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Full text of "Revue de l'art chrétien"

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Betjue  De 


rHrt  chrétien 


^^  paraissant  toiiiv  les  beu):  mois 
"  ^     47""*  Hnnée.  —  4^  Série. 

^omc  XV  (Liie  ùt  la  callcctiûii),    4 
aji;,   l'Mitiraison.  — ^Tantiicr  190^.   4|| 

Hnalpge  ûe0  sculptures  De  la  facaDe  occiDentale  De  Tégltse 
De  l'abbape  De  Haint-OTouin  De  ffîarnes  (Deujc«Hètre0). 


Généralités.  ^  historique. 

iïma.flQ:iMaimç:î 'A  RC  H I T  E  CT  U  RE 
romane  a  eu  en  France 
cette  bonne  fortune  d'a- 
voir conservé  jusqu'à 
nos  jours  de  chacune  de 
ses  écoles,  un  spécimen 
complet,  dont  l'aspect 
réjouit  l'artiste,  et  dont  l'étude  évoque  aux 
yeux  de  l'archéologue  tout  un  système  spé- 
cial de  construction  et  de  décoration.  — 
Tels  Saint-Sernin  de  Toulouse  nous  révèle 
l'Ecole  romane  du  Languedoc,  Saint-Tro- 
phime  d'Arles,  celle  de  la  Provence  ;  la 
Madeleine  de  Vézelay  fait  revivre  l'œuvre 
clunisienne  en  Bourgogne,  comme  Saint- 
Jouin  de  Marnes  en  Touraine-Poitou. 

Ces  deux  derniers  monuments  sont  véri- 
tablement comparables  à  tous  égards  :  non 
seulement  le  mérite  architectural,  la  riches- 
se de  leurs  façades,  mais  aussi  la  morne 
solitude  du  lieu,  la  beauté  du  site  sont  pres- 


que les  mêmes,  bien  qu'avec  des  caractères 
tout  différents.  —  A  un  point  de  vue  pure- 
ment pratique,  l'excursion  d'un  jour  ou 
deux  qui  montre  au  voyageur  Airvault, 
Marnes,  Saint-Jouin,  Oyron  et  Thouars 
vaut  bien  la  merveilleuse  visite  de  Vézelay, 
Saint- Père,  Chastellux  et  Avallon  :  ce  sont 
peut-être  les  deux  plus  belles  excursions 
qu'un  touriste  archéologue  puisse  faire  en 
France.  —  Pourquoi  donc  Vézelay  est-il  si 
célèbre  et  Saint-Jouin  si  ignoré  ?  l'histoire, 
qui  a  laissé  dans  l'ombre  le  second  de  ces 
deux  noms,  y  est  peut-être  pour  quelque 
chose  ;  mais  cette  inégalité  vient  surtout  de 
ce  que  Vézelay,  après  avoir  été  restauré 
par  Viollet-le-Duc,  a  été  ensuite  détaillé, 
célébré,  chanté,  oserons-nous  dire,  par  cet 
inoubliable  artiste,  tandis  que  Saint-Jouin 
n'a  jamais  fait  l'objet  que  de  monogra- 
phies, assez  bonnes  d'ailleurs,  mais  néces- 
sairement trop  sèches  et  trop  succinctes. 
Nous  n'avons    ni  le  talent   ni  l'ambition 


REVUE   DE    L'aKT   CHRÉTIEN. 
1904.    —    1'®   —LIVRAISON. 


3Rebue  lie  V^xt  cbrétten. 


de  remplir  cette  lacune  :  aussi  bien  notre 
tâche  se  limite-telle  à  l'étude  des  façades 
d'églises  et  de  leurs  sculptures  ;  mais,  si 
nous  pouvons  apporter  notre  pierre  à  l'édi- 
fice qui  certainement  sera  un  jour  construit 
à  la  gloire  de  ce  chef-d'œuvre,  et  si  notre 
modeste  essai  décide  quelques  artistes  à 
aller  admirer  ce  monument,  nous  aurons 
acquitté  du  moins  une  partie  de  la  dette 
que  nous  avons  contractée  envers  Saint- 
Jouin  de  Marnes  pour  prix  des  pures  jouis- 
sances dont  il  nous  a  comblé. 


Le  monastère  de  Saint-Jouin,  qui  a  brillé 
d'un  si  vif  éclat  pendant  tout  le  moyen  âge, 
existait  dès  le  milieu  du  V''  siècle,  peut-être 
même  dès  l'année  425.  Il  avait  d'abord  été 
appelé  «  Ension»,  du  nom  primitif  du  vil- 
lage qui  l'environnait  ;  mais  bientôt  il  prit 
sa  désignation  actuelle,  formée  du  nom  de 
saint  Jouin,  son  fondateur  ou  l'un  de  ses 
premiers  abbés  (Jovinus)  et  du  nom  du 
bourg  de  Marnes,  voisin  de  l'abbaye.  — 
Ruiné  lors  des  guerres  que  firent  contre 
l'Aquitaine  Pépin etCharlemagne.le  monas- 
tère dut  à  une  autre  guerre  et  à  une  autre 
ruine  sa  résurrection  et  sa  splendeur.  En 
effet,  l'abbaye  bénédictine  de  Saint-Martin 
de  Vertou,  près  Nantes,  ayant  été  saccagée 
et  détruite  par  les  pirates  normands,  les 
moines  qui  l'occupaient  se  réunirent  à  ceux 
de  Saint-Jouin,  auxquels  ils  donnèrent  une 
importance  et   une    vitalité   nouvelles.  — 

On  ne  possède  pas  de  documents  précis 
sur  la  construction  de  l'église  ;  mais  on  peut, 
sans  grand  risque,  en  fixer  l'époque  vers  le 
milieu  du  XI 1^  siècle. 

Abandonnée  par  les  religieux  depuis  le 
XVIII'  siècle,  l'abbaye  est  tombée  en  rui- 
nes. Du  cloître  ('),  il  ne  restait  plus,  il  y  a 

I.  Ecrase   aloi»  sous  de  lourds  bâtiments  du   XVII'' 
siècle. 


quelques  années,  que  deux  ou  trois  arcades 
aux  meneaux  brisés  ;  l'église,  et  particuliè- 
rement la  façade,  était  dans  un  état  avancé 
de  délabrement  ('F'i^/ry?^//;'!?/^.- le  toit  octo- 
gonal de  la  tourelle  de  droite  n'existait  plus; 
les  verrières  des  fenêtres  latérales  du  pre- 
mier étage  étaient  tombées  avec  leur  enca- 
drement de  colonnes  et  les  baies  étaient 
bouchées  par  une  odieuse  clôture  de  plan- 
ches ;  la  porte  de  droite  avait  disparu  ;  la 
porte  centrale  se  trouvait  cachée  sous  un 
auvent  d'ardoises;les  grossescolonnes  sépa- 
rant les  portes  n'existaient  plus  qu'à  l'état 
de  souvenir;  les  placages  sculptés  tombaient 
de  la  muraille  :  l'édifice  tout  entier  offrait 
un  tableau  de  désolation  rare  mais  non  sans 
grandeur. 

Depuis  décembre  1889,  on  s'est  ému  en 
haut  lieu  de  cet  état  de  choses  :  M.  Deve- 
rin  ('),  architecte  en  chef  des  monuments 
historiques,  a  été  chargé  de  la  restauration: 
déjà  la  façade  et  la  nef  ont  été  réparées,  on 
s'est  occupé  ensuite,  après  les  avoir  déga- 
gées, des  constructions  du  XVI I'' siècle,  du 
cloître  et  de  la  façade  septentrionale  où  tout 
était  en  fort  mauvais  état.  Actuellement,  le 
manque  de  ressources  arrête  malheureuse- 
ment cette  entreprise,et  cependant  la  réfec- 
tion du  chœur  et  de  l'abside,  bien  urgente 
également,  exigera  encore  un  énorme  tra- 
vail. Espérons  que  les  fonds  indispensables 
seront  trouvés,  car  en  considérant  la  per- 
fection des  parties  restaurées  jusqu'ici,  on 
peut  être  assuré  que  1  habile  architecte 
chargé  de  ce  lourd  travail  ne  faillira  point 
à  sa  tâche. 

X)cscription  générale  De  la  façaue. 

La  façade  de  Saint-Jouin  présente  la 
même  disposition  générale  que  toutes  les 

I.  C'est  à  cet  éminent  architecte  que  nous  devons  déjà 
les  reniarquabli!s  restaurations  de  Saint-Pierre  de  Melle 
d'Airvault,  de  Maillezais,  etc.. 


3L'église  De  ^atnt  ^ouin  De  £©arnes. 


autres  grandes  églises  romanes  du  Poitou: 
c'est  un  pignon  élevé  divisé  en  trois  étages 
et  rtanqué  de  chaque  côté  d'un  faisceau  de 
colonnes  formant  tourelle  surmontée  d'une 
lanterne  de  pierre  (■);  dans  le  sens  horizon- 
tal, la  façade  est  de  même  divisée  en  trois 
parties  qui  offrent  chacune  au  rez-de-chaus- 
sée  une  porte   et  au    premier   étage   une 


Fig. 


—   Façade  de  régUse  St  Jouai  de  Marnes 
avant  la  restauration 


fenêtre.  —  Mais  ce  qui  distingue  Saint- 
Jouin  entre  les  autres  monuments  de  la 
même  époque,  c'est  l'ornementation  répan- 
due sur  tout  l'ensemble  de  la  façade  ;  la 
plupart  des  églises  de  la  région  (St-Hilaire 
de  Melle,  abbaye  aux   Dames  de  Saintes, 

I.  Cette  disposition  est  tellement  invariable  dans  les 
églises  poitevines  et  saintongeaises  du  XII'  siècle,  que, 
pour  StNicoIas  de  Civrai  dont  exceptionnellement  la 
façade  se  termine  par  un  plan  horizontal,  les  critiques  les 
plus  autorisés  n'ont  cru  pouvoir  expliquer  cette  anomalie 
que  par  l'hypothèse  de  la  destruction  du  pignon  à  une 
époque  inconnue. 


St-Nicolas  de  Maillezais,  St-Pierre  d'Aul- 
nay,  St-Pierre  de  Parthenay-Ie-Vieux,  etc.) 
réservent  pour  leur  étage  inférieur  toute  la 
richesse  de  leur  décoration  ;  seuls,  St-Nico- 
las de  Civrai  et  Notre-Dame  la  Grande  de 
Poitiers  (')  présentent  comme  Saint-Jouin, 
une  façade  couverte  de  sculptures  depuis  le 


Fig.  a.  —  Façade  de  léglise  St-Jouin  de  Marnes. 
État  actuel. 

sol  jusqu'au  faîte.  Chacune  de  ces  trois 
églises  a  un  caractère  et  un  mérite  spécial: 
Civrai,  dans  sa  fenêtre  du  premier  étage, 
nous  montre  le  chef-d'œuvre  de  l'école  ro- 
mane en  ce  genre  ;  mais  le  reste  de  la  dé- 
coration, sauf  au  rez-de-chaussée,  paraît 
quelque  peu  artificiel  et  mal   lié  à  l'ensem- 

I.  Nous  ne  parlons  pas  de  Vouvant,  car,  si  la  porte  est 
romane,  la  décoration  du  pignon  ne  date  que  du  XIV" 
siècle,  et,  d'ailleurs,  la  façade  se  trouvant  au  transept,  la 
disposition  générale  n'est  pas  celle  indiquée  ci-dessus. 


Bebtie  ïie  T^rt  cbrctien. 


ble  ;  Notre-Dame  la  Grande,  ce  chefd'œu- 
vre,  est  trop  connu  pour  qu'il  soit  utile  de 
rappeler  sa  merveilleuse  décoration,  qui, 
avec  un  relief  inconnu  aux  autres  façades 
romanes,  se  déroule  dans  une  unité  pleine 
de  grandeur  ;  Saint-Jouin  est  moins  riche, 
mais  a  peut-être  plus  d'unité,  plus  d'élé- 
gance naturelle  que  Givrai,  plus  de  majesté 
que  Poitiers.  —  Les  figures  qui  décorent 
cette  façade  sont  plus  imposantes  par  la 
différence  de  leurs  proportions,  et  l'orne- 
mentation, très  sobre,  ne  sent  ni  la  recher- 
che ni  l'effet. 

Hnalpe  Dctaillcc  Des  sculptures. 

No  I.  En  avant  d'une  grande  croix  pat- 
tée,  dessinée  en  faible  relief  sur  la  muraille 
au  milieu  du  pignon,  est  assis  Jésus-Ghrist, 
de  taille  colossale  :  couronné  du  nimbe  cru- 
cifère, il  lève  la  main  gauche,  et  baisse  la 
droite,  qu'il  tient  ouverte;  il  a  les  pieds  nus. 
M.  Bélisaire  Ledain,  auteur  d'une  bonne 
monographie  de  Saint-Jouin,  croit  recon- 
naître dans  ce  personnage  Dieu  le  Père, 
mais  le  nimbe  crucifère,  aussi  bien  que  la 
croix  figurée  derrière  lui,  indiquent  assez 
clairement  le  Christ  ;  il  est  dans  l'attitude 
habituelle  du  Souverain  Juge,  et  en  effet, 
à  notre  avis,  la  scène  qui  se  déroule  à  ses 
pieds  est  celle  du  Jugement  dernier. 

N°s  2  et  3.  Deux  anges,  debout,  sonnent 
de  l'olifant  pour  éveiller  les  morts  et  les 
appeler  devant  le  Souverain  Juge.  Gelui 
de  gauche  se  couvre  de  ses   ailes  repliées, 

Ges  figures  N°s  i,  2  et  3  sont  reproduites 
en  moulages  au  musée  du  Trocadéro. 

A  droite  et  à  gauche  des  anges  (N°s  2 
et  3),  sous  les  triangles  BB,  il  se  trouvait 
avant  la  restauration,  de  chaque  côté, 
trois  pierres  (u)  plus  grandes  que  l'appareil 
voisin,  qui  portaient  peut-être  (?)  autrefois 
quelques  sujets  sculptés  (•).  L'état  de  désa- 

I.  Nous  devons  ce  renseignement  à  M.  Deverin. 


grégation  des  surfaces  ne  donnant  aucune 
indication,  ne  pouvait  permettre  qu'une 
invention  assez  hypothétique  :  aussi  l'archi- 
tecte, vu  l'importance  de  leur  emplacement, 
n'a  pas  cru  devoir  tenter  la  moindre  restitu- 
tion qui  eût  été  l'objet  de  controverses  trop 
justifiées.  On  peut  en  effet  supposer  à  vo- 
lonté que  ces  sujets  inconnus,  complétant 
la  scène  du  Jugement,  auraient  été  des 
Saints  ou  des  Apôtres  (au  XI  li^  siècle  les 
Apôtres  sont  souvent  représentés  à  côté  du 
Souverain  Juge,  comme  à  Beaulieu,  Arles, 
etc.),  ou  des  anges  portant  soit  les  instru- 
ments de  la  passion,  soit  le  soleil  et  la  lune 
(comme  on  en  trouve  quelques  exemples 
dès  le  XI 1^  siècle),  ou  encore  à  gauche  (du 
spectateur)  des  scènes  du  Paradis,  la  porte 
céleste,  S.  Pierre,  le  sein  d'Abraham  ;  à 
droite,  la  gueule  de  l'enfer  et  les  démons. 
N°^  4  à  36.  Cette  longue  rangée  de  petits 
personnages,  interrompue  au  milieu  seule- 
ment par  une  figure  plus  grande,  a  fort 
intrigué  les  interprètes  :  certains,  comme 
M.  Ch.  Arnault  (Monuments  du  Poitou), 
ont  pensé  voir  ici  la  Religion  (N"  4)  hono- 
rée par  une  longue  procession  de  fidèles  ; 
mais  cette  idée  abstraite  de  la  Religion 
n'est  guère  dans  la  tradition  des  imagiers  ; 
d'autres  ont  cru  (M.  B.  Ledain)  que  le  per- 
sonnage central  pouvait  être  Jésus- Christ 
recevant  les  hommages  des  diverses  nations 
de  la  terre,  mais  ce  personnage  imberbe  ne 
porte  pas  le  nimbe  crucifère,  et  d'ailleurs 
cette  interprétation  n'expliquerait  pas,  bien 
au  contraire,  la  présence  du  grand  Christ 
(N°  1).  —  Aussi  préférons-nous  (et  nous 
avons  appris  que  cette  opinion  avait  été 
émise  avant  nous  par  M.  Léon  Palustre) 
reconnaître  dans  cette  page  de  pierre  le 
jugement  dernier,  scène  qui  est  plus  con- 
forme à  la  tradition  des  imagiers  et  qui 
justifie  mieux  la  présence  du  groupe  supé- 
rieur. —  A  vrai  dire,  on   ne   voit  ni   tom- 


beaux  entr'ouverts,  ni  démons  entraînant 
les  damnés  ;  mais  n'oublions  pas  que  ces 
acteurs,  indispensables  dans  un  tableau  du 
XIII^  ou  du  XlVe  siècle,  le  paraissent 
moins  aux  yeux  de  l'artiste  du  Xlle(i),  la 


tradition  n'ayant  pas  encore  à  cette  époque, 
fixé  de  règles  étroites  à  la  représentation 
du  Jugement. 

Nous  pensons  d'ailleurs  que  la  longue 
théorie   des  petits  personnages  N°s  5  à  33 


u^y 


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Fig.  3    —  Schéma  de  la  façade  de  St-Jouin  de  Marnes. 


peut  représenter  la  foule  des  morts  qui 
viennent  de  ressusciter  au  son  de  la  trom- 
pette :  le  fait  qu'ils  sont  vêtus  n'est  pas  un 

I.  Ainsi  à  Autun  (XII'  siècle)  on  ne  voit  pas,  dans  la 
scène  du  Jugement,  la  Vierge  et  S.  Jean,  acteurs  indis- 
pensables à  partir  du  X 1 1 1"^  siècle  ;  à  Beaulieu  (Corrèze- 
XII«  siècle)  il  n'y  a  point  de  S.  Michel  peseur  d'âmes,  ni 
d'anges  conduisant  les  élus  au  paradis,  ni  de  démons 
poussant  les  damnés  en  enfer  ;  etc.. 


obstacle  à  cette  interprétation  :  au  portail 
d'Autun,  vers  la  même  époque  où  fut  sculp- 
tée notre  façade,  l'imagier  Gislebertus  nous 
montrait  bien  parmi  ses  ressuscites  des  gens 
de  toute  condition,  en  costumes  d'évêques, 
de  pèlerins,  de  paysans  ;  il  est  vrai  que  là 
on  voit  près  d'eux  leur  tombe  ouverte,  et 


3Rel)ue  tie  T^rt  cbréticn. 


l'absence  de  pierres  sépulcrales  nous  oblige 
seule  à  faire  ici  des  réserves  sur  l'interpré- 
tation que  nous  proposons.  Examinons  le 
détail  de  ces  diverses  figures  : 

4  —  Un  grand  personnage  debout,  im- 
berbe, vêtu  d'une  robe  longue,  brodée, 
retenue  à  la  taille  par  une  ceinture.  Selon 
notre  interprétation,  on  s'attendrait  à  trou- 
ver à  cette  place  un  saint  Michel  peseur 
d'âmes  :  mais  notre  figure  n'est  pas  ailée  et 
ne  présente  aucun    des  attributs  habituels 


Fig.  4.  —  Sculptures  du  pignon.  —  Détail  des  statues  n"^  134. 

de  l'archange. —  Nous  voyons  ici  la  Vierge, 
médiatrice  entre  le  Christ,  assis  au-dessus 
de  sa  tête,  et  les  pécheurs  qui  se  pressent  à 
ses  pieds.  —  En  aucun  cas,  il  ne  peut  être 
question,  comme  nous  l'avons  dit,  ni  de 
Jésus-Christ  (solution  proposée  par  M.  Le- 
dain),  ni  de  la  Religion  (par  M.  Arnault). 
—  Ce  personnage  est  nimbé  ;  il  paraît  tenir 
de  la  main  gauche  un  vase  sphérique  ;  dans 
la  droite  il  portait  un  objet  aujourd'hui 
brisé:  malgré  notre  désir,  nous  ne  trouvons 
pas  ici  la  place  d'une  balance  (qui  détermi- 
nerait la  personnalité  de  saint  Michel),  bien 
qu'à  la  partie  inférieure  on  croie  distinguer 
des  crapauds   et  des  reptiles,  comme  déjà 


les  imagiers  du  XI I^  siècle  (notamment  à 
Autun)  en  plaçaient  sous  le  plateau  de  la 
balance  de  l'archange.  Le  relief  est  plus 
accusé  que  pour  les  statues  suivantes.  Cette 
figure  (')  est  abritée  sous  une  sorte  de  dais 
formé  par  l'évidement  du  piédestal  de  la 
statue  No  i. 

Nos^et  6.  Deux  pêcheurs,  de  profil,  nu- 
tête,  à  genoux  et  mains  jointes,  prient  la 
Vierge  d'intercéder  pour  eux  auprès  du 
Souverain  Juge.  —  Ces  personnages  sont 
très  grossièrement  sculptés;  leurs  têtes  sont 
disproportionnées. 

N°s  7  à  21  et  22  à  34.  Deux  files  de 
petits  personnages,  en  faible  relief,  occu- 
pant chacun  un  carré  de  pierre  plaqué  sur 
la  façade  à  intervalles  réguliers,  s'avancent 
comme  en  procession,  sur  une  ligne  hori- 
zontale, de  part  et  d'autre,  vers  le  person- 
nage central,  qu'ils  paraissent  implorer  ou 
saluer  :  aucun  n'est  nimbé. 

7.  Femme  en  robe  longue,  debout.  — 
On  remarquera  que  la  tête  de  ce  person- 
nage est  disproportionnée. 

8.  Sorte  de  pèlerin,  en  tunique  courte, 
tenant  un  bâton  de  voyage  et  un  sac  en 
bandoulière. 

9.  Femm'e  ou  moine  (.'*)  debout,  peu 
distincte  ;  elle  tient  un  bâton  ;  sa  tête  paraît 
couverte  d'un  capuchon. 

10.  A  peu  près  pareil  au  N°  S. 

11.  Vêtu  de  même,  sans  sac,  tient  un 
long  bâton  et  peut-être  une  gourde  de  pè- 
lerin (.?). 

I  2.  De  même  ;  la  tête  est  bizarrement 
mutilée.  —  Ce  bas-relief  est  moitié  moins 
large  que  les   précédents   et  les  suivants. 

13.  Vieillard  en  robe  courte  et  manteau, 
marchant  péniblement  courbé,  appuyé  sur 
son  bâton. 


I.  Elle  est  reproduite  en  moulage  au  musée  du  Troca- 

déro. 


3L'égli0e  îie  ^aiut  Joutn  De  S^àxnts. 


14-15.  Deux  personnages  en  tunique 
courte,  debout,  marchent  comme  les  autres, 
appuyés  sur  de  longs  bâtons:  le  n"  14  porte 
sur  la  poitrine  une  sorte  d'écu  triangulaire; 
le  n°  15  semble  être  nu-tête. 

16-17.  Deux  femmes  (?)  en  robe  longue, 
debout  ;  la  première  tient  une  courte  ba- 
guette, la  seconde  un  bâton  de  voyage. 

18-19.  Deux  personnages  en  tunique 
courte,  marchent,  appuyés  sur  de  longs  bâ- 
tons. 

20.  Personnage  dont  la  tête  manque, 
appuyé  sur  un  bâton  ;  derrière  lui,  on  croit 
distinguer  les   restes   d'un  quadrupède. 

3  1.  Personnage  à  longue  barbe,  tenant  un 
bâton  et  un  objet  indistinct. 

22.  Homme  debout,  en  tunique  courte, 
tournant  le  dos  au  personnage  central  ;  il 
avance  les  mains  comme  pour  accueillir  ou 
repousser  les  figures  suivantes. 

23.  Personnage  en  robe  longue,  levant  à 
demi  les  bras,  comme  pour  implorer  ou  se 
lamenter  ;  peut-être  encore  soutient-il  sim- 
plement  un    fardeau   invisible  suspendu   à    \ 
ses  épaules.  1 

24.  Personnage  en  robe  longue,  debout, 
tournant  le  dos  au  personnage  central  ;  il 
s'appuie  sur  un  long  bâton. 

25.  (Confus.)  Personnage  en  tunique 
courte,  debout;  devant  lui,  une  partie  indis- 
tincte. 

26.  Personnage  en  tunique  courte,  de- 
bout, appuyé  sur  un  bâton. 

27-28.  Deux  personnages  en  tunique 
courte,  debout,  tenant  un  bâton  de  voyage 
et  une  sorte  de  marteau. 

29-30-31.  Trois  personnages  en  tunique 
courte,  debout,  s'appuyant  sur  un  long  bâ- 
ton et  tenant  contre  leur  poitrine  un  objet 
indistinct. 

32.  Personnage  en  manteau,  debout, 
portant  un  livre  et  une  baguette  (ou  peut- 
être  un  cierge  ?). 


33.  Femme  ou  seigneur  en  robe  longue, 
debout,  portant  une  courte  baguette  (peut- 
être  un  sceptre  ?)  et  une  banderole  dérou- 
lée. 

34.  Personnage  en  tunique,  debout,  por- 
tant sur  l'épaule  un  bâton  auquel  est  atta- 
ché un  objet  indistinct. 

N°s  35  à  40.  Six  petits  bas-reliefs  pla- 
qués sur  la  muraille  entre  la  fenêtre  cen- 
trale et  les  colonnes  des  contreforts  :  ces 
bas-reliefs,  comme  nous  le  voyons  souvent 
sur  les  monuments  du  XI I^  siècle,  ne  sont 
pas  rigoureusement  de  mêmes  dimensions, 
bien  que  se  faisant  pendant  les  uns  aux 
autres.  On  remarquera  aussi  que  certains 
sont  surmontés  de  dais  à  ouvertures  en 
plein  cintre  très  simples,  tandis  que  d'au- 
tres n'ont  jamais  été  abrités  :  aucune  raison 
de  symétrie,  au  contraire,  n'explique  cette 
préférence.  —  Voici  le  détail  des  six 
sujets  : 

35.  Sous  un  dais,  une  femme,  debout, 
vêtue  d'une  robe  et  d'un  caftan  à  longues 
manches  ('),  tenant  à  la  main,  sur  sa  poi- 
trine, un  objet  indistinct. 

36  (Statue  refaite  nouvellement.)  S.  Jean, 
imberbe,  nimbé  ;  il  est  debout,  vêtu  d'une 
robe  brodée  et  tient  le  livre  de  son  évan- 
gile. L'aigle  paraît  à  ses  pieds.  Cette  statue 
est  abritée  sous  un  dais.  La  console  qui  la 
supporte  est  ornée  de  rinceaux. 

37.  (Statue  refaite  nouvellement.)  S.  Paul, 
barbu,  nimbé,  est  assis  ;  il  tient  devant  lui, 
entre  ses  genoux,  une  grande  épée,  son 
symbole  habituel. 

38.  Deux  personnages  imberbes,  debout 
sur  un  socle  formé  de  deux  animaux  mons- 
trueux adossés,  dont  les  cous  renversés  en 


I.  Ce  vêtement  oriental,  dont  les  Croisés  semblent  avoir 
apporié  la  mode  en  France  au  XII"*  siècle,  se  trouve 
reproduit  fréquemment  à  cette  époque  dans  les  sculptures 
du  Poitou  (notamment  à  Notre-Dame  la  Grande  de  Poi- 
tiers, etc.),  très  rarement  dans  celles  des  autres  provinces. 


8 


Mebue  lie  T^rt  cbrctten. 


arrière  aboutissent  à  une  tête  commune  ('). 
Ces  deux  personnages  sont  vêtus  de  robes 
longues  :  celui  de  droite,  qui  est  nimbé, 
semble  se  retourner  vers  l'autre  pour  lui 
parler  :  c'est  peut-être  l'Annonciation  :  tel 
est  du  moins  le  titre  sous  lequel  ce  groupe 
figure  en  moulage  au  musée  du  Trocadéro. 

39.  Sous  un  dais,  un  saint,  nimbé,  vêtu 
d'une  robe,  lient  un  livre  :  comme  il  fait 
pendant  à  S.  Jean,  on  peut  penser  que  c'est 
un  évangéliste,  mais  il  n'a  aucun  attribut 
spécial. 

40.  S.  Pierre,  nimbé,  à  barbe  courte,  vêtu 
d'une  ample  robe,  est  assis  ;  il  tient  à  la 
main  la  double  clef.  —  Les  deu.x;  figures 
39  et  40  ont  été  moulées  pour  le  musée  du 
Trocadéro. 

41.  Cavalier  lancé  au  galop  et  brandis- 
sant une  épée  ;  il  est  vêtu  d'une  courte  robe 
de  seigneur  du  XI I^  siècle  :  on  pourrait  à 
la  rigueur  voir  ici  saint  Martin  partageant 
son  manteau  :  les  moines  qui  bâtirent  l'é- 
glise étaient  originaires  de  l'abbaye  de 
St-Martin  de  Vertou.  Mais  le  galop  du 
cheval  et  l'interprétation  du  groupe  42, 
symétrique  à  celui-ci,  nous  font  plutôt 
reconnaître  ici  le  cavalier  traditionnel,  le 
Constantin  qui  personnifie  l'Église  triom- 
phant du  paganisme  :  on  remarquera  toute- 
fois l'absence  du  petit  personnage  qui  d'or- 
dinaire, foulé  aux  pieds  du  cheval,  repré- 
sente le  paganisme  vaincu,  à  moins  que  l'on 
ne  veuille  reconnaître  les  restes  de  ce  per- 
sonnage dans  les  débris  informes  que  l'on 
aperçoit  à  terre  devant  le  cheval  :  cette 
lacune  nous  empêche  seule  de  donner  cette 
interprétation  comme  une  certitude. 

42.  M.  B.  Ledain  indique  ici  un  person- 
nage à  genoux  devant  un  cavalier  :  ce 
serait  alors  l'histoire  du  manteau  de  S. 
Martin.  Mais  un  examen  attentif  ne  nous 

I.  Le  personnage  de  droite  (la  Vierge  ?)  pose  les 
pieds  sur  celte  tcte. 


a  rien  montré  de  semblable.  Nous  voyons 
à  droite  un  groupe  formé  d'un  quadrupède 
sur  le  dos  duquel  un  homme  est  à  cheval, 
dans  une  position  paraissant  peu  conforme 
aux  règles  de  l'équitation  ;  d'autre  part, 
l'animal,  dont  l'encolure  ne  semble  guère 
celle  d'un  cheval,  ramène  en  arrière  sa  tête 
(mutilée),  comme  maîtrisé  par  une  force 
supérieure.  A  notre  avis,  c'est  là  Samson 
déchirant  le  jeune  lion,  sujet  qui  figure  aux 
façades  de  presque  toutes  les  églises  poite- 
vines en  face  du  cavalier  et  qui  personnifie 
le  triomphe  du  Christ.  Quant  au  person- 
nage assez  confus  et  dont  la  tête  est  brisée, 
que  nous  trouvons  debout  à  gauche,  devant 
la  tête  du  lion,  nous  avouons  n'en  pas  com- 
prendre la  signification  ;  il  est  vêtu  d'une 
robe  longue  et  porte  un  objet  indistinct  : 
est-ce  le  père  de  Samson  qui,  selon  le  récit 
biblique,  accompagnait  son  fils  quand  ils 
rencontrèrent  le  lion?  Cette  représentation 
serait  unique  dans  toute  la  statuaire  romane. 
—  Est-ce  plutôt  un  saint  personnage  sans 
aucun  rapport  avec  Samson  ?  Nous  remar- 
quons en  effet  que  les  deux  figures  sont 
sculptées  sur  des  pierres  séparées,  de 
dimensions  toutes  différentes,  rapprochées 
peut-être  uniquement  par  la  fantaisie  de  l'ap- 
pareilleur,  comme  nous  allons  le  voir  dans 
les  sujets  suivants.  Nous  penchons  pour 
cette  dernière  hypothèse,  en  faisant  pour- 
tant toutes  les  réserves  qu'impose  l'état  de 
dégradation  de  cette  sculpture  ;  on  pourrait 
même  penser  d'après  la  forme  de  la  robe 
qu'il  s'agit  d'une  femme. 

43.  Personnage  dont  la  tête  est  brisée, 
en  tunique  courte  de  paysan,  debout,  por- 
tant un  fardeau  sur  ses  épaules  ;  il  se  dirige 
vers 

44.  ...un  second  personnage,  vêtu  de 
même  et  debout,  qui  paraît  l'attendre  : 
celui-ci  se  présente  de  face.  —  Nous  n'osons 
risquer  ici  aucune  interprétation. 


3L'églt0e  î)t  ^atnt  Joutn  îie  £@arne0. 


45.  La  femme  aux  reptiles  :  échevelée, 
nue,  elle  s'efforce  en  vain,  de  ses  mains 
crispées,  d'écarter  les  deux  serpents  qui, 
enroulés  deux  fois  autour  de  ses  jambes, 
lui  sucent  les  seins.  Cette  figure  que  l'on 
retrouve  sur  beaucoup  d'églises  romanes 
du  Poitou,  de  la  Saintonge  et  du  Languedoc 
(notamment  àParthenay-le-Vieux,  Moissac, 
etc..)  est  l'image  du  châtiment  infernal 
réservé  aux  luxurieux,  ou  peut-être  aux 
mères  qui  ont  abandonné  leurs  enfants  :  la 
première  interprétation  ressort  de  quelques 
vers  de  L'Bxp/oii  de  la  pérégrination  hu- 
maine, compilée  en  1331  par  frère  Guille  de 
Guyeville,  précurseur  de  Dante  (')  ;  la 
seconde  est  indiquée  expressément  dans  la 
Vision  ci' Albéric.  —  Au  portail  occidental 
de  Chartres,  sur  un  cul-de-lampe,  on  trouve 
une  sorte  de  parodie  de  ce  sujet  :  un  singe 
tourmenté  par  des  serpents  et  des  dragons 
de  la  même  manière  que  la  femme  aux  rep- 
tiles. 

46  et  47.  Deux  personnages  (la  tête  du 
second  manque),  debout,  vêtus  de  tuniques 
de  paysan  comme  les  No^  43  et  44  ;  ils 
semblent  converser,  dit  M.  Ledain  ;  il  nous 
paraît  plutôt  qu'ils  portent  ensemble  un 
fardeau  indistinct,  qui  semble  enfermé  dans 
une  toile  nouée. 

48.  (Statue  refaite  nouvellement.)  Un 
petit  homme  imberbe,  aux  cheveux  par- 
tagés sur  le  front,  apparaît  à  mi-corps  ;  sur 
sa  poitrine  est  un  livre  fermé,  par-dessus 
lequel  il  croise  les  mains.  —  L'artiste  mo- 
derne a  évidemment  représenté  ici  l'ange 
ou  l'homme,  symbole  de  l'évangéliste  S. 
Mathieu  ;  la  sculpture  originale  était  indis- 
tincte et  nous  craignons  fort  que  cette 
nouvelle  interprétation,  donnée  par  l'artiste 
moderne,  n'ait  été  le  résultat  d'une  erreur, 
car  les  sujets  voisins  ne  semblent  guère  se 
rapporter  auTétramorphe. 

I.  Bibliothèque  de  Metz. 


49.  Tête  à  peu  près  indistincte,  qui  est 
peut-être  celle  d'un  chien  ou  d'un  démon. 
Cette  figure  est  très  grossièrement  sculptée. 
—  Si  l'on  admettait  que  les  quatre  sujets 
N°s  48  à  51  représentent  les  quatre  ani- 
maux, il  faudrait  ici,  selon  l'ordre  tradi- 
tionnel, le  bœuf  de  S.  Luc. 

50.  Sujet  indistinct  (peut-être  le  Lion, 
symbole  de  S.  Marc  .'') 

51.  Statue  refaite  nouvellement.  —  C'est 
un  oiseau  qui  se  présente  de  face,  les  ailes 
entr'ouvertes:  évidemment,  dans  la  pensée 
du  sculpteur,  l'aigle,  symbole  de  S.  Jean. 

Chapiteaux. 

52.  Feuilles  très  simples.  Sur  le  tailloir, 
un  chien  courant  :  cette  figure  animale  rap- 
pelle les  chiens  qui  décorent  la  frise  de  la 
façade  de  St-Gilles  du  Gard. 

53.  Aux  deux  angles,  buste  d'un  person- 
nage nu,  paraissant  tenir  à  la  main  un 
rameau  de  feuillage.  Sur  le  tailloir,  des 
pommes  de  pin. 

54.  Deux  quadrupèdes  monstrueux, 
adossés. 

55.  Deux  hommes  vêtus  de  tuniques, 
adossés,  ils  sont  debout,  mais  penchés  vers 
la  terre  (  comme  pour  moissonner  par 
exemple  ). 

56.  Chevaux  galopant  sans  cavalier. 
Les  tailloirs  de  ces  trois  chapiteaux  sont 

décorés  de  rinceaux. 

57  et  58.  Ornements  très  simples  :  genre 
des  chapiteaux  du  Xl^  siècle. 

59.  Singes  assis,  adossés  ;  la  tête,  placée 
à  l'angle  du  chapiteau,  est  commune  aux 
deux  animaux  qui  occupent  les  deux  faces. 

60.  Quadrupèdes  (ressemblant  à  des 
chiens)  attachés  l'un  à  l'autre  ;  Us  sont 
adossés,  mais  contournés  de  telle  sorte 
qu'ils  ont  la  tête  en  bas. 

61.  Deux  monstres  à  tête  informe,  af- 
frontés. Entre  eux  une  tête  d'ornement  de 


lO 


3Rebue  lie  V^n  t\)xttitn. 


la  bouche  de  laquelle  sortent  des  rinceaux. 
Ce  chapiteau  est  neuf  et  sa  composition  a 
été  inspirée  par  le  chapiteau  ancien  symé- 
trique (N°  62). 

62.  Deux  monstres  affrontés.  Entre  eux 
un  motif  de  feuillage  assez  simple. 

Voussure. 

Fenêtre  de  gauche. 

63-68.  Voir  ci-dessous  page  1 1  (descrip- 
tion de  l'archivolte  P). 

69.  Frise  :  feuilles  arrondies  gaufrées  en 
forme  de  coquilles. 

70.  Chapiteau  :  feuillages. 

7i-  »  :  quadrupède  assis. 

Fenêtre  de  droite. 

72.  Frise  :  suite  de  loups  bondissants. 

73.  Chapiteau  :  quadrupède  contourné. 
74-  »  :  quadrupède  marchant  au 

milieu  de  rinceaux. 

Sculptures  Oc  pure  ornementation. 

Pignon . 

A.  Tige  de  pierre  au  sommet  du  pignon 
supportant  une  grosse  pomme  de  pin.  Ce 
couronnement,  ainsi  que  l'indique  la  pho- 
tographie prise  avant  la  restauration,  avait 
été  heureusement  conservé  à  travers  les 
siècles  avec  la  naissance  des  moulures  qui 
ont  permis  de  refaire  la  bande  sculptée  C. 
Au  cours  d'un  orage,  en  1898,  son  extré- 
mité a  été  brisée  et  a  été  déposée  dans  la 
galerie  du  cloître  où  nous  l'avons  vue  :  le 
motif  complet  mesure  environ  o'^,6o  de 
haut. 

B.  Deux  triangles  égaux  formés  d'une 
simple  moulure  et  disposés  symétrique- 
ment; presque  effacés  autrefois,  ils  viennent 
d'être  rétablis.  Cet  emploi  de  figures  géo- 
métriques moulurées,  sans  signification, 
étant  assez  rare  au  XII^  siècle,  on  peut  se 
demander  si  ces  triangles  n'encadraient  pas 


quelque  sujet  sculpté,  par  exemple  le  soleil 
et  la  lune,  ou  bien  deu.x  anges...  ? 

C.  Bande  sculptée  bordant  le  contour 
du  pignon  :  elle  se  compose  de  demi-disques 
accolés,  dessin  spécial  à  l'école  poitevine. 

DD.  Sur  toute  cette  partie,  la  muraille 
est  revêtue  d'un  appareil  réticulé  ou  en 
losanges  posés  debout. 

EE.  Sur  cette  autre  partie,  l'appareil 
présente  le  dessin  désigné  sous  le  nom  de 
«  feuille  de  fougère  ». 

E'E'.  Bande  de  pierre  sur  laquelle  sont 
posés  les  petits  personnages  N°s  4  à  34.  — 
Elle  affecte  la  forme  d'un  ruban  plissé  en 
zigzag. 

FF.  Longue  frise  ornée  :  entre  les  co- 
lonnes, elle  est  décorée  d'un  dessin  géomé- 
trique de  lignes  courbes  encadrant  des 
perles  ;  au-dessus  des  colonnes,  dont  elle 
forme  le  tailloir,  elle  est  ornée  de  rinceaux 
et  de  feuillages  aux  formes  variées. 

Voussure  des  fenêtres. 

GG.  Feston  de  fleurs  posées  à  plat, 
oblongues,  à  huit  pétales. 

H  H.  Au  milieu  de  rinceaux  très  muti- 
lés on  croit  distinguer  successivement,  en 
suivant  la  voussure  de  gauche  à  droite  : 
1°,  2°  et  30,  une  sirène  dont  une  partie 
manque  et  une  tête  d'ornement  ;  en  tous 
cas  plusieurs  griffons  couchés  ;  —  40  deux 
chèvres  broutant  le  feuillage  d'un  rinceau  ; 

—  50  deux  animaux  à  tête  fantastique, 
adossés  ;  —  6°  de  même,  entre  les  deux 
animaux  un  petit  personnage;  — 7"  (au  som- 
met de    l'archivolte)  deux   cerfs  affrontés  ; 

—  8°  petit  personnage  gesticulant  au  mi- 
lieu de  rinceaux  de  feuillage  ;  —  9°  tête 
d'ornement,  barbue;  —  10°  sagittaire  ti- 
rant une  flèche  contre  un  grand  quadru- 
pède (?)  ;  —  11°  sujet  indistinct  sous  une 
sorte  de  double  rinceau  ;  —  12°  deux  grif- 


Ilïgltse  De  ^aînt-Jount  îic  sparnee^. 


1 1 


fons,  à  demi-couchés,  affrontés.  —  Nous 
pensons  qu'il  serait  superflu  de  chercher  à 
ces  sujets  une  signification  symbolique  pré- 
cise, si  ce  n'est  celle  attachée  d'une  ma- 
nière générale  aux  griffons,  aux  cerfs,  aux 
sagittaires,  etc.  Les  deux  têtes  d'ornement 
intercalées  dans  cette  série  indiquent  assez 
que  ces  sculptures  n'ont  qu'un  but  pure- 
ment décoratif. 

II.  Motifs  de  feuillage  répétés  à  peu 
près  exactement  sur  le  même  modèle  à 
chacun  des  onze  claveaux. 

JJ.  Entrelacs  très  simple  (formant  une 
natte  assez  lâche). 

KK.  Seize  feuilles  (deux  par  claveau) 
posées  à  plat  l'une  à  côté  de  l'autre  (ces 
feuilles,  larges,  rappellent  celles  du  tilleul). 

LL.  Décoration  végétale. 

MM.  Quatre  groupes  de  dragons  ailés, 
couchés,  disposés  deux  par  deux;  aux  deux 
groupes  de  gauche,  ces  monstres  sont 
adossés,  mais  retournent  la  tête  l'un  vers 
l'autre,  et  de  leur  gueule  sort  une  langue 
(ou  un  rinceau)  en  spirale  ;  aux  deux  grou- 
pes de  droite,  ils  sont  affrontés. 

Voussure  et  chapiteaux  de  la  porte 
centrale. 

NN.  Encadrée  par  un  large  filet  orné 
de  demi-disques  accolés,  la  dernière  vous- 
sure de  la  porte  centrale  présente  sur  cha- 
cun de  ses  quarante-huit  claveaux  le  même 
dessin  purement  ornemental,  sorte  de  ro- 
sace rectangulaire  composée  de  feuilles  et 
de  lignes  géométriques.  L'intrados  de  la 
voussure  est  également  sculpté. 

00.  Quarante-deux  claveaux  décorés 
chacun,  en  assez  faible  relief,  dune  tête 
barbue,  couronnée,  grossièrement  sculptée. 
—  Si  ces  figures  sans  expression  ont  une 
signification  quelconque,  on  pourrait  y  voir 
à  la  rigueur,  soit  les  Vieillards  de  l'Apo- 
calypse,   malgré  leur  nombre  supérieur  au 


chiffre  24  indiqué  par  S.  Jean  (•)  et  l'ab- 
sence de  tout  attribut,  soit  les  rois  ancêtres 
de  la  Vierge,  bien  que  la  représentation  de 
ce  sujet  sur  les  façades  d'église  ne  soit  de- 
venue habituelle  qu'au  XI  Ile  siècle. 

PP.  Partie  brute.  — Cette  voussure  de- 
vait représenter  les  signes  du  zodiaque  et 
les  travaux  des  mois  ;  il  reste  les  trois 
premiers  et  les  trois  derniers  sujets,  tous 
horriblement  mutilés.  En  commençant  à 
gauche,  on  croit  reconnaître:  1°  (N°  63)  un 
personnage  entre  deux  objets  indistincts 
(peut  être  est-ce  janvier  entre  deux  portes, 
l'une  ouverte  et  l'autre  fermée,  représen- 
tant les  deux  années,  comme  à  l'abbaye  de 
St-Denis)  ;  2°  (N°64)  février  :  un  homme 
assis  se  chauffe  près  du  feu  ;  3°  (N°  65)  des 
rinceaux  de  feuillage  :  c'est  sans  doute  le 
paysan  taillant  la  vigne,  occupation  tradi- 
tionnelle du  mois  de  mars.  —  De  l'autre 
côté  de  la  partie  brute  P,  4''  (N°  66),  un 
paysan  entonne  le  vin  :  octobre;  50  (No  67) 
un  autre  conduit  un  porc,  ou  peut-être 
l'abat:  travail  de  novembre;  6°  (No  68) 
personnage  assis  sous  une  arcature  :  sans 
doute  il  était  attablé  à  un  festin,  comme  on 
le  figure  habituellement  en  décembre,  mais 
la  table  a  disparu. 

Q,Q.  Rinceaux  de  feuilles  et  de  fruits  : 
aux  extrémités  de  l'archivolte,  ces  rinceaux, 
malheureusement  très  mutilés,  paraissent 
riches  et  originaux;  dans  la  partie  médiane, 
ce  sont  des  motifs  séparés,  tous  semblables, 
de  rinceaux  encadrant  une  feuille  végétale; 
l'intrados  de  cette  voussure  est  sculpté. 

Chapiteaux. 

R.   Scène  mutilée,  méconnaissable. 
S.   Sorte  de  harpie  :  dragon  à   tête  de 
femme  au  milieu  de  rinceaux. 

I.  Ceci  ne  serait  pas  sans  exemple  :  à  la  porte  centrale 
de  l'Abbaye  àux  Dames  de  Saintes,  on  trouve  une  série 
de  54  Vieillards  de  l'Apocalypse. 


12 


ÎRebue  lie  V^n  chrétien. 


T.    Lion  au  milieu  de  rinceaux. 

U.  Scène  à  personnages,  complètement 
mutilée. 

V.  Deux  lions  affrontés  ;  au-dessus  de 
chacun  une  sorte  de  feuille  de  fougère 
fermée,  ajourée,  qui  semble  former  le  pro- 
longement de  la  queue  de  ces  animaux. 

W.  Ornement  de  genre  antique. 

X.  A  peu  près  semblable  à  V. 

Y.  Deux  fleurs,  de  profil  ;  affectant  va- 
guement la  forme  d'œillets  inclinés. 

Z.  Dernière  archivolte  :  suite  de  rosa- 
ces semblables,  de  faible  relief:  formées  de 
quatre-feuilles  arrondies  et  terminées  en 
pointe,  lesquelles  se  rabattent  de  la  circon- 
férence vers  le  centre:  à  première  vue  elles 
figurent  ainsi,  en  sens'  inverse,  les  pétales 
d'une  fleur  d'églantine.  —  Les  coins  sont 
remplis  par  des  fleurons. 

Z'.  Frise  très  ornée  composée  de  riches 
rinceaux  au-dessus  desquels  court  un 
zigzag. 

Voussure  des  portes  latérales. 

a.  Arabesques  de  feuillage  (très  fruste). 

b.  Dessin  dérivé  du  type  roman  des 
demi-disques  accolés  :  au  lieu  de  disques 
unis,  ce  sont  des  demi-cercles  décorés  (en 
partie  neuf). 

c.  Filet  de  couronnement  :  demi-disques 
unis  accolés  (très  fruste). 

d.  e.  f  Toute  cette  porte  avait  été  dé- 
truite et  remplacée  par  une  baie  carrée  :  les 
sculptures  ci- dessous  sont  donc  neuves.  — 
d.  Fleurettes  (œillets  à  six  pétales)  posées 
à  plat,  à  intervalles  réguliers.  — e.  Combi- 
naison de  larges  feuilles  aux  fortes  ner- 
vures en  très  faible  relief  —  f.  Pareil  à  c. 

Colonnes. 

g.  j.  n  —  Ces  colonnes,  placées  à  l'ex- 
térieur des  ébrasements,  sont  extraordinai- 
rement    originales  :  nous    ne  connaissons 


aucun  autre  exemple  de  la  disposition 
qu'elles  présentent.  Leur  fût  est  orné  de 
fines  nervures  en  relief  qui  s'enroulent  en 
spirales  ;  tels  les  brins  d'un  câble  tournant 
autour  de  l'âme.  Les  extrémités  de  ces  spi- 
rales se  terminent  au  sommet  par  une  sorte 
de  volute  d'un  assez  fort  relief  ;  toutes  ces 
volutes  se  trouvant  à  la  même  hauteur  élar- 
gissent la  colonne  en  cet  endroit,  et  ce  ren- 
flement tient  lieu  de  chapiteau.  Ces  trois 
colonnes  sont  neuves,  copiées  sur  les  colon- 
nes originales. 

h.  i.  1.  m.  —  A  ces  colonnes  les  fûts  sont 
unis;  les  chapiteaux  sont  décorés  de  feuilles 
d'ornement. 

On  remarquera  qu'à  la  porte  gauche, 
l'ébrasement  de  droite  ne  comporte  qu'une 
seule  colonne  au  lieu  de  deux. 

Sculptures  diverses. 

p.  Quadrupède  cornu  (ou  à  longues 
oreilles)  galopant:  peut-être  un  lièvre,  peut- 
être  un  cerf. 

q.  Sorte  de  cheval  galopant. 

r.  Deux  têtes,  de  profil,  face  à  face. 

Ces  trois  sujets  sont  sculptés  grossière- 
ment, en  très  faible  relief  :  on  pourrait  croire 
que  ce  sont  des  vestiges  d'un  monument 
encore  plus  ancien  utilisés  dans  la  construc- 
tion de  l'édifice  actuel. 

Colonnes. 

ss.  Ces  deux  colonnes  à  fûts  lisses,  et  les 
massifs  dans  lesquels  elles  sont  engagées 
font  une  forte  saillie  sur  le  plan  de  la  fa- 
çade :  dans  l'épaisseur  du  massif  est  prati- 
quée une  arcature  perpendiculaire  à  ce  plan: 
on  n'en  voit  pas  bien  la  fonction,  mais  on  y 
peut  trouver  l'indice  de  l'existence  d'un 
porche,  d'autant  plus  qu'à  la  partie  supé- 
rieure, on  trouve  des  gradins  de  pierre  qui 
semblent  avoir  jadis  supporté  des  sujets  de 
décoration.  Il  faut  signaler,  dans  le  fond  de 


3L'églt0e  de  t)atnt  3ïoutn  de  SJ^anuQ. 


13 


l'arcature  perpendiculaire  de  droite,  un 
curieux  ornement  en  forme  de  rosace  ofravé 
sur  une  plaque  de  pierre  carrée  d'environ 
0^,50  de  côté  et  d'un  caractère  tout  à  fait 
byzantin.  Encastré  dans  le  parement,  il 
provient  sans  doute  d'un  édifice  antérieur  ; 
se  trouvant  à  hauteur  d'homme,  il  est 
malheureusement  exposé  à  des  dégrada- 
tions volontaires  qui  ont  déjà  fait  dispa- 
raître une  partie  de  son  ornementation  ('). 

t.  A  la  base  de  la  grosse  colonne  d'angle 
on  retrouve  ce  dessin  si  curieux  que  nous 
avons  admiré  ci-dessus  aux  petites  colonnes 
g.  j.  n. 

u.  Pierres  enlevées  lors  de  la  restauration 
(Voir  à  la  description  des  N°^  2  et  3.) 

Entre-colonnes.  —  A  peu  près  tous  les 
entre-colonnements  de  la  façade  sont  déco- 
rés. 

A  la  porte  principale,  aux  ébrasements, 
en  allant  de  l'extérieur  à  l'intérieur,  on 
trouve  :  entre  la  première  et  la  seconde 
colonne,  un  feston  ;  entre  la  seconde  et  la 
troisième,  des  crochets  ;  entre  la  troisième 
et  la  quatrième,  des  perles  (ou  boutons)  ; 
entre  la  quatrième  et  la  dernière,  des  demi- 
disques  ornés,  accolés. 

A  la  fenêtre  centrale,  entre  les  colonnes, 
on  voit,  à  intervalles  réguliers,  des  trèfles 
gravés  en  creux. 

I.  Nous  devons  ces  renseignements  à  M.  Deverin. 


Clochetons.  —  On  remarquera  que  celui 
de  droite  est  plus  orné  que  l'autre.  —  Les 
toitures,  au  lieu  d'être  couvertes  en  écailles 
de  poisson  comme  à  Civrai  et  sur  la  plupart 
des  églises  poitevines,  sont  imbriquées  de 
triangles  en  relief,  présentant  la  pointe  en 
bas  et  posés  dans  le  plan  même  des  arêtes. 
—  Les  chapiteaux  sont  assez  simples  :  leur 
ornementation  robuste  et  sévère  se  com- 
pose de  feuilles  ;  quant  aux  modillons  pla- 
cés au  dessous  de  la  colonnade  supérieure, 
ils  présentent  pour  la  plupart  des  têtes  gri- 
maçantes. 


Telles  sont  les  sculptures  de  la  façade  de 
Saint-Jouin  de  Marnes:  il  faudrait, pour  être 
complet,  examiner  maintenant  les  merveil- 
les de  l'intérieur  du  monument  et  celles  de 
l'abside,  que  l'habile  architecte  M.  Deverin 
est  en  train  de  ressusciter  ;  mais  ce  serait 
sortir  du  cadre  que  nous  nous  sommes 
imposé.  Aussi  bien  notre  longue  nomencla- 
ture ne  donne-t-elle  qu'une  idée  bien  sèche 
des  richesses  qu'il  faut  aller  contempler 
sur  place.  C'est  donc  avec  regret  que  nous 
quittons  la  vieille  abbaye,  suivant  d'un 
regard  envieux  les  amateurs  de  jouissances 
artistiques  qui  visiteront  Saint-Jouin  et  ne 
s'arrêteront  pas,  comme  nous,  à  la  porte  du 
sanctuaire. 

G.  Sanoner. 

Paris. 


»^  A^vk  A^^  A^^  A^Tt  A^^  A^^  A^^  ;^^^  A^^  »^^  A^V?^  A^^^  ^^g^  A^^  \f^  ^ 


^ 


irrnriiminCrrTI^TTCmiII-IXrrmiXXIIIITII]   tTTTTTTrrTTTTTTItlTllTlTrT^riT^llTTTTT^TVTTTTTTTTTTTTTTTTTTTTTTTVTTTTTlTITTTIITirïtTTT-rriTTTrTin 


4V 


Carnet  lie  bocage  '.—  BaDouc,  Venise, Gortina 


D'Hînpe550,©(et)e  îil  Gaîiore,^rtt)(se,Vtcence  (Suite). 


'^      î'iTTHii^ŒlxlXEOiTiirnxnTTTTn  TTTiiiiJtniiiiir.iiniiiTrTTTTTnmnii  iir-niTrrr  [iiirillJ:iiiiiiiriTiirincrTTTTirrnmii^rniTTirtiiriTrn  itii  i      'm 

■^  *itl-^  *Ail-*  *i^  ^^t^f  *AÔ^  ^JÔ^  *X6^  *AÔ^  l'iÔ*  ^Ail'f  ^AÔ^  ''iÔ-^  *i6^  ^AÔ^  *^^  A^ 


[  N  quitte  avec  regret  la 
délicieuse  et  pittores- 
que localité  de  Cortina 
d'Ampezzo,  la  perla  dei 
Do/omiti,  pour  redes- 
cendre, à  petites  jour- 
nées  et  par    de    belles 


vallées,  dans  les  cités  du  Cadore. 

La  première  qu'on  traverse  est  Pieve  di 
Cadore,  qui  est  fière  d'avoir  vu  naître  Ti- 
tien (1477-1576).  La  bourgade  a  rendu  à 
ce  grand  artiste  tous  les  honneurs  pos- 
sibles :  la  place  principale  porte  son  nom, 
une  statue  de  bronze  s'élève  au  centre  et 
une  plaque  commémorative  est  placée  con- 
tre sa  maison  natale. 

Il  y  a  cependant  une  ombre  au  tableau  : 
aucun  document  officiel  ne  donne  la  preuve 
que  Titien  soit  né  à  Pieve  di  Cadore  ;  la 
croyance,  très  accréditée,  repose  unique- 
ment sur  la  tradition. 

L'église  conserve  plusieurs  tableaux  dont 
l'un,  selon  Vasari,  est  bien  de  Titien.  €  Ha 
fatto,  dit  le  biographe,  Tiziano  in  Cador, 
sua  patria,  una  iaz>ola.  dentro  la  çuale  è  un 
nostra  Donna  e  S.  Tiziano  vescovo.  ed  es'li 
stesso  ritratto  ginocchioni.  » 

La  peinture  est  dans  une  petite  chapelle 
latérale  ;  elle  est  de  moyenne  dimension  et 
de  colorations  affaiblies. 

Le  sujet  représenté  est  une  Adoration. 

La  Vierge,  assise,  allaite  l'Enfant  ;  à  ge- 
noux autour  d'elle,  trois  personnages:  saint 
André,  un  évéque  coiffé  d'une  mitre  et  re- 
vêtu d'une  chape  brodée;  derrière  le  prélat, 
un  homme  à  barbe  tenant  la  crosse.  La  tra- 


Voir  la  Revue  de  septembre  1903,  p.  384. 


dition  veut  que  la  Vierge  soit  Cecilia,  la 
femme  de  Titien;  saint  André  serait  Fran- 
cesco  Vicellio,  son  frère  ;  l'évêque  serait 
Marco  Vicellio,  un  membre  de  la  famille, 
sous  la  forme  de  saint  Titien,  évêque  d'Or- 
derzo  ;  l'homme  qui  tient  la  crosse  serait 
Titien  lui-même;  on  le  reconnaît  sans  peine, 
Titien  ayant  laissé  de  lui  plusieurs  portraits. 

On  veut  aussi  donner  à  Titien  une  Ma- 
done avec  saint  Roch  et  saint  Sébastien  ; 
la  peinture  a  été  très  retouchée  et  rien  ne 
justifie  la  supposition. 

Il  paraît  qu'une  Adoration  des  Bergers 
par  Titien,  qui  appartenait  à  l'église,  a  été 
perdue. 

Cesare  Tiziano,  de  la  famille  Vicellio, 
mort  après  1600,  a  peint  une  grande  Cène, 
placée  derrière  l'autel  ;  c'est  un  ouvrage  se- 
condaire traité  comme  le  sont  les  nombreux 
sujets  du  même  genre. 

Dans  la  sacristie,  au  milieu  de  tableaux 
sans  aucun  intérêt,  on  remarque  une  Santa 
Conversazione  avec  la  Madone  et  l'Enfant, 
saint  Jean-Baptiste  et  sainte  Marie-Made- 
leine; c'est  un  très  bon  ouvrage  dans  le 
style  et  la  couleur  de  Palma  le  Vieux  ;  il  est 
par  Vicenzo  di  Biagio  deTrévise.dit  Catena 
{'^  1531)'  peintre  amateur  ;  ses  tableaux 
sont  assez  nombreux  dans  la  Haute-Italie. 

Certes,  Trévise  ne  peut  être  placée  au 
rang  des  grands  centres  d'art  de  l'Italie  ; 
elle  est  peu  visitée,  ne  se  trouvant  pas  sur 
l'itinéraire  habituel  des  touristes,  et  cepen- 
dant elle  mérite  une  attention  particulière, 
surtout  à  cause  de  ses  vieilles  fresques. 

Que  de  fois  dans  mes  excursions  en 
Italie,  du  Nord  au  Sud,  de  la  Méditerranée 


Carnet  De  tïopage. 


15 


à  l'Adriatique,  principalement  dans  les  con- 
trées  peu  parcourues,  n'aije  pas  eu  l'occa-  \ 
sion  de  constater  l'insuffisance  des  Guides 
portatifs  et  de  regretter  de  n'avoir  pas  à 
mon  service  particulier  un  photographe 
expérimenté  et  docile  ! 

Je  sais  bien  que  les  photographes  italiens 
ont  jusqu'à  25.000  clichés  d'art,  mais  que 
d'œuvres  ont  été  négligées  ! 

A  Trévise  mes  regrets  ont  été  très  vifs, 
car  aucune  des  fresques  dont  je  vais  parler, 

—  et  je  ne  signale  que  les  plus  importantes, 

—  n'a  été   photographiée,  à   ma  connais- 
sance du  moins. 

A  défaut  donc  de  reproductions  qui  en 
apprendraient  plus  que  tout  ce  que  je  pour- 
rai dire,  je  dois  me  borner  à  de  simples 
descriptions. 

En  1 221,  l'Ordre  des  Dominicains,  fondé 
à  Toulouse  par  saint  Dominique  en  12  15, 
s'établit  à  Trévise  dans  un  couvent  dont  la 
chapelle  datait  de  1 1  70,  selon  une  inscription 
encore  lisible  au  XVI  II'' siècle. 

Vers  1243,  la  chapelle  fut  convertie  en 
salle  capitulaire  de  l'Ordre;  elle  était  nom- 
mée alors  chapelle  du  Crucifix,  à  cause 
d'une  Crucifixion  peinte  à  fresque  sur  l'une 
de  ses  parois. 

Plus  tard, les  Dominicains  complétèrent 
la  décoration  murale  de  la  chapelle, —  nous 
le  verrons  plus  loin, —  mais  ils  respectèrent 
la  Crucifixion  qui  subsiste  toujours  ;  aucun 
document  ne  permet  de  fixer  la  date  de 
cette  peinture  et  le  nom  de  son  auteur,  mais, 
d'après  son  caractère,  on  peut  admettre 
qu'elle  est  des  premières  années  du  XIII« 
siècle. 

Le  divin  Rédempteur  est  attaché  sur  la 
croix,  nu,  les  yeux  clos  et  déjà  mort.  La 
croix  est  de  la  forme  dite  immissa  en  Italie, 
c'est-à-dire  à  trois  branches.  La  tète  incli- 
née est  nimbée  en  disque  non  crucifère  ; 
elle  n'a  pas  la  couronne  d'épines  ;  de  longs 


cheveux  encadrent  le  visage.  Le  corps  est 
allongé  et  courbé.  Les  pieds  sont  posés  sur 
un  support  soutenu  par  un  médaillon  à  trois 
têtes  humaines.  Ils  ne  sont  ni  tout  à  fait 
croisés,  ni  complètement  séparés,  le  talon 
du  pied  droit  étant  seulement  engagé  sous 
le  pied  gauche. 

La  particularité  de  cette  représentation 
du  Christ  est  qu'il  est  attaché  à  la  croix 
par  cinq  clous. 

On  sait  que  les  premières  images  du  Ré- 
dempteur le  figuraient  avec  quatre  clous, 
les  pieds  étant  séparés  ;  puis  l'usage  vint, 
vers  le  XI 1 1*"  siècle,  de  croiser  les  pieds 
l'un  sur  l'autre,  ce  qui  réduisit  à  trois  le 
nombre  des  clous  ;  ce  ne  fut  pas  cependant 
une  règle  absolue,  puisqu'au  XIV^  siècle,  on 
constate  le  Christ  tantôt  avec  trois  clous, 
tantôt  avec  quatre. 

Je  ne  crois  pas  qu'il  existe,  en  dehors  de 
Trévise,  une  autre  figure  du  divin  Crucifié 
avec  cinq  clous.  Ce  cinquième  clou  est  très 
apparent  ;  il  est  à  tête  en  forme  de  T  et 
très  long,  car  il  traverse  les  deux  pieds  en 
biais  de  la  droite  à  la  gauche.  Un  écrivain 
très  sérieux  de  Trévise,  le  frère  Federici,  a 
encore  vu  au  XVIII' siècle  la  trace  des 
autres  clous  des  pieds  ;  à  présent,  on  ne  les 
distingue  plus  nettement,  mais  on  les  de- 
I    vine. 

Au-dessus  et  au-dessous  des  bras  de  la 
croix,  planent  des  anges  ailés  et  nimbés. 

Au  pied  se  tiennent  debout,  d'un  côté,  la 
Vierge  en  vêtements  bruns  semés  d'étoiles 
dorées  ;  de  l'autre,  saint  Jean  en  longue 
robe  talaire. 

Aux    deux  extrémités   du  champ    de  la 
fresque,    sont    figurés,     debout    sous    des 
édicules  à  colonnes,    saint  Pierre  et  saint 
!    Paul,  avec  leurs  attributs  respectifs. 

Le  dessin  de  la  fresque  est  parfois  incor- 
rect ;  les  deux  apôtres  sont  visiblement 
moins   soignés    et    peut-être    d'une    main 


i6 


jRebue  lie  l'art  cbrcttcn» 


différente,  mais  il  règne  dans  la  Crucifixion 
une  sincère  émotion  :  le  Christ,  qui  vient 
d'expirer,  a  souffert  avec  mansuétude  ;  la 
Vierge  et  saint  Jean  ont  une  attitude  de 
douleur  profonde  mais  résignée. 

Le  peintre  était  certainement  un  chrétien 
doux  et  sensible  ;  sa  Crucifixion  est  fort 
supérieure  à  d'autres  de  la  même  époque, 
conservées  en  Italie,  notamment  à  Pise  et 
à  Florence. 

Une  dizaine  d'années  après  que  les  Do- 
minicains eurent  fait  de  la  chapelle  du  Cru- 
cifix leur  salle  capitulaire,  ils  résolurent 
d'en  compléter  la  décoration  picturale. 

Ils  confièrent  ce  travail  au  peintre  Tom- 
maso  da  Modena,  ainsi  qu'en  témoigne  une 
inscription  : 

Neir  anno  IJS2  il  priore  trevigia7to  del- 
t  ordine  dei  Pi-edicatori  fece  depingere 
questo  capitolo,  e  lo  dipinse  il pittore  Tom- 
maso  da  Modena. 

Tommaso  dans  d'autres  documents  est 
dit  da  Mutina,  nom  latin  de  Modena. 

On  sait  que  le  mot  da,  placé  entre  le  nom 
d'une  personne  et  celui  d'une  localité,  signi- 
fie généralement  que  la  personne  est  ori- 
ginaire de  la  localité,  mais  ce  n'est  pas 
toujours  exact  :  le  sculpteur  Mino,  par 
exemple,  est  dit  Mino  da  Fiesole,  quoiqu'il 
soit  né  à  Poppi  dans  le  Casentin.  D'après 
certaines  pièces  d'archives,  Tommaso  ne 
serait  pas  originaire  de  Modena,  mais  bien 
de  Trévise. 

Tommaso  était  un  peintre  renommé  ; 
vers  1357,  il  fut  appelé  en  Bohême  par  l'em- 
pereur Charles  IV  pour  décorer  le  château 
de  Karlstein  près  de  Prague.  Les  musées 
de  Modène,  de  Berlin  et  de  Vienne  con- 
servent des  tableaux  de  lui. 

Le  catalogue  officiel  de  la  Galerie  impé- 
riale et  royale  de  Vienne,  rédigé  en  1781, 
par  Chrétien  de  Mechel,  mentionne  de    ce 


peintre  un  triptyque  avec  la  Vierge  et 
l'Enfant,  saint  Wenceslas,  roi  de  Hongrie, 
et  saint  Palmatius,  mais  par  une  erreur 
difficile  à  expliquer,  Mechel  dit  que  le  nom 
de  Tommaso  da  Mutina  est  celui  d'un 
gentilhomme  bohémien  né  à  Muttensdorff, 
dont  Mutina  serait  la  traduction  latine  ! 

Mechel,  dans  sa  préface,  rappelle  l'opinion 

de  Lessing,    émise  en  1774,   qui   enlève  à 

Jean  Van  Eyck  l'invention  de  la  peinture  à 

l'huile  pour  la  donner  à  Nicolas  Wurmser, 

j    Theodoric  de  Prague  etThomas  de  Mutina. 

Tommaso  fut  donc  chargé  de  décorer  la 

salle  capitulaire   des  Dominicains  ;  le  pro- 

I    gramme  qui  lui  fut  donné  est  simple   mais 

I    intéressant;  il   constitue,  je  crois,  le  début 

1    des  salles  de  portraits  peints. 

I        Sur  un  fond  d'ornements  et  de  cartouches 

I    à  inscriptions,  Tommaso  a  peint  quarante 

portraits  en  pied  des  plus  célèbres  Domini- 

cains,depuis  la  fondation  de  l'Ordre  en  1 2 1 5, 

jusqu'au  milieu  du  XI  V«^  siècle.  En  voici  la 

liste. 

Trois  saints  : 

Saint   Dominique,   saint  Pierre  de  Vé- 
rone, saint  Thomas  d'Aquin. 
Deux  papes  : 

Innocent  V,  pontificat  de  1276  à    1278; 
Benoît  XI,  pontificat  de  1303  à   1305. 
Dix-huit  cardinaux  : 

Hugo  (Provence)  (')  ;  Annibal  (Rome)  ; 
Pierre  (France);  Robert  (Angleterre); 
Latinus  (Rome);  Hugo  de  Bologne 
(France)  ;  Nicolas  (  Lombardie  inférieure); 
Nicolas  de  Prato  (Provence)  ;  Gualterus 
(Angleterre)  ;  Nicolas  (France);  Thomas 
(Angleterre)  ;  Guillaume  (Angleterre)  ; 
Mathieu  (Rome);  Guillaume  (France); 
Boniface(?);  Thomas(?);  Gérard  (France); 
Jean  (France). 

I.  Les  noms  de  pays  indiquent  la  province  de  l'Ordre. 
Le  point  ?  signifie  que  le  nom  de  la  province  est  effacé 
dans  la  fresque. 


Carnet  De  tjopage. 


17 


Quatre  évêques  : 

Pierre  (France)  ;  Augustin  (Hongrie); 
Raymond  (Espagne);  Albert  (Allemagne). 

Treize  frères  : 

Guido  (Sicile);  Maurice  (Hongrie); 
Augustin  (Hongrie)  ;  Jacob  (Lombardie 
supérieure)  ;  Ambroise  (Lombardie  infé- 
rieure) ;  Vincent  (France)  ;  Bernard  (Tou- 
louse) ;  Pierre  (Espagne)  ;  Isnard  (Lom- 
bardie supérieure)  ;  Jean  (Lombardie  supé- 
rieure) ;  Albert  (Allemagne)  ;  Pelage 
(Espagne);  Jean  (Saxe). 

Les  saints  sont  nimbés. 

Le  pape  Benoît  ;  les  évêques  Pierre 
(France),  Augustin    (Hongrie)  ;  les    frères 


1.  Tiare  du  pape  Innocent  V,  d'après  la  fresque  de  Trévise  de  1352. 

2.  Tiare  du  pape  Benoît  XI,  daprès  la  fresque  de  Trévise  de  1352. 

Pierre  (Espagne),  Jean  (Lombardie  supé- 
rieure), Vincent  (France),  Ambroise  (Lom- 
bardie inférieure),  ont,  comme  Bienheu- 
reux, la  tête  entourée  de  rayons. 

Les  papes  portent  la  tiare  ;  je  reproduis 
ces  deux  emblèmes  ('). 

Les  cardinaux  ont  le  chapeau  rouge  ;  les 
évêques  la  mitre  ;  les  frères  ont  la  tête  dé- 
couverte. 

Tous  sans  exception   ont  le  costume  de 

I.  Fra  .■\ngelico  (1387-1455)  a  peint  les  portraits  en  mé 
daillon  de  dix-sept  dominicains,  au-dessous  de  sa  Critcifi- 
xion  dans  la  salle  capitulaire  du  couvent  San  Marco  de 
Florence  dont  l'Ordre  avait  pris  possession  en  1436.  Les 
papes  Innocent  V  et  Benoit  XI  sont,  comme  dans  la 
fresque  de  Trévise,  en  costume  de  Dominicain,  mais  avec 
le  pallium.  Leurs  tiares  sont  beaucoup  plus  hautes  et  à 
trois  couronnes,  tandis  qu'on  n'en  voit  qu'une  sur  la  tiare 
de  Benoit  .\I  à  Trévise. 


l'Ordre  et  sont  représentés  en  même  gran- 
deur. 

Ils  sont  assis  devant  des  pupitres  en  po- 
sition de  méditer,  de  lire  ou  d'écrire;  sur  les 
pages  ouvertes  de  la  plupart  des  volumes 
sont  écrites  des  maximes  et  des  sentences; 
le  livre  du  pape  Innocent  V  porte:  no7i  re- 
cédant ab  innocentia,  celui  du  frère  Bernard 
de  la  province  de  Toulouse  :  Domine  Do- 
minus  noster  quant  adniirabile  est  nomen 
iuiim  in  universa  terra. 

A  chaque  portrait  se  rapporte  une  ins- 
cription avec  le  nom  du  personnage  et  ses 
mérites  :  en  voici  deux. 

S.  Dominicus  de  Provincia  Hispanis, 
priinus  magister  et  Fundaior  Ordinis  Prœ- 
dicatoj-um,  atque  Virgo,  Doctor,  Fidei  Ze- 
lator,  Hcsresuin  extirpator,  vir  in  cunctis 
virtutibus  laudabilis  et  innutneris  claruit 
miraculis. 

B.  Fr  Vincentius  Belluacensis  de  Pro- 
vincia Franciœ  Ord.  Fratruni  Prœdic.  in 
vita  et  in  scientia  valde  fantosus  composuit 
magnum  spéculum  naturale,  doctrinale,  his- 
toriale  et  claruit  miraculis. 

Sur  d'autres  cartouches  sont  inscrits  les 
noms  des  vingt  et  un  premiers  maîtres 
généraux  de  l'Ordre  ;  exemple  : 

Magister  Ordinis  Fratrum   Prœdicato- 

rum  fuit  Révérend.  Pater  Fr.   Herveus  de 

Provincia  Franciœ   Exce liens  mas::ister  in 

Sacra    TJteol.   et  in  omnes  scientias  opéra 

fecit. 

Et  pour  compléter  ce  livre  d'or  des  Do- 
minicains, sont  mentionnés  les  vingt  et 
une  provinces  de  l'Ordre  et  les  trente-huit 
couvents  de  la  Lombardie. 

Il  est  clair  que  les  figures  des  Domini- 
cains ne  sont  des  portraits  proprement  dits 
que  très  exceptionnellement. 

Ranger  en  lignes  régulières,  sur  les  quatre 
parois    d'une    salle,    quarante    effigies    de 


KKVUS   DE    l'art   CHRÉTIBK. 
1904.    —     l'*=   —LIVRAISON. 


i8 


ISitWt  tjc  T'^rr  cbrctieiL 


même  taille,  revêtues  d'un  costume  pareil 
et  dans  des  attitudes  à  peu  près  semblables, 
constituait  une  tâche  difficile,  car  il  fallait 
surtout  chercher  à  rompre  l'uniformité  et  la 
monotonie  ;  au  moyen  de  dispositions  va- 
riées dans  les  plis  des  étoffes,  de  mouve- 
ments différents  dans  les  bras  et  de  carac- 
tères divers  dans  les  physionomies,  Tom- 
maso  a  su  éviter  l'écueil. 

La  salle  présente  un  très  satisfaisant 
ensemble  décoratif  ;  c'est  avec  raison  qu'à 
Trévise,  on  la  nomme,  au  moins  depuis  le 
XVI I  Je  siècle  :  Gallei'ia  di  pitturc  antiche. 

Nous  allons  retrouver  Tommaso  dans 
l'église  San  Nicolo  dont  l'ancien  couvent 
des  Dominicains  est  une  dépendance. 

Lemunicipe  de  Trévise  avait  décrété,  en 
123  I,  la  construction  d'une  église  conven- 
tuelle pour  les  Dominicains,  mais  les  circons- 
tances en  empêchèrent  l'édification  jusqu'à 
l'avènement  à  la  tiare  du  Dominicain  Nicolo 
Boccasino,  originaire  de  Trévise,  qui  régna 
de  1303  à  1  305,  sous  le  nom  de  Benoît  XI. 
Le  pape  fournit  une  partie  des  ionds  néces- 
saires, et  le  frère  Benvenuto  délia  Cella 
dressa  les  plans  ;  ce  ne  fut  cependant  que 
vers  1348  que  l'église,  qui  reçut  le  nom  de 
San  Nicolo,  en  souvenir  du  pape  Benoît  XI, 
fut  à  peu  près  terminée.  Elle  subit  diverses 
modifications  à  l'intérieur,  surtout  en  ce  qui 
tient  à  la  décoration,  mais  en  1856  on  eut 
la  bonne  idée  de  la  remettre  autant  que 
possible  dans  son  état  primitif. 

La  basilique  est  à  trois  nefs  divisées  par 
de  fortes  colonnes  au  nombre  de  six  sur 
chacun  des  deux  rangs  ;  elle  conserve  de 
nombreux  et  intéressants  ouvrages  d'art 
dont  voici  les  plus  marquants. 

Il  n'est  pas  très  rare  de  rencontrer  en 
Italie  des  colonnes  décorées  partiellement 
de  figures  à  fresque;  le  plus  ancien  type  est 
dans  l'église  Santa  Maria  Antiqua,  décou- 


verte en  1900  au  Forum  Romain  et  qui 
date  du  VI 1 1^  siècle,  mais  je  crois  que  nulle 
part  on  ne  trouve,  sur  colonnes,  autant 
de  fresques  qu'à  San  Nicolo  et  disposées 
d'une  façon  si  particulière. 

Trois  colonnes  sur  les  douze  n'ont  pas 
de  peintures. 

Aucune  des  neuf  autres  n'est  entièrement 
peinte  de  la  base  au  chapiteau. 

Sur  les  lûts  décorés,  les  fresques  sont 
disposées  en  compartiments  bordés  d'un 
listel,  comme  il  en  serait  d'une  colonne 
pourvue  de  tableaux  peints  sur  une  surface 
convexe. 

Sur  certains  fûts  il  y  a  jusqu'à  trois  cadres 
placés  à  la  suite  l'un  de  l'autre,  sans  solution 
de  continuité,  de  façon  à  envelopper  entiè- 
rement un  segment. 

Sur  d'autres  il  n'y  a  que  deux  comparti- 
ments joints  ou  isolés. 

Sur  d'autres,  enfin,  on  ne  voit  qu'un  cadre 
unique. 

Les  fresques  sont  peintes  à  des  hauteurs 
différentes  au  dessus  du  sol  et  sans  aucun 
souci  de  la  régularité  et  de  la  symétrie. 

Telle  colonne,  par  exemple,  paraît  nue 
à  première  vue  ;  il  faut  en  faire  le  tour  pour 
voir  sa  fresque. 

Ces  dispositions  me  laissaient  perplexe, 
et  je  ne  pouvais  m'en  rendre  compte,  mais 
j'ai  compris  après  les  explications  qu'on  a 
bien  voulu  me  donner. 

Les  colonnes  dépourvues  de  peintures 
étaient  attribuées  à  des  compagnies  de 
chanteurs  qui  n'avaient  pas  accès  dans  le 
chœur  de  l'église  ;  ces  compagnies  se  plai- 
saient à  orner  de  tentures  et  d'emblèmes 
les  piliers  autour  desquels  elles  se  réunis- 
saient ;  on  jugea  dès  lors  inutile  de  les  dé- 
corer de  fresques. 
'  Certaines  colonnes  étaient  pourvues 
d'autels  ;   en  ce  cas,  les  fresques  servaient 


Carnet  ht  "oopuQt, 


^9 


de  retables  et  étaient  à  des  hauteurs  corres-    |         Enfin  quelques  piliers  portent  des  pein- 
pondantes  à  l'importance  de  l'autel.  |    tures    votives    que    probablement     le   do- 


'^clÏT:.-  SW^W^!:^'^'-'^''^^'^' 


V) 


Tombeau  du  sénateur  Onigo,  Pielro  ei  Tullio  Lombaboi,  sculpteurs.  Juat,  Kellin  ou  Jacopo  ne'  makuari,  peintres.  Fin  du  XV^-  siècle. 

Église  San  Nicolo  à  Trévise.  (Phot.  Alinari,  Florence.) 


nateur    pouvait    placer    selon    ses    conve- 
nances. 

Telle  est  l'explication  qui   m'a  été  four- 
nie ;  elle  est  très  admissible. 


On  remarque,  en  effet,  dans  les  églises 
d'Italie,  qu'une  grande  latiiude  était  lais- 
sée aux  congrégations,  aux  patrons  des 
chapelles  et  aux  donateurs  pour  disposer 


20 


WitWt  tie  ravt  cbvctten. 


à  leur  gré  les  munificences  dont  par  piété 
et  aussi  par  vanité  ils  ornaient  les  sanc- 
tuaires. 

Voici  les  sujets  représentés  : 

La  Vierge  lit  le  traité  de  l'Incarnation  de 
saint  Thomas  d'Aquin  ;  saint  François 
d'Assise. 

Un  évêque,  peut-être  saint  Augustin,  la 
Vierge  et  l'Enfant. 

Un  Camaldule  nimbé,  un  grand  cierge 
à  la  main;  près  de  lui,  deux  jeunes  pauvres 
à  genoux,  en  position  de  suppliants  ;  sainte 
Agnès,  vierge  et  martyre  ;  saint  Jérôme, 
vêtu  en  cardinal. 

La  Vierge  et  l'Enfant  ;  saint  Dominique 
et  saint    François. 

Saint  Michel  archange,  terrassant  le 
démon. 

SaintThomasd'Aquin  offrant  à  la  Vierge, 
son  traité  de  l'Incarnation,  un  évêque  bé- 
nissant un  cavalier  à  genoux  qui  tient  son 
cheval  par  la  bride. 

Saint  Christophe  et  l'Enfant  Jésus  ; 
saint  Jacques,  apôtre  ;  saint  Nicolas. 

Sainte  Catherine,  vierge  et  martyre;  un 
Dominicain  à  genoux  lui  présente  une  sup- 
plique. 

.Saint  Martin,  coupant  son  manteau  pour 
le  partager  avec  un  pauvre. 

Ces  fresques  sont  en  majeure  partie 
attribuées,  avec  raison,  je  crois,  à  Tommaso, 
mais,  bien  certainement,  il  en  est  d'autres 
mains  beaucoup  moins  habiles,  notamment 
celle  qui  montre  le  cavalier  béni  par  un 
évêque. 

Ici  on  peut,  mieux  que  dans  la  salle  du 
chapitre,  étudier  le  peintre. 

Il  a  le  pinceau  rapide  et  facile,  car  sauf 
pour  les  couleurs  forcément  à  tempera 
comme  le  bleu,  tout  est  à  buoii  fresco,  c'est- 
à-dire  peint  d'un  coup,  sans  reprises,  sur 
enduit  frais  ;  l'enduit  très  mince  a  seule- 
ment quelques  millimètres  d'épaisseur. 


Tommaso  peint  en  blond,  pour  employer 
une  expression  moderne  :  ses  couleurs 
sont  dans  des  tons  clairs  et  harmonieux 
d'ensemble  ;  elles  m'ont  rappelé  quelques- 
uns  de  ces  doux  Florentins  de  la  première 
période  du  XV^  siècle. 

Ses  personnages  font  également  songer 
à  cette  époque. 

La  Vierge  est  touchante  par  sa  tendresse 
et  son  humilité. 

Saint  Jérôme  est  déjà  dans  sa  caracté- 
ristique habituelle  :  pose  grave,  aspect  sé- 
vère, œil  pénétrant,  son  livre  près  de  lui, 
il  se  dispose  à  transcrire  ses  pensées. 

Sainte  Agnès  est  bien  la  jeune  patri- 
cienne de  Rome,  noble  et  distinguée  ;  elle 
est  debout,  vêtue  d'une  longue  et  chaste 
robe  blanche,  tenant  dans  les  bras  l'agneau 
mystique  et  la  palme  du  martyre  ;  c'est  une 
figure  exquise,  digne  des  grands  maîtres 
du  XV^  siècle. 

Tommaso  a  travaillé  également,  croit-on, 
à  l'église  Santa  Marguerita,  construite  au 
XIV"  siècle,  depuis  longtemps  désaffectée. 

Le  temple  était  très  amplement  décoré 
de  fresques  ;  il  a  été  possible  d'en  sauver 
quelques-unes,  notamment  l'Histoire  de 
sainte  Ursule  et  de  les  transporter  au 
musée  de  Trévise. 

M.  le  professeur  Bailo,  auquel  on  est 
redevable  de  ces  précieuses  conservations, 
explique  comme  suit  les  fresques  de  sainte 
Ursule. 

Ursule,  fille  de  Théonat,  roi  chrétien 
d'Irlande,  est  entourée  de  six  compagnes. 

Agrippinus,  roi  païen  d'Angleterre,  char- 
ge deux  ambassadeurs  d'aller  demander  à 
Théonat  la  main  de  sa  fille  pour  son  fils 
Conon. 

Les  ambassadeurs  remettent  à  Théonat 
la  demande  de  mariage.  La  mère  d'Ursule 
présente  sa  fille  aux  ambassadeurs. 

Ursule  accepte  la  proposition  à  la  condi- 


Carnet  de  t)o^>age. 


21 


La  Madone,  les  saints  Dominique.  Thomas  dAquin.  Benoît,  Jérôme  Nicolas.  Frère  Pensai,en  et  Girolamo  Salvauo,  XVK- siùde. 

(Phûtogr.  Ai.iNAKr,  Florence.) 


22 


3^e\)ue  îie  r^rt  cbvctten 


tion  que  Conon  se  fasse  chrétien  ;  elle  de- 
mande de  plus  un  délai  de  trois  ans  avant 
l'accomplissement  du  mariage  et  la  faculté 
de  se  rendre  à  Rome  avec  ses  compagnes. 

Ursule  est  entourée  de  ses  compagnes 
et  de  ses  servantes. 

Le  fils  du  roi  d'Angleterre  se  fait  baptiser. 

Ursule  remonte  le  Rhin  sur  quatre  bar- 
ques à  voiles,  avec  ses  compagnes  et  deux 
évêques  ;  en  vue  de  Cologne,  un  ange  lui 
apparaît  et  lui  annonce  qu'elle  sera  marty- 
risée à  cet  endroit. 

Entrée  à  Rome  d'Ursule  et  de  ses  com- 
pagnes ;  elles  sont  accueillies  par  le  pape 
entouré  de  cardinaux  et  de  prélats. 

Le  pape  est  endormi  sur  un  lit  de  pa- 
rade ;  un  ange  lui  apparaît  et  lui  indique  de 
faire  partie  de  la  suite  d'Ursule. 

Le  pape  préside  un  consistoire  et  fait 
connaître  sa  résolution  de  réaliser  les  indi- 
cations de  l'ange. 

Le  pape  quitte  Rome  en  procession  et 
suit  Ursule. 

Ursule  et  ses  compagnes  descendent  le 
Rhin  en  bateau  et  s'arrêtent  en  vue  de 
Cologne. 

Ursule  et  ses  compagnes  sont  mises  à 
mort  par  les  Huns  ('). 

Les  tresques  sont-elles  de  Tommaso  ? 
Aucune  inscription,  aucune  écriture  d'ar- 
chives ne  permet  de  1  assurer,  mais  d'après 
les  rapprochements  de  style  et  de  facture, 

I.  On  sait  que  la  légende  des  onze  mille  vierges  résulte 
d'une  erreur  d'interprétation  d'une  inscription. 

L'inscription  porte  vrsvla  y-yr  xi  mm  vv  ;  le  traducteur 
a  pris  les  lettres  MM  pour  le  nombre  de  mille  alors  qu'elles 
signifient  les  mots  martyres. 

Est-il  besoin  de  rappeler  que  le  must'e  royal  de  pein- 
tures de  Venibc  conserve  une  suite  de  l'Histoire  de  sainte 
Ursule  peinte  par  Carpaccio  de  1490  à  1495  pour  la 
Scuola  de  sainte  Ursule?  11  serait  intéressant  de  comparer 
les  deux  compositions,  car  elles  présentent  de  notables 
différences;  je  n'en  cite  qu'une:  tandis  que  Tommaso 
présente  l'apparition  de  l'ange  alors  que  la  Sainte  est  en 
bateau  devant  Cologne,  Carpaccio  montre  Ursule  étendue 
sur  son  lit  virginal,  et  dans  son  paisible  sommeil  voyant 
en  songe  l'ange  qui  lui  annonce  son  martyre. 


il  est  fort  probable  qu'il  en  est  l'auteur. 
Elles  constituent  une  œuvre  remarquable 
par  la  simplicité  de  l'exécution  et  l'expres- 
sion très  juste  des  sentiments  et  des  actes 
des  personnages. 

Il  est  fort  regrettable  que  les  fresques  de 
Tommaso  de  Mutina,  qui  subsistent  à  Tré- 
vise,  n'aient  pas  fait  l'objet  d'une  étude 
spéciale  et  d'une  reproduction  complète  ; 
elles  méritent  ces  distinctions  autant  et 
même  plus  que  bien  d'autres  qui  ont  été 
mieux  favorisées. 

Les  fresques  de  Tommaso  ne  sont  pas 
les  seules  de  l'église  San  Nicolo  ;  si  je  ne 
puis,  dans  un  simple  Carnet  de  voyage,  les 
signaler  toutes,  je  dois  cependant  noter 
celles  de  la  chapelle  des  Apôtres  du 
XIV=  siècle. 

Elles  montrent  la  Vierge  avec  l'Enfant, 
les  saints  Jean- Baptiste,  Nicolas,-  Romuald 
et  sainte  Catherine;  la  famille  Monigo,  fon- 
datrice de  la  chapelle  en  1366,  y  est  repré- 
sentée. 

Sur  une  autre  paroi  c'est  V  Adoration  des 
rois  mages. 

Ces  fresques  sont  médiocres,  et  on  pour- 
rait ne  pas  en  parler  ;  mais  dans  un  com- 
partiment qui  fait  suite  à  {'Adoration,  on 
observe  une  peinture  remarquable  par  sa 
distinction  et  son  élégance  :  elle  représente 
saint  Jean- Baptiste,  sainte  Catherine  et 
saint  Nicolas,  et  sur  un  fond  spécial,  étoile 
d'or,  sainte  Marguerite  de  Hongrie,  en 
habit  de  dominicaine,  les  stigmates  aux 
mains,  la  tête  couronnée  par  deux  anges. 

Aux  pieds  de  la  Sainte,  un  suppliant  à 
genoux  et  l'inscription 

FR   MARINVs 

Est-ce  le   nom   du    donateur,    ou    celui   du 
peintre  .''  On  l'ignore. 

La  chapelle  des  .Apôtres  tire  son  nom  de 


Carnet  ht  bopagp. 


23 


Sainte  Euphémie,  sainte  Catherine  et  saint  Jean-Baptisie,  Francesco  Bissono.  1520.  Cathédrale  de  Trévise.  (Photogr.  Auinaki,  FlDrence.) 


24 


WitWt  De  r^vt  cJ)vctieii. 


son    tableau   d'autel,   X Incrédulité  de  saint 
Thomas. 

Le  tableau  est  absolument  de  premier 
ordre;  pendant  longtemps  il  a  été  donné 
à  Jean  Bellin,  qui  l'aurait  peint  en  149 1  ; 
à  présent  on  veut  qu'il  soit  du  frère  Luciani, 
dit  Sébastien  de!  Piombo.  C'est  possible, 
mais  lorsqu'on  vient  de  Venise,  on  pro- 
nonce le  nom  de  Jean  Bellin. 

C'est  aussi  à  Jean  Bellin  qu'on  attribue 
la  belle  décoration  picturale  avec  les  deux 
héros,  qui  encadre  le  tombeau  du  comte 
sénateur  romain,  Agostino  d'Onigo,  mort 
en  149 1,  placé  dans  le  chœur  de  San  Ni- 
colo  ;  quelques  auteurs  pensent  que  la  pein- 
ture est  d'un  Allemand,  Jacob  Walch, connu 
en  Italie  sous  le  nom  de  Jacopo  de'  Bar- 
bari  ;  ce  Jacob  a  laissé  des  peintures  en 
Allemagne,  mais  en  Italie  il  n'y  aurait  de 
lui  que  les  fresques  du  tombeau  d'Onigo  ; 
si  réellement  elles  lui  appartiennent,  il  faut 
reconnaître  qu'elles  ont  un  caractère  tout 
à  fait  italien. 

Le  tombeau  in  aria  du  sénateur  Onigo, 
est  peint  par  Pietro  et  TuUio  Lombardi,  ar- 
chitectes et  sculpteurs;  la  description  en  est 
inutile,  puisqu'il  est  reproduit  ici  ;  c'est  un 
très  bel  ouvrage  exécuté  peu  après  1492  ; 
il  est  juste  de  faire  remarquer  que  si,  à 
Florence  et  à  Bologne,  on  trouve  des  sépul- 
tures antérieures  dans  le  même  esprit  mais 
avec  plus  de  simplicité,  nulle  part  on  ne 
rencontre  dans  un  monument  funéraire  une 
alliance  aussi  heureuse  de  la  sculpture  et 
de  la  peinture. 

Le  superbe  tableau  d'autel  cjue  nous  re- 
produisons, représente  la  Madone  triom- 
phante avec  l'Enfant  sur  les  genoux  ;à  ses 
pieds,  un  ange  joue  de  la  cithare  ;  autour 
du  trône  sont  groupés  saint  Dominique, 
saint  Nicolas,  le  bienheureux  Benoit, 
saint  Thomas  d'Aquin,  saint  Jérôme  et  un 


saint  en  cuirasse  qui  n'a  pas  été  spécifié. 
Les  archives  du  couvent  apprennent  que 
la  peinture  a  été  exécutée,  en  15  20  et  1521. 
par  le  Dominicain  Marco  Pensaben  de  Ve- 
nise, aidé  du  frère  Marco  Maravéja,  qui  a 
laissé  l'oeuvre  inachevée.  Les  Dominicains 
eurent  alors  recours,  pour  la  terminer,  à 
Gian-Gerolamo  junior  de  Trévise. 

Mais  les  noms  de  Pensaben  et  de  Mara- 
véja sont  inconnus  dans  les  histoires  de 
l'Art  ;  l'érudition  alors  s'est  emparée  du 
sujet  et  a  tenté  d'en  trouver  l'auteur  véri- 
table. 

On    a    d'abord    pensé    à    Sébastien    del 
Piombo,  admettant  qu'il  était  désigné  sous 
le  nom  de  Pensaben;  puis,  renonçant  à  cette 
hypothèse,  on  a  attribué  le  tableau  à  Gero- 
lamo  Salvado,  au  moins  pour  son   achève- 
ment.   Salvado   est  mort    après    1550;   on 
conserve  ses  ouvrages  à  Brescia,  Florence, 
Turin,   Venise,    Urbino.    Mais   après   tout, 
peu  importe.  Nous  sommes  ici  en  présence 
d'une  de  ces  belles  compositions  dont   les 
peintres  de  la  terre  ferme  de   Venise  ont 
doté   les   églises  ;   sans   doute   ils  ont  pris 
leurs  inspirations  chez  les  grands  maîtres 
vénitiens,  mais  combien  ces   disciples   sont 
restés   supérieurs  aux  générations  qui  les 
ont  suivies. 

Moretto,  Romanino,  Pensaben  ou  Mara- 
véja, Salvado,  ne  sont  placés  dans  la  hié- 
rarchie qu'à  des  rangs  secondaires  ;  où  sont 
les  premiers  peintres  de  notre  temps  qui 
peuvent  leur  être  comparés  même  de  loin  ? 
Ils  sont  restés  fidèles  au  sentiment  chrétien 
et  ont  continué  à  réaliser  le  type  parfait  du 
tableau  d'autel. 

Mais  il  faut  quitter  San  Nicolo,  sans  en 
terminer  l'examen,  pour  quelques  autres 
églises  moins  importantes. 

Gerspacii. 
(A  suivre.) 


'»  ^^  A  A^  X  K^*  K^  ^  i.M  A  \^^  ^^  A  A^  A  A^yU  A^Yk  A^-A  i^^A  A^%^  K^^  i^^VU  »' 


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DÇTimxumiiimmri-ifTTnTTrTrTTTTTr 


*Af5 ^  *A^*  ^i^ *  ^i^'f  'i^l^  'ï^-'f  ^i*î^  *i*î^  *XAÎ-V  y,AjV  Vi^pf  y^AÎ^  YxAjX  ^X^ï^f  *ïét^  . 


:oc  la  Décoration  polpcbrome  Du  mobilier 
et  Des  oeiitires  plastiques  Dans  les  églises, 
--'---  à  propos  D'un  imrc  récent  (')•  ^^ 

E  livre  dont  je  viens  de  transcrire  et 
de  traduire  le  titre  traite  une  question 
intéressante,  controversée  et  souvent, 
sinon  étudiée  avec  compétence,  dis- 
cutée avec  une  ardeur  et  un  parti  pris  que  l'on 
pourrait  s'étonner  de  rencontrer  dans  une  matière 
qui,  au  premier  abord,  ne  semble  pas  de  nature 
à  échauffer  les  esprits. 

La  question  semble  si  bien  posée  dans  la 
courte  préface  du  livre  que  j'en  donne  également 
la  traduction  ;  c'est  la  meilleure  manière  de  faire 
connaître  le  point  de  vue  auquel  se  place  l'auteur: 
«  Doit-on  peindre  le  mobilier  et  les  sculptures 
des  églises?  Comment  doivent-ils  être  peints? 
Ces  deux  questions  appartiennent  au  nombre  de 
celles  que  l'on  peut  considérer  comme  les  plus 
brûlantes  de  l'art  ecclésiastique.  Le  but  de  ce 
travail  est  d'apporter  une  contribution  à  l'examen 
et  à  la  solution  de  cette  question,  aussi  impor- 
tante pour  l'artiste  que  pour  le  prêtre.  En  nous 
appuyant  du  jugement  d'auteurs  de  grand  poids, 
comme  sur  les  modèles  de  l'art  du  passé,  c'est 
affirmativement  que  nous  répondrons  à  la  pre- 
mière de  ces  questions. Quant  à  la  seconde,  l'étude 
approfondie  quenous  avons  faite  nous-même 
d'œuvres  d'art  originales,  et  celles  que  nous 
avons  poursuivies  dans  les  ouvrages  d'archéolo- 
gues de  renom,  —  pour  la  période  gothique,  nous 
citerons  en  première  ligne,  Mùnzenberger,  Les 
autels  du  moyen  âge  en  Allemagne,  —  ces  études, 
disons-nous,  permettent  d'établir  pour  la  peinture 
des  objets  dont  il  s'agit,  —  des  règles  fixes. 
Nous  devons  des  améliorations  et  des  complé- 
ments très  considérables  à  ce  travail,  au  très 
Révérend  Alexandre  Schnlitgen,  chanoine  à  la 
cathédrale  de   Cologne,  éditeur  de  la  Revue  de 

I.  Die  Betnalung  der  kirchlichen  Moebel  und  Sculpturen,  ein 
Leit/aden  fur  Kunstler,  Geistlichen  uud  kunitlietenden  Laieii. 
Dusseldorf,  S.  Schwann,  éditeur,  1901. 

La  peinture  du  mobilier  et  des  sculptures  dans  les  églises,  un  fil 
conducteur  pour  les  artistes,  les  prêtres  et  les  amateurs  d'art,  par 
Joseph  Kuhn,  curé.  —  In-8»,  >66  pp. 


l'Art  chrtUien  ( Zeitsclirift  fiir  christliche  Kunst ), 
et  à  nos  deux  amis  et  collègues  dans  le  sacerdoce, 
MM.  Kilian  Bauer  et  Léo  Hugei.  C'est  avec 
gratitude  que  nous  faisons  connaître  la  part  qu'ils 
ont  prise  à  ce  travail. 

«  Les  passages  que  l'on  peut  considérer  comme 
une  polémique  dirigée  contre  certaines  tendances 
modernes,  doivent  être  mis  sur  le  compte  des 
attaques  sans  nombre  et  sans  mesure  dont  nous 
avons  été  l'objet  de  la  part  d'artistes  et  de  soi- 
disant  spécialistes,  parce  que,  selon  nous,  comme 
le  dit  Springer,  «  tout  art  vraiment  populaire 
aime  la  couleur  ».  Comme  il  nous  importe  fort 
peu  de  combattre  les  personnes,  mais  que  nous 
avons  surtout  pour  objet  de  redresser  les  vues 
complètement  erronées  qui  ont  cours  en  ce  qui 
concerne  la  polychromie,  nous  avons  évité  inten- 
tionnellement de  citer  des  noms  propres. 

