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REVUE
DE L'ANJOU
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TOME TRENTE-HUITIÈME "
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ANGERS
GERMAIN ET G. GRASSIN, IMPRIMEURS-LIBRAIRE»
40, rue du Cornet et rue Saint-Laud
1899
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Printoil in France.
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CONSEIL
REPRtSEIITilITS DU FEDPIE ET DES IIEICME ÉlMMl
Tenu à Saumur le 2 septembre 1793
Les échecs subis par les armées de la République au
dedans et au dehors, dans le mois de juillet 1793, avaient
exaspéré la Convention. Elle résolut de frapper un grand
coup pour écraser ses ennemis.
Dans la séance du 1®' août, elle adopta à l'unanimité un
projet de décret que lui présenta Barère au nom du Comité
de Salut public, et qui, dans la pensée de ses auteurs,
devait anéantir à jamais l'insurrection vendéenne'.
Ordre était donné d'épurer Tétat-major des commis-
saires des guerres près Tarmée des côtes de La Rochelle,
pour leur substituer des officiers généraux et des commis-
saires d'un patriotisme prononcé. L'organisation des com-
pagnies des pionniers et des ouvriers devait être accélérée ;
ils devaient être choisis dans les communes les plus
patriotes ; les généraux devaient faire un choix pour
former des corps de tirailleurs et de chasseurs intrépides :
« Il sera envoyé par le Ministre de la Guerre, ajoutait
le décret, des matières combustibles de toutes espèces
pour incendier les bois, les taillis et les genêts, Les forêts
* Moniteur, XXII, p. 287-288. Recueil des Actes du Comité de Salut
public, par Aulard, V, p. 371-372.
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seront abattues, les repaires des rebelles seront détruits,
les récoltes seront coupées par les compagnies d'ouvriers
pour être portées sur les derrières de Tarmée, et les
bestiaux seront saisis. Les femnaes, les enfants et les
vieillards seront conduits dans Tintérieur.
« Aussitôt que les approvisionnements seront faits, que
Tarmée sera réorganisée et qu'elle sera prête â marcher
sur la Vendée, les Représentants du peuple se concerteront
avec les administrations des départements circon voisins
qui se sont maintenus dans les bons principes, pour faire
sonner le tocsin dans toutes les municipalités environ-
nantes et faire marcher sur les rebelles les citoyens depuis
rage de seize ans jusqu'à celui de soixante. »
Et comme, le 23 juillet, les troupes françaises qui occu-
paient la ville de Mayence depuis un an avaient été
contraintes de capituler, avec la condition expresse de
s'abstenir pendant une année de combattre les puissances
étrangères^ la Convention décréta que ces braves, au
nombre de 1.500 environ» fortement organisés et aguerris,
seraient lancés contre la Vendée.
Mais dans quelle armée devait être versé ce corps d'élite?
Dès le "À août, le Confite de Salut public prenait l'arrêté
suivant' : t Le Comité, après avoir lu attentivement le
mémoire des Représentants du peuple près l'armée des
côtes de La Rochelle ^ et réfléchi sur le plan qui y est
préseiUé :
< Considérant cjue les pouvoirs donnés à ces commis-
saires sont illimités ; que le décret de la Convention rendu
le jour d'hier lève tous les obstacles qqi, jusqu'à présent,
ont arrêté que les circonstances et les localités peuvent
forcer à chaque instant de prendre des mesures nouvelles,
^ Henml dtt^ Ar'tfs, etc., V, 446.
' Il fîiut entenilrn par là non pas tous les Représentants du peuple
'èfi Çfitle arniét!^ Jnàis F^nnrhnttp Phniiflipii pt. Hirhanl. p.nmmp nniia
verrons plus loin*
près cfitie arniét!^ jnàis Bourhotte, Choudieuet Kichard, comme nous
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— 7 —
arrête qu'il s'en r9pporteentiôrernent, relativement à Vexé-
cution du plan qui lui a été soumis, à la sagesse des
Bepreseotants du peuple près l'armée des côtes de La
Rochelle. »
Cet arrêté, qui plaçait les brèves ÎWayençajs sous les
orçlres de Rossignol, souleva de vives et nombreuses pro-
testations. Les Représentants du p^uple en mission près
Ornnée des pôles de Brest firent tou^ legr^ efforts pour
en obtenir )a révocation. Les cirponist3nce3 les servirent à
souhait,
Tandis qw, le 14 aoi)t, le représent3nt Cavaignac adres-
sait pi} Comité de Salut public uq plan proposé par le
général GroHchy, alors chef d'état-mgjpr cje Tarmée des
(Botes de 3re^t\ de toutes parts éclataient des plaintes sur
l'incapacité et TiRconduite du général en chef de Tarmée
des eûtes de La Rochelle. Les Représentants du peuple
près cette pripée^ qui résidaient à Niprt, Bourdon (de rOj^e)
et GoiipjUeau (de Fonten^y), à la suite d'un yol commis
p^r cet ignoble général, eurent Taudape de le suspendre
de sp^ fonctions, le 22 août'.
O'yn autre côté, Phjlippepux, représentant du peuple
dans les départenienfs du Gentry et de l'Ouest, en rési-
dence ordinaire à Tours, était allé 3 Parj^, chargé de
combptti'3 l^ pl9n de c^mpagqe adopté en principe le
2 août par le Comité de Splut pi^blic et avait fait préva-
loir ses idées. En conséquence, le 23 août, le Çoniité arrêta ^ :
f Qqe r^rmée revenant de ^aJ^^c^ se rendra ^ Nanties et
de 1^ près de Tarniée de$ côtes de Rre^t où elle agira de
ponceftgvec pel}erci, sous les ordres du général en chef
de cette armée, pour attaquer les ennemis sur leurs der-
rières et leur interdrre la communication avec les ennemis
du dehors et empêcher les secours qu'ils tirent des pays
* Savary, loc. cit., II, 45.
* RecuHl de» Actes, etc., VI, 63, 107.
^ Ibid,, VI, 68.
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étratipers ; 2° que le citoyen Phillippeaux est invité à
retourner le plus tôt possible près de ladite armée en
qualité de Représentant du peuple. » Cet arrêté est aussitôt
communiqué à Aubert du Bayet qui assura, le 27, que son
avant-garde serait le 30 à Saumur*.
Le triomphe de Philippeaux paraissait être conaplet. Il
n'en fut rien. Le 28 août, la Convention^ après une ora-
geuse discussion, annulait Tarrêté de Bourdon (de TOise)
et de Goupilleau (de Fontenay), et rétablissait Rossignol
.dans ses fonctions de général en chef. D'autre part, Chou-
dieu et Bourbotte accourus à Paris pour défendre leur
créature, sans obtenir la révocation de la décision prise,
le 23, par le Comité de Salut public, réussissaient néan-
moins, par un rapport envoyé le 29 à ce même Comité, à
obtenir Tautorisation de convoquer à Saumur une assem-
blée plénière des Représentants du peuple de toute la
région de l'Ouest, assistés des principaux généraux des
deux armées des côtes de Brest et de La Rochelle. « Ils
désiraient, dit Kléber, conduire la brave armée de
Mayence, croyant qu'avec elle ils auraient la gloire de
terminer la guerre, et que la nullité du général en chef
Rossignol ne pourrait leur ravir cette gloire^. »
A leur retour à Saumur, ils s'empressèrent d'adresser
des lettres de convocation à tous leurs collèggues, au nom
du mandat dont ils étaient revêtus.
A la réception de cette lettre de convocation, Philip-
peaux entra dans un accès de fureur et, prenant aussitôt
la plume, il écrivit au Comité de Salut public, le 30 août*:
« Ma dépêche d'avant-hier matinS expédiée par un courrier
« Chassin, loc. cit., III, 20.
s lbtd.,VU 149.
* Mémoires inédits.
* Bûi'umi des Actes, etc.; VI, 192.
^ Il s'a^Mt probablement d'une lettre qu'il écrivit, le 28, de concert
avec les Représentants du peuple Reubell et Merlin (de Thionville),
attachés^ à iWmée de Mayence (Cf. Recueil des Actes, etc.; VI, 154).
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extraordinaire vous aura mis au courant des ressorts que
l'intrigue a fait niouvoir pour paralyser vos sages mesures
et nous préparer encore de nouvelles déroutes.
< L envoi du plénipotentiaire de la Cour de Saumur '
n'a pas empêché le départ de l'armée (de Mayence).
L'avant-garde a descendu la Loire, avant-hier, le corps de
bataille, hier, en deux colonnes, et le corps de réserve
le matin. J'ai voulu me blottir à Tarrière-garde avec le
général du Bayet^ et nos collègues Merlin et Reubell,
pour éviter quelques nouveaux tours de Jarnac. Quand
nous aurons franchi le passage de Saumur, beaucoup
plus redoutable que les repaires de l'armée catholique,
je n'aurai plus d'inquiétude sur le salut de la patrie. On a
convoqué, dans cette ville, sans ma participation^ ^ un
nouveau conseil de guerre pour demain. J'y assisterai. Si
son résultat est conforme au vôtre, bene sit. S'il était en
opposition, j'ordonnerais d'obéir au pouvoir central de la
République, sous lequel toutes les têtes orgueilleuses ou
malveillantes doivent se courber, et je vous réponds quon
obéira.
€ Dans tous les cas, je vous dénonce d'avance un crime de
lèse-nation que je crois caractérisé dans la publicité funeste
d'un plan de campagne qui devait être enseveli dans le
plus profond secrel jusqu'au moment décisif de l'attaque.
Cette escapade de Monsieur Choudieu, serait capable de
bouleverser tous nos plans. Il (sic) peut au moins rendre
l'expédition plus difficile et plus meurtrière, en avertissant
l'ennemi de notre tactique, pour qu'il se précautionne. Ce
motif impérieux m'avait fait suspendre l'impression de mon
* n désigne ainsi la réunion des Représentants en mission h
Saumur favorables au projet de Bourbotte et de Choudieu.
* Général commandant Tannée de Mayence.
* Philippeaux fait ici allusion au mandat explicite qu'il avait reçu
du Comité le 23 août, de diriger la marche de l'armée de Mayent-e
vers Mantes et de la placer sous les ordres de Canclaux. Mettre en
délibération son mandat, c'était à ses yeux une injure.
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rapporf que je vais faire distribuer, puisqu'il ny a plus de
iny.slère. »
Évidemment, ei) effet, Cboudieu avait publié le plan de
Grouchy proposé par Philjppeauî^ poqr le discréditer. La
lettre de ce dernier était datée de Tours, le 30 au jpatin ;
or, vers le milieu du même jour, il reçut uqe lettre de Ron-
cin, Tàme damnée de Rossignol et très influent au minis-
tère de la Guerre, qui mit le comble à sa colère.
Aussitôt, à 3 heures du soir', il écrit une seconde lettre
au Comité de Salut public : « Depuis n)a dernière missive,
expédiée por le courrier extraordinaire, une lettre de Ron-
sin nous annonce que, cédant aux observations de Bour-
boite^ vous avez changé de fond ^^ comble le plan de cam-
pagne du ±2.
« J'ignore si Bourbotte a su descendre jusqu'à protéger
une ligue infâme qui nous déshonore et perdra la Répu-
blique ; mais, en tqgs cas, votre rétractation, si elle existe,
ne peut que vous compromettre essentiellement et vous
faire soupçonner même de voulojr favoriser nos ennemis,
qui, certes, dans cette hypothèse, auraient tout l'avan-
tage.. , Cptte nouvelle pous a pétrifiés, comme si oi) nous
eût appris la perte de deux batailles. Nos deux collègues,
Merlin et Reubell, pénétrés des vices absolus du plan de
Choudieu, ne conçoivent plus rien à votre tergiversation
gui lue tout. *
Le général Aubert du B^yet, commandant en chef de
Tarmée de Mayence, voyait les choses d'une manière plus
calme. Il avait écrit, le 27, au Ministre de la Guerre' :
< J'exécuterai Tarrêté du Coqf^ité dP Salqt public, que je
reçois avec votre dépêche du 24, portant que Tarmée de
Mayence se rendra à Nantes... pour attaquer les ennemis
sur leurs derrières et leur interdire la communication avec
1 mrrml des Actes, etc., VI, 19-30.
* Savary, ÏI, 84.
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— Il -
les ennemis du dehors.... II y avait un projet de campagne
dans la Vendée différent de celui que le Comité de Salut
public a adopté, d'après le rapport de Philippeaux ; je
m'abstiendrai de toute réflexion à cet égard. »
Le Comité de Salut public répondit avec calme à Philip-
peaux : « Le Comité n'a pas été peu surpris du ton d'aigreur
et de reproche avec lequel vous lui manifestez vos soupçons,
vos craintes et vos vœux.;.
« Le Comité n'a rien changé aux plans proposés le 23. ;^
Il pense que V armée de Maxjence doit être aux ordres
du général OanclauxK Mais il n'a pas dû s'attacher assez
à une opinion isolée pour lui sacrifier des opinions con-
traires qui méritaient aussi de sa part de grandes considé-
rations. Nous avons donc jugé convenable qu'il y eût à Sau-
mur une réunion des Représentants du peuple pour con-
certer et arrêter définitivement les mesures qui doivent
enfin rétablir le règne de la liberté dans cette partie de la
République^. »
Il nous a semblé nécessaire de citer presque in extenso
ces documents singulièrement suggestifs pour donner aux
lecteurs une idée exacte de la situation et de l'état des
esprits parmi les Membres du Conseil de guerre appelés à
statuer définitivement sur le plan de campagne qui, d'après
les calculs des Représentants du peuple devaient écraser
et détruire à tout jamais l'insurrection vendéenne.
Les délibérations devaient avoir lieu le 1®' septembre;
mais, par suite de divers obstacles, elles furent remises au
lendemain '.
* Celte phrase a été ajoutée par Carnot.
* Recueil des Actes, etc., VI, 194. Cette lettre était datée du 1«' sep-
tembre. Elle parvint à Philippeaux au moment de la tenue du Conseil
de Guerre (Cnassin, La Vendée patriote, lll, 22, note 2).
' L'avant-garde de Tarmée de Mayence était arrivé à Saumur le
30 août, le corps d'armée le 31 et la réserve le 1er septembre (Savary,
II, 24). L'avant-garde était à Saint-Mathurin entre Angers et Saumur.
le 31 août (Recueil des Actes, etc., VI, 212).
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Ce fut donc le 2 septembre, à dix heures du matin, que
l'Assemblée des Représentants et des Généraux commença
ses séances :
Elle était composée de vingt-deux membres \ onze Repré-
sentants et onze généraux. Les Représentants près l'armée
des côtes de La Rochelle étaient : Richard, Choudieu,
Bourbotte, Ruelle et Fayau ; les Généraux étaient : Rossi-
gnol, Santerre, Duhoux, Menou, Salomon, Chalbos, Rey,
Dembarrère et Mieskousky : les Représentants près Tar-
mée des" côtes de Brest étaient : Turreau, Cavaignac et
Méaulle, et les généraux Canclaux et Vergues, son chef
d'état-major qui fut exclu des délibérations de l'Assemblée,
mais qui n'en joua pas moins un rôle prépondérant dans la
décision qui y fut prise 2.
Les Représentants près l'armée de Mayence étaient, nous
l'avons déjà dit, Merlin et Reubell, auxquels était adjoint
Philippeaux, par mandat spécial du Comité de Salut public.
Aubert du Bayet, commandant de ce corps délite, avait
naturellement sa place marquée dans cette réunion appelée
à décider sur son état.
Avant même la constitution du Bureau, une vive dis-
cussion s'engagea entre Choudieu et Philippeaux. Celui-ci,
fort de la réponse qu'il venait de recevoir du Comité de
Salut public, prétendait que les Représentants sewfe devaient
avoir voix délibérative. Mais Choudieu avait, de son côté,
un mémoire expressément approuvé par le même Comité,
dans lequel il était spécifié que tous les généraux de divi-
sion jouiraient du même privilège'. On se soumit consé-
quemment à cette décision.
* Savary (II, 90) a oublié de signaler la présence de Duhoux; mais
ce n'est sans doute qu'une faute d'impression ; le procès-verbal envoyé
au Comité de Salut public auquel il se réfère compte bien S2 membres
[Recueil des Actes, VI, 262; Chassin, La Vendée patriote, III, 23).
* Chassin, La Vendée patriote, III, 27-28. Il eut voix consultative.
Mémoires de Kiéber, Chassin, loc, cit., III, 28.
» Chassin, Ihid., III, 23.
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Une fois ce point important établi, le représentant
Reubell fut élu président, et La Chevardière, commissaire
national, s'empara du bureau, dit Philippeaux*, et se fit
nommer secrétaire.
Le bureau étant constitué, le général Canclaux donne
lecture de l'arrêté pris par le Comité de Salut public le
23 août, et d'une lettre du Ministre de la Guerre, qui
statuent que l'armée de Mayenne sera dirigée sur Nantes
et placée sous ses ordres.
A cela on oppose la dernière décision du Comité et, après
une vive discussion, on déclare par vingt voix contre une^
que la dernière décision du Gouvernement doit l'emporter
sur celle du 23.
La délibération porta alors sur le fonds même du débat :
La garnison de Mayence sera-t-elle dirigée contre les
rebelles par Saumur ou par Nantes ?
Philippeaux développa son plan de campagne, et il ter-
mina en disant que l'armée de Mayence était perdue, si on
ne se hâtait de la séparer de celle de Saumur, qu'on devait
abandonner celle-ci à sa propre nullité et qu'elle ferait
déjà beaucoup en ne faisant pas de mal. Philippeaux fut
appuyé par le général Canclaux, qui insista particulière-
ment sur l'avantage qu'il y avait « de priver les rebelles
des secours des Anglais en les séparant de la mer; ce qui
nécessitait d'attaquer par Nantes^ ».
Les généraux Santerre et Menou parlèrent en faveur du
plan présenté par Choudieu. t Ils essayèrent de faire conce-
voir l'avantage de cerner les rebelles, de les attaquer en
même temps par plusieurs points à la fois, ce qui était
facile, disaient-ils, à l'armée de La Rochelle qui* était
divisée en six colonnes éloignées de dix à douze lieues
* Chassin, Ibid.y p. 24.
• Il n'y avait donc alors que 21 membres présents.
' Mémoires inédits de Kleber; Choudieu, Mémoires et notes sur la
Vendée, p. 423.
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rune de l'autre. Surtout ils appuyèrent sur l'avantage
d'attaquer sur-le-champ, Tarmée de Mayence étant déjà
réunie à Tune des colonnes de l'armée de La Rochelle.
Fayau et Choudieu parlèrent longtemps, mais d'une
manière qui prouvait qu'ils ne connaissaient ni le pays, ni
la guerre. »
« Je sais, dit Choudieu en terminant, que plusieurs
d'entre vous ne sont indécis entre les deux plans que
parce que, en adoptant les derniers, l'armée de Mayence
se trouverait sous les ordres du général en chef de l'armée
des côtes de La Rochelle. Mais* pourquoi ne conférerions-
nous pas le commandement des deux armées au général
Canclaux? Cette mesure lèverait toutes les difficultés.
Nous sommes tous d'accord sur la supériorité des talents
de Canclaux. Pourquoi balancerions-nous? Je connais assez
les sentiments qui animent Rossignol pour vous répondre
d'avance qu'il ne sera point humilié de faire la campagne
comme lieutenant de Canclaux et qu'il servirait même
sous ses ordres, comme simple volontaire, si cela pouvait
lui être utile.
(( Rossignol alors se lève et dit à Canclaux qu'il était
prêt à lui abandonner le commandement, s'il voulait entrer
en campagne le lendemain*. »
Les différents membres du Conseil^ continuèrent de
parler pour ou contre chacune des deux propositions. La
* Choudieu, loc, cit., p. 426, 427. Rossignol, dans ses mémoires
cités par Chassin (La Vendée patriote, III, 33), prétend que ce fut
lui qui, le premier offrit son concours à Canclaux ; lequel croire de
Rossignol ou de Choudieu? Si cette question de détail est douteuse,
il est- certain que le concours de Rossignol fut offert à Canclaux,
comme l'attestent, avec Rossignol et Choudieu, la Bévue de la Révo-
lution, 1888, p. 48-50, le général Turreau [Mémoires, édit. 1824,
p. 100-103).
^ La discussion fut interrompue un instant par une proposition
incidente, tendant à ce que chaque membre du Conseil soit tenu de
motiver son opinion par écrit. Cette proposition fut écartée comme
trop absolue; mais on laissa chacun libre d'opiner de la façon qui lui
conviendrait (Savary, loc. cit., II, 91).
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« «8 -
discussion fut longue et violente; à trois heures elle durait
encore. Enfin, après une multitude d'observations, on se
décida à voter.
Sur vingt-deux votants, dit le procès-verbal officiel*, le
représentant Bourbotte a déclaré n'être pas en état de
donner son avis ;
« Le général Dembarrère a demandé que Ton marchât
simultanément par Saumur et par Nantes ;
« Les citoyens Reubell, Merlin, Turreau, Cavaignac,
Méaulle, Philippeaux, Ruelle, Canclaux, Aubert du Bayet
et Mieskouski ont été d'avis de marcher par Nantes ;
« Les citoyens Richard, Choudieu, Fayau, Rossignol,
Menou, Duhoux, Santerre, Salomon et Rey ont pensé que
Ton devait marcher par Saumur ;
€ A regard du général Chalbos, il a voté pour que Ton
marchât à la fois par Saumur et par Niort.
< D'après cela, attendu que dix voix ont été pour la
marche par Nantes et dix pour celle de Saumur*, il ne
s'est pas trouvé de majorité.
« Alors la discussion s'est engagée de nouveau et, après
de longs débats, le Conseil a arrêté que les généraux se
concerteraient entre eux pour arrêter 'un plan qui serait
soumis le soir au Conseil ; la séance a été levée à quatre
heures et l'on s'est ajourné à huit heures du soir^. »
Les généraux, chargés d'arrêter un autre plan qui pût
sauver la chose publique, se réunirent pendant cet inter-
valle. On accorda enfin, dît KléberS la parole à Vergnes,
chef d'élat-major de l'armée des côtes de Brest, qui parla
à peu près en ces termes :
* Publié par Savary, II, 90-92, et réédité en partie par M. Aulard
dans le Recueil des Actes du Comité de Salut public, VI, 262, d'après
les Archives nationales, F**, 272.
* Evidemment, le vote du général Dembarrère a été écarté, parce
qu'il ne concluait pas.
' Savary, II, 92.
* Chassîn, toc. cit,, III, 28.
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- 16 -
« Le pays occupé par les révoltés est situé entre la Loire
et la chaussée de la Rochelle à Poitiers, entre la mer et la
chaussée de Poitiers à Angers. Cet espace de trente lieues
de long sur vingt-cinq de large, n'est traversé que par la
seule chaussée de Nantes à La Rochelle. Quelques autres
tètes de grands chemins s'avancent dans le pays, mais ne
se joignent pas. On ne peut y pénétrer que par des chemins
étroits, creux, impraticables dans Tarfière-saison. Le pays
est coupé d'une infinité de ruisseaux, de bois, de genêts,
de collines escarpées; ce sont des halliers très connus des
habitants et très peu des troupes républicaines, dans les-
quels, par conséquent, il est très dangereux de s'enfoncer,
à moins qu'on n'y pénètre en masse et en corps d'armée
capable de repousser les rassemblements des rebelles.
« La Vendée est partagée en un certain nombre d'arron-
dissements, commandés chacun par un chef entouré de
quatre à cinq cents hommes soldés, qu'il appelle ses fidèles,
ayant sous ses ordres les habitants des campagnes qu'il
fait marcher de gré ou de force. Les chefs particuliers
obéissent à un chef général, entouré comme eux d'une force
armée soldée pour vaincre la résistance à ses ordres.
Lorsque le chef a résolu d'attaquer une des colonnes qui
l'entourent, il indique un lieu et un jour de rendez-vous à
chaque chef d'arrondissement, en lui marquant la quantité
de troupes qu'il doit amener et le nombre de jours pour
lequel elles doivent porter des vivres; l'armée se trouve
ainsi formée en un instant. On peut estimer qu'elle est
faite de dix mille hommes de troupes soldées et de trente
mille de paysans armés. Elle attaque avec l'avantage du
nombre la colonne qui la pressait, la disperse après la
victoire et la repousse souvent au delà du lieu d'où elle
était partie. Les autres colonnes, trop éloignées pour mar-
cher au secours de celle qui est attaquée, séparées d'elle
par des chemins impraticables, demeurent les témoins
inutiles du désastre et sont menacées d'en éprouver un
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r
~ 17 —
semblable peu de jours après. C'est ainsi que les différentes
colonnes de Tarmée des côtes de la Rochelle ont été battues
successivement, les unes après les autres, que leurs
défaites ont aguerri les rebelles et qu'elles leur ont fourni
une artillerie formidable. Eclairons-nous donc par nos
propres fautes et abandonnons le projet d*attaquer ainsi
les rebelles par des colonnes éloignées de plusieurs lieues
les unes des autres sous prétexte de les cerner. Le concert,
raccord et la protection mutuelle sont impossibles entre
des colonnes ainsi distribuées.
« N'oublions pas, comme le général Ganclaux nous l'a
fait observer, que les rebelles tir^t des secours d'Angle-
terre, que nous en avons des preuves matérielles*, qu'il
importe par conséquent de les séparer de cette puissance,
en leur interdisant le rivage de la mer. N'oublions pas sur-
tout que, pour terminer efficacement la guerre, il faut
enlever aux chefs Tespoir de s'enfuir chez nos ennemis, ce
qu'ils ne manqueraient pas d'exécuter s'ils pouvaient
s'approcher de la mer après leur défaite.
c La Vendée doit être attaquée en masse. Une bonne
armée de dix-huit à vingt mille hommes suffit, s'il ne lui
manque rien. L'armée des côtes de Brest, forte d'environ
six mille hommes, non compris les garnisons et les can-
tonnements, bien disciplinée et qui a résisté jusqu'à présent
aux rebelles, malgré son infériorité, est digne d'opérer
avec l'armée de Mayence, forte de douze mille hommes
effectifs. L'armée des côtes de La Rochelle se tiendra sur
la défensive dans ses différentes positions, jusqu'à ce que
ses diverses colonnes puissent se réunir successivement à
l'armée agissante. La première opération devra être celle
de balayer le rivage de la mer; elle sera d'autant plus
facile que nous tenons encore le château d'O, Paimbœuf et
Noirmoutier : une chaussée qui se dirige sur Machecoul
* Ce qui est prouvé, c*est que TAngleterre n'avait encore prêté
aucun secours à la Vendée.
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— 18 -
assurera la facilité des convois. La chaussée de Nantes à
La Rochelle et celle de Nantes à Clisson rempliront le
même objet, à mesure que l'armée resserrera les rebelles
dans riatérieur de leur pays. La colonne des Sables, après
celte première opération, se réunira à Tarmée agissante;
après elle, celle de Luçon, celle de Niort, ainsi de suite,
jusqu'à ce que Ton soit dans Mortagne, principale place des
révoltés. L'armée se renforcera ainsi, à mesure que les
opérations deviendront plus difficiles, et, sa communication
avec Nantes restant libre, elle ne manquera jamais de
munitions ni de subsistances. En gardant soigneusement
les passages de la Loira^ on pourra pousser les rebelles,
après la prise de Mortagne et les mettre dans Talternative
ou de se noyer, ou de se rendre à discrétion.
(( N'appuyez pas sur le prétendu avantage de commencer
dès demain les opérations, si on attaque par Saumur.
L'armée de Mayence n'a pas de canon, elle a besoin de
changer quatre mille fusils; où est votre artillerie? Où
sont vos arsenaux ? La petite armée des côtes de Brest a été
abandonnée par le Ministre de la Guerre à ses propres
forces et à ses propres ressources. Mais, grâce aux Repré-
sentants du peuple Merlin (de Douai) et Gillet (du Morbi-
han), elle ne manque de rien. Nous avons perfectionné un
arsenal de construction et une manufacture d'armes qui
existaient à Nantes. Nous avqns créé un arsenal de cons-
truction, une manufacture d'armes et une fonderie de
canons à Rennes. Non seulement l'armée des côtes de
Brest a suffisamment d'artillerie, mais elle peut encore
céder vingt-quatre pièces de canon à l'armée de Mayence.
Si nous n'avons pas assez de fusils, la garde nationale de
Nantes changera volontiers les siens, qui sont en bon état,
contre ceux de la brave armée qui vient la défendre et ter-
miner la guerre. C'est donc réellement par Nantes que les
opérations doivent commencer le plus tôt et avec le plus
d'espérance de succès. D'ailleurs ne comptez-vous pour
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- 19 -
rien le découragement qui se manifeste dans l'armée des
côtes de La Rochelle ? Ses colonnes ont été battues, elles
sont toutes plus ou moins désorganisées ; quel serait l'es-
poir de la bonne cause, si Tarmée de Mayence, une fois
enfoncée dans le pays difficile de la Vendée, était abandon-
née à ses propres moyens et que le défaut de secours l'obli-
geât de revenir sur ses pas ? Je ne m'étendrai pas davan-
tage sur cette matière ; il est plus que douteux que la
guerre puisse se terminer en unissant l'armée des côtes de
La Rochelle à celle de Mayence, en commençant les opéra-
tions par Saumur, au lieu que l'espoir du succès est réel
en unissant l'armée de Mayence à celle de Brest et commen-
çant les opérations par Nantes. J'opine donc pour le main-
tien du premier arrêté du Comité de Salut public. »
Ce discours fixa définitivement l'opinion de Aubert du
Bayet, commandant l'armée de Mayence, et de Mieskouski,
commandant de la division des Sables, comprise dans
l'armée des côtes de la Rochelle, lequel vint dire tout bas à
Vergnes qu'il partageait sa manière de voir. Salomon, de
la même armée, lui fit le même aveu, mais il ajouta qu'il
n'oserait voter pour et qu'il se contenterait de ne pas voter
du tout. Quant à Rossignol, il sortit de la salle et alla, dit
Kléber, se mettre au lit *. L'avis des généraux fut que l'ar-
mée de Mayence devait marcher par Nantes.
Le conseil des Représentants et des Généraux se réunit,
comme il avait été convenu, le soir à huit heures, et on
l'informa que les généraux, après avoir entendu le chef
d'état-major de l'armée des côtes de Brest, avaient décidé
que l'armée de Mayence marcherait par Nantes. L'exposé
du discours de Vergnes fit la plus grande impression sur
les Représentants; il gagna Richard et enleva toute hésita-
* Kléber, Mémoires inédits. Puisque Salomon changea d'avis après
le discours de Vergnes, ce discours fut donc prononcé pour la
Ï)remière fois dans la réunion des généraux comme le dit Savary,
1,93. ^'
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tion dans l'esprit de Reubell et de Merlin *. Le président
consulta alors le Conseil pour savoir s'il adoptait l'avis des
généraux. Bourbotte, Salomon, Duhoux et Rey refusèrent
de prendre part au vote, en sorte qu'il n'y eut que 17 votants.
Quatorze se prononcèrent conformément à Tavis des géné-
raux ; ce furent les représentants Reubell et Merlin, Richard,
L. Turreau, Cavaignac, MéauUe, Philippeau, Ruelle, et
les généraux Canclaux, Menou, Santerre, Aubert du Bayet,
Mieskouski et Dembarrère. •
Les représentants Choudieu et Fayau, ainsi que le géné-
ral Chalbos votèrent contre ^
« En conséquence, il a été arrêté par le Conseil que la
garnison de Mayence marcherait par Nantes ^
(Extrait de la Guerre de la Vendée, 2« édition, préparée par
M. Tabbé Deniau, ancien curé du Voide, complétée et achevée par
M. l'abbé Deniau, curé de Saint-Macaire en Mauges, sous la direction
du R. P. Dom Chamard, prieur à l'abbaye de Ligugé.)
* Kléber dit positivement que le discours de Vergnes « entraîna
les avis de Reubell et de Merlm ». Or ces Représentants n'assistaient
pas à la réunion des généraux ; donc le discours de Vergnes a été
prononcé de nouveau ou rappelé du moins au Conseil de huit heures.
* Dans une lettre du 3 septembre déjà citée, Philippeaux dit : « Sur
23 délibérants, il n'est resté que Choudieu et Fayau a combattre cette
mesure et à l'entraver jusqu'à extinction de moyens. » Il est probable
qu'il compte Vergnes parmi les délibérants à cause du rôle important
qu'il avait joué dans la délibération.
Dans la troisième partie de son compte rendu, Philippeaux (Chas-
sin, toc» cit., III, 32, note I) fait observer que le député cte la Vendée,
Fayau, n'était attaché à aucune des armées ; qu'il était venu de
Paris avec une aversion aussi ardente qu'inexplicable contre le plan
du Comité de Salut public (du 23 août).
» Savary, II, 92.
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J
LES CINQ PAYS
L'INDO- CHINE FRANÇAISE
ET LE SIAM
CsuiieJ
II
L'ANNAM
Situation. — L'Empire d'Annam se composait du Tonkin
(16 provinces), de TAnnam central (9 provinces) et de la
Cochinchine (6 provinces). Le Tonkin a aujourd'hui 14 pro-
vinces et TAnnam central 12» le traité du 6 juin 1884 lui
ayant rattaché les 3 provinces de Thanh-Hoa, Nghé-An et
Hatinh. Il a pour limites la pointe Baké au Sud et la fron-
tière au Nord du Thanb-Hoa qui le sépare de Ninh-Binh
(Tonkin).
Pays limitrophes. — Au Sud et à TEst, il est baigné
sur 1.300 kilomètres par la mer de Chine et il est limi-
trophe de la Cochinchine au Sud, du Tonkin au Nord et
du Laos à TOuest. Entre le Laos et TAnnam, séparés par
la grande chaîne annamitique, se trouvent les régions des
Mois, des Pou-Euns, des Pouthai, qui sont des dépen-
dances directes.
Son étendue varie de 30 à 80 kilomètres entre la mer
et les montagnes et de 100 à 150 kilomètres au delà de
ces montagnes vers le Mékong et ses affluents. Situé
entre 102° et 107° de longitude Est et 10° 30' et 20*
de latitude Nord, il a une superficie de 70.000 kilo-
mètres carrés et ses dépendances en ont environ 50.000.
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— 22 —
Sa population est de 5 millions d'habitants et se com-
pose d'Annamites principalement, de Moïs divisés en très
nombreuses tribus, de Kiams, les premiers occupants,
confinés au Sud et de Pouthai et Pou-Euns, rameaux de
race thai ou laotienne à l'Ouest. Des Chinois sont établis
dans tous les centres et monopolisent les échanges avec les
indigènes. Leur principal entrepôt est Fai-Fô, près Tou-
rane.
Gouvernement. — Le pays est gouverné par le roi,
S. M. Thanh-Thai, assisté d'un conseil de gouvernement,
appelé Comat, et de six ministres. Le pays a la même
administration indigène que le Tonkin : Préfectures, sous-
préfectures, cantons et communes. Un Résident français
contrôle, au point de vue politique, financier et judiciaire,
dans chaque chef-lieu, l'administration des trois grands
mandarins provinciaux et un Résident supérieur, repré-
sentant du Protectorat français est institué à la capitale.
Il est le chef de Tadministration française en Annam et ses
attributions résultent des clauses du traité de 1884 et des
conventions subséquentes avec la cour.
Défense. — Ce royaume n'a pour armée que des milices
provinciales. Des troupes françaises tiennent garnison à Hué
et à Tourane. La police est faite par la milice ou Garde
civile, encadrée par des chefs militaires français, dressée
et entretenue par l'administration française. Cette force
militaire est aux ordres des Résidents. C'est la commune
qui assure le recrutement et en fournit les éléments à
l'autorité provinciale qui les transmet à Tautorité française.
Autrefois, TAnnam avait une marine. Depuis 1885, elle
a disparu d'elle-même. Il n'y a plus dans les ports de
stationnaires français. Nos navires circulant constamment
entre Saigon, les ports de l' Annam et la Chine suffisent
pour assurer la police des ports et de la mer.
Calendrier. — L'année commence à la lune de mars,
avec un mois intercalaire tous les trois ans. Lors des fêtes
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— 23 -
du Têt (nouvel an), les affaires sont supendues pendant
trois jours.
Budget. — Le budget du Protectorat de T Anna m est
incorporé à celui du Tonkin. Le Tonkin verse 413.000 fr.
de contribution au trésor royal de Huô.
Impôts directs. — Leur assiette et leur perception sont
confiées à la commune. L'impôt personnel est payé par les
€ inscrits » sur un rôle arrêté tous les cinq ans, modifié
tous les ans. Des trois classes d'inscrits, celle dite des
€f Robustes » doit les prestations.
Types de femmes annamites
L'impôt foncier comprend : 1° les terres communales
aliénables; 2** les terres publiques inaliénables dont la
commune a Tusufruit. Les impôts diffèrent suivant la
valeur des terres et des cultures. Ils sont maintenant payés
en argent. Ce sont les notables, les plus imposés, qui éta-
blissent l'impôt et les décimes additionnels. Les rizières
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paient par hectare 9 fr. 05 pour la 1" classe, 7 fr. 20 pour
la 2"° classe, 4 fr. 80 pour la 3°* classe. — Le tabac, les
aréquiers, etc., 8 fr. — Les autres cultures, 5 fr. — Le
café, cacao, indigo, etc., sont exempts.
Impôts indirects. — Ce sont les douanes, les droits de
navigation, les fermes de l'opium, de l'alcool, du sel, des
marchés, des bacs, papier timbré, etc.
Climat. — Il faut bien remarquer qu'en raison de
l'arrêt des nuages par la grande chaîne d'Ânnam, les
grandes pluies ont lieu en Annam pendant les cinq mois
de la mousson de Nord-Est, octobre à janvier ou février,
avec une température de 15 à 25°, tandis qu'en Cochin-
chine la pluie tombe d'avril à octobre pendant la mousson
de Sud-Ouest, avec une température de 28^ De juin à août,
le thermomètre à Hué monte de 28 à 35**. D'août à janvier
surviennent les typhons ; mais on en subit aussi parfois
en mai et juillet. Le baromètre, qui marque en juillet
750 m/m, dépasse en janvier 762 m/m.
Agriculture. — L'Annam est la partie de notre domaine
qui offre le plus de ressources à l'Agriculture, mais qui
souffre le plus des sécheresses et des inondations. Les
mesures d'irrigation et de protection s'imposent, ainsi que
la création de routes et de moyens de transport. Toutes les
grandes vallées sont bien cultivées; mais les moyens d'élé-
vation de l'eau nécessaire au repiquage du riz, par des
systèmes de seaux ou de roues en bambou jumelées, sont
insuffisants. Des canaux et des retenues d'eau sont indis-
pensables. On fait deux récoltes par an; mais il en manque
une sur trois. L'hectare devrait donner 25 hectolitres de
riz décortiqué ; cependant la production est inférieure aux
besoins de la consommation locale.
Propriété foncière. — Son exploitation. — Elle existe
comme en France. Elle est transmissible sous le visa des
municipalités. Les actes dressés par les notables servent à
établir les rôles fonciers, sans droit de transmission. La
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^ 2B —
propriété foncière repose sur une sorte de matrice cadas-
trale, appelée Dia Bô, ou registre des champs, complétée
par un Dien Bô ou registre des propriétaires. Jusqu'ici ces
registres ne sont basés que sur un cadastre approximatif,
levé à vue parcellaire. Le revenu de la propriété foncière
ne dépasse pas 20 0/0 net.
Végétaux. — Le riz est la principale culture et celle
qu'il faut développer. Il s'y ajoute le maïs, les patates, les
haricots et les plantes alimentaires des jardins.
On cultive beaucoup la canne, consommée en nature
ou transformée en tablettes de sucre noir. Au Quang-Ngai
on en fait du sucre cristallisé. Des moulins mieux condi-
tionnés sont à introduire. Le café et le thé sont cultivés
sous la direction d'Européens et prennent une grande
extension, en vue de l'exportation en Europe et surtout en
France. On trouve partout les arbres fruitiers tropicaux.
Parmi les végétaux industriels, il faut noter le coton, la
ramie, le jute, Tarachide, le mûrier, le ricin, l'indigo, le
cunao, le cocotier, Tarée, le tabac, la cannelle, etc. Enfin,
les produits des forêts sont exploités par des scieries et
les pavés de nos grandes villes en proviennent, comme les
étais des mines et les traverses des voies ferrées du
Tonkin.
Animaux. — Le buffle, le bœuf, le cheval, le porc, la
volaille servent partout aux besoins domestiques ou aux
travaux agricoles. Dans l'intérieur, le tigre, le léopard,
l'éléphant, le cerf, le paon, le serpent se rencontrent dans
les régions dépeuplées. L'oie sauvage, la sarcelle, la bécas-
sine, le lièvre, la caille comptent parmi les aliments offerts
aux chasseurs.
Industries agricoles. — Le décorticage du riz, l'ex-
traction de l'huile, l'égrenage du coton, la préparation du
jute, de l'indigo, du tabac sont des industries indigènes. Il
y aurait lieu pour les européens de les entreprendre sur de
meilleures bases. La soie est fabriquée partout, mal dévidée
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— 26 —
et mal soignée. Le crépon est une industrie importante
spéciale à TAnnam. Il est supérieur à celui de Chine pour
la solidité du tissu.
Le sucre est monopolisé par les Chinois qui l'exportent,
bien que du sucre brut soit importé dans le pays en
grande quantité. La production pourrait s'accroître beau-
coup.
Le thé d^Annam a révélé à l'analyse des qualités supé-
rieures- C'est une industrie qui va rivaliser avec celle de
rinde et de la Chine. L'alCool de riz est fabriqué avec des
alambics primitifs en terre et en bambou. La nouvelle
ferme de l'alcool va introduire des alambics européens.
!l est regrettable que la cannelle soit accaparée par les
Chinois, expédiée à Hong-Kong d'où elle nous revient en
France de troisième ou de quatrième main. Celle du
Quang-Nam et du Thanh-Hoa est très recherchée pour son
a renie.
La pêche fluviale est une industrie générale dans tout
TAnnam et nombreuses sont les barques et les populations
qui s y livrent toute l'année. Elle contribue grandement à
ralîmentatîon des habitants et l'on expédie ce poisson
jusqu'au delà des montagnes et dans le bassin du Mé-Kong.
La pèche maritime est tout aussi importante; mais
gênée pendant la mousson de Nord-Est par les grands
vents et les cyclones. Ce sont de véritables flottes qui font
la pèche côtière jusqu'à vingt milles en avant des embou-
chures des grands fleuves, obstruées par des pêcheries
fixes, vastes enclos de filets qu'on va relever chaque jour.
Les Posées françaises desservent tout l'Annam. 24 bu-
reaux y sont établis et assurent le service des mandats et
le service télégraphique. Des colis-postaux peuvent être
échangés avec toutes ces destinations, au prix de 4 fr. 25.
Télégraphes. — Outre les lignes terrestres de l'intérieur,
un câble sous-marin va de Saigon à Thuan-An et à Hai-
phong, reliant ainsi par une voie directe l'Annam au
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- 27 ~
réseau universel auquel le rattachent ses lignes ter-
restres.
Cabotage. — Le cabotage est important. Il a été en 1895
de 9.600.000 francs de port à port et de 10 millions avec
les pays voisins, total : 19.600.000 francs. Il serait autre-
ment actif s'il n'était entravé par le système des ports
fermés et des ports ouverts, par les exigences douanières
Annamite allant au marché
et par celles des fermes du sel et de l'alcool. Le seul port
desservi par les vapeurs des messageries fluviales fran-
çaises est celui de Vinh. Entre la Cochinchine et le Tonkin,
le port de Tourane est l'escale centrale des jonques indi-
gènes fort nombreuses. Les jonques chinoises ont cessé de
fréquenter les nombreux petits ports de la côte.
Services maritimes. — Les vapeurs affrétés ou libres
de la Compagnie nationale de navigation desservent régu-
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1
l
— 28 —
lièrement Tourane et les Messageries maritimes assurent
les escales de Nha-Trang, Qui-Nhon, Tourane et, pendant les
cinq mois delà mousson de Sud-Ouest, celle de Thuan-An,
port de Hué.
Monnaies, poids et mesures. — La sapèque de zinc est
la base de transaction des marchés. Les anciennes mon-
naies indigènes tendent à disparaître : ce sont le nèn ou
barre d'argent de 80 fr., le dinh ou 1/10 du nên = 8 fr.
Les mesures de capacité sont le hoc pour le riz = 39 1. 90 ;
le thang ou boisseau = 13 1. 30; le bat ou écuelle.
Les mesures de longueur sont les mêmes qu'au Tonkin :
le thuoc, le mau, le sao.
Les poids sont le non de 10 onces = 3 kil. 900 gr.; le
yen de 10 livres = 7 kil. 800 gr.; le picul, de 62 kil.
400 gr. ; le can ou livre de 16 onces = 0 kil. 624 gr. et ses
dixièmes.
Les balances sont, comme en Chine, la romaine réglée
sur le système décimal.
Le change des monnaies françaises en espèces ou fidu-
ciaires s'opère à la Banque de Tlndo-Chine, qui a une
succursale à Tourane et qui dessert aussi Fai-Fô.
Salines. — Elles sont très importantes dans les pro-
vinces de Qui-Nhon, Phu-Yen, Binh-Thuân et Hatinh. Elles
fournissent à Texportation plus de un million de tonnes de
sel. Ruinées en mars 1887 par un impôt exorbitant, on
abaissa en 1888 la taxe à 0 fr. 50 par 100 kilos. En 1897,
le sel fut affermé à une société française. Le prix du sel
passa de 0 fr. 20 le picul à 0 fr. 80, puis à 0 fr. 40;
puis, les agioteurs chinois le firent monter à 3 piastres
(7 fr. 50) ; de là des plaintes très vives. Or, le commerce
du sel était intimement lié à Tindustrie des saumures
et du poisson salé, base de Talimentation, au commerce
par cabotage entre la côte, la Chine, et aux échanges avec
rintérieur et les populations de TOuest. C'est donc une
industrie à encourager. Aussi le contrat de la ferme du
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sel fut annulé. La vente fut prise en régie par la douane-
Une adjudication nouvelle va avoir lieu.
Carrières. — Les carrières de pierres et de calcaires
marmoréens abondent en Ânnam. Elles servent aussi à
faire la chaux.
Mines et industries métallurgiques. — Les gisements
de charbons déjà exploités dans la province de Tourane, à
Nong-Son, vont être repris par la Société du port et des
docks. C'est de l'anthracite pure. La mine principale est à
65 kilomètres du port, sur les bords du Fleuve, qui a
malheureusement une barre à son entrée et un banc sans
fond au milieu de son cours.
Des mines de cuivre existent à Duc-Bô et des gisements
aurifères, exploités il y a bien des siècles par les Kiams, à
Bong-Nieu, sont concédés à une société française qui les
met en exploitation. . .
Industries tinctoriales. — Les teintureries d'étoflfes
existent dans tous les grands villages, aussi bien pour les
tissus de coton que pour la soie ; la préparation de Tindigo,
du cunao, pour la teinture, sont en usage partout.
Textiles^ soieries, crépons. — La fabrication des tissus
de soie, des grenadines et surtout des crépons unis ou
brochés, qui ont une grande renommée, se fait en grand,
mais elle exige des avances de fonds. Les Chinois y pour-
voient et accaparent ainsi les produits qu'ils envoient en
Chine d*où ils reviennent teints et apprêtés comme soieries
chinoises.
Industries diverses. — La préparation du vermicelle
de riz ou de haricots est aussi une spécialité de T Annam,
comme celle des saumures de poisson.
Toutes les industries recevront un grand développement
dès que les moyens de transport seront facilités.
Voies de communication par terre. — La route man-
darine court parallèlement à la côte sur 1500 kilomètres.
Sa largeur varie de 2 à 10 mètres. Elle franchit les cols en
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— 30 —
pente raide; mais il est étonnant qu'entre les cois on n'ait
établi ni chars à bœufs, ni Decauville, alors que les trans-
ports entre les marchés quotidiens se font à dos d'hommes
et de femmes.
Des routes perpendiculaires se greffent sur la route
mandarine pour desservir l'intérieur. Un grand nombre de
ponts sont à faire. La route de Quang-Tri à Kemmarat
(Mé-Kong) par Camlô et Ai-Lao sera bientôt carrossable.
On laisse envahir par la brousse la route dite des mon-
tagnes, construite, sous le roi Ham-Nghi, de Hué au Thanh-
Hoa. Il n'y a pas de digues en Annam et les villages ne
sont reliés que par les talus de rizières.
La loi du 25 décembre 1898 a autorisé l'emprunt de
200 millions par l'Indo-Chine. Cet emprunt va permettre
la construction de voies ferrées en Annam : de Hanoi à
Vinh, par Nam-Dinh; de Tourane à Quang-Tri, par Hué;
de Saigon à Nha-Trang et à Lang-Bian.
Plus tard, les sections du Sud, du Nord et du Centre se
relieront entre elles, traversant tout le littoral et détachant
deux embranchements à travers le Laos : l'un sur Attopeu,
centre minier aurifère ; l'autre sur Savanakêk, centre fluvial
de navigation sur le Mé-Kong.
Sur les cinquante millions réalisés en janvier 1899, le
premier prélèvement sera pour la construction des tronçons
Hanoi à Haiphong, Hanoi à Viêt-Tri, au Tonkin et Hanoi à
Vinh en Annam par Nam-Dinh, soit 320 kilomètres devant
coûter 32 millions. Puis viendra la section Tourane à Hué.
Ce sont là les travaux urgents et profitables à tous points
de vue. Hs vont être poussés activement.
La transformation économique de l'Annam suivra donc
de près sa transformation administrative et financière.
Voies de communication par fleuves et canaux. —
Des fleuves nombreux, tous barrés malheureusement à
l'embouchure, et une infinité de cours d'eau servent de
voies de communication pour les jonques dans tout l'Annam.
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r
-31 -
La voie la plus sûre serait rachèvement et la réparation
des canaux et lagunes qui relient en plusieurs tronçons
Hué au Tonkin. Il y a des parties envasées, d'autres ensa-
blées. Ces canaux seront mis en état et assureront, concur*
remment avec une voie ferrée parallèle, les communications
par jonques et les transports par terre entre la capitale de
TAnnam et celle du Tonkin.
Le Commerce intérieur est entre les mains des indi-
gènes et des chinois. Quelques maisons françaises sont
cependant établies à Tourane, Fai-Fô, Hué, Qui-Nlion,
Vinh.
Les échanges avec les tribus moïs, les habitants de
TAi-Lao et du Tran-Ninh se font à dos d'homme, et aussi
par des éléphants. Des chinois sont établis dans la région
de Tramy pour y monopoliser l'important trafic de la
cannelle et la vente de Topium.
Commerce extérieur européen. — Tout ce qui s'im-
porte dans TAnnam central et tout ce qui s'en exporte est
centralisé à Tourane par les maisons chinoises et quelques
européens, et est entreposé à Fai-fô, grand centre commer-
cial indigène. Des maisons chinoises ont des chaloupes à
vapeur. Le trafic se fait surtout par eau par des jonques
indigènes.
Importations. — La total atteint 7.500.000 fr., dont
5 millions par Tourane, 1.200.000 par Qui-Nhon. Presque
tout vient par mer. Les produits importés pour la consom-
mation européenne sont insignifiants. Toutes les importa-
tions viennent donc de l'étranger, malgré des tarifs prohi-
bitifs. C'est que les produits consommés par les 5 millions
d'habitants n'ont pas leurs similaires en Europe et que le
chiffre des habitants européens n'est nullement à comparer
avec celui des indigènes, pour lesquels nos tarifs protec-
teurs sont plus qu'onéreux. Lorsque le pays produira davan-
tage pour l'exportation, ses importations suivront égale-
ment une marche ascendante.
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— 32 —
Exportations. — Elles consistent surtout en coton
égrené pour 500.000 fr.; en cannelle, pour 2 millions;
cunao (faux gambier), pour 500.000 fr. ; arachides, pour
260.000 fr.; sel, pour 360.000 fr. ; cardamomes, 70.000 fr.
Pour ces 5 millions d'habitants, l'exportation n'est encore
que de 4.500.000 contre 80 millions pour les 1.700.000
habitants de la Cochinchine. Les 3/4 des produits sont
expédiés en Chine, 1/4 en Cochinchine et presque rien pour
la France, bien que TAnnain soit fréquenté par nos vapeurs
de la Compagnie des Messageries et de la Compagnie natio-
nale, celle-ci offrant un fret moitié moindre que la pre-
mière.
La Législation commerciale et industrielle est la même
qu'au Tonkin.
Avenir du pays. — L'Annam est un pays qui peut
nourrir, s'il était plus cultivé, une population bien supé-
rieure à celle qu'il possède. Il est fertile. Son climat est
bien préférable à celui de la Cochinchine et de l'Inde. Des
cultures riches sont en voie de s'y créer. La production
du riz doit être augmentée par des irrigations et des amé-
liorations de semences. L'excellent thé et le café sont l'ob-
jet de cultures industrielles développées. Les voies de
communication et les transports, les canaux sont à complé-
ter. Les européens peuvent y acquérir, y posséder, y établir
des cultures et des industries. Le régime des concessions
aux colons français est réglé par l'arrêté du 5 septembre
1899, qui sera remanié et élargi dans des conditions ana-
logues à l'arrêté du 18 août 1896 qui régit les concessions
au Tonkin.
Le traité de juin 1884 ne nous permettait pas un contrôle
effectif et une administration complète en Annam. Or le
roi a remis, le 26 août dernier, entre les mains du Gouver-
nement général, la perception directe de tous les impôts et
de toutes les taxes, ainsi que la comptabilité publique des
12 provinces. Les paiements se feront en argent et non en
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— 33 -
nature. Les revenus indirects feront partie du budget de
i'Indo-Chine. Les revenus directs seront affectés aux
dépenses de TAdministration française et indigène et à la
liste civile de la Cour.
Le nouveau régime administratif et financier évitera bien
des pertes, des gaspillages, des affectations improductives,
et contribuera puissamment à la mise en valeur des res-
sources propres à TAnnam.
Lorsque Texploilation du pays sera ainsi facilitée, il est
susceptible de prendre un grand essor, grâce à la main-
d'œuvre à bon marché et aux qualités de la race annamite
qui est docile, travailleuse, persévérante et prolifique.
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— 34
III
LA COCHINCmNE
Situation. — La Cochinchiae, ou pays de Gia-Dinh, est
située entre 102° et 105° H de longitude Est, et entre 8°
et IP 30 de latitude Nord. Elle comprend 60.000 kilo-
mètres carrés, dont trois millions d'hectares cultivables.
Un million d'hectares est cultivé en riz. C'est un pays
d'alluvion ; mais au Nord-Est quelques montagnes de 300 à
600 mètres le séparent de la vallée du Mé-Kong et de
TAnnam.
Pays limitrophes. — Au Nord, le pays Moï; à TEst,
l'Annam; au Sud, la mer; à TOuest, le golfe de Siam et le
Cambodge.
Population. — On compte 2.203.000 habitants, dont
3,900 Français, 222 étrangers, 88.500 Chinois, 179.000
Cambodgiens, 3.600 Malais et des tribus moïs, kiams, etc.
Les Chinois sont surtout établis à Cho-Lon et à Saigon. Ils
sont répartis suivant leur origine en cinq corporations :
Canton, Phuoc-Kien, Triêu-Chau, Hai-Nan et Ackas. Il
faut noter aussi 1 .500 Malabars. La Cochinchine et le Cam-
bodge comptent comme Français 59 agriculteurs, 36 indus-
triels, 177 commerçants et 2.060 fonctionnaires — 8 pour
un colon européen et pour 8.500 asiatiques.
Gouvernement et administration. — Sous la direction
du Gouverneur général de Tlndo-Chine, la Cochinchine
est administrée par un Lieutenant-Gouverneur, assisté
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— 35 —
d'un Conseil privé. Un Conseil colonial élu gère les affaires
de la Colonie. Elle est divisée en arrondissements à la tête
a
o
.2
o
o
O
a
S)
desquels est un administrateur des affaires indigènes. Ils
ont sous leurs ordres des Phus (préfets) et Huyens (sous-
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— 36 —
préfets), les chefs de canton et les chefs des com-
munes. Dans les centres européens fonctionnent des muni-
cipalités élues ou des commissions municipales.
La Justice est rendue par des Tribunaux français et une
Cour d'appel.
V Armée se compose de 1650 hommes de troupes d'in-
fanterie de marine, d'artillerie, et de 2140 tirailleurs indi-
gènes. La police intérieure est faite par les milices indi-
gènes sous les ordres des administrateurs.
Marine. — Elle se compose de la Triomphante^ YAspic,
la Vipère, le Styx et de 2 canonnières. La division navale
est commandée piair un capitaine de vaisseau qui commande
aussi l'arsenal, avec deux ingénieurs, dont un directeur des
travaux.
Finances et Budget. — Le budget des dépenses dépasse
33 millions. Les recettes du budget été ont pour 1897 de
12.420.195 piastres (à 2 fr. 70), soit 33.535.000 francs, dont
environ 3 millions de piastres pour les revenus directs et
8.685.700 pour les revenus indirects. Sur le même chiffre
en dépense, 583.000 piastres sont absorbées par les ser-
vices militaires, plus de 432.000 pour la Justice, 428.000
pour l'Instruction et seulement 1.316.000 pour les Travaux
publics, dont il faut déduire 219.500 piastres pour le per-
sonnel. Il n'y a donc sur ce budget que 1.100.000 piastres
de dépenses productives, soit un douzième.
C'est la seule colonie qui paie elle-même tous ses ser-
vices. En outre de sa contribution de souveraineté à la métro-
pole, elle verse une subvention aux dépenses du Tonkin de
4.500.000 francs. — A ces 33.534.526 francs il faut ajouter
le montant des budgets régionaux : 3.024.496 francs. Total
du revenu financier : 36.559.022 francs pour 2.203.000
habitants.
Les Impôts directs se composent de l'impôt foncier des
centres et de celui des villages; il se divise en rizières et
en cultures.
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- 37 -
L'impôt personnel était de 0 piastre 60 par homme valide.
Les patentes varient de 0 piastre 80 cents à 150 piastres.
Les asiatiques paient une taxe de capitation de tO piastres
à 320. Outre l'impôt foncier des rizières qui varie de
0,20 cents à 0,60 cents, les riz et paddys exportés à l'étran-
ger paient 0 piastre 26 cents les 100 kilos et pour la
France 0,17 cents.
Tombeau de révoque d'Adran, près de Saïgon (Cochinchine)
Impôts indirects. — Les impôts des salines varient de
2 à 4 piastres. L'impôt des barques de rivière et de mer,
la vente des terrains, les produits des forêts, de l'enregis-
trement, les droits d'ancrage et de phare, la location des
bacs, des pêcheries, les droits sur l'opium, sur les alcools,
fabriqués et importés, la taxe de consommation sur l'alcool
et le pétrole, les licences en constituent les ressources
annuelles indirectes, avec le droit de sortie des riz qui rem-
place l'impôt foncier.
Climat. — La caractéristique est la constance de la tempé-
rature de jour et de nuit, son humidité, et les deux moussons,
sèche pendant le N.-E. d'octobre à avril et pluvieuse de mai
à septembre. La chaleur sans brise est insupportable du
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- 38 -
15 avril au 15 juin ; elle est de SO*» à 34^ Elle descend à 20«
le matin en décembre. Les orages sont fréquents et vio-
lents. Les typhons sont rares : deux en dix ans. Le baro-
mètre varie de 754 m/m à 771 m/m.
Agriculture. — La principale et presque la seule culture
est le riz. Le fret pour la Chine étant de 7 fr. et pour l'Eu-
rope de 40 fr., c'est vers la Chine qu'on Texporte.
Le poivre donne lieu à une exportation de 1.500 tonnes
dont un tiers pour l'Europe. Il est de qualité supérieure et
approvisionne surtout la France.
Le coton, le cardamome, l'indigo liquide, les arachides,
alternent avec le riz, mais n'ont pas une grande importance
dans les exportations. Tous ces produits sont plutôt de con-
sommation locale. Toutefois on a exporté en Chine et au
Japon en 1897 4.680 tonnes de coton à 7 piastres le
picul (60 kil.) non égrené.
Propriété foncière, — Son exploitation. — Le taux
de l'intérêt entre indigènes est de 36 0/0 par an ; le taux
légal est de 12 0/0. C'est excessif. En outre, la terre est et
restera aux mains des indigènes, qui seuls peuvent l'ex-
ploiter. Les Européens ont entrepris le métayage et en
obtiennent d'excellents résultats. Ils font aux indigènes les
avances de semences, de l'achat des buffles, et leur réservent
une part en nature ou en argent sur la récolte. C'est un
système à encourager.
Les prêts sur récoltes à des taux de 8 à 10 0/0 ont été
essayés ; mais de plus grandes facilités sont nécessaires
pour ces transactions. Il y a là des institutions financières
privées à organiser. Elles seront un grand bienfait pour le
cultivateur et d'un bon rapport pour les capitalistes.
Le rôle des Européens dans les entreprises agricoles, et
surtout celle du riz, est de faire les travaux d'irrigation,
de fournir les engrais, les buffles, les semences, d'amé-
liorer celles-ci et de faire cultiver par les indigènes en
participation de bénéfices. La dépense est d'environ 2.000 fr.
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- 39 -
par hectare, qui rapporte, au bout de 5 à 6 ans, 800 fr.
La délimitation du domaine colonial au 1/20.000^ est
presque achevée. Depuis 1892, 140.000 hectares ont été
concédés à des français.
Le régime des concessions de terres est basé sur l'arrêté
du 22 août 1882. Sur 5 millions d'hectares, il n'y en a que
1.200.000 en cultures. Il existe un Syndicat de planteurs
et une Chambre d'agriculture. Dans les contrats entre
Européens et Asiatiques, c'est la loi française qui est
toujours applicable. Une conservation des hypothèques
fonctionne à Saigon.
Végétaux. — Les bambous, les rotins, les bois des forêts
donnent lieu à un commerce actif. Les cocotiers, les aré-
quiers, les arbres à fruits, la canne, les arachides, le mûrier,
le tabac, les haricots, le maïs, s'ajoutent au coton et au riz.
Le café n'a pas réussi.
Animaux. — Les animaux de labour, de basse-cour et
d'alimentation se trouvent dans tout le pays. Pour le
labourage des rizières, le buffle est indispensable.
Industrie agricole. — Parmi les industries agricoles,
celle du décorticage du riz est la plus importante. Il en a
été exporté pour la France pour 6.090.000 fr. en 1895, et
39.652.000 fr. pour l'étranger, contre 270.000 fr. pour la
France et 16 millions pour l'étranger de riz paddy et
1.349.000 fr. de farine de riz.
Le riz à destination des colonies françaises n'atteint que
200.000 fr. Quatre rizeries sont installées à Cholen et une
à Saigon. Celles de Cholen fournissent chacune par jour de
700 à 900 tonnes de riz cargo et de 4 à 600 tonnes de riz
blanc ; celle de Saigon, 800 tonnes de paddy. Ses construc-
tions occupent sur le bord du fleuve 20.000 mètres carrés.
Les deux machines sont de 800 chevaux. Deux de ces usines
sont à des Allemands.
Le sucre va à l'étranger pour 291.000 fr, et la gomme
laque pour 158.000 fr.
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r
- 40 —
Le poivre expédié à l'étranger vaut 60.000 fr., tandis
que celui pour la France se monte à 2.760.Ô00 fr.
Jardins d'essai. — Un magnifique jardin d'essai existe
à Saigon, aussi bien qu'à Hanoi. Ces jardins vont être
réorganisés. Le personnel supérieur sera pris parmi les
diplômés des écoles nationales d'agriculture, et le personnel
subalterne parmi les élèves des écoles pratiques d'agricul-
ture- Ces établissements font des échanges de plants et
Le Préfet de Cholon Do Huu PhuoDg (Cochinchine)
graines, en fournissent aux colons et leur donnent des
renseignements précieux sur les cultures riches. Ils se
tiendront en relations avec le jardin central colonial qui
va être créé à Vincennes.
La Pêche fluviale s'exerce dans tout le pays par des
barques indigènes.
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— 41 —
Pèche maritime. — Des pêcheries sont installées tout
le long de la côte et fournissent chaque jour l'intérieur de
poisson frais.
Tramways. — Ils desservent Saigon et Cholen.
Les Chemins de fer fonctionnent de Saigon à Cholen et
Mytho. On a décidé de les poursuivre vers Phnômpenh et
Battambang, d'une part; et vers Hué, d'autre part. On
conçoit que de Phnômpenh à Hanoi par Hué, nos posses-
sions doivent être reliées par une voie ferrée. Le réseau
doit même s'étendre à TOuest jusqu'à Chantaboun et
Bangkok, et à TEst et au Nord se relier par le Tonkin au
réseau franco-chinois.
La loi du 25 décembre 1898 a pourvu aux frais d'éta-
blissement des sections ferrées de Saigon vers la capitale
de l'Annam, et de Saigon-Mytho prolongée jusqu'à Vinh-
Long et Cantho.
Le premier de ces tronçons, dit M. de Lanessan, rappor-
teur de la Commission parlementaire, ne donnera pas de
résultats pécuniers avant longtemps et devra occuper le
dernier rang dans Tordre des travaux à entreprendre.
Celui de Mytho à Vinh-Long transportera des voyageurs
comme celui de Saigon à Mytho, mais peu de marchandises.
Toute celte région est, en effet, desservie admirablement
par les vapeurs fluviaux et les jonques qui suffisent pour
les denrées encombrantes et à bon marché. Elle n'a aucun
intérêt sérieux et il vaudrait mieux s'appliquer à la création
de la ligne ferrée de Saigon à Phnômpenh, capitale du
Cambodge, par Tay-Ninh, avec prolongement ultérieur sur
Battambang et raccordement avec le projet siamois de
Bangkok à Battambang. Cette section doit être franco-sia-
moise, ou siamoise, mais il ne faudrait pas la laisser
concéder à une Compagnie anglaise, puisque la région de
Chantaboun, de Battambang, des Grands-Lacs est réservée
à notre influence exclusive par la convention anglo-française
de janvier 1896.
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- 42 -
On se rend donc bien compte que les chemins de fer de
Cochinchine n'auront d'importance que s'ils franchissent
sea frontières de l'Est (Annam) et du Nord-Ouest (Cam-
bodge et Siam).
Télégraphes et Postes. — Tous les centres sont desservis
par des bureaux de plein exercice. Le réseau terrestre est
relié & Bangkok depuis le 16 juillet 1883, au Tonkin
depuis 1888, au Laos depuis 1894, au Cambodge depuis
1S68 et à la Chine depuis 1896.
En outre, des télégraphes sous-marins desservent Saigon,
Thuan-An (Hué), Haiphong et mettent la Cochinchine
en relations avec l'Europe en 6 heures, pour 7 francs le
mot sans maximum.
Marine marchande. — En 1897, le mouvement de la
navigation du port de Saigon a été de 177 navires français,
savoir ;
62 vapeurs de Messageries ma- \ / Jaugeant
ritimes / , \ 128.000 1.
/> , [ Subven- ) ^^ ^ -^ ^
61 vapeurs annexes > . < 62.880 t.
ft j 1 i-i • l tionnés i
W vapeurs de la Compagnie! I
nationale / \ 57.780 1.
248.660 t.
Contre 296 navires étrangers, dont :
150 vapeurs allemands 175.000 t.
118 vapeurs anglais 176.000 t.
28 vapeurs norwégiens 23.500 t.
374.500 t.
Il faut y ajouter, à l'entrée, un seul voilier français,
contre 11 allemands et anglais.
Le total général du tonnage est de 623.160 tonnes.
Les navires à vapeur se sont substitués aux voiliers. On
voit avec regret que la plupart des navires marchands,
autres que ceux des trois lignes subventionnées, sont étran-
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- 43 -
gers. Le fret varie pour Hong-Kong de 7 à 18 cents et pour
Singapour de 12 à 20 cents, pour Port-Saïd et Marseille de
40 à 50 francs.
Services postaux maritimes intérieurs. — La Com-
pagnie des Messageries fluviales fait le service entre tous
les centres intérieurs, outre les courriers de terre ou trams.
Mytho en 1863 (Cochinchine)
Avec les centres extérieurs, la môme Compagnie lait
communiquer Saigon avec Battambang et bimensuelle-
ment avec Bangkok. Les Messageries maritimes relient
Saigon à FAnnam et au Tonkin, à la Chine et au Japon,
à Java, à l'Australie, à Singapour et à TEurope, tous les
14 jours.
Monnaies. — Poids et Mesures. — La monnaie est la
piastre mexicaine, tombée de 6 fr. 10, en 1862, à 2 fr. 35,
en 1898. On n'admet pas la piastre choppée, ni coupée.
Ses divisions sont les pièces argent de 50 cents, 20 cents,
10 cents, les pièces de cuivre de 1 centième de piastre, et
de 2 millièmes ou sapèque française percée d'un trou
carré, comme la sapèque annamite de zinc, ou alliage zinc
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— 44 —
et étaiû. Cette dernière a disparu de Saigon et Gbolen,
mais sert dans Tintérieur, où on la colporte en ligatures
de 600 sapèques valant 0 fr. 40.
L'unité de poids est le picul de 60 k. 400. Pour le riz
brut, il est de 60 k. 700, et à Cholen de 68 k. Pour les
autres denrées, il est de 63 k. 400.
Crédit et Banques. — La Banque de Tlndo-Chine,
fondée en 1875, fait toutes les opérations et émet les billets
de iOO, 20 et 5 piastres admis partout. A Saigon sont
établies en outre : La Hong-Kong-Shanghai Banking Corpo-
ration, la Chartered Bank of India, Australia et China et
la Mercantile Bank of India, London et China. Ces deux
dernières ne font que les affaires de documents. Le taux
de l'intérêt varie de 9 à 12 0/0.
Les malabars (chetties) prêtent sur gages et sur signa-
tures, surtout aux Chinois. Ils ont ainsi accaparé les
terrains et les immeubles. Les riches Annamites et les
Chinois pratiquent les prêts à 4 0/0 par mois, rembour-
sables en riz. L'intérêt légal de 12 0/0 l'an est plus que
sextuplé et s'ajoute au capital. La création des prêts sur
récolte par la Banque française à 15 0/0 n'a pas réussi,
parce qu'il eût fallu des agences privées, des prêts per-
sonnels et non aux communes, un cadastre et des titres
de propriété et de succession mieux établis.
Salines. — Des salines sont exploitées à Baclieu,
Soctrang et Baria. Ces dernières sont les meilleures et four-
nissent le sel aux pêcheries des grands lacs cambod-
giens.
Carrières et Mines. — Les carrières de granit et de
pierres alvéolaires de Bienhoa servent pour les cons-
tructions et les routes. Il n'y a pas de mines connues dans
ce terrain alluvionnaire.
Industries. — Cinq usines pour le décorticage du riz
avaient été fondées par des Européens. Trois sont passées
en des mains chinoises.
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- 45 —
Une brasserie de bière de riz, une usine à glace, une
savonnerie, le dévidage de la soie, une blanchisserie se
sont installées. Les usines à sucre de canne n'ont pas
pu se maintenir parce que les producteurs indigènes ne
purent fournir aux moulins une alimentation suffisante en
cannes à des prix rémunérateurs pour l'usinier.
Entrée de la pagode cantoonaise à Cholon (Gochinchine)
La vannerie de rotin et bambou se fait dans les prisons,
par les indigènes. Ce sont des articles soignés, confec-
tionnés avec goût et variété et très recherchés en Asie et
en Europe.
Les industries annamites sont la distillerie du riz, les
nattes, la fonderie de fer et bronze, la poterie, la brique-
terie, la chaux, les scieries chinoises, etc.
Textiles. — Les filatures de soie n'ont pu subsister à
cause de Tinsuffisance du concours des producteurs indi-
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gènes. Les tissus de soie pour l'étranger ont une valeur de
55.000 francs et les nattes 100.000 francs, à destination de
Chine.
La main-d'œuvre industrielle indigène vaut 30 cents
(1 fr. au plus) par jour de dix heures. Les ouvriers,
80 cents; les mécaniciens, 1 piastre; les coolies des champs
hommes, 20 cents; les femmes, 16 cents.
Voies de communications terrestres. — La Colonie
doit être desservie par 3.000 kilomètres de routes classées,
en cours d'achèvement.
L'avantage de ce pays, c'est qu'il est sillonné en toics
sens par des fleuves et déS canaux qui relient tous les
centres et tous les marchés. Ces fleuves communiquent
entre eux et sont tous navigables. Ce sont le Donaï, les
deux Vaicos, le Soi-Rap, les Bouches du Mékong, avec
leur multitude d'affluents.
L'eau est mauvaise et doit être bouillie ou alunée et
clarifiée, mais il existe des puits d'eau potable. Un château
d'eau a été édifié à Saigon. On a diminué considérable-
ment les maladies par la distribution d'eau filtrée, dans la
ville. •
Commerce européen. — Il comprend aussi celui du
Cambodge et se décompose ainsi :
Importations 58.333.400 fr.
Exportations 84.375.630 fr.
Réexportations 868.000 fr.
Total 143.577.030 fr.
Plus 25.116.000 fr.de nu-
méraire.
Le Cabotage indigène pour la Cochinchine et le Cam-
bodge, avec les pays voisins, a été en 1896, de 2.840.000 fr.
à l'entrée et de 4 millions à la sortie, total : 7.840.000 fr.
Les Importations de France et ses Colonies, en 1896,
ont été de 22.265.777 fr.
de l'étranger de . . . 29.753.568 fr- ^ 52.019.945 fr.
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- 47 -
Sur ces 52 millions, il y a 18 millions de marchandises
françaises et 29 millions de l'étranger.
LMmportation des tissus français de coton écru est
montée, de 1895 à 1896, de 619.200 kilos à 851.000 kilos,
les tissus blanchis de 515.000 kilos à 679.000 kilos. En
1897, le poids des tissus blanchis venant de l'étranger
n'est plus que de 588.000 kilos.
En valeur, les cotonnades françaises importées en Gochin-
chine en 1896, venant de France, se montent à 6.500.000
francs et de l'étranger à 9 millions. On voit que nos fabri-
cants ont encore un vigoureux efifort à faire.
Les Exportations, en 1896, ont été (non compris les
destinations pour TAnnam-Tonkin) :
Pour France, et ses
Colonies 8.413.132 fr. ;
Pour l'étranger . . 70.149.149 fr. \ ^^'^^^'^^^ ^^
Total général du Commerce . . . 130.581.626 fr.
Les exportations avaient été de 85.245.000 francs en
1895. La moins-value est due au manque de récolte des
riz, des poivres, du coton et de la pêche au Cambodge.
Nous donnons ci-contre le tableau des exportations de
de riz en 1897, qui a atteint 535.637 tonnes se répartissant
ainsi par destinations :
France 68.567 tonnes
Colonies Françaises. . . . 13.669 —
Ports d'Europe 60.770 —
Port-Saïd, à ordre . ... 74.244 —
Indes Néerlandaises . . . 49.167 —
Singapore 112.701 —
Iles Philippines 1.081 —
Chine 105.6i44 —
Annam et Tonkin .... 1.474 —
Inde 2.008 —
Japon 47.238 —
535.637 tonnes
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— 48 —
La comparaison de ce total avec les chiffres afférents
à la dernière période décennale conduit aux résultats
suivants :
1888 573.949 tonnes
1889 523.376 —
1890 592.538 —
1891 450.796 —
1892. 626.528 —
1893 719.636 —
1894 567.425 —
1895 555.851 —
1896 431.277 —
1897 535.637 —
Pour les deux premiers mois de 1898, les quantités de
riz tît de paddy exportées s'élèvent à 83.578 tonnes contre
S8.421 tonnes en 1897.
La Législation commerciale est la même qu'en France.
Mciis une réglementation spéciale a été imposée aux
maisons de commerce chinoises. Quant aux tarifs doua-
niers de 1892. ils viennent d'être modifiés par deux décrets
du :^9 décembre 189S. Des droits ont été établis à la sortie
lie rindo-Chine sur les produits destinés à Y étranger.
Les produits de TAnnam et du Tonkin, qu'on avait eu le
tort de taxer lorsqu'ils passaient simplement d'un pays
dans l'autre, pourront circuler librement en Indo-Chine.
Ce nouveau régime fait enfin tomber les barrières inté-
rieures qui s'élevaient entre les diverses parties de la colo-
nie, ainsi qu'entre l'Indo-Chine d'une part et la métropole,
ainsi que les autres colonies d'autre part.
Désormais, aux termes de l'article 2, les produits expor^
tés de rindo-Ghine à destination de la France et des colo-
nies françaises sont exempts de tous droits de sortie^
pourvu qu'ils soient transportés en droiture.
Les droits d'entrée ont été relevés, à la môme date, pour
les produits étrangers, importés en Indo-Chine.
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- 49 -
Nos produits destinés à notre colonie sont ainsi mieux
favorisés. La production et l'industrie locales pourront se
développer avec avantage. Il suffira de consulter ces deux
documents pour connaître le régime actuel des importa-
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-No-
tions et des exportations, suivant les tableaux qui y sont
annexés.
Associalions. — Saigon possède une Chambre et un
Tribunal de commerce, une Chambre d'agriculture, des
associations nombreuses, des cercles, sociétés de courses,
vélos, sports, sociétés scientifiques, de mutualité et bien-
faisance.
Avenir du pays. — Le climat de la Cochinchine fait
que ce pays n'est pas une colonie de peuplement, mais
d'exploitation et surtout agricole. Saigon est loin de la
mer. Les grands paquebots de Chine, sauf nos Messageries
maritimes, n'y font pas escale. Mais Saigon est la clef du
Cambodge, du Laos, et un grand entrepôt de transit
commercial. Le pays fait plus d'exportation que d'impor-
tation. Son avenir réside dans le développement de ses
relations avec les autres pays indo-chinois, ses voisins
immédiats^ et dans l'extension de ses cultures. En 1862, le
trafic était de 5 millions. Il est, en 1898, de près de 150 mil-
lions. On voit par ces rapides progrès combien la Colonie
a une vitalité propre et un vaste avenir devant elle, au
grand profit de la Métropole, aux dépenses de laquelle elle
contribue pour le Tonkin, en ne lui coûtant qu'une minime
dépense de souveraineté.
Charles Lemire,
Résident honoraire de France.
(A suivre,)
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HENRI DERNIER
CHANOINE D'ANGERS
fsu%tej
IV
Le CSuré de Saumor (1831-1837)
Dans sa Notice sur le Collège de BeaupréaUy M. Dernier
oppose à la description enthousiaste de sa chère Vendée an-
gevine le tableau de la région où s'écoulèrent dix-sept années
de sa «vie, soit comme principal, soit comme curé. < Rap-
prochons-nous de Saumur, dit-il, pour observer les cam-
pagnes environnantes, surtout les communes qui s'étendent
depuis la rive gauche de la Loire, jusqu'aux limites des
départements de la Vienne et des Deux-Sèvres. Nous trou-
verons dans les villages et dans les fermes de vrais philo-
sophes, qui ont pris, nous ne savons pas où, leur philo-
sophie, mais à qui Voltaire, Helvétius et Michelet ne
sauraient plus rien apprendre. Pour eux. Dieu existe,
probablement, mais ils ne le distinguent guère de la
nature ; ils sont presque panthéistes, sans s'en douter, et
leur religion est à peu près nulle. Ils ne sont pas bien sûrs
d'avoir une âme, et ils aiment à répéter : « Quand je serons
morts j tout sera mort » . Ils se mettent fort peu en peine
des commandements de Dieu et de l'Église. Prédisposés à
croire les plus grossières absurdités, pourvu qu'on les
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débité avec assurance, surtout quand ils y voient un vernis
d'irréligion, ils réservent pour les enseignements de leur
curé toute leur incrédulité et toute leur défiance. Ils sont
rudes et souvent maussades, plutôt que simples; leur
hardiesse dégénère en effronterie; leur franchise ressemble
trop à l'insolence, et souvent elle masque la mauvaise foi.
Si vous paraissez être au-dessus d'eux, ne fût-ce que par
votre habit, cela suffit pour qu'ils vous suspectent et vous
jalousent, s^ils ne vont pas jusqu'à vous haïr. S'il vous
prend envie de causer avec eux , souvenez-vous que ces
esprits grossiers ne peuvent s'élever à aucune pensée de
Tordre intellectuel et moral, parce que chez eux il n'y a
que la terre qui reçoive une culture un peu soignée.
L'instruction primaire y végète misérablement, comme
une plante exotique, et elle n'y produit que des fruits peu
abondants et bâtards*. »
Qui reconnaîtrait dans ce portrait Taimable et intelligente
population saumuroise ? Peut-être fut-il mieux ressemblant
vers 1827 ou 1831; même pour cette époque, il parait
plutôt une caricature, où la main de l'auteur, guidée par
une rancune amère et une haine de race, a trop accusé les
traits universels du scepticisme rural ou de la crédulité
populaire. Quoi qu'en ait dit M. Dernier, tel n'est point
ce pays, et dans son irréligion l'histoire impartiale peut
découvrir des circonstances atténuantes.
Sans remonter au protestantisme dont Saumur fut une
citadelle, ni même au jansénisme, la décadence religieuse
de cette région était sensible avant la Révolution. Des
moines riches et philosophes, des prêtres aux idées avancées
avaient disposé ce peuple à recevoir avec enthousiasme la
constitution civile du clergé. Le quart des ecclésiastiques
du diocèse d'Angers prêta le serment, mais les jureurs
furent surtout nombreux dans le Saumurois. Les événe-
' NùL historique, p. 6.
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- 53 -
ments marchèrent vite et la Terreur, qui 9e fit sentir parti-
culièrement en Anjou, poussa bientôt nombre de curés
constitutionriels à l'abjuration publique d'une foi dont on
leur faisait un crime et que plusieurs, d'ailleurs, n'avaient
plus. On en vit rendre leurs lettres sacerdotales avec une
fanfaronnade scandaleuse. D'autres, moins compromis,
entrèrent dans l'arrangement concordataire. Nappléon ne
voulait pas qu'on leur demandât de rétractation. Ils firent le
moins possible amende honorable et sans le vicaire-général
Meilloc, ils l'auraient complètement esquivée. D'aucuns
n'avaient pas vécu sacerdotalement pendant plusieurs
années, parfois pas môme philosophiquement. Coiffés du
bonnet rouge, quelques-uns étaient devenus dai^s les clubs
des orateurs sanguinaires ou grotesques, accusateurs de
leurs anciens confrères et de leurs partisans. En les voyant
reparaître dans la nouvelle église comment le peuple
n'eùt-il pas été surpris ? Ne reprenaient-ils pas simplement
un métier. Cette pensée n'était pas de nature à rendre la
foi au Saumurois et cependant on y plaça tous les jureurs.
Il fallait bien les mettre quelque part et la partie vendéenne
du diocèse leur restait impossible.
Pour les surveiller dans leur quartier, l'évoque nomma
curé de Saumur un prêtre aussi digne que capable, l'abbé
Forest. Sa qualité d'ancien émigré le fit mal accueillir. On
ne parla rien moins que de le jeter à la Loire. Cependant,
la ville comprit bientôt que le curé, par la volonté de
l'empereur, était un personnage considérable, le sous-
préfet de la morale et du dogme traditionnel. M. Forest
acquit une grande autorité. Il devint l'évéque régional.
Quand les paysans des environs avaient quelques griefs
contre leurs propres pasteurs ils leur faisaient une menace
qui s'est longtemps conservée : On ira le dire au curé de
Saumur!
La Restauration ne fit qu'affermir le prestige de l'archi-
prôtre. Toutefois, malgré la protection officielle du gouver-
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— 84 —
nement, Topposition religieuse du pays pouvait être
seulement contenue et non pas vaincue. Un ami des
jésuites avait acheté, en 1825, la magnifique abbaye de
Saint'Florent pour y installer les Pères : il fut forcé d'aban-
donner son projet devant une opposition formidable. Le
clergé séculier restait aussi impopulaire. Au sortir d'une
oppression monstrueuse, l'Église se trouvait non seulement
libre, mais encore maîtresse. La faveur royale réservée au
clergé émigré ou nouveau, les lois du dimanche et du
sacrilège, Tinstruction primaire confiée aux évoques, les
encouragements donnés aux congrégations ramenaient le
spectre de l'ancien régime. Toujours malléable, le peuple
pouvait se prêter à la réaction, acclamer ses triomphes,
dont le principal à Saumur fut la mission des jésuites
Gloriot et Guyon (1828) ; la classe aisée et la bourgeoisie
crevaient de rage. Pour elles, la foi de la populace était
sottise et lâcheté. Quand les employés et dépendants du
gouvernement paradaient aux exercices religieux, on
taxait leur présence d'ambition et d'hypocrisie. Les can-
tiques qui célébraient le roi autant que Dieu semblaient
un double défi. Des paroles imprudentes avaient blessé
vivement, comme aussi les longues humiliations inten-
tionnelles infligées aux acquéreurs des biens nationaux.
Ceux qui les avaient perdus et ceux qui n'en avaient pas
acquis aimaient à se montrer durs pour leurs voisins
audacieusement enrichis et hors du danger de restitu-
tion.
Aussi la chute définitive des Bourbons fut-elle le signal
d'une réaction, comme l'avaient été lesCent-Jours, mais cette
fois plus violente, puisqu'elle suivait une compression plus
longue. Tandis que dans les autres parties de l'Anjou les
libéraux en minorité durent modérer leur revanche, les
Saumurois purent s'en donner à cœur-joie. Abrité par les
murs de son collège, M. Bernier n'aurait guère eu à
souffrir, sans la vengeance d'un ancien domestique. Il en
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- 85 —
allait autrement pour le clergé paroissial. A Saumur,
Técole presbytérale de M. Forest, respectée par Tempire,
fut supprimée en décembre 1830. On dut rentrer dans
Téglise la croix élevée sur la place durant la mission. Le
vieux curé, hanté par les souvenirs de son exil, mourut
douloureusement au milieu de la révolte et fut enterré
sans honneur. Pour le remplacer, Tévéque désigna un
prêtre voisin*, très honorablement connu dans la ville. Le
gouvernement refusa d'agréer cette nomination. Le curé,
n'acceptant la situation que bien malgré lui, ne se pressa
point de prendre possession, malgré les invitations de
M*' Montault. La vacance laissa toute liberté à la réaction.
Les œuvres catholiques de la paroisse subirent une crise
terrible. Toutes les croix des environs furent abattues ou
profanées.
Telle était la situation quand M. Bernier se démit de son
supériorat du collège de Doué. Alors l'évêque offrit à celui
qu'il considérait comme le curé de donner sa démission et
de nommer à sa place Tex-principal. L'arrangement fut
vite conclu, mais le gouvernement ne montra pas de
meilleures dispositions. Plus décidé que son confrère et
suivant le conseil de M»*" Montault, l'abbé Bernier résolut
de passer outre. Il avait même fixé le jour de son instal-
lation quand arriva l'acceptation royale. La cérémonie de
prise de possession fut présidée, le 17 novembre 1831, par
M. Régnier, vicaire-général.
Les Saumurois ne tardèrent pas à mettre à l'épreuve la
patience de leur nouveau curé. Il eut à subir nombre de '
petites taquineries, dont quelques-unes, bien qu'elles
datassent de 1830, n'avaient point encore perdu leur
piquant au commencement de la troisième République. A
certains jours on décorait l'église de drapeaux tricolores;
le 28 juillet, on exigeait un service pour les victimes des
^ M. Jacques Lasne^ desservant de Saint-Lambert-des-Levées. Il fut
curé de Samt-Joseph d'Angers de 1835 à 1877.
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— 56 -
barricades, et chaque dimanche un Domine, salvum fac
regem dans le goût des libéraux*, et pour eux d'autant
plus agréable qu'ils avaient eu grand'peine à l'obtenir.
C'étaient ces vexations usitées par toute la France qui
avaient arraché au jeune abbé Lacordaire une flère protes-
tation : « Ils exigent de vous des prières dont votre cons-
cience ne reste pas juge, et ils Texigent en n'invoquant
qu'une raison, c'est que vous êtes payés. Ils n'ont pas
besoin d'être justes : vous êtes payés. Ils n'ont point de
comptes à vous rendre : vous êtes payés A-t-on
jamais traité des hommes avec plus de mépris ? Ils
se moquent de vos prières, et ils vous ordonnent de les
chanter. Si vous n'obéissez, vous êtes des séditieux à qui
le trésor sera fermé; si vous obéissez, vous leur devenez
si vils qu'il n'y aura pas de termes, dans les langues,
pour exprimer ce qu'ils pensent de vous^ »
Le suprême argument : Vous êtes payés I retentit
bientôt à Saumur. Dans plusieurs paroisses de la région
une ancienne coutume s'est maintenue jusqu'à nos jours.
* L'histoire, malgré sa gravité, peut conserver la mémoire de ces
luttes.
Après la Révolution dé juillet, on continua de chanter dans les
églises, selon le rit du diocèse, le Domine^ salvum sans nommer le
souverain. Or, dans l'intention des fidèles, Regem désignait le Roi, le
légitime, Tunique, le Roi de droit divin, et non l'usurpateur. Pour
eux le chant était une véritable manifestation. Les curés ne prirent
point le nouvel usage de la cathédrale où, sur Tordre de Tévéque, on
avait intercalé dans Tantienne le double nom du roi-citoyen. Des
prêtres avaient feint d'accorder satisfaction aux libéraux en faisant
chanter Domine, salvum fac regem Philippumj concession insidieuse,
car le deuxième nom était le seul usité, en terme de mépris, par les
carlistes. Et puis quelles plaisanteries ne tiraient-ils pas de cet
accusatif : Philippe-pomme ^ Philippe-poire, Philippe-poireau î Pour
mettre fin à ces disputes irritantes, de par le roi, Tévéque, en sup-
primant la procession du 15 août, ordonna d'ajouter au verset les
noms du souverain. Le mandement épiscopal ne mit point la paix.
En Vendée, les carlistes sortaient de l'église dès qu on entonnait
Tantienne, même là où un seul chantre l'exécutait et presque à voix
basse. Ailleurs, des philippistes se rendaient à la nn de la messe
pour constater leur triompne et parfois pour le renforcer.
* L'Avenir du 27 octobre 1830; De la suppression du budget du
clergé, l^ article.
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— 57 —
Au moment de Toffertoire les assistants d'une messe de
sépulture remettent une offrande pécuniaire au célébrant.
Sans avoir conservé tout le cérémonial antique, du temps
de M. Bernier le don des oblations ne manquait pas de
grandeur. Après Tévangile, pendant le chant de Toffer-
toîre, le prêtre descendait à l'entrée du chœur, se plaçait
à la porte du balustre, tourné vers le peuple, avec le diacre
à droite et le sous-diacre à gauche. Alors tous les assistants
se présentaient à leur rang : la famille du défunt, les
principaux du deuil, le peuple. Pour éviter la confusion,
les fidèles venaient du côté de Tévangile; puis ils saluaient
Fautel et le célébrant, baisaient la paix que celui-ci leur
présentait, mettaient leur offerte dans le bassin et s'en
retournaient du côté de Tépltre en faisant des révérences
aux parents du défunt.
Peu de temps après Tarrivée de M. Bernier, une famille
de bourgeoisie perdit Tun des siens. Quelqu'un des parents
ne se souciait peut-être pas de traverser toute Téglise pour
aller saluer l'autel et le curé. Ou bien la famille, jugeant
comme un abus cette coutume de Tofferte, pensa-t-elle
qu'il lui serait glorieux de supprimer délicatement ce reste
d'un autre âge ? « Nous avons commandé un service de
première classe, fit-elle représenter à M. Bernier, avec un
luminaire qui à lui tout seul vous sera une bonne aubaine.
Mais il nous répugne d'occasionner à ceux qui viennent
nous témoigner de la sympathie la dépense de l'offrande.
Nous vous proposons d'en racheter le deuil, en payant de
suite ce que vous voudrez, ce que vous l'estimerez, même
plusieurs centaines de francs. » D'ailleurs, laissait-on
entendre, le curé s'honorerait grandement et se concilierait
l'estime générale, en supprimant une coutume locale et
surannée, ou tout au moins en permettant de s'en délivrer,
moyennant une somme fixée à l'amiable.
— Je suis, répondit M. Bernier, dans l'impossibilité de
changer de ma propre autorité une coutume régionale, et
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mon exemple forcerait la liberté des prêtres voisins en
jouissance du môme usage.
— Et bien, s'il n'y a pas moyen de s'entendre, personne
ne bougera. Nous nuirons pas à l'offerte.
— S'il en était ainsi, je ferais continuer la messe basse.
— Vous n'en avez pas le droit; le service de première
classe est commandé.
— Oui, mais dans cette première classe, l'usage com-
prend une cérémonie dont vous ne pouvez vous dispenser
sans rompre le contrat et me laisser juge des rites et de
la police de mon église.
On peut imaginer l'excitation produite dans la ville par
le récit de cette conversation et la curiosité avec laquelle
la nombreuse assistance de la messe de sépulture attendit
le moment critique. A l'offertoire, M. Bernier descendit
comme à l'ordinaire à l'entrée du chœur. Personne ne
sortit des bancs. La famille en avait pris son parti. Le
sacristain éteignit les cierges, à l'exception des deux
nécessités par les rubriques, et la messe s'acheva sans
aucun chant.
La victoire restait à M. Bernier, mais à quel prix! Sans
l'habileté d'un vicaire* qui s'employa à calmer les esprits,
le curé aurait été obligé de donner sa démission. L'effer-
vescence, entretenue par les événements politiques, dura
tpute l'année 1832. Cette année, le département de Maine-
et-Loire fut mis en état de siège durant les mois de mai et
de juin. On n'entendait parler que de curés dénoncés pour
embauchage de chouans, puis de prêtres emprisonnés,
arrestations qui se terminèrent pour la plupart par des
ordonnances de non-lieu. Parfois, l'arrivée et le passage
de prisonniers politiques donnèrent lieu à des scènes
hideuses, et la surexcitation de la petite ville empêcha,
paralt-il, le gouvernement de confiner dans le château la
« M. Coûtant.
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duchesse de Berry — Caroline Berry — comme disaient
les philippistes du pays. La nouvelle monarchie devenait
cependant de plus en plus forte et tâchait de remettre à
l'ordre les alliés trop avancés, dont elle avait honte, et à
qui, pourtant, elle était si redevable.
1832 fut encore la date d'une grande victoire des libé-
raux saumurois. Depuis une dizaine d'années, ils s'effor-
çaient d'établir dans leur ville une école mutuelle. Ils
réussirent enfin à cette époque*, grâce à une souscription
publique à la tête de laquelle se placèrent les députés
Benjamin Delessert et Félix Bodin, et même, pour deux
cents francs, le duc d'Orléans. Toutefois, le Conseil muni-
cipal, réglant le budget de 1833, avait alloué une somme
de 1.200 francs à l'école catholique établie par M. Forest.
En vain, dans une délibération subséquente, le vote en
faveur des Frères fut-il maintenu; l'autorité supérieure
rejeta l'allocation. A partir du l**" janvier 1833, les Frères
ne reçurent plus aucun secours de la commune. Bien plus,
leur local fut livré peu de temps après à l'école mutuelle.
L'établissement ne pouvait donc se maintenir qu'au moyen
d'une souscription dont le montant devait entretenir quatre
instituteurs et leur procurer une maison à loyer. M. Ber-
nier lança en leur faveur une circulaire^ dont le succès
* En quelques jours, le nombre des élèves monta à 245.
* Elle n*a pas encore perdu tout son intérêt, tellement longues
sont les misérables querelles où se consume l'activité de la France.
« La méthode des Frères, disait M. Bernier, a un avantage incon-
testable : c'est de graver profondément la morale dans le cœur des
enfants, au moyen d'un langage approprié à la capacité de chaque
élève, insinuant, varié sous mille formes et d'autant plus persuasif.
Que les instituteurs le soutiennent par un langage d'action et
d'exemple; moyen bien plus efficace, il faut en convenir, pour former
un jeune cœur, que des évolutions et des mouvements tout méca-
niques.
€ Si l'Ecole chrétienne de Saumur est détruite, plus de deux cents
familles seront désolées; et ceux qui comptent pour quelque chose
les droits et les affections de la paternité ne verront pas sans regret
tant de citoyens frustrés d'une liberté qui leur est si précieuse : celle
de donner a leurs enfants des maîtres de leur choix.
« Souscrire pour les Frères sera donc une œuvre éminemment
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permît de louer un immeuble pour y installer les classejs et
un autre pour loger les Frères. Bientôt après, une veuve*
donna sa maison pour l'école. Cette générosité n'empêcha
pas la curé de lutter encore pour assurer la subsistance des
instituteurs, bien plus pour défendre leur méthode.
Les libéraux étaient alors dans l'engouement pour l'ensei-
utile. Il m'importe peu de savoir quelles sont les opinions de ceux à
^ui je la propose, parce que la religion et la morale, que cette œuvre
ititérosse, sont en dehors, ou plutôt au-dessus de toutes les opinions;
et, du reste, s'ils s'en trouvait une dont le progrès pût être compro-
mis par l'enseignement des préceptes évangéliques, elle serait par là
même démontrée absurde et anti-sociale.
* Je ne balance pas à proposer cette bonne œuvre aux souscripteurs
pour TEcole mutuelle. S'ils ont souscrit dans la conviction que l'en-
seignement mutuel l'emporte sur celui des Frères, ils ne renonce-
ront pas volontiers au glorieux triomphe que la concurrence procu-
rerait à l'institution qui leur est chère; ils trouveront plus noble de
laisser les Frères s'engager dans une lutte qui doit prouver leur
infériorité, que de les exclure du champ par force majeure, ou de
les affamer pour les obliger à en sortir sans combat.
« S'ils ont souscrit dans le désir de voir s'établir une heureuse
émulation, ou bien pour que les familles pussent choisir entre les
deux méthodes et faire instruire leurs enfants selon leur goût et
leurs idées, leur raison, qui ne peut pas avoir deux poids et deux
mesures, appliquant ces mêmes principes à l'Ecole chrétienne, les
conduira, par une conséquence rigoureuse, à souscrire pour cette
Ecole.
* Quelques souscripteurs n'auraient-ils été que des complaisants?
Leur complaisance n est pas épuisée, je pense. Ils sauront en user
dans une circonstance où elle s'ennoblira, en prenant un caractère
de j^^énérosité et môme d'indépendance ; car il est bien clair qu'en
souscrivant pour les Frères, sur la proposition d'un prêtre, ils ne
céderont ni a la mode qui entraîne, ni au crédit et à la faveur qui
séduisent, ni à l'autorité ^ui impose, mais bien au désir très louable
d'être agréables et utiles à deux cents familles peu fortunées.
(t La crainte d'être mal noté, m'a-t-on dit, empêchera beaucoup de
personnes de souscrire et suffira toute seule pour vous faire échouer.
J'ai répondu que personne ne peut voir du danger à entrer dans les
voies ouvertes par l'honorable administration, qui, tout dernièrement
encore, a voté des fonds pour l'Ecole chrétienne; que certaines
uali fi cations, mal définies et devenues banales, n'inspirent plus que
u mépris à ceux qui en sont l'objet; que la souscription en faveur
des Frères ne motiverait pas mieux l'imputation de carlisme ou de
jésuitisme, que la souscription pour l'École mutuelle ne motive
rimputation de républicanisme ou d'impiété; enfin que la famille
saumuroise, dans laquelle je me félicite d'être venu prendre place,
n'est point travaillée par des divisions profondes, et que je n'y vois
pas de ces haines atroces qui s'irritent de tout et qui font arme de
tout- n
* Mme Oudry.
3
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r
— 61 —
gnement mutuel. Il D*y avait point de naïveté et de para-
logisme qu'ils ne débitassent en sa faveur. c< En France,
dit à ce propos M. Gréard, les esprits généreux ne doutent
jamais de Tefficacité des réformes dont ils souhaitent le
succès. Nous jetons d'un seul coup tout notre cœur et toute
notre raison du côté où nous entraînent nos désirs et nos
espérances, i En réalité, sous des questions pédagogiques
se cachait Tantagonisme du parti de la sécularisation de
l'école avec l'enseignement catholique. N'ayant point assez
d'institeurs teïques à opposer aux Frères, les libéraux se
trouvèrent conduits à l'essai d'un autre système d'ins-
truction. Au mode simultané, ils opposèrent le mode
mutuel. Cette guerre scolaire, une des formes de la grande
lulte politique, s'étendit partout où était vive la dispute
des partis. Saumur n'y pouvait échapper. Dans sa circu-
laire, M. Dernier n'avait pas craint de faire l'éloge de la
méthode des Frères, vivement attaquée. Un jeune avocat
lui répondit*. Ce fut le commencement de nouvelles
batailles. Gomme on était alors dans l'intégralité des obser-
vances de l'enseignement mutuel, le féroce bon sens du
curé trouva une ample matière à s'exercer sur tout ce qu'il
y avait de creux, de faux et dangereux dans le système.
Puis la loi du 28 juin 1833 sur l'instruction primaire vint
élargir le champ de la discussion.
La fin du ministère de M. Bernier fut moins agitée. Les
esprits se calmaient et les voltairiens les plus décidés
n'osèrent point s'attaquer à un polémiste si redoutable,
aux réparties caustiques et toujours prêt à la lutte. La fon-
dation d'un asile pour les petites filles abandonnées, puis
d'un monastère du Bon Pasteur absorbèrent la plus grande
partie de ses loisirs dans les années 1834 à 1837. Ces deux
œuvres méritent un chapitre particulier. Quelques autres
détails achevèrent le récit de cette vie pastorale.
* Prou (Charles-Emile), né à Beaupréau le 19 janvier 1815, mort à
Angers le 5 janvier 1865.
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— 62 —
L'un des premiers soins de M. Dernier, en arrivant dans
sa paroissse, fut d'organiser le service de secours pour les
pauvres depuis longtemps négligé. Une vieille fille en avait
été chargée après la Révolution. Trop fatiguée, elle ne
pouvait plus s'acquitter convenablement de sa besogne.
Le curé invita quelques dames' à l'aider, puis à la rem-
placer. Chacune eut son quartier. Comme l'arrangement
était nouveau, il rencontra beaucoup d'obstacles et suscita
de vives récrimininations. La cure n'en resta pas moins le
centre de l'assistance charitable. Quoique sans fortune et
accablé de charges de famille, M. Bernier donnait beaucoup,
autant que possible proportionnellement aux besoins réels
des solliciteurs et de ceux dont il savait adroitement
deviner les misères secrètes. Des paroles d'un intérêt véri-
table et des conseils judicieux accompagnaient toujours
ses aumônes. Il montrait aussi beaucoup de foi et d'habi-
leté dans sa manière de toucher le cœur de ses riches
paroissiens pour s'en faire aider à soulager l'infortune.
Ce fut surtout pendant l'épidémie du choléra (août-
septembre 1832) que se manifestèrent l'intelligence et
l'activité de cette charité pastorale. Les vicaires rivali-
sèrent de zèle avec le curé, et les dames de charité
secondèrent si bien le clergé qu'un tel dévouement fit du
moins tomber quelques préventions contre la religion.
Cependant le curé se montra toujours le plus empressé et
le plus assidu de tous. Il faisait plusieurs visites par jour
au quartier de Fenet, particulièrement ravagé par le fléau,
en raison de l'agglomération et de la misère des habi-
tants.
La charité envers le prochain doit être la manifestation
de l'amour de Dieu. Aussi M. Bernier se préoccupa-t-il
d'avoir des foyers de piété dans sa paroisse. Il établit la
confrérie du Rosaire et apporta tous ses soins à celle du
* M™® Mayaud mère, Mïi«« Brazille, Ghaloppin, Jamet et Leguay.
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- 63 -
Saint-Sacrement établie en 1602. II s'occupa surtout de la
congrégation de demoiselles établie à la suite de la mission
de 1828. Les jésuites n'avaient pu qu'ébaucher cette œuvre
d'une nature toute nouvelle pour Saumur et les événements
politiques l'ébranlèrent fortement. M. Dernier la reprit et
la consolida. Avec tact et prudence, il commença par
mettre en exercice un règlement, puis il sollicita une affi-
liation à Rome pour gagner de riches indulgences. Cette
société lui était si chère ; il y plaçait de si grandes espé-
rances pour la reconstitution de foyers chrétiens, que
chaque jour il se rendait à la chapelle de la congrégation
donner une allocution familière.
L'instruction religieuse lui paraissait une véritable néces-
sité, le premier de ses devoirs, un de ceux dont il ne pouvait
se décharger que sur une personne parfaitement compé-
tente. Il aurait désiré trouver une pieuse laïque capable de
faire les classes de religion dans les pensionnats féminins.
Mais, ne croyant môme aucune congréganiste capable de
cette lâche, il la garda pour lui et l'accomplit régulière-
ment une fois par semaine.
Pour ses instructions paroissiales, il alternait avec ses
vicaires. Ses auditeurs le goûtaient pour sa clarté, sa sim-
plicité et ses conseils pratiques. Parfois même, ils étaient
profondément remués, quoique le curé ne fît point appel à
la sensibilité dont Témotion reste d'ailleurs souvent stérile.
En chaire, comme dans sa polémique ordinaire, M. Dernier
savait surtout exposer et défendre. Des officiers de TÉcole
de cavalerie, ayant entendu dire qu'il devait prêcher sur
le mystère de la Trinité, résolurent d'aller l'écouter, toute-
fois en évitant d'être aperçus du prédicateur. Le Curé fut
averti de leur projet. « J'assistais à ce sermon, racontait
un témoin compétent ; je n'ai rien entendu ni lu sur la
matière qui fût aussi net et aussi fort. Comme il y avait dans
sa physionomie, déjà si expressive, et dans son accent
quelque chose d'extraordinaire, je ne pus m'empêcher de
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1
— 64 —
lui en faire la remarque. Alors il me dit : c lis étaient der-
rière des piliers », et me narra l'affaire.
N ayant point fait la part au feu de Timpiété, il saisissait
toutes les occasions de parler religion avec les hommes.
La netteté de son argument, la facilité avec laquelle il accep-
tait toutes les objections tirées de Voltaire, lecture habi-
tuelle des bourgeois de la ville, Tà-propos de ses ripostes,
lui concilièrent une grande considération, comme aussi la
pureté et la vivacité de son zèle et la dignité de sa vie.
Mais, quand il fut enlevé à sa paroisse, les familles légiti-
mistes, qui seules Taimaient, le regrettèrent seules. Pour la
majorité de ses paroissiens, son départ fut ce qu'est pour
des écoliers indisciplinés celui d'un régent respectable,
mais ferme et dur. Dans un temps de réaction où tout
prêtre était impopulaire à Saumur, où tout curé de la
paroisse principale devait l'être encore davantage, il ne le
fut probablement pas plus qu'un autre n'eût été à sa place,
et il sut bien défendre la foi constamment attaquée.
(A tuivrej
A. HOUTIN.
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ENTRE
LOUIS XllI ET MARIE DE MÉDICIS
(iei9-1620)
CHAPITRE IX
l'entrevue de brissag
EnireTue de Louis XIII et de Marie de Médicis sur la route des
Ponts-de-Cé à Brissac ; leurs premiers colloques et réception de
la Reine-Mère au ch&teau de Brissac. — Célébration religieuse
de leur réconciliation en Téglise de Brissac. — La « Déclaration
d'innocence ». — Soumission du comte de Soissons. — Atti-
tude, physionomie et calculs du duc d'Épemon ; son entreprise
aTortée sur Saintes ; sa marche en Limousin ; députation, vers
lui, de rarcheyèque de Sens et de Bellegardei leurs offres, son
ralliement. — Attitude du duc de Mayenne ; il fait face en
Guyenne aux diversions de Themines et assiège Moissac; ses
appels au duc d'Épemon rejetés ; captations et arances tentées
sur lui par Louis XIII ; son ralliement. — Concert entre Agrippa
d'Aubigné et Rohan pour la marche en commun sur Paris ;
défection d'Agrippa d*Aubigné. — Attitude de La Trémouille ;
arance épistolaire de Louis XIII aux La Trémouille ; Duplessis-
Momay interpose entre le roi et lui ses austères consultations de
tutelle et sa diplomatie de tiers-parti, assistance qu'en cela lui
offrent la duchesse douairière de La Trémouille et Condé;
démarche de soumission de la municipalité de Thouars à Brissac ;
démarche de ralliement de La Trémouille à Montreuil-Bellay ;
accueil qu'il y reçoit de Louis XIII. — Conclusion à Brissac du
mariage de M^lo de Poncourlay avec le marquis de Combalet;
calculs réciproques qui y déterminèrent Richelieu et Luynes ; le
cardinalat et la connétablie ; déceptions de Richelieu et ses ran-
cunes contre Luynes ; rupture des fiançailles de M^ de Pont-
' y. les livraisons de juillet-août, septembre-octobre, novembre-
décembre 1888; janvier-février, mars-avril, septembre-octobre,
novembre-décembre * 1890 ; juillet -août , septembre-octobre 1891;
novembre-décembre 1892; janvier-février, mars-avril 1893; mai-juin,
juillet-août 1894; janvier-février, mai-juin 1896; novembre-dé-
cembre 1897; mars-avril, juillet-août 1898.
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courlaj avec Hippoljte de Béthume ; rôle de sanctification em-
brassé par la duchesse d'Aiguillon dans la carrière de Richelieu.
— Adieux de Louis XIII et de Marie de Médicis. — Rappel et ren-
trée à Angers de Lanier, sa justification. — Réception des Ange-
vins 4 Brissac. -^ Retour à Angers de ^arie de l^édicis; rfx^s
de corps-de-garde, raTitaillement, invasion de l'Hôtel-Dieu par
les blessés du combat des Ponts-de-Cé ; réveil de panique chez les
Angevins. — Détournement, par Técheviii Marchand, des armes
de la ville ; soupçons et cons^tation de son délit ; dernier retour
de panique chez les Angevins ; leur colère ; invasion du logis de
Marchand ; intervention salutaire de Lanier en sa favenr ; mesures
et démarches réparatrices de Marie de Médicis et de Richelieu en
faveur des Angevins ; leur adieu glacial à la Reine-Mère et leur
mécontentement contre elle ; ses titres à une réhabilitation de sa
mémoire dans la postérité. — Richelieu accusé de trahison;
source; date et ixifluence de ce^ accusations j réstctpn de justjce
pn sa faveiir. t- {{.éfut^tion de divers chefs d'accusation : il |i'a
p$$ complpté Tj^ssassinat de Concini ; il n'a été ni par vengeance,
ni par calcul, le prozpoteur de la guerre civile ; sa prétendue tra-
hison n'a fai^ aupun^ victime ni en Marie de Médicis, ni en aucun
des grfuids rebelles ; griefs personnels de Matthieu de Mourgueç ;
silenpe de l'état-majoi fie la J^ine-Mère sur cette prétendue tra-
hison ; ^iphelieu n'^ écarté d'auprès de M^ne de Médicis ni
Rohai^, Qi Épemqp, ni Majenne ; sur cette prétendue trahison.
Traie date des récriminations de la Reinf^-Mère. — Yrais titres de
Richelieu au culte des Angevins.
Dès qu'au ohàteau de Brissac Louis XIII eut été averti
de racheminement de sa mère vers lui, il lui avait envoyé
aux Ponts-de-Cé, pour raccompagner de là jusqu'au ter^pe
de son voyage, le maréchal de Praslin et Ba8sqinpierr0,
avec une escorte de 500 cavaliers. Plus loin, entre les
Ponts-de-Çé et Brissac, à son toi|r Taltendait le frère de
Luynes Brantes, à qui la récente érection dp sa dot n^^tri-
moniale en duché-pairie venait de conférer, comme pour
mieux rehausser sa démarche, le titre de duc de Luxem-
bourg. Puis enfin (^Quis XIIJ lyf-môme, le jeudi 13 août,
vers quatre heures du soir, avec le duc d'Anjou, Condé et
Lqynes et 5W0 gentllehomn^es, s'était avancé au-devant de
sa mère jusqu'à un quart de lieue de Brissac. Dès que lui
apparut là, à quarapte pas de lui, Mari^ de Médicis, eu
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s^ litière qu'accompagnaient les Soissons, Vendôme et la
duchesse de Nemours avec un cortège de 500 cavaliers,
Louis XIII mit pied à terre pour raborder. Elle de son côté
descendit en étendant les bras vers lui. Puis, lorsque, à
travers le débordement d'une foule qu'on ne put maintenir
en haie sur leur passage, ils se furent à grand'peine
rejoints, et dès que, à ce moment, Marie de Médicis eut
levé son masque, Louis XIII l'embrassa et lui dit en ri^nt :
« Je vous tiens. Madame, vqus ne m'échapperez plus, i r—
€ Et vous n'aurez pas non plus grapde peine à me retenir »,
répliqua aussitôt la Reine-Mère attendrie jusqu'aux larmes,
c puisque mon dessein est conforme à votre désir. Je suis
bien résolue à ne vous plus quitter, car je me flatte qqe
je serai traitée et considérée comme une mère doit l'être
par un fils tel que vous ». Sans s'étonner de voir percer à
travers les effusions d'abordée cette revendication d'égards
quelque peu haute, mais qu'il pardonnait à celle qui se
redonnait à lui en faveur de l'intégrité de soi) retour,
Louis XIII présenta à Marie de Médicis tout son entourage,
à commencer par son frère Gaston, qu'elle embrassa deq^
fois. Passant de là à Condé, à cet Henri de Bourbon qui,
de par les prérogatives du sang royal et jusqu'à travers
l'âcreté de ses éruptions finales lui avait paru au n^oins un
ennemi digne d'elle, elle l'honora d'une ouverture d'accueil
tranchant avec la réserve d'un premier contact avec le
promoteur subalterne de sa disgrâce ; car, lorsqu'à son tour
Luynes, s'approchant d'elle, eut baisé le pan de sa robe,
elle ne l'accueillit qu'avec une révérence grave*. Puis,
après cette seule infraction, d'ailleurs passagère, à la détente
générale, Louis XIII, une fois rentré en possession de sa
mère, remonta avec elle dans son carrosse et reprit la tôte
du cortège qui les suivait à Brissac.
^ Déjà, à la rencontre aux Ponts-de-Cé du frère de Luynes
Bnuktes, Marie de Médicis avait maintenu devant lui son masque
badssé, sans rhonorer qu'à peine d'une révérence perceptible.
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Arrivé devant le perron du château, Louis XIII prit sa
mère par la main pour l'embrasser de nouveau, y entra avec
elle et la conduisit à Tappartement qu'il avait occupé jus-
qu'ici et qu'il lui cédait comme le plus digne de la recevoir.
Mais Marie de Médicis n'y prit qu'à peine un peu de repos,
avant d'aller dans une pièce voisine rejoindre Louis XIII,
assisté seulement de Condé et de Luynes. Là s'échangèrent
durant une demi-heure avec ces deux derniers, et durant une
heure avec Condé seul, des explications dont rien n'a trans-
piré*, mais qui rompirent les dernières glaces * et qui réta-
blirent entre eux et autour d'eux, durant tout le séjour à
Brissac de la maison royale, unelarge cii^culation d'effluves.
Aussi, au sortir de ce colloque décisif, on vit Louis XIII offrir
tendrement le bras à sa mère pour passer ensemble dans
la salle des festins, où ils soupèrent avec Condé, la comtesse
de Soissons, les Vendôme et les Nemours. Puis, dès au sor-
tir de table, la mère et le fils congédièrent toute interposi-
tion d'escorte et d'assistance ; et Louis XIII, abordant sa
dernière phase de réconciliation, reconduisit sa mère jus-
qu'à sa chambre, pour y passer la soirée seul avec elle*.
' Tout ce que Ton a conjecturé de ce long colloque, c'est que
Louis XIII et Marie de Médicis j confirmèrent leurs engagements
réciproques du traité des Ponts-de-Cé. Du reste, il n'existe mal-
heureusement « «U chartrier de Brissac, nulle trace de la mémorable
entrevue de ses augustes hôtes. Hors des chroniques et des mé-
moires contemporains nous n'arons là-dessus de révélations plus
intimes que ce que nous fournit (Bibl. nat. fr., 3812) la correspon-
dance de Louis XIII avec celui des ducs de Brissac (retenu alors
dans son gouvernement de Bretagne) dont il empruntait la magni-
fique hospitalité.
* Le cardinal de Retz seul essuya le mauvais visage de Marie de
Médicis qui, malgré ses dénégations, demeura invinciblement per-
suadée de sa complicité dans les défections de son neveu au combat
des Ponts-de-Cé. — D'autre part, à travers l'empressement de ses obsé-
quiosités, Condé ne put s'interdire envers Marie de Médicis quelques
bravades comminatoires, dans l'éventualité d'une récidive de révolte.
' Ce fut, suivant les uns, dans une des chambres du ch&teau de
Brissac appelée Chambre Judilh, suivant d'autres, dans l'embrasure
d'une des fenêtres de la salle des gardes, que Louis XIII et sa
mère consommèrent ainsi la réconciliation ébauchée sur la route des
Ponts-de-Cé à Brissac.
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En sMsolaDt de leur entourage officiel, le fils et la mère
ne retenaient avec eux et n'admettaient plus entre eux
deux que cette religion qui, après avoir enfanté leur
concorde dans la diplomatie sacerdotale et avant de la
féconder dans Tapostolat d'une guerre sainte, la voulait
sceller dans sa vertu sacramentelle. Le surlendemain, 15
août, en Téglise paroissiale de Brissac, Louis XIII et sa
mère fêtèrent TAssomption en communiant Tun auprès de
l'autre ; puis ils entendirent un sermon du Père Arnould,
qui prêcha sur cette Marie si tranquillement pieuse de
TÉvangile du jour, par une délicate allusion à celle qui,
elle aussi, venait de c choisir la meilleure part », en échan-
geant les orages de sa révolte contre la félicité du repos
dans Tamour filial ^
C'est dans cet amour filial, retrempé en leur commune
source de grâces, que Marie de Médicis put lire, dès avant
sa promulgation du lendemain 16 août, la charte addi-
tionnelle de réconciliation plénière que lui avait promise
le traité des Ponts-de-Cé, et qui s'y rattachait sur Tautel de
réglise de Brissac comme un corollaire consacré. Confir-
mant et précisant dans son développement ce principe
d'amnistie déposé dans le pacte de la veille, et abritant
l'honneur maternel sous les fictions les plus justificatives,
étendues, grâce â l'intercession de Marie de Médicis, à tous
ceux qu'elle se refusait à séparer d'elle, Louis XIII, dans la
déclaration du 16 août tirant de là son nom officiel de
f( Déclaration d'innocence », alla (car tels en sont les
termes sacramentels) jusqu'à c justifier > sa prise d'armes,
tant en sa personne qu'en celle des rebelles ligués sous
son nom, comme n'ayant visé que le bien de son ser-
* Malheureusement le texte de cette allocution ne nous a pas été
5 lus conservé que celui de la prédication de la guerre de religion
onnée le même jour et dans la même église, sans doute à Toffice
du soir, par le Père Joseph. — Toujours dans la même journée
Louis XIII j toucha les écrouelles. — L'église de Brissac est une nef
du XTi^ siècle, ornée de belles yerrières.
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vice *. Il est vrai qu'un tel brevet de légitimation, si nous
nous pouvons exprimer ainsi, ne profitait qu'aux rebelles
qui, dans la huitaine de sa publication, se résignaient vis-
à-vis dé Louis XIII à une soumission formelle ; et par là se
maintenait, pour la sauvegarde de Tautorité royale et pour
infirmer le pieux mensonge de la clémence filiale, le prin-
cipe d'une condamnation de leur révolte.
Une si juste exigence ne s'appliquait donc qu'aux
rebelles qu*un repentir empressé n'avait encore, à la date
de la Déclaration d'innocence, ramenés vers Louis XIII ni
aux Ponts-de-Cé, ni à Brissac. En tête de ceux dont il
attendait encore, le 16 août, cette visite de résipiscence,
figurait rien moins que leur chef hiérarchique. Après
avoir, au Louvre et à la table de Louis XIII, violé les con-
signes d'étiquette pour y envahir les prérogatives du
service; après avoir à Angers rompu la surveillance
maternelle pour aller attaquer sur le chemin des Ponts-
de-Cé l'avant-garde de l'armée royale, voilà que main-
tenant le' capricieux et fringant comte de Soissons, en
veiné obstinée d'indocilité filiale, répudiait l'éJan qui, le
13 août, enlevait Anne de Montafié à la suite de la reine
mère vers Brissac, pour se cantonner dans une bouderie
d'aparté déguisée sous une allégation de brouille avec le
* Voiei les passages les plas caractéristiques de cette Déclaration
d'innocence : « Après avoir soigneusement examiné ses dispositions
[de la Reine-Mère] nous avons trouvé que ses intentions n'ont eu
d'autre but que le bien de nostre service et de nostre estât ce qui faici
que nous recognoissons nostre dicte Dame et Mère innocente de
toutes choses qui pourront estre advenues pendant ces derniers mou-
vements... Et après qu'elle nous a faict entendre que ceax qui l'ont
assistée dutant lesdicts mouvements n'ont eu que pareilles inten-
tions aux siennes nous les recevons et voulons tenir pour nos bons
et fidèles subjects et serviteurs. » — Il y a à la Bibliothèque nat. fr.,
f> 3797, une variante, en brouillon, de ce texte de la Déclaration
d'innocence inséré au Mercure français et auquel nous empruntons
les précédentes citations. Mais, si le texte du Mercure français a
prévalu, c'est sans doute parce qu'il répondait plus catégoriquement
aux intentions de Louis XIII. — La Déclaration d'innocence, peu
après sa publication, fut portée par Condé au parlement pour j
être enregistrée le 27 août. Elle ne le fut au présidial d'Angers que
le 5 septembre.
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-Il -
^rand prieur et Neîiiours. PeUt-étre aussi en cela cédait-ll
à cette contagion de défiance que Louis XIII, en et)
SoUpçofahant â tort Marie de Médicis imbue au point
d^hésiter devaùt lé voyage de Brisséë, avait vbulu dissiper
^ar roffte eh otage de Gaston et de Condé. Ou peut-être
^ticoré un peu de la fierté du sâbg de F^rahce portait Louis
de Soiissons à faire rechercher sa soumission» fût-ce par
Tentremise officieuse de cette mère qu'il avait laissée
partir seule pbui^ Briséëé sàiiS renoncer au fond à 8*y
tervir d'elle. Quoi qd'il eii sbit, il fallut que le Père de
Bérdllô, accoUru avec TambàsSade dii honce à Brlssac
t)our y conlehiplët Tceuvl^e è peîfle traVèrëée par une
încill^tddé jùvëilile, vlilt MâriCer jusqUe datis sa velléité
de réfràctaire Tenfant terrible de Tihédi-rëclidn àngevinet
D'ailleurs, il suffit dé sa rédpparitiéfi dévslht lui pour lè
ifeconquérir et, dès le 17 août, Loui^ de Soissdns rejoi-
gnait sa mère â Brissàci,
L'intégrale sbuInISsioû dli sang royal opérait jusqu'aux
êxtrétnités de la zôtie ifisurrectiëhiielle comme un coup
décisif pour ië ralliëinèht des retardataires. A leur tète
figurait Thoiâmé éh qui Marié de Médicis, depuis Touvet*-
lliire de la guerre ci^^ilé, avait trouvé le plus de fidélité
dans son autonomie et le plus de sût^eté dans son orgueil,
l'homme dont on ne Sait si la l-eine-môre était plus rede-
vable à son initiative qu'à sa pèt-sévérartce, l'homme enfin
en qui S'était iriaugîirée sa ptotectlbn avant que s'y
ifacarnât l'espoir de sa revanche. En se tèfaant, depuis
ToUVerture dé la gliëi:re civile, cbnflné sblitalt^ement dans
sa citadelle d'Angotiléitié, sur cette perspective de pourpre
romaihe où s'était éveillé son grief pëitet*hel, mais à l'écart
des chânips de bataille de liBi rive droite de la Loire où
avait partout succombé la révolte, le duc d'Èpertïon s'était
toniitie dérobé â la double solidëi*ité de ses forfaitures et
de àës désastre^. Dégagé de toute àccointande de secte
bU dé éëbàlë^ ëyatit échâf^pé par rahtét-ioritë de son can-
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-Tâ-
tonnement méridional à toute catégorie de transfuges ou
de rebelles, et n'ayant encore été surpris nulle part les
armes à la main» le duc d'Épernon s'était comme rangé à
part et mis hors de pair dans le groupe encore intact visé
par la Déclaration d'innocence. En Tisolement de sa zone
de résistance et dans son invulnérabilité de réserve et
d'expectative, autant que dans une ténacité de point
d honneur qui lui faisait envisager l'hospitalité offerte à
une reine en détresse comme la consécration seigneuriale
d'un droit d'asile, à peine osait-on voir en lui un vaincu
ou un rebelle. Fort de ce prestige au moins relatif d'une
rectitude immuable, et dans sa hauteur se recommandant
presque de cette hospitalité dont Louis XIII avait comme
endossé la reconnaissance en sa réconciliation filiale, le
loyal mais l'arrogant et l'avantageux potentat des rives de
la Charente attendait de son impassibilité comminatoire
autre chose que l'amnistie ou même la légitimation fictive
d'une révolte. En sa maturité d'une résipiscence où il
entrait autant de calcul que de sincérité et autant d'exi-
gence que de droiture, le duc d'Épernon, tel qu'un duc de
Bourgogne au congrès d'Ârras ou un duc de Mercœur au
dénouement de la ligue, visait à rien moins qu'à la récom-
pense de son ralliement.
