonter 
les  H  milles  de  rivière  à  toute  heure  de  nuit.  Un  poste 
télégraphique  installé  à  Hon-Dau  fait  connaître  à  Haïphong 
l'état  de  la  mer  et  signale  les  navires  en  vue* 

Un  Sémaphore  récemment  installé  permet,  en  outre, 
d'échanger  des  dépêches  avec  les  navires  en  rade  d'Hoa- 
Dau,  du  lever  au  coucher  du  soleil. 

La  ville,  qui  n'existait  pas  en  1874,  se  développe  chaque 
jour,  grâce  à  d'importants  travaux  de  voirie  et  d'assainis- 
sement. 

Du  vaste  marécage,  des  lais  de  basse-mer  et  des  rizières 
inondées,  a  jailli  comme  par  enchantement,  en  quelques 
années,  une  belle  ville,  bien  tracée,  bien  bâtie,  ofl'rant  tous 
les  avantages  de  ses  rivales  vieilles  de  trente  ans. 

La  ville  européenne,  dont  la  forme  est  celle  d'une  corne 
d'abondance,  est  circonscrite  par  le  Cua-Cam,  le  Song-Tam- 
Bac  et  le  canal  Donnai  ;  le  haut  commerce  chinois  s'est 


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—  249  — 

également  installé  dans  cette  partie  de  la  ville,  sur  la  rive 
droite  de  Song-Tam-Bac.  Les  faubourgs  se  tendent  au  delà 
de  cette  rivière  et  du  canal. 

Haiphong,  chef-lieu  de  la  province  de  ce  nom,  a  une 
population  d'au  moins  18.000  habitants,  dont  600  Européens 
(non  compris  la  garnison  et  les  fonctionnaires),  5.000 
Chinois  et  9.000  Annamites,  plus  200  Asiatiques,  de  natio- 
nalités diverses  :  Macaïstes,  Indous  ou  Japonais. 

C'est  le  siège  d'une  résidence  de  France  ;  radministration 
indigène  y  est  représentée  par  un  tuan-phu  et  un  quan-an, 
la  justice  par  un  tribunal  de  première  instance  faisant 
également  fonctions  de  tribunal  de  commerce. 

La  ville,  érigée  en  municipalité  par  arrêté  en  dale  du 
19  juillet  1888,  a  pour  maire  le  résident  de  France,  qui  est 
assisté  d'un  conseil  municipal  élu  ;  ce  conseil  comprend 
douze  membres  français,  deux  membres  annamites  et  deux 
membres  chinois. 

Le  service  de  la  voirie  est  assuré  par  un  corps  détaché 
des  travaux  publics.  Les  installations  municipales  sont  : 
les  marchés  de  Port-de-France,  et  d'Haly,  vastes  et  élé- 
gantes constructions  en  fer,  l'abattoir,  le  mont-de- piété, 
les  squares,  etc. 

De  nombreux  agents,  sous  les  ordres  d'un  commissaire 
de  police,  veillent  à  la  propreté  et  à  la  sécurité  de  la  ville  ; 
une  brigade  de  gendarmerie  concourt  au  maintien  de  la 
tranquillité  publique. 

Haïphong  possède  un  commissariat  de  police,  avec 
chambres  de  sûreté,  boulevard  de  Sontay,  une  caserne  de 
gendarmerie,  près  du  Tribunal,  rue  Harmand-  La  prison, 
située  dans  le  quartier  annamite,  au-delà  du  canal  de 
ceinture,  renferme  une  moyenne  de  200  prisonniers.  Ce 
nombre  s'augmente  considérablement  au  moment  des  for- 
mations de  convois  pour  la  déportation. 

Cantonnement  de  garde  indigène  et  caserne  d'infanterie 
de  marine,  sur  les  bords  du  canal. 


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-  260  - 

L'artillerie  a,  sur  la  rive  gauche  du  Song-Tam-Bac,  de 
grands  ateliers  occupant  un  nombreux  personnel  ;  dans 
Haïphong  môme,  elle  possède  des  terrains  et  des  maga- 
sins assez  vastes  ;  elle  occupe  enfin  le  fort  annamite,  où 
sont  déposées  les  poudres  et  les  munitions. 

La  marine  a  créé,  dans  le  quartier  excentrique  d'Haly, 
d'importants  établissements.  L'ai^senal  peut  réparer  les 
chaloupes,  canonnières  et  avisos. 

La  maison  Marty  et  d'Abbadie,  la  maison  Daniel  et  Cie 
ont  également,  la  première  sur  le  Gua-Gam,  la  deuxième 
sur  le  canal,  de  vastes  ateliers  où  les  chaloupes  peuvent 
être  réparées.  Toutes  les  chaloupes  qui  assurent  le  service 
fluvial  du  Tonkin  ont  été  construites  sur  les  chantiers  de  la 
maison  Marty  et  Âbbadie. 

Depuis  le  !•"  janvier  1893  la  ville  est  éclairée  à  la  lumière 
électrique.  Les  directeurs,  MM.  Hermenier  et  Planté,  ont 
installé  leurs  usines  sur  les  bords  du  canal. 

C'est  près  de  Haïphong  que  se  trouvent  les  bâtiments  en 
réserve,  pour  la  plupart  des  canonnières  de  rivière  désar- 
mées. Le  commandement  de  la  marine  est  exercé  par  un 
capitaine  de  vaisseau,  commandant  en  chef  les  forces 
navales  de  Tlndo-Chine. 

Écoles  françaises  primaires  de  garçons  et  de  filles  ;  écoles 
primaires  indigènes  ;  écoles  de  caractères  chinois,  toutes 
très  fréquentées. 

Mission  catholique  espagnole  ;  église  catholique  (une 
cathédrale  sur  les  terrains  de  la  mission,  boulevard  Cour- 
bet) ;  Sainte-Enfance  (école  et  orphelinat  tenus  par  les  sœurs 
françaises  de  l'ordre  de  Saint-Dominique). 

Pagodes  chinoises  et  annamites,  les  premières  très 
luxueusement  décorées. 

Hôpital  militaire  (les  civils  y  sont  admis)  ;  ambulance 
supplémentaire  près  du  fort  annamite  ;  lazaret  ;  hôpital 
chinois  sur  le  Song-Tam-Bac  ;  hôpital  annamite  ;  dispen- 
saire. 


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1 


—  m  - 

Bureau  des  postes  et  des  télégraphes  ;  càble  anglais  ; 
recette  municipale. 

Le  service  central  des  douanes  du  Tonkin,  installé  à  Haï- 
phong,  a  tous  ses  bureaux  dans  les  anciens  locaux  occupés 
par  la  Société  des  Docks. 

Le  débarquement  des  marchandises  et  leur  entrepôt  se 
font  aux  magasins  généraux,  qui  constituent  un  établisse- 
ment de  premier  ordre,  pourvu  de  tous  les  moyens  et 
engins  nécessaires.  Ces  magasins  généraux,  qui  étaient  la 
propriété  d'une  société,  ont  été  rachetés  par  le  Protectorat 
et  sont  actuellement  sous  la  direction  du  Service  de  la 
Douane.  Magasins  centraux  réservés  aux  approvisionne- 
ments de  la  Marine  de  l'État  et  du  Protectorat. 

Le  transit  de  la  marine  et  du  Protectorat  s'effectue  aux 
magasins  chinois,  vastes  immeubles  construits  sur  le  Gua^ 
Cam,à  la  limite  occidentale  de  la  ville.  Les  quais  possèdent 
des  grues  de  2.000  kil.  et  une  bigue  à  vapeur  pour  25.000  kil. 

Halphong  est  le  point  terminus  de  l'annexe  des  Messa- 
geries maritimes  (ligne  de  Saigon-Haïphong)  ;  c'est  en 
môme  temps  la  tôte  de  ligne  de  la  Compagnie  des  corres- 
pondances fluviales  (service  subventionné)  ;  deux  lignes 
fluviales  partent  de  Haïphong  :  celle  de  Hanoi,  avec 
embranchement  à  Hung-Yen  sur  Nam-Dinh  ;  celle  des 
Sept-Pagodes,  Phu-Lang-Thuong  ;  une  ligne  semi-fluviale, 
semi-maritime,  celle  de  Haïphong,  Nam-Dinh,  Vinh  ;  une 
ligne  côtière,  celle  de  Haïphong,  Quang-Yen,  Monkay 
(Nui-Ngoc).  Haïphong  est  aussi  mis  en  communication 
avec  tout  le  Tonkin  et  les  provinces  du  nord  de  TAnnam. 
Enfin,  une  nouvelle  ligne,  qui  sera  desservie  par  des  vapeurs 
d'un  type  spécial,  partant  de  ce  port,  doit  aboutir  prochai- 
nement è  Lao-Kay. 

Haïphong  est  également  relié  à  Hong-Kong  par  un  ser- 
vice régulier  des  Messageries  fluviales  qui  touche  à 
Packhoi  (province  de  Canton)  et  à  Hoi-How  (Ile  de  Haï- 
Nan).  De  nombreux  navires  allemands,  anglais  ou  danois, 


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^ 


—  252  — 

dont  le  port  d'attache  est  Hong-Kong,  apportent  régulière- 
ment à  Haiphong  la  malle  anglaise.  Deux  nouveaux 
bateaux,  le  Hanoï  et  le  Hong-Kong^  appartenant  à  la 
maison  Marty  et  d'Abbadie,  font  également  un  service 
régulier  entre  Haïphong  et  Hong-Kong. 

Haïphonga  reçu,  en  1897, 602  navires  de  mer,  jaugeant 
300.000  tonnes,  de  grandes  jonques  de  mer,  sans  compter 
les  jonques  de  cabotage,  des  navires  de  guerre  et  d'innom- 
brables embarcations  de  rivière. 

Le  mouvement  des  chaloupes  à  vapeur,  pour  Tintérieur 
du  Tonkin,  se  chiffre  par  près  de  1.600  sorties.  Un  bassin 
de  radoub  reçoit  les  navires  de  400  tonnes. 

Le  port  de  Haïphong,  tout  animé  qu'il  soit,  est  malheu- 
reusement précédé  d'une  double  barre  qui  met  obstacle  à 
son  développement  ;  le  Cua-Cam,  qui  le  constitue,  présente 
à  son  estuaire  deux  seuils  qui  empêchent  les  navires  calant 
j)lus  de  6  mètres  de  monter  à  Haïphong  et  imposent 
même  parfois  une  attente  assez  longue  à  des  vapeurs  de 
tirant  d'eau  inférieur.  Hs  peuvent  s'abriter  à  la  Cat-Batou  à 
la  baie  d'Along. 

Un  canal  va  réunir  le  Cua-Nam-Trieu,  en  face  d'Haïphong, 
au  Cua-Cam,  permettant  à  tous  les  navires  de  remonter  en* 
tous  temps. 

L'eau  douce  se  paie  une  piastre  la  tonne. 

Les  armateurs  et  négociants  à  Haïphong  peuvent,  en 
produits  bruts  ou  manufacturés,  faire  face  à  toutes  les 
demandes  ;  il  est  possible  de  se  procurer  dans  ce  port  tou9 
les  articles  européens  du  asiatiques. 

Succursale  de  la  Banque  de  Tlndo-Chine. 

Succursale  de  la  Hong-Kong  and  Shanghaï  Corporation 
et  de  la  Chartered  Bank. 

Chambre  de  commerce,  administration  du  port  de  com- 
merce, pilotage,  sémaphore. 

Salle  des  ventes,  dirigée  par  un  commissaire-priseur. 

L'industrie  locale  est  encore  peu  développée.  En  dehors 


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—  253  - 

des  ateliers  de  construction,  il  n'existe  que  des  tanneries 
chinoises  et  quelques  autres  établissements  sans  grande 
importance. 

La  ville  de  Haïpbong  a  un  réseau  de  voies  publiques 
définitivement  établi  ;  les  principales  sont  :  le  boulevard 
Paul-Bert,  la  plus  belle  de  toutes,  occupée  par  des  Européens, 
la  rue  du  Commerce,  siège  du  négoce  chinois,  la  rue  Ton- 
kinoise, la  rue  Francis-Garnier,  la  rue  Négrier,  la  rue  de 
la  Marine,  de  l'autre  côté  du  Song-Tam-Bac.  Toutes  les 
voies  d'Haïphong  sont,  en  général,  plantées  d'arbres, 
larges  et  bien  entretenues.  Nombreux  boulevards  :  Henri 
Rivière,  Courbet,  de  Sontay,  Bonnal,  de  la  République. 
Places  du  Marché  et  Nationale. 

Parmi  les  édifices  remarquables  d'Haïphong,  il  y  a  lieu 
de  citer  l'ensemble  des  bâtiments  de  la  résidence,  le  tribu- 
nal, le  trésor,  la  banque  de  l'Indo-Chine,  les  marchés,  la 
direction  de  l'artillerie,  l'hôtel  du  gouverneur  général  et, 
parmi  les  constructions  particulières,  l'hôtel  du  Commerce 
et  plusieurs  maisons  de  commerce. 

Square,  hippodrome.  Une  grande  promenade  suburbaine: 
la  route  du  Lach-Tray  et  la  roqte  circulaire,  la  route  de 
Do-Son. 

A  quelques  heures  de  Haïphong,  la  plage  de  Do-Son  est 
fréquentée  pendant  la  saison  des  bains  de  mer.  Le  déve- 
loppement de  cette  plage  a  pris  un  grand  essor  depuis  la 
saison  balnéaire  de  1890  ;  de  nombreuses  villas  y  ont  été 
construites  et  elle  est  appelée  à  devenir  le  sanatorium  du 
Tonkin  ;  une  route  de  22  kilomètres  relie  Haïphong  à  Do- 
Son. 

Parmi  les  sociétés  privées  figurent  :  le  cercle  du  Com- 
merce, le  cercle  du  Banian,  deux  cercles  chinois,  la  Société 
hippique,  le  Sporting-Club,  la  Société  de  bienfaisance,  la 
650*  section  des  Prévoyants  de  l'Avenir,  la  Pédale  Haïphon- 
naise,  etc. 


17 


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-  254  - 


HANOI 


Position  géographique.  —  La  ville  de  Hanoi,  capitale 
du  Tonkin,  assise  sur  le  bord  du  fleuve  Rouge  en  terrain 
qui  est  concession  française,  est  située  par  21**  1'  58"  de 
lat-  N.  et  103*^  29'  26"  de  long.  E.,  coordonnées  prises  à  la 
tour  de  la  citadelle. 

L'avance  de  Theure  sur  celle  de  Paris  y  est  donc  de 
6h.  53  m.  57  s. 

Étendue  de  la  ville.  —  La  ville  proprement  dite  occupe 
environ  1 .000  hectares  de  surface,  en  comprenant  la  cita- 
delle, de  160  hectares,  et  la  presqu'île  de  Go-Xa,  nouvelle- 
ment formée  en  dehors  des  digues  et  chaque  année  submer- 
gée par  le  fleuve,  à  l'époque  des  hautes  eaux. 

Des  points  extrêmes  nord  et  sud,  c'est-à-dire  du  Jardin 
d'essai  à  l'Abattoir,  il  y  a  un  peu  plus  de  5  kilomètres  à 
vol  d*oiseau,  et  près  de  3  kilomètres  de  Test  à  Touest,  du 
village  de  Yen-Trach  au  bord  de  la  rivière. 

Cours  d'eau.  —  Le  fleuve  Rouge,  qui  la  baigne,  présente 
de  nombreux  rapides  dont  on  parait  s'exagérer  Timpor- 
tance,  car,  à  plusieurs  reprises,  ces  difficultés  ont  été  sur- 
montées par  les  steamers  de  la  Compagnie  des  Messageries 
fluviales.  En  efl'et,  le  Lao-Kay,  en  1889,  et  le  Yun-Nan^  en 
1890,  ont  démontré  que  celte  voie  était  ouverte  et  que  la 
navigation  à  vapeur  était  possible  de  Hanoi  à  la  frontière. 

C'est  ainsi,  d'ailleurs^  que  la  môme  compagnie  vient  de 
décider  l'entreprise  d'un  service  régulier  entre  Yen-Bay  et 
Lao-Kay.  La  chaloupe  le  Cho-Bo,  vapeur  mixte  monoroue, 
a  quitté  Hanoi,  le  11  octobre  1893  pour  accomplir  son 
voyage  d'ouverture  de  cette  ligne  principale.  —  300  kilo- 
mètres seulement  séparent  Hanoi  de  Lao-Kay,  et  il  e&t  à 
penser  que,  dans  un  avenir  très  rapproché,  nous  verrcais  le 
halage  pénible  des  jonques  aidé  ou  doublé  par  des  bateaux 
à  vapeur  ou  remorqueurs. 


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-  268  - 

De  Hanoi  à  la  mer,  il  y  a  150  kilomètres  par  le  fleuve,  pour 
arriver  au  Cua-Bac-Lat,  une  des  principales  embouchures, 
malheureusement  peu  praticable  aux  navires  d'un  tonnage 
véritablement  commercial.  Mais  la  capitale  reste  en  com- 
munication avec  toutes  les  provinces  par  des  branches 
divergentes  de  la  rivière  ou  des  canaux  artificiels  formant 
un  réseau  de  navigation  intérieure  qui,  amélioré  et  entre- 
tenu avec  soin,  pourra  répondre  à  tous  les  besoins. 

Population^  —  Il  est  assez  difficile  de  donner  le  chiffre 
exact  de  la  population  de  Hanoi,  comme  du  reste  celle  de 
toutes  les  ville»  du  Tonkin  où  la  statistique  complète  n'a 
pu  encore  être  établie. 

Les  anciennes  évaluations,  portant  à  100.000  ou  même  à 
150.000  habitants  la  population,  semblent  un  peu  exagérées; 
mais  elles  se  justifient^  en  apparence,  par  la  circulation 
extraordinaire  observée  dans  les  quartiers  indigènes. 

La  dernière  statistique  faite  a  donné  39.000  Annamites 
ayant  un  domicile  (dont  11.000  hommes,  14.000  femmes  et 
14.000  enfants).  Mais  il  convient  de  joindre  à  ce  chiffre  la 
population  d'environ  40  villages  ou  hameaux  épars  en 
dehors  de  Tagglomération  (15.000  habitants  environ)  et 
plus  de  3.000  indigènes  domestiques  ou  employés. 

La  population  flottante  est  très  considérable.  Elle  se 
compose,  pour  une  part,  de  4  à  500  jonques  de  commerce, 
constamment  amarrées  au  bord  du  fleuve  (3  à  4.000  habi- 
tants, hommes,  femmes  et  enfants)  et,  pour  l'autre,  des 
habitants  des  villages  voisins  (environ  8.000  habitants). 

On  compte  à  Hanoi  un  certain  nombre  d'Annamites  de 
Saigon,  1.100  Chinois  environ,  23  Indiens  et  25  Japonais 
ou  Japonaises, 

La  population  européenne  est  de  616  habitants  environ. 

Ne  sont  pas  compris  dans  cette  statistique  les  officiers, 
les  troupes  de  la  garnison,  ainsi  que  les  familles  des  offi- 
ciers. 

Divisions  administratives.  —  La  ville  de  Hanoi  a  été 


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—  286  — 

* 

formée  d'une  agglomération  de  106  villages  environ  ;  mais, 
comme  il  n'était  pas  possible  de  conserver  un  morcelle- 
ment aussi  excessif,  il  a  été  créé  six  quartiers  administra- 
tifs, sous  l'autorité  de  chefs  de  quartier  indigènes  dépen- 
dant du  résident-maire. 

Distribution  (feau  potable.  —  Les  eaux  potables  desti- 
nées à  la  ville  de  Hanoi  proviendront  d'une  immense 
nappe  souterraine,  reconnue  il  y  a  près  de  quatre  ans  au 
nord  du  Lac  de  Truc-Bach,  près  du  village  de  Yôn-Dinh. 

Les  travaux  de  captation  et  de  distribution  ont  été,  après 
un  appel  d'offres,  adjugés  à  une  maison  de  Paris. 

Éclairage  électrique. — Depuis  le  l**"  janvier  1895, 
l'électricité  remplace  le  pétrole  pour  l'éclairage  public  de 
la  ville.  Des  lampes  à  incandescence  de  16  bougies,  munies 
d'un  réflecteur,  sont  placées  tous  les  32  mètres  en  moyenne 
et  disposées  en  quinconce  le  long  des  trottoirs. 

Le  boulevard  Francis-Gamier,  dit  Tour  du  Lac,  le  square 
Paul-Bert,  sont  éclairés  par  des  lampes  à  arc  d'une  puis- 
sance de  600  bougies. 

Les  lampes  reçoivent  le  courant  par  une  canalisation 
aérienne  maintenue  à  6  mètres  au-dessus  du  sol  à  l'aide  de 
pylônes  métalliques. 

L'énergie  électrique  est  produite  par  deux  groupes  de 
deux  dynamos  du  type  Gramme  à  courant  continu  de 
16.000  bougies  de  puissance  chacune. 

Chaque  groupe  de  dynamos  est  commandé  par  un  moteur 
à  vapeur  du  type  vertical  à  pilon  système  Compound,  d'une 
force  de  160  chevaux,  marchant  à  7  kilos  de  pression. 

Les  entrepreneurs,  MM.  Hermenier,  Planté  et  O®,  qui 
ont  exécuté  tous  les  travaux,  sont  aussi  concessionnaires 
de  l'exploitation  pour  une  période  de  vingt  années. 

Égoûts.  —  Depuis  trois  ans  des  travaux  très  importants 
ont  été  exécutés  d'après  un  projet  d'ensemble. 

La  longueur  établie  à  ce  jour  mesure  3.500  mètres,  sur 
lesquels  il  y  a  environ  2.000 mètres  de  collecteur  secondaire. 


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—  257  — 

Le  collecteur  principal  va  être  commencé.  Les  grosses 
dépenses  qui  doivent  en  résulter  avaient  dû  le  faire  ajour- 
ner jusqu'ici. 

Le  développement  total  du  réseau  d'égoût  sera  d'environ 
20  kilomètres,  qu'il  serait  possible  d'exécuter  en  quatre 
années  si  les  ressources  budgétaires  le  permettaient. 

Quais.  —  De  grands  travaux  de  digue  et  de  quais  ont 
été  entrepris  il  y  a  deux  ans  devant  Hanoi.  Sur  la  rive 
gauche,  dans  la  province  de  Bac-Nînh,  une  digue  de 
7  kilomètres  de  longueur  a  été  établie  à  700  mètres  envi- 
ron en  arrière  de  l'ancienne  digue  construite  par  l'admi- 
nistration indigène  avant  l'occupation  française.  Non 
seulement  cette  nouvelle  digue  de  protection  préviendra 
les  inondations  dans  la  province  de  Bac-Ninh,  mais  elle 
sera  aussi  une  garantie  de  sécurité  pour  la  ville  de  Hanoi» 
dont  les  digues  seront  soulagées  par  le  fait  que  le  fleuve, 
pendant  les  grandes  crues,  aura  une  section  beaucoup 
plus  considérable  qui  diminuera  et  la  vitesse  des  courants 
et  les  hauteurs  des  crues. 

Du  côté  de  Hanoi,  un  plan  d'ensemble  a  été  arrêté  depuis 
le  blockhaus  Vaché  jusqu'à  la  concession,  sur  près  de  4  kilo- 
mètres de  longueur. 

La  partie  comprise  entre  le  blockhaus  et  la  rue  des 
Tubercules  ne  comprend  que  l'exécution  d'une  digue  en 
terre  à  large  plate-forme  pouvant  servir  de  chaussée.  Ces 
travaux  sont  déjà  exécutés  jusqu'à  la  pagode  des  Mulets, 
c'est-à-dire  sur  la  moitié  de  leur  longueur,  et  il  est  pro- 
bable qu'ils  seront  terminés  cette  année  avant  l'arrivée  des 
crues.  La  partie  comprise  entre  la  rue  des  Tubercules  et  la 
concession,  comprendra,  en  dehors  des  gros  terrassements 
nécessaires  à  l'établissement  d'un  boulevard  de  26  mètres 
de  largeur,  des  perrés  maçonnés  sur  le  talus  même  des 
remblais  et  disposés  en  pente  très  douce,  qui  permettront 
aux  chaloupes  d'accéder  en  toutes  saisons.  Ces  perrés 
reposeront  sur  un  massif  de  maçonnerie  de  gros  blocage 


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~  258  - 

formant  risberme  fondée  sur  deux  lignes  de  pilotis  battus 
à  5  ou  6  mètres  de  profondeur.  Le  niveau  inférieur  de  la 
maçonnerie  sera  descendu  à  2  mètres  au-dessous  de  Tétiage, 
de  façon  qu'aux  plus  basses  eaux  les  embarcations  puissent 
encore  accoster  les  berges  ainsi  transformées  en  quais. 

Une  fois  le  banc  de  sable  disparu  et  le  courant  du  fleuve 
ramené  sur  la  rive  gauche,  Hanoi  sera  muni  d'un  port  de 
commerce  accessible,  quelle  que  soit  la  hauteur  du  fleuve 
et  le  vœu  que  le  commerce  demande,  avec  juste  raison, 
depuis  si  longtemps  sera  enfin  réalisé. 

Marchés.  —  Cinq  grandes  halles  en  fer,  à  toiture  de 
tôle  ondulée,  de  52  mètres  de  longueur  sur  19  mètres  de 
largeur,  ont  été  élevées  vers  la  fin  de  1889  et  suffisent  pour 
le  présent.  Trois  autres  seront  construites  suivant  les 
besoins.  Deux  halles  forment  le  marché  de  la  rue  du  Riz, 
le  plus  central  et  le  plus  fréquenté  de  tous. 

Le  nombre  des  marchands  fréquentant  les  halles,  cons- 
taté par  les  tickets  délivrés  journellement,  est  de  1.200 
en  moyenne  et  de  1.800  les  jours  de  grand  marché  (qui 
ont  lieu  tous  les  cinq  jours). 

Champ  de  courses.  —  Hanoi  possède  depuis  plusieurs 
années,  à  proximité  du  boulevard  Gambetta,  un  hippo- 
drome ayant  une  double  piste  circulaire  et  une  piste  trans- 
versale. Le  parcours  total  est  de  t  .300  mètres.  Des  tribunes, 
ainsi  qu'un  kiosque  pour  la  musique,  construits  en  briques 
et  en  bois  ouvragé,  sont  bien  disposés. 

La  saison  des  courses  commence  fin  octobre  et  se  ter- 
mine vers  la  mi-avril. 

Grandes  industries.  —  Européens.  —  Filature  de 
coton,  ateliers  de  dévidage  de  soie.  —  Fabrique  d'allu- 
mettes. —  Usine  à  glace.  —  Distilleries.  —  Ébénisterie. 
—  Brasserie,  etc.,  etc. 

Commerce  et  industrie.  —  Indigènes.  —  Huiles  d'ara- 
chides, de  sésame  et  de  ricin.  —  Soles.  —  Poteries  et 
faïences.  —  Sel.  —  Saumure  (nuoc-mam).  —  Bois  de 


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mm^ 


cerf.  —  Fours  à  chaux,  à  briques,  à  tuiles,  à  carreaux.  — 
Incrustations  de  nacre.  —  Sculptures  sur  bois.  —  Brode- 
ries sur  soie,  velours  ou  drap.  — •  Fonderies  de  cuivre.  — 
Nattes  en  jonc  ou  en  bambou.  —  Paniers.  —  Orfèvrerie. 

—  Changeurs.  —  Éventails. —  Parasols.  —  Ferblanterie. 

—  Meubles.  —  Cordages.  —  Hamacs.  — »  Chapeaux  de 
paille.  —  Chaussures.  •—  Cannelle. 

Grand  commerce  de  laque,  de  noix  d'arec,  de  riz,  de 
bois  de  construction  et  de  chauffage,  de  cunao,  de  papier, 
de  porcelaines  dites  de  Canton,  d'objets  de  culte,  de  drogue- 
ries chinoises  et  annamites,  d'écorce  à  papier,  d'écorce  à 
teindre,  d'indigo,  de  chanvre,  de  ramie,  de  coton,  d'étoffes, 
de  tabac,  de  sucre,  de  charbon  de  bois,  de  graines,  de 
rotin,  etc.,  etc. 

Sociétés.  —  Académie  tonkinoise  (arrétédu5juillet1886). 
Cette  académie  a  pour  mission  de  rechercher  et  réunir  tout 
ce  qui  intéresse,  à  un  point  de  vue  quelconque,  le  pays 
tonkinois.  —  Mission  permanente  d'archéologie  et  de 
linguistique  sous  la  direction  de  l'Institut,  chargée  de 
l'édude  et  de  la  préservation  des  monuments  anciens,  etc. 

—  Cercle  d'Hanoi.  —  Société  philarmonique  d'Hanoi. 

Charles  Lemire, 

Résident  honoraire  de  France. 
(A  HuivreJ 


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SONNET 


A  M.  C,  Riveron,  chef  de  bataillon 
en  retraite,  membre  de  la  Société 
d'Agricaltare  y  Sciences  et  Arts  d'An» 
gerSj  sur  son  ode  à  Montreail^Bellay. 


O  toi,  qui  de  Montreuil  vins  rehausser  la  gloire, 
En  chantant  de  son  Thouet  le  val  et  le  donjon, 
En  clamant  de  ses  fils  illustres  la  mémoire, 
Barde,  le  vieil  Anjou  conservera  ton  nom. 

Les  accents  de  ta  lyre  ont  scellé,  dans  l'histoire 
De  Montreuil,  à  ces  fils  un  précieux  renom  ; 
Aux  hommes  de  science  elle  chante  victoire, 
Au  poète  elle  vibre  avec  effusion. 

Ah  I  c'est  qu'en  lui  tu  sus  voir  un  autre  toi-même, 
Votre  vie  à  tous  deux  vibra  dans  un  poème 
Et  les  rives  du  Thouet  virent  vos  premiers  pas. 

Qu'il  est  doux  de  chanter  ce  qu'ici-bas  l'on  aime  ! 
Des  jours  de  l'âge  d'or  jusqu'à  l'heure  suprême. 
Poète,  chante  cncor,  le  cœur  ne  vieillit  pas. 

E.  A. 


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Fï?^ 


ENTRE 

LOUIS  Xni  ET  MARIE  DE  MÉDICIS 

(1619-1620) 


CHAPITRE  IX 

l'entrevue  de  BRISSAC 

f$uite^J 

Tandis  qu'à  Brissac  une  aussi  brûlante  impulsion 
enlevait  Louis  XIII  vers  les  plus  lointains  quartiers  de  l'hé- 
résie, et  cela  non  sans  quMi  ait  d'abord  gracieusement 
remercié  de  son  hospitalité  le  duc  de  Brissac,  Marie  de 
Médicis  se  retournait  vers  Angers  pour  y  aller  effacer 
jusqu'aux  dernières  traces  de  la  guerre  civile.  La  mère  et 


*  V.  les  livraisons  de  juillet-août,  septembre-octobre,  novembre- 
décembre  1888;  janvier-février,  mars-avril,  septembre-octobre, 
novembre-décembre  1890;  juillet -août,  septembre-octobre  1891; 
novembre-décembre  1892;  janvier-février,  mars-avril  1893;  mai-juin, 
juillet-août  1894;  janvier-février,  mai-juin  1896;  novembre-dé- 
cembre 1897;  mars-avril,  .juillet-aoûi  1898;  janvier-février  ?°^" 


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—  262  - 

le  fils  ne  se  séparèrent  pas,  le  16  août  à  neuf  heures  du 
soir,  sans  se  donner  rendez-vous  sur  le  chemin  de  la 
guerre  sainte,  à  Poitiers*,  en  attendant  ce  qui  leur  sem- 
blait alors  réternelle  réunion  du  Louvre.  Il  y  a  plus.  Marie 
de  Médicis  ne  voulut  pas  quitter  ce  fils  si  sûr  de  Vy  revoir, 
sans  lui  laisser  des  arrhes  certaines  de  Tirrévocabilité  de 
sa  conversion  maternelle.  A  ce  moment  arrivaient  de 
La  Rochelle  à  Angers,  à  son  adresse,  les  cinquante  mille 
livres  de  poudre  soustraites  jusqu'ici,  comme  nous  avons 
vu,  à  sa  disponibilité  par  les  embargos  de  la  guerre  civile, 
et  que  la  paix  des  Ponts-de-Cé  lui  venait  de  rendre  avec  ses 
garnisons  angevines.  Mais  Marie  de  Médicis  ne  recouvra 
cette  cargaison  insurrectionnelle  que  pour  la  passer  toute, 
en  vue  de  la  guerre  sainte,  à  celui  à  qui  il  ne  restait  plus 
à  vaincre  que  ce  qu'elle  répudiait  pour  le  rejoindre*.  Par 
là  les  exploiteurs  de  sa  révolte  voyaient  contre  eux  se 
retourner  leurs  foudres;  et  d'avance  Thérésie  tremblait  de 
tout  ce  que  lui  soutirait,  sous  le  sceau  du  catholicisme, 
le  ralliement  de  Brissac. 

Ralliée  là  et  identifiée  à  Louis  XIII,  Marie  de  Médicis 
Tétait  au  point  qu'il  suffisait  que  cette  armée  qui  l'avait  si 
salutairement  vaincue  s'intitulât  l'armée  royale,  pour  qu'en 
reine  aflfranchie  elle  la  pût  désormais  saluer  comme  sienne. 
Cette  armée  des  Ponts-de-Cé,  devenue  l'armée  du  Béarn, 
pouvait  arborer  parallèlement  aux  enseignes  de  Louis  XIII 
le  trophée,  par  lui-môme  si  respectueusement  conquis,  des 
enseignes  maternelles.  C'est  ce  qu'on  put  se  dire  en  voyant, 
au  pied  du  château  où  allaient  s'échanger  leurs  adieux, 

"  Louis  XIII  partit  le  17  août  pouç  Montreuil-Bellay.  Mais  Marie 
de  Médicis  prolongea  son  séjour  à  Brissac  jusqu'au  23. 

*  Dès  Tannée  suivante,  quand  Louis  XIII  fut  rentré  de  sa  cam- 
pagne du  Béarn,  Marie  de  Médicis  alla  jusqu'à  lui  offrir,  comme 
gage  de  récompenses  en  faveur  de  ceux  qui  Vy  avaient  le  mieux 
servi,  la  rétrocession  de  ses  gouvernements  d'Angers,  des  Ponts— 
de-Cé  et  de  Chinon.  —  Quatre  ans  après,  pour  favoriser  dans  les 
sollicitudes  militaires  de  Louis  XIII  des  projets  de  concentration 
de  troupes,  Marie  de  Médicis  lui  offrit  encore  la  mobilisation  de  ses 
garnisons  d'Anjou. 


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■r- 


Marie  de  Médicis,  à  côté  et  sur  Tinvitation  de  Louis  XIIl, 
passer  en  revue  ces  phalanges  qui  n'avaient  rompu  les 
tranchées  de  Saint-Aubin  que  pour  lui  frayer  dans  son 
acheminement  vers  le  rendez-vous  de  réconciliation  filiale 
une  plus  large  avenue  d'honneur'. 

Hélas  !  après  avoir  vu  à  Brissac  non  pas  certes  ses  enne- 
mis, mais  ses  vainqueurs,  la  protéger  de  leur  escorte  et  la 
glorifier  de  leurs  ovations,  Marie  de  Médicis,  en  rentrant 
le  23  août  à  huit  heures  du  soir  à  Angers  pour  y  dire  adieu  à 
ses  concitoyens  d'adoption,  que  dis,-je?  à  ses  hôtes  privi- 
légiées et  à  ses  défenseurs  hiérarchiques,  y  avait  doulou- 
reusement constaté  autour  d'elle  un  vide  glacial  !  Et  pour- 
tant Dieu  sait  si,  durant  son  absence,  elle  avait  négligé  de 
s'entretenir  ou  de  se  raviver  dans  le  culte  des  Angevins 
par  la  confirmation  de  tout  ce  que  la  paix  des  Ponts-de-Cé 
leur  conférait  de  bienfaits,  de  garanties  et  de  remèdes! 
D'abord  lorsqu'à  Brissac,  par  une  suprême  avance 
filiale,  Louis  XIII  l'avait  mise  à  même  d'échanger  son  apa- 
nage actuel. contre  un  autre  ou  plus  considérable  ou  plus 
rapproché  de  lui,  elle  avait  décliné  cette  atteinte  à  l'in- 
dissolubilité de  ses  attaches  angevines*.  Et  pour  achever 

*  Au  cour<i'du  défilé  de  cette  revue  devant  Louis  XIII,  assisté  de 
son  état-major  où  le  cardinal  de  Guise,  fraîchement  rallié,  figurait 
auprès  de  sa  personne,  vint  à  passer  un  des  plus  brillants  soldats 
de  l'armée  royale,  Pontis,  auteur  des  spirituels  Mémoires  auxquels 
nous  empruntons  ce  souvenir.  Après  avoir,  aux  débuts  de  la  guerre 
civile,  enrôlé  autour  de  Nogent  deux  cent««  royalistes,  il  les  menait 
vers  l'est  à  l'armée  de  Champagne,  quand  surgit  devant  lui  le  car- 
dinal de  Guise,  à  la  tète  d'une  escouade  de  six  cents  cavaliers,  (jui 
l'arrêta,  mais  sans  le  pouvoir  contraindre  qu'à  une  imposante  retraite 
sur  Sézanne.  Aussi,  lorsque  la  revue  de  Brissac  Teut  ramené  devant 
lui,  le  cardinal  se  le  fit  présf^nter  et  proclama  ce  qu'il  lui  vouait  de 
haute  estime,  en  l'embrassant  devant  toute  l'armée.  Intrigué  de  la 
distinction  de  cet  accueil,  Louis  XIII  interrogea  là-dessus  le  cardi- 
nal, qui  poussa  par  là  le  jeune  Pontis  dans  la  considération  de 
Louis  XIII  ;  et  de  là  le  commencement  de  sa  fortune. 

-  C'est  en  considération  de  ses  attaches  angevines  que  Louis  XIII, 
après  la  journée  des  Dupes  et  dans  l'impossibilité  de  retenir  près  de 
lui  Marie  de  Médicis,  lui  proposa  l'Anjou  comme  sa  plus  souhaitable 
retraite.  Mais,  en  recourant  alors  pour  son  dernier  exil  à  l'hospitalité 
de  l'Espagne,  Marie  de  Médicis  avait  répudié  toutes  ses  patries 
d'adoption. 


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-  264  - 

de  rapatrier  avec  elle  à  Angers,  comme  y  devant  sur- 
vivre à  son  départ,  l'administration  réparatrice  qu\y  réin- 
tégraient les  amnisties  générales,  lorsqu'au  retour  de  son 
exil  Lanier,  le  14  août,  la  vint  saluer  à  Brissac,  Marie  de 
Médicis  lui  remit  avec  ses  lettres  de  rappel,  et  avec  les 
clefs  de  la  ville  retenues  par  elle  depuis  son  départ,  un  bre- 
vet d'apologie  avec  lequel  il  rentra  à  Angers  dès  le  soir, 
reçut  la  visite  du  gouverneur  Du  Bellay  et  fit  reprendre 
devant  lui  aux  archers  de  la  ville  leur  livrée  officielle.  Puis, 
dès  le  lendemain  15  août,  les  corps  de  ville  solennisèrent 
sa  justification,  et  envoyèrent  quatre  échevins  à  Brissac 
remercier  la  reine-mère. 

Comme  pour  assurer  d'avance  à  Lanier,  en  vue  de  cette 
réinstallation  triomphale  à  THôtel-de-Ville,  une  entrée 
plus  libre  en  cette  cité  qui  acclamait  son  retour,  les  10 
et  12  août,  les  portes  d'Angers,  sans  attendre  leur  éva- 
cuation ultérieure  du  18  par  la  soldatesque  insurrection- 
nelle, s'étaient  ouvertes  toutes  grandes;  et  par  là  avaient 
afflué  les  congratulations  urbaines,  empressées  d'aller  à 
Brissac  s'étendre  à  toute  la  maison  royale.  Car,  sur  l'invi- 
tation émanée  de  Marie  dé  Médicis  dès  le  jour  de  son  arri- 
vée à  Brissac  et  transmise  dès  le  soir  par  Richelieu  à  Angers 
en  une  assemblée  extraordinaire  de  THôtel-de-ville,  le 
lendemain  une  députation  de  toutes  les  compagnies  l'était 
venue  trouver  pour  s'y  faire  présenter  par  elle  à  Louis  XIII, 
et  le  complimenter  par  l'organe  commun  d'Ayrault,  prési- 
dent du  présidial.  Sur  d'aussi  honorables  traces  et  comme 
se  croisant  avec  la  rentrée  de  son  maire,  la  population 
angevine,  charmée  de  la  nouveauté  de  cet  affranchisse- 
ment de  leurs  portes,  était  accourue  au  château  qui  rece- 
vait leurs  augu&tes  hôtes,  avec  des  verges  blanches  attes- 
tant l'innocuité  de  leur  démarche,  pour  aborder  de  près  le 
jeune  Louis  XIII  et  s'enorgueillir  de  la  familiarité  frater- 
nelle de  son  accueil. 

Malheureusement  de  telles  manifestations  détonnaient 


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—  265  — 

avec  le  revirement  pressenti  dès  avant  le  départ  de  Marie  de 
Médicis,  mais  qui  s'accusa  surtout  durant  son  absence,  au 
cœur  de  la  population  angevine.  Aux  premiers  transports 
de  joie  avaient  vite  succédé  l'inquiétude  et  la  méfiance,  à  la 
suite  d'incidents  fâcheux  qui,  se  disait-on,  quand  vibrait 
encore  l'annonce  delà  paix,  en  altéraient  la  signification  et 
en  démentaient  les  promesses.  Au  cours  de  la  libération 
des  portes  de  la  ville,  le  10  août  vers  une  heure  du  soir, 
dans  le  désœuvrement  pernicieux  des  postes  non  encore 
évacués  par  Tarmée  rebelle  et  surtout  aux  portes  Lyon- 
naise et  Saint-Michel,  éclatèrent  des  rixes  où  périrent  deux 
hommes  dont  un  capitaine,  et  où  il  y  eut  six  soldats  griè- 
vement blessés.  Tant  qu'il  n'y  eut  là  en  jeu  que  les  sou- 
dards de  Vendôme,  les  Angevins  ne  les  virent  s'entretuer 
qu'avec  une  satisfaction  vengeresse,  et  ils  n'applaudirent 
môme  que  trop  bruyamment  aux  révulsions  de  celle  mal- 
faisance  contrariée.  Mais,  dans  la  môme  soirée,  la  mous- 
queterie  des  mômes  postes  élargit  plus  insolemment  sa 
zone  d'évolutions  oiseuses,  sur  la  provocation  d'un  soldat 
de  l'armée  royale  qui,  ayant  tenté  d'entrer  par  la  porte 
Saint-Michel,  s'y  heurta  contre  une  prohibition  maintenue 
le  8  août  au  regard  des  royalistes  jusqu'au  licenciement 
prochain  de  leurs  adversaires.  Furieux  d'une  consigne 
purement  provisoire  mais  dont  la  portée  lui  échappe,  en 
invectivant  de  ses  jurons  les  soldats  du  poste  il  dégaine, 
en  blesse  un,  mais  en  môme  temps  essuie  une  riposte 
mortelle  et  tombe.  Là-dessus  Marie  de  Médicis  envoya,  de 
quatre  à  cinq  heures  du  soir,  rassurer  à  son  de  trompe  les 
Angevins  par  des  déclarations  énergiquement  protectrices. 
En  môme  temps,  un  de  ses  gentilshommes  alla  dans  les 
divers  postes  séparer  les  môléesen  refoulements  bipartites, 
de  manière  à  former  de  la  porte  Lyonnaise  à  la  porte  Saint- 
Michel  deux  haies  adverses  de  piques  dressées  et  de  mous- 
quets pointés  sur  leurs  fourchettes  avec  leurs  mèches  allu- 
mées, si  bien  que  sous  ce  croisement  de  menaces,  survi- 


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—  ^66  — 

vant  à  des  explosions  encore  retentissantes,  la  population 
n'osait  circuler  d'un  quartier  à  Tautre.  En  même  temps 
toute  Tenceinte  urbaine  se  referma  sur  le  frais  arrivage  * 
d'une  provision  de  vivres  pour  six  mois.  A  qui  eût  envi- 
sagé sainement  cette  coïncidence,  rien  n'eût  semblé  plus 
heureux  que  de  voir  cette  cité  affamée  par  les  curées  insur- 
rectionnelles se  concentrer  dans  un  ravitaillement  restau- 
rateur, en  s'isolant  des  amorces  d'une  récidive  d'hosti- 
lités adhérente  encore  au  pied  de  ses  remparts.  Mais  les 
Angevins  n'étaient  encore  que  trop  fraîchement  remis  des 
transes  de  la  veille  pour  que  le  moindre  semblant  d'atteinte 
à  leur  affranchissement  progressif  ne  ravivât  p^s  leurs 
paniques.  Dana  cette  phase  transitoire  de  leurs  vicissitudes» 
ils  interprétaient  encore  les  précautions  défensives  les  plus 
sages  comme  des  menaces,  et  empoisonnaient  tous  leurs 
remèdes.  En  se  voyant  emprisonnés  comme  dans  un  ravi* 
taillement  de  blocus»  ils  se  crurent  replongés  dans  les 
horreurs  d'un  siège  à  soutenir  contre  un  retour  offensif  de 
l'armée  royale,  dont  l'explosion  de  la  porte  Saint-Michel 
venait  de  donner  le  signal.  Que  dis-je?  A  leurs  yeux  le 
signal  partait  de  plus  haut  :  il  n  en  fallait  accuser  que 
ceux  pour  qui  la  paix  n'était  qu'une  déchéance  et  un  trouble- 
fête.  €  Si,  dès  après,  le  traité  des  Ponts-de-Cé,  Vendôme 
était  accouru  à  Brissac,  ce  n'avait  été  »>  se  disait-on,  «  que 
pour  y  mieux  relancer  la  reine-mère  jusque  dans  sa  récon- 
ciliation ;  et,  sous  la  couverture  d'un  ralliement  officiel,  il  l'y 
a  disputée  aux  revendications  filiales  pour  }a  ramener  à  sa 
suite  sur  le  théâtre  de  son  règne  aboli.  En  attendant  que 
sous  son  nom  se  rallume  la  guerre  civile,  nul  autre  que 
lui  n'a  pu  fomenter  la  rixe  si  grièvement  significative  de 
la  porte  Saint-Michel.  C'est  bien  là  le  même  homme  (car 
on  ne  se  demandait  pas  s'il  n'avait  en  cela  que  conjuré  des 
éclats  de  jubilation  trop  provocateurs  au  regard  des  restes 

1  Ditaai  du  8  août. 


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—  267  - 

encore  armés  de  ses  bandes),  c'est  bien  là  le  même  homme 
qui,  au  lendemain  de  la  paix,  avait  interdit  les  feux  de 
joie  dressés  sur  nos  places  publiques.  Du  même  souffle 
dont  il  attise  la  guerre,  il  éteint,  il  confisque  notre  allé- 
gresse. C'en  est  fait,  déjà  se  rouvre  pour  nous  la  série  des 
malheurs  que  n*a  qu'un  instant  conjurés  et  que  ne  revien- 
dra plus  détourner  de  nous  le  Père  Joseph,  désormais  trop 
absorbé  à  Brissac  dans  sa  propagande  de  guerre  sainte 
pour  ne  nous  abandonner  pas  aux  illusions  d'une  paix 
fourrée.  Déjà  se  reforme  devant  nous  ce  lamentable  défilé 
des  bouches  inutiles,  pour  lesquelles  le  ravitaillement  actuel 
n'aura  été  qu'une  nouvelle  et,  cette  fois,  irrévocable  som- 
mation d'exil,  d'un  exil  dont  l'urgence  rouvrira  seule  un 
instant  devant  nous  nos  portes  condamnées  ». 

C'est  parmi  de  telles  alertes  que  s'opérait  jusque  dans 
rinviolabilité  non  encore  entamée  de  leur  dernier  refuge 
de  détresse  une  émigration  d'un  nouveau  genre,  et  non 
certes  la  moins  malheureuse.  Après  le  combat  des  Ponts- 
deCé>  le  15  août,  Louis  XIII  et  Marie  de  Médicis  avaient 
décrété  d'accord  le  transfert  des  blessés  des  deux  armées  à 
l'Hôtel-Dieu  d'Angers.  En  cela  tous  deux  s'inspiraient  de 
sollicitudes  générales  d'humanité  qui  n'excluaient  pas 
chez  Marie  de  Médicis,  dont  se  confirmait  d'ailleurs  par  là 
la  noble  initiative,  les  sollicitudes  de  tutelle  angevine.  Car, 
soua  le  bénéfice  d'une  revendication  par  la  charité  chré- 
tienne des  victimes  de  la  guerre  civile,  en  principe  les 
Angevins  e^'exonéraient  d'une  recharge  de  logements  mili- 
taires aggravée  des  responsabilités  d'une  assistance 
médicale.  En  même  temps  une  hospitalité,  encore  moins 
libératoire  à  leur  égard  qu'elle  n'était  universellement 
restauratrice,  devait  attirer  sur  le  futur  théâtre  de  l'apos- 
tolat des  filles  de  Saint  Vincent-de-Paul  les  faveurs  de  la 
gratitude  royale.  Ajoutons  qu'en  échange  de  leur  patrio- 
tique naturalisation  dans  les  solidarités  de  la  souffrance, 
les  invalides  du  combat  des  Ponts-de-Cé  communiquaient 


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aux  malades  indigènes  gisant  auprès  d'eux,  le  privilège 
d'être  traités  par  les  chirurgiens  du  roi.  Mais,  dans  ce 
sanctuaire  de  commisérations  et  d'égards,  une  telle  réci- 
procité de  services  n'allait  pas  sans  une  équitable  répar- 
tition du  droit  d'asile;  et  malheureusement,  quand  les 
invalides  du  combat  des  Ponts-de-Gé,  transférés  le  17  août 
à  Angers  *,  affluèrent  dans  la  grande  salle  de  l'hospice,  au 
lieu  d'une  fraternelle  bienvenue  d'hôtes  discrets  on  ne  vit 
là  qu'une  brutale  invasion.  Par  une  maladresse  imputable 
ou  aux  administrateurs  ou  aux  infirmiers,  qui  n'eussent  dû 
admettre  ces  nouveaux  venus  que  dans  l'espace  que  lais- 
saient disponibles  les  grabataires  de  la  ville,  il  fallut  que, 
pour  leur  faire  place,  ces  malheureux  déguerpissent,  en  se 
traînant  à  grand'peine,  pour  aller  s'installer  dans  ces 
réduits  de  pis-aller  affectés  aux  séquestrations  d'épidémie  *. 
Encore  si,  en  se  conformant  aux  ordres  de  Louis  XIII,  on 
n'avait  fait  bénéficier  d'une  aussi  criante  éviction  que  les 
soldats  de  l'armée  royale,  on  n'eût  peut-être  vu  là  qu'une 
de  ces  fatales  rigueurs  attachées  aux  prérogatives  inexo- 
rables de  la  victoire.  Mais,  quand  on  vit  s'associer  à  l'intru- 
sion des  triomphateurs  des  Ponts-de-Cé  les  soldats  de  la 
reine-mère,  ce  fut  plus  que  jamais  un  toile  général  parti 
de  ce  groupe  des  victimes  d'une  aussi  gratuite  barbarie. 
€  Vraiment  »,  s'écriaient  ces  spectres  ambulants  que  l'exas- 
pération galvanisait  jusque  dans  l'épuisement  de  leur 
exode,  <  ce  n'était  pas  la  peine  que  ces  vainqueurs  de  notre 
souveraine,  qu'hier  encore  nous  acclamions  comme  nos 
vrais  libérateurs  à  l'égard  de  la  soldatesque  de  Vendôme, 
aient  pénétré  chez  nous  pour  partager  en  pleine  paix 
avec  nos  spoliateurs  ce  que  ceux-ci  avaient  encore  res- 
pecté jusque  dans  les  horreurs  de  l'état  de  siège.  Ainsi 
donc  nous  voilà  traités  en  parias  et  en  pestiférés.  Nous 

*  Il  y  en  avait  80  de  l'armée  royale,  et  près  de  100  de  celle  de 
Marie  de  Médicis. 

'  Autrement  dite  la  chartrye  de  T hôpital. 


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—  269  — 

sommes  mis  au  ban  de  cette  charité  qui  n'embrasse  dans 
le  même  accueil  et  nos  tyrans  et  nos  vainqueurs  que  pour 
rejeter  de  son  sein  des  concitoyens!  Ainsi  ni  la  fièvre,  ni 
la  paralysie  ne  nous  préservent  d'une  expulsion  qui  ne 
nous  sauvera  pas  même  des  extrémités  de  la  famine,  puis- 
que nos  infirmités  nous  excluent  même  de  l'émigration  des 
bouches  inutiles.  Mais,  d'ailleurs,  les  portes  de  notre  ville 
n'ont  point  à  se  rouvrir  pour  tous  les  genres  d'ostracisme; 
et  nous  apprenons  que  jusque  dans  les  entrailles  de  la  cha- 
rité il  y  a  place  pour  les  tortures  de  l'exil.  » 

Quant  à  ceux  que  l'ébranlement  général  ne  menaçait 
que  d'une  désertion  de  leurs  foyers,  cette  fois  irrévocable, 
ils  ne  se  disaient,  eux,  emprisonnés  que  dans  une  enceinte 
qui  ne  les  préserverait  pas  plus  des  invasions  que  des  exils. 
«  La  paix  »,  se  disaient-ils,  «  une  paix  menteuse  et  per- 
fide, ne  nous  a  conféré  que  ce  surcroît  de  malheurs  qui 
consiste  à  nous  voir  pressés  et  comme  broyés  entre  deux 
armées  comme  entre  Tenclume  et  le  marteau.  Ce  refoule- 
ment de  nos  frères  égrotants  dans  nos  hospices  n'est 
qu'une  des  plus  navrantes  suites  d'une  coalition  des 
revanches  d'un  Vendôme  frustré  de  ses  dernières  satur- 
nales avec  les  vengeances  d'un  souverain  se  repentant  des 
amnisties  qui  lui  ont  interdit  le  châtiment  de  notre 
révolte.  Ainsi  nous  voilà  jetés  comme  dans  une  impasse 
où  nous  séchons  de  frayeur,  sans  qu'y  puissent  trouver 
grâce  aucune  des  inviolabilités  de  la  faiblesse,  du  dénue- 
ment et  de  la  soufTrance.  Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  nous 
voiler  la  face  dans  un  désespoir  qui  tarit  jusqu'à  nos 
larmes,  et  où  nous  délaissent  et  se  rient  de  nous  tous  les 
anges  de  concorde.  Pendant  ce  temps-là,  que  fait  à  Brissac 
notre  souveraine?  Tiraillée  désespérément  entre  les  reven- 
dications filiales  et  les  obsessions  insurrectionnelles,  elle 
ne  nous  reviendra  que  solidarisée  maternellement  avec  les 
inexorabilités  de  la  victoire,  ou  en  relapse  de  ses  compli- 
cités de  terrorisme.  Elle  ne  nous  apportera  qu'une  récon- 


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—  -270  — 

ciliation  scellée  contre  nous,  une  réconciliation  dont  la 
sincérité  comme  le  mensonge  nous  sont  également 
funestes.  Tout  ce  que  nous  ignorons  encore,  c'est  par  quelle 
porte  et  sous  quelles  insignes  elle  reviendra  flageller  ses 
hôtes  et  ses  protecteurs.  Mais  elle  ne  nous  reviendra  cer- 
tainement qu'en  ennemie,  sous  les  auspices  également 
funestes  de  Condé,  de  Luynes  ou  de  Vendôme  ;  et  le  choix 
de  ses  trahisons  déterminera  seul  contre  nous  l'évolution 
ou  le  retour  de  ses  ingratitudes  ». 

Heureusement  ni  l'ingratitude  ni  la  trahison  n'accom- 
pagnaient Marie  de  Médicis,  lorsqu'au  sortir  de  Brissac  elle 
repassa  par  Angers  pour  sa  visite  d'adieu.  D'ailleurs,  aux 
yeux  des  Angevins  la  seule  réapparition  de  Richelieu  à  sa 
suite  excluait  d'elle  ce  sinistre  cortège.  C'est  ce  dont  ils 
s'assurèrent  surtout  quand,  peu  à  peu,  à  l'hôtel-Dieu  les 
malades  indigènes  recouvrèrent  dans  la  grande  salle  les 
premières  places  libres,  quand  les  portes  de  la  ville  se 
rouvrirent  avec  les  derniers  licenciements  de  rebelles, 
quand  les  stocks  de  ravitaillement  s'écoulèrent  en  distri- 
butions normales.  C'était  pour  les  Angevins  encore  enfié- 
vrés des  transes  d'une  guerre  civile  à  peine  close,  comme 
ce  qu'éprouve  un  convalescent  qui,  après  une  nuit  agitée, 
secoue  ses  cauchemars  dans  le  rassérènement  du  réveil. 
Aussi,  jusque  dans  le  froid  accueil  encouru  par  une  reine 
à  qui  on  en  voulait  des  seules  alarmes  nées  de  son  absence 
et  que  dissipait  son  retour,  les  Angevins  se  reprenaient 
à  respirer  à  l'aise,  quand  une  dernière  alerte  revint  assaillir 
leur  quiétude. 

Toujours  au  point  de  vue  des  sollicitudes  restauratrices 
qui  avaient  suivi  la  Reine-mère  à  Brissac  et  qui  revenaient  à 
Angers  avec  elle,  la  soldatesque  des  Vendôme  n'en  avait 
dû  évacuer  l'enceinte  que  pour  y  céder  la  place  à  ses  défen- 
seurs naturels.  C'est  dire  à  quel  point  s'imposait  aux 
Angevins  la  restitution  consécutive  de  leurs  armes,  pour 
la  protection  autonome  de  leur  liberté  si  fraîchement 


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reconquise.  Aussi,  dès  le  dimdûche  23  août,  jour  de  son 
arrivée  à  Angers,  on  avait  de  sa  part  publié  aux  prônes 
des  grand'messes,  et  les  échevins  avaient  réitéré  le  lende- 
main l'invitation  aux  Angevins  daller  réclamer  leurs 
armes,  dont  nous  avons  vu  qu'on  ne  les  avait  dépossédés 
qu'en  leur  en  garantissant  en  son  nom  la  restitution  par 
leur  mise  en  réserve  en  lieu  sûr.  A  cet  égard,  ces  armes 
n'avaient  pas  été  transférées  toutes  au  château.  Soit  que 
l'espace  manquât  pour  y  tout  recueillir,  soit  plutôt  par  un 
souci  de  créer  des  succursales  de  dépôt  plus  à  portée  des 
réclamations  diverses,  les  armes  enlevées  aux  quartiers 
de  Saint-Maurille  et  de  Saint-Michel-du-Tertre,  et  qui 
comptaient  pour  un  tiers  dans  le  dépôt  total,  avaient  été 
consignées*  en  un  des  logis  de  la  place  limitrophe  du 
Pilory,  à  savoir  chez  l'échevin  Marchand,  docteur  en  droit 
et  avocat  au  présidial.  Ce  logis  avait  été  marqué  par  les 
fourriers  de  la  reine- mère  pour  l'hébergement  de  son 
aumônier,  Tévêque  de  Maillezais.  Mais,  malgré  les  garan- 
ties protectrices  attachées  à  la  haute  considération  de  cet 
hôte,  une  consignation  chez  l'échevin  Marchand  ne  pouvait 
être  que  malheureuse,  vu  la  réputation  tarée  de  cet  ancien 
lieutenant  de  la  prévôté  doqt  on  réprouvait  la  judicature 
comme  entachée  de  cyniques  prévarications.  «  C'est  lui  », 
se  disait-on  surtout  â  propos  de  sa  procédure  d'informa- 
tions contre  un  escroc  roué  vif  par  arrêt  du  présidial, 
«  c'est  lui  qui,  non  content  d'avoir,  dans  les  réticences 
calculées  de  ses  procès-verbaux  d'interrogatoires,  trafiqué 
de  l'impunité  de  ses  complices,  a  envoyé  frapper  de  saisie 
son  domicile  pour  s'adjuger  ses  rapines,  par  là  soustraites 
aux  revendications  légales  du  greffe  ^  ».  Gomme  si  Marchand 
avait  pris  à  tâche  de  justifier  contre  lui  d'aussi  graves 

^  Sous  le  bénéfice  d'on  inventaire  dressé  par  un  Gasnier,  conseil- 
ler-clerc au  greffe  de  la  préyôté. 

'  On  criait  aussi  contre   sa  bâtardise,   en  se  disant  que  «  ledit 
Marchand  n'estoit  légitime  et  qu'il  arait  été  coreau  »  (quid?). 


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fumeurs,  le  24  août  au  matin,  quand  déjà  s^opérait  la 
restitution  des  armes,  on  vit  détaler  de  son  logis  et  61er 
dans  la  direction  de  la  porte  Saint-Michel  un  chargement 
qui  n'était  pas  si  soigneusement  empaqueté  qu'on  n'en 
vit  émerger  une  fourchette  de  mousquet.  L'on  s'attroupe, 
et  d'un  groupe  à  l'autre  on  se  répète  que  ce  n'est  là  rien 
auprès  de  tout  ce  que  Marchand  a  expédié  clandestine- 
ment, depuis  quelques  nuits,  hors  des  murs  de  la  ville, 
vers  la  villa  suburbaine  de  son  gendre  et  receleur  Lefèvre 
de  la  Barbée.  «  Aussi  »,  ajoutait-on,  «  l'on  se  demandait 
quel  beau  zèle  le  poussait,  le  jour  où  nous  dûmes  livrer 
nos  armes,  à  aller  partout  à  la  ronde  presser  là-dessus  et 
talonner  les  retardataires.  En  cela,  ce  docile  aide-de-camp 
de  nos  détrousseurs  ne  visait  qu'à  grossir  sa  criminelle 
cargaison,  afin  d'exhausser  d'autant  vis-à-vis  des  Vendôme 
et  des  Saint-Aignan,  pour  qui  notre  réarmement  n'est 
qu'un  leurre,  l'escompte  de  ses  rétrocessions  interlopes.  A 
moins  qu'il  n'aille  dans  un  autre  camp  palper  le  marchan- 
dage de  ses  trahisons  de  contrebande.  Mais  que  nous 
importe  que  ce  soit  avec  Fouquet  de  la  Varenne,  ou  avec 
Vendôme,  ou  avec  Condé  et  Luynes,  qu'il  ait  tarifé  notre 
extermination  ?  Que  nous  importe  par  quelles  avenues  de 
notre  cité  et  par  laquelle  de  nos  portes  libérées  si  déri- 
soirement,  pour  retomber  sur  leurs  gonds  dès  qu'elles  leur 
auront  livré  passage,  ces  armées  reviennent  se  retourner 
contre  nous  pour  nous  achever  sur  place?  La  dérision,  elle 
est  partout  autour  de  nous  dans  les  promesses  de  déli- 
vrance,  de  restitution  et  de  soulagement  dont  on  nous 
abuse  en  nous  liant  pour  l'exécution.  Si  Ton  nous  ravitaille, 
ce  n'est  que  dans  un  huis  clos  de  prison,  et  en  quelque 
sorte  pour  un  dernier  repas  de  condamnés.  Nous  ne  nous 
réintégrons  dans  nos  hôpitaux  qu'en  désespérant  d'y  jamais 
cicatriser  des  plaies  sans  cesse  rouvertes.  Ce  ne  sont  point 
là  de  ces  cauchemars  qui  vont  et  reviennent  mais  qui 
passent.  Balottés  entre  des  assassins  et  des  bourreaux,  on 


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—  273  — 

nous  endormait  tout  à  Theure  sur  d'implacables  réalités  ; 
et  voilà  qu'aujourd*hui  nous  secouons  quelques  douces 
illusions  dans  un  néfaste  réveil.  » 

Sur  ces  entrefaites,  et  sans  languir  dans  des  lamenta- 
tions stériles,  des  meneurs  plus  expédilifs  appréhendent 
et  ramènent  de  la  porte  Saint-Michel  le  chargement  délic- 
tueux, tandis  que  d'autres  vont  porter  plainte  au  logis  du 
maire.  Voilà  Lanier  bien  embarrassé  pour  concilier  la 
justification  de  son  rappel  par  une  courageuse  protection 
du  droit  de  ses  concitoyens,  avec  la  convenance  déménager 
un  collègue  se  recommandant  à  lui  par  le  relief  de  son 
poste  etrhonorabilité  de  sa  famille.  Enfin,  par  un  habile  à 
la  fois  et  par  un  honnête  moyen-terme,  Lanier,  s'abstenant 
de  sévir  trop  prématurément  contre  Marchand  sur  I9  seule 
foi  d'une  inculpation  tumultuaire,  attendit  la  production 
de  preuves  palpables,  et  cependant  autorisa  verbalement 
de  nouvelles  enquêtes  avec  saisie  de  la  cargaison  dénoncée. 
En  même  temps,  vu  son  immobilisation  à  son  poste,  à  sa 
place  il  envoya  un  clerc  d'une  délégation  sûre  inviter  dis- 
crètement Marchand  ou  à  se  disculper  ou  à  prévenir  une 
poursuite  et  fléchir  ses  accusateurs  par  des  réparations 
amiables.  Mais  tant  s'en  faut  que  Marchand  se  soit  rendu 
sur  une  aussi  prévenante  démarche,  que  là-dessus  au  con- 
traire il  éclate  de  rire,  se  targue  de  son  innocence,  affecte 
d'ignorer  jusqu'aux  rumeurs  qui  le  poursuivent  et  jette  le 
défi  à  la  calomnie.  Malheureusement  de  telles  bravades 
ne  reviennent  au  logis  du  maire  que  pour  s'y  achopper, 
pour  ainsi  dire,  à  l'éruption  d'un  flagrant  délit.  Car,  dans 
l'intervalle,  la  cargaison  capturée  a  reflué  jusqu'au  seuil 
de  ce  logis  transformé  en  un  bureau  de  police  ;  et  là  le 
plaignant  à  qui  s'était  décelée  d'abord  la  fourchette  accu- 
satrice, confronte  le  mousquet  qu'elle  a  trahi,  et  qu'on 
découvre,  avec  le  signalement  de  précaution  retenu  par  lui 
lors  de  la  livraison  de  ses  armes.  L'identité  saute  aux 
yeux,  et  là-dessus  les  récognitions  se  pressent  et  se  corro- 


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—  274  — 

borent.  Le  maire  dresse  procès- verbal.  Les  vociférations 
redoublent,  la  fureur  se  propage  comme  une  traînée  de 
poudre,  la  foule  se  rue  au  logis  de  Marchand.  Là  surtout 
les  bouchers  et  les  couteliers  crochètent  les  serrures  et  à 
coups  de  pierres  défoncent  les  vitres,  en  sommant  cet  acca- 
pareur et  ce  concussionnaire  éhonté  de  dégorger  vite, 
sinon  on  Técharpe,  lui  et  les  siens,  dans  Tembrasement  de 
son  logis.  Sur  ces  entrefaites,  des  médiateurs  ou  timides 
ou  malencontreux,  et  en  tête  de  ceux-ci  Teictravagant 
conseiller  de  Beaumont  qui,  dans  sa  frénésie  de  rodomon- 
tades, avait  dévalé  de  sa  fenêtre  pour  accourir  Tépée  à  la 
main,  perdaient  pied  dans  la  bagarre,  lorsque,  avec  un 
dévouement  plus  autorisé,  Lanier  et  le  commandeur 
Laporle  vinrent  en  retirer  et  sauver  le  malheureux  échevin 
en  remmenant  prisonnier  au  château  jusqu'à  ce  que,  en 
son  nom,  Marie  de  Médicis  ait,  en  son  audience  d'adieu  du 
30  août,  garanti  aux  Angevins  toutes  les  indemnités  répa- 
ratrices. C'est  cette  même  assurance  qu'à  son  tour  Richelieu 
vint,  le  même  jour,  réitérer  par  son  ordre  en  une  assem- 
blée générale  des  corps  de  la  ville,  en  annonçant  de  plus 
rétablissement  d'un  fond  de  réserve  de  deux  cents  mous- 
quets pour  obvier  au  déficit  des  appels,  tandis  qu'à  l'inverse 
les  armes  non  immédiatement  réclamées  étaient  réser- 
vées pour  des  réclamations  ultérieures.  Enfin  Richelieu, 
promenant  infatigablement  sur  toutes  les  plaies  à  peine 
cicatrisées  de  la  guerre  civile  son  sceau  de  réconciliation, 
voulut,  dans  les  restitutions  mêmes  qui  en  démontraient 
la  sincérité,  renouveler  les  protestations  de  confiance  qui 
n'avaient  jusqif'ici  que  si  fallacieusement  accompagné  la 
soupçonneuse  rigueur  des  spoliations  de  l'état  de  siège. 

Ainsi  il  est  à  croire  que,  grâce  à  l'entremise  de  cette  sou- 
veraine qui,  aux  yeux  des  Angevins,  n'était  retombée  sur 
eux  que  pour  les  accabler  de  sa  réconciliation,  il  est  à  croire 
que  les  dénonciateurs  de  Marchand,  même  à  les  supposer 
non  désintéressés  par  les  seules  intercepta  tiens  de  la  porte 


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Saint-Michel,  ont  recouvré  au  moins  par  ailleurs  l'intégral 
montant  de  leur  dépôt.  Qui  sait  même  si,  dans  le  détourne- 
ment de  son  stock,  Marchand  avait  visé  à  rien  de  plus  qu'à  en 
escompter  la  renoise  occulte  à  leurs  légitimes  possesseurs, 
plus  à  Taise  hors  des  surveillances  urbaines.  Certes  le  cas 
était  déjà  grave.  Mais  il  n'y  a  là  pour  nous  que  cela  de 
vraisemblable.  Car,  pour  voir  en  Marchand  moins  des  cal- 
cula de  fiscalité  que  de  trafic,  il  faut  absurdement  supposer 
ce  praticien  émérite,  en  vue  du  cas  où  ses  aliénations 
Tauront  dégarni  de  son  dépôt  vis-à-vis  des  revendications 
en  nature,  aveuglé  sur  Timpossibilité  de  répondre  à  la 
mise  en  demeure  des  récépissés  de  recolement.  En  tout 
cas  il  y  eut  là  pour  les  Angevins  bien  plus  encore  de 
scandale  que  de  péril,  puisqu'autour  de  notre  cité  il  n'y 
avait  plus  à  armer  ni  camps  ni  citadelles.  Dans  la  fran- 
chise et  dans  l'intégrité  de  sa  réconciliation,  Marie  de 
Médicis  n'avait  désormais  pas  plus  d'ennemis  à  craindre 
que  de  complicités  à  subir.  Tout  y  était  rentré  dans  Tordre. 
Dans  la  restauration  de  leurs  foyers,  les  Angevins  n'avaient 
qu'à  étaler  ce  qu'ils  recouvrèrent  de  leurs  armes,  moins 
encore  comme  un  gage  de  sincérité  et  un  trophée  de  paix 
que  comme  une  décoration  d'honneur  et,  pour  ainsi  dire, 
un  lustre  de  panoplie.  lia  semblaient  n'avoir  repris  aux 
remparts  leur  place  privilégiée  que  pour  ne  la  laisser  plus 
ni  violer  ni  prescrire.  Et,  une  fois  affranchis  de  l'assujettis- 
sement des  corps  de  garde  et  de  Tincommodité  des  rondes 
et  des  revues,  notre  placide  bourgeoisie  poursuivait  le 
cours  de  ses  sereines  destinées,  hors  des  tribulations  de  la 
guerre  civile  bannies  de  son  sein  jusqu'à  la  lointaine  et 
courte  échauffourée  de  la  Fronde. 

Pour  l'instant  les  Angevins  avaient  donc  chassé  d'eux 
tous  les  mauvais  rêves,  dans  la  sécurité  d'un  réveil  où  ne 
leur  eût  point  failli  Tidéal,  si  à  leurs  épouvantes  n'avait 
survécu  l'amertume.  C'est  que  les  désastres  de  la  guerre 
civile  avaient  engendré  chez  eux  et  laissaient  à  leur  suite 


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■^ 


—  276  — 

d'onéreuses  liquidatioûs.  Après  que  Marie  de  Médicis,  pour 
défrayer  sa  révolte,  eut  épuisé  tour  à  tour  et  ses  deux  mil- 
lions de  ressources  domaniales,  et  les  soixante  mille  livres 
d'avances  personnelles  de  Lanier,  et  jusqu'aux  crédits  de 
Richelieu,  force  lui  avait  été  de  rappeler  aux  Angevins 
quMls  ne  lui  devaient  pas  le  seul  tribut  de  leurs  détresses 
et  de  leurs  avanies,  de  leurs  opprobres  et  de  leurs 
angoisses,  que  les  paniques  et  les  souffrances  ne  les  dis- 
pensaient pas  des  contributions  de  guerre,  et  que,  pour 
solder  le  bilan  insurrectionnel,  ils  avaient  encore  des  pré- 
lèvements à  subir  sur  ce  peu  que  leur  avaient  laissé  les 
routiers  et  les  écorcheurs  de  Vendôme.  Ils  durent  donc  se 
saigner  aux  quatre  veines  pour  cette  reine,  se  disaient-ils, 
dont  ne  s'épuisait  pas  l'ingratitude,  et  qui,  après  les  avoir 
livrés  en  proie  à  ces  harpies,  ne  les  arrachait  de  leurs 
griffes  que  pour  s'adjuger  leurs  restes.  Ah  !  si  encore,  dans 
ses  réclamations  fiscales,  la  reine-mère  leur  avait  au  moins, 
en  retour,  immédiatement  tenu  compte  de  ces  désastres 
qu'elle  ne  pouvait  raisonnablemeni  pas  et  que,  d'ailleurs, 
elle  n'avait  jamais  entendu  laisser  à  leur  charge  !  Nous 
voulons  parler  des  incendies,  des  démolitions  et  des  abatis 
pratiqués  par  les  Vendôme,  à  la  veille  du  combat  des 
Ponts-de-Cé  et  comme  mesure*  défensive,  aux  faubourgs 
Bressigny  et  de  la  Madeleine.  Dès  son  séjour  à  Brlssac,  et 
en  y  recevant  la  visite  de  rentrée  de  Lanier,  Marie  de 
Médicis,  pour  mieux  accentuer  la  salutaire  portée  de  son 
rappel,  l'avait  préposé  à  l'estimation  de  ces  ravages  comme 
base  d'équitables  indemnités.  Mais  on  ne  sait  pourquoi 
Lanier  n'y  procéda,  avec  l'assistance  du  greffier  du  prési- 
dial  Poyet  et  des  comptables  de  la  ville,  que  le  21  août,  à 
l'extrémité  du  séjour  à  Angers  de  la  reine-mère  ;  si  bien 
que,  malgré  l'empressement  de  ses  sollicitudes  en  faveur 
de  ces  victimes  particulièrement  intéressantes  de  la 
guerre  civile ,  elle  eut  le  désagrément  de  partir,  le 
31  août,  avant  de  les  satisfaire.  Et  il  fallut  qu'avec  sa  note 


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de  dommages-intérêts,  comprenant  les  dépenses  de  l'hôpi- 
tal endetté  pour  le  traitement  des  soldats,  et  grossie  des 
«  frais  d'entrée  »  de  Marie  de  Médicis  *  (car,  dans  leur 
mécontentement,  les  Angevins  ne  lui  firent  pas  même 
grâce  des  manifestations  d'allégresse  provoquées  par  sa 
venue),  il  fallut  qu'avec  cette  note  à  exhiber  comme  une 
sommation  d'huissier  Lanier  allât,  bien  loin  sur  les  traces 
de  Louis  XIII  et,  d'étape  en  étape,  traquer  son  auguste 
souveraine  comme  un  débiteur  en  fuite  *• 

C'est  dire  quels  mornes  adieux  essuya,  le  31  août,  Marie 
(Je  Médicis,  en  sa  dernière  heure  d'existence  angevine. 
C'est  au  point  qu'on  y  eut  grand'peine  à  comprimer,  par 
respect  pour  celle  qui  redevenait  plus  que  jamais  la  mère 
de  Louis  XIII,  les  anathèmes  plus  librement  prodigués  aux 
Vendôme  ^  Mais  rien  que  le  silence  glacial  et  le  vide  creusé 
autour  de  son  carrosse  au  sortir  de  l'audience  de  congé  où 
elle  avait  pourtant  délégué  en  Richelieu  son  plus  accep- 
table organe  *  ;  rien  que  ce  vide  mortel  contrastait  pour 

«  MonUnt  à  17.000  livres. 

*  Lanier  devait  aussi  solliciter  de  Marie  de  Médicis^  pour  les 
Angevins,  une  réduction  des  impôts  de  Tannée^  eu  égard  aux 
malheurs  de  la  guerre  civile.  Dans  son  voyage,  il. était  accompagné 
de  Téchevin  Gobier.  Ils  partirent  d'Angers  le  4  septembre.  Louvet 
ne  nous  dit  ni  où,  ni  quand  ils  atteignirent  Marie  de  Médicis,  ni 

3uel  fut  le  résultat  de  leur  démarche.  Il  est  à  croire  que,  sur  ces 
ivers  chefs  de  réclamation,  Louis  XIII  poussa  la  condescendance 
filiale  jusqu'à  couvrir  sa  mère,  en  tout  ou  partie. —  En  ce  qui  est  du 
montant  de  ses  avances  personnelles,  Lanier  en  fut  intégralement 
remboursé  et  en  donna  décharge  à  la  reine-mère. 

3  César  de  Vendôme  était  revenu  de  Brissac  à  Angers  le  17  août. 
Nous  ignorons  la  date  de  son  départ  définitif  d'Angers. 

*  Voici,  d'après  Louvet,  la  teneur  de  sa  harangue  :  «  Messieurs, 
la  reyne  estant  sur  son  partement  pour  aller  trouver  le  roj,  m'a 
envoyé  en  ce  lieu  pour  vous  dire  qu'ayant  recogneu  vostre  fidellité 
à  son  service,  elle  vous  le  recognoistra  en  touttes  les  occasions  où 
Sa  Majesté  aura  de  pouvoir,  tant  de  sa  part  qu'auprès  du  roy  son 
û\z,  non  seullement  pour  le  général  de  la  ville.d'Angers,  que  pour 
touttes  les  communaultez  de  la  province  et  de  chascun  de  vous  en 
particuUier,  et  vous  prie  de  croire  que  tout  ce  qui  s'est  passé  a  esté 
pour  la  conservation  de  sa  personne  sur  les  advis  qu'on  luy  donnoit 
que  ses  ennemys  se  disoient  asseurez  à  se  rendre  les  maistres  de 
vostre  ville.  Ce  qu'elle  a  faict  a  esté  par  le  mesme  advis  de  conseil 


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—  «78  — 

elle  assez  douloureusement  avec  les  explosions  et  les  débor- 
dements de  sympathie  qu'avaient  su  s'attirer  d'avance,  en 
un  pareil  jour,  et  Thabile  bienveillance  des  Soissons  et  la 
naturelle  affabilité  des  Nemours  \  C'est  que,  en  l'aggra- 
vation des  mises  en  demeure  prêtes  à  la  suivre  à  la  piste, 
se  rouvrait  dans  les  plus  mauvais  souvenirs  des  Angevins, 
comme  une  plaie  béante,  tout  l'abîme  de  détresse  ouvert 
sous  son  règne.  Ils  ne  lui  pardonnaient  même  pas  la 
frayeur  des  maux  dont  elle  les  avait  sauvés.  On  s'en  pre- 
nait, si  c'est  possible,  encore  moins  à  sa  révolte  envisagée 
comme  un  fléau,  qu*à  sa  réconciliation  interpTétée  non 
plus  certes  comme  un  mensonge,  mais  au  moins  comme 
une  ironie.  En  se  rappelant  les  congratulations  recueillies 
par  elle  au  lendemain  de  la  paix  des  Ponts-de-Cé,  ils 
étaient  comme  honteux  de  s'en  être  réjouis  trop  vite  et 
d'avoir  été  dupes  de  leur  allégresse.  Ils  réprouvaient  ces 
applaudissements  comme  d'odieuses  bassesses.  C'est  au 
point  que,  quatre  mois  après  le  départ  de  la  reine-mère,  en 
décembre  1620,  on  voyait  encore  affichée  à  tous  les  murs 
de  la  ville  une  pasquinade  a  l'adresse  du  digne  président 
du  présidial  Ayrault,  demeuré  court,  à  Brissac,  dans  sa 
harangue  de  félicitations  où  l'avait  trahi  ou  une  défaillance 
de  mémoire,  ou  plutôt  un  accès  d'émotion  intempestive  ^ 


qui  luy  a  esté  donné  lequel  ne  trouvait  aultre  remède  pour  sa  con- 
servation et  que  le  désarmement  qui  a  esté  faict,  elle  entend  que 
toutes  les  armes  des  habitants  leur  soient  rendues  et,  s'il  7  a  de  la 
manque,  qu'il  soit  prins  dan&  le  magasin  du  chasteau  de  ceste  ville 
d'Angers  d'aultres  armes  pour  rendre  à  ceuix  qui  en  auront  perdu 
qu'elle  estime  estre  aultant  à  son  service  entre  les  mains  desditz 
habitants  comme  entre  les  siennes  et  a  eu  tant  en  affection  cette 
province  qu'elle  ne  l'a  voullu  quitter  pour  aultre  qu'on  luy  a  voulu 
donner  et  désire  la  conserver.  » 

*  Le  comte  de  Soissons  quitta  Angers  ponr  sa  démarche  de  sou- 
mission à  Bris<:ac  le  17  août  ;  on  ne  sait  s'il  revint  de  là  à  Angers. 

—  Les  Nemours  quittèrent  Angers  le  !•'  septembre. 

*  Mairie  d'Angers  :  Archives  anciennes,  EE  et  BB  65,  pp.  179-180- 

—  Jehan  Louvet.  pp.  56-60,  62-63  ;  129-132,  134-136  ;  138-140.  — 
Rangeard,  p.  379.  —  Cl.-Gabr.  Pocquei  de  Livonnière,  Htst,  des 
illustres  de  l'Anjou  (Bibl.  d'Angers,  mss.  10689,  p.  18).  —  Mém,  de 


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—  279  - 

Celle  qu'atteignaient  au  fond  de  tels  brocards  et  qu'es- 
cortaient seuls,  le  31  août,  les  anathèmes  populaires,  rece- 
vait là  le  vrai  châtiment  de  sa  révolte.  Mais,  cette  expiation 
une  fois  subie  aux  yeux  de  la  postérité  de  ceux-là  même 
qui  semblaient  ne  s'être  donné  rendez-vous  sur  son  passage 
que  pour  mieux  affecter  de  s'y  détourner  d'elle  et  qui 
n'avaient  guetté  son  départ  que  pour  l'empoisonner  de 
leur  silence,  elle  se  redresse  de  tout  le  sympathique  sou- 
venir d'un  règne  libéral  dont  les  gages  ont  afflué  sur  nous 
jusque  dans  le  paroxysme  de  la  guerre  civile;  elle  s'impose 
à  notre  culte  de  toute  la  vénérabilité  d'une  protectrice  des 
fondations  de  l'Oratoire  et  du  Calvaire.  Sa  libéralité  fut  à 
la  fois  pour  nous  royale  et  florentine,  artistique  et  pieuse, 
seigneuriale  et  populaire.  Cette  libéralité  fut  comme  le 
sourire  de  sa  disgrâce,  sous  ces  arcs  de  triomphe  qui  chez 
nous  ont  fêté  sa  venue;  et  cela  l'absout  du  reproche  d'avoir 
oublié  de  telles  ovations.  A  sa  prétendue  ingratitude  ne 
substituons  pas  la  nôtre.  Tenons- lui  compte  non  seulement 
des  institutions  dont  elle  nous  a  dotés  ou  des  largesses 
dont  elle  nous  a  comblés,  mais  encore  des  misères  qu'il  n'a 
pas  tenu  à  elle  d'alléger,  comme  de  celles  dont  elle  nous  a 
sauvés.  Si  elle  n'a  pas  tari,  elle  a  vouUi  au  moins  essuyer 
toutes  nos  larmes,  Avec  les  fléaux  d'une  guerre  d'ailleurs 
intrépidement  bravée,  elle  nous  en  a  du  moins  apporté 
avec  elle,  elle  en  a  jusqu'au  bout  fixé  près  d'elle,  elle  y  a 
appliqué  jusqu'au  dernier  jour  le  préservatif  et  le  remède. 
Elle  n'a  pas  si  exclusivement  appartenu  aux  Boissons  et 
aux  Vendôme,  qu'aux  intervalles  de  leurs  obsessions  si 
pesantes  pour  sa  faiblesse  elle  n'ait  courageusement  écouté 
tour  à  tour  Richelieu  et  le  Père  Joseph  :  Richelieu,  quand 


Poniû  (coll.  Mich.  Pouj.),  2®  série,  t.  VI,  p.  469.  —  Mém,  de  Puysé- 
gur  (publ.  Tamisey  de  Larroque,  Société  bibliogr.,  1843),  passim., 
F.  fr.  38i2,  f«  59.  —  Arch.  n'"  :  Maison  de  Marie  de  Médicin,  1620 
KK,  187  :  Trésorerie  oeneralle  de  la  Rcyne-tnère  du  Roy  pour  l'avnêe 
finie  le  dernier  décembre  mil  six  cent  vingt  ;  M,  Florent  Dargouges 
trésorier. 


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—  280  - 

elle  envoyait  sur  le  chemin  des  Ponts-de-Cé  désarmer  par 
sa  soumission  Louis  XIII  et  prévenir  sa  victoire;  le  Père 
Joseph,  quand,  après  cette  démarche  agréée  du  vainqueur 
même  qu'elle  n'a  pu  arrêter  mais  qui  a  respecté  son 
refuge,  elle  confondait  et  détrônait  chez  nous  le  terrorisme 
de  la  revanche.  Elle  a  écouté  tour  à  tour  et  exaucé  le  Père 
Joseph  et  Richelieu,  Tun  pour  Thonneur  et  l'autre  pour  la 
sécurité  de  nos  foyers. 

Le  Père  Joseph  !  Au  moins,  dans  cette  guerre  civile  dont 
nous  achevons  le  récit,  c'est  à  peine  si  l'on  attente  à  son 
auréole.  Mais  Richelieu  !  que  de  calomnies  ont  plu  sur  sa 
tête  !  mais  des  calomnies  d'ailleurs  que  brave  aujourd'hui 
sa  mémoire.  Car,  à  y  regarder  de  près,  elles  dérivent  toutes 
d'une  même  source  vénéneuse.  On  les  a  toutes,  ou  peu  s'en 
faut,  tirées  du  pamphlétaire  à  gages  Matthieu  de  Morgues. 
C'est  lui  qui,  pour  attiser,  après  la  journée  des  Dupes  et 
dans  son  exil  de  Bruxelles  ou  de  Cologne,  les  rancunes 
rétrospectives  de  Marie  de  Médicis,  a  accolé  au  nom  de 
Richelieu  la  qualification  de  «  Judas  »  et  l'étiquette  de 
«  cardinal  de  la  trahison  ».  C'est  le  Richelieu  de  Matthieu 
de  Morgues  qui,  dès  le  principe  de  la  guerre  civile,  en  de 
ténébreux  conciliabules  ménagés  par  des  agents  interlopes, 
complotait  avec  Luynes  l'assassinat  de  Concini  ;  qui  ensuite, 
dans  une  fiction  de  disgrâce,  ourdissait  encore  avec  Luynes 
la  ruine  de  leur  souveraine  ;  lui  qui,  en  même  temps,  sou- 
levait et  armait  contre  le  favori  en  règne  toute  la  France, 
mais  pourquoi  ?  pour  s'acquérir  vis-à-vis  de  lui  plus  plau- 
siblement  le  mérite  de  perdre  et  de  lui  livrer  ses  ennemis, 
dont  il  lui  dresse*  une  hécatombe.  C'est  bien  le  Richelieu 
de  Matthieu  de  Morgues  qui,  d'une  main,  appelle  bien  au 
Logis-Barrault  les  Soissons  et  les  Vendôme,  rédige  les 
manifestes,  confisque  les  recettes  royales,  lance  les  com- 
missions de  guerre,  mais  qui,  de  l'autre  main,  écarte 
d'Angers  Épernon  et  Mayenne  pour  tenir  Marie  de  Médicis 


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plus  à  la  portée  de  ses  vainqueurs,  en  renfermant  dans 
une  ville  affamée.  Le  Richelieu  de  Matthieu  de  Morgues, 
c'est  le  concussionnaire  éhonté  qui,  en  grugeant  à  Marie 
de  Médicis  cent  mille  écus,  dégarnit  de  munitions  le  châ- 
teau des  Ponts-de-Cé.  Et  tout  cela  pour  payer  un  chapeau 
de  cardinal  «  teint  dans  le  sang  versé  au  combat  des  Ponts- 
de-Cé,  et  lavé  dans  les  larmes  de  tous  les  vrais  serviteurs 
de  la  reine-mère  ».  Voilà  toutes  les  incriminations  éparses 
dans  cette  officine  d'impostures  qui  s'appellent  :  les 
Lumières  pour  l'histoire  de  France  ;  lea  Vrais  et  bons 
advis  du  François  fidèle  ;  les  Remonstrances  du  Caion 
chrestien  ;  les  Très  humbles  y  très  verUables  et  très 
importantes  Remonstrances  au  Roy.  Ce  sont  ces  incri- 
minations qui  ont  passé  des  libelles  de  Mattiii eu  de  Morgues 
dans  les  annales  atrabilaires  de  Levassor  et  dans  les  éphé- 
mérldes  mercenaires,  et  partant  suspectes,  de  Vitlorio 
Siri,  et  jusque  dans  la  sérieuse,  mais  partiale  biographie 
qu'a  consacrée  à  Marie  de  Médicis  M"*  d'Arconviilei  une 
de  ces  biographies  de  complaisance  dont  les  héros  posent 
trop  avec  des  auréoles  de  victimes!  Ah  !  c'est  que  la  haine 
d'un  Matthieu  de  Morgues  a  suffi  pour  infecter  tout  un 
courant  de  littérature  historique  \  alors  même  que  ne  s'y 
seraient  pas  déversées  tour  à  tour  les  amères  récrimina- 
tions d'un  Rohan  ^  qui  a  rejeté  la  paix  des  Ponts-de-Cé,  et 
d'un  Épernon  trop  fier  pour  convenir  de  tout  ce  dont  l'a 
avantagé  sa  fructueuse  soumission,  rien  que  parce  que 
cette  paix  qui  l'y  a  acheminé  s'est  conclue  sans  lui.  Mais 
aujourd'hui  ce  virus  d'animadversions  qui  a  circulé  plus 
d'un  siècle  dans  les  fastes  du  règne  de  Louis  XIII,  nous  en 

*  Cette  infection  a  rejaiUi  jusque  sur  le  Père  Joseph,  que  son 
très  suspect  biographe  Richard,  dans  le  Vénérable  P.  Joseph  capucin^ 
accuse  de  complicité  avec  Richelieu.  Mais  l'uniqui^  accusation  de 
cet  historien  si  taré  dont  la  crédulité  publique  tombe  d  elle-mêrae  ; 
et  il  suffit  de  lui  opposer  là-dessus  le  silence  absolu  de  Maihieu  de 
Morgues. 