«  C'est  à  l'honneur  de  Dieu  et  des  Saints,  c'est 
pour  l'enseignement  des  artistes  et  des  membres 
du  clergé,  que  nous  avons  consacré  notre  travail 
à  cet  objet.  » 

L'auteur,  comme  on  le  voit,  est  prêtre;  on  sera 
donc  disposé  à  lire  son  étude  avec  la  pensée  d'y 
trouver  une  dissertation  sur  la  philosophie  de 
l'art,  un  exposé  des  principes  de  la  décoration 
des  églises,  et  des  recherches  à  la  fois  théolo- 
giques et  archéologiques.  Tout  cela  se  trouve 
dans  le  livre  du  curé  Joseph  Kuhn,  mais  il  traite 
son  sujet  d'une  manière  complète.  Après  l'exposé 
des  principes  de  la  polychromie  du  mobilier  et 
des  œuvres  de  l'art  plastique  dans  les  édifices 
du  culte,  il  aborde  hardiment  les  questions  rela- 
tives à  la  pratique  de  la  peinture,  et  il  ne  recule 
nullement  devant  l'examen  des  procédés  à  re- 
commander. 

Nous  remarquerons,  en  passant,  que  les  deux 
archéologues  allemands,  dont  l'auteur  évoque 
avec  gratitude  les  noms  et  la  coopération,  MM. 
Schnlitgen  et  Miinzenberger  ('),  donnent,  par 
l'adhésion  complète  que  ce  concours  présuppose, 
une  grande  autorité  à  son  livre. 

Ses  trois  premiers  chapitres  sont  consacrés  à 

I.   Miinzenberger,  Zeitschrift  fur  christliche  Kunst,  année  1891. 
p.  26. 


26 


3Re\)ue  tie  V^xî  chrctten. 


la  décoration  de  l'autel.  Il  devait  en  être  ainsi  : 
l'autel  est  l'objet  le  plus  important  de  l'église. 
C'est  la  table  du  sacrifice,  le  centre  du  sanctuaire 
où  s'accomplit  le  plus  auguste  des  sacrements. 
L'artiste  et  l'artisan  doivent  y  mettre  tout  leur 
savoir  et  tout  leur  talent.  II  appartient  au  peintre 
d'orner  l'architecture  et  le  décor  plastique  de 
l'autel,  avec  toutes  les  ressources  de  l'art,  non 
seulement  pour  en  accuser  les  reliefs,  mais 
encore  pour  mettre  l'autel  en  harmonie  avec  la 
polychromie  intérieure  de  l'église.  Ce  n'est  que 
dans  des  cas  tout  exceptionnels,  par  l'emploi  des 
marbres  de  couleur,  par  le  travail  de  l'émailleur 
et  du  mosaïste,  que  le  concours  du  peintre  peut 
devenir  inutile.  D'ailleurs,  l'auteur  fait  observer 
que  tous  les  procédés  techniques  qui  peuvent 
produire  un  effet  de  coloration  dans  le  décor  de 
l'autel,  sont  conformes  à  son  point  de  vue  et 
entrent  dans  le  cadre  de  son  étude. 

Voici  d'ailleurs  quelques  principes  généraux 
qui  ne  peuvent  être  perdus  de  vue  dans  la  déco- 
ration polychrome  des  églises. 

Dans  une  église  peinte,  les  meubles  accessoires 
en  marbre  blanc  ne  peuvent  rester  entièrement 
incolores  ;  ils  doivent  s'harmoniser  avec  leur  en- 
tourage. 

La  couleur  a  pour  objet,  dans  les  travaux  en 
marbre,  de  soutenir  l'effet  de  l'architecture,  d'ac- 
centuer les  détails,  ainsi  que  les  formes  plastiques 
de  la  statuaire,  surtout  lorsque  celle-ci  est  vue 
a  distance. 

Pour  ce  travail,  d'une  nature  très  délicate,  il 
importe  de  rechercher  les  modèles  dans  ce  que 
nous  a  laissé  le  passé,  non  seulement  dans  la 
peinture  grecque  des  sculptures  en  marbre,  mais 
dans  les  exemples  plus  nombreux  que  nous  a 
laissés  le  moyen  âge. 

Aux  retables  de  la  période  romane,  le  bois  de 
chêne  ou  tout  autre  bois,  n'a  jamais  été  laissé 
dans  sa  couleur  naturelle  ;  toujours  il  a  été  peint 
et  doré. 

La  peinture /rtr/Z^/A' de  la  pierre  est  aussi  illo- 
gique que  la  peinture  partielle  du  bois.  Laisser 
les  retables  d'autel  en  pierre,  sans  polychromie, 
par  enthousiasme  pour  <(  la  belle  pierre»  ou  le 
beau  bois  de  chêne,  ou  par  orgueil  artistique, 
c'est  porter  atteinte  aux  règles  de  l'harmonie. 
Dans  une  église  peinte,  un  autel  en  marbre  ou 


en   pierre   naturelle,  sera  toujours   chose   offen- 
sante pour  l'œil. 

Le  choix  des  couleurs  ne  peut  être  arbitraire; 
il  ne  doit  pas  viser  à  la  richesse  par  la  variété 
des  tons  et  des  nuances.  En  général,  les  couleurs 
fondamentales  du  rouge,  du  bleu,  avec  les  cou- 
leurs secondaires  du  vert  et  du  noir,  neutre  de  sa 
nature,  suffisent  avec  l'appoint  des  métaux,  — 
l'or  et  l'argent,  —  à  produire  un  effet  satisfaisant. 
Mais  il  importe  de  faire  usage  de  tonalités 
vigoureuses,  d'une  valeur  pleine  et  franche.  La 
comparaison  entre  les  couleurs  employées  dans 
l'antiquité  classique,  et  celles  en  usage  aux 
époques  romane  et  gothique,  aboutit  à  cette 
conclusion  intéressante,  qu'elles  concordent  dans 
leurs  données  principales.  C'est  aussi  le  principe 
qui  a  prévalu  dans  les  couleurs  employées  dans 
l'art  du  blason. 

Cette  remarque  permet  d'adopter  les  conclu- 
sions suivantes  :  ce  n'est  pas  pour  satisfaire  le  goût 
enfantin  de  la  bigarrure,  comme  on  l'assure  sou- 
vent par  erreur,  que  le  moyen  âge  a  adopté  son 
système  de  coloration  polychrome:  celui-ci  ne 
repose  pas  non  plus  sur  l'existence  des  deu.K  fac- 
teurs qui  dominent  actuellement  dans  la  peinture 
des  œuvres  plastiques  ;  à  savoir,  la  fantaisie  de 
l'artiste  et  le  goût  personnel  de  celui  qui  com- 
mande le  travail,  —  mais  bien  sur  des  lois  im- 
muables qui  ont  leur  principe  dans  la  nature 
même  (i).  Il  n'entre  pas  dans  notre  tâche,  ajoute 
l'auteur,  de  rechercher  quelles  sont  ces  lois  et 
leurs  causes  primordiales:  ceci  est  du  domaine 
de  la  philosophie. 

Après  avoir  établi  ces  axiomes  qui  régissent 
la  polychromie  en  général,  M.  Kuhn  continue 
l'étude  de  celle  de  l'autel,  en  citant  fréquemment 
les  monuments  du  moyen  âge  sur  lesquels  s'ap- 
puie son  étude  et  où  il  cherche  des  exemples. 

Il  insiste  sur  certaines  règles  :  il  rappelle  que 
toute  sculpture  en  bois  à  l'autel  et  au  retable, 
qu'elle  se  compose  d'éléments  architectoniques, 
ou  de  groupes  historiés  encadrés  d'ornements, 
doit  être  peinte  et  dorée.  On  ne  saurait  trop  ap- 
puyer sur  la  valeur  générale  de  cette  règle,  en 
présence  des  déviations  du  goût  moderne  et  de 
ses  misérables  produits. 

I.  Munzenberger,  /.eilschrifl fur  Chriitliche  Kunst,  année  1891, 

p.  26. 


^élange0. 


27 


Tandis  que  les  autels  modernes,  d'un  style  go- 
thique qui  mérite  le  nom  de  rococo,  souvent  in- 
formes dans  leur  ordonnance  architecturale  mal 
comprise,  taillés  dans  le  bois,  sont  trop  souvent 
empruntés  à  la  sculpture  en  pierre,  l'art  ancien 
cherchait  à  établir  avec  intelligence  les  propor- 
tions et  les  rapports  les  plus  délicats  entre  la 
sculpture  des  figures  et  le  décor  architectural  qui 
leur  sert  de  cadre.  Les  groupes  des  «  histoires  », 
comme  on  les  appelait,  formaient  l'objet  princi- 
pal, malgré  les  proportions  souvent  très  réduites 
des  figurines.  Celles-ci  se  reliaient  à  la  partie 
ornementale,  avec  une  grande  délicatesse  de 
sentiment,  qui  formait  du  tout  un  ensemble 
harmonieux.  Les  images  des  saints  y  appa- 
raissent comme  soustraites  aux  réalités  de  la 
vie,  dans  un  entourage  qui  devait  également 
s'éloigner  des  réalités  de  la  nature. 

Aussi,  de  tous  les  éléments  qui  doivent  con- 
courir à  la  décoration  polychrome  de  l'autel,  l'or 
—  et  l'or  scintillant,  l'or  bruni  —  doit  prendre 
la  première  place  :  cette  matière  précieuse,  avec 
son  éclat  magique  et  mystérieux,  est  le  mieux 
qualifiée  pour  donner  à  l'encadrement,  comme  à 
l'image  des  .saints  transfigurés,  un  aspect  et  une 
expression  qui  n'emprunte  plus  rien  aux  réalités 
de  la  nature  et  de  la  matière.  L'or,  mis  en  œuvre 
judicieusement,  a  son  symbolisme.  Les  fonds  d'or 
que  si  souvent  nous  voyons  employés  dans  les 
triptyques  de  la  période  romane,  y  apparaissent 
comme  le  symbole  de  la  lumière  ;  ils  se  rappor- 
tent à  la  parabole  des  saintes  Écritures  (i).  C'est 
encore  l'emblème  de  la  cité  de  Dieu,  ou  de  la 
Jérusalem  céleste,  d'après  un  autre  passage  de 
l'Apocalypse.  On  peut  considérer  les  fonds  d'or 
comme  la  splendeur  de  cette  cité  «  brillant 
comme  l'or  pur  et  répandant  son  rayonnement 
sur  les  saints  qui  marchent  dans  ses  voies  ». 

A  ces  considérations  d'ordre  idéal,  on  peut 
ajouter  les  expériences  du  domaine  pratique  qui 
recommandent  l'usage  de  l'or  dans  la  décoration 
picturale  des  autels  et  des  murs.  Dans  ce  cas  les 
peintures  n'apparaissent  pas  isolées  et  comme 
des  tableaux.  Les  fonds  d'or  s'encadrent  généra 
lement  très  bien  dans  les  membres  de  l'architec- 
ture. Les  figures  y  détachent  parfaitement    leur 

I.  Apocat..  xxri,  5.  IHd.,  21, 18. 


silhouette,  tout  en  laissant  intacte  la  surface 
plane  de  la  paroi  décorée. 

On  ne  doit  pas  oublier  que  dans  les  retables 
d'autel,  le  décor  plastique  doit  toujours  être  d'une 
grande  richesse,  et  que  l'emploi  de  l'or  de  bonne 
qualité  se  recommande  encore  parce  que,  de  sa 
nature,  il  est  plus  durable  que  les  couleurs. 

Dans  beaucoup  d'églises  romanes  surtout,  et 
dans  celles  de  style  gothique,  lorsque  les  baies 
sont  garnies  de  vitraux  d'un  coloris  intense,  il 
règne  une  sorte  de  mystérieuse  demi-obscurité, 
qui  nuit  à  l'effet  des  peintures  sur  fond  de  cou- 
leur —  sur  fond  bleu,  pour  citer  un  exemple.  Le 
fond  d'or  obvie  en  partie  à  cet  inconvénient, 
parce  que,  même  éclairé  d'une  lumière  in- 
sufïisante,  il  possède  par  lui-même  un  éclat  qui 
fait  valoir  les  peintures. 

L'emploi  des  différents  procédés  techniques, 
au  point  de  vue  de  leur  solidité,  est  examiné  par 
l'auteur,  et  il  recommande  naturellement  ceux 
qui  offrent  le  plus  de  garantie  de  durée.  Il  en 
écrit  comme  un  homme  du  métier  pourrait  le 
faire,  et  assurément  M.  l'abbé  Kuhn  a  été  sou- 
vent en  contact  avec  les  artistes.  Il  veut  aussi  que 
ceux-ci  fassent  toutes  les  études  archéologiques 
nécessaires  à  la  pratique  d'un  art  délicat  qui,  dans 
l'usage  moderne,  n'est  souvent  qu'un  métier. 

Dans  l'examen  des  détails  techniques,  le  livre 
que  nous  examinons  cherche  un  point  de  départ 
non  seulement  dans  les  anciens  traités  de  la  ma- 
tière, comme  ceux  du  moine  Théophile,  de  Cen- 
nino  Cennini,  mais  surtout  dans  l'analyse  des  pro- 
cédés en  usage  chez  les  peintres  décorateurs  au 
moyen  âge,  soit  pour  la  décoration  des  statues 
en  bois,  soit  pour  celle  à  employer  lorsqu'il  s'agit 
de  la  sculpture  en  pierre  ou  de  toute  autre  ma- 
tière. 

Il  énumère  cinq  procédés  différents  en  donnant 
des  détails  très  précis  sur  la  méthode  à  mettre 
en  œuvre. 

C'est  intentionnellement  que  je  me  suis  arrêté, 
peut-être  trop  longuement  au  gré  du  lecteur, 
sur  la  théorie  de  M.  l'abbé  Kuhn,  concernant 
les  différents  procédés  de  décoration  polychrome, 
sur  l'emploi  de  l'or  dans  l'ornement  de  l'autel, 
du  mobilier  des  églises,  et  sur  le  soin  qu'il  a  pris 
d'étudier  les  procédés  techniques.  Ces  détails 
prouvent   l'étude   approfondie   de    son   sujet,  et 


28 


îRebue  ^t  V^xt  t^fétten. 


font  comprendre  que  nous  avons  affaire  à  un 
livre  utile. 

A  la  lecture  de  ce  livre,  on  comprend  qu'il 
s'agit  ici  de  l'œuvre  d'un  prêtre  qui  a  beaucoup 
vu,  beaucoup  étudié,  et  qui  veut  faire  servir  ses 
études  à  la  splendeur  raisonnée  d'un  culte  dont 
il  est  le  ministre  dévoué.  Comme  il  le  dit  dans  la 
préface  que  nous  avons  fait  connaître,  le  livre 
s'adresse  moins  au  grand  public  qui  ne  le  com- 
prendrait guère,  qu'aux  membres  du  clergé  dési- 
reux de  s'instruire  et  aux  artistes  de  bonne  vo- 
lonté, assez  humbles  pour  se  laisser  guider. 

Le  principe  général  émis  dans  cette  étude, 
c'est  que  la  polychromie  des  autels,  des  figures 
de  la  statuaire  des  différentes  parties  du  décor 
plastique  et  du  mobilier  doit,  concurremment 
avec  les  vitraux  de  l'église  et  la  peinture  des 
parties  architecturales,  faire  un  ensemble  har- 
monieux, qui,  établissant  l'accord  des  détails 
avec  le  tout,  satisfait  le  cœur  du  chrétien.  Il  veut 
faire  servir  la  science  du  passé  aux  progrès  de 
l'art,  —  d'un  art  qui,  à  son  tour,  a  pour  objet  de 
glorifier  Dieu  dans  les  temples  ornés  de  toutes 
les  splendeurs  qui  conviennent  à  son  culte. 

J.  H. 

H  propos  De  fresques. 

A  question  de  la  conservation  des 
fresques  et  peintures  murales  ordi- 
naires —  je  tiens  à  faire  la  distinction 
entre  les  procédés  et  les  genres — étant 
à  l'ordre  du  jour,  je  crois  devoir  parler  ici  d'une 
tentative  faite  en  Italie,  au  Campo-Santo  de 
Pise. 

Il  y  a  deux  ans,  en  septembre  1901,  j'eus  le 
très  grand  plaisir  d'y  rencontrer  un  artiste  d'un 
rare  talent,  M.  Louis  Yperman.  Né  à  Bruges, 
dans  une  des  villes  où  a  fleuri  le  plus  pur  art 
chrétien,  mais  habitant  Paris  depuis  de  longues 
années.  M.  Yperman,  à  qui  le  grand  art,  surtout 
celui  du  portrait,  n'a  pas  été  cruel,  s'est  fait  une 
spécialité  de  la  reproduction  à  l'aquarelle  de  ces 
œuvres  admirables  sur  lesquelles  .s'acharnent 
toutes  les  causes  de  destruction  venant  du  temps 
et  des  hommes.  J'ai  fait  autrefois  connaissance 
avec  M.  Yperman  à  Dijon,  où  il  copiait  à  la  per- 
fection  les  peintures  murales  du  XV«  siècle,  qui 


sont  une  des  parures  de  l'église  Notre-Dame,  et 
il  les  a  restaurées  plus  tard  avec  un  goût,  une 
mesure  que  l'on  ne  saurait  trop  louer.  En  1901,  il 
copiait  au  Campo-Santo  des  fragments  impor- 
tants des  grandes  compositions  de  lienozzo 
Gozzoli,  et  il  m'expliqua  avec  démonstration  le 
procédé  que  l'on  venait  d'expérimenter,  toutefois, 
en  s'attaquant  prudemment  aux  œuvres  secon- 
daires des  galeries. 

On  appliquait  sur  la  surface  peinte  un  enduit 
très  adhérent  maintenu  par  un  puissant  châssis 
et  l'on  tirait  à  soi.  Le  revêtement  qui  portait  la 
fresque  venait  tout  entier  d'un  seul  morceau;  on 
le  doublait  par  derrière  d'un  réseau  de  fils  de 
cuivre,  puis,  après  avoir  enlevé  la  couche  adven- 
tice, on  le  réappliquait  à  la  muraille.  La  toile 
métallique  raidissait,  soutenait  l'enduit  peint  et 
l'isolait  un  peu  de  la  maçonnerie;  de  plus  on 
ménageait  des  prises  d'air  dissimulées  et  pouvant 
être  ouvertes  ou  tenues  fermées  à  volonté,  comme 
des  bouches  de  calorifère.  Aucune  oxydation 
délétère  n'était  à  craindre,  le  métal  employé  étant 
le  cuivre,  et  on  espérait  que  l'aération  supprime- 
rait toute  cause  d'humidité. 

Mais,  au  mois  de  septembre  1903,  en  revenant 
de  Rome,  j'ai  eu  de  nouveau  la  bonne  fortune  de 
rencontrer  M.  Yperman  à  Orvieto,  dans  cette 
Cappella  iiuova  de  la  cathédrale,  dont  Fra  Ange- 
lico  et  Luca  Signorelli  ont  fait  un  des  sanc- 
tuaires de  l'art  italien  à  son  apogée.  M.  Yperman 
reproduisait  à  l'aquarelle  —  et  il  arrivait  à  une 
exactitude  quasi  photographique  avec  la  couleur 
en  plus  —  les  plus  beaux  fragments  de  cet  en- 
semble extraordinaire  où  Luca  Signorelli  devan- 
ce et  annonce  le  Michel-Ange  de  la  Sixtine, 
surtout  celui  du  Jugement  dernier.  Or,  ayant 
demandé  à  l'artiste  ce  qu'il  était  arrivé  du  pro- 
cédé essayé,  il  y  a  deux  ans,  au  Campo-Santo,  il 
me  répondit  qu'on  avait  dià  y  renoncer.  Si  la 
peinture  exécutée  à  fresque  pénètre  jusqu'à  une 
faible  profondeur  l'enduit  frais  sur  lequel  elle 
a  été  exécutée,  elle  affleure  à  la  surface  en  une 
sorte  de  poussière  colorée,  d'une  certaine  fixité 
si  on  n'y  touche  pas,  mais  qui  s'attache  à  la 
colle  adventice  et  c'est  une  fleur  que  perd  à 
jamais  la  peinture  elle-même.  Ainsi  l'opération 
avait  tout  d'abord  pour  effet  d'enlever  aux  an- 
ciennes fresques  plus  que  n'eussent  fait  les  ac- 
tions naturelles  de  longues  années. 


âgéUngcs, 


29 


En  cet  état  de  choses,  il  n'\'  a  qu'un  parti  à 
prendre,  et  on  l'a  pris  :  abandonner  à  leur  sort  ces 
œuvres  admirables  que  ne  verront  plus  nos 
arrière-neveux. 

Avant  de  rentrer  en  F"rance,  j'ai  fait  encore 
une  halte  à  Pise  pour  revoir  la  noble  cathédrale 
—  je  parle  surtout  de  l'intérieur  —  le  Baptistère 
à  l'écho  mélodieux  et  triste;  le  Campo  Santo, 
ce  musée  du  plus  grand  art  italien  antérieur  au 
XVP  siècle;  la  galerie  municipale,  si  bien  classée, 
si  riche  en  primitifs  et  qui  a  recueilli  les  très 
beaux  débris  en  marbre  de  la  chaire  de  la  cathé- 
drale, œuvre  excellente  du  XIV''  siècle,  détruite 
dans  l'incendie  de  1596. 

Un  peu  déconcertant,  avouons-le  de  bonne 
foi,  le  premier  contact  des  yeux  avec  les  an- 
ciennes fresques;  il  faut  si  bien  ajouter  par  l'ima- 
gination ce  qui  a  été  à  ce  qui  est!  Mais  la  période 
d'initiation  est  courte  ;  d'ailleurs  je  revenais  à 
Pise,  après  de  longues  stations  devant  les  plus 
belles  œuvres  murales  des  XIV*',  XV''  et  XVI'' 
siècles.  Si,  par  suite  d'une  exposition  meilleure, 
les  fameuses  scènes  du  Triomphe  de  la  Mort 
d'Orcagna.ou  plutôt  des  Siennois  Lorenzetti,  ont 
conservé  en  partie,  sinon  leur  fraîcheur,  du  moins 
leur  coloris  et  leur  présentation  d'ensemble, 
celles,  moins  anciennes,  cependant,  de  Benozzo 
Gozzoline  sont  plus  que  des  ombres;  encore  des 
pans  entiers  sont-ils  effacés.  Combien  cepen- 
dant, elles  sont  encore  séduisantes  et  belles!  En 
vérité,  ceux  qui  les  virent  dans  leur  printemps, 
alors  qu'elles  rayonnaient  d'éclat  et  de  jeunesse, 
ont  eu  des  joies  qui  nous  seraient  inconnues  s'il 
n'y  avait  à  la  Libreria  de  la  cathédrale  de 
Sienne,  les  fresques  du  Pinturicchio  racontant  la 
vie  de  Pie  III,  Sylvius-^neas  Piccolomini,  et 
mieux  encore,  à  Florence,  au  palais  Medici,  plus 
tard,  Riccardi,  cette  Adoration  des  Mages,  avec  la 
cavalcade  des  Medici  se  rendant  à  la  Crèche, 
dont  Gozzoli  a  orné  les  murs  d'un  oratoire.  Il 
est  grand  comme  une  alcôve  et  éclairé  par  une 
baie  si  étroite  que  certaines  parties  de  la  décora- 
tion ne  peuvent  être  vues  qu'à  la  clarté  d'une 
bougie.  Mais  les  couleurs  sont  aussi  vives  que  si 
l'artiste  venait  de  douner  le  dernier  coup  de  pin- 
ceau, tandis  que  l'humidité  et  le  soleil  ont  dévoré 
les  amples  compositions  du  Campo-Santo. 

Il  est  bien   entendu   que  si  belle,  si   brillante 


qu'elle  soit,  je  n'égale  pas  l'œuvre  du  Pinturic- 
chio à  Sienne,  à  celle  de  Benozzo  Gozzoli,  soit 
au  Campo  Santo,  soit  à  Florence. 

Voilà  ce  qu'ont  vu  les  yeux  du  XV°  siècle,  au 
lieu  de  ces  pastels  à  demi  effacés  dont  le  charme 
nous  séduit  encore.  Et  leur  ruine  semble  s'accé- 
lérer si  lamentablement,  que  dans  vingt-cinq  ou 
trente  ans,  il  en  restera  bien  peu  de  chose.  Mais 
alors  s'ouvriront  les  porte-feuilles  jalousement 
conservés  dans  l'ombre  des  archives  des  Monu- 
ments historiques  et  de  l'École  des  Beaux  Arts, 
et  ils  livreront  les  copies  si  parfaites  de  M.  Yper- 
man.  On  comprendra  alors  l'admiration  des 
hommes  du  passé  pour  ces  créations  qui  auront 
à  jamais  disparu  des  murailles  redevenues  vides 
et  muettes. 

Henri  Chabeuf. 


national  et  Surbumcral. 


I  EN  obscure  et  bien  discutée  jusqu'ici 
a  été  la  question  de  l'origine  et  du 
développement  des  ornements  litur- 
giques,en  particulier  de  cet  ornement 
assez  rare  que  les  auteurs  appellent  Rational  ou 
SurhuDicral. 

A  lire  les  articles  de  Du  Cange('J,  de  Cahier  (=), 
de  Bock  (3),  les  dissertations  de  Demay  (*),  du 
chanoine  Cerf  (5),  de  Mgr  Barbier  de  Montault  C^j, 
et  de  bien  d'autres  encore,  on  n'éprouvait, il  faut 
l'avouer,  qu'incertitude  et  confusion.  J'en  puis 
parler  d'expérience,  ayant  dû  m'occuper  longue- 
ment des  évéques  de  Toul  (^j,  prélats  qui  jouis- 
saient et  s'imaginaient  jouir  seuls  du  privilège 


1.  Glossarium...  art.  RationaU  et  Superhumerale. 

2.  Cahier.  Nouveaux  mélanges  d'archéologie  —  Ivoires,  minia- 
tures,  182-202. 

3.  Geschickte  der  Litur^ischen  Geivander.  Bonn, 1866,  II. 

4.  Demay,  Le  Surhuméral,  le  Rational  et  la  Crosse,  d'après  les 
sceaux  du  moyen  âge. 

Çj.Ceri,  Dissertation  sur  le  Rational  en  usage  dans  l'Église  romaine 
et  dans  l'Église  de  Reims,  dans  les  Travaux  de  f  Académie  de  Reims, 
1889. 

6.  Barbier  de  Montault,  Le  Buste  de  saint  Adelphe,  d'après  une 
gravure  du  XVI h  siècle,  dans  Mémoires  de  la  Société  d'Archéologie 
lorraine,  1885.  —  Le  Surhuméral  des  évéques  de  Toul,  dans 
Mém.  Soc.  Arch.  Lorr.,  1887.  — Le  Surhuméral  jnoderne,  dans  la 
Revue  de  V Art  chrétien,  1887.  —  Compte  rendu  critique  de  la 
Dissertation  de  l' abbé  Cerf ,  dans  \3.  Revue  de  l' Art  chrétien,  1890. 
—  Saint  Adelphe  dans  les  Œuvres  complètes,  X,  227-260,  etc.,  etc. 

7.  Histoire  drsdiocèses  de  Tout,  de  Nancy  et  de  Saint-Dié.  Nancy, 
Crépin-Leblond,  1900.1903,  3  vol.  in-8».  —  Ce  que  j'y  ai  écrit  du 
Surhuméral  9.(t  trouve  au  tome  I,  pp.  467-.j7.(. 


30 


Btbur  tic  l'^rt  cbvcriru. 


de  porter  le  surhuméral  (').  Le  problème  enfin 
vient  d'être  élucidé,  autant  qu'il  peut  l'être,  par 
le  Père  Braun,  S.  J.,  dans  un  article  intitulé  : 
Das  Rationale  et  paru  en  1903,  aux  colonnes  97- 
124  du  Zeitschrift  fiir  christliche  Knnst,  de 
réditeurSchwann,à  Dusseldorf.  Cet  article, à  mon 
sens,  serait  parfait, — ^je  n'ose  pas  dire  définitif, 
quand  il  s'agit  de  pareils  sujets  —  si  le  savant 
historien  des  ornements  liturgiques  s'était,  sur  ce 
point  spécial,  mieux  informé  des  choses  de 
France,  et,  avec  la  gracieuse  autorisation  de 
l'auteur, je  voudrais  essayer  de  mettre  les  lecteurs 
de  la  Revue  de  l'Art  chrétien  au  courant  de  ses 
conclusions  aussi  judicieuses  que  documentées. 
Ce  n'est  point  une  œuvre  originale  que  j'ai  la 
prétention  de  présenter  ;  je  me  bornerai  tout 
simplement  à  analyser  ou  à  traduire  la  disser- 
tation du  Père  Braun,  à  la  corriger  et  à  la  com- 
pléter par  endroits,  à  l'appuyer  à  l'occasion  par 
des  références  et  des  indications  utiles  ou  inté- 
ressantes. 

Des  planches,  dont  je  dois  la  communication 
à  l'obligeance  de  M.  le  professeur  D.  Schniitgen, 
chanoine  de  la  cathédrale  de  Cologne,  le  savant 
directeur  du  Zeitschrift  cité  plus  haut,  et  de 
M.  Crépin-Leblond,  l'éditeur  de  mon  Histoire 
du  diocèse  de  Tout,  aideront  fort  à  propos  à  la 
clarté  de  cet  exposé. 


Vers  la  seconde  moitié  du  X''  siècle,  il  com- 
mence à  être  question  d'un  ornement  pontifical 
que  l'on  désigne  d'ordinaire  sous  le  nom  de  Ra- 
tioncil.  La  plus  ancienne  mention  que  l'on  con- 
naisse se  trouve  dans  le  sacramentaire  de  Ra- 
told  de  Corbie,  mort  en  986  (2).  Vers  le  même 
temps,  Adalbéron  II,  évêque  de  Metz  (9S4- 1005), 
sollicita  et  obtint  de  son  collègue  Hilduart,  de 
Halberstadt  (968-995),  la  participation  au  privi- 
lège que  les  évéques  de  ce  siège  devaient  au  pape 
.'\gapet  II  (946-955)  de  porter  le  rational  ou 
logion,  symbole,  dit-il,  de  la  science  et  de  la 
vérité  (3).  Et  la  Messe  illyrique  qui  doit  remonter 


1.  Guillaume,  Le  Surhuinéral,  prérogative  séculaire  des  seuls 
évêques  de  Toul,  chez  les  Latins,  en  raison  de  l'antiquité  de  leur 
Église.  Nancy,  Raybois. 

2.  Martène,  De  Antiquis  Ecclesta-  ritibus,  L.  I,  c.  4,  an.  12, 
ordo  II  (Edit.  Anvers,  i,  203). 

3.  Sigebert  de  Gemblours,  Vita  Oeoderici,  episcopi  Metensis, 
c.  9.  (Pertz,  6V;(>>/.,  IV,  468.) 


à  la  fin  de  ce  même  X'^  siècle,  range  le  rational 
au  nombre  des  vêtements  pontificaux  ('). 

En  1027,  Jean  XIX  octroie  à  Poppon,  patriar- 
che d'Aquilée,  l'usage  du  rational,  en  sus  du 
pallium  (2).  Un  inventaire  du  trésor  de  la  cathé- 
drale de  Spire,  dressé  vers  105  i,  sous  l'épiscopat 
d'ArnouIf,  accuse  un  «  rational,  orné  d'or  et  de 
pierreries  »  (.3).  En  11 19,  Calixte  II,  en  1133  et 
1135,  Innocent  II,  concèdent,  le  premier,  à  Die- 
trich,  évêque  de  Naumbourg  et  à  ses  successeurs, 
le  second,  à  Bernard,  évêque  de  Paderborn,  et  à 
Adalbéron  II,  évêque  de  Liège,  à  des  conditions 
presque  identiques,  le  droit  de  célébrer  avec  le 
rational  la  messe  et  autres  fonctions  pontifi- 
cales (4). 

Ives  de  Chartres  (mort  en  11 15)  (s),  Honorius 
d'Autun  (XP  ou  XII^  siècle)  (6),  Sicard  (^\  un 
codex  liturgique  remontant  au  XI I*^  siècle  et 
conservé  à  l'abbaye  de  Saint-Gall  (^)  citent  le 
rational    parmi    les  ornements  épiscopaux. 

Au  début  du  XIII'-'  siècle,  un  moine  d' Ad  mont 
parle  d'un  rational,  «  orné  d'or  et  de  gemmes  et 
soutenu  par  une  chaîne  d'or  »,  queGebhart,  évê- 
que de  Salzbourg  (mort  en  1088),  avait  reçu  en 
présent  d'un  empereur  de  Constantinople,  dont 
il  avait  baptisé  le  fils  (9), 

Une  centaine  d'années  plus  tard,  l'évêque  Phi- 
lippe, d'Eichstœdt  (mort  en  1322),  raconte,  dans 
sa  vie  de  saint  Willibald,  que  saint  Boniface 
avait  accordé  à  ce  prélat  et  à  ses  successeurs  sur 
le  siège  d'Eichst?edt,  le  titre  de  chancelier  de  la 
province  de  Mayence,  le  premier  rang  parmi  ses 
cosuffragants  et,  comme  signe  de  sa  dignité,  le 
port  du^rational  ('°).  Un  inventaire  du  trésor  de 
la  cathédrale  de  Prague,  dressé  en  1387,  men- 
tionne trois  rationaux  (")  ;  deux  inventaires  de 
la  cathédrale  de  Reims,  datant  de  1470  et  de 
15  I S.  accusent  deux  rationaux,  un  grand  et  un  pe- 
tit (12).  Une  chronique  du  XV^  siècle,  après  avoir 

1.  Martène,  op.  et  toc.  cit.,  ordo  4  (I,  177). 

2.  MIgne,  Patr.  lat.,  CXLI,  U37. 

3.  Schannat,  Vindcm.  litl.,  p.  g. 

4    Lepsius,  Gcsckiekte   der  Bischo/e  des    Hochstiflcs  iXaunihiri^, 
1,  241.  —  Migne,  J'atr.  lat..  CLXXIX,  i85  et  247. 

5.  Sermo  111  (Migne,  J'ai,  lat.,  CLXXU,  523,  524). 

6.  Gemma,  Liv.  I,  2i3(Migni;    Fatr.  lut.,  CLXXll,  608). 

7.  Mitrale,  Liv.  II.  c.  5  (Migne.  Patr.  latin.,  CCX1I1,78). 

8.  Cod.  lat.  777. 

9.  Monachi  Admunti,   Vita  Gebehardi  (Pertz,  Script.,  XI,  39). 

10.  Vita  S.    Wiilibaldi,   c.   23  (Ed.   Grelzer,    Ingolstadt.    16 17, 
p.  89).  —  Pastoralblatt  des  Bistums  Kichstiitt,  1854,  pp.  4.  ii.    i-t- 

11.  Bock,  op.  cit.,  II,  204. 

12.  Cerf.  op.  cit.,  1^1. 


âÇélanges, 


31 


relaté  la  consécration  de  l'église  de  Minden,  par 
le  pape  Léon III, ajoute  que  l'évêque  de  ce  diocèse 
reçut  «  l'honneur  d'un  palHum  qui  était  appelé 
rational  (M  s>.  Eiifin.une  collection  authentique 
des  vieux  statuts  de  l'Église  de  Toul  rassemblés 
par  l'archidiacre  Le  Sane,  en  1497,  énumère, 
parmi  les  privilèges  de  l'évêque  de  Toul,  le  droit 
de  porter  le  surhuméral  sur  la  chasuble,  pour  la 
messe  solennelle  et  les  fonctions  pontificales  (2). 

Telles  sont  les  principales  indications  que,  sur 
ce  point,  nous  fournissent  les  documents  ;  car  il 
ne  semble  point  au  Père  Braun  qu'il  faille  re- 
connaître un  rational  dans  le  «  pectoral  épis- 
copal  de  drap  d'or,  à  une  frange  rouge  de  soie 
et  d'or,  doublé  de  taffetas  rouge,  que  mentionne 
un  inventaire  de  l'église  de  Vannes,  dressé  en 
1555  :  ce  doit  être  plutôt  lui  grémial  (3).  De 
même,  le  rational  et  le  surhuméral  dont  parle 
V Histoire  de  l'Église  d'Auxerre,  en  termes  du 
reste  assez  obscurs,  paraissent  constituer  une 
chasuble,  d'une  étoffe  plus  précieuse,  mais  non 
des  ornements  distincts  ('*). 

Enfin,  l'huméral  ou  surhuméral  dont  il  est 
souvent  question  dans  la  série  des  ornements 
sacerdotaux,  n'est  autre  que  le  vêtement  litur- 
gique que  nous  désignons  aujourd'hui  sous  le 
nom  d'amict. 

Dans  tous  les  passages  que  nous  avons  retenus, 
le  rational  ou  surhuméral  se  présente  comme  un 
ornement  purement  pontifical.  Il  a  été,  sans 
aucun  doute,  plus  porté  que  ne  permettent  de  le 
constater  les  monuments,  relativement  très  peu 
nombreux,  qui  ont  résisté  à  l'épreuve  du  temps 
et,  si  plusieurs  prélats  qui  s'en  glorifiaient,  le 
devaient  à  un  échange,  comme  Adalbéron  II, 
de  Metz,  ou  à  l'une  de  ces  prescriptions  tacites, 
comine  il  s'en  rencontre  tant  au  moyen  âge,  il 
n'en  est  pas  moins  établi  que  la  première  origine 

1.  i.  Et  hoc  iemplum  consfcratur — a  Leone  et  ditatur  —  multis 
privilegiis  —  nam  hic  prtssul  honoratur  —  Mindensis  gui  vocitalur 
—  di^^nitale  pallii  —  quod  èene  rationale  —  vocamus  et  hoc  no)t 
maie  —  nam  trini  episcopi  —  tantum  isto  decorantur  — ■  per  quem 
recle  venerantur  —  locus,  gens  et  clcrici  {Meibom,  Rer.  german. ,  I, 
552). 

2.  Statutorum...  Ecclesiœ  Tullensis  vetusta  collectio  a...  Nicolao 
Le  Sane...  aiornata  et  in  capitulo  gênerait  Cinerum  anni  /./çy 
confirmata.  (Ms.  10.019  du  Fond^  latin  de  la  Bibl.  nat.,  fol.  67.) 

3.  Bull,  monum.,  1877,  p.  636.  n.  3. 

4.  APalla  vero  carbaiea  aureo  circa pectus  ej^utgeni  rationali 

Casula  autem  colorii  eetherii  prygio  palmnm  kabente  superhitmern- 
liset  rationalis  e^giem  ad  tnodum  pallii  archiepiscopi  hoiiorabiliter 
pralendebati^Hisl.  episc.  autisiod..  c.  XLIX,  dans  Migne,  Patr. 
lai.,  CXXXVIII.  277). 


de  cet  insigne   décoratif  doive  être  rapportée  à 
une  concession  du  Siège  apostolique. 

Mais  en  quoi  consistait  cet  ornement  ?  quelles 
en  étaient  la  forme  et  la  signification  ?  qui  en  four- 
nit le  type  primitif?  quelle  en  fut  la  raison  d'être  ? 
voilà  ce  qu'il  nous  faut  étudier.  Pour  cela,  tout 
d'abord,  une  distinction  s'impose,  entre  deux  gen- 
res de  rationaux  :  l'un,  qui  était  proprement  un 
ornement  pectoral  ;  l'autre,  qui  formait  vêtement 
et  reposait  sur  les  épaules.  Cette  distinction  est 
essentielle,  et  c'est  faute  de  l'avoir  aperçue,  que 
certains  liturgistes  n'ont  point  réussi  à  élucider  la 
question. 

§  I.  Du  Rational,  ornement  pectoral. 

I.  Existence  de  cet  ornement.  —  Le  rational  de 
Gebhart  de  Salzbourg  était  un  ornement  déco- 
ratif de  la  poitrine  :  la  chaînette  d'or  qui  servait 
à  le  supporter,  suffit  à  le  démontrer.  La  descrip- 
tion qu'Yves  de  Chartres  nous  donne  du  rational 
s'applique  à  un  objet  analogue  :  après  avoir,  en 
effet,  décrit  l'ornement  porté  par  le  souverain 
pontife,  dans  le  culte  juif,  et  nommé  par  les 
Septante,  Xôyiov,  par  la  Vulgate,  rationale  jiidicii, 
cet  auteur  écrit  (')  :  <i  Cet  ornement  était  le  pri- 
vilège du  seul  grand-prêtre  et,  aujourd'hui  encore, 
il  sert  à  distinguer  ceux  auxquels  il  appartient 
de  le  prendre,  des  prêtres  d'un  rang  inférieur.  » 
Yves  de  Chartres  admet  ainsi  l'identité  entre  le 
rational  hébraïque,  lequel  était  un  ornement  pec- 
toral, et  le  rational  chrétien.  Honorius  d'Autun 
est  plus  explicite  encore  {-').  K  Le  rational  (des 
évêques),  remarque-t-il,  est  emprunté  à  la  Loi. 
Là-bas,  il  était  d'or  et  de  pourpre  violette  et 
rouge,  de  la  mesure  d'une  palme  et,  avec  les  mots 
doctrine  et  vérité  {iiriin  et  thuminiin)  ;  il  portait 
douze  pierres  précieuses,  sur  lesquelles  se  trou- 
vaient inscrits  les  noms  des  douze  tribus  d'Israël  : 
et  le  grand-prêtre  le  mettait  sur  sa  poitrine. 
Dans  la  série  de  nos  ornements  pnntificaux,  il 
se  présente  comme  un  ornement  enrichi  d'or  et 
de  gemmes  qui  se  place  sur  la  poitrine  et  s'a- 
dapte à  la  chasuble.  » 

Ce  sont  encore  des  ornements  de  même  genre 
que  nous  rencontrons  dans  les  inventaires  de  la 
cathédrale  de  Reims  (3)  :  «  Un  grand  et  précieux 


1.  Serm.  cit. 

2.  Loc.  cit. 
5.   [.oc.  cit. 


32 


3Rel)ue  lie  V^xt  t\)xititn. 


rational  en  or  pur,  y  lisons-nous,  orné  de  douze 
pierres  précieuses  de  couleurs  différentes,  serties 
d'or,  sur  chacune  desquelles  est  gravé  le  nom  des 
douze  tribus  d'Israël.  Ce  rational  est  suspendu 
par  une  chaîne  d'or  qui  entoure  les  épaules  ;  aux 
extrémités  de  cette  chaîne,  brillent  deux  ca- 
maïeux, enchâssés  d'or,  et,  par  derrière,  un  assez 
gros  cristal.  —  De  même,  un  petit  rational  d'or, 
avec  une  chaîne  d'or  ;  au  milieu,  brille  un  ca 
maïeu  d'une  grosseur  inusitée  et,  a  l'entour, 
huit  pierres  précieuses,  dont  quatre  émeraudes  et 
quatre  ballais.  —  Ensuite,  trois  épingles  en  argent 
doré,  servant  à  tenir  les  dits  rationaux  et  ayant 
chacune  pour  tète  une  grosse  perle  antique.  » 
Le  petit  rational  ne  portait,  il  est  vrai,  ni  les 
douze  pierres,  ni  les  douze  noms  des  tribus  d'Is- 
raël ;  mais  le  grand  semble  de  tout  point  copié 
sur  celui  de  l' Ancien-Testament  et  l'un  et  l'autre 
étaient  des  ornements  pectoraux. 

Il  nous  est  malheureusement  impossible  de 
deviner,  ni  par  le  récit  du  chroniqueur  Sigebert 
de  Gemblours,  ni  par  le  texte  d'une  lettre  de  Hil- 
duard  à  Thierry,  évèque  de  Metz  (i),  quelle  était 
la  nature  de  ce  rational  qu'Adalbéron  II  envia 
aux  évêques  d'Halberstadt  ;  le  paragraphe  de 
l'inventaire  de  Spire  n'est  pas  plus  explicite  ; 
mais,  pour  ce  qui  concerne  Aquilée,  cette  cir- 
constance que  Jean  XIX  accorda  à  Poppon 
l'usage  du  rational,  en  sus  du  pallium,  nous  per- 
met de  conclure  qu'il  s'agissait  d'un  ornement 
qui  pouvait  s'attacher  à  la  bande  antérieure  du 
pallium  et  non  d'un  collet,  que  l'on  a  peine  à  se 
figurer  s'agençant  avec  ce  dernier  vêtement. 

C'était  de  même  un  ornement  décoratif  de  la 
poitrine,  celui  dont  fait  mention  le  sacramentaire 
de  Corbie;  la  rubrique  en  est  la  preuve  (^)  :  «  En- 
suite, prescrit-elle,  le  diacre  présente  au  prélat  la 
chasuble  et  enfin  le  rational,  attaché  au  surhu- 
méral,  «  rationale  cohœrens  viiictini  (ou  jtiiictini, 
selon  un  autre  codex  (3),  superhuinerali  ».  Le 
surhuméral  ici  désigne  l'amict,  et  le  rational  ne 
peut  être  qu'un  ornement  pectoral  qui  se  posait 
sur  la  chasuble  et  s'agrafait  à  l'amict. 

Les  rationaux  que  nous  trouvons  dans  l'inven- 
taire de  la  cathédrale  de  Prague  doivent  encore 
être  rangés  dans  la  même  catégorie.  Nous  lisons, 

1.  Labbe,  Nouv.  Bibliot.,  I,  682 

2.  f.or.  cil. 

3.  Bilil.  nal..  fonds  latin,  12052. 


en  effet  (')  :  «  Premièrement,  un  rational  de  per- 
les précieuses  que  fit  réparer  autrefois  le  seigneur 
Arnestus,  archevêque  de  Prague.  —  De  même, 
un  autre  rational,  à  fond  de  perles  semé  de 
croix  noires,  don  de  l'empereur  ;  il  y  manque 
nombre  de  perles.  —  De  même,  un  autre  ratio- 
nal de  diacre,  orné  de  petites  perles  et  de  têtes 
de  dragons.  »  Ce  qui  semble  au  Père  Braun  auto- 
riser cette  conclusion,  c'est  tout  d'abord  que 
ce  paragraphe  de  l'inventaire,  outre  ces  trois 
rationaux,  mentionne  des  anneaux,  des  croix 
pectorales,  des  crosses,  bref,  des  objets  de  métal 
et   non    des   vêtements  ;   et   ensuite   que,  de  ces 


Fig. 


trois  rationaux,  l'un  était  à  l'usage  du  diacre. 
Car  les  diacres,  ici  et  là,  portèrent  sur  la  dalma- 
tique  le  rational,  comme  ornement  pectoral  :  la 
sigillographie  permet  de  le  constater  maintes 
fois,  en  particulier  sur  un  très  beau  sceau  de  la 
ville  de  Beckum  :  saint  Etienne  y  paraît  en  vêle- 
ments de  diacre  et  sur  sa  poitrine  brille  le  ratio- 
nal {-). 

Cet  ornement  pectoral  n'a  point  survécu  au 
moyen  âge, ni  même,  semble-t-il,  au  X  1 1 1'"  siècle; 
mais  nous  avons,  des  Xil«  et  XI IL"  siècles, 
nombre  de  sceaux  et  de  miniatures,  de  sculptu- 
res et  de  vitraux  qui  figurent  des  évêques  en 
costume  pontifical  et  qui  formeraient  une  belle 
illustration  aux  textes  cités  d'Yves  de  Chartres 
et  d'Honorius  d'Autun,  aux  données  des  inven- 


1.  Loc.  cit. 

2.  Voir  la  lignri;  i. 


â^éianges. 


33 


taires  de  Reims  et  de  Prague.  Ainsi,  un  rational 
plus  ou  moins  analogue  à  celui  du  grand-prêtre 
juif,  se  voit  sur  les  sceaux  des  évêques  de 
Munster,  Werner  (►!<  1151),  Ludolf(>î<  1248),  et 
Wilhelm  {>b  1260)  ;  des  évêques  de  Paderborn, 
Bernard  III  {>i*  1223),  Bernard  IV  (•i*  1247)  et 
Simon  I  (►!<  1277);  des  évêques  de  Minden, 
Jean  (>i*  1253),  Wilhelm  I  (►t"  1242)  et  Wide- 
kind  I  (►{<  1261)  (')  ;  des  archevêques  deMayence, 
Christian  (►î*  1251),  Gerhard  I  (>i>  1259),  Wer- 
ner (>h  1284)  (2)  et  sur  le  sceau  du  chapitre  de 
ce  dernier  siège  archiépiscopal  (3).  —  De  même, 


Fig.  I 

sur  les  reliquaires  des  saints  Monulphe,  Gon- 
dulphe  et  Valentin,  qui  faisaient  jadis  partie  du 
trésor  de  Maestricht  et  qui  sont  aujourd'hui 
conservés  au  musée  du  Parc  du  Cinquantenaire  à 
Bruxelles  C*)  ;  sur  une  statuette  de  saint  Servais 
dans  l'église  St-Servais  à  Maestricht  (5)  ;  sur  la 
statue  de  saint  Grégoire  le  Grand,  au  portail  sud 
de  la  cathédrale  de  Chartres  ;  sur  les  statues  de 
saint  Sixte  (^J,  de  saint  Remy,  de  saint  Nicaise 

1.  Des  reproductions  s'en  peuvent  voir  dans  le  Die  Westfâliichen 
Sitgel  des  Miltelalters.  Munster,  1882  et  1885,  tab.   i3  ;  43'  ;  44'  \ 

2.  Voir  Wurdtwein,  Nov.  subsid.  dipL,  III,  tab.  18  ;  IV,  tab  20. 

3.  Voir  la  figure  2. 

4.  J.  Destrée,  Les  muiées  royaux  du  Parc  du  Cinquatiîenaire  à 
Bruxelles.  Livre  5. 

5.  F.  Bock  et  Willemsen,  Die  mittelalterlichen  Kunsi.iind  Reli- 
quiemchdtze  zu  Maestricht,  p.  47. 

6.  Cette  statue  passe  parfois  pour  être   celle  du  pape  saint  Clé- 


(première  moitié  du  XIII*'  siècle),  etc.,  au  por- 
tail nord  et  sur  la  verrière  de  l'archevêque  Henri 
de  Braine  (1222),  au  clair  étage  de  l'abside  de 
la  cathédrale  de  Reims  ;  sur  la  pierre  tombale 
du  pape  Clément  II  à  la  cathédrale  de  Bamberg 
(l'ancien  évêque  Suitger,  de  Bamberg)  ('),  etc. 

II.  Formé.  —  Sur  tous  ces  monuments  et  sur 
bien  d'autres  encore  qu'on  pourrait  citer,  mais 
qui,  il  faut  le  noter,  ne  sont  ni  antérieurs  au 
XI<=  siècle,  ni  postérieurs  à  la  première  moitié 
du  X III",  l'ornement  pectoral  que  nous  avons 
remarqué  affecte  en  général  la  forme  rectangu- 
laire ou  carrée  ;  parfois  pourtant,  il  ressemble  à 
un  disque.  Tantôt  grand,  tantôt  petit,  il  est 
richement  décoré,  le  plus  souvent  de  gemmes. 
Les  inventaires  rémois,  comme  aussi  le  récit  du 
moine  d'Admont,  nous  révèlent  qu'il  se  suspen- 
dait au  cou  au  moyen  d'une  chaîne,  couvrant 
ainsi  la  croisée  de  l'orfroi  et,  si  c'était  un  métro- 
politain, le  nœud  du  pallium  :  les  statues  des 
archevêques,  au  portail  nord  de  Reims,  portent 
en  effet  la  chaînette  qui  sort  de  dessous  la  pa- 
rure de  l'amict.  Et,  pour  éviter  un  disgracieux 
balancement,  on  assujettissait  le  rational  à  la 
chasuble  :  Honorius  d'Autun  le  dit  :  «  planetis 
affixce  (2),  »  et  c'est  à  cela  que  devaient  servir  les 
trois  grandes  épingles  mentionnées  par  les  in- 
ventaires du  trésor  rémois  ;  enfin,  la  rubrique  du 
sacramentaire  de  Corbie  «  cohœrens  vinctim 
superhunierali  »  autorise  à  conclure  qu'il  s'agra- 
fait parfois  à  l'amict.  Tout  ceci  variait  avec  les 
diff'érentes  églises,  car  l'uniformité  n'est  point  la 
caractéristique  de  cette  époque. 

III.  Syinbolisine.  — •  La  rubrique  de  la  Messe 
illyrique  faisait  dire  à  l'évêque,  quand  il  prenait 
cet  ornement  (3)  :  «  Accordez-nous,  Seigneur,  de 
nous  attacher  inébranlable  à  votre  doctrine  et 
d'annoncer  dignement  à  votre  peuple  les  ensei- 
gnements de  la  vérité.  »  Et  Honorius  d'Autun 
développait  ainsi  la   même   leçon  mystique  (4)  : 


ment  ;  mais  Cerf  et   d'autres  la  croient  plus  juiieinent  du  premier 
évêque  de  Reims,  saint  Sixte. 

1.  A.  Weese,  Die  Bamber^er  Domskulpture7ï.  fig.  32,  33.  — Hasak, 
Geschichte  der  dentschen  Bildhauerkunst  des  XIII  Jahrlumderts, 
p.  64. 

A  remarquer  que  ces  statues  de  Reims  et  de  Bamberg  justifient 
pleinement  le  sentiment  du  Père  Braun,  sur  la  concession  faite  par 
Jean  XIX  à  Poppon  d'Aquilée. 

2.  Loc.  cil. 

3.  Loc.  cit. 

4.  Loc.  cit. 


REVUE    DE    LAkT   CHRETIEN. 
1904-    —    1"=    LIVRAISON. 


34 


^ebue  lie  l^^rt  chrétien. 


«  Le  rational  rappelle  au  pontife  l'obligation 
où  il  est  de  se  montrer  vigoureux  par  l'or  de  la 
sagesse,  l'hyacinthe  de  l'intelligence  spirituelle, 
la  pourpre  de  la  patience  ;  de  tendre  vers  le 
Christ  qui  mesure  la  récompense  au  mérite  ;  de 
briller  par  la  doctrine  et  la  vérité  ;  de  se  distin- 
guer par  les  gemmes  des  vertus  ;  d'imiter,  par  la 
sainteté,  les  douze  apôtres  et  de  se  souvenir  de 
tout  son  peuple,  durant  le  sacrifice.  »  Le  rational 
était  donc,  pour  l'évéque,  le  symbole  de  la  science 
et  du  zèle  qui  doivent  transmettre  aux  hommes 
la  vérité  divine  ;  l'emblème  de  la  pénétration  des 
secrets  de    la  foi,  qui  doit  être   le  propre  d'un 


Il  méM^A, 


Fig.  3. 

premier  pasteur  ;  enfin,  un  stimulant  à  renou- 
veler en  lui  les  vertus  apostoliques. 

IV.  Origine.  —  Et  cet  ornement  d'un  symbo- 
lisme si  relevé,  quelle  en  fut  l'origine  dans  les 
Églises  médiévales  ?  De  tout  ce  que  nous  avons 
dit,  surtout  de  la  description  du  grand  rational 
donnée  par  les  inventaires  rémois  et  des  statues 
épiscopales  du  portail  nord  de  la  cathédrale  de 
Reims,  nous  pouvons  conclure,  sans  crainte  de 
nous  tromper,  qu'il  dérive  de  l'ornement  du 
souverain  pontife  de  la  loi  mosaïque  ;  son  nom 
seul  d'ailleurs  suffirait  à  le  prouver:  n'est-il  point, 
comme  celui-ci,  appelé  rational  .''  Au  désir  qui  se 


produisit,  surtout  du  X^  au  XIII<=  siècle,  en 
particulier  dans  les  Églises  de  France  et  d'Alle- 
magne, de  décorer  et  d'enrichir  les  ornements  et 
les  vêtements  liturgiques,  se  joignit,  sur  ce  point 
spécial,  par  suite  de  la  connaissance  intime  que 
l'on  avait  alors  des  divines  Écritures,  l'ambition 
de  donner  aux  grands-prêtres  de  la  Loi  nouvelle 
cet  ornement  splendide  qui  brillait  sur  la  poitrine 
du  successeur  d'Aaron,  et  qui  fut  bientôt,  selon 
toute  apparence,  évincé  par  la  croix,  le  véritable 
insigne  d'un  ministre  du  Christ  (■). 

Peut-être  aussi  pourrait-on  faire  remonter  le 
rational  à  \ Encolpion  des  évêques  grecs,  sorte 
d'ornement  pectoral,  garni  de  reliques,  qu'une 
chaîne  retenait  au  cou  :  c'est  un  encolpion  qu'en- 
voyait, avec  d'autres  vêtements  liturgiques,  le 
patriarche  Nicéphore  au  pape  Léon  III  (-),  et 
ce  pourrait  être  un  ornement  de  ce  genre  que 
Gebhart  de  Salzbourg  rapporta  de  Constanti- 
nople.  L'origine  biblique  paraît  toutefois  plus 
probable,  et  le  rational  serait  ainsi  le  seul  orne- 
ment qui  ait  été  emprunté  sans  modifications 
essentielles  par  des  Églises  chrétiennes  au  culte 
d'Israël. 

§    II.    Du    Rational     ou     Surhuméral, 
vêtement  couvrant  les  épaules. 

I.  Existence  de  cet  ùrnement.  —  Ce  n'est  plus 
un  ornement  pectoral,  mais  un  vêtement  plus  ou 
moins  genre  pallium,  dont  il  est  question  dans 
les  bulles  d'Innocent  II  à  Bernard  de  Paderborn 
et  à  Adalbéron  de  Liège  (3).  Ceci  déjà  se  devine 
aux  termes  du  document  pontifical  qui  met  à 
l'usage  de  cet  insigne  les  mêmes  restrictions  de 
temps  et  de  lieux  que  le  Saint-Siège  a  coutume 
d'imposer  à  celui  du  pallium  ;  mais  la  probabilité 
devient  une  certitude  à  qui  se  rappelle  que,  dans 
le  cours  du  moyen  âge,  les  évêques  de  Liège  et 
de  Paderborn  ont  posé  sur  leur  chasuble  un 
ornement  liturgique  en  forme  de  collet  ;  que, 
maintenant  encore,  les  évêques  de  Paderborn 
continuent  à  jouir  du  même  privilège  et  que  le 
buste-reliquaire  de  S.  Lambert,  à  la  cathédrale 

1.  La  croix  pectorale  ne  fut  d'un  us.ige  général  que  vers  la  fin  du 
moyen  âge,  et  le  premier  qui  parle  de  cet  ornement  est  Innocent  III 
(1198-1216).  —  I3raun,  op.  et  loc.  cit.,  c.  105,  n.  25. 

2.  M  igné,  Patr.  lut.,  Cil,  1067. 

3.  Voir  plus  haut,  p.  30. 


5@flange0. 


35 


de  Liège,   est   décoré   d'une    sorte  de  rotonde, 
cachant  le  haut  de  la  chasuble  ('). 

Le  rational  dont  Calixte  II  gratifia  l'évêque 
Dietrich  de  Naumbourg,  semble  avoir  été  un 
vêtement  de  cette  espèce  (^).  Pas  de  doute,  ni 
pour  le  rational  «  entourant  les  épaules  et  la 
poitrine  »,  dont  fait  mention  le  manuscrit  de 
Saint-Gall  :  le  texte  lui-même  en  fait  foi(^);  ni 
pour  celui  que,  d'après  Philippe  d'Eichstaedt  (4), 
saint  Boniface  accorda  à  saint  Willibald  :  nous 
en  avons  pour  gages  une  série  de  monuments, sur- 
tout les  miniatures  d'un  pontifical  dû  à  l'initia- 
tive de  l'évêque  Gondekar  II  (1057  1075)  ^t 
l'usage  que  fait  encore  de  cet  insigne,  dans  les 
cérémonies  pont'ficales,  le  successeur  de  saint 
Willibald  sur  le  siège  d'Eichstasdt. 

Même  certitude  aussi  pour  le  surhuméral 
toulois  :  le  nom  en  est  déjà  caractéristique,  et  en 
voici  le  description,  telle  que  nous  la  formulent 
les  statuts  de  1497  :  «  Est  stola  lar^a,  fiiiibriatn, 
circnicns  desuper  humeios  cnm  diiobus  iiianipidt.<; 
ante  et  retio  et  circa  spatulas,  ex  jttraqite  pmte  in 
inoduvt  scuti  rotiindi,  lapidibus  pretiosis  coo- 
perti,qiii significayit  Jwnorem  et  omis pnstoris{^').'i 
Quelques  termes  de  cette  définition  peuvent 
prêter  à  discussion  ;  mais  l'ensemble  en  est  clair. 
Des  sceaux  et  des  pierres  tombales  serviraient 
d'ailleurs  à  l'élucider  au  besoin  et  l'évêque 
de  Nancy  et  Toul,  fidèle  aux  traditions  de  la 
vieille  Église  touloise,  a  repris,  en  1S65,  cette 
sorte  de  rotonde  ou  de  pèlerine  liturgique  (6). 

En  Allemagne,  outre  les  Églises  qui  viennent 
d'être  citées,  à  en  juger  du  moins  par  les  monu- 
ments sigillographiques,  tumulaires  et  autres  qui 
sont  parvenus  jusqu'à  nous,  seuls,  «  Wurtzbourg, 
Ratisbonne,  Minden  et  Bamberg  paraissent  avoir 
des  titres  sérieux  à  revendiquer,  pour  leurs  pré- 
lats, dans  leur  histoire,  l'honneur  et  la  jouis- 
sance de  ce  privilège  du  surhuméral  ou  rational. 

A  Wurtzbourg  (^),  le  rational  apparaît  sur  le 
sceau  d'Emehard  de  Rothenbourg  (1088-1104) 


1.  Helbig.  La  sculpture  et  les  arts  plastiques  au  fays  de  Liige. 
Bniges.  Desclée,  1890,  p.  i;o  (avec  phototvpie  de  ce  buste)  —  Voir 
H-  3- 

2.  Voir  plus  haut,  p.   30. 

3.  Loc.  supr.  cit. 

4.  Voir  plus  haut.  p.   30. 
5-  Loc.  cit. 

6.  Eug.  Martin,  Hist.  dioc.  Toul,  loc.  cit. 

7-  Tout  ce  qui  suit  a  été  vérifié  par  le  Père  Braun  sur  les   origi- 


et  il  se  maintient  sur  ceux  des  évêques  sui- 
vants, jusqu'à  et  y  compris  celui  de  Gottfried 
de  Hohenlohe  (13  [4-1322).  Mais,  déjà,  au  début 
du  XIV«  siècle,  il  figure  en  peinture  sur  le  tom- 
beau de  Mangold  de  Nauenbourg  {^  1303)  et, 
dès  lors  et  jusqu'en  1622,  où  le  pallium  le  rem- 
place sur  le  monument  de  Gottfried  d'Aschau- 
sen  (1617-1622),  il  est  sculpté  sur  toutes  les  sta- 
tues tombales  des  évêques  qui  se  voient  encore 
aujourd'hui  à  la  cathédrale  (i).Pour  Wurtzbourg, 


Fig.  4- 

il  ne  peut  donc  y  avoir  aucun  doute  :  durant  les 
quatre  derniers  siècles  de  la  période  médiévale 
et,  plus  tard  encore,  au  moins  jusqu'au 
XVI^  siècle,  les  évêques  de  ce  siège  ont  porté 
cette  sorte  de  collet  qui  couvrait  les  épaules  et  se 
nommait  rational. 

Même  certitude  pour  Ratisbonne:  ce  vêtement 
humerai  se  trouve  sur  le  sceau  épiscopal,  depuis 
le  pontificat  de  Hartwig  I^^  (i  1061 126)  jusque 
dans  la  seconde  moitié  du  XIV*  siècle.  Il  ne 
paraît  toutefois  sur  les  tombeaux  (peut-être  faut- 
il  attribuer  ceci  au  petit  nombre  qui  nous  reste 

I.  Voir  fig.  4,  le  tombeau  d'AUiert  de  Hohenlolie. 


36 


Bebuc  ïie  P^rt  cl)rétien. 


de  monuments  anciens)  qu'à  la  fin  du  XV«  siè- 
cle. La  première  statue  qui  le  porte  est  celle  de 
Henri  de  Absberg  (1465-1492)  (');  «^"ais,  à  partir 
de  ce  prélat  jusqu'à  David  Kolderer  de  Burgstall 
inclusivement  (1567-1579),  tous  les  évêques  de 
Ratisbonne  sont  représentés  sur  leur  dalle  funé- 
raire, le  rational  posé  sur  la  chasuble.  Un  buste 
épiscopal,  orné  du  rational  et  datant  de  la  fin  du 
XIII<^'  siècle,  se  voit  au  fronton  de  la  porte  sud 
du  chœur  de  la  cathédrale,  et  des  figures  d'évê- 
ques  décorées  du  même  insigne,  aux  verrières  de 
la  nef  latérale  sud  et  du  transept,  lesquelles 
remontent  à  la  première  moitié  du   XIV'=  siècle. 


L'usage  du  rational  pour  les  évêques  de  Minden, 
est  plus  problématique.  Si  nous  n'en  avions  pour 
garant  que  le  passage  de  la  chronique  que  nous 
avons  cité  plus  haut  (2)  et  qui  relate  la  consécra- 
tion de  la  cathédrale  par  le  pape  Léon  III  et 
l'octroi  fait  à  l'évêque  par  le  souverain  pontife 
d'un  pallium,  appelé  rational,  nous  en  serions  rien 
moins  que  sûrs  ;  car  les  termes  de  la  chronique 
sont  assez  vagues  et  le  fait  de  la  consécration, 
justement  tenu  pour  légendaire.  Ce  collet  litur- 
gique paraît  bien,  il  est  vrai,  sur  les  sceaux  des 
évêques  Wilhelm  I  de  Diepholz  (1236-1242), 
Widekind    I   de   Hoya  (1253-1261)01  Wolkwin 


1.  Voir  fig.  S- 

2.  P.  31,11.  I. 


de  Swalenberg  (1275-1293)  ;  mais,  pour  qui  sait 
la  manière  dont  se  fabriquaient  les  sceaux  à  cette 
époque,  dans  des  ateliers  souvent  éloignés,  plutôt 
selon  le  caprice  on  les  traditions  de  l'artiste  que 
suivant  les  données  du  client,  l'argument  n'est 
point  décisif.  Pourtant,  ce  qui  donne  quelque 
poids  à  la  probabilité  en  faveur  de  Minden,  c'est 
un  ivoire  et  une  miniature,  datant  tous  deux  du 
XP  siècle,  conservés  à  la  bibliothèque  royale  de 
Berlin  et  représentant  saint  Sigisbert,  évêquede 
cette  ville,  les  épaules  et  la  poitrine  couvertes 
d'une  bande  à  double  disque  et  à  double  pen- 
dant, autrement  dit  d'un  rational  ('). 

Le  même  problème  se  pose  autrement  pour 
Bamberg.  Le  trésor  de  la  cathédrale  conserve 
un  ornement  en  fils  d'or  pur  qui,  à  première  vue, 
ressemble  fort  à  un  rational  et  qui,  d'après  ses 
éléments,  sa  confection,  son  style,  appartient  à  la 
série  des  vêtements  pontificaux  dont  l'empereur 
saint  Henri  ('i*  1024)  enrichit  l'Église  qu'il 
venait  de  fonder.  Les  comptes  du  chapitre  men- 
tionnent même,  en  1476,  1485,  15 12,  1539  et 
1616,  des  réparations  faites  au  rational,  dont 
maints  détails  peuvent  s'appliquer  à  ce  vieil  orne- 
ment du  XL'  siècle  (-).  De  plus,  d'autres  para- 
graphes des  mêmes  comptes,  entre  autres,  la 
fourniture  faite  par  un  orfèvre,  en  I544,de  trente- 
deux  clochettes  «  pour  le  rational  »  et  le  net- 
toyage des  perles  et  des  gemmes  du  rational, entre- 
pris, en  1626,  par  des  jeunes  filles,  «  pour  le  saint 
tombeau  (?)  »,  semblent  indiquer  l'existence 
d'un  autre  ornement,  car  la  contexture  du  vête- 
ment liturgique  donné  par  saint  Henri  exclut 
toute  perle,  toute  pierre  précieuse  et,  sans  doute 
aussi,  toute  clochette. 

Mais  ce  dernier,  aujourd'hui  fort  mutilé  et 
grossièiement  fixé,  depuis  la  fin  du  XV'=  siècle, 
sur  une  chasuble  de  damas  grenat,  ne  paraît 
point,  à  tout  bien  considérer,  avoir  jamais  formé 
un  vêtement  spécial.  Il  ne  devait  constituer 
que  la  riche  décoration  de  la  partie  supérieure 
d'une  chasuble  et,  pour  lui  donner  l'aspect 
d'un  rational,  on  a  dû  en  couper  le  devant,  en 
écarter  les  deux  extrémités  et  ramener  par  der- 


1.  Le  père  Braun  n'a  eu  connaissance  de  cet  ivoire  el  de  cette 
niiniaiiire  que  depuis  la  publication  de  son  article  ;  mais  les  photo- 
graphies qu'il  en  a  reçues  et  qu'il  m'a  montrées,  l'ont  fait  pencher 
avec  laison  vers  une  forte  probabilité  en  faveur  de  Muiden. 

2.  Pfisier,  Dei-  Doin  ztir  Bamberg,  74. 


^gélangeô. 


37 


rière  la  presque  totalité  des  deux  disques,  d'une 
façon  aussi  disgracieuse  que  maladroite  (i).  Bien 
plus,  sur  les  nombreux  tombeaux  que  possède 
la  cathédrale,  pas  un  évêque  de  Bamberg  ne  porte 
le  rational,  tandis  que  beaucoup  sont  revêtus 
du  pallium.  Les  évéques,  Hartwig,  en  1053,  ^^ 
Egilbert,  en  1 139,  avaient  obtenu  des  papes  saint 
Léon  IX  et  Innocent  II  (2),  à  titre  purement 
personnel,  le  privilège  du  sacré  pallium,  et  leurs 
successeurs  peut-être  sollicitèrent  l'octroi  perpé- 
tuel de  cette  distinction  à  l'Église  fondée  par 
saint  Henri,  peut-être  continuèrent  tout  simple- 
ment l'usage  de  cet  insigne  ;  car  il  est  bien  diffi- 


cile d'admettre  que  le  seul  bon  plaisir  des  sculp- 
teurs ait  orné  du  pallium  tant  de  statues  d'évê- 
ques,  dans  la  seule  cathédrale  de  Bamberg.  Mais 
alors,  que  signifient  les  réparations  faites  au 
rational,  le  nettoyage  des  perles  et  des  gemmes 
accompli  par  des  jeunes  filles,  et  pour  le  «  saint 
tombeau»  ?  car  le  pallium  ne  s'appelait  point 
rational  et  ne  se  décorait,  ni  d'améthystes,  ni  de 
topazes,  ni  surtout  de  trente-deux  clochettes. 

On  ne  peut  rien  conclure,  en  faveur  d'Osna- 
bruck  ou  de  Munster,  de  la  présence  du  rational 
sur  deux  sceaux  épiscopaux  de  chacun  de  ces 
deux    sièges  ;   comme,   non    plus,  en   faveur   de 


Figr.  6. 


Metz,  du  dessin  d'un  surhuméral,  sur  un  sceau  de 
l'évéque  Bertram  (i  194)  (3)  :  ces  exemples  isolés 
peuvent  être  attribués  à  la  fantaisie  de  l'artiste. 
Il  est  vrai  que  Barbier  de  Montault  a  signalé  un 
surhuméral,  authentique  et  incontestable,  sur  une 
gravure  d'un  buste-reliquaire  de  saint  Adelphe, 
évéque  de  Metz,  lequel  lui  semblait  remonter 
aux  premières  années  du  XVP  siècle  ("*)  ;  mais 
il  n'avait  point  confronté  cette  gravure  avec  une 
photographie  du  buste  de  saint  Lambert  de 
Liège  :  il  y  aurait  découvert  une  réplique  de  ce 
précieux  reliquaire  et  son  argument   eût  perdu 

1.  Vo'r  fig.  6. 

2.  Migne.  Pair.  lai..  CXLIII.  700;  CI.XXIX,  483. 

3.  Ch.  .Abel,  Étuiie  sur  le  Pallium  ...jadis  porté  f>ar  les  évêqites  a'e 
.\fclz,  dans  .\tém.  Soc.  Arch.  de  la  Moselle,  1867. 

4.  Barbier  de  lAon\».w\\.,  Le  Busle  de  saint  Adelphe,   dans    .Mcm. 
Soc.  Arch.  Lorr.,  1885, 


de  sa  valeur  (').  Toutefois,  rappelons-nous  qu'A- 
dalbéron  II  de  Metz  obtint  de  son  collègue  de 
Halberstadt  la  concession  du  privilège  dont 
jouissait  ce  dernier,  de  prendre  le  rational  (2); 
mais  en  quoi  consistait  cet  ornement  ?  d'ailleurs 
les  prélats  messins,  si  nous  en  jugeons  par  leurs 
sceaux  (3),  préférèrent  se  faire  représenter  avec 
le  pallium  que  saint  Chrodegang,  Angeiramm  et 
plusieurs  autres  avaient  reçu  du  Siège  aposto- 
lique. 

Hors  de  l'Allemagne—  car  Toul,  Metz, Liège 
étaient  villes  du  saint  Empire — ^  ce  collier  litur- 
gique ne  se  rencontre  pour  ainsi  dire  pas.  Mabil- 

1.  Eug.  Martin,  Sur  une  commutîication  de  Mgr  Barbier  de  Mon- 
tault à  propos  d'un  buste  de  saint  Adelphe  de  Metz,  dans  Bull.  Soc. 
Arch.  Lorr.,  1903. 

2.  Cf.  plus  iiaut,  p.   30. 

3.  Ch.  Abel,  loc.  cit. 


38 


9Rcbue  lie  T^rt  rl)rétien. 


Ion  a  cru  reconnaître  un  rational  dans  une  riche 
bordure  que  porte,  au  col  et  à  la  fente  de  la  cha- 
suble, saint  Réol,  archevêque  de  Reims,  dans  un 
codex  de  l'abbaye  d'Elnone(')  ;  mais  son  hypo- 
thèse semble  aussi  peu  justifiée  que  celle  des  éru- 
dits  qui  ont  prétendu  trouver  des  surhuméraux 
dans  les  colliers  multicolores  d'un  dessin  très 
varié  et  d'une  ornementation  chargée  qui  déco- 
rent le  haut  des  vêtements  de  nombreux  person- 
nages, anges,  évêques,  princes,  martyrs,  vierges 
etc.,  sur  les  mosaïques  merveilleuses  de  la  cathé- 
drale de  Monreale,  en  Sicile  (2)  :  ce  sont  des 
ornements  de  style  byzantin,  plus  ou  moins  dus 
à  l'imagination  du  dessinateur  ou  du  mosaïste. 

Barbier  de  Montault  a  cru  voir  un  surhuméral 
sur  une  miniature  du  X«  siècle,  conservée  au  Bri 
tish  Muséum  (3);  sur  une  autre  du  Xllf,  représen- 
tant saint  Hilaire  et  appartenant  à  la  Bibliothè- 
que nationale(4);sur  une  autre  de  la  même  époque 
qui  fait  l'un  des  feuillets  de  la  Bible  ô.'Wç.de  Saint- 
Martial,  à  la  même  Bibliothèque  nationale  et 
sur  laquelle  figurent  le  pape  Damase  et  saint 
Jérôme  ;  sur  un  buste  d'évêque  (qu'il  dit  de  Poi- 
tiers (s),  je  ne  sais  pourquoi),  lequel  fut  trouvé  à 
Saint-Hilaire-de-la-Celle,  en  Poitou...  (6)  etc.. 
L'infatigable  chercheur  ne  cite  malheureusement 
pas  avec  assez  de  précision  ses  autorités  ou  ses 
références  :  un  contrôle  efficace  n'est  pas  toujours 
possible  ;  mais,  de  ce  qui  peut  se  constater  sur 
la  Bible  de  Saisit- Marti  al  et  sur  la  statuette  de 
Saint-Hilaire  de-la-Celle,  on  peut  conclure  que 
l'érudit,  comme  il  arrive  d'ordinaire  en  pareille 
occurrence,  s'est  laissé  entraîner,  prenant  pour 
des  surhuméraux  l'un  ou  l'autre  de  ces  ornements 
byzantins  dont  il  a  été  parlé  plus  haut,  ou  une 
bordure  un  peu  trop  développée  de  la  fente  ou 
de  l'encolure  de  la  chasuble. 

Bref,  cet  ornement  qui  couvrait  les  épaules  et 
était  désigné  sous  le  nom  de  rational  ou  de  sur- 
huméral, ne  semble  guère  avoir  franchi  les  fron- 
tières du  saint  Empire.  Il  se  maintint  plus  long- 

1.  Annales  Ordutis  sancti  Ueiiedicli,  I,  529. 

2.  Pour  appuyer  leur  interprétation,  ces  éiudits  alléguaient  une 
bulle  qu'expédia  I-ucius  III,  en  1183,  en  faveur  de  l'archevôque 
Ciuilhtuuie,  cit;  Monreale.  et  où  il  est  parlé  du  rational  (Bull, 
rom.,  éd.  Turin,  III,  13);  mais  la  mention  du  rational  n'a,  dans 
cette  bulle  qu'une  signification  mystique. 

3.  Le  buste  de  suint  Adelpkc,  loc.  cit. 

4.  /iid. 
S-  lUd. 

6.  Barbier  de  Montault,  Particularités  du  costume  des  ivèques  de 
Poitiers,  dans  Bull,  mon.,  XLIII  (1877),  p.  632  et  sq. 


temps  que  le  rattonal-pectoral  et  l'usage  n'en  fut 
abandonné,  par  la  plupart  des  intéressés,  que 
dans  le  cours  des  XVII«  et  XVIII''  siècles,  peut- 
être  par  suite  des  bouleversements  que  causa  la 
guerre  de  Trente-Ans,  peut-être  plutôt  par  l'effet 
du  dédain  qu'amena  la  Renaissance  pour  les 
choses  du  moyen  âge. A  Wurtzbourg,  les  princes- 
évêques  portèrent  le  rational  jusqu'à  la  séculari- 
sation de  leur  siège  (').  Quoique  le  Père  Benoît 
Picart  consacre  un  chapitre  de  son  Histoire  de  la 
ville  et  du  diocèse  de  Toul,  parue  en  1707,  au  pri- 
vilège qu'il  revendiquait,  d'après  la  tradition 
locale,  pour  les  seuls  évêques  de  cette  Église,  de 
prendre  le  surhuméral  (2),  les  prélats  toulois,  à 
cette  époque,  sans  doute  depuis  les  luttes  désas- 
treuses de  Charles  IV,  duc  de  Lorraine,  contre 
Louis  XIII  et  Richelieu,  semblent  avoir  re- 
noncé à  cet  ornement  (3)  ;  nous  en  avons  pour 
preuve  une  lettre  de  Dom  Calmet  à  Montfaucon, 
du  14  janvier  1726:  t  Les  évêques  de  Toul,  y 
lisons-nous  {■*),  se  servaient  autrefois  d'une  espèce 
d'éphod  ou  de  surhuméral  »  :  c'était  donc  déjà  de 
l'histoire  ancienne. 

Mais,  qu'il  ait  été  repris  ou  conservé  par  eux, 
le  rational  ou  le  surhuméral  est  actuellement 
porté,  avec  l'aveu  de  la  Cour  romaine,  par  les 
évêques  de  Paderborn  et  d'Eichstsedt,  en  Alle- 
magne, de  Nancy  et  Toul,  en  France  (5). 

II.  Forme.  —  La  forme  du  rational  ou  surhu- 
méral varia  avec  les  lieux  comme  avec  les  temps  : 
plus  peut-être  que  les  autres  vêtements  liturgi- 
ques.cet  ornement  subit  sou  évolution, dont  l'ima- 
gination des  sigillographes,  des  miniaturistes  ou 
des  sculpteurs  ne  nous  permet  pas  toujours  de 
suivre  les  phases  avec  la  précision  désirable. 

1.  Lettre  du  D'  von  Kiililes,  prévôt  du  chapitre  de  Wurlzbouig, 
à  M.  l'abbé  M,  Démange,  ancien  vicaire  à  la  cathédrale  de  Toul 
aujourd'hui  curé  de  Lagney  (M.  et  M), 

2.  P.  167  et  sq.  —  La  tradition  locale  est  surtout  représentée 
pour  lui  par  les  statuts  de  1497  et  les  aftirmations  de  l'archidiacre 
Le  Sane,  leur  compilateur. 

3.  Le  siège  alors  vaqua  de  1637  à  1655  ;  le  diocèse  fut  décimé;  le 
pays,  réduit  à  une  affreuse  misère,  et,  cnose  à  remarquer,  depuis 
1655,  le  siège  épiscopal  ne  fui  plus  occupé  par  des  prélats  lorrains, 
mais  par  des  évêques  français. 

4.  La  lettre  est  citée  par  koliault  de  Kleury,  La  Messe,  VIII, 
P   73- 

5.  Pour  Paderborn  et  Kischstaedt,  il  n'y  a  point,  je  crois,  de  nou- 
veaux brefs.  Nancy  et  Toul  a  obtenu  un  bref  pontifical,  daté  du 
16  mars  :865,  lequel  est  inséré  dans  le  Keciieil  des  Ordonnances  du 
diocèse  de  iXancy  publié  en  1866  par  Mgr  Lavigerie,  p.  334.  —  Mgr 
Lavigerie  et  Mgr  Foulon,  son  successeur,  quand  ils  quittèrent 
Nancy,  l'un  pour  Alger,  en  1867,  l'autre  pour  Besançon,  en  1882. 
obtinrent  du  Saint-Siège  le  privilège  personnelle  continuer  à  porter 
le  surhuméral, 


s^tumts. 


39 


Fort  instructive  sur  ce  point  est  la  série  des 
miniatures  des  évêques  d'Eichstïedt  qui  se  trouve 
dans  le  Pontifical,  dit  cfe  Gondekar  (■).  Commen- 
cée par  l'évêque  Gondekar  II  (mort  en  1075)  et 
poussée  jusqu'à  lui-même,  elle  fut  continuée,  vers 
1200,  pour  les  prélats  du  XI I'' siècle,  et  tenue  dès 
lors  au  courant,  jusqu'à  l'année  1540.  Elle  offre 
une  si  grande  variété  de  rationaux  qu'il  est  im- 
possible de  ne  point  invoquer  ici  la  fantaisie  ; 
mais,  si  l'on  fait  abstraction  de  la   diversité   des 


Figr  7 

détails  pour  ne  s'attacher  qu'à  l'essentiel,  on  suit, 
dans  ces  miniatures,  le  progrès  de  cet  insigne.  Au 
XIP  siècle,  époque  où  il  commence  à  figurer,  il 
rappellerait  le  pallium,  si  son  pendant  antérieur 
était  plus  long  et  s'il  n'était  point  accompagné  le 
plus  souvent  de  sortes  d'épaulettes  en  forme  de 
disques.  Au  XIII*  siècle,  il  s'éloigne  de  plus  en 
plus  du  pallium,  pour  prendre  le  type  d'un  collet  à 
disques  huméraux  ;  enfin,  au  commencement  du 
XIV'  siècle,  le  collet  se  complète  de  quatre 
fanons  verticaux,  deux  par  devant  et  deux  par 
derrière.  La  forme  est  désormais  fixée:  nous  ver- 
rons bientôt  d'après  quel  modèle  (2). 

1.  Cette  série  est  reproduite  en  photogravures  dans  le  beau 
recueil  intitulé  Eichildtts  Kunst,  Fat^chrift  sum  gohUnem  Priesler- 
jubiîdum  des  ht^chw.  Herrn.  Bisckofs.  Dr  Franz  Leopoîd  Freiherr 
von  Leonrod.  Munich,  iQoi,  et  dédié  à  l'évêque  actuel  d'Eichstaedt, 
à  l'occasion  de  son  jubilé  sacerdotal. 

2.  Voir  plus  bas,  p.  42, 


Le  développement  du  rational  se  laisse  peut- 
être  mieux  apercevoir  encore  sur  les  monuments 
de  Ratisbonne.  Jusqu'à  Conrad  V  de  Louppourg 
(1296-1313),  cet  ornement  ressemble  également 
au  pallium,  sauf  que  son  pendant  antérieur  est 
plus  court  ;  les  disques  huméraux  se  montrent 
vers  le  milieu  du  XII P  siècle  ;  les  'deux  fanons 
apparaissent,  pour  la  première  fois,  sur  le  sceau 
de  Nicolas  de  Stacho\vitz(i3i3-i34o),  et  les  tom- 
beaux enfin  offrent  le  type  complet,  avec  ses  par- 
ties constitutives,  collet,  disques  et  pendants. 


Fig.  8. 

A  Toul,  autant  du  moins  que  permet  de  le 
constater  le  caprice  des  monnayeurs  et  des  sigil- 
lographes  ('),  l'évolution  du  surhuméral  passa 
par  des  phases  analogues.  Sur  le  sceau  de  Henri 
de  Lorraine  (i  126-1 165),  le  plus  ancien  où  il  ap- 
paraisse, il  rappelle  le  pallium  ;  il  devient  un  col- 
lier fretté  et  pointillé,  sans  pendants,  sur  le  sceau 
de  Pierre  de  Brixey  (i  165-1  I9i)(2)  et  il  prend  les 
deux  pendants  sur  le  sceau  de  Thomas  de  Bour- 
lémont  (1330  1353)  (3).Le  monument  de  Henri  de 
Ville  (1408-1436),  à  la  cathédrale  deToul(-»)  (5), 
n'offre  point  encore  les  disques  huméraux  que 
mentionnent  les  Statuts  de  1497  et  que   présen- 

1.  Robert,  Recherches  sur  les  monnaies  des  ivêqties  de  Toul.  Paris, 
1844  :  Sigillographie  de  Toul.  Paris,  1868. 

2.  Voir  fig.  7. 

3.  Voir  fig.  8. 

4.  Démange,  Découverte  à  la  cathédrale  de   Toul,   dans  Journal 
Soc.  Arch.  Lorr.,  1892. 

S    Voir  fig.  9. 


40 


Bebtie  De  T^rt  t{)rctien. 


teiit  enfin  les  tombeaux  de  Hugues  des  Hazards 
(1506- 15  17),  à  Blénod-les-Toul,  et  de  saint  Man- 
suy,  premier  évêquede  Toul,  dans  l'ancienne  ab- 
baye de  ce  nom,  tous  deux  exécutés  dans  les  pre- 
mières années  du  XVI*^  siècle.  C'est  le  modèle 
fourni  par  le  tombeau  de  saint  Mansuy(')qui  a 
servi  de  patron  au  surhuméral  que  porte  aujour- 
d'hui l'évéque  de  Nancy  et  Toul,  dans  lescérémo- 
nies  pontificales.  L'ornement  actuel  est  en  drap 
d'or  enrichi  de  gemmes  et  broderies  ;  il  forme  un 
collet  composé  de  deux  bandes  circulaires,  réu- 


'/       0»SBU* 


Fig.  9. 


nies  par  un  treillis  de  fils  d'or  ;  sur  la  bande 
supérieure,  qui  serre  le  cou,  sont  écrits  ces  mots  ; 
<<  Pater,  Filins  et  Spirilns  Sa  net  us  "h  dont  l'ap- 
plication est  ici  assez  difficile  à  expliquer  ;  à  la 
bande  inférieure,  garnie  de  franges,  sont  attachés 
quatre  pendants  frangés,  deux  devant  et  deux 
derrière,et,sur  les  épaules, sont  posésdeuxdisques 
également  frangés.  Pour  la  commodité  de  l'usage, 
cette  rotonde  est  coupée  par  devant  et  les  deux 
bords  en  sont  maintenus  par  une  agrafe  en  or  : 
développée,  elle  forme  une  demi-couronne  d'en- 
viron o"'65  de  diamètre,  et  la  largeur  de  l'étoffe 
ne  dépasse  guère  0™,20  (-). 

1.  Voir  fig.  10.  —  La  crypte  où  se  trouve  ce  tombeau  est  aujour- 
d'hui sous  la  ctiapelle  du  faubourg  Saint-Maiisuy,  à  Toul. 

2.  Un  autre  surhuméral  offeit  à  ^'Igr  Foulon,  évéque  de  Nancy  et 
Toul  { 1867-1882),  et  fait,  je  ne  sais  sur  quel  modèle,  est  conservé  au 
trésor  de  la  cathédrale  de  Nancy.  11  se  rapproche  assez  du  type 
d'Eichstredt,  —  Mgr  Battandier  en  a  donné  une  photogravure  dans 
son  Annuaire  pontifical  calhotiifuc,  1902,  p.  390. 


A  Paderborn,  dans  le  plus  ancien   état  sous 
lequel  nous  le  présentent  les  monuments,  le  ratio- 
nal   affecte  aussi   le  type  d'un   pallium   disposé 
en  Y  :  on  peut  le  remarquer  sur  le  sceau  de  Wil- 
brand  de  VVildeshausen  (1225-1227)  et  de  Ber- 
nard IV  (1227- 1247),  comme  sur  la  statue   de 
saint  Liborius  (?),  au  portail  de  la  cathédrale.  Plus 
tard,  il  devint   un  collier  formé  de  deux  bandes 
horizontales,  l'une  antérieure,  l'autre  postérieure, 
dont  les  extrémités  supérieures  se   rejoignaient 
sur  les  épaules,  sans  l'intermédiaire   de  disques, 
et  dont  les  extrémités  inférieures  se  terminaient 
à  angle  droit  par  des  bandes  verticales.  On  con- 
serve à  la  cathédrale  un  ornement  de  ce  genre  ('). 
Richeinent  décoré  de  broderies,  de  perles   et  de 
franges,  il  porte,  sur  les  deux  bandes  horizontales, 
'par  devant,  les  mots:  «  Doctrina,  veritas  "b  ;  par 
derrière  :  «  Fides,  caritas.  »  Sur  les  pendants,  se 
lit,   en   résumé,  toute    l'histoire   du   rational    de 
Paderborn  :  «  Beriiaidus  /,  episc.  pad.;  iiiipetravit 
—  Innocentins  II,   P.  M.,  concessit  —  Alexan- 
der  VII,  P.  M.,  confirmavit  —   Ferdinandus  II, 
episc. pad.,  mnpliavit.  »  Sur  ce  modèle,  fut  confec- 
tionné le  rational  qui  sert   aujourd'hui  encore  à 
l'évéque  de  Paderborn. 

A  VVurtzbourg,  le  rational  ne  semble  point 
avoir  subi  de  modifications  :  sceaux  et  pierres 
tombales  présentent,  depuis  Emehard  {fi*  1104) 
jusqu'à  Gottfried  exclusivement  {fi*  1622),  un 
collier  en  forme  de  pallium,  avec  pendant  moins 
long  et  souvent  avec  disques  (2).  Tout  au  plus, 
pourrait-on  citer  trois  sceaux  où  le  rational 
s'écarte  de  ce  patron  (3)  ;  mais  cette  exception 
n'est  point  à  retenir,  car,  sur  d'autres  sceaux 
des  mêmes  évêques,  se  retrouve  le  type  normal. 
Pour  Bamberg,  nous  ne  pouvons  tirer  aucune 
indication  de  l'ornement  donné  par  saint 
Henri  (■*)  ;  car  il  est  peu  probable,  nous  l'avons 
dit,  qu'il  ait  jamais  constitué  un  ornement  dis- 
tinct ;  mais,  vrai  ou  prétendu,  ce  rational  a  exercé 
une  réelle  influence  sur  un  rational  de  la  pre- 
mière partie  du  X1II<^  siècle,  chef-d'œuvre  de 
bioderie,  conservé  au  trésor  de  la  cathédrale  de 

1.  On  peut  en  voir  le  dessin  dans  Ludorff,  Die  Bau-iind  Kuml- 
iienhmilff  dei  Kreiies  Paderborn,  tab.  60. 

2.  Voir  fig.  4  et  II. 

3.  Ce  sont  deux  sceau.v  d'Embrichos  de  Lciningcn    (4-  114Ô)  et 
un  d'Hérold  de  Hochheini  ("J-  1172). 

4.  Voir  plus  haut,  p.  37. 


£©élange6. 


41 


Ratisbonne  (')  et  dont  une  réplique,  d'un  travail 
moins  fin,  se  trouve  au  Musée  royal  national  de 
Munich  (-).  Ce  n'est  plus,  il  est  vrai,  ni  le  même 
st)le,  ni   les    mêmes  matériaux  ;  mais,  c'est  la 


même  forme,  les  mêmes  sujets,  la  même  distri- 
bution. A  quelle  église  originairement  ce  rational 
du  XIII«  siècle  a  t-il  appartenu?  est-ce  à  Bam- 
berg  ?   est-ce  plutôt   à   Ratisbonne  ?  nnns   ne  le 


Fis 


savons  point;  mais,  ce  qui  est  certain,  c'est  qu'à 
partir  de  la  première  moitié  du  XIV«  siècle,  le 

I.  Sighart.  Geschichlt  derbildenden  Kiinste  in  Bayern,  287.  — 
La  reproduction  de  ce  rational  de  Ratisbonne  est  donnée,  entre 
autres,  par  Bock,  0/.  et  ioc.cii.,ig^. — Cahier,  Nouveaux  inélanges... 


type  fourni,  tant  par  l'original  de  Bamberg  que 

Ivoires,    etc.,  1156  et  sq.  —  Rohault  de  Fleury,  op.  cit.,  tab.638  et 
640.  —  L.  de  Farcy,  La  broderie  du  X/"^  siècle  jusqu'à  Jtos  jours. 
Paris,  1890,  tab.  6. 
2.  Voir  fig.  12  et  15. 


42 


9Rcbur  lie  rSrt  cfirctttn. 


par  cette  copie  du  trésor  de  Ratisbonne,  c'est-à- 
dire  collier  à  deux  bandes  horizontales,  l'une 
antérieure,  l'autre  postérieure,  terminées  chacune 
par  deux  bandes  verticales  et  réunies,  sur  les 
épaules, par  deux  disques  assez  grands,  fut  adopté 
par  les  évéques  de  Ratisbonne,  comme  aussi  par 
leurs  collègues  d'Eichstaedt. 

On  possède,  en  effet,  à  la  cathédrale  de  cette 
dernière  ville,  un  rational  de  cette  forme,  riche- 
ment décoré  de  perles  et  de  broderies  d'or,  et 
datant  —  les  armoiries  qu'il  porte,  en  font  foi  — 


Fig    II. 

de  l'épiscopat  de  Jean  d'Eich  (1445- 1464)  ('). 
Sur  les  bandes  antérieures  et  postérieures,  hori- 
zontales et  verticales,  court,  encadrée  de  feuilles 
de  chêne  (en  allemand,  Eiclie  :  c'est  la  signature 
du  prélat  donateur),  cette  inscription,  évocatrice 
des  vertus  que  doit  pratiquer  un  évêque  «  Fides, 
spes,  caritas  ;  justitia  ;  fortitudo.  —  Veritas,  dis- 
ciplina ;  temperantia  ;  pnideiitia.  »  C'est  un  orne- 
ment de  ce  modèle  qui  se  voit  sur  le  tombeau  de 
saint  Willibald,  à  la  cathédrale  (2),  et  qui  couvre 
encore  aujourd'hui  les  épaules  de  l'évêque  d'Eich- 
staedt, à  la  messe  pontificale. 

1.  En  voir  une  reproduction  dans  Cahier,  op.  et  loc.  cit.,  p.  184 
et  s.  —  Eichsiàtts  Kiinsl,  p.  5. 

2.  Photogravure  dans  Eichsialts  Kunst,  p.  32. 


Quant  à  l'évolution  du  rational  de  Liège,  il 
nous  est  impossible  de  la  suivre,  car  tous  les 
monuments  qui  nous  restent  ne  remontent  guère 
qu'à  la  fin  de  la  période  médiévale.  Sur  tous,  il 
figure  comme  un  collet,  tantôt  avec,  tantôt  sans 
disques  :  il  se  rapprocherait  fort  du  sui humerai 
toulois,  si  les  pendants  ne  ressemblaient  plutôt 
à  des  crans  et  ne  se  trouvaient  au  nombre  de  six, 
trois  par  devant,  trois  par  derrière  (■). 

Ainsi  donc,  quelle  que  fût,  selon  les  Églises,  la 
diversité  des  formes  et  des  détails,  le  rational  ou 
surhuméral  se  présentait  à  la  fin  du  moyen  âge, 
comme  un  collier  ou  une  pèlerine,  en  étoffe  pré- 
cieuse, rehaussée   de   broderies,  de   perles   et  de 


Fig    12 

gemmes,  ornée  généralement  de  disques  qui  re- 
posaient sur  les  épaules  et  de  pendants  ou  fanons 
plus  ou  moins  longs.  Souvent,  il  était  garni  de 
franges  et  parfois  aussi  de  clochettes  :  «  l'intin- 
îiabulis  resonans,  »  dit  le  manuscrit  de  Saint- 
Gall  {^)  :  on  voit  encore  quelques-unes  de  ces 
sonnettes  aux  rationaux  de  Bamberg  (?)  et 
d'Eichstaedt. 

Seul,  fait  exception  à  ce  type,  un  rational  que 
donna  la  reine  Hedvvige,  femme  de  Ladislas 
Jagellon  (1371  1399)  à  l'église  de  Cracovie  (3)  et 
que,  chose  singulière,  rappelle  un  ornement  qui 
figure  sur  le  sceau  d'Eudes  de  Sorcy,  évêque  de 

1.  Voir,  par  exemple,  le  buste  de  saint  Lambert,  fig.  3,  p.  34. 

2.  Of.  tl  Ion.  sufr.  cit. 

3.  Voir  fig.  13.  —  Alex.  Przezdziecki  et  Edouard  Rastowiecki, 
M.innmenls  du  moyen  âge  dans  l'ancienne  Pologne.  n°  17  — 
Mgr  Battandier  a  consacré  à  ce  rational  un  article  de  son  An- 
nuaire pontifical  catholique,  1901,  p.  259. 


Mélanges» 


43 


de  Toul  (i 2 19- 1228)  (').  «  C'est  une  espèce  d'é- 
cliarpe  double,  reliée  par  une  sorte  de  formai  cir- 
culaire au  centre  duquel  se  trouve  un  agneau.  Sur 
les  bandes  se  lit  l'inscription  suivante,  formée  par 
plus  de  dix  mille  petites  perles:«  Docirina,  veritas, 
prudeniia,  siviplicitas.  Hedungis  regina,filia  régis 
Ludovici...  Les  bouts  de  l'écharpe  sont  terminés 
par  des  écussons  qui  représentent  l'aigle  de  Polo- 
gne, et  les  lys  d'Anjou,  province  dont  la  donatrice 
était  originaire.  A  quoi  faut-il  attribuer  ce  type 
isolé  ?  est-ce  à  une  combinaison  ingénieuse  des 


Fig.  13. 

deux  rationaux,  humerai  et  pectoral  ?  le  rational 
de  Cracovie  est-il  original  ?  est-ce  une  copie  t  et, 
dans  ce  cas,  quel  en  a  été  le  patron  ?  car  il  est 
difficile  d'y  voir  un  simple  effet  de  la  fantaisie. 
Tout  au  contraire,  c'est  au  caprice  de  l'artiste  ou 
bien  à  une  confusion  inévitable  entre  deux  orne- 
ments qui  portaient  le  même  nom,  que  l'on  peut 
attribuer  la  présence  d'un  rational  pectoral  sur 
quelques  sceaux  de  Paderborn.de  Minden,  etc.  (2), 
comme  l'existence  de  cet  ornement  en  forme  de 
disque  pectoral  sur  le  sceau  d'Eudes  de  Sorcy,  à 

1.  Voir  fig.  14.  —  Robert,  Sigill.,  pi.  IV,  n»  10.  —  Eug.  Martin, 
H  lit.  cit.,  I,  277. 

2.  Voir  plus  haut,  pp.  32  et  33. 


Toul.  Au   moyen  âge,  plus  peut-être  qu'à  nulle 
autre  époque,  s'est  vérifié  le  dicton  d'Horace  : 

«  Pictoribus  atque  poetis 
«    Quidlibet  audeiidi  semper  fuit  œqiia  pote- 

stas  (1).  » 

m.  Symbolisme.  —  Le  symbolisme  de  ce  vête- 
ment est  le  même  que  celui  du  premier  rational; 
il  ressort  des  inscriptions  des  rationaux  de  Pader- 
born  :  «  Doctrijia,  veritas,  fidcs,  caritas  »;  de  Cra- 
covie :  «  Doctrina,  veritas, prudentia,  siviplicitas  », 
d'Eichstœdt  :  «  Fides,  spes,  caritas,  jnstitia,  forti- 
tudo,  veritas,  disciplina,  temperantia,  prudentia  » 
et,  surtout,  du  riche  et  suggestif  ensemble  que 
présente,  d'après  le  vieil  ornement  de  Bamberg,  le 
rational  conservé  au  trésor  de  Ratisbonne  (2).  Sur 
l'un  et  l'autre  disques,  deux  femmes  se  tiennent 


Fig.  14 

embrassées:  près  délies,  se  lisent  ces  mots  tirés 
du  Psautier  :  «  Misericordia  et  veritas  obviaverunt 
sibi  —  Jnstitia  et  pax  osciilatœ  sunt  »,  et  tout  à 
l'entour,  six  bustes  de  femmes,  séparés  par  un 
feuillage  et  portant  les  noms  des  tribus  d'Israël. 
Trois  par  trois,  sur  les  bandes  verticales,  à  partir 
de  l'encolure  même  de  rornement,  sont  dispo- 
sées, l'une  au-dessous  de  l'autre,  les  images  des 
douze  apôtres.  Et,  sur  le  milieu,  laissé  libre,  des 
deux  bandes  horizontales,  se  voient,  au  dos,  le 
Sauveur  du  monde  et  l'Agneau,  superposés  l'un 
à  l'autre,  entourés  d'anges  et  des  quatre  emblèmes 
des  évangélistes.  Sur  le  devant,  cette  représenta- 
tion allégorique  de  l'Église  :  sous  une  galerie  de 
cinq  tours,  se  tient  le  Christ,  le  nouveau  Salo- 
mon,  le  Roi  pacifique,  comme  l'appelle  le  rational 
de  Bamberg;  il  est  placé  sur  une  estrade,  le  fer- 
culiim  Salomonis,  le  reclinatorium  aurenm,  à  la- 
quelle conduisent  deux  escaliers.  La  galerie  de 

1.  Epist.,  Liv.  II,  ep.  III,  v.  lo. 

2.  Voir  figures  12  et  15. 


44 


IRcbue  tic  r^rt  rbrétien. 


tours  est  soutenue  par  deux  coloûiies,  auprès  des- 
quelles sont  debout  saint  Pierre  et  saint  Paul,  les 
deux  piliers  de  l'Église.  Sous  l'escalier  de  droite, 
se  voit  saint  Jean,  le  héraut  de  la  charité;  sous 
celui  de  gauche,  des  martyrs  :  ceci  pour  rappeler 
que  les  deux  chemins  qui  mènent  au  Roi  de  la 
paix  sont  l'amour  divin  et  le  renoncement.  Devant 
l'estrade,  se  dresse  une  femme,  l'Eglise,  aux  pieds 
de  laquelle  sont  disposés  deux  bustes,  Marthe  et 
Marie,  la  vie  active  et  la  vie  contemplative.  Toutes 
ces  explications  ne  sont  point  fantaisistes  :  elles 
sont  imposées  par  des  inscriptions.  Quel  beau 
sujet  de  méditation  offrait  au  pontife  la  contem- 
plation de  ce  rational!  L'Apocalypse  et  le  Can- 
tique des  Cantiques,  le  Pentateuque  et  l'Évangile 
s'unissaient  pour  l'inviter  à  la  pratique  des  vertus, 
au  dévouement'au  Christ  et  à  son  Église:  c'était 
le  commentaire  en  images  d'un  traité  de  la  per- 
fection épiscopale:  «  sigiiiftcaiit  honorein  et  onus 
pastoris  »,  disaient  les  statuts  toulois. 