C'est dans ces dispositions d'une expectative commi-
natoire, déjà chez lui bien antérieures au combat des
Ponts-de-Cé, qu'Épernon avait, dès le 29 juin, envoyé à
Saintes un La Viiletière, pour y commander à Germain,
lieutenant de la citadelle, d'en tenir sur pied, nuit et jour*
la garnison, d'y interdire et de lui signaler toute tentative
d'enrôlement royaliste et d'y abattre tous les logis con-
tigus aux remparts, comme mesure défensive au cas d'un
siège à soutenir contre Louis XIII. Il est vrai que, là-
dessus, Germain, le 2 juillet, s'était honorablement récusé
sur sa qualité de lieutenant du roi, qui ne le rendait comp-
table qu'à son souverain légitime du gouvernement et de
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— 73 —
I
la disponibilité de sa place, et sur les protestations con-
formes et concomitantes de la population de Saintes. Il est
vrai aussi qu'à la même date un gentilhomme poitevin
Desbordes» lançait au duc d'Épernon de graves remon-
trances épistolaires sur ce qu*il qualifiait hardiment en
lui d'entreprises insurrectionnelles ; et qu'une autre lettre
anonyme le dissuadait de compter, pour Fappui de sa
révolte, sur les Saintongeois soulevés contre la tyrannie de
son règne. Impassible contre tant d'avertissements et de
résistances, Épernon se retranchait, se contractait, se
hérissait dans sa raideur. D'autre part, et par là même,
après le combat des Ponts-de-Cé, c'eût été pour son orgueil
trop de condescendance d'aller rejoindre à Bordeaux
Mayenne ; aussi, là-dessus, rejeta-t-il son appel sous ce
plausible prétexte de ne donner pas à son trop grand éloi-
gnement d'Angoulème, vis-à-vis des vainqueurs, l'appa-
rence d'une fuite. Et cependant, par une dernière satisfac-
tion donnée à son collègue , Épernon s'avançait avec sa
solide armée de cinq mille hommes et de cinq cents cava-
liers vers sa résidence de Saint-Glaude sur les frontières
du Limousin pour y attendre Mayenne, lorsqu'il y reçut, le
12 août, Técuyer de Marie de Médicis Tremblay, qu'elle lui
avait envoyé la veille pour l'avertir de sa réconciliation,
en lui communiquant la teneur du traité des Ponts-de-Gé.
Mais, malgré l'emphase épistolaire de ses compliments à
la reine-mère et des protestations de royalisme que
Tremblay dut rapporter à Brissac, ce qu'Épernon attendait
de la Cîour, c'étaient des satisfactions en rapport avec
rinvétération de ses rancunes. Ici reparaît cette phalange
modératrice qui, après avoir ramené la concorde au cœur
de la maison de France, l'avait étendue de là à tous les
degrés du trône. C'était toujours cette ambassade du nonce
appelée à recueillir et à grouper autour de Louis XIII infa-
tigablement les premières et les dernières adhésions, les
plus hautes et les plus lointaines. Après avoir envoyé de
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-. 74 —
Brissàfc à Angers lé Père de feérulie pour reconquérir Louis
lie Soiàsons, on députa, le l5 août, à Angoiilême Bellegarde
et ràrchevêc[ue de Sens, l'un comme piarent et l'autre
comme ami dti duc d'Épernori, t>our le gagner avec deë
concessions décisives. Seûlenient, pour n'y compromettre
pas directement l'autoHté royale, ce n'est (|u'en son nom
que Bellegarde, ce n'est que de la part de Condé qile soû
confident l'archevêque de Sens devaient offrir à Épernon,
pour lui-niême une promotion dé duc et de pair ^ pour lô
marquis de La Valette une nièce de Lùyiies que le roi
doterait de deux cent niille dcus, poùb son autre fils, le
comte de Randeaii, l*expectative des einplois ^àterfaels
assurée daiis un brevet de survivance, et enfin pour
rarchevôqiie de Toulouse le chapeau dé ôarditial. Et, quant
aux officiers de l'arrhëé dô Chiatïlpdgnë destitués pout
avoir sUivi Lia Valette dans le soulèveliienl de Metz, en
attendant une réintégration que leUr interdisait actuel-
lement leur quialité de déserteurs, mais que peut-être leur
vaudrait plus tard l'entremise du duc d'Épernon, ils
étaient pécuniairement indemnisés de leur disgrâce.
Une telle largeur d'avancés devait ébranler le |)lus
ferme sbiitien de la revanche insurrectionnelle. Aussi
qu'importe qU'à ce moment, pour sauvegarder vis-à-vis dU
duc de Mayenne son prestige d'incorru^tibilé catonieniié,
io duc d^Épernon ait affecté de se poser en victime des
négligences d'Une cour méconnaissant le prix de son ral-
liement! Qu'importe qu'en maugréant il ait liiis cet Habile
et fructueux ralliement sous le jour d uriè magnanime
immolation sur l'autel dé la concordé! Tout en appréciàtit
la convenance et le décorUm d'Uûe soumission dont le
signal émanait de celle dont il aVait arboré si haut lai
^ Sont-ce là toutes les satisfactions que visait à ce moment le
duc d'Epernon? Aurait-il étendu ses vue^ jusqu'à l'épée dé conné-
Ublç? Pour l'af&rmer il ne suffit pas de la seule allégation de
Dupleix.
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- 75 -
défense, on ne peut prendre au sérieux l'amertume de son
sacrifice, ni ce qu'après coup Richelieu, à travers d'humbles
sollicitations d'un surcroît de grâces, a essuyé de Tâcreté
de ses plaintes*. Comment eût-on pu s'apitoyer sur un
homme qui n'attendait pour se soumettre que les offres de
Duperron et Bellegarde ? Dès qu'en effet les eut suivis de
près à Angoulêmfe, où Épernon venait de rentrer, le mes-
sager la Saludie pour lui notifier la déclaration d'inno-
cence avec l'injonction de désarmer, il venait de licencier
ses forces et de commander à Là Valette de .licencier
celles de Metz et de Loches. Et, dès le 17 août, au sortir de
Brissac, à Montreuil-Bellay, Louis XIII en recevait la
nouvelle de la part du duc d'Épernon par son envoyé
Mâi*sillac.
Cependant, derrière le duc d'Épernon se dressait encore
dans le champ de la revanche méridionale une imposante
réserve. Encore plus persévérant que lui dans ses entraî-
nements chevaleresques, mais par cette impétuosité môme
engagé plus à fond dans les coalitions d'outre-Loire, où
survivaient à la paix des Ponts-de-Cé les obstinations
sectaires de Rohan et de la Force, le duc de Mayenne
n'avait pas pris au mot, par cela seul qu'il émanait de
Marie de Médicis, qui, à cet effet, lui expédiait la Saludie
en môme temps que Tremblay vers Angoulême, le signal
du désarmement. A ses yeux le dénouement des Ponts-
de-Cé, loin de clore la guerre civile, n'avait fait qu'en
* Suriout si, avec Avenel, on ne place que longtemps après la
démarche de Duperron et d^ Bellegarde, vers la fin d'' l'année 16^0,
cette missive chagrine : c Monsieur. . . Je vous asseureré que quoy
que Vous ne vous soiez guerre souveneu de mes amis, ny de moy, en
ces dernières occasiouns, que cela ne diminue pas mon affection à
VoUs fera servise, et je veus crouere que ce défaut ne vient pas de la
nécessité des afferes de la reine mère du roy et de la grande cantité
que vous en .aviez sur les bras pour vostre particulier je vous
supplie dé vouloir fèré souvenir Sa Majesté, autant que vous jugeres
que son service, le requiert» combien il luy importe en la repen-
tasioum et à vous, en particulier, qui y âves la faveur absolue, que
ceux qui lont servie aient empiré leur condition au lieu den tirer
récompense. 9
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inaugurer la seconde phase en en reportant le théâtre sur
le bassin de la Garonne. Fier d'avoir levé sur son seul
crédit une armée de vingt mille hommes, dont quinze
mille fantassins et cinq mille cavaliers, il se disait que
ce n'avait pas été la peine de braver en plein Parlement
de Bordeaux Théroïque résistance du président de Courges ,
ni de lancer et de soutenir la Suze et par là même de
retenir Thémines sur les rives du Lot et du Tarn, ni de
pousser sa dominante démonstration obsidionale contre le
soulèvement royaliste mal abrité derrière les fragiles rem-
parts de Moissac, pour qu'à la seule annonce d'une paix con-
clue sans l'oublier mais sans l'y appeler, il n'y eût plus pour
lui qu'à capituler dans l'intégrité de sa zone. Tel qu'un
Coûdé qui, une fois précipité dans la Fronde par une
duchesse de Longueville, l'y laisse bien loin derrière lui et
y survit à ses désillusions de repentir, le duc de Mayenne,
en sa fougue aventureuse et en ses alliages d'hétérodoxie,
avait trop dépassé dans la portée de leur révolte Marie de
Médicis et la comtesse de Soissons pour les suivre de près
à Brissac, surtout lorsqu'elles y étaient accourues sans l'en
avertir. Une réconciliation où il n'était pour rien, et dont
on ne l'avisait qu'après coup, ne lui pouvait lier les mains.
Une paix conclue par celles dont il s'était proclamé le
champion à outrance ne lui interdisait point de'prolonger
la ]utte pour l'honneur de leur cause et à ses propres
risques, et de répudier l'amnistie qu'elles lui prétendaient
imposer pour les délivrer, malgré elles, de Gondé et
de Luynes. Seulement, pour qu'en «a personne se renou-
velât vigoureusement la guerre civile en avant de la
Garonne et vis-à-vis de la Loire, il lui fallait comme pre-
mière ligne de défense le maintien de la Charente. Et,
pour atténuer sa compromission désormais plus flagrante
dans le camp de l'hérésie (car en son armée affluaient
en grande partie les huguenots), il ne croyait pouvoir
emprunter assez de couverture à cette inaltérable signiâ-
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■^■'
— 77 —
cation attachée au protectorat d'Angoulême* Il est vrai
que sa fierté, prétextant la menace des diversions de Thé-
mines sur le Lot et le Tarn, Téloignait autant d*une
jonction au duc d'Épernon à Ângoulème, que la morgue
du duc d'Épernon Técartait lui-même de Bordeaux. Mais
au moins, depuis la paix des Ponts-de-Cé, il n'est sorte
d'instances dont Mayenne n'ait assiégé Épernon pour le
retenir et éterniser, fût-ce plus près d'Angoulême que de
Bordeaux, sa secourable solidarité dans la guerre civile.
Peut-être même, avant la députation de Tremblay vers
son collègue, était-ce Mayenne qui l'avait décidé au moyen
terme du rendez-vous armé de Saint-Claude. Mais, une
fois rentré dans cette cause royale où le fixaient des satis-
factions souveraines, le superbe autocrate, en voie d'écar-
teler sur un fond de pourpre romaine une promotion de
duc et de pair avec des brevets de survivance et les plus
opulentes promesses d'alliance, tint bon contre les assauts
livrés à la félicité de son ralliement. Et toutefois, pour
mieux dérober de ce chef, à son complice de la veille la per-
sonnalité de ses calculs, Épernon lui déclara que dès lors
que les seuls griefs de Marie de Médicis l'avaient jeté dans
la guerre civile, son seul contentement le devait désarmer,
c Et j'espère », poursuivit-il, en congédiant le dernier des
messagers expédiés de Bordeaux à Angoulème, « j'espère
que ceux qui ne s'opiniàtrent point dans la révolte bénéfi-
cieront de toute la clémence royale. Je ne saurais donner
au duc de Mayenne un conseil autre que celui de me suivre
dans ma soumission. Que si cette soumission me profite
peu, j'aime mieux être maltraité avec le sentiment de
mon innocence, qu'avec le remords attaché désormais à
une obstination sans excuse ».
Par une telle ostentation et par d'aussi austères ensei-
gnements de droiture, Épernon espéra-t-il abuser Mayenne
sur l'égoïsme de son déclinatoire ? Toujours est-il qu'une
fois acculé par le retrait de ce palliatif d'avant-garde à des
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complicités d'hérésie qui l'eussent voué aux malédictions
de sa race, le desoendant des Guise se ressouvint d'avoir
i)érité d'eux un sang de ligueur. Ajoutons que, pour le
regagner et par là rehausser de la signification de son nom
la croisade entée sur l'entrevue de Brissac, Louis XI{I
alla jqsqu'à offrir à Mayenne de joindre à son gou-
vernement de Guyenne, vu la disgrâce éventuellement
ejacQurue par l'opiniâtreté du duc de la Force, le gouver-
nement de Béarn ; qu'en même temps, mêlant à ses avances
des intimidations dont le duc d'Épemon, à travers la Cha-
rente reconquise, lui laissait désormais le champ libre,
Louis XIII inaugura cette crojsade digne de revendiquer
un Guise pour chef, par une marche comminatoire sur
Bordeaux. Mais l'armée royale ne s'approchait de Mayeni^e
qu'en propageant autour d'elle le retentissement des exhor-
tations du Père Joseph, de Béruile et du Père Arpould
à )a guerre sainte. Aussi Mayenne vit-il moins encore à
son égard, dans la venue de Louis XIII, une contrainte ou
une amorce, qu'un rappel des antécédents de famille. Et
c'en fut assez pour déterniiner vers cette cause royale où
confluait désoripaîs celle du catholicisme l'évolution de
ses effluves ^ Maji^ un tel élan d'expiation, hélas ! dès
demain devait se briser contre un sanglant écueil! Et
quel lustre perdu pqur une défense de l'île de Rhé ou un
siège de la Rochelle, sous ces bastions de Montauban qui
déjà séparaient à ja(nais un Rohan d'un Mayenne !
Rohan n'avait pas trop de l'imposante citadelle des rives
du Tarn pour s'y retrancher dans l'aggravation rapide de
* De son côté son collatéral, le cardinal de Guise, accoarait de
Sezanne (en Champagne), pour rejoindre aux Ponts-de-Cé Tarmée
rebelle ayec six cents cavaliers levés autour de Metz, lorsqu'il
apprit, chemin faisant, la déroute et la réconciliation de Marie de
Médicis. En même temps, sur l'appel ane lui adressèrent de Brissac,
le 15 août, par l'envoyé Deshayes, à la fois Louis XIII et Marie de
Médicis, il accourait à Brissac les assurer à son tour de son
ralliement. — Il n'y eut pas jusqu'au duc de Retz que son oncle
le cardinal n'ait réussi à retirer de la confusion de son ensevelis-
Si^ment au château de ^eaupréau, pour le ramènera Brissiie.
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- 79 -
son isolement, car jusque dans son groupe de poré)igion-
naires il voyait p^irtout autour de lui se ppeuser le vide.
ItO premier de ceux-là qu| Tabapdopna, ce fut rhomme
qui, dans la transformation de la guerre civilp, pût le plus
énergiquement ravivé le vjeiix Ipvain des guerres de
religion, en y infusant rftpreté capiteuse et rinc^qdescenee
volcanique qui couvaient dans ^inv0tér^tiô^ de son fana-
tisme. Dès l'annonce de la déroute des Ponts-de-Cé, Rohan
s*était tourné vers Agrippa d'Aubigné pour lui rappeler ce
conciliabule de Saint-Maixent où tous deux, dès le débqj;
des hostilités et au cas d'un premier revers essqyé par
Marie de Médicis, avaient projeté en sa faveur, à titre de
diversion ou de revanche, la marche en commun sur Paris.
Déjà même, pour se concerter sur cette équipée de désps-
poir avec son digne émule en fait d'envergure et d'audace,
déjà Rohan, pour ramener entre eux deux à Paris cette
reine-mère qui, elle, n'avisait alors avec Richelieu leur
cortège qu'en vue du seul trajet d'Ancenis à Angoulême,
déîèi Rohan, avec son frère Soubise et une escorte de douze
à quinze cents hommes dont deux cents cavaliers, s'était
avancé ver^ d'Aubigné jusqu'aux environs de S^int-Jeanr
d'Angely quand s'abattit entre eqx dep^n:, comme une
douche de glace, l'annonce de la paix des Pqnts-de-Cé. Aq
fond c'est ce que souhaitait, pour la couverture de sa
défection, le vétéran engagé si à conlre-çœur dans la
guerre civile et confirmé là-dessus dans ses )ioirs pro-
nostics et dans son fiel de désabusemept par les trahi-
sons de Retz et de Vendôme. D'Aubigné n'attendait que ce
réfrigérant des réconciliations royales pour refluer sur sa
bile contrariée, en attendant que cette bile se retour-
nât en éruptions vengeresses contre ces déserteurs du
combat des Ponts-de-Gé qu'a stigmatisés ]^ diatribe du
Fœneste.
. Trop jeune encore pour avoir expérimenté les désillusions
d^ la guerre civile et déjà asses résolu pour en affropter
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— 80 —
les périls, Henri de la Trémouille, au début de Tinsur-
rection de Marie de Médicis, avait offert en sa personne
aux coreligionnaires de sa race» avec Téclat de son nom,
avec les effluves de son sang royal et la haute signification
de ses alliances de famille, une force territoriale qui le
rehaussait au cœur de la confédération du protestantisme
méridonal et sur les rives du Thouet et de la Charente,
entre les Rohan et La Force. Mais, depuis la paix des Ponts-
de-Gé, La Trémouille était bien activement disputé à ses
engagements de secte; et c'était avec la plus vigilante
sollicitude qu*à ses côtés le royalisme maternel, après
avoir en vain voulu d'abord conjurer sa rébellion, aujour-
d'bui couvait son ralliement. Pour réconcilier d'ailleurs,
en la personne de son jeune fils, avec Torthodoxie militante
des promulgateurs de Tédit de Béarn, le descendant et le
collatéral des Nassau et des électeurs palatins, des Gondé,
des Goligny et des Bouillon , Fadroite et sage duchesse
douairière de La Trémouille dut recourir à la médiation la
plus spécialement autorisée dans le camp de la réforme.
Nous nous rappelons avec quelle précautionneuse jalousie
le gouverneur de Saumur, Duplessis-Mornay, dès l'ou-
verture de la guerre civile et aux confins des deux causes
adverses, avait ménagé le crédit d'entremise attaché à ses
affectations de tiers-parti. C'est dans cette prévoyance de
calculs que tour à tour, et dans l'esprit de l'édit de Nantes,
accentuant le caractère et délimitant l'usage de la place de
sûreté commise à sa garde, Duplessis-Mornay avait disputé
l'autonomie de ses arsenaux et de sa citadelle de Saumur,
tour à tour à la souveraineté de Louis XIII et à la stratégie
de Rohan. A l'inverse, mais dans les mêmes sollicitudes
d'impartialité arbitrale, combinant à toutes les avenues
de Saumur l'indépendance avec l'accessibilité de son poste,
Duplessis-Mornay, dans l'intervalle des sessions de l'as-
semblée de Loudun et des colloques avec le pasteur Bou*
chereau, avait, tour à tour, hébergé dans l'inviolabilité
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— 81 —
strictement maintenue de son donjon les migrations et les
exodes, les disgrâces et les ambassades les plus contraires ;
et cela au point d'y voir se croiser presque devant lui
Montbazon et Blainville avec les Soissons et les Vendôme,
Duperron, Bérulle et le Père Joseph avec Rohan, Les-
diguières et La Force. Plus tard, durant la cour plénière
de Brissac, Duplessis-Mornay se retenait assez pour décliner
l'invitation d'y comparaître en personne, afin de n'y être
pas oiélé aux porteurs d'amendes honorables, et cependant
y marquait juste assez de sa déférence en y faisant agréer,
avec des excuses de santé, sa représentation par ses
gendres.
Bref, c'est dans ces croisements d'éclipsés et d'ubiquités,
d'entrevues et de rencontres, c'est dans ces alternatives
d'abouchements et de mystères, c'est dans ces réciprocités
de discussions et d'avances, que s'était inaugurée dès
avant le combat des Ponts-de-Cé l'entremise de Duplessis-
Mornay en faveur de La Trémouille. Lorsque, au début de
juillet, l'ambassade du nonce, en s'acheminant vers Angers,
traversa Saumur, Duplessis-Mornay s'était plaint à Mont-
bazon et à Jeannin, au nom de La Trémouille et de sa mère,
de voir négligées en cour les velléités de soumission du
duc, et d'attendre en vain pour lui, comme un encou-
ragement de passer à la cause royale, des avances épisto-
laires de Louis XIU. En s'adressant là-dessus à Montbazon
et à Jeannin, Duplessis-Mornay ne pouvait presser une
plus heureuse veine d'entremise, à en juger par tout ce
qui en émanait alors pour lui-même. Car c'était par
Jeannin et Montbazon qu'il était en voie d'obtenir quelques
jours après, les 17 et 19 juillet, avec la neutralité de
Saumur tant vis-à-vis du roi que de Marie de Médicis,
avec l'augmentation de sa garnison jusqu'à trois cents
hommes et le remboursement des dépenses pour l'entretien
de sa citadelle, une commission d'un régiment de mille
hommes pour son gendre Villarnoul et deux compagnies
6
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— 82 —
de chevau-légers pour son gendre La Tabarière*, et enfin
pour son troisième gendre Fontenay le gouvenement de
la garnison de Montjean. Or c'est par une suite de ces
dispositions favorables que les deux ambassadeurs du
nonce déterminèrent le jeune monarque à condescendre au
désir de La Trémouille, en adressant parallèlement au fils et
à la mère deux de ses plus engageantes missives, mais
dont la réception coïncidait avec l'annonce, émanée de
Duplessis-Mornay lui-même, des premiers revers essuyés
par Marie de Médicis. Aussi les gracieusetés royales
n'ébranlèrent pas tellement La Trémouille, qu'il ne se
sentît en même temps retenu par un scrupule de chevalerie
qui lui interdisait de choisir l'heure du péril pour l'abandon
de sa souveraine. Aussi, dans leurs perplexités, le fils et la
mère expédièrent, le 20 juillet, le courrier Pontobré vers
Duplessis-Mornay, pour requérir des conseils qu'autorisait
en lui le plus libre royalisme. Pour toute réponse, l'homme
qui, à la même heure, ne confiait que si précairement à
Louis XIII l'artillerie qui confirmera la victoire des Ponts-
de-Cé par l'interceptation de la Loire, répondit qu'avant de
se prononcer sur une consultation un peu tardive, il con-
venait de savoir jusqu'à quel degré La Trémouille s'était
engagé dans la révolte. Puis, pour s'éclairer là-dessus, il
renvoya nuitamment Pontobré vers le quartier de La
Trémouille, d'où il revint, dès le matin, l'informer que le
duc avait déjà reçu des commissions et de l'argent de la
reine-mère pour deux régiments et une compagnie de
gendarmes, qu'il avait de plus saisi à Thouars les recettes
royales. C'en fut assez pour qu'à son adresse émanât de
l'oracle si anxieusement écouté cette austère sentence:
« C'est à vous, seigneur, à prendre conseil de vous-même et
à choisir entre la honte et le préjudice. S'il ne s'agissait que
de quitter la reine-mère au lendemain d'un succès, et d'un
* A roccasioû d'une entreprise heureusement avortée contre le
pont de Saumur, au carrefour de la Croix-Verte.
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r
succès qui eût été votre œuvre, avant de prendre congé
d'elle vous la pourriez supplier de se contenter d'avoir
reçu de vous ce service. Mais l'abandonner dans l'adversité,
et encore à la veille d'une aggravation de ses désastres,
voilà de quoi vous attirer de sa part un reproche éternel,
avec le mépris de vos frères d'armes. Quant aux disgrâces
que vous vaudra une plus fière attitude, vous pouvez
d'avance en chercher un remède avec vos amis, »
Cependant, avec l'invasion de l'Anjou par Tarmée
royale, les malheurs prévus redoublèrent et s'accumulèrent
aux portes du gouvernement de La Trémouille. Aussi, dés
que, après la bataille des Ponts-de-Cé, les royalistes, en
occupant aux avenues de Saumur avec Montreuil-Bellay
le bassin du Thouet, y eurent menacé de près, en amont,
la ville de Thouars, La Trémouille avait vite évacué ce
chef-lieu de ses domaines, en le laissant aux mains de la
duchesse douairière avec la filiale confiance de ne l'en voir
nantie que comme d'un gage d'une digne réconciliation
avec l'autorité légitime, d'une réconcilation agréée par la
sourcilleuse droiture de son mentor. Mais déjà la duchesse,
elle-même, avisait pour elle et sa jeune fille, en Touraine,
le refuge devenu nécessaire de l'île Bouchard, quand la
notification, par Marie de Médicis, du traité des Ponts-
de-Cé et de la déclaration d'innocence atteignirent son fils
comme le signal d'un honorable dégagement d'avec la
révolte aux abois. Et, quant au remède aux malheurs que
le jeune duc croyait avoir encourus par une fidélité dont le
relevaient seules les réconciliations de Brissac, à qui le
demander ailleurs qu'à cet ami qui le lui avait laissé entre-
voir en lui-même, en lui montrant d'avance, pour sa ren-
trée en grâce, la seule porte à la hauteur de sa considéra-
tion natale? Aussi, dès la notification de la reine-mère et
grâce à la contiguïté des quartiers généraux secondant
les solidarités de tutelle, Charlotte de la Trémouille, avec
son ûls, se retourna vers Duplessis-Mornay comme vers
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rhomme qui» en adoptant le point ci*honneur de son
pupille, s'était impatronisé plus que jamais dans sa con-
fiance. Et aussitôt le loyal gouverneur voua au salut des
La Trémouille cette diplomatie de tiers-parti qui, sur ces
confins de Thétérodoxie interdite aux entremises sacerdo-
tales, suppléait à celle du nonce. En cela même il s'associa
rien moins que le promoteur de cette guerre que le traité
des Ponts-de-Cé venait de transformer en guerre sainte.
En la personne d'Henri II de Bourbon, Duplessis-Momay
et la duchesse sollicitèrent à Tenvi les inclinations colla-
térales du sang maternel, avec cette condescendance déjà
si éprouvée qui suivait, des Ponts-de-Cé à Brissac, les
satisfactions de la victoire. Bref, c'est de Condé, en cela
favorablement inspiré par Luynes, qu'émana vite, à
travers ce champ de pourparlers s'ouvrant de Thouars à
Saumur et de Saumur à Brissac, un moyen terme de paci-
fication jugé le plus sorlable, et aussitôt mis en œuvre.
Pour prévenir à Thouars l'imminente invasion royaliste,
et pour y associer dans le même ralliement les deux reli-
gions qui se partageaient cette résidence filiale, Charlotte
de La Trémouille expédia vers Brissac une délégation mi-
partie de la municipalité de Thouars qui, sous les seules
réserves inhérentes au titre que cette place de sûreté tenait
de l'édit de Nantes, en ofi*rit les clefs à Louis XHI. A son
tour, dès que la cour eut, au sortir de Brissac et dans son
essor méridional, atteint sa première étape de Montreuil-
Bellay, La Trémouille y vint, le 17 août, ratifier la démarche
de soumission due à la prudence maternelle, en se jetant
aux pieds du souverain qui lui avait d'avance, par Du-
plessis-MornayS promis de l'agréer, et qui, d'ailleurs, en
cela même, à part le bénéfice acquis de la déclaration d'in-
* Duplessis-Momay avait transmis à La Trémouille là-dessus
Foriginal même de la lettre de Louis XIII. — Ici mentionnons la
sérieuse, bien que vaine entremise essayée par Duplessis-Mornay»
concurremment avec Luynes, vis-à-vis du duc de Rohan, pour le
convier au ralliement.
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— 85 —
nocence, ne demandait qu*à lui plaire. Car ce jour-là même
Louis XIII venait de distinguer dans ses acceptions de
miséricorde le plus noble des trophées vivants de la vic-
toire des Ponts-de-Cé, en signant la grâce de l'héroïque
Saint-Âignan. Aussi dès qu'apparut à Montreuil-Bellay,
•dans cette même veine de clémence, le jeune La Trémouille,
avec ce que recommandait encore bien plus haut en lui le
fond de droiture mêlé à sa révolte, Louis XIII, jusque dans
rindivisibilité des clauses de sa déclaration d'innocence,
rhonora de cette nuance d'accueil réservée aux fidélités
intactes. Et vraiment le triomphateur des Ponts-de-Gé ne
pouvait inaugurer sa phase de croisade par une magna-
nimité plus heureuse. Car avec la soumission qui y répon-
dait si pleinement, et dont l'opportunité se doublait de
l'annonce consécutive de celle du duc d'Épernon, Louis XIII
conquérait toute la zone s'étendant de la Loire à la Cha-
rente, par l'appropriation des étapes de Talmont et de
Mauléon, de Thouars et de Taillebourg^ Mais le plus sûr
* Mém. de Richelieu, pp. 86>96, et Lettres, d. 659. — Bassom-
pierre, p. 143. — Fontenaj-Mareuil, pp. 148-153. — Brienne,
p. 343. — Rohan, p. 616. - Arnaud d'Andilly, f>- 21-22. —
Marillac, p. 75. — Herouard, 13 août. — Mém. de Pontis., p. ""^
— Mercure français, pp. 290-291, 293, 296, 328, 329, 342. — Vitt-
Siri, pp. 176, 200-201, 208^210. — La Nunz. di Fr., allegata des
11 et 13 août, 21 août, 6 septembre. — Lettres et mém. de Messire
ThiUpjie de Momay : le roi à Duplessis-Momay, 17 iuillet, 16 août ;
Jeannin à Duplessis-Momay, 17 et 20 juillet ; Duplessis-Mornaj au
roi, à Montbazon, à M. de Sceaux, 21 juillet ; Duplessis-Mornay à
M. de Sceaux, 9 août; Duplessis-Mornay au roi, 21 et 23 juillet,
9 août ; Duplessis-Mornay à Messire de la Trémouille, 9, 10, 12 août ;
Duplessis-Mornaj à Rohan, 14 août. — Vie de Messire Ph. de
Mornay, pp. 534, 537, 538. — Dispacc. degl. amb. ven., 14 juillet,
22 et 23 août. - F. Colbert, 98. — F. fr., 3799. P 99; 3802,
f« 61-62; 3812, fo 61. — F. fr., divers ; Supplém.' fr., 920. —
Arch. des aff. étr., F. fr., 773, p. 61. — Archives des La Trémouille
dont je dois la communication à Tobligeance de M. le duc de La
Trémouille. — Mairie d'Angers, Arch. anc, EE; BB, 65. — Jehan
Louvet, pp. 59W, 62, 143, 319. — Rangcard, pp. 377-379. —
Déclaration du Roy de Vinnocence de sa très honorée Dame et Mère,
et de sa volonté touchant son très cher et très aimé cousin le Comte de
Soissons, sa très chère et trèsa mie cottsine la Comtesse sa mère, les
Princes^ Ducs, Pairs, Officiers de la couronne et de tous autres qtn ont
cusisté sa dite Dame et Mère durant ces derniers mouvements. Publiée
au Parlement le tJ aoust 4€$0, A Paris. 1620. — Recueil de pièces
concernant l'histoire de Louis XIII, depuis Fan 46t7 jusqu'en Vannée
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-86 -
gag^ du ralliement daté de Montreuil- Bellay, c'était
rorientation de La Trémouille vers ce catholicisme qui,
dès Bt issac, avait renouvelé Tessor guerrier de Louis XIII.
Du moins peut-être, dès lors, entrevoyait-on que Richelieu,
par une consommation lointaine de cette diplomatie sacer-
dotale datée d'Angers et de Brissac, revendiquerait La»
Trémouille comme son néophyte, durant le siège et presque
sous les mur3 de La Rochelle.
Pour en revenir è l'indomptable sectaire contre qui
Louis XIII ne renouvelait son essor que parce que lui-même
463 i, t. II. (Paris, Montaient, 1716, pp. 275-276, 280-282.) —
Coppie de la lettre de M. le Prince de Piedmont à la Refne-Mhre eur
les affaires présentes, 1620. — l.ettres de Messieurs le Duc de Savoie
et Prmce de Piedmont au Roy et à la Reyne mère sur les affaires pré^
seTîU^t, Paris, ohez Isaao Mesnier, rue des Mathurins, 16^0. —
Lb^^ J380 et 1381 : Lettre de M, le Duc d'Espernon envoyée à
Af. Gammin, lieutenant de la citadelle de Xaintes, le É9 juin ytfJO.
 Paris, Jouxte la coppie imprimée à Xaintes, par P. Cesbroa,
imprimée en ladite ville 1620. — Eod : Response de la lettre à
M^ d'Espêmon par Af. Gammin^ lieutenant de la citadelle de Xaintes,
pp. ti-7. — Lb" 1382 : Coppie d'une lettre escrite à M, d'Espernon par U
sfirnr des Bardes, gentilhomme Poictevin^ le 2^ jour de juillet en laquelle
dtsrnurani sur la naissance des troubles^ il luy représente les malheurs
qui en peuvent en suivre^ avec le réeit des misères de notre temps,
Lj^D. Jouxte la copie imprimée à Poictiers, 1620. Avec permission,
pp. ë-7, 9-10, 12-13. — Lb9« 1283 : Déclaration de M. U Duc d'Es-
pemon, sur les plaintes et entreprises de $a personne, ensemble ta
sommation dentrer en soy meeme et de se reuntr au service du Roy par
L, b. X, A Paris, Jouxte la coppie imprimée à Poictiers, par
Charles Pignon, imprimeur en ladicte ville, 16i0. Avec permission,
pp. 1-8. ^ Lb'* 1384 • Coppie de la lettre envoyée à M, le Pwi d'Es-
pûrf\on par Ut habitant de Xainies touchant celle quii avait escrite à
M . Germain. — Eocj. : La Justification de Af. le due d'Espernon.
A Paris, Jouxte la copie imprimée à Xaintes, par Samuel Crespon,
imprimeur et libraire en ladicte ville, 1620. — Lb'* 1447 : £n-
treruet etc, pp. 10 et 11 et pcusim, — Ludovici XIII Itinenariun%,
pp. 37-38. — Roncoveri, pp. 329-330. — Gramond , 303. —
Malmfçre. pp. 643, 670, 668-670. — Dupleix, pp. 140-141. —
P. Griffet, pp. 270-271. — Levassor, pp. 691, 595, 597-699, 693. —
M^^o d'Arcouville, pp. 60, 69, 77-78, 82-85, 79-80. — V. Cousin,
juin 1862. p. 346. — Leclerc, pp. 82, 87, 91. — Le véritable
P, Joseph, p. 143. — Le P. Hervé, p. 22. — Batterel, pp. 84 et
85. — Hist. de la vie du duc d'Epemon, par Girard, pp. 349, 362-353.
— But, du sieur d'Aubigné, p. 136. — Hist. du Mareschal de Totras
(1644), p. 8. — Le premier Président de Courges ft le duc d'Epernon,
par Louis de Villepreux. Paris, Cotillon, 1870, pp. 19-22, et passtm.
^ LouiS XIII et le Béarn, par l'abbA Puyol a872). p. 82. — Bouille,
Hist. fies ducs de Guise, t. IV, p. 87. — Bazin, p. 369. — H. Martin,
p, UjS. — Pareste, p. 68. — B. Roger, pp. 487-488. — Bodin, pp. 464-
465. — C. Port, art. Brissac. — Godard-Faulirier, t. II, pp. 2dl-2ô2,
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- 87 -
éternisait dans sa transformation la guerre civile, dès le
seuil de cette laborieuse impasse où l'enferma près de dix
ans son génie guerrier, Rohan perdait à la fois deux
alliés également, quoique très diversement considérables :
un La Trémouille et un d'Aubigné. Avec eux à la fois lui
échappaient et sa consistance centrale et Fenvolée des
plus audacieuses diversions, Avec le ralliement ou la
défection de La Trémouille et de d'Aubigné, la grande
confédération du protestantisme méridional était atteinte
à la fois au cœqr et aux ailes. Si encore, avec une ligne de
bataille aussi entàipée, Rohan avait pu conserver derrière
lui une réserve immuable ! Mais par delà la Garonne il
voyait déjà chanceler la complicité désabusée du gou-
verneur de Béarn. C'est que le souple et l'ambitieux duc
de La Force n'était point à l'épreuve des habiles avances
de Luynes, Encore quelques étapes de cette rentrée en
campagne de Louis XIII, et il aura suffi au connétable du
lendeipaia de montrer de loin au vieux La Force, même
appuyé sur sa levée de cinq mille hommes, le bâton de
maréchal, pour fléchir sa résistance à l'enregistrement, en
plein parlement de Pau, de Tédit de Béarn. L'enregis-
trement de redit de Péarn, telle est la vraie victoire
qu'allait chercher jusqu'au pied des Pyrénées cette mo-
narchie catholique ressaisie et relancée sur le champ
de bataille des Ponts-de-Cé par le Nonce et l'Archevêque
de Seps, par le père Arnould, BéruUe et le Père Joseph.
L'enregistrement de l'édit de Béarn, tel était le coup
décisif dont s'ébranlaient déjà, sur tout le champ de bataille
qui mesurait la guerre sainte, les remparts de Montauban,
de Montpellier et de La Rochelle. En vain ces dernières
citadelles de la réforme s'acharneront, dans une résistance
surhumaine, à tromper leur désespoir. Avec la promul-
gation, à Pau, (Je la rentrée du Béarn dans l'orthodoxie
française, aura sonné leur dernière heure. Après cela, et
dans rimminence de sa chute, Rohan n'aura plus qu'à
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promener tristement dans ces défilés des Cévennes, qu'il
n'échangera que si tard contre ceux de la Valteline et de
l'Alsace, l'intrépidité fourvoyée d'un Vercingétorix et d'un
Annibal, d'un Charette et d'un Mercœur.
Pendant que la révolte, domptée à Brissac encore plus
sûrement qu'aux Ponts-de-Cé, ne rencontrait dans sa
métamorphose que la dissolution et la ruine, chaque jour
la cause royale s'affermissait dans sa victoire. C'était
surtout grâce à ce qu'y introduisirent de cohésion les affi-
nités d'alliance et les liens de famille multipliés autour du
trône, dès son avènement au pouvoir, par la diplomatie
matrimoniale de Luynes. En y envisageant principalement
le favori en règne au point de vue central de ses calculs
personnels, dès l'ouverture de la guerre civile nous
ravons vu rechercher dans l'état-major de l'armée royale,
pour sa nièce Anne du Roure de Gombalet, la main du fils
de Créquy Canaples. Par une suite de la même tactique,
et dans ses sollicitudes alternatives de concentration et de
ralliement, Luynes, dès le lendemain du combat des Ponts-
de-Cé, avait offert en amorce de réconciliation au duc
d'Épernon la main d'une autre nièce pour son fils La
Valette. Mais, aux yeux de Luynes, le chef-d'œuvre, le
résumé et le couronnement de ses industries nuptiales,
c'était de s'allier principalement, lui le persécuteur initial
et le plus persévérant ennemi de Marie de Médicis, avec le
prélat qui, après n'avoir embrassé Texil de sa souveraine
que pour y armer contre lui sa disgrâce, ne la ramenait
avec lui au Louvre et n'allait rentrer par elle au Conseil
que pour l'y primer sous la pourpre, et cela grâce à la
coïncidence de son avènement à un second ministère
avec sa promotion au cardinalat. Primer Luynes au
Conseil sous la pourpre ! tel est le péril dont Richelieu
allait menacer, dès son retour de la guerre sainte à Paris,
Tombrageux Luynes, ainsi que nous en avons déjà chez
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lui pressenti le souci, si Luynes n'allait vite obvier aux
suites de ses vagues promesses de cardinalat datées des
Ponts-de*Cé, en assurant d'avance, au regard de l'am-
bitieux prélat guettant son chapeau rouge, Tantériorité de
son propre avènement à la connétablie, et cela afin de
contrebalancer au Conseil, dès que Richelieu en entrou-
vrirait la porte, ce chapeau rouge des Georges d'Amboise,
des Guise et des Duperron par Tépée des Montmorency. Or
justement, à voir se développer si vite aux réunions de
Brissac le nouveau crédit de Richelieu, Luynes en était à
se demander si le prélat assez puissant pour obtenir sans
lui) fût-ce par Marie de Médicis ou Gondé, le chapeau de
cardinal, ne Taiderait pas à son tour dans Taudace de ses
brigues. Il est vrai que Luynes n'aurait tenu celte conné-
tablie que pour la retourner de suite contre Richelieu en
contre-partie d'équilibre. Mais, d'autre part, si Richelieu,
pour conquérir sa pourpre, n'avait pas renoncé entièrement
à se servir de Luynes, à ce point de vue ce serait pour lui
quelque chose de l'avoir servi lui-môme dans ses propres
visses pour le constituer son redevable. Or, entre Richelieu
et Luynes, ce qui pouvait le mieux assurer cette réci-
procité de services et cet échange de protections, c'était, ce
semblait-il, Tidentiâcation de leurs deux fortunes réalisée
dans des solidarités de famille. C'était l'achèvement de ce
réseau d'alliances qui avait déjà fixé Luynes si avant et
par tant de côtés dans la cause royale. Après y avoir épousé
tour à tour, en la personne de Créquy et d'Épernon, le
prestige de la victoire et la solennité des ralliements, il ne
lui manquait plus que d'embrasser, dans cette même
accolade de fusion domestique, le génie même des récon-
ciliations royales. Et voilà ce qui détermina Luynes, à
Brissac, à demander à Richelieu, pour son neveu Antoine
de Beauvoir du Roure, marquis de Combalet, frère de
cette nièce mariée à Canaples, et qui rachetait ses désa-
vantages physiques par l'emploi de mestre-de-camp du
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régiment de Normandie, la main de Marie-Madeleine de
Wignerod de Pontcourlay, fille de René de Wignerod de
Pontcourlay» jadis gentilhomme de la Chambre de.Henri IV,
et de Françoise de Richelieu, sœur de Tévêque de Luçon.
Et c'est lorsque, le 14 août, s'acheminait de Brissac le
courrier Chazan vers Rome avec la demande officielle du
cardinalat pour Richelieu S que Béruile lui transmettait
Touverture matrimoniale de Luynes*.
A ne s'en rapporter là-dessus qu'au laconisme hautain
de ses mémoires, Richelieu n'aurait agréé cette avance
que par une concession de bon prince, et seulement pour
complaire à Marie de Médicis. Mais aujourd'hui nous
savons à quoi nous en tenir sur cette affectation d'une
dédaigneuse condescendance, autant que sur le silence
absolu dont s'enveloppent dans ses artificieux mémoires
les promesses de cardinalat datées d'Angers et des Ponts-
de-Cé. Il eût par trop coûté à Richelieu d'avouer que, en
s'empressant de correspondre aux avances du favori dont
il attendait en partie le chapeau rouge, et qui, une fois
empanaché de sa connétablie, l'avait laissé se morfondre
dans une expectative creuse, il avait été victime d'une
précipitation stérile et ne s'était embarqué avec lui que
dans une graduite mésalliance. Richelieu eût voulu dérober
à la postérité Tamertume des confusions ressenties dans
* A côté de cette présentation officielle et des démarches offi-
cieuses parallèlement poursuivies à Rome en faveur de Richelieu
par son ami l'abbé de la Cochère Sébastien Bouthellier, il serait
intéressant de suivre les contre-démarches souterraines tentées par
Lujnes auprès du Nonce. Mais nous laissons cette tâche, comme
excédent notre cadre, àl'éminent biographe de Richelieu M. Gabriel
Hanoteaux.
• Les deux propositions du mariage entre une nièce de Lujnes et
La Valette et du mariage entre le neveu de Lujnes Combalet et
]^iie (il) Pontcourlaj furent faites le même jour. Du moins Condé
annonça les deux mariaj?es à la fois à Bentivoglio. — C'est la coïn-
cidence du mariage Combalet-Pontcourlaj avec le dénouement de la
guerre civile qui a fait dire plaisamment à Bautru, à propos du
combat des Ponts-de-Cé : c Les canons du côté du roi disaient :
Combalet, et ceux du côté de la Reine-Mère : Pontcourlaj. •
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son orgueil, te jour où il crut s'apercevoir que ce favori de
basse-cour à qui il avait ai vite, pour ne pas dire si incon-
sidérément livré sa nièce, une fois investi de sa suprême
gloriole, l'avait leurré du mirage sans cesse reculé de sa
pourpre. Et tout cela, parce que Luynea ne lui pardonnait
pas de lui avoir été nécessaire pour le désarmement de
Marie de Médicis, et que le poids d'un tel service lui
faisait envisager pour lui-môme son élévation comme dan-
gereuse. Du moins telle est la cuisante persuasion dont
s'envenime cette partie des mémoires de Richelieu con«
sacrés à Tentrevue de Brissac, et qui s'érige en une
•anglante diatribe contre Thomme qui n'eut peut-être
envers lui que le tort de disparaître avant sa promotion de
cardinal. Mais à cet égard quelle qu'ait été la duplicité
temporisatrice du favori qui, avant sa fin prématurée, trouva
bien, il est vrai, le temps de passer connétable, combien
Richelieu eût eu meilleure grâce à convenir devant nous,
avec cette libre ingénuité de l'omnipotence satisfaite, qu'il
n'avait en définitive essuyé là qu'une de ces mystifications
inhérentes aux tâtonnements originaires des plus hautes
destinées ! Mais non. Il aime mieux nous abuser sur la
source latente de son fiel, en infectant de ses extra va-
sements implacables tout ce qu'a été Luynes au regard de
Marie de Médicis depuis l'assassinat de Goncini jusqu'à
l'entrevue de Brissac. Ce Luynes, ce confident préféré et
cet interlocuteur docile du nonce et de Duperron, du Père
Arnould, de BéruUe et du Père Joseph ; ce Luynes à qui,
depuis la paix d'Angoulôme et l'entrevue de Tours, et
jusqu'à travers le champ de bataille des Ponts-de-Cé,
Richelieu n'avait cessé de tendre la main, comme à
l'homme qui avait le mieux sondé l'énigme et préconisé
l'efficacité réparatrice du rôle qu'il jouait auprès de
leur souveraine ; ce Luynes dont on ne pouvait suspecter,
vis-à-vis de Marie de Médicis, les ménagements et les
avances, puisque ses seules sollicitudes d'équilibre
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politique en garantissaient, sinon le désintéressement
chevaleresque, au moins la sincérité relative ; ce Luynes
qui savait ne pouvoir mieux, aux conseils du Louvre,
opposer à Condé Marie de Médicis qu'en y assurant à celle-
ci un retour honorable et sûr dont elle lui serait particu-
lièrement redevable ; le voilà tout à coup, grâce à Richelieu,
transformé dans ses agissements envers la reine-mère
datant de la phase angevine de la guerre civile, en un
nionatre d'hypocrisie et de scélératesse. Il n'est sorte de
noirceurs que, par un renchérissement sur les violences de
Condé, Luynes n'ait ourdies pour la perdre. A en croire ce
Richelieu trop tardivement investi de sa pourpre, depuis
Temprisonnement jusqu'au poignard tout eût été bon à
Luynes contre celle à qui il ne pardonne pas, à elle non
plus, de n'avoir pas digéré l'immolation de Concini. Aux
mains de Richelieu toutes les calomnies sont recevables,
et il ne peut dégorger assez de bile contre cet homme qui
&*est avisé de la trouver redoutable. Et, dans cette haine
rétrospective contre les frayeurs dilatoires d'une trop
ombrageuse faveur, Richelieu ne regarde pas lui-même à
s'enferrer dans la projection de ses diatribes. Par un
châtiment digne de lui, elles se retournent contre lui-
même, en entamant aux yeux de cette postérité qu'abusent
ses rancunes la gloire si pure de son entremise angevine.
En le voyant flageller et stigmatiser à outrance le point de
mire de l'insurrection s'autorisant du nom de la reine-
mère, et en ignorant ce que tous deux y entretinrent de
ces communications secrètes que Richelieu enfouit comme
un opprobre et dont la divulgation aujourd'hui proclame
sa droiture, on a longtemps pris cet acharnement pour
Tanimosilé d'un rebelle. Avec l'habileté consommée qui
préside à la rédaction de ses mémoires, en vain Richelieu
affecte de nous opposer les remontrances pacificatrices
doni il assiège Marie de Médicis à la nomenclature des
prétendues avanies et persécutions de Luynes : malgré ses
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captieuses précautioDs d*apologie pamphétaire, od s'est
dit qu'un aussi virulent détracteur de Tbomme que visait
surtout l'armement de la reine-mère ne pouvait être au
fond qu'un complice des Vendôme et des Soissons, des
Épemon, des Rohan et des Mayenne. Et une fois qu'on l'a
eu rejeté du quartier général de Marie de Médecis dans le
camp des rebelles qui empruntaient son nom, une fois
qu'on eut interprété ce qu'il lui prodiguait d'assistance
défensive en une solidarité insurrectionnelle, on en a
conclu rigoureusement, et l'on a autorisé ce préjugé, que
Richelieu n'avait pu restituer, ou plutôt livrer à Louis XIII
Marie de Médicis que par une trahison de transfuge, et
qu'il n'avait tû les promesses concomitantes du chapeau
de cardinal que parce qu'il en rougissait comme du prix
d'une félonie. Et voilà comme, sur la personnalité
longtemps problématique du Richelieu de Blois^ d'An-
goulême et de Tours, d'Angers, des Ponts-de-Cé et de
Brissac, toutes les inculpations s'enchaînent entre elles, et
celles de Richelieu avec celles de Luynes. Mais si l'évêque
de Luçon a mieux aimé se perdre de réputation avec
Luynes que de s'associer à son apologie, en revanche il a
rendu, par cette connexité même de soupçons et de charges,
leurs deux justifications inséparables l'une de l'autre. C'est
pour eux deux à la fois que la correspondance de Richelieu
justifie et corrige ses mémoires. Voilà comme, en dégageant
de son ambiguïté initiale la gloire de l'un, elle réhabilite
l'honneur de l'autre dans toute la mesure où il en est
digne. Ah ! certes, dans l'histoire si longtemps dénaturée
de la première chute de Marie de Médicis, Luynes demeure
déjà bien assez coupable d'en avoir ensanglanté le signal,
sans qu'il y faille encore grever sa mémoire de l'inutile
barbarie des coups de grâce. S'il a brutalement renversé,
il s'est interdit d'achever Marie de Médicis. A peine abattue
et encore meurtrie de sa disgrâce, avec sa modération
avifiée et sa diplomatie secourable, Luynes lui prépare
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déjà sa réintégration au Louvre, non plus certes dans la
place d'où elle est tombée sans retour avec Goncini, mais
dans une place grande encore, et une place plus légitime
et plus sûre, que lui enlèvera seule la journée des dupes.
Ce calcul de restauration, Richelieu Tignorait moins que
personne, puisque la place ménagée par Luynes à leur
souveraine était au fond la sienne, et que Luynes n'y
pouvait ramener la reine-mère sans Ty ramener avec elle.
Mais il suffisait que Luynes y fil attendre au prélat appelé
à y régner en maître cette consécration que trente ans
plus tard Retz enViera si dangereusement à Mazarin, pour
que là -dessus sa bile d'ambitieux ajourné empoisonne
ses souvenirs. Aussi, encore une fois, est-il heureux que
la correspondance de Richelieu démente et désavoue ses
mémoires. Autrement, on n'eût peut-être jamais su jusqu*où
peuvent s'étendre sur une réputation déchirée les ravages
d'un grief.
Pour en revenir à un événement trop gros de promesses
pour ne l'être pas en môme temps de déceptions et de
vengeances, ce qui nous montre à quel point à Brissac
Richelieu avait à cœur l'alliance avec Luynes, c'est
l'énergie des obstacles qu'il a brisés lui-même dans le cœur
de celle dont Antoine de Combalet du Roure poursuivait
l'hymen.
Belle, aimante et vertueuse, et nièce d'un prélat en qui
se décelait, jusqu'à travers les orages de la guerre civile,
le plus grand avenir, la jeune fille de seize ans répondant
au nom de Pontcourlay ne pouvait manquer d'être de
partout recherchée. Aussi, dès le début de Tannée 1620, et
par conséquent bien avant la démarche de Luynes, le
marquis de Brézé, capitaine des gardes de Marie de Médicîs,
et qui, avec la sœur de Richelieu Nicole, avait épousé leurs
sollicitudes avunculaires, présentait à Févêque de Luçon,
comme le plus ardent des soupirants de leur nièce, et
eomme un soupirant digne d'être agréé d'elle, son ami le
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jeune comte Hippolyte de Béthune, fils de ce frère de Sully
Philippe de Béthune, comte de Selle et ambassadeur à Rome,
que nous avons déjà vu utilement employé au traité d'Angou-
léme. Ce qui recommandait le plus auxyeux de Marie de Pont-
courlay ce prétendant de dix-sept ans, ce n'était ni le lustre
du nom de Sully, ni la fortune, ni le mérite ni la situation
du jeune comte, gentilhomme de la chambre de Oaslon, ni
même les agréments de son visage et son élégante tournure,
c*était la persévérance d'une flamme résistant à Tépreuve
de l'exil imposé prudemment à la juvénilité filiale par
Philippe de Béthune, sous forme d'un rappel à Rome.
Aussi, quand le jeune homme en eut rapporté aux oncle
et tante de Marie-Madeleine, comme un brevet d'une cons-
tance reconnue décidément invincible, les sollicitations
paternelles à l'appui des siennes propres, ce fut avec un
unanime empressement que, en mai 1620, la famille réunie
en villégiature au château héréditaire des Richelieu pré-
senta comme fiancé Hippolyte de Béthune à celle qui ne
demandait qu'à le voir pour s'en éprendre. Et là, dans la
libre intimité de la cohabitation rurale, et sous les yeux de
parents souriant à leur aurore de félicités nuptiales, les
deux adolescents s'aimèrent avec la réciprocité des sym-
pathies et l'abandon de Tinnocence. Aussi, après des
jours rapides comme des heures, et des heures rapides
comme des rêves, Hippolyle de Béthune repartait avec
Tinvincible espoir d'un prochain mariage, avec un espoir
que n'atteignaient pas même les vagues appréhensions de
Marie-Madeleine sur ce que réservaient à leurs destinées
les contre-coups de la guerre civile.
C'est, en effet, dans les premiers jours de l'entrevue de
Brissac que le Père BéruUe transmit à Richelieu, comme
l'épilogue des réconciliations royales, ces ouvertures matri-
moniales qui transformaient le neveu de Luynes Combalet,
auprès de M"" de Pontcourlay, en un dangereux rival de
Béthune. Si Richelieu eût vraiment dédaigné, autant qu'il
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s'applique à nous rinsinuer, TalliaDce avec le fauconnier
du Louvre, qui Tobligeait de lui livrer si vite sa nièce? Et
pourquoi mettre ici en avant les exigences de Marie de*
Médicis? Pour décliner ce qu'il nous veut faire passer vis-
à-vis de Luynes comme une aussi dérogeante concession,
que ne lui opposait-il, comme la plus péremptoire excuse,
Fantériorité de ses engagements avec Hippolyte de Bé-
thune? Certes, il avait beau jeu en s'en tenant à ce brillant
parti sans offenser le prétendant qu'évinçait la tardi-
vite de sa démarche. Mais c'est que derrière Combalet il y
avait la plénitude d'une faveur rajeunie dans la paix des
Ponts-de-Gé, tandis qu'en somme Béthune avait le tort
d'être le neveu de l'ancien ministre dont le nom ne servait
plus qu'à mesurer l'immensité de sa disgrâce, d'une de ces
solennelles disgrâces qui se projettent sur toute une race.
Un Luynes a pris la place de tout ce qu'évoquent de glo-
rieux dans l'histoire des grands serviteurs de la France
les souvenirs de la confiance et de l'amitié d'Henri IV. Or,
en attendant qu'il continue en lui-même les hautes tra-
ditions par lesquelles Sully, dans le culte de la postérité,
se rattache à Mazarin et à Golbert, Richelieu trouve plus
sûr de répudier tout contact avec ce nom d'une signifi-
cation actuelle trop nuisible, et surtout de s'en écarter à la
veille d'une guerre de religion comme d'un rejaillissement
de défaveur. C'est du moins ce que semble lui rappeler un
peu tard, en ces colloques du château de Brissac succédant
aux réunions de famille que venait d'abriter le vieux
manoir des Richelieu, l'opportunité d'une correspondance
aux ouvertures avunculaires de Luynes. D'ailleurs, nous
le répétons, si rapides qu'aient semblé à Brissac la reprise
et l'essor de son crédit politique, Richelieu ne s'y sent pas
encore assez invétéré pour y négliger les protections d'an-
tichambre et d'alcôve. Si Luynes le recherche, lui, en
revanche, ne trouve pas encore au-dessous de lui de
l'exploiter. Et voilà ce qui décide Richelieu, en souverain
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■fiW'^d
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arbitre des destinées de sa famille, à immoler le cœur de
sa nièce aux exigences de Tambition la plus autoritaire.
Voilà pourquoi il a cru pouvoir impunément, avec la plus
tyrannique soudaineté, substituer dans les plus chères
inclinations de Madeleine de Pontcourlay un Combalet à
un Béthune.
Mais à quelque degré qu*une mémorable disgrâce ait pu
déteindre sur la famille du fiancé déjà condamné de
Madeleine, cette famille était encore trop considérable, à
en juger par l'emploi qui fixait à Rome Philippe de
Béthune, pour qu*on n*y regardât pas à rompre avec elle
sans ménagements. Richelieu était un politique trop pré-
cautionneux pour ne s'attacher à Luynes qu'en offensant
les Béthune. Sans doute il a, lui-même, infléchi impéra-
tivement dans le sens de son volte-face matrimonial les
sollicitudes paternelles. Sans doute, avec les injonctions
d'un oracle, il a remontré à son beau-frère combien il lui
importait, à lui le vétéran négligé des campagnes d'Henri IV,
à lui dont on avait oublié l'anoblissement sur le champ
de bataille d'Arqués en le solidarisant dans ses propres
disgrâces; combien il lui importait d'échanger la stéri-
lité d'un roman fragile comme l'adolescence contre
l'alliance moins idéale, mais plus fructueuse qui lui rou-
vrait le chemin de la cour. Il lui déduisit à quel point un
Pontcourlay se devait à lui-même, comme il se devait au
nom déjà si honorablement classé de Richelieu, d'em-
brasser les partis qui lui promettraient le plus sûrement
de dégager, de pousser et d'exhausser sa famille. Seule-
ment, en pratiquant dans le coeur des deux amants une
rupture commandée par d'inexorables convenances, en
brusquant un coup qui rendait Marie-Madeleine non pas
certes à elle-même, mais à cette politique dont elle subis-
sait lesclavage, il était bien entendu que M. de Pontcourlay
n'agirait que comme de lui-même et à ses proprçs risques,
et n'y mettrait en cause que Tautorité paternelle. Richelieu
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devait demeurer étranger à une aussi cruelle opération , et
cela même dans l'intérêt des calculs qui y présidaient.
Tandis qu^au prix des violentes désillusions de sa nièce
se déroulerait, sur le grand théâtre des réconciliations
royales, cette intrigue rien moins que sentimentale dont
r il ne pourrait plus nier aujourd'hui d'avoir été l'impérieux
^' artisan, avec sa dissimulation mise déjà à une si longue
' épreuve derrière Marie de Médicis, il se devait retrancher
dans rimpassibilité d*un observateur de coulisse.
M. de Pontcourlay dut donc prendre sur lui seul d'exé-
^/ cuter le cœur de sa fille et d'attenter à l'enchantement de
I ses rêves, avec les douloureuses rigueurs de Tautorilé
•:: paternelle. Et c'est à peine si les ménagements de sa
^ démarche eussent conjuré le désespoir chez toute autre
;• que Marie-Madeleine, trop sérieusement éprise d'Hippo-
l^ lyte de Béthune pour n'être pas meurtrie de la sentence
? qui l'arrachait de lui, mais aussi trop prédestinée par sa
r vertu précoce aux plus héroïques renoncements de la vie
; chrétienne pour n'accepter pas avec l'intrépide résignation
de Tobéissance filiale les dures décisions de sa famille.
Quant à Philippe de Béthune, dès que cette famille qui
d'abord avait si cordialement embrassé son alliance lui
eut laissé dans un refroidissement embarrassé pressentir
1 une rupture, avec l'affectation d'un orgueil froissé il s'em-
pressa de ressaisir, au nom de son fils, la liberté si heu-
i reusement engagée dans les fiançailles de la veille. Hélas !
■ il avait là compté encore une fois sans l'énergie d'une
passion en vain refoulée déjà jusqu'à Rome; et Hippolyte
de Béthune n'avait pas rapporté du plus lointain exil à
I Madeleine de Pontcourlay une passion dont on le pût
t affranchir sans déchirement. Aussi lui suffit-il de montrer,
l sa blessure et de laisser couler ses larmes pour atteindre
i jusqu'à travers la raideur cassante du fier gentilhomme
;. d'où dépendait son avenir les flexibilités de l'amour
u. paternel. Philippe de Béthune s'humilia donc jusqu'à
(
?
k
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(Conjurer Richelieu, ce vrai maître des destinées de sa
famille, de prendre en pitié l*inconsolable amant de Made-
leine, en révoquant l'arrêt de mort qui l'avait détaché
d'elle. Mais le jeune homme eut beau venir lui-même
présenter à Richelieu cette supplique épistolaire, il eut
beau plaider sa cause avec Téloquence du désespoir : à
travers un honorable accueil il se sentit évincé sans appel,
.et ne rapporta à son père que cette réponse polie mais
sèchement évasive : « J'ai été très aise de savoir de
M. votre fils qu'il soit revenu satisfait du voyage qu'il a
fait vers sa maltresse, et sur le sujet de quoi je n'ai rien à
vous dire, la conclusion de cette affaire dépendant de
M. de Pontcourlay. C'est à lui que vous devez vous adresser.
Pour mon particulier, je conlribuerai toujours à ce que
je saurai être de votre contentement, vous assurant qu'il
n'y a personne qui vous estime plus que moi qui suis
véritablement, Monsieur, votre affectionné à vous servir^ ».
Ainsi Richelieu renvoie HippoIytedeBétbuneà M. de Pont-
courlay, et M. de Pontcourlay ne décide rien sans son
beau-frère. En vérité, c'est une comédie, et une comédie
où se décèle le peu de franchise du jeu de Richelieu !
Disons-le bien haut. Après avoir disposé là en despote,
ainsi qu'il le fera toute sa vie, des aspirations de cette
* Cette lettre a subi en sa rédaction ^ dans le passage de Toriginal
à la copie, divers changements significatifs. Les mots : « Sur le
«abject de quoj je n'ay rien à vous dire > ont pris la place de ceux*
ci : a et le seroy encore davantage quand sa recherche se terminera
à voBtre contentement et au mien, mais. . . » Plus loin, au lieu de :
« Pour mon particulier, etc.. (jusqu'à la fin), il y avait : « Sinon
que lorsqu'il 7 aura donné son consentement jj donnerai aussi
très volontiers le mien pour vous témoigner l'estime que je fais du
père et du fils... » On peut conjecturer de ces corrections jetées
comme des sourdines sur des expressions d'affectueux assentiment,
que ce ne fut pas sans regret et sans hésitations, que Richelieu
rompt un mariage d'inclination pour imposer à sa nièce une
alliance toute politique. — La lettre de Ricnelieu, sans date, a été
classée par Avenel au commencement de l'année 1620. Mais on ne
peut la rapporter (comme cela s'impose) à la rupture des fiançailles
de M'^ de Pontcourlay avec Béthume, sans la reporter par là même
à la date de la conclusion du mariage avec Combalet, décidé durant
rentr«T«« de Briasae.
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.— iOO —
nièce dont la carrière se résume toute dans l'immolation aux
grandeurs de son oncle, Richelieu devait au moins avoir
vis-à-vis d'elle, comme vis-à-vis de Tamant à qui il Ta
enlevée, le courage à la fois de son infidélité et de ses
rigueurs.
Ajoutons que, quand on a immolé les engagements de
sa famille au culte d'un favori, on a perdu le droit d'incri-
miner si sévèrement dans ce favori les manquements de
parole. Et, si tant est qu'aux Ponts-de-Cé et à Brissac
Richelieu a été joué par Luynes, on serait tenté presque
de lui appliquer cette réflexion vulgaire : il n'a que ce
qu'il mérite. Ou plutôt disons qu'il vaut mieux pour
Richelieu d'avoir été dupe de sa propre infidélité, que
d'en recevoir ce qui n'en serait apparu que comme une
fâcheuse récompense. En songeant à ce dont il s'est
détourné pour courir à Luynes, on doit pour sa plus grande
gloire le féliciter de n'avoir pas, en retour, reçu de ses
mains le chapeau de cardinal. Quand on s'est rendu si
digne de la pourpre en réconciliant et en sauvant Marie !de
Médicis, on est au-dessus, non seulement de la trahison
dont l'histoire absout Richelieu, mais même de la
déloyauté dont il esquive en vain le reproche. Dans sa
recherche du cardinalat, il n'avait besoin de rien de tout
cela pour en conquérir le lustre. Le lustre de cette pourpre
qui l'introduit et le consacre aux conseils du Louvre plane
à la fois au-dessus de la prétendue trahison ourdie contre
Marie de Médicis, et de l'indéniable répudiation de Béthune.
En s'en revêtant sous le seul patronage de la reine-mère,
du nonce ou de Gondé, Richelieu eût dû s'estimer heu^
reux d'éviter par là d'en être amoindri. Car, en définitive,
Luynes a disparu à temps pour nous démontrer qu'il n'était
point nécessaire au couronnement de son redoutable
client, puisque les justes titres qui l'ont finalement assuré
à Richelieu lui ont survécu, et ont survécu à son alliance.
Et lorsqu'aura sonné pour Richelieu l'heure d'endosser
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r
— 401 —
cette pourpre tant ambitionnée, nul n'ira tirer Luynes du
rapide abandon de son cercueil pour le convier à lui en
venir déférer l'investiture comme son œuvre.
En attendant la promotion de son oncle à la pourpre, en
attendant sa propre élévation au titre de duchesse d'Ai-
guillon, la très éprouvée, mais la courageuse Madeleine de
Pontcourlay, peu après Tentrevue de Brissac, au Louvre,
s'acheminait résolument vers l'époux que lui imposait la
politique, elle allait à l'autel tendre la main à Antoine de
Combalet du Roure* avec l'abnégation d'une victime parée
pour le sacrifice. Cette magnanimité même ne fit qu'aviver
la plaie toujours saignante derrière elle. Hipppolyte de
Béthune n'apprécia jamais mieux que dans l'intrépidité
d'un tel détachement toute l'étendue de sa perte. Il ne
ressentit jamais avec un regret plus poignant combien
Marie-Madeleine, en le sacrifiant, était digne de lui, aussi
digne de lui qu'en la comprenant il se montrait digne d'elle.
Aussi quand, après un veuvage prématuré*, une nouvelle
entremise du Père de Bérulle eut encore une fois brisé la
volonté de M>*® de Pontcourlay en imposant à cette nièce de
Richelieu, qui la revendiquait comme inséparable de ses
destinées, le renoncement à ses aspirations claustrales, le
constant Hippolyte de Béthune revint la redemander. Mais
ce n'est pas dans son noviciat de carmélites que la jeune
femme avait appris à transiger avec les immolations. Elle
n'avait pas encore épuisé son élan de sacrifices. Quant à
rentrer dans le monde, ce n'était que pour y rester fidèle
aux leçons de sainte Thérèse. Elle ne voulut se venger de
cet oncle impérieux qui avait deux fois violenté son grand
cœur, qu'en lui sacrifiant çUe-même une seconde fois
Béthune'. Dans son émigration du Garmel, et dans son
* Le iO noTembre.
* Combaret décéda dès 1632 au siège de Montpellier, sans postérité.
> Hippolyte de Béthune finit par épouser, en 1629, Anne-Marie
de Beauvilliers.
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- 1M -
immuable veuvage, elle voulut embrasser sans partage
le rôle pour lequel Bérulle Tavait relancée dans le siècle,
ce rôle que la Providence lui assignait auprès de Thomme
qui la voulait toute à lui. Clouée à des grandeurs
qu'elle eût préféré perdre de Vue dès qu'elle s'en était
radicalement désabusée, elle se voua toute à Richelieu,
non seulement pour affermir et à la fois humaniser et
et embellir son règne, mais encore pour le sanctiâer. Noû
seulement la duchesse d'Aiguillon offrit à Richelieu dans
son apanage maritime, parmi les anxiétés gouvernementales
où le plongèrent tour à tour les nouvelles menaces de dis-
grâce ou de giierre civile et les invasions de TEspagne, un
refuge et un arsenal. Non seulement, en mariant sa cousine
Glaire-Clémence deMaillé-Brézé avec le jeune duc d'Enghien,
qui allait sitôt devenir le vainqueur de Rocroy, elle élèvera
Richelieu, par cette alliance avec la maison de France,
bien plus haut que n'avait pu l'abaisser l'alliance avec
Luynes, et le réinstallera dans cette perspective centrale
que lui assignent les réconciliations de Brissac entre Condé
et Luynes, entre la plénitude de la faveur et la majesté des
avenues du trône. Non seulement elle s'instituera l'inten-
dante de ses réceptions et l'ordonnatrice de ses fêtes* Mais
encore et surtout, derrière la gouvernante de la citadelle
du Hftvre, derrière la princesse-nièce du Palais-Cardinal,
derrière la châtelaine des splendeurs de Richelieu et de
Ruel, il y aura Tillustre dame de charité, qui, dans ce
magnifique exil où l'a enchaînée le cardinal-ministre, épu-
rera sa gloire. Richelieu lui devra les plus beaux titres à
cette dignité d'abord trop humainement ambitionnée de
prince de l'église. Pour être un digne cardinal, il ne lui
suffira pas d'avoir, auprès de Marie de Médicis, encouragé
et soutenu les apostolats de Bérulle et du Père Joseph. Il
faudra encore que M™* d'Aiguillon, de concert avec ses
pieuses amies M"* de Miramion et M"* Legras, Térige, en
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- toa -
rassociant à leurs œuvrqs» en an proteibteur des apos*
tolata de M. Olier et de saint Vincent de PauL
Pour l'efficacité de Tapostolat de M. Olier et de saint
Vincent de Paul» il faut d'abord que la France achève de
recouvrer militairement son unité religieuse. Il faut que
ces deux athlètes de la charité et du sacerdoce niaient plus
qu*à verser leurs germes de rénovation spirituelle sur
les ruines du protestantisme. Il faut que» sur ce théâtre de
Ten^revue de Louis XIII et de Marie de Médicis, et au pied
de Tau tel où ils ont scellé leur concorde, BéruUe et le Père
Joseph donnent le signal de la guerre sainte^ Il faut que
par là d'avance ils assurent à Richelieu» en retour de ce
que lui doivent, avec Marie de Médicis, TOratoire, le
Garmel et le Calvaire, leur propre part dans la justification
de sa pourpre. Il faut que Richelieu leur doive cette guerre
sainte due à leur initiative, mais qu'il a si glorieusement
close par la prise de La Rochelle. Mais arrêtons-nous au
seuil de cette dernière de nos guerres de religion dont le
théâtre s*étend de Montauban à La Rochelle^ comme d'une
nouvelle phase du règne de Louis XIII dont le récit excède
notre t&che; et bornons-nous à proclamer une dernière fois
tout ce qui s'attache de mémorable à l'entrevue de érissac,
rien que parce qu'il en surgi l'élan vers le Béarn. A
d'autreà d'y surprendre à ce point de vue» dans cet Éden
d'amnisties, les colloques préparatoires de Duperron, de
Rebs et du Père Arnoutd avec Bérulle et le Père Joseph, du
Père Joseph avec Luynes» et de Luynes avec Louis XIÎL A
d'autres surtout de nous y ressusciter dans son originalité
grandiose cette prédication de croisade par laquelle le Père
Joseph, en l'église de Brissac, inaugura le prosélytisme d'une
œuvre où le Béarn même n'apparaît que comme une étape
sur le chemin de Gonstantinople. Jamais n'éclata mieux
qu'à Brissac l'étrangeté sublime de cet apôtre doublé de
diplomatie et d'ascétisme, de cet homme où confinent les
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— 104 —
aspects si diverl^ d'un Mazarin, d'un saint François de
Salles et d'un Pierre THermite. La prédication de la guerre
sainte par le Père Joseph en TEglise de Brissac^ c'est une
prédication qui tient à la fois du Te Deum et du Vent
Creator. Ce sont à la fois les jubilations du repos et les
défis de la lutte. Elle arme les réconciliations, elle attise
la concorde, elle rend les amnisties formidables, elle régit
la paix comme un arsenal. Dans Tharmonie des embras-
sements elle suscite Touragan et transpose la victoire. On
surprend dans cette éloquence aussi ondoyante qu'abrupte
autant de baume et d'onction que de flamme, autant de
suavité que d'incandescence. A voir à Brissac, au contact
et dans Tentourage du Père Joseph fondre les inimitiés de
la veille, tandis que, sur ses lèvres frémissantes, retentit
un nouveau « Dieu le veut », on le voit revivre dans les
imaginations contemporaines comme un de ces volcans
dont les flaucs neigeux recèlent un cratère fumant, et qui,
tout en déversant à leurs pieds la fraîcheur des sources,
sèment au loin les éclairs et la foudre ^
(A tuivrej
Eusèbe Pavie.
* Lettres de Richelieu (pabl. Avenel), pp. 84, 647, 648, texte etn.
— Fontenay-Mareuil, p. 153. — Montglat, p. 31. — A. d'Aadillj,
f 21. — Vitt-Siri, p. Ô9-200, 212. — La Nunz. di Fr., 19 août,
16 septembre, 18 novembre. — Disp. degl. amb. ven., 22 août. —
Arch. des aff. étr. : Rome, nr23, pp. 490-491. — Matt. de Mourgaes ;
Très humble, très vériUibles et très chrétiennes remonstrances au Rov,
p. 21 ; Lumières pour Vhist, de France, p. 36. — Rangeard^p. 367,
— Roncoveri, p. 429. — Gramond, pp. 302^03, 313. — Griffet,
p. 274. — Levassor, p. 696. — V. Cousin, mai 1862, pp. 336-336.
— Vie du cardinal de Bérulle, par Fabbé Gruget, p. 159. — La
Duchesse d^ AiguiUon, par A. Bonneau- A venant, pp. 76-77279-82,84.
— Les Historiettes de TaUemant des Reaux^ pp. 348-349. ^ H. Martin,
p. 163. — Dareste, p. 68.
i^
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CHANTONS LA MER I
Chantons la mer,
La mer profonde !
C'est l'inépuisable Golconde :
Elle a de l'or plein son flot vert,
La mer profonde :
Chantons la mer I
Chantons la mer,
La mer sonore !
Dans la nuit sombre ou dans l'aurore,
De son murmure elle emplit l'air,
La mer sonore :
Chaatons la mer I
Chantons la mer,
* La mer immense !
Aux filets, draguant en silence,
Elle ouvre son sillon amer,
La mer immense :
Chantons la mer I
Chantons la mer,
La mer rebelle !
Elle ne sait être plus belle
Que sous la foudre et sous l'éclair,
La mer rebelle :
Chantons la mer !
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1
- 106 -
Chantons la mer,
La mer jolie !
Elle ae pare, en l'embellie,
Des fauves splendeurs de Téther,
La mer jolie :
Chantons la mer I
Chantons la mer,
La mer sublime !
Le soir, elle met sur la cime
De ses flots noirs Vot du ciel clair,
La mer sublime :
Chantons la mer !
Chantons la mer,
La mer clémente !
Au malheureux qui se lamente
Elle offre la moisson d'hiver,
La mer clémente :
Chantons la mer !
Chantons la mer,
La mer superbe 1
La mer robuste, au large verbe !
Elle porte mon Drapeau fier,
La mer superbe :
Chantons la mer !
Chantons la mer,
La mer profonde !
C'est l'inépuisable Golconde !
Elle a de l'or plein son flot vert,
La mer profonde :
Chantons la mer !
De d'Ouessant, 1898.
René Daxor.
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ARTHUR DU CHÊNE
La Revue de P Anjou vient de perdre un de ses plus
anciens et de ses plus dévoués collaborateurs, M. Arthur
du Chêne, décédé à Châteaugontier, le 6 janvier dernier, à
la suite d'une courte maladie.
Né à Saiût-Michel-de'Chavdignes (Sarthe), le 13 juin
1848, Arthur du Chêne fit au collège de Précigné la plus
grande partie de ses études qu'il acheva chez les RR. PP.
Jésuites, à Poitiers.
Entré en 1868 à l'école des Chartes, il en sortit en 1870
pour se battre contre les Prussiens.
Nous ne saurions mieux faire Ici, pour retracer son rôle
pendant cette terrible campagne, que de reproduire les
paroles émues prononcées sur sa tombe, à Baugé, le
10 janvier, par son ancien capitaine au 29^ mobiles,
M. Scévole de Livonnière :
c Mon cher Arthur,
c Je ne veux pas laisser cette tombe se fermer sans venir
vous dire un dernier adieu, à vous que j'ai connu, que j'ai
apprécié, que j'ai aimé comme vous le méritiez si bien!
c Je vous ai vu à l'œuvre pendant cette rude campagne
de 1870; j'avais l'honneur de commander la compagnie dont
vous étiez le sous-lieutenant : nous défendions ensemble ce
drapeau français autour duquel, aujourd'hui plus que jamais,
tous les patriotes doivent se serrer sans distinction de partis.
€ J'en appelle à vous, mobiles du 29*1 Vous n'avez pas
oublié avec quel zèle le lieutenant du Chêne remplissait tous
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— lus-
ses devoirs militaires — avec quel cœur et quelle sollicitude
il s'occupait de ses hommes et cherchait à adoucir pour vous
les souffrances et les privations de cette terrible campagne.
c Vous avez pu admirer son courage en avant d'Orléans^
au pont de Cercottes, où, le dimanche 4 décembre, les compa-
gnies de Baugé et de Beaufort avaient été envoyées, à un
poste d'honneur et de sacrifice, pour protéger la retraite de
nos troupes débordées par l'armée du prince Frédéric-
Charles.
c Je vous vois encore, avec votre haute taille, debout sur
le pont de Cèrcolles, au moment où les obus, éclatant sans
relâche au-dessus de nos tètes, fracassaient les arbres et
semaient la mort dans nos rangs.
c C'est là que tombèrent à vos pieds, tués ou blessés,
Joseph Nouchet de Brion, Auguste Launay de Corné, Pierre
Léger de Fontaine-Guérin, Charles Choiseau, Pierre Cbignard
de Saint-Léger-du-Bois, Joseph Guérineau qui reçut la
médaille militaire, et d'autres encore dont nous saluons
aujourd'hui l'héroïsme et la mémoire.
c Je vous vois encore, lieutenant du Chêne, calme et
impassible sous la mitraille, dirigeant le tir de vos hommes
comme un Jour de manœuvre, Jusqu'au moment où, frappé
vous-même d'une cruelle blessure, vous tombiez à votre
tour, privant la compagnie d'un chef valeureux, et votre capi-
taine du meilleur des camarades.
c Et depuis, tous à Baugé vous ont vu portant au visage
la glorieuse et irréparable cicatrice qui vous valut la croix
d'honneur.
c Je n'ai point à parler de vos vertus privées;. vous avez
été le modèle des maris, le plus fidèle des amis.
c Dans un de ces récits que vous avez publiés sur les
choses vues au 29* de mobiles vous parliez de ceux qui, en
marchant au combat, à l'heure suprême, < tracent un grand
signe de croix sur leur poitrine ». Vous étiez de ceux-là!
c'est ce qui nous permet de vous dire aujourd'hui, au nom
des divines espérances, non pas adieu, mais au revoir I »
En 1872, M. du Chêne reçut son diplôme d'archiviste et
fut nommé en cette qualité à La Roche-sur-Yon, où il
resta jusqu'en 1874, année dé son mariage. II donna alors
sa démission et se fixa à Baugé.
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— 109 -
C*est à cette époque qu'il commença à écrire. Outre deux
feuilletons : Le Chevalier de la Jabouillère et Les Gars
vendéens, dont le premier parut en 1880, dans Ylllustra-
tion pour totÂS, et le second dans ÏUnion^ en 1883, il
publia successivement et à des dates très rapprochées : La
morale de Le Sage dans c Gil Blas » {Revue littéraire de
Nantes), Le Combat de la Robla {Revue de Bretagne et
de Vendée), Étude sur les anciennes vies de Saint-Malo
{Revue historique de l'Ouest), Le Chevalier de Villiers-
Lauberdière {Revue des Facultés Catholiques de
rOuest), Le maréchal Macdonald d'après ses souvenirs
{id.), et un grand nombre d'autres travaux qui témoignent
autant de la richesse de son imagination que de la solidité
et de la variété de son érudition. Il donna notamment à la
Revue de V Anjou : Baugé au XV siècle; Baugé de 1682
à 1793; Un petit collège avant et pendant la Révolution;
Mort et descehdance du marquis de Jarzé; L'ancienne
chapelle de Notre-Dame de Montplacé ; Guettas et
Bieuzy, légende bretonne; Foulques d'Anjou, chanson
de geste; Le Lorteniguet, conte diabolique; Figaro, ou
considérations d'un voyageur qui attend le train; Le
pays de Chemillé, d'après une charte mérovingienne;
Josué et Fange de Galgala; La villa de Saint-Félix,
etc.
Son ouvrage le plus récent et de beaucoup le plus
important, Origines de la Chouannerie dans le pays de
Segré, va paraître prochainement dans le Bulletin de la
Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers.
Arthur du Chêne collaborait encore, d'une façon très
active et depuis de longues années, sous le pseudonyme de
Joseph Grandet, au journal l'Anjou, dont les lecteurs
appréciaient fort ses articles, tantôt politiques, tantôt
philosophiques ou littéraires, tous marqués au coin de
cette originalité qui était la caractéristique de son talent.
Le dernier, paru quinze jours à peine avant sa mort, était
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1
- 110 -
consacré à La Terre qui meurt, le magistral roman de
M, René Bazin.
C'ast également dans V Anjou que M. du Chêne publia,
soqs ce titre Choses vues au 29^ de mobiles * les émouvants
souvenirs de la guerre auxquels, le jour de ses obsèques,
ût allusion M. de Livonnière dans l'éloquente allocution
reproduite plus haut.
Le polémiste qui doublait chez lui le lettré et donnait
tant de relief à son style toujours alerte, souvent caustique
et virulent, eut plus d'une fois l'occasion d'exercer sa
verve en défendant les petits et les faibles contre les
attaques de ces tyranneaux de petite ville dont la morgue
n'a d'égale que la nullité. Il le fit avec une vaillance pleine
d*entraio» et ceux dont il stigmatisa les ridicules ou flagella
Toutrecuidance conserveront longtemps la cuisante mé-
moire de ses coups de lanière magistralement adminis-
trés.
Intelligence ouverte et cultivée, caractère loyal et cheva-
leresque, Arthur du Chêne sera vivement regretté de tous
ceux qui, l'ayant connu, avaient pu apprécier Télévation
de son esprit et la sûreté de ses relations.
Avant tout et par-dessus tout chrétien sans peur et sans
reproche, fidèle jusqu'au bout à ses convictions politiques
en même temps qu'à sa foi religieuse, il évoquait par
son allure, son geste et son regard, le souvenir héroïque
des preux du moyen âge.
La Revue de r Anjou, qui perd en lui un collaborateur
érudit et un ami dévoué, adresse à U°^ du Chêne et à ses
enfants l'hommage de ses douloureuses et très respec-
tueuses sympathies.
Alphonse Poirier.
* Ces souvenirs, réunis en brochure, sont en vente à la librairie
Germain et G. Grassin. — ■ Prix 1 franc.
rà
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UN HOMME DE CŒUR
PRUDENT -JEAN BRULEY
1759 - 1 847
(tuiitj
XIV
Xia Gonscriptloii. — Xae caractère anglais comparé au fran-
çais. — Le choix d'une carrière : l'administration des
domaines. — Incident de Toyage. — Captivité du général
CDiabert. — X"^ de (U^eyreuse exilée à Tours. — Xae choix
d'un état et la persérérance, — La magistrature. —
Reirers de fortune. — Nécessité de conserver certains
dehors. — Nc^les épanohement. — Il faut tendre è dere-
nir l'artisan de sa fortune. — Désintéressement de
Prudent Brnley.
Les cruelles nécessités de la guerre avaient fait de la
conscription Teffroi de toutes les familles. M. Clément de
Ris, questeur du Sénat, vivait dans les angoisses, sachant
son fils Emile, le dernier de quatre enfants, exposé à
tous les hasards si meurtriers de la guerre d*Espagne.
Eugène de Villaire, parent de Jean Bruley, avait été réduit
à se faire simple soldat, bien que fils d*un colonel du génie.
« On me persuadera difficilement, écrivait J^ap Bruley
à son fils le 32 décembre 1808, que c*est un avantage pour
lui. L'essentiel est qu'il ne soit pas soumis à Texcessive
fatigue dont on accable nos troupes, avant l'entier dévelop-
pement de ses forces. Que de dangers à courir avant de
devenir général !
« J*ai reçu ici un autre de tes amis, ou pour mieux dire
de tes camarades d'étude : II se nomme Garbonnel de
Beaumanoir. Il dit avoir été avec toi é Pont-Levoy et au
Prytanée et avoir été Tun de tes plus intimes, surtout tant
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-. 112 -.
qu'il s'agissait» à toa occasion, de donner et conséquemmént
de recevoir des taloches. M. Garboiinel est, dans la Garde
impériale, fourrier des canonniers de la marine. C'est un
breton qui me parait tout formé pour le métier des armes.
A l'entendre, il a beaucoup ferraillé ; et il n'y avait pas
cinq minutes qu'il était enfermé avec moi, au coin de mon
feu, qu'il avait tiré son grand sabre recourbé, pour me
faire une démonstration sur l'art de s'en servir. Ce
militaire me parait avoir suivi sa vocation : il va en Espagne,
que Dieu le bénisse !... »
Dans cette lettre se trouve un parallèle entre l'Anglais et
le Français que je crois intéressant à reproduire, autant à
cause de cette époque que de la nôtre.
c L'ingratitude des Anglais envers les Français, qui
exercent à leur égard l'hospitalité, tient à l'orgueil insou-
tenable de ce peuple et à d'autres causes, résultat de la haine
qu'il nous porte.
c Les Anglais, voyageant en France, affectent un dédain
dont nous avons la sottise de ne pas nous formaliser. Ceux
qui les accueillent et leur font fête, malgré cette arrogance,
paraissent à leurs yeux à peu près comme des aubergistes
qui ne reçoivent le voyageur que dans la vue du bénéfice
qui en résultera* Indépendamment de leur insolence natio-
nale, ils ont encore la morgue grossière que donne l'extrême
richesse et qu'on retrouve partout. Il arrive que les Anglais
croient payer toutes les préveuances que l'on a pour eux
avec les guinées distribuées sur la route, et ils se croient en
droit de nous mépriser.
« Le Français a une prévenance si habituelle, si banale
que, franchement, l'accueil qu'il fait aux étrangers n'est
pas fait pour mériter beaucoup de reconnaissance. Vanité,
légèreté, voilà les grands mobiles de sa conduite. Au
surplus il faut avouer que nous sommes bien plus aimables
chez nous que chez les autres. De tout temps le Français
s'est rendu ridicule et même haïssable chez l'étranger par
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— 113 —
son indiscrétion, sa légèreté, son penchant constant à
fronder tous les usages et à vouloir tout rapporter à ceux
de sa nation.
« S'il fallait sans partialité prononcer entre les Anglais et
les Français, je crois que cela ne serait pas difficile. Ceux-
ci, malgré leurs travers, sont bons, confiants, aimables;
les autres sont durs, insolents et ne savent répandre
aucun agrément dans la société »
Le choix d'une carrière honorable pour son fils ne
cessait point de préoccuper Jean Bruley; aussi écrivait-il,
le 28 décembre 1808, à M. de Courbière, ancien directeur
des Domaines. :?i
« Plusieurs fois, mon cher ami, je me suis présenté ^'-M
chez toi sans avoir été assez heureux pour te rencontrer. |
Je ne puis dissimuler que le plaisir de te voir n'était pas |
Tunique motif de mes visites : je désirais savoir si |
je puis, avec quelque espérance de succès, engager mon fils il
dans la partie des Domaines que tu as parcourue avec 3
tant d'honneur et de distinction. Je sais que tout état
nourrit son homme ; mais je sais aussi que certains le
font d'une manière si chétive, qu'ils ne peuvent être suivis
que par des gens, ou avec assez de crédit pour parvenir
rapidement aux premiers emplois, ou qui, dénués de toute
autre ressource, sont forcés de saisir avidement tous les
moyens de se soutenir. Mon fils n'est ni dans Tune ni dans
l'autre de ces situations. S'il entrait dans l'Administration
des Domaines, je voudrais, et cette ambition m'est permise,
qu'il eût la chance d'un avancement sinon très rapide, du
moins assez certain, pour ne point le voir languir longtemps
dans les derniers degrés de cette carrière.
« Il fait présentement son droit : il en est à sa troisième
année et il se livre avec assez d'aptitude à ce cours d'étude
pour en recueillir une instruction solide. Cette instruction,
à ce qu'il me semble, n'est pas de rigueur pour entrer
dans les Domaines, et j'en conclus que ceux qui l'ont reçue
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1
— 114 —
ont un grand avantage sur leurs concurrents, car dans
mille circonstances on y a des questions de droit bien
délicates à traiter.
« Mon fils a fait de bonnes études à Paris : il est fort en
mathématiques, il a de la littérature, une rédaction cor-
recte, précise, élégante^ et une fort belle écriture.
« Il me semble que tous ces avantages, fruits d'une
éducation très soignée, joints à une fortune aisée, à une
bonne conduite et à un grand fonds d'honneur, doivent lui
aplanir les voies.
« J'ajouterai, mon bon ami, une dernière considération:
mon père, jeune encore, était inspecteur des Domaines;
et iJ serait sûrement parvenu à une direction, s'il ne s'était
pas laissé séduire par M. de Magnanville qui l'attira dans
les bureaux de Tlutendance.
c Mon ambition, mon ami, serait que mon fils, une fois
engagé dans les Domaines, fût appelé à la correspondance
auprès des administrateurs généraux. Là, j'en suis con-
vaincu, par sa bonne conduite et son intelligence, il
mériterait d'être distingué par ses supérieurs et il ferait
son chemin plus rapidement que par les moyens ordinaires
qui sont cruellement lents.
« Je te conjure, mon ami, de me dire, avec ta franchise
ordinaire, ton sentiment sur ce projet encore mal affermi.
En ta qualité d'un des plus anciens directeurs des Domaines
et des plus considérés, tu peux mieux que personne nous
guider par tes conseils. Je les attends avec autant d'em-
pressement que j'aurai de reconnaissance en les recevant.
Que mon fils devienne ton client, sois son patron et son
appui. Si nous nous décidons pour celte carrière, il faudra
bien m'en occuper dès que je vais être rendu à Paris. Il
s'agira de préparer les voies pour le moment où notre
jeune homme aura terminé son droit par sa réception au
grade de licencié... »
Je ne sais quelle fut la réponse de M. deCourbière, mais
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— 11o —
la carrière de rEnregistrement ne fut point adoptée par
notre étudiant.
Les voyages de Tours à Paris n'étaient point alors chose
facile et exempte de périls, témoin cette lettre de M"^ Bruley
racontant à son mari son arrivée dans la capitale le 12
janvier 1809.
« ... Noas n'avions pas fait une lieue qu'un des crics
retenant les soupentes de la diligence a lâché et nous a mis
de côté, comme s'il eût été cassé. Il a fallu descendre pour
qu on relevât la voiture, et nous avons eu le plaisir de faire
un cours d'astronomie pendant une bonne demi-heure sur
la levée. C'était précisément dans l'endroit où il n'y a pas
de maisons.
t Nous remontons en voiture. Tout a été parfaitement
jusqu'à la Frillère (à trois lieues de Tours) où pareil
événement s'est reproduit. Heureusement que c'était en
face d'une chaumière où nous sommes entrés. Les bonnes
gens se sont levés pour nous faire du feu, et nous avons
attendu patiemment près d'une heure.
€ Remontés en voiture bien chaudement, notre con-
ducteur s'efforce de nous rassurer en nous affirmant que
rien de semblable n'arrivera plus. Nous atteignîmes en
effet Blois sans nouvel accident ; mais après avoir quitté
cette ville, au haut du coteau, un ouragan si violent se
déchaîna, que les plus braves eussent 'été inquiets : toutes
les voitures étaient arrêtées et, pour surcroît de danger,
nous avions à côté de nous un roulier, ce qui nous obligeait
à longer le précipice où, il y a quelques années, par une
tempête semblable, une diligence fut précipitée. Heureu-
sement que nos chevaux ne furent pas effrayés, car sans
cela nous étions perdus. Depuis cet instant il ne nous est
rien arrivé jusqu'à notre catastrophe.
« Malgré plusieurs arrêts, nous sommes arrivés à
Orléans assez tôt pour y passer une bonne nuit, après un
lort bon dîner. Nous repartîmes très galment : M. de
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— 116 —
Saint-Cyr avait emporté des cartes pour nous faire des
tours de Cornus. Le temps se passait agréablement et nous
approchions du terme de notre voyage sans nous aperce-
voir de la longueur de la route, quand un misérable roulier,
ne voulant pas quitter le milieu de la chaussée, obligea
notre postillon à se ranger trop de côté, ce qui nous a fait
verser, mais si doucement que nous avons eu le temps de
nous préparer à la chute. Aucun des voyageurs n'a éprouvé
de mal : j'étais avec mes deux filles dans le fond de la voi-
ture. Heureusement pour elles, j'étais du côté qui a versé.
Elles se sont échappées par l'ouverture de la glace, ce fut
l'affaire d'un instant. Quant à moi, qui ne suis pas si
mince, j'ai dû attendre qu'on ouvrit la portière. D'ailleurs,
rassurée sur mes enfants, je ne me pressais point de sortir :
je voulais retrouver nos sacs qui contenaient mon argent
et autres effets précieux pour moi. Les pauvres petites,
effrayées de ne pas me voir, quoique je leur eusse dit que
je n'avais rien, criaient à tout le monde : « Je vous en
prie, sortez maman! > Et cela d'un accent si attendrissant
que tous les voyageurs en avaient les larmes aux yeux.
J'ai été obligée de céder à leurs instances et d'abandonner
tous mes effets. Le conducteur est descendu dans la voi-
ture et nous a donné tout ce qui était resté, excepté nos
souliers qu'il ne trouva point. Mes filles voulaient néan-
moins s'en aller sanâ eux au village, situé à un quart de
lieue. Je m'y suis opposée, car nous étions toutes les trois
sans chaussures.
« A force de chercher, le conducteur a trouvé les chaus-
sures de Valentine et les miennes : celles de Prudence ont
été perdues. Elle les aurait eues qu'il nous eût été impos-
sible de nous tirer de la boue.
« Il a donc fallu attendre qu'il passât une voiture : au
bout d'une demi-heure, un marchand, qui avait une charrette
couverte, voulut bien retourner sur ses pas et nous conduire
à Antony, moyennant neuf francs qu'il exigea d'avance.
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r
— 117 —
€ Mais ce n'est pas tout; il fallait gagner cette voiture
et il était impossible d'y aller à pied : Le conducteur nous
y porta. Nous descendîmes dans un cabaret. Il n'y avait
pas un quart d'heure que nous y étions, que nous riions
déjà de notre mésaventure, et surtout de nous trouver en
compagnie d'une vingtaijie de rouliers, mangeant, fumant
et faisant un tapage épouvantable. Nous avions, heureuse-
ment, trois messieurs avec nous.
« Tu n'as pas idée, mon bon ami, des soins, des atten-
tions recherchées que M. de Saint-Cyr a eues pour nous et
même du mal qu'il s'est donné pour nous garantir du
froid pendant que nous étions sur cette malheureuse
charrette. C'est lui qui est allé au devant du petit mar-
chand, dans la boue jusqu'à mi-jambes. Il pouvait gagner
Paris le soir même : il a voulu nous attendre. Nous avons
couché dans ce misérable cabaret, tant bien que mal. Je
t'assure que tu n'aurais pas pu avoir pour nous plus
d'attentions prévenantes que M. de Saint-Cyr, et ce n'est
pas peu dire. Je t'en prie, mon ami, écris-lui pour le
remercier : il est venu lui-même, hier, savoir de nos nou-
velles. J'oubliais de te dire que nous avons été réveillées à
notre cabaret par notre bon Prudent qui, mortellement
inquiet après une nuit passée à nous attendre au bureau
de la diligence à Paris, avait pris la voiture de quatre
heures du matin pour venir à notre rencontre. Tu juges du
plaisir que nous avons eu à l'embrasser : il n'y a que celui
que nous éprouverons à t^^voir qui pourra l'égaler. . . »
Mais laissons là cet épisode de voyage, comme il s'en
trouvait alors si souvent, et reprenons le cours des événe-
ments.
Après la fatale capitulation de Baylen, le général Chabert
était rentré en France; l'Empereur l'avait fait aussitôt
arrêter avec les autres commandants du corps d'armée.
Pour empêcher que la lumière se fît sur les véritables
causes de l'échec de nos armes, échec imputable à l'impru-
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1
— 118 —
dence de TEmpereur lui-même, le chef de l'État ne voulait
pas que les inculpés fussent jugés par un Conseil de
guerre, juridiction ordinaire : il voulait les rendre justi-
ciables de la Haute-Cour.
L'Empereur était dans une extrême irritation, ayant
aussitôt entrevu les conséquences militaires et politiques
de ce premier insuccès grave : il y avait un véritable
péril à s'intéresser aux prétendus coupables. Il ne faut pas
oublier que la liberté et la vie des meilleurs citoyens
étaient alors à sa discrétion absolue et que la plupart des
prisons avaient pour geôliers d'anciens terroristes capables
de tous les crimes. Alors que les anciens amis du général
n*osaient plus le connaître, Jean Bruley lui envoyait son
fils, dès le lendemain de son incarcération à la prison de
TAbbaye, afin de lui oJQfrir tous les secours de son inalté-
rable affection, née de sa profonde estime. En même temps
que des secours de toute nature, il lui faisait donner le
conseil salutaire de modérer la brusque franchise de son
langage, toutes les paroles d'un détenu étant rapportées et
souvent mal interprétées. Il ajoutait à son fils :
a ... Toi-même, observe-toi beaucoup, tant auprès de lui
qu'en son absence. Ton âge et la nature de cette affaire te
prescrivent une extrême circonspection. Le stupide vulgaire
croit bonnement que les choses doivent être appelées par
leur nom : à lire la pièce demandée (la copie de la capitu-
lation de Baylen, nécessaire au général pour sa défense) il
s'imaginerait qu'elle ne contient rien que d'honorable pour
notre ami et ses compagnons d'infortune ; il irait même
jusqu'à penser que des personnes qui ont si bien disputé
le terrain mériteraient plutôt des éloges qu'une accu-
sation. — Mais qui peut calculer les profondeurs de la
politique?
« Encore une fois , pour ton repos comme pour le
nôtre, calcule bien toutes les démarches et pèse tes
paroles.
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1Î9 -
« M'"® de ChevreuseS comme ta sais, est disgraciée et a
pour lieu d*exil la ville de Tours. Elle est accompagnée de
M"^ de Luynes, sa belle-mère, qui a la noblesse de la
suivre. Dans le but de ne compromettre qui que ce soit,
ces deux dames, instruites que toutes leurs démarches sont
connues, ne veulent voir personne. Leur discrétion est à
citer et à méditer... »
Ces sages conseils, dictés par Texpérience, empêchèrent
Prudent Bruley de se compromettre et lui permirent de
continuer à voir l'infortuné général", auquel il servait
d'internjédiaire avec le dehors.
Tout cela ne détournait pas Jean Bruley de sa préoccu-
pation du choix d'une carrière pour son fils.
Il lui écrivait à ce sujet le 17 février 1809 :
c< ... Rien n'est plus important que le choix d'un état.
On ne saurait y apporter trop de méditation, et un jeune
homme capable d'en peser les avantages et les incon-
vénients donne une garantie de ses succès dans la carrière
qu'il aura librement adoptée. Je dois t'ôbserver cependant
qu'il ne faut pas que de semblables réflexions soient
poussées trop loin : il n y a rien qui n'ait un bon et un
mauvais côté ; et quiconque ne verrait d'un état que les
inconvénients, finirait par n'en prendre aucun, ce qui
serait le pire de tous les partis.
« Je t'ai parlé de la magistrature : c'est une profession
fort honorable ; elle ne mène pas à la fortune, mais aussi
elle a l'avantage d'assurer de bonne heure l'existence poli-
tique, ce qui donne la facilité de faire, dans sa jeunesse,
un bon établissement.
« D'autres états, tels que le parti désarmes, l'Adminis-
tration des Domaines, ont l'inconvénient de vous faire
languir dans les grades inférieurs et de ne vous donner
une véritable consistance que dans l'âge du retour. Mais
* La duchesse de Chevreuse, dame du Palais de l'Impératrice
Joséphine, s'était fait remarquer à la Cour par son esprit d'opposition .
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— 120 —
aussi Témulation y est fortement soutenue, et l'espoir
qu'elle vous donne n'est pas sans avoir ses douceurs,
quoiqu'il soit bien souvent déçu.
« De cet inconvénient, qui est grave, faut-il conclure
que ces professions ne sont pas bonnes à suivre? Tu parais
désirer le barreau : ce serait une résolution bien louable;
mais, avant de se livrer à la profession d'avocat, il faut bien
tâter ses forces et surtout son courage. S'engager pour
reculer ensuite, c'est de toutes les fautes la plus grave :
c'est le découragement qui peuple la société de tant d'êtres
inoccupés. On estime davantage, en quelque sorte, une
personne qui n'a jamais eu d'état, que celles qui olit quitté
le leur avant le temps. Ceux-là laissent au moins à penser
que, s'ils avaient voulu faire quelque chose, ils en auraient .
eu la capacité. L'on est au contraire toujours disposé à
penser que ceux qui ont reculé l'ont fait par incapacité ou
inconduite. Nous jaserons de tout cela, et je m'attends à
trouver dans tes idées de la justesse et de la maturité sur
ce sujet intéressant.
« On a eu ici d'assez belles fêtes cet hiver* Ton ami
Ballan, comme le seul bon danseur, a été très recherché,
et Ton trouve que cela lui a donné un air suffisant qui ne
le rend pas plus aimable. Quelle sottise de se croire per-
sonnage, pour faire mieux qu'un autre une pirouette ou
une roulade ! Le véritable mérite est toujours modeste, et
c'est parce qu'il n'y a rien de si rare, i^ue tant de gens ont
de la fatuité... »
Toujours préoccupé de l'avenir de son fils, il le fit entrer
dans les bureaux de M. Outrequin, banquier à Paris, afin
de l'initier aux grandes affaires. Pour l'encourager il lui
écrit le 30 juillet 1809:
« ... Il n'est à Paris aucun maître-clerc de notaire,
aucun commis de banque un peu versé dans les opérations
de son état qui, s'il a un peu d'intelligence ou d'activité,
ne fasse quelques affaires pour son propre compte e^ ne
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— 121 —
commence à fonder de la sorte son état. Tout cela se peut
faire sans blesser aucunement la délicatesse et la connais-
sance de son patron auquel, sous quelque prétexte que ce
soit, on ne doit jamais faire tort. Voici donc ce que je te
propose pour jeter les fondements de ta fortune, et il est
bien juste que je pose la première pierre de cet édifice. A
partir de ce jour, tu prendras une commission de banque
de un demi pour cent, tant sur les recouvrements que sur
les paiements dont tu seras chargé pour moi. Cette remise
sera indépendante des ports de lettres, faux frais, etc.,
qu'en style de banque vous appelez frais de débours. Cette
opération exige de ta part un compte ouvert que nous
arrêterons à chaque négociation, pour te faire contracter
l'habitude de Tordre et de la célérité. Tu sais que les bons
comptes font les bons amis, et ce sera à la lucidité des tiens
dans toutes les affaires que tu pourras avoir à traiter, que
tu devras essentiellement la confiance dont tu pourras jouir.
€ Tu conçois que tes bénéfices de banque seront avec
moi bien modiques, mais qu'importe : une affaire en
appelle toujours d'autres, et je pense qu'il me sera facile
de t'en ménager ici de bien plus importantes quand lu te
sentiras de force à les entreprendre.
« Dans ta lettre du 28, deux choses m'ont particuliè-
rement frappé et satisfait : ta bonne santé et l'assurance
que ton état te platt. C'est à ces deux circonstances que
tient essentiellement le bien-être. Règle si bien ton temps
que, tes devoirs chez le banquier remplis, il t'en reste
assez pour orner ta mémoire, cultiver tes talents, acquérir
des connaissances et te livrer à des plaisirs modérés,
car il est bon d'entretenir le sommeil, l'appétit et la
vigueur. Tout cela, mon ami, peut se faire. Combien de
gens font plus de choses en 24 heures que d'autres, qui se
croient actifs et occupés, n'en font en une semaine! M. Mu-
sarde&i un personnage tellement calqué sur la nature, que
bien des gens, et moi le premier, peuvent s'y reconnaître.
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1
— 122 —
Ne sois ni musard, ni lent en toutes choses, vise droit au
but, prends la ligne la plus cx)urte, et tu seras étonné de
tes succès et de la rapidité de tes opérations... »
Voyant ses enfants arriver à Tâge de s'établir, Jean
Bruley songeait avec mélancolie à son opulence passée. Il
avait essayé de réagir contre les événements; mais
plusieurs spéculations des mieux combinées s'étaient
converties en désastres par des causes impossibles à
prévoir. Ayant réuni les épaves de ses capitaux, il fit
consulter par son fils les financiers les plus experts sur le
placement qu'on pouvait en faire avec le plus de sécurité.
Il lui recommanda de ne pas leur laisser deviner ses
précédents déboires parce que, disait-il, les hommes
occupés par état de spéculations commerciales n'estiment
les autres qu'en raison de leur avoir.
€ Ah! mon ami, continûaît-il dans sa lettre du
7 novembre 1809, qu'il est pénible d'avoir vu couler la
partie la plus claire de sa fortune, et dans quel moment :
quand je ne m'étais livré à l'ambition de ne l'accroître que
pour le bien-être de mes enfants! Tu es à même de réparer
cet échec qui pourra devenir avantageux pour toi, s'il te
fait sentir la nécessité de ressaisir par toi-même la fortune
qui nous fuit. Mais tes sœurs, tes pauvres soeurs! Combien
leur sort nie fait de peine; comme ta pauvre nrère en est
affectée!. . . »
Son fils lui répondit :
20 novembre.
« ... Je le vois trop bien, mon cher papa et bon ami,
tes chagrins sont grands de n'avoir pu réaliser tes géné-
reux projets qui avaient pour unique but l'établissement
plus avantageux de chacune de mes sœurs.. Tout a tourné
contre toi, tous les événements semblent avoir conspiré à
déjouer des plans sagement conçus, à déjouer ta tendre
sollicitude. Mais tu t'affectes comme s'il y avait de ta faute
^t les reproches mal fondés que 'tu semblés sans cesse te
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— 123 -
faire en secret, empoisonnent ton existence et nous
affligent. Ta femme, tes enfants ne l'ignorent pas, malgré
tes efforts pour le leur dissimuler, et c'est ce dont ils te
blâment. C'est la seule chose qu*}ls te reprocihent, la seule
sans doute qui leur èa use des regrets. Maman, comme toi,
a gémi sur nos revers; mais le sujet de sa tristesse habi-
tuelle, j*en appelle â elle-même, les peines qui la font
soupirer si souvent, c'est assurément les chagrins dont tu
te tourmentes et qui te ruinent.
« Mon cher papa, je t'adresse au nom de mes sœurs de
leiidres reproches qu'elles ont, comme moi, à te faire :
potivons-nous être heureux sans la tranquillité d'âme des
amis qui nous sont les plus chers au monde? Je sais que
la résignation n'est pas facile à des âmes comme les vôtres,
et qu'elles se consolent difficilement de se voir trompées
dans leurs espérances de prospérité, conçues uniquement
pour leurs eùfants; mais persuadez- vous donc enfin que
nous n'avons pas connu cette fortune brillante dans
laquelle vous vous ëtiéz flattés de nous établir! Songeons
ensemble à ce que nous pourrions être si le soh nous eût
tous fait naître loin de cet état dont vous vous trouvez si à
plaindre d'être déchus. Nous n'aurions sans doute ni
regrets, ni soucis : nous ne vous verrions pas vous aban-
donner aux chagrins rongeurs. Que ne pouvez-vous donc
alors perdre le souvenir du passé et reconnaître que tout
le monde pourrait vivre heureux dans les positions quel-
conques de la vie où Ton se trouve au-dessus du besoin!
Que de familles, heureuses en apparence, portent dans leur
sein le poison dévorant des chagrins, des discordes, des
inquiétudes et souvent même des remords!
€ Vous n'avez pas, je le sais, la faiblesse de vous croire
avilis aux yeux de ceux qui vous ont connus plus opulents
et par conséquent amoindris à vos propres yeux ; vos
cœurs sont purs et devraient être heureux : pourquoi donc
se refusent-ils à ce qu'ils méritent?
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— 124 —
« Oui, cher papa, tu n*as qu'une faiblesse, celle dont je
viens de te parler, faiblesse bien pardonnable sans doute,
mais qui n'en existe pas moins. Maman, avec un cœur
aussi tendre, a peut-être plus de fermeté, plus de résigna-
tion. Pardonne à ma franchise, je suis certain qu'elle ne
blessera pas ton cœur.
« Il est un moyen, mes chers parents, je vous l'ai déjà
dit, d'augmenter la dot de chacune de mes sœurs, c'est
d'ailleurs une justice et de plus un désir ardent et sincère
de mon âme ; je vous le répète parce que ma tendresse
pour vous et pour elles m'en fait un devoir que je remplis
avec une véritable satisfaction : jusqu'ici, je vous ai coûté
plus que mes deux sœurs epsemble. Je ne vous parlerai
pas des reproches secrets que je me suis faits mille fois
quoiqu'entralné toujours, en partie, par une faiblesse que
je condamne le premier, et plus encore par une sorte de
nécessité, car, il faut Tavouer, à la honte de toutes nos insti-
tutions, un certain vernis d'aisance et même de richesse,
lequel s'apprécie toujours (et principalement à Paris) sur
l'extérieur, sur Thabillement, est le plus puissant levier
qui vous pousse dans le monde et qui vous assure le succès.
L'extérieur de l'honnête médiocrité prévient moins que
l'impudence même soqs les dehors de la prospérité, et il
faut être riche, heureux, du moins le paraître, pour pos-
séder les moyens de le devenir davantage. Ce sont des
vérités qu'on ne conteste plus; J'ai donc voulu aussi user
d'un innocent charlatanisme qui me réussira mieux, je
n'en doute point. J.-J. Rousseau n'avait-il pas raison quand
il disait : « Si vous ne savez jamais d'autre métier que le
vôtre, vous ne serez jamais qu'un ignorant, »
« Dispose de tout à mon égard, mon cher papa, selon la
justice, selon ton cœur; fais au-delà même de ton inten-
tion, pour te conformer à mes désirs. Je me plais à entrer
avec vous dans tous ces détails, certain de Tiatérêt que
vous y prendrez : songez à la mise, même ordinaire, des
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jeunes gen^ ainsi qu'à Id cherté désespérante de tous les
articles de rhabillenient, et vous reconnaîtrez que ma
dépense en ce genre n'est vraiment pas excessive. Cepen-
dant, je sais que je dépense au-delà de ce qui devrait me reve-
nir, et tu ne dois pas manquer non plus d'en tenir note...»
Son père lui répondit :
« Dans les contrariétés et les peines qui pénètrent mon
âme, je ne puis éprouver de véritables consolations que
celles qui me viennent de ma vertueuse et excellente
femme et de mes enfants. L'élévation de tes sentiments,
mon cher fils, et la bonté de ton cœur, me touchent au-delà
de ce que je pourrais dire et cependant ne me surprennent
point. Je t'ai toujours apprécié ce que tu vaux et tu sais
que je n'ai jamais combattu en toi aucun vice, aucun
défaut essentiel. Si je n'avais que toi, mon ami, si je
n'avais même que des garçons qui pensassent comme toi,
loin de m'affliger des revers de la fortune, je m'en applau-
dirais en ce que mes enfants y puiseraient une salutaire
leçon et sentiraient la nécessité d'être quelque chose par
eux-mêmes. Je suis convaincu que mon adversité tournera
à ton profit, et, je te le dis franchement, ce n'est point
pour toi que je m'en afflige.
« La plus grande marque d'estime que nous puissions
te donner serait d'user de Tinvitation que tu nous fais
d'avantager tes sœurs à tes dépens : il y a bien peu
d'enfants qui soient capables, je ne dis pas de faire une
semblable proposition à leurs père et mère parce qu'il ne
faut pour cela qu'un bon moment de générosité, mais de
persévérer dans un pareil sentiment, de donner les mains
à son exécution, et d'avoir assez de véritable élévation
dans l'àme pour n'en éprouver de regret dans aucun
temps.
« Mon plus grand désir, mon cher ami, est de te faire
recueillir les fruits de ton désintéressement et de faire en
sorte que tu n'aies pas du moins à en souffrir. Au surplus,
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— 1-26 —
ce que tu as de mieux à faire pour ton propre intérêt est
de te conduire comnne si tu n'avais que fort peu de chose à
attendre de notre succession. Toutes tes vues, toute ton
ambition doivent tendre à être Tinstrument de ta fortune.
Si tu y parviens, comme on ne peut en douter, tu éprou-
veras, par la suite, quelles jouissances suivent la bonne
conduite et le succès de ses entreprises. Une fortune
acquise par des travaux honorables est mille fois plus
chère que celle due au hasard de la naissance.
« Nous ne pouvons te dissimuler que, quand nous ne
ferions à tes sœurs aucun avantage à ton préjudice, tu ne
pourrais attendre de nous les mêmes avances de notre
vivant. Pour les établir le plus convenablement que le
permet notre situation, il faudra forcer les dots et nous
réduire au strict nécessaire. Ce ne pourra donc être
réellement que dans notre succession que tu pourras être
égalé à Prudence et à Valenline.
« ... Je regrette de m'ôtre trop laissé aller sur ce chapitre
qui est aussi délicat que pénible à traiter...
« Tu me blâmes de m'affecter aussi vivement que je le
fais des revers que j'ai éprouvés ; et cependant doit-on
traiter ma peine'de faiblesse, quand personnellement je ne
regrette rien ?
« Ton traitement est bien au-dessus de ce que je m'étais
proposé de faire : les privations que tu en éprouves te sont
pénibles, te contraignent à faire de petites dettes, et tu
t'étonnes de mon affliction ! — Va, mon cher fils, si nous
pouvons être assez heureux, ta mère et moi, pour le voir,
ainsi que tes sœurs, bien établi, satisfait, au-dessus d'une
trop grande médiocrité, sois certain qu'alors rien ne man-
quera à nous-mêmes, c'est-à-dire que nous serons parfai-
tement satisfaits de ce qui nous restera... »
(A suivre J
Georges Bruley,
Ancien magistrat.
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r
. LA
FAMILLE BOYLESVE
NEUVIEME DEGRE
1** Charles Boylesve, Écuyer, Seigneur d'Auvers, des
Roches de Rablay, de la Quantinière, receveur des tailles
d'Angers, épousa Demoiselle Gatienne Charlot\ fille de
noble homme Ëstienne Chariot, sieur de Quelaines, lieu-
tenant général à Châteaugontier, contrôleur et intendant
de M"' la duchesse d'Alençon et de Guyonne Erfroy, sa
seconde femme.
Il mourut à Paris le 6 février 1578, laissant deux enfans :
Etienne et Renée.
On trouvera à l'article de son frère les partages qu'il fit
le 28 juin 1571 avec François Boylesve.
11 eut pour son préciput et les deux tiers, comme héritier
principal et noble. ..
La maison seigneuriale des Roches.
La Chotardière, les métairies de la Quantinière, de la
Brouarderie, les closeries de Vallet et des Oiseaux, le bordage
des Garellières, trente quartiers de prés, une maison sise
rue de l'Hôpital, une somme.de 18.000 1. payée parles dits
deffunts, sieur et dame dé la Brizarderie pour Tachât de
roffice de receveur des tailles d'Angers, 500 1. de rente sur
* Chariot : d'azur au chevron cTor, accompagné de trois croi&sans
d'argent, celui de la pointe surmonté dun trèfle dor.
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— 128 —
divers particuliers, à charge d'acquiler les délies des diles
successions.
DIXIÈME DEGRÉ
1° Etienne, qui suit.
2® Renée BoYLEsvE épousa, par contrat du 9 février 1578,
André Hurault', Chevalier, Seigneur de Maesse, Conseiller
d'État et ambassadeur à Venise. Elle testa le 9 février 1582
devant Thibault, notaire au Châtelet de Paris, et mourut
sans enfans avant 1594. Lui fut inhumé le 22 septembre
1607 en Tabbaye de Morigny.
Chartrier de Boylesve^ 1578. — En la cour du Roy nostre
Sire et de Monseigneur duc d'Anjou a Angers par devant
René Fouree, notaire royal... Noble homme André Hurault
Conseiller^ du Roy, maître des requêtes ordinaire de son
hostel, sieur de Maisse, demeurant en la ville de Paris, en
présence de noble homme Jean Hurault, Conseiller du Roy et
maître des requesles ordinaire de son hostel et de Jacques
Brosset, Escuyer, sîeur de Davionvîlle d'une part et Damoi-
selle Renée Boylesve, fille de deffunt noble homme Charles
Boylesve, vivant sîeur des Roches et du Grand Auvers et de
deffuncteGatienne Chariot, demeurant à Angers en la maison
de noble homme maistre François Boylesve, Conseiller du
Roy, lieutenant en la prevosté d'Angers et conservateur des
privilèges de l'Université, sîeur de la Brizardière et de la
Maurousière, ledit sieur de la Brizarderie, oncle paternel de
laditle Renée, présent, d'autre part,. . . le futur constitue une
rente au denier 20 sur la seigneurie de Maisse et promet un
douaire de KOO 1. de rente ; la future apporte en dot IS.OOO 1. en
deniers... Fait à Angers, le 9 février 1578 en présence du
sieur de Bueil, du sîeur de la Bovardaie Brosset et de noble
homme Fiacre Goureau, sieur de la Chambraie, Hector Bros-
set, Reliant et honorable Jean Lefebre, sîeur de Laubrière.
R. FoUREE.
Grosse en papier.
* Hurault : (Tor à la croix d^azur cantonnée de quatre ombres de
soleil de gueules.
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r
— 129 —
Chartrier de Boylesm, 1578. — En la Cour du Roy, nosire
sire et de Monseigneur le duc d'Anjou, Angers devant René
Fourré, notaire. . . Noble homme François Boylesve, Conseiller
du Roy et de Monseigneur, lieutenant au siège de la prevosté
royalle d'Anjou et conservateur des privilèges royaux de
rUoiversité dudit lieu, sieur de la Brizarderie d'une part et
noble homme André Hurault, sieur de Maissé, Conseiller du
Roy et maître des requestes ordinaire de son hostel et
Demoiselle Renée Boylesve son espouse... et noble homme
Estienne Boylesve, sieur des Roches, les dits Estienne et
Renée héritiers de deffunt noble homme Charles Boylesve
vivant sieur des Roches et d'Auvers... transigent sur une
somme de 9.S00 I. due par Charles Boylesve, à son frère
François pour un prêt fait par une cédulle du 1"«^ avril 1576
et sur le règlement de diverses dépensés.*.. François avait
nourri pendant sept années ladite Renée en sa maison
avec sa servante, à raison de cent escus sol par an, ils avaient
emprunté par moitié cinquante escus de noble homme
Aotboine de Lesperonnière, sieur du Pineau, pour ventes de
rentes acquises par deffunte Simonne Quantin, leur mère, de
François du Vau, sieur du lieu... et s'accordent pour une
somme de 4.005 escus, deux tiers d'écu, treize sous quatre
deniers. . . Fait à Angers le 22 février mil cinq cens soixante
et dix-huit^ présence de noble homme François Lefebvre,
sieur de Laubrière, avocat au siège présidial d'Angers et
Fiacre Oourreau, sieur de la Chamberye. Fauveau.
Grosse en papier.
Âudouis, Ms8 1.005, 1594. — Transaction entre Messire
André Hurault, sieur de Maesse, Conseiller d'État, cy devant
ambassadeur vers le duc et seigneur de Venise, mari de feue
Renée Boylesve et noble homme Estienne Boylesve, sieur
d'Auvers, Conseiller, notaire secrétaire du Roy, frère et
unique héritier de la dite deffunte dame morte sans postérité.
1' Etienne Boylesve, Ecuyer, Seigneur du Grand
Auvers, des Roches, Conseiller, notaire et secrétaire du
Roy, épousa Demoiselle Thierrye ou Théodora Vignoys,
fille de René Vignoys, Docteur en médecine et de Thierrye
Richer ; elle épousa en deuxièmes noces Lazare de Selve,
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1
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seigneur de Breuil e.t de Marignan, Conseiller du Roy bd
son Conseil d'Étal et privé, président es villes, comtés et
évêchés de Metz et TouU en 1606.
Il fit une fondation dans la chapelle des Boylesve aux
Cordeliers d'Angers et mourut le 14 avril 1597. Sa veuve
augmenta cette donation. Ils laissaient trois enfans
mineurs : Gabriel, René et Charles.
Chartrier de Boylesve. — Il transigea comme nous l'avons
vu, ainsi que sa sœur, avec François Boylesve, sieur de la
Brizarderie, le 22 février 1578.
• Bibliothèque Nationale^ Pièces Originales^ vol. 382, 1584. —
Quittance en parchemin signée de Estienne Boylesve, sieur
d'Auvers, notaire et secrétaire du Roy, maison et couronne
de France.
État civil (T Angers, 1587. — Noble homme Estienne Boy-
lesve, Conseiller, notaire secrétaire du Roy, sieur du Grand
Àuvers, parain à Féglise Saint-Pierre.
Bibliothèque Nationale, Nouveau D'Hozier^ vol. 48, 1592.
— Ratification faite par noble homme Estienne Boylesve,
sieur d* Auvers, Conseiller, notaire et secrétaire du Rpy, fils
de noble homme Charles Boylesve, sieur des Roches.
Audouis, Mss 1.005, 1597. — Testament passé devant Deillé,
notaire à Angers, de Estienne Boylesve, Escuier, sieur
d'Auvers, Conseiller, notaire, secrétaire du Roy, par lequel il
fonde une messe à perpétuité, chaque vendredi de l'année,
en la chapelle de nouveau édiffiée par Messieurs de Boylesve,
ses cousins, au côté seneslre du grand autel de l'église des
Cordeliers d'Angers, donne 12 1. 10 s. de rente et demande à y
être inhumé... le 30 mars 1597. Le 14 avril 1597, inhumation
de noble homme Estienne Boylesve, secrétaire du Roi, sieur
d'Auvers.
28 novembre 1597. Par acte passé devant Deillé, notaire,
Thierrie Vignoy, veuve et tutrice de Gabriel et Charles, ses
enfans mineurs, augmente la fondation de son mari et donne
une rente de 5 1. 10 s.
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— 131 —
ONZIÈME DEGRÉ
1* Gabriel Boylesvb, Ecuyer, Seigneur du Grand Au vers.
2* René Boylksve, Ecuyer, mort jeune.
État civil d'Angers. — Le 4 février 1587, baptême à Saint-
Maurille de René, âis Estienne. . . parain, N. H. René Vignoy,
Conseiller et médecin ordinaire du Roi.
3^ Charles Boylesvë, Ecuyer, entra dans la compagnie
de Jésus.
État civil d'Angers. — Le 14 avril 1595 fut baptisé à Saint-
Haarille, Charles, âls d'Estienne Boylesve, Ecuyer, sieur du
Grand Auvers et de Thierrye Vignoys, parain : Charles Mir<»i,
évoque d* Angers.
NEUVIÈME DEGRÉ (V. p. 127).
2" François Boylesve, Ecuyer (second fils de Marin
Boylesve, Ecuyer, seigneur de la Bourelière, la Brizarderie,
des Roches et de Simonne Quentin), Seigneur de la
Brizarderie, de la Biquerie, de la Morousière, de la Bour-
dinière, de la Gilière, de Chanzé, des Paragères, des
Thibaudières, etc., licencié es lois, avocat en la Sénéchaus-
sée d'Anjou, eut en 1562 « commission de poursuivre les
huguenots, » fut la même année nommé Echevîn d'Angers
sur la demande du duc de Montpensîer. En 1569, il fut
nommé lieutenant en la prévosté et juge conservateur des
privilèges de l'Université d'Angers.