*  La  suspicion  encourue  de  ce  chef  par  Rohan  s'attache  à  l'histo- 
rien Gramond,  qui  s'est  inspiré  si  largement  de  ses  Mémoires. 


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—  28â  — 

tenons  le  contre- poison  dans  une  réaction  de  justice  d'abord 
essayée  timidement  par  le  candide  Père  Griffet*,  puis  pour- 
suivie avec  embarras  encore  par  Cousin  qui,  à  travers 
Bentivoglio,  écoute  trop  ou  le  Lùynes  encore  inséparable 
de  Condé,  ou  le  Luynes  déjà  soucieux  de  proroger  vis-à-vis 
de  Richelieu  Téchéance  de  la  pourpre  *  ;  enfin  une  réaction 
consommée  de  nos  jours  avec  une  résolution  décisive  par 
Avenel. 

D'ailleurs  la  date  seule  des  pamphlets  de  Matthieu  de 
Morgues  en  infirme  la  portée.  Quand  on  s'est  érigé  comme 
lui  en  un  chevalier  du  malheur  et  en  un  soutenant  d'une 
reine  en  disgrâce,  on  regarde  et  on  vise  en  face  son  pré- 
tendu persécuteur.  Quand  ce  persécuteur  s'appelle 
Richelieu,  on  n'attend  pas  pour  l'attaquer  Tannée  1643 
pour  n'atteindre  plus  que  son  cercueil  ;  et  on  ne  date  pas 
ses  attaques  d'Anvers  pour  se  garer  même  des  repré- 
sailles posthumes.  On  ne  lance  pas  ses  réquisitoires  dans 
le  vide  rassurant  d'une  éternelle  contumace.  On  ne  se 
résigne  pas  à  l'inanité  d'une  vengeance  sans  courage  parce 
qu'elle  est  sans  péril.  Obscur  blasphémateur,  on  ne  se 
détourne  pas  du  char  d'un  Dieu  triomphant  pour  laisser 
passer  ses  torrents  de  lumière,  afin  de  n'avoir  plus  à  cri- 
bler que  son  ombre.  Autrement  des  diatribes  si  tardive- 
ment décochées  s'usent  dans  la  déconsidération  de  la  posté- 
rité ;  elles  n'y  apparaissent  que  comme  des  flèches  de 
Parthe  énioussées  sur  une  tombe. 

Il  est  vrai  que,  pour  s'exempter  de  cet  ajournement, 

^  Nous  pouvons  meniionner,  comme  appui  de  cette  réftotioo  àe 
justice,  les  appréciations,  sinon  entièrement  favorables,  au  moins 
modérées,  de  Fontenay-Mareuil.  Signalons  aussi  les  judicieuses 
annotations  de  la  collection  Petitot.  —  Mais  nous  laissons  de  côté, 
comme  récusables  sur  le  chapitre  de  Richelieu,  le  plaidoyer  de 
Dupleix  et  le  panégyrique  d'Aunery. 

^  Là-dessus,  disons-en  autant  de  tous  ceux  dont  Bentivoglio 
écoute  trop  les  suggestions  délatoires  qui  ne  sont  elles-mêmes  que 
des  échos  de  celles  de  Luynes.  Tels  sont  Retz,  Arnould,Puysieuz,etc. 
Remarquons,  en  même  temps,  qu'aucune  des  insinuations  de  ce 
genre  n'émane  de  Bentivoglio  comme  provenant  de  Condé. 


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r 


—  283  — 

Matthieu  de  Morgues  eût  dû  se  rendre  compte  que  le 
dédaigneux  silence  de  Richelieu  était  le  seul  accueil  dont 
fussent  dignes  ses  oiseuses  invectives,  à  n'en  juger  que  par 
sa  première  articulation  qui  est  la  complicité  de  Richelieu 
dans  l'assassinat  de  Concini.  Richelieu  complice  de 
l'assassinat  de  Concini  !  Mais  les  auxiliaires  d'une  telle 
œuvre,  en  général,  reçoivent  séance  tenante  leur  salaire, 
qu'on  se  garde  de  leur  faire  attendre  et  qu'on  s'empresse 
même  d'afficher,  afin  de  les  rendre  irréconciliables  avec 
ceux  que  cette  œuvre  a  visés  et  qu'elle  atteint  de  près. 
Luynes,  à  cette  date  de  l'attentat  du  17  avril  1617,  n'avait 
pas  encore  appris  à  redouter  Richelieu  au  point  de  lui  faire 
attendre  les  récompenses  prodiguées  de  suite  à  Vitry,  à 
Ornano  et  à  tant  d'autres  séides.  Par  son  empressement 
il  eût  creusé  entre  Richelieu  et  Marie  de  Médicis  un  abîme 
que  Richelieu  n'eût  certes  jamais  comblé  pour  la  suivre  à 
Blois,  ou  plus  tard  à  Angoulôme,  à  Tours  et  à  Angers.  En 
tout  cas  il  n'eût  pas  (îhoisi  le  cardinalat  comme  une  récom- 
pense aussi  odieuse  que  tardive.  C'est  bien  assez  de  nous 
avoir  dénoncé  dans  la  pourpre  de  Richelieu  une  teinture 
du  champ  de  bataille  des  Ponts-de-Cé,  sans  nous  y  faire* 
voir  encore  le  sang  du  maréchal  d'Ancre. 

Mais  qu'est-ce  à  dire?  Voici  cet  assassin  de  Concini 
transformé  en  un  promoteur  de  l'insurrection  qui  se  dresse 
contre  Luynes.  Si  ce  ne  peut  être  là  la  vengeance  d'un 
complice  négligé  dans  la  distribution  des  salaires  perçus 
par  les  Vitry  et  les  Ornano,  une  si  brusque  évolution,  que 
ne  lui  peuvent  reprocher  d'ailleurs  ceux  qui  l'y  ont  suivi, 
demeure  une  énigme  insondable.  Ou  plutôt  nous  y  voilà.  Ce 
n'est  point  une  volte-face,  c'est  un  jeu  double.  Richelieu 
crée  la  guerre  civile  pour  se  donner  le  mérite  de  l'éleindre. 
11  n'excite,  il  n'ameute  tous  ces  mécontents  qui  s'appellent 
Soissons,  Vendôme,  Épernon,  Mayenne  etBohan,  que  pour 
donner  à  Luynes  une  prise  contre  eux  et  se  rendre,  lui, 
nécessaire  dans  leur  désarmement.  Il  ne  les  soulève  que 


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-284- 


pour  les  mieux  broyer  dans  leur  chute.  Mais  y  pense-t-on  ? 
Armer  la  France  entière  afin  de  la  trahir  toute  avec  Marie 
de  Médicis,  et  cela  sur  la  foi  d'un  Luynes  qui  l'oublie  après 
s'être  aidé  de  lui  pour  monter  au  pouvoir!  Mais  ce  Luynes 
capable  d'une  telle  ingratitude  n'est  pas  un  allié  assez  sûr 
pour  que  Richelieu  tente  de  lui  sacrifier  en  un  si  gros  jeu 
toute  la  fleur  de  notre  aristocratie,  au  risque  de  voir  celte 
aristocratie,  pour  se  venger  de  lui,  retourner  Luynes  avec 
elle  contre  lui.  C'est  secouer  à  plaisir  au-dessus  de  sa  tête 
tout  cet  édifice  insurrectionnel  pour  être  plus  sûrement  • 
écrasé  sous  ses  ruines.  Richelieu  est  déjà  assez  avisé  pour 
pressentir  ce  péril,  mais  il  n'est  pas  encore  assez 
puissamment  établi  pour  le  braver?  Ne  l'oublions  pas,  le 
Richelieu  de  Blois,  d'Angoulême  et  d'Angers  est  encore 
un  Richelieu  qui  s'essaye  et  qui  tâtonne,  un  Richelieu  qui 
interroge  et  qui  mesure,  qui  compte  et  qui  ménage,  qui 
sonde  les  terrains  et  flaire  les  vents.  Ce  n'est  point  encore 
le  Richelieu  de  la  toute  puissance,  qui  abat,  qui  tranche  et 
qui  foudroie,  le  Richelieu  qui,  avec  une  implacable  sérénité, 
foule  aux  pieds  tour  à  tour  Montmorency  et  Cinq-Mars, 
Chalais  et  Marillac. 

Si  Richelieu  a  été  le  promoteur  de  la  guerre  civile, 
pourquoi  donc  attentait-il  à  la  concentration  de  Tétat- 
major  de  Marie  de  Médicis,  en  écartant  d'elle  Épernon*  et 
Mayenne?  —  c  C'est  »,  dites-vous,  «  justement  parce  qu'il 
ne  fomentait  d'une  main  que  ce  qu'il  dissolvait  de  l'autre». 
—  Mais  alors,  pourquoi  soutenez-vous  qu'en  même  temps 
il  faisait  appeler  à  Angers  les  Soissons  et  les  Vendôme? Et 
pourquoi  surtout  n'y  appelait-il  la  comtesse  de  Soissons 
que  pour  y  tenir  éloigné  d'elle  son  chevalier  ef  ^  son  soute- 
nant, en  la  personne  de  l'indéfectible  Mayenne*  Et,  s'il  en 
écarte  d'Angers  Mayenne   et    Épernon,    pourquoi,    dès 


*  Remarquons  que,  même  en  enregistrant  de  ce  chef  les  récrimi- 
nations du  duc  d'Ëpemon  ,  son  biographe  Girard  refuse  de  s'en 
porter  garant. 


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-  28«  — 

Tannonce  de  Tirrémédiable  désastre  qu'y  essuya  Marie  de 
Médicis,  au  rebours  de  tous  les  calculs  qu'on  lui  prête 
mais  en  tirant  de  ce  chef  sa  justification  de  cette  impru- 
dence-là môme,  pourquoi  entralnait-il  alors  la  Reine-mère 
dans  la  direction  d'Angoulême?  —  «  C'est  »,  dites-vous, 
€  qu'en  même  temps  et  sous  main  il  faisait  avertir  Luynes 
pour  qu'il  interceptât  leur  fuite  ».  —  Mais  par  là  Richelieu 
se  perdait  et  se  coupait  en  tous  sens.  Et  sa  tentative 
d'exode  rapprochée  de  cette  contre-démarche  vis-à-vis  de 
Luynes,  était  comme  uue  épée  à  deux  tranchants  qui  le 
séparait  à  la  fois  des  deux  camps  adverses.  Mieux  valait 
cent  fois  dans  cette  intempestive  retraite  suggérée  à  la 
reine-mère  la  franchise  du  désespoir. 

Richelieu  promoteur  de  la  guerre  civile  !  Mais  quand  on 
a  remué  ciel  et  terre  pour  un  chapeau  de  cardinal,  ainsi 
que  le  fera  Retz  trente  ans  après,  on  est  homme  à  s'en 
vanter  dans  ses  mémoires,  fût-ce  dans  une  pose  de  confes- 
sions, au  lieu  d'y  offrir  au  public  Tapologie  de  ses  cam- 
pagnes médiatrices.  —  Vous  dites  que  c'est  le  souvenir  de 
cette  guerre  civile  plutôt  que  la  jalousie  temporisatrice  de 
Luynes,  qui  a  valu  à  Richelieu,  de  la  part  de  Louis  XIII, 
les  ajournements  expiatoires  de  la  pourpre,  et  que  voilà 
pourquoi  celte  pourpre,  «  après  avoir  trempé  dans  la  tein- 
ture, a  mis  si  longtemps  à  sécher  ».  —  Mais  d'abord,  à  votre 
point  de  vue,  pourquoi  ne  tenir  jm»  compte  ici  des  ajour- 
nements dilatoires  de  Luynes?  Est-ce  qu'un  homme  capable 
d'une  connivence  avec  Richelieu  pour  perdre  Marie  de 
Médicis,  n'eût  pas  pu  tout  aussi  bien  n'avoir  pour  Richelieu 
que  des  ingratitudes  de  complice  ?  Mais,  en  écartant  d'entre 
Louis  XIII  et  Richelieu  l'interposition  dilatoire  de  Luynes, 
les  répulsions  encourues  vis-à-vis  d'un  souverain  contre 
qui  on  a  soulevé  une  guerre  civile  ne  se  prescrivent  pas. 
Ou  plutôt  l'homme  qui  s'est  montré  par  là  assez  redou- 
table pour  enlever  d'assaut  cette  pourpre  que,  de  guerre 
lasse,  on  lui  jette  sur  les  épaules  pour  se  débarrasser  de 

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-  286  — 

lui;  cet  homme  l'accepte  toute  fraîche,  réimporte  et  Tep- 
dosse  comme  Thonor^ble  ensevelissernent  d'une  éternelle 
disgrâce. 

Aujourd'hui  uou$  savons  à  qui  Hicbelieu  impute  gecrè- 
temeut  les  ajouraemepts  de  sa  pourpre  ;  et  dp  là  daos  ses 
mémoires,  avons-nous  dit,  ces  invectives  contre  (^uyoeç, 
qui  ont  si  longtemps  abusé  sur  lui-même  la  postérité»  au 
point  de  lui  infliger  le  châtiment  de  ses  rancunes  en  le 
transformant  en  rebelle.  Mais  si,  de  ce  chef,  on  tient  à 
condamner  Richelieu  par  ce  qu'on  interprète  Ik  comme  des 
aveux  de  rébellion,  avant  tout  qu'on  les  prenne  tels  qu'ils 
sont,  et  qu'on  le  fasse  au  moins  bénéficier  (^e  l'indivisibilité 
de  tels  aveux.  N'envisage^  pas <j^ns  c^s  méi^oires^  sincères 
ou  non,  Tennerai  de  Lfiynes,  fa)|^  y  voir  ^  côté  l^  lojal 
réconciliateur  de  Marie  de  Médicis^  H  est  vrai  qup,  qjjand 
il  s'agit  de  flageller  Richelieu  ou  plutôt  l'ombre  qui  sub- 
siste dp  lui,  on  trouve  plus  commode  de  le  scinder  d'avec 
Igi-méme  et  de  ne  garder  de  spn  apologie  que  les  rancuni^ff 
qui  la  tiennent  en  échec.  Mais,  puisquen  cela  on  s'escrime 
au  nom  de  Jl^arie  de  Médicis,  on  s^it  assez  à  quoi  s'en  tenir 
sur  des  rancunes  rétrospectives  pour  en  faire  la  part  chez 
son  adversaire.  iVvant  de  prendre  au  mot  les  anatbèm^ 
d^  Richelieu  contre  Luynes,  on  envisage  les  calculs  de 
jalousie  qui  les  ont  provoqués.  On  discerne  dans  leurs 
repercussions  d'alarmes  et  de  rancunes  cp  qui  a  pu»  dans 
Richelieu,  fausser  les  souvenirs,  au  lieu  de  retourner 
contre  son  cercueil  des  fantômes  de  griefs. 

Mais  passe  encore  pour  la  rébellion  de  Richelieu  pourvu 
qu'il  ait  trahi  Marie  de  Médicis^  et  avec  elle  tout  ce  qui 
s'est  armé  ppur  sa  cause,  accuser  Richelieu  de  trahison, 
vxtilà  ce  qu'on  a  aurtout  à  cœur.  Envisagions  donc  et  ser- 
rons de  plus  prps  cette  fameuse  imputation.  La  trat^ispa 
s.uppose  des  victimes.  Car  enfin  laisspns  de  côté  le  bien 
général  dçnt  vous  ne  disconvenez  paç,  sauf  à  dire  que 
c  Dieu  a  tiré  le  salut  des  hommes  de  la  perfidie  d'un 


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—  à87  - 

apôtre.  »  Eh  !  ù  nous  osions  vous  suivre  dans  votre  com- 
paraispa  profi^natrice,  nous  vou^  dirions  :  où  e3t  (|opc  ici 
la  viptime  piaci^Iaire?  Est-ce  Jl^arie  de  Médici^  ?  ^h  !  qij'a- 
t-ellQ  donc  perdu  à  la  p^ix  des  Ponts*de-Cé  ?  Elle  y  a  obtenu 
tout  ce  qu'elle  a  jamais  exigé  dans  sa  disgrâce,  s^uf,  i(  est 
vrai,  l'éloignement  de  Luynes.  Mais  Luynes  rpaintenant  se 
met  à  SjBs  genoux  et  d'ailleurs  lui  sera  au  Louvre  comipe 
une  garantie  d'équilibre  vis-à-vis  de  Condé  *.  Af  arie  de  Médi- 
cis  a  si  peu  perdu  à  la  paix  des  Ponts-de-Cé  que,  en  dépit  du 
dé^^str^  qui  Ta  nécessitée,  elle  y  a  conservé  tout  ce  que  lui 
avaient  assuré  d^avauce  les  préliminaires  de  La  Flèche. 
Oui,  ]^arie  de  Médicls  n  a  rien  perdu  à  la  paix  des  Popts- 
de-C^,  puisque  ces  grands  seigneurs  qu'elle  mettait  son 
h.opn.eur  à  solidariser  avec  sa  réconciliation,  ont  été  réin- 
tégré? dans  tout  ce  que  Louis  XIII  leur  avait  enlevé  au 
coufs  deç  hostilités  san$  en  avoir  disposé,  et  qu'ils  n'ont 
pas  même  perdu  l'eçpoir  de  recouvrer  le  reste.  Ils  n'ont, 
ep?  non  plus,  en  définitive,  rien  perdu  dans  la  victoire  de 
JLouis  XIII,  ces  rebelles  si  particulièrement  coupables  qui 
avaient  déserté  sa  cause  au  cours  même  de  la  guerre  civile. 
Interrogez  là-dessus  les  officiers  de  l'armée  de  Champagne 
débauchés  par  La  Valette.  Demandez  surtout  à  Saint- 
Âignan  ce  que  lui  a  coûté  de  plus  qu'à  ses  compagnons 
d'armes,  sur  le  champ  de  bataille  des  Ponts-de-Gé,  son 
flagrant  délit  de  transfuge  ^. 

Que  dis-je  ?  Mais  vous,  Matthieu  de  Morgues,  vous  que 
ne  ^ulève  pas  seulement  un  acharnement  suborné,  puisque 


*  Écoutons,  là-de88U8^  Taveu  qui  échappe  à  Matthieu  de  Morgues  : 
«...  L'heureuse  confusion  [produite  dans  Tinsurrection  angevine 
par  la  déroute  des  Ponts-de-Cél. . .  je  l'appelle  heureuse,  parce  que 
le  grand  Dieu,  qui  seul  peut  tirer  le  bien  du  mal,  fit  naistre  Tordre 
du  désordre,  fit  sortir  de  ce  conseil  de  ténèbres  la  lumière  de  sa 
gloire  et  de  la  Tostre,  et  fit  produire  à  ces  mouvemens  le  repos  de 
la  Kejne  vostre  bonne  mère.  » 

'  Louis  XIII  poussa  finalement  la  miséricorde  envers  Saint-Aignan 
Cusqu'à  assumer  une  quote-part  de  l'indemnité  de  sa  destitution,  ^qui 
d'a.bprd  deyait  demeurer  toute  k  la  charge  de  Itfarie  de  Médicis. 


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—  488  — 

cet  acharnement  survit  à  celle  dont  vous  exploitiez  la  que- 
relle comme  à  Thomme  dont  vous  pourfendez  la  mémoire, 
et  cela  au  point  de  susciter  entre  elle  et  lui  une  polémique 
de  revenants;  vous  qui,  ne  sachant  comment  secouer  votre 
ennemi  de  son  impassibilité  sépulcrale,  allez  jusqu'à 
ramasser  contre  lui  pour  les  ranimer  de  votre  souffle  de 
haine  des  bouffées  de  cendre  froide,  vous,  Matthieu  de 
Morgues,  demandez-vous  à  vous-même  ce  qu'il  vous  en  a 
coûté  pour  avoir  été  à  Angers,  près  de  Marie  de  Médicis  et 
de  ces  Vendôme  qui  s'y  agglutaient  à  vous  dans  une  con- 
tagion de  fiel,  un  boute-feu  de  la  guerre  civile.  Vous  ne 
fûtes,  pour  cela,  que  temporairement  éloigné  d'auprès  de 
la  reine-mère,  et  cette  rigueur  si  mitigée  n'est  pas  même 
inscrite  dans  le  traité  des  Ponts-de-Gé.  Si  tant  est  qu'une 
si  bénigne  exception  aux  amnisties  générales  soit  impu- 
table à  Richelieu,  vous  n'oseriez  jamais  la  reprocher  même 
à  son  ombre,  car  cette  ombre  seule  vous  répondrait  qu'une 
telle  délicatesse  de  ménagements  eût  dû,  plus  que  tout  le 
reste,  tarir  vos  calomnies  dans  leur  source.  A  moins  que 
vous  n'en  vouliez  à  Richelieu  moins  encore  de  ce  peu  de 
sévérité  déployée  contre  vous,  que  de  la  dédaigneuse  com- 
misération qui  vous  épargne  l'affichage  et  la  perpétuité  de 
votre  peine,  comme  si  vous  vous  sentiez  humilié  de  cette 
miséricorde,  aggravée  de  l'aumône  faite  à  la  vénalité  de 
votre  plume  en  dix  années  postérieuresd'émargemehtsdans 
ses  secrétariats,  etcommesi, dans  votre  frénésied'invectives, 
vous  alliez  jusqu'à  renier  des  égards  qui  vous  condamnent 
à  la  reconnaissance.  Mais  peut-être  devez-vous  l'amor- 
tissement de  votre  chute  à  l'entremise  personnelle  de 
Marie  de  Médicis.  Et  alors  elle  était  donc  moins  trahie  que 
personne,  cette  reine  dont  le  crédit  d'intercession  dépassait 
la  teneur  des  amnisties  pour  vous  atteindre  jusque  dans 
votre  inévitable  exil.  Ou  plutôt  ne  serait-ce  point  elle  qui, 
pour  se  débarrasser  des  compromissions  attachées  désor- 
mais à  vos  importunités,  ne  vous  aurait  que  mollement 


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-  «89  — 

soutenue  et  vous  aurait  laissé  couler  dans  cet  exil.  Mais 
c'est  qu'alors,  en  tenant  si  peu  à  vous,  ou  pour  mieux  dire 
en  vous  lâchant  ainsi,  elle  vous  jugeait  d'avance  un  bien 
peu  digne  avocat  de  sa  cause.  Laissons  donc  de  côté  ici  la 
personnalité  de  Matthieu  de  Morgues  pour  en  revenir  à 
ces  mécontents  que  justifiait  presque  le  traité  des  Ponts- 
de-Cé.  Sans  doute,  en  sortant  indemnes  de  leur  révolte»  ils 
n'y  ont,  eux  non  plus,  en  général,  rien  gagné.  Eh  quoi  !  ce 
n'était  donc  pas  assez  d'oublier,  que  dis-je?  d'innocenter 
expressément  cette  révolte,  il  la  fallait  encore  récompenser 
et  couronner  !  Rien  que  d'y  oser  prétendre,  c'est  déjà  de 
l'ingratitude. 

Ah  !  Richelieu  a  trahi  avec  eux  tous  Marie  de  Médicis 
sur  le  champ  de  bataille  des  Ponts-de-Cé  pour  y  teindre  sa 
pourpre.  Mais  demandez  à  tous  ces  membres  ou  alliés  de 
sa  famille  ce  que  Richelieu  hasardait  d'y  perdre  en  eux  : 
un  Brezé,  un  Pontchàteau,  un  Flocellière,  ces  deux-là 
surtout  qui  soutinrent  dans  la v tranchée  de  Saint-Aubin  le 
dernier  choc  des  royalistes.  Eh  quoi  !  Richelieu  n'aurait 
donc  gagné  à  sa  mémorable  trahison  qu'un  chapeau  de 
cardinal  baigné  dans  son  propre  sang? 

Une  trahison  sur  le  champ  de  bataille  des  Ponts-de-Cé, 
c'est  celle  de  Vendôme  et  de  Retz.  Une  vraie  trahison,  ou 
peut  s'en  faut,  c'est  aussi,  dans  le  camp  adverse,  l'empres- 
sement perfide  de  Condé  à  intercaler  la  victoire  des  Ponts- 
de-Cé  entre  les  préliminaires  de  La  Flèche  et  la  paix  du 
lendemain.  Mais  on  se  tait  sur  toutes  ces  félonies  étrangères 
à  Richelieu,  moins  encore  parce  qu'il  faudrait  nommer  un 
Henri  de  Bourbon,  ou  un  Retz,  ou  un  Vendôme,  que  parce 
qu'on  conviendrait  par  là  que,  si  pas  une  de  ces  félonies  n'a 
nui  à  Marie  de  Médicis,  c'est  qu'elles  ont  eu  toutes  en 
Richelieu  leur  remède.  Cela  générait  pour  jeter  sur  sa  tête 
tous  les  complots  qui,  aux  Ponts-de-Cé,  se  croisent  et  se 
répondent  d'un  camp  à  l'autre.  En  vérité,  pour  emprunter 
à  Matthieu  de  Morgues  et  rétorquer  contre  lui  ses  ampoules 


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—  890  — 

de  folliculaire,  en  Vérité,  Richelieu  est  là  le  bouc  émissaire 
cfiârgé  de  toutes  les  infatoies  d'Israël. 

Car,  dans  le  désarroi  de  Tlnèurréctlon  angeviûe,  on  s'eri 
prend  à  lui  de  tout,  depuis  la  famine  d'Arigers  qui,  au 
matin  du  combai  dés  t*onts-de-Cé,  ti'a  plus  que  trois  Jours 
de  vivres,  jusqu'au  déficit  oU  à  ràvarie^  aU  château  deè 
Ponts-de-Cé,  des  poUdfek,  des  mèches  et  des  balles.  îtfâis, 
en  laissant  de  côté  l'imputation  dé  cette  <(  grivelée  >>  dé  cèrit 
mille  écus  dont  on  ne  trouve  nulle  trace  dans  la  rigouredsé 
comptabilité  dressée  au  se^vlce  dé  la  reine-mëfe  par  son 
trésorier  d'Argouges,  lequel  deà  officiers  de  son  état-màjôt  * 
a,  de  ces  différents  chefs,  accusé  Richelieu  ?  f  ersoiine  ;  et 
pourtant,  dès  qu'on  Ta  accUâé  de  ne  Tavoir  trahie  qu'en 
réportant  du  même  coup  lès  Soupçons  de  trahison  sUr  les 
chefs  rebelles,  afin  de  les  mieUx  discréditer  près  de  Marie 
de  Médicis,  une  telle  calomnié  ne  leur  donnait  que  d'autant 
plus  beau  jeu  pouf*  lui  rétorquer  de  telles  charges.  Mais, 
encore  une  fois,  personhè  îie  l'aècuse,  pas  tnême  l'équi- 
voque et  l'indiscret  MarilldC.  Tandis  que,  âvecëes^aricunëô 
de  la  journée  des  bùpes,  qu'égalent  seules  ses  4-ancuïles 
contre  Luynes  ;  tandis  qûë  ÉichêlieU  pei'sîlle  et  flétrît 
Marîllac  jlisque  dans  soh  évacuation,  d'ailléUrs  très  jbsti- 
tiée,  du  champ  de  bataille  des  Pontfe-dê-Cé,  Marilléc,  qui 
pourtant  a  dû  essUyer  dès  AhgerS  les  antipathies  pt-écoces 
de  Richelieu,  ne  fût-ce  que  dans  leUr  désaccord  sUr  la 
fameuse  tranchée  de  Vetidôhie,  Marlîlètc,  eri  bohstdtailt  ce 

1  Nous  n'tttotië  ju8()u'icii  interrogé  ^fJédKlemëlit,  é\iv  ]a  prétendu» 
trahi.son  de  RicheJiey,  que  l'état-major  de  Marie  de  Médicis,  p^rce 
que  là  surlodl  où  a^^ait  intérêt  à  arguer  de  Celte  trahisoii  pour  éipli- 
qtier  ou  pallier  les  désastres  de  la  reine-mère,  et  que,  dans  le  camp 
adverse,  cette  t^^ahison  ne  pouvait  qu'atténuer  le  prestige  dct  la 
victoire.  Mais,  pai-rlii  lé&  bfllolers  fd^alistès,  Bassompierrè,  qui  crttU 
avoir  à  se  plajnijre  presque  légalement  de.ftichelieu  et  de  Lu/nes^ 
et  qui,  d'autre  part,  a  reçu  à  Trélazé,  le  soii*  dii  combat  aès  PonU- 
de-Cé,  sur  I08  d^tnièrés  déwâtohes  de  1«  diplomatie  du  Logis-^ 
Barranlt,  les  ponfidences  de  Duperron  et  de  Bellegarde,  n'est  pas 
n<^n  plufe  ûû^  àiiîofité  négligeable  qùrind  il  rapporte  qu'il  b 'a  pas 
tenu  à  Kicbejieii  qi^e  pes  ambassaeeurs  ne  soient  arrivés  à  Tréiazè 
avant  l'engagement  de  la  bataihè. 


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TTTTF-t-j:- 


-  291  - 

désaccord,  loue  sans  réserve  en  Richelieu  ses  vigilances 
dMûlendant,  dé  trésorier  et  dé  raUnitiôilnairë.  Si,  pôilr  se 
disculper  de  sa  déroulé,  Màrillac  eût  trouvé  à  mordre  en 
Richelieu,  certes,  avec  i'àcreté  de  son  levain  de  fcabàle,  il 
ne  â'en  fût  pas  fait  faute,  ainsi  qu'il  Ta  fait  à  l'égard  de 
Vendôme.  Ah  !  comme  accusateur  de  Richelieu  il  ^  a  Jus- 
tement Vendôme.  Mais  Vendôme  et  Châiltéloube  *  fe'est 
Mathieu  dé  Morgueà,  et  Matthieu  de  Morgues  est  jtigé.  Et 
encore  est-ce  du  champ  de  bdtailledes  Poil(s-(iè-bécjuédatent 
lès  iî6{)utatioHs  àe  Vendôme?  Oéttedatë-là  seule;  et  la  pré- 
dpitation  de  sôù  retour  à  AngerS,  lès  rendraient  suspectes. 
Mais  ehfln  on  n'en  est  encore  IS  qu'à  de  vagues  fchuchole- 
inents  et  â  deâ  sdiii'dihes.  NoUs  né  voyons  encore  là  Vèndôthe 
charger  tout  haut  que  Mérillàc.  Et,  podr  désigner  Richelieu; 
ce  déserteur  qui  n'a  pas  plus  le  courage  des  réquisitoires 
que  des  champs  de  bataillé,  môme  pour  donrlér  le  change 
sur  ses  couardises,  se  caché  derrière  Matthieu  de  Môi^iiés^ 
et,  pluà  dé  vingt  ans  d'àvàhce,  il  lui  abandbnrie  cette  Iffste 
audace  dfe  viser  uh  fcèrcueil.  Laissons  donc  Vendôme  et 
Mârillac  aU  Logis-i3arràult  Se  prendre  â  partie  et  déblatérer 
â  Taise  Tun  coritré  l'autre,  devant  ce  Richelieu  qUe  fl'at- 
teignént  pas  leurs  éclâbousâures.  Constatons  selilteiïient 
que  si,  dânà  ses  diatribes,  Matthieu  de  Morgues  accable 
Richelieu,  en  revanche,  en  attendant  leur  lointaine  appari- 
tîoui  fet  sut*  le  théâtre  encore  fumatit  du  dernier  désastre 
dé  Marie  dé  Médîcis,  c'est  tout  le  mondé  que  lés  autres 
accusent,  excepté  lui.  Vendôme,  après  avoir,  dès  leurs  pre- 
ifiiiers  désastres,  accusé  le  grdnd-prieui»  qui  le  lui  a  bieh 


*  iSur  les  incriminations  de  Richelieu,  Chanteloube  nous  semble 
encore  atoir  qttèlqae  peu  déteint  sur  le  vénérable  Père  de  BéroUe» 
Du  moins^  nous  en  croyons  surprendre  la  trace  dans  les  biographies 
originaires  de  ce  dernier.  Cela  peut  ^'e^pliquer  par  Ibs  affinités  ora<*> 
tcnrieikiias  de  Chanteloube  et  de  Berulle.  Rappel<»fi8->»noii8  ^.nssi  lee 
aqtipàthîe^  instiiictives  et  réciproques  qui,  Je.  bonne  heure,  éloi- 
^bèrëkt  d6  Richelieu  Berulle ,  coiiâiié  par  là  dans  une  demi- 
disgrâce  ;  et  surtout  n'oublions  pas  les  accointances  de  Berulle 
avec  la  cabale  déconcertée  par  la  journée  des  Dupes. 


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rendu,  se  retourne  contre  Marillac,  et  Marillac  accuse  les 
Vendôme.  César  de  Vendôme  et  Marillac  accusent  Retz. 
Retz  accuse  et,  pour  un  plus,  lapiderait  son  oncle,  et  l'oncle 
accuse  le  neveu.  Duperron  et  Bellegarde,  au  quartier 
général  de  Trélazé,  incriminent  Gondé.  Les  réquisitoires 
volent  et  rebondissent  ;  et,  dans  ce  chassé-croisé  de  vitu- 
pérations, le  seul  nom  de  Richelieu  passe  intact. 

Reste  rimputation,  émanée  d'Épernon  et  de  Roban, 
d'avoir  isolé  d*eux,  ainsi  que  de  Mayenne,  Marie  de  Médi- 
cis.  Mais,  en  les  appelant  à  Angers,  Ricbelieu  n'y  eût 
amené  avec  eux  que  le  dernier  terme  de  cette  dissolvante 
division  que  Jeannin  préconisait  d'avance  à  Paris  si  mali- 
cieusement, en  laissant  âler  de  là  sur  Angers  les  Soissons 
et  le  grand-prieur.  C'est  du  coup  qu'on  aurait  redoublé 
d'anathèmes  contre  ce  Machiavel  qui  n'aurait  concentré 
que  pour  mieux  dissoudre  dans  des  ferments  de  coagula- 
tion Félat-major  de  sa  souveraine.  Et  puis  ces  grands 
potentats,  tout  chevaleresques  qu'on  les  suppose,  étaient- 
ils  si  soucieux  d'abdiquer  leur  aparté  dans  la  condescen- 
dance d'une  immigration  angevine?  Et  même  eux  qui, 
entre  eux  deux,  ne  pouvaient  pas  plus  s'entendre  sur  une 
jonction  à  Angouléme  qu'à  Bordeaux,  étaient-ils  si  empres- 
sés d'accueillir  chez  eux,  comme  une  atteinte  sur  place  à 
leur  jalouse  autonomie,  Marie  de  Médicis  escortée  de  Riche- 
lieu ?  Tous  deux,  au  fond,  le  devaient  également  redouter. 
Et  avec  cela,  bien  entendu,  dans  leur  impossibilité  de  se 
séparer  l'un  de  l'autre  ou  de  se  dédoubler  tous  deux  à  la 
fois  entre  Angouléme  et  Bordeaux,  Richelieu  et  Marie  de 
Médicis  n'eussent  embarrassé  de  leur  présence  l'un  de  ces 
deux  alliés  qu'en  indisposant  l'autre.  Celui  des  deux  que 
n'eût  pas  gêné  la  présence  de  Richelieu  se  serait  certaine- 
ment plaint  de  ne  posséder  pas  Marie  de  Médicis.  Et  la 
complication  de  ces  éventualités  n'a  pas  dû,  certes,  être  le 
moins  cuisant  des  soucis  de  Richelieu,  lorsqu'après  la 


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-  293  - 

bataille  des  Ponls-de-Cé  il  poussait  si  à  contre-cœur  Marie 
de  Médicis  vers  la  Loire  K 

Et  puis  enfin,  si  ni  Rohan,  ni  Épernon,  ni  Mayenne, 
écartés  ou  non  d'Angers  dans  les  derniers  jours  de  la 
guerre  civile,  n'y  ont  pas  paru,  que  savent-ils  si  on  y  a 
trahi  Marie  de  Médicis,  puisqu'ils  n'y  ont  pas  assuré  de 
près  sa  défense,  ni  surveillé  sa  réconciliation  ?  Ils  disent, 
ou  du  moins  Épemon  et  Rohan,  qu'ils  n'en  ont  pas  été 
mis  à  même  et  qu'une  paix  conclue  sans  eux  leur  est,  par 
cela  seul,  suspecte.  Mais,  dans  cette  avalanche  de  soumis- 
sions dont  la  Déclaration  d'innocence  a  donné  le  signal, 
lequel  des  premiers  ralliés  a,  sur  sa  démarche,  consulté 
ses  collègues?  Épernon  a-t-il  consulté  Mayenne?  Mayenne 
a-t-il  consulté  les  protestants?  Dans  le  camp  de  ceux-ci,  la 
Trémouille,  d'Aubigné  ou  La  Force  se  sont-ils  consultés 
entre  eux,  ou  ont-ils  consulté  Rohan?  Rohan  lui-même,  sur 
cet  autre  horizon  de  la  guerre  de  Trente  ans,  a-t-il  con- 
sulté Richelieu  sur  son  évacuation  de  la  Valteline  qu'il  a 
pris  si  à  cœur  de  justifier  contre  lui  et  qui,  même  en  la 


*  Ici  se  place  cette  lettre  de  Richelieu  à  Tarchevèque  de  Toulouse  : 
c  3  août  1620.  Monsieur,  le  roi  est  au  Mans  avec  ses  trouppes  et 
fait  estât  de  nous  venir  epousseter  comme  il  faut.  Toute  l'espérance 
de  traitter  est  rompue  ;  ces  Messieurs  n'en  veulent  point  oujr  par- 
ler. En  ceste  extrémité,  nous  sommes  résolus  de  faire  ce  que 
doibvent  faire  des  gens  à  qui  la  nécessité  apprend  à  se  deffendre. 
Je  croiâ  que  vous  devez  mettre  le  meilleur  ordre  qu'il  vous  sera 
possible  a  Loches,  et  y  laisser  M.  de  la  Hilière.  Et  cela  estant,  je 
me  promects  que  vous  voudrez  estre  de  la  feste. . .  » 

Cette  lettre,  invoquée  par  Avenel  comme  une  des  pièces  à  produire 
au  procès  en  faveur  de  Richelieu,  ne  nous  semble  pas  absolument 
roncluante.  Cependant  nous  y  voyons  de  libres  allusions  à  des  pour- 
parlers de  paix  qu'avec  sa  rédaction  si  précautionneuse  Richelieu 
eût  dérobées  à  La  Valette  si  elles  lui  eussent  semblé  de  ce  côté  tant 
soit  peu  suspectables.  —  En  voyant,  en  outre,  Richelieu  mander  à 
Angers  l'arcnevèque  de  Toulouse  qui  y  eût  d'ailleurs,  au  combat 
des  Ponts-de-Cé^  rencontré  son  frère  Candale,  nous  nous  assurons 
qu'il  n'en  écartait  pas  au  moins  la  représentation  du  duc  d'Epemon 
par  les  siens.  —  Enfin  remarquons  que,  en  informant  La  Valette 
des  progrès  de  l'armée  royale,  Richelieu  le  mit  à  même  et  lui 
recommanda  de  s'observer,  ce  qui  n'est  pas  le  procédé  des  tr^tres, 
qui  endorment  plutôt  dans  la  sécurité  ceux  qu'ils  trahissent. 


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—  294  — 

supposant  justifiée  par  son  apologie,  a  failli,  certes,  être  plus 
malheureuse  pour  la  France  que  la  p^aix  des  Ponts-dè-Cé 
ne  Ta  été  pour  toute  Tinstirrection  angevine.  D'aîlletirs^ 
encore  une  fois,  ni  Épernoù  ni  Rohân  ne  sont  recévables  S 
reprociier  â  Richelieu  cette  paix,  ni  Mdhan  avec  ses  répu- 
diations de  sectaire,  îiî  Ëpernon  qui  a  si  peu  perdu  à  sa 
précipitation,  qu'il  s'est  hii  payer  soti  ralliement  d'autant 
plus  ctïer  qu'il  Ta  fait  ^lus  longtemps  attendre. 

Èpernon  est  surtout  irrecevable  à  reprocher  à  fticheJîeu 
son  cardinalat  de  trahison  si  Ton  envisage  de  ce  chef,  en 
regard  dé  celte  promotion  si  réprouvée,  Tantériorité  de  ses 
propres  satisfactions  paternelles  ^  On  constate  par  là  que, 
dans  cette  Galtia  purpurata  des  liquidations  de  U  guerre 
civile,  Épernod,  eh  la  personne  dé  La  Valette,  a  été,  pour 
ainsi  dire,  récompensé  de  là  tardivitë  de  sa  Soumission, 
bien  avant  que  ttichelieu  ne  le  fût  de  la  prétendue 
noirceur  dont  cette  soumission  Serait  l'œuvre,  et  que,  tout 
en  récriminant  à  la  fois  et  en  rompant  devant  lui  à  la 
source  des  grâces,  il  l'écarté  et  lé  devance.  Et,  dès  lors,  on 
se  demande  à  qui  donc  Épernon  a  été  sacrifié  quand,  dans 
la  côntributiori  ouverte  au  letidenlâitt  de  la  paix  deâ  Ponts- 
de^Gé,  on  voit  le  privilège  de  ce  rallié  de  la  onzième  heure 
primer  celui  de  la  trahison.  Ne  nous  parlez  donc  plus  d'uhe 
tràhi^bti  doht  le  salaire  hë  pa^se  qu'après  la  satisfaction 
de  ses  victimes.  En  général,  quand  on  est  aussi  avisé  que 
Richelieu,  on  ne  risque  qiie  clés  trahisons  dont  on  est  cer- 
tain de  n'être  pas  dupe;  et  si,  à  cette  date  de  1620,  Ton  est 
dupe,  on  ne  Test  que  d'une  trop  novice  ambition. 

Rappelëz-Vods  plutôt,  dirions-tious  au  duc  d'Epernôli, 
rappele£-vou8  plutôt  la  superbe  leçdh  de  dédintéressement 

*  L'îlrchevêquë  de  Toulouse,  Là  .Valette,  fût  tiommé  cWdlilal  dè§U 
è\  jâdvier  lB2l,  et  Richelieu  he  lé  fut  <\&'én  16$2.  ^  Ajôutdâft  que,  «ii 
ce  qui  est  des  calculs  temjJoriâdleurè  dé  Luytteé.à  l'égard  de  Riche- 
lieu, on  e&  suit  les  traces  à  travers  Bentivogiiô  iusqu'à  iK  èâtiifkô- 
lion  de  La  Valette.  Ces  calculs,  à  partir  de  cette  date  et  s'ils  lui  ont 
survécu,  deviennent  moins  perceptibles. 


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—  295  — 

qu'au  letidemalln  de  la  paix  des  Pontâ-de-Cé,  tel  qu'un 
Condé  à  ia  paix  des  Pyrénées,  vous  donniez  à  Alayenne 
pour  le  convier  â  lô  suivre  dans  vôtre  soumission.  A  cette 
daté  vous  diriez  que  «  le  seul  contentement  de  Marié  de 
Médlcis  vous  devait  désarmer  *.  Pour  être  conséquent  avec 
cette  profession  de  chevalerie,  abdiquez  donc,  pour  le  reje- 
ter Sur  l'autel  de  la  concorde,  tout  cé  que  Vous  avez  obtenu 
de  plus  que  cette  satisfactîoti  de  votre  souveraine  :  ou  bien 
fkîtes  cé  qu'ont  fait  simplement  après  Vous  Afayèûûe  et  La 
Perce,  qui,  en  se  soumettant,  ont,  eui,  accepfê  de  boii^e 
grâce,  sans  nulle  posture  dé  victime,  Tun  rëVéïliualHé  du 
gouvernement  de  Béarn,  et  l'autre  Texpectative  du  bâton 
dé  maréchal.  Surtout,  en  géffils&ânt  sut*  Votï-e  doùloUirease 
Immolation,  n'allez:  pas  supplieî'  tlichéHéu  de  vous  en 
adoucir  l'amerturtie  par  un  surcroît  de  faveur,  ainsi  que 
vous  l'avez  fait  èî  humblement,  et d'aiilleurâ longtemps  âpt-ès 
votre  soumission.  A  cette  daté  si  fecùléé  dé  vôthe  féquétfe, 
comment  û'aviez-vous  pas  eu  le  témpâ  de  Soupçonner  âa 
trahison  ?  OU,  si  voUfe  la  êôUpiçonnléz,  Comment  t^avâliez- 
vous  Votre  morgue  âU  point  d'im|îlorer  à  taalnë  Jointes 
l'homme  qui  n'aurait  éU  poUi*  vous  qiiè  des  baisers  de 
judas,  d'Un  Judas  qUé  VOUs  caressiez  en  le  supplantant? 
Eh  quoi  !  dans  le  moment  même  où  vous  nous  êlâlèz  Votre 
décorum  dé  victime,  le  déméntiriez-Vous  au  poîfil  dé  ttous 
laisser  douter  ài  ce  qui  l'emporte  entre  le  «  cardinal 
de  la  trahison  i  et  vous,  c'eàt  là  perfidie  oU  là  plati- 
tude? 

Et  iiarie  dé  Médicis,  quand  s'ést-ellè  donc.  Je  iie  dis  pas 
plainte,  mais  aperçue  delà  trahison  de  ftichélleU?  Ce  ù'eât 
certainémeni  pas  k  ferissàc,  puisqu'elle  y  couvre  de  sa 
muhîhceùce  ce  qui  en  fut  lé  prétendu  gage*,  en  gratifiant 


'  Remarquons  que,  en  ce  momént-là  même,  Marié  de  Médicis 
montrait  son  plus  paauvais  visage  au  cardinal  de  Retz,  comme 
soupçdtinê  db  cohUivétice  ddnsl  la  défection  de  soâ  neveu  au 
combat  des  Ponts-de-Cé. 


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^ 


—  296  — 

d'une  dot  de  cent  mille  livres  ^  et  de  douze  mille  écus  de 
pierreries  Madeleine  de  Pontcourlay,  quand  cette  nièce  de 
Richelieu  épouse  un  neveu  de  Luynes.  Ce  n*est  pas  même 
deux  ans  après,  quand  elle  couronne  cette  prétendue  trahi- 
son du  chapeau  de  cardinal  ;  ni  encore  deux  ans  après, 
quand  elle  assure  à  Richelieu  l'entrée  au  conseil.  Mais 
quand  donc  ouvre-t-elle  les  yeux?  Oh!  un  des  plus  mal- 
veillants biographes  de  Richelieu  va  naïvement  nous 
Ta  vouer.  €  Cependant  »,  dit  Leclerc,  €  Marie  de  Médicis  (en 
août  1620),  ne  s^aperçut  nullement  de  ces  artifices  de 
Richelieu.  Elle  lui  promit  le  chapeau  de  cardinal  et  rentrée 
au  conseil,  jusqu'à  ce  qu'il  la  persécutât  de  la  manière  du 
monde  la  plus  indigne.  »  Cela  veut  dire  que  la  journée  des 
Dupes  seule  ulcéra  contre  Richelieu,  dans  Marie  de  Médicis, 
ses  plus  lointains  souvenirs.  Il  y  a  désormais  entre  Marie 
de  Médicis  et  Richelieu  toute  la  distance  qui  sépare 
Angers,  les  Ponts-de-Cé  et  Brissac  de  Bruxelles  et  de 
Cologne  ;  et  dans  l'intervalle  se  place  l'entrevue  décisive 
du  Louvre,  où  Louis  XIII  dut  opter  entre  elle  et  lui.  Encore 
une  fois,  ne  perdons  pas  de  vue  que  si,  après  coup,  des 
impatiences  d'ambition  ont  aveuglé  Richelieu  sur  Luynes, 
des  ressentiments  d'exil  ont  aveuglé  bien  plus  encore  sur 
Richelieu  Marie  de  Médicis. 

Revenons  et  restons-en  k  cette  entrevue  bien  plus  heu- 
reuse de  Brissac  où  Louis  XIII  embrassait  Marie  de  Médi- 
cis et  Richelieu,  inséparables  encore  l'un  de  l'autre,  en  leur 
commun  retour  vers  lui.  Écartons  de  celte  mémorable 
entrevue  tant  d'interprétations  sinistres.  Ne  gardons  de  la 
Marie  de  Médicis  angevine  que  le  souvenir  d'une  reine  qui 
n'a  pas  adopté  l'Anjou  comme  un  refuge,  et  un  refuge  sanc- 
tifié de  sa  disgrâce,  sans  l'ériger  en  même  temps  en  un 
théâtre  et  en  un  gage  de  ses  réconciliations.  Retenons-y  en 
même  temps  l'homme  sur  qui  nous  pouvons  excercer,  non 

*  Louis  XIII,  de  son  côté,  dotait  Combalet  de  cent  cinquante 
mille  livres. 


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r 


—  297  — 

moins  que  sur  le  Père  Joseph,  une  revendication  angevine, 
parce  que  tous  deux  n'y  ont  réconcilié  qu'en  sauvant  et, 
par  là  même  en  relevant  Marie  de  Médicis  ;  qu'en  la  sau- 
vant ils  ont  sauvé  Angers  avec  elle,  et  que,  en  sauvant 
Angers  avec  elle  et  par  elle,  ils  nous  ont,  nous  aussi,  récon- 
ciliés avec  son  culte.  En  ce  qui  est  de  Richelieu,  n'oublions 
pas  surtout  que  c'est  en  venant  chez  nous  s'attacher  à 
Marie  de  Médicis  au  point  d'embrasser  son  refuge,  d'assu- 
mer sa  disgrâce  et  d'adopter  son  quartier  général;  n'oublions 
pas  que  c'est  chez  nous  qu'il  a  trouvé  la  clef  de  son  avenir 
et  le  nœud  de  ses  grandeurs.  En  y  saluant  le  prétendu 
«  cardinal  de  la  trahison  »  d'un  vocable  réparateur,  disons 
que  c'est  dans  le  <  cardinal  de  la  réconciliation  »  que  s'est 
élaboré  le  c  cardinal  de  la  Rochelle  »,  sous  les  auspices  de 
€  range  gardien  de  la  cité  angevine  »  doublé  de  Tapôtre 
de  la  dernière  guerre  de  religion;  et  tout  cela  au  sein  d'un 
asile  consacré  par  de  royales  infortunes  '• 

Eusèbe  Pavie. 

fA  tuiwrej 

^  Lettres  de  Richelieu  (Coll.  Avenel),  pp.  653  et  654,  texte  et  n.  — 
Coll.  PeLj  notice  sur  Richelieu,  pp.  33-^,  37-38.  —  Fontenay- 
Mareuil,  p.  153.  —  Brionne,  p.  3u.  —  Recueil  de  pièces  pour  la 
défense  de  la  reync'-mère  ei  du  roy  très  chrestien  Louis  XIII  par  messire 
Matthieu  de  Morgues,  sieur  de  Saint-Germain  (dernière  éd.,  Anvers, 
1643)  :  Lumières  pour  l'hist.  de  France,  pp.  23-27,  28,  34,  83  et 
passim  ;  Très  humbles^  très  véritables  et  très  importantes  remonstranees 
au  Roy,  pp.  20,  31-33,  50;  Remonstr.  du  Caton  chrestien,  pp.  12,  14, 
34,  61,  63-64  ;  Vrais  et  bons  advis  de  François  fidèle,  p.  13  ;  Adver- 
tissement  de  Nicocléon  à  Cléonville  pp.  4-5;  Vitt,  Séri,  pp.  98-99, 
178-180;  Levassor,  t.  lil,  pp.  500-501,  572-575,  593-594;  t,  IV, 
pp.  66-67,  71,  75,  77-79.  —  M««  d'Arconville,  t.  II,  pp.  375-376, 
553-554,  571  ;  t.  III,  pp.  15.  84,  60,  61,  75.  —  Girard,  Vie  du  duc 
d^Epemon,  passim.  —  Roh&n,  passim,  —  Gramond,  p.  283.  —  La 
Nunz.  di  Fr..  22  août.  —  BattereJ,  t.  I,  1.  m,  n<»  41  et  79.  — 
LecJerc,  pp.  90,  91  et  passim.  —  Griffet,  pp.  269,  270,  538.  —  Pièces 
curieuses,  etc.  :  Response  au  libellé  intitule  Très  humble,  très  véri- 
table, etc.,  p.  30.  —  V.  Cousin,  mai  1862,  pp.  336-337,  340,341, 
343  ;  juin,  312-313  ;  septembre,  530-531.  —  uEvêque  de  Luçon  et  le 
connétable  de  Luynes,  p.  M.  Avenel  (Rev.  des  quest,  historiques, 
5e  année,  t.  IX.  pp.  102-107.  —  H.  Martin,  p.  162.  —  Dareste, 
pp.  67-68.  ^  Essai  sur  la  Vf e  et  les  ceuvres  de  Idathieu  de  Morgues, 
aobé  de  ^   '      "  --    -.      .    ~  .  .-     .. 


aobé  de  Saint-Germain,  par  M.  Claude  Perraud  (Le  Puy,  1865),  pas- 
sim. —  Fancan  et  la  politique  de  Richelieu  de  1647  à  46V ^  par  Léon 
Geley  (1884),  pp.  28,  31,  78,  89,  92-93,  96,  ex  passim. 


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^ 


J 

LA 


FAMILLE  BOYLESVE 


Chartrier  de  Boi^esve,  10  décembre  1587.  —  Arrêt  du  Par- 
lement j(l^  iPfrif;  (voir  aux  litres  généraux). 

îd,  —  Le  mardi  l'^mars  1889,  Damoiselle  Philippe  Prioulleau, 
veuTe  de  deffunt  N.  h.  M*  François  Bpylesve,  vivant  conseiller 
du  ffij^,'  «k^r  4f$  l»  B^ô^arderiç...  yend  à  b*  h.  R^aé  Boylesvf, 
sieur  ée  Gouasmart,  la  Biquerye  pour  700  escus  sol  évalués  h 
210^  1.  .^yec  faculté  de  réméré.  —  Le  ii  ii^j^rç  15.$9  guittaixç.^ 
d«  éûO  6sw«.  Sigfté«l  ftogier.  —  Le  S  février  IS&A»  prolongatioa 
de  \%  grâce  et  faeUUé  de  rachapt  de  la  Biquerye.  —  Le  lÔ  février 
1§9!^,  idem.  —  Le  30  décembre  1B96,  r^epri^e  de  la  3iiq4îsryfi 
sur  GuiUemioe  Moussean,  veuve  (ie  René  Boylesve,  mè^e  et 
tutrice  d^  ses  mineurs,  moyennant  700  escus  sgl.  Fait  à 
Apgers,  pré.^np^'  d.^  H^ii.  iiic,9iê9  dé  to  Cbaufisa^  ëi  Ko^ârt 
Couriin,  avocats. 

(Sjlgaé)  :  RoGiKR. 

id,,  1S91.  —  extrait  des  regiatres  du  Conseil  d'État  ei,  Aw 
finances  establi  par  M»'  le  duc  de  Mercœur,  gouverneur  de 
Bre(aigne  pouf  1*  manuJLeptjioji  dje  Jn  r^Ugipp  catkoliquei, 
apostolique  et  romaine,  conservation  et  libertés  de  la  pro^ 
vince,  attendant  rassemblée  de^  Çstats. 


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J 


Yen  la  requeste  présanlée  par  M*  Matburin  Cochelin,  con- 
seiller et  lieutenant  général  en  la  senescbaussée  et  siège 
présidial  d'Anjou,  tendant  h  ce  qu'il  euçt  été  ordonné  (}ue 
Baltbazar  rSnxant,  si^ur  Ae  Malvoisin^^  viendrait  au  Conseil 
convenir  de  juges  pour  cognoistre  el  décider  de  l'arrest  par 
lui  fait  sur  quinze  pipes  de  vin  que  ledit  Cocbelin  aurai}  fait 
saisir  et  arrester  à  Rochefort  en  Ànlou,  par  yerlvf  dç  Fordon- 
nance  et  permission  de  M»*"  le  duc  de  Mercœjxr^  du  xxix*  ^'our 
d'avril  dernier,  comme  appartenant  aus  veuve  et  héritiers  de 
M**  François  Boylesye,  ses  parties  adyerse^,  contre  lesquelles 
il  a  adjudication  de  d^^pens,  dommages  et  intérêts,  montants 
franche  somme  de  deniers  p^r  arr^st  de  la  cour  et  parlement 
de  Paris  de  l'année  1589.  —  Attendu  qu'il  n*y  ^  à  présent 
aucuns  juges  ni  exercice  de  la  Justice  audit  siège  présidial 
d'Anjou  cj  devant  transféré  à  Cbemillé  de  la  part  de  la  sainte 
union  catholique,  par  devant  les()ue)s  les  parties  aurpient  été 
renvoyées  pour  procéder  su|r  ledit  arrêt  et  saisie  par  arrest 
du  Conseil  du  16^  jour  de  février  dernier.  Vu  la  re^uest^  pré- 
sentée par  ledit  l'Enfant»  suppliant  être  renvoyé  pour  prp- 
céder  comme  dessus 'au  siè^e  présidial  transféré  à  Rocbefort^ 
et  tout  considéré,  îe  Conseil  a  renvpyé  et  renvoyé  les  parties 
ppur  procéder  sur  lesdites  saisies  et  arrçisls  par  devant  les 
gens  tenans  le  siège  présidial  d'Anjou  à  Rocbefort.  Fait  au 
Conseil  tenu  h  Nantes,  Monsei^eujr  y  estant,  l^  trei^içsme 
jour  de  mars  l'an  mil  cinq  cent  (|ua)jpe-vixi^t-onze. 

Signatuiie  illisible. 

/rf.,  IK9I.  — -  ide».  Veu  la  reqoMte  présentée  par  II*  Ma- 
thufîa  GodieUn,  conseâler  du  roy  ei.  lieutenant  géoécal  en  la 
sfiMMobaussé^  et  siège  présidial  d'Anjou,  tendent  à  ee  qu'il 
nous  i^iist  piu  ordûBjàar  que  ie  capitaine  Vivant»  fermier  et 
adjpdicaialre  judsoiaira  des  terres  de  la  Maurouzière  et  de  la 
GiUiÀre,  ^ais^ies  ^  ia  requeate  du  procureur  du  roy  audit  8ièg« 
préeidi^  d'Anjou,  esiabli  à  CliamiUé,  sur  les  veuve  e4  héri- 
tiers da  feu  M*.  François  fioylesve,  ennemis  et  adhérents  aux 
hérétiques,  et  M'  Jean  le  Meignan,  naguère  receveur  général 
audit  Cbei^illé,  soient  contraints  par  emprisonnement  de 
leurs  personnes  à  luy  rendre  et  restituer  les  fruits  et  ferme 
desdites  terres  sur  lesquels  il  auroit  fait  arrest  par  vertu  de 
Tordo^inance  de  W  le  duc  de  Mercœur  du  29*  d'avril  dernier, 
par  laquelle  lui  auroit  esté  permis  soy  procéder  par  saisie 


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—  300  — 

desdits  veuve  et  héritiers  pour  avoir  été  condamnés  avec  eux 
par  arrest  donné  en  la  cour  et  parlement  de  Paris  en  Tan  mil 
cinq  cent  quatre-vingt-neuf,  au  profit  dudit  Cochelin  et 
notamment  sur  les  terres  de  la  Gillière  et  de  la  Maurouzière 
et  leurs  appartenances  et  par  les  mains  des  commissaires  qui 
y  seroient  établis  à  sa  requeste  ou  des  fermiers  se  aucuns  se 
fussent  trouvés  prendre  les  deniers  des  fermes  ou  Jouir  par 
ces  mains  du  revenu  desdites  terres  et  biens  desdits  con- 
damnés du  parti  contraire  à  la  sainte  union  catholique  Jusques 
et  tant  que  besoin  y  eust  été.  Mondit  seigneur  lui  avait  fait 
don  jusqu'à  ce  que  ledit  Cochelin  eust  été  entièrement  payé 
et  satisfait  des  despens  et  intérêts  à  lui  adjugé  par  ledit 
arrest  et  récompensé  de  la  jouissance  de  son  estât,  perte  et 
dommages  qu'il  a  souffert  et  souffre  en  ses  biens  par  ses 
ennemis  et  aussi  leurs  adhérents  du  parti  des  hérétiques  ; 
l'ordonnance  de  Monseigneur  cy-dessus  dattée,  la  requeste 
présentée  par  ledit  capitaine  Vivant,  tendant  afin  d'être 
renvoyé  pour  procéder  sur  la  requeste  dudit  Cochelin  audit 
siège  présidial  d'Anjou,  transféré  à  Rochefort.  Ledit  capitaine 
Vivant,  oui  au  Conseil  qui  a  dit  n'avoir  joui  desdites  terres  de 
la  Gillière  et  la  Maurouzière  fors  d'environ  trente  septiers  de 
bléd,  mesure  du  lieu,  qu'il  auroit  retenu  du  consentement 
dudit  Le  Mefgnan  sur  ses  estats  et  solde  de  lieutenant  du 
sieur  de  la  Perraudière,  capitaine  des  ville  et  château  dudict 
ChemiUé  et  tout  considéré,  le  Conseil  (sans  avoir  esgard  à  la 
qualité  de  capitaine  et  soldat  dudit  capitaine  Vivant)  Ta  con- 
damné et  condamne  à  vuider  ses  mains  au  profit  dudit 
Cochelin  de  ce  qu'il  a  touché  des  fruits  et  revenus  desdites 
terres  ou  la  valleur  d'iceulx  et  à  ce  faire  sera  contraint  par 
toutes  voyes  et  rigueurs  comme  pour  deniers  royaux  si  mieux 
il  n'aime  payer  le  prix  et  la  somme  d'adjudication  à  luy  faite 
d'icelles  terres  et  pour  procéder  à  ladite  vériffication,  liqui- 
dation et  estimation  desdits  fruits  touchés  et  perçus;  sont  les 
parties  renvoyées  par  devant  les  gens  tenant  ledit  siège  pré- 
sidial d'Anjou,  audit  Rochefort.  Fait  au  Conseil...  idem... 

Id.  —  Le  3  juin  1598  enquête  faite  par  Jehan  Jarry,  Escuyer, 
Sieur  de  la  Touche,  Conseiller  du  Roy,  lieutenant  en  la  maré- 
chaussée d'Anjou  au  sujet  de  la  pèche  de  l'étang  de  la 
Gillière  faite  par  les  soldats  du  château  de  Rochefort-sur- 
Loire  pendant  que  ces  biens  étaient  détenus  par  le  duc  de 


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-  301  - 

Mercœur.  —  16  décembre  1899.  Audition  de  témoins  par 
Jehan  Piau,  Chancelier,  juge  magistrat;  René  Lépicier  dit 
la  Touche  dQ  Charcé  a  vu  les  soldats  pécher  et  prendre  plu- 
sieurs pipes  de  gros  poissons.  —  38  décembre  1S99.  Audition 
de  témoins  par  Jehan  Jarry,  à  rencontre  d'un  nommé  le  capi- 
taine la  Houssaye  qui  lors  commandoit  au  chasteau  dudit 
Montejean,  les  Bruières  son  lieutenant,  la  Rivière  Tallonneau 
leur  soldat,  complices  et  alliés.  Jean  le  Comte,  de  Montre- 
veau,  dépose  avoir  vu  enlever  le  blé  de  la  Maurousière  par 
les  gens  du  parti  adverse. 

Bibliothèque  d'Angers  Audouys,  mss.  lOOS.  —  Le  36  mai 
1610devant  Laurent  Chauveau,  codicille  de  Philippe  Prioulleau 
veuve  instituant  deux  messes  par  chacune  semaine  de  Fan  à 
perpétuité  en  la  chapelle  de  Notre-Dame  de  Montserra  autre- 
ment la  chapelle  des  Boylesve  et  donnant  pour  ce  rente  suffi- 
sante à  assoir  sur  ses  biens. 

/d.,  mss.  871,  —  Bruneau  de  Tartifume^  t.  I,  p.  430.  — 
c  S'aperçoit  aussi  en  laditte  chapelle  derrière  ledit  autel  la 
c  représentation  d'une  ancienne  Damoiselle  qui  porte  cette 
c  fusée,  par  icelle  J'apprends  quelle  estoit  femme  dudit 
€  François  Boylesve. . .  » 


M.  André  de  Livonnière  possède,  au  château  de  la  Plis- 
sonnière,  un  portrait  de  Philippe  Prioulleau  peint  à  Thuile. 
Il  mesure  0"65  sur  0"50.  Elle  est  représentée  à  genoux  sur 
un  prie-Dieu  surmonté  à  droite  d'un  crucifix.  Elle  porte 
une  sorte  de  coiff'ure  avec  collerette  blanche  et  paraît  âgée 
d'environ  60  ans.  A  sa  gauche  se  voit  un  écu  entouré 

20 


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d'une  cordelière  de  veuve,  parti  des  armes  de  son  mari 
(qui  ne  se  voient  plus)  et  des  siennes.  Au  bas,  on  lit  : 
«  Damoiselle  Philippes  Prioulleau,  veuve  fle  défunct 
€  M""  M®  François  Boyiesve,  Chevalier,  vivant  seigneur  de 
«  la  Brizarderis,  le  10  juin  1610.  »  Ce  qui  permet  de 
croire  que  ce  tableau  était  posé  sur  son  tombeau,  comme 
c'était  l'usage  à  cette  époque  en  Anjou. 


DIXIÈME   DEGRÉ 

i^  Charlotte  Boylesve,  baptisée  à  Saint-Michel -du - 
Tertre  le  21  décembre  1554. 

2^  Françoise  Boylesve,  baptisée  le  24  mars  1557,  épousa 
Messire  Jean  Le  Febvre*,  Écuyer,  Seigneur  de  la  Lau- 
brière. 

3°  Maurice  Boylesve,  qui  suit. 

4*^  Marin  Boylesve,  auteur  de  la  branche  de  la  Maurou- 
zière,  qui  viendra  après. 

5°  François  Boylesve,  Écuyer,  Seigneur  de  la  Bourdi- 
nière,  né  en  1560,  licencié  en  droit,  prêtre  protonotaire  du 
Saint-Siège  apostolique,  conseiller,  aumônier  du  Roy  par 
brevet  du  2  février  1598,  mattre-école  en  1602,  chanoine 
de  Saint-Maurice  d'Angers,  chancelier  de  l'Université  en 
1613-1624,  doyen  de  Saint-Martin  d'Angers,  fut  inhumé 
dans  la  chapelle  des  Boylesve,  en  l'église  des  Cordeliers, 
le  10  décembre  1637.  Sa  succession  fut  partagée  en  1649 
entre  ses  neveux. 

Chartrier  de  Boylesve^  1598.  —  De  par  le  Roy,  grand 
aumosnier  de  France,  premier  maistre  d'hostel,  scavoir 
faisons  que  désirant  gratifier  de  tout  notre  possible  notre 
bien  amé  François  Boylesve,  en  considération  de  sa  fidélité  et 
louables  vertus  qui  sont  en  luy...  l'avons  retenu  et  rete- 

*  Lefevre  :  (Tazur  à  la  levrette  émargent  rampante^  accolée  de 
gueules,  bouclée  d'or. 


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-  303  - 

nons. . .  en  Tétai  et  charge  de  nostre  aulmonier  ordinaire. . . 
Donné  à  Paris  le  deuxième  jour  de  février  1890.  Signé  Henry. 
Original  en  parchemin,  scellé  sur  papier,  avec  la  prestation 
de  serment  le  7  février  1598  entre  les  mains  de  l'archevêque 
de  Bourges,  grand  aumônier  de  France. 

Archives  de  VUniversiié  d'Angers^  1602.  —  Franciscus 
Boylesve  jurium  licenciatus,  sancle  sedis  apostolice  protho- 
notarius,  insignis  ecclesie  et  universitatis  Andegavensis  can- 
cellarius...  brevet  de  licence  en  droit  pour  François  Ches- 
neau  du  diocèse  du  Mans...  Datum  Andegavi,  sub  sigillé 
nostro...  die  décima  quinta  mensis  maii  anno  domini  mille- 
simo  sexcentesimo  secundo. 

Original  en  parchemin  ;  sceau  sur  papier. 


Bibliothèque  nationale^  nouveau  d*Hozier,  vol.  48,  n«  2.  — 
1607.  Sentence  du  lieutenant  général  d'Angers,  relative  à 
François  Boilesve,  protonotaire  du  Saint-Siège  apostolique. 
—  Copie. 

Bibliothèque  d? Angers.  AudouySy  mss.  1005.  —  Le  14  août 
1613,  devant  Deillé,  notaire  à  Angers,  fondation  par  François 


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—  304  - 

Boylesve,  presire,  Seigneur  de  la  Bourdiniëre,  proionotaire  du 
Saint-Siège,  maitre-écolle,  chancelier  de  l'Université  et  cha- 
noine de  réglise  d'Angers,  tous  les  premiers  mercredis  et 
Jeudis  de  chaque  mois,  de  vespres  et  processions  autour  du 
cloître  des  Cordellers  où  sera  porté  le  Très  Saint  Sacrement 
et  après  grande  messe  au  grand  autel  puis  libéra  sur  sa 
tombe  en  la  chapelle  des  Boylesve. . .  pour  ce  il  assure  une 
rente  de  36 1. 

Université  cCAngerSj  par  L.  de  Lens,  I,  p.  78.  —  Clarissimus 
vir  Franciscus  de  Boylesve,  dominus  de  la  B...  insignis 
ecclesise  Andegavensis  et  almse  Universitatis  canonicus  et 
cancellarius,  régis  eleemosinarius  et  sanctae  sedis  protono- 
tarius,  sancti  Martini  decanus,  hujus  capellœ  fundator,  plus 
e  vita  migravit  die  décima  decembris  anno  domini^millesimo 
sexcentesimo  trigesimo  septimo  post  meridiem.  Requiescat 
in  pace.  Amen. 

Archives  de  Maine-et-Loire^  E.  1811.  —  1649.  Lots  et  par- 
tages des  biens  immeubles  demeurés  de  la  succession  de 
deffunct  M*  François  Boylesve,  prestre,  Seigneur  de  la  Bour- 
dinière,  conseiller,  aumosnier  du  Roy...  que  M'^  Michel 
Boylesve,  chevalier,  Seigneur  des  Gaudrez,  fils  aine  et  prin- 
cipal héritier  de  M''^'  Maurice  Boylesve. . .  foumist  à  M'**  Louis 
Boylesve...  et  ses  frères  héritiers  de  Charles  Boylesve, 
Seigneur  de  la  Gillière,  M^^  Marin  Boylesve,  Escuyer,  Sei- 
gneur de  la  Maurousière,  M*^  Pierre  le  Chat,  conseiller  du 
Roy...  mari  de  Anne  Ayrault...  W  François  Lefebvre, 
Seigneur  de  Laubrière...  héritier  de  Françoise  Boylesve... 
Artur  de  Saint-Jouin,  mary  de  Renée  de  la  Marqueraye,  fille 
de  feu  Philippes  Boylesve  tous  aussi  héritiers  bénéficiaires 
pour  l'autre  tiers ... 

A  rainé  le  lieu  et  métairie  de  la  Galletière...  aux  puinés 
le  lieu  et  métairie  du  Granger. . . 

Fait  audit  Angers,  le  18  septembre  1649,  signé  :  M.  Avril, 
Michel  Boylesve,  Gontard. 

Original  en  papier  et  extrait  imprimé  dans  les  Recherches 
sur  les  familles  des  maires  d'Angers^  t.  III,  p.  113. 

6«  Philippe  Boylesve  épousa,  par  contrat  du  l6  août  1587, 
devant  Grudé,  notaire  à  Angers,  Noble  homme  David  de  la 


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—  305  —  vli 

M ARQUERAYE  *,  écujer,  seigneur  de  la  Primetîère,  conseiller 
au  parlement  de  Bretagne. 
Il  était  mort  avant  1593. 

Archives  de  Maine-et-Loire^  E,  4327.  —  Le  vendredi  15«  jour  ^). 

de  juin  1593,  Demoiselle  Philippe  Boylesve,  veuve  de  deffunt 
N.  h.  Qaude  de  la  Marqueraye;  vivant  conseiller  du  roy  en 
son  parlement  de  Bretagne,  mère  et  tutrice...,  cède  à  Charles 
Boylesve,  écuyer,  seigneur  de  la  Gilière,  Tétat  de  conseiller 
dont  sa  majesté  leur  a  fait  don  pour  3333  escus,  un  tiers 
valant  10,000  1.  Fait  et  passé  Angers,  en  la  maison  de  Phi- 
lippe Prioulleau,  veuve  de  deffunt  N.  h.  François  Boylesve, 
sa  mère.  Signatures  et  avec  eux  Jacques  de  la  Marqueraye,  ..y 

son  flls  aîné. 

7*  René  Boylesve,  écuyer,  seigneur  de  Villeblanche, 
épousa  Demoiselle  Anne  de  Boussyron  ',  fut  inhumé  le 
5  mai  1604,  à  Saint-Michel-du-Tertre  ;  sa  succession  fut 
partagée  avec  celles  de  ses  parents. 

Archivée  de  Maine-et-Loire^  E,  4327.  —  1593.  N.  h.  René 
Boylesve,  seigneur  de  Villeblanche,  mary  de  Demoiselle  Anne 
de  Boussyron,  cède  à  François  Boylesve,  seigneur  de  la  Bour- 
dinière,  conseiller,  son  frère,  les  arrérages  de  15  années  de 
5  septiers  dus  à  Montreuil-BeUay,  pour  la  bonne  amitié  qu'ils  i| 

ont  l'un  pour  l'autre.  Signatures.  Original  en  papier.  ''| 

-^ 

8""  Charles  Boylesve,  auteur  de  la  branche  de  la  Gilière 

et  du  Plantis  (voir  après  celles  de  ses  frères). 

3*  Maurice  Boylesve,  écuyer,  seigneur  de  la  Brîzarderie, 
Gbarost,  Tharon,  les  Gaudrës,  la  Biquerie,  conseiller  au 
parlement  de  Bretagne,  par  lettres  du  4  septembre  1676, 
démissionnaire  en  1608,  en  faveur  de  son  fils,  conseiller 
honoraire,  par  lettres  du  16  janvier  1609,  enregistrées  le 

*  De  la  Marqueraye  :  de  gueules  à  la  fasce  d'argent  accompagnée 
en  pointe  d'un  croissant  de  même. 

'  De  Boussyron  :  d'or  à  la  croix  de  gueules  chargée  de  5  coquilles 
d'argent  et  cantonnée  de  4  croisettes  du  second. 


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-  306  - 

27  février,  épousa  par  contrat  du  15  janvier  1581  Demoi- 
selle Marie  Le  Lou  *,  fille  de  Noble  homme  Michel  Le  Lou, 
conseiller  du  roy  et  maître  ordinaire  de  ses  comptes  en 
Bretagne,  seigneur  du  Breil,  Beaulieu,  la  Chaborière  et  la 
Haye,  et  de  deffunte  Demoiselle  Françoise  Rocaz. 

Il  fut  inhumé  le  15  mars  1619  en  la  chapelle  des  Boylesve, 
aux  Gordeliers  d'Angers,  laissant  quatre  enfants  :  Michel, 
Charles,  François  et  Françoise. 

Maintenue  de  idiô  et  i66S,  titres  généraux.  —  Provisions 
de  Toffice  de  conseiller  au  parlement  de  Bretagne  du  4  sep- 
tembre 1576  et  prestation  de  serment,  le  17  mars  1577. 

Chartrier  de  Boylesve  et  titres  d*Achon,  1581.  —  Contrat  de 
mariage  passé  le  15  janvier  1581,  devant  Michel  et  Guichard, 
notaires  royaux  à  Nantes,  entre  Noble  homme  Maurice  Boy- 
lesve, conseiller  du  roy  en  son  parlement  de  Bretagne,  fils 
aisné  de  Noble  homme  François  Boylesve,  seigneur  de  la 
Brisarderie,  la  Moricière  et  la  Gilière,  conseiller  du  roy,  lieu- 
tenant au  siège  de  la  prévosté  royale  d'Angers  et  conserva- 
teur des  privilèges  de  l'Université  de  la  dite  ville  et  de 
Demoiselle  Philippe  PriouUeau,  sa  femme  et  compaigne, 
d'une  part,  et  Demoiselle  Marie  Le  Lou,  fille  aisnée  de  Noble 
homme  Michel  Le  Lou,  conseiller  de  sa  Majesté  et  maître  ordi- 
naire de  ses  comptes  en  Bretagne,  seigneur  du  Breil,  Beau- 
lieu,  la  Chaborière  et  de  la  Haye  et  de  deffunte  Demoiselle 
Françoise  Rocaz  par  aucun  temps  sa  femme  d'autre...  On  loi 
donne  la  terre  de  la  Biquerie,  à  Saint-Àubin-de-Luigné, 
valant  100  escus  de  rente,  outre  son  dit  état  de  conseiller... 
La  future  reçoit  en  avancement  d'hoirie  6666  escus  deux  tiers 
d'écu  sol...  sur  lesquels  1330  escus  et  un  tiers  pour  meubles... 
présence  de  Nobles  hommes  Matthieu  Aubin,  seigneur  de 
Morelles,  conseiller  du  roy  au  siège  présidial  d'Angers,  et 
garde  des  sceaux  de  la  Chancellerie  d'Anjou,  Biliaire  Colles- 
seau,  escuyer,  seigneur  du  Houx  et  de  la  Rochepallière, 

*  Le  Lou  :  de  gueules  à  2  fasces  d^ argent  chargées,  la  première ^  de 
3,  la  seconde,  de  2  étoiles  de  sable,  —  C'est  par  erreur  que  M.  Gon- 
tard  de  Launay  donne  ^xxn  Le  Lou  de  Bretagne  les  armoiries  d'une 
famille  de  ce  nom  et  originaire  d'Angers,  P.  79,  et  qu'il  fait  Maurice 
chevalier  de  l'ordre  du  roi. 


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^307  — 

Estienne  BoylesTe,  escuyer,  seigneur  des  Roches  et  du  Grand 
Anvers,  Noble  homme  Marin  Boylesve,  seigneur  de  la  Moro- 
zière,  premier  conseiller  du  roy  en  la  sénéchaussée  et  siège 
présidial  d'Angers,  N.  h.  Jean  Lefevre,  seigneur  de  Laubrière, 
René  Lefevre»  conseiller  du  roy,  et  son  premier  avocat  à 
Angers,  de  nobles  gens,  Jean  Rocaz,  sieur  de  la  Baye,  Julien 
Rocaz,  sieur  de  la  Noê,  trésorier  et  receveur  général  des 
finances  en  Bretaigne,  Nicolas  Fiot,  sieur  de  la  Rivière,  tréso- 
rier et  receveur  du  taillon  audit  pays  de  Bretaigne,  Georges 
Chrestien,  sieur  de  la  Mothe,  tous  parans,  amys  et  alliés  des 
dits  Marin  Boylesve  et  Marie  Le  Lou.  —  Signatures.  A  la  suite 
se  trouve  une  quittance  de  2513 1.  datée  du  15  octobre  1581,  et 
Tattribution  de  certains  héritages  par  Michel  Le  Lou,  seigneur 
du  Breil,  père  de  Marie.  —  Grosses  originales  en  parchemin. 

Titres  d'Achon,  1597.  —  Extraict  des  registres  du  parlement. 

Veu  par  la  court  la  requeste  présentée  par  Maistre  Morice 
Boylesve,  conseiller  en  icelle  par  laquelle  il  remonstrait  que 
depuis  les  présents  troubles  il  s'est  toujours  retenu  en  l'obéis- 
sance et  service  du  roy,  comme  son  fidelle  officier  et  subjet  et 
souffert  de  grandes  pertes,  peines  et  travaux,  à  raison  de 
l'injure  du  temps  pour  venir  par  diverses  fois,  à  pied,  en 
habit  et  visaige  desguisé  en  temps  d'hiver,  de  la  ville  d'Angers 
en  ceste  ville  pour  faire  le  service  qu'il  y  doibl  et  couché  par 
plusieurs  fois  dehors  à  raison  de  l'affection  qu'il  avoit  à  son 
dit  estât  et  service  du  roy,  tellement  que  depuis  il  a  esté 
subjet  à  de  grandes  maladies  et  encore  à  présent  est  détenu 
d'une,  l'issue  de  laquelle  est  fort  douteuse,  occasion  qu'il  a 
esté  de  résigner  son  dit  estât  de  conseiller  pour  le  conserver 
au  cas  que  son  deceix  adviendroit  à  sa  femme  et  enfans.  A 
ces  causes,  requeroit  en  considération  des  longs  services  qu'il 
a  failts  qui  sont  de  plus  de  vingt  ans,  qu'il  pleut  à  la  dite 
court  ordonner  qu'il  sera  en  sa  fabveur  au  nom  d'icelle  escript 
au  roy  pour  le  supplier  d'admettre  la  dicte  résignation  et 
conserver  son  dit  estât  à  sa  femme  et  enfans,  auquel  nul 
autre  ne  sera  receu  que  son  résignataire  ou  celuy  qui  sera 
nommé  par  Demoiselle  Marie  Le  Lou,  sa  femme,  ou  Maître 
Marin  Boylesve,  lieutenant  général  en  la  sénéchaussée 
d'Anjou,  son  frère.  La  dite  court  a  arresté  qu'il  sera  au  nom 
d'icelle  escript  au  roy  pour  lui  témoigner  la  probité,  fidélité 
et  diligence  du  dit  Boylesve,  conseiller  en  l'exercice  de  son 


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1 


—  308  — 

dict  estai  et  les  grands  travaux,  pertes  et  ennuis  par  luy  sont- 
ferts  pour  le  service  du  dit  seigneur,  lequel  sera  très  hum- 
blement supplié,  au  cas  que  le  dict  Boylesve  décéderoit,  de 
voulloir  admettre  la  dicte  résignation  et  conserver  son  dict 
estât  à  la  femme  et  enfans  et  sans  paier  finances.  Faict  au 
parlement,  k  Rennes,  le  9*  Jour  de  mars  iS97.  Signé  Louriolle. 
Collation  faite.  Original  en  parchemin. 

Archives  de  Maine-et-Loire^  E,  1810,  et  Bibliothèque  d^An- 
gers;  Audouyty  mss.  i005.  — 1611.  Partages  des  choses  hom- 
magées,  tombées  en  tierce  foi  de  la  succession  de  François 
Boylesve  et  de  Philippe  Prioulleau,  présenté  à  ses  puisnés 
par  Noble  homme  Maurice  Boylesve,  sieur  de  la  Brizardière, 
conseiller  au  parlement  de  Bretagne.  Et  parce  qu'il  a  des  hom- 
mages tombés  en  tierce  foi,  tant  dans  l'estoc  paternel  que 
maternel  il  a  trouvé  expédient  de  faire  partage  à  part  et  sépa- 
rément  des  deux  estocs  :  Estoc  paternel  :  La  Brizarderie,  la 
Greffoire  à  Saint- Pierre  de  Chemillé,  le  flef  de  la  Burelière  en 
Anjou  et  ne  peut  les  exprimer  plus  particulièrement  parce 
que  les  titres  sont  ès-mains  des  sieurs  de  la  Bourdinière  et  la 
Gilière,  ses  puisnés,  qui  les  retiennent  comme  par  droit  de 
(sic),  il  leur  offre  le  tiers  en  propriété  par  indivis  se  réservant 
à  lui  les  deux  tiers,  plus  les  deux  tiers  et  un  sixième  comme 
héritier  de  son  frère  René...  Estoc  maternel  :  la  Grande 
Ramée  à  Poitevinière,  au  fief  de  Jallais  et  six  sextiers  de 
rente  sur  les  Bergetières...  Fait  à  Angers,  le  7  février  1611. 
Signé,  M.  Boylesve.  Original  en  papier. 

Id.  Bruneau  de  Tartifume,  mss.  871, 1. 1.,  p.  423. 

«  Puis  après,  au  costé  droit  de  l'autel  de  la  dite  chapelle  se 
<  void  une  autre  tombe  longue  de  cinq  pieds  onze  pouces, 
c  large  de  quatre  pieds  onze  pouces,  autour  de  laquelle  est 
c  escript  : 

c  Ci  gist,  Monsieur  M^  Marin  Boylesve,  escuyer,  sieur  de  la 
c  Brizarderie,  de  Tharon  et  de...,  conseiller  du  roy  en  son 
«  parlement  de  Bretagne,  qui  décéda  le  15  mars  1619. 
c  Quiescat... 

«  Aux  quatre  coings  de  la  dite  tombe  sont  gravées  ces 
c  armes  tymbrées  : 


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—  309 


XX  X 

xj) 

ONZIÈME    DEGRÉ 

l^'  Michel  BoYLESVE,  qui  suit. 

2*  Charles  Boylesve,  écuyer,  mort  vers  1601. 

Éiatciml  de  Saint- Michel-duTerire.  —  Le  6  juin  1886, 
baptême  de  Charles  Boylesve. 

Bibliothèque  iP Angers,  Bruneau  de  Tartifume,  mss.  871,  I. 
p.  423.  —  c  En  la  paroy  qui  est  soulz  le  grand  vitrail,  der- 
œ  rière  le  grand  autel,  se  voit...  un  autre  tableau  aussy  à 
«  l'huile  ayant  la  représentation  d'un  jeune  homme  de  Tâge 
c  de.  20  ans,  armé  de  cuyrace,  couvert  d'une  tunique  bleue 
c  chargée  de  croix  d'or  en  sautoirs,  qui  sont  les  armes  des 
€  Boylesve.  » 

3"*  François  Boylesve,  écuyer,  seigneur  de  Gaudrès,  de 
la  Treille  et  des  Boches,  conseiller  du  roy,  maître  des 
comptes  en  Bretagne  ^  en  1622,  épousa  Demoiselle 
Adrienne  Martineau  ',  fille  de  Charles  Martineau,  sieur  de 
la  Bouteillerie,  maître  des  comptes  en  Bretagne,  et  de 
Anne  Brossays.  Il  eut  son  partage  en  1630  et  était  mort 
avant  1651,  laissant  quatre  enfants  :  François,  Adrienne, 
Michel  et  Nicolas. 


*  C'est  par  erreur  que  P.  de  Courcy,  tome  III,  P.  365,  l'appelle 
Robert  et  le  rattache  aux  Boylesve  de  Nantes. 

*  Martineau  :  émargent  au  chevron  d'azur,  accompagné  de  3  mar- 
tinetê  de  sable,  2  et  i,  au  chef  de  gueules. 


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1 


—  310  — 

Chàririer  de  Boylesve,  4664.^—  Constitation  de  50  1.  de 
rente  par  Marie  Le  Clerc,  veuve  Mathurin  Boylesve,  escuyer, 
sieur  de  la  Maurousière  à  Adrienne  Martineau,  veuve  de 
François  Boylesve,  chevalier,  seigneur  des  Roches,  conseiller 
du  roy,  maître  ordinaire  en  la  chambre  des  comptes  de  Bre- 
tagne. Original. 