IV.  Origine.  —  Les  historiens  d'Eichstredt  fai- 
saient remonter  le  don  du  rational  à  saint  Roni- 
face  (').  L'apôtre  de  la  Germanie  aurait  établi 
saint  Willibald,  son  disciple  et  premier  évêque 
de  cette  cité,  chancelier  de  la  province  de 
Mayence  et  lui  aurait  accordé  cet  ornement 
comme  signe  de  sa  dignité.  Mais,  à  cette  époque 
de  fondation,  il  est  peu  probable  que  ces  deux 
hommes  de  Dieu  aient  songé  à  de  tels  détails  :  le 
souci  du  galon  ne  se  rencontre  guère  que  dans 
les  sociétés  déjà  organisées.  Les  autres  prélats  de 
la  province  contestèrent  souvent  ce  droit  et,  sur 
les  miniatures  du  pontifical  de  Gondekar,  le  ratio- 
nal ne  fait  son  apparition  que  sur  la  chasuble  des 
prélats  du  XI I«  siècle.  Enfin,  si  la  bulle  que 
Benoît  XIV  envoya  le  4  juillet  1745,  au  prince 
évêque  d'Eichstsedt,  Jean-Antoine  II,  à  l'occasion 
du  millénaire  de  son  Église  (2),  confirma  juri- 
diquement aux  successeurs  de  saint  Willibald 
une  jouissance  immémoriale,  elle  ne  peut  avoir, 
au  point  de  vue  historique,  que  la  valeur  des 
documents  qui  furent  alors  invoqués. 

A  Toui,  on  attribuait  également  cette  distinc- 
tion du  surhuméral  au  rang  de  doyen  de  la 
province  de  Trêves,  que  l'on  revendiquait  pour 
l'évêque  de  cette  cité  (•^).  Mais  ce  titre  ne   peut 

1.  Voir  plus  haut.  p.  30. 

2.  Bull.  Ben.  XIV,  I,  n"  133.  —  Paslorablatl  sup.  cil.,  p.  ii. 
j.   Benoit  Picart,  op.  et  loc.  cil. 


être  justifié,  ni  pat"  la  plus  grande  ancienneté  du 
siège,  ni  par  la  majeure  importance  de  la  ville,  ni 
par  le  libre  choix  des  autres  sufTragants,  ni  enfin 
par  un  diplôme  impérial  ou  pontifical  (').  Du 
reste,  partout,  dans  les  cérémonies,  dans  les 
signatures  d'actes,  les  prélats  toulois  ne  semblent 
avoir  pris  que  leur  rang  de  consécration.  Ce 
décanat  de  la  province  de  Trêves  pourrait  bien 
être  une  chimère  d'un  historien  quelconque  et  il 
est  à  craindre  qu'il  n'en  soit  de  même  d'une 
dignité  analogue  dont,  paraît-îl,  l'évêque  de  Liège, 
se  prévalait. 


Fig.  15. 

Il  est  plus  sûr,  pour  expliquer  ce  privilège,  soit 
de  remonter  à  une  faveur  initiale  de  la  Cour  ro- 
maine soit  d'invoquer  la  prescription.  Nous  avons 
la  preuve  d'une  concession  de  ce  genre  pour 
Liège  et  Paderborn  (2),  et  il  nous  est  loisible  de 
supposer  que  Wurtzbourg  et  Eichst^dt,  Wurtz- 
bourg  surtout  qui  avait,  à  cette  occasion,  vaine- 
ment sollicité  le  rang  de  métropole,  ont  obtenu 
cette  distinction,  lors  de  la  création  de  l'évéché 
de  Bambcrg  (1007),  comme  dédommagement  de 
la  perte  de  territoire  que  cette  érection  leur  fit 
subir  (3).  Dans  la  supplique  qu'il  adressa,  en 
1865,  à  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites  pour 
obtenir  la  reprise  du  surhuméral,  Mgr  Lavigerie, 

1.  Eug.  iMarlin,  Hist.  cil.,  I,  465. 

2.  Voir  plus  haut.  p.  30. 

3.  Héfélé,  Hisl.  des  Conciles  (trad.  Delarc),  VI,  243. 


Mélanges, 


45 


alors  évêque  de  Nancy  et  Toul,  allégua  —  sur 
quelles  données  précises?  je  ne  sais  —  une  tradi- 
tion locale  qui  rapportait  à  saint  Léon  IX,  jadis 
évêque  de  Tou!  (1026-1052),  l'octroi  perpétuel  de 
cet  insigne  à  ses  successeurs  sur  la  chaire  de  saint 
Mansuy  (•).  L'hypothèse  est  acceptable  :  saint 
Léon  IX,  qui  accorda  le  pallium  à  l'évêque  de 
Bamberg,  a  pu,  dans  la  distribution  de  ses  faveurs, 
avoir  une  attention  spéciale  pour  sa  première 
Eglise....  mais  le  document  authentique  n'est 
point  là  qui  changerait  la  probabilité  en  certi- 
tude. 

Minden,  si  tant  est  qu'il  en  usât,  attribuait  son 
rational  à  ce  qui  est  une  pure  légende:  la  consé- 
cration de  sa  cathédrale  par  le  pape  Léon  III  (^)  ; 
quant  à  l'Église  de  Ratisbonne,  je  ne  sais  comment 
elle  s'en  tirait...;  mais  peut-être  bien  que  les 
distinctions  dont  se  glorifiaient  les  Églises  voi- 
sines, avaient  engage  ses  prélats  à  se  décorer 
eux-mêmes:  ce  ne  serait  point  le  seul  exemple, 
qui  se  rencontrerait,  des  rivalités  d'Églises  au 
moyen  âge. 

Mais,  à  quoi  faut-il  rattacher  le  concept,  le 
type  de  cet  ornement?  Là-dessus,  bien  des  hypo- 
thèses furent  et  sont  encore  imaginées  :  il  serait 
étonnant  qu'il  en  soit  autrement,  quand  l'accord 
est  loin  de  se  faire  entre  savants  et  archéologues, 
sur  l'origine  des  vêtements  liturgiques,  même  des 
plus  usités. 

Wilpert  (3)  fait  dériver  le  rational  d'une  garni- 
ture que  l'on  trouve  sur  beaucoup  de  monuments 
d'origine  ou  d'influence  byzantines,  du  III<^  au 
XI*  siècle.  De?  disques  couvrent  les  épaules  et 
de  là  partent  des  bandes  qui  se  rejoignent  sur  la 
poitrine,  formant  encolure  à  la  tunique  :  cette 
garniture  aurait  été  détachée  des  vêtements 
qu'elle  décorait  et  serait  devenue  un  ornement 
distinct.  —  Mais,  répond  le  Père  Braun,  cette 
garniture  se  rencontre  sur  les  tuniques,  mais 
jamais  sur  des  chasubles.  Bien  plus,  le  rational 
ne  fut  guère  porté  qu'en  Allemagne  et,  en  Alle- 
magne, aucun  monument  n'offre  cette  garniture 
sur  la  tunique.  Enfin,  cette  supposition,  assez  in- 
génieuse, il  est  vrai,  ne  s'accorde  point  avec  ce 
que  les  monuments  nous  ont  révélé  de  l'évolu- 
tion du  rational. 

1.  Bref  cité  plus  haut,  p.  38,  col.  2,  n.  5. 

2.  Voir  plus  haut.  p.  30. 

3.  Un  capitolo  di  slorta  deL  vesîiario,  p.  2Ô,  n.  i. 


Rohault  de  Fleury  {^)  identifie  le  surhuméral 
—  c'est  le  terme  qu'il  emploie  —  avec  cette  bor- 
dure large  et  précieuse  qui  se  voit  souvent  à  l'en- 
colure de  la  chasuble,  sur  les  peintures  des  XI I^ 
et  XIII*" siècles.  — •  Mais,  il  n'a  pas  remarqué  que 
cette  bordure  se  rencontre  aussi  sur  les  dalma- 
tiques  et  les  tuniques  des  clercs,  même  sur  les 
vêtements  des  laïques  et  des  femmes,  non  seule- 
ment en  Allemagne,  mais  en  Angleterre,  mais  en 
France,  mais  en  Italie...;  et  les  formes  bizarres 
qu'elle  prend  maintes  fois,  laissent  croire  à  la 
fantaisie  des  artistes,  toujours  soucieux,  surtout 
au  moyen  âge,  d'enrichir  et  de  décorer  les  images 
de  leurs  héros. 

D'après  Barbier  de  Montault  (2),  le  surhumé- 
ral serait  le  même  insigne  que  le  fanon  papal.  — 
Mais,  à  l'origine  et  durant  tout  le  moyen  âge,  ce 
fanon  ne  fut  autre  chose  que  l'amict,  lequel,  au 
lieu  d'être  caché  sous  l'aube,  se  mettait  alors  par- 
dessus, selon  la  coutume  encore  suivie  à  l'ordi- 
nation des  sous-diacres,  et  constitua  seulement 
un  vêtement  distinct,  quand  l'amict  proprement 
dit  fut  introduit  dans  la  série  des  ornements  pon- 
tificaux, c'est-à-dire,  après  la  période  qui  nous 
occupe.  D'ailleurs,  cette  hypothèse  se  trouve 
infirmée,  elle  aussi,  par  ce  que  nous  savons  de 
l'évolution  du  rational. 

Bock  (3),  reprenant  la  distinction  que  Rui- 
nart  (4)  avait  établie  entre  le  pallium  romain  et 
le  pallium  gallican,  croit  retrouver  ce  dernier 
dans  le  rational.  —  Mais  cette  distinction 
semble  au  Père  Braun  n'avoir  d'autre  fondement 
qu'une  mauvaise  interprétation  du  sixième  canon 
du  concile  de  Mâcon  (581),  lequel  défend  aux 
archevêques  de  célébrer  la  messe  sans  pallium(5). 
Et  encore  e(^t-il  existé,  ce  pallium  gallican 
n'aurait  point  survécu  à  la  réforme  liturgique 
que  menèrent  rigoureusement  les  premiers 
Carolingiens  :  ce  n'est  donc  point  là  qu'il  faut 
chercher  le  type  d'un  vêtement  qui  ne  paraît  que 
vers  le  XI®  siècle,  et  non  point  dans  des  diocèses 

1.  La  Messe,  VIIÎ,  p.  70  et  sq. 

2.  Compte  rendu  de  la  Dissertation  de  l'abbé  Cerf,  dans  J^ev,  Art. 
chrétieu,  1890,  etailleurs  encore. —  Sur  le  fanon  pontifical,  il  faut 
lire  le  môme  Père  Braun.  Die   fotitijikalen  Gewatider,  p.  175  et  sq. 

3.  Op.  cit.,  II,  195. 

4.  Ruinart,  Dissertatio  kistorica  de  Pallio  archicpiscopali,  dans 
Ouvt\Tges  posthumes  de  D.  /eart  Mabillon  et  de  D.  Thierry  Ruinart, 
II,  ch.  X,  p.  452. 

^.<kCanon  isie prœscriHt  utarchiepiscopus  sine  Pallia  missasdicere 
non  prce^umal.  »  (Ruinart,  loc.  cit.) 


46 


IRebtte  be  V^xt  rbrctien. 


de  France,  mais  dans  des  Églises  relevant  du 
saint  Empire. 

Pour  le  Père  Braun,  deux  facteurs  semblent 
avoir  contribué  à  l'idée  de  cet  ornement,  le 
souvenir  de  l'huméral  et  du  rational  portés  par  le 
grand-prêtre  juif  et  le  désir  d'indiquer  par  un 
signe  extérieur,  un  rang  réel  ou  prétendu  dans 
la  hiérarchie  ecclésiastique.  Les  rationaux  de 
Bamberg  et  de  Ratisbonne  présentent,  sur  leurs 
disques  en  particulier,  des  allusions  évidentes 
aux  ornements  du  pontife  mosaïque  ('),  et  la 
forme  de  pallium  amoindri  qui  se  rencontre,  à 
l'origine,  sur  les  monuments  d'Eichstsedt,  de 
Ratisbonne,  de  Toul  (2),  et  jusqu'au  XIII«  siècle, 
sur  les  tombeaux  de  Wurtzbourg(3),  ne  semble- 
t-elle  pas  indiquer  que  ces  insignes  avaient  un 
rôle  analogue  à  celui  du  pallium  et  marquaient 
le  rang  immédiatement  inférieur  à  celui  du 
métropolitain  dans  les  préséances  de  la  province? 
Rappelons-nous  les  prétentions  des  évêques 
d'Eichstaedt,  de  Liège,  des  historiens  de  Toul  (•*), 
etc 

Que  ces  deux  facteurs  aient  concouru  à  l'éla- 
boration du  rational,  cela  se  pourrait  déduire  des 
deux  bulles  d'Innocent  II  au.K  évêques  Adalbé- 
ron  II,  de  Liège,  et  Bernard,  de  Paderborn. 
«  L'Kglise  romaine,  comme  une  bonne  mère,  est- 
il  écrit  dans  la  première  (5),  élève  ses  enfants, 
les  uns  à  la  dignité  de  patriarche,  les  autres  à  la 
dignité  d'archevêque  ou  d'évêque,  et  elle  tire  pour 
eux  du  riche  trésor  qu'elle  tient  de  la  faveur 
divine,  des  distinctions  variées.  >  —  «  Il  est  juste, 
lisons-nous  dans  la  seconde  (^j,  que  le  zèle  dont 
tu  fais  preuve,  reçoive  du  Siège  apostolique  un 
honneur  particulier...  Tu  as  été  appelé  par 
Dieu,  comme  un  autre  Aaron.au  sommet  de   la 

1.  Voir  plus  haut,  p,  43. 

2.  Voir  plus  liaut,  p.  39  et  sq. 

3.  Voir  plus  haut,  p.  40. 

4.  Voir  plus  haut,  p.  44. 

5.  Loc.  supr.  cit. 

6.  Loc.  supr.  cit. 


dignité  épiscopale  et,  comme  un  autre  Moïse,  tu 
es  constitué  le  chef  et  le  guide  du  peuple  chré- 
tien :  aussi,  t'accordons-nous,  à  toi  et  à  tes  suc- 
cesseurs, l'usage  du  rational.  » 

L'analogie  avec  le  pallium  ressort  davantage 
encore  des  restrictions  imposées  par  le  pape  à 
l'emploi  de  cet  insigne.  Comme  il  est  prescrit 
pour  le  pallium,  le  rational  qu'Innocent  II  oc- 
troyait aux  évêques  de  Liège  et  de  Paderborn, 
ne  devait  être  porté  par  eux  qu'à  l'église,  dans 
l'intérieur  de  leur  propre  diocèse  et  seulement  à 
certains  jours,  soigneusement  désignés  par  le 
document  pontifical. 

Le  nom  de  surhuméral  que  porte  cet  insigne  à 
Toul  et  sous  lequel  il  était  connu  en  France, 
s'explique  de  lui-même  ;  quant  à  celui  de  ratio- 
nal, il  devait  être  inspiré  par  celui  de  l'orne- 
ment pectoral  du  grand  prêtre  de  l'ancienne  Loi. 

Voilà  tout  ce  que,  sur  ce  point,  permet  d'avan- 
cer l'état  de  l'érudition  contemporaine.  Bien  des 
incertitudes,  il  est  vrai,  bien  des  obscurités  sub- 
sistent encore  :  d'oili  vient,  par  exemple,  cet 
éloignement  postérieur  du  type  pallium  ?  d'où, 
ces  disques  et  ces  pendants  ?  pourquoi  cette 
richesse  d'ornementation  dans  le  rational,  quand 
le  pallium  s'est  maintenu  dans  la  simplicité  pri- 
mitive?... Il  n'en  est  pas  moins  constant  que  la 
dissertation  du  Père  Braun  marque  un  progrès 
considérable  dans  l'étude  de  ce  rare  privilège,  et 
les  détails  que  mes  propres  investigations  m'ont 
autorisé  à  y  joindre,  n'ont  fait  qu'en  préciser, 
en  confirmer  les  conclusions.  Plus  tard,  peut-être, 
quelques-unes  des  assertions  qui  viennent  d'être 
exposées,  seront  contredites  par  des  découvertes 
nouvelles  ;  mais  l'ensemble  en  restera,  car  il 
repose,  non  point  sur  des  généralisations  hâ- 
tives, mais  bien  sur  une  pénétrante  analyse 
des  documents,  sur  une  induction  solidement 
appuyée  par  des  faits. 

Eug.  M.A.RTIN. 
Docteur-ès-Lettres. 


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"smm^mm^m  Correspondance. 


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--— — '^  France. 

Le  Lude  (Sarthe),  ce  21  nov.  1903. 
Monsieur  le  Directeur, 

ANS  le  dernier  numéro  de  la  Revue  de 
l'Art  chrétien  vous  publiez  un  article 
de  feu  Mgr  de  Montault  :  €  La  Vierge 
de  Partheiiay  »,  sur  lequel  je  veux 
attirer  votre  attention.  Votre  collaborateur  place 
Ligron,  dont  est  originaire  la  statuette  de  Par- 
thenay,  en  Bretagne.  Or  Ligron  est  un  petit  vil- 
lage de  la  Sarthe  (680  liab.),  de  l'arrondissement 
de  La  Flèche  et  du  canton  de  Malicorne.  Avant 
1789,  cette  paroisse,  du  doyenné  de  Clermont- 
Gallerande  et  de  l'archidiaconé  de  Sablé,  appar- 
tenait au  diocèse  d'Angers. 

Depuis  le  XIII<'  siècle  des  poteries  de  terre  se 
fabriquaient  à  Ligron,  puisqu'à  cette  époque  les 
potiers  sont  tenus,  collectivement,  à  une  rede- 
vance de  100  boisseaux  d'avoine  envers  le  sei- 
gneur de  Château-Sénéchal  pour  avoir  droit  de 
fouiller  de  la  terre  à  poterie  sur  ses  domaines. 
Deux  hameaux  seulement,  Bellouse  et  La  Croix, 
confectionnent  ces  poteries.  Au  début  du  XIX'' 
siècle,  la  poterie  occupait  12  fourneaux.  Le  nom- 
bre en  est  moins  grand  aujourd'hui.  Cette  fabri- 
cation a  donné,  au  milieu  de  produits  vulgaires, 
quelques  œuvres  d'une  bonne  facture  parmi  les- 
quelles de  nombreuses  statues  identiques  à  celle 
de  Partlienaj'  que  l'on  retrouve  dans  les  pays 
circonvoisins. 

Quant  à  la  «  coutume  pieuse  »  dont  parle  plus 
loin  le  même  auteur,  je  dois  dire  qu'elle  devient 
de  plus  en  plus  rare  au  diocèse  du  Mans.  Elle  y 
existe  encore  cependant,  notamment  à  MaroUes- 
les-Braults,  où,  chaque   année,  les   confrères    de 


Saint-Sébastien  élisent  un  roi,  une  reine  et  un 
dauphin.  A  ces  dignitaires  revient  l'honneur  de 
porter,  dans  les  cérémonies  extérieures,  le  bâton 
de  la  confrérie.  A  Marolles  ce  bâton  consiste  en 
une  petite  chapelle  où  le  Saint  est  renfermé. 
Ailleurs,  une  statuette  seulement  surmonte  la 
hampe.  Ce  dernier  cas  explique  peut-être  le  dou- 
ble trou  constaté  sur  la  statuette  de  Parthenay 
par  M.  de  Montault.  Mais  j'ai  constaté  le  même 
fait  sur  presque  toutes  les  statues  ligronnaises,  et 
toutes,  vraisemblablement,  ne  pouvaient  servir 
aux  confréries  :  elles  se  plaçaient  ordinairement 
dans  le  creux  des  arbres,  dans  une  cavité  pra- 
tiquée aux  croix  de  carrefours  ou  ailleurs.  Ce- 
pendant la  statuette  de  Notre-Dame  du  Chêne, 
celle-là  même  qui  fut  placée  par  James  Buret  en 
1494,  est  en  bois  grossièrement  .sculpté.  Or  Notre- 
Dame  du  Chêne  n'est  pas  éloignée  de  Ligron. 

Je  tiens  aussi  à  faire  constater  que  dans  la 
pensée  des  potiers  ligronnais  les  deux  trous,  — 
quand  ils  existent  tous  deux  à  la  fois,  ce  qui  est 
rare,  —  devaient  servir  à  enfoncer  le  bâton  de 
procession  tout  entier,  de  telle  sorte  que  l'extré- 
mité dépasse  par  le  trou  supérieur.  La  pensée 
du  bouquet  mystique  était  donc  loin  de  leur 
esprit  (i). 

Veuillez  agréer,  Monsieur  le  Directeur,  l'ex- 
pression de  mon  respect. 

Louis  Calendini,  pr. 


I.  Depuis  l'envoi  de  celte  lettre,  les  Aiitiates  Fléchoi^es.  t.  II. 
p.  377,  ont  signalé  cet  article  de  la  Revue  de  t Art  chrétien.  L'auteur 
de  la  note  dit  en  outre  avoir  trouvé  à  La  Flèche,  une  statuette  de 
Ligron,  adossée  au  mur  du  jardin  d'une  maison  du  XVI 11'=  siècle. 
«  Toute  plate  du  dos,  dit-il,  pour  s'appuyer  à  une  surface  plane, 
elle  est  aussi  percée  à  la  base  et  à  la  hauteur  des  deux  épaules,  sous 
la  nuque.  Ce  dernier  trou  servait  à  retenir  la  statue  au  mur  ;  c'est, 
je  crois,  la  meilleure  destination  qu'on  puisse  lui  supposer.  » 


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Société  Nationale  des  Antiquaires  de 
France.  ^  Séance  du  2J  octobre  içoj.  — 
M.  F.  de  Mély  fait  une  communication  sur  une 
image  du  Christ  qui,  d'après  la  légende,  avait 
été  apportée  à  Rome  par  les  flots  et  aujourd'hui 
conservée  au  Sancto  Sanctorum. 

M.  Evrard  présente  un  livre  d'heures  manus- 
crit du  XV'^  siècle,  d'origine  parisienne,  con- 
tenant des  miniatures  et  des  armoiries  qui  n'ont 
pas  été  identifiées  jusqu'à  présent. 

Séance  du  4.  novembre. —  Monsieur  Coûte!  en- 
tretient la  Société  de  ses  fouilles  à  Pau-sur-Eure. 

Monsieur  Lauer  identifie  le  nom  Calaus,  oià 
eut  lieu  la  bataille  de  924,  soit  avec  Clialmont 
soit  avec  Chalot  St-Rais,  près  d'Étampes. 

Monsieur  Fallu  de  Lessert  parle  des  décou- 
vertes qui  ont  eu  lieu  récemment  à  Mouvion  en 
Triniche  (Oise). 

Monsieur  Cagnat  présente  la  copie  d'une  in- 
scription latine  découverte  à  Narbonne. 

Monsieur  Héron  de  Villefosse  communique 
une  inscription  latine  trouvée  à  Alice  Ste-Reine. 
Il  annonce  que  l'église  de  St-Gauberge  à  Nogent- 
le-Rotrou  vient  d'être  classée  comme  monument 
historique. 

Séance  du  11  vovembre.  —  M.  Maurice  lit  une 
étude  relative  à  l'apparition  du  labaruui  sur  les 
monnaies  constantiniennes. 

M.  Héron  de  Villefosse  communique  des  notes 
de  M.  Gerin  Ricard  sur  un  vase  grec  de  Marseille, 
et  de  Mgr  Toulotte.sur  un  point  obscur  de  la  géo- 
graphie africaine  ;  il  présente  des  photographies 
envoyées  de  Tolède  par  M.  Valverd  y  Pirabî. 

M.  Durand  Greville  soumet  à  la  Société  une 
tête  en  bois  ayant  fait  partie  d'une  statue  de  la 
Vierge,  œuvre  du  XV^  siècle. 

Séance  du  18  novembre.  —  M.  Rodocanachi  lit 
une  notice  sur  l'origine  du  Musée  du  Capitole. 

M.  Cagnat  attire  l'attention  sur  des  papyrus 
d'Oxyrinchus  contenant  des  fragments  de  mimes 
de  l'époque  romaine. 

M.  le  comte  Durrieu  indique  les  rapproche- 
ments à  faire  entre  divers  monuments  de  l'art 
français,  notamment  le  bas-relief  de  la  Ferté- 
Milon  et  la  miniature  du  couronnement  de  la 
Vierge  dans  le  livre  d'heures  du  duc  de  Berry 
du  Musée  Coudé  à  Chantilly. 

M.  Monceau  lit  une  note  sur  les  Acta  Marcelli 
contenus  dans  les  actes  des  Martyrs. 

Séance  du  2  décembre.  —  La  Société  procède 
au  renouvellement  de  son  bureau  pour  1904: 


M.  le  comte  Durrieu,  président. 

MM.  Bouchât  et  Omont,  vice-présidents. 

M.  Valois,  secrétaire. 

M.  P.  Girard,  secrétaire-adjoint. 

M.  Blanchet,  trésorier. 

M.  Prou,  bibliothécaire. 

M.  Cagnat  communique  une  note  de  M. 
Gauckler  sur  une  inscription  romaine,  donnée 
au  Musée  du  Bardo  par  M.  Alix,  professeur  au 
Lycée  Carnet  de  Tunis. 

M.  Lauer  fait  une  communication  sur  la  numé- 
rotation grecque  dans  les  manuscrits  des  annales 
de  Flodoard. 

Séance  du  g  décembre.  —  M.  Marquet  de  Vas- 
selot  présente  des  petits  bronzes  du  moyen  âge 
faisant  partie  d'une  série  offerte  au  Musée  du 
Louvre  par  M.  Jules  Maciet. 

M.  Fallu  de  Lesser  fait  une  communication  sur 
ime  inscription  de  Guelma  relative  au  proconsul 
d'Afrique  Flavius  Eucsinius. 

Séance  du  16  décembre.  —  M.  Baleau  lit  une 
note  sur  les  anciens  fossés  du  Palais  du   Louvre. 

M.  Vitry  lit  une  communication  de  M. 
Gauckler  relative  au  tombeau  des  Laubespine 
dans  la  cathédrale  de  Bourges. 

M.  Monceau  entretient  la  Société  de  la  station 
thermale  d'Kammanfif  en  Tunisie. 

Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres.  —  Séance  du  ç  octobre  içoj.  — ■  M.  Gau- 
ckler expose  les  progrès  de  l'exploration  métho- 
dique des  restes  de  la  domination  romaine  qu'il 
a  entreprise  dans  le  Sud  de  la  Tunisie.  Il 
mentionne  que  les  lieutenants  Goulon  et  Mo- 
reau  ont  poursuivi  cette  année  les  recherches 
relatives  au  limes  iripolitanus,  en  déblayant, d'une 
part,  le  camp  de  la  septième  cohorte  à  Thalet,  et 
de  l'autre,  dans  la  vallée  de  l'Oued  Gordab. 

Le  capitaine  Donan  a  déterminé  avec  précision 
le  tracé  de  la  grande  route  stratégique  de  Gabès 
à  Tébessa  dans  sa  partie  médiane  entre  Açute 
Tacapitance  et  Gafsa,  à  travers  le  chott  Fedjedj. 
Il  a  retrouvé,  encore  en  place,  une  cinquantaine 
de  bornes  milliaires  qui  nous  renseignent  de  la 
façon  la  plus  complète  sur  cette  importante  artère. 

Le  principal  effort  de  la  Direction  des  anti- 
quités de  Tunisie  a  été  porté  sur  le  port  de  Gighti, 
où  les  fouilles  ont  déjà  pris  un  développement 
comparable  à  celles  de  Timgad.  Les  travaux  ont 
été  conduits,  cette  année,  par  MM.  Sadoux, 
inspecteur  des  antiquités,  et  les  lieutenants 
Chauvin  et  Jeangérard. 


Crat)au;c  des  Sociétés  satjantes. 


49 


Les  fouilles  ont  mis  à  jour  :  le  Forum,  l'un  des 
plus  complets  que  l'on  connaisse  ;  le  macellum 
ou  marché,  les  thermes  publics  pavés  de  belles 
mosaïques,  de  fort  belles  sculptures,  notamment 
des  têtes  colossales  de  Sérapis  et  d'Hercule,  des 
statues  de  la  Concorde,  de  Cybèle,  ainsi  qu'un 
grand  nombre  de  dédicaces  qui  fournissent  des 
indications  circonstaticiées  sur  l'histoire  muni- 
cipale de  Gighti  et  sur  les  hauts  fonctionnaires 
de  l'empire. 

Séance  du  2^  octobre.  —  M.  E.-F.  Gautier  fait 
une  communication  sur  des  découvertes  archéo- 
logiques et  épigraphiques  faites  au  cours  d'un 
voyage  au  Sahara.  Il  a  découvert  une  inscription 
hébraïque  provenant  du  Touat  et  qui  a  été 
traduite  par  M.  P.  Berger  et  des  gravures  rupes- 
tres  provenant  des  montagnes  touareg.  La  pré- 
sence du  chameau  prouve  que  ces  gravures  sont 
postérieures  au  X'II"  siècle  après  Jésus-Christ. 
Il  semble  que  ce  soit  un  témoignage  du  refoule- 
ment progressif  vers  le  Sud  d'une  race  ou  d'un 
état  de  civilisation. 

M.  de  Mathuisieulx  expose  à  l'Académie  les 
résultats  de  son  voyage  archéologique  en  Tri- 
politaine. 

En  suivant  des  itinéraires  que  nul  explorateur 
n'avait  parcourus  avant  lui,  il  a  pu  visiter  les 
ruines  de  Sabratha  maritime,  l'un  des  trois  em- 
poria  phénico-romains  qui  ont  valu  son  nom  à 
la  Tripolitaine  ;  puis  les  ruines  d'une  Sabratha 
intérieure  dont  certains  historiens  avaient  nié 
l'existence. 

Dans  le  Djebel,  M.  de  Mathuisieulx  a  identifié 
trois  stations  du  lunes  tripolitaitus,  d'après  l'itiné- 
raire d'Antonin  :  Thamascaltin,  Thenteos  et 
Asrou.  Il  a  trouvé,  en  outre,  une  des  voies  an- 
ciennes de  pénétration  vers  le  Fezzan,  celle  de 
Rabta,  Djendouba,  Elmina  Ragda  et  Skiffa. 
Enfin  la  mission  a  découvert  une  très  dense 
colonisation  romaine  le  long  des  Ouadi  Soffedjin, 
Zemzem,  Refed,  Beni-Oullid.  Dans  cette  région, 
les  nécropoles  de  Ghirza  dépassent  en  beauté 
tout  ce  qu'on  retrouve  dans  cette  partie  de 
l'Afrique. 

M.  Ed.  Pottier  continue  la  lecture  de  divers 
extraits  de  son  travail  sur  la  céramique  grecque. 
Le  chapitre  qu'il  communique  a  pour  titre  :  «  Le 
canon  des  proportions  des  Attiques. 

Séance  du  jo  octobre.  —  M.  Ed.  Pottier  con- 
tinue la  lecture  d'un  chapitre  de  son  catalogue 
des  vases  peints  antiques  au  Louvre.Cette  partie 
est  relative  à  la  condition  sociale  des  fabricants 
de  vases  attiques. 

M.  Heuzey  offre  à  l'Académie,  de  la  part  de 
M.  Thureau-Dangin,  un  travail  intitulé  Recueil 
de  tablettes  ckaldéennes,  qui  constitue,  avant  tout. 


dit-il,  une  édition  de  textes  originaux  et  une 
monographie  des  plus  utiles  pour  les  études 
assyriologiques. 

Séance  du  22  novembre.  —  M.  Homolle,  di- 
recteur de  l'Ecole  française  d'Athènes,  donne 
lecture  de  deux  lettres  émanant  l'une  du  duc  de 
Loubat,  dans  laquelle  le  généreux  correspon- 
dant de  la  Compagnie  annonce  qu'il  met  à  la 
disposition  de  la  Commission  des  fouilles  de 
Délos  une  nouvelle  somme  de  cinquante  mille 
francs,  l'autre  de  M.  Goekoop,  de  La  Haye,  an- 
nonçant qu'il  fait  don  à  la  section  néerlandaise 
de  l'École  d'Athènes  d'une  somme  de  dix  mille 
francs  pour  entreprendre  des  fouilles  sur  l'empla- 
cement de  l'ancienne  Ithaque. 

M.  Finot,  directeur  de  l'École  française  de 
l'Indo-Chine,  communique,  par  l'entremise  de 
M.  Sénort,  une  photographie  d'une  parure  en  or 
qui  vient  d'être  découverte  au  cours  de  fouilles 
à  proximité  de  My  Son  en  Indo-Chine. 

Tous  ces  objets,  diadème,  gorgerin,  bracelets, 
etc.,  étaient  probablement  destinés  à  orner  une 
statue  divine  aux  jours  de  cérémonie.  Ils  parais- 
sent contemporains  du  X^  siècle. 

M.  S.  Reinach  entretient  l'Académie  d'un  mé- 
moire de  M.  Bruno  Sauer,  relatif  à  une  tête  en 
marbre  qui  appartient  aujourd'hui  à  M.  le  mar- 
quis de  Laborde  et  qui  a  été  identifiée  par  le 
savant  allemand  avec  celle  de  la  déesse  Arté- 
mis,  du  fronton  oriental  du  Parthénon. 

M.  Ed.  Pottier  donne  lecture  d'une  lettre  de 
M.  Perdrizet  relative  à  un  des  monuments  les 
plus  intéressants  qui  aient  été  trouvés  en  Crète. 
Il  s'agit  d'un  relief  sur  un  carafon  de  pierre  pro- 
venant des  fouilles  de  Phaestos,  qui  représente 
une  troupe  de  soldats  armés  de  lances  fourchues, 
conduits  par  un  chef  couvert  d'une  cuirasse 
imbriquée  et  précédé  d'un  peloton  de  chanteurs 
et  de  musiciens. 

M.  Pottier  achève  aussi  la  lecture  du  chapitre 
extrait  de  son  catalogue  des  vases  du  Louvre  et 
intitulé  :  La  condition  sociale  des  fabricants  de 
vases. 

Séance  du  2j  novembre.  —  L'Académie  procède 
à  la  désignation  de  deux  candidats  à  la  chaire 
de  littérature  française  du  moyen  âge  ;  sont 
désignés  MM.  Bedier  et  Jeanroy. 

M.  Rodocanachi  lit  un  travail  sur  la  fondation 
des  musées  capitolins. 

Séance  du  /  décembre.  —  M.  Héron  de  Ville- 
fosse  communique  une  lettre  de  M.  le  docteur 
Carton,  datée  de  Sousse,  le  27  novembre,  et 
relative  à  la  découverte  de  catacombes  chrétien- 
nes. Les  fouilles,  entreprises  par  la  Société 
archéologique  de  Sousse  depuis  quelques  jours  à 


KRVUK   UB    l'art   chrétien. 
1904-    —    1"^   — LIVRAI-iON 


50 


3Rebue  be  r^rt  chrétien. 


peine,  sont  dirigées  par  M.  l'abbé  Leynaud  avec 
le  plus  grand  dévouement. 

L'ensemble  de  ce  qui  a  été  reconnu  jusqu'ici 
comprend  trois  galeries  de  40  mètres  chacune. 
On  a  commencé  à  dégager  une  de  ces  galeries. 
Le  couloir,  d'un  mètre  de  large,  présente  sur  ses 
deux  parois  cinq  étages  de  loculi;  —les  trois  supé- 
rieurs ont  été  violés  ;  les  deux  inférieurs  sont 
intacts.  Le  squelette  y  est  étendu  de  tout  son 
long,  sur  le  dos,  les  bras  collés  au  corps. 

Chaque  loculus  est  fermé  par  quatre  tuiles  sur 
lesquelles  a  été  posé  un  enduit  de  plâtre  ;  sur  cet 
enduit  sont  gravés  des  symboles,  des  caractères. 
L'aspect  de  cette  galerie  rappelle,  de  lamanière  la 
plus  frappante,  celle  de  la  nécropole  de  Saint- 
Calixte  à  Rome. 

—  M.  Oppert  fait  une  communication  au  sujet 
des  fouilles  entreprises  par  la  Société  orientale 
allemande  sur  les  ruines  de  Babylone. 

Cette  Société  se  proposait  de  dégager  ce  qui 
reste  du  palais  de  Nabuchodonosor,  dans  le  but, 
semble-t-il,  de  trouver,  dans  cette  exploration, 
la  confirmation  impossible  des  faits  non  histori- 
ques relatés  dans  le  livre  de  Daniel.  M.  Frédéric 
Delitszch,  dans  un  discours  qu'il  a  prononcé 
devant  la  cour,  a  prétendu,  sans  aucune  raison, 
qu'Hérodote  s'était  trompé  et  avait  induit 
M.  Oppert  en  erreur  au  sujet  de  l'étendue  de 
Babylone. 

M.  Oppert  démontre  que  les  résultats  de  cal- 
culs qu'il  a  faits  sur  le  terrain  sont  d'accord  avec 
les  témoignages  de  tous  les  auteurs  anciens  et 
avec  les  textes  cunéiformes.  L'exploration  alle- 
mande n'a  révélé  aucun  fait  qui  puisse  de  près  ou 
de  loin  infirmer  ces  témoignages  des  anciens. 

M.  Léon  Heuzey  entretient  l'Académie  de  la 
reprise  des  fouilles  de  Tello,  dans  l'ancienne 
Chaldée,  interrompues  par  la  mort  de  M.  de 
Sarzec  et  confiées  aujourd'hui  à  un  officier  de 
mérite,  M.  le  capitaine  Cros,  que  plusieurs  mis- 
sions topographiques  ont  familiarisé  avec  la 
vie  du  désert  et  le  maniement  des  populations 
arabes.  La  haute  bienveillance  du  gouvernement 
ottoman  assure  à  ces  nouvelles  recherches  une 
protection  efficace,  profitable  à  la  science  et  au 
progrès  de  nos  collections  chaldéennes.  La  mis- 
sion, au  lieu  de  s'établir,  comme  précédemment, 
sur  le  canal  du  Chott-el-Haï,  a  réussi  à  s'installer 
en  plein  désert,  au  milieu  même  des  ruines  et  à 
donner  ainsi  à  la  conduite  des  travaux  une  pré- 
cision méthodique. 

Dans  une  première  communication,  M.  Heuzey 
insiste  surtout  sur  la  découverte  faite  par  le 
capitaine  Cros  d'une  petite  statue  de  Goudea 
qui  a  été  trouvée  décapitée,  comme  toutes  celles 
que  nous  possédons  de  ce  chef  chaldéen.  Mais  à 
celle-ci,  par  une  rencontre  des  plus  heureuses,  se 
rajuste  une  remarquable  tète  à  turban,  exhumée, 


il  y  a  plusieurs  années,  par  M.  de  Sarzec.  Nous 
pouvons  donc  voir  aujourd'hui  une  statue  de 
Goudea  complète,  exposée  j  côté  de  ces  grands 
cylindres  historiques,  près  de  sa  masse  d'armes 
sculptée  et  de  son  vase  à  libations. 

L'inscription  copiée  et  traduite  pour  la  mis- 
sion par  M.  François  Thureau-Dangin,  consacre 
la  statue  au  patron  personnel  de  Goudea,  au  dieu 
Minghiszida,  fils  du  dieu   Ninazou. 

Séance  du  11  décembre.  —  M.  Héron  de  Ville- 
fosse  communique  une  lettre  informant  l'Aca- 
démie que  le  R.  P.  Delattre  vient  de  découvrir 
un  grand  sarcophage  de  marbre  blanc  dans  un 
étroit  caveau  de  13  mètres  environ  de  profondeur. 

Ce  sarcophage  ayant  été  ouvert,  le  corps  du 
personnage  mort  a  été  trouvé  déposé  dans  la  cuve 
sur  une  épaisse  couche  de  sable.  Sur  le  côté 
droit  il  portait  une  boîte  aux  monnaies.  Celles-ci 
étaient  au  nombre  de  sept  du  type  connu  avec  le 
palmier  au  revers.  On  a  également  trouvé  un 
anneau  d'or. 

Le  fronton  du  sarcophage  porte  comme  orne- 
ment peint  une  palmette  entre  les  rinceaux  rem- 
plissant le  champ.  Les  moulures  de  la  cuve  sont 
décorées  d'or  et  d'ornements. 

Congrès  des  Sociétés  savantes.  —  Voici  un 
extrait  de  programme  du  prochain  Congrès  de 
la  Sorbonne,  en  ce  qui  concerne  la  matière  in- 
téressant nos  lecteurs. 

Archéologie  du  moyen  âge. 

15"  Donner,  avec  plans  et  dessins  à  l'appui,  la  descrip- 
tion des  édifices  chrétiens,  réputés  antérieurs  à  la  pério- 
de romane. 

16"  Signaler  les  monuments  chrétiens  antérieurs  au  XI'= 
siècle  ;  rechercher  en  particulier  les  inscriptions,  les 
sculptures,  les  verres  gravés,  les  objets  d'orfèvrerie  et  les 
pierres  gravées. 

17"  Étudier  les  monnaies  féodales  de  la  France,  sur- 
tout à  l'aide  des  documents  d'archives  ;  faire  connaître 
ceu-x  de  ces  documents  qui  seraient  inédits  et  les  com- 
menter. 

1 8°  Relever  les  noms  des  chapitres,  abbayes  et  prieurés 
ayant  eu  sur  la  fabrication  de  la  monnaie  des  droits 
complets  ou  restreints  ;  déterminer  la  date  de  ces  droits 
et  leur  origine. 

19"  Étudier  les  jetons  des  Corporations  et  des  États 
provinciaux. 

Se  référer,  à  titre  de  comparaison,  au  travail  de  M.  E. 
Bonnet  :  Les  jetons  des  Etits  généraux  de  I.nns^itedoc, 
inséré  dans  le  Bullelin  arcliéologique  du  Comité  des  tra- 
7iatix  historiques  et  scientifiques^  1899,  p.  241  à  329. 

20"  Décrire  les  sceaux  conservés  dans  les  archives  pu- 
bliques ou  privées  ;  accompagner  cette  description  de 
moulages  ou  au  moins  de  photographies. 

21"  Étudier  les  caractères  qui  distinguent  les  diverses 
écoles  d'architecture  religieuse  à  l'époinie  romane,  en 
s'attachant  à  mettre  en  relief  les  éléments  constitutifs 
des  monuments  (plans,  voûtes,  etc.). 

Cette  question,  pour  la  traiter  dans  son  ensemble,  sup- 
pose une  connaissance  générale  des   monuments  de  la 


Cratîaui:  Des  Sociétés  satjantes. 


France,  qui  ne  peut  s'acquérir  que  par  de  longues  études 
et  de  nombreux  voyages.  Aussi  n'est-ce  point  ainsi  que 
le  Comité  la  comprend.  Ce  qu'il  désire,  c'est  provoquer 
des  monographies  embrassant  une  circonscription  don- 
née :  par  exemple  un  département,  un  diocèse,  un  arron- 
dissement, et  dans  lesquelles  on  passerait  en  revue  les 
principaux  monuments  compris  dans  cette  circonscrip- 
tion, non  pas  en  donnant  une  description  détaillée  de 
chacun  d'eux,  mais  en  cherchant  à  dégager  les  éléments 
caractéristiques  qui  les  distinguent  et  qui  leur  donnent 
un  air  de  famille.  Ainsi  on  s'attacherait  à  reconnaître  quel 
est  le  plan  le  plus  fréquemment  adopté  dans  la  région  ; 
de  quelle  façon  la  nef  est  habiuiellement  couverte  (char- 
pente apparente,  voûte  en  berceau  plein  cmtre  ou  brisé, 
croisées  d  ogives,  coupoles)  ;  comment  les  bas-côtés  sont 
construits,  s'ils  sont  ou  non  surmontés  de  tribunes,  s'il 
y  a  des  fenêtres  éclairant  directement  la  nef  ou  si  le  jour 
n'entre  dans  l'église  que  par  les  fenêtres  des  bas-côtés  ; 
quelle  es;  la  naiure  des  matériaux  employés;  enfin  s'il  y 
a  un  style  d'ornementation  particulier,  si  certains  détails 
d'ornement  sont  employés  d'une  façon  caractéristique  et 
constante,  etc. 

22°  Rechercher,  dans  une  contrée  déterminée,  les  mo- 
numents de  l'architecture  militaire  en  France  aux  diver- 
ses époques  du  moyen  âge  ;  signaler  les  documents 
historiques  qui  peuvent  servir  à  en  déterminer  la  date  ; 
accompagner  les  communications  de  dessins  et  de 
plans. 

23°  Signaler,  dans  chaque  région  de  la  France,  les 
centres  de  fabrication  de  l'orfèvrerie  pendant  le  moyen 
âge  ;  indiquer  les  caractères  et  tout  spécialement  les 
marques  et  poinçons  qui  permettent  d'en  distinguer  les 
produits. 

Il  existe  dans  un  grand  nombre  d'églises  des  reliquai- 
res, des  croix  et  autres  objets  d'orfèvrerie  qui  n'ont  pas 
encore  été  étudiés  convenablement,  qui  bien  souvent 
même  n'ont  jamais  été  signalés  à  l'attention  des  archéo- 
logues. Il  convient  de  rechercher  ces  objets,  d'en  dresser 
des  listes  raisonnées,  d'en  retracer  l'histoire,  de  découvrir 
où  ils  ont  été  fabriqués,  et,  en  les  rapprochant  les  uns  des 
autres,  de  reconnaître  les  caractères  propres  aux  diffé- 
rents centres  de  production  artistique  au  moyen  âge. 

24"  Décrire  et  photographier  les  anciens  tissus,  quelle 
que  soit  leur  origine,  conservés  dans  les  églises,  les  mu- 
sées ou  les  collections  particulières. 

25°  Recueillir  les  documents  écrits  ou  figurés  intéres- 
sant l'histoire  du  costume  pour  les  diverses  classes  de  la 
société  dans  une  région  déterminée. 

Au  moyen  âge,  il  y  avait  dans  beaucoup  de  provinces 
des  usages  spéciaux  qui  influaient  sur  les  modes.  Ce  sont 
ces  particularités  locales  qu'on  n'a  guère  étudiées  jus- 
qu'ici. Il  serait  intéressant  d'en  rechercher  la  trace  sur 
les  monuments. 

26°  Signaler  les  carrelages  de  terre  vernissée,  les  do- 
cuments relatifs  à  leur  fabrication,  et  fournir  des  calques 
des  sujets  représentés  et  de  leurs  inscriptions. 

27"  Faire  par  région,  par  ville,  ou  par  édifice,  le  recueil 
des  pierres  tombales  et  inscriptions  diverses,  publiées  ou 
non  :  accompagner  ce  recueil,  autant  que  possible,  d'es- 
tampages ou  de  dessins. 

Consulter,  à  titre  comparatif  :  F.  de  Guilhermy  et  R. 
de  Lasteyrie,  Inscriptions  de  la  France  du  l'"  au  XVIII' 
siècle  ;  ancien  diocèse  de  Paris;  —  Quesvers  et  Stein, 
Catalogue  des  inscriptions  de  l'ancien  diocèse  de  Sens. 

Société  d'archéologie  de  Bruxelles.  —  Le 
tome  17=  débute  par  une  étude  de  M.  J.  Des- 
trée,  vraiment  savoureuse,  sur  le.s  tapisseries  qui 
furent  exposées  en  1900  au  Petit  palais,  à  Paris  ; 


le  compte-rendu  vient  tard,  mais  il  est  tout  de 
même  bien  venu.  C'est  un  aperçu  de  l'histoire  de 
la  tapisserie  à  ses  débuts,  enrichi  d'observa- 
tions compétentes,  tendant  à  la  détermination 
des  origines  des  chefs-d'œuvre  dont  il  s'agit. 
L'histoire  commence  au  XIV=  siècle,  qui  vit 
fleurir,sinon  naître,  les  fameux  ateliers  de  haute- 
lisse  de  Paris  et  d'Arias  ;  les  plus  anciens 
spécimens  connus  sont  :  La  Présentation  de 
Jésus-Christ  au  temple,  conservée  au  inusée  du 
cinquantenaire  de  Bruxelles,  qui  a  des  affinités 
avec  les  miniatures  d'Anchi  Beauneveu,  et  la 
fameuse  tenture  de  Y  Apocalypse,  publiée  pour  la 
première  fois,  par  M.  L.  Farcy,  dans  la  Revue 
de  r  Art  chrétien  {^);e\\ts  sont  de  Jean  Bataille  et 
Jean  deBruges.De  la  même  époque  est  la  fameuse 
tenture  de  la  légende  de  saint  Piat  et  de  saint 
Éleuthère  à  Tournai,  apparentée  à  l'art  des  Van 
Eyck  Passant  au  XV<=  siècle,  l'auteur  passe  en 
revue  les  inerveilleuses  tapisseries  de  Sens, 
ainsi  que  celles  de  l'hôpital  de  lîeaune,  dont 
nous  nous  sommes  délectés,  il  y  a  quelques  se- 
maines, les  unes  et  les  autres  bien  flamandes. 
M.  Destrée  incline  à  attribuer  à  Bruxelles  la 
merveilleuse   Adoration  des  Mages  de   Sens. 

Signalons  encore  Y  Ascension,  d'Aix  en  Pro- 
vence, flamande  aussi. Quant  à  Xa  Judith  et  Holo- 
pherne  du  même  trésor,  il  réfute  l'attribution  que 
M.  Soil  en  a  faite  à  Tournai  ;  il  refuse  également 
à  l'archéologue  tournaisien  la  Vie  de  saint  Remy 
de  Reims.  Un  véritable  bijou,  est  le  morceau 
de  tapisserie  brabançonne  appartenant  à  M. 
Schutz,  où  l'on  voit  l'homme,  recevant  les  armes 
pour  la  lutte  de  la  Vie,  de  la  Miséricorde,  de  la 
Foi  et  de  la   Paix. 

Un  chapitre  spécial  est  consacré  à  l'exposition 
du  pavillon  d'Espagne,  avec  la  suite  de  Y  His- 
toire de  la  Vierge,  de  l'école  de  Quentin  Metsys, 
\a.Messe  deS  Grégoire,œ\\WYe.  brabançonne  comine 
le  Chemin  du  Calvaire,  due  à  Aelst  d'Enghien, 
la  Passion  attribuée  à  Quentin  Metsys. 

(N°s  I  n  et  IV, 1903).  M. le  comte  Gandini,  con- 
servateur au  musée  civique  de  Modène,  a  étudié 
l'étoffe  d'or  et  de  soie  polychrome,  découverte 
en  1900  au  monastère  St- Pierre,  et  il  croit  qu'il 
s'agit  d'un  tissu  byzantin  ayant  servi  à  enve- 
lopper des  reliques  ;  il  est  de  même  texture  que 
certaines  pièces  du  musée  du  Cinquantenaire  de 
Bruxelles. 

M.I.Errera,qui  rompt  une  lance  avec  l'archéo- 
logue italien,  croit  à  une  provenance  arabe,  et 
classe  le  trésor  parmi  les  tapisseries. 

Nous  avons  jadis  rendu  compte  d'un  travail 
considérable  de  M.  P.  Saintenoy,  consacré  à  l'his- 
toire et  surtout  à  la  classification  des  fonts  bap- 
tismaux (2).  L'auteur  ajoute   à   cette    laborieuse 


1.  V.   Revue  de  l' Art  chrétien,  année  1890,  p.   156. 

2.  Prolégomènes,  Revue  de  l'A}/  chrétien,  année  i£ 


.  P-  ,S23- 


52 


WitWt  tie  r^rt  cbtctien. 


étude  quelques  notes  additionnelles.  En  rendant 
compte  de  la  première  étude  de  M.  Saintenoy, 
nous  avons  reproduit  d'après  lui  le  baptistère 
de  Nocera  (').  Celui-ci  offre  la  piscine  à  bord 
saillant  avec  degrés,  et  le  ciborium  sur  co- 
lonnes ;  c'est  le  type  antique.  A  St-Jean  in  fonte 
de  Ravenne  (  Vesiècle),la  piscine  est  devenue  une 
grande  cuve,  et  l'on  voit  aux  angles  de  celle-ci 
les  vestiges  des  colonnes  disparues  de  l'édicule.  A 
Pise  (XlIIe  s.),  on  retrouve  la  même  cuve,  mais 
toute  trace  de  colonnettes  a  disparu  ;  la  piscine 
à  immersion  contient  d'ailleurs  quatre  cuves  pour 
le  baptême  par  infusion. De  la  piscine  à  bords  sail- 
lants, M.  S.  passe  à  la  margelle,  comme  celle  du 
puits  de  Murano  et  autres  qu'il  a  observées  à 
Venise,  et  dans  lesquelles  il  reconnaît,  non  pas 
des  fonts,  mais  des  copies  de  fonts,  imitées  même 
avec  leurs  emblèmes  religieux.  Les  fonts  margelli- 
formes  se  maintinrent  longtemps  en  Italie;  notre 
auteur  en  a  relevé  de  nombreux  exemples. 

Signalons  en  outre  la  suite  d'une  étude  très 
creusée  de  M.  J.  Capart  sur  les  débuts  de  l'art  en 
Egypte. 

La  Société  archéologique  d'Eure-et-Loir. 
—  Cette  société,  fondée  au  mois  de  mai  1856  par 
A.  de  Caumont,  se  prépare  dès  à  présent  à  célé- 
brer en  1906  le  cinquantenaire  de  sou  existence. 
A  cet  effet,  elle  a  élaboré  un  programme  de 
sujets  à  traiter  en  vue  de  cette  solennité,  et  invite 
les  érudits  à  se  mettre  dès  maintenant  à  l'œuvre. 
Voici  quelques-unes  des  questions  posées  : 

Eglises  romanes  du  diocèse  de  Chartres. 

Origines  de  la  cathédrale  de  Chartres. 

Sculpteurs  du  tour  du  chœur  de  Chartres  (biographie, 
marchés,  œuvres). 

Œuvres  d'art  des  musées  de  Chartres  (choix,  attribu- 
tion d'auteur). 

Corporations.  —  Métiers.  —  Poterie  d'étain. 

Manuscrits  de  la  bibliographie  municipale  de  Chartres 
(écriture,  enluminure). 

hnprimerie  et  librairie  chartraines. 

Biographie  d'Eure-et-Loir.  Armoriai  chartrain  (par 
familles  et  par  pièces  de  blason). 

Répertoire  archéologique  d'Eure-et-Loir. 

Glossaires,  cartes  et  plans  As  la  Beauce  et   du  Perche. 

Les  histoires  de  Chartres. 

Guide  archéologique  dans  le  département  d' Eure-et- 
Loir. 

Société  historique  et  archéologique  de 
Périgord.  —  La  Société  a  organisé,  sous  la  direc- 
tion de  son  distingué  président  le  marquis  de 
Fayolle  luie  intéressante  excursion  en  octobre 
dernier.  —  Le  premier  jour  comprenait  la  visite 
de  l'église  de  Marsac,  de  la  petite  ville  de  Saint- 
Astier,  qui  possède  une  église  si  remarquable,  de 
l'église  de  Bruc,  des  belles  ruines  de  Grignols,  du 
château  de  Neuvic,  de  l'église  de  Sourzac,  et  de 


l'église  de  Saint-Médard  de  Mussîdan  dont  le 
curieux  portail  roman  vient  d'être  habiieiuent 
restauré.  Quittant  alors  le  département  de  la 
Dordogne,  les  excursionnistes,  après  avoir  couché 
à  Libourne  (Gironde),  occupèrent  le  lendemain  à 
visiter  cette  ville,  puis  la  vieille  église  de  Saint- 
Martin-de-Mazerat,  et  surtout  la  ville  de  Saint- 
Émilion  très  connue  par  ses  excellents  vins, 
mais  dont  les  antiquités  de  preinier  ordre  offrent 
le  plus  grand  intérêt.  Au  nombre  d'ime  vingtaine, 
les  savants  périgourdins  purent  examiner  à 
loisir,  et  les  anciens  murs  de  ville  du  XIII*= 
siècle,  et  la  collégiale,  et  l'église  monolithe, 
creusée  dans  le  rocher,  et  le  château  du  roi, 
donjon  du  XI 11"  siècle,  et  le  logis  Cardinal 
(XII<^  siècle)  et  le  Clos  des  Cordeliers,  etc.  Cha- 
cun rentra  chez  soi  ravi  de  tout  ce  qu'il  avait  eu 
à  étudier. 

Excursion  en  Bourgogne  de  la  Gilde  de 
Saint-Thomas    et    de    Saint-Luc  (suite)  {}). 

Aperçu  des  ttwnianents. 

Sens  fut  notre  première  étape.  L'ancienne  ca- 
pitale des  Senones  était  une  ville  importante  au 


Abbaye  de  St-Jean  (église  de  l'hôpiial  actuel)  de  Sens.  — 
Une  travée  du  déambulatoire. 

temps  de  César.  Les  Romains  l'embellirent  et  en 
firent  sous  Gratien  la  capitale  de  la  1V'=  Lyon- 
naise. Le  christianisme  y  fut  prêché  de  bonne 


I.  V.  Revue  de  l'Art  chrétien,  1891,  p.  248. 


I.  Voir  la  livraison  de  novembre  1903,  p.  513. 


Cratiaiu*  Des  ^ociétée^  satiantcs. 


53 


heure  par  saint  Savinien  et  saint  Potentien.  L'ar- 
chevêché de  Sens  fut  longtemps  l'un  des  pre- 
miers de  France.  De  son  époque  de  splendeur, 
il  a  gardé  sa  majestueuse  cathédrale  qui  est 
avec  Saint-Denis, l'une  des  premières  productions 
grandioses  de  l'architecture  gothique  à  son  ber- 
ceau. Postérieure  à  Saint-Denis  de  quelques 
années,  elle  est  cependant  moins  parfaite.  On  y 
constate  des  gaucheries,  des  tâtonnements,  des 
disproportions  qui  trahissent  la  période  d'en- 
fance et  des  nouvelles  méthodes. 

La  cathédrale  de  St- Etienne  date  du  XII' siè- 
cle dans  son  ensemble;  à  la  fin  du  XIII<=  siècle 


Plan  de  la  cathédrale  de  Sens  ('). 

on  a  modifié  la  partie  supérieure  des  murs  au- 
dessus  du  triforium, changé  les  fenêtres  et  remanié 
les  voûtes  et  la  chapelle  du  chevet  ;  vers  la 
même  époque  on  a  commencé  les  fondations  du 
faux-transept  (2)  et  élevé  la  façade  principale  sur 
les  fondations  du  XI 1*=  siècle.  Des  treize  chapelles 
dont  le  XI V"-'  siècle  avait  doté  les  bas-côtés  de  la 
cathédrale,  quatre  seulement  ont  échappé  au 
vandalisme  du  XIX^  siècle  (1858).  Vers  la  fin  du 
XV<>  siècle  l'architecte  Chambige  commença  le 
transept  sur  les  substructions  du  XlIIe  siècle. 

Le  plan  de  St-Étienne  comprend  trois  nefs, 
un  transept  simple,  avec  chapelles  orientales 
dans  les   bras,  un  chœur  avec  déambulatoire  et 

1.  D'après  V architecle  E.  Bérard.  II  y  a  erreur  dans  le  tracé  des 
croisées  d'ogives  du  déambulatoire,  qui  ne  sont  pas  en  diagonales. 

2.  Il  n'y  avait  pas  à  proprement  parler  de  transept,  mais  deux- 
portails  latéraux  ouvrant  sur  les  basses  nefs.  VioUei-le-Duc  affirme 
avoir  constaté  la  présence  sous  le  sol  du  transept  des  substructions 
qui  auraient  porté  la  double  colonne  continuant  celles  de  la  nef  et  du 
chœur.  lit  il  en  conclut  que  la  nef  de  Sens  comme  celle  de  Bourges 
n'avait  pas  primitivement  de  croisée.  (Note  de  M.  l'abbé  Chartraire.J 


trois  absidioles  de  chevet.  Dans  la  nef  se  voit, 
rappel  de  l'école  rhénane,  l'alternance  de  gros 
piliers  avec  des  colonnes;  seulement,  chose  cu- 
rieuse, celles-ci  sont  par  couples,  alignées  trans- 
versalement et  soutenant  un  même  abaque  ;  la 
saillie  de  celui-ci  sur  les  arcades  qu'il  reçoit  est 


Autel  dit  de  Salazar. 


démesurée.  Les  voûtes  sont  sixpartites  sur  la  nef 
et  le  chœur.  La  claire-voie  du  rond-point  est  for- 
mée de  baies  à  deux  lancettes  surmontées  d'un 
trilobé.  Le  style  très  pur  de  la  façade  occidentale 


Contrefort  du  transept  de  la   cathédrale  de  Sens  (14901510). 

contraste  avec  les  richesses  flamboyantes  du 
pignon  du  transept. 

On  remarque  tout  spécialement,  dans  le  déam- 
bulatoire, la  gaucherie  avec  laquelle  sont  encore 
exécutées  les  nervures  de  la  croisée  d'ogives  sur 
plan  trapèze,  par  branches  brisées  et  dépourvues 
de  clefs  de  voûtes. 

La  sculpture,  par  sa  liberté  d'allure,  marque  le 
départ  de  l'art  roman  et  de  l'art  gothique. 


54 


Bcbur  tJt  l'^^rt  cbrctten. 


La  verrerie  de  Sens,  en  partie  restaurée  par 
M.  Félix  Gandin  est,  comme  l'a  fait  remarquer  M. 
J.  Casier,  du  plus  haut  intérêt:  quatre  vitraux  (') 
sont  hors  prix  et  datent  probablement  de  la  fin 
du  XII^  siècle.  Les  siècles  suivants  y  ont  apporté 
leur  contingent.  Jean  Cousin,  natif  des  environs 
de  Sens,  y'  est  représenté  par  deux  vitraux  d'un 
dessin  serré  et  d'une  harmonieuse  coloration. 

Les  deux  grandes  roses  flamboyantes  du  tran- 
sept, si  magnifiquement  ajourées,  sont  occupées 
par  des  chefs-d'œuvre  de  la  Renaissance.  Au 
pignon  du  croisillon  nord  est  figuré  le  plus  gra- 
cieux concert  d'anges  qu'on  puisse  rêver.  Nous 
espérons,  grâce  à  M.  l'abbé  Chartraire,  en  fournir 
la  description  à  nos  lecteurs.  Notons  au  passage 
l'autel  de  Salazar,  jadis  décrit  par  le  même  ar- 
chéologue (2). 


Cathédrale  de  Sens.  —  Transept  nord. 

Il  serait  oiseux  de  célébrer  ici  le  trésor  de 
Sens,  l'un  des  plus  riches  de  France,  surtout  ses 
admirables  tapisseries.  M.  l'abbé.Cliartraire,  l'au- 
teur du  beau  catalogue,  y  fut  notre  cicérone 
ainsi  qu'au  grand  musée  voisin. 

La  restauration  de  la  cathédrale  de  St-Êtienne 
a  été  effectuée  par  Viollet-le-Duc  d'une  manière 
trop  radicale,  témoins  les  nombreuses  sculptures 
inutilement  remplacées,  mais  heureusement  con- 
servées, que  nous  avons  pu  voir  dans  les  souter- 
rains de  la  belle  salle  synodale.  On  comprend, 
sans  la  partager  dans  son  exagération,  l'admira- 
tion du  maître  précité  pour  cette  belle  construc- 
tion qui  avoisine  dignement  la  cathédrale  et 
dont  le  courormement  crénelé,  le  grand  toit  aux 
tuiles  polychromes,  les  gracieux  contreforts  or- 
nés de  statues  sous  des  «;  tabernacles  »,  les  vastes 

1.  Ceux  de  s.  Thomas,  de  .S.  Eustache,  de  l'Enfant  prodigue  et 
du  Samaritain. 

2.  E.  Chartraire,  Bull,  de  la  Soc.  artMol.  de  Sens,  X.  XVI. 


fenêtres  aux  ébrasements  énormes,  offrent  tant 
de  cachet  ;  dans  un  pareil  local,  et  sous  les  vastes 
croisées  d'ogives  aux  élégantes  nervures,  le  mu- 
sée, qui  n'est  qu'ordinaire,  paraît  remarquable, 

Samt-Jean  de  Sens  date  du  XI 11^  siècle  ;  sa 
beauté,  que  des  remaniements  ultérieurs  ont 
altérée,  réside  surtout  dans  les  colonnes  et  les 
arceau.x  du  chœur,  dans  les  fenêtres  à  triplets 
devant  lesquelles  court  un  chemin  de  ronde  der- 
rière de  sveltes  colonnettes  (dispositif  dont  nous 
reparlerons)  et  surtout  dans  la  gracieuse  chapelle 
absidale  dont  les  voûtes  ont  avec  celles  du  déam- 
bulatoire une  retombée  commune  sur  deux  svel- 
tes colonnettes.  Cette  disposition,  dérivée  des 
absides  champenoises.est  une  des  caractéristiques 
de  la  région,  nous  l'expliquons  plus  haut. 


m 

w 

Coupe  et  base  d'un  pilier  du  rond  point. 

L'église  St-Jean  servait  autrefois  d'oratoire 
à  l'Hôtel-Dieu  ;  le  Gouvernement  vient  de  sécu- 
lariser la  maison  de  la  souffrance  et  d'enlever 
aux  malades  l'usage  de  la  chapelle  qui  reste 
vide.  Chose  à  noter,  rare  pour  l'époque,  les  piliers 
de  la  nef,  qui  paraît  plus  récente  que  le  chœur, 
mais  antérieure  au  XV<^  siècle,  sont  dépourvus 
de  chapiteaux.  Ceux  du  chœur  sont  ingénieuse- 
ment construits,  composés  d'un  noyau  octogonal, 
flanqué  de  quatre  colonnes  engagées  et  ceinturés 
de  quatre  colonnettes  isolées  en  délit. 

Aiixerre.  —  Avec  quel  art  prestigieux  le 
moyen  âge  savait  bâtir  ses  villes,  on  ne  peut  le 
constater  nulle  part  mieux  qu'en  présence  de 
cette  pittoresque  cité;  elle  s'étage  sur  les  flancs 
d'un  coteau  que  baigne  l'Yonne  à  son  pied,  et 
que  couronnent  la  silhouette  du  clocher  de  Saint- 
Pierre,  la  masse  majestueuse  de  la  cathédrale  et 
le  profil  élégant  de  l'abbaye  de  Saint-Germain. 

La  cathédrale  de  Saint- Etienne  fut  élevée  en 
grande  partie  au  XIII=  siècle:  elle  a  trois  nefs 
avec  des  chapelles  latérales  ajoutées,  un  long 
transept  avec  superbe  portail,  un  chœur  de  quatre 
travées  entouré  d'un  déambulatoire  magnifique, 
que  contourne  une  coursière  régnant  entre  deux 
rangs  de  triplets  :  celui  des  verrière.';,  à  la  paroi 
externe  et,  à  l'intérieur,  celui  que  portent  à  cha- 
que travée  deux  légères  colonnades  sur  lesquelles 


CraDaur  des  â)OC(étés  savantes. 


55 


retombent  des  nervures  qui  partagent  en  trois  le 
triangle  de  la  voussure  externe  des  voûtes.  Au 
chevet  les  retombées  se  font  sur  deux  sveites  co- 
lonnettes  montant  de  fond,  et  qui  partagent  l'en- 
trée de  l'abside  centrale,  construite  à  l'instar  de 
celle  de  Sens. Partout  est  pratiqué  le  système  bour- 
guignon du  double  mur,  avec  formerets  isolés.  Les 
supports  du  chœur  sont  en  faisceaux,  sauf  celui 
du  rond-point  et  deux  autres,  avant  le  rond-point, 
qui  sont  monocylindriques.  Un  triforium,  formé 
de  petits  arceaux  sur  colonnettes  très  maigres, 
contourne  toute  l'église.  Le  clair-étage  se  com- 
pose de  baies  géminées  sévères,  surmontées  d'un 


Plan  de  la  cathédrale  d'Auxerre. 

très  grand  oculus  tout  simple  ;  pas  un  redent,  pas 
un  trilobé.  Les  voûtes  sont  barlongues,  sauf 
celles  du  croisillon  sud,  qui  sont  sixpartite,  et  la 
voûte  étoilée  du  transept. 

Les  sculptures  du  portail  sont  des  merveilles. 
La  façade  principale  est  comme  couverte  de  den- 
telles de  pierre. 

La  vitrerie  de  Saint-Étienne  est  riche  et 
s'étend  du  XII*"  au  XVIP  siècle.  On  y  voitderares 
tracés  de  barlotières,  de  curieuses  combinaisons  de 
figures  avec  les  grisailles,  des  effets  prestigieux 
dus  à  des  moyens  originaux,  des  médaillons  lé- 
gendaires, de  grandes  figures,  de  quoi  faire  un  bel 
apprentissage  de  l'art  du  verrier.  A  signaler  le 
vitrail  de  St- Michel,  au  transept  nord,  avec  ses 
ravissants  musiciens  célestes  dus  à  Pinaigrier. 

La  crypte,  rebâtie  vers  1030,  restaurée  par 
Viollet-le-Duc,  est  à  5  nefs  établies  sur  un  plan 


analogue  à  celui  des  cathédrales  de  Sens  et  de 
Langres.  Dans  l'absidiole  du  fond,  en  cul  de  four, 
est  peint  le  Christ  en  Majesté  entre  deux  chande- 
liers à  sept  branches  et  les  emblèmes  évangélis- 
tiques.  Une  autre  peinture  montre  le  Christ  et 
des  anges,  à  cheval.  Certains  chapiteaux,  à  faces 
en  trapèze,  sont  de  très  beaux  spécimens  de 
l'époque  carolingienne. 

U église  de  Saint-Germain  n'a  plus  de  nefs  ;  sa 
belle  tour  romane  se  dresse  mélancolique  loin  du 
chœur  majestueux,  et  l'on  dirait  qu'elle  a  tou- 
jours été  isolée  de  l'église.  Elle  rappelle  par  ses 
amortissements  bien  conduits  les  belles  tours  de 
Brantôme  et  de  Vendôme.  Le  passage  du  carré 
à  l'octogone  se  fait  sur  le  dernier  étage  par  des 
édicules  à  plan  triangulaire.  Des  frontons  d'allure 
rhénane  décorent  quatre  des  versants  de  la  flèche 
à  sa  base. 


Chevet  de  la  cathédrale  d'Auxerre. 

Le  chœur  est  de  la  fin  du  XIII«  siècle.  Ici  les 
fenêtres  hautes  ont  des  redents  aux  lancettes 
géminées  et  des  quatre-feuilles  dans  le  tympan. 

A  noter,  que  le  chemin  de  ronde  du  triforium 
échappe  les  piles  en  contournant  par  l'extérieur 
les  contreforts  sous  les  arcs-boutants. 

Les  moines  se  sont  inspirés,  pour  la  vaste  cha- 
pelle du  chevet,  de  la  chapelle  de  la  Vierge  à  la 
cathédrale  ;  elle  porte  sur  des  colonnes  de  o"\25 
de  diam.,  et  de  6"\30  de  hauteur.  Le  transept  a 
les  caractères  du  style  champenois  (XLv^*^  siècle). 

La  vénérable  crypte,  où  l'on  vénère  le  tombeau 
de  saint  Germain  et  de  plusieurs  saints  évéques, 
garde  des  parties  carolingiennes.  Il  est  curieux 
de  constater  la  similitude  du  profil  en  doucine  des 
impostes  des  piliers  antiques  de  cette  crypte 
avec  celui  des  abaques  des  chapiteaux  du  XI«  siè- 
cle de  la  région. 


56 


3Rebue  ÏJe  T^rt  cbrctten. 


Le  portail  du  transept  nord  est  richement 
orné  de  la   légende  de  Saint-Germain. 

L'église  paroissiale  de  Saint-Eusèbe  est  en  par- 
tie romane,  avec  un  chœur  efflanqué  du  XVI=  siè- 
cle. Elle  possède  d'anciens  vitraux.  L'intérêt  du 
monument  réside  dans  son  beau  clocher,  bâti  en 
1660,  jadis  isolé. 

Aval/on,  ce  pittoresque  bourg  qui  s'étage  sur 
une  haute  colline  aux  confins  du  Morvan,  offre 
une  église  dédiée  à  Saint-Lazare,  type  de  roman 
bourguignon.  Ses  portails  bien  connus  ont  des 
archivoltes  richement  sculptées, où  se  remarquent 
les  entrelacs,  les  rosaces  et  les  figures  symboli- 
ques ;  aux  ébrasements  s'alignent  des  colonnes 
cannelées,  sculptées  et  torses.  Elle  offre  des  rémi- 
niscences du  décor  romain,  notamment  des  im- 
postes en  doucine  décorée  de  feuilles  d'acanthe 


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Église  de  St-Lazare  d'Avallon.  —  Base  des  colonnettes. 

et  des  cordons  ornés  d'oves  ;  pas  de  triforium, 
mais  des  fenêtres  dans  le  haut  mur  et  sur  la 
grande  nef,  des  voûtes  barlongues  et  curieuses, 
(compromis  entre  lesvoûtes  d'arêtes  romanes  et  le 
dôme),  avec  des  arêtes  peu  accentuées.  Les  murs 
ont  bouclé  sous  l'effort  de  la  voûte,  dont  la  pous- 
sée a  été  contrebutée  après  coup  par  de  puissants 
contreforts,  aux  pinacles  amortis  en  batière.  Le 
chevet  est  à  trois  absides  rangées.  Les  chapiteaux 
sont  historiés,  A  noter  les  chapiteaux  à  la  haute 
corbeille,  au  puissant  encorbellement;  à  signaler 
aussi  le  parti  très  hardi,  grâce  auquel  on  a  réa- 
lisé l'orientation  dans  un  vaisseau  bâti  dans  le 
sens  de  la  plus  grande  pente  d'une  forte  décli- 
vité ;  les  nefs  sont  en  pente  avec  deux  degrés  de 
chute  à  chaque  travée  et  six  à  l'entrée,  de  sorte 
que  les  fidèles  y  sont  en  quelque  sorte  comme 
sur  les  gradins  d'un  amphithéâtre  ;  leur  regard 
plonge  sur  le  chœur. 

Seimir.  —  L'église  Notre-Dame  paraît  singu- 
lièrement élancée  par  la  raison  que  sa  grande  nef 
ne  mesure  guère  que  sept  mètres  d'ouverture.  Le 


chœur  forme  une  lanterne  percée  de  hautes  et 
larges  fenêtres  en  tiers-point  sans  meneaux;  au 
pourtour  du  chœur  s'adossent  trois  belles  absi- 
dioles.  C'est  un  beau  spécimen  de  style  bourgui- 
gnon du  XI 11*=  siècle. Une  coursière  règne  devant 
tout  le  clair  étage,  qui  rappelle  Notre-Dame  de 
Dijon.  La  croisée  est  surmontée  d'une  gracieuse 
tour  avec  flèche  en  pierre. 

Le  porche  s'ouvre  a  l'Ouest  par  trois  grandes 
arches  ;  les  parois  latérales  sont  aveugles. 

Les  arcs-boutants  sont  d'une  courbure  très  peu 
prononcée,  et  constituent  presque  des  piles  incli- 
nées. 

Le  portail  des  Bleds  est  une  belle  et  curieuse 
page  d'iconographie,  encore  imparfaitement  ex- 
pliquée. 


Eglise  de  St-Lazare  d'Avallon,  —  Croquis  d'une  travée  des  nefs. 

L'église  renferme  de  curieuses  peintures  mu- 

ales,  une  tourelle  à  reliques,  un  «  sépulcre  »,  d'in- 

;;éressantes  clôtures  de  chapelles  et   une  tribune 

d'orgues  en  encorbellement   d'une  construction 

hardie, 

Pontauhert.  —  L'admirable  petite  église  ro- 
mane de  Pontaubert  retint  un  instant  les  excur- 
sionnistes, sur  la  route  de  Vézelay,  d'abord  à  rai- 
son du  problème  iconographique  soulevé  et  par 
les  sculptures  du  tympan  de  son  porche  fermé  et 
à  simple  travée.  M.  le  baron  Kethune  a  aussi- 
tôt reconnu  dans  la  scène  qui  accoste,  à  droite, 
l'adoration  des  mages,  une  très  curieuse  figura- 
tion de  l'Incarnation  :  l'âme  de  N,-S.  apportée 
par  les  anges.  En  elle-même  l'église  est  fort 
intéressante;  elle  offre  tous  les  caractères  bour- 
guignons du  Xlle  siècle:  piliers  cantonnés  de 
quatre   colonnes,  puissants    formerets  ;    plan   à 


Cratïaur  îies  ^ociétc0  satiantes. 


57 


trois  nefs  de  trois  travées,  transept  non  sail- 
lant, chœur  d'une  travée,  terminé,  chose  rare,  par 
une  abside  à  trois  pans  ;  dessinant  en  plan  un 
trapèze  ;  chapiteaux  à  volutes  et  feuilles  d'eau 
gracieusement  enroulés  ;  voûte  d'arêtes  simple, 
typique.  On  retrouve  ici  l'imposte  en  doucine 
des  grands  chapiteaux  faisant  le  tour  de  la  pile. 
A  signaler  une  curieuse  armoire  eucharistique, 
ménagée  dans  le  pilastre  à  gauche  du   chœur, 


sous  un  doubleau,  dans  le  pilastre  habilement 
élargi. 

Saint-Père-soiis-  Vézelay.  Les  voyageurs  s'ar- 
rachent à  l'enchantement  du  site  de  Pontaubert 
pour  gagner  V abbatiale  de  Saint-Pcre,  cadette  de 
la  Madeleine  de  Vézelay.  On  s'arrête  sous  un 
porche  gracieux,  ajouré  de  trois  côtés,  couvert  de 
belles  voûtes  aux  six  travées  retombant  sur  deux 
élégants  piliers,  et  conçu  en  style  ogival.  Il  est 
dominé  par  un  pignon  qui  rappelle  celui  de  Véze- 
lay, aux  modestes  mais  riches  sculptures  ;  celui-ci 
se  dresse  devant  un  comble  plus  bas,  qui  n'est 
sans  doute  pas  primitif. 


.v^i 


Église  de  Saint-Père-sous-Vézelay. 


Piliers,  côté  de  la  grande  nef. 


Bas-côté  nord. 


Les  trois  nefs  sont  séparées  par  des  colonnes 
curieuses,  auxquelles  se  greffe  une  colonnette 
vers  les  bas-côtés  portant  les  doubleaux  du  col- 
latéral; en  outre,  une  sur  deux  s'augmente  d'une 
colonnette  vers  la  grande  nef,  qui  monte  de  fond 
jusqu'aux  voûtes  ;  les  autres  ne  portent  pas 
directement  la  retombée,  dont  le  support  s'arrête 
dans  l'entre-deux  des  grandes  arches.  Une  cour- 
sière  règne  devant  la  claire-voie,  immédiate- 
ment au-dessus  de  celle-ci,  les  bas-côtés  n'étant 
pas  couverts  en  appentis.  Les  chapelles  du  chevet 
sont  joliment  développées. 

On  doit  à  M.  l'abbé  A.  Pisster  une  petite  mais 
excellente   Monographie  de  l'église  Saint-Père- 


sous-  Ve'zelay  {^),  que  nous  signalons  spécialement 
aux  érudits.  L'auteur  décrit  avec  complaisance 
le  joli  clocher  de  cette  église,  dont  l'étage  octo- 
gone est  flanqué  sur  les  angles  à  racheter  d'édi- 
cules  à  colonnettes  graciles,  qui  font  pressentir  les 
merveilles  du  clocher  de  Laon.  «  Les  architectes 
du  Xllfs  siècle,  dit-il,  craignaient  les  profils 
pleins  et  rigides  ;  ils  voulaient,  dans  des  monu- 
ments se  détachant  sur  le  ciel,  éviter  le  brusque 
passage  du  plein  au  vide  ;  il  y  a  là  un  sentiment 
très  fin  des  forces  extérieures  de  l'architecture, 
qui  allègent  et  grandissent  les  édifices  en  les 
faisant  se  fondre,  pour  ainsi  dire,  dans  les  forme- 


I.  .Auxerre,  Milan,  édit.  1903. 


58 


WitWt  ïie  rart  fbrétien. 


rets.  »  N'est-ce  pas  que   l'architecte  a  été  bien 
compris  par  notre  auteur  ?  Nous  empruntons  à 


cehii-cî   le  plan  et  la  coupe   de  l'ég^lise,  où  l'on 
remarquera  la  manière  hardie  dont  le  mur  gout- 


Eglise  de  Saint-Père-sous-Vézelay  ('). 


terot  est  assis  à  côté  de  la  pile,  mais  au  droit  de 
la  colonnette  qui  lui  sert  de  renfort. 

Vézelay.  —  Le  lecteur  ne  s'attend  pas  à  ce 
que  nous  lui  décrivions  la  prestigieuse  et  vaste 


abbatiale    de    Vccelay  (2)  ;  ce  serait  l'objet  d'un 
article  tout  entier,  lequel  d'ailleurs  n'aurait  guère 


■» V- 


Église  de  Saint-Père-sous-Vczelay 


Gufic     tli.     l  '  église- 


d'inédit.  Notons  l'impression  profonde  ressentie 
par  les  confrères  de  Saint-Luc,  en  pénétrant  dans 
ce  porche,  qui  est  comme  une  très  monumentale 
église  ;  mais  comment  décrire  l'effet  magique  et 
émouvant,  quand  s'ouvre  le  célèbre  portail  et 
qu'apparaît  la  longue  et  majestueuse  nef,  la  plus 


longue  des  églises  romanes,  un  peu  sombre  et 
austère,  au  fond  de  laquelle,  à  120  mètres  de  pro- 
fondeur, au  bout  de  ses  dix  travées,  apparaît,  tout 

1.  D'après  M.  l'abbé  Pissier. 

2.  M.  l'abbé  Poulaine,  Guide  du   Touriste  dans  t Avalounais, 
.Avallon.  Odobé,  1903. 


CratJdUT  îîes  ^octétc0  0at)ante0. 


59 


inondé  de  lumière,  le  chœur  svelte  et  élégant  ! 
Quel  spectacle  plus  grandiose  encore  s'évoque  à 
l'esprit,  quand  on  se  représente  saint  Bernard 
préchant  sous  ces  nefs  immenses  la  croisade 
à  une  assemblée  de  preux  ;  et  combien  on  re- 
grette de  ne  plus  rien  retrouver  des  locaux  de  la 
célèbre  abbatiale, fondée  an  IX<=  siècle  par  Gérard 
de  Roussillon  !  On  n'en  garde  que  la  base  de 
l'enceinte,  des  douves  inférieures  des  tours  et  la 
Poitc'-neuve,  dont  les  murs  possèdent  encore  les 
corbeaux  des  hourdis. 

Le  porche  de  l'abbatiale  avec  son  bel  étage  est 
d'un  caractère  majestueux;  au-dessus  du  portail, 
à  la  tribune,  est  bandée  la  célèbre  voûte  que  Qui- 


Fronton  de  l'église  de  Vézelay. 

cherat  avait  prise  pour  la  première  voûte  nervée 
existante  ;  ce  n'est  qu'une  pseudo-croisée  d'o- 
give. Le  porche  était  surmonté  d'une  chapelle  de 
St-Michel  comme  en  tant  d'autres  églises  roma- 
nes. L'église  fut  fortifiée.  Tout  le  monde  connaît 
la  forme  insolite  du  pignon  du  XIl^  siècle  à 
rampants  courbes,  percé  de  cinq  belles  fenêtres 
accostées  de  remarquables  statues.  Nous  renon- 
çons à  décrire  les  merveilles  des  portails  sculptés; 
elles  appartiennent  également  au  XII«  siècle, 
ainsi  que  l'étage  en  forme  de  tours,  dont  l'une 
n'est  qu'amorcée. 

Les  voûtes  sont  cylindriques,  à  pénétrations 
pour  la  claire-voie;  ce  sont  des  voûtes  d'arêtes,  les 
plus  anciennes    qu'on   ait  bandées  sur  une  nef 


centrale.  Elles  ont  poussé  les  murs  et  fléchi 
sous  leur  propre  poids  ;  leurs  doubleaux  sont 
visiblement  abaissés.  Ces  doubleaux,  faits  de 
pierres  blanches,  alternent  avec  des  pierres  bru- 
nes, rappelant  l'architecture  polychrome  de 
l'Auvergne  ;  faut-il  y  voir  une  polychromie 
voulue?  C'est  au  moins  douteux,  puisque  la  com- 
binaison des  pierres  est  tout  à  fait  irrégulière. 
Les  arcs  formerets  sont  entourés  d'un  larmier 
en  relief  et  surmontés  d'une  moulure  analogue. 
Les  nefs  latérales  sont  d'arêtes,  séparées  par 
des  doubleaux.  Les  chapiteaux  sont  extrême- 
ment remarquables,  par  les  sujets  historiés  qui 
y  sont  représentés  ;  on  pourrait  y  développer 
tout  un  cours  d'iconographie,  et  réformer  bien 
des  erreurs  courantes,  par  exemple  apprendre 
aux  érudits  du  terroir,  que  le  premier  chapi- 
teau de  droite  présente  non  pas  le  «  laissez 
venir  à  moi  les  petits  enfants  »,  mais  la  légende 
de  sainte  Marie-Madeleine,  patronne  de  l'ab- 
batiale. 

On  retrouve  au  chœur  une  colonne  géminée 
analogue  à  celles  de  la  cathédrale  de  Sens, faisant 
pendant  à  une  colonne  monocylindrique.  Elle 
est,  comme  celles  de  la  salle  capitulaire,  ornée  de 
mosaïques  dans  des  creux  isolés  :  truc  ingénieux, 
qui  a  permis  le  remploi  de  fûts  magnifiques 
et  rares,  mais  offrant  des  éclats  adventices. 
Les  voûtes  sont  bandées  sur  nervures.  Les  neuf 
absidioles  du  chevet  ne  sont  séparées  que  par 
des  clôtures  ajourées.  On  retrouve  sur  les  pierres 
des  pavements  quantité  de  signes  lapidaires  (') 
jadis  étudiés  par  M.  A.  Guillon,  archéologue 
vézelien,  que  nos  lecteurs  connaissent.  On  trou- 
vera, dans  nos  colonnes  {^)  une  lettre  de  lui  fort 
instructive,  où  il  défend  dans  une  certaine  me- 
sure les  travaux  de  restauration  de  VioUet-le- 
Duc,  critiqués  par  M.  Hallais. 

Le  cloître,  dont  la  voûte  rappelle  le  demi-ber- 
ceau de  la  galerie  en  bois  de  Beaune,  est  une  re- 
construction fantaisiste  de  Viollet-le-Duc. 

Saiilieu.  —  Possède  en  son  église  Saint- An- 
doclie,  un  autre  type  du  roman  local,  qui  rap- 
pelle Notre-Dame  de  Beaune  et  St-Lazare  d'Au- 
tun,  avec  sa  nef  élancée,  munie  d'une  claire- 
voie.  On  y  retrouve  comme  à  Autun  les  arcatures 
du  triforium  d'imitation  romane,  ainsi  que  le 
berceau  brisé  sur  la  grande  nef,  qui  a,  comme 
partout,  poussé  le  haut  mur  en  dehors.  La 
claire-voie  est  à  triples  lumières  ;  des  voûtes 
d'arêtes  simples   régnent   sur  les  bas-côtés.    Le 


1.  La  question  des  signes  lapidaires  a  été  spécialement  étudiée 
par  M.  A,  Guillon  (V.  Revue  de  l'Art  chrétien,  années  1893.  p.  489 

et  1894,  p.  160  ;  Ann.  de  la  Soc.  des  sciences  hist.  de  f  Yonne ) 

et  antérieurement  par  D,  Rancée  [Hisl.  géii.  de  l'architecture,  t.  II, 
p.  286),  par  J.  Flechter  (Collection  of  matons  mark,  1858)  et  par 
M.  .^.  ^^'nf\^\.{  Journal  des  arts), 

2.  Année  1895,  p.  512, 


6o 


3Rcbue  lie  r^^rt  cJ)rcrtrn» 


portail  a  été  remanié  d'une  façon  déplorable. 
Les  chapiteaux  sont  richement  garnis  de  fleu- 
rages  et  de  légendes  ;  les  sujets  historiés  sont 
tournés  du  côté  de  l'Ouest;  l'un  représente  la 
légende  de  sainte  Marie-Madeleine.  L'abside 
en  cul  de  four,  au  fond  d'un  chœur,  est  de  deux 
travées  ;  le  chœur  garde  d'anciennes  stalles  inté- 
ressantes. Un  remarquable  évangéliaire  du  XII' 
siècle    a    beaucoup    intéressé    les    archéologues. 

Autiin.  —  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  aux 
remarquables  monuments  romains  dont  la  ville 
d'Autun  est  riche.  Disons  que  la  tour  dite  de 
Janus,  avec  ses  trous  de  boulins,  avec  ses  arcades 
internes  ne  traversant  pas  la  masse  des  murs, 
nous  a  quelque  peu  mystifiés.  Quelle  a  bien  pu 
être  la  destination  de  cet  édifice  de  forme  inso- 
lite chez  les  Romains,  qui  semble  avoir  été  en- 
touré d'un  portique  externe? 

Nous  avons  été  affreusement  scandalisés  de 
voir  exécuter  à  la  porte  d'Arroux  des  réfections 
de  Vandales.  On  était  occupé,  lors  de  notre  visite, 
à  refaire  en  pierres  neuves  des  assises  puissantes, 
à  hauteur  d'imposte,  au  flanc  gauche  de  la  porte 
(vue  de  la  ville)  en  enlevant,  pour  les  remplacer, 
de  solides  pierres  munies  de  certaines  amorces  de 
moulures  en  retour,  qu'on  n'avait  nullement 
songé,  d'ailleurs,  à  reproduire  dans  les  pierres 
nouvelles,  lesquelles  au  surplus  sont  de  roche  de 
nature  entièrement  différente  des  anciennes.  Ail- 
leurs, il  nous  a  paru  que  dans  un  parement  de 
mur  entièrement  refait,  hélas  !  on  avait  imité 
l'appareil  d'un  arrachement  de  murs,  visible  à 
la  porte  Saint-André. 

Mais  reportons  notre  attention  vers  l'antique 
cathédrale,  encore  toute  romaine  de  style,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  et  cela  sans 
qu'elle  y  gagne  en  élégance  ;  ce  fut  même  une 
déception  pour  nos  compagnons.  Remarquons 
toutefois,  avec  M.  de  Baudot,  que  les  grands 
pilastres  pseudo-corinthiens  ne  sont  pas  ici  pu- 
rement décoratifs  comme  chez  les  Romains  ; 
mais  ils  sont  disposés  de  manière  à  servir  très 
utilement  de  dosserets  pour  soutenir  les  dou- 
bleaux.  Le  vaste  porche  couvert  du  XI 11=  siècle, 
où  figure  l'image  de  saint  Lazare  accosté  de  ses 
deux  sœurs,  nous  a  dédommagés  ;  les  colonnes, 
les  archivoltes  sculptées,  le  tympan  historié  rap- 
pellent ceux  de  Vézelay.  On  y  voit  le  Jugement 
dernier  et  un  zodiaque  combiné  avec  les  travaux 
de  l'année. 

Commencée  en  1120,  l'église  ne  fut  terminée 
qu'au  XVe  siècle,  ce  qui  explique  l'enchevêtre- 
ment des  styles  de  ses  parties.  La  majesté  de 
son  vaisseau  et  l'élégance  de  sa  flèche  en  font, 
vue  du  dehors,  une  des  belles  cathédrales  de 
France.  L'époque  gothique  a  transfiguré  son 
extérieur  et  elle  a  doté  la  grande  nef  de  contre- 


forts massifs,  que  caractérisent  leurs  gros  pinacles 
couronnés  en  hatière  et  des  chapelles  latérales 
aux  riches  fenêtres  flamboyantes,  qui  accentuent 
son  allure  extérieure  ogivale.  Nous  avons  assez 
fait  connaître  les  caractéristiques  romanes  en 
traitant  d'une  manière  générale  de  l'architecture 
bourguignonne.  Insistons  sur  la  forme  des  voûtes 
d'arêtes  en  plein  cintre,  voûtes  déjà  plus  savantes 
que  celles  des  Romains  et  analogues  à  celles  de 
Vézelay. 

Pontigny.  —  Pontigny,  la  seconde  des  quatre 
filles  de  Cîteaux,  était  une  des  plus  importantes 
des  grandes  abbayes  cisterciennes.  L'église, 
longue  de  108  mètres,  est  austère  comme  les  idées 
de  saint  Bernard.  Elle  n'a  pas  de  tour,  elle  est 
relativement  basse;  elle  est  précédée  d'un  narthex 
ou  portique  de  front,  sous  appentis,  à  l'instar 
des  basiliques  latines  ;  toutefois  il  a  deux  travées 
en  profondeur. L'église  a  trois  nefs  de  sept  travées, 
un  curieux  transept  fort  saillant,  très  typique 
au  point  de  vue  du  mode  cistercien,  et  un  chœur 
avec  déambulatoire  et  chapelles  rayonnantes  sur 
plan  pseudo-rectangulaire,  à  voûtes  sixpartites. 
Nous  expliquons  plus  haut  l'habile  particularité 
quidistingue  le  voûtement  du  collatéralduchœur. 
Il  faut  surtout  remarquer  la  très  simple  ordon- 
nance des  chapelles  rangées  aux  flancs  orientaux 
des  croisillons  du  transept.  Le  long  du  flanc 
occidental  des  mêmes  croisillons  sont  ménagés 
des  compartiments  analogues.  M.  le  baron 
Bethune  a  fait  remarquer  aux  visiteurs  qu'au 
fond  de  ceux-ci  a  existé  un  couloir,  que  ce 
furent  sans  doute  d'autres  chapelles,  orientées, 
avec  autel  dans  l'ouverture  vers  le  transept. 
Les  doubleaux  de  la  grande  nef  posent  sur  des 
colonnettes  engagées,  qui  s'arrêtent  sur  des  culs 
de  lampes  au-dessus  des  chapiteaux.  Les  fenê- 
tres sont  à  lancettes,  sans  meneaux. 

Nous  n'avons  pu  visiter  les  bâtiments  claus- 
traux, mis  sous  scellés  par  le  Gouvernement 
de  M.  Combes.  L'église  est  sauvée  du  jacobi- 
nisme, grâce  à  son  usage  paroissial. 

Beaiine  (•).  —  S'il  est  une  église  qui,  mieux  en- 
core que  celle  d'Avallon  et  de  Saulieu,  représente 
le  style  roman  régional  dans  des  proportions 
moyennes,  c'est  celle  de  Notre-Dame  de  Beaune, 
qui  offre  aussi  de  grandes  analogies  avec  les 
cathédrales  d'Autun  et  de  Langres  ;  elle  est  bien 
proportionnée  et  tout  d'une  venue  ;en  elle  l'aus- 
tère vaisseau  bourguignon  à  transepts  plats  se 
marie  avec  le  chevet  auvergnat  au  déambula- 
toire rond  percé  de  trois  jolies  absidioles,  le  tout 
dominé  par  une  belle  tour  tiu  transept  du  même 
stj-le  que  le  monument,  modernisée  dans  sa  toi- 
ture qui  date  du  XVI  IL' siècle  ;  elle  est  assise 

I.  Voir  l'article  de  M.  H. Chabcuf  dans  la  .ffez'w*'  de  C Art  clirilien, 
ann(ic  1891,  p.  233. 


Cralïaur  î)t0  Sociétés  sal3antE0. 


6i 


à  l'intérieur  sur  des  trompes.  Les  nefs  sont  pa- 
reilles à  celles  d'Autun  :  mêmes  piliers  à  pilas- 
tres cannelés,  mêmes  chapiteaux  pseudo-clas- 
siques à  feuilles  d'acanthe,  dont  plusieurs  ont 
été  sculptés  après  coup,  à  des  époques  consécu- 
tives. Au  cours  du  moyen  âge,  ici  encore,  on  a 
dû  ajouter  des  arcs-boutants  pour  empêcher 
l'écartement  des  murs  des  nefs.  Le  chœur  date 
de  la  transition. 

Le  porche  du  XI 11"^  siècle  et  de  type  clunisien, 
à  trois  nefs,  à  deux  travées,  est  large  et  ouvert 
par  trois  arcades  inégales  de  front  et  des  baies 
latérales  ;  il  est  recouvert  en  terrasse  ;  sous  ses 
voûtes  s'ouvrent  de  belles  portes  en  menuiserie 
du  XV«  siècle.  L'église  possède  de  merveilleuses 
tapisseries  du  XV'^  siècle,  artésiennes  ou  fla- 
mandes, que  M.  le  curé  de  Notre-Dame  avait 
eu  l'extrême  gracieuseté  d'exhiber  à  l'intention 
de  la  Gilde,  et  d'exposer  au  chœur  (•),  et  des 
fresques  fort  curieuses  que  M.  Mathieu,  archéo- 
logue de  Beaune  (-1,  croit  pouvoir  attribuer  à 
Pierre  Spicre.  Ces  peintures  ont  naguère  été 
décrites  dans  nos  colonnes  (3).  M.  Louis  Yper- 
man  en  a  fait  de  remarquables  relevés,  qui  ont 
fait  sensation  au  salon  de  Paris. 

Ce  fut  l'aimable  vice-président  de  la  Com- 
mission des  hospices  de  Beaune,  M.  Montoy,  qui 
nous  reçut  à  l'entrée  du  célèbre  Hôtel-Dieu,  et 
nous  présenta  aux  Dames  du  lieu,  ayant  à  levjr 
tête  Madame  Sœur  Bigot,  Maîtresse,  et  sa  dé- 
vouée assistante  Sœur  Jardot,  qui  nous  rap- 
pelaient les  Grandes- Dames  de  nos  béguinages 
de  Flandre. 

«  Quelle  évocation,  s'écrie  notre  compagnon, 
correspondant  du  Bien  public,  M.  J.  C,  quelle 
évocation  médiévale,  en  pénétrant  dans  la  cour 
de  l'établissement  fondé  en  1443  par  le  chance- 
lier de  Bourgogne,  Nicolas  Rolin  et  sa  femme, 
Guignone  de  Salvins.  »  Malgré  des  restaurations 
nécessaires  au  cours  de  quatre  siècles,  l'hôtel- 
Dieu  de  Beaune  se  présente  aux  regards  tel 
qu'il  fut  à  ses  débuts. 

Tout  en  effet  est  resté  en  l'état  :  les  cloîtres,  la 
cuisine,  la  pharmacie,  les  salles  des  malades.  La 
grande  salle  mesure  46  m.  sur  IJ^SO;  une  belle 
voûte  en  bardeaux,  joliment  rehaussée  d'orne- 
ments polychromes,  se  détachant  sur  le  fond 
brun  du  bois,  avec  poutres  et  poinçons  apparents, 
enferme  un  volumineux  cube  d'air.Une  rangée  de 
28  lits  en  bois  s'étend  le  long  de  chaque  côté, 
laissant  discrètement  une  ruelle  le  long  du  mur, 
et  élevés  sur  une  estrade  planchéiée,  tandis  que 

1.  V.  l'article  de  M.  H.  Chabeuf  dans  la  Revue  de  l'Art  chrétien. 
année  1895.  p.  351. 

2.  F.  .Mathieu,  Heintures  murales  delà  chapelle  Kolin  à  l'église 
collégiale  de  Beaune,  Beaune.  Batault,  1903. 