« François Boylesve entra fort avant dans les guerres
« civiles sous le règne de Charles IX et signala àouvent
< son attachement pour la religion et le Roy; son zèle
< pour le bien public lui attira des ennemis irréconci-
« liables. Il fit destituer de la charge de procureur du Roy
« an siège présidial d'Angers Malhurin Cochelin, qui
« commettoit des malversations criantes et qui étoit un
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— 132 -
« grand partisan de la ligue. Cet homme perdu songea à
se venger en répandant un libelle diffamatoire dans
lequel il altaquoit la noblesse des Boylesve par les
calomnies les plus incensées... François Boylesve
mourut dans celte circonstance» ne laissant pour tout
héritage à ses enfans que son nom et sa réputation à
soutenir. Ils se réunirent avec leur mère pour poursuivre
Cochelin au Parlement. II eut l'audace de s'y défendre,
comptant sur le crédit que la ligue avoit alors dans cette
célèbre compagnie. Cette ressource, quelque puissante
qu'elle fût, n'empêcha point le Parlement (tant l'injustice
étoit criante) de rendre un arrêt contradictoire sur les
conclusions du procureur général le 10 décembre 1587,
lequel condamna le libelle à estre lacéré et Cochelin,
son auteur, en 100 1. parisis d'amende. Cet arrêt fit droit
sur la requeste de Messieurs Boylesve qui ne demandoient
qu'à être reconnus pour gens nés d'ancienne extraction
noble et il énonce et vérifie tous les titres qui établissent
une filiation suivie depuis Estienne Boylesve, Chevalier,
prévost de Paris, jusqu'à François Boylesve. . . Cochelin
s'étant ensuite jette ouvertement dans le parti du duc de
Mercœur, chef de la ligue, pilla les terres, les biens et
les maisons de François Boylesve et de ses enfans, les
fit saisir et mettre au bail judiciaire sur les ordinaires
du duc de Mercœur, comme appartenants aux ennemis
de la Sainte-Union. . . Lorsque la justice eut repris son
juste cours, Philippe Prioulleau et ses enfans poursui-
virent les brigands qui avaient ravagé leurs biens sous
les ordres de Cochelin, mais ils avoient pris la fuite
« avec leur chef. »
« Ils n'y gagnèrent donc que l'honorable avantage de
« constater les sacrifices que François Boylesve avoit faits
« pour sa patrie et que les ennemis de l'État l'avoient jugé
€ un homme assez considérable pour mériter leur haine
« et leur vengeance. . . »
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— 133 —
Il avait épousé, vers 1545, Damoiselle Phîlippes Prioul-
LEAU * fille deN. H. Jean PriouUeau, avocat au présidial d'An-
gers, Seigneur de la Bourdinière, et de Perrine Taupier.
Il mourut le 27 novembre 1587 et fut inhumé aux Gorde-
liers d*Angers, en la chapelle des Boylesve, que son flls
Marin venait de fonder.
Sa veuve fit une fondation et fut inhumée dans la môme
chapelle, le 10 juin 1610 ; ils laissaient huit enfans : Mau-
rice, Marin, François, Charles, René, Françoise, Philippe
et Charlotte.
Archives de Maine-et-Loire^ E, 1.810. — Le 23 mars 1548,
quittance de Claude Guillonneau, sieur du Goupilloux, à son
cousin M* François Boylesve, licencié es lois, de 8 1. sur 42, et
8 juin 1549, quittance de 34 1. 10 s.
Id. — Le 10 mai 1656, François du Vau et Renée Fresneau,
sa femme, vendent le fief de la Biquerie à H. H. M^ François
Boylesve, licencié es lois, avocat à Angers, à charge de
relever du fief de la Turpinière à foy et hommage et à 2 s. 6 d.
de service, pour 1 .0001. avec faculté de Réméré, devant Rabeau,
notaire à Angers. — 3 octobre 1557, quittance des ventes.
Id. — Le 30 octobre 1557, sentence du siège présidial
d'Angers, condamnant M® François Boylesve, de son consente-
ment, à payer à N. h. François du Vau, Escuyer, sieur du
lieu, 840 1. pour supplément du contrat de vendilion du fief de
la Biquerie.
Id. — Le 9 décembre 1558, M* François Boylesve. . . cons-
titue un procureur pour prendre possession des Grande et
Petite Charpentrye à Saint-Laurans-de-la-Plaine, acquises de
N. h. Jehan Grébourg, sieur du Pineau.
Id. — Le 28 novembre 1559, achat du fief des Paragères et
Tbibaudières à Chaudefond, pour 50 1. de Messire Jacques
* PriouUeau : d'or à la fasce de gueules accompagnée de trois
croissans de même, ^Z etl.
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- 134 -
Drouault, prestre; ce fief tenu du sieur de la Hellière à foy et
hommage simple.
Bibliothèque d'Angers, Mss 920, P. Î52. — François Boylesve,
fermier Judiciaire de la Basse Guerche. . . d'une famille riche
et passablement alliée (Âudouys).
Archives de Maine-et-Loire^ £", 1810. — Le 27 décembre
1560, h. h. M*" François Boylesve, avocat au siège présidial
d'Angers, achète un quartier de bois taillis à la Bicquerie.
Maintenue de 1667, titres généraïuc, — 26 juin 1B62, lettre
du duc de Montpensier, Gouverneur d'Anjou, aux maire et
écbevins d'Angers, pour les prier de < pourvoir M* François
Boylesve d'un état et office d'Ëscbevin de la ville d'Angers >.
Chartrier de Boylesve^ 1562. — Extrait des registres du
greffe de la ville et mayrie d'Angers. Du septiesme juillet
1K62, au Conseil tenu en Thostel et maison commune de la
ville et mayrie d'Angers, par Messeurs le maire, eschevins et
conseillers du corps de la dite mayrie pour procéder à
l'élection de deux Eschevins, conseillers perpétuels de la dite
ville, au lieu et place de Messire Jean Belhomme et Pierre Le
Mal, démis des dites charges par Monsieur de Montpensier,
comme rebelles, séditieux et de la nouvelle religion, et y pro-
cédant, ont esté élus es dites charges, Eschevins, conseillers
perpétuels à la pluralité des voix, scavoir au lieu et place du
sieur Le Mal, François Boylesve, EscuyerS Seigneur de la
Brisardière et au lieu du dit sieur Belhomme, Maitre JuUien
Goupilleau, maistre des traites foraines d'Anjou.
(Signé) : Le Doichreux.
Original en papier.
Chartrier de Boylesve, 1871. — A tous ceux qui ces présentes
lettres verront, les gens tenant le siège présidial d'Angers
salut. Scavoir faisons que aujourdhuy, jour et date des
présentes, a été procédé par les copartageants, cy après
* Cet extrait prouve bien qu'en 1562 François Boylesve était
reconnu noble et l'on peut voir la différence qui existe entre lui,
qualifié Ecuyer, et ïullien Goupilleau, qualifié seulement maître.
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— 135 —
nommés à choisie des lois et partages dont la teneur s*en
suit : Ce sont les lots et partages des choses heriteaux des
biens et successions de deffunct Marin Boylesve, Escuyer,
sieur de la Brisarderie et Simonne Quentin son épouse, que
Charles Boylesve, Escuyer, sieur des Roches, 61s aisné et
principal héritier des dits deffunts, sieur et Damoiselle de la
Brisarderie, baille et fournist t François Boylesve, Ecuyer,
Seigneur de la Brisarderie... lequel a déclaré que proceddant
par luy aux partages et divisions des domniaines, terres,
fiefs et seigneuries et choses heritaux demeurés de la succes-
sion des dits deffunts sieur et Damoiselle de la Brizarderie, il
a par ces présentes donné et délaissé en pleine propriété à
François Boylesve, Escuyer, sieur de la Brisarderie, Conseiller
du Roy, lieutenant en la prevoslé, conservation, ville et Uni-
versité d'Angers, son frère puisné pour son tiers et partage
des biens de la dite succession pour luy ses hoirs et ayant
cause, disposer et Jouir comme de leurs propres scavoir est
le lieu et domaine de la Brisarderie, terres, bois marmentaux
(de haute futaie), taillis et prés et tout ce qui en dépend sans
réservation situés en la paroisse de Chanzeaux, lefîef de la
Bourelière en Juigné-sur-Loire, rentes, hommes et sujets
avec les lieux, domaines et métairies de la Gueffrie et Ville-
blanche, es paroisses de Saint-Pierre et Saint-Aubin, avec les
prés, pastures et bois en dépendants, et cinquante-sept bois-
seaux de seigle, mesure de Chemillé, de rente foncière
scavotr vingt boisseaux sur le lieu du Bignon, paroisse de
Thouarcé, dix sur les terres nommées L'Escole appartenans à
Jean Mesnier et vingt-sept sur le lieu de la Boutière, paroisse
de la Tourlandry, une maison et un pressouer appelé le
pressouer Turquart au bourg de Rochefort avec les prés,
pastures, pescheries et vignes en dépendant situés tant audit
Saint-Aubin de Luigné, Chavigné, Rochefort, avec la rente
foncière de 33 sols due sur les vignes des Gasniers et tout
ainsy que les dîtes choses se poursuivent et comportent à la
charge que le dit François acquitera et paiera à Tadvenir les
cens, rentes et devoirs et pour le precipu et advantaige et
les deux tierces parties es quelles le dit Charles Boylesve est
fondé comme aisné et principal héritier suivant la coustume
d'Anjou, il s'est retenu et retient la maison seigneuriale des
Roches composée d*un grand corps de logis, cours, greniers,
astables, pressouer, vergers, jardins, bois de haute futaie,
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— 136 —
iailli8, garennes, rues, issues, vignes, prés et pastures, âefs»
cens, rentes, hommes et sujets; la terre de la Cholardière,
fief, hommes et sujets avec les métairies det la Quantinière et
de la Brouarderie y compris trente^sept quartiers de vignes,
la closerie de Vallet en la paroisse de Saint-Aubin-de-Luigné,
les bordages des Garellières, la closerie des Oiseaux, trente
quartiers de prés tant en la vallée de Rochefort que Chalonnes,
la maison située en la rue de Thôpital de cette videavecla
somme de 18.000> payée parles ditsdeffunts, sieur et Damoi-
selle de la Brisarderie pour l'achat de l'office de receveur des
tailles d'Angers et les cinq cents livres de rente dues tant
par les Bequiliiers, les Geslin que maistre Jean CoUasseau
comme est amplement porté par les contrats de constitution
de rente passés par Bardin, notaire royal en cette ville avec
tous et chacuns les meubles délaissés tant en la maison des
Roches que celle de celte ville, au moyen desquels le dit
Charles acquittera pour le tout les dettes de la ditte succes-
sion sans que, au moyen du don qu'il fait audit François,
puisné, de la propriété des héritages cy dessus, il puisse
estre contribuable aux susdittes detes. Aux quels partages
ledit sieur des Roches, aisné, fait arrest par devant nous
dont lui avons décerné acte. *
Et le jeudi 28* jour de juin l'an 1571, fut présent en sa
personne, estably et soumis le dit François, puisné, nommé
audit partage cy dessus, lequel, après avoir eu communica-
tion des dits partages, a retenu le tiers à lui relaissé par
ledit sieur des Roches, son frère aisné, et par lui accepté et
d'iceluy s'est contenté aux charges et conditions et clauses y
apposées, dont l'avons jugé. Fait à Angers par devant nous
René Gohin, Conseiller et juge magistrat au dit siège présidial
d'Angers le jeudi 28* jour de juin l'an susdit 1871. Signé.
Gohin, Boylesve et Boylesve.
(Signé) : Bernard, avec paraphe.
Délivré le présent le 18* avril 1637.
Pour ce peine et perquisition quarante sols.
Copie sur papier*.
* Il existe aux Archives de Maine-et-Loire, E, 1.810, une copie des
partages de Marin Boylesve et de Simonne Quentin, absolument
différente de celle-ci. Cette copie, sans valeur puisqu'elle n'est ni
signée ni datée par un notaire, ni collationnée à son original, a été
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— 137 —
Chartrier de Boylesve^ 1874. — Sachent tous presens et
avenir que en la cour. . . d'Angers. . . par devant nous Denis
Fauveau et Mathurin Grudé, notaires.. ., N. h. René Masson,
sieur de la Verronnière, la Roullière, Réaulmur et de la
Maurouzière. . . tant en son nom q%ie pour Damoiselle Loyse
Chasteigner son espouse... confesse avoir vendu à h. b.
M* François Boyiesve, Conseiller du Roy et Lieutenant au
siège de la prevosté. . . sieur de la Brissarderye et de Chanzé
et à Damoiselle Pbelipes Prioulleau... la terre, fief, seigneurie
de la Maurousiëre située en la paroisse de Neufvy-en-Mauge...
telle qu'elle étoit possédée par deffunte Damoiselle Marye
Masson, sœur du vendeur, vivante femme de feu François de
Casse, son premier mary et de feu N. b. Jacques Le Gay,
sieur de la Gasnerye, son dernier mary. . . et est faite ladite
vendition pour le prix et somme de 29.000 1. sur laquelle
somme les acquéreurs ont sollu et payé comptant la somme
de 19.000 1. au vu de nous en 4.880 escus sol, 1.000 doubles
ducats à 2 testes et 18 1. en doczains... pour les 10.000 restants
ont promis payer aux cbanoines et chapitre de Saint-
Léooard-de-Chevilly, 2.000 1. pour le rachat de la métairie des
Roches et la Hâblerie à eux vendues le 21 décembre 1571, o
grâce qui encore dure... pairont le reste en la maison de
h. h. M*' François Lefebvre, sieur de Lauberière, avant le
l*"^ janvier prochain. . . Le 21 octobre 1874 a esté payé pour
le vin du marché et aux médiateurs dudit contrat la somme
de 300 escus sol. Signé en la minute : René Masson, Boylesve,
Lefebvre, et a déclaré la ditte Prioulleau ne savoir escrire ne
imprimée en majeure partie par M. Gontard de Laûnay, dans ses
Recherches sur les familles des Maires cV Angers y t. ii, p. 105. Les
enfans desdits defrunts y sont simplement qualifiés de honorable
homme, et leurs père et mère ne le sont aucunement. On y parle
bien d'un préciput attribué à l'aîné « pour les choses tombées en
tierce foi » mais les lots sont égaux et le partage roturier... Cet acte se
termine ainsi : Fait à Angers. . . Signé Gaultier et collationné. Mais
cette mention, absolument différente de la précédente, a été écrite
de la môme main que le reste de l'acte, au xviiie siècle.
On se trouve donc en présence de deux actes datés du même jour
l'un qualifiarif les parties d'Ecuyers, l'autre d'honorable homme. On
ne saurait trop insister sur ce que le premier a un caractère
d'authenticité qui manque au second, et qu'enfin le !«' est seul cité
dans les carrés d'Hozier, vol. 101, dans l'arrêt du Parlement de
Paris du 10 décembre 1587, dans les maintenues de 16'}5, de 1671 en
Bretagne, de Chauvelin en 1716, dans les preuves de Saint-Cyr en
1728, tandis qu'il n'est nulle part fait mention du second.
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— 138 —
signer. Ainsi sigHié M. Gradé et D. Fauveau^ scellée en double
queue de cire verte pendant à un rubai\ de taffetas jaulne.
Au bas, quittance des ventes de la Maurousière pour ce qui
relève de la Cbaperonnière le 15 juillet lo75.
Copie collalionnée le mardy !?• jour de janvier 1577.
(Signé) : Vivibr.
Id. ■— Le 31 mai 1574, François Boylesve, lieutenant de la
prévoslé d'Angers, fit aveu, au château de Beaupreau, pour
sa terre de Cbanzé.
Id. — Le 8 janvier 1575, transaction entre François du Vau
et M* François Boylesve, sieur de la Brisarderie et de Chanzé
ratifiant les traités passés des 6 mai 1556, 30 octobre 1557,
2 décembre 1858, 19 juillet 1563. En conséquence de tout
quoi, celui-ci demeure propriétaire incommutable de la
Biquerie. (Signé) : Éran.
Id. diaprés les titres de Véglise d* Angers^ tome xix, fol. 188.—
Le 13 juillet 1576, François Boylesve fut nommé commissaire,
pour le subside, par les ofâciers de la Chambre delà Reine.
Id, — Le 20 mai 1581, N. h. François Boylesve. . . s'oblige,
envers h. h. Pichon, de la somme de 361 1. à payer en un an
prochain venant. Signature.
Archives de Maine-et-Loire y E. 4.327. — 1587, récusation
motivée de Mathurin le Boindre, par François Boylesve...
dans l'affaire qu'il soutient contre Mathurin Cochelin.
Chartrier de Boylesve^ 1587. — Les gens du présidial
d'Angers, conservateurs des privilèges de l'Université,
mandent à la requeste de N. h. M* Jehan Collasseau, conseiller
du Roi, esleu en l'élection de contraindre N. H. François
Boylesve... à payer 4 escus, deux tiers, 14 s. taxés par
M« Simon Saguier, conseiller.
Bibliothèque d'Angers^ Mss 871, Bruneau de Tartifumey t. i,
p. 423. — « On entre en la chapelle des sieurs Boylesves qui
« sont une des plus illustres familles d'Anjou^^e laquelle
« sont sortis plusieurs grands personnages qui ont rendu une
€ infinité de bons services aux rois de France et à l'Anjou,
« leur patrie... Entrant donc en ladite chapelle, on ren-
« contre, à ses pieds, une grande tombe, longue de 7 pieds
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4 poulces, large de 3 pieds 3 poulces, sur laquelle a esté
gravée la réprésentçition d'un homme de judicature. >
« Les lettres qui sont autour de ladite tombe sont presque
effacées. Seulement on peut Jire ces mots :
• Cy gist (François) Boylesve, sieur de la Brisarderie, de
la Gillière et de la Maurousière, vivant conseiller du Roy
(lieutenant de la prévosté, conservateur) de privilèges
royaulx de l'Université d'Angers, lequel décéda le 27 no-
vembre 1587.
< Aux quatre coings de ladite tombe sont ces armes. »
XX
X
[a
p. DE FaRGY.
{A suivra;,)
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CHRONIQUE
M»' Rumeau, notre nouvel évéque, a été sacré, dans la
Cathédrale d*Agen, le jeudi i février, jour de la Purification
de la Sainte Vierge.
La cérémonie a élé des plus imposantes. Le prélat, assisté
de NN. SS. Mathieu, archevêque de Toulouse, et Fallières,
évëque de Saint-Brieuc, a reçu Tonclion sainte des mains de
M«' Cœuret-Varin, évéque d'Agen. Deux abbés milrés, le
T. R. P. Jean-Marie, de la Trappe de Bellefontaine et le T. R. P.
dom • du Coêtlosquet, de Saint-Maur de Glanfeuil ; sept
évéques : NN. SS. Balaïn, archevêque d'Auch ; Jauffret, évéque
de Rayonne ; Fiard, évéque de Monlauban ; Rougerie, évéque
de Pamiers; Énard, évéque de Cahors ; Frérot, évéque d'An-
goulème; Renouard, évéque de Limoges; le cardinal-arche-
vêque de Bordeaux assistaient à celle fêle, dont le récit,
animé par l'enthousiasme vibrant du Midi, formera Tune des
plus belles pages des annales de TAgenais.
Le clergé de TAnjou était représenté au Sacre de M»*"
Rumeau, par MM. Grellier et Baudriller, vicaires-généraux;
Bazin, curé de la Cathédrale; Letourneau, supérieur du
Grand Séminaire ; Grimault, chanoine; Thibault, secrétaire
général de TÉvêché; M»^ Pasquier, re.cteur, M. Delahaye,
secrétaire général, et le R. P. Vétillart, directeur des
Internais de TUniversilé catholique.
Du côté des laïques, on remarquait MH. Merletet Bodinier,
sénateurs ; de Grandmaison et F. Bougère, députés ; M. le
comte L. de Terves, ancien député, président de la Société
civile des FacuUés calholiques de l'Ouest, etc.
Trois semaines plus lard, le lundi 27 février, escorté par
les représenlanls des communautés religieuses, des collèges
catholiques, des corporations ouvrières, entouré des chanoines
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— 141 —
et de plus de cinq cents prêtres, le nouvel èvèque faisait son
entrée solennelle dans sa ville épiscopale et dans son église
Cathédrale.
La réception fut digne de notre antique cité et du bon
renom de ses habitants. La foule -- une véritable fourmilière
humaine — s'entassait, comme elle pouvait, sur les trottoirs,
aux fenêtres, aux balcons, dans les voitures, arrêtées par le
flot et transformées en estrades. Les maisons étaient décorées
de tapisseries, de tentures de gaze, de guirlandes dé fleurs
et de verdure, surtout de joyeux et sympathiques visages.
Les autorités civiles, les chefs de la justice et de Tarmée
attendaient, à Saint Maurice, Tarrivée du prélaL La vieille
cathédrale, rajeunie par d'innombrables décors et par les
chauds rayons d'un soleil printanier, s'était remplie, comme
aux plus beaux jours, pour accueillir le successeur des grands
Évoques qui ont contribué, par leur science et par leurs
vertus, à établir au loin la réputation de notre terre angevine.
Après la longue cérémonie de VObédience, Mgr Rumeau est
monté en chaire, et, commentant ce texte des livres saints : Ego
8um Joseph frater vester^ il a indiqué, dans un très beau et
très éloquent discours, les lignes principales du ministère qu'il
vient exercer parmi nous. — Puissent tous ses vœux se
réaliser et aussi les souhaits qui lui ont été adressés, en cette
inoubliable journée ! Puisse son épiscopat être long comme
celui de M«'' Monlault, fécond comme celui de M»'' Angebault,
glorieux comme celui de M^'' Freppel 1
• Les armes de M»'' Rumeau sont : D'azur
au chevron d'or, accompagné à dextre de
la clef d*argent d'Angers et à seneslre de la
tour de même d'Agen et portant en pointe
une gerbe d'or.
Sa devise est : Pater et custos.
Il avait été question de faire coïncider la réunion des
Sociétés des Beaux-Arts avec le 37« Congrès annuel des
Sociétés savantes des départements qui, pour la première
fois aura lieu non plus à la Sorbonne, mais en province, et,
pour cette année 1899, à Toulouse, durant la semaine de
Pâques.
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1
— 142 —
Une sorte de plébiscite a été provoqué par le Ministre de
Tins traction publique et, d'après les réponses reçues (47 pour,
168 contre^), il vient d*êlre décidé, d'après Ta vis du Comité des
Sociétés des Beaux-Arts des départements, que la 33'' réunion
desdites Sociétés se tiendra, non à Toulouse» comme le
Congrès des Sociétés savantes, mais à Paris, pendant la
semaine de la Pentecôte.
•♦♦
La Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers vient
de confier à M. Adrien Planchenault, archiviste-paléographe,
le soin d'éditer le Cartulaire de Saini-Laud^ retrouvé par
H. le marquis de Villoutreys. Ce travail continuera la série
des documents historiques sur VAnjou, si dignement inau-
gurée par la publication du Cartulaire de Saint-Aubin,
Une élection pour la Chambre des députés a eu lieu, dans
ràrrondissement de Baugé, le 12 février, après un premier
tour de scrutin le 29 janvier» en remplacement de M. Cou-
dreuse, décédé.
Trois candidats étaient en présence au premier tour de
scrutin : M. E. Lemasson, maire de Fougère, conseiller géné-
ral, soutenu par les gauches ; M. AUaume, socialiste ; M. Scé-
vole de Livonoière, conseiller général du canton de Beaufort»
candidat des conservateurs.
Après un ballottage, M. Lemasson a été élu député de l'ar-
rondissement de Baugé par 9.637 voix, contre 7.880 données
à M. de Livonnière; en tout 17.610 votants sur 21.587 électeurs
inscrits.
#
« »
La Loire navigable :
Le Comité central de Nantes continue son énergique action.
A son instigation, M. le Ministre des travaux publics vient de
prendre deux importantes décisions.
Le plan de sondages du lit de la Loire, entre Nantes et le
confluent de la Maine, étant achevé, M. le Ministre a décidé
qu'un travail identique serait entrepris sur la section du fleuve
comprise entre l'embouchure de la Maine et celle de la Vienne.
* La Société nationale d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers,
a y oté pour.
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— U3 —
M. ringénieur Robert a encore été chargé de la direcîlion
de celle étude, qui sera, comme celle à laquelle elle fait suite,
exécutée moitié aux frais de TÉtat, moitié aux frais des
Comités de la Loire navigable.
De plus, H. Robert a également reçu la mission officielle
d'aller en Allemagne effectuer une enquête générale et
technique sur les différents systèmes qui y ont été mis en
oeuvre, pour obtenir Tapprofondissement des fleuves et
rivières dans le but spécial de les approprier à la navigabilité
permanente.
Tous ceux qui s'intéressent à la question de la Loire navi-
gable se félicitent de voir M. Tlngénieur^Robert chargé de
cette mission. 11 doit la remplir au cours de Tété prochain.
Pendant que la question technique est ainsi en bonne voie,
nous avons d'excellentes nouvelles du délégué que le Comité
central de Nantes a envoyé de son côté en Allemagne, pour y
recueillir, aux sources mêmes, les éléments du travail qu'il
prépare pour faire la démonstration de l'utilité économique
de son projet.
Son délégué, M. Lafâtte, a su obtenir des autorités alle-
mandes. Chambres de commerce, négociants, consuls auxquels
il s'est adressé, un excellent accueil. Comme nous avons déjà
pu l'apprécier, les documents qu'il s'est procurés, et qui
seront publiés après son retour prochain, seront un des élé-
ments importants de la démonstration en préparation.
En attendant les résultats de tous ces travaux préliminaires,
la Loire joue, en ce moment même, à ses clients les plus
fidèles, un de ces mauvais tours dont elle est coutumière.
Dans la première quinzaine de février elle débordait. Les
vingt jours de sécheresse que nous venons de traverser ont
suffi pour faire réapparaître les grèves et rendre le fleuve à
peu près inutilisable.
Des bateaux chargés en prévision du maintien du niveau
(ce qui n'était pas trop présumer, en cette saison), qui
auraient pu monter à pleine charge, il y a quinze jours, sont
obligés, depuis une semaine, de mettre leurs cargaisons en
wagons à J^antes. Comme conséquence, les destinataires, qui
espéraient travailler à loisir, sont obligés de limiter leurs
réceptions au nombre de wagons qu'ils peuvent charger
quotidiennement à Nantes et décharger réglementairement
dans les gares d'arrivée pendant leurs heures d'ouverture.
Lamentable 1
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— 144 -
Mais celle situalion ne se perpélaera pas. II. n*est pas
léméraire cl*enlrevoir la Loire navigable en lout temps, de
Nantes à Angers, d'ici à deux ou trois années.
7 mars 1899.
*
* *
On vient de découvrir aux Léards, commune de Lire, dans
la carrière de calcaire de Sainte- Marie, trois squelettes
humains dont il est difficile de donner l'âge. Ces squelettes
sont placés en V, la tète d'un des cadavres touchant les
pieds de Tautre. C'est à O'^âS de profondeur seulement que
ces découvertes ont été faites. Nous n'avons pas pu avoir de
renseignements plus précis, mais il convient de noter qu'un
certain nombre de ces squelettes ont été trouvés dans les envi-
rons en ces dernières années, plus de vingt, nous assure-t-on.
Faut-il ajouter que l'armée vendéenne a passé la Loire aux
Léards? Il parait, au surplus, que ces inhumations sont bien
plus anciennes; mais, comme il faut être très prudent en
archéologie, nous ne pouvons formuler aucune conjecture,
faute d'avoir étudié de près ces découvertes.
A Andard, en creusant un jeu de boules et à Doué-la-Fon-
taine, on a trouvé également un certain nombre d'anciennes
sépultures, toutes sans intérêt archéologique.
Les verrières du sanctuaire de la chapelle du Champ-des-
Martyrs (Avrillé) viennent d'être complétées par la pose d'un
cinquième vitrail offert par la famille Dean de Luigné.
Dans la partie supérieure, cette verrière représente saiiUe
Catherine et la scène de son martyre. Le médaillon inférieur
montre Varrestation de M^"" Dean de Luigné^ de ses trois
filles et de Tabbé Ledoyen au château de la Bossivière, à
Argenton, près Cbâleaugontier. On sait que l'abbé Ledoyen
a été guillotiné à Angers en 1794, sur la place du Ralliement,
et que M"** Dean de Luigné et l'une de ses filles ont été fusil-
lées au Champ des Martyrs.
C'est à Brissarthe (Maine-et-Loire) qu'en 86S ou 866 tomba
glorieusement Robert- le-Fort.
A plusieurs reprises, il avait été question d'élever un monu-
ment à ce vaillant, en 1828, puis en 1875. La Semaine reli-
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— 145 —
gieuse d'Angers rend compte de la cérémonie d'inauguration
de la statue du chef de la maison de France.
Le dimanche 4 décembre 1898, Brissarthe recevait le reste de cette
phalange glorieuse qui, en 1870, combattait vaillamment pour la
défense du drapeau.
Dans cette belle journée, Brissarthe a voulu associer le souvenir
de deux grands hèroïsmes : celui de Robert-le-Fort, luttant vaillam-
ment contre l'invasion barbare des Normands résolus à ruiner d*un
même coup et la Religion et la Patrie, et celui des mobiles du canton
de Châteauneuf qui. avec une vaillance couronnée parfois de succès,
comme à Patay, comme à Monnaie, etc., faisaient reculer Tennemi
et montraient ce que peuvent des cœurs français, quand des chefs
comme MM. de la Yingtrie, Ernest Retailliau, André Joùbert, Thuau...,
sont là pour leur communiquer une généreuse ardeur et enflammer
leur courage.
Le 4 décembre au çûatin, M. le curé de Brissarthe, revêtu du sur-
plis, sur le seuil de l'église, recevait un cortège sympathique composé
de M. le maire de Brissarthe et de son Conseil municipal; de M. Lau-
rent Bougère, député de Tarrondissement, si dévoué aux intérêts de
tous, de MM. les membres du Conseil de fabrique, et enfin de MM. les
mobiles du canton sous la conduite de leur chef aimé, M. le comte
Retailliau.
Si nous parcourons du regard les murs de cette vieille église, trans-
formée pour la circonstance, nous apercevons, se dressant menaçant
comme au jour du combat, la statue de Robert-le-Fort, avec cette
inscription sur le socle : Robert- le-Fort, tué à Brissarthe Van 866.
Sur les piliers apparaissent douze cartouches rappelant les batailles
où les mobiles de Maine-et-Loire donnèrent, suivant les circonstances,
la mesure de leur courage. L'autel est environné de lumières et de
fleurs, et c'est au milieu d'une foule compacte, accourue de toutes
les communes environnantes et comme électrisée par la vue des
étendards et les chants guerriers que fait retentir la musique dirigée
par son chef dévoué, M. le Vicaire de Châteauneuf, que commence
le saint sacrifice de la messe. On se serait cru à la veille d'une
bataille. Chacun prie et écoute dans le plus grand silence les voix si
belles et si fraîches de ces jeunes gens et de ces hommes du patro-
nage de Châteauneuf, que M. le Curé ne put s'empêcher de remercier
avec enthousiasme.
Après la messe, M. l'abbé Baudriller, vicaire capitulai re, qui avait
accepté, suivant le désir de M. le Curé, de donner par sa présence
un plus grand éclat à cette fête, voulut bien monter en chaire et
montrer, dans un discours aussi solide que brillant, les graves ensei-
gnements de l'histoire, au sujet de Robert-le-Fort, premier comte de
Paris et fondateur de la maison de France. Il présenta son héros,
chrétien avant d'être soldat, qui, à la tête d'une poignée de braves,
10
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1
— 146 —
sur Tordre de Tempereur Charles-le-Chauve, arrêta un moment Tin-
vasion redoutable. Jusque-là victorieux, il s'apprêtait, après un repos
nécessité par la violence des combats précédents, à porter un dernier
coup aux Normands réfugiés dans Téglise de Brissarthe comme dans
•une forteresse, lorsqu'un javelot, lancé perfidement par une fenêtre
de Téglise, atteignit en pleine poitrine ce grand et illustre guerrier,
heureux de donner son sang pour son Dieu et pour sa patrie.
Après ce discours, on se rappela ceux qui étaient morts, glorieuse-
ment au champ d'honneur. Sur les marches de l'autel, on étendit le
drap mortuaire et, pour eux, l'église chanta ces versets si plaintifs
et si consolants du De Profondis,
Ce devoir rempli, la musique militaire se fit de nouveau entendre
et quitta l'église suivie de la population qui semblait s'attacher à ses
pas et à ses accords harmonieux.
Comme de juste, cette cérémonie se termina par un grand banquet
offert par M. le comte Retailliau aux membres des deux Conseils de
la paroisse, aux mobiles et aux musiciens de Châteauneuf.
A la suite de cette fête, une large distribution de vêtements
a été faite aux pauvres de la paroisse au nom de M***^ la
duchesse d^Orléans.
Sait- on que les cloches de Notre-Danie de Paris sont ange-
vines?
Dans un article du Temps consacré aux « souvenirs de
Notre-Danie », M. Adolphe Brison s'exprime en ces termes :
€ J'ai grimpé les degrés qui mènent aux quatre cloches de la
« tour nord. Elles furent fondues à Angers par Guillaume
€ Besson, La première se nomme Angélique- Françoise ; la
< seconde, AnLoinelle- Charlotte; la Iroisième Hyacinthe-
« Jeanne ; la quatrième, Denise-David. >
Une première souscription, faite à Paris, pour le monument
à élever à M. J.-E. Lenepveu monte à 1.220 fr.; la première
liste de souscription d'Angers, à 2.589 fr.
Dans une de ses dernières séances, la Société nationale
d'Agriculture^ Sciences et Arts d'Aogers, sur la proposilioa
de M. le D"* Maisonneuve, son dévoué secrétaire, a décidé de
faire poser une plaque commémorative sur la maisou w est
ûé le Maître*. On ne peut que louer la Société de cette déeisioa.
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pp • '^
- 147 -
Nos compalriotes :
Nous lisons dans le Gaulois :
« Les élections pour le renouvellement du Conseil de la
Société des Agriculteurs de France viennent d'avoir lieu.
< Parmi les élus, nous remarquons le nom de M. le comte
de Blois. Nous félicitons de ce choix Timportante Société. Le
sénateur de Maine-et-Loire est* un agronome éminent. Il
maintient en Anjou toutes les grandes traditions du comte
de Falloux, dont il est Théritier et le digne continuateur. >
L'Académie des beaux-arls a décerné le prix Rossini, dont
le sujet était la Vision du Dante, à la partition numéro 5,
dont Fauteur est M. Max d'Olonne, ancien grand-prix de
Rome, actuellement pensionnaire de la villa Médicis.
Notre collaborateur et ami» M. Joseph Denais, a. été,
par arrêté ministériel du 11 février, nommé membre de la
Commission de la Presse à l'Exposition universelle de 1900,
commission qui vient d'ôlre constituée en dehors de toutes'
opinions politiques, ainsi que l'indiquent les noms de ses
membres : MM. Paul de Cassagnac, Ranc, Alfred Mézières,
Pierre Baudin, Jean Dupuy, Ernest Merson, Jules Claretie,
Paul Strauss, Edmond Robert, Léon de la Brière, comte de
Godlewski, comte de Valèche, — rédacteurs de V Autorité y
Paris, le Temps, la Petite République^ le Petit Parisien, le
Soleil, la Gazette de France, le Journal des Débats, etc.
M. Joseph Denais vient aussi d*ètre délégué, par l'Associa-
tion des Journalistes Parisiens au prochain Congrès Interna-
tional de la Presse qui s'ouvrira à Rome le 5 avriL
Nous apprenons avec plaisir que M. de la Devansaye, pré-
sident de la Société d'horticulture d^Angers et du départe-
ment de Maine-et-Loire, vient d'èlre compris, parla Société
royale d'horticulture de Londres, dans le nombre des onze
botanistes français invités à la conférence internationale qui
sera appelée à discuter, exclusivement, au mois de juillet
prochain, sur la fécondation artificielle des plantes.
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1
- 148 -
M. de la Devansaye prendra la parole à cette réunion et
lira en anglais un mémoire sur la fécondation des aroïdées,
principalement du genre Anthurium.
H. de la Devansaye a été également nommé membre du
Comité d'organisation de la section française à TExposition
internationale d'horticulture de Saint-Pétersbourg et membre
du jury de ladite exposition-
La Société de Géographie a accordé, pour Tannée 1899,
une médaille d*or (prix A. Logerot) à notre compatriote M. le
marquis de Bonchamps, pour son exploration dans TÉthiopie.
M. René Bazin vient de poser sa candidature à TAcadémie
française, en même temps que MM. Deschanel et Henry Fou-
quier, pour la succession de H. Edouard Hervé, mort récem-
ment.
. Les Journaux allemands annoncent la représentation pro-
chaine, sur le théâtre de l'Opéra de Berlin, d'un opéra-
comique français en 4 actes, Mudarray musique de Leborne,
paroles de notre compatriote M. Lionel Bonnemère et de
M. Louis Tiercelln.
Le Journal officiel a publié les arrêtés ministériels nom-
mant :
Officiers de l'instruction publique :
M. le docteur Boell, inspecteur des écoles à Baugé ;
M. le docteur Peton, maire de Saumur.
Officiers" d'Académie :
Séraphin Denécbeau, statuaire angevin, l'auteur du Volney^
récemment inauguré dans la Mayenne.
M. Cardi (Paul), président de la section d'Angers de la
Dotation de la Jeunesse de France, conseiller municipal et
administrateur du Petit Courrier ;
M. Roche, directeur des tramways d'Angers ;
M. Boyer, chef de la musique municipale ;
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- 149 —
U. Porcher, de Fontevrault, sculpteur^ auteur du moDu-
ment élevé, à Hontreuil-Bellay, en Thonneur de Toussenel,
Horeau, Dovalle et Duret ;
M. Demartial, ancien procureur général à la Cour d'appel
d'Angers ;
H. Fouillaroh, vice* président de la Caisse des écoles à
Cholet ;
M"* Lavenue, directrice d'école privée à Angers ;
M. Lemasson, délégué cantonal à Fougère ;
M. Pichard, Juge au tribunal de première instance d'Angers ;
M. Schmitt, capitaine adjudant-major au 77* régiment d'in-
fanterie, à Cholet ;
M. le docteur Vidal, délégué cantonal à Gennes.
Au nombre des plus récentes lectures faites à la Société
nationale d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers (ancienne
Académie d'Angers), citons, comme susceptibles d'intéresser
particulièrement nos lecteurs :
Recherches sur les sépultures faites dans réglise de Sœurdres
au XVif et au XVIIP siècles, par Henri du Mas ;
Des relations de confraternité scientifique, par M. l'abbé Hy ;
Négociations au château de Brissac (août 1620) entre
Richelieu et de Luynes, au sujet d'un mariage destiné à rap-
procher leurs deux familles^ par M. Eusèbe Pavie.
Notre distingué collaborateur, M. Eusèbe Pavie, vient
d'achever l'ouvrage que la Re^ue de rAnjou publie sous ce
litre : La guerre entre Louis XllI et Marie de Médicis
(1619-1620). Mais cette réalisation d'un but, si persévéram-
ment poursuivi durant une grande partie de sa carrière
littéraire, ne lui semble pas un titre acquis à Poisivelé. Il a
déjà enlamé la rédaction d'un nouveau travail : la biographie
du baron Hercule de Charnacé, le célèbre diplomate angevin
qui fut, au xvii* siècle, le principal négociateur des traités
d'alliance avec la Suède et la Hollande, et Vauxiliaire de
Richelieu dans la préparation de la période française de la
guerre de Trente ans.
M. E. Pavie n'a pas abordé un si grave sujet sans une
sérieuse préparation. Il a notamment dépouillé aux Archives
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'"^
^ 13:) -
du Ministère des afTaires étrangères toute la correspondance
diplomatique de noire illustre compatriote, aân- d'être en
mesure d'élever à la mémoire du baron de Charnacé un
monument 4ui soit proportionné à sa gloire et aux services
qu'il a rendus. Nous faisons des vœux pour que le travail de
M. E. Pavie ne tarde pas à paraître.
Parmi les dernières conférences de la Faculté catholique,
nous devons signaler celles de H^' Pasquier, de M. Jules
Delahaye et du R* P. de Salinis :
L'éminent recteur a dit avec son talent et avec son cœur,
son opinion sur la chevaleresque figure du Comte Théodore
de Quatrebarbes, le châtelain de Chanzeaux, dont il a publié
l'histoire au temps de la Révolution, sous le titre : Une paroisse
vendéenne sotts la Terroir :
Soldat comme ses ancêtres qui durant les Croisades luttèrent vail-
lamment contre les mécréants, officier d'avenir (dit le Journal de
Maine-ei- Loire ^ en analysant la conférence de M*^ Pasquier)> le
oomte de Quatrebarbes prit part à la guerre d'Espagne et à la glorieuse
expédition qui donna l'Algérie à la France. La Révolution de
Juillet 1830 brisa son épée, mais il n'hésita pas à s'armer de nouveau
quand Pie IX et Lamoricière lui demandèrent de défendre la ville
d'Ancône. Ce croisé du dix-neuvième siècle maniait la plume et la
parole aussi bien que Tépée. Il écrivit des ouvrages remarquables et,
à la tribune de la Chambre desr députés, il prononça de beaux dis-
cours. Mais, plus encore que son talent littéraire et oratoire, ses con-
temporains admirèrent ses vertus morales, sa piété tendre et forte,
sa charité inépuisable, son dévouement à la Sainte Eglise et sa fidé-
lité à la cause du roi. Ferme dans sa foi monarchique comme dans
sa foi religieuse, il a été enseveli dans les plis de ce drapeau blanc
qu'il a défendu avec autant de constance que de courage. A une
époque où les apostasies politiques n'étaient pas rares, quand la voix
de l'intérêt parlait souvent plus haut que la voix de l'honneur, il fut
pour ses adversaires comme pour ses amis le type du chevalier sans
peur et sans reproche. Quand il parut devant Dieu, il put dire à son
Juge : < Seigneur, j'ai tenu tous mes serments. . . >
Sur les origines des Quatrebarbes, on peut lire une note
intéressante de Dom Chamàrd dans la Semaine Religieuse de
1868, p. 39.
M. Jules Delahaye, né à Angers, ancien élève de Cpmbrée
et de Mongazon, ancien député d'Indre-et-Loire, a fait, le
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pi ^
— 151 —
27 janvier» une conférence sur : Le$ grands militante^ Wind-
ihorst^ O'ConnelU etc., etc.
L'orateur s'est fait beaucoup applaudir en parlant de la
force morale qui a permis à O'Connell et à Windthorst de
triompher après une lutte énergique et de faire prévaloir,
malgré la puissance de leurs adversaires, la cause de Tlrlande.
et celle des catholiques allemands.
Il a terminé en parlant de M^^* Freppel, qu'aucun obstacle
ne pouvait effrayer, loujours debout sur la brèche, sans s'in-
quiéter de savoir s'il était seul ou s'il était suivi.
Très intéressante aussi la conférence du P. de Salinls sur le
Dahomey.
Après avoir mis en relief le rôle civilisateur de la France, le
conférelicier a retracé l'historique des négociations qui ont
préparé le traité avec le roi Behanzin puis les difficultés de
toutes sortes survenues et il a rendu hommage au P. Dorgère,
à l'amiral de Cuverville> à M. de Montesquiou-Fezensac, et à
notre intelligent et distingué compatriote, le lieutenant Oouin
d'Ambrières, qui ont su, grâce à leur habileté diplomatique et
leur infatigable dévouement, mener à bonne fin cette délicate
et importante entreprise.
*
* *
Aux Amis des Arts :
Le 46 janvier, les membres du bureau de la Société des
Amis des Arts se sont rendus en corps chez M. Valenlin
Huaull-Dupuy pour lui offrir, au nom de la Société, eh témoi-
gnage des services rendus pendant ses deux années de pré-
sidence, une plaquette, œuvre de notre compatriote Saulo.
M. Gilles Deperrière, le nouveau président, fidèle interprète
des sentiments de tous ceux qui avaient tenu à se Joindre à
lui, s'est exprimé en fort bons termes. Nous extrayons de sa
petite allocution les passages suivants :
Vous succédiez à deux hommes venant de laisser parmi nous des
souvenirs qui ne s'effacent pas, 'môme encore aujourd'hui, mais qui
alors, plus près, rendaient votre poste plus périlleux à occuper.
Cormeray avait été un fondateur vaillant, habile et heureux, son
nom vivra parmi nous aussi longtemps que notre association elle-
même ;
Bodinier, un premier continuateur charmant, apportant dans son
action les formes aimables qui caractérisent la généralité des Ange-
vins, mais qui chez lui ont quelque chose de plus parfait que chez
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— 1.^2 —
tout autre, par ce tact lettré, si estimé dans tout ce qu'il dit ou écrit,
par cette aménité toute particulière, bien personnelle, connue de
tous, qualités qui lui font une place de choix parmi nous.
Vous avez su, mon cher ami, tenir votre rang après ces deux
devanciers, être leur successeur diligent. Vous avez été un adminis-
trateur impeccable, et, jaloui de conserver à la maison sa bonne
'renommée, vous Tavez énergiquement défendue contre tout écart de
goût, allant même jusqu'à éviter l'ombre d'un détail qui pût alarmer
la plus sévère des familles.
En somme, chacun pense que vous vous êtes retiré trop tôt, et
vous emportez tous nos regrets.
Aujourd'hui, il nous reste un souhait à former, celui de voir
l'œuvre d'art que nous vous apportons, vous faire le même plaisir à
recevoir que celui que nous avons à vous l'oflfrir.
Saulo y a mis tout son talent.
Vous êtes angevin, artiste peintre et graveur.
Dans sa plaquette composée pour vous, notre jeune maître
sculpteur, pensant aux arts que vous aimez et cultivez, a représenté
la peinture devant un paysage sobre, où d'un trait léger il a mis la
cathédrale.
Il a modelé notre déesse travaillant, le pinceau à ki main, ayant
devant elle un robuste bambin, à l'allure fière et décidée, semblant
heureux d'apporter son concours à l'action, en supportant, chevalet
vivant mais docile, le cartouche sur lequel va paraître bientôt
l'image de la nature.
M. Huault-Dupuy a répondu avec un tact parfait et un rare
bonheur d'expression, renvoyant les éloges qu'on lui adressait
à ses collaborateurs dévoués et à seâ amis.
Le 31 janvier la Société des Amis des Arts a inauguré son
Salon annuel dans son nouveau local, au milieu d'une assis-
tance tout à fait choisie, dans laquelle nous devons citer :
MM. RogerBallu, inspecteur des Beaux- Arts, délégué de H. le
ministre des Beaux-Arts ; MM. 6, Bodinier, sénateur; F. Bou-
gère et Joxé, députés ; Delpech, préfet de Maine-et-Loire ; le
général de division Hartschmidt; Huault-Dupuy, ancien pré-
sident de la Société, etc.
Les invités étaient reçus par le président actuel, M. Gilles
Deperrière, assisté des membres de la Commission: MM. A.
Bruas, A. Planchenault, Max Richard, Cointreau, de Romain,
Auguste Michel, Georges de Chemellier, Mercier âls.
Le Président a, dans son allocution, rappelé qu'au moment
même où elle allait se demander si elle disparaîtrait, la
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- 183 —
Société a rencontré de telles sympathies qu'elle s'est vue plus
affermie que jamais.
Il s'agissait pour elle, n'ayant plus de gite, de savoir si elle ne
serait plus, oa si elle trouverait un asile pour y porter ses pénates.
Avec une persévérance que rien ne pouvait lasser, avec la volonté
de ne pas périr^ afin de continuer la marche de ses heureuses desti-
nées^ elle a étudié patiemment et méthodiquement^ par le travail de
ses commissions, d'innombrables projets, et c'est au cours de ce
labeur qu'elle a vu combien étaient nombreux les dévouements qui
lui sont acquis. Le souvenir de la multiplicité des solutions présen-
tées, qui s'accumulaient journellement, et l'étude réfléchie de chacune
d'elles, sontlà pour en témoigner.
Le but de la Société ?
Mettre en lumière les efforts de nos artistes angevins, ouvrir la
porte à toutes les expressions des arts de la forme, des séductions de
la couleur, faire la place la plus large à ce que Ton est convenu d'ap-
peler les arts décoratifs et industriels, et ne pas cesser d'appeler tous
les artistes de France, ceux de Paris en particulier, à nous prêter et
donner leur concours, leurs exemples, leurs leçons, pour faire parti-
ciper l'Anjou au mouvement général artistique du moment, et l'y lier
le plus étroitement possible.
Dans cet ordre d'idées, imbus d'éclectisme et du charme de la liberté,
nous avons non seulement accueilli mais sollicité les œuvres de plu-
sieurs artistes voués au culte d'un faire qu'ils désignent eux-mêmes
sous le nom d'Art moderne. Vous trouverez plusieurs d'entre elles
répandues ou groupées sur divers points de nos galeries.
Pour l'agencement matériel de notre logis (comme on dit en Anjou),
nous avons pensé que, si des salles d'exposition d'objets d'art doivent
être un lieu de recueillement où se pratique une sorte de culte, cela
n'imposait pas la tristesse, et nous avons été heureux de trouver des
dispositions faites qui nous permettaient de prendre la lumière du
dehors tout en conservant le spectacle de la vie extérieure à notre
temple, que nous voulons le plus aimable et le plus attrayant possible.
M. 6. Deperrière n'a pas manqué l'occasion toute favo-
rable de parler de M. Lenepveu :
Notre association rendra hommage à la mémoire du grand fils de
l'Anjou qu'était Jules-Eugène Lenepveu .
Dans tout Angers, les âmes sont prises, les volontés sont arrêtées
pour lui élever un monument. A Paris, il y a un puissant écho,
parti des voûtes de l'Institut, et qui se répand non seulement dans
le monde artistique affligé de la perte de l'une de ses illustrations,
mais dans la pléiade de ceux des gens du monde qui savent embellir
les heures de leur existence de l'amour des Arts, et desquels notre
vénéré compatriote était connu.
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1
- iU -
Ici, sous peu, nous grouperons quelques œuvres du Maître» au
milieu de cette Exposition *
La Société demandera aa gouvernement l'autorisation
d'émettre une loterie pour doter Angers d'un Palais des Arts.
Le maire, le préfet, MM. Max Richard et Roger Ballu ont
ensuite pris la parole, et la soirée s'est terminée par un
lunch où l'on a bu à la prospérité de celle excellente œuvre.
Plusieurs matinées musicales ont été données chez les
Amis des Arts.
On y a fort applaudi deux excellents violonistes de l'or-
chestre du théâtre, MM. Lagarde et Ernaldy, le ténor, M. Tillet,
enfin M"' Bressler, la charmante et habile harpiste, qui a été
littéralement acclamée.
M. le comte de Romain, avec sa bienveillance habituelle,
tenait le piano d'accompagnement.
On y a revu aussi avec grand plaisir M"« Veillon-Dalifard,
après deux ans d'absence. M. Miron d'Aussy a fort diverti les
spectateurs avec sa spiriluelle parodie d'Homère, Guerre de
'Troie, jouée par ses ombres et récitée par l'auteur, avec
accompagnement de chœurs d'amateurs que dirigeait M. de
Romain.
La séance de clôture du Salon a eu lieu le dimanche
12 mars, ainsi que le tirage des lon^bolas.
Le dimanche 5 mars, M. Gustave Larroumel a fait, dans la
salle des Amis des Arts, une remarquable conférence sur
J.-E. Lenepveu et son œuvre. Aujourd'hui, contentons-nous
de signaler l'hommage rendu à noire grand peintre par un
critique aussi compétent.
Nous avions retardé la publication du numéro de janvier-
février dans l'espoir d'y pouvoir publier le texte de la confé-
rence de M. Larroumel. Par suite de circonslancea indépen-
dantes de noire volonté, cela nous a élé impossible et nous
ne croyons pas devoir faire attendre plus longtemps nos
abonnés. La savante causerie de M. Larroumel sera imprimée
? Cette exposition d'œuvres et d'études du maître angevin a eu
lieu du '21 février au 5 mars.
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dans la prochaîne livraison de la Revue de V Anjou, que nous
nous efforcerons de faire paraître dans le plus bref délai
possible.
*
* •
Nos grands concerts :
Le sixième concert était conduit par M. Georges Marty,
premier grand prix de Rome, professeur au .Conservatoire,
chef de chant et des concerts à l'Opéra.
« M. Marty, dit avec raison le Patriote de VOuest, dirige avec
un art incomparable ; le geste est sobre, la baguette à la fois
souple, nette et précise dans ses indications. L'exécutant se
sent soutenu, encouragé mais dompté aussi, car le maestro
ne fait aucune concession. Inutile d'essayer de presser ou de
ralenlir contre son gré. M. Marty sait ce qu'il veul, conserve
son sang-froid; l'orchestre, entre ses mains, est un instrument
docile dont i\ joue comme d'autres du piano ou du violon, >
Avec un pareil chef, l'orclïestre devait produire des merveilles,
et une parfaite exécution de la magnifique Symphonie en mi
bémol de Saiiit-Saëns a reçu du public de nos concerts un
accueil enthousiaste. Même succès pour l'ouverture de Léonore
de Beethoven et le gracieux Scherzo du Songe d*une nuit
d'été de MendelshoD, dont M. Marty a su bien faire ressortir
toutes les fines broderies et que l'orchestre, malgré les diffi-
cultés de ce morceau, a enlevé avec entrain.
Nuit d'Été de M. Marty et la Petite suite romantique,
dénotent une grande habileté de facture et la solide érudition
de l'auteur. Cependant, ces deux œuvres nous ont paru mono-
tones et n'ont pas intéressé beaucoup l'auditoire.
Madame Marly a chanté avec beaucoup d'art et un véritable
sentiment dramatique un air à'fférodiade de Massenet,
accueilli parles bravos unanimes. Puis, de sa voix chaude et
expressive, elle nous a dit en musicienne accomplie les petites
pièces de son mari intitulées Sonnet à Ophélie, Cest le vent
qui m'a fait pleurer^ Berceuse, C'est vraiment une bonne for-
tune pour un compositeur de pouvoir faire interpréter ses
œuvres par une artiste à l'intelligence musicale aussi déve-
loppée.
Le Concert était terminé par la Marche nuptiale de Men-
delshon, dont l'exécution, inférieure à celle des autres mor-
ceaux du programme, semblait, par sa lourdeur, dénoter la
fatigue de l'orchestre.
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— 156-
7»« Concert. — L'orchestre enlève tout d'abord d'une façon
remarquable la toujours si belle Ouverture d'Obéron^ puis
nous donne une audition très soignée et qui lui fait le plus
grand honneur, ainsi qu'à son chef, M. Brahy, de la Sympho-
nie en ré mineur de C. Franck.
« La symphonie de C. Franck, dit la notice analytique
« à^ AngerB-Artiste, la plus belle œuvre instrumentale due au
< pur génie initiateur de la jeune école française, s'impose à
« l'admiration par la pureté et la noblesse de son inspiration,
< sa richesse mélodique parée d'un revêtement harmonique
< merveilleux, la profondeur de sa pensée et l'idéale beauté
c du sentiment dont elle est emplie. Sa forme se distingue de
< celle de la symphonie classique proprement dite par Tem-
< ploi d'un système thématique spécial, assez semblable au
« leitmotiv de Wagner, ce qui contribue à donner à toute
< l'œuvre un caractère de continuité absolu. L'un des motifs,
< notamment, est employé dans chacune des parties, soit dans
< sa forme primitive, soit modifié ou rattaché, ce qui rattache
< chacun des morceaux par une pensée conductrice présentée
« ainsi sous ses aspects les plus multiples. x>
Nous avons cru devoir donner à nos lecteurs l'appréciation
d'un critique de premier ordre, trop bon juge en la matière
pour que nous nous permettions de discuter son opinion.
Nous avouerons toutefois que le public n'a pas compris toutes
ces beautés et a semblé trouver bien longue la symphonie de
C. Franck.
M"« Rose Stelle (qui n'est pas encore une étoile) a chanté
l'air de Sigurd t Splendeur du jour » et celui du Freyschutz.
Cette chanteuse possède une voix étendue, qui lui promel,
pour l'avenir, nous le lui souhaitons, de brillants succès.
V Adagio du Concerto pour deux violons de Bach, a été
remarquablement interprété par MM. Lemaitre et Lagarde,
qui ont été chaleureusement applaudis et ont joué Oi^i Adagio
avec une grande virtuosité et beaucoup de style. Nous ne
ferons pas l'éloge de noire premier violon solo, dont le talent
est toujours si apprécié des angevins; mais nous croyons
devoir adresser à M. Lagarde, que nous entendions pour la
première fois, nos bien sincères félicitations.
Nous osons espérer que la Société des Concerts voudra
bien quelque jour donner à ce jeune artiste l'occasion de se
produire seul et lui confier l'exécution d'une œuvre de
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r
- 157 —
quelque importance qui nous permit d'admirer plus à Taise
sa belle qualité de son et son jeu en même temps si sobre et
si expressif.
La JSuUe de ballet (danse orientale et vision) de M. Bleich-
mann,un compositeur russe, quoique non dépourvued'intérèt,
a paru monotone et n*a pas produit grande impression sur
les auditeurs; surtout dans sa première partie.
Le concert était terminé par Espana de Chabrier, enlevé
par Torchestre avec chaleur et entrain.
Dimanche 5 février, Concert extraordinaire consacré en
grande partie aux œuvres de M. Xavier Leroux, avec le
concours de W^^ Héglon, la grande cantatrice de l'Opéra.
Après la belle ouverture d'Euryante, de Weber, l'orchestre,
toujours sous Thabile direction de M. Brahy , joue une
symphonie en si mineur du compositeur russe Borodine. Cette
symphonie se compose : 1° d'un allegro original, pour la
variété des rythmes, puissamment orchestré, et d'une grande
richesse harmonique ; 2° d'un andante, à la phrase mélan-
colique, pleine de charme, très bien rendu par les flûtes,
hautbois, clarinettes et bassons.
Avec quel brio, quelle maestria, quelle justesse irré-
prochable M. Lemaitre, le distingué violon-solo de l'Associa-
tion, exécute V Introduction et le rondo capricciosot Le succès
remporté par M. Lemaitre est considérable, et des applau-
dissements frénétiques saluent, à différentes reprises, l'im-
peccable violoniste, qui semble se jouer des difficultés de
toutes sortes accumulées dans cette belle page de Saint-Saëns.
M. Leroux dirige ensuite une de ses compositions le Nil,
délicieuse mélodie qui valut à l'auteur et à ses interprèles,
Unit Héglon et M. Lemaitre, une véritable ovation.
L'exécution du Prélude de Lohengrin^ par l'orchestre, sous
la direction de M. Brahy, a été absolument parfaite.
Le Concert était terminé par une scène lyrique de
M. Leroux, Vénus et Adonis : La partition de Téminent com-
positeur est vraiment remarquable. M""* Héglon y a été
superbe et, de sa belle voix chaude et bien timbrée, surtout
dans les notes graves, a su rendre, avec un accent dra-
matique, la tendresse, la passion et la douleur de Vénus.
M°»e Ernaldy a chanté agréablement les répliques d'Adonis,
et l'orchestre a accompli des prodiges. Les chœurs, composés
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-- 438 -
des choristes du Ibéâlre el d*amateurs, se sont bien tenus,
avec cependant quelques défaillances, bien explicables si on
considère le petit nombre de répétitions consacrées à un
ouvrage aussi important. Ajoutons que M. Leroux a dirigé son
œuvre avec beaucoup d'énergie et une grande compétence.
Le programme du 8" concert ne comportait le nom d'aucune
célébrité musicale étrangère à notre ville. Il n'en a cependant
été ni moins intéressant, ni moins goûté, et le public a
applaudi à pleines mains les artistes qui lui ont été pré-
sentés.
Tout d*abord une symphonie inachevée, de Schubert, nous
séduit par le charme, l'harmonie qui s'en dégage depuis le
commencement jusqu'à la fin, tant dans Yallegro que dans
Yandante.
Puis M"« Charlotte La Perrière, avec une grâce et une
correction parfaites, exécute le concerto en ut mineur de
Mozart. Sous les doigts agiles de notre jeune compatriote,
l'œuvre du maître semble plus fraîche que jamais, et c'est
aux applaudissements unanimes de la salle que la charmante
pianiste se voit couvrir de fleurs.
c< C'est l'œuvre d'une âme géniale que la mort emporta à
l'heure où d'autres s'éveillent à peine pour la vie artistique >,
cet adagio pour instruments à cordes^ de Lekeu, à la phrase
mélodique et sentimentale, tout vibrant de jeunesse et de
conviction. Pourquoi la mort impitoyable a-t-elle fauché trop
tôt ce digne fils de l'Anjou, dont l'avenir se révélait sous
de si heureux auspices? « Toute l'œuvre est empoignante de
sen'imenl : c'est une œuvre qu'on peut rapprocher à cet égard
des plus belles de Beethoven >, et dont notre orchestre a su
rendre, par une exécution irréprochable, toute la grâce el la
délicatesse.
Une triple salve d'applaudissements accueille M"* Homer,
la contralto si sympathique de notre théâtre qui, de sa
voix expressive et bien timbrée, chante l'air du cinquième
acte du Prophète. Avec quelle «notion pénétrante, la
distinguée artiste, que Bruxelles nous ravit, nous dit : « Mon
pauvre enfant, mon bien-aimé, sois pardonné » ! La musique
de Meyerbeer n'a pas vieilli, et peu d'œuvres modernes
sont empreintes d'un charme aussi pénétrant, surtout lors-
qu'elles trouvent des interprètes tels que M"* Homer.
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— 459 — .
L'orchestre aUaque ensuite, et enlève avec brio, Tottt^er-
ture du Carnaval romain, du grand Berlioz.
M. Lagarde est un violoniste parfait. Le concerto, de Max
Bruch, el le Passaoaglia, d'Haendel, arrangé par son maître,
le professeur Thomson, sont, pour lui, l'occasion d*\in véri-
table triomphe. Pour M. Lagarde, il n'existe aucune difficulté,
et pourtant. Dieu sait si elles sont nombreuses dans ces deux
morceaux, surtout dans le dernier. Mais tout cela, pour lui,
n'est qu'un Jeu d'enfant, et à lu voir là immobile, sans une
seule contraction du corps, tous ces lours de forces, ces
arpèges, ces doubles cordes, ces accords d'octave, ces stac-
catos vous semblent simples, trop simples; on désirerait
presque le voir triompher avec plus de peine des écueils nom-
breux semés sur sa route.
Huldingungsmarsch (marche d'hommage) terminait le con-
cert. Très bruyante, cette pièce, de Wagner, nous paraît
inférieure à beaucoup de ses compositions,' inférieure aussi à
SchiUer-marsch et à la marche aux flambeaux, de Meyerbeer.
Les violons, trop peu nombreux, malgré des efforts désespé-
rés, étaient écraaés sous la puissance dea cuivres.
Le programme du neuvième concert était très varié et très
intéressant. 11 a d'un bout à l'autre. été dirigé par M. Vincent
d'Indy, qui avait bien voulu honorer la Société artistique
d'Angers de sa savante collaboration. Avec lui était venu
M. Enge),qui fut un des chanteurs les plus accomplis, un des
plus beaux ténors de notre époque. C'est en musicien que ce
dernier a dit la Procession de C. Franck, le Clair de Lune de
Fauré, un Madrigal dans le style ancien de d'Indy et une mélo-
die de Ch. Desbordes, Dansons la Gigue, Malgré la faiblesse
d*un organe fatigué, M. Engel a obtenu un succès mérité.
L'orchestre, sous la baguette d'un maître comme M. Vincent
d'Indy, devait accomplir et a accompli des prodiges. L'exé-
cution de Namotmay suite d'orchestre de Lalo, composée
A'nsx prélude (andante)et Ae Parades de foire et fêles foraines
et celle de la Musique en concert pour les soupers du roi de
M. R. de Lalande ont prouvé toutes les ressources dont il est
capable.
Le Camp de Wallenstein et le Prélude du /" acte de Fervaal,
le premier surtout, a été pour M. d'Indy l'occasion d'un véri-
table triomphe.
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. — 160 —
Mais le bouquet du concert ce fut sans contredit TéxécutioD
de la Symphonie pastoralCf dont le public, malgré sa lon-
gueur, a écouté avec un respectueux silence et une attention
soutenue les admirables développements. On ne peut rêver
rien de plus mélodieux, de plus suave que ce poème si frais
sorti de l'inspiralion de Beetlioven, qui restera longtemps le
roi des musiciens.
Aujourd'hui dimanche, 13» mars, élait donné le dixième
concert, le dernier de l'abonnement.
C'était ce qu'on est convenu d'appeler un concert ordinaire.
Pas de nom de sommité artistique en tète de l'affiche : notre
orchestre était livré à ses propres ressources. Eh bieni à
notre avis, cette matinée a peut-être été la meilleure et la
plus intéressante de la saison.
Le programme était varié, composé d'oeuvres de valeur :
VOuverture du Carnaval romain^ de Berlioz; la Symphonie
en ré mineur^de Schumann ; YOuverture de Faust^ de Wagner;
la Danse macabre, de Saint-Saëns; un Air de ballet d'Orphée,
de Gluck; un Aria, de Bach; les Erynnies, de Massenet.
Notre orchestre s'est surpassé ; tout a été absolument
parfait. Les solistes : MM. Lemaitre^ Reuland, Ënglebert,
Schreurs, etc., ont joué dans la perfection. Quant à M. Brahy»
il a plus que jamais affirmé son autorité, sa science musicale.
Nous l'avons dit et nous ne saurions trop le répéter, notre
chef d'orchestre a le sentiment artistique développé au plus
haut degré; c'est un convaincu doublé d'un savant, et le
talent avec lequel il dirige, de mémoire et sans partition, les
œuvres les plus difficiles et les plus diverses, la façon per-
sonnelle avec laquelle il interprète les auteurs anciens et
modernes le feront bientôt classer en bonne place à côté des
Pasdeloup, des Lamoureux, des Colonne et des Gehin.
Notre théâtre, sous la direction de M. Breton, a continué
le cours de ses succès et, entre autres, les représentations
nombreuses de Samson et Dalila, de Princesse d'Auberge, de
l'Africaine, de Lohengrin, etc., lui font le plus grand hon-
neur.
Reconnaissant les services rendus et désireux d'encourager
les efforts de la Société du Théâtre et des Concerts, le Conseil
municipal d'Angers vient d'augmenter de 15,000 francs, pour
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— 161 —
1% prochaine saison, la subvention accordée précédemment
parla ville. Nous ne saurions trop le féliciter de celte décision.
Nécrologie :
Aux obsèques de M. Paul Corroy, vétérinaire principal ins-
pecteur en retraite, accompagnées d'un grand nombre d'offi-
ciers, M. Foucbé, vétérinaire principal en retraite, a prononcé
Féloge du défunt, en donnant sa biographie qui doit trouver
place ici :
Paul-Ludovic Corroy, né à Angers le 26 mars 1835, de Charles-
Ambroise Corroy et de Marie-Stéphanie Delestre, se fait recevoir à
recelé d'Alfort le l*** octobre 1852, et quatre ans après, le 13 août 1856,
diplômé vétérinaire, il s'établit dans son pays ; mais le 25 avril 1860,
après un stage d'une année à Saumur, il est nommé aide- vétérinaire
au 2e hussards.
Détaché de son régiment du 11 février 1864 au 12 avril 1867, il fait
la campagne du Mexique, où il obtient le grade de vétérinaire en 2>
et la croix de chevalier de G uadaloupe, qu'il reçoit des propres mains
de l'empereur Maximilien.
Pendant cette campagne lointaine, un de ses camarades devenu
depuis général commandant de corps d'armée, remarqua l'indomp-
table énergie de ce jeune vétérinaire plein d'entrain, trouvant tou-
jours le temps de prodiguer ses soins aux malades et le moyen d'être
des premiers à cheval quand il y avait des coups de sabre à donner,
le général baron Berge n'oublia pas Corroy, et plus tard il fit récom-
penser ses services éminents par la croix d'offîcier de la Légion
d'honneur.
Rentré en France le 12 avril 1867, Corroy s'aperçoit bien vite que
la vie de garnison ne peut convenir à son infatigable activité ; il va
en Algérie le 15 mai 1869 et, pendant quatre ans, il parcourt dans tou£f
les sens ce pays nouveau pour lui, y fait d'intéressantes recberchetf
scientifiques et des travaux techniques remarquables.
Le 7 août 1873, la Cochincbine demande un vétérinaire actif, intel-
ligent, instruit, organisateur ; on choisit Corroy, et là-bas, pendant
dix ans, malgré le climat meurtrier de ces régions tropicales, il se
montre à la hauteur de ses multiples et difficiles fonctions.
Mis à la tête des Haras de Cochinchine, il les dirige avec une intel-
ligence remarquable et, chargé à diverses reprises d'aller dans le
nord de la Chine, en Mandchourie, au Japon, ainsi qu'aux Philip-
pines pour y faire l'acquisition d'un grand nombre de chevaux et de
mulets, il acquiert des connaissances hippiques considérables en
comparant dans son existance militaire les races équestres de toutes
les parties du monde.
11
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—.162
En 1877, il dirige à Saïgon la ferme expérimentale des Mares et y
organise un jardin botanique^ véritable jardin d'acclimatation, où il
rassemble et cultive les essences végétales des pays les plus éloignés,
les plus variés, les plus disparates, démontrant ainsi la possibilité
d'exploiter et d'utiliser sous les tropiques une foule de plantes alimen-
taires ou industrielles nécessaires aux Européens, et par là même
susceptibles de donner un grand essor à l'agriculture, au commerce
et à l'industrie de notre colonie.
La Société française d'acclimatation s'adresse souvent à Corroy
pour se procurer des plantes exotiques qui, aujourd'hui, sont culti-
vées en grand dans nos pays et y font l'objet d'importantes transac-
tions commerciales.
La Société d'acclimatation récompense Corroy de ses services en
lui accordant une médaille d'argent de première classe.
L'Académie internationale de géographie botanique, voulant bien
montrer, bien établir la valeur scientifique des travaux de Cîorroy,
lui décerne les insignes de la Compagnie, la précieuse et rare médaille
d'or au ruban vert.
Corroy, promu vétérinaire en premier le 6 juin 1875, reste en
Cochinchine attaché à l'artillerie de marine. De retour en France
dans le courant de l'année 1882, il sert successivement au 5« d'artil-
lerie et au l®*" hussards. Le 30 novembre 1888, il est placé à la tête
du 8« ressort vétérinaire avec le grade de vétérinaire principal ins-
pecteur, dont il exerce les fonctions pendant trois ans et arrive ainsi
à sa retraite le 10 avril 1891, après 36 ans de services effectifs et 30
campagnes.
Et quelles campagnes j Toujours sous les plus meurtriers climats.
Dans ces régions tropicales si dangereuses pour l'Européen ; dans
ces terres chaudes du Mexique, où tant de Français dorment leur der-
nier sommeil ; dans ce Sahara, où la mort est toujours menaçante ;
dans ce désert dont les sables ont si souvent été arrosés du sang géné-
reux de nos compatriotes.
M. Fouché a terminé son discours par cet éloge :
Corroy, sous des dehors un peu froids, possédait un cœur géné-
reux, une nature d'élite, vibrante, fine et délicate .
Son caractère ferme et tenace s'alliait à une grande douceur, à
une inaltérable bienveillance, et tous ses subordonnés ont su appré-
cier sa bonté d'âme, son esprit charitable, sa complaisance, son
absolu désintéressement et son désir d'être utile ; tous sont restés
ses amis reconnaissants.
Corroy, digne fils de l'Anjou, fut un vétérinaire distingué, un ser-
viteur dévoué de sa patrie, un bon Français, un soldat courageux,
et il combattit vaillamment pour le drapeau.
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— 163 —
Nous avons le regret d'apprendre à nos lectears la mort
de M. Emile Chevalier, banquier à Montreuil-Bellay, enlevé,
dans sa 37^ année, à Taffection de sa famille et de ses nom-
breux amis.
M. Chevalier était un esprit délicat, un lettré, un ami de la
Eevtie de V Anjou ^ à laquelle il avait bien voulu donner
plusieurs travaux intéressants : Alphonse Toussenelj Charles
DovatUy sa vie et son œuvre. Annaliste de ses concitoyens
distingués, il fut le président du Comité auquel Monlreuil
doit le monument élevé à la mémoire de ses enfants :
Alphonse Toussenel, Charles Dovalle, René Moreau, Pierre
Duret. Il voulut bien aussi publier dans notre recueil la
relation des fêtes qui eurent lieu, le 14 août, à cette occasion,
compte rendu où il rendit justice à tous, excepté à lui-même,
qui en avait été vraiment le promoteur et aussi Torganisa-
teur.
Les obsèques de notre regretté collaborateur ont eu lieu
au milieu d'un grand concours de notabilités et d'amis qui
avaient tenu à rendre hommage à l'homme de bien et à l'éru-
dit, en même temps qu'à apporter à S9 veuve et à sa famille
désolées leurs sympathiques et respectueuses condoléances.
Le char funèbre était orné de couronnes offertes par sa
famille, par le Conseil municipal de Montreuil et la musique
municipale de cette ville, qui a exécuté plusieurs morceaux
funèbres.
L'inhumation eut lieu au cimetière du Puy-Notre-Dame,
où un discours fut prononcé par M. Lucas, adjoint au maire
de Montreuil.
• •
On annonce la mort de M. BeautempsBeaupré (Charles-
Jean), magistrat français, ancien vice-président du tribunal
de la Seine, né à Saint-Pierre de Terre-Neuve en 1823, qui a
laissé un grand nombre d'ouvrages estimés et à qui nous
devons, notamment, un ouvrage d'un intérêt de premier
ordre, spécialement pour notre région, les Coutumes et insti-
tutions de V Anjou et du Maine antérieures au XVI^ siècle,
textes et documents avec notes et dissertations (Paris, 1883),
4 vol. in-8^, travail complété, ces temps derniers, par les
Institution» judiciaires de l'Anjou et du Maine (Paris, 3 vol.
in-S"" de texte et 1 vol. de documents, contenant 227 pièces
inédites empruntées surtout aux Archives nationales). Ces
11.
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- 164 —
deux grands ouvrages, terminés par des tables détaillées,
pour répondre à toutes recherches» ont obtenu l'un et Tautre,
à l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, le premier
prix au concours des Antiquités Nationales; c'est dire en
quelle estime il faut les tenir, et nous ne pouvons faire un
plus bel éloge des services que M. Beau temps- Beaupré a
rendus à l'érudition française, spécialement aux Angevins K
M. le général de Rocbebouët, conseiller général de Maine-et-
Loire, vient de mourir à Paris dans sa SI"" année. M. le comte
de Blois, le distingué sénateur de Maine-et-Loire, a accepté de
faire revivre sous les yeux des lecteurs de la JRevue de F Anjou
cette belle figure. Nous l'en remercions bien sincèrement.
Nous avons le regret d'enregistrer la mort de M. le D' Ber-
nard, maire du Lion-d'Angers, beau-père de M. Chaumet,
avocat, et de M. R^né Lelong, avoué à la Cour d'appel et
maire des Rairies.
M. le D' Bernard, dit le Journal de Maine-et-Loire, emporte avec
lui la reconnaissance de tous ses cpncitoyens.
Par pur dévouement il accepta, à plusieurs reprises, les fonctions
de maire du Lion d'Angers, dérobant ainsi de'précieux instants à ses
malades.
En 1870, son cœur de sincère patriote saigna en voyant nos revers.
N'écoutant que les cris de la patrie éplorée et ses généreux senti-
ments, il abandonna une charmante famille, dont il était le père
adoré/ une situation acquise, dès malades que, chaque jour, il
entourait de sa sollicitude. Bien que son âge ne Ty obligeât pas, il
offrit son concours le plus désintéressé au comité de nos ambulances
départementales. Assisté de M. ie D' H. Godard, de Tigné, et d'un
jeune étudiant, devenu depuis le savant docteur Maisonneuve, il fut
à titre de chef d'ambulance, attaché au 5e bataillon des mobiles de
Maine-et-Loire, commandé par le commandant Christian de Bernard.
On le vit alors, entouré de ses dignes auxiliaires, devenir la provi-
dence de ce bataillon. Les services qu'il rendit aux enfants de
l'Anjou et à tous les soldats souffinnts qui venaient, pendant les
* M. G. d'Espinay a consacré une très consciencieuse étude aux
Institutions judiciaires de M. Beautemps- Beaupré dans le dernier
volume (tome XI, 1897, pp. l à 89) des Mémoires de la Société natio-
nale d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers,
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- 16S -
heures d'arrêt, solliciter ses soins, sont innombrables. Comme il
accueillait avec bonté et empressement ses jeunes compatriotes,
quand, après un dur service, de rudes fatigues (et elles furent
nombreuses dans les neiges de l'Est), ils allaient demander un
soulagement à un mal naissant ! Combien d'affections graves furent
conjurées, grâce à lui. Combien d'hommes aujourd'hui lui doivent
vie et santé !
Si les services rendus par M. le D' Bernard n'étaient pas de ceux
qu'aucune distinction honorifique ne saurait récompenser, la croix
des braves aurait dû briller sur sa poitrine.
M. le Dr Bernard était avant tout l'homme de devoir. Le lende-
main» il oubliait le bienfait accompli par lui la veille. La guerre
terminée, il rentra près des siens et de ses malades, ne sollicita pas
la croix et, comme probablement personne ne la sollicita pour lui,
il ne fut pas décoré.
Heureusement, la reconnaissance est une plante vive qui, souvent,
s'exalte en vieillissant. Elle est là aujourd'hui pour rendre un pieux
et suprême hommage au passé de M. le D^ Bernard et pour prier
Dieu qu'il récompense la vie de sacrifice qui fut ]a sienne.
A ses obsèques qui eurent lieu le 24 février, MM. le
D' Gripat, Gauvin et de Montergon se firent les interprètes de
tous en faisant l'éloge de cet homme de bien.
A. Z.
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- 166 -
A travers les Livres et les Revues
Il faut donc, cette année encore, recommencer ma coarse à
travers les livres et les revues, avec la conviction intime d'en-
nuyer ceux qui ont le grand courage de me suivre ! Si, pour
atténuer Teffet des pavots que Je sème -— J'en suis bien sûr
— à pleines mains sur ma route, J'avais du moins la res-
source de parler, nejût-cequ'à mots couverts, du « com-
plot >, de < l'affaire >, de ces grandes questions qui pas-
sionnent et divisent les intellectuels eux-mêmes et les
membres des mêmes ligues, je pourrais peut-être tirer mes
lecteurs du sommeil profond que ma littérature a le don de
provoquer. Hais non. Le règlement auquel les revues
savantes sont soumises n'est guère moins draconien que
celui auquel obéissent les sociétés improprement dites de
tempérance : la politique et la religion sont rigoureusement
bannies de nos discussions. — Puisqu'il en est ainsi, non plus
que par le passé, Je me contenterai de signaler sèchement,
sans m'écarter ni à gauche ni à droite, les livres, les bro-
chures, les articles qu'on voudra bien adresser au directeur
de la Bévue de V Anjou,
Voici tout d'abord, dans une élégante brochure, une notice
sur la vie, les reliques et le culte de Saini Marcoul, abbé de
Nanteuil, par M. l'abbé Gautier, vicaire à Notre-Dame d'An-
gers *.
Le but que se propose l'auteur est surtout d'attirer l'atten-
tion de ses compatriotes sur le culte dont l'abbé de Nanteuil
était entouré, avant la Révolution, dans l'ancienne paroisse
de Saint-Michel-du-Terlre et sur la relique de saint Marcoul
que possède aujourd'hui l'église Notre-Dame, à Angers. Son
* Angers, Germain et G. Grassin, 1899 ; broch. in-12 de 78 pages.
Prix : 50 centimes .
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— 167 —
ambition sera satisfaite; car son travail est d'une lecture facile
et agréable.
M. Tabbé Gautier me permettrait-il de lui signaler un détail,
un simple détail, qu'il pourra utiliser dans une seconde édi-
tion. Déjà au XI* siècle, Angers possédait des reliques de
saint Marconi. Je crois même qu'une partie de la dépouille
mortelle du saint abbé de Nanteuil aurait été envoyée dans
notre ville avec le corps de saint Laud, évèque de Coutances.
Une portion importante de ce précieux trésor serait restée à
la chapelle des comtes d'Anjou, puis, de là, aurait été trans-
portée en l'église Saint-Laud ; l'autre aurait été confiée à la
garde des moines de Saint-Aubin ^ En effet, de 1027 à 1036,
quand on fit l'inventaire des reliques conservées à l'abbaye,
on trouva deux châsses, avec ces inscriptions : sur la pre-
mière : Hic 8unt corpara sanctorum Lauthonis, Rumpharii et
Coronarii^ de page Constantino. — Factum X kalendas octo-
bres^ in festo scilicet sanctiLauthonis; — sur la seconde : Hic
iunt corpora sanctorum Marculfl, Carulli, — Ce saint LauthOy
Lauto ou Laudus, c'est saint Laud, dont la fête se célèbre le
22 septembre.
Quoi qu'il en soit, le travail de M. l'abbé Gautier fera con-
naître et aimer davantage le saint confesseur auquel les parois-
siens de Notre-Dame d'Angers élèveront un autel, dans leur
nouvelle église. . . quand elle sera terminée.
Après l'histoire, la poésie :
M. Quélin, qui fut d'abord boulanger, — tout comme Rebôul,
à Nîmes, — avant de devenir directeur de l'Observatoire mu-
nicipal d'Angers, a réuni dans un volume < les moins mau-
vaises de ses poésies >> comme il dit lui-même, avec cette
modestie qui sied si bien au mérite. Le poète astronome
a eu raison de donner à son livre un grand et noble titre :
Aspirations; car il contient de réels élans et de belles envo-
lées. Mais, comme le remarque la Bévue Angevine, « M. Qué-
* Sur ce double fait, qui n'a pas encore été suffisamment mis en
lumière, cf. Cartulaire de V abbaye de Saint- Aubin, ^\xh\\é parle
comte B. de Broussillon, t. II, p-. 5 ; Péan de la Tuillerie, Descrip-
tion de la ville d'Angers, édition C. Port, p. 223 et :?24. — Jusqu'à
la Révolution, les relia ues de saint Marcoul furent entourées d un
culte public, dans Téglise de Saint-Laud. Aujourd'hui encore, l'église
de Tancoigné honore comme un de ses patrons le saint abbe de
Nanteuil .
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- 168 -
lin est un peu trop classique; on pourrait lui demander une
plus grande variété d'expressions, plus d'adresse dans
Tagencement et le maniement des mots et des rimes, un plus
vîf souci de la forme ».
Tous ceux qui se sont occupés de Thistoire de l'abbaye de
Fonte vrault savent que les filles de Louis XV y furent élevées ;
et M. C. Port a donné jadis, à la Revue, un savant article
sur les Enfants de France à FontevrauU *. Presque en même
temps, deux publications pleines d'intérêt sur ces illustres
pensionnaires viennent de paraître. L'une, due à la plume de
M, Léon de la Brière — qui, comme sous-préfet de Baugé, a
laissé de si excellents souvenirs dans notre région, — est
un gros volume tout entier consacré à Madame Louise de
France*. Le travail de M. L. de la Brière jette une vive
lumière sur la cour de Louis XV et plus particulièrement sur
la vie de la pieuse princesse carmélite, dont la cause a été
introduite à Rome.
L'autre est une note du R. P. Henri Chérot, de la Compagnie
de Jésus, dans l'excellent Bulletin du Bibliophile^ y qui complète
de la manière la plus curieuse ce beau livre, en donnant des
lettres inédites et fort originales, sur le séjour des Filles
de Louis XV à FontevrauU. On y a même joint un dessin de
l'abbaye signé : c Louise fecit i7i6 >*: c'est le seul dessin
connu et le plus ancien autographe de M"* Louise, qui n'avait
alors pas plus de 9 ans; ce n'est pas d'ailleurs un chef-
d'œuvre, il est superflu de le dire !
Le Journal des Débats a publié récemment un important
article de M, le comte H. de Castries sur le Sahara français.
Après avoir rappelé le mot de lord Salisbury en 1890, « le
coq gaulois trouvera où gratter dans le sable saharien ; nous
le lui avons compté sans mesure », M. le comte de Castries
nous montre à quel point étaient malheureusement justifiées
les ironiques prédictions du ministre anglais. Depuis qua-
rante années, la situation de la France ne s'est pas améliorée
» Revue de V Anjou, 1868, t. II, p. 67.
■ Paris, V. Retaux, in-8o de 403 pages.
' Librairie Téchener (H. Leclerc et Comuau), 219, rue Saînt-
Honoré.
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^^^r^^^'-^'i-r
- 169 —
au Soudan, malgré les efforts tentés en tous sens : explora-
tions, création de troupes spéciales et de postes dans le
désert, essais de construction de chemins de fer, négocia-
tions, etc.
Le Sahara français penchant vers l'Ouest, ce n'est pas vers
Ghadamès et Ohât, c'est sur le Touàt que nous devons
aujourd'hui concentrer nos efforts, en nous installant à In-
Salah et en poussant le chemin de fer du Sud Oranais au-delà
de Djeneïenn-Bou-Rezg. -— Telle est la conclusion de l'article
très documenté de M. le comte de Castries, dont la compé-
tence dans les questions afk*icaines est depuis longtemps
indiscutée.
Une revue de Lisbonne, bien connue en Europe, Bevisla
Portugueza Colonial e MarUima^ contient dans son numéro
du 20 Janvier dernier un fort intéressant article de M. Joseph
Joûbert.
En cas de conflit entre la France et TAnglerre, M. Joûbert
se demande quel serait l'intérêt du Portugal ; et il répond :
c Son intérêt bien entendu, si nous laissons de côté toute
considération sentimentale tirée de la communauté des races
latines, semble devoir le porter à aider la France à sortir vic-
toiieuse de ce duel redoutable entre les deux puissances
occidentales, qu'il parait difficile d'écarter dans un avenir
plus ou moins proche, et dont l'Afrique sera sans doute prin-
cipalement le théâtre et l'enjeu.
c Qui sait si la Lusitanie ne sera pas alors l'arbitre des des-
tinées de l'Afrique et si, en Jetant sa noble et vaillante épée
dans un des plateaux de la balance^ elle ne fera pas pencher
la victoire du côté de Tune ou de l'autre puissance? Les
hommes d'État éminents, investis de la confiance de la cou-
ronne à Lisbonne, sauront, nul n'en doute en Europe, puiser
alors dans leur patriotisme Intelligent et élevé leurs meil-
leures inspirations pour l'orientation de la politique exté-
rieure de la Monarchie, au Jour de cette lutte suprême où se
Jouera par contre-coup rexistence même de l'empire d'outre-
mer du Portugal 1 >
Dans la Gazette de France du 29 Janvier, M. Edmond Biré
a consacré une très remarquable Causerie littéraire au bel
ouvrage de M. l'abbé Bourgain, L'Église d'Angers pendant la
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"^
— 170 —
RévoluHon. M. Biré conclut ainsi : < ... II y a là de tels
enseignements, de si précieuses et si dramatiques leçons,
qu'on nous permettra de consacrer au beau livre de M. Bour-
gain un second et dernier article. »
M. l'abbé Deniau a donné, dans la Revue des Facultés catho-
liques de VOuest [numéro de décembre 1898), un récit détaillé
de la fameuse bataille de TorfoUj 19 septembre 1793, Cet
article est « extrait de Y Histoire de la Vendée^ deuxième édi-
tion préparée par M. Tabbé Deniau, curé du Voide, complétée
et achevée par M. l'abbé Deniau, curé de Saint-Macaire-en-
Mauges, sous la direction de Dom Chamard, prieur de l'ab-
baye de Ligugé >. — Espérons que l'ouvrage ne tardera pas à
paraître.
Dans le même fascicule, M. l'abbé J. Moreau, supérieur du
Petit-Séminaire de Beaupréau, a tracé le curieux portrait
d'un instituteur chrétien y Jean-Baptiste Dreux, plus connu
sous le nom de M. Johannès, né en 1771 à Bouconvillers, dans
l'Oise, qui vint s'établir vers 1809 à Villedieu, où il établit
une école, construisit une église et fonda une paroisse.
M. H. Baguenier-Desormeaux poursuit avec un zèle infati-
gable ses recherches sur la Vendée angevine. Dans le fasci-
cule qui contient les deux articles dont je viens de parler, il
étudie les suspects.
M. l'abbé Uzureau, dans le numéro de février 1899, publie
le compte rendu des dernières rentrées publiques de notre
ancienne Université, de 1774 à 1789. C'est une contribution
importante à l'histoire de l'Université d'Angers.
A signaler aussi :
Dans^les Archives médicales d' Angers ^ une notice de M. le
D' Gripat sur le D^ Laboulbène^ professeur à la Faculté de
Médecine de Paris, enterré, le 9 décembre 1898, à Saint-Denis-
d'Anjou (numéro du 20 Janvier) ; et la première partie d'une
étude de M. Germain, proviseur du Lycée d'Angers, sur les
peintures murakè de la chapelle Sainte-Marie, à l'Hôtel-DIeU
(numéro du 20 février). -— Je ne veux pas résumer cette déli-
cate critique, qui mérite d'être lue tout entière, d*autaDt
mieux qu'elle est sobre et courte; je préfère en détacher
quelques lignes, — celles où l'auteur insiste avec raison sur
l'harmonie qui doit exister entre la décoration d'un édifice et
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-J
M^
— 171 -
les lignes architecturales. Les Angevins qui ont peint les
fresques de Sainte-Marie c ont pris soin, dit M. Germain, de
subordonner leur œuvre à celle de rarchitecle. Ce mérite
n'est pas si commun qu'il doive passer inaperçu. On ne trouve
pas tous les jours des décorateurs qui résistent à la tentation
de faire, comme on dit, c des trous dans les murailles », ou du
moins de nous en donner Tiliusion, de substituer au c plein »
qu'exige Tharmonie de l'édi&ce et sa solidité un c vide » qui,
pour être simulé, n'en est pas moins pour déconcerter les
yeux et inquiéter l'esprit >. Cette observation est très juste,
mais malheureusement trop oubliée : aujourd'hui, la plupart
des artistes auxquels on demande de faire de la peinture
décorative se contentent purement et simplement de faire des
tableaux. Et les peintres- verriers !. . . Mais n'en disons rien ;
car c'est un compte rendu que l'on me demande et non de la
critique artistique.
Dans la Revue de VArt chrétien (1898, 6* livraison), sous
le titre A'Épaves, une description, par M. L. de Farcy, du
cor d'ivoire de la cathédrale d'Angers, conservé au musée
archéologique de notre ville, et deux notices importantes,
l'une sur la crosse d'ivoire, trouvée le 17 juin 1896, dans le
tombeau de l'évoque Ulger, l'autre sur la crosse en os, décou-
verte le 10 septembre 1898, dans le caveau de l'évéque
Hardouin de Bueil. Trois gravures et une planche en couleur,
où sont reproduites les deux crosses, accompagnent ces
pages, sur lesquelles j'appelle tout particulièrement l'atten-
tion des archéologues.
Dans \h Bévue Poitevine et Saumuroise (numéro de janvier),
un article nécrologique sur notre collaborateur. M, Emile
Chevalier^ de Monlreuil-Bellay ; une note dé M. 0. de Chavi-
gny sur les Oratoriens et le trésor des Ardilliers; la relation
du passage du Duc d'Angouléme à Saumur, en 1814, par
M. C. Leroux-Cesbron.
Dans la Revue Angevine, un compte rendu très littéraire du
dernier roman de M. René Bazin, la Terre qui meurt, par
M. Léon Philouze (numéro du 1" février), et une intéressante
causerie de M. C. Leroux-Cesbron sur la fressure (numéro du
15 février) Composée de viande et de sang de porc, d'eau, de
pain, — beaucoup de pain, — d'oignon, de persil, de condi-
ments, la fressure doit cuire, vingt heures durant, dans un
énorme chaudron : c'est le mets national des Choletais ;
comme qui dirait leur bouillabaisse!
'm
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— 172 —
A lire encore :
Dans Angers Artiste, du 14 janvier, le récit d'une visite
faite par M. A. Planchenault à la tour Saint Aubin. Notre dis-
tingué collaborateur, en demandant la restauration de la
vieille tour, plaide une cause que nous avons défendue plus
d'une fois, à la Revue de r Anjou, non pas avec la même compé-
tence, mais avec le même succès.
Dans la Revue historique et archéologique du Maine (pre*
mier semestre 1899) et dans la Province du Maine (février
1899), une polémique savante et courtoise — ce qui n'arrive
pas toujours — au sujet dHmages n^ses qui représenteraient,
paraît-il, saint Julien, évèque du Mans.
Dans la Revue du Bas-Poitou^ la mort de d'Eibée à Noir-
moutier^ janvier 1794, par M. le marquis d'Eibée. L'article,
tiré à part, forme une brochure de 36 pages *.
La querelle, à propos de légendaires et de documentaires *j
semble s'envenimer. On commence à s'adresser des mots
aigres-doux'. J'aime à croire qu'on ne glissera pas davantage
sur cette pente dangereuse.
En terminant cette chronique, j'ai le grand plaisir d'annon-
cer que le premier fascicule du Dictionnaire historique, topo-
graphique et biographique de la Mayenne, par M. l'abbé Angot,
vient d'être distribué aux souscripteurs. S'il faut juger de
Touvrage tout entier par ces cent vingt-huit pages, le Diction--
naire de M. l'abbé Angot figurera en très bonne place parmi
les meilleurs travaux d'érudition. J'aurai d'ailleurs, plus d'une
fois, l'occasion d'en reparler. Ch. U.
* Vannes, Lafolye, 1898 ; prix fort 2 fr., net 1 fr. 60.
» Mercure Poitevin, janvier 1899, p. 13 ; février 1899, p. 100.
^ La Vendée angevine, n^ 51 et 52.
Le THrecteur-Gérant : G. GRASSIN.
An«en, Imp. Oennain et G. GraasiQ* — 527-99.
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Le Général de Rochebouët
Le général de Rochebouët, qui vient de disparaître,
après avoir fourni une longue et belle carrière militaire,
était né à Angers, le 16 mars 1813, d'une famille noble et
ancienne qui, par ses services et sa bienfaisance, a marqué
sa place dans les annales de notre province.
Entré à TÉcole polytechnique à 19 ans, il débuta
en Afrique, près du duc d'Aumale, qui lui témoigna tou-
jours la plus affectueuse estime. Capitaine en 1845, il fit
partie du corps expéditionnaire envoyé à Rome en 1849,
pour y faire respecter la souveraineté temporelle du Pape
et, à la fin des travaux d'investissement de la ville, fut
désigné pour ouvrir la brèche. Blessé en exécutant cette
opération dont RafTet a fixé le souvenir dans une toile du
musée de Chantilly, le capitaine de Rochebouët fut mis à
Tordre du jour de l'armée pour sa bravoure et son sang-
froid.
Il était déjà Thomme ponctuel et soigneux que nous
avons connu, et le trait suivant, que je tiens de Tun de ses
camarades, n'étonnera pas ceux qui, plus tard, ont pu
admirer le régiment à cheval de Tartillerie de la garde et
son brillant colonel.
Ramenant sa batterie de Marseille à Paris, pour défiler
devant le Prince-Président et l'Assemblée, le capitaine
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1
- 174 -
trouva moyen, pendant les temps d'arrêt de ce long voyage,
de faire habiller ses hommes à neuf et repeindre tous les
affûts de ses pièces et leurs caissons, si bien qu'en voyant
passer, auprès de batteries dont le matériel avait souffert
du sièg# #t du voyage, des canons qui semblaient sortir de
Tarsenal, le Président s'écria : « Mais cette batterie n'a pas
fait campagne! » Et, comme on lui donnait la clef de
l'énigme, il se fit présenter le commandant et ne l'oublia
pas, pas plus que les officiers qui ont servi sous les ordres
du général de Rochebouët n'ont oublié sa bonté, son obli-
geance et cette faculté précieuse pour un chef de discerner
le vrai mérite et de le faire valoir.
G'e^t à elle que Tarmée doit la ipise Qn lundière de trois
bommei émioeats qui ont été aou$ ses ordrea directs : les
généraux Berge, Miribel et Jamont.
Chef d'état-m^or de l'artillerie du corps d'armée de
débarquement de 1« Baltique, le lieutewant-eoloAel de
Roobebouët se distingua à Bomaraund, pui9 fut placé à la
tête du régiment d'artillerie de la Garde doM il fit, par son
habile directiont uA eorps absolument hors ligue.
Ce fut à aa tête qu'il partit pour 1$ campagne d'Italie, Il
le quitta avec autant d'étonnemeni que de regret» lorsque,
le soir de le bataille de Solférino, le maréchal Vaillant lui
«nuonça que l'Empereur l'avait déïigné pour remplacer le
général Auger, tué dana la journée.
Il racontait aa surprise avec beaucoup d'humour et ajou-
tait que, le major général de l'armée ayaut voulu lui impo-
ser l'aide de camp du défunt, qui n'avait pas la réputation
d'être un aigle : * Est-ce un ordre, demanda le colonel, ou
l'expression d'un simple désir? --' Un simple désir, *—
Alors, monaieur le Maréchal, vous me permettrez d'en
choisir un autre, car je n'ai paa assea d'esprit pour deux; »
et il choisit le baron Berge, qu'il conserva pendant vingt
«na Qomme aide de camp.
En 1867, le général fut promu diviaionnaîre, et c'est
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- 178 -
comme inspecteur des places fortes de l'Est que le surprit
la guerre de 1870. Ayant signalé au Ministre de la Guerre,
en revenant de sa tournée d'inspection, le triste état des
fortifications de Strasbourg, il eut, à cette occasion, une
violente altercation avec le maréchal Lebœuf.
Commandant Tartillerie du S'' corps, il fut placé sous les
ordres du maréchal Bazaine, dans les glorieuses, mais
infructueuses journées des 14, 16 et 18 août. Que de fois, bien
avant qu'un historien militaire' eût définitivement fixé les
responsabilités dans une œuvre qui restera comme le plus
beau monument élevé à Tarmée du Rhin, le général de
Rochebouët nous a confié ses efforts désespérés pour arra-
cher un ordre à Tapathie coupable de Bazaine.
Dans la terrible journée où se décida le sort de Tarmée
de Metz et, on peut le dire, la destinée de la France, il tût
suffi au maréchal d'écouter les supplications du common-
dant de l'artillerie et de lancer sur la gauche allemande, à
bout de forces, la garde impériale et la réserve d'artillerie
— troupes toutes fraîches — pour que Tarmée prussienne,
comme la écrit le colonel Rousset, eût, elle aussi, son
Rosbach !
Enfermé dans Metz, il vit fondre lentement, sous le coup
des privations et de la maladie, cette admirable armée à
laquelle, avant nous, nos adversaires ont rendu une écla-
tante justice. Il partagea ensuite sa captivité et revint en
France pour entrer au Comité d'artillerie et être placé, en
1874, à la tête du 18* corps d'armée, à Bordeaux *.
Appelé le 14 novembre 1877, par le maréchal de A!ac-
Mabon, à la tête d'un ministère dont on s'est plu à faire un
ministère de combat, alors qu'il avait la prétention de
n'être qu'un ministère d'aflaires, il fut renversé, dix jouis
* Le colonel Rousset.
* Le général de Rochebouët avait été élevé, en 1871, à la dignité
de grand-officier de la Légion d'Honneur.
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— 176 —
plus tard, par la coalition de toutes les gauches, au
moment même de sa constitution définitive.
Quand on songe, d'une part, à la légende qui s*est faite
autour de la formation de ce ministère et qu'on se reporte,
de Tautre, à ses déclarations, on comprend que les modé-
rés qui l'ont renversé prennent aujourd'hui le ciel à
témoin de leur aberration et de leur repentir.
Ce ministère, en effet, étranger aux conflits qui avaient
amené la chute du duc de Broglie, composé d'hommes
indépendants vis-à-vis des partis et résolus à faire respec^
ter la Constitution républicaine — ce sont les termes
mêmes de leur déclaration — sans autre préoccupation
que d'assurer à la France Vordre et la paix, aurait dû
plutôt rassurer les esprits modérés qui ne pouvaient se
faire illusion sur la pente fatale où le parti républicain était
engagé par Gambetta.
Mais le spectre du coup d'État les hantait. Ils voulurent
voir, dans le soldat correct que le maréchal venait d'appeler
au pouvoir, comme un émule de Saint-Arnaud, et ils le
renversèrent sous prétexte qu'il représentait le pouvoir per-
sonnel.
II suffit de lire les récents discours, si découragés et si
attristés, de M. de Marcère dont Tordre du jour, dans la
séance du 24 novembre 1877, contribua à renverser le
ministère, pour juger à quel point le général de Rochebouët
et ses collègues ont été vengés !
Quant à lui, enchanté de sortir si vite de la galère où son
dévouement au Maréchal l'avait embarqué, il reprit joyeu-
sement le chemin de Bordeaux, où vint l'atteindre la limite
d'âge, en mars 1878.
Son admission dans le cadre de réserve ne lui fit point
perdre de vue l'arme à la réorganisation de laquelle il
avait puissamment contribué; il en suivait les progrès avec
bonheur et l'on sentait, en l'approchant, que, dans sa vie,
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— 177 —
une préoccupation dominait toutes les autres : celle de voir *
l'armée conserver sa discipline et ses traditions.
Ajoutons que, s'il avait horreur de la politique, les
questions administratives avaient pour lui de Tattrait, et
qu*il fut, pendant quarante ans, au Conseil Général, le
défenseur éclairé des intérêts du canton de Gandé.
Dans la séance d'ouverture de la session d'avril de
l'Assemblée départementale, le comte de Maillé, son ami,
lui a rendu un trop bel hommage pour que nous y insis-
tions, et nous ne pouvons mieux faire, en terminant cette
esquisse incomplète, que de répéter, avec le Président du
Gonseil Général, qu'on ne saurait témoigner assez d'admi-
ration pour une vie si remplie de courage, de dignité,
d'esprit résolu et de dévouement.
Gom^e DE Blois.
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DEVANT L'ENNEMI
Souvenirs d'un Bataillon de Mobilisés
de Maine-et-Loire
A M. le comte de Maillé^ sénateur,
ancien commandant du 4* Batailion
de la 2^ Légion de$ Mobilisés de
Maine-et-Loire,
Mon Commandant,
Permettez-moi de vous donner ce nom, qui nous rappelle
de si beaux souvenirs militaires, et par lequel, aujourd'hui
encore, aiment tant à vous désigner vos anciens Mobilisés
de 1870.
Après les instants que je viens de consacrer à étudier
rhistoire si touchante et si empoignante des quatre mois
de campagne de guerre de votre 4** Bataillon, à vivre par
le souvenir de votre vie militaire, à vous suivre par la
pensée dans votre lutte héroïque aux champs de Monnaie
et dans votre marche à travers les bois de Clefs et de la
Bertraie, à causer surtout longuement avec vos vieux sol-
dats, chez qui j*ai surpris bien des larmes au récit de leurs
souvenirs et au nom de leur commandant, je me considère
un peu comme ayant appartenu au 4* Bataillon, avec le
droit de vous appeler mon commandant!
J'ai tenu à consigner dans ces quelques pages, à Thon-
neur des anciens combattants de nos cantons de Chemillé
et de Vihiers, tout ce que j'avais appris des beaux faits
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r
1
— 179
d'armes et de l'admirable conduite de ce 4' Bataillon, dont
je puis dire que vous avez été l'àme au moins autant que
l'organisateur, considérant que citer à nos jeunes gens
de pareils exemples, c'était un enseignement, c'était un
drapeau !
A défaut du talent littéraire, qui eût bien convenu pour-
tant à un pareil sujet, j'ai apporté à mes récits toute la
sincérité d'une conviction profonde, et je crois leur avoir
assuré une exactitude absolue.
Voilà les raisons pour lesquelles je vous demande, mon
Commandant, de vouloir bien agréer l'hommage de mon
petit livre, avec l'expression de mon dévouement le plus
respectueux.
R. DE FOUOEROLLE.
Fougerolle, mars 1899.
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if.
— 180 -
AVANT-PROPOS
^ Il y a vingt-huit ans se terminait la campagne de 1870»
fi^ l'une des plus désastreuses dans Thistoire de France, et
I qui n'a pas coûté seulement à notre patrie, avec l'Alsace,
î une partie de la Lorraine et une écrasante rançon, le
$\. meilleur de son sang, mais dont nous subissons aujour-
f. d'hui encore les suites terribles dans des troubles sociaux
^- et économiques, dans des divisions religieuses et politiques,
i{ dont on est bien obligé de faire remonter jusque-là Tori-
I , gine. Quand on veut désigner cette campagne de 1870, on
^' l'appelle simplement : la guerre! comme si toutes les
'■ autres guerres, dont furent témoin les générations actuelles,
î s'effaçaient devant l'importance de celle-là !
y. Au moment où beaucoup déjà sont disparus des hommes
; qui ont pris part alors à la défense de leur patrie, et où les
l;, survivants d'entre eux peuvent compter les courtes années
L' qui leur restent à vivre, il m'a semblé utile de dire aux
l jeunes gens, à ceux qui forment l'armée d'aujourd'hui, et
^ qui formeront l'armée de demain, comment se compor-
l tarent, au moment de l'épreuve, leurs pères, qui formaient
;, l'armée d'hier. Le moment m'a paru d'autant plus oppor-
i;. tun de leur proposer cet exemple réconfortant que cette
armée de demain, dans laquelle nous sommes si intéressés
'- à maintenir les vertus d'honneur, de discipline, de désin-
^ téressement et de sacrifice, puisque tous nos fils devront y
t passer, et qu'elle reste notre suprême espérance, au cas
où notre pays serait de nouveau menacé, cette armée,
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— 481 —
dis-je, est plus violemment attaquée par des gens qui sacri-
fient légèrement ou perfidement à leurs rancunes person-
nelles et à leurs querelles dé partis les intérêts vitaux de
leur patrie.
Si la guerre de 1870 a démontré surabondamment que
nos préparatifs militaires avaient été alors insuffisants et
que la direction des opérations avait été souvent défec-
tueuse, elle a prouvé en même temps fort souvent le cou-
rage et Tabnégation du soldat français. Toute Thistoire de
la guerre est remplie d'actions admirables de nos vieilles
troupes d'abord, dont le courage a forcé l'admiration de
leurs adversaires eux-mêmes, de nos jeunes mobiles
ensuite, qui, dans beaucoup d'occasions, et ceci est parti-
culièrement vrai pour les mobiles de Maine-et-Loire, mar-
chèrent résolument et bravement au feu comme de vieilles
troupes.
C'est Thistoire seulement d'un bataillon de Mobilisés
que je me suis proposé d'écrire, le V Bataillon de la
2* Légion de Maine-et-Loire, qui comprenait les hommes
des cantons de Ghemillé et de Vihiers.
Les Mobilisés furent les derniers appelés de nos soldats
de 1870, et nécessairement les moins bien organisés, les
moins encadrés par des officiers jeunes et actifs, dont la
plupart avaient été pris par la mobile, les moins bien armés.
Âgés de vingt-cinq à quarante ans, ils avaient dépassé
l'âge où la jeunesse assure l'insouciance du danger et
adoucit Téloignement du foyer. Très peu, du reste, de
bataillons de Mobilisés eurent l'occasion d'aller au feu.
Habitants des cantons de Vihiers et de Ghemillé et jeunes
gens, pour qui surtout j'ai écrit ces pages, vous verrez, en
suivant mon récit, comment, malgré toutes ces difficultés,
se comportèrent, dans les jours d'épreuve et de danger,
les « vieux gars » de chez vous, comme on les appelait
familièrement, lorsqu'ils eurent revêtu l'uniforme de l'ar-
mée française, quelque modeste que fût le leur, lorsqu'ils
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1
% • ■
— 182 —
eurent appris, en quelques semaines, de chefs respectés, la
pratique des vertus militaires, lorsqu'ils virent enfin à leur
tête rincomparable commandant que fut le commiandant
de Maillé, qui put compter sans limites sur ses soldats,
parce que ses soldats purent compter sans mesure sur lui.
Mon récit n'a qu'un mérite, mais que je revendique éner-
giquement : je me suis appliqué à y apporter une scrupu-
leuse exactitude, j'ai tenu à contrôler, soit dans les rapports
officiels, soit auprès des anciens combattants du 4* Bataillon,
tous les faits que j'ai rapportés.
J'ai trouvé aussi de précieux renseignements auprès de
M. le lieutenant-colonel Bonneville, qui commanda héroï-
quement la 3® Légion des Mobilisés de Maine-et-Loire au
combat de Monnaie, à côté de notre 2* Légion. Je tiens à
lui en exprimer ici toute ma gratitude.
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CHAPITRE PREMIER
Formation des Compagnies mobilisées
Un décret du 29 septembre 1870, daté de Tours et signé
de GlaisBizouin et de Grémieux» avait appelé sous les
drapeaux, pour les organiser en compagnies de gardes
nationaux mobilisés:!® tous les volontaires n'appartenant
ni à Tarmée régulière, ni à la garde mobile ; S"* tous les
Français de vingt et un ans ft quarante ans, non mariés ou
veufs sans enfants, et, mettant aussitôt en œuvre, pour ce
qui concernait le département de Maine-et-Loire, ce décret
de mobilisation, le préfet d'Angers, M. H. AUain-Targé,
envoyait, dès le l^'*' octobre, aux maires du département les
instructions nécessaires pour former les tableaux de recen-
sement. Les intéressés étaient invités à se présenter immé-
diatement à la mairie de leur commune, pour réclamer
leur inscription sur ces tableaux, les conseils de révision
devaient commencer leurs opérations dès le 6 octobre ; ceux
de Ghemillé, notamment, et de Vihiers étaient convoqués
pour le samedi 8 octobre, à huit heures du matin et à
une heure et demie de Taprès^midi, et, pour gagner du
temps, ils ne devaient visiter que ceux qui, alléguant une
infirmité, en feraient expressément la demande.
L'administration désirait vivement Tenrôlement d'an*
ciens militaires, dont on avait bien besoin pour former les
cadres des officiers et sous*officiers ; on allait, du reste, en
vertu d'une tradition essentiellement démocratique, en
demander le choix à l'élection. Mais rien n'était plus
difficile à trouver ; toute une catégorie, la plus jeune et la
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plus active, celle des anciens militaires restés célibataires,
de vingt-cinq à trente-cinq ans, avait été déjà précédemment
rappelée sous les drapeaux, par une loi du 40 août, et la
plupart des officiers démissionnaires, dans la force de Tâge,
avaient formé volontairement les cadres de la garde
mobile.
Que restait-il donc pour les cadres des nouvelles compa-
gnies mobilisées? — Quelques célibataires, anciens soldats,
approchant de la quarantaine, ou d*anciens officiers,
quelquefois même de simples civils, ayant dépassé, si je
puis dire, Tâge de se battre, la plupart pères de famille,
mais à qui un patriotisme ardent interdisait de rester
inactifs en présence de l'envahissement de la patrie, et qui
n'hésitèrent pas, devant l'immensité de nos malheurs, à
entreprendre une campagne, rendue singulièrement
pénible par les rigueurs de Thiver qui approchait ; et Dieu
sait si l'hiver de 1870-1871 fut particulièrement rigide.
Les officiers supérieurs furent à peu près uniquement
recrutés parmi ces hommes de cœur, et c'est ainsi que
nous vîmes bientôt à la tête de la légion qui nous occupe,
la 2« Légion de Maine-et-Loire, le lieutenant-colonel Tessié
de la Motte, ancien capitaine au 2^ chasseurs à cheval, les
commandants Blavier, ingénieur des mines, de la Frégeo-
lière, lieutenant d'artillerie démissionnaire, âgé de soixante-
trois ans, de Maillé, ancien lieutenant de cavalerie. —
Nous verrons tout à l'heure comment se comportèrent ces
hommes de cœur, et ce qu'ils surent faire devant l'ennemi
avec nos braves Mobilisés.
La situation de la France, qui avait dicté leur coura-
geuse résolution, était alors effroyable : Wissembourg,
le 4 août, puis Reichsoffen avait précédé le désastre de
Sedan le 1®' septembre / Toul s'était rendu le 23 septembre,
Strasbourg avait capitulé le 28 du même mois, et l'armée
de Metz, après les héroïques combats livrés à Borny, Gra-
velotte, Mars-la-Tour et Saint-Privat, les 14, 16 et 18 août
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sans résultats appréciables, allait capituler le 27 octobre.
L'investissement de Paris par les armées allemandes était
complet depuis le 19 septembre et ces mêmes armées
avaient envahi, à cette date du commencement d'octobre,
une partie notable du territoire, marchant déjà sur Orléans,
qu'elles allaient occuper le 11 octobre. Or, pour s'opposer
au flot toujours croissant de l'invasion prussienne, il ne
restait à la France aucune force sérieusement organisée.
Voilà pourquoi la France faisait appel à tous ses enfants;
voilà pourquoi tant d'héroïques volontaires répondirent à
son appel.
— L'organisation des Mobilisés se continua rapidement;
un arrêté du Préfet de Maine-et-Loire, du 24 octobre, leur
donnait pour uniforme une vareuse en drap bleu foncé,
avec collet rabattu et parements rouges, pattes à liséré
rouge, pantalon de drap gris foncé, képi en drap bleu foncé
avec bande rouge, sur laquelle était cousue une plaque en
cuivre argenté, portant les initiales : M.-et-L. Un ceintu-
ron avec boucle en cuivre, cartouchière, porte- fourreau et
fourreau de baïonnette, une cravate bleue et des guêtres
blanches complétaient l'uniforme. L,es Mobilisés étaient
invités à se faire habiller à leurs frais, si faire se pouvait,
en se conformant au type adopté. Pour les autres, ils
devaient l'être au moyen de contingents fournis par le
département et les communes.
Ces contingents, qui devaient pourvoir en outre à la
solde des Mobilisés, avaient été déterminés par un décret .
du 22 octobre 1870. Cette solde devait être attribuée aux
Mobilisés aussitôt la sortie de leur canton ; elle était calcu-
culée pour trois mois, à raison de 1 fr. 50 par jour et par
homme, et pour les officiers et les sous-officiers au même
tarif que dans la garde mobile. On comptait 60 fr. pour
l'habillement et l'équipement, soit en tout 195 fr. par
homme. C'était pour les 12.000 gardes nationaux à mobi-
liser du département de Maine-et-Loire une dépense pré-
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vue de 2.340.000 fr., somme sur le montant de laquelle le
département devait fournir 669.000 fr. et les communes
4.671.000 fr. On tenait compte aux communes, sur leur
part, des dépenses d'habillement et d'équipement faites
aux frais personnels des mobilisés ; pour faire face au sur-
plus» elles avaient le choix entre remploi de leurs fonds
libres, pour celles qui en possédaient, et un emprunt ou
une imposition pour celles qui n'en avaient pas.
C'est ainsi que les communes du canton de Chemillé
furent taxées à fournir ensemble 34.693 fr. 14 cent., et
celles du canton de Vihiers 54.160 fr. 82 cent., ces sommes
réparties entre les communes au moyen d'une taxe établie
sur chaque contribuable inscrit au rôle des quatre contri-
butions directes, proportionnellement au montant de ses
impositions.
Les conseils de révision, avons-nous dit, avaient été réu-
nis à Vihiers et à Chemillé le 8 octobre. Étaient tenus de
s'y présenter tous les célibataires ou veufs sans enfants
de vingt-et-un à quarante ans. Or, celle catégorie compre-
nait un certain nombre d'hommes appartenant à l'armée
active ou à la mobile, maintenus dans leurs foyers à titre
de soutiens de famille. Leurs litiges comme indispensables
souHem de famille devaient être de nouveau examinés par
les conseils de révision, qui furent invités successivement
à plusieurs reprises à se montrer pour ces dispenses de
plus en plus sévères, de même que pour les infirmités.
C'est ainsi que certains hommes, précédemment exemptés,
seront invités à se représenter devant de nouveaux conseils
de révision, notamment dans le département de Maine-et-
Loire, le 7 novembre, et jusqu'au 17 du même mois, et
qu*en fin de compte un bon nomtoe d'hommes en âge
d'être mobiles firent partie des compagnies de Mobi-
lisés,
Cette garde nationale mobilisée comprit en somme dans
le déparlement de Maine-et-Loire, d'après un état établi
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daoB le Rectieil des actes administratifs, un effectif de
12.657 hommes, répartis pour 11.849 hommes eu trois
légioDa; du surplus de reffectif, 590 hommes avaient été
distraits de ces légions poyr former cinq batteries d*ar-
tillerie, 93 versés dans une compagnie du génie, 125 dans
une compagnie du train auxiliaire» Le commandant supé-
rieur de ces Mobilisés fut le colonel, plus tard général
Jean-Jacques Cléret-Langavant, ancien capitaine de vais-
seau. Son chef d'état- major était le chef d'escadron Massé,
ingénieur des ponts et chausaéea; M. Lallemand, conseiller
de préfecture, avait le grade de major-intendant, et
MM. Proust, de Gaqueray, Boutrais et Delabrouase rem-
plissaient auprès du commandant supérieur les fonctions
de capitaines d'état-major.
La première Légion, aux ordres du lieutenant- colonel
Vétault, ancien capitaine, comprenait les trois bataillons
de Saumur, commandant Fermé des Ghesneaux, ancien
lieutenant de vaisseau, de Baugé, commandant Bounhoure,
ancien capitaine d'infanterie, des Ponts-de-Cé; comman-
dant Peltier, ancien aous^ officier d'infanterie, au total
3,841 hommes. — Cette légion, primitivement caaernée à
Angera, ne marcha presque jamais pendant la campagne
avec les deux autres de Maine-et-Loire» et nous ne la
retrouverons pas au cours de ce récit : mais elle se com-
porta de son côté bravement au feu ^ Vendôme et à Parigné-
rÉvéque, où elle perdit un bon nombre de son effectif.
C'e*t à cette dernière affaire notamment, le 10 janvier 1871,
que le capitaine-ddjudant* major du S"" Bataillon, dit de
Baugé, M. Couscher deChampfleury, aujourd'hui conseiller
d'arrondissement du canton de Montreuil-Bellay, fait pri-
sonnier et emmené en captivité, trouva moyen, avec le
commandant Bounhoure et le sous-lieutenant Lair » au risque
de leur vie» d'échapper aux soldats qui les conduisaient,
de passer la Loire à Beaugency et de venir retrouver leur
r^iœent à Saumur. Déooré pour sa belle conduîtei M. Cous-
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cher de Ghampfleury tut alors nommé au commandement
de son bataillon.
La deuxième Légion était la plus nombreuse ; elle com-
prenait 4.515 hommes en quatre bataillons et était com-
mandée par le lieutenant-colonel Tessié de la Motte, avec
M. Charles Hiron comme capitaine-trésorier. Elle avai]
pour aumônier Tabbé Huchon, originaire de la Chapelle-
du-Genêt, mort depuis lors curé de Saint-Jean-des-Mau-
vrets, et le docteur Eugène Lemardelay comme médecin-
major de 2« classe, avec le docteur Dupont, MM. Bariller,
Simon et Goubault comme aides-majors.
Le l**^ Bataillon de cette Légion, dit de Beaupréau, com-
mandant Blavier, ingénieur des mines, comprenait les
quatre compagnies de Montjean, Jallais, Beaupréau-
Gesté et Beaupréau- Sud, avec MM. Lhuillier, Ôrevet,
Bellot et de Beaurepos, capitaines en premier. En tout
1.065 hommes.
Le 2« Bataillon, de Montrevault, commandant Henry
Bernard de la Frégeolière, ancien lieutenant d'artillerie,
comprenait les quatre compagnies de Saint-FIorent-le-Vieil,
Champtoceaux, Montrevault (Nord-Ouest) et Montrevault
(Est), avec MM. Raimbault, Kilbourg, Gettes et Bonnafé,
capitaines en premier, et un effectif de 1.054 hommes.
Le 3*" Bataillon, de Cholet, était sous les ordres du chef
de bataillon Ransberger, ancien officier d^infanterie : il se
composait des cinq compagnies de Cholet (ville), Cholet
(Est), La Séguinière, Montfaucon et Saint-Germain, avec
les capitaines en premier Ricou, Désormeaux, Mocque-
reau, de la Tour et Gautret de la Moricière. Au total
1.345 hommes.
Le 4'' Bataillon de la 2* Légion, dit de Chemillé, est celui
dont je voudrais retracer Thistoire, et c'est pourquoi, dès
maintenant, je m'en vais m'étendre sur la formation de "
cadres. Il était commandé par le comte Armand de Mî "
aujourd'hui sénateur et président du Conseil génér
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COMBAT DE MONNAIE
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Maine-et-Loire, ancien lieutenant de cavalerie, qui avait
M. Desseure pour capitaine-adjudant-major. Ce bataillon
comprenait exactement les hommes mobilisés des cantons
de Chemillé et de Vihiers, en tout 1.051 hommes divisés
en quatre compagnies, la 1" et la 2« de Chemillé (Nord et
Sud), avec 256 et 242 hommes, la 3* et la V de Vihiers
(Nord et Sud), avec 283 et 270 hommes. Ce fut la route
nationale n^ 460, de Saumur aux Sables-d'Olonne, qui,
dans le canton de Vihiers, délimita la compagnie du Nord
et la compagnie du Sud. Le commandant et les officiers, le
capitaine adjudant-major excepté, furent élus par les Mobi-
lisés. La 1" compagnie élut M. Gavard capitaine en pre-
mier, M. Dixneuf capitaine en deuxième ; la 2" compagnie
M. Alfred Pineau capitaine en premier, M. Edouard Pineau
capitaine en deuxième ; la 3** compagnie M. Jean Brault
capitaine en premier, M. Terrien capitaine en deuxième;
la 4' M. Chaboisseau capitaine en premier, Drouineau
capitaine en deuxième,
Les capitaines en deuxième prendront plus tard le com-
mandement des compagnies de réserve, lorsque les batail-
lons seront dédoublés et que les Mobilisés du 2® ban, de
trente à quarante ans, seront appelés sous les drapeaux,
pour former les nouvelles compagnies n*» 5 et 6 pour
Chemillé, 7 et 8 pour Vihiers, correspondant dans le
4* Bataillon aux compagnies 1, 2, 3, 4. Ce second ban ne
fut convoqué qu'au moment du départ de Saumur des
hommes du \^ ban. Mais les officiers des deux bans avaient
dû accompagner les Mobilisés du premier appel, de ving^-
cinq à trente ans, pour faire une période d'exercices, d'au-
tant plus nécessaires que bien peu parmi eux avaient été
autrefois soldats.
Lorsque le 4*" Bataillon quittera Saumur le 16 décembre,
pour être mis à la disposition du Ministre de la Guerre et
être dirigé sur Tours, les cadres du 1®' ban seront ainsi
constitués :
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i" Compagnie
Capitaine Dixxeup, de Chemillé.
Lieutenant Chevalier, de Chemillé.
Sous-Lieutenant Viau, de Saint-Lezln.
Sergent-Major Chalet, de Chemillé.
Sergents : Coulbaut, de Chemillé ; Guais, de Chetoillé ;
Blanvillaïn, de Chemillé ; Charruau, de Saint-Lezin.
2« Compagnie
Capitaine Alfred Pineau, des Gardes.
Lieutenant Jules Pineau, des Gardes.
Sous-Lieutenant Germain Cagneux, de Melay.
Sergent-Major Edouard Neveu, aujourd'hui instituteur
au May.
Sergents : Grosbois, de La Tour-Landry; Charrier, de
La Tour-Landry, aujourd'hui maire des Gardes ; Germain
Tessé, de La Tour-Landry ; Carreau, de La Tour-Landry ;
Jean Baumard, de Melay.
3* Compagnie
Capitaine Jean Brault, de Montilliers.
Lieutenant Jérémie Janeteau, de Coron.
Sous-Lieutenant Jean Blanchard, de Coron.
Sergent -Major Pascal Jouin, de Montilliers, mort en
décembre 1898 adjoint de cette commune.
Sergents : Gazeau, de La Salle, adjoint aujourd'hui de
cette commune; Blouin, de La Salle; Charbonnier, de
Coron.
4® Compagnie
Capitaine Charles Chaboisseao, de Vlhiers.
Lieutenant Eugène Piau, de Vihiers.
Sous-Lieutenant Louis Clémot, de Vihiers.
Sergent-Major Gelusseau, de Vihiers.
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Sergents : Gabory, de Vihiers; Besson, de Vihiers;
Baptiste Dénécheau, de Vihiers; Duc, de Vihiers; Henri
Grangereau, de Saint-Hilaire-du-Bois.
La 3® Légion, forte de 3.493 hotntnes et commandée par le
lieutenant-colonel Bonneville, ancien capitaine au 4® Lan-
ciers, comprenait les trois bataillons d'Angers, comman-
dant Petit, ancien capitaine de cavalerie, du Lion-d'Angers,
commandant Moreau, ancien ca{)o^al d'infanterie, et de
Segré, Commandant Fermet, ancien capitaine d'InfanteHe.
Cette Légion fut, dès Tappel du 1" ban, casernée à Fonte-
vrault. Nous la retrouverons à Tours et à Monnaie^ où elle
fut brillamment conduite au feu par le lieutenant-colonel
Bonûeville.
Trois batteries d'artillerie seulement sur ciùq furent
complètement formées, lors de Tappel du 1"" ban. Elles
étaient commandées par les capitaines Liger, Girard et
Mongendre. La compagnie du génie le fut par le capitaine
Joyau, et la compagnie du train auxiliaire par le capitaine
Gâignard.