DOUZIÈME    DEGRÉ 

1°  François  Boylesve,  écuyer,  prêtre,  sieur  de  Gaudrès 
et  de  la  Treille. 

Bibliothèque  Nationale.  Carrés^  de  d'Bozier,  vol.  iOl,  fol.  339. 
—  1678.  Transaction  entre  noble  et  discret  Messire  François 
Boylesve,  prêtre,  fils  aisné  et  principal  héritier  noble  de 
François  Boylesve,  escuyer,  conseiller  du  roy,  maître  de  ses 
comptes  en  Bretagne,  et  d' Adrienne  Marlineau,  et  héritier 
aussi  de  noble  et  discret  Messire  Nicolas  Martineau,  son  oncle, 
chanoine  de  l'église  royale  et  collégiale  de  Saint-Martin 
d'Angers,  par  représentation  de  la  dite  Martineau,  sa  mère, 
d'une  part,  et  Michel,  Nicolas  et  Adrienne  les  Boylesve, 
escuyers,  ses  frères  et  sœur  puisnés,  demeurant  tous  en  la 
paroisse  de  Savennières.  Il  est  convenu  que  des  dites  succes- 
sions une  somme  de  20,000  1.  appartiendra  aux  dits  trois 
puisnés  et  qu'au  dit  François  Boylesve  reviendront  les  terres 
des  Gaudrées  et  de  la  Treille  à  la  charge  de  payer  les  dettes 
sur  la  vente  des  dites  terres,  pourvu  que  ce  fut  du  consente- 
ment de  Henry  Boylesve,  escuyer,  sieur  de  la  Mauricière 
et  de  M®  Guillaume  Martineau,  l'aîné,  conseiller  au  présidial 
d'Angers,  ses  proches  parents.  Cet  acte  passé  le  30  mars  1678 
devant  Germain  Cireuil,  notaire  royal  à  Angers,  de  l'avis  de 
M"  Louis  Boyjesve,  sieur  de  la  Gillière,  conseiller  du  roy 
en  ses  conseils,  lieutenant  général  en  la  sénéchaussée  et  siège 
présidial  à  Angers,  M*"  Guillaume  Martineau,  le  jeune,  con- 
seiller et  avocat  au  dit  siège...  Analyse  du  xvm«  siècle. 

^  Adrienne  Boylesve. 

3°  Michel  Boylesve,  écuyer,  seigneur  des  Roches,  épousa 
Demoiselle  Marie  Boureau,  qui  fit  enregistrer  les  armoi- 
ries de  son  mari  dans  l'Armoriai  général  de  1696. 


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-"  311  — 

Bibliothèque  Nationale.  Touraine,  p.  644.  —  Marie  Boureau, 
femme  de  Michel  Boylesve,  escuyer,  seigneur  des  Roches  : 
d'azur  à  S  sautoirs  d*or,  posés  S  en  chef  et  i  en  pointe. 

4*  Nicolas  Boylesve,  écuyer,  seigneur  des  Roches, 
épousa  Marie  Torchon.  Il  fit  enregistrer  ses  armoiries  dans 
l'Armoriai  général  de  1696. 

Idem  Tourainey  p.  156.  —  Nicolas  Boylesve,  escuyer,  sei- 
gneur des  Roches  :  d*azur  à  S  sautoirs  d'or,  Set4.  —  V.  860. 
Marie  Torchon,  femme  de  Nicolas  Boylesve,  escuyer,  seigneur 
des  Roches  :  d'azur  à  8  sautoirs  d'or^  S  et  i. 

3^  Françoise  Boylesve  épousa  par  contrat  du  26  juil- 
let 1604,  Mathurin  Guischard  S  écuyer,  seigneur  de  Mar- 
tigné,  conseiller  au  parlement  de  Bretagne. 

État-civil  de  Saint- Michel- du- Tertre.  —  Le  8  avril  1584, 
baptême  de  Françoise  Boylesve. 

Titres  d^Achon^  1604.  —  Contrat  de  mariage  passé  le 
26  juillet  1604,  devant  Jacques  Paye  et  François  Turinier, 
notaires  à  Rennes,  entre  Mathurin  Guischard,  escuyer,  sei- 
gneur de  Marligné,  conseiller  au  parlement,  et  Françoise 
Boylesve,  fille  ainée  de  Morice  Boylesve,  escuyer,  aussi 
conseiller,  et  de  Marie  Le  Loup,  seigneur  et  dame  de  la  Bri- 
zarderie,  des  Gaudrées,  Taron,  etc.,  présence  de  Bernardin 
d*Espinoze,  seigneur  de  la  Renardière,  conseiller  au  parle- 
ment, oncle  de  Françoise  Boylesve  et  cousin  du  dit  Martigné, 
Noble  homme  Michel  Boylesve,  sieur  des  Gaudrées,  avocat 
en  la  cour,  et  François  Boylesve,  frères  de  la  dite  Françoise, 
et  Demoiselle  Françoise  d'Espinoze,  cousine  germaine,  et 
Noble  homme  Michel  Poullain,  sieur  de  Gèvres,  cousin  du 
sieur  de  Martigné.  A  la  suite  quittance  de  6,000 1.  du  13  sep- 
tembre 1604.  Grosse  originale  en  parchemin. 

1.  Michel  Boylesve,  chevalier.  Seigneur  d'Auvers,  de 
Gaudrès,  Sermaise,  de  Beauvau,  du  Serrin,  conseiller  au 


*  Guischard  :  d'hermines  à  5  fusées  de  gueules  en  fasce,  celle  du 
milieu  chargée  d'un  besan  d'argent. 


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-342  - 

parlement  de  Bretagne  sur  la  démission  de  son  père  le 
31  décembre  1608,  reçu  le  27  février  1609,  chevalier  de 
Tordre  du  Roi  le  4  avril  1621,  gentilhomme  ordinaire  de 
sa  chambre  en  1624  et  de  la  grande  fauconnerie  en  1625, 
fut  maintenu  dans  sa  noblesse  et  fit  enregistrer  ses  titres 
en  1635  au  greffe  de  Télection  de  La  Flèche.  Il  servait  en 
1639  au  château  d*Angers  sous  le  maréchal  de  Brézé, 
épousa  par  contrat  du  29  octobre  1612  demoiselle  Marie  de 
Garion,  fille  de  Jacques  de  GarionS  Escuyer,  Seigneur  de 
la  Noê  Guénardaye  et  de  Gilette  Bahuno,  sa  première 
femme.  Ils  eurent  trois  enfants  Michel,  Henri  et  Marie. 

Titres  de  Farcy^  1608.  —  Lettres  du  Roi  Henri  IV.  c  A  plains 
confians  de  la  personne  de...  M*  Michel  Boylesve  et  de  ses 
sens,  suffisance,  loyaulté,  prudbomnie,  expérience  au  fait  de 
judicature  et  bonne  diligence. . .  lui  donnant  Toffice  de  con- 
seiller non  originaire  au  parlement  de  Bretagne,  que  souloit 
tenir  et  exercer  M*  Maurice  Boilesve  son  père...  aux  gages 
de  1.000  livres. . .  Ordre  de  le  recevoir  après  qu*il  sera  apparu 
des  bonnes  vye,  mœurs,  capacité,  conversation  et  religion 
catholique  dudit  Boilesve  fils...  Car  tel  est  notre  plaisir... 
Donné  à  Paris  le  dernier  Jour  de  décembre  1608,  et  de  notre 
règne  le  20*.  Ainsi  signé  sur  le  replis  par  le  Roy€ioiseet 
scellé  du  grand  sceau  de  cire  jaulne  à  double  queue. 

Prestation  de  serment  le  27  Jour  de  février  1609. 

Extrait  des  registres  du  parlement  (signé)  le  Clavier.  CoUa- 
tionné  à  l'original  en  papier  à  nous  représenté  par  Michel 
Boylesve,  Escuyer,  Seigneur  de  la  Galaisière  et  ce  fait  à  luy 
rendu  par  nous,  notaires  royaulx  à  Baugé,  le  l*'  décembre 
mil  six  cent  soixante-cinq. 

Copie  sur  papier. 

Sauion. 

Maintenue  de  4669.  Titres  généraux.  —  Contrat  de  mariage 
passé  le  29  octobre  1612  devant  Chenans  et  Morhuau,  notaires, 
entre  Michel  Boylesve.  • .  et  Marie  de  Carrion. 

*  De  Garion  :  de  gueules  à  la  main  droite  d'argent  soutenue  de  six 
ondes  de  sinople.  C*est  à  tort  aae  M.  Gontard  de  Launay  donne  à 
cette  famille  les  armoiries  des  Canon  d'Anjou. 


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J 


r 


—  313 


État  civil  de  Cuon.  —  Le  28  avril  1615,  Demoiselle  Marie 
de  CarioD,  femme  de  M'  M*  Michel  Boylesve,  Escuyer,  Sei- 
gneur des  Gaudries,  conseiller  an  parlement  de  Bretagne  fat 
maraine. 

Id.  —  Le  19  avril  4617,  Michel  Boylesve,  Seigneur  des 
Gaudrées,  Sermaise,  Beauvau  et  du  Serain,  fut  parain. 

État-civil  de  Durlal,  3  juillet  1619.  —  Marie  de  Carion, 
dame  des  Gaudrées. 

Bibliothèque  d* Angers.  Audouys,  mss.  lOQK,  1624.  —  Vente 
devant  DeiUé,  notaire  à  Angers,  par  Mathurin  Boylesve, 
Seigneur  de  la  Maurousiëre...  Pierre  le  Chat,  mari  de  Anne 
Ayrault,  noble  homme  Guillaume  Avril,  Seigneur  de  Beusse, 
Françoise  Boylesve,  représentant  Marin  Boylesve  de  la  Mau- 
rousiàre...  François  Lefevre  deLaubrière,  président  au  par- 
lement de  Bretagne,  représentant  Françoise  Boylesve,  héri- 
tière en  partie  de  feu  Gabriel  Boylesve,  Escuyer,  Seigneur 
d'Auvers,  et  Charles  à  présent  jésuite  de  leurs  droits  en  ces 
successions  pour  une  somme  de  3.200  1.  à  Michel  Boylesve, 
Seigneur  des  Gaudrées  et  du  Serin,  héritier  principal  des  dits 
Gabriel  et  Charles. 

P.  DE  Farcy 
(A  suivre.) 


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1 


CHRONIQUE 


Le  samedi  matin,  25  mars,  l'ExpositioD  d'borticaltare  a 
ouvert  ses  portes,  salle  des  Amis  des  Arts,  rue  Cordelle.  EUe 
était  exquise  de  fraîcheur^  dit  le  Journal  de  Maine-et-Loire^ 
et  offrait  Taspect  d'un  jardin  enchanté,  d'un  vrai  paradis  ter- 
restre. Nos  horticulteurs  angevins  ont  su  rivaliser  entre  eux 
de  bon  goût  et  ils  ont  réalisé  dans  leur  exposition,  étant  donné 
le  mauvais  temps,  tout  ce  qu'on  peut  rêver  de  mieux. 

Le  jury  a  décerné  ses  récompenses  de  la  façon  suivante  : 

Prix  d'honneur  :  M.  Chedanne-Guinoisseau,  pour  sa  mer- 
veilleuse collection  d'azalées  en  fleurs  ; 

Médaille  d'or  :  M.  Verrier- Cachet,  un  superbe  lot  de  camé- 
lias, de  fougères  et  de  palmiers,  admirablement  disposés  en 
bordure  à  l'entrée  de  la  salle  ; 

Médaille  d'or  :  M.  Oouesnard,  pour  l'excellente  culture  de 
ses  camélias  e{  leur  très  belle  floraison  ; 

Médaille  d'or  :  M.  Fargeton,  pour  un  magnifique  lot  de 
plantes  variées  de  serres  et  de  terre,  pivoines,  lilas,  horten- 
sias, glycines,  etc.  ; 

Médaille  de  vermeil  :  MM.  Flon  père  et  fils,  pour  leurs  aza- 
léas  et  leurs  rhododendrons  ; 

Médaille  d'argent  grand  module  :  M.  Maurice  Thomas,  pour 
son  lot  de  primevères  ; 

Médaille  d'argent  grand  module  :  M.  A.  Hennequin,  pour 
deux  beaux  groupes  de  plantes  bulbeuses,  anémones  ,]acinthe8, 
tulipes,  etc. 

A  signaler,  au  fond  de  la  salle,  sur  la  scène,  de  charmantes 
corbeilles  de  fleurs  naturelles,  des  bouquets  et  des  couronnes 
dont  la  disposition  était  parfaite,  et  qui  ont  valu  à  M""*  Verrier- 
Cachet  une  médaille  de  vermeil  grand  module,  à  M^*  Foc- 
quereau,  une  médaille  de  vermeil,  et  à  M"'^'  Durand-Colas  une 
médaille  d'argent. 


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■pr-nr 


—  SIS  - 

Citons  encore  l'exposition  de  fruits  (pommes  et  raisins)  de 
M.  Minier,  jardinier  au  château  de  Grip,  qui  a  obtenu  une 
mention  spéciale  très  méritée. 

Un  déjeuner  a  réuni  chez  Jahan  les  membres  de  la  Société 
d'Horticulture  sous  la  présidence  de  H.  delà  Devansaye. 

Au  dessert,  M.  de  la  Devansaye  a  eu  un  mot  charmant  à 
l'adresse  de  la  Société  d'Horticulture,  qui  porte  si  haut  et  si 
loin  le  renom  d'Angers. 

H.  Leroy  a  bu  très  aimablement  à  la  presse  angevine»  au 
nom  de  laquelle  M.  A.  Poirier  a  répondu  en  portant  un  toast 
à  la  Société  d'Horticulture.  Il  l'assure  du  concours  absolu  et 
dévoué  des  journaux  de  toute  nuance.  Il  remercie  le  président 
et  les  membres  de  la  Société  de  leur  cordial  accueil  et  de  leur 
excellent  déjeuner.  «  Ce  matin,  Messieurs,  dit-il,  nous  admi- 
rions votre  superbe  exposition.  Nous  avons  savouré  ensuite 
votre  menu  délicat.  Vous  nous  avez  ainsi  prouvé  que,  selon 
l'antique  adage,  vous  saviez  joindre  l'utile  à  l'agréable  >. 

M.  Focquereau  a  ensuite  donné  lecture,  au  milieu  des 
applaudissements,  de  la  liste  des  lauréats. 

L'inauguration  publique  a  eu  lieu,  le  même  Jour,  à  2  heures. 
M.  le  préfet,  M.  l'adjoint  Proust,  représentant  la  municipalité, 
et  M.  Voisin,  conseiller  général,  y  assistaient. 


Le  concert  extraordinaire  du  26  mars  a  été  dés  plus  inté- 
ressants et  a  dignement  terminé  la  saison.  Nous  ne  saurions 
mieux  faire  que  de  reproduire  ici  le  compte  rendu  si  exact 
qu'en  a  donné  dans  le  Patriote  de  VOuest  M.  J.  Garnier  : 

Les  fidèles  des  Concerts  se  seraient  fait  scrupule  de  ne  pas 
être  à  leur  poste  dimanche  dernier;  aussi  est-ce  devant  une 
salle  archi-comble  qu'a  été  donnée  la  magnifique  matinée  de 
clôture. 

Le  programme  de  derrière  les  fagots  qui  nous  a  été  servi 
était  bien  fait  pour  laisser  le  public  sous  une  excellente  impres- 
sion- et  faire  naître  les  regrets  de  voir  la  saison  terminée. 

L'ouverture  du  Roi  d*  Ys  a  été  exécutée  pour  la  première  fois 
au  Concert  Pasdeloup  en  1876,  mais  elle  fut  complètement 
modifiée  par  l'auteur,  et  la  nouvelle  version,  qui  ne  conserve 
de  l'ancienne  que  le  solo  de  violoncelle  et  la  fanfare  de  Valte- 
grOy  fut  donnée  le  24  janvier  1886,  à  TEden-Théàtre,  sous  la 
direction  de  M.  Ch.  Lamoureux. 

L'orchestre  angevin  a  fort  bien  rendu  cette  belle  œuvre. 
Dans  le  solo  de  violoncelle,  M.  Reuland  a  été  absolument 


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—  316  - 

remarquable  comme  pureté  de  sons  et  de  style  :  tout  au  plus 
pourrait-on  lui  reprocher  d'avoir  pris  un  peu  ses  aises,  de 
s*étre  étendu  librement,  jouant  presque  ad  libitum.  Néanmoins 
son  succès  a  été  très  vif. 

Joseph^  de  Mébul,  est  un  chef-d'œuvre  consacré.  Les  extraits 
que  nous  en  avons  entendus  nous  ont  procuré  une  nouvelle 
occasion  d'applaudir  les  vaillants  artistes  du  Théâtre  avant 
leur  départ. 

M.  Gaultier  a  chanté  avec  beaucoup  de  charme  l'air  du  pre- 
mier acte.  Les  choristes  du  Théâtre,  auxquels  s'étaient  Joints 
ceux  de  l'excellente  société  Sainie-Cidle^  se  sont  montrés  à 
la  hauteur  de  leur  tâche  dans  le  chœur  sans  accompagnement 
<  Dieu  d'Israël  >.  Ils  ont  obtenu  un  gros  succès. 

Le  trio  n'a  pas  été  moins  bien  accueilli,  la  belle  voix  de 
M^>*  Dreux,  de  MM.  Gauthier  et  Seveilhac  ont  ravi  l'auditoire. 
Peut-être  l'ensemble  eu  t-il  été  plus  parfai  t  encore  si  M.  Seveilhac, 
maîtrisant  la  puissance  de  son  organegénéreux,  n'avait  fâcheu- 
sement dominé  ses  partenaires,  si  M.  Gauthier,  légèrement 
flottant  dans  la  mesure,  n'avait  eu  des  attaques  hésitantes. 
Ces  excellents  artistes  auraient  pu  facilement  obtenir  l'équi- 
libre, le  fondu,  qui  faisaient  un  peu  défaut. 

M.  Déjardin  chantait  le  petit  rôle  de  Ruben  et  s'en  est  fort 
bien  tire  ;  malheureusement  la  voix  de  cet  artiste  est  affec- 
tée d'un  chevrotement  pénible. 

Siméon  était  représenté  par  M.  Pinguet,  l'aimable  i)rofes- 
seur  de  l'Ecole  de  musique  d'Angers,  qui  s'est  acquitté  de  sa 
mission  avec  simplicité,  en  véritable  musicien  au  goût. sûr  et 
expérimenté  :  ses  élèves  sont  en  bonnes  mains. 

M.  Delmas  prêtait  au  rôle  de  Nephtali  le  concours  de  sa 
voix  fraîche.  Il  a  chanté  comme  toujours,  c'est-à-dire  très 
bien. 

Nous  arrivons  au  Largo  cTHaendel  :  c'est  la  Roche  Tar- 
péienne  du  concert.  Lesmusiciens  vont-ils  se  brouillerentreeux 
au  moment  de  se  quitter  t  La  harpe  commence  trop  bas,  la 
flûte  se  croit  obligée  de  surenchérir  et  le  cor  anglais,  par 
esprit  de  contradiction  se  met  à  jouer  trop  haut.  Enfin  le  qua- 
tuor intervient  et,  ne  voulant  prendre  parti  ni  pour  l'un  ni 
pour  l'autre  dans  ce  regrettable  conflit,  se  tient  dans  un  juste 
milieu,  entre  le  zist  et  le  zest. 

Fort  heureusement,  nous  avons  eu  d'autres  fois  de  meil- 
leures auditions  de  cette  page  magistrale  ;  ce  petit  accident 
est  de  nulle  importance  et  ne  se  produira  plus  jamais. ...  si 
l'on  veut  se  résoudre  à  vérifier  l'accord  pendant  la  durée  des 
concerts. 

Après  quelques  minutes  de  repos,  pendant  lesquelles  les 
artistes  rectifient  leurs  instruments  en  délicatesse  avec  le  dia- 
pason, l'orchestre  exécute  l'Enchantement  du  Vendredi  Saint. 

Rien  de  plus  suave,  de  plus  émotionnant  que  cette  page 
divine  qui  plonge  l'auditeur  dans  une  extase  mystique. 

Pour  bien  goûter  ce  chef-d'œuvre  incomparable,  il  faudrait 


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-  317  - 

ôoiendre  Parsifal  en  entier,  car  il  est  nécessaire  d'être  pénétré 
du  sujet,  d'avoir  Tesprit  préparé  à  l'avance  à  cette  hymne 
louchante  de  paix  et  de  rédemption. 

Cependant,  même  hors  de  son  cadre,  même  privée  du  dia- 
logue poétique  des  personnages,  cette  musique  géniale  a  pro- 
duit un  effet  considérable  et  a  valu  de  chaleureux  applaudisse- 
ments à  ses  interprètes. 

Les  fragments  du  troisième  acte  de  Tannhauser,  qui  sui- 
vaient, ont  été  également  fort  bien  rendus.  L'orchestre  a  été 
impeccable  dans  l'introduction  ;  M.  Séveilhac  a  dit  avec  grand 
art  le  rôle  de  Wolfram  ;  le  «  Chant  des  pèlerins  »,  sauf  quelques 
intonations  douteuses,  a  été  chanté  par  les  chœurs  avec  un 
sentiment  expressif  non  dépourvu  de  grandeur. 

Quant  à  M"*  Dreux,  ah  t  qu'elle  a  été  délicieuse  t  Avec 
quelle  ardente  ferveur,  avec  quels  accents  angéliques,  elle  a 
soupiré  la  c  prière  >  d'Elisabeth  t 

Aussi,  quel  succès  énorme  a-t-elle  obtenu  t  Les  bravos,  les 
rappels  enthousiastes  ont  récompensé  la  charmante  artiste  du 
grand  plaisir  qu'elle  nous  a  procuré. 

L'ouverture  d*Egmont  a  dignement  terminé  ce  beau  concert. 
Les  mouvements,  les  nuances  ont  été  très  exactement  obser- 
vés et  l'exécution  doit  être  louée  sans  réserves. 

Avant  ce  dernier  morceau,  M.  Louis  de  Romain  a  été  l'objet 
d'une  touchante  et  imposante  manifestation  de  sympathie.  La 
saUe  entière,  dans  un  admirable  élan  d'enthousiasme,  Ta 
appelé  sur  la  scène  avec  une  telle  insistance,  que  l'éminent 
directeur  artistique  dés  Concerts  populaires,  contraint  de  faire 
violence  a  son  habituelle  modestie,  a  dû  se  présenter  devant 
le  public. 

Alors,  l'orchestre  entier  s'est  levé  respectueusement;  alors, 
éclatant  de  tous  côtés,  sur  tous  les  bancs,  avec  le  même  enthou- 
siasme^ des  applaudissements,  des  vivats  frénétiques  ont 
ébranle  les  absides  du  Cirque. 

Ah  t  le  beau  et  réconfortant  spectacle  t 

Voilà  un  homme  qui  a  consacré  son  existence  entière  au 
culte  de  l'Idéal  :  il  est  de  ceux  qui  s'en  sont  constitués  les 
apôtres,  les  missionnaires.  Prêchant  l'amour  du  Beau,  de 
l'Immatériel,  il  s'est  efforcé  de  communiquer  sa  conviction, 
son  ardente  foi  dans  l'Art,  source  des  plus  pures  et  plus 
nobles  jouissances,  qui  console  des  tristesses,  des  vilenies 
sociales,  qui  anoblit  l'esprit  et  abonnit  le  cœur  de  l'homme. 

De  son  dévouement,  de  son  désintéressement,  M.  Louis  de 
Romain  a  été  remercié  comme  il  méritait  de  l'être  par  la  cha- 
leureuse ovation  d'un  auditoire  éclairé  qui  a  tenu  à  lui 
témoigner  sa  gratitude. 

Bravo  t  M.  de  Romain,  et  bravo  aussi,  M.  Breton,  qui  avez 
su  vous  attacher  un  collaborateur  aussi  précieux. 

A  tous  deux  nous  souhaitons  longue  continuation  de  vos 
succès. 


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La  souscription  au  monument  que  la  ville  d'Angers  doit 
élever  à  la  mémoire  de  Eugène  Lenepveu  atteint  actuellement 
la  somme  de  4.871  fr.  65. 

On  est  prié  d'envoyer  les  bulletins  de  souscription  à  M.  Gilles 
Deperrière,  président  de  la  Société  des  Amis  des  Arts. 

•♦• 

La  dernière  séance  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  a  été 
entièrement  consacrée  à  une  lecture  par  M.  Cormon,  sur  la 
vie  et  les  œuvres  de  M.  Jules  Lenepveu,  son  prédécesseur 
dans  la  section  de  peinture. 

•  * 

Au  Congrès  des  Sociétés  savantes  qui  s'est  tenu,  cette 
année,  à  Toulouse  et  qui  a  donné  lieu  à  des  fêtes  splendides, 
parmi  les  Angevins  qui  ont  présenté  des  mémoires  ou  qui 
ont  pris  part  aux  discussions,  nous  signalerons  MM.  l'abbé 
Urseau,  le  comte  Lair  et  Gabriel  Rogeron. 

•  * 
♦ 

M"*"  Joséphine  Berthault,  artiste  peintre,  professeur  de  des- 
sin à  Angers,  nièce  du  grand  peintre  Lenepveu,  vient  d'être 
nommée  ofScier  d'académie. 

♦•• 

M.  Edmond  Ooblot,  professeur  de  philosophie  au  lycée  de 
Toulouse,  a  été  nommé  ofQcier  de  l'instruction  publique. 


Notre  compatriote  et  ami  M.  Joseph  Denais  a  été  réélu,  par 
acclamation,  secrétaire  général  de  l'Association  des  Journa- 
listes parisiens,  présidée  par  M.  Alfred  Mézières,  de  l'Aca- 
démie française. 

L'Association  ayant  procédé  à  la  réélection  du  tiers  sor- 
tant des  membres  du  Comité,  M.  Joseph  Denais  était  arrivé 
en  tète,  avec  185  voix  sur  190  votes  exprimés  ;  il  a  obtenu  la 
presque  unanimité,  ce  qui  est  pour  ainsi  dire  sans  exemple 
dans  un  milieu  où  les  opinions  sont  les  plus  opposées^  et,  sur- 
tout en  ce  moment,  les  passions  politiques  les  plus  excitées. 

• 
•  • 

M.  A.  Bouchard  vient  d'obtenir,  de  la  Société  des  Viticul- 
teurs de  France  et  d'Ampélographie,  un  grand  diplôme 
d'honneur  pour  ses  travaux  ampélographiques  et  notamment 


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-  319  -- 

pour  la  découverte  quïl  a  faite  de  TEnquëte  de  Dupré  de 

Saint-Haur,  intendant  de  la  Généralité  de  Guienne,  sur  la 

synonymie  des  cépages  en  1783. 

Nous  apprenons  aussi  que  la  Société  des  Viticulteurs  de 

France  et  d'Ampélographie  a  confié  à  M.  A.  Bouchard  la 

mission  d*exhumer  définitivement  le  dossier  de  la  grande 

enquête  de  Dupré  de  Saint-Maur. 

• 
«  * 

M.  Audouin,  docteur  es  lettres,  maître  de  conférences  de 

philologie  et  antiquités  classiques  à  la  Faculté  des  lettres  de 

l'Université  de  Poitiers,  vient  d*ètre  nommé  professeur  adjoint 

à  ladite  Faculté. 

••• 

La  Société  de  Géographie^  dans  son  assemblée  annuelle,  a 
décerné  à  notre  compatriote,  M.  de  Bonchamps,  une  médaille 
d'or  pour  son  exploration  dans  l'Ethiopie. 

•% 

Le  duc  de  La  Trémoïlle  a  été  élu  président  du  Cercle  de  la 
rue  Royale,  en  remplacement  du  général  comte  Friant, 
démissionnaire  depuis  plusieurs  mois  pour  raison  de  santé. 

•% 

Notre  compatriote»  H.  Georges  Charbonneau,  a  été  reçu 
premier  à  l'esquisse  pour  le  Concours  de  Rome. 

•% 

M.  Grégoire,  boursier  de  la  Ville,  a  été  reçu  premier  à 

toutes  les  épreuves  préparatoires  du  grand  Prix  de  Rome 

(sculpture). 

•** 

M.  L'Hoest  vient  d'être  reçu  au  premier  essai  du  con- 
cours de  Rome  (section  de  sculpture).  11  a  également  obtenu 
le  deuxième  prix  au  concours  Chenavard,  à  l'École  Nationale 
des  Beaux-Arts,  et  reçoit  une  somme  de  500  fr.,  la  statue  res- 
tant la  propriété  de  l'auteur. 

Le  titre  de  la  statue  est  :  Mauvaise  Pemée. 


M.  Maillard,  de  Cholet,  a  vu  son  esquisse  classée  première 
pour  le  concours  d'admission  au  concours  du  prix  de  Rome 
(section  de  sculpture). 


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—  320  — 

^  Parmi  les  toiles  exposées  au  petit  salon  du  Concours 

l^vV  hippique,  à  Paris^  remarqué  :  Un  intrépide^  de  M.  6.  de  Ruillé; 

le  portrait  à  cheval  de  M.  Barthe^  ancien  vétérinaire  principal 


A,  r  de  rÉcole  de  Saumur,  par  H.  René  Choquet. 

F- 

'«^t  Par  arrêté  de  H.  le  commissaire  général  de  l'Exposition 

I  universelle  en  date  du  19  mars,  M.  Célestin  Port,  membre  de 

t.  rinstitut,  a  été  nommé  membre  de  la  commission  d'organi- 

^^  sation  du  Congrès  de  l'enseignement  supérieur. 

î  ■  ♦  ♦ 

1^  H.  A.  Beignet,  architecte  à  Angers,  a  été  nommé  membre 

de  la  Commission  d'organisation  du  5*  Congrès  international 
des  architectes  qui  se  tiendra  à  Paris  en  1900. 


Fi 


\' 


^,  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  vient  d'accorder 

r  une  subvention  ds  400  francs  à  la  Société  d'Agriculture, 

Ë;  Sciences  et  Arts  d'Angers  pour  l'aider  à  publier  le  Cartulaire 

de  Saint- Laud, 
%,  Le  second  volume  du  Cartulaire  de  Saint-Aubin,  publié  par 

i^  l'ancienne  Académie  d'Angers,  est  achevé  et  en  distribution. 

^  ,  Un  troisième  volume  comprenant  les  tables  et  fac-similés  sera 

publié  l'an  prochain.  La  Société  s'engage  dès  maintenant  à 
f  solliciter  une  nouvelle  subvention  du  Ministère  pour  mener  à 

bien  la  fin  de  cette  œuvre  importante. 

••• 

A  la  dernière  séance  de  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres,  M.  Muntz  a  communiqué,  de  la  part  de  M.  Maxe- 
Werly,  conservateur  du  Musée  de  Bar-le-Duc,  un  mémoire  sur 
le  célèbre  sculpteur  et  médaiUeur  italien  Francesco  da  Lau- 
rana,  un  des  artistes  attitrés  du  roi  René.  M.  Maxe-Werly  lui 
attribue  l'exécution  du  tombeau  de  la  duchesse  Yolande  d'An- 
jou, fille  du  roi  René,  et  de  son  époux  le  duc  Ferry  de  Vaude- 
mont  dans  l'église  de  Joinville  (Haute-Marne). 

••* 

Nous  lisons  dans  le  Journal  des  Débats^  concernant  l'expo- 
sition à  la  Bodinière,  de  notre  brillant  compatriote  le  peintre 
Merodack-Jeaneau,  les  lignes  suivantes  : 

c  On  peut  visiter  à  la  Bodinière  une  exposition  d'œuvres 
de  M.  Merodack-Jeaneau.  Elle  est  assez  curieuse  dans  sa 


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r 


-  321  — 

variété.  Portraits,  tètes  d'expression,  croquis,  paysages,  il  y 
a  là  deux  cents  cadres  qui  ne  méritent  pas  tous  la  même 
attention,  mais  dont  beaucoup  valent  qu'on  s'y  arrête.  Ce 
peintre,  qui  est  un  Jeune,  nous  est  présenté  en  une  préface 
par  un  jeune  poète  de  talent,  M.  Emile  Boissier.  c  L'art 
de  Merodack-Jeaneau,  nous  dit-il,  ne  s'assujettit  pas  à  la 
technique  des  Salons...  il  méprise  les  obstacles  oui  entravent 
l'essor  de  la  pensée.  »  C'est  une  double  affirmation  un 
peu  vague.  Nous  n'avons  pas  trouvé  M.  Merodack-Jeaneau 
si  révolutionnaire,  et  il  nous  est  apparu  plutôt  comme 
un  observateur  que  comme  un  penseur.  Observateur,  il  l'est 
avec  beaucoup  de  finesse,  ainsi  qu'en  témoignent  maints 
croquis  pris  sur  le  vif,  croquis  d'enfant,  types  de  l'ate- 
lier et  de  la  rue,  tous  pleins  de  souplesse  et  de  vérité. 
M.  Merodack-Jeaneau  est  un  parfait  c  expressionniste  >.  Et 
cette  qualité  se  manifeste  d'une  façon  toute  particulière  dans 
certains  tableaux  comme  Femmez  en  blanc  ^  la  Femme  au 
hiboUy  etc.  Quelques  paysages  comme  le  Coucher  du  êoleil  à 
Saint- Aignan,  les  Boches  de  Ville-Blevin,  sont  d'un  sentiment 
très  délicat.  > 

La  Revue  des  Beaux-Arts  et  des  Lettres  donne  une  série  de 
dessins  de  M.  Merodack-Jeaneau  (les  Silhouettes  d!enfants^  la 
Dame  en  blanc),  qui  ont  obtenu  un  immense  succès. 


On  a  mis  en  vente,  à  Liverpool,  le  fameux  bateau-rouleur 
de  notre  compatriote  M.  Ernest  Bazin.  Ce  bâtiment  avait  été 
achevé,  il  y  a  environ  deux  ans,  à  Saint- Denis,  et  avait  coûté 
plus  de  SOO.OOO  francs.  L'inventeur  l'avait  d'abord  fait  remor- 
quer jusqu'au  Havre,  où  il  reçut  ses  machines  et  compléta  les 
installations  du  bord.  On  se  rappelle  que  les  tentatives  de 
navigation  aboutirent  à  un  échec.  Deux  fois  le  rouleur,  sorti 
du  Havre  par  un  temps  maniable,  dut  accepter  les  services 
d'un  remorqueur  pour  regagner  le  quai.  Une  troisième  expé- 
rience, en  Angleterre,  ne  réussit  pas  davantage. 

La  mise  à  prix  ne  dépassait  pas  la  valeur  des  matériaux  de 
construction.  Personne  ne  s'est  présenté  à  l'adjudication.  Il 
sera  procédé  ultérieurement  à  de  nouvelles  enchères. 

♦•• 

Le  14  avril  ont  été  célébrées,  en  l'église  Saint- Joseph,  au 
milieu  d'une  nombreuse  assistance»  les  obsèques  du  colonel 
Chaussée. 

A  la  levée  du  corps,  les  honneurs  militaires  ont  été  rendus 
par  un  bataillon  du  ISB*",  musique  en  tète. 

Le  deuil  était  conduit  par  MM.  Droiteau,  du  Mesnil,  Legras 


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—  322  — 

et  Duvernay,  membres  de  la  famille.  Les  cordons  du  poêle 
étaient  tenus  par  MM.  le  colonel  de  Monspey,  du  25*  dragons, 
les  lieutenants-colonels  du  25*  dragons,  du  6«  génie  et  dul3S*, 
le  colonel  Gougis  et  le  colonel  Loth. 

  rissue  de  la  cérémonie  funèbre,  à  laquelle  assistaient 
aussi  MM.  les  généraux  Hartschmidt,  Faugeron  et  Gra£f  et 
beaucoup  de  notabilités  civiles  et  militaires,  le  corps  a  été 
conduit  dans  la  cour  de  la  gare  où  le  colonel  Lotb,  président  de 
rUnion  des  anciens  Officiers,  a  prononcé,  d'une  voix  émue,  le 
discours  suivant  : 

Mesdames  : 

Mon  Général  et  Messieurs, 

Avant  de  nous  séparer,  permettez-moi  de  vous  rappeler  en 
quelques  mots  la  vie  militaire  du  brillant  officier  de  cavalerie, 
du  vaillant  soldat,  de  Thonnéte  et  excellent  homme  que  nous 
venons  d'accompagner  à  sa  dernière  demeure. 

Le  colonel  Chaussée,  né  à  Baugé  en  1812,  entra  au  service 
comme  engagé  volontaire  au  7*  régiment  de  chasseurs,  le 
26  septembre  1831.     . 

Il  parcourut,  rapidement  pour  l'époque,  les  premiers  degrés 
de  la  hiérarchie,  et  fut  nommé  sous-lieuteaant  au  4^  régiment 
de  chasseurs,  le  16  novembre  1840;  lieutenant,  le  19  juillet 
1845  ;  capitaine,  le  15  mars  1849  ;  le  9  décembre  1854,  il  était 
nommé  chef  d'escadrons  au  3^  régiment  de  chasseurs  d'Afrique, 
qu'il  allait  rm'oindre  en  Crimée  et  avec  lequel  il  fit  toute  la 
campagne  d'Orient.  Pendant  la  campagne,  il  fut  nommé  che- 
valier de  la  Légion  d'honneur. 

Rentré  à  Constantine  avec  son  régiment,  au  moment  de  la 
paix,  il  passa  en  Afrique  les  années  1856,  1857,  1858,  1859, 
1860  et  1861,  époque  à  laquelle  il  fut  nommé  lieutenant- 
colonel  du  7*  de  hussards,  ou  il  fut  promu  officier  de  la  Légion 
d'honneur. 

Colonel  du  7*  de  hussards,  le  30  décembre  1865  ;  comman- 
deur de  la  Légion  d'honneur  en  1869,  il  fit,  avec  ce  beau  régi- 
ment, la  campagne  de  1870  à  l'armée  du  Rhin. 

C'est  à  la  tète  de  ses  escadrons,  à  la  fameuse  charge  de 
Rezonville,  où  son  général  trouva  une  mort  glorieuse,  qu'il 
fut  grièvement  blessé  de  trois  coups  de  sabre. 

Emmené  en  captivité  à  Hambourg,  il  rentra  ensuite  en 
France  en  mars  1871  pour  reprendre  le  commandement  du 
7^  de  hussards,  dont  il  ne  restait  pas  grand'chose. 

Mais  l'âge  s'avançait  et  l'heure  de  la  retraite  allait  bientôt 
sonner  pour  lui  :  42  ans  de  services,  15  campagnes  et  5  bles- 
sures. 

Malgré  deux  propositions  pour  général  de  brigade,  dont 
une  en  face  de  l'ennemi,  le  colonel  Chaussée  n'eut  pas  la  Joie 
de  voir  couronner  sa  vie  militaire  par  ce  haut  grade. 


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r 


—  323  — 

Après  une  carrière  si  bien  remplie,  au  lieu  de  Jouir  d'un 
repos  bien  mérité,  il  a  voulu  encore  consacrer  ce  qui  lui 
restait  de  force  et  d'activité  au  bien  général. 

Maire  de  Saint-Germain-des-Prés,  ses  administrés  ne  se 
sont  Jamais,  en  vain,  adressés  à  lui.  C'est  là  que,  pendant  de 
longues  années,  il  les  a  guidés  de  ses  conseils,  éclairés  de 
son  intelligence,  instruits  de  son  exemple. 

Le  coloael  Chaussée,  malgré  ses  87  ans,  avait  toutes  les 
apparences  de  la  force  et  de  la  santé,  et  nous  pouvions 
espérer  le  conserver  encore  longtemps,  quand  la  perte  récente 
et  inattendue  d'une  compagne  qu'il  chérissait  de  tout  son 
cœur  lui  a  porté  un  coup  funeste  que,  malgré  son  énergie, 
il  n'a  pu  surmonter,  et  qui,  quelques  mois  après.  Ta  mis 
brusquement  en  face  de  la  mort,  qu'il  avait  affrontée  si 
souvent. 

Il  s'est  éteint  doucement,  sans  que  rien  ait  trahi  chez  lui 
les  angoisses  qui  accompagnent  souvent  le  dernier  passage./ 
Il  est  mort  en  chrétien,  en  soldat  et  sans  défaillance. 

Le  colonel  Chaussée  emporte  nos  regrets  à  tous,  et  il 
m'appartient,  comme  vice-président  de  l'Union  fraternelle  des 
Officiers  en  retraite  d'Angers,  dont  il  était  le  président,  de  lui 
donner  l'assurance  que  nous  garderons  religieusement  le 
culte  de  sa  chère  mémoire. 

Au  revoir,  mon  cher  camarade,  près  du  Dieu  des  armées 
que  vous  avez  servi  et  honoré  dans  l'accomplissement  gêné-  ' 
reux  et  fidèle  de  tous  vos  devoirs,  ce  rendez-vous  je  vous  le 
donne  en  toute  assurance,  sachant  que  vous  l'entendrez  et 
qu'il  était  votre  plus  cher  désir,  comme  il  est  toute  notre 
consolation  et  toute  notre  espérance. 

V.  T> 


A  travers  les  Livres  et  les  Revues 

On  m'avait  demandé  de  présenter  aux  lecteurs  de  la  Revue 
de  r  Anjou  VHntoire  de  la  Révérende  Mère  Marie  Sainte  Cécile 
et  de  la  Congrégation  des  Dames  de  POratoire  d'Angers,  par 
M.  l'abbé  E.  Rondeau  K  J'allais  me  mettre  à  l'œuvre  et  je 
m'apprêtais  à  dire  beaucoup  de  bien  de  ce  livre,  que  j'ai  par- 
couru avec  un  plaisir  extrême,  lorsque  J'ai  lu,  dans  la 
Semaine  Religieuse,  un  article  qui  recommandera  bien  mieux 
que  ma  prose  le  travail  de  H.  l'aumônier  de  l'Oratoire. 
L'article  est  signé  :  E.  Grimault,  chanoine  ;  j'en  détacherai 
seulement  quelques  passages. 

*  Un  vol.  in-18  de  340  pages  ;  Angers,  Germain  et  G.  Grassin. 


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^ 


-^  324  — 

c  C'est  UD  livre  vraiment  bien  fait,  un  récit  des  plus  inté- 
ressants que  vient  de  nous  donner  le  pieux  aumônier  de 
l'Oratoire.  Il  y  a  mis  plus  que  du  talent;  il  Ta  écrit  avec  son 
coeur.  Pouvait-il  ne  pas  aimer  la  maison  où  sa  mère  fut  élevée, 
Qù  l'une  de  ses  tantes  se  fit  religieuse,  et  où  lui-même  fUt 
porté  et  béni,  tout  enfant  ?  On  voit  quels  souvenirs  ont  ins- 
piré sa  plume  et  avec  quelle  ferveur  il  a  dû  réunir  les  élé- 
ments de  son  travail. 

c  Aussi  VHistoire  de  la  Révérende  Mère  Sainte-Cécile  est- 
elle  soigneusement  étudiée.  Tout  en  l'écrivant  avec  sentiment, 
l'auteur  ne  néglige  aucune  date,  aucune  précision,  rien  de  ce 
qui  peut  mettre  en  relief  l'admirable  femme  qu'il  a  voulu 
peindre.  Il  en  résulte  une  narration  très  fouillée  et  très  colo- 
rée qui  se  lit  avec  curiosité,  avec  une  émotion  vraie,  tout  d'un 
trait  et  mieux  qu'un  roman. 

<  Nous  la  voyons  naître  en  1804,  cette  petite  Cécile  Pré- 
vost de  la  Chauvellière  qui  allait  fonder,  non  loin  de  son  ber- 
ceau, une  œuvre  si  utile  et,  jusqu'à  nos  jours,  si  appréciée. 
De  bonne  heure  elle  apparaît  plus  vertueuse  et  plus  raison- 
nable que  les  jeunes  personnes  de  son  âge;  et  si,  pendant 
quelque  temps,  elle  se  donne  aux  fêtes  du  monde,  c'est  pour 
mieux  se  reprendre  ensuite  et  pour  mieux  suivre  sa  vocation 
religieuse. 

«  Elle  voulait  se  consacrer  au  service  des  pauvretf  dans 
cette  Petite  Pension  de  la  rue  Haute-du-Fiffuier  qui  eut,  à 
Angers,  une  si  touchante  histoire,  quand  eue  en  fut  détour- 
née par  une  amie,  désireuse,  elle  aussi,  de  servir  Dieu  dans 
l'état  religieux,  mais  en  se  vouant  à  l'enseignement.  C'était 
M^**  Bore,  sœur  d'Eugène  et  de  Léon  Bore,  les  deux  Angevins 
bien  cdnnus.  Eugène  était  alors  à  la  Chesnaie.  Il  intéressé 
l'abbé  de  la  Mennais  aux  projets  des  deux  jeunes  filles.  On 
leur  conseillait  de  prendre  la  succession  des  dames  de 
Montgremier,  qui  tenaient  un  pensionnat  estimé  dans  la  me 
Flore,  quand  M"'  Bore  se  maria  t  ~  Il  faut  entendre  M.  Rondeau 
raconter,  avec  un  sourire,  cet  incident  imprévu.  —  Heureuse- 
ment il  ne  fut  pour  M"*  de  la  Chauvellière  qu'un  accident 
passager  et  ne  ruina  point  ses  projets.  Après  une  retraite 
qu'elle  fit  à  la  Maison-Rouge^  sous  la  direction  du  jeune  abbé 
Tendron,  déjà  plein  de  l'esprit  de  Dieu,  elle  entra  définitive- 
ment, au  mois  d'octobre  1829,  dans  l'œuvre  des  dames  de 
Montgremier. 

«  Ce  que  furent  ses  premières-iîompagnes,  Félicité  Pocquet 
de  Livonnière,  Elisabeth  Puysségur,  Laurence-Adélaîs  Huard, 
et  quel  rôle  la  Providence  départit  au  vénérable  abbé  Mocher, 
curé  de' Notre-Dame,  dans  la  formation  de  ce  petit  cénacle; 
comment  la  communauté  naissante  fit  l'acquisition  de  l'Ora- 
toire et  comment  fut  transformée  la  vieille  maison  qui, 
«  après  avoir  été  successivement  noble  hôtel,  résidence  de 
rois,  sanctuaire  de  la  religion  et  de  la  science,  foyer  de 
républicanisme,  imprimerie  modèle,  allait  devenir  l'asile  de 


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r 


—  325  — 

rétude  et  de  la  prière  »,  l'auteur  nous  le  raconte  en  cinquante 

pages  rapides,  parfaitement  écrites  et  du  plus  vif  intérêt 

c  II  n'est  pas  besoin  de  l'analyser  davantage  pour  donner 
le  goût  de  le  lire.  Aussi  bien  les  contemporains  de  la 
Mère  Sainte-Cécile  sont-ils  encore  nombreux.  On  n'ignore  pas, 
à  Angers,  comment  la  maison  de  l'Oratoire,  après  avoir  reçu 
les  béoédictions  du  vénérable  Mgr  Montault,  les  conseils  et 
la  direction  de  M.  Régnier,  de  Mgr  An^ebault  et  de  M.  Bom- 

{)ols  ;  après  avoir  conquis  la  faveur  crun  grand  nombre  de 
àmilles  et  admirablement  formé  de  nombreuses  générations 
d'élèves,  devint  une  charge  trop  lourde  pour  la  vénérable 
fondatrice  et  pour  ses  compagnes  surmenées  par  le  travail. 
Dans  cette  détresse  elles  demandèrent  l'agrégation  à  la  maison 
de  la  Retraite  qui  les  accueillit  et  absorba  peu  à  peu  leur 
autonomie.  Aujourd'hui  la  fusion  est  complète.  Mais  de 
pareilles  transformations  ne  se  font  pas  sans  déchirures.  Ce 
que  la  Mère  Sainte-Cécile  en  souffrit  et  ce  qu'elle  y  trouva  de 
gain  pour  le  ciel,  on  le  constate,  dans  plusieurs  chapitres  des 

{>lus  édifiants.  C'est  ainsi  qu'un  tel  livre,  qui  a  son  prix  devant 
'histoire,  peut  avoir  aussi  son  mérite,  comme  lecture  spiri- 
tuelle, auprès  des  personnes  qui  font  profession  de  piété. 

c  II  aura  de  nombreux  lecteurs.  C'est  l'espoir  de  l'auteur 
et  la  raison  de  son  consciencieux  travail  ». 

Notre  savant  collaborateur,  M.  l'abbé  Dedouvres,  docteur 
es  lettres,  professeur  de  littérature  latine  aux  Facultés  catho- 
liques de  l'Ouest,  aumônier  du  Calvaire  d'Angers,  a  entrepris, 
avec  une  énergie  persévérante,  la  réhabilitation  d'un  person- 
nage dont  le  caractère  et  le  rôle  ont  été  singulièrement  déna- 
turés par  l'histoire  :  le  Père  Joseph  du  Tremblay,  connu  du 
public  ignorant  et  crédule  sous  le  nom  d*Eminence  Grize^ 
l'ami,  le  confident  et  l'auxiliaire  de  Richelieu.  Déjà,  dans  les 
livres  où  il  a  étudié  successivement /epol^mûfe,  Vécrivain^  le 
diplomate^  M.  l'abbé  Dedouvres  a  placé  dans  son  vrai  jour 
l'énergique  figure  de  ce  capucin,  qui  fut,  à  la  fois,  un  grand 
serviteur  de  l'Église  et  de  la  France,  un  maître  de  la  parole, 
un  journaliste  de  génie,  à  l'heure  où  le  journal  n'était  pas 
encore  l'arme  terrible  dont  on  a  tant  usé  et  abusé  depuis. 
Aujourd'hui,  c'est  l'auteur  ascétique  que  M.  l'aumônier  du 
Calvaire  nous  révèle,  et  particulièrement  l'apôtre  de  la  dévo- 
tion au  Sacré  Cœur  de  Jésus  ^ 

Jusqu'ici  on  savait  que  saint  François  de  Sales,  l'aimable 

*  Un  précurseur  de  la  B,  Marguerite-Marie ,  le  Père  Joseph  et  le 
Sacré  Cœur  ;  un  volume  in-18  de  204  pages;  Angers,  Germain  et 
G.  Grassin. 


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-  326  - 

évoque  de  Grenève,  que  le  P.  Saint-Jure,  le  P.  Nouet  et  le 
vénérable  P.  Eudes,  <  les  précurseurs  directs  de  la  Bienheu- 
reuse Marguerite-Marie  »,  avaient  préparé  les  esprits  au  culte 
public  envers  le  Sacré-Cœur;  mais  on  ignorait  que  le  P.Joseph, 
quarante  ans  avant  Tapparition  du  Sauveur  à  Paray-le-Monial, 
eût  prêché  aux  filles  du  Calvaire,  dont  il  était  le  fondateur, 
a  le  cœur  ouvert  de  Jésus  crucifié  »  ;  qu'il  leur  eût  appris-  à 
€  considérer  dans  le  Cœur  de  Jésus  la  vive  source  du  pur 
amour,  le  centre  de  toutes  les  œuvres  divines  >  ;  qu'il  eût 
célébré  avec  les  simples  fidèles  <  les  gloires  et  les  bienfaits  du 
Sacré-Cœur  ».  Ce  sont  là  des  faits  nouveaux,  des  détails  que 
Ton  ne  soupçonnait  même  pas.  Il  faut  savoir  gré  à  M.  Tabbé 
Dedouvres  de  les  avoir  signalés,  avec  sa  précision  et  sa  science 
habituelles.  Les  pages  qu'il  nous  offre  contribueront,  j'en  suis 
sûr,  à  la  glorification  du  saint  religieux,  du  pieux  et  savant 
directeur,  de  l'homme  vraiment  extraordinaire  que  fut  le 
P.  Joseph  du  Tremblay. 

Dans  le  Journal  des  Débats^  M.  Doumic  a  consacré  récem- 
ment à  la  Terre  qui  meurt,  le  dernier  roman  de  M.  René 
Bazin,  un  article  dont  voici  la  conclusion  : 

c  Je  n'ai  pu  indiquer  que  le  caractère  essentiel  qui  fait  la 
valeur  du  roman  de  M.  Bazin.  L'auteur  a  su,  écrire  le  roman 
de  la  terre.  Il  a  su  faire  de  cette  Terre  qui  meurt  un  être  dont 
l'agonie  nous  remplit  de  tristesse  et  de  regret.  C'est  là  ce  qui 
est  nouveau.  C'est  là  ce  qui  donne  à  l'œuvre  son  allure  si 
largement  poétique.  Mais  à  l'instant  de  fermer  le  livre,  que 
de  pages  reviennent  à  la  mémoire,  pages  tout  imprégnées  des 
senteurs  de  la  terre,  de  l'odeur  du  labour,  du  parfum  des 
herbes  et  des  foins  t  Que  de  figures,  observées  de  si  près, 
rendues  avec  tant  de  naïveté  t  Au  moins  faut-il  citer  les  noms 
des  Michelonne,  les  deux  vieilles  filles,  qu'on  a  toujours  vues, 
derrière  leur  fenêtre,  sur  la  place  de  l'église,  occupées  à  tailler 
et  à  coudre  des  capes  de  Sallertaines  1  Elles  se  ressemblent 
les  deux  vieilles  filles  au  point  qu'on  les  prend  l'une  pour 
l'autre  ;  elles  ont  mêmes  gestes,  mêmes  voix  étouffées,  mêmes 
rides  qui  disent  la  même  bonté  et  les  mêmes  sacrifices.  Le 
peintre  qui  nous  en  retrace  l'image  falote  et  charmante  est 
vraiment  celui  qui  de  notre  temps  a  le  mieux  compris  et  inter- 
prété rame  des  humbles.  Il  faudrait  encore  louer  M.  Bazin 
pour  les  qualités  de  son  style,  si  purement  français,  et  en 
même  temps  si  souple,  si  moderne,  si  délicat,  si  nuancé. 
M.  Bazin  est  arrivé  aujourd'hui  à  la  pleine  maturité  de  son 
talent.  Ce  n'est  pas  assez  de  constater  qu'il  est  au  premier 
rang  parmi  les  maîtres  du  roman  contemporain  ;  ajoutons 
qu'il  est  encore  le  plus  personnel. 


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—  327  — 

«  Car  il  ne  s'est  pas  laissé  influencer  par  aucun  des  modèles 
dont  l'exemple  a  si  lourdement  pesé  sur  les  dernières  années 
de  notre  littérature  ;  il  n'a  fait  aucune  concession  aux  modes 

3ui  rendent  le  succès  bruyant  et  facile;  il  a  dédaigné  de 
emander  au  scandale  et  à  l'ahurissement  du  lecteur  une 
prompte  et  facile  renommée.  Hais  il  a  cru  de  toutes  ses  forces 
à  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  dans  l'art  et  dans  la  vie  ;  il  a  marché 
droit  devant  lui  avec  une  conviction  de  plus  en  plus  ardente 
vers  un  idéal  fait  de  noblesse  et  de  pureté  ;  il  a  paisiblement, 
sans  fracas,  sans  fièvre,  de  ses  mains  industrieuses  et  respec- 
tueuses, édifié  une  œuvre  dont  on  peut  dire  dès  maintenant 
qu'elle  accroit  le  patrimoine  de  notre  littérature  tradition- 
nelle. > 

Les  longues  et  pénibles  négociations  entamées  entre  le 
marquis  de  Salisbury  et  M.  Paul  Cambon  sur  la  question  du 
Soudan  ont  abouti,  le  24  mars,  à  une  convention  dont  notre 
diplomatie  n'a  pas  le  droit  de  s'enorgueillir.  Si  les  cabinets  de 
Londres  et  de  Paris  sont  tombés  d'accord  sur  la  délimitation 
des  sphères  respectives  d'influence  de  l'Angleterre  et  de  la 
France  dans  l'Afrique  centrale,  c'est  notre  pays  qui  a  fait  les 
frais  de  l'arrangement.  La  convention  du  21  mars  nous  est 
désavantageuse  au  point  de  vue  territorial;  elle  marque  l'aban- 
don de  notre  politique  traditionnelle  en  Egypte  :  toute  pro- 
portion gardée,  c'est  un  €  Waterloo  africain  ».  —  L'expression 
est  juste  ;  elle  a  été  employée  par  M.  J.  Joûbert,  dans  un 
article  fort  remarquable  {Journal  de  Maine-et-Loire  ^  25  et 
29  mars),  dont  les  conclusions,  quelque  pénibles  qu'elles  soient 
à  notre  amour  propre,  s'imposent  à  tout  esprit  sérieux. 

En  dehors  de  tout  parti  pris,  je  crois  qu'il  faut  placer  non 
pas  à  Angers,  comme  on  l'a  fait,  mais  au  Mans,  dans  une 
abbaye  inconnue,  peut-être  à  Saint- Vincent,  le  lieu  d'exil  de 
Théôdulfe,  et  que  cette  dernière  ville  peut  revendiquer  le 
privilège  d'avoir  entendu  les  premiers  accents  de  l'hymne 
Gloria  laus.  Telle  est  la  thèse  que  défend  M.  A.  Ledru  dans 
la  Province  du  Maine  (numéro  de  mars  1898)  avec  des  argu- 
ments dont  il  me  semble  difficile  d'atténuer  la  portée. 

A  lire,  dans  la  même  revue  (numéro  d'avril  1899),  un  nau- 
frage en  Sarthe,  en  1653,  par  M.  R.  Deschamps  la  Rivière. 
C'est  le  récit  d'une  catastrophe  dont  furent  victimes,  à  Briollay, 
quarante -deux  personnes  des  paroisses  de  Précigné  et  de 


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1 


^328  - 

MoranneSy  qui  se  rendaient  à  Angers  pour  assister  à  l'instal- 
lation du  maire  Michel  Gohin. 

La  direction  d'un  orchestre  est  un  art  important  et  difficile. 
C'est  cette  vérité  que  rappelle  M.  Anthony  Dubois,  dans  une 
brochure  *  quicontient,  à côtéde  considérations  philosophiques 
un  peu  risquées,  bon  nombre  de  conseils  excellents  et  très 
pratiques. 

A  signaler  encore  : 

Dans  le  Bulletin  du  Bibliophile  (numéro  du  15  avril),  une 
note  de  M.  Pélissier  sur  quelques  lettres  et  sur  des  vers  iné- 
dits  de  Françoise  de  Bochechouart,  abbesse  de  Fontevrault 
(1704-1742); 

Dans  la  Bévue  d* Archéologie  Poitevine  (avril  1899),  de 
M.  B.^  Palustre,  l'inventaire  de  Vargenterie  de  Féglise  abba- 
tiale de  Fontevrault  en  i79S^  et  quelques  lignes  sur  un  artiste 
angevin,  Guillaume  Dubois,  qualifié  de  peyrerius  et  magister 
eximeniliarum  —  en  français,  maçon  et  constructeur  de 
cheminées,  —  qui  travailla,.en  1448,  au  château  de  Perpignan  ; 

Dans  la  Bévue  Angevine  (numéro  du  IS  avril),  le  récit  d'une 
visite  au  château  de  Landifer,  par  M.  Péricle  ; 

Dans  les  Archives  médicales  d'Angers  (mars  et  avril  1899), 
une  notice  biographique  sur  le  docteur  Ouvrard^  par  M.  le 
D''  Leblois,  et  une  très  intéressante  étude  de  M.  Germain  sur 
le  tableau  de  M.  Dauban,  V Extrême-Onction^  qui  orne  un  des 
panneaux  de  la  chapelle  Sainte-Marie,  à  l'Hôtel-Dieu  ; 

Dans  la  Gazette  de  Chdteau-Gontier  (numéro  du  30  mars),  la 
question  de  la  dépopulation  à  Cbâteau-Gontier,  en  1682  et  de 
nos  jours,  par  M.  R.  Gadbin  ; 

Dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie^  commerciale 
de  Paris  (1899,  n^*  1  et  2),  un  article  de  M.  Ch.  Lemire  sur 
Cœuvre  de  la  Mission  Pavie  en  Indo-Chine, 

Ch.  U. 

*■  Brochure  in-8o  de  29  pages  ;  Angers,  Lachèse  et  G*®. 


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I 


CHRONIQUE  BIBLIOGRAPHIQUE 


Rimes  provinciales,  par  Xavier  di  la  Perraudjéhe  ;  nn  ?ûL  grand  iD-16. 
Angers,  Germain  et  G.  Grassin,  1399. 

Il  était  bien  <  provincial  »,  le  poète  de  La  Pléiade,  qui  cban- 
tait  ainsi  ses  prédilections  : 

Plus  me  plaist  le  séjour  qu*ont  basti  mes  ayeux 
Que  des  palais  romains  le  front  audacieux  ; 
Plus  que  le  marbre  dur  me  plaist  Tardoise  fine, 

Plus  mon  Loyre  gaulois  que  le  Tybre  latin, 
Plus  mon  petit  Lyre  que  le  mont  Palatin, 
£t  plus  que  l'air  marin  la  doulceur  angevine. 

Ces  beaux  vers  me  revinrent  tout  de  suite  en  mémoire, 
l'autre  jour,  après  qu'un  très  aimable  messager  m'eut  remis 
un  gracieux  volume,  à  la  fraîche  couverLure^  gentimenl  his- 
toriée par  les  artistes  de  la  maison  Germain  et  G<  ûrassln. 
11  a  pour  titre  Rimes  provinciales  el,  je  le  dis  sans  aucune  flat- 
terie pour  l'auteur,  M.  Xavier  de  la  Perraudière,  le  souvenir 
de  Joacbim  du  Bellay  me  hanta  tandis  que  je  lisais  en  pre- 
mière page  ce  Sonnet  angevin  : 

Il  ne  te  manque  rien^  mon  Anjou,  ma  patrie  : 
Tes  fertiles  sillons  portent  les  bons  froments, 
Et  le  vin  des  coteaux  mûrit,  cher  aux  gourmands^ 
Sous  ton  soleil  plus  beau  que  celui  d'fbèrie. 

Ton  peuple  est  fort  et  doux^  car  il  travaille  et  prie. 
Il  garde  au  fond  du  cœur  les  vieux  enseignements 
Et  les  chants  d'autrefois,  purs,  naïfs  et  charmants^ 
Qui  célèbrent  Noël  ou  le  mois  de  Maria. 


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1 


—  330  — 

Quand  je  m'endormirai,  mon  temps  étant  fini» 
On  descendra  mon  corps  froid  sous  ton  sol  bénî^ 
Revêtu  d'un  linceul  en  chanvre  de  vallée  ; 

Ma  bière  sera  faite  en  sapin  de  tes  bois 

Et.  sans  autre  ornement^  je  veux  pour  mausolée 

Dans  le  tulTeau  d'Anjou  qu'on  me  taille  une  croix. 

Ce  lisant,  et  rencontrant  chez  vos  deux  compatriotes  même 
amour  de  TAnjou,  imputess-voug,  ami  lecteur,  au  poète,  votre 
contemporain,  une  réminiscence»  une  imitation  du  poète  de 
la  Renaissance?  Assurément  non.  Vous  trouvez,  n'est-ce  pas, 
ces  vers  modernes  d'une  belle  venue  et  d'une  inspiration  tout 
à  fait  originale  et  sincère. 

Comment  en  serait-il  autrement?  Detix  sources  de  poésie 
ont  versé  leurs  ondes  harmonieuses  dans  Tâme  de  notre 
chantre  angevin.  Il  nous  livre  son  secret  : 

Tout  enfant,  j'ai  compris  la  plainte  des  flots  verts. 

Et,  quand  les  ouragans  éclataient  sur  ma  tête 

La  grande  voix  de  Dieu  grondant  dans  la  tempête. 

J'abandonnais  les  jeux  pour  m'absorber  devant 

L'insondable  désert  de  l'infini  mouvant, 

Et,  sans  raison,  mes  yeux  se  remplissaient  de  larmes. 

Je  n'avais  pas  douze  ans,  je  savourais  les  charmes 

Et  la  sublime  horreur  de  l'abîme  béant. 

Le  nain  applaudissait  le  spectacle  géant. 

0  brise  de  la  mer  qui  pénètres  les  moelles 

Tu  poussas  vers  l'azur  mon  âme  à  pleines  voiles, 

Et  je  pourrais  dater  de  ce  premier  émoi 

Un  hymne  inachevé  qui  toujours  vibre  en  moi. 

Quatre  ou  cinq  ans  plus  tard,  sur  les  bancs  du  collège. 
Où  railler  Aristote  était  un  sacrilège 
Digne  aux  yeux  des  pédants  de  tous  les  quos  ego, 
On  mit  entre  mes  mains  quelques  vers  de  Hugo. 

Et  le  disciple  continue  en  adressant  au  Maître  cette  apos- 
trophe : 

. . .  Ouvrant  le  cachot  à  la  porte  moisie^ 

Tu  mis  en  liberté  la  sainte  poésie. 

Et  j'ai  toujours  depuis,  sublime  moissonneur, 

Marché  dans  ton  sillon  comme  un  petit  glaneur. 

Tout  le  recueil  des  Rimes  provinciales  témoigne  de  la  sincé- 
rité de  cette  confidence.  Les  voix,  toutes  les  voix  pures  de  la 


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-  â3i  - 

nature  chantent  dans  Tâme  et  les  vers  du  poète  qui  <  hall 
Paris  d'une  haine  énergique  »  et  ne  rêve  que 

. . .  tableau  géorgique, 
Image  de  TEden  dont  il  est  amoureux  ; 
Calme,  repos,  fraîcheur,  parfum  de  violettes, 
.  Concerts  d'oiseaux  chanteurs  et  jolis  chemins  creux 
Où  Ton  ne  voit  jamais  passer  de  bicyclettes. 

Au  reste,  on  ne  saurait  mieux  que  de  M.  de  la  Perrau- 
dière  lui-même  apprendre  à  connaître  sa  Muse  : 

Ma  Muse  a  nom  Brise-des-Landes. 

Elle  est  simple  dans  ses  atours 

Et  fidèle  dans  ses  amours, 

Comme  au  bon  vieux  temps  des  légendes. 

U  est  tout  fier  de  ses  mœurs  bien  c  provinciales  »  : 

Ma  Muse  chante  à  pleine  voix. 

Sa  gloire  est  d'être  honnête  femme, 

C'est  l'humble  fleur  du  sol  gaulois. 

Jamais,  à  Paris»  que  je  sache,  Muse  n'a  chanté  sur  ce  Lon 
r Amour  : 

L'Amour  est  un  ange  du  ciel  ; 
Cupidon  n'est  qu'une  volaille. 

Bref,  en  ce  terrestre  séjour 
Où  le  mal  effronté  fourmille. 
Rien  n'est  aussi  bon  que  l'Amour 
Honnête  et  père  de  famille. 

«  Brise-des-Landes  >  ne  laisse  pas,  en  effet,  que  d'être  philo- 
sophe et  moraliste  à  ses  heures;  elle  s'élève  à  des  médita 
tions  très  graves  et  s'abandonne  à  des  mélancolies  touchantes  ; 
elle  folâtre  parfois,  quand  revivent  les  souvenirs  d'étudiant; 
mais  la  Chasse  aux  chats  elle-même  devient  l'occasion  d'une 
bonne  pitié  et  toujours  l'accent  demeure  vrai,  soit  quil 
trahisse  les  perverses  joies  ressenties, 

Lorsque^  sous  la  lueur  des  pâles  réverbères, 
Nous  traquions  les  félins  sortis  de  leurs  repaires  ; 

soit  qu'il  rende  l'émotion  et  confesse  le  remords  éprouve,  ri 
la  pensée  que  cette  chasse 


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—  338  -     ^ 

Idiote  et  sauvage^  où  nous  trouvions  des  charmes, 
Pouvait  réduire  toute  une  famille  aux  larmes, 
Causer  le  désespoir  des  pauvres  du  bon  Dieu  ! 

Ami  lecleur,  portez-vous  avec  complaisance  le  Joug  <  clas- 
sique >,  n'allez  pas  pourtant  vous  ejDfaroucher  trop  de  VHugo- 
latrie  de  notre  <  rural  »  :  elle  a  ses  réserves.  En  son  cœor, 
il  est  blessé  des  blasphèmes  du  Maître»  sur  lesquels  il  gémit, 
en  traçant  cet  heureux  contraste  : 

Lui  qui,  comme  un  aigle  se  joue, 
Quand  il  lui  plaît^  dans  Téther  pur, 
Ramasse  à  pleines  mains  la  boue 
Pour  en  éclabousser  Tazur. 

Et  maintenant,  si  vous  voulez  chercher  querelle  au  poète 
sur  son  rythme  ou  sa  prosodie,  donnez-vous  carrière.  Aussi 
bien  votre  critique  n'aura  rien  d'imprévu  pour  V  c  hugolâtre  >. 
Oyez  plutôt  et  laissez  là  l'espérance  de  convertir  un  roman- 
tique impénitent  : 

...  Il  est  dans  ma  petite  ville, 
Dans  ma  vieille  contrée,  il  est  des  braves  gens 
Parmi  les  plus  lettrés,  les  plus  intelligents, 
Mais  qui  disent  encor  :  c  Thalie  »  et  c  Melpoméne  ^, 
Prononçant  que  mes  vers  sont  d'un  énergumène. 
Qu'ils  offensent  souvent  la  <  césure  •,  que  j'ai 
Coupé  des  mots  en  deux  pour  la  rime,  forgé 
Des  termes  neufs  ou  pris  ceux  que  Chapsal  évince, 
Et  c'est  un  vrai  petit  scandale  de  province. 

Allons,  ne  crions  pas  :  <  Malheur  à  celui  par  qui  ce  scan- 
dale arrive!  >  Il  faut  lui  pardonner  beaucoup  parce  qu'il  aime 
beaucoup  la  nature  et  hait  fortement  les  «  Décadents  ».  Mais 
surtout  qu'on  se  garde  d'imiter  certaines  «  poupées  »,  pro- 
digues d'Eau  bénite  de  cour  envers  un  auteur,  alors  qu'elles 
n'ont  pas  seulement  coupé  les  pages  de  son  livre.  Ne  vous 
fiez  pas,  lecteurs,  à  un  critique  d'aventure  pour  juger  les 
Rimes  privinciales  ;  lisez-les  vous-même,  sous  peine  de  vous 
priver  d'un  grand  plaisir.  J.-H.  Dblahaye. 

Le  Directeur-Gérant  :    G.  GRASSIN. 


AnRen,  Imp.  Oermain  et  O.  Gnailii.  —  814-90. 


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r 


■y 
DEVANT  L'ENNEMI 

Souvenirs  d'un  Bataillon  de  Mobilisés 
de  Maine-et-Loire  ^ 

(zxiiie  et  fin) 


CHAPITRE  IV 
Le  Combat  de  Monnaie 

Lorsque  le  jour  parut,  le  mardi  20  décembre,  il  tombait 
une  petite  pluie  fine  ;  des  chasseurs  d'Afrique,  vers  sept 
heures,  apportèrent  l'avis  au  colonel  Cléret-Langavant  que 
les  troupes  allemandes  étaient  venues  de  Châteaurenault 
occuper  le  bourg  de  Monnaie  et  marchaient  sur  Tours. 
Ordre  fut  donné  aussitôt  au  lieutenant-colonel  Bonneville 
de  se  porter  sur  Monnaie  à  la  tête  de  la  3*  Légion  de 
Maine-et-Loire,  suivie  par  le  bataillon  de  la  Gironde,  la 
compagnie  du  14®  Régiment  d'infanterie  et  rartillerie. 

Lorsque  la  tête  de  la  colonne  fut  arrivée  sur  la  grand'- 
route  de  Tours  à  Monnaie,  à  la  hauteur  du  château  de 
Meslay,  elle  rencontra  d'autres  chasseurs  d'Afrique,  qui 
avaient  passé  la  nuit  en  reconnaissance  ;  ces  chasseurs 
annoncèrent  que  les  Prussiens  les  suivaient  de  très  près. 
Le  lieutenant-colonel  Bonneville  fit  aussitôt  faire  halte  à  sa 
légion  ;  puis,  comme  les  balles,  presque  immédiatement 
après,  sifflèrent,  quoique  à  grande  hauteur,  il  donna 
l'ordre  au  comandant  Moreau  de  déployer  en  tirailleurs 
deux  compagnies  du  2®  Bataillon  de  la  3?  Légion,  à  gauche 
et  à  droite  de  la  route,  pour  couronner  la  cime  de  la  côte 
au  point  124,  en  môme  temps  qu'il  dépêchait  quatre 
chasseurs   d'Afrique  au  colonel  Cléret-Langavant,    aux 

22 


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1 


—  su  - 

baraquements  de  Notre-Dame  d'Oé,  pour  le  prévenir  que  la 
3«  Légion  avait  pris  le  contact  avec  Tennemi. 

La  2*  Légion,  après  une  distribution'  de  vivres,  avait 
quitté,  à  neuf  heures,  le  camp  de  Notre-Dame  d'Oé,  ses 
fusils  chargés.  Le  service  de  Tintendance  étant  fait  assez 
irrégulièrement  depuis  la  veille,  certains  capitaines  avaient 
dû  s'ingénier  à  donner  à  manger  aux  hommes  de  leur 
compagnie  :  le  capitaine  Chaboisseau,  par  exemple,  envoyé 
en  reconnaissance,  avant  le  jour,  avec  une  partie  de  la 
4^  Compagnie  du  4*  Bataillon,  et  revenu  vers  sept  heures, 
avait  eu  du  mal  à  trouver  du  pain  à  distribuer  à  ses 
hommes,  dans  une  maison  en  avant  du  bourg  de  Notre- 
Dame  d'Oé.  Lui-môme,  trouvant  dans  une  pièce  déserte  de 
cette  maison  une  soupe  fumante  et  une  omelette,  s'était  mis 
en  demeure,  en  vertu  des  lois  de  la  guerre  et  de  la  nécessité, 
de  s'adjuger  copieusement  une  assiette  de  soupe,  lorsque 
apparurent  Inopinément  le  lieutenant-colonel  Tessié  de  la 
Motte,  le  commandant  de  Maillé  et  le«  autres  officiers 
supérieurs  de  la  2«  Légion,  pour  qui  ce  repas  modeste  était 
préparé  :  confus  d'abord,  le  capitaine  Chaboisseau  se  laissa 
facilement  persuader  par  ses  supérieurs  de  partager  letrr 
déjeuner. 

La  2«  Légion  marchait  depuis  une  heure,  lorsque  le 
le  bruit  de  la  canonade  et  bientôt  de  la  fusillade  lui  apprît 
que  la  3*  Légion  avait  pris  le  contact  avec  Tavant-garde 
prussienne.  Le  lieutenant-colonel  Bonneville,  en  effet,  avec 
une  décision  et  un  entrain  qui  ne  se  démentiront  pas  de  la 
journée,  en  même  temps  que  son  2*  Bataillon  prenait 
position  à  droite  de  la  grand'route,  parallèlement  à  la 
ligne  du  chemin  de  fer,  en  face  du  Boulay,  s*était  mis  à  la 
tête  de  ses  P'  et  3*  Bataillons,  commandants  Petit  et  Permet, 
pour  s'étendre  sur  la  gauche,  entre  la  route  et  le  chemin 
de  fer  ;  il  avait  forcé  l'ennemi  à  reculer  pendant  un  kilo- 
mètre, franchi  la  voie  ferrée  et  enlevé  au  pas  de  course 
le  hameau  de  la  Gaubretelle,  où  il  appuyait  sa  gauche. 


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-  338  - 

Pendant  que  le  colonel  Cléret-Langavant  conduisait 
résolument  Tavant-garde,  le  général  Pisani,  venu  direc- 
tement de  Tours,  prenait  le  commandement  des  troupes  et 
plaçait  son  artillerie  en  batterie  sur  la  grand'route.  Pendant 
une  heure,  la  3*  Légion  dut  soutenir  seule  le  feu  de 
l'ennemi,  qui,  massant  ses  troupes  à  l'abri  des  bois  des 
Belles-Ruries,  en  avait  occupé  le  château  et  le  parc.  Le 
bataillon  de  la  Gironde  vint  se  placer  à  droite  du 
2«  Bataillon  de  la  3*  Légion,  occupant  le  bois  de  la  Gau- 
cherie, en  face  de  la  Feuillée. 

C'est  alors  que  la  2*  Légion  parut  sur  le  champ  de 
bataille,  arrivant  au  pas  gymnastique  sur  la  grand'route, 
à  la  hauteur  de  la  ferme  de  la  Péranderie,  dans  laquelle 
était  installée  une  ambulance  française.  Ordre  lui  ayant  été 
donné  de  s'étendre  sur  la  gauche,  pour  empêcher  le  mou- 
vement tournant  par  lequel  Tennemi,  maître  du  château 
des.  Belles-Ruries,  cherchait  à  envelopper  les  nôtres,  le 
lieutenant-colonel  Tessié  de  la  Motte  fit  déployer  trois 
compagnies  du  1"  Bataillon,  commandant  Blavier,  et  le 
4^  Bataillon,  commandant  de  Maillé,  qui  s'avança,  protégé 
d'abord  par  un  petit  bois,  dans  des  champs  détrempés,  où 
les  hommes  entraient  jusqu'à  mi-jambe. 

Les  balles  commençaient  à  siffler  au-dessus  de  leurs 
têtes,  trop  haut  heureusement  pour  les  atteindre,  et  les 
obus  s'enfonçaient  dans  le  sol  détrempé,  sans  causer  de 
mal,  faisant  fougasse,  pour  me  servir  d'une  expression 
militaire.  Le  commandant  de  Maillé  fait  mettre  sacs  à 
terre,  entre  deux  bois,  puis,  prenant  la  tête  des  3*  et 
V  Compagnies  de  Vihiers  déployées  en  tirailleurs,  après 
avoir  placé  en  soutien  les  l'**  et  2«  Compagnies  de  Chemillé, 
il  marche  résolument  sur  la  ligne  du  chemin  de  fer,  qu'il 
fallait  traverser  à  un  endroit  très  périlleux,  à  l'extrémité  du 
village  de  la  Gaubretelle,  sous  un  feu  très  vif  des  Prussiens. 

Un  pareil  exemple  était  nécessaire  pour  enlever  de  si 
liouveaux  soldats.  Le  moment  était  solennel  pour  eux; 


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1 


—  336  — 

émus  d'abord  à  la  vue  du  danger,  ils  se  remettent  bien 
vite  et  vont  se  comporter  comme  de  vieilles  et  solides 
troupes  :  témoin  cet  offiôier  du  4®  Bataillon,  qui,  affolé 
d'abord  au  sifflement  des  balles,  qui  lui  passent  nom- 
breuses à  la  figure,  accourt,  éperdu,  à  son  commandant  : 
«  Mon  commandant,  nous  sommes  perdus  !  Je  ne  sais  plus 
ce  que  je  fais,  je  ne  puis  plus  y  tenir  !  »  —  «  Tranquillisez- 
vous,  mon  pauvre  ami,  lui  répond  paternellement  le  comte 
de  Maillé,  vous  n'êtes  pas  blessé,  ni  moi  non  plus  !  vous 
voyez  bien  que  ce  n'est  pas  aussi  dangereux  que  cela  en 
a  l'air  !  Je  vous  promets  que  ce  ne  sera  rien,  calmez- vous 
et  marchez  résolument!  »  Et  le  pauvre  garçon,  dont  on 
s'explique  facilement  la  première  émotion,  rassuré,  se 
battit  dès  lors  comme  un  brave. 

Bientôt  le  commandant  de  Maillé  s'étonne  du  nombre  de 
tirailleurs  déployés  dans  son  bataillon  :  —  «  Comment 
êtes-vous  là,  demande-t-il  à  un  Mobilisé  de  Chemillé? 
J'avais  laissé  votre  compagnie  en  soutien.  —  «  Ah  !  mon 
commandant,  réplique  le  Mobilisé,  quand  on  a  vu  les 
camarades  au  danger,  on  n'a  pas  ^voulu  les  y  laisser  tout 
seuls,  et  nous  sommes  venus  les  rejoindre.  »  Ce  n'était 
pas  sans  doute  là  le  résultat  d'une  discipline  sévère,  mais 
c'était  du  courage  vendéen  de  la  plus  pure  tradition. 

Un  instant,  sur  le  talus  du  chemin  de  fer,  le  com- 
mandant de  Maillé  parut  à  ses  hommes  exposé  au  plus 
grand  danger  :  ce  passage  découvert,  à  demi-hauteur,  était 
horriblement  exposé  au  tir  de  l'ennemi  ;  or  son  cheval, 
engagé  sur  la  voie,  refusait  de  franchir  le  treillage  en 
avant,  et  son  cavalier  ne  voulait  pas  reculer. 

La  voie  est  enfin  franchie;  le  4®  Bataillon  tourne,  par  la 
gauche,  le  village  de  la  Gaubretelle,  puis,  laissant  devant 
la  Vallée  la  l^  Compagnie  du  3^  Bataillon,  de  Cholet,  à  qui 
le  capitaine  Ricou  faisait  un  instant  reprendre  haleine,  il 
gravit,  par  les  vignes,  la  crête  du  plateau  et  prend  sa 
position  définitive  de  bataille  en  face  du  château   des 


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—  337  — 

Belles-Ruries,  sa  droite  appuyée  à  la  3*  Légion  dans  le 
village  de  la  Gaubretelle,  et  sa  gauche  à  la  ferme  des 
Petites-Ruries,  cette  dernière  bientôt  occupée,  ainsi  que 
les  maisons  de  Tardines,  par  le  3*  Bataillon  de  Gholet,  qui 
prolongea  son  mouvement  par  la  gauche.  Il  avait  été  bien 
difficile  de  faire  conserver  un  ordre  régulier  aux  bataillons 
et  aux  compagnies,  qui  se  trouvaient  à  ce  moment-là  assez 
mêlés.  Deux  compagnies  du  2*  Bataillon,  de  Montrevault, 
gardaient  le  chemin  de  la  Vallée  aux  Belles-Ruries,  tandis 
que  le  commandant  de  la  Frégeolière,  avec  ses  deux  autres 
compagnies,  était  allé  auprès  du  chemin  de  fer  combler  un 
intervalle  entre  les  bataillons  de  la  3®  Légion,  ces  derniers 
ayant  appuyé  à  droite,  pour  garder  la  grand'route.  Ce 
mouvement  avait  été  occasionné  par  un  ordre  du  général 
Pisani  de  renvoyer  sur  Tours  son  artillerie  complètement 
impuissante. 

De  son  côté  le  commandant  Blavier,  avec  trois  Com- 
pagnies du  l*'  Bataillon  de  la  2*  Légion,  avait  passé  la 
route,  pour  aller  remplacer  à  l'extrême  droite,  à  la  Gau- 
cherie, le  Bataillon  de  la  Gironde,  dont  la  retraite  précipitée 
laissait  Taile  droite  sans  défense. 

La  ligne  de  feu  s'étendait  à  ce  moment-là  sur  trois  kilo- 
mètres environ,  de  Tardines  à  la  Gaucherie.  Ce  qui  s'était 
produit  dans  le  4*  Bataillon  de  la  2®  Légion  s'était  fait 
partout  ailleurs,  toutes  les  compagnies  de  soutien  s'étaient 
déployées  d'elles-mêmes  en  tirailleurs,  sans  qu'il  restât 
en  soutien  aucune  troupe  autre  que  la  2®  Brigade  du  général 
Pisani,  sortie  de  Tours,  et  restée  à  deux  lieues  en  arrière, 
vers  le  point  de  la  route  appelé  la  Petite- Arche.  Mais  cela, 
personne  ne  le  savait  parmi  les  combattants,  ni  les  Français, 
ni  les  Prussiens  ;  et,  convaincus  qu'ils  avaient  affaire  à  des 
troupes  soutenues  et  beaucoup  plus  nombreuses  qu'elles  ne 
Tétaient  réellement,  les  Allemands  hésitaient  dans  leur 
mouvement  tournant,  pour  envelopper  nos  soldats.  Ils 
hésitaient  d'autant  plus  que  le  bataillon  de  Cholet,  bien 


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1 


^338  - 

posté  dans  les  fermes  de  Tardiues  et  des  Petites-Ruries» 
empêchait  par  un  feu  meurtrier  leur  aile  droite  de  sortir 
du  château  et  du  bois.  Les  soldats,  s'abritant  dan»  les 
greniers  des  maisons,  où  ils  avaient  pratiqué  des  meur- 
trières, derrière  des  tas  de  fagots,  les  haies  des  jardins  ou 
les  arbres,  découvraient  une  clairière  et  un  phemin  traversés 
par  les  Prussiens  en  grand  nombre  ;  puis  les  meilleurs 
tireurs,  se  faisant  charger  leurs  armes  par  leurs  camarades, 
prenaient  leur  temps  pour  bien  ajuster.  Un  obus  enleva 
une  partie  de  la  toiture  d'un  bâtiment  rempli  de  tirailleurs, 
sans  blesser  personne  du  reste,  mais  n'empêcha  pas  les 
Mobilisés  de  continuer  leur  tir,  devenu  tellement  meurtrier, 
que  les  Prussiens  sur  ce  point  durent  reculer  jusqu'au 
haut  de  la  côte,  emmenant  avec  eux  deux  pièces  de  canon 
braquées  sur  les  Petites-Ru  ries  et  laissant  dans  les  fossés  du 
chemin  un  nombre  considérable  d'hommes  tués  ou  blessés. 
A  droite  du  3'  Bataillon,  les  compagnies  du  4«  Bataillon 
faisaient  face  au  château  des  Belles-Ruries  et  au  bois  sur 
la  droite,  les  Compagnies  de  Vihiers,  3*  et  4%  se  rappro- 
chant plus  particulièrement  de  la  ferme  des  Petites-Ruries, 
les  Compagnies  de  Chemillé,!"^  et  2%  des  premières  maisons 
de  la  Gaubretelle.  Je  dis  plus  particulièrement,  car  les 
compagnies,  les  bataillons,  sur  quelques  points  même  les 
légions  étaient  extrêmement  mêlés.  Nos  Mobilisés  du 
4®  Bataillon  s'installent  alors  dans  la  dernière  maison  de 
gauche  de  la  Gaubretelle,  où  ilâ  pratiquent  des  ouvertures, 
pour  tirer  sur  Tennemi,  et  où  Tun  d'eux  eut  une  bouteille 
cassée  dans  la  main  au  moment  où  il  l'approchait  de  sa 
bouche.  D'autres  s'abritent  dans  le  chemin  creux,  qui 
conduit  de  la  Gaubretelle  aux  Belles-Ruries.  Les  com- 
pagnies de  gauche  sur  la  crête  du  plateau,  plus  à  découvert, 
n'ont  guère,  pour  s'abriter,  que  de  nombreux  pommiers 
plantés  au  milieu  des  vignes  ;  moins  heureux  que  ceux  de 
Cholet,  les  tirailleurs  du  4*  Bataillon  ne  peuvent  découvrir 
les  Prussiens,  très  bien  dissimulés  autour  du  château  et 


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—  339  — 

sur  la  lisière  du  bois.  Et  pourtant  ces  compagnies  faisaient 
très  bonne  contenance  en  face  d'un  ennemi  caché,  qui  les 
fusillait  à  une  distance  de  cent  cinquante  à  deux  cents 
mètres. 

Il  est  vrai  que  le  tir  des  Prussiens  était  assez  défectueux» 
en  raison  sans  doute  du  trop  grand  rapprochement,  les 
balles  passant  généralement  au-dessus  de  la  tête  des 
Mobilisés,  en  raison  aussi  du  soin  que  prenaient  leurs 
tirailleurs  de  se  mettre  à  Tabri  du  talus  d'un  profond  fossé, 
qui  bordait  le  bois,  sans  se  découvrir. 

On  avait  recommandé  aux  Mobilisés  de  ménager  leurs 
cartouches  et  de  ne  pas  égarer  leurs  balles  inutilement. 
En  cela  ils  furent  aidés  par  la  difficulté  de  la  manœuvre 
de  leurs  fusils  à  baguettes.  Avec  un  sang-froid  étonnant 
chez  d'aussi  jeunes  soldats,  ils  attendaient  les  Prussiens  à 
tirer  et  ripostaient  immédiatement,  en  visant  les  points  d'où 
s'échappait  la  fumée,  cela  froidement  et  avec  la  précision 
d'hommes  habitués  à  se  servir  de  fusils,  beaucoup  d'entre 
eux  étant  chasseurs  ou  braconniers.  Résultat  qui  pourra 
paraître  invraisemblable,  mais  qui  est  vrai  néanmoins,  le.s 
Français  à  découvert  faisaient  subir  aux  Prussiens  parfai- 
tement dissimulés  des  pertes  plus  sensibles  qu'ils  n^en  subis* 
saient  eux-mêmes. 

Le  courage  de  nos  soldats  était  soutenu,  il  faut  bien  le 
dire,  par  la  conduite  héroïque  de  leurs  chefs;  le  colonel, 
les  lieutenants-colonels  et  les  commandants  ne  cessaient 
de  galoper  au  front  de  leurs  troupes,  exposés  au  plus 
grand  danger,  les  excitant  par  des  paroles  d'encouragement, 
ou  même  par  ces  joyeuses  reparties  qui  plaisent  tant  au 
troupier  français,  et  qui  dans  les  moments  les  plus 
périlleux  remontent  les  courages,  en  soulignant  le  sang- 
froid  de  leurs  auteurs. 