3.  V.  Revue  de  l'Art  chrétien,  année  1899,  p.  370. 


la  salle  est  pavée  de  carreaux  portant  les  initiales 
des  fondateurs,  enlacées  de  la  bande  de  chêne 
et  l'étoile  symbolique  de  leur  devise  ;  et  vers  le 
fond,  une  clôture  ajourée  (ce  que  les  Anglais 
appellent  un  screen),  surmontée  de  l'image  du 
Calvaire,  sépare  la  partie  réservée  aux  malades 
d'une  magnifique  chapelle.  On  sait  que  dans  les 
hôpitaux  du  moyen  âge  la  salle  se  prolongeait 
ainsi  en  oratoire.  De  belles  peintures  char- 
maient les  yeux  des  souffrants  hospitalisés, 
retraçant  des  sujets  consolants  que  le  religion 
fournit  à  leurs  espérances  d'au  delà.  Derrière 
l'autel  de  la  chapelle  une  peinture  murale  por- 
tant au  sommet  les  emblèmes  héraldiques  des 
fondateurs,  a  remplacé  le  fameux  triptyque  de 
Roger  Van  der  Weyden,  trésor  inestimable  du 
chancelier  Rolin,  que   nous   avons   contemplé  à 


'1», 


^i^x^i 


Cour  de  THôtel-Dieu  de  Beaune. 

l'aise  au  beau  musée,  formé  à  l'étage,  d'objets  du 
mobilier  primitif  de  la  maison.  Nous  n'en  dirons 
qu'une  chose  :  c'est  que,  plus  peut-être  que  les 
autres  œuvres  du  maître  tournaisien,  il  décèle 
les  qualités  plastiques  du  sculpteur,  qu'il  a  peut- 
être  été  (selon  M.  Maeterlinck),  du  fils  de 
sculpteur  qu'il  fut  dans  tous  les  cas. 

On  croit  rêver  quand  on  pénètre  dans  la  cour 
de  l'Hôtel-Dieu  de  Beaune;  on  se  dirait  transporté 
en  plein  XV«  siècle,  et  rien  ne  vient  troubler 
la  parfaite  illusion  du  milieu  médiéval  et  flamand 
le  plus  pur.  Cette  cour  pittoresque  où  le  puits  à 
couronne  de  ferronnerie  ouvragée  cache  à  moitié 
sa  margelle  aux  puissantes  moulures  dans  un 
massif  de  verdure,  ces  galeries  de  bois  sculpté 
oîi  passent  des  nonnes  blanches  coiffées  du  hennin 
aux  voiles  plissés,  cette  ravissante  balustrade 
que  l'on  restaure  en  ce  moment  (d'après  les  traces 
encore  apparentes  sur  le   bois,  et  à  l'aide  d'un 


62 


IBitWt  De  r^rr  cljréticiu 


spécimen  authentique  gardé  d'une  vieille  maison 
démolie  dépendant  de  l'hôpital),  et  qui  va  revoir 
le  jour  en  place  d'un  appentis  ardoisé  qui  l'avait 
fait  oublier;  ces  superbes  et  vastes  lucarnes  si 
richement  couronnées  de  plomberie,  aux  ram- 
pants fleuronnés,  aux  crêtes  ajourées,  aux  épis  à 
bannière,  etc.;  ce  grand  comble  couvert  de  tuiles 
polychromes  et  couronné  d'une  dentelle  de 
plomb  ouvragé,  ce  cainpanile  aigu,  cette  flèche  en 
aiguille  ;  tout  cela  est  bien  du  plus  pur  flamand  ; 
seulement  on  ne  retrouverait  pas  dans  toute  la 
Flandre  actuelle  un  morceau  aussi  riche,  aussi 
complet,  aussi  savoureux  que  ne  l'est  ce  vaste 
ensemble.  Ces  anges  conservateurs,  que  sont  les 
Dames  de  l'Hôtel-Dieu,  nous  l'ont  gardé  à  tra- 
vers les  siècles,  intégralement  et  pieusement. 

Parmi  toutes  ces  merveilles,il  en  est  dont  l'espèce 
est  presque  perdue  ;  tels  sont  les  ornements  de 
plomberie  des  combles  et  lucarnes.  De  cet  art 
jadis  si  développé,  l'on  trouve  çà  et  là  des  exem- 
ples isolés,  épars,  plutôt  dans  les  musées  que  sur 


Crète  de  comble  ('). 

les  édifices  ;  la  plupart,  très  intéressants  encore,  re- 
montent au  XVI'  siècle  ;  ceux  du  XV"  devien- 
nent extrêmement  rares.Ici  nous  avons  l'ensemble 
très  complet  de  ce  ravissant  décor  des  combles, 
tel  qu'il  fut  conçu  au  moyen  âge,  en  pièces  ori- 
ginales, ou  restaurées  avec  soin,  ou  refaites  avec 
une  scrupuleuse  fidélité. 

Ce  sont  d'abord  les  arêtes  des  flèches,  et  les 
rampants  de  lucarnes  hérissés  de  fleurons  feuilla- 
ges ;  ceux-ci,  par  la  finesse  des  découpures,  et 
la  délicatesse  des  reliefs,  ont  toute  la  grâce  que 
comporte  le  plus  malléable  des  métaux,  qui,  à 
cette  époque,  avait  encore  cette  fermeté  que  lui 
a  fait  perdre  de  nos  jours  un  affinage  trop  parfait. 

Ce  sont  ensuite  ces  frises  ajourées  qui  couron- 
nent le  faîte,  composées  de  quatre-feuilles  et 
d'une  riche  rangée  de  fleurettes  culminantes.  Ce 
sont  surtout  ces  adorables  épis,  qui  s'élancent  de 
la  pointe  des  lucarnes,  garnis  de  bouquets  de 
plomb  composés  avec  un  art  consommé  par  des 
gens  qui  possédaient  à  ravir  le  sentiment  de  ce 
décor  spécial  pour  lequel  il  faut  compter  avec 
reff"et  dévorant  de  la  lumière  sur  les  silhouettes 
se  détachant  sur  le  ciel. 


De  pareils  épis  se  voient  encore  çà  et  là, 
notamment  au  château  de  Blois  ;  ils  abondaient 
au  XV  siècle  dans  le  Nord  ;  on  les  appelait  des 
lieuses,  et  c'est  en  voyant  les  beaux  couronne- 
ments de  lucarnes  deBeaune  que  l'on  peut  com- 
prendre les  indications  fournies  par  certains 
comptes  d'ouvrages  du  temps,  par  exemple  ceux 
de  la  salle  des  Conseaux  de  Tournai,  où  il  est 
question  à'heiises  ornées  de  soleils,  de  Jîorons, 
etc.  (I). 

Les  lucarnes  de  Beaune  ont  leurs  rampants 
garnis  de  très  gracieux  fleurons  et  la  pointe  du 
gable  est  décorée  d'un  soleil  aux  rayons  flam- 
boyants. La  crête  délicate  qui  court  sur  le  faîte 
s'arrête  à  une  pyramide  à  crochets  qui  habille  le 
poinçon   prolongé  ;   de   là    naît   la   tige  de   l'épi, 


S^tS       ^^ 


I.   Cette  vignette  reproduit  à  la  fois  l.i  crPte  de  comble  et  les 
armoiries  de  l'Hôpital. 


Épis  conservés  au  musée  de  Dijon. 

ayant  pour  point  de  départ  une  bague  ornée. 
Elle  est  terminée  par  un  bouquet  fleuragé  au- 
dessus  duquel  gironne  la  petite  bannière  au  gré 
du  vent  ;  elle  est  interrompue  par  des  décors  en 
forme  de  gros  nœuds  qui  sont  de  deux  espèces. 
Les  uns  constituent  une  sorte  de  couronne 
hexagonale  dont  le  bandeau  plat  est  repercé  de 
fenestrelles  dans  chacune  des  faces,  que  séparent 
de  petits  contreforts  aux  angles  ;  parfois  aussi  de 
véritables  couronnes  de  fleurons.  D'autres,  imi- 
tés des  nœuds  de  tiges  de  calices,  off"rent,  en 
six  raies  d'étoile,  autant  de  petits  prismes  hori- 
zontaux posés  sur  l'arête,  et  terminés  par  un 
losange  ajouré  de  quatre-feuilles  et  garni  de 
petits  fleurons  sur  les  deux  côtés  supérieurs.  Les 
croquis  ci-contre,  que  nous  avons  pris  de  deux 
épis,  analogues  mais  plus  simples,  conservés  ati 


I.  Citons,  entre  plusieurs  autres,  cet  extrait  des  comptes  com- 
munaux f  Rfgistte  lies  Conseaux )  de  la  ville  de  Tournai.  1461  (payé) 
à  (iillard  It^  [<iche  (In  dorure  faite)  à  une  lieuse  de  ploncq  mis  sur  le 
pignon  de  la  maison  du  concicrche  de  la  Halle  et  aussi  le  soleil. 


Crat)au;i'  des^  ^octété0  satiantes. 


63 


palais  du  duc  de  Bourgogne  à  Dijon,  indiquent 
cette  combinaison. 

On  trouve  de  gracieux  spécimens  des  tètes  en 
losange,  des  prismes  en  question,  des  couronnes, 
des  soleils  surtout,  ces  ornements  superbes,  ainsi 
que  des  crêtes,  dans  un  panneau  d'échantillons 
de  l'ancienne  plomberie,  conservé  au  musée  de 
l'hôpital,  et  que  nous  pouvons  présenter  à  nos 
lecteurs,  grâce  à  l'extrême  obligeance  de  M.  Mon- 
to)',  vice-président  du  Conseil  d'administration 
dans  cette  vénérable  maison.  Nous  le  remercions 


d'avoir  eu  l'obligeance  de  faire  photographier 
pour  la  Revue  de  F  Art  cJtrétien  ces  beaux  spéci- 
mens de  plomberie,  conservés,  grâce  à  lui,  pour 
l'édification  des  artistes. 

Dijon.  —  La  pittoresque  et  gracieuse  ville  de 
Dijon  fut  notre  plus  importante  étape.  Elle  offrait 
à  nos  études  de  belles  églises  et  des  monuments 
civils  non  dénués  d'intérêt  archéologique,  et  nous 
y  eûmes  pour  cicérone  le  collaborateur  dijon- 
'x\^\?,  A&\a  Revue  de  [  Art  cltrctien,'\\.  H.  Chabeuf, 
qui  ne  serait,  à  l'en  croire,  qu'un  amateur  distin- 


Spécimens  de  plomberie  conservés  au  musée  de  l'Hôtel-Dieu  de  Beaune. 


gué,  mais  que  nos  lecteurs  connaissent  pour  un 
érudit  de  marque  et  un    critique  d'art   autorisé. 

En  première  ligne,  parmi  les  monuments  di- 
jonnais,  il  faut  placer  Véglise  Notre-Dame,  ce 
chef-d'œuvre  de  l'art  bourguignon  à  l'époque 
gothique,  où  se  trouve  élevé  jusqu'à  son  apogée 
l'art  des  doubles  murs  cloisonnés,  et  des  raidis- 
sements par  l'étai. 

Quelle  merveille  en  effet,  à  cet  égard,  que  ce 
porche  de   1230,  avec  ses  sveltes  supports  et  ses 


voûtes  hardies,  dont  la  poussée  se  contrebute 
d'une  manière  déguisée  et  coquette,  aux  piliers 
élégants,  de  la  courte  travée  de  façade,  fonction- 
nant comme  les  jambes  d'un  lutteur.  Mais  par 
contre,  quelle  déroutante  ordonnance  offre  la 
façade  aux  galeries  étagées,qui  masquent  le  vais- 
seau, ornées  des  plus  luxuriants  rinceaux  sculp- 
tés, et  habitées  par  un  peuple  de  monstres  aux 
physionomies  sarcastiques,  ironiques  et  trou- 
blantes, qui,  nous  fûmes  très  étonnés  de  l'appren- 


64 


3Rebur  tir  TSit  tf)rétten. 


dre  de  la  bouche  de  notre  cicérone,  datent  seule- 
ment d'une  quarantaine  d'années,  hormis  ceux  du 
flanc  de  la  façade,  et  c'est  ce  que  nous  a  permis  en 
effet  de  vérifier  depuis  une  gravure  du  Magasin 
pitioresque.W  est  poignant  de  voir  avec  quelle  rage 
odieuse  certain  pharmacien  révolutionnaire  du 
voisinage  de  l'église  s'est  appliqué  à  abattre,  une 
à  une,  toutes  les  figures  qui  décoraient  le  superbe 
portail  ;  il  ne  reste  de  cette  page  d'iconographie 
peut-être  sans  rivale,  qu'un  étrange  bourgeonne- 
ment et  une  sorte  de  tablette  recouverte  d'une 
draperie, greffés  aune  colonnette  du  porche, objets 
étranges  à  jamais  incompréhensibles. Notre-Dame 
rappelle  les  églises  belges  de  cette  époque  par  ses 


t—I  i^*r-*<. 


Église  de  St-Bénigne  à  Dijon.  —  Plan  leva  en  1796. 

colonnes  isolées,  et  ses  étages  de  galeries  ;  on  se 
rappelle  aussitôt  les  nefs  de  St-Martin  d'Ypres  et 
de  St-Jacques  de  Tournai.  Des  piles  monocylin- 
driques et  de  grêles  colonnettes  isolées,  reliées 
en  tout  sens  ;  et  ce  quillage  n'ayant  pour  clôture 
extéiieure  que  des  cloisons  verticales,  percées  de 
fenêtres,  raidies  par  des  dalles  horizontales  ; 
point  ou  guère  de  murs,  tel  est  le  système,  qui 
s'accentue  encore  au  chœur.Les  colonnes  ont  d'é- 
normes corbeilles  à  crochets  comme  en  Belgique. 
Les  voûtes  sont  à  doubleaux  de  recoupement.  Les 
baies  sont  des  lancettes  en  tiers-point  sans  résille 
ni  redents,séparées,aux  deux  étages  duchœur.par 
des  ûculi.  Au  dehors,  de  puissants  contreforts  sans 
arcs-boutants  appuient  les  murs  ;  des  tourelles 
flanquent  au  dehors  la  haute  nef  et  le  transept 
pour  permettre  l'accès  aux  galeries  du  triforium 
et  aux  coursières  de  la  clairevoie.  L'extérieur  est 
austère  et  un  peu  sec. 

Des  flamands  ne  peuvent  manquer  de  saluer 
au  passage  sur  le  beffroi  le  Jacquemart  enlevé,  en 


1382,3  la  ville  de  Courtrai,  par  Philippe  le  Hardi. 
A  noter  des  peintures  murales  dans  quelques 
chapelles. 

Récemment  étudiée  au  long  par  M.  le  chan. 
Chompton  ('),  Saint-Bénigne  a  aussi  son  porche, 
mais  fort  modeste  ;  elle  a  deux  tours  élégantes 
une  flèche  à  la  croisée  si  bien  refaite  par  M. 
Suisse  (^),  des  combles  richement  décorés  de 
tuiles  émaillées  polychromes;  de  vastes  nefs  dont 
les  murs  intérieurs  ont  été  l'objet  d'énormes 
remaniements  (que  d'aucuns  considèrent  comme 
peu  justifiés), une  crypte  vénérable,  une  des  plus 
vastes  connues,  qui  rappelle  l'ordonnance  circu- 


Église  de  St-Bénigne  à  Dijon.  —  Façade. 

laire  du  St-Sépulcre,base  d'une  ancienne  rotonde 
à  triple  étage  bâtie  au  début  du  XI^  siècle.  L'é- 
glise fut  rebâtie  au  XIII<=  siècle.  L'aspect  inté- 
rieur de  sa  triple  nef,  transfigurée  par  les  restau- 
rations de  M.  Suisse  (3),  est  simple  et  noble;  trois 
absides  s'ouvrent  autour  du  chœur,  l'une  pro- 
fonde et  carrée  ;  les  piles  sont  en  faisceaux  de 
colonnettes.  Ici  les  fenêtres  sont  à  meneaux.  Nous 
remarquons  dans  la  nef  des  constructions  provi- 
soires sous  les  grandes  arches,  qui  constituent 
des  cintrages  en  maçonnerie. La  vignette  ci-contre 
reproduit  un  plan  de  l'église  levé  en  1791, 
d'après  une  des  belles  planches  de  l'ouvrage  du 
chanoine  Chom[)ton. 

Saint-Miclul  offre  une  façade  fort  remarquable 
comme  spécimen  de  la  première  Renaissance  et 

1.  V.  Revue  de  l' Art  chrélien,  année  1896,  p.  357. 

2.  V.  Ibid.,  année  1901,  p.  429. 

3.  V.   Ibid.,  année  1893,  p.  175. 


CraîjaujT  Des  Sociétés  ôa'oantts. 


65 


un  triple  portail  profond,  dont  les  sculptures,  at- 
tribuées à  Hugues  Sanbin  (d'antres  en  font  lion- 
heur  à  Dominique  Florentin)  sont  singulièrement 
décoratives  et  larges  de  manière.  Les  caissons 
des  voûtes,  habités  par  des  anges,  sont  d'une 
magistrale  allure. 

Du  fastueux  palais  du  duc  de  Bourgogne  sub- 
sistent seules  la  cuisine  et  la  salledesGardes. —  La 
première,  construite  dans  la  première  moitié  du 
XV<"  siècle,  est  un  monument  du  genre  culinaire, 
sinon  pantagruélique,  comme  le  considère  Viol- 
let-le-Duc.  Au  point  de  vue  architectural,  nous 
remarquerons  la  belle  disposition  de  cet  atelier 
des  comestibles,à  plan  carré,  couvert  d'une  grande 
voûte  en  arc  de  cloître.  Ce  genre  de  voûte,  si  peu 
employé  au  moyen  âge,  était  néanmoins  bien 
connu  toutefois  des  constructeurs  de  ce  temps, 
avec  sa  propriété  de  s'ouvrir  aisément  par  le 
sommet,  propriété  qu'ils  ont  si  bien  utilisée  pour 
conduire  les  vapeurs  de  la  cuisine  vers  leur 
exutoire.  Au  pourtour  de  la  voûte,  sur  trois 
côtés,  étaient  rangés  les  fourneaux  sous  six  vastes 
manteaux  de  cheminées,  tandis  que  la  lumière 
du  jour  était  abondamment  déversée  par  les 
fenêtres  percées  sur  le  quatrième  côté. 

La  salle  des  Gardes  a  conservé  sa  cheminée  et 
son  plafond  en  bois  du  XV»  siècle,  portant  sur  de 
jolies  consoles  armoriées. 

En  dehors  de  ces  constructions  et  de  la  Tour 
du  Barr,  tout  l'ancien  palais  a  été  reconstruit  de 
1682  à  1686.  Les  nouveaux  bâtiments  sont  oc- 
cupés par  le  musée,  qui  est  un  des  plus  beaux  de 
France. 

C'est  avec  un  plaisir  particulier  mêlé  d'une 
pointe  de  fierté  nationale,  que  nous  avons  con- 
templé, dans  la  salle  des  Gardes,  le  célèbre  tom- 
beau de  Philippe  le  Hardi,  par  Claus  Sluter,  celui 
de  Jean  sans  Peur  et  de  Marguerite  de  Bavière 
par  Jean  de  la  Huerta  et  Antoine  le  Moiturier, 
le  fameux  retable  exécuté,  en  1391,  par  Jacques 
de  Baerze  pour  les  Chartreux, les  volets  peints  par 
Melchior  Broederlam,  et  d'autres  morceaux  d'art 
qui  chantent  la  gloire  de  l'art  flamand. 

L'excursion  de  Bourgogne  s'est  terminée  par 
une  visite  à  la  Chartreuse  de  Champnol,  fondée 
sous  le  vocable  de  la  Ste-Trinité  par  Philippe-le- 
Hardi,  à  son  beau  portail  où  règne  anticipati- 
vement  un  souffle  de  Renaissance  et  à  cet  éton- 
nant «puits  de  Moïse  »,  actuellement  renfermé 
dans  une  espèce  de  volière.  Nous  n'avons  pas 
l'intention  d'entamer  ici  une  dissertation  sur  les 
chefs-d'œuvre  de  l'art  flamand-bourguignon.  Les 
Monjet  (■),  les  Dehaisues  (2),  les  Courajod  (3),  les 

1.  Cyprien  Monjet,  Histoirt  de  la  Chartreuse  de  Champnol. 

2.  Mgr  Dehaisnes,  Histoire  de  l'Art  en  Flandre,  etc. 

3.  Courajod,  Catalogue  dn  Trocadero, elc. 


ont  savamment  étudiés  sans  avoir  apparemment 
dit  le  dernier  mot  sur  son  compte. 

La  séance  finale  a  été  honorée  d'un  discours  de 
notre  cicérone  dijonnais.  M.  Chabeuf  nous  a 
rappelé  gracieusement  les  riches  Flandres  d'au- 
trefois, avec  leurs  grandes  cités  affranchies  et 
industrieuses,  et  la  Bourgogne  encore  féodale  et 
rurale,  dont  les  villes  les  plus  peuplées  n'avaient 
pas  15.000  âmes.  Puis,  parlant  des  monuments 
locaux  et  de  leurs  anciennes  splendeurs,  il  a 
déploré  l'extermination  sauvage  de  l'imagerie  du 
porche  Notre-Dame  de  Dijon,  la  destruction 
absolue  de  la  Sainte-Chapelle  ducale  et  de  la 
rotonde  de  Saint-Bénigne,  ainsi  que  de  la  for- 
teresse de  Louis  XI  ;  il  a  évoqué,  de  ses  sou- 
venirs personnels  le  Dijon  d'il  y  a  60  ans,  si 
pittoresque  et  encore  si  médiéval. 

Parlant  de  la  cathédrale  d'Auxerre,il  a  rappelé 
le  curieux  triforium  qui,  comme  à  Saint-Just 
de  Narbonne,  contourne  les  piles  au  dehors,  la 
chapelle  de  la  Vierge  €  dont  l'immobilité  gracile 
est  un  miracle  de  la  science  médiévale  »,  et  ces 
tètes  vivantes  et  stylisées  qui  s'échappent  de  la 
pierre  au  départ  des  arcatures.  Nous  sommes  ici 
au  point  de  rencontre  des  styles  de  l'Ile  de 
France,  de  la  Champagne  et  de  la  Bourgogne. 

La  Madeleine  de  Vézelay,elle,  est  pleinement 
bourguignonne.  Sa  restauration  où,  «  dans  l'har- 
monie souveraine  des  choses  qui  ont  vieilli  ensem- 
ble, se  juxtapose  l'architecture  de  trois  grands 
siècles  »,  est  l'œuvre  de  début,  non  la  meilleure  de 
Viollet-le-Duc. 

A  Avallon,  à  Semur,  on  est  au  cœur  de  la 
vieille  Bourgogne  ;  M.  Chabeuf  parle  en  poète  de 
ce  pays  enchanté, et  en  archéologue  de  ses  églises 
si  curieuses.  Il  signale  l'Hôtel-Dieu  de  Beaune, 
un  monument  transplanté  tout  brandi  de  Flandre 
en  Bourgogne,  et  il  développe  en  termes  aimables 
ce  thème  flatteur  pour  les  Belges  qui  l'écoutent. 
Nous  devons  ici  lui  laisser  la  parole  : 
«  Aucune  surprise  pour  vous,  n'est-il  pas  vrai, 
dans  tout  ce  flamand  au  loin  rencontré;  vous  sa- 
viez que  pendant  l'union  dynastique  des  Flandres 
et  de  la  Bourgogne  celle-ci  n'a  été,  au  point  de 
vue  des  arts,  qu'une  colonie  de  l'empire  flamand 
de  ses  princes.  C'est  chez  vous  que  Philippe  le 
Hardi  était  allé  chercher  Claus  Sluter,  le  plus 
grand  imagier  decette  période  suprême  du  moyen 
âge  ;  vous  avez  admiré  ses  Prophètes  qui  ,dans 
leur  personnalité  aiguë,  égalent  ce  que  faisait  de 
plus  beau  l'Italie  contemporaine,  contemplé  au 
musée  les  retables  ciselés  dans  le  bois  comme 
dans  un  métal  ductile,  par  Jacques  dcBaerze.et  les 
peintures  naïves,  familières  dont  on  les  a  revêtus 
à  l'extérieur  Melchior  Broederlam.  A  Claus  Sluter 
succède  son  neveu  Claus  deWerve;  à  Broederlam, 
Jehan    de     Beaumetz,    Jehan     Malwel,    Henry 


KEVUK   DU   L  AKT   CHKSTIEN. 
1904.    —   l"=    LIVRAISON. 


6ô 


î^ebur  tic  T^rt  cbrétten. 


Bellechose,  un  Flamand  encore,  malgré  son  nom 
français  ;  enfin  quel  est  à  Dijon  le  peintre  titré 
de  PhiHppe  le  Bon  ?  Encore  un  Flamand,  Guil- 
laume Spicker,  l'auteur  probable  des  vitraux  qui 
remplissaient  le  fenestrage  absidal  de  Saint-Jean, 
œuvre  magnifique  admirée  même  au  temps  où 
l'on  méconnaissait  le  plus  l'art  du  moyen  âge, 
et  où  l'on  voyait  représentés  les  trois  premiers 
ducs  de  Bourgogne  avec  leurs  duchesses  et  le 
comte  de  Charolais,  le  futurCharles  le  Téméraire, 
ayant  chacun  son  saint  patron  debout  derrière  lui. 

»  Il  en  est  de  même  ailleurs  ;  André  Beauneveu 
n'a-t-il  pas  été  l'imagier  en  titre  de  Charles  V  et 
n'est-ce  pas  à  Jean  de  Cambrai  que  l'on  doit 
le  tombeau  de  Jean,  duc  de  Berry  ? 

»  Je  sais,  il  y  en  a  eu  d'autres,  et  n'étaient  des 
Flamands  ni  Jacques  Morel,  l'auteur  du  tombeau 
des  Bourbons  à  Souvigny,  ni  son  neveu  Antoine 
le  Moiturier  qui  achèvera  celui  de  Jean  sans  Peur 
laissé  en  plan  par  cet  Aragonais  bohème  et  capi- 
taine, Jehan  de  la  HuertaPMais  qu'ont-ils  fait  tous 
les  trois,sinon  du  bourguignon  et  qu'était-ce  alors, 
sinon  du  flamand  ? 

»  C'est  qu'il  se  produisait  alors  une  évolution 
semblable  à  celle  qui,  dans  l'antiquité  grecque, 
a  fait  succéder  à  l'idéalisme  abstrait  de  Phidias 
et  de  Praxitèle,  l'art  de  Lysippe,  c'est-à-dire, 
celui  de  la  vie  individuelle  et  du  portrait. 
Certes  le  réel  n'était  pas  absent  des  églises  du 
XII I<=  siècle,  il  y  fourmille  au  contraire,  et  aux 
seconds  plans  du  décor  imagé,  la  bouffonnerie 
énorme  du  moyen  âge  se  donne  ample  carrière  en 
figures  se  tordant,  grimaçantes  et  vaincues  sous 
les  grandes  statues  sereines  ;  en  gargouilles  chi- 
mériques, construites  cependant  selon  toutes  les 
lois  de  l'animalité  et  de  la  vie  ;  en  têtes  qui, 
comme  à  Notre-Dame  de  Dijon, sont  des  portraits 
un  peu  tournés  en  caricatures,  mais  toujours  pos- 
sibles, se  montrant  inattendues  dans  les  plis  les 
plus  cachés  de  la  structure;  c'est  le  cortège  popu- 
laire tumultueux  de  l'imagerie  sacrée.  Mais  elle 
demeure,  elle,  idéale  et  grave.  Eh  bien,  l'apport 
des  Flandres  sera  précisément  une  conception 
autre,  non  pas  plus  vraie  mais  plus  réelle,  plus 
familière,  moins  distante  de  la  vie  supérieure, 
et  l'art  se  vouera  désormais  à  exprimer  cette 
pensée  non  plus  typique,  mais  personnelle  avec 
sa  variété  infinie  et  sa  complication  grandissante. 
Et  dans  les  Prophètes  de  la  Chartreuse,  puis  dans 
les  moinillons  des  tombeaux,  l'imagerie  de  l'âge 


nouveau  atteindra  du  premier  bond  à  la  perfec- 
tion, autant  dire  qu'il  sera  égalé,  pas  souvent, 
à  vrai  dire,  dépassé  jamais. 

»  Ainsi,  malgré  les  frontières  tracées  par  la 
nature.les  races  et  la  politique,  s'affirment  l'unité 
la  solidarité  des  esprits,  le  besoin  que,  comme  les 
individus,  ont  les  unes  des  autres  les  grandes 
familles  humaines.  Et  à  la  même  heure,  avec 
un  peu  d'avance,  l'Italie  entrait,  elle  aussi,  dans 
la  voie  de  la  vérité  moderne.  C'est  que  la  vie, 
c'est  le  renouvellement,  et  il  y  a  ainsi  dans 
l'histoire  des  idées  certains  faits  généraux  pro- 
duits d'une  loi  mj'stérieuse  comme  de  parallé- 
lismes,  s'exerçant  sous  une  influence  supérieure 
et  plus  qu'humaine,  qui,  à  la  fois  et  s'ignorant, 
sur  les  points  les  plus  éloignés  de  l'espace 
civilisé.  Mais  pour  quelque  temps  l'Italie  nous 
est  une  terre  inconnue;  il  n'y  aura  bientôt  pour 
notre  voisine  qu'une  trop  belle  revanche,  et  au 
temps  prochain  où  elle  visera  à  créer  des  choses 
non  plus  vraies  mais  seulement  belles  ou  crues 
telles, l'Italie  nous  envahira  des  Alpes  et  de  la  Mé- 
diterranée à  la  mer  du  Nord,  pour  abolir  nos  plus 
précieuses  qualités  natives  et  étendre  sur  toutes 
les  œuvres  comme  sur  tous  les  esprits,  le  niveau 
égalitaire  de  la  banalité  déclamatoire  et  apprise. 
Et  il  y  en  aura  pour  des  siècles.  Mais  au  XV'= 
l'invasion  bienfaisante  vient  du  Nord  et  votre 
art  savoureux,  naïf,  vraiment  chrétien  fait  les 
délices  de  l'Italie.  Florence  si  raffinée, et  à  demi 
païenne  déjà,  sait  reconnaître  dans  les  peintres 
flamands  les  (rères  des  siens,  de  Masaccio,  de 
Benozzo  Gozzoli,  de  Gentile  da  Fabriano,  des 
Lippi,  de  Ghirlandajo,  peut-être  même  de  Fra 
Angelico,ce  miracle  sans  précédent  ni  successeur 
de  l'art  chrétien.  » 

M.  Chabeuf  n'a  pas  oublié  la  Revue  de  l'Art 
chrétien,  qui  le  compte  parmi  ses  plus  vaillants 
collaborateurs. 

«  Nous,  dit-il,  qui  avons  l'honneur  de  marcher 
sous  la  bannière  de  la  Revue  de  l' Art  chrétien, 
nous  n'oublierons  pas  que  nous  avons  une  fois 
de  plus  à  combattre  le  bon  combat,  que  nous 
.sommes  pour  quelque  chose  dans  ce  mouvement 
irrésistible  d'opinion,  qui,  pour  une  fois,  grande 
merveille  !  a  fait  reculer  les  Vandales  ».  Ces  der- 
nières paroles  font  allusion  à  l'abandon  du  sau- 
vage projet  qu'<jn  a  connu  naguèrede  transformer 
en  marché  l'hôpital  de  Tonnerre. 

L.  Cloquet. 


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LE  BIENHEUREUX  JEAN  DE  VERCEIL, 
SIXIÈME  GÉNÉRAL  DE  L'ORDRE  DES 
FRÈRES  PRÊCHEURS,  par  Marguerite  de  Wa- 
RESQUiEL.  —  In-i2,  228  pp.  Orné  d'un  portrait  et  de 
plusieurs  gravures,  représentant  le  plan  général  et  une 
vue  du  Couvent  de  Verceil  restauré;  une  élévation  du 
tombeau  de  S.  Dominique,  etc.  Létilleux,  éditeur, 
Paris,  et  Bar-le-Duc,  Collot,  1903. 

?^^^^^^E  livre  fait  suite  à  ia  monographie 
^  de  Humbert  de  Romans,  du  même 
^  auteur  et  dont  nous  avons  rendu 
s:  compte  lorsqu'elle  a  paru  (')  et  se 
îit^SîîS^^*^  distingue  par  les  mêmes  qualités  qui 
recommandent  cette  première  étude.  Madame 
Marguerite  de  Waresquiel  a  prisa  tâche  de  faire 
revivre  successivement  les  figures,  un  peu  oubliées 
aujourd'hui,  de  ces  religieux  pourtant  si  remar- 
quables qui,  au  XIII<=  siècle,  ont  donné  une  si 
grande  importance  et  un  si  large  développement 
aux  deux  grands  Ordres  mendiants,  notamment, 
à  celui  des  Dominicains.  Si  elle  laisse  dans  leur 
auréole  des  célébrités  de  première  notoriété,  les 
Dominique,  les  .Albert  le  Grand,  les  Thomas 
d'Aquin,  elle  se  plaît  à  mettre  en  lumière  des 
figures  encore  hautement  intéressantes  qui  ont 
peut-être  travaillé  avec  autant  d'ardeur  et  de 
succès  à  la  diffusion  de  l'Ordre  que  les  hommes 
célèbres  dont  je  viens  de  rappeler  les  noms,  ont 
contribué  à  sa  gloire.  L'histoire  du  sixième 
général  des  Frères  Prêcheurs,  comme  celle  de 
son  prédécesseur,  initie  bien  le  lecteur  à  la  vie  la- 
borieuse, féconde,  et  pourtant  pleine  de  difficul- 
tés des  religieux  de  cet  Ordre  devenu  en  si  peu  de 
temps  une  puissance  dans  la  chrétienté.  L'auteur 
semble  à  cet  égard  s'être  bien  documenté  :  on 
voit  à  l'aisance  avec  laquelle  elle  se  meut  dans  un 
sujet  qui  réclame  de  nombreuses  recherches  et 
une  grande  lecture,  qu'elle  a  suivi  de  longue 
main  la  vie  de  ces  hommes  austères,  à  la  foi  si 
ferme,  et  si  énergiques  dans  la  volonté  de  faire  le 
bien.  C'est  en  les  étudiant  qu'elle  s'est  vraiment 
éprise  du  sujet  de  son  livre,  au  point  qu'elle  a 
pu  écrire  dès  la  première  page  :  «  En  suivant  le 
cours  des  âges,  nulle  époque  n'est  plus  attrayante 
que  le  X II I^  siècle,  époque  troublée,  confuse, 
pleine  d'étranges  contrastes,  mais  féconde  en 
héros  et  en  saints.  » 

Or,  des  hommes  comme  Humbert  de  Romans 
et  Jean  de  Verceil  sont  des  héros  et  des  saints 
dont  il  importe  de  mettre  en  lumière  et,  si  pos- 
sible, de  rendre  populaire  la  généreuse  existence. 

I.  Ktviie  de  t Art  chrétien.  Année  1891,  p.  526. 


L'auteur  tient  d'ailleurs,  à  rappeler  que  la  vie 
de  Jean  de  Verceil  vient  d'être  publiée  en  italien 
par  le  R.  Père  Pie  Mothon,  et  qu'elle  n'eût  pas 
tenté  une  monographie  française  si  lui-même 
n'en  avait  manifesté  le  désir.  Madatne  de  Wares- 
quiel ajoute  :  «  Cette  monographie  n'est  donc 
pas  le  fruit  de  nos  recherches  personnelles,  ni 
d'un  patient  labeijr,  et  il  nous  est  doux  de  recon- 
naître que  la  plupart  des  documents  ont  été 
empruntés  à  l'œuvre  du  R.  Père  Mothon,  c'est  à 
dire  d'un  historien  aussi  compétent  qu'impartial 
et  absolument  sincère.  » 

J'ai  le  regret  de  ne  pas  connaître  l'ouvrage  que 
!\I™s  de  Waresquiel  recommande  avec  tant  de 
chaleur,  ni  de  savoir  dans  quelle  mesure  il  a  été 
utilisé  dans  l'ouvrage  français,  mais  je  crois  en- 
trer dans  l'esprit  de  l'auteur  de  celui-ci  en  trans- 
crivant des  lignes  peut-être  entachées  d'une 
modestie  excessive. 

Si  le  ressort  intime  de  la  vie  de  Jean  de  Verceil 
est  le  même  que  celui  de  son  prédécesseur  immé- 
diat dans  le  généralat  de  rOrdre,rexistence  de  ces 
deux  hommes,  les  difficultés  et  les  contradictions 
contre  lesquelles  ils  ont  eu  à  lutter,  sont  de  na- 
ture très  différentes.  Humbert  de  Romans  a 
trouvé  au  sein  de  l'Église,  dans  les  intrigues  des 
professeurs  de  l'Université  de  Paris,  et  dans  la 
papauté  même  de  redoutables  antagonistes,  qui, 
à  certain  moment,  ont  mis  en  péril  l'existence 
même  de  l'Ordre  de  S.  Dominique.  Sous  le 
généralat  de  Jean  de  Verceil,  il  n'en  est  plus 
de  même.  L'Ordre  des  Frères  Prêcheurs  a  pris 
rapidement  une  extension  considérable  ;  il  est 
établi  par  la  multiplicité  de  ses  couvents  dans 
la  chrétienté  sur  des  bases  solides,  et  ce  sont  ses 
religieux  qui  sont  appelés  au  siège  pontifical. 
Jean  de  Verceil  lui-même  échappe  avec  quel- 
que difficulté  à  ce  redoutable  honneur. 

Mais  la  puissante  extension  de  l'Ordre  et 
la  multiplicité  de  ces  maisons  désormais  épar- 
pillées dans  toutes  les  régions  du  monde  catholi- 
que, sont  un  danger  qui  menace  la  pureté  de  sa 
doctrine  et  l'unité  de  ses  constitutions. 

L'extension  et  l'influence  de  la  famille  Domi- 
nicaine, est  la  source  de  tentations  dangereuses, 
pour  l'humilité  du  religieux  mendiant,  souvent 
sollicité  à  intervenir  dansje  domaine  de  la  poli- 
tique où  les  plus  grands  États  sont  en  lutte. 

C'est  ainsi  que  Jean  de  Verceil  est  chargé  par 
Urbain  IV  d'organiser  la  croisade  à  laquelle 
saint  Louis  prendra  part,  et  souvent  on  aura 
recours  à  son  entremise  dans  les  affaires  les  plus 
considérables. 


68 


3Rr\)ue  ïir  T^rt  chrétien* 


Aussi  la  vie  de  ce  moine  mendiant  offre  un 
spectacle  étrange.  Le  repos  en  est  exclu,  et  on  le 
voit  parcourant  l'Europe  dans  tous  les  sens, 
allant  d'un  Cliapitre  de  l'Ordre  à  l'autre,  d'un 
couvent  à  un  autre  couvent,  cheminant,  en  com- 
pagnie d'un  frère,  toujours  à  pied,  sans  un  sou 
vaillant,  mendiant  l'hospitalité  d'un  pauvre  gîte 
quand  il  ne  peut  atteindre  un  couvent  domini- 
cain, conformément  aux  prescriptions,  et  obéis- 
sant même  dans  ses  plus  fatigants  voyages  aux 
austérités  prescrites  les  plus  sévères. 

Le  livre  qui  raconte  cette  vie  est  écrit  d'une 
plume  alerte,  aimable  et  facile  qui  permet  d'en 
recommander  la  lecture  particulièrement  en 
France,  où  tant  de  bons  esprits  ont  besoin  de 
chercher  dans  les  souvenirs  du  passé,  l'oubli  des 
douleurs  de  l'heure  actuelle. 

J.   H. 

DIE  PUNZIERtJNG  IN  MÀHREN,  GLEIGH- 
ZEITIG  EIN  BEITRAG  ZUR  GESCHICHTE 
DER  GOLDSCHMI EDEKUNST, von  Cari  SCHIERK. 

LES  POINÇONNAGES  ET  LES  MARQUES 
D'ORFÈVRES  EN  MORAVIE,  EN  MÊME 
TEMPS  UNE  CONTRIBUTION  A  L'HISTOIRE 
DE  L'ORFÈVRERIE,  par  Cari.  ScHiERK,  avec 
i6  reproductions  et  70  marques.  Brunn,  édité  par 
l'auteur,  1902.  Grand  in-4°  176  pp. 

L'auteur  de  cette  publication  est  le  gardien  de 
l'important  musée  de  Brunn,  capitale  de  la  Mora- 
vie où  s'est  développé  un  centre  très  actif  d'étude 
et  de  propagande  d'art  décoratif  Une  Revue, 
très  bien  rédigée,  y  paraît  sous  le  titre  de  Mit- 
ilieiluns:en  des  Màrerisclien  Gei<.'eibe  Mitseuiiis : 
elle  est  dirigée,  comme  le  musée  lui-même,  par 
M.  Julius  Leisciiing,  et  la  plupart  des  articles 
qui  y  paraissent  sur  les  arts  industriels  et  déco- 
ratifs, portent  la  marque  d'une  réelle  compétence 
et  d'études  très  sérieusement  poursuivies.  Ils  ont 
le  mérite  de  nous  initier  aux  travaux  d'un  foyer 
d'art  sur  lequel  nous  espérons  pouvoir  donner 
un  jour  des  informations  plus  étendues. 

L'étude  dont  le  titre  se  trouve  en  tête  de  ces 
lignes  est  le  fruit  d'un  travail  persévérant.  On 
doit  à  M.  Cari.  Schierk  une  série  de  recherches 
sur  l'histoire  de  l'Orfèvrerie  dans  la  région  qui 
embrasse  toute  l'étendue  de  la  Moravie,  et  ses 
efforts  n'ont  cessé  de  préparer  un  travail  d'en- 
semble sur  la  matière.  Le  volume  qu'il  publie 
est  le  résultat  de  ces  recherches.  Cependant  il 
assure  que  celles-ci  ne  sont  pas  encore  parvenues 
à  le  satisfaire,  et  que  pour  établir  la  valeur  des 
maîtres  orfèvres  dont  il  s'occupe,  le  nombre  de 
leurs  travaux  connus  et  des  documents  qui  s'y 
rapportent,  est  encore  trop  restreint.  Il  convient 
donc  de  poursuivre  les  investigations  à  cet  égard 


et   de   réunir   autant   que  possible  les    données 
acquises. 

Le  volume  qu'il  publie  a  déjà  une  valeur 
très  réelle,  et  peut  servir  de  point  de  départ 
à  de  nouvelles  recherches  qui  aboutiront  à  une 
synthèse  historique  de  l'art  de  l'orfèvrerie  en 
Moravie  et  en  Bohême.  Mais,  au  point  de  vue 
de  l'auteur  ce  but  ne  peut  être  atteint  qu'au 
moyen  de  témoignages  certains,  irrécusables  tels 
que  les  marques  et  poinçons  d'orfèvres  dont  les 
travaux  sont  ainsi  identifiés,  et  des  documents 
d'archives. 

C'est  sur  ces  bases  solides,  mais  qui  réclament 
une  grande  somme  de  temps  et  de  peines,  que 
l'auteur  a  établi  son  travail  :  celui-ci  est  divisé 
en  deux  parties. 

La  première  partie  contient  tout  ce  que  les 
actes  publics  et  les  documents  de  toute  nature 
ont  consigné  concernant  les  poinçons  et  les  mar- 
ques d'orfèvres;  l'on  y  trouve  en  même  temps 
un  grand  nombre  de  dates  et  de  faits  concernant 
les  maîtres  orfèvres  et  leurs  travaux.  Ces  infor- 
mations augmentent  dans  une  notable  mesure 
ce  que  l'on  connaissait  du  développement  de 
l'art  de  l'orfèvrerie  en  Moravie.  On  y  trouve,  no- 
tamment, les  renseignements  intéressants  que 
l'auteur  a  recueillis  sur  l'exécution  des  travaux 
en  filigrane,  dont  les  ateliers  avaient  principale- 
ment leur  siège  dans  les  villes  de  Butschowitz, 
Kraemsin,  Nicolsburg  et  Olmutz. 

La  seconde  partie  contient  principalement  des 
documents  et  pièces  justificatives  à  consulter. 
Elle  donne  un  tableau  des  marques  et  des  poin- 
çons d'orfèvres  et  des  prescriptions  concernant 
les  corporations,  classés  par  localités  et  confirmés 
soit  par  des  sources  d'informations  secondaires 
ou  des  travaux  exécutés.  Les  documents  cités 
dans  cette  seconde  partie  commencent  à  la  vérité 
par  une  ordonnance  de  l'empereur  Léopold  I^"^, 
datée  de  l'année  1699,  mais  dans  la  première  par- 
tie il  est  question  de  pièces  remontant  beaucoup 
plus  haut. 

Au  nombre  des  documents  reproduits  il  s'en 
trouve  de  très  intéressants  :  notamment  ceux 
qui,  encore  au  XVIII'^  siècle,  règlent  les  con- 
ditions dans  lesquelles  les  Juifs  peuvent  être 
autorisés  à  exercer  la  profession  d'orfèvre  et  le 
commerce  d'or  et  d'argent  :  ces  règlements  ex- 
priment sans  ambage  la  crainte  des  fraudes  et  des 
duperies  que  l'on  redoutait  de  leur  part.  Les  Juifs 
devaient,  dans  certaines  régions,  non  seulement 
être  pourvus  d'une  autorisation  spéciale,  mais 
encore  être  munis  d'un  passe-port  du  directeur 
de  la  Monnaie,  lequel  devait  être  renouvelé  tous 
les  ans. 

Le  livre  est  établi  avec  un  soin  et  un  ordre 
dans  les  divisions  qui  font  honneur  à  l'auteur.  Les 


Btbïiograplîte. 


69 


poinçons  et  marques  sont  gravés  avec  une  netteté 
qui  ne  laisse  rien  à  désirer.  Au  nombre  des  gra- 
vures dans  le  texte  représentant  des  œuvres 
d'orfèvrerie  provenant  d'ateliers  du  pays,  il  con- 
vient de  signaler  deux  ostensoirs  dont  l'un  est 
daté  de  1473,  et  un  autre,  sans  date,  qui  ap- 
partient à  la  même  époque.  Ces  monstrances 
élégantes  dans  le  dessin  d'ensemble  paraissent 
d'une  bonne  exécution,  mais  n'accusent  pas  un 
style  particulier,  régional. 

La  publication  de    M.  Cari  Schierk  doit  être 
regardée  comme  une  contribution  de  valeur  ap- 
portée à  l'histoire  des  arts  industriels  de  l'empire 
Autrichien. 
J-  H. 

L'HABITATION  BYZANTINE,  par  le  général 
H.  de  Beylié.  —  In-folio.  Leroux,  Paris  et  Grenoble, 
1902. 

MONSIEUR  le  général  H.  de  Beylié  a 
publié,  l'an  dernier,  chez  M.  Ernest  Le- 
roux, à  Paris,  et  chez  MM.  Falque  et  Perrin,  à 
Grenoble, «  L'Habitation  byzantine, —  recherches 
sur  l'architecture  civile  des  Byzantins  et  son 
influence  en  Europe  ».  L'ouvrage  est  dédié  à 
M.  Gabriel  Millet,  maître  de  conférences  à  l'École 
des  hautes  études,  qui  a  aidé  l'auteur  de  ses 
conseils  et  de  ses  services. 

Dans  la  préface,  M.  de  Beylié  dit  que  son  but 
a  été  surtout  d'attirer  l'attention  du  public  qui 
s'intéresse  aux  choses  de  l'art  sur  une  question 
archéologique  encore  imparfaitement  connue  : 
l'habitation  byzantine  dont  les  monuments  sont 
plus  rares  et  moins  étudiés  que  les  édifices 
religieux  et  militaires.  L'auteur  donne  ensuite 
ses  sources.  Ce  sont  d'abord  les  monuments  : 
maisons  de  la  Syrie  centrale  empruntées  à  M.  le 
comte  de  VogUé  ; — à  Constantinople  les  ruines 
de  Tekfour  sérail  ;  —  une  grande  maison  seigneu- 
riale de  Melnic,  etc.  ;  viennent  ensuite  les  rensei- 
gnements fournis  par  les  fonds  architecturaux 
des  mosaïques  byzantines  de  Ravenne,  etc.. 
et  les  miniatures  des  manuscrits  byzantins  des 
grandes  bibliothèques  d'Europe,  surtout  le  ma- 
nuscrit illustré  de  Skylikzès,  de  Madrid,  dont 
M.  Millet  a  entrepris  la  publication  intégrale  aux 
frais  du  général.  Ce  manuscrit  compte  575  mi- 
niatures ;  l'auteur  en  reproduit  beaucoup.  Il  cite 
encore  les  bas-reliefs  de  l'obélisque  de  Théodose, 
la  châsse  en  ivoire  de  Trêves,  les  sarcophages  et 
les  ouvrages  d'architecture  et  d'histoire  les  plus 
importants.  Il  y  a  encore  bien  des  monuments  à 
étudier  à  Venise,  dans  le  Sud  de  l'Italie,  la 
Grèce,  l'Istrie,  la  Dalmatie  et  Constantinople. 
«  Cela  constituera  peut-être  notre  tâche  future.» 

Après  la  préface  vient  l'avant-propos,  que 
l'auteur  intitule  «  l'Architecture  byzantine:  ses 


caractères  généraux  ».  L'art  byzantin,  qui  nous 
apparaît  surtout  comme  un  art  chrétien,  par  la 
prépondérance  que  lui  assure  sur  l'art  païen  le 
christianisme  s'établissant  à  Constantinople  dès 
son  avènement  au  pouvoir  et  par  les  caractères 
définitifs  qu'il  reçut  à  la  suite  de  la  création  du 
type  de  Ste-Sophie  au  VI''  siècle,  l'art  byzantin 
ne  fut  pas  autre  chose  jusqu'à  cette  époque  que 
l'art  romain  d'Orient,  mis  en  honneur  par  les  em- 
pereurs des  dynasties  syriennes  et  illyriennes. 
C'est  dire  ses  relations  avec  les  architectures 
grecque,  romaine  et  persane.  Cette  parenté  est 
prouvée  pour  l'art  religieux  que  l'architecture 
civile  imite  évidemment  de  très  près  ;  certains 
auteurs  prétendent  même  que  l'art  byzantin  étant 
essentiellement  religieux,  les  caractères  architec- 
turaux des  édifices  consacrés  au  culte  se  retrou- 
vèrent tous  dans  l'habitation  byzantine  et  qu'il 
suffit  de  connaître  ceux-là  pour  avoir  une  idée 
exacte  de  celle-ci  :  ils  se  croient  le  droit  de  sup- 
pléer par  cette  affirmation  à  la  disette  des  mo- 
numents. Notre  auteur  pense  que  ce  principe, 
vrai  dans  ses  grandes  lignes,  est  peut-être  insuf- 
fisant comme  renseignement  et  que  le  problème 
n'est  pas  résolu.  Il  espère  non  pas  le  résoudre  (il 
se  dit  trop  pauvre  en  documents  pour  donner 
une  idée  complète  de  la  maison  byzantine  à 
l'intérieur  et  à  l'extérieur  et  montrer  tous  ses 
points  de  contact  avec  la  vieille  tradition  gréco- 
romaine  et  orientale),  mais  il  croit  pouvoir  dé- 
blayer un  peu  la  voie  à  suivre.  Dans  sa  modestie 
et  ses  exigences  de  vrai  savant,  il  pense  que  pres- 
que rien  n'est  fait  tant  qu'il  reste  quelque  chose 
à  faire.  Beaucoup  trouveront  sans  doute  qu'il  a 
donné  plus  qu'il  ne  promettait. 

L'ouvrage  est  divisé  en  cinq  parties. 

La  première  est  consacrée  à  l'habitation  ro- 
maine jusqu'aux  premières  années  du  I  V«  siècle. 
«  L'auteur  a  l'occasion  d'y  réformer  les  idées  trop 
exclusives  du  monde,  même  lettré,  sur  la  maison 
romaine  ».  Cette  partie  se  recommande  donc  à 
tous  ceux  qui  veulent  connaître  l'ancienne  Rome. 

La  deuxième  étudie  «  L'habitation  byzantine 
du  IV<=  siècle  aux  premières  années  du  VI<^.  » 

La  troisième  est  intitulée  «  Byzance  et  l'habi- 
tation byzantine  du  VI'=  au  XV*  siècle.» 

La  quatrième  traite  «  Des  palais  byzantins  en 
dehors  de  la  Grèce.  » 

La  cinquième  a  pour  titre  «  La  décoration  et 
le  mobilier.  »  Après  quoi  vient  la  «  Conclusion.  » 

La  maîtresse  pièce  de  la  première  partie  qui, 
en  trois  chapitres,  traite  des  maisons  de  rap- 
port ;  —  de  la  maison  patricienne  ou  hôtel  par- 
ticulier ;  —  et  des  palais  ;  —  est  le  palais  de 
Dioclétien  à  Spalato.  Ce  palais  ou  château,  d'im- 
mense intérêt  pour  l'archéologue,  est  le  monu- 
ment le  plus  complet  encore  existant  de  la  déca- 


70 


3Rcl)uc  lie  riart  chrétien. 


dence  romaine  et  du  style  nouveau,  qui,  modifié 
petit  à  petit  par  les  architectes  chrétiens,  devint 
plus  tard  le  style  dit  byzantin.  Il  dut  servir  de 
modèle  à  Constantin  pour  le  palais  impérial  de 
Byzance  et  faisait  encore  six  siècles  plus  tard 
l'admiration  du  PorphjTOgénète.  Ce  n'est  point 
seulement  par  ses  arcades  sur  colonnes  sans  l'in- 
termédiaire d'une  imposte,  ni  par  les  mosaïques 
de  ses  voûtes,  mais  par  son  plan  même  que  le  pa- 
lais de  Spalato  intéresse  l'histoire  de  l'habitation 
orientale.  —  Dix  plans  ou  coupes  empruntés  à 
Adam  (Londres,  1762)  et  huit  vues  photographi- 
ques, dues  à  M.  Millet  et  autres,  donnent  l'état 
actuel  de  ce  monument. 


^=sr^M-,  r'^^„ 


La  deuxième  partie  comprend  deux  chapitres. 
Dans  le  premier,  «  Byzance  et  la  maison  romai- 
ne »  l'auteur  nous  rappelle  que  cette  ville  fut 
transformée  par  Constantin  de  426  à  430  et 
que  ce  fut  très  probablement  Rome  qui  fournit  le 
modèle  pour  la  maison  patricienne  et  pour  les 
édifices  publics.  Beaucoup  de  ces  constructions 
furent  détruites  par  des  tremblements  de  terre  et 
des  incendies  et  les  architectes  pour  les  rebâtir 
firent  certainement  des  emprunts  à  la  maison 
syrienne  ;  en  effet  le  personnel  des  bâtisseurs  se 
recrutaitsurtout  en  Syrie, et  il  s'agissait  de  gagner 
de  l'espace  pour  une  population  orientale  qui 
affluait   attirée  par  les  privilèges  impériaux  ;  or 


El-Rabah  (V^-  siècle),  (d'après  de  Vogiié). 


l'habitation  syrienne,  avec  sa  logette  ou  balcon 
couvert  s'avançant  sur  la  rue  répondait  parfaite- 
ment à  cette  nécessité.  Aussi  l'auteur  conclut-il 
avec  raison  que  «  les  maisons  romaines  fourni- 
rent l'ossature  et  les  points  saillants  de  la  nou- 
velle capitale,  mais  qu'on  rencontrait  derrière  les 
portiques  des  rues  principales  dans  le  dédale  des 
rues  populaires  de  très  nombreuses  habitations 
conçues  dans  le  style  de  la  maison  syrienne  ».  Il 
arrive  ainsi  au  chapitre  deuxième  consacré  à  la 
maison  de  la  Syrie  centrale.  L'habitation  syrien- 
ne, qui  dérive  de  l'égyptienne,  comprenait  un  ou 
plusieurs  corps  de  bâtiments  à  deux  ou  trois 
étages, avec  galeries  extérieures, disposées  autour 
d'une  cour  centrale.  Cette  disposition  se  retrouve 
dans  le  palais  de  Dioclétien  à  Spalato  et  dans 


les  monastères  d'Orient.  Le  général  de  Beylié 
donne,  d'après  M.  de  Vogiié,  les  types  les  plus 
intéressants  des  maisons  urbaine  et  rurale;  les 
portiques  qui  garnissaient  les  rues  des  villes  ;  les 
hôtelleries,  le  monastère  de  St-Siméon  Stylite, 
dont  il  rapproche,  pour  faire  sentir  l'influence 
syrienne,  celui  de  Daphni  près  d'Athènes.  Tout 
en  décrivant  et  racontant,  il  compare  avec  les 
édifices  de  Coiistaiitinople  et  montre, avec  autant 
de  sagacité  que  de  réserve, sous  des  modifications 
imposées  par  la  nécessité  et  dont  le  génie  sut 
faire  des  merveilles,  comme  la  coupole  sur  pen- 
dentifs, les  emprunts  faits  à  la  Syrie  par  l'art 
byzantin. 

La  troisième  partie  donne  en  cinq  chapitres  : 
un    aperçu  général  ;  —  des  représentations  de 


BtbUograplîie. 


71 


villes  ;  —  des  groupes  d'habitations  ;  —  la  struc- 
ture des  maisons  ;  —  les  palais. 

Les  iconoclastes,  les  croisés,  qui  pillèrent  la 
ville  en  1204,  les  Turcs  qui  la  ravagèrent  en  1454 
détruisirent  une  foule  de  monuments  ;  aussi  l'au- 
teur recourt-il  aux  textes,  aux  mosaïques  et  aux 
miniatures  pour  représenter  des  villes  et  des 
groupes  d'habitations  :  fermes,  hôtelleries  et 
châteaux.  Il  donne,  d'après  Barsky,  le  plus  sou- 
vent, la  reproduction  de  plusieurs  monastères  du 
Mont-Athos  ;  «  les  monastères  sont  précieux  à 
étudier,  car  il  y  avait  de  tout  dans  ces  immen- 
ses agglomérations  de  bâtiments:  des  hôtels  par- 
ticuliers, des  couvents,  des  églises,  des  ateliers, 
des  groupes  ruraux,  etc.  ))  Le  chapitre  IV=  traite 
de  la  construction  des  maisons.  Le  plan  des  mai- 


sons isolées,  par  exemple  le  caravansérail  de 
Salonique  et  la  maison  de  Melnic  (frontière 
de  Bulgarie  et  de  Macédoine),  nous  donne 
encore  le  type  syrien.  Viennent  ensuite  douze 
pages  de  vignettes  tirées  du  Ménologe  du 
Vatican  (XI^  siècle)  et  autres  manuscrits  ou 
reproductions  de  célèbres  mosaïques.  Ces  des- 
sins, classés  d'après  les  analogies,  nous  don- 
nent différents  types  de  maisons,  des  péristyles, 
des  détails  décoratifs.  Enfin  les  dernières  feuilles 
de  ce  chapitre  contiennent  de  nombreuses  minia- 
tures du  Skylikzès,  qui  raconte  l'histoire  byzan- 
tine depuis  l'avènement  de  Michel  Rhangabé 
(811)  jusque  vers  le  milieu  du  XP  siècle.  On 
distingue  dans  cet  important  manuscrit  trois 
manières   principales  :    la    première    donne    des 


Monastère  d  Iviroo,  au  Mont-Athos  (d'après  une  photographie  de  M.  G.  Millet). 


architectures  très  intéressantes  par  leur  caractère 
de  vérité,  mais  les  monuments  y  sont  en  géné- 
ral extrêmement  simplifiés  ;  dans  la  seconde  ma-  ! 
nière,  les  architectures  sont  plus  développées, 
mais  aussi  plus  conventionnelles  ;  dans  la  troi- 
sième, elles  présentent  le  même  caractère,  mais 
avec  plus  de  finesse  dans  l'exécution  et  des  fonds 
polychromes. 

La  description  du  palais  des  Blachernes  et  du 
Boucoléon,  avec  leurs  dépendances,  occupe  une 
grande  partie  du  chapitre  cinquième.  Il  est  illus- 
tré de  nombreuses  vignettes  empruntées  au  ma- 
nuscrit de  Skylikzès  et  de  quelques  fresques  de 
Ste-Sophie  de  Kiew.  En  terminant,  l'auteur 
parle  des  jardins  de  Constantinople,  sur  lesquels 
on  en  est  réduit  aux  conjectures.  Ils  devaient 
être  petits  et  réguliers  ;  mais  en  dehors  de  la 
ville  il  y  avait  de  grands  parcs  pour  la  chasse. 

La  quatrième  partie,  consacrée  aux  palais  by- 
zantins  en  dehors    de  la   Grèce,  a  3  chapitres  : 


Ravenne  et  le  palais  de  Théodoric  ;^  Venise  et 
ses  palais  byzantins  ; —  le  Kremlin. 

Les  colonnes,  les  statues  et  les  mosaïques  du 
palais  de  Théodoric.  qui  était  une  imitation  de 
celui  de  C.  P.,  furent  transportées  à  Aix-la- 
Chapelle  par  Charlemagne  ;  aussi  reste-t-il  peu 
de  chose  de  ce  monument;  mais  on  peut  voir  la 
porte  extérieure  et  juger  de  sa  façade  principale 
par  la  mosaïque  de  S.  Apollinaire  Nuovo.  L'au- 
teur dit  quelques  mots  du  mausolée  de  Théo- 
doric et  attire  l'attention  du  lecteur  sur  les  cam- 
paniles et  les  fenêtres  à  arcades  nettement  byzan- 
tins des  églises  de  Ravenne. 

«  Venise  fut  tributaire  de  Byzance  plus  encore 
sous  le  rapport  des  arts  qu'au  point  de  vue  poli- 
tique. »  Les  artistes  qui  s'y  réfugièrent  lors  de  la 
persécution  des  Iconoclastes,  et  ceux  qui  y  furent 
appelés  par  les  doges,  entre  autres  Orseolo, 
reconstruisirent  S.  Marc,  bâtirent  des  églises  et 
des  palais  du    IX^  au  XI P  siècle.  Le  caractère 


72 


WitWt  tJC  rSrt  tf)rétien* 


byzantin  de  ces  monuments  est  évident  ;  mais 
les  architectes  locaux  firent  des  emprunts  à  l'art 
copte  et  arabe  et  des  modifications  tenant  à  la 
race,  au  climat  et  aux  mœurs.  Ces  palais  servirent 
de  modèle  à  ceux  que  les  Vénitiens  construi- 
sirent pendant  le  moyen  âge  et  la  Renaissance. 
M.  de  Beylié  donne  la  représentation  de  plusieurs 
de  ces  palais  et  de  deux  maisons  de  Cluny  du 
Xle  ou  XII*  siècle.  On  peut  ainsi  constater  que 
nos  habitations  romanes  présentent  de  singu- 
lières analogies  avec  celles  de  Venise. 

L'art  russe  est  un  mélange  de  l'art  byzantin, 
qui  prédomine,  et  de  l'art  hindou  ;  mais  l'in- 
fluence byzantine  fut  limitée  à  la  religion  et  à  la 
cour.  L'auteur  étudie  trois  édifices  de  ce  style  à 


Moscou,  le  palais  Anguleux  et  le  Térem  ou  Bel- 
védère situés  l'un  et  l'autre  dans  le  Kremlin  et 
la  maison  des  Romanow.  Le  Térem  fut  construit 
au  XVII<^  siècle  par  des  architectes  russes;  mais 
l'extérieur  du  palais  Anguleux  et  de  la  maison 
des  Romanow,  bâties  aux  X\'"  et  XVI"  siècles, 
par  des  Milanais,  a  le  caractère  de  la  Renaissan- 
ce italienne.  L'intérieur  est  nettement  byzantin, 
sauf  le  mobilier  qui  est  en  style  Louis  XIII.  A 
part  les  portraits  des  souverains,  les  sujets  sont 
généralement  religieux,  comme  à  Constantino- 
ple;  bien  plus  ils  sont  souvent  empruntés  à  l'his- 
toire byzantine,  par  exemple,  les  gestes  de  Cons- 
tantin et  d'Hélène,  la  condamnation  des  Icono- 
clastes. Ces   palais  nous  fournissent  le  seul  inté- 


Palais  de  Théodoric  à  Ravenne  (VI";  siècle).  (Mosaïque  de  Saint- Apollin.iire  (Nuovo). 


rieur  princier  byzantin  qui  existe  encore.  La 
description  et  les  phottjgraphies  de  l'auteur  per- 
mettent de  reconstituer  dans  des  conditions 
acceptables  un  appartement  du  palais  impérial 
de  Byzance. 

La  cinquième  et  dernière  partie  traite  en  trois 
chapitres  ;  —  de  la  décoration  polychrome  ;  — 
des  portes,  —  du  mobilier. 

M.  le  général  de  Beylié  réunit  et  complète  ici 
les  données  éparses  dans  tout  l'ouvrage  sur  la 
décoration  et  le  mobilier. 

La  décoration  polychrome  (mosaïques,  incrus- 
tations et  placages,  que  les  Byzantins  héritèrent 
des  Alexandrins),  passa  tout  naturellement  de 
l'intérieur  et  de  l'extérieur  de  leurs  maisons  à  la 
basilique  qui  en  dérive  et  aux  églises.  Les  Russes 
l'emploient  encore  sur  leurs  façades  et  leurs  cou- 
poles. —  Dans  ce  chapitre  l'auteur  a  beaucoup 
emprunté  pour  le  texte  et  les  gravures  à  l'his- 
toire de  l'art  depuis  les  temps  chrétiens  de 
M.  Gaston  Millet. 


Dans  le  chapitre  deuxième,  il  s'agit  des 
luxueuses  portes  byzantines,  quelquefois  pleines, 
le  plus  souvent  seulement  plaquées  de  métal, 
incrustées  et  damasquinées. 

Jusqu'au  XI 1"  s.,  le  mobilier  était  semblable 
dans  ses  formes  générales  à  notre  mobilier  du 
moyen  âge,  mais  il  était  richement  décoré 
d'émaux  et  d'ivoires,  au  moins  les  lits,  les  sièges 
en  forme  d'X  et  les  fauteuils.  Les  coffres  étaient 
plus  sobres  d'ornements.  Les  armoires  et  les  bi- 
bliothèques étaient  rares  et  modestes  et  rempla- 
cées par  des  placards.  Les  objets  précieux,  les 
effets  étaient  renfermés  dans  des  gardes  meubles 
et  n'étaient  exhibés,  comme  font  encore  les 
Chinois,  que  dans  les  grandes  occasions:  le  bibe- 
lot civil  n'existait  pas.  C'était  dans  les  étoffes,  les 
armes,  la  vaisselle,  les  lustres  que  se  manifestait 
le  luxe.  Ce  chapitre  contient  de  nombreux  des- 
sins et  quelques  belles  mosaïques  représentant 
des  meubles  divers. 

En  trois  pages,  l'auteur  donne  sa  conclusion, 


Bibltûsrapl)te. 


73 


qui  est  déduite  logiquement,  clairement,  sans 
exagération  ni  parti-pris.  Le  résumé  de  cette 
conclusion  nous  intéressera  particulièrement, 
nous  Français  ;  «;  En  somme,  la  maison  byzan- 
tine, à  en  juger  par  les  exemples  que  nous  en 
avons  donnés,  ne  différait  pas  beaucoup,  comme 
extérieur  tout  au  moins,  de  la  maison  moderne 
du  bassin  de  la  Méditerranée.  Un  Français  du 
XX^  siècle,  qui  serait  transporté  subitement,  par 
une  machination  de  féerie,  dans  la  Byzance  de 
Nicéphore  l'hocas  serait  certainement  moins 
étonné  que  ne  l'ont  été  les  pèlerins  latins  du 
moyen  âge  lesquels,  nous  dit  la  chronique,  res- 
taientbouche  bée  etbras  ballantsdevant  les  églises 
à  coupole  et  les   palais   aux   beaux   portiques  et 


aux  larges  fenêtres  vitrées  et  aux  terrasses  à  ba- 
lustres  si  peu  semblables  aux  massives  construc- 
tions seigneuriales  de  l'Europe.aux  portes  basses, 
aux  fenêtres  étroites  et  menaçantes,  aux  salles 
sombres  et  peu  aérées.  Notre  Français  se  trou- 
verait, avec  un  peu  de  bonne  volonté,  en  pays 
de  connaissance.  1 1  reconnaîtrait,  peut-être  vague- 
ment,dans  le  palais  de  la  Chalci  la  façade  de  feu 
le  palais  de  l'Industrie  ;  dans  les  rares  palais  con- 
stantiniens  encore  debout  la  Madeleine,  la  Bourse 
et  la  chambre  des  députés  ;  dans  les  portiques  de 
la  grande  rue  centrale  de  la  Mésé,  la  rue  de 
Rivoli  et  les  galeries  du  Palais-Royal  ;  dans  les 
caravansérails  et  les  monastères  non  pas  les 
grands  hôtels  de  Paris,  mais    les  casernes  aux 


Mosaïque  de  Sainte-Sophie    (<  L'art  byzantin  »,  par  Bavet.) 


façades  banales  et  aux  multiples  étages  qui  ont 
abrité  plus  ou  moins  confortablement  ses  années 
de  service  militaire.  Seul  l'Hippodrome  l'étonne- 
rait  un  peu,  à  moins  qu'il  n'ait  vu  les  arènes  de 
Provence  et  d'Italie. 

«  Le  parallèle  est  peut-être  excessif  et  para- 
doxal ;  aussi  ne  le  donnons-nous  pas  sans  un 
peu  d'ironie,  mais  il  a  l'avantage  de  rendre  tan- 
gible une  idée  que  nous  avons  souvent  émise 
dans  le  cours  de  cet  ouvrage  :  c'est  que  dans  son 
apparence  l'habitation  byzantine  différait  moins 
de  nos  maisons  modernes  qu'on  ne  le  pense 
généralement  et  que  certaines  histoires  de  l'ha- 
bitation humaine,  à  commencer  par  celle  de 
Charles  Garnier,  tendraient  à  le  faire  croire.» 

Ce  livre,  même  pour  un  spécialiste,  peut  être 
considéré  comme  un  essai  très  important  de  syn- 


thèse sur  l'un  des  points  les  plus  difficiles  de  la 
civilisation  et  de  l'art  byzantins.  Les  matériaux 
sont  abondants,  la  littérature  spéciale  soigneuse- 
ment consultée,  de  telle  sorte  que  peu  de  chose 
a  échappé  à  l'auteur.  Le  souci  de  l'exactitude  est 
digne  d'un  vrai  savant  :  ainsi  le  général  de  Beylié 
nous  avertit  par  une  note  que  tel  détail  n'a  pas 
été  bien  rendu  dans  une  vignette.  En  même 
temps  le  désir  de  la  perfection  artistique  le 
porte  à  rectifier  certains  dessins,  dont  le  modèle 
est  trop  grossier  ou  trop  primitif. 

Un  ouvrage  de  ce  genre  perdrait  beaucoup 
de  sa  valeur  sans  une  méthode  nettement  tracée 
et  fidèlement  suivie,  sans  un  langage  clair,  pré- 
cis, scientifique  sans  pédanterie,  et  même  pit- 
toresque, puisque  souvent  il  faut  décrire.  Pour 
éviter  la  monotonie  et  la  sécheresse,  il  importe  de 


74 


îRebue  lie  V^xt  cJ)rétien. 


savoir  varier  le  style,  faire  ressortir  un  contraste, 
amener  un  trait  historique,  tirer  de  l'œuvre 
même  quelqueanecdote  intéressante,par  exemple 
du  sujet  représenté  par  une  mosaïque.  L'auteur 
a  satisfait  pleinement  à  toutes  ces  difficiles  con- 
ditions. 

L'exécution  matérielle  du  travail  ne  laisse  rien 
à  désirer.  L'impression  est  très  soignée  et  fait  le 
plus  grand  honneur  à  la  maison  Allier  frères. 
M.  Le  Jourdan  mérite  les  mêmes  éloges  pour  la 
phototypie. 

Une  table  des  400  illustrations,  qui  indique 
en  chiffres  grecs  les  99  planches  hors  texte,  est 
jointe  à  la  table  des  matières. 

Dom  E.  ROULIN. 


LE  DROIT  D'ENTRÉK  DANS  LES  MUSÉES, 
par  M.  Henry  Lapauze.  —  Paris,  1902,  Société  fran- 
çaise d'imprimerie  et  de  librairie,  15,  rue  de  Cluny. 

L'AUTEUR  est  partisan  des  entrées  payan- 
tes avec  des  jours  gratuits  et  des  cartes  de 
faveur  libéralement  distribuées. 

Et  il  a  bien  raison. 

Depuis  vingt-huit  ans  le  système  fonctionne 
légalement  en  Italie  et  a  donné  d'excellents 
résultats  :  depuis  une  dizaine  d'années,  il  est 
de  temps  en  temps  préconisé  en  France. 

Pour  donner  à  l'opinion  publique  de  France  les 
moyens  de  s'éclairer  sur  la  question,  M.  Lapauze 
a  fait  une  enquête  dans  toute  l'Europe. 

Il  nous  apprend  qu'il  a  accompli  des  voyages 
répétés  à  l'étranger,  qu'il  a  contrôlé  ses  propres 
observations  par  les  déclarations  écrites  des 
directeurs  des  grands  musées  de  l'Europe,  décla- 
rations obtenues  au  moyen  de  questionnaires 
détaillés. 

Je  ne  m'occupe  que  de  l'Italie.  Eh  bien  !  je 
constate  que  l'enquête  faite  dans  ce  pays,  soit  par 
M.  Lapauze,  en  personne,  soit  par  les  question- 
naires, est  absolument  insuffisante. 

Et  je  le  prouve. 

L'auteur  parcourt  certaines  villes  d'Italie  les 
unes  après  les  autres  et  consacre  à  chacune  un 
chapitre  spécial. 

A  Rome,  M.  Lapauze  a  oublié  la  Galerie  mo- 
derne, qui  correspond  à  l'idée  qui  a  doniié  nais- 
sance au  musée  de  Luxembourg  à  Paris. 

Et,  chose  plus  incompréhensible,  l'auteur  ne 
dit  mot  de  la  Pinacothèque  du  Vatican. 

En  fait  de  musées  pontificaux,  il  cite  le  musée 
de  Latran  et  le  <  Vatican.  Tous  les  jours, de  10  h. 
à  j  h.  (excepté le  dimanche).  Entrée  i  fr.  Le  samedi 
l'entrée  est  libre  ». 


Il  est  clair  que  la  mention  ne  s'applique  qu'au 
musée  de  sculpture  et  à  ses  annexes,  car  l'accès 
de  la  Pinacothèque  est  gratuit. 

M.  Lapauze  a  oublié  également  la  Galerie  de 
l'Académie  de  Saint-Luc, et  cependant  il  marque 
les  galeries  particulières  Barberini,  Doria,  Co- 
lonna. 

A  la  suite  de  ces  galeries,  l'auteur  indique  la 
galerie  Corsini. 

Il  ignore  évidemment  qu'en  1883  le  prince 
Tomaso  Corsini  a  fait  don  à  l'État  des  tableaux 
réunis  par  ses  ancêtres  à  la  Longara  ;  depuis  cette 
époque  l'État  a  joint  aux  tableaux  de  Corsini  des 
peintures  provenant  de  Torlonia  et  du  Mont-de- 
Piété,  et  la  galerie  a  été  dénommée  Galerie 
nationale. 

A  Naples,  c'est  plus  fort  qu'à  Rome,  si  c'est 
possible. 

A  lire  M.  Lapauze,  il  n'y  aurait  dans  cette  cité 
qu'un  seul  musée,  le  musée  civique  de  Filangieri. 

Par  quelle  incroyable  distraction  l'auteur  a-t-il 
pu  oublier  non  seulement  le  musée  secondaire  de 
San  Martino  mais  le  musée  royal,  un  des  plus 
importants  de  l'Italie  ? 

Les  omissions  inexplicables  que  je  viens  de 
citer  suffiraient  pour  juger  la  valeur  de  l'enquête 
de  M.  Lapauze,  mais  il  faut  aller  plus  loin. 

L'auteur  omet  les  collections  royales  de  l'arme, 
Modène,  Lucquss,  Palerme,  Tarente,  Syracuse  ; 
la  galerie  des  armes  de  Turin  et  le  musée  de 
San  Marco,  de  Florence. 


Je  me  suis  tenu  jusqu'à  présent  dans  les 
musées  de  l'État  ;  voyons  maintenant  les  musées 
et  galeries  civiques  c'est-à-dire  municipales. 

M.  Lapauze  en  nomme  quelques-uns,  mais  il  a 
négligé  Pérouse,  Pise,  Sienne,  Vérone,  etc.,  pour 
ne  citer  que  les  plus  importants  parmi  les  cent 
soixante  que  possède  l'Italie. 

Il  n'a  porté  aucune  attention  non  plus  aux 
musées  spéciaux  des  églises,  et  cependant  le 
musée  de  l'Opéra  du  Dôme  de  Florence  et  celui 
de  la  cathédrale  de  Sienne  méritent  qu'on  s'y 
arrête  ;  ils  sont,  ainsi  que  des  musées  civiques  que 
j'ai  nommés,  beaucoup  plus  importants  que  nom- 
bre d'établissements  mentionnés  par  l'auteur. 

Le  gouvernement  italien  a  soumis  à  la  taxe 
diverses  localités  qui  ne  sont  pas  des  musées  pro- 
prement dits. 

Ce  sont  les  excavations  du  Forum  romain,  du 
Palatin,  des  Thermes  de  Caracalla,  de  Pompéi, 
d'Herculanum,  de  Pœstum. 

M.  Lapauze  n'en  dit  mot,  pas  plus  que  des 
chapelles,  réfectoires,  salles  capitulaires  détachées 


Bibltograplîie. 


75 


des  églises  et  des  couvents  et  soumis  à  la  taxe 
d'entrée  tels  par  exemple  que  le  réfectoire  de 
Santa  Maria  délie  Grazie  à  Milan  où  se  trouve  la 
Cène  de  Léonard  de  Vinci,  et  la  chapelle  des  Mé- 
dicis,  dans  l'église  San  Lorenzo  à  Florence,  célè- 
bre par  les  tombeaux  sculptés  par  Michel- Ange. 

Il  me  semble  que  lorsqu'on  plaide  la  cause  des 
entrées  payantes,  il  est  utile  de  tenir  compte  des 
recettes  et  de  l'usage  qui  doit  en  être  fait. 

M.  Lapauze  a  négligé  ces  détails,  quoique 
Pompéi  donne  de  45,000  à  50,000  francs  par  an, 
et  la  chapelle  des  Médicis  près  de  12,000  francs. 

L'auteur  donne  bien  quelques  indications  sur 
les  recettes  effectuées  par  l'État,  mais  ses  indica- 
tions sont  incomplètes  ;  sur  Rome,  par  exemple, 
il  est  muet. 

Ce  qui  paraît  étrange,  c'est  qu'il  ne  se  soit  pas 
inquiété  de  la  somme  totale  encaissée  annuelle- 
ment par  l'État  dans  l'ensemble  des  établisse- 
ments soumis  à  la  taxe. 

Le  chiffre  cependant  est  un  argument,  puisqu'il 
est  de  500,000  francs,  que  tous  les  ans  il  est  en 
croissance  et  que  vraisemblablement  il  sera  cette 
année  au  moins  de  550,000  francs. 

Je  parle  des  recettes  faites  par  le  Trésor  public 
et  non  de  celles  des  musées  pontificaux  et  des 
musées  civiques,  qui  peuvent  être  évaluées  à  une 
somme  de  près  de  100,000  francs  environ. 

Je  crois  que  M.  Lapauze  ne  s'est  pas  bien  rendu 
compte  de  la  loi  italienne  de  1875,  sur  les  taxes 
et  l'usage  qui  peut  en  être  fait. 

En  tout  cas,  il  n'en  parle  pas. 

Il  y  a  cependant  là  une  disposition  remarqua- 
ble et  digne  d'être  signalée. 

Les  sommes  encaissées  par  le  Trésor,  de  ce 
chef,  ne  peuvent  en  aucun  cas,  être  employées  à 
des  augmentations  de  traitement  du  personnel 
des  musées  ni  à  des  créations  d'emplois  nou- 
veaux, elles  sont  exclusivement  applicables  aux 
dépenses  du  matériel,  et  à  l'acquisition  d'oeuvres 
d'art,  en  plus,  bien  entendu,  des  crédits  habituels 
Votés  par  le  Parlement. 


J'en  ai  dit  assez,  je  crois,  pour  montrer  que 
l'enquête  sur  l'Italie  faite  par  M.  Lapauze  ne 
saurait  être  utilement  consultée,  lorsque  la  taxe 
d'entrée  dans  les  musées  de  l'État  et  dans  les 
établissements  d'art  de  la  France  sera  de  nouveau 
mise  à  l'ordie  du  jour  du  parlement. 

A  présent  j'aborde  une  affaire  qui  m'est  per- 
sonnelle. 

Depuis  dix  ans  je  demeure  en  Italie,  j'ai 
recueilli  les  renseignements  nécessaires  à  la 
publication   d'un   travail  sur  l'organisation    des 


Beaux-Arts  en  Italie  :  musées,  enseignement, 
conservation,  etc. 

Je  ne  me  suis  pas  contenté  d'envoyer  des  ques- 
tionnaires, j'ai  étudié  avec  attention  les  lois  et  les 
règlements  sur  la  matière  et  leurs  applications. 

Il  n'y  a  pas  de  pays  au  monde  qui  possède  une 
plus  grande  quantité  d'objets  d'art  et  pas  de  pays 
non  plus  où,  en  raison  des  divisions  territoriales 
de  jadis,  aujourd'hui  heureusement  disparues,  il 
n'a  été  fait  plus  de  lois  et  de  règlements. 

Partisan  résolu  de  la  taxe  d'entrée  dans  les 
musées  avec,  bien  entendu,  des  jours  gratuits  et 
des  cartes  de  faveur  généreusement  accordées, 
j'ai  commencé  dès  1894  dans  le  journal  Le  Temps 
et  dans  d'autres  journaux  de  Paris,  je  ne  puis 
dire  une  campagne,  mais  une  série  d'articles  pour 
démontrer,  par  l'exemple  de  l'Italie,  que  la  taxe 
n'était  nullement  contraire  aux  principes  démo- 
cratiques et  qu'elle  avait  eu  pour  la  prospérité  des 
musées  des  effets  très  efficaces. 

En  lisant  le  livre  de  M.  H.  Lapauze,  j'ai  été 
très  étonné  de  voir  que  l'auteur  avait,  en  une 
douzaine  de  pages,  reproduit  mes  articles  du 
Temps  :  il  m'a  nommé,  il  est  vrai,  et  il  a  nommé 
le  journal. 

Mais  il  ne  s'était  pas  donné  la  peine  de  me 
demander  mon  assentiment. 

Ne  connaissant  rien  aux  lois  françaises  sur  la 
propriété  littéraire  et  comme  lorsqu'on  vit  à 
l'étranger  depuis  dix  ans  on  perd  petit  à  petit  ses 
anciennes  relations,  j'ai  eu  recours  à  V Intermé- 
diaire des  chercheurs  et  des  curieux  et,  dans  le 
numéro  du  20  mars  1903  j'ai  posé  la  question 
suivante  : 

«  Droit  de  reproduction.  J'ai  publié  dans  un  journal 
quotidien  plusieurs  articles  sui  un  sujet  spécial.  Les  arti- 
cles étaient  destinés  à  un  livre  que  je  prépare  ;  un  écri- 
vain a  annexé  mes  articles  à  un  de  ses  volumes  sur  le 
même  sujet.  11  m'a  nommé  et  a  nommé  le  journal,  mais 
il  ne  m'avait  pas  demandé  l'autorisation  préalable  et  même 
il  ne  m'avait  pas  prévenu. 

«  A-t-il  droit  de  s'emparer  ainsi  de  mon  texte.'  » 

Un  auteur. 

Le  30  avril,  M.  G.  Rabaroust  que  je  n'ai  pas 
l'honneur  de  connaître,  a    répondu  ce   qui  suit  : 

<  Dans  l'espèce  présentée  aujourd'hui  par  l'intermé- 
diaire qui  se  plaint  d'avoir  été  pillé  comme  auteur  je  ne 
vois  apparaître  aucun  motif  dexceplion  a  la  rèj^le  com- 
mune, bien  que  le  fait  incriminé  soit  en  quelque  sorte 
autorisé  par  l'usage. 

«  Le  principe  n'est  pas  douteux  :  toute  sa  vie  l'auteur  a  le 
droit  exclusif  de  publier  l'œuvre  littéraire  qu'il  a  créée, 
article  de  journal  ou  autre.  Lui  seul  a  la  faculté  d'exploiter 
son  œuvre  et  d'eu  disposer  librement. 

«  Il  a  été  maintes  fois  jugé  que  le  fait  de  reproduire  sans 
autorisation,  par  la  voie  de  la  presse,  des  articles  parus 
dans  un  précédent  journal,  constituait  pour  le  propriétaire 
du  journal  reproducteur  le  délit  de  contrefaçon. 


76 


3Rebue  ïjc  V^vt  tbrétten. 


«  Cr.  T.,  sç  oct,  tSjo.  D.  t.  Cr.  Prop.  Litt.  z8çg. 
Paris,  2^  novembre  lSj6,  ibid. 
Trib.  comin.  de  la  Seine,  6  jatwier  t8j8,  ibid. 
Rouen,  ro  et  ij  dt'cembre  iSjç,  ibid. 

«  ...alors  même  que  ces  articles  auraient  été  reproduits 
par  d'autres  journaux  avec  la  permission  de  l'auteur  et 
même  par  un  journal  sans  cette  permission. 

<,<  Mime  arrêt  du  ij  décembre  /Sjç. 

«  h  fortiori,  si  c'est  en  dehors  de  la  presse  qu'est  repro- 
duit l'article. 

G.  Rab.-vroust.  » 

Si  M.  Henri  LapauZE  veut  répondre  à  ma  cri- 
tique de  son  livre  et  à  la  consultation  de  M.  G. 
RabarouST,  je  prie  M.  le  Directeur  du  journal 
Les  Beaux- Arts  de  lui  ouvrir  ses  colonnes. 


Florence,  Juin  1903. 


GERSrACH, 

Administrateur  honoraire  de  la 
Manufacture  des  Gobelins. 


P.  S.  —  En  décembre  1903,  M.  H.  Lapauze 
n'avait  pa»;  répondu  à  mon  invitation. 

MÉMOIRE  SUR  LES  PRINCIPES  DES  PRO- 
PORTIONS EN  ART,  par  MM.  Jaminé  et  Peeters. 
—  (Ann.  du  Coni^^ns  archéolos:^ique  de  Tongres  en  içoi ). 

LA  question  des  tracés  eurythmiques  dans 
les  monuments  anciens  et  en  particulier 
dans  ceux  du  moyen  âge,  est  vieille  de  plus  d'un 
demi-siècle.  J'en  ai  rappelé  les  précédents  et  fait 
connaître  les  plus  récentes  investigations,  no- 
tamment dans  la  Revue  de  l'Art  chrétien  (année 
1900,  p.  340),  dans  mon  mémoire  sur  les  Piincipes 
du  Beau  en  architecture  (')  et  dans  mon  Traite 
d'Architecture  (t.  V).  Je  rappellerai  encore  que 
feu  Aurès  a  laissé  là-dessus  foute  une  collection 
de  savantes  études  {-),  que  V.  Heszelman,  suivi 
par  Albert  Lenoir,  a  été  le  principal  vulgarisateur 
des  lois  eurythmiques,  reprises  plus  tard  par 
Viollet-le-Duc;  il  faut  citer  encore  à  ce  sujet  les 
études  de  MM.  Babin  et  Faure  (3)  et  spéciale- 
ment les  toutes  récentes  découvertes  de  M.  Lam- 
perez,  que  nous  avons  exposées  ici  même  (''), 
Il  s'agit  de  divers  tracés  canoniques,  appliqués 
surtout  à  l'élévation  des  églises  gothiques,  et  en 
outre,  des  règles  traditionnelles  pour  le  tracé  de 
leur  plan,  tracées  en  168 1  par  l'architecte  Simon 
Garcia  de  Salamanque  {=>). 

Un  rappel  de  toutes  ces  sources  eût  avanta- 
geusement figuré  en  tête  de  l'intéressant  inémoire 
présenté  au  Congrès  archéologique  tenu  à  Ton- 
gres en  1901  par  M.  Jaminé  (6).  Il  a  pour  sujet  la 
réponse  à  cette  question,que  se  pose  l'auteur  à  lui- 

1.  Bruges,  Desclée.  De  Brouwer  et  C'=,  1900. 

2.  V.  Revue  de  1^ Art  chrétien,  loc.  cit. 

3.  \^  Ibid. 

4.  V.  thid. .  1902,  p.  344. 

5.  V.  IHd.,  1900,  p.  341. 

6.  L'auteur  semble  (p.  4)  méconnaître  ces  nombreu.'c  travaux. 


même  :  Les  principes  des  proportions  de  majeures  et 
mineures  proportionnelles  ont- ils  été  d'application 
constante  pendant  le  moyen  â<^e  dans  l'art  de  l'ar- 
chitecte, du  sculpteur  et  du  peintre  ? 

Cet  énoncé  paraîtra  énigmatique  à  beaucoup 
de  lecteurs;  il  aurait  peut-être  été  préférable  de 
se  demander  si  les  artistes  médiévaux  se  sont 
servis  d'échelles  eurythmiques  basées  sur  la  pro- 
gression géométrique  et  sur  l'application  de 
triangles  dits  Égyptiens.  L'explication  donnée 
par  des  exeinples  numériques,  de  la  formule  pré- 
citée, ne  sert  guère  qu'à  embrouiller  les  idées;  du 
moins  nous  avouons  n'avoir  pas  réussi  à  y  voir 
bien  clair. 

Néanmoins  il  résulte  du  très  curieux  travail  de 
M.  Jaminé  une  confirmation  de  ce  qui  était  pour 
nous  déjà  une  conviction  morale,  à  savoir,  que 
dans  certaines  limites,  que  j'ai  précisées  ailleurs, 
les  règles  eurythmiques  en  question  ont  été  d'un 
usage  fréquent  et  sont  d'une  application  des 
plus  rationnelles. 

D'ailleurs,  notre  confrère  a  poussé  l'examen 
de  la  question  dans  un  domaine  nouveau,  celui 
des  ai'ts  accessoires  et  des  objets  mobiliers,  et  il 
retrouve  trace  de  ces  règles  eurythmiques  dans 
quantité  de  petits  monuments  romans  et  go- 
thiques, tels  que  le  reliquaire  de  la  sainte  Croix 
de  Tongres,  l'ivoire  de  l'évangéliaire  de  Tournai; 
des  statuettes,  des  peintures,  etc. 

L.  Cloquet. 


DICTIONNAIRE  D'ARCHÉOLOGIE  CHRÉ- 
TIENNE ET  DE  LITURGIE,  par  le  R.  P.  Hern, 
F.  Cabrol.  Paris   Letouzey,  1903. 

Le  troisième  fascicule  de  ce  savant  recueil 
contient  un  important  article  du  Directeur  du 
Dictionnaire  lui-même  sur  la  liturgie  ancienne, 
anténicéenne  et  postnicéenne,  de  l'Afrique.  l,a 
liturgie  africaine,  dont  les  documents  ont  disparu, 
est  cependant  de  première  importance,  comme 
étant  la  plus  ancienne  liturgie  latine  dont  on 
puisse  essayer  la  restitution,  grâce  aux  mentions 
qui  se  rencontrent  dans  les  textes  ;  on  peut  même 
y  rechercher  les  premières  origines  de  la  langue 
liturgique  latine.  Le  savant  auteur,  en  étudie  les 
sources,  les  cérémonies  et  notamment  les  fêtes 
des  martyrs  et  le  culte  des  morts,  les  agapes, 
la  messe,  les  sacrements,  etc. 

L'archéologie  de  l'Afrique  elle-même  offre 
un  intérêt  majeur,  car  elle  offre,  à  cause  des 
études  suivies  dont  elle  a  été  l'objet  de  la  part 
des  savants  français,  des  documents  plus  nom- 
breux que  celle  d'aucune  autre  région  du 
monde  antique.  Des  fouilles  retentissantes  ont 
été  ouvertes  durant  ces   dernières  années   dans 


Btbltograpl)te, 


77 


ces  contrées  dont  le  soi  est  si  riche  en  vestiges 
des  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne  ;  seule- 
ment le  désarroi  règne  encore  dans  cet  amon- 
cellement de  documents  lapidaires,  et  aucun 
classement  sérieux  n'a  encore  pu  être  entrepris. 
Dans  le  mémoire  considérable  qu'il  y  consacre, 
M.  H.  Declercq  se  borne  à  un  dépouillement 
très  précis  des  connaissances  acquises  par  les 
laborieuses  investigations  dont  notre  collabo- 
rateur le  R.  P.  Delattre  s'est  fait  le  grand  pion- 
nier et  M.  S.  Gsell,  le  savant  publiciste.  Signalons, 
parmi  les  monuments  étudiés,  les  nteiiioriœ  des 
martyrs, comme  la  chapelle  d'Alexandre  àTipasa, 
les  temples  païens  transformés  en  oratoires 
chrétiens,  les  basiliques  chrétiennes  proprement 
dites,  comme  la  chapelle  et  la  grande  basilique 
de  Tigzirt,  le  Dar-el-Kons  au  Kef,  la  chapelle 
tréflee  d'Agemounni  à  Oubekkar,  la  basilique  de 
Sainte  Salsa  à  Tipasa,  la  vaste  basilique  de 
Damous-el-Karita  à  Carthage  et  surtout  la  basi- 
lique de  Tebessa,  qui  a  tant  occupé  les  archéolo- 
gues. Les  baptistères,  les  autels,  les  tombes  en 
mosaïques,  les  fresques,  les  sarcophages  sont 
l'objet  de  chapitres  annexes. 

Une  autre  étude  considérable  est  consacrée 
aux  antiques  agapes;  elle  est  illustrée  de  nom- 
breuses gravures  reproduisant  les  lieux  de  réunion 
des  agapes,  les  inscriptions  qui  y  font  allusion, 
les  fresques  qui  les  représentent,  etc.,  etc.  ;  c'est 
tout  une  vaste  iconographie.  La  monographie 
consacrée  au  monastère  à'Agauiie  est  surtout 
d'ordre  historique,  mais  renferme  la  description 
illustrée  de  la  fameuse  châsse  mérovingienne  du 
trésor  de  Saint-Maurice  ;  M.  Declercq  est  encore 
l'auteur  de  cet  article.  Le  fascicule  se  clôture  par 
le  commencement  d'une  étude  symbolique  de 
Y  Agneau. 

L.  C. 

DICTIONNAIRE  DE  LA  BIBLE,  publié  par 
F.  ViGOUROUX,  XVP  fascicule.  —  Paris,  Letouzey, 
1903. 

Ce  fascicule  traite  des  sujets  classés  dans 
l'ordre  alphabétique  entre  les  mots  Fontaine  et 
Gaza.  On  y  trouve  beaucoup  de  pages  de  haute 
érudition,  notamment  sur  les  versions  françaises 
et  gaéliques  de  la  Bible,  sur  les  travaux  bibliques 
des  Franciscains,  sur  les  funérailles  chez  les 
peuples  de  l'antiquité,  sur  divers  métiers,  tels  que 
celui  de  forgeron  ou  de  foulon,  sur  la  géographie 
des  pays  de  Gad  et  de  Galilée.  Aucun  de  ces 
articles,  si  intéressants  soient-ils,  n'est  de  nature 
à  être  analysé  ici,  mais  le  lecteur  adonné  aux 
recherches  d'érudition  nous  saura  gré  de  les  avoir 
signalés. 

L.  G 


RÉPERTOIRE  BIBLIQUE  A  L'USAGE  DU 
TOURISTE  EN  BELGIQUE,  par  E.  SonNEVILLK. 
Bruxelles,  Vromant,  1903.  Prix  :  i  fr.  25. 

Le  Toiiring  Cliil>,ça.v  la  multitude  de  ses  mem- 
bres et  par  sa  bonne  organisation,  est  devenu  une 
petite  puissance  en  Belgique.  Son  journal  est  fort 
intéressant,  ses  adhérents  se  recrutent  dans  la 
meilleure  société  et  comptent  dans  leurs  rangs 
quantité  d'érudits.  Cette  société  vient  d'éditer  à 
l'usage  des  intellectuels  de  la  pédale  un  recueil 
bibliographique  superbe,  embrassant  toute  la 
littérature  historique  et  descriptive  de  nos  villes, 
œuvre  qu'on  avait  attendue  en  vain  jusqu'ici 
dans  nos  sociétés  savantes. 

L.  C. 


ÉTUDE  SOMMAIRE  DU  BAPTISTÈRE  DE 
SAINT-JEAN  DE  POITIERS,  par  le  R.  P.  C.  DE 
LA  Croix.  —  In-8°,  86  pp.  Poitiers,  Blois,  1903. 

On  a  divagué  durant  un  siècle  sur  le  pré- 
cieux monument  latin  qu'a  visité  cette  année 
la  Société  française  d'archéologie  ;  mais  ses 
membres  ont  trouvé  dans  le  Père  de  la  Croix  un 
cicérone  à  même  de  leur  dire  à  son  sujet  l'exacte 
vérité,  car  il  doit  une  part  de  sa  grande  notoriété 
aux  études  qu'il  a  faites  durant  sept  ans  sur  le 
fameux  baptistère  dont  il  prépare  la  mono- 
graphie. 

En  attendant  il  nous  en  donne  une  description 
sommaire  mais  précise,  d'une  précision  scienti- 
fique rigoureuse.  Puis  il  pose  le  problème  de  sa 
destination.  Ce  n'était  pas  un  temple,  car  l'édi- 
fice, caché  au  public  par  ses  annexes,  était  dénué 
d'autel  et  muni  d'une  piscine. —  Etait-ce  bien 
le  mausolée  de  Claudia-Varenilla  ?  La  remar- 
quable épitaphe  du  musée  poitevin  paraît  anté- 
rieure à  l'édifice,  où  il  n'y  avait  pas  place  pour  un 
mausolée  pas  plus  que  pour  un  autel,  vu  la  pré- 
sence de  la  piscine  centrale.  La  présence  de 
celle-ci  doit  faire  deviner  un  baptistère  ;  et  de 
fait,  toute  l'ordonnance  du  monument  se  rapporte 
à  cette  affectation  ;  elle  réalise  parfaitement  tout 
le  programme  liturgique  du  baptême  par  immer- 
sion telle  qu'il  se  pratiquait  à  l'époque  de  son 
édification. 

Cette  époque  ne  peut  être  antérieure  à  l'édit 
de  Milan  (310)  ;  l'édifice  est  fait  entièrement  de 
matériaux  de  remploi  antérieur  au  IV<=  siècle  ;  il 
est  visible  que  ses  constructeurs  étaient  des  chré- 
tiens pressés  de  jouir  de  la  liberté  dont  ils  venaient 
d'être  investis.  Le  savant  P.  Jésuite  pense  que 
le  baptême  à  immersion  aurait  été  remplacé  par 
celui  à  infusion  vers  la  fin  du  VIP  siècle  époque 
des  aménagements  mérovingiens,  suivis  des  re- 
maniements carolingiens  et  de  nouveaux  amé- 


78 


WitWt  tir  rSrt  cf)rétten. 


nagements  nombreux  au  cours  du  siècle  suivant. 
Ces  questions,  que  nous  ne  faisons  que  résumer, 
sont  élucidées  à  grand  renfort  d'arguments 
basés  sur  une  étude  de  l'édifice  vraiment  anato- 
mique,  et  sur  la  critique  historique  la  plus  ap- 
profondie. 

L.  C. 

L'ÉGLISE  DE  SAINTE-MARIE  DES  AN- 
GLAIS, par  L.  Régnier.  —  Broch.  Caen,  Delesque, 
1903. 

Ce  minuscule  oratoire  roman  de  Calvados, 
qu'a  fait  connaître  de  Caumont,  est  en  train  de 
périr.  M.  Régnier  a  fait  ce  qu'il  a  pu  pour  lui,  ou 
plutôt  pour  la  science,  savoir  une  bonne  petite 
monographie  du  modeste  monument.  Ses  bases 
pattées,  ses  chapiteaux  godronnés,  ses  corbeaux 
de  corniche  à  copeaux,  ses  restes  de  fresques,  ses 
portes  à  l'archivolte  ornée  de  tores  en  zigzag, 
ses  tombes  du  XIIP  siècle,  lui  donnent  un 
vif  intérêt. 

L.  C. 

GOURNAY-EN-BRAYET  SAINT-GERMER, 

par  L.  Régnier.  —  Broch.  Orner,  Delesque,  1903. 

Cet  opuscule,  fruit  d'une  excursion  faite  par 
V Association  normande,  est  un  recueil  de  notes 
archéologiques  sur  l'abbaye  de  Saint- Germer  de 
Fly  ;  i'église,  du  XIII<^  siècle,  se  rattache  à  l'Ile 
de  Franco  avec  quelques  emprunts  à  l'école  nor- 
mande. On  connaît  sa  grille  du  XIII'  siècle, 
son  autel  roman.  La  chapelle  de  la  Vierge  est 
une  merveille  qui  fait  penser  à  Pierre  de  Mon - 
tereau.  Des  traces  de  la  décoration  picturale 
subsistent,  ainsi  que  les  vitraux  de  l'abside. 

Gournay  n'a  conservé  que  deux  de  ses  an- 
ciennes églises,  celles  de  Saint-Hildevert  ;M.  R. 
refuse  à  cette  collégiale  l'ancienneté  qu'on  lui 
attribue  généralement,  et  la  date  du  commen- 
cement du  XII«  siècle  :  il  en  donne  un  plan  en 
y  marquant  les  remaniements  successifs  ;  les 
parties  reconstruites  sont  analogues  à  l'église  de 
Saint-Germer. 

L.  C. 


LE  NORD-EST  DE  LA  FRANCE,  par  BaE- 
DEKER.  —  Paris,  OUendorff,  1903. 