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CHAPITRE II
De Saumur à Tours
Ce fut le 2 novembre 1870 que les Mobilisés du premier
ban du 4"" Bataillon de la 2^^ Légion furent appelés à Saumur,
avec les cadres des deux bans, pour y faire une période
d*exercices préparatoires. Il fallut tout d'abord habiller et
armer ces soldats improvisés, puis les loger. On avait
évalué à 60 fr. le prix de Téquipement complet des Mobili-
sés ; ce prix fut un peu dépassé et s'éleva à 71 fr. 45, d'après
un état administratif. Encore avait-il été décidé que les
chemises et les gilets de laine ne seraient fournis qu'aux
individus nécessiteux.
M. AIlain-Targé avait été remplacé à la Préfecture de
Maine-et-Loire par M. Engelhard ; ce dernier, dans un rap-
port adressé au Ministre de l'Intérieur, le 5 décembre, sur
l'organisation de la garde nationale mobilisée, se flatta
d'avoir réussi à équiper les Mobilisés avec solidité et éco-
nomie. Malheureusement le sol détrempé du champ de
bataille de Monnaie, dans lequel nombre de souliers laisse-
ront leurs semelles, donnera un cruel démenti à ces illu-
sions, entretenues sans doute par la vivacité restée légen-
daire des opinions révolutionnaires du Préfet Engelhard.
Pour armer les six mille mobilisés du 1®' ban, M. En-
gelhard ne possédait que mille chassepots, achetés par le
département en Angleterre, et qui furent distribués aux
hommes du 2* Bataillon de la V^ Légion, Commandant
Bounhoure. Les autres Bataillons, et notre 4® Bataillon de
Chemillé notamment, durent se contenter de fusils à pis-
ton, d'un modèle connu sous le nom de fusils Springfield.
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La 2^ Légion, appelée à Saumur le 2 novembre, compre-
nait plus de deux mille hommes. On les logea dans de vastes
caves creusées dans le tufieau, dans les locaux de TÉcole
mutuelle, dans les greniers de TÉcole de cavallerie, enfin
dans les écuries de M. Hublot. C'est là que furent installés
les hommes du 4« Bataillon, couchés sur la paille et roulés
dans leurs couvertures.
La période d'exercices commença, et les officiers prirent
le contact avec leurs soldats. Ce contact produisit les
meilleurs et les plus efficaces résultats la plupart du temps.
C'est là que les pauvres Mobilisés, à peine arrivés de leurs
foyers, la plupart sortis pour la première fois de leurs
fermes et de lejurs villages, tous inexpérimentés et troublés
par la grandeur du sacrifice qu'on leur demandait et par
un changement de vie aussi radical, apprirent à connaître
leurs chefs. Ceux-ci se prodiguèrent pour former leur édu-
cation militaire, en même temps que pour leur assurer,
avec le réconfort moral, les soins matériels, dont ils avaient
bien besoin.
De ce contact journalier, de cette vie de garnison si
nouvelle pour eux, va naître la confiance, cette confiance
que le caractère des Vendéens, dont se composaient presque
exclusivement le 4* Bataillon et la 2^^ Légi.on tout entière,
leur fait accorder assez difficilement, mais qui ne se
dément plus, une fois qu'elle a été accordée, cette confiance
qui va permettre, dans cinq semaines, à des officiers im-
provisés, de conduire au feu et de maintenir courageuse-
ment devant un ennemi organisé des paysans et des
ouvriers qui ne sont pas soldats.
Dans le cadre des officiers du 4* Bataillon deux seule-
ment, outre le commandant, avaient été militaires, le
capitaine Brault, ancien maréchal des logis d'artillerie, et
le capitaine Chaboisseau, autrefois simple artilleur; mais
tous étaient du pays, connus, aimés et estimés de leurs
hommes : puis à la tète du Bataillon a 'été élu un comman-
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dant exception nel, dont la bravoure copinriunicative, unie
au respect et à la sympathie que ne peuvent lui refuser
même ses adversaires, va s'imposer à ses officiers et à ses
soldats. Ancien officier de Tarmée d'Afrique, où il s'est
brillamment conduit dans des combats très meurtriers, le
comte Armand de Maillé, à Tâge de cinquante-quatre ans,
n'a pas hésité à reprendre du service et à ofl'rir à la patrie
envahie et déchirée le sacrifice d'une existence embellie
cependant par les avantages de la fortune, d'un graad
nom, d^une intelligence d^élite et d'une famille aimée.
Il est des hommes qui ne sont pas siipplemept braves
pour eux-mêmes, mais dont le courage entraînant ^e com-
munique autour d'eux; on les suit n'importe où ils vous
conduisent, il semble qu'auprès d'eux le danger soit moins
à craindre. Le compnandant de Maillé était deceshommps-
là. Ses gars de Ghemillé et de Vihiers, comme il aimait
à les appeler familiôrenr^ent, le lui diront dans un^
réponse héroïque, le soir de Monnaie, au plus fort du dan-
ger, dans un de ces moments critiques, où, tout aussi près
de la mort que de la vie, on ne s'attarde pas à faire des
phrases, mais où tous les mots sortent du cœur.
Mais si les chef^ connus et aimés avaient pria sur leurs
hommes un ascendant, qui parvenait à les soumettre è une
discipline bien nouvelle pour eux et très éloignée du carac-
tère indépendant de notre contrée, ce ne fut pas sans
quelques difficultés dans leurs rapports avec les gradés,
quMls ne connaissaient pas. Plusieurs fois les capitaines
durent s'interposer pour éviter des révoltes, même des
actes de violence, et un jour, entre autres, à Saumur, les
têtes étaient tellement échauflFées et si bien montées, que,
pour éviter une grosse révolte, le comte de Maillé, grimpé
sur une borne de la place de la Bilange, dut faire un véri-
table discours à se^ Mobilisés, qui cédèrent enfin aux solli-
citations de leur commandant. L'objet du grief des Mobili-
sés était je ne sais quelle mesure prise par un gros
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persûiîopge, quoq, parlait tout bonnement de jet0r à la
Loire, et ce gros personnage était le niajre de Saumur,
— Dès le 27 novembre, le 2* Bataillon de I^ 1"* Légion,
Bataillon de Baugé, oonfimandant Bounboure, avait été mis
à la disposition du Ministre de la guerre, et dirigé sur Le
Mans. Le 3 décembre, le Bataillon de Saumur, 1®'' de la
même Légion, était parti à son tour, sous la conduite du
lieutenant-colonel Vétault et du commandant Fermé.
Pendant que la 8^ Légion, h Saumur, et la 3% à Fontnr
vrault, complétaient leur organisation mililairo, les événe-
ments se précipitaient da plus en plus alarmants sur la
tbélitpe de la guerre. Le 9 novembre, la victoire de Coulr
miers, suivie de Tévacuation d'Orléaqs par las armées
allemandes^ n'avait pas donné les résultats espérés ; la
glo^i^U8e défaite de Patay, le 2 décembre, qui nous avait
coûté le meilleur ,du sang français, puirf l'évacuation d'Or-r
léans par les troupes françaises le 5 déoafnfere, devant d^»
forces supérieures gros^je^ par une partie de Tarmée de
Metz, avaient été le préluda d'une série nouvelle de défaites^
Pendant que le général Bourbaki recevait Tprdre da diriger
vers TEst Tarmée de la rjve gauche do la Loire, le généra}
Cbanzy, à la téta do l'armée de la rive droite, ^p* et
17® corps, après les journées des 7 et 10 décembre, à Beaq-
gency et à Josnes, avait dû commencpr son mouv^^ent
de retraite vers Vendôme et La Mans.
La délégation du gouvernemant de la Défensa nationale,
installée à Tours depuis rinveslissen<ant de Paris, démen-
tait f hardimmt >» il est vrai, tous le^ bruits dp défaita.
Mais néanmoins, par un décret dn 8 décembro, alip croyait
devoir tranaférep la ajége du gouvernement de Tours à
Bordeaux; et sas trois rnembres quittaient précipitamment
la ville de Tours, Grémieux pour gagner diractament Bor-
deaux le 9 décembre, Glais-Pigoin poqr la rejoindre, après
avoir été passer quelques jours au camp de Gonlie; Ot
enfin le ministre de la guerre Gambetta, Ip 11 décembre
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au matin , après avoir pris la précaution de protéger sa
retraite par l'envoi d'un bataillon d'infanterie et d'un esca-
dron de cavalerie à la gare de Saint-Pierre-des-Corps,
gagnait Bourges par la ligne de Poitiers, la ligne de Vierzon
étant interceptée par un poste de cavalerie prussienne.
Le général Sol, qui commandait à Tours, fut destitué le
14 décembre par un décret de Gambetta, et remplacé par
Je général de division comte Ferri-Pisani Jourdan. G*est
alors que, le 17 décembre, furent appelées à Tours les 2* et
3* Légions de Mobilisés de Maine-et-Loire. On les dirigeait
à cet instant même sur Le Mans, si bien qu'on dut faire
rétrograder le train qui les emmenait sur la ligne d'Angers.
Ces deux légions furent logées à Tours dans les casernes.
Le 18, le général Pisani passa en revue les troupes ras-
semblées à Tours. Ces troupes formaient deux brigades
d'infanterie : la première, commandée par le colonel Cléret-
Langavant, commandant supérieur des Mobilisés de Maine-
et-Loire, comprenait, outre la 2* Légion de Maine-et-Loire,
lieutenant- colonel Tessié de la Motte, forte de 2.261
hommes, et la 3* Légion du même département, lieutenant-
colonel Bonneville, forte de 1.648 hommes, un bataillon
des mobiles de la Gironde, une compagnie du H*' régi-
ment d'infanterie de ligne, une section d'artillerie de mon-
tagne, pièces de 4, et deux escadrons du l*' chasseurs
d'Afrique, en tout 4.900 hommes environ.
La 2* Brigade, aux ordres du général Huyot, comprenait
un Bataillon des Mobiles de Maine-et-Loire, commandant
de la Vingtrie, des mobilisés de Seine-et-Marne, des soldats
du 4"" Régiment de zouaves, une batterie d'artillerie de pièces
de 4 et une de pièces de l25, avec un escadron du 8' hus-
sards. L'effectif de cette deuxième brigade était un peu
moindre que celui delà première. Le commandant Mugnier
remplissait les fonctions de chef d'état-major, et le colonel
Lacombe commandait la cavalerie.
Prévenu dans la nuit du 18 au 19 qu'une colonne prus-
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— 197 —
sienne s'avançait vers Tours parChâteaurenault, le général
Pisani donne Tordre à sa première brigade d'aller occuper
les baraquements construits entre Ghampaigné et Nolre-
Dame-d'Oé. Ces troupes commencèrent à quitter Tours
le 19, vers onze heures du matin. Le 4"* Bataillon de la
2^ Légion, parti un peu plus tard, arriva seulement vers
quatre heures du soir au camp de Notre-Dame-d'Oé, après
avoir franchi les sept kilomètres qui séparent ce camp de
la ville de Tours.
Lorsque ces troupes, quittant Tours, défilèrent dans la
rue Royale, la tournure martiale et Tentrain des Mobilisés
de Maine-et-Loire furent remarqués, mais contrastèrent
avec Taspect moins satisfaisant des mobiles de la Gironde.
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CHAPITRE m
La Qamp de irotre-Daine d'Oé
Au Camp de Notre-Dame d'Oé, des chasseurs d'Afrique,
envoyés en éclaireurs, vinrent dans la soirée sigpaler la
présence à Monnaie de soldats ennemis. C'étaient les éclai-
reurs du X* Corps de l'armée allemande, qui, commandé
par le général de Voigts-Rhete et fort de vingt à vingt-cinq
mille hommes, marchait sur la ville de Tours, profitant du
mouvement du général Chanzy, obligé, le 16 décembre,
d'évacuer Vendôme, pour opérer sa retraite sur le Mans :
ce mouvement avait entièrement découvert la ville de
Tours..
Dès le 18, quinze uhlans se montrèrent à Châteaurenault,
annonçant pour le lendemain l'arrivée de trois-mille sol-
dais, avec ordre de préparer les logements. Ce ne furent
pas trois mille qui se présentèrent le 19 à Châteaurenault,
mais les vingt et quelques mille hommes du X* Corps, avec
quarante ou cinquante pièces d'artillerie. Ils s'y établirent
pour la nuit, écrasant par leurs réquisitions, et au besoin
par le pillage, cette petite ville de quatre mille habitants.
Trois mille hommes furent détachés, pour se porter en
avant sur Villedomer. C'étaient des éclaireurs de cette
colonne qui avaient été rencontrés ce même jour, 19, par
les chasseurs d'Afrique du général Pisani.
Entre Villedomer et Monnaie, sur la grande route de
Châteaurenault à Tours, existait une position stratégique
de la plus grande importance, au lieu appelé la Grande-
Vallée. La route, à partir de Châteaurenault, après avoir
abandonné la vallée de la Brenne, escalade le plateau de
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- 190 -
Villedomer, à 144 mètres d'altitude, puis, après avoir
franchi la Grande-Vallée, s'abaisse à 92 naètres pour
remonter sur un autre plateau à 138 mètres ! A partir
de ce point elle descend eit pente doqoe par Monnaie et
Meslay, jusqu'aux portes de Tours, à la Tranchée, où elle
n'est plus qu'à 97 mètres d'altitude.
La Grande-Vallée était le point stratégique qu'il était
importantd'occuper, en raison de cette profonde dépression,
d'autant plus qu'on y avait eipeumulé toutas sortes de
moyens de défense, redoutas, abêtis d'arbres &\ tr^nphées.
Ce furent malheureusement le^ troi^pes pr^ssi^np^8 qui
y arrivèrent les premières, occupant la Grande-Yîlllée dès
le 19, en même temps que trois mjlle homm^^J détachés
du gros, étaient dirigés sup'TpMrs pap Tsu^re poute d'Ou-
zouër, Reugny pt Vernou, prêts h appuyer aq b^soir^ les
troupes qui opéraient sur la route p0rallèl3 de MonnaJ3.
Le général Pisani ignorait tout celp, Iprsque cp mêipp
jour, J9 décembre, il dirigeait ses troupps sur Notre-Dame
d'Oé, dans la pppsée d'occuper l^i Qrancje-Vallpe, C'est le
lendpmain matin seulement qu'il apprjt l'occupation de
Monnaie par les troupes prussiennes.
Ces troupes qui allaient engager le combat avec nos
Jtfobilisés étaient, au dire du rapport officiel de l'Élat-
major allemand, une partie de la 19^ Division d'infanterie,
aousle commandement du lieutenaqt-gépéraj de Schwarz-
koppen, p'est-à-dirp jp Régimpnt d'iniîpmterie de la Frise
orieHtale n^ 78, polpnel baron de Lypcker, de ]a 37«* Bri^
gade, le 3^ pégjment dp ^yestphalie n"" 16, colonel fie
Brixen, unp partie du 8" Régiment de Westphalje, colonel
de Cranach, un Bataillon d^ I3 W Pngade ; toutes ces
troupes appuyées par les deux premiers Escadrons du
l*"" Régiment de dragons du Hanovre n** 9, lieutenant-
colonel pomle de Rardenberg, par deux Escadrons (le l*'
et le 4®) du 2* Dragons de Hanovre n° 16, par le Régiment
de Poméranie des cuirassiers de la peiue, n° 2, colonel de
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1
— 200 --
Pfuhl et par le Régiment de uhlans de Poméranie n® 9,
lieutenant-colonel de Kleist, ces deux derniers Régiments
de la 4" Brigade de cavalerie, aux ordres du général major
de LUderitz, et enfin par vingt-cinq pièces de canons à
longue portée. --'^
Ces troupes présentaient un effectif d'environ dix mille
hommes, sous le commandement du général de Voigts-
Rhetz, qui avait pour chef d'État-major le lieutenant-
colonel de Caprivi, devenu en 1890 chancelier de l'Empire
allemand, après la retraite du prince de Bismarck, et mort
en février 1898. — Le colonel baron de Becke commandait
Tartillerie.
Ici une courte description topographique est nécessaire
pour l'intelligence de ce qui va suivre.
Le village de Notre-Dame d'Oé, de moins de cinq cents
habitants, près duquel le camp était établi, est assis à deux
kilomètres à gauche de la route de Tours à Monnaie. Une
petite route conduit d'Oé à la grande route, qu'elle rejoint
4
à la hauteur du bourg de Parçay. La grande route, après
avoir atteint à partir de ce point le château de Meslay, à
106 mètres d'altitude, monte pendant un kilomètre et
demi jusqu'à 123 mètres. Au château de Meslay se détache
à gauche un chemin, qui conduit au château de la Vallée,
et, de là, laissant à droite le village de la Gaubretelle,
passe entre la ferme des Petites Ruries, les Tardines et le
château des Belles-Ru ries, pour s'embrancher sur la route
dé l'Angennerie à Monnaie; cette dernière route, pour
gagner le bourg de Monnaie, traverse la partie Nord des
bois des Belles-Ruries. Toute cette partie à gauche de la
grande route est coupée de petits bois et traversée par la
ligne du chemin de fer de Tours à Vendôme, qui, après
avoir touché le hameau de la Gaubretelle, passe la grande
route à l'extrémité Sud des bois des Belles-Ruries. Le
village de la Gaubretelle occupe le fond d'une petite vallée
(112 mètres d'altitude), ainsi que le château de la Vallée.
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Des bords du petit ruisseau qui relie la Gaubretelle au
château de la Vallée, le terrain couvert de vignes remonte
à 122 mètres jusqu'à la crête d'un plateau occupé par la
ferme des Petites-Ruries. Ce plateau est borné à TEst par
le bois des Belles-Ruries, qui s'étend du château à la ligne
du chemin de fer sur une longueur d'un kilomètre et demi.
Un chemin creux, le long duquel sont semées les mai-
sons de la Gaubretelle, conduit de ce village aux Petites-
Ruries, où il rejoint, au point culminant du plateau, la
petite route de la Vallée aux Belles-Rtfries.Tout ce plateau,
planté d'arbres fruitiers, est coupé par des vignes et par
quelques cultures. A ses deux extrémités la dépression du
terrain a permis d'y établir des prairies, à gauche entre
Tardines et le chftteau des Belles-Ruries, à droite entre la
Gaubretelle, le grand bois et un étang, près de la ligne du
chemin de fer. Autour du village de la Gaubretelle et de la
Vallée le chemin creux, des arbres nombreux, les haies
des jardins forment autant de couverts propices à abriter
des tirailleurs. Voilà pour la partie de gauche.
La partie à droite de la grande route de Monnaie est
plus élevée et plus découverte. A partir du point 123, la
grande route se poursuit à peu près au même niveau jus-
qu'à Monnaie, pendant quatre kilomètres. Son point cul-
minant est à la Coulonnière (124 mètres), mais le terrain
dans les champs s'élève sur ïa droite jusqu'à 127 mètres,
vers la Barre-du-Fresne et la Brunellerie, fermes situées
le long de la route de Vouvray à Monnaie, ainsi que la
Gaucherie et enfin la Feuillée, cette dernière plus rappro-
chée du bourg de Monnaie.
A partir du chemin de fer la grande route de Tours à
Monnaie, après avoir longé les bois des Belles-Ruries,
passe à la ferme du Boulay, sur le bord même du bois.
C'est sur ce terrain que s'engagera le combat du
20 décembre.
Des chasseurjs d'Afrique, avons-nous dit précédemment,
étaient venus dans la soirée du 19 donner avis au camp de
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Notre-Daine-d'Oé que des éclaireurs du X' Corps prussien
avaient paru â Monnaie. G*élait la bataille à peu près assu-
rée pour le lendemain et^ dès lors, le colonel Gléret-Lan-
gavant et les officiers supérieurs des 2*" et 3* Légions de
Maine-et-Loire durent prendre leurs dispositions de combat.
Les forces des deux adversaires étaient bien inégales :
si les renseignements très incomplets recueillis par nos
officiers ne leur permettaient pas d'apprécier les forces
supérieures en hommes et en artillerie qu'ils allaient ren-
contrer sur leur route, ils savaient du moins qu'aux troupes
allemandes organisées, bien encadrées^ aguerries et tou-
jours soutenues par des réserves amenées en temps voulu,
confiantes enfin dans la victoire qui ne les avait guère aban-
données depuis le commencement de la campagne, ils
n'avaient à opposer que de pauvres jeunes gens, soldats
depuis cinq semaines, n'ayant jamais vu le feu, conduits
par des officiers aussi novices qu'eux-mêmes, armés de
fusils à baguettesi sans artillerie sérieuse pour les proté-
ger, et découragés d'avance par une série de défaites sans
précédents.
Puis les bruits de trahison imprudemment répandus
jusque par les membres du Gouvernement et par le
Ministre de la Guerre faisaient tenir en suspicion par leurs
soldats tous ceux qui avaient à exercer un commandement*
Il fallait à Ces derniers une force morale toute particulière
pour prendre sur leurs soldats l'ascendant dont ils avaient
besoin dans une pareille situation.
Cette force morale et cet ascendant ne manquaient pas
du moins, nous avons déjà dit pourquoi^ aux officiers supé-^
rieurs des Légions de Maine-et-Loire, aux Gléret-Langa-
vant, aux Tessié de la Motte, aux Bonneville^ aux Maillé,
aux Blavier, aux La Frégedlière; leurs paroles d'encoura-
gement, dites pour remonter les courages, furent écoutées
religieusement.
La 2« Légion se composait à peu près entièrement de
Vendéens : or, le Vendéen, s'il est long à accorder sa cofi-
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— 203 —
fiance, est du moins fidèle à la conserver, une fois qu*il Ta
donnée. S'il est indépendant quelquefois jusqu'à la révolte,
il est brave et n'abandonne ni le chef qui lui montre
l'exemple du sacrifice, ni le camarade qui a besoin de son
aide. Son patriotisme intelligent a compris facilement que
son foyer menacé par Tinvasion, ce foyer auquel il est resté
de tout temps si attaché, devait être défendu, fût-ce au
prix de son sang. Voilà pourquoi nos Mobilisés écoutent
volontiers les chefs qui leur demandent pour la patrie le
sacrifice de leur vie.
Enfin le Vendéen a la foi, la foi qui donne l'espérance
d*une vie meilleure à celui qui va mourir, la foi qui assure
au petit soldat tombé obscurément sur le champ de bataille
que son sacrifice, généreusement offert pour une sainte
cause, peut être récompensé autrement que par une vaine
gloire humaine. Dès que la nouvelle du prochain combat
fut répandue dans le camp, chacun voulut, en prévision du
grand branlebas, mettre sa conscience en ordre. L'aumô-
nier passa la nuit à peu près toute entière à confesser les
Mobilisés. Le confessionnal était peu confortable^ au coin
d'un champ) les pieds deiis la boue; mais à la guerre
comme à la guerre, Tessentiel était que tout le monde fût
prêt, et on le fut.
On dormit peu, du reste, cette nuit-là^ au camp de
Notre-Dame-d'Oé. Les officiers surtout, préoccupés de la re§-
ponsâbillté qui allait leur incomber, demeurèrent éveillés,
tout bottés, sabre et revolver au côté, toujours sur le qui
vive. Pour passer le temps, et en même temps assurer les
vivres, certaines compagnies s'étaient procuré des mou-
tons, assez nombreux dans ces parages^ et les faisaient
cuire à des feux de fagots, parfois même d'échalas arra-
chés auï vignes.
La nuit pouftaût se passa sans ordre de marcher en
avant.
R. DE FOUGEROLLE.
(A suivre, J
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n
HENRI BERNIER
CHANOINE D'ANGERS
fsuitej
CHAPITRE V
La fondation d'une Maison pour les X^nfants trouvés
(i833-i835)
L'une des œuvres les plus utiles organisées par M. Der-
nier, sur sa paroisse, fut celle des Dames de Charité.
Toutes de familles riches ou aisées, ces pieuses personnes
avaient pour charge d'assister les pauvres de leur quartier,
ou, du moins, de les signaler au curé. Leurs visites,
pleines de sollicitude, découvrirent de grandes misères.
L'une des plus affligeantes était la situation des enfants de
rhospice. On les confiait à des femmes pauvres qui ne s*en
chargeaient que dans un but d'intérêt. Une nourrice rece-
vait six ou huit franps par mois. Une fois la rétribution
payée, chaque trimestre, Tadministration ne s'occupait
plus de rien. Pourtant, elle exigeait bien peu de garanties
de ces mercenaires, quand elles se présentaient pour rece-
voir les enfants. Un certiflcat de bonnes vie et mœurs,
pièce qu'un maire refuse seulement aux personnes de
mauvaise conduite notoire, était le seul témoignage
demandé. Les pupilles, s'ils demeuraient en ville, s*em-
ployaient le plus souvent à mendier. Vers la fin de 1833,
sur la seule paroisse de Saint-Pierre, des familles nécessi-
teuses, sans honneur et sans mœurs, en élevaient de la
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— 205 —
sorte une quinzaine. A ia campagne, les fermiers les uti-
lisaient le plus vite possible à garder leurs troupeaux.
Tous ces pauvres abandonnés ne recevaient, pas plus leà
uns que les autres, ni instruction, ni éducation. Et pour-
tant on aurait pu facilement les patronner, dans une ville
comme Saumur, et en faire d'honnêtes et habiles ouvriers.
Frappées de ces pensées, les Dames de Charité réfléchirent
sur les moyens à prendre pour atteindre ce but. Elles
commencèrent par solliciter d'envoyer assidûment les
enfants à la classe gratuite des Sœurs. Efforts inutiles. Si
petite que fût la recette d'une journée, la mendicité et
quelques services rendus rapportaient davantage aux
nourrices. Alors, M"^ Ghaloppin, la fille d'un notaire, pensa
à fonder une œuvre spéciale : t On fait, en France, dit-elle,
c des quêtes et des associations pour arracher de petits
€ étrangers à Tidolâtrie ; pourquoi ne pas chercher à
€ sauver ceux qu'on voit se perdre près de soi ?» Et la
pieuse demoiselle fit part de ses idées à d'autres per-
sonnes. Un projet fut formé; il parut à ses propres auteurs
si extraordinaire qu'ils n'osèrent d'abord en parler à
M. Bernier.
Vers la fin de 1832, ils se risquèrent toutefois, et glis-
sèrent leurs idées dans une conversation, en feignant la
plaisanterie. A leur grande surprise, le curé écouta sérieu-
sement et déclara qu'il réfléchirait. Trouvant le projet
acceptable, malgré de nombreuses difficultés, M. Bernier,
pour le mieux étudier, écrivit les objections : « Qu'on ne
« croie pas, en lisant ces observations, disait-il, que je
<îf désapprouve le projet et que je cherche à le faire aban-
« donner. Je cherche, au contraire, à m'en faire une idée
« juste, à en comprendre toute retendue, afin de le fonder
« solidement. Je n'incidenterai point sur l'article des diffl-
« cultes pécuniaires ; je suis convaincu que, si Tœuvre est
« entreprise avec un courage généreux et une sainte con-
« fiance en Dieu, les ressources viendront. Ce que je crains
14
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« plutôt, c'est qu'on manque des vertus nécessaires pour
« la faire prospérer, mais je puis assurer que je n'ai
« jamais rien entrepris avec plus de confiance. »
Une personne de la paroisse s'offrait comme gardienne
des enfants : c'était Justine Leguay, âgée d'environ trente
ans. Après avoir suivi, en qualité d'externe, depuis l'âge
de cinq ans jusqu'à quinze, les cours d'un pensionnat de
la ville, elle avait aidé ses parents dans leur maison de
commerce. A la mort de sa mère, elle persuada son père
de se contenter de sa modeste fortune et de quitter les
affaires, « craignant qu'elles nefussent un obstacle à leur
salut ». — Ils fabriquaient et vendaient des cartes à jouer.
— Quelques années après, la connaissance de la Congré-
gation de la Retraite d'Angers aviva des désirs de vie
religieuse déjà longuement caressés. Il se livra un long et
pénible combat entre le père et la fille, pour la doulou-
reuse séparation que, pourtant, ni l'un ni l'autre ne vou-
laient refuser à Dieu. Le confesseur de Justine ne voulut
rien trancher. Elle resta près de son père, mais décidée à
travailler seulement aux œuvres de charité. C'est ^lors que
se présenta l'œuvre des enfants abandonnés. « Cette entre-
« prise, pensa d'abord la pieuse fille, va me rattacher au
« monde et créer peut-être des liens difficiles à briser. »
Il lui semblait s'engager pour la vie. Spn inquiétude,
devenue extrême, eut besoin d'être calmée par son direc-
teur.
Justine Leguay se vit bientôt amener par M. Bernierune
compagne ; c'était M"' Epagneul, âgée de vingt-deux ans,
orpheline dès son enfance et restée pensionnaire libre dans
une maison d'éducation. A ces deux pieuses filles, dp cha-
ritables dames assurèrent leur protection, et quelques
amies promirent même une aide personnelle. Il ne restait
plus qu'à chercher une maison pour s'établir. Les fonda-
teurs de Tœuvre naissante avaient espéré trouver dans" la
congrégation des demoiselles un concours officieux. Ils
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avaient mêajp pepsé que le Ipc^l où sp topaient les réu-
nions ppprr^it étrp l'asile des enfant?, fin aUepdapt les
ressources pécessaires à ]a loeatipp ou à Tachât d'une
maison particqlière. \ |£| preipjère ouvertqfe que fi|; le
curé au copseil des çqqgréganistQ^» toutes rejetèrent avec
n^éprjsf sa prpposition» ep criant au scandale. Jeunes pour
la plupart, elles pe pouvaient guère coinprepdrp le dévoup-
ment d'encombrer d'enfants trouvés leur maison ; pt,
pomnae il fallait déjà du courage pour entrer daps l'asso-
piation, les quolibets ne redoubleraiept-ils pas en yoyapt
ses n^embres s'pceuper d'une ouvre si bi:^arre? M- 3ernier
respecta de telles susceptibilités et pe cop^pta plus sur un
concours gépéral de la part de ces d^Q^oiselIes. Quoique
K. Lpgpay eût îfccepjé déjà le^ fonctipi)^ de trésorier de
fabrique et de secrétaire de la CQpqn^is^jpp des écples, sa
fille et le curé p'osèrent cependapt pas luj demander de
prêter sa maison à Tœuyre. Ils louèreqt qpp phapbre et
résolurent de comippnper sans plus attendre.
M..pernier alla à Thospice faire part de Tentreprisp. ÇUe
ne parut pas mériter confiance, et les administrateurs df^pi-
dèrept de ne confier à M"® Leguay que de^ pquveau-nés,
ce qui augmentait beaucoup les difficulté^. Qn fit alors des
négociations près des nourrices pour obtenir, pioyen-
nant indemnité, leurs enfants d'up an ou depx. « A cet
« âge, répondirept-elles, le nourrisson est élpyé et va
m bientôt commencer à rapporter. ? TpuJes les pégopia-
tions furent inutiles.
Force fut donc à M"® Leguay de reprendre sos pourpar-
lers avep rhôpital et d'en accepter Ips condition?. Le
i^ d^PpDQbre elle se déclara prête à recevoir quelques
pupilles, et le lendemain M. Bernier offrit le saipt sacrifice
pour implorer la bénédiction de Dieu.
Pendant trois semaines, les pieuses filles attendirent en
vain, soit qu'il ne fût pas exposé d'enfant, soit mauvais
vouloir de l'hospice. Enfin, le 26, le curé reçut avis de
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— 208 —
faire prendre deux petites filles*. La coïncidence de leur
réception avec le temps de Noël parlait éloquemment au
cœur de celles qui s'étaient constituées leurs mères. Elles
pensaient, en les soignant, à Celui qui est venu chez les
siens et que les siens n*ont point reçu, et il leur semblait
que le divin enfant Jésus voulait bien accepter, comme
rendus à lui-même, les soins prodigués à ces petites créa^
tures.
Ces consolantes pensées s'évanouirent bientôt devant
une dure réalité. Après quelques jours de soins assidus et
compétents les deux petites filles moururent. Le 11 jan-
vier 1834, les pauvres mères adoptives se trouvèrent sans
enfants et fortement tentées de s'en tenir à cet essai. Huit
jours après, deux autres enfants furent mises à leur dis-
position. Les demoiselles hésitèrent à les accepter et con-
sultèrent M. Bernier. c En entreprenant Tœuvre, leur
dit-il, vous n'avez pu poser à la divine Providence la
condition que les vides faits par la mort ne seraient pas
comblés ». Il ranima leur courage et elles reprirent leur
tâche.
Les deux enfants dépérirent bientôt. Le public s'émut;
il en rendit responsable les pauvres nourrices. On les
appelait des « faiseuses d'anges » ; elles avaient établi « un
couvent de poupons à envoyer au ciel ». En vain le méde-
cin défendit-il énergiquementM^^Leguay, la sottise répan-
dait dans le peuple d'absurbes calomnies ; ni les adminis-
trateurs, ni même les religieuses de l'Hospice ne montraient
de bienveillance.
Rebutées de si mauvaises dispositions, les demoiselles
résolurent de rendre leur trop frôle dépôt et avertirent le
secrétaire de l'hospice.
C'était un pieux chrétien, connu dans la ville sous le
* Elles s'appelaient Marie Issachar et Marthe Zabulon. Celles que
Mi*^' Leffuay reçut par la suite étaient semblablement affublées de
noms hé
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-~ 209 -
nom de Saint-Marquet. Il avait des communications avec
Dieu, croyait Justine Leguay, qui se trouvait ainsi dans la
disposition de recevoir toute parole de sa bouche, Marquet
déclara qu'il ne pouvait reprendre les enfants avant deux
jours, temps nécessaire pour se procurer des nourrices.
Puis, d'un ton d'assurance où la pieuse flUe vit un com-
mandement divin, il lui déclara que, sans s'alarmer, elle
devait continuer son œuvre, les pauvres petites étant mieux
entre ses mains qu'eo, toutes autres, (v Je me fais fort,
«r ajoutait-il, de prouver, par les registres, que la mortalité
« des enfants abandonnés est très considérable. Vos
«r malheurs sont une épreuve de Dieu et le découragement
<( serait coupable. »
Réconfortée, M"« Leguay garda les enfants ; le 5 février,
elle en reçut môme une autre. C'était assez pour des per-
sonnes tourmentées de la crainte de nouveaux décès, peu
accoutumées au travail et à qui les veilles semblaient
pénibles.
Elles résolurent bientôt de mettre les enfants en nourrice
et traitèrent avec des femmes de la campagne. La rétribu-
tion était augmentée, on fournissait un trousseau, mais on
conservait, outre le droit de surveillance, celui de reprendre
les nourrissons quand bon semblait.
Cette combinaison ne fut pas de longue durée. Les nour-
rices, parfois négligentes, trouvaient excessives les préten-
tions des demoiselles : surveiller les enfants et les retirer
occasionnaient des explications pénibles. Une fois même,
un de ces incidents faillit devenir tragique.
Ayant appris qu'une nourrice, demeurante Saint-Lam-
bert, n'accomplissait pas ses devoirs religieux, M"® Leguay
résolut de lui reprendre Tenfant. Elle partit donc pour le
chercher, en se rendant sur un bel âne, fort gentiment
harnaché, prêté par une amie dont la domestique l'accompa-
gnait. Arrivée chez la villageoise. M"* Leguay lui expliqua
les motifs de sa visite. La femme ne protesta guère ; mais
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à peine ëtàleht-èlieâ soHieâ cjù'elle âllë aoieiiiér ses voi-
sins. En Un cliii d'œîl, uil atlrdiipeiiièiit se fdi-iîia et se
mil à la poursuite des dévotes. Furieuses, ihjuriatit à
Tenvi ces entrepreneuses de codverit, s'excitàùt lïiutufel-
leriieril par leurs cris, ces feiriines se trouvèrent bientôt
d'avis d'en venit* âUx coups. Comtne bii àrHvalt alors à
réîidrbit oîi la leVée (|ul longe 1ë Loire n*èst plds sét)arée
du fleuve, la dëclsioh changea, tl ne s'dgit rien moins
que de jeter à l'eau « les ânesses et Tâilon ii. Fatiguée
de trotter, et trertiblàhte de peiit-, là dbrtiestiqué (jui con-
duit ràtië par la bride né peut plùâ lever les jambes.
lli"« Legiiay saute à brfs, la fait asseoir à sa t)iace, llil pose
l'enfant entre les bras, prend la bride et sfe liiëi à bourif
en iihplorétit le secôiir^ dé saint Jose^ih obligé de fliii* en
Egypte.
Aux iiiboni^étiîetilg présentes par le ^irétème de ftiltè
éîfever les faou^rlsèorig à là cétnp^gne, â'ajoUtâ le chagrin
d'une mortalité considérable. Dans l'espace de trois thoîS,
ciriq fiëtltes llllës siii- six tiibUrUretit. Le piibllb vit alors
qùë les premiers débês fae t)bù*dlfetit être imputé^ à des
sbiris ibsut'tisatiiâ. Bieil {ilils, Mlospicë dëtb^lldà que les
eiifatits restassetit ciiëJ: At"« Lëgliëy fet finit nlèndë par Itlt
ordonner de les reprendt-b tbu^, aVeb là défende d'éh
retnetti-e désormais en tiolit-rice.
M*^ LëgUàjr hëlirà les tfbiâ pelitës filles (JUi tefetàierit et
tout alla sans modlflbàtirin jus^U'aii mois de jtlin, bti finis-
sait la location de la bdattibi-ë d'ësile.
A cette époque, tbdbhé de voir fed flllë se fatiguer datis
les allées et venuel^; fet elinuyé de l'isolement datis lequel
il ^e trouvait loiitë la JoUi'néë, M. Lëguay voulut bieti
metlt-e à la dispb^ltioii aeTcfeiivre uhe Vastd miliisarde. On
r&pptdprià à sa nouvelle destination. M*^« Epagneui Vint
prendre |3ëhéldn cWèï JJl*'® Leguây et la vie parUt tJlUs
dodce et plus facile.
Toutefois, les demoiselles n'osdlent t^âs atbet)teh db Hoii-
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~ 211 —
veaux nourrissons, quand une circonstance inattendue
modifia leur situation.
Voulant alléger les lourdes charges qui pesaient sur
plusieurs Hôtels-Dieu, les conseils généraux des départe-
ments voisins adoptèrent, d'un commun accord, la décision
d'échanger entre diverses maisolis les enfants trouvés.
Cette mutation donnant à M"^ Leguay la facilité d'obte-
nir des autres hospices des enfants sortis du premier âge,
la pieuse fllle regarda la circonstance veiiue si à propos
comme l'expression de la volonté de t)ieu pour là conti-
nualloù de son entreprise.
Une dizaine de petites filles de déni à hait ans bientôt
recueillies comtnencèretit une nouvelle période de l'œuvre.
Mais lès deîiioiselles ne trouvèrent mêrhe pas de domes-
tiques à gages pour leUr venir eh aidé. L'entreprise restait
généralement peu sympathique, tnême à ceux dont on
aurait pu espérer la blenveillailce. Par un sentimetit dont
rhistoire fournit de nombreux exemples, les Sœurs de
rhospice elles-mêmes ne voyaient pas d'un bon oeil cette
œuvre si humble qui pouvait prendre accroissement et,
peut-être, porter préjudice à leur communauté.
Un curé de la ville fit aussi de l'oppositioh et ne se gêna
point de déUoûcet- l'œuvre nouvelle parmi les excentricités
qui font toujours tort â la religion. « Les saints seuls
« peuvent tenter ces entreprises, disait-il, ceux qui portent
« le cilice et se macèrent. Or, ces demoiselles ùe font point
« cela ! »
Il fallUi tbute Id prudence et la chaiHtë de M. Berniet-
pour soutenir les pauvres filles. « AUohs, leijr disait-il,
€ ayons courage, marchons, marchons toujours ! Si Dieu
« est pour nous, nous il'aurons rien à craindre. Cepen-
€ dant, ce ne serait pas notre amour-propre qui nous ferait
« persévérer, s'il nous était démontré que la Providence
€ n'agt'ée pas nos projets. »
Tout en donnant ces encouragements, le curé acquérait
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— 212 -
la conviction qu'il serait impossible de continuer long-
temps une telle besogne et que des religieuses seules pour*
raient s'en charger.
Vers la fin de Tannée, une circonstance vint lui fournir
l'occasion de réaliser son idée.
En 1828, TAdministration de Saumur avait remplacé,
dans le service de THôlel-Dieu, les Augustines par les
Sœurs de Sainte-Anne. La communauté expulsée vint à
Angers. Mais des religieuses eurent des troubles de cons-
cience sur ce qu'elles avaient quitté la maison de Saumur
où elles avaient fait vœu de vivre et de mourir. Quelques-
unes se retirèrent à la Trappe ; trois autres écrivirent à
M. Bernier, pour lui exprimer leur désir de rentrer dans
sa paroisse et lui demander s'il n'aurait point quelque
œuvre à leur confier. Espérant consolider et étendre
l'œuvre de M"® Leguay par l'adjonction de ces religieuses,
M. Bernier écrivit sur-le-champ son projet aux deux pieuses
filles :
€ Saumur^ 28 octobre 1834.
c Mesdemoiselles,
c Vous avez quelques heures pour vous décider. Il n'en
faut pas tant quand la charité agit vivement dans un cœur.
Lisez donc, dans la Vie de saint Vincent de Paulj la
petite harangue qu'il adressa à de pieuses dames qui
l'avaient secondé pour l'Œuvre des Enfants trouvés,
mais qui se décourageaient : t Or^ sus^ Mesdames^ vou-
leZ'Vous ou non laisser périr ces pauvres petites créa-
tures... » Lisez et figurez-vous que c'est encore lui qui
vous adresse la parole. . .
« Vous êtes dévouées de vos personnes à l'Œuvre des
petites filles, mais vous n'êtes assez libres, assez indé-
pendantes, ni l'une ni l'autre, pour la soutenir, ni du
moins pour lui donner l'extension dont elle peut être sus-
ceptible. En élever chrétiennement une demi-douzaine.
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— 213 —
les sauver de la corruption est déjà une belle œuvre et
digne de votre ambition. Sans nul doute n'eussiez-vous
fait toute votre vie que cela, ce serait pour vous une
grande consolation à la mort : une belle couronne en serait
le prix. Mais, enfin, pourquoi se borner ainsi dans le bien
et mettre par là comme des entraves à la miséricorde du
Seigneur? C'est par vous qu'il a voulu commencer cette
œuvre. En l'entreprenant vous avez dû vouloir, par rap-
port à elle, tout ce que Dieu voudra, soit sa chute, soit son
agrandissement. Vous devez donc, avec courage et géné-
rosité, entreprendre ce qui peut contribuer à la faire
réussir.
« Or, il est bien évident que, réduites à vous deux, vous
ne pouvez lui faire faire aucun progrès ; vous êtes rendues
au point le plus élevé que vous puissiez atteindre. Si donc
la divine Providence vous présente le secours le plus
propre à aviver TOËuvre, à l'accréditer, à l'étendre par le
dévouement de nouvelles mères qui méritent toute con-
fiance, vous manquerez à la Providence si vous ne faites
tous les sacrifices qui sont en votre pouvoir pour vous pro-
curer ce secours. Eh bien ! la Providence se prononce en
faveur de deux ou trois religieuses, ou plutôt en faveur de
cette œuvre à laquelle elle les appelle. Mille circonstances
se réunissent pour manifester sa volonté. Vous devez donc
vous expédier généreusement dans cette occasion. .
€ Vous êtes dévouées de vos personnes. Mais l'êtes-vous
bien assez de vos moyens pécuniaires? Remarquez bien
qu'il ne s'agit pas, quand je parle d'argent, de la dépense
des enfants. C'est la besogne de la Providence, elle s'en
acquittera. Et lorsque, depuis un an, elle a dépassé en
double ou en triple les besoins par les ressources qu'elle a
fournies, il serait honteux de s'inquiéter sous ce rapport.
Si donc elle augmente le nombre des enfants, elle augmen-
tera les ressources dans la même proportion. Il s'agit de
nourrir les nouvelles mères et de leur assurer une exis-
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MK — 214 —
^ tence. Déjà des offres m*ont été faites à Cet égard ; j'ai
%■ besoin, dès aujourd'hui, de les comparer aitec les vôtres
1" pour savoir sur qUoi nous pouvons compter.
t;? « Que ferîez-vous, Mesdemoiselles, si vous étiez libres,
f' Tune et l'autre, de votre petite fortune? Voyons, que dit le
T cœur? Eh bien, faites donc dd moins ce que vous pouvez
(i faire, si vous voulez que votre bon Maître vous tienne
i compte de ce que vous regrettez de ne pas faire.
^ « Vous, iiademoiselle Leguay, à cottibien évaluez-vous
les menus plaisirs d'une demoiselle de la classe moyenne
5 qui pourrait s'adonner aux spectacles et aux bals, et bien
^ soigner sa toilette, sans que personne pût y trouver à
^ redire? A combien évaldez-vdus, je ne dis pas la part de
î; reveriu dont se serait dessaisi Vot^e père, âl volls aviez pris
'^ utl hiari, iîiais bien lès avantages que lui procure vot^e
\- , présence? Voilà des valeurs qiie M. Leguay ne mécontlal-
K tra tertainement pa^ et qUi fednt bieti au-dessus de votre
quote-part dans le bieîi tju'il s'agit d'entreprendre,
i Vous, Mademoiselle Épagheul, hë; Wotl DieU ! je ne
voiis ëborde ce ttiatin qu'èh tretnblanl. J'àl \ph\iT de vdtl'e
titfaidité! j'aurai ceperiddnt la braVoul-e de vbus parler de
vos revenus. Vou^ seW-t-il perttlife d'eh dépenser, chaque
année, in hioins Une pdrtlé en bonnes œuvres? Vous laiis-
sët*ez-VoiiS irtiposer là nécessité de les entasser pour aug-
menter vos terres?
« Pourquoi doiic et pour cjbi dbhc? Je crois bien vous
côrttialtî^, Maderhoiselle, fet je sais fort bien que vous n'avez
pas le tœur étroit. Mais la timidité, là défiance de vous-
mêitie, la modestie vous le resserrent. Allons, mettez-le donc
un peil àU large, voilà le moment. Soyez tranquille; si
vous offriez thop, je n'accepterais pas. Une petite part de ce
revenu annuel, pour ces bonnes filles, amies de Dieu et
qui n'en ont pas, et ce ne sera point pour la grande famille
que la nature vous a donnée, mais pour la petite famille
que la Providence y a substituée et dont vous êtes la mère.
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■F^
— 218 —
Voyez comme je parle ce matin, nous verrons comment
vous parlerez ce soir l'une et l'autre. Pour moi, je vous
parle de Tabondance du cœiir avec une pleine liberté et
beaucxiup de confiance. Vous en ferez de même, n'est-ce
pas ?
« Voil& toute la question : voulez-vous faire uti sacrifice
pour assurer à deux Du trois religieuses les choses néces-
saires à leur entretien ? Et quel sera ce sacrifice? Je désire
avoir votre réponse devers trois heubes aujourd'hui.
« Votte tout dévoué serviteur,
« tt. ËERNFER, pfétré. >
•
La réponse des demoiselles permit à M. Bernier d'écrire
aux religieuses qu'une œuvre leur était offerte et qu'elles
seraient accueillies avec une sincère cordialité.
Après quelques mois de réflexion, les Augustines arri-
vèrent, le 19 mars 1835. Le lendemain, M>'" Leguay écrivit
à M. Bernier : « Vous allez me gronder, si je vous confie
que mon cœur saigne à la pensée que d'autres mères vont
prendre ma place auprès de nos chères filles. 0 fatal moi
que tu me causes de mal ! Cependant je comprends très
bien l'avantage que nos chères enfants recevront de cette
nouvelle direction et non seulement j'y consens, mais bien
franchement je le désire. Mais je me trouve dans la posi-
tion d'une personne qui consent et même qui désire qu'on
lui ampute soit un bras, soit une jambe, parce que sa vie
en dépend, mais qui ne laisse pas de pousser des cris
lorsqu'on en vient à la douloureuse opération ».
Le curé, plein d'espérance, rêvait tout un établissement.
Déjà il avait arrêté les conditions de l'acte d'acquisition
d'une grande maison quand, avant de s'engager plus avant,
il voulut avoir des garanties officielles de la bienveillance et
du concours de l'administration des Hospices. Celle-ci
n'aioiait pas les religieuses et, nes'étant point entièrement
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— 216 —
renouvelée depuis 1828, conservait de plus le souvenir de
ses démêlés avec les Augustines.
Sans se soucier de l'approbation expresse du préfet, les
administrateurs déclarèrent vouloir se tenir dans les bornes
d*une simple tolérance. Ils rappelèrent encore à M. Bernier
qu il avait laissé sans réponse une lettre où on lui deman-
dait les ressources du nouvel établissement, son local,
son administration. Le curé pouvait difficilement répondre
à ces questions, quand il n'avait pour tout bien qu'une man-
sarde d'emprunt et une grande confiance dans la Provi-
dence. Aussi, ses espérances s'évanouirent prompte-
ment, et il vit que, loin d'être un secours pour son œuvre,
les Augustines ne feraient que lui susciter des difficultés.
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— 217 —
CHAPITRE VI
La fondation d*un Monastère du Bon-Pasteur (1835-1837)
Au mois de mai 1835, la supérieure générale du Bon-
Pasteur d'Angers, la mère Marie de Sainte-Ëupbrasie
Pelletier, priait M. Bernier de bien vouloir se trans-
porter à son monastère pour y prendre connaissance
d'un projet de fondation à Saumur. L'entrevue eut lieu le
29. Pour la première fois se trouvaient en présence
ces deux remarquables personnages. Enfants de la Vendée,
leurs âmes paraissaient encore sœurs par la ressemblance
des facultés. Clarté d'intelligence, invincible ténacité, ces
dons leur semblaient départis pour conduire à bonne fin de
grands desseins et supporter les nombreux outrages et les
disgrâces accablantes qui auraient brisé des natures ordi-
naires.
La mère Pelletier conquit immédiatement M. Bernier à
la congrégation et à la nouvelle entreprise. De suite il
s'empressa de détruire les objections restant à la supérieure
contre son propre projet. A la fin de Tentrevue, la fondation
était décidée. Le curé promit de lui chercher sur-le-champ
une maison convenable.
Bientôt après, en effet, il lui signalait l'ancienne abbaye
de Saint-Florent-le-Jeune, dont on venait de démolir avec
beaucoup d'efforts les deux tiers pour en vendre les maté-
riaux. Il restait un seul corps de bâtiments, appelé la Séna-
torerie, parce que Napoléon l'avait fait décorer pour deve-
nir la résidence du sénateur Lemercier. Le curé fit arrêter
de suite la démolition. On lui offrait la maison et son
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vaste enclos pour quarante-cinq mille francs, à peu près
ce que la propriété avait coûté. Il était impossible de trou-
ver une plus belle occasion pour fonder un grand établis-
sement; aussi pressa-t-il vivement la supérieure de la
saisir. Elle ne pouvait hésiter, et l'entreprise lui parut
d'autant plus attrayante (Qu'elle rendait au culte un sanc-
tuaire profané- Cett^ pensée de fol in^pressionna tellement
la mère Pelletier qu'elle eut désormais la dévotion de
reconstruire les maisons du Seigneur détruites par la
Révolution L Ellp vint viajter l'abbaye, consulta Tévêque
et fit r^cquisition.
Dès son retour d'Angers, M. Bernier avait averti les
Augustines qu'il allait consacrer à l'œuvre du Bon-Pasteur
tous ses soins, toute son influence. Elles ne pouvaient plus
se flatter de former un établissement quelconque à Sau-
mur : mais la supérieure du Bon-Pasteur leur offrait un
asile temporaire, ou même un emploi fixe dans son monas-
tère général. Bien que la Mère Pelletier leur renouvelât
elle-même ces propositions, les religieuses préférèrent
s'occuper d'établir à Angers une œuvre des Enfants trou-
vés. Elles entrèrent en pourparlers avec l'administration
de l'hospice de cette ville et, voyant le succès de leurs
négociations, quittèrent Saumur dès la fin de juin ^.
Ces événements affaiblissaient d'ailleurs singulièrement
le courage de M"* Leguay. Absorbé tout entier par sa fon-
dation, le curé délaissait l'asile, et, dans ses rares visites,
sa rudesse ne ménageait pas la susceptibilité de celle qui
s'était toute dévouée à sa première entreprise. Non seule-
ment il ne parlait plus d'agrandissement, mais une fois
même il dit à la directrice : « Je ne veux plus du tout
* Cf. Monseigneur Pasquier, Vie de la /?. M. Marie de Sainte-
Euphrasie Pelïetierj tom. I, p. 234-
' Bientôt leurs résolutions changèrent et elles ouvrirent pour des
dames pensionnaires une maison qui devint promptemeut floris-
sante.
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m'occuper de ces enfants. » Pendant quinze jours M"' Le-
guay garda pour elle sa douleur. Ne pouvant plus se con-
tenir, elle écrivit à son curé : « Si, par impossible, lui
a marquait-elle, Dieu venait vous flire qu'il ne s'occupe
« plus aucunement du troupeau confié h V03 sqins, et que,
« quoi que vous fassiez pour lui, il ne s'en inquiéterait
€ point, est-ce que vous travailleriez avec autant de zèle
« que d'ardeur?... Dieu ne m'a point tenu ce langage, me
« direz-vous, mais qui est-ce qui me tient ici-bas la place
(( de Dieu? Je suis obligée de conclure que la volonté de
« Dieu n'est pas que je continue. Cette pensée que vous
<( me laissez faire, avec toute TindifTérence possible
(i de votre part, cette pensée m'ôte tout désir de persévp-
« rance. Ajoutez à cela l'incertitude deM*^* Epagneul, que
« vous me signalez très bien, les répugnances de paon
« père, ma mauvaise sauté. Est-ce ainsi qu'on reconnaît
« la volonté de Dieu?... Non, Monsieur, non ; si la tâcjie
« vous paraît facile, elle dépasse mes forces ; si le succès
« à en attendre est trop peu de chose ppur papUvier
« votre attention, je n'en veux point du méfitp toute
« seule. 'Au moins, jusqu'à ce jour, j'ai pu me rendre ce
« ^épQoignage : je ne fais rien par mpi-n^ême ; c'e^t ce
« qui m'a conservé la paix intérieure; je ne veux pas la
(( perdre, et je n'irais pas changer de route* Souteqez-
« moi, encouragez-moi, dites-moj de marcher malgré tout,
a j'irai ; mais laisez-moi à ma propre conduite, je rends
« les armes. »
M*** Leguay comprit, à la réponse du curé, qu'elle
n'avait plus qu'à se résigner et, devant cette substitution
d'une puînée à l'œuvre première, son cœur de mère pensa
qu'autrefois Jacob avait dépouillé Esaii du droit d'aînesse.
Elle crut que son entreprise devait s'effacer devant une
autre, dont l'importance réunirait tous les privilèges et
tous les avantages. Les Dames du Bon-Pasteur ne pou-
vaient manquer d'arriver bientôt. Suivant l'impulsion
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donnée, M"« Leguay aida M. Bernier à leur préparer un
beau mobilier ; même elle voulut bien offrir à leur orphe-
linat ce que, depuis deux ans, elle avait, pour le* sien,
recueilli de la charité publique.
Le 29 juillet, le curé envoya prendre les cinq religieuses
de la fondation à Angers par une voiture. Il en vante à
la supérieure l'intéressant conducteur « qui ne fait entendre
à ses chevaux qu'un langage soigné et sentimental. Quant
à la verse, ces dames peuvent être tranquilles. Dalençon
(le voilurier) n'a versé qu'une fois dans sa vie, il y a
quelques semaines, dans les chemins de la Vendée ; et cela
ne doit arriver que très rarement à un homme de son
mérite ». Le curé reçut les religieuses avec beaucoup
d'égards, leur fit présent d'un mobilier et, sous leur direc-
tion, s'occupa des travaux de reconstruction et de répa-
ration. Il alla même jusqu'à s'imposer de quêter à domi-
cile K
' Voici une partie du prospectus dont il se faisait précéder poar
solliciter des aumônes en faveur des Dames du Bon-Pasteur : a Nous
ne connaissons point d'œuvre plus utile ou plus appropriée aux
besoins de la société que celles qui se font dans leurs etablissemens.
Elles encouragent le retour à la vertu, en offrant un asile au repen-
tir. Elles préservent de la corruption de jeunes cœurs que le vice
flétrirait infailliblement, s'ils n'étaient pas soustraits de bonne heure
aux influences qui les menacent. De plus, et ceci mérite une atten-
tion toute particulière, elles savent épargner à des familles très hono-
rables des numiliations et de grands chagrins, soit en affermissant
dans la vertu des filles que les illusions de 1 âge et de premières
impressions pourraient ébranler, soit en opposant les soins assidus
d'une éducation spéciale à des inclinations alarmantes, que des
parens ont quelquefois la douleur d'observer dans une jeune enfant.
« Le» personnes oui sont l'objet de ces bonnes œuvres, quoique
dans un même établissement, forment différentes classes totalement
séparées, même à l'église, et qui n'ont entre elles aucune relation.
Aucun sujet n'est admis au nombre des religieuses, qui n'appar-
tienne à une famille honorable, et dont la conduite dans le monde
n'ait été sans reproche.
c Les douces insinuations d'une charité à la fois compatissante et
ingénieuse sont le grand moyen que ces dames emploient : mais il
serait peu efficace sans le travail auquel elles attachent les sujets qui
entrent dans leurs maisons. Elles supplient donc les personnes bien-
faisantes de leur procurer de l'ouvrage en linge, brocferie, omemens
d'église, fleurs artificielles
c Aux filles ou femmes, pénitentes libres, on demande 300 francs
une fois donnés, et 20 francs pour le costume qui est brun. Elles
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Non content de relever les murs du monastère, M. Der-
nier se mît, avec la môme ardeur, à le peupler de reli-
gieuses. Il trouva bientôt deux novices et, au mois de
décembre, il en annonçait une troisième dont le départ
causa bien des larmes à M"« Leguay, mais qui devait être
d'un grand secours dans les embarras financiers de la
nouvelle fondation. « J'éprouve, écrivait-il à la mère
Pelletier, une grande satisfaction à vous annoncer, une
postulante dont vous aurez, je l'espère, du contentement,
car c'est une bien bonne et bien belle âme. C'est M"® Épa-
gneul, âgée de vingt-deux ans et demi. J'ai beaucoup
hésité, je l'avoue, à la séparer de M"® Leguay et à lui faire
abandonner une œuvre à laquelle j'avais contribué à l'atta-
cher. Mais plusieurs considérations me paraissent déci-
sives, et celle-ci entre autres : c'est que cette jeune per-
sonne, excessivement timide, et par caractère et par déli-
catesse de conscience, a besoin, pour être dans un état de
calme et de repos, d'une autorité, d'une règle qui lui fasse
bien connaître à tous les instants de quel côté sa volonté
doit se porter et ce que Dieu demande d'elle. Une certaine
dose de liberté l'embarrasse et elle est façonnée tout exprès
pour Tobéissance. Du reste, vous reconnaîtrez qu'elle ne
manque ni de vues, quoiqu'elle n'ait pas un talent au-des-
sus du médiocre, ni de courage et de fermeté, malgré sa
timidité * »
M. Bernier était si complètement gagné à la congréga-
tion qu'il intervint même dans les disputes au sujet de la
restent dans la maison tant qu'elles veulent. Ces daines désirent, et
eUes Tespèrent si la bienfaisance vient à leur secours, ne jamais
renvoyer les pénitentes qui se présenteront sans pouvoir payer.
« Les orphelines sont reçues depuis 3 ans jusqu'à 18. La pension
annuelle est 150 francs, et Ton ajoute 20 francs pour le costume qui
est bleu.
« Pour les jeunes personnes qui appartiennent à de bonnes familles,
mais qu'on veut soustraire à des dangers, la pension est de 300
francs. Elles fournissent le trousseau, et elles prennent en entrant
le costume noir, avec une pèlerine blanche. »
> Lettre du 29 décembre 1835.
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réforme de sa constitution. L*ordre a été institué à Caen,
en 1642, par le père Eudes. Ce premier monastère fit plu-
sieurs fondations ; mais les maisons étaient indépendantes
les unes des autres, comme encore aujourd'hui celles de la
Visitation, entre lesquelles il n'existe que des liens de
charité. La mère Pelletier, religieuse de la maison de
Tours et fondatrice de celle d'Angers, eut Tidée de faire
un çrand ordre où l'association des maisons, réchange
facile des sujets, rendant la force plus considérable, per-
mettraient un plus grand bien. Un décret de la Congréga-
tion des É vèques et Réguliers, du 16 janvier 1836, confirmé
par Bref du Pape, le 3 avril, établit la supérieure du Bon-
Pasteur d'Angers générale de toutes les maisons qu'elle
avait fondées ou qu'elle fonderait. L'affaire n'alla point
sans protestation. Des monastères réclamèrent la fidélité
au principe séparatiste du père Eudes. M. de Montblanc,
l'archevêque de Tours, qui avait quelque raison de se
sentir froissé, se plaignit au Pape du changement et, en
1835, Grégoire XVI défendit l'idée du généralat. VAmi
de la religion * inséra la lettre papale, en la faisant pré-
céder d'une note terne, d'aspect impartial, mais où quelques
épithètes étaient de nature à causer une impression défa-
vorable aux prétentions du monastère d'Angers. M. Ber-
nier en écrivit au rédacteur Picot. « Insérer une réclamation,
répondit celui-ci , serait manquer d'égard à l'archevêque
de Tours. » C'était une défaite. La note de VAmi n'avait
pas craint d'être défavorable à M^ Montault et aux évêques
qui avaient approuvé le projet de la mère Pelletier. Le
curé de Saumur répondit au journaliste en maintenant sa
demande. « Ceux qui ont occasionné le tort, dit-il, l'ont
oublié; cela arrive d'ordinaire. Mais la congrégation qui
le subit injustement doit-elle rester absolument passive,
quand il lui est si facile de se justifier ? Il me serait très
* N» du jeudi 12 novembre 1836.
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pénible de déplaire à M*' rArchfevôque de Tours. Mais je
ne parle de lui que pour protester, au nom de ces dames,
de la vénération et de la reconnaissance qu^elles ont pour
lui... Si vous connaissiez les détails de cette affaire, vous
verriez, Monsieur le Rédacteur, de quelle droiture, de
quelle modération^ de quelle patience on a usé à Angers,
et de quels avantages ces dames auraient pu se prévaloir.
Un de ceux qui ont écrit en cour de Rome disait, dans une
lettre à M™ la Supérieure, assez peu de temps avant de se
lancer dans Topposition : «r Je regarde les ennemis du
généralat comme les ennemis de Dieu. » On a de lui plu-
sieurs lettres en ce sens. Ce n'est point un prélat qui est
tombé dans cette inconséquence*. »
Douée du talent de la temporisation et se croyant trop
faible pour la lutte^ la mère Pelletier n'appuya point la
réclamation de M. Bemier. De cette abstention, Picot con-
clut, selon ses désirs, qu'il n'y avait pas lieu de rien insé-
rer. L'affaire se trouva donc terminée. Une tentative de
réconciliation, essayée entre la congréation d'Angers et un
des adversaires du généralat, n'eut pas plus de succès.
M. Bernier aurait voulu amener M. Dufôtre, le tout puis-
sant grand-vicaire de Tours*, d'un état d'aigreur et d'hos-
tilité à l'indifférence pacifique. Sa médiation ne fut pas
encouragée.
Cependant la fondation s'aménageait. Il fut réglé que
M*' Montault, accompagné d'un évoque missionnaire, béni-
rait la chapelle et le monastère le 25 avril 1836. Le curé
prépara la fôte et déclara, d'une manière délicate et spiri-
tuelle, qu'il en voulait faire les frais.
a Ce n'est point ici affaire de politesse et de générosité,
écrivait-il à la supérieure générale. Il y a des considéra-
tions d'une nature plus grave. Nos originaux de Saumur
• Lettre du 15 février 1836.
* M. Dufôtre mourut évoque de Nevers.
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— 224 —
s'accrochent à tous les moyens pour se dispenser de faire le
bien, surtout quand il s'agit d'une maison religieuse : s'ils
la voient souffrante et manquant de quelques parties essen-
tielles à son établissement, ils disent que cela n'a pas
d'avenir^ que c'est un projet téméraire^ que cela tom-
bera ; s'ils voient des dépenses, ils en concluent que la
maison est riche, qu'elle ne manque de rien. Je me tue
à dire qu'elle a d'autant plus besoin d'être secourue et que
sa pénurie est d'autant plus grande, que Saumur ne fait
rien pour les frais énormes d'acquêt et de premier établis-
sement. . . Je serai bien moins écouté encore, lorsque la
malveillance aura transformé un diner modeste que
donnerait la communauté en un festin splendideet dispen-
dieux. Vous verrez, si le diner se fait à la communauté,
que les dames du Bon-Pasteur auront, un jour de Saint-
Marc, été les émules du sénateur Lemercier ou de dom
Macé^ joyeux et dodu bénédictin. C'est comme cela que
nous avons l'esprit tourné à Saumur. J'espère donc, Madame
la Supérieure, que vous joindrez à toutes v©s obligeances
celle de ne laisser faire pour ce qui concerne le diner
du 25. »
On ne peut pas ne point se rendre à de telles considéra-
tions. Mais que servir un jour maigre à des hôtes distin-
gués? Le poisson était très rare et fort cher à Saumur,
parce qu'en ce temps-là personne n'y faisait abstinence; les
marchands n'en avaient que de très petites quantités.
M. Bernier voulut bien que la mère Pelletier lui envoyât
un panier, mais à la condition expresse de le payer lui-
même. Un peu plus tard, il offrait de la sorte l'hospitalité
aux religieux qui venaient prêcher la retraite au monas-
tère. Ses aimables propositions sont toujours mêlées de
judicieux conseils cachés sous des plaisanteries enjouées.
* Prieur claustral de Saint-Florent, et l'un des 22 membres de
TAssemblée provinciale d*Anjou en 1787. Il fut massacré à Paris
en 1792.
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Toute sa correspondance le montre ami dévoué de l'œuvre.
Son zèle de quêteur alla jusqu'à recueillir douze mille
francs pour elle et, cette année-là môme, une de ses nièces
entra au noviciat d'Angers. Jusqu'à la fin de son ministère
paroissial le curé mit cette fondation au-dessus de toutes
ses entreprises.
Il ne semblait plus se préoccuper du petit asile. Sans
vouloir en témoigner de Taffliction, Justine Leguay rendait
le plus de services possible à la fondation. Au moment où
rentrée de sa compagne dans le monastère lui causait
autant d'embarras que de chagrin, elle dit aux dames du
Bon-Pasteur : t Puisque vous enlevez la mère, vous devriez
aussi vous charger des enfants ! » Quelle ne fut pas sa sur-
prise en entendant les religieuses lui répondre qu'avant
leur départ d'Angers la supérieure générale les avait auto-
risées à recevoir les enfants que M^** Leguay ne manquerait
pas de leur offrir. Là-'dessus la pieuse fille consulta.
€ L'abandon s'impose » répondit simplement M. Bernier.
D'autres influences se firent sentir dans le sens de la conti-
nuation et M"* Leguay s y résolut, t Je vous admire, mais
je ne vous approuve pas », lui écrivit le curé, et il ajoutait
qu'il entendait par cette déclaration se décharger de toute
responsabilité dans l'œuvre, assurant d'ailleurs qu'il
continuerait à lui porter un vif intérêt. La fondatrice de
l'asile ne cessa cependant point de le consulter, et, quand
elle apprit, au commencement de 1837, que Monsieur le
curé venait d'être nommé supérieur-suppléant du petit
séminaire Mongazon, elle songea de suite à remettre les
enfants au Bon-Pasteur. L'orphelinat abritait alors de
quinze à dix-huit petites filles. Ceux qui avaient déjà rem-
porté la victoire pour faire continuer l'œuvre revinrent
encore à la charge et M. Bernier lui-même se rangea de
leur avis. Il resta d'ailleurs le conseiller le plus judicieux
et le plus influent de la pieuse fille.
Lorsqu'elle sollicita son avis pour la première fois après
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— 226 —
son départ en lui demandant la permission de lui écrire
quand elle en aurait besoin, il lui répondit en ces termes ' :
c N'hésitez point, ma bien chère demoiselle, quand
vous aurez à m'écrire. Je pourrai bien quelquefois tarder à
vous répondre, mais je n'hésiterai jamais.
c Bépondrai-je à la partie de votre lettre qui a pour objet
notre séparation? Dieu sait combien elle m*est pénible;
mais il m'est bien consolant de voir et de sentir que ces
liens formés par l'estime et la reconnaissance, sous les aus-
pices de la sainte charité, seront durables et, j'ose l'espérer,
éternels!... Du reste, plus je pense à Saumur, plus je com-
prends que la paroisse de Saint-Pierre, si misérable à bien
des égards, inspire aux prêtres que la Providence y envoie
une si forte affection, et à ceux qu'elle en éloigne de si vifs
regrets. C'est que cette miséricordieuse Providence y sus-
cite, pour soutenir, pour animer et consoler ses ministres,
de bonnes et belles âmes, d'une excellente trempe; des
cœurs bons et généreux, et singulièrement disposés à la
reconnaissance et au dévouement. C'est une belle mission
que le Seigneur donne à ces âmes, au profit des âmes peu
chrétiennes. Vous l'avez remplie, sans vous en douter, cette
noble mission. Vous l'avez remplie largement à mon égard,
vous et quelques autres, et j'en suis sincèrement touché.
Pour vous comme pour elles, je dis du fond de mon âme :
Que le Seigneur vous traite selon votre cœur et qu'il
confirme tous vos desseins. Transmettez ce vœu à votre
excellent Père, qui, lui aussi, y a tant de droits et que
j'embrasse bien cordialement. »
A. HOUTIN.
fA suivre J
* Lettre datée du U février 1837.
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J
r
LES CINQ PAYS
L'INDO-CHINE FRANÇAISE
ET LE 8IAM
/"suitej
IV
LE CAMBODGE
Situation. — Le Cambodge est situé entre le 10<^ et le
ly. de latit. Nord et le 101" et 104* de longit. Est. Son terri-
toire compte 400 kilom. de Katnpong-Som à Stung-Treng,
limite du Laos, et 300 kilom. de TOuest (Pursat) à TEst.
La superficie est de 100.000 kilom. carrés, à peu près le
cinquième de celle de la France.
Pays limitrophes. — Au Nord-Est s'allonge le Laos, à
rOuest le Siam, au Sud le golfe de Siam, au Sud-Est la
Cochinchine et à TEst des tribus sauvages.
Population. — Le pays est habité par 1.300.000 Cam-
bodgiens, 200.000 Annamites, Chinois et races diverses et
environ 300 Français. Les 4/5 de la population sont agglo-
mérés dans la zone qui borne le grand fleuve du Mé-Kong.
— Les terrains si fertiles du centre se sont dépeuplés à la
suite de troubles séculaires.
Gouvernement et Administration. — Le Cambodge
8*est placé sous le protectorat français depuis le traité du
11 août 1863, élargi par des conventions successives.
Le Roi est assisté d'un Conseil des ministres présidé par le
Résident supérieur qui réside auprès de lui, à Phnom-
Penh, la capitale. Des Résidents contrôlent Fadministration
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— 228 —
indigène dans les provinces, qui sont groupées en sept
circonscriptions.
Finances et Budget. — Le budget local est, en 1896,
de 5.556.000 fr. La dotation du Roi est de 1.120.000 fr.
Les dépenses en personnel restent à 1.773.000 fr. et celles
du matériel et travaux à 2.663.000 fr.
Impôts directs. — Ils se composent de la contribution
personnelle, de la capitation des Asiatiques, du rachat des
prestations, pour 600.000 piastres. La contribution foncière
est de 100.000 piastres. L*imp6t sur les barques atteint
25.000 piastres.
Impôts indirects. — Le droit de pèche fournit plus de
70.000 piastres ; les droits sur Talcool de riz et sur l'opium
400.000 piastres. Les douanes, les produits des forêts, les
ventes et locations de terrains forment un ensemble arri-
vant à 2 millions de piastres.
Le Climat est le même que celui de la Cocbinchine ;
mais les montagnes sont malsaines et on y contracte la
fièvre des bois. Il y a deux saisons : celle de la sécheresse
et celle des pluies et de Tinondation.
Agriculture. — Les bords du fleuve ne sont qu'une suite
de cultures, depuis Banam jusqu'aux rapides de Samboc.
Les dépressions du centre et les plateaux sont également
cultivés. Les montagnes sont couvertes de forêts. On y
récolte la cardamome et la gomme gutte. La récolte de car-
damome est aux mains de collecteurs spéciaux. Des essais
de culture de coton et de café ont été entrepris à Kampot
par des Européens.
Propriété foncière. Son exploitation. — Les sujets
français peuvent s'établir librement et posséder dans toute
rétendue du royaume. La propriété a été constituée par
Tacte du 28 octobre 1884 ; celle-ci a permis aux Européens
de créer des établissements et aux indigènes d'étendre
leurs cultures. Le Roi, seul maître des terres, les donnait
à bail pour 10 ans et les bâtiments construits devaient lui
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r
faire retour avec le fonds. Désormais, ces terres sont
acquises à titre définitif. Les ordonnances du Roi, obte-
nues en 1897, complètent la sécurité foncière et les faci-
lités offertes aux Français. Cette situation est consolidée
par la remise de Texercice de la justice entre des mains
françaises. Le Cambodgien étant indolent, ce sont nos
sujets annamites qui exploiteront ces territoires fertiles.
Types de Cambodgiens
Végétaux. — Le cardamome se vend 140 fr. les 60 kilos
à Pursat et le cardamome sauvage 60 fr., aux Chinois.
Le coton, le mûrier, Tindigo, le tabac, le maïs, la canne à
sucre, le poivre, le café sont les principales cultures. Les
fruits sont nombreux et de bonne qualité. Le palmier à
sucre est une source de richesse. Neuf espèces de cannelle
poussent sans aucun soin de la part des indigènes. Il y a
deux saisons pour la culture du riz, celle des pluies et
celle de la sécheresse. Cette dernière récolte ne se fait qu'en
bordure des fleuves ou des marais intérieurs.
Outre le coton herbacé, on exploite les gousses de coton
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1
— 230 —
arborescent ou ouate qui se vend 8 fr. les 60 kilos; égrenée,
elle vaut 40 fr. Les bois de teinture s'exportent en France
et en Chine pour 240.000 fr. Le poivre est très estimé et
on en exporte en moyenne 1.500 tonnes valant plus de
5 millions. Ces poivres, jouissant de la détaxe à l'entrée en
France, sont maintenant transportés directement sur les
ports delà métropole, ainsi que les 1.000 tonnes expédiées
de Gochinchine. La soie, les cocons, les nattes, les matelas,
les bambous donnent lieu à un trafic courant.
Plantation de poivre (Cambodge)
Animaux. — Les buffles, bœufs, veaux et porcs alimen-
tent une exportation de 20.000 têtes, plus 50.000 volailles
(poulets et canards). Les plumes, cornes et os, l'ivoire,
récaille de tortue représentent une centaine de mille francs.
Industries. — Un Français avait établi en 1891 des
usines d'égrenage de coton, d'huile et de tourteaux prove-
nant de la graine. De 500 balles, la production passa à
8.000 balles en 1895, soit 440.000 kilos valant 480.000
piastres. Le tout était exporté au Japon. Ces usines viennent
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- 231 -
d'être cédées à des Chinois malheureusement. Quelques
exploitations agricoles sont dirigées par les missionnaires.
Les bois d'essence rare sont expédiés en Chine pour un
million de piastres et, si les droits énormes et le fret étaient
réduits» cette industrie prendrait une grande extension.
l^JitMTemans, So
Les grands lacs du Cambodge (Ch. Lemire)
Le sucre de palme est exporté en Cochinchine. On en
fait sur place, par incisions dans l'arbre, une boisson fer-
mentée très agréable lorsqu'elle est fraîche. On la fait
chauffer dans des tubes de bambou.
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— 232 -
Une industrie à créer est celle de la ouate, dont la pro-
duction est de 60.000 kilos. Il en est de m^me pour le
chanvre (ou abaca), l'ortie de Chine, la gomme gutte,
le jute, que les Européens pourraient développer avec profit.
La Pêche fluviale et maritime est une des grandes res-
sources du Cambodge ; mais la richesse spéciale au pays
provient de la pêche annuelle des grands lacs qui couvrent
140 kilom. de superficie. Ils se composent de trois nappes
d'eau appelées la plaine de boue, le petit lac et le grand
lac.
Dans la plaine de boue, les bancs fournissent gratuite-
ment aux pauvres gens et aux buffles une sorte de riz sau-
vage. Puis de gros poissons, du genre Bar, y affluent et y
sont retenus par la baisse des eaux.
Un canal de 80 centim. de profondeur mène à travers le
petit lac jusqu'à Pursat.
Enfin, le grand lac a de 1 mètre aux basses eaux jusqu'à
12 mètres de fond pendant l'inondation, qui atteint Battam-
bang et Angkor. Les berges sont couvertes de forêts inon-
dées d où le poisson sort en quantité prodigieuse.
Ce poisson, salé sur place, alimente le Cambodge, la
Cochinchine, la presqu'île de Malacca et le sud de la Chine;
c'est merveilleux. Et l'on n'en prend qu'une partie.
Ce sont des Annamites, des Chinois par milliers et
quelques Cambodgiens qui font ces opérations de pêche,
de salaison, de préparation des vessies, de la fabrication
d'huile et de colle de poisson et d'exportation, de mars à
juin. On établit de même des barrages dans les nombreux
affluents et les mares. Les femmes et les enfants participent
à ces travaux. Le poisson est acheté surplace par des Chinois
exportateurs. Ce sont eux qui apportent de Baria le sel
nécessaire aux salaisons. On voit que cette industrie est
des plus importantes et des plus lucratives. On pourrait en
tripler le rapport.
Postes et Télégraphes. — Les centres sont tous desser-
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- 233 —
vis par des bureaux français. Le Cambodge est relié au
réseau intérieur indo-cliinois et au réseau international.
La ligne de Phnompenli-Bangkok a été ouverte le 16 juillet
1883. Il est à désirer qu'elle soit remise de nouveau aux
mains d'agents français, en renouvelant la convention
franco-siamoise conclue à cet effet. La taxe entre le Cam-
bodge et le Siam est de 8 centièmes de piastre par mot.
Projets de Chemins de fer. — Une ligne doit relier le
Cambodge à Saigon par Mytho, section française. L'autre
section, celle de Phnômpenh à Bangkok par Battambang,
est vivement sollicitée par une Compagnie anglaise, la Siam
Exploring C*. Cette ligne, passant en territoire réservé à
rinfluence française, devrait être une ligne franco-sia-
moise.
Le Cabotage se confond avec celui de la Cochinchine.
Charrette à bœufs (Cambodge)
Services postaux maritimes intérieurs. — La capitale,
les centres de Battambang et ceux du Mékong jusqu'à
Stung-Treng, où commence le Laos, sont desservis régu-
lièrement par la Compagnie des Messageries fluviales. Ses
services sont en relation avec les grands paquebots qui
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— 234 —
assurent les communications extérieures. Un service spécial
bi-mensuel met en communication Phnômpenh avec Bang-
kok et Chantaboun par Saigon.
Monnaies. — Notre système monétaire est adopté au
Cambodge. La piastre, les sapèques, les lingots y ont cours.
Les anciennes monnaies indigènes sont devenues rares
et tendent à disparaître. La barre d'argent (viên) pèse
385 gr. 86 et vaut 16 piastres ou 100 ligatures de sapèques.
Nos monnaies divisionnaires de Cochinchine y sont très
recherchées.
Poids et mesures. — L'unité de poids est le picul de
60 kil. 400 gr. Voici ses divisions :
Picul ou hap = 60H00
Thong = 30.200
Néel ou livre == 0»^605
Damlong ou once = 0,380
Chi = 0,038
L'unité de mesure de longueur est le Hat ou coudée. Elle
est de trois sortes et varie pour les superficies, les étoffes
et les autres usages. Dans les marchés, on spécifie quel
sera le hat employé.
Crédit. — L'agence de la Banque de Tlndo-Chine fait
un chiffre d'opérations de près de 5 millions. Nous donnons
des chiffres ronds parce qu'ils frappent et se retiennent
plus facilement dans une notice aussi écourtée que celle-ci.
Carrières et mines. — Dans les montagnes abonde le
fer, surtout à Kompong-Soai. La cherté du combustible et
le mauvais état des communications ont empêché une
grande exploitation qui serait très fructueuse et dont pro-
fitent seules les tribus kongs. Plusieurs gisements aurifères
sont exploitables.
Les carrières principales sont celles de kaolin, près de
Kratié, celles de calcaire à Kampot, de salpêtre près de ce
port, des schistes ardoisiers de Kratié, des marbres de
Pursat, des grès de Çheung-Prey.
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On fabrique à Kompong-Chnang des poteries, de la chaux.
Il y a de nombreuses briqueteries et tuileries.
Textiles, — Les étoffes de soie brochée sont renommées
et de supérieure qualité. Dans toutes les familles, leç
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— 236 -
femmes ont des métiers à tisser le coton, la soie écrue, la
soie teinte, lesv étoffes à fleurs. C'est une industrie à déve-
lopper.
Voies de communicatiion par terre. — Une belle
chaussée en maçonnerie va de Oudong, ancienne capitale,
à Kampot, port sur le golfe du Siam. Sa longueur était de
150 kilom. ; ce n'est plus qu'un sentier pour les chars à
bœufs. Il se relie à Phnômpenh. Une route, passant par
Pursat, va à Battambang; mais elle est très mauvaise. La
deuxième route est à l'abri de l'inondation, mais n'est pra-
ticable qu'en saison sèche ; elle traverse les forêts. La troi-
sième longe le fleuve. La seule route sérieuse est celle qui
suit les rives du Mékong et dont les ponts sont encore en
bon état.
Voies de communication par fleuves et canaicx. —
Il n'y a pas de canaux au Cambodge. Le grand fleuve et
ses affluents sont les principales voies de communication.
Pendant les inondations annuelles, les relations entre les
villages se font en barques.
Le Commerce européen a passé de 20 millions au début
à 40 millions de francs. Les maisons de la capitale s'appro-
visionnent à Saigon. Nos négociants créent des succursales
dans le Cambodge et sont entrés en ligne avec les Chinois.
Le Commerce indigène est entre les mains des Chinois
et des Annamites.
Importations. — Elles se chiffrent par 10 millions de
francs. Ce sont le sel de saumure, les poissons du pays, les
vins, spiritueux, sucres et tissus français, farine, outils,
conserves d'Europe, articles de Paris, thé, médecines et
papiers de Chine, opium de Chine et de l'Inde.
Les exportations atteignent 30 millions.
Le riz a donné à l'exportation 150.000 tonnes à 9 fr. les
100 kilos, soit près de 15 millions ; mais cette exportation
est en diminution. Le poisson sec (20 millions de kilos)
représente 3 millions et le poisson- vivant 300.000 fr., les
haricots 900.000 fr., le cardamome 450.000 fr., le sucre de
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palme plus d'un million, le coton un million et demi, le
tabac un million et demi, les peaux 250.000 fr., la sau-
mure et rhuile de poisson 450.000 fr.
Le Transit avec le Siam a beaucoup diminué par suite
des droits sur les riz du Siam. D'autre part, les droits d'en-
trée au Siam étant bien inférieurs à ceux du tarif français,
il y aura des mesures à prendre pour détourner le courant
du trafic vers la Cochinchine.
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Chariot de transports [Cambodge]
La Législaton commerciale est la même qu'en Cochin-
chine.
Avenir du pays. — Par suite de Toccupation du Laos et
des stipulations de la convention de 1896 réservant à la
France les anciens territoires cambodgiens du bassin du
Mékong, usurpés par les Siamois jusqu'au Mê-Nam et qui
Jious feront retour, le Cambodge offre un vaste champ
à Tactivité des Français. Ils y seront devancés par les
Annamites qui y sont nos auxiliaires naturels. Le sol est
fertile. L'administration du pays étant entre nos mains^
des progrès considérables s'accomplissent chaque jour.
Lorsque le chemin de fer desservira la capitale, le com-
merce prendra un grand essor et Saigon, qui est l'entrepôt
naturel de la grande artère fluviale, aidera à ce développe-
ment et en recueillera les profits»
16
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-238 -
LE LAOS
Situation. — Le Laos français s'étend de SluDg-Treng
à la frontière de Chine, sur la rive gauche du Mékong. Les
principautés qui le composent sont divisées par ce grand
fleuve en deux parties. Le Siam retient au nord, sur la rive
droite, 5 états : Xiengmai, Lakhon, Lampoun, Phré et
Nan où nous avons un consul. On compte, dans ces pro-
vinces, 15.000 protégés français.
Pays limitrophes. — Ces province» siamoises bordent
à Touest le Laos français, qui a pour voisins au nord le
Yunnan, à Test le Tonkin et rAnnam, au sud la Cochin-
chine et au nord-ouest la Birmanie anglaise.
Population. — Elle est d'environ 600.000 indigènes,
Laotiens et Kbas, de plus de 5.000 Asiatiques et 170 Fran-
çais.
Les Kbamus et les Lus sont employés surtout à Texploi-
tation des forêts de ték et au dressage des éléphants. Us
habitent surtout la vallée du Namou, grand fleuve qui
aboutit à Luang-Prabang. Des Birmans (Kaulas), des Chi-
nois, des Annamites, des Thais s'y mélangent pourtant.
Dans le Luang-Prabang, il y a 300.000 habitants. Le roi
administre la rive gauche et le second roi la rive droite.
Gouvernement et Administration.— Sous l'autorité du
gouverneur général de Tlndo-Chine, le Laos était administré
par un commandant supérieur (civil) du Haut-Laos et un
commandant supérieur (militaire) du Bas-Laos et par vingt
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- 23Ô -
commissaires du gouvernement, auxquels il faut ajouter
neuf agents commerciaux. Un payeur, deux médecins, un
instituteur, un agent des travaux complètent les cadres
administratifs. Le royaume a pour chef le roi Zaccharine,
qui régne depuis le 14 juillet 1896, et le prince héritier est
Baune-Kbong. Le Haut-Laos est divisé en 8 commissariats
Bonzes du temple d'Angkor (Cambodge)
et le Bas- Laos en 7 commissariats principaux ou pro-
vinces.
Depuis février 1899, l'administration de tout le Laos est
entre les mains d'un seul résident supérieur. Le Luang
Prabang forme un commissariat principal.
L'installation du siège de la résidence supérieure à
Savannaket offre les plus grands avantages à tous les
points de vue. Les attributions du résident supérieur ayant
augmenté, son autorité vis-à-vis des grands mandarins
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- 240 —
siamois établis à Oubone, Nan et Korat, ne fera que
grandir et il pourra rapidement et facilement entrer en
relations avec eux.
Au point de vue économique, le choix du poste de
Savannaket s'imposait; placé au milieu du grand bief
navigable sur plus de 700 kilomètres, il commande à
toute cette région, et les routes rayonnantes autour de lui
permettent d'exercer une surveillance plus active.
Près de lui passent les grandes routes commerciales
suivies par les caravanes, qui, par le Tonkin, Nan etKorat,
vont du Yun-Nan à Bangkok, puis, enfin, Savannaket sera,
dans quelques années, le point terminus de la ligne qui,
par Tourane, Hué, Quang-Tri, le col d'Ai-Lao, débouchera
sur le Mékong, mettant le grand fleuve indo-chinois en
communication avec la mer, tout en traversfant de riches
contrées minières et côtoyant d'immenses forêts.
Une route est actuellement en construction entre Hué et
Savannaket, et rendra elle-même de très grands services
en drainant les marchandises qui filaient sur Bangkok.
La Police est assurée parla garde civile annamite enca-
drée de 26 gradés européens. La marine de TÉtat se com-
pose du La Grandière. Le Massiez été cédé aux Message-
ries fluviales. La population est douce et docile, et Ton
peut circuler partout en sécurité.
Le Budget du Laos est de 2.185.000 fr. Il est alimenté
par les subventions de la Gochinchine, du Cambodge et du
Tonkin. Il fournit une subvention de 65.000 piastres au
budget du Protectorat, auquel il est incorporé depuis 1897.
— Ce contingent est applicable aux dépenses des postes et
télégraphes du Laos.
Les dépenses sont de 1.230.420 fr. pour le personnel et
de 585.600 fr. pour le matériel, c'est-à-dire de moins de la
moitié, alors que tous les travaux publics sont à faire. Il
n y a de ce chef que 125.000 fr. alloués, sur 1.816.000 fr.
L^Annam et le Tonkin contribuent au budget du Laos
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— 241 -
pour 607.000 fr., le Cambodge et la Ck)chînchine pour
1.150.000 fr.
Les recettes proviennent de l'impôt, des amendes, des
régies d'alcool et d'opium. Les dépenses s'appliquent à la
liste civile du roi, des princes, à la solde des mandarins, à
l'entretien d'une école et d'un hôpital.
École des bonzes (Laos)
Les Impôts consistent surtout en une taxe personnelle
récemment établie et dans les corvées ou prestations. L'im-
pôt personnel est de 5 fr. par tête, dont moitié pour le
trésor royal et moitié pour le trésor français. Ces impôts
sont perçus dans les commissariats français. Mais on ne
peut espérer de longtemps que le Laos couvre ses dépenses.
Après tant d'années d'oppression, le Laos est à organiser,
el on ne peut le faire que peu à peu.
Climat. — La région des forêts est malsaine. La tem-
pérature varie de 5 à 6* entre la plaine et les plateaux.
Sur les hauts plateaux, elle tombe jusqu'à 0*. D'octobre à
mai, tout est desséché, et de juin à septembre les pluies
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— 242 —
sont constantes et les rivières débordent. Les bords du
fleuve sont sains; mais le pied des montagnes est très
humide et dur à supporter. Les mois d^avril et mai sont
très fatigants.
Végétaux, — Les arbres à huile, les pins, les bambous,
les arbres fruitiers des tropiques sont abondants. Le
bambou à fleurs, c'est-à-dire dont Técorce veinée figure
des dessins naturels, est une spécialité du pays.
Le coton, le riz gluant, le maïs, le mûrier, le tabac, le
siciète (écorce à chiquer) forment les principaux produits.
Animaux. — L'éléphant, le rhinocéros, le bœuf sau-
vage, le buffle, les coqs et poules sauvages, la perdrix, le
porc, le paon, les cerfs, les singes, les tigres, les sangsues
de terre et des arbres peuplent les forêts. Le jour, elles
sont silencieuses. Le soir, il faut faire des feux pour
écarter les fauves. Le commerce des buffles et bœufs est
très actif. Les cornes et les peaux font l'objet d'une expor-
tation importante.
Industries agricoles, — Ce sont la laque, le benjoin,
l'indigo, la cire, les bois. La culture du pavot à opium
offre un grand avenir.
Les autres industries sont celles des pirogues, des pote-
ries, du fer, du plomb valant sur les lieux 80 cent, le kilo.
Pêche fluviale. — Elle est très développée sur le grand
fleuve et dans ses importants affluents. La nourriture con-
sistant en riz et poisson, Tactivité des indigènes est entre-
tenue par les besoins journaliers. Toutes les rivières étant
très poissonneuses, ainsi que les mares et étangs, toute la
population se livre à la pêche pour ses propres besoins.
Télégraphes et Postes. — Les bureaux du télégraphe et
de la poste sont, pour le Bas-Laos, rattachés au réseau de
la Gochinchine. Dans le Haut-Laos, 7 bureaux sont établis
en concordance avec le réseau du Tonkin. Ils font le ser-
vice des mandats. Le Laos est relié au service postal et
télégraphique universel.
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p^'
- 243 -
Les courriers postaux pour Luang-Prabang sont expé-
diés de Hanoi par Gho-Bo, la rivière noire, et Nam-Hou en
25 jours.
Les Services maritimes intérieurs sont faits par les
vapeurs de la Compagnie des Messageries fluviales qui
assurent le service de la poste et des passagers et relient
le Laos aux services des grandes lignes de navigation de
Saigon.
Monnaies. — On se sert de morceaux de lingots d^argent,
de mauvais alliage, de petits lingots de cuivre et de gros
Musicienne du Cambodge
lingots de fer en forme de fer de lance. La roupie indienne
est très répandue et vaut 1 fr. 60. Le tical siamois vaut
1 fr. 60. La monnaie de Tlndo-Chine française se répand
dans tout le Laos ; des chapelets de 100 coquillages font la
24r. partie d'une roupie.
Poids et mesures, — Ce sont les mêmes qu'au Cam-
bodge, mais avec des variétés encore plus grandes.
Le commerce consistant surtout en échanges en nature,
c'est au gré des parties et sur le vu des marchandises que
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"1
— 244 —
se fait l'échange. Nos poids et mesures de Cochinchine se
répandront en peu de temps au Laos. ;.'-
Mines. — Le fer et le plomb sont exploités sur les bords*
du Nam-Hin-Boun.
Les rochers calcaires fournissent les éléments de la
chaux. Du cristal de roche, des saphirs et rubis, de Tor, se
trouvent en gisements reconnus. Les mines d'Attopeu sont
exploitées par une société française. M. l'ingénieur Bel y a
reconnu sur place des filons aurifères.
Acteur et actrices au Cambodge
Industries. — Le sel gemme est extrait de la terre.
L'eau des puits est évaporée au feu dans des bassines don-
nant en deux jours un bloc de sel de 60 kilogs.
Textiles. — On tisse le coton et la .soie, on les teint en
de riches couleurs. On fabrique des nattes très recherchées.
Dans toutes les maisons, il y a un métier a tisser et les
femmes laotiennes ont pour les étoffes de couleur une spé-
cialité et une supériorité sur le tissage annamite d'étoffes
écrues. Les dessins sont aussi variés que bizarres.
"' Voies de communication par terre. — On va de Lao-
Kai à Luang-Prabang par Laï-Ghau et Dien-Bien-Phu ea
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— 248 —
25 jours. Le Laos a été en communication avec TÀnnam et
le Tonkin par six voix différentes, qu'il s'agit de transfor-
mer en routes praticables. De Nong-Kay à Bangkok par
Bassac il faut 40 jours ; on va à éléphant de Korat à Bang-
Kok. Les voies terrestres avec Tlndo-Chine sont celles de
Kratié à Saigon, de Kemmarat à HuéetTourane par Ailao,
de Outène à Vinh et de Luang-Prabang à Hanoi par Dien-
Bien-Phu.
Voies de communication par fleuves. — La grande
route qui marche est celle du Mékong divisé en trois
biefs, séparés par des barrages difficiles, exigeant des
Femmes laotiennes (Laos)
transbordements. Les contrats des 25 septembre 1894 et
18 octobre 1895 établissent le service de navigation sur le
Mékong par la Compagnie des Messageries fluviales de
Khone à Luang-Prabang. Là Compagnie est chargée du
transbordement par la voie ferrée de 5 kil. dans l'île de
Khong. Ce service se fait depuis octobre 1896. De Khone à
Pakmoun (200 kil.), le service est régulier de juin à fin
novembre en 18 heures. Le deuxième bief de Savanna-Kek
à Vien-Tian (500 kil.), de 40 à 50 heures ; le troisième bief
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^M
1^
— 246 —
est celui de Vien-Tiane à Luang-Prabang. La marche est
incertaine ; mais de Saigon à Vien-Tiane, on met 24 jours,
à cause des transbordements en pirogues. On met 20 jours
de plus jusqu*à Luang-Prabang ; on en descend en
25 jours.
Commerce. — Il consiste surtout en buffles, bœufs,
porcs, peaux, cornes de buffles, de bœufs et cerfs, gomme -
laque, cardamome, benjoin, cire, ivoire, paddy, etc.
L*importation s'accentuera en calicots, toiles de Vichy,
couvertures de laine, vestons blancs, serviettes-éponges, en
quincaillerie, coutellerie, verrerie, parfumerie, pétrole;
mais les Anglais, et surtout les Allemands, inondent le
pays de leurs articles dans le goût indigène et à bas prix.
Nous donnons ci-après le tableau des taxes sur les pro-
duits du Bas-Laos.
TABIiEAXJ des taxes de sortie appliipiées aux produita
du Bas-Laos (Expert.)
DÉSIGNATION
Paddy nép
Riz blanc ^
Cardamone sauvage .
Gomme laque
Ortie de Chine
Cornes de rhinocéros
Cornes de buffles ....
Cornes de ceris
Peaux de buffles
Peaux de cerfs
Os de tigre
Os d'éléphant
Ecaille ae pangolin. .
Cire
Benjoin (l'* qualité)..
Ivoire
Bœufs et vaches
Buffles
Éléphants *
Pirogues •
Unité
Picul 60 k.
»
Tune
le picul
»
l'un
Valeur
30 à 35 e.
l d. 50
12 à 15
12 à 15
15
9
9
6
9
18
70
80 à 100
350
3à4d.
10 à 12
200à800
3à60d.
Taxe
de sortie
ad valorem
30 0/0
20 0/0
10 à 8 0/0
10 à 8 0/0
8 0/0
nulle
7 0/0
7 0/0
10 0/0
7 0/0
nulle
nulle
nulle
7 0/0
nulle
5 0/0
15à20 0/0
10 0/0
10 0/0
100à5 0/0
PriK
de vente
à Saigon
1 50 à 1 70
25à30
17 à 18
100 4 200
16 50
24
17
19 à 20
44
25
?
75
200
500
30
25À50
* Ne s'exporte pas.
' Revendus en Birmanie et dans Tlnde.
* Vendus au Cambodge.
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— 247 —
Législation commerciale. — Un arrêté du 30 juin 1897
édicté un droit de sortie sur les productions locales du
Laos. Cette mesure, appliquée en 1898, est prématurée.
Il suffit, pour s'en rendre compte, de consulter le tableau
ci-dessus.
Le droit sur les importatioDs au Siam étant de 3 0/0 ad
valorem, nos tarifs onéreux détournent de Saigon vers
Bangkok le trafic de nos propres possessions.
De Bangkok à Luang-Prabang, le prix du fret est de 150
à 200 piastres la tonne; de Saigon à Luang-Prabang,70 fr. ;
de Bangkok à Vien-Tian (voie siamoise), 150 f. ; de Saigon
à Vien-Tian (voie fluviale), 60 f. ; de Bangkok à Outène,
120 f. ; de Saïgon à Outène, de 20 à 40 fr.
Avenir du pays. — Le Laos est un pays exactement
semblable à la Birmanie, que les Anglais ont su organiser.
Ils y font un commerce considérable. Nous pourrons tirer
du Laos de grandes ressources, si nous nous préoccupons
davantage des facilités commerciales que des formalités
fiscales. Le premier soin doit être d*établir des voies de
communication avec Saigon, avec Tourane et avec Hanoi, et
le succès sera assuré en une quarantaine d^années. La
pénétration commerciale se fera simultanément par les
voies fluviales et terrestres.
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— 248 —
LOCALITÉS -PORTS
TONKIIT
HAIPHONG
Situé au confluent du Cua-Cam et du Song-Tani-Bac, à
20 milles de la mer, Haï-phong,- concession française, est le
grand port du Tonkin, aussi bien pour les produits euro-
péens que pour les marchandises annamites et chinoises.
L'entrée du Cua-Cam est marquée par le phare de Hon-
Dau et celui de Norways.
Une série de balises, de bouées d'amarre soigneusement
entretenues et de feux permettent aux navires de remonter
les H milles de rivière à toute heure de nuit. Un poste
télégraphique installé à Hon-Dau fait connaître à Haïphong
l'état de la mer et signale les navires en vue*
Un Sémaphore récemment installé permet, en outre,
d'échanger des dépêches avec les navires en rade d'Hoa-
Dau, du lever au coucher du soleil.
La ville, qui n'existait pas en 1874, se développe chaque
jour, grâce à d'importants travaux de voirie et d'assainis-
sement.
Du vaste marécage, des lais de basse-mer et des rizières
inondées, a jailli comme par enchantement, en quelques
années, une belle ville, bien tracée, bien bâtie, ofl'rant tous
les avantages de ses rivales vieilles de trente ans.
La ville européenne, dont la forme est celle d'une corne
d'abondance, est circonscrite par le Cua-Cam, le Song-Tam-
Bac et le canal Donnai ; le haut commerce chinois s'est
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— 249 —
également installé dans cette partie de la ville, sur la rive
droite de Song-Tam-Bac. Les faubourgs se tendent au delà
de cette rivière et du canal.
Haiphong, chef-lieu de la province de ce nom, a une
population d'au moins 18.000 habitants, dont 600 Européens
(non compris la garnison et les fonctionnaires), 5.000
Chinois et 9.000 Annamites, plus 200 Asiatiques, de natio-
nalités diverses : Macaïstes, Indous ou Japonais.
C'est le siège d'une résidence de France ; radministration
indigène y est représentée par un tuan-phu et un quan-an,
la justice par un tribunal de première instance faisant
également fonctions de tribunal de commerce.
La ville, érigée en municipalité par arrêté en dale du
19 juillet 1888, a pour maire le résident de France, qui est
assisté d'un conseil municipal élu ; ce conseil comprend
douze membres français, deux membres annamites et deux
membres chinois.
Le service de la voirie est assuré par un corps détaché
des travaux publics. Les installations municipales sont :
les marchés de Port-de-France, et d'Haly, vastes et élé-
gantes constructions en fer, l'abattoir, le mont-de- piété,
les squares, etc.
De nombreux agents, sous les ordres d'un commissaire
de police, veillent à la propreté et à la sécurité de la ville ;
une brigade de gendarmerie concourt au maintien de la
tranquillité publique.
Haïphong possède un commissariat de police, avec
chambres de sûreté, boulevard de Sontay, une caserne de
gendarmerie, près du Tribunal, rue Harmand- La prison,
située dans le quartier annamite, au-delà du canal de
ceinture, renferme une moyenne de 200 prisonniers. Ce
nombre s'augmente considérablement au moment des for-
mations de convois pour la déportation.
Cantonnement de garde indigène et caserne d'infanterie
de marine, sur les bords du canal.
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- 260 -
L'artillerie a, sur la rive gauche du Song-Tam-Bac, de
grands ateliers occupant un nombreux personnel ; dans
Haïphong môme, elle possède des terrains et des maga-
sins assez vastes ; elle occupe enfin le fort annamite, où
sont déposées les poudres et les munitions.
La marine a créé, dans le quartier excentrique d'Haly,
d'importants établissements. L'ai^senal peut réparer les
chaloupes, canonnières et avisos.
La maison Marty et d'Abbadie, la maison Daniel et Cie
ont également, la première sur le Gua-Gam, la deuxième
sur le canal, de vastes ateliers où les chaloupes peuvent
être réparées. Toutes les chaloupes qui assurent le service
fluvial du Tonkin ont été construites sur les chantiers de la
maison Marty et Âbbadie.
Depuis le !•" janvier 1893 la ville est éclairée à la lumière
électrique. Les directeurs, MM. Hermenier et Planté, ont
installé leurs usines sur les bords du canal.
C'est près de Haïphong que se trouvent les bâtiments en
réserve, pour la plupart des canonnières de rivière désar-
mées. Le commandement de la marine est exercé par un
capitaine de vaisseau, commandant en chef les forces
navales de Tlndo-Chine.
Écoles françaises primaires de garçons et de filles ; écoles
primaires indigènes ; écoles de caractères chinois, toutes
très fréquentées.
Mission catholique espagnole ; église catholique (une
cathédrale sur les terrains de la mission, boulevard Cour-
bet) ; Sainte-Enfance (école et orphelinat tenus par les sœurs
françaises de l'ordre de Saint-Dominique).
Pagodes chinoises et annamites, les premières très
luxueusement décorées.
Hôpital militaire (les civils y sont admis) ; ambulance
supplémentaire près du fort annamite ; lazaret ; hôpital
chinois sur le Song-Tam-Bac ; hôpital annamite ; dispen-
saire.
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1
— m -
Bureau des postes et des télégraphes ; càble anglais ;
recette municipale.
Le service central des douanes du Tonkin, installé à Haï-
phong, a tous ses bureaux dans les anciens locaux occupés
par la Société des Docks.
Le débarquement des marchandises et leur entrepôt se
font aux magasins généraux, qui constituent un établisse-
ment de premier ordre, pourvu de tous les moyens et
engins nécessaires. Ces magasins généraux, qui étaient la
propriété d'une société, ont été rachetés par le Protectorat
et sont actuellement sous la direction du Service de la
Douane. Magasins centraux réservés aux approvisionne-
ments de la Marine de l'État et du Protectorat.
Le transit de la marine et du Protectorat s'effectue aux
magasins chinois, vastes immeubles construits sur le Gua^
Cam,à la limite occidentale de la ville. Les quais possèdent
des grues de 2.000 kil. et une bigue à vapeur pour 25.000 kil.
Halphong est le point terminus de l'annexe des Messa-
geries maritimes (ligne de Saigon-Haïphong) ; c'est en
môme temps la tôte de ligne de la Compagnie des corres-
pondances fluviales (service subventionné) ; deux lignes
fluviales partent de Haïphong : celle de Hanoi, avec
embranchement à Hung-Yen sur Nam-Dinh ; celle des
Sept-Pagodes, Phu-Lang-Thuong ; une ligne semi-fluviale,
semi-maritime, celle de Haïphong, Nam-Dinh, Vinh ; une
ligne côtière, celle de Haïphong, Quang-Yen, Monkay
(Nui-Ngoc). Haïphong est aussi mis en communication
avec tout le Tonkin et les provinces du nord de TAnnam.
Enfin, une nouvelle ligne, qui sera desservie par des vapeurs
d'un type spécial, partant de ce port, doit aboutir prochai-
nement è Lao-Kay.
Haïphong est également relié à Hong-Kong par un ser-
vice régulier des Messageries fluviales qui touche à
Packhoi (province de Canton) et à Hoi-How (Ile de Haï-
Nan). De nombreux navires allemands, anglais ou danois,
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^
— 252 —
dont le port d'attache est Hong-Kong, apportent régulière-
ment à Haiphong la malle anglaise. Deux nouveaux
bateaux, le Hanoï et le Hong-Kong^ appartenant à la
maison Marty et d'Abbadie, font également un service
régulier entre Haïphong et Hong-Kong.
Haïphonga reçu, en 1897, 602 navires de mer, jaugeant
300.000 tonnes, de grandes jonques de mer, sans compter
les jonques de cabotage, des navires de guerre et d'innom-
brables embarcations de rivière.
Le mouvement des chaloupes à vapeur, pour Tintérieur
du Tonkin, se chiffre par près de 1.600 sorties. Un bassin
de radoub reçoit les navires de 400 tonnes.
Le port de Haïphong, tout animé qu'il soit, est malheu-
reusement précédé d'une double barre qui met obstacle à
son développement ; le Cua-Cam, qui le constitue, présente
à son estuaire deux seuils qui empêchent les navires calant
j)lus de 6 mètres de monter à Haïphong et imposent
même parfois une attente assez longue à des vapeurs de
tirant d'eau inférieur. Hs peuvent s'abriter à la Cat-Batou à
la baie d'Along.
Un canal va réunir le Cua-Nam-Trieu, en face d'Haïphong,
au Cua-Cam, permettant à tous les navires de remonter en*
tous temps.
L'eau douce se paie une piastre la tonne.
Les armateurs et négociants à Haïphong peuvent, en
produits bruts ou manufacturés, faire face à toutes les
demandes ; il est possible de se procurer dans ce port tou9
les articles européens du asiatiques.
Succursale de la Banque de Tlndo-Chine.
Succursale de la Hong-Kong and Shanghaï Corporation
et de la Chartered Bank.
Chambre de commerce, administration du port de com-
merce, pilotage, sémaphore.
Salle des ventes, dirigée par un commissaire-priseur.
L'industrie locale est encore peu développée. En dehors
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— 253 -
des ateliers de construction, il n'existe que des tanneries
chinoises et quelques autres établissements sans grande
importance.
La ville de Haïpbong a un réseau de voies publiques
définitivement établi ; les principales sont : le boulevard
Paul-Bert, la plus belle de toutes, occupée par des Européens,
la rue du Commerce, siège du négoce chinois, la rue Ton-
kinoise, la rue Francis-Garnier, la rue Négrier, la rue de
la Marine, de l'autre côté du Song-Tam-Bac. Toutes les
voies d'Haïphong sont, en général, plantées d'arbres,
larges et bien entretenues. Nombreux boulevards : Henri
Rivière, Courbet, de Sontay, Bonnal, de la République.
Places du Marché et Nationale.
Parmi les édifices remarquables d'Haïphong, il y a lieu
de citer l'ensemble des bâtiments de la résidence, le tribu-
nal, le trésor, la banque de l'Indo-Chine, les marchés, la
direction de l'artillerie, l'hôtel du gouverneur général et,
parmi les constructions particulières, l'hôtel du Commerce
et plusieurs maisons de commerce.
Square, hippodrome. Une grande promenade suburbaine:
la route du Lach-Tray et la roqte circulaire, la route de
Do-Son.
A quelques heures de Haïphong, la plage de Do-Son est
fréquentée pendant la saison des bains de mer. Le déve-
loppement de cette plage a pris un grand essor depuis la
saison balnéaire de 1890 ; de nombreuses villas y ont été
construites et elle est appelée à devenir le sanatorium du
Tonkin ; une route de 22 kilomètres relie Haïphong à Do-
Son.
Parmi les sociétés privées figurent : le cercle du Com-
merce, le cercle du Banian, deux cercles chinois, la Société
hippique, le Sporting-Club, la Société de bienfaisance, la
650* section des Prévoyants de l'Avenir, la Pédale Haïphon-
naise, etc.
17
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- 254 -
HANOI
Position géographique. — La ville de Hanoi, capitale
du Tonkin, assise sur le bord du fleuve Rouge en terrain
qui est concession française, est située par 21** 1' 58" de
lat- N. et 103*^ 29' 26" de long. E., coordonnées prises à la
tour de la citadelle.
L'avance de Theure sur celle de Paris y est donc de
6h. 53 m. 57 s.
Étendue de la ville. — La ville proprement dite occupe
environ 1 .000 hectares de surface, en comprenant la cita-
delle, de 160 hectares, et la presqu'île de Go-Xa, nouvelle-
ment formée en dehors des digues et chaque année submer-
gée par le fleuve, à l'époque des hautes eaux.
Des points extrêmes nord et sud, c'est-à-dire du Jardin
d'essai à l'Abattoir, il y a un peu plus de 5 kilomètres à
vol d*oiseau, et près de 3 kilomètres de Test à Touest, du
village de Yen-Trach au bord de la rivière.
Cours d'eau. — Le fleuve Rouge, qui la baigne, présente
de nombreux rapides dont on parait s'exagérer Timpor-
tance, car, à plusieurs reprises, ces difficultés ont été sur-
montées par les steamers de la Compagnie des Messageries
fluviales. En efl'et, le Lao-Kay, en 1889, et le Yun-Nan^ en
1890, ont démontré que celte voie était ouverte et que la
navigation à vapeur était possible de Hanoi à la frontière.
C'est ainsi, d'ailleurs^ que la môme compagnie vient de
décider l'entreprise d'un service régulier entre Yen-Bay et
Lao-Kay. La chaloupe le Cho-Bo, vapeur mixte monoroue,
a quitté Hanoi, le 11 octobre 1893 pour accomplir son
voyage d'ouverture de cette ligne principale. — 300 kilo-
mètres seulement séparent Hanoi de Lao-Kay, et il e&t à
penser que, dans un avenir très rapproché, nous verrcais le
halage pénible des jonques aidé ou doublé par des bateaux
à vapeur ou remorqueurs.
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De Hanoi à la mer, il y a 150 kilomètres par le fleuve, pour
arriver au Cua-Bac-Lat, une des principales embouchures,
malheureusement peu praticable aux navires d'un tonnage
véritablement commercial. Mais la capitale reste en com-
munication avec toutes les provinces par des branches
divergentes de la rivière ou des canaux artificiels formant
un réseau de navigation intérieure qui, amélioré et entre-
tenu avec soin, pourra répondre à tous les besoins.
Population^ — Il est assez difficile de donner le chiffre
exact de la population de Hanoi, comme du reste celle de
toutes les ville» du Tonkin où la statistique complète n'a
pu encore être établie.
Les anciennes évaluations, portant à 100.000 ou même à
150.000 habitants la population, semblent un peu exagérées;
mais elles se justifient^ en apparence, par la circulation
extraordinaire observée dans les quartiers indigènes.
La dernière statistique faite a donné 39.000 Annamites
ayant un domicile (dont 11.000 hommes, 14.000 femmes et
14.000 enfants). Mais il convient de joindre à ce chiffre la
population d'environ 40 villages ou hameaux épars en
dehors de Tagglomération (15.000 habitants environ) et
plus de 3.000 indigènes domestiques ou employés.
La population flottante est très considérable. Elle se
compose, pour une part, de 4 à 500 jonques de commerce,
constamment amarrées au bord du fleuve (3 à 4.000 habi-
tants, hommes, femmes et enfants) et, pour l'autre, des
habitants des villages voisins (environ 8.000 habitants).
On compte à Hanoi un certain nombre d'Annamites de
Saigon, 1.100 Chinois environ, 23 Indiens et 25 Japonais
ou Japonaises,
La population européenne est de 616 habitants environ.
Ne sont pas compris dans cette statistique les officiers,
les troupes de la garnison, ainsi que les familles des offi-
ciers.
Divisions administratives. — La ville de Hanoi a été
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— 286 —
*
formée d'une agglomération de 106 villages environ ; mais,
comme il n'était pas possible de conserver un morcelle-
ment aussi excessif, il a été créé six quartiers administra-
tifs, sous l'autorité de chefs de quartier indigènes dépen-
dant du résident-maire.
Distribution (feau potable. — Les eaux potables desti-
nées à la ville de Hanoi proviendront d'une immense
nappe souterraine, reconnue il y a près de quatre ans au
nord du Lac de Truc-Bach, près du village de Yôn-Dinh.
Les travaux de captation et de distribution ont été, après
un appel d'offres, adjugés à une maison de Paris.
Éclairage électrique. — Depuis le l**" janvier 1895,
l'électricité remplace le pétrole pour l'éclairage public de
la ville. Des lampes à incandescence de 16 bougies, munies
d'un réflecteur, sont placées tous les 32 mètres en moyenne
et disposées en quinconce le long des trottoirs.
Le boulevard Francis-Gamier, dit Tour du Lac, le square
Paul-Bert, sont éclairés par des lampes à arc d'une puis-
sance de 600 bougies.
Les lampes reçoivent le courant par une canalisation
aérienne maintenue à 6 mètres au-dessus du sol à l'aide de
pylônes métalliques.
L'énergie électrique est produite par deux groupes de
deux dynamos du type Gramme à courant continu de
16.000 bougies de puissance chacune.
Chaque groupe de dynamos est commandé par un moteur
à vapeur du type vertical à pilon système Compound, d'une
force de 160 chevaux, marchant à 7 kilos de pression.
Les entrepreneurs, MM. Hermenier, Planté et O®, qui
ont exécuté tous les travaux, sont aussi concessionnaires
de l'exploitation pour une période de vingt années.
Égoûts. — Depuis trois ans des travaux très importants
ont été exécutés d'après un projet d'ensemble.
La longueur établie à ce jour mesure 3.500 mètres, sur
lesquels il y a environ 2.000 mètres de collecteur secondaire.
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— 257 —
Le collecteur principal va être commencé. Les grosses
dépenses qui doivent en résulter avaient dû le faire ajour-
ner jusqu'ici.
Le développement total du réseau d'égoût sera d'environ
20 kilomètres, qu'il serait possible d'exécuter en quatre
années si les ressources budgétaires le permettaient.
Quais. — De grands travaux de digue et de quais ont
été entrepris il y a deux ans devant Hanoi. Sur la rive
gauche, dans la province de Bac-Nînh, une digue de
7 kilomètres de longueur a été établie à 700 mètres envi-
ron en arrière de l'ancienne digue construite par l'admi-
nistration indigène avant l'occupation française. Non
seulement cette nouvelle digue de protection préviendra
les inondations dans la province de Bac-Ninh, mais elle
sera aussi une garantie de sécurité pour la ville de Hanoi»
dont les digues seront soulagées par le fait que le fleuve,
pendant les grandes crues, aura une section beaucoup
plus considérable qui diminuera et la vitesse des courants
et les hauteurs des crues.
Du côté de Hanoi, un plan d'ensemble a été arrêté depuis
le blockhaus Vaché jusqu'à la concession, sur près de 4 kilo-
mètres de longueur.
La partie comprise entre le blockhaus et la rue des
Tubercules ne comprend que l'exécution d'une digue en
terre à large plate-forme pouvant servir de chaussée. Ces
travaux sont déjà exécutés jusqu'à la pagode des Mulets,
c'est-à-dire sur la moitié de leur longueur, et il est pro-
bable qu'ils seront terminés cette année avant l'arrivée des
crues. La partie comprise entre la rue des Tubercules et la
concession, comprendra, en dehors des gros terrassements
nécessaires à l'établissement d'un boulevard de 26 mètres
de largeur, des perrés maçonnés sur le talus même des
remblais et disposés en pente très douce, qui permettront
aux chaloupes d'accéder en toutes saisons. Ces perrés
reposeront sur un massif de maçonnerie de gros blocage
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formant risberme fondée sur deux lignes de pilotis battus
à 5 ou 6 mètres de profondeur. Le niveau inférieur de la
maçonnerie sera descendu à 2 mètres au-dessous de Tétiage,
de façon qu'aux plus basses eaux les embarcations puissent
encore accoster les berges ainsi transformées en quais.
Une fois le banc de sable disparu et le courant du fleuve
ramené sur la rive gauche, Hanoi sera muni d'un port de
commerce accessible, quelle que soit la hauteur du fleuve
et le vœu que le commerce demande, avec juste raison,
depuis si longtemps sera enfin réalisé.
Marchés. — Cinq grandes halles en fer, à toiture de
tôle ondulée, de 52 mètres de longueur sur 19 mètres de
largeur, ont été élevées vers la fin de 1889 et suffisent pour
le présent. Trois autres seront construites suivant les
besoins. Deux halles forment le marché de la rue du Riz,
le plus central et le plus fréquenté de tous.
Le nombre des marchands fréquentant les halles, cons-
taté par les tickets délivrés journellement, est de 1.200
en moyenne et de 1.800 les jours de grand marché (qui
ont lieu tous les cinq jours).
Champ de courses. — Hanoi possède depuis plusieurs
années, à proximité du boulevard Gambetta, un hippo-
drome ayant une double piste circulaire et une piste trans-
versale. Le parcours total est de t .300 mètres. Des tribunes,
ainsi qu'un kiosque pour la musique, construits en briques
et en bois ouvragé, sont bien disposés.
La saison des courses commence fin octobre et se ter-
mine vers la mi-avril.
Grandes industries. — Européens. — Filature de
coton, ateliers de dévidage de soie. — Fabrique d'allu-
mettes. — Usine à glace. — Distilleries. — Ébénisterie.
— Brasserie, etc., etc.
Commerce et industrie. — Indigènes. — Huiles d'ara-
chides, de sésame et de ricin. — Soles. — Poteries et
faïences. — Sel. — Saumure (nuoc-mam). — Bois de
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mm^
cerf. — Fours à chaux, à briques, à tuiles, à carreaux. —
Incrustations de nacre. — Sculptures sur bois. — Brode-
ries sur soie, velours ou drap. — • Fonderies de cuivre. —
Nattes en jonc ou en bambou. — Paniers. — Orfèvrerie.
— Changeurs. — Éventails. — Parasols. — Ferblanterie.
— Meubles. — Cordages. — Hamacs. — » Chapeaux de
paille. — Chaussures. •— Cannelle.
Grand commerce de laque, de noix d'arec, de riz, de
bois de construction et de chauffage, de cunao, de papier,
de porcelaines dites de Canton, d'objets de culte, de drogue-
ries chinoises et annamites, d'écorce à papier, d'écorce à
teindre, d'indigo, de chanvre, de ramie, de coton, d'étoffes,
de tabac, de sucre, de charbon de bois, de graines, de
rotin, etc., etc.
Sociétés. — Académie tonkinoise (arrétédu5juillet1886).
Cette académie a pour mission de rechercher et réunir tout
ce qui intéresse, à un point de vue quelconque, le pays
tonkinois. — Mission permanente d'archéologie et de
linguistique sous la direction de l'Institut, chargée de
l'édude et de la préservation des monuments anciens, etc.
— Cercle d'Hanoi. — Société philarmonique d'Hanoi.
Charles Lemire,
Résident honoraire de France.
(A HuivreJ
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SONNET
A M. C, Riveron, chef de bataillon
en retraite, membre de la Société
d'Agricaltare y Sciences et Arts d'An»
gerSj sur son ode à Montreail^Bellay.
O toi, qui de Montreuil vins rehausser la gloire,
En chantant de son Thouet le val et le donjon,
En clamant de ses fils illustres la mémoire,
Barde, le vieil Anjou conservera ton nom.
Les accents de ta lyre ont scellé, dans l'histoire
De Montreuil, à ces fils un précieux renom ;
Aux hommes de science elle chante victoire,
Au poète elle vibre avec effusion.
Ah I c'est qu'en lui tu sus voir un autre toi-même,
Votre vie à tous deux vibra dans un poème
Et les rives du Thouet virent vos premiers pas.
Qu'il est doux de chanter ce qu'ici-bas l'on aime !
Des jours de l'âge d'or jusqu'à l'heure suprême.
Poète, chante cncor, le cœur ne vieillit pas.
E. A.
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Fï?^
ENTRE
LOUIS Xni ET MARIE DE MÉDICIS
(1619-1620)
CHAPITRE IX
l'entrevue de BRISSAC
f$uite^J
Tandis qu'à Brissac une aussi brûlante impulsion
enlevait Louis XIII vers les plus lointains quartiers de l'hé-
résie, et cela non sans quMi ait d'abord gracieusement
remercié de son hospitalité le duc de Brissac, Marie de
Médicis se retournait vers Angers pour y aller effacer
jusqu'aux dernières traces de la guerre civile. La mère et
* V. les livraisons de juillet-août, septembre-octobre, novembre-
décembre 1888; janvier-février, mars-avril, septembre-octobre,
novembre-décembre 1890; juillet -août, septembre-octobre 1891;
novembre-décembre 1892; janvier-février, mars-avril 1893; mai-juin,
juillet-août 1894; janvier-février, mai-juin 1896; novembre-dé-
cembre 1897; mars-avril, .juillet-aoûi 1898; janvier-février ?°^"
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le fils ne se séparèrent pas, le 16 août à neuf heures du
soir, sans se donner rendez-vous sur le chemin de la
guerre sainte, à Poitiers*, en attendant ce qui leur sem-
blait alors réternelle réunion du Louvre. Il y a plus. Marie
de Médicis ne voulut pas quitter ce fils si sûr de Vy revoir,
sans lui laisser des arrhes certaines de Tirrévocabilité de
sa conversion maternelle. A ce moment arrivaient de
La Rochelle à Angers, à son adresse, les cinquante mille
livres de poudre soustraites jusqu'ici, comme nous avons
vu, à sa disponibilité par les embargos de la guerre civile,
et que la paix des Ponts-de-Cé lui venait de rendre avec ses
garnisons angevines. Mais Marie de Médicis ne recouvra
cette cargaison insurrectionnelle que pour la passer toute,
en vue de la guerre sainte, à celui à qui il ne restait plus
à vaincre que ce qu'elle répudiait pour le rejoindre*. Par
là les exploiteurs de sa révolte voyaient contre eux se
retourner leurs foudres; et d'avance Thérésie tremblait de
tout ce que lui soutirait, sous le sceau du catholicisme,
le ralliement de Brissac.
Ralliée là et identifiée à Louis XIII, Marie de Médicis
Tétait au point qu'il suffisait que cette armée qui l'avait si
salutairement vaincue s'intitulât l'armée royale, pour qu'en
reine aflfranchie elle la pût désormais saluer comme sienne.
Cette armée des Ponts-de-Cé, devenue l'armée du Béarn,
pouvait arborer parallèlement aux enseignes de Louis XIII
le trophée, par lui-môme si respectueusement conquis, des
enseignes maternelles. C'est ce qu'on put se dire en voyant,
au pied du château où allaient s'échanger leurs adieux,
" Louis XIII partit le 17 août pouç Montreuil-Bellay. Mais Marie
de Médicis prolongea son séjour à Brissac jusqu'au 23.
* Dès Tannée suivante, quand Louis XIII fut rentré de sa cam-
pagne du Béarn, Marie de Médicis alla jusqu'à lui offrir, comme
gage de récompenses en faveur de ceux qui Vy avaient le mieux
servi, la rétrocession de ses gouvernements d'Angers, des Ponts—
de-Cé et de Chinon. — Quatre ans après, pour favoriser dans les
sollicitudes militaires de Louis XIII des projets de concentration
de troupes, Marie de Médicis lui offrit encore la mobilisation de ses
garnisons d'Anjou.
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■r-
Marie de Médicis, à côté et sur Tinvitation de Louis XIIl,
passer en revue ces phalanges qui n'avaient rompu les
tranchées de Saint-Aubin que pour lui frayer dans son
acheminement vers le rendez-vous de réconciliation filiale
une plus large avenue d'honneur'.