C'est  dans  un  de  ces  moments  critiques  qu*au  milieu  de 
ce  petit  chemin  creux,  qui  remonte  de  la  Gaubretelle  aux 
Belles-Ruries,  le  lieutenant-colonel  Tessié  de  la  Motte  a  son 


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-  340  - 

cheval  tué  sous  lui  :  «  Ça  commence  à  chauffer,  colonel,  dit 
le  capitaine  Pineau,  de  la2'  Compagnie  du  4®  Bataillon,  au 
moment  où  le  lieutenant-colonel  se  relevait  sans  blessure. 
—  Bah  !  réplique  ce  dernier,  ce  n'est  rien  que  cela,  ça  ne 
tue  que  les  bêtes  !  » 

Le  lieutenant-colonel  Tessié  de  la  Motte,  ancien  capitaine 
au  2®  Chasseurs  à  cheval,  était  d'une  rare  bravoure,  avec 
.une  martiale  figure  de  soldat,  figure  couturée  de  blessures 
reçues  dans  la  Campagne  d'Italie. 

Quant  au  commandant.de  Maillé,  pendant  les  quatre 
heures  que  nos  troupes  tinrent  tête  aux  Prussiens,  sans 
reculer  d'un  pas,  il  ne  cessait  de  faire  Tadmiration  de  tous 
ceux  qui  le  voyaient.  Toujours  au  front  de  son  4«  Bataillon, 
pour  porter  des  paroles  d'encouragement  et  donner  du 
cœur  à  ses  hommes,  il  galopait  sans  cesse  entre  les  Petites- 
Ruries  et  la  Gaubretelle,  tantôt  sur  la  crête  du  plateau, 
à  gauche,  tantôt  à  droite,  sur  le  talus  du  chemin 
creux  de  la  Gaubretelle,  mais  toujours  exposé  au  feu 
des  Prussiens,  à  moins  de  deux  cents  mètres  ;  la  silhouette 
de  son  cheval  se  détachait  bien  nette  au-dessus  des 
buissons,  des  petits  plis  de  terrain  et  des  vignes  où 
s'abritaient  ses  hommes^  et  sa  belle  tête  déjà  blanche,  un 
peu  renversée  en  arrière,  avec  cet  air  de  crânerie  qui 
s'impose,  semblait  défier  l'ennemi.  Ses  soldats,  pleins 
d'admiration  pour  leur  commandant,  étaient  bien  près  de 
lui  attribuer  un  pouvoir  magique,  pour  échapper  aux 
balles  qui  sifflaient  autour  de  lui,  et  les  autres  chefs 
commençaient  à  s'inquiéter  du  danger  auquel  il  s'exposait. 

Déjà  sans  succès  le  lieutenant-colonel  Tessié  de  la  Motte 
lui  avait  recommandé  de  se  ménager.  «  Vous  voulez  donc 
vous  faire  tuer,  mon  commandant,  vint  lui  dire  à  son  tour 
le  capitaine  Hiron,  pour  rester  là  où  vous  êtes.  —  Pas  le 
moins  du  monde,  repartit  le  commandant  de  Maillé,  je 
vous  assure  que  je  n'en  ai  pas  la  moindre  envie!  Mais 
depuis  le  matin  j'assure  à  mes  hommes  que  les  balles  ne 


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font  pas  de  mal  ;  qu'est-ce  qu'ils  diraient,  sMls  me  voyaient 
maintenant  en  avoir  peur  ?  » 

Il  se  comporta  lui  aussi  comme  un  brave,  ce  capitaine 
Hiron,  qui,  capitaine- trésorier,  sans  avoir  de  troupes  par 
conséquent  à  conduire  au  feu,  voulut  néanmoins  prendre 
sa  part  du  danger  avec  les  camarades  et,  armé  d'un 
chassepot  qu'il  s'était  procuré  à  ses  frais,  fit  en  amateur  le 
coup  de  feu  comme  un  simple  troupier.  Nous  le  retrou- 
verons à  la  fin  de  la  bataille  parmi  les  blessés,  la  cuisse 
traversée  par  une  balle,  à  la  Petite-Arche. 

Le  capitaine-trésorier  de  la  3*  Légion,  M.  Gain,  l'émi- 
nent  avocat  d'Angers,  en  faisait  autant  de  son  côté  et  resta 
au  feu  toute  la  journée. 

Au  point  exactement  où  le  chemin  de  la  Gaubretelle 
rejoint  le  chemin  de  la  Vallée  aux  Belles-Ruries,  point  122 
de  la  carte  de  l'État-Major,  on  a  élevé  une  simple  croix  de 
bois,  pour  rappeler  le  souvenir  des  soldats  français  tombés 
sur  le  champ  de  bataille  de  Monnaie  :  c'est  à  cet  endroit- 
là,  disent  les  habitants  du  pays,  qu'il  a  été  relevé  le  plus 
de  cadavres.  Ce  point  était  exactement  pendant  la  bataille 
le  centre  du  4^  Bataillon.  C'est  tout  près  de  là  que,  dans 
le  bas  de  la  vigne  qui  s^étend  jusqu'au  carrefour,  a  été  tué 
raide  d'une  balle  en  pleine  poitrine  le  sergent  Besson  de  la 
4®  Compagnie  de  Vihiers  :  «  Je  crois  qu'il  est  temps  de  faire 
son  acte  de  contrition  »,  venait  de  dire  le  brave  sergent  à 
l'un  de  ses  camarades,  au  milieu  des  balles  qui  leur 
sifflaient  à  la  figure.  C'est  près  de  là  encore,  parmi  les 
hommes  du  4^  Bataillon  que  furent  frappés  à  mort  le  clai- 
ron Eugène  Bompas,  de  La  Tour-Landry,  Chemineau,  de 
Chemillé,  le  ventre  emporté  par  un  éclat  d'obus,  Pierre 
Turpault,  de  Vihiers,  originaire  de  Saint-Maurice  la  Fou- 
gereuse,  la  cuisse  brisée,  Chailloux,  de  Saint-Paul-du- 
Bois,  et  blessés  :  le  sous-lieutenant  Louis  Clémot,  de  la 
4®  Compagnie,  de  Vihiers,  Jean  Delaunay,  de  Saint-Lézin, 
René  Delaunay,  de  Sainte-Christine,  Louis  Guilbault,  de 


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—  342  - 

Saint-Hilaire-du-Bois,  Jean  Martineau,  de  Saint-Georges- 
du-Puy-de-la-Garde. 

C'est  également  dans  le  champ,  sur  l'extrémité  duquel 
est  plantée  la  croix  de  bois,  qu'un  jeune  homme  de  Som- 
loire,  Jean  Béliard,  posté  à  l'extrême  avant-garde,  est 
grièvement  blessé  d'une  balle  à  la  cuisse.  Le  sergent  Duc, 
de  la  4*  Compagnie,  de  Vihiers,  n'hésite  pas  à  aller  cher- 
cher et  à  rapporter  sur  son  dos,  au  milieu  d'une  grêle  de 
balles,  son  petit  soldat  blessé,  sous  les  yeux  du  comman- 
dant de  Maillé,  qui  put  obtenir  au  sergent  Duc  la  médaille 
militaire,  pour  récompense  de  son  courageux  dévoue- 
ment. 

Pendant  quatre  .heures  cette  petite  troupe  de  Mobili- 
sés, sans  être  soutenue,  tenait  en  échec  les  troupes  alle- 
mandes,  parvenant  à  empêcher  leur  mouvement  tournant; 
.  mais  toute  tentative  de  marche  en  avant  avait  été  toujours 
repoussée  par  des  feux  de  salves  meurtriers.  Un  moment 
pourtant  le  commandant  de  Maillé,  voulant  essayer  de 
marcher  sur  le  château  des  Belles-Ruries,  donne  l'ordre  au 
capitaine  Alfred  Pineau  de  porter  sa  Compagnie  en  avant. 
En  avant,  c'était  pour  cette  Compagnie  sortir  du  petit  che- 
min creux,  où  elle  s'abritait,  pour  marcher  à  découvert 
dans  le  grand  champ  de  la  Croix  de  bois.  Le  brave  capi- 
taine Pineau  n'hésite  pas  un  instant,  il  commande  en 
avant,  et,  le  premier,  saisissant  d'une  main  une  poignée 
de  genêt,  il  grimpe  sur  le  talus,  face  à  l'ennemi  et  reçoit 
aussitôt  une  balle  en  plein  front.  Sous  le  choc,  le  sang 
jaillissant  en  abondance,  il  retombe  en  arrière  dans  le 
chemin,  pendant  que  les  hommes  de  la  2''  Compagnie,  qui 
avaient  suivi  leur  capitaine  et  avaient  escaladé  le  talus, 
cherchaient,  mais  vainement,  à  se  maintenir  dans  le 
champ,  sous  une  grêle  de  balles. 

Le  sergent  Tessé,  de  La  Tour-Landry,  et  le  soldat 
Auguste  Courant  avaient  relevé  leur  capitaine  et  l'avaient 
emmené  en  arrière,  au  château  de  la  Vallée,  transformé  en 


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-  343  - 

ambulance,  d'où,  après  un  pansenoent  appliqué  par  une 
sœur  de  Charité,  le  capitaine  Pineau,  ne  voulant  pas  sur- 
tout tomber  aux  mains  des  Prussiens,  suivit  péniblement 
la  retraite,  soutenu  toujours  par  ses  deux  compagnons 
jusqu'à  la  grande  route  de  Tours.  Là,  recueilli  par  une 
voiture  dambulance  de  la  3*  Légion,  qui  emmenait  en 
inême  temps  que  lui  le  lieutenant  Clémot,  il  put  gagner 
Tours,  être  placé  dans  le  dernier  train  qui  quitta  cette 
ville  et  fut  ramené  par  Angers  aux  Gardes.  La  croix  de 
chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  le  6  avril  1871,  récom- 
pensa le  capitaine  Pineau  de  sa  belle  conduite. 

Peu  après  cet  épisode,  le  colonel  Cléret,  voyant  que, 
sans  artillerie  et  sans  réserve,  il  lui  était  impossible  de 
déloger  les  Prussiens  de  leurs  positions  et,  jugeant  par  la 
rapidité  croissante  des  feux  de  l'ennemi  que  de  nouvelles 
troupes  entraient  en  ligne,  demande  au  général  Pisani  de 
faire  sonner  la  retraite.  Déjà,  du  reste,  l'artillerie  alle- 
mande s'est  déployée  sur  le  chemin  de  TAngennerie  à 
Monnaie,  et  trois  bataillons  d'infanterie  soutenus  par  plu- 
sieurs escadrons  de  cavalerie  se  portent  en  avant  pa.r  le 
même  chemin,  débordant  l'aile  gauche  des  Français  et 
menaçant  de  tourner  leurs  positions  des  Petites-Ruries  et 
de  Tardines.  A  l'autre  extrémité  du  champ  de  bataille,  un 
mouvement  analogue  des  Prussiens  se  dessine  vers  la 
Gaucherie.  Ordre  est  donné  aux  chefs  de  Compagnies  de 
battre  en  retraite  et  de  se  rallier  sur  la  route  de  Tours. 

—  Cette  retraite  fut  et  devait  être  meurtrière;  s'il  est 
difficile  de  conduire  en  avant,  sous  le  feu  de  l'ennemi,  de 
jeunes  troupes,  il  est  encore  autrement  difficile  de  les 
maintenir  en  bon  ordre  dans  une  retraite,  sans  que  cette 
retraite  dégénère  en  débandade  :  même  les  plus  braves  ne 
peuvent  supporter  cette  fusillade  qui  vous  arrive  par 
derrière.  Puis  les  Prussiens,  cette  fois  démasqués,  avaient 
rectifié  leur  tir. 

Ce  fut  le  lieutenant-colonel  Tessié  de  la  Motte  qui  dut 


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donner  Tordre  au  capitaine  Ricou,  de  la  l"^  Compagnie  du 
3«  Bataillon,  d'évacuer  la  ferme  des  Petites-Ruries  et  de 
faire  retraiter  sa  Compagnie.  Nos  Choletais  n'avaient  pas 
pris  garde,  tout  occupés  qu'ils  étaient  à  tirer  sur  les  Belles- 
Ruries,  que  la  retraite  avait  été  déjà  sonnée  plusieurs  fois. 
Une  dernière  décharge  dut  tenir  en  respect,  au  moment 
du  départ,  un  peloton  de  uhlans  qui  cherchaient  à  tourner 
les  Petites-Ruries,  et  leur  tua  quelques  hommes.  Au 
moment  où  cette  Compagnie  traversait  en  retraite  les 
vignes  proches  de  la  ferme,  avec  une  partie  de  la  3*  Com- 
pagnie du  même  Bataillon,  le  capitaine  Âbel  Mocquereau, 
de  cette  dernière  Compagnie,  tomba  frappé  d'une  balle 
dans  la  hanche  ;  le  caporal  Bidouët,  de  la  l'*  Compagnie, 
s'approchait  de  lui,  lui  tendant  la  main,  lorsqu'il  reçut  à 
son  tour  dans  la  cuisse  une  balle  qui  le  coucha  à  côté  du 
Capitaine.  Le  capitaine  Ricou,  qui,  comme  beaucoup 
d'autres  officiers  dans  cette  retraite,  marchait  en  arrière 
de  sa  Compagnie,  pour  chercher  à  y  mettre  un  peu  d'ordre, 
n'avait  plus  assez  d'hommes  auprès  de  lui,  pour  emporter 
les  deux  blessés  dans  ce  terrain  horriblement  défoncé  :  il 
dut  les  laisser,  après  leur  avoir  dit  adieu,  et  continua  son 
chemin  au  milieu  d'une  pluie  de  balles.  Mocquereau  et 
Bidouët,  transportés  à  l'ambulance  des  Belles-Ruries, 
succombèrent  plus  tard  à  leurs  blessures;  le  capitaine 
Mocquereau  fut  cependant  ramené  à  Cholet  le  2  mars  ;  la 
balle  lui  avait  brisé  le  haut  de  la  cuisse  gauche  et  fait 
d'horribles  ravages.  Il  mourut  le  2  mai  1871,  après  avoir 
reçu  la  croix  de  la  Légion  d'honneur. 

Le  lieutenant  Chaumouillé,  du  3®  Bataillon,  se  distingua 
par  son  sang-froid  durant  cette  retraite  difficile. 

Un  rapport  officiel  nous  dit  que  la  retraite  fut  couverte 
par  le  4""  Bataillon  de  la  2^  Légion,  commandant  de  Maillé, 
et  par  le  3*  Bataillon  de  la  3®  Légion,  commandant  Fermé, 
bataillon  de  Segré,  qui  partirent  les  derniers  et  marchèrent 
à  l'extrême  arrière-garde.  La  position  devenait  de  plus  en 


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plus  difficile,  parce  que  les  Prussiens,  en  voyant  le  mouve- 
ment de  retraite  des  Français,  étaient  sortis  franchement 
de  leurs  positions  et  poursuivaient  très  vivement  nos  sol- 
dats, tant  avec  les  tirailleurs  de  leur  infanterie  qu'avec 
leur  cavalerie,  qui  débouchaient  par  tous  les  chemins. 
Leur  artillerie,  dont  les  obus  causaient  assez  peu  de  mal 
dans  les  terrains  détrempés,  rendait  sur  les  chemins,  et 
particulièrement  sur  la  route  de  Tours,  certains  passages 
impraticables.  Aussi  fallut-il,  jusqu'au  château  de  Meslay, 
retraiter  à  travers  champs. 

Profitant  des  moindres  obstacles,  les  Mobilisés  ralen- 
thrent  par  un  feu  bien  dirigé  la  poursuite  acharnée  de 
Fennemi,  au  risque,  bien  souvent,  d'être  tués  ou  fait  pri- 
sonniers. Une  tradition  locale  montre  encore  aujourd'hui, 
notamment,  auprès  du  village  de  la  Gaubretelle,  le  tronc 
d'un  vieil  ormeau  témoin  de  la  mort  héroïque  d'un  petit 
Mobilisé  de  Maine-et-Loire  dont  il  m'a  été  malheureuse- 
ment impossible  de  retrouver  le  nom.  La  retraite  le  surprit 
posté  en  tirailleur,  séparé  de  ses  camarades  et  protégé 
seulement  contre  les  balles  prussiennes  par  le  tronc  du 
vieil  ormeau.  Frappé  tout  d'abord  d'une  balle  à  la  jambe, 
il  continua  à  tirer,  toujours  à  l'abri  du  vieil  arbre  dont 
lecorce  volait  sous  les  balles,  jusqu'au  moment  où,  de 
nouveau  et  très  grièvement  blessé,  toute  retraite  lui  étant 
devenue  impossible,  il  voulut  du  moins  mourir  bravement 
face  à  l'ennemi  ;  quittant  alors  l'abri  qui  ne  pouvait  plus 
lé  défendre,  il  regarda  fixement  l'ennemi  qui  s'avançait 
vers  lui  et  tomba  presque  aussitôt  criblé  dé  balles. 

Plus  heureux  fut  le  soldat  Georges  Renault,  de  Tancoi- 
gné.  Surpris  dans  la  retraite  au  bas  d'une  vigne,  derrière 
la  Gaubretelle,  par  les  Prussiens  qui  débouchent  par  la 
crête  du  plateau,  à  cent  cinquante  mètres,  et  acculé  au 
grand  fossé,  couvert  d'épines  et  de  ronces,  qui  sert  de  cou- 
rant d'eau  au  fond  de  la  vallée,  il  se  considère  comme 
perdu  ;  mais,  décidé  à  un  dernier  effort  pour  échapper  aux 


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Prussiens  qui  s'avancent,  après  avoir  préalablement  jeté 
de  l'autre  côté  du  fossé  son  fusil  chargé  et  son  sac  à  car- 
touches, il  s'élance,  tombe  malencontreusement  dans  Teau 
jusqu'au  cou,  parvient,  en  se  raccrochant  aux  épines,  à 
grimper  sur  l'autre  bord,  puis,  reprenant  son  fusil  dont 
la  colère  lui  fait  envoyer  une  décharge  aux  Prussiens,  il  se 
sauve  à  toutes  jambes  rejoindre  sa  Compagnie  sain  et 
sauf,  mais  après  avoir  entendu  siffler  à  ses  oreilles  des 
balles  à  lui  destinées. 

Ce  petit  fait  se  passait  exactement  au  moment  et  auprès 
d'un  des  épisodes  les  plus  émouvants  de  la  journée  pour  le 
4*  Bataillon.  Les  capitaines  Brault  et  Chaboisseau,  des  3« 
et  4®  Compagnies,  de  Vihiers,  à  l'extrême  arrière-garde, 
cherchaient  à  régulariser  et  à  protéger  la  retraite  de  leurs 
Compagnies,  lorsque,  à  très  peu  de  distance  de  la  ligne  du 
chemin  de  fer,  le  long  d'un  petit  bois  et  du  chemin  de  la 
Vallée  aux  Belles-Ruries,  une  balle  atteignit  le  capitaine 
Brault  derrière  l'épaule  droite,  pénétrant  de  33  centimètres 
dans  la  partie  supérieure  de  la  poitrine.  Les  capitaines 
étaient  deux  anciens  soldats  du  môme  régiment  d'artille- 
rie ;  en  voyant  tomber  son  camarade,  Chaboisseau  courut  à 
lui  : 

—  Tout  est  perdu,  lui  cria  Brault,  il  n'y  a  plus  qu'à  se 
faire  tuer  ;  tu  ferais  aussi  bien  de  rester  avec  moi. 

—  Non,  répliqua  le  capitaine  Chaboisseau,  mon  devoir 
est  de  défendre  ma  Compagnie  jusqu'au  bout. 

—  Alors,  tiens,  lui  dit  Brault,  j'ai  sur  moi  le  prêt  de  ma 
Compagnie  touché  ce  matin,  je  suis  frappé  à  mort  et  les 
Prussiens  le  prendraient.  Emporte-le  et  tâche  de  le  sauver. 

Il  lui  remit  les  375  fr.  du  prêt,  pendant  que  Chaboisseau 
l'aidait  à  se  placer  le  moins  douloureusement  possible  sur 
le  revers  du  fossé  du  chemin.  Puis,  après  que  les  deux 
camarades,  s'embrassant  en  pleurant,  se  furent  dit  un 
dernier  adieu,  le  capitaine  Chaboisseau  rejoignit  prompte- 
ment  sa  Compagnie. 


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—  347  — 

Le  capitaine  Brault  fut  transporté  par  les  Prussiens  à 
l'ambulance  de  Bourdigal,  dans  le  bourg  de  Monnaie,  où 
il  mourut  peu  de  jours  après,  la  balle  n'ayant  pu  être 
extraite.  C'était  un  soldat  d'une  extrême  bravoure  et,  au 
début  de  la  retraite,  ses  hommes  voulant  l'entraîner  pour 
fuir  avec  eux,  s'étaient  attiré  cette  fîère  réponse  :  «  Partez, 
mes  amis,  il  en  est  temps  et  la  retraite  est  sonnée  ;  pour 
moi,  je  dois  rester  le  dernier  de  ma  Compagnie.  >  —  Son 
lieutenant,  Jérémie  Jeaneteau,  et  son  sous-lieutenant,  Blan- 
chard, tous  les  deux  de  Coron,  furent  faits  prisonniers,  et 
le  sergent-major  Pascal  Jouin,  de  Montilliers,  resta  seul 
pour  commander  la  3*  compagnie. 

Le  capitaine  Chaboisseau  lui-même,  à  quelques  centaines 
de  pas  plus  loin,  se  trouvant  tout  à  coup  enveloppé  par  un 
gros  de  Prussiens,  au  coin  du  petit  bois  qui  se  rapproche 
de  la  ferme  de  la  Pérauderie,  fut  pris,  avec  quelques  soldats, 
et  emmené  prisonnier  à  Stettin.  Personne  autre  que  lui  ne 
songeait  plus  au  prêt  de  la  3*  Compagnie,  lorsque,  au  retour 
de  la  captivité,  il  vint  remettre  à  Angers,  au  lieutenant- 
colonel  Tessié  de  la  Motte,  les  375  fr.  qu'il  avait  eu  la  déli- 
catesse de  conserver  intacts  et  qui  furent  distribués  inté- 
gralement aux  hommes  de  la  3®  Compagnie  par  les  soins 
du  sergent-major  Pascal  Jouin,  dev^iu  sous-lieutenant 
après  Monnaie. 

Un  certain  nombre  de  Mobilisés  furent  faits  prisonniers 
dans  ce  même  bois  de  la  Pérauderie,  et  parmi  eux  les 
soldats  Foulard  et  Fardeau,  de  Tancoigné.  C'est  que  les 
Compagnies  du  4*  Bataillon  formaient  l'extrême  arrière- 
garde  dans  la  retraite,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  et 
que  le  commandant  de  Maillé  obtenait  de  ses  soldats  des 
prodiges  de  valeur  pour  retarder  la  marche  des  Prussiens 
et  relever  ses  blessés.  A  un  moment  donné,  dans  un  de  ces 
petits  bois  qui  s'étendent  entre  la  ligne  du  chemin  de  fer 
et  la  route,  le  commandant,  resté  en  arrière,  lui  huitième, 
avec  le  sergent  Henri  Grangereau,  de  Saint-Hilaire-du- 


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-348  - 

Bois,  et  six  Mobilisés,  trouva  encore  moyen  de  faire 
déployer  ces  sept  hommes  en  tirailleurs.  Ils  ne  purent  y 
demeurer  que  bien  peu  d'instants,  mais  ce  peu  d'instants 
était  le  salut  pour  beaucoup  des  hommes  qui  retraitaient 
vers  la  route  de  Tours. 

C'est  sur  cette  route  de  Tours  que,  d'après  les  ordres 
donnés  pour  la  retraite,  les  Compagnies  devaient  conver- 
ger, suivant  au  retour  le  chemin  qu'elles  avaient  parcouru 
le  matin  à  l'aller.  Au  moment  où  le  commandant  Blavier, 
du  1"  Bataillon  de  la  2«  Légion,  et  le  commandant  Moreau, 
du  2*  Bataillon  de  la  3*,  qui  avaient  combattu  à  l'aile  droite, 
cherchaient  à  rallier  leurs  Compagnies,  en  face  du  château 
de  Meslay,  en  même  temps  que  les  derniers  soldats  de 
l'aile  gauche  gagnaient  la  route  au  même  point,  presque 
un  à  un,  et  quelques-uns  blessés,  Adolphe  Maillet,  de  la 
SalIe-de-Vihiers,  par  exemple,  un  doigt  emporté,  Bernier, 
de  La  Tourlandry,  le  bras  traversé  par  une  balle,  une 
colonne  de  cavalerie  prussienne,  débouchant  du  chemin 
qui  vient  de  TÊtre  des  Duchamps,  charge  ces  Compagnies. 
Avec  un  complet  oubli  de  lui-même,  le  commandant 
Blavier,  uniquement  occupé  du  salut  de  ses  soldats,  com- 
mande au  sergent  Gazeau,  de  la  Salle-de-Vihiers,  de  faire 
évacuer  la  route,  sur  le  milieu  de  laquelle  il  demeure  seuL 
Les  Mobilisés  s'écartent,  sautent  les  fossés  et  laissent 
passer  la  charge  ;  mais  les  cavaliers  trouvent  la  grande 
route  barrée  un  peu  en  arrière  par  le  commandant  de  la 
Frégeolière,  qui  les  attend  de  pied  ferme  avec  deux  Compa- 
gnies et  les  force  à  retourner  à  droite  et  à  reprendre  la 
route  de  Monnaie  sous  un  feu  meurtrier  qui  abat  une 
viugtaine  de  uhlans  et  de  chevaux. 

Nous  n'avions,  dans  cette  petite  charge,  perdu  aucun 
soldat,  mais  deux  commandants  y  furent  sérieusement 
blessés.  Enveloppé  par  les  cavaliers  prussiens,  le  com- 
mandant Blavier  reçut  au  bas  de  Toreille  un  coup  de 
lance,  dont  la  pointe,  en  pénétrant,  vint  aboutir  au  coin  de 


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-  349  - 

la  bouche.  Le  ublan.  qui  le  chargeait,  était  au  même 
moment  mortellement  atteint,  et  le  commandant  Blavier, 
saisissant  alors  instinctivement  la  lance,  empêcha  que  la 
joue  ne  fût  emportée  par  la  violence  du  coup.  En  portant 
la  main  à  sa  bouche,  le  commandant  s'aperçut  que  pas  une 
dent  ne  lui  manquait,  après  un  pareil  choc  :  «  Faut-il  que 
ce  Prussien  soit  maladroit,  dit-il  »  ses  hommes,  il  ne  m'a 
pas  cassé  une  dent  !  » 

Cette  glorieuse  blessure  valut  au  commandant  Blavier 
la  croix  d'officier  de  la  Légion  d'honneur.  Sorti  l'un  des 
premiers  de  l'école  polytechnique,  et  plus  tard  ingénieur  des 
Mines,  M.  Blavier  avait  été  nommé  à  vingt-et-un  ans  che- 
valier de  la  Légion  d'honneur,  pour  sa  belle  conduite  dans  la 
défense  de  l'ordre  à  Paris,  en  1848,  à  la  tête  d'un  bataillon 
de  jeunes  Mobiles.  Blessé  à  la  jambe,  dans  la  rue  Mouf- 
fetard,  par  une  balle  tirée  d'une  fenêtre,  sa  blessure  ne 
l'empêcha  pas  de  marcher,  le  lendemain,  à  l'attaque  du 
faubourg  Saint-Antoine.  Il  faut  avouer  qu'il  est  singu- 
lièrement glorieux,  mais  bien  rare  pour  un  civil,  de  devoir 
à  deux  blessures  reçues  sur  le  champ  de  bataille  deux 
promotions  dans  la  Légion  d'honneur.  M.  Blavier  mourut, 
en  1897,  sénateur  de  Maine-et-Loire. 

Du  côté  ouest  de  la  route,  à  Bellevue,  en  face  exactement 
du  chemin  de  l'Etre  des  Duchamps,  par  lequel  chargeaient 
les  cavaliers  prussiens,  s'élève  une  petite  maison,  entre  la 
route  et  le  chemin  qui  vient  de  la  Diablerie.  Le  jardin  de 
cette  maison,  occupée  en  1870  par  un  cantonnier,  s'étend 
devant,  dans  l'angle  formé  par  la  jonction  de  la  route  et  du 
chemin.  Le  chemin  débouchait  sur  la  route  entre  la  haie 
du  jardin  et  la  haie  d'un  champ  sur  sa  droite.  Le  com- 
mandant Moreau  se  tenait  à  cheval  auprès  de  cette  dernière 
haie,  lorsque  parurent  les  Prussiens  sur  la  route. 

Dans  la  maison  du  cantonnier,  un  Mobilisé  de  la  3^  Ck)m- 
pagnie  du  4*  Bataillon,  Louis  Gandon,  aujourd'hui  adjoint 
de  la  commune  de  Tancoigné,  mourant  de  soif,  buvait  un 

23 


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-  380  - 

Verre  de  vin  offert  par  le  cantonnier,  lorsqu'il  est  attiré  brus- 
quement au  dehors  par  les  hourras  des  cavaliers  prussiens. 
A  peine  parvenu  au  chemin,  il  aperçoit  un  uhlan  char- 
geant le  commandant  Moreau.  Le  danger  était  d'autant 
plus  grand  que  le  commandant  Moreau,  ancien  caporal 
d*infanterîe,  s'était  montré  plus  vaillant  soldat  qu'habile 
écuyer.  D*une  balle  bien  dirigée  à  vingt  pas,  Gandon,  qui 
est  un  excellent  tireur,  abat  le  uhlan  ;  mais,  pendant  qu'il 
recharge  son  fusil,  un  deuxième  uhlan  aborde  le  com- 
mandant Moreau,  renverse  son  Cheval  d'un  coup  de  lance 
dans  le  poitrail,  et  blesse  grièvement  derrière  la  tête,  d*un 
coup  de  la  hampe  de  sa  lance,  le  commandant  qui,  quoique 
engagé  sous  son  cheval,  put  d'un  coup  de  revolver  se 
débarrasser  de  son  adversaire.  Son  fusil  rechargé,  Gandon 
avait  pu  tuer,  presque  à  la  même  place,  un  autre  uhlan, 
avant  de  courir,  avec  quelques  camarades,  dégager  le 
commandant  Moreau  de  dessous  son  cheval  mort. 

Un  peu  plus  loin,  un  peloton  de  chasseurs  d'Afrique 
ramenait  vivement  vers  la  route  quelques  uhlans,  lorsque 
le  sergent  Charrier,  de  La  Tourlandry,  aujourd'hui  maire 
des  Gardes,  et  quelques  Mobilisés,  se  dissimulant  derrière 
les  haies  de  la  route,  abattirent  à  coups  de  fusil  les  uhlans 
jusqu'au  dernier  :  «  Bravo  !  les  Mobilisés,  leur  crièrent,  à 
cette  vue,  les  chasseurs  d'Afrique.  » 

Après  l'insuccès  de  ces  différentes  petites  charges,  on 
pouvait  espérer  que  la  retraite  s'effectuerait  sans  nouvel 
incident,  et  c'est  ce  que  croyaient  un  certain  nombre  de 
Mobilisés  des  deux  légions  absolument  mélangées  qui,  au 
nombre  de  quatre  cents  à  quatre  cent  cinquante  environ, 
ralliés  autour  des  lieutenants-colonels  Tessié  de  la  Motte 
et  Bonneville,  et  des  commandants  de  Maillé  et  de  la 
Frégeolière,  suivaient  la  grand'route  de  Tours,  le  fusil  sur 
le  dos,  causant  avec  la  tranquillité  et  presque  rinsouciance 
de  gens  qui  venaient  de  gagner  la  bataille.  Sur  un  chemin 
parallèle  à  la  grand'route  d'aUtres  soldats  battaient  eu 


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—  381  - 

retraite.  Les  Prussiens,  qui  les  suivaient,  s'arrêtèrent 
devant  la  deuxième  brigade  du  général  Pisatii,  rangée  en 
bataille,  avec  de  Tartillerie,  en  avant  de  Notre-Dame  d'Oé 
et  de  Champaigné.  lisse  contentèrent  de  placer  en  batterie, 
à  Touest  de  la  route  et  au  nord  de  la  Bourelerle,  de  Tartil- 
lerie  qui,  au  soleil  couchant,  envoya  quelques  obus  inof- 
fensifs. 

Tout  à  coup,  au  moment  où  sur  la  grand'route  la  colonne 
des  quatre  cent  cinquante  derniers  Mobilisés  s*engageait 
dans  une  sorte  de  tranchée  longue  de  deux  cents  m(Hres 
environ,  formée  par  les  talus  de  la  route,  talus  de  tiois 
mètres  de  hauteur,  en  face  du  hameau  de  la  Miletière,  le 
commandant  de  Maillé,  qui  marchait  à  Tarrière-garde  de 
cette  colonne ,  signala  un  gros  de  cavalerie  prussienne 
qui  s'avançait  par  la  route,  pour  rejoindre  la  colonne. 
C'était  un  escadron  du  2®  Régiment  de  uhlans  de  Pomé- 
ranie,  qui  chargeait  en  colonne  par  pelotons  en  pleine 
grand'route,  Tétat  du  sol  détrempé  Tempéchant  de  se 
déployer  dans  les  champs.  Le  commafldant  de  Maillé,  à  !a 
vue  du  danger  que  courait  la  petite  troupe  des  Mobilisrs 
dans  une  pareille  circonstance  et  du  désordre  périlleux  pii 
pouvait  en  résulter,  eut  une  seconde  d'anxiété  :  —  a  Vous 
n'allez  pas  avoir  peur,  au  moins,  les  gars?  »  demanda-t-il 
aux  soldats  qui  l'entouraient.  —  «  Non,  mon  coin- 
mandant,  tant  que  vous  serez  avec  nous,  nous  n'aurons  pas 
peur  !  »  fut  la  réponse  héroïque  que  lui  firent  ses  Mobilisés, 
parole  d*une  éloquence  sublime,  qui  dut  singulièrement 
récompenser  le  commandant  de  Maillé  du  sacrifice  qui! 
avait  si  crânement  fait  de  sa  vie  ce  jour-là,  en  lui  prouva lU 
à  quel  point  il  s*étail  emparé  de  l'âme  et  dû  cœur  de  ses 
Mobilisés. 

Il  en  profila  vivement  pour  mettre  un  peu  d'ordre  il  an  s 
ce  désordre.  Le lieulenant-cdonel  Bonneville,  gardant  tout 
son  sang-froid  dans  cette  passe  difficile,  commande  éner- 
giquement  aux  hommes  de  se  ranger  à  droite  et  à  gauche 


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—  352  — 

de  la  route  ;  puis,  faisant  grimper  son  cheval  sur  le  talus 
du  fossé,  il  recommande  instamment  aux  soldats  de  pré- 
parer leurs  fusils*  mais  de  ne  pas  tirer  avant  son  comman- 
dement. Tous  les  officiers  en  font  autant  et^  au  moment 
où  Tescadron  prussien  en  plein  galop  de  charge,  empêché 
par  rencaissement  de  la  route  de  se  développer  dans  les 
champs,  s'engage  dans  la  large  ouverture  de  cette  tranchée 
humaine,  frôlant  presque  le  lieutenant-colonel  Tessié  de  la 
Motte  et  les  commandants  de  Maillé  et  de  la  Frégeolière, 
héroïquement  restés  à  cheval  au  front  des  Mobilisés,  sur 
le  revers  du  talus,  au  signal  donné,  un  feu  de  file  froi- 
dement et  posément  dirigé  couche  sur  la  grand'route  l'esca- 
dron entier  des  uhians. 

Ce  fut  un  spectacle  inoubliable,  mais  tristement  impres- 
sionnant, même  pour  les  Mobilisés  qui  venaient,  par  leur 
discipline  et  le  sang-froid  de  leurs  chefs,  d'échapper  à  un 
si  grand  danger,  que  le  spectacle  de  ces  cavaliers  tombant 
à  la  file,  les  uns  sur  les  autres,  comme  des  châteaux  de 
cartes,  et  criblés  de  balles.  Un  lieutenant  qui,  chargeait  en 
tête  de  l'escadron,  traversant  avec  la  rapidité  de  l'éclair 
une  partie  de  la  colonne  des  Mobilisés,  vint  avec  son 
cheval  s'effondrer,  la  tête  et  les  mains  en  avant,  aux  pieds 
du  lieutenant-colonel  Bonneville,  de  telle  façon  que  son 
sabre  se  piqua  par  la  pointe  dans  le  bas-côté  de  la  route. 
Couvert  de  blessures,  la  tête  ensanglantée,  il  levait  instinc- 
tivement la  main  droite,  comme  pour  demander  grâce.  Le 
lieutenant-colonel  Bonneville  lui  sauva  la  vie,  en  empêchant 
un  soldat  exaspéré  de  lui  donner  un  coup  de  baïonnette, 
mais  il  fit  ramasser  son  sabre,  une  magnifique  arme 
d'honneur,  sur  laquelle  était  gravé,  en  tête  des  donateurs, 
le  nom  du  duc  Guillaume  de  Mecklembourg  et  dont  cet 
officier  risquait  follement  la  perte,  en  la  portant  dans  la 
bataille.  Le  lieutenant  de  uhians,  ramené  à  Tours  à  l'am- 
bulance du  Musée,  guérit  de  ses  blessures. 

Le  sergent  Grangereau,  de   Saint-Hilaire-du-Bois,   se 


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—  383- 

montra  lui  aussi  plein  d'humanité  envers  un  uhian  blessé 
à  répaule,  dont,  avec  quelques  camarades,  il  pansa  la 
blessure,  avant  de  l'emmener  prisonnier  à  Tours. 

Tout  compte  fait,  des  quatre-vingt-cinq  cavaliers  de  l'es- 
cadron de  ublans,  il  restait  intacts  trois  bommes  et  quelques 
blessés,  qui  furent  dirigés  sur  Tours,  avec  les  quatre  cbe- 
vaux  qui  purent  faire  la  route,  neuf  autres,  que  les  mobi- 
lisés voulaient  emmener,  étant  tombés  sur  la  route  morts 
de  leurs  blessures.  Et,  pour  donner  une  idée  de  Télat  des 
soldats  prussiens  après  cette  charge,  le  Mobilisé  Delaunay, 
du  bataillon  de  Cholet,  emportait  avec  lui  un  casque  troué 
de  huit  balles* 

Cela  fait,  beaucoup  de  mobilisés  s'étaient  précipités  sur 
les  uhlans,  pour  les  dépouiller  de  leurs  armes,  qu'ils 
voulaient  emporter  comme  trophées,  lorsque  le  lieu- 
tenant-colonel Bonneville  aperçut  briller  sur  la  route  de 
Monnaie  les  cuirasses  du  Régiment  de  la  Reine  N""  2, 
colonel  de  Pfuhl,  qui  chargeait  à  sept  ou  huit  cents 
mètres  derrière  les  uhlans.  Dans  un  pareil  moment,  c'était 
la  mort  presque  certaine  :  mais,  toujours  à  l'arrière-garde, 
le  commandant  de  Maillé  avait  vu  le  danger  et  pris  toutes 
précautions  pour  y  parer.  A  son  commandement  toujours 
obéi,  ses  gars  de  Vihiers  et  de  Ghemillé  s'étaient  rangés 
en  bataille  sur  le  bord  de  la  route,  du  côté  gauche,  et, 
leurs  fusils  rechargés,  attendaient  de  pied  ferme  les  cui- 
rassiers, qui  ne  vinrent  pas.  Cette  attitude  martiale,  la  vue 
de  TefTondrement  des  uhlans  et  sans  doute  aussi  l'artille- 
rie et  les  troupes  de  la  deuxième  brigade  en  bataille  devant 
Champaigné  leur  firent  faire  demi-tour. 

Malheureusement  ce  succès  avait  été  chèrement  acheté 
par  nos  braves  Angevins  :  un  certain  nombre  de  balles 
françaises,  au  travers  de  la  route,  étaient  allées  frapper 
des  Français,  et  douze  Mobilisés  de  Maine-et-Loire,  mor- 
tellement blessés  dans  cette  affaire,  reposent  aujourd'hui 
dans  le  cimetière  de  Saint-Symphorien,  près  Tours.  Ce  sont 


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-  354- 

le  lieuteo9Rt  Théophile  Grenouilleau,  de  Montrevault;  les 
soldats  Paul  Uqmbert,  Auguste  Morin,  Pierre  Boursier, 
Raymond  Cavigné,  Victor  Lagauze,  Léon  Bonnet,  Jules 
Depardieu,  Jean-Claude  Foulard,  Adolphe  Çodin,  morts 
sur  le  champ  de  bataille  ;  Silvajn  Grange  et  François 
Robert,  emportés  à  l'ambulance  à  Tours,  où  ils  sont  décé- 
dés. Le  procès-verbal  officiel  d'identité  constate  que  plu- 
sieurs de  ces  jeunes  gens,  }e  lieutenant  Grenouilleau 
notamment,  portaient  sur  eux  des  chapelets  et  des  sc^pu- 
laires. 

On  peut  ajouter  à  cette  liste  Andreau,  de  Saint-Paul-dy- 
Bois,  mort  de  ses  blessures  deux  mois  après.  Au  nombre 
des  blessés  se  trouvaient  entre  autres,  le  capitaine  Hiron, 
la  cuisse  traversée  par  une  balle,  et  Henri  Bertrand,  de 
Cossé. 

—  t.a  retraite,  dès  lors,  ne  fut  plus  inquiétée.  Lorsque, 
vers  cinq  heures  du  soir,  les  troupes  se  préseptèrent  ^\i 
pont  de  Tours,  pour  rentrer  dans' la  ville,  un  orfire  du 
général  Pjsani  les  fit  diriger  $ur  Langeais,  à  sept  lieues  de 
Tours,  où  elle^  n'arrivèrent  qu'à  onze  heures  du  sojr,  sous 
la  pluie,  brisées  p^r  J^  fatigue  et  par  la  faim,  car  beau- 
coup de  mobilisés  n'avaient  pas  mangé  de  pain  de  Ja  joyr- 
née. 

Le  lendemain,  la  2®  Légion  gagna  à  pied  la  Chapelle,  où 
elle  fut  embarquée  pour  Saumur. 


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-  355  - 


CHAPITRE  V 


Aprte  la  Bataille 


Les  Prqssiens  étaient  restée  maîtres  (}ii  champ  de  bataille 
de  Monnaie  et  ils  purent  dire,  dans  leurs  dépêches,  que  le 
général  de  Voigts  Rljetz  ayait  rejeté  eq  désordre  sur  Tours 
nos  troupes,  de  Mopnaie  par  Notre-Dame  d'Oé.  Le  général 
eq  chef  prqssien,  en  effet,  s'installa  au  château  du  Mortier, 
daqs  la  copamune  de  Chanceaux,  et  le  reste  de  son  état- 
iq^jor  demeura  aux  Belles-Ruries,  tandis  que  les  avant- 
postes,  fournis  par  la  38'  Brigade,  furent  établis  entre 
rApgenperie  et  Parçay.  Mais,  grâce  h  l'énergique  résis- 
tance de?  Mobilisés  de  Maine-et-Loire,  doqt  la  retraite  de 
nuit  en  bon  ordre  fut  le  résultat,  quoiqu'en  djse  la  dépécl^e 
prusgienqe,  r^y^int-ggrde  du  X*  Corps  prussien  ne  put 
reqiplir  la  mission  dont  elle  était  chargée,  de  couper  lai 
voie  ferrée  de  Tours  au  M^ins,  et  le  général  de  Voigts 
Rhetz  ne  pqt  arriver  à  connaître  ni  les  forces  des  troupes 
fr^qçajsps,  ni  l^  direction  qu'elles  avaient  prise.  Il  fit 
preuve  d'une  très  graqde  prudeqce  et  chercha,  le  lende- 
nqain,  à  se  procurer  des  renseignements  plus  exacts  avant 
de  prescrire  au  général  de  Woyna  de  se  porter  sur  Tours 
gvec  six  bataillons,  six  escadrons,  deux  J)atteries  d>rtil)e- 
rie,  d^ux  compagnies  de  pionniers,  et  avec  ordre  de  q'oc- 
cuper  la  ville  qq'^utant  qu'il  le  pourrait  saqs  engager  qne 
affaire  sérieuse. 

|L,es  troupes  n'entrèrent  point  à  Tours,  m^îs  Fartillerie, 
pour  venger  soi-disant  la  mort  d'un  uhlan  et  la  blessure 


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^ 


—  356  ^ 

du  major,  depuis  général  Von  Scherff,  assaillis  de  plusieurs 
coups  de  fusils  lorsqu'ils  voulurent  s'avancer  jusqu'à  la 
place  Choiseul,  envoya  sur  la  ville  une  trentaine  d'obus 
qui  tuèrent  six  personnes  et  en  blessèrent  quelques  autres. 

Ce  même  jour,  21  décembre,  le  préfet  de  Tours,  nommé 
Durel,  lorsqu'eut  été  signalée  Tapparition  de  l'ennemi, 
s'était  empressé  de  quitter  sa  préfecture  pour  se  rendre  à 
Chinon.  Il  est  vrai  qu'une  fois  rentré  à  Tours,  le  22  au 
soir,  après  le  départ  des  Prussiens,  il  eut  soin  de  donner, 
par  affiches,  à  ses  administrés,  une  assez  singulière  expli- 
cation de  sa  conduite  :  «  Les  Prussiens  apparaissant,  disait- 
il,  mon  devoir  m'imposait  l'obligation  de  quitter  le  chef- 
lieu  du  département  et  de  me  rendre  sur  un  autre  point, 
afin  que  la  suite  de  mon  administration  ne  fût  point  inter- 
rompue. Les  préfets,  sous-préfets  et  autres  agents  supé- 
rieurs du  pouvoir  central  doivent  garder  leur  pleine  liberté, 
afin  de  pouvoir  continuer  la  lutte. . .  Dans  le  cas  où,  pour- 
suivant sa  marche,  l'ennemi  eût  menacé  Chinon  de  près, 
je  n'eusse  pas  hésité  à  me  transporter  sur  un  autre  point, 
et  jusque  dans  le  dernier  canton  resté  libre,  pour  y  accom- 
plir librement  mon  devoir.  » 

Avec  une  autre  conception  de  leur  devoir  pendant  le 
bombardement,  le  maire  de  Tours,  M.  Gouin,  et  ses  deux 
adjoints,  MM.  Magaud-Viot  et  Noirmant,  n'hésitèrent  pas, 
pour  aller  demander  la  cessation  du  bombardement, 
accompagnés  par  le  sergent  de  ville  RouUeau,  qui  portait 
un  mouchoir  blanc  attaché  à  un  bâton,  à  s'avancer  en  par- 
lementaires au  haut  de  la  tranchée,  pendant  que  les  obus 
sifflaient  au-dessus  de  leurs  têtes. 

Pendant  la  nuit  suivante,  du  reste,  la  nuit  du  21  au 
22  décembre,  l'armée  prussienne,  cantonnée  aux  environs 
de  Tours,  avait  évacué  précipitamment  Notre-Dame  d'Oé, 
Monnaie  et  Châteaurenault,  pour  rentrer  dans  le  Blésois 
par  Reugny,  Montreuil,  Autrèche,  Dame-Marie  et  Her- 


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—  357  — 

bault,  abandonnant  ses  vivres,  ses  blessés  et  ses  morts, 
rappelée  qu'elle  était  pour  être  prête  à  toute  éventualité,  à 
la  suite  du  demi-succès  obtenu  par  les  troupes  françaises 
sous  Paris,  le  21,  à  Neuilly-sur-Mame,  au  Bourget,  à  Mon- 
tretout  et  à  Buzenval. 

En  résumé,  le  combat  soutenu  à  Monnaie  par  les  Mobi- 
lisés de  Maine-et-Loire  permit  au  rapport  officiel  de  TÉtat- 
Major  français  de  dire  qu'il  eut  pour  résultat  d'arrêter  le 
X*  Corps  prussien,  d'empêcher  l'opération  dont  il  était 
chargé,  et  d'occuper  la  ville  de  Tours,  ainsi  que  les  pas- 
sages de  la  Loire  et  les  nombreux  chemins  de  fer  qui  cou* 
vergent  sur  ce  point. 

Ce  rapport  est  très  élogieux  pour  les  Mobilisés  de  Maine- 
et-Loire,  dont  l'organisation  était  à  peine  achevée  et  dont 
il  loue  le  courage  et  la  bonne  contenance,  ainsi  que  la 
régularité  du  tir,  aussi  bien  à  l'attaque,  en  face  des 
Belles-Ruries,  que  dans  une  retraite  difficile  et  périlleuse. 

Les  Prussiens  ne  pouvaient  pas  croire  qu'ils  avaient  eu 
afiaire  seulement  à  quelques  milliers  de  Mobilisés  enrégi- 
mentés depuis  cinq  semaines,  et  la  conviction  qu'ils 
avaient  en  tête  de  nombreux  soldats,  appuyés  par  des 
troupes  de  soutien,  les  empêcha  longtemps  de  sortir  des 
positions  dans  lesquelles  ils  étaient  bien  abrités. 

C'est  ce  que  rapportèrent  l'aumônier,  l'abbé  Huchon,  et 
les  médecins  des  deux  légions,  qui  avaient  été  faits  prison- 
niers sur  le  champ  de  bataille  et,  malgré  leur  caractère, 
retenus  par  les  Prussiens,  pendant  deux  jours,  pour  soigner 
leurs  blessés.  Ces  messieurs  rejoignirent  les  légions  à 
Saumur. 

Pareil  renseignement  fut  également  recueilli  par  le 
capitaine  Chaboisseau,  de  la  2*  Légion,  lorsqu'il  fut 
emmené  prisonnier  :  «  Vous  aviez  donc  un  corps  d'armée 
engagé,  lui  demanda  à  brûle-pourpoint  un  capitaine 
prussien  à  qui  il  se  rendit,  pour  nous  tenir  aussi  long- 


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-  3S8  - 

temps?  -^  Nou§  étions  tout  juste  trois  ou  quatre  mille 
Mobilisés,  saps  artillerie,  répartit  Chaboisseau,  et  ^i  peu 
ejfpérimeatés  que  dans  vfion  bataillon  nous  n'étions  pas 
plus  de  deux  ou  trois  à  avoir  été  soldats  !  '—  Ce  n'est  pas 
possible.  —  C'est  pourtant  absolument  vrai  !  —  Eh  bien  ! 
si  nous  Toussions  cru,  il  y  a  longtemps  que  vous  eussiez 
tous  été  faits  prisonniers.  » 

Nos  pertes  furent  évaluées  par  TÉtat-Major  allemand  à 
trois  ou  quatre  centg  homnoesi  plus  une  centaine  de 
prisonniers  non  blessés,  tandis  que  le  rapport  officiel  de 
pe  piôrpe  État-»Major  n'avoue  de  son  PQté  que  cent  hommes 
environ  hors  de  combat.  Cette  appréciation  est  purement 
fantaisiste,  sauf  pour  le  nombre  des  prisonniers. 

L,es  Français  eurent  exactement  soixante  et  onze  morts, 
dont  soixante-cinq  Mobilisés  de  Maine-et-l,oire,  quatre 
mobiles  de  Seine-et-Marne,  un  mobile  de  la  Gironde  et  un 
sergent  du  4*  zouaves*  Au  nombre  de  ces  morts  il  f^nt 
compter  quatre  officiers,  le^  capitaines  Prault  et  Mocquereau, 
le  lieutenant  GrepQÛilleau,  ces  trois  officiers  de  la  ^  Légion, 
et  le  lieutenapt  Génon,  de  la  S""  Légion. 

Parmi  )es  nombreux  blessés,  dont  quelques-uns  sont 
morts  plus  tard  des  suites  de  leurs  blessure^,  on  comptait 
quinze  officiers,  dont  neuf  dans  la  2^  Légiop,  et  parmi  eux 
le  commandant  Blavier,  les  capitaines  Pineau,  Hiron, 
Audoin,  de  Beaurepos,  de  la  4*  Compagnie  du  1*^' Bataillon, 
le  lieutenant  Clémot,  et  six  dans  la  3^  Légion,  le  comman- 
dant Moreau,  les  capitaines  Duboule,  de  la  l'*  Compagnie 
du  l*""  Bataillon,  et  François,  le  lieutenant  Paul  Albert,  le^ 
sous-lieutenants  Bodin  et  Fouassier.  Le  commandant 
Mugnier,  chef  d'État-Major,  fut  lui  aussi  très  grièvement 
blessé. 

Au  nombre  4es  prisonniers  sie  trouvaient  le  capitaine 
Qbaboisseau,  le  lieutenant  Jeaneteau,  les  sous-lieutenants 
Blanchard  et  Viau,  de  |a  2*  Légion»  ainsi  que  deux  soldats 
du  114*  de  Ligne.  Au  total  on  peut  compter  que  le  combat 


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—  389  -^ 

de  Monnaie  nous  coûta  vingt-quatre  officiers  et  environ  deux 
cents  sous-officiers  ou  soldats  hors  de  combat. 

Il  nous  est  beaucoup  plus  difficile  de  fixer  le  chiffre  des 
pertes  des  Prussiens.  Le  colonel  Cléret-Langav^nt,  nommé 
général  à  la  suite  du  combat  de  Monnaie,  évalue»  dans  un 
rapport,  ces  pertes  à  cinq  cents  hommes  hors  de  combat, 
dont  quatre  ou  cinq  officiers  supérieurs.  C'est  peut-être 
exagéré;  mais  on  peut  dire  hardiment,  sans  crainte  de  se 
tromper,  qu'elles  dépassèrent  celles  des  Français.  Ceci 
résulte  péremptoirement  du  rapport  des  médecins  français, 
et  potamment  du  docteur  Lemardelay,  retequ  deux  jours 
par  les  Prussiens,  pour  soigner  les  blessés  indistinctement  ; 
ceci  résulte  ausgi  de  ce  fgit  que  les  Prussiens  emmepèrent 
de  Tambulance  deg  Belles-Puries  trente-trois  voitures 
pleipes  de  leurs  blessés,  voitures  dont  vingt  avaient  été 
réquisitionnées  à  Châleaurenault. 

Le  docteur  Lemardelay  a  pu  également  constater  la 
mort  de  deux  colonels  et  dire  qu'un  troisième  colonel, 
qu'il  avait  été  appelé  à  soigner,  n'avait  guère  chance  de 
survivre  à  ses  blessures.  Il  paraît  certain  aussi  qu'un 
officier  supérieur,  que  Ton  dit  être  le  général  Wedel,  blessé 
grièvement  ^  Meslay,  a  été  transporté  dans  upe  n^^igon  de 
campagqe  voisine  de  Ql^âteaurenault. 

Cent  quinze  chevaux  epfin,  dont  deux  seulement  français, 
furent  enfouis  par  les  habitants  du  pays. 

Ce  fut  du  reste  un  triste  et  doulourepx  spectacle  que 
celui  du  champ  de  bataille  de  Monnaie,  pour  les  nombreux 
curieux  qui  le  visitèrentdanslajournéedu  jeudi  22dépembre, 
aussitôt  après  que  se  fut  répandu  le  bruit  de  la  retraite  des 
Prpssiens.  Bei^ucoup  d'habitants  de  Tourg  se  rendirent 
entre  lat  Petite-Arche  et  Qhizay,  sur  le  terraip  où  avsiient  eu 
lieu  la  dernière  et  émouvante  charge  que  poqs  avons 
racontée  et  la  destruction  d'un  escadron  dq  2®  régimpnt 
de  uhlans  de  Poméranie.  Lps  chevaux  de  cet  escadron 
étaient  étendus  sur  la  route,  dans  les  fossés  et  jusque  sqr 


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-  360  - 

le  bord  des  champs  voisins,  partout  où  la  douleur  de  leurs 
blessures  les  avait  emportés. 

Près  d'eux  gisaient  les  cadavres  de  leurs  cavaliers,  Tex- 
pression  de  leurs  visages  encore  crispée  et  comme 
menaçante,  criblés  de  balles.  Çà  et  là  le  sol  était  taché  de 
larges  plaques  de  sang.  Puis,  spectacle  plus  émouvant  encore 
pour  les  cœurs  français,  au  milieu  des  cadavres  prussiens, 
se  voyaient  aussi  les  corps  des  dix  pauvres  petits  Mobilisés 
de  Maine-et-Loire,  atteints  mortellement  par  des  balles  fran- 
çaises dans  cette  sanglante  affaire,  et  qui  avaient  payé  de  leur 
vie  le  salut  de  leurs  camarades.  L'un  d'eux  s'était  traîné, 
pour  aller  mourir,  jusque  dans  un  hangar  où  il  fut  retrouvé, 
derrière  la  petite  maison  bâtie  dans  le  talus  même  de  la 
route,  cette  petite  maison  criblée  de  balles  et  où  se  distingue 
aujourd'hui  encore  la  trace  des  obus  reçus  à  la  fin  de  la 
bataille. 

Tous  ces  morts  avaient  été  dépouillés  de  leurs  chaussures^ 
de  leurs  coiffures  et  de  leur  argent,  soit  par  les  Prussiens, 
soit  par  des  maraudeurs. 

Le  spectacle  était  à  peu  près  le  même  auprès  de  Meslay 
et  autour  de  la  Gaubretelle,  aux  environs  des  Petites  et 
des  Belles-Ru  ries.  Beaucoup  de  maisons,  la  ferme  de 
Bellevue  notamment,  étaient  horriblement  saccagées,  leurs 
portes  et  leurs  meubles  défoncés,  les  appartements  remplis 
de  paille  pour  la  couchée,  avec  des  restes  de  feux  allumés 
dans  les  cours  et  le  long  des  murs,  et  jusqu'à  des  reliefs 
de  grossiers  festins  qui  indiquaient  le  passage  d'un  ennemi 
dévastateur. 

Les  habitants  du  pays  enterrèrent  provisoirement  tous 
les  morts,  là  où  ils  avaient  été  trouvés,  indiquant  le  plus 
souvent  l'emplacement  de  la  sépulture  des  soldats  français 
par  une  baïonnette  piquée  en  terre  et  à  laquelle  était  attaché 
le  képi  du  cadavre. 

Lorsque  la  2®  Légion  de  Maine-et-Loire  revint  occuper 
Monnaie  à  la  fin  de  décembre,  les  choses  étaient  encore  en 


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r 


-  361  - 

cet  état.  Plus  tard,  les  morts  prussiens  furent  relevés  et 
emportés  par  leurs  compatriotes.  Les  corps  des  Français 
furent  placés  dans  le  cimetière  de  Monnaie. 

Un  curieux  document  aussi  fut  trouvé  sur  le  champ  de 
bataille,  document  perdu,  sans  doute,  par  quelque  officier 
de  rÉtat-Major  du  général  de  Woigts-Rhetz.  C'était  un 
paquet  assez  volumineux  de  proclamations  imprimées,  ou, 
pour  employer  les  termes  mêmes  de  ce  document,  un 
forum  militaire  extraordinaire^  publié  au  quartier- 
général  à  Orléans,  le  8  décembre,  dont  les  prescriptions 
étaient  déclarées  appliquâmes  dans  quatorze  départements, 
notamment  dans  ceux  du  Cher,  de  Tlndre,  d'Indre-et-Loire, 
de  la  Vienne,  des  Deux-Sèvres  et  du  Maine-et-Loire.  Tout 
fait  supposer  qu'il  était  destiné  à  être  affiché  sur  les  murs 
de  Tours,  après  l'entrée,  qui  n'eut  pas  lieu,  des  Prussiens 
dans  cette  ville.  C'était  de  leur  part  escompter  assez  auda- 
cieusement  l'avenir,  que  d'édicter  des  prescriptions  pour 
des  pays  non  encore  occupés  par  eux.  Il  est  à  croire  que 
leur  but  était  principalement  d'intimider  les  populations. 

Cette  proclamation  pouvait  donner  un  avant-goût  des 
douceurs  réservées  aux  pays  soumis  au  régime  prussien. 
Le  général  commandant  menaçait  de  mort  toutes  les  per- 
sonnes étrangères  à  l'armée,  qui  serviraient  d'espions  ou 
de  guides  aux  troupes  françaises,  et  toutes  celles  qui 
détruiraient  des  ponts  ou  des  canaux,  ou  qui  couperaient 
les  communications  des  chemins  de  fer,  des  routes,  des 
télégraphes,  etc.,  etc.  Au  total,  il  y  avait  cinq  cas  de  mort 
dûment  spécifiés,  avec  toutes  les  circonstances  également 
punissables  de  la  même  peine,  qui  s  y  rattachaient. 

—  Un  certain  nombre  de  décorations  vinrent  récompenser 
nos  Mobilisés  de  quelques-uns  de  leurs  beaux  actes  de  cou- 
rage. J'ai  déjà  parlé  des  croix  données  au  commandant 
Blavier  et  au  capitaine  Pineau,  ainsi  que  de  la  médaille 
militaire  décernée  au  sergent  Duc.  Le  lieutenant-colonel 
Bonneville  reçut  lui  aussi  la  croix  de  chevalier  de  la  Légion 


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Goosle 


—  362  - 

d'honneur,  qu'il  avait  si  bien  gagnée,  ainsi  que  le  capitaine 
Proust,  officier  d'ordonnance  du  général  Gléret-Langavant, 
et  qui,  au  milieu  du  combat,  fut  roulé  avec  son  cheval  par 
un  obus,  sans  grand  mal  heureusement. 

J'ai  été  assez  heureux  pour  retrouver  aux  archives  de  la 
préfecture  de  Maine-et-Loire  les  propositions  motivées 
pour  un  certain  nombre  de  décorations,  propositions  qui 
reçurent  une  solution  favorable  par  un  décret  du  5  février 
1871.  Je  ne  puis  résister  au  désir  de  reproduire  cette  pièce, 
telle  qu*elle  est,  danô  sa  courte  et  admirable  simplicité  : 

Pour  la  croix  de  Chevalier  de  la  Légion  d'honneur  : 
Duboule,  capitaine,  3*  Légion  (blessé)  ;  De  la  Frégeolière, 
chef  de  bataillon,  2«  Légion  (62  ans)  ;  Mocquereau,  capi- 
taine, 2*  Légion  (blesâé);  De  Maillé,  chef  de  bataillon, 
2*  Légion  (conduite  héroïque). 

Pour  la  médaille  militaire  ;  Marchand,  fusilier,  3*  Légion 
(blessé);  Boissinot,  caporal,  2®  Légion  (blessé);  Viau, 
soldat,  2*  Légion  (a  fait  l'admiration  générale)  ;  Chenay, 
caporal,  2""  Légion  )a  sauvé  son  lieutenant  blessé). 

{Combat  de  Monnaie.) 

Les  corps  des  soldats  français  morts  sur  le  champ  de 
bataille  de  Monnaie  et  enterrés  provisoirement  là  où  ils 
avaient  été  trouvés  furent  relevés  avec  soin  et  transportés 
au  cimetière  de  Monnaie,  ainsi  que  les  soldats  morts  dans 
les  ambulances  voisines,  pour  être  placés  dans  une  con- 
cession à  perpétuité  donnée  par  la  commune. 

En  1872,  M«'  Freppel,  évêque  d'Angers,  vint  à  Monnaie 
présider  la  cérémonie  de  bénédiction  et  d'inauguration 
d'un  monument  élevé  sur  leur  tombe.  C'est  une  pyramide, 
surmontée  d'une  croix,  et  qui  porte  gravé,  sur  la  face  sud, 
une  palme  de  lauriers;  sur  la  face  est  :  Société  française 
de  secours  aux  blessés^  comité  de  Monnaie  ;  sur  la  face 
oueât  :  Honneur  aiuv  Mobilisés  de  Maine-et-Loire  et  de 


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-  363  - 

Seine-et-Marne  y  et  enfin  sur  la  face  nord,  les  noms  des 
morts. 
Voici  la  reproduction  exacte  de  cette  liste  : 

MAINE-ET-LOIRE 

Brault,  capitaine;  Lefort,  sergent; 

Mocquereau,  capitaine;  Oranger, 

Gennon,  lieutenant;  Moriceau, 

Besson,  sergent;  Bompas^ 

Denchère,  sergent;  Bidouët. 

Amiot  —  Ayrault  —  Baron  —  Baurery  —  Bazin  —  Beau- 
jon  -^  Beautnotil  —  Bernard  —  Birôn  —  Blouîn  —  Bodi- 
nier  —  Boursier  —  Buffard  —  Chailloux  —  Chamaille  — 
Chemineau  —  Cottencèau  --  Courant — Daburon  —  Delaître 
—  Delauùay  —  Desriez  -  Drouet  — Quibrây  —  Jeannot  — 
Just  —  Lanvue  —  Maindron  —  Marchand  —  Mariette  *— 
Morisseau  —  Noyer — Piroû — Pasquier,  Pierre —  Pasquier, 
François  —  Plot  —  Reûou  —  Simonneau  —  Turpaull  — 
Tessier  —  Theulier  —  Valter. 

SEINE-ET-MARNE 

Gaslon  —  Baldère  —  Ëeaumont  —  Lubin. 
Bridhon,  sergent  au  4®  zouaves. 

J'ai  donné,  plus  haut,  leânôms  du  lieutenant  Grenouilleau 
et  des  onze  Mobilisés  qui  avaient  trouvé  la  mort  à  la  Petite- 
Arche,  sur  le  territoire  de  la  commune  dé  Sâlnt-Sym- 
phorien. 

L'administration  de  cette  commune  fit  relever  leurs  corps 
sur  le  champ  de  bataille  et,  après  les  avoir  déposés  dans 
des  cercueils,  leur  fit  donner  dans  son  Cimetière  une  sépul- 
ture religieuse.  Un  monument  a  été  élevé  sur  leur  tombe. 


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364  — 


CHAPITRE  VI 


La  Campagne  dn  Bangeois 


Lorsque  la  2®  Légion  des  Mobilisés  fut  de  retour  à  Sau- 
mur  le  22  décembre,  le  Lieutenant-Colonel  et  les  Comman- 
dants eurent  fort  à  faire  pour  réorganiser  les  Compagnies. 
Cent  cinquante  hommes  environ  hors  de  combat  ou  pri- 
sonniers manquaient  à  l'appel  dans  la  T  Légion,  et  parmi 
eux  seize  officiers.  Les  cadres  du  4*  Bataillon  étaient  com- 
plètement désorganisés.  Dans  la  1"*  Compagnie,  le  sous- 
lieutenant  Viau,  prisonnier,  fut  remplacé  par  M.  Chalet, 
précédemment  sergent-major.  Dans  la  2«  Compagnie  le 
capitaine  Alfred  Pineau,  obligé  de  soigner  sa  blessure,  dut 
céder  le  commandement  de  sa  Compagnie  à  son  sous- 
lieutenant  Germain  Cagneux. 

La  désorganisation  était  encore  plus  complète  dans  la 
3*  Compagnie,  qui  avait  perdu  tous  ses  officiers.  Le  capi- 
taine Hippolyte  Dixneuf,  de  Chemillé,  précédemment  capi- 
taine en  deuxième,  puis  ensuite  en  premier,  de  la  1"^®  Com- 
pagnie, fut  nommé  au  commandement  de  la  3*  Compa- 
gnie ;  Jules-Pierre  Saulou,  de  la  Salle-de-Vihiers,  précé- 
demment lieutenant  de  la  T  Compagnie,  du  2*  ban,  passa 
avec  son  grade  à  la  3«  ;  Pascal  Jouin,  sergent-major,  fut 
nommé  sous-lieutenant  dans  la  même  Compagnie. 

D^ns  la  V  Compagnie  enfin,  Auguste  Derouineau, 
d'abord  capitaine  en  deuxième  de  cette  Compagnie,  puis 


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-366  — 

envoyé  à  Montsoreau,  avec  les  Mobilisés  du  2*  ban,  comme 
capitaine  de  la  8*  Compagnie,  vint  prendre  la  place  du 
capitaine  Chaboisseau,  prisonnier. 

D'autre  part,  à  partir  de  ce  moment,  les  quatre  Compa- 
gnies du  second  ban,  portant  les  n~  5,  6,  7  et  8,  du 
4*  Bataillon,  furent  commandées,  la  5*  par  le  capitaine 
Gavard,  avec  le  lieutenant  Besnard  et  le  sous-lieutenant 
Banchereau,  tous  les  trois  de  Chemillé  ;  la  6*  par  le  capi- 
taine Edouard  Pineau,  des  Gardes,  avec  le  lieutenant  Jean 
Cottenceau,  de  Melay,  et  le  sous-lieutenant  Henri  Jacquet, 
de  Cessé;  la  7""  par  le  capitaine  André  Lemoine,  de  Nueil, 
précédemment  lieutenant  à  la  8*»,  et  qui  conserva  pour 
sous-lieutenant  Léon  Cagneux,  d'Aubigné,  et  pour  ser- 
gent-major Charbonnier,  de  Cléré  ;  la  8*  enfin  par  le  capi- 
taine Jean  Terrien,  de  Tigné,  précédemment  capitaine  de 
la  8*  Compagnie. 

Des  quatre  chefs  de  Bataillon  de  la  2^  Légion,  deux 
furent,  après  Monnaie,  indisponibles,  le  commandant  Bla- 
vier,  par  suite  de  sa  blessure,  et  le  commandant  Ransber- 
ger,  malade,  qui  ne  reparut  plus  à  la  tète  du  3""  Bataillon. 

Ce  fut,  à  partir  de  ce  moment,  le  commandant  de  Maillé, 
qui  prit  officiellement  le  commandement  du  3®  Bataillon, 
en  même  temps  que  du  4*. 

—  Dès  le  21  décembre,  le  général  Chanzy,  commandant 
en  chef  de  la  2^  Armée  de  la  Loire  avait,  du  Mans,  prescrit 
au  général  Pisani  de  rallier  les  troupes  du  général  de  Cur- 
ten  et  de  se  porter  avec  lui  sur  Château-la- Vallière,  pour 
couvrir  Tours.  Le  27,  le  général  en  chef  prescrivait  au 
général  Cléret  de  prendre  position  à  Saint-Antoine-du- 
Rocher,  avec  avant-postes  à  Cérelles  et  àNotre-Dame-d'Oé, 
et  de  s'éclairer  dans  la  direction  de  Monnaie  avec  les  esca- 
drons du  colonel  Lacombe.  Le  général  Cléret,  ayant  à  cette 
daté  remplacé  le  général  Pisani,  ^e  trouva  placé  sous  les 
ordres  du  général  deCurten.  Ce  dernier  avait  pour  mission 
d'appuyer  les  mouvements  du  général  de  Jouffroy,  de  sur- 

24 


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-.  366  - 

veiller  la  marche  de  l^ennemi  dans  la  vallée  de  la  Loire  et 
de  couvrir  la  ligne  ferrée  de  Château-du-Lôir  à  Tours. 

Sa  colonne  était  forte  de  dix  mille  hommes  dMnfanterie, 
des  huit  escadrons  de  cavalerie  du  colonel  Lacombe  et  de 
quatre  batteries  d'artillerie. 

11  occupait  le  30  décembre  Châteaurenault,  où  le  géné- 
ral Cléret  venait  le  rejoindre.  Depuis  la  veille,  la  2*  Légion 
des  Mobilisés  de  Maine-et-Loire  était  établie  de  nouveau  à 
Monnaie  ;  elle  y  séjourna,  ou  dans  les  environs,  une  dizaine 
de  jours.  Elle  demeura  en  soutien,  pendant  qu'une  partie 
de  la  colonne  dii  général  de  Curten  prenait  part  aux  enga- 
gements livrés  autour  de  Vendôme  et  de  Châteaurenault, 
ïe  1*'  et  le  2  janvier  à  Longpré  et  à  Lancé,  le  6  à  Ville- 
thioUt.brillaïûtoent  o(5ç(ipé  par  le  colonel  Jobey,  k  7  à 
Villechâuve. 

Le  dimanche  8  janvier,  les  troupes  fi'ançaîses  furent 
violemmeîït  attaquées  sur  la  ligne  de  Saint-Cyr-eh-Gàult 
à  Authon.  Toutes  nos  positions  fureiït  énergiquement  con- 
servées, sauf  Authoft,  mais  nos  troupes,  pour  ne  pas  êtt*e 
tournées,  furent  obligées  de  se  replier  sur  Châteaurenault, 
où  elles  furent  de  nouveau  attaquées  le  lendemain,  9. 
Après  une  lutte  acharnée  dans  l'intérieur  même  de  la 
ville,  elles  durent  abandonner  Châteaurenault  à  l'enùémi 
et  se  replier  sur  Villedômer. 

Tandis  que  la  1"*  Légion  de  Mobilisés  de  Maine-et-Loire 
était  engagée  le  10  janvier  dans  le  combat  de  Parigné- 
rÉvêque,  la  2*  Légion  dut  le  12  se  retirer  de  Monnaie 
devant  les  Prussiens,  qui  occupèrent  de  suite  ce  bourg  et 
furent  maîtres  de  tout  ce  pays  jusqu'à  Tours.       t 

La  désastreuse  bataille  du  Mans,  soutenue  par  le  général 
Chanzy  les  10  et  11  janvier,  était  définitivement  perdue  ce 
même  jour  12  janvier,  et  la  2^  Armée  de  la  Loire  obligée 
de  retraiter  sur  Laval.  Nos  Mobilisés,  avec  le  général  Clé- 
ret, se  replièrent,  pour  assurer  la  défense  du  val  de  la 
Loire  d'Angers  à  Sàumr    Les  3*  et  4*  Bataillons  de  là 


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—  361  - 

2*  Légion  Vinrent  occuper  âucfcessivettient  les  Rosiers, 
BeanfôH,  puis  Baugé,  où  ils  séjournèrent  deux  ou  trois 
jours,  avant  de  venir  à  tJlëfs. 

Pendant  que  lai  2*  Légion  de  Maine-et-Loire  était  à 
Baugé,  le  24  janvier,  des  mobiles  du  Gers,  énvclyés  eu 
grand*garde,  vinrent  occuper  la  ferme  de  la  Touche^ 
située  à  gauche  de  la  i-otite  de  Clèfô  à  La  Flèche,  à  quatre 
kildtrlètres  environ  de  Clefs,  un  peu  au-delà  du  château  de 
la  Bèrtraie.  Deux  ùhlans,  venus  ce  jour-lâ  de  La  Flèche  eri 
i'econndissance,  essuyèrent  df^s  coups  de  fusils  d'une  petite 
colonne  française,  postée  à  la  hauteur  de  la  Bertraie,  et  se 
retirèrent  sur  La  Flèche. 

Le  château  de  la  Bertraie,  propriété  aujourd'hui  du 
comte  d'Alton,  sur  Textréme  limite  de  la  commune  de 
Clefe  et  du  département  de  Maine-et-Loire,  est  situé  à  trois 
cents  mètres  environ  sur  la  droite  de  la  grande  route  de 
Baugé  à  La  Flèfche,  dominant  un  plàteati  et  envirotiné  dé 
bois.  La  ronte,  à  partir  de  ce  ptiint,  descend  pat  une  longue 
pente,  laissant  sur  sa  gauche,  à  quelques  pas  seulement, 
la  ferme  de  Isl  Féauté  et  celle  de  la  Touche,  uh  peu  plus 
bas  que  lé  château  de  la(  Bertraie,  pour  traverser  le  petit 
ruisseau  de  Mélinais,  à  l'arche  de  Mordonet,  et  remonte 
ensuite,  entre  deux  rangées  de  peupliers,  jusqu'à  la  ferme 
de  Prisebonne,  située,  elle  aussi,  sur  la  gauche.  Les  bois, 
qui  avaient  cessé  de  border  la  routé  à  la  hauteur  de  la 
fiertraie,  reprennent  à  cet  endroit.  Des  tranchées  avaient 
été  faites  sur  ïtL  route,  à  la  hauteur  de  l'avenue  de  la  Ber- 
traie et  vis-à-vis  de  Farchè  de  Mordouet. 

La  tradition  rapporte  que,  le  ^  janvier,  un  Mobile,  ou 
Ifônc-tit^ur,  je  ne  sais  lequel,  était  parvenu,  en  se  glissant 
Itftit  près  du  poste  prussien  de  Prisebonùe,  à  tuer  sept 
Soldats  allemands.  Découvert  dans  sa  cachette,  entouré  par 
les  prussiens,  grièvement  blessé  à  la  tête  et  fàirt  prisonnier, 
il  n'aurait  pas  néanmoins  perdu  la  vie.  Ce  même  jour,  une 
•dizaine  de  nhlans  s'aventurèrent  jusqu'à  la  fernie  de^  la 


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'1 


-  368  — 

Touche,  précédemment  évacuée  par  les  Français,  ainsi 
que  les  hauteurs  de  la  Bertraie  ;  mais  ils  avaient  eu  soin 
de  faire  marcher  devant  eux,  pour  se  protéger  contre  les 
coups  de  fusils  des  avant-postes,  un  Français,  le  fermier 
voisin  du  Plessis,  François  Lusson.  Ce  que  voyant,  le  pro- 
priétaire de  la  Touche,  nommé  Laurent  Freslon,  ancien 
militaire,  avec  un  sang-froid  courageux,  n'hésita  pas  à 
s'avancer  vers  les  Prussiens  et,  tout  en  parlementant  avec 
eux  à  la  porte  de  sa  maison,  il  parvint  à  faire  évader 
François  Lusson,  qui  gagna  rapidement  les  bois  par  la 
Féauté.  Le  dévouement  de  Laurent  Freslon  pouvait  lui 
coûter  la  vie;  il  en  fut  quitte  pour  des  menaces  et  quelques 
coups,  mais  sa  maison  fut  envahie  et  fouillée  par  les 
uhians,  pour  s'assurer  qu'elle  ne  cachait  aucun  soldat 
français.  Après  quoi  les  uhians  regagnèrent  La  Flèche. 

Ce  môme  jour,  25  janvier,  vers  la  tombée  de  la  nuit, 
arrivaient  à  Clefs,  sous  le  commendement  du  colonel 
Tessié  de  la  Motte  et  du  commandant  de  Maillé,  les  S""  et 
4*  Bataillons  de  la  2*  Légion  des  Mobilisés  de  Maine-et- 
Loire,  venant  de  Baugé.  Ces  Bataillons  formaient,  avec  les 
deux  Compagnies  des  Mobiles  du  Gers,  repliées  de  la  Ber- 
traie sur  Clefs,  un  escadron  de  cuirassiers  et  quelques 
hussards  sous  les  ordres  d'un  officier,  une  petite  colonne 
de  quinze  cents  à  deux  mille  hommes,  soutenue  par  deux 
pièces  d'artillerie.  Toutes  ces  troupes  couchèrent  à  Clefs. 

Le  lendemain  26,  dès  le  matin,  le  commandant  de  Maillé 
partit  dans  la  direction  de  La  Flèche,  à  la  tête  de  toute 
l'infanterie  de  la  colonne.  Sur  la  route,  des  éclaireurs 
vinrent  lui  signaler  la  présence  des  Prussiens  au  château 
de  la  Bertraie.  Quittant  alors  la  grande  route,  guidé  par 
un  garde-chasse  à  travers  les  bois,  sur  la  droite,  le  com- 
mandant de  Maillé  fit  avancer  ses  soldats  en  silence,  par 
des  sentiers,  un  à  un,  en  file  indienne,  et  gagna  le  château 
de  la  Bertraie,  qui  fut  immédiatement  occupé. 

Le  renseignement  était  inexact  ;  mais,  si  les  Prussiens 


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r 


—  369  — 

n*étaieQt  pas  au  château  de  la  Bertraie,  ils  n'en  étaient 
pas  loin,  et  presque  aussitôt  quelques  coups  de  fusils, 
suivis  bientôt  d'une  assez  vive  fusillade,  indiquèrent  leur 
présence  au  bas  de  la  côte  de  Prisebonne,  au-delà  du  ruis- 
seau de  Mélinais.  C'étaient  des  cavaliers  français,  de  la 
petite  colonne  de  Clefs,  qui,  venus  en  reconnaissance  jus- 
qu'auprès du  ruisseau,  avaient  engagé  très  crânement 
l'action  avec  les  avant-postes  prussiens.  Leur  petit  nombre 
les  obligea  à  se  replier  sur  les  Mobilisés  de  Maine-et-Loire. 
Profitant  alors  de  l'avantage  incontestable  que  lui  donnait 
la  configuration  du  terrain,  le  commandant  de  Maillé 
.  déploya  vivement  ses  tirailleurs  du  château  de  la  Bertraie 
aux  bois  qui  couronnent  des  deux  côtés  les  hauteurs  de  la 
route  et  jusqu'autour  de  la  ferme  de  la  Féauté,  et  les 
Mobilisés  ripostèrent  vigoureusement  à  la  fusillade  des 
Prussiens. 

Le  colonel  Tessié  de  la  Motte,  avec  une  escorte  de  cui- 
rassiers et  de  hussards,  vint  à  ce  moment-là  prendre  le 
commandement  des  troupes  placées  sous  les  ordres  du 
commandant  de  Maillé.  Les  bois  qui  bordent  la  grande 
route  furent  occupés  et  les  deux  pièces  d'artillerie,  placées 
en  batterie  dans  l'avenue  même  du  château,  envoyèrent  ^ 
aux  Prussiens  sept  ou  huit  obus. 

La  fusillade  continua  de  onze  heures  et  demie  environ 
jusqu'à  deux  heures,  sans  grandes  pertes  pour  les  Fran- 
çais, en  raison,  je  le  répète,  de  la  mauvaise  position  des 
tirailleurs  prussiens  dans  le  bas  de  la  côte  de  Prisebonne. 
Mais  ces  derniers  étaient  appuyés  par  quatre  pièces  d'ar- 
tillerie à  longue  portée  placées,  non  loin  de  La  Flèche, 
sur  les  hauteurs  en  arrière  de  Prisebonne  et  qui,  grâce  à 
la  ligne  droite  de  la  route  de  La  Flèche  à  Clefs,  balayaient 
cette  route  avec  une  incroyable  précision  de  tir,  en  même 
temps  que  leurs  tirailleurs  portaient  de  ce  même  côté  tout 
l'efibrt  de  leur  fusillade  et  en  rendaient  le  passage  impra- 
ticable. Dans  ce  passage  seulement,  et  sur  une  largeur  de 


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-  370  - 

cinq  Aenta  m^trea^  résiidait  le  danger  pour  nosi  Mpbili3^&* 
mais  il  était  trè§  grand  ;  presque  lou^  les  ob|jp  éclataient 
sur  la  roqte  durcie  par  la  gelée,  à  la  haijteur  à  peu  près 
„(Je  la  Féauté,  et  les  Prussiens  en  envoyèrent  bien  une  tren- 
taine. Il  fallut  toute  l'énergie  et  Texemple  du  lieutenant- 
colonel  Tessié  de  la  Motte  et  du  commandant  de  Maillé 
pour  décider  leurs  soldatîi  à  s'y  engager. 

On  montre  encore  aujourd'hui,  tout  près  d'un  trou  creusé 
par  un  obus  et  religieusempnt  conservé  par  les  cantOD^jers, 
sur  le  bas-côté  de  la  route,  remplacement  exact  où,  malgré 
le  dainger,  up  petit  Mobile  du  Gers  ^'était  blotti  dans  Ip 
foBsé  de  la  roijte,  du  côté  gauche,  le  long  de  la  baie,  à 
quelques  mètres  seulement  de  la  ferme  de  }a  Touche.  De 
cette  place  périljeuse,  que  le  Mp^lot  pouvait  se  vanter, 
sans  exagération,  d'occuper  le  plus  près  de  l'ennemi,  il 
épuisa,  en  visant  posément,  ses  trois  paquets  de  C^]> 
touches  ;  puis,  cela  fait,  il  remonta  vers  l'avenue  de  la 
Rertraie  rejqindre  ses  capiarades,  en  se  protégeant  le  long 
de  la  h^ie,  échappant  comme  par  mjr^cle  aux  obu^  et  ^  |^ 
fusillade. 

A  fjeux  heures,  les  prus^ieps  durent  ^o  replipï"  sqr  l^a 
Flèche,  abandonnant  le  terrain  à  nos  Mobilisés.  Ils  3y?ien|; 
eu,  croit-on,  environ  quatre-vingts  honr^mes  hors  fje  pom- 
b^t,  et  la  tradition  locale  rapporte  qu'il  leur  fallut  quatre 
chariots  pour  emmener  leurs  mprts  et  leurs  blpssés. 

Du  côté  des  Français,  up  hussj^rd  de  l'escorte  dij  lieqte- 
nant-cplpnel  Tessié  de  la  Motte  fyt  tué  au  passage  de  1^ 
route,  à  Teptrôe  exactement  de  l'avenue  de  la  Bertraie,  et 
deux  Mobilisés  firent  blessés. 

prévenu  de  pet  engagement,  le  général  Clérpt,  è  la  t^te 
des  1?"  et  2*  Batqiljops  de  la  2^  Légion  et  d'une  demj-bjitte- 
rie  d'artillerip,  pe  pprtai  dp  Dprtal,  ^vec  le  commandant  de, 
la  Frégeoljèrp,  ^i^  secoqr?  de  la  pptjfe  colonpe  de  plpfs. 
Mais  cptte  troupe  (je  rppfprt  pp  p^rvIRt  ^  Qlefs  qup  trpR 
tarc|  et  ne  fut  pa^  engagép. 


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-371  - 

Ce^ecès,  malheureusement,  ne  devait  pas  produira  ui| 
important  résultat.  Ayant  ei|  cpi^naissance,  ce  quj  fut 
reconnu  aj^solument  exact,  que,  derrière  les  troupes  enga- 
gées 1^  26  et  r^ipliées  sur  I^a  FJé^îhe,  les  Prussiens  dispo- 
fi^ient  de  huit  à  dix  mille  hommes,  occupant  cette  ville 
avec  de  rartjllerie,  les  officiers  supérieurs  de  la  2®  Légion 
durent  renoncer  à  attaquer  ces  forces  par  trop  supérieures 
aux  leurs. 

Ils  reçurent  Tordre  de  se  réplier  de  plefs  sur  Paugé, 
d'pù  ils  gagnèrent  Seiches.  C'est  là  qup  le  28  janvier 
Tarmistiee  trouva  nos  Mobilisés,  la  3*  Compagnie  du 
4^  Bataillon  de  Vibiers,  occupant  en  grand'garde  le  château 
de  la  Garenne,  propriété  de  M.  Segris. 

Purant  tout  ]e  temps  de  Tarmistice  le  4«  Batailloq  fut 
cantonné  à  Cheffes  et  aux  environs,  les  compagnies  de 
yihiers  étant  logées  à  Écuillé, 

—  Dans  l'après-midi  du  29  janvier,  le  général  Chanzy, 
comnaandant  en  chef  de  la  2®  Armée  de  )a  Loire,  avait  reçu 
^  ^on  quartier  général  de  Laval,  de  la  Délégation  d^ 
gouvernement  établie  à  Bordeaux,  une  première  dépêche, 
lui  annonçant  qu'un  armistice  de  vjngt-et-qn  jours  ^vait 
été  signé  la  veille,  28  janvier,  à  Versailles,  qu'une  Assemblée 
allait  être  féunip  à  Bordeaux  pour  le  15  février  et  les 
électeurs  convoqués  pour  le  8,  puis  nne  seconde  dépêche 
lui  prescrivant  de  suspendre  immédiatement  les  hostilités, 
en  ce  concertant  avec  le  chef  des  forces  ennemies,  en 
présence  desquelles  il  pouvait  se  trouver.  Tandis  que  le 
général  Chanzy,  pour  se  conformer  à  ses  instructions, 
envoyait  le  même  jour  un  parlementaire  aux  avant-postes 
prussiens,  le  chef  d'escadron  d'État-Major  Marois,  un 
officier  prussien,  envoyé  du  Mans  par  le  prince  Frédéric- 
Charles,  lui  apportait  le  texte  de  la  convention  conclue  à 
Versailles,  avec  la  déclaration  que  le  Prince  était  prêt,  à 
partir  du  31  janvier  à  midi,  à  se  retirer  en  deçà  de  la 
ligne  de  démarcation   indiquée  dans  l'article  l*'  de  la 


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•'■'X 


-  372  — 

Convention.  Le  général  Chanzy  lui  répondit  aussitôt  que, 
le  même  jour  et  à  la  même  heure,  tous  les  avant-postes 
se  retireraient  à  dix  kilomètres  en  deçà  de  la  ligne  de 
démarcation  ;  puis  il  prit  ses  mesures  en  conséquence. 

Toutefois  le  général  Gléret,  en  raison  de  son  éloignement 
du  grand  Quartier  Général,  fut  autorisé  à  traiter  directe- 
ment avec  le  Commandant  des  corps  ennemis  qu*il  avait 
en  face  de  lui.  La  ligne  de  démarcation,  fixée  pal:  la  Con- 
vention de  Versailles,  était  pour  les  troupes  du  général 
Cléret  les  limites  des  départements  de  la  Sarthe  et  de 
Maine-et-Loire,  le  premier  de  ces  départements  devant 
rester  occupé  par  Tarmée  allemande,  le  second  demeurant 
aux  troupes  françaises. 