La  septième  édition  du  guide  de  Baedeker, 
consacrée  aux  Ardennes,  aux  Vosges  et  au 
Rhône,  résume  tous  les  renseignements  les  plus 
neufs  pouvant  intéresser  les  voyageurs,  en  ce  qui 
concerne  une  des  contrées  les  plus  remarquables 
de  la  France  et  de  l'Europe.  Les  guides  de  cette 
collection  ont  d'ailleurs  atteint  une  perfection  re- 
lative, à  laquelle  il  serait  difficile  d'ajouter  quel- 


que chose.  Cependant  ce  serait  possible  à  cer- 
tains égards  ;  et,  pour  la  partie  qui  nous  concerne, 
nous  constatons  un  certain  défaut  de  méthode 
dans  la  description  des  monuments.  Bien  décrire 
un  édifice  en  quelques  lignes,  n'est  pas  chose  à 
la  portée  du  premier  venu.  Si  l'éditeur  nous  en 
croyait,  il  confierait,  par  exemple,  la  description 
des  monuments  anciens  notables  à  un  archéo- 
logue très  entendu,  et  sachant  condenser  sa 
pensée.  Il  élaguerait  des  détails  superflus  ou 
inexacts,  insisterait  sur  les  caractères  typiques, 
se  servirait  de  termes  parfaitement  appropriés, 
placerait  aux  vrais  bons  endroits  l'accent  qui 
suggère  l'admiration  légitime.  —  On  ne  dirait 
pas  que  l'église  de  Saint-Quentin  est  en  croix 
archiépiscopale,  et  que  le  chevet  deLaon  est  carré 
(ilestplat).On  ne  s'attarderait  pas  à  l'église  chimé- 
rique que  pouvait  être  le  transept  de  Soissons  ; 
on  dirait  quelques  mots  de  l'ordonnance  générale 
(une  perfection)  de  la  cathédrale  d'Amiens  au 
lieu  de  se  borner  à  l'énumération  de  la  statuaire. 
On  ferait  remarquer  la  sveltesse  suprême  de 
St-Urbain  à  Troyes,  qui  est  la  plus  aérienne  des 
églises  anciennes  ;  on  s'abstiendrait  de  proférer 
cette  énormité,  que  Guillaume  de  Sens  a  «  in- 
venté l'ogive  »  ;  on  insisterait  sur  les  caractères 
spéciaux  de  l'art  bourguignon,  qui  s'accusent  si 
évidemment  dans  les  monuments  romans  de 
Vezelay,  de  Beaune,  d'Auch,  dans  les  églises 
gothiques  telles  que  celles  de  Dijon,  les  cathé- 
drales d'Auxerre  et  de  Sens  etc.  Nous  citons 
au  hasard  ces  petites  imperfections,  non  pas  du 
tout  pour  débiner  un  travail  qui  est  dans  son 
ensemble  d'un  grand  mérite,  mais  dans  l'espoir 
d'y  voir  se  réaliser  une  perfection  nouvelle. 

L.  C. 


L'ARCHITECTE  DE  LA  COLLEGIALE  DE 
SAINTE-WAUDRU,   A   MONS,     par   J.    HUBERT. 

—  Mens,  1902. 

M.  l'architecte  J.  Hubert  vient  de  publier  en 
brochure  une  intéressante  communication  qu'il 
a  faite  au  Congrès  archéologique  et  historique 
de  Bruges. 

Il  y  reprend  une  question  déjà  traitée  et 
résolue  par  lui  comme  nos   lecteurs    le  savent  : 

—  Quel  est  l'architecte  qui  a  conçu  le  projet  de 
Sainte-  IVaudru,  â  Mons?  —  Voici  sa  conclusion: 

«  En  1449,  tout  était  prêt  pour  commencer 
les  travaux. Le  Chapitre  provoque  une  consulta- 
tion de  quatre  architectes.  Jean  Huwcllin  est  ap- 
pelé çout  prendre  advis  de  conwiinchier  à  ordonner 
et  mettre  eti  forme  l'ouvrage  ;  Michel  de  Rains, 
pour  avoir  son  advis  ;  les  deux  autres,  pour  ac- 
compagner les  précédents.  Évidemment,  l'auteur 
du  projet  se  trouve  parmi  ces  quatre  architectes; 


Btbltograpl)ie, 


79 


nous  pensons  que  c'est  Huwellin,  mais  nous 
faisons  des  réserves,  parce  que  les  comptes  ont 
des  lacunes  ». 

Dans  une  espèce  de  thèse  présentée  il  y  a 
quarante  et  des  ans,  feu  L.  Dethuin  affirmait 
avoir  découvert  l'auteur  du  projet  et  semblait 
dire  d'abord  que  c'était  Michel  de  Rains,  lequel 
aurait  été  choisi  par  le  Chapitre  pour  dresser  les 
plans  de  l'église.  Il  parle  peu  de  Spiskin,  un 
autre  architecte,  venu  pour  conduire  les  travaux 
qui  ont  été  ajournés.  Il  signale  l'arrivée  tardive 
de  celui-ci,  le  ravale  en  disant  qu'il  est  sous  les 
ordres  de  de  Layens  et  finit  sans  conclure.  Quel- 
ques mois  plus  tard,  il  publie  la  seconde  partie, 
dans  laquelle,  sans  préambule,  il  déclare  que  c'est 
Spiskin  qui  est  l'auteur  du  projet.  Il  s'est  dis- 
pensé ainsi  de  fournir  une  preuve  qui  n'existe 
pas. 

M.  Boghaert-Vaché  a  annoncé  dès  1898  une 
prétendue  découverte.  Selon  lui,  deRains  a  donné 
\&s plans,  mais  Spiskin  a  conçu  \e  projet  !  Si  l'on 
recherche  les  fondements  de  son  opinion,  on  ne 
trouve  que  des  déclarations  inexactes  emprun- 
tées à  Dethuin,  des  équivoques,  des  suppositions 
gratuites  substituées  à  des  textes  précis.  C'est 
ce  que  M.  Hubert  établit  avec  une  implacable 
argumentation. 

L.  C. 


CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  POITIERS 
(1903),  par  M.  L.  Quarré-Reybourbon.  —  Broch. 
in-8°.  Darcel,  Lille,  1903. 

M.  Q.  R.  est  un  assidu  de  congrès,  où  il  pré- 
sente souvent  des  communications.  En  suite  du 
congrès  archéologique  de  France  il  a  donné  à  la 
Société  de  Géographie  de  Lille,  dont  il  est  Vice- 
Président,  un  rapport  très  développé  et  très  étu- 
dié, qu'on  peut  considérer  comme  un  guide 
archéologique  dans  la  région  poitevine. 

DIE  ROMISCHEN  KATAKOMBEN,  par  le 
D''A.  Weber. — In- 12,  de  176  pp.  Pustet,  Ratisbonne, 
1903- 

Nos  lecteurs  connaissent  l'excellent  guide  très 
précis  et  très  exact,  que  notre  ancien  collabo- 
rateur feu  Barbier  de  Montault  a  édité  chez 
Desclée  sur  les  catacombes  romaines.  On  peut 
placer  au  même  rang,  pour  la  langue  alle- 
mande, celui  du  D'^  Antoine  Weber,  auquel  la 
maison  Pustet  vient  de  donner  le  jour  ;  il  est 
enrichi  d'abondantes  illustrations. 

DE  L'INVENTION  A  L'EXALTATION  DE 
LA  SAINTE  CROIX,  par  L.  DE  CoMBES.  —  In-8°, 
300  pp.  Paris,  édiieur  de  VArt  à  l'autel,  1903. 


Nos  lecteurs  connaissent  l'auteur  de  ce  livre, 
lequel  est  le  second  d'une  série  ;  nous  avons 
parlé  du  premier  :  La  vraie  Croix  retromiee. Dans 
le  présent  volume,  il  est  question  de  la  basilique 
tripartite  de  Sainte-Hélène  à  Jérusalem  et  des 
souvenirs  de  la  Passion  dont  elle  était  pleine  : 
le  saint-Sépulcre,  le  Calvaire,  les  reliques,  le 
portrait  du  Christ, l'Exaltation  de  la  SaiiiteCroix, 
tous  sujets  palpitants  d'intérêt  pour  le  public  au- 
quel nous  avons  l'honneur  de  nous  adresser. 

L'auteur  s'occupe  d'abord  delà  basilique  Con- 
stantinienne,  sujet  que  nous  avons  naguère  ré- 
sumé d'après  l'abbé  Legendre  (').  On  admet 
généralement  jusqu'ici  comme  plausible  la  resti- 
tution de  M.  Schick,  que  nous  avons  donnée 
naguère  (-).  Elle  suppose  que  l'abside  ronde  du 
niartyriiim  est  à  l'opposite  de  Vanastasie,  la  ba- 
silique de  Ste-Hélène  s'appuyant  par  ses  nefs  à 
Vatriuin.  M.  de  Combes  avance,  qu'au  contraire 
l'abside  de  la  basilique  était  contiguë  à  l'un  des 
trois  bras  des  portiques  (de  l'atrium)  ;  et  voici 
comment  il  justifie  son  opinion  : 

«  Eusèbe,  en  effet,  après  avoir  constaté  que 
l'atrium  était  entouré  de  portiques  sur  trois 
côtés,  ajoute  :  «  La  Basilique  est  contiguë  à  ce 
côté  qui,  regardé  du  Sépulcre,  est  au  soleil 
levant  ». 

Il  nous  paraît  que  la  conséquence  ne  tient  pas 
dans  les  prémisses,  et  nous  tenons  pour  l'avis  du 
P.  Germer  Durand  :  le  martyrium  formait  une 
abside  orientale.  Néanmoins,  comme  M.  Cler- 
mont-Ganneau  l'a  démontré  (3)  naguère,  il  est 
certain  que  la  façade  de  la  basilique  regardant 
l'Est, et  non  l'Ouest,  on  accédait  aux  portes  d'en- 
trée par  un  escalier  monumental,  embrassant 
toute  la  façade  et  débouchant  sur  un  grand  vesti- 
bule de  colonnes.  Ces  données  auraient  dû  être 
mises  à  profit  par  notre  auteur.C'est  la  seule  cri- 
tique que  nous  ayons  à  faire  à  sa  restitution  très 
précise. 

Quant  aux  reliques  de  la  Passion,  il  en  a  été 
traité  d'une  manière  particulièrement  développée 
dans  nos  colonnes  par  M.  de  Mély,  que  notre  au- 
teur invoque  souvent  parmi  nombre  d'auteurs. 
Ses  références  sont  nombreuses  et  précises  ;  son 
livre  est  œuvre  de  sérieuse  érudition.  Il  accorde 
grand  crédit  à  l'histoire,  rapportée  par  Eusèbe, 
de  la  statue  du  Christ,  élevée  à  Forcade  deux 
ans  avant  la  Passion  par  Ste  Bérénice,  l'hémor- 
roïsse  miraculée.  Il  disserte  longuement  sur  les 
images  du  Sauveur  et  la  question  de  sa  beauté 
corporelle,  et  conclut  sur  un  mot,  assez  obscur, 
et  qu'il   trouve  magistral,  du   triste   personnage 

1.  Revue  de  VArt  chrétien,  année  i8g8,  p.  331. 

2.  Ibid.,  p.  332. 

3.  Séance  du  5  août  1897,  de  V Académie  des  înscriptiûus  et 
Belles-Lettres. 


qui  a  tant  besogné  pour  profaner  le  souvenir  de 
S.  S.  Léon  XIII. 

Pour  décrire  le  temple  restauré  du  VU'' siècle, 
M.  de  C.  suit  le  récit  bien  connu  d'Arculfe. 
Nous  n'y  relèverons  qu'un  passage  :  «  par  une 
fantaisie  architecturale  inexplicable,  l'intérieur 
était    divisé    en    onze    compartiments    concen- 


triques en  forme  d'anneaux.séparés  par  des  murs 
exactement  circulaires  ».  Mais  il  n'y  a  là  rien 
d'inexplicable.  Comme  l'a  remarqué  M.  Ch.  Lu- 
cas, il  est  probable  que  les  trois  enceintes  dont 
il  est  question  ici,  constituaient  un  portique  inté- 
rieur et  un  portique  extérieur,  ordonnance  qui 
est  parfaitement  judicieuse  et  heureuse.  L'église 


TswWV 


actuelle  du  S.  Sépulcre  présente  encore  la  colon- 
nade intérieure. 

Le  dernier  chapitre,  intitulé  l'Exaltation  de 
la  Sainte  Croix,  est  un  long  morceau  d'histoire 
militaire,  un  hors-d'œuvre,  où  trois  pages  seule- 
ment sur  vingt-cinq,  de  beau  style  d'ailleurs, 
sont  consacrées  à  la  glorieuse  relique. 

L.  C. 


L'ART  KT  L'AUTEL  (septembre  1903). 

Nous  relevons  une  notice  de  M.  E.  van  den 
Broeck  sur  le  peintre  religieux  Romain  Cazes 
(1810-1881),  qui  fut  élève  d'Ingres  et  décora 
plusieurs  églises  de  Paris:  Saint- François-Xavier, 
l'église  du  Gesu,  la  Trinité,  etc.  ;  et  la  fin  de 
l'article  du  D'  Ménard  sur  la  restauration  de 
Saint-Urbain    de  Troyes.    L'auteur   continue   à 


déplorer  l'esprit  qui  a  présidé  à  la  remise  à  neuf 
de  l'antique  collégiale  et  critique,  en  particulier, 
la  flèche  projetée,  nullement  conforme  au  dessin 
de  l'ancienne,  détruite  par  la  foudre  en  1761,  et 
le  nouveau  porche  occidental. 


FONDATION  PIOT.  MONUMENTS  ET  MÉ- 
MOIRES PUBLIÉS  PAR  L'ACADÉMIE  DES 
INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES  (T.  IX, 

1"  fasc). 

M.  Benoît  consacre  un  intéressant  travail  à  la 
Résurrection  de  Lazare  du  musée  du  Louvre. 
Cette  peinture  précieuse  prend  place  immédiate- 
ment après  les  deux  tableaux  du  musée  de 
Vienne  dans  la  reconstitution  de  l'œuvre  de 
Gérard  de  Harlem,  qui  mourut  à  peine  âgé  de 
28  ans.  Elle  est  remarquable  par  la  valeur  de  la 
composition,  l'excellence  des  figures  et  de  leurs 
expressions.  M.  Benoît  remarque  que  la  Résur- 
rection contient  deux  portraits,  aux  extrémités 
droite  et  gauche  de  la  composition. 


Btbliograpl)te. 


8i 


Ce  fascicule  contient  encore  un  article  que  le 
regretté  collaborateur  de  \ARevue  del' Artchrétien 
Miintz  avait  écrit  peu  de  temps  avant  sa  mort 
sur  quelques  tapisseries  allégoriques.  Les  tapis- 
siers ont  puisé  abondamment  dans  la  littérature 
et,  au  moyen  âge,  les  peintres  de  carton  ont  mis 
à  contribution  les  romans  et  les  poèmes  allégo- 
riques. Miintz  a  successivement  étudié  les  Vertus 
et  les  Vices  de  la  collection  de  M.  le  baron  d'Hu- 
nolstein,  les  Moralités  de  la  collection  de  M. 
Emile  Peyre,  le  Triomphe  de  la  Pauvreté  de 
M.  Patenôtre. 


BULLETIN  DES  MÉTIERS  D'ART. 

Nous  suivons  avec  intérêt  le  jeune  et  vivant 
organe  des  écoles  de  St-Luc. 

Jeune,  mais  fier  à  ses  heures  :  il  assiste,  le 
sourire  aux  lèvres,  aux  débats  sur  la  restauration 
de  monuments  qui  mettent  aux  prises  les  cham- 
pions de  l'archéologie  et  du  pittoresque  ;  il 
trouve  que  tous  sont...  à  côté.  La  vérité  là-dessus, 
il  la  sait,  mais  ne  veut  pas  la  dire!  Il  loue  les 
conseils  de  modération  donnés  naguère  par 
M.  le  Ministre  Van  den  Heuvel,  non,  comme  lui, 
par  éclectisme,  mais  au  nom  de  la  prudence  :  il 
attend  beaucoup  de  l'avenir  et  de  l'évolution  ar- 
tistique greffée  sur  la  tradition.  Ce  serait  parfait, 


si  ce  n'était  que  les  ruines  tombées  ne  se  relèvent 
pas. 

En  ce  qui  concerne  la  peinture  des  églises,  il 
la  faut,  selon  lui,  partout,  mais  plus  tard,  quand 
les  artistes  seront  prêts,  et  l'opinion  convertie,  ce 
qui  viendra. 

On  ne  peut  assez  louer  la  remarquable  étude 
du  Frère  Fidèle,  de  Lille,  qui  a  paru  dans  les 
livraisons  précédentes, et  oi:i  la  flore  décorative  est 
étudiée  avec  une  méthode  parfaite,  avec  appli- 
cations charmantes,  le  tout  basé  sur  les  principes 
scientifiques  de  la  botanique. 

Signalons  encore  une  bonne  description  du 
nouveau  et  remarquable  portail  de  la  cathédrale 
de  Metz,  jadis  vanté  avec  tant  de  désinvolture 
par  le  sieur  Bonnefon,  trop  bien  connu  depuis  la 
mort  de  S.  S.  Léon  XI II.  L.  C. 


L'ART  SACRÉ. 

L'excellente  petite  revue  mensuelle  d'art 
chrétien  donne  dans  son  numéro  de  novembre  le 
texte  des  études  iconographiques  de  M.  P.  Bes- 
nard  (S.  Jacques-le-Majeur,  S.  André)  et  la  suite 
aussi  de  l'étude  posthume  de  E.  Didron,  l'artiste 
chrétien  tant  rappelé  sur  les  peintures  sur  verre. 
Elle  continue  enfin  l'étude  de  l'abbé  B.  Cheval- 
lier sur  les  carreaux  vernissés.  L.  C. 


KEvutt   UE    L'art   CHKÉTIEN. 
1904.    —     l"    —LIVRAISON. 


82 


3Rcbur  tir  l'^rt  rbrétten. 


ïnDe;c  bibliograp|)ique. 


1* 
f? 

^rcl)cologie  et  Ideaiu^^rts  "^ 

—    jFvancc.  =—== 

*  Baedeker.  —  1,e  Nord-Est  de  la  France,  de 
Paris  aux  Ardennes,  aux  Vosges  et  au  Rhône. 
Manuel  du  voyageur,  avec  12  cartes  et  21  plans  de 
villes.  — Septième  édition. —  In-12,  360  pp.  Leipzig, 
Baedeker,  1903. 

Bellet  (Mgr).  —  Saint  Thomas  d'AQUiN.  Dis- 
cours prononcé  pour  la  fête  patronale  de  l'Institut 
catholique  de  Lyon.  —  Paris,  Picard,  1902. 

Le  même.  —  Le  saint  suaire  de  Turin.  (Extr. 
de  la  Rerue  d'histoire  ecclésiastique,  IV,  n°  2.)  —  Paris, 
Picard  1903. 

Le  même.  —  Le  saint  suaire  de  Turin  et  les 
TEXTES  ÉVANGÉLiQUES.  —  Paris,  édition  de  XArt  et 
r  Autel,  1903. 

Le  même.  —  L'œuvre  scientifique  de  M.  le 
CHAXoiNE  Ulysse  Chevalier.  —  Grenoble,  Bara- 
tier,  1903. 

*  Beylié  (H.  de).  —  L'haiutation  byzantine.  — 
In-folio.  Paris  et  Grenoble,  1902. 

Bouchot  (H.).  —  Le  Van  Evck  du  Louvre. 
(Extr.  de  la  Revue  de  l'Art,  1903,  t.  I,  p.  21-22.) 

BroussoUe  (J,).  —  Les  mosaïques  de  Sant'  A 
pollinake  Nuovo,  a  Ravenne  (catalogues  icono- 
graphiques pour  servir  à  l'illusiration  de  la  vie  de 
Jésus).  —  In-8°,  20  pp.  et  12  grav.  Paris,  Oudin. 

Chauvet  (G.)  —  Notes  sur  l'art  primitif.  ^ 
In  8°.  Angoulênie,  Coquemand,  1903. 

Corroyer  (E.).  —  L'architecture  gothique. 
(Bibliothèque  de  l'enseignement  des  Beaux-Arts.)  — 
Nouv.  éd.  In  S",  382  pp.  et  grav.  Paris,  Picard  et 
Kaan,  1903. 

Couret. —  Le  livre  d'heures  du  pape  Alexan- 
dre VI.  (Extr.  des  Mémoires  de  la  Soc.  nai.  des  anti- 
quaires de  France,  t.  LXI.)  —  In-S",  13  pp.  Nogent 
le  Rotiou.  Daupeley,  Gouverneur,  1903. 

Daux  (C).  —  Tropaire,  Prosier  de  l'abbaye 
Saint-Martin  de  Montauriol.  —  2  pi.  Paris,  Picard, 
1901. 

*  de  Combes  (L.).  —  De  l'Invention  a  l'Exal- 
tation de  la  sainte  Croix.  —  In-8°,  300  pp.  Paris, 
édition  de  V Art  à  l'autel,  1903. 

De  la  Croix  (R.  P.  C).  —  Étude  sommaire  du 

BAPTISTÈRE  SaINT-JeaN  DE  PoiTIERS. In-8",  86  pp. 

avec  deux  plans.  Poitiers  1903. 

I.  Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  (*)  ont  été.  sont  ou 
seront  l'objet  d'un  article  bibliographique  dans  la  Revue. 


de  Lasteyrie  (R.).  —  La  date  de  la  porte 
Sainte-Anne  a  Notue-Dame  de  Paris.  —  In  8°, 
22  pp.  et  grav.  Pans,  Daupeley-Gouvcrneur,  1902. 

de  Saint-Chéron  (R.).  —  La  vierge  d'Avila. 
—  Brochure.  Paris,  Paul?,  1903. 

*  de  Waresquiel  (Marguerite).  • —  Le  bienheu- 
REU.x  Jkan  de  Verceil,  sixiiiME  général  de  l'Or- 
dre DES  pRiiRES  Prêcheurs.  — •  In  12,  228  i)p.  Orné 
d'un  portrait  et  de  plusieurs  gravures,  l.ethielleux, 
éditeur,  Paris,  et  Bar-le-Duc,  Collot,  1903. 


Durand   (E.). 
78  pp.  Paris,  1903. 


La    Chaise-Dieu.  —    In-12, 


Férolin(Uom). —  Apringius  de  Béja.  Son  com- 
mentaire DE  l'Apocalypse.  —  Picard,  Paris,   1900. 

Frémont  (Ch.)  — Évolution  de  la  fonderie  de 
cuivre  d'aprîîs  les  documents  du  temps.— 380  pp. 
351  fig.  Paris,  Renouard,  1903. 

Guillibert.  —  Deux  sTATUETTts  polvchromées 
DE  saint  Louis  de  Provence,  évéque  de  Toulouse, 
ET  de  sainte  Consorce,  conservées  a  Aix-en- 
Provence.  (Extr.  du  Bull,  archêol.)  —  In  8°,  12  pp. 
et  4  pi.  Paris,  imp.   nationale,  1902. 

*  Hern  (Le  R.  P.)  et  Carbol  (F).  —  Diction- 
naire d'archéologie  chrétienne  et  de  liturgie. 
—  Paris,  Letouzey,  1903. 

Lafenestre  (G)  et  Richtenberger  (E.).  — 
La  peiniure  en  Europe.  Rome;  Le  V.vitcan.  Les 
églises.  —  In-8°  carré.  375  fig.  et  cent  reproductions 
photographiques.  Paris,  May,  1903. 

*  Lapauze  (H.)  —  Le  droit  d'entrée  dans  les 
MUSÉES.  —  Pans,  1902,  Société  française  d'imprimerie 
et  ce  libiairie,  15,  rue  de  Cluny. 

Lucas  (Ch).  —  Achille  Hennart,  sa  vif  et 
ses  œuvres.  (Ext.de  \ Arihitectuie,  1903.) 

Martin  Sabon.  —  La  Photographie  des  monu- 
ments (Extrait  de  X Annuaire  général  et  interna- 
tional de  la  photographie,  pp.  403-432).  In-8",  Paris, 
Pion,  1903. 

Métivier  (R.).  —  Les  bastides  et  les  églises 
KORiiKiÉEs  DU  Gers. —  In-8°,  16  pp.  Caen,  Delesques, 
1903. 

Puton  (B.).  —  Les  vitraux  de  l'église  Saint- 
Nicolas  DE  Remiremont.  (Extrait  du  Bulletin  de  la 
Soc.  vosgienne,  année  1902-1903.)  —  In-8°,  25  pp.  et 
grav.  SaintDié,  Cuny,  1903. 

*  Quarré-Reybourbon  (L.).  —  Congrès  ar- 
CHÉoi.oc.ic.iUE  de  Poitiers  (1903).  —  Broch.  in  8°. 
Darcel,  Lille,  1903. 

*  Régnier  (L.).  —  L'église  de  Sainte  Marie 
DES  Anglais.  —  Broch.  Caen,  Delesque,  1903. 

*  Le  même.  —  Gournay-enBrav  et  Saint- 
Ger.mi.k.   —  ]5roch.  Orner,  Delesque,  1903. 


Btbltograpl)te. 


83 


Royau  (P.).  —  Notice    sur    les    fouilles   et 

RECHERCHES     EFFECTUÉES      EN     1902     DANS    l'ANCIEN 

PRIEURÉ  DE  SaiNT-PiERRE-LA  Motte.  —  In-8°,  ii  pp. 
Vendôme,  Empaytoz,  1903. 

*  Schierk  (C).  — •  Les  poinçonnages    kt    les 

.MARQUES  d'orfèvres    EN    MORAVIE,  EN  MEME  TEMPS 
UNE  CONTRIBUTION  A  l'HISTOIRE  DE  l'oRFÉVRRRI  E.  — 

Gr.  in-4°,  176  pp.,  avec   16  reproductions  et  70  mar- 
ques. Brunn,  édité  par  l'auteur,  1902. 

Thiollier(F.etN.).  — l.'RGLiSEDETERNAY(Isère). 
(Extr.  du  Bull,  arch.)  —  In-8°,  12  pp.  et  7  pi.  Paris, 
Imp.   nationale,   1902. 

Urseau  (C.).  —  Une  statuette  de  sainte  Emé- 
RENCE  au  Longeron  (Maine  et  Loire).  (Extr.  du 
Bull.  Archèol)  —  In-8°,  11  pp.  et  pi.  Paris,  Imp.  nat. 
1902. 

•Vigoureux  {¥.). —  Dictionnaire  de  la  Bible, 
XVI'  tascicule.  — Paris,  Letouzey,  )<)03 


ailcmaanc. 


Baer  (L).  —  Oie  illustrierten  Historienbu- 
cher  des  15  Jahrh.  Ein  Beurag  zur  Geschichte 
DES  Formschnittes.  —  In  4°,  216  pp.  Strasbourg, 
Heilz,  1903.  M.  30. 

Beissel  (St.).   —   Der   Reliquienschrein   des 

HL.  QUIRINUS  ZU  NeUSS.  —  In-4°,  12  pp.,  30  fig. 
et  13  pi.  A.  Witte,  Aix-la-Chapelle,  Cremer,  1903. 

Die  Meisterwerke  des  Rvks  Muséums  zu 
Amsterdam,  joS  Kunstdr.  xach  den  orig.  Gemal- 
DEN,  .MIT  Eini.kit.  —  In-S',  208  pp.  Munich,  Hanf 
staengl,  1903    M.  12. 

Friedlânder   (W.  ].).    —    Meisterwerke   der 

NIEDERLANDISCHEX     MaLEREI     des     XV     UND     XVI 

Jahrh:  .auf  dkk  Ausstellung  zur  Brugge,  1902, 
—  35  pp.  et  90  poruaits.  Munich,  Bruckmann,  1903. 
M.  100. 

Gabelentz  (H.).  —  Mittelalterliche  Plastik 
IN  Venedig.  —  In-8°,  274  pp.,  13  fig.,  30  illus.  en 
phototyp.  Leii'zig,  Hiersemann,  1903.  M.  15. 

Golthold  Meyer  (A.).  —  Donatello  (Kijnst- 
ler-Monographien.  V.  H.  Knakhfuss  LXV).  — 
In  8°,  127  pp.,  I  portr.  et  140  fig.  Bielefeld,  Velhagen 
et  Klasing,  1903.  M.  3. 

Lessing  (J).  —  Wandteppiche  und  Decken 
des  Mittelalters  in  Deutscbland.  —  Fasc.  I. 
(complet  en  5  fascicules).  Berlin,  E.  Wasmuth,  1903. 
Le  fasc.  M.  20. 

Meisterwerke  der  deutschen  Glasmalerki- 
Ausstellung,  Karlsruhe.  Veranstaltet  vom  bad. 
Kunstgewerbe-Verein  mit  ein  Begleitwort  von 
F.  Sales  Mever.  —  26  pp.  et  100  pi.  en  phototypie. 
Berlin,  Kanter  et  Mohr,  1903.  M.  100. 

Mendelsohn  (H.).  —  Der  Heiligenschein  in 
der  italienischen  Malerei  seit  Giotto.  —  In-8°, 
23  pp.  et  fig.  Berlin,  Cassirer,  1903.  M.  3. 


Pater  (W.).  —  Die  Renaissance.  Studien  in 
KuNST  UND  Poésie.  — In  8",  323  pp.  Leipzig,  Diede- 
richs,  1902.  M.  6. 

Ruhn  (A.).  —  Kunst-Geschichte.  —  Fasc.  32- 
33.  Einsiedlen,  Benziger.  M.  2. 

Roosval  (J.).  —  Schnitzaltare  in  schwedi- 
schen  Kirchen  und  Muséum  aus  den  Werkst.att 
des  brusseler  Bildschnitzers  Jan  Borman.  — • 
In-4°,  26  pp.  Berlin,  1903. 

*  Strohl  (H.  G.)  et  Kaemmerer  ([,.).  — Suite 
d'ancêtres  tirés  de  l'arbre  généalogique  de  la 
maison  royale  du  Portugal,  série  de  miniatures 

DE     LA    bibliothèque     DU     MUSÉE     BRITANNIQUE     DE 

Londres..  —  34  pp.    in-4"  avec  un  Atlas  grand  in-f" 
de  13  pi.  Hoffmann,  Stuttgart.  50  M. 

*Weber  (D'  A.).  —  Die  Romischen  Katakom- 
BEN.  —  In-i2,  de  176  pp.  Pustet,  Ratisbonne,    1903. 

Wiegand  (O.).  —  Adolf  Dauer.  Ein  augsbur- 
ger  Kunstler  am  Ende  des  XV  und  zu  Beginn 
des  XVI  Jahrh.  {Studien  zur  deutschen  Kunstge- 
schichte.  Fasc.  43.)  —  In-8",  105  pp.  et  15  pi.  Stras- 
bourg, Heitz,  1903.  M.  6. 


3nglctercc. 


A  guide  TO  THE  EAKLY  CHRISTIAN  AND  BYZANTINE 
ANrlQUITIES  IN  THE  DEPARTMENT  OF  BUITISH  AND 
MEDIŒVAL    ANTIQUITIES    OF    THE    BrITISII    MuSEUM, 

with  fifteeii  plates  and  eighty-four  illustrations.  — 
In-8°,  XI1-116  pp.,  avec  84  fig.  et  15  planches.  Printed 
by  order  of  the  trustées,  1903. 

Holroyd  (Ch.).  —  Michael  Angelo  Buonar- 

ROTI.  WiTH  TRANSLATIONS  OF  THE  LIFE  OF  THE 
MASTER,     BY    HIS     SCHOLAR    ASCANIO     CONDIVI  :     AND 

three  dialoguks  from  the  portugukse  by  F.  D'Oi.- 
LANDA.  —  In-8",  362  pp.  Londres,  Duckworih.  Sh.  7,6. 

Rosenberg  (A.).  —  Leonardo  da  Vinci.  Trad. 
par  J.  Lohse  {M<»ifl;:^mphys  of  artisls  7).  —  In-4'', 
155  pp.  et  120  fig.  Londres,  Grève  1.  Sh.  4. 

Streeter  (A.).  —  Botticelli.  —  ( The great  >iias- 
ters  in  painting  and  sculpture).  In-8°,  167  pp.  Londres, 
Bell.  Sh.  5. 


Italie. 


Bricarelli  (C).  —  La  storia  dell'  arte  nelle 
scuoLE  italiane  (onvrages  de  E.  Panzacchi.  G.  N.i- 
tali,  E.  Vitelli,  G.  Lipparini,  G.  Urbini).  (Extr.  de 
La  Civiltà  cattolica.  18'=  série,  t.  X,  pp.  198-206  ) 
Rome,  1903. 

Cervetto  (L.  A.).  —  I  Gaggini  da  Bissone.  Loro 
OPERE  IN  Genova  ed  altrove.  (Contrihutfl  alla 
storia  dell'  arte  Lombarda). —  In-folio  de  viii-310  pp  , 
38  pi.  et  99  fig.  Milano,  Hoepli.  Prix  :  So  lire. 

Ghignoni  (A.).  —  Il  pensiero  cristiano  nel- 
l'arte. —  ( Letture  storico-artistiche-religiose ). —  In-S", 
272  pp.,  34  pi.  Rome,  Pustet,  1903. 


84 


jRcbuc  îic  r^vr  chrétien. 


Grisar  (H.)  —  La  colomba  di  san  Gregorio 
Magxo.  —  T.  II,  124-135  et  fig.  Rassegna  Grego- 
riana,  1903. 

Lanciani  (R.).  —  Storia  degli  scavi  di  Roma 

E  NOTIZIE    INTORNO   LE   COLLEZIONI    ROMANE    DI  ANTI- 

CHITA.  —  T.  I.   In-4°,   263  pp.   Rome,   Loescherchir, 
1902. 

Marucchi  (G.).  —  Nuovi  scavi  e  nuovi  studi 
NEL  ciMiTERo  DI  Priscilla.  {E\irah  d\i  JVt^ovo  £ûI- 
Utino  di  archcologia  ois/iatia,  t.  VIII,  pp.  217-232.) 
Rome,  1903. 


Meyer  (A). 
141  gravures. 


DONATELLO. 


131    pages    et 


Supino  (J.-B.).  —  Les  deux  Lippi  (traduit  de 
V Italien  pai"  /.  de  Crozals).  —  In-8°,  100  photogra- 
vures et  typogravures.  Florence,  Alinari  fières,  1904. 
15  fr. 

■=  OEspaanc.  — 


de  Barcia  y  Pavon  (A.).  —  Catalogo  de  re- 
TRATOS  de  personages  espanoles  qui  se  conservan 

EN  la    SECCION    de    estampas    V  DE  BtLLAS  ARTES    DE 

LA  BiBLiOTECA  NACIONAL,  FoL.  32  37.  (Extrait  de 
Revista  de  Archivas.  3"=  série,  t.  VII,  pp.  497-512; 
Madrid,  1902  ;  s-^  série,  t.  VIII,  pp.  513-592,  1903-) 

=  iRufisic.   —         = 


Koulibine  (O.).  —  Le  musée  russe  d'Alexan- 
dre III.  —  84  pp.  St-Pétersbourg,  1903. 

Narbékov  (V.),  —  Jujno-msskoe  relighioznoe 
iNSKUSSTVO  XVII-XVIII  vv.  L'art  religieux  dans 
la  Russie  méridionale  au  XVII'-XVIII'  siècle.  (Extr. 
de  Fravoslavngi  snbesiednih.  t.  I,  pp.  485-510.)  Ho- 
zen,  1903. 


—^  16eiBiqiic=Jt)oïlanDc    — = 

Bergmans  (P.).  —  Rkntiir  et  Obituaire  de 
l'église  collégiale  d'Evne.  —  Brocli.  in-8°,  40  pp., 
I  fig.,  i  pi.  Gand,  Vyt. 


Chevalier  (U.).  —  Le  Repertorium  Reperto- 
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die  van  den  meester  van  d'Ouliremont  kn 
«  Jan  Joosten,  scvlder  »  van  Haarlem.  —  In-8°. 
Amsterdam,  van  Langenhuysen.  FI.  0,75. 

Destrée  (J.).  —  La  croix  de  Scheldewindeke 
(émaux,  cristaux  de  roche,  fin  XI1<=  siècle)  —  Bull, 
des  Musées  royaux,  t.  Il,  pp.  57  59  et  fig.  Bruxelles, 
1903. 

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Cayeux-sur  mer,  Mabille,  1902. 

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Rapport  sur  le  Congrès  archéologique  de 
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juiN-2  juillet  1902.  —  (Extr.  des  Annales  de  l'Aca- 
démie royale  d' Archéologie  de  Belgique.)  \n2>'^,  68  pp. 
16  gr.  Anvers,  De  Backer,  1903. 

Gugel  (E.).  —  Geschiedenis  van  de  bouwstijlen 
IN  de  hoofdtijdperken  der  architectur.  Ver- 
volgd  met  een  hoofdstuk  over  de  geschiedenis 
der  bouwkunst  gedurende  de  laatste  twintig 
jaren  j.  h.  \V. —  In-S",  916  pp.  et  1 144  fig.  Zeliman, 
3=  éd.  Arnhem,  Gardaquint.  FI.  20. 

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Vrom.Tnt,  1903.  i  fr.  25. 

Van  den  Gheyn  (Le  chan.  G.).  —  La  peinture 

MURALE      récemment      DÉCOUVERTE     DANS      L'ÉGLISE 

St Martin  a  Alost.  —  {Bull,  de  la  Société  d'histoire  et 
d' Arch.de  Gand.  Tom   XI,  pp.  108-111,  1903). 


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d)rOllltIUC.  SOMMAIRE  :  ÉCOLK  DES  HAUTES  ÉTUDES  D'ART  A  BRU- 
XELLES.— MONUMENTS  ANCIENS  :  Rempart  de  Limoges;  église  Saint-Pierre  à  Cou- 
tances  ;  église  de  Neufchâteau  (Vosges)  ;  église  Saint-Pierre  de  Lisieux  ;  église  Saint-Pierre- 
les-Étiex  ;  église  de  Zande  ;  cathédrale  de  Chartres  ;  église  de  Fontevrault  ;  église  de  Lassay  ; 
Campanile  de  la  basilique  de  Venise.  ~  MUSÉES.  —  EXPOSITIONS.—  VARIA.  —  PHOTO- 
GRAPHIES ARCHÉOLOGIQUES.  —  NÉCROLOGIE  :  Le  chanoine  Reusens  ;  Camille  Sitt.-. 


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Gcolc  Des  fautes  étuDcs  D'art  De 
Briuclles. 

U  mois  de  novembre  a  eu  lieu  à  Bru- 
xelles la  séance  inaugurale  de  YÉcole 
d Art  créée  par  l'initiative  de  M.  C. 
Van  Overbergh,  directeur  de  l'ensei- 
gnement supérieur. 

Aux  premiers  rangs  de  l'assistance,  nombreuse 
et  choisie,  on  remarquait  MM.  les  ministres  de 
Trooz  et  Van  den  Heuvel  ;  MM.  C.  Van  Over- 
bergh, Verlant,  directeur  des  beaux-arts;  Van 
Overloop,  conservateur  en  chef  du  Musée  des 
arts  décoratifs  ;  R.  P.  Van  den  Ghein,  chanoine 
Pieraerts,  directeur  de  l'Institut  Saint-Louis,  et 
un  assez  grand  nombre  de  dames. 

M.  le  sénateur  Braun,  président,  a  pris  la  pa- 
role pour  exposer  à  l'auditoire  le  but  de  la  nou- 
velle école,  qui  est  principalement  de  faire  des 
cours  et  des  conférences  sur  l'histoire  de  l'art.  En 
d'heureux  développements,  l'orateur  montre  la 
grande  part  donnée  aujourd'hui  dans  la  vie  à 
l'art  et  la  facilité  avec  laquelle  les  amateurs 
peuvent  se  déplacer  pour  aller  admirer  sur  place 
les  monuments  de  nos  villes  et  les  chefs-d'œuvre 
de  nos  musées,  la  facilité  surtout  avec  laquelle, 
monuments,  statues,  tableaux,  pièces  d'orfèvrerie 
se  déplacent  pour  venir,  par  la  gravure,  la  pho- 
tographie, les  moulages,  se  mettre  à  la  portée  de 
l'amateur.  Que  de  travaux  autrefois  irréalisables 
sont  devenus  possibles  grâce  à  cet  immense 
progrès  ! 

Tout  un  enseignement  supérieur  s'est  créé  en 
d'autres  pajs,  en  Allemagne  et  en  France,  no- 
tamment dans  les  universités  ou  dans  les  grandes 
écoles,  où  sont  mis  a  contribution  mille  trésors 
ainsi  rassemblés. 

Notre  pays  vient  d'entrer  dans  cette  voie.  Un 
arrêté  royal  a  organisé  l'enseignement  supérieur 
de  l'art  à  l'université  de  Liège.  Des  diplômes  de 
licenciés  et  docteurs  en  art  et  archéologie  seront 
délivres  aux  étudiants  après  examens.  L'orateur 
rend  hommage  à  M.  de  Trooz,  qui  a  voulu  réa- 
liser cetie  grande  réforme  dont  l'exemple  porte 
déjà  ses  fruits,  jusqu'à  l'imitation  de  ce  qui  se 
fait  à  Liège  ;  la  nouvelle  école  de  Bruxelles  se 
propose  de  travailler  au  même  but  par  des 
moyens  analogues. 

M.  Braun  présente  ensuite  à  l'auditoire  les 
professeurs  de  la  nouvelle  école  et  trace  à  grands 


traits  le  programme  d'ensemble  des  cours. 
La  première  conférence  a  été  donnée  par  M. 
André  Hallays,  le  distingué  critique  d'art  des 
Débats  ;  il  a  parlé  de  la  culture  du  goût  et  de 
l'histoire  de  l'art. 

Depuis  M.  Fierens  a  inauguré  ses  leçons  sur 
l'esthétique,  et  le  R.  P.  Van  den  Gheyn  a  fait 
une  conférence  sur  les  manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque de  Bourgogne  et  M.  A.  Verhaegen  une 
autre  sur  l'art  des  vitraux.  Nous  en  rendrons 
compte  ultérieurement.  Enfin  M.  H.  Vaes  a  com- 
mencé l'étude  du  cadre  des  villes. 


Monuments  anciens. 

IMOGES.  —  Le  conseil  municipal  de 
Limoges  a  décrété  la  démolition  des 
restes  des  anciens  remparts,  et  celle 
du  pont  Saint-Etienne,  datant  du 
XIV'^  siècle;  la  Société  archéologiqtie  du  Li- 
mousin a  protesté  contre  ces  brutales  décisions. 

Coutances.  —  On  va  restaurer  l'église  de  Saint- 
Pierre.  Le  travail  est  confié  à  M.  l'architecte  de 
la  Rqcque. 

Neufchâteau.  —  On  vient  de  terminer  la  res- 
tauration de  l'église  de  Neufchâteau  (Vosges) 
édifiée  au  XIII'  siècle,  remaniée  au  XVI  I^ 

Lisieux.  —  La  flèche  de  la  tour  méridionale 
de  Saint-Pierre  a  été  restaurée;  on  vient  de  la 
débarrasser  des  échafaudages  qui  la  masquaient. 

Saint-Pierreles  Etiex.  —  La  tempête  a  ren- 
versé le  clocher  de  cette  paroisse  de  l'Aisne, 
lequel  datait  du  XII«  siècle. 

Zande.  —  Le  joli  clocher  roman  de  la  paroisse 
de  Zande  en  Flandre  a  également  été  abattu  par 
l'ouragan. 

Chartres.  —  La  partie  supérieure  du  beau  clo- 
cher sud  (appelé  naguère  le  clocher  vieux,  en 
réalité  le  nouveau)  est  en  réparation.  On  refait, 
sous  la  direction  de  M.  Selmersheim,  la  restau- 
ration effectuée  au  XVIII«=  siècle,  et  qui  n'a 
pas  tenu. 

Fontevrault.  —  On  vient  de  démolir  les  plan- 
ches et  cloisons  qui  déshonoraient  l'intéressante 
église  romane,  convertie  en  caserne.  C'est  à  M. 
Magne,  qu'on  doit  cette  réparation  importante. 

Lassay,  l'une  des  plus  pauvres  communes  du 
département  de  Loir-et-Cher,  possède  une  église 


86 


jRrbue  tie  T^vt  cl)vctteiu 


du  XV'^  siècle,  classée  parmi  les  monuments  his- 
toriques. Le  chœur  est  voûté  en  pierre  ;  la  nef  a 
heureusement  conservé  sa  charpente  apparente 
lambrissée  en  chêne.  Un  projet  de  restauration  a 
été  dressé  par  M.  G.  Grenouiliot,  architecte  à 
Blois,  et  une  demande  de  secours  peu  importante 
est  faite  au  service  des  Monuments  historiques 
et  à  la  Direction  des  Cultes.  Espérons  qu'ils  seront 
accordés. 

Strasbourg.  —  Chacun  connaît  la  fameuse  hor- 
loge astronomique  de  Strasbourg,  <(  la  huitième 
merveille  du  monde  »,  disent  les  habitants  de  la 
ville. 

Elleaété.la  nuit  du  nouvel  an,  l'objet  d'un  vrai 
phénomène.  Le  changement  d'année  a  produit 
dans  son  mécanisme  un  mouvement  de  rouages 
tellement  extraordinaire,  qu'il  ne  saurait  se 
reproduire  avant  l'an  2000.  L'an  1904  est,  en 
effet,  le  premier  centenaire  bissextile  de  la  nou- 
velle horloge.  L'an  1900  n'a  pas  été  bissextile, 
d'après  les  conventions  qui  président  au  calen- 
drier grégorien. 

Environ  cent  cinquante  personnes  ont  assisté 
aux  mouvements  compliqués  de  l'horloge  sur  le 
coup  de  minuit.  Les  touristes  anglais  étaient 
venus  pour  assister  à  cette  séance,  qui  ne  se 
reproduira  plus  pour  aucun  de  ses  spectateurs, 
car  la  prochaine  conjonction  de  semblables  évé- 
nements astronomiques  aura  lieu  dans  quatre- 
vingt-dix  sept  ans  seulement. 

Notons  en  passant  cette  particularité  curieuse, 
que  l'horloge  astronomique  de  Strasbourg  con- 
tinue à  marquer  l'heure  française.  Elle  ne  fonc- 
tionne qu'à  minuit  vingt-neuf,  donc  quand  minuit 
sonne  à  Paris.  Il  n'a  pas  été  possible  de  germa- 
niser le  chef-d'œuvre  de  Schwilgué. 

Westmalle.  —  Des  peintures  murales  très  inté- 
ressantes ont  été  découvertes  dans  l'église  de 
Westmalle  (Belgique).  Elles  seraient  conservées 

et  restaurées. 

* 
*  * 

Venise.  —  On  achève  en  ce  moment  à  Venise 
la  pose  des  pilotis  destinés  à  supporter  le  nouveau 
campanile  qui  sera  réédifié  sur  unebaseplus  large. 
On  en  a  planté  six  par  mètre  carré,  entre  lesquels 
ensuite  a  été  coulé  du  béton.  Après  quoi,  on  at- 
tendra la  fin  de  l'hiver  pour  voir  si  les  nouvelles 
fondations  font  corps  avec  les  anciennes  et  sont 
assez  solides  poursupporter  le  futurcampanile.On 
rétablira  dans  celui-ci  tout  ce  qui  a  pu  être  sauvé 
de  l'ancien.  Le  professeur  Dal  Piccolo,  disent  les 
Débats,  a  établi  sous  les  arcades  du  palais  des 
Doges  un  atelier  où  il  rassemble  et  remet  en 
ordre  tous  les  morceaux  utilisables  de  la  Log- 
getta.  Le  fondeur  Munaretti  répare  la  Pallas  de 
Sansovino  et  trois  autres  statues  de  bronze  plus 
ou  moins  mutilées.  Enfin,  on  a  réussi  à  restaurer 


la  Madotie  en  terre  cuite  de  Sansovino,  quoi- 
qu'elle eût  été  brisée  en  600  morceaux.  L'ingé- 
nieur Rosso  a  eu  la  patience  de  retirer  ces 
fragments  un  à  un  des  décombres,  et  M.  Pietro 
Zei,  conservateur  des  musées  de  P'Iorence,  n'a 
pas  craint  d'assumer  la  tâche,  qui  semblait  im- 
possible, d'en  refaire  une  statue.  Cette  Madone 
n'attend  plus  que  le  moment  d'être  replacée  dans 
son  ancienne  niche,  qui  a  pu,  elle  aussi,  être  re- 
constituée ('). 

* 
♦  * 

Ceux  qui  ont  visité  la  basilique  de  Saint-Marc, 
savent  que  le  pavage  n'en  est  pas  plan  et  offre 
des  vallonnements.  Or,  ces  jours-ci,  lisons-nous 
dans  la  Libre  Parole,  comme  une  des  dalles  du 
pavage  dépassait  par  trop  le  niveau  et  présentait 
un  danger  pour  l'équilibre  des  personnes  traver- 
sant la  nef,  l'architecte  de  la  basilique  a  fait  lever 
cette  dalle  pour  la  remettre  à  niveau. 

Au-dessous,  il  a  été  trouvé  d'abord  un  pilastre 
en  maçonnerie,  puis  deux  murs  venant  se  joindre 
à  angle  droit. 

L'architecte  supposa  aussitôt  qu'il  s'agissait 
d'une  crypte  et  fit  enlever  le  terreau  qui  la  rem- 
plissait. À  i"i  35  de  profondeur  apparut  une 
grande  dalle  de  pierre  portant  des  bas-reliefs  et, 
au  milieu,  une  croix  byzantine.  On  creusa  sur  un 
côté  et  l'on  mit  à  découvert  la  face  d'un  sarcopha- 
ge portant  également  des  bas-reliefs.  En  exami- 
nant le  terreau,  on  trouva  qu'il  contenait  des 
traces  de  peinture  et  de  mosaïque.  Le  sarcophage 
doit  remonter  vers  l'an  800  ou  900  ;  la  crypte 
mise  à  découvert  devait  donc  appartenir  à  la 
primitive  église  de  Saint-Marc, construite  après  le 
transport  à  Venise  du  corps  de  l'Évangéliste,  qui 
eut  lieu  en  l'an  897.  Un  incendie  détruisit  l'église 
en  976.  L'excavation  ainsi  faite  a  donné  l'explica- 
tion du  vallonnement  du  pavage,  dont  les  parties 
hautes  reposent  sur  des  murs,  les  parties  basses, 
sur  le  terreau  qui  comble  les  espaces  vides  de 
l'ancienne  construction. 

Cet  événement,  rapproché  des  heureuses  fouil- 
les que  fit,  en  1902,  à  Angers  notre  collaborateur 
M.  de  Farcy,  est  de  nature  à  encourager  ceux  qui 
ont  l'occasion  de  fouiller  le  sol,  presque  toujours 
relevé,  des  anciens  édifices. 

ffîusécs. 

ÉTAT  vient  de  recevoir  et  d'envoyer 
au  musée  du  Louvre  une  collection 
que   lui    lègue    M.    Bossy,    le   célèbre 

amateur  d'art.  Cette  collection,  estimée 

plus  de    200,000  fr.,  comprend  deux   objets  qui 
furent  particulièrement  admirés  au  Petit  Palais 


1.  Courrier  de  i'Art, 


Cl)rontque. 


87 


pendant  l'Exposition  de  1900  :  une  grande  statue 
de  Vierge  à  l'enfant,  et  une  autre  Vierge,  en 
marbre,  provenant  de  l'abbaye  de  Hautecombe. 
Quatre  autres  objets  seulement,  mais  de  tout 
premier  ordre,  la  complètent.  C'est  une  superbe 
statuette  en  bois  sculpté  de  saint  Etienne,  une 
statuette  de  Vierge  assise,  un  tableau  de  l'école  de 
Pérouse  et  une  tapisserie  du  XV"  siècle  repré- 
sentant «  l'altière  >   Vasti. 


Le  musée  Carna^>alet  va  recevoir  prochaine- 
ment toute  une  série  de  documents,  établis  par 
la  Commission  du  Vieux-Paris  et  concernant  les 
bâtiments  actuels  de  la  Pitié,  qui  sont  appelés  à 
disparaître  sous  peu. 

Parmi  ces  documents  figurent:  la  vue  extérieure 
de  la  chapelle  en  bordure  de  la  rue  du  Battoir  ; 
celles  de  chacune  des  deux  grandes  cours  prises 
en  regardant  le  chevet  de  l'église  ;  la  vue  du 
pavillon  Michon,  la  plus  belle  partie  de  l'hôpital, 
datant  du  XVIIP  siècle;  enfin,  les  vues  du 
bâtiment  de  la  Direction,  de  l'intérieur  de  la 
chapelle  et  de  l'autel. 

La  Commission  du  Vieux-Paris  a  demandé  la 
conservation  de  certaines  parties  artistiques  du 
vieil  hôpital  et  des  objets  d'art  qu'il  renferme, 
notamment  des  belles  boiseries  de  l'autel  et 
des  consoles  anciennes  de  l'église,  des  vitraux 
très  intéressants  au  point  de  vue  de  l'histoire  de 
Paris,  ainsi  que  tout  un  lot  de  vêtements  sacer- 
dotaux  anciens. 

La  destination  de  ces  objets  n'est  pas  encore 
fixée.  Mais  il  est  probable  qu'un  certain  nombre 
iront  à  Carnavalet,  même  si  le  musée  projeté  de 
l'Assistance  publique  est  créé  ('). 

erpogitions. 

ll'EXPOSITION  des  Ptwtittfs français, 
organisée  par  M.  H.  Bouchot,  est  fixée 
au  mois  d'avril.  Elle  aura  lieu  au  pa- 
villon de  Marsan,  dans  des  salles  mises 
à  sa  disposition  par  l'Union  centrale  des  Arts 
décoratifs.  Des  promesses  de  tableaux  ont  déjà 
été  faites  par  des  musées  et  de  nombreux  ama- 
teurs. En  même  temps  aura  lieu  à  la  Bibliothèque 
Nationale  une  exposition  des  manuscrits  illustrés 
du  roi  Charles  V  et  de  ses  frères,  pris  dans  la 
Bibliothèque  même  ou  obtenus  des  autres  dépôts 
de  France,  comme  la  bibliothèque  de  l'Arsenal, 
et  de  divers  collectionneurs. 

Les  œuvres  auxquelles  cette  exposition  sera 
spécialement  ouverte  sont,  comme  nous  l'avons 

I.   Courrier  de  i'Arl. 


dit,  les  œuvres  françaises  exécutées  sous  le  règne 
des  Valois,  de   1350  à  1559. 


*  * 


Il  vient  de  se  former  en  Italie  un  Comité  qui 
se  propose  d'organiser  à  Sienne,  du  mois  d'avril 
au  mois  d'août  1904,  une  grande  exposition  d'art 
ancien,  analogue  à  celle  qui  eut  lieu  à  Bruges 
l'an  passé. 

Cette  exposition  comprendra  des  peintures, 
sculptures,  orfèvreries,  médailles,  estampes,  ta- 
pisseries et  armes,  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu'au  XVIII''  siècle. 

On  se  propose,  en  outre,  de  faire  revivre  les 
fêtes  pittoresques  locales,  depuis  le  fameux  palio 
dont  la  tradition  ne  s'est  jamais  perdue,  jusqu'à 
d'autres  divertissements  populaires  aujourd'hui 
oubliés  ('). 

Vana. 

NE  remarquable  châsse  en  émail  de 
Limoges  du  XIIP' siècle  a  été  volée, 
à  la  fin  du  mois  d'octobre  dernier, 
dans  l'église  de  Montpezat  (Tarn-et- 
Garuiine).  Sa  forme  est  la  classique  maison  avec 
toiture  ;  elle  a  o™  135  de  hauteur,  o"'  20  de 
longueur  et  o"^  07  de  largeur,  et  elle  est  ornée 
d'émaux  champlevés  bleus  avec  des  tons  dé- 
gradés passant  au  blanc  en  certains  endroits. 
Des  anges  à  mi-corps,  au  nombre  de  seize, 
forment  la  donnée  iconographique  de  ces  mé- 
daillons. 

Le  service  de  la  Sûreté  est  à  la  recherche  de 
cet  important  objet  d'art. 


De  nombreux  tombeaux  de  pierre  ont  été 
découverts  dans  l'ancien  cimetière  de  Saint- 
Georges,  qui  faisait  autrefois  partie  de  l'abbaye 
de  Saint-Jean-d'Angély  (Charente- Inférieure). 
Dans  l'un  d'eux,  on  a  trouvé  une  crosse  en 
cuivre  doré,  sans  émail  ni  gravure,  dont  l'enrou- 
lement se  termine  par  une  tète  de  serpent  cornu, 
aux  yeux  formés  d'une  pierre  bleu  foncé. 

Une  partie  des  sépultures  se  trouvait  sous  un 
carrelage  de  briques  rouges,  qui  occupait  vrai- 
semblablement l'emplacement  d'un  cloître. 


L'église  Saint-Jean  de  Dijon. 

Notre  collaborateur  qui  signe  André  Arnoult 
dans  le  Journal  de  l Art  publie  dans  ce  pério- 
dique une  petite  monographie  de  cet  édifice  véné- 

I,  Courrier  de  i' Art. 


rable  par  son  antiquité,  car  il  remonte,  paraît-il, 
au  IV^^  siècle.  La  reconstruction  en  fut  décidée 
par  les  paroissiens  le  28  mars  1445,  jour  de 
Pâques,  et  la  première  pierre  posée  le  i"  juin 
1448  par  Philippe  Macliefoing,  conseiller  et  garde 
des  joyaux  de  Pliilippe  le  Bon,  deux  fois  vicomte- 
maïeur  de  Dijon,  qui  eut  sa  sépulture  dans  la 
nef,  devant  la  table  de  communion,  sous  une  lame 
de  pierre  gravée  à  son  effigie,  qui  a  disparu. 
L'inscription  nous  en  a  été,  du  moins,  conservée 
par  les  documents. 

Les  travaux  de  la  nouvelle  église  furent 
poussés  d'abord  avec  activité,  puis  s'arrêtèrent  à 
mi-hauteur,  faute  d'argent.  Nous  laissons  la 
parole  à  l'archéologue  dijonnais. 

Saint-Jean  est  un  bel  et  grand  édifice  de  style  flam- 
boyant, mais  quelque  peu  lourd  ;  il  ne  faut  pas  demander 
à  l'école  bourguignonne  les  envolées  et  les  découpures 
de  l'Ile-de-France  et  de  la  Champagne.  Les  trois  pignons 
fleuris  aux  rampants  et  à  la  pointe,  de  beaux  bouquets 
et  de  choux  au  fenillage  stylisé,  forment  portails  sans 
autre  décor  que  les  baies  géminées  et  les  roses  au  souple 
réseau  flammé.  Aux  tympans  des  portes  sertis  dans  une 
moulure  délicate,  des  statues  debout  ont  été  exterminées 
à  la  Révolution.  Les  tours  se  dressent  non  au  pignon 
occidental,  mais  comme  à  Saint-Jean  de  Lyon,  aux 
angles  formés  par  la  rencontre  du  transept  et  de  l'abside. 
Celle-ci,  rectangulaire,  présentait  un  ample  fenestrage 
rempli  par  un  vilrail  donné,  en  1459,  par  Philippe  le  Bon; 
on  y  voyait  peints  les  trois  premiers  ducs  de  la  seconde 
race,  Philippe  le  Hardi,  Jean  sans  Peur,  Philippe  le  Bon, 
avec  leurs  duchesses,  Marguerite  de  Flandre,  Isabelle  de 
Bavière,  Isabelle  de  Portugal, enfin  le  comtede  Charolais, 
le  futur  Charles  le  Téméraire,  avec  sa  première  femme 
Isabelle  de  Bourbon  ;  tous  agenouillés  et  ayant  leurs 
saints  patrons  debout  derrière  eux.  Cette  verrière, 
la  plus  belle  du  quinzième  siècle  à  Dijon,  était  de  la  plus 
magnifique  couleur  ;  elle  avait  coûté  300  livres  au  duc 
—  environ  1 2,000  francs  de  notre  monnaie  —  et  on  la 
peut  attribuer  à  son  peintre-verrier  à  Di|on,  le  Flamand 
Guillaume  .Spicker.  Elle  fut  toujours  fort  admirée,  même 
aux  temps  où  l'on  goùtail  le  moins  les  œuvres  du 
moyen  âge  ;  si  bien  que,  au  dix-huitième  siècle,  les 
chanoines  de  la  collégiale  préférèrent  renoncera  un  autel 
monumental  dessiné  dans  le  goût  du  jour  par  Robert  de 
Cotte,  un  habile  homme  cependant,  plutôt  que  de  per 
mettre  qu'on  touchât  à  la  paitie  du  vitrail  où  l'on  voyait  les 
images  des  anciens  ducs  de  la  Bourgogne  indépendante, 
demeurés  populaires  dans  la  province  devenue  française 
et  si  bonne  française. 

Trois  flèches  en  charpente,  une  sur  la  croisée,  deux 
sur  les  tours,  donnaient  de  l'élancement  à  la  masse 
robuste  et  fière  de  Saint-Jean. 

L'intérieur  forme  une  seule  et  large  nef  ii  murailles 
nues  percées  d'arcs  assez  bas  donnant  entrée  aux  cha 
pelles,  et  de  fenêtres  petites  et  simples.  La  seule  beauté 
du  vaisseau  est  dans  les  proportions  qui  sont  bonnes,  et 
dans  l.i  voûte  en  berceau  aigu  lambrissé,  sans  charpente 
de  soutien,  et  blasonné  aux  armes  de  toutes  les  familles 
qui  ont  concouru  à  la  construction.  A  la  croisée,  les  ner- 
vures se  réunissent  en  une  sorte  de  grande  rosace  à  pen- 
dentifs ;  ceux  (|ui  subtilisent  sur  les  influences  récipro- 
ques des  styles,  se  plaisent  à  reconnaître  ici  un  souvenir 
des  voûtes  anglaises. 

Quand  vint  la  Révolution,  la  décoration  de  Saint-Jean 
avait  été  absolument  modernisée,  mais  le  grand  vitrail 


était  intact  et  le  trésor  renfermait  encore  plusieurs  pièces 
d'orfévrerieancienne  qui  seraient  inestimables  aujourd'hui 
et  dont  la  fonte  ne  donna  que  quelques  parcelles  de 
métal.  Les  nobles  images  ducales  furent  biisces  à  coups 
de  pierre.  L'église  avait  été  d'abord  conservée  comme 
paroisse,  mais  celle-ci  fut  supprimée  des  1791  ;  en  1796, 
la  nef  fut  affectée  aux  fourrages  de  la  guerre.  On  proposa 
ensuite  d'y  étaolir  le  théâtre,  ce  qui  n  eut  pas  de  suite. 
Au  commencement  du  dix-neuvième  siècle,  on  coupa 
l'abside  au  ras  des  tours,  à  l'eli'et  d  élargir  la  rue,  traverse 
de  la  route  nationale  de  Dijon  à  Chalon-sur-Saône,  et 
aussi,  ne  irtanquèrent  pas  de  dire  les  Dijonnais  nés 
moqueurs, de  dégager  la  maison  de  M.  le  maire  Durande. 
Puiî.,  pour  rien,  pour  le  plaisir,  on  abattit  les  trois 
flèches.  Le  préfet  Guiraiidet,  un  homme  du  Midi,  né  dans 
une  ville  (Nimes)  aux  longues  toitures  honzimtales  ro- 
maines, déclarait  ne  rien  comprendre  au  goût  de  ses 
administrés  pour  ces  «  pointes  en  l'air  »,  et  les  fit  jeter 
bas.  En  1803,  l'église  servit  de  marché  et  de  bureau  de 
passage  pour  le  bétail.  Les  faiseurs  d'antithèses  roman- 
tiques avaient  beau  jeu  à  montrer  les  vendeuses  caque- 
tant, les  bêtes  de  boucherie  criant,  beuglant,  bêlant,  et 
la  volaille  vivante  piaillant,  sur  le  dallage  où  étaient  en- 
castrées les  pierres,  modernes  d'ailleurs,  indiquant  les 
tombes  de  saint  Grégoire  et  de  saint  Urbain,  évêques  de 
Langres. 

Sous  le  second  empire,  Saint-Jean  servit  temporaire- 
ment d'entrepôt  de  farines  :  puis,  en  1862,  le  conseil 
municipal  délibéra  qu'il  serait  rendu  au  culte  et  formerait 
une  nouvelle  paroisse  ;  la  bénédiction  eut  lieu  le  13  no- 
vembre 1866.  Malheureusement,  la  restauration  avait 
été  confiée  à  un  brave  homme  d'architecte  municipal, 
parfaitement  incapable  de  comprendre  ([uoi  que  ce  fût 
au  style  médiéval  ;  surtout,  il  n'était  pas  coloriste,  oh 
non  !  Les  murs  reçurent  une  teinte  crème  au  caramel 
sur  laquelle  on  jeta  au  pochoir  de  longues  bandes  avec 
ornementation  en  rinceaux  d'un  quinzième  siècle  approxi- 
matif :  le    tout,    de    la   plus   fâcheuse   couleur. 

Les  écus  de  la  voûte  furent  repeints  et  mal  :  enfin, 
la  haute  muraille  pleine  de  l'abside  tronquée,  reçut  une 
immense  peinture  de  M.  Bénédict  Masson,  un  artiste 
dijonnais,  mort  il  y  a  une  douzaine  d'années. 

Après  avoir  analysé  l'œuvre  regrettable  de 
Masson,  l'auteur  conclut  : 

La  décoration  murale  de  .Saint-Jean  est  tout  simple- 
ment exécrable  ;  divisée  en  deux  parties  conjuguées  que 
sépare  un  meneau  peint  devant  lequel  se  tiennent  de- 
bout saint  Je.in- Baptiste  et  saint  Jean  TEvangéliste,  elle 
montre,  d'un  côté,  le  baptême  du  Christ,  de  l'autre,  le 
disciple  bien-aimé  amené  devant  le  juge  romain  qui  va 
le  condamner  au  supplice  de  la  chaudière  ardente.  Au- 
dessus,  sur  une  nuée  pesante,  auréolée  d'une  lumière 
qui  n  a  rien  de  céleste,  siège  une  Trinité  composée  d  une 
manière  fort  hétérodoxe,  puisqu'elle  est  formée  du  Père, 
du  Fils  et  de...  la  Vierge  1  assis  et  égaux.  Cette  grande 
machine  pousse  rapidement  au  noir,  mais  il  était  impos- 
sible qu'elle  devint  plus  mauvaise. 

Les  chaoelles  ont  reçu  quelques  verrières  dont  il  vaut 
mieux  ne  rien  dire;  quant  aux  grandes  baies  des  pignons, 
on  y  a  mis  des  panneaux  losanges  de  jaune  et  de  violet 
qui  sont  horribles. 

Il  me  souvient  d'avoir  eu  le  plaisir,en  iS89,de  promener 
dans  Dijon  Philippe  Burty;  la  belle  masse  de  Saint-Jean 
aux  pierres  rouillées  par  les  soleils  de  quatre  siècles  et 
demi  le  charma  tout  d'abord.  Mais  je  n'oublierai  jamais 
son  mouvement  de  recul,  d'horreur  sur  le  seuil  de  la  nef. 
«  Allons  nous  débarbouiller  >,  me  dit-il,  en  tournant 
aussitôt  sur  les  talons.  Ce  n'était  pas  tout  à  fait  équitable; 
malgré  les  erreurs,  les   horreurs,  si  l'on  veut,  de  la  poly- 


Cl)romque. 


89 


chroMiie,  Saint-Jean  vaut  une  visite,  les  peinturlureurs 
n'ont  pas  eu  raison  des  lignes  de  l'architecture,  qui 
demeurent  belles.  Mais  Philippe  Burty  n'était  guèie  sen- 
sible qu'à  la  couleur,  et  la  géométrie  des  structures  ne  lui 
disait  lien. Pour  le  rasséréner,  je  le  menai  à  quelques  pas, 
à  l'ancien  hôtel  Bourhu,  grave  demeure  à  mine  de  châ- 
teau, élevée  en  1643,  peut-être  par  le  Uijonnais  Le  Muet, 
1591-1669,  le  plus  beau  palais  parlementaiie  que  le 
XVIP  siècle  ait  construit  à  Dijon.  Moins  riche  dorne- 
nientation  que  celui  qui  porte  aujourd  hui  par  droit 
d'héritage  direct  le  nom  d  hôtel  \'ogué,  il  eit  peut-être 
plus  imposant,  dans  sa  simplicité  et  parleiythme  fier 
de  ses  hauts  faitages.  <  A  la  bonne  heure,  murmura 
Hurty,  voilà  qui  est  sous  patine  ancienne.  >  On  y  a  bien 
touché  un  peu,  pas  trop,  pourtant,  lorsque  Ihôtel  Bouchu 
est  devenu  la  succursale  du  Conservatoire. 

Pour  en  revenir  à  notre  église,  elle  est  pauvre  en  objets  j 
d'art  anciens  ou  modernes.  \'oici  cependant,  incrustée  1 
dans  le  pavé  d'une  chapelle,  la  tombe  avec  effigie  de  1 
Thiébault  Liégeard,  un  lointain  ancêtre  de  M.  Siephen  ! 
Liégeard,  le  poète  et  l'écrivain  dijonnais.  Cette  dalle, 
bien  conservée,  est  du  \V  siècle.  Ce  Thiébault 
Liégeard  avait  commandé  pour  un  autel  de  l'ancienne 
église  un  retable  de  la  V'isitation,  au  sculpteur  Jehan  de 
la  Huerta,  ce  sculpteur  aragonais  qui  commença  le 
tombeau  du  duc  Jean  sans  Peur  que  devait  achever 
le  Dauphinois  .Antoine  le  Moiturier.  Nous  avons  le 
marché,  qui  est  du  18  novembre  1444,  et  c'est  un  docu- 
ment précieux  en  ce  qu  il  nous  montre  avec  quelle  minutie 
étaient  établis  les  programmes  donnés  aux  artistes  pein- 
tres, sculpteurs  ou  verriers.  Non  seulement  on  prévoit, 
comme  dans  un  cahier  des  charges  pour  une  entreprise  de 
travaux  publics,  toutes  les  conditions  matérielles  de 
l'exécution,  mais  on  trace,  dans  une  description  minu- 
tieuse à  la  plume,  le  thème  détaillé  de  la  composition 
elle-même.  N'oublions  pas  que  les  sujets  religieux 
n'étaient  jamais  abandonnés  à  la  liberté,  à  la  fantaisie 
des  artistes  ;  on  imposait  à  ceux-ci  des  conditions  rigou- 
reuses conformes  aux  lois  de  l'iconographie,  et  au  clergé 
seul  appartenait  la  connaissance  complète  de  celle-ci. 
Ainsi  le  peintre  ou  le  sculpteur  ne  faisait  qu'exécuter  sous 
la  dictée  le  tableau  ou  le  bas-relief  commandé.  Au  temps 
d'indépendance  où  nous  sommes,  une  pareille  pratique 
refroidirait  singulièrement  la  veive  d'un  artiste,  et  on 
n'obtiendiait  assurément  qu'une  (L'uvre  sans  accent.  Cette 
discipline  ne  produisait  pas  les  mêmes  eflets  au  moyen 
âge,  où  les  artistes  tenaient,  non  à  la  gloire  personnelle, 
mais  à  l'honneur  d'avoir  concouru  à  une  œuvre  collective 
de  foi  et  de  beauté. 

Une  inscription, toute  moderne  d'ailleurs,fait  connaître 
que  Jacques-Bénigne  Bossuet  a  été  baptisé  en  cette  église 
le  27  septembre  1627  ;  il  était  né,  la  veille  ou  le  jour 
même,  dans  une  maison  voisine  qui  est  très  modeste,  au 
numéro  10  de  la  place  Saint-Jean. 

Une  somme  de  14,964  fr.  73  va  être  employée  en  répa- 
rations à  Saint-Jean  ;  il  est  probable  que  l'on  aura  la 
surprise  ordinaire  des  travaux  imprévus  et  impérieuse- 
ment nécessaires.  Quoi  qu'il  en  soit,  je  ne  sais  à  quoi  cet 
argent  sera  employé  par  la  Commistion  des  Monuments 
historiques  et  ^I.  Charles  Suisse,  son  architecte  en  chef  ; 
s'il  s'agit  de  réparer  les  bévues  polychromiques  de  l'in- 
térieur, c'est  peu  ;  j'imagine  plutôt  que  l'on  va  repren 
dre  certaines  parties  ruinées  des  maçonneries  extérieures. 
Il  se  peut  que  le  travail  soit  urgent  ;  je  vois  là,  en  effet, 
bien  des  pierres  épidermées  et  effritées.  Je  regretterai, 
toutefois,  comme  un  mal  nécessaire,  l'introduction  de 
matériaux  neufs  parmi  un  bel  appareil  dont  le  ton 
général,  qui  va  du  rouillé  des  surfaces  au  fer  sombre  des 
crochets  et  fleurons,  est  d'une  harmonie  singulière  et  rare. 

André  Arnoult. 


fibotogcapfjics  Htcbéologiques. 

IA  Revue  de  l'Art  chrétien  a  signalé  à 
se.s  lecteurs  plusieurs  fois  déjà  la  belle 
collection  de  photographies  archéolo- 

giques  de   M.  Martin  Sabon.    La   pre- 

miere  mention  remonte  à  l'année  1890  (■). 

A  cette  époque,  les  amateurs  n'avaient  guère 
à  leur  disposition  que  la  collection  Mieuseinent, 
éditée, sous  les  auspices  du  Ministère  de  l'Instruc- 
tion Publique  et  des  Beaux-Arts, dans  le  format 
30  X  40. Ce  format  était  encombrant.  Le  prix  était 
en  rapport  avec  le  format  ;  il  variait  entre  2  et 
3  francs,  selon  que  les  épreuves  figuraient  sur  le 
catalogue  officiel,  ou  qu'elles  appartenaient  à  la 
collection  particulière  de  l'opérateur.  Ces  photo- 
graphies ne  pouvaient  donc  entrer  que  dans  les 
portefeuilles  des  amateurs  indifférents  à  la 
dépense. 

C'est  alors  qu'un  homine  de  goiit,  vraiment 
désintéressé,  d'une  persévérance  invincible,  réso- 
lut de  mettre  les  reproductions  de  nos  monu- 
ments nationaux  à  la  portée  de  tous  leurs  admi- 
rateurs. 

Dès  le  premier  jour,  M.  Martin-Sabon  créa 
deux  séries  dans  les  formats  13  x  18  et  21  X  27, 
qui,  en  édition,  étaient  vendus  o  fr.  75  et  i  fr.  25. 
Ces  prix  assuraient  évidemment  un  bénéfice  à 
l'éditeur  au  détriment  de  l'acheteur. 

Aujourd'hui  les  choses  sont  simplifiées.  Plus 
d'intermédiaire.  M.  Martin-Sabon  se  constitue  le 
préteur  de  ses  clichés  et  se  met  sur  rendez-vous 
à  la  disposition  des  archéologues  pour  leur 
montrer  chez  lui,  S'''^,  rue  Mansart,  à  Paris,  ses 
collections  où  l'on  peut  examiner  à  loisir  les 
épreuves  désirées.  Le  choix  étant  fait,  les  clichés 
sont  portés  chez  un  tireur  photographe  du  voisi- 
nage,auquel  les  demandeurs  paieront  simplement 
pour  les  frais  de  tirage  et  de  retouche  o  fr.  50  par 
épreuve  13  x  18  et  i  fr.  par  épreuve  21  X  27.  C'est 
une  économie  notable. 

On  peut,  de  la  sorte,  se  procurer  des  épreuves 
neuves  tirées  avec  le  plus  grand  soin  et  non  des 
épreuves  vieillies  et  plus  ou  moins  altérées  dans 
les  albums  de  l'éditeur.  C'est  un  grand  avantage. 

La  collection  Martin-Sabon  comprend, à  l'heure 
actuelle,  près  de  7000  clichés,  répartis  dans  l'Ile- 
de-France,  la  Picardie,  la  Normandie,  la  Bretagne 
et  la  Touraine. 

Tout  le  monde  sait  que  les  photographes, 
amateurs  et  même  professionnels,  ont  une  prédi- 
lection pour  les  extérieurs  des  monuments,  qui 
n'exigent  qu'une  pose  rapide  et  une  mise  au 
point  facile.  Ceux  qui  se  risquent  à  l'intérieur 
des  édifices  ne  prennent  généralement  que  des 


I.  Revue  de  l' Art  chrétien, 


p.  267. 


90 


jRebue  ïie  T^rt  tlirctien. 


vues  d'ensemble.  M.  Martin-Sabon  ignore  de 
tels  errements.  Quand  il  aborde  un  monument, 
église  ou  château,  il  l'envahit  tout  entier.  Il  pro- 
mène partout  son  objectif,  disputant  à  la  lumière 
les  points  les  plus  obscurs.  Rien  ne  lui  échappe; 
sa  chambre  noire  emmagasine  tout.  La  simple 
énumération  de  son  butin  témoigne  de  sa  prodi- 
gieuse activité.  Quand  il  a  passé  en  revue  les 
divers  membres  d'architecture,  arcs-boutants, 
arcades,  arcatures,  bases,  chapiteaux,  triforiums, 
roses,  clefs  de  voûte,  etc.,  il  s'attaque  au  mobilier. 
Ici,  le  défilé  devient  interminable.  Sans  prétendre 
faire  un  dénombrement  complet,  citons  seule- 
ment les  autels,  bancs  d'œuvre,  bénitiers,  chaires, 
cheminées,  fonts  baptismaux,  jubés,  lutrins,  pier- 
res tombales,  piscines,  reliquaires,  retables,  sépul- 
cres, stalles,  statues,  tabernacles,  etc. 

M.  Martin-Sabon  a  voulu  parfaire  son  œuvre 
en  publiant  un  catalogue,  qui  est  un  merveilleux 
instrument  de  travail.  Ce  catalogue,  en  effet, 
comprend,  outre  une  table  de  noms  de  lieux,  un 
index  alphabétique  (126  pages),  véritable  réper- 
toire archéologique. 

L'auteur  de  ces  lignes  serait  heureux  si  la 
publicité  de  la  Revue  de T Art  chrétien  contribuait 
à  faire  connaître  une  collection  qui  a  déjà  rendu 
tant  de  services  aux  études  archéologiques  et  qui 
est  appelée  à  en  rendre,  chaque  jour,  davantage. 

F.   C. 


ïîécrologtr.  n^: 

IfE  cfiauDiiic  HcuGcns. 

LE  plus  autorisé  des  maîtres  de  l'archéologie 
chrétienne,  M.  le  chanoine  E.  Reusens, 
professeur  à  l'Université  catholique  de  Louvain, 
vient  de  mourir.  Nous  recommandons  son  âme 
au  pieux  souvenir  de  nos  lecteurs,  et  résumons  à 
grands  traits  sa  carrière  scientifique,  d'après  le 
discours  prononcé  à  ses  funérailles  par  son  dis- 
tingué successeur  à  la  chaire  d'archéologie, 
M.  l'abbé  de  Maere. 

Edmond  Reusens  naqOil  à  Wynegheni,  le  25  avril  1831. 
Après  s'être  f-iit  remarquer  par  ses  supérieurs  au  Sémi- 
naire de  Malines,  il  fut  envoyé  à  Louvain,  en  1S54,  pour 
s'y  adonner  à  l'étude  de  la  théologie. 

Le  Recteur  magnifique,  Mgr  de  Ram,  s'adjoignit  sans 
hésiter  sa  collaboration.  Lorsque  M.  Reusens  passa,  en 
1862,  son  doctorat  en  théologie,  il  avait  déjà  trouvé  la  voie 
qu'il  allait  suivie  d'une  f.içon  définitive.  En  effet,  depuis 
trois  ans,  il  était  bibliothécaire  de  l'Université,  et  sa  dis- 
sertation doctorale  relative  à  la  doctrine  théologique  du 
Pape  Adrien  VI  relevait  de  deux  matières  auxquelles  il 
devait  consacrer  sa  vie  :  le  passé  de  l'Université  de  Lou- 
vain et  celui  de  l'Eglise  de  Belgique.  Mgr  de  Ram  s'as- 


socia son  élève  lorsqu'il  fonda, en  1864,  les  Analecies pour 
servir  à  Vhistoire  ecclésiastique  de  Belgique. 

Cependant  après  le  premier  des  grands  Congrès  de 
Malines,  à  la  suite  desquels  la  vitalité  catholique,  débor- 
dante de  sève,  s'épanouit  en  une  si  belle  efflorescence,  un 
cours  d'archéologie  fut  créé  à  Louvain,  et  ^L  Reusens  en 
devint  le  premier  titulaire  en  1864.  Peu  après  il  occupa 
aus^i  les  nouvelles  chaires  de  paléographie  et  de  diplo- 
matique. 

A  la  Bibliothèque,  avec  des  ressources  trop  restreintes, 
il  sut  obtenir  de  grands  résultats.  Dans  le  domaine  de 
l'histoire  religieuse  de  Belgique  il  publia  un  trésor  de 
documents  et,  à  la  veille  de  sa  mort,  il  édifia  à  la  gloire 
de  l'ancienne  université  de  Louvain  un  monument  impé- 
rissable. 

Son  action  ne  fut  pas  moins  remarquable  dans  le  pro- 
fessorat. 

Son  cours  d'archéologie  devança  dans  le  pays  tous  les 
cours  similaires.  Pour  décrire  ce  qu'il  produisit  dans  le 
domaine  de  l'art  ancien  il  faudrait  rappeler  le  nom  de 
Bethune  et  son  école,  les  noms  des  disciples  qu'il  suscita, 
la  Gi/de  de  Saint -Tho»ias  et  de  Saint-Luc  dont  il  fut 
l'âme,  le  comité  diocésain  des  monuments  qu'il  fit  créer, 
tout  ce  mouvement,  enfin,  auquel  il  eut  une  large  part, 
qui  rendit  le  peuple  belge  conscient  de  son  passé  et  de  sa 
valeur  artistique.  Il  devint  membre  de  la  Commission 
royale  des  .Vlonuinents,  membre'de  la  Commission  royale 
d'histoire.  Diverses  autres  sociétés  savantes  le  reçurent 
dans  leur  sein. 


Gamma  Sitte. 

A  LA  fin  de  l'année  1902  a  paru  un  petit 
livre  qui  fit  une  énorme  sensation,  à  cause 
de  la  nouveauté,  de  l'originalité  des  idées  qui  y 
étaient  contenues,et  qui  étaient  cependant  pleines 
de  vérité  et  de  bon  sens.  Après  avoir  consacré 
une  douzaine  d'années  à  des  voyages  d'études, 
M.  Sitte  fit  voir  combien  nous  avons  encore  à 
apprendre  pour  ne  pas  compromettre  la  beauté  de 
nos  rues  par  des  transformations  pratiquées  à  la 
légère.  Il  venait  trop  tard  pour  éviter  de  graves 
fautes,  encore  à  temps  pour  conjurer  de  nouvelles 
bévues.  Nous  avons  fait  connaître,  dans  notre  der- 
nière livraison  le  beau  livre  de  l'architecte  vien- 
nois. Ayant  entrepris  de  nous  mettre  en  rapport 
avec  cet  homme  de  bon  conseil,  nous  n'avons 
reçu  de  réponse  que  de  son  fils  et  élève  M.  l'ar- 
chitecte Siegfried  Sitte,  qui  nous  annonçait  la 
mort  inopinée  de  son  digne  père,  au  inoment 
même  où  une  juste  célébrité  allait  couronner  ses 
travaux.  Il  mettait  la  dernière  main  à  un  nou- 
veau volume  sur  l'esthétique  des  villes. 


Question. 

Monsieur  Louis  de  Farcy  (3,  parvis  St-Mau- 
rice,  à  Angers)  serait  très  reconnaissant  à  celui 
des  lecteurs  de  la  Revue,  qui  posséderait  l'opus- 
cule suivaut,  de  le  lui  communiquer  : 


Cljromque. 


91 


Insigne  Ecclesiœ  Aiidegavensis  panegyricon 
ad  singulos  anagrammaticon ,  par  Jaques  Berge. 
Andegavt.  J.  le  BouUenger,  1659.  In-4°  de  63 
pages,  dédié  à  Henri  Arnaud,  évêque  d'Angers, 
et  à  tous  les  chanoines  de  la  cathédrale,  dont 
chacun  trouve  son  éloge  dans  l'anagramme  de  son 
nom  disposé  en  vers  latins. 

erratum. 

Au  début  de  l'article  de  M.  H.  Chabeuf  sur  le 


musée  Brera  (p.  533  de  notre  dernière  livraison), 
s'est  glissée  une  faute  d'impression  qui  dénature 
la  pensée  de  l'auteur.  Le  contexte  de  la  phrase 
initiale  et  le  texte  entier  de  l'article  auront  du 
reste  suggéré  au  lecteur  la  substitution  du  mot 
continu  à  inconnu.  Il  faut  donc  lire  ainsi  cette 
phrase  —  «  Si  les  riches  musées  italiens  sont  au 
»  premier  rang  par  l'ensemble  de  leurs  trésors 
J)  artistiques,  laissant  parfois  à  désirer  au  point  de 
»  vue  du  classement,  du  moins  le  progrès  y  est-il 
«  continu.  » 


Imprimé  par  Desclée,  De  Brouweret  C'=,  Lille- Paris-Bruges. 


^V  ^ii  ■ jli:ri"ifc-v,'..^>-=;/-'V  y  ><^Vv^v  ^-"^^  .     . 


Betiuc  lie 


l'Hrt  rhrétien 


>  paraîseniu  toiiis  les  bDut  iiuiisf.  4;| 
^     4yme  ^nncc.  —  4«  Sétic. 

(Coinc  XV  (Lii^  be  fa  coUectiou). 

][^  2me  livraison.  —  ffîars  190^.    4<]| 

g;H1iHits^iiiifH:a:iiilMiilB:tIMhMi^^jiiijiiii^I■'i5!;i!!;atfj«?^ 


li^Hïioration  î)cs  Bergers  liu  musée  lie  ©ijon 


(0 


^^^L  y  a  peu  de  mois,  visi- 
ï:  tant  pour  la  première 
fois  le  riche  et  instruc- 
tif musée  de  Dijon, 
après  un  rapide  coup 
d'œil  général,  où  un 
examen  plus  attentif 
m'avait  retenu  auprès  des  œuvres  princi- 
pales réunies  dans  ce  que  l'on  pourrait 
nommer  le  salon  d'honneur,  les  tombes 
monumentales  des  ducs  de  Bourgogne, 
Philippe  le  Bon  et  Philippe  le  Hardi,  les 
retables  peints  par  Hroederlam  et  sculp- 
tés par  Jacques  de  Baerze,  je  me  sentis 
attiré  par  un  petit  panneau,  placé  dans  une 
salle  voisine,  dont  se  dégageait  un  charme 
singulier.  Il  m'était  connu  par  des  repro- 
ductions,  mais   des   reproductions   comme 

I.  Ce  panneau  est  entré  au  musée  de  Dijon  en  1S41. 
Il  a  été  acquis  par  le  conservateur,  à  cette  époque,  M. 
Pivert  de  Saint-Mesmin.  Il  mesure  o"',47  sur  o"',7o.  Il  a 
souffert,  et  on  y  voit  des  reprises,  sensibles  surtout  dans  le 
groupe  d'anges  chantant  le  Gloria.  Nous  devons  les  ren- 
seignements relatifs  à  l'acquisition  et  à  l'état  du  tableau 
à  M.  Chabeuf,  le  savant  président  de  la  Société  des 
sciences,  arts  et  belles-lettres  9e  Dijon. 


celles  que  nous  offrons  à  nos  lecteurs,  hé- 
las, sans  couleur.  J'y  revins  à  plusieurs 
reprises,  retenu  par  l'intérêt  de  la  compo- 
sition, l'harmonie  particulière  des  tonalités, 
et  la  remarquable  pondération  qui  existe 
entre  les  figures  groupées  au  premier  plan, 
les  anges  qui  planent  dans  le  ciel  et  ce 
ravissant  paysage  qui,  sans  distraire  l'œil 
de  la  Scène  biblique,  lui  donne  au  contraire 
quelque  chose  d'intime  et  de  familier.  Il 
semble  que  l'on  ait  parcouru  ces  chemins 
serpentant  dans  le  lointain,  bordés  d'arbres 
à  demi  dépouillés  le  long  des  prés  jaunis 
par  l'automne,  conduisant  à  d'anciennes 
cités,  où  apparaissent  les  églises  et  les  tours 
surmontées  de  flèches  ;  on  a  vu  déjà  ces 
remparts  baignés  par  une  rivière  bleue  qui 
reflète  le  ciel!  11  me  semblait  même  que 
dans  les  rêves  de  l'enfance,  je  m'étais  as- 
socié à  ces  bergers  adorant  l'Enfant  Jésus, 
et  que  j'avais  entrevu  alors  ces  groupes 
d'anges  revêtus  de  couleurs  chatoyantes, 
chantant  le  Gloria  in  excehis  Deo  ! ... 

Enfin,    tout    cet   ensemble  me   parut  si 


HKVL'K    DE   L  AKT    CHKtTIt.N. 
1904.    —   2'"*    LIVRAISON". 


94 


jRelluc  tie  V^xt  cf)rctteu. 


attachant,  qu'une  reproduction,  —  si  insuffi- 
sante qu'elle  fût  —  serait  agréable  aux  lec- 
teurs de  la  Revue,  et  qu'à  ce  propos,  il  ne 
serait  pas  indifférent  de  leur  faire  connaître 
les  études  dont  le  panneau  de  Dijon  a  été 
l'objet  des  savants  de  notre  temps,  et  ce 
que  l'on  sait  sur  le  maître  qui  en  est 
l'auteur. 

L'Adoration  des  Bergers  du  musée  de 
Dijon  a  été  décrite  et  reproduite  trois  fois. 
Tout  le  monde  est  d'accord  pour  l'attribuer 
aujourd'hui  au  peintre  désigné  sous  le  nom 
de  «  Maître  de  Flémalle  »,  grâce  à  une 
étude,  bien  approfondie,  parue  en  1898. 

La  Gazette  des  Beaux- Arts  a  donné  un 
article  accompagné  d'une  gravure  sur  ce 
tableau.  L'auteur  rapproche  \' Adoration 
des  Bergers  d'une  peinture  murale  repré- 
sentant le  même  sujet,  fort  détériorée,  qui 
existe  à  la  boucherie  aujourd'hui  désaffec- 
tée de  Gand.  Il  trouve  de  nombreuses  ana- 
logies entre  les  deux  peintures.  Plus  clair- 
voyant que  d'autres  archéologues,  qui  ont 
étudié  le  panneau  de  Dijon,  il  y  a  vu  la 
figure  du  Père  éternel  que,  jusqu'à  présent, 
il  a  été  seul  à  apercevoir  (').  Il  juge  au 
surplus  cette  peinture  «  la  plus  importante 
et  la  plus  développée  des  œuvres  du  maî- 
tre »,  ce  qui  est  également  inexact. 

Une  délicieuse  héliogravure  de  ce  tableau 
orne  le  beau  livre  de  M.  Gonse:  Les  chefs- 
dœuvres  du  Mtisée  de  FraJice  (").  Cette 
reproduction  est  accompagnée  d'une  notice 
écrite  avec  charme  où  l'auteur  apprécie  à 
sa  haute  valeur  l'œuvre  que  je  tiens  à  faire 
connaître  à  nos  lecteurs.  Dans  l'attribution 

1.  <  Enfin,  nous  constatons,  dans  la  peinture  de  Dijon, 
comme  dans  celle  de  Gand,  la  présence  de  la  Vieille  Ze- 
lomé,  la  femme  au  turban,  et  l'introduction  dans  la  pein- 
ture murale  du  l'ère  Éternel,  occupant  dans  l'œuvre  de 
Dijon,  une  place  moins  apparente  que  dans  la  fresque  ». 

Gazette  des  Beaux-Arts,  Année  1900,  tome  vingt-troi- 
sième, p.  247. 

2.  Paris,  Société  française  d'édition  d'art,  1900.  Article 
sur  le  Musée  de  Dijon,  p.  104. 


au  Maître  de  Flémalle  il  se  range  sans  hé- 
siter à  l'opinion  de  M.  de  Tschudi,  qui  a 
été  le  premier  à  en  reconnaître  le  peintre. 

M.  de  Tschudi,  directeur  des  musées  de 
Berlin,  dans  une  étude  très  approfondie  et 
pleine  de  recherches  sur  le  Maître  dit  de 
Flémalle,  —  étude  sur  laquelle  nous  allons 
revenir  —  met  le  panneau  de  Dijon  en 
très  bonne  place  :  il  donne  de  cette  com- 
position une  description  à  la  fois  si  précise 
et  si  complète,  que  je  ne  crois  pouvoir 
faire  mieux  que  d'en  essayer  ici  une  tra- 
duction que  je  m'efforcerai  de  rendre  la 
plus  exacte  possible. 


* 
*  * 


^,  Sous  une  hutte  de  chaume,  Marie,  age- 
nouillée, est  en  adoration  devant  l'Enfant. 
Elle  est  revêtue  d'une  robe  et  d'un  man- 
teau blancs,  orlé  d'or  qui  étend  ses  plis  sur 
le  sol.  Le  petit  enfant  malingre,  presque 
décharné,  est  couché  devant  elle,  reposant 
sur  une  auréole  aux  rayons  d'or,  comme  sur 
un  tapis.  Joseph,  agenouillé  devant  lui,  con- 
temple le  nouveau  né  d'un  air  soucieux. 
D'une  main  il  tient  un  cierge  allumé  dont  il 
cherche,de  l'autre  main, à  garantir  la  flamme. 
—  Ce  cierge  signifie  que  la  scène  se  passe 
la  nuit,  bien  que  l'on  se  trouve  en  plein 
jour,  —  comme  cela  se  serait  passé  sur  les 
tréteaux  d'un  théâtre  Shakespearien.  — 
Il  ne  pouvait,  en  effet,  entrer  dans  l'esprit 
du  peintre,  l'ami  des  couleurs  claires  et  de  la 
joyeuse  lumière,  de  vouloir  rendre  ici  un 
effet  de  nuit.  Dans  la  figure  de  Joseph  on 
reconnaît  iinmédiatement,  le  fabricant  de 
souricières  du  triptyque  de  Mérode('). 

«  Ses  vêtements  sont  nuancés  des  cou- 
leurs les  plus  vigoureuses  :  manteau  rouge 
doublé  de  vert  avec  capuchon  bleu.  Cette 


I.  Dans  le  volet  de  droite  du  célèbre  triptyque  aujour- 
d'hui disparu,  saint  Joseph  est  représenté  devant  son 
établi  de  menuisier,  confectionnant  des  souricières. 


3L':^t)oratton  hts  Bergers. 


95 


harmonie  des  trois  couleurs  juxtaposées 
trouve  un  écho  dans  le  trio  d'anges,  ainsi 
que  dans  le  costume  de  la  femme  à  droite. 
A  la  baie  de  la  fenêtre  on  voit  se  presser 
trois  bergers,  et,  dans  l'expression  de  visage 
de  ces  rustiques,  se  peint  un  mélange 
de  curiosité  et  de  gaucherie  respectueuse, 
où  vraiment  la  nature  semble  prise  sur  le 
fait.  En  revanche,  l'âne  et  le  bœuf,  à  l'en- 
conire  des  données  traditionnelles,  ne  pren- 
nent aucune  part  à  l'action.  On  aperçoit  à 
travers  la  claire-voie  disjointe,  formant  les 
parois  de  la  chaumière  et  dont  les  lattes 
sont  dégarnies  de  leur  crépi,  le  ruminant 
mollement  couché.  L'animal  est  reproduit 
avec  un  remarquable  esprit  d'observation. 
Au-dessus  de  la  hutte  plane  un  groupe 
d'anges  aux  vêtements  flottants,  tenant  des 
banderoles  dont  les  plis  forment  de  capri- 
cieuses évolutions. 

«  A  ces  figures  typiques,  traditionnelles 
de  la  nuit  de  Noël,  viennent  se  joindre  deux 
femmes,  que  l'on  ne  voit  guère  dans  les 
tableaux  qui  la  représentent,  et  qui  apparais- 
sent ici  survenues  en  visiteuses  étrangères. 
Toutes  deux  sont  revêtues  de  riches  atours; 
elles  ont  la  tête  couverte  de  coiffes  volumi- 
neuses en  forme  de  turban.  Celle  qui  est 
vue  du  dos  est  revêtue  d'un  manteau  gris 
dont  la  doublure  est  ornée  d'un  diaprage  or, 
de  style  oriental.  Les  banderoles  qui  les 
entourent,  nous  font  connaître  quelles  sont 
ces  dames.  Au  premier  plan  est  agenouillée 
Zelomé,  la  sage-femme,  appelée,  — suivant 
lesévangiles  apocryphes,  — par  Joseph  dans 
unmomentd'anxiété  et  d'angoisse. Elle  s'est 
tournée  vers  sa  compagne  avec  les  mots 
«  virgo  peperit  filium  ».  Celle-ci,  qui  avait 
été  incrédule,  lui  donne  la  réponse  :  «  Cre- 
dam  quum  probavero  ».  Ce  n'est  que  par 
une  constatation  personnelle  qu'elle  a  été 
obligée  de  croire  au  prodige.  Mais  aussitôt 
le  châtiment  céleste  a  puni  le  doute  coupa- 


ble. La  main  droite  desséchée,  que  doulou- 
reusement elle  montre,  ne  sera  guérie  que 
par  le  contact  avec  l'Enfant  divin.  Son  vi- 
sage exprime  une  grande  peine;  de  la  main 
gauche  elle  a  relevé  l'ample  manche  du 
bras  droit,  montrant  la  main  privée  de  vie 
à  sa  compagne  dont  l'effroi  à  la  vue  du  pro- 
dige, est  manifeste.  Mais  déjà  au-dessus  des 
deux  femmes  plane  un  ange,  tenant  d'une 
main  un  phylactère  dont  le  texte  indique  le 
remède  «  Tange  puerum  et  sanaberis  »  et 
de  l'autre  un  linge,  allusion  à  la  vertu  des 
langes  de  l'Enfant,  dont  l'attouchement 
suffira  à  ramener  la  vie  dans  le  membre 
frappé  de  paralysie. 

<<  Le  groupe  des  deux  sages-femmes  ne 
met  pas  médiocrement  en  valeur,  le  talent 
caractéristique  du  peintre.  Il  représente  ici 
un  thème  rarement  traité  dans  l'art  du 
moyen  âge,et,s'il  recourt  aux  textes  inscrits, 
sur  les  banderoles,  ce  n'est  pas  par  impuis- 
sance ou  maladresse.  Il  est  maître  con- 
sommé dans  l'art  d'exprimer  les  sentiments 
par  les  gestes.  Ne  devait-il  pas,  à  cet  égard, 
se  sentir  bien  sûr  de  son  fait  pour  oser,  sans 
les  ressources  de  l'expression  du  visage, 
accuser,  par  le  mouvement  d'une  figure 
entièrement  vue  du  dos,  le  saisissement  de 
l'âme  ?  Le  maître  sait  donner  au  g-este  des 
mains  une  éloquence  particulière.  Ainsi 
dans  les  deux  femmes  les  mains  aux  doigts 
effilés,  aux  articulations  si  délicates  ont  à 
dire  le  mot  décisif,  —  le  dernier  mot  :  et 
elles  le  font  avec  une  précision  qui  ne  laisse 
pas  de  place  au  doute. 

«  Le  paysage  dans  ce  panneau  est  l'un 
des  principaux  charmes  de  l'ensemble.  C'est 
le  paysage  le  plus  achevé,  le  plus  beau  dans 
tout  l'œuvre  du  maître  :  il  nous  transporte 
en  pleine  campagne  par  un  jour  ensoleillé 
de  la  fin  de  l'automne  ;  les  saules  au  bord 
du  chemin  sont  émondés,  les  arbres  dé- 
pouillés et  les  prés  ont  pris  les  teintes  fauves 


96 


3Rcbuc  tir  r^rt  chrétien* 


d'un  brun  jaunâtre.  Ces  trois  promeneurs 
que  l'on  aperçoit  dans  un  sentier,  les  arbres, 
les  buissons,  projettent  des  ombres  allon- 
gées, et  des  nuages  bleus  au  loin  flottent  à 
l'horizon.  Deux  routes  passent  sur  les  ondu- 
lations des  collines  qui  caractérisent  le 
pays.  Auprès  d'une  de  ces  élévations  on 
voit  un  édifice  qui  semble  un  couvent,  plus 
loin  une  hôtellerie  ;  puis  le  chemin  passe  sur 
un  pont-levis  qui  conduit  à  la  ville  entourée 
de  murs  et  dominée  par  un  château  fort.  Au  [ 
dernier  plan,  à  gauche,  s'étagent  des  rochers 
à  crête  aiguë;  entre  leurs  anfractuosités 
apparaît  l'étoile  qui  projette  ses  rayons  d'or 
sur  la  chaumière  du  premier  plan. 

«  J'ai  dit  que  ce  paysage  était  le  plus  beau 
du  maître  :  c'est  aussi  l'un  des  plus  remar- 
quables dans  tout  le  domaine  de  l'ancienne 
peinture  néerlandaise.  Si  je  ne  me  trompe, 
il  y  a  là  un  premier  essai  d'accentuer,  par 
le  caractère  du  paysage,  celui  de  la  scène 
représentée  par  les  figures. 