Hélas ! après avoir vu à Brissac non pas certes ses enne-
mis, mais ses vainqueurs, la protéger de leur escorte et la
glorifier de leurs ovations, Marie de Médicis, en rentrant
le 23 août à huit heures du soir à Angers pour y dire adieu à
ses concitoyens d'adoption, que dis,-je? à ses hôtes privi-
légiées et à ses défenseurs hiérarchiques, y avait doulou-
reusement constaté autour d'elle un vide glacial ! Et pour-
tant Dieu sait si, durant son absence, elle avait négligé de
s'entretenir ou de se raviver dans le culte des Angevins
par la confirmation de tout ce que la paix des Ponts-de-Cé
leur conférait de bienfaits, de garanties et de remèdes!
D'abord lorsqu'à Brissac, par une suprême avance
filiale, Louis XIII l'avait mise à même d'échanger son apa-
nage actuel. contre un autre ou plus considérable ou plus
rapproché de lui, elle avait décliné cette atteinte à l'in-
dissolubilité de ses attaches angevines*. Et pour achever
* Au cour<i'du défilé de cette revue devant Louis XIII, assisté de
son état-major où le cardinal de Guise, fraîchement rallié, figurait
auprès de sa personne, vint à passer un des plus brillants soldats
de l'armée royale, Pontis, auteur des spirituels Mémoires auxquels
nous empruntons ce souvenir. Après avoir, aux débuts de la guerre
civile, enrôlé autour de Nogent deux cent«« royalistes, il les menait
vers l'est à l'armée de Champagne, quand surgit devant lui le car-
dinal de Guise, à la tète d'une escouade de six cents cavaliers, (jui
l'arrêta, mais sans le pouvoir contraindre qu'à une imposante retraite
sur Sézanne. Aussi, lorsque la revue de Brissac Teut ramené devant
lui, le cardinal se le fit présf^nter et proclama ce qu'il lui vouait de
haute estime, en l'embrassant devant toute l'armée. Intrigué de la
distinction de cet accueil, Louis XIII interrogea là-dessus le cardi-
nal, qui poussa par là le jeune Pontis dans la considération de
Louis XIII ; et de là le commencement de sa fortune.
- C'est en considération de ses attaches angevines que Louis XIII,
après la journée des Dupes et dans l'impossibilité de retenir près de
lui Marie de Médicis, lui proposa l'Anjou comme sa plus souhaitable
retraite. Mais, en recourant alors pour son dernier exil à l'hospitalité
de l'Espagne, Marie de Médicis avait répudié toutes ses patries
d'adoption.
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de rapatrier avec elle à Angers, comme y devant sur-
vivre à son départ, l'administration réparatrice qu\y réin-
tégraient les amnisties générales, lorsqu'au retour de son
exil Lanier, le 14 août, la vint saluer à Brissac, Marie de
Médicis lui remit avec ses lettres de rappel, et avec les
clefs de la ville retenues par elle depuis son départ, un bre-
vet d'apologie avec lequel il rentra à Angers dès le soir,
reçut la visite du gouverneur Du Bellay et fit reprendre
devant lui aux archers de la ville leur livrée officielle. Puis,
dès le lendemain 15 août, les corps de ville solennisèrent
sa justification, et envoyèrent quatre échevins à Brissac
remercier la reine-mère.
Comme pour assurer d'avance à Lanier, en vue de cette
réinstallation triomphale à THôtel-de-Ville, une entrée
plus libre en cette cité qui acclamait son retour, les 10
et 12 août, les portes d'Angers, sans attendre leur éva-
cuation ultérieure du 18 par la soldatesque insurrection-
nelle, s'étaient ouvertes toutes grandes; et par là avaient
afflué les congratulations urbaines, empressées d'aller à
Brissac s'étendre à toute la maison royale. Car, sur l'invi-
tation émanée de Marie dé Médicis dès le jour de son arri-
vée à Brissac et transmise dès le soir par Richelieu à Angers
en une assemblée extraordinaire de THôtel-de-ville, le
lendemain une députation de toutes les compagnies l'était
venue trouver pour s'y faire présenter par elle à Louis XIII,
et le complimenter par l'organe commun d'Ayrault, prési-
dent du présidial. Sur d'aussi honorables traces et comme
se croisant avec la rentrée de son maire, la population
angevine, charmée de la nouveauté de cet affranchisse-
ment de leurs portes, était accourue au château qui rece-
vait leurs augu&tes hôtes, avec des verges blanches attes-
tant l'innocuité de leur démarche, pour aborder de près le
jeune Louis XIII et s'enorgueillir de la familiarité frater-
nelle de son accueil.
Malheureusement de telles manifestations détonnaient
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avec le revirement pressenti dès avant le départ de Marie de
Médicis, mais qui s'accusa surtout durant son absence, au
cœur de la population angevine. Aux premiers transports
de joie avaient vite succédé l'inquiétude et la méfiance, à la
suite d'incidents fâcheux qui, se disait-on, quand vibrait
encore l'annonce delà paix, en altéraient la signification et
en démentaient les promesses. Au cours de la libération
des portes de la ville, le 10 août vers une heure du soir,
dans le désœuvrement pernicieux des postes non encore
évacués par Tarmée rebelle et surtout aux portes Lyon-
naise et Saint-Michel, éclatèrent des rixes où périrent deux
hommes dont un capitaine, et où il y eut six soldats griè-
vement blessés. Tant qu'il n'y eut là en jeu que les sou-
dards de Vendôme, les Angevins ne les virent s'entretuer
qu'avec une satisfaction vengeresse, et ils n'applaudirent
môme que trop bruyamment aux révulsions de celle mal-
faisance contrariée. Mais, dans la môme soirée, la mous-
queterie des mômes postes élargit plus insolemment sa
zone d'évolutions oiseuses, sur la provocation d'un soldat
de l'armée royale qui, ayant tenté d'entrer par la porte
Saint-Michel, s'y heurta contre une prohibition maintenue
le 8 août au regard des royalistes jusqu'au licenciement
prochain de leurs adversaires. Furieux d'une consigne
purement provisoire mais dont la portée lui échappe, en
invectivant de ses jurons les soldats du poste il dégaine,
en blesse un, mais en môme temps essuie une riposte
mortelle et tombe. Là-dessus Marie de Médicis envoya, de
quatre à cinq heures du soir, rassurer à son de trompe les
Angevins par des déclarations énergiquement protectrices.
En môme temps, un de ses gentilshommes alla dans les
divers postes séparer les môléesen refoulements bipartites,
de manière à former de la porte Lyonnaise à la porte Saint-
Michel deux haies adverses de piques dressées et de mous-
quets pointés sur leurs fourchettes avec leurs mèches allu-
mées, si bien que sous ce croisement de menaces, survi-
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vant à des explosions encore retentissantes, la population
n'osait circuler d'un quartier à Tautre. En même temps
toute Tenceinte urbaine se referma sur le frais arrivage *
d'une provision de vivres pour six mois. A qui eût envi-
sagé sainement cette coïncidence, rien n'eût semblé plus
heureux que de voir cette cité affamée par les curées insur-
rectionnelles se concentrer dans un ravitaillement restau-
rateur, en s'isolant des amorces d'une récidive d'hosti-
lités adhérente encore au pied de ses remparts. Mais les
Angevins n'étaient encore que trop fraîchement remis des
transes de la veille pour que le moindre semblant d'atteinte
à leur affranchissement progressif ne ravivât p^s leurs
paniques. Dana cette phase transitoire de leurs vicissitudes»
ils interprétaient encore les précautions défensives les plus
sages comme des menaces, et empoisonnaient tous leurs
remèdes. En se voyant emprisonnés comme dans un ravi*
taillement de blocus» ils se crurent replongés dans les
horreurs d'un siège à soutenir contre un retour offensif de
l'armée royale, dont l'explosion de la porte Saint-Michel
venait de donner le signal. Que dis-je? A leurs yeux le
signal partait de plus haut : il n en fallait accuser que
ceux pour qui la paix n'était qu'une déchéance et un trouble-
fête. € Si, dès après, le traité des Ponts-de-Cé, Vendôme
était accouru à Brissac, ce n'avait été »> se disait-on, « que
pour y mieux relancer la reine-mère jusque dans sa récon-
ciliation ; et, sous la couverture d'un ralliement officiel, il l'y
a disputée aux revendications filiales pour }a ramener à sa
suite sur le théâtre de son règne aboli. En attendant que
sous son nom se rallume la guerre civile, nul autre que
lui n'a pu fomenter la rixe si grièvement significative de
la porte Saint-Michel. C'est bien là le même homme (car
on ne se demandait pas s'il n'avait en cela que conjuré des
éclats de jubilation trop provocateurs au regard des restes
1 Ditaai du 8 août.
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encore armés de ses bandes), c'est bien là le même homme
qui, au lendemain de la paix, avait interdit les feux de
joie dressés sur nos places publiques. Du même souffle
dont il attise la guerre, il éteint, il confisque notre allé-
gresse. C'en est fait, déjà se rouvre pour nous la série des
malheurs que n*a qu'un instant conjurés et que ne revien-
dra plus détourner de nous le Père Joseph, désormais trop
absorbé à Brissac dans sa propagande de guerre sainte
pour ne nous abandonner pas aux illusions d'une paix
fourrée. Déjà se reforme devant nous ce lamentable défilé
des bouches inutiles, pour lesquelles le ravitaillement actuel
n'aura été qu'une nouvelle et, cette fois, irrévocable som-
mation d'exil, d'un exil dont l'urgence rouvrira seule un
instant devant nous nos portes condamnées ».
C'est parmi de telles alertes que s'opérait jusque dans
rinviolabilité non encore entamée de leur dernier refuge
de détresse une émigration d'un nouveau genre, et non
certes la moins malheureuse. Après le combat des Ponts-
deCé> le 15 août, Louis XIII et Marie de Médicis avaient
décrété d'accord le transfert des blessés des deux armées à
l'Hôtel-Dieu d'Angers. En cela tous deux s'inspiraient de
sollicitudes générales d'humanité qui n'excluaient pas
chez Marie de Médicis, dont se confirmait d'ailleurs par là
la noble initiative, les sollicitudes de tutelle angevine. Car,
soua le bénéfice d'une revendication par la charité chré-
tienne des victimes de la guerre civile, en principe les
Angevins e^'exonéraient d'une recharge de logements mili-
taires aggravée des responsabilités d'une assistance
médicale. En même temps une hospitalité, encore moins
libératoire à leur égard qu'elle n'était universellement
restauratrice, devait attirer sur le futur théâtre de l'apos-
tolat des filles de Saint Vincent-de-Paul les faveurs de la
gratitude royale. Ajoutons qu'en échange de leur patrio-
tique naturalisation dans les solidarités de la souffrance,
les invalides du combat des Ponts-de-Cé communiquaient
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aux malades indigènes gisant auprès d'eux, le privilège
d'être traités par les chirurgiens du roi. Mais, dans ce
sanctuaire de commisérations et d'égards, une telle réci-
procité de services n'allait pas sans une équitable répar-
tition du droit d'asile; et malheureusement, quand les
invalides du combat des Ponts-de-Gé, transférés le 17 août
à Angers *, affluèrent dans la grande salle de l'hospice, au
lieu d'une fraternelle bienvenue d'hôtes discrets on ne vit
là qu'une brutale invasion. Par une maladresse imputable
ou aux administrateurs ou aux infirmiers, qui n'eussent dû
admettre ces nouveaux venus que dans l'espace que lais-
saient disponibles les grabataires de la ville, il fallut que,
pour leur faire place, ces malheureux déguerpissent, en se
traînant à grand'peine, pour aller s'installer dans ces
réduits de pis-aller affectés aux séquestrations d'épidémie *.
Encore si, en se conformant aux ordres de Louis XIII, on
n'avait fait bénéficier d'une aussi criante éviction que les
soldats de l'armée royale, on n'eût peut-être vu là qu'une
de ces fatales rigueurs attachées aux prérogatives inexo-
rables de la victoire. Mais, quand on vit s'associer à l'intru-
sion des triomphateurs des Ponts-de-Cé les soldats de la
reine-mère, ce fut plus que jamais un toile général parti
de ce groupe des victimes d'une aussi gratuite barbarie.
€ Vraiment », s'écriaient ces spectres ambulants que l'exas-
pération galvanisait jusque dans l'épuisement de leur
exode, < ce n'était pas la peine que ces vainqueurs de notre
souveraine, qu'hier encore nous acclamions comme nos
vrais libérateurs à l'égard de la soldatesque de Vendôme,
aient pénétré chez nous pour partager en pleine paix
avec nos spoliateurs ce que ceux-ci avaient encore res-
pecté jusque dans les horreurs de l'état de siège. Ainsi
donc nous voilà traités en parias et en pestiférés. Nous
* Il y en avait 80 de l'armée royale, et près de 100 de celle de
Marie de Médicis.
' Autrement dite la chartrye de T hôpital.
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sommes mis au ban de cette charité qui n'embrasse dans
le même accueil et nos tyrans et nos vainqueurs que pour
rejeter de son sein des concitoyens! Ainsi ni la fièvre, ni
la paralysie ne nous préservent d'une expulsion qui ne
nous sauvera pas même des extrémités de la famine, puis-
que nos infirmités nous excluent même de l'émigration des
bouches inutiles. Mais, d'ailleurs, les portes de notre ville
n'ont point à se rouvrir pour tous les genres d'ostracisme;
et nous apprenons que jusque dans les entrailles de la cha-
rité il y a place pour les tortures de l'exil. »
Quant à ceux que l'ébranlement général ne menaçait
que d'une désertion de leurs foyers, cette fois irrévocable,
ils ne se disaient, eux, emprisonnés que dans une enceinte
qui ne les préserverait pas plus des invasions que des exils.
« La paix », se disaient-ils, « une paix menteuse et per-
fide, ne nous a conféré que ce surcroît de malheurs qui
consiste à nous voir pressés et comme broyés entre deux
armées comme entre Tenclume et le marteau. Ce refoule-
ment de nos frères égrotants dans nos hospices n'est
qu'une des plus navrantes suites d'une coalition des
revanches d'un Vendôme frustré de ses dernières satur-
nales avec les vengeances d'un souverain se repentant des
amnisties qui lui ont interdit le châtiment de notre
révolte. Ainsi nous voilà jetés comme dans une impasse
où nous séchons de frayeur, sans qu'y puissent trouver
grâce aucune des inviolabilités de la faiblesse, du dénue-
ment et de la soufTrance. Il ne nous reste plus qu'à nous
voiler la face dans un désespoir qui tarit jusqu'à nos
larmes, et où nous délaissent et se rient de nous tous les
anges de concorde. Pendant ce temps-là, que fait à Brissac
notre souveraine? Tiraillée désespérément entre les reven-
dications filiales et les obsessions insurrectionnelles, elle
ne nous reviendra que solidarisée maternellement avec les
inexorabilités de la victoire, ou en relapse de ses compli-
cités de terrorisme. Elle ne nous apportera qu'une récon-
18
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1
— -270 —
ciliation scellée contre nous, une réconciliation dont la
sincérité comme le mensonge nous sont également
funestes. Tout ce que nous ignorons encore, c'est par quelle
porte et sous quelles insignes elle reviendra flageller ses
hôtes et ses protecteurs. Mais elle ne nous reviendra cer-
tainement qu'en ennemie, sous les auspices également
funestes de Condé, de Luynes ou de Vendôme ; et le choix
de ses trahisons déterminera seul contre nous l'évolution
ou le retour de ses ingratitudes ».
Heureusement ni l'ingratitude ni la trahison n'accom-
pagnaient Marie de Médicis, lorsqu'au sortir de Brissac elle
repassa par Angers pour sa visite d'adieu. D'ailleurs, aux
yeux des Angevins la seule réapparition de Richelieu à sa
suite excluait d'elle ce sinistre cortège. C'est ce dont ils
s'assurèrent surtout quand, peu à peu, à l'hôtel-Dieu les
malades indigènes recouvrèrent dans la grande salle les
premières places libres, quand les portes de la ville se
rouvrirent avec les derniers licenciements de rebelles,
quand les stocks de ravitaillement s'écoulèrent en distri-
butions normales. C'était pour les Angevins encore enfié-
vrés des transes d'une guerre civile à peine close, comme
ce qu'éprouve un convalescent qui, après une nuit agitée,
secoue ses cauchemars dans le rassérènement du réveil.
Aussi, jusque dans le froid accueil encouru par une reine
à qui on en voulait des seules alarmes nées de son absence
et que dissipait son retour, les Angevins se reprenaient
à respirer à l'aise, quand une dernière alerte revint assaillir
leur quiétude.
Toujours au point de vue des sollicitudes restauratrices
qui avaient suivi la Reine-mère à Brissac et qui revenaient à
Angers avec elle, la soldatesque des Vendôme n'en avait
dû évacuer l'enceinte que pour y céder la place à ses défen-
seurs naturels. C'est dire à quel point s'imposait aux
Angevins la restitution consécutive de leurs armes, pour
la protection autonome de leur liberté si fraîchement
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- 271 -
reconquise. Aussi, dès le dimdûche 23 août, jour de son
arrivée à Angers, on avait de sa part publié aux prônes
des grand'messes, et les échevins avaient réitéré le lende-
main l'invitation aux Angevins daller réclamer leurs
armes, dont nous avons vu qu'on ne les avait dépossédés
qu'en leur en garantissant en son nom la restitution par
leur mise en réserve en lieu sûr. A cet égard, ces armes
n'avaient pas été transférées toutes au château. Soit que
l'espace manquât pour y tout recueillir, soit plutôt par un
souci de créer des succursales de dépôt plus à portée des
réclamations diverses, les armes enlevées aux quartiers
de Saint-Maurille et de Saint-Michel-du-Tertre, et qui
comptaient pour un tiers dans le dépôt total, avaient été
consignées* en un des logis de la place limitrophe du
Pilory, à savoir chez l'échevin Marchand, docteur en droit
et avocat au présidial. Ce logis avait été marqué par les
fourriers de la reine- mère pour l'hébergement de son
aumônier, Tévêque de Maillezais. Mais, malgré les garan-
ties protectrices attachées à la haute considération de cet
hôte, une consignation chez l'échevin Marchand ne pouvait
être que malheureuse, vu la réputation tarée de cet ancien
lieutenant de la prévôté doqt on réprouvait la judicature
comme entachée de cyniques prévarications. « C'est lui »,
se disait-on surtout â propos de sa procédure d'informa-
tions contre un escroc roué vif par arrêt du présidial,
« c'est lui qui, non content d'avoir, dans les réticences
calculées de ses procès-verbaux d'interrogatoires, trafiqué
de l'impunité de ses complices, a envoyé frapper de saisie
son domicile pour s'adjuger ses rapines, par là soustraites
aux revendications légales du greffe ^ ». Gomme si Marchand
avait pris à tâche de justifier contre lui d'aussi graves
^ Sous le bénéfice d'on inventaire dressé par un Gasnier, conseil-
ler-clerc au greffe de la préyôté.
' On criait aussi contre sa bâtardise, en se disant que « ledit
Marchand n'estoit légitime et qu'il arait été coreau » (quid?).
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fumeurs, le 24 août au matin, quand déjà s^opérait la
restitution des armes, on vit détaler de son logis et 61er
dans la direction de la porte Saint-Michel un chargement
qui n'était pas si soigneusement empaqueté qu'on n'en
vit émerger une fourchette de mousquet. L'on s'attroupe,
et d'un groupe à l'autre on se répète que ce n'est là rien
auprès de tout ce que Marchand a expédié clandestine-
ment, depuis quelques nuits, hors des murs de la ville,
vers la villa suburbaine de son gendre et receleur Lefèvre
de la Barbée. « Aussi », ajoutait-on, « l'on se demandait
quel beau zèle le poussait, le jour où nous dûmes livrer
nos armes, à aller partout à la ronde presser là-dessus et
talonner les retardataires. En cela, ce docile aide-de-camp
de nos détrousseurs ne visait qu'à grossir sa criminelle
cargaison, afin d'exhausser d'autant vis-à-vis des Vendôme
et des Saint-Aignan, pour qui notre réarmement n'est
qu'un leurre, l'escompte de ses rétrocessions interlopes. A
moins qu'il n'aille dans un autre camp palper le marchan-
dage de ses trahisons de contrebande. Mais que nous
importe que ce soit avec Fouquet de la Varenne, ou avec
Vendôme, ou avec Condé et Luynes, qu'il ait tarifé notre
extermination ? Que nous importe par quelles avenues de
notre cité et par laquelle de nos portes libérées si déri-
soirement, pour retomber sur leurs gonds dès qu'elles leur
auront livré passage, ces armées reviennent se retourner
contre nous pour nous achever sur place? La dérision, elle
est partout autour de nous dans les promesses de déli-
vrance, de restitution et de soulagement dont on nous
abuse en nous liant pour l'exécution. Si Ton nous ravitaille,
ce n'est que dans un huis clos de prison, et en quelque
sorte pour un dernier repas de condamnés. Nous ne nous
réintégrons dans nos hôpitaux qu'en désespérant d'y jamais
cicatriser des plaies sans cesse rouvertes. Ce ne sont point
là de ces cauchemars qui vont et reviennent mais qui
passent. Balottés entre des assassins et des bourreaux, on
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nous endormait tout à Theure sur d'implacables réalités ;
et voilà qu'aujourd*hui nous secouons quelques douces
illusions dans un néfaste réveil. »
Sur ces entrefaites, et sans languir dans des lamenta-
tions stériles, des meneurs plus expédilifs appréhendent
et ramènent de la porte Saint-Michel le chargement délic-
tueux, tandis que d'autres vont porter plainte au logis du
maire. Voilà Lanier bien embarrassé pour concilier la
justification de son rappel par une courageuse protection
du droit de ses concitoyens, avec la convenance déménager
un collègue se recommandant à lui par le relief de son
poste etrhonorabilité de sa famille. Enfin, par un habile à
la fois et par un honnête moyen-terme, Lanier, s'abstenant
de sévir trop prématurément contre Marchand sur I9 seule
foi d'une inculpation tumultuaire, attendit la production
de preuves palpables, et cependant autorisa verbalement
de nouvelles enquêtes avec saisie de la cargaison dénoncée.
En même temps, vu son immobilisation à son poste, à sa
place il envoya un clerc d'une délégation sûre inviter dis-
crètement Marchand ou à se disculper ou à prévenir une
poursuite et fléchir ses accusateurs par des réparations
amiables. Mais tant s'en faut que Marchand se soit rendu
sur une aussi prévenante démarche, que là-dessus au con-
traire il éclate de rire, se targue de son innocence, affecte
d'ignorer jusqu'aux rumeurs qui le poursuivent et jette le
défi à la calomnie. Malheureusement de telles bravades
ne reviennent au logis du maire que pour s'y achopper,
pour ainsi dire, à l'éruption d'un flagrant délit. Car, dans
l'intervalle, la cargaison capturée a reflué jusqu'au seuil
de ce logis transformé en un bureau de police ; et là le
plaignant à qui s'était décelée d'abord la fourchette accu-
satrice, confronte le mousquet qu'elle a trahi, et qu'on
découvre, avec le signalement de précaution retenu par lui
lors de la livraison de ses armes. L'identité saute aux
yeux, et là-dessus les récognitions se pressent et se corro-
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borent. Le maire dresse procès- verbal. Les vociférations
redoublent, la fureur se propage comme une traînée de
poudre, la foule se rue au logis de Marchand. Là surtout
les bouchers et les couteliers crochètent les serrures et à
coups de pierres défoncent les vitres, en sommant cet acca-
pareur et ce concussionnaire éhonté de dégorger vite,
sinon on Técharpe, lui et les siens, dans Tembrasement de
son logis. Sur ces entrefaites, des médiateurs ou timides
ou malencontreux, et en tête de ceux-ci Teictravagant
conseiller de Beaumont qui, dans sa frénésie de rodomon-
tades, avait dévalé de sa fenêtre pour accourir Tépée à la
main, perdaient pied dans la bagarre, lorsque, avec un
dévouement plus autorisé, Lanier et le commandeur
Laporle vinrent en retirer et sauver le malheureux échevin
en remmenant prisonnier au château jusqu'à ce que, en
son nom, Marie de Médicis ait, en son audience d'adieu du
30 août, garanti aux Angevins toutes les indemnités répa-
ratrices. C'est cette même assurance qu'à son tour Richelieu
vint, le même jour, réitérer par son ordre en une assem-
blée générale des corps de la ville, en annonçant de plus
rétablissement d'un fond de réserve de deux cents mous-
quets pour obvier au déficit des appels, tandis qu'à l'inverse
les armes non immédiatement réclamées étaient réser-
vées pour des réclamations ultérieures. Enfin Richelieu,
promenant infatigablement sur toutes les plaies à peine
cicatrisées de la guerre civile son sceau de réconciliation,
voulut, dans les restitutions mêmes qui en démontraient
la sincérité, renouveler les protestations de confiance qui
n'avaient jusqif'ici que si fallacieusement accompagné la
soupçonneuse rigueur des spoliations de l'état de siège.
Ainsi il est à croire que, grâce à l'entremise de cette sou-
veraine qui, aux yeux des Angevins, n'était retombée sur
eux que pour les accabler de sa réconciliation, il est à croire
que les dénonciateurs de Marchand, même à les supposer
non désintéressés par les seules intercepta tiens de la porte
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Saint-Michel, ont recouvré au moins par ailleurs l'intégral
montant de leur dépôt. Qui sait même si, dans le détourne-
ment de son stock, Marchand avait visé à rien de plus qu'à en
escompter la renoise occulte à leurs légitimes possesseurs,
plus à Taise hors des surveillances urbaines. Certes le cas
était déjà grave. Mais il n'y a là pour nous que cela de
vraisemblable. Car, pour voir en Marchand moins des cal-
cula de fiscalité que de trafic, il faut absurdement supposer
ce praticien émérite, en vue du cas où ses aliénations
Tauront dégarni de son dépôt vis-à-vis des revendications
en nature, aveuglé sur Timpossibilité de répondre à la
mise en demeure des récépissés de recolement. En tout
cas il y eut là pour les Angevins bien plus encore de
scandale que de péril, puisqu'autour de notre cité il n'y
avait plus à armer ni camps ni citadelles. Dans la fran-
chise et dans l'intégrité de sa réconciliation, Marie de
Médicis n'avait désormais pas plus d'ennemis à craindre
que de complicités à subir. Tout y était rentré dans Tordre.
Dans la restauration de leurs foyers, les Angevins n'avaient
qu'à étaler ce qu'ils recouvrèrent de leurs armes, moins
encore comme un gage de sincérité et un trophée de paix
que comme une décoration d'honneur et, pour ainsi dire,
un lustre de panoplie. lia semblaient n'avoir repris aux
remparts leur place privilégiée que pour ne la laisser plus
ni violer ni prescrire. Et, une fois affranchis de l'assujettis-
sement des corps de garde et de Tincommodité des rondes
et des revues, notre placide bourgeoisie poursuivait le
cours de ses sereines destinées, hors des tribulations de la
guerre civile bannies de son sein jusqu'à la lointaine et
courte échauffourée de la Fronde.
Pour l'instant les Angevins avaient donc chassé d'eux
tous les mauvais rêves, dans la sécurité d'un réveil où ne
leur eût point failli Tidéal, si à leurs épouvantes n'avait
survécu l'amertume. C'est que les désastres de la guerre
civile avaient engendré chez eux et laissaient à leur suite
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■^
— 276 —
d'onéreuses liquidatioûs. Après que Marie de Médicis, pour
défrayer sa révolte, eut épuisé tour à tour et ses deux mil-
lions de ressources domaniales, et les soixante mille livres
d'avances personnelles de Lanier, et jusqu'aux crédits de
Richelieu, force lui avait été de rappeler aux Angevins
quMls ne lui devaient pas le seul tribut de leurs détresses
et de leurs avanies, de leurs opprobres et de leurs
angoisses, que les paniques et les souffrances ne les dis-
pensaient pas des contributions de guerre, et que, pour
solder le bilan insurrectionnel, ils avaient encore des pré-
lèvements à subir sur ce peu que leur avaient laissé les
routiers et les écorcheurs de Vendôme. Ils durent donc se
saigner aux quatre veines pour cette reine, se disaient-ils,
dont ne s'épuisait pas l'ingratitude, et qui, après les avoir
livrés en proie à ces harpies, ne les arrachait de leurs
griffes que pour s'adjuger leurs restes. Ah ! si encore, dans
ses réclamations fiscales, la reine-mère leur avait au moins,
en retour, immédiatement tenu compte de ces désastres
qu'elle ne pouvait raisonnablemeni pas et que, d'ailleurs,
elle n'avait jamais entendu laisser à leur charge ! Nous
voulons parler des incendies, des démolitions et des abatis
pratiqués par les Vendôme, à la veille du combat des
Ponts-de-Cé et comme mesure* défensive, aux faubourgs
Bressigny et de la Madeleine. Dès son séjour à Brlssac, et
en y recevant la visite de rentrée de Lanier, Marie de
Médicis, pour mieux accentuer la salutaire portée de son
rappel, l'avait préposé à l'estimation de ces ravages comme
base d'équitables indemnités. Mais on ne sait pourquoi
Lanier n'y procéda, avec l'assistance du greffier du prési-
dial Poyet et des comptables de la ville, que le 21 août, à
l'extrémité du séjour à Angers de la reine-mère ; si bien
que, malgré l'empressement de ses sollicitudes en faveur
de ces victimes particulièrement intéressantes de la
guerre civile , elle eut le désagrément de partir, le
31 août, avant de les satisfaire. Et il fallut qu'avec sa note
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— 277 —
de dommages-intérêts, comprenant les dépenses de l'hôpi-
tal endetté pour le traitement des soldats, et grossie des
« frais d'entrée » de Marie de Médicis * (car, dans leur
mécontentement, les Angevins ne lui firent pas même
grâce des manifestations d'allégresse provoquées par sa
venue), il fallut qu'avec cette note à exhiber comme une
sommation d'huissier Lanier allât, bien loin sur les traces
de Louis XIII et, d'étape en étape, traquer son auguste
souveraine comme un débiteur en fuite *•
C'est dire quels mornes adieux essuya, le 31 août, Marie
(Je Médicis, en sa dernière heure d'existence angevine.
C'est au point qu'on y eut grand'peine à comprimer, par
respect pour celle qui redevenait plus que jamais la mère
de Louis XIII, les anathèmes plus librement prodigués aux
Vendôme ^ Mais rien que le silence glacial et le vide creusé
autour de son carrosse au sortir de l'audience de congé où
elle avait pourtant délégué en Richelieu son plus accep-
table organe * ; rien que ce vide mortel contrastait pour
« MonUnt à 17.000 livres.
* Lanier devait aussi solliciter de Marie de Médicis^ pour les
Angevins, une réduction des impôts de Tannée^ eu égard aux
malheurs de la guerre civile. Dans son voyage, il. était accompagné
de Téchevin Gobier. Ils partirent d'Angers le 4 septembre. Louvet
ne nous dit ni où, ni quand ils atteignirent Marie de Médicis, ni
3uel fut le résultat de leur démarche. Il est à croire que, sur ces
ivers chefs de réclamation, Louis XIII poussa la condescendance
filiale jusqu'à couvrir sa mère, en tout ou partie. — En ce qui est du
montant de ses avances personnelles, Lanier en fut intégralement
remboursé et en donna décharge à la reine-mère.
3 César de Vendôme était revenu de Brissac à Angers le 17 août.
Nous ignorons la date de son départ définitif d'Angers.
* Voici, d'après Louvet, la teneur de sa harangue : « Messieurs,
la reyne estant sur son partement pour aller trouver le roj, m'a
envoyé en ce lieu pour vous dire qu'ayant recogneu vostre fidellité
à son service, elle vous le recognoistra en touttes les occasions où
Sa Majesté aura de pouvoir, tant de sa part qu'auprès du roy son
û\z, non seullement pour le général de la ville.d'Angers, que pour
touttes les communaultez de la province et de chascun de vous en
particuUier, et vous prie de croire que tout ce qui s'est passé a esté
pour la conservation de sa personne sur les advis qu'on luy donnoit
que ses ennemys se disoient asseurez à se rendre les maistres de
vostre ville. Ce qu'elle a faict a esté par le mesme advis de conseil
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— «78 —
elle assez douloureusement avec les explosions et les débor-
dements de sympathie qu'avaient su s'attirer d'avance, en
un pareil jour, et Thabile bienveillance des Soissons et la
naturelle affabilité des Nemours \ C'est que, en l'aggra-
vation des mises en demeure prêtes à la suivre à la piste,
se rouvrait dans les plus mauvais souvenirs des Angevins,
comme une plaie béante, tout l'abîme de détresse ouvert
sous son règne. Ils ne lui pardonnaient même pas la
frayeur des maux dont elle les avait sauvés. On s'en pre-
nait, si c'est possible, encore moins à sa révolte envisagée
comme un fléau, qu*à sa réconciliation interpTétée non
plus certes comme un mensonge, mais au moins comme
une ironie. En se rappelant les congratulations recueillies
par elle au lendemain de la paix des Ponts-de-Cé, ils
étaient comme honteux de s'en être réjouis trop vite et
d'avoir été dupes de leur allégresse. Ils réprouvaient ces
applaudissements comme d'odieuses bassesses. C'est au
point que, quatre mois après le départ de la reine-mère, en
décembre 1620, on voyait encore affichée à tous les murs
de la ville une pasquinade a l'adresse du digne président
du présidial Ayrault, demeuré court, à Brissac, dans sa
harangue de félicitations où l'avait trahi ou une défaillance
de mémoire, ou plutôt un accès d'émotion intempestive ^
qui luy a esté donné lequel ne trouvait aultre remède pour sa con-
servation et que le désarmement qui a esté faict, elle entend que
toutes les armes des habitants leur soient rendues et, s'il 7 a de la
manque, qu'il soit prins dan& le magasin du chasteau de ceste ville
d'Angers d'aultres armes pour rendre à ceuix qui en auront perdu
qu'elle estime estre aultant à son service entre les mains desditz
habitants comme entre les siennes et a eu tant en affection cette
province qu'elle ne l'a voullu quitter pour aultre qu'on luy a voulu
donner et désire la conserver. »
* Le comte de Soissons quitta Angers ponr sa démarche de sou-
mission à Bris<:ac le 17 août ; on ne sait s'il revint de là à Angers.
— Les Nemours quittèrent Angers le !•' septembre.
* Mairie d'Angers : Archives anciennes, EE et BB 65, pp. 179-180-
— Jehan Louvet. pp. 56-60, 62-63 ; 129-132, 134-136 ; 138-140. —
Rangeard, p. 379. — Cl.-Gabr. Pocquei de Livonnière, Htst, des
illustres de l'Anjou (Bibl. d'Angers, mss. 10689, p. 18). — Mém, de
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— 279 -
Celle qu'atteignaient au fond de tels brocards et qu'es-
cortaient seuls, le 31 août, les anathèmes populaires, rece-
vait là le vrai châtiment de sa révolte. Mais, cette expiation
une fois subie aux yeux de la postérité de ceux-là même
qui semblaient ne s'être donné rendez-vous sur son passage
que pour mieux affecter de s'y détourner d'elle et qui
n'avaient guetté son départ que pour l'empoisonner de
leur silence, elle se redresse de tout le sympathique sou-
venir d'un règne libéral dont les gages ont afflué sur nous
jusque dans le paroxysme de la guerre civile; elle s'impose
à notre culte de toute la vénérabilité d'une protectrice des
fondations de l'Oratoire et du Calvaire. Sa libéralité fut à
la fois pour nous royale et florentine, artistique et pieuse,
seigneuriale et populaire. Cette libéralité fut comme le
sourire de sa disgrâce, sous ces arcs de triomphe qui chez
nous ont fêté sa venue; et cela l'absout du reproche d'avoir
oublié de telles ovations. A sa prétendue ingratitude ne
substituons pas la nôtre. Tenons- lui compte non seulement
des institutions dont elle nous a dotés ou des largesses
dont elle nous a comblés, mais encore des misères qu'il n'a
pas tenu à elle d'alléger, comme de celles dont elle nous a
sauvés. Si elle n'a pas tari, elle a vouUi au moins essuyer
toutes nos larmes, Avec les fléaux d'une guerre d'ailleurs
intrépidement bravée, elle nous en a du moins apporté
avec elle, elle en a jusqu'au bout fixé près d'elle, elle y a
appliqué jusqu'au dernier jour le préservatif et le remède.
Elle n'a pas si exclusivement appartenu aux Boissons et
aux Vendôme, qu'aux intervalles de leurs obsessions si
pesantes pour sa faiblesse elle n'ait courageusement écouté
tour à tour Richelieu et le Père Joseph : Richelieu, quand
Poniû (coll. Mich. Pouj.), 2® série, t. VI, p. 469. — Mém, de Puysé-
gur (publ. Tamisey de Larroque, Société bibliogr., 1843), passim.,
F. fr. 38i2, f« 59. — Arch. n'" : Maison de Marie de Médicin, 1620
KK, 187 : Trésorerie oeneralle de la Rcyne-tnère du Roy pour l'avnêe
finie le dernier décembre mil six cent vingt ; M, Florent Dargouges
trésorier.
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— 280 -
elle envoyait sur le chemin des Ponts-de-Cé désarmer par
sa soumission Louis XIII et prévenir sa victoire; le Père
Joseph, quand, après cette démarche agréée du vainqueur
même qu'elle n'a pu arrêter mais qui a respecté son
refuge, elle confondait et détrônait chez nous le terrorisme
de la revanche. Elle a écouté tour à tour et exaucé le Père
Joseph et Richelieu, Tun pour Thonneur et l'autre pour la
sécurité de nos foyers.
Le Père Joseph ! Au moins, dans cette guerre civile dont
nous achevons le récit, c'est à peine si l'on attente à son
auréole. Mais Richelieu ! que de calomnies ont plu sur sa
tête ! mais des calomnies d'ailleurs que brave aujourd'hui
sa mémoire. Car, à y regarder de près, elles dérivent toutes
d'une même source vénéneuse. On les a toutes, ou peu s'en
faut, tirées du pamphlétaire à gages Matthieu de Morgues.
C'est lui qui, pour attiser, après la journée des Dupes et
dans son exil de Bruxelles ou de Cologne, les rancunes
rétrospectives de Marie de Médicis, a accolé au nom de
Richelieu la qualification de « Judas » et l'étiquette de
« cardinal de la trahison ». C'est le Richelieu de Matthieu
de Morgues qui, dès le principe de la guerre civile, en de
ténébreux conciliabules ménagés par des agents interlopes,
complotait avec Luynes l'assassinat de Concini ; qui ensuite,
dans une fiction de disgrâce, ourdissait encore avec Luynes
la ruine de leur souveraine ; lui qui, en même temps, sou-
levait et armait contre le favori en règne toute la France,
mais pourquoi ? pour s'acquérir vis-à-vis de lui plus plau-
siblement le mérite de perdre et de lui livrer ses ennemis,
dont il lui dresse* une hécatombe. C'est bien le Richelieu
de Matthieu de Morgues qui, d'une main, appelle bien au
Logis-Barrault les Soissons et les Vendôme, rédige les
manifestes, confisque les recettes royales, lance les com-
missions de guerre, mais qui, de l'autre main, écarte
d'Angers Épernon et Mayenne pour tenir Marie de Médicis
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- 281 -
plus à la portée de ses vainqueurs, en renfermant dans
une ville affamée. Le Richelieu de Matthieu de Morgues,
c'est le concussionnaire éhonté qui, en grugeant à Marie
de Médicis cent mille écus, dégarnit de munitions le châ-
teau des Ponts-de-Cé. Et tout cela pour payer un chapeau
de cardinal « teint dans le sang versé au combat des Ponts-
de-Cé, et lavé dans les larmes de tous les vrais serviteurs
de la reine-mère ». Voilà toutes les incriminations éparses
dans cette officine d'impostures qui s'appellent : les
Lumières pour l'histoire de France ; lea Vrais et bons
advis du François fidèle ; les Remonstrances du Caion
chrestien ; les Très humbles y très verUables et très
importantes Remonstrances au Roy. Ce sont ces incri-
minations qui ont passé des libelles de Mattiii eu de Morgues
dans les annales atrabilaires de Levassor et dans les éphé-
mérldes mercenaires, et partant suspectes, de Vitlorio
Siri, et jusque dans la sérieuse, mais partiale biographie
qu'a consacrée à Marie de Médicis M"* d'Arconviilei une
de ces biographies de complaisance dont les héros posent
trop avec des auréoles de victimes! Ah ! c'est que la haine
d'un Matthieu de Morgues a suffi pour infecter tout un
courant de littérature historique \ alors même que ne s'y
seraient pas déversées tour à tour les amères récrimina-
tions d'un Rohan ^ qui a rejeté la paix des Ponts-de-Cé, et
d'un Épernon trop fier pour convenir de tout ce dont l'a
avantagé sa fructueuse soumission, rien que parce que
cette paix qui l'y a acheminé s'est conclue sans lui. Mais
aujourd'hui ce virus d'animadversions qui a circulé plus
d'un siècle dans les fastes du règne de Louis XIII, nous en
* Cette infection a rejaiUi jusque sur le Père Joseph, que son
très suspect biographe Richard, dans le Vénérable P. Joseph capucin^
accuse de complicité avec Richelieu. Mais l'uniqui^ accusation de
cet historien si taré dont la crédulité publique tombe d elle-mêrae ;
et il suffit de lui opposer là-dessus le silence absolu de Maihieu de
Morgues.
* La suspicion encourue de ce chef par Rohan s'attache à l'histo-
rien Gramond, qui s'est inspiré si largement de ses Mémoires.
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— 28â —
tenons le contre- poison dans une réaction de justice d'abord
essayée timidement par le candide Père Griffet*, puis pour-
suivie avec embarras encore par Cousin qui, à travers
Bentivoglio, écoute trop ou le Lùynes encore inséparable
de Condé, ou le Luynes déjà soucieux de proroger vis-à-vis
de Richelieu Téchéance de la pourpre * ; enfin une réaction
consommée de nos jours avec une résolution décisive par
Avenel.
D'ailleurs la date seule des pamphlets de Matthieu de
Morgues en infirme la portée. Quand on s'est érigé comme
lui en un chevalier du malheur et en un soutenant d'une
reine en disgrâce, on regarde et on vise en face son pré-
tendu persécuteur. Quand ce persécuteur s'appelle
Richelieu, on n'attend pas pour l'attaquer Tannée 1643
pour n'atteindre plus que son cercueil ; et on ne date pas
ses attaques d'Anvers pour se garer même des repré-
sailles posthumes. On ne lance pas ses réquisitoires dans
le vide rassurant d'une éternelle contumace. On ne se
résigne pas à l'inanité d'une vengeance sans courage parce
qu'elle est sans péril. Obscur blasphémateur, on ne se
détourne pas du char d'un Dieu triomphant pour laisser
passer ses torrents de lumière, afin de n'avoir plus à cri-
bler que son ombre. Autrement des diatribes si tardive-
ment décochées s'usent dans la déconsidération de la posté-
rité ; elles n'y apparaissent que comme des flèches de
Parthe énioussées sur une tombe.
Il est vrai que, pour s'exempter de cet ajournement,
^ Nous pouvons meniionner, comme appui de cette réftotioo àe
justice, les appréciations, sinon entièrement favorables, au moins
modérées, de Fontenay-Mareuil. Signalons aussi les judicieuses
annotations de la collection Petitot. — Mais nous laissons de côté,
comme récusables sur le chapitre de Richelieu, le plaidoyer de
Dupleix et le panégyrique d'Aunery.
^ Là-dessus, disons-en autant de tous ceux dont Bentivoglio
écoute trop les suggestions délatoires qui ne sont elles-mêmes que
des échos de celles de Luynes. Tels sont Retz, Arnould,Puysieuz,etc.
Remarquons, en même temps, qu'aucune des insinuations de ce
genre n'émane de Bentivoglio comme provenant de Condé.
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— 283 —
Matthieu de Morgues eût dû se rendre compte que le
dédaigneux silence de Richelieu était le seul accueil dont
fussent dignes ses oiseuses invectives, à n'en juger que par
sa première articulation qui est la complicité de Richelieu
dans l'assassinat de Concini. Richelieu complice de
l'assassinat de Concini ! Mais les auxiliaires d'une telle
œuvre, en général, reçoivent séance tenante leur salaire,
qu'on se garde de leur faire attendre et qu'on s'empresse
même d'afficher, afin de les rendre irréconciliables avec
ceux que cette œuvre a visés et qu'elle atteint de près.
Luynes, à cette date de l'attentat du 17 avril 1617, n'avait
pas encore appris à redouter Richelieu au point de lui faire
attendre les récompenses prodiguées de suite à Vitry, à
Ornano et à tant d'autres séides. Par son empressement
il eût creusé entre Richelieu et Marie de Médicis un abîme
que Richelieu n'eût certes jamais comblé pour la suivre à
Blois, ou plus tard à Angoulôme, à Tours et à Angers. En
tout cas il n'eût pas (îhoisi le cardinalat comme une récom-
pense aussi odieuse que tardive. C'est bien assez de nous
avoir dénoncé dans la pourpre de Richelieu une teinture
du champ de bataille des Ponts-de-Cé, sans nous y faire*
voir encore le sang du maréchal d'Ancre.
Mais qu'est-ce à dire? Voici cet assassin de Concini
transformé en un promoteur de l'insurrection qui se dresse
contre Luynes. Si ce ne peut être là la vengeance d'un
complice négligé dans la distribution des salaires perçus
par les Vitry et les Ornano, une si brusque évolution, que
ne lui peuvent reprocher d'ailleurs ceux qui l'y ont suivi,
demeure une énigme insondable. Ou plutôt nous y voilà. Ce
n'est point une volte-face, c'est un jeu double. Richelieu
crée la guerre civile pour se donner le mérite de l'éleindre.
11 n'excite, il n'ameute tous ces mécontents qui s'appellent
Soissons, Vendôme, Épernon, Mayenne etBohan, que pour
donner à Luynes une prise contre eux et se rendre, lui,
nécessaire dans leur désarmement. Il ne les soulève que
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n
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pour les mieux broyer dans leur chute. Mais y pense-t-on ?
Armer la France entière afin de la trahir toute avec Marie
de Médicis, et cela sur la foi d'un Luynes qui l'oublie après
s'être aidé de lui pour monter au pouvoir! Mais ce Luynes
capable d'une telle ingratitude n'est pas un allié assez sûr
pour que Richelieu tente de lui sacrifier en un si gros jeu
toute la fleur de notre aristocratie, au risque de voir celte
aristocratie, pour se venger de lui, retourner Luynes avec
elle contre lui. C'est secouer à plaisir au-dessus de sa tête
tout cet édifice insurrectionnel pour être plus sûrement •
écrasé sous ses ruines. Richelieu est déjà assez avisé pour
pressentir ce péril, mais il n'est pas encore assez
puissamment établi pour le braver? Ne l'oublions pas, le
Richelieu de Blois, d'Angoulême et d'Angers est encore
un Richelieu qui s'essaye et qui tâtonne, un Richelieu qui
interroge et qui mesure, qui compte et qui ménage, qui
sonde les terrains et flaire les vents. Ce n'est point encore
le Richelieu de la toute puissance, qui abat, qui tranche et
qui foudroie, le Richelieu qui, avec une implacable sérénité,
foule aux pieds tour à tour Montmorency et Cinq-Mars,
Chalais et Marillac.
Si Richelieu a été le promoteur de la guerre civile,
pourquoi donc attentait-il à la concentration de Tétat-
major de Marie de Médicis, en écartant d'elle Épernon* et
Mayenne? — c C'est », dites-vous, « justement parce qu'il
ne fomentait d'une main que ce qu'il dissolvait de l'autre».
— Mais alors, pourquoi soutenez-vous qu'en même temps
il faisait appeler à Angers les Soissons et les Vendôme? Et
pourquoi surtout n'y appelait-il la comtesse de Soissons
que pour y tenir éloigné d'elle son chevalier ef ^ son soute-
nant, en la personne de l'indéfectible Mayenne* Et, s'il en
écarte d'Angers Mayenne et Épernon, pourquoi, dès
* Remarquons que, même en enregistrant de ce chef les récrimi-
nations du duc d'Ëpemon , son biographe Girard refuse de s'en
porter garant.
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- 28« —
Tannonce de Tirrémédiable désastre qu'y essuya Marie de
Médicis, au rebours de tous les calculs qu'on lui prête
mais en tirant de ce chef sa justification de cette impru-
dence-là môme, pourquoi entralnait-il alors la Reine-mère
dans la direction d'Angoulême? — « C'est », dites-vous,
€ qu'en même temps et sous main il faisait avertir Luynes
pour qu'il interceptât leur fuite ». — Mais par là Richelieu
se perdait et se coupait en tous sens. Et sa tentative
d'exode rapprochée de cette contre-démarche vis-à-vis de
Luynes, était comme uue épée à deux tranchants qui le
séparait à la fois des deux camps adverses. Mieux valait
cent fois dans cette intempestive retraite suggérée à la
reine-mère la franchise du désespoir.
Richelieu promoteur de la guerre civile ! Mais quand on
a remué ciel et terre pour un chapeau de cardinal, ainsi
que le fera Retz trente ans après, on est homme à s'en
vanter dans ses mémoires, fût-ce dans une pose de confes-
sions, au lieu d'y offrir au public Tapologie de ses cam-
pagnes médiatrices. — Vous dites que c'est le souvenir de
cette guerre civile plutôt que la jalousie temporisatrice de
Luynes, qui a valu à Richelieu, de la part de Louis XIII,
les ajournements expiatoires de la pourpre, et que voilà
pourquoi celte pourpre, « après avoir trempé dans la tein-
ture, a mis si longtemps à sécher ». — Mais d'abord, à votre
point de vue, pourquoi ne tenir jm» compte ici des ajour-
nements dilatoires de Luynes? Est-ce qu'un homme capable
d'une connivence avec Richelieu pour perdre Marie de
Médicis, n'eût pas pu tout aussi bien n'avoir pour Richelieu
que des ingratitudes de complice ? Mais, en écartant d'entre
Louis XIII et Richelieu l'interposition dilatoire de Luynes,
les répulsions encourues vis-à-vis d'un souverain contre
qui on a soulevé une guerre civile ne se prescrivent pas.
Ou plutôt l'homme qui s'est montré par là assez redou-
table pour enlever d'assaut cette pourpre que, de guerre
lasse, on lui jette sur les épaules pour se débarrasser de
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lui; cet homme l'accepte toute fraîche, réimporte et Tep-
dosse comme Thonor^ble ensevelissernent d'une éternelle
disgrâce.
Aujourd'hui uou$ savons à qui Hicbelieu impute gecrè-
temeut les ajouraemepts de sa pourpre ; et dp là daos ses
mémoires, avons-nous dit, ces invectives contre (^uyoeç,
qui ont si longtemps abusé sur lui-même la postérité» au
point de lui infliger le châtiment de ses rancunes en le
transformant en rebelle. Mais si, de ce chef, on tient à
condamner Richelieu par ce qu'on interprète Ik comme des
aveux de rébellion, avant tout qu'on les prenne tels qu'ils
sont, et qu'on le fasse au moins bénéficier (^e l'indivisibilité
de tels aveux. N'envisage^ pas <j^ns c^s méi^oires^ sincères
ou non, Tennerai de Lfiynes, fa)|^ y voir ^ côté l^ lojal
réconciliateur de Marie de Médicis^ H est vrai qup, qjjand
il s'agit de flageller Richelieu ou plutôt l'ombre qui sub-
siste dp lui, on trouve plus commode de le scinder d'avec
Igi-méme et de ne garder de spn apologie que les rancuni^ff
qui la tiennent en échec. Mais, puisquen cela on s'escrime
au nom de Jl^arie de Médicis, on s^it assez à quoi s'en tenir
sur des rancunes rétrospectives pour en faire la part chez
son adversaire. iVvant de prendre au mot les anatbèm^
d^ Richelieu contre Luynes, on envisage les calculs de
jalousie qui les ont provoqués. On discerne dans leurs
repercussions d'alarmes et de rancunes cp qui a pu» dans
Richelieu, fausser les souvenirs, au lieu de retourner
contre son cercueil des fantômes de griefs.
Mais passe encore pour la rébellion de Richelieu pourvu
qu'il ait trahi Marie de Médicis^ et avec elle tout ce qui
s'est armé ppur sa cause, accuser Richelieu de trahison,
vxtilà ce qu'on a aurtout à cœur. Envisagions donc et ser-
rons de plus prps cette fameuse imputation. La trat^ispa
s.uppose des victimes. Car enfin laisspns de côté le bien
général dçnt vous ne disconvenez paç, sauf à dire que
c Dieu a tiré le salut des hommes de la perfidie d'un
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r
— à87 -
apôtre. » Eh ! ù nous osions vous suivre dans votre com-
paraispa profi^natrice, nous vou^ dirions : où e3t (|opc ici
la viptime piaci^Iaire? Est-ce Jl^arie de Médici^ ? ^h ! qij'a-
t-ellQ donc perdu à la p^ix des Ponts*de-Cé ? Elle y a obtenu
tout ce qu'elle a jamais exigé dans sa disgrâce, s^uf, i( est
vrai, l'éloignement de Luynes. Mais Luynes rpaintenant se
met à SjBs genoux et d'ailleurs lui sera au Louvre comipe
une garantie d'équilibre vis-à-vis de Condé *. Af arie de Médi-
cis a si peu perdu à la paix des Ponts-de-Cé que, en dépit du
dé^^str^ qui Ta nécessitée, elle y a conservé tout ce que lui
avaient assuré d^avauce les préliminaires de La Flèche.
Oui, ]^arie de Médicls n a rien perdu à la paix des Popts-
de-C^, puisque ces grands seigneurs qu'elle mettait son
h.opn.eur à solidariser avec sa réconciliation, ont été réin-
tégré? dans tout ce que Louis XIII leur avait enlevé au
coufs deç hostilités san$ en avoir disposé, et qu'ils n'ont
pas même perdu l'eçpoir de recouvrer le reste. Ils n'ont,
ep? non plus, en définitive, rien perdu dans la victoire de
JLouis XIII, ces rebelles si particulièrement coupables qui
avaient déserté sa cause au cours même de la guerre civile.
Interrogez là-dessus les officiers de l'armée de Champagne
débauchés par La Valette. Demandez surtout à Saint-
Âignan ce que lui a coûté de plus qu'à ses compagnons
d'armes, sur le champ de bataille des Ponts-de-Gé, son
flagrant délit de transfuge ^.
Que dis-je ? Mais vous, Matthieu de Morgues, vous que
ne ^ulève pas seulement un acharnement suborné, puisque
* Écoutons, là-de88U8^ Taveu qui échappe à Matthieu de Morgues :
«... L'heureuse confusion [produite dans Tinsurrection angevine
par la déroute des Ponts-de-Cél. . . je l'appelle heureuse, parce que
le grand Dieu, qui seul peut tirer le bien du mal, fit naistre Tordre
du désordre, fit sortir de ce conseil de ténèbres la lumière de sa
gloire et de la Tostre, et fit produire à ces mouvemens le repos de
la Kejne vostre bonne mère. »
' Louis XIII poussa finalement la miséricorde envers Saint-Aignan
Cusqu'à assumer une quote-part de l'indemnité de sa destitution, ^qui
d'a.bprd deyait demeurer toute k la charge de Itfarie de Médicis.
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— 488 —
cet acharnement survit à celle dont vous exploitiez la que-
relle comme à Thomme dont vous pourfendez la mémoire,
et cela au point de susciter entre elle et lui une polémique
de revenants; vous qui, ne sachant comment secouer votre
ennemi de son impassibilité sépulcrale, allez jusqu'à
ramasser contre lui pour les ranimer de votre souffle de
haine des bouffées de cendre froide, vous, Matthieu de
Morgues, demandez-vous à vous-même ce qu'il vous en a
coûté pour avoir été à Angers, près de Marie de Médicis et
de ces Vendôme qui s'y agglutaient à vous dans une con-
tagion de fiel, un boute-feu de la guerre civile. Vous ne
fûtes, pour cela, que temporairement éloigné d'auprès de
la reine-mère, et cette rigueur si mitigée n'est pas même
inscrite dans le traité des Ponts-de-Gé. Si tant est qu'une
si bénigne exception aux amnisties générales soit impu-
table à Richelieu, vous n'oseriez jamais la reprocher même
à son ombre, car cette ombre seule vous répondrait qu'une
telle délicatesse de ménagements eût dû, plus que tout le
reste, tarir vos calomnies dans leur source. A moins que
vous n'en vouliez à Richelieu moins encore de ce peu de
sévérité déployée contre vous, que de la dédaigneuse com-
misération qui vous épargne l'affichage et la perpétuité de
votre peine, comme si vous vous sentiez humilié de cette
miséricorde, aggravée de l'aumône faite à la vénalité de
votre plume en dix années postérieuresd'émargemehtsdans
ses secrétariats, etcommesi, dans votre frénésied'invectives,
vous alliez jusqu'à renier des égards qui vous condamnent
à la reconnaissance. Mais peut-être devez-vous l'amor-
tissement de votre chute à l'entremise personnelle de
Marie de Médicis. Et alors elle était donc moins trahie que
personne, cette reine dont le crédit d'intercession dépassait
la teneur des amnisties pour vous atteindre jusque dans
votre inévitable exil. Ou plutôt ne serait-ce point elle qui,
pour se débarrasser des compromissions attachées désor-
mais à vos importunités, ne vous aurait que mollement
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- «89 —
soutenue et vous aurait laissé couler dans cet exil. Mais
c'est qu'alors, en tenant si peu à vous, ou pour mieux dire
en vous lâchant ainsi, elle vous jugeait d'avance un bien
peu digne avocat de sa cause. Laissons donc de côté ici la
personnalité de Matthieu de Morgues pour en revenir à
ces mécontents que justifiait presque le traité des Ponts-
de-Cé. Sans doute, en sortant indemnes de leur révolte» ils
n'y ont, eux non plus, en général, rien gagné. Eh quoi ! ce
n'était donc pas assez d'oublier, que dis-je? d'innocenter
expressément cette révolte, il la fallait encore récompenser
et couronner ! Rien que d'y oser prétendre, c'est déjà de
l'ingratitude.
Ah ! Richelieu a trahi avec eux tous Marie de Médicis
sur le champ de bataille des Ponts-de-Cé pour y teindre sa
pourpre. Mais demandez à tous ces membres ou alliés de
sa famille ce que Richelieu hasardait d'y perdre en eux :
un Brezé, un Pontchàteau, un Flocellière, ces deux-là
surtout qui soutinrent dans la v tranchée de Saint-Aubin le
dernier choc des royalistes. Eh quoi ! Richelieu n'aurait
donc gagné à sa mémorable trahison qu'un chapeau de
cardinal baigné dans son propre sang?
Une trahison sur le champ de bataille des Ponts-de-Cé,
c'est celle de Vendôme et de Retz. Une vraie trahison, ou
peut s'en faut, c'est aussi, dans le camp adverse, l'empres-
sement perfide de Condé à intercaler la victoire des Ponts-
de-Cé entre les préliminaires de La Flèche et la paix du
lendemain. Mais on se tait sur toutes ces félonies étrangères
à Richelieu, moins encore parce qu'il faudrait nommer un
Henri de Bourbon, ou un Retz, ou un Vendôme, que parce
qu'on conviendrait par là que, si pas une de ces félonies n'a
nui à Marie de Médicis, c'est qu'elles ont eu toutes en
Richelieu leur remède. Cela générait pour jeter sur sa tête
tous les complots qui, aux Ponts-de-Cé, se croisent et se
répondent d'un camp à l'autre. En vérité, pour emprunter
à Matthieu de Morgues et rétorquer contre lui ses ampoules
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— 890 —
de folliculaire, en Vérité, Richelieu est là le bouc émissaire
cfiârgé de toutes les infatoies d'Israël.
Car, dans le désarroi de Tlnèurréctlon angeviûe, on s'eri
prend à lui de tout, depuis la famine d'Arigers qui, au
matin du combai dés t*onts-de-Cé, ti'a plus que trois Jours
de vivres, jusqu'au déficit oU à ràvarie^ aU château deè
Ponts-de-Cé, des poUdfek, des mèches et des balles. îtfâis,
en laissant de côté l'imputation dé cette <( grivelée >> dé cèrit
mille écus dont on ne trouve nulle trace dans la rigouredsé
comptabilité dressée au se^vlce dé la reine-mëfe par son
trésorier d'Argouges, lequel deà officiers de son état-màjôt *
a, de ces différents chefs, accusé Richelieu ? f ersoiine ; et
pourtant, dès qu'on Ta accUâé de ne Tavoir trahie qu'en
réportant du même coup lès Soupçons de trahison sUr les
chefs rebelles, afin de les mieUx discréditer près de Marie
de Médicis, une telle calomnié ne leur donnait que d'autant
plus beau jeu pouf* lui rétorquer de telles charges. Mais,
encore une fois, personhè îie l'aècuse, pas tnême l'équi-
voque et l'indiscret MarilldC. Tandis que, âvecëes^aricunëô
de la journée des bùpes, qu'égalent seules ses 4-ancuïles
contre Luynes ; tandis qûë ÉichêlieU pei'sîlle et flétrît
Marîllac jlisque dans soh évacuation, d'ailléUrs très jbsti-
tiée, du champ de bataille des Pontfe-dê-Cé, Marilléc, qui
pourtant a dû essUyer dès AhgerS les antipathies pt-écoces
de Richelieu, ne fût-ce que dans leUr désaccord sUr la
fameuse tranchée de Vetidôhie, Marlîlètc, eri bohstdtailt ce
1 Nous n'tttotië ju8()u'icii interrogé ^fJédKlemëlit, é\iv ]a prétendu»
trahi.son de RicheJiey, que l'état-major de Marie de Médicis, p^rce
que là surlodl où a^^ait intérêt à arguer de Celte trahisoii pour éipli-
qtier ou pallier les désastres de la reine-mère, et que, dans le camp
adverse, cette t^^ahison ne pouvait qu'atténuer le prestige dct la
victoire. Mais, pai-rlii lé& bfllolers fd^alistès, Bassompierrè, qui crttU
avoir à se plajnijre presque légalement de.ftichelieu et de Lu/nes^
et qui, d'autre part, a reçu à Trélazé, le soii* dii combat aès PonU-
de-Cé, sur I08 d^tnièrés déwâtohes de 1« diplomatie du Logis-^
Barranlt, les ponfidences de Duperron et de Bellegarde, n'est pas
n<^n plufe ûû^ àiiîofité négligeable qùrind il rapporte qu'il b 'a pas
tenu à Kicbejieii qi^e pes ambassaeeurs ne soient arrivés à Tréiazè
avant l'engagement de la bataihè.
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TTTTF-t-j:-
- 291 -
désaccord, loue sans réserve en Richelieu ses vigilances
dMûlendant, dé trésorier et dé raUnitiôilnairë. Si, pôilr se
disculper de sa déroulé, Màrillac eût trouvé à mordre en
Richelieu, certes, avec i'àcreté de son levain de fcabàle, il
ne â'en fût pas fait faute, ainsi qu'il Ta fait à l'égard de
Vendôme. Ah ! comme accusateur de Richelieu il ^ a Jus-
tement Vendôme. Mais Vendôme et Châiltéloube * fe'est
Mathieu dé Morgueà, et Matthieu de Morgues est jtigé. Et
encore est-ce du champ de bdtailledes Poil(s-(iè-bécjuédatent
lès iî6{)utatioHs àe Vendôme? Oéttedatë-là seule; et la pré-
dpitation de sôù retour à AngerS, lès rendraient suspectes.
Mais ehfln on n'en est encore IS qu'à de vagues fchuchole-
inents et â deâ sdiii'dihes. NoUs né voyons encore là Vèndôthe
charger tout haut que Mérillàc. Et, podr désigner Richelieu;
ce déserteur qui n'a pas plus le courage des réquisitoires
que des champs de bataillé, môme pour donrlér le change
sur ses couardises, se caché derrière Matthieu de Môi^iiés^
et, pluà dé vingt ans d'àvàhce, il lui abandbnrie cette Iffste
audace dfe viser uh fcèrcueil. Laissons donc Vendôme et
Mârillac aU Logis-i3arràult Se prendre â partie et déblatérer
â Taise Tun coritré l'autre, devant ce Richelieu qUe fl'at-
teignént pas leurs éclâbousâures. Constatons selilteiïient
que si, dânà ses diatribes, Matthieu de Morgues accable
Richelieu, en revanche, en attendant leur lointaine appari-
tîoui fet sut* le théâtre encore fumatit du dernier désastre
dé Marie dé Médîcis, c'est tout le mondé que lés autres
accusent, excepté lui. Vendôme, après avoir, dès leurs pre-
ifiiiers désastres, accusé le grdnd-prieui» qui le lui a bieh
* iSur les incriminations de Richelieu, Chanteloube nous semble
encore atoir qttèlqae peu déteint sur le vénérable Père de BéroUe»
Du moins^ nous en croyons surprendre la trace dans les biographies
originaires de ce dernier. Cela peut ^'e^pliquer par Ibs affinités ora<*>
tcnrieikiias de Chanteloube et de Berulle. Rappel<»fi8->»noii8 ^.nssi lee
aqtipàthîe^ instiiictives et réciproques qui, Je. bonne heure, éloi-
^bèrëkt d6 Richelieu Berulle , coiiâiié par là dans une demi-
disgrâce ; et surtout n'oublions pas les accointances de Berulle
avec la cabale déconcertée par la journée des Dupes.
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rendu, se retourne contre Marillac, et Marillac accuse les
Vendôme. César de Vendôme et Marillac accusent Retz.
Retz accuse et, pour un plus, lapiderait son oncle, et l'oncle
accuse le neveu. Duperron et Bellegarde, au quartier
général de Trélazé, incriminent Gondé. Les réquisitoires
volent et rebondissent ; et, dans ce chassé-croisé de vitu-
pérations, le seul nom de Richelieu passe intact.
Reste rimputation, émanée d'Épernon et de Roban,
d'avoir isolé d*eux, ainsi que de Mayenne, Marie de Médi-
cis. Mais, en les appelant à Angers, Ricbelieu n'y eût
amené avec eux que le dernier terme de cette dissolvante
division que Jeannin préconisait d'avance à Paris si mali-
cieusement, en laissant âler de là sur Angers les Soissons
et le grand-prieur. C'est du coup qu'on aurait redoublé
d'anathèmes contre ce Machiavel qui n'aurait concentré
que pour mieux dissoudre dans des ferments de coagula-
tion Félat-major de sa souveraine. Et puis ces grands
potentats, tout chevaleresques qu'on les suppose, étaient-
ils si soucieux d'abdiquer leur aparté dans la condescen-
dance d'une immigration angevine? Et même eux qui,
entre eux deux, ne pouvaient pas plus s'entendre sur une
jonction à Angouléme qu'à Bordeaux, étaient-ils si empres-
sés d'accueillir chez eux, comme une atteinte sur place à
leur jalouse autonomie, Marie de Médicis escortée de Riche-
lieu ? Tous deux, au fond, le devaient également redouter.
Et avec cela, bien entendu, dans leur impossibilité de se
séparer l'un de l'autre ou de se dédoubler tous deux à la
fois entre Angouléme et Bordeaux, Richelieu et Marie de
Médicis n'eussent embarrassé de leur présence l'un de ces
deux alliés qu'en indisposant l'autre. Celui des deux que
n'eût pas gêné la présence de Richelieu se serait certaine-
ment plaint de ne posséder pas Marie de Médicis. Et la
complication de ces éventualités n'a pas dû, certes, être le
moins cuisant des soucis de Richelieu, lorsqu'après la
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- 293 -
bataille des Ponls-de-Cé il poussait si à contre-cœur Marie
de Médicis vers la Loire K
Et puis enfin, si ni Rohan, ni Épernon, ni Mayenne,
écartés ou non d'Angers dans les derniers jours de la
guerre civile, n'y ont pas paru, que savent-ils si on y a
trahi Marie de Médicis, puisqu'ils n'y ont pas assuré de
près sa défense, ni surveillé sa réconciliation ? Ils disent,
ou du moins Épemon et Rohan, qu'ils n'en ont pas été
mis à même et qu'une paix conclue sans eux leur est, par
cela seul, suspecte. Mais, dans cette avalanche de soumis-
sions dont la Déclaration d'innocence a donné le signal,
lequel des premiers ralliés a, sur sa démarche, consulté
ses collègues? Épernon a-t-il consulté Mayenne? Mayenne
a-t-il consulté les protestants? Dans le camp de ceux-ci, la
Trémouille, d'Aubigné ou La Force se sont-ils consultés
entre eux, ou ont-ils consulté Rohan? Rohan lui-même, sur
cet autre horizon de la guerre de Trente ans, a-t-il con-
sulté Richelieu sur son évacuation de la Valteline qu'il a
pris si à cœur de justifier contre lui et qui, même en la
* Ici se place cette lettre de Richelieu à Tarchevèque de Toulouse :
c 3 août 1620. Monsieur, le roi est au Mans avec ses trouppes et
fait estât de nous venir epousseter comme il faut. Toute l'espérance
de traitter est rompue ; ces Messieurs n'en veulent point oujr par-
ler. En ceste extrémité, nous sommes résolus de faire ce que
doibvent faire des gens à qui la nécessité apprend à se deffendre.
Je croiâ que vous devez mettre le meilleur ordre qu'il vous sera
possible a Loches, et y laisser M. de la Hilière. Et cela estant, je
me promects que vous voudrez estre de la feste. . . »
Cette lettre, invoquée par Avenel comme une des pièces à produire
au procès en faveur de Richelieu, ne nous semble pas absolument
roncluante. Cependant nous y voyons de libres allusions à des pour-
parlers de paix qu'avec sa rédaction si précautionneuse Richelieu
eût dérobées à La Valette si elles lui eussent semblé de ce côté tant
soit peu suspectables. — En voyant, en outre, Richelieu mander à
Angers l'arcnevèque de Toulouse qui y eût d'ailleurs, au combat
des Ponts-de-Cé^ rencontré son frère Candale, nous nous assurons
qu'il n'en écartait pas au moins la représentation du duc d'Epemon
par les siens. — Enfin remarquons que, en informant La Valette
des progrès de l'armée royale, Richelieu le mit à même et lui
recommanda de s'observer, ce qui n'est pas le procédé des tr^tres,
qui endorment plutôt dans la sécurité ceux qu'ils trahissent.
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— 294 —
supposant justifiée par son apologie, a failli, certes, être plus
malheureuse pour la France que la p^aix des Ponts-dè-Cé
ne Ta été pour toute Tinstirrection angevine. D'aîlletirs^
encore une fois, ni Épernoù ni Rohân ne sont recévables S
reprociier â Richelieu cette paix, ni Mdhan avec ses répu-
diations de sectaire, îiî Ëpernon qui a si peu perdu à sa
précipitation, qu'il s'est hii payer soti ralliement d'autant
plus ctïer qu'il Ta fait ^lus longtemps attendre.
Èpernon est surtout irrecevable à reprocher à fticheJîeu
son cardinalat de trahison si Ton envisage de ce chef, en
regard dé celte promotion si réprouvée, Tantériorité de ses
propres satisfactions paternelles ^ On constate par là que,
dans cette Galtia purpurata des liquidations de U guerre
civile, Épernod, eh la personne dé La Valette, a été, pour
ainsi dire, récompensé de là tardivitë de sa Soumission,
bien avant que ttichelieu ne le fût de la prétendue
noirceur dont cette soumission Serait l'œuvre, et que, tout
en récriminant à la fois et en rompant devant lui à la
source des grâces, il l'écarté et lé devance. Et, dès lors, on
se demande à qui donc Épernon a été sacrifié quand, dans
la côntributiori ouverte au letidenlâitt de la paix deâ Ponts-
de^Gé, on voit le privilège de ce rallié de la onzième heure
primer celui de la trahison. Ne nous parlez donc plus d'uhe
tràhi^bti doht le salaire hë pa^se qu'après la satisfaction
de ses victimes. En général, quand on est aussi avisé que
Richelieu, on ne risque qiie clés trahisons dont on est cer-
tain de n'être pas dupe; et si, à cette date de 1620, Ton est
dupe, on ne Test que d'une trop novice ambition.
Rappelëz-Vods plutôt, dirions-tious au duc d'Epernôli,
rappele£-vou8 plutôt la superbe leçdh de dédintéressement
* L'îlrchevêquë de Toulouse, Là .Valette, fût tiommé cWdlilal dè§U
è\ jâdvier lB2l, et Richelieu he lé fut <\&'én 16$2. ^ Ajôutdâft que, «ii
ce qui est des calculs temjJoriâdleurè dé Luytteé.à l'égard de Riche-
lieu, on e& suit les traces à travers Bentivogiiô iusqu'à iK èâtiifkô-
lion de La Valette. Ces calculs, à partir de cette date et s'ils lui ont
survécu, deviennent moins perceptibles.
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qu'au letidemalln de la paix des Pontâ-de-Cé, tel qu'un
Condé à ia paix des Pyrénées, vous donniez à Alayenne
pour le convier â lô suivre dans vôtre soumission. A cette
daté vous diriez que « le seul contentement de Marié de
Médlcis vous devait désarmer *. Pour être conséquent avec
cette profession de chevalerie, abdiquez donc, pour le reje-
ter Sur l'autel de la concorde, tout cé que Vous avez obtenu
de plus que cette satisfactîoti de votre souveraine : ou bien
fkîtes cé qu'ont fait simplement après Vous Afayèûûe et La
Perce, qui, en se soumettant, ont, eui, accepfê de boii^e
grâce, sans nulle posture dé victime, Tun rëVéïliualHé du
gouvernement de Béarn, et l'autre Texpectative du bâton
dé maréchal. Surtout, en géffils&ânt sut* Votï-e doùloUirease
Immolation, n'allez: pas supplieî' tlichéHéu de vous en
adoucir l'amerturtie par un surcroît de faveur, ainsi que
vous l'avez fait èî humblement, et d'aiilleurâ longtemps âpt-ès
votre soumission. A cette daté si fecùléé dé vôthe féquétfe,
comment û'aviez-vous pas eu le témpâ de Soupçonner âa
trahison ? OU, si voUfe la êôUpiçonnléz, Comment t^avâliez-
vous Votre morgue âU point d'im|îlorer à taalnë Jointes
l'homme qui n'aurait éU poUi* vous qiiè des baisers de
judas, d'Un Judas qUé VOUs caressiez en le supplantant?
Eh quoi ! dans le moment même où vous nous êlâlèz Votre
décorum dé victime, le déméntiriez-Vous au poîfil dé ttous
laisser douter ài ce qui l'emporte entre le « cardinal
de la trahison i et vous, c'eàt là perfidie oU là plati-
tude?
Et iiarie dé Médicis, quand s'ést-ellè donc. Je iie dis pas
plainte, mais aperçue delà trahison de ftichélleU? Ce ù'eât
certainémeni pas k ferissàc, puisqu'elle y couvre de sa
muhîhceùce ce qui en fut lé prétendu gage*, en gratifiant
' Remarquons que, en ce momént-là même, Marié de Médicis
montrait son plus paauvais visage au cardinal de Retz, comme
soupçdtinê db cohUivétice ddnsl la défection de soâ neveu au
combat des Ponts-de-Cé.
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^
— 296 —
d'une dot de cent mille livres ^ et de douze mille écus de
pierreries Madeleine de Pontcourlay, quand cette nièce de
Richelieu épouse un neveu de Luynes. Ce n*est pas même
deux ans après, quand elle couronne cette prétendue trahi-
son du chapeau de cardinal ; ni encore deux ans après,
quand elle assure à Richelieu l'entrée au conseil. Mais
quand donc ouvre-t-elle les yeux? Oh! un des plus mal-
veillants biographes de Richelieu va naïvement nous
Ta vouer. € Cependant », dit Leclerc, € Marie de Médicis (en
août 1620), ne s^aperçut nullement de ces artifices de
Richelieu. Elle lui promit le chapeau de cardinal et rentrée
au conseil, jusqu'à ce qu'il la persécutât de la manière du
monde la plus indigne. » Cela veut dire que la journée des
Dupes seule ulcéra contre Richelieu, dans Marie de Médicis,
ses plus lointains souvenirs. Il y a désormais entre Marie
de Médicis et Richelieu toute la distance qui sépare
Angers, les Ponts-de-Cé et Brissac de Bruxelles et de
Cologne ; et dans l'intervalle se place l'entrevue décisive
du Louvre, où Louis XIII dut opter entre elle et lui. Encore
une fois, ne perdons pas de vue que si, après coup, des
impatiences d'ambition ont aveuglé Richelieu sur Luynes,
des ressentiments d'exil ont aveuglé bien plus encore sur
Richelieu Marie de Médicis.
Revenons et restons-en k cette entrevue bien plus heu-
reuse de Brissac où Louis XIII embrassait Marie de Médi-
cis et Richelieu, inséparables encore l'un de l'autre, en leur
commun retour vers lui. Écartons de celte mémorable
entrevue tant d'interprétations sinistres. Ne gardons de la
Marie de Médicis angevine que le souvenir d'une reine qui
n'a pas adopté l'Anjou comme un refuge, et un refuge sanc-
tifié de sa disgrâce, sans l'ériger en même temps en un
théâtre et en un gage de ses réconciliations. Retenons-y en
même temps l'homme sur qui nous pouvons excercer, non
* Louis XIII, de son côté, dotait Combalet de cent cinquante
mille livres.
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— 297 —
moins que sur le Père Joseph, une revendication angevine,
parce que tous deux n'y ont réconcilié qu'en sauvant et,
par là même en relevant Marie de Médicis ; qu'en la sau-
vant ils ont sauvé Angers avec elle, et que, en sauvant
Angers avec elle et par elle, ils nous ont, nous aussi, récon-
ciliés avec son culte. En ce qui est de Richelieu, n'oublions
pas surtout que c'est en venant chez nous s'attacher à
Marie de Médicis au point d'embrasser son refuge, d'assu-
mer sa disgrâce et d'adopter son quartier général; n'oublions
pas que c'est chez nous qu'il a trouvé la clef de son avenir
et le nœud de ses grandeurs. En y saluant le prétendu
« cardinal de la trahison » d'un vocable réparateur, disons
que c'est dans le < cardinal de la réconciliation » que s'est
élaboré le c cardinal de la Rochelle », sous les auspices de
€ range gardien de la cité angevine » doublé de Tapôtre
de la dernière guerre de religion; et tout cela au sein d'un
asile consacré par de royales infortunes '•
Eusèbe Pavie.
fA tuiwrej
^ Lettres de Richelieu (Coll. Avenel), pp. 653 et 654, texte et n. —
Coll. PeLj notice sur Richelieu, pp. 33-^, 37-38. — Fontenay-
Mareuil, p. 153. — Brionne, p. 3u. — Recueil de pièces pour la
défense de la reync'-mère ei du roy très chrestien Louis XIII par messire
Matthieu de Morgues, sieur de Saint-Germain (dernière éd., Anvers,
1643) : Lumières pour l'hist. de France, pp. 23-27, 28, 34, 83 et
passim ; Très humbles^ très véritables et très importantes remonstranees
au Roy, pp. 20, 31-33, 50; Remonstr. du Caton chrestien, pp. 12, 14,
34, 61, 63-64 ; Vrais et bons advis de François fidèle, p. 13 ; Adver-
tissement de Nicocléon à Cléonville pp. 4-5; Vitt, Séri, pp. 98-99,
178-180; Levassor, t. lil, pp. 500-501, 572-575, 593-594; t, IV,
pp. 66-67, 71, 75, 77-79. — M«« d'Arconville, t. II, pp. 375-376,
553-554, 571 ; t. III, pp. 15. 84, 60, 61, 75. — Girard, Vie du duc
d^Epemon, passim. — Roh&n, passim, — Gramond, p. 283. — La
Nunz. di Fr.. 22 août. — BattereJ, t. I, 1. m, n<» 41 et 79. —
LecJerc, pp. 90, 91 et passim. — Griffet, pp. 269, 270, 538. — Pièces
curieuses, etc. : Response au libellé intitule Très humble, très véri-
table, etc., p. 30. — V. Cousin, mai 1862, pp. 336-337, 340,341,
343 ; juin, 312-313 ; septembre, 530-531. — uEvêque de Luçon et le
connétable de Luynes, p. M. Avenel (Rev. des quest, historiques,
5e année, t. IX. pp. 102-107. — H. Martin, p. 162. — Dareste,
pp. 67-68. ^ Essai sur la Vf e et les ceuvres de Idathieu de Morgues,
aobé de ^ ' " -- -. . ~ . .- ..
aobé de Saint-Germain, par M. Claude Perraud (Le Puy, 1865), pas-
sim. — Fancan et la politique de Richelieu de 1647 à 46V ^ par Léon
Geley (1884), pp. 28, 31, 78, 89, 92-93, 96, ex passim.
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^
J
LA
FAMILLE BOYLESVE
Chartrier de Boi^esve, 10 décembre 1587. — Arrêt du Par-
lement j(l^ iPfrif; (voir aux litres généraux).
îd, — Le mardi l'^mars 1889, Damoiselle Philippe Prioulleau,
veuTe de deffunt N. h. M* François Bpylesve, vivant conseiller
du ffij^,' «k^r 4f$ l» B^ô^arderiç... yend à b* h. R^aé Boylesvf,
sieur ée Gouasmart, la Biquerye pour 700 escus sol évalués h
210^ 1. .^yec faculté de réméré. — Le ii ii^j^rç 15.$9 guittaixç.^
d« éûO 6sw«. Sigfté«l ftogier. — Le S février IS&A» prolongatioa
de \% grâce et faeUUé de rachapt de la Biquerye. — Le lÔ février
1§9!^, idem. — Le 30 décembre 1B96, r^epri^e de la 3iiq4îsryfi
sur GuiUemioe Moussean, veuve (ie René Boylesve, mè^e et
tutrice d^ ses mineurs, moyennant 700 escus sgl. Fait à
Apgers, pré.^np^' d.^ H^ii. iiic,9iê9 dé to Cbaufisa^ ëi Ko^ârt
Couriin, avocats.
(Sjlgaé) : RoGiKR.
id,, 1S91. — extrait des regiatres du Conseil d'État ei, Aw
finances establi par M»' le duc de Mercœur, gouverneur de
Bre(aigne pouf 1* manuJLeptjioji dje Jn r^Ugipp catkoliquei,
apostolique et romaine, conservation et libertés de la pro^
vince, attendant rassemblée de^ Çstats.
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J
Yen la requeste présanlée par M* Matburin Cochelin, con-
seiller et lieutenant général en la senescbaussée et siège
présidial d'Anjou, tendant h ce qu'il euçt été ordonné (}ue
Baltbazar rSnxant, si^ur Ae Malvoisin^^ viendrait au Conseil
convenir de juges pour cognoistre el décider de l'arrest par
lui fait sur quinze pipes de vin que ledit Cocbelin aurai} fait
saisir et arrester à Rochefort en Ànlou, par yerlvf dç Fordon-
nance et permission de M»*" le duc de Mercœjxr^ du xxix* ^'our
d'avril dernier, comme appartenant aus veuve et héritiers de
M** François Boylesye, ses parties adyerse^, contre lesquelles
il a adjudication de d^^pens, dommages et intérêts, montants
franche somme de deniers p^r arr^st de la cour et parlement
de Paris de l'année 1589. — Attendu qu'il n*y ^ à présent
aucuns juges ni exercice de la Justice audit siège présidial
d'Anjou cj devant transféré à Cbemillé de la part de la sainte
union catholique, par devant les()ue)s les parties aurpient été
renvoyées pour procéder su|r ledit arrêt et saisie par arrest
du Conseil du 16^ jour de février dernier. Vu la re^uest^ pré-
sentée par ledit l'Enfant» suppliant être renvoyé pour prp-
céder comme dessus 'au siè^e présidial transféré à Rocbefort^
et tout considéré, îe Conseil a renvpyé et renvoyé les parties
ppur procéder sur lesdites saisies et arrçisls par devant les
gens tenans le siège présidial d'Anjou à Rocbefort. Fait au
Conseil tenu h Nantes, Monsei^eujr y estant, l^ trei^içsme
jour de mars l'an mil cinq cent (|ua)jpe-vixi^t-onze.
Signatuiie illisible.
/rf., IK9I. — - ide». Veu la reqoMte présentée par II* Ma-
thufîa GodieUn, conseâler du roy ei. lieutenant géoécal en la
sfiMMobaussé^ et siège présidial d'Anjou, tendent à ee qu'il
nous i^iist piu ordûBjàar que ie capitaine Vivant» fermier et
adjpdicaialre judsoiaira des terres de la Maurouzière et de la
GiUiÀre, ^ais^ies ^ ia requeate du procureur du roy audit 8ièg«
préeidi^ d'Anjou, esiabli à CliamiUé, sur les veuve e4 héri-
tiers da feu M*. François fioylesve, ennemis et adhérents aux
hérétiques, et M' Jean le Meignan, naguère receveur général
audit Cbei^illé, soient contraints par emprisonnement de
leurs personnes à luy rendre et restituer les fruits et ferme
desdites terres sur lesquels il auroit fait arrest par vertu de
Tordo^inance de W le duc de Mercœur du 29* d'avril dernier,
par laquelle lui auroit esté permis soy procéder par saisie
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— 300 —
desdits veuve et héritiers pour avoir été condamnés avec eux
par arrest donné en la cour et parlement de Paris en Tan mil
cinq cent quatre-vingt-neuf, au profit dudit Cochelin et
notamment sur les terres de la Gillière et de la Maurouzière
et leurs appartenances et par les mains des commissaires qui
y seroient établis à sa requeste ou des fermiers se aucuns se
fussent trouvés prendre les deniers des fermes ou Jouir par
ces mains du revenu desdites terres et biens desdits con-
damnés du parti contraire à la sainte union catholique Jusques
et tant que besoin y eust été. Mondit seigneur lui avait fait
don jusqu'à ce que ledit Cochelin eust été entièrement payé
et satisfait des despens et intérêts à lui adjugé par ledit
arrest et récompensé de la jouissance de son estât, perte et
dommages qu'il a souffert et souffre en ses biens par ses
ennemis et aussi leurs adhérents du parti des hérétiques ;
l'ordonnance de Monseigneur cy-dessus dattée, la requeste
présentée par ledit capitaine Vivant, tendant afin d'être
renvoyé pour procéder sur la requeste dudit Cochelin audit
siège présidial d'Anjou, transféré à Rochefort. Ledit capitaine
Vivant, oui au Conseil qui a dit n'avoir joui desdites terres de
la Gillière et la Maurouzière fors d'environ trente septiers de
bléd, mesure du lieu, qu'il auroit retenu du consentement
dudit Le Mefgnan sur ses estats et solde de lieutenant du
sieur de la Perraudière, capitaine des ville et château dudict
ChemiUé et tout considéré, le Conseil (sans avoir esgard à la
qualité de capitaine et soldat dudit capitaine Vivant) Ta con-
damné et condamne à vuider ses mains au profit dudit
Cochelin de ce qu'il a touché des fruits et revenus desdites
terres ou la valleur d'iceulx et à ce faire sera contraint par
toutes voyes et rigueurs comme pour deniers royaux si mieux
il n'aime payer le prix et la somme d'adjudication à luy faite
d'icelles terres et pour procéder à ladite vériffication, liqui-
dation et estimation desdits fruits touchés et perçus; sont les
parties renvoyées par devant les gens tenant ledit siège pré-
sidial d'Anjou, audit Rochefort. Fait au Conseil... idem...
Id. — Le 3 juin 1598 enquête faite par Jehan Jarry, Escuyer,
Sieur de la Touche, Conseiller du Roy, lieutenant en la maré-
chaussée d'Anjou au sujet de la pèche de l'étang de la
Gillière faite par les soldats du château de Rochefort-sur-
Loire pendant que ces biens étaient détenus par le duc de
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- 301 -
Mercœur. — 16 décembre 1899. Audition de témoins par
Jehan Piau, Chancelier, juge magistrat; René Lépicier dit
la Touche dQ Charcé a vu les soldats pécher et prendre plu-
sieurs pipes de gros poissons. — 38 décembre 1S99. Audition
de témoins par Jehan Jarry, à rencontre d'un nommé le capi-
taine la Houssaye qui lors commandoit au chasteau dudit
Montejean, les Bruières son lieutenant, la Rivière Tallonneau
leur soldat, complices et alliés. Jean le Comte, de Montre-
veau, dépose avoir vu enlever le blé de la Maurousière par
les gens du parti adverse.
Bibliothèque d'Angers Audouys, mss. lOOS. — Le 36 mai
1610devant Laurent Chauveau, codicille de Philippe Prioulleau
veuve instituant deux messes par chacune semaine de Fan à
perpétuité en la chapelle de Notre-Dame de Montserra autre-
ment la chapelle des Boylesve et donnant pour ce rente suffi-
sante à assoir sur ses biens.
/d., mss. 871, — Bruneau de Tartifume^ t. I, p. 430. —
c S'aperçoit aussi en laditte chapelle derrière ledit autel la
c représentation d'une ancienne Damoiselle qui porte cette
c fusée, par icelle J'apprends quelle estoit femme dudit
€ François Boylesve. . . »
M. André de Livonnière possède, au château de la Plis-
sonnière, un portrait de Philippe Prioulleau peint à Thuile.
Il mesure 0"65 sur 0"50. Elle est représentée à genoux sur
un prie-Dieu surmonté à droite d'un crucifix. Elle porte
une sorte de coiff'ure avec collerette blanche et paraît âgée
d'environ 60 ans. A sa gauche se voit un écu entouré
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d'une cordelière de veuve, parti des armes de son mari
(qui ne se voient plus) et des siennes. Au bas, on lit :
« Damoiselle Philippes Prioulleau, veuve fle défunct
€ M"" M® François Boyiesve, Chevalier, vivant seigneur de
« la Brizarderis, le 10 juin 1610. » Ce qui permet de
croire que ce tableau était posé sur son tombeau, comme
c'était l'usage à cette époque en Anjou.
DIXIÈME DEGRÉ
i^ Charlotte Boylesve, baptisée à Saint-Michel -du -
Tertre le 21 décembre 1554.
2^ Françoise Boylesve, baptisée le 24 mars 1557, épousa
Messire Jean Le Febvre*, Écuyer, Seigneur de la Lau-
brière.
3° Maurice Boylesve, qui suit.
4*^ Marin Boylesve, auteur de la branche de la Maurou-
zière, qui viendra après.
5° François Boylesve, Écuyer, Seigneur de la Bourdi-
nière, né en 1560, licencié en droit, prêtre protonotaire du
Saint-Siège apostolique, conseiller, aumônier du Roy par
brevet du 2 février 1598, mattre-école en 1602, chanoine
de Saint-Maurice d'Angers, chancelier de l'Université en
1613-1624, doyen de Saint-Martin d'Angers, fut inhumé
dans la chapelle des Boylesve, en l'église des Cordeliers,
le 10 décembre 1637. Sa succession fut partagée en 1649
entre ses neveux.
Chartrier de Boylesve^ 1598. — De par le Roy, grand
aumosnier de France, premier maistre d'hostel, scavoir
faisons que désirant gratifier de tout notre possible notre
bien amé François Boylesve, en considération de sa fidélité et
louables vertus qui sont en luy... l'avons retenu et rete-
* Lefevre : (Tazur à la levrette émargent rampante^ accolée de
gueules, bouclée d'or.
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- 303 -
nons. . . en Tétai et charge de nostre aulmonier ordinaire. . .
Donné à Paris le deuxième jour de février 1890. Signé Henry.
Original en parchemin, scellé sur papier, avec la prestation
de serment le 7 février 1598 entre les mains de l'archevêque
de Bourges, grand aumônier de France.
Archives de VUniversiié d'Angers^ 1602. — Franciscus
Boylesve jurium licenciatus, sancle sedis apostolice protho-
notarius, insignis ecclesie et universitatis Andegavensis can-
cellarius... brevet de licence en droit pour François Ches-
neau du diocèse du Mans... Datum Andegavi, sub sigillé
nostro... die décima quinta mensis maii anno domini mille-
simo sexcentesimo secundo.
Original en parchemin ; sceau sur papier.
Bibliothèque nationale^ nouveau d*Hozier, vol. 48, n« 2. —
1607. Sentence du lieutenant général d'Angers, relative à
François Boilesve, protonotaire du Saint-Siège apostolique.
— Copie.
Bibliothèque d? Angers. AudouySy mss. 1005. — Le 14 août
1613, devant Deillé, notaire à Angers, fondation par François
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— 304 -
Boylesve, presire, Seigneur de la Bourdiniëre, proionotaire du
Saint-Siège, maitre-écolle, chancelier de l'Université et cha-
noine de réglise d'Angers, tous les premiers mercredis et
Jeudis de chaque mois, de vespres et processions autour du
cloître des Cordellers où sera porté le Très Saint Sacrement
et après grande messe au grand autel puis libéra sur sa
tombe en la chapelle des Boylesve. . . pour ce il assure une
rente de 36 1.
Université cCAngerSj par L. de Lens, I, p. 78. — Clarissimus
vir Franciscus de Boylesve, dominus de la B... insignis
ecclesise Andegavensis et almse Universitatis canonicus et
cancellarius, régis eleemosinarius et sanctae sedis protono-
tarius, sancti Martini decanus, hujus capellœ fundator, plus
e vita migravit die décima decembris anno domini^millesimo
sexcentesimo trigesimo septimo post meridiem. Requiescat
in pace. Amen.
Archives de Maine-et-Loire^ E. 1811. — 1649. Lots et par-
tages des biens immeubles demeurés de la succession de
deffunct M* François Boylesve, prestre, Seigneur de la Bour-
dinière, conseiller, aumosnier du Roy... que M'^ Michel
Boylesve, chevalier, Seigneur des Gaudrez, fils aine et prin-
cipal héritier de M''^' Maurice Boylesve. . . foumist à M'** Louis
Boylesve... et ses frères héritiers de Charles Boylesve,
Seigneur de la Gillière, M^^ Marin Boylesve, Escuyer, Sei-
gneur de la Maurousière, M*^ Pierre le Chat, conseiller du
Roy... mari de Anne Ayrault... W François Lefebvre,
Seigneur de Laubrière... héritier de Françoise Boylesve...
Artur de Saint-Jouin, mary de Renée de la Marqueraye, fille
de feu Philippes Boylesve tous aussi héritiers bénéficiaires
pour l'autre tiers ...
A rainé le lieu et métairie de la Galletière... aux puinés
le lieu et métairie du Granger. . .
Fait audit Angers, le 18 septembre 1649, signé : M. Avril,
Michel Boylesve, Gontard.
Original en papier et extrait imprimé dans les Recherches
sur les familles des maires d'Angers^ t. III, p. 113.
6« Philippe Boylesve épousa, par contrat du l6 août 1587,
devant Grudé, notaire à Angers, Noble homme David de la
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r
— 305 — vli
M ARQUERAYE *, écujer, seigneur de la Primetîère, conseiller
au parlement de Bretagne.
Il était mort avant 1593.
Archives de Maine-et-Loire^ E, 4327. — Le vendredi 15« jour ^).
de juin 1593, Demoiselle Philippe Boylesve, veuve de deffunt
N. h. Qaude de la Marqueraye; vivant conseiller du roy en
son parlement de Bretagne, mère et tutrice..., cède à Charles
Boylesve, écuyer, seigneur de la Gilière, Tétat de conseiller
dont sa majesté leur a fait don pour 3333 escus, un tiers
valant 10,000 1. Fait et passé Angers, en la maison de Phi-
lippe Prioulleau, veuve de deffunt N. h. François Boylesve,
sa mère. Signatures et avec eux Jacques de la Marqueraye, ..y
son flls aîné.
7* René Boylesve, écuyer, seigneur de Villeblanche,
épousa Demoiselle Anne de Boussyron ', fut inhumé le
5 mai 1604, à Saint-Michel-du-Tertre ; sa succession fut
partagée avec celles de ses parents.
Archivée de Maine-et-Loire^ E, 4327. — 1593. N. h. René
Boylesve, seigneur de Villeblanche, mary de Demoiselle Anne
de Boussyron, cède à François Boylesve, seigneur de la Bour-
dinière, conseiller, son frère, les arrérages de 15 années de
5 septiers dus à Montreuil-BeUay, pour la bonne amitié qu'ils i|
ont l'un pour l'autre. Signatures. Original en papier. ''|
-^
8"" Charles Boylesve, auteur de la branche de la Gilière
et du Plantis (voir après celles de ses frères).
3* Maurice Boylesve, écuyer, seigneur de la Brîzarderie,
Gbarost, Tharon, les Gaudrës, la Biquerie, conseiller au
parlement de Bretagne, par lettres du 4 septembre 1676,
démissionnaire en 1608, en faveur de son fils, conseiller
honoraire, par lettres du 16 janvier 1609, enregistrées le
* De la Marqueraye : de gueules à la fasce d'argent accompagnée
en pointe d'un croissant de même.
' De Boussyron : d'or à la croix de gueules chargée de 5 coquilles
d'argent et cantonnée de 4 croisettes du second.
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- 306 -
27 février, épousa par contrat du 15 janvier 1581 Demoi-
selle Marie Le Lou *, fille de Noble homme Michel Le Lou,
conseiller du roy et maître ordinaire de ses comptes en
Bretagne, seigneur du Breil, Beaulieu, la Chaborière et la
Haye, et de deffunte Demoiselle Françoise Rocaz.
Il fut inhumé le 15 mars 1619 en la chapelle des Boylesve,
aux Gordeliers d'Angers, laissant quatre enfants : Michel,
Charles, François et Françoise.
Maintenue de idiô et i66S, titres généraux. — Provisions
de Toffice de conseiller au parlement de Bretagne du 4 sep-
tembre 1576 et prestation de serment, le 17 mars 1577.
Chartrier de Boylesve et titres d*Achon, 1581. — Contrat de
mariage passé le 15 janvier 1581, devant Michel et Guichard,
notaires royaux à Nantes, entre Noble homme Maurice Boy-
lesve, conseiller du roy en son parlement de Bretagne, fils
aisné de Noble homme François Boylesve, seigneur de la
Brisarderie, la Moricière et la Gilière, conseiller du roy, lieu-
tenant au siège de la prévosté royale d'Angers et conserva-
teur des privilèges de l'Université de la dite ville et de
Demoiselle Philippe PriouUeau, sa femme et compaigne,
d'une part, et Demoiselle Marie Le Lou, fille aisnée de Noble
homme Michel Le Lou, conseiller de sa Majesté et maître ordi-
naire de ses comptes en Bretagne, seigneur du Breil, Beau-
lieu, la Chaborière et de la Haye et de deffunte Demoiselle
Françoise Rocaz par aucun temps sa femme d'autre... On loi
donne la terre de la Biquerie, à Saint-Àubin-de-Luigné,
valant 100 escus de rente, outre son dit état de conseiller...
La future reçoit en avancement d'hoirie 6666 escus deux tiers
d'écu sol... sur lesquels 1330 escus et un tiers pour meubles...
présence de Nobles hommes Matthieu Aubin, seigneur de
Morelles, conseiller du roy au siège présidial d'Angers, et
garde des sceaux de la Chancellerie d'Anjou, Biliaire Colles-
seau, escuyer, seigneur du Houx et de la Rochepallière,
* Le Lou : de gueules à 2 fasces d^ argent chargées, la première ^ de
3, la seconde, de 2 étoiles de sable, — C'est par erreur que M. Gon-
tard de Launay donne ^xxn Le Lou de Bretagne les armoiries d'une
famille de ce nom et originaire d'Angers, P. 79, et qu'il fait Maurice
chevalier de l'ordre du roi.
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^307 —
Estienne BoylesTe, escuyer, seigneur des Roches et du Grand
Anvers, Noble homme Marin Boylesve, seigneur de la Moro-
zière, premier conseiller du roy en la sénéchaussée et siège
présidial d'Angers, N. h. Jean Lefevre, seigneur de Laubrière,
René Lefevre» conseiller du roy, et son premier avocat à
Angers, de nobles gens, Jean Rocaz, sieur de la Baye, Julien
Rocaz, sieur de la Noê, trésorier et receveur général des
finances en Bretaigne, Nicolas Fiot, sieur de la Rivière, tréso-
rier et receveur du taillon audit pays de Bretaigne, Georges
Chrestien, sieur de la Mothe, tous parans, amys et alliés des
dits Marin Boylesve et Marie Le Lou. — Signatures. A la suite
se trouve une quittance de 2513 1. datée du 15 octobre 1581, et
Tattribution de certains héritages par Michel Le Lou, seigneur
du Breil, père de Marie. — Grosses originales en parchemin.
Titres d'Achon, 1597. — Extraict des registres du parlement.
Veu par la court la requeste présentée par Maistre Morice
Boylesve, conseiller en icelle par laquelle il remonstrait que
depuis les présents troubles il s'est toujours retenu en l'obéis-
sance et service du roy, comme son fidelle officier et subjet et
souffert de grandes pertes, peines et travaux, à raison de
l'injure du temps pour venir par diverses fois, à pied, en
habit et visaige desguisé en temps d'hiver, de la ville d'Angers
en ceste ville pour faire le service qu'il y doibl et couché par
plusieurs fois dehors à raison de l'affection qu'il avoit à son
dit estât et service du roy, tellement que depuis il a esté
subjet à de grandes maladies et encore à présent est détenu
d'une, l'issue de laquelle est fort douteuse, occasion qu'il a
esté de résigner son dit estât de conseiller pour le conserver
au cas que son deceix adviendroit à sa femme et enfans. A
ces causes, requeroit en considération des longs services qu'il
a failts qui sont de plus de vingt ans, qu'il pleut à la dite
court ordonner qu'il sera en sa fabveur au nom d'icelle escript
au roy pour le supplier d'admettre la dicte résignation et
conserver son dit estât à sa femme et enfans, auquel nul
autre ne sera receu que son résignataire ou celuy qui sera
nommé par Demoiselle Marie Le Lou, sa femme, ou Maître
Marin Boylesve, lieutenant général en la sénéchaussée
d'Anjou, son frère. La dite court a arresté qu'il sera au nom
d'icelle escript au roy pour lui témoigner la probité, fidélité
et diligence du dit Boylesve, conseiller en l'exercice de son
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— 308 —
dict estai et les grands travaux, pertes et ennuis par luy sont-
ferts pour le service du dit seigneur, lequel sera très hum-
blement supplié, au cas que le dict Boylesve décéderoit, de
voulloir admettre la dicte résignation et conserver son dict
estât à la femme et enfans et sans paier finances. Faict au
parlement, k Rennes, le 9* Jour de mars iS97. Signé Louriolle.
Collation faite. Original en parchemin.
Archives de Maine-et-Loire^ E, 1810, et Bibliothèque d^An-
gers; Audouyty mss. i005. — 1611. Partages des choses hom-
magées, tombées en tierce foi de la succession de François
Boylesve et de Philippe Prioulleau, présenté à ses puisnés
par Noble homme Maurice Boylesve, sieur de la Brizardière,
conseiller au parlement de Bretagne. Et parce qu'il a des hom-
mages tombés en tierce foi, tant dans l'estoc paternel que
maternel il a trouvé expédient de faire partage à part et sépa-
rément des deux estocs : Estoc paternel : La Brizarderie, la
Greffoire à Saint- Pierre de Chemillé, le flef de la Burelière en
Anjou et ne peut les exprimer plus particulièrement parce
que les titres sont ès-mains des sieurs de la Bourdinière et la
Gilière, ses puisnés, qui les retiennent comme par droit de
(sic), il leur offre le tiers en propriété par indivis se réservant
à lui les deux tiers, plus les deux tiers et un sixième comme
héritier de son frère René... Estoc maternel : la Grande
Ramée à Poitevinière, au fief de Jallais et six sextiers de
rente sur les Bergetières... Fait à Angers, le 7 février 1611.
Signé, M. Boylesve. Original en papier.
Id. Bruneau de Tartifume, mss. 871, 1. 1., p. 423.
« Puis après, au costé droit de l'autel de la dite chapelle se
< void une autre tombe longue de cinq pieds onze pouces,
c large de quatre pieds onze pouces, autour de laquelle est
c escript :
c Ci gist, Monsieur M^ Marin Boylesve, escuyer, sieur de la
c Brizarderie, de Tharon et de..., conseiller du roy en son
« parlement de Bretagne, qui décéda le 15 mars 1619.
c Quiescat...
« Aux quatre coings de la dite tombe sont gravées ces
c armes tymbrées :
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— 309
XX X
xj)
ONZIÈME DEGRÉ
l^' Michel BoYLESVE, qui suit.
2* Charles Boylesve, écuyer, mort vers 1601.
Éiatciml de Saint- Michel-duTerire. — Le 6 juin 1886,
baptême de Charles Boylesve.
Bibliothèque iP Angers, Bruneau de Tartifume, mss. 871, I.
p. 423. — c En la paroy qui est soulz le grand vitrail, der-
œ rière le grand autel, se voit... un autre tableau aussy à
« l'huile ayant la représentation d'un jeune homme de Tâge
c de. 20 ans, armé de cuyrace, couvert d'une tunique bleue
c chargée de croix d'or en sautoirs, qui sont les armes des
€ Boylesve. »
3"* François Boylesve, écuyer, seigneur de Gaudrès, de
la Treille et des Boches, conseiller du roy, maître des
comptes en Bretagne ^ en 1622, épousa Demoiselle
Adrienne Martineau ', fille de Charles Martineau, sieur de
la Bouteillerie, maître des comptes en Bretagne, et de
Anne Brossays. Il eut son partage en 1630 et était mort
avant 1651, laissant quatre enfants : François, Adrienne,
Michel et Nicolas.
* C'est par erreur que P. de Courcy, tome III, P. 365, l'appelle
Robert et le rattache aux Boylesve de Nantes.
* Martineau : émargent au chevron d'azur, accompagné de 3 mar-
tinetê de sable, 2 et i, au chef de gueules.
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— 310 —
Chàririer de Boylesve, 4664.^— Constitation de 50 1. de
rente par Marie Le Clerc, veuve Mathurin Boylesve, escuyer,
sieur de la Maurousière à Adrienne Martineau, veuve de
François Boylesve, chevalier, seigneur des Roches, conseiller
du roy, maître ordinaire en la chambre des comptes de Bre-
tagne. Original.
DOUZIÈME DEGRÉ
1° François Boylesve, écuyer, prêtre, sieur de Gaudrès
et de la Treille.
Bibliothèque Nationale. Carrés^ de d'Bozier, vol. iOl, fol. 339.
— 1678. Transaction entre noble et discret Messire François
Boylesve, prêtre, fils aisné et principal héritier noble de
François Boylesve, escuyer, conseiller du roy, maître de ses
comptes en Bretagne, et d' Adrienne Marlineau, et héritier
aussi de noble et discret Messire Nicolas Martineau, son oncle,
chanoine de l'église royale et collégiale de Saint-Martin
d'Angers, par représentation de la dite Martineau, sa mère,
d'une part, et Michel, Nicolas et Adrienne les Boylesve,
escuyers, ses frères et sœur puisnés, demeurant tous en la
paroisse de Savennières. Il est convenu que des dites succes-
sions une somme de 20,000 1. appartiendra aux dits trois
puisnés et qu'au dit François Boylesve reviendront les terres
des Gaudrées et de la Treille à la charge de payer les dettes
sur la vente des dites terres, pourvu que ce fut du consente-
ment de Henry Boylesve, escuyer, sieur de la Mauricière
et de M® Guillaume Martineau, l'aîné, conseiller au présidial
d'Angers, ses proches parents. Cet acte passé le 30 mars 1678
devant Germain Cireuil, notaire royal à Angers, de l'avis de
M" Louis Boyjesve, sieur de la Gillière, conseiller du roy
en ses conseils, lieutenant général en la sénéchaussée et siège
présidial à Angers, M*" Guillaume Martineau, le jeune, con-
seiller et avocat au dit siège... Analyse du xvm« siècle.
^ Adrienne Boylesve.
3° Michel Boylesve, écuyer, seigneur des Roches, épousa
Demoiselle Marie Boureau, qui fit enregistrer les armoi-
ries de son mari dans l'Armoriai général de 1696.
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-" 311 —
Bibliothèque Nationale. Touraine, p. 644. — Marie Boureau,
femme de Michel Boylesve, escuyer, seigneur des Roches :
d'azur à S sautoirs d*or, posés S en chef et i en pointe.
4* Nicolas Boylesve, écuyer, seigneur des Roches,
épousa Marie Torchon. Il fit enregistrer ses armoiries dans
l'Armoriai général de 1696.
Idem Tourainey p. 156. — Nicolas Boylesve, escuyer, sei-
gneur des Roches : d*azur à S sautoirs d'or, Set4. — V. 860.
Marie Torchon, femme de Nicolas Boylesve, escuyer, seigneur
des Roches : d'azur à 8 sautoirs d'or^ S et i.
3^ Françoise Boylesve épousa par contrat du 26 juil-
let 1604, Mathurin Guischard S écuyer, seigneur de Mar-
tigné, conseiller au parlement de Bretagne.
État-civil de Saint- Michel- du- Tertre. — Le 8 avril 1584,
baptême de Françoise Boylesve.
Titres d^Achon^ 1604. — Contrat de mariage passé le
26 juillet 1604, devant Jacques Paye et François Turinier,
notaires à Rennes, entre Mathurin Guischard, escuyer, sei-
gneur de Marligné, conseiller au parlement, et Françoise
Boylesve, fille ainée de Morice Boylesve, escuyer, aussi
conseiller, et de Marie Le Loup, seigneur et dame de la Bri-
zarderie, des Gaudrées, Taron, etc., présence de Bernardin
d*Espinoze, seigneur de la Renardière, conseiller au parle-
ment, oncle de Françoise Boylesve et cousin du dit Martigné,
Noble homme Michel Boylesve, sieur des Gaudrées, avocat
en la cour, et François Boylesve, frères de la dite Françoise,
et Demoiselle Françoise d'Espinoze, cousine germaine, et
Noble homme Michel Poullain, sieur de Gèvres, cousin du
sieur de Martigné. A la suite quittance de 6,000 1. du 13 sep-
tembre 1604. Grosse originale en parchemin.
1. Michel Boylesve, chevalier. Seigneur d'Auvers, de
Gaudrès, Sermaise, de Beauvau, du Serrin, conseiller au
* Guischard : d'hermines à 5 fusées de gueules en fasce, celle du
milieu chargée d'un besan d'argent.
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-342 -
parlement de Bretagne sur la démission de son père le
31 décembre 1608, reçu le 27 février 1609, chevalier de
Tordre du Roi le 4 avril 1621, gentilhomme ordinaire de
sa chambre en 1624 et de la grande fauconnerie en 1625,
fut maintenu dans sa noblesse et fit enregistrer ses titres
en 1635 au greffe de Télection de La Flèche. Il servait en
1639 au château d*Angers sous le maréchal de Brézé,
épousa par contrat du 29 octobre 1612 demoiselle Marie de
Garion, fille de Jacques de GarionS Escuyer, Seigneur de
la Noê Guénardaye et de Gilette Bahuno, sa première
femme. Ils eurent trois enfants Michel, Henri et Marie.
Titres de Farcy^ 1608. — Lettres du Roi Henri IV. c A plains
confians de la personne de... M* Michel Boylesve et de ses
sens, suffisance, loyaulté, prudbomnie, expérience au fait de
judicature et bonne diligence. . . lui donnant Toffice de con-
seiller non originaire au parlement de Bretagne, que souloit
tenir et exercer M* Maurice Boilesve son père... aux gages
de 1.000 livres. . . Ordre de le recevoir après qu*il sera apparu
des bonnes vye, mœurs, capacité, conversation et religion
catholique dudit Boilesve fils... Car tel est notre plaisir...
Donné à Paris le dernier Jour de décembre 1608, et de notre
règne le 20*. Ainsi signé sur le replis par le Roy€ioiseet
scellé du grand sceau de cire jaulne à double queue.
Prestation de serment le 27 Jour de février 1609.
Extrait des registres du parlement (signé) le Clavier. CoUa-
tionné à l'original en papier à nous représenté par Michel
Boylesve, Escuyer, Seigneur de la Galaisière et ce fait à luy
rendu par nous, notaires royaulx à Baugé, le l*' décembre
mil six cent soixante-cinq.
Copie sur papier.
Sauion.
Maintenue de 4669. Titres généraux. — Contrat de mariage
passé le 29 octobre 1612 devant Chenans et Morhuau, notaires,
entre Michel Boylesve. • . et Marie de Carrion.
* De Garion : de gueules à la main droite d'argent soutenue de six
ondes de sinople. C*est à tort aae M. Gontard de Launay donne à
cette famille les armoiries des Canon d'Anjou.
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J
r
— 313
État civil de Cuon. — Le 28 avril 1615, Demoiselle Marie
de CarioD, femme de M' M* Michel Boylesve, Escuyer, Sei-
gneur des Gaudries, conseiller an parlement de Bretagne fat
maraine.
Id. — Le 19 avril 4617, Michel Boylesve, Seigneur des
Gaudrées, Sermaise, Beauvau et du Serain, fut parain.
État-civil de Durlal, 3 juillet 1619. — Marie de Carion,
dame des Gaudrées.
Bibliothèque d* Angers. Audouys, mss. lOQK, 1624. — Vente
devant DeiUé, notaire à Angers, par Mathurin Boylesve,
Seigneur de la Maurousiëre... Pierre le Chat, mari de Anne
Ayrault, noble homme Guillaume Avril, Seigneur de Beusse,
Françoise Boylesve, représentant Marin Boylesve de la Mau-
rousiàre... François Lefevre deLaubrière, président au par-
lement de Bretagne, représentant Françoise Boylesve, héri-
tière en partie de feu Gabriel Boylesve, Escuyer, Seigneur
d'Auvers, et Charles à présent jésuite de leurs droits en ces
successions pour une somme de 3.200 1. à Michel Boylesve,
Seigneur des Gaudrées et du Serin, héritier principal des dits
Gabriel et Charles.
P. DE Farcy
(A suivre.)
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1
CHRONIQUE
Le samedi matin, 25 mars, l'ExpositioD d'borticaltare a
ouvert ses portes, salle des Amis des Arts, rue Cordelle. EUe
était exquise de fraîcheur^ dit le Journal de Maine-et-Loire^
et offrait Taspect d'un jardin enchanté, d'un vrai paradis ter-
restre. Nos horticulteurs angevins ont su rivaliser entre eux
de bon goût et ils ont réalisé dans leur exposition, étant donné
le mauvais temps, tout ce qu'on peut rêver de mieux.
Le jury a décerné ses récompenses de la façon suivante :
Prix d'honneur : M. Chedanne-Guinoisseau, pour sa mer-
veilleuse collection d'azalées en fleurs ;
Médaille d'or : M. Verrier- Cachet, un superbe lot de camé-
lias, de fougères et de palmiers, admirablement disposés en
bordure à l'entrée de la salle ;
Médaille d'or : M. Oouesnard, pour l'excellente culture de
ses camélias e{ leur très belle floraison ;
Médaille d'or : M. Fargeton, pour un magnifique lot de
plantes variées de serres et de terre, pivoines, lilas, horten-
sias, glycines, etc. ;
Médaille de vermeil : MM. Flon père et fils, pour leurs aza-
léas et leurs rhododendrons ;
Médaille d'argent grand module : M. Maurice Thomas, pour
son lot de primevères ;
Médaille d'argent grand module : M. A. Hennequin, pour
deux beaux groupes de plantes bulbeuses, anémones ,]acinthe8,
tulipes, etc.
A signaler, au fond de la salle, sur la scène, de charmantes
corbeilles de fleurs naturelles, des bouquets et des couronnes
dont la disposition était parfaite, et qui ont valu à M""* Verrier-
Cachet une médaille de vermeil grand module, à M^* Foc-
quereau, une médaille de vermeil, et à M"'^' Durand-Colas une
médaille d'argent.
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■pr-nr
— SIS -
Citons encore l'exposition de fruits (pommes et raisins) de
M. Minier, jardinier au château de Grip, qui a obtenu une
mention spéciale très méritée.
Un déjeuner a réuni chez Jahan les membres de la Société
d'Horticulture sous la présidence de H. delà Devansaye.
Au dessert, M. de la Devansaye a eu un mot charmant à
l'adresse de la Société d'Horticulture, qui porte si haut et si
loin le renom d'Angers.
H. Leroy a bu très aimablement à la presse angevine» au
nom de laquelle M. A. Poirier a répondu en portant un toast
à la Société d'Horticulture. Il l'assure du concours absolu et
dévoué des journaux de toute nuance. Il remercie le président
et les membres de la Société de leur cordial accueil et de leur
excellent déjeuner. « Ce matin, Messieurs, dit-il, nous admi-
rions votre superbe exposition. Nous avons savouré ensuite
votre menu délicat. Vous nous avez ainsi prouvé que, selon
l'antique adage, vous saviez joindre l'utile à l'agréable >.
M. Focquereau a ensuite donné lecture, au milieu des
applaudissements, de la liste des lauréats.
L'inauguration publique a eu lieu, le même Jour, à 2 heures.
M. le préfet, M. l'adjoint Proust, représentant la municipalité,
et M. Voisin, conseiller général, y assistaient.
Le concert extraordinaire du 26 mars a été dés plus inté-
ressants et a dignement terminé la saison. Nous ne saurions
mieux faire que de reproduire ici le compte rendu si exact
qu'en a donné dans le Patriote de VOuest M. J. Garnier :
Les fidèles des Concerts se seraient fait scrupule de ne pas
être à leur poste dimanche dernier; aussi est-ce devant une
salle archi-comble qu'a été donnée la magnifique matinée de
clôture.
Le programme de derrière les fagots qui nous a été servi
était bien fait pour laisser le public sous une excellente impres-
sion- et faire naître les regrets de voir la saison terminée.
L'ouverture du Roi d* Ys a été exécutée pour la première fois
au Concert Pasdeloup en 1876, mais elle fut complètement
modifiée par l'auteur, et la nouvelle version, qui ne conserve
de l'ancienne que le solo de violoncelle et la fanfare de Valte-
grOy fut donnée le 24 janvier 1886, à TEden-Théàtre, sous la
direction de M. Ch. Lamoureux.
L'orchestre angevin a fort bien rendu cette belle œuvre.
Dans le solo de violoncelle, M. Reuland a été absolument
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— 316 -
remarquable comme pureté de sons et de style : tout au plus
pourrait-on lui reprocher d'avoir pris un peu ses aises, de
s*étre étendu librement, jouant presque ad libitum. Néanmoins
son succès a été très vif.
Joseph^ de Mébul, est un chef-d'œuvre consacré. Les extraits
que nous en avons entendus nous ont procuré une nouvelle
occasion d'applaudir les vaillants artistes du Théâtre avant
leur départ.
M. Gaultier a chanté avec beaucoup de charme l'air du pre-
mier acte. Les choristes du Théâtre, auxquels s'étaient Joints
ceux de l'excellente société Sainie-Cidle^ se sont montrés à
la hauteur de leur tâche dans le chœur sans accompagnement
< Dieu d'Israël >. Ils ont obtenu un gros succès.
Le trio n'a pas été moins bien accueilli, la belle voix de
M^>* Dreux, de MM. Gauthier et Seveilhac ont ravi l'auditoire.
Peut-être l'ensemble eu t-il été plus parfai t encore si M. Seveilhac,
maîtrisant la puissance de son organegénéreux, n'avait fâcheu-
sement dominé ses partenaires, si M. Gauthier, légèrement
flottant dans la mesure, n'avait eu des attaques hésitantes.
Ces excellents artistes auraient pu facilement obtenir l'équi-
libre, le fondu, qui faisaient un peu défaut.
M. Déjardin chantait le petit rôle de Ruben et s'en est fort
bien tire ; malheureusement la voix de cet artiste est affec-
tée d'un chevrotement pénible.
Siméon était représenté par M. Pinguet, l'aimable i)rofes-
seur de l'Ecole de musique d'Angers, qui s'est acquitté de sa
mission avec simplicité, en véritable musicien au goût. sûr et
expérimenté : ses élèves sont en bonnes mains.
M. Delmas prêtait au rôle de Nephtali le concours de sa
voix fraîche. Il a chanté comme toujours, c'est-à-dire très
bien.
Nous arrivons au Largo cTHaendel : c'est la Roche Tar-
péienne du concert. Lesmusiciens vont-ils se brouillerentreeux
au moment de se quitter t La harpe commence trop bas, la
flûte se croit obligée de surenchérir et le cor anglais, par
esprit de contradiction se met à jouer trop haut. Enfin le qua-
tuor intervient et, ne voulant prendre parti ni pour l'un ni
pour l'autre dans ce regrettable conflit, se tient dans un juste
milieu, entre le zist et le zest.
Fort heureusement, nous avons eu d'autres fois de meil-
leures auditions de cette page magistrale ; ce petit accident
est de nulle importance et ne se produira plus jamais. ... si
l'on veut se résoudre à vérifier l'accord pendant la durée des
concerts.
Après quelques minutes de repos, pendant lesquelles les
artistes rectifient leurs instruments en délicatesse avec le dia-
pason, l'orchestre exécute l'Enchantement du Vendredi Saint.
Rien de plus suave, de plus émotionnant que cette page
divine qui plonge l'auditeur dans une extase mystique.
Pour bien goûter ce chef-d'œuvre incomparable, il faudrait
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- 317 -
ôoiendre Parsifal en entier, car il est nécessaire d'être pénétré
du sujet, d'avoir Tesprit préparé à l'avance à cette hymne
louchante de paix et de rédemption.
Cependant, même hors de son cadre, même privée du dia-
logue poétique des personnages, cette musique géniale a pro-
duit un effet considérable et a valu de chaleureux applaudisse-
ments à ses interprètes.
Les fragments du troisième acte de Tannhauser, qui sui-
vaient, ont été également fort bien rendus. L'orchestre a été
impeccable dans l'introduction ; M. Séveilhac a dit avec grand
art le rôle de Wolfram ; le « Chant des pèlerins », sauf quelques
intonations douteuses, a été chanté par les chœurs avec un
sentiment expressif non dépourvu de grandeur.
Quant à M"* Dreux, ah t qu'elle a été délicieuse t Avec
quelle ardente ferveur, avec quels accents angéliques, elle a
soupiré la c prière > d'Elisabeth t
Aussi, quel succès énorme a-t-elle obtenu t Les bravos, les
rappels enthousiastes ont récompensé la charmante artiste du
grand plaisir qu'elle nous a procuré.
L'ouverture d*Egmont a dignement terminé ce beau concert.
Les mouvements, les nuances ont été très exactement obser-
vés et l'exécution doit être louée sans réserves.
Avant ce dernier morceau, M. Louis de Romain a été l'objet
d'une touchante et imposante manifestation de sympathie. La
saUe entière, dans un admirable élan d'enthousiasme, Ta
appelé sur la scène avec une telle insistance, que l'éminent
directeur artistique dés Concerts populaires, contraint de faire
violence a son habituelle modestie, a dû se présenter devant
le public.
Alors, l'orchestre entier s'est levé respectueusement; alors,
éclatant de tous côtés, sur tous les bancs, avec le même enthou-
siasme^ des applaudissements, des vivats frénétiques ont
ébranle les absides du Cirque.
Ah t le beau et réconfortant spectacle t
Voilà un homme qui a consacré son existence entière au
culte de l'Idéal : il est de ceux qui s'en sont constitués les
apôtres, les missionnaires. Prêchant l'amour du Beau, de
l'Immatériel, il s'est efforcé de communiquer sa conviction,
son ardente foi dans l'Art, source des plus pures et plus
nobles jouissances, qui console des tristesses, des vilenies
sociales, qui anoblit l'esprit et abonnit le cœur de l'homme.
De son dévouement, de son désintéressement, M. Louis de
Romain a été remercié comme il méritait de l'être par la cha-
leureuse ovation d'un auditoire éclairé qui a tenu à lui
témoigner sa gratitude.
Bravo t M. de Romain, et bravo aussi, M. Breton, qui avez
su vous attacher un collaborateur aussi précieux.
A tous deux nous souhaitons longue continuation de vos
succès.
21
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La souscription au monument que la ville d'Angers doit
élever à la mémoire de Eugène Lenepveu atteint actuellement
la somme de 4.871 fr. 65.
On est prié d'envoyer les bulletins de souscription à M. Gilles
Deperrière, président de la Société des Amis des Arts.
•♦•
La dernière séance de l'Académie des Beaux-Arts a été
entièrement consacrée à une lecture par M. Cormon, sur la
vie et les œuvres de M. Jules Lenepveu, son prédécesseur
dans la section de peinture.
• *
Au Congrès des Sociétés savantes qui s'est tenu, cette
année, à Toulouse et qui a donné lieu à des fêtes splendides,
parmi les Angevins qui ont présenté des mémoires ou qui
ont pris part aux discussions, nous signalerons MM. l'abbé
Urseau, le comte Lair et Gabriel Rogeron.
• *
♦
M"*" Joséphine Berthault, artiste peintre, professeur de des-
sin à Angers, nièce du grand peintre Lenepveu, vient d'être
nommée ofScier d'académie.
♦••
M. Edmond Ooblot, professeur de philosophie au lycée de
Toulouse, a été nommé ofQcier de l'instruction publique.
Notre compatriote et ami M. Joseph Denais a été réélu, par
acclamation, secrétaire général de l'Association des Journa-
listes parisiens, présidée par M. Alfred Mézières, de l'Aca-
démie française.
L'Association ayant procédé à la réélection du tiers sor-
tant des membres du Comité, M. Joseph Denais était arrivé
en tète, avec 185 voix sur 190 votes exprimés ; il a obtenu la
presque unanimité, ce qui est pour ainsi dire sans exemple
dans un milieu où les opinions sont les plus opposées^ et, sur-
tout en ce moment, les passions politiques les plus excitées.