Le  général  Cléret  était  à  Précigné  le  31  janvier,  lorsqu'il 
reçut  à  huit  heures  du  matin  la  visite  d'un  lieutenant  de 
hussards  de  la  mort,  porteur  d'une  lettre,  écrite  du  reste 
en  termes  assez  peu  convenables,  du  général  Baruckow, 
commandant  une  brigade  de  cavalerie  cantonnée  à  Épineux, 
et  dans  laquelle  ce  général  lui  notifiait  la  conclusion  d'un 
armistice. 

Le  général  Cléret  lui  fit  porter  sa  réponse  par  le  comman- 
dant Lallemand,  qui  eut  en  même  temps  l'ordre  de  dresser, 
d'accord  avec  le  général  prussien,  un  procès-verbal,  pour 
constater  les  points  occupés  par  les  troupes  françaises  et 
par  les  troupes  allemandes. 


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-  373  — 


CHAPITRE  VU 


lia  Paix  —  Condusion 


Les  Conventions  d'armistice,  signées  par  M.  de  Bismarck 
et  par  M.  Jules  Favre,  étaient  singulièrement  pénibles 
pour  la  France  et  pour  ses  soldats,  puisque  l'article  l*'  en 
exceptait  la  vaillante  armée  de  l'Est,  sous  les  ordres  de 
Bourbaki,  puisque  Tarticle  3  livrait  à  l'armée  allemande 
les  forts  formant  le  périmètre  de  la  défense  de  Paris,  avec 
leur  matériel  de  guerre,  puisque,  enfin,  l'article  6  obligeait 
les  garnisons  des  forts  et  de  Paris  à  se  constituer  prison- 
nières de  guerre,  à  Texception  de  12,000  hommes  laissés 
à  Tautorité  militaire  pour  le  service  intérieur  de  Paris. 

Elles  étaient  en  même  temps  singulièrement  impré- 
voyantes de  la  part  du  représentant  du  gouvernement 
français,  puisque  l'article  7,  en  même  temps  que  la  troupe 
était  désarmée,  laissait  à  la  garde  nationale  de  Paris,  sous 
le  prétexte  du  maintien  de  Tordre,  les  armes  avec  lesquelles 
elle  fit  quelques  jours  plus  tard  la  Commune. 

Toutefois  le  général  Chanzy  dut  profiter  du  répit,  que 
l'armistice  laissait  à  ses  troupes,  pour  préparer  un  plan, 
en  cas  de  reprise  des  hostilités  à  la  cessation  de  cet 
armistice.  Son  armée,  forte  de  cent  quarante  mille  com- 
battants, eût  été  dans  ce  cas  la  seule  en  état  de  reprendre 
immédiatement  la  campagne.  Son  plan,  qu'il  n'est  pas 
dans  notre  cadre  d'étudier  en  détail,  consistait  à  porter  la 
deuxième  armée  au  Sud  de  la  Loire,  pour  couvrir  tout 
l'intérieur  du  pays,  en  laissant  à  Tarmée  de  Bretagne  le 


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^ 


^  m  - 

soin  de  défendre  l'Ouest  de  la  France,  à  organiser  partout 
la  défense  locale,  à  forcer  Tennemi  à  maintenir  en  France 
une  nombreuse  armée,  mais  à  disperser  seg  forces,  en  lui 
disputant  le  terrain  pied  à  pied  et  en  le  privant  de  toute 
ressource. 

Dans  ce  plan,  les  troupes  du  générai  Cléret  devaient 
prendre  position  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire,  pour  con- 
courir à  la  défense  de  la  Vallée  et  de  Nantes,  avec  la  droite 
de  sa  division  appuyée  à  Vihiers.  A  sa  droite,  les  19®,  21* 
et  16®  corps  devaient  couvrir  une  ligne  passant  par  Thouars, 
Poitiers,  Mpotmarillon,  Cbâteaurou^^,  I$sQudup,  se  reliant 
(le  Jà  ai4  2^*  corps  établj  de  Pourges  à  Nevers.,  Le  géqéraj 
piéret,  toutefois,  ne  devait  psisser  la  Loire  qvi'ea  dernier 
lieu  et  dè^  que  le  général  Gatheljne^u  serait  en  mesure  de 
protéger  Angers  et  Ips  Ponts-de-Cé. 

L^  18  février  l>rDqjstice,  limité  d'abor(^  au  19  février, 
fyt  prorogé  de  cinq  jours,  jusqu'au  24,  puis  jusqu'au 
diïp^nche  26,  à  iginuit.  \je  jQ,  le  gépépal  Cléret  reç^t,  ep 
pas  de  rpprise  c}p3  hostilités,  poqr  le  27,  Tordre  de  se  placer 
en  arrière  du  Thouet,  (\q  SaunQur  jusqw'à  hauteur  de 
Sajnt-Cyr-eB-Bourg,  observant  la  Lojre  des  Ponts-de-Oé  à 
Sauipur,  Les  nombreux  mouvements  des  troupes  aile? 
^iqncles  pendant  cette  période  et  les  renforts  amenés  p?ir 
}es  .Ppus§i^ns  fQ{it  supposer  que  Tintentiop  du  prince 
FrédéricTphar|es  ejit  été  alqrs  (Je  séparer  Tarinée  de  Bre- 
tagne de  celle  (}e  la  Loirp  et  que  le  poiqt  Q\ir  lequel  se 
serait  fait  son  premier  effort  eût  été  proh^blemept  Ghinpn, 
pour  percer  notre  centre  à  Ï^OHdup.  Dans  cetj;e  hypothèse 
le  16'  porps,  étsibli  dp  Lpudun  à  Lepçloître,  ^veç  Ip  qyartier- 
gépéral  du  général  J^prés  è  MirebeflH»  e^it  été  }e  plus 
menapé. 

.  Mais,  le  25  février»  un  nouvel  ariQisticp  fut  epnplu  et 
prolongé  jusqu'au  12  mers,  pvep  le  faPuUé  pour  pl^acune 
des  parties  contrÊ^ctanteg  de  je  dénoncer  à  peftir  du  3,  pour 
reprendre  les  hostilités  dans  un  délai  de  \rm  jOUrs-  M 


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r 


Sl/6  féymv  les  préliminaires  de  pai^  forent. ^igné^  :  ils  faren^t 
ratifiés  ppr  TAsseïpblép  N^tionsjp  à  Bordeaux,  le  l^*"  m^rs, 
p^r  54-7  voix  pQiitre  ^07.  ^         , 

.  Pep4ant  J'arynistice  notre  4«  R^taillan  n'oyait  p^^  quitté 
3e^  pantoaneinepta  (je  C|)efres  et  d'Écuillé;  c'est  là  qiip  les 
ijQbiJisé^,  appelés  à  yoter  au  cprps  pquf  les  éleptiqns  à 
r^ssefpbl^e  I^ationale^  le  i8  février,  donnèrent  ^  leur  corp- 
mandaqt  WR  éclatant  téqaoigiï^ge  de  leur  estjme  et  àp 
leur  conflspce,  Le  corpte  de  Ifaillé,  que  99,^38  suffrages!, 
obtenus  dans  le  dépi^ftement  de  Majne-pt-JLoire,  avaient 
envoyé  cppame  député  à  réassemblée  de  Bordeaux,  ^vait 
réuni  dansl^  2"  Légipi)  1^74  voix,  p'est-àrdire  ^  peu  près 
rupgpimité  (les  votants. 

L,ea  Mobilisés  qi|ittèrei)t  Cheffes  pour  Angers,  pu  fis 
retrouvèrent  les  compagpips  du  deqxlème  ban,  yenues  de 
I^pntsoreai}  à  Saurour,  et  de  Saumura  Apgfers,  et  ou,  sjprès 
un  séjour  de  quelques  jours,  il^  furent  envoyés  h  Sflpmyr, 
pour  étrp  désarmés,  la  paix  ?yant  été  définjtiven^pnt  cpqclqe 
U  7  W^rs. 

La  campagne  de  nps  )|obilisés,  depuis  la  sprtje  çle  leurs 
pantops  le  2  novepfibre,  ayait  duré  quatre  pioisf  ;  pt,  tapd|s 
qpe  )es  troupes  régplièrps,  dont  le  pays  allajt  encore 
jayoir  besoin  popr  Iptt^r  coptre  la  si  poupablô  insurrectipq 
de  la  Cjommune,  éta jept  dirigés,  eq  partie  sur  Paris  et  sur 
les  grapdes  yilles,  dont  l'attitude  seipblait  mepacap^e*  ep 
partie  yers  l'Algérie,  qui  av^jt  prpflté  de  pos  désastres 
pqpr  tepter  nn  SQuléveprient,  les  Mobiles  et  les  Mobilisés 
rentrèrent  daqs  |pprs  foyer?. 

Mais,  parn^i  eux?  CQns|:)iep  manquaient  à  l'appel  !  Dan^ 
le  département  de  Maine-et-Loire,  les  Garder  MotiUpsi 
?îV9ieqt  forPié,  sqps  les  ordres  du  lieptepant-cplonel  de 
Pail|ot,  pp  Régiment  à  trqh  Palaillops,  le  29%  dopt  reffec-: 
tif  était ^  au  départ,  de  soixaptp-dix  officiera  et  de  trpja 
ipille.siî  cent  sept  sops-officiers  et  soldats;  ils  avaiept, 
ep  outre,  pomppsé  le  3*  Bataillon  dM  75^  Mobiles  (de  l^oir- 


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—  376  - 

et-Gher),  sous  le  commandement  du  commandant  de  la 
Vingtrie,  ce  dernier  Bataillon  avec  un  effectif  de  vingt-sept 
officiers  et  de  douze  cents  officiers  et  soldats.  Treize  fois 
les  Mobiles  de  Maine-et-Loire  allèrent  au  féfu.  De  leur 
effectif  total  de  quatre  mille  neuf  cent  quatre  hommes, 
dont  quatre-vingt-dix-sept  officiers,  trois  officiers  furent 
tués,  douze  blessés,  onze  prisonniers  et  trois  moururent 
de  maladie;  cent  quatre-vingt-trois  sous-officiers  et  Mobiles 
furent  tués,  deux  cent  soixante-six  blessés,  quarante-six 
prisonniers,  deux  cent  quarante-deux  disparus  et  huit 
cent  quatre-vingt-dix-huit  moururent  de  maladie.  C'est- 
à-dire  que,  sur  quatre  mille  neuf  cent  quatre  hommes, 
trois  mille  deux  cent  quarante  seulement  revinrent 
indemnes,  et  que,  parmi  les  autres,  treize  cent  vingt-neuf 
étaient  morts  pour  la  défense  de  la  France. 

Je  l'ai  déjà  dit,  et  je  tiens  à  le  répéter  encore,  les  Mobi- 
lisés de  Maine-et-Loire,  quoique  les  derniers  venus  parmi 
les  défenseurs  de  la  patrie,  quoique  plus  âgés  et  moins 
bien  armés,  ne  se  comportèrent  pas  moins  courageusement 
que  les  Mobiles  devant  Tennemi.  Honneur  à  tous  ces 
braves  I  honneur  aussi  à  tous  les  enfants  de  notre  pays 
qui,  disséminés  dans  les  régiments  de  Tarmée  régulière 
ou  engagés  dans  les  corps  de  volontaires,  sont  tombés  sur 
le  champ  de  bataille  ou  risquèrent  si  courageusement  leur 
vie  pour  leur  patrie.  J'en  connais  un  bon  nombre.  Aussi 
me  semble-t-il  que  ce  fut  une  bonne  pensée  que  celle  dont 
l'initiative  a  été  prise  par  la  43*  section  des  Vétérans  d'éle- 
ver, dans  la  ville  de  Vihiers,  un  monument  commémoratif 
à  la  mémoire  des  soldats  du  canton  morts  pour  la  patrie 
en  1870-1871. 

Mon  simple  récit  de  la  campagne  du  4®  Bataillon  de  la 
2*  Légion  de  Maine-et-Loire  a  eu  pour  but,  lui  aussi,  d'ai- 
der à  perpétuer  le  souvenir  de  la  belle  conduite  de  nos 
Mobilisés  des  cantons  de  Gbemillé  et  de  Vihiers.  A  eux 
peuvent  s'appliquer  si  justement  les  paroles  adressées,  le 


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■r^ 


—  377  — 

7  mars  1871^  par  le  général  Le  Flô,  ministre  de  la  guerre, 
au  général  Chanzy,  lors  du  licenciemenl  de  son  héroïque 
armée  de  la  Loire,  paroles  qui  seront  la  conclusion  de 
mon  récit  : 

«  Si  la  France  avait  pu  être  sauvée,  elle  Teût  été  par 
eux.  La  fortune  ne  Ta  pas  voulu  :  résignons-nous  momen- 
tanément, mais  ne  désespérons  jamais  de  ses  grandes 
destinées,  que  rien  ni  personne  ne  pourrait  jamais 
arrêter.  * 

R.   DE  POUGEROLLE. 


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1 


y 

'J 


%,A.  atrlÉilÊc:eLii 


ENTRE 

LOUIS  XIII  ET  MARIE  DE  MlWGIS 

(1619-1620) 

'    {"suite  et  fin  V 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

Nous  les  renvoyons  toutes  à  une  publication  posté- 
rieure, sauf  les  deux  suivantes  : 


IV 
État  général  (Extrait  de  Marillac) 

«...  Q'un  chacun  des  grands  fera  levée  du  nombre 
d'hommes  qui  leur  sera  prescrit  ; 

Qu'à  chacun  d'eux  la  Reyne  avancera  la  moitié  de  l'ar- 
gent de  ladite  levée  dans  la  fin  du  mois  ; 


*  V.  les  livraisons  de  juillet-août,  septembre-octobre,  novembre- 
décembre  1888  ;  janvier-février ,  mars-avril ,  septembre-octobre, 
novembre-décembre  1890;  juillet-août,  septembre-octobre  1891; 
novembre-décembre  1892;  janvier-février,  mars-avril  1893;  mai-juin, 
juillet-août  1894;  janvier-février,  mai-iuin  1896;  novembre-dé- 
cembre 1897;  mars-avril,  juillet-août  1898;  janvier-février,  mars- 
avril  1899. 


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r 


379  - 


Que  toutte  ladite  levée  sera  establié  en  gôirniaons  de 
villes  et  grands  bourgs  fermez  dans  la  an  du  moys,  et  là 
nourrie  par  eslapes  pour  lé  soulagement  dû  peuple  ; 

Que  nulle  assemblée  levée  ne  se  fera  à  la  campagne, 
mais  aux  seules  garnisons  qui  leur  seront  ordonnées,  et  ce 
par  rendez-vous  en  plusieurs  fois  ; 

Que  nul  ne  mettra  ses  trouppes  en  campagne  sans  ordre 
de  Sa  Majesté  ; 

Que  chacun  sera  tenu  et  sera  licentié  toutesfois  et  quantes 
elle  leur  mandera  et  leMt  fournira  Taultre  moitié  de  l'ar- 
mement sans  leur  permettre  de  se  retirer  en  gros  à  battre 
le  plat  pays  ; 

Que  cela  ailisî  mis  en  gsfrflison  [ce  dernier  mdt  raturé, 
sic]  de  tous  costés.  Sa  Majesté  envoyera  ses  remonstrances 
au  Roy  et  aux  Parlements  signées  d'elle  et  d'eux  ou  d'elle 
Seule  selon  qu'il  sera  jugé  le  meilleur  par  tous  les  allie»  ; 

Que  lesdites  Remonstrances  seront  formées  sur  leurs 
mémoires  et  résolues  par  leurs  advis  avant  que  de  les 
envoyer  ; 

Que  si  les  remohstrances  sont  reçueè,  et  ce  qu'elle  y 
aura  demandé  pour  le  Roy,  pour  TEstat,  pour  elle  et  pour 
ses  amis,  exécuté,  tôuttes  lesdites  levées  seront  licentiées. 

Que  sy  la  réponse  aux  remontrances  est  remise  à  un 
traité;  il  y  ^era  député  par  Tadvis  et  le  choix  commun  de 
tous  les  alliez,  sans  que  les  garnisons  se  rompent. 

Que  sy  lesdites  Remonstrances  sont  refusées,  et  par  deux 
fois,  car  Sa  Majesté  veut  par  amour  et  par  respect,  qu'elle» 
soient  réitérées,  touttes  les  levées  susd.  seront  tirée»  des 
garnisons  et  mises  en  campagne. 

Qu'au  mesme  temps  de  Kenvoy  des  remonstrances,  tous 
les  deniers  des  provinces  ou  les  alliez  auront  pouvoir, 
seront  réservez  comme  pour  le  service  du  Roy,  et  ârrestez 
es  mains  des  Receveurs  généraux  et  particuliers,  sans 
qu'iJ  en  puisse  estre  pris,  sinofi  par  ceux  que  Sa  Majesté, 
par  l'advis  des  gouverneurs,  commettra  à  la  distributi(K< 


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-380- 

d'iceux,  et  lesquelz  ne  pourront  aussy  rien  distribuer  que 
par  les  ordonnances  de  Sa  Majesté  ou  de  celuy  a  qui 
par  i'advis  des  alliez ,  elle  en  commettra  la  surinten- 
dance. 

Que  de  tels  deniers,  en  cas  d*insufQsance,  sinon  de  ceux 
que  Sa  Majesté  fournira,  il  sera  payé  une  monstre  à  toutes 
les  trouppes  le  jour  qu'elles  se  trouveront  au  premier  ren- 
dez-vous de  campagne,  ou  le  jour  quelles  seront  licentiées 
sans  aucun  service,  en  cas  que  cela  arrive,  afin  quelles 
ayent  moyen  de  se  retirer  avec  contentement  dans  leurs 
maisons  et  sans  fouler  le  peuple. 

Que  du  jour  que  lesdites  trouppes  seront  tirées  de  gar- 
nison pour  servir,  on  en  fera  des  corps  ainsi  qu'il  s'en 
suit  : 

Au  delà  de  Loire  quatre,  assavoir  ou  par  MM.  de  Mont- 
morency et  de  Chastillon  en  Languedoc,  ou  par  Mons. 
du  Mayneen  Guyenne,  ou  par  MM.  de  Rohan  etd'Espernon 
en  hault  Poitou,  et  un  soubs  Mons.  de  Nemours  par  plu- 
sieurs particuliers  en  Bourbonnais  et  en  Auvergne. 

Au  delà  de  Loire,  trois  assavoir  un  pour  la  Royne,  soubs 
là  charge  de  Mons.  le  Comte  en  Anjou,  un  pour  MM.  de 
Bouillon,  de  la  Valette,  et  Prince  de  Joinville  soubs  le  car- 
dinal de  Guise  en  Champagne,  et  un  en  Normandie  pour 
Mons.  de  Longueville  auquel  les  Picards  se  joindront. 

Que  les  trois  corps  de  Poitou,  de  Languedoc  en  Guyenne, 
s'assembleront  en  corps  d'armée  soubs  le  commandement 
général  de  Mons.  du*  Mayne  à  tel  lieu  qu'il  sera  ordonné. 

Que,  pour  ne  laisser  point  les  Provinces  dégarnies, 
Mons.  d'Espernon  passera  en  Guyenne  avez  pouvoir  en 
l'absence  de  Mons.  du  Mayne,  Mons.  de  Rohan  demeurera 
dans  le  Poitou,  la  Xaintonge  et  le  Limousin  avec  sem- 
blable pouvoir,  et  en  Languedoc.  Mons.  de  Montmorency 
et  Mons.  de  Chastillon  a  leur  choix,  et  tous  avez  deux  mil 
hommes  de  pied  et  deux  cents  chevaux  entretenuz  pour 
chacque  département. 


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—  381  — 

Que  de  Languedoc  Mons.  5e  Montmorency  fera  mar- 
cher deux  canohs  avez  leur  atirail  et  munitions,  Mons,  du 
Mayne  six  de  Bordeaux  pour  servir  ladite  armée  : 

Que  Mons.  de  Nemours  recueillera  des  trouppes  d'Au- 
vergne avec  les  siennes  dans  le  Bourbonnais,  pour  aller 
recevoir  Mons.  le  prince  de  Piémont  aux  environs  de 
Mascon,  et  le  conduire  à  Ghastillon  sur  Seyne  ; 

Que  le  corps  de  Champagne  ne  se  mettra  point  aux 
champs  qu'il  ne  voye  ou  Tarmée  du  Roy  eslongnée,  ou 
celle  du  prince  de  Piedemont  proche,  ou  quelque  notable 
avantage  à  prendre  ; 

Que  chacun  fera  sçavoir  de  quelles  places  et  villes  de 
retraite  il  pourra  fournir,  de  quels  passages  et  ponts  il 
pourra  estre  maître,  et  quels  deniers  se  pourront  trouver 
dans  sa  province  ; 

Que  la  distribution  des  principaux  offices  et  charges  de 
Tarmée  et  des  provinces  demeurera  au  choix  de  la  Reyne, 
et  que  chacun  promettra  d'agréer  ce  qu'elle  en  ordonnera  ; 

Que  Mons.  le  Comte  ne  sortira  point  de  la  Cour  sinon 
après  touttes  ces  conditions  resçeues  et  arrestées,  et  sortant 
viendra  droict  où  sera  Sa  Majesté  ; 

Que  Mons.  le  Grand  Prieur  se  jettera  en  personne 
dans  Caen,  pour  la  conservation  de  la  ville  et  du  chasteau 
et  que  Mons.  de  Matignon  et  les  trouppes  de  Normandie 
se  recognoistront  en  l'absence  de  Mons.  de  Longuevillc  ; 

Que  Mons.  le  maréchal  de  Brissac  ira  en  Bretagne 
ménager  le  Parlement  et  empescher  les  desseins  contre iree 
de  MM.  de  Vendosme  et  de  Montbazon,  tant  aux  villes  qu*à 
la  campagne,  car  alors  Mons.  de  Vendosme  n'avait  pas 
parlé  clairement  ; 

Que  les  aliez  demeureront  dans  la  cour,  avertiront 
soigneusement  des  mouvements  et  des  desseins  qui  s'y 
trouveront,  et  feront  valloir  les  intentions  de  la  Reyne 
auprez  du  Roy  ; 

Que  chacun  envoyera  touttes  les  semaines  un  courrier  à 


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la  Reyne,  pôuf  donner  les  advi«  nécefisaireà,  et  recevoir 
tes  ordres  de  Sa  Majesté  ; 

Ensuitte  estoit  l*eêtat  dds  trouppeit  que  la  tleyne  jugeait 
à  propoa  que  chacun  des  grands  levftt,  et  à  quoy  elle  les 
priolt  de  se  réduire^  et  conaiderèr  que  iéur  dessein  né 
tendant  qu'au  satut  du  Roy  et  de  TËstat,  lé  soulageménl 
du  peuple  estoit  néceésaîre  ; 

Que  de  oet  ordre  seul  rentretenémeiit  des  forces  se 
pouvoit  espérer^  que  les  grandes  armées  e^tôldût  les  plutr 
longues  h  mettre  ensemble,  les  plus  difficiles  à  exploiter 
et  a  payer,  et  souvent  du  plus  mauvais  èfTest,  et  qu'eux  tottâF 
avoient  interest  notable  à  la  conservation  du  pays  ;  vu  que 
chacun  en  avoit  A  soi  en  ptt)pre  une  très  bonne  partie . 
•     *•••.•«.«»«■•••«) 

Pour  toutes  lesquelles  levées  Sa  Majesté  promettoit  de 
fournir  rârgent,  à  sçavoir  moitié  en  délivrant  lès  commis- 
sions^  et  rautre  moitié  au  rsndess  vous  premier,  bu  au 
lieutenant  suyvant  Tordre  susdit.  Et  ce  au  prix  de  huict 
cens  francs  pour  cent  hommes  de  pied»  et  dou^e  mil  pour 
cent  chevaux. 


^"  ■  ■  ■■    i. 


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-  383 


XII 


Extraits  du  rôcit,  par  Marillaci  du  combat  des  Pont8«de-Cê 

Dans  la  prairie  qui  va  à  Serges  Èur  une  ligne  droite 
depuis  rentrée  de  TAuthioD  dans  Loire  jusqUes  à  Tangle 
du  fauxbourg  estoit  tiré  un  loog  retraocbetneat,  à  la  téta 
duquel  et  au  milieu,  il  avoit  une  redoute. 

Cette  ligne  avoit  plus  de  trois  cent  toises  ai  six  pieds  de 
terre  relevée»  que  le  soldat  y  estoit  découvert  jusques  au 
geoouil,  sçn  fossé  n*eatoit  encore  que  tracé  slins  profondeur 
ni  lai^ur  considérable. 

Derrière  ce  retranchement  eatoient  les  régimenif  de 
Mons.  de  Rets,  du  baron  de  Sainte-Gemoiesi  de  Boisguérin 
et  du  baron  de  Gholet,  dan«  le  fauxbourg  ftsscayoir  sur 
tous  les  terrei  pleins  qui  renvironnaient  du  eosté  de  la 
prairie  à  la  teste  de  la  grande  rue,  à  couvert  d'une  forte 
barricade  qui  en  formoit  Tavenue  dans  un  cimetière  clos 
de  murs  élevés,  dans  Tabglequi  ilanquoit  le  retranchement. 
Estant  logé  aveq  avantage  le  régiment  du  marquis  de 
ToUarsay  complet  de  douze  cens  hommes,  soubs  les  soins 
particuliers  de  son  père. 

Sur  le  pont  entre  le  chasteau  et  le  iauxbourg,  estoienl 
encore  les  cinq  canons  envoyés  d'Angers,  et  non  sur  une 
plate  forme  dans  le  cbasteau  et  dans  la  ville,  le  vicomte  de 
Bettencourt  aveq  sa  garnison  redoublée  et  non  plus  sur 
les  avenues  du  fauxbourg  et  de  Teau,  le  régiment  de 
Carmen,  les  oompagnies  de  gendarme  de  Retz  et  de 
Bellay. 


1 


I 


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—  384  — 

A  Sfiiînte-Gemmes,  Mons.  de  Vendosme  aveq  quelque 
noblesse  se  promenait  dans  la  prairie. 

A  cette  disposition,  il  ne  se  pouvoit  trouver  rien  à  dire 
que  la  posture  du  canon,  la  faiblesse  du  retranchement  et 
la  confusion  en  laquelle  les  soldats  y  estoîent  placez. . . 

Mons,  de  Vendosme  trouva  bon  que  Marillac  retirât  de 
dessus  la  ligne  des  redoutes  ce  qu'il  y  avoit  des  soldats 
de  trop  et  en  flt  former  par  La  Ferté  six  bataillons  qu'il 
plaça  dans  le  centre  du  retranchement  derrière,  et  que 
des  autres  régiments  qu'il  avoit  amené  d'Angers,  il  avançât 
trois  bataillons  dans  la  prairie  par  où  le  retranchement  se 
devoit  aborder  jusques  à  un  coude  qui  faisoit  un  grand 
fossé  derrière  lequel  il  logea  double  rang  de  mousqueterie 
et  à  la  main  droitte  les  deux  petites  trouppes  de  cavalerie 
qu'il  avoit  amenées. 

[Approche  des  royalistes.]  Marillac  se  chargea  d'aller 
jusques  à  leur  vetie  et  chercher  des  nouvelles  certaines  se 
confiant  en  la  cognoissance  qu'il  avoit  du  pays,  il  ne  voulut 
aveq  luy  que  La  Ferté  et  un  des  siens,  Mons.  de  Retz 
pour  tous  y  vint  faire  le  quatriesme. 

Cependant,  l'armée  du  Roy.. .  parvenue  à  un  carrefour 
du  grand  chemin  qui  va  de  Sorges  à  Angers. . .  fut  séparée 
en  deux  corps,  l'un  composé  de  dix  compagnies  des  gardes, 
du  Piedmont,  de  Picardie,  Champagne  et  Navarre,  des 
compagnies  de  chevau-légers  de  Contnan,  Heures  et  Loppes 
soubz  la  conduifte  du  marquis  de  Tresnel,  Créquy,  Bas- 
sompierre  et  Nerestang,  maréchaux  de  camp,  fut  envoyée 
vers  les  Ponts-de-Cé,  et  l'aultre  par  Mons.  le  prince  et  le 
maréchal  de  Prasiin  où  le  Roy  estoit  en  personne  et  toutte 
sa  cour,  dix  compagnies  des  gardes,  les  Suisses,  Pied- 
mont,  Chupes.  Et  Estissac  aveq  le  reste  de  la  cavalerie 
fut  mené  droit  à  Angers,  mais  tous  deux  en  dessein  de  se 
faire  veoir  ce  jour- là  seulement,  et  sans  rien  entre- 
prendre, bien  que  Mons.  le  Prince,  qui  prévoyoit  et  craignoit 


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-388  — 

surtout  un  accommodement,  car  Mons.  le  Grand  estoit 
auprès  du  Roy  pour  cela,  pressoit  autant  qu'il  pou  voit 
dengager  quelque  attacque  jusques  mesmes  à  la  com- 
mander à  Nerestang  secrètement  et  à  quelque  prix  que  ce 
peust  estre,  quoyque  contre  la  résolution  prise  au  Conseil 
devant  le  Roy. 

A  la  suitte  du  corps  qui  alloit  au  Pont-de-Gé,  furent 
envoyez  deux  canons,  et  le  reste  à  laultre,  le  Conseil  et  la 
Cour  prirent  le  chemin  de  Brain,  et  le  Roy  en  cette  com- 
pagnie marcha  jusques  au  carefour  de  la  justice  de  Saint- 
Aubin  où  il  fit  alte. 

La  malheureuse  cavalerie  estoit  sur  la  contrescarpe  de 
la  ville  bruslée  du  soleil,  et  hors  de  place  à  pouvoir  servir. 
Nul  n'a  jamais  pu  scavoir  pourquoi  le  nombre  qui  en  avoit 
esté  ordonné  pour  le  Pont-de-Cé  n'y  alla  point,  Mons.  le 
Grand  Prieur  estoit  à  leur  teste,  mais  il  recevoit  Tordre  du 
maréchal  de  Boisdauphin. 

[Apparition,  déployement  confus  et  marche  rapide  des 
royalistes  vers  les  Ponts-de-Cé.]  Et  partant  parce  qu'en 
Mons.  de  Retz  et  en  ses  trouppes  consistoit  la  principale 
deffense  du  retranchement,  Marillac  le  pria  de  s'y  en 
retourner,  de  donner  advis  à  Mons.  de  Vendosme  de  ce 
qu'il  avoit  veu,  et  de  luy  envoyer  les  deux  petites  trouppes 
de  cavalerie  qu'il  avoit  laissé  dans  la  prairie  avec  la  com- 
pagnie de  gendarmes  s'il  estoit  possible,  affln  de  pouvoir 
faire  quelque  charge  aux  enfants  perdus  des  ennemys  à  la 
sortye  du  chemin  avant  que  leurs  bataillons  pussent  estre 
formez,  et  au  moins  retarder  en  quelque  sorte  leur  dili- 
gence, car  ils  marchoient  au  grand  pas. 

Mons.  de  Retz  sur  le  visage  de  qui  paroissoit  tout  le  con- 
traire de  ce  qu'il  fit  depuis. . .  l'embrassa  et  luy  promit 
non  seulement  tout  ce  qu'il  désiroit,  mais  encore  de  revenir 
en  personne  combattre  avec  luy,  puis  à  toute  bride  s'en  alla 
joindre  Mons.  de  Vendosme  qui  aveq  Mons.  de  Nemours  et 


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—  886- 

toutte  la  noblesse  estoient  6  la  teste  de  la  prairie  avancez 
attendant  des  nouvelles,  il  leur  fit  sa  relation  très  au  long, 
mais  à  renvoi  de  trouppes  que  Marillac  demandoit  Mona. 
de  Vendosme  s'opposa,  disant  qu'il  avolt  ordre  de  la  Reyne 
de  ne  rien  entreprendre  sur  les  ennemys  jusqu'à  ce  qu'elle 
eût  des  nouvelles  de  Mons.  le  Grand  qui  estolt  allé  vers  le 
Roy. 

A  cette  parole  le  misérable  duc  de  Retz,  qui  déjà  sur  de 
semblables  deffenses  que  Mons.  de  Vendosme  avoit  envoyé 
faire  à  Marillac  par  le  chemin  s*estoit  mis  en  oppinioa 
qu^on  traittoit  de  la  paix,  sortit  hors  de  soy  mesme,  et 
aveq  blasphème  et  transports.. «  disant  que  puisqu'il  n'avoit 
pu  jeviter  Taffront  de  veoir  traitter  la  paix  sans  luy,  il  vou- 
loity  fuir  la  honte  de  la  yçÂc  faire...  tourna  la  teste  droit 
au  retranchement,  sans  écouter  ny  explication  ny  conseil^ 
et  comme  s'il  eust  eu  à  injure  les  prières  et  les  remonstranceo 
de  ses  amys  qui  se  .pendent  a  ue%^  genouils ,  à  tambour 
battant  et  enseignes  déployées,  il  en  arrache  [au  retran^ 
chôment]  son  régiment,  celui  de  Sainte^Gemme,  et  la 
compagnie  de  Vendpsme...  et  il  passa  les  ponts  en  ordre 
d*ui)e  file  si  longue  que  les  epnemys  en  peurent  bien  veoir 
la  moitié    .     , 

Le  retranchement  demeura  degarny  de  seize  cens 
hommes  de  pied,  et  de  six  vingt  hommes  d'armes.     .     • 

[Arrivée  des  royalistes  au  bord  de  la  plaine,  s'étendant 
en  avant  du  retranchement.]  Cette  pleine  estoit  un  espace 
de  champs  labourez  et  de  prairies  que  le  grand  chemin  de 
Sorges  coupoit  par  le  milieu,  les  deux  costez  en  estoient 
tout  ouverts,  et  la  teste  environ  mil  pas  de  là,  se  formoit 
aveq  sinq  ou  six  maisons  nommées  les  petites  maisons 
rouges,  qui  avoient  un  double  rang  de  saules  à  la  main. 
gauche  jusques  à  la  rivière  d*Autbion,  et  une  forte  haye  à. 
la  droitte,  d*où  la  ville,  la  fauxbourg  et  les  retranchemens' 
ad  pouvoient  voir. 


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r 


—  S&7  — 

'  Marillac,  pour  tenir' [les  royalîstaa]  en  jalousie  de  œb 
petites:  maisons»  faiBoii:  téste^  entre  aux  et  elles  ^ea  trois 
petits  escadrons —  Mais  a  ver  ty  que  les  deux  bataillons 
(de  la  prairie]  avoiant  esté  retirez  par  ofdre  de  Hoqsw  df 
VjQndosma  pour  remplir  le  yuide  que  lions,  de  \Retz  y 
avoit  laissé,  et  contraint  par  la  démarche  de  ce /grand 
€orps,  il  les  abbandonna,  et  prit  un  poste  dans  la  prairie, 
d'où  à  la  faveur  d'un  coude  de  baye  garni  de  mousqueterte* 
il  couvroit  à  ses  ennemys  le  chemin  du  rëtranchemebt»  et 
fit  avancer  le  long  d'un  fossé  qui  dudit  coude  alait droit 
auxpetites  maisons  cinquante  mousquetaires.'        :.  i 

^Dès  Tévacuation,  par  Marillfic,  des  Maisons-Rouges^  les 
i^oyalistes  descendirént.dans  la  plaine].  L'aisle  gauche  df 
cetÏB  bataille  enfin  se  présenta  toutte  dans  la  prairie  eo 
quatre  bataillons  de  mousquets  et  quatre  de  picquets,  aveq 
leurs  intervalles  sur  une  ligWè  droite,  paroissant  contre 
lès  petits  escadrons  de  la  Reyne  ce  que  fait  soubz  une 
mouche  un  éléphant. . . , .  ; 

Geust  este  pour  une  auttre  nombre  de  cavaleriérun  beau 
temps  de  les  charger.  Mais  quoy  ny  de  celle  du  grand 
Prieur  qui  avoit  esté  commandé,  ny  des  courriers  que 

Marillàc  y  envoyoit...  pour  les  haster,  nul  ne  vint 

:  Ce  fut  1&  que  le  comte  de  Saint- Aignan,  aveq  trente 
des  gardes  de  Mons.  de  Vendosme  commandez  par  Vassan 
et  autant  de  ses  carrabins,  vint  joindre  Marillac 

Dès  le  commencement,  ny  Mons.  de  Vendosme,  ny  Du 
Bellay,  jl  ne  fut  pas  seulement  secouru  de  la  veiie,  ouy 
bien  du  bon  Mons.  de  Nemours  qui  aveq  quelque  autre 
noblesse  faisoit  ferme  derrière  luy  en  un  gros  de  quarante 
maistres., .... 

Ces  deux  maréchaux  de  camp  cependant,  pour  faire 
tenir  bride  au  petit  escadron  d'ennemys  qui  par  leur  main 
droitte  s'avançoit  pour  reconnaiatre  le  coude  des  hayes,  y 
envoyèrent  les  carrabins  à  Tescarmouche. 

[Sun  Ibs  entrefaites,. dans  Taile  gauche  des  royalistes]. 


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—  388  — 

le  régiment  de  Picardie,  sur  ce  qu'il  avoit  cru  que  les 
gardes  ne  vouloient  faire  la  droitte,  voyant  qu'ils  avoient 
pris  leur  poste  au  milieu,  tira  tous  ses  bataillons  à  la  file 
par  le  front  de  la  bataille  pour  aller  prendre  la  place  de 
Champagne,  cependant  que  par  le  dernier  cet  autre  régi- 
ment en  faisoit  autant. 

Que  n'eussent  point  fait  sur  ce  temps  là  où  les  ennemys 
montroient  le  flanc  d'une  sy  longue  file  aveq  la  cavalerie 
qui  desjà  estoit  là,  les  quatre  cens  chevaux  que  Ton  atten- 
doit  d'Angers? 

L'ordre  mauvois  auquel  ceste  bataille  sèstoit  présentée 
assavoir  de  bataillons  de  picques  sans  feu  et  de  feu  sans 
picques  séparés  les  uns  des  autres  de  distances  égales  à 
leurs  espaisseurs  pour  rendre  leur  front  plus...  formidable, 
un  grand  chemin  fossoyé  des  deux  costez,  et  dès  lors  cou- 
vert de  bayes,  qui  estoit  a  l'aile  droitte  tout  moyen  de 
secourir  la  gauche  par  le  front,  et  des  maisons  qui  par  le 
dos  leur  donnait  le  mesme  empêchement,  la  lassitude 
découragèrent  des  soldats  par  la  faim ,  qu'ils  avoient 
soufferte  telle  que  les  uns  jettoient  les  armes,  les  autres  se 
couchoient  par  terre,  sans  que  les  hallebardes  des  sergens 
fussent  capables  de  les  relever,  le  deffault  de  cavalerie... 
la  confusion  que  la  contremarche  de  Champagne  et  de 
Picardie  mirent  en  tout  ce  corps,  et  le  voysinage  du  poste 
que  Marillac  avoit  occupé,  car  il  ne  laissoit  entre  les  enne- 
mys et  luy  que  cinq  ou  six  vingt  pas  au  plus  de  la  prairie 
toute  raze,  offrirent  à  la  reyne-mère...  [la  victoire]  sy  cette 
malheureuse  cavalerie  fût  venue  d'Angers  .     •     .     .     . 

Mais  voilà  cette  bataille  embarassée,  remise  en  ordre  : 
Picardie  à  la  droite,  Champagne  à  la  gauche. . . 

[Alors  tout  s'ébranle.] 

Quelques  mousquetaires  [de  l'armée  royale]  en  furent 
jettez  au  devant  des  enfants  perduz  pour  taster  ceux  qui  les 
tenaient  en  jalousie,  mais  recueilliz  par  d'aultres  que  La 


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i 


-389  - 

Ferté  a  voit  fait  couler  le  long  du  fossé  qui  alloit  à  eux,  ils 
ne  firent  pas  grand  chemin,  et  Vassan  aveq  moitié  de  ses 
compagnons  les  recongnit  jusque  dans  leur  gros. 

La  toutte  la  mousquetterie  des  bataillons  qui,  pour 
quelque  peu  de  chemin  qu'ils  eussent  fait,  se  trouvoient  à 
portée  des  petits  escadrons  de  la  Reyne,  déchargea  sur  eux 
quasy  d'une  mesme  salve  sans  beaucoup  deffet,  ce  fut  alors 
que  Marillac  voyant  le  feu  de  cette  main  gauche  tout 
esteint,  ne  se  put  empescber  de  lascher  le  bouton  pour  luy 
faire  une  charge,  mais  les  corps  du  picquet  se  mirent  au 
devant,  et  à  pied  ferme,  les  uns  et  les  autres  demeurèrent 
à  se  regarder,  jusques  à  ce  qu'il  se  retira  par  un  cartacul 
à  cent  pas  en  arrière  pour  ne  recevoir  une  seconde  salve  de 
sy  près  et  inutilement,  le  comte  de  Saint-Agnan  aveq 
Vassan  et  tous  les  carrabins  alla  faire  teste  à  la  cavalerie 
des  ennemys,  et  luy  couvroit  tousjours  le  coude  des  hayes 
comme  le  salut  de  la  journée,  là  il  attendit  une  seconde 
descharge,  et  à  cinquante  autres  pas  une  troisième. . . 

Enfin  le  grand  front  de  huit  bataillons,  à  qui  le  terrain 
ne  pouvoit  pasestre  disputté  par  cent  ou  six  vingt  chevaux, 
aprez  une  autre  couple  de  descharges,  et  autant  de  cara- 
coles, arriva  sy  près  du  coulde,  qu'il  falut  ou  en  découvrir 
la  mousqueterie  ou  Tabbandonner.  Elle  y  estoit  en  petit 
nombre,  et  néanmoins  La  Ferlé  s'en  servit  si  bien,  que 
leur  bon  jeu,  et  la  contenance  des  trois  petits  escadrons  les 
arresta  tout  court. 

Cet  alte  faisoit  penser  à  quelques-uns  que  là  ils  vou- 
lussent borner  leur  journée;  mais  non,  c'estoit  pour  se 
servir  de  deux  pièces  de  canon  qui  leur  estoient  arrivées, 
et  là  leur  faire  gaigner  seurement  le  coulde  qui  leur 
importoit  sy  fort. 

Pour  démarcher  ils  jettèrent  quelques  mousquets  à 
l'escarmouche,  que  dix  chevaux  d'un  costé,  vingt  carrabins 
de  l'aultre  repoussoient  comme  s'ils  eussent  joué  aux 
barres,  cinq  ou  six  volées  de  canon  emportèrent  dans  ces 


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-  390  — 

escadrons  un  cheval,  et  dans  un  autre  un  pistolet  d'entre 
les  mains  d*un  maistre,  sans  autre  effet,  et  les  mousqu^ 
tairas  de  La  Ferté  faisoient  assez  bien  leur  debvoir,  pour 
donner  grande  jalousie  de  leur  poste»  quand  de  Talsle 
droite  des  ennemys,  au  chemin  de  laquelle  rien  ne  s'oppo- 
soit,  parce  qu'elle  marchoit  couverte d'uû bois,  et  de  bayes, 
ils  se  trouvèrent  attacquez  par  le  flanc,  dont  ils  ne  se 
doubtoient  point,  ce  furent  les  seuls  soldats. . .  qui  firent 
quelque  debvoir.  Ils  estoientau  marquis  de  La  Flosselière, 
mais  enfin  ils  furent  contraints  de  fuir  droit  au  retran-^ 
chôment..... 

[Dégarnissement  de  l'autre  extrémité]. 

Marillac  manda  donc  Mons.  de  Nemours  quMl  eût  k 
couler  au  pas  et  en  ordre  droit  au  coin  du  retranchement 
qui  abboutissoit  aux  murailles  du  fauxbourg,  et  que  luy  et 
le  comte  de  Saint-Agnan  après  avoir  tenu  fertne. . .  pour 
couvrir  sa  retraitte,  en  feroient  autant  par  Taultre  coing. . . 

La  gloire  est  due  au  peu  de  cavalerie  qui  resta  là  d'avoir 
fait  en  cette  retraitte  bonne  contenance,  ny  le  canon  de 
deux  cents  pas,  ne  firent  Jamais  tourner  teste  à  aucun  de 
ces  petits  escadrons. . .  au  pas  tousjours  et  tousjours  aveq 
ordre,  ils  se  retirèrent  à  laultre  bout  du  retranchement. 

Là  Marillac  et  le  comte  de  Saint-Agnan  se  séparèrent, 
cëluy  cy  aveq  les  gardes  de  Mons.  de  Vendosme,  et  les 
carrabins,  alla  joindre  Nemours^  et  celuy  là  aveq  le  reste 
de  la  cavalerie  demeura  d^ns  les  retranchements  soubs  lé 
concert  entre  eux,  que  sy  les  ennemys  se  mettoyent  en 
debvoir  dattacquer  ledict  retranchement...  l'un  par  un 
flanc,  l'autre  par  l'autre,  les  chargeroient  en  mesme  temps. 

[Marillac  veut  remettre  Tordre  et  l'assurance  dans  le 
retranchement.] 

Cependant  les  ennemys  maistres  du  coulde  des  hayes... 
faisoient  couler  à  la  file  leurs  bataillons  vers  une  des  testes 
des  retranchemens  en  toute  sûreté,  et  MM.  de  Vendosma 


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touB  les  deux  jouaient  à  la  fausse  compagniet  voicy 
comment.  Mons.  de  Nemours  et  sa  grosse  noblesse  jusques 
à  cinquante  maistrea  arrivez  au  lieu  qui  luy  avoit  esté  assi- 
gné, fut  mandé  par  Mons.  de  Vendosme,  de  venir  à  luy, 
pour  la  première  fois,  le  bon  prince  s'en  excusa,  disant 
avoir  ce  poste  à  garder,  mais  à  la  seconde  il  obéit,  et 
aprez  quelque  combat  entre  Thonneur  et  la  rétborique  de 
l'autre,  il  se  résolut  de  le  suivre,  sans  que  Mons.  de  Cau^ 
dale  le  put  empescher,  ny  cette  noblesse  aussy  de  luy  faire 
compaguie  jusques  à  Angers,  avec  cette  différence  toutefois 
que  le  premier  fit  sa  retraitte  à  toute  bride,  à  l'autre  seule-? 
ment  au  pas. 

. . .  Ainsy  donc,  le  comte  de  Saint^Aignan  ne  trouva 
point  Mons.  de  Nemours  à  son  poste.  Dont  Uarillac  averty^ 
luy  manda  des  troupes  de  volontaires  pour  le  remplir,  et 
ayant  reconnu  que  les  ennemys,  à  la  faveur  de  quelques 
bayes  prétendirent  de  gagner  un  jardin  fermé  de  palis  et 
de  fossés,  dont  le  terrain  assez  hault  voyait  dans  le  retran^ 
chement,  résolu  de  jetter  la  mousqueterie  du  baron  de 
Cholet  et  le  disputer  comme  le  retranchement  mesme. 

Le  Comte  prit  ce  soin  et  lùy  s'en  recourut  vers  l'autre 
bout  du  retranchement  où  l'on  l'appelait  ft  grande  ins^ 
tance. 

G*eatoit  pour  luy  monstrer  le  canon  des  ennemys  en 
belle  proye...  ils  l'avoient  abandonné  dans  le  milieu  de  la 
prairie  à  la  seule  garde  des  officiers  et  d'environ  trente 
chevaux  que  Loppes  commandait,  il  ne  voulut  pas  perdre 
cette  occasion,  partant  il  fit  en  diligence  couler  par  le  fond 
du  ruisseau  qui  allait  abboutir  assez  près  dudit  canon, 
soixante  mousquetaires  de  la  Foasellère,  il  fit  avancer  les 
troupes  du  baron  de  Pontchasteau  à  la  bouche  du  retran-. 
chement,  il  disposa  le  capitaine  Beuchy  avec  quarantet 
corselelets  sans  picque  pour  saisir  et  faire  marcher  ledit* 
canon,...  [on  Tavertit  que  Cholet  a  évacué  son  poste  aussi- 
tôt occupé  par  l'çnnemi.] 


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—  392  — 

Marillac  courait  çà  et  là  où  restonnement  paraissoit  le 
plus  grand  pour  y  pourvoir,  quand  voicy  tous  les  régi- 
ments du  baron  de  Chaulet  qui  prennent  la  fuitte.  Et  desjà 
celuy  de  Boisguerin  esbranlé  pour  en  faire  autant»  il  y 
court  et  les  maréchaux  de  camp  font  tant  aveq  luy  quils 
le  rejettent  en  leurs  postes.  Mais  voicy  que  tout  d'un  coup 
avec  un  pareil  bruit  que  fait  une  volée  de  pigeons  qui  lève 
de  dedans  un  champ,  le  régiment  du  marquis  de  Touar- 
say,  que  le  Bellay  avoit  mis  à  couvert  sur  les  terrasses  des 
murailles  du  fauxbourg,  jette  les  armes  et  se  précipite  à  la 
fuitte. 

C'étoit  que  le  Régiment  de  Picardie  parvenu  par  des 
chemins  couverts  jusques  à  vingt  pas  de  la  barricade  qui 
fermoit  Tadvenue  du  fauxbourg  ayant  surpris  ceux  qui  la 
gardoient  [les  mirent  en  fuite].  Le  vieux  Boisguerin  ayma 
mieux  s'abbandonner  aux  ennemys  que  de  suivre  ses 
propres  enfants  qui  comme  les  soldats  Fabbandonnoient. 
Quelques  capitaines  de  la  Trémouille  et  de  Boissy  firent 
ferme...  Le  marquis  de  la  Fosselière  anima...  sy  bonne 
partie  de  ses  gens  que  le  combat  en  son  poste  donna  de  la 
gloire  à  ceux  qui  l'osèrent  attaquer.  [Mais  enfin,  la  fuite 
devint  générale] 

Les  ennemys...  au  mesme  instant  que  cette  fuitte  fut 
apperçue  d'eux,  leurs  bataillons  qui  se  suyvoient  l'un 
l'autre  le  long  des  hayes  ne  firent  plus  de  difficulté  de  se 
jetter  dans  un  retranchement  abbandonné. 

Les  enfans  perdus  des  gardes  que  Malissy  commandoit 
comme  plus  avancez  y  arrivèrent  les  premiers,  et  par 
l'ouverture  du  retranchement  qui  abboutissait  au  faux* 
bourg  desja  entrez  en  bon  ordre,  quand  le  comte  de  Saint- 
Aignan  qui  s'estoit  mis  à  la  teste  des  volontaires  les  chargea 
de  front  sy  hardiment  qu'il  les  fit  faire  vingt  pas  en  arrière, 
et  sans  que  les  picques  des  premiers  rangs  portées  par  des 
officiers  de  la  noblesse  soustinrent  son  effort,  il  les  eut 
jettez  hors  du  retranchement,  Marillac  quasi  en  mesme 


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•w^^:- 


temps  les  chargea  par  le  flanc,  toutefois  avec  sy  peu  d*bon- 
neur,  car  les  trouppes  des  gardes  et  de  Pontchasteau  qu'il 
avoit  envoyé  quérir  en  l'autre  bout  du  retranchement 
n'estoient  encore  pu  arriver,  que  son  efiect  ne  fut  pas 
grand»  mais  partye  des  trouppes  arriva  cependant  que  le 
comte  faisoit  son  caracol  pour  retourner  à  la  charge  sur 
les  mesmes  enfants  perdus,  ils  en  firent  une  sur  ceux  de 
Champagne,  deux  autres  par  une  aultre  endroit  si  rude 
qu'il  les  rompit  et  sépara  en  deux,  mais  aveq  grande  perte 
du  baron  de  Pontchasteau  de  qui  l'elTet  fut  le  plus  grand 
parce  qu'il  donnoit  a  la  teste,  eut  quatorze  des  siens  portez 
par  terre  ;  les  gardes  dont  la  moitié  estoit  demeurée  der- 
rière à  cause  d'un  marais,  y  en  perdirent  huit,  ne  se  put 
ralier  non  plus  que  le  comte  qui  de  sa  seconde  décharge 
n'eut  pas  meilleur  marché.  [Mêlée;  dispersion  générale 
par  les  faubourgs,  les  royalistes  pour  le  pillage  et  les 
rebelles  pour  la  fuite] 

Ce  petit  reste  de  cavalerie  [des  rebelles]  n'avoit  retraitte 
que  par  le  mesme  fauxbourg  dont  toutes  les  avenues 
estoient  barricadées  hormis  deux. 

Par  Tune  MariJIac  aveq  grand  peine,  car  il  le  falloit 
desmesler  de  la  presse  par  petites  charges,  fit  passer  ce 
qui  luy  restoit  de  compagnons  librement  et  vivement,  par 
Taultre  le  comte  alla  chercher  son  passage,  mais  encore 
elle  ne  pouvoit  servir  pour  les  gens  de  pied ,  à  cause  de 
quelques  degrez  qui  en  formoient  la  sortye.  Il  rebroussa 
chemin  droit  dans  une  escouade  ennemye  de  picques  et  de 
mousquets,  d'où  s'estant  courageusement  demeslé,  un 
sergent  à  qui  il  en  cousta  la  vie  de  sa  main,  l'enveloppa 
dans  une  aultre,  là  il  fut  contraint  de  se  rendre  prisonnier 
d*un  gentilhomme  qui  le  reconnut  dans  la  presse,  nommé 
Boyer. 

Cependant  le  marquis  de  la  Fossilière  ni  la  redoute  qui 
fermoit  le  retranchement  sur  la  rivière  d'Authion  et 
quelques  cappitaines  de  la  Tremouille  et  de  Boissy  au  des- 


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-  m  - 

soubs  disputolent  leur  vie  fort  inégalement;  ceux-ci 
furent  incontinent  emporter,  celuy-là  résista  davantage  et, 
tant  qu*il  de  vit  dix  homméa  auprez  de  lui,  jamais  ne  vou-^ 
lut  rendre  les  armes. 

Marillac  ne  scavoit  pas  encore  la  perte  du  fauxbourg  nj 
du  po&t;  il  prétendait)  avec  ce  qu'il  pbuvoit  rallier  de  geaa, 
se  jetter  dans  la  ville,  rassurer  tout  ce  qu'il  y  trouveroit  et 
la  bien  disputer  sous  la  faveur  du  chasteau  ;  pour  cela  il 
tourna  plusieurs  fois  de  la  ruelle  dans  la  prairie^  oognois- 
sant  ce  qu'il  y  avoit  de  ses  compagnons  pour  ny  en  laisse^ 
pas  un...  mais  arrivé  qu'il  fut  avec  le  dernier  dans  la 
grande  rue,  il  la  trouva  pleine  d'ennemys,  au  milieu  d'eux 
Saint-Geny,  Navailles,  Ghassenaye  et  le  comte  de  Chasteau- 
roux,  les  espées  sanglantes  jusques  aux  gardes  ;  il  tourne 
à  eux,  il  les  dégage,  et  aveq  grande  peine  perça  la  foule 
vers  la  ville  jusques  au  pont  levis,  mais  rayant  trouvé  à 
demy  levé,  et  en  disputte  entre  les  defifendants  et  lea 
âssaillâhs,  fofce  leur  fut  de  tenter  un  autre  chemin,  il 
rebroussa  par  le  bout  de  pont  dans  la  prairie  qui  va  à 
Sainte-Gemmes,  tenta  Teau,  mais  le  guay  n*estoit  pas  là, 
il  ne  luy  resta  donc  rien  à  faire  que  sa  retraitle,  laquelle 
selon  lapparence...  Il  fit  alte  au  bord  de  l'eau  longuement 
tant  pour  ralier  le  plus  quil  pouvoit  de  gens, .  « . . 

En  cette  alte  quelques  ennemys  sortis  à  lui  par  Irouppea 
furent  recongne2  dans  le  fauxbourg  par  plusieurs  fois 

[Puis]  la  teste  tournée  vers  Angers  en  oindre  et  en  volonté 
de  vendre  leur  retraicte  bien  cher  ils  prennent  leur  chemin 

par,..  Sainte-Gemmes » 

Eusèbe  Pàvik. 


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HENRI   BBRNIER 


CHANOINE  D'ANGERS 

^suitej 


CHAPITRE  VU  . 

Le  sapérieiiXHBappléant  du  petit  séminaire  d'Angers 
(1837-1830) 

Une  ordonnance  royale  du  8  septembre  1831  déclara  la 
dissolution  du  petit  séminaire  de  Beâupréau,  en  affectant 
lelocaî  au  service  du  Ministère  de  la  guerre*.  Élèves  et 
professeurs  se  dispersèrent.  M.  Mongazon  se  retira  dans 
une. maison  dépendante  du  château.  Privé  de  ses  chers 
enfants,  après  avoir  passé  cinquante  années  au  milieu  de 
la  jeunesse,  le  bon  vieillard  se  consumait  depuis  deux  ans 
dans  une  douloureuse  solitude,  lorsqu*en  septembre  1833 
une  lettre  de  Tévéque  vint  le  supplier  de  bien  vouloir  se 
transporter  à  Angers.  Il  obéit  sur-le-champ, 

Domine  le  gouvernement  accordait  une  Indemnité  au 
supérieur  du  collège  fermé,  Mgr  Montault  avait  résolu 
d'ouvrir  une  nouvelle  école  ecclésiastique.  Sûr  de  ne  pas 
obtenir  Tautorisation  de  la  placer  dans  Tarrondissement 
(le  Beâupréau,  il  songea  d^abord  h  l'installer  dans  Tabbayê 
de  Saint-Florent,  celle-là  môme  où,  deux  ans  plus  tard, 

<  H.  Bérnier,  Neîke  historique  9ur  U  toUégê  de  Beâmpréamy  p.  171. 


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—  396- 

M.  Bernier  devait  établir  les  Dames  du  Bon-Pasteur.  L'état 
d'esprit  de  la  contrée  était  tel  que  les  étudiants  du  petit 
séminaire  de  Gombrée  et  du  grand  séminaire  d* Angers 
pouvaient  difficilement  y  passer  leurs  vacances.  Force  fut 
à  révoque  de  renoncer  à  son  projet.  Il  prit  alors  la  décision 
de  construire  un  collège  dans  sa  ville  épiscopale  et  pria 
M.  Mongazon,  âgé  de  soixante-seize  ans,  de  prêter  son 
expérience  à  l'entreprise  et  de  lui  assurer  le  prestige  de 
son  nom  vénéré. 

Un  mémoire  de  M.  Bernier  renseigne  exactement  sur  la 
situation  ^  «  M.  Mongazon,  dit-il,  avait  géré  à  son  compte 
le  petit  séminaire  de  Beaupréau.  Toutefois»  des  sommes 
considérables  lui  avaient  été  avancées  sur  les  fonds  diocé- 
sains, à  plusieurs  époques.  L'emploi  de  l'indemnité  n'était 
donc  pas  entièrement  facultatif  pour  lui  et  pour  ses  con- 
seillers. D'ailleurs,  la  fondation  d'un  petit  séminaire  étant 
une  affaire  toute  diocésaine,  tout  ce  qui  s'est  fait,  par  suite 
de  cette  indemnité,  devait  se  faire  de  concert  avec  l'auto- 
rité épiscopale;  et  ce  fut  effectivement  de  concert  avec 
l'évêcbé  que  M.  Lambert,  l'ancien  économe  du  collège  sup- 
primé, s'arrêta  au  projet  de  b&tir  à  neuf  une  vaste  maison 
pour  remplacer  celle  de  Beaupréau  et  faire  revivre  l'œuvre 
qui  avait  été  étouffée  au  moment  de  sa  plus  grande  pros- 
périté. Néanmoins,  l'entreprise  fut  faite  dans  le  nom  de 
H.  Mongazon  et  le  diocèse  n'est  devenu  propriétaire  qu'en 
vertu  d'une  donation  régulièrement  autorisée  depuis  l'exé- 
cution. 

€  L'entreprise  était  d'une  grande  importance  et,  vu  les 
circonstances,  on  ne  peut  plus  hardie.  II  ne  paraît  pas 
néanmoins  que  le  conseil  diocésain  ait  été  appelé  à  déli- 
bérer avec  maturité  sur  ce  projet.  On  s'y  est  jeté  comme 
par  enthousiasme,  on  s'y  est  prêté  comme  par  entraîne- 
ment, et  si  quelqu'un,  parmi  les  membres  de  l'administra- 

1  Mémoire  adressé  à  Mgr  Angebault,  évéque  nommé  d'Angers. 


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r 


-  397  - 

tion  diocésaine,  8*est  appliqué  à  en  mesurer  la  portée,  à  en 
reconnaître  les  difficultés  et  les  conditions  de  succès,  ce 
dont  je  me  permets  de  douter,  il  est  certain  qu'il  ne  s'y  est 
trouvé  personne  qui  ait  fait  adopter  un  plan  raisonné  et 
complet,  personne  qui  ait  tout  à  la  fois  compris  et  dirigé 
cette  grande  opération.  M.  Lambert,  assez  fort  de  Tamitié 
et  de  Testime  de  M.  Régnier  S  de  Testime  et  de  la  confiance 
illimitée  de  Mgr  Montault,  pour  entraîner  le  prélat  en 
rendormant,  et  pour  neutraliser  les  vues  du  grand  vicaire, 
a  tout  fait  sans  contrôle.  Jamais  blanc-seing  ne  fut  donné 
à  un  homme  plus  désintéressé,  jamais  tâche  pénible  ne  fut 
acceptée  avec  un  plus  généreux  dévouement  ;  jamais  diffi- 
cultés et  obstacles  ne  furent  combattus  avec  une  volonté 
plus  énergique  ou  plus  persévérante  ;  jamais  opération  ne 
fut  poussée  avec  plus  d'activité  ;  et  de  plus,  M.  Lambert  fit 
preuve  d*une  capacité  rare.  Mais  enfin  il  y  eut  dans  ce  tour 
de  force  une  témérité  qu'un  plein  succès  pouvait  seul  entiè- 
rement justifier. 

c  II  s'agissait  de  b&tir  une  maison  capable  de  recevoir 
convenablement  trois  cents  pensionnaires.  Il  s'agissait 
d'égaler  Beaupréau  tout  au  moins.  Et  même,  sous  plusieurs 
rapports,  on  devait  prévoir  bien  des  dépenses  inconnues 
dans  ce  dernier  établissement.  Les  familles  devenaient  de 
plus  en  plus  exigeantes  pour  la  tenue,  la  propreté,  les 
soins  personnels  des  élèves  ;  l'Université  faisait  de  grands 
efforts  pour  conquérir  la  confiance  des  parents,  et  elle  éten- 
dait le  cercle  de  l'enseignement  classique  ;  on  venait  planter 
pavillon  dans  le  chef-lieu  d'un  ressort  académique,  près  du 
collège  royal  ;  on  venait  se  soumettre  au  contrôle  quotidien 
des  parents  et  des  visiteurs  d'une  grande  ville,  etc..  La 
première  chose  à  faire  était  une  évaluation  approximative, 
autant  que  possible,  des  dépenses  qu'on  aurait  à  faire  pour 
s'établir  d*une  manière  convenable,  et  qui  pût  répondre  à 

*  Vicaire  général. 

26 


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-  398  - 

l'attente  du  public  ;  la  seconde,  une  évaluation  des  res- 
sources; la  Iroisièiïie,  une  balance  entre  leà  uiies  et  les 
autres.  En  ce  qui  concernait  le  lôcàl,  il  fallait  des  plans  et 
'des  devis.  Tous  ces  préalables  furent,  non  sèuléitieht  négli- 
gés, mais  totalement  omis.  M.  Lambert  acheta  bn  terrain 
36,000  francs  et  leé  travaux  de  constructibii  fbreût  com- 
mencés, lé  1"  mai  \  S34,  sous  sa  direction,  sans  autre  )archi- 
tect'é  que  lui-même,  et  sous  sa  responsabilité  â  lui  seîil.  » 

Eh  àtiendâhi  la  construction  dii  petit  séminaire;  (iH  loua 
l'hôtel  de  lia  feàrre  ^  et,  dès  Te  mois  de  hoveînbi'e  1833, 
M.  Mongazoh  y  réunit  cinquante  bu  sôixaûle  philosophes  et 
rhélonciens. 

À  la  rentrée  scolaire  àè  li834,  le  petit  séïhînàire  flil 
déclaré  d'è  plein  exercice.  Les  cinq  classes  sùpérieuréà  se 
faisaient  a  là  Barre  et  se  composaient  de  qiiâtrB-Vingts 
pehsiônhaîi*e8.  Les  classes  inférieures  à  là  quatri'èliie,  com- 
prenant qûà'ràûb  pensionnaires,  occupaient  ùiie  iWaison 
dépendante  de  la  propriété  sur  laquelle  on  bâtissait  1g 
nouveau  collège*.  «  L'activité  iniprîmée  aux  travaux  fit 
espérer  qu'on  pourrait  lloccuper  à  la  rentrée  dé  iS35,  et  on 
Tannonça  àui  familles.  On  n'avait  pas  suffisamiiifelit  prévu 
les  retards  qu'on  éprouve  loujoijrs  dans  les  constructions 
lorsqu'on  arrive  à  la  menuiserie,  à  la  âetrUrteHe  et  àùx 
autres  détails  de  l'intériebr.  tl  à'eh  fallait  de  beaucoup  qde 
le  local  ne  fût  dans  un  état  convenable,  à  la  fin  des  Vacances. 
Mais  les  familles  étaient  instantes  et,  de  touteà  parts»  on 
demandait  des  places  daiis  le  nouvel  établissendent  :  le 
besoin  de  créer  des  ressources  pressait  encore  davantage. 
On  logea  donc  plus  de  deux  cents  élèves  dans  leà  houveaii± 

*  Au  faubourg  Bressigny,  aujourd'hui  le  eouvent  des  Ai^gustines. 

•  Cette  maison,  dite  le  Petit-Colombier,  était  sur  reDqplaçement 
occupé  actuellement  par  le  pensionnât  Sainlrllrbain.  Au  lùidi  se 
trouve  une  vieille  maison  annexée  à  Saint-Urbain  :  elle  portait  alors 
le  nom  de  Grand-Colombier  ;  avant  de  servir  d'infirmerie  au  pen- 
sionnat, elle  fut  successivement  l'atelier  du  chanoine  Choyer,  habitée 

Sar  divers  locataires,  puis  l'Institution  Saint-Aubin,  première  école 
e  la  Faculté  des  Lettres. 


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bâtîihenlâ;  à  la  BU  d'octobre  1835,  Mû  âû  tit)p  tôt  sans 
feôntt-edii'.  s 

M.  Lambert  tenait  le  rôle  tout  à  la  fois  tf  àrchitectfe,  de 
ebndticteiir  des  travaux,  de  Supérieur  effectif  de  i'établis- 
îléihfeiit;  d'écotioilûe  et  de  préfet  de  sùrvéiltence.  L'autorité 
dé  M;  Mongazon  était  insuffisante:  Affaibli  par  Tége  et  fa 
dëulëur  d'avoir  perdu  son  ànciettiie  maison;  quitté  te  patrie 
vfetidééhnej  le  supérieur  restait  Seulement  Totnbrt  de  Itii- 
feêttifâ.  Pour  Ite  suppléer,  on  fût  obligé  de  dohnw  le  tittte 
(dfe  'àbus-dit^bteiir  â  T'éCônomeç  mais,  absobbé^mî'  les  soins 
ihàlérieis,  Hi.  Lambert  né  pouvait  accorder  â  là  directioh 
générale  et  à  la  discipline  le  temps  néceàsaire: 

if  Le  personnel  était  comî)OSé  de  foncliohnéîres  géhé- 
rélement  dévoués,  dont  plusieurs  avaient  H\éjé  secbndé 
if.  Mbbgâzon  à  Beailpréau  et  à  te  Barre;  Le  inérite  tfe 
(cjûelques-tiils  était  bien  tonnu.  »  Les  autres  devaient  se 
former  darts  l'exercice.  «  Mais  ce  ftit  une  énorttié  ftiute  de 
ïi'avôir  pas  appelé  quelqtiiefe  lioms  déjà  reeomnidttidàMés, 
quelqu'es  tâléhls  d'une  iilc'ott  testa  blé  supériorité,  pôttb  les 
àdjoinarfe  aux  premieb;  d'autant  qu'ion  avait  éû  teï'gemtent 
lé  temps  de  préparer  cette  recrue.  * 

c  La  pk-émière  année  avait  fait  un  mal  îrtfihî  ft  là  vépvi- 
latîbli  de  l'ëtablisssement.  La  rentrée  1^36  néattttiôins  fut 

,  *  Mémoire  cit^.  M., Bernier, continue  de  la  sorte  :  «  C'était  un  an 
trop  tôt  sans  contredit,  et  ce  trait  est  peut-être,  dans  toute  la  vfè  de 
M.  fcàmbertjcelûi  qui  dénote  le  piûs  de  hardiesse.  PinsieûreB  chambres 
de  maîtres  n'étaient  pas  closes,  et  si  les  élèves  éta-ient  abrités,  une 
fouft  de  dispositions  a  pt-endre  d^hs  rintérieûr  avaient 'été  àj^ûméé^; 
une  lùultitude  de  travaux  de  détail  étaient  inachevés  pu  entièrement 
à  faire  ;  et  des  choses  qui  sont  partout  jugées  indispensables  pour  la 
salubrité,  pour  la  propreté,  pour  la  sûreté,  ï)oùt  là  surveillance, 
manquaient  absolument,  et  elles  manquèrent  longtemps  encore.  .On 
peut  se  faire  une  idée  de  Tétrange  position  où  v3ii  S'était  mtiëé  jiar 
cette  seule  circonstance  :  on  n'avait  pas  même,  dans,  une  maison  qiii 
réunissait  plus  de  deux  cent  cinquante  personnes,  une  seule  case  de 
latrines  ;  pendant  plusieurs  jours,  les  fossés,  les  intervalles  entre  les 
charpentes  et  les  tas  de  pierres  en  tinrent  lieu,  pou^r  tout  Je  monde. 
Gênes  et  privations  de  toute  espèce,  désordre,  pêle-mêlè.  malpropreté, 
négligence  absolue  des  soins  que  Vé'clâmertt  Ites  effelà  ne  ces  'enfants 
et  leuï- p^rsbnî^e.  Arnâî  ^éût  se  ?é^è^ttî'ef  \o\i\  cfe  'q\l'oh  b'ent  dire  de 
'délft  i)f%faiîtêre  aïinéé-,  fen  bé  i^\  iàn^émè  là  iWlHié  ûiât^-rélle.  \ 


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u-^^ 


—  400  - 

nombreuse  ;  mais  non  pas  en  élèves  payant  le  haut  prix  de 
pension.  Dans  cette  catégorie,  il  n*y  en  avait  pas  cinquante 
sur  deux  cent  trente.  >  ^ 

Les  parents,  que  les  embarras  trop  visibles  de  Tannée 
précédente  avaient  disposés  à  l'indulgence,  comptèrent  sur 
de  notables  changements.  Il  n*y  en  eut  pas.  Les  cons- 
tructions avaient  été  poussées  et  quelques  parties  des 
bâtiments  se  trouvèrent  achevées  ;  les  cours  de  récréation 
étaient  tracées  et  provisoirement  nivelées.  On  se  trouvait 
plus  au  large.  D'ailleurs  aucune  clôture  ne  devait  encore 
d'ici  longtemps  fermer  la  maison.  A  la  fin  de  décembre, 
quelques  élèves  furent  chassés  pour  être  allés  en  ville,  le 
soir,  tentés  à  ce  qu'il  parait,  par  Textréme  facilité  des 
sorties  frauduleuses.  Parents,  élèves,  maîtres,  se  plai- 
gnirent hautement.  Ce  fut  un  concert  de  murmures.  A 
ce  malaise  et  à  ce  mécontentement  général  se  joignit 
un  autre  mal  qui  menaça  d'amener  une  entière  ruine. 
L'autorité  morale  de  M.  Lambert  s'annula  auprès  des 
maîtres  ;  il  n'y  eut  plus  de  direction,  plus  d'unité,  plus  de 
subordination.  Bientôt  il  se  manifesta  parmi  les  élèves  un 
mauvais  esprit  qui  donna  beaucoup  d'embarras  à  M.  Bou- 
treux  *  qu'on  s'avisa  de  créer  préfet  de  surveillance. 

Le  vicaire  général  avait  proposé  au  curé  de  Saumur  la 
coadjutorerie  du  petit  séminaire,  mais  sans  insister  beau- 
coup. On  croyait  encore  que  les  choses  pourraient  aller 
sans  cette  mesure.  Il  fallut  bien  s'y  décider.  L^abbé  Tendron, 
le  confesseur  de  M.  Mongazon,  chargé  de  l'amener  à 
demander  un  auxiliaire,  réussit  parfaitement  et,  le  8  jan- 
vier 1837,  directeur  et  dirigé  écrivaient  à  M.  Dernier  pour 
l'engager  à  donner  promptement  sa  démission  et  à  venir 
prendre  la  direction  du  collège  *. 

*  Professeur  de  rhétorique, 

*  Voici  la  lettre  de  M.  Mongazon  : 

«  Mon  cher  Curé,  tu  as  dû  recevoir  une  lettre  de  M.  Régnier,  qui 
te  prie  de  venir  à  mon  secours.  J'aime  à  croire  que  tu  ne  vy  refuse- 


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V 


-  401 


Le  succès  de  rétablissement  était  non  seulement  aléa- 
toire, mais  déjà  fort  compromis.  En  cas  de  fermeture,  que 
deviendrait  le  supérieur-suppléant?  M.  Bernier  avait  de 
telles  charges  de  famille  que,  sans  manquer  de  dévoue- 
ment, il  pouvait  se  poser  cette  question.  De  plus,  par  suite 
de  la  faiblesse  de  M.  Mongazon  et  de  la  grande  liberté  que 
prenaient  les  professeurs,  sa  situation  devait  être  très  déli- 
cate. Il  répondit  prudemment  en  sollicitant  qu'on  lui 
accordât,  en  manière  de  traitement,  le  premier  canonicat 
titulaire  vacant*.  Cette  combinaison  présentait  Tavantage  de 
lui  assurer  une  prébende  sans  grever  le  budget  d^une  mai- 
son que  les  mauvaises  langues  prétendaient  déjà  ruinée. 
Il  demanda  aussi  qu'on  précisât  sa  juridiction  et  son  insis- 
tance sur  ce  point  décèle  encore  une  triste  opinion  de  l'état 
du  collège.  «  Quelle  autorité,  écrivait-il,  a-t-on  Tintention 
de  me  conférer?  Il  va  sans  dire  qu'elle  sera  supérieure  à 
celle  de  tous  les  autres  fonctionnaires  qui  en  dépendront 
immédiatement  et  en  tout  point  subordonnée  à  Tautorité 
épiscopale.  J'ai  déploré,  il  y  a  longtemps,  l'isolement  dans 

ras  pas.  C*est  une  nécessité  pour  moi.  Je  suis  hors  d*état  de  remplir 
mes  devoirs.  Ainsi  viens  donc  au  plus  tôt  me  tranquilliser.  Tu  seras 
heureux,  tu  seras  mon  adjudant,  nein,  viens  donc, 
c  Je  t'embrasse  de  tout  mon  cœur  et  suis  toujours, 
«  Mon  bon  ami, 

«  Lom-MONOAZON,  pr.  » 

>  L'évéque  accorda  1,200  francs  de  traitement  à  M.  Bernier  et  la 
promesse  d'un  canonicat  que  Ton  fonda  sur-le-champ  pour  M.  Mon- 
gazon. Quand  le  supérieur,  et  plus  tard  son  suppléant,  entreraient 
en  jouissance  de  cette  prébenae,  le  traitement  fait  par  la  maison 
cesserait.  En  tout  état  de  choses,  les  dépenses  personnelles  de 
M.  Bernier  seraient  seules  à  sa  charge.  On  convint  que  deux  de  ses 
neveux  seraient  admis  comme  boursiers  diocésains  «  s'ils  allaient 
bien  pour  la  conduite  et  la  capacité  ». 

Quant  à  la  question  de  juridiction,  M.  Relier  en  écrivait  ainsi  à 
son  ami  :  «  Le  supérieur  de  l'école  ecclésiastique,  sous  le  régime 
nouveau,  aura  dans  sa  maison  au  moins  autant  d  indépendance  qu'un 
principal  ou  un  proviseur  dans  les  collèges  universitaires.  >  La  ges- 
tion économique  fut  censée  réservée  à  1  èvêché. 

L'arrangement  de  la  prébende  fut  modifié.  M.  Mongazon  résigna 
son  canonicat  en  faveur  de  M.  Boutreux,  qui  en  jouit  douze  années. 
On  promit  alors  le  premier  canonicat  vacant  à  M,  Bernier.  Il  fut 
nommé  chanoine  titulaire  par  ordonnance  du  26  mai  1840  et  vicaire 
général  par  ordonnance  du  8  janvier  1841. 


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lequel  on  laissait  le^  collègeç  psir  rapport  à  cetta  deirni^re 
autorité,  et,  en  outre,  §i  je  dirigeais  l'école  d'Angers,  je 
aeo^  que  j'fturais  bçtsoiq,  ^e  ce  côté-^,  d'un  appui,  dins- 
piratioQs,  de  d^ci^on^.  Mais  il  m^.  semble  évident  que 
la  conduite  du  por^onnel  serait  impossibite  si  Tautorité 
supérieure  iiitervenait  trop  fréquep^n^^nt,  ^\  les  suborr 
dcinnés  se  croyaient  fondés  à  former  appel  quand  bon  leur 
semblerait  ii  cette  autorité;  ai,  pour  obtenir  ut^e déférence 
convenable,  il  fallait  souvent  la  citer  et  la  mettre  en  av^Pt  : 
enumnot,  si  le  Pireoteurn'était  qu'un  premier  surveillant, 
qU'UP  ^^éçut^urdes  décisions  épiscopatps  Je  demanderais 
dow  que,  certains  points  capitaux  uflQ  fois  réglés,  à 
rexception  de  certaiips  pas  rarps  et  gravps,  l'autorité  épis- 
CQpale  s'abstint  d'intervenir  QSten^ibilementf  ^ps  y  étce 
provoquée  par  moi-mépip.  Vu  Tétat  actuej,  il  m^  sembje 
nécessair-e  d'exprimer  tout  d'a):)ord  cette  cqpditipP-  M^ 
déclaratipn  est  toute  de  tienne  foi  et  nullement  dicté^  paç 
un  désir  d'indépendanpe,  qpi  serait  ipi  ai  dép}a(Cé  à  tous 
égards.  9 

On  répondit  par  de  bonnes  paroles  aux  demandes  de 
M.  Berpier.  Il  donna  sa  démission  de  curé  et  entra  au 
petit  séminaire  le  18  février  4537  -. 

Le  supérieur-suppléant  était  âgé  de  quarantg-deux  ans. 
Son  meilleur  portrait,  conservé  dans  la  galerie  du  collège 
datp  de  cette  éppqije.  Le  caractère  et  niême  la  destinée 
semblent  se  lire  sur  la  physionomie.  On  est  frappé  tout 
d-abqf4  d€î  I-enspifll)}^  ayslèrp  donné  par  je  costume  de? 
anciens  chanoines  qui  convenait  si  bien  à  cette  figure 
empreinte  de  la  réserve  du  yiep?  plergé.  Enfqpcég  dap?  des, 
afcades  soprcilières  acpentuées  et  bornées  de  tpmpes  car- 
rées, les  yeux  éclairent  brillamment,  comme  un  feu  très 
vif  venant  de  l'intérieur,  un  y^sage  maigre  pt  ui)  peu  p^lQ 
dont  l'expression  spirituelle  se  complète  par  un  fin  sourire, 

*  La  Notice  historique  dij,  {k  tpr);  (p.  177),  le  ^7  février. 


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r 


Ip  seul  qiie  sep)t)lent  avoir,  po^pu  ses  lèvres  déjiçates.  Le 
front  porte  à  la  racine  du  nez  de  petits  plis  verticaux,  trace 
d'u^e  activité  intellectuelle  peq  récompensée  par  je  syccès. 
Une  opulente  chevejure  noire  s'échappe  de  la  calotte  tradi- 
tionnelle pour  eqpadrer  d'une  m^inièr^  séante  ce  visage  don^ 
tous  les  détails,  dispqs^s  p^v  plans,  ipais  bien  ordonnés, 
dénotent  une  ê^me  antique  et  distinguée  où  domine  \d^ 
fermeité'. 

Pepoi^ne  ne  fut  surpris  de  }a  nouvelle  situation  de 
M.  Berqjer.  Ce|ui  qui  avait  rpnçju  florissant  le  collège  de 
I]f}^é  et  mérité  d'è|re  proposé  comme  proviseur  du  lycée 
devenait  naturell^inent  supérieur  du  pçtit  ^éçnjnaire.  Telle 
^|3j|  ^  consjdératioq  personnelle  que,  dès  spn  arrivée  à 
4ugers,  l^gr  jMontault  le  nopma  pneipbre  de  son  conseil. 
Quelques  qpojs  3Rrèp  il  le  fit  chanqine  jipr^oraire.  Cette 
dignifé,  doïit  les  filles  spirituelles  de  l'ancien  curé  avaient 
une  haute  idée  et  pu  grand  désir  pour  leur  directeur,  a  été 
l'objet  de  piqsieurs  jolies  lettres.  L'|^ne  d'elles  ipontr^com- 
naent,  p[i?ilgré  sa  gravité,  jl  Sfijyajt  être  aimable  et  mêler 
délicatement  les  conseils  aux  rerpercîQments  ^t  ^ux  ren- 
seignep^ents  de  politesse. 

A  Mademoiselle  Modeste  Maya\id 

€  Petit  séminaire,  9  juin  1837. 
ç    MADEMOISELLE, 

ç(  Connaissant  votre  goût  pour  les  b^roderies  d'église, 

I  bas  d'aube,  surplis,  tours  d'autel,  etp.,  j'ai  pe|]sé  c^ue  rjiis- 

I  tpjred'ua  rochet  à  manches  et  4'^?^^  o^osfette  pourfait  vous 

intéresser,  Vous  savez  d'avance  par  quelle?  main^  et  dans 

;  *  Le  portrait  de  M.  Bernier,  bon,  quoique  d'une  manière  dure, 

I  estroèuvrè  de  M'.  Pierre  Diissàult.  M.  Pati  (Dict.  kistpriq,)V.BAXt\h\ief  . 

i  par  erreur,   à  l'abbé  Guillaume,  qui  est  l'auteur  du  portrait  de 

I  M.  Mbngàzon.  ' également  conselrvé  au  petit  séminaire.  —  Mlle  Leguaiy 

fit  tirer  des  "photographies  du  portrait  à  l'huile,  qu'elle  jugeait  plus . 
'  ressemblant  que  celui  qui  a  été  dessiné,  peu  artistement  d'ailleurs, 

par  l'abbé  Çariller,  et  lithographie  par  Jules  Laurens.  (In-folio,  imp. 

Lemerblef,  Paris).  '       =        •  ' 


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■1 


-404  — 

quelles  intentions  ces  deux  insignes  de  la  dignité  canoniale 
ont  été  confectionnés. 

€  Pour  moi,  bien  convaincu  qu'ils  étaient  votre  ouvrage, 
je  les  ai  reçus  avec  beaucoup  de  gratitude,  et  à  la  vue  de 
la  superbe  mozette,  j'ai  senti,  pour  la  première  fois,  un  vif 
désir  d'être  chanoine. . .  C'était,  quelques  jours  après  la 
Pentecôte,  que  j'avais  reçu  cet  agréable  cadeau.  La  veille 
du  grand  Sacre,  le  prélat  me  déclara  qu'il  me  faisait  cha- 
noine honoraire,  et  il  m'invita  à  la  procession  du  len- 
demain. J'étais  dans  l'enchantement,  lorsque  tout  à  coup 
quelqu'un  m'objecta  l'inexorable  coutume  :  —  Avez-vous 
fait  vos  visites  ?  —  De  quelles  visites  entendez-vous  parler  ? 

—  Des  visites  que  vous  devez  faire  accompagné  d'un 
membre  du  Chapitre,  à  tous  les  autres  membres,  tant 
titulaires  qu*honoraires  avant  de  vous  présenter  au  chœur. 

—  Il  fallut  bien  se  résigner,  et  je  me  mis  en  mesure  pour  les 
premières  vêpres  de  l'octave  du  Sacre.  Ce  fut  donc  le 
samedi  3  juin  que,  sortant  de  la  sacristie,  la  mozette  sur  le 
bras,  j'allai  la  présenter  au  prélat,  qui  m'en  revêtit,  puis 
me  bénit  et  me  fit  baiser  son  anneau  ;  et  je  fus  conduit  à 
ma  stalle  par  le  grand  vicaire  qui  m'avait  accompagné.  De 
vieux  chanoines  en  rochet  tout  usés  et  défenseurs  obstinés 
de  la  simplicité  antique,  regardaient,  avec  un  œil  sévère, 
ma  brillante  toilette.  Car,  l'instant  d'auparavant,  je  crois 
qu'ils  m'auraient  arrêté  tout  court,  dans  la  sacristie,  si  je 
n'avais  pas  été  défendu  par  la  Jeune-France^  qui.  Dieu 
merci,  commence  à  les  déborder. 

€  Il  faut  que  j'aie  commis,  ce  jour-là  et  les  deux  suivants, 
bien  des  péchés  de  vanité  ;  car  j'ai  éprouvé,  lundi  dernier, 
un  désappointement  très  pénible  qui  en  est  sans  doute  la 
punition.  N'ayant  pu  montrer  ma  mozette  ni  à  la  fête  dii 
Sacre,  parce  que  les  visites  d'usage  n'étaient  pas  faites,  ni 
le  jour  de  l'Octave,  parce  que  nous  avions  au  collège  notre 

'  Voilà  un  Dieu  merci,  <]ue  M.  Bernier  n'eût  pas  écrit  dix  ans  plus 
tard.  'La  Jeune-France  était  Tabbé  Jules  Morel. 


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—  406  — 

procession,  je  me  promettais  de  Tétaler  lundi  devant  un 
nombreux  clergé,  au  service  des  prêtres  défunts  de  ce 
diocèse.  Mais  arrivé  à  Tévèché,  après  le  commencement  de 
l'office,  j'ai  beau  fureter  partout  dans  les  appartements 
épiscopaux  et  fouiller  dans  tous  les  meubles,  point  de 
rochet  et  point  de  mozette.  Je  cours  à  la  sacristie,  pour 
demander  mes  habits  de  chœur  :  personne  ne  les  a  vus  ! 
personne  ne  peut  me  donner  des  nouvelles  de  la  boîte  qui 
les  contenait.  La  veille,  à  mon  insu,  on  Tavait  portée  au 
collège,  cette  malheureuse  boîte.  Dans  mon  désespoir, 
j'allai  m'asseoir  dans  un  coin  de  la  nef,  en  soutane,  ne 
voulant  pas  compromettre  ma  nouvelle  dignité,  en 
paraissant  dans  Téglise  cathédrale,  avec  un  mesquin  et 
vulgaire  surplis. 

c  L'histoire  finirait  là,  si  je  m'en  tenais  à  ce  que  j'ai  vu 
moi-même.  Mais  quelqu'un  m'assure  que  cette  mozette 
vous  porte  bonheur,  et  que,  depuis  que  vous  l'avez  faite, 
vous  marchez  à  grands  pas  dans  la  voie  de  la  piété.  Je  vous 
le  dis,  parce  que  vous  ne  vous  en  douiez  pas.  Mademoi- 
selle, si  l'interjprétation  est  un  peu  hasardée,  le  fond  est 
très  vrai  ;  et  voilà  les  pensées  que  cela  me  suggère  :  si 
j'étais  encore  le  curé  de  M"«  Modeste,  si  elle  ne  m'avait  pas 
fait  chanoine,  je  me  vengerais  de  n'avoir  pas  pu  la  marier, 
en  l'enrôlant  dans  la  congrégation.  Il  me  serait  facile  de 
lui  présenter  pour  cela  de  puissants  motifs.  Ses  pieuses 
mères  l'autoriseraient,  sans  balancer,  et  M.  Paul  donnerait 
son  agrément  à  la  première  ou  seconde  sommation. . . 

«  Veuillez,  Mademoiselle,  me  rappeler  au  souvenir  de 
toute  votre  famille,  et  croire  à  mon  sincère  dévouement. 