«  Le  peintre  n'a  osé  encore  aborder  un 
paysage  d'hiver.  Cette  tentative  sera  réser- 
vée au  XV I^  siècle.  Mais  ici,  nous  voyons 
pour  la  première  fois  la  nature  dépouillée 
de  sa  robe  estivale,  pour  laquelle  jusque-là, 
les  maîtres  flamands  ont  réservé  les  trésors 
de  !■  ur  chatoyante  palette.  Avec  les  arbres 
qui  projettent  sur  la  clarté  du  ciel  leurs 
branches  dénudées,  avec  l'herbe  desséchée 
des  prairies  roussies,  l'art  a  conquis  un  do- 
maine inconnu  du  monde  visible  :  ce  pay- 
sage se  distingue  encore  par  un  autre  point 
de  la  plupart  des  essais  tentés  à  la  même 
époque,  dans  l'imitation  de  la  nature.  On  y 
voit  clairement  que  ce  sont  les  rayons  du 
soleil  qui  éclairent  la  contrée  ;  mieux  encore, 
ce  ne  peut  être  que  le  soleil  automnal,  déjà 
descendu  à  l'horizon.  Auparavant,  et  en 
même  temps  que  ce  maître,  les  peintres  ont 
imaginé  des  paysages  éclairés  par  le  soleil  ; 
mais  ils  ne  parvenaient  qu'à  évoquer  l'illu- 


sion d'une  lumière  uniforme  et  pâle.  Le 
Maître  de  Flémalle  a  compris  qu'il  ne  s'agis- 
sait pas  seulement  de  peindre  les  objets  en 
pleine  lumière,  mais  que  ces  objets  devaient 
encore  projeter  une  ombre.  Si  l'on  se  sou- 
vient avec  quelle  minutie  naïve,  presque  en- 
fantine, il  s'attache,  dans  les  scènes  d'inté- 
rieur, à  faire  correspondre  les  ombres  des 
objets  éclairés  aux  différents  foyers  de  lu- 
mière auxquels  ils  doivent  leur  relief,  on  ne 
s'étonnera  pas  de  ses  tentatives  d'accuser 
aussi  les  ombres  portées  des  objets  qui  se 
trouvent  en  plein  air.  Sous  ce  rapport  il 
n'est  peut-être  pas  un  novateur,  mais  il 
est  le  peintre  le  plus  logique,  le  plus  consé- 
quent avec  lui-même. 

«  Dans  les  peintures  de  Jean  Van  Eyck 
on  peut  voir  les  pignons  des  maisons  à  toits 
aigus,  les  hommes  projeter  sur  les  places 
publiques  et  les  marchés  vivement  éclairés 
par  le  soleil, des  ombres  à  bords  arrêtés.Mais 
dans  ses  paysages, c'est  à  peine  si  l'on  trouve 
une  indication  de  cet  effet  particulier  de  la 
lumière.  La  plupart  des  peintres  néerlandais 
lui  sont  encore  inférieurs  à  cet  égard.  Il  est 
bien  remarquable  qu'il  en  soit  de  même 
dans  les  œuvres  de  Hugo  Van  der  Goes, 
qui,  dans  le  beau  paysage  d'hiver  du  re- 
table Portinari,  a  cependant,  en  ce  qui  con- 
cerne la  différence  des  saisons,  suivi  la  voie 
ouverte  par  le  Maître  de  Flémalle  (')». 


* 
*  * 


Après  avoir  suivi  avec  toute  l'exactitude 
possible  le  savant  archéologue  allemand 
dans  sa  description  du  tableau  de  Dijon,  il 
est  peut-être  utile  de  le  suivre  encore  dans 
l'étude  très  étendue  qu'il  consacre  au  maî- 
tre, étude  trop  peu  connue  en  France, 
parce  qu'elle  est  écrite  dans  une  langue 
étrangère. 

I .  Jahrbuch  der  Koniglich  :  Preussische  Kunstsammlun- 
gen,  netiiiaehn/tr  Hand,  1898,  Heft  I  uiid  II. 


3L':XlJoration  Des  Bergers. 


97 


C'est  M.  de  Tschudi,  qui  le  premier  a 
baptisé  du  nom  de  «  Maître  de  Flémalle  » 
le  peintre  mystérieux  désigné  jusqu'alors 
du  nom  de  Maître  de  Mérode. 

Ce  dernier  nom  venait  d'un  très  remar- 
quable triptyque,  représentant  l'Annoncia- 
tion au  panneau  central  ;  le  volet  de  droite 
montrait  saint  Joseph,  fabriquant  des  sou- 
ricières, et  sur  les  volets  de  gauche,  on 
voyait  le  portrait  du  donateur  et  de  la  do- 
natrice. 

Cette  peinture  se  trouvait  à  l'hôtel  de  M'"^ 
la  comtesse  de  Mérode,  où,  il  y  a  un  certain 
nombre  d'années,  quelques  archéologues 
ont  pu  la  voir  et  l'étudier.  Elle  fut  consi- 
dérée alors  comme  une  œuvre  type,  pouvant 
servir  de  critérium  aux  recherches  à  faire 
sur  un  maître  de  premier  ordre,  et  comme 
point  de  comparaison  aux  peintures  que  l'on 
pourrait  lui  attribuer. 

Mais  bientôt.Ie  triptyque  ne  fut  plus  ac- 
cessible. On  ignore  ce  qu'il  est  devenu  ;  on 
sait  seulement  .qu'il  a  été  copié  à  une 
date  récente  et  c'est  d'après  une  photogra- 
phie faite  sur  une  copie  moderne  que  M.  de 
Tschudi  a  fait  exécuter  la  reproduction  qu'il 
donne  en  tête  de  la  monographie  qui  sert 
de  base  à  notre  étude. 

Cependant  les  remarques  et  annotations 
faites  sur  le  triptyque  de  Bruxelles  n'avaient 
pas  été  perdues.  Elles  ont  servi  à  identifier 
et  à  reconnaître  comme  œuvres  du  même 
maître  une  série  de  quatre  panneaux  d'un 
polyptyque  de  haute  valeur  qui  se  trouvent 
actuellement  au  musée  Staedel  de  Franc- 
fort. Ces  panneaux  ont  été  acquis  pour  ce 
musée  en  1849  à  J.  Van  Houten  d'Aix-la- 
Chapelle,  et  proviennent,  d  après  l'auteur, 
de  l'abbaye  cistercienne  de  Flémalle,  près 
de  Liège. 

Il  convient  ici  de  redresser  une  légère 
erreur  ;  il  n'y  a  jamais  eu  d'abbaye  cister- 
cienne  à   Flémalle,  ni    dans  les  environs. 


Mais  il  y  a  existé  une  communauté  de 
dames  nobles,  La  Paix-Dieu,  et  une  com- 
manderie  de  chevaliers  de  Malte. 

Le  retable  était  une  œuvre  de  dimen- 
sions monumentales,  d'un  mérite  de  pre- 
mier ordre,  comme  en  témoignent  les  frag- 
ments de  Francfort:  il  peut  avoir  orné  la 
chapelle  d'une  de  ces  communautés.  M.  de 
Tschudi  suppose  que  «l'abbaye»  aurait  été 
supprimée  à  la  Révolution  française.  En 
dehors  de  cette  hypothèse,  nous  ne  pos- 
sédons pas  de  renseignements  historiques 
sur  l'ensemble  du  retable  et  sur  les  circons- 
tances dans  lesquelles  les  panneaux  ont 
été  dispersés.  Leur  origine  aura  probable- 
ment été  renseignée  par  le  vendeur,  J.  Van 
Houten. 

A  partir  de  la  disparition  du  retable  de 
Mérode,  ce  sont  les  panneaux  de  Franc- 
fort qui  ont  été  considérés  et  étudiés  comme 
des  œuvres  types.  Ils  représentent  la  Ste 
Vierge  debout  allaitant  l'Enfant  Jésus,  Ste 
Véronique,  une  Trinité  et  le  fragment  d'une 
Crucifixion;  le  bon  Larron  avec  S.  Longin 
et  un  soldat.  Les  figures  sont  à  peu  près  de 
grandeur  naturelle. 

C'est  en  raison  de  leur  origine  que  M.  de 
Tschudi  a  proposé  de  débaptiser  le  mys- 
térieux maître  de  Mérode  et  de  l'appeler 
désormais  le  «  Maître  de  Flémalle».  L'opi- 
nion du  savant  allemand  a  prévalu  ;  cepen- 
dant, en  proposant  ce  nom  nouveau,  il  émit 
le  vœu  de  voir  celui-ci  remplacé  bientôt  par 
le  nom  véritable  du  grand  artiste,  dont,  au 
cours  du  travail  que  nous  analysons,  il  pour- 
suit l'étude  avec  une  science  et  une  sagacité 
remarquable. 

Ce  vœu  est  probablement  sur  le  point 

d'être  réalisé. 

* 
*  * 

Ce  serait  encore  à  l'Exposition  des  an- 
ciens maîtres  flamands  de  Bruges  que  l'on 
devrait  cette  conquête   sur  l'obscurité  qui 


enveloppe  tant  de  questions  intéressantes 
que  soulève  l'histoire  de  l'ancienne  peinture 
flamande. 

Par  son  catalogue  critique  de  cette  ex- 
position, M.  le  professeur  Hulin  de  l'Uni- 
versité de  Gand,  s'est  révélé  observateur 
perspicace  autant  que  judicieux,  et  dans  une  i 
étude  bien  raisonnée,  appuyée  de  dates 
précises  et  de  rapprochements  de  faits  bien 
établis,il  a  cherché  à  identifier  le  Maître  de 
Flémalle  avec  le  peintre  Jacques  Daret  de  1 
Tournai,  l'élève  de  Robert  Campin. 

La  place  nous  fait  défaut  pour  suivre  de 
point  en  point  les  déductions  du  savant 
professeur  de  Gand,  mais  quelques  remar- 
ques sont  à  noter  : 

Dans  l'étude  des  peintres  flamands  du 
XV^  siècle  et  du  rang  qu'il  convient  d'as- 
signer à  chacun  d'eux,  après  les  frères 
Van  Eyck  et  Rogier  Van  der  Weyden,  il 
n'existe  pas  de  peintre  dont  le  génie  soit 
à  la  hauteur  du  Maître  de  Flémalle. 

A  la  même  époque,  Jacques  Daret  était 
le  plus  considérable  des  peintres  et  le  plus 
en  vue  de  tous  ceux  dont  les  archives  ont 
conservé  le  nom. 

Les  comptes  des  ducs  de  Bourgogne  en 
font  foi.  A  deux  reprises  il  est  fait  appel  à 
tousles  peintres  dupays:aubanquet  deLille, 
1/  février   1453,  Jacques  Daret  apporte  le 
concours  de   son  travail,  et  son  salaire  est 
plus  élevé  que  celui  de  tous  ses  confrères. 
En  1468,  aux  fêtes  des  noces  de  Charles  le 
Téméraire  avec  Marguerite  d'York,  où  un 
très  grand   nombre  de  peintres  de  mérite 
sont  appelés  à  venir  peindre  les  décorations, 
Jacques  Daret  a  la  direction  des  travaux, 
avec  une  rémunération  supérieure.  Ce  pein- 
tre n'eut  pas  une  influence  purement  locale. 
Son  renom  s'étendit  au  loin,  et  on  retrouve 
sa  trace  à  Saint-Omer,  à  Anvers,  à  Arras. 
Le  style  et  le   talent  du  Maître  de  Flé- 
malle   offrent    des    affinités    remarquables 


avec  le  style  et  les  mérites  de  Rogier  de  la 
Pasture,  Rogier  Van  der  Weyden. 

Jacques  Daret  fut  condisciple  de  Rogier 
à  l'atelier  de  Robert  Campin  ;  Rogier  Van 
der  Weyden  y  commence  son  apprentis- 
sage le  5  mars  1426,  Jacques  Daret  entre 
au  même  atelier  le  12  avril  1427.  Van  der 
Weyden  est  reçu  franc-maitre  le  i"  août 
1432.  Jacques  Daret  est  élevé  à  la  même 
dignité  le  18  octobre  1432. 

Jacques  Daret  a  eu  une  carrière  longue 
et  productive. 

L'œuvre  du  Maîire  de  Flémalle,  telle 
qu'elle  est  établie  par  M. de  Tschudi  est  très 
considérable.  C'est  à  tel  point  qu'il  constate 
comme  chose  bien  remarquable  que  le 
nombre  des  œuvres  qu'on  peut  attribuer  à 
ce  peintre,  au  moyen  de  considérations  bien 
fondées,  atteint  et  même  surpasse,  ceux  des 
maîtres  les  plus  féconds  parmi  ses  contem- 
porains. M.  Hulin  émet  encore  d'autres 
arguments  en  faveur  de  sa  thèse  qui  paraît 
si  bien  établie  que  M.  Weale,  dans  le  cata- 
logue officiel  de  Bruges,  s'est  rallié  à  ses 
conclusions  et  voit  dans  le  Maître  de  Flé- 
malle et  Jacques  Daret,  un   même  peintre. 


* 


Il  y  a  donc  tout  lieu  de  croire  que  M. 
Hulin  se  trouve  sur  une  bonne  piste.  Le 
moindre  petit  renseignement  chronologi- 
que trouvé  par  quelque  travailleur  heureux, 
pourra  dans  un  avenir  peut-être  prochain 
assurer  à  Jacques  Daret  l'auréole  qui  depuis 
peu  d'années  s'est  formée  autour  du  Maître 
de  Flémalle. 


* 
*  * 


Mais  en  attendant  cette  éventualité  pro- 
bable, nous  allons  suivre  l'étude  de  M. 
de  Tschudi  pour  reconstituer  l'œuvre  du 
maître. 

Cette  étude  est  le  fruit  d'un  long  et  per- 
sévérant  travail    poursuivi    dans   tous   les 


IL'^Doratton  tt&  Bergers* 


99 


musées  et  collections  de  l'Europe.  L'ar- 
chéologue allemand  ne  s'est  pas  attaché  ex- 
clusivement aux  tableaux,  œuvres  incon- 
testables du  peintre,  il  fait  connaître  aussi 
les  anciens  dessins  et  croquis  faits  d'après 
ceux-ci,  les  copies  anciennes  et  les  compo- 
sitions ou  fragments  de  composition  ins- 
pirés par  le  maître,  de  même  qu'il  recherche 
aussi  les  motifs  et  figures  antérieures  dont 
le  maître  à  son  tour  s'est  inspiré. C'est  grâce 
à  ces  recherches  et  aux  comparaisons  éta- 
blies entre  tout  ce  que  l'on  connaissait  du 
Maître  de  Flémalle,  qu'il  a  pu  lui  restituer 
le  tableau  de  Dijon,  avec  une  conviction  et 
une  sûreté  qui  n'a  pas  suscité  de  contra- 
diction. 

Ceci  dit,  nous  continuons  l'inventaire  des 
œuvres  du  maître.  Nous  avons  déjà  cité 
les  panneaux  de  Francfort. 

1.  La  Sainte  Vierge  allaitant  l'Enfant  Jé- 
sus, figure  presque  de  grandeur   naturelle. 

2.  Sainte  Véronique,  panneau  de  la  même 
suite. 

3.  Dieu  le  Père,  debout,  soutenant  son 
divin  Fils  mourant,  au-dessus  duquel  plane 
la  colombe,  peint  en  grisaille  ;  cette  peinture 
parait  avoir  fait  partie  du  même  ensemble, 
mais  à  l'extérieur  des  volets  ;  le  panneau, 
très  mince,  semble  avoir  été  scié  en  deux. 

4.  Fragment  d'une  Crucifixion,  représen- 
tant le  bon  Larron  sur  la  croix.  En  dessous, 
saint  Longin  et  un  soldat. 

Un  ancienne  copie  du  triptyque  dont  ce 
fragment  faisait  partie,  appartient  aujour- 
d'hui au  musée  du  Royal  Institution  de 
Liverpool.  Il  a  figuré  à  l'Exposition  des 
anciens  maîtres  flamands  à  Bruges. 

Ces  quatre  fragments  d'un  polyptyque 
peint  sur  panneaux  en  bois  de  chêne  d'une 
hauteur  de  1,44  sur  0,53,  formaient  un 
retable  considérable,  une  œuvre  monumen- 
tale ;   l'auteur  fait    remarquer   avec   beau- 


coup de  raison  que,  au  point  de  vue  de  son 
importance  l'œuvre  devait  être  rangée 
bien  près  du  polyptyque  des  Frères  Van 
Eyck  de  Gand. 

Au  musée  du  Prado  à  Madrid. 

Deux  volets  d'un  retable  dont  la  partie 
centrale  est  perdue. 

Le  volet  de  gauche  représente  le  dona- 
teur à  genoux,  sous  la  protection  de  saint 
Jean- Baptiste.  Une  inscription  au  bas  de 
ce  volet  fait  connaître  que,  l'an  1438,  Henri 
de  Wert,  magistre  à  Cologne,  fit  peindre 
ce  triptyque.  Henri  de  Wert  est  un  per- 
sonnage bien  connu,  de  l'Ordre  des  Frères- 
Mineurs  ;  il  était  maître  en  renom  pro- 
fessant à  l'Université  de  Cologne,  où  il  est 
décédé  en  1461.  L'autre  volet  représente 
sainte  Barbe,  lisant.  Charmante  jeune  fille, 
aux  cheveux  ondulés  et  dénoués  tombant 
sur  les  épaules, assise  sur  un  banc  gothique 
au  milieu  d'un  intérieur  dont  le  peintre 
met  tous  les  détails  en  relief, comme  il  aime 
à  le  faire.  Derrière  la  liseuse,  une  bûche 
tlambe  dans  la  cheminée,  tandis  que  dans 
le  paysage  visible  par  la  fenêtre  ouverte, 
on  voit  construire  la  tour  qui  servira  de 
prison  et  d'emblème  à  la  sainte. 

Le  musée  du  Prado  possède  encore  deux 
panneaux  moins  importants  du  même  pein- 
tre ;  l'un  représente  la  Salutation  angélique 
et  l'autre  les  Épousailles  de  la  sainte  Vierge. 
Le  catalogue  du  musée  les  attribue  à  Rogier 
Van  der  Weyden. 

La  Galerie  nationale  de  Londres. 

La  Mort  de  la  sainte  Vierge  (indiqué 
dans  le  catalogue  comme  «  Ecole  alle- 
mande »),  et  sous  un  même  N"  un  :  Portrait 
d'homme  inconnu  et  de  sa  femme. 

Appartenant  à  des  collections  particu- 
lières. 

La  Vierge  et  l'Enfant  Jésus  (connu  sous 
le  nom  de  Léon  Somzée)  a  figuré  à  l'expo- 


lOO 


WitWt  lie  rart  chrétien. 


sition  de  Bruges,  et  admis  par  tous  les  con- 
naisseurs, comme  œuvre  d'une  authenticité 
incontestable  ('). 

A  la  Galerie  royale  de  Berlin. 

Le  Crucijienie7tt,  œuvre  très  importante 
(H.  o'",77,  L.  o'",47),  a  été  peint  primitive- 
ment sur  fond  d'or.  Le  paysage  et  le  ciel  sont 
l'œuvre  d'un  peintre  du  XVIe  siècle,  qui  à 
la  création  du  maître  a  voulu  ajouter  un 
élément  dramatique  qui  n'était  pas  dans  sa 
pensée.  Celle-ci  a  été  manifestement  influen- 
cée par  une  peinture  de  Rogier  Van  der 
Weyden  qui  se  trouve  au  musée  de 
Vienne. 

Portrait  d'homme. 

Galerie  de  [Ermitage  à  St-Pétersbourg. 

Deux  petits  panneaux  dont  l'un,  une 
Sainte  Trinité,  offre  beaucoup  d'analogie 
par  la  conception  du  sujet,  avec  la  grisaille 
de  Francfort,  et  un  tableau  de  grande  di- 
mension conservé  au  musée  communal  de 
Louvain,  et  l'autre,  une  Vierge  occupée  à  la 
toilette  de  l'Enfant  Jésus.  M.  de  Tschudi 
donne  une  interprétation  assez  étrange,  et 
dont  il  semble  n'être  pas  bien  sûr,  au  geste 
de  la  jeune  mère  qui  étend  la  main  droite 
vers  le  foyer  allumé  près  d'elle.  Dans  cette 
main  il  ne  voit  rien  moins  que  l'intention 
d'administrer  une  —  correction  maternelle 
à  l'Enfant  étendu  sur  ses  genoux  —  et  dont 
la  pose  et  l'absence  de  costume  semble  jus- 
tifier une  interprétation,  qui  n'est  certaine- 
mentpaspuiséedans  le  récit  des  Evangiles... 
Nous  allons  v  revenir. 

Mttsée  de  l'Hôtel  de  Ville  à  Louvain. 

Dans  cette  collection  dont  la  célébrité 
n'est  pas  européenne,  l'auteur  a  découvert 
un  panneau  important  par  ses  dimensions,  et 
qu'il  croit  pouvoir  attribuer  au  maître  qu'il 
étudie.  Le  panneau,  placé  assez  haut  et  mai 

I.  A  été  vendu   à  la  firme   Thoni:is  Agneco  and  hions,    i 
de  Londres. 


éclairé,  mesure  à  peu  près  un  mètre  de  large 
sur  1,40  de  hauteur. 

C'est  la  reprise  du  thème  traité  dans  l'un 
des  fragments  de  Francfort,  et  dans  le  ta- 
bleau du  musée  de  l'Ermitage  :  une  Sainte 
Trinité.  Dieu  le  Père,  tenant  devant  lui  son 
divin  Fils,  dont  les  reins  sont  revêtus  d'un 
linge  blanc.  Le  groupe  est  entouré  de  qua- 
tre anges. 

La  composition  semble  avoir  été  peinte 
sur  fond  d'or,  mais  elle  a  souffert  de  nota- 
bles retouches,  qui  ont  probablement  fait 
disparaître  la  colombe,  complément  de  l'idée 
du  maître.  C'est  un  fait  à  vérifier. 

Musée  de  Bruxelles. 

Il  possède  d'abord  une  copie  du  tableau 
de  Louvain  qui  date  du  XV !«  siècle.  On 
trouva  également  dans  cette  collection  deux 
portraits  du  seigneur  A  la  Truye  et  de  sa 
femme  que  M.  de  Tschudi,  cette  fois  avec 
quelque  hésitation,  croit  pouvoir  attribuer 
au  maître. 

L'étude  poursuivie  avec  tant  de  science 
à  laquelle  nous  venons  de  faire  de  si  larges 
emprunts,  contient  pour  un  maître  encore 
inconnu  il  y  a  un  quart  de  siècle,  l'inven- 
taire d'un  nombre  très  respectable  de  pein- 
tures parmi  lesquelles  il  y  en  a  plusieurs 
de  premier  mérite.  N'oublions  pas  cepen- 
dant que  le  travail  de  M.  de  Tschudi  re- 
monte à  l'année  1898,  qu'il  a  servi  de  point 
de  départ  aux  recherches  faites  depuis,  et 
enfin  que  les  jugements  de  l'auteur  ont 
servi  de  critérium  aux  découvertes,  faites 
depuis.  A  notre  connaissance  celles-ci  sont 
peu  nombreuses. 

A  l'exposition  de  Bruges  a  figuré  un  joli 
tableau  appartenant  à  Sir  Fréderik  Cook 
de  Richmond,  attribué  au  même  maître,  à 
juste  titre,  ce  me  semble.  Dans  son  catalo- 
gue M.  Weale  le  décrit  de  la  manière  sui- 
vante : 


W,^VU^  D^  L'  }m0  C[ÇR^6l^n. 


PI..1 


?-.uhkn,  M.  Gladbjch. 


."adoration  des  Bergers. 

(Musée  de  Dijon.) 


I 


3L';adoratton  hts  }derger0. 


lOI 


<?  24.  La  Sainte  Vierge  se  préparant  à 
faire  la  toilette  de  l'Enfant  Jésus.  Marie,  vue 
de  face,  assise  auprès  d'un  foyer,  tient  sur 
ses  genoux  le  petit  Jésus  en  chemise  de 
toile  diaphane,  couché  sur  sa  poitrine. 
L'Enfant  tourne  la  tête  vers  sa  Mère,  qui 
chauffe  sa  main  droite.  A  gauche,  au  deuxiè- 
me plan,  trois  anges  chantent  en  suivant  la 
notation  d'un  livre  qu'ils  tiennent  devant 
eux.  A  droite,  un  quatrième  ange  apporte 
une  casserole  en  terre  rouge  et  une  cuiller. 
Bois  :  H.  o'",82.  L.  0^56.  » 

Le  catalogue  ajoute  ;  Un  panneau  analo- 
gue mais  avec  des  variantes  dans  les  accès 
soires  se  trouve  au  musée  de  l'Ermitage  à 
Saint-Pétersbourg. 

Ces  variantes  sont  notables,  puisque  les 
quatre  anges  qui  développent  la  composi- 
tion ne  s'y  trouvent  pas.  La  présence  des 
anges  infirme  d'ailleurs  l'interprétation 
donnée  au  panneau  de  l'Ermitage. 

Il  est  vrai  que  M.  Hulin  n'accepte  pas 
l'attribution.  Il  n'y  voit  qu'une  peinture  de 
l'Ecole  de  Flandre  de  la  fin  du  XV^  siècle. 
(Variante  d'après  le  Maître  de  Flémalle). 
L'original,  ajoute-t-il,  se  trouve  au  musée 
de  l'Ermitage,  et,  suivant  en  cela  une  re- 
marque de  M.  de  Tschudi,  il  rappelle  que 
la  composition  a  été  utilisée  par  J.  Patinier, 
dans  son  tableau  du  musée  de  Berlin. 

Dans  le  volume  de  M.  Gonse  que  nous 
avons  eu  l'occasion  de  citer  à  propos  du 
tableau  de  Dijon,  l'auteur  nous  fait  connaî- 
tre par  une  excellente  héliogravure  une 
œuvre  du  maître  conservée  au  musée  d'Aix 
et  qui  ne  laisse  pas  de  doute  sur  son  authen- 
ticité. 

La  composition  est  divisée  en  deux  zones  : 
La  Sainte  Vierge  apparaît  dans  la  région 
supérieure,  sur  un  banc  gothique  largement 
drapé,  tenant  de  la  main  gauche  l'Enfant 
Jésus  complètement  nu.  Elle  a  la  tête  en- 
tourée d'un  double  rayonnement  d'or,  et  un 


cercle  de  nuages    multicolores   forme  une 
large  auréole  autour  du  groupe. 

En  dessous,  dans  la  région  terrestre,  se 
trouvent  trois  figures.  Au  centre,  un  reli- 
gieux dominicain  est  à  genoux  en  prière. 
C'est  un  abbé,  car  il  a  déposé  sa  mitre  à  ses 
pieds.  De  chaque  côté  on  voit  un  Saint 
assis,  formant  pour  ainsi  dire  la  transition 
entre  le  ciel  où  paraît  la  Reine  du  ciel  avec 
le  divin  Enfant  et  la  terre  où  prie  le  reli- 
gieux. L'un  est  saint  Pierre  revêtu  des  insi- 
gnes de  la  papauté  et  tenant  de  la  main 
gauche  les  deux  clefs,  symbole  de  son  pou- 
voir de  lier  et  délier.  A  droite,  un  évêque, 
revêtu  d'une  chape  en  brocart  d'or,  ayant  sur 
les  genou.x  un  livre  qu'il  semble  méditer. 
C'est  probablement  saint  Augustin.  Il  tient 
à  la  main  droite  un  objet  dont  la  reproduc- 
tion ne  nous  permet  pas  de  reconnaître  la 
nature  :  c'est  peut-être  un  cœur.  Un  déli- 
cieux paysage,  où  entre  les  ondulations  des 
collines  on  voit  au  loin  une  ville  hérissée 
de  tours  et  de  flèches  et  dont  l'accès  est 
gardé  par  des  portes  et  des  ponts-levis,  se 
déroule  à  l'horizon  et  complète  l'ensemble 
de  la  composition. 


# 


Après  avoir  énuméré  les  différentes  pein- 
tures attribuées,  ajuste  titre  probablement, 
au  maître  que  nous  venons  d'étudier,  il  est 
peut-être  utile  de  marquer  brièvement  les 
caractères  qui  lui  sont  particuliers. 

Dans  son  Catalogue  critique,  M.  Hulin 
constate  que  l'art  du  Maître  de  Flémalle 
est  essentiellement  narratif,  et  que  son 
naturalisme  en  est  la  conséquence.  Il  y  a 
beaucoup  de  vérité  dans  cette  remarque,  et, 
sans  nous  écarter  de  l'étude  du  panneau  de 
Dijon,  nous  voyons  que  c'est  un  peintre 
fasciné  pour  ainsi  dire  par  la  nature,  à 
laquelle  ses  études  lui  ont  révélé  des  aspects 
nouveaux. 


Il  ne  lui  reste  plus  rien  presque  du  hiéra- 
tisme et  de  la  solennité  de  la  peinture  mo- 
numentale. Chacun  de  ses  panneaux  est  un 
microcosme  dans  lequel  il  reflète,  souvent 
d'une  manière  charmante,  une  scène  du 
siècle  où  il  vit.  Il  s'affranchit  aussi,  trop 
peut-être,  des  textes  bibliques,  dans  les 
scènes  des  évangiles  que  retrace  son  pin- 
ceau. Il  met  une  sorte  de  prédilection  à 
représenter  l'Enfant  Jésus  complètement 
nu,  même  dans  l'Adoration  des  bergers,  où 
ceux-ci,  suivant  le  texte  évangélique,  ont 
trouvé  l'enfant  enveloppé  de  langes  et 
couché  dans  une  crèche. 

En  revanche,  il  dépouille  la  Vierge 
iVIarie,  d'une  manière  trop  sensible,  des 
caractères  de  la  maternité.  Renonçant  sou- 
vent au  voile,  on  la  voit  les  épaules  inondées 
d'une  chevelure  ondoyante  et  abondante. 

Son  type  de  la  Vierge-Mère  n'est  d'ail- 


leurs pas  fixe.  Charmant  dans  les  pan- 
neaux de  Dijon  et  d'Avignon,  il  est  remar- 
quablement lourd  et  banal  dans  le  tableau, 
si  remarquable, d'ailleurs,  dit  de  «  Somzée  » 
et  d'une  grande  mélancolie  dans  l'un  des 
panneaux  de  Francfort. 

Notons,  d'autre  part,  que,  moins  avancé 
que  les  frères  Van  Eyck,  le  maître  a  peint 
encore  sur  des  fonds  d'or,  ou  diaprés  de 
dessins  empruntés  à  des  tissus  précieux. 
Mais  dans  les  peintures  où  il  place  les 
saints  et  les  saintes,  dans  un  intérieur  du 
XV^  siècle  avec  tout  le  détail  du  mobilier 
et  des  accessoires  de  son  temps,  avec  une 
fenêtre  ouverte  sur  un  lointain  paysage,  il 
est  souvent  par  l'acuité  des  détails  et  le  jeu 
des  lumières  et  des  ombres,  d'une  vérité  et 
d'un  charme  inexprimables. 

Jules  Helbig. 


»^  A^X  A^yk  K^*  A^^  A^A  A^g^  A^Vk  ;^^y^  A^X  ^^^  k'^U  A^V^  *^*  ^^^^  *^>^ 


TTiiiiu  iiiiiiiiiiiiiii  LiiiiriE  mniij  iiitiii  [tTiT^TrrrTiriTT^TTTiTTi)riiTiiTiaixiJiiiJCiTiiixixrTiiiTr.[iixiJiiX3iixi:ii]triJixij:xjiTi.iiit.T^ 


ffîonograpliie  De  rancienne  cattjctirale  De  Gami)ral  : 


5on  histoire  ;  ses  ricbcsscs  aitistiqucs;  sa  Description,  par  l'abbé  a.  Pastoors 


P 


V      »jiixiTi»ixriiiii-iiiiiixiiiiiiiT]  iiriiirxiTiTTTi-tiiïiiii::iriirira:iixiiij,iiiiiiii:iiJriii][riiiTir[jiixiii:jriiiiir:(iiiT  iC 

;^*AÔ*  *^*  *itl*  *Aii*  *Ati^  *ASi^  *Aii^  ^ii!"  *iil*  *iil^  *itî^  *^*  *ièl^  *AÔ*  ^A^i.^  3^ 


CHAPITRE  PREMIER. 
Constructions  successives,  525-1148. 


J'ÉGLISE  de  Cambrai, 
dédiée  à  la  Mère  de 
Dieu,  était  annexée  à  un 
monastère,  et  était  ainsi, 
tout  à  la  fois,  cathédrale 
et  abbatiale.  Edifiée  par 
S.  \'aast,  vers  525,  elle 
s'élevait  entre  la  colline  et  le  premier  bras 
de  l'Escaut,  sur  les  ruines  d'une  immense 
construction  romaine.  Elle  fut  incendiée 
par  les  Normands,  le  28  décembre  881. 

L'évéque  Dodilon  la  rebâtit  et  la  consa- 
cra le  i^''  août  890.  Ce  prélat  donna  à  l'autel 
principal  une  riche  table  d'argent  et  ajouta 
à  cette  magnifique  offrande  plusieurs  vases 
de  métal  et  des  ornements  sacerdotaux. 
Menacée  d'une  ruine  totale  par  les  Hon- 
grois qui  venaient  de  faire  irruption  dans 
les  campagnes  fertiles  de  la  Flandre,  l'é- 
glise fut  sauvée  de  l'incendie  par  un  ecclé- 
siastique appelé  Séralde,  en  953  :  mais  la 
partie  occidentale  de  l'édifice  avait  été 
tellement  endommagée,  que  l'évéque  En- 
grand  en  dut  entreprendre  le  rétablisse- 
ment. L'œuvre  fut  achevée  par  son  succes- 
seur, Rotard  I  I,qui  fit  la  dédicace  du  temple 
le  I"  août  990. 

Trente  ans  après,  une  nouvelle  restaura- 
tion s'imposait.  L'évéque  Gérard  I^'^  de 
Florines  décida  d'entreprendre  une  recons- 
truction complète.  Il  se  plut  à  reconnaître 
l'intervention  du  Ciel  en  faveur  de  son 
œuvre,  dans  la  découverte  de  deux  carriè- 
res de  pierres,  aux  terroirs  de  Lesdain  et 
de  Noyelles  ;  découverte  qui   eut  lieu   au 


temps  où  l'évéque  décidait  que  la  pierre 
remplacerait  le  bois  dans  la  construction 
du  nouveau  sanctuaire.  Les  travaux  furent 
poursuivis  avec  tant  d'activité  que  la  dédi- 
cace se  put  célébrer  dix  ans  après,  18 
d'octobre  1030.  La  solennité  fut  remar- 
quable. Toutes  les  reliques  que  possédaient 
les  abbayes  et  les  principales  églises  du 
diocèse  furent  apportées  triomphalement 
dans  laville  épiscopale.  Lafoule  qui  accourut 
des  provinces  limitrophes  fut  si  considé- 
rable, que  la  ville  n'en  put  contenir  qu'une 
partie.  Le  reste  se  vit  obligé  de  demeurer 
dans  les  faubourgs,  et  même,  d'établir  des 
tentes  dans  la  campagne. 

Sous  le  pontificat  du  Bienheureux  Lié- 
bert,  un  nouvel  incendie  dévasta  la  cathé- 
drale. Le  peuple  de  Cambrai  concourut 
admirablement  à  sa  réédification;  le  suc- 
cesseur de  Liébert,  Gérard  II,  procéda  à 
la  consécration  de  l'édifice  sacré,  le  21 
décembre  1079.  Il  dédia  en  même  temps  la 
chapelle  paroissiale  St  Gengould  ('),  récem- 
ment fondée  par  le  chanoine  Hugues, 
doyen  du  chapitre,  et  qui  se  trouvait  entre 
la  cathédrale  et  la  maison  de  l'évéque. 

En  1 148,  un  incendie,  qui  prit  les  propor- 
tions d'un  malheur  public,  désola  la  partie 
la  plus  importante  de  la  ville,  le  château 
de  Cambrai  ;  c'est-à-dire,  la  cité  primitive, 
qui  comprenait  :  la  cathédrale,  le  palais 
épiscopal,  l'abbaye  de  St-Aubert,  l'église 
Ste-Croix,  l'hôpital  St-Julien,  ainsi  que  les 
habitations  des  notables.  Tout  fut  la  proie 
des  flammes  ;  l'incendie  dura  deux  jours. 

I.  L'évéque  Gérard  I  avait  levé  les  corps  des  saints 
Gengoult  ou  Gondulphe  et  Monulphe  à  Maestricht,  à  la 
prière  de  l'évéque  Nithard,  août  103g. 


104 


jRctouc  De  r^rt  tbrctten* 


CHAPITRE  DEUXIÈME. 
L'œuvre  définitive,  1200-1796. 

NICOLAS  de  Chièvres,  qui  régissait  le 
diocèse,  conçut  le  projet  de  recons- 
truction de  sa  cathédrale  sur  un  plan 
nouveau  et  dans  de  plus  grandes  propor- 
tions. Il  fit  appel  à  la  munificence  des  rois 
et  des  seigneurs,  à  la  générosité  des  chapi- 
tres et  des  abbayes,  à  la  piété  du  peuple:  il 
jeta  les  fondements  de  la  nouvelle  église 
sur  l'emplacement  de  la  précédente.  Vers 
la  fin  du  siècle  (X[I<=),  moins  de  cinquante 
ans  après  l'incendie,  la  partie  romane  de 
l'édifice  était  terminée.  C'était:  le  portail 
flanqué  de  tourelles  en  saillie  qui  s'éle- 
vaient à  peu  près  jusqu'à  la  plate-forme 
d'où  s'élançait  la  flèche,  surmontée  d'un 
ange  de  bronze,  sonnant  de  la  trompette. 
Elle  reçut,  dans  la  suite,  une  ornementation 
ogivale.  —  C'étaient  ensuite,  la  nef  prin- 
cipale avec  ses  bas-côtés,  dans  l'un  desquels 
la  chapelle  de  St-Gengould  avait  été  englo- 
bée; enfin,  le  transept,  arrondi  à  ses  extré- 
mités, comme  celui  des  cathédrales  deTour- 
nai  et  de  Noyon. 

La  construction  du  chœur,  avec  la  cou- 
ronne de  chapelles,  fut  commencée  sous 
l'épiscopat  deGodefroy  de  Fontaines  (i  220- 
12^7).  C'est  le  chef-d'œuvre  de  Maître 
Villart  d'Honnecourt,  qui  avait  déjà  bâti 
l'admirable  abbaye  de  Vaucelles,  près 
Cambrai.- 

En  1463,  une  croix  en  fer,  œuvre  de 
Jean  Caudrelier,  de  Tournai,  fut  posée  au 
sommet  de  la  flèche.  Quelques  années  après 
(en  1472),  le  chanoine  Jean  de  Rosut  se 
rendit  à  Rome  pour  solliciter  l'obtention 
d'indulgences  et  de  faveurs  spirituelles  à 
l'occasion  de  la  consécration  de  l'église 
élevée  à  la  gloire  de  la  «  bénie  mère  de 
Dieu  et  de  monseigneur  S.  Jean-Baptiste.  » 
Jean  de  Bourgogne  était  à  la  tête  du  dio- 


cèse. Mais  ce  prélat  préférait  le  séjour 
de  Bruxelles  à  la  résidence  dans  sa  ville 
épiscopale.  Le  chapitre  s'adressa  donc  à 
l'évêque  d'Arras,  Pierre  de  Rachicourt, 
qui  vint  consacrer  la  cathédrale,  le  5  juillet 
1472.  La  cérémonie,  commencée  à  trois 
heures  du  matin,  ne  finit  qu'à  midi.  Un 
clergé  innombrable  remplissait  le  chœur, 
une  foule  immense,  venue  de  tous  les 
points  du  diocèse,  remplissait  les  nefs  et 
débordait  jusque  sur  le  parvis  et  dans 
la  cour  de  la  maison  épiscopale.  Chaque 
année,  le  dimanche  qui  suit  le  5  juillet, 
le  clergé  et  le  peuple  chrétien  célébraient 
l'anniversaire  de  la  prise  de  possession  par 
Dieu  de  cet  admirable  sanctuaire. 

I.  Description  de  l'extérieur  de  la  cathé 
drale. 

Jean  Molinet,  dans  sa  chronique,  range 
la  cathédrale  de  Cambrai  parmi  les  plus 
belles.  €  Notez,  dit-il,  que  pour  avoir  une 
Église  parfaite,  il  faudrait  la  nef  de  N.-D. 
de  Cambrai  et  son  embellissement  d'épi- 
taphes,  la  croisée  (')  de  N.-D.  de  Valen- 
ciennes  et  le  dôme  et  le  clocher  de  N.-D. 
d'Anvers.  »  Elle  était,  en  effet,  la  rivale 
d'Amiens  et  la  merveille  des  Pays-Bas. 

Bâtie  en  forme  de  croix  latine,  le  che- 
vet dirigé  vers  l'Orient,  l'église  présentait 
une  masse  imposante,  dans  laquelle  s'har- 
monisaient les  hardiesses  de  l'art  ogival 
avec  la  gravité  du  style  roman.  Le  chœur 
et  les  chapelles  absidales  de  la  cathédrale 
de  Reims,  qui  sont  aussi  de  la  première 
époque  du  style  ogival,  nous  donnent  une 
représentation  exacte  de  notre  antique 
église.  La  nef,  les  bas-côtés  et  le  tran- 
sept, plus  anciens  d'un  siècle,  avec  leurs 
baies  à  plein  cintre,  complètent  le  monu- 
ment. 

Au  point  d'intersection  de  la  nef  princi- 

I.  Croisée  est  ici  synonyme  de  transept. 


09onograpl)te  De  ranctenne  catl)étirale  tie  Cambrai.     105 


pale  et  du  transept  s'élevait  un  dôme  haut 
de  cinquante  mètres,  percé  dans  chacune  de 
ses  quatre  faces  de  deux  fenêtres  prenant 
jour  au-dessus  des  toits.  Aux  angles,  il  y 
avait  quatre  tourelles  en  encorbellement, 
dont  le  toit  était  revêtu  de  plomb  doré:  «des 
heuses  (')  de  plomb  doré.   » 

A  l'extrémité  de  la  nef,  au  rond-point, 
vers  l'abside,  il  y  avait  un  ange  de  cuivre 
qui,  au  moyen  d'un  mécanisme,  tournait 
sur  lui-même  en  suivant  le  cours  du  soleil. 

Le  porche,  ou  grand  portail,  porte  la  date 
de  son  érection,  XT  siècle.  Dans  son 
rapport  à  la  Société  celtique,  en  iSo6, 
Alexandre  Lenoir  en  fait  la  description  : 
<  Ce  porche  est  composé  de  quatorze 
figures  de  sept  pieds  de  proportion,  en 
pierre  blanche  du  pays,  laquelle  imite  le 
marbre  blanc  :  les  statues  représentent  les 
Pères  de  l'Église,  les  saints  prophètes... 
que  l'on  a  caractérisés  par  un  livre  qu'ils 
tiennent  d'une  main  et  par  un  rouleau  sur 
lequel  leurs  noms  sont  inscrits  en  lettres 
rouges  rehaussées  d'or.  Plusieurs  bas- 
reliefs,  dont  l'un  plus  grand  que  les  autres, 
représentent  sous  une  forme  gigantesque 
Jésus-Christ  et  la  Ste  Vierge  entourés 
d'anges  ;  des  ornements  riches,  des  frises 
bien  développées  et  des  détails  d'un  grand 
caractère,  enfin  la  statue  colossale  de 
S.  Christophe  portant  l'Enfant  Jésus,  com- 
posent un  admirable  ensemble  de  décora- 
tion extérieure.  » 

Les  deux  tourelles  en  saillie  donnent  de 

I.  Que  faut-il  entendre  par  le  mot  Heuse  ou  Heuzet  — 
Sommet,  toit,  ce  semble,  et  non  pas  <  girouette  >),  comme 
on  le  croit  d'ordinaire.  En  effet  :  l'adjectif  haus  signifie 
haut,    élevé,   éminent.    (Etymologies   Patoises-Escalier) 

En  Cambrésis,  heuche-mi,  heuche-le  signifie  :  lève- 
moi,  lève-le. 

—  Nous  croyons  que  le  mot  heuse  a  bien,  comme  on 
le  croit  d'ordinaire,  le  sens  d^épi  (ornement  terminal  d'un 
pignon  ou  du  poinçon  d'un  toit,  d'une  lucarne.)  On  en 
trouvera  la  preuve  plus  loin.  L'étymologie  ci-dessus  est 
du  reste  bien  d'accord  avec  cette  version. 

{N.  de  la  R.) 


la  sveltesse  à  la  tour  massive  qui  supporte 
la  flèche.  Toute  en  pierre  grise,  percée, 
découpée  à  jour  comme  un  ouvrage  en  den- 
telle, elle  dominait  la  contrée  et  portait, 
jusque  dans  les  nues,  la  triomphante  image 
de  la  Croix  du  Rédempteur.  On  comptait 
trois    cents    pieds  —  q6"\36  —  depuis   le 


sol  jusqu'au  pied  de  la  croix  :  la  hauteur 
totale  était  de  107  mètres. 

La  porte  qui  donnait  accès  dans  le  tem- 
ple, sculptée  en  bois  de  chêne,  existe 
encore,  disait  en  1806,  Alexandre  Lenoir, 
dans  le  rapport  déjà  cité  :  «  Elle  repré- 
sente un  zodiaque  complet,  par  la  réunion 
assez  singulière  d'allégories  païennes  et 
chrétiennes.  »  En  efifet,  douze  comparti- 
ments dans  lesquels  sont  représentés  les 
travaux  d'Hercule  et  les  quatre  évangé- 
listes,  avec  leurs  emblèmes,  occupaient  la 
surface  de  cette  porte  fameuse. 


io6 


3Rebue  De  r^rt  chrétien. 


Outre  ce  portail,  ou  porche  principal,  qui 
s'ouvrait  dans  la  cour  d'honneur  du  palais 
épiscopal,  la  cathédrale  présenlait  quatre 
autres  entrées,  peut-être  cinq.  Il  s'en  trou- 
vait une  à  chaque  extrémité  du  transept  : 
celle  qui  débouchait  sur  la  place  N.-D. 
en  face  de  St-Aubert,  s'appelait  :  le  portail 
St-Jean,  et  quelquefois  N.-D.  des  Fiertés. 
L'entrée  opposée,  et  qui  regardait  la  collé- 
giale de  Ste-Croix,  était  appelée  :  portail 
St-Étienne,  et,  à  partir  du  XI P  siècle, 
portail  de  l'Horloge,  parfois  encore:  portail 
des  Enfants  de  chœur.  Une  troisième  entrée 
se  trouvait  à  peu  près  en  face  de  la  rue 
St-Jérôme,  c'est-à-dire,  proche  de  la  galerie 
qui  conduisait  au  palais.  A  l'opposite,  à 
l'extrémité  de  la  galerie  qui  conduisait  à  la 
salle  du  chapitre,  il  y  avait  le  portail  de 
Sle-Croix.  Certains  plans  placent  une  cin- 
quième entrée  entre  le  transept  (portail  de 
l'Horloge)  et  la  troisième  chapelle  absidale, 
celle  consacrée  à  S.  Géry  et  à  S.  Laurent. 

II.  Intérieur  de  la  cathédrale. 

La  nef  romane,  aux  arceaux  en  plein  cin- 
tre reposant  sur  des  piliers  trapus,  se  com- 
posait de  onze  travées.  Longue  de  64", 20, 
large  de  38  m.  environ,  y  compris  les  bas- 
côiés  ayant  chacun  i  i  mètres,  elle  avait 
32'",  15  d'élévation. 

Le  chœur  ogival,  séparé  de  la  nef  par 
un  jubé,  mesurait  en  hauteur  41 '",19,  soit 
im,85  de  moins  que  celui  de  la  cathédrale 
d'Amiens,  qui  date  de  la  même  époque.  Il 
avait  28'", 89  de  profondeur.  En  ajoutant 
la  largeur  du  déambulatoire  et  la  chapelle 
absidale  de  la  Ste-Trinité,  soit  33'",3i  ;  de 
l'entrée  du  chœur  au  chevet  de  l'église, 
il  y  avait  62"\20;  du  chevet  au  porche, 
126"^  20,  d'un  portail  du  transept  à  l'autre, 
on  comptait  72"\30.  La  longueur  totale  de 
l'édifice  était,  d'après  le  plan  de  A.  Boileux, 
de  128  mètres  environ.  D'après  le  plan  de 


M.  Pinte:  longueur,  i3i'",5o;  hauteur,  de  la 
nef,  32"^,  15;  largeur,  72"\30  ;  flèche,  107 
mètres.  Plus  vaste  que  la  cathédrale  de 
Tournai,  presque  aussi  élevée  que  la  cathé- 
drale d'Amiens,  N.-D.  de  Cambrai  avait 
quc:lque  chose  de  la  majesté  de  celle  de 
Reims,  et  passait  à  juste  titre  pour  la  mer- 
veille des   Pays-Bas  ('). 

A  l'entrée  du  chœur  se  dressait  le  jubé. 
Nous  ne  savons  rien  du  jubé  primitif.  Celui 
qui  a  pris  rang  parmi  les  monuments 
remarquables  du  XVI^  siècle  avait  été  fait 
des  deniers  de  l'évêque  Henry  de  Ber- 
ghes.  Composé  de  marbre  noir,  dans 
lequel  des  statues  et  des  bas-reliefs  d'al- 
bâtre et  de  cuivre  scintillaient  d'un  vif 
éclat,  il  était  surmonté  d'un  immense  cru- 
cifix en  bronze,  accosté  des  statues  en 
marbre  blanc  de  la  Ste  Vierge  et  de  S. 
Jean,  autour  desquelles  de  nombreux  chan- 
deliers de  bronze  étaient  disposés.  Des 
cierges  y  brûlaient  continuellement. 

C'était  au  jubé  que  se  chantaient  l'épî- 
tre,  l'évangile  et  certaines  parties  de  l'of- 
fice canonial  aux  fêtes  solennelles  ;  on  y 
proclamait  les  publications  importantes. 
Publier  au  Trin,  disait-on  ;  probablement 
à  cause  de  la  triple  entrée,  des  trois  por- 
tiques dont  se  composait  le  monument,  qui 
comprenait  non  seulement  la  clôture  du 
chœur,  mais  encore  le  déambulatoire  ou 
abside. 

L*^  chœur  était  orné  de  verrières  repré- 
sentant les  douze  apôtres  :  c'était  un  don 
de  la  comtesse  Jeanne,  fille  de  Baudouin  de 
Hainaut,  fait  en  1196.  A  la  voûte  étaient 
suspendus  les  drapeaux  pris  par  Charles  VI, 

I.  Julien  de  Ligne,  vicaire  de  la  cathédrale,  ►{«  1615, 
donne  les  dimensions  suivantes  :  longueur  de  la  nef,  1S5 
pieds;  longueur  du  chœur,  130;  largeur  de  la  nef,  30  ;  lar- 
geur des  bas-côtés,  45;  longueur  de  chaque  croisée,  50. 
Par  croisée,  il  faut  entendre  le  transept. 

—  Houdoy  nous  apprend  que  les  cuivres  et  les  marbres 
de  ce  jubé  furent  exécutés  .\  Tournai.  (N.  de  la  R.) 


£l^onograpl)ie  îie  ranctennc  catl)éDrale  De  Cambrât. 


107 


roi  de  France,  à  la  bataille  de  Rosbecq,  en 
1382.  De  nombreux  lustres,  ou  lampadai- 
res d'argent  garnissaient  le  sanctuaire. 


Au  milieu,  dans  la  partie  surélevée,  qui 
avait  un  pavage  spécial  de  carreaux  «plom- 
més  verts  et  jaunes  »,  —  le  reste  du  chœur 


étant  pavé  de  marbre    noir — se  dressait 
le   maître-autel.    «  C'était,   au   XV^  siècle, 


«  une  table  d'argent  doré,  sans   rétable,  ni 
«  tableau,   dont     la    face    antérieure    était 


io8 


3Rebue  be  r^rr  cbrctten. 


«  décorée  d'un  antependium,  œuvre  de  bro- 
«  derie  représentant  d'ordinaire,  au  milieu, 
«  la  Vierge  assise,  entourée  d'anges  et  des 
«  SS.  Apôtres,  et  aux  deux  extrémités,  S. 
«  Jean- Baptiste  et  S.  Jean  l'apôtre.  » 

«  Au-dessus  de  l'autel,  et  dans  une  châsse 
€  octogonale  dont  les  volets  formaient  en  se 
«  développant  un  tableau  large  mais  peu 
«  élevé,  était  placée  la  statue  d'argent  de  la 
«  Ste  Vierge.  »  Les  volets  représentaient 
l'adoration  des  Mages  :  œuvre  de  l'enlu- 
mineur Gabriel. 

«  A  une  croche  dorée,  était  suspendu  le 
«  ciborium  qui  renfermait  le  St-Sacrement, 
«  et  que  l'on  faisait  descendre  au  moyen 
«  d'un  petit  câble  de  soie  attaché  à  l'un  des 
«  quatre  piliers  de  cuivre,  placés  à  une  cer- 
«  taine  distance  des  quatre  angles  de  l'au- 
«  tel.  »  Ces  piliers,  couronnés  d'anges,  ser- 
vaient de  point  d'attache  aux  tapisseries  qui 
ornaient  l'autel  et  variaient  selon  lesfêtes('). 

Le  mauvais  goût,  si  général  au  XVIII' 
siècle,  qui  condamna  tant  d'œuvres  artis- 
tiques des  âges  précédents,  fit  disparaître 
de  N.-D.  de  Cambrai  l'autel,  qu'il  remplaça 
par  une  table  d'argent  contournée,  soutenue 
par  des  consoles  en  bronze  doré.  Sous  cette 
table,  était  posée  une  urne  d'argent,  en- 
tourée d'anges  de  même  métal.  Quatre- 
vingt  mille  livres  d'argent,  produit  de  la 
fonte  d'innombrables  pièces  d'orfèvrerie, 
furent  consacrées  à  cette  œuvre.  Le  taber- 
nacle, le  crucifix,  les  chandeliers  qui  com- 
plétèrent l'ornementation  de  cet  autel  somp- 
tueux,furent  confectionnés  avec  d'anciennes 
argenteries. 

I.  L'autel  ét.iit  entouré  de  courtines  portées  sur  des 
tringles  appendues  h  des  colonnes  de  laiton  surmontées 
de  sl.-ituettes  d'anges  ;  les  supports  avaient  été  fondus  par 
Maître  Gilles  de  Grumellemont  de  Tournai,  d'après  les 
dessins  du  peintre  Jehan  More).  Antérieurement  .^  1431, 
Guillaume  Lefeljvre  avait  fourni  quatre  anges  en  cuivre 
pour  le  même  autel.  (V.  Houdoy,  H/s/.  ar//s//qt(e  de  la 
cathédrale  de  Cambra/  et  les  ï.tiides  sur  l'art  à  Tournai, 
de  A.  de  Lagrange  et  L.  Cloquet,  t.  II,  p.  30.) 


CHAPITRE  TROISIÈME. 

Le  chœur  et  les  sépultures  des  évéques 
de  Cambrai. 

DES  stalles  de  grand  style  —  rempla- 
cées, elles  aussi,  au  XVI 11^  siècle  — 
garnissaient  le  chœur.  Au-dessus,  sur  les 
murailles,  des  grisailles  représentaient  d'un 
côté,  les  douze  apôtres,  de  l'autre,  les  douze 
prophètes,  tenant  chacun  un  rouleau  dé- 
ployé, ou  phylactère,  où  était  inscrit  un 
texte  de  l'ancien  ou  du  nouveau  Testa- 
ment :  œuvre  de  Matthieu  de  West,  un 
des  précurseurs  de  Jean  Van  Eyck,  qui 
enlumina  le  cierge  pascal,  1380-1440. 

Dans  les  intervalles  libres,  le  long  des 
murailles,  étaient  érigés  de  nombreux  et 
magnifiques  monuments,  mausolées  des 
seigneurs-évêques.  Sous  les  dalles  char- 
gées d'inscriptions,  d'autres  évêques  dor- 
maient leur  long  sommeil,  en  attendant  la 
résurrection.  Sous  le  maître-autel  se  trou- 
vait le  caveau  des  archevêques,  construit 
en  1720. 

Une  plaque  en  marbre  noir,  portant  les 
noms  des  évêques  de  l'église  de  Cambrai, 
depuis  S.  Vaast  jusqu'au  cardinal  Dubois 
(la  liste  avait  été  dressée  par  le  chanoine 
Simon  .Stiévenard)  était  fixée  à  l'entrée  du 
chœur. 

Près  du  jubé,  qu'il  avait  fait  édifier, 
gisait  Henry  de  Berghes  (*^  en  1502).  Son 
monument  avait  été  dessiné  par  Gabriel 
Clouet.  Erasme,  alors  étudiant  à  l'Univer- 
sité de  Louvain,  composa  l'épitaphe.  En 
avançant,  on  rencontrait  la  pierre  tombale 
de  Gaspard  Némius  (41  en  1667),  âgé  de 
plus  de  80  ans  ,  ensuite  le  monument  de 
Ladi.slas  Jonnart  (^  en  1674)  ;  il  avait  in- 
stitué les  pauvres  de  Cambrai  ses  héritiers. 

Non  loin  du  maître-autel,  le  monument 
de  Nicolas  de  Fontaines  {^  en  1272).  Ce 
monument  fut  enlevé  en  162 1  pour  donner 


®onograpl)îe  îie  rancicnne  catftéDrale  De  Cambrât.    109 


place  au  mausolée  de  François  Faristeret 
("^  en  1615).  Il  représentait  l'ensevelisse- 
ment de  Notre-Seigneur  Jésus  Christ,  ac- 
costé des  statues  de  S.  Thomas  et  de 
S.  François  d'Assise. 

Puis  venaient  les  monuments  de  Gui 
d'Auvergne,  mort  en  1336,  à  Château- 
l'Évêque  ;  de  Pierre-André  (►$<  en  1368) 
En  face  de  la  sacristie,  la  tombe  de  Maxi- 
milien  de  Berghes,  premier  archevêque  de 
Cambrai,  «f"  en  1570  ;  ensuite  la  sépulture 
d'André  de  Luxembourg,  >i*  en  1396,  dont 
le  monument  se  trouvait  en  une  chapelle 
voisine,  où  l'évêque  était  représenté  aux 
pieds  de  la  Ste  Vierge.  A  droite,  se  trou- 
vaient les  monuments  de  Gérard  Dainville, 
•i*  en  1378, de  Guillaume  de  Berghes,  >i*  en 
1609  et  de  Jean  Richardot,  ►J^  en  1614. 

Sous  le  maître-autel,  reposait  Jean  de 
Bryas,  mort  en  1694.  Derrière,  se  dressait 
l'autel  de  S.  Jean- Baptiste,  second  patron 
de  la  cathédrale  :  on  l'appelait  aussi  de 
Requietn.  Pierre  d'Ailly  avait  fait  construire 
son  tombeau  «  sous  le  petit  autel  de  Re- 
quiem situé  au  fond  du  chœur».  Il  y  était 
représenté  couché.  Un  motif  de  sculpture 
à  trois  personnages  décorait  le  mausolée  : 
c'était  Notre-Seigneur  dans  les  eaux  du 
Jourdain,  recevant  le  baptême  des  mains  de 
S.Jean-Baptiste,  accosté  de  S.  Pierre  ('). 

Cardinal  et  légat  du  Pape,  Pierre  d'Ailly 
demeura  attaché  de  cœur  à  son  Église 
de  Cambrai  :  il  porta  toujours  le  titre  de 
Cardinal  de  Cambrai  et  voulut  être  inhumé 
dans  la  cathédrale.  Sa  mort  arriva  à  Avi- 
gnon en  1420.  Les  débris  de  ce  monument 
sont  conservés  au  musée  de  Cambrai. 

Près    de     Pierre    d'Ailly,    deux     autres 

I.  Il  n'est  peut-être  pas  sans  intérêt  de  noter  ici,  que 
!e  tombeau  de  Pierre  d'.\illy  fut  l'œuvre  de  l'imagier  tou'-- 
nalsien  Jacques  de  Braibant.  (A.  de  Lagrange  et  L.  Clo- 
quet.  Eludes  sur  [art  à  Tourjiai,  I.  II,  p.  II 5,  ainsi  que 
les  monuments  funéraires  d'un  grand  nombre  de  clia- 
noines  cambraisiens.  ( X.  de  la  R.) 


évêques  avaient  leur  sépulture.  C'étaient  : 
Jean  de  Lens,  ^  en  1439.  Le  prélat  y  était 
représenté  en  vêtements  pontificaux,  entre 
ses  deux  frères,  tués  à  la  bataille  d'Azin- 
court  ;  et  Jean  de  Bourgogne,  <i<  en  1478. 
Cet  évêque  s'était  fait  ériger  un  magni- 
fique tombeau  dans  sa  cathédrale,qu'il  visita 
si  peu  et  où  cependant  son  cœur  fut  inhumé. 

Enfin,  à  l'entrée  du  chœur,  faisant 
pendant  au  monument  d'Henry  de  Berghes, 
était  érigé  le  tombeau  de  Fénelon,  <i*  en 
I  7 1 5,  œuvre  de  Lemoyne,  sculpteur  du  roi  : 
le  P.  Sanadon,  de  la  Compagnie  de  Jésus, 
en  avait  composé  l'épitaphe. 

Le  chœur  était  entouré  d'un  mur  plein, 
tout  enrichi  de  peintures,  de  sculptures,  et 
auquel  étaient  adossés  des  monuments  fu- 
néraires. A  rencontre  du  mur  du  chœur, 
lisons-nous  dans  les  comptes  de  la  cathé- 
drale, se  trouvent  :  la  gésine  de  N.-D.  ; 
S.  Quentin  et  S.  Firmin,  libéralités  du 
chanoine  Pierre  Lemaire,  1419- 

CHAPITRE  QUATRIÈME. 
Les  21  chapelles. 

AU  chevet  de  l'église,  la  chapelle  de 
la  Très-Sainte-Trinité,  devenue,  au 
XV''  siècle,  la  chapelle  de  Notre-Dame  de 
Grâce. 

I.  Chapelle  de  N.-D.  de  Grâce. 
Au  Chevet. 

Dans  une  monstrance,  d'un  travail  d'une 
perfection  artistique  remarquable,  était 
renfermée  la  précieuse  et  miraculeuse 
imap-e  de  Notre-Dame  de  Grâce,  donnée  à 
l'église  de  Cambrai,  par  Fursy  de  Bruille, 
chanoine, archidiacre  de  Valencienes.  Cette 
châsse  était  d'argent  rehaussé  d'ornements 
en    or.     «  Sur    les     dessins    de    Jehan    (') 


I.  Bellegambe,  le  maître  des  Couleurs,  natif  de  Douai  ; 
auteur  du  fameux  polyptyque  d'Anchin,  donné  à  l'église 
N.-D.  de  Douai,  par  M.  Escalier. 


HaVX'E  UE  L  ART  CHRÉTIEN. 
1504.  —  r"-  LIVRAISON. 


I  JO 


18it\)x\t  tic  r^rr  cf)rétiriu 


«  Bellegambe,  de  Douai  (1470-1535),  l'or- 
«  fèvre  de  la  cathédrale  exécuta  un  riche 
«  encadrement  de  même  métal  pour  en- 
«  tourer  le  tableau.  Le  revers  de  l'image 
«  vénérée  était  orné  d'un  arbre  de  Jessé, 
«  dont  les  fines  découpures  s'enlevaient  sur 
«  un  fonds  de  velours  rouge  :  c'était  le 
«  complément  de  la  châsse  ou  fierté,  sous 
«  laquelle  on  promenait  la  sainte  image  en 
«  procession.  » 

Sur  les  parois  de  la  chapelle,  en  place  de 
choix,  se  trouvait  le  tableau  représentant 
S.  Jean  Baptiste,  œuvre  authentique  de 
Raphaël.  L'auteur  de  la  description  artis- 
tique de  la  cathédrale,  à  qui  nous  devons 
tant  de  renseignements  précieux,  se  de 
mande  si  ce  ne  serait  pas  le  tableau  revenu 
au  musée  du  Louvre,  après  des  pérégrina- 
tions sans  nombre. 

Dans  cette  chapelle  se  trouvait  une 
quantité  considérable  d'ex-vo/o,  parmi  les- 
quels :  la  lampe  en  argent  donnée  par  la 
ville  de  Valenciennes  ;  les  trente-quatre 
cœurs  d'argent  offerts  solennellement  par 
les  bourgeois  de  Lille  de  1709  à  1739  ;  un 
reliquaire  en  vermeil  représentant  la  sainte 
Maison  de  Lorette  soutenue  par  quatre  an- 
ges d'argent,  reposant  sur  socle  en  cuivre 
doré  ;  quatre  grandes  pyramides  d'argent, 
renfermant  des  reliques,  aux  armoiries  du 
chanoine  Michel  Vancantelberg  ;  un  lam- 
padaire avec  trente-quatre  lampes  d'argent, 
enfin,  le  lustre  de  Louis  XI,  lampadaire  en 
fer  forgé  supportant  douze  porte-fiambeaux 
d'argent,  —  travail  dessiné  par  Guillaume 
Colman  et  exécuté  par  Andrieu  Jacquemin. 

Un  des  vitraux  de  cette  chapelle  repré- 
sentait N.-S.  au  Jardin  des  oliviers,  et,  aux 
grandes  fêtes,  on  revêtait  les  murs  des 
sept  belles  tapisseries,  dites  de  Charles- 
Quint. 

Devant  la  clôture,  une  des  œuvres  les 
plus  remarquables   du    sculpteur    cambré- 


sien,  Jehan  de  Noie,  —  1556  :  sous  le  re- 
gard de  N.-D.  de  Grâce,  qu'il  avait  léguée 
au  Chapitre,  reposait  le  chanoine  Fursy  de 
Bruille,  >i>  en  1450. 

Les  comptes  de  la  cathédrale,  découverts 
et  publiés  par  M.  Houdoy,  nous  fournissent 
les  renseignements  suivants  sur  le  reli- 
quaire ou  monstrance  qui  renfermait  la 
précieuse  peinture  de  N.-D.  de  Grâce,  en 
l'année  1752  :  «  L'image  enchâssée  en  ar- 
«  gent  doré,  ornée  d'une  bordure  garnie  de 
«  diamants  et  de  rubis,  et  à  chaque  angle, 
«  il  y  a  43  diamants,  une  pierre  fine  et 
«  un  rubis  au  milieu  d'un  cadre,  de  chaque 
«  côté,  il  y  a  16  diamants  et  2  rubis  et  une 
«  pierre  fine. 

«  Au-dessus  du  cadre,  il  y  a  une  demi- 
«  couronne  d'or,  sur  laquelle  il  y  a  une 
«  croix  d'or  et  deux  colliers  de  perles  fines. 
«  Item,  une  croix  d'or,  garnie  de  diamants, 
«  deux  anges  de  la  hauteur  d'un  pied,  d'ar- 
«  gent  doré,  ayant  chacun  pendants  d'oreille 
«  d'or  émaillé  avec  chacun  6  perles.  ï> 

CJtapelle  de  Stc-Êlisabeih  et  de  Si  il  loi  — 
fondée  en  1239. 

Côté  de  Ste-Croix,   portail    St  Etienne  ou 
de  l'Horloge.   A  droite. 

2^  absidale. 

L'autel  était  surmonté  d'un  retable  aux 
innombrables  personnages,  fouillés  dans 
l'albâtre  ;  de  chaque  côté  un  ange  aux  ailes 
déployées.  Dans  un  reliquaire  de  métal  pré- 
cieux, rehaussé  d'émaux,  se  conservait  le 
cœur  de  Ste  Elisabeth  de  Hongrie,  bien- 
faitrice de  l'église  de  Cambrai. 

Des  peintures  décoraient  cette  chapelle. 
En  1454,  un  religieux  de  St-Aubert,  Nico- 
las Bleutin,  y  représente  de  nombreux  per- 
sonnages. En  1566,  Jean  de  Nolle,  avec 
ses  deux  fils,  «  l'orne  de  fines  peintures, 
avec  volets  en  bois,  portant  sur  leurs  revers 


5@onograpl)te  De  Vamimnt  catftéDrale  De  Cambrai. 


II I 


les  images  de  Jehan  Happe,  archidiacre 
d'Anvers  et  de  quelques  membres  de  sa 
famille.  » 

La  clôture  était  en  bois  sculpté,  avec 
colonnes  de  cuivre  surmontées  de  candé- 
labres du  même  métal. 

Chapelle  de  St-Géry  et  de  Si- Laurent. 
3«  absidale. 

Fondée  au  XI IP  siècle  par  les  frères 
Etienne  et  Grégoire  Leduc,  membres  du 
Chapitre. 

On  y  remarquait  le  tombeau  en  marbre 
blanc  d'Ernestine  de  Velasco,  chanoinesse 
de  Ste-Vaudru,  morte  en  1654,  dans  sa  dix- 
neuvième  année. 

Profanée  en  1595,  par  l'inhumation  du 
fameux  baron  d'Inchy,  sur  l'ordre  de  Bala- 
gny,  gouverneur  de  Cambrai,  elle  fut  puri- 
fiée par  l'évêque  Louis  de  Berlaimont. 

Chapelle  du  Crucifix  ou  du  St- Sépulcre. 
4^  absidale. 

Robert  de  Franqueville,  lequel  quitta  sa 
stalle  de  chanoine  pour  entrer  dans  l'Ordre 
des  Chartreux,  avait  enrichi  cette  chapelle 
d'une  clôture  de  marbre  avec  colonnes. 

Les  statues  en  marbre  de  S.  André  et  de 
Ste  Catherine,  le  monument  de  Jean  de 
Malove,  <^  en  1554,  un  groupe  représentant 
Notre  Dame  de  Pitié  «que  l'on  dit  Fla- 
mingue  »,  ornaient  cette  chapelle. 

C'était  «  un  travail  d'orfèvrerie,  fait  par 
Pierre  Van  Pulaer,  composé  de  quatre  per- 
sonnages et  de  6  petites  histoires.  » 

On  appelait  Notre-Dame  la  Flaminghe, 
le  groupe  représentant  la  T.  Ste  Vierge 
tenant  dans  ses  bras  le  corps  inanimé  et 
sanglant  de  son  Divin  Fils.  Ce  nom  pro- 
vient, sans  doute,  de  ce  que  les  églises  de 
Flandre  ont,  les  premières,  offert  à  la  piété 
des  fidèles,  de  semblables  représentations 
de  la  Mère  des  Douleurs.  En    Italie,  on  a 


appelé  le  groupe  Pietà,  et  l'usage  général 
en  a  fait  N.-D.  de  Pitié.  Les  comptes  de 
la  cathédrale,  de  l'an  1500,  portent:  «  N.-D. 
de  Pitié,  que  l'on  dit,  Flaminghe.  »  Ce  qui 
infirme  l'opinion  de  certains  érudits  qui 
préfèrent  y  voir  la  Vierge  auréolée  de 
flammes  :  Flamma,  flammarum,  d'où  par 
une  suite  d'altérations,  flaminghe. 

Près  du  «  Piteux  Crucifix  »,  au-dessus 
de  la  chapelle,  se  trouvait  l'Horloge  monu- 
mentale,antérieure  de  deux  cents  ans  à  la  fa- 
meuse horloge  de  Strasbourg.  Commencée, 
dit-on,  en  1383,  perfectionnée  sous  Pierre 
d'Ailly,  elle  avait  été  renouvelée  en  1765. 
Au  moment  où  le  carillon  sonnait  l'heure, 
on  voyait  s'avancer  un  groupe  de  person- 
nages en  cuivre  représentant  la  passion  de 
Notre-Seigneur,  tandis  qu'un  ange  appa- 
raissait au  sommet  d'une  flèche  de  style 
ogival  et  sonnait  de  la  trompette,  pour 
rappeler  aux  mortels  que  chaque  heure  qui 
s'écoule,  les  pousse  vers  le  jour  suprême 
où  le  Fils  de  Dieu  citera  l'univers  à  son 
tribunal. 

Outre  le  cadran  des  heures,  il  y  en  avait 
deux  autres  qui  indiquaient  les  jours  de  la 
semaine,  la  succession  des  mois,  des  saisons 
et  les  phases  de  la  lune. 

Ce  travail  curieux  jouissait  de  la  faveur 
populaire  ;  l'horloge  de  la  cathédrale  figu- 
rait parmi  les  VI I  merveilles  du  Cambrésis. 

Chapelle  de  S t- Biaise  ou  des  évêqties.  — 
Faisant  pendant  à  la  chapelle  de  Ste- Eli- 
sabeth. 

Côté  du  portail  St-Jean. 

5«  absidale. 

A  gauche  de  l'autel  de  N.-D.  de  Grâce. 

Close  d'une  belle  balustrade  en  marbre, 
due  à  l'inépuisable  libéralité  de  l'évêque 
François  Van  der  Burch  —  on  y  substitua 
en  1789  une  grille  avec  boiseries  —  cette 
chapelle   était   décorée  des  statues  de  pro- 


phètes,  au  nombre  de  h  uit,  en  marbre  blanc, 
et  d'un  candélabre  orné  de  figures  en  ronde 
bosse,  donné  par  Y  von  Leroy,  en  1519. 

Là  était  le  monument  élevé  en  mémoire 
de  Don  Fernand  de  Quesada,  gouverneur 
de  Cambrai,  mort  en  1655. 

Cette  chapelle  était  réservée  à  l'usage 
des  évêques.  Pendant  son  épiscopat,  Féne- 
lon,  dérogeant  à  l'antique  coutume,  célé- 
brait le  S.  Sacrifice  de  la  messe  à  la  cha- 
pelle de  N.-D.  de  Grâce. 

Chapelle  de  Ste- Catherine  et  de  St- Nicolas. 
2^  absidale,  gauche. 
Le  chanoine  Ferry  de  Crohin,  '^  en  1628, 
l'avait  enrichie  d'une  clôture  en  marbre. 

Chapelle  St-Pierre  et  St-Paul. 
3«  absidale. 

Elle  avait  été  érigée  en  1227.  Pierre 
Prudhomme,  qui  a  laissé  de  précieux  mé- 
moires sur  Cambray,  l'avait  dotée,  l'an 
1628,  d'une  clôture  en  marbre. 

Chapelle  de  St-Nicaise. 
4^  absidale,  gauche. 

La  clôture,  don  du  chanoine  Félix  Len- 
grand,  était  en  marbre. 

Chapelle  de  Ste- Anne. 
5^  absidale. 

Fondée  et  dotée  en  1319,  par  le  chanoine 
Nicolas  Fabourdeur,  prévôt  du  chapitre.  La 
clôture  était  en  pierre  grise. 

Chapelle  St-Jean-l Évangéliste. 
6^  absidale. 

Elle  a  donné  son  nom  au  portail  situé 
en  face  de  St-Aubert.  Édifiée  aux  frais 
d'Éiienne  de  Suisy,  celte  chapelle  renfer- 
mait le  splendide  monument  de  François 
\'an  der  Burch,  de  vénérée  mémoire.  Érigé 
d'abord  dans  l'église  des  PP.  Jésuites,  à 
Mens,  en  1640,  le  monument  fut  transporté 
à  Cambrai,  en  1720;  et   les  restes   mortels 


du  saint  prélat  reposèrent  dans  la  chapelle 
St-Jean,  jusqu'au  jour  où  ((  la  Bande  infer- 
nale »  vint  exécuter  les  ordres  sacrilèges 
du  Comité  du  salut  public. 

Ce  mausolée  se  trouve  dans  la  chapelle 
Ste-Agnès,  —  Fondation  Van  der  Burch, 
en  faveur  de  cent  jeunes  filles  pauvres. 

N.-D. -des- Fiertés  ou  des  Reliques. 

Dans  le  transept,  à  peu  de  distance  de  la 
chapelle  St-Jean,  —  dans  le  prolongement 
de  la  clôture  du  chœur,  —  une  vaste  cha- 
pelle était  dédiée  à  Ste  Maxellende.  On 
l'appelait  encore  Notre-Dame-des-Fiertes, 
ou  des  Reliques. 

L'autel  était  surmonté  d'une  belle  statue 
d'argent  de  la  Mère  de  Dieu.  On  y  vénérait 
les  reliques  que  l'évêque  Halitgaire,  *^  en 
829,  avait  rapportées  de  Constantinople. 

La  châsse  de  Ste  Maxellende  y  occupait 
la  place  d'honneur.  Elle  renfermait  une 
partie  du  chef  de  la  virginale  martyre  du 
Cambrésis,  ainsi  que  l'épée  avec  laquelle 
elle  avait  subi  la  mort,  le  13  novembre  670. 
«  Les  fillettes,  rapporte  Julien  de  Ligne, 
portaient  cette  épée  aux  processions  solen- 
nelles. » 

Il  y  avait,  en  outre,  la  châsse  des  XII 
Apôtres.  Les  peintures  qui  décoraient 
cette  chapelle,  étaient  l'œuvre  de  Simon 
Marmion,  de  Valenciennes,  ►J<  en  1489. 
C'était  un  miniaturiste  distingué.  On  l'appe- 
lait avec  raison  :  Prince  d'enluminure. 

La  table  de  marbre  de  cet  autel,  sculptée 
par  Hubert  Hanicque,  avait  été  donnée 
parle  chanoine  Fouillan  d'Eppe  ^  en  1622, 
et  la  clôture  en  marbre  était  un  don  de 
Pierre  d'Antoing,  archidiacre  du   Brabant. 

En  descendant  la  petite  nef,  entre  le  por- 
tail St-Jean  et  la  galerie  qui  conduisait  au 
Palais  épiscopal,  se  trouvaient  trois  cha- 
pelles :  celles  de  N.-D. -la-Grande,  de  l'As- 
cension et  des  Morts  ou  de  St- Philippe. 


5^onograpï)ie  tie  ranciettne  catticdrale  de  Cambrai.     113 


Chapelle  Notre- Dame- la  Grande. 

Fondée  et  ornée  par  les  libéralités  d'un 
abbé  d'Anchin. 

L'imagfe  de  N.-D. -la-Grande  était  enfer- 
mée  dans  une  châsse  dont  les  volets  avaient 
été  peints  par  Simon  Marmion. 

Les  bannières  ou  gonfalons  que  l'on  por- 
tait en  procession  étaient  dus  au  talent  du 
même  artiste. 

En  face  de  N.D. -la-Grande,  dans  la  nef 
de  gauche,  Robert  de  Croy  était  inhumé. 
^  1556- 

Chapelle  de  r Ascension. 

Le  chanoine  Jean  Gounet  y  avait  choi.si 
sa  sépulture.  La  clôture  en  marbre,  posée 
en  1527,  était  due  à  sa  libéralité. 

Chapelle  des  Morts  ou  de  St- Philippe. 

dotée  par  le  chanoine  Philippe  Majoris, 
fondateur  d'un  collège  à  Cambrai,  ^  en 
1554.  Il  était  inhumé  en  cette  chapelle. 
Son  monument  le  représentait  à  genoux. 

Dans  le  transept,  côté  droit,  ou  de  Ste- 
Croix,  se  trouvait  la  chapelle  St-Étienne; 
elle  avait  donné  son  nom  au  Portail,  qui 
s'appelait  encore,  de  l'Horloge,  ou  des  En- 
fants de  Choeur. 

Chapelle  St-Étienne. 

Les  ecclésiastiques  attachés  au  service 
de  la  paroisse,  et  qu'on  appelait  «  grands  et 
petits  vicaires  »,  y  célébraient  les  offices. 
Les  boiseries  en  chêne  sculpté,  avec  mé- 
daillons, étaient  dues  à  la  piété  du  chanoine 
Etienne  Trigaut,  ^  en  1743. 

On  y  remarquait  le  monument  du  cha- 
noine Guillaume  du  Fay.  grand-chantre,  la 
gloire  de  la  célèbre  maîtrise  de  la  cathé- 
drale de  Cambrai.  Il  était  représenté  à 
genoux,  les  mains  jointes,  devant  un  Christ 
sortant  du  tombeau.  1474. 

C'était  un  grand  artiste,  passionné  pour 
son  art.  II  avait  demandé  que  lorsque  vien- 


drait l'heure  dernière,  après  réception  des 
sacrements  des  mourants,  en  temps  oppor- 
tun, huit  de  ses  collègues  du  choeur  vinssent 
chanter  à  mi-voix,  près  de  son  lit  d'agonie, 
l'hymne  :  Magno  salutis  gaudio  ;  et  qu'à 
leur  tour,  les  enfants  du  choral  avec  leur 
maître  et  les  choristes,  chantassent  le 
motet  :  Ave  Regina  Cœlorum,  qu'il  avait 
composé. 

Unedes  verrières  représentait  S.  Michel. 
Vis-à-vis  de  cette  chapelle  (St-Étienne)  une 
plaque  de  cuivre  fixée  à  un  pilier  portait 
l'épitaphe  de  l'évêque  Jean  de  T'serclaes, 
<^  en  1388. 

Dans  la  nef  de  droite,  depuis  le  transept 
jusqu'à  la  galerie  conduisant  au  chapitre,  se 
trouvaient  cinq  chapelles  : 

Chapelle  du  St-Novi  de  fésns. 

Le  chanoine  Guillaume  Claix  fournit,  en 
1550,  des  fonds  pour  son  embellissement. 

Chapelle  de  Tous  les  Saints. 

Construite  vers  1365. 

Chapelle  des  SSts- Vincent  et- Eustache. 

Érigée  en  1342,  par  Guillaume,  C'^  de 
Hainaut.  Le  chanoine  André  Lemaire  y  fît 
placer,  en  1739,  un  autel,  des  boiseries  et 
un  pavé  en  marbre. 

Chapelle  S  te- Croix,  ou  de  la  Ste- Face. 

Elle  avait  été  dotée,  en  1520,  par  le 
chanoine  Nicolas  Domont. 

Chapelle  St-Thomas. 

Alexis  de  Cuinghien,  ►!<  en  1741,  l'avait 
enrichie  d'une  table  d'autel  et  d'un  tableau 
estimé,  représentant  S.  Jérôme.  Aussi,  cette 
chapelle  est-elle  appelée  par  certains  au- 
teurs, chapelle  de  St-Jérôme. 

Chapelle  de  Saint- Jean- Baptiste. 

Enfin,  sous  le  clocher,  à  droite,  se  trou- 
vait l'autel  de  St-Jean-Baptiste,  où  la  com- 


114 


Bebur  lie  T^rt  cbrctien» 


munauté  des  chapelains  célébrait  ses  obits. 
«  Au-dessous  des  cloques,  où  les  chapelains 
du  grand  commun  ont  accoutumé  de  dire 
des  obits  et  des  psalmes  de  miserere  », 
lisons-nous  dans  les  chroniques. 

Dans  le  déambulatoire,  ou  carolles  du 
chœur,  on  voyait  :  le  tombeau  de  l'évêque 
Némius,  c'est  lui  qui  a  édité  le  premier 
catéchisme  à  l'usage  des  fidèles  de  son  dio- 
cèse; le  monument  en  bronze  de  D.  Alfonso 
Ferez  de  Vivero,gouverneur  des  Pays-Bas, 
>i*  i66i,et  les  mausolées  des  Franqueville, 
1734,  et  d'Adrien  Mazile,  mort  doyen  du 
chapitre,  en  1 741 ... 

De  nombreux  monuments  avec  «leur  em- 
bellissement d'épitaphes  »  étaient  rangés  le 
long  des  murailles,  dans  les  bas-côtés,  for- 
mant une  véritable  galerie  historique, 
offrant,  en  outre,  des  spécimens  de  l'art 
pendant  une  période  de  cinq  siècles.  «Une 
des  gloires  de  la  cathédrale  de  Cambrai, 
dit  avec  raison  M.  Houdoy,  était  sa  remar- 
quable collection  de  monuments  qu'elle 
devait  à  la  libéralité  de  ses  évêques  et  de 
ses  chanoines.  » 

Le  pavé  de  l'église  était  fait  de  larges 
dalles  de  pierre,  chargées  d'inscriptions, 
rappelant  à  ceux  qui  venaient  adorer  dans 
la  Maison  de  Dieu,  les  noms  des  ancêtres 
et  des  bienfaiteurs  de  l'église,  qui  avaient 
eu  l'honneur  d'y  recevoir  la  sépulture. 

Au  pied  du  clocher,  reposait  l'évêque 
Nicolas  de  Chièvres,  >i>  en  1167.  Il  avait 
fait  choix  de  cet  endroit,  pour  y  attendre 
la  résurrection  :  le  chœur  n'était  pas  encore 
commencé,  et  la  superbe  tour  était  son 
œuvre  ! 

Sur  l'un  des  piliers  du  clocher,  à  droite, 
«  là  où  les  baillis  font  leur  station,  les  jours 
de  procession  »,  il  y  avait  une  belle  statue 
de  S.  Nicolas;  à  gauche,  se  trouvait  la  belle 
statue    en    albâtre    de  S.  Antoine,    que  le 


chevalier  Estays  de  Boulogne  y  fit  placer 
en  1753. 

Voilà  donc  ce  que  nous  avons  pu  recueil- 
lir sur  les  vingt  et  une  chapelles  de  la  cathé- 
drale :  que  le  lecteur  n'oublie  pas  qu'il  s'agit 
d'un  monument  disparu  et  que  les  docu- 
ments sont  rares. 

L'auguste  Mère  de  Dieu  était  honorée, 
dans  la  cathédrale  qui  lui  était  dédiée,  sous 
divers  vocables  : 

Notre-Dame  de   Cambrai,  maître-autel. 

Notre-Dame  de  Grâce,  chapelle  de  la 
Ste-Trinité. 

Notre-Dame  des  Paieries,  chapelle  de 
Ste-Maxellende. 

Notre- Dame- la- Grande. 

Notre-Dame  Flamingue,  chapelle  du 
Crucifix. 

Noire-Dame-Ia  Belle  ou  d'Albâtre  :  ados- 
sée au  jubé. 

Ces  madones  avaient  leurs  autels  et 
recevaient  les  hommages  de  la  population 
de  Cambrai  et  de  la  province  entière. 

CHAPITRE  CINQUIÈME. 
Le  Trésor  de  Notre-Dame. 

UN  E  multitude  d'objets  d'art,  statues, 
tableaux, retables,  pièces  d'argenterie, 
de  cuivre,  de  bronze,  d'or,  avec  émaux  et 
I  pierres  précieuses,  dons  des  rois,  des  prin- 
ces, des  évêques,  du  chapitre,  des  villes  et 
des  métiers,  ex  voto  de  la  Reconnaissance, 
expression  de  l'amour  et  de  la  piété,  souve- 
nirs laissés  par  les  morts,  tout  un  monde  de 
merveilles,  dont  plusieurs  avaient  coûté 
des  sommes  considérables,  enrichissaient 
la  cathédrale  et  composaient  son  incompa- 
rable trésor. 

Un  inventaire  de  1401,  reproduit  par 
M.  Houdoy,  montre,  d'une  façon  péremp- 
toire,  que  le  trésor,  un   des  plus  riches  de 


SPonograpbte  lie  ranctenne  catl)éDrale  De  Cambrai.     115 


France,  était   un   merveilleux  musée    d'or- 
fèvrerie, d'émaux  et  d'étoffes  de  luxe: 

Les  croix  précieuses  étaient  au  nombre  de  douze, 
parmi  lesquelles,  il  faut  citer  : 

Celle  en  bois  d'olivier,  pleine  de  reliques,  apportée 
de  Jérusalem  et  donnée  à  l'église,  par  l'évêque  Halit- 
gaire,  IX*  siècle. 

Une  en  vermeil,  avec  pied  de  cuivre,  sur  lequel  on 
avait  gravé,  d'un  côté,  l'image  deSte  Marie-Madeleine, 
de  l'autre,  le  portrait  de  Jacques  de  Croy,  en  habit 
ducal. 

Et  une  croix  d'or  avec  épines  de  la  Ste  Couronné, 
ornée  de  12  marguerites  et  de  9  pierres  précieuses. 

Les  calices  et  vases  sacrés,  de  toutes  les  époques, 
étaient  en  nombre  considérable.  Deux  calices  méritent 
une  mention  spéciale. 

Le  premier,  de  l'or  le  plus  fin,  était  une  merveille, 
un  chef-d'œuvre  de  joaillerie. 

Le  second,  qui  était  affecté  à  la  chapelle  des  Tré- 
passés, «c  était  en  vermeil  et  richement  ciselé.  Sur  le 
«  pied  de  la  coupe,  il  y  avait  un  écnssnn  avec  croix  de 
«  S.  André,  appuyée  sur  un  pélican  et  surmontée  d'un 
<  cycle  solaire.  » 

Les  reliques  des  Saints  reposaient  dans  des  taber- 
nacles ou  fiertés,  de  métal  ou  de  bois,  que  le  marteau 
de  l'artiste  ou  le  pinceau  de  l'enlumineur  rendaient 
doublement  précieux.  Le  peup'e  chrétien  ne  trouvait 
jamais  les  reliquaires  assez  somptueux,  et  il  se  dépouil- 
lait de  ses  bijoux  pour  embellir  encore  les  gracieux  et 
riches  édicules. 

Citons,  parmi  les  plus  remarquables  : 

Le  reliquaire  de  la  Ste  Couronne  d'épines,  repré- 
sentant la  Crucifixion,  don  de  la  comtesse  Jeanne  de 
Hainaut  :  XIT=  siècle. 

La  statue  de  S.  Jean-Baptiste,  tenant  un  cristal  qui 
renfermait  une  dent  du  saint  Précurseur.  Le  socle, 
soutenu  par  quatre  serpents,  portait  l'inscription 
suivante  :  «  Donné  par  I-ouys  aîné,  fils  du  roi  de 
France,  1243.  »  S.  Louis. 

Un  S.  Christophe,  en  vermeil,  sur  socle  d'argent. 
Deux  anges  dorés  soutenaient  une  relique  du  Saint, 
enfermée  dans  un  tube  de  cristal. 

Les  châsses,  avec  émaux  et  pierreries,  des  saints 
Eloi,  Denys  et  Agathe. 

Bras  d'argent  renfermant  des  ossements  de  S. 
Etienne,  des  saints  martyrs  Côme  et  Damien,  de 
S.  Amé,  de  S.  Jean  Chrysostome,  de  S.  Martial  et  de 
S.  André. 

Deux   grands  reliquaires  d'argent    représentant  la 


Nativité  de  Notre-Seigneur,  et  le  Couronnement  delà 
Ste  Vierge,  don  de  Jehan  Martin. 

La  statue,  en  métal  précieux,  de  S.  Martin,  à  cheval, 
partageant  son  manteau  avec  un  pauvre. 

Une  Circoncision  et  quatre  cassettes  garnies  de 
cristaux  avec  reliques. 

Le  Couronnement  de  Ste  Catherine. 

Vingt-trois  autres  reliquaires,  parmi  lesquels,  cinq 
surtout  occupaient  un  rang  à  part,  tant  à  cause  de  la 
richesse  des  métaux  que  de  la  perfection  du  travail  : 
c'étaient  les  châsses  de  S.  Éloi,  de  S.  Piat,  de  S.  Mar- 
tin, de  S.  Géry  et  de  S.  Robert. 

Enfin,  la  grande  châsse,  pièce  monumentale,  où  le 
chapitre  renfermait  ses  innombrables  reliques.  Elle 
mesurait  quatre  pieds  de  long,  un  pied  et  demi  de 
haut,  jusqu'à  la  base  de  la  flèche  qui  la  surmontait.  Il 
était  entré  dans  la  confection  de  cette  pièce  d'orfè- 
vrerie plus  de  cent  kilogrammes  d'argent.  Elle  datait 
de  1352. 

Là,  reposaient  dans  la  soie  et  l'or,  dix  reliques  con- 
cernant Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  neuf  touchant  à  la 
T.  Ste  Vierge,  quarante-deux  reliques  de  SS.  Martyrs, 
trente  de  confesseurs,  quatorze  de  Vierges  ou  de 
Veuves,  et  une  multitude  d'ossements  ayant  appartenu 
à  des  Saints  dont  les  noms  étaient  ianorés. 

Parmi  les  objets  d'art  disséminés  dans  la  cathé- 
drale, en  dehors  de  ceux  dont  il  a  été  fait  mention 
dans  le  travail,  citons  : 

La  Vierge  en  argent  du  grand  autel,  Notre-Dame 
de  Cambrai,  à  laquelle  la  comtesse  Jehanne,  fille  de 
Biuduin  de  Constantinople,  avait  offert  un  affiquet 
d'or  (couronne),  garni  de  saphirs  et  d'émeraudes. 

Les  statues  d'argent  de  la  Ste  Vierge  et  de  S.  Nor- 
bert, offerts  par  l'évêque  Robert  de  Croy. 

La  statue  en  marbre  blanc  de  S.  Sébastien,  due  au 
ciseau  du  sculpteur  cambrésien,  Balthasar  Marsy  ('). 
Elle  se  trouvait  à  l'entrée  delà  nef  principale. 

La  statue  en  marbre  du  Prophète  Daniel. 

Un  S.  Michel,  surplombant  le  mausolée  de  Michel 
Bruneau. 

Un  St  François  d'Assise  recevant  les  Stigmates  : 
groupe  exécuté  en  marbre,  à  la  mémoire  du  chanoine 
François  Sarre,  1560. 

Parmi  les  bas-reliefs,  celui  qui  représentait  l'An- 
nonciation de  Notre-Dame. 

Les  tableaux  ne  semblent  pas  avoir  été  nombreux. 
Outre  l'admirable  peinture  de  Raphaël,  dont  il  a  été 


I.  Artiste  distingué,  Balthasar  Marsy  (1620-1674),  tra- 
vailla avec  son  frère  Gaspard  au  bassin  de  Latone  et  au 
groupe  d'Apollon,  du  Palais  de  Versailles.  Son  S.  Sébas- 
tien se  trouve  au  musée  de  Cambrai. 


ii6 


3Rc\)uc  lie  r^vt  cbrctien. 


fait  mention,  les  comptes  de  la  fabrique  citent  le 
tableau  représentant  le  Combat  de  David  contre 
Goliath;  le  Baptême  de  N.  S.  dans  les  eaux  du 
Jourdain.  —  (Cette  dernière  toile  avait  été  léguée  par 
le  chanoine  J.-B.  de  Camp,  en  1641.  Cet  ecclésias- 
tique possédait  une  galerie  de  tableaux)  —  et  la  Trans- 
figuration, tableau  retouché  par  Jean  Morel,  en  1430. 

Les  tapisseries  qui  aux  jours  des  festivités  couvraient 
les  murailles,  tant  à  l'intérieur  de  l'église  qu'à  l'exté- 
rieur, véritables  tableaux  que  nos  artistes  flamands 
façonnaient  avec  une  perfection  que  nous  admirons 
encore,  les  tapisseries  étaient  nombreuses. 

Nous  connaissons  quelques-uns  de  ces  chefs-d'œu- 
vre. Sept  tapisseries  représentaient  les  œuvres  de 
Miséricorde  :  €  elles  servaient  à  la  grande  tente  en 
Carême.  » 

Les  sept  tapisseries  qui  servaient  à  décorer  la  cha- 
pelle de  Notre-Dame  de  Grâce  ; 

Les  tapisseries  représentant  l'Histoire  de  S.  Jean- 
Baptiste  ; 

Le  tapis  de  haute-lisse,  représentant  la  Déposition 
de  Notre-Seigneur  armoyée,  de  tous  côtés,  des  armes 
de  Jacques  de  Croy  ; 

Enfin,  la  grande  tapisserie  «  que  l'on  pendait  aux 
solennités  au  dessus  de  la  tente  derrière  le  grand 
autel. 

La  Bibliothèque  du  Chapitre,  avec  ses  livres  nom- 
breux et  remarquables,  ne  peut  être  passée  sous  silence; 
les  Psautiers,  Missels,  Évangéliaires  à  riches  enluminu- 
res, et  qui  ont  trouvé  abri  dans  la  Bibliothèque  de  la 
ville  de  Cambrai,  dont  ils  sont  la  richesse,  ces  livres 
ornés  par  Jean  le  Hardy,  trinitaire  de  Douai,  isrr, 
Guillaume  Spuler,  r452,  Lyon,  peintre  de  Valencien- 
nes  ;  les  ouvrages  de  doctrine,  de  théologie  et  d'au- 
tres, admirablement  exécutés,  méritent  de  figurer 
parmi  les  richesses  artistiques. 

Nous  finissons  cette  froide  nomenclature  par  l'osten- 
soir de  Fénelon,  que  le  saint  prélat  offrit  à  la  cathé- 
drale, comme  acte  de  foi  et  de  léparation  ;  jiièce  d'or- 
fèvrerie remarquable,  tout  en  or. 

Trop  d'historiens  révoquent  en  doute 
l'existence  de  cet  ostensoir.  Il  ne  sera  donc 
pas  hors  de  propos  de  faire  la  preuve. 

L'abbé  de  Calonne,  ancien  vicaire-géné- 
ral de  Nos  Seigneurs  de  Choiseul,  de  Fleury 
et  du  prince  Ferdinand  de  Rohan,  arche- 
vêques de  Cambrai,  consulté  sur  le  fait,  a 
formulé  la  déclaration  suivante. 

«  J'atteste  que  cet  ostensoir  d'or  pur  re- 


présentait la  Religion,  portant  dans  une 
main  le  soleil  élevé  au-dessus  de  sa  tête, 
foulant  aux  pieds  plusieurs  livres  parmi 
lesquels  il  y  eti  avait  un  sur  le  couvercle 
duquel...  on  lisait  en  toutes  lettres:  Maxi- 
mes des  Saints.  » 

E"  ^373>  Gérard  de  Dainville,  évêque  de 
Cambrai,  faisait,  en  ces  termes,  appel  à  ses 
diocésains  en  faveur  de  la  cathédrale  : 
«  Nous  savons  que  nul  d'entre  vous 
«n'ignore  le  vaste  développement  des 
«  murailles  de  notre  église,  la  beauté 
«  des  colonnes  et  de  ses  voûtes,  et  avec  quel 
«  art  ingénieux  la  sculpture  l'a  décorée  à 
«  la  louange  de  Dieu.  »  Ce  zèle  de  tout  un 
pays  pour  l'ornement  de  la  cathédrale  n'a 
pas  cessé,  et  les  faits  l'ont  établi  d'une  fa- 
çon triomphante.  Nous  pouvons,  il  nous 
seinble,  appliquer,  en  toute  vérité,  à  notre 
ancienne  cathédrale,  que  nous  avons  évo- 
quée avec  émotion  et  décrite  avec  amour, 
ces  lignes  que  l'auteur  dti  «  Voyage  pitto- 
resque dans  l'ancienne  France  >  consacre 
à  l'antique  église  de  Louviers,  en  Nor- 
mandie. <<:  Douze  générations  ont  apporté 
«  à  ce  temple  le  tribut  de  leur  patience  et 
«  de  leurs  travaux.  On  sent  que  ce  n'est 
«  pas  ici  l'ouvrage  d'une  société  fugitive 
«  qui  s'épuise  en  brillantes  improvisations 
((  pour  se  procurer  en  passant  les  jouissan- 
«  ces  du  présent.  C'est  celui  qu'un  peuple, 
<,<  qui  a  la  conviction  de  sa  durée,  consacre 
«  lentement  à  une  religion  immortelle. 
«  Tout  est  fixe,  arrêté,  invariable  ;  tout  ce 
«  qui  existe,  continuera  d'exister,  et  le 
v(  monde  peut  attendre.  » 

CHAPITRE     SIXIÈME. 
Le  Clocher  de  Notre-Dame. 

LA    sonnerie    de  Notre-Dame    passait 
pour  une  des  plus  belles   et  des   plus 
harmonieuses  de  l'Europe  :  elle  était  digne 


â@onograpl)ie  De  rancienne  catl)étirale  tie  Cambrai,     uy 


de  la  flèche  hardie  et  superbe  qui    la  cou- 
ronnait. 

Cette  sonnerie  comprenait  trente-neuf 
cloches.  Parmi  elles,  il  s'en  trouvait  primi- 
tivement seize  qui  étaient  accordées.  Au 
XVIe  siècle,  il  y  en  avait  vingt  sonnant 
d'accord. 

La  plus  grosse  cloche,  nommée  Marie,  pesait 
quinze  mille  livres.  Refondue  sous  l'épiscopat  de 
Fénelon,  elle  fut  baptisée  par  ce  prélat,  en  août    1706. 

La  seconde  s'appelait  Glorieuse.  Refondue  en 
1709,  elle  reçut  le  nom  de  Cécile.  I-'inscii|)tion  en 
faisait  foi  :  <  De  reliquiis  Gloriosœ  facta  sum.  »  J'ai  été 
fondue  avec  les  débris  de  Glorieuse. 

La  troisième,  la  cloche  de  l'évêque,  s'appelait  Aide- 
gonde. 

La  quatrième,  Fursy,  du  nom  de  son  donateur,  le 
chanoine  Fursy  de  Bruille. 

La  cinquième  Martine. 

La  sixième  Nicole. 

En  1496,  on  procéda  à  la  bénédiction  de  deux  clo- 
ches, qui  reçurent  les  noms  de  Jacoba  et  d'Egidia  ; 

et  en  1545,  trois  autres  cloches,  appelées  Fides,  Spes, 
Charitas  prirent  place  au  clocher. 

En  1677,  les  cloches  furent  évaluées  à  la  somme  de 
cinquante-cinq  mille  livres. 

CHAPITRE  SEPTIÈME. 
La  dévastation.  1796-1801. 

FERMEE  en  vertu  d'un  décret  de  la 
Convention,  l'an  1791,  dépouillée  de 
son  argenterie,  de  ses  ornements  précieux, 
la  cathédrale  fut  convertie  en  magasin,  pour 
les  subsistances,  et  vendue  le  6  juillet  1796, 
pour  être  démolie,  à  Blanquart,  négociant 
à  St-Quentin  et  à  Moronval. 