•
• •
M. A. Bouchard vient d'obtenir, de la Société des Viticul-
teurs de France et d'Ampélographie, un grand diplôme
d'honneur pour ses travaux ampélographiques et notamment
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- 319 --
pour la découverte quïl a faite de TEnquëte de Dupré de
Saint-Haur, intendant de la Généralité de Guienne, sur la
synonymie des cépages en 1783.
Nous apprenons aussi que la Société des Viticulteurs de
France et d'Ampélographie a confié à M. A. Bouchard la
mission d*exhumer définitivement le dossier de la grande
enquête de Dupré de Saint-Maur.
•
« *
M. Audouin, docteur es lettres, maître de conférences de
philologie et antiquités classiques à la Faculté des lettres de
l'Université de Poitiers, vient d*ètre nommé professeur adjoint
à ladite Faculté.
•••
La Société de Géographie^ dans son assemblée annuelle, a
décerné à notre compatriote, M. de Bonchamps, une médaille
d'or pour son exploration dans l'Ethiopie.
•%
Le duc de La Trémoïlle a été élu président du Cercle de la
rue Royale, en remplacement du général comte Friant,
démissionnaire depuis plusieurs mois pour raison de santé.
•%
Notre compatriote» H. Georges Charbonneau, a été reçu
premier à l'esquisse pour le Concours de Rome.
•%
M. Grégoire, boursier de la Ville, a été reçu premier à
toutes les épreuves préparatoires du grand Prix de Rome
(sculpture).
•**
M. L'Hoest vient d'être reçu au premier essai du con-
cours de Rome (section de sculpture). 11 a également obtenu
le deuxième prix au concours Chenavard, à l'École Nationale
des Beaux-Arts, et reçoit une somme de 500 fr., la statue res-
tant la propriété de l'auteur.
Le titre de la statue est : Mauvaise Pemée.
M. Maillard, de Cholet, a vu son esquisse classée première
pour le concours d'admission au concours du prix de Rome
(section de sculpture).
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— 320 —
^ Parmi les toiles exposées au petit salon du Concours
l^vV hippique, à Paris^ remarqué : Un intrépide^ de M. 6. de Ruillé;
le portrait à cheval de M. Barthe^ ancien vétérinaire principal
A, r de rÉcole de Saumur, par H. René Choquet.
F-
'«^t Par arrêté de H. le commissaire général de l'Exposition
I universelle en date du 19 mars, M. Célestin Port, membre de
t. rinstitut, a été nommé membre de la commission d'organi-
^^ sation du Congrès de l'enseignement supérieur.
î ■ ♦ ♦
1^ H. A. Beignet, architecte à Angers, a été nommé membre
de la Commission d'organisation du 5* Congrès international
des architectes qui se tiendra à Paris en 1900.
Fi
\'
^, M. le Ministre de l'Instruction publique vient d'accorder
r une subvention ds 400 francs à la Société d'Agriculture,
Ë; Sciences et Arts d'Angers pour l'aider à publier le Cartulaire
de Saint- Laud,
%, Le second volume du Cartulaire de Saint-Aubin, publié par
i^ l'ancienne Académie d'Angers, est achevé et en distribution.
^ , Un troisième volume comprenant les tables et fac-similés sera
publié l'an prochain. La Société s'engage dès maintenant à
f solliciter une nouvelle subvention du Ministère pour mener à
bien la fin de cette œuvre importante.
•••
A la dernière séance de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, M. Muntz a communiqué, de la part de M. Maxe-
Werly, conservateur du Musée de Bar-le-Duc, un mémoire sur
le célèbre sculpteur et médaiUeur italien Francesco da Lau-
rana, un des artistes attitrés du roi René. M. Maxe-Werly lui
attribue l'exécution du tombeau de la duchesse Yolande d'An-
jou, fille du roi René, et de son époux le duc Ferry de Vaude-
mont dans l'église de Joinville (Haute-Marne).
••*
Nous lisons dans le Journal des Débats^ concernant l'expo-
sition à la Bodinière, de notre brillant compatriote le peintre
Merodack-Jeaneau, les lignes suivantes :
c On peut visiter à la Bodinière une exposition d'œuvres
de M. Merodack-Jeaneau. Elle est assez curieuse dans sa
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r
- 321 —
variété. Portraits, tètes d'expression, croquis, paysages, il y
a là deux cents cadres qui ne méritent pas tous la même
attention, mais dont beaucoup valent qu'on s'y arrête. Ce
peintre, qui est un Jeune, nous est présenté en une préface
par un jeune poète de talent, M. Emile Boissier. c L'art
de Merodack-Jeaneau, nous dit-il, ne s'assujettit pas à la
technique des Salons... il méprise les obstacles oui entravent
l'essor de la pensée. » C'est une double affirmation un
peu vague. Nous n'avons pas trouvé M. Merodack-Jeaneau
si révolutionnaire, et il nous est apparu plutôt comme
un observateur que comme un penseur. Observateur, il l'est
avec beaucoup de finesse, ainsi qu'en témoignent maints
croquis pris sur le vif, croquis d'enfant, types de l'ate-
lier et de la rue, tous pleins de souplesse et de vérité.
M. Merodack-Jeaneau est un parfait c expressionniste >. Et
cette qualité se manifeste d'une façon toute particulière dans
certains tableaux comme Femmez en blanc ^ la Femme au
hiboUy etc. Quelques paysages comme le Coucher du êoleil à
Saint- Aignan, les Boches de Ville-Blevin, sont d'un sentiment
très délicat. >
La Revue des Beaux-Arts et des Lettres donne une série de
dessins de M. Merodack-Jeaneau (les Silhouettes d!enfants^ la
Dame en blanc), qui ont obtenu un immense succès.
On a mis en vente, à Liverpool, le fameux bateau-rouleur
de notre compatriote M. Ernest Bazin. Ce bâtiment avait été
achevé, il y a environ deux ans, à Saint- Denis, et avait coûté
plus de SOO.OOO francs. L'inventeur l'avait d'abord fait remor-
quer jusqu'au Havre, où il reçut ses machines et compléta les
installations du bord. On se rappelle que les tentatives de
navigation aboutirent à un échec. Deux fois le rouleur, sorti
du Havre par un temps maniable, dut accepter les services
d'un remorqueur pour regagner le quai. Une troisième expé-
rience, en Angleterre, ne réussit pas davantage.
La mise à prix ne dépassait pas la valeur des matériaux de
construction. Personne ne s'est présenté à l'adjudication. Il
sera procédé ultérieurement à de nouvelles enchères.
♦••
Le 14 avril ont été célébrées, en l'église Saint- Joseph, au
milieu d'une nombreuse assistance» les obsèques du colonel
Chaussée.
A la levée du corps, les honneurs militaires ont été rendus
par un bataillon du ISB*", musique en tète.
Le deuil était conduit par MM. Droiteau, du Mesnil, Legras
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— 322 —
et Duvernay, membres de la famille. Les cordons du poêle
étaient tenus par MM. le colonel de Monspey, du 25* dragons,
les lieutenants-colonels du 25* dragons, du 6« génie et dul3S*,
le colonel Gougis et le colonel Loth.
 rissue de la cérémonie funèbre, à laquelle assistaient
aussi MM. les généraux Hartschmidt, Faugeron et Gra£f et
beaucoup de notabilités civiles et militaires, le corps a été
conduit dans la cour de la gare où le colonel Lotb, président de
rUnion des anciens Officiers, a prononcé, d'une voix émue, le
discours suivant :
Mesdames :
Mon Général et Messieurs,
Avant de nous séparer, permettez-moi de vous rappeler en
quelques mots la vie militaire du brillant officier de cavalerie,
du vaillant soldat, de Thonnéte et excellent homme que nous
venons d'accompagner à sa dernière demeure.
Le colonel Chaussée, né à Baugé en 1812, entra au service
comme engagé volontaire au 7* régiment de chasseurs, le
26 septembre 1831. .
Il parcourut, rapidement pour l'époque, les premiers degrés
de la hiérarchie, et fut nommé sous-lieuteaant au 4^ régiment
de chasseurs, le 16 novembre 1840; lieutenant, le 19 juillet
1845 ; capitaine, le 15 mars 1849 ; le 9 décembre 1854, il était
nommé chef d'escadrons au 3^ régiment de chasseurs d'Afrique,
qu'il allait rm'oindre en Crimée et avec lequel il fit toute la
campagne d'Orient. Pendant la campagne, il fut nommé che-
valier de la Légion d'honneur.
Rentré à Constantine avec son régiment, au moment de la
paix, il passa en Afrique les années 1856, 1857, 1858, 1859,
1860 et 1861, époque à laquelle il fut nommé lieutenant-
colonel du 7* de hussards, ou il fut promu officier de la Légion
d'honneur.
Colonel du 7* de hussards, le 30 décembre 1865 ; comman-
deur de la Légion d'honneur en 1869, il fit, avec ce beau régi-
ment, la campagne de 1870 à l'armée du Rhin.
C'est à la tète de ses escadrons, à la fameuse charge de
Rezonville, où son général trouva une mort glorieuse, qu'il
fut grièvement blessé de trois coups de sabre.
Emmené en captivité à Hambourg, il rentra ensuite en
France en mars 1871 pour reprendre le commandement du
7^ de hussards, dont il ne restait pas grand'chose.
Mais l'âge s'avançait et l'heure de la retraite allait bientôt
sonner pour lui : 42 ans de services, 15 campagnes et 5 bles-
sures.
Malgré deux propositions pour général de brigade, dont
une en face de l'ennemi, le colonel Chaussée n'eut pas la Joie
de voir couronner sa vie militaire par ce haut grade.
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— 323 —
Après une carrière si bien remplie, au lieu de Jouir d'un
repos bien mérité, il a voulu encore consacrer ce qui lui
restait de force et d'activité au bien général.
Maire de Saint-Germain-des-Prés, ses administrés ne se
sont Jamais, en vain, adressés à lui. C'est là que, pendant de
longues années, il les a guidés de ses conseils, éclairés de
son intelligence, instruits de son exemple.
Le coloael Chaussée, malgré ses 87 ans, avait toutes les
apparences de la force et de la santé, et nous pouvions
espérer le conserver encore longtemps, quand la perte récente
et inattendue d'une compagne qu'il chérissait de tout son
cœur lui a porté un coup funeste que, malgré son énergie,
il n'a pu surmonter, et qui, quelques mois après. Ta mis
brusquement en face de la mort, qu'il avait affrontée si
souvent.
Il s'est éteint doucement, sans que rien ait trahi chez lui
les angoisses qui accompagnent souvent le dernier passage./
Il est mort en chrétien, en soldat et sans défaillance.
Le colonel Chaussée emporte nos regrets à tous, et il
m'appartient, comme vice-président de l'Union fraternelle des
Officiers en retraite d'Angers, dont il était le président, de lui
donner l'assurance que nous garderons religieusement le
culte de sa chère mémoire.
Au revoir, mon cher camarade, près du Dieu des armées
que vous avez servi et honoré dans l'accomplissement gêné- '
reux et fidèle de tous vos devoirs, ce rendez-vous je vous le
donne en toute assurance, sachant que vous l'entendrez et
qu'il était votre plus cher désir, comme il est toute notre
consolation et toute notre espérance.
V. T>
A travers les Livres et les Revues
On m'avait demandé de présenter aux lecteurs de la Revue
de r Anjou VHntoire de la Révérende Mère Marie Sainte Cécile
et de la Congrégation des Dames de POratoire d'Angers, par
M. l'abbé E. Rondeau K J'allais me mettre à l'œuvre et je
m'apprêtais à dire beaucoup de bien de ce livre, que j'ai par-
couru avec un plaisir extrême, lorsque J'ai lu, dans la
Semaine Religieuse, un article qui recommandera bien mieux
que ma prose le travail de H. l'aumônier de l'Oratoire.
L'article est signé : E. Grimault, chanoine ; j'en détacherai
seulement quelques passages.
* Un vol. in-18 de 340 pages ; Angers, Germain et G. Grassin.
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-^ 324 —
c C'est UD livre vraiment bien fait, un récit des plus inté-
ressants que vient de nous donner le pieux aumônier de
l'Oratoire. Il y a mis plus que du talent; il Ta écrit avec son
coeur. Pouvait-il ne pas aimer la maison où sa mère fut élevée,
Qù l'une de ses tantes se fit religieuse, et où lui-même fUt
porté et béni, tout enfant ? On voit quels souvenirs ont ins-
piré sa plume et avec quelle ferveur il a dû réunir les élé-
ments de son travail.
c Aussi VHistoire de la Révérende Mère Sainte-Cécile est-
elle soigneusement étudiée. Tout en l'écrivant avec sentiment,
l'auteur ne néglige aucune date, aucune précision, rien de ce
qui peut mettre en relief l'admirable femme qu'il a voulu
peindre. Il en résulte une narration très fouillée et très colo-
rée qui se lit avec curiosité, avec une émotion vraie, tout d'un
trait et mieux qu'un roman.
< Nous la voyons naître en 1804, cette petite Cécile Pré-
vost de la Chauvellière qui allait fonder, non loin de son ber-
ceau, une œuvre si utile et, jusqu'à nos jours, si appréciée.
De bonne heure elle apparaît plus vertueuse et plus raison-
nable que les jeunes personnes de son âge; et si, pendant
quelque temps, elle se donne aux fêtes du monde, c'est pour
mieux se reprendre ensuite et pour mieux suivre sa vocation
religieuse.
« Elle voulait se consacrer au service des pauvretf dans
cette Petite Pension de la rue Haute-du-Fiffuier qui eut, à
Angers, une si touchante histoire, quand eue en fut détour-
née par une amie, désireuse, elle aussi, de servir Dieu dans
l'état religieux, mais en se vouant à l'enseignement. C'était
M^** Bore, sœur d'Eugène et de Léon Bore, les deux Angevins
bien cdnnus. Eugène était alors à la Chesnaie. Il intéressé
l'abbé de la Mennais aux projets des deux jeunes filles. On
leur conseillait de prendre la succession des dames de
Montgremier, qui tenaient un pensionnat estimé dans la me
Flore, quand M"' Bore se maria t ~ Il faut entendre M. Rondeau
raconter, avec un sourire, cet incident imprévu. — Heureuse-
ment il ne fut pour M"* de la Chauvellière qu'un accident
passager et ne ruina point ses projets. Après une retraite
qu'elle fit à la Maison-Rouge^ sous la direction du jeune abbé
Tendron, déjà plein de l'esprit de Dieu, elle entra définitive-
ment, au mois d'octobre 1829, dans l'œuvre des dames de
Montgremier.
« Ce que furent ses premières-iîompagnes, Félicité Pocquet
de Livonnière, Elisabeth Puysségur, Laurence-Adélaîs Huard,
et quel rôle la Providence départit au vénérable abbé Mocher,
curé de' Notre-Dame, dans la formation de ce petit cénacle;
comment la communauté naissante fit l'acquisition de l'Ora-
toire et comment fut transformée la vieille maison qui,
« après avoir été successivement noble hôtel, résidence de
rois, sanctuaire de la religion et de la science, foyer de
républicanisme, imprimerie modèle, allait devenir l'asile de
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— 325 —
rétude et de la prière », l'auteur nous le raconte en cinquante
pages rapides, parfaitement écrites et du plus vif intérêt
c II n'est pas besoin de l'analyser davantage pour donner
le goût de le lire. Aussi bien les contemporains de la
Mère Sainte-Cécile sont-ils encore nombreux. On n'ignore pas,
à Angers, comment la maison de l'Oratoire, après avoir reçu
les béoédictions du vénérable Mgr Montault, les conseils et
la direction de M. Régnier, de Mgr An^ebault et de M. Bom-
{)ols ; après avoir conquis la faveur crun grand nombre de
àmilles et admirablement formé de nombreuses générations
d'élèves, devint une charge trop lourde pour la vénérable
fondatrice et pour ses compagnes surmenées par le travail.
Dans cette détresse elles demandèrent l'agrégation à la maison
de la Retraite qui les accueillit et absorba peu à peu leur
autonomie. Aujourd'hui la fusion est complète. Mais de
pareilles transformations ne se font pas sans déchirures. Ce
que la Mère Sainte-Cécile en souffrit et ce qu'elle y trouva de
gain pour le ciel, on le constate, dans plusieurs chapitres des
{>lus édifiants. C'est ainsi qu'un tel livre, qui a son prix devant
'histoire, peut avoir aussi son mérite, comme lecture spiri-
tuelle, auprès des personnes qui font profession de piété.
c II aura de nombreux lecteurs. C'est l'espoir de l'auteur
et la raison de son consciencieux travail ».
Notre savant collaborateur, M. l'abbé Dedouvres, docteur
es lettres, professeur de littérature latine aux Facultés catho-
liques de l'Ouest, aumônier du Calvaire d'Angers, a entrepris,
avec une énergie persévérante, la réhabilitation d'un person-
nage dont le caractère et le rôle ont été singulièrement déna-
turés par l'histoire : le Père Joseph du Tremblay, connu du
public ignorant et crédule sous le nom d*Eminence Grize^
l'ami, le confident et l'auxiliaire de Richelieu. Déjà, dans les
livres où il a étudié successivement /epol^mûfe, Vécrivain^ le
diplomate^ M. l'abbé Dedouvres a placé dans son vrai jour
l'énergique figure de ce capucin, qui fut, à la fois, un grand
serviteur de l'Église et de la France, un maître de la parole,
un journaliste de génie, à l'heure où le journal n'était pas
encore l'arme terrible dont on a tant usé et abusé depuis.
Aujourd'hui, c'est l'auteur ascétique que M. l'aumônier du
Calvaire nous révèle, et particulièrement l'apôtre de la dévo-
tion au Sacré Cœur de Jésus ^
Jusqu'ici on savait que saint François de Sales, l'aimable
* Un précurseur de la B, Marguerite-Marie , le Père Joseph et le
Sacré Cœur ; un volume in-18 de 204 pages; Angers, Germain et
G. Grassin.
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- 326 -
évoque de Grenève, que le P. Saint-Jure, le P. Nouet et le
vénérable P. Eudes, < les précurseurs directs de la Bienheu-
reuse Marguerite-Marie », avaient préparé les esprits au culte
public envers le Sacré-Cœur; mais on ignorait que le P.Joseph,
quarante ans avant Tapparition du Sauveur à Paray-le-Monial,
eût prêché aux filles du Calvaire, dont il était le fondateur,
a le cœur ouvert de Jésus crucifié » ; qu'il leur eût appris- à
€ considérer dans le Cœur de Jésus la vive source du pur
amour, le centre de toutes les œuvres divines > ; qu'il eût
célébré avec les simples fidèles < les gloires et les bienfaits du
Sacré-Cœur ». Ce sont là des faits nouveaux, des détails que
Ton ne soupçonnait même pas. Il faut savoir gré à M. Tabbé
Dedouvres de les avoir signalés, avec sa précision et sa science
habituelles. Les pages qu'il nous offre contribueront, j'en suis
sûr, à la glorification du saint religieux, du pieux et savant
directeur, de l'homme vraiment extraordinaire que fut le
P. Joseph du Tremblay.
Dans le Journal des Débats^ M. Doumic a consacré récem-
ment à la Terre qui meurt, le dernier roman de M. René
Bazin, un article dont voici la conclusion :
c Je n'ai pu indiquer que le caractère essentiel qui fait la
valeur du roman de M. Bazin. L'auteur a su, écrire le roman
de la terre. Il a su faire de cette Terre qui meurt un être dont
l'agonie nous remplit de tristesse et de regret. C'est là ce qui
est nouveau. C'est là ce qui donne à l'œuvre son allure si
largement poétique. Mais à l'instant de fermer le livre, que
de pages reviennent à la mémoire, pages tout imprégnées des
senteurs de la terre, de l'odeur du labour, du parfum des
herbes et des foins t Que de figures, observées de si près,
rendues avec tant de naïveté t Au moins faut-il citer les noms
des Michelonne, les deux vieilles filles, qu'on a toujours vues,
derrière leur fenêtre, sur la place de l'église, occupées à tailler
et à coudre des capes de Sallertaines 1 Elles se ressemblent
les deux vieilles filles au point qu'on les prend l'une pour
l'autre ; elles ont mêmes gestes, mêmes voix étouffées, mêmes
rides qui disent la même bonté et les mêmes sacrifices. Le
peintre qui nous en retrace l'image falote et charmante est
vraiment celui qui de notre temps a le mieux compris et inter-
prété rame des humbles. Il faudrait encore louer M. Bazin
pour les qualités de son style, si purement français, et en
même temps si souple, si moderne, si délicat, si nuancé.
M. Bazin est arrivé aujourd'hui à la pleine maturité de son
talent. Ce n'est pas assez de constater qu'il est au premier
rang parmi les maîtres du roman contemporain ; ajoutons
qu'il est encore le plus personnel.
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— 327 —
« Car il ne s'est pas laissé influencer par aucun des modèles
dont l'exemple a si lourdement pesé sur les dernières années
de notre littérature ; il n'a fait aucune concession aux modes
3ui rendent le succès bruyant et facile; il a dédaigné de
emander au scandale et à l'ahurissement du lecteur une
prompte et facile renommée. Hais il a cru de toutes ses forces
à ce qu'il y a de meilleur dans l'art et dans la vie ; il a marché
droit devant lui avec une conviction de plus en plus ardente
vers un idéal fait de noblesse et de pureté ; il a paisiblement,
sans fracas, sans fièvre, de ses mains industrieuses et respec-
tueuses, édifié une œuvre dont on peut dire dès maintenant
qu'elle accroit le patrimoine de notre littérature tradition-
nelle. >
Les longues et pénibles négociations entamées entre le
marquis de Salisbury et M. Paul Cambon sur la question du
Soudan ont abouti, le 24 mars, à une convention dont notre
diplomatie n'a pas le droit de s'enorgueillir. Si les cabinets de
Londres et de Paris sont tombés d'accord sur la délimitation
des sphères respectives d'influence de l'Angleterre et de la
France dans l'Afrique centrale, c'est notre pays qui a fait les
frais de l'arrangement. La convention du 21 mars nous est
désavantageuse au point de vue territorial; elle marque l'aban-
don de notre politique traditionnelle en Egypte : toute pro-
portion gardée, c'est un € Waterloo africain ». — L'expression
est juste ; elle a été employée par M. J. Joûbert, dans un
article fort remarquable {Journal de Maine-et-Loire ^ 25 et
29 mars), dont les conclusions, quelque pénibles qu'elles soient
à notre amour propre, s'imposent à tout esprit sérieux.
En dehors de tout parti pris, je crois qu'il faut placer non
pas à Angers, comme on l'a fait, mais au Mans, dans une
abbaye inconnue, peut-être à Saint- Vincent, le lieu d'exil de
Théôdulfe, et que cette dernière ville peut revendiquer le
privilège d'avoir entendu les premiers accents de l'hymne
Gloria laus. Telle est la thèse que défend M. A. Ledru dans
la Province du Maine (numéro de mars 1898) avec des argu-
ments dont il me semble difficile d'atténuer la portée.
A lire, dans la même revue (numéro d'avril 1899), un nau-
frage en Sarthe, en 1653, par M. R. Deschamps la Rivière.
C'est le récit d'une catastrophe dont furent victimes, à Briollay,
quarante -deux personnes des paroisses de Précigné et de
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1
^328 -
MoranneSy qui se rendaient à Angers pour assister à l'instal-
lation du maire Michel Gohin.
La direction d'un orchestre est un art important et difficile.
C'est cette vérité que rappelle M. Anthony Dubois, dans une
brochure * quicontient, à côtéde considérations philosophiques
un peu risquées, bon nombre de conseils excellents et très
pratiques.
A signaler encore :
Dans le Bulletin du Bibliophile (numéro du 15 avril), une
note de M. Pélissier sur quelques lettres et sur des vers iné-
dits de Françoise de Bochechouart, abbesse de Fontevrault
(1704-1742);
Dans la Bévue d* Archéologie Poitevine (avril 1899), de
M. B.^ Palustre, l'inventaire de Vargenterie de Féglise abba-
tiale de Fontevrault en i79S^ et quelques lignes sur un artiste
angevin, Guillaume Dubois, qualifié de peyrerius et magister
eximeniliarum — en français, maçon et constructeur de
cheminées, — qui travailla,.en 1448, au château de Perpignan ;
Dans la Bévue Angevine (numéro du IS avril), le récit d'une
visite au château de Landifer, par M. Péricle ;
Dans les Archives médicales d'Angers (mars et avril 1899),
une notice biographique sur le docteur Ouvrard^ par M. le
D'' Leblois, et une très intéressante étude de M. Germain sur
le tableau de M. Dauban, V Extrême-Onction^ qui orne un des
panneaux de la chapelle Sainte-Marie, à l'Hôtel-Dieu ;
Dans la Gazette de Chdteau-Gontier (numéro du 30 mars), la
question de la dépopulation à Cbâteau-Gontier, en 1682 et de
nos jours, par M. R. Gadbin ;
Dans le Bulletin de la Société de Géographie^ commerciale
de Paris (1899, n^* 1 et 2), un article de M. Ch. Lemire sur
Cœuvre de la Mission Pavie en Indo-Chine,
Ch. U.
*■ Brochure in-8o de 29 pages ; Angers, Lachèse et G*®.
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I
CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE
Rimes provinciales, par Xavier di la Perraudjéhe ; nn ?ûL grand iD-16.
Angers, Germain et G. Grassin, 1399.
Il était bien < provincial », le poète de La Pléiade, qui cban-
tait ainsi ses prédilections :
Plus me plaist le séjour qu*ont basti mes ayeux
Que des palais romains le front audacieux ;
Plus que le marbre dur me plaist Tardoise fine,
Plus mon Loyre gaulois que le Tybre latin,
Plus mon petit Lyre que le mont Palatin,
£t plus que l'air marin la doulceur angevine.
Ces beaux vers me revinrent tout de suite en mémoire,
l'autre jour, après qu'un très aimable messager m'eut remis
un gracieux volume, à la fraîche couverLure^ gentimenl his-
toriée par les artistes de la maison Germain et G< ûrassln.
11 a pour titre Rimes provinciales el, je le dis sans aucune flat-
terie pour l'auteur, M. Xavier de la Perraudière, le souvenir
de Joacbim du Bellay me hanta tandis que je lisais en pre-
mière page ce Sonnet angevin :
Il ne te manque rien^ mon Anjou, ma patrie :
Tes fertiles sillons portent les bons froments,
Et le vin des coteaux mûrit, cher aux gourmands^
Sous ton soleil plus beau que celui d'fbèrie.
Ton peuple est fort et doux^ car il travaille et prie.
Il garde au fond du cœur les vieux enseignements
Et les chants d'autrefois, purs, naïfs et charmants^
Qui célèbrent Noël ou le mois de Maria.
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1
— 330 —
Quand je m'endormirai, mon temps étant fini»
On descendra mon corps froid sous ton sol bénî^
Revêtu d'un linceul en chanvre de vallée ;
Ma bière sera faite en sapin de tes bois
Et. sans autre ornement^ je veux pour mausolée
Dans le tulTeau d'Anjou qu'on me taille une croix.
Ce lisant, et rencontrant chez vos deux compatriotes même
amour de TAnjou, imputess-voug, ami lecteur, au poète, votre
contemporain, une réminiscence» une imitation du poète de
la Renaissance? Assurément non. Vous trouvez, n'est-ce pas,
ces vers modernes d'une belle venue et d'une inspiration tout
à fait originale et sincère.
Comment en serait-il autrement? Detix sources de poésie
ont versé leurs ondes harmonieuses dans Tâme de notre
chantre angevin. Il nous livre son secret :
Tout enfant, j'ai compris la plainte des flots verts.
Et, quand les ouragans éclataient sur ma tête
La grande voix de Dieu grondant dans la tempête.
J'abandonnais les jeux pour m'absorber devant
L'insondable désert de l'infini mouvant,
Et, sans raison, mes yeux se remplissaient de larmes.
Je n'avais pas douze ans, je savourais les charmes
Et la sublime horreur de l'abîme béant.
Le nain applaudissait le spectacle géant.
0 brise de la mer qui pénètres les moelles
Tu poussas vers l'azur mon âme à pleines voiles,
Et je pourrais dater de ce premier émoi
Un hymne inachevé qui toujours vibre en moi.
Quatre ou cinq ans plus tard, sur les bancs du collège.
Où railler Aristote était un sacrilège
Digne aux yeux des pédants de tous les quos ego,
On mit entre mes mains quelques vers de Hugo.
Et le disciple continue en adressant au Maître cette apos-
trophe :
. . . Ouvrant le cachot à la porte moisie^
Tu mis en liberté la sainte poésie.
Et j'ai toujours depuis, sublime moissonneur,
Marché dans ton sillon comme un petit glaneur.
Tout le recueil des Rimes provinciales témoigne de la sincé-
rité de cette confidence. Les voix, toutes les voix pures de la
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- â3i -
nature chantent dans Tâme et les vers du poète qui < hall
Paris d'une haine énergique » et ne rêve que
. . . tableau géorgique,
Image de TEden dont il est amoureux ;
Calme, repos, fraîcheur, parfum de violettes,
. Concerts d'oiseaux chanteurs et jolis chemins creux
Où Ton ne voit jamais passer de bicyclettes.
Au reste, on ne saurait mieux que de M. de la Perrau-
dière lui-même apprendre à connaître sa Muse :
Ma Muse a nom Brise-des-Landes.
Elle est simple dans ses atours
Et fidèle dans ses amours,
Comme au bon vieux temps des légendes.
U est tout fier de ses mœurs bien c provinciales » :
Ma Muse chante à pleine voix.
Sa gloire est d'être honnête femme,
C'est l'humble fleur du sol gaulois.
Jamais, à Paris» que je sache, Muse n'a chanté sur ce Lon
r Amour :
L'Amour est un ange du ciel ;
Cupidon n'est qu'une volaille.
Bref, en ce terrestre séjour
Où le mal effronté fourmille.
Rien n'est aussi bon que l'Amour
Honnête et père de famille.
« Brise-des-Landes > ne laisse pas, en effet, que d'être philo-
sophe et moraliste à ses heures; elle s'élève à des médita
tions très graves et s'abandonne à des mélancolies touchantes ;
elle folâtre parfois, quand revivent les souvenirs d'étudiant;
mais la Chasse aux chats elle-même devient l'occasion d'une
bonne pitié et toujours l'accent demeure vrai, soit quil
trahisse les perverses joies ressenties,
Lorsque^ sous la lueur des pâles réverbères,
Nous traquions les félins sortis de leurs repaires ;
soit qu'il rende l'émotion et confesse le remords éprouve, ri
la pensée que cette chasse
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— 338 - ^
Idiote et sauvage^ où nous trouvions des charmes,
Pouvait réduire toute une famille aux larmes,
Causer le désespoir des pauvres du bon Dieu !
Ami lecleur, portez-vous avec complaisance le Joug < clas-
sique >, n'allez pas pourtant vous ejDfaroucher trop de VHugo-
latrie de notre < rural » : elle a ses réserves. En son cœor,
il est blessé des blasphèmes du Maître» sur lesquels il gémit,
en traçant cet heureux contraste :
Lui qui, comme un aigle se joue,
Quand il lui plaît^ dans Téther pur,
Ramasse à pleines mains la boue
Pour en éclabousser Tazur.
Et maintenant, si vous voulez chercher querelle au poète
sur son rythme ou sa prosodie, donnez-vous carrière. Aussi
bien votre critique n'aura rien d'imprévu pour V c hugolâtre >.
Oyez plutôt et laissez là l'espérance de convertir un roman-
tique impénitent :
... Il est dans ma petite ville,
Dans ma vieille contrée, il est des braves gens
Parmi les plus lettrés, les plus intelligents,
Mais qui disent encor : c Thalie » et c Melpoméne ^,
Prononçant que mes vers sont d'un énergumène.
Qu'ils offensent souvent la < césure •, que j'ai
Coupé des mots en deux pour la rime, forgé
Des termes neufs ou pris ceux que Chapsal évince,
Et c'est un vrai petit scandale de province.
Allons, ne crions pas : < Malheur à celui par qui ce scan-
dale arrive! > Il faut lui pardonner beaucoup parce qu'il aime
beaucoup la nature et hait fortement les « Décadents ». Mais
surtout qu'on se garde d'imiter certaines « poupées », pro-
digues d'Eau bénite de cour envers un auteur, alors qu'elles
n'ont pas seulement coupé les pages de son livre. Ne vous
fiez pas, lecteurs, à un critique d'aventure pour juger les
Rimes privinciales ; lisez-les vous-même, sous peine de vous
priver d'un grand plaisir. J.-H. Dblahaye.
Le Directeur-Gérant : G. GRASSIN.
AnRen, Imp. Oermain et O. Gnailii. — 814-90.
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■y
DEVANT L'ENNEMI
Souvenirs d'un Bataillon de Mobilisés
de Maine-et-Loire ^
(zxiiie et fin)
CHAPITRE IV
Le Combat de Monnaie
Lorsque le jour parut, le mardi 20 décembre, il tombait
une petite pluie fine ; des chasseurs d'Afrique, vers sept
heures, apportèrent l'avis au colonel Cléret-Langavant que
les troupes allemandes étaient venues de Châteaurenault
occuper le bourg de Monnaie et marchaient sur Tours.
Ordre fut donné aussitôt au lieutenant-colonel Bonneville
de se porter sur Monnaie à la tête de la 3* Légion de
Maine-et-Loire, suivie par le bataillon de la Gironde, la
compagnie du 14® Régiment d'infanterie et rartillerie.
Lorsque la tête de la colonne fut arrivée sur la grand'-
route de Tours à Monnaie, à la hauteur du château de
Meslay, elle rencontra d'autres chasseurs d'Afrique, qui
avaient passé la nuit en reconnaissance ; ces chasseurs
annoncèrent que les Prussiens les suivaient de très près.
Le lieutenant-colonel Bonneville fit aussitôt faire halte à sa
légion ; puis, comme les balles, presque immédiatement
après, sifflèrent, quoique à grande hauteur, il donna
l'ordre au comandant Moreau de déployer en tirailleurs
deux compagnies du 2® Bataillon de la 3? Légion, à gauche
et à droite de la route, pour couronner la cime de la côte
au point 124, en môme temps qu'il dépêchait quatre
chasseurs d'Afrique au colonel Cléret-Langavant, aux
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1
— su -
baraquements de Notre-Dame d'Oé, pour le prévenir que la
3« Légion avait pris le contact avec Tennemi.
La 2* Légion, après une distribution' de vivres, avait
quitté, à neuf heures, le camp de Notre-Dame d'Oé, ses
fusils chargés. Le service de Tintendance étant fait assez
irrégulièrement depuis la veille, certains capitaines avaient
dû s'ingénier à donner à manger aux hommes de leur
compagnie : le capitaine Chaboisseau, par exemple, envoyé
en reconnaissance, avant le jour, avec une partie de la
4^ Compagnie du 4* Bataillon, et revenu vers sept heures,
avait eu du mal à trouver du pain à distribuer à ses
hommes, dans une maison en avant du bourg de Notre-
Dame d'Oé. Lui-môme, trouvant dans une pièce déserte de
cette maison une soupe fumante et une omelette, s'était mis
en demeure, en vertu des lois de la guerre et de la nécessité,
de s'adjuger copieusement une assiette de soupe, lorsque
apparurent Inopinément le lieutenant-colonel Tessié de la
Motte, le commandant de Maillé et le« autres officiers
supérieurs de la 2« Légion, pour qui ce repas modeste était
préparé : confus d'abord, le capitaine Chaboisseau se laissa
facilement persuader par ses supérieurs de partager letrr
déjeuner.
La 2« Légion marchait depuis une heure, lorsque le
le bruit de la canonade et bientôt de la fusillade lui apprît
que la 3* Légion avait pris le contact avec Tavant-garde
prussienne. Le lieutenant-colonel Bonneville, en effet, avec
une décision et un entrain qui ne se démentiront pas de la
journée, en même temps que son 2* Bataillon prenait
position à droite de la grand'route, parallèlement à la
ligne du chemin de fer, en face du Boulay, s*était mis à la
tête de ses P' et 3* Bataillons, commandants Petit et Permet,
pour s'étendre sur la gauche, entre la route et le chemin
de fer ; il avait forcé l'ennemi à reculer pendant un kilo-
mètre, franchi la voie ferrée et enlevé au pas de course
le hameau de la Gaubretelle, où il appuyait sa gauche.
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- 338 -
Pendant que le colonel Cléret-Langavant conduisait
résolument Tavant-garde, le général Pisani, venu direc-
tement de Tours, prenait le commandement des troupes et
plaçait son artillerie en batterie sur la grand'route. Pendant
une heure, la 3* Légion dut soutenir seule le feu de
l'ennemi, qui, massant ses troupes à l'abri des bois des
Belles-Ruries, en avait occupé le château et le parc. Le
bataillon de la Gironde vint se placer à droite du
2« Bataillon de la 3* Légion, occupant le bois de la Gau-
cherie, en face de la Feuillée.
C'est alors que la 2* Légion parut sur le champ de
bataille, arrivant au pas gymnastique sur la grand'route,
à la hauteur de la ferme de la Péranderie, dans laquelle
était installée une ambulance française. Ordre lui ayant été
donné de s'étendre sur la gauche, pour empêcher le mou-
vement tournant par lequel Tennemi, maître du château
des. Belles-Ruries, cherchait à envelopper les nôtres, le
lieutenant-colonel Tessié de la Motte fit déployer trois
compagnies du 1" Bataillon, commandant Blavier, et le
4^ Bataillon, commandant de Maillé, qui s'avança, protégé
d'abord par un petit bois, dans des champs détrempés, où
les hommes entraient jusqu'à mi-jambe.
Les balles commençaient à siffler au-dessus de leurs
têtes, trop haut heureusement pour les atteindre, et les
obus s'enfonçaient dans le sol détrempé, sans causer de
mal, faisant fougasse, pour me servir d'une expression
militaire. Le commandant de Maillé fait mettre sacs à
terre, entre deux bois, puis, prenant la tête des 3* et
V Compagnies de Vihiers déployées en tirailleurs, après
avoir placé en soutien les l'** et 2« Compagnies de Chemillé,
il marche résolument sur la ligne du chemin de fer, qu'il
fallait traverser à un endroit très périlleux, à l'extrémité du
village de la Gaubretelle, sous un feu très vif des Prussiens.
Un pareil exemple était nécessaire pour enlever de si
liouveaux soldats. Le moment était solennel pour eux;
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émus d'abord à la vue du danger, ils se remettent bien
vite et vont se comporter comme de vieilles et solides
troupes : témoin cet offiôier du 4® Bataillon, qui, affolé
d'abord au sifflement des balles, qui lui passent nom-
breuses à la figure, accourt, éperdu, à son commandant :
« Mon commandant, nous sommes perdus ! Je ne sais plus
ce que je fais, je ne puis plus y tenir ! » — « Tranquillisez-
vous, mon pauvre ami, lui répond paternellement le comte
de Maillé, vous n'êtes pas blessé, ni moi non plus ! vous
voyez bien que ce n'est pas aussi dangereux que cela en
a l'air ! Je vous promets que ce ne sera rien, calmez- vous
et marchez résolument! » Et le pauvre garçon, dont on
s'explique facilement la première émotion, rassuré, se
battit dès lors comme un brave.
Bientôt le commandant de Maillé s'étonne du nombre de
tirailleurs déployés dans son bataillon : — « Comment
êtes-vous là, demande-t-il à un Mobilisé de Chemillé?
J'avais laissé votre compagnie en soutien. — « Ah ! mon
commandant, réplique le Mobilisé, quand on a vu les
camarades au danger, on n'a pas ^voulu les y laisser tout
seuls, et nous sommes venus les rejoindre. » Ce n'était
pas sans doute là le résultat d'une discipline sévère, mais
c'était du courage vendéen de la plus pure tradition.
Un instant, sur le talus du chemin de fer, le com-
mandant de Maillé parut à ses hommes exposé au plus
grand danger : ce passage découvert, à demi-hauteur, était
horriblement exposé au tir de l'ennemi ; or son cheval,
engagé sur la voie, refusait de franchir le treillage en
avant, et son cavalier ne voulait pas reculer.
La voie est enfin franchie; le 4® Bataillon tourne, par la
gauche, le village de la Gaubretelle, puis, laissant devant
la Vallée la l^ Compagnie du 3^ Bataillon, de Cholet, à qui
le capitaine Ricou faisait un instant reprendre haleine, il
gravit, par les vignes, la crête du plateau et prend sa
position définitive de bataille en face du château des
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Belles-Ruries, sa droite appuyée à la 3* Légion dans le
village de la Gaubretelle, et sa gauche à la ferme des
Petites-Ruries, cette dernière bientôt occupée, ainsi que
les maisons de Tardines, par le 3* Bataillon de Gholet, qui
prolongea son mouvement par la gauche. Il avait été bien
difficile de faire conserver un ordre régulier aux bataillons
et aux compagnies, qui se trouvaient à ce moment-là assez
mêlés. Deux compagnies du 2* Bataillon, de Montrevault,
gardaient le chemin de la Vallée aux Belles-Ruries, tandis
que le commandant de la Frégeolière, avec ses deux autres
compagnies, était allé auprès du chemin de fer combler un
intervalle entre les bataillons de la 3® Légion, ces derniers
ayant appuyé à droite, pour garder la grand'route. Ce
mouvement avait été occasionné par un ordre du général
Pisani de renvoyer sur Tours son artillerie complètement
impuissante.
De son côté le commandant Blavier, avec trois Com-
pagnies du l*' Bataillon de la 2* Légion, avait passé la
route, pour aller remplacer à l'extrême droite, à la Gau-
cherie, le Bataillon de la Gironde, dont la retraite précipitée
laissait Taile droite sans défense.
La ligne de feu s'étendait à ce moment-là sur trois kilo-
mètres environ, de Tardines à la Gaucherie. Ce qui s'était
produit dans le 4* Bataillon de la 2® Légion s'était fait
partout ailleurs, toutes les compagnies de soutien s'étaient
déployées d'elles-mêmes en tirailleurs, sans qu'il restât
en soutien aucune troupe autre que la 2® Brigade du général
Pisani, sortie de Tours, et restée à deux lieues en arrière,
vers le point de la route appelé la Petite- Arche. Mais cela,
personne ne le savait parmi les combattants, ni les Français,
ni les Prussiens ; et, convaincus qu'ils avaient affaire à des
troupes soutenues et beaucoup plus nombreuses qu'elles ne
Tétaient réellement, les Allemands hésitaient dans leur
mouvement tournant, pour envelopper nos soldats. Ils
hésitaient d'autant plus que le bataillon de Cholet, bien
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posté dans les fermes de Tardiues et des Petites-Ruries»
empêchait par un feu meurtrier leur aile droite de sortir
du château et du bois. Les soldats, s'abritant dan» les
greniers des maisons, où ils avaient pratiqué des meur-
trières, derrière des tas de fagots, les haies des jardins ou
les arbres, découvraient une clairière et un phemin traversés
par les Prussiens en grand nombre ; puis les meilleurs
tireurs, se faisant charger leurs armes par leurs camarades,
prenaient leur temps pour bien ajuster. Un obus enleva
une partie de la toiture d'un bâtiment rempli de tirailleurs,
sans blesser personne du reste, mais n'empêcha pas les
Mobilisés de continuer leur tir, devenu tellement meurtrier,
que les Prussiens sur ce point durent reculer jusqu'au
haut de la côte, emmenant avec eux deux pièces de canon
braquées sur les Petites-Ru ries et laissant dans les fossés du
chemin un nombre considérable d'hommes tués ou blessés.
A droite du 3' Bataillon, les compagnies du 4« Bataillon
faisaient face au château des Belles-Ruries et au bois sur
la droite, les Compagnies de Vihiers, 3* et 4% se rappro-
chant plus particulièrement de la ferme des Petites-Ruries,
les Compagnies de Chemillé,!"^ et 2% des premières maisons
de la Gaubretelle. Je dis plus particulièrement, car les
compagnies, les bataillons, sur quelques points même les
légions étaient extrêmement mêlés. Nos Mobilisés du
4® Bataillon s'installent alors dans la dernière maison de
gauche de la Gaubretelle, où ilâ pratiquent des ouvertures,
pour tirer sur Tennemi, et où Tun d'eux eut une bouteille
cassée dans la main au moment où il l'approchait de sa
bouche. D'autres s'abritent dans le chemin creux, qui
conduit de la Gaubretelle aux Belles-Ruries. Les com-
pagnies de gauche sur la crête du plateau, plus à découvert,
n'ont guère, pour s'abriter, que de nombreux pommiers
plantés au milieu des vignes ; moins heureux que ceux de
Cholet, les tirailleurs du 4* Bataillon ne peuvent découvrir
les Prussiens, très bien dissimulés autour du château et
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sur la lisière du bois. Et pourtant ces compagnies faisaient
très bonne contenance en face d'un ennemi caché, qui les
fusillait à une distance de cent cinquante à deux cents
mètres.
Il est vrai que le tir des Prussiens était assez défectueux»
en raison sans doute du trop grand rapprochement, les
balles passant généralement au-dessus de la tête des
Mobilisés, en raison aussi du soin que prenaient leurs
tirailleurs de se mettre à Tabri du talus d'un profond fossé,
qui bordait le bois, sans se découvrir.
On avait recommandé aux Mobilisés de ménager leurs
cartouches et de ne pas égarer leurs balles inutilement.
En cela ils furent aidés par la difficulté de la manœuvre
de leurs fusils à baguettes. Avec un sang-froid étonnant
chez d'aussi jeunes soldats, ils attendaient les Prussiens à
tirer et ripostaient immédiatement, en visant les points d'où
s'échappait la fumée, cela froidement et avec la précision
d'hommes habitués à se servir de fusils, beaucoup d'entre
eux étant chasseurs ou braconniers. Résultat qui pourra
paraître invraisemblable, mais qui est vrai néanmoins, le.s
Français à découvert faisaient subir aux Prussiens parfai-
tement dissimulés des pertes plus sensibles qu'ils n^en subis*
saient eux-mêmes.
Le courage de nos soldats était soutenu, il faut bien le
dire, par la conduite héroïque de leurs chefs; le colonel,
les lieutenants-colonels et les commandants ne cessaient
de galoper au front de leurs troupes, exposés au plus
grand danger, les excitant par des paroles d'encouragement,
ou même par ces joyeuses reparties qui plaisent tant au
troupier français, et qui dans les moments les plus
périlleux remontent les courages, en soulignant le sang-
froid de leurs auteurs.
C'est dans un de ces moments critiques qu*au milieu de
ce petit chemin creux, qui remonte de la Gaubretelle aux
Belles-Ruries, le lieutenant-colonel Tessié de la Motte a son
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cheval tué sous lui : « Ça commence à chauffer, colonel, dit
le capitaine Pineau, de la2' Compagnie du 4® Bataillon, au
moment où le lieutenant-colonel se relevait sans blessure.
— Bah ! réplique ce dernier, ce n'est rien que cela, ça ne
tue que les bêtes ! »
Le lieutenant-colonel Tessié de la Motte, ancien capitaine
au 2® Chasseurs à cheval, était d'une rare bravoure, avec
.une martiale figure de soldat, figure couturée de blessures
reçues dans la Campagne d'Italie.
Quant au commandant.de Maillé, pendant les quatre
heures que nos troupes tinrent tête aux Prussiens, sans
reculer d'un pas, il ne cessait de faire Tadmiration de tous
ceux qui le voyaient. Toujours au front de son 4« Bataillon,
pour porter des paroles d'encouragement et donner du
cœur à ses hommes, il galopait sans cesse entre les Petites-
Ruries et la Gaubretelle, tantôt sur la crête du plateau,
à gauche, tantôt à droite, sur le talus du chemin
creux de la Gaubretelle, mais toujours exposé au feu
des Prussiens, à moins de deux cents mètres ; la silhouette
de son cheval se détachait bien nette au-dessus des
buissons, des petits plis de terrain et des vignes où
s'abritaient ses hommes^ et sa belle tête déjà blanche, un
peu renversée en arrière, avec cet air de crânerie qui
s'impose, semblait défier l'ennemi. Ses soldats, pleins
d'admiration pour leur commandant, étaient bien près de
lui attribuer un pouvoir magique, pour échapper aux
balles qui sifflaient autour de lui, et les autres chefs
commençaient à s'inquiéter du danger auquel il s'exposait.
Déjà sans succès le lieutenant-colonel Tessié de la Motte
lui avait recommandé de se ménager. « Vous voulez donc
vous faire tuer, mon commandant, vint lui dire à son tour
le capitaine Hiron, pour rester là où vous êtes. — Pas le
moins du monde, repartit le commandant de Maillé, je
vous assure que je n'en ai pas la moindre envie! Mais
depuis le matin j'assure à mes hommes que les balles ne
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font pas de mal ; qu'est-ce qu'ils diraient, sMls me voyaient
maintenant en avoir peur ? »
Il se comporta lui aussi comme un brave, ce capitaine
Hiron, qui, capitaine- trésorier, sans avoir de troupes par
conséquent à conduire au feu, voulut néanmoins prendre
sa part du danger avec les camarades et, armé d'un
chassepot qu'il s'était procuré à ses frais, fit en amateur le
coup de feu comme un simple troupier. Nous le retrou-
verons à la fin de la bataille parmi les blessés, la cuisse
traversée par une balle, à la Petite-Arche.
Le capitaine-trésorier de la 3* Légion, M. Gain, l'émi-
nent avocat d'Angers, en faisait autant de son côté et resta
au feu toute la journée.
Au point exactement où le chemin de la Gaubretelle
rejoint le chemin de la Vallée aux Belles-Ruries, point 122
de la carte de l'État-Major, on a élevé une simple croix de
bois, pour rappeler le souvenir des soldats français tombés
sur le champ de bataille de Monnaie : c'est à cet endroit-
là, disent les habitants du pays, qu'il a été relevé le plus
de cadavres. Ce point était exactement pendant la bataille
le centre du 4^ Bataillon. C'est tout près de là que, dans
le bas de la vigne qui s^étend jusqu'au carrefour, a été tué
raide d'une balle en pleine poitrine le sergent Besson de la
4® Compagnie de Vihiers : « Je crois qu'il est temps de faire
son acte de contrition », venait de dire le brave sergent à
l'un de ses camarades, au milieu des balles qui leur
sifflaient à la figure. C'est près de là encore, parmi les
hommes du 4^ Bataillon que furent frappés à mort le clai-
ron Eugène Bompas, de La Tour-Landry, Chemineau, de
Chemillé, le ventre emporté par un éclat d'obus, Pierre
Turpault, de Vihiers, originaire de Saint-Maurice la Fou-
gereuse, la cuisse brisée, Chailloux, de Saint-Paul-du-
Bois, et blessés : le sous-lieutenant Louis Clémot, de la
4® Compagnie, de Vihiers, Jean Delaunay, de Saint-Lézin,
René Delaunay, de Sainte-Christine, Louis Guilbault, de
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Saint-Hilaire-du-Bois, Jean Martineau, de Saint-Georges-
du-Puy-de-la-Garde.
C'est également dans le champ, sur l'extrémité duquel
est plantée la croix de bois, qu'un jeune homme de Som-
loire, Jean Béliard, posté à l'extrême avant-garde, est
grièvement blessé d'une balle à la cuisse. Le sergent Duc,
de la 4* Compagnie, de Vihiers, n'hésite pas à aller cher-
cher et à rapporter sur son dos, au milieu d'une grêle de
balles, son petit soldat blessé, sous les yeux du comman-
dant de Maillé, qui put obtenir au sergent Duc la médaille
militaire, pour récompense de son courageux dévoue-
ment.
Pendant quatre .heures cette petite troupe de Mobili-
sés, sans être soutenue, tenait en échec les troupes alle-
mandes, parvenant à empêcher leur mouvement tournant;
. mais toute tentative de marche en avant avait été toujours
repoussée par des feux de salves meurtriers. Un moment
pourtant le commandant de Maillé, voulant essayer de
marcher sur le château des Belles-Ruries, donne l'ordre au
capitaine Alfred Pineau de porter sa Compagnie en avant.
En avant, c'était pour cette Compagnie sortir du petit che-
min creux, où elle s'abritait, pour marcher à découvert
dans le grand champ de la Croix de bois. Le brave capi-
taine Pineau n'hésite pas un instant, il commande en
avant, et, le premier, saisissant d'une main une poignée
de genêt, il grimpe sur le talus, face à l'ennemi et reçoit
aussitôt une balle en plein front. Sous le choc, le sang
jaillissant en abondance, il retombe en arrière dans le
chemin, pendant que les hommes de la 2'' Compagnie, qui
avaient suivi leur capitaine et avaient escaladé le talus,
cherchaient, mais vainement, à se maintenir dans le
champ, sous une grêle de balles.
Le sergent Tessé, de La Tour-Landry, et le soldat
Auguste Courant avaient relevé leur capitaine et l'avaient
emmené en arrière, au château de la Vallée, transformé en
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ambulance, d'où, après un pansenoent appliqué par une
sœur de Charité, le capitaine Pineau, ne voulant pas sur-
tout tomber aux mains des Prussiens, suivit péniblement
la retraite, soutenu toujours par ses deux compagnons
jusqu'à la grande route de Tours. Là, recueilli par une
voiture dambulance de la 3* Légion, qui emmenait en
inême temps que lui le lieutenant Clémot, il put gagner
Tours, être placé dans le dernier train qui quitta cette
ville et fut ramené par Angers aux Gardes. La croix de
chevalier de la Légion d'honneur, le 6 avril 1871, récom-
pensa le capitaine Pineau de sa belle conduite.
Peu après cet épisode, le colonel Cléret, voyant que,
sans artillerie et sans réserve, il lui était impossible de
déloger les Prussiens de leurs positions et, jugeant par la
rapidité croissante des feux de l'ennemi que de nouvelles
troupes entraient en ligne, demande au général Pisani de
faire sonner la retraite. Déjà, du reste, l'artillerie alle-
mande s'est déployée sur le chemin de TAngennerie à
Monnaie, et trois bataillons d'infanterie soutenus par plu-
sieurs escadrons de cavalerie se portent en avant pa.r le
même chemin, débordant l'aile gauche des Français et
menaçant de tourner leurs positions des Petites-Ruries et
de Tardines. A l'autre extrémité du champ de bataille, un
mouvement analogue des Prussiens se dessine vers la
Gaucherie. Ordre est donné aux chefs de Compagnies de
battre en retraite et de se rallier sur la route de Tours.
— Cette retraite fut et devait être meurtrière; s'il est
difficile de conduire en avant, sous le feu de l'ennemi, de
jeunes troupes, il est encore autrement difficile de les
maintenir en bon ordre dans une retraite, sans que cette
retraite dégénère en débandade : même les plus braves ne
peuvent supporter cette fusillade qui vous arrive par
derrière. Puis les Prussiens, cette fois démasqués, avaient
rectifié leur tir.
Ce fut le lieutenant-colonel Tessié de la Motte qui dut
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donner Tordre au capitaine Ricou, de la l"^ Compagnie du
3« Bataillon, d'évacuer la ferme des Petites-Ruries et de
faire retraiter sa Compagnie. Nos Choletais n'avaient pas
pris garde, tout occupés qu'ils étaient à tirer sur les Belles-
Ruries, que la retraite avait été déjà sonnée plusieurs fois.
Une dernière décharge dut tenir en respect, au moment
du départ, un peloton de uhlans qui cherchaient à tourner
les Petites-Ruries, et leur tua quelques hommes. Au
moment où cette Compagnie traversait en retraite les
vignes proches de la ferme, avec une partie de la 3* Com-
pagnie du même Bataillon, le capitaine Âbel Mocquereau,
de cette dernière Compagnie, tomba frappé d'une balle
dans la hanche ; le caporal Bidouët, de la l'* Compagnie,
s'approchait de lui, lui tendant la main, lorsqu'il reçut à
son tour dans la cuisse une balle qui le coucha à côté du
Capitaine. Le capitaine Ricou, qui, comme beaucoup
d'autres officiers dans cette retraite, marchait en arrière
de sa Compagnie, pour chercher à y mettre un peu d'ordre,
n'avait plus assez d'hommes auprès de lui, pour emporter
les deux blessés dans ce terrain horriblement défoncé : il
dut les laisser, après leur avoir dit adieu, et continua son
chemin au milieu d'une pluie de balles. Mocquereau et
Bidouët, transportés à l'ambulance des Belles-Ruries,
succombèrent plus tard à leurs blessures; le capitaine
Mocquereau fut cependant ramené à Cholet le 2 mars ; la
balle lui avait brisé le haut de la cuisse gauche et fait
d'horribles ravages. Il mourut le 2 mai 1871, après avoir
reçu la croix de la Légion d'honneur.
Le lieutenant Chaumouillé, du 3® Bataillon, se distingua
par son sang-froid durant cette retraite difficile.
Un rapport officiel nous dit que la retraite fut couverte
par le 4"" Bataillon de la 2^ Légion, commandant de Maillé,
et par le 3* Bataillon de la 3® Légion, commandant Fermé,
bataillon de Segré, qui partirent les derniers et marchèrent
à l'extrême arrière-garde. La position devenait de plus en
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plus difficile, parce que les Prussiens, en voyant le mouve-
ment de retraite des Français, étaient sortis franchement
de leurs positions et poursuivaient très vivement nos sol-
dats, tant avec les tirailleurs de leur infanterie qu'avec
leur cavalerie, qui débouchaient par tous les chemins.
Leur artillerie, dont les obus causaient assez peu de mal
dans les terrains détrempés, rendait sur les chemins, et
particulièrement sur la route de Tours, certains passages
impraticables. Aussi fallut-il, jusqu'au château de Meslay,
retraiter à travers champs.
Profitant des moindres obstacles, les Mobilisés ralen-
thrent par un feu bien dirigé la poursuite acharnée de
Fennemi, au risque, bien souvent, d'être tués ou fait pri-
sonniers. Une tradition locale montre encore aujourd'hui,
notamment, auprès du village de la Gaubretelle, le tronc
d'un vieil ormeau témoin de la mort héroïque d'un petit
Mobilisé de Maine-et-Loire dont il m'a été malheureuse-
ment impossible de retrouver le nom. La retraite le surprit
posté en tirailleur, séparé de ses camarades et protégé
seulement contre les balles prussiennes par le tronc du
vieil ormeau. Frappé tout d'abord d'une balle à la jambe,
il continua à tirer, toujours à l'abri du vieil arbre dont
lecorce volait sous les balles, jusqu'au moment où, de
nouveau et très grièvement blessé, toute retraite lui étant
devenue impossible, il voulut du moins mourir bravement
face à l'ennemi ; quittant alors l'abri qui ne pouvait plus
lé défendre, il regarda fixement l'ennemi qui s'avançait
vers lui et tomba presque aussitôt criblé dé balles.
Plus heureux fut le soldat Georges Renault, de Tancoi-
gné. Surpris dans la retraite au bas d'une vigne, derrière
la Gaubretelle, par les Prussiens qui débouchent par la
crête du plateau, à cent cinquante mètres, et acculé au
grand fossé, couvert d'épines et de ronces, qui sert de cou-
rant d'eau au fond de la vallée, il se considère comme
perdu ; mais, décidé à un dernier effort pour échapper aux
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Prussiens qui s'avancent, après avoir préalablement jeté
de l'autre côté du fossé son fusil chargé et son sac à car-
touches, il s'élance, tombe malencontreusement dans Teau
jusqu'au cou, parvient, en se raccrochant aux épines, à
grimper sur l'autre bord, puis, reprenant son fusil dont
la colère lui fait envoyer une décharge aux Prussiens, il se
sauve à toutes jambes rejoindre sa Compagnie sain et
sauf, mais après avoir entendu siffler à ses oreilles des
balles à lui destinées.
Ce petit fait se passait exactement au moment et auprès
d'un des épisodes les plus émouvants de la journée pour le
4* Bataillon. Les capitaines Brault et Chaboisseau, des 3«
et 4® Compagnies, de Vihiers, à l'extrême arrière-garde,
cherchaient à régulariser et à protéger la retraite de leurs
Compagnies, lorsque, à très peu de distance de la ligne du
chemin de fer, le long d'un petit bois et du chemin de la
Vallée aux Belles-Ruries, une balle atteignit le capitaine
Brault derrière l'épaule droite, pénétrant de 33 centimètres
dans la partie supérieure de la poitrine. Les capitaines
étaient deux anciens soldats du môme régiment d'artille-
rie ; en voyant tomber son camarade, Chaboisseau courut à
lui :
— Tout est perdu, lui cria Brault, il n'y a plus qu'à se
faire tuer ; tu ferais aussi bien de rester avec moi.
— Non, répliqua le capitaine Chaboisseau, mon devoir
est de défendre ma Compagnie jusqu'au bout.
— Alors, tiens, lui dit Brault, j'ai sur moi le prêt de ma
Compagnie touché ce matin, je suis frappé à mort et les
Prussiens le prendraient. Emporte-le et tâche de le sauver.
Il lui remit les 375 fr. du prêt, pendant que Chaboisseau
l'aidait à se placer le moins douloureusement possible sur
le revers du fossé du chemin. Puis, après que les deux
camarades, s'embrassant en pleurant, se furent dit un
dernier adieu, le capitaine Chaboisseau rejoignit prompte-
ment sa Compagnie.
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Le capitaine Brault fut transporté par les Prussiens à
l'ambulance de Bourdigal, dans le bourg de Monnaie, où
il mourut peu de jours après, la balle n'ayant pu être
extraite. C'était un soldat d'une extrême bravoure et, au
début de la retraite, ses hommes voulant l'entraîner pour
fuir avec eux, s'étaient attiré cette fîère réponse : « Partez,
mes amis, il en est temps et la retraite est sonnée ; pour
moi, je dois rester le dernier de ma Compagnie. > — Son
lieutenant, Jérémie Jeaneteau, et son sous-lieutenant, Blan-
chard, tous les deux de Coron, furent faits prisonniers, et
le sergent-major Pascal Jouin, de Montilliers, resta seul
pour commander la 3* compagnie.
Le capitaine Chaboisseau lui-même, à quelques centaines
de pas plus loin, se trouvant tout à coup enveloppé par un
gros de Prussiens, au coin du petit bois qui se rapproche
de la ferme de la Pérauderie, fut pris, avec quelques soldats,
et emmené prisonnier à Stettin. Personne autre que lui ne
songeait plus au prêt de la 3* Compagnie, lorsque, au retour
de la captivité, il vint remettre à Angers, au lieutenant-
colonel Tessié de la Motte, les 375 fr. qu'il avait eu la déli-
catesse de conserver intacts et qui furent distribués inté-
gralement aux hommes de la 3® Compagnie par les soins
du sergent-major Pascal Jouin, dev^iu sous-lieutenant
après Monnaie.
Un certain nombre de Mobilisés furent faits prisonniers
dans ce même bois de la Pérauderie, et parmi eux les
soldats Foulard et Fardeau, de Tancoigné. C'est que les
Compagnies du 4* Bataillon formaient l'extrême arrière-
garde dans la retraite, comme nous l'avons déjà dit, et
que le commandant de Maillé obtenait de ses soldats des
prodiges de valeur pour retarder la marche des Prussiens
et relever ses blessés. A un moment donné, dans un de ces
petits bois qui s'étendent entre la ligne du chemin de fer
et la route, le commandant, resté en arrière, lui huitième,
avec le sergent Henri Grangereau, de Saint-Hilaire-du-
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Bois, et six Mobilisés, trouva encore moyen de faire
déployer ces sept hommes en tirailleurs. Ils ne purent y
demeurer que bien peu d'instants, mais ce peu d'instants
était le salut pour beaucoup des hommes qui retraitaient
vers la route de Tours.
C'est sur cette route de Tours que, d'après les ordres
donnés pour la retraite, les Compagnies devaient conver-
ger, suivant au retour le chemin qu'elles avaient parcouru
le matin à l'aller. Au moment où le commandant Blavier,
du 1" Bataillon de la 2« Légion, et le commandant Moreau,
du 2* Bataillon de la 3*, qui avaient combattu à l'aile droite,
cherchaient à rallier leurs Compagnies, en face du château
de Meslay, en même temps que les derniers soldats de
l'aile gauche gagnaient la route au même point, presque
un à un, et quelques-uns blessés, Adolphe Maillet, de la
SalIe-de-Vihiers, par exemple, un doigt emporté, Bernier,
de La Tourlandry, le bras traversé par une balle, une
colonne de cavalerie prussienne, débouchant du chemin
qui vient de TÊtre des Duchamps, charge ces Compagnies.
Avec un complet oubli de lui-même, le commandant
Blavier, uniquement occupé du salut de ses soldats, com-
mande au sergent Gazeau, de la Salle-de-Vihiers, de faire
évacuer la route, sur le milieu de laquelle il demeure seuL
Les Mobilisés s'écartent, sautent les fossés et laissent
passer la charge ; mais les cavaliers trouvent la grande
route barrée un peu en arrière par le commandant de la
Frégeolière, qui les attend de pied ferme avec deux Compa-
gnies et les force à retourner à droite et à reprendre la
route de Monnaie sous un feu meurtrier qui abat une
viugtaine de uhlans et de chevaux.
Nous n'avions, dans cette petite charge, perdu aucun
soldat, mais deux commandants y furent sérieusement
blessés. Enveloppé par les cavaliers prussiens, le com-
mandant Blavier reçut au bas de Toreille un coup de
lance, dont la pointe, en pénétrant, vint aboutir au coin de
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la bouche. Le ublan. qui le chargeait, était au même
moment mortellement atteint, et le commandant Blavier,
saisissant alors instinctivement la lance, empêcha que la
joue ne fût emportée par la violence du coup. En portant
la main à sa bouche, le commandant s'aperçut que pas une
dent ne lui manquait, après un pareil choc : « Faut-il que
ce Prussien soit maladroit, dit-il » ses hommes, il ne m'a
pas cassé une dent ! »
Cette glorieuse blessure valut au commandant Blavier
la croix d'officier de la Légion d'honneur. Sorti l'un des
premiers de l'école polytechnique, et plus tard ingénieur des
Mines, M. Blavier avait été nommé à vingt-et-un ans che-
valier de la Légion d'honneur, pour sa belle conduite dans la
défense de l'ordre à Paris, en 1848, à la tête d'un bataillon
de jeunes Mobiles. Blessé à la jambe, dans la rue Mouf-
fetard, par une balle tirée d'une fenêtre, sa blessure ne
l'empêcha pas de marcher, le lendemain, à l'attaque du
faubourg Saint-Antoine. Il faut avouer qu'il est singu-
lièrement glorieux, mais bien rare pour un civil, de devoir
à deux blessures reçues sur le champ de bataille deux
promotions dans la Légion d'honneur. M. Blavier mourut,
en 1897, sénateur de Maine-et-Loire.
Du côté ouest de la route, à Bellevue, en face exactement
du chemin de l'Etre des Duchamps, par lequel chargeaient
les cavaliers prussiens, s'élève une petite maison, entre la
route et le chemin qui vient de la Diablerie. Le jardin de
cette maison, occupée en 1870 par un cantonnier, s'étend
devant, dans l'angle formé par la jonction de la route et du
chemin. Le chemin débouchait sur la route entre la haie
du jardin et la haie d'un champ sur sa droite. Le com-
mandant Moreau se tenait à cheval auprès de cette dernière
haie, lorsque parurent les Prussiens sur la route.
Dans la maison du cantonnier, un Mobilisé de la 3^ Ck)m-
pagnie du 4* Bataillon, Louis Gandon, aujourd'hui adjoint
de la commune de Tancoigné, mourant de soif, buvait un
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Verre de vin offert par le cantonnier, lorsqu'il est attiré brus-
quement au dehors par les hourras des cavaliers prussiens.
A peine parvenu au chemin, il aperçoit un uhlan char-
geant le commandant Moreau. Le danger était d'autant
plus grand que le commandant Moreau, ancien caporal
d*infanterîe, s'était montré plus vaillant soldat qu'habile
écuyer. D*une balle bien dirigée à vingt pas, Gandon, qui
est un excellent tireur, abat le uhlan ; mais, pendant qu'il
recharge son fusil, un deuxième uhlan aborde le com-
mandant Moreau, renverse son Cheval d'un coup de lance
dans le poitrail, et blesse grièvement derrière la tête, d*un
coup de la hampe de sa lance, le commandant qui, quoique
engagé sous son cheval, put d'un coup de revolver se
débarrasser de son adversaire. Son fusil rechargé, Gandon
avait pu tuer, presque à la même place, un autre uhlan,
avant de courir, avec quelques camarades, dégager le
commandant Moreau de dessous son cheval mort.
Un peu plus loin, un peloton de chasseurs d'Afrique
ramenait vivement vers la route quelques uhlans, lorsque
le sergent Charrier, de La Tourlandry, aujourd'hui maire
des Gardes, et quelques Mobilisés, se dissimulant derrière
les haies de la route, abattirent à coups de fusil les uhlans
jusqu'au dernier : « Bravo ! les Mobilisés, leur crièrent, à
cette vue, les chasseurs d'Afrique. »
Après l'insuccès de ces différentes petites charges, on
pouvait espérer que la retraite s'effectuerait sans nouvel
incident, et c'est ce que croyaient un certain nombre de
Mobilisés des deux légions absolument mélangées qui, au
nombre de quatre cents à quatre cent cinquante environ,
ralliés autour des lieutenants-colonels Tessié de la Motte
et Bonneville, et des commandants de Maillé et de la
Frégeolière, suivaient la grand'route de Tours, le fusil sur
le dos, causant avec la tranquillité et presque rinsouciance
de gens qui venaient de gagner la bataille. Sur un chemin
parallèle à la grand'route d'aUtres soldats battaient eu
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retraite. Les Prussiens, qui les suivaient, s'arrêtèrent
devant la deuxième brigade du général Pisatii, rangée en
bataille, avec de Tartillerie, en avant de Notre-Dame d'Oé
et de Champaigné. lisse contentèrent de placer en batterie,
à Touest de la route et au nord de la Bourelerle, de Tartil-
lerie qui, au soleil couchant, envoya quelques obus inof-
fensifs.
Tout à coup, au moment où sur la grand'route la colonne
des quatre cent cinquante derniers Mobilisés s*engageait
dans une sorte de tranchée longue de deux cents m(Hres
environ, formée par les talus de la route, talus de tiois
mètres de hauteur, en face du hameau de la Miletière, le
commandant de Maillé, qui marchait à Tarrière-garde de
cette colonne , signala un gros de cavalerie prussienne
qui s'avançait par la route, pour rejoindre la colonne.
C'était un escadron du 2® Régiment de uhlans de Pomé-
ranie, qui chargeait en colonne par pelotons en pleine
grand'route, Tétat du sol détrempé Tempéchant de se
déployer dans les champs. Le commafldant de Maillé, à !a
vue du danger que courait la petite troupe des Mobilisrs
dans une pareille circonstance et du désordre périlleux pii
pouvait en résulter, eut une seconde d'anxiété : — a Vous
n'allez pas avoir peur, au moins, les gars? » demanda-t-il
aux soldats qui l'entouraient. — « Non, mon coin-
mandant, tant que vous serez avec nous, nous n'aurons pas
peur ! » fut la réponse héroïque que lui firent ses Mobilisés,
parole d*une éloquence sublime, qui dut singulièrement
récompenser le commandant de Maillé du sacrifice qui!
avait si crânement fait de sa vie ce jour-là, en lui prouva lU
à quel point il s*étail emparé de l'âme et dû cœur de ses
Mobilisés.
Il en profila vivement pour mettre un peu d'ordre il an s
ce désordre. Le lieulenant-cdonel Bonneville, gardant tout
son sang-froid dans cette passe difficile, commande éner-
giquement aux hommes de se ranger à droite et à gauche
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— 352 —
de la route ; puis, faisant grimper son cheval sur le talus
du fossé, il recommande instamment aux soldats de pré-
parer leurs fusils* mais de ne pas tirer avant son comman-
dement. Tous les officiers en font autant et^ au moment
où Tescadron prussien en plein galop de charge, empêché
par rencaissement de la route de se développer dans les
champs, s'engage dans la large ouverture de cette tranchée
humaine, frôlant presque le lieutenant-colonel Tessié de la
Motte et les commandants de Maillé et de la Frégeolière,
héroïquement restés à cheval au front des Mobilisés, sur
le revers du talus, au signal donné, un feu de file froi-
dement et posément dirigé couche sur la grand'route l'esca-
dron entier des uhians.
Ce fut un spectacle inoubliable, mais tristement impres-
sionnant, même pour les Mobilisés qui venaient, par leur
discipline et le sang-froid de leurs chefs, d'échapper à un
si grand danger, que le spectacle de ces cavaliers tombant
à la file, les uns sur les autres, comme des châteaux de
cartes, et criblés de balles. Un lieutenant qui, chargeait en
tête de l'escadron, traversant avec la rapidité de l'éclair
une partie de la colonne des Mobilisés, vint avec son
cheval s'effondrer, la tête et les mains en avant, aux pieds
du lieutenant-colonel Bonneville, de telle façon que son
sabre se piqua par la pointe dans le bas-côté de la route.
Couvert de blessures, la tête ensanglantée, il levait instinc-
tivement la main droite, comme pour demander grâce. Le
lieutenant-colonel Bonneville lui sauva la vie, en empêchant
un soldat exaspéré de lui donner un coup de baïonnette,
mais il fit ramasser son sabre, une magnifique arme
d'honneur, sur laquelle était gravé, en tête des donateurs,
le nom du duc Guillaume de Mecklembourg et dont cet
officier risquait follement la perte, en la portant dans la
bataille. Le lieutenant de uhians, ramené à Tours à l'am-
bulance du Musée, guérit de ses blessures.
Le sergent Grangereau, de Saint-Hilaire-du-Bois, se
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— 383-
montra lui aussi plein d'humanité envers un uhian blessé
à répaule, dont, avec quelques camarades, il pansa la
blessure, avant de l'emmener prisonnier à Tours.
Tout compte fait, des quatre-vingt-cinq cavaliers de l'es-
cadron de ublans, il restait intacts trois bommes et quelques
blessés, qui furent dirigés sur Tours, avec les quatre cbe-
vaux qui purent faire la route, neuf autres, que les mobi-
lisés voulaient emmener, étant tombés sur la route morts
de leurs blessures. Et, pour donner une idée de Télat des
soldats prussiens après cette charge, le Mobilisé Delaunay,
du bataillon de Cholet, emportait avec lui un casque troué
de huit balles*
Cela fait, beaucoup de mobilisés s'étaient précipités sur
les uhlans, pour les dépouiller de leurs armes, qu'ils
voulaient emporter comme trophées, lorsque le lieu-
tenant-colonel Bonneville aperçut briller sur la route de
Monnaie les cuirasses du Régiment de la Reine N"" 2,
colonel de Pfuhl, qui chargeait à sept ou huit cents
mètres derrière les uhlans. Dans un pareil moment, c'était
la mort presque certaine : mais, toujours à l'arrière-garde,
le commandant de Maillé avait vu le danger et pris toutes
précautions pour y parer. A son commandement toujours
obéi, ses gars de Vihiers et de Ghemillé s'étaient rangés
en bataille sur le bord de la route, du côté gauche, et,
leurs fusils rechargés, attendaient de pied ferme les cui-
rassiers, qui ne vinrent pas. Cette attitude martiale, la vue
de TefTondrement des uhlans et sans doute aussi l'artille-
rie et les troupes de la deuxième brigade en bataille devant
Champaigné leur firent faire demi-tour.
Malheureusement ce succès avait été chèrement acheté
par nos braves Angevins : un certain nombre de balles
françaises, au travers de la route, étaient allées frapper
des Français, et douze Mobilisés de Maine-et-Loire, mor-
tellement blessés dans cette affaire, reposent aujourd'hui
dans le cimetière de Saint-Symphorien, près Tours. Ce sont
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- 354-
le lieuteo9Rt Théophile Grenouilleau, de Montrevault; les
soldats Paul Uqmbert, Auguste Morin, Pierre Boursier,
Raymond Cavigné, Victor Lagauze, Léon Bonnet, Jules
Depardieu, Jean-Claude Foulard, Adolphe Çodin, morts
sur le champ de bataille ; Silvajn Grange et François
Robert, emportés à l'ambulance à Tours, où ils sont décé-
dés. Le procès-verbal officiel d'identité constate que plu-
sieurs de ces jeunes gens, }e lieutenant Grenouilleau
notamment, portaient sur eux des chapelets et des sc^pu-
laires.
On peut ajouter à cette liste Andreau, de Saint-Paul-dy-
Bois, mort de ses blessures deux mois après. Au nombre
des blessés se trouvaient entre autres, le capitaine Hiron,
la cuisse traversée par une balle, et Henri Bertrand, de
Cossé.
— t.a retraite, dès lors, ne fut plus inquiétée. Lorsque,
vers cinq heures du soir, les troupes se préseptèrent ^\i
pont de Tours, pour rentrer dans' la ville, un orfire du
général Pjsani les fit diriger $ur Langeais, à sept lieues de
Tours, où elle^ n'arrivèrent qu'à onze heures du sojr, sous
la pluie, brisées p^r J^ fatigue et par la faim, car beau-
coup de mobilisés n'avaient pas mangé de pain de Ja joyr-
née.
Le lendemain, la 2® Légion gagna à pied la Chapelle, où
elle fut embarquée pour Saumur.
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- 355 -
CHAPITRE V
Aprte la Bataille
Les Prqssiens étaient restée maîtres (}ii champ de bataille
de Monnaie et ils purent dire, dans leurs dépêches, que le
général de Voigts Rljetz ayait rejeté eq désordre sur Tours
nos troupes, de Mopnaie par Notre-Dame d'Oé. Le général
eq chef prqssien, en effet, s'installa au château du Mortier,
daqs la copamune de Chanceaux, et le reste de son état-
iq^jor demeura aux Belles-Ruries, tandis que les avant-
postes, fournis par la 38' Brigade, furent établis entre
rApgenperie et Parçay. Mais, grâce h l'énergique résis-
tance de? Mobilisés de Maine-et-Loire, doqt la retraite de
nuit en bon ordre fut le résultat, quoiqu'en djse la dépécl^e
prusgienqe, r^y^int-ggrde du X* Corps prussien ne put
reqiplir la mission dont elle était chargée, de couper lai
voie ferrée de Tours au M^ins, et le général de Voigts
Rhetz ne pqt arriver à connaître ni les forces des troupes
fr^qçajsps, ni l^ direction qu'elles avaient prise. Il fit
preuve d'une très graqde prudeqce et chercha, le lende-
nqain, à se procurer des renseignements plus exacts avant
de prescrire au général de Woyna de se porter sur Tours
gvec six bataillons, six escadrons, deux J)atteries d>rtil)e-
rie, d^ux compagnies de pionniers, et avec ordre de q'oc-
cuper la ville qq'^utant qu'il le pourrait saqs engager qne
affaire sérieuse.
|L,es troupes n'entrèrent point à Tours, m^îs Fartillerie,
pour venger soi-disant la mort d'un uhlan et la blessure
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^
— 356 ^
du major, depuis général Von Scherff, assaillis de plusieurs
coups de fusils lorsqu'ils voulurent s'avancer jusqu'à la
place Choiseul, envoya sur la ville une trentaine d'obus
qui tuèrent six personnes et en blessèrent quelques autres.
Ce même jour, 21 décembre, le préfet de Tours, nommé
Durel, lorsqu'eut été signalée Tapparition de l'ennemi,
s'était empressé de quitter sa préfecture pour se rendre à
Chinon. Il est vrai qu'une fois rentré à Tours, le 22 au
soir, après le départ des Prussiens, il eut soin de donner,
par affiches, à ses administrés, une assez singulière expli-
cation de sa conduite : « Les Prussiens apparaissant, disait-
il, mon devoir m'imposait l'obligation de quitter le chef-
lieu du département et de me rendre sur un autre point,
afin que la suite de mon administration ne fût point inter-
rompue. Les préfets, sous-préfets et autres agents supé-
rieurs du pouvoir central doivent garder leur pleine liberté,
afin de pouvoir continuer la lutte. . . Dans le cas où, pour-
suivant sa marche, l'ennemi eût menacé Chinon de près,
je n'eusse pas hésité à me transporter sur un autre point,
et jusque dans le dernier canton resté libre, pour y accom-
plir librement mon devoir. »
Avec une autre conception de leur devoir pendant le
bombardement, le maire de Tours, M. Gouin, et ses deux
adjoints, MM. Magaud-Viot et Noirmant, n'hésitèrent pas,
pour aller demander la cessation du bombardement,
accompagnés par le sergent de ville RouUeau, qui portait
un mouchoir blanc attaché à un bâton, à s'avancer en par-
lementaires au haut de la tranchée, pendant que les obus
sifflaient au-dessus de leurs têtes.
Pendant la nuit suivante, du reste, la nuit du 21 au
22 décembre, l'armée prussienne, cantonnée aux environs
de Tours, avait évacué précipitamment Notre-Dame d'Oé,
Monnaie et Châteaurenault, pour rentrer dans le Blésois
par Reugny, Montreuil, Autrèche, Dame-Marie et Her-
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— 357 —
bault, abandonnant ses vivres, ses blessés et ses morts,
rappelée qu'elle était pour être prête à toute éventualité, à
la suite du demi-succès obtenu par les troupes françaises
sous Paris, le 21, à Neuilly-sur-Mame, au Bourget, à Mon-
tretout et à Buzenval.
En résumé, le combat soutenu à Monnaie par les Mobi-
lisés de Maine-et-Loire permit au rapport officiel de TÉtat-
Major français de dire qu'il eut pour résultat d'arrêter le
X* Corps prussien, d'empêcher l'opération dont il était
chargé, et d'occuper la ville de Tours, ainsi que les pas-
sages de la Loire et les nombreux chemins de fer qui cou*
vergent sur ce point.
Ce rapport est très élogieux pour les Mobilisés de Maine-
et-Loire, dont l'organisation était à peine achevée et dont
il loue le courage et la bonne contenance, ainsi que la
régularité du tir, aussi bien à l'attaque, en face des
Belles-Ruries, que dans une retraite difficile et périlleuse.
Les Prussiens ne pouvaient pas croire qu'ils avaient eu
afiaire seulement à quelques milliers de Mobilisés enrégi-
mentés depuis cinq semaines, et la conviction qu'ils
avaient en tête de nombreux soldats, appuyés par des
troupes de soutien, les empêcha longtemps de sortir des
positions dans lesquelles ils étaient bien abrités.
C'est ce que rapportèrent l'aumônier, l'abbé Huchon, et
les médecins des deux légions, qui avaient été faits prison-
niers sur le champ de bataille et, malgré leur caractère,
retenus par les Prussiens, pendant deux jours, pour soigner
leurs blessés. Ces messieurs rejoignirent les légions à
Saumur.
Pareil renseignement fut également recueilli par le
capitaine Chaboisseau, de la 2* Légion, lorsqu'il fut
emmené prisonnier : « Vous aviez donc un corps d'armée
engagé, lui demanda à brûle-pourpoint un capitaine
prussien à qui il se rendit, pour nous tenir aussi long-
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n
- 3S8 -
temps? -^ Nou§ étions tout juste trois ou quatre mille
Mobilisés, saps artillerie, répartit Chaboisseau, et ^i peu
ejfpérimeatés que dans vfion bataillon nous n'étions pas
plus de deux ou trois à avoir été soldats ! '— Ce n'est pas
possible. — C'est pourtant absolument vrai ! — Eh bien !
si nous Toussions cru, il y a longtemps que vous eussiez
tous été faits prisonniers. »
Nos pertes furent évaluées par TÉtat-Major allemand à
trois ou quatre centg homnoesi plus une centaine de
prisonniers non blessés, tandis que le rapport officiel de
pe piôrpe État-»Major n'avoue de son PQté que cent hommes
environ hors de combat. Cette appréciation est purement
fantaisiste, sauf pour le nombre des prisonniers.
L,es Français eurent exactement soixante et onze morts,
dont soixante-cinq Mobilisés de Maine-et-l,oire, quatre
mobiles de Seine-et-Marne, un mobile de la Gironde et un
sergent du 4* zouaves* Au nombre de ces morts il f^nt
compter quatre officiers, le^ capitaines Prault et Mocquereau,
le lieutenant GrepQÛilleau, ces trois officiers de la ^ Légion,
et le lieutenapt Génon, de la S"" Légion.
Parmi )es nombreux blessés, dont quelques-uns sont
morts plus tard des suites de leurs blessure^, on comptait
quinze officiers, dont neuf dans la 2^ Légiop, et parmi eux
le commandant Blavier, les capitaines Pineau, Hiron,
Audoin, de Beaurepos, de la 4* Compagnie du 1*^' Bataillon,
le lieutenant Clémot, et six dans la 3^ Légion, le comman-
dant Moreau, les capitaines Duboule, de la l'* Compagnie
du l*"" Bataillon, et François, le lieutenant Paul Albert, le^
sous-lieutenants Bodin et Fouassier. Le commandant
Mugnier, chef d'État-Major, fut lui aussi très grièvement
blessé.
Au nombre 4es prisonniers sie trouvaient le capitaine
Qbaboisseau, le lieutenant Jeaneteau, les sous-lieutenants
Blanchard et Viau, de |a 2* Légion» ainsi que deux soldats
du 114* de Ligne. Au total on peut compter que le combat
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j
— 389 -^
de Monnaie nous coûta vingt-quatre officiers et environ deux
cents sous-officiers ou soldats hors de combat.
Il nous est beaucoup plus difficile de fixer le chiffre des
pertes des Prussiens. Le colonel Cléret-Langav^nt, nommé
général à la suite du combat de Monnaie, évalue» dans un
rapport, ces pertes à cinq cents hommes hors de combat,
dont quatre ou cinq officiers supérieurs. C'est peut-être
exagéré; mais on peut dire hardiment, sans crainte de se
tromper, qu'elles dépassèrent celles des Français. Ceci
résulte péremptoirement du rapport des médecins français,
et potamment du docteur Lemardelay, retequ deux jours
par les Prussiens, pour soigner les blessés indistinctement ;
ceci résulte ausgi de ce fgit que les Prussiens emmepèrent
de Tambulance deg Belles-Puries trente-trois voitures
pleipes de leurs blessés, voitures dont vingt avaient été
réquisitionnées à Châleaurenault.
Le docteur Lemardelay a pu également constater la
mort de deux colonels et dire qu'un troisième colonel,
qu'il avait été appelé à soigner, n'avait guère chance de
survivre à ses blessures. Il paraît certain aussi qu'un
officier supérieur, que Ton dit être le général Wedel, blessé
grièvement ^ Meslay, a été transporté dans upe n^^igon de
campagqe voisine de Ql^âteaurenault.
Cent quinze chevaux epfin, dont deux seulement français,
furent enfouis par les habitants du pays.
Ce fut du reste un triste et doulourepx spectacle que
celui du champ de bataille de Monnaie, pour les nombreux
curieux qui le visitèrentdanslajournéedu jeudi 22dépembre,
aussitôt après que se fut répandu le bruit de la retraite des
Prpssiens. Bei^ucoup d'habitants de Tourg se rendirent
entre lat Petite-Arche et Qhizay, sur le terraip où avsiient eu
lieu la dernière et émouvante charge que poqs avons
racontée et la destruction d'un escadron dq 2® régimpnt
de uhlans de Poméranie. Lps chevaux de cet escadron
étaient étendus sur la route, dans les fossés et jusque sqr
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- 360 -
le bord des champs voisins, partout où la douleur de leurs
blessures les avait emportés.
Près d'eux gisaient les cadavres de leurs cavaliers, Tex-
pression de leurs visages encore crispée et comme
menaçante, criblés de balles. Çà et là le sol était taché de
larges plaques de sang. Puis, spectacle plus émouvant encore
pour les cœurs français, au milieu des cadavres prussiens,
se voyaient aussi les corps des dix pauvres petits Mobilisés
de Maine-et-Loire, atteints mortellement par des balles fran-
çaises dans cette sanglante affaire, et qui avaient payé de leur
vie le salut de leurs camarades. L'un d'eux s'était traîné,
pour aller mourir, jusque dans un hangar où il fut retrouvé,
derrière la petite maison bâtie dans le talus même de la
route, cette petite maison criblée de balles et où se distingue
aujourd'hui encore la trace des obus reçus à la fin de la
bataille.
Tous ces morts avaient été dépouillés de leurs chaussures^
de leurs coiffures et de leur argent, soit par les Prussiens,
soit par des maraudeurs.
Le spectacle était à peu près le même auprès de Meslay
et autour de la Gaubretelle, aux environs des Petites et
des Belles-Ru ries. Beaucoup de maisons, la ferme de
Bellevue notamment, étaient horriblement saccagées, leurs
portes et leurs meubles défoncés, les appartements remplis
de paille pour la couchée, avec des restes de feux allumés
dans les cours et le long des murs, et jusqu'à des reliefs
de grossiers festins qui indiquaient le passage d'un ennemi
dévastateur.
Les habitants du pays enterrèrent provisoirement tous
les morts, là où ils avaient été trouvés, indiquant le plus
souvent l'emplacement de la sépulture des soldats français
par une baïonnette piquée en terre et à laquelle était attaché
le képi du cadavre.
Lorsque la 2® Légion de Maine-et-Loire revint occuper
Monnaie à la fin de décembre, les choses étaient encore en
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J
r
- 361 -
cet état. Plus tard, les morts prussiens furent relevés et
emportés par leurs compatriotes. Les corps des Français
furent placés dans le cimetière de Monnaie.
Un curieux document aussi fut trouvé sur le champ de
bataille, document perdu, sans doute, par quelque officier
de rÉtat-Major du général de Woigts-Rhetz. C'était un
paquet assez volumineux de proclamations imprimées, ou,
pour employer les termes mêmes de ce document, un
forum militaire extraordinaire^ publié au quartier-
général à Orléans, le 8 décembre, dont les prescriptions
étaient déclarées appliquâmes dans quatorze départements,
notamment dans ceux du Cher, de Tlndre, d'Indre-et-Loire,
de la Vienne, des Deux-Sèvres et du Maine-et-Loire. Tout
fait supposer qu'il était destiné à être affiché sur les murs
de Tours, après l'entrée, qui n'eut pas lieu, des Prussiens
dans cette ville. C'était de leur part escompter assez auda-
cieusement l'avenir, que d'édicter des prescriptions pour
des pays non encore occupés par eux. Il est à croire que
leur but était principalement d'intimider les populations.
Cette proclamation pouvait donner un avant-goût des
douceurs réservées aux pays soumis au régime prussien.
Le général commandant menaçait de mort toutes les per-
sonnes étrangères à l'armée, qui serviraient d'espions ou
de guides aux troupes françaises, et toutes celles qui
détruiraient des ponts ou des canaux, ou qui couperaient
les communications des chemins de fer, des routes, des
télégraphes, etc., etc. Au total, il y avait cinq cas de mort
dûment spécifiés, avec toutes les circonstances également
punissables de la même peine, qui s y rattachaient.
— Un certain nombre de décorations vinrent récompenser
nos Mobilisés de quelques-uns de leurs beaux actes de cou-
rage. J'ai déjà parlé des croix données au commandant
Blavier et au capitaine Pineau, ainsi que de la médaille
militaire décernée au sergent Duc. Le lieutenant-colonel
Bonneville reçut lui aussi la croix de chevalier de la Légion
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— 362 -
d'honneur, qu'il avait si bien gagnée, ainsi que le capitaine
Proust, officier d'ordonnance du général Gléret-Langavant,
et qui, au milieu du combat, fut roulé avec son cheval par
un obus, sans grand mal heureusement.
J'ai été assez heureux pour retrouver aux archives de la
préfecture de Maine-et-Loire les propositions motivées
pour un certain nombre de décorations, propositions qui
reçurent une solution favorable par un décret du 5 février
1871. Je ne puis résister au désir de reproduire cette pièce,
telle qu*elle est, danô sa courte et admirable simplicité :
Pour la croix de Chevalier de la Légion d'honneur :
Duboule, capitaine, 3* Légion (blessé) ; De la Frégeolière,
chef de bataillon, 2« Légion (62 ans) ; Mocquereau, capi-
taine, 2* Légion (blesâé); De Maillé, chef de bataillon,
2* Légion (conduite héroïque).
Pour la médaille militaire ; Marchand, fusilier, 3* Légion
(blessé); Boissinot, caporal, 2® Légion (blessé); Viau,
soldat, 2* Légion (a fait l'admiration générale) ; Chenay,
caporal, 2"" Légion )a sauvé son lieutenant blessé).
{Combat de Monnaie.)
Les corps des soldats français morts sur le champ de
bataille de Monnaie et enterrés provisoirement là où ils
avaient été trouvés furent relevés avec soin et transportés
au cimetière de Monnaie, ainsi que les soldats morts dans
les ambulances voisines, pour être placés dans une con-
cession à perpétuité donnée par la commune.
En 1872, M«' Freppel, évêque d'Angers, vint à Monnaie
présider la cérémonie de bénédiction et d'inauguration
d'un monument élevé sur leur tombe. C'est une pyramide,
surmontée d'une croix, et qui porte gravé, sur la face sud,
une palme de lauriers; sur la face est : Société française
de secours aux blessés^ comité de Monnaie ; sur la face
oueât : Honneur aiuv Mobilisés de Maine-et-Loire et de
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Seine-et-Marne y et enfin sur la face nord, les noms des
morts.
Voici la reproduction exacte de cette liste :
MAINE-ET-LOIRE
Brault, capitaine; Lefort, sergent;
Mocquereau, capitaine; Oranger,
Gennon, lieutenant; Moriceau,
Besson, sergent; Bompas^
Denchère, sergent; Bidouët.
Amiot — Ayrault — Baron — Baurery — Bazin — Beau-
jon -^ Beautnotil — Bernard — Birôn — Blouîn — Bodi-
nier — Boursier — Buffard — Chailloux — Chamaille —
Chemineau — Cottencèau -- Courant — Daburon — Delaître
— Delauùay — Desriez - Drouet — Quibrây — Jeannot —
Just — Lanvue — Maindron — Marchand — Mariette *—
Morisseau — Noyer — Piroû — Pasquier, Pierre — Pasquier,
François — Plot — Reûou — Simonneau — Turpaull —
Tessier — Theulier — Valter.
SEINE-ET-MARNE
Gaslon — Baldère — Ëeaumont — Lubin.
Bridhon, sergent au 4® zouaves.
J'ai donné, plus haut, leânôms du lieutenant Grenouilleau
et des onze Mobilisés qui avaient trouvé la mort à la Petite-
Arche, sur le territoire de la commune dé Sâlnt-Sym-
phorien.
L'administration de cette commune fit relever leurs corps
sur le champ de bataille et, après les avoir déposés dans
des cercueils, leur fit donner dans son Cimetière une sépul-
ture religieuse. Un monument a été élevé sur leur tombe.
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364 —
CHAPITRE VI
La Campagne dn Bangeois
Lorsque la 2® Légion des Mobilisés fut de retour à Sau-
mur le 22 décembre, le Lieutenant-Colonel et les Comman-
dants eurent fort à faire pour réorganiser les Compagnies.
Cent cinquante hommes environ hors de combat ou pri-
sonniers manquaient à l'appel dans la T Légion, et parmi
eux seize officiers. Les cadres du 4* Bataillon étaient com-
plètement désorganisés. Dans la 1"* Compagnie, le sous-
lieutenant Viau, prisonnier, fut remplacé par M. Chalet,
précédemment sergent-major. Dans la 2« Compagnie le
capitaine Alfred Pineau, obligé de soigner sa blessure, dut
céder le commandement de sa Compagnie à son sous-
lieutenant Germain Cagneux.
La désorganisation était encore plus complète dans la
3* Compagnie, qui avait perdu tous ses officiers. Le capi-
taine Hippolyte Dixneuf, de Chemillé, précédemment capi-
taine en deuxième, puis ensuite en premier, de la 1"^® Com-
pagnie, fut nommé au commandement de la 3* Compa-
gnie ; Jules-Pierre Saulou, de la Salle-de-Vihiers, précé-
demment lieutenant de la T Compagnie, du 2* ban, passa
avec son grade à la 3« ; Pascal Jouin, sergent-major, fut
nommé sous-lieutenant dans la même Compagnie.
D^ns la V Compagnie enfin, Auguste Derouineau,
d'abord capitaine en deuxième de cette Compagnie, puis
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envoyé à Montsoreau, avec les Mobilisés du 2* ban, comme
capitaine de la 8* Compagnie, vint prendre la place du
capitaine Chaboisseau, prisonnier.
D'autre part, à partir de ce moment, les quatre Compa-
gnies du second ban, portant les n~ 5, 6, 7 et 8, du
4* Bataillon, furent commandées, la 5* par le capitaine
Gavard, avec le lieutenant Besnard et le sous-lieutenant
Banchereau, tous les trois de Chemillé ; la 6* par le capi-
taine Edouard Pineau, des Gardes, avec le lieutenant Jean
Cottenceau, de Melay, et le sous-lieutenant Henri Jacquet,
de Cessé; la 7"" par le capitaine André Lemoine, de Nueil,
précédemment lieutenant à la 8*», et qui conserva pour
sous-lieutenant Léon Cagneux, d'Aubigné, et pour ser-
gent-major Charbonnier, de Cléré ; la 8* enfin par le capi-
taine Jean Terrien, de Tigné, précédemment capitaine de
la 8* Compagnie.
Des quatre chefs de Bataillon de la 2^ Légion, deux
furent, après Monnaie, indisponibles, le commandant Bla-
vier, par suite de sa blessure, et le commandant Ransber-
ger, malade, qui ne reparut plus à la tète du 3"" Bataillon.
Ce fut, à partir de ce moment, le commandant de Maillé,
qui prit officiellement le commandement du 3® Bataillon,
en même temps que du 4*.
— Dès le 21 décembre, le général Chanzy, commandant
en chef de la 2^ Armée de la Loire avait, du Mans, prescrit
au général Pisani de rallier les troupes du général de Cur-
ten et de se porter avec lui sur Château-la- Vallière, pour
couvrir Tours. Le 27, le général en chef prescrivait au
général Cléret de prendre position à Saint-Antoine-du-
Rocher, avec avant-postes à Cérelles et àNotre-Dame-d'Oé,
et de s'éclairer dans la direction de Monnaie avec les esca-
drons du colonel Lacombe. Le général Cléret, ayant à cette
daté remplacé le général Pisani, ^e trouva placé sous les
ordres du général deCurten. Ce dernier avait pour mission
d'appuyer les mouvements du général de Jouffroy, de sur-
24
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-. 366 -
veiller la marche de l^ennemi dans la vallée de la Loire et
de couvrir la ligne ferrée de Château-du-Lôir à Tours.
Sa colonne était forte de dix mille hommes dMnfanterie,
des huit escadrons de cavalerie du colonel Lacombe et de
quatre batteries d'artillerie.
11 occupait le 30 décembre Châteaurenault, où le géné-
ral Cléret venait le rejoindre. Depuis la veille, la 2* Légion
des Mobilisés de Maine-et-Loire était établie de nouveau à
Monnaie ; elle y séjourna, ou dans les environs, une dizaine
de jours. Elle demeura en soutien, pendant qu'une partie
de la colonne dii général de Curten prenait part aux enga-
gements livrés autour de Vendôme et de Châteaurenault,
ïe 1*' et le 2 janvier à Longpré et à Lancé, le 6 à Ville-
thioUt.brillaïûtoent o(5ç(ipé par le colonel Jobey, k 7 à
Villechâuve.
Le dimanche 8 janvier, les troupes fi'ançaîses furent
violemmeîït attaquées sur la ligne de Saint-Cyr-eh-Gàult
à Authon. Toutes nos positions fureiït énergiquement con-
servées, sauf Authoft, mais nos troupes, pour ne pas êtt*e
tournées, furent obligées de se replier sur Châteaurenault,
où elles furent de nouveau attaquées le lendemain, 9.
Après une lutte acharnée dans l'intérieur même de la
ville, elles durent abandonner Châteaurenault à l'enùémi
et se replier sur Villedômer.
Tandis que la 1"* Légion de Mobilisés de Maine-et-Loire
était engagée le 10 janvier dans le combat de Parigné-
rÉvêque, la 2* Légion dut le 12 se retirer de Monnaie
devant les Prussiens, qui occupèrent de suite ce bourg et
furent maîtres de tout ce pays jusqu'à Tours. t
La désastreuse bataille du Mans, soutenue par le général
Chanzy les 10 et 11 janvier, était définitivement perdue ce
même jour 12 janvier, et la 2^ Armée de la Loire obligée
de retraiter sur Laval. Nos Mobilisés, avec le général Clé-
ret, se replièrent, pour assurer la défense du val de la
Loire d'Angers à Sàumr Les 3* et 4* Bataillons de là
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— 361 -
2* Légion Vinrent occuper âucfcessivettient les Rosiers,
BeanfôH, puis Baugé, où ils séjournèrent deux ou trois
jours, avant de venir à tJlëfs.
Pendant que lai 2* Légion de Maine-et-Loire était à
Baugé, le 24 janvier, des mobiles du Gers, énvclyés eu
grand*garde, vinrent occuper la ferme de la Touche^
située à gauche de la i-otite de Clèfô à La Flèche, à quatre
kildtrlètres environ de Clefs, un peu au-delà du château de
la Bèrtraie. Deux ùhlans, venus ce jour-lâ de La Flèche eri
i'econndissance, essuyèrent df^s coups de fusils d'une petite
colonne française, postée à la hauteur de la Bertraie, et se
retirèrent sur La Flèche.
Le château de la Bertraie, propriété aujourd'hui du
comte d'Alton, sur Textréme limite de la commune de
Clefe et du département de Maine-et-Loire, est situé à trois
cents mètres environ sur la droite de la grande route de
Baugé à La Flèfche, dominant un plàteati et envirotiné dé
bois. La ronte, à partir de ce ptiint, descend pat une longue
pente, laissant sur sa gauche, à quelques pas seulement,
la ferme de Isl Féauté et celle de la Touche, uh peu plus
bas que lé château de la( Bertraie, pour traverser le petit
ruisseau de Mélinais, à l'arche de Mordonet, et remonte
ensuite, entre deux rangées de peupliers, jusqu'à la ferme
de Prisebonne, située, elle aussi, sur la gauche. Les bois,
qui avaient cessé de border la routé à la hauteur de la
fiertraie, reprennent à cet endroit. Des tranchées avaient
été faites sur ïtL route, à la hauteur de l'avenue de la Ber-
traie et vis-à-vis de Farchè de Mordouet.
La tradition rapporte que, le ^ janvier, un Mobile, ou
Ifônc-tit^ur, je ne sais lequel, était parvenu, en se glissant
Itftit près du poste prussien de Prisebonùe, à tuer sept
Soldats allemands. Découvert dans sa cachette, entouré par
les prussiens, grièvement blessé à la tête et fàirt prisonnier,
il n'aurait pas néanmoins perdu la vie. Ce même jour, une
•dizaine de nhlans s'aventurèrent jusqu'à la fernie de^ la
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'1
- 368 —
Touche, précédemment évacuée par les Français, ainsi
que les hauteurs de la Bertraie ; mais ils avaient eu soin
de faire marcher devant eux, pour se protéger contre les
coups de fusils des avant-postes, un Français, le fermier
voisin du Plessis, François Lusson. Ce que voyant, le pro-
priétaire de la Touche, nommé Laurent Freslon, ancien
militaire, avec un sang-froid courageux, n'hésita pas à
s'avancer vers les Prussiens et, tout en parlementant avec
eux à la porte de sa maison, il parvint à faire évader
François Lusson, qui gagna rapidement les bois par la
Féauté. Le dévouement de Laurent Freslon pouvait lui
coûter la vie; il en fut quitte pour des menaces et quelques
coups, mais sa maison fut envahie et fouillée par les
uhians, pour s'assurer qu'elle ne cachait aucun soldat
français. Après quoi les uhians regagnèrent La Flèche.
Ce môme jour, 25 janvier, vers la tombée de la nuit,
arrivaient à Clefs, sous le commendement du colonel
Tessié de la Motte et du commandant de Maillé, les S"" et
4* Bataillons de la 2* Légion des Mobilisés de Maine-et-
Loire, venant de Baugé. Ces Bataillons formaient, avec les
deux Compagnies des Mobiles du Gers, repliées de la Ber-
traie sur Clefs, un escadron de cuirassiers et quelques
hussards sous les ordres d'un officier, une petite colonne
de quinze cents à deux mille hommes, soutenue par deux
pièces d'artillerie. Toutes ces troupes couchèrent à Clefs.
Le lendemain 26, dès le matin, le commandant de Maillé
partit dans la direction de La Flèche, à la tête de toute
l'infanterie de la colonne. Sur la route, des éclaireurs
vinrent lui signaler la présence des Prussiens au château
de la Bertraie. Quittant alors la grande route, guidé par
un garde-chasse à travers les bois, sur la droite, le com-
mandant de Maillé fit avancer ses soldats en silence, par
des sentiers, un à un, en file indienne, et gagna le château
de la Bertraie, qui fut immédiatement occupé.
Le renseignement était inexact ; mais, si les Prussiens
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— 369 —
n*étaieQt pas au château de la Bertraie, ils n'en étaient
pas loin, et presque aussitôt quelques coups de fusils,
suivis bientôt d'une assez vive fusillade, indiquèrent leur
présence au bas de la côte de Prisebonne, au-delà du ruis-
seau de Mélinais. C'étaient des cavaliers français, de la
petite colonne de Clefs, qui, venus en reconnaissance jus-
qu'auprès du ruisseau, avaient engagé très crânement
l'action avec les avant-postes prussiens. Leur petit nombre
les obligea à se replier sur les Mobilisés de Maine-et-Loire.
Profitant alors de l'avantage incontestable que lui donnait
la configuration du terrain, le commandant de Maillé
. déploya vivement ses tirailleurs du château de la Bertraie
aux bois qui couronnent des deux côtés les hauteurs de la
route et jusqu'autour de la ferme de la Féauté, et les
Mobilisés ripostèrent vigoureusement à la fusillade des
Prussiens.
Le colonel Tessié de la Motte, avec une escorte de cui-
rassiers et de hussards, vint à ce moment-là prendre le
commandement des troupes placées sous les ordres du
commandant de Maillé. Les bois qui bordent la grande
route furent occupés et les deux pièces d'artillerie, placées
en batterie dans l'avenue même du château, envoyèrent ^
aux Prussiens sept ou huit obus.
La fusillade continua de onze heures et demie environ
jusqu'à deux heures, sans grandes pertes pour les Fran-
çais, en raison, je le répète, de la mauvaise position des
tirailleurs prussiens dans le bas de la côte de Prisebonne.
Mais ces derniers étaient appuyés par quatre pièces d'ar-
tillerie à longue portée placées, non loin de La Flèche,
sur les hauteurs en arrière de Prisebonne et qui, grâce à
la ligne droite de la route de La Flèche à Clefs, balayaient
cette route avec une incroyable précision de tir, en même
temps que leurs tirailleurs portaient de ce même côté tout
l'efibrt de leur fusillade et en rendaient le passage impra-
ticable. Dans ce passage seulement, et sur une largeur de
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cinq Aenta m^trea^ résiidait le danger pour nosi Mpbili3^&*
mais il était trè§ grand ; presque lou^ les ob|jp éclataient
sur la roqte durcie par la gelée, à la haijteur à peu près
„(Je la Féauté, et les Prussiens en envoyèrent bien une tren-
taine. Il fallut toute l'énergie et Texemple du lieutenant-
colonel Tessié de la Motte et du commandant de Maillé
pour décider leurs soldatîi à s'y engager.
On montre encore aujourd'hui, tout près d'un trou creusé
par un obus et religieusempnt conservé par les cantOD^jers,
sur le bas-côté de la route, remplacement exact où, malgré
le dainger, up petit Mobile du Gers ^'était blotti dans Ip
foBsé de la roijte, du côté gauche, le long de la baie, à
quelques mètres seulement de la ferme de }a Touche. De
cette place périljeuse, que le Mp^lot pouvait se vanter,
sans exagération, d'occuper le plus près de l'ennemi, il
épuisa, en visant posément, ses trois paquets de C^]>
touches ; puis, cela fait, il remonta vers l'avenue de la
Rertraie rejqindre ses capiarades, en se protégeant le long
de la h^ie, échappant comme par mjr^cle aux obu^ et ^ |^
fusillade.
A fjeux heures, les prus^ieps durent ^o replipï" sqr l^a
Flèche, abandonnant le terrain à nos Mobilisés. Ils 3y?ien|;
eu, croit-on, environ quatre-vingts honr^mes hors fje pom-
b^t, et la tradition locale rapporte qu'il leur fallut quatre
chariots pour emmener leurs mprts et leurs blpssés.
Du côté des Français, up hussj^rd de l'escorte dij lieqte-
nant-cplpnel Tessié de la Motte fyt tué au passage de 1^
route, à Teptrôe exactement de l'avenue de la Bertraie, et
deux Mobilisés firent blessés.
prévenu de pet engagement, le général Clérpt, è la t^te
des 1?" et 2* Batqiljops de la 2^ Légion et d'une demj-bjitte-
rie d'artillerip, pe pprtai dp Dprtal, ^vec le commandant de,
la Frégeoljèrp, ^i^ secoqr? de la pptjfe colonpe de plpfs.
Mais cptte troupe (je rppfprt pp p^rvIRt ^ Qlefs qup trpR
tarc| et ne fut pa^ engagép.
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-371 -
Ce^ecès, malheureusement, ne devait pas produira ui|
important résultat. Ayant ei| cpi^naissance, ce quj fut
reconnu aj^solument exact, que, derrière les troupes enga-
gées 1^ 26 et r^ipliées sur I^a FJé^îhe, les Prussiens dispo-
fi^ient de huit à dix mille hommes, occupant cette ville
avec de rartjllerie, les officiers supérieurs de la 2® Légion
durent renoncer à attaquer ces forces par trop supérieures
aux leurs.
Ils reçurent Tordre de se réplier de plefs sur Paugé,
d'pù ils gagnèrent Seiches. C'est là qup le 28 janvier
Tarmistiee trouva nos Mobilisés, la 3* Compagnie du
4^ Bataillon de Vibiers, occupant en grand'garde le château
de la Garenne, propriété de M. Segris.
Purant tout ]e temps de Tarmistice le 4« Batailloq fut
cantonné à Cheffes et aux environs, les compagnies de
yihiers étant logées à Écuillé,
— Dans l'après-midi du 29 janvier, le général Chanzy,
comnaandant en chef de la 2® Armée de )a Loire, avait reçu
^ ^on quartier général de Laval, de la Délégation d^
gouvernement établie à Bordeaux, une première dépêche,
lui annonçant qu'un armistice de vjngt-et-qn jours ^vait
été signé la veille, 28 janvier, à Versailles, qu'une Assemblée
allait être féunip à Bordeaux pour le 15 février et les
électeurs convoqués pour le 8, puis nne seconde dépêche
lui prescrivant de suspendre immédiatement les hostilités,
en ce concertant avec le chef des forces ennemies, en
présence desquelles il pouvait se trouver. Tandis que le
général Chanzy, pour se conformer à ses instructions,
envoyait le même jour un parlementaire aux avant-postes
prussiens, le chef d'escadron d'État-Major Marois, un
officier prussien, envoyé du Mans par le prince Frédéric-
Charles, lui apportait le texte de la convention conclue à
Versailles, avec la déclaration que le Prince était prêt, à
partir du 31 janvier à midi, à se retirer en deçà de la
ligne de démarcation indiquée dans l'article l*' de la
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•'■'X
- 372 —
Convention. Le général Chanzy lui répondit aussitôt que,
le même jour et à la même heure, tous les avant-postes
se retireraient à dix kilomètres en deçà de la ligne de
démarcation ; puis il prit ses mesures en conséquence.
Toutefois le général Gléret, en raison de son éloignement
du grand Quartier Général, fut autorisé à traiter directe-
ment avec le Commandant des corps ennemis qu*il avait
en face de lui. La ligne de démarcation, fixée pal: la Con-
vention de Versailles, était pour les troupes du général
Cléret les limites des départements de la Sarthe et de
Maine-et-Loire, le premier de ces départements devant
rester occupé par Tarmée allemande, le second demeurant
aux troupes françaises.
Le général Cléret était à Précigné le 31 janvier, lorsqu'il
reçut à huit heures du matin la visite d'un lieutenant de
hussards de la mort, porteur d'une lettre, écrite du reste
en termes assez peu convenables, du général Baruckow,
commandant une brigade de cavalerie cantonnée à Épineux,
et dans laquelle ce général lui notifiait la conclusion d'un
armistice.
Le général Cléret lui fit porter sa réponse par le comman-
dant Lallemand, qui eut en même temps l'ordre de dresser,
d'accord avec le général prussien, un procès-verbal, pour
constater les points occupés par les troupes françaises et
par les troupes allemandes.
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- 373 —
CHAPITRE VU
lia Paix — Condusion
Les Conventions d'armistice, signées par M. de Bismarck
et par M. Jules Favre, étaient singulièrement pénibles
pour la France et pour ses soldats, puisque l'article l*' en
exceptait la vaillante armée de l'Est, sous les ordres de
Bourbaki, puisque Tarticle 3 livrait à l'armée allemande
les forts formant le périmètre de la défense de Paris, avec
leur matériel de guerre, puisque, enfin, l'article 6 obligeait
les garnisons des forts et de Paris à se constituer prison-
nières de guerre, à Texception de 12,000 hommes laissés
à Tautorité militaire pour le service intérieur de Paris.
Elles étaient en même temps singulièrement impré-
voyantes de la part du représentant du gouvernement
français, puisque l'article 7, en même temps que la troupe
était désarmée, laissait à la garde nationale de Paris, sous
le prétexte du maintien de Tordre, les armes avec lesquelles
elle fit quelques jours plus tard la Commune.
Toutefois le général Chanzy dut profiter du répit, que
l'armistice laissait à ses troupes, pour préparer un plan,
en cas de reprise des hostilités à la cessation de cet
armistice. Son armée, forte de cent quarante mille com-
battants, eût été dans ce cas la seule en état de reprendre
immédiatement la campagne. Son plan, qu'il n'est pas
dans notre cadre d'étudier en détail, consistait à porter la
deuxième armée au Sud de la Loire, pour couvrir tout
l'intérieur du pays, en laissant à Tarmée de Bretagne le
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^
^ m -
soin de défendre l'Ouest de la France, à organiser partout
la défense locale, à forcer Tennemi à maintenir en France
une nombreuse armée, mais à disperser seg forces, en lui
disputant le terrain pied à pied et en le privant de toute
ressource.
Dans ce plan, les troupes du générai Cléret devaient
prendre position sur la rive gauche de la Loire, pour con-
courir à la défense de la Vallée et de Nantes, avec la droite
de sa division appuyée à Vihiers. A sa droite, les 19®, 21*
et 16® corps devaient couvrir une ligne passant par Thouars,
Poitiers, Mpotmarillon, Cbâteaurou^^, I$sQudup, se reliant
(le Jà ai4 2^* corps établj de Pourges à Nevers., Le géqéraj
piéret, toutefois, ne devait psisser la Loire qvi'ea dernier
lieu et dè^ que le général Gatheljne^u serait en mesure de
protéger Angers et Ips Ponts-de-Cé.
L^ 18 février l>rDqjstice, limité d'abor(^ au 19 février,
fyt prorogé de cinq jours, jusqu'au 24, puis jusqu'au
diïp^nche 26, à iginuit. \je jQ, le gépépal Cléret reç^t, ep
pas de rpprise c}p3 hostilités, poqr le 27, Tordre de se placer
en arrière du Thouet, (\q SaunQur jusqw'à hauteur de
Sajnt-Cyr-eB-Bourg, observant la Lojre des Ponts-de-Oé à
Sauipur, Les nombreux mouvements des troupes aile?
^iqncles pendant cette période et les renforts amenés p?ir
}es .Ppus§i^ns fQ{it supposer que Tintentiop du prince
FrédéricTphar|es ejit été alqrs (Je séparer Tarinée de Bre-
tagne de celle (}e la Loirp et que le poiqt Q\ir lequel se
serait fait son premier effort eût été proh^blemept Ghinpn,
pour percer notre centre à Ï^OHdup. Dans cetj;e hypothèse
le 16' porps, étsibli dp Lpudun à Lepçloître, ^veç Ip qyartier-
gépéral du général J^prés è MirebeflH» e^it été }e plus
menapé.
. Mais, le 25 février» un nouvel ariQisticp fut epnplu et
prolongé jusqu'au 12 mers, pvep le faPuUé pour pl^acune
des parties contrÊ^ctanteg de je dénoncer à peftir du 3, pour
reprendre les hostilités dans un délai de \rm jOUrs- M
Digitizedby Google j
r
Sl/6 féymv les préliminaires de pai^ forent. ^igné^ : ils faren^t
ratifiés ppr TAsseïpblép N^tionsjp à Bordeaux, le l^*" m^rs,
p^r 54-7 voix pQiitre ^07. ^ ,
. Pep4ant J'arynistice notre 4« R^taillan n'oyait p^^ quitté
3e^ pantoaneinepta (je C|)efres et d'Écuillé; c'est là qiip les
ijQbiJisé^, appelés à yoter au cprps pquf les éleptiqns à
r^ssefpbl^e I^ationale^ le i8 février, donnèrent ^ leur corp-
mandaqt WR éclatant téqaoigiï^ge de leur estjme et àp
leur conflspce, Le corpte de Ifaillé, que 99,^38 suffrages!,
obtenus dans le dépi^ftement de Majne-pt-JLoire, avaient
envoyé cppame député à réassemblée de Bordeaux, ^vait
réuni dansl^ 2" Légipi) 1^74 voix, p'est-àrdire ^ peu près
rupgpimité (les votants.
L,ea Mobilisés qi|ittèrei)t Cheffes pour Angers, pu fis
retrouvèrent les compagpips du deqxlème ban, yenues de
I^pntsoreai} à Saurour, et de Saumura Apgfers, et ou, sjprès
un séjour de quelques jours, il^ furent envoyés h Sflpmyr,
pour étrp désarmés, la paix ?yant été définjtiven^pnt cpqclqe
U 7 W^rs.
La campagne de nps )|obilisés, depuis la sprtje çle leurs
pantops le 2 novepfibre, ayait duré quatre pioisf ; pt, tapd|s
qpe )es troupes régplièrps, dont le pays allajt encore
jayoir besoin popr Iptt^r coptre la si poupablô insurrectipq
de la Cjommune, éta jept dirigés, eq partie sur Paris et sur
les grapdes yilles, dont l'attitude seipblait mepacap^e* ep
partie yers l'Algérie, qui av^jt prpflté de pos désastres
pqpr tepter nn SQuléveprient, les Mobiles et les Mobilisés
rentrèrent daqs |pprs foyer?.
Mais, parn^i eux? CQns|:)iep manquaient à l'appel ! Dan^
le département de Maine-et-Loire, les Garder MotiUpsi
?îV9ieqt forPié, sqps les ordres du lieptepant-cplonel de
Pail|ot, pp Régiment à trqh Palaillops, le 29% dopt reffec-:
tif était ^ au départ, de soixaptp-dix officiera et de trpja
ipille.siî cent sept sops-officiers et soldats; ils avaiept,
ep outre, pomppsé le 3* Bataillon dM 75^ Mobiles (de l^oir-
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— 376 -
et-Gher), sous le commandement du commandant de la
Vingtrie, ce dernier Bataillon avec un effectif de vingt-sept
officiers et de douze cents officiers et soldats. Treize fois
les Mobiles de Maine-et-Loire allèrent au féfu. De leur
effectif total de quatre mille neuf cent quatre hommes,
dont quatre-vingt-dix-sept officiers, trois officiers furent
tués, douze blessés, onze prisonniers et trois moururent
de maladie; cent quatre-vingt-trois sous-officiers et Mobiles
furent tués, deux cent soixante-six blessés, quarante-six
prisonniers, deux cent quarante-deux disparus et huit
cent quatre-vingt-dix-huit moururent de maladie. C'est-
à-dire que, sur quatre mille neuf cent quatre hommes,
trois mille deux cent quarante seulement revinrent
indemnes, et que, parmi les autres, treize cent vingt-neuf
étaient morts pour la défense de la France.
Je l'ai déjà dit, et je tiens à le répéter encore, les Mobi-
lisés de Maine-et-Loire, quoique les derniers venus parmi
les défenseurs de la patrie, quoique plus âgés et moins
bien armés, ne se comportèrent pas moins courageusement
que les Mobiles devant Tennemi. Honneur à tous ces
braves I honneur aussi à tous les enfants de notre pays
qui, disséminés dans les régiments de Tarmée régulière
ou engagés dans les corps de volontaires, sont tombés sur
le champ de bataille ou risquèrent si courageusement leur
vie pour leur patrie. J'en connais un bon nombre. Aussi
me semble-t-il que ce fut une bonne pensée que celle dont
l'initiative a été prise par la 43* section des Vétérans d'éle-
ver, dans la ville de Vihiers, un monument commémoratif
à la mémoire des soldats du canton morts pour la patrie
en 1870-1871.
Mon simple récit de la campagne du 4® Bataillon de la
2* Légion de Maine-et-Loire a eu pour but, lui aussi, d'ai-
der à perpétuer le souvenir de la belle conduite de nos
Mobilisés des cantons de Gbemillé et de Vihiers. A eux
peuvent s'appliquer si justement les paroles adressées, le
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■r^
— 377 —
7 mars 1871^ par le général Le Flô, ministre de la guerre,
au général Chanzy, lors du licenciemenl de son héroïque
armée de la Loire, paroles qui seront la conclusion de
mon récit :
« Si la France avait pu être sauvée, elle Teût été par
eux. La fortune ne Ta pas voulu : résignons-nous momen-
tanément, mais ne désespérons jamais de ses grandes
destinées, que rien ni personne ne pourrait jamais
arrêter. *
R. DE POUGEROLLE.
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1
y
'J
%,A. atrlÉilÊc:eLii
ENTRE
LOUIS XIII ET MARIE DE MlWGIS
(1619-1620)
' {"suite et fin V
PIÈCES JUSTIFICATIVES
Nous les renvoyons toutes à une publication posté-
rieure, sauf les deux suivantes :
IV
État général (Extrait de Marillac)
«... Q'un chacun des grands fera levée du nombre
d'hommes qui leur sera prescrit ;
Qu'à chacun d'eux la Reyne avancera la moitié de l'ar-
gent de ladite levée dans la fin du mois ;
* V. les livraisons de juillet-août, septembre-octobre, novembre-
décembre 1888 ; janvier-février , mars-avril , septembre-octobre,
novembre-décembre 1890; juillet-août, septembre-octobre 1891;
novembre-décembre 1892; janvier-février, mars-avril 1893; mai-juin,
juillet-août 1894; janvier-février, mai-iuin 1896; novembre-dé-
cembre 1897; mars-avril, juillet-août 1898; janvier-février, mars-
avril 1899.
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r
379 -
Que toutte ladite levée sera establié en gôirniaons de
villes et grands bourgs fermez dans la an du moys, et là
nourrie par eslapes pour lé soulagement dû peuple ;
Que nulle assemblée levée ne se fera à la campagne,
mais aux seules garnisons qui leur seront ordonnées, et ce
par rendez-vous en plusieurs fois ;
Que nul ne mettra ses trouppes en campagne sans ordre
de Sa Majesté ;
Que chacun sera tenu et sera licentié toutesfois et quantes
elle leur mandera et leMt fournira Taultre moitié de l'ar-
mement sans leur permettre de se retirer en gros à battre
le plat pays ;
Que cela ailisî mis en gsfrflison [ce dernier mdt raturé,
sic] de tous costés. Sa Majesté envoyera ses remonstrances
au Roy et aux Parlements signées d'elle et d'eux ou d'elle
Seule selon qu'il sera jugé le meilleur par tous les allie» ;
Que lesdites Remonstrances seront formées sur leurs
mémoires et résolues par leurs advis avant que de les
envoyer ;
Que si les remohstrances sont reçueè, et ce qu'elle y
aura demandé pour le Roy, pour TEstat, pour elle et pour
ses amis, exécuté, tôuttes lesdites levées seront licentiées.
Que sy la réponse aux remontrances est remise à un
traité; il y ^era député par Tadvis et le choix commun de
tous les alliez, sans que les garnisons se rompent.
Que sy lesdites Remonstrances sont refusées, et par deux
fois, car Sa Majesté veut par amour et par respect, qu'elle»
soient réitérées, touttes les levées susd. seront tirée» des
garnisons et mises en campagne.
Qu'au mesme temps de Kenvoy des remonstrances, tous
les deniers des provinces ou les alliez auront pouvoir,
seront réservez comme pour le service du Roy, et ârrestez
es mains des Receveurs généraux et particuliers, sans
qu'iJ en puisse estre pris, sinofi par ceux que Sa Majesté,
par l'advis des gouverneurs, commettra à la distributi(K<
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-380-
d'iceux, et lesquelz ne pourront aussy rien distribuer que
par les ordonnances de Sa Majesté ou de celuy a qui
par i'advis des alliez , elle en commettra la surinten-
dance.
Que de tels deniers, en cas d*insufQsance, sinon de ceux
que Sa Majesté fournira, il sera payé une monstre à toutes
les trouppes le jour qu'elles se trouveront au premier ren-
dez-vous de campagne, ou le jour quelles seront licentiées
sans aucun service, en cas que cela arrive, afin quelles
ayent moyen de se retirer avec contentement dans leurs
maisons et sans fouler le peuple.