«  H.  Bernier,  chanoine.  » 

Au  moment  où  M.  Bernier  plaisantait  avec  cet  enjoue- 
ment, il  se  débattait  dans  de  graves  difficultés  qu'il  a  lui- 
même  racontées  avec  sa  précision  ordinaire.  <  J'avais  vu 
en  activité  de  construction  une  vaste  chapelle  et  un  corps 


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—  406  — 

considérable  dç  bâtiments  supplémentaires,  deux  objets 
dpnt  il  ét^it  bien  possible  de  se  passer  pe.ndant  longtemps. 
A  l'évéché  comme  au  petit  séminaire,  on  avsiit  témoigné 
la  plus  entière  confiance  sur  la  prospérité  fi^a^çjère  de  1^ 
maison.  Je,  crus  donc  cq  qu'on  avait  répaudu  partout,  qu'oa 
^>vait  pas  f^it  de  dettes,  et  de  plus  les  considérations  de 
délicatesse  et  de  convenance  durent  écarter  la  pensée 
d'pxiger  préalablement  une  reddition  de  comptes  exacts, 
€i\  un  état  régulier  de  la  situation  du  petit  séminaire. 
L'eml3(8|rr4s,  Iq  pénurie,  le  désordre  de  cette  partisse  cév^lq 
à  me§  yeiix,  à  mesure  que,  vérifiant  certains  besoins 
d'urgence,  en  ce  qui  concernait  le  matériel,  je  deifl^md^i 
certaines  améliorations  :  on  promit  et  on  n-fi^écuta  pqint, 
ou  bien  on  déclara  ne  pouvoir  ;  à  Tévêché,  on  bien  on  psirpt 
ne  pas  comprendre  ces  besoins  et  l'utilité  de  ces  aniélio- 
ratjpns,  oq  bien  on  se  borna  à  me  répondre  :  c  Fqitesdonc 
ço^mv^ç  vous  pourrez.  »  Bien  vite  on  fut  Isjs  d©  naes  inces- 
sein^es  réçlamatiqns,  et  on  cpntinua  de  croire  que,  pour 
arrjyfir  à  une  prospérité  cpnaplète,  je  n'avais  qu'^  bien  faire 
noar.cher  Iq  discipline  et  les  études  et  que  la  partie  finan- 
cière ne  -  ppurrait  pas  péricliter  entre  ^les  iq^ins  de 
M.  L^ipbert.  Qn  comptait  tellement  peu  sur  naqj  pour  cette 
partie,  que»  trqis  mois  après  mpn  entrée  en  fonc^P^^'  Q^ 
emprunta  ^2,000  francs  à  |a  caisse  des  retraces,  ^ans  m'pn 
parler.  Alprs,  je  vis  qu'on  pren^iit  au  pied  de  la  lettre  pe 
passage  de  la  lettre  officielle  de  M»""  Mon^ul^,  du  18  jaB: 
vier  1837  :  «  La  gestion  économique  restera  d'pne  niapière 
plu^  particulière  sous  la  direction  de  l'év^ché.  » 

«  JI  fallut  se  résigner  £|  voir  ajourner  indéfiniment  (^ps 
mesures  que  réclamait  l'intérêt  bien  entendu  de  l'établisse- 
ment et  des  améliorations  qui  étaient,  à  bon  droit,  vivement . 
d^sir^es  et  réclamées  par  tout  le  inonde.  \jeB  constructions 
ab^ortfaiept  toqt,  et  la  gêne  était  si  grande  qn'pn  ne  PH^ 
pien  dépenser  pour  le  papbilier,  dont  rinsqffisance  étaj^ 
pépiblpniept  ^en^ie.  A  la  fin  de  novembre,  de^  gelées  pré- 


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-  407  — 

coces  pq 'ayant  fait  donner  Tordre  de  faire  mQttrq  sur  le§ 
lits  les  cpuvertures  de  réserve,  il  u^e  fut  fl0cl^ré,  apfè? 
beaucoup  d'hésitatiqn,  qu'il  n'y.  exi  ap^çiit  pa$  :  inventaire 
fait,  je  trouvsii  que  dsm^  tpijt^  la  ipaisqn  noqç  n^qq  pquyiof^^ 
qu'à  graqd'peine  mettre  devi:^  sur  chaque  lit,  une  passable 
et  unQ  usée,  e^  employant  cpUps  que  le§  parents  avaient 
envoyées  contrairement  au  prospectus.  » 

«  L'été  1838,  M.  Lambert  s'étant  décic^é  à  quit^pr  la 
maison  pt  n'ayant  plu^  rjen  à  bâtir,  il  fsjUut  biei^,  autant 
que  possible,  porter  la  lumière  dans  ce  système  de  gest^Qp 
que  personne  n'avait  vqnlu  pénéfre^r.  ?  Q^  y  trouvaf  pn 
déflpjt  dfi  108,00Q  francs.  «  Cette  découverte  était  dQpjjture 
à  In^pjper  à  l'antprité  diocésaine  cje  graves  réfiq^jons  qtce 
fut  pour  elle  un  pénible  réveil.  Toutefois,  la  r^p^tajipp  de 
1^  maj^pq  ava|(  pris  de  la  consistance  flans  |'opiQjpp  d^ef 
familles  :  le  diocèse,  jusque-là,  n'ayqit  encpr^  (dépensé  que 
22,000  francs  €|t  jl  ppsséc^ait  u^q  grande  et  be|lp  ipsji^on  *. 
L'uniquQ  parti  à  prendre  étsiit  dq  fairq,  ^x\^  négjigqpçe  et 
9ans  jpsjnerie,  tout  ce  qui  manquait  encore  ^  j'établisse- 
mgnt  ppiJf  remplir  enfin  Tattefltedes  fanqilje^  e\  consolider 
Iq  cpqfiancp.  Je  réclamai  fqrtpmej^t  T^utorisatipn  de  fair^ 
qHfilqufis  dépenses  d'pi^gencp.  On  m'en  cqpcédai  ynp  p^rtifi, 
Qt  c'est  rprigine  du  déficit  d§  i2,QQQ  fraqpe  qui  figura  en 
tôte  du  premier  budgpt  qui  ajt  été  fait  dans  ^ptre  ^lai^Rf)' 
celui  dq  j'anpée  classjque  1838-:î83îj.  y^ 

Si  grançle^que  fussent  \e^  préoccpïïationsdp  5^.  perni^r» 
elles  ét^jqqt  égalées  par  des  soqcis  fl'uqe  autrp  sqrte.  Sur 
le  plan  de  révéquq  e^  de  M.  Mongazon,  jl  avaij  rêvé  dcj 
fonder  upe  m?i?9ïï  d'éducation  distinguée,  é?puie  d}i  col- 
lège royal.  Des  jeuqes  gens  laïqpes  et  ecclésiastiques  sq 


î  Le  nouveau  petit  séminaire  coûta  environ  au  tot^l  360,000  francs  : 
M.  Mongazon  fournit  130,000  ;  le  reste  fut  payé  par  divers  dons  par- 
ticuliers :  Mlle  Zénobtie  d'Escoubleau  de  Sourdis  (inorte  en  1848,  chez 
les  Trappistines  des  Gardes)  aurait  donné  j usa u'à 80,000  francs  ;  Tabbé 
Jacques  Besnard,  48,000,  etc.  Au  l«r  août  1838,  la  dette  totale  restait 
de  lO8,0Ç|p  francs. 


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1 


—  408  — 

seraient  communiqué,  en  vivant  ensemble,  leurs  qualités 
différentes;  et,  formés  soigneusement  par  le  clergé,  ils 
auraient  refait  une  société  chrétienne.  Tel  devait  être  le  but 
du  collège  mixte  d'Angers.  On  y  avait  eu  en  vue  surtout  la 
préparation  aux  carrières  libérales;  on  avait  voulu  que 
les  étudiants  qui  s'y  destinaient  composassent  la  moitié  de 
la  population  de  Tinslitution.  Et,  en  effet,  il  eût  été  inutile 
de  bfttir  pour  des  élèves  ecclésiastiques,  puisque  le  petit 
séminaire  de  Gombrée  pouvait  en  admettre  près  de  trois 
cents. 

G*était  compter  sans  le  monopole  universitaire. 

En  1837,  M.  Guizot,  ministre  de  Tlnstruction  publique, 
fut  remplacé  par  M.  de  Salvandy  qui  interdit  d'une  manière 
absolue  à  toute  personne,  graduée  ou  non  graduée, 
d'annoncer  ou  d'ouvrir,  sous  quelque  forme  que  ce  pût 
être,  des  cours  préparatoires  au  baccalauréat  ès-lettres. 
Bientôt  après,  il  remit  strictement  en  vigueur  les  disposi- 
tions du  décret  de  1811  qui  obligeait  tous  les  maîtres  de 
pension  à  conduire  aux  lycées  leurs  élèves  âgés  d'au  moins 
dix  ans.  En  se  présentant  aux  épreuves  du  baccalauréat, 
le  candidat  devait  fournir  le  certificat  qu'il  avait  fait  sa 
rhétorique  et  sa  philosophie  dans  un  collège  royal  ou  dans 
une  école  autorisée  à  ce  double  enseignement.  Quant  aux 
élèves  ecclésiastiques  des  petits  séminaires,  ils  ne  pouvaient 
recevoir,  à  la  fin  de  leurs  études,  qu'un  diplôme  ayant  seu- 
lement valeur  pour  arriver  aux  grades  théologiques.  S'ils 
reculaient  devant  les  engagements  très  graves  du  sacer- 
doce, faute  du  titre  de  bachelier,  ils  trouvaient  devant  eux 
toute  carrière  fermée  ou  il  leur  fallait  recommencer  deux 
années  d'études.  Des  parents  d'une  situation  libérale  ne 
pouvaient  donc  confier  à  un  petit  séminaire  un  enfant  qui 
eût  manifesté  le  désir  d'être  prêtre  ;  au  cas  où  il  eût  changé 
d'avis,  son  avenir  se  serait  trouvé  trop  exposé.  Le  clergé  se 
trouvait  ainsi  condamné  à  ne  pouvoir  tirer  ses  recrues  que 
de  la  classe  la  plus  pauvre.  Le  gouvernement  comprenait 


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—  409  — 

si  bien  ce  que  ces  dispositions  avaient  de  blessant,  qu*une 
ordonnance  royale  du  16  juin  1828,  signée  par  le  ministre- 
évêque  de  Beauvais,  avait  donné  à  TÉglise,  en  compensa- 
tion, huit  mille  bourses  de  cent  cinquante  francs  pour  ses 
élèves.  Dans  le  langage  du  temps,  ces  procédés  s^appelaient  : 
«  soutenir  TÉglise  et  la  contenir.  » 

La  situation  était  très  critique  pour  le  collège  de  M.  Mon- 
gazon.  Le  petijt  séminaire  de  Gombrée  pouvait  suffire  seul 
aux  besoins  diocésains.  Celui  d* Angers  était  un  hors- 
d^œuvre  qui,  pour  subsister,  avait  besoin  de  la  liberté 
d'enseignement.  A  la  rigueur^  il  était  possible  de  conduire 
les  élèves  des  deux  classes  supérieures  aux  cours  du  lycée 
et  ce  moyen  dut  être  un  moment  nécessairement  employé. 
Mais  il  y  a  plus  d'un  kilomètre  entre  les  deux  maisons. 
Réglementer  les  exercices  du  petit  séminaire  comme  ceux 
du  collège  royal  était  impossible.  De  la  nouvelle  situation 
naissaient  des  inconvénients  graves,  des  dépenses  d'un 
genre  nouveau  et  très  considérables.  Peu  de  parenta» 
d'ailleurs,  voudraient  consentir  à  ce  voyage  quotidien  et 
quadruple.  Établir  près  du  lycée  un  internat  pour  les  élèves 
des  hautes  classes  était  en  somme  créer  un  nouveau  col- 
lège et  s'endetter  davantage. 

On  était  d'autant  plus  embarrassé  que  les  Académies  de 
rOuest  entendaient  bien  ne  pas  perdre  un  de  leurs  droits. 

Dès  1834,  la  commission  des  grades  d'Angers  fit  aux 
élèves  de  M.  Mongazon  l'application  littérale  de  Tarlicle  5 
de  l'ordonnance  du  16  juin  1828.  Alors  que,  partout 
ailleurs,  ce  dispositif  restait  sans  exécution,  on  ne  voulait 
leur  accorder  que  le  diplôme  spécial,  valable  seulement  pour 
les  grades  de  théologie.  Aussi  les  élèves  du  petit  séminaire 
allaient-ils  passer  leurs  examens  à  Paris  ou  devant  des 
facultés  tolérantes  qui  ne  demandaient  pas  où  s'était  faite 
la  rhétorique  ou  la  philosophie.  Les  familles  en  rapport 
avec  M.  Mongazon  furent  donc  les  premières  à  redouter,  à 
éprouver  les  embarras  dont  les  catholiques  de  France 


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eurent  à  se  plaindre  un  peu  plus  tard.  Beaucoup  d'ëùthe 
elles  ont  été  détournées  de  mettre  leurâ  ehfanlé  dans  le 
liôuveâii  collège,  par  cette  considération  qu'ils  ne  poiivàiteiit 
pas  y  achever  leurs  études;  beaucoup  d'autrëé  ieâ  'en 
retiraient  aprèâ  la  trôlsièole  Oii  la  seconde.  Prbtlestër  ne 
pouvait  aggraver  la  situation  ;  c'était  rfeiadre-,  au  bontràiré, 
manifeste  là  jalousie  des  collèges  royadx  et  ihtéresser 
ropiniôh  publique.  lieux  plaintes  anbnythes  ée  prôduiâîrent 
simiiltanémélit,  Tune  à  Nantes*,  l'autre  à  Angers^  et  celle- 
ci  avait  pour  auleul*  É.  Bernier. 

Son  opuscule  est  intitulé  :  (^uetquèt  mots  sur  te  môMd- 
pofe  universitaire^  En  trahi  de  plain  pied  dans  isoii  slij'et, 
il  commence  par  la  définition  et  l'histoire  de  l'illuâtre  cor- 
poration énsteigiiante  établie  J^ai*  Napoléon  I^.  Il  lUi 
demande  là  raisod  dé  soii  existence  et  Texhibition  deis 
titres  de  privilège  dont  elle  est  si  jalouse. 

D'abord  le  monopole  enrichit-il  nos  finances?  Profcbré-t- 
11  quelque  soulagement  aux  contribuables?  *  Sans  betfe 
coiidiliôn,  ils  auraient  peine  â  supporter  le  monopblé  de* 
tabacs.  Pourquoi  Tautre  qui  est  pluà  gênant,  en  àbrail-il 
àfrranchiîi  (P.  H.) 

«  Décompte  fait,  vous  trouvet'ez  que,  àous  Ife  rapport 
pécuniaire,  le  monopole  ne  poHe  t)rofll  ^li'ailx  foncUon- 
nàire'ô  de  l'Université  qiiî,  poubcfette  raison,  àerbtit  tobjbbrs 

*  Empiètemerit  de  l'Université  sur  la  puissance  paternelle ^  in-12. 
Nantes,  chez  Merson. 

•  Quelques  mots  sur  le  monopole  uyiiversitaire .  —  Au  profit  d'un 
établissement  d'orphelines.  Angers,  Imprimerie-librairie  de  Pigné- 
Cbateau,  rue  Saint-Aubin,  no  20,  janvier  1839.  in- 16  de  41  pages. 

La  seconde  édition  porte  le  même  titre.  Prix,  1  fr.  ^5  c.  Paris, 
chez  Poussielgue-Rusand,  Ubraire,  rue  Hautefeuille,  n*  9.  Angers, 
chez  Launay-Gagnot,  1839,  in-8  de  39  pages.  Cette  édition  est  aug- 
mentée de  trois  notes,  p.  17,  23,  37. 

La  brochure. fut  vendue  au  profit  de  Tasile  de  M"«  Leguay.  «  L'au- 
«  teur,  disait  M.  Bernier,  sera  amplement  dédommagé  des  censures 
€  que  provoquera  infailliblement  cette  mince  et  très  médiocre  pro- 
«  duction.  si  elle  l,ui  est  un  moyen  de  urocurer  quelques  aumônes  à 
«  un  'établissement  '(J*6Vpheh*Ties  bifen  iméressaiil  el  hxeYi  heceèsîtettx. 
€  Monsieur  votre  curé  çst  prié  de  recevoir  celle  qu'il  vous  plaira  de 
«  faire,  petite  ou  copieuse.  » 


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—  411  — 

désii'eux  de   le  mainteiiir.  Il   procure  de  beàUJt  éppoln- 

I  tenlents  aux  gDahd's  digûitîàifes  de  Tordre  :  là  plate  de 

tecfeur,  qui  blest  qii'aii  Iroîsièiiie  bu  (Jliatrième  degrié de  là 

hiéi^archie;  rapporte  huit  mille  francs  aii  moins  ;  les  ihâ- 

pecteurs  particuliers,  les   jprovlseut's,  tenseurs  et  prb- 

fesseurs  des  collèges  royaux  seraient  ingràls  envers  le 

mohôpôle,  S'ilis  se  plaignaient  de  leurs  éttiôlUth'ents.  Sans 

lui;  uhe  thliltillide  dé  régenta  des  collèges  conltaiûhaui  ti'e 

IroiiVeraient  poinl  à  ise  toariéi*,  ttiialgré  leur  ihérite  et  lebt 

'élégance,  j»  (P.  12.) 

y  i  Quand  nous  demandons  pourquoi  n'ôûs  âomttt'es  mbins 

Hbt-eslcjne  nos  peines,  et  ctelqu'ôri  peut  àltelidre  dû  mblib- 

•j  pôle  actuel,  aussitôt  on  ilivoque  l'autorité  des  Ifaits,  et  Ton 

1,,  énumère  avec  complaisance  les  amélioratioflà  introduites, 

^  depuis  vingt-cinq  ans,  dans  rinslructlon  publiqiie:  N^ôUs 

fen  reconnaissons  de  tr'ès  réelles,  de  très  importantes,  et 

y         l[|Ue  tibus  dévonô  à  l'Uttiversitë;  mais,  nous  soutettonâ  que 

^  futilité  de  jilusieurs  iniiovations  qu  elle  â  faites;  ettfbnt  elle 

^■y         se  glorifie  est,  pour  le  moins,  fort  douteuse;  et  en  tous  cas, 

.|^         que  le  knonbpole  h'eât  ^oiir  rien  dans  ce  qu'elle  a  fait  de 

bon  et  de  louable.  ^  (P.  13.) 

«  Àvait-oû  besoin  de  lui,  par  exemple;  pour  remettre 
en  hoiineût  la  langue  grecque  ?. . .  )>  c  Voudrait -il  se  feire 
Thonneur  de  l'extension  que  renseignemeht  de  Thistoire  a 
prise  détis  les  collèges?  Cette  étude  à  été  favorisée  à 
grands  frais  et  en  créant  nombre  de  places'.  Trop  Sbuvent 
ces  ttouvélleà  bhaires  sont  des  tt-ibbnes  d'irréligion  et 
d'indifférence;  on  n'y  apprend  pas  toujours  à  respecter  ce 
qui  est  respectable,  on  y  donne  à  la  jeuneè^e  des  idées 
fausses  sur  les  hommes  et  les  choses;  i 

«  L'enseignement  de  la  philosophie  devrait-il  quelque 
chose  au  monopole?  i  (F:  15):  M.  Berniet  l'accuse  entre 
autres  choses  «  de  traiter  trop  sùperflciellemeût  la  logique 
fet  là  tiloràle  »,  c  de  laisser  la  métaphysique  ptrtlre  la 
préëlhlnettice  qui  lui  apparli'eht;  de  pleitt  dt-oît;  sur  butes 


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m' 


V 


1 


—  412  — 

les  sciences.  Vainement  des  esprits  prévenus  affectent  de 
rappeler  la  région  des  chimères  :  quoiqu'elle  n'emploie 
dans  ses  démonstrations  ni  les  lignes»  ni  les  chiffres,  ni 
les  signes  algébriques»  si  on  la  réduit  à  certaines  bornes, 
elle  n*est  pas  moins  positive  que  toute  autre  science  que  ce 
soit.  »  (P.  16.) 
€  L'Université  a-t-elle  rendu  un  véritable  service  à  la 
w;  jeunesse  en  rappliquant,  dès  ses  premières  années,  aux 

sciences  positives  et  de  Tordre  matériel?  Cela  nous  parait 
incontestable,  en  ce  qui  concerne  Thistoire  naturelle  et  la 
cosmographie  :  dégagées  de  leur  bagage  scientifique,  elles 
vont  bien  aux  études  de  Tadolescence,  parce  qu'elles 
donnent  à  l'esprit  des  idées  et  au  cœur  des  sentiments. 
Malheureusement,  il  n'en  est  pas  ainsi  des  mathématiques, 
p  ^  qui  pourtant  sont  nécessaires  comme  préparation. . .  Elles 

^^  sont  nulles  pour  le  cœur,  nulles  pour  l'éducation.  Elles  ont 

1^  encore  un  tort,  que  les  hommes  peu  profonds  prennent 

|:  peut-être  pour  un  mérite,  c'est  de  ne  rien  avoir  pour  Tima- 

I  gination...   Ces  considérations,  qui  avaient  décidé  nos 

p    -  pères  à  renvoyer  l'étude  des  mathématiques  après  le  cours 

I  complet  des  humanités,  devaient-elles  céder  à  des  raisons 

1^  tirées  des  besoins  ou  des  tendances  de  notre  siècle  ?  Que 

d'autres  se  prononcent  dans  cette  question.  »  (P.  18.) 
|\  M.  Bemier  s'élevait  ensuite  contre  ce  qui  a  été  appelé 

depuis  le  surmenage  et  il  prenait  la  défense  du  vieux 
système  classique.  <x  II  serait  plaisant,  continuait-il,  que 
le  monopole  crût  voir  dans  les  réflexions  que  nous  venons 
de  faire  le  sujet  d'un  petit  triomphe!  Nous  soupçonnons 
que  sa  marche  est  trop  peu  réfléchie  ;  mais  nous  ne  pensons 
pas  qu'il  soit  difficile  de  marcher  comme  lui.  >  (P.  21.) 
«  Plus  rien  qu'un  mot  à  l'Université,  sur  les  études  de  ses 
collèges  :  si  elle  croit  sérieusement  à  leur  supériorité  sur 
celles  des  autres,  elle  a  un  moyen  bien  sûr  d'en  convaincre 
le  public  ;  c'est  le  concours.  Qui  s'oppose  donc  à  ce  qu'il  y 
ait,  dans  chaque  ressort  académique,  un  concours  organisé 


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-413  - 

pour  les  établissements  de  plein  exercice,  sans  exception  ? 
Nous  connaissons  plus  d^un  supérieur  de  petits  séminaires, 
nous  affirmerons  positivement  qu'ils  s'empresseraient  de 
faciliter  l'exécution  de  cette  mesure,  et  qu'ils  seraient 
enchantés  de  pouvoir  l'annoncer  à  leurs  élèves.  »  (P.  24.) 

L'auteur  continuait  par  des  considérations  sur  le  per- 
sonnel de  l'Université,  les  mutations  fréquentes,  le  défaut 
d'ensemble,  t  la  variété  infinie  des  doctrines,  les  mauvais 
exemples  que  plusieurs  d'entre  eux  donnent  >.  Puis  il 
posait  quelques  questions  :  «  Le  bien  public  serait-il  com- 
promis, s'il  était  permis  à  des  prêtres  de  faire  l'éducation 
des  enfants  qui  ne  se  destinent  pas  à  l'état  ecclésiastique?  » 
(P.  31.)  «  L'État  serait-il  intéressé  à  ce  que  la  source  des 
vocations  sacerdotales  se  tarit,  ou  bien  à  ce  que  le  sacerdoce 
ne  pût  désormais  faire  quelques  recrues  que  dans  les  classes 
pauvres?  *  (P.  33.)  —  c  La  raison  d'État  serait-elle  dans 
une  suspicion  politique?  »  —  c  Quand  il  s'agit  de  l'autorité 
politique,  de  la  puissance  gouvernementale,  le  seul  fait  de 
son  établissement  dénote  une  disposition  spéciale  de  la  Pro- 
vidence, et  une  obligation  d'être  soumis  et  respectueux. . . 
les  anarchistes  purs,  les  émeutiers  peuvent  seuls  prendre 
ombrage  des  enseignements  du  clergé.  »  (P.  35.) 

Cette  manière  de  se  rallier  à  une  monarchie  sortie  de 
l'émeute  n'était  sans  doute  pas  de  nature  à  flatter  ses 
dévots.  Tous  les  polémistes  égarent  volontiers  des  coups  et 
ne  se  bornent  point  à  guerroyer  pour  l'objet  de  leurs  pré- 
tentions. On  l'a  vu,  M.  Bernier  fait  souvent  son  procès  à 
l'Université  elle-même  au  lieu  de  viser  simplement  le 
monopole.  Pour  n'omettre  aucun  motif  d'attaque,  il  va 
jusqu'à  oublier  ce  qui  se  passe  dans  son  propre  collège, 
comme  c  les  mutations  fréquentes  ».  Malgré  ces  procédés 
et  des  vivacités  de  langage,  sa  petite  brochure,  sans  trop 
d'emportement,  sans  déclamations,  sans  personnalités,  ne 
mérite  point  d'être  confondue  dans  la  littérature  des  lourds 
pamphlets  qui  devaient  se  produire  cinq  ou  six  ans  plus 


27 


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-  414  - 

tafd.  fin  féclAiiiàilt  au  ndifi  du  âtôil  ôotiimun  là  libei'tô 
refusiée,  il  offre  âèrément  et  habilement  dé  ûionltet  que 
leë  petits  sémiiiftil^â  eti  siônt  digues.  Qii'oh  les  fosse  côn^ 
courir  avec  left  collèges!  foyaux. 

M.  Dernier  n'était  point  le  premier  dans  &ia  province  à 
s'élever  contrt  le  monopole.  Vingt  arts  auparavant  avait 
retenti  par  toute  Ife  Franee  là  voix  de  La  Hennais;  et  pen- 
dant longtemps  elle  fatigua  de  ses  fevéndications  les  pré- 
tendus libéraux.  Le  premier  qui  lui  ât  écho  en  Anjou  fUt 
un  jeune  homme  dont  Tenthouslasme  pour  les  grandes 
causes  devait  durer  toute  sa  vie  i  le  comte  Théodore  de 
Quatrebarbes.  Les  réclamations  avaient  toutefois  été  devan- 
cées par  une  tentative  d'émancipation.  Sous  Napoléon,  un 
prêtre  angevin  prit  celte  liberté  qu'on  refusait,  et  on  n'o^a 
la  lui  favlr  que  sous  Louis-Philippe^  Neuf  ans  avant  la  bro- 
chure de  M.  Bernier,  et  plusieurs  mois  avant  le  grand 
prôCèH  de  Montalembert  et  de  Lacordaire,  M.  Forèst,  le 
curé  de  Saumur,  avait  vu  fermer  son  école  presbylérale 
respectée  pendant  vingt  ans.  Cette  préparation  de  l'opinion 
publique  ne  fut  sans  doute  pas  étrangère  à  l'attention 
qu'obtinrent  les  Quelques  tnots. 

L'édition,  parue  aU  Commencement  de  janvier  1839,  fut 
si  rapidement  enlevée  qu'un  second  tirage  devint  néces- 
saire a  la  fin  du  mois.  Personne,  en  Anjou,  nMgnorait  le 
nom  de  l'auteur,  bien  que  la  brochure  ne  fût  pas  signée  ^ 
Il  se  fit  un  plaisir  de  l'offrir  à  des  universitaires  et  même 
à  un  chaud  partisan  de  la  Révolution  de  Juillet^  qui  aVàit 
parlé  de  jeter  au  feu  un  exemplaire  de  la  première  édition 
et  qui  reçut  la  Seconde  avêC  beaucoup  de  politesse  en  pré^ 
disant  lui-même  la  chute  prochaine  du  monopole.  Étonné 
de  l'audace  du  réquisitoire,  le  public  parla  de  la  destitution 

'  L*Ami  de  la  Religion  (a*  du  4  avril)  fit  une  analjSQ^  favorable  de 
la  brochure,  signalant  toutefois  la  vivacité  du  langage.  Plus  amateur 
de  vif^ear,  YOniVêfê  (n»  du  U  mai)  eipfima  seuTemeDt  le  regret  dé 
ne  pas  connaître  Tauteur.  Ce  désir  devait  trop  tôt  recevoir  satis- 
faenon. 


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r- 


du  supérieur-suppléant*  Lui-même  s^en  expliquait  ainsi  : 
<  Le  conseil  académique  m'a  dénoncé  au  ministre  de 
riûstruction  publique,  en  lui  envoyant  mes  Quelques  mots. 
Gela  m'a  fait  beaucoup  rire  en  flattant  un  peu  ma  vanité. 
Je  regrette  une  seule  chose  :  c'est  qu'on  n'ait  pas  attendu 
la  deuxième  édition.  Elle  renferme  deux  notes  qui  auraient 
pu  intéresser  le  ministre.  Ces  gens-là  sont  bien  mal  avi- 
sés !  M.  de  Salvandy  a  bien  le  temps  de  s^occuper  de  moi  ! 
Qu'il  conserve  seulement  son  portefeuille,  qu'il  se  main- 
tienne au  ministère,  voilà  tout  ce  qu'il  peut  faire  en  ce 
moment.  C'est  déjà  bien  fort.  Du  reste  m'honorât-il  de 
quelque  attention,  je  ne  vois  pas,  en  définitive,  ce  qui  peut 
en  résulter  de  fâcheux  *.  » 

Celte  publication  n'eut  d'autre  résultat  pratique  que  de 
gagner  à  M.  Bernier  une  plus  grande  considération.  Pour 
lui,  satisfait  de  fixer  les  esprits  sur  l'examen  d'une  si  grave 
question,  et  de  leur  fournir  des  arguments  propres  à  sou- 
tenir les  pétitions  qu'on  préparait  pour  obtenir  la  liberté 
d'enseignement,  il  rentra  dans  le  calme  de  la  vie  ordinaire. 
Sans  plus  s'occuper  des  débats  politiques,  sa  correspon- 
dance se  remplit  de  menus  faits  contés  avec  une  si  bonne 
grâce  qu'on  en  doit  conserver  au  moins  une  lettre  adressée 
à  Mlle  Leguay  : 

PetU'Séminaire  d'Angers,  21  avril  1839, 

Mademoiselle, 

«  Il  est  tout  décidé  que  le  mercredi  8  mai  nous  recevrons, 
au  petit  séminairel,  Motiseigneur  TÉvêque  de  Nantes  et 
celui  d^Angers.  Ils  viendront  inaugurer  un  petit  monument 
que  nous  érigeons  au  centre  de  notre  cour  intérieure,  pour 
y  placer  urie  Vierge  en  piel're.  Cette  cour  vous  paraîtra 
méconnaissable.  Vous  serez  bien  aise,  je  pense,  ainsi  que 

'  Lettre  du  3  février.  L'opuscule  fut  simplement  adressé  au 
ministre,  ou  bien  M.  Bernier  à  été  induit  en  erreur  sur  la  réalité  de 
cette  dénonciation  dont  on  n'a  t)U  trouver  trace  daiis  les  registres  et 
dans  les  archives. 


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—  416  — 

Monsieur  votre  père>  de  voir  cette  intéressante  cérémonie 
qui  ne  sera  pas  longue  ;  et  je  vous  invite. 

«  Il  faut  bien  que  vous  vous  accoutumiez  à  me  voir  faire 
des  étourderies.  En  voici  une  qui,  dans  son  espèce,  est 
bien  aussi  forte,  pour  le  moins,  que  les  articles  de  jour- 
naux, les  brochures,  les  circulaires,  etc.  Il  faut  que  je  vous 
la  raconte  : 

«  Il  y  a  bientôt  quinze  jours,  je  sortais  de  Tévêché, 
escorté  de  deux  petits  saints  :  celui  que  vous  avez  canonisé  ", 
assistée  de  votre  sacré  collège,  et  un  autre  qui  ne  jettera 
jamais  d'éclat  *,  fît-il  des  miracles,  parce  qu'il  ne  prêche, 
ni  n'édifie  ni  congrégations,  ni  religieuses,  mais  seulement 
des  séminaristes. 

c  II  était  devers  quatre  heures,  et  n'ayant  fait  jusque-là 
aucune  folie,  je  pouvais  espérer  être  sage  toute  la  journée, 
me  trouvant  en  si  bonne  compagnie.  Quand  nous  fûmes 
sur  la  place  Saint-Maurice,  on  me  proposa  de  monter  au 
clocher  pour  voir  les  travaux  de  la  coupole  '. 

<c  Après  mainte  objection  sur  Tobscurité  de  l'air,  sur  la 
violence  et  la  rigueur  du  vent  qui  soufflait  au  nord,  je  me 
laissai  entraîner  et,  m'étant  assuré  que  nous  trouverions 
Tarchitecté,  j'entrai  le  premier  dans  l'escalier  tournant. 

«  Arrivé  à  la  dernière  marche,  je  trouvais,  en  effet,  ledit 
artiste  qui  nous  fit  traverser  ledit  échafaudage  pour  entrer 
dans  l'intérieur  de  la  flèche  neuve.  De  là  nous  arrivâmes 
presque  de  plain-pied  sur  les  murs  de  la  coupole,  au-dessus 
du  timbre  de  l'horloge,  entre  les  deux  flèches.  Après  avoir 
admiré  le  travail  et  la  noble  simplicité  de  celle  qui  vient 
d'èlre  reconstruite,  ses  quatre  clochetons  et  les  statues  qui 
les  décorent,  nous  examinâmes  en  détail  les  ornements 

*  M.  Dérice,  aumônier  du  petit  séminaire. 

•  M.  Chapin,  économe. 

3  Les  flèches  de  la  cathédrale  avaient  été  incendiées  par  la  foudre 
le  4  août  1831.  La  restauration  architectonique  fut  confiée  à  Mathu- 
rin  Binet  et  à  Duvétre,  d'Angers  ;  celle  de  la  sculpture^  à  Dantan 
aîné,  de  Paris. 


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-  417  — 

gothiques  qui  se  font  remarquer  à  la  base  de  Tancienûe, 
les  crevasses  qui  foût  craindre  sa  ruine  et  les  détériorations 
que  le  temps  lui  a  fait  subir.  Comme  elle  va  être  démolie 
et  reconstruite,  elle  est,  comme  l'a  été  sa  voisine,  entourée 
de  petits  échafaudages  à  six  étages  superposés  ;  à  chaque 
étage,  il  y  a  des  planches  debout  qui  forment  un  garde-fou  ; 
mais  pour  monter  d'un  étage  à  l'autre,  il  y  a  une  échelle 
presque  verticale,  tout  au  bord  extérieur  du  petit  plancher 
et  qui  parait  être  en  Tair.  Ce  fut  chose  fort  aisée  pour  nous 
de  monter  au  premier  étage,  parce  qu*on  nous  mit  une 
échelle  à  Tintérieur  de  la  flèche  ;  toutefois,  nous  laissâmes 
au  pied  de  Téchelle  nos  bréviaires  et  nos  chapeaux.  De  ma 
vie,  je  ne  m'étais  vu  à  une  telle  hauteur  et  pourtant  je  me 
sentais  tenté  par  la  possibilité  de  monter  à  55  mètres  plus 
haut. 

c  Encouragés  par  Tarchitccte,  nous  franchissons  le  pre- 
mier intervalle  d'un  plancher  à  l'autre,  puis  le  second. 
Ainsi  deux  de  ces  échelles  qui  nous  faisaient  peur  l'instant 
d'auparavant  étaient  escaladées,  lorsque  le  cœur  manqua  à 
Fun  des  trois  compagnons.  Ce  n'était  pas  moi. 

«  J'enfile  la  troisième,  puis  la  quatrième  échelle,  et  je 
me  trouve,  avec  notre  petit  saint,  sur  le  cinquième  plan- 
cher. Je  n'avais  pas  neuf  pieds  à  franchir  pour  toucher,  de 
la  main,  la  boule  qui  porte  le  pied  de  la  girouette.  Arrivé 
là,  j'hésite,  je  cède  les  honneurs  à  l'abbé  Dérice  et,  pen- 
dant qu'il  grimpe  assez  bravement,  ma  calotte  se  soulève, 
le  vent  agite  et  déploie  la  queue  de  ma  soutane,  mon  rabat 
en  perles  me  flagelle  cruellement  les  babines,  je  bourde, 
non  pas  sans  un  certain  dépit  qui  ressemble  beaucoup  à 
Tamour-propre  blessé.  Puis  le  dos  collé  à  la  flèche,  pour 
éviter  le  vent,  je  réfléchis  qu'il  s'agit  de  descendre,  et  en 
même  temps,  chose  singulière,  la  pensée  de  ma  mère  vient 
me  préoccuper.    ' 

«  Oh  !  si  elle  m'avait  vu  où  je  suis,  lorsque  j'avais  15  ou 
16  ans  (et  j'étais  pourtant  alors  plus  adroit  et  plus  souple 


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R.: 


—  M8  — 


p::  _:  qu'aujourd'hui),  si  elle  était  maîntenaDt  au  pied  de  ce 

^  clocher,  quelles  alarmes,  quelle  agitation,  quel  tourment  ! 

^1  pauvre  mère  !  mais  qu'elle  est  bien  mieux  avec  le  Bon  Dieu 

|;  qu'avec  son  étourdi  de  fils  !  Il  y  a  déjà  vingt  ans  que  je  n'ai 

plus  de  mère  !  Et  cependant  tous  les  cœurs  ne  sont  pas 
pour  moi  froids  et  indifférents  ;  j'ai  cru  plus  d'une  fois 
retrouver  toute  sa  tendresse  ;  et  je  pourrais  nommer  qui 
serait  fort  mal  à  l'aise  en  me  voyant  sur  ce  plancher  aérien. 
^'  «  Quand  le  héros  de  la  journée  fut  revenu  à  mon  niveau, 

il  avait  un  œil  rouge,  enflé,  larmoyant,  par  l'effet  du  vent 
et  des  bourriers,  ce  qui  modérait  un  peu  la  joie  de  son 
triomphe.  Enfin,  nous  descendîmes  ;  et  en  repassant  dans 
les  échelles  je  demandai  pardon  è  mon  bon  ange  du  sur- 
croît de  besogne  que  ma  curiosité  lui  causait  en  ce  moment, 
a  Quand  j'étais  au  cinquième  étage,  la  montée  Saint- 
Maurice  me  paraissait  presque  nivelée,  et  les  plus  grands 
édifices  se  rabaissaient  et  se  rapetissaient  è  mes  yeux. 
Ainsi,  on  jugerait  peut-être  plus  sainement  toute  chose  en 
s'élevant  bien  haut,  bien  haut,  pour  voir  et  considérer. 
Mais  il  me  semble  qu'il  y  a  deux  dangers  à  s'élever  ainsi  : 
la  vue  pourrait  n'être  plus  assez  forte  et  se  trouver  trop 
courte  ;  puis,  si  la  tète  n^est  pas  bien  solide,  elle  tourne  et 
on  ne  peut  pas  regarder.  Le  plus  sûr  est,  je  crois,  de  rester 
au  niveau  ordinaire. . .  Si  je  retourne  là-haut,  je  vous  ferai 
part  des  nouvelles  réflexions  que  j'aurai  faites. 

«  Votre  tout  dévoué, 

«  H.  Beris^ier, 

«  Prêtre.  » 


A.    HOUTIN. 

fA  suivre,) 


1 


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r 


LES   CINQ   PAY§ 

DE 

L'IPO-CHINI  FBANÇAISl 

ET     LE    8IAM 


....  ,...  ..i   .f. 


LOCALITÉS^PORTS 

fiuitej 
NAM-DINH 

Nam-Dinh,  chef-lieu  de  la  province,  est  ^Itué  (lur  le 
CAD^}  de  Nam-Diûb. 

G*e6t  au  ^ord  de  ce  panai,  sur  une  longueur  de  près  de 
4  kilomètres,  que  s^élève  la  ville,  avec  ses  mai£(pi)s  snnar 
mitps  ponstr^ites  pp  brique^  pt  ses  pQfubreuspg  W9i8Pns 
phinoises  dQpt  r^^chitepturp  ne  diS'ère  pas  ^epsi^leinept 
deq  premières. 

J^es  rups  sont  trèsi  anjipées,  ainsi  qqe  )es  qupis  et  Ip&i 
IQprpbés.  Il  y  a  un  hôtel  européeq.  Lpç  (ppssagerips  fluviales 
pt  de  nombreuses  cbqlpHpps  à  vapeqr  d^sservppt  la  loca^ 
lité,  pn  passapt  par  flpng-Yêq, 


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—  420  — 

Nam-Dinh  est  doté  d*uûe  organisation  administrative  et 
en  quelque  sorte  municipale.  C'est  le  centre  le  plus  éclairé 
du  Tonkin  :  nombreux  étudiants  et  lettrés.  C'est  à  Nam- 
Dinh  qu*ont  lieu  tous  les  trois  ans  les  examens  pour  les 
grades  de  bachelier  et  de  licencié;  on  Ta  parfois  appelé 
TAthènes  du  Tonkin. 

Il  n'existe,  dans  cette  ville»  aucun  monument  présentant 
une  valeur  artistique  ou  historique.  Méritent  cependant 
d'être  vus  :  les  marchés,  les  quais  en  pierres,  le  Mirador, 
le  théâtre  annamite,  quelques  pagodes,  le  monument  élevé 
à  la  mémoire  de  M.  Lamothe  de  Carrier,  ancien  résident 
de  Nam-Dinh,  et  la  porte  par  où  entrèrent  les  troupes 
françaises,  lors  de  la  prise  de  la  citadelle,  en  1883  et 
devant  laquelle  fut  tué  le  lieutenant-colonel  Carreau  qui  a 
laissé  son  nom  à  la  rue  centrale  de  Nam-Dinh. 

La  population  de  Nam-Dinh  est  d'au  moins  30,000  habi- 
tants. On  compte,  en  effet,  3,000  maisons  à  peu  près  ;  il 
n*est  pas  exagéré  de  supposer  10  habitants  par  maison. 
Nombreuses  et  belles  boutiques  indigènes  ou  chinoises, 
bondées  de  marchandises  asiatiques  ou  européennes. 

En  dehors  de  Nam-Dinh,  il  existe  dans  la  province  trois 
gros  centres,  qui  méritent  d'être  mentionnés  ;  ce  sont  les 
villages  deTra-Lu,  Kien-Lao  et  Quan  Phuong;  ces  agglo- 
mérations ne  sont  remarquables  que  par  leur  étendue  et 
leur  population. 

A  signaler  deux  points  principaux  :  les  postes  dédouane 
de  Lacquan  et  de  Ngo-Dong.  Petite  station  balnéaire  à 
Quat-Lam. 

Marchés.  —  Au  nombre  de  130  (indépendamment  de 
ceux  du  chef-lieu),  se  tenant  tous  les  cinq  ou  six  jours.  Les 
principaux  sont  :  Kien-Lao,  Tra-Lu-Bac,  Ngoc-Gia,  Ninh- 
Cuong,  Dong-Bien,  Nuong,  Coi-Son,  Yen,  Qui  et  Vu  xuyen. 

Commerce. —  Industrie.  —  Le  mouvement  commercial 
de  la  province  est  très  important.  Le  port  de  Nam-Dinh 
est  visité  annuellement  par  environ  2,300  chaloupes  à 
vapeur  de  commerce  et  environ  200  jonques  de  mer. 


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-  421  - 

Les  chaloupes  à  vapeur  apportent  ou  enlèvent  journelle- 
ment environ  200  tonnes  de  marchandises,  dont  les  prin- 
cipales sont  :  à  Texportation,  le  riz  et  Talcool  de  riz,  la 
soie,  le  sel,  le  coton  égrené,  les  médicaments  indigènes, 
les  nattes,  Thuile  d'arachide,  les  œufs,  les  peaux,  les 
cornes,  la  poterie,  le  papier  et  le  tabac  ;  à  l'importation, 
les  cotonnades,  la  mercerie,  la  bimbeloterie,  le  pétrole,  la 
quincaillerie,  la  lampisterie,  les  flanelles,  les  conserves 
alimentaires  et  les  vins  et  liqueurs. 

Le  riz  est  le  principal  produit  de  la  province.  On  en 
distingue  deux  espèces  :  le  nép,  qui  sert  à  faire  l'alcool  de 
riz  et  les  pâtisseries  indigènes,  et  le  riz  ordinaire. 

Le  commerce  du  bétail  est  très  actif. 

La  soie  est  un  objet  important  de  commerce  et  d'in- 
dustrie. On  fabrique  une  assez  grande  quantité  de  tissus 
de  soie  de  bonne  qualité  ;  mais,  sous  cette  forme,  la  soie 
ne  sort  guère  du  pays,  tandis  qu'à  l'état  brut  ou  redévidée, 
elle  est  très  recherchée  par  la  Chine  et  le  Japon,  d'où,  tissée 
et  mélangée  avec  les  soies  de  ces  pays,  elle  est  dirigée  sur 
l'Europe,  qui  ignore  sa  véritable  origine.  Ce  commerce 
pourrait  être  tenté  avec  succès  par  nos  nationaux.  Des 
métiers  européens  pourraient  aussi  être  installés  à  Nam- 
Dinh,  car  il  manque  aux  soies  indigènes,  pour  être  uti- 
lisées avantageusement,  d'être  travaillées  à  l'aide  de 
métiers  et  par  des  procédés  moins  rudimentaires  que  ceux 
en  usage  chez  les  Annamites. 

Après  la  soie,  le  coton  est  l'objet  d'un  assez  grand  com- 
merce. C'est  plutôt  une  marchandise  transitaire  qu'un 
produit  de  la  province.  Il  arrive  égrené  des  provinces  de 
Thanh-Hoa  et  Ninh-Binh. 

L'alcool  de  riz  de  Nam-Dinh  est  excellent.  Distillé  au 
moyen  d'appareils  perfectionnés  et  débarrassé  d'un 
empyreume  trop  prononcé,  il  deviendrait  probablement  un 
article  d'exportation.  Les  indigènes  le  préfèrent  tel  qu'il 
sort  de  leurs  grossiers  alambics. 

On  fabrique  des  nattes  de  jonc  marin  en  assez  grande 


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-  492  - 

quantité  au  phu  de  Nghia-Hung  ;  elles  sont  eipédiées 
sup  les  marchés  de  Haipbong,  de  Hanoi  et  de  QoQg- 
KoDg  pour  des  sommes  considérables. 

La  province  produit  encore  du  sel,  des  arachides^»  du 
sucre,  du  tabac  et  les  noix  d'arec. 

Grand  marché  de  bois,  bambous  et  rotins. 

On  fabrique  des  incrustations  recherchées,  quoique  cette 
industrie  soit,  pour  diverses  causes,  moins  florissante  que 
par  le  passé.  Les  travaux  de  gravure  et  de  sculpture  sur 
bois  forment  aussi  une  brandie  importante  de  Tindustrie 
de  la  province. 

Ferblanterie,  objets  de  culte,  broderies. 

Une  industrie  nouvelle  s'est  implantée  à  Nam-Dinh  • 
MM.  Robin  et  Murât  y  ont  créé  une  usine  pour  U  fabri- 
cation de  Falbumine  et  la  préparation  des  jaunes  d^peufs 
pour  la  mégisserie.  Un  autre  français  y  avait  établi  une 
maison  d*achat  pour  les  œufs.  Ce  sont  principalement  des 
œufe  de  cane. 

Le  commerce  général  de  la  vflle  et  du  port  de  Nftin- 
Dinh  subit  une  légère  diminution  lorsque  la  récolte  de  ri^ 
est  médiocre.  Il  est  impossible  de  donner  une  idé^>  môipe 
approximative,  de  Timportance  de  ce  commerce,  oar  1^ 
Douane  locale  ne  copservé  pas  les  états  statistiques,  qui 
sont  adressés  mensuellement  à  la  direction  de  H^ipbong. 
Le  double  devrait  être  adressé  à  la  Résidence. 

Ces  données  seraient  d^ailleurs  inoomplètes,  car,  le 
bureau  de  Nam-Dinh  se  bornant  à  taxer  les  qiarchandises 
entrant  par  les  fleuves  ou  la  frontière  de  rAnnam,  ne 
s'occupe  pas  de  celles  q 11 i  ont  acquitté  les  droits  à  Haiphong 
ou  sur  d'autres  points  ;  mais  on  peut  évaluer,  saus  exagé- 
ration, au  moins  à  7  millions  de  francs,  le  mouvement 
commercial  de  Nam-Dinh  qui  est  Vemporiutfi  deq  piror 
vinces  du  sud  du  Tonkin  et  4ds  provinces  du  Nord  de 
TAnnam,  Thanh-Hoa  et  Nghè-Aq. 

Cultures.  —  La  superficie  des  terres  cultivées  est  envi? 
ronde  134,977 hectares,  dont  106,396  hectares  de  rizières. 


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-  423  — 

Les  terrains  de  la  province  ne  sont  pas  en  général  propres 
aux  cultures  industrielles.  Cependant  les  cultures  de 
mûriers  et  de  coton  pourraient  recevoir  un  certain  déve- 
loppement; ces  cultures  font  d'ailleurs  de  sensibles  progrès 
dans  plusieurs  sous-préfectures  où  le  sol  est  plus  élevé. 

Une  culture  à  développer  au  Tonkin,  pays  de  rizières, 
c'est  le  jute.  On  le  cultive  au  Bengale  sur  750.000  hectares, 
produisant  pour  195  millions  de  francs  de  jute,  dont  on 
fait  des  gunnies  (sacs  à  grains  et  à  sucre),  des  cordages, 
voiles,  filets,  des  étoffes,  des  draps  et  du  papier.  Nous  en 
achetons  au  Bengale  pour  des  millions,  alors  qu^op  le 
trouve  en  Annam  et  au  Tonkin,  dans  les  provinces  de 
Nam-Dinh,  Ninh-Binh,  Hai-Duong  et  Bac-Ninh.  MM.  Saint 
frères  ont  tenté  Textension  de  cette  culture  en  Indo  Ohine. 
Il  serait  absurde  et  nuisible  d'interdire  aux  colonies  la 
création  de  filatures,  de  tissages,  d'usines,  sous  prétexte 
de  concurrence  aux  industries  métropolitaines.  Les  temps 
du  «  pacte  de  famille  »  sont  passés. 

Concessions.  —  Les  concessions  de  terrains  aecorfiées  à 
des  Français  sont  au  nombre  de  quatre,  situées  dans  les 
huyens  de  My-Loc  et  de  Hai-Hau,  et  occupent  une  super- 
ficie de  plus  de  3.000  hectares.  Elles  appartiennent  à 
MM.  Gobert  et  Daurelle,  qui  y  font  des  essais  de  cultures. 
Il  faut  citer  également  les  plantations  de  mûriers  faites  en 
grand  par  M.  Bourgouin-Meiffre,  industriel  d'Hanoi.  Une 
grande  concession  de  terrrains  d'alluvion  a  été  accordée 
sur  le  littoral  à  M.  Maron,  qui  fait  des  essais  de  colmatage. 
Revenus.  —  La  province  de  NamrDjnh  verse,  annuelle- 
ment, dans  les  caisses  du  Protectorat,  une  somme  d'en- 
viron 344.000  piastres,  soit  928.800  francs,  Dans  cette 
somme  ne  sont  pas  comprises  les  recettes  des  douanes  ni 
la  part  contributive  de  la  province  dans  les  produits  des 
postes  ^t  télégraphes  et  de  l'affermage  du  monopole  de 
Topium. 

Avenir  de  la,provinee.  — r  II  ne  faut  pas  demander  à  la 
province  ce  qu'elle  n'est  pas  susceptible  de  pouvoir  donner  : 


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-  424  - 

Elle  ne  renferme  ni  gisements  miniers  connus,  ni  forêts. 
Le  sol,  entièrement  dans  les  mains  des  indigènes,  est 
partout  cultivé.  Les  principales  productions  sont,  actuelle- 
ment, le  riz  et  la  soie.  Améliorer  les  cultures  et  Télevage 
du  ver  à  soie,  développer  la  production  du  mûrier  et  du 
coton,  introduire  des  procédés  de  tissage  perfectionnés, 
telles  doivent  être  les  premières  préoccupations.  A  cet 
effet,  la  création  d'un  jardin  botanique  et  d'acclimatation, 
ayant  comme  annexe  une  magnanerie  d'essai,  était  dési- 
rable. C'est  ce  qui  va  être  fait. 

Quelques  industries  secondaires  pourraient  réussir,  après 
études  sérieuses. 

Missions.  —  Deux  missions  catholiques  se  partagent  la 
province  de  Nam-Dinb  :  la  mission  espagnole  du  Tonkin 
central,  à  Test  du  canal  de  Nam-Dinh  ;  la  mission  française 
du  Tonkin  occidental,  à  Touest. 

.  De  nombreuses  chrétientés  avec  églises  de  style  espagnol 
dans  rintérieur.  Belle  cathédrale  à  Buichu,  résidence  de 
Févêque  espagnol.  M»*"  Onate.  Séminaire. 

L'Annamite  bouddhiste  n'est  pas  fanatique.  II  n'y  a  pas 
de  question  religieuse  au  Tonkin.  Espérons  qu'on  n'en 
créera  pas. 

Écoles.  —  Dans  chaque  huyen  est  une  école  de  carac- 
tères chinois  ;  au  chef-lieu,  une  école  supérieure,  dirigée 
par  le  dôc-hoc,  bien  fréquentée. 

Il  existe,  en  outre,  au  chef-lieu,  deux  écoles  du  Protec- 
torat, une  de  garçons  et  une  de  filles,  qui  ont  pour  but 
d'enseigner  le  français  aux  jeunes  indigènes. 

L'école  des  garçons  est  fréquentée  par  220  enfants  envi- 
ron, sur  lesquels  quatre  ou  cinq  par  an  peuvent  être  choisis 
pour  être  nommés  interprètes. 

C'est  la  plus  importante  du  Tonkin. 

L'école  des  filles  a  peu  de  succès.  Elle  est  uniquement 
fréquentée  par  les  enfants  européens  et  peu  de  filles 
indigènes.  Celles*ci  n'apprennent  guère  qye  la  couture. 


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-  42K  — 

Une  école  congrégaûiste,  tenue  par  les  sœurs  de  Saint- 
Paul  de  Chartres,  vient  de  s'ouvrir  avec  subvention  du 
budget  provincial  et  reçoit  surtout  les  filles  indigènes 
catholiques. 

Principaux  commerçants  et  colons  européens.  — 
Agence  des  correspondances  fluviales,  MM.  Lusignan, 
agent;  Lacombe,  commerçant;  Caralp,  réprésentant; 
Gobert,  Bourgoin-Meifl're,  Daurelle,  agriculteurs;  Schwab, 
agent  de  plantation;  Maron,  géomètre ;Bérenguier ,  com- 
merçant; Vinson,  entrepreneur,  etc. 

BAC-NINH   ET  DAP-GAU 

Bac-Ninh,  ville  d'environ  8,000  habitants,  chef-lieu  de 
la  province  et  siège  de  l'évéché  espagnol  du  Tonkin  septen- 
trional, est  située  à  27  kilomètres  d'Hanoï.  Elle  renferme 
une  citadelle  qui  date  du  règne  des  Lé  et  a  3  kilomètres 
de  circuit,  et  une  cathédrale  récemment  construite. 

Bien  que  n'étant  pas  précisément  un  centre  de  production, 
Bac-Ninh  n'en  a  pas  moins  une  importance  assez  grande 
au  point  de  vue  commercial  ;  c'est  un  centre  d'échange  où 
viennent  toutes  les  denrées  et  tous  les  objets  fabriqués 
dans  la  province  ou  importés,  soit  des  provinces  voisines, 
soit  de  la  Chine,  par  Cao-Bang  ou  Lang-Son.  Le  marché 
permanent  qui  s'y  tient  est  fréquenté  et  les  boutiques  qui 
bordent  la  rue  principale  sont  très  achalandées.  Il  ne  faut 
néanmoins  pas  croire  qu'il  se  traite  à  Bac-Ninh  de  grosses 
affaires  ;  à  part  le  commerce  des  riz,  commerce  très  actif 
en  décembre  et  en  juin  et  complètement  entre  les  mains 
des  Chinois,  les  transactions,  quoique  nombreuses,  sont  de 
peu  d'importance.  Il  n'y  a  guère,  en  somme,  qu'un  com- 
merce de  détail,  actif  il  est  vrai,  mais  n'exigeant  que  de 
faibles  capitaux  et  ne  donnant  lieu  qu'à  une  faible  circu- 
lation d'argent.  Thi-Cau  est  placé  sur  des  collines  ondulées, 
dans  une  situation  charmante.  C'est  à  Thi-Cau  que  se  trouve 


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—  486  — 

actuetietnent  Thôpital  militaire,  installé  dans  de  grandes 
pagodes  abritées  par  de  beaux  arbres  mais  en  très  mauvais 
état.  Cet  hôpital  est  (Considéré  comme  un  rentable  sana- 
torium. Dap-Cau,  éloigné  de  4  kilomètres  environ  de  Bac- 
Ninh^  se  développe  perpendiculairement  au  Song-Cau; 
c'est  une  ville  d'avenir  et  le  centre  du  commerce  européen 
de  la  région.  Même  par  les  plus  basses  eaux,  canonnières 
et  bâtiments  de  commerce  y  ont  un  accès  facile. 

Par  le  8oflg-(^ù,  Dap-Qau  communique  avec  Tbai- 
Nguyen;  par  le  Song-Oau  et  le  Thai-Binh,  aved  les  Sept- 
Pagodes,  IJai-Duong  et  Hai-Phong;  par  le  Loc-Nam,  avec 
la  région  du  nord-est;  par  le  Song-Thuong avec  Phu-Lang- 
Thuong  par  le  Song-Câ-Lô  avec  Son-Tay. 

Dap-Oau  est  desservi  tous  les  deux  jours  par  les  Messa- 
geries fluviale^. 

Il  existe  encore  dans  la  provinoè  d'autres  centres  indi- 
gènes très  importants  et  comme  commerce  et  comme  popu- 
lation, tels  que  les  grands  villages  de  Ding-Bang,  Dai-Bai, 
Bac*Trang4Phu-Hin,Dong-Ky,Tho-Khoi,  Goloa  etDuc-Noi. 

Marchés.  —  On  compte  dans  la  province  de  Bac-Ninh 
60  marchés  imposés.  Les  plus  importants  sont  ceux  de  Gho- 
Dau,  Cho-Vang,  Cho-Liem,  Gbo-Thi-Cau,  Cho-Nôn,  Cho- 
Xa,  Cho-Chi  et  Gho-Nui.  (Gho  veut  dire  marché.) 

Certains  marchés  sont  spéciaux  pour  la  vente  des  divers 
produits  fabriquée  ou  des  denrées  récoltées  dans  la  pro- 
vince, ainsi  que  pour  la  vente  des  bestiaux. 

Commerce.  —  Industrie.  —  1° .  Européens.  —  Un 
établissement  industriel  important  a  été  installé  à  Dap- 
Cau,  pour  le  travail  du  fer,  du  cuivre  et  du  bois,  par 
MM.  Leroy  et  G*^.  Une  fonderie  y  est  annexée,  possédant  un 
outillage  complet.  Ces  ateliers  ont  fabriqué  déjà  un  grand 
nombre  de  ponts  en  fer  genre  Eiffel  qui  ont  été  livrés  à 
TAdministration  ou  à  des  particuliers.  Actionné  par  une 
machine  à  vapeur,  cet  établissement  peut  faire  face  aux 
commandes  les  plus  importantes. 


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-  «7  - 

GôiUtne  âbnexë  à  cette  ualne^  se  ttotlvetit  des  ateliers  de 
menuiserie  dans  lesquels  une  quantité  considérable  de 
sapins  d^Amérique  est  consommée  chaque  mois. 

MM.  Lei-oy  et  C^'  possèdent  égélement,  à  Dap-Cau,  uùe 
fabrique  de  tuiles  genre  Altkirch  ou  Montchanin.  Ces  tuiles 
sont  recherchées  ;  elle  constituent,  en  effets  une  toiture  &  la 
fols  plus  élégante,  plus  légère  et  moins  dispendieuse  que 
la  toiture  ordinaire. 

S^  IndigèheSi  —  Les  principales  industries  indigènes  de  la 
province  sont  les  poteries,  les  objets  en  cuivre  et  en  nielléd, 
la  soie,  la  laque  et  le  tissage  de  là  toile  et  du  coton. 

Les  poteries  sont  fabriquées  à  Bac-Tranget  à  Phu-Lang. 
De  là,  elles  sont  écoulées  sur  les  marchés  de  Hanoi,  d*Hai- 
Duong  et  d'Hai-Phong. 

Les  cuivres  ont  leur  principal  oeiitre  dMndustrie  à  Dai- 
Bâi,  gfos  village  dont  les  habitants  se  livrent  presque  tous 
à  la  fabrication  de  divers  ustensiles  en  cuivre  en  usage 
éhes  les  Annamites  (marniite84  cuvettes,  gongs,  cloches, 
bouilloires,  plateaux).  Toutefois,  sur  des  modèles  qui  leur 
ont  été  donnés,  Us  commencent  à  fabriquer  divers  objets  à 
rusage  et  au  goût  des  Européens,  qui  sont  d*une  vente 
facile  et  lucrative  pour  eux.  Les  chauffe-mains,  boites, 
gardes  de  sabre  niellés,  sont  une  spécialité  du  pays* 

Les  objets  fabriqués  àont  en  partie  vendus  dans  la  pro- 
vince, mais  le  plus  grand  nombre  est  exporté  dans  les  pro- 
vinces voisines  et  sur  le  marché  de  Hanoi^ 

Un  grand  nombre  de  villages  se  livrent  à  Télevage  du  ver 
à  soie.  Les  deux  centres  les  plus  importants  son  Thl-GaU^ 
Dap-Cau  et  Dai-Bien.  Les  soies  sont  fabriquées  à  Dinh- 
Bang  et  à  Noi-Dué  ;  elles  sont  vendues  à  Hanoi. 

C'est  à  Dinh^Bang  qu'on  trouve  les  meilleurs  ouvriers 
laqueurs  de  la  province  ;  leur  réputation,  d'ailleurs,  est 
connue  dans  tout  le  Tonkin.  Cette  industrie  de  la  laque 
prend  une  grande  extension.  Le  fils  du  général  Bichot, 
commandant  en  chef,  qui  s'est  fait  colon,  exploite,  surtout 


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-  428  — 

sur  sa  concession  de  la  rivière  Glaire,  la  laque,  Tabaca 
(chanvre  de  manille)  et  des  noix  de  bancoulier. 

Cultures.  —  La  culture  la  plus  importante  est  celle  du 
riz;  elle  occupe  une  superficie  d'environ  100.000  hec- 
tares. 

On  fait  généralement  deux  récoltes  de  riz  par  an.  On 
cultive  aussi  le  maïs,  la  patate,  la  canne  à  sucre,  le  ricin, 
les  arachides,  le  bétel  et  l'aréquier. 

Exploitations  agricoles.  —  Diverses  concessions  ont 
été  accordées  dans  la  province  de  Bac-Ninh  à  des  Européens, 
MM.  Gobert,  Gavanon  et  Ronze. 

1®  Ferme  des  Rapides.  —  MM.  Gobert  exploitent  deux 
concessions  dont  la  plus  ancienne,  la  ferme  des  Rapides, 
est  en  pleine  prospérité. 

La  ferme  des  ïlapides,  qui  doit  son  nom  à  sa  proximité 
du  canal  des  Rapides,  comprend  221  hectares.  Les  conces- 
sionnaires y  font  sur  une  grande  échelle  Télevage  des 
animaux  de  la  race  bovine  et  de  basse-cour  et  le  commerce 
du  foin. 

Ils  y  ont  installé  une  laiterie  importante,  qui  trouve  à 
Hanoi  un  écoulement  facile.  La  ferme  des  Rapides  fabrique 
également  du  beurre  et  des  fromages  très  appréciés. 

2*»  Concession  du  Phu-da-Phuc.  —  Situé  au  nord  de 
Bac-Ninh,  dans  une  région  qui  a  été  pendant  de  longues 
années  troublée  par  la  piraterie,  le  terrain  concédé  à 
MM.  Gobert  est  composé  de  mamelons  dont  quelques-uns 
étaient  jadis  plantés  d'arbres  à  thé,  et  de  rizières  aban- 
données et  en  friche.  MM.  Gobert,  aidés  par  l'administration, 
ont  réussi  à  pacifier  le  territoire  qu'ils  occupent  et  peuvent 
travailler  maintenant  en  toute  sécurité. 

Des  résultats  appréciables  ont  été  déjà  acquis.  Les  con- 
cessionnaires ont  planté  des  caféiers  sur  les  mamelons  ;  à 
flanc  de  coteau  des  pâturages  sont  entretenus  pour  l'élevage 
d'animaux  de  la  race  bovine.  Dans  la  plaine,  des  rizières 
ont  été  mises  en  culture  et  sont  en  plein  rapport. 


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—  429  — 

Gomme  à  la  ferme  des  Rapides,  MM.  Gobert  fabriquent 
du  beurre  et  du  fromage  très  recherchés. 

La  concession  de  Phu-da-Phuc  comprend  10.Î269  hectares. 

3^  Concession  Gavanon.  —  La  concession  de  M.  Gavanon 
se  trouve  à  Dap-Gau.  Elle  est  exploitée  depuis  deux  ans  et 
comprend  22  hectares. 

Elle  contient  actuellement  20.000  pieds  de  vignes  et 
plusieurs  milliers  de  pieds  de  caféiers. 

4^  Concession  Ronze.  —  La  concession  de  M.  Ronze  se 
trouve  sur  plusieurs  mamelons,  à  environ  2  kilomètres  de 
Bac-Ninh.  Elle  est  exploitée  depuis  trois  ans  et  comprend 
20  hectares  environ.  Elle  contient  actuellement  40.000  pieds 
de  caféiers,  dont  8.000  en  plein  rapport. 

M.  Ronze  s'occupe  également  de  l'élevage  d'animaux  de 
la  race  bovine. 

Bois.  —  La  province  fournit  surtout  des  bois  de  chauffage. 
Cependant  on  y  trouve  les  essences  suivantes  :  le  pin,  le  cam- 
phrier, le  bambou  et  les  arbres  à  fruits  des  pays  tropicaux. 

Principaux  commerçants  entrepreneurs.  —  Euro- 
péens :  Ronze,  Rochat,  à  Bac-Ninh;  Leroy,  Gavanon, 
Girard,  Renoud-Lyat,  à  Dap-Cau. 

Chinois  :  A-Kiem,  Tian-Quan-Ky,  Dam-Can-Binh,  Luong- 
Dien,  Winh-Long  et  Maca,  à  Bac-Ninh  ;  Young-Ky,  Tien- 
Dzu  et  Ha-Tan,  à  Dap-Cau. 

LAO-KAl 

Le  centre  de  Lao-Kai,  étant  situé  à  la  frontière,  est  le  lieu 
de  transit  et  d'échange  entre  le  Tonkin  et  le  Yunnan.  De 
Hanoi  à  Lao-Kai,  ce  sont  les  jonques  de  Hanoi  qui  font  les 
transports,  de  Lao-Kai  à  Man-Hao  ce  sont  les  jonques  de 
Man-Hao.  Le  transbordement  se  fait  à  Yen-Bai  sur  le 
fleuve  rouge.  Le  sel  s'y  échange  contre  Tétain,  le  thé,  les 
médecines  chinoises.  L'exploitation  du  plomb,  de  l'étain, 
de  l'or,  du  cuivre,  du  graphite  pourrait  être  reprise  avec 


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n 


--  430  - 

profit  dans  cette  région.  Yen-Bai  offre  d'importantes  mines 
de  charbon  gras  et  bitumineux. 

SONTAY 

Ce  centre,  situé  sur  le  Fleuve  Rouge  et  devenu  fameux 
pendant  la  conquête  par  la  victoire  de  l'amiral  Courbet,  a 
perdu  toute  son  importance.  Les  services  militaires  seront 
transférés  à  Viêt-Tri,  au  confluent  des  rivières  noire  et 
claire  avec  le  Fleuve  Rouge.  Une  dizaine  de  colons  euro- 
péens, planteurs  et  industriels,  y  sont  installés.  On  compte 
à  peine  9,000  habitants.  Des  industries  minières  peuvent 
s'y  créer  pour  le  fer,  Tor,  le  cuivre,  le  plomb,  le  nickel^  le 
charbon  et  les  calcaires  marmoréens.  La  province  entière 
compte  800,000  habitants  et  165,000  hectares. 

LANGSON 

I 

La  ville  est  par  21^  50'  38"  de  latitude  N.  et  104^  26'  24" 
longitude  E.  C'est  un  territoire  militaire.  Elle  est  sur  la 
route  de  Phulang  Thuong  à  Cao  Bang.  La  voie  ferrée  par- 
court 105  kilomètres  et  dessert  9  stations.  La  C^'  Fives- 
Lille  doit  la  prolonger  en  Chine  jusqu'à  Lang-Tchéou.  La 
région  est  habitée  par  plus  de  3,000  Chinois  et  surtout  par 
des  Thos  (rameau  des  Thais),  des  Nongs  et  des  Mans.  Les 
établissements  actuels  à  citer  sont  :  la  Résidence,  la  gare, 
le  Trésor,  l'école  franco-indigène,  la  prison,  les  bâtiments 
militaires.  Le  grand  marché  et  le  centre  commercial  est  le 
faubourg  chinois  de  Ky  Lua,  à  2  kilomètres  de  Langson. 
C'est  l'entrepôt  de  la  Badiane  ou  anis  étoile.  Le  charbon,  le 
fer,  l'or,  le  cuivre,  Tétain,  le  plomb  argentifère,  l'amiante, 
ont  été  rencontrés  et  étudiés  et  feront  l'objet  d'exploitations 
lorsque  les  voies  de  communication  seront  achevées.  Une 
quinzaine  d'industriels  français  y  ont  des  entreprises.  C'est 
un  centre  appelé  à  un  grand  développement  pour  nos  tran- 
sactions avec  la  Chine. 


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MINES 


Dans  la  province  de  Quang  Yen,  où  est  établi  le  meilleur 
hôpital  contenant  250  lits,  se  trouvent  d'importantes  mines 
de  charbon  en  exploitation  :  l'une  à  la  Société  française  des 
Charbonnages  du  Tonkin,  l'autre  à  la  Société  dea  Mines  de 
Ké^Bao. 

La  première  est  exploitée  par  une  Société  franco- 
anglaise,  constituée  en  1887,  au  capital  social  de  4  mil- 
lions de  francs,  Les  travaux  préparatoires  pour  la  mise 
en  exploitation  sont  terminés,  et  la  Société  expédie  sur 
Hong-Kong  et  la  Chine,  par  divers  steamers  affrétés, 
environ  12  à  15,000  tonnes  par  mois.  On  y  a  installé  une 
usine  à  briquettes  qui  fournit  ses  produits  à  la  marine. 
La  concession  est  de  20.000  hectares. 

Ces  briquettes  sont  mélangées  de  brai  et  de  cardiff. 
Ce  sont  des  charbons  secs  et  durs,  sans  crasse,  sans  escar- 
billes» sans  fumée,  mais  exigeant  des  grilles  spéciales. 

L'exploitation  de  Hatou  se  fait  à  ciel  ouvert,  celle  de 
Nagotna  par  un  puits  de  140  mètres  et  des  galeries. 
35  Européens,  2,000  Annamites  et  200  Chinois  y  sont 
occupés.  L'exportation  annuelle  est  de  140.000  tonnes, 
valant  1.400.000  fr. 

Deux  lignes  de  chemins  de  fer,  à  voie  de  1  mètre,  reliant 
les  mines  de  Nagotna  et  de  Hatou  à  Hon-Gay,  apportent  le 
charbon  à  un  grand  appontement  auquel  peuvent  accoster 
les  vapeurs  du  plus  fort  tonnage  et  sur  lequel  deux  grues 
hydrauliques  enlèvent  les  wagons  et  les  basculent  dans  la 
cale  du  bateau. 

La  deuxième,  située  à  Ké  Bao  et  dite  concession  Jean 
Dupuis,  est  exploitée  par  une  Société  française  fondée  au 
capital  de  2,500,000  francs  en  1889.  Les  travaux,  pous- 
sés très  activement,  sont  très  avancés  et,  grâce  à  la  situa- 
tion du  centre  principal  de  la  mine,  presque  sur  le  bord  de 
la  mer,  on  a  pu,  tout  en  poursuivant  son  installation,  livrer 


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—  482  - 

à  la  marine  et  au  commerce  plusieurs  milliers  de  tonnes 
de  houille.  Un  puits  de  150  mètres  a  été  inauguré  par 
M.  le  Gouverneur  général,  le  21  juin  1893.  Un  chemin  de 
fer  de  15  kilomètres,  allant  du  puits  Lanessan  àPort- 
Vallut,  prend  sur  son  parcours  le  charbon  des  mines  de 
Caï-daï-Brousse  et  Caï-daï-Mine.  Les  travaux  de  Port-Vallut 
sont  achevés.  Les  navires  de  tous  tonnages  peuvent  y 
accoster  par  toutes  les  marées.  Le  lavage  et  le  criblage  ont 
été  installés  à  Port-Vallut,  où  se  trouve  également  une 
usine  à  briquettes.  La  mine  occupait  40  Européens  et 
2,300  coolies.  Elle  a  interrompu  ses  travaux  et  son  exploi- 
tation faute  de  capitaux  et  la  mine  attend  une  reconstitu- 
tion. Elle  avait  exporté  en  1897  plus  de  62.000  tonnes, 
valant  637.000  fr.  Les  houillères  du  Tonkin  prendront  le 
marché  depuis  Âden  jusqu'à  Sanghai.  Ils  feront  prime  sur 
le  marché  de  San-Francisco  et  leur  débouché  sera  de  trois 
millions  de  tonnes. 

Notre  flotte  a  un  point  d'appui  à  Hongay,  au  port  Cour- 
bet, dans  cette  baie  d*Along  dont  les  innombrables  Ilots 
font  une  des  merveilles  du  monde. 

Un  certain  nombre  de  périmètres  réservés  ont  été 
demandés  dans  le  but  de  rechercher  des  mines  de  sulfure 
d'antimoine,  mais  aucune  n'a  encore  été  mise  en  exploi- 
tation. 

TOURANE 

Bâtie  sur  la  rive  gauche  du  Song-Han,  au  fond  d*une 
rade  bien  abritée,  Tourane,  qui  n'était  autrefois  qu'un 
amas  de  chaumières  annamites,  est  devenue,  par  une  suite 
de  développements  successifs,  dus  à  l'initiative  de  nos 
résidents,  à  la  bonne  volonté  et  au  désir  de  bien  faire  des 
colons,  une  ville  dont  l'avenir  commercial  est  aujourd'hui 


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—  433  — 

assuré,  tant  par  le  développement  du  commerce  intérieur 
que  par  Texportation,  qui  ne  cessei*a  d'augmenter,  grâce  à 
Texploitation,  déjà  très  avancée,  des  houillères  de  Nong- 
Son,  près  Tourane,  ainsi  que  de  nombre  d*autres  gise- 
ments miniers  de  toute  nature  qui  ont  été  reconnus  et  dont 
la  mise  en  œuvre  n'est  plus  qu'une  question  de  temps. 

Entre  autres,  les  gisements  aurifères  de  Bang-Miôou  qui 
ont  été  soumis  à  un  examen  sérieux  et  sont  exploités 
actuellement. 

Une  ordonnance  royale  de  S.  M.  Dong-Khanh,  en  date 
du  1*^  octobre  1888,  a  érigé  Tourane  en  concession  fran- 
çaise. Une  municipalité,  représentée  par  un  commissaire 
municipal,  assisté  d'une  commission  municipale,  y  a  été 
installée  avec  les  divers  services  qui  en  dépendent  :  voi- 
rie municipale,  police,  etc.  Une  lieutenance  de  port  va 
être  créée  si  l'essor  que  doit  prendre  le  port  répond  aux 
prévisions.  M.  Doumer,  par  arrêté  du  29  janvier  1898,  a 
loué  à  une  Société  lyonnaise  l'îlot  de  l'Observatoire.  Cette 
Société  va  y  construire  des  appartements,  des  quais,  des 
ports  à  charbon,  des  magasins  généraux  et  y  assurer  tout 
l'outillage  du  port.  L'exploitation  des  houillères  de  Nong- 
Son  va  être  reprise  avec  activité,  avec  un  fonds  de 
2.500.000  francs  et  500.000  francs  pour  les  magasins  géné- 
raux et  les  constructions  du  port.  La  moitié  des  navires 
allant  d'Europe  en  Chine  feront  leur  charbon  à  Tourane. 
Le  bénéfice  sera  de  700.000  francs  pour  une  exportation 
annuelle  de  220.000  tonnes.  La  concession  est  de  2.000  hec- 
tares admirablement  situés.  Le  charbon  revient  à  Tourane 
à  6  fr.  65  la  tonne,  et  se  vend  à  Hong  Kong  9  fr.  75. 

Siège  de  la  direction  des  douanes  de  l'Annam,  d'une 
agence  de  Messageries  maritimes  et  d'une  succursale  de  la 
Banque  de  Tlndo-Chine,  Tourane  s'agrandit  de  jour  en  jour 
et  la  population  européenne  s'élève  à  environ  100  habi- 
tants, auxquels  il  faut  ajouter  la  garnison.  La  colonie  chi- 
noise comprend  environ  200  individus  et  la  population 


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—  434  — 

indigène  des  huit  villages  de  la  concession  forme  un  total 
de  4,000  âmes  environ. 

Trois  nfiagniflques  routes  ont  été  livrées  à  la  circulation  : 
L'une  reliant  Tourane  au  village  de  Cam-Lé,  où  se  trouve 
un  bac  qui  permet  de  traverser  la  rivière  du  même  nom, 
conduit  delà  à  Quang-Nam  et  à  la  ville  chinoise  de  Faifo» 

Une  autre  rejoint  la  route  mandarine  au  village  de  Phuoc- 
Tuong  et  aboutit  aux  plantatio;is  de  café  et  de  thé.  Outre 
les  cultures  de  café  et  de  thé  de  Camlé,  il  faut  citer  en 
première  ligne  la  grande  plantation  et  TusinedeMM.  Lom- 
bard et  G"«,  à  Phuoc-Tuong,  dont  les  produits  seront  préfé- 
rés en  France  à  ceux  de  Chine  et  de  Ceylan. 

La  troisième  aboutit  au  village  de  Thanh-Khé  et  rejoint, 
au  fond  de  la  baie,  la  route  qui,  passant  par  le  col  des 
Nuages,  conduit  à  Hué. 

Enfin,  les  études  en  cours  pour  la  construction  d'un  che- 
min de  fer  conduisant  à  Hué  ont  permis  de  constater  dès 
maintenant  que  rétablissement  de  cette  voie  de  communi- 
cation, qui  permettrait  de  doubler  le  transit  entre  Tourane 
et  la  capitale,  serait  d'une  réalisation  plus  facile  qu'on  ne 
Tavait  d'abord  supposé  La  construction  va  commencer. 

La  route  du  col  des  Nuages  entre  Tourane  et  Hué  est 
améliorée.  Des  travaux  très  considérables,  exécutés  par 
M.  le  sous-Ingénieur  Bourard,  ont  transformé  en  une  route 
carrossable  de  8  mètres  de  large  le  sentier  de  chèvres  qui, 
depuis  la  conquête  de  rAnûam,  avait  dû  suffire  pendant  la 
mauvaise  saison  aux  communications  avec  la  capitale  par 
le  passage  difficile  du  col  des  Nuages. 

Outre  les  facilités  de  communication  qu'elles  fournissent 
aux  habitants,  ces  nouvelles  artères  leur  off*rent  de  belles 
promenades,  bien  entretenues  et  accessibles  à  la  circu- 
lation des  voitures  attelées. 

Un  jardin  public  a  été  récemment  créé;  il  est  orné  de 
beaux  échantillons  de  l'art  sculptural  Kmer,  qui  y  ont  été 
rassemblés,  par  Tauteur  de  ces  lignes,  à  la  suite  de  la 


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—  435  — 

découverte  de  nombreuses  ruines  dans  les  environs  de 
Tourane. 

Tourane  est  surtout  une  ville  de  consignation  et  de 
transit.  Le  comoierce  local  fait  principalement  du  détail 
pour  les  besoins  tant  de  la  population  européenne  qu'indi- 
gène. 

D'après  les  statistiques  des  douanes,  les  recettes  des  ports 
de  Tourane,  Gua-Dai  (Fai-Fo)  et  HiépHoa,  centralisées  à 
Tourane,  s'élèvent  annuellement  à  près  de  300,000  piastres. 

Ces  quelques  données  permettront  d'apprécier  les  pro- 
grès réalisés  à  Tourane  et  Tavenir  commercial  réservé  à  la 
ville  naissante  qui  sera  prochainement  reliée  par  des  voies 
de  communication  rapides  avec  les  centres  de  production 
de  l'intérieur  du  pays. 

A  une  heure  environ  de  Tourane,  et  en  dehors  des 
limites  de  la  concession  française,  sont  situées  les  mon- 
tagnes de  marbre,  où  l'on  remarque  de  magnifiques 
pagodes  et  des  grottes  taillées  dans  le  marbre  par  ordre  du 
roi  Minh  Mang.  Une  bonzerie  y  est  installée  pour  la  garde 
de  ces  lieux  sacrés.  Rien  de  plus  pittoresque  que  cet 
endroit,  qui  est  l'objet  de  nombreuses  visites  de  la  part  des 
voyageurs  descendant  à  Tourane  pendant  l'escale  des 
courriers. 

Le  gouvernement  annamite  n'a  pas  autorisé,  jusqu'à 
présent,  l'exploitation  régulière  de  ces  carrières  de  marbre. 

PAIPO 

Lorsqu'on  passe  à  Tourane,  il  est  intéressant  d'aller  visi- 
ter la  ville  chinoise  de  Faifo,  le  plus  ancien  et  le  plus  con- 
sidérable entrepôt  chinois  de  l'Annam. 

Commerce,  Industrie.  —  Faifo  est  un  port  ouvert  au 
commerce  par  l'embouchure  deCuadai;  mais  il  n'est  acces- 
sible de  ce  côté  qu'aux  barques  et  aux  jonques  d'un  faible 
tirant  d'eau.  Par  suite,  le  transit  des  marchandises  impor- 


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tées  ou  exportées  a  lieu  par  le  port  de  Touraue  relié  à 
Faifo  par  une  voie  fluviale  parcourue  en  moyenne  en  douze 
heures. 

Faifo  est  surtout  un  port  d'exportation  et  l'entrepôt  géné- 
ral de  tout  le  commerce  des  provinces  centrales  de  rAnnam. 
L'exportation  consiste  en  soie  grège,  en  cannelle  et  en 
sucre.  Ces  produits,  dirigés  sur  Tourane,  sont  transbordés 
à  destination  de  Hong-Kong,  Haiphong,  Saigon,  Singapour. 

Presque  toutes  les  marchandises  d'échange  avec  les  tri- 
bus moïs  viennent  de  Faifo  (cuivre,  laiton,  objets  en  métal, 
cotonnades). 

Le  port  de  Hiep-Hoa  ne  fait  que  le  commerce  de  cabo- 
tage intérieur  ;  quelques  produits  sont  exportés  en  Gochin- 
chine.  Quant  aux  autres  produits,  ils  sont  exportés  dans 
les  divers  ports  de  TAnnam  ;  les  principaux  sont  les  coton- 
nades indigènes,  les  noix  d'arec  et  les  cotons  filés  étran- 
gers. 

L'importation  consiste  entièrement  en  produits  indigènes 
provenant  des  divers  ports  de  l'Annam  (sucre,  poisson 
salé,  huile  d'arachide,  tourteaux  d'arachide  et  sel). 

Un  autre  commerce  qui  mérite  d'être  signalé  est  celui 
des  nids  d'hirondelles  de  mer  ou  salanganes;  cette  denrée 
précieuse,  appelée  ô'yén  en  langue  orientale,  est  fort 
recherchée  des  riches  Chinois.  On  la  trouve  surtout  à  flanc 
de  rocher,  dans  l'île  de  Cu-Lao-Cham,  située  à  hauteur  de 
l'embouchure  de  la  rivière  de  Faifo  et  à  quelques  milles 
d'éloignement;  c'est  un  des  plus  anciens  et  des  plus  curieux 
monopoles  que  le  gouvernement  annamite  ait  concédés  à  des 
fermiers.  Les  jonques  viennent  chercher  les  nids  à  l'île 
même  de  Cu-Lao-Cham  et  les  transportent  de  là  dans  les 
ports  de  Chine. 

L'industrie  indigène  n'est  pas  très  développée;  on 
fabrique  cependant  des  alcools  de  riz,  de  mélasse,  de  maïs 
et  de  fruits,  des  briques,  des  poteries,  de  la  chaux  ;  enfin, 
on  rencontre  quelques  tourneurs  sur  bois.  Au  village  de 


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Kim-bongy  près  de  Faifo,  habitent  de  nombreux  charpen- 
tiers, de  bons  sculpteurs  et  quelques  fondeurs  qui  tra- 
vaillent le  cuivre  et  le  fer. 

Des  commerçants  français,  les  frères  Derobert,  établis  à 
Faifo  depuis  quelques  années,  achètent  les  produits  indi- 
gènes, tels  que  soies  filées,  cocons,  peaux  et  cornes  de 
buffle,  plantes  médicinales,  thés,  rotins,  mélasses,  etc., 
qu'ils  expédient  en  Europe.  La  prospérité  de  cette  maison  va 
s*augmentant  tous  les  jours,  grâce  aux  bonnes  relations 
que  son  chef  sait  entretenir  avec  les  habitants  de  la  pro- 
vince. Depuis  quelque*  temps,  M.  Petitpierre,  autre  com- 
merçant français  établi  à  Tourane,  fait  avec  succès  les 
mêmes  achats  dans  la  province  de  Quang-Nam. 

ExploitationSj  Gisements,  Bois.  —  Plusieurs  de  nos 
compatriotes  se  sont  fait  réserver  des  terrains  miniers. 

Ce  sont  :  MM.  Cotton,  Boudet,  Devaux,  Leroy,  Barrât, 
Herbet,  Prat. 

Les  principales  substances  minérales  ou  fossiles  sont  : 
la  houille,  le  cuivre  et  le  fer,  le  cinabre.  For,  le  zinc 
et  la  tourbe.  Des  mines  de  cuivre  ont  été  concédées  à 
Duc-Bo. 

Une  Société  française  a  entrepris  l'exploitation  des  gise- 
ments d'or  de  Bong  Mieû  ;  les  recherches  ont  donné  des 
résultats  suffisants  pour  bien  augurer  de  la  réussite. 

L*ancienne  Société  des  houillères  de  Tourane,  qui  con- 
tinuait Texploitation  des  gisements  houillers  de  Nong- 
Son,  dont  le  charbon  est  reconnu  de  très  bonne  qualité, 
vient  de  se  reconstituer  avec  des  capitaux  lyonnais.  Nong- 
Son  exportait  par  an  de  3  à  4.000  tonnes  d*anthracite  pur 
valant  43.000  fr.  L'exportation  va  prendre  un  nouvel  essor 
et  attirer  les  grands  navires  à  Tourane,  doté  de  tout  Tou- 
tillage  d'un  grand  port.  Notre  marine  y  aura  un  dépôt  de 
charbon  et  un  point  d'appui. 

Les  montagnes  renferment  des  forêts,  d'où  les  Anna- 
mites tirent  des  bois  de  construction  et  de  chauffage. 


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T 


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HUÉ 


La  capitale  de  TAnnam  est  située  par  16*  32'  58"  de  lati- 
tude N.  et  105^  15'  20"  de  longitude  E.  A  8  kilomètres  de  la 
mer,  sur  les  bords  du  Song-Huoiig-Giang,  s^élève  la  cita- 
delle de  Hué,  bâtie  dans  une  boucle  de  la  rivière.  C'est  un 
grand  carré  de  2  kilomètres  et  demi  de  côté,  défendu  par 
une  escarpe  revêtue  de  7  mètres  de'^haut,  que  précède  un 
fossé  large  de  20  mètres  et  à  l'intérieur  duquel  se  trouvent 
le  palais  impérial,  les  ministères,  le  siège  des  différentes 
administrations  indigènes  et  de  nombreuses  casernes  où 
est  logé  ce  qui  reste  de  Tancienne  armée  annamite.  Dans 
un  angle  de  la  citadelle  on  a  ménagé  un  réduit  où  est 
casernée  une  partie  des  troupes  françaises. 

L'autre  partie  occupe  un  ouvrage  à  cornes,  nommé  le 
Mangea,  détaché  du  corps  de  place  et  qui  commande  le 
cours  inférieur  de  la  rivière.  En  face,  à  Ba-Vinh,  mouillent 
les  jonques  annamites  et  chinoises  qui  font  le  cabotage  de 
la  côte,  et  les  chaloupes  à  vapeur  qui  relient  par  mer  Hué 
à  Tourane.  Pendant  la  belle  saison  (mousson  de  S.-O.),  ce 
port  présente  une  certaine  animation  ;  mais  pendant  l'hiver 
(mousson  de  N.-E.),  la  barre  de  Thuan-An  est  très  fré- 
quemment infranchissable,  et  une  partie  du  trafic  doit 
s'effectuer  par  voie  de  terre.  L'état  de  la  mer  rend,  d'ail- 
leurs, la  navigation  très  dangereuse  à  cette  époque,  depuis 
Tourane  jusqu'au  Tonkin,  et  c'est  à  juste  titre  que  les 
Annamites  en  avaient  surnommé  le  littoral  la  «  Côte  de 
fer  ». 