La  tour  et  la  flèche  qui  la  surmontait 
existaient  encore,  dans  leur  entier,  en 
1 809.  La  municipalité  de  Cambrai  projetait, 
à  Celte  époque,  la  restauration  de  la  tour  et 
songeait  à  en  tirer  parti  pour  ériger  un 
monument  à  la  mémoire  de  celui  qui  est 
demeuré  la  gloire  de  Cambrai,  Fénelon, 
lorsque  le  30  janvier,  à  la  suite  d'un  oura- 
gan, la  flèche  et  la  tour  s'écroulèrent. 


...  Le  17  décembre  18 16,  eut  lieu  l'ad- 
judication de  l'abattis  des  murailles  encore 
debout,  et  la  vente  des  matériaux  qui 
encombraient  l'emplacement  de  la  cathé- 
drale; car  les  adjudicataires,  déclarés  insol- 
vables, avaient  été  forcés  d'abandonner  sur 
place  la  plus  grande  partie  des  ruines  qu'ils 
avaient  accumulées. 

En  1822,  on  procéda  à  des  travaux  de 
nivellement  du  terrain.  On  y  découvrit 
plusieurs  cercueils  de  plomb,  avec  inscrip- 
tions portant  les  noms  des  personnages  qui 
y  étaient  déposés.  Ceux-ci  avaient  échappé 
à  la  fureur  de  la  «  Bande- Infernale  »  (■)  et 
des  sicaires  qu'elle  avait  laissés  après  elle. 
C'étaient  les  restes  mortels  des  évêques 
Gaspard  Némius,  Ladislas  Jonart,  Jean 
Richardot,  François  Buisseret,  Maximilien 
et  Guillaume  de  Berghes,  Nicolas  de  Fon- 
taines et  Jean  de  Lens. 

Déjà  auparavant  on  avait  sauvé,  en 
partie,  les  ossements  de  Fénelon  et  de  Van 

[    der  Burch,  qui  avaient  été  déposée  dans  la 

i    chapelle  Ste-Agnès. 

Les  restes  mortels  de  ces  évêques  et 
archevêques  de  Cambrai, princes  duSt-Em- 
pire  et  ducs  de  Cambrai,  furent  exposés 
dans  le  grand  salon  de  l'Hôtel  de  ville, 
pendant  les  trois  jours  des  27,  28  et  29 
août  1822.  Monseigneur  Louis  Belmas  se 
rendit,  suivi  de  tout  le  clergé  de  la  ville, 
à  la  mairie,  où  il  fut  reçu  par  les  autorités. 
Après  la  remise  des  corps  et  la  signature 
du  procès-verbal  par  Monseigneur  l'évêque, 
les  autorités  et  Messieurs  de  Buisseret  de 
Blaringhien,  arrièrepetits-neveux  de  l'évê- 
que François  Buisseret,  le  cortège  funèbre 
prit  le  chemin  de  la  nouvelle  cathédrale  — 


I.  Armée  Infernale.  C'est  le  nom  que  se  donnait  le 
5'  bataillon  des  fédérés,  venus  de  Paris,  pour  révolution- 
ner la  province,  et  qui,  arrivés  à  Cambrai,  pendant  que 
l'on  violait  les  tombeaux  des  évêques,  se  ruèrent  sur  les 
restes  mortels  et  les  traînèrent  à  travers  les  rues  de  la  cilé. 
Le  sinistre  Carra  menait  cette  band  e. 


ii8 


îRebur  lie  T^rt  cf)rcttcu. 


l'ancienne  église  de  l'abbaye  de  St-Sépul- 
cre  ;  —  entre  deux  haies,  formées  par  la 
garde  nationale,  la  gendarmerie  et  les  trou- 
pes de  la  garnison.  A  l'issue  du  service 
funèbre,  les  cercueils  des  prélats  furent  des- 
cendus dans  les  caveaux  de  la  cathédrale. 
—  Place  St-Sépulcre.  — 

CHAPITRE    HUITIÈME. 
Une  visite  aux  ruines  de  la  cathédrale. 

NOUS  avons  vu  dans  notre  jeune  âge, 
écrivait,  en  1852,  l'auteur  du  Dic- 
tionnaire historique  de  la  ville  de  Cambrai, 
et  parcouru  souvent  les  ruines  récentes  de 


ce  vieux  temple  gothique.  Nous  conservons 
mémoire  parfaite  de  ces  ogives,  de  ces 
colonnes,  de  ces  portails  qui  restaient 
debout.  Nous  avons  vu  souvent  de  nom- 
breux admirateurs  s'arrêter  devant  le  Por- 
tail   de    l'Horloge    qui    avait   échappé    au 


marteau  des  démolisseurs.  On  en  remar- 
quait la  riche  ornementation  ;  l'œil  y  suivait 
avec  curiosité  ces  feuillages,  ces  figures  de 
Saints,  ces  animau.v  fantastiques  qui  cou- 
raient entre  les  nervures  de  l'ogive  ('). 
Nous  avons  vu,  du  côté  du  clocher,  le  vaste 
portique  qui  séparait  l'église  du  palais,  où 
l'on  pénétrait  par  une  galerie. . .  Nous  avons 
contemplé  cette  longue  série  de  statues 
rangées  sous  le  porche,  et  notamment, 
l'image  colossale  de  S.  Christophe,  élevée 
en  1450,  devant  laquelle  on  priait  pour 
être  préservé  de  mort  subite.  Toutes  ces 
belles  statues  de  pierre,  dignes  d'être  con- 
servées dans  un  musée,  avaient  été,  pendant 
la  révolution,  mutilées  à  coups  de  pioche 
ou  de  marteau. 

...  Au  milieu  de  la  nef  et  du  chœur  dont 
le  dallage  avait  été  enlevé,  sous  les  arcs  à 
demi  détruits  qui  formaient  le  pourtour  de 
l'église,  gisaient,  parmi  les  décombres,  de 
grands  fragments  de  chapiteaux,  de  colon- 
nettes  et  de  statues  brisées.  On  voyait  de 
nombreux  morceaux  de  sculpture  chargés 
de  peinture  polychrome.  On  pouvait  alors, 
en  se  promenant  au  milieu  des  ruines,  ré- 
tablir facilement  par  la  pensée,  tout  le  mo- 
nument, dont  il  restait  de  grandes  parties 
de  murailles.  Plusieurs  chapelles  étaient 
encore  très  visibles;  on  admirait  encore,  sur 
les  parois  de  quelques-unes,  l'or  et  l'argent 
qu'y  avait  prodigués  la  palette  du  peintre. 

La  cathédrale  occupait,  outre  la  place 
Fénelon,  une  partie  de  l'emplacement  où 
s'élève  l'hôtel  circonscrit  par  les  rues  des 
Ratclots  et  de  Van  der  Burch;  et  les  maisons 
qui  font  face  au  jardin.  Abstraction  faite 
de  ses  dépendances,  elle  avait  5500  mètres 
carrés  de  surface,  plus  du  double  de  l'église 
actuelle  St  Aubert  et  St  Géry,  qui  a  2500 
mètres  carrés. 

I.  Ce  poilail  ctait  de  style  roman. 


£l9onograpl)te  de  l'ancienne  cathédrale  de  Cambrai.     119 


La  cathédrale  actuelle  a  2,900   mètres 
carrés. 

Si  la  destruction  du  superbe  monument 
a  été  complète,  la  maison  épiscopale  n'a  pas 
disparu  tout  à  fait.  En  1620,  l'évêque  Van 
der  Burch  y  fit  des  travaux  considérables. 
L'entrée  existe  encore,  mais  découronnée. 
«  Elle  se  compose  d'un  portail  principal, 
accompagné  à  droite  et  à  gauche  de  deux 
portiques  de  dimension  moindre.  Trois 
arcades  qui  dominent  ces  portails  sont  sup- 
portées sur  quatre  colonnes  cannelées  d'un 
effet  pittoresque.  Des  ornements  dans  le 
style  de  la  Renaissance  enrichissent  ce 
gracieux  monument.  Au-dessus  de  chaque 
porte  latérale  on  distingue,  parmi  les  ara- 
besques, un  écusson  orné  et  soutenu  par 
des  anges  :  sur  l'un  de  ces  écussons,  on  lit: 
A  Clave  lustitia;  sur  l'autre:  A  gladio  Pax; 
c'est-à-dire  :  «  De  la  clé  de  S.  Pierre  dérive 
la  Justice  ;  l'Épée  du  Roi  garantit  à  la  ville 
le  repos  et  la  paix.  »  Le  portail  principal 
portait  un  écusson  aux  armes  de  l'évêque 
Van  der  Burch,  avec  sa  devise.  Ce  motif 
d'architecture  a  disparu.... 

Puissent  ces  quelques  pages,  qui  repro- 
duisent scrupiiktisement  tout  ce  que  l'on  a 
pu  recueillir  touchant  l'ancienne  cathédrale 
de  Notre-Dame  de  Cambrai,  rappeler  à  la 
génération  actuelle  la  splendeur  de  ce  mo- 
nument, oeuvre  gigantesque  de  la  piété  des 
ancêtres. 

Ceux  qui  se  donnent  encore  la  peine  de 
réfléchir,  évoqueront  plus  facilement  les 
souvenirs  d'un  passé  qui  ne  fut  pas  sans 
gloire,  tout  en  se  reposant  à  l'ombre  des 
bosquets  et  en  jouissant  de  la  fraîcheur  des 
eaux  jaillissantes. 

Ils  fouleront  le  sol  sacré  de  l'antique 
église  avec  plus  de  respect  ;  car  ils  sauront 
que,  pendant  treize  cents  ans,  ce  fut  un 
centre  de  prières,  un  foyer  de  lumières,  un 


trésor  de  chefs-d'œuvre,  et,  qu'à  l'ombre 

de   ce   monument,    les  ancêtres   ont    vécu 

chrétiens,  libres  et  fiers. 

A.  P. 

Auteurs  consultés  :  Baldéric,  Chroniqtie 
d' Ajn'as  et  de  Cambrai,  XI^  siècle.  —  Ju- 
lien de  Ligne,  1615.  —  Dupont,  chanoine 
de  St-Aubert,  Histoire  ecclésiastique,  1767. 

—  Alexandre  Lenoir,  Revue  Celtique,  1806. 

—  Leglay,  Recherches  sur  l Église  de  Cam- 
brai, 1832.  -  Bruyelle,  Éphémérides,  mo- 
numents de  Cambrai,  1850.  —  Bouly,  Dic- 
tionnaire de  Cambrai,  1852.  —  Chanoine 
Thénard,  La  Terretir  à  Catnbrai,  1860, — 
Houdoy,  Recherches  artistiques  sur  la  ca- 
thédrale de  Cambrai,  1880.  —  Destombes, 
Histoire  de  l église  de  Cambrai,  1890. 


D.\NS  le  travail  érudit  et  plein  de 
recherches  que  l'on  vient  de  lire, 
par  lequel  l'auteur  évoque  tout  le  passé  de 
la  cathédrale  de  Cambrai  avec  ses  disposi- 
tions intérieures,  ses  chapelles,  le  riche  mo- 
bilier et  les  œuvres  d'art  qui  ornaient 
notamment  le  chœur,  M.  l'abbé  Pastoors 
rappelle  que  ce  chœur  est  le  chef-d'œuvre 
du  maître  Villart  de  Honnecourt,  qui  avait 
déjà  bâti  l'admirable  abbaye  de  Vaucelles, 
près  de  Cambrai. 

M.  l'abbé  Pastoors  ne  nous  fait  pas  con- 
naître où  il  a  puisé  cette  dernière  informa- 
tion qui  paraît  fondée.  On  sait  qu'un  album 
de  Villart  de  Honnecourt  s'est  conservé,  et 
que  cette  intéressante  collection  de  dessins 
de  l'architecte  du  XI 11°  siècle  a  été  l'objet 
d'une  publication  commencée  par  l'archi- 
tecte Lassus  et  achevée  par  Alfred  Darcel. 

L'album  contient  des  dessins  de  diffé- 
rentes catégories  :  Études  d'après  des 
monuments  que  Villart  a  visités,  croquis 
d'animaux,  de  figures  observées  ou  inven- 


120 


IRebue  te  V^vt  cîjrétten. 


tées  par  l'architecte,  et  plans  d'édifices 
éofalement  de  sa  composition.  Parmi  ces 
derniers  se  trouve  celui  du  chœur  de  la 
cathédrale  de  Cambrai,  alors  que  la  cons- 
truction, encore  à  son  soubassement,  com- 
mençait à  sortir  de  terre. 

M.  l'abbé  Pastoors  ne  nous  en  voudra 
pas  sans  doute  de  compléter  son  étude  de 
la  cathédrale  de  Cambrai  au  moyen  des 
recherches  des  deux  archéologues  français, 
dont  nous  reproduisons  les  annotations,  et 
auxquels  nous  empruntons  le  plan  terrier 
de  la  cathédrale  et  deux  élévations  de  la 
façade  ouest  et  d'une  façade  latérale.  Les 
notes  indiquent  la  source  de  ces  différents 
documents.  j     tt 

Nous  reprenons  l'étude  d'Alfred  Darcel  : 

«  Voici  d'abord  le  croquis  de  Villart  de 

Honnecourt  du  chœur  de  la  cathédrale  de 

Cambrai,  et  l'annotation  qui  l'accompagne. 

I.    «    Voscr  l'esligement  del  chavec 

MEDAME  SAINTE  MaRIE  DE  CaMBRAI  ENSI 
COM  IL  IST  nE  TERRE.  AvANT  EN  CEST  LIVRE 
EN  TROUVERES  LES  MONTEES  DEDENS  ET 
DEHORS,  ET  TOTE  LE  MANIERE  DES  CAPELES 
ET  DES  PLAINS  PANS  AUTRESI,  ET  LE  MA- 
NIERE DES  ARS  BOTERES  ». 

Voici  le  plan  dri  chevet  de  madame  sainte 
Marie  de  Cambrai,  tel  qu'il  sort  de  terre 
Plus  avant  eji  ce  livre  vous  en  trouverez  les 
élévations  du  dedans  et  du  dehors,  ainsi  que 
toutes  les  dispositions  des  chapelles  et  des 
murailles,  et  laforme  des  arcs-boutants. 

«  Nous  avons  déjà  insisté  sur  le  plan  de 
la  cathédrale  de  Cambrai  afin  de  prouver 
par  son  rapprochement  avec  les  études 
faites  à  Reims,  que  Villart  de  Honnecourt 
était  l'architecte  de  cette  église  de  Cam- 
brai, aujourd'hui  malheureusement  détruite, 
nous  donnons  (planche  LXVI I),  le  plan  de 
Notre-Dame  de  Cambrai  relevé  sur  place, 


lors  de  la  démolition  en  1796,  de  cet  édi- 
fice, vendu  comme  domaine  national  (•). 
En  le  comparant  à  celui,  beaucoup  plus 
sommaire,  tracé  sur  l'Album,  on  reconnaît 
leur  parfaite  identité,  à  un  détail  près:  c'est 
l'inflexion  du  mur  du  chevet,  à  sa  rencontre 
avec  celui  du  transept.  Dans  l'Album,  ce 
mur  suit  l'alignement  général,  parallèle- 
ment à  l'axe  de  l'église,  mais  en  exécution, 
la  place  nécessaire  pour  un  escalier  mon- 
tant aux  galeries  du  transept  a  fait  rentrer 
ce  mur  en  dedans,  tandis  qu'au  Nord  l'esca- 
lier, étant  placé  à  l'extrémité  du  transept, 
n'a  donné  lieu  à  aucune  déviation  du  plan.  A 
Reims  et  à  Cambrai  un  escalier  est  placé 
dans  l'épaisseur  du  mur  qui  sépare  la  cha- 
pelle centrale  du  chevet  de  la  première 
chapelle  au  Sud  ;  de  plus  chaque  groupe 
de  nervures  de  la  voûte  repose  sur  un 
massif  qui  fait  avant-corps  dans  l'église, 
comme  une  espèce  de  contre-fort  intérieur 
destiné  à  donner  plus  de  solidité  au  système 
et  à  unir  une  grande  force  à  une  excessive 
légèreté. 

«  Quant  aux  élévat'ons  intérieures,  elles 
nous  font  défaut,  et,  pour  les  élévations 
extérieures,  il  faut  nous  en  rapporter  à  celles 
que  nous  donnons  d'après  le  plan  en  relief, 
dressé  en  1695  (2).  On  reconnaît  facilement 

1.  Ce  plan  a  été  relevé  par  M.  S.  M.  Boileux,  archi- 
tecte de  la  ville  de  Cambrai,  et  remis  en  1S27,  par  son  fils, 
qui  lui  succéda,  à  M.  de  Baralle,  architecte  diocésain  du 
département  du  Nord,  qui  nous  l'a  transmis.  Nous  pen- 
sons que  ce  plan  a  dû  être  dressé  sur  le  monument  encore 
existant,  du  moins  jusqu'à  une  certaine  hauteur  au-dessus 
du  sol,  puisque  ce  plan  indique  les  fenêtres  du  rez-de- 
chaussée  et  la  galerie  intérieure  placée  à  leur  niveau.  Un 
autre  plan, signé  et  parafé  parle  sieur  Des  Anges,secrétaire 
de  F'énélon,  que  possède  M.  de  Haralle,  constate  les  mu- 
tilations que  le  chœur  de  Notre-Dame  de  Cambrai  a 
subies  sous  cet  illustre  prélat.  Il  indique  les  travaux  de 
marbrerie,  de  menuiserie  et  de  serrurerie  effectués  dans 
le  chœur  et  le  transept  conformément  au  contrat  passé 
à  Paris  le  20  avril  et  ratifié  à  Cambrai  en  plein  chapitre 
le  8  mars  1719  (L). 

2.  Ce  plan  en  relief  de  la  ville  de  Cambrai,  emporté, 
comme  trophée  d'une  ville  conquise,  par  les  Prussiens  en 
suite  de  l'invasion,  est  aujourd'hui  conservé  à  Berlin,  dans 


a3onograpl)ie  îie  l'ancienne  catl)éî)rale  De  Cambrai. 


121 


^^nntc^^AP^^  csmfev^-enfx  corn  »t  i^-^ 
fWA^t^î^^atiîmt;  ^ce{V^lu^r  entvôuxtc^ 


les  différents  styles  de  l'édifice.  La  nef,  les 
transepts,   la    tour    de    la    façade  jusqu'au 

un  établissement  appartenant  au  corps  du  génie.  M. 
Schnaase,  qui  a  fait  exécuter  pour  Lassas  les  dessins 
gravés  dans  les  planches  L.WIII  et  LXIX,  donna  sur  lui 
les  renseignements  suivants,  le  20  décembre  1S52  :  i  Le 
plan  relief  de  Cambrai  contient  la  cathédrale.  Elle  est  au 
milieu  du  relief  qui  a  un  diamètre  d'à  peu  près  .)'",5o,  de 
manière  que,  malgré  les  proportions  passablement  gran- 
des du  modèle  de  l'édifice,  il  est  trop  éloigné  pour  pouvoir 


niveau  du  comble,  sont  de  construction 
romane  ;  et  de  là  plus  simples  (  1 023  à  1030, 

être  dessiné.  >  Mais  la  permission  de  déplacer  la  cathédrale 
ayant  été  obtenue,  M.  Schnaase  ajoute  :  «  Pour  tous  les 
détails  je  puis  vous  en  garantir  l'exactitude,  quoique  le 
modèle  soit  trop  petit  pour  donner  avec  précision  ceux 
des  moulures,  du  tracé  des  fenêtres  et  de  la  balustrade 
qui  entoure  le  toit  du  chœur.  > 

D'un  autre  côté,  M.  de  la  Fremoire,  ingénieur  du  che- 
min de  fer  du  Nord,  écrivait  de  Stettin,  le   15  décembre 


122 


3Rrbur  ïie  V^xt  fbrctten. 


ne.    cfltCBi^fli 


124 


3^rt)ur  Dr  V^xt  rl^rctien. 


S©onograpl)îe  De  l'ancienne  catl)édvale  De  Cambrai.    125 


et  1068  à  1079).  Les  contreforts  au  de- 
dans de  la  nef,  les  arcs-boutants  des  tran- 
septs doivent  être  des  additions  postérieu- 
res, destinées  à  maintenir  les  voûtes.  Il  en 
est  de  même  du  dernier  étage  du  clocher, 
ainsi  que  de  la  flèche,  qui  semblent  appar- 
tenir à  la  fin  du  XI  1I«  siècle.  Cette  tour 
est  flanquée  de  deux  tourelles,  placées  en 
avant  et  presque  indépendantes  d'elle,  mais 
qui  ne  montent  que  jusqu'à  la  partie 
romane  ;  au-dessus,  l'escalier  doit  être  inté- 
rieur, et  l'on  ne  retrouve  rien  qui  rappelle 
le  système  suivi  à  Laon,  et  cela  sans  éton- 
nement,  car  cette  partie  semble  postérieure 
à  Villart  de  Honnecourt,  les  travaux  de 
l'église  ayant  été  poursuivis  jusqu'en  l'an- 
née 1472  ('). 

«  Il  faut  ajouter  la  cathédrale  de  Cambrai 
à  la  liste  des  rares  églises  dont  les  transepts 
sont  arrondis  ;  ceux-ci  sont,  de  plus,  con- 
tournés par  une  galerie   intérieure,  tandis 

1855.  <  Voici  ce  que  porte  l'écriture  du  plan  de  Cambrai  : 
Fait  en  lôçj,  réparé  en  ijyj-iSf^  ;  éclulle  de  6  pouces 
pour ^o  toises.  La  date  de  1845  se  rapporte  à  une  simple 
réparation,  qui  a  consisté  à  le  peindre.  L'échelle,  comme 
vous  voyez,  est  trop  petite  pour  qu'il  puisse  y  avoir  beau- 
coup de  détails.  Ainsi  la  cathédrale  a  approximativement 
o'",2o  de  longueur  sur  o™,  12  de  largeur.  Les  clochers, 
fenêtres,  arcs-boutants  se  distinguent  facilement,  mais  il 
n'y  a  pas  de  détails,  et  si  les  dessins  de  M.  Lassus  en 
donnent,  c'est  que  l'architecte  les  a  devinés  et  rétablis.  > 
En  présence  de  ces  deux  lettres,  et  de  la  garantie  d'exac- 
titude donnée  par  M.Sclinaase,nous  devons  croire  que  les 
détails  reproduits  de  la  grandeur  du  modèle  sont  exacte- 
ment accusés  sur  celui-ci,  et  que  nos  gravures  ne  lui 
prêtent  rien  (A.   D.) 

I.  Ce  clocher,  avec  la  flèche  qui  le  surmonte,  existait 
encore  en  i8o5,  bien  qu'il  ait  éié  frappé  à  nombreuses 
reprises  par  la  foudre,  et  je  vois  dans  un  rapport  adressé 
à  l'Académie  celtique,  par  Alexandre  Lenoir,  qu'il  fut  un 
moment  question  d'en  faire  le  lieu  de  sépulture  de  Féne- 
lon.  Mais  le  mauvais  état  de  ce  débris,  qui  croula  deux 
années  plus  tard,  empêcha  de  donner  suite  à  ce  projet 
bizarre  et  grandiose.  (A.  D.) 

Ludovic  Vitet.  Monographie  de  la  cathédrale  de  Noyon; 
chapitre  des  Éi^lises  à  transepts  arrffndis. 

Julien  Deligne,  historien  du  XVI=  siècle,  dans  son 
Sommaire  des  antiquités  de  P Eglise  archiépiscopale  de 
Cambrai. 

N.  B.  La  note  signée  L,  est  de  Lassus  ;  celle  signée 
A.  D.,  sont  d'Alfred  Darcel. 


qu'une  chapelle  circulaire  à  deux  étages 
leur  est  adossée  du  côté  du  Levant.  Ces 
dispositions,  qui  semblent  spéciales  aux 
églises  du  Nord  et  des  bords  du  Rhin, 
ont  été  reproduites  au  XI  1  1^  siècle,  avons- 
nous  dit  déjà,  à  Marbourg,  dans  une  église 
dédiée  à  sainte  Elisabeth  de  Hongrie,  qui, 
bien  que  morte  en  1231,  lors  de  la  recon- 
struction du  chœur  de  Notre-Dame  de 
Cambrai,  en  i  230,  «  ayda  par  or  et  par  ar- 
gent àachever  le  dit  chœur.  »  C'est  ce  chœur 
qui  est  l'œuvre  de  Villart  de  Honnecourt  : 
nous  reconnaissons  dans  les  dessins  faits 
d'après  le  plan  en  relief,  que  les  fenêtres 
des  chapelles  sont  séparées  par  un  meneau 
central,  et  occupées  dans  leur  ogive  par 
une  rose  à  six  lobes,  comme  à  Notre-Dame 
de  Reims.  Même  principe  pour  les  fenêtres 
hautes  ;  seulement,  à  Cambrai,  les  rosaces 
sont  à  quatre  lobes,  et  des  frontons  les 
surmontent,  accompagnés  de  pinacles  éle- 
vés au-dessus  des  contre-forts  et  compre- 
nant la  balustrade  du  grand  comble,  dans 
leur  ordonnance  :  disposition  qui  ne  se 
retrouve  pas  à  Reims,  mais  qui  semble 
imitée  de  la  sainte  Chapelle  du  Palais  ;  et 
est  peut-être  une  addition  à  l'œuvre  primi- 
tive. De  plus,  les  arcs-boutants  du  chevet, 
qui  sont  à  double  volée  à  Reims,  sont 
simples  à  Cambrai  ;  mais  la  forme  des 
amortissements  des  contre-forts  qui  les 
reçoivent,  tellement  indécise,  qu'il  nous 
setnble  difficile  de  les  attribuer  à  un  siècle 
plutôt  qu'à  un  autre,  et  en  même  temps  si 
éloignée  de  l'élégance  des  contre-forts  de 
Reims,  nous  fait  croire  à  un  remaniement 
postérieur.  Si  donc  les  élévations  nous 
paraissent  dissemblables,  il  faut  surtout 
limputer  aux  constructions  qui  sont  venues 
remplacer  celles  qui  avaient  dû  être  élevées 
par  Villart  de  Honnecourt,  car,  les  plans 
étant  identiques,  les  formes  qu'ils  comman- 
dent ont  dû  être  les  mêmes. 


RBVUe  DE  L  ART  CHRETISN. 
1904.  —  2'"-  I.lVRAI';ON, 


î^  \^iL  \^H  K^*  A^*  A^^  A^^  A^*  A'ViU  A^^  iSln  \^A  ij^  A^-A  A^^  \^^  ^^1^. 


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Carnet  ïie  bOjage '\—  ©aDoue,  Vcntse,  Cortma 


D'Hînpe530, 16îetîe  îit  GaDore ,  Trét)ise,Vîcence  (Suite) 


ntlIIIIII  JIIIlIIljrrTItlIIIrrTl^TTTVT-fT-iriTI-rTTTTTT-lTlf  TTT•rl:^TTTTTTlfTTTTTITy^TTTTTTyTTTT^TT-fTT^TTTTTTÏTTT^T^  IIIll 


'«^^^^^^^^^^^'^^"^^^^^^^^M^^*^^^^^*"^^'^^^^'^^^»^^^^ 


A  cathédrale  est  très  an- 
cienne; elle  a  été  agran- 
die au  XI I*^  siècle  et 
modifiée  au  XV^  et  au 
XVI  Ile. 

Elle  renferme  diver- 
ses sculptures  dont  la 
principale  est  le  beau  monument  de  l'é- 
vêque  Zanetti  par  di  Lombardi  ;  au-dessus 
du  tombeau,  la  statue  du  Rédempteur,  le 
globe  dans  sa  main  ;  à  ses  pieds,  l'évêque 
agenouillé  et  un  prêtre  tenant  la  crosse 
pastorale. 

Sur  l'autel  de  la  chapelle  de  l'Annoncia- 
tion se  trouve  V Annonciaiion  de  Titien, 
commandée  par  le   chanoine   Malchiostro 

C'est  la  plus  célèbre  peinture  de  Trévise, 
mais  je  ne  puis  partager  l'admiration  qu  elle 
provoque. 

La  Vierge,  très  belle  de  figure,  est  à  ge- 
noux sur  le  sol  d'un  portique  s'ouvrant  sur 
la  campagne  ;  la  douce  impression  qu'ins- 
pire sa  physionomie  est  gâtée  par  l'ange 
Gabriel,  représenté  en  jeune  garçon, à  larges 
ailes  déployées,  qui  accourt  à  grands  pas 
en  gesticulant,  et  visiblement  inconscient 
de  sa  mission.  Le  chanoine  Malchiostro 
s'est  lait  représenter  à  genoux  sur  les  mar- 
ches du  portique  ;  il  est,  il  est  vrai,  de 
petite  taille,mais  il  se  détache  très  nettement 
du  fond  du  paysage.  Il  est  regrettable  que 
Titien  ait  eu  la  faiblesse  de  céder  à  cette 
malencontreuse  fantaisie. 

Titien  a  aussi  à  Venise  deux  Annoncia- 
tions  :  l'une  à  la  Scuola-San-Rocco,  l'autre 
dans  l'église  du  Rédempteur. 

I.  V.  la  Kevueàe  sept.  1903,  p.  3S4  et  de  janv.  \<jo^,  p.  14. 


A  mon  sens  aucune  n'est  satisfaisante  ;  il 
n'a  pas  compris  le  mystère,  pas  plus  du  reste 
que  d'autres  grands  peintres  du  XV I^  siècle, 
notamment  Véronèse,  Tintoret  et  même 
Léonard  de  Vinci,  si  toutefois  les  AnnoTicia- 
tions  qu'on  lui  attribue  sont  de  lui.  Pour 
l'interprétation  idéale  du  mystère,  la  palme 
reste  aux  peintres  de  la  Toscane  et  de 
rOmbrie  et  surtout  à  l'incomparable  Fra 
Angelico. 

Parmi  les  autres  tableaux  de  la  cathé- 
drale, on  remarque  de  Girolamo  da  Treviso, 
avec  la  date  de  1487,  une  Madone  sur  le 
trône,  saint  Sébastien,  saint  Rock  et  des 
anges  mtisiciens  ;  une  Assomption  de  Pier 
Maria  Pennachi  1464-1528;  la  Gloire  de 
sainte  Euphémie,  avec  saint  Jean-Baptiste 
et  sainte  Catherine  par  Pier  Francesco 
Bissolo  de  Trévise,  peinte  vers  1520,  dans 
une  coloration  claire  et  harmonieuse  et  une 
procession  devant  la  cathédrale,  très  habi- 
lement présentée,  en  1571,  par  Francesco 
de  Dominicis,  dont  on  ne  connaît  pas  d'au- 
tres peintures. 

Les  autres  églises  de  Trévise  possèdent 
aussi  de  nombreux  tableaux  dont  les  princi- 
paux sont  attribués,  peut-être  avec  trop  de 
complaisance,  à  Jean  Bellin,  Pordenone, 
Palma  le  vieux  et  autres  peintres  célèbres. 
Il  semble  cependant  que  c'est  avec  raison 
qu'on  donne  àTommaso  da  Modena  une  très 
belle  Madone  avec  saint  Jérôme  Miani  et 
sainte  Fosca  peinte  à  fresque  dans  l'église 
Sainte-Marie-Majeure  ;  je  regrette  de  ne 
pouvoir,  faute  de  document,  reproduire  cet 
intéressant  ouvrage. 

En  plus  de  son   musée   civique,  réunion 


Carnet  ûe  tjopage. 


127 


de  sculptures  et  de  fresques,  Trévise  a  une 
pinacothèque  communale,  d'environ  trois 
cents  tableaux.  En  grande  partie  ils  pro- 
viennent de  collections  entières  léguées  ou 
données  ;  en  pareil  cas,  on  accepte  tout. 
Aussi  la  pinacothèque  est  de  médiocre 
importance  et  les  quelques   bons   ouvrages 


de  Jean  Bellin,  Bassano,  Tintoret,  Lotto, 
Schiavone,  Palma  le  Vieux, sont  noyés  dans 
une  accumulation  de  tableaux  de  peintres 
d'ordre  inférieur. 

Comme  dans  beaucoup  de  galeries  ita- 
liennes, on  y  trouve  un  certain  nombre  de 
flamands  :  Blés,  Franck-le-Vieux  et  un  pay- 


Palais  délia   Ragioiie  de  Vicence.    Palladio,  T550.  (Photogr.    .^i.inari,  Florence.) 


sagiste  Xylembroucke,  que  je  confesse  ne 
pas  connaître,  même  de  nom. 

A  Vicence  c'est  l'architecture  qui  domine  ; 
il  y  a  peu  de  cités  en  Italie  qui,  par  rapport 
à  leur  superficie  et  au  nombre  des  habitants, 
aient  autant  d'anciens  palais. 

Le  maître  est  le  grand  Palladio  (Andréa 
(  1 508- 1 580),  enfant  de  Vicence,  l'architecte 
le  plus  insigne  de  l'Italie  au  XVI^  siècle  ; 
il  s'est   inspiré  de  l'antique,    mais   il    a   su 


donner  néanmoins  à  ses  constructions  une 
grandeur,  une  logique  et  un  caractère  parti- 
culier ;  le  regard  et  l'esprit  sont  charmés  à 
la  vue  de  ses  monuments. 

Nous  reproduisons  l'édifice  qui  a  conser- 
vé le  nom  de  Basilica  ou  Palazzo  délia  Ra- 
gione  (I). 

I.  L'expression  était  souvent  usitée  en  Italie  ;  la 
Ragione  est  la  faculté  intellectuelle  qui  permet  de  discer- 
ner le  vrai  du  faux  dans  l'ordre  moral  et  matériel. 


128 


Belluc  De  r?lrr  cbrcticn. 


On   croit,  mais   sans  preuves  certaines, 
que  le  premier  palais  remonte  au  V  I<^  siècle  ; 


il  subit  plusieurs  incendies  et  éboulements 
partiels  ;    le    municipe    résolut   de   le    faire 


Loggia  Bernardo.    Palais  communal  île   Vicence.    Palladio,   1576.  (Pliotogr.  Alenahi,  Florence.) 


reconstruire  et,  après  concours,  Palladio  fut 
charç^é  des  travaux  ;   ils  commencèrent  en 


1549   et   furent    terminés  en    1614.    Nous 
donnons    également    le    Palais   communal, 


Carnet  îie  topage, 


129 


Porte  majeure  de  l'église  Saint-Laurent  a  Viceuce.  Frère  Pace  da  Lugo,  1344   (Photogr  Alinabt,  Florence.) 


130 


îRcbur  tic  ran  cbvctiru. 


ancienne  loggia  Bernarda  Les  deux  mo- 
numents donnent  une  idée  juste  des  nom- 
breuses constructions  de  Palladio  à  Vicence 
et  dans  les  autres  parties  de  l'Italie. 


Vicence  a  toujours  eu  un  goût  très  vif 
pour  l'architecture. 

Le  Dôme,  massive  construction  souvent 
remaniée,  remonte  au  XI 11^  siècle. 


Sanctuaire  du  inout  Berico  a  Vicence   Palladio,  puis  Borblla,  1688.  (Photogr.  Alinari,  Florence.) 


L'église  Saint- Laurent  était  au  XII^ 
siècle  une  simple  chapelle  des  Franciscains; 
elle  fut  achetée,  en  13  15,  parle  municipe  et 
transformée  en  église.  La  porte  majeure  de 
la  façade,  que  nous  reproduisons,  a  été  con- 


struite, en  1344,  sur  les  plans  du  frère  Pace 
da  Lugo. 

On  remarquera  que  deux  colonnes  sont 
supportées  par  des  lions  ;  la  même  particu- 
larité s'observe  ailleurs.  Saint  Charles  Bor- 


romée  a  exprimé  l'opinion  que  ce  symbole 
était  significatif  de  la  vigilance  du  clergé. 

En  1796.  San  Lorenzo,  comme  beaucoup 
d'autres  églises,  fut  remis  à  l'autorité  mili- 
taire, puis  transformé  en  magasin  à  four- 
rages. Le  municipe  racheta  l'édifice  en  1 845 
et  le  rendit  au  culte. 

Il  renferme  plusieurs  tableaux  dont  un 
d'Antonio  Veneziano  (1512-1386)  et  un 
grand  nombre  de  sépultures,  dont  celle 
du  bienheureux  Bartolomeo  da  Breganze, 
l'ami  du  roi  de  France,  saint  Louis,  mis  à 
mort  par  ordre  de  Eccelino,  tyran  de 
Padoue. 

L'écroulement  du  campanile  de  Venise, 
en  1902,  a  attiré  l'attention  des  architectes 
de  la  conservation  des  monuments  natio- 
naux sur  divers  édifices  menacés. 

En  première  ligne,  le  ministre  de  l'In- 
struction publique  et  des  Beaux-Arts  et  le 
ministre  des  Cultes  ont  placé  la  basilique 
de  San  Lorenzo,  dont  les  murailles  étaient 
crevassées,  les  travaux  sont  en  cours  actuel- 
lement, et  l'église  est  fermée. 

L  amitié  de  saint  Louis  pour  Bartolomeo, 
évêque  de  Vicence,  a  valu  à  la  cité  le  don 
d'un  fragment  de  la  vraie  Croix  et  de  la 
Couronne  d'épines  de  notre  Sauveur. 

Voici  la  lettre  de  saint  Louis  qui  a  été 
conservée. 

Lodovico  pergratia  di  Dio  re  di  Franc  ta. 

Al  stio  diletto  in  Christo  Bartolomeo  per 
la  medesima  gratia  Vescovo  Vtcentino, 
salute  et  affetto  di  situera  dilettiotie. 

Ad  instantta  ho  conferttiato  la  vostra 
dottiatida  in  segno  di  dilettione  del  pretioso 
legno  délia  Croce  et  un  Spina  délia  sacro- 
satita  Corona  del  Signore  ;  attentaiiiente 
pregando  la  dilettiotie  vostra,  che  sino  aile 
fitie  conserviate,  et  la  facciate  coti  honore 
cottservare,  vogliate  pregar  per  noi  et  facciate 
fare  orationi  spirituali. 


Data  in  Parigi  l'anno  del  Signore  I2^ç 
in.  giorno  di  giovedi  dopo  la  /esta  invernale 
del  Beato  Nicolb  et  in perpettw  testimotiio  di 
questa  casa  habiatno  comatidato  et  fatto  bol- 
lare  le  presettli  lettere  con  li  tiostri  stgilli 
correndo  l'antio  del  Signore  1266  nella  tndi- 
tione  tiona.  del  tnese  di  Lugho. 

Ce  fut  pour  la  conservation  de  ces  pré- 
cieuses reliques  que  les  Dominicains  firent 
construire,  en  1260,  l'église  Santa  Corona, 
dont  la  belle  façade  en  briques  vient  d'être 
récemment  restaurée. 

Le  sanctuaire  de  la  Madonna  di  Monte 
Berico,  reproduit  ici,  est  situé  sur  une 
colline  hors  de  la  cité  ;  on  y  accède  par  une 
galerie  de  166  arcades,  construite  en  1748; 
c'est  en  réduction  la  galerie  de  635  arcades 
commencée  en  1676,  qui,  de  Bologne,  con- 
duit au  sanctuaire  de  la  Madonna  di  San 
Luca,  élevé  sur  le  Monte  délia  Guardia. 

On  admet  que  les  plans  de  l'église  du 
Monte  Berico  appartiennent  à  Palladio, 
mais  en  fait  l'édifice  a  été  construit,  en 
1688,  par  Borella. 

Le  sanctuaire  est  très  vénéré;  il  est  des- 
servi par  les  Servîtes  de  Marie. Il  faut  recon- 
naître que  la  générosité  des  fidèles  a  donné 
aux  Frères  l'occasion  de  déployer  dans 
l'église  un  luxe  de  décoration  très  exagéré. 

La  construction  au  moins  est  restée  in- 
tacte, ce  qui  n'a  pas  eu  lieu,  pour  bien  des 
raisons,  dans  beaucoup  d'autres  édifices 
religieux  de  Vicence,  dont  les  notes  d'un 
simple  Carnet  de  Voyage  ne  peuvent  être 
amplifiées  ici. 

L'architecture  est  le  charme,  dans  les 
rues  de  Vicence,  de  ceite. passegiata, —  pro- 
menade, —  si  chère  aux  Italiens,  après  le 
labeur  de  la  journée.  Mais  avant  Palladio  la 
cité  avait  de  très  beaux  palais  particuliers, 
dont  plusieurs  remontent   au  XI V"'  siècle. 

En  architecture,  je  n'ai  que  mon  impres- 


132 


Brbur  tic  ran  cbvétien. 


sion  visuelle,  sans  rien  connaître  de  la 
technique, qui,  du  reste,  m'importe  fort  peu; 
c'est  donc  avec  plaisir  que  j'ai  regardé  à 
Vicence,  à  côté  des  nobles  constructions  de 


Palladio,  les  légers  et  élégants  palais  dans 
le  style  ogival  si  élégant  de  Venise  dont  le 
type  accompli  est  La  Cà  d'oro,  élevée,  en 
1310,  sur   le  Grand  Canal.  L'appareil   est 


Lamentations  sur  le  corps  de  Jésus-Chnst.    Bartolomeo  Montagna,  ,5=0.  Sanctuaire  du  mon.  Berico  à  Vicence.  (Pho.ogr.  A,,,nari,  Florence.) 


ici  en  briques,  mais  la  modestie  de  la  ma- 
tière ne  fait  aucun  tort  à  l'aspect. 

La  vue  de  toutes  ces  séduisantes  archi- 
tectures ne  doit  pas  cependant  détourner 
de  la  peinture. 

Nous  sommes  ici  dans  le  centre  le   plus 


important  de  ces  pays  du  Frioul,  du  Cadore, 
du  V'eneto  de  terre  ferme,  vertes  plaines 
boisées  d'une  part  et,  de  l'autre,  plus  ou 
moins  éloignées  des  prcalpi,  premières 
montagnes  des  Alpes,  qui  vont  grandis- 
santes jusqu'aux  vallées  du  Tyrol. 


Carnet  tie  tïopage. 


133 


La  nature  semble  disposée  pour  favoriser 
le  goût  de  la  peinture,  et,  en  fait,  de  grands 
peintres  vénitiens  ont  passé  là  leurs  pre- 
mières années. 

Le  groupe  des  peintres  vicentins  restés 
plus  ou  moins  sur  la  terre  natale  a  laissé 
beaucoup  de  tableaux  dans  la  contrée  ;  en 
général  ils  n'ont  pas  de  caractère  très  parti- 
culier ;  ils  ont  subi  l'influence  de  Padoue 
et  de  Venise  et  ont  conservé  de  Mantegna 
surtoutune  tendance  vers  le  réalisme.  On  ne 
peut  nommer  ici  que  les  principaux  dont 
les  œuvres  sont  conservées  dans  les  églises 
de  Vicence  et  dans  la  pinacothèque  munici- 
pale établie  dans  le  superbe  palais  Chiere- 
gati,  construit  par  Palladio  : 

Bartolomeo  Montagna  (1450-1523).  La 
Madone  avec  des  Saints.Çi\ovà.w\\\  Speranza, 
contemporain  de  B.  Montagna:  V Assomp- 
tion. Giovanni  Buonconsiglio,  dit  Mares- 
caldo,  de  la  même  époque:  Les  lamentations 


sur/e  corps  du  Christ.  Marcello  Fogolino,  du 
même  temps,  X Adoration  des  Rois  Mages, 
etc. 

Dans  les  églises  de  Santa  Chiara,  de 
San  Giovanni  Ilarione,  de  Santa  Corona  et 
dans  la  cathédrale  on  retrouve  ces  peintres 
et  surtout  Bartolomeo  Montagna.  Son  ta- 
bleau le  plusconnu  est  dans  le  sanctuaire  de 
la  Madone  au  Monte  Berico  ;  je  le  repro- 
duis comme  un  spécimen  du  genre  de 
Vicence  au  XVP  siècle. 

Maintenant  je  ferme  mon  Carnet,  je  n'en 
ai  pas  extrait  toutes  les  notes  prises  dans 
cette  aimable,  belle  et  intéressante  cité  ; 
aussi  bien,  dans  les  voyages  en  Italie,  il  faut 
savoir  mettre  un  terme  aux  impressions, 
en  crainte  d'une  abondance  de  choses  et  de 
noms  qui,  insensiblement,  mettent  la  con- 
fusion et  le  trouble  dans  l'esprit. 

Gerspach. 


^  :^_  ^  ^,  :^  .^  .^  .^  .^  .^  :^  ^,  ^,  ^  ^  ^  ^,  ^  :^  :^  .^  .^  :^  :^  :^  fe 


^ 


lies  confessions  et  les  CrppteS  Dc  StFcrrcol  oe  Besançon, 


^ 
é 
À 


DC  St^flBarccl  DC  Gf)âlon=siir=Haônc  et  De  St=Valcncn  De  Tournus. 


^WWW^^^fWWWWWWWWWWWWWWWWWWWW^ 


immr.'ç.'^-'  •^■';?g '  A I     dû     meloisJiier    un 
S' S^^^""?^^;  ;;   moment    de    l'itinéraire 
'3   que  je  m'étais   tracé,   et 
faire   une  excursion   en 
S:  Aquitaine   pour   répon- 
^   dre  sans  retard  aux  ob- 
'-         ;  V, ,     :io  jections  que  soulevait  la 

question  de  l'âge  de  la  crypte  de  Saint- 
Seurin  de  Bordeaux  ;  je  m'empresse  de 
revenir  dans  les  vallées  du  Rhône  et  de  la 
Saône,  c'està  dire  dans  la  région  qui  subit 
le  plus  immédiatement  l'influence  des 
apôtres  de  Lyon  et  de  leurs  disciples. 

Bien  des  cités  gauloises  ont  eu  leurs 
martyrs  de  la  foi  chrétienne,  mais  aucune 
ne  peut  s'enorgueillir  comme  la  ville  de 
Lyon,  d'avoir  produit  toute  une  légion  de 
croyants  assez  vaillants  pour  préférer  la 
mort  à  toute  apostasie.  Ceux  que  nous 
rencontrons  ailleurs  en  parcourant  la  pro- 
vince sont  toujours  isolés  un  par  un  ou  par 
petits  groupes,  un  prêtre  ou  un  évêque 
avec  son  diacre  et  son  sous-diacre.  La  chré- 
tienté à  Lyon  étant  très  nombreuse,  il  est 
croyable  que  les  églises  voisines  lui  ont 
emprunté  leurs  apôtres  et  leurs  mission- 
naires, que  saint  Pothin  et  saint  I renée  ont 
envoyé  Valérien,  Marcel,  Ferréol,  Félix, 
Fortunat,  Achillée,  Julien,  Andéol  sur  les 
bords  de  la  Saône  et  du  Rhône  ;  c'est  un 
fait  qu'on  peut  admettre  sans  blesser  la 
vraisemblance. 

Perréol  et  F"errucion,  honorés  à  Besan- 
çon comme  martyrs  du  II F  siècle,  sont 
toujours  associés  comme  deux  contempo- 
rains qui  seraient  partis  ensemble  à  la  con- 
quête de  la  Séquanaise  et  auraient  versé 
leur  sang  pendant  la  même  persécution  ('). 

I.  Ac/a  55.  junio  mense,  X\  I"  die,  t.  III,  p.  S. 


Grégoire  de  Tours,  qui  avait  lu  le  récit  de 
leur  passion  «  ut  passio  déclarât  »,  rapporte 
que  la  cité  de  Ves7tntio  les  considérait  avec 
orgueil  comme  ses  martyrs  particuliers  et 
se  vantait  d'être  témoin  de  nombreux  mi- 
racles. 

D'après  le  même  auteur,  les  deux  martyrs 
étaient  déposés  dans  le  secret  d'une  crypte 
«  in  abdito  cryptae  (')  »,  où  de  nombreux 
pèlerins  venaient  se  prosterner  encore  au 
Vl«  siècle.  Le  sol  sur  lequel  reposait  leur 
tombeau  était  couvert  de  feuilles  de  sauge 
qu'on  s'empressait  d'étendre  pour  leur 
faire  honneur.  Comme  la  plupart  des 
martyrs  des  premiers  temps,  ils  demeu- 
rèrent oubliés  dans  quelque  coin  de  la  nécro- 
pole pendant  un  temps  assez  long.  La  dé- 
couverte de  leur  sépulture,  d'après  la  Gallia 
christiana,  ne  serait  pas  antérieure  à  368  et 
à  l'évêque  saint  Aignan  qui  les  aurait  trans- 
portés dans  une  église  érigée  sous  l'invo- 
cation de  saint  Jean,  du  temps  de  l'évêque 
Hilaire  (325),  en  attendant  sans  doute 
qu'on  pût  construire  une  basilique  spéciale 
pour  les  recevoir  dans  le  lieu  même  où  ils 
furent  exhumés.  Il  ne  paraît  pas  que  les 
coutumes  de  l'église  de  Besançon  aient  été 
aussi  régulières  que  celles  des  autres  églises, 
il  est  vrai  que  l'histoire  de  ses  premiers 
évêques,  comme  les  origines  de  beaucoup 
de  ses  fondations  pieuses,  sont  eriveloppées 
d'une  grande  obscurité- 
Aucun  texte  ancien  ne  nous  éclaire  sur 
l'existence  de  l'abbaye  à  laquelle  fut  confiée 
la  garde  des  deux  martyrs  ;  le  fait  n'est 
attesté  que  par  un  auteur  du  XV  1^  siècle, 
Gilbert  Cousin  de  Nozeroy,  qui  sans  doute 
avait  compulsé  beaucoup  de  vieux   titres, 

I.   Ex gloria  tiiartyrum,  cap.  LXXI. 


îles  Confe0sions  et  les  crpptes. 


135 


car  il  est  affirmatifsur  ce  point  (').  La  petite 
celle,  dit-il,  qui  fut  élevée  par  l'évêque 
Aignan,  donna  nais'-ance  à  la  construction 
d'un  monastère, dont  l'existence  futanéantie 
par  des  circonstances  malheureuses  au  bout 
de  peu  de  temps.  Il  s'élevait  à  une  demi- 
lieue  de  la  ville  de  Besançon,  à  l'endroit 
marqué  aujourd'hui  par  le  village  de  Saint- 
Fergeux,  traduction  de  Sanctus  Ferreobis. 
C'est  le  même  édifice  qu'on  appelait  Saint- 
Ferrucion  au  XVII I^  siècle  et  dans  lequel 
on  découvrit,  en  1730,  le  sarcophage  d'un 
évêque  du  IV'^  siècle,  celui  de  Silvestre, 
découverte  qui  permet  de  supposer  d'autres 
sépultures  de  même  importance  introduites 
dans  ce  lieu  par  révérence  pour  les  deux 
martyrs  (  ). 

Dans  tous  les  cas,  leur  sanctuaire  n'avait 
pas  le  privilège  exclusif  des  sépultures 
épiscopales,  car  il  est  rapporté  dans  certains 
nécrologes  que  S.  Léonce  (399)  fut  inhumé 
à  St- Etienne,  S.  Prothade  à  l'église  Saint- 
Pierre  et  Ternatius  à  Saint-Paul  [f).  Dans 
les  villes  de  la  frontière  où  les  incursions 
des  Barbares  ont  été  fréquentes,  on  s'ex- 
plique que  les  usages  aient  été  bouleversés 
par  les  événements. 

A  Chalon-sur-Saône,  où  le  culte  de 
saint  Marcel  est  encore  vivant  autour  d'un 
puits  miraculeux  qui  attire  une  foule  de 
pèlerins,  le  4  septembre  de  chaque  année, 
dans  l'église  paroissiale  de  Saint-Marcel, 
on  ne  sait  rien  des  temps  primitifs  et  des 
dispositions  prises  pour  la  conservation  de 
ses  reliques.  Pourtant,  il  est  certain  que  sa 
mémoire  fut  toujours  singulièrement  hono- 

1.  Description  de  la  Franche  Comtés  traduite  pour  la 
première  fois  par  Achille  Chereau,  1863,  p.  94. 

2.  L'église  de  St-Fergeux  récemment  remplacée  par  un 
édifice  neuf,  datait  du  XVI'  siècle.  La  crypte  plus  an- 
cienne avait  été  dénaturée  et  transformée  au  début  du 
XVIIP  siècle. 

3.  Nous  empruntons  ces  citations  aux  colonnes  de  la 
Gallia  cltrisUana. 


rée,  puisque  Contran,    roi    de    Bourgogne, 
après  avoir   fait    réédifier  (■)  et   orner  son 
église,  la  choisit  pour  le   lieu  de   sa   sépul- 
ture (594).  Plus  tard,  un  cardinal  de  Rohan, 
évêque  de   Chalon,  jugeant  que  son   tom- 
beau était  au-dessous  de  sa  réputation,  fit 
élever    un    mausolée    magnifique    qui    est 
tombé    en    morceaux    sous    les  coups  des 
Protestants    comme   bien    d'autres    monu- 
ments (=).    La  basilique   de    Saint-Marcel, 
déjà  gouvernée  par  un  abbé  au  VI^  siècle  {% 
était  située  dans   la   banlieue,  à  3  kil.  vers 
l'Est,  par  conséquent  au  delà  de  la  Saône  ; 
elle  était  très  exposée   aux    déprédations, 
néanmoins  l'abbaye  qui  l'entourait  et  qu'on 
peut    avec    vraisemblance   faire    remonter 
au    roi    Contran,   fut    si    bien    entretenue, 
qu'elle  subsistait   encore  à  la  Révolution. 
Par  un  procès-verbal  de  fouilles  pratiquées 
par   l'évêque   Cirbald  (^),  on   sait   que   les 
corps  de  saint   Silvestre  et  de  saint  Agri- 
cola  furent  inhumés  près  de   saint  Marcel. 
Devant  tous  ces  témoignages  de  piété,  il 
ne  semble  pas  douteux  que  les  reliques  de 
saint    Marcel    furent    déposées    dans    une 
confession  spéciale  pendant  la  période  an- 
térieure à  l'an  mille. 

Ha  crypte  Dc  saint  Bbiliûcrt  De 
Tournus  (Saônc^et^Jïoire). 

SAINT  Valérien,  immolé  seul  à  Tour- 
nus,  au  début  du  II I^  siècle,  comme 
les  précédents,  serait  demeuré  obscur,  sans 
doute,  si  le  petit  monastère  qui  entourait 
sa  sépulture  n'était  devenu,  au  temps  des 

1.  Frédégaiie  se  trompe  en  disant  que  Contran  bâtit 
cette  église  la  24'  année  de  son  règne  (5S4-585),  car 
Grégoire  de  Tours  dit,  qu'elle  fut  assignée  comme  piison 
à  deux  évêques  par  le  concile  de  Châlon  de  579  {Hist. 
franc,  lib.  V,  cap.  28). 

Fredegani  schol.  Chron.,  lib.  L 

2.  Cl.  Parry,  Histoire  de  lu  ville  et  cité  dc  Châlon-sur- 
Saône,  1659,  infol.  pp.  51  et  52. 

3.  De gloria  martyrum,\.  \\\. 

4.  Acia  S  S.,  t.  II,  Martii  mensis,  p.  515. 


136 


îRcbut  De  rSrt  chrétien. 


invasions  normandes,  le  refuge  d'une  com- 
munauté de  Bénédictins  errants  qui  ve- 
naient du  Bas-Poitou,  portant  avec  eux 
diverses  reliques  et  notamment  le  corps  de 
saint  Philibert.  Pour  l'installation  des  nou- 
veaux arrivants,  il  fallait  des  constructions 
très  vastes,  qui  furent  tracées  sur  un  plan 
grandiose.  Dès  la  fin  du  IX^  siècle, l'église 


abbatiale  s'étendait  depuis  la  crypte  qui 
marque  la  place  du  chevet  mérovingien 
jusqu'au  narthex  de  l'entrée  occidentale 
dont  le  caractère  archaïque  frappe  tous  les 
visiteurs. 

Il  y  a  peu  d'églises  en  France  aussi 
importantes  et  aussi  curieuses,  au  point  de 
vue  de  l'histoire   de   l'architecture  romane, 


£jMg» 


Coupe  longitudinale  de  l'abbatiale  de  Tournus. 


que  l'église  abbatiale  élevée  au  XI^  siècle 
par  les  religieux  de  Saint-Philibert  deTour- 
nus.  Son  plan,  les  voûtes  de  sa  nef,  ses 
colonnes  élancées,  ses  chapiteaux,  ses  trois 
tours,  son  narthex  en  font  un  monument 
exceptionnel  pour  les  études  archéolo- 
giques. Cette  église  a  perdu  son  cloître 
presque  entièrement,  mais  elle  conserve 
sous  son  sanctuaire  une  crypte  qui  ne  res- 
semble à  aucune  autre  par  ses  dimensions, 
sa  hauteur  et  son  plan  d'étage,  3'",  50  sous 
clef  de  voûte.  Opposée  à  la  chapelle  Saint- 
Michel,  qui    est    construite   au-dessus    du 


vestibule  d'entrée,  à  l'Ouest,  au  niveau  de 
la  tribune  des  orgues,  comme  pour  symbo- 
liser l'église  triomphante,  la  crypte  figure 
la  période  des  souffrances  de  l'Église  de 
Tournus,  et  nous  rappelle  qu'elle  eut  l'hon- 
neur d'offrir  au  ciel  un  martyr,  saint  V^alé- 
rien,  premier  patron  de  la  ville,  au  temps 
de  S.  Pothin  de  Lyon.  On  sait  comment 
le  culte  de  saint  Philibert  vint  lui  disputer 
les  hommages  de  la  foule  sur  les  bords  de 
la  Saône.  Chassés  de  leur  île  par  les  inva- 
sions normandes,  les  religieux  de  Noir- 
moûtier  (Vendée)  avaient  traversé  le  Poi- 


iteô  confessions  et  les  crpptes. 


137 


cou,  l'Anjou  et  le  Berry  sans  pouvoir  trou- 
ver un  asile  à  leur  convenance;  ils  erraient 
portant  avec  eux  le  corps  de  leur  fonda- 
teur, saint  Philibert,  lorsque  le  roi  Charles 
le  Chauve  les  autorisa  à  s'établir  dans  le 
pays  de  Châlon.  L'acte  est  de  l'année  875  ('). 
Les  nouveaux  arrivants  étaient  nom- 
breux, ils  formaient  une  communauté  plus 
importante  que   le   petit   monastère  méro- 


Plan  de  la  crypte  de  Tournus. 

vingien  qui  les  avait  précédés,  ils  furent 
obligés  de  relever  les  ruines  qu'on  leur 
offrait  et  d'étendre  le  périmètre  des  cons- 
tructions. Au  X«  siècle,  une  invasion  de 
Hongrois  renversa  ce  qu'ils  avaient  édifié 
et  les  força  à  dresser  les  plans  d'un  nouvel 
établissement,  qui  dépassa  en  splendeur 
tout  ce  qu'ils  avaient  fait  auparavant,  et 
dans  lequel  fut  comprise  l'église  abbatiale 
que  nous  avons  sous  les  yeux. 

I.  €  Abbaliam  S.  Valenam  martyris  qu;t'  est  in  pago 
Cavilonensi  ubi  etiam  venerabilis  martyr  corpore  qiiies- 
cit.  »  Chifflet,  //is/.  de  l'abbaye  royale  de  Tournus,  p.  82. 


La  crypte,  qui  s'étend  sous  le  chevet,  la 
seule  partie  que  nous  ayons  à  décrire  pour 
notre  étude,  reproduit  en  contrebas  le  plan 
de  l'église  supérieure  ;  sa  cella  est  sous  le 
sanctuaire  et  le  chœur,  son  déambulatoire 
est  exactement  situé  au-dessous  de  celui 
qui  tourne  autour  de  la  colonnade  du 
maitre-autel.  On  voit  également  dans  le 
sous-sol  la  reproduction  des  cinq  chapelles 
absidales  qui  ornent  l'extrême  chevet.  Cette 
crypte  est  donc  en  réalité  une  sorte  d'église 
inférieure.  Aucune  partie,  n'est  demeurée 
close  et  mystérieuse,  la  circulation  est  libre 
dans  tous  les  sens.  La  cella,  qui  occupe 
le  milieu  du  sous-sol,  se  compose  d'une 
enceinte,  dans  laquelle  on  a  percé  cinq 
ouvertures  qui  sont  de  véritables  portes  : 
les  quatre  des  côtés  ont  0^^,90  de  largeur 
sur  2"\6o  de  hauteur,  celle  de  l'Orient  a 
i"^,o8.  Il  n'y  a  pas  trace  de  fenêtres  sinon 
dans  le  fond  de  deux  niches  demi  circu- 
laires qui  flanquent  la  porte  de  l'Orient,  ce 
sont  deux  petites  lucarnes  étroites,  hautes 
de  o"\79  sur  0"\30  de  largeur,  prenant 
jour  sur  le  déambulatoire.  Les  murs  de 
cette  cella  sont  des  massifs  de  maçonnerie 
de  i"\50  pour  lesquels  on  a  employé 
des  moellons  de  grosseur  moyenne 
(o™,30  X  o"\5o)  liés  par  d'épais  joints  en 
mortier  grossier. 

Quand  on  pénètre  dans  l'intérieur  de  la 
cella,  on  constate  que  l'espace  de  cette 
petite  nef.longue  de  9"^,8o,  large  de  5'",65, 
est  partagé  dans  le  sens  de  la  longueur  en 
cinq  travées  couvertes  de  petites  voûtes 
hémisphériques,  façonnées  d'après  un  pro- 
cédé des  plus  primitifs  avec  du  blocage  jeté 
sans  ordre  sur  des  formes.  L'ouvrier  a  em- 
ployé pour  le  cintrage  des  planchettes  qui 
ont  laissé  partout  les  traces  de  leur  em- 
preinte et  de  leurs  joints  (').  Pour  supports, 

I.  Les  voûtes  s'arrêtent  aux  abords  du  puits  et  laissent 
un   vide   de  o'",2o.  Au  même  endroit,   on   aperçoit  aussi 


138 


3Rc\jur  tic  l'^vt  chrétien. 


on  a  dressé  le  long  des  murs  des  pilastres 
peu  saillants,  couronnés  de  tailloirs,  et  au 
milieu  des  colonnes  au  nombre  de  huit,  non 
fuselées,  qui  se  terminent  par  des  cha- 
piteaux ornés  comme  on  savait  le  faire 
dans  les  ateliers  de  l'époque  romane  ('). 
Au-dessus  des  chapiteaux  sont  des  abaques 
épais,  pour  recevoir  la  retombée  des  voûtes 
qui  ne  se  produit  pas  toujours  d'une  façon 
réorulière  sur  le  milieu  du  chapiteau.  Il  faut 
noter  encore  que  les  deux  colonnes  de  la 
première  travée  à  l'Orient,  ont  été  polies,  et 
ont  le  fût  renrté  ;  elles  ne  proviennent  pas 


de  la  même  carrière  que  les  autres  et  parais- 
sent plus  anciennes.  On  fait  la  même  re- 
marque au  côté  de  l'Occident, à  l'entrée  d'un 
enfoncement  qui  renferme  un  puits  ;  là 
encore  on  a  employé,  au  lieu  de  pilastres, 
deux  petites  colonnes  fuselées,  montées  sur 
un  socle  très  élevé  qui  n'ont  pas  la  même 
origine  et   la  même  date  que  les  autres. 

L'escalier  unique  par  lequel  on  descend 
aujourd'hui  dans  le  sous-sol,  en  partant  du 
transept  nord,  avait  son  pendant  dans  le 
transept  sud,  avant  que  le  Cardinal  de 
Bouillon  fît  exécuter,  en  1702,   de  grandes 


D 


6^ 


jMI,iO<  ( 


Lu 


carne 


Appareil  de  la  crypte. 

réparations  dans  cette  partie  de  l'église. 
Celui  du  Nord  fut  lui-même  pendant  quel- 
que temps  remplacé  par  un  autre  pratiqué 
dans  la  chapelle  de  saint  Pourçain,  la 
première  à  gauche  dans  le  déambulatoire  ; 
heureusement  l'architecte  Ouestel,  chargé 
des  restaurations  de  1846,  eut  la  bonne 
inspiration  de  rétablir  l'accès  primitif.  Il 
nous  reste  à  souhaiter  que  l'escalier  du  Sud 
ne  reste  pas  indéfiniment  fermé,  car  il  com- 
plétera les  lignes  harmonieuses  du  plan. 
Dans  la  plupart  des  églises,  l'accès  des 
cryptes  a  subi  les  mêmes  variations,  parce 


des  traces  de  fenestrage  qui  semblent   annoncer  la  pré- 
sence d'un  soupirail. 

I.  Les   feuilles   d'acanthe   sont   groupées  comme   les 
fleurs  dans  un  bouquet  uniforme. 


que  souvent  il  contrariait  les  projets  d'em- 
bellissement du  chœur  ou  entravait  la 
circulation. 

Tel  est  le  cadre  dans  lequel  les  généra- 
tions du  moyen  âge  et  des  temps  modernes, 
depuis  le  XI^  siècle  jusqu'en  1562,  sont 
venues  accomplir  leurs  dévotions  autour 
des  reliques  de  saint  Valérien.  La  crypte 
étant  aujourd'hui  absolument  déserte  et 
vide  de  tout  mobilier,  il  nous  est  assez 
difficile  de  dépeindre  la  physionomie  de  la 
cella.  quand  l'autel  était  en  place  ;  ce  que 
nous  pouvons  affirmer,  c'est  que  l'emplace- 
ment assigné  au  tombeau  qui  passe  pour 
être  celui  de  saint  Valérien  ne  lui  appar- 
tient pas  plus  que  l'invocation  du  même 
Saint  ne  convient  à  la  chapelle  absidale  du 


Hcs  confessions  et  les  cryptes. 


139 


milieu  où  il  est  exposé.  Si  nous  avions  un 
dessin  du  XI I*^  ou  du  XIIl^^  siècle,  nous 
le  verrions  dans  la  cella  elle-même,  à  la 
place  d'honneur,  c'est-à-dire  contre  le  mur 
de  l'hémicycle,  la  tête  regardant  l'Orient 
et  appuyée  contre  un  autel.  Les  deux 
niches  demi  circulaires  qui  sont  pratiquées 
à  gauche  et  à  droite  de  cet  hémicycle  res- 
semblent bien  aux  crédences  qu'on  est  ha- 
bitué à  voir  à  proximité  des  autels  pour  y 
déposer  des  offrandes  ou  des  objets  du 
culte. 

Le  public  ne  pénétrait  pas  dans  la  cella, 
à  moins  qu'il  ne  fût  d'une  classe  privilégiée  ; 
il  se  bornait  à  regarder  le  sarcophage  à 
travers  les  grilles  qu'on  avait  établies  dans 
chacune  des  cinq  ouvertures  percées  dans 
l'enceinte  de  la  cella.  11  n'est  pas  possible 
de  douter  de  cette  installation,  car  on  aper- 
çoit encore  dans  la  maçonnerie  de  plusieurs 
cintres  les  restes  des  barreaux  de  fer  qui 
composaient  les  grilles.  L'ouverture  de 
l'Orient  n'était  pas  nécessaire,  sa  seule 
présence  aux  pieds  du  tombeau  indique 
que  la  grille  de  ce  côté  avait  une  partie 
mobile  qu'on  ouvrait  dans  certains  cas  pour 
satisfaire  les  pèlerins  désireux  de  toucher 
le  sarcophage. 

Supposer,  comme  l'a  fait  Meulien  dans 
son  Histoire  de  Tournus  ('),  que  la  confes- 
sion et  l'exposition  du  sarcophage  se  trou- 
vaient du  côté  opposé,  c'est  à-dire  à  l'Ouest, 
dans  cet  enfoncement  de  deux  mètres  de 
profondeur  où  l'on  voit  le  puits,  c'est  mé- 
connaître les  rites  ecclésiastiques.  Le  réduit 
distinct,  dont  l'entrée  est  décorée  de  deux 
colonnes,  paraît  composer  une  sorte  de 
cella;  parce  que  le  puits  jouait  un  rôle  impor- 
tant dans  le  culte  rendu  aux  saints,  il  était 
l'accessoire  indispensable  de  toute  confes- 
sion, attendu    qu  aucun    pèlerin    ne    serait 

I.  Histoire  de  la  ville  et  du  canton  de  Tournus.  Tour- 
nus,  1S92.  I  vol.  in-8  . 


parti  content  s'il  n'avait  emporté  un  peu 
d'eau  puisée  à  proximité  du  sarcophage.  On 
croyait  avec  assez  de  vraisemblance  que  le 
martyre  de  S.  Valérien  avait  eu  lieu  en 
dehors  de  la  ville  de  Tournus,  là  où  s'élève 
l'abbaye  ;  on  devait  donc  supposer,  par  voie 
de  conséquence,  que  la  terre  et  l'eau  de  cet 
emplacement,  devaient  avoir  une  vertu 
curative. 

La  seule  présence  de  ce  puits  nous  auto- 
rise à  affirmer  que  le  Xl^  siècle  n'a  rien  in- 
nové en  élevant  une  crypte  avec  des 
colonnes  et  des  voûtes  au-dessus  du  tom- 
beau de  S.  Valérien,  il  n'a  fait  que  décorer 
avec  splendeur  un  lieu  sanctifié  depuis 
plusieurs  siècles  par  des  démonstrations 
éclatantes  de  piété.  Jamais  les  générations 
postérieures  à  l'an  mille  n'auraient  eu  la 
pensée  de  creuser  un  puits  dans  un  sous- 
sol,  qui  n'aurait  pas  été  signalé  d'avance 
par  des  prodiges  et  un  courant  de  pèleri- 
nages. On  dit  que  ce  puits  n'avait  pas  plus 
de  deux  mètres  de  profondeur  avant  1846, 
époque  où  il  fut  creusé  tel  qu'il  est  aujour- 
d'hui. S'il  en  est  ainsi,  il  faut  supposer  que 
les  pèlerins  se  contentaient,  à  défaut  d'eau, 
d  emporter  de  la  terre  comme  à  Saint-Iré- 
née  de  Lyon  ('). 

Quoi  qu'il  en  soit,  j'ai  la  conviction  que 
le  patron  de  Tournus  n'a  pas  été  plus  mal- 
traité que  les  autres  martyrs  de  la  Gaule 
chrétienne  et  que,  dès  l'époque  mérovin- 
gienne, il  a  eu  sa  confession  monumentale 
comme  saint  Symphorien  d'Autun,  saint 
Bénigne  de  Dijon  et  tous  les  autres  mar- 
tyrs de  la  vallée  du  Rhône.  On  sait  que  les 
princes  de  la  race  inérovingienne,  quoique 
grossiers  dans  leurs  mœurs,  se  montraient 
très  respectueux  envers  les  autels  et  que  la 
Gaule  sous  leur  domination  se   couvrit   de 


I.  Témoignage  de  M.  Chaumont,  curé  de  Tournus 
Cette  crypte  ayant  été  louée  à  des  particuliers  de  1792  à 
1840,  il  est  possible  qu'ils  aient  comblé  le  puits. 


140 


B.ebue  ïie  rSrt  cbrétien. 


monastères.  Chaque  tombeau  était  gardé 
par  une  abbaye  dont  les  murs  retentissaient 
de  louanges  perpétuelles,  dontran  de 
Bourgogne,  ne  se  contenta  pas  de  bâtir  une 
église  à  Chalon-sur-Saône  en  l'honneur  de 
saint  Marcel,  martyr  contemporain  de 
saint  Valérien  et  de  saint  Pothin,  il  consti- 
tua aussi  une  riche   dotation    pour  l'entre- 


tien du  service  religieux.  Comment  supposer 
qu'il  a  oublié  saint  Valérien  dont  les  reli- 
ques étaient  non  moins  célèbres  au  temps 
de  Grégoire  de  Tours  ? 

Ce  pieux  auteur,  qui  est  allé  à  Tournus 
comme  il  a  visité  tous  les  sanctuaires  célè- 
bres de  son  temps,  et  qui  a  conféré  avec 
le  desservant,  Epirechius,  dont  il  vante  la 


Nef  principale  de  la  crypte. 


vertu  et  la  sincérité,  désigne  l'établissement 
sous  les  différents  noms  de  basilique,  de 
temple  et  d'église,  termes  qui  représentent 
autre  chose  qu'un  simple  oratoire  exigu 
élevé  dans  un  cimetière.  Il  s'est  enquis  des 
prodiges  qui  s'accomplissaient,  il  en  a  noté 
un  qui  est  presque  une  accusation  de  tié- 
deur envers  le  comte  de  Châlon,  appelé 
alors  Gallus.  Ce  personnage,  atteint  d'une 
maladie  qui  ressemblait  à  une  hydropisieet 


se  sentant  défaillir  sous  les  tortures  de  son 
mal,  se  fit  transporter  mourant  au  tombeau 
du  saint  martyr  (').  Là,  comme  il  était  pros- 
terné la  face  contre  terre,  le  prêtre  vint  lui 
dire  :  «  Si  vous  voulez  guérir,  ayez  con- 
fiance dans  la  puissance  du  martyr  et  faites 
le  vœu  de  lui  offrir  une  poutre  et  ses  acces- 
soires pour  la  restauration  du   toit   de  son 

I.  Ch.  Parry,  Histoire  de  la  ville  et  cité  de  Châlon-sur- 

Suant'  1659,  inf",  pp.  51,  52. 


îles  confessions  et  les  crpptes. 


41 


temple.  Si  vous  tenez  parole  vous  serez 
exaucé.  »  Aussitôt  le  malade  se  mit  en 
prières,  fit  le  vœu,  qu'on  lui  indiquait  et  se 
leva  guéri.  En  retour,  il  ordonna  d'envoyer 
une  poutre  à  la  basilique  ('). 

L'historien  n'en  dit  pas  davantage  sur  le 
monument,  il  ne  prononce  pas  le  mot  de 
crypte,  mais  il  lui  arrive  si  souvent  de  citer 
des  expositions  de  sarcophages  dans  des 
sous-sols,  qu'il  a  pu  simplifier,  cette  fois,  les 
détails  de  sa  description  ou  considérer  qu'ils 
étaient  inutiles  devant  un  usage  très  répan- 
du. Il  n'est  pas  croyable  que  les  reliques 
de  saint  Valérien  aient  été  déposées  dans 
une  confession  étroite,  murée  et  inacces- 
sible au  public  sous  le  maître-autel. 

Il  y  a  peu  d'exemples  que  de  telles  pré- 
cautions aient  été  prises  en  Gaule  avant 
l'invasion  desSarrasins.  Dans  les  conditions 
de  solidité  que  présentent  ces  caveaux,  celui 
de  Tournas  aurait  résisté  à  tous  les  coups, 
et  de  plus,  on  peut  être  certain  qu'il  aurait 
été  respecté  par  les  constructeurs  succes- 
sifs comme  une  relique  insigne.  Ceux-ci 
auraient  créé  une  seconde  crypte  à  côté  de 
la  première  comme  à  Saint-Savin  sur  Gar- 
tempe  plutôt  que  de  modifier  une  installa- 
tion admise  par  les  siècles  antérieurs.  L'hé- 
micycle d'un  côté  et  le  puits  de  l'autre  nous 
paraissent  être  les  deux  limites  extrêmes 
de  l'étendue  de  la  crypte  de  Tournus  au 
VI^  siècle.  Quant  à  l'entrée,  je  serais  tenté 
de  la  fixer  sur  l'axe  dans  le  renfoncement  du 
puits,  par  les  deux  couloirs  de  i'^,20  qui 
sont  de  chaque  côté,  car  ils  ne  sont  pas 
nécessaires  à  l'accès  du  puits. 

Je  ne  sais  si  le  corps  de  saint  Valérien 
fut  caché  pendant  la  panique  du  VIII^ 
siècle,  cela  est  possible,  mais  l'existence  de 
sa  sépulture  était  parfaitement  connue  au 
IX^  siècle.  Le  diplôme  qui  institue  les  reli- 


De  gloria  martyr um,  lib.  I,  cap.  54. 


gieux  de  Noirmoûtier,  propriétaires  de  l'ab- 
baye de  Saint-Valérien,  en  875,  relate  for- 
mellement que  son  corps  y  est  conservé('). 

C'est  ici  le  lieu  d'indiquer  les  change- 
ments probables  qui  résultèrent  de  l'arrivée 
d'une  nouvelle  communauté  nombreuse  et 
suivie  d'un  trésor  considérable.  Il  va  sans 
dire  qu'après  les  émotions  de  leurs  déplace- 
ments continuels  et  les  bruits  d'incursions 
qui  troublaient  sans  cesse  la  Gaule,  les 
religieux  utilisèrent  la  cella  telle  qu'elle 
était  avec  ses  murs  pleins  et  réduisirent  les 
ouvertures  au  chiffre  strictement  nécessaire. 
Le  moment  n'était  pas  encore  venu  de 
percer  l'enceinte  de  portes  hautes  et  larges 
comme  celle  que  nous  voyons.  11  était  plus 
prudent  d'imiter  les  religieux  de  l'abbaye 
de  Saint-Gall,  qui,  dans  le  même  temps,  se 
contentaient  de  deux  petites  fenêtres  à 
l'Orient  et  à  l'Occident,  d'une  petite  porte 
pour  le  desservant  et  de  répétera  Tournus 
ce  qu'ils  avaient  fait  à  St- Philibert  de 
Grand'lieu  (Poitou).  A  mon  sens,  le  déam- 
bulatoire qui  contourne  la  cella  depuis  le 
Xl^siècle  succède  à  un  couloir  dont  l'unique 
but  était  de  conduire  les  pèlerins  à  l'arrière- 
chevet  pour  honorer  le  tombeau  par  la 
fenestella  de  l'Orient.  C'est  la  disposition 
adoptée  au  IX^  siècle  dans  les  deux  abbayes 
précitées. 

Il  y  avait  lieu  de  prévoir  une  affluence 
plus  considérable  de  pèlerins  par  suite  de 
l'augmentation  du  trésor.  Les  religieux  de 
Noirmoûtier  arrivaient  avec  plusieurs  corps 
saints,  entiers  ou  divisés,  parmi  lesquels  je 
citerai  ceux  de  saint  Philibert,  de  saint 
Viau,  de  saint  Martin  de  Vertou  et  de  saint 
Benoît  de  Quinçay.  L'ancien  catalogue  des 
reliques  fait  encore  mention   des  corps  de 

I.  « Abbatiam  sancti  Valeriani  martyris, quœ  est  in  pago 
Cavilonensi,  super  fluvium  Sagonam,  ubi  etiam  idem 
venerabilis  Martyr  corpore  quiescit.  >  (Juénin,  Preuves, 
PP-  90,  93-) 


KEVUE  DE  l'art  CHRÉTIEN. 
1904.  —  2'"*^  LIVRAISON. 


142 


Bebuc  lie  rart  tl)rctien. 


s.  Samson,  de  S.  Candide,  de  S.  Clin,  de 
S.  Basile,  de  saint  Arnou  et  d'une  quan- 
tité d'autres  qui  ne  figurent  pas  dans  la 
chronique  de  Tournus.  Il  est  certain  que  le 
corps  de  saint  Florent  y  demeura  aussi 
quelques  années,  car  c'est  de  là  que  le 
moine  Absalon  l'enleva  furtivement  pour  le 
reporter  en  Anjou  d'où  il  était  parti.  Ainsi, 


au  IX^  siècle,  l'abbaye  de  Tournus  fut 
transformée  en  un  dépôt  important  de  re- 
liques, c'est  un  fait  bien  avéré  ('). 

Puisqu'il  en   est   ainsi,   il    faui   admettre 
que    ses     trésors     n'étaient     pas    exposés 
dans  les   chapelles  de   l'église  haute    sous 
la  main  de  tout  le  monde  et  que  le  sous- 
j    sol  du  sanctuaire  avait  été  aménagé   d'une 


Déambulatoire   de  la  crypte. 


façon  assez  vaste  pour^'donner  place  à  tous 
les  personnages  qui  étaient  venus  deman- 
der l'hospitalité  à  Tournus.  Autour  de 
l'autel  et  du  sarcophage  de  saint  Valérien 
qui  occupait  le  centre  de  lacella  inférieure, 
on  voyait  tous  les  autres  sarcophages  ran- 
gés çà  et  là  le  long  des  parois  et  dans  le 
milieu  de  la  nef.  Nous  sommes  donc  obligés 
d'en  induire  que  la  crypte  de  l'abbaye  de 
Tournus  était  déjà  au  IX^  siècle  d'une  ca- 
pacité égale  à   la  nef  centrale  de  la  crypte 


actuelle,  autrement  elle  aurait  été   insuffi- 
sante. 

Les  événements  tragiques  qui  se  renou- 
velèrent au  X*^  siècle  démontrèrent  que  les 
religieux  auraient  manqué  de  prévoyance 
s  ils  n'avaient  pas  eu  recours  à  une  crypte 
fermée,  parfaitement  murée  et  voûtée.  Dans 
leurs  courses  en  Bourgogne,  les  Hongrois 
commirent  les  mêmes  ravages  que  les  Nor- 
mands et  les  Vandales  ;  ils  brûlèrent  Tour- 

I.  Juénin,  Ibidem,  chap.  vi,  p.  39. 


JLts  coiTfe0Sion0  et  les  crpptes. 


143 


nus  et  son  abbaye,  et  cependant  on  a  la 
certitude  que  les  reliques  échappèrent  au 
désastre.  On  prit  sans  doute  les  mêmes 
précautions  que  dans  beaucoup  d'autres 
lieux,  on  enterra  la  plupart  des  sarcophages 
et  on  dissimula  l'entrée  du  sous-sol.  D'après 
les  documents  postérieurs,  on  a  lieu  de 
croire  que  le  corps  de  S.  Valérien  demeura 
enfoui  de  937  à  979  {').  Le  calme  étant 
revenu,  l'abbé  Etienne  voulut  venger  le 
saint  patron  de  l'église  de  l'humiliation 
qu'il  avait  subie  trop  longtemps  pendant 
les  années  de  terreur.  Il  fit  fabriquer  deux 
reliquaires  d'argent  enrichis  de  lames  d'or 
et  de  pierres  précieuses,  l'un  pour  les 
membres  du  martyr,  l'autre  en  forme  de 
buste  pour  loger  la  tête.  On  laissa  la  pous- 
sière de  son  corps  et  de  ses  vêtements  dans 
le  sarcophage  dont  le  couvercle  fut  scellé 
avec  du  bitume.  Il  est  rapporté  formelle- 
ment que  ce  monument  funèbre  fut 
descendu  dans  la  crypte,  in  inferiori crypta, 
où  il  fut  placé  derrière  l'autel  sacro-saint 
de  Saint- Valérien,  tandis  que  les  reliquaires 
restèrent  dans  l'église  supérieure  et  furent 
déposés  sur  l'autel  de  Notre-Dame  ('). 
C'est  bien  ainsi  que  s'accomplirent  dans 
toutes  les  églises  les  déplacements  posté- 
rieurs aux  invasions  barbares. 

Dans  le  temps  de  la  translation  des 
reliques,  événement  qui  avait  eu  beaucoup 
de  retentissement,  un  pauvre  hydropique, 
attiré  par  l'espoir  d'une  guérison,  se 
cachait,  dit  le  texte,  dans  les  cryptes  d'où 
le  corps  de  saint  Valérien  avait  été  exhumé 
(latebat  in  cryptis)  (^).  Ce  pluriel  dénonce 
autre  chose  qu'un  simple  caveau,  il  nous 

1.  <  Clausum  tellure  per  multorum  spatia  manserat 
annorum.  >  (Chronicon  Trenorciejise ,  cap.  38.) 

2.  <  In  inferiori  crypta  monasterii  nostri  post  beatis- 
simi  Valeriani  sacrosanctum  altare  déponentes,  abierunt.» 
]\ié.'d\n, preuves,  p.  35. 

3.  Acta  S.  Valeriani  et  miracula.  (Apud  Juénin, 
preuves,  p.  36.) 


dévoile  la  présence  de  couloirs  d'accès  plus 
étendus  que  dans  les  cryptes  latines  des 
premiers  siècles.  Telle  était  la  situation 
certaine  du  sous-sol  du  sanctuaire  de  Tour- 
nus  lorsqu'un  nouvel  incendie,  en  1006,  mit 
les  religieux  dans  la  nécessité  de  préparer 
ou  d'achever  l'édification  du  splendide  édi- 
fice roman  qu'on  appelle  l'abbatiale  de 
Tournus. 

Pour  le  sujet  spécial  qui  nous  occupe, 
nous  résumerons  cet  exposé  en  disant  que  la 
la  crypte  de  Tournus  a  perdu  tous  les  ca- 
ractères qui  constituent  une  confession  de 
martyr.  Il  est  possible  que  sous  le  vête- 
ment de  moellons  de  son  enceinte  on  re- 
trouve des  vestiges  de  murs  du  VI'=  siècle, 
comme  du  côté  du  puits,  mais  sa  décoration 
actuelle  est  un  vêtement  nouveau  qui  ne 
peut  être  antérieur  au  XI'=  siècle.  Dom 
Martène,  quoique  savant  bénédictin  de  la 
congrégation  deSaint-Maur.a  trop  présumé 
de  son  antiquité,  en  17 10,  quand  il  a  émis 
l'avis  que  le  monument  de  la  crypte  était 
contemporain  de  Grégoire  de  Tours  (').  A 
son  époque,  l'archéologie  religieuse  était 
une  science  inconnue  ou  peu  répandue.  Le 
chanoine  Juénin  est  meilleur  juge,  quand, 
s'appuyant  sur  les  caractères  de  l'inscription 
RENCO  ME  FECIT,  il  apprécie  que  le 
monastère  a  été  reconstruit  presque  totale- 
ment à  la  fin  du  X<=  siècle  (').  La  chronique 
de  Tournus  paraît  lui  donner  raison  aussi 
quand  elle  dit  que  l'abbé  Etieime  reprit  la 
construction  depuis  les  fondations  ('). 

Léon  Maître. 

1.  Voyage  littéraire  de  deux  Bénédictins.  Paris,  17 17. 
2  vol.-in  4°. 

2.  Nouvelle  histoire  de  t abbaye  royale  et  collégiale  de 
Saint -Filiberl  cl  de  la  ville  de  Toiirmn,  enrichie  de 
figures  par  un  chanoine  de  la  même  abbaye.  Dijon,  1733, 
I  vol.  in-4°,   p.  381. 

3.  «  Majoremque  monasterii  fabricam  a  fundamento 
construxit.  >  {Ibidem,  preuves,  p.  25.)  Cet  abbé  est  mort 
en  980. 


^y  kM*  A^A  A^A  A^V-U  A^VI^  A^X  A^A  A^A  A^A  A^vI^  A^vLc  A^'vU  *^vC  A^vt  A^^  »^ 

54,      ciiixiij:ciiiriiiii.iiiJiJïjxixiiXKiiiTiixiiiiiiiJiiiiirijxiiiiiiii.iLii::iJxiiiiiiixixiziJij[iiiiiitxiiiiiiiKiiiiiiix  iÇ 


Ggltse  tie  JSt^Satil  tie  Vara):(Htn).De0mp< 


tion  De  la  façaDe  tt  Des  portes.  (Brt.Lxxxiocia collection.) 


rTTTTTT  nTTT  TT 


3:inmxj.xxxrngnTmTnTn  n  imrTTTrrn  tty»  rx  1 1  m  i  r  nui  i  nxiin  TTnrrrnTTTTTTTTrTTT-niTTïTTnTi 


■3â^^  *éî^  *iÔ-*  ^x6^  ^:(*ï-^  ^S*^^  ^^'f  ^i<^  *i^^  l'itï^  ^S."^  i'^^  ^it^f  V>^  *xiî^ 


Géncralitcs.  —  Bistorique. 

.■^^^^^^^•EST  un  remarquable 
llzMi^^^^LiVmS-  privilège  de  notre 
France  que  de  présen- 
ter sur  toute  l'étendue 
de  son  territoire  des 
monuments  intéres- 
sants des  siècles  passés. 
Aucune  autre  des  grandes  nations  euro- 
péennes ne  possède  au  même  degré  ce 
caractère  :  l'Allemagne  s'enorgueillit,  sur 
les  bords  du  Rhin  et  en  Bavière,  de  ses 
admirables  églises  romanes  du  Xll^  siècle 
et  de  ses  riches  cathédrales  gothiques  du 
XIV*^;  mais  en  Poméranie,  en  Prusse,  en 
Hanovre,  en  Wurtemberg  même,  l'art  chré- 
tien de  ces  époques  n'a  pour  ainsi  dire 
laissé  aucune  trace  (')  ;  —  l'Italie  vante 
avec  raison  les  basiliques  de  marbre  cons- 
truites par  ses  architectes  du  moyen  âge, 
mais  on  ne  pourrait  guère  en  citer  une 
seule  dans  tout  le  Sud  de  la  Péninsule  ;  de 
même  pour  la  plupart  des  autres  pays.  — 
En  France,  au  contraire,  depuis  les  flèches 
de  granit  de  la  Bretagne  jusqu'aux  porti- 
ques à  colonnes  de  porphyre  de  la  Provence, 
on  trouve  dans  chaque  département,  nous 
pourrions  presque  dire  dans  chaque  canton, 
même  dans  les  lieux  où  la  nature  semble 
se  prêter  le  moins  à  l'épanouissement  de 
l'art,  des  monuments  intéressants  qui  at- 
testent tout  ensemble  la  foi  et  le  génie  de 
nos  pères. 

C'est  ainsi    que    sur  les   confins    de    la 
Bresse  et  des  Dombes,  dans  un  pays  tout 

I.  L'admirable  Miinstei  d'Ulm  est  sur  lextrênie  limite 
du  Wurtemberg,  à  quelques  centaines  de  mètres  de  lu 
frontière  bavaroise. 


parsemé  d'étangs,  à  quelques  lieues  de  la 
merveille  de  Brou  ('),  se  dresse,  solitaire, 
au  milieu  des  maisons  d'un  modeste  village, 
une  délicieuse  église  du  XII*"  siècle:  St- 
Paul  de  Varax. 

L'histoire  de  cet  édifice  est  peu  connue  : 
on  sait  seulement  qu'au  début  du  XII^ 
siècle,  le  domaine  appartenait  aux  arche- 
vêques de  Lyon,  car,  le  25  juin  i  103,  l'un 
d'eux,  Hugues  I^',  en  fit  donation  au  cha- 
pitre de  St-Paul  de  Lyon,  à  charge  d'une 
redevance  annuelle  de  dix  sols  (cf.  Archives 
dît  Rhône,  hist.  de  St-Paul,  fol.  114-115)  : 
on  ignore  si  le  nom  de  St-Paul  appartenait 
antérieurement  à  la  terre  ainsi  cédée,  ou 
s'il  lui  fut  donné  à  cette  occasion.  —  Le 
chapitre  conserva  le  patronage  de  St-Paul 
de  Varax  jusqu'en  i  790. 

Bien  qu'on  ne  possède  aucun  document 
relatif  à  la  construction  de  l'église  actuelle, 
on  peut  avec  certitude,  d'après  ses  caractères 
architectoniques,  la  faire  remonter  à  la  pre- 
mière moitié  du  XI 1"  siècle  :  ce  sont  donc 
les  chanoines  qui  auraient  fait  édifier  ce 
beau  monument  sur  leur  nouvelle  posses- 
sion. —  Une  découverte  moderne  semble 
du  reste  confirmer  cette  hypothèse  :en  1 853, 
en  grattant  les  murs  de  l'intérieur  de  l'église 
pour  y  appliquer  un  crépissage  nouveau, 
M.  Darme,  architecte,  chargé  des  travaux, 
a  mis  au  jour  diverses  peintures  extrême- 
ment anciennes,  notamment  un  long  cordon 
régnant  tout  autour  de  la  nef,  et  représen- 
tant une   longue  suite  d'écus  armoriés  ('). 

1.  L'église  de  Brou,  élevée  dans  un  faubourg  de  Bourg, 
par  Marguerite  d'Autriche  pour  lui  servir  de  tombeau. 

2.  Ce  cordon   se  trouvait  placé  horizontalement  à    2 
mètres  33  du  sol.  Les  écus  étaient  dessinés  par  de  larges 


€glt0e  De  ^t#aul  De  (Harajc. 


145 


Or,  si  l'on  remarque  que  les  armes  de  la 
famille  de  Varax('),  maison  pourtant  célèbre 
et  puissante  dès  cette  époque,  n'y  figurent 
pas,  on  peut  en  conclure  que  cette  liste  no- 
biliaire doit  représenter  une  collection  de 
personnages  étrangers  au  pays  même,  sans 
doute  la  suite  des  doyens  du  chapitre  de 
St-Paul,  ou  simplement  la  liste  des  mem- 
bres de  ce  chapitre  au  moment  de  la  cons- 
truction {"). 

Fidèle  à  notre  plan,  nous  n'examinerons 
ici  en  détail  que  l'extérieur  du  monument  : 
il  présente  d'ailleurs  assez  d'intérêt  pour 
satisfaire  le  chercheur  même  le  plus  blasé. 
—  La  façade,  en  particulier,  par  laquelle 
nous  allons  commencer  notre  examen,  offre 
un  dispositif  éminemment  original  :  sur  un 
perron  élevé  de  quelques  marches,  court 
tout  le  long  de  cette  façade  une  arcature  en 
plein  cintre,  historiée,  percée  en  son  milieu 
d'une  porte  dont  le  cintre  dépasse  le  niveau 
des  arcades  voisines  :  l'ensemble  a  un  carac- 


traits  noirs  ;  les  couleurs  dominantes,  du  moins  dans  les 
écus  demeurés  intacts,  étaient  le  rouge  (gueules)  et  le 
blanc  (argent;. 

1.  Les  Varax  portent  écartelé  de  vair  et  de  gueules. 

2.  En  outre,  et  au-dessus  de  ce  cordon  armorié, 
M.  Darme  a  découvert  de  très  curieuses  peintures  mu- 
rales, en  ton  gris  clair  et  à  traits  noirs  fortement  ac- 
cusés :  elles  représentaient,  du  côté  droit  de  la  nef  : 
r  une  scène  de  martyre  :  on  voyait  des  jambes  nues,  un 
billot  et  une  sorte  de  marteau  levé  au-dessus  ;  —  2"  un 
chevalier  richement  vctu,dont  le  cheval  était  gardé  par  un 
page  ;  —  du  côté  gauche  :  un  fragment  de   personnage  ; 

—  au  dessus  d'une  inscription  i  ecce  homo  »,  un  Christ, 
de  grandeur  naturellefdont  la  partie  supérieure  manquait) 
nu,  les  reins  ceints  d'un  linge,  tombant  en  avant  ;  de  la 
cuisse  gauche  jaillissait  du  sang  ;  —  à  ses  pieds  était 
agenouillé  un  moine  revêtu  d'un  manteau  blanc  par- 
dessus ses  ornements  sacerdotaux  ;  dans  le  nimbe  de  sa 

tête  chauve,  on   lisait  :  «  S.  martyr omni  mémento  ». 

Au-dessus  du  moine,  dans  un  petit  cartouche,  était  l'ins- 
cription :  «  Hoc  me  fecit  fieri  Uns  Author  Triquesionti  >. 

—  Ce  nom  bizarre  serait  donc  celui  de  l'artiste  qui  avait 
exécuté,  ou  mieux  du  chanoine  qui  avait  commandé  les 
peintures  ;  le  terme  <  Dominus  î>  semble  en  tous  cas 
indiquer  un  personnage  ecclésiastique.  Ces  peintures  ont 
aujourd'hui  disparu.  Tous  les  renseignements  ci-dessus, 
fournis  par  Siraud  (dans  son  ouvrage  Courses  archéolo- 
giques), m'ont  été  obligeamment  communiqués  par  M. 
l'abbé  Marchand  de  Bourg. 


tère  de  recueillement  et  en  même  temps  de 
majesté  qu'on  s'étonne  de  rencontrer  dans 
un  édifice  de  proportions  aussi  restreintes. 

Quant  aux  sculptures,  elles  ne  peuvent 
soutenir  la  comparaison  avec  les  belles 
œuvres  que  produisaient  à  la  même  époque, 
les  écoles  de  Poitou  et  de  Bourgogne  : 
l'exécution  des  ornements  est  bonne  ;  mais 
les  figures  laissent  fort  à  désirer  :  l'imagier 
semble  ignorer  l'art  de  les  grouper  et  se 
borne  à  les  disposer  isolément  sur  un  fond 
uni  ;  bien  plus,  les  proportions  même  des 
personnages  sont  en  général  mauvaises  :  ce 
sont  des  nains  disgracieux,  à  la  tête  et 
aux  pieds  ridiculement  exagérés. 

Nous  devons  plusieurs  des  renseigne- 
ments qui  vont  suivre  à  la  description 
publiée,  en  1835,  par  M.  Leymarie  dans 
«  l'Album  de  l'Ain  ».  M.  le  curé  de  St- 
Paul  de  Varax  et  M.  l'abbé  Marchand  de 
Bourg  ont  bien  voulu.eux  aussi,  nous  fournir 
de  précieuses  indications  ('). 

Façauc  occiDcntalc. 

I.  PORTE. 
Figures  sculptées. 

AVANT  de  détailler  les  sculptures  de 
cette  porte,  déchiffrons  les  inscrip- 
tions qu'elle  nous  présente  et  qui  parais- 
sent contemporaines  de  la  construction. 

La  première,  disposée  sur  une  seule 
ligne  autour  de  l'archivolte  du  tympan,  sert 
de  dédicace  à  l'église  : 

In  nomine  Dni  nostri  Isu  X Pi  et  inonore 
(sic)  beaie  s6  (semper)  virgiiiis  Mariœ  et 
sci  Pauli  api  et  omniu  scm  Dei  (=).  »  C'est- 
à-dire:  «  Au  nom  de  N.  S.  Jésus-Christ  et 

1.  Actuellement,  l'architecte  chargé  de  l'entretien  du 
monument,  est  M.  Ferret  de  Bourg,  qui  y  a  exécuté 
divers  travaux  il  y  a  trois  ans. 

2.  Cette  inscription,  comme  les  suivantes,  étant  en  let- 
tres carrées,  il  n'y  a,  dans  l'original,  ni  majuscules  ni  mi- 
nuscules. 


146 


3Rr\)ue  De  V^xt  cbrétieu. 


en  l'honneur  de  la  bienheureuse  Marie  tou- 
jours Vierge,  et  de  S.  Paul  apôtre,  et  de 
tous  les  Saints  de  Dieu.  » 

Une  autre  inscription,  gravée  sur  l'étroite 
bande  de  pierre  qui  sépare  le  tympan  du 
linteau  et  au-dessus  des  personnages  figu- 
rés sur  ce  linteau  nous  fournit  leurs  noms  : 
c'est  la  liste  des  apôtres  : 

«  5"  .  Simon  .  s.  bar  (toi  (^)  )  omeus  .  ia 
(cobus)  .  iu  (das)  .  io  (hannes)  .  petrus  . 
maria  .  pa  (ulus)  .  an  (dreas)  .  ia  (cobus) 


philipus  .  mateus  .  tomas  .  ,  c'est-à-dire 
S.  Simon,  S.  Barthélémy,  S.  Jacques, 
S.  Jude,  S.  Jean,  S.  Pierre,  Ste  Marie  (la 
Vierge),  S.  Paul,  S.  André,  S.  Jacques, 
S.  Philippe,  S.  Mathieu,  S.  Thomas  »,  soit 
les  douze  apôtres  et  la  Vierge,  correspon- 
dant aux  treize  personnages  du  linteau 
Certains  noms  ont  été  abrégés  afin  de 
pouvoir  trouver  place  exactement  au-dessus 
du  personnage  représenté.  —  Une  cassure 
de  la  pierre  figurant  un  jambage  au  p  de  pa. 


b 


tb 


o 


D 


0 


Fig.  I.   —  Schéma  de  la  façade  occidentale  de  l'église  St-Paul  de  Varax. 


avait  fait  prendre  cette  lettre  pour  un  R  à 
M.  Leymarie,  qui,  par  suite  de  cette  erreur, 
lisait  ainsi  la  partie  centrale  de  l'inscription  : 
«  Pierre,  Marc,  Jacques,  ra  (redemptor?) 
André,  Jacques  ».  —  Mais  cette  lecture 
erronée  avait  trois  inconvénients  :  1°  elle 
donnait  quatorze  noms  pour  treize  figures  ; 
—  2"  elle  supposait  trois  S.  Jacques  ;  — 
3°  elle  introduisait  parmi  les  apôtres  S. 
Marc,  sans  raison,  et  en  excluait  S.  Paul, 
le  patron  de  l'église.  —  D'ailleurs,  sur  nos 
indications,  M.  le  curé  de  St-Paul  a  bien 
voulu  vérifier  l'existence  de  cette  cassure 
qui  ne  laisse  subsister  aucun  doute  sur  la 
véritable  version. 