Que du jour que lesdites trouppes seront tirées de gar-
nison pour servir, on en fera des corps ainsi qu'il s'en
suit :
Au delà de Loire quatre, assavoir ou par MM. de Mont-
morency et de Chastillon en Languedoc, ou par Mons.
du Mayneen Guyenne, ou par MM. de Rohan etd'Espernon
en hault Poitou, et un soubs Mons. de Nemours par plu-
sieurs particuliers en Bourbonnais et en Auvergne.
Au delà de Loire, trois assavoir un pour la Royne, soubs
là charge de Mons. le Comte en Anjou, un pour MM. de
Bouillon, de la Valette, et Prince de Joinville soubs le car-
dinal de Guise en Champagne, et un en Normandie pour
Mons. de Longueville auquel les Picards se joindront.
Que les trois corps de Poitou, de Languedoc en Guyenne,
s'assembleront en corps d'armée soubs le commandement
général de Mons. du* Mayne à tel lieu qu'il sera ordonné.
Que, pour ne laisser point les Provinces dégarnies,
Mons. d'Espernon passera en Guyenne avez pouvoir en
l'absence de Mons. du Mayne, Mons. de Rohan demeurera
dans le Poitou, la Xaintonge et le Limousin avec sem-
blable pouvoir, et en Languedoc. Mons. de Montmorency
et Mons. de Chastillon a leur choix, et tous avez deux mil
hommes de pied et deux cents chevaux entretenuz pour
chacque département.
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— 381 —
Que de Languedoc Mons. 5e Montmorency fera mar-
cher deux canohs avez leur atirail et munitions, Mons, du
Mayne six de Bordeaux pour servir ladite armée :
Que Mons. de Nemours recueillera des trouppes d'Au-
vergne avec les siennes dans le Bourbonnais, pour aller
recevoir Mons. le prince de Piémont aux environs de
Mascon, et le conduire à Ghastillon sur Seyne ;
Que le corps de Champagne ne se mettra point aux
champs qu'il ne voye ou Tarmée du Roy eslongnée, ou
celle du prince de Piedemont proche, ou quelque notable
avantage à prendre ;
Que chacun fera sçavoir de quelles places et villes de
retraite il pourra fournir, de quels passages et ponts il
pourra estre maître, et quels deniers se pourront trouver
dans sa province ;
Que la distribution des principaux offices et charges de
Tarmée et des provinces demeurera au choix de la Reyne,
et que chacun promettra d'agréer ce qu'elle en ordonnera ;
Que Mons. le Comte ne sortira point de la Cour sinon
après touttes ces conditions resçeues et arrestées, et sortant
viendra droict où sera Sa Majesté ;
Que Mons. le Grand Prieur se jettera en personne
dans Caen, pour la conservation de la ville et du chasteau
et que Mons. de Matignon et les trouppes de Normandie
se recognoistront en l'absence de Mons. de Longuevillc ;
Que Mons. le maréchal de Brissac ira en Bretagne
ménager le Parlement et empescher les desseins contre iree
de MM. de Vendosme et de Montbazon, tant aux villes qu*à
la campagne, car alors Mons. de Vendosme n'avait pas
parlé clairement ;
Que les aliez demeureront dans la cour, avertiront
soigneusement des mouvements et des desseins qui s'y
trouveront, et feront valloir les intentions de la Reyne
auprez du Roy ;
Que chacun envoyera touttes les semaines un courrier à
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la Reyne, pôuf donner les advi« nécefisaireà, et recevoir
tes ordres de Sa Majesté ;
Ensuitte estoit l*eêtat dds trouppeit que la tleyne jugeait
à propoa que chacun des grands levftt, et à quoy elle les
priolt de se réduire^ et conaiderèr que iéur dessein né
tendant qu'au satut du Roy et de TËstat, lé soulageménl
du peuple estoit néceésaîre ;
Que de oet ordre seul rentretenémeiit des forces se
pouvoit espérer^ que les grandes armées e^tôldût les plutr
longues h mettre ensemble, les plus difficiles à exploiter
et a payer, et souvent du plus mauvais èfTest, et qu'eux tottâF
avoient interest notable à la conservation du pays ; vu que
chacun en avoit A soi en ptt)pre une très bonne partie .
• *•••.•«.«»«■•••«)
Pour toutes lesquelles levées Sa Majesté promettoit de
fournir rârgent, à sçavoir moitié en délivrant lès commis-
sions^ et rautre moitié au rsndess vous premier, bu au
lieutenant suyvant Tordre susdit. Et ce au prix de huict
cens francs pour cent hommes de pied» et dou^e mil pour
cent chevaux.
^" ■ ■ ■■ i.
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- 383
XII
Extraits du rôcit, par Marillaci du combat des Pont8«de-Cê
Dans la prairie qui va à Serges Èur une ligne droite
depuis rentrée de TAuthioD dans Loire jusqUes à Tangle
du fauxbourg estoit tiré un loog retraocbetneat, à la téta
duquel et au milieu, il avoit une redoute.
Cette ligne avoit plus de trois cent toises ai six pieds de
terre relevée» que le soldat y estoit découvert jusques au
geoouil, sçn fossé n*eatoit encore que tracé slins profondeur
ni lai^ur considérable.
Derrière ce retranchement eatoient les régimenif de
Mons. de Rets, du baron de Sainte-Gemoiesi de Boisguérin
et du baron de Gholet, dan« le fauxbourg ftsscayoir sur
tous les terrei pleins qui renvironnaient du eosté de la
prairie à la teste de la grande rue, à couvert d'une forte
barricade qui en formoit Tavenue dans un cimetière clos
de murs élevés, dans Tabglequi ilanquoit le retranchement.
Estant logé aveq avantage le régiment du marquis de
ToUarsay complet de douze cens hommes, soubs les soins
particuliers de son père.
Sur le pont entre le chasteau et le iauxbourg, estoienl
encore les cinq canons envoyés d'Angers, et non sur une
plate forme dans le cbasteau et dans la ville, le vicomte de
Bettencourt aveq sa garnison redoublée et non plus sur
les avenues du fauxbourg et de Teau, le régiment de
Carmen, les oompagnies de gendarme de Retz et de
Bellay.
1
I
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— 384 —
A Sfiiînte-Gemmes, Mons. de Vendosme aveq quelque
noblesse se promenait dans la prairie.
A cette disposition, il ne se pouvoit trouver rien à dire
que la posture du canon, la faiblesse du retranchement et
la confusion en laquelle les soldats y estoîent placez. . .
Mons, de Vendosme trouva bon que Marillac retirât de
dessus la ligne des redoutes ce qu'il y avoit des soldats
de trop et en flt former par La Ferté six bataillons qu'il
plaça dans le centre du retranchement derrière, et que
des autres régiments qu'il avoit amené d'Angers, il avançât
trois bataillons dans la prairie par où le retranchement se
devoit aborder jusques à un coude qui faisoit un grand
fossé derrière lequel il logea double rang de mousqueterie
et à la main droitte les deux petites trouppes de cavalerie
qu'il avoit amenées.
[Approche des royalistes.] Marillac se chargea d'aller
jusques à leur vetie et chercher des nouvelles certaines se
confiant en la cognoissance qu'il avoit du pays, il ne voulut
aveq luy que La Ferté et un des siens, Mons. de Retz
pour tous y vint faire le quatriesme.
Cependant, l'armée du Roy.. . parvenue à un carrefour
du grand chemin qui va de Sorges à Angers. . . fut séparée
en deux corps, l'un composé de dix compagnies des gardes,
du Piedmont, de Picardie, Champagne et Navarre, des
compagnies de chevau-légers de Contnan, Heures et Loppes
soubz la conduifte du marquis de Tresnel, Créquy, Bas-
sompierre et Nerestang, maréchaux de camp, fut envoyée
vers les Ponts-de-Cé, et l'aultre par Mons. le prince et le
maréchal de Prasiin où le Roy estoit en personne et toutte
sa cour, dix compagnies des gardes, les Suisses, Pied-
mont, Chupes. Et Estissac aveq le reste de la cavalerie
fut mené droit à Angers, mais tous deux en dessein de se
faire veoir ce jour- là seulement, et sans rien entre-
prendre, bien que Mons. le Prince, qui prévoyoit et craignoit
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-388 —
surtout un accommodement, car Mons. le Grand estoit
auprès du Roy pour cela, pressoit autant qu'il pou voit
dengager quelque attacque jusques mesmes à la com-
mander à Nerestang secrètement et à quelque prix que ce
peust estre, quoyque contre la résolution prise au Conseil
devant le Roy.
A la suitte du corps qui alloit au Pont-de-Gé, furent
envoyez deux canons, et le reste à laultre, le Conseil et la
Cour prirent le chemin de Brain, et le Roy en cette com-
pagnie marcha jusques au carefour de la justice de Saint-
Aubin où il fit alte.
La malheureuse cavalerie estoit sur la contrescarpe de
la ville bruslée du soleil, et hors de place à pouvoir servir.
Nul n'a jamais pu scavoir pourquoi le nombre qui en avoit
esté ordonné pour le Pont-de-Cé n'y alla point, Mons. le
Grand Prieur estoit à leur teste, mais il recevoit Tordre du
maréchal de Boisdauphin.
[Apparition, déployement confus et marche rapide des
royalistes vers les Ponts-de-Cé.] Et partant parce qu'en
Mons. de Retz et en ses trouppes consistoit la principale
deffense du retranchement, Marillac le pria de s'y en
retourner, de donner advis à Mons. de Vendosme de ce
qu'il avoit veu, et de luy envoyer les deux petites trouppes
de cavalerie qu'il avoit laissé dans la prairie avec la com-
pagnie de gendarmes s'il estoit possible, affln de pouvoir
faire quelque charge aux enfants perdus des ennemys à la
sortye du chemin avant que leurs bataillons pussent estre
formez, et au moins retarder en quelque sorte leur dili-
gence, car ils marchoient au grand pas.
Mons. de Retz sur le visage de qui paroissoit tout le con-
traire de ce qu'il fit depuis. . . l'embrassa et luy promit
non seulement tout ce qu'il désiroit, mais encore de revenir
en personne combattre avec luy, puis à toute bride s'en alla
joindre Mons. de Vendosme qui aveq Mons. de Nemours et
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— 886-
toutte la noblesse estoient 6 la teste de la prairie avancez
attendant des nouvelles, il leur fit sa relation très au long,
mais à renvoi de trouppes que Marillac demandoit Mona.
de Vendosme s'opposa, disant qu'il avolt ordre de la Reyne
de ne rien entreprendre sur les ennemys jusqu'à ce qu'elle
eût des nouvelles de Mons. le Grand qui estolt allé vers le
Roy.
A cette parole le misérable duc de Retz, qui déjà sur de
semblables deffenses que Mons. de Vendosme avoit envoyé
faire à Marillac par le chemin s*estoit mis en oppinioa
qu^on traittoit de la paix, sortit hors de soy mesme, et
aveq blasphème et transports.. « disant que puisqu'il n'avoit
pu jeviter Taffront de veoir traitter la paix sans luy, il vou-
loity fuir la honte de la yçÂc faire... tourna la teste droit
au retranchement, sans écouter ny explication ny conseil^
et comme s'il eust eu à injure les prières et les remonstranceo
de ses amys qui se .pendent a ue%^ genouils , à tambour
battant et enseignes déployées, il en arrache [au retran^
chôment] son régiment, celui de Sainte^Gemme, et la
compagnie de Vendpsme... et il passa les ponts en ordre
d*ui)e file si longue que les epnemys en peurent bien veoir
la moitié . ,
Le retranchement demeura degarny de seize cens
hommes de pied, et de six vingt hommes d'armes. . •
[Arrivée des royalistes au bord de la plaine, s'étendant
en avant du retranchement.] Cette pleine estoit un espace
de champs labourez et de prairies que le grand chemin de
Sorges coupoit par le milieu, les deux costez en estoient
tout ouverts, et la teste environ mil pas de là, se formoit
aveq sinq ou six maisons nommées les petites maisons
rouges, qui avoient un double rang de saules à la main.
gauche jusques à la rivière d*Autbion, et une forte haye à.
la droitte, d*où la ville, la fauxbourg et les retranchemens'
ad pouvoient voir.
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r
— S&7 —
' Marillac, pour tenir' [les royalîstaa] en jalousie de œb
petites: maisons» faiBoii: téste^ entre aux et elles ^ea trois
petits escadrons — Mais a ver ty que les deux bataillons
(de la prairie] avoiant esté retirez par ofdre de Hoqsw df
VjQndosma pour remplir le yuide que lions, de \Retz y
avoit laissé, et contraint par la démarche de ce /grand
€orps, il les abbandonna, et prit un poste dans la prairie,
d'où à la faveur d'un coude de baye garni de mousqueterte*
il couvroit à ses ennemys le chemin du rëtranchemebt» et
fit avancer le long d'un fossé qui dudit coude alait droit
auxpetites maisons cinquante mousquetaires.' :. i
^Dès Tévacuation, par Marillfic, des Maisons-Rouges^ les
i^oyalistes descendirént.dans la plaine]. L'aisle gauche df
cetÏB bataille enfin se présenta toutte dans la prairie eo
quatre bataillons de mousquets et quatre de picquets, aveq
leurs intervalles sur une ligWè droite, paroissant contre
lès petits escadrons de la Reyne ce que fait soubz une
mouche un éléphant. . . , . ;
Geust este pour une auttre nombre de cavaleriérun beau
temps de les charger. Mais quoy ny de celle du grand
Prieur qui avoit esté commandé, ny des courriers que
Marillàc y envoyoit... pour les haster, nul ne vint
: Ce fut 1& que le comte de Saint- Aignan, aveq trente
des gardes de Mons. de Vendosme commandez par Vassan
et autant de ses carrabins, vint joindre Marillac
Dès le commencement, ny Mons. de Vendosme, ny Du
Bellay, jl ne fut pas seulement secouru de la veiie, ouy
bien du bon Mons. de Nemours qui aveq quelque autre
noblesse faisoit ferme derrière luy en un gros de quarante
maistres., ....
Ces deux maréchaux de camp cependant, pour faire
tenir bride au petit escadron d'ennemys qui par leur main
droitte s'avançoit pour reconnaiatre le coude des hayes, y
envoyèrent les carrabins à Tescarmouche.
[Sun Ibs entrefaites,. dans Taile gauche des royalistes].
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— 388 —
le régiment de Picardie, sur ce qu'il avoit cru que les
gardes ne vouloient faire la droitte, voyant qu'ils avoient
pris leur poste au milieu, tira tous ses bataillons à la file
par le front de la bataille pour aller prendre la place de
Champagne, cependant que par le dernier cet autre régi-
ment en faisoit autant.
Que n'eussent point fait sur ce temps là où les ennemys
montroient le flanc d'une sy longue file aveq la cavalerie
qui desjà estoit là, les quatre cens chevaux que Ton atten-
doit d'Angers?
L'ordre mauvois auquel ceste bataille sèstoit présentée
assavoir de bataillons de picques sans feu et de feu sans
picques séparés les uns des autres de distances égales à
leurs espaisseurs pour rendre leur front plus... formidable,
un grand chemin fossoyé des deux costez, et dès lors cou-
vert de bayes, qui estoit a l'aile droitte tout moyen de
secourir la gauche par le front, et des maisons qui par le
dos leur donnait le mesme empêchement, la lassitude
découragèrent des soldats par la faim , qu'ils avoient
soufferte telle que les uns jettoient les armes, les autres se
couchoient par terre, sans que les hallebardes des sergens
fussent capables de les relever, le deffault de cavalerie...
la confusion que la contremarche de Champagne et de
Picardie mirent en tout ce corps, et le voysinage du poste
que Marillac avoit occupé, car il ne laissoit entre les enne-
mys et luy que cinq ou six vingt pas au plus de la prairie
toute raze, offrirent à la reyne-mère... [la victoire] sy cette
malheureuse cavalerie fût venue d'Angers . • . . .
Mais voilà cette bataille embarassée, remise en ordre :
Picardie à la droite, Champagne à la gauche. . .
[Alors tout s'ébranle.]
Quelques mousquetaires [de l'armée royale] en furent
jettez au devant des enfants perduz pour taster ceux qui les
tenaient en jalousie, mais recueilliz par d'aultres que La
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-389 -
Ferté a voit fait couler le long du fossé qui alloit à eux, ils
ne firent pas grand chemin, et Vassan aveq moitié de ses
compagnons les recongnit jusque dans leur gros.
La toutte la mousquetterie des bataillons qui, pour
quelque peu de chemin qu'ils eussent fait, se trouvoient à
portée des petits escadrons de la Reyne, déchargea sur eux
quasy d'une mesme salve sans beaucoup deffet, ce fut alors
que Marillac voyant le feu de cette main gauche tout
esteint, ne se put empescber de lascher le bouton pour luy
faire une charge, mais les corps du picquet se mirent au
devant, et à pied ferme, les uns et les autres demeurèrent
à se regarder, jusques à ce qu'il se retira par un cartacul
à cent pas en arrière pour ne recevoir une seconde salve de
sy près et inutilement, le comte de Saint-Agnan aveq
Vassan et tous les carrabins alla faire teste à la cavalerie
des ennemys, et luy couvroit tousjours le coude des hayes
comme le salut de la journée, là il attendit une seconde
descharge, et à cinquante autres pas une troisième. . .
Enfin le grand front de huit bataillons, à qui le terrain
ne pouvoit pasestre disputté par cent ou six vingt chevaux,
aprez une autre couple de descharges, et autant de cara-
coles, arriva sy près du coulde, qu'il falut ou en découvrir
la mousqueterie ou Tabbandonner. Elle y estoit en petit
nombre, et néanmoins La Ferlé s'en servit si bien, que
leur bon jeu, et la contenance des trois petits escadrons les
arresta tout court.
Cet alte faisoit penser à quelques-uns que là ils vou-
lussent borner leur journée; mais non, c'estoit pour se
servir de deux pièces de canon qui leur estoient arrivées,
et là leur faire gaigner seurement le coulde qui leur
importoit sy fort.
Pour démarcher ils jettèrent quelques mousquets à
l'escarmouche, que dix chevaux d'un costé, vingt carrabins
de l'aultre repoussoient comme s'ils eussent joué aux
barres, cinq ou six volées de canon emportèrent dans ces
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- 390 —
escadrons un cheval, et dans un autre un pistolet d'entre
les mains d*un maistre, sans autre effet, et les mousqu^
tairas de La Ferté faisoient assez bien leur debvoir, pour
donner grande jalousie de leur poste» quand de Talsle
droite des ennemys, au chemin de laquelle rien ne s'oppo-
soit, parce qu'elle marchoit couverte d'uû bois, et de bayes,
ils se trouvèrent attacquez par le flanc, dont ils ne se
doubtoient point, ce furent les seuls soldats. . . qui firent
quelque debvoir. Ils estoientau marquis de La Flosselière,
mais enfin ils furent contraints de fuir droit au retran-^
chôment.....
[Dégarnissement de l'autre extrémité].
Marillac manda donc Mons. de Nemours quMl eût k
couler au pas et en ordre droit au coin du retranchement
qui abboutissoit aux murailles du fauxbourg, et que luy et
le comte de Saint-Agnan après avoir tenu fertne. . . pour
couvrir sa retraitte, en feroient autant par Taultre coing. . .
La gloire est due au peu de cavalerie qui resta là d'avoir
fait en cette retraitte bonne contenance, ny le canon de
deux cents pas, ne firent Jamais tourner teste à aucun de
ces petits escadrons. . . au pas tousjours et tousjours aveq
ordre, ils se retirèrent à laultre bout du retranchement.
Là Marillac et le comte de Saint-Agnan se séparèrent,
cëluy cy aveq les gardes de Mons. de Vendosme, et les
carrabins, alla joindre Nemours^ et celuy là aveq le reste
de la cavalerie demeura d^ns les retranchements soubs lé
concert entre eux, que sy les ennemys se mettoyent en
debvoir dattacquer ledict retranchement... l'un par un
flanc, l'autre par l'autre, les chargeroient en mesme temps.
[Marillac veut remettre Tordre et l'assurance dans le
retranchement.]
Cependant les ennemys maistres du coulde des hayes...
faisoient couler à la file leurs bataillons vers une des testes
des retranchemens en toute sûreté, et MM. de Vendosma
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touB les deux jouaient à la fausse compagniet voicy
comment. Mons. de Nemours et sa grosse noblesse jusques
à cinquante maistrea arrivez au lieu qui luy avoit esté assi-
gné, fut mandé par Mons. de Vendosme, de venir à luy,
pour la première fois, le bon prince s'en excusa, disant
avoir ce poste à garder, mais à la seconde il obéit, et
aprez quelque combat entre Thonneur et la rétborique de
l'autre, il se résolut de le suivre, sans que Mons. de Cau^
dale le put empescher, ny cette noblesse aussy de luy faire
compaguie jusques à Angers, avec cette différence toutefois
que le premier fit sa retraitte à toute bride, à l'autre seule-?
ment au pas.
. . . Ainsy donc, le comte de Saint^Aignan ne trouva
point Mons. de Nemours à son poste. Dont Uarillac averty^
luy manda des troupes de volontaires pour le remplir, et
ayant reconnu que les ennemys, à la faveur de quelques
bayes prétendirent de gagner un jardin fermé de palis et
de fossés, dont le terrain assez hault voyait dans le retran^
chement, résolu de jetter la mousqueterie du baron de
Cholet et le disputer comme le retranchement mesme.
Le Comte prit ce soin et lùy s'en recourut vers l'autre
bout du retranchement où l'on l'appelait ft grande ins^
tance.
G*eatoit pour luy monstrer le canon des ennemys en
belle proye... ils l'avoient abandonné dans le milieu de la
prairie à la seule garde des officiers et d'environ trente
chevaux que Loppes commandait, il ne voulut pas perdre
cette occasion, partant il fit en diligence couler par le fond
du ruisseau qui allait abboutir assez près dudit canon,
soixante mousquetaires de la Foasellère, il fit avancer les
troupes du baron de Pontchasteau à la bouche du retran-.
chement, il disposa le capitaine Beuchy avec quarantet
corselelets sans picque pour saisir et faire marcher ledit*
canon,... [on Tavertit que Cholet a évacué son poste aussi-
tôt occupé par l'çnnemi.]
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— 392 —
Marillac courait çà et là où restonnement paraissoit le
plus grand pour y pourvoir, quand voicy tous les régi-
ments du baron de Chaulet qui prennent la fuitte. Et desjà
celuy de Boisguerin esbranlé pour en faire autant» il y
court et les maréchaux de camp font tant aveq luy quils
le rejettent en leurs postes. Mais voicy que tout d'un coup
avec un pareil bruit que fait une volée de pigeons qui lève
de dedans un champ, le régiment du marquis de Touar-
say, que le Bellay avoit mis à couvert sur les terrasses des
murailles du fauxbourg, jette les armes et se précipite à la
fuitte.
C'étoit que le Régiment de Picardie parvenu par des
chemins couverts jusques à vingt pas de la barricade qui
fermoit Tadvenue du fauxbourg ayant surpris ceux qui la
gardoient [les mirent en fuite]. Le vieux Boisguerin ayma
mieux s'abbandonner aux ennemys que de suivre ses
propres enfants qui comme les soldats Fabbandonnoient.
Quelques capitaines de la Trémouille et de Boissy firent
ferme... Le marquis de la Fosselière anima... sy bonne
partie de ses gens que le combat en son poste donna de la
gloire à ceux qui l'osèrent attaquer. [Mais enfin, la fuite
devint générale]
Les ennemys... au mesme instant que cette fuitte fut
apperçue d'eux, leurs bataillons qui se suyvoient l'un
l'autre le long des hayes ne firent plus de difficulté de se
jetter dans un retranchement abbandonné.
Les enfans perdus des gardes que Malissy commandoit
comme plus avancez y arrivèrent les premiers, et par
l'ouverture du retranchement qui abboutissait au faux*
bourg desja entrez en bon ordre, quand le comte de Saint-
Aignan qui s'estoit mis à la teste des volontaires les chargea
de front sy hardiment qu'il les fit faire vingt pas en arrière,
et sans que les picques des premiers rangs portées par des
officiers de la noblesse soustinrent son effort, il les eut
jettez hors du retranchement, Marillac quasi en mesme
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•w^^:-
temps les chargea par le flanc, toutefois avec sy peu d*bon-
neur, car les trouppes des gardes et de Pontchasteau qu'il
avoit envoyé quérir en l'autre bout du retranchement
n'estoient encore pu arriver, que son efiect ne fut pas
grand» mais partye des trouppes arriva cependant que le
comte faisoit son caracol pour retourner à la charge sur
les mesmes enfants perdus, ils en firent une sur ceux de
Champagne, deux autres par une aultre endroit si rude
qu'il les rompit et sépara en deux, mais aveq grande perte
du baron de Pontchasteau de qui l'elTet fut le plus grand
parce qu'il donnoit a la teste, eut quatorze des siens portez
par terre ; les gardes dont la moitié estoit demeurée der-
rière à cause d'un marais, y en perdirent huit, ne se put
ralier non plus que le comte qui de sa seconde décharge
n'eut pas meilleur marché. [Mêlée; dispersion générale
par les faubourgs, les royalistes pour le pillage et les
rebelles pour la fuite]
Ce petit reste de cavalerie [des rebelles] n'avoit retraitte
que par le mesme fauxbourg dont toutes les avenues
estoient barricadées hormis deux.
Par Tune MariJIac aveq grand peine, car il le falloit
desmesler de la presse par petites charges, fit passer ce
qui luy restoit de compagnons librement et vivement, par
Taultre le comte alla chercher son passage, mais encore
elle ne pouvoit servir pour les gens de pied , à cause de
quelques degrez qui en formoient la sortye. Il rebroussa
chemin droit dans une escouade ennemye de picques et de
mousquets, d'où s'estant courageusement demeslé, un
sergent à qui il en cousta la vie de sa main, l'enveloppa
dans une aultre, là il fut contraint de se rendre prisonnier
d*un gentilhomme qui le reconnut dans la presse, nommé
Boyer.
Cependant le marquis de la Fossilière ni la redoute qui
fermoit le retranchement sur la rivière d'Authion et
quelques cappitaines de la Tremouille et de Boissy au des-
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- m -
soubs disputolent leur vie fort inégalement; ceux-ci
furent incontinent emporter, celuy-là résista davantage et,
tant qu*il de vit dix homméa auprez de lui, jamais ne vou-^
lut rendre les armes.
Marillac ne scavoit pas encore la perte du fauxbourg nj
du po&t; il prétendait) avec ce qu'il pbuvoit rallier de geaa,
se jetter dans la ville, rassurer tout ce qu'il y trouveroit et
la bien disputer sous la faveur du chasteau ; pour cela il
tourna plusieurs fois de la ruelle dans la prairie^ oognois-
sant ce qu'il y avoit de ses compagnons pour ny en laisse^
pas un... mais arrivé qu'il fut avec le dernier dans la
grande rue, il la trouva pleine d'ennemys, au milieu d'eux
Saint-Geny, Navailles, Ghassenaye et le comte de Chasteau-
roux, les espées sanglantes jusques aux gardes ; il tourne
à eux, il les dégage, et aveq grande peine perça la foule
vers la ville jusques au pont levis, mais rayant trouvé à
demy levé, et en disputte entre les defifendants et lea
âssaillâhs, fofce leur fut de tenter un autre chemin, il
rebroussa par le bout de pont dans la prairie qui va à
Sainte-Gemmes, tenta Teau, mais le guay n*estoit pas là,
il ne luy resta donc rien à faire que sa retraitle, laquelle
selon lapparence... Il fit alte au bord de l'eau longuement
tant pour ralier le plus quil pouvoit de gens, . « . .
En cette alte quelques ennemys sortis à lui par Irouppea
furent recongne2 dans le fauxbourg par plusieurs fois
[Puis] la teste tournée vers Angers en oindre et en volonté
de vendre leur retraicte bien cher ils prennent leur chemin
par,.. Sainte-Gemmes »
Eusèbe Pàvik.
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HENRI BBRNIER
CHANOINE D'ANGERS
^suitej
CHAPITRE VU .
Le sapérieiiXHBappléant du petit séminaire d'Angers
(1837-1830)
Une ordonnance royale du 8 septembre 1831 déclara la
dissolution du petit séminaire de Beâupréau, en affectant
lelocaî au service du Ministère de la guerre*. Élèves et
professeurs se dispersèrent. M. Mongazon se retira dans
une. maison dépendante du château. Privé de ses chers
enfants, après avoir passé cinquante années au milieu de
la jeunesse, le bon vieillard se consumait depuis deux ans
dans une douloureuse solitude, lorsqu*en septembre 1833
une lettre de Tévéque vint le supplier de bien vouloir se
transporter à Angers. Il obéit sur-le-champ,
Domine le gouvernement accordait une Indemnité au
supérieur du collège fermé, Mgr Montault avait résolu
d'ouvrir une nouvelle école ecclésiastique. Sûr de ne pas
obtenir Tautorisation de la placer dans Tarrondissement
(le Beâupréau, il songea d^abord h l'installer dans Tabbayê
de Saint-Florent, celle-là môme où, deux ans plus tard,
< H. Bérnier, Neîke historique 9ur U toUégê de Beâmpréamy p. 171.
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— 396-
M. Bernier devait établir les Dames du Bon-Pasteur. L'état
d'esprit de la contrée était tel que les étudiants du petit
séminaire de Gombrée et du grand séminaire d* Angers
pouvaient difficilement y passer leurs vacances. Force fut
à révoque de renoncer à son projet. Il prit alors la décision
de construire un collège dans sa ville épiscopale et pria
M. Mongazon, âgé de soixante-seize ans, de prêter son
expérience à l'entreprise et de lui assurer le prestige de
son nom vénéré.
Un mémoire de M. Bernier renseigne exactement sur la
situation ^ « M. Mongazon, dit-il, avait géré à son compte
le petit séminaire de Beaupréau. Toutefois» des sommes
considérables lui avaient été avancées sur les fonds diocé-
sains, à plusieurs époques. L'emploi de l'indemnité n'était
donc pas entièrement facultatif pour lui et pour ses con-
seillers. D'ailleurs, la fondation d'un petit séminaire étant
une affaire toute diocésaine, tout ce qui s'est fait, par suite
de cette indemnité, devait se faire de concert avec l'auto-
rité épiscopale; et ce fut effectivement de concert avec
l'évêcbé que M. Lambert, l'ancien économe du collège sup-
primé, s'arrêta au projet de b&tir à neuf une vaste maison
pour remplacer celle de Beaupréau et faire revivre l'œuvre
qui avait été étouffée au moment de sa plus grande pros-
périté. Néanmoins, l'entreprise fut faite dans le nom de
H. Mongazon et le diocèse n'est devenu propriétaire qu'en
vertu d'une donation régulièrement autorisée depuis l'exé-
cution.
€ L'entreprise était d'une grande importance et, vu les
circonstances, on ne peut plus hardie. II ne paraît pas
néanmoins que le conseil diocésain ait été appelé à déli-
bérer avec maturité sur ce projet. On s'y est jeté comme
par enthousiasme, on s'y est prêté comme par entraîne-
ment, et si quelqu'un, parmi les membres de l'administra-
1 Mémoire adressé à Mgr Angebault, évéque nommé d'Angers.
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r
- 397 -
tion diocésaine, 8*est appliqué à en mesurer la portée, à en
reconnaître les difficultés et les conditions de succès, ce
dont je me permets de douter, il est certain qu'il ne s'y est
trouvé personne qui ait fait adopter un plan raisonné et
complet, personne qui ait tout à la fois compris et dirigé
cette grande opération. M. Lambert, assez fort de Tamitié
et de Testime de M. Régnier S de Testime et de la confiance
illimitée de Mgr Montault, pour entraîner le prélat en
rendormant, et pour neutraliser les vues du grand vicaire,
a tout fait sans contrôle. Jamais blanc-seing ne fut donné
à un homme plus désintéressé, jamais tâche pénible ne fut
acceptée avec un plus généreux dévouement ; jamais diffi-
cultés et obstacles ne furent combattus avec une volonté
plus énergique ou plus persévérante ; jamais opération ne
fut poussée avec plus d'activité ; et de plus, M. Lambert fit
preuve d*une capacité rare. Mais enfin il y eut dans ce tour
de force une témérité qu'un plein succès pouvait seul entiè-
rement justifier.
c II s'agissait de b&tir une maison capable de recevoir
convenablement trois cents pensionnaires. Il s'agissait
d'égaler Beaupréau tout au moins. Et même, sous plusieurs
rapports, on devait prévoir bien des dépenses inconnues
dans ce dernier établissement. Les familles devenaient de
plus en plus exigeantes pour la tenue, la propreté, les
soins personnels des élèves ; l'Université faisait de grands
efforts pour conquérir la confiance des parents, et elle éten-
dait le cercle de l'enseignement classique ; on venait planter
pavillon dans le chef-lieu d'un ressort académique, près du
collège royal ; on venait se soumettre au contrôle quotidien
des parents et des visiteurs d'une grande ville, etc.. La
première chose à faire était une évaluation approximative,
autant que possible, des dépenses qu'on aurait à faire pour
s'établir d*une manière convenable, et qui pût répondre à
* Vicaire général.
26
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- 398 -
l'attente du public ; la seconde, une évaluation des res-
sources; la Iroisièiïie, une balance entre leà uiies et les
autres. En ce qui concernait le lôcàl, il fallait des plans et
'des devis. Tous ces préalables furent, non sèuléitieht négli-
gés, mais totalement omis. M. Lambert acheta bn terrain
36,000 francs et leé travaux de constructibii fbreût com-
mencés, lé 1" mai \ S34, sous sa direction, sans autre )archi-
tect'é que lui-même, et sous sa responsabilité â lui seîil. »
Eh àtiendâhi la construction dii petit séminaire; (iH loua
l'hôtel de lia feàrre ^ et, dès Te mois de hoveînbi'e 1833,
M. Mongazoh y réunit cinquante bu sôixaûle philosophes et
rhélonciens.
À la rentrée scolaire àè li834, le petit séïhînàire flil
déclaré d'è plein exercice. Les cinq classes sùpérieuréà se
faisaient a là Barre et se composaient de qiiâtrB-Vingts
pehsiônhaîi*e8. Les classes inférieures à là quatri'èliie, com-
prenant qûà'ràûb pensionnaires, occupaient ùiie iWaison
dépendante de la propriété sur laquelle on bâtissait 1g
nouveau collège*. « L'activité iniprîmée aux travaux fit
espérer qu'on pourrait lloccuper à la rentrée dé iS35, et on
Tannonça àui familles. On n'avait pas suffisamiiifelit prévu
les retards qu'on éprouve loujoijrs dans les constructions
lorsqu'on arrive à la menuiserie, à la âetrUrteHe et àùx
autres détails de l'intériebr. tl à'eh fallait de beaucoup qde
le local ne fût dans un état convenable, à la fin des Vacances.
Mais les familles étaient instantes et, de touteà parts» on
demandait des places daiis le nouvel établissendent : le
besoin de créer des ressources pressait encore davantage.
On logea donc plus de deux cents élèves dans leà houveaii±
* Au faubourg Bressigny, aujourd'hui le eouvent des Ai^gustines.
• Cette maison, dite le Petit-Colombier, était sur reDqplaçement
occupé actuellement par le pensionnât Sainlrllrbain. Au lùidi se
trouve une vieille maison annexée à Saint-Urbain : elle portait alors
le nom de Grand-Colombier ; avant de servir d'infirmerie au pen-
sionnat, elle fut successivement l'atelier du chanoine Choyer, habitée
Sar divers locataires, puis l'Institution Saint-Aubin, première école
e la Faculté des Lettres.
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bâtîihenlâ; à la BU d'octobre 1835, Mû âû tit)p tôt sans
feôntt-edii'. s
M. Lambert tenait le rôle tout à la fois tf àrchitectfe, de
ebndticteiir des travaux, de Supérieur effectif de i'établis-
îléihfeiit; d'écotioilûe et de préfet de sùrvéiltence. L'autorité
dé M; Mongazon était insuffisante: Affaibli par Tége et fa
dëulëur d'avoir perdu son ànciettiie maison; quitté te patrie
vfetidééhnej le supérieur restait Seulement Totnbrt de Itii-
feêttifâ. Pour Ite suppléer, on fût obligé de dohnw le tittte
(dfe 'àbus-dit^bteiir â T'éCônomeç mais, absobbé^mî' les soins
ihàlérieis, Hi. Lambert né pouvait accorder â là directioh
générale et à la discipline le temps néceàsaire:
if Le personnel était comî)OSé de foncliohnéîres géhé-
rélement dévoués, dont plusieurs avaient H\éjé secbndé
if. Mbbgâzon à Beailpréau et à te Barre; Le inérite tfe
(cjûelques-tiils était bien tonnu. » Les autres devaient se
former darts l'exercice. « Mais ce ftit une énorttié ftiute de
ïi'avôir pas appelé quelqtiiefe lioms déjà reeomnidttidàMés,
quelqu'es tâléhls d'une iilc'ott testa blé supériorité, pôttb les
àdjoinarfe aux premieb; d'autant qu'ion avait éû teï'gemtent
lé temps de préparer cette recrue. *
c La pk-émière année avait fait un mal îrtfihî ft là vépvi-
latîbli de l'ëtablisssement. La rentrée 1^36 néattttiôins fut
, * Mémoire cit^. M., Bernier, continue de la sorte : « C'était un an
trop tôt sans contredit, et ce trait est peut-être, dans toute la vfè de
M. fcàmbertjcelûi qui dénote le piûs de hardiesse. PinsieûreB chambres
de maîtres n'étaient pas closes, et si les élèves éta-ient abrités, une
fouft de dispositions a pt-endre d^hs rintérieûr avaient 'été àj^ûméé^;
une lùultitude de travaux de détail étaient inachevés pu entièrement
à faire ; et des choses qui sont partout jugées indispensables pour la
salubrité, pour la propreté, pour la sûreté, ï)oùt là surveillance,
manquaient absolument, et elles manquèrent longtemps encore. .On
peut se faire une idée de Tétrange position où v3ii S'était mtiëé jiar
cette seule circonstance : on n'avait pas même, dans, une maison qiii
réunissait plus de deux cent cinquante personnes, une seule case de
latrines ; pendant plusieurs jours, les fossés, les intervalles entre les
charpentes et les tas de pierres en tinrent lieu, pou^r tout Je monde.
Gênes et privations de toute espèce, désordre, pêle-mêlè. malpropreté,
négligence absolue des soins que Vé'clâmertt Ites effelà ne ces 'enfants
et leuï- p^rsbnî^e. Arnâî ^éût se ?é^è^ttî'ef \o\i\ cfe 'q\l'oh b'ent dire de
'délft i)f%faiîtêre aïinéé-, fen bé i^\ iàn^émè là iWlHié ûiât^-rélle. \
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u-^^
— 400 -
nombreuse ; mais non pas en élèves payant le haut prix de
pension. Dans cette catégorie, il n*y en avait pas cinquante
sur deux cent trente. > ^
Les parents, que les embarras trop visibles de Tannée
précédente avaient disposés à l'indulgence, comptèrent sur
de notables changements. Il n*y en eut pas. Les cons-
tructions avaient été poussées et quelques parties des
bâtiments se trouvèrent achevées ; les cours de récréation
étaient tracées et provisoirement nivelées. On se trouvait
plus au large. D'ailleurs aucune clôture ne devait encore
d'ici longtemps fermer la maison. A la fin de décembre,
quelques élèves furent chassés pour être allés en ville, le
soir, tentés à ce qu'il parait, par Textréme facilité des
sorties frauduleuses. Parents, élèves, maîtres, se plai-
gnirent hautement. Ce fut un concert de murmures. A
ce malaise et à ce mécontentement général se joignit
un autre mal qui menaça d'amener une entière ruine.
L'autorité morale de M. Lambert s'annula auprès des
maîtres ; il n'y eut plus de direction, plus d'unité, plus de
subordination. Bientôt il se manifesta parmi les élèves un
mauvais esprit qui donna beaucoup d'embarras à M. Bou-
treux * qu'on s'avisa de créer préfet de surveillance.
Le vicaire général avait proposé au curé de Saumur la
coadjutorerie du petit séminaire, mais sans insister beau-
coup. On croyait encore que les choses pourraient aller
sans cette mesure. Il fallut bien s'y décider. L^abbé Tendron,
le confesseur de M. Mongazon, chargé de l'amener à
demander un auxiliaire, réussit parfaitement et, le 8 jan-
vier 1837, directeur et dirigé écrivaient à M. Dernier pour
l'engager à donner promptement sa démission et à venir
prendre la direction du collège *.
* Professeur de rhétorique,
* Voici la lettre de M. Mongazon :
« Mon cher Curé, tu as dû recevoir une lettre de M. Régnier, qui
te prie de venir à mon secours. J'aime à croire que tu ne vy refuse-
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V
- 401
Le succès de rétablissement était non seulement aléa-
toire, mais déjà fort compromis. En cas de fermeture, que
deviendrait le supérieur-suppléant? M. Bernier avait de
telles charges de famille que, sans manquer de dévoue-
ment, il pouvait se poser cette question. De plus, par suite
de la faiblesse de M. Mongazon et de la grande liberté que
prenaient les professeurs, sa situation devait être très déli-
cate. Il répondit prudemment en sollicitant qu'on lui
accordât, en manière de traitement, le premier canonicat
titulaire vacant*. Cette combinaison présentait Tavantage de
lui assurer une prébende sans grever le budget d^une mai-
son que les mauvaises langues prétendaient déjà ruinée.
Il demanda aussi qu'on précisât sa juridiction et son insis-
tance sur ce point décèle encore une triste opinion de l'état
du collège. « Quelle autorité, écrivait-il, a-t-on Tintention
de me conférer? Il va sans dire qu'elle sera supérieure à
celle de tous les autres fonctionnaires qui en dépendront
immédiatement et en tout point subordonnée à Tautorité
épiscopale. J'ai déploré, il y a longtemps, l'isolement dans
ras pas. C*est une nécessité pour moi. Je suis hors d*état de remplir
mes devoirs. Ainsi viens donc au plus tôt me tranquilliser. Tu seras
heureux, tu seras mon adjudant, nein, viens donc,
c Je t'embrasse de tout mon cœur et suis toujours,
« Mon bon ami,
« Lom-MONOAZON, pr. »
> L'évéque accorda 1,200 francs de traitement à M. Bernier et la
promesse d'un canonicat que Ton fonda sur-le-champ pour M. Mon-
gazon. Quand le supérieur, et plus tard son suppléant, entreraient
en jouissance de cette prébenae, le traitement fait par la maison
cesserait. En tout état de choses, les dépenses personnelles de
M. Bernier seraient seules à sa charge. On convint que deux de ses
neveux seraient admis comme boursiers diocésains « s'ils allaient
bien pour la conduite et la capacité ».
Quant à la question de juridiction, M. Relier en écrivait ainsi à
son ami : « Le supérieur de l'école ecclésiastique, sous le régime
nouveau, aura dans sa maison au moins autant d indépendance qu'un
principal ou un proviseur dans les collèges universitaires. > La ges-
tion économique fut censée réservée à 1 èvêché.
L'arrangement de la prébende fut modifié. M. Mongazon résigna
son canonicat en faveur de M. Boutreux, qui en jouit douze années.
On promit alors le premier canonicat vacant à M, Bernier. Il fut
nommé chanoine titulaire par ordonnance du 26 mai 1840 et vicaire
général par ordonnance du 8 janvier 1841.
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lequel on laissait le^ collègeç psir rapport à cetta deirni^re
autorité, et, en outre, §i je dirigeais l'école d'Angers, je
aeo^ que j'fturais bçtsoiq, ^e ce côté-^, d'un appui, dins-
piratioQs, de d^ci^on^. Mais il m^. semble évident que
la conduite du por^onnel serait impossibite si Tautorité
supérieure iiitervenait trop fréquep^n^^nt, ^\ les suborr
dcinnés se croyaient fondés à former appel quand bon leur
semblerait ii cette autorité; ai, pour obtenir ut^e déférence
convenable, il fallait souvent la citer et la mettre en av^Pt :
enumnot, si le Pireoteurn'était qu'un premier surveillant,
qU'UP ^^éçut^urdes décisions épiscopatps Je demanderais
dow que, certains points capitaux uflQ fois réglés, à
rexception de certaiips pas rarps et gravps, l'autorité épis-
CQpale s'abstint d'intervenir QSten^ibilementf ^ps y étce
provoquée par moi-mépip. Vu Tétat actuej, il m^ sembje
nécessair-e d'exprimer tout d'a):)ord cette cqpditipP- M^
déclaratipn est toute de tienne foi et nullement dicté^ paç
un désir d'indépendanpe, qpi serait ipi ai dép}a(Cé à tous
égards. 9
On répondit par de bonnes paroles aux demandes de
M. Berpier. Il donna sa démission de curé et entra au
petit séminaire le 18 février 4537 -.
Le supérieur-suppléant était âgé de quarantg-deux ans.
Son meilleur portrait, conservé dans la galerie du collège
datp de cette éppqije. Le caractère et niême la destinée
semblent se lire sur la physionomie. On est frappé tout
d-abqf4 d€î I-enspifll)}^ ayslèrp donné par je costume de?
anciens chanoines qui convenait si bien à cette figure
empreinte de la réserve du yiep? plergé. Enfqpcég dap? des,
afcades soprcilières acpentuées et bornées de tpmpes car-
rées, les yeux éclairent brillamment, comme un feu très
vif venant de l'intérieur, un y^sage maigre pt ui) peu p^lQ
dont l'expression spirituelle se complète par un fin sourire,
* La Notice historique dij, {k tpr); (p. 177), le ^7 février.
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r
Ip seul qiie sep)t)lent avoir, po^pu ses lèvres déjiçates. Le
front porte à la racine du nez de petits plis verticaux, trace
d'u^e activité intellectuelle peq récompensée par je syccès.
Une opulente chevejure noire s'échappe de la calotte tradi-
tionnelle pour eqpadrer d'une m^inièr^ séante ce visage don^
tous les détails, dispqs^s p^v plans, ipais bien ordonnés,
dénotent une ê^me antique et distinguée où domine \d^
fermeité'.
Pepoi^ne ne fut surpris de }a nouvelle situation de
M. Berqjer. Ce|ui qui avait rpnçju florissant le collège de
I]f}^é et mérité d'è|re proposé comme proviseur du lycée
devenait naturell^inent supérieur du pçtit ^éçnjnaire. Telle
^|3j| ^ consjdératioq personnelle que, dès spn arrivée à
4ugers, l^gr jMontault le nopma pneipbre de son conseil.
Quelques qpojs 3Rrèp il le fit chanqine jipr^oraire. Cette
dignifé, doïit les filles spirituelles de l'ancien curé avaient
une haute idée et pu grand désir pour leur directeur, a été
l'objet de piqsieurs jolies lettres. L'|^ne d'elles ipontr^com-
naent, p[i?ilgré sa gravité, jl Sfijyajt être aimable et mêler
délicatement les conseils aux rerpercîQments ^t ^ux ren-
seignep^ents de politesse.
A Mademoiselle Modeste Maya\id
€ Petit séminaire, 9 juin 1837.
ç MADEMOISELLE,
ç( Connaissant votre goût pour les b^roderies d'église,
I bas d'aube, surplis, tours d'autel, etp., j'ai pe|]sé c^ue rjiis-
I tpjred'ua rochet à manches et 4'^?^^ o^osfette pourfait vous
intéresser, Vous savez d'avance par quelle? main^ et dans
; * Le portrait de M. Bernier, bon, quoique d'une manière dure,
I estroèuvrè de M'. Pierre Diissàult. M. Pati (Dict. kistpriq,)V.BAXt\h\ief .
i par erreur, à l'abbé Guillaume, qui est l'auteur du portrait de
I M. Mbngàzon. ' également conselrvé au petit séminaire. — Mlle Leguaiy
fit tirer des "photographies du portrait à l'huile, qu'elle jugeait plus .
' ressemblant que celui qui a été dessiné, peu artistement d'ailleurs,
par l'abbé Çariller, et lithographie par Jules Laurens. (In-folio, imp.
Lemerblef, Paris). ' = • '
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■1
-404 —
quelles intentions ces deux insignes de la dignité canoniale
ont été confectionnés.
€ Pour moi, bien convaincu qu'ils étaient votre ouvrage,
je les ai reçus avec beaucoup de gratitude, et à la vue de
la superbe mozette, j'ai senti, pour la première fois, un vif
désir d'être chanoine. . . C'était, quelques jours après la
Pentecôte, que j'avais reçu cet agréable cadeau. La veille
du grand Sacre, le prélat me déclara qu'il me faisait cha-
noine honoraire, et il m'invita à la procession du len-
demain. J'étais dans l'enchantement, lorsque tout à coup
quelqu'un m'objecta l'inexorable coutume : — Avez-vous
fait vos visites ? — De quelles visites entendez-vous parler ?
— Des visites que vous devez faire accompagné d'un
membre du Chapitre, à tous les autres membres, tant
titulaires qu*honoraires avant de vous présenter au chœur.
— Il fallut bien se résigner, et je me mis en mesure pour les
premières vêpres de l'octave du Sacre. Ce fut donc le
samedi 3 juin que, sortant de la sacristie, la mozette sur le
bras, j'allai la présenter au prélat, qui m'en revêtit, puis
me bénit et me fit baiser son anneau ; et je fus conduit à
ma stalle par le grand vicaire qui m'avait accompagné. De
vieux chanoines en rochet tout usés et défenseurs obstinés
de la simplicité antique, regardaient, avec un œil sévère,
ma brillante toilette. Car, l'instant d'auparavant, je crois
qu'ils m'auraient arrêté tout court, dans la sacristie, si je
n'avais pas été défendu par la Jeune-France^ qui. Dieu
merci, commence à les déborder.
€ Il faut que j'aie commis, ce jour-là et les deux suivants,
bien des péchés de vanité ; car j'ai éprouvé, lundi dernier,
un désappointement très pénible qui en est sans doute la
punition. N'ayant pu montrer ma mozette ni à la fête dii
Sacre, parce que les visites d'usage n'étaient pas faites, ni
le jour de l'Octave, parce que nous avions au collège notre
' Voilà un Dieu merci, <]ue M. Bernier n'eût pas écrit dix ans plus
tard. 'La Jeune-France était Tabbé Jules Morel.
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— 406 —
procession, je me promettais de Tétaler lundi devant un
nombreux clergé, au service des prêtres défunts de ce
diocèse. Mais arrivé à Tévèché, après le commencement de
l'office, j'ai beau fureter partout dans les appartements
épiscopaux et fouiller dans tous les meubles, point de
rochet et point de mozette. Je cours à la sacristie, pour
demander mes habits de chœur : personne ne les a vus !
personne ne peut me donner des nouvelles de la boîte qui
les contenait. La veille, à mon insu, on Tavait portée au
collège, cette malheureuse boîte. Dans mon désespoir,
j'allai m'asseoir dans un coin de la nef, en soutane, ne
voulant pas compromettre ma nouvelle dignité, en
paraissant dans Téglise cathédrale, avec un mesquin et
vulgaire surplis.
c L'histoire finirait là, si je m'en tenais à ce que j'ai vu
moi-même. Mais quelqu'un m'assure que cette mozette
vous porte bonheur, et que, depuis que vous l'avez faite,
vous marchez à grands pas dans la voie de la piété. Je vous
le dis, parce que vous ne vous en douiez pas. Mademoi-
selle, si l'interjprétation est un peu hasardée, le fond est
très vrai ; et voilà les pensées que cela me suggère : si
j'étais encore le curé de M"« Modeste, si elle ne m'avait pas
fait chanoine, je me vengerais de n'avoir pas pu la marier,
en l'enrôlant dans la congrégation. Il me serait facile de
lui présenter pour cela de puissants motifs. Ses pieuses
mères l'autoriseraient, sans balancer, et M. Paul donnerait
son agrément à la première ou seconde sommation. . .
« Veuillez, Mademoiselle, me rappeler au souvenir de
toute votre famille, et croire à mon sincère dévouement.
« H. Bernier, chanoine. »
Au moment où M. Bernier plaisantait avec cet enjoue-
ment, il se débattait dans de graves difficultés qu'il a lui-
même racontées avec sa précision ordinaire. < J'avais vu
en activité de construction une vaste chapelle et un corps
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— 406 —
considérable dç bâtiments supplémentaires, deux objets
dpnt il ét^it bien possible de se passer pe.ndant longtemps.
A l'évéché comme au petit séminaire, on avsiit témoigné
la plus entière confiance sur la prospérité fi^a^çjère de 1^
maison. Je, crus donc cq qu'on avait répaudu partout, qu'oa
^>vait pas f^it de dettes, et de plus les considérations de
délicatesse et de convenance durent écarter la pensée
d'pxiger préalablement une reddition de comptes exacts,
€i\ un état régulier de la situation du petit séminaire.
L'eml3(8|rr4s, Iq pénurie, le désordre de cette partisse cév^lq
à me§ yeiix, à mesure que, vérifiant certains besoins
d'urgence, en ce qui concernait le matériel, je deifl^md^i
certaines améliorations : on promit et on n-fi^écuta pqint,
ou bien on déclara ne pouvoir ; à Tévêché, on bien on psirpt
ne pas comprendre ces besoins et l'utilité de ces aniélio-
ratjpns, oq bien on se borna à me répondre : c Fqitesdonc
ço^mv^ç vous pourrez. » Bien vite on fut Isjs d© naes inces-
sein^es réçlamatiqns, et on cpntinua de croire que, pour
arrjyfir à une prospérité cpnaplète, je n'avais qu'^ bien faire
noar.cher Iq discipline et les études et que la partie finan-
cière ne - ppurrait pas péricliter entre ^les iq^ins de
M. L^ipbert. Qn comptait tellement peu sur naqj pour cette
partie, que» trqis mois après mpn entrée en fonc^P^^' Q^
emprunta ^2,000 francs à |a caisse des retraces, ^ans m'pn
parler. Alprs, je vis qu'on pren^iit au pied de la lettre pe
passage de la lettre officielle de M»"" Mon^ul^, du 18 jaB:
vier 1837 : « La gestion économique restera d'pne niapière
plu^ particulière sous la direction de l'év^ché. »
« JI fallut se résigner £| voir ajourner indéfiniment (^ps
mesures que réclamait l'intérêt bien entendu de l'établisse-
ment et des améliorations qui étaient, à bon droit, vivement .
d^sir^es et réclamées par tout le inonde. \jeB constructions
ab^ortfaiept toqt, et la gêne était si grande qn'pn ne PH^
pien dépenser pour le papbilier, dont rinsqffisance étaj^
pépiblpniept ^en^ie. A la fin de novembre, de^ gelées pré-
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r
- 407 —
coces pq 'ayant fait donner Tordre de faire mQttrq sur le§
lits les cpuvertures de réserve, il u^e fut fl0cl^ré, apfè?
beaucoup d'hésitatiqn, qu'il n'y. exi ap^çiit pa$ : inventaire
fait, je trouvsii que dsm^ tpijt^ la ipaisqn noqç n^qq pquyiof^^
qu'à graqd'peine mettre devi:^ sur chaque lit, une passable
et unQ usée, e^ employant cpUps que le§ parents avaient
envoyées contrairement au prospectus. »
« L'été 1838, M. Lambert s'étant décic^é à quit^pr la
maison pt n'ayant plu^ rjen à bâtir, il fsjUut biei^, autant
que possible, porter la lumière dans ce système de gest^Qp
que personne n'avait vqnlu pénéfre^r. ? Q^ y trouvaf pn
déflpjt dfi 108,00Q francs. « Cette découverte était dQpjjture
à In^pjper à l'antprité diocésaine cje graves réfiq^jons qtce
fut pour elle un pénible réveil. Toutefois, la r^p^tajipp de
1^ maj^pq ava|( pris de la consistance flans |'opiQjpp d^ef
familles : le diocèse, jusque-là, n'ayqit encpr^ (dépensé que
22,000 francs €|t jl ppsséc^ait u^q grande et be|lp ipsji^on *.
L'uniquQ parti à prendre étsiit dq fairq, ^x\^ négjigqpçe et
9ans jpsjnerie, tout ce qui manquait encore ^ j'établisse-
mgnt ppiJf remplir enfin Tattefltedes fanqilje^ e\ consolider
Iq cpqfiancp. Je réclamai fqrtpmej^t T^utorisatipn de fair^
qHfilqufis dépenses d'pi^gencp. On m'en cqpcédai ynp p^rtifi,
Qt c'est rprigine du déficit d§ i2,QQQ fraqpe qui figura en
tôte du premier budgpt qui ajt été fait dans ^ptre ^lai^Rf)'
celui dq j'anpée classjque 1838-:î83îj. y^
Si grançle^que fussent \e^ préoccpïïationsdp 5^. perni^r»
elles ét^jqqt égalées par des soqcis fl'uqe autrp sqrte. Sur
le plan de révéquq e^ de M. Mongazon, jl avaij rêvé dcj
fonder upe m?i?9ïï d'éducation distinguée, é?puie d}i col-
lège royal. Des jeuqes gens laïqpes et ecclésiastiques sq
î Le nouveau petit séminaire coûta environ au tot^l 360,000 francs :
M. Mongazon fournit 130,000 ; le reste fut payé par divers dons par-
ticuliers : Mlle Zénobtie d'Escoubleau de Sourdis (inorte en 1848, chez
les Trappistines des Gardes) aurait donné j usa u'à 80,000 francs ; Tabbé
Jacques Besnard, 48,000, etc. Au l«r août 1838, la dette totale restait
de lO8,0Ç|p francs.
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1
— 408 —
seraient communiqué, en vivant ensemble, leurs qualités
différentes; et, formés soigneusement par le clergé, ils
auraient refait une société chrétienne. Tel devait être le but
du collège mixte d'Angers. On y avait eu en vue surtout la
préparation aux carrières libérales; on avait voulu que
les étudiants qui s'y destinaient composassent la moitié de
la population de Tinslitution. Et, en effet, il eût été inutile
de bfttir pour des élèves ecclésiastiques, puisque le petit
séminaire de Gombrée pouvait en admettre près de trois
cents.
G*était compter sans le monopole universitaire.
En 1837, M. Guizot, ministre de Tlnstruction publique,
fut remplacé par M. de Salvandy qui interdit d'une manière
absolue à toute personne, graduée ou non graduée,
d'annoncer ou d'ouvrir, sous quelque forme que ce pût
être, des cours préparatoires au baccalauréat ès-lettres.
Bientôt après, il remit strictement en vigueur les disposi-
tions du décret de 1811 qui obligeait tous les maîtres de
pension à conduire aux lycées leurs élèves âgés d'au moins
dix ans. En se présentant aux épreuves du baccalauréat,
le candidat devait fournir le certificat qu'il avait fait sa
rhétorique et sa philosophie dans un collège royal ou dans
une école autorisée à ce double enseignement. Quant aux
élèves ecclésiastiques des petits séminaires, ils ne pouvaient
recevoir, à la fin de leurs études, qu'un diplôme ayant seu-
lement valeur pour arriver aux grades théologiques. S'ils
reculaient devant les engagements très graves du sacer-
doce, faute du titre de bachelier, ils trouvaient devant eux
toute carrière fermée ou il leur fallait recommencer deux
années d'études. Des parents d'une situation libérale ne
pouvaient donc confier à un petit séminaire un enfant qui
eût manifesté le désir d'être prêtre ; au cas où il eût changé
d'avis, son avenir se serait trouvé trop exposé. Le clergé se
trouvait ainsi condamné à ne pouvoir tirer ses recrues que
de la classe la plus pauvre. Le gouvernement comprenait
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— 409 —
si bien ce que ces dispositions avaient de blessant, qu*une
ordonnance royale du 16 juin 1828, signée par le ministre-
évêque de Beauvais, avait donné à TÉglise, en compensa-
tion, huit mille bourses de cent cinquante francs pour ses
élèves. Dans le langage du temps, ces procédés s^appelaient :
« soutenir TÉglise et la contenir. »
La situation était très critique pour le collège de M. Mon-
gazon. Le petijt séminaire de Gombrée pouvait suffire seul
aux besoins diocésains. Celui d* Angers était un hors-
d^œuvre qui, pour subsister, avait besoin de la liberté
d'enseignement. A la rigueur^ il était possible de conduire
les élèves des deux classes supérieures aux cours du lycée
et ce moyen dut être un moment nécessairement employé.
Mais il y a plus d'un kilomètre entre les deux maisons.
Réglementer les exercices du petit séminaire comme ceux
du collège royal était impossible. De la nouvelle situation
naissaient des inconvénients graves, des dépenses d'un
genre nouveau et très considérables. Peu de parenta»
d'ailleurs, voudraient consentir à ce voyage quotidien et
quadruple. Établir près du lycée un internat pour les élèves
des hautes classes était en somme créer un nouveau col-
lège et s'endetter davantage.
On était d'autant plus embarrassé que les Académies de
rOuest entendaient bien ne pas perdre un de leurs droits.
Dès 1834, la commission des grades d'Angers fit aux
élèves de M. Mongazon l'application littérale de Tarlicle 5
de l'ordonnance du 16 juin 1828. Alors que, partout
ailleurs, ce dispositif restait sans exécution, on ne voulait
leur accorder que le diplôme spécial, valable seulement pour
les grades de théologie. Aussi les élèves du petit séminaire
allaient-ils passer leurs examens à Paris ou devant des
facultés tolérantes qui ne demandaient pas où s'était faite
la rhétorique ou la philosophie. Les familles en rapport
avec M. Mongazon furent donc les premières à redouter, à
éprouver les embarras dont les catholiques de France
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eurent à se plaindre un peu plus tard. Beaucoup d'ëùthe
elles ont été détournées de mettre leurâ ehfanlé dans le
liôuveâii collège, par cette considération qu'ils ne poiivàiteiit
pas y achever leurs études; beaucoup d'autrëé ieâ 'en
retiraient aprèâ la trôlsièole Oii la seconde. Prbtlestër ne
pouvait aggraver la situation ; c'était rfeiadre-, au bontràiré,
manifeste là jalousie des collèges royadx et ihtéresser
ropiniôh publique. lieux plaintes anbnythes ée prôduiâîrent
simiiltanémélit, Tune à Nantes*, l'autre à Angers^ et celle-
ci avait pour auleul* É. Bernier.
Son opuscule est intitulé : (^uetquèt mots sur te môMd-
pofe universitaire^ En trahi de plain pied dans isoii slij'et,
il commence par la définition et l'histoire de l'illuâtre cor-
poration énsteigiiante établie J^ai* Napoléon I^. Il lUi
demande là raisod dé soii existence et Texhibition deis
titres de privilège dont elle est si jalouse.
D'abord le monopole enrichit-il nos finances? Profcbré-t-
11 quelque soulagement aux contribuables? * Sans betfe
coiidiliôn, ils auraient peine â supporter le monopblé de*
tabacs. Pourquoi Tautre qui est pluà gênant, en àbrail-il
àfrranchiîi (P. H.)
« Décompte fait, vous trouvet'ez que, àous Ife rapport
pécuniaire, le monopole ne poHe t)rofll ^li'ailx foncUon-
nàire'ô de l'Université qiiî, poubcfette raison, àerbtit tobjbbrs
* Empiètemerit de l'Université sur la puissance paternelle ^ in-12.
Nantes, chez Merson.
• Quelques mots sur le monopole uyiiversitaire . — Au profit d'un
établissement d'orphelines. Angers, Imprimerie-librairie de Pigné-
Cbateau, rue Saint-Aubin, no 20, janvier 1839. in- 16 de 41 pages.
La seconde édition porte le même titre. Prix, 1 fr. ^5 c. Paris,
chez Poussielgue-Rusand, Ubraire, rue Hautefeuille, n* 9. Angers,
chez Launay-Gagnot, 1839, in-8 de 39 pages. Cette édition est aug-
mentée de trois notes, p. 17, 23, 37.
La brochure. fut vendue au profit de Tasile de M"« Leguay. « L'au-
« teur, disait M. Bernier, sera amplement dédommagé des censures
€ que provoquera infailliblement cette mince et très médiocre pro-
« duction. si elle l,ui est un moyen de urocurer quelques aumônes à
« un 'établissement '(J*6Vpheh*Ties bifen iméressaiil el hxeYi heceèsîtettx.
€ Monsieur votre curé çst prié de recevoir celle qu'il vous plaira de
« faire, petite ou copieuse. »
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— 411 —
désii'eux de le mainteiiir. Il procure de beàUJt éppoln-
I tenlents aux gDahd's digûitîàifes de Tordre : là plate de
tecfeur, qui blest qii'aii Iroîsièiiie bu (Jliatrième degrié de là
hiéi^archie; rapporte huit mille francs aii moins ; les ihâ-
pecteurs particuliers, les jprovlseut's, tenseurs et prb-
fesseurs des collèges royaux seraient ingràls envers le
mohôpôle, S'ilis se plaignaient de leurs éttiôlUth'ents. Sans
lui; uhe thliltillide dé régenta des collèges conltaiûhaui ti'e
IroiiVeraient poinl à ise toariéi*, ttiialgré leur ihérite et lebt
'élégance, j» (P. 12.)
y i Quand nous demandons pourquoi n'ôûs âomttt'es mbins
Hbt-eslcjne nos peines, et ctelqu'ôri peut àltelidre dû mblib-
•j pôle actuel, aussitôt on ilivoque l'autorité des Ifaits, et Ton
1,, énumère avec complaisance les amélioratioflà introduites,
^ depuis vingt-cinq ans, dans rinslructlon publiqiie: N^ôUs
fen reconnaissons de tr'ès réelles, de très importantes, et
y l[|Ue tibus dévonô à l'Uttiversitë; mais, nous soutettonâ que
^ futilité de jilusieurs iniiovations qu elle â faites; ettfbnt elle
^■y se glorifie est, pour le moins, fort douteuse; et en tous cas,
.|^ que le knonbpole h'eât ^oiir rien dans ce qu'elle a fait de
bon et de louable. ^ (P. 13.)
« Àvait-oû besoin de lui, par exemple; pour remettre
en hoiineût la langue grecque ?. . . )> c Voudrait -il se feire
Thonneur de l'extension que renseignemeht de Thistoire a
prise détis les collèges? Cette étude à été favorisée à
grands frais et en créant nombre de places'. Trop Sbuvent
ces ttouvélleà bhaires sont des tt-ibbnes d'irréligion et
d'indifférence; on n'y apprend pas toujours à respecter ce
qui est respectable, on y donne à la jeuneè^e des idées
fausses sur les hommes et les choses; i
« L'enseignement de la philosophie devrait-il quelque
chose au monopole? i (F: 15): M. Berniet l'accuse entre
autres choses « de traiter trop sùperflciellemeût la logique
fet là tiloràle », c de laisser la métaphysique ptrtlre la
préëlhlnettice qui lui apparli'eht; de pleitt dt-oît; sur butes
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m'
V
1
— 412 —
les sciences. Vainement des esprits prévenus affectent de
rappeler la région des chimères : quoiqu'elle n'emploie
dans ses démonstrations ni les lignes» ni les chiffres, ni
les signes algébriques» si on la réduit à certaines bornes,
elle n*est pas moins positive que toute autre science que ce
soit. » (P. 16.)
€ L'Université a-t-elle rendu un véritable service à la
w; jeunesse en rappliquant, dès ses premières années, aux
sciences positives et de Tordre matériel? Cela nous parait
incontestable, en ce qui concerne Thistoire naturelle et la
cosmographie : dégagées de leur bagage scientifique, elles
vont bien aux études de Tadolescence, parce qu'elles
donnent à l'esprit des idées et au cœur des sentiments.
Malheureusement, il n'en est pas ainsi des mathématiques,
p ^ qui pourtant sont nécessaires comme préparation. . . Elles
^^ sont nulles pour le cœur, nulles pour l'éducation. Elles ont
1^ encore un tort, que les hommes peu profonds prennent
|: peut-être pour un mérite, c'est de ne rien avoir pour Tima-
I gination... Ces considérations, qui avaient décidé nos
p - pères à renvoyer l'étude des mathématiques après le cours
I complet des humanités, devaient-elles céder à des raisons
1^ tirées des besoins ou des tendances de notre siècle ? Que
d'autres se prononcent dans cette question. » (P. 18.)
|\ M. Bemier s'élevait ensuite contre ce qui a été appelé
depuis le surmenage et il prenait la défense du vieux
système classique. <x II serait plaisant, continuait-il, que
le monopole crût voir dans les réflexions que nous venons
de faire le sujet d'un petit triomphe! Nous soupçonnons
que sa marche est trop peu réfléchie ; mais nous ne pensons
pas qu'il soit difficile de marcher comme lui. > (P. 21.)
« Plus rien qu'un mot à l'Université, sur les études de ses
collèges : si elle croit sérieusement à leur supériorité sur
celles des autres, elle a un moyen bien sûr d'en convaincre
le public ; c'est le concours. Qui s'oppose donc à ce qu'il y
ait, dans chaque ressort académique, un concours organisé
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-413 -
pour les établissements de plein exercice, sans exception ?
Nous connaissons plus d^un supérieur de petits séminaires,
nous affirmerons positivement qu'ils s'empresseraient de
faciliter l'exécution de cette mesure, et qu'ils seraient
enchantés de pouvoir l'annoncer à leurs élèves. » (P. 24.)
L'auteur continuait par des considérations sur le per-
sonnel de l'Université, les mutations fréquentes, le défaut
d'ensemble, t la variété infinie des doctrines, les mauvais
exemples que plusieurs d'entre eux donnent >. Puis il
posait quelques questions : « Le bien public serait-il com-
promis, s'il était permis à des prêtres de faire l'éducation
des enfants qui ne se destinent pas à l'état ecclésiastique? »
(P. 31.) « L'État serait-il intéressé à ce que la source des
vocations sacerdotales se tarit, ou bien à ce que le sacerdoce
ne pût désormais faire quelques recrues que dans les classes
pauvres? * (P. 33.) — c La raison d'État serait-elle dans
une suspicion politique? » — c Quand il s'agit de l'autorité
politique, de la puissance gouvernementale, le seul fait de
son établissement dénote une disposition spéciale de la Pro-
vidence, et une obligation d'être soumis et respectueux. . .
les anarchistes purs, les émeutiers peuvent seuls prendre
ombrage des enseignements du clergé. » (P. 35.)
Cette manière de se rallier à une monarchie sortie de
l'émeute n'était sans doute pas de nature à flatter ses
dévots. Tous les polémistes égarent volontiers des coups et
ne se bornent point à guerroyer pour l'objet de leurs pré-
tentions. On l'a vu, M. Bernier fait souvent son procès à
l'Université elle-même au lieu de viser simplement le
monopole. Pour n'omettre aucun motif d'attaque, il va
jusqu'à oublier ce qui se passe dans son propre collège,
comme c les mutations fréquentes ». Malgré ces procédés
et des vivacités de langage, sa petite brochure, sans trop
d'emportement, sans déclamations, sans personnalités, ne
mérite point d'être confondue dans la littérature des lourds
pamphlets qui devaient se produire cinq ou six ans plus
27
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- 414 -
tafd. fin féclAiiiàilt au ndifi du âtôil ôotiimun là libei'tô
refusiée, il offre âèrément et habilement dé ûionltet que
leë petits sémiiiftil^â eti siônt digues. Qii'oh les fosse côn^
courir avec left collèges! foyaux.
M. Dernier n'était point le premier dans &ia province à
s'élever contrt le monopole. Vingt arts auparavant avait
retenti par toute Ife Franee là voix de La Hennais; et pen-
dant longtemps elle fatigua de ses fevéndications les pré-
tendus libéraux. Le premier qui lui ât écho en Anjou fUt
un jeune homme dont Tenthouslasme pour les grandes
causes devait durer toute sa vie i le comte Théodore de
Quatrebarbes. Les réclamations avaient toutefois été devan-
cées par une tentative d'émancipation. Sous Napoléon, un
prêtre angevin prit celte liberté qu'on refusait, et on n'o^a
la lui favlr que sous Louis-Philippe^ Neuf ans avant la bro-
chure de M. Bernier, et plusieurs mois avant le grand
prôCèH de Montalembert et de Lacordaire, M. Forèst, le
curé de Saumur, avait vu fermer son école presbylérale
respectée pendant vingt ans. Cette préparation de l'opinion
publique ne fut sans doute pas étrangère à l'attention
qu'obtinrent les Quelques tnots.
L'édition, parue aU Commencement de janvier 1839, fut
si rapidement enlevée qu'un second tirage devint néces-
saire a la fin du mois. Personne, en Anjou, nMgnorait le
nom de l'auteur, bien que la brochure ne fût pas signée ^
Il se fit un plaisir de l'offrir à des universitaires et même
à un chaud partisan de la Révolution de Juillet^ qui aVàit
parlé de jeter au feu un exemplaire de la première édition
et qui reçut la Seconde avêC beaucoup de politesse en pré^
disant lui-même la chute prochaine du monopole. Étonné
de l'audace du réquisitoire, le public parla de la destitution
' L*Ami de la Religion (a* du 4 avril) fit une analjSQ^ favorable de
la brochure, signalant toutefois la vivacité du langage. Plus amateur
de vif^ear, YOniVêfê (n» du U mai) eipfima seuTemeDt le regret dé
ne pas connaître Tauteur. Ce désir devait trop tôt recevoir satis-
faenon.
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r-
du supérieur-suppléant* Lui-même s^en expliquait ainsi :
< Le conseil académique m'a dénoncé au ministre de
riûstruction publique, en lui envoyant mes Quelques mots.
Gela m'a fait beaucoup rire en flattant un peu ma vanité.
Je regrette une seule chose : c'est qu'on n'ait pas attendu
la deuxième édition. Elle renferme deux notes qui auraient
pu intéresser le ministre. Ces gens-là sont bien mal avi-
sés ! M. de Salvandy a bien le temps de s^occuper de moi !
Qu'il conserve seulement son portefeuille, qu'il se main-
tienne au ministère, voilà tout ce qu'il peut faire en ce
moment. C'est déjà bien fort. Du reste m'honorât-il de
quelque attention, je ne vois pas, en définitive, ce qui peut
en résulter de fâcheux *. »
Celte publication n'eut d'autre résultat pratique que de
gagner à M. Bernier une plus grande considération. Pour
lui, satisfait de fixer les esprits sur l'examen d'une si grave
question, et de leur fournir des arguments propres à sou-
tenir les pétitions qu'on préparait pour obtenir la liberté
d'enseignement, il rentra dans le calme de la vie ordinaire.
Sans plus s'occuper des débats politiques, sa correspon-
dance se remplit de menus faits contés avec une si bonne
grâce qu'on en doit conserver au moins une lettre adressée
à Mlle Leguay :
PetU'Séminaire d'Angers, 21 avril 1839,
Mademoiselle,
« Il est tout décidé que le mercredi 8 mai nous recevrons,
au petit séminairel, Motiseigneur TÉvêque de Nantes et
celui d^Angers. Ils viendront inaugurer un petit monument
que nous érigeons au centre de notre cour intérieure, pour
y placer urie Vierge en piel're. Cette cour vous paraîtra
méconnaissable. Vous serez bien aise, je pense, ainsi que
' Lettre du 3 février. L'opuscule fut simplement adressé au
ministre, ou bien M. Bernier à été induit en erreur sur la réalité de
cette dénonciation dont on n'a t)U trouver trace daiis les registres et
dans les archives.
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— 416 —
Monsieur votre père> de voir cette intéressante cérémonie
qui ne sera pas longue ; et je vous invite.
« Il faut bien que vous vous accoutumiez à me voir faire
des étourderies. En voici une qui, dans son espèce, est
bien aussi forte, pour le moins, que les articles de jour-
naux, les brochures, les circulaires, etc. Il faut que je vous
la raconte :
« Il y a bientôt quinze jours, je sortais de Tévêché,
escorté de deux petits saints : celui que vous avez canonisé ",
assistée de votre sacré collège, et un autre qui ne jettera
jamais d'éclat *, fît-il des miracles, parce qu'il ne prêche,
ni n'édifie ni congrégations, ni religieuses, mais seulement
des séminaristes.
c II était devers quatre heures, et n'ayant fait jusque-là
aucune folie, je pouvais espérer être sage toute la journée,
me trouvant en si bonne compagnie. Quand nous fûmes
sur la place Saint-Maurice, on me proposa de monter au
clocher pour voir les travaux de la coupole '.
<c Après mainte objection sur Tobscurité de l'air, sur la
violence et la rigueur du vent qui soufflait au nord, je me
laissai entraîner et, m'étant assuré que nous trouverions
Tarchitecté, j'entrai le premier dans l'escalier tournant.
« Arrivé à la dernière marche, je trouvais, en effet, ledit
artiste qui nous fit traverser ledit échafaudage pour entrer
dans l'intérieur de la flèche neuve. De là nous arrivâmes
presque de plain-pied sur les murs de la coupole, au-dessus
du timbre de l'horloge, entre les deux flèches. Après avoir
admiré le travail et la noble simplicité de celle qui vient
d'èlre reconstruite, ses quatre clochetons et les statues qui
les décorent, nous examinâmes en détail les ornements
* M. Dérice, aumônier du petit séminaire.
• M. Chapin, économe.
3 Les flèches de la cathédrale avaient été incendiées par la foudre
le 4 août 1831. La restauration architectonique fut confiée à Mathu-
rin Binet et à Duvétre, d'Angers ; celle de la sculpture^ à Dantan
aîné, de Paris.
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r
- 417 —
gothiques qui se font remarquer à la base de Tancienûe,
les crevasses qui foût craindre sa ruine et les détériorations
que le temps lui a fait subir. Comme elle va être démolie
et reconstruite, elle est, comme l'a été sa voisine, entourée
de petits échafaudages à six étages superposés ; à chaque
étage, il y a des planches debout qui forment un garde-fou ;
mais pour monter d'un étage à l'autre, il y a une échelle
presque verticale, tout au bord extérieur du petit plancher
et qui parait être en Tair. Ce fut chose fort aisée pour nous
de monter au premier étage, parce qu*on nous mit une
échelle à Tintérieur de la flèche ; toutefois, nous laissâmes
au pied de Téchelle nos bréviaires et nos chapeaux. De ma
vie, je ne m'étais vu à une telle hauteur et pourtant je me
sentais tenté par la possibilité de monter à 55 mètres plus
haut.
c Encouragés par Tarchitccte, nous franchissons le pre-
mier intervalle d'un plancher à l'autre, puis le second.
Ainsi deux de ces échelles qui nous faisaient peur l'instant
d'auparavant étaient escaladées, lorsque le cœur manqua à
Fun des trois compagnons. Ce n'était pas moi.
« J'enfile la troisième, puis la quatrième échelle, et je
me trouve, avec notre petit saint, sur le cinquième plan-
cher. Je n'avais pas neuf pieds à franchir pour toucher, de
la main, la boule qui porte le pied de la girouette. Arrivé
là, j'hésite, je cède les honneurs à l'abbé Dérice et, pen-
dant qu'il grimpe assez bravement, ma calotte se soulève,
le vent agite et déploie la queue de ma soutane, mon rabat
en perles me flagelle cruellement les babines, je bourde,
non pas sans un certain dépit qui ressemble beaucoup à
Tamour-propre blessé. Puis le dos collé à la flèche, pour
éviter le vent, je réfléchis qu'il s'agit de descendre, et en
même temps, chose singulière, la pensée de ma mère vient
me préoccuper. '
« Oh ! si elle m'avait vu où je suis, lorsque j'avais 15 ou
16 ans (et j'étais pourtant alors plus adroit et plus souple
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i
R.:
— M8 —
p:: _: qu'aujourd'hui), si elle était maîntenaDt au pied de ce
^ clocher, quelles alarmes, quelle agitation, quel tourment !
^1 pauvre mère ! mais qu'elle est bien mieux avec le Bon Dieu
|; qu'avec son étourdi de fils ! Il y a déjà vingt ans que je n'ai
plus de mère ! Et cependant tous les cœurs ne sont pas
pour moi froids et indifférents ; j'ai cru plus d'une fois
retrouver toute sa tendresse ; et je pourrais nommer qui
serait fort mal à l'aise en me voyant sur ce plancher aérien.
^' « Quand le héros de la journée fut revenu à mon niveau,
il avait un œil rouge, enflé, larmoyant, par l'effet du vent
et des bourriers, ce qui modérait un peu la joie de son
triomphe. Enfin, nous descendîmes ; et en repassant dans
les échelles je demandai pardon è mon bon ange du sur-
croît de besogne que ma curiosité lui causait en ce moment,
a Quand j'étais au cinquième étage, la montée Saint-
Maurice me paraissait presque nivelée, et les plus grands
édifices se rabaissaient et se rapetissaient è mes yeux.
Ainsi, on jugerait peut-être plus sainement toute chose en
s'élevant bien haut, bien haut, pour voir et considérer.
Mais il me semble qu'il y a deux dangers à s'élever ainsi :
la vue pourrait n'être plus assez forte et se trouver trop
courte ; puis, si la tète n^est pas bien solide, elle tourne et
on ne peut pas regarder. Le plus sûr est, je crois, de rester
au niveau ordinaire. . . Si je retourne là-haut, je vous ferai
part des nouvelles réflexions que j'aurai faites.
« Votre tout dévoué,
« H. Beris^ier,
« Prêtre. »
A. HOUTIN.
fA suivre,)
1
Digitizedby Google J
r
LES CINQ PAY§
DE
L'IPO-CHINI FBANÇAISl
ET LE 8IAM
.... ,... ..i .f.
LOCALITÉS^PORTS
fiuitej
NAM-DINH
Nam-Dinh, chef-lieu de la province, est ^Itué (lur le
CAD^} de Nam-Diûb.
G*e6t au ^ord de ce panai, sur une longueur de près de
4 kilomètres, que s^élève la ville, avec ses mai£(pi)s snnar
mitps ponstr^ites pp brique^ pt ses pQfubreuspg W9i8Pns
phinoises dQpt r^^chitepturp ne diS'ère pas ^epsi^leinept
deq premières.
J^es rups sont trèsi anjipées, ainsi qqe )es qupis et Ip&i
IQprpbés. Il y a un hôtel européeq. Lpç (ppssagerips fluviales
pt de nombreuses cbqlpHpps à vapeqr d^sservppt la loca^
lité, pn passapt par flpng-Yêq,
Digitized by VjOOQIC
— 420 —
Nam-Dinh est doté d*uûe organisation administrative et
en quelque sorte municipale. C'est le centre le plus éclairé
du Tonkin : nombreux étudiants et lettrés. C'est à Nam-
Dinh qu*ont lieu tous les trois ans les examens pour les
grades de bachelier et de licencié; on Ta parfois appelé
TAthènes du Tonkin.
Il n'existe, dans cette ville» aucun monument présentant
une valeur artistique ou historique. Méritent cependant
d'être vus : les marchés, les quais en pierres, le Mirador,
le théâtre annamite, quelques pagodes, le monument élevé
à la mémoire de M. Lamothe de Carrier, ancien résident
de Nam-Dinh, et la porte par où entrèrent les troupes
françaises, lors de la prise de la citadelle, en 1883 et
devant laquelle fut tué le lieutenant-colonel Carreau qui a
laissé son nom à la rue centrale de Nam-Dinh.
La population de Nam-Dinh est d'au moins 30,000 habi-
tants. On compte, en effet, 3,000 maisons à peu près ; il
n*est pas exagéré de supposer 10 habitants par maison.
Nombreuses et belles boutiques indigènes ou chinoises,
bondées de marchandises asiatiques ou européennes.
En dehors de Nam-Dinh, il existe dans la province trois
gros centres, qui méritent d'être mentionnés ; ce sont les
villages deTra-Lu, Kien-Lao et Quan Phuong; ces agglo-
mérations ne sont remarquables que par leur étendue et
leur population.
A signaler deux points principaux : les postes dédouane
de Lacquan et de Ngo-Dong. Petite station balnéaire à
Quat-Lam.
Marchés. — Au nombre de 130 (indépendamment de
ceux du chef-lieu), se tenant tous les cinq ou six jours. Les
principaux sont : Kien-Lao, Tra-Lu-Bac, Ngoc-Gia, Ninh-
Cuong, Dong-Bien, Nuong, Coi-Son, Yen, Qui et Vu xuyen.
Commerce. — Industrie. — Le mouvement commercial
de la province est très important. Le port de Nam-Dinh
est visité annuellement par environ 2,300 chaloupes à
vapeur de commerce et environ 200 jonques de mer.
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- 421 -
Les chaloupes à vapeur apportent ou enlèvent journelle-
ment environ 200 tonnes de marchandises, dont les prin-
cipales sont : à Texportation, le riz et Talcool de riz, la
soie, le sel, le coton égrené, les médicaments indigènes,
les nattes, Thuile d'arachide, les œufs, les peaux, les
cornes, la poterie, le papier et le tabac ; à l'importation,
les cotonnades, la mercerie, la bimbeloterie, le pétrole, la
quincaillerie, la lampisterie, les flanelles, les conserves
alimentaires et les vins et liqueurs.
Le riz est le principal produit de la province. On en
distingue deux espèces : le nép, qui sert à faire l'alcool de
riz et les pâtisseries indigènes, et le riz ordinaire.
Le commerce du bétail est très actif.
La soie est un objet important de commerce et d'in-
dustrie. On fabrique une assez grande quantité de tissus
de soie de bonne qualité ; mais, sous cette forme, la soie
ne sort guère du pays, tandis qu'à l'état brut ou redévidée,
elle est très recherchée par la Chine et le Japon, d'où, tissée
et mélangée avec les soies de ces pays, elle est dirigée sur
l'Europe, qui ignore sa véritable origine. Ce commerce
pourrait être tenté avec succès par nos nationaux. Des
métiers européens pourraient aussi être installés à Nam-
Dinh, car il manque aux soies indigènes, pour être uti-
lisées avantageusement, d'être travaillées à l'aide de
métiers et par des procédés moins rudimentaires que ceux
en usage chez les Annamites.
Après la soie, le coton est l'objet d'un assez grand com-
merce. C'est plutôt une marchandise transitaire qu'un
produit de la province. Il arrive égrené des provinces de
Thanh-Hoa et Ninh-Binh.
L'alcool de riz de Nam-Dinh est excellent. Distillé au
moyen d'appareils perfectionnés et débarrassé d'un
empyreume trop prononcé, il deviendrait probablement un
article d'exportation. Les indigènes le préfèrent tel qu'il
sort de leurs grossiers alambics.
On fabrique des nattes de jonc marin en assez grande
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- 492 -
quantité au phu de Nghia-Hung ; elles sont eipédiées
sup les marchés de Haipbong, de Hanoi et de QoQg-
KoDg pour des sommes considérables.
La province produit encore du sel, des arachides^» du
sucre, du tabac et les noix d'arec.
Grand marché de bois, bambous et rotins.
On fabrique des incrustations recherchées, quoique cette
industrie soit, pour diverses causes, moins florissante que
par le passé. Les travaux de gravure et de sculpture sur
bois forment aussi une brandie importante de Tindustrie
de la province.
Ferblanterie, objets de culte, broderies.
Une industrie nouvelle s'est implantée à Nam-Dinh •
MM. Robin et Murât y ont créé une usine pour U fabri-
cation de Falbumine et la préparation des jaunes d^peufs
pour la mégisserie. Un autre français y avait établi une
maison d*achat pour les œufs. Ce sont principalement des
œufe de cane.
Le commerce général de la vflle et du port de Nftin-
Dinh subit une légère diminution lorsque la récolte de ri^
est médiocre. Il est impossible de donner une idé^> môipe
approximative, de Timportance de ce commerce, oar 1^
Douane locale ne copservé pas les états statistiques, qui
sont adressés mensuellement à la direction de H^ipbong.
Le double devrait être adressé à la Résidence.
Ces données seraient d^ailleurs inoomplètes, car, le
bureau de Nam-Dinh se bornant à taxer les qiarchandises
entrant par les fleuves ou la frontière de rAnnam, ne
s'occupe pas de celles q 11 i ont acquitté les droits à Haiphong
ou sur d'autres points ; mais on peut évaluer, saus exagé-
ration, au moins à 7 millions de francs, le mouvement
commercial de Nam-Dinh qui est Vemporiutfi deq piror
vinces du sud du Tonkin et 4ds provinces du Nord de
TAnnam, Thanh-Hoa et Nghè-Aq.
Cultures. — La superficie des terres cultivées est envi?
ronde 134,977 hectares, dont 106,396 hectares de rizières.
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- 423 —
Les terrains de la province ne sont pas en général propres
aux cultures industrielles. Cependant les cultures de
mûriers et de coton pourraient recevoir un certain déve-
loppement; ces cultures font d'ailleurs de sensibles progrès
dans plusieurs sous-préfectures où le sol est plus élevé.
Une culture à développer au Tonkin, pays de rizières,
c'est le jute. On le cultive au Bengale sur 750.000 hectares,
produisant pour 195 millions de francs de jute, dont on
fait des gunnies (sacs à grains et à sucre), des cordages,
voiles, filets, des étoffes, des draps et du papier. Nous en
achetons au Bengale pour des millions, alors qu^op le
trouve en Annam et au Tonkin, dans les provinces de
Nam-Dinh, Ninh-Binh, Hai-Duong et Bac-Ninh. MM. Saint
frères ont tenté Textension de cette culture en Indo Ohine.
Il serait absurde et nuisible d'interdire aux colonies la
création de filatures, de tissages, d'usines, sous prétexte
de concurrence aux industries métropolitaines. Les temps
du « pacte de famille » sont passés.
Concessions. — Les concessions de terrains aecorfiées à
des Français sont au nombre de quatre, situées dans les
huyens de My-Loc et de Hai-Hau, et occupent une super-
ficie de plus de 3.000 hectares. Elles appartiennent à
MM. Gobert et Daurelle, qui y font des essais de cultures.
Il faut citer également les plantations de mûriers faites en
grand par M. Bourgouin-Meiffre, industriel d'Hanoi. Une
grande concession de terrrains d'alluvion a été accordée
sur le littoral à M. Maron, qui fait des essais de colmatage.
Revenus. — La province de NamrDjnh verse, annuelle-
ment, dans les caisses du Protectorat, une somme d'en-
viron 344.000 piastres, soit 928.800 francs, Dans cette
somme ne sont pas comprises les recettes des douanes ni
la part contributive de la province dans les produits des
postes ^t télégraphes et de l'affermage du monopole de
Topium.
Avenir de la,provinee. — r II ne faut pas demander à la
province ce qu'elle n'est pas susceptible de pouvoir donner :
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Elle ne renferme ni gisements miniers connus, ni forêts.
Le sol, entièrement dans les mains des indigènes, est
partout cultivé. Les principales productions sont, actuelle-
ment, le riz et la soie. Améliorer les cultures et Télevage
du ver à soie, développer la production du mûrier et du
coton, introduire des procédés de tissage perfectionnés,
telles doivent être les premières préoccupations. A cet
effet, la création d'un jardin botanique et d'acclimatation,
ayant comme annexe une magnanerie d'essai, était dési-
rable. C'est ce qui va être fait.
Quelques industries secondaires pourraient réussir, après
études sérieuses.
Missions. — Deux missions catholiques se partagent la
province de Nam-Dinb : la mission espagnole du Tonkin
central, à Test du canal de Nam-Dinh ; la mission française
du Tonkin occidental, à Touest.
. De nombreuses chrétientés avec églises de style espagnol
dans rintérieur. Belle cathédrale à Buichu, résidence de
Févêque espagnol. M»*" Onate. Séminaire.
L'Annamite bouddhiste n'est pas fanatique. II n'y a pas
de question religieuse au Tonkin. Espérons qu'on n'en
créera pas.
Écoles. — Dans chaque huyen est une école de carac-
tères chinois ; au chef-lieu, une école supérieure, dirigée
par le dôc-hoc, bien fréquentée.
Il existe, en outre, au chef-lieu, deux écoles du Protec-
torat, une de garçons et une de filles, qui ont pour but
d'enseigner le français aux jeunes indigènes.
L'école des garçons est fréquentée par 220 enfants envi-
ron, sur lesquels quatre ou cinq par an peuvent être choisis
pour être nommés interprètes.
C'est la plus importante du Tonkin.
L'école des filles a peu de succès. Elle est uniquement
fréquentée par les enfants européens et peu de filles
indigènes. Celles*ci n'apprennent guère qye la couture.
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- 42K —
Une école congrégaûiste, tenue par les sœurs de Saint-
Paul de Chartres, vient de s'ouvrir avec subvention du
budget provincial et reçoit surtout les filles indigènes
catholiques.
Principaux commerçants et colons européens. —
Agence des correspondances fluviales, MM. Lusignan,
agent; Lacombe, commerçant; Caralp, réprésentant;
Gobert, Bourgoin-Meifl're, Daurelle, agriculteurs; Schwab,
agent de plantation; Maron, géomètre ;Bérenguier , com-
merçant; Vinson, entrepreneur, etc.
BAC-NINH ET DAP-GAU
Bac-Ninh, ville d'environ 8,000 habitants, chef-lieu de
la province et siège de l'évéché espagnol du Tonkin septen-
trional, est située à 27 kilomètres d'Hanoï. Elle renferme
une citadelle qui date du règne des Lé et a 3 kilomètres
de circuit, et une cathédrale récemment construite.
Bien que n'étant pas précisément un centre de production,
Bac-Ninh n'en a pas moins une importance assez grande
au point de vue commercial ; c'est un centre d'échange où
viennent toutes les denrées et tous les objets fabriqués
dans la province ou importés, soit des provinces voisines,
soit de la Chine, par Cao-Bang ou Lang-Son. Le marché
permanent qui s'y tient est fréquenté et les boutiques qui
bordent la rue principale sont très achalandées. Il ne faut
néanmoins pas croire qu'il se traite à Bac-Ninh de grosses
affaires ; à part le commerce des riz, commerce très actif
en décembre et en juin et complètement entre les mains
des Chinois, les transactions, quoique nombreuses, sont de
peu d'importance. Il n'y a guère, en somme, qu'un com-
merce de détail, actif il est vrai, mais n'exigeant que de
faibles capitaux et ne donnant lieu qu'à une faible circu-
lation d'argent. Thi-Cau est placé sur des collines ondulées,
dans une situation charmante. C'est à Thi-Cau que se trouve
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actuetietnent Thôpital militaire, installé dans de grandes
pagodes abritées par de beaux arbres mais en très mauvais
état. Cet hôpital est (Considéré comme un rentable sana-
torium. Dap-Cau, éloigné de 4 kilomètres environ de Bac-
Ninh^ se développe perpendiculairement au Song-Cau;
c'est une ville d'avenir et le centre du commerce européen
de la région. Même par les plus basses eaux, canonnières
et bâtiments de commerce y ont un accès facile.
Par le 8oflg-(^ù, Dap-Qau communique avec Tbai-
Nguyen; par le Song-Oau et le Thai-Binh, aved les Sept-
Pagodes, IJai-Duong et Hai-Phong; par le Loc-Nam, avec
la région du nord-est; par le Song-Thuong avec Phu-Lang-
Thuong par le Song-Câ-Lô avec Son-Tay.
Dap-Oau est desservi tous les deux jours par les Messa-
geries fluviale^.
Il existe encore dans la provinoè d'autres centres indi-
gènes très importants et comme commerce et comme popu-
lation, tels que les grands villages de Ding-Bang, Dai-Bai,
Bac*Trang4Phu-Hin,Dong-Ky,Tho-Khoi, Goloa etDuc-Noi.
Marchés. — On compte dans la province de Bac-Ninh
60 marchés imposés. Les plus importants sont ceux de Gho-
Dau, Cho-Vang, Cho-Liem, Gbo-Thi-Cau, Cho-Nôn, Cho-
Xa, Cho-Chi et Gho-Nui. (Gho veut dire marché.)
Certains marchés sont spéciaux pour la vente des divers
produits fabriquée ou des denrées récoltées dans la pro-
vince, ainsi que pour la vente des bestiaux.
Commerce. — Industrie. — 1° . Européens. — Un
établissement industriel important a été installé à Dap-
Cau, pour le travail du fer, du cuivre et du bois, par
MM. Leroy et G*^. Une fonderie y est annexée, possédant un
outillage complet. Ces ateliers ont fabriqué déjà un grand
nombre de ponts en fer genre Eiffel qui ont été livrés à
TAdministration ou à des particuliers. Actionné par une
machine à vapeur, cet établissement peut faire face aux
commandes les plus importantes.
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- «7 -
GôiUtne âbnexë à cette ualne^ se ttotlvetit des ateliers de
menuiserie dans lesquels une quantité considérable de
sapins d^Amérique est consommée chaque mois.
MM. Lei-oy et C^' possèdent égélement, à Dap-Cau, uùe
fabrique de tuiles genre Altkirch ou Montchanin. Ces tuiles
sont recherchées ; elle constituent, en effets une toiture & la
fols plus élégante, plus légère et moins dispendieuse que
la toiture ordinaire.
S^ IndigèheSi — Les principales industries indigènes de la
province sont les poteries, les objets en cuivre et en nielléd,
la soie, la laque et le tissage de là toile et du coton.
Les poteries sont fabriquées à Bac-Tranget à Phu-Lang.
De là, elles sont écoulées sur les marchés de Hanoi, d*Hai-
Duong et d'Hai-Phong.
Les cuivres ont leur principal oeiitre dMndustrie à Dai-
Bâi, gfos village dont les habitants se livrent presque tous
à la fabrication de divers ustensiles en cuivre en usage
éhes les Annamites (marniite84 cuvettes, gongs, cloches,
bouilloires, plateaux). Toutefois, sur des modèles qui leur
ont été donnés, Us commencent à fabriquer divers objets à
rusage et au goût des Européens, qui sont d*une vente
facile et lucrative pour eux. Les chauffe-mains, boites,
gardes de sabre niellés, sont une spécialité du pays*
Les objets fabriqués àont en partie vendus dans la pro-
vince, mais le plus grand nombre est exporté dans les pro-
vinces voisines et sur le marché de Hanoi^
Un grand nombre de villages se livrent à Télevage du ver
à soie. Les deux centres les plus importants son Thl-GaU^
Dap-Cau et Dai-Bien. Les soies sont fabriquées à Dinh-
Bang et à Noi-Dué ; elles sont vendues à Hanoi.
C'est à Dinh^Bang qu'on trouve les meilleurs ouvriers
laqueurs de la province ; leur réputation, d'ailleurs, est
connue dans tout le Tonkin. Cette industrie de la laque
prend une grande extension. Le fils du général Bichot,
commandant en chef, qui s'est fait colon, exploite, surtout
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sur sa concession de la rivière Glaire, la laque, Tabaca
(chanvre de manille) et des noix de bancoulier.
Cultures. — La culture la plus importante est celle du
riz; elle occupe une superficie d'environ 100.000 hec-
tares.
On fait généralement deux récoltes de riz par an. On
cultive aussi le maïs, la patate, la canne à sucre, le ricin,
les arachides, le bétel et l'aréquier.
Exploitations agricoles. — Diverses concessions ont
été accordées dans la province de Bac-Ninh à des Européens,
MM. Gobert, Gavanon et Ronze.
1® Ferme des Rapides. — MM. Gobert exploitent deux
concessions dont la plus ancienne, la ferme des Rapides,
est en pleine prospérité.
La ferme des ïlapides, qui doit son nom à sa proximité
du canal des Rapides, comprend 221 hectares. Les conces-
sionnaires y font sur une grande échelle Télevage des
animaux de la race bovine et de basse-cour et le commerce
du foin.
Ils y ont installé une laiterie importante, qui trouve à
Hanoi un écoulement facile. La ferme des Rapides fabrique
également du beurre et des fromages très appréciés.
2*» Concession du Phu-da-Phuc. — Situé au nord de
Bac-Ninh, dans une région qui a été pendant de longues
années troublée par la piraterie, le terrain concédé à
MM. Gobert est composé de mamelons dont quelques-uns
étaient jadis plantés d'arbres à thé, et de rizières aban-
données et en friche. MM. Gobert, aidés par l'administration,
ont réussi à pacifier le territoire qu'ils occupent et peuvent
travailler maintenant en toute sécurité.
Des résultats appréciables ont été déjà acquis. Les con-
cessionnaires ont planté des caféiers sur les mamelons ; à
flanc de coteau des pâturages sont entretenus pour l'élevage
d'animaux de la race bovine. Dans la plaine, des rizières
ont été mises en culture et sont en plein rapport.
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Gomme à la ferme des Rapides, MM. Gobert fabriquent
du beurre et du fromage très recherchés.
La concession de Phu-da-Phuc comprend 10.Î269 hectares.
3^ Concession Gavanon. — La concession de M. Gavanon
se trouve à Dap-Gau. Elle est exploitée depuis deux ans et
comprend 22 hectares.
Elle contient actuellement 20.000 pieds de vignes et
plusieurs milliers de pieds de caféiers.
4^ Concession Ronze. — La concession de M. Ronze se
trouve sur plusieurs mamelons, à environ 2 kilomètres de
Bac-Ninh. Elle est exploitée depuis trois ans et comprend
20 hectares environ. Elle contient actuellement 40.000 pieds
de caféiers, dont 8.000 en plein rapport.
M. Ronze s'occupe également de l'élevage d'animaux de
la race bovine.
Bois. — La province fournit surtout des bois de chauffage.
Cependant on y trouve les essences suivantes : le pin, le cam-
phrier, le bambou et les arbres à fruits des pays tropicaux.
Principaux commerçants entrepreneurs. — Euro-
péens : Ronze, Rochat, à Bac-Ninh; Leroy, Gavanon,
Girard, Renoud-Lyat, à Dap-Cau.
Chinois : A-Kiem, Tian-Quan-Ky, Dam-Can-Binh, Luong-
Dien, Winh-Long et Maca, à Bac-Ninh ; Young-Ky, Tien-
Dzu et Ha-Tan, à Dap-Cau.
LAO-KAl
Le centre de Lao-Kai, étant situé à la frontière, est le lieu
de transit et d'échange entre le Tonkin et le Yunnan. De
Hanoi à Lao-Kai, ce sont les jonques de Hanoi qui font les
transports, de Lao-Kai à Man-Hao ce sont les jonques de
Man-Hao. Le transbordement se fait à Yen-Bai sur le
fleuve rouge. Le sel s'y échange contre Tétain, le thé, les
médecines chinoises. L'exploitation du plomb, de l'étain,
de l'or, du cuivre, du graphite pourrait être reprise avec
28
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n
-- 430 -
profit dans cette région. Yen-Bai offre d'importantes mines
de charbon gras et bitumineux.
SONTAY
Ce centre, situé sur le Fleuve Rouge et devenu fameux
pendant la conquête par la victoire de l'amiral Courbet, a
perdu toute son importance. Les services militaires seront
transférés à Viêt-Tri, au confluent des rivières noire et
claire avec le Fleuve Rouge. Une dizaine de colons euro-
péens, planteurs et industriels, y sont installés. On compte
à peine 9,000 habitants. Des industries minières peuvent
s'y créer pour le fer, Tor, le cuivre, le plomb, le nickel^ le
charbon et les calcaires marmoréens. La province entière
compte 800,000 habitants et 165,000 hectares.
LANGSON
I
La ville est par 21^ 50' 38" de latitude N. et 104^ 26' 24"
longitude E. C'est un territoire militaire. Elle est sur la
route de Phulang Thuong à Cao Bang. La voie ferrée par-
court 105 kilomètres et dessert 9 stations. La C^' Fives-
Lille doit la prolonger en Chine jusqu'à Lang-Tchéou. La
région est habitée par plus de 3,000 Chinois et surtout par
des Thos (rameau des Thais), des Nongs et des Mans. Les
établissements actuels à citer sont : la Résidence, la gare,
le Trésor, l'école franco-indigène, la prison, les bâtiments
militaires. Le grand marché et le centre commercial est le
faubourg chinois de Ky Lua, à 2 kilomètres de Langson.
C'est l'entrepôt de la Badiane ou anis étoile. Le charbon, le
fer, l'or, le cuivre, Tétain, le plomb argentifère, l'amiante,
ont été rencontrés et étudiés et feront l'objet d'exploitations
lorsque les voies de communication seront achevées. Une
quinzaine d'industriels français y ont des entreprises. C'est
un centre appelé à un grand développement pour nos tran-
sactions avec la Chine.
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r'
-431--
MINES
Dans la province de Quang Yen, où est établi le meilleur
hôpital contenant 250 lits, se trouvent d'importantes mines
de charbon en exploitation : l'une à la Société française des
Charbonnages du Tonkin, l'autre à la Société dea Mines de
Ké^Bao.
La première est exploitée par une Société franco-
anglaise, constituée en 1887, au capital social de 4 mil-
lions de francs, Les travaux préparatoires pour la mise
en exploitation sont terminés, et la Société expédie sur
Hong-Kong et la Chine, par divers steamers affrétés,
environ 12 à 15,000 tonnes par mois. On y a installé une
usine à briquettes qui fournit ses produits à la marine.
La concession est de 20.000 hectares.
Ces briquettes sont mélangées de brai et de cardiff.
Ce sont des charbons secs et durs, sans crasse, sans escar-
billes» sans fumée, mais exigeant des grilles spéciales.
L'exploitation de Hatou se fait à ciel ouvert, celle de
Nagotna par un puits de 140 mètres et des galeries.
35 Européens, 2,000 Annamites et 200 Chinois y sont
occupés. L'exportation annuelle est de 140.000 tonnes,
valant 1.400.000 fr.
Deux lignes de chemins de fer, à voie de 1 mètre, reliant
les mines de Nagotna et de Hatou à Hon-Gay, apportent le
charbon à un grand appontement auquel peuvent accoster
les vapeurs du plus fort tonnage et sur lequel deux grues
hydrauliques enlèvent les wagons et les basculent dans la
cale du bateau.
La deuxième, située à Ké Bao et dite concession Jean
Dupuis, est exploitée par une Société française fondée au
capital de 2,500,000 francs en 1889. Les travaux, pous-
sés très activement, sont très avancés et, grâce à la situa-
tion du centre principal de la mine, presque sur le bord de
la mer, on a pu, tout en poursuivant son installation, livrer
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— 482 -
à la marine et au commerce plusieurs milliers de tonnes
de houille. Un puits de 150 mètres a été inauguré par
M. le Gouverneur général, le 21 juin 1893. Un chemin de
fer de 15 kilomètres, allant du puits Lanessan àPort-
Vallut, prend sur son parcours le charbon des mines de
Caï-daï-Brousse et Caï-daï-Mine. Les travaux de Port-Vallut
sont achevés. Les navires de tous tonnages peuvent y
accoster par toutes les marées. Le lavage et le criblage ont
été installés à Port-Vallut, où se trouve également une
usine à briquettes. La mine occupait 40 Européens et
2,300 coolies. Elle a interrompu ses travaux et son exploi-
tation faute de capitaux et la mine attend une reconstitu-
tion. Elle avait exporté en 1897 plus de 62.000 tonnes,
valant 637.000 fr. Les houillères du Tonkin prendront le
marché depuis Âden jusqu'à Sanghai. Ils feront prime sur
le marché de San-Francisco et leur débouché sera de trois
millions de tonnes.
Notre flotte a un point d'appui à Hongay, au port Cour-
bet, dans cette baie d*Along dont les innombrables Ilots
font une des merveilles du monde.
Un certain nombre de périmètres réservés ont été
demandés dans le but de rechercher des mines de sulfure
d'antimoine, mais aucune n'a encore été mise en exploi-
tation.
TOURANE
Bâtie sur la rive gauche du Song-Han, au fond d*une
rade bien abritée, Tourane, qui n'était autrefois qu'un
amas de chaumières annamites, est devenue, par une suite
de développements successifs, dus à l'initiative de nos
résidents, à la bonne volonté et au désir de bien faire des
colons, une ville dont l'avenir commercial est aujourd'hui
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— 433 —
assuré, tant par le développement du commerce intérieur
que par Texportation, qui ne cessei*a d'augmenter, grâce à
Texploitation, déjà très avancée, des houillères de Nong-
Son, près Tourane, ainsi que de nombre d*autres gise-
ments miniers de toute nature qui ont été reconnus et dont
la mise en œuvre n'est plus qu'une question de temps.
Entre autres, les gisements aurifères de Bang-Miôou qui
ont été soumis à un examen sérieux et sont exploités
actuellement.
Une ordonnance royale de S. M. Dong-Khanh, en date
du 1*^ octobre 1888, a érigé Tourane en concession fran-
çaise. Une municipalité, représentée par un commissaire
municipal, assisté d'une commission municipale, y a été
installée avec les divers services qui en dépendent : voi-
rie municipale, police, etc. Une lieutenance de port va
être créée si l'essor que doit prendre le port répond aux
prévisions. M. Doumer, par arrêté du 29 janvier 1898, a
loué à une Société lyonnaise l'îlot de l'Observatoire. Cette
Société va y construire des appartements, des quais, des
ports à charbon, des magasins généraux et y assurer tout
l'outillage du port. L'exploitation des houillères de Nong-
Son va être reprise avec activité, avec un fonds de
2.500.000 francs et 500.000 francs pour les magasins géné-
raux et les constructions du port. La moitié des navires
allant d'Europe en Chine feront leur charbon à Tourane.
Le bénéfice sera de 700.000 francs pour une exportation
annuelle de 220.000 tonnes. La concession est de 2.000 hec-
tares admirablement situés. Le charbon revient à Tourane
à 6 fr. 65 la tonne, et se vend à Hong Kong 9 fr. 75.
Siège de la direction des douanes de l'Annam, d'une
agence de Messageries maritimes et d'une succursale de la
Banque de Tlndo-Chine, Tourane s'agrandit de jour en jour
et la population européenne s'élève à environ 100 habi-
tants, auxquels il faut ajouter la garnison. La colonie chi-
noise comprend environ 200 individus et la population
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— 434 —
indigène des huit villages de la concession forme un total
de 4,000 âmes environ.
Trois nfiagniflques routes ont été livrées à la circulation :
L'une reliant Tourane au village de Cam-Lé, où se trouve
un bac qui permet de traverser la rivière du même nom,
conduit delà à Quang-Nam et à la ville chinoise de Faifo»
Une autre rejoint la route mandarine au village de Phuoc-
Tuong et aboutit aux plantatio;is de café et de thé. Outre
les cultures de café et de thé de Camlé, il faut citer en
première ligne la grande plantation et TusinedeMM. Lom-
bard et G"«, à Phuoc-Tuong, dont les produits seront préfé-
rés en France à ceux de Chine et de Ceylan.
La troisième aboutit au village de Thanh-Khé et rejoint,
au fond de la baie, la route qui, passant par le col des
Nuages, conduit à Hué.
Enfin, les études en cours pour la construction d'un che-
min de fer conduisant à Hué ont permis de constater dès
maintenant que rétablissement de cette voie de communi-
cation, qui permettrait de doubler le transit entre Tourane
et la capitale, serait d'une réalisation plus facile qu'on ne
Tavait d'abord supposé La construction va commencer.
La route du col des Nuages entre Tourane et Hué est
améliorée. Des travaux très considérables, exécutés par
M. le sous-Ingénieur Bourard, ont transformé en une route
carrossable de 8 mètres de large le sentier de chèvres qui,
depuis la conquête de rAnûam, avait dû suffire pendant la
mauvaise saison aux communications avec la capitale par
le passage difficile du col des Nuages.
Outre les facilités de communication qu'elles fournissent
aux habitants, ces nouvelles artères leur off*rent de belles
promenades, bien entretenues et accessibles à la circu-
lation des voitures attelées.
Un jardin public a été récemment créé; il est orné de
beaux échantillons de l'art sculptural Kmer, qui y ont été
rassemblés, par Tauteur de ces lignes, à la suite de la
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r
— 435 —
découverte de nombreuses ruines dans les environs de
Tourane.
Tourane est surtout une ville de consignation et de
transit. Le comoierce local fait principalement du détail
pour les besoins tant de la population européenne qu'indi-
gène.
D'après les statistiques des douanes, les recettes des ports
de Tourane, Gua-Dai (Fai-Fo) et HiépHoa, centralisées à
Tourane, s'élèvent annuellement à près de 300,000 piastres.
Ces quelques données permettront d'apprécier les pro-
grès réalisés à Tourane et Tavenir commercial réservé à la
ville naissante qui sera prochainement reliée par des voies
de communication rapides avec les centres de production
de l'intérieur du pays.
A une heure environ de Tourane, et en dehors des
limites de la concession française, sont situées les mon-
tagnes de marbre, où l'on remarque de magnifiques
pagodes et des grottes taillées dans le marbre par ordre du
roi Minh Mang. Une bonzerie y est installée pour la garde
de ces lieux sacrés. Rien de plus pittoresque que cet
endroit, qui est l'objet de nombreuses visites de la part des
voyageurs descendant à Tourane pendant l'escale des
courriers.
Le gouvernement annamite n'a pas autorisé, jusqu'à
présent, l'exploitation régulière de ces carrières de marbre.
PAIPO
Lorsqu'on passe à Tourane, il est intéressant d'aller visi-
ter la ville chinoise de Faifo, le plus ancien et le plus con-
sidérable entrepôt chinois de l'Annam.
Commerce, Industrie. — Faifo est un port ouvert au
commerce par l'embouchure deCuadai; mais il n'est acces-
sible de ce côté qu'aux barques et aux jonques d'un faible
tirant d'eau. Par suite, le transit des marchandises impor-
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— 436 —
tées ou exportées a lieu par le port de Touraue relié à
Faifo par une voie fluviale parcourue en moyenne en douze
heures.
Faifo est surtout un port d'exportation et l'entrepôt géné-
ral de tout le commerce des provinces centrales de rAnnam.
L'exportation consiste en soie grège, en cannelle et en
sucre. Ces produits, dirigés sur Tourane, sont transbordés
à destination de Hong-Kong, Haiphong, Saigon, Singapour.
Presque toutes les marchandises d'échange avec les tri-
bus moïs viennent de Faifo (cuivre, laiton, objets en métal,
cotonnades).
Le port de Hiep-Hoa ne fait que le commerce de cabo-
tage intérieur ; quelques produits sont exportés en Gochin-
chine. Quant aux autres produits, ils sont exportés dans
les divers ports de TAnnam ; les principaux sont les coton-
nades indigènes, les noix d'arec et les cotons filés étran-
gers.
L'importation consiste entièrement en produits indigènes
provenant des divers ports de l'Annam (sucre, poisson
salé, huile d'arachide, tourteaux d'arachide et sel).
Un autre commerce qui mérite d'être signalé est celui
des nids d'hirondelles de mer ou salanganes; cette denrée
précieuse, appelée ô'yén en langue orientale, est fort
recherchée des riches Chinois. On la trouve surtout à flanc
de rocher, dans l'île de Cu-Lao-Cham, située à hauteur de
l'embouchure de la rivière de Faifo et à quelques milles
d'éloignement; c'est un des plus anciens et des plus curieux
monopoles que le gouvernement annamite ait concédés à des
fermiers. Les jonques viennent chercher les nids à l'île
même de Cu-Lao-Cham et les transportent de là dans les
ports de Chine.
L'industrie indigène n'est pas très développée; on
fabrique cependant des alcools de riz, de mélasse, de maïs
et de fruits, des briques, des poteries, de la chaux ; enfin,
on rencontre quelques tourneurs sur bois. Au village de
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r
— 437 -
Kim-bongy près de Faifo, habitent de nombreux charpen-
tiers, de bons sculpteurs et quelques fondeurs qui tra-
vaillent le cuivre et le fer.
Des commerçants français, les frères Derobert, établis à
Faifo depuis quelques années, achètent les produits indi-
gènes, tels que soies filées, cocons, peaux et cornes de
buffle, plantes médicinales, thés, rotins, mélasses, etc.,
qu'ils expédient en Europe. La prospérité de cette maison va
s*augmentant tous les jours, grâce aux bonnes relations
que son chef sait entretenir avec les habitants de la pro-
vince. Depuis quelque* temps, M. Petitpierre, autre com-
merçant français établi à Tourane, fait avec succès les
mêmes achats dans la province de Quang-Nam.
ExploitationSj Gisements, Bois. — Plusieurs de nos
compatriotes se sont fait réserver des terrains miniers.
Ce sont : MM. Cotton, Boudet, Devaux, Leroy, Barrât,
Herbet, Prat.
Les principales substances minérales ou fossiles sont :
la houille, le cuivre et le fer, le cinabre. For, le zinc
et la tourbe. Des mines de cuivre ont été concédées à
Duc-Bo.
Une Société française a entrepris l'exploitation des gise-
ments d'or de Bong Mieû ; les recherches ont donné des
résultats suffisants pour bien augurer de la réussite.
L*ancienne Société des houillères de Tourane, qui con-
tinuait Texploitation des gisements houillers de Nong-
Son, dont le charbon est reconnu de très bonne qualité,
vient de se reconstituer avec des capitaux lyonnais. Nong-
Son exportait par an de 3 à 4.000 tonnes d*anthracite pur
valant 43.000 fr. L'exportation va prendre un nouvel essor
et attirer les grands navires à Tourane, doté de tout Tou-
tillage d'un grand port. Notre marine y aura un dépôt de
charbon et un point d'appui.
Les montagnes renferment des forêts, d'où les Anna-
mites tirent des bois de construction et de chauffage.
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T
- 438 -
HUÉ
La capitale de TAnnam est située par 16* 32' 58" de lati-
tude N. et 105^ 15' 20" de longitude E. A 8 kilomètres de la
mer, sur les bords du Song-Huoiig-Giang, s^élève la cita-
delle de Hué, bâtie dans une boucle de la rivière. C'est un
grand carré de 2 kilomètres et demi de côté, défendu par
une escarpe revêtue de 7 mètres de'^haut, que précède un
fossé large de 20 mètres et à l'intérieur duquel se trouvent
le palais impérial, les ministères, le siège des différentes
administrations indigènes et de nombreuses casernes où
est logé ce qui reste de Tancienne armée annamite. Dans
un angle de la citadelle on a ménagé un réduit où est
casernée une partie des troupes françaises.
L'autre partie occupe un ouvrage à cornes, nommé le
Mangea, détaché du corps de place et qui commande le
cours inférieur de la rivière. En face, à Ba-Vinh, mouillent
les jonques annamites et chinoises qui font le cabotage de
la côte, et les chaloupes à vapeur qui relient par mer Hué
à Tourane. Pendant la belle saison (mousson de S.-O.), ce
port présente une certaine animation ; mais pendant l'hiver
(mousson de N.-E.), la barre de Thuan-An est très fré-
quemment infranchissable, et une partie du trafic doit
s'effectuer par voie de terre. L'état de la mer rend, d'ail-
leurs, la navigation très dangereuse à cette époque, depuis
Tourane jusqu'au Tonkin, et c'est à juste titre que les
Annamites en avaient surnommé le littoral la « Côte de
fer ».
Sur l'autre rive du Song-Huong-Giang', au débouché de
la route de Saïgon, s'élève la résidence supérieure de
TAnnam.
Une assez grosse agglomération s'est formée autour de
la ville officielle. Les villages de Dông-Ba, Gia-Hôi, Ba-
* Song veut dire rivière.
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— 439 —
Vinh et Kim-Long, sont de gros faubourgs où se presse
une population de commerçants annamites et chinois.
Un pont métallique de 72 mètres a été jeté sur le canal
de Dong-Ba, en 1393 ; d'autre part, le gouvernement anna-
mite va achever la construction d'un pont fixe de plus de
350 mètres sur la rivière de Hué pour relier la citadelle à
la Résidence supérieure.
Près de Kim-Long, village important, à l'ouest de la
citadelle, est le siège du vicariat apostolique de la Gochin-
chine septentrionale.
A l'embouchure de la rivière s'élèvent les baraquements
de Thuân-An ; on y a fondé un hôpital militaire, qui, grâce
aux vents du large qui balaient la dune, est un véritable
sanatorium.
Routes. — Depuis quelques années, le réseau routier
des environs de Hué, a reçu un grand développement ; il
atteint actuellement plus de 40 kilomètres.
Les principales routes sont :
Sur la rive droite du fleuve :
Celle de Hué à Thiéu-Tri, 7 kilomètres.
La route basse des tombeaux, 6 kilomètres.
Celles de Phu-Cam à An-Guu ; de Hué à Thuàn-An, de
Phu-Xuâm ; d'autre part, les environs de la légation sont
sillonnés de nies et boulevards.
Sur la rive gauche :
La route de Confucius de 5 kilomètres.
La route circulaire de la citadelle, celle des deux
ponts, etc.
La route mandarine de Hué à Tourane, plus générale^
ment connue sous le nom de route du Col des Nuages, a
subi d'importants travaux de réfection, pour la rendre
accessible au service des voitures dans tout son parcours,
qui est de 105 kilomètres.
Cette voie de communication peut être divisée en quatre
sections principales :
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— 440 -
La première, de Hué à Gau-Hai, située entièrement en
plaine et traversée par de nombreux arroyos, sur lesquels
des ponts en fer sont établis au fur et à mesure que les
ressources permettent le remplacement des ouvrages pri-
mitifs et rudimentaires existant actuellement.
La deuxième, de Cau-Hai à Lang-Co, franchit, d'après
le système annamite, c'est-à-dire en suivant la ligne de la
plus grande pente, les Cols de Ghoumay et de Phu-Gia, la
rectification de ces deux passages, ainsi que la réfection de
la partie défectueuse s'étendant entre Phu-Gia et Lang-Go,
sont terminées.
La troisième et la plus pittoresque vient d'être refaite
dans tout son parcours de Lang-Go à Lien-Ghéou, sur une
largeur uniforme de 10 mètres ; elle franchit le Gol des
Nuages à une altitude de 472 mètres ; la pente douce de
0°K)7 qui lui a été donnée la rend, dès à présent, accessible
aux voitures.
La quatrième section, de Lien-Ghéou à Tourane, parcou-
rait jusqu'à présent, sur une étendue de 18 kilomètres, une
plaine de sable blanc extrêmement fatigante pendant l'été.
D'importants travaux sur cette section ont été exécutés
pour transformer cette partie en route carrossable.
Le Protectorat achève, en outre, l'ouverture d'une
voie de pénétration au Laos, commençant à Maï-Lanh,
point terminus de la navigation sur la rivière de Quang-
Tri, pour gagner Aï-Lao.
Gette route aura une longueur totale de 44 kilomètres,
et nécessitera de nombreux travaux d'art, notamment la
construction d'un pont de 60 mètres sur le Rao-Quan, tor-
rent d'une extrême violence.
Elle se relie avec la route mandarine par le prolonge-
ment des travaux jusqu'à Gam-Lo.
Marchés. — Les principaux sont : huyôn de Huong-
Trà : Dong-Ba- An-Hoà, Ba-Vinh, Kim-Luong, Thanh-Huong
et Huong-Gân ; huyên de Huong-Thuy : An-Cuu, Phu-Bai,
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— 441 —
Luong-Vân, Phu-Loc, Cho-Truôi, Cau-Haï, My-Loi ; huyôn
de Phu-Vang : Nam-pho, Cho-Sinh, Cho-No ; huyôn de
, Quang-Dîen: Kim-Hai, Cho-Sia; huyên de Phong-Dien :
An-Dien, Dai-Loc, Ky-Môn.
Cultures. — Riz, aréquier, mûrier, arachides, rotins et
bambous.
La colonisation européenne se développe petit à petit ;
une plantation de caféier a été entreprise par M. Bogaert,
négociant, sur un terrain, dont il a obtenu la concession à
Cu-Bi, à 15 kilomètres de Hué ; les résultats obtenus per-
mettent d'augurer un grand succès pour cette entreprise.
Commerce, Industrie, — La plupart des barques qui
fréquentent le port de Hué apportaient au gouvernement
rimpôt des provinces sous forme de ligatures et de riz.
C'est maintenant l'administration française qui centralise
et dirige les finances de TAnnam.
Le reste de Timportation se compose de papiers chinois,
de tabac, de cotonnades, de soieries destinées à la confec-
tion des vêtements des mandarins, naturellement fort nom-
breux à Hué. L'exportation est faible et ne comprend guère
que des peaux et os d'animaux et des paquets de rotin. Les
pêcheries de la côte, bien qu'assez productives, n'ali-
mentent guère que la consommation locale. L'industrie,
autrefois représentée au Palais par les meilleurs incrus-
teurs, émailleurs et ivoiriers de l'Annam, est aujourd'hui
bien tombée. De temps en temps on trouve encore des
traces de l'habileté de ces artistes du passé, mais il est très
difficile de faire produire leurs similaires.
ExploitationSy Gisements, Bois. — Le gouvernement
annamite fait exploiter les forêts bordant les rives du haut
Song-Huong-Giang. Elles contiennent de fort belles
essences. Les renseignements manquent sur les richesses
minières de la région montagneuse, mais il est vraisem-
blable que l'affleurement houillerdu Quang-Nam se pro-
longe dans le Thua-Thiên.
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- 44î ^
Commerçants Européens. — MM. Bogaert, entrepre-
neur, fournisseur, scierie mécanique, fabrique de glace ;
Bertboin, usine pour la préparation de l'albumine et des
jaunes d'œufs salés, commerce de bois, de cotonnades,
articles d'échanges.
Principaux commerçants Chinois. — Shang-Hoo;
Shang-Ky ; A-The.