Sur  l'autre  rive  du  Song-Huong-Giang',  au  débouché  de 
la  route  de  Saïgon,  s'élève  la  résidence  supérieure  de 
TAnnam. 

Une  assez  grosse  agglomération  s'est  formée  autour  de 
la  ville  officielle.  Les  villages  de  Dông-Ba,  Gia-Hôi,  Ba- 

*  Song  veut  dire  rivière. 


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Vinh  et  Kim-Long,  sont  de  gros  faubourgs  où  se  presse 
une  population  de  commerçants  annamites  et  chinois. 

Un  pont  métallique  de  72  mètres  a  été  jeté  sur  le  canal 
de  Dong-Ba,  en  1393  ;  d'autre  part,  le  gouvernement  anna- 
mite va  achever  la  construction  d'un  pont  fixe  de  plus  de 
350  mètres  sur  la  rivière  de  Hué  pour  relier  la  citadelle  à 
la  Résidence  supérieure. 

Près  de  Kim-Long,  village  important,  à  l'ouest  de  la 
citadelle,  est  le  siège  du  vicariat  apostolique  de  la  Gochin- 
chine  septentrionale. 

A  l'embouchure  de  la  rivière  s'élèvent  les  baraquements 
de  Thuân-An  ;  on  y  a  fondé  un  hôpital  militaire,  qui,  grâce 
aux  vents  du  large  qui  balaient  la  dune,  est  un  véritable 
sanatorium. 

Routes.  —  Depuis  quelques  années,  le  réseau  routier 
des  environs  de  Hué,  a  reçu  un  grand  développement  ;  il 
atteint  actuellement  plus  de  40  kilomètres. 

Les  principales  routes  sont  : 

Sur  la  rive  droite  du  fleuve  : 

Celle  de  Hué  à  Thiéu-Tri,  7  kilomètres. 

La  route  basse  des  tombeaux,  6  kilomètres. 

Celles  de  Phu-Cam  à  An-Guu  ;  de  Hué  à  Thuàn-An,  de 
Phu-Xuâm  ;  d'autre  part,  les  environs  de  la  légation  sont 
sillonnés  de  nies  et  boulevards. 

Sur  la  rive  gauche  : 

La  route  de  Confucius  de  5  kilomètres. 

La  route  circulaire  de  la  citadelle,  celle  des  deux 
ponts,  etc. 

La  route  mandarine  de  Hué  à  Tourane,  plus  générale^ 
ment  connue  sous  le  nom  de  route  du  Col  des  Nuages,  a 
subi  d'importants  travaux  de  réfection,  pour  la  rendre 
accessible  au  service  des  voitures  dans  tout  son  parcours, 
qui  est  de  105  kilomètres. 

Cette  voie  de  communication  peut  être  divisée  en  quatre 
sections  principales  : 


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—  440  - 

La  première,  de  Hué  à  Gau-Hai,  située  entièrement  en 
plaine  et  traversée  par  de  nombreux  arroyos,  sur  lesquels 
des  ponts  en  fer  sont  établis  au  fur  et  à  mesure  que  les 
ressources  permettent  le  remplacement  des  ouvrages  pri- 
mitifs et  rudimentaires  existant  actuellement. 

La  deuxième,  de  Cau-Hai  à  Lang-Co,  franchit,  d'après 
le  système  annamite,  c'est-à-dire  en  suivant  la  ligne  de  la 
plus  grande  pente,  les  Cols  de  Ghoumay  et  de  Phu-Gia,  la 
rectification  de  ces  deux  passages,  ainsi  que  la  réfection  de 
la  partie  défectueuse  s'étendant  entre  Phu-Gia  et  Lang-Go, 
sont  terminées. 

La  troisième  et  la  plus  pittoresque  vient  d'être  refaite 
dans  tout  son  parcours  de  Lang-Go  à  Lien-Ghéou,  sur  une 
largeur  uniforme  de  10  mètres  ;  elle  franchit  le  Gol  des 
Nuages  à  une  altitude  de  472  mètres  ;  la  pente  douce  de 
0°K)7  qui  lui  a  été  donnée  la  rend,  dès  à  présent,  accessible 
aux  voitures. 

La  quatrième  section,  de  Lien-Ghéou  à  Tourane,  parcou- 
rait jusqu'à  présent,  sur  une  étendue  de  18  kilomètres,  une 
plaine  de  sable  blanc  extrêmement  fatigante  pendant  l'été. 

D'importants  travaux  sur  cette  section  ont  été  exécutés 
pour  transformer  cette  partie  en  route  carrossable. 

Le  Protectorat  achève,  en  outre,  l'ouverture  d'une 
voie  de  pénétration  au  Laos,  commençant  à  Maï-Lanh, 
point  terminus  de  la  navigation  sur  la  rivière  de  Quang- 
Tri,  pour  gagner  Aï-Lao. 

Gette  route  aura  une  longueur  totale  de  44  kilomètres, 
et  nécessitera  de  nombreux  travaux  d'art,  notamment  la 
construction  d'un  pont  de  60  mètres  sur  le  Rao-Quan,  tor- 
rent d'une  extrême  violence. 

Elle  se  relie  avec  la  route  mandarine  par  le  prolonge- 
ment des  travaux  jusqu'à  Gam-Lo. 

Marchés.  —  Les  principaux  sont  :  huyôn  de  Huong- 
Trà  :  Dong-Ba- An-Hoà,  Ba-Vinh,  Kim-Luong,  Thanh-Huong 
et  Huong-Gân  ;  huyên  de  Huong-Thuy  :  An-Cuu,  Phu-Bai, 


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—  441  — 

Luong-Vân,  Phu-Loc,  Cho-Truôi,  Cau-Haï,  My-Loi  ;  huyôn 
de  Phu-Vang  :  Nam-pho,  Cho-Sinh,  Cho-No  ;  huyôn  de 
,  Quang-Dîen:  Kim-Hai,  Cho-Sia;  huyên  de  Phong-Dien  : 
An-Dien,  Dai-Loc,  Ky-Môn. 

Cultures.  —  Riz,  aréquier,  mûrier,  arachides,  rotins  et 
bambous. 

La  colonisation  européenne  se  développe  petit  à  petit  ; 
une  plantation  de  caféier  a  été  entreprise  par  M.  Bogaert, 
négociant,  sur  un  terrain,  dont  il  a  obtenu  la  concession  à 
Cu-Bi,  à  15  kilomètres  de  Hué  ;  les  résultats  obtenus  per- 
mettent d'augurer  un  grand  succès  pour  cette  entreprise. 

Commerce,  Industrie,  —  La  plupart  des  barques  qui 
fréquentent  le  port  de  Hué  apportaient  au  gouvernement 
rimpôt  des  provinces  sous  forme  de  ligatures  et  de  riz. 
C'est  maintenant  l'administration  française  qui  centralise 
et  dirige  les  finances  de  TAnnam. 

Le  reste  de  Timportation  se  compose  de  papiers  chinois, 
de  tabac,  de  cotonnades,  de  soieries  destinées  à  la  confec- 
tion des  vêtements  des  mandarins,  naturellement  fort  nom- 
breux à  Hué.  L'exportation  est  faible  et  ne  comprend  guère 
que  des  peaux  et  os  d'animaux  et  des  paquets  de  rotin.  Les 
pêcheries  de  la  côte,  bien  qu'assez  productives,  n'ali- 
mentent guère  que  la  consommation  locale.  L'industrie, 
autrefois  représentée  au  Palais  par  les  meilleurs  incrus- 
teurs,  émailleurs  et  ivoiriers  de  l'Annam,  est  aujourd'hui 
bien  tombée.  De  temps  en  temps  on  trouve  encore  des 
traces  de  l'habileté  de  ces  artistes  du  passé,  mais  il  est  très 
difficile  de  faire  produire  leurs  similaires. 

ExploitationSy  Gisements,  Bois.  —  Le  gouvernement 
annamite  fait  exploiter  les  forêts  bordant  les  rives  du  haut 
Song-Huong-Giang.  Elles  contiennent  de  fort  belles 
essences.  Les  renseignements  manquent  sur  les  richesses 
minières  de  la  région  montagneuse,  mais  il  est  vraisem- 
blable que  l'affleurement  houillerdu  Quang-Nam  se  pro- 
longe dans  le  Thua-Thiên. 


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-  44î  ^ 

Commerçants  Européens.  —  MM.  Bogaert,  entrepre- 
neur, fournisseur,  scierie  mécanique,  fabrique  de  glace  ; 
Bertboin,  usine  pour  la  préparation  de  l'albumine  et  des 
jaunes  d'œufs  salés,  commerce  de  bois,  de  cotonnades, 
articles  d'échanges. 

Principaux  commerçants  Chinois.  —  Shang-Hoo; 
Shang-Ky  ;  A-The. 

QUI-NHON 

Qui-Nhon  est  un  port  desservi  par  les  Messageries 
maritimes  quatre  fois  par  mois.  Il  est  situé  par  13^  45'  23" 
de  latitude  N.  et  406^  53'  15"  de  longitude  E.  Sa  barre  n'a 
que  5°^ 30  d'eau.  Le  port  est  étroit  et  a  des  fonds  de  6  à 
12  mètres.  Une  résidence,  un  hôpital,  des  casernes  de 
milices  y  sont  installés.  Les  missions  y  ont  un  évéché  à 
Lang-Son,  à  12  kilomètres  du  port.  Ce  centre  fait  un  com- 
merce actif  avec  les  tribus  Mois  par  An-Kbê  ;  tout  le  trafic 
est  entre  les  mains  des  Chinois.  Les  produits  principaux 
de  la  région  sont  les  arachides,  le  mûrier,  la  canne.  Tarée, 
rindigo,  le  tabac,  le  thé«  Des  salines  très  importantes  sont 
exploitées  dans  le  voisinage.  L'industrie,  spéciale  au  pays, 
est  celle  de  la  soie  et  des  crépons.  Cette  dernière  est  à 
encourager.  Des  colons  et  commerçants  européens  se  sont 
fixés  à  Qui-Nhon.  La  situation  sur  un  promontoire  au  nord 
de  la  mer  en  rend  le  séjour  très  sain. 

VINH 

Ce  chef-lieu  de  la  province  du  Nghé-An  commande  les 
communications  avec  la  principauté  du  Trân-Ninh  habitée 
par  les  Pou-Euns. 

Il  est  relié  par  les  vapeurs  des  messageries  fluviales 
françaisesà  Nam-Dinh  et  Hanoi,  par  les  ports  deCua-Hoi 
et  Ben-Thuy,  à  6  kilomètres  de  Vinh.  C'est  là  qu'est  la 


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-  443  - 

douane.  C'est  là  que  la  société  forestière  de  TAnnam,  au 
capital  de  500.000  francs,  a  son  siège.  Elle  a  installé  une 
fabrique  d'allumettes,  des  scieries.  Ce  centre  fait  un  grand 
commerce  de  plantes  médicinales  et  tinctoriales.  C'est  le 
débouché  du  pays  entre  la  côte  et  le  Mékong  et  la  route 
la  plus  courte  vers  Houtène.  Le  café  et  le  tabac  seront  des 
cultures  très  productives  dans  cette  région,  ainsi  que  Télé- 
vage.  L'exploitation  des  bois  et  forêts  dans  cette  province 
et  les  deux  voisines  est  réglementée  par  Tordonnance 
rpyale  du  9  octobre  1898. 


NHA-TRANG 

C'est  le  chef-lieu  du  Khanh-Hoa.  La  ville  est  située  à 
Nha-Trang.  Ce  port  est  la  première  relâche  des  paquebots 
des  Messageries  maritimes  faisant  le  service  bi-mensuel 
entre  Saigon  et  le  Tonkin.  C'est  le  siège  du  résident  de 
France.  Les  autorités  provinciales  annamites,  qui  se  com- 
posent du  tong-doc,  gouverneur  des  deux  provinces,  du 
quan-bo,  et  de  l'an-sat,  résident  à  la  citadelle  du  Khanh- 
Hoa,  située  au  fond  de  la  vallée,  à  42  kilomètres  de  la 
résidence. 

Il  existe  à  Nha-Trang  un  institut  Pasteur  créé  il  y  a 
deux  ans  par  M.  le  docteur  Yersin.  Ce  jeune  savant,  dont  les 
récents  travaux  sur  la  peste  humaine  ont  été  fort  remar- 
qués, a  pour  collaborateurs  deux  vétérinaires  en  second, 
MM.  Pesas  et  Fraimbaut.  Le  laboratoire  possède  aujourd'hui 
une  cavalerie  de  100  juments  qui  fournissent  la  quantité 
de  sérum  antipesteux  nécessaire  pour  combattre  le  fléau, 
en  Indo-Chine  et  en  Chine.  D'autres  juments  produiront 
également  du  sérum  pour  fa  peste  bovine,  qui  fait  subir 
périodiquement  de  grosses  pertes  à  l'agricullure  en 
Annam.  On  crée  à  cetefl'et  un  service  vétérinaire  sanitaire, 
qui  est  devenu  depuis  longtemps  indispensable. 


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444  — 


PHAN-RY  ET  PHAN-RANG 


Le  chef-lieu  du  Binh-Thuan  est  Phan-Ry  ;  mais  c'est  à 
Phan-Rang  que  Tindustrie  des  salines  est  la  plus  impor- 
tante ;  on  exporte  environ  10.000  tonnes  de  sel  par  an  sur 
Singapour  et  Pulo-Penang,  principalement  par  navires  à 
vapeur  anglais,  allemands  ou  italiens  venant  prendre  le 
chargement  sur  différents  points  de  la  côte.  Il  est  à 
regretter  que  ce  commerce  rémunérateur  ne  soit  pas  entre 
des  mains  françaises.  Les  100  piculs  de  sel  se  vendent  ici 
en  moyenne  13  piastres  ;  ils  sont  revendus  à  Singapour  25  et 
30  piastres.  Le  picul  équivaut  à  60  kilos.  Les  principales 
salines  sont  celles  de  Hon-Khoi  et  de  Phan-Rang.  La 
pêche  tout  le  long  de  la  côte  donne  lieu  aussi  &  un  assez 
grand  trafic  ;  le  poisson  est  salé,  séché  sur  place  et  exporté 
par  les  nombreuses  jonques  chinoises  qui  visitent  les  prin- 
cipaux ports  aux  deux  moussons.  La  saumure  appelée 
nuoC'tnam  est  très  estimée  et  exportée  &  Saigon.  Oa 
fabrique  aussi  sur  place  de  la  chaux  de  madrépore  exportée 
en  assez  grande  quantité  en  Ck>chinchine.  La  fabrication  de 
l'alcool  de  riz  permet  à  chaque  débitant  de  nourrir  avec  les 
résidus  un  grand  nombre  de  porcs,  qui  sont  exportés 
chaque  année  en  très  grande  quantité  en  Chine.  L'élevage 
des  chevaux,  qui  était  important,  il  y  a  quelques  années, 
décroît  de  jour  en  jour,  et  il  est  difficile  aujourd'hui  d'en 
trouver  dont  la  taille  et  la  vigueur  répondent  à  nos  besoins. 

Presque  tout  le  commerce  se  fait  par  les  jonques  chi- 
noises qui  descendent  d'Hainan,  avec  la  mousson  du  nord- 
est,  à  partir  du  mois  d'octobre,  pour  gagner  principalement 
le  Siam,  Singapour  ou  Pulo-Pinang,  et  qui  retournent 
dans  leur  pays  avec  la  mousson  du  sud-ouest,  à  partir  du 
mois  de  mai.  Ces  jonques  importent  des  petits  cochons  qui 
sont  engraissés  dans  la  province  et  qu'elles  reprennent 
vivants  et  ligottés  dans  des  paniers,  après  une  année,  pour 
les  exporter  dans  le  sud  de  la  Chine. 


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—  445  — 


OOOHINOHIÏTEÎ 


CAP   SAINT-JACQUES 

C'est  rentrée  de  la  rivière  de  Saigon.  Une  station  de 
pilote  y  est  établie  au  pied  d'un  phare  de  l'*  classe.  C'est 
aussi  une  station  balnéaire.  Un  vaste  hôtel  et  de  nom- 
breuses habitations  y  ont  été  construits.  Ce  point  est  relié 
au  réseau  télégraphique  par  les  voies  terrestres  et  sous- 
marines.  La  rivière  de  Saigon  conserve  une  profondeur 
entre  10  et  15  mètres  et  elle  forme,  à  partir  du  fort  du  sud 
jusqu'à  la  rivière  de  Cholen,  le  port  de  commerce.  C'est  un 
des  points  d'appui  de  notre  flotte. 

SAIGON 

Le  port  de  guerre  a  2  kilomètres  d'étendue  sur  300 
mètres  de  large.  Un  arsenal,  des  bassins  de  radoub  offrent 
toutes  facilités  à  la  marine. 

La  ville  est  bien  bàlie  et  ses  rues  sont  ombragées.  Les 
monuments  publics  et  maisons  particulières  sont  très 
remarquables.  Ses  jardins  publics  sont  fort  pittoresques. 
C'est  une  des  plus  belles  villes  d'Extrême-Orient. 

Des  tribunaux  et  une  Cour  d'appel  siègent  à  Saigon,  qui 
possède  aussi  un  tribunal  et  une  Chambre  de  commerce, 
un  Conseil  colonial,  un  Conseil  municipal,  une  Chambre 
d'agriculture,  un  bureau  d'assistance  judiciaire,  une  caisse 
d'épargne,  un  service  central  des  postes  et  télégraphes,  de 
belles  casernes  et  des  hôpitaux. 

De  là  partent  les  tramways  et  chemins  de  fer  pour  Cholen 
et  Mytho.  Les  nations  étrangères  y  ont  des  Consuls.  Lu 


29 


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direction  des  douanes  indo-chinoises  y  est  centralisée.  Des 
écoles,  des  imprimeries,  de  nombreux  journaux,  une  loge 
maçonnique,  des  monts  de  piété,  une  prison  centrale,  un 
trésor,  un  service  des  travaux  publics,  un  service  forestier 
y  sont  établis.  C'est  le  siège  d'un  commandement  militaire 
et  d'un  évêehé.  Des  cercles  et  diverses  associations,  quatre 
corporations  chinoises,  trois  banques  européennes,  une 
agence  principale  des  Messageries  maritimes  et  de  la  Com- 
pagnie nationale  de  navigation,  trois  notaires,  un  théâtre, 
aussi  luxueux  que  coûteux,  une  bibliothèque,  font  de 
cette  ville,  de  cette  première  capitale  de  Tlndo-Chine, 
un  centre  très  animé  et  très  agréable  à  habiter,  si  le 
climat  n'y  était  aussi  débilitant.  Les  environs  offrent  de 
belles  promenades.  Des  habitations  se  succèdent,  sans 
interruption,  jusqu^à  Cholon. 

Voici  le  tableau  de  la  population  actuelle  de  la  ville  : 


Population  de  la  ville  de  Saigon  (1898) 


DÉSIGNATION   DES  NATIONALITÉS 

Hommes 

Femmes 

Enfants 

TOTAL 

Européens,  ji-ç^rs-::::::: 

Indiens  sujets 

1      français 

l  Annam'ites 

]  Cambodgiens .... 
Aaiatioues.  <  Chinois 

1.345 
89 

305 

6.052 

30 

9.530 

m 

30 

70 

Î76 

dÛ3 
45 

91 

6.705 

12 

1.875 

51 

22 

55 

102 

375 

30 

109 

3.740 

16 

1.708 

15 

25 

39 

128 

«2.323 

164 

405 

16.497 

58 

13.113 

98 

77 

164 

505 

Japonais 

Tagals  ,..,.,.... 

Malais 

Indiens 

Totaux 

17.658 
mer. 

9.561 

6.185 

33.404 

•  Non  compris  les  troapM  de  terre  et  de 

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-  447  -« 

La  ville  a  été  entièrement  reconstruite,  et  d'immenses 
travaux  ont  élé  rapidement  exécutés.  Les  avenues  ont 
20  mètres.  Dans  ses  squares  s'élèvent  les  statues  de  sé^ 
grands  hommes.  Des  égoûts,  un  abattoir,  des  parcs,  des 
ponts,  un  château  d'eau,  des  palais  grandioses  pour  les 
administrations  et  surtout  pour  la  poste  et  le  télégraphe, 
la  cathédrale,  les  marchés,  le  cercle  des  officiers,  en  font 
une  grande  cité.  Dans  les  rues  se  croisent  les  européens, 
les  chinois,  les  indous,  les  malais,  les  tagals,  les  anna- 
mites. Les  chinois  habitent  la  partie  basse  de  la  ville,  et 
les  annamites  sont  groupés  dans  les  populeux  faubourgs* 
C'est  une  ville  d'un  grand  avenir. 


Ce  grand  entrepôt  commercial  appelé  t  grand  marche  », 
a  été  fondé  par  les  chinois  en  1778.  Ils  contribuèrent  en 
1820  à  relier  la  ville  à  Mytho  par  des  canaux.  Notre  occu- 
pation en  fit  décupler  l'importance.  Nous  avons  rebâti  la 
ville,  construit  des  quais  et  des  ponts,  des  marchés,  trois 
routes  de  5  kilomètres,  reliant  ce  centre  à  Saigon.  Le  tralic 
par  terre  et  par  eau  y  est  très  animé.  C'est  une  vraie  cite 
chinoise  et,  le  soir,  elle  est  d'un  aspect  fort  pittoresque.  Ses 
pagodes  sont  nombreuses,  ses  théâtres  chinois  fort  suivis- 
Cholen  possède  sept  corporations  chinoises,  une  Com- 
mission municipale,  une  église,  des  écoles,  des  monts  de 
piété,  un  bureau  de  bienfaisance  pour  les  asiatiques. 

Elle  est  entourée  de  jardins  potagers.  Un  hôpital  indi- 
gène a  été  fondé  à  Choquan,  à  l'extrémité  de  la  plaine  des 
tombeaux,  sur  le  bord  de  la  rivière  et  au  centre  d'un  grand 
village  annamite. 

On  peut  dire,  au  point  de  vue  du  commerce,  que  Cholon 
et  Saigon  ne  forment  qu'une  même  agglomération. 

Voici  le  tableau  de  la  population  de  la  ville  ; 


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—  44a- 


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Enfants      \ 
au-dessous 
de  14  ans 


co 

00 

•4        05 

00     '--'^oSîSl^!SSS 

Célibataires 
au-dessus 
de  14  ans 

.^ 

5     co 

Hommes 
mariés 

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co                   i*a>ç5        N-l— CO 

Veufs 

Total 


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^-  en      Q      »— ' 

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Ënfants 
au-dessous 
de  14  ans 


co 

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co       Oi 
«  w       V       Vôw  cnw 

en      K©^       H-       Oi 

Filles 
au-dessus 
de  14  ans 

gî 

'  "  •    ê*  's   KO 

co                   *4^       toCOCO 

Femmes 
mariées 

oc 

S". 

pc 

Veuves 

Total 


Hommes 


Femmes 


Total 


C/3 


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r 


-•  449  - 


MYTHO 


Chef-lieu  de  rarrondissement  de  ce  nom,  ancienne  capi- 
tale de  la  province  annamite  de  Dinh-Tuong,  est  un  point 
très  important,  tant  au  point  de  vue  politique  qu'au  point 
de  vue  commercial.  Il  est  situé  sur  la  rive  gauche  du  bras 
septentrional  du  Cambodge,  à  l'endroit  où  débouche 
Tarroyo  de  la  Poste.  Mytho  est  formé  des  deux  villages  de 
Dieu-Hoa  et  Binh-Tao,  à  23  milles  de  la  mer  et  à  90  kilo- 
mètres  de  Saigon,  auquel  il  est|  relié  par  un  chemin  de  fer 
qui  n'aura  son  utilité  que  lorsqu'il  sera  prolongé  jusqu'à 
Phnom-Pénb  et  à  Bangkok. 

Mytho  est  le  point  de  passage  ou  de  relâche  de  presque 
tout  le  commerce  de  Cochinchine,  y  compris  les  trois  quarts 
des  560.000  tonnes  de  riz  de  son  exportation.  Il  est,  de 
plus,  lé  centre  d'une  province  riche  et  un  port  de  cabotage 
assez  important.  Il  est  relié  à  Saigon  par  le  service  des 
Messageries  fluviales  qui  dessert  toute  la  Cochinchine  et 
qui  y  touche  six  fois  à  l'aller  et  autant  au  retour,  par 
semaine.  Le  Mékong  lui  sert  de  port  et  les  plus  gros  navires 
y  peuvent  mouiller,  mais  ne  pourraient  franchir  la  barre 
de  son  embouchure  que  très  difficilement.  Ce  port  est  fré- 
quenté par  plus  de  cent  jonques  de  mer.  C'est  surtout  un 
marché  de  transit  entre  le  Cambodge  et  Saigon. 

o^i^BoiDca-z: 

PHNOM-PÉNH 

La  capitale  du  Cambodge  est  Phnom-Pénh,  siège  de 
l'administration  centrale  du  Protectorat,  lieu  de  résidence 
de  S.  M.  Norodom,  depuis  1866;  autrefois  la  ville  sacrée 
d'Oudong,  servait  de  capitale,  et  les  premières  conventions 
passées  entre  la  France  et  le  roi  du  Cambodge  furent  signées 
à  Oudong. 


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-  450  — 

Position  géographique.  —  Phnom-Pénh,  est  situé  à 
173  milles  de  la  mer,  à  Tendroil  appelé  Quatre-Bras  (Nam- 
Van),  sur  le  Bras  du  Lac  (Tonlésap)  et  de  Ghaudoc. 

Commerce.  —  C'est  un  centre  commercial  de  premier 
ordre  où  viennent  s'entreposer  tous  les  produits  du  pays, 
c'est-à-dire  le  riz,  le  poivre  et  le  poisson  qui  forment  à  eux 
seuls  les  8/10""  de  l'exportation,  le  coton,  le  tabac,  les  car- 
damomes, la  gomme-gutte,  le  sucre  de  palme  et  de  canne, 
rindigo,  le  bétel,  le  maïs»  la  soie,  les  matelas,  les  nattes 
cambodgiennes,  les  peaux,»les  écailles  de  tortue,  Tivoire, 
la  chaux,  les  bois  de  teinture,  les  huiles  de  coco  et  d'ara- 
chides, etc.,  etc. 

Phnom-Pénh  sert  également  de  port  de  transit  pour  les 
produits  du  Slam,  de  la  Birmanie  et  du  Laos. 

Population.  —  La  ville  est  peuplée  d'environ  45.000 
habitants,  cambodgiens,  malais,  annamites,  chinois, 
métis  de  portugais,  birmans,  etc. 

Rade.  —  Les  navires  de  fort  tonnage  mouillent,  pendant 
les  basses  eaux,  de  février  à  août,  dans  le  Grand  Fleuve 
(Mékong),  à  un  mille  environ  de  la  ville  proprement  dite, 
et  pendant  le  reste  de  Tannée  viennent  s'amarrer  à  quai 
dans  le  bras  du  Lac  (Tonlésap).  Le  chenal  qui  sépare  ces 
deux  mouillages  est  balisé  pendant  la  saison  des  basses 
eaux  par  des  bouées  surmontées  de  pavillons  blancs  à 
tribord  (en  sortant  du  bras  du  Lac  pour  aller  au  Grand 
Fleuve)  et  par  des  pavillons  rouges  à  bâbord. 

Remorquage.  —  Le  remorquage  est  fait  par  la  Com- 
pagnie des  Messageries  Fluviales  de  Cochinchine  et  par 
les  entrepreneurs  de  transports  fluviaux. 

Les  prix  sont  à  débattre;  le  remorquage  se  paye  d'ordi- 
naire 4  piastres  par  100  piculs  et  par  parcoure  de  60  tnilles 
environ. 

KAMPOT 

La  ville  est  située  sur  la  rivière  de  ce  nom  à  34  kilo-  ' 
mètres  du  golfe  de  Siam.  Une  barre  empêche  les  bâtiments; 


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—  45i  — 

calant  plus  de  2  mètres  d/y  pénétrer,  même  à  la  haute 
mer.  La  population  est  de  5.000  habitants.  Ils  cultivent  le 
riz,  le  tabac,  le  mûrier,  le  sucre  de  palme  et  le  poivre*  Aussi 
l'exportation  est  active.  Près  de  la  résidence  sont  établis 
un  village  malais  et  un  village  annamite.  Un  adminla- 
Irateur  français  et  un  bureau  de  poste  et  télégraphe  y 
fonctionnent. 

LAOS 

KONG 

Le  centre  de  Kong  compte  ISËuropéeûs^  18.000  Indigènes 
et  2bOÂsiatiques.  Les  indigènes  se  décomposent  en  Laotiens 
pour  les  3/4  et  en  Khas  pour  1/4.  L'agglomération  du  chef- 
lieu  ne  comprend  que  590  Indigènes,  le  trésor,  les  postes 
et  télégraphes,  les  agents  des  travaux  et  un  médecin. 

BASSAC  —  OUBON   ^-   KORAT 

Le  centre  français  de  Bassac,  sur  la  rive  gauche,  com- 
prend 3  Européens,  160  Indigènes,  4  Chinois.  Ce  centre 
"  est  important  en  ce  qu*i!  commande  le  débouché  de  la 
Sô-Moun  sur  lequel  se  trouvent  Oubon  et  Korat,  lieux  de 
transit  commercial  avec  le  Siam. 

PAK-HIN-BOUN 

A  Pak-hin-Boun,  la  Société  doB  Minei  d'étain  est  repré- 
sentée par  un  ingénieur.  La  Société  des  Messageries 
fluviales  est  représentée  par  son  directeur  et  un  agent. 

Deux  missionnaires  français  y  résident.  Un  autre  est  à 
Lakhon.  Le  Syndicat  français  du  Laos  y  a  un  comptoir, 
ainsi  qu'à  Ldkhone.  Oubon  est  le  grand  marché  du  Laos 
méridional.  Korat  est  le  point  terminus  du  chemin  de  fer 
qui  reliera  ce  centre  à  Bangkok. 


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-482  — 


SAVANNAKEK 


Savannakek  est  le  siège  de  la  résidence  supérieure  de 
tout  le  Laos  qui  a  I.OOO  kilomètres  de  longueur  et  40,000 
kilomètres  carrés  de  superficie,  et  de  celle  du  Ck>mmissaire 
de  la  province  de  Song-Khone.  C'est  la  tôte  de  route  du 
Mékong  en  Annam,  par  Ai-Lao,  un  centre  télégraphique 
principal,  la  station  de  l'agence  principale  des  Messageries 
fluviales.  Il  y  a  15  Européens,  200  maisons.  C'est  une  ville 
en  formation  rapide. 

LUANG-PRABANG 

Ce  royaume  est  sur  les  deux  rives  du  Mékong  et  la 
partie  de  la  rive  gauche  appartient  seule  à  la  France  ; 
mais  la  partie  située  sur  la  rive  droite  est  réservée  à  notre 
action  en  vertu  de  la  convention  franco-anglaise  de  1896. 
Elle  ne  renferme  pas  2  habitants  par  kilomètre  carré,  au 
lieu  de  72  en  France.  Cette  région  est  divisée  en  H  arron- 
dissements, comptant  152.000  habitants  indigènes,  dont 
67.000  Laotiens,  62.000  Khas,  23.000  de  races  diverses  et 
500  Asiatiques  ;  16  Européens  y  résident.  La  ville  de  Luang- 
Prabang  compte  10.000  habitants  indigènes.  Incendiée  et. 
pillée  par  les  pirates  chinois,  le  7  juin  1887,  elle  s*est 
relevée  de  ses  ruines  depuis  1893  et  se  développe  peu  à 
peu.  Elle  est  à  800  kilomètres  de  Bangkok.  De  cette  ville 
à  Luang-Prabang  on  met  10  jours  de  vapeur  jusqu'à  Pit- 
Chai  sur  le  Mé-Nam,  15  jours  de  Pit-Chai  à  Pa-Klai  sur  le 
Mékong,  à  dos  d'éléphant,  10  jours  de  Pa-Klai  à  Pra-Bang 
en  barque,  total  35  jours.  Le  Mékong  a  devant  la  ville  de 
800  à  1.200  mètres.  Le  marché  est  bien  approvisonné.  Il  a 
lieu  tous  les  jours  de  7  heures  à  10  heures.  On  y  trouve 
du  tabac  de  Ban-Keun,  dont  on  exporte  25.000  kilos,  du 
cachou,  du  coton  de  Muong-Sai,  destiné  à  Talîfou  et  du 
Siciét,  écorce  à  mâcher.  Les  femmes  sont  laborieuses  et  les 
hommes  très  paresseux.  Les  rues,  formées  de  2.000  mai- 


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•  453  - 

sons,  sont  pittoresques.   Les  pagodes  sont  curieuses  à 
'  visiter. 

ATTOPEU   ou  MUONG-CAO 

Attopeu  est  un  centre  administratif  et  minier  comptant 
4  Eul*opéens,  900  indigènes  et  10  Chinois,  un  bureau  de 
postes  et  télégraphe,  et  une  mission  catholique,  dite  des 
Bah-Nars,  avec  6  missionnaires. 

La  Société  des  Mines  d'or  et  de  cuivre  est  représentée 
par  deux  ingénieurs. 

Au  confluent  du  Sé-Rôilîan  se  trouve  le  gros  bourg  de 
Muong-Mai.  Le  poste  militaire  et  les  bâtiments  de  l'admi- 
nistration sont  sur  la  rive  droite.  On  met  quinze  jours 
•pour  aller  de  Tourane  à  Muong-Cao  (Attopeu). 

Charles  Lemire, 
Résident  honoraire  de  France. 
(A  êuivre.) 


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1 


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POÉSIES 


Entre  Tâne  et  le  bœuf,  le  front  idans  la  lumière. 
Sous  ses  baisers,  la  Vierge  échauffe  son  enfant. 
De  la  neige  et  du  froid  la  paille  le  défend  ; 
Dieu  refuse  à  son  fils  le  feu  de  la  chaumière. 

La  foule,  ô  vieux  Noël,  te  fête  en  s'étouffant  ; 
Du  salut  de  tous  c'est  toi  la  cause  première. 
Le  fils  de  Thumble  seuil,  de  la  gentilhommière 
Célèbrent,  pleins  de  foi,  ton  retour  triomphant. 

Aux  pieds  du  nouveau-né,  les  bergers,  les  rois  mages 
Déposèrent  l'encens,  la  pourpre  et  leurs  hommages; 
Ainsi  le  peuple  encor  l'adore  à  deux  genoux. 

Pour  sa  gloire,  ô  croyants,  sonnez  de  la  fanfare  ; 
Jésus,  votre  espérance,  est  le  radieux  phare 
Signalant  le  péril  qui  peut  fondre  sur  nous  1 

Auguste  Rousseau. 
i3  décembre  i8g8. 


Souvenir  dri  poète  René  Chadeau, 
de  Saint-Rémy-la-Varenne. 

Rien  ne  me  sont  les  nids,  leurs  chants  d'amour,  la  brise. 
Les  chauds  rayons,  la  rose  et  sa  divine  odeur. 
Puis-je,  ô  mai,  célébrer  ta  joie  et  ta  splendeur? 
Mon  œil  cherche  une  tombe  et  de  lafmes  s'irise... 


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—  485  — 

Au  sein  du  renouveau  mon  âme,  qui  se  brise, 
Ne  peut  de  ses  regrets  sonder  la  profondeur... 
Mon  cher  poète  est  là...  meurtri  sous  la  lourdeur 
De  l'oubli...  des  cailloux  et  de  la  terre  grise. 

Depuis  deux  ans  la  mort  nous  a  ravi  sa  voix  ; 

Mais  il  me  semble  près  de  lui  que  je  le  vois, 

Et  qu'il  va  chanter  Dieu^  le  printemps,  la  patrie  1 

J'aime  à  venir  de  loin  rêver  sur  son  tombeau... 
Sans  lui,  ton  ciel  pur,  ô  mai,  l'or  de  la  prairie, 
Les  horizons  charmeurs,  rien  ne  me  paraît  beau  ! 


Auguste  Rousseau. 
Angers,  i8gg. 


pâo^sz: 


Rien  ne  l'arrête  plus  en  sa  fougue  éternelle. 

Dont  la  force  s'accuse  en  son  infinité, 

De  gravir,  à  l'égal  d'un  Titan,  la  clarté. 

Par  un  bond  de  prodige  et  dans  un  grand  coup  d'aile. 

Nul  astre  à  son  essor  merveilleux  n'est  rebelle, 
Dans  son  jaloux  honneur  de  se  croire  indompté. 
De  ses  naseaux  jaillit  un  souffle  ensanglanté, 
Et  le  feu  sort,  comme  un  éclair,  de  sa  prunelle. 

Il  vole,  il  tente,  îl  sonde,  il  aspire,  il  hennit, 
Son  crin  dur  se  hérisse  et  sa  croupe  fléchit 
Sous  le  poids  d^un  azur  idéal  et  sans  borne. 

Son  pied  heurte  une  étoile  au  firmament  vermeil. 
Et  son  rude  sabot  tremble  encor,  dans  sa  corne, 
D'avoir  fait  éclater  un  morceau  de  soleil. 

Abel  Letalle. 
VOrbe  enchanté  (en  préparation). 


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1 


Loin  des  abris,  où  va  s'égarer  le  chevreuil 
Qui,  jadis,  Tenviait  pour  son  bois  vénérable, 
Le  vieux  cerf,  le  dix  cors,  honteux  et  misérable, 
Chemine  lourdement  dans  la  forêt  en  deuil. 

Car  l'automne,  arborant  son  redoutable  orgueil, 
A  marqué,  pour  l'épreuve,  et  le  chêne  et  l'érable  ; 
Et  lui,  dont  la  pensée  était  impénétrable. 
Le  «  brave  »  laisse  poindre  un  regret  dans  son  œil. 

Que  de  gloire,  pourtant,  en  ce  vivant  trophée. 

Dont  sa  tête  royale  est  encore  coiffée  ! 

Sombre,  vaincu,  le  cerf  est  si  morne  aujourd'hui, 

Parmi  l'ample  ramure  effrontément  cruelle 

De  la  fauve  forêt,  aussi  fauve  que  lui. 

Que  son  bois  triomphal  se  confond  avec  elle. 

Abel  Letalle. 
VOrbe  enchanté  (en  préparation). 


Dans  la  nuit  sombre  un  homme  interrogeait  la  mer  : 
Qu'es-tu  ?  lui  clamait-il,  ta  voix  m'effraie  ;  un  doute 
Pèse  sur  ta  genèse  et  ton  essence  ;  écoute. 
Je  mourrai  de  ton  cri,  s'il  supplante  ma  chair. 

Pas  un  mot  de  pardon  de  ton  fluide  amer  : 
A  ton  flot  noir  qui  roule  un  flot  plus  noir  s'ajoute  ; 
Et,  rongés  par  ton  fiel,  ta  rigueur  nous  déroute. 
Sous  le  ciel  qui  marchande  à  notre  œil  son  éther. 

Or,  tandis  qu'à  son  tour  montait  un  flot  de  haine. 
Les  vagues,  vers  le  large,*  avaient  fui  lentement, 
Dans  un  reflux,  dans  un  sillage  sans  haleine. 

Et  l'homme  qui  blâmait  toujours  l'âcfre  élément. 
N'eut  pas  même,  croyant  sa  prière  offensée, 
Un  regard  pour  Celui  qui  l'avait  exaucée. 

Abel  Letalle. 
VOrbe  enchanté  (en  préparation). 


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LA 


FAMILLE  BOYLESVE 


fmiiej 


Archives  de  Maine-et-Loire,  E.  1810,  1624.  —  Lois  et  par- 
tages des  biens  de  deffant  François  Boylesve,  Escuyer,  Sieur 
de  la  Brisarderie,  de  la  Maurousière  et  de  la  Gilliëre,  et  de 
Demoiselle  Philippe  PriouUeau,  son  espouse,  que  M**  Michel 
Boylesve,  Seigneur  des  Gaudrées  et  d'Auvers,  chevalier  de 
l'ordre  du  Roy,  gentilhomme  de  sa  chambre,  fils  aine  et  prin- 
cipal héritier  de  M'*  Maurice  Boylesve  vivant  Seigneur  de 
Tharon  et  des  Gaudrées,  fils  aîné  des  ditsdeffunls,  fournit  à 
Mathurin  Boylesve...  (Ces  biens  avaient  déjà  été  partagés 
en  1612, 1617  et  1620).  Michel  ^oylesve,  Seigneur  des  Gaudrées 
choisit  le  2*  lot  comprenant  la  terre  de  la  Béraudaye,  les 
métairies  des  Roches  et  de  la  Chevallerie...  Fait  à  Angers, 
le  13  août  1624  et  la  choisie  des  lots  le  29.  Copie  colla- 
tionnée  aux  originaux  par  moi,  Conseiller,  secrétaire  du  Roy, 
maison  et  couronne  de  France. 

(Signé)  HuRBL. 

Bibliothèque  d^ Angers.  Audouys,  mss.  1008, 1624.  —  Option 
des  lots  en  six  parts  devant  Charles  Ménard,  Juge  à  Angers, 
des  successions  de  François  Boylesve,  Seigneur  de  la  Brizar- 
dière,  la  Maurousière,  la  Gilliëre,  et  Philippe  PriouUeau  par 


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^ 


—  4o8  — 

Michel  Boylesve,  Seigneur  des  Gaudrées  et  d'Auyers,  che- 
valier de  Tordre  du  Roi,  gentilhomme  ordinaire  de  sa  chambre, 
fils  aîné  de  feu  Maurice  Boylesve,  Seigneur  des  Gaudrées, 
Conseiller  au  parlement  de  Bretagne,  fils  aisné  des  dits 
deffunls  à  Mathurin  Boylesve  et  autres  puisnés. 

Imprimé  en  partie  dans  les  Recherches  sur  les  familles 
des  maires  d'Angers,  II,  p.  108. 

Titres  d'Achon,  1628.  —  Louis  par  la  grâce  de  Dieu,  Roy  de 
France  et  de  Navarre,  au  premier  notre  huissier  ou  sergent 
sur  ce  requis,  salut.  A  la  supplication  de  notre  cher  et  bien 
ami  Michel  Boilesve,  gentilhomme  de  notre  grande  faucon- 
nerie estant  à  cause  de  ce  en  noire  protection  et  sauvegarde 
te  mandons  que  lui  fasses  paier  toutes  les  debtes  à  lui  dues, 
y  contraignant  ses  débiteurs  par  saisie,  vente  de  leurs  biens 
et  emprisonnements  de  leurs  personnes  s'ils  y  sont  obligés 
et  en  cas  d'opposition,  refus  ou  délais,  les  choses  conten- 
tieuses  mises  en  nostre  main  et  pour  les  icelles  garnir  des 
sommes  contenues  en  lettres,  obligations  passées  soubs  nos 
sceaux  et  authentiques,  adjourne  les  opposans  ou  delayans 
et  tous  autres  dont  par  luy  seras  requis  à  scavoir  les  rede- 
vables de  10  1.  et  au-dessus  par  devant  nos  amis  et  feaulx 
Conseillers  les  gens  tenans  les  requestes  de  nostre  palais  à 
Paris,  et  les  autres  au  dessoulz  par  devant  les  juges  qui  en 
doibvent  connoistre  pour  procéder  comme  de  raison.  Et  outre 
fois  commandement  de  par  nous  à  tous  Juges  par  devant 
lesquels  ledit  exposant  a  ou  aura  causes  personnelles  ou 
possessoires  et  desquelles  11  vouldra  prendre  la  garantie  et 
s'y  joindre  qu'icelles  non  contestées  ils  renvoient  aux  dites 
requestes  sans  plus  en  connoistre  ;  ce  que  nous  leur  inter- 
disons par  les  présentes  et  en  leur  refus  ou  délai  fais  toi- 
même  lesdits  renvoy  et  en  certifieras  nos  dits  commissaires 
auxquels  nous  mandons  faire  aux  partyes  ouyes  bonne  et 
briesve  justice,  les  présentes  après  un  an  non  valables.  Car 
tel  est  nostre  plaisir.  Donné  à  Paris,  le  18*  jour  d'avril,  l'an 
de  grâce  1625  et  de  nostre  règne  le  18*. 

Original  en  parchemin. 

Archives  de  Maine-et-Loire^  E.  1810,  1627.  —  Procédures 
entre  Jean  Lefebvre,  Seigneur  de  Laubrière,  Escuyer,  et 
Michel  Boylesve,  chevalier»  Seigneur  des  Gaudrées,  et  Louise 
de  Carion,  son  épouse,  au  sujet  de  la  succession  paternelle. 


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j 


-  459  — 

Titres  d'Achon,  1630.  —  C'est  le  lot  que  M»  Michel  Boylesve, 
Chevalier,  Seigneur  des  Gaudrées,  fils  aisné  et  principal  héri- 
tier noble  de  deffunt  Maurice  Boylesve.. i  et  Marie  Le  Lou... 
baille  et  fournit  à  chacun  de  François  Boylesve,  Escuyer, 
Sieur  des  Roches,  conseiller  du  Roy,  maître  des  comptes  de 
Bretagne  et  à  Dame  Françoise  Boylesve,  vèufve  de  deffunt 
Mathurin  Guichard,  vivant  Seigneur  de  Martigné,  conseiller 
au  Parlement...  lui,  prend  les  Ga'udrées  pour  préciput,  le 
reste  de  la  terre  de  la  Brizarderie  à  Chanzeaux,  la  Ramee  à 
Saint-Lézin,  les  Roches,  la  Chevallerie,  la  Brardière  à  Neuvy 
et  sa  charge  de  conseiller  au  Parlement  payée  22.0001.  en  1612; 
au  seigneur  des  Roches  23.000  1.,  dont  8.000  I.  pour  son 
office  de  mailre  des  comptes  ;  à  Françoise  le  fief,  haute, 
basse  et  moyenne  justice  de  Taron. . .  Fait  et  passé  à  Angers 
devant  Serezin  notaire  royal  le  12  juillet  1630.  —  Copie  don- 
née par  Nicolle  Baudon,  notaire,  le  18  may  1694. 

Copie  coUationnée  sur  papier. 

Maintenue  de  1630.  Titres  généraux.  —  Partages  nobles  en 
février  1634. 

Chartrier  de  BoyUrot  et  Titres  d'Achon^  1685.  —  Maintenue 
de  noblesse  (voir  aux  titres  généraux). 

Titres  d'AchoUy  1638.  —  Extrait  des  registres  du  ban  et 
arrière  ban  de  la  sénéchaussée  de  Baugé. 

Aujourd'hui  26''  juin  1635,  par  devant  nous  Jacques  Des- 
champs, conseiller  du  Roy,  lieutenant  général  à  Baugé,  a 
comparu  Michel  Boylesve,  Chevalier,  Seigneur  des  Godrées, 
demandant  estre  deschargé,  attendu  na  malladie  et  indisposi- 
tion de  sa  personne  qu'il  a  vériffiée,  offrant  d'abondant  mettre 
un  homme  en  sa  place  suivant  sa  qualité  et  obligation  de  ses 
fiefs  sur  quoy,  vu  le  procès  verbal  de  ce  jour  portant  Taudi-^ 
Uon  de  ceux  qui  ont  gouverné  ledit  Boylesve,  nous  avons 
exempté  ledit  Boylesve  du  service  personnel  et  ce  requérant 
l'advocat  et  procureur  du  Roy,  nous  ordonnons  qu'en  son  lieu 
et  place  il  fera  comparoir  un  personnage  armé  et  équipé 
comme  ledit  sieur  Boylesve  seroit  obligé,  s'il  estoit  sain  et 
valide,  suivant  sa  qualité  et  obligation  de  ses  fiefs,  au  3'  jour 
du  mois  prochain  enceste  ville,  pour  recevoir  commandement 
de  M'  du  Bellay,  auquel  avons  réservé  l'agrément  dudit  per- 
sonnage et  le  pouvoir  d'y  mettre  un  remplaçant  au  lieu  et 


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—  460  - 

place  de  celuy  qui  y  sera  présenté  auquel  sera  rentretien 
fourni.  Donné  à  Baugé  par  devant  nous,  Juge  susdit,  lesdtts 
jours  et  an.  (Signé)  :  Michel  Boylesye.  Belhomme. 

Original  en  papier. 

Titres  d'Àchon^  1639.  —  Extrait  des  registres  du  ban  et 
arrière  ban,  fait  en  la  sénéchaussée  de  Baugé  pour  l'année 
1639  au  feuillet  5*.  Aujourd'hui,  2*  jour  de  may  1639,  a  com- 
paru devant  nous  Jacques  Deschamps,  conseiller  du  Roy, 
lieutenant  général  au  siège  de  la  sénéchaussée  de  Baugé, 
commissaire  en  cette  partie,  Michel  Boylesve,  Escuyer,  Sei- 
gneur des  Gaudrées,  demeurant  en  la  paroisse  de  Gouys, 
lequel  nous  a  déclaré  qu'il  ne  peut  servir  le  Roy  en  ses  armées 
sous  le  ban  et  arrière  ban,  à  cause  qu'il  est  retenu  par  M^*  le 
mareschal  de  Brezé,  en  la  garnison  du  chasteau  d'Angers,  où 
il  sert  actuellement  Sa  Majesté  suivant  les  ordres  de  H''  le 
mareschal-gouverneur  de  ceste  province  et  du  chasteau  d'An- 
gers et  nous  a  fait  apparoir  de  ce  que  dessus  par  certificat  de 
M'  de  Brezé  du  22  avril  dernier,  signé  de  Brezé  et  scellé  de 
ses  armes,  dont  acte  et  ce  requérant  le  procureur  du  Roy 
avons  ordonné  que  ledit  certifScat  demeurera  attaché  au  pré- 
sent registre,  pour  y  avoir  recours  quand  besoin  sera,  sauf 
audit  sieur  des  Gaudrées  à  en  prendre  coppie  signée  de  notre 
greffier  pour  luy  valoir  original,  fait  et  donné  lesdits  jour  et 
an,  ainsi  signé  Deschamps  et  Michel  Boylesve.  Ensuite  la 
teneur  dudit  certificat. 

Le  mareschal  de  Brezé,  gouverneur  pour  le  Roy  de  la  pro- 
vince d'Anjou  et  des  ville  et  chasteau  d'Angers  et  Saumur, 
nous  certiffions  à  tous  qu'il  appartiendra  que  Michel  Boy- 
lesve, Escuyer,  Seigneur  des  Gaudrées  sert  actuellement  le 
Roy  sous  nostre  charge,  dans  la  garnison  du  chasteau  d'An- 
gers dont  nous  ne  luy  pouvons  permettre  de  s'absenter,  les 
choses  à  quoy  il  est  employé  par  nos  ordres  pour  le  service 
de  Sa  Majesté  demandant  une  résidence  sans  discontinua- 
tion. Fait  à  Milly,  le  22«  jour  d'avril  1639,  ainsi  signé  de  Brezé 
et  plus  bas  par  Monseigneur  Fardel  et  scellé  de  cire  rouge 
des  armes  dudit  sieur.  Et  ces  présentes  délivrées  audit  sieur 
des  Gaudrées  par  moy,  greffier  soubsigné. 

Original  en  papier.  Belhomme. 

Titres  dTAckon,  1646.  —  A  Monseigneur  de  Héere,  conseiller 
du  Roy  en  ses  conseils,  maistre  des  requestes  ordinaire  de 


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—  461  — 

son  hostel,  intendant  de  la  Justice,  police  et  finances  es  pro- 
vinces d'Anjou,  Touraine  et  le  Maine.  —  Supplie  humblement 
Michel  Boylesve,  Chevalier,  Seigneur  des  Gaudrées  et  d'Au- 
vers,  disant  que  par  exploict  du  6  de  ce  moys,  le  nommé  Le 
Mercier,  sergent,  luyauroit  fait  commandement  à  la  requesle 
de  M*  Jean  Lemaire,  commis  à  la  réception  et  recouvrement 
du  droit  de  confirmation  dû  au  Roy  à  cause  de  son  advene- 
ment  à  la  couronne,  de  payer  la  somme  de  200 1.  et  les  2  sous 
pour  livre  à  laquelle  il  suppose  l'exposant  avoir  été  taxé  au 
conseil  pour  estre  confirmé  en  ses  privilèges  de  noblesse  et 
ce,  sous  prétexte  que  par  le  rooUe  arresté  au  conseil,  il  est 
porté  les  annoblis  payeront  300  1.,  ce  qui  se  doibtseuUement 
entendre  de  ceux  qui  ont  esté  annoblis  par  lestres  ou  autre- 
ment soubz  le  règne  du  feu  Roy  d'heureuse  mémoire,  de  sorte 
que  le  suppliant  n'y  peut  estre  compris,  attendu  qu'il  est 
noble  d'extraction,  que  ses  père,  ayeul,  bisayeul,  trisayeul  et 
austres  ses  ancêtres,  ont  depuis  plus  de  300  ans  vescu  noble- 
ment comme  il  le  justiffle  par  lettres  authentiques  sans  consi- 
dérer d'ailleurs  que  son  père  étoit  conseiller  au  parlement  de 
Bretagne,  laquelle  charge  il  eut  exercé  par  l'espace  de  30  ans. 

Ce  considéré,  Monseigneur,  vous  plaise  décerner  acte  au 
suppliant  de  ce  qu'il  s'oppose  au  commandement  qui  luy  a 
esté  faict  par  ledit  Mercier  et  faisant  droit  en  son  opposition 
faire  deffences  audit  Lemaire  de  faire  aucune  contraincle 
contre  le  suppliant  pour  raison  du  droit  de  confirmation  el 
vous  ferez  justice.  (Signé)  :  C.  Cesbron. 

Ordonnance  de  l'intendant  de  ne  pas  poursuivre,  datée  du 
8  septembre  1646.  (Signée)  :  De  Héere. 

Original  en  papier. 


DOUZIÈME  DEGRÉ 

1°  Michel  Boylesve,  qui  suit. 

2'*  Henri  Boylesve,  Ecuyer,  Seigneur  d'Auvers,  baptisé 
le  29  janvier  1624,  épousa  le  20  may  1649,  Demoiselle 
Perrine  de  Blnel*,  fille  de  feu  Claude  de  Binel,  Ecuyer, 
Sieur  de  Brohons  et  de  Perrine  de  la  Barre,  par  contrat 

*  De  Binel  :  d'argent  à  Vaigle  éployée  de  gueules,  becquée,  membrée 
d'azur,  à  3  fleurs  de  lys  de  même  mal  ordonnées. 


30 


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-462  — 

passé  devant  Guret,  notaire  à  Angers.  Elle  était  veuve 
avant  1662,  laissant  deux  jumelles  et  fut  maintenue  avec 
ses  filles  par  Voisin  de  la  Noîraye. 

État-civil  dé  Durtal.  —  Le  8d  janMet*  i6!4,  baptême  de 
Henri  Boyleâve...  paraiû  H.  et  P.  S.  Messire  Henri  de  Schom- 
berg,  Comte  de  Durlal,  Gouverneur  géhé^àl  du  hault  et  bas 
Limousin  et  Angoumois,  maraine  Marië-Anne,  duchesse 
d'Halwin,  femme  de  H.  et  P.  S.  Charles  de  Schbmberg. 

Titret  d'Achon.  —  13  juillet  1662  «  vente  par  François 
Grimaudei  et  Françoise  Boylesve,  sa  femme^  d'une  rente  de 
166  L  à  Dame  Perrine  de  Binel,  veuve  de  Messire  Henry 
Boylesve,  vivant  Chevalier,  Seigneur  d'AuverSi  demeurante  à 
Gouviz.  Cette  vente  fut  remboursée  le  35  novembre  1675  par 
Marin  Boylesve,  Ecuyer,  Seigneur  de  la  Maurouzière  à  la 
décharge  des  vendeurs. 

Grosse  originale  en  papier» 

13®  degré.  Angélique  et  Henriette,  nées  et  baptisées  à 
Gouis  le  19  octobre  1651. 

3*  Marie  Boylesve,  épousa  Messire  Pierre  Amys  S  Ecuyer, 
Seigneur  du  Ponceau,  capitaine  du  chftteau  de  Sablé 
(165^-1662).  Il  mourut  à  Paris  en  1667. 

État-civil  dt  Durialj  1636.  —  Mademoiselle  Marie  Boylesve, 
maraine. 

Étal-civil  de  Chdledugontier ^  1653.  —  Marie  Boylèsvé, 
femme  de  Pierre  Amys,  Ëcuyer,  Seigneur  du  Pônceaù,  gou- 
verneur de  Sablé,  maraine. 

1*  Michel  BoYLEsvE,  Ëcuyer,  Sieur  de  la  Gallaisière, 
épousa  par  contrat  du  16  mai  1652,  Demoiselle  Renée  du 
Rideau^,  fille  de  noble  homme  Jean  du  Rideau,  Conseiller 
du  Roy,  élu  en  Télection  de  Baugé  et  de  defi'unte  Demoiselle 
Louise  de  Bommard. 


*  Àmys  :  Jtargent  au  chevron  de  gueules  accompagné  de  3  feuilles 
de  vigne  versées  de  sinople,  2  et  i, 

•  Du  Rideau  :  dàzHr  au  ehèvfon  d'air  accmnpaéhé  de  2  éènsions  et 
en  pointe  d'une  flèche  en  pal,  la  pointe  en  haut,  ae  même. 


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-463  - 

Il  fut  maintenu  dans  sa  noblesse  le  23  février  1665  par  la 
cour  des  Aydes,  fit  enregistrer  ses  armoiries  dans  Tarmo- 
rial  général  (Touraine,  p.  122). 

Ils  eurent  trois  enfans  :  Gabriel,  Michel  et  Renée. 

Titres  Gaultier  de  Brulon,  1652.  —  Contrat  de  mariage 
passé  le  13  may  1652  devant  M*  François  Pointeau,  notaire 
royal  à  Baugé,  entre  M*  Michel  Boylesve,  Ecuyer,  Seigneur 
de  la  Gallaissière  et  Demoiselle  Renée  du  Rideau,  fille  de 
noble  homme  Jean  du  Rideau,  Conseiller  du  Roy,  élu  en 
rélection  de  Baugé  et  de  deffunte  Demoiselle  Louise  de 
Bommard,  tous  deux  demeurans  audit  Baugé,  soubs  raulorité 
et  avis  scavoir  ledit  Sieur  de  Boylesve  desdits  Sieur  et  Dame 
ses  père  et  mère  et  de  la  part  de  ladite  Demoiselle  du  Rideau, 
dudit  Sieur  son  père,  du  Sieur  Louis  du  Rideau,  Ecuyer, 
Seigneur  de  la  Cirollière,  de  Mathurin  du  Rideau,  Ecuyer, 
Seigneur  de  Parpacé,  ses  oncles  paternels,  et  de  René  Louet, 
Ecuyer,  Seigneur  de  la  Porte,  conseiller  du  Roy  au  Siège  de 
Baugé,  son  oncle  maternel. 

Grosse  original  en  parchemin. 

—  Élct'Civil  de  Cuon.  —  21  août  1664,  M""»  Michel  Boylesve, 
Chevalier,  Seigneur  de  la  Gallaisière,  parain. 

—  Bibliothèque  nationale.  Pièces  originales^  registre  ^82, 

—  20  mai  1661,  acte  sur  parchemin,  concernant  Demoiselle 
Renée  du  Rideo,  feAme  de  Michel  Boylesve,  Ecuyer,  Seigneur 
de  la  Galaisière. 

Chartrier  de  Boylesvey  le  9  février  1664,  partages  nobles 
des  successions  de  leurs  père  et  mère  entre  Michel,  la  veuve 
d'Henry  Boylesve  et  Pierre  Amys. . .,  devant  Drouin  notaire. 

Chartrier  de  Boylesve,  cabinet  d'Hozier^  vol.  51,  n®  21.  — 
Arrêt  d^  la  cour  des  Aydes,  du  21  février  1665  (Voir  aux 
titres  généraux). 

Bibliothèque  nationale,  armoriai  de  1696.  Touraine,  ç.  i2â. 

—  Michel  Boylesve,  Ecuyer  :  d'azur  à  S  sautoirs  d'or^  $  eu 
chef  et  1  en  pointe. 

TREIZIÈME   DEGRÉ 

1«  Gabriel  Boylesve,  Ecuyer,  Seigneur  de  la  Galaisière, 
né  en  mars  1665,  baptisé  le  16  octobre  1667,  partagea  ses 


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1 


-  464  — 

cadets  en  1703  et  mourut  le  25  août  1707,  sans  alliance. 
En  lui  s'éteignit  la  branche  aînée  de  la  famille  de  Boylesve. 

État-civil  de  Lesvière.  —  Le  16  octobre  1667,  baptême  de 
Gabriel,  fils  de  U^  Michel  Boylesve  et  de  dame  Renée  du 
Riveau  *,  parain  M"  Gabriel  de  Boylesve,  évêque  d'Avranches, 
maraine  Dame  Perrine  Le  Chat^  femme  de  Louis  de  Boylesve, 
Conseiller  du  Roy  en  tous  ses  conseils,  Lieutenant  général 
d'Anjou.  L^enfant,  âgé  de  32  mois,  avait  été  ondoyé  à  Baugé. 

Bibliothèque  d'Angers,  Audouys,  mss.  1008.  —  Le  25  janvier 
1703,  partages  nobles  de  la  succession  de  Michel  Boylesve  de 
la  Galaisière  et  de  Renée  du  Rideau  entre  Gabriel,  Michel, 
curé  et  la  Dame  de  Brullon. 

État-civil  de  Saint-Maurille.  —  Le  26  août  1707,  inhumation 
de  noble  homme  Gabriel  Boylesve,  Seigneur  de  la  Galaisière. 

2°  Michel  Boylesve,  Ecuyer,  prêtre  curé  de  Lire  (canton 
de  Chan(iptoceaux),  partagé  par  son  aîné  en  1703,  fit  Tannée 
suivante  une  fondation  aux  Cordeliers  d'Angers.  Il  fit 
enregistrer  ses  armoiries  dans  Tarmorial  général  (Tou- 
raine,  p.  583). 

Chartrier  de  Boylesve  et  Bibliothèque  d*Angerb,  Audouys, 
mss.  1005.  —  Le  1"  février  1704,  titre  ifouvel  de  36  1.  aux 
Cordeliers  d'Angers,  par  Michel  Boylesve,  curé  de  Lire  et 
Renée  Boylesve,  veuve  Gaultier  de  Brulon,  héritiers  de  feu 
Michel  Boylesve,  Seigneur  de  la  Galaisière  et  de  Renée  du 
Rideau,  père  et  mère,  héritiers  de  François  Boylesve,  prêtre, 
Seigneur  de  la  Bourdinière,  chanoine  d*Angers.  Ces  rentes 
étaient  dues  sur  la  Galaisière  et  Gaugé,  devant  D/ouault, 
notaire. 

État-civil  de  Drairiy  1698.  —  Michel  Boylesve,  curé  de  Lire, 
parain. 

3°  Renée  Boylesve,  dame  de  la  Galaisière,  Gaugé,  la 
Galletiêre,  épousa,  par  contrat  du  21  août  1694,  Messire 

*  G.  Port  a  mal  lu  le  nom  de  la  femme  de  Michel  ;  c'est,  on  Ta  vu, 
du  Rideau. 


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-  465  - 

GeoflFroy-Michel  Gaultier*,  Chevalier  Seigneur  de  Quincé, 
Varannes,  veuf  de  Marie  Hullin,  dont  postérité. 
Il  mourut  le  28  juin  1699. 

Titres  Gaultier  de  Brulon.  —  Contrat  de  mariage  passé  le 
21  août  4694  devant  René  Boudier,  notaire  à  Angers,  entre 
W  Geoffroy-Michel  Gaultier,  Chevalier,  Seigneur  de  Quincé, 
Varannes  et  Renée  Boylesve,  lors  majeure,  detûeurant 
paroisse  Saint-Maurille  d*Angers,  ainsi  que  ladite  Dame  du 
Rideau  sa  mère.  Le  contrat  est  signé  des  parties,  de  Renée* 
Louise  Boylesve,  Ayrault,  Louis  de  Crespy  de  la  Mabilière, 
Marie  Chauvet,  Louise  de  Chérité,  Marie  de  Crespy,  Gabriel 
de  Crespy,  Ignace  Chauvel,  P.  du  Tremblier,  R.  Jouet.  Alain 
et  Boudier,  notaire  passeur. 

État-civil  de  Saint-Maurille.  —  26  août  1694,  céléh ration 
dudit  mariage. 

Bibliothèque  d'Angers.  Audouys,  Mss.  1005.  — 18  mars  1702, 
transaction  entre  Renée  de  Boylesve,  veuve  et  tutrice  de  ses 
enfans  et  Julien  Hullin,  Ecuyer,  Seigneur  de  la  Mare&challerie 
au  sujet  de  la  succession  de  Louis  Gaultier  de  Brulloo. 

BRANCHE  DE  LA  MAUROUZIÈRE 

DIXIÈME   DEGRÉ 

2^  Marin  Boylesve  (2«  fils  de  François,  Seigneur  de  la 
Brizarderie,  la  Maurouzière,  et  de  Philippe  Prioulcau), 
Écuyer,  puis  Chevalier,  Seigneur  de  la  Maurousière,  Je  la 
Bourdinière,  licencié  es  droits  en  1573,  conseiller  au  présî- 
dial  et  juge  conservateur  des  privilèges  de  rUniversité 
d'Angers,  fut  nommé  en  1580  premier  et  ancien  coiiRoiller 
audit  siège.  «  Il  s'acquit  une  si  grande  réputation  dans  les 
différents  emplois  qui  lui  furent  confiés,  que  le  roi  Henri  IV 
le  nomma  lieutenant  général  d'Anjou  en  1590  dans  le 
temps  des  plus  grands  troubles,  sur  la  demande  que  lui  en 
avaient  fait  tous  les  ordres  de  la  Province.  Il  rendit  de  très 

*  Gaultier  :  d'azur  à  la  rose  d^ argent  accompagnée  en  chef  de 
2  étoiles  d'or  et  en  pointe  d^un  croissant  de  même. 


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grands  services  à  l'État  pendant  toutes  les  guerres.  Le  Roi 
pour  l'en  réconnpenser,  le  créa  Chevalier,  et  par  une  dis- 
tinction particulière  dont  il  existe  peu  d'exeiïiples,  lui  fit 
expédier  des  lettres  patentes,  en  date  du  19  mai  1597,  par 
lesquelles  les  titres,  honneurs  et  prérogatives  de  chevalier 
sont  rendus  héréditaires  pour  tous  ses  descendants.  Par 
autres  lettres  patentes  du  moi^  de  janvier  1598,  le  Roi 
Tautori^a,  lui  et  sa  postérité,  à  ajouter  à  ses  armes  un 
chef  chargé  de  2  ou  3  fleurs  de  lis  d  or,  et  à  porter  autour 
de  Técusson  le  collier  de  Tordre  de  Saint-Michel  et  une 
fleur  de  lis  d'or  au-dessus  du  casque.  Il  fut  fait  conseiller 
d'État  la  môme  année.  » 

Il  avait  épousé  par  contrat  du  8  novembre  1578,  Demoi- 
selle Renée  Nicolas  S  flUe  de  noble  homme  René  Nicolas, 
Écuyer,  Seigneur  de  la  Thomasserie,  la  Guérinière,  capi- 
taine du  château  de  Gonnord  et  de  Anne  Blouîn. 

Ce  fut  lui  qui,  en  1583,  fonda  en.  l'église  des  Qordeliers 
d'Angers,  l^  chapelle  des  Coylesve,  dite  aussi  de  Mont- 
serrat  où  il  fut  inhumé  ainsi  qu'un  grand  nombre  de  ses 
parents.  Ses  ariot^oiries  et  celles  de  sa  fen^me  se  voient  au 
bas  de  l'escalier  de  Thôtel  de  Boy  les  ve,  sis  à  Angers,  13, 
rue  du  Cornet. 

Il  mourut  de  la  peste  le  4  juillet  1603  et  fut  inhumé 
immédiatement  dans  la  chapelle  des  Boylesve,  aux  Corde- 
liers,  «  par  des  portefais  qui  p'avoient  qu'une  lanterne, 
san^  assistance  d'autres  personnes.  Bel  exemple  aux 
grands  du  Palais  !  »  dit  Louvet. 

Sa  veuve  testa  en  1617  et  demanda  à  être  inhumée  à 
Saint-Michel  du  Tertre. 

Ils  laiisajent  de  leur  union  cinq  enfans  :  Anne,  J^oui^, 
Pierre,  Françoise  et  Mathurin,  qui  suit. 

*  Nicolas  :  d'après  les  Mémoires  domestiques  :  d'azur  à  3  fusées 
(Tor,  2^t  1,  niais  d'après  la  fondation  de  la  chapelle  des  Cordelière  : 
d'or  à  la  croix  de  gueules  chargée  de  5  étoiles  d'argent  et  cantonnée 
de  4  écussons  de  sable,  ainsi  quelles  sont  figurées  sur  la  clef  de  voûte 
de  l'escalier  de  l'hôtel  de  Boylesve. 


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-  467  — 

Chartrier  4e  Boylesve,  1573.  —Diplôme  de  docteur  es  droits 
pour  Marin  c  Boylesveum  civitatis  A^degavensis,  juriscîvili^ 
baocaUaureup...  Tt^olQsœ,  die  yigesima  terlia  mensisf  Jumî 
anno  domini  wllesimo  quinquagesimo  septuagesimq  tertio. 

Original  en  parchemin  ayeo  )ettrei|  d*or  sur  fppds  de  cou- 
leur. 

Id.  —  Goqtrat  de  mariage  passé  le  %  nqyembre  1578  devant 
Fouré,notaire  k  Ai)gers,n.  b-  M^FranÇQîsBoyiesye, conseiller, 
lieuteqant  en  }a  préyosté  d'Angers,  Seigneur  de  la  Brisarderîe 
et  la  Maurousière  et  Bremoiselie  PbiUppe  PriouUeaii,  son 
espouse,  n.  h.  Marin  Boylesve,  avocat  en  la  cour  du  Parle- 
mept  d*upe  part,  et  h.  b.  Louis  Nicolla^,  Seigneur  de  )a  T)io- 
masserie,  Anqe  Biquiq,  sa  femme  et  )ionneste  fille,  lienée 
Nicolsis,  leur  Qlle.  un  lui  assure  4.^00  escus  dus  par  André 
Hurault  et  Estienne  Boylesve,  à  e))e  3000epqus...  présence  de 
n.  h.  M*  Mathieu  Aubin,  conseiller  au  présidial,  Maurice  Boy- 
lesve, conseiller  au  Parlement  de  3retagqe,  FraqçqU  Lefebvre 
de  L^ubrière,  n.  b-  U*  Lefebvre  et  Maurice  Dayy,  avoci^ts. . . 
la  mlPU^e  porte  les  signatures  dqp  parties.  ^.  Copié  psir  Gues- 
dqq.  Ponné  30  s.  pour  lu  recbefcbe  e^  fnotion  de  ladite  copie. 

(74^r|nar  4ê  Boyle$Vie.  —  Lettres  patentes  du  Rqi  uempi^^t 
Marip  Bqyle^ve,  conseiller,  lieuten^pt  e|  juge  çoqsefVPiteur... 
dqnqées  k  P^rip  )e  21  sieptembre  1578  par  le  Hoy  :  de  VAube- 
pine-  Origipal  scellé-  . 

Id.  —  NomiqaMon  p^v  FrfinçpiÉi,  Ql^  de  François,  frère 
unique  du  Roi,  dUP  d'Âqjou,  Allençqq,  Tourr^jne  e\  Berry, 
pour  le  même,  advecat  au  parlement  de  Paris,  le  %^  septembre 
1579,  signé  par  Mopseigneur,  Malingre. 

Id.  —  Quittance  de  3.333  escus,  un  tiers  pour  l'office  de 
cpuseiller,  lieuteuant  que  tenoit  ay|ui  %^  mo?l  Guillsutne 
Despbamps,  Iq  %]  sept^m^i*?  *è79,  sigu^  Marcel* 

Cl^artriçr  cf^  Boplegve,  1579-  —  Heury  par  la  grâce  de  Dieu 
roi  de  france  et  de  Pqlogqe,  de  la  partie  de  notre  amé 
M*  Marin  Çoylesve,  juge  conservateur  en  nqstfe  yi|lq  ^'An- 
gers, et  premier  conseiller,  nous  a  esté  exposé  qu'^yaqt  été 
pourveu  dudit  estât  et  office  de  juge,  les  lieutenaqts  général 


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—  468  — 

et  particulier,  conseillers,  auroient  présenté  requeste  à  nostre 
court  de  parlement  pour  estre  reçus  opposans  es  réception 
comme  n'étant  pas  ledit  état  nécessaire,  s'étant  transportés 
en  rUniversité,  se  seroient  adressés  aux  docteurs  et  suppôts 
de  ladite  Université,  lesquels,  par  menaces,  insinuations,  ils 
auroient  contraint  de  bailler  des  attestations  et  advis  con- 
traires à  ceulx  qu'ils  avoient  baillé  qui  étoient  que  le  juge 
conservateur  étoit  très  nécessaire...  ordre  d'informer...  Donné 
à  Paris,  le  30  octobre  1579,  le6«  de  nostre  règne. 

Par  le  Roy  en  son  conseil.  Le  Raoois. 

Original  en  parchemin,  le  sceau  perdu. 

ChartHer  de  Boylesve.  —  Arrêt  du  conseil  privé  au  sujet  de 
l'accord  entre  Marin  Boylesve  et  le  présidial  d'Angers...  11 
paiera  mille  escus  et  aura  la  charge  de  premier  conseiller.. . 
Donné  à  Paris  le  11  mars  1580. 

Titres  d'Achon.ibSO.  —  Extraict  des  registres  du  Parlement. 
'  Ce  jour,  après  avoir  par  la  cour  ouy  et  examiné  H^  Marin 
Boylesve  pourveu  par  le  Roy  de  Testât  et  office  de  premier 
et  ancien  conseiller  en  la  sénéchaussée  et  siège  présidial  civil 
et  criminel  et  juridiction  de  la  conservation  des  privilèges 
de  l'Université  d'Angers,  surla  loy  à  lui  dernièrement  ordonnée 
par  la  fortuite  ouverture  du  code  théorique  et  pratique,  retiré 
la  matière  mise  en  délibération,  ladite  cour  a  arresté  et 
ordonné  que  ledit  Boylesve  sera  reçu  à  faire  et  prester  le  ser- 
ment audit  estât  et  office  appartenant  comme  y  ayant  esté 
trouvé  suffisant  et  capable,  ensemble  de  tout  autre  office  de 
judicature...  a  fait  le  serment  au  cas  appartenant  et  y  a  esté 
receu,  fait  profession  de  foy,  et  l'a  jurée  en  Parlement  le 
21»  jour  de  juin  1580.  (Signé)  :  Du  Tillet. 

Original  en  parchemin. 

Archives  de  Maine-et-Loire,  E.  1810,  et  Bibliothèque  d^An- 
gers.  Audouys^  mss,  1005.  —  1580.  Achat  pour  4.800  1.  d'une 
maison,  sise  au  bas  des  Halles  d'Angers  par  N.  h.  Marin  Boy- 
lesve, Seigneur  de  la  Maurousière,  premier  conseiller  en  la 
sénéchaussée  d'Anjou  et  Dame  Renée  Nicolas,  sa  femme,  de 
N.  h.  ♦René  Le  Paige,  Seigneur  de  la  Paigerye,  avocat  à  La 
Flèche.  Cet  acte  est  passé  le  8  septembre  1580  devant  Fouré, 
notaire  à  Angers.  C'est  l'hôtel  de  Boylesve  où  se  trouve  la 


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sculpture  dont  il  est  parlé  plus  haut.  —  1581.  Quittance  du 
contrôleur  des  domaines  d* Anjou,  de  59  a.  6  d.  d'arrérages 
dus  sur  cette  maison,  sise  en  Saint-Michel  du  Tertre. 

(Signé)  :  Deslandes. 

,  Chartrier  de  Baylesve,  4580.  —  Les  trésoriers  généraux  de 
France  et  à  Tours,  Conseillers  du  Roy,  veu  par  nous  les 
lettres  patentes  données  à  Paris  au  mois  de  mars  1580  dernier 
passé,  par  lesquelles  le  Roy  veult  et  luy  plaist  que  M'^  Marin 
Boylesve,  Seigneur  de  la  Morousière,  avocat  en  la  Cour  du 
parlement  de  Paris,  en  vertu  de  ses  lettres  de  provision 
obtenues  pour  Foffice  de  Lieutenant  et  Juge  conservateur  des 
privilèges  royaux  de  l'Université  d'Angers  et  premier  Conseiller 
en  la  Sénéchaussée  et  siège  présidial  dudit  lieu,  vacant  par  le 
décès  de  M*  Guillaume  des  Champs. . .  estoit  reçu  et  installé 
en  son  ofOce  de  premier  et  ancien  Conseiller. . .  ordre  de  lui 
payer  ses  gages. . .  Consentons  l'entherinement  et  accomplis- 
sement selon  leur  forme  et  teneur. . .  Donné  au  bureau  le 
14*  jour  d'octobre  1580. 

Cotereau  par  les  trésoriers  généraux  de  France  et 

à  Tours.  Desjârdins. 

Original  en  parchemin. 

Chartrier  de  Boylesve^  1580.  —  Arrêt  du  parlement  en  faveur 
de  Marin  Boylesve,  nommé  premier  et  ancien  Conseiller. . . 
!•'  décembre  1580. 

Chartrier  de  Boylesve,  1583.  —  La  fondation  de  Notre-Dame 
de  Montserrat  alias  des  Boylesve*.  Sachent  tous  presens  et  à 
venir  que  comme  ainsi  soit  que  noble  homme  Marin  Boylesve, 
sieur  de  la  Maurousière,  premier  Conseiller  du  Roy  en  la 
Sénéchaussée  d'Anjou,  et  juge  magistrat  au  siège  présidial 
dudil  lieu,  conservateur  des  privilèges  royaux  de  l'Université 
d'Angers,  désirant  participer  aux  oraisons  et  suffrages  et 
prières  qui  se  font  de  jour  en  jour  en  nostre  mère  sainte 
Église,  ayt  eu  volonté  et  intention  de  fonder  une  chapelle  au 

^  La  lettre  L,  très  ornée  d'entrelacs  habilement  tracés  à  la  plume, 
est  accompagnée  d'un  écusson  peint  :  parti  au  1er  écartelé  d^azur  à 
3  sautoirs  d'or,  2  et  t,  et  d'argent  au  sautoir  de  gueules  chargé  dun 
éctf  de  sable  au  lion  d'or  (Danon),  au  2®  dor  à  la  croix  de  gueules 
chargée  de  5  coquilles  d'argent  et  cantonnée  de  4  .  • . .  de  sable  (ces 
pièces  sont  effacées),  qui  est  Nicolas. 


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-  470  - 

couvent  des  Cordeliers  de  ceste  viUe  au  noQi  et  lillre  de  noslre 
Dame  de  Monsepat^el  que  pour  ce  faire  se  seroit  trouvé  audit 
couvent,  prié  et  requis  les  religieux  d'iceluy  de  luy  bailler 
une  place  vacante  estant  à  costé  et  derrière  le  grand  auteU 
vers  la  sacristie  dudit  couvent  afin  que  suyvant  sa  dite 
intentiop  et  volonté  en  l'honneur  de  Dieu  et  révérence  de 
nostre  Dame  sa  digne  mère,  il  face  bastir,  construire  et 
édifier  un  ^utel  pour  la  décoratiqn  de  la  dite  église  en  laquelle 
journellement  divin  service  est  célébré.  Ce  que  les  dits  reli- 
gieux deuement  cougregez  en  leur  chapistre  luy  auroient 
accordé  et  suivant  ce  auroit  ledit  Boylesve  encommencé  la 
dite  chapelle  et  autel  et  du  depuis  se  seroit  transporté  au  dit 
couvent  et  derqchef  fait  assembler  les  religieulx  d*iceluy  en 
leur  dit  chapitre  au  sqp  de  la  cloche  en  la  manière  accou- 
tumée affin  d'ei)  passer  escript  eu  ^igne  de  perpétuel  memoyre, 
sur  quoy  eux  a3$6mblés  capitulairement  audit  son  de  la 
cloche  pour  l'effet  que  dessus,  semblablement  le  dit  Boylesve 
et  Damoiselle  Renée  Nicollas  son  espouse  de  luy  suffisamment 
autorisée  quand  à  ce,  demeurans  en  ceste  ville  paroisse  de 
Sainl-Michel-du-Tertre  ont  fait  les  accords  qui  s'ensuivent  : 
Pour  ce  est-il  que  en  la  court  du  Roy  nostre  Sire  et  de  Mon- 
seigneur duc  d'Anjou  à  Angers,  endroit  par  devant  nous  Repé 
Mauloré,  notayre  et  garde  notte  en  icelle,  personnellement 
estably  les  dits  religieux  gardien  et  couvent  des  Cordeliers 
d'Angers,  es  personnes  de  frère  René  Rouault,  docteur  eji 
théologie,  gardien,  frère  Constantin  Blaizonneau,  lecteur  et 
bachelier  en  théologie,  f.  Amant  de  Launay,  bachelier  en 
théologie,  f.  Valère,  Guerin,  Sypaon  Guyard,  François  Fro- 
mond,  Jehan  Bonnier,  Louis  Guelen,  René  Churdon,  Jehan 

Moreau,  Mathurin et   Pierre   Audrieu,   tous  prestres^ 

religieux,  profès  dudit  couvent  faisant  la  plus  saine  et  entière 
partye  d'iceulx  d'une  part,  et  ledit  Boylesve  de  la  Maurou- 
sièreetla  dite  Nicollas  son  espouse,  autorisée  comme  dessus, 
d'autre  part,  soubmettant  respectivement  scavoir  les  dits 
gardien  et  religieux  dudit  couvent,  eux,  leurs  successeurs  et 
biens  dudit  couvent'et  lesdits  Boylesve  et  Nicollas  son  espouse, 
eux,  leurs  hoirs  et  ayant  cause  avec  tous  et  chacuns  leurs 
biens  pieublea  et  immeubles,  présens  et  à  venir  quels  qu'ils 
soient,  au  pouvoir,  ressort  et  juridiction  de  ladite  court  quand 
à  ce  confessent  de  leur  bon  gré  sans  contrainte  :  C'est  à 
scavoyr  que.  lesdits  religieux  ont  consenty  et  accordé,  coh- 


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-  471  - 

sentent  et  accordent  audit  Boylesve  qu'il  face  fayre  et 
parachever  ledit  autel  et  chapelle  soubs  le  nom  de  nostre 
Dame  de  Monserat  autrement  la  chapelle  des  Boylesve  dans 
laquelle  ledit  Boylesve  et  ceux  descendants  dudit  Boylesve 
seront  enterrés  et  y  auront  droit  de  sépulture  sans  qu*aultres 
y  puissent  prétendre  ledit  droit.  Pour  la  fondation  de  laquelle 
chapelle  lesdits  Boylesve  et  sa  dite  espouse  ont  fondé  deux 
messes  à  basse  voix  qu'ils  ont  ordonnées  estre  dictes  et  célé- 
brées par  chacune  çepmaine  a  perpétuité  en  ladite  église  et 
couvent  do  Saint-François  de  ceste  ville  en  ladite  chapelle  el 
à  la  fiq  de  chacune  desdites  messes  sera  dit  le  pseaulme  de 
ProfundU^  un  libéra  avecques  les  oraisons  accoustumées  et 
oultre  recommandé  aux  assistans  audit  service  à  faire  prière 
pour  le  repos  des  âmes  desdits  fondateurs,  de  leurs  parents 
et  amys  trespassés.  Lesquelles  messes  seront  dictes  et  célé- 
brées ^cavoir  Tune  au  jour  de  sabpaedy,  heure  de  8  heures 
du  matin  en  Thonneur  4^  Nostre  Dame  de  Monlserrat  et 
Taultre  le  jour  du  dimanche  en  TUonneur  delà  Sainte-Trinité, 
incontinent  après  YOfferte  de  la  grand'messe  auparavant  la 
célébration  de  laquelle  seront  lesdites  messes  sonnées  avep 
I4  grosse  clocbe  de  ladite  église  par  trois  fois  et  à  chacuqe 
fois  trois  gobets  et  après  sera  sonné  la  petite  cloche  en  la 
manière  accoustumée.  Item  ont  lesdits  Boylesve  et  sa  dite 
épouse  voulu  et  ordonné  estre  dict  vigilles  de  morts  et  une 
messe  de  Reqmem  avec  un  libéra  et  les  oraisons  ordinaires 
et  le  tout  estre  dict  et  célébré  par  chacun  an  à  perpétuité  à 
notte,  diacre,  sons-diacres  ep  ladite  église  par  les  frères  dudit 
couvent  le  plus  dévotement  et  solennellement  que  faire  ce 
pourra  une  fois  Tan  seuUement  et  à  ce  mesme  et  pareil  jour 
que  décédera  ledit  Boylesve  et  autant  en  estre  dict  et  célébré 
pour  ladicte  Nicollas  son  espouse  à  pareil  jour  qu'elle  décédera, 
à  commencer  seuUement  lesdits  anniversaires  après  leur 
décès  et  oultre  ce  que  dessus  seront  aussy  tenus  lesdits 
frères  tous  les  jours  à  Tyssue  de  matines  et  après  ledit  décès 
dudit  Boylesve  dire  de  Profundis  pour  le  repos  de  Tâme  de 
iceluy  et  de  sa  dite  espouse  et  de  leurs  parents  et  amis  tres- 
passés et  les  commencera  celui  qui  officiera  en  ces  mots  : 
Pro  remedio  animœ  fratris  nosiri  Marini  Boylesve  atque  ejus 
consortis  ou  bien  useront  desdits  mots  en  Toraison  inclina 
qui  sera  dite  après  lesdits  de  Profundis.  Et  seront  tenus  les 


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—  472  - 

dits  frères  dudit  couvent  de  Saint- François,  mettre  et  inscîre 
les  noms  et  surnoms  desdits  Boyiesve  et  de  sa  dite  espouse 
en  leur  livre  et  papier  des  obits  et  y  faire  mention  du  contenu 
en  ces  présentes  et  par  chacun  an  à  tels  jours  que  seront  les 
obits  dudils  Boyiesve  et  son  espouse,  fayre  prières  pour  eux 
ainsi  qu*il  est  accoustumé  fayre  pour  les  religieux  et  autres 
inscrits  en  leur  martyrologue.  Et  à  ce  que  lesdites  messes  et 
service  divin  cy  dessus  spécifié  soient  dicts  et  entretenus  à 
perpétuité  et  pour  renlretenement  d'iceluy  lesdits  Boyiesve  et 
Renée  NicoUas,  son  espouse,  autorisée  comme  dessus  et 
chacun  d'eux  seul  et  pour  le  tout  ont  donné,  ceddé,  délaissé 
et  transporté  et  encores  par  ces  présentes  donnent...  à 
perpétuité  par  aulmosne  et  présentation  annuelle  aus  dits 
couvent  et  frères  d*iceluy  stipulants  ei  acceptans  pour  eux, 
leurs  confrères  et  successeurs,  la  somme  de  25  1.  de  rente 
annuelle  et  perpétuelle  evalluée  à  8  escus  un  tiers  payables 
au  terme  de  Nuel  et  Saint-Jehan  Baptiste  de  chacune  année 
par  moitié.  Quelle  rente  ils  ont  assigné  et  assignent  spécialle- 
ment  sur  leur  maison  sise  et  située  près  les  vieilles  halles 
de  ceste  ville  d'Angers,  dicte  paroisse  de  Saint-Michel,  par 
lesdits  Boyiesve  et  NicoUas  son  espouse  acquise  de  M*  Robert 
Le  Paige  et  Perrine  Laurens  son  espouse  et  générallement 
sur  tous  et  chacuns  leurs  biens  présents  et  avenir  quels  qu'ils 
soient  et,  sans  que  la  généralité  puisse  nuire  à  la  spécialité. . . 
en  attendant  une  assiette  de  ladite  rente  sur  l'un  des  chapitres 
de  l'une  des  églises  collégiales  de  cette  ville  que  les  dits 
Boyiesve  et  Nicollas  feront.  Auxquels  fondations,  dons... 
entretenir...  obligent  lesdites  parties...  fait  et  passé  au 
chapitre  dudit  couvent  en  l'assemblée  desdits  religieux  faîcte 
à  son  de  cloche  comme  dit  est  es  présences  de  N.  h.  M^  Jehan 
Lefeubvre,  Sieur  de  Laubrière  et  M*  Jehan  Hamelyn,  clerc 
juré  au  greffe  de  la  prevosté  demeurans  audit  Angers 
tesmoinga  à  ce  appelez  le  lundi  ll^'  jour  de  juillet  1583.  Signé 
en  la  mynutte,  Boyiesve,  Renée  Nicolas,  Rouault,  Blaizonneau, 
de  Launay...  Demouyn,  Audrieu,  Lefeuvre,  Hamelyn  et  nous 
notaire.  Moloré. 