QUI-NHON
Qui-Nhon est un port desservi par les Messageries
maritimes quatre fois par mois. Il est situé par 13^ 45' 23"
de latitude N. et 406^ 53' 15" de longitude E. Sa barre n'a
que 5°^ 30 d'eau. Le port est étroit et a des fonds de 6 à
12 mètres. Une résidence, un hôpital, des casernes de
milices y sont installés. Les missions y ont un évéché à
Lang-Son, à 12 kilomètres du port. Ce centre fait un com-
merce actif avec les tribus Mois par An-Kbê ; tout le trafic
est entre les mains des Chinois. Les produits principaux
de la région sont les arachides, le mûrier, la canne. Tarée,
rindigo, le tabac, le thé« Des salines très importantes sont
exploitées dans le voisinage. L'industrie, spéciale au pays,
est celle de la soie et des crépons. Cette dernière est à
encourager. Des colons et commerçants européens se sont
fixés à Qui-Nhon. La situation sur un promontoire au nord
de la mer en rend le séjour très sain.
VINH
Ce chef-lieu de la province du Nghé-An commande les
communications avec la principauté du Trân-Ninh habitée
par les Pou-Euns.
Il est relié par les vapeurs des messageries fluviales
françaisesà Nam-Dinh et Hanoi, par les ports deCua-Hoi
et Ben-Thuy, à 6 kilomètres de Vinh. C'est là qu'est la
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- 443 -
douane. C'est là que la société forestière de TAnnam, au
capital de 500.000 francs, a son siège. Elle a installé une
fabrique d'allumettes, des scieries. Ce centre fait un grand
commerce de plantes médicinales et tinctoriales. C'est le
débouché du pays entre la côte et le Mékong et la route
la plus courte vers Houtène. Le café et le tabac seront des
cultures très productives dans cette région, ainsi que Télé-
vage. L'exploitation des bois et forêts dans cette province
et les deux voisines est réglementée par Tordonnance
rpyale du 9 octobre 1898.
NHA-TRANG
C'est le chef-lieu du Khanh-Hoa. La ville est située à
Nha-Trang. Ce port est la première relâche des paquebots
des Messageries maritimes faisant le service bi-mensuel
entre Saigon et le Tonkin. C'est le siège du résident de
France. Les autorités provinciales annamites, qui se com-
posent du tong-doc, gouverneur des deux provinces, du
quan-bo, et de l'an-sat, résident à la citadelle du Khanh-
Hoa, située au fond de la vallée, à 42 kilomètres de la
résidence.
Il existe à Nha-Trang un institut Pasteur créé il y a
deux ans par M. le docteur Yersin. Ce jeune savant, dont les
récents travaux sur la peste humaine ont été fort remar-
qués, a pour collaborateurs deux vétérinaires en second,
MM. Pesas et Fraimbaut. Le laboratoire possède aujourd'hui
une cavalerie de 100 juments qui fournissent la quantité
de sérum antipesteux nécessaire pour combattre le fléau,
en Indo-Chine et en Chine. D'autres juments produiront
également du sérum pour fa peste bovine, qui fait subir
périodiquement de grosses pertes à l'agricullure en
Annam. On crée à cetefl'et un service vétérinaire sanitaire,
qui est devenu depuis longtemps indispensable.
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444 —
PHAN-RY ET PHAN-RANG
Le chef-lieu du Binh-Thuan est Phan-Ry ; mais c'est à
Phan-Rang que Tindustrie des salines est la plus impor-
tante ; on exporte environ 10.000 tonnes de sel par an sur
Singapour et Pulo-Penang, principalement par navires à
vapeur anglais, allemands ou italiens venant prendre le
chargement sur différents points de la côte. Il est à
regretter que ce commerce rémunérateur ne soit pas entre
des mains françaises. Les 100 piculs de sel se vendent ici
en moyenne 13 piastres ; ils sont revendus à Singapour 25 et
30 piastres. Le picul équivaut à 60 kilos. Les principales
salines sont celles de Hon-Khoi et de Phan-Rang. La
pêche tout le long de la côte donne lieu aussi & un assez
grand trafic ; le poisson est salé, séché sur place et exporté
par les nombreuses jonques chinoises qui visitent les prin-
cipaux ports aux deux moussons. La saumure appelée
nuoC'tnam est très estimée et exportée & Saigon. Oa
fabrique aussi sur place de la chaux de madrépore exportée
en assez grande quantité en Ck>chinchine. La fabrication de
l'alcool de riz permet à chaque débitant de nourrir avec les
résidus un grand nombre de porcs, qui sont exportés
chaque année en très grande quantité en Chine. L'élevage
des chevaux, qui était important, il y a quelques années,
décroît de jour en jour, et il est difficile aujourd'hui d'en
trouver dont la taille et la vigueur répondent à nos besoins.
Presque tout le commerce se fait par les jonques chi-
noises qui descendent d'Hainan, avec la mousson du nord-
est, à partir du mois d'octobre, pour gagner principalement
le Siam, Singapour ou Pulo-Pinang, et qui retournent
dans leur pays avec la mousson du sud-ouest, à partir du
mois de mai. Ces jonques importent des petits cochons qui
sont engraissés dans la province et qu'elles reprennent
vivants et ligottés dans des paniers, après une année, pour
les exporter dans le sud de la Chine.
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— 445 —
OOOHINOHIÏTEÎ
CAP SAINT-JACQUES
C'est rentrée de la rivière de Saigon. Une station de
pilote y est établie au pied d'un phare de l'* classe. C'est
aussi une station balnéaire. Un vaste hôtel et de nom-
breuses habitations y ont été construits. Ce point est relié
au réseau télégraphique par les voies terrestres et sous-
marines. La rivière de Saigon conserve une profondeur
entre 10 et 15 mètres et elle forme, à partir du fort du sud
jusqu'à la rivière de Cholen, le port de commerce. C'est un
des points d'appui de notre flotte.
SAIGON
Le port de guerre a 2 kilomètres d'étendue sur 300
mètres de large. Un arsenal, des bassins de radoub offrent
toutes facilités à la marine.
La ville est bien bàlie et ses rues sont ombragées. Les
monuments publics et maisons particulières sont très
remarquables. Ses jardins publics sont fort pittoresques.
C'est une des plus belles villes d'Extrême-Orient.
Des tribunaux et une Cour d'appel siègent à Saigon, qui
possède aussi un tribunal et une Chambre de commerce,
un Conseil colonial, un Conseil municipal, une Chambre
d'agriculture, un bureau d'assistance judiciaire, une caisse
d'épargne, un service central des postes et télégraphes, de
belles casernes et des hôpitaux.
De là partent les tramways et chemins de fer pour Cholen
et Mytho. Les nations étrangères y ont des Consuls. Lu
29
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direction des douanes indo-chinoises y est centralisée. Des
écoles, des imprimeries, de nombreux journaux, une loge
maçonnique, des monts de piété, une prison centrale, un
trésor, un service des travaux publics, un service forestier
y sont établis. C'est le siège d'un commandement militaire
et d'un évêehé. Des cercles et diverses associations, quatre
corporations chinoises, trois banques européennes, une
agence principale des Messageries maritimes et de la Com-
pagnie nationale de navigation, trois notaires, un théâtre,
aussi luxueux que coûteux, une bibliothèque, font de
cette ville, de cette première capitale de Tlndo-Chine,
un centre très animé et très agréable à habiter, si le
climat n'y était aussi débilitant. Les environs offrent de
belles promenades. Des habitations se succèdent, sans
interruption, jusqu^à Cholon.
Voici le tableau de la population actuelle de la ville :
Population de la ville de Saigon (1898)
DÉSIGNATION DES NATIONALITÉS
Hommes
Femmes
Enfants
TOTAL
Européens, ji-ç^rs-:::::::
Indiens sujets
1 français
l Annam'ites
] Cambodgiens ....
Aaiatioues. < Chinois
1.345
89
305
6.052
30
9.530
m
30
70
Î76
dÛ3
45
91
6.705
12
1.875
51
22
55
102
375
30
109
3.740
16
1.708
15
25
39
128
«2.323
164
405
16.497
58
13.113
98
77
164
505
Japonais
Tagals ,..,.,....
Malais
Indiens
Totaux
17.658
mer.
9.561
6.185
33.404
• Non compris les troapM de terre et de
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- 447 -«
La ville a été entièrement reconstruite, et d'immenses
travaux ont élé rapidement exécutés. Les avenues ont
20 mètres. Dans ses squares s'élèvent les statues de sé^
grands hommes. Des égoûts, un abattoir, des parcs, des
ponts, un château d'eau, des palais grandioses pour les
administrations et surtout pour la poste et le télégraphe,
la cathédrale, les marchés, le cercle des officiers, en font
une grande cité. Dans les rues se croisent les européens,
les chinois, les indous, les malais, les tagals, les anna-
mites. Les chinois habitent la partie basse de la ville, et
les annamites sont groupés dans les populeux faubourgs*
C'est une ville d'un grand avenir.
Ce grand entrepôt commercial appelé t grand marche »,
a été fondé par les chinois en 1778. Ils contribuèrent en
1820 à relier la ville à Mytho par des canaux. Notre occu-
pation en fit décupler l'importance. Nous avons rebâti la
ville, construit des quais et des ponts, des marchés, trois
routes de 5 kilomètres, reliant ce centre à Saigon. Le tralic
par terre et par eau y est très animé. C'est une vraie cite
chinoise et, le soir, elle est d'un aspect fort pittoresque. Ses
pagodes sont nombreuses, ses théâtres chinois fort suivis-
Cholen possède sept corporations chinoises, une Com-
mission municipale, une église, des écoles, des monts de
piété, un bureau de bienfaisance pour les asiatiques.
Elle est entourée de jardins potagers. Un hôpital indi-
gène a été fondé à Choquan, à l'extrémité de la plaine des
tombeaux, sur le bord de la rivière et au centre d'un grand
village annamite.
On peut dire, au point de vue du commerce, que Cholon
et Saigon ne forment qu'une même agglomération.
Voici le tableau de la population de la ville ;
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Filles
au-dessus
de 14 ans
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' " • ê* 's KO
co *4^ toCOCO
Femmes
mariées
oc
S".
pc
Veuves
Total
Hommes
Femmes
Total
C/3
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r
-• 449 -
MYTHO
Chef-lieu de rarrondissement de ce nom, ancienne capi-
tale de la province annamite de Dinh-Tuong, est un point
très important, tant au point de vue politique qu'au point
de vue commercial. Il est situé sur la rive gauche du bras
septentrional du Cambodge, à l'endroit où débouche
Tarroyo de la Poste. Mytho est formé des deux villages de
Dieu-Hoa et Binh-Tao, à 23 milles de la mer et à 90 kilo-
mètres de Saigon, auquel il est| relié par un chemin de fer
qui n'aura son utilité que lorsqu'il sera prolongé jusqu'à
Phnom-Pénb et à Bangkok.
Mytho est le point de passage ou de relâche de presque
tout le commerce de Cochinchine, y compris les trois quarts
des 560.000 tonnes de riz de son exportation. Il est, de
plus, lé centre d'une province riche et un port de cabotage
assez important. Il est relié à Saigon par le service des
Messageries fluviales qui dessert toute la Cochinchine et
qui y touche six fois à l'aller et autant au retour, par
semaine. Le Mékong lui sert de port et les plus gros navires
y peuvent mouiller, mais ne pourraient franchir la barre
de son embouchure que très difficilement. Ce port est fré-
quenté par plus de cent jonques de mer. C'est surtout un
marché de transit entre le Cambodge et Saigon.
o^i^BoiDca-z:
PHNOM-PÉNH
La capitale du Cambodge est Phnom-Pénh, siège de
l'administration centrale du Protectorat, lieu de résidence
de S. M. Norodom, depuis 1866; autrefois la ville sacrée
d'Oudong, servait de capitale, et les premières conventions
passées entre la France et le roi du Cambodge furent signées
à Oudong.
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- 450 —
Position géographique. — Phnom-Pénh, est situé à
173 milles de la mer, à Tendroil appelé Quatre-Bras (Nam-
Van), sur le Bras du Lac (Tonlésap) et de Ghaudoc.
Commerce. — C'est un centre commercial de premier
ordre où viennent s'entreposer tous les produits du pays,
c'est-à-dire le riz, le poivre et le poisson qui forment à eux
seuls les 8/10"" de l'exportation, le coton, le tabac, les car-
damomes, la gomme-gutte, le sucre de palme et de canne,
rindigo, le bétel, le maïs» la soie, les matelas, les nattes
cambodgiennes, les peaux,»les écailles de tortue, Tivoire,
la chaux, les bois de teinture, les huiles de coco et d'ara-
chides, etc., etc.
Phnom-Pénh sert également de port de transit pour les
produits du Slam, de la Birmanie et du Laos.
Population. — La ville est peuplée d'environ 45.000
habitants, cambodgiens, malais, annamites, chinois,
métis de portugais, birmans, etc.
Rade. — Les navires de fort tonnage mouillent, pendant
les basses eaux, de février à août, dans le Grand Fleuve
(Mékong), à un mille environ de la ville proprement dite,
et pendant le reste de Tannée viennent s'amarrer à quai
dans le bras du Lac (Tonlésap). Le chenal qui sépare ces
deux mouillages est balisé pendant la saison des basses
eaux par des bouées surmontées de pavillons blancs à
tribord (en sortant du bras du Lac pour aller au Grand
Fleuve) et par des pavillons rouges à bâbord.
Remorquage. — Le remorquage est fait par la Com-
pagnie des Messageries Fluviales de Cochinchine et par
les entrepreneurs de transports fluviaux.
Les prix sont à débattre; le remorquage se paye d'ordi-
naire 4 piastres par 100 piculs et par parcoure de 60 tnilles
environ.
KAMPOT
La ville est située sur la rivière de ce nom à 34 kilo- '
mètres du golfe de Siam. Une barre empêche les bâtiments;
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— 45i —
calant plus de 2 mètres d/y pénétrer, même à la haute
mer. La population est de 5.000 habitants. Ils cultivent le
riz, le tabac, le mûrier, le sucre de palme et le poivre* Aussi
l'exportation est active. Près de la résidence sont établis
un village malais et un village annamite. Un adminla-
Irateur français et un bureau de poste et télégraphe y
fonctionnent.
LAOS
KONG
Le centre de Kong compte ISËuropéeûs^ 18.000 Indigènes
et 2bOÂsiatiques. Les indigènes se décomposent en Laotiens
pour les 3/4 et en Khas pour 1/4. L'agglomération du chef-
lieu ne comprend que 590 Indigènes, le trésor, les postes
et télégraphes, les agents des travaux et un médecin.
BASSAC — OUBON ^- KORAT
Le centre français de Bassac, sur la rive gauche, com-
prend 3 Européens, 160 Indigènes, 4 Chinois. Ce centre
" est important en ce qu*i! commande le débouché de la
Sô-Moun sur lequel se trouvent Oubon et Korat, lieux de
transit commercial avec le Siam.
PAK-HIN-BOUN
A Pak-hin-Boun, la Société doB Minei d'étain est repré-
sentée par un ingénieur. La Société des Messageries
fluviales est représentée par son directeur et un agent.
Deux missionnaires français y résident. Un autre est à
Lakhon. Le Syndicat français du Laos y a un comptoir,
ainsi qu'à Ldkhone. Oubon est le grand marché du Laos
méridional. Korat est le point terminus du chemin de fer
qui reliera ce centre à Bangkok.
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-482 —
SAVANNAKEK
Savannakek est le siège de la résidence supérieure de
tout le Laos qui a I.OOO kilomètres de longueur et 40,000
kilomètres carrés de superficie, et de celle du Ck>mmissaire
de la province de Song-Khone. C'est la tôte de route du
Mékong en Annam, par Ai-Lao, un centre télégraphique
principal, la station de l'agence principale des Messageries
fluviales. Il y a 15 Européens, 200 maisons. C'est une ville
en formation rapide.
LUANG-PRABANG
Ce royaume est sur les deux rives du Mékong et la
partie de la rive gauche appartient seule à la France ;
mais la partie située sur la rive droite est réservée à notre
action en vertu de la convention franco-anglaise de 1896.
Elle ne renferme pas 2 habitants par kilomètre carré, au
lieu de 72 en France. Cette région est divisée en H arron-
dissements, comptant 152.000 habitants indigènes, dont
67.000 Laotiens, 62.000 Khas, 23.000 de races diverses et
500 Asiatiques ; 16 Européens y résident. La ville de Luang-
Prabang compte 10.000 habitants indigènes. Incendiée et.
pillée par les pirates chinois, le 7 juin 1887, elle s*est
relevée de ses ruines depuis 1893 et se développe peu à
peu. Elle est à 800 kilomètres de Bangkok. De cette ville
à Luang-Prabang on met 10 jours de vapeur jusqu'à Pit-
Chai sur le Mé-Nam, 15 jours de Pit-Chai à Pa-Klai sur le
Mékong, à dos d'éléphant, 10 jours de Pa-Klai à Pra-Bang
en barque, total 35 jours. Le Mékong a devant la ville de
800 à 1.200 mètres. Le marché est bien approvisonné. Il a
lieu tous les jours de 7 heures à 10 heures. On y trouve
du tabac de Ban-Keun, dont on exporte 25.000 kilos, du
cachou, du coton de Muong-Sai, destiné à Talîfou et du
Siciét, écorce à mâcher. Les femmes sont laborieuses et les
hommes très paresseux. Les rues, formées de 2.000 mai-
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• 453 -
sons, sont pittoresques. Les pagodes sont curieuses à
' visiter.
ATTOPEU ou MUONG-CAO
Attopeu est un centre administratif et minier comptant
4 Eul*opéens, 900 indigènes et 10 Chinois, un bureau de
postes et télégraphe, et une mission catholique, dite des
Bah-Nars, avec 6 missionnaires.
La Société des Mines d'or et de cuivre est représentée
par deux ingénieurs.
Au confluent du Sé-Rôilîan se trouve le gros bourg de
Muong-Mai. Le poste militaire et les bâtiments de l'admi-
nistration sont sur la rive droite. On met quinze jours
•pour aller de Tourane à Muong-Cao (Attopeu).
Charles Lemire,
Résident honoraire de France.
(A êuivre.)
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1
e ■
fi
POÉSIES
Entre Tâne et le bœuf, le front idans la lumière.
Sous ses baisers, la Vierge échauffe son enfant.
De la neige et du froid la paille le défend ;
Dieu refuse à son fils le feu de la chaumière.
La foule, ô vieux Noël, te fête en s'étouffant ;
Du salut de tous c'est toi la cause première.
Le fils de Thumble seuil, de la gentilhommière
Célèbrent, pleins de foi, ton retour triomphant.
Aux pieds du nouveau-né, les bergers, les rois mages
Déposèrent l'encens, la pourpre et leurs hommages;
Ainsi le peuple encor l'adore à deux genoux.
Pour sa gloire, ô croyants, sonnez de la fanfare ;
Jésus, votre espérance, est le radieux phare
Signalant le péril qui peut fondre sur nous 1
Auguste Rousseau.
i3 décembre i8g8.
Souvenir dri poète René Chadeau,
de Saint-Rémy-la-Varenne.
Rien ne me sont les nids, leurs chants d'amour, la brise.
Les chauds rayons, la rose et sa divine odeur.
Puis-je, ô mai, célébrer ta joie et ta splendeur?
Mon œil cherche une tombe et de lafmes s'irise...
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— 485 —
Au sein du renouveau mon âme, qui se brise,
Ne peut de ses regrets sonder la profondeur...
Mon cher poète est là... meurtri sous la lourdeur
De l'oubli... des cailloux et de la terre grise.
Depuis deux ans la mort nous a ravi sa voix ;
Mais il me semble près de lui que je le vois,
Et qu'il va chanter Dieu^ le printemps, la patrie 1
J'aime à venir de loin rêver sur son tombeau...
Sans lui, ton ciel pur, ô mai, l'or de la prairie,
Les horizons charmeurs, rien ne me paraît beau !
Auguste Rousseau.
Angers, i8gg.
pâo^sz:
Rien ne l'arrête plus en sa fougue éternelle.
Dont la force s'accuse en son infinité,
De gravir, à l'égal d'un Titan, la clarté.
Par un bond de prodige et dans un grand coup d'aile.
Nul astre à son essor merveilleux n'est rebelle,
Dans son jaloux honneur de se croire indompté.
De ses naseaux jaillit un souffle ensanglanté,
Et le feu sort, comme un éclair, de sa prunelle.
Il vole, il tente, îl sonde, il aspire, il hennit,
Son crin dur se hérisse et sa croupe fléchit
Sous le poids d^un azur idéal et sans borne.
Son pied heurte une étoile au firmament vermeil.
Et son rude sabot tremble encor, dans sa corne,
D'avoir fait éclater un morceau de soleil.
Abel Letalle.
VOrbe enchanté (en préparation).
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1
Loin des abris, où va s'égarer le chevreuil
Qui, jadis, Tenviait pour son bois vénérable,
Le vieux cerf, le dix cors, honteux et misérable,
Chemine lourdement dans la forêt en deuil.
Car l'automne, arborant son redoutable orgueil,
A marqué, pour l'épreuve, et le chêne et l'érable ;
Et lui, dont la pensée était impénétrable.
Le « brave » laisse poindre un regret dans son œil.
Que de gloire, pourtant, en ce vivant trophée.
Dont sa tête royale est encore coiffée !
Sombre, vaincu, le cerf est si morne aujourd'hui,
Parmi l'ample ramure effrontément cruelle
De la fauve forêt, aussi fauve que lui.
Que son bois triomphal se confond avec elle.
Abel Letalle.
VOrbe enchanté (en préparation).
Dans la nuit sombre un homme interrogeait la mer :
Qu'es-tu ? lui clamait-il, ta voix m'effraie ; un doute
Pèse sur ta genèse et ton essence ; écoute.
Je mourrai de ton cri, s'il supplante ma chair.
Pas un mot de pardon de ton fluide amer :
A ton flot noir qui roule un flot plus noir s'ajoute ;
Et, rongés par ton fiel, ta rigueur nous déroute.
Sous le ciel qui marchande à notre œil son éther.
Or, tandis qu'à son tour montait un flot de haine.
Les vagues, vers le large,* avaient fui lentement,
Dans un reflux, dans un sillage sans haleine.
Et l'homme qui blâmait toujours l'âcfre élément.
N'eut pas même, croyant sa prière offensée,
Un regard pour Celui qui l'avait exaucée.
Abel Letalle.
VOrbe enchanté (en préparation).
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LA
FAMILLE BOYLESVE
fmiiej
Archives de Maine-et-Loire, E. 1810, 1624. — Lois et par-
tages des biens de deffant François Boylesve, Escuyer, Sieur
de la Brisarderie, de la Maurousière et de la Gilliëre, et de
Demoiselle Philippe PriouUeau, son espouse, que M** Michel
Boylesve, Seigneur des Gaudrées et d'Auvers, chevalier de
l'ordre du Roy, gentilhomme de sa chambre, fils aine et prin-
cipal héritier de M'* Maurice Boylesve vivant Seigneur de
Tharon et des Gaudrées, fils aîné des ditsdeffunls, fournit à
Mathurin Boylesve... (Ces biens avaient déjà été partagés
en 1612, 1617 et 1620). Michel ^oylesve, Seigneur des Gaudrées
choisit le 2* lot comprenant la terre de la Béraudaye, les
métairies des Roches et de la Chevallerie... Fait à Angers,
le 13 août 1624 et la choisie des lots le 29. Copie colla-
tionnée aux originaux par moi, Conseiller, secrétaire du Roy,
maison et couronne de France.
(Signé) HuRBL.
Bibliothèque d^ Angers. Audouys, mss. 1008, 1624. — Option
des lots en six parts devant Charles Ménard, Juge à Angers,
des successions de François Boylesve, Seigneur de la Brizar-
dière, la Maurousière, la Gilliëre, et Philippe PriouUeau par
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^
— 4o8 —
Michel Boylesve, Seigneur des Gaudrées et d'Auyers, che-
valier de Tordre du Roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre,
fils aîné de feu Maurice Boylesve, Seigneur des Gaudrées,
Conseiller au parlement de Bretagne, fils aisné des dits
deffunls à Mathurin Boylesve et autres puisnés.
Imprimé en partie dans les Recherches sur les familles
des maires d'Angers, II, p. 108.
Titres d'Achon, 1628. — Louis par la grâce de Dieu, Roy de
France et de Navarre, au premier notre huissier ou sergent
sur ce requis, salut. A la supplication de notre cher et bien
ami Michel Boilesve, gentilhomme de notre grande faucon-
nerie estant à cause de ce en noire protection et sauvegarde
te mandons que lui fasses paier toutes les debtes à lui dues,
y contraignant ses débiteurs par saisie, vente de leurs biens
et emprisonnements de leurs personnes s'ils y sont obligés
et en cas d'opposition, refus ou délais, les choses conten-
tieuses mises en nostre main et pour les icelles garnir des
sommes contenues en lettres, obligations passées soubs nos
sceaux et authentiques, adjourne les opposans ou delayans
et tous autres dont par luy seras requis à scavoir les rede-
vables de 10 1. et au-dessus par devant nos amis et feaulx
Conseillers les gens tenans les requestes de nostre palais à
Paris, et les autres au dessoulz par devant les juges qui en
doibvent connoistre pour procéder comme de raison. Et outre
fois commandement de par nous à tous Juges par devant
lesquels ledit exposant a ou aura causes personnelles ou
possessoires et desquelles 11 vouldra prendre la garantie et
s'y joindre qu'icelles non contestées ils renvoient aux dites
requestes sans plus en connoistre ; ce que nous leur inter-
disons par les présentes et en leur refus ou délai fais toi-
même lesdits renvoy et en certifieras nos dits commissaires
auxquels nous mandons faire aux partyes ouyes bonne et
briesve justice, les présentes après un an non valables. Car
tel est nostre plaisir. Donné à Paris, le 18* jour d'avril, l'an
de grâce 1625 et de nostre règne le 18*.
Original en parchemin.
Archives de Maine-et-Loire^ E. 1810, 1627. — Procédures
entre Jean Lefebvre, Seigneur de Laubrière, Escuyer, et
Michel Boylesve, chevalier» Seigneur des Gaudrées, et Louise
de Carion, son épouse, au sujet de la succession paternelle.
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j
- 459 —
Titres d'Achon, 1630. — C'est le lot que M» Michel Boylesve,
Chevalier, Seigneur des Gaudrées, fils aisné et principal héri-
tier noble de deffunt Maurice Boylesve.. i et Marie Le Lou...
baille et fournit à chacun de François Boylesve, Escuyer,
Sieur des Roches, conseiller du Roy, maître des comptes de
Bretagne et à Dame Françoise Boylesve, vèufve de deffunt
Mathurin Guichard, vivant Seigneur de Martigné, conseiller
au Parlement... lui, prend les Ga'udrées pour préciput, le
reste de la terre de la Brizarderie à Chanzeaux, la Ramee à
Saint-Lézin, les Roches, la Chevallerie, la Brardière à Neuvy
et sa charge de conseiller au Parlement payée 22.0001. en 1612;
au seigneur des Roches 23.000 1., dont 8.000 I. pour son
office de mailre des comptes ; à Françoise le fief, haute,
basse et moyenne justice de Taron. . . Fait et passé à Angers
devant Serezin notaire royal le 12 juillet 1630. — Copie don-
née par Nicolle Baudon, notaire, le 18 may 1694.
Copie coUationnée sur papier.
Maintenue de 1630. Titres généraux. — Partages nobles en
février 1634.
Chartrier de BoyUrot et Titres d'Achon^ 1685. — Maintenue
de noblesse (voir aux titres généraux).
Titres d'AchoUy 1638. — Extrait des registres du ban et
arrière ban de la sénéchaussée de Baugé.
Aujourd'hui 26'' juin 1635, par devant nous Jacques Des-
champs, conseiller du Roy, lieutenant général à Baugé, a
comparu Michel Boylesve, Chevalier, Seigneur des Godrées,
demandant estre deschargé, attendu na malladie et indisposi-
tion de sa personne qu'il a vériffiée, offrant d'abondant mettre
un homme en sa place suivant sa qualité et obligation de ses
fiefs sur quoy, vu le procès verbal de ce jour portant Taudi-^
Uon de ceux qui ont gouverné ledit Boylesve, nous avons
exempté ledit Boylesve du service personnel et ce requérant
l'advocat et procureur du Roy, nous ordonnons qu'en son lieu
et place il fera comparoir un personnage armé et équipé
comme ledit sieur Boylesve seroit obligé, s'il estoit sain et
valide, suivant sa qualité et obligation de ses fiefs, au 3' jour
du mois prochain enceste ville, pour recevoir commandement
de M' du Bellay, auquel avons réservé l'agrément dudit per-
sonnage et le pouvoir d'y mettre un remplaçant au lieu et
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place de celuy qui y sera présenté auquel sera rentretien
fourni. Donné à Baugé par devant nous, Juge susdit, lesdtts
jours et an. (Signé) : Michel Boylesye. Belhomme.
Original en papier.
Titres d'Àchon^ 1639. — Extrait des registres du ban et
arrière ban, fait en la sénéchaussée de Baugé pour l'année
1639 au feuillet 5*. Aujourd'hui, 2* jour de may 1639, a com-
paru devant nous Jacques Deschamps, conseiller du Roy,
lieutenant général au siège de la sénéchaussée de Baugé,
commissaire en cette partie, Michel Boylesve, Escuyer, Sei-
gneur des Gaudrées, demeurant en la paroisse de Gouys,
lequel nous a déclaré qu'il ne peut servir le Roy en ses armées
sous le ban et arrière ban, à cause qu'il est retenu par M^* le
mareschal de Brezé, en la garnison du chasteau d'Angers, où
il sert actuellement Sa Majesté suivant les ordres de H'' le
mareschal-gouverneur de ceste province et du chasteau d'An-
gers et nous a fait apparoir de ce que dessus par certificat de
M' de Brezé du 22 avril dernier, signé de Brezé et scellé de
ses armes, dont acte et ce requérant le procureur du Roy
avons ordonné que ledit certifScat demeurera attaché au pré-
sent registre, pour y avoir recours quand besoin sera, sauf
audit sieur des Gaudrées à en prendre coppie signée de notre
greffier pour luy valoir original, fait et donné lesdits jour et
an, ainsi signé Deschamps et Michel Boylesve. Ensuite la
teneur dudit certificat.
Le mareschal de Brezé, gouverneur pour le Roy de la pro-
vince d'Anjou et des ville et chasteau d'Angers et Saumur,
nous certiffions à tous qu'il appartiendra que Michel Boy-
lesve, Escuyer, Seigneur des Gaudrées sert actuellement le
Roy sous nostre charge, dans la garnison du chasteau d'An-
gers dont nous ne luy pouvons permettre de s'absenter, les
choses à quoy il est employé par nos ordres pour le service
de Sa Majesté demandant une résidence sans discontinua-
tion. Fait à Milly, le 22« jour d'avril 1639, ainsi signé de Brezé
et plus bas par Monseigneur Fardel et scellé de cire rouge
des armes dudit sieur. Et ces présentes délivrées audit sieur
des Gaudrées par moy, greffier soubsigné.
Original en papier. Belhomme.
Titres dTAckon, 1646. — A Monseigneur de Héere, conseiller
du Roy en ses conseils, maistre des requestes ordinaire de
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son hostel, intendant de la Justice, police et finances es pro-
vinces d'Anjou, Touraine et le Maine. — Supplie humblement
Michel Boylesve, Chevalier, Seigneur des Gaudrées et d'Au-
vers, disant que par exploict du 6 de ce moys, le nommé Le
Mercier, sergent, luyauroit fait commandement à la requesle
de M* Jean Lemaire, commis à la réception et recouvrement
du droit de confirmation dû au Roy à cause de son advene-
ment à la couronne, de payer la somme de 200 1. et les 2 sous
pour livre à laquelle il suppose l'exposant avoir été taxé au
conseil pour estre confirmé en ses privilèges de noblesse et
ce, sous prétexte que par le rooUe arresté au conseil, il est
porté les annoblis payeront 300 1., ce qui se doibtseuUement
entendre de ceux qui ont esté annoblis par lestres ou autre-
ment soubz le règne du feu Roy d'heureuse mémoire, de sorte
que le suppliant n'y peut estre compris, attendu qu'il est
noble d'extraction, que ses père, ayeul, bisayeul, trisayeul et
austres ses ancêtres, ont depuis plus de 300 ans vescu noble-
ment comme il le justiffle par lettres authentiques sans consi-
dérer d'ailleurs que son père étoit conseiller au parlement de
Bretagne, laquelle charge il eut exercé par l'espace de 30 ans.
Ce considéré, Monseigneur, vous plaise décerner acte au
suppliant de ce qu'il s'oppose au commandement qui luy a
esté faict par ledit Mercier et faisant droit en son opposition
faire deffences audit Lemaire de faire aucune contraincle
contre le suppliant pour raison du droit de confirmation el
vous ferez justice. (Signé) : C. Cesbron.
Ordonnance de l'intendant de ne pas poursuivre, datée du
8 septembre 1646. (Signée) : De Héere.
Original en papier.
DOUZIÈME DEGRÉ
1° Michel Boylesve, qui suit.
2'* Henri Boylesve, Ecuyer, Seigneur d'Auvers, baptisé
le 29 janvier 1624, épousa le 20 may 1649, Demoiselle
Perrine de Blnel*, fille de feu Claude de Binel, Ecuyer,
Sieur de Brohons et de Perrine de la Barre, par contrat
* De Binel : d'argent à Vaigle éployée de gueules, becquée, membrée
d'azur, à 3 fleurs de lys de même mal ordonnées.
30
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passé devant Guret, notaire à Angers. Elle était veuve
avant 1662, laissant deux jumelles et fut maintenue avec
ses filles par Voisin de la Noîraye.
État-civil dé Durtal. — Le 8d janMet* i6!4, baptême de
Henri Boyleâve... paraiû H. et P. S. Messire Henri de Schom-
berg, Comte de Durlal, Gouverneur géhé^àl du hault et bas
Limousin et Angoumois, maraine Marië-Anne, duchesse
d'Halwin, femme de H. et P. S. Charles de Schbmberg.
Titret d'Achon. — 13 juillet 1662 « vente par François
Grimaudei et Françoise Boylesve, sa femme^ d'une rente de
166 L à Dame Perrine de Binel, veuve de Messire Henry
Boylesve, vivant Chevalier, Seigneur d'AuverSi demeurante à
Gouviz. Cette vente fut remboursée le 35 novembre 1675 par
Marin Boylesve, Ecuyer, Seigneur de la Maurouzière à la
décharge des vendeurs.
Grosse originale en papier»
13® degré. Angélique et Henriette, nées et baptisées à
Gouis le 19 octobre 1651.
3* Marie Boylesve, épousa Messire Pierre Amys S Ecuyer,
Seigneur du Ponceau, capitaine du chftteau de Sablé
(165^-1662). Il mourut à Paris en 1667.
État-civil dt Durialj 1636. — Mademoiselle Marie Boylesve,
maraine.
Étal-civil de Chdledugontier ^ 1653. — Marie Boylèsvé,
femme de Pierre Amys, Ëcuyer, Seigneur du Pônceaù, gou-
verneur de Sablé, maraine.
1* Michel BoYLEsvE, Ëcuyer, Sieur de la Gallaisière,
épousa par contrat du 16 mai 1652, Demoiselle Renée du
Rideau^, fille de noble homme Jean du Rideau, Conseiller
du Roy, élu en Télection de Baugé et de defi'unte Demoiselle
Louise de Bommard.
* Àmys : Jtargent au chevron de gueules accompagné de 3 feuilles
de vigne versées de sinople, 2 et i,
• Du Rideau : dàzHr au ehèvfon d'air accmnpaéhé de 2 éènsions et
en pointe d'une flèche en pal, la pointe en haut, ae même.
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Il fut maintenu dans sa noblesse le 23 février 1665 par la
cour des Aydes, fit enregistrer ses armoiries dans Tarmo-
rial général (Touraine, p. 122).
Ils eurent trois enfans : Gabriel, Michel et Renée.
Titres Gaultier de Brulon, 1652. — Contrat de mariage
passé le 13 may 1652 devant M* François Pointeau, notaire
royal à Baugé, entre M* Michel Boylesve, Ecuyer, Seigneur
de la Gallaissière et Demoiselle Renée du Rideau, fille de
noble homme Jean du Rideau, Conseiller du Roy, élu en
rélection de Baugé et de deffunte Demoiselle Louise de
Bommard, tous deux demeurans audit Baugé, soubs raulorité
et avis scavoir ledit Sieur de Boylesve desdits Sieur et Dame
ses père et mère et de la part de ladite Demoiselle du Rideau,
dudit Sieur son père, du Sieur Louis du Rideau, Ecuyer,
Seigneur de la Cirollière, de Mathurin du Rideau, Ecuyer,
Seigneur de Parpacé, ses oncles paternels, et de René Louet,
Ecuyer, Seigneur de la Porte, conseiller du Roy au Siège de
Baugé, son oncle maternel.
Grosse original en parchemin.
— Élct'Civil de Cuon. — 21 août 1664, M""» Michel Boylesve,
Chevalier, Seigneur de la Gallaisière, parain.
— Bibliothèque nationale. Pièces originales^ registre ^82,
— 20 mai 1661, acte sur parchemin, concernant Demoiselle
Renée du Rideo, feAme de Michel Boylesve, Ecuyer, Seigneur
de la Galaisière.
Chartrier de Boylesvey le 9 février 1664, partages nobles
des successions de leurs père et mère entre Michel, la veuve
d'Henry Boylesve et Pierre Amys. . ., devant Drouin notaire.
Chartrier de Boylesve, cabinet d'Hozier^ vol. 51, n® 21. —
Arrêt d^ la cour des Aydes, du 21 février 1665 (Voir aux
titres généraux).
Bibliothèque nationale, armoriai de 1696. Touraine, ç. i2â.
— Michel Boylesve, Ecuyer : d'azur à S sautoirs d'or^ $ eu
chef et 1 en pointe.
TREIZIÈME DEGRÉ
1« Gabriel Boylesve, Ecuyer, Seigneur de la Galaisière,
né en mars 1665, baptisé le 16 octobre 1667, partagea ses
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cadets en 1703 et mourut le 25 août 1707, sans alliance.
En lui s'éteignit la branche aînée de la famille de Boylesve.
État-civil de Lesvière. — Le 16 octobre 1667, baptême de
Gabriel, fils de U^ Michel Boylesve et de dame Renée du
Riveau *, parain M" Gabriel de Boylesve, évêque d'Avranches,
maraine Dame Perrine Le Chat^ femme de Louis de Boylesve,
Conseiller du Roy en tous ses conseils, Lieutenant général
d'Anjou. L^enfant, âgé de 32 mois, avait été ondoyé à Baugé.
Bibliothèque d'Angers, Audouys, mss. 1008. — Le 25 janvier
1703, partages nobles de la succession de Michel Boylesve de
la Galaisière et de Renée du Rideau entre Gabriel, Michel,
curé et la Dame de Brullon.
État-civil de Saint-Maurille. — Le 26 août 1707, inhumation
de noble homme Gabriel Boylesve, Seigneur de la Galaisière.
2° Michel Boylesve, Ecuyer, prêtre curé de Lire (canton
de Chan(iptoceaux), partagé par son aîné en 1703, fit Tannée
suivante une fondation aux Cordeliers d'Angers. Il fit
enregistrer ses armoiries dans Tarmorial général (Tou-
raine, p. 583).
Chartrier de Boylesve et Bibliothèque d*Angerb, Audouys,
mss. 1005. — Le 1" février 1704, titre ifouvel de 36 1. aux
Cordeliers d'Angers, par Michel Boylesve, curé de Lire et
Renée Boylesve, veuve Gaultier de Brulon, héritiers de feu
Michel Boylesve, Seigneur de la Galaisière et de Renée du
Rideau, père et mère, héritiers de François Boylesve, prêtre,
Seigneur de la Bourdinière, chanoine d*Angers. Ces rentes
étaient dues sur la Galaisière et Gaugé, devant D/ouault,
notaire.
État-civil de Drairiy 1698. — Michel Boylesve, curé de Lire,
parain.
3° Renée Boylesve, dame de la Galaisière, Gaugé, la
Galletiêre, épousa, par contrat du 21 août 1694, Messire
* G. Port a mal lu le nom de la femme de Michel ; c'est, on Ta vu,
du Rideau.
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- 465 -
GeoflFroy-Michel Gaultier*, Chevalier Seigneur de Quincé,
Varannes, veuf de Marie Hullin, dont postérité.
Il mourut le 28 juin 1699.
Titres Gaultier de Brulon. — Contrat de mariage passé le
21 août 4694 devant René Boudier, notaire à Angers, entre
W Geoffroy-Michel Gaultier, Chevalier, Seigneur de Quincé,
Varannes et Renée Boylesve, lors majeure, detûeurant
paroisse Saint-Maurille d*Angers, ainsi que ladite Dame du
Rideau sa mère. Le contrat est signé des parties, de Renée*
Louise Boylesve, Ayrault, Louis de Crespy de la Mabilière,
Marie Chauvet, Louise de Chérité, Marie de Crespy, Gabriel
de Crespy, Ignace Chauvel, P. du Tremblier, R. Jouet. Alain
et Boudier, notaire passeur.
État-civil de Saint-Maurille. — 26 août 1694, céléh ration
dudit mariage.
Bibliothèque d'Angers. Audouys, Mss. 1005. — 18 mars 1702,
transaction entre Renée de Boylesve, veuve et tutrice de ses
enfans et Julien Hullin, Ecuyer, Seigneur de la Mare&challerie
au sujet de la succession de Louis Gaultier de Brulloo.
BRANCHE DE LA MAUROUZIÈRE
DIXIÈME DEGRÉ
2^ Marin Boylesve (2« fils de François, Seigneur de la
Brizarderie, la Maurouzière, et de Philippe Prioulcau),
Écuyer, puis Chevalier, Seigneur de la Maurousière, Je la
Bourdinière, licencié es droits en 1573, conseiller au présî-
dial et juge conservateur des privilèges de rUniversité
d'Angers, fut nommé en 1580 premier et ancien coiiRoiller
audit siège. « Il s'acquit une si grande réputation dans les
différents emplois qui lui furent confiés, que le roi Henri IV
le nomma lieutenant général d'Anjou en 1590 dans le
temps des plus grands troubles, sur la demande que lui en
avaient fait tous les ordres de la Province. Il rendit de très
* Gaultier : d'azur à la rose d^ argent accompagnée en chef de
2 étoiles d'or et en pointe d^un croissant de même.
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'■V
grands services à l'État pendant toutes les guerres. Le Roi
pour l'en réconnpenser, le créa Chevalier, et par une dis-
tinction particulière dont il existe peu d'exeiïiples, lui fit
expédier des lettres patentes, en date du 19 mai 1597, par
lesquelles les titres, honneurs et prérogatives de chevalier
sont rendus héréditaires pour tous ses descendants. Par
autres lettres patentes du moi^ de janvier 1598, le Roi
Tautori^a, lui et sa postérité, à ajouter à ses armes un
chef chargé de 2 ou 3 fleurs de lis d or, et à porter autour
de Técusson le collier de Tordre de Saint-Michel et une
fleur de lis d'or au-dessus du casque. Il fut fait conseiller
d'État la môme année. »
Il avait épousé par contrat du 8 novembre 1578, Demoi-
selle Renée Nicolas S flUe de noble homme René Nicolas,
Écuyer, Seigneur de la Thomasserie, la Guérinière, capi-
taine du château de Gonnord et de Anne Blouîn.
Ce fut lui qui, en 1583, fonda en. l'église des Qordeliers
d'Angers, l^ chapelle des Coylesve, dite aussi de Mont-
serrat où il fut inhumé ainsi qu'un grand nombre de ses
parents. Ses ariot^oiries et celles de sa fen^me se voient au
bas de l'escalier de Thôtel de Boy les ve, sis à Angers, 13,
rue du Cornet.
Il mourut de la peste le 4 juillet 1603 et fut inhumé
immédiatement dans la chapelle des Boylesve, aux Corde-
liers, « par des portefais qui p'avoient qu'une lanterne,
san^ assistance d'autres personnes. Bel exemple aux
grands du Palais ! » dit Louvet.
Sa veuve testa en 1617 et demanda à être inhumée à
Saint-Michel du Tertre.
Ils laiisajent de leur union cinq enfans : Anne, J^oui^,
Pierre, Françoise et Mathurin, qui suit.
* Nicolas : d'après les Mémoires domestiques : d'azur à 3 fusées
(Tor, 2^t 1, niais d'après la fondation de la chapelle des Cordelière :
d'or à la croix de gueules chargée de 5 étoiles d'argent et cantonnée
de 4 écussons de sable, ainsi quelles sont figurées sur la clef de voûte
de l'escalier de l'hôtel de Boylesve.
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r
- 467 —
Chartrier 4e Boylesve, 1573. —Diplôme de docteur es droits
pour Marin c Boylesveum civitatis A^degavensis, juriscîvili^
baocaUaureup... Tt^olQsœ, die yigesima terlia mensisf Jumî
anno domini wllesimo quinquagesimo septuagesimq tertio.
Original en parchemin ayeo )ettrei| d*or sur fppds de cou-
leur.
Id. — Goqtrat de mariage passé le % nqyembre 1578 devant
Fouré,notaire k Ai)gers,n. b- M^FranÇQîsBoyiesye, conseiller,
lieuteqant en }a préyosté d'Angers, Seigneur de la Brisarderîe
et la Maurousière et Bremoiselie PbiUppe PriouUeaii, son
espouse, n. h. Marin Boylesve, avocat en la cour du Parle-
mept d*upe part, et h. b. Louis Nicolla^, Seigneur de )a T)io-
masserie, Anqe Biquiq, sa femme et )ionneste fille, lienée
Nicolsis, leur Qlle. un lui assure 4.^00 escus dus par André
Hurault et Estienne Boylesve, à e))e 3000epqus... présence de
n. h. M* Mathieu Aubin, conseiller au présidial, Maurice Boy-
lesve, conseiller au Parlement de 3retagqe, FraqçqU Lefebvre
de L^ubrière, n. b- U* Lefebvre et Maurice Dayy, avoci^ts. . .
la mlPU^e porte les signatures dqp parties. ^. Copié psir Gues-
dqq. Ponné 30 s. pour lu recbefcbe e^ fnotion de ladite copie.
(74^r|nar 4ê Boyle$Vie. — Lettres patentes du Rqi uempi^^t
Marip Bqyle^ve, conseiller, lieuten^pt e| juge çoqsefVPiteur...
dqnqées k P^rip )e 21 sieptembre 1578 par le Hoy : de VAube-
pine- Origipal scellé- .
Id. — NomiqaMon p^v FrfinçpiÉi, Ql^ de François, frère
unique du Roi, dUP d'Âqjou, Allençqq, Tourr^jne e\ Berry,
pour le même, advecat au parlement de Paris, le %^ septembre
1579, signé par Mopseigneur, Malingre.
Id. — Quittance de 3.333 escus, un tiers pour l'office de
cpuseiller, lieuteuant que tenoit ay|ui %^ mo?l Guillsutne
Despbamps, Iq %] sept^m^i*? *è79, sigu^ Marcel*
Cl^artriçr cf^ Boplegve, 1579- — Heury par la grâce de Dieu
roi de france et de Pqlogqe, de la partie de notre amé
M* Marin Çoylesve, juge conservateur en nqstfe yi|lq ^'An-
gers, et premier conseiller, nous a esté exposé qu'^yaqt été
pourveu dudit estât et office de juge, les lieutenaqts général
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— 468 —
et particulier, conseillers, auroient présenté requeste à nostre
court de parlement pour estre reçus opposans es réception
comme n'étant pas ledit état nécessaire, s'étant transportés
en rUniversité, se seroient adressés aux docteurs et suppôts
de ladite Université, lesquels, par menaces, insinuations, ils
auroient contraint de bailler des attestations et advis con-
traires à ceulx qu'ils avoient baillé qui étoient que le juge
conservateur étoit très nécessaire... ordre d'informer... Donné
à Paris, le 30 octobre 1579, le6« de nostre règne.
Par le Roy en son conseil. Le Raoois.
Original en parchemin, le sceau perdu.
ChartHer de Boylesve. — Arrêt du conseil privé au sujet de
l'accord entre Marin Boylesve et le présidial d'Angers... 11
paiera mille escus et aura la charge de premier conseiller.. .
Donné à Paris le 11 mars 1580.
Titres d'Achon.ibSO. — Extraict des registres du Parlement.
' Ce jour, après avoir par la cour ouy et examiné H^ Marin
Boylesve pourveu par le Roy de Testât et office de premier
et ancien conseiller en la sénéchaussée et siège présidial civil
et criminel et juridiction de la conservation des privilèges
de l'Université d'Angers, surla loy à lui dernièrement ordonnée
par la fortuite ouverture du code théorique et pratique, retiré
la matière mise en délibération, ladite cour a arresté et
ordonné que ledit Boylesve sera reçu à faire et prester le ser-
ment audit estât et office appartenant comme y ayant esté
trouvé suffisant et capable, ensemble de tout autre office de
judicature... a fait le serment au cas appartenant et y a esté
receu, fait profession de foy, et l'a jurée en Parlement le
21» jour de juin 1580. (Signé) : Du Tillet.
Original en parchemin.
Archives de Maine-et-Loire, E. 1810, et Bibliothèque d^An-
gers. Audouys^ mss, 1005. — 1580. Achat pour 4.800 1. d'une
maison, sise au bas des Halles d'Angers par N. h. Marin Boy-
lesve, Seigneur de la Maurousière, premier conseiller en la
sénéchaussée d'Anjou et Dame Renée Nicolas, sa femme, de
N. h. ♦René Le Paige, Seigneur de la Paigerye, avocat à La
Flèche. Cet acte est passé le 8 septembre 1580 devant Fouré,
notaire à Angers. C'est l'hôtel de Boylesve où se trouve la
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sculpture dont il est parlé plus haut. — 1581. Quittance du
contrôleur des domaines d* Anjou, de 59 a. 6 d. d'arrérages
dus sur cette maison, sise en Saint-Michel du Tertre.
(Signé) : Deslandes.
, Chartrier de Baylesve, 4580. — Les trésoriers généraux de
France et à Tours, Conseillers du Roy, veu par nous les
lettres patentes données à Paris au mois de mars 1580 dernier
passé, par lesquelles le Roy veult et luy plaist que M'^ Marin
Boylesve, Seigneur de la Morousière, avocat en la Cour du
parlement de Paris, en vertu de ses lettres de provision
obtenues pour Foffice de Lieutenant et Juge conservateur des
privilèges royaux de l'Université d'Angers et premier Conseiller
en la Sénéchaussée et siège présidial dudit lieu, vacant par le
décès de M* Guillaume des Champs. . . estoit reçu et installé
en son ofOce de premier et ancien Conseiller. . . ordre de lui
payer ses gages. . . Consentons l'entherinement et accomplis-
sement selon leur forme et teneur. . . Donné au bureau le
14* jour d'octobre 1580.
Cotereau par les trésoriers généraux de France et
à Tours. Desjârdins.
Original en parchemin.
Chartrier de Boylesve^ 1580. — Arrêt du parlement en faveur
de Marin Boylesve, nommé premier et ancien Conseiller. . .
!•' décembre 1580.
Chartrier de Boylesve, 1583. — La fondation de Notre-Dame
de Montserrat alias des Boylesve*. Sachent tous presens et à
venir que comme ainsi soit que noble homme Marin Boylesve,
sieur de la Maurousière, premier Conseiller du Roy en la
Sénéchaussée d'Anjou, et juge magistrat au siège présidial
dudil lieu, conservateur des privilèges royaux de l'Université
d'Angers, désirant participer aux oraisons et suffrages et
prières qui se font de jour en jour en nostre mère sainte
Église, ayt eu volonté et intention de fonder une chapelle au
^ La lettre L, très ornée d'entrelacs habilement tracés à la plume,
est accompagnée d'un écusson peint : parti au 1er écartelé d^azur à
3 sautoirs d'or, 2 et t, et d'argent au sautoir de gueules chargé dun
éctf de sable au lion d'or (Danon), au 2® dor à la croix de gueules
chargée de 5 coquilles d'argent et cantonnée de 4 . • . . de sable (ces
pièces sont effacées), qui est Nicolas.
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- 470 -
couvent des Cordeliers de ceste viUe au noQi et lillre de noslre
Dame de Monsepat^el que pour ce faire se seroit trouvé audit
couvent, prié et requis les religieux d'iceluy de luy bailler
une place vacante estant à costé et derrière le grand auteU
vers la sacristie dudit couvent afin que suyvant sa dite
intentiop et volonté en l'honneur de Dieu et révérence de
nostre Dame sa digne mère, il face bastir, construire et
édifier un ^utel pour la décoratiqn de la dite église en laquelle
journellement divin service est célébré. Ce que les dits reli-
gieux deuement cougregez en leur chapistre luy auroient
accordé et suivant ce auroit ledit Boylesve encommencé la
dite chapelle et autel et du depuis se seroit transporté au dit
couvent et derqchef fait assembler les religieulx d*iceluy en
leur dit chapitre au sqp de la cloche en la manière accou-
tumée affin d'ei) passer escript eu ^igne de perpétuel memoyre,
sur quoy eux a3$6mblés capitulairement audit son de la
cloche pour l'effet que dessus, semblablement le dit Boylesve
et Damoiselle Renée Nicollas son espouse de luy suffisamment
autorisée quand à ce, demeurans en ceste ville paroisse de
Sainl-Michel-du-Tertre ont fait les accords qui s'ensuivent :
Pour ce est-il que en la court du Roy nostre Sire et de Mon-
seigneur duc d'Anjou à Angers, endroit par devant nous Repé
Mauloré, notayre et garde notte en icelle, personnellement
estably les dits religieux gardien et couvent des Cordeliers
d'Angers, es personnes de frère René Rouault, docteur eji
théologie, gardien, frère Constantin Blaizonneau, lecteur et
bachelier en théologie, f. Amant de Launay, bachelier en
théologie, f. Valère, Guerin, Sypaon Guyard, François Fro-
mond, Jehan Bonnier, Louis Guelen, René Churdon, Jehan
Moreau, Mathurin et Pierre Audrieu, tous prestres^
religieux, profès dudit couvent faisant la plus saine et entière
partye d'iceulx d'une part, et ledit Boylesve de la Maurou-
sièreetla dite Nicollas son espouse, autorisée comme dessus,
d'autre part, soubmettant respectivement scavoir les dits
gardien et religieux dudit couvent, eux, leurs successeurs et
biens dudit couvent'et lesdits Boylesve et Nicollas son espouse,
eux, leurs hoirs et ayant cause avec tous et chacuns leurs
biens pieublea et immeubles, présens et à venir quels qu'ils
soient, au pouvoir, ressort et juridiction de ladite court quand
à ce confessent de leur bon gré sans contrainte : C'est à
scavoyr que. lesdits religieux ont consenty et accordé, coh-
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- 471 -
sentent et accordent audit Boylesve qu'il face fayre et
parachever ledit autel et chapelle soubs le nom de nostre
Dame de Monserat autrement la chapelle des Boylesve dans
laquelle ledit Boylesve et ceux descendants dudit Boylesve
seront enterrés et y auront droit de sépulture sans qu*aultres
y puissent prétendre ledit droit. Pour la fondation de laquelle
chapelle lesdits Boylesve et sa dite espouse ont fondé deux
messes à basse voix qu'ils ont ordonnées estre dictes et célé-
brées par chacune çepmaine a perpétuité en ladite église et
couvent do Saint-François de ceste ville en ladite chapelle el
à la fiq de chacune desdites messes sera dit le pseaulme de
ProfundU^ un libéra avecques les oraisons accoustumées et
oultre recommandé aux assistans audit service à faire prière
pour le repos des âmes desdits fondateurs, de leurs parents
et amys trespassés. Lesquelles messes seront dictes et célé-
brées ^cavoir Tune au jour de sabpaedy, heure de 8 heures
du matin en Thonneur 4^ Nostre Dame de Monlserrat et
Taultre le jour du dimanche en TUonneur delà Sainte-Trinité,
incontinent après YOfferte de la grand'messe auparavant la
célébration de laquelle seront lesdites messes sonnées avep
I4 grosse clocbe de ladite église par trois fois et à chacuqe
fois trois gobets et après sera sonné la petite cloche en la
manière accoustumée. Item ont lesdits Boylesve et sa dite
épouse voulu et ordonné estre dict vigilles de morts et une
messe de Reqmem avec un libéra et les oraisons ordinaires
et le tout estre dict et célébré par chacun an à perpétuité à
notte, diacre, sons-diacres ep ladite église par les frères dudit
couvent le plus dévotement et solennellement que faire ce
pourra une fois Tan seuUement et à ce mesme et pareil jour
que décédera ledit Boylesve et autant en estre dict et célébré
pour ladicte Nicollas son espouse à pareil jour qu'elle décédera,
à commencer seuUement lesdits anniversaires après leur
décès et oultre ce que dessus seront aussy tenus lesdits
frères tous les jours à Tyssue de matines et après ledit décès
dudit Boylesve dire de Profundis pour le repos de Tâme de
iceluy et de sa dite espouse et de leurs parents et amis tres-
passés et les commencera celui qui officiera en ces mots :
Pro remedio animœ fratris nosiri Marini Boylesve atque ejus
consortis ou bien useront desdits mots en Toraison inclina
qui sera dite après lesdits de Profundis. Et seront tenus les
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— 472 -
dits frères dudit couvent de Saint- François, mettre et inscîre
les noms et surnoms desdits Boyiesve et de sa dite espouse
en leur livre et papier des obits et y faire mention du contenu
en ces présentes et par chacun an à tels jours que seront les
obits dudils Boyiesve et son espouse, fayre prières pour eux
ainsi qu*il est accoustumé fayre pour les religieux et autres
inscrits en leur martyrologue. Et à ce que lesdites messes et
service divin cy dessus spécifié soient dicts et entretenus à
perpétuité et pour renlretenement d'iceluy lesdits Boyiesve et
Renée NicoUas, son espouse, autorisée comme dessus et
chacun d'eux seul et pour le tout ont donné, ceddé, délaissé
et transporté et encores par ces présentes donnent... à
perpétuité par aulmosne et présentation annuelle aus dits
couvent et frères d*iceluy stipulants ei acceptans pour eux,
leurs confrères et successeurs, la somme de 25 1. de rente
annuelle et perpétuelle evalluée à 8 escus un tiers payables
au terme de Nuel et Saint-Jehan Baptiste de chacune année
par moitié. Quelle rente ils ont assigné et assignent spécialle-
ment sur leur maison sise et située près les vieilles halles
de ceste ville d'Angers, dicte paroisse de Saint-Michel, par
lesdits Boyiesve et NicoUas son espouse acquise de M* Robert
Le Paige et Perrine Laurens son espouse et générallement
sur tous et chacuns leurs biens présents et avenir quels qu'ils
soient et, sans que la généralité puisse nuire à la spécialité. . .
en attendant une assiette de ladite rente sur l'un des chapitres
de l'une des églises collégiales de cette ville que les dits
Boyiesve et Nicollas feront. Auxquels fondations, dons...
entretenir... obligent lesdites parties... fait et passé au
chapitre dudit couvent en l'assemblée desdits religieux faîcte
à son de cloche comme dit est es présences de N. h. M^ Jehan
Lefeubvre, Sieur de Laubrière et M* Jehan Hamelyn, clerc
juré au greffe de la prevosté demeurans audit Angers
tesmoinga à ce appelez le lundi ll^' jour de juillet 1583. Signé
en la mynutte, Boyiesve, Renée Nicolas, Rouault, Blaizonneau,
de Launay... Demouyn, Audrieu, Lefeuvre, Hamelyn et nous
notaire. Moloré.
Deux grosses originales dont l'une, outre l'écusson est
ornée à chaque page d'arabesque très fins, de fleurs, de
vases, d'oiseaux, le tout à la plume. L'autre porte la signature
de Marin Boyiesve.
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— 473 —
/d., 1888. — Capitaines et gardes des
portes de cette ville, laissez passer le Sei-
gneur de la Maurousière, Conseiller au
siège présidial d'Angers, avec ses gens, L
armes et chevaux s*en allant trouver le ^
Roy. Faict à Paris le dernier may 1588.
Signé : de Villequier.
Original en papier scellé en placard.
Charirier de Boylesve. — Commission du Roy pour Marin
Boylesve et M« René Bautru d'informer contre les rebelles, . ,
et contre Cochelin... donné à Tours le 28 juin 1580 et de
nostre règne le 16*. Signé, par le Roy en son conseil. Guibert,
Copie coUationnée.
(A suivre,)
P. DE FaRCV
fi
î
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CHRONIQUE
M»'' Mathieu, ancien évêque d* Angers, actuellement arche-
vêque de Toulouse, vient d'être élevé à la dignité cardinalice.
Cette nomination aurait pu tarder davantage^ mais elle
était attendue et désirée. En effet, les mérites personnels
de l'archevêque de Toulouse, l'éclat de ses talents, aussi bien
que l'importance du siège qu'il occupe^ tout le désignait à
l'attention de Léon XIII.
Mais ce qui n'était pas prévu, c'est que le nouveau prince
de l'Église a été créé cardinal de Curie. 11 résidera à Rome et
sera chargé de représenter la France et de défendre ses inté-
rêts dans les conseils du Saint-Siège.
En acceptant cette haute dignité "et cette mission délicate
entre toutes, M^' Mathieu sera obligé de renoncer à l'adminis-
tration d'un diocèse où il est entouré de respect et d'affection.
C'est pour lui un lourd sacrifice; c'est pour ses diocésains
une perte cruelle : la seule chose qui puisse adoucir les regrets
de ceux qui le connaissent et qui l'aiment, c'est de songer aux
services qu'il rendra à notre pays, dans les fonctions émi-
nentes où l'appelle la confiance du Saint-Père.
La Revue de VAnjou unit ses félicitations et ses hommages
à ceux que reçoit à Rome, au moment où paraîtront ces lignes,
S. £. le cardinal Mathieu.
Le nouveau Bureau et le Comité de la Société des Amis des
Arts d'Angers pour l'année 1898-1899 se trouve composé ainsi
qu'il suit :
Président : M. Gilles Deperrière ;
Vice-présidents : MM. Cointreau, Beignet ;
Trésorier : M. Maurice Mercier ;
Secrétaires : MM. A. Planchenault, A. Bruas ;
Commissaires : MM. Jubien, Courant, Mondain, Brunclair;
Comité : MM. Audfray, Bayol, G. de Chemellier, Dauban,
Dubos, Dubut, Dussauze, D' Guichard, Latté-Daviers, Luson,
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— 475 —
Aïvas, Kieffer, Le Guay, A. Leroy, Livache, Maillard, A. Michel»
Miron d*Aussy, Robert Chagnias et comte de Romain.
A la 23* réunion des délégués des Sociétés des Beaux-Arts
des départements qui a eu lieu à Paris, à l'École nationale des
Beaux-Arts, sous la présidence de M. le Ministre de l'Instruc-
tion publique et des Beaux-Arts, notre ami et collaborateur
M. Joseph Denais, membre correspondant du Comité, a fait
connaître, avec détails, le tombeau, malheureusement mutilé,
de révèque Claude de Rueil, par Philippe de Buyster, et com-
muniqué le contrat fait entre le Chapitre de Saint-Maurice et
le statuaire.
C'est noire compatriote M. Henry Jouin qui, selon la cou-
tume, a rédigé le Rapport général de la session. De ce long
et délicat compte rendu -r- presque un volume, publié au
Journal officiel du 27 mai — nous détachons les lignes
ci-dessous, qui concernent la communication de M. Josepli
Denais :
c Philippe Buyster, sculpteur du roi, logé aux galeries du
Louvre, appartenait encore à la maîtrise lorsque le Chapitre
de la cathédrale d'Angers lui confia l'exécution du tombeau
de Claude de Rueil, évèque décédé, tombeau que vous a
décrit M. Joseph Denais, correspondant du Comité à Angers.
Autant que nous en pouvons juger par les faits, Buyster était
un homme bon, mais irrésolu. On se souvient de la jonction
de 1651 entre l'Académie et la maîtrise. Le Brun, qui tenait à
Buyster, se démit en sa faveur de sa qualité d'ancien. Marché
conclu. Mais les turbulents de la maîtrise se rebiffent et
Buyster quitte l'Académie pour se ranger dans le parti de la
révolte. S'il manqua de caractère, au milieu de circonstances
d'ailleurs compliquées, Buyster ne fut ni un homme de lucre,
ni un oisif. 11 consent, en février 1650, à exécuter pour le
mois d'août de la même année, moyennant 1.300 livres, la
statue couchée de Claude de Rueil, en marbre blanc. L'iBUvre
a survécu. Elle est de bon style. La tète du prélat, pour
laquelle Buyster eut à sa disposition une peinture prêtée par
M. l'abbé Lucas, est évidemment un portrait. Le visage porte
la trace d'accents de nature qui ne s'inventent pas. M. Denais
nous fait connaitre le marché passé par le Chapitre avec le
statuaire. C'est une pièce qui n'est pas banale. Elle a été
rédigée par des mains expériil^entées. Un pareil contrat défie
toute surprise. »
Le Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts
publiera d'ailleurs, dans son volume annuel, avec la gravure
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— 476 —
de rétat actuel du monument, dont Gaignières a laissé un
curieux dessin contemporain, le traité conclu pour la cons-
truction de ce tombeau. On trouvera cette description aussi
dans la belle Monographie de la cathédrale d* Angers (monu-
ments, sépultures, trésor, tapisseries, vitraux, etc.) que vient
de terminer M. Joseph Denais *.
Dans sa dernière séance, l'Académie des Beaux-Arts a par-
tagé le prix Trémont (peinture et sculpture), d'une valeur de
1.000 fr., entre MM. Descheneau, peintre, et L'Hoest, sculp-
teur.
♦•♦
M. Volot (Jacques) vient d'obtenir une mention pour les
belles eaux-fortes qu'il a exposées au Salon de Paris.
C'est à un lettré angevin qu'est échu le privilège de fêter, à
Paris, le centenaire de Beaumarchais. £n effet, notre compa-
triote M. Henry Jouin, le distingué secrétaire de l'École des
Beaux- Arts, a fait représenter, le 18 mai, au Théâtre national
de rOdéon, une pièce en un acte, en vers, intitulée le Neveu
de Beaumarchais.
^ Ajoutons que cette pièce, qui avait pour interprètes les .
principaux acteurs de la seconde scène française, a obtenu
un succès mérité.
» »
Jeudi 18 mai a eu lieu, à l'Académie française, Télection
pour le remplacement de M. Edouard Hervé.
Trois candidats étaient sur les rangs : MM. Paul Descfaanel,
président de la Chambre des Députés, Emile Faguet et René
Bazin.
M. Paul Deschanel a été élu au deuxième tour par 20 voix
contre 10 à M. René Bazin et 6 à M. Faguet.
M. René Bazin, qui se présentait pour la première fois,
a obtenu un véritable succès en arrivant second et avant
M. Faguet. C'est de bon augure pour la prochaine élection.
• * Paris, librairie Renouard. Grand in-8<* de xxiv et 500 pages,
gravures et plan.
t
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— 477 —
M. le docteur Motais vient de présealer à l'Académie de
Médecine un important travail sur la myopie scolaire.
La myopie, qui nous envahit de plus en plus, devient un
véritable danger public, et il est temps de réformer l'hygièDe
scolaire de nos établissements d'instruction.
M. le docteur Motais a été chargé, par le Ministre de Tins-
truction publique, de la mission de déterminer ces réformas*
M. le Président du Conseil, ministre de l'intérieur, par déci-
sion en date du 8 juin 1899, vient de confier à M. le docteur
Henry Lemesle la direction d'une mission scientifique ayant
pour objet l'étude des conditions du traitement de la tubercu-
lose pulmonaire dans les sanatoria d'altitude de la Suisse, et
spécialement de l'Engadine.
•••
Notre compatriote M. Auguste Rousseau, dont nous publions
deux pièces dans ce fascicule, vient d'obtenir le premier prix
au concours poétique de la Revue du Maine avQc une très beîlê
poésie, V Union, c pleine d'actualité, dit cette iîevi^, et inspirée,
comme toutes les œuvres du lauréat, par le plus pur patrio-
tisme et les plus nobles sentiments >.
Les Pères de la Compagnie de Marie, réunis en chapitre à
Saint-Laurent-sur-Sèvre, viennent de procéder à l'élection de
leur supérieur général.
Le R. P. Maurille a été élu pour douze ans, selon les consti-
tutions de la congrégation.
Le Père Maurille est né à Notre-Dame de Chemillé, le ^S
février 1843. Il fit successivement ses études au collège de
Beaupréau et au petit séminaire de Mongazon. Ordonné
prêtre par Mgr Angebault, le ii décembre 1866, il fut nommé
vicaire à La Pommeraye, où il resta deux ans, ensuite à Doué-
la-Fontaine.
11 y avait un an à peine qu'il était vicaire à Doué, lorsqu'il
entra dans la Congrégation fondée par le Père de Montfort.
Le supérieur général de la Compagnie de Marie est en
même temps supérieur de la Congrégation des Filles de la
Sagesse.
ai
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— 478 —
M. le général de division Hartschmidt, commandant la
18<^ division d'infanterie et résidant à Angers, dont nous pu*
blions plus loin le remarquable discours prononcé à la Société
de Gymnastique et de Tir, est nommé au commandement de
la 12<^ division d'infanterie, à Reims.
Nous n'avons point ici à examiner les motifs de ce change-
.ment. Nous constaterons seulement que la nouvelle de son
départ a causé à Angers, tant dans l'armée que parmi la popu-
lation une douloureuse surprise et provoque de bien vifs
regrets. Patriote et soldat avant tout, M. le général
Hartschmidt avait su, par sa droiture et sa bienveillance, se
concilier les sympathies de tous.
M. Brossard de Corbigny, capitaine de frégate de réserve,
est nommé officier de la Légion d'Honneur.
♦ ♦
Un certain nombre de « conseillers du commerce extérieur
de la France » ont eu l'idée de provoquer un groupement de
ceux de leurs collègues qui se trouvent en rapport avec nos
possessions d'outre-mer.
Ainsi s'est trouvé formé le < Grdupe colonial des conseillers
du commerce extérieur », dont le but est d'étudier tout ce
qui peut contribuer au développement des rapports indus-
triels et commerciaux de la métropole avec ses colonies.
Notre distingué collaborateur, M. Ch. Lemire, a été nommé
vice-président du bureau de ce groupe.
«•
On assure que notre compatriote M. Célestin Hy, né à Bocé,
pharmacien à Saint-Louis (Sénégal), dont les parents habitent
Angers et dont le frère, M. l'abbé Hy, est professeur à l'Uni-
versité, vient de découvrir un procédé qui permet, sans avoir
recours à l'obscurité du laboratoire, d'obtenir, en quelques
minutes, les épreuves photographiques au ton voulu, avec
une richesse de détails inconnue jusqu'ici. Le procédé s'ap-
plique à tous les papiers.
♦*♦
Nous apprenons avec grand plaisir les récompenses obte-
nues à l'Exposition d'horticulture de Saint-Pétersbourg par
MM. de La Devansaye, président, et L.-An. Leroy, vice-prési-
dent de la Société d'Horticultpre de Maine-et-Loire.
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— 479 —
H. de La Devansaye s*est vu décerner une grande médaflle
d'or pour ses semis nouveaux 1899 tïAnthurium et un prix
spécial, grande médaille de vermeil, attribuée à lexposant
ayant obtenu par lui-même les plus belles plantes de semis.
Le jury a décerné à M. L.-An. Leroy une médaille d'or
pour ses Camelliat et une grande médaille d'argent pour ses
Magnolias grandi flora.
•♦•
La Revtie de V Anjou ne s'occupe pas de sport, mais com-
ment omettre de dire ici que l'heureux vainqueur du grand
prix de la ville de Paris a été notre compatriote, M. Maurice
Caillault, capitaine de cuirassiers détaché à Téta t major de la
place de Paris et décoré Tannée dernière pour sa belïe con-
duite à Madagascar. Perth avait déjà porté victorieusemeûi
les couleurs du jeune officier à Chantilly, en enlevant le prix
du Jockey-Club.
♦%
Les il et 12 juin, environ deux cents délégués des Comités
de toutes les villes principales arrosées par la Loire ou ses
affluents principaux, de Saint-Nazaire à Nevers, étaient réu-
nis dans le chef-lieu de Loir-et-Cher. S'il faut en juger par la
réception faite aux congressistes, la municipalité et la Chambre
de Commerce ont fait une belle et évidente démonslration
de l'intérêt que les Blaisois portent à la solution de rimpor-
tante question de la Loire navigable.
Le Congrès a tenu trois séances. Notons seulement ses
décisions les plus importantes :
Malgré une intervention assez vive en faveur d'un canal
latéral, l'unanimité des membres présents à la réunion a
maintenu les résolutions des Congrès antérieurs relatives au
tracé. C'est dire que les vœux des Comités se sont une fois
de plus nettement affirmés en faveur de la voie navigable
dans le lit même du fleuve, de Nantes à Orléans.
Le rapport de la Commission spéciale instituée le Si mal
1897, si impatiemment attendu, a été examiné. Ce rapport
officiel ne pouvait être que très circonspect, mais il conclut à
la possibilité d'utiliser et d'améliorer le lit du fleuve, dans la
1" section, la seule encore étudiée, de Nantes à la Maine.
La Commission des Ingénieurs des Ponts-et- Chaussées
évalue la dépense d'amélioration du chenal à un chiffre qu'on
ne peut guère espérer voir descendre au-dessous de
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1
— 480 -
180.000 francs le kilomètre, mais qui ne semble pas deroir
dépasser 200.000 francs.
Elle estime que les travaux devraient être répartis sur
plusieurs années. Ils seraient effectués successivement et
gradués en vue de transformer progressivement le régime du
fleuve dont le lit ne saurait se modifier en une ou deux
années. La Commission appréhenderait même l'insuccès des
travaux s'ils étaient trop précipités.
En présence des conclusions de ce rapport, un examen
des moyens financiers s'imposait à l'attention du Congrès.
Une sérieuse étude avait été préparée sur ce sujet. Nous
la résumerons dans ses grandes lignes :
En prenant pour base la dépense précitée de 180.000 à
200.000 fr. par kilomètre, il convient de prévoir une dépense
qui pourra atteindre 18 millions de Nantes à la Maine, et 88
à 60 millions de Nantes à Orléans.
Le Comité central estime avec raison que l'État participera
pour moitié dans les dépenses d'exécution. L'autre moitié
serait supportée en totalité, proportionnellement à leur intérêt
dans la voie navigable, par les départements qui en profite-
raient.
Par exemple et en premier lieu, les départements de la
Loire- Inférieure, de Maine-et-Loire, de la Sarthe et de la
Mayenne seraient appelés à participer à la dépense d'exécu-
tion de la section Nantes- La Pointe.
Le département de la Loire-Inférieure, totalement traversé,
en supporterait la moitié, celui de Maine-et-Loire un quart.
La Sarthe et la Mayenne, chacun un huitième.
Le Maine-et-Loire aurait ultérieurement à consentir une
autre contribution équivalente, concurremment avec l'Indre-
et-Loire, la Vienne, la Haute-Vienne, etc., lorsque la deuxième
section de la Maine à la Vienne entrerait en voie d'exécution.
Le principe et la proportion admis et la répartition de la
dépense sur plusieurs exercices étant demandée par les ingé-
nieurs eux-mêmes, le comité central a pu calculer qu'un impôt
départemental de 4 centimes additionnels pour la Loire-Infé-
rieure, de 2 centimes en Maine-et-Loire, de 1 centime dans la
Sarthe et dans la Mayenne, serait suffisant pour gager un
emprunt de 7.800.000 francs, représentant la part contribu-
tive des quatre départements dans l'exécution de la première
section. L'amortissement en capital et intérêts serait ainsi
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— 481 —
i^ssurédans chaque département sur une période assez courte
eu rapport avec la valeur de son centime.
Les ressources financières seraient, en résumé, procurées
par les mêmes moyens qui ont facilité aux départements
l'exécution des voies ferrées.
La combinaison a l'avantage de concentrer les efforts sur le
parlement et les conseils généraux et de répartir équitable-
ment les charges sur toutes les populations qui profiteront
de la voie navigable. Elle a paru simple et pratique et a été
approuvée par l'unanimité des membres du Congrès.
Au cours de la séance publique, M. Max Richard, président
du comité d'Angers, a émis le vœu que les travaux devant
procurer l'amélioration de la Loire soient entrepris le plus
promptement possible et sans aucun relard, par l'État, avec
le concours de tous les corps constitués des départements,
des villes et communes intéressés aux futurs bons résultats
de l'entreprise ; que pendant l'exécution de ces travaux, les
études déjà commencées pour l'amélioration du cours de la
Loire dans toute la contrée comprise entre la Maine et Briare
soient activement poursuivies.
Pour terminer, enregistrons que la commission interdépar-
tementale des conseils généraux de la Loire-Inférieure et de
Maine-et-Loire s'est réunie à Nantes le 1*' juillet pour exami-
ner cette importante question de la Loire navigable qui vien-
dra devant notre Conseil général à la session d'août.
A propos de la Loire navigable, nous nous permettons de
signaler à l'attention de nos lecteurs l'ouvrage récemment
paru intitulé : Rivières à courant lihre^ par M. F.-B. de Mas,
inspecteur général des Ponts et Chaussées, professeur à
l'École nationale des Ponts et Chaussées ^ Ce Cours de Navi-
gation intérieure est un véritable monument.
Dégagé de formules abstraites, abondamment pourvu au
contraire de croquis et dessins compréhensibles pour tous,
conçu dans un style clair et précis, il instruira tous les
. * Encyclopédie des Travaux publics, Paris, 1899, chez Baudry et C^ ;
15, rue des Saints-Pères.
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— 488 —
hommes qu'intéressent Tétude des cours d'eau el de leur
régime, le matériel et les procédés de navigation fluviale.
P. B.
Un de nos concitoyens, M. Alexandre Hérault, bien connu
par diverses excentricités de son existence autant que par
ses actes pliilanlhropiques, est mort le 7 avril dernier, laissant
à la ville d'Angers, au détriment de ses héritiers naturels, la
plus grosse part de sa fortune, à la seule condition d'être
employée « pour les intérêts exclusivement civils et laïcs
delà population ». Le legs s'élèvera, croit-on, déduction faite
des droits de mutation» à 11 ou 1.200.000 francs. Déjà,
avant l'envoi en possession, les feuilles locales se livrent
d'avance à toutes sortes de combinaisons sur la meilleure
manière de « croquer le magot ». Et les lecteurs d'emprunter
à l'envi les colonnes des journaux pour émettre à la fois leur
avis et les idées les plus invraisemblables. En fait la ville ne
sera guère à même d'employer cet argent avant un ou deux
ans. r- Une autre clause du testament attribue à H. Cions-
tant Lemoine, pépiniériste, et à son fils aîné, les immeubles
sis à Angers, 61, route de Paris. M. Hérault avait inventé
deux melons, le Composite et YOrangine et de nouvelles
espèces de poiriers. C'est dans le but de continuer ces
cultures qu'il a légué à MM. Lemoine le terrain nécessaire
pour la propagation de ses découvertes, ainsi qu'une énorme
quantité de graines. Malheureusement, le jardin, non cultivé
depuis plusieurs années, n'est à l'heure actuelle qu'une forêt
de ronces (environ deux hectares). Quant à la maison de
M. Hérault, toujours hermétiquement close et où lui seul péné-
trait, elle renfermait, avec des poires pourries sur les meubles
et sur les parquets, plusieurs mètres cubes de poussière.
Est-il utile de rappeler que M. Hérault avait, de son vivant,
doté la ville de quatre lions de fonte au Jardin du Mail,
d'une plaque indicatrice pour l'Hôtel- de- Ville, de l'hor-
loge de la Poste, de bancs-candélabres sur la place du
Ralliement et de bancs au cimetière ; enfin, qu'il avait fait
mettre en quinconce à ses frais les arbres de l'avenue
Jeanne d^Arc, plantés d'abord en simples rangées. Et, bien
qu'il répudiât avec quelque ostentation le titre de < bienfai-
teur de la ville », il avait fait poser une enseigna sur un
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- 483 -
terrain à loi, en bordure de l'avenue, pour rappeler la tranS'
formation opérée par ses soins.
C'est une célébrité angevine — il serait peut-être plus
exact de dire une c curiosité » — qui vient de disparaître.
Parmi les projets proposés pour l'emploi du legs Hérault,
dit le Journal de Maine et-Loire^ la restauration de la Tour
Saint-Aubin et le déplacement du Jardin fruitier réunissent
l'unanimité de l'opinion.
c L'établissement du Jardin fruitier dans un terrain neuf, où
les arbres et les vignes pourront prendre leur développement
normal, s'impose. N'est-ce pas, d'ailleurs, honorer, selon ses
vœux, la mémoire du bienfaiteur de la Ville, que de consa-
crer une partie de son legs à l'horticulture, objet de sa prédi-
lection? En outre, dans le Jardin fruitier, fonctionne uae
école d'horticulture et de viticulture, précieuse pour noâ
concitoyens, auxquels elle permet d'apprendre un état, et
personne assurément ne proposera la suppression d'une
école.
c Quant à la Tour Saint- Aubin, le barbare qui se résignerait
aujourd'hui à sa démolition n'osera pas se nommer. Classée
comme monument historique, placée sous la sauvegarde de
l'État, elle doit être restaurée à frais communs par l'Elat et
par la Ville. Le budget des Beaux- Arts de 1899 contient au
chapitre 39. sous le titre c conservation des monuments his-
toriques », l'inscription d'un crédit de 1.077 000 francs.
c Un député proposa même d'ajouter à l'intitulé du chapitra
les mots < monuments historiques naturels et légendaires ■.
Dans un discours fort curieux, M. Lucien Habert demanda
qu'on préservât, dans la vallée de la Meuse, le roc immense
Îu'on appelle le rocher des Quatre fils Aymon! Le ministre
es beaux-arts, tout en reconnaissant l'idée intéressante,
déclara que les monuments historiques déjà classés devaient
avoir la préférence. Nous conservons donc l'espoir que notre
tour Saint-Aubin pourra recevoir une part dans le million
voté.
c Ceux qui ne sont pas au pouvoir reprochent parfois à ceux
qui tiennent les rênes du gouvernement municipal de ne pas
suivre un plan précis dans les transformations et- les embel-
lissements de la ville.
c Dans la question qui préoccupe à juste titre nos conci-
toyens, rien de pareil. En 1864, le plan a été dressé, et une
partie, celle qui entoure la place du Ralliement, a été exê*
cutée.
c Si on jette les yeux sur ce plan, on voit que le mail de la
préfecture est prolongé jusqu au delà de la rue Toussaint.
Ce mail, après avoir traversé la rue des Lices, forme une voie
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— 484 —
de quarante mètres de largeur au milieu de laquelle se dresse
la tour Saint-Aubin ; une partie de la rue du Musée disparait,
et notre ravissant logis Barrault se détache d'un parterre de
fleurs séparé de la rue par une grille.
«Ce projet serait d'autant plus facile à réaliser que le Jardin
fruitier actuel doit être transformé en square. L'accès prin-
cipal du Musée serait placé du côté du boulevard du Roi-René
et précédé d'un escalier monumental au haut duquel on
placerait le buste de notre illustre concitoyen M. Lenepveu.
On construirait une nouvelle salle pour les tableaux, et, au-
dessus, une pour la bibliothèque. Cette construction devrait
présenter les grâces architecturales du bâtiment principal. Le
jardin, avec les ruines Toussaint, la tour Saint-Aubin, le logis
Barrault, réunirait plusieurs merveilles de l'art dont la conser-
vation fera honneur à notre ville.
« Dans la discussion qui a eu lieu devant la Chambre sur les
monuments historiques, on a cité plusieurs villes qui exi-
geaient, lors de l'ouverture des rues, cju'on construisit des
édifices dans le style artistique du passé. Nous ne devons pas
nous montrer aussi exclusifs, mais au moins, quand nous
avons l'heureuse fortune de posséder des souvenirs aussi
précieux que le loeis Barrault, la tour Saint- Aubin, les Péni-
tentes, défendons-les contre les déprédations du temps, ne
les cachons pas et profitons de la circonstance qui se présente
pour les sauver de la ruine. >
Il y aurait bien encore un grand projet à exécuter avec les
fonds Hérault, en supposant que l'embellissement de la ville,
par les abords de la cathédrale, ne puisse pas être considéré
comme opposé aux destinations c laïques > du testateur : ce
serait la reconstruction du porche de Saint-Maurice et l'édifi-
cation d'un escalier monumental de la cathédrale à la Maine,
dont il a été fort question, à nouveau, lors des dernières élec-
tions municipales.
D'après la Monographie de la Cathédrale d'Angers de
M. Joseph Denais, publiée par la Société Nationale d'Agricul-
ture, Sciences et Arts d'Angers, c'est en 1806 que fut démoli
le porche du xn* siècle, dont un dessin de Gaignières, gravé
dans l'ouvrage cité, nous donne la forme et que notre colla-
borateur décrit avec les plus grands détails.
Le 3 mai 1884, M. l'architecte Raulin avait dressé les plans
et devis de reconstruction, à la suite d'un legs fait, à cette
intention, par M. le chanoine Vinçonneau ; mais ce legs de
50.000 francs fut jugé insuffisant.
D'autre part, les plans de dégagement de la façade de Saint-
Maurice Jusqu'à la Maine furent dressés, le 10 mai 1848^ par
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— 485 -
M. Duvèlre, à la suite d'une proposition faite au Conseil muni-
cipal d'Angers, le 19 août 1841, par le commandant La tour,
rapporteur de la Commission du plan de la villa. Un escalier
monumental de cinq volées, chacune de dix marches, descen-
dait du portail de Saint-Maurice jusqu'à un péristyle décoré
des statues de la Loire et de la Maine, qui furent dessinées
par David d'Angers. On y pourrait ajouter des arbustes, à
chaque volée, ou dans les côtés de l'escalier, et faire de ce
coin d'Angers un des plus beaux et des plus pittoresques
quartiers de la ville. L'idée n'est pas nouvelle d'ailleurs, et
M. Denais rappelle que, dès 1816, elle avait été émise par
l'architecte Leclerc. Puisse- t-elle être réalisée avec Théritage
Hérault.
Des crédits sont demandés au Conseil municipil pour
remettre en état la tour Saint-Aubin dont les revêtements de
tuffeau et les sculptures croulent à l'envi. L'État prendrait
alors la moitié des frais à sa charge, environ 13,500 francs.
Dans le cas présent, il s'agit d'une réparation et non d'une
restauration qui coûterait peut-être 150 à 200,000 francs.
Depuis que le Conseil municipal a fait choix, pour rempla-
cement du monument à élever à la mémoire de Lenepveu, de
la terrasse du Musée, la question n'a pas fait un pas. Le
monument devait être inauguré au mois de juin actuel. La
ville attend, pour pratiquer l'escalier qui doit donner accès à
la terrasse par le jardin fruitier, que les artistes aient fait leurs
plans, et les artistes, paralt-il, ne semblant pas satisfaits de
l'emplacement, sont de leur côté dans l'attente. A ce train
nous en avons pour plusieurs années.
Avec la réalisation de l'emprunt doivent tomber les maisons
qui masquent le jardin des Plantes du côté du faubourg
Saint-Michel. D'ores et déjà un crédit de 1.000 francs est
inscrit au budget additionnel de 1899, pour faire faire un
plan définitif du jardin en y comprenant tout le terrain sus-
ceptible d'en faire partie dans l'avenir.
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- 486 -
Encore une vielle maison d'Angers, la maison Michel, et
des plus connues, sacrifiée aux règles impitoyables de l'ali-
gnement t Pas d'ornements, il est vrai, pas de poteaux sculptés
pour la signaler à l'attention générale. Mais elle avait son
cachet d'antiquité avec ses poutres apparentes et ses hautes
lucarnes et carrait bien le bas de la place du Pilori. Elle
gênait, parait-il, au passage des tramways et, de plus, néces-
sitait de trop grosses réparations. La ville, qui l'avait achetée
il y a déjà quinze ans, pour l'abattre, vient de la livrer aux
démolisseurs.
*
* •
Après avoir vu creuser les fondations de la nouvelle église
Notre-Dame et préparer le terrain pour sa construction, le
public a été quelque peu surpris par l'interruption subite des
travaux qui se prolonge depuis deux mois. Une erreur de
mesure, des difficultés causées par la configuration irrégu-
lière du terrain ont surgi. D*où indécision. Mais les difficultés
viennent d'être aplanies et les travaux vont reprendre.
•%
La magnifique terre de Pignerolles, commune de Saint-
Barthélémy, le château et le parc créés au xviii® siècle par la
famille des célèbres écuyers angevins, les Avril de Pigne-
rolles, ont été récemment mis en adjudication publique. Il
n'y a pas eu d'enchères, non plus que pour l'hôtel Perrochel,
à Angers, et les superbes boiseries qu'il renferme dont on
demandait 25,000 francs.
* •
C'est au Vieil-Baugé, le ii mars 1421, que Jean de
Fontaine-Guérin infligea aux Anglais < leur première des-
trousse ».
Sur la gauche du chemin, en remontant du bourg vers
Baugé, M. Jacques Gaudais a fait encastrer, en souvenir de ce
mémorable combat, un énorme bloc de pierre où les habitants
s'amusent à montrer par tradition l'empreinte d'un pied du
cheval de Clarence qui commandait les Anglais.
Cette empreinte (!) est toujours apparente ; ce n'est pas à
elle que nous en voulons, mais bien à l'inscription gravée
dans la pierre qui est complètement effacée.
Avec la meilleure bonne volonté, il est impossible de la
déchiffrer. Ne pourrait-on la reconstituer et la rétablir?
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— 487 —
M. Joseph Denais, qui possède nombre de notes sur la
eoDtrée, et à qui nous avons demandé letexLederinscrîpUon
ci-dessus, a bien voulu nous le communiquer, lel qu'il Ta
relevé lui-même vers 1870 :
LE 13 MAI 1840
j|EUR JACQUES QAUDAIS FIT REPLACER ICI CETTE
PIERRE POUR RAPPELER LA VICTOIRE hfÉMO*
RABLE QUE OUÉRIN DES FONTAINES OE^TILBOH^B
ANOÈVIN UNI A GILBERT DE LA FAYETTE
MARÉCHAL DE FRANCE ET A û ^ JEAN STCJART COMTE
DE BOUKAN PRINCE ÉCOSSAIS REMPORTA EUR
LE DUC DE CLARENCE P. ^ ANGLAIS TUÉ EN CE
LIEU AVEC LA MAJEURE PARTIE DE
SON ARMÉE LE H MARS 14^0
En fendant un morceau de vieille poutre provenant dea
démolitions entreprises aux abords de Téglise Notre-Dame,
H. Robin a trouvé une pièce d'argent à Teffigie de Henri If
et a fait, plus tard, une nouvelle découverte de 46 autres
pièces datant de 1450 à 15S9.
Le diner annuel de la société de Paris, le Vin d'Anjou^ a eu
lieu le mercredi 7 juin à 7 heures, au restaurant de la tour
Eiffel.
Un grand nombre d'Angevins y assistaient, parmi lesquels
nous pouvons citer : MM. Max Richard, ancien député; Joxé,
député de Maine-et-Loire; Lorin, avoué à Rambouillet; Lardio
de Musset, préfet dlndre-et-Loire ; le docteur Thuau, de
Baugé; Emile Cormeray, Mahier, avocat; Henry Coûtant^
Giffard fils, Louis Gandon, etc., etc.
Au dessert, M. Georges Richou, ingénieur des arts et manu-
facturesy président de la Société, a ouvert la série des discours,
MM. Max Richard, Joxé, Lorin, Lardin de Musset, prirent
ensuite successivement la parole aux applaudissements de
Tassistance.
* Ici Tempreinte d'un fer à cheval, auquel rinscription fait allu-
sion en ces termes :
Ce Cl fut trouvé sous cette pierre en 1840.
* Prince.
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1
^ 488 -
La soirée du 7 juin, 1res gaie, s'est termioée au théâtre de
la tour Eiffel, où l'on donnait une revue hilarante de Bonnaud,
A la fraichey qui veut boire f
Rendez-vous au prochain dîner, au commencement de l'au-
tomne.
•••
Le dimanche i4 mai a eu lieu, dans la salle des fêtes de la
Mairie d'Angers, une très intéressante conférence. Elle était
donnée sous les auspices de la Chambre de Commerce de
Maine-et-Loire par M. Blancheville, chef du bureau de la sta-
tistique générale de France au ministère du Commerce et de
l'Industrie, professeur d'économie politique aux Cours de la
ville de Paris.
Le Président de la Chambre de Commerce, M^. Dominique
Delahaye, a pris le premier la parole et, en excellents termes,
a présenté le conférencier. Puis M. Blancheville a, devant un
auditoire attentif, étudié, avec talent et compétence, les divers
systèmes douaniers, leurs effets dans les diJDTérents pays et
aux différentes époques, intéressant vivement les personnes
qui avaient pris place dans la salle et ne lui ont pas ménagé
leurs applaudissements.
♦%
La Société de Gymnastique et de Tir a inauguré, son nou-
veau local, 20, rue des Quinconces.
Au premier rang des invités, nous avons remarqué M. le
général Hartschmidt, commandant la division, M. Beaussire,
conseiller de préfecture, représentant le préfet, M. Gauvin,
adjoint, représentant le maire, MM. le colonel Gillet, du
& génie, le lieutenant-colonel Leturc, du 135% le commandant
R. de Terves, et un grand nombre d'officiers de la garnison ;
MM. Voisin, Proust, Descoings, Luneau, Descottes, Bally
fils, etc., etc.
La fête comportait un programme des plus intéressants qui
a été exécuté avec un ensemble parfait. Pendant les différents
exercices l'excellente musique du 135<^ exécutaitdes morceaux.
M. Descoings, président de la Société, a le premier pris la
parole, et dans un discours, que nous regrettons de ne pouvoir
reproduire faute de place, a consacré un souvenir ému à
M. Beucher c un sincère patriote, le président dévoué de la
première heure > qui avait si bien compris ce que peut pour
la force d'un pays et la puissance de l'armée, l'enseignement
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— 489 —
de la gymnastique. Il a terminé en remerciant tons les invités
de leur présence à cette fête.
M. l'adjoint GauTin a dit ensuite combien M. le Maire .
regreltait de n'avoir pu assister en personne à cette solennité
.et loué M. le président de ses efforts constants pour entretenir
l'émulation et l'esprit de discipline parmi ces jeunes gens. En
inculquant ainsi le culte de la patrie et l'amour du drapeau,
a-t-il dit, vous jetez tous les ans dans les rangs de notre
admirable armée, que nous aimons tous parce que tous nous
en faisons partie, des soldats tout préparés d'avance à sup-
porter les fatigues du métier militaire, à affronter les luttes
futures que nous ne désirons pas, mais que nous ne craignons
pas non plus, et pour lesquelles nous devons plus que jamais
nous tenir prêts et toujours entraînés.
Après les discours de MM. Descoings, Gauvin, Descottes, et
de M. Beaussire, qui a exprimé à la Société les sympathies
particulières de l'administration préfectorale, M. le général
Hartschmidt, s'est levé à son tour et a pris la parole en ces
termes :
« Mesdames,
c Messieurs,
c Mes chers amis,
< Après les éloquentes paroles que vous venez d'entendre,
je pensais qu'il n'y avait plus de place pour d'autres discours.
c Mais vos honorables présidents m'ayant déclaré que ce
serait pour vous une déception si le ne dois vous adresser
quelques mots, je me rends à leur désir.
c D'ailleurs, ils m'ont fait remarquer que nous étions ici
dans un lieu privé et chez nous. Je me sens, en effet, en
famille, car votre devise est la mienne et celle de l'armée :
Patrie avant tout!
c Vous vous réunissez pour pratiquer des exercices dont le
but principal est de développer votre force physique. Et bien
vous faites.
« A la fin du siècle dernier, vos pères ont porté à travers le
monde les idées de liberté et d'humanité écloses au soleil de
la Révolution.
c A la fin du présent siècle, à ce tournant de Thistoire, pour
employer une expression en vogue depuis quelque temps, les
peuples, concentrés en eux-mêmes et armés jusqu'aux dents,
se guettent, s'épient, pour se ruer sur celui qui aura laissé
voir une faiblesse ou une fêlure. De récents exemples vous
montrent ce que sera le xx* siècle.
« En France, nous savons déjà comment on perd des pro-
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1
— 490 —
▼inees entières. Nous venons de voir l'Espagne perdre ses
colonies en quelques semaines. Dans l'Afrique australe» au
Transvaal, une bande de flibustiers a cherché à s'emparer
d'un État légalement constitué. En Asie, on se partage la
Chine, à l'heure présente, tout comme s'il n'y avait la ni
empereur, ni gouvernement, ni peuple ayant le droit, tout au
moins, de dire à quelle sauce ils désirent être mangés.
c Partout, c'est l'avènement de la force. Fortifiez-vous
donc, si vous voulez garder votre liberté et votre indé-
pendance.
€ Mais, de même que la force industrielle, pour produire
des effets utiles, a besoin d'être endiguée, de même aussi la
force humaine a besoin d'être réunie en faisceaux, liés entre
eux par un ciment moral, qui est la discipline. La force sans
discipline n'est que la violence et celle-ci conduit à l'anarchie
et au despotisme.
« L'histoire nous apprend que plus les républiques an*
ciennes furent libres, plus leurs citoyens, et surtout leurs
armées, furent soumis a une discipline rigoureuse.
c Quand les légions romaines, perdirent leur discipline,
l'Empire tomba au pouvoir des Barbares.
« Quand les Républiques 4e l'ancienne Grèce, oubliant
leurs traditions, se déchirèrent entre elles dans des guerres
civiles, elles devinrent la proie du Macédonien.
« Pourquoi notre République serait-elle réfractaire à la dis-
cipline? Un homme vraiment fort s'honoreen abdiquant un peu
de sa liberté au profit du bien public et dans l'intérêt de tous.
< Soyez donc des hommes forts, mais disciplinés, res-
pectueux des lois et des chefs que ces lois vous ont donnés.
c C'est à ce prix seulement que vous serez dignes d'être les
citoyens d'un pays libre. >
Les paroles du général ont été accueillies par de vigou-
reux applaudissements et des cris énergiques de : Vive la
France I Vive l'armée t
Pour terminer la fête, un vin d'honneur a été servi dans
la salle d'escrime.
Dimanche 7 mai, a été inauguré, à Vihiers, le monument
élevé à la mémoire des enfants du pays morts pour la patrie
pendant la guerre. Une foule considérable, ve^ue de toutes
les communes voisines, assistait à la cérémonie. En tête du
cortège, derrière la musique et le drapeau, marchait M. le
comte de Maillé, le vaillant commandant des mobilisés de
Chemillé et de Vihiers, assisté de M. Merlet, sénateur, de
M. Ferdinand Bougère, député, de MM. Sidaine, maire, et
Pieau, adjoint, et de MM. des Nouhes, conseiller général, et
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— 491 —
de Fougerolle, conseiller d'arrondissement, A la suile du
Conseil municipal, cinq cents vétérans escortaient leurs anciens
officiers. Après la messe solennelle, chantée par des chœurs
de jeunes gens et déjeunes filles, et le discours de M. le Curé
de Coron, succédant à l'allocution de M. le curé de la paroisse,
le cortège s'est rendu au pied du monument de granit, œu^re
de H. Neveu, Tarchitecte bien connu de Choie t, ezéculée par
M. Bertin, de Vezins.
Là, dit le Journal de Maine-et-Loire^ dans une éloquente
évocation dupassé,M. des Nouhes rappelle les misères subies
dans la terrible campagne par ce régiment de Maine-et-Lûîre,
si admiré partout où il passa que sa belle conduite est encore
citée en exemple dans les pays qu'il a traversés ; puis, rendant
hommage aux officiers de notre armée si éprouvée en ce
moment, il demande aux jeunes gens d'accorder à leurs offi-
ciers d'aujourd'hui la même confiance que leurs pères avaient
témoignée à leurs officiers d^autrefois, confiance réciproque
d'où naquit une amitié qu'un quart de siècle n'a pu même
entamer. En terminant, il remet à H. le maire de Vibiers,
comme un dépôt sacré, le monument élevé au perpétuel sou*
venir de ceux qui sont tombés pour défendre la France.
Prenant ensuite la parole, M. Sidaine dit en termes émus
que le pays entier est de cœur avec ces chefs si lâchement
attaqués. Il accepte au nom de ses concitoyens ce témoignage
public de l'unanime reconnaissance qui parlera au cœur des
régiments appelés dans l'avenir à traverser la ville.
Les accents de la Marseillaise succèdent à la Marche funèbre
de Chopin et les Mobilisés se pressent autour du commandant
de Maillé, heureux de serrer une main franchement tendue.
Au banquet qui réunit sous une même tente tous ceux qui
ont pris part à la fête, M. le comte de Maillé a prononcé un
magnifique éloge de ses compagnons d'armes, auxquels sa vie
entière fut consacrée, pendant la paix comme pendant la
guerre.
M. Plessis, le distingué président de la section des vétérans
de Vihiers, rappelle aux acclamations de tous, quel fut le
dévouement du chef de bataillon aux exhortations duquel ses
soldats répondaient sur le champ de bataille : < Tant que
vous serez là, mon commandant, nous resterons. ■
Il cède la parole à M. de FougeroUe, l'auleur du si conscien-
cieux et intéressant travail que publie en ce moment la Bévue
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de F Anjou sous le titre Devant V Ennemi y- souvenirs d'un
bataillon de mobilisés de Maine-et-Loire^ où sont consignés,
jour par jour, tous les hauts faits du bataillon.
M. Imbert donne lecture d'une lettre de M. de Grandmaison,
si cruellement éprouvé en ce moment, qui regrette de ne pou-
voir exprimer de vive voix ses sentiments d'admiration pour
les défenseurs du pays.
En quelques mots très applaudis, M. Merlet, sénateur, vante
les sentiments d'attachement au sol et de fidélité au drapeau
des habitants du canton et félicite M. Sidaine, la municipalité
et la Société des Vétérans du magnifique succès de leur fêle.
Pour clore la série des toasts, H. Ferdinand Bougère
demande aux anciens combattants de raconter à la veillée les
exploits de leurs compagnons, les souffrances et les privations
encîurées en commun pendant la campagne. A leur récit, le
cœur des jeunes conscrits s'affermira et, lorsqu'ils seront au
régiment, ils s'exerceront avec ardeur pour que les ennemis
de la France, sachant ses enfants résolus, n'osent même pas
tenter une nouvelle invasion. Il boit au commandant de Maillé,
au bataillon de Vihiers, au régiment du colonel Tessié de
la Motte.
Ces paroles chaleureuses sont saluées par d'unanimes
applaudissements.
Après le banquet, le cortège a reconduit solennellement à
la mairie le drapeau de la Société, en l'honneur duquel les
musiciens avaient exécuté les plus remarquables morceaux
de leur répertoire.
Un brillant concert a terminé cette fête patriotique tout
empreinte de cordialité dont les assistants conserveront le
meilleur souvenir.
Dimanche, 30 avril, la ville de Durtal était en fôte. M. le
colonel Bonneville remettait le drapeau à la 190* section des
vétérans des armées de terre et de mer.
Précédé de toutes les Sociétés et de toutes les délégations,
le cortège défila dans un ordre admirable et déboucha sur la
place du Château où devait avoir lieu la remise du drapeau.
' c Cette manifestation imposante àii, le Journal de Maine-el-
Loire, rappelait à tous plus d'un souvenir militaire; tous
étaient fiers de se voir ainsi groupés sous le même drapeau
Eour une même idée ; la musique de Durtal avec ses marches
rillantes relevait le pas de ces braves. — Le magnifique
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drapeau est déployé ; H. le colonel Bonneville le remet aa
comité, les tambours battent aux champs, le clairon satine au
drapeau, les pompiers présentent les armes, tous j%e découvrent
et le même cri sort de toutes les poitrines : Vive TArméel
Une cantate est entonnée par les enfants des écoles réunis en
bataillon scolaire, sous Tbabile direction de leurs maîtres* De
charmantes jeunes filles offrent un bouquet et récitent un
gracieux compliment aux membres d'honneur,
c Immédiatement après la remise du drapeau, M. le sénateur
comte de Blois a prononcé une de ces allocutions vibrantes
dont il a le secret. Evocateur merveilleux, Toraleur d'un mot,
d'un trait, fait revivre les gloires du passé. Combien ignoraient
hier la bravoure de M. le capitaine Quincbéet qui aujourd'Liuî
se découvriront avec respçct devant ce héros de 1870. M. le
comte d'Andigné, maire de Durtal, président d'honneur, en
quelques mots charmants se fait Tinterprète de tous pour
remercier M. le sénateur et M. le colonel Bonneville,
€ Le cortège, reformé, se dirige vers l'église, décorée avec un
goût parfait par le vénérable curé-doyen ; les vétérans
prennent place dans la nef. Pendant la messe, des chants ont
été magnifiquement interprétés et des morceaux de musique
parfaitement exécutés par la fanfare de Durtal, sous Thabite
direction de son chef M. Vilain. Après l'Evangile, M. Tabbé
Morancé, aumônier du Prylanée militaire de La Flèche et du
IV» corps d'armée, est monté en chaire et a prononcé une
éloquente allocution. Patrie et Drapeau, telles sont les
deux idées développées devant ce brillant auditoire. Jetant
un coup d'œil rapide sur l'histoire de France, il nous montre
l'œuvre grandiose de la Patrie Française, forgée à travers les
âges par saint Louis, Louis XIV, Napoléon. On se plaisait à
l'écouter et dans nos cœurs nous sentions vibrer les senti-
ments les plus nobles de l'âme humaine, sentiments vivifiés
et épurés par la religion.
€ A l'issue de la Messe, tous les vétérans, précédés de leur
aumônier, M. le Curé de Gouy, se rendent au cimetière. En
termes émus, M. l'Aumônier évoque le souvenir de tous les
braves morts cour la Patrie et, rappelant la devise de Tin-
signe des vétérans : « Oublier... Jamais >, il nous fait
remarquer le liséré vert encadrant le liséré noir, et termine
en disant que si nous avons été à la peine nous serons à
l'honneur. Une palme en mémoire des soldats morts pour la
Patrie portant l'inscription : c Les Vétérans des Armées de
terre et de. mer » est déposée par M. Potier, président.
c A une heure, un banquet réunissait, place de la Mairie,
plus de 300 convives. A différentes reprises TexceUente
musique se fit entendre.
c Plusieurs toasts ont été prononcés. M. Potier, président,
remercia, au nom du Comité, tous ceux qui avaient bien voulu
assister à cette belle fête; puis, avant de se séparer, M. l'abbé
Morancé, M. le comte de Blois et M. le comte d'Andigné
adressèrent quelques mots chaleureusement applaudis. »
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- 494 —
' Nécrologie >
Le 3 mai ont été célébrées^ en l'église Saint-Maurice, les
obsèques du regretté M. Athanase Toutain, chevalier de la
Légion d'honneur, administrateur de la Caisse d'Épargne.
Le deuil était conduit par M. Raphaël Toulain, son frère,
par ses neveux et par H. le baron Le Guay.
A signaler autour du corbillard les couronnes portant les
inscriptions suivantes : Société civile du Grand Cercle du
boulevard, — La Caisse d'Épargne d'Angers, — Société de
secours mutuels la Générale.
Suivait immédiatement une délégation des Combattants
de 1870, avec le président M. Josset et le drapeau de la
Société.
M. A. Toutain était administrateur du Journal de Maine-et-
Loire et de VAnjoUy et le doyen des administrateurs de la
Caisse d'Épargne d'Angers.
Décoré en raison de son dévouement aux blessés et des
services rendus par lui à la Croix-Rouge en 1870, il s'occupait
d'un grand nombre d'œuvres charitables, en particulier des
Sociétés de secours mutuels et des Fourneaux économiques.
Sa perlq sera vivement ressentie par ses collègues, qui
avaient en lui un ami de la première heure et un homme
d'excellent conseil.
Les obsèques de M. le commandant Riveron, officier de la
Légion d'honneur, ont eu lieu le 23 mai, en l'église Saint-
Joseph, au milieu d'un grand concours d'amis.
Les honneurs militaires funèbres étaient rendus par une
compagnie du 135* de ligne commandée par son capitaine.
MM. de Clermont-Tonnerre, chef d'escadron au 25* de
dragons ; Laviron, chef de bataillon au 6* génie ; Champenois
et Borné, chefs de bataillon au 135* de ligne, tenaient les
cordons du char funèbre couvert de fleurs et de couronnes.
Sur la tombe, M. le chef d'escadrons Dutertre-Duport, ami
personnel du regretté commandant, a retracé la belle vie mili-
taire du commandant Riveron, qui était aussi un lettré, un
poète. A. Z.
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r
— 49S -
 travers les Livres et les Revues
Voici une chronique qui sera courte, très courte même.
Aussi bien, le moment serait mal choisi pour abuser de la
patience des lecteurs. Les travailleurs serrent leurs dos-
siers ; les désœuvrés bouclent leur valise ; les jeunes gens
€ chauffent » leur examen et les professeurs leur pétrole tle*
Dans quinze jours, les uns et les autres seront partis pour
les stations thermales ou pour les plages de rOcéan. Jl ne
faut pas les retenir.
En attendant, je signale à leur attention un recueil de
poésies que notre compatriote M. Pottier de Lalaine vient de
faire paraître à la librairie Firmin-Dîdot. Le volume est inti-
tulé Lueurs K Un premier travail, donl j'ai rendu compte ici
mème^ nous avait révélé chez H. PoLtier de Lalâine un poêle
plein de talent, de foi et d'enthousiasme ; les Lueurs sont
d'un art plus délicat encore, plus sûr, plus pénétrant et non
moins chrétien^
L'auteur
. . .Voit poindre à travers Torabre
Des lueurs, faible clarté !
Mais, hélas ! en vérité,
La nuit est toujours bien sombre !
Oui, la nuit est toujours sombre 1 Quand donc apparaîtra
la pure lumière, et avec elle une atmosphère de vérité^ de
justice et de paix?... ,
La paix, c'est surtout à l'ombre des cloiLres qu'elle devrait
habiter. C'est là qu'aurait dû la trouver Tabbé Charles Coutu-
rier, — dont M. A. Houlin vient d'écrire la vie^ — lorsque, en
1854, il quittait l'enseignement pour entrer au noviciat des
Bénédictins de Solesmes. Étrange contradicUon : cet homme,
qui ne cherchait que la paix, fut traité comme s'il avait pré-
paré la guerre ; il fut chassé jusqu'à trois fois de son abbaye
* Un vol. in-12 de 206 p., avec six mélodies gravées.
• Voix sur la France^ un vol. în-12 de vih*320 p. (CL Revue de
r Anjou, juillet-août 1898, p. 169-170.)
' Un vol. in-18 de 384 pages, avec portrait eu héliogravure. —
Angers, Germain et G. Grassin.
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-- 496 —
et, sur son lit de mort, il aurait pu répéter les paroles de
saint Grégoire VII : Dilexi jusHHam et odivi iniquitatem^
propterea morior in exilio t
Louis-Charles Couturier naquit à Chemillé-sur-Dème, en
Touraine, le i2 mai i817. Après son ordination sacerdotale,
il fut nommé professeur au collège de Combrée : c'est là,
qu'en 1853, il engagea avec MM. Lefranc et Duruy une polé-
mique restée célèbre. L'année suivante, il recevait des mains
de dom Guéranger l'habit des moines bénédictins. Le res-
taurateur de l'ordre de saint Benoit en France mourut le
30 février 1878; quelques jours plus tard, dom Couturier était
nommé à l'unanimité abbé de Saint-Pierre de Solesmes et
supérieur général de sa congrégation. II occupa cette double
charge jusqu'à sa mort, le 29 octobre 1890. Son éloge funèbre
fut prononcé par M«r Freppel, le 33 décembre de la même
année. — Telle est, dans ses phases principales, la vie que
raconte M. A. Houtin.
Dans la pensée de l'auteur, la Vie de dom Couturier n'est
point le monument définitif que les moines consacreront plus
tard au successeur de dom Guéranger, c'e^t « un édicule
commémoratif t élevé par un prêtre angevin à la mémoire
d'un religieux que des liens très étroits rattachaient à notre
Anjou. M. Houtin est trop modeste : son c esquisse » vaut
un gros volume; elle est nette, précise, intéressante; malgré
certaines appréciations qui surprendront peut-être, elle sera
accueillie avec toute la faveur que méritent l'auteur et le
livre.
Deux fois déjà j'ai parié des articles justement remarqués
que M. Germain, proviseur du Lycée, consacre, dans les
Archives Médicales d'Angers^ aux peintures murales de l'Hôtel-
Dieu. L'étude sur les Blessés^ de M. Lenepveu, qui a paru
dans le numéro du 20 mai, est digne en tout point des précé-
dentes. M. Germain est un maître distingué, qui manie avec
délicatesse la plume et le pinceau : nul ne pouvait apprécier
plus sûrement les admirables compositions de MM. Appert,
Lenepveu et Dauban.
La Revue Poitevine et Saumuroise contient, dans les fasci-
cules d'avril et de mai, un article de feu M. Emile Chevalier
sur la première salle de spectacle et les hç^lles de Saumur.
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r
— 497 -
Pourquoi donc l'éditeur, dans un des documents qui accom-
pagnent cette note, a-t-il remplacé les s par des /"et écrit :
favorifeTj maifon^ difpofer^ etc. ? C'est plus qu'étrange, c'est
grotesque.
L'hiver dernier, M. l'abbé Bossard, docteur es lettres,
inaugurait, à l'Université catholique d'Angers, un cours d'his-
toire de la Vendée. La première conférence du savant profes-
seur vient de paraître dans la Revue des Facultés catholiques
de VOuest (n* de juin). S'il est permis d'en juger par Tarticle
que publie la Vendée historique (n"" du 20 juin) sur le nouvel
historien delà Vendée, les leçons de M. l'abbé Bossard auront
du retentissement, peut-être même soulèveront -elles de
vigoiareuses polémiques.
A signaler encore :
Dans l'excellente Reme d'Archéologie poitevine, plusieurs
note& et notices dues à la science de l'ancien historiographe
du diocèse d'Angers, M^ X. Barbier de Montault. C'est dans
cette revue que M^'' X. Barbier de Montault a étudié récem-
ment V Église d'Étriché^ consacrée à saint Hilaire ; un Crucifix
de Mission^ du xviii* siècle, provenant de Doué-la-Fontaine ;
plusieurs documents du Jlfu^e^dzoc^^am d'Angers; une petite
Chapelle domestique portative de MaulévricTy cachée pendant
la Révolution dans la forêt de Vezins ; la liste des dessins
concernant Fontevrault, de la collection manuscrite de Gai-
gnières, conservée à la Bibliothèque Nationale.
Dans les Archives Médicales d'Angers (n« de juin), la bio-
graphie dn Docteur Meleux par M. le Dr Jagot.
Dans le Journal de Maine-et-Loire (12 et i3 juin), un article
du plus haut intérêt, publié par M. J. Joûbert, sur la vente
des Carolines à V Allemagne,
Dans la Revue du Bas-Poitou (12* année, 1*^ livraison), le
récit des combats de la Châtaigneraie et de Fontenay^ en 1793,
par notre érudit collaborateur M. l'abbé F. Deniau.
Ch. U.
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TABLE DES MATIÈRES
I>XJ TRENTE-HUITIÈME VOLUME
JÂRVIER-FÉVRIER
Conseil des représentants du peuple et des généraux républicains
tenu à Saumur le 2 septembre 1793. — Abbé F. Deniau 5
Les cinq pays de FIndo-Chine française et le Siam (suite). — IL L'An-
nam ; III. La Cochinchine. — Gb. Lemire 21
Henri Bernier, chanoine d'Angers (suite). — IV. Le curé<le Saumur
(1831-1837). —A. Houtin 51
La guerre entre Louis XIII et Marie de Médicis (161d-16S0) (suite).
— Eusébe Pavle 65
Chantons la mer (poésie). — René Daxor 105
Arthur du Chêne. — Alphonse Poirier 107
Un homme de cœur. Prudent- Jean Bruley (1759-1847) (suite). —
Gteorges Bruley 111
La famille Boylesve (suite) P. de Farcy 127
Chronique 140
Sacre de Mgr Rumeau à Agfen j son entrée solennelle à Angers.
— La réunion annuelle des Sociétés des Beaux-Arts. — Publi-
cation du cartulaire de Saint-Laud. ^ Election du député de
Tarrondissement de Baugé. — La Loire navigable. — Décou-
verte de sépultures à Lire, à Andard et à Doué-la-Fontaine. —
Nouvelles verrières au Champ-des-Martyrs. — Le monument
de Robert-le-Fort à Brissarthe. — Les cloches angevines de
Notre-Dame de Paris. — Le monument projeté à J.-E. Lenep-
veu et rinscription de sa maison natale. — Nos compatriotes :
MM. comte de Blois, Max d*01onne, Joseph Denais, de la
Devansaye, marquis de Bonchamps, René Bazin, Lionel
Bonnemere. — Nominations d'officiers de l'instruction pu-
blique : MM. Boell, Peton ; d'officiers d'académie : MM. Séra-
phin Denécheau, Paul Cardi, Roche, fik)yer. Porcher, Demar-
tial, Fouillaron, M"« Lavenue, M. Lemasson, Pichard, capitaine
Schmidt, docteur Vidal. — Lectures faites à la Société d'agri-
culture. — Publication de la biographie du baron H. d^Char-
nacé. — Les conférences de la Faculté catholique : M*' Pasquier,
M. Jules Delahaye, le R P. de Salinis. — Aux Amis des Arts :
Hommage à M. V. Huault-Dupuy ; inauguration du salon
annuel ; matinées artistiques ; confèrent de M. Larroumet
sur Lenepveu. — Nos grands concerts et le thé&tre. — Nécro-
logie : MM. Paul Corroy, Emile Chevalier, Beautemps-Beaupré,
général de Rochebouet, D' Bernard. — A.-Z.
A TRAVERS LES LivRBS ET LES Revubs : Abbé Ch. Gautier, Saint
Marcoul ; — Quélin, Amirations ; — L. de la Brière, Madame
Louise de France; — R. P. Chérot, Les Filles de Louis XV
à FontevrauU; — comte H. de Castries, Le Sahara français ;
— J. Joûbert, ^alliance avec le Portugal ; — abbé Bourgain,
L* Eglise d* Angers pendant la Révolution ; — abbé Deniau,
La bataille de T or fou ; — abbé J. Moreau, Un instituteur
chrétien; — abbé Uzureau, Les dernières rentrées publiques
de F ancienne Université d'Angers ; — Archives médicales
d'Angers ; — L. de Farcy, Epaves ; etc. — Gb. U,
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— 499 —
Types de femmes annamites. ^ Anaamite attant au marché. — Le port
de Saïf^OQ en 1866. — Tombeau de J'évt>que d'Adrâût près de Saïgon.
— Le Préfet de Cholon Do Huu Phuong. — Mytho eo Î863. — Entrée
de la pagode cantonnaise à Choloa. — FOto dan a une p^igode bou-
dbiqae. — Armes de Françoj's BoyLesve et de M'^'^ Rumeau>
MARS-AVAIL
Le général de Rochebouët Comte de Blois, , 173
Devant Tennemi. Souvenirs d'un ba^taillon de Mobilisés de Maine-et-
Loire. — Le combat de Monnaie. -- H. de FougeroUd 178
Henri fiemier, chanoine d'Angers (suite). — V. La fondation d*une
Maison pour les Enfants trouvé! [Lâ;{3'133&)^ — VI. La fondation
d*un Monastère du Bon-Pasteur flB^fôrlSS?}, — A. Houtin 227
Les cinq pays de Tlndo-Chine française et le Slani (auite). — IV, Le
Cambodge. V. Le Laos. Localités- ports (Tonkin). — Oiarles
Lemire , .., 227
Sonnet. — E. A • 260
La guerre entre Louis XIII et Marte de Médicîs {1019-1620), —
IX. Uentrevue de Brissac (suite). — Eusébe Pavie 261
La famille Boylesve (suite). — P. do Farcy „ 29S
Chronique 314 I
L'exposition d'horticulture — Les concerta. — La souicrïplioii L
au monument de J. Lenepveu^ — Une lecture sur J. Lenopveu ^
à l'Académie des Beaux-Arts, ^ Les Angevins au Congrès
des Sociétés savantes. — Décorations académiques ■ M»* José-
S bine Berthault, M. Edmond Goblot. — Nos compatriotes :
[M. Joseph Denais, Bouchard, Audouin, de Bonchamps, duc
de la Tremoïlle. Charbonneau, Grégoire, L'floest, Jlaillardj
G. de Ruillé, C. Port, Beignet. — Une subvention à laSociéle
d'Agriculture, Sciences et Arta d'Anç^ers. — Un mémoire sur J
Francesco de Laurana. — L'exposition de M. Merodack- J
Jeaneau. — Le bateau-roule ur Ernest Bazin. — >iécrologie ; ^
M. le colonel Chaussée. — V» P,
A TRAVERS LES LiVRES ET LES Revues ; E, Rondeau, Histoire dû
la R, Mère MaHe de Sainle-Cécile et de la. Congrégation des
Dames de (^Oratoire d^ Angers ; — L. Ded ouvres. Le Fère
Joseph et le Sacré-Cœur ; — Doumic, La Terre q\Ax meurt^
de Si. R. Bazin ; — J. Joûbert, Un WaUrif^o africain ; —
Ledru, ThéodxUphe et le Gloria ia\is ; eic. — Ch. U.
Chronique bibliographique .«,.... ^, . . 339
Rimes provinciales, par Xavier de la Perraudière. — J.-M. De-
lahaye.
GRAVURES
Carte du combat de Monnaie. — Types de Cambodgiens. — Plantation de
poivre. — Carte des grands lacs du Cambodge. — Charrette ft bœufs-
— Ruines des palais d'Angkor. — Chariot de transports, — Bonze*
du temple d'Angkor. — Ecole des boo^es {LaosJ« — Musicienne du
Cambodge. •— Acteurs et actrices au Cambodge. — Femmes Ia<^
tiennes. — Armes et sceaux du ^vii^ siècle.
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— 800 —
Devant rennemi. Souvenirs d'un bataillon de Mobilisés de Maine-et-
Loire. — Le combat de Monnaie [suite et fin). — R. de Fou-
gerolle 333
La guerre entre Louis XIII et Marie de Médicis (1619-1620} (suite et
fin). — Eusèbe Pavie 378
«
Henri Bernier, chanoine d'Angers (suite). — VII. Le supérieur sup-
pléant du Petit-Séminaire d'Angers (1837-1839) 395
Les cinq pays de rindo-Cbine française et le Siam. Localités-ports
(suite). *- GharleB Lemire 419
Poésies : Noêly Mai, — Auguste Rousseau 454
. Pégwej lé Solitaire, VAMme. — Abel LetaUe 455
La famille Boylesve (suite). — P. de Farcy 457
Chronique 474
S. E. le cardinal Mathieu. — Les Amis des Arts. — Les
délégués des Sociétés des Beaux-Arts (M. Joseph Denâis et
le tombeau de Claude de Rueil). — Académie des Beaux-Arts
(MM. Descheneau etL'Hoest). — Les eaux-fortes de M. Jacques
' " Volot. — Le Neveu' de Beaufnarchàii, par M. Henry Jouin,
à rOdéon. — M. René Bazin et les élections académiques. —
Missions du D' Motais et du D' H. Lemesle. — Les poésies
de M. Auguste Rousseau. — Le R. P. Maurille, supérieur de
Saint-Laurçnt-sur-Sèvre — Départ de M. le général Harts-
chmidt. — M. Brossard 'de Corbigny, officier de la Légion
. d'honneur. — M. Ch. Lemire , vice-président du Groupe •
colonial des conseillers du commerce extérieur. — Une
découverte de M. Célestin Hy. — L'horticulture angevine à
Sain^Pétersbourg (MM. de la Devansaye et Leroy récom-
pensés). — Le vainqueur du grand prix. — La Loire navi-
gable, le Congrès de Blois. — M. Hérault et sa fortune
léguée à la ville d'Angers ; projet d'emplois des fonds. — Le
porche de la Cathédrale et l'escalier de Saint-Maurice à
la Maine. — La Tour Saint-Aubin. La terrasse du Musée.
Le Jardin des Plantes. — La maison Michel. — L'église
Notre-Dame. — Le château de Pignerolles. — A propos
d'une inscription. — Découverte numismatique près Notre-
Dame. — Le Vin d'Anjou. — Conférence de M. Biancheville.
— Inauguration du nouveau local de la Société de G^rninas-
tique et de Tir. — Inauguration du monument patriotique
de Vihiers. — Remise d'un drapeau aux vétérans a Durtal. —
Nécrologie : MM. Athanase Toutain, le commandant. Riveron.
A TRAVERS LES LivRES ET LES Rrvues : Potticr de Lalaine,
Lueurt; — A. Houtin, Z>om CovXurier ; — Germain, Lss
Blessés, de M. Lenepveu ; — E. Chevalier, La première salie
de spectacle de Saumur ; — Abbé Brossard, un cours d^his-
' foire de la Vendée ; etc. — Ch. U.
Le Directeur-Gérant : G. GRASSIN.
Angers» imp. Germain et G. Granân. — 1258-89.
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