Deux  grosses  originales  dont  l'une,  outre  l'écusson  est 
ornée  à  chaque  page  d'arabesque  très  fins,  de  fleurs,  de 
vases,  d'oiseaux,  le  tout  à  la  plume.  L'autre  porte  la  signature 
de  Marin  Boyiesve. 


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—  473  — 

/d.,  1888.  —  Capitaines  et  gardes  des 
portes  de  cette  ville,  laissez  passer  le  Sei- 
gneur de  la  Maurousière,  Conseiller  au 
siège  présidial  d'Angers,  avec  ses  gens,  L 
armes  et  chevaux  s*en  allant  trouver  le  ^ 
Roy.  Faict  à  Paris  le  dernier  may  1588. 
Signé  :  de  Villequier. 

Original  en  papier  scellé  en  placard. 


Charirier  de  Boylesve.  —  Commission  du  Roy  pour  Marin 
Boylesve  et  M«  René  Bautru  d'informer  contre  les  rebelles, . , 
et  contre  Cochelin...  donné  à  Tours  le  28  juin  1580  et  de 
nostre  règne  le  16*.  Signé,  par  le  Roy  en  son  conseil.  Guibert, 

Copie  coUationnée. 


(A  suivre,) 


P.   DE  FaRCV 


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CHRONIQUE 


M»''  Mathieu,  ancien  évêque  d* Angers,  actuellement  arche- 
vêque de  Toulouse,  vient  d'être  élevé  à  la  dignité  cardinalice. 

Cette  nomination  aurait  pu  tarder  davantage^  mais  elle 
était  attendue  et  désirée.  En  effet,  les  mérites  personnels 
de  l'archevêque  de  Toulouse,  l'éclat  de  ses  talents,  aussi  bien 
que  l'importance  du  siège  qu'il  occupe^  tout  le  désignait  à 
l'attention  de  Léon  XIII. 

Mais  ce  qui  n'était  pas  prévu,  c'est  que  le  nouveau  prince 
de  l'Église  a  été  créé  cardinal  de  Curie.  11  résidera  à  Rome  et 
sera  chargé  de  représenter  la  France  et  de  défendre  ses  inté- 
rêts dans  les  conseils  du  Saint-Siège. 

En  acceptant  cette  haute  dignité  "et  cette  mission  délicate 
entre  toutes,  M^'  Mathieu  sera  obligé  de  renoncer  à  l'adminis- 
tration d'un  diocèse  où  il  est  entouré  de  respect  et  d'affection. 
C'est  pour  lui  un  lourd  sacrifice;  c'est  pour  ses  diocésains 
une  perte  cruelle  :  la  seule  chose  qui  puisse  adoucir  les  regrets 
de  ceux  qui  le  connaissent  et  qui  l'aiment,  c'est  de  songer  aux 
services  qu'il  rendra  à  notre  pays,  dans  les  fonctions  émi- 
nentes  où  l'appelle  la  confiance  du  Saint-Père. 

La  Revue  de  VAnjou  unit  ses  félicitations  et  ses  hommages 
à  ceux  que  reçoit  à  Rome,  au  moment  où  paraîtront  ces  lignes, 
S.  £.  le  cardinal  Mathieu. 

Le  nouveau  Bureau  et  le  Comité  de  la  Société  des  Amis  des 
Arts  d'Angers  pour  l'année  1898-1899  se  trouve  composé  ainsi 
qu'il  suit  : 

Président  :  M.  Gilles  Deperrière  ; 

Vice-présidents  :  MM.  Cointreau,  Beignet  ; 

Trésorier  :  M.  Maurice  Mercier  ; 

Secrétaires  :  MM.  A.  Planchenault,  A.  Bruas  ; 

Commissaires  :  MM.  Jubien,  Courant,  Mondain,  Brunclair; 

Comité  :  MM.  Audfray,  Bayol,  G.  de  Chemellier,  Dauban, 
Dubos,  Dubut,  Dussauze,  D'  Guichard,  Latté-Daviers,  Luson, 


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r 


—  475  — 

Aïvas,  Kieffer,  Le  Guay,  A.  Leroy,  Livache,  Maillard,  A.  Michel» 
Miron  d*Aussy,  Robert  Chagnias  et  comte  de  Romain. 


A  la  23*  réunion  des  délégués  des  Sociétés  des  Beaux-Arts 
des  départements  qui  a  eu  lieu  à  Paris,  à  l'École  nationale  des 
Beaux-Arts,  sous  la  présidence  de  M.  le  Ministre  de  l'Instruc- 
tion publique  et  des  Beaux-Arts,  notre  ami  et  collaborateur 
M.  Joseph  Denais,  membre  correspondant  du  Comité,  a  fait 
connaître,  avec  détails,  le  tombeau,  malheureusement  mutilé, 
de  révèque  Claude  de  Rueil,  par  Philippe  de  Buyster,  et  com- 
muniqué le  contrat  fait  entre  le  Chapitre  de  Saint-Maurice  et 
le  statuaire. 

C'est  noire  compatriote  M.  Henry  Jouin  qui,  selon  la  cou- 
tume, a  rédigé  le  Rapport  général  de  la  session.  De  ce  long 
et  délicat  compte  rendu  -r-  presque  un  volume,  publié  au 
Journal  officiel  du  27  mai  —  nous  détachons  les  lignes 
ci-dessous,  qui  concernent  la  communication  de  M.  Josepli 
Denais  : 

c  Philippe  Buyster,  sculpteur  du  roi,  logé  aux  galeries  du 
Louvre,  appartenait  encore  à  la  maîtrise  lorsque  le  Chapitre 
de  la  cathédrale  d'Angers  lui  confia  l'exécution  du  tombeau 
de  Claude  de  Rueil,  évèque  décédé,  tombeau  que  vous  a 
décrit  M.  Joseph  Denais,  correspondant  du  Comité  à  Angers. 
Autant  que  nous  en  pouvons  juger  par  les  faits,  Buyster  était 
un  homme  bon,  mais  irrésolu.  On  se  souvient  de  la  jonction 
de  1651  entre  l'Académie  et  la  maîtrise.  Le  Brun,  qui  tenait  à 
Buyster,  se  démit  en  sa  faveur  de  sa  qualité  d'ancien.  Marché 
conclu.  Mais  les  turbulents  de  la  maîtrise  se  rebiffent  et 
Buyster  quitte  l'Académie  pour  se  ranger  dans  le  parti  de  la 
révolte.  S'il  manqua  de  caractère,  au  milieu  de  circonstances 
d'ailleurs  compliquées,  Buyster  ne  fut  ni  un  homme  de  lucre, 
ni  un  oisif.  11  consent,  en  février  1650,  à  exécuter  pour  le 
mois  d'août  de  la  même  année,  moyennant  1.300  livres,  la 
statue  couchée  de  Claude  de  Rueil,  en  marbre  blanc.  L'iBUvre 
a  survécu.  Elle  est  de  bon  style.  La  tète  du  prélat,  pour 
laquelle  Buyster  eut  à  sa  disposition  une  peinture  prêtée  par 
M.  l'abbé  Lucas,  est  évidemment  un  portrait.  Le  visage  porte 
la  trace  d'accents  de  nature  qui  ne  s'inventent  pas.  M.  Denais 
nous  fait  connaitre  le  marché  passé  par  le  Chapitre  avec  le 
statuaire.  C'est  une  pièce  qui  n'est  pas  banale.  Elle  a  été 
rédigée  par  des  mains  expériil^entées.  Un  pareil  contrat  défie 
toute  surprise.  » 

Le  Ministère  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts 
publiera  d'ailleurs,  dans  son  volume  annuel,  avec  la  gravure 


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—  476  — 

de  rétat  actuel  du  monument,  dont  Gaignières  a  laissé  un 
curieux  dessin  contemporain,  le  traité  conclu  pour  la  cons- 
truction de  ce  tombeau.  On  trouvera  cette  description  aussi 
dans  la  belle  Monographie  de  la  cathédrale  d* Angers  (monu- 
ments, sépultures,  trésor,  tapisseries,  vitraux,  etc.)  que  vient 
de  terminer  M.  Joseph  Denais  *. 


Dans  sa  dernière  séance,  l'Académie  des  Beaux-Arts  a  par- 
tagé le  prix  Trémont  (peinture  et  sculpture),  d'une  valeur  de 
1.000  fr.,  entre  MM.  Descheneau,  peintre,  et  L'Hoest,  sculp- 
teur. 

♦•♦ 

M.  Volot  (Jacques)  vient  d'obtenir  une  mention  pour  les 
belles  eaux-fortes  qu'il  a  exposées  au  Salon  de  Paris. 


C'est  à  un  lettré  angevin  qu'est  échu  le  privilège  de  fêter,  à 
Paris,  le  centenaire  de  Beaumarchais.  £n  effet,  notre  compa- 
triote M.  Henry  Jouin,  le  distingué  secrétaire  de  l'École  des 
Beaux- Arts,  a  fait  représenter,  le  18  mai,  au  Théâtre  national 
de  rOdéon,  une  pièce  en  un  acte,  en  vers,  intitulée  le  Neveu 
de  Beaumarchais. 
^  Ajoutons  que  cette  pièce,  qui  avait  pour  interprètes  les . 

principaux  acteurs  de  la  seconde  scène  française,  a  obtenu 
un  succès  mérité. 

»    » 

Jeudi  18  mai  a  eu  lieu,  à  l'Académie  française,  Télection 
pour  le  remplacement  de  M.  Edouard  Hervé. 

Trois  candidats  étaient  sur  les  rangs  :  MM.  Paul  Descfaanel, 
président  de  la  Chambre  des  Députés,  Emile  Faguet  et  René 
Bazin. 

M.  Paul  Deschanel  a  été  élu  au  deuxième  tour  par  20  voix 
contre  10  à  M.  René  Bazin  et  6  à  M.  Faguet. 

M.  René  Bazin,  qui  se  présentait  pour  la  première  fois, 
a  obtenu  un  véritable  succès  en  arrivant  second  et  avant 
M.  Faguet.  C'est  de  bon  augure  pour  la  prochaine  élection. 


•  *  Paris,  librairie  Renouard.  Grand  in-8<*  de  xxiv  et  500  pages, 
gravures  et  plan. 


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—  477  — 

M.  le  docteur  Motais  vient  de  présealer  à  l'Académie  de 
Médecine  un  important  travail  sur  la  myopie  scolaire. 

La  myopie,  qui  nous  envahit  de  plus  en  plus,  devient  un 
véritable  danger  public,  et  il  est  temps  de  réformer  l'hygièDe 
scolaire  de  nos  établissements  d'instruction. 

M.  le  docteur  Motais  a  été  chargé,  par  le  Ministre  de  Tins- 
truction  publique,  de  la  mission  de  déterminer  ces  réformas* 


M.  le  Président  du  Conseil,  ministre  de  l'intérieur,  par  déci- 
sion en  date  du  8  juin  1899,  vient  de  confier  à  M.  le  docteur 
Henry  Lemesle  la  direction  d'une  mission  scientifique  ayant 
pour  objet  l'étude  des  conditions  du  traitement  de  la  tubercu- 
lose pulmonaire  dans  les  sanatoria  d'altitude  de  la  Suisse,  et 
spécialement  de  l'Engadine. 

••• 

Notre  compatriote  M.  Auguste  Rousseau,  dont  nous  publions 
deux  pièces  dans  ce  fascicule,  vient  d'obtenir  le  premier  prix 
au  concours  poétique  de  la  Revue  du  Maine  avQc  une  très  beîlê 
poésie,  V  Union,  c  pleine  d'actualité,  dit  cette  iîevi^,  et  inspirée, 
comme  toutes  les  œuvres  du  lauréat,  par  le  plus  pur  patrio- 
tisme et  les  plus  nobles  sentiments  >. 


Les  Pères  de  la  Compagnie  de  Marie,  réunis  en  chapitre  à 
Saint-Laurent-sur-Sèvre,  viennent  de  procéder  à  l'élection  de 
leur  supérieur  général. 

Le  R.  P.  Maurille  a  été  élu  pour  douze  ans,  selon  les  consti- 
tutions de  la  congrégation. 

Le  Père  Maurille  est  né  à  Notre-Dame  de  Chemillé,  le  ^S 
février  1843.  Il  fit  successivement  ses  études  au  collège  de 
Beaupréau  et  au  petit  séminaire  de  Mongazon.  Ordonné 
prêtre  par  Mgr  Angebault,  le  ii  décembre  1866,  il  fut  nommé 
vicaire  à  La  Pommeraye,  où  il  resta  deux  ans,  ensuite  à  Doué- 
la-Fontaine. 

11  y  avait  un  an  à  peine  qu'il  était  vicaire  à  Doué,  lorsqu'il 
entra  dans  la  Congrégation  fondée  par  le  Père  de  Montfort. 

Le  supérieur  général  de  la  Compagnie  de  Marie  est  en 
même  temps  supérieur  de  la  Congrégation  des  Filles  de  la 
Sagesse. 


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—  478  — 

M.  le  général  de  division  Hartschmidt,  commandant  la 
18<^  division  d'infanterie  et  résidant  à  Angers,  dont  nous  pu* 
blions  plus  loin  le  remarquable  discours  prononcé  à  la  Société 
de  Gymnastique  et  de  Tir,  est  nommé  au  commandement  de 
la  12<^  division  d'infanterie,  à  Reims. 

Nous  n'avons  point  ici  à  examiner  les  motifs  de  ce  change- 
.ment.  Nous  constaterons  seulement  que  la  nouvelle  de  son 
départ  a  causé  à  Angers,  tant  dans  l'armée  que  parmi  la  popu- 
lation une  douloureuse  surprise  et  provoque  de  bien  vifs 
regrets.  Patriote  et  soldat  avant  tout,  M.  le  général 
Hartschmidt  avait  su,  par  sa  droiture  et  sa  bienveillance,  se 
concilier  les  sympathies  de  tous. 

M.  Brossard  de  Corbigny,  capitaine  de  frégate  de  réserve, 
est  nommé  officier  de  la  Légion  d'Honneur. 

♦  ♦ 

Un  certain  nombre  de  «  conseillers  du  commerce  extérieur 
de  la  France  »  ont  eu  l'idée  de  provoquer  un  groupement  de 
ceux  de  leurs  collègues  qui  se  trouvent  en  rapport  avec  nos 
possessions  d'outre-mer. 

Ainsi  s'est  trouvé  formé  le  <  Grdupe  colonial  des  conseillers 
du  commerce  extérieur  »,  dont  le  but  est  d'étudier  tout  ce 
qui  peut  contribuer  au  développement  des  rapports  indus- 
triels et  commerciaux  de  la  métropole  avec  ses  colonies. 

Notre  distingué  collaborateur,  M.  Ch.  Lemire,  a  été  nommé 
vice-président  du  bureau  de  ce  groupe. 

«• 

On  assure  que  notre  compatriote  M.  Célestin  Hy,  né  à  Bocé, 
pharmacien  à  Saint-Louis  (Sénégal),  dont  les  parents  habitent 
Angers  et  dont  le  frère,  M.  l'abbé  Hy,  est  professeur  à  l'Uni- 
versité, vient  de  découvrir  un  procédé  qui  permet,  sans  avoir 
recours  à  l'obscurité  du  laboratoire,  d'obtenir,  en  quelques 
minutes,  les  épreuves  photographiques  au  ton  voulu,  avec 
une  richesse  de  détails  inconnue  jusqu'ici.  Le  procédé  s'ap- 
plique à  tous  les  papiers. 

♦*♦ 

Nous  apprenons  avec  grand  plaisir  les  récompenses  obte- 
nues à  l'Exposition  d'horticulture  de  Saint-Pétersbourg  par 
MM.  de  La  Devansaye,  président,  et  L.-An.  Leroy,  vice-prési- 
dent de  la  Société  d'Horticultpre  de  Maine-et-Loire. 


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—  479  — 

H.  de  La  Devansaye  s*est  vu  décerner  une  grande  médaflle 
d'or  pour  ses  semis  nouveaux  1899  tïAnthurium  et  un  prix 
spécial,  grande  médaille  de  vermeil,  attribuée  à  lexposant 
ayant  obtenu  par  lui-même  les  plus  belles  plantes  de  semis. 

Le  jury  a  décerné  à  M.  L.-An.  Leroy  une  médaille  d'or 
pour  ses  Camelliat  et  une  grande  médaille  d'argent  pour  ses 
Magnolias  grandi flora. 

•♦• 

La  Revtie  de  V Anjou  ne  s'occupe  pas  de  sport,  mais  com- 
ment omettre  de  dire  ici  que  l'heureux  vainqueur  du  grand 
prix  de  la  ville  de  Paris  a  été  notre  compatriote,  M.  Maurice 
Caillault,  capitaine  de  cuirassiers  détaché  à  Téta t  major  de  la 
place  de  Paris  et  décoré  Tannée  dernière  pour  sa  belïe  con- 
duite à  Madagascar.  Perth  avait  déjà  porté  victorieusemeûi 
les  couleurs  du  jeune  officier  à  Chantilly,  en  enlevant  le  prix 

du  Jockey-Club. 

♦% 

Les  il  et  12  juin,  environ  deux  cents  délégués  des  Comités 
de  toutes  les  villes  principales  arrosées  par  la  Loire  ou  ses 
affluents  principaux,  de  Saint-Nazaire  à  Nevers,  étaient  réu- 
nis dans  le  chef-lieu  de  Loir-et-Cher.  S'il  faut  en  juger  par  la 
réception  faite  aux  congressistes,  la  municipalité  et  la  Chambre 
de  Commerce  ont  fait  une  belle  et  évidente  démonslration 
de  l'intérêt  que  les  Blaisois  portent  à  la  solution  de  rimpor- 
tante  question  de  la  Loire  navigable. 

Le  Congrès  a  tenu  trois  séances.  Notons  seulement  ses 
décisions  les  plus  importantes  : 

Malgré  une  intervention  assez  vive  en  faveur  d'un  canal 
latéral,  l'unanimité  des  membres  présents  à  la  réunion  a 
maintenu  les  résolutions  des  Congrès  antérieurs  relatives  au 
tracé.  C'est  dire  que  les  vœux  des  Comités  se  sont  une  fois 
de  plus  nettement  affirmés  en  faveur  de  la  voie  navigable 
dans  le  lit  même  du  fleuve,  de  Nantes  à  Orléans. 

Le  rapport  de  la  Commission  spéciale  instituée  le  Si  mal 
1897,  si  impatiemment  attendu,  a  été  examiné.  Ce  rapport 
officiel  ne  pouvait  être  que  très  circonspect,  mais  il  conclut  à 
la  possibilité  d'utiliser  et  d'améliorer  le  lit  du  fleuve,  dans  la 
1"  section,  la  seule  encore  étudiée,  de  Nantes  à  la  Maine. 

La  Commission  des  Ingénieurs  des  Ponts-et- Chaussées 
évalue  la  dépense  d'amélioration  du  chenal  à  un  chiffre  qu'on 
ne    peut   guère   espérer    voir    descendre   au-dessous   de 


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—  480  - 

180.000  francs  le  kilomètre,  mais  qui  ne  semble  pas  deroir 
dépasser  200.000  francs. 

Elle  estime  que  les  travaux  devraient  être  répartis  sur 
plusieurs  années.  Ils  seraient  effectués  successivement  et 
gradués  en  vue  de  transformer  progressivement  le  régime  du 
fleuve  dont  le  lit  ne  saurait  se  modifier  en  une  ou  deux 
années.  La  Commission  appréhenderait  même  l'insuccès  des 
travaux  s'ils  étaient  trop  précipités. 

En  présence  des  conclusions  de  ce  rapport,  un  examen 
des  moyens  financiers  s'imposait  à  l'attention  du  Congrès. 

Une  sérieuse  étude  avait  été  préparée  sur  ce  sujet.  Nous 
la  résumerons  dans  ses  grandes  lignes  : 

En  prenant  pour  base  la  dépense  précitée  de  180.000  à 
200.000  fr.  par  kilomètre,  il  convient  de  prévoir  une  dépense 
qui  pourra  atteindre  18  millions  de  Nantes  à  la  Maine,  et  88 
à  60  millions  de  Nantes  à  Orléans. 

Le  Comité  central  estime  avec  raison  que  l'État  participera 
pour  moitié  dans  les  dépenses  d'exécution.  L'autre  moitié 
serait  supportée  en  totalité,  proportionnellement  à  leur  intérêt 
dans  la  voie  navigable,  par  les  départements  qui  en  profite- 
raient. 

Par  exemple  et  en  premier  lieu,  les  départements  de  la 
Loire- Inférieure,  de  Maine-et-Loire,  de  la  Sarthe  et  de  la 
Mayenne  seraient  appelés  à  participer  à  la  dépense  d'exécu- 
tion de  la  section  Nantes-  La  Pointe. 

Le  département  de  la  Loire-Inférieure,  totalement  traversé, 
en  supporterait  la  moitié,  celui  de  Maine-et-Loire  un  quart. 
La  Sarthe  et  la  Mayenne,  chacun  un  huitième. 

Le  Maine-et-Loire  aurait  ultérieurement  à  consentir  une 
autre  contribution  équivalente,  concurremment  avec  l'Indre- 
et-Loire,  la  Vienne,  la  Haute-Vienne,  etc.,  lorsque  la  deuxième 
section  de  la  Maine  à  la  Vienne  entrerait  en  voie  d'exécution. 

Le  principe  et  la  proportion  admis  et  la  répartition  de  la 
dépense  sur  plusieurs  exercices  étant  demandée  par  les  ingé- 
nieurs eux-mêmes,  le  comité  central  a  pu  calculer  qu'un  impôt 
départemental  de  4  centimes  additionnels  pour  la  Loire-Infé- 
rieure, de  2  centimes  en  Maine-et-Loire,  de  1  centime  dans  la 
Sarthe  et  dans  la  Mayenne,  serait  suffisant  pour  gager  un 
emprunt  de  7.800.000  francs,  représentant  la  part  contribu- 
tive des  quatre  départements  dans  l'exécution  de  la  première 
section.  L'amortissement  en  capital  et  intérêts  serait  ainsi 


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—  481  — 

i^ssurédans  chaque  département  sur  une  période  assez  courte 
eu  rapport  avec  la  valeur  de  son  centime. 

Les  ressources  financières  seraient,  en  résumé,  procurées 
par  les  mêmes  moyens  qui  ont  facilité  aux  départements 
l'exécution  des  voies  ferrées. 

La  combinaison  a  l'avantage  de  concentrer  les  efforts  sur  le 
parlement  et  les  conseils  généraux  et  de  répartir  équitable- 
ment  les  charges  sur  toutes  les  populations  qui  profiteront 
de  la  voie  navigable.  Elle  a  paru  simple  et  pratique  et  a  été 
approuvée  par  l'unanimité  des  membres  du  Congrès. 

Au  cours  de  la  séance  publique,  M.  Max  Richard,  président 
du  comité  d'Angers,  a  émis  le  vœu  que  les  travaux  devant 
procurer  l'amélioration  de  la  Loire  soient  entrepris  le  plus 
promptement  possible  et  sans  aucun  relard,  par  l'État,  avec 
le  concours  de  tous  les  corps  constitués  des  départements, 
des  villes  et  communes  intéressés  aux  futurs  bons  résultats 
de  l'entreprise  ;  que  pendant  l'exécution  de  ces  travaux,  les 
études  déjà  commencées  pour  l'amélioration  du  cours  de  la 
Loire  dans  toute  la  contrée  comprise  entre  la  Maine  et  Briare 
soient  activement  poursuivies. 

Pour  terminer,  enregistrons  que  la  commission  interdépar- 
tementale des  conseils  généraux  de  la  Loire-Inférieure  et  de 
Maine-et-Loire  s'est  réunie  à  Nantes  le  1*'  juillet  pour  exami- 
ner cette  importante  question  de  la  Loire  navigable  qui  vien- 
dra devant  notre  Conseil  général  à  la  session  d'août. 

A  propos  de  la  Loire  navigable,  nous  nous  permettons  de 
signaler  à  l'attention  de  nos  lecteurs  l'ouvrage  récemment 
paru  intitulé  :  Rivières  à  courant  lihre^  par  M.  F.-B.  de  Mas, 
inspecteur  général  des  Ponts  et  Chaussées,  professeur  à 
l'École  nationale  des  Ponts  et  Chaussées  ^  Ce  Cours  de  Navi- 
gation intérieure  est  un  véritable  monument. 

Dégagé  de  formules  abstraites,  abondamment  pourvu  au 
contraire  de  croquis  et  dessins  compréhensibles  pour  tous, 
conçu  dans  un  style  clair  et  précis,  il  instruira  tous  les 

.  *  Encyclopédie  des  Travaux  publics,  Paris,  1899,  chez  Baudry  et  C^  ; 
15,  rue  des  Saints-Pères. 


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—  488  — 

hommes  qu'intéressent  Tétude  des  cours  d'eau  el  de  leur 
régime,  le  matériel  et  les  procédés  de  navigation  fluviale. 

P.  B. 


Un  de  nos  concitoyens,  M.  Alexandre  Hérault,  bien  connu 
par  diverses  excentricités  de  son  existence  autant  que  par 
ses  actes  pliilanlhropiques,  est  mort  le  7  avril  dernier,  laissant 
à  la  ville  d'Angers,  au  détriment  de  ses  héritiers  naturels,  la 
plus  grosse  part  de  sa  fortune,  à  la  seule  condition  d'être 
employée  «  pour  les  intérêts  exclusivement  civils  et  laïcs 
delà  population  ».  Le  legs  s'élèvera, croit-on, déduction  faite 
des  droits  de  mutation»  à  11  ou  1.200.000  francs.  Déjà, 
avant  l'envoi  en  possession,  les  feuilles  locales  se  livrent 
d'avance  à  toutes  sortes  de  combinaisons  sur  la  meilleure 
manière  de  «  croquer  le  magot  ».  Et  les  lecteurs  d'emprunter 
à  l'envi  les  colonnes  des  journaux  pour  émettre  à  la  fois  leur 
avis  et  les  idées  les  plus  invraisemblables.  En  fait  la  ville  ne 
sera  guère  à  même  d'employer  cet  argent  avant  un  ou  deux 
ans.  r-  Une  autre  clause  du  testament  attribue  à  H.  Cions- 
tant  Lemoine,  pépiniériste,  et  à  son  fils  aîné,  les  immeubles 
sis  à  Angers,  61,  route  de  Paris.  M.  Hérault  avait  inventé 
deux  melons,  le  Composite  et  YOrangine  et  de  nouvelles 
espèces  de  poiriers.  C'est  dans  le  but  de  continuer  ces 
cultures  qu'il  a  légué  à  MM.  Lemoine  le  terrain  nécessaire 
pour  la  propagation  de  ses  découvertes,  ainsi  qu'une  énorme 
quantité  de  graines.  Malheureusement,  le  jardin,  non  cultivé 
depuis  plusieurs  années,  n'est  à  l'heure  actuelle  qu'une  forêt 
de  ronces  (environ  deux  hectares).  Quant  à  la  maison  de 
M.  Hérault,  toujours  hermétiquement  close  et  où  lui  seul  péné- 
trait, elle  renfermait,  avec  des  poires  pourries  sur  les  meubles 
et  sur  les  parquets,  plusieurs  mètres  cubes  de  poussière. 
Est-il  utile  de  rappeler  que  M.  Hérault  avait,  de  son  vivant, 
doté  la  ville  de  quatre  lions  de  fonte  au  Jardin  du  Mail, 
d'une  plaque  indicatrice  pour  l'Hôtel- de- Ville,  de  l'hor- 
loge de  la  Poste,  de  bancs-candélabres  sur  la  place  du 
Ralliement  et  de  bancs  au  cimetière  ;  enfin,  qu'il  avait  fait 
mettre  en  quinconce  à  ses  frais  les  arbres  de  l'avenue 
Jeanne  d^Arc,  plantés  d'abord  en  simples  rangées.  Et,  bien 
qu'il  répudiât  avec  quelque  ostentation  le  titre  de  <  bienfai- 
teur de  la  ville  »,  il  avait  fait  poser  une  enseigna  sur  un 


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-  483  - 

terrain  à  loi,  en  bordure  de  l'avenue,  pour  rappeler  la  tranS' 
formation  opérée  par  ses  soins. 

C'est  une  célébrité  angevine  —  il  serait   peut-être  plus 
exact  de  dire  une  c  curiosité  »  —  qui  vient  de  disparaître. 


Parmi  les  projets  proposés  pour  l'emploi  du  legs  Hérault, 
dit  le  Journal  de  Maine  et-Loire^  la  restauration  de  la  Tour 
Saint-Aubin  et  le  déplacement  du  Jardin  fruitier  réunissent 
l'unanimité  de  l'opinion. 

c  L'établissement  du  Jardin  fruitier  dans  un  terrain  neuf,  où 
les  arbres  et  les  vignes  pourront  prendre  leur  développement 
normal,  s'impose.  N'est-ce  pas,  d'ailleurs,  honorer,  selon  ses 
vœux,  la  mémoire  du  bienfaiteur  de  la  Ville,  que  de  consa- 
crer une  partie  de  son  legs  à  l'horticulture,  objet  de  sa  prédi- 
lection? En  outre,  dans  le  Jardin  fruitier,  fonctionne  uae 
école  d'horticulture  et  de  viticulture,  précieuse  pour  noâ 
concitoyens,  auxquels  elle  permet  d'apprendre  un  état,  et 
personne  assurément  ne  proposera  la  suppression  d'une 
école. 

c  Quant  à  la  Tour  Saint- Aubin,  le  barbare  qui  se  résignerait 
aujourd'hui  à  sa  démolition  n'osera  pas  se  nommer.  Classée 
comme  monument  historique,  placée  sous  la  sauvegarde  de 
l'État,  elle  doit  être  restaurée  à  frais  communs  par  l'Elat  et 
par  la  Ville.  Le  budget  des  Beaux- Arts  de  1899  contient  au 
chapitre  39.  sous  le  titre  c  conservation  des  monuments  his- 
toriques »,  l'inscription  d'un  crédit  de  1.077  000  francs. 

c  Un  député  proposa  même  d'ajouter  à  l'intitulé  du  chapitra 
les  mots  <  monuments  historiques  naturels  et  légendaires  ■. 
Dans  un  discours  fort  curieux,  M.  Lucien  Habert  demanda 
qu'on  préservât,  dans  la  vallée  de  la  Meuse,  le  roc  immense 

Îu'on  appelle  le  rocher  des  Quatre  fils  Aymon!  Le  ministre 
es  beaux-arts,  tout  en  reconnaissant  l'idée  intéressante, 
déclara  que  les  monuments  historiques  déjà  classés  devaient 
avoir  la  préférence.  Nous  conservons  donc  l'espoir  que  notre 
tour  Saint-Aubin  pourra  recevoir  une  part  dans  le  million 
voté. 

c  Ceux  qui  ne  sont  pas  au  pouvoir  reprochent  parfois  à  ceux 
qui  tiennent  les  rênes  du  gouvernement  municipal  de  ne  pas 
suivre  un  plan  précis  dans  les  transformations  et- les  embel- 
lissements  de  la  ville. 

c  Dans  la  question  qui  préoccupe  à  juste  titre  nos  conci- 
toyens, rien  de  pareil.  En  1864,  le  plan  a  été  dressé,  et  une 
partie,  celle  qui  entoure  la  place  du  Ralliement,  a  été  exê* 
cutée. 

c  Si  on  jette  les  yeux  sur  ce  plan,  on  voit  que  le  mail  de  la 
préfecture  est  prolongé  jusqu  au  delà  de  la  rue  Toussaint. 
Ce  mail,  après  avoir  traversé  la  rue  des  Lices,  forme  une  voie 


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—  484  — 

de  quarante  mètres  de  largeur  au  milieu  de  laquelle  se  dresse 
la  tour  Saint-Aubin  ;  une  partie  de  la  rue  du  Musée  disparait, 
et  notre  ravissant  logis  Barrault  se  détache  d'un  parterre  de 
fleurs  séparé  de  la  rue  par  une  grille. 

«Ce  projet  serait  d'autant  plus  facile  à  réaliser  que  le  Jardin 
fruitier  actuel  doit  être  transformé  en  square.  L'accès  prin- 
cipal du  Musée  serait  placé  du  côté  du  boulevard  du  Roi-René 
et  précédé  d'un  escalier  monumental  au  haut  duquel  on 
placerait  le  buste  de  notre  illustre  concitoyen  M.  Lenepveu. 
On  construirait  une  nouvelle  salle  pour  les  tableaux,  et,  au- 
dessus,  une  pour  la  bibliothèque.  Cette  construction  devrait 
présenter  les  grâces  architecturales  du  bâtiment  principal.  Le 
jardin,  avec  les  ruines  Toussaint,  la  tour  Saint-Aubin,  le  logis 
Barrault,  réunirait  plusieurs  merveilles  de  l'art  dont  la  conser- 
vation fera  honneur  à  notre  ville. 

«  Dans  la  discussion  qui  a  eu  lieu  devant  la  Chambre  sur  les 
monuments  historiques,  on  a  cité  plusieurs  villes  qui  exi- 
geaient, lors  de  l'ouverture  des  rues,  cju'on  construisit  des 
édifices  dans  le  style  artistique  du  passé.  Nous  ne  devons  pas 
nous  montrer  aussi  exclusifs,  mais  au  moins,  quand  nous 
avons  l'heureuse  fortune  de  posséder  des  souvenirs  aussi 
précieux  que  le  loeis  Barrault,  la  tour  Saint- Aubin,  les  Péni- 
tentes, défendons-les  contre  les  déprédations  du  temps,  ne 
les  cachons  pas  et  profitons  de  la  circonstance  qui  se  présente 
pour  les  sauver  de  la  ruine.  > 

Il  y  aurait  bien  encore  un  grand  projet  à  exécuter  avec  les 
fonds  Hérault,  en  supposant  que  l'embellissement  de  la  ville, 
par  les  abords  de  la  cathédrale,  ne  puisse  pas  être  considéré 
comme  opposé  aux  destinations  c  laïques  >  du  testateur  :  ce 
serait  la  reconstruction  du  porche  de  Saint-Maurice  et  l'édifi- 
cation d'un  escalier  monumental  de  la  cathédrale  à  la  Maine, 
dont  il  a  été  fort  question,  à  nouveau,  lors  des  dernières  élec- 
tions municipales. 

D'après  la  Monographie  de  la  Cathédrale  d'Angers  de 
M.  Joseph  Denais,  publiée  par  la  Société  Nationale  d'Agricul- 
ture, Sciences  et  Arts  d'Angers,  c'est  en  1806  que  fut  démoli 
le  porche  du  xn*  siècle,  dont  un  dessin  de  Gaignières,  gravé 
dans  l'ouvrage  cité,  nous  donne  la  forme  et  que  notre  colla- 
borateur décrit  avec  les  plus  grands  détails. 

Le  3  mai  1884,  M.  l'architecte  Raulin  avait  dressé  les  plans 
et  devis  de  reconstruction,  à  la  suite  d'un  legs  fait,  à  cette 
intention,  par  M.  le  chanoine  Vinçonneau  ;  mais  ce  legs  de 
50.000  francs  fut  jugé  insuffisant. 

D'autre  part,  les  plans  de  dégagement  de  la  façade  de  Saint- 
Maurice  Jusqu'à  la  Maine  furent  dressés,  le  10  mai  1848^  par 


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—  485  - 

M.  Duvèlre,  à  la  suite  d'une  proposition  faite  au  Conseil  muni- 
cipal d'Angers,  le  19  août  1841,  par  le  commandant  La  tour, 
rapporteur  de  la  Commission  du  plan  de  la  villa.  Un  escalier 
monumental  de  cinq  volées,  chacune  de  dix  marches,  descen- 
dait du  portail  de  Saint-Maurice  jusqu'à  un  péristyle  décoré 
des  statues  de  la  Loire  et  de  la  Maine,  qui  furent  dessinées 
par  David  d'Angers.  On  y  pourrait  ajouter  des  arbustes,  à 
chaque  volée,  ou  dans  les  côtés  de  l'escalier,  et  faire  de  ce 
coin  d'Angers  un  des  plus  beaux  et  des  plus  pittoresques 
quartiers  de  la  ville.  L'idée  n'est  pas  nouvelle  d'ailleurs,  et 
M.  Denais  rappelle  que,  dès  1816,  elle  avait  été  émise  par 
l'architecte  Leclerc.  Puisse- t-elle  être  réalisée  avec  Théritage 
Hérault. 


Des  crédits  sont  demandés  au  Conseil  municipil  pour 
remettre  en  état  la  tour  Saint-Aubin  dont  les  revêtements  de 
tuffeau  et  les  sculptures  croulent  à  l'envi.  L'État  prendrait 
alors  la  moitié  des  frais  à  sa  charge,  environ  13,500  francs. 
Dans  le  cas  présent,  il  s'agit  d'une  réparation  et  non  d'une 
restauration  qui  coûterait  peut-être  150  à  200,000  francs. 


Depuis  que  le  Conseil  municipal  a  fait  choix,  pour  rempla- 
cement du  monument  à  élever  à  la  mémoire  de  Lenepveu,  de 
la  terrasse  du  Musée,  la  question  n'a  pas  fait  un  pas.  Le 
monument  devait  être  inauguré  au  mois  de  juin  actuel.  La 
ville  attend,  pour  pratiquer  l'escalier  qui  doit  donner  accès  à 
la  terrasse  par  le  jardin  fruitier, que  les  artistes  aient  fait  leurs 
plans,  et  les  artistes,  paralt-il,  ne  semblant  pas  satisfaits  de 
l'emplacement,  sont  de  leur  côté  dans  l'attente.  A  ce  train 
nous  en  avons  pour  plusieurs  années. 


Avec  la  réalisation  de  l'emprunt  doivent  tomber  les  maisons 
qui  masquent  le  jardin  des  Plantes  du  côté  du  faubourg 
Saint-Michel.  D'ores  et  déjà  un  crédit  de  1.000  francs  est 
inscrit  au  budget  additionnel  de  1899,  pour  faire  faire  un 
plan  définitif  du  jardin  en  y  comprenant  tout  le  terrain  sus- 
ceptible d'en  faire  partie  dans  l'avenir. 


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-  486  - 

Encore  une  vielle  maison  d'Angers,  la  maison  Michel,  et 
des  plus  connues,  sacrifiée  aux  règles  impitoyables  de  l'ali- 
gnement t  Pas  d'ornements,  il  est  vrai,  pas  de  poteaux  sculptés 
pour  la  signaler  à  l'attention  générale.  Mais  elle  avait  son 
cachet  d'antiquité  avec  ses  poutres  apparentes  et  ses  hautes 
lucarnes  et  carrait  bien  le  bas  de  la  place  du  Pilori.  Elle 
gênait,  parait-il,  au  passage  des  tramways  et,  de  plus,  néces- 
sitait de  trop  grosses  réparations.  La  ville,  qui  l'avait  achetée 
il  y  a  déjà  quinze  ans,  pour  l'abattre,  vient  de  la  livrer  aux 

démolisseurs. 

* 

*  • 

Après  avoir  vu  creuser  les  fondations  de  la  nouvelle  église 
Notre-Dame  et  préparer  le  terrain  pour  sa  construction,  le 
public  a  été  quelque  peu  surpris  par  l'interruption  subite  des 
travaux  qui  se  prolonge  depuis  deux  mois.  Une  erreur  de 
mesure,  des  difficultés  causées  par  la  configuration  irrégu- 
lière du  terrain  ont  surgi.  D*où  indécision.  Mais  les  difficultés 
viennent  d'être  aplanies  et  les  travaux  vont  reprendre. 

•% 

La  magnifique  terre  de  Pignerolles,  commune  de  Saint- 
Barthélémy,  le  château  et  le  parc  créés  au  xviii®  siècle  par  la 
famille  des  célèbres  écuyers  angevins,  les  Avril  de  Pigne- 
rolles, ont  été  récemment  mis  en  adjudication  publique.  Il 
n'y  a  pas  eu  d'enchères,  non  plus  que  pour  l'hôtel  Perrochel, 
à  Angers,  et  les  superbes  boiseries  qu'il  renferme  dont  on 
demandait  25,000  francs. 

*  • 

C'est  au  Vieil-Baugé,  le  ii  mars  1421,  que  Jean  de 
Fontaine-Guérin  infligea  aux  Anglais  <  leur  première  des- 
trousse ». 

Sur  la  gauche  du  chemin,  en  remontant  du  bourg  vers 
Baugé,  M.  Jacques  Gaudais  a  fait  encastrer,  en  souvenir  de  ce 
mémorable  combat,  un  énorme  bloc  de  pierre  où  les  habitants 
s'amusent  à  montrer  par  tradition  l'empreinte  d'un  pied  du 
cheval  de  Clarence  qui  commandait  les  Anglais. 

Cette  empreinte  (!)  est  toujours  apparente  ;  ce  n'est  pas  à 
elle  que  nous  en  voulons,  mais  bien  à  l'inscription  gravée 
dans  la  pierre  qui  est  complètement  effacée. 

Avec  la  meilleure  bonne  volonté,  il  est  impossible  de  la 
déchiffrer.  Ne  pourrait-on  la  reconstituer  et  la  rétablir? 


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—  487  — 

M.  Joseph  Denais,  qui  possède  nombre  de  notes  sur  la 
eoDtrée,  et  à  qui  nous  avons  demandé  letexLederinscrîpUon 
ci-dessus,  a  bien  voulu  nous  le  communiquer,  lel  qu'il  Ta 
relevé  lui-même  vers  1870  : 

LE  13  MAI  1840 

j|EUR  JACQUES   QAUDAIS   FIT   REPLACER   ICI    CETTE 

PIERRE  POUR  RAPPELER   LA   VICTOIRE    hfÉMO* 

RABLE   QUE   OUÉRIN   DES   FONTAINES   OE^TILBOH^B 

ANOÈVIN    UNI   A    GILBERT   DE   LA   FAYETTE 

MARÉCHAL   DE   FRANCE    ET   A   û  ^    JEAN    STCJART    COMTE 

DE   BOUKAN    PRINCE   ÉCOSSAIS   REMPORTA    EUR 

LE   DUC  DE   CLARENCE   P.  ^   ANGLAIS  TUÉ   EN   CE 

LIEU   AVEC   LA   MAJEURE   PARTIE   DE 

SON   ARMÉE   LE   H   MARS   14^0 


En  fendant  un  morceau  de  vieille  poutre  provenant  dea 
démolitions  entreprises  aux  abords  de  Téglise  Notre-Dame, 
H.  Robin  a  trouvé  une  pièce  d'argent  à  Teffigie  de  Henri  If 
et  a  fait,  plus  tard,  une  nouvelle  découverte  de  46  autres 
pièces  datant  de  1450  à  15S9. 


Le  diner  annuel  de  la  société  de  Paris,  le  Vin  d'Anjou^  a  eu 
lieu  le  mercredi  7  juin  à  7  heures,  au  restaurant  de  la  tour 
Eiffel. 

Un  grand  nombre  d'Angevins  y  assistaient,  parmi  lesquels 
nous  pouvons  citer  :  MM.  Max  Richard,  ancien  député;  Joxé, 
député  de  Maine-et-Loire;  Lorin,  avoué  à  Rambouillet;  Lardio 
de  Musset,  préfet  dlndre-et-Loire  ;  le  docteur  Thuau,  de 
Baugé;  Emile  Cormeray,  Mahier,  avocat;  Henry  Coûtant^ 
Giffard  fils,  Louis  Gandon,  etc.,  etc. 

Au  dessert,  M.  Georges  Richou,  ingénieur  des  arts  et  manu- 
facturesy  président  de  la  Société,  a  ouvert  la  série  des  discours, 

MM.  Max  Richard,  Joxé,  Lorin,  Lardin  de  Musset,  prirent 
ensuite  successivement  la  parole  aux  applaudissements  de 
Tassistance. 

*  Ici  Tempreinte  d'un  fer  à  cheval,  auquel  rinscription  fait  allu- 
sion en  ces  termes  : 

Ce  Cl  fut  trouvé  sous  cette  pierre  en  1840. 

*  Prince. 


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1 


^  488  - 

La  soirée  du  7  juin,  1res  gaie,  s'est  termioée  au  théâtre  de 
la  tour  Eiffel,  où  l'on  donnait  une  revue  hilarante  de  Bonnaud, 
A  la  fraichey  qui  veut  boire  f 

Rendez-vous  au  prochain  dîner,  au  commencement  de  l'au- 
tomne. 

••• 

Le  dimanche  i4  mai  a  eu  lieu,  dans  la  salle  des  fêtes  de  la 
Mairie  d'Angers,  une  très  intéressante  conférence.  Elle  était 
donnée  sous  les  auspices  de  la  Chambre  de  Commerce  de 
Maine-et-Loire  par  M.  Blancheville,  chef  du  bureau  de  la  sta- 
tistique générale  de  France  au  ministère  du  Commerce  et  de 
l'Industrie,  professeur  d'économie  politique  aux  Cours  de  la 
ville  de  Paris. 

Le  Président  de  la  Chambre  de  Commerce,  M^.  Dominique 
Delahaye,  a  pris  le  premier  la  parole  et,  en  excellents  termes, 
a  présenté  le  conférencier.  Puis  M.  Blancheville  a,  devant  un 
auditoire  attentif,  étudié,  avec  talent  et  compétence,  les  divers 
systèmes  douaniers,  leurs  effets  dans  les  diJDTérents  pays  et 
aux  différentes  époques,  intéressant  vivement  les  personnes 
qui  avaient  pris  place  dans  la  salle  et  ne  lui  ont  pas  ménagé 
leurs  applaudissements. 

♦% 

La  Société  de  Gymnastique  et  de  Tir  a  inauguré,  son  nou- 
veau local,  20,  rue  des  Quinconces. 

Au  premier  rang  des  invités,  nous  avons  remarqué  M.  le 
général  Hartschmidt,  commandant  la  division,  M.  Beaussire, 
conseiller  de  préfecture,  représentant  le  préfet,  M.  Gauvin, 
adjoint,  représentant  le  maire,  MM.  le  colonel  Gillet,  du 
&  génie,  le  lieutenant-colonel  Leturc,  du  135%  le  commandant 
R.  de  Terves,  et  un  grand  nombre  d'officiers  de  la  garnison  ; 
MM.  Voisin,  Proust,  Descoings,  Luneau,  Descottes,  Bally 
fils,  etc.,  etc. 

La  fête  comportait  un  programme  des  plus  intéressants  qui 
a  été  exécuté  avec  un  ensemble  parfait.  Pendant  les  différents 
exercices  l'excellente  musique  du  135<^  exécutaitdes  morceaux. 

M.  Descoings,  président  de  la  Société,  a  le  premier  pris  la 
parole,  et  dans  un  discours,  que  nous  regrettons  de  ne  pouvoir 
reproduire  faute  de  place,  a  consacré  un  souvenir  ému  à 
M.  Beucher  c  un  sincère  patriote,  le  président  dévoué  de  la 
première  heure  >  qui  avait  si  bien  compris  ce  que  peut  pour 
la  force  d'un  pays  et  la  puissance  de  l'armée,  l'enseignement 


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—  489  — 

de  la  gymnastique.  Il  a  terminé  en  remerciant  tons  les  invités 
de  leur  présence  à  cette  fête. 

M.  l'adjoint  GauTin  a  dit  ensuite  combien  M.  le  Maire . 
regreltait  de  n'avoir  pu  assister  en  personne  à  cette  solennité 
.et  loué  M.  le  président  de  ses  efforts  constants  pour  entretenir 
l'émulation  et  l'esprit  de  discipline  parmi  ces  jeunes  gens.  En 
inculquant  ainsi  le  culte  de  la  patrie  et  l'amour  du  drapeau, 
a-t-il  dit,  vous  jetez  tous  les  ans  dans  les  rangs  de  notre 
admirable  armée,  que  nous  aimons  tous  parce  que  tous  nous 
en  faisons  partie,  des  soldats  tout  préparés  d'avance  à  sup- 
porter les  fatigues  du  métier  militaire,  à  affronter  les  luttes 
futures  que  nous  ne  désirons  pas,  mais  que  nous  ne  craignons 
pas  non  plus,  et  pour  lesquelles  nous  devons  plus  que  jamais 
nous  tenir  prêts  et  toujours  entraînés. 

Après  les  discours  de  MM.  Descoings,  Gauvin,  Descottes,  et 
de  M.  Beaussire,  qui  a  exprimé  à  la  Société  les  sympathies 
particulières  de  l'administration  préfectorale,  M.  le  général 
Hartschmidt,  s'est  levé  à  son  tour  et  a  pris  la  parole  en  ces 
termes  : 

«  Mesdames, 
c  Messieurs, 
c  Mes  chers  amis, 

<  Après  les  éloquentes  paroles  que  vous  venez  d'entendre, 
je  pensais  qu'il  n'y  avait  plus  de  place  pour  d'autres  discours. 

c  Mais  vos  honorables  présidents  m'ayant  déclaré  que  ce 
serait  pour  vous  une  déception  si  le  ne  dois  vous  adresser 
quelques  mots,  je  me  rends  à  leur  désir. 

c  D'ailleurs,  ils  m'ont  fait  remarquer  que  nous  étions  ici 
dans  un  lieu  privé  et  chez  nous.  Je  me  sens,  en  effet,  en 
famille,  car  votre  devise  est  la  mienne  et  celle  de  l'armée  : 

Patrie  avant  tout! 

c  Vous  vous  réunissez  pour  pratiquer  des  exercices  dont  le 
but  principal  est  de  développer  votre  force  physique.  Et  bien 
vous  faites. 

«  A  la  fin  du  siècle  dernier,  vos  pères  ont  porté  à  travers  le 
monde  les  idées  de  liberté  et  d'humanité  écloses  au  soleil  de 
la  Révolution. 

c  A  la  fin  du  présent  siècle,  à  ce  tournant  de  Thistoire,  pour 
employer  une  expression  en  vogue  depuis  quelque  temps,  les 
peuples,  concentrés  en  eux-mêmes  et  armés  jusqu'aux  dents, 
se  guettent,  s'épient,  pour  se  ruer  sur  celui  qui  aura  laissé 
voir  une  faiblesse  ou  une  fêlure.  De  récents  exemples  vous 
montrent  ce  que  sera  le  xx*  siècle. 

«  En  France,  nous  savons  déjà  comment  on  perd  des  pro- 


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1 


—  490  — 

▼inees  entières.  Nous  venons  de  voir  l'Espagne  perdre  ses 
colonies  en  quelques  semaines.  Dans  l'Afrique  australe»  au 
Transvaal,  une  bande  de  flibustiers  a  cherché  à  s'emparer 
d'un  État  légalement  constitué.  En  Asie,  on  se  partage  la 
Chine,  à  l'heure  présente,  tout  comme  s'il  n'y  avait  la  ni 
empereur,  ni  gouvernement,  ni  peuple  ayant  le  droit,  tout  au 
moins,  de  dire  à  quelle  sauce  ils  désirent  être  mangés. 

c  Partout,  c'est  l'avènement  de  la  force.  Fortifiez-vous 
donc,  si  vous  voulez  garder  votre  liberté  et  votre  indé- 
pendance. 

€  Mais,  de  même  que  la  force  industrielle,  pour  produire 
des  effets  utiles,  a  besoin  d'être  endiguée,  de  même  aussi  la 
force  humaine  a  besoin  d'être  réunie  en  faisceaux,  liés  entre 
eux  par  un  ciment  moral,  qui  est  la  discipline.  La  force  sans 
discipline  n'est  que  la  violence  et  celle-ci  conduit  à  l'anarchie 
et  au  despotisme. 

«  L'histoire  nous  apprend  que  plus  les  républiques  an* 
ciennes  furent  libres,  plus  leurs  citoyens,  et  surtout  leurs 
armées,  furent  soumis  a  une  discipline  rigoureuse. 

c  Quand  les  légions  romaines,  perdirent  leur  discipline, 
l'Empire  tomba  au  pouvoir  des  Barbares. 

«  Quand  les  Républiques  4e  l'ancienne  Grèce,  oubliant 
leurs  traditions,  se  déchirèrent  entre  elles  dans  des  guerres 
civiles,  elles  devinrent  la  proie  du  Macédonien. 

«  Pourquoi  notre  République  serait-elle  réfractaire  à  la  dis- 
cipline? Un  homme  vraiment  fort  s'honoreen  abdiquant  un  peu 
de  sa  liberté  au  profit  du  bien  public  et  dans  l'intérêt  de  tous. 

<  Soyez  donc  des  hommes  forts,  mais  disciplinés,  res- 
pectueux des  lois  et  des  chefs  que  ces  lois  vous  ont  donnés. 

c  C'est  à  ce  prix  seulement  que  vous  serez  dignes  d'être  les 
citoyens  d'un  pays  libre.  > 

Les  paroles  du  général  ont  été  accueillies  par  de  vigou- 
reux applaudissements  et  des  cris  énergiques  de  :  Vive  la 
France  I  Vive  l'armée  t 

Pour  terminer  la  fête,  un  vin  d'honneur  a  été  servi  dans 
la  salle  d'escrime. 


Dimanche  7  mai,  a  été  inauguré,  à  Vihiers,  le  monument 
élevé  à  la  mémoire  des  enfants  du  pays  morts  pour  la  patrie 
pendant  la  guerre.  Une  foule  considérable,  ve^ue  de  toutes 
les  communes  voisines,  assistait  à  la  cérémonie.  En  tête  du 
cortège,  derrière  la  musique  et  le  drapeau,  marchait  M.  le 
comte  de  Maillé,  le  vaillant  commandant  des  mobilisés  de 
Chemillé  et  de  Vihiers,  assisté  de  M.  Merlet,  sénateur,  de 
M.  Ferdinand  Bougère,  député,  de  MM.  Sidaine,  maire,  et 
Pieau,  adjoint,  et  de  MM.  des  Nouhes,  conseiller  général,  et 


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—  491  — 

de  Fougerolle,  conseiller  d'arrondissement,  A  la  suile  du 
Conseil  municipal,  cinq  cents  vétérans  escortaient  leurs  anciens 
officiers.  Après  la  messe  solennelle,  chantée  par  des  chœurs 
de  jeunes  gens  et  déjeunes  filles,  et  le  discours  de  M.  le  Curé 
de  Coron,  succédant  à  l'allocution  de  M.  le  curé  de  la  paroisse, 
le  cortège  s'est  rendu  au  pied  du  monument  de  granit,  œu^re 
de  H.  Neveu,  Tarchitecte  bien  connu  de  Choie  t,  ezéculée  par 
M.  Bertin,  de  Vezins. 

Là,  dit  le  Journal  de  Maine-et-Loire^  dans  une  éloquente 
évocation  dupassé,M.  des  Nouhes  rappelle  les  misères  subies 
dans  la  terrible  campagne  par  ce  régiment  de  Maine-et-Lûîre, 
si  admiré  partout  où  il  passa  que  sa  belle  conduite  est  encore 
citée  en  exemple  dans  les  pays  qu'il  a  traversés  ;  puis,  rendant 
hommage  aux  officiers  de  notre  armée  si  éprouvée  en  ce 
moment,  il  demande  aux  jeunes  gens  d'accorder  à  leurs  offi- 
ciers d'aujourd'hui  la  même  confiance  que  leurs  pères  avaient 
témoignée  à  leurs  officiers  d^autrefois,  confiance  réciproque 
d'où  naquit  une  amitié  qu'un  quart  de  siècle  n'a  pu  même 
entamer.  En  terminant,  il  remet  à  H.  le  maire  de  Vibiers, 
comme  un  dépôt  sacré,  le  monument  élevé  au  perpétuel  sou* 
venir  de  ceux  qui  sont  tombés  pour  défendre  la  France. 

Prenant  ensuite  la  parole,  M.  Sidaine  dit  en  termes  émus 
que  le  pays  entier  est  de  cœur  avec  ces  chefs  si  lâchement 
attaqués.  Il  accepte  au  nom  de  ses  concitoyens  ce  témoignage 
public  de  l'unanime  reconnaissance  qui  parlera  au  cœur  des 
régiments  appelés  dans  l'avenir  à  traverser  la  ville. 

Les  accents  de  la  Marseillaise  succèdent  à  la  Marche  funèbre 
de  Chopin  et  les  Mobilisés  se  pressent  autour  du  commandant 
de  Maillé,  heureux  de  serrer  une  main  franchement  tendue. 

Au  banquet  qui  réunit  sous  une  même  tente  tous  ceux  qui 
ont  pris  part  à  la  fête,  M.  le  comte  de  Maillé  a  prononcé  un 
magnifique  éloge  de  ses  compagnons  d'armes,  auxquels  sa  vie 
entière  fut  consacrée,  pendant  la  paix  comme  pendant  la 
guerre. 

M.  Plessis,  le  distingué  président  de  la  section  des  vétérans 
de  Vihiers,  rappelle  aux  acclamations  de  tous,  quel  fut  le 
dévouement  du  chef  de  bataillon  aux  exhortations  duquel  ses 
soldats  répondaient  sur  le  champ  de  bataille  :  <  Tant  que 
vous  serez  là,  mon  commandant,  nous  resterons.  ■ 

Il  cède  la  parole  à  M.  de  FougeroUe,  l'auleur  du  si  conscien- 
cieux et  intéressant  travail  que  publie  en  ce  moment  la  Bévue 


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de  F  Anjou  sous  le  titre  Devant  V  Ennemi  y- souvenirs  d'un 
bataillon  de  mobilisés  de  Maine-et-Loire^  où  sont  consignés, 
jour  par  jour,  tous  les  hauts  faits  du  bataillon. 

M.  Imbert  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  de  Grandmaison, 
si  cruellement  éprouvé  en  ce  moment,  qui  regrette  de  ne  pou- 
voir exprimer  de  vive  voix  ses  sentiments  d'admiration  pour 
les  défenseurs  du  pays. 

En  quelques  mots  très  applaudis,  M.  Merlet,  sénateur,  vante 
les  sentiments  d'attachement  au  sol  et  de  fidélité  au  drapeau 
des  habitants  du  canton  et  félicite  M.  Sidaine,  la  municipalité 
et  la  Société  des  Vétérans  du  magnifique  succès  de  leur  fêle. 

Pour  clore  la  série  des  toasts,  H.  Ferdinand  Bougère 
demande  aux  anciens  combattants  de  raconter  à  la  veillée  les 
exploits  de  leurs  compagnons,  les  souffrances  et  les  privations 
encîurées  en  commun  pendant  la  campagne.  A  leur  récit,  le 
cœur  des  jeunes  conscrits  s'affermira  et,  lorsqu'ils  seront  au 
régiment,  ils  s'exerceront  avec  ardeur  pour  que  les  ennemis 
de  la  France,  sachant  ses  enfants  résolus,  n'osent  même  pas 
tenter  une  nouvelle  invasion.  Il  boit  au  commandant  de  Maillé, 
au  bataillon  de  Vihiers,  au  régiment  du  colonel  Tessié  de 
la  Motte. 

Ces  paroles  chaleureuses  sont  saluées  par  d'unanimes 
applaudissements. 

Après  le  banquet,  le  cortège  a  reconduit  solennellement  à 
la  mairie  le  drapeau  de  la  Société,  en  l'honneur  duquel  les 
musiciens  avaient  exécuté  les  plus  remarquables  morceaux 
de  leur  répertoire. 

Un  brillant  concert  a  terminé  cette  fête  patriotique  tout 
empreinte  de  cordialité  dont  les  assistants  conserveront  le 
meilleur  souvenir. 

Dimanche,  30  avril,  la  ville  de  Durtal  était  en  fôte.  M.  le 
colonel  Bonneville  remettait  le  drapeau  à  la  190*  section  des 
vétérans  des  armées  de  terre  et  de  mer. 

Précédé  de  toutes  les  Sociétés  et  de  toutes  les  délégations, 
le  cortège  défila  dans  un  ordre  admirable  et  déboucha  sur  la 
place  du  Château  où  devait  avoir  lieu  la  remise  du  drapeau. 

'  c  Cette  manifestation  imposante  àii,  le  Journal  de  Maine-el- 
Loire,  rappelait  à  tous  plus  d'un  souvenir  militaire;  tous 
étaient  fiers  de  se  voir  ainsi  groupés  sous  le  même  drapeau 

Eour  une  même  idée  ;  la  musique  de  Durtal  avec  ses  marches 
rillantes  relevait  le  pas  de  ces  braves.  —  Le  magnifique 


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drapeau  est  déployé  ;  H.  le  colonel  Bonneville  le  remet  aa 
comité,  les  tambours  battent  aux  champs,  le  clairon  satine  au 
drapeau, les  pompiers  présentent  les  armes,  tous  j%e découvrent 
et  le  même  cri  sort  de  toutes  les  poitrines  :  Vive  TArméel 
Une  cantate  est  entonnée  par  les  enfants  des  écoles  réunis  en 
bataillon  scolaire,  sous  Tbabile  direction  de  leurs  maîtres*  De 
charmantes  jeunes  filles  offrent  un  bouquet  et  récitent  un 
gracieux  compliment  aux  membres  d'honneur, 

c  Immédiatement  après  la  remise  du  drapeau,  M.  le  sénateur 
comte  de  Blois  a  prononcé  une  de  ces  allocutions  vibrantes 
dont  il  a  le  secret.  Evocateur  merveilleux,  Toraleur  d'un  mot, 
d'un  trait,  fait  revivre  les  gloires  du  passé.  Combien  ignoraient 
hier  la  bravoure  de  M.  le  capitaine  Quincbéet  qui  aujourd'Liuî 
se  découvriront  avec  respçct  devant  ce  héros  de  1870.  M.  le 
comte  d'Andigné,  maire  de  Durtal,  président  d'honneur,  en 
quelques  mots  charmants  se  fait  Tinterprète  de  tous  pour 
remercier  M.  le  sénateur  et  M.  le  colonel  Bonneville, 

€  Le  cortège,  reformé,  se  dirige  vers  l'église,  décorée  avec  un 
goût  parfait  par  le  vénérable  curé-doyen  ;  les  vétérans 
prennent  place  dans  la  nef.  Pendant  la  messe,  des  chants  ont 
été  magnifiquement  interprétés  et  des  morceaux  de  musique 
parfaitement  exécutés  par  la  fanfare  de  Durtal,  sous  Thabite 
direction  de  son  chef  M.  Vilain.  Après  l'Evangile,  M.  Tabbé 
Morancé,  aumônier  du  Prylanée  militaire  de  La  Flèche  et  du 
IV»  corps  d'armée,  est  monté  en  chaire  et  a  prononcé  une 
éloquente  allocution.  Patrie  et  Drapeau,  telles  sont  les 
deux  idées  développées  devant  ce  brillant  auditoire.  Jetant 
un  coup  d'œil  rapide  sur  l'histoire  de  France,  il  nous  montre 
l'œuvre  grandiose  de  la  Patrie  Française,  forgée  à  travers  les 
âges  par  saint  Louis,  Louis  XIV,  Napoléon.  On  se  plaisait  à 
l'écouter  et  dans  nos  cœurs  nous  sentions  vibrer  les  senti- 
ments les  plus  nobles  de  l'âme  humaine,  sentiments  vivifiés 
et  épurés  par  la  religion. 

€  A  l'issue  de  la  Messe,  tous  les  vétérans,  précédés  de  leur 
aumônier,  M.  le  Curé  de  Gouy,  se  rendent  au  cimetière.  En 
termes  émus,  M.  l'Aumônier  évoque  le  souvenir  de  tous  les 
braves  morts  cour  la  Patrie  et,  rappelant  la  devise  de  Tin- 
signe  des  vétérans  :  «  Oublier...  Jamais  >,  il  nous  fait 
remarquer  le  liséré  vert  encadrant  le  liséré  noir,  et  termine 
en  disant  que  si  nous  avons  été  à  la  peine  nous  serons  à 
l'honneur.  Une  palme  en  mémoire  des  soldats  morts  pour  la 
Patrie  portant  l'inscription  :  c  Les  Vétérans  des  Armées  de 
terre  et  de. mer  »  est  déposée  par  M.  Potier,  président. 

c  A  une  heure,  un  banquet  réunissait,  place  de  la  Mairie, 
plus  de  300  convives.  A  différentes  reprises  TexceUente 
musique  se  fit  entendre. 

c  Plusieurs  toasts  ont  été  prononcés.  M.  Potier,  président, 
remercia,  au  nom  du  Comité,  tous  ceux  qui  avaient  bien  voulu 
assister  à  cette  belle  fête;  puis,  avant  de  se  séparer,  M.  l'abbé 
Morancé,  M.  le  comte  de  Blois  et  M.  le  comte  d'Andigné 
adressèrent  quelques  mots  chaleureusement  applaudis.  » 


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-  494  — 

'    Nécrologie  > 

Le  3  mai  ont  été  célébrées^  en  l'église  Saint-Maurice,  les 
obsèques  du  regretté  M.  Athanase  Toutain,  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur,  administrateur  de  la  Caisse  d'Épargne. 

Le  deuil  était  conduit  par  M.  Raphaël  Toulain,  son  frère, 
par  ses  neveux  et  par  H.  le  baron  Le  Guay. 

A  signaler  autour  du  corbillard  les  couronnes  portant  les 
inscriptions  suivantes  :  Société  civile  du  Grand  Cercle  du 
boulevard,  —  La  Caisse  d'Épargne  d'Angers,  —  Société  de 
secours  mutuels  la  Générale. 

Suivait  immédiatement  une  délégation  des  Combattants 
de  1870,  avec  le  président  M.  Josset  et  le  drapeau  de  la 
Société. 

M.  A.  Toutain  était  administrateur  du  Journal  de  Maine-et- 
Loire  et  de  VAnjoUy  et  le  doyen  des  administrateurs  de  la 
Caisse  d'Épargne  d'Angers. 

Décoré  en  raison  de  son  dévouement  aux  blessés  et  des 
services  rendus  par  lui  à  la  Croix-Rouge  en  1870,  il  s'occupait 
d'un  grand  nombre  d'œuvres  charitables,  en  particulier  des 
Sociétés  de  secours  mutuels  et  des  Fourneaux  économiques. 

Sa  perlq  sera  vivement  ressentie  par  ses  collègues,  qui 
avaient  en  lui  un  ami  de  la  première  heure  et  un  homme 
d'excellent  conseil. 


Les  obsèques  de  M.  le  commandant  Riveron,  officier  de  la 
Légion  d'honneur,  ont  eu  lieu  le  23  mai,  en  l'église  Saint- 
Joseph,  au  milieu  d'un  grand  concours  d'amis. 

Les  honneurs  militaires  funèbres  étaient  rendus  par  une 
compagnie  du  135*  de  ligne  commandée  par  son  capitaine. 

MM.  de  Clermont-Tonnerre,  chef  d'escadron  au  25*  de 
dragons  ;  Laviron,  chef  de  bataillon  au  6*  génie  ;  Champenois 
et  Borné,  chefs  de  bataillon  au  135*  de  ligne,  tenaient  les 
cordons  du  char  funèbre  couvert  de  fleurs  et  de  couronnes. 

Sur  la  tombe,  M.  le  chef  d'escadrons  Dutertre-Duport,  ami 
personnel  du  regretté  commandant,  a  retracé  la  belle  vie  mili- 
taire du  commandant  Riveron,  qui  était  aussi  un  lettré,  un 
poète.  A.  Z. 


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—  49S  - 


  travers  les  Livres  et  les  Revues 

Voici  une  chronique  qui  sera  courte,  très  courte  même. 

Aussi  bien,  le  moment  serait  mal  choisi  pour  abuser  de  la 
patience  des  lecteurs.  Les  travailleurs  serrent  leurs  dos- 
siers ;  les  désœuvrés  bouclent  leur  valise  ;  les  jeunes  gens 
€  chauffent  »  leur  examen  et  les  professeurs  leur  pétrole  tle* 
Dans  quinze  jours,  les  uns  et  les  autres  seront  partis  pour 
les  stations  thermales  ou  pour  les  plages  de  rOcéan.  Jl  ne 
faut  pas  les  retenir. 

En  attendant,  je  signale  à  leur  attention  un  recueil  de 
poésies  que  notre  compatriote  M.  Pottier  de  Lalaine  vient  de 
faire  paraître  à  la  librairie  Firmin-Dîdot.  Le  volume  est  inti- 
tulé Lueurs  K  Un  premier  travail,  donl  j'ai  rendu  compte  ici 
mème^  nous  avait  révélé  chez  H.  PoLtier  de  Lalâine  un  poêle 
plein  de  talent,  de  foi  et  d'enthousiasme  ;  les  Lueurs  sont 
d'un  art  plus  délicat  encore,  plus  sûr,  plus  pénétrant  et  non 
moins  chrétien^ 

L'auteur 

. .  .Voit  poindre  à  travers  Torabre 

Des  lueurs,  faible  clarté  ! 

Mais,  hélas  !  en  vérité, 
La  nuit  est  toujours  bien  sombre  ! 

Oui,  la  nuit  est  toujours  sombre  1  Quand  donc  apparaîtra 
la  pure  lumière,  et  avec  elle  une  atmosphère  de  vérité^  de 
justice  et  de  paix?...  , 

La  paix,  c'est  surtout  à  l'ombre  des  cloiLres  qu'elle  devrait 
habiter.  C'est  là  qu'aurait  dû  la  trouver  Tabbé  Charles  Coutu- 
rier, —  dont  M.  A.  Houlin  vient  d'écrire  la  vie^  —  lorsque,  en 
1854,  il  quittait  l'enseignement  pour  entrer  au  noviciat  des 
Bénédictins  de  Solesmes.  Étrange  contradicUon  :  cet  homme, 
qui  ne  cherchait  que  la  paix,  fut  traité  comme  s'il  avait  pré- 
paré la  guerre  ;  il  fut  chassé  jusqu'à  trois  fois  de  son  abbaye 

*  Un  vol.  in-12  de  206  p.,  avec  six  mélodies  gravées. 

•  Voix  sur  la  France^  un  vol.  în-12  de  vih*320  p.  (CL  Revue  de 
r  Anjou,  juillet-août  1898,  p.  169-170.) 

'  Un  vol.  in-18  de  384  pages,  avec  portrait  eu  héliogravure.  — 
Angers,  Germain  et  G.  Grassin. 


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--  496  — 

et,  sur  son  lit  de  mort,  il  aurait  pu  répéter  les  paroles  de 
saint  Grégoire  VII  :  Dilexi  jusHHam  et  odivi  iniquitatem^ 
propterea  morior  in  exilio  t 

Louis-Charles  Couturier  naquit  à  Chemillé-sur-Dème,  en 
Touraine,  le  i2  mai  i817.  Après  son  ordination  sacerdotale, 
il  fut  nommé  professeur  au  collège  de  Combrée  :  c'est  là, 
qu'en  1853,  il  engagea  avec  MM.  Lefranc  et  Duruy  une  polé- 
mique restée  célèbre.  L'année  suivante,  il  recevait  des  mains 
de  dom  Guéranger  l'habit  des  moines  bénédictins.  Le  res- 
taurateur de  l'ordre  de  saint  Benoit  en  France  mourut  le 
30  février  1878;  quelques  jours  plus  tard,  dom  Couturier  était 
nommé  à  l'unanimité  abbé  de  Saint-Pierre  de  Solesmes  et 
supérieur  général  de  sa  congrégation.  II  occupa  cette  double 
charge  jusqu'à  sa  mort,  le  29  octobre  1890.  Son  éloge  funèbre 
fut  prononcé  par  M«r  Freppel,  le  33  décembre  de  la  même 
année.  —  Telle  est,  dans  ses  phases  principales,  la  vie  que 
raconte  M.  A.  Houtin. 

Dans  la  pensée  de  l'auteur,  la  Vie  de  dom  Couturier  n'est 
point  le  monument  définitif  que  les  moines  consacreront  plus 
tard  au  successeur  de  dom  Guéranger,  c'e^t  «  un  édicule 
commémoratif  t  élevé  par  un  prêtre  angevin  à  la  mémoire 
d'un  religieux  que  des  liens  très  étroits  rattachaient  à  notre 
Anjou.  M.  Houtin  est  trop  modeste  :  son  c  esquisse  »  vaut 
un  gros  volume;  elle  est  nette,  précise,  intéressante;  malgré 
certaines  appréciations  qui  surprendront  peut-être,  elle  sera 
accueillie  avec  toute  la  faveur  que  méritent  l'auteur  et  le 
livre. 

Deux  fois  déjà  j'ai  parié  des  articles  justement  remarqués 
que  M.  Germain,  proviseur  du  Lycée,  consacre,  dans  les 
Archives  Médicales  d'Angers^  aux  peintures  murales  de  l'Hôtel- 
Dieu.  L'étude  sur  les  Blessés^  de  M.  Lenepveu,  qui  a  paru 
dans  le  numéro  du  20  mai,  est  digne  en  tout  point  des  précé- 
dentes. M.  Germain  est  un  maître  distingué,  qui  manie  avec 
délicatesse  la  plume  et  le  pinceau  :  nul  ne  pouvait  apprécier 
plus  sûrement  les  admirables  compositions  de  MM.  Appert, 
Lenepveu  et  Dauban. 

La  Revue  Poitevine  et  Saumuroise  contient,  dans  les  fasci- 
cules d'avril  et  de  mai,  un  article  de  feu  M.  Emile  Chevalier 
sur  la  première  salle  de  spectacle  et  les  hç^lles  de  Saumur. 


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—  497  - 

Pourquoi  donc  l'éditeur,  dans  un  des  documents  qui  accom- 
pagnent cette  note,  a-t-il  remplacé  les  s  par  des  /"et  écrit  : 
favorifeTj  maifon^  difpofer^  etc.  ?  C'est  plus  qu'étrange,  c'est 
grotesque. 

L'hiver  dernier,  M.  l'abbé  Bossard,  docteur  es  lettres, 
inaugurait,  à  l'Université  catholique  d'Angers,  un  cours  d'his- 
toire de  la  Vendée.  La  première  conférence  du  savant  profes- 
seur vient  de  paraître  dans  la  Revue  des  Facultés  catholiques 
de  VOuest  (n*  de  juin).  S'il  est  permis  d'en  juger  par  Tarticle 
que  publie  la  Vendée  historique  (n""  du  20  juin)  sur  le  nouvel 
historien  delà  Vendée,  les  leçons  de  M.  l'abbé  Bossard  auront 
du  retentissement,  peut-être  même  soulèveront -elles  de 
vigoiareuses  polémiques. 

A  signaler  encore  : 

Dans  l'excellente  Reme  d'Archéologie  poitevine,  plusieurs 
note&  et  notices  dues  à  la  science  de  l'ancien  historiographe 
du  diocèse  d'Angers,  M^  X.  Barbier  de  Montault.  C'est  dans 
cette  revue  que  M^''  X.  Barbier  de  Montault  a  étudié  récem- 
ment V Église  d'Étriché^  consacrée  à  saint  Hilaire  ;  un  Crucifix 
de  Mission^  du  xviii*  siècle,  provenant  de  Doué-la-Fontaine  ; 
plusieurs  documents  du  Jlfu^e^dzoc^^am  d'Angers;  une  petite 
Chapelle  domestique  portative  de  MaulévricTy  cachée  pendant 
la  Révolution  dans  la  forêt  de  Vezins  ;  la  liste  des  dessins 
concernant  Fontevrault,  de  la  collection  manuscrite  de  Gai- 
gnières,  conservée  à  la  Bibliothèque  Nationale. 

Dans  les  Archives  Médicales  d'Angers  (n«  de  juin),  la  bio- 
graphie dn  Docteur  Meleux  par  M.  le  Dr  Jagot. 

Dans  le  Journal  de  Maine-et-Loire  (12  et  i3  juin),  un  article 
du  plus  haut  intérêt,  publié  par  M.  J.  Joûbert,  sur  la  vente 
des  Carolines  à  V Allemagne, 

Dans  la  Revue  du  Bas-Poitou  (12*  année,  1*^  livraison),  le 
récit  des  combats  de  la  Châtaigneraie  et  de  Fontenay^  en  1793, 
par  notre  érudit  collaborateur  M.  l'abbé  F.  Deniau. 

Ch.  U. 


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TABLE  DES  MATIÈRES 

I>XJ    TRENTE-HUITIÈME     VOLUME 


JÂRVIER-FÉVRIER 

Conseil  des  représentants  du  peuple  et  des  généraux  républicains 

tenu  à  Saumur  le  2  septembre  1793.  —  Abbé  F.  Deniau 5 

Les  cinq  pays  de  FIndo-Chine  française  et  le  Siam  (suite).  —  IL  L'An- 

nam  ;  III.  La  Cochinchine.  —  Gb.  Lemire 21 

Henri  Bernier,  chanoine  d'Angers  (suite).  —  IV.  Le  curé<le  Saumur 

(1831-1837).  —A.  Houtin 51 

La  guerre  entre  Louis  XIII  et  Marie  de  Médicis  (161d-16S0)  (suite). 

—  Eusébe  Pavle 65 

Chantons  la  mer  (poésie).  —  René  Daxor 105 

Arthur  du  Chêne.  —  Alphonse  Poirier 107 

Un  homme  de  cœur.   Prudent- Jean  Bruley  (1759-1847)   (suite).  — 

Gteorges  Bruley 111 

La  famille  Boylesve  (suite) P.  de  Farcy 127 

Chronique 140 

Sacre  de  Mgr  Rumeau  à  Agfen j  son  entrée  solennelle  à  Angers. 

—  La  réunion  annuelle  des  Sociétés  des  Beaux-Arts.  —  Publi- 
cation du  cartulaire  de  Saint-Laud.  ^  Election  du  député  de 
Tarrondissement  de  Baugé.  —  La  Loire  navigable.  —  Décou- 
verte de  sépultures  à  Lire,  à  Andard  et  à  Doué-la-Fontaine.  — 
Nouvelles  verrières  au  Champ-des-Martyrs.  —  Le  monument 
de  Robert-le-Fort  à  Brissarthe.  —  Les  cloches  angevines  de 
Notre-Dame  de  Paris.  —  Le  monument  projeté  à  J.-E.  Lenep- 
veu  et  rinscription  de  sa  maison  natale.  —  Nos  compatriotes  : 
MM.  comte  de  Blois,  Max  d*01onne,  Joseph  Denais,  de  la 
Devansaye,  marquis  de  Bonchamps,  René  Bazin,  Lionel 
Bonnemere.  —  Nominations  d'officiers  de  l'instruction  pu- 
blique :  MM.  Boell,  Peton  ;  d'officiers  d'académie  :  MM.  Séra- 
phin Denécheau,  Paul  Cardi,  Roche,  fik)yer.  Porcher,  Demar- 
tial,  Fouillaron,  M"«  Lavenue,  M.  Lemasson,  Pichard,  capitaine 
Schmidt,  docteur  Vidal.  —  Lectures  faites  à  la  Société  d'agri- 
culture. —  Publication  de  la  biographie  du  baron  H.  d^Char- 
nacé. — Les  conférences  de  la  Faculté  catholique  :  M*'  Pasquier, 
M.  Jules  Delahaye,  le  R  P.  de  Salinis.  —  Aux  Amis  des  Arts  : 
Hommage  à  M.  V.  Huault-Dupuy  ;  inauguration  du  salon 
annuel  ;  matinées  artistiques  ;  confèrent  de  M.  Larroumet 
sur  Lenepveu.  —  Nos  grands  concerts  et  le  thé&tre.  —  Nécro- 
logie :  MM.  Paul  Corroy,  Emile  Chevalier,  Beautemps-Beaupré, 
général  de  Rochebouet,  D'  Bernard.  —  A.-Z. 

A  TRAVERS  LES  LivRBS  ET  LES  Revubs  :  Abbé  Ch.  Gautier,  Saint 
Marcoul  ;  —  Quélin,  Amirations  ;  —  L.  de  la  Brière,  Madame 
Louise  de  France;  —  R.  P.  Chérot,  Les  Filles  de  Louis  XV 
à  FontevrauU;  —  comte  H.  de  Castries,  Le  Sahara  français  ; 

—  J.  Joûbert,  ^alliance  avec  le  Portugal  ;  —  abbé  Bourgain, 
L* Eglise  d* Angers  pendant  la  Révolution  ;  —  abbé  Deniau, 
La  bataille  de  T or  fou  ;  —  abbé  J.  Moreau,  Un  instituteur 
chrétien;  —  abbé  Uzureau,  Les  dernières  rentrées  publiques 
de  F  ancienne  Université  d'Angers  ;  —  Archives  médicales 
d'Angers  ;  —  L.  de  Farcy,  Epaves  ;  etc.  —  Gb.  U, 


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—  499  — 


Types  de  femmes  annamites.  ^  Anaamite  attant  au  marché.  —  Le  port 
de  Saïf^OQ  en  1866.  —  Tombeau  de  J'évt>que  d'Adrâût  près  de  Saïgon. 
—  Le  Préfet  de  Cholon  Do  Huu  Phuong.  —  Mytho  eo  Î863.  —  Entrée 
de  la  pagode  cantonnaise  à  Choloa.  —  FOto  dan  a  une  p^igode  bou- 
dbiqae.  —  Armes  de  Françoj's  BoyLesve  et  de  M'^'^  Rumeau> 


MARS-AVAIL 

Le  général  de  Rochebouët Comte  de  Blois, , 173 

Devant  Tennemi.  Souvenirs  d'un  ba^taillon  de  Mobilisés  de  Maine-et- 
Loire.  —  Le  combat  de  Monnaie.  --  H.  de  FougeroUd 178 

Henri  fiemier,  chanoine  d'Angers  (suite).  —  V.  La  fondation  d*une 
Maison  pour  les  Enfants  trouvé!  [Lâ;{3'133&)^  —  VI.  La  fondation 
d*un  Monastère  du  Bon-Pasteur  flB^fôrlSS?},  —  A.  Houtin 227 

Les  cinq  pays  de  Tlndo-Chine  française  et  le  Slani  (auite).  —  IV,  Le 
Cambodge.  V.  Le  Laos.  Localités- ports  (Tonkin).  —  Oiarles 
Lemire , .., 227 

Sonnet.  —  E.  A • 260 

La  guerre  entre  Louis  XIII   et  Marte  de    Médicîs  {1019-1620),  — 

IX.  Uentrevue  de  Brissac  (suite).  —  Eusébe  Pavie 261 

La  famille  Boylesve  (suite).  —  P.  do  Farcy „ 29S 

Chronique 314  I 

L'exposition  d'horticulture —  Les  concerta.  —  La  souicrïplioii  L 

au  monument  de  J.  Lenepveu^  —  Une  lecture  sur  J.  Lenopveu  ^ 

à  l'Académie  des  Beaux-Arts,  ^  Les  Angevins  au  Congrès 
des  Sociétés  savantes.  —  Décorations  académiques  ■  M»*  José- 

S  bine  Berthault,  M.  Edmond  Goblot.  —  Nos  compatriotes  : 
[M.  Joseph  Denais,  Bouchard,  Audouin,  de  Bonchamps,  duc 
de  la  Tremoïlle.  Charbonneau,  Grégoire,  L'floest,  Jlaillardj 
G.  de  Ruillé,  C.  Port,  Beignet.  —  Une  subvention  à  laSociéle 

d'Agriculture,  Sciences  et  Arta  d'Anç^ers.  —  Un  mémoire  sur  J 

Francesco  de  Laurana.  —  L'exposition  de   M.  Merodack-  J 

Jeaneau.  —  Le  bateau-roule ur  Ernest  Bazin.  —  >iécrologie  ;  ^ 

M.  le  colonel  Chaussée.  —  V»  P, 

A  TRAVERS  LES  LiVRES  ET  LES  Revues  ;  E,  Rondeau,  Histoire  dû 
la  R,  Mère  MaHe  de  Sainle-Cécile  et  de  la.  Congrégation  des 
Dames  de  (^Oratoire  d^ Angers  ;  —  L.  Ded ouvres.  Le  Fère 
Joseph  et  le  Sacré-Cœur  ;  —  Doumic,  La  Terre  q\Ax  meurt^ 
de  Si.  R.  Bazin  ;  —  J.  Joûbert,  Un  WaUrif^o  africain  ;  — 
Ledru,  ThéodxUphe  et  le  Gloria  ia\is  ;  eic.  —  Ch.  U. 

Chronique  bibliographique .«,....  ^, . .    339 

Rimes  provinciales,  par  Xavier  de  la  Perraudière.  —  J.-M.  De- 
lahaye. 

GRAVURES 

Carte  du  combat  de  Monnaie.  —  Types  de  Cambodgiens.  —  Plantation  de 
poivre.  —  Carte  des  grands  lacs  du  Cambodge.  —  Charrette  ft  bœufs- 
—  Ruines  des  palais  d'Angkor.  —  Chariot  de  transports,  —  Bonze* 
du  temple  d'Angkor.  —  Ecole  des  boo^es  {LaosJ«  —  Musicienne  du 
Cambodge.  •—  Acteurs  et  actrices  au  Cambodge.  —  Femmes  Ia<^ 
tiennes.  —  Armes  et  sceaux  du  ^vii^  siècle. 


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—  800  — 


Devant  rennemi.  Souvenirs  d'un  bataillon  de  Mobilisés  de  Maine-et- 
Loire.  —  Le  combat  de  Monnaie  [suite  et  fin).  —  R.  de  Fou- 
gerolle 333 

La  guerre  entre  Louis  XIII  et  Marie  de  Médicis  (1619-1620}  (suite  et 

fin).  —  Eusèbe  Pavie 378 

« 

Henri  Bernier,  chanoine  d'Angers  (suite).  —  VII.  Le  supérieur  sup- 
pléant du  Petit-Séminaire  d'Angers  (1837-1839) 395 

Les  cinq  pays  de  rindo-Cbine  française  et  le  Siam.  Localités-ports 

(suite).  *-  GharleB  Lemire 419 

Poésies  :  Noêly  Mai,  —  Auguste  Rousseau 454 

.  Pégwej  lé  Solitaire,  VAMme.  —  Abel  LetaUe 455 

La  famille  Boylesve  (suite).  —  P.  de  Farcy 457 

Chronique 474 

S.  E.  le  cardinal  Mathieu.  —  Les  Amis  des  Arts.  —  Les 
délégués  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  (M.  Joseph  Denâis  et 
le  tombeau  de  Claude  de  Rueil).  —  Académie  des  Beaux-Arts 
(MM.  Descheneau  etL'Hoest).  —  Les  eaux-fortes  de  M.  Jacques 
'  "  Volot.  —  Le  Neveu' de  Beaufnarchàii,  par  M.  Henry  Jouin, 
à  rOdéon.  —  M.  René  Bazin  et  les  élections  académiques.  — 
Missions  du  D'  Motais  et  du  D'  H.  Lemesle.  —  Les  poésies 
de  M.  Auguste  Rousseau.  —  Le  R.  P.  Maurille,  supérieur  de 
Saint-Laurçnt-sur-Sèvre —  Départ  de  M.  le  général  Harts- 
chmidt.  —  M.  Brossard  'de  Corbigny,  officier  de  la  Légion 
.  d'honneur.  —  M.  Ch.  Lemire ,  vice-président  du  Groupe  • 
colonial  des  conseillers  du  commerce  extérieur.  —  Une 
découverte  de  M.  Célestin  Hy.  —  L'horticulture  angevine  à 
Sain^Pétersbourg  (MM.  de  la  Devansaye  et  Leroy  récom- 
pensés). —  Le  vainqueur  du  grand  prix.  —  La  Loire  navi- 
gable, le  Congrès  de  Blois.  —  M.  Hérault  et  sa  fortune 
léguée  à  la  ville  d'Angers  ;  projet  d'emplois  des  fonds.  —  Le 
porche  de  la  Cathédrale  et  l'escalier  de  Saint-Maurice  à 
la  Maine.  —  La  Tour  Saint-Aubin.  La  terrasse  du  Musée. 
Le  Jardin  des  Plantes.  —  La  maison  Michel.  —  L'église 
Notre-Dame.  —  Le  château  de  Pignerolles.  —  A  propos 
d'une  inscription.  —  Découverte  numismatique  près  Notre- 
Dame.  —  Le  Vin  d'Anjou.  —  Conférence  de  M.  Biancheville. 
—  Inauguration  du  nouveau  local  de  la  Société  de  G^rninas- 
tique  et  de  Tir.  —  Inauguration  du  monument  patriotique 
de  Vihiers.  —  Remise  d'un  drapeau  aux  vétérans  a  Durtal.  — 
Nécrologie  :  MM.  Athanase  Toutain,  le  commandant.  Riveron. 

A  TRAVERS    LES  LivRES  ET   LES  Rrvues  :   Potticr  de  Lalaine, 

Lueurt;  —  A.  Houtin,  Z>om  CovXurier  ;  —  Germain,   Lss 

Blessés,  de  M.  Lenepveu  ;  —  E.  Chevalier,  La  première  salie 

de  spectacle  de  Saumur  ;  —  Abbé  Brossard,  un  cours  d^his- 

'  foire  de  la  Vendée  ;  etc.  —  Ch.  U. 


Le  Directeur-Gérant  :    G.  GRASSIN. 


Angers»  imp.  Germain  et  G.  Granân.  —  1258-89. 


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