I.  Cette  partie  est  brisée. 


Au-dessous  du  linteau  se  trouve  une 
troisième  inscription  de  deux  vers  léonins 
écrits  en  caractères  romans  sur  une  seule 
ligne  :  «  ^  cuprecib  .   lacrimassifûda  AVE 

edietes  —  gra  c eniacom e abi- 

tu  .  edi\etes  (').  »  Pour  interpréter  ces  deux 
vers,  remarquons  d'abord  que  la  pierre  car- 
rée qui  porte  le  mot  AVE  en  caractères  un 
peu  différents  d'ailleurs  du  reste  de  l'inscrip- 
tion, a  été  encastrée  après  coup,  au  cours 
évidemment  d'une  réparation  :  l'architecte, 
ne  sachant  comment  reconstituer  la  partie 
ainsi  supprimée  du  premier  vers,  a  peut- 
être  cru  bien  faire  de  graver  ici  un  souhait 

I.  Ces  quatre  dernières  lettres  sont  reportées  à  la  ligne 
supérieure. 


oBgltse  De  ^tpani  ht  mavax^ 


147 


de  bienvenue  AVE.  Il  n'y  a  donc  pas  à  en 
tenir  compte.  —  Notons  d'autre  part  qu'au- 
tour du  tympan  de  la  porte  de  l'église  de 
Yandeins,  construite  vers  la  même  époque 
dans  une  localité  voisine,  on  lit  :  «  omuipo- 
tens  bonitas  exaudiat  itigredientes,  atigelus 
ej'us  De  custodiat  egredieiites.  »  l.'une  des 
deux    inscriptions    ayant    évidemment  été 


Fig.  a.  -   Porte  occidentale. 

inspirée  par  l'autre,  celle  intacte  nous  ser- 
vira à  reconscituer  celle  incomplète  :  nous 
obtenons  ainsi  une  version  certaine  pour  le 
premier  vers  et  assez  probable  pour  le 
second;  la  voici:  «^[m]  precib\\\%\  lacry- 
mas  si fu\x(\da\xi'C\  \\x\gx'\edie\j\'\tes,  grac\\-à\ 
f[um]  \y^nia  com\j^\\e\^x\  abitu  e£\_r]e- 
di^n]les  (en  remplaçant  la  pierre  AVE  in- 
tercalée par  «  nt  ingr  »  )  :  c'est-à-dire  «  Ceux 
qui  en  entrant  répandent  des  larmes  avec 
des  prières,  qu'en  sortant  la  grâce  avec  le 


pardon  les  accompagne  dans  leur  route  {'■).  » 

Examinons  maintenant  les  figures  de  ce 
tympan  : 

I.  —  Dans  une  auréole  elliptique  très 
arrondie,  formant  concavité  dans  l'épaisseur 
de  la  pierre,  le  Christ,  au  nimbe  crucifère, 
est  assis  sur  un  trône  :  ses  pieds  nus  repo- 
sent sur  un  scabellum  découpé  en  arcades 
(le  buste,  la  tête,  les  bras  manquent)  ;  sans 
doute,  conformément  à  la  tradition,  il  tenait 
le  Livre  et  bénissait. 

2-3.  —  Deux  grands  anges  debout,  nu- 
pieds,  se  dirigent  vers  le  Christ  ;  leurs  bras 
sont  brisés,  mais  d'après  leur  mouvement 
général,  qui  drape  bizarrement  leurs  lon- 
gues robes,  on  peut  conjecturer  qu'ils  balan- 
çaient des  encensoirs. 

4  à  16.  —  Les  apôtres  et  la  Vierge 
debout,  nimbés  ;  ils  ont  la  face  brisée  :  ces 
mutilations  doivent  être  attribuées  aux  Hu- 
guenots du  XVl*^  siècle;  on  remarquera 
qu'à  chaque  extrémité  de  ce  linteau  il  reste 
une  large  place  vide  de  sculpture  ;  —  ce 
linteau  est  fendu  horizontalement  d'un 
bout  à  l'autre,  ce  qui  a  nécessité  au 
XV 1*^  siècle  l'adjonction  de  l'arc  de  sou- 
tien BB.  Les  noms  des  personnages  nous 
sont  donnés  par  l'inscription  ci  dessus  dis- 
cutée. 

4.  —  S.  Simon  lève  la  main  pour  mon- 
trer le  Christ. 

5.  —  S.  Barthélémy  fait  le  même  geste 
en  parlant  à... 

6.  —  S.  Jacques  :  ce  dernier  tient  une 
bande  sur  laquelle  on  lit  NVE,  mot  dont 
nous  ne  saisissons  pas  le  sens. 

7.  —  S.  Jude  montre  de  la  main  le  Christ 
en  parlant  à... 

8.  —  S.  Jean  qui  l'écoute. 

9.  —  S.  Pierre  fait  le  même  geste  en 
s'adressant  à... 

1.   Cette  ingénieuse  restitution  est  due  à  M.  Leymarie 


148 


3Re\)ue  ïie  l'^rt  cJ)rctieu. 


To.  —  La  Vierge,  qui  occupe  le  milieu  du 
linteau. 

11.  —  S.  Paul,  tourné  vers  la  Vierge, 
fait  un  geste  symétrique  à  celui  de  S. 
Pierre. 

12.  —  S.  André:  sur  la  banderole  qu'il 
tient  à  la  main,  on  lit  :  VERE.  Que  signi- 
fie ce  mot  ?  On  le  trouve  prononcé  par  le 
Sauveur,  dans  l'évangile  de  la  vigile  de 
S.  André,  mais  il  ne  se  rapporte  pas  à  ce 
Saint,  c'est  au  disciple  Natanael  que  Jésus 
s'adresse  (vere  Israëlita  —  un  vrai  Israé- 
lite) :  il  est  donc  douteux  que  ce  soit  l'ori- 
gine du  mot  qui  nous  occupe.  La  dernière 
lettre  est  d'ailleurs  incertaine,  et  la  leçon 
exacte  est  peut-être,  malgré  l'autorité  de 
M.  Leymarie,  VERI,  commencement  du 
mot  «  Veritas  »  ou  VERB,  commencement 
du  mot  «  verbum  ». 

13.  —  S.  Jacques. 

14.  —  S.  Philippe  lève  avec  véhémence 
un  bras  vers  le  ciel. 

15.  — S.  Mathieu  tient  un  livre  ouvert 
sur  lequel  est  gravée  l'inscription:  g|i 
comme  ce  livre  ne  peut  être  que  celui  de 
son  Evangile,  et  que  le  mot  en  question 
doit  être  un  titre,  on  peut  interpréter  : 
(verbum)  Dei,  bien  que  cette  périphrase  ne 
soit  guère  usitée  pour  désigner  l'Évangile. 
Il  présente  ce  livre  à  S.  Thomas. 

16.  —  S.Thomas, tourné  vers  S.Mathieu, 
semble  écrire  sur  le  livre  de  celui-ci  ou  le 
tâter:  l'apôtre  incrédule  voudrait. il  encore 
s'assurer  par  le  toucher  de  l'existence  de 
l'Évangile  ? 

17-18.  —  Ecus  en  faible  relief  ayant  dû 
porter  à  l'origine  les  armes  du  chapitre  de 
St-Paul  ou  celles  d'un  donateur:  aujour- 
d'hui la  face  de  ces  deux  écussojis  est  unie, 
ce  qui  a  donné  à  penser  à  M.  Leymarie, 
que  les  armoiries,  en  plâtre  ou  en  bronze, 
y  étaient  simplement  appliquées.  Peut-être 


aussi  ces  armoiries   ont-elles  été   grattées 
par  les  Huguenots  ? 

19-20.  —  Têtes  grimaçantes  supportant 
la  retombée  de  l'arc  HB:ces  mascarons  da- 
tent évidemment  du  XVI"  siècle. 

Partie  purement  décorative. 

A.  —  Archivolte  extérieure  de  la  porte; 
c'est  un  large  encadrement  de  feuilles  lan- 
céolées, régulièrement  dressées  à  plat, 
d'assez  faible  relief  Cette  décoration  est 
rehaussée  par  une  mince  bande  qui  l'en- 
toure extérieurement  d'un  rang  de  redans 
carrés  et  de  billettes  plates,  si  l'on  peut 
s'exprimer  ainsi. 

B.  —  Arc  de  soutien,  uni,  décrit  plus 
haut. 

C.  —  Fût  de  la  colonne  de  gauche,  orné 
de  trois  étages  de  cannelures  verticales;  les 
parties  pleines  entre  les  cannelures  sont  dé- 
corées de  rinceaux.  Les  trois  étages  sont 
séparés  par  des  sortes  de  larges  bagues 
plates  ornées  d'un  semis  de  fleurettes. 

D.  —  Fût  de  la  colonne  de  droite  :  com- 
binaison curieuse  de  torons  cylindriques 
inclinés  (figurant  à  première  vue  un  pas  de 
vis  comme  au.K  belles  colonnes  de  la  porte 
Mantille  de  la  cathédrale  de  Tournai)  sur 
lesquels  s'enroule  en  sens  inverse  une  spi- 
rale de  perles. 

Ces  deux  colonnes  sont  admirables  d'in- 
vention et  d'exécution,  et,  dans  les  nom- 
breux modèles  que  nous  a  laissés  le  XI I^ 
siècle,  nous  n'en  connaissons  aucun  qui 
puisse  être  mis  au-dessus  de  ceux  ci  ('). 

E.  —  Chapiteau  orné  de  bouquets  de 
feuillage  posés  à  plat. 

F.  — -  Chapiteau  orné  de  feuilles  frisées 
disposés  en  rangs  superposés. 


I.  Nous  mettons  hors  de  pair  les  colonnetles  du  cloître 
.St-Aubin  d'.Angers,  qui,  avec  leurs  médaillons  historiés, 
procèdent  d'un  tout  autre  ordre  d'idées. 


église  tie  ^t  |0aul  De  (Ilîavajc. 


149 


Le  linteau  repose  sur  ces  chapiteaux  par 
l'intermédiaire  d'un  rang  de  redans  carrés 
pareils  à  ceux  du  cordon  extérieur  de  l'ar- 
chivolte. 


Conversion  de  S.  Paul. 


II.   ARCATURES    DE    CHAQUE    COTE 
DE    LA    PORTE. 

Côté  gauche  de  la  façade. 

21.  —  Un  prince,  vêtu  d'un  manteau 
court,  tenant  un  grand  sceptre  sur  son 
épaule,  est  assis  sur  un  trône  à  pieds.  Il 
semble  donner  des  ordres  à  

22.  —  ...  un  serviteur  extrêmement  mu- 
tilé, presque  méconnaissable  :  au-dessus  de 
sa  tête,  on  croit  voir  un  objet  étranger 
dont  il  est  impossible  de  reconnaître  la  na- 
ture. 

23.  —  jésus-Christ,  vêtu  d'une  robe  et 
d'un  manteau  ;  sa  face  est  brisée,  mais  il 
est  reconnaissable  à  son  nimbe  crucifère  ; 
il  se  tient  debout  et  semble  adresser  la 
parole  au  prince  (N°  21).  On  pourrait  donc 
conjecturer  qu'il  s'agit  ici  d'un  des  épisodes 
de  la  Passion  (le  Christ  devant  Hérode  ou 
devant  Pilate)  si  les  sculptures  voisines  ne 
paraissaient  complètement  étrangères  à  ce 
sujet. 

24.  —  Un  monstre  énorme,  informe,  aux 
pieds  munis  d'ailes  ou  de  nageoires,  est 
précipité  tête  première.  Est-ce  l'archange 
révolté  ?  ou  un  des  nombreux  démons 
chassés  par  le  Christ  au  cours  de  sa  prédi- 
cation ?  Nous  n'osons  formuler  aucune 
hypothèse. 

25  à  30.  —  Histoire  de  S.  Paul.  —  Ici 
nous  trouvons  un  terrain  plus  solide  et  sans 
pouvoir  cependant  affirmer  l'exactitude  de 
notre  conjecture,  en  raison  de  l'ordre  anor- 
mal dans  lequel  seraient  disposés  les  sujets, 
nous  croyons  fermement  avoir  sous  les  yeux 
quelques  épisodes  de  l'histoire  de  S.  Paul, 
patron  de  l'église  de  Varax. 


25.  —  D'un  nuage  aux  formes  arrondies 
nettement  découpées,  sort  une  grande  main 
étendue  ;  évidemment  celle  de  Uieu.  Elle 
est  ouverte  et  dirigée  vers  

26.  —  ...  un  homme  étendu  à  terre  et 
qui,  regardant  la  main,  semble  essayer  de 
se   relever.    L'état   de   détérioration   de   la 


Fig.  3.  —  Façade  occidentale,  côté  gauche. 

sculpture  ne  permet  pas  de  distinguer  si 
cet  homme  est  vêtu  ou  non.  —  On  a  cru 
voir  dans  cette  scène  la  création  d'Adam  ; 
mais,  bien  que  l'attitude  de  notre  person- 
nage soit,  par  une  bizarre  coïncidence, 
presque  exactement  celle  donnée  par 
Michel-Ange  au  premier  homme  dans  son 
admirable  panneau  de  la  Sixtine,  nous  ne 
pouvons  accepter  cette  hypothèse  :  l'idée 
d'Adam  s'éveillant  à  la  vie  sur  un  signe  de 
la  main  d'un  Dieu  invisible  est    d'une  con- 


I50 


Bebue  ïie  T^rt  cl)rctien. 


ception  par  trop  étrangère  au  XII'  siècle. 
—  Nous  voyons  ici  Saul  renversé  par  la 
voix  divine  sur  le  chemin  de  Damas  ; 
tombé  païen,  il  va  se  relever  chrétien. 
Sans  doute,  la  tradition  veut  que  le  persé- 
cuteur ait  été  précipité  de  son  cheval,  mais 
les  Actes  des  Apôtres  ne  disent  rien  de 
semblable,  et  d'ailleurs,  on  conviendra  que 
cela  ne  suffirait  guère  à  infirmer  notre  in- 
terprétation, si  l'on  remarque  le  soin  pru- 
dent avec  lequel  l'imagier  de  Varax,  déjà 
peu  sûr  de  son  ciseau  quand  il  taillait  la 
figure  humaine,  a,  contrairement  à  ses  con- 
temporains du  Poitou,  évité  toute  représen- 
tation d'animaux. 

Néron  ordonne  la  mort  de  S.  Pajil. 

27.  —  Un  prince  vêtu  d'un  manteau 
court  et,  reproduisant  exactement  la  pose 
du  N°  23,  est  assis  sur  un  trône  à  dossier 
bas  et  à  bras  pleins,  de  forme  byzantine.  Il 
tient,  lui  aussi,  son  sceptre  sur  l'épaule  et, 
de  sa  main  droite,  semble  commander  à  un 
serviteur  d'aller  remplir  une  mission.  A 
notre  avis,  c'est  l'empereur  Néron  ordon- 
nant le  martyre  de  S.  Paul  et  disant  à  son 
serviteur,  selon  la  Légende  dorée  :  «  Cou- 
pelui  la  tête  pour  qu'il  sache  que  je  suis 
plus  fort  que  son  maître  le  Christ  !  et  nous 
verrons  bien,  ensuite,  s'il  vit  encore  !  » 

28.  —  Le  serviteur,  vêtu  d'une  courte 
tunique  ;  il  est  très  mutilé  :  un  bras  et  une 
jambe  manquent.  De  ce  qui  reste  on  peut 
conjecturer  qu'il  fléchissait  le  genou  en  re- 
cevant les  ordres  de  César.  Nous  n'attachons 
aucune  signification  au  rinceau  de  feuillages 
qui  se  trouve  sous  son  pied  :  à  notre  avis, 
le  sculpteur,  assez  novice,  comme  nous 
l'avons  déjà  vu,  avait  mal  calculé  ses  me- 
sures, et,  s'étant  aperçu  que  s'il  prolongeait 
la  jambe  jusqu'à  terre  elle  serait  démesu- 
rée, il  a  employé  cet  artifice  enfantin  pour 


relever  le  pied  et  maintenir  à  peu  près  les 
proportions  normales. 

Martyre  de  S.  Paul. 

29.  —  Le  bourreau  exécute  l'ordre  don- 
né par  Néron  :  debout,  vêtu  d'une  courte 
tunique,  il  frappe  de  son  épée  la  tête  de 
S.  Paul  :  la  pointe  de  l'épée  ressort  entre 
les  épaules  du  martyr.  Bien  que  le  person- 
nage ait  perdu  un  bras  et  une  jambe,  on  se 
rend  compte  du  geste  qui  est  assurément 
bizarre,  car  il  donnerait  plutôt  l'idée  d'un 
coup  de  pointe,  ou  d'un  coup  d'estoc  frappé 
de  haut  en  bas,  alors  que  la  décollation  ne 
peut  résulter  que  d'un  coup  horizontal. 
Nous  trouvons  d'ailleurs  ce  même  mouve- 
ment reproduit  à  satiété,  par  un  autre  artis- 
te du  XI I^  siècle,  dans  les  scènes  de  mar- 
tyre de  la  voussure,  à  la  porte  centrale  de 
l'Abbaye  des  Dames,  à  Saintes. 

30.  —  S.  Paul,  vêtu  d'une  robe  et  recon- 
naissable  à  son  nimbe,  s'incline  en  recevant 
le  coup  fatal  ;  ses  bras  sont  brisés,  mais, 
malgré  les  mutilations,  on  peut  présumer 
qu'il  joignait  les  mains. 

Côté  droit  de  la  façade. 

31  à  45.  —  Aucun  doute  ne  peut  exister 
sur  l'interprétation  des  sujets  représentés 
ici:  ce  sont  des  scènes  de  l'enfer.  On  peut 
s'étonner  seulement  que  l'enfer  soit  figuré 
seul,  sans  le  prélude  indispensable  du  Juge- 
ment et  la  contre-partie  naturelle  du  Para- 
dis :  on  ne  pourrait  guère  citer  d'autre 
exemple,  croyons-nous,  où  l'un  de  ces  trois 
sujets  soit  ainsi  séparé  des  deux  autres  ('). 

31  et  32.  —  Un  démon  nu  (N°  31)  dont 
la  face  est  brisée,  mais  qu'on   reconnaît  au 

I.  A  Beaulieu  (Corrèze  XII"  siècle)  le  Paradis  man- 
que, mais  nous  voyons  le  Christ  Juge  et  l'Enfer  ;  à 
Stjouin  de  Marnes,  il  semble  bien  qu'une  au  moins  des 
3  parties  manque,  mais  plusieurs  sculptures  ayant  dispa- 
ru, on  ne  peut  être  très  aftnmatif  à  cet  égard. 


6glt0e  ht  ^t#aul  tie  Màxax^ 


151 


gros  ventre,  aux  pieds  et  aux  mains  énor- 
mes dont  le  sculpteur  a  doté  ici  tous  ses 
diables,  entraîne,  au  moyen  d'une  chaîne 
massive  mais  peu  distincte,  un  damné  qu'il 
frappe  en  même  temps  d'un  bâton  ou  d'un 
fouet:  la  dégradation  de  la  pierre  empêche 
de  reconnaître  la  nature  de  cette  arme.  — 
Le  malheureux  réprouvé,  nu  (N°  32),   que 


l'-ci    4      -  Façade  occident^.c,  ^uli.  diuit. 

la  chaîne  serre  au  cou  (à  moins  qu'elle  ne 
soit  attachée  à  la  langue),  essaie  en  vain  de 
résister.  —  Chacun  des  deux  personnages 
a  une  jambe  brisée.  —  Cette  scène  est  sé- 
parée de  la  suivante  par  une  gracieuse  co- 
lonnette  au  chapiteau  formé  de  feuilles  vé- 
gétales épanouies. 

33  et  34.  —  C'est  une  répétition  presque 
exacte  de  la  scène  précédente  :  les  seules 
différences  consistent  en  ce  qu'ici  le  démon 
(No  23)   ne  paraît  pas  frapper  le  damné,  et 


qu'on  peut  se  demander  s'il  se  sert  d'une 
chaîne  ou  d'une  tige  de  fer  pour  attirer  à 
lui  le  malheureux  (N°  34):  on  croirait 
même,  au  milieu  de  cette  chaîne  supposée, 
qui  est  en  partie  brisée,  distinguer  une 
main  ;  mais  on  ne  voit  pas  à  quel  corps  elle 
appartiendrait. 

35.  —  Un  personnage  vêtu,  comme  un 
chevalier  du  XII''  siècle,  d'une  cotte  de 
mailles  et  d'une  robe  demi  longue,  flottante; 
ses  chaussures  sont  pointues  et  peut-être 
munies  d'éperons;  sans  doute  il  portait  un 
casque,  mais  la  tête  et  les  épaules  sont  trop 
dégradées  pour  qu'on  puisse  rien  affirmer 
à  cet  égard.  Les  jambes  écartées,  les  ailes 
ouvertes,  solidement  campé  dans  une  pos- 
ture de  combat,  ce  guerrier  fait  tournoyer 
en  l'air  son  glaive  pour  chasser  les  damnés. 
Faut-il  voir  dans  ce  chevalier  qui  frappe  les 
réprouvés,  un  démon?  Nous  ne  le  pensons 
pas  :  d'abord  parce  que  rien  dans  son  atti- 
tude ni  dans  les  parties  conservées  de  son 
corps,  ne  rappelle  les  ridicules  difformités 
des  démons  voisins  ;  ensuite,  parce  que, 
malgré  l'esprit  satirique  et  frondeur  de 
nos  pères,  c'eût  été  une  audace  vraiment 
trop  grande  que  de  représenter  un  démon 
sous  les  traits  d'un  chevalier,  en  plein  XI I^ 
siècle,  alors  que  la  chevalerie,  dans  tout  son 
épanouissement,  fournissait  des  défenseurs 
aux  opprimés  et  des  libérateurs  à  la  Terre- 
Sainte.  —  Il  n'y  a  donc  guère  qu'une  solu- 
tion possible,  c'est  de  reconnaître  en  notre 
personnage  un  S.  Michel,  d'un  type  très 
bizarre  assurément,  qui  n'a  point  de  ba- 
lance à  la  main,  qui  ne  sépare  point  les  bons 
des  mauvais,  mais  se  borne  à  chasser  les 
réprouvés  qui  l'entourent  de  tous  côtés. 
Pour  trouver,  dans  la  sculpture  de  nos 
i  églises,  un  archange  qui  ressemble  à  celui- 
ci,  il  faudrait  peut-être  aller  jusqu'au  XV'^ 
siècle:  encore,  à  cette    époque  le   S.  Mi- 


152 


3Rebue  lie  T^rt  tljrctten. 


chel  guerrier  avail-il  d'autres  attributs,  et 
verrait-on  sous  ses  pieds  le  démon  terrassé. 

36  —  ;i^'j  —  38.  —  Trois  damnés  nus, 
pressés  les  uns  contre  les  autres,  s'éloignent 
de  S.  Michel  dans  une  attitude  désespérée, 
le  bras  gauche  replié  contre  la  poitrine,  la 
main  droite  levée  vers  le  ciel  et  ouverte, 
geste  qu'il  est  difficile  d'expliquer  (i). 

39.  —  Un  grand  démon  ventru,  à  la  tête 
et  aux  pieds  énormes  ;  il  a  une  paire  d'ailes 
repliées  bizarrement  le  long  de  son  corps, 
et  sans  doute  une  seconde  paire  à  la  tête  ; 
mais  cette  partie  de  la  sculpture  est  si  dégra- 
dée que  ces  ailes  hypothétiques  peuvent 
être  simplement  des  cornes  démesurées.  Il 
pousse  devant  lui 

40  —   41    —   42.  —  trois  damnés 

nus,  debout,  très  mutilés  (chacun  d'eux  a 
perdu  une  jambe).  Désespérés,  ils  essaient 
timidement  de  résister  à  la  force  qui  les 
entraîne  vers  l'enfer. 

43.  —  La  porte  de  l'enfer,  aux  solides 
pentures  d'airain,  est  ouverte,  laissant  voir 
l'entrée  voûtée  de  l'abîme. 

44.  —  A  demi  sorti  de  l'antre,  un  monstre 
dont  la  tête  rappelle  celle  de  l'hippopotame, 
étend  en  avant  sa  longue  patte  (-)  pour  sai- 
sir le  premier  des  trois  damnés  qu'il  s'apprê- 
te à  broyer  dans  sa  gueule  ouverte.  —  Ici, 
par  exception,  ce  Béhémoth  {^)  est  présenté 
dans  le  sens  horizontal  ;  d'ailleurs  le  thème 

1.  Ce  geste  pourrait  être  un  appel  à  la  pitié  :  il  serait 
justifié  s'il  s'agissait  de  ressuscites  implorant  Dieu  avant  le 
jugement  ;  en  ce  cas,  il  faudrait  rattacher  S.  Michel  à  la 
scène  suivante  (N"''  39  à  42)  :  il  chasserait  alors  simple- 
ment les  démons  et  les  damnés,  mais  l'absence  de  tom- 
beaux ouverts,  en  nous  empêchant  de  reconnaître  ici  des 
ressuscites,  nous  oblige  à  écarter  cette  hypothèse  qui 
autrement  nous  séduirait  fort 

2.  Ou  plutôt  son  bras,  car  l'articulation  est  celle  du  bras 
humain  et  non  celle  de  la  jambe  antérieure  d'un  qua 
drupède. 

3.  Béhémoth,  nom  appliqué  souvent  par  les  Pères  de 
l'Église  au  démon,  trouve  son  origine  dans  le  livre  de 
Job  (XI,  10  à  19)  où  il  désigne  l'hippopotame,  ilâtons- 
nous  d'ajouter  que  la  ressemblance  de  notre  monstre  avec 
un  hippopotame  doit  être  ici  toute  fortuite,  car  nos  pères 


de  l'artiste  s'écarte  tout  à  fait  de  la  donnée 
habituelle,  car  de  la  gueule  infernale  ne  sor- 
tent ni  flammes  ni  animaux  immondes. 

45  —  Au-dessus  de  la  porte  fatale  paraît 
une  tête  d'animal  assez  semblable  à  celle 
d'un  bœuf:  nous  ne  pensons  pas  que  le 
sculpteur  ait  voulu  personnifier  par  là  tel 
ou  tel  des  démons  auxquels  l'Écriture  Sainte 
attribue  la  tête  de  cet  animal  :  c'est  plutôt 
une  simple  fantaisie  de  sculpteur  qui  ne 
savait  quels  traits  donner  à  ses  démons.  — 
Devant  cette  tête  apparaît  sur  le  long  du 
bas-relief  une  bande  légèrement  courbée 
qui  se  prolonge  au-dessus  des  figures  pré- 
cédentes jusqu'au  S  Michel;  la  dégradation 
de  la  pierre  ne  permet  pas  d'en  reconnaître 
la  nature. 

Chapiteaux. 

Les  N°^  47  et  50  qui  couronnent  des 
pilastres  sont  carrés  ;  les  autres  sont  arron- 
dis, comme  les  colonnes  qu'ils  surmontent  ; 
au-dessus  de  chacun  des  chapiteaux  est  une 
abaque  décorée  de  petites  feuilles  dressées 
très  simples,  sauf  au  N°  46  et  au  N°  49,  où 
l'ornementation  consiste  en  demi-disques 
et  en  une  combinaison  de  redents  et  de  per- 
les ;  on  remarquera  que  l'abaque  ne  porte 
pas  directement  sur  les  chapiteaux  :  la  pièce 
intermédiaire  est  creusée  sur  chaque  face 
et  ne  se  montre  qu'aux  angles  ornée  d'une 
fleurette,  ce  qui  donne  à  l'ensemble  une 
grande  légèreté. 

46.  —  Le  péché  originel  :  —  le  serpent 
est  enroulé  au  tronc  de  l'arbre  de  la  Science, 
aux  rameaux    contournés,  chargés  de  cinq 

du  XI P  siècle  ne  connaissaient  guère  les  animaux  de 
l'Egypte  et  de  l'Inde.  L'église  d'Aulnay  (Charente  Infé- 
rieure) nous  fournit  un  amusant  exemple  de  cette  igno- 
rance :  un  donateur,  revenu  sans  doute  des  pays  lointains 
au  XII'=  siècle,  fait  sculpter  sur  un  chapiteau  de  cette 
église  des  éléphants  ;  mais,  sachant  ((ue  ces  figures  consti- 
tueraient une  énigme  pour  les  fidèles  du  lieu,  il  (ait  graver 
au-dessous  ;  *.<  hi  sunt  elephantes,  »  (ce  sont  des  élé- 
phants). 


€glt0e  de  ^t^anl  tie  îllarar. 


'53 


ou  six   grosses  pommes.   Eve,  debout,  en    ' 
saisit  une  ;  sans  aucun  doute,  près  d'elle  se    j 
trouvait  Adam,  à  qui  elle  offrait  le  fruit  :1a 
partie  du  chapiteau  où  était  ce  personnage 
est  malheureusement  fort  mutilée. 

47.  —  Chapiteau  très  remarquable  :  sur 
la  face  de  gauche,  la  Nativité  de  Notre- 
Seigneur. —  Sur  la  face  antérieure,  l'Adora- 
tion des  mages  :  Marie,  nimbée,  assise  sur 
un  siège  à  bras  ornés,  les  pieds  posés  sur  un 
tabouret,  tient  sur  ses  genoux  l'Enfant,  qui 
avance  le  bras,  soit  pour  bénir,  soit  pour 
recevoir  les  présents  que  lui  remettent  les 
trois  rois  debout  devant  lui.  On  remarquera 
que  les  mages  sont  ici  vêtus  de  courtes 
tuniques,  ce  qui  est  assez  rare,  du  moins 
dans  la  sculpture  monumentale.  —  Sur  la 
face  de  droite,  Hérode,  assis  sur  son  trône, 
donne  à  un  officier  armé  d'un  glaive  l'ordre 
de  massacrer  les  enfants  :  on  peut  s'étonner 
que  le  serviteur  soit  assis  en  présence  du 
roi. 

48.  —  Ornements  végétaux  :  sur  chaque 
face,  un  fleuron  formé  de  deux  feuilles  qui 
s'écartent  pour  laisser  entre  elles  surgir  une 
tige  verticale  portant  un  fruit  rond  ;  aux 
angles, de  larges  feuilles  roulées  en  rinceaux. 
—  Ce  chapiteau  est  limité  à  sa  partie  supé- 
rieure par  un  galon. 

49.  —  Ce  chapiteau  offre  le  même  type 
général  que  le  précédent.  Les  feuilles  et  les 
fleurettes  sont  simplement  d'un  autre  mo- 
dèle ;  et  le  fleuron  ne  comporte  pas  de  fruit. 

50.  —  Ici,  ce  sont  deux  rangs  superposés 
de  tiges  grasses  rappelant  celle  du  céleri, 
s'épanouissant  aux  angles  et  au  milieu  des 
faces    en    toufles    de    feuilles     léeèrement 

o 

frisées 

51.  —  Au  milieu  de  feuillages  en  partie 
mutilés,  à  l'angle  du  chapiteau,  est  une 
grosse  tête  de  démon,  de  la  bouche  duquel 
sortent  les  queues  de  deux  animaux  fantas- 


tiques, décorant  chacun  une  des  faces  :  à 
droite,  un  dragon  dont  la  langue  est  formée 
d'un  long  rinceau  de  feuillage  ;  à  gauche, 
un  basilic,  sorte  de  coq  à  queue  de  dragon. 

Partie  purement  ornementale. 

GG.  —  Les  fûts  de  ces  colonnes  sont 
cylindriques,  à  surface  unie  :  aucun  d'eux 
n'est  d'une  seule  pierre. 

H  H. —  Les  deux  colonnes,  ou  pilastres, 
intermédiaires  sont  carrées  et  creusées  du 
haut  en  bas  sur  leur  face  antérieure  de 
deux  profondes  cannelures  verticales  qui 
produisent  un  effet  éminemment  décoratif. 

IL  —  Les  arcatures  sont  limitées  infé- 
rieurement  par  un  simple  boudin  rond  uni  ; 
supérieurement,par  une  bande  de  ces  sortes 
de  billettes  plates  que  nous  avons  signalées 
déjà  autour  de  l'archivolte  de  la  porte 
(voir  A).  —  Entre  deux,  large  bande  de 
pierres  unies. 

PETITE    PORTE    MÉRIDIONALE. 

CETTE  baie  carrée,  qui  s'ouvre  au  côté 
droit  de  l'église,  est  extrêmement 
fruste:  aucune  colonne,  aucun  ornement 
ne  l'encadre  ;  mais  elle  est  surmontée  d'un 
tympan  sculpté  dans  un  seul  bloc  de  pierre, 
quiconstitueun  véritable  chef-d'œuvre:  bien 
des  cathédrales  pourraient  envier  la  pos- 
session de  ce  bas  relief,  si  mutilé  qu'il  soit, 
aussi  intéressant  par  la  vigueur  de  l'exécu- 
tion, la  composition  décorative  de  la  scène, 
que  par  la  singularité  du  sujet  traité. 

D'après  la  forme  des  caractères  de  l'ins- 
cription gravée  sur  l'archivolte,  cette  porte 
doit  avoir  été  édifiée  vers  la  fin  du  XlJe  ou 
le  commencement  du  XI  lie  siècle,  bien 
que  la  sculpture  accuse  un  art  plus  réaliste 
que  celui  habituel  à  cette  époque,  mais 
l'inscription  ne  peut  être  antérieure  à  la 
sculpture  qu'elle  explique. 


154 


3Rebur  lie  r^rt  cbrctieiu 


Lisons  d'abord  (en  BB)  cette  belle  ins- 
cription qui  nous  indique  le  sujet  de  la 
sculpture  : 

ABBAS  QVEREBAT   l'AVLV   FAVN'q'nOCEB 

soit,  en  rétablissant  les  quelques  lettres 
supprimées  par  les  abréviations  :  abbas  quœ- 
rebat  Paulum,  faunusque  docebat.  —  Le 
sculpteur  avait  commencé  une  autre  inscrip- 
tion sur  la  bande  de  pierre  (C)  unie  qui  en- 
toure cette  archivolte  :  il  s'est  arrêté  à  la 
première  lettre  A.  —  Il  semble  qu'il  s'était 
trompé  de  place  et  avait  d'abord  voulu  gra- 
ver ici  l'inscription  que  nous  venons  de 
lire  ;  on  pourrait  à  la  rigueur  supposer  aussi 
que  l'inscription  de  cette  seconde  bande 
devait  faire  suite  à  la  première  et  que  cet  A 
formait  la  continuation  du  mot  «  docebat  » 
interrompu  à  l'autre  ligne  sans  porter  au- 
cun signe  d'abréviation  ;  mais  alors  on  se 
demande  pourquoi  l'artiste  n'aurait  pas 
poursuivi  son  travail  jusqu'au  bout. 

L'inscription  présente  d'ailleurs  un  sens 
complet,  et,  encore  bien  que  le  nom  d'Ab- 
bé soit  ici  singulièrement  appliqué,  et  qu'on 
puisse  s'étonner  de  ne  point  voir  le  nom 
«Paulum»  précédé  de  la  lettre  S  (Sanctus) 
comme  pour  les  saints  représentés  au  por- 
tail occidental,  nous  n'aurons  point  de  peine 
à  découvrir  l'identité  de  cet  «  abbé  qui 
cherchait  Paul  et  à  qui  un  faune  montrait 
le  chemin.  »  —  Ouvrons,  dans  la  «  Légende 
Dorée  »,  le  récit  de  la  vie  de  S.  Paul  er- 
mite (')  : 

«  S.  Paul  (^)  s'était  enfui  dans  le  désert  ; 
et   lorsque    .S.  Antoine   vint  à  son  tour  au 

1.  Bien  entendu  notre  sculpteur  du  XII°  siècle  ne  s'est 
pas  inspiré  de  la  Légende,écrite  par  Jacques  de  Voragine 
vers  1255  seulement:  mais  ce  beau  livre  constiiue  un 
résumd  de  toute  les  tradiiions  en  cours  pendant  le  moyen 
âge  sur  la  vie  des  .Saints,  et  à  ce  titre  il  est  un  guide  pré- 
cieux pour  quiconque  cherche  la  solution  des  problèmes 
posés  par  nos  anciens  imagiers. 

2.  On  remarquera  que  S.  Paul  ermite  n'est  point  le  pa- 
tron de  l'église  de  .St-Paul  de  Varax  :  pourquoi   donc   a- 


désert,  s'imaginant  être  le  premier  ermite, 
un  songe  lui  apprit  qu'un  autre  ermite, 
meilleur  que  lui,  avait  droit  à  son  hommage. 
Aussi  S.  Antoine  s'efforça-t-il  de  découvrir 
cet  autre  ermite.  Comine  il  le  cherchait  par 
les  forêts,  il  rencontra  d'abord  un  centaure, 
à  demi  homme,  à  deini  cheval,  qui  lui  dit 
d'aller  devant  lui.  Il  rencontra  ensuite  un 


Fig:.  5     -  Petite  porte  méridionale. 

animal  qui  portait  des  dattes,  et  qui  par  le 
haut  du  corps  ressemblait  à  un  homme, 
avec  le  ventre  et  les  pieds  d'une  chèvre. 
Antoine  lui  demanda  qui  il  était:  il  répondit 
qu'il  était  un  satyre,  c'est-à-dire  une  de  ces 
créatures  que  les  païens  prenaient  pour 
les  dieux  des  forêts.  Enfin  S.  Antoine  ren- 


t-on  choisi  ce  sujet  si  particulier  pour  décorer  notre  porte? 
Peut-être  simplement  .^  cause  de  l'association  d'idées 
résultant  de  la  similitude  des  noms:  ce  serait  bizarie  à 
coup  sûr,  mais  non  sans  exemple. 


Cgltse  tie  t>t#aul  De  mara;c. 


155 


contra  un  loup  qui  le  conduisit  jusqu'à    la 
cellule  de  S.  Paul  »  ('). 

Nous  n'avons  plus,  après  cette  lecture, 
qu'à  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  person- 
nages et  les  détails  de  notre  bas-relief  pour 
retrouver  vivants  tous  les  éléments  du  récit 
de  la   Légende. 


Fig.  6.  —  Schéma  de  la  petite  porte. 

I.  —  S.  Antoine  (nommé  par  l'inscrip- 
tion <<  abbas  >,  nous  ne  savons  pourquoi), 
vêtu  d'un  costume  de  moine  à  capuchon 
rabattu  sur  le  dos  et  à  attaches  sur  le  côté, 
marche,  probablement  pieds  nus,  en  s'ap- 
puyant  sur  un  gros  bâton  de  voyage,  en 
partie  brisé.  La  tête  et  les  bras  du  person- 
nage manquent.  Il  se  dirige  vers 

1.  Légende  dorée,   traduction  T.  de  Wyzewa. 


'         2. — le  faune  (ou  satyre,  comme  le 

I  nomme  la  Légende)  dont  l'aspect  répond 
I  exactement  à  la  description  de  Jacques  de 
Voragine  :  d'énormes  pieds  de  chèvre  ou 
de  cheval,  les  jambes  et  sans  doute  le  ven- 
tre (cette  partie  est  brisée  ainsi  que  la  jam- 
be droite)  velus,  une  courte  queue  de  chè- 
vre, voilà  la  part  de  l'animal  ;  une  tête 
humaine  à  longue  barbe,  avec  peut-être  de 
petites  cornes  (la  pierre  est  brisée  en  cet 
endroit),  des  bras  et  des  mains,  voilà  la 
part  de  l'homme. Cet  être  hybride  est  debout 
et,  tournant  la  tête  vers  S.  Antoine,  de  la 
main  droite  il  l'invite  à  avancer,  tandis  que 
de  la  gauche  étendue,  il  lui  indique  par  un 
geste  expressif  le  chemin  qu'il  doit  suivre 
pour  trouver  S.  Paul. 

3.  4.  5.  —  Alternant  avec  les  person- 
nages sont  trois  arbres,  pour  signifier  que  la 
scène  se  passe  dans  une  forêt.  Ce  sont  des 
plantes  d'une  végétation  bizarre,  mais  émi- 
nemment décorative,  à  gros  troncs  d'où  se 
détachent  des  rameaux  retournés  en  rin- 
ceaux et  ne  portant  chacun  qu'une  ou  deux 
feuilles  :  on  pourrait,  avec  un  peu  de  bonne 
volonté,  y  reconnaître  le  type  du  palmier. 
AA.  —  Ce  beau  bas-relief  est  encadré 
d'une  bordure  assez  simple  de  dents  arron- 
dies, plates  sur  leur  face  antérieure. 

G.  Sanoner. 

Paris. 


-€- 


-^y^ 


^'f  i.M*.  K^A  A^A  iM*  ^^>*  *^1a  a^a  a^x  a^^  x^-a  jMa  iM*  jMa  >Ma  >Ma  ^uV^. 


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52:-5V«2rï? 


ffîclangrs. 


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f^^S^  y^jv  v^-y  y^-y  YjA^-v  y^-v  y^jx  r^*jx  y^^  y.^v  y,*jjf  y^jf  v^v  V>^  ^^iî^ 


Hutour  Dc  •èJérusalcm  antiauc. 


N  Palestine,  à  Madaba,  en  faisant  les 
fouilles  pour  asseoir  les  fondations 
d'une  nouvelle  église  grecque,  on  a 
découvert  une  mosaïque  donnant  une 
image  grossièrement  naïve  de  l'ancienne  Jérusa- 
lem. Et  il  n'y  a  aucun  doute  sur  l'identification 
de  la  ville  représentée,  puisque  l'image  est  ac- 
compagnée de  cette  inscription  en  caractères 
grecs:  HAGIAPOLICIEROVCALEM. 

J'ai  sous  les  yeux  une  reproduction  héliogra- 
phique, c'est-à-dire  rigoureusement  exacte,  de 
cette  mosaïque,  rencontrée  dans  le  n°  de  V/l- 
lustration  Italienne  du  8  novembre  1903,  p.  393. 
Mais  j'avoue  qu'il  m'est  difficile  d'y  reconnaître 
quelque  chose  et  imagine  qu'il  faudrait  beau- 
coup d'ingéniosité  pour  tirer  de  cette  confusion 
une  reconstitution  un  peu  sérieuse  de  la  ville  an- 
tique. La  première  question  à  résoudre  est, 
d'ailleurs,  celle  de  l'orientation  ;  or,  si  nous  ad- 
mettons l'inscription.  Porta  di  Damasco,  mise 
en  lettre  par  le  journal,  à  la  porte  présentée  à 
gauche  du  lecteur,  je  suis  tenté  de  reconnaître  le 
tracé  de  ce  corso,  bordé  d'un  double  filet  de  porti 
ques  en  colonnades.qui  du  Nord  au  Sud  traversait, 
en  son  entier,  la  ville  romaine  d'Hadrien,  ^Elia 
Capitolina.  De  semblables  rues,  maîtresses  artè- 
res des  cités  bâties  tout  d'une  pièce,  existaient 
dans  les  grandes  capitales  de  l'Asie  et  de  l'Afri- 
que, à  Palmyre,  où  elle  est  encore  debout  dans 
une  partie  du  parcours,  et  reconnaissable  en  son 
entier,  à  Antioche,  à  Alexandrie.  Comme  la 
porte  de  Damas  s'ouvrait  au  Nord,  cette  hypo- 
thèse paraît  extrêmement  vraisemblable  ;  une 
autre  rue,  en  ligne  brisée  et  garnie  également 
de  portiques,  mais  d'un  seul  côté,  part  encore 
de  la  porte  de  Damas  et  aboutit  par  un  embran- 
chement à  la  porte  Dorée,  puis  directement,  sem- 
ble-t-il,  à  celle  des  Eaux.Il  est  difficile  de  recon- 
naître dans  ce  pêle-mêle,  qui  semble  un  village  en 
bois  de  Nuremberg  jeté  hors  dc  sa  boîte  de 
sapin,  quelque  chose  qui  rappelle  les  parvis  du 
Temple  et  le  Temple  lui-même.  Quant  au  Saint- 
Sépulcre,  je   le  retrouve  à   la   rigueur  dans  une 


construction  à  triple  porte,  au  toit  à  deux  pentes 

—  on  remarquera  qu'il  n'y  a  pas  une  seule  mai- 
son à  terrasse  figurée  ici  — avec  une  coupole.  Mais 
que  tout  cela  est  incertain  et  vague  ! 

L'article  de  Y  Illustration  Italienne,  signé  des 
initiales  C.  R.,  rapporte  le  plan  trouvé  à  Madaba 

—  ce  serait  plutôt  un  essai  informe  de  vue  à  vol 
d'oiseau,  —  à  une  époque  antérieure  à  Jésus- 
Christ.  C'est,  je  crois,  une  erreur;  je  n'invoque  pas 
comme  un  argument  décisif  le  fait  d'une  inscrip- 
tion en  langue  grecque,  qui  était  dès  lors  en 
grand  usage  dans  l'Asie  méditerranéenne  :  mais 
la  forme  sensiblement  régulière  de  l'enceinte 
englobe,  sans  aucun  doute,  le  Golgotha  laissé  en 
dehors  des  murs  jusqu'à  Hadrien. 

Je  conclus  de  ces  constatations  que  nous  av^s 
ici  non  la  Jérusalem  d'Hérode  et  de  Pilate,  mais 
r./Ëlia  Capitolina  d'Hadrien,  qui  conserva  sa 
plantation  romaine  bien  après  le  triomphe  du 
christianisme.  Le  nom  païen  subsista  même 
longtemps;  un  usage  de  deux  siècles  est  long  à 
abolir. 

Peut-être  ne  sera-t-il  pas  hors  de  propos  de 
dire  ici  quelque  chose  de  ce  que  firent  des  Lieux 
Saints  Constantin  et  sainte  Hélène.  Quand,  en 
327,1a  mère  de  rempereur,rAugusta,eut  retrouvé 
la  sainte  Croix  depuis  trois  siècles  ensevelie  dans 
une  citerne  abandonnée,  elle  n'eut  plus  qu'une 
pensée,  faire  pour  les  chrétiens,  du  Calvaire  et  du 
Saint  Tiimbeau,  ce  qu'avait  été  le  Temple  dans 
l'ancienne  Loi,  c'est-à-dire  le  sanctuaire  com- 
mun de  l'empire.  L'empereur  envoya  un  archi- 
tecte de  Hyzance,  qui  n'était  pas  encore  Constan- 
tinople,  Eustathe,  avec  ordre  de  faire  grand  et 
magnifique.  Pénétrés  des  idées  païennes  et  impé- 
riales, Constantin  et  sa  mère  voulurent  que  les 
constructions  nouvelles  égalassent  en  splendeur 
tout  ce  qu'avaient  produit  l'art  et  les  siècles  po- 
lythéistes ;  ils  ne  furent  que  trop  obéis  et  s'ac- 
complit alors  un  des  actes  de  vandalisme  reli- 
gieux les  plus  stupéfiants  qu'ait  à  enregistrer 
l'histoire.  Sous  les  terrasses  auxquelles  Hadrien 
avait  imposé  un  temple  de  Vénus  et  une  statue 
colossale  de  Jupiter,  on  retrouva  le  tertre  rocail- 
leux du    Golgotha,  mais   l'idée  de   le  conserver 


dans  sa  simplicité  et  dans  sa  nudité  ne  vint  à 
personne.  Le  saint  monticule  fut  rasé,  nivelé  et  on 
n'en  conserva  qu'un  bloc  au  point  où  avait  été 
plantée  la  croix  rédemptrice.  Il  en  fut  de  même 
du  coteau  où  Joseph  d'Arimathie  avait  creusé 
le  sépulcre  neuf  qui  reçut  le  corps  divin.  Combien 
les  Lieux  Saints  eussent  mieux  parlé  à  l'àme 
si  on  les  avait  laissés  dans  leur  état  historique! 
Les  constructions  dues  àConstantin  et  à  sa  mère 
formèrent  un  ensemble  irrégulier  qu'il  est  difficile 
de  restituer  avec  un  peu  de  certitude.  Les  an- 
ciennes descriptions  sont  l'œuvre  de  pieux  pè- 
lerins qui  écrivent  sur  les  choses  saintes  dans  un 
but  d'édification  et  non  en  géomètres, ou  en  archi- 
tectes. D'ailleurs  la  parole  donne  l'idée  non  l'i- 
mage de  la  forme,  et  ensuivant  minutieusement 
la  description  la  plus  précise  dix  archéologues 
feront  graphiquement  dix  restaurations  plau- 
sibles, mais  différentes  entre  elles.  Je  me  borne- 
rai donc  à  donner  un  crayon  du  tableau  monu- 
mental dû  à  Eustathe,  sans  chercher  à  déterminer 
le  rapport  des  éléments  entre  eux. 

Il  y  avait  d'abord  sur  l'emplacement  du  Cal- 
vaire une  cour  dallée  et  entourée  sur  trois  côtés 
de  portiques,  V Atrium;  les  matériaux  employés 
étaient  magnifiques  et  variés.  Au  centre,  une 
grande  croix  de  bois  se  dressait  là  où  l'avait  été 
celle  (lu  Christ.  Sur  le  quatrième  côté  était  la  ba- 
silique toute  brillante  d'or,  de  mosaïques  et  de 
peintures,  peut-être  surmontée  d'une  coupole. 
Il  est  donc  à  présumer  que  la  forme  de  l'édifice 
rappelait  non  les  longues  basiliques  romaines  à 
charpentes  apparentes,  mais  les  édifices  à  voûtes 
et  coupoles,  comme  les  thermes  d'Antonin-Cara- 
calla  et  de  Dioclétien,  et  cette  basilique  de  Cons- 
tantin dont  les  trois  arcs  ouverts  dominent  si 
noblement  le  Forum  romanum  ('). 

On  reconnaît  dans  \' Atrium  la  cour  à  porti- 
ques ou  colonnades  qui  précède  ou  précédait 
les  anciennes  églises,  comme  Saint-Faul  hors 
les  Murs  a  Rome. 

Le  Saint  Sépulcre  était  abrité  sous  un  édifice 
circulaire  avec   précinction  de  colonnes  à  l'inté- 

I.  Nous  avons  fait  connaître  jadis,  au  sujet  de  l'ordonnance,  en 
plan,  de  la  basilique  constantinienne  du  Saint-Sépulcre,  la  restilution 
de  M.  Sodick.  reproduite  dans  notre  dernière  livraison  (p.  80),  ainsi 
que  l'opinion  de  M.  de  Combes,  du  R.  P.  Germer  Durand,  de 
M.  Clermont  et  de  M.  Ganneau  ;  antérieurement  (année  1898  p.  331) 
nous  avons  résumé  l'histoire  du  Saint-Sépulcre  d'après  M.  l'abbé 
Legendre.  fN.  de  la  R.) 


rieur,  qui  devait  ressemblera  Sati  Stefano  rottin- 
do,  ou  au  baptistère  de  Saint-Jean  de  Latran  à 
Rome.  On  l'appelait  Anastasis,  en  grec  Résur- 
rection, ou  Martyrwn.  Enfin,  une  chapelle,  l'Z;;//- 
culuin,  sorte  de  châsse  monumentale  d'une  ri- 
chesse inouïe,  renfermait  la  vraie  Croix. 

D'autres  églises  s'élevèrent  hors  des  murs  sur 
l'emplacement  du  Cénacle,  au  tombeau  de  la 
Vierge,  au  Gethsémani.  Mais  il  ne  reste  rien  de 
toutes  ces  constructions  commandées  à  Eustathe 
par  Constantin  et  Hélène,  et  ce  n'est  pas  la  mo- 
saïque informe  trouvée  à  Madaba  qui  nous  aidera 
dans  l'œuvre  d'une  restitution  graphique  de  ce 
qui  a  disparu. 

Henri  Ch.\beuf. 


Deiir  pèlerinages  au  Suaire 
De  Cbambérp-O^urin. 

OUÈNE  est  avec  Parme  l'iuie  des  villes 
d'Italie  qui  conservent  presque  encore 
intactes  les  précieuses  correspondan- 
ces des  agents  diplomatiques  envoyés 
par  les  petites  cours  italiennes  près  des  Souve- 
rains des  grands  États  européens.  Aux  Archives 
d'Etat,  grâce  à  l'aimable  complaisance  du  direc- 
teur. Monsieur  Ognibene,  j'ai  pu  retrouver  dans 
les  dépêches  de  Trotti  et  de  Zerbinati,  ambassa- 
deurs des  ducs  de  Ferrare,  le  récit  du  pèlerinage 
de  François  \'^'^  au  Suaire  de  Chambéry,  en  1 5  i6, 
ainsi  que  la  relation  de  la  visite  que  fit  saint 
Charles  Borromée,  en  1578,  au  même  Suaire, 
alors  transporté  à  Turin. 

Au  retour  de  la  conquête  du  duché  de 
Milan,  qui  suivit  le  triomphe  éclatant  de  Mari- 
gnan,  après  avoir  traversé  le  Midi  de  la  France, 
François  I'^'  vint  s'établir  à  Crémieu,  petite  ville 
du  Dauphiné,  où  son  séjour  fut  coupé  par  une 
excursion  aux  gorges  de  la  Balme  (').  Le  27  mai> 
il  vint  à  Lyon  et  ne  s'y  arrêta  pas.  i.  Le  28  de 
mai  15  16,  d'après  le  Journal  de  Louise  de  Savoie, 
environ  cinq  heures  après  midi,  mon  filz  partit  de 
Lyon  pour  aller  à  pié  au  saint  Suaire  de  Cham- 
béry (2).  »  Jean   Harrillon,  tout  en  se    trompant 

1.  Catalogue  des  actes  de  François  l^^,  n^s  474  à  484,  et  Journal 
de  Louise  de  Savoie,  dans  Guichenon,  Histoire  généalogique  de  la 
royale  maison  de  Savoie,   1778-80.  t.  IV,  Preuves,  p.  459. 

2.  Guichenon.  ibidem. 


RBVUK  DE  l'akT  CHKÉTIKN. 
iqp^.  —  2*"*^  LIVRAISON. 


158 


Bcbue  lie  riart  c{)ictien. 


sur  la  date  exacte  du  départ,  note,  au  cours  de 
son  journal,  que  <<  le  Roi  partit  de  Lyon  pour 
aller  faire  un  voiage  à  pied  au  sainct  suaire,  qui 
est  à  Chambéry  (i).  »  L'ambassadeur  ferrarais. 
Sigismond  Trotti,  écrit  à  son  maître,  Alphonse  l" 
d'Esté  :  <  Le  roi  est  parti  pour  Chambéry  à  pied 
pour  accomplir  le  vœu  »  (^),  sans  indiquer  l'objet 
de  ce  vœu.  C'est  ce  que  répète,  presque  dans  les 
mêmes  termes, Badoer, ambassadeur  de  Venise(3). 
Seul,  Guichenon  raconte  que  «  le  roi  étant  à 
Lyon,  touché  d'un  même  mouvement  de  piété, 
rendit  à  pied  un  vœu  au  saint  Suaire  de  Cham- 
béry qu'il  avait  fait  le  jour  de  la  bataille  de 
Marignan  (4)  ».  Cet  auteur,  que  suit  sans  doute 
Ménestrier  (^),  assez  inexact  dans  les  détails, 
mérite-t-il  créance?  Il  est  étrange  que  François  I«^ 
dans  sa  célèbre  lettre,  écrite  du  camp  de  Sainte- 
Brigide,  le  14  septembre  1515,  le  jour  même  de 
Marignan,  ne  souffle  mot  de  son  vœu.  A  peine 
peut-on  y  voir  une  allusion  quand,  vers  la  fin  de 
sa  lettre,  il  écrit  à  sa  mère  :  «  Au  demeurant. 
Madame,  faites  bien  remercier  Dieu  par  tout  le 
royaume  de  la  victoire  qu'il  lui  a  plu  nous  don- 
ner »  (6).  Toutefois  le  rapprochement  des  textes, 
l'éclat  insolite  donné  au  pèlerinage,  la  solennité  du 
vœu,  la  rigueur  avec  laquelle  il  est  accompli,  tout 
permet,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  de  s'en  tenir 
aux  dires  de  Guichenon. 

La  Cour  presque  entière  accompagna  le  roi. 
Grands  seigneurs,  grandes  dames,  la  reine 
Claude  elle-même  se  firent  un  honneur  de  lui 
composer  un  brillant  cortège.  François  L',  dont 
l'humeur  voyageuse  se  plaisait  aux  équipées 
extraordinaires,  était  revêtu  d'un  costume  si 
merveilleux,  que  Trotti  ne  put  contenir  son  admi- 
ration et  qu'il  le  décrit  complaisamment.  «  Le 
roi,  écrit-il,  porte  un  pourpoint  de  velours  noir 
tout  tailladé,  à  larges  manches,  doublé  moitié  de 
toile  lamée  d'argent  et  moitié  de  soie  marron.  Les 
revers  sont  garnis  de  toile  lamée  d'argent.  Par 
endroit  sort  la  chemise,  terminée  par  un  haut 
collet  à  l'allemande.  Des  bas-de-chausse  l'un  est 
tout  noir  et  l'autre  listré  de  bandes  blanches  et 


1.  Journal  de  Jean  Barrillon,  édition  P.  de  Vaissière,  Société  de 
l'histoire  de  France,  t.  I,  p.  218. 

2.  Archives  d'É/at  de  Modène,  dépêche  du  29  mai. 

3.  Diarii.  t.  XXII,  col.  287  ;  cité  par  de  Vaissière. 

4.  Guichenon,  op.  cit.,  t.  II,  p.  198. 

5.  HiUoire  civile  ou  conuiliire  de  lit  ville  de  Lyon,  1696. 

6.  Petitot,  Collection  de  mémoires,  t.  XVII,  p.  188. 


marron.  Les  chaussures  sont  dans  le  même  style. 
Sur  la  tête  un  petit  bonnet  de  drap  d'or  sur 
lequel  repose  une  toque  (')  de  drap  blanc,  recou- 
verte de  plumes  qui  s'étalent  sur  le  devant  sur 
une  longueur  de  deux  mains  {^).  Ce  panache  est 
mi-partie  noir,  mi-partie  blanc  et  marron.  Le  roi, 
avec  quelques-uns  des  siens,  est  venu  dans  ce 
costume  à  la  messe,  mais  il  portait  par-dessus 
une  chape  française  brodée  d'or  (3),  dont  il  se 
débarrassa  pour  dîner  (•').  » 

Le  roi,  accompagné  de  sa  suite,  n'avançait  qu'à 
petites  étapes.  Il  marchait  dans  la  matinée  et  la 
soirée.  Au  milieu  du  jour,  pendant  son  repas,  il 
recevait  les  ambassadeurs,  puis  il  s'entretenait 
longtemps  avec  la  reine  Claude,  au  grand  dépit 
de  Trotti  qui  aurait  voulu  rester  plus  longtemps 
avec  lui.  Le  soir  venu,  un  bal  costumé  reposait 
des  fatigues  de  la  route.  Les  dames  faisaient 
bonne  contenance.  Trotti  s'émerveille  de  leur 
vaillance,  mais,  en  sceptique,  il  doute  qu'elle  per- 
siste, car  lui-même  se  plaint  de  l'insuffisance 
du  logement  et  des  péripéties  du  chemin  assez 
accidenté. 

Le  5  juin,  on  parvint  à  la  Verpillière  (^).  Le  7, 
on  atteignit  la  Tour-du-Pin  (6)  ;  de  là,  on  passa 
en  Savoie  par  Pont-de-Beauvoisin  et,  le  15,  on 
entra  à  Chambéry. 

«  Le  lendemain,  environ  midy,  rapporte  Bar- 
rillon, fut  monstre  le  saint  suaire  par  trois  éves- 
qiies  publicquement  >  1' |  Cela  fournit  à  Trotti 
l'occasion  de  nous  donner  du  Suaire  une  descrip- 
tion, d'autant  plus  précieuse  qu'elle  est  la  plus 
ancienne  en  date  et  qu'elle  précède  l'incendie  du 
4  décembre  1532,  dont  la  relique  eut  beaucoup  à 
souffrir.  «  Sa  Majesté,  ce  matin,  écrit-il  le  16  juin, 
a  vu  le  linceul  où  fut  enveloppé  le  Christ  au  sé- 

1.  C'est  la  toque  aplatie  à  la  florentir.e.  dont  les  divers  portraits 
du  roi  fournissent  le  modèle. 

2.  Environ  50  centimètres. 

3.  C'est  sans  doute  ce  qu'appelle  Chorier  (Histoire  générale  de 
Dauphiné,  1672,  t.  II,  p.  515)  «  une  aube  de  toile  blanche  ». 

4.  Lettre  originale  du  29  mai.  —  Il  e.viste  quatre  portraits  de 
François  I'-'.  Deux  sont  au  Louvre,  ceux  du  Titien  et  de  Jean  ou 
leannet  Clouet  ;  un  autre  se  trouve  au.v  Offices,  A  Florence,  et  le 
qu.itrième,  sur  ém.iil,  fait  partie  de  la  collection  Soltikofl.  Aucun 
des  costumes  représentés  par  ces  portraits  ne  correspond  exacte- 
ment à  celui  qui  a  tant  émerveillé  Trotti.  Toutefois  celui  du  Titien 
en  a  les  taillades  et  les  manches  du  pourpoint, et  celui  de  Jean  Clouet 
le  bouffer  de  la  chemise  sur  le  dev.ant,  moins  le  collet  qui  se  retrouve 
sur  la  toile  du  maître  vénitien. 

5.  Cataloi>ue...  n"  ^()o. 

6.  Journal  de  Louise  de  Savoie,  Guichenon,  op.  cit.,  t.  IV,  p.  460 

7.  Édition  P.  de  Vaissière.  Journal  de  liarrillott,  t.  I,  p.  218. 


S^tiànQtô, 


159 


pulcre.  Il  peut  être  long  de  six  brasses  et  large 
de  deux  (').  Sur  la  partie  où  fut  placé  l'envers  du 
corps  du  Christ  se  voit  toute  cette  portion  du  corps 
qui  comprend  la  tête,  l'échiné  et  les  jambes,  à 
l'exception  du  derrière  de  la  tête.  Sur  l'autre  par- 
tie du  linceul,  qui  était  retournée  sur  le  corps  et 
le  visage  du  Christ,  se  voit  la  figure,  sauf  le  cou 
puis  le  corps  jusqu'aux  pectoraux.  Ensuite  com- 
mencent le  devant  des  jambes  et  les  bras.  Ainsi 
sur  la  moitié  du  linceul  se  trouve  toute  la  partie 
du  corps  du  Christ,  vu  du  dos,  et  sur  l'autre  toute 
cette  partie  du  corps  vu  de  face,  moins  le  cou  et 
les  parties  sexuelles  qui  ne  se  voient  pas  :  chose 
très  étonnante  et  belle  à  contempler  (-).  » 

Le  duc  de  Savoie,  Charles  III,  raconte  Gui- 
chenon,  «  reçut  le  Roi  avec  une  somptuosité  si 
extraordinaire  que  Sa  Majesté  partit  de  Cham- 
béry  fort  satisfaite  (3).  »  Le  départ  eut  lieu  le 
17  juin,  et  le  25  le  cortège  atteignit  Grenoble, 
d'où  il  s'ébranla  le  2  juillet  pour  parvenir  le  3  à 
Lyon. 

Ainsi  se  termine  la  relation  de  Trotti  qui  dé- 
crit, en  simple  spectateur,  le  Suaire  tel  qu'il  l'a 
vu.  Sa  correspondance,  très  intéressante  au  point 
de  vue  diplomatique,  nous  a  ainsi  permis  de 
tracer  les  étapes  d'un  itinéraire  qui  jusqu'ici  était 
fort  obscur. 

Longtemps  après  le  pèlerinage  de  François  I^"" 
€  le  cardinal  Borromée,  s'étant  mis  en  chemin 
pour  rendre  à  pied  un  vœu  qu'il  avait  fait  au 
saint  Suaire  de  Chambéry,  à  cause  de  la  peste, 
qui  avait  fait  de  grands  ravages  dans  tout  son 
diocèse  (4),  le  Duc,  pour  gratifier  ce  saint  Prélat, 
envoya  quérir  le  saint  Suaire  à  Chambéry  et  le 
fit  apporter  à  Turin  pour  abréger  le  pèlerinage 
du  Cardinal,  craignant  d'ailleurs  que  la  ville  de 
Chambéry  étant  frontière  à  la  France  et  au 
Dauphiné,  où  la  guerre  civile  attirait  les  nou- 
veaux Religionnaires  de  tous  côtés,  il  ne  fût  pas 
en  assurance  (5).  > 

Tommaso  Zerbinati,  ambassadeur  du  duc  de 
Ferrare,  assista  au  départ  du  cardinal.  Comme 
François  I*^"^,  le  saint  allait  à  pied,  mais  ce  n'était 

t.  La  brasse  ferraraise  était  de  0,674  millimètres. 

2.  Archives  d'État  de  Modène,  lettre  originale  et  minute. 

3.  Guichenon,  ofi.  cit.,  t.  II,  p.  198. 

4.  11  s'agit  de  la  peste  de  1576. 

5.  Guichenon.  op.  cit.,  t.  II,  p.  266.  —  Sa  chronologie  est  en  dé- 
faut, car  le  14  septembre  le  Suaire  .était  déjà  à  Turin.  (Chevalier, 
Étude  critique,  p.  47.  ) 


plus  avec  l'entourage  d'une  escorte  bruyante  et 
tout  adonnée  au  plaisir.  Vêtu  de  l'habit  de  pè- 
lerin, le  bourdon  à  la  main,  de  rudes  chaussures 
aux  pieds,  sans  serviteur,  il  quitta  Milan,  entouré 
seulement  de  treize  familiers  ('). 

Autant  le  voyage  de  François  I"  avait  été 
long,  autant  celui-ci  fut  rapide.  «  Ne  comptant 
pour  rien  ni  la  pluie,  ni  le  vent,  ni  la  boue,  ni 
tout  autre  inconvénient  »,  le  cardinal  Borromée 
parvint  à  Turin  le  9  octobre,  après  quatre  jours 
de  marche.  Le  duc  de  Savoie,  Emmanuel-Phili- 
bert, avec  toute  sa  cour,  s'avança  à  sa  rencontre 
jusqu'à  un  mille  de  la  ville,  puis  il  l'accompagna 
jusqu'à  la  cathédrale  et  de  là  le  conduisit  dans 
l'un  des  palais  princiers.  On  le  traita  «  royale- 
ment »,  écrit  Guido  Panciroli,  célèbre  juriste  (2) 
dont  Zerbinati  transmet  la  lettre  au  duc  de  Fer- 
rare,  Alphonse  II  d'Esté. 

Le  lendemain  de  son  arrivée,  le  cardinal  ex- 
prima le  désir  de  célébrer  la  messe  propre  du 
Saint-Suaire.  On  eut  un  moment  d'hésitation. 
Pie  V,  — •  ce  détail  était  encore  inconnu,  —  en 
avait  interdit  l'usage  (3).  En  sa  qualité  de  juris- 
consulte et  de  professeur  à  l'Université  de  Turin, 
récemment  fondée  par  Emmanuel-Philibert, 
Panciroli  fut  appelé  au  palais  ducal  et  fut  invité 
à  donner  son  avis.  Par  modestie,  peut-être,  il  ne 
nous  dit  point  quel  il  fut  en  l'occurrence  et  à 
quelle  résolution  s'arrêta  le  duc.  Un  autre  témoin, 
un  certain  Zini,  raconte  que  saint  Charles  célébra 
la  messe  dans  la  chapelle  majeure  de  la  cathé- 
drale devant  le  Suaire,  sans  nous  tenir  au  cou- 
rant de  la  controverse. 

Au  cours  de  la  journée,  quatre-vingts  person- 
nes furent  admises  avec  l'illustre  prélat  à  regar- 
der le  Suaire  de  près.  Entouré  de  la  cour,  de 
prélats,  d'évêques  et  d'ambassadeurs,  le  cardinal 
le  vénéra  avec  dévotion.  Zini  rapporte  qu'il  le 
vit  pleurer  abondamment,  relatant  ce  que  son 
confrère,  le  Père  Adorno,  nous  avait  déjà  fait 
connaître  {^).  Panciroli  en  profite  pour  décrire  le 

1.  Archives  d'Etat  de  Modène,  busta  43. 

2.  Panciroli  (1523-1599)  est  surtout  célèbre  par  sa  Notifia  digni- 
talum  utriusque  Imperii  cum  commentario.  Cfr.  Nuova  encicîopedia 
italiana,  t.  XVI,  p.  604. 

3.  «  Il  giorno  seguente  (10  octobre)  fui  chiamato  per  dire  il  mio 
parère  se  si  poieva  cellebrare  la  messa  piopria  del  Santjssimo Suda- 
rio  per  una  prohibizione  di  Pio  V"  et  orca  le  hoie  21  dissi  il  mio 
parère  ». 

4.  Sa  lettre  est  imprimée  dans  Pingone,  Syndoit  evangelica..., 
édit.  15S1,  pp.  65-85. 


i6o 


3Re\)ue  De  T^lvt  cbvétieu. 


Suaire,  mais  avec  plus  de  souci  de  la  précision 
et  plus  de  développement  que  Trotti,  en  1516. 
K  Dans  la  cathédrale,  écrit-il,  nous  trouvâmes  le 
Suaire  disposé  sur  une  longue  table  garnie  d'un 
tapis  et  recouvert  lui-même  de  taffetas  cramoisi. 
Après  une  courte  prière.  Don  Francesco  Adorno, 
provincial  des  Jésuites,  fit  une  exhortation  à 
l'occasion  de  l'ostension  d'une  si  importante  reli- 
que, que  je  tiens  pour  la  plus  mémorable  et  la 
plus  remarquable  du  monde.  Le  taffetas  ayant 
été  enlevé,  tous,  au  nombre  d'environ  80,  nous 
nous  approchâmes  pour  le  contempler.  C'est  une 
toile  longue  d'à  peu  prèsjbrasses  et  large  d'une  et 
demie.  On  ne  peut  reconnaître  si  elle  est  de  lin  ou 
de  chanvre.  Elle  n'est  pas  très  blanche.  Elle  est  un 
peu  poileuse.  Elle  fut  placée  sur  la  tète  de  Notre 
Seigneur  de  telle  manière  qu'un  côté  couvrait  la 
partie  antérieure  du  corps,  et  l'autre  la  partie 
postérieure.  Sur  ses  deux  replis  on  y  voit  la  vé- 
ritable effigie  du  Sauveur,  comme  en  une  sil- 
houette où  apparaît  le  très  saint  visage.  Les 
mains  sont  posées  l'une  sur  l'autre,  et  l'on  voit 
distinctement  la  forme  des  doigts.  Au  milieu  de 
la  main  supérieure  il  y  a  une  petite  tache  à  l'en- 
droit où  elle  fut  transpercée  par  le  clou.  Appa- 
raissent ensuite  les  traces  des  jambes  et  les  pieds 
avec  deux  taches  à  la  place  des  clous.  Au  côté 
gauche,  sous  les  côtes  se  voit  une  autre  tache  à 
l'endroit  où  pénétra  la  lance.  Elle  n'est  point 
marquée  sur  la  poitrine  comme  le  représentent 
les  peintres,  et  l'évangile  nous  dit  :  /a/us  appa- 
ruit  (•).  Sur  l'autre  partie  de  la  toile  se  voient 
les  cheveux  qui  s'étendent  jusque  sur  les  épaules. 
Puis  la  forme  du  corps  va  en  s'amincissant 
jusqu'à  la  ceinture  qui  porte  une  ligne  de  taches 
de  sang.  Viennent  ensuite  les  traces  des  jambes, 
les  plantes  des  pieds  et  les  pieds  eux-mêmes, 
vus  à  revers  :  toutes  choses  qui  provoquent  l'é- 
tonnement  de  chacun  »  (2). 

L'ostension  privée  du  Suaire  fut  suivie  de 
grandes  fêtes.  Le  dimanche,  12  octobre,  une 
longue  procession  parcourut  les  rues  de  Turin  et 
se  dirigea  du  Dôme  vers  la  place  du  Château. 
Arrivé  la,  on  monta  sur  un  grand  échafaudage 
construit  pour  l'occasion.  Le  cardinal  Borromee 
ouvrit   le  coffret    qui   renfermait    le   Suaire,  l'en 

1.  Sair:/  /ean.xix,  34. 

2.  Archives  d'Éiat  de  Modène,  leUre  du  25  octobre. 


tira  et,  le  déployant,  le  montra  à  une  nombreuse 
foule  en  présence  de  la  Cour,  d'archevêques  et 
d'évêques,  et  de  l'ambassadeur  de  Venise.  Apiès 
quoi,  la  procession  reprit  son  cheinin  vers  la  ca- 
thédrale, où  le  cardinal  Guido  Ferrero  l'exhiba 
de  nouveau.  C'était  assez  pour  donner  l'éveil  au 
Chapitre  de  Chambéry  et  lui  faire  craindre  de  ne 
plus  jamais  revoir  la  relique. 

Que  conclure  de  ces  deux  pèlerinages?  C'est 
que  le  Suaire,  bien  que  n'étant  pas  authentique 
d'après  Clément  VU  ('),  mérite  un  honneur  tout 
particulier.  Du  moment  qu'une  image  pieuse 
provoque  la  piété  des  fidèles,  l'Eglise  eu  permet 
la  vénération,  à  condition  toutefois  que  le  culte 
dont  on  l'entoure  soit  conforme  aux  règles  litur- 
giques tracées  en  pareil  cas. 

C'est  ce  que  met  en  évidence  une  décision  cu- 
rieuse de  la  Congrégation  des  Indulgences  et 
Saintes  Reliques,  du  i8  novembre  1670,  mention- 
née au  tome  second  du  traité  des  Indulgences 
dédié  par  l'auteur,  le  Père  Théodore  du  Saint- 
Esprit,  à  5i?«c// -W /'.  La  duchesse  Marguerite 
de  Savoie  avait  sollicité  du  Saint-Siège  une  in- 
dulgence plénière  pour  ceux  qui  visiteraient  la 
cathédrale  de  Turin,  lors  de  l'exposition  du 
Suaire.  La  Congrégation,  tout  en  relatant  dans 
les  considérants  de  sa  décision  les  témoignages 
des  partisans  de  l'authenticité,  n'accorda  la  fa- 
veur qu'avec  la  réserve  ;  uf  pie  iieiii/ur,  et  l'in- 
dulgence fut  donnée  «  non  pas  à  ceux  qui  le 
vénéreraient  comme  s'il  était  le  véritable  Suaire 
lie  Jésus-Christ,  mais  à  ceux  qui  inéditeiaient  /es 
soîiffrances  de  Jésus- Christ,  et  surtout  sa  mort  et 
sa  sépu/ture  {^).  > 

Rapprochée  de  la  défense  de  Pie  V,  dont  Pan- 
ciroli  fait  mention,  cette  décision  est  significa- 
tive. C'est  donc  bien  vainement  que  l'on  a  voulu 
opposer  à  Clément  Vil  d'Avignon  l'attitude  des 
papes  de  Rome. 

G.  MOLLAT. 

Cliapelaiii  de  Saint-I.ouis-des-Franç.iis,  à  Rome. 


1.  Voir  mon  article  dans  le  Correspondant  du  25  janvier  1903. 

2.  <  Sacra  Congregatio  Indiilgentiarnm  censuit  :  Indulgentiani 
petitam  posse  concedi  adhibita  cautione  Cleiiientis  VII,  ut  pie  cre- 
dittir,  vel  alla  consimili,  coriis  diebus  ab  ipsamet  Sacra  Congrega- 
tione  designandis  percipiendam  :  non  tamen  venerantibus  illam, 
quasi  germana  esset  Jesu  ChristiSyndon.  %e.A  Recogitantibuscrucia- 
tus  Jesu  Chriiti,  pmsertim  vero  ipsius  mortem,  et  Sepulturam.  1> 
Moncbamp,  Liège  et  Rome,  1903,  pp.  9-12. 


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^OUS  avons  reçu  de  M.  Robert  Triger, 
'  président  du  Conseil  de  fabrique  de 
l'église  de  Saint-Pavin  du  Mans,  et  de 
la  Société  historique  et  archéologique 
du  Maine,  une  lettre  à  laquelle  nous  ouvrons 
volontiers  les  colonnes  de  la  Revue. 

La  Revue  de  t Art  chrétien  a  de  tout  temps  eu 
le  souci  de  l'équité  et  de  l'impartialité  ;  elle  ac- 
cepte comme  l'accomplissement  d'un  devoir  les 
rectifications  et  les  réponses  auxquelles  peuvent 
donner  lieu  les  articles  qu'elle  imprime,  même 
quand  ceux-ci  sont  signés  de  ses  collaborateurs 
les  plus  autorisés.  Cependant  on  comprendra  que 
dans  une  publication  qui  reçoit  des  communica- 
tions des  pays  les  plus  divers,  parfois  des  plus 
lointains,  il  n'est  pas  possible  de  contrôler  tou- 
jours l'exactitude  des  faits  rapportés. 

Del'aveu  de  l'honorable  président  du  Conseilde 
fabrique  de  l'église  de  Saint-Pavin,  la  reconstruc- 
tion de  cette  église  a  déjà  donné  lieu  à  une  polé- 
mique qu'il  regrette  et  que  nous  ignorons.  Dans 
les  questions  de  reconstruction  et  de  restauration 
d'anciens  monuments,  surtout  lorsque  celles-ci 
touchent  à  des  lieux  consacrés  par  une  dévotion 
traditionnelle,  les  points  de  vue  peuvent  souvent 
différer  beaucoup.  Pour  prendre  position  dans  les 
questions  de  cette  nature  délicate,  il  faudrait  une 
étude  des  circonstances  et  une  connaissance  des 
lieux  que  l'on  ne  saurait  exiger  de  la  direction 
d'une  Revue;  mais  celle-ci  regrettera  toujours  de 
voir  des  questions  de  personnes  se  mêler  aux 
controverses  archéologiques  qui,  seules,  peuvent 
avoir  de  l'intérêt   pour  la  cause   qu'elle  tient  à 

défendre. 

Le  Mans,  le  27  décembre  1903. 

.Monsieur  le  Directeur, 

Le  résumé  des  récentes  notices  de  MM.  Chappée  et 
Ledru  sur  le  tombeau  de  saint  Pavin,  au  Mans,  publié 
dans  le  dernier  numéro  de  la  Revue  de  l'Art  chrétien,  se 
termine  par  ces  affirmations  : 

'  La  petite  absidiole  et  le  tombeau  de  saint  Pavin 
pouvaient  être  conservés  dans  la  nouvelle  église  en  con- 
struction. 

<i  Malgré  les  démarches  et  les  instances  de  MM.  l'abbé 
Ledru  et  J.  Chappée,  la' démolition  en  fut  décidée  par  M. 
l'abbé  Péan,  curé  de  la  paroisse.  Guerrier,  architecte  de 
la  nouvelle  église  ;  R.  Triger,  président  du   Conseil  de 


fabrique  et  président  de  la  Société  historique  et  archéolo- 
gique du  Maine. 

<  Du  tombeau  de  saint  Pa/in,  il  ne  reste  que  le  souve- 
nir. Le  sarcophage  sera  replacé  dans  l'église  dans  un 
caveau  sans  caractère,  peu  éloigné  du  «  locus  »  primitif, 
que  rien  ne  permet  plus  de  retrouver.  » 

En  mon  nom  personnel  et  au  nom  du  Conseil  de  fabri- 
que tout  entier,  j'ai  le  devoir  et  le  regret  de  protester  ex- 
pressément contre  ces  affirmations,  inexactes  dans  les 
termes  où  elles  sont  présentées. 

I"  La  petite  absidiole  en  question  b>e  réduisait  à  un 
simple  pan  de  mur  des  fondations,  sans  aucun  caractère 
architectural  ou  archéologique,  qu'il  était  impossible 
d'utiliser  dans  la  nouvelle  construction. 

2"  La  démolition  en  a  été  prescrite  par  l'architecte 
responsable,  qui  a  jugé  la  conservation  de  ce  pan  de  mur 
absolument  incompatible  avec  l'exécution  du  projet  adopté 
et  approuvé  par  les  autorités  administratives. 

3°  Un  plan  des  fondations  de  l'absidiole  et  de  l'empla- 
cement primitif  du  sarcophage,  dressé  avant  la  démolition 
et  certifié  par  le  même  architecte,  reste  déposé  aux  archi- 
ves paroissiales  de  Saint-Pavin  et  sera  gravé  sur  une  dalle 
de  pierre  dans  le  nouveau  caveau.  Il  permettra  toujours, 
à  ceux  qui  voudront  bien  prendre  la  peine  de  le  consulter, 
de  retrouver  mathématiquement  la  position  du  «  locus  ■» 
et  de  constater  que  le  sarcophage  occupera,  à  vingt  centi- 
mètres près,  son  ancien  emplacement. 

4°  Quant  aux  démarches  et  aux  instances  de  M.  l'abbé 
Ledru  en  vue  de  la  conservation  du  pan  de  mur,  ni  l'archi- 
tecte, ni  le  Conseil  de  fabrique  n'en  ont  jamais  eu  con- 
naissance. 

Je  n'insisterai  pas.  Monsieur  le  Directeur,  me  refusant, 
pour  ma  part,  à  ranimer  une  regrettable  polémique  qu'on 
pouvait  croire  terminée  depuis  plus  d'un  an,  mais  j'appré- 
cie irop  la  haute  impartialité  de  la  Revue  de  l' Art  chré- 
tien pour  ne  pas  la  prévenir,  dans  la  circonstance,  que 
cette  impartialité  a  été  surprise. 

Je  vous  serai  très  reconnaissant,  Monsieur  le  Directeur, 

de  vouloir  bien  insérer  cette  protestation  dans  le  prochain 

numéro  de  la  Revue,  et  je   vous   prie  d'agréer,  avec  mes 

remercîments,  l'expression  de  mes  sentiments  les   plus 

distingués. 

Robert  Triger, 

Président  du  Conseil  de  fabrique  de  Saint-Pavin  du  Mans  et  de 
la  Société  historique  et  archéologique  du  Maine. 

27  janvier  1904. 
Réponse  à  la  lettre  de   M.  Triger. 
Monsieur, 

DEPUIS   plus  d'un   an,  tout  a   été   dit   sur 
l'affaire  du  tombeau  de  S.  Pavin.  —  Répé- 
tons-le une  fois  encore  : 


102 


ISitWt  ïje  V^xt  cJ)rcttrn. 


1°  L'absidiole  et  son  tombeau  présentaient  un 
grand  intérêt,  à  la  condition  que  tout  fût  con- 
servé. 

2°  Il  était  possible  de  tout  conserver  en  ne 
modifiant  pas  le  pian  présenté  par  l'architecte  au 
Conseil  municipal,  plan  approuvé  et  modifié  en- 
suite sans  l'avis  de  personne. 

3°  MM.  Ciiappée  et  Ledru  ont  demandé,  ver- 
balement, mais  expressément  la  conservation  de 
l'absidiole  et  du  tombeau  en  place. 

4°  Il  y  a  à  l'évêché  du  Mans,  une  Commission 
des  monuments  qui  n'a  été  avisée  en  rien.  —  La 
destruction  s'est  faite  subrepticement  et  à  la  hâte. 

5°  La  crypte  neuve  n'aura  aucun  intérêt. 

6°  Toutes  les  plaques  du  monde  ne  peuvent 
remplacer  un  monument  détruit. 

Veuillez  agréer.  Monsieur,  l'expression  de  nos 
sentiments  les  plus  distingués. 

A.  Ledru  et  J.  Chappée. 

Vestiges  Des  relations  Des  moines  De 
Cîteaur  auec  la  Bologne. 

Goworowo,  20  janvier  1904. 

Monsieur  le  Directeur, 

.^NS  la  Revue  de  /'Art  chrétien,  1903, 
sixième  livraison,  article  :  Gilde  de 
S.  Thomas,  Excursion  en  Bow-gogne — 
j'ai  lu  entre  autres  les  paroles  sui- 
vantes : 

«  La  maison-mère  de  Cîteaux,  fondée  en  1098, 
donna  naissance  à  quatre  filles  :  Clairvaux,  Pon- 
tigny,  Morimond  et  la  Ferté.  > 

Ce  nom  de  Morimond  me  rappela  qu'en 
Pologne  se  trouvait  aussi  un  cloître,  portant  le 
nom  de  «  Novi  Morimundi  »,  preuve  certaine  de 
sa  provenance.  Comme  l'auteur  de  cet  article,  en 
citant  plusieurs  nations,  où  les  moines  de  la  règle 
de  S.  Bernaid  allèrent  s'établir  de  ces  quatre 
premiers  monastères,  ne  fait  pas  mention  de  la 
Pologne,  je  voudrais  prouver  que  la  Pologne 
avait  de  multiples  relations  avec  les  moines  de 
Cîteaux. 

S.  Bernard  envoya  ses  moines  entre  autres 
dans  la  lointaine  Pologne.  Vers  l'an  i  140,  Janik, 


curé  de  Breslau  (Wroctaw),  puis  évèque  de  cette 
ville,  enfin  archevêque  de  Gniezno,  fit  venir  des 
moines  de  Morimond,  et  leur  bâtit  une  abbaye, 
appelée  dans  les  annales  latines  «  Novus  Mori- 
mundus  >,  en  polonais  anciennement  Rrzeznica, 
maintenant  Andrzejow.  Les  Annales  Cister- 
cie7ises,  apud  Winter,  I,  p.  303,  disent  que  c'était 
la  2i«  fille  de  Morimond. 

L'an  1176,  le  prince  de  Sandomir,  Casimir  II 
dit  le  Juste,  fit  venir  des  moines  de  Morimond, 
et  leur  érigea  un  monastère  à  Sulejôw  {Annales 
Cistercienses,  n.  523-524). 

Le  même  prince  érigea  un  cloître  à  Koprzy- 
wnica  appelé  Clara  Provincia,  et  y  installa  des 
moines  provenant  de  Morimond.  (Dtugosz,  Liber 
beneficiorum,  III,  p.  375-400.) 

Gédéon,  évêque  de  Cracovie,  fonda  l'an  1178, 
une  abbaye  pour  ses  moines  de  Cîteaux,  qui  en 
latin  s'appelait  Camina  et  en  polonais  Wachock. 
Les  Annales  Cistercienses,  n.  532,  disent  :  «f  A.  D. 
I178,  Abbatia  de  Camina  in  Polonia  Morimundi 
filia,  26.  Et  secundum  qnasdam  tabulas  scriptas 
Morimundi  neptis  et  filia  Bellae  Vallis  ». 

Outre  ces  quatre  maisons-mères  provenant 
directement  de  Morimond,  il  y  en  avait  encore 
d'autres,  dont  ces  dernières  étaient  la  souche. 

Théodore  Cedron,  palatin  de  Cracovie,  érigea 
un  cloître  à  Szczyrzyca,  appelé  en  latin  Vallis 
Mariae.  Les  moines  du  Novi  Morimundi  s'y 
installèrent  l'an  1239.  {Lepkowski  Przeglond 
zabytkow  okolic  Krakowa,  p.  220.) 

Ladislas,  prince  d'Opole,  fit  venir  des  moines 
de  Novi  Morimundi,  et  leur  construisit  un  cloître 
à  Ruda  appelé  en  latin  «  claustrum  de  Wladis- 
law  super  flnvium  Ruda.  »  (Codex  diplomaticus 
Silesiae,  I.  Wattenbach.) 

Il  y  avait  encore  un  monastère  à  Bartfeld  dans 
les  monts  Carpathes,  appelé  «  Claustrum  S./Egidii 
de  Bartpha  »,  qui  était  fille  de  Clara  Provincia 
et  un  autre  dont  nous  lisons  dans  les  Statuta 
prov.  gêner,  apud  Winter:  «  Abbatia  nova  inter 
Galiciam  et  Poloniam  Morimundi  filia,  27  ». 

Enfin  le  monasterium  Vistilense,  en  polonais 
Wistycze,  fut  construit  l'an  1G70  par  Eustache 
comte  Jyszkievvicz,  et  les  moines  y  vinrent  du 
monastèreCamina(Volumina  legum  V,  folio,63o). 
En  tout,  il  y  avait  dans  l'ancienne  Pologne  28 
cloîtres  d'hommes  et  8  de  femmes,  de  la  règle  de 


CorresponDance* 


163 


Cîteaux,  inais  outre  ceux  que  j'ai  énumérés,  ils 
vinrent  en  Pologne  de  l'Allemagne  ou  de 
Italie. 

Toutes  ces  abbayes  sont  maintenant  en  ruines, 
et  les  églises  de  plusieurs  d'entre  elles,  bâties  en 
style  roman,  ont  été  décrites  par  M.  Luszcz- 
kiewicz  dans  les  Rapports  de  la  Commission  d'art 


de   l'Académie    des    Sciences    de   Cracovie   ('). 
Recevez,  Monsieur  le  Directeur,  l'assurance  de 
mes  sentiments  distingués, 

Antoine  BrykcZYNSKI. 
Prélat  de  la  maison  de  Sa  Sainteté. 

r.    Sprawodama    Komisyi   do   Cadania   ssiuki  w  Polsec,    t.    I, 
p.   I  ;   t.    ni,  p.   54;  t.   V,  p.   2z8  ;  t.   VI,   pp.  56,  68,  9,  7. 


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imms}  Trabatt):  ties  Hocictés  satjautes»  imm^ 


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Société  Nationale  des  Antiquaires  de 
France.  —  Séance  du  2^  décembre  içoj.  — 
M.  Merlin  lit  une  notice  sur  une  inscription  ro- 
maine récemment  découverte  à  Khamina.  (Al- 
gérie). 

M.  Michon  entretient  la  Société  d'une  inscrip- 
tion du  XII''  siècle  relative  à  une  convention 
conclue  à  Rome  entre  les  églises  St  Jean  et  Sts- 
Cosme  et  Damien. 

M.  Maurice  présente  un  médaillon  romain 
frappé  pour  célébrer  le  triomphe  deConstantin  II. 

Séance  du  jo  décembre.  — M.  Héron  de  Ville- 
fosse  fait  une  communication  sur  des  médaillons 
et  vases  de  l'époque  romaine. 

M.  Cagnat  communique  de  la  part  de  M.  Gau- 
ckler  une  inscription  trouvée  dans  les  ruines  de 
Munchar  et  donnée  au  Musée  de  Bardo  par  M. 
Alix,  professeur  au  Lycée  Carnot  à  Tunis. 

M.  Durrieu  entretient  la  Société  de  deux  mis- 
sels manuscrits  avec  miniatures  du  XV^  siècle 
aujourd'hui  conservés  au  Musée  de  Turin. 

M.  le  D"'  Capitan  présente  un  travail  de  M. 
Chassaigne  et  Chauvot  sur  l'analyse  du  bronze 
dont  sont   composées  les  haches   préhistoriques, 

Séance  du  6  janvier  iço^.  —  M.  HomoUe,  pré- 
sident sortant,  prononce  le  discours  d'usage. 

MM.  le  C«  Alexandre  de  Luc-Saluces-La- 
lande  et  l'abbé  Requin  sont  élus  associés  corres- 
pondants nationaux. 

M.  Garofalo  est  élu  associé  correspondant 
étranger  à  Naples. 

M.  Prou  fait  une  communication  sur  les  fouilles 
récemment  faites  dans  les  anciennes  murailles 
de  la  ville  de  Sens.  M.  Enlart  ajoute  quelques 
observations. 

Séance  du  i^  janvier.  —  M.  Marquet  de  Vas- 
selot  fait  une  communication  sur  deux  bras  de 
croix  donnés  au  Louvre  par  M.  Noietan. 

M.  Leprieur  présente  deux  statuettes  en  bois 
faisant  partie  de  la  donation  faite  au  Louvre  par 
feu  Albert  Dony  ; 

1°  une  Vierge  à  l'Enfant  dont  il  démontre  l'ori- 
gine bruxelloise  ; 

2°  un  S.  Etienne  d'origine  française  qu'il  croit 
pouvoir  dater  de  la  dernière  partie  du  X  V«  siècle. 

Séance  du  20  janvier.  —  M.  Tardif  lit  une  notice 
sur  la  vie  et  les  œuvres  de  M.  Chabouillet,  son 
prédécesseur. 

M.  Mayeux  fait  une  communication  sur  la 
cathédrale  St-Jean-Haptiste  de  Perpignan. 

M.  Héron  de  Villefosse  fait  une  communica- 


tion   sur  les   fouilles   exécutées  par   M.  Bullock 
Hall  dans  l'amphithéâtre  de  Fréjus. 

Lecture  est  donnée  d'une  notice  de  M.  l'abbé 
Arnaud  d'Aignel'  sur  le  reliquaire  de  Saignan 
(Vaucluse),  dit  de  la  Reine  Jeanne. 

Séance  dji  2j  janvier.  —  M.  Cagnat  commu- 
nique une  découverte  récente  faite  à  Telmuda 
par  le  capitaine  Touchard.  Il  s'agit  de  tubes  en 
poteries  engagés  dans  des  constructions  de  bri- 
ques et  qui  avaient  pour  objet  de  soutenir  le 
revêtement. 

M.  le  baron  de  Baye  communique  la  reproduc- 
tion de  plusieurs  objets  en  argent,  trouvés  dans 
la  Géorgie  occidentale.Parmi  ces  objets  figure  un 
plat  au  centre  duquel  est  représenté  un  cheval 
la  tête  tournée  vers  une  colonne. 

M.  le  Président  donne  lecture  d'un  mémoire 
de  M.  Pasquier  sur  la  décoration  du  chœur  delà 
cathédrale  de  Rieux  en  Languedoc  en  1527. 

Séance  du  2y  février.  —  On  annonce  le  décès 
du  regretté  E.  Corroyer,  bien  connu  des  archéo- 
logues chrétiens  et  l'on  élit  des  membres  nou- 
veaux. 

*  * 

Nous  avons  mentionné  antérieurement  une 
communication  de  M.  Destrée  aux  Antiquaires 
de  France  sur  Renier  de  Huy.  La  partie  historique 
de  cette  notice  doit  être  complétée  par  le  mémoire 
de  M.   G.  Kurth  à  l'Académie  de  Belgique. 

M.  Destrée,  qui  a  envoyé  sa  note  avant  la 
publication  de  ce  mémoire,  a  ignoré,  comme  le 
remarquent  \qs  Archives  des  Arts, \es  témoignages 
décisifs  du  chroniqueur  de  11 18  et  du  diplôme 
de  1135.  Ce  dernier  fournit  la  confirmation  de 
l'existence  de  l'orfèvre  Renier  de  Huy  et  indique 
le  haut  rang  qu'il  occupait  dans  sa  ville  natale; 
il  fait  connaître  la  vraie  histoire  des  fonts  bap- 
tismaux de  Renier,  racontée  par  un  contempo- 
rain ;  c'est  par  erreur  que  la  Clironique  de  i.f.02 
leur  assigne  une  date  postérieure.  Quoi  qu'il 
en  soit  les  Archives  signalent  une  heureuse 
conjecture  de  M.  Destrée,  qui  voit  dans 
l'artiste  hutois  le  même  que  le  Reinerus,  auteur 
d'un  admirable  encensoir  de  Lille,  et  dont  le 
nom  figure  dans  l'inscription  en  trois  vers  que 
porte  ce  chef-d'œuvre.  M.  Destrée  a  raison  de  ne 
pas  vouloir,  malgré  l'autorité  de  Viollet-le-Duc, 
voir  dans  cet  ouvrage  d'art  un  produit  du  Xni<^ 
siècle  ;  il  est  incontestablement  d'époque  anté- 
rieure. L'encensoir,  comme  nous  l'apprend  l'ins- 
cription, a  été  donné  par  Renier  à  une  maison 
religieuse,  à  condition  qu'on  y  fit  chaque  année 
son   anniversaire,  et   peut-être   bien   que  si  l'on 


Crat}aujc  ties  Sociétés  satjantes. 


165 


cherchait  attentivement  dans  les  obituaires  des 
églises  de  l'ancien  diocèse  de  Liège,  on  finirait 
par  retrouver  la  mention  de  ce  grand  artiste,  dont, 
jusqu'en  1892, on  ne  connaissait  pas  même  le  nom. 

P.  S.  —  Au  moment  de  mettre  ces  lignes 
sous  presse,  nous  recevons  de  M.  J.  Destrée  une 
plaquette  où  il  dissipe  tout  malentendu,  et  où  il 
précise  sa  part  et  celle  de  M.  le  prof.  Kurth  dans 
les  nouvelles  données  sur  Renier  de  Huy  que 
nous  devons  à  ces  deux  savants. 

Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres. —  Séance  tin  18 décenibrc  içoj. —  IVT.vCol- 
lignon  donne  lecture  d'un  rapport  sur  les  fouilles 
exécutées  en  1903  par  M.  Degrand,  consul  de 
France  à  Philippopoli,  dans  la  vallée  Tounja 
(Bulgarie). 

Séance  du  2'i  décembre.  —  L'Académie  élit 
comme  associé  étranger,  M.  Otto  Heinrich 
Hirschfeld,  professeur  à  l'Université  de  Berlin, 
et  comme  correspondant  étranger,  M.  Adolf  Mi- 
chaelis,  professeur  à  l'Université  de  Strasbourg. 

M.  Héron  de  Viilefosse  communique  au  nom 
de  M.  le  docteur  Carton,  médecin-major  au  4^ 
régiment  de  tirailleurs,  des  photographies  d'une 
galerie  des  catacombes  chrétiennes  d'Hadru- 
mète,  dont  le  dégagement  vient  d'être  achevé. 

Malheureusement,  plusieurs  galeries  menacent 
ruine  ;  on  sera  obligé  de  les  soutenir  par  une 
maçoimerie,  ce  qui  entraînera  une  dépense  im- 
prévue. Il  y  a  des  tombes  dans  le  sol  même  des 
galeries  ;  le  tuf  a  été  creusé  de  manière  à  prendre, 
dans  chaque  excavation,  la  forme  même  du  corps 
qui  y  était  déposé. 

Séance  du  8 janvier  1Ç04..  —  Le  R.  P.  Delattre 
continue  à  Carthage  ses  fructueuses  recherches. 

M.  Ph.  Berger  signale  un  certain  nombre  de 
découvertes  épigraphiques  qui  ont  été  faites,  ces 
temps  derniers,  par  ce  savant  ;  un  nouvel  exem- 
plaire de  petit  disque  en  plomb  portant  une  dédi- 
cace mi-partie  en  phénicien,  mi  partie  en  grec  ; 
une  inscription  funéraire  sur  laquelle  le  P.  De- 
lattre croit  lire  le  nom  de  Malte,  etc.,  etc. 

M.  Berger  présente  en  outre  à  l'Académie,  au 
nom  de  M.  Perdrizet,  la  photographie  d'un  bas- 
relief  fort  beau,  trouvée  en  Tripolitaine  et  repré- 
sentant trois  nymphes  qui  se  suivent  en  se  tenant 
par  le  pan  de  leur  manteau. 

Ce  curieux  monument,  connu  depuis  quelque 
temps  déjà,  a  été  publié  pour  la  première  fois 
avec  la  collaboration  de  M.  Perdrizet  en  1896 
dans  l'annuaire  de  l'école  anglaise  d'Athènes. 

M.  Ciermont-Ganneau  commente  une  série  de 
monogrammes  byzantins  pleins  d'intérêt. 


Séance  du  i^  janvier.  —  M.  Croiset  lit  une 
notice  sur  son  prédécesseur,  feu  Gaston  Paris. 

M.  P.  Berger  présente  au  nom  de  M.  Gauckler 
une  curieuse  stèle  de  terre  cuite  trouvée  à  Car- 
thage dans  une  tombe  punique  du  V^^  ou  "VI^ 
siècle.  Elle  porte  un  motif  déjà  signalé  sur  des 
monuments  plus  récents  et  qu'il  appelle  la  triade, 
puisque  ce  sont  trois  cypes  inégaux  dressés  sur 
un  autel  et  accompagnés  de  symboles  divers  ;  ils 
sont  encadrés  dans  une  décoration  élégante  de 
style  égyptien,  et  leur  base  porte  une  inscription 
phénicienne. 

M.  Homolle  résume^  les  travaux  entrepris  à 
Delos  et  Delphes  par  l'École  française  d'Athènes, 
ainsi  que  les  résultats  de  ces  fouilles,  qui,  la 
plupart,  ont  pu  être  menées  à  bien  grâce  au  géné- 
reux concours  pécuniaire  du  duc  de  Loubat. 

Séance  du  22  janvier.  —  Fouilles  à  Èphèse.  — ■ 
M.  E.  Guimet  présente  à  l'Académie  des  photo- 
graphies envoyées  en  communication  par  M. 
Wilberg,  qui,  avec  M.  Pleberdey,  fait  des  fouilles 
à  Ephèse  pour  le  gouvernement  autrichien. 

Presque  toute  la  ville  antique  a  été  déblayée. 
On  a  dégagé  deux  larges  avenues  pavées  de 
grandes  dalles  rectangulaires  et  bordées  de  mo- 
numents et  de  statues.  Elles  vont  du  port  au 
théâtre  situé  au  pied  de  la  montagne.  L'avenue 
de  gauche  longe  le  forum, les  bains  et  la  construc- 
tion grandiose  de  l'époque  romaine.  Celle  de 
droite,  coupée  par  des  propylées  à  colonnes,  con- 
duit à  l'Agora  grecque  ;  c'est  là  que  fut  décou- 
vert un  immense  bas-relief  de  2  mètres  de  haut 
sur  18  mètres  de  long,  représentant  des  scènes 
de  la  vie  de  Marc-Aurèle,  fort  belle  œuvre  qui 
vient  d'être  envoyée  au  musée  de  Vienne. 


Société  archéologique  de  Tarn-et-Ga- 
ronne.  —  Cette  Société  a  fait  cette  année  deux 
excursions  :  l'une,  au  vieux  Villemar,  mais  avec 
cet  objectif  principal  peu  archéologique,  savoir  la 
visite  du  vaste  établissement  de  pâtes  alimen- 
taires: l'autre,  dans  le  Ro\iergue,  où  elle  a  rejoint 
la  Société  archéologique  du  Midi  de  la  France.  A 
Villefranche,  les  sociétaires  réunis  ont  visité  l'an- 
cienne Chartreuse,  convertie  en  hospice,  qui  con- 
serve quelques  remarquables  bâtiments  du  XI  V'' 
et  du  JCV»  siècle,  d'un  très  beau  style.  Le  mor- 
ceau capital  est  le  petit  cloître.  A  signaler  une 
belle  chaire  en  pierre  masquée  dans  le  mur  du 
réfectoire. 

La  collégiale  de  Villefranche  est  un  des  plus 
beaux  monuments  du  département  :  riche  porche 
du  XV^  s.,  grosse  tour  carrée  militaire,  nef  en 
croix  latine  de  style  flamboyant,  abside  en  partie 
du  XI V"^  siècle,  chaire  en  pierre  du  XV''. 

L'hôtel  oriental  garde  de  jolis  vestiges  des 
XIV^  XV^et  XVI<^  siècles. 


i66 


3^ebue  lie  I*^rt  cbtttien. 


Société  d'études  de  la  province  de 
Cambrai.  —  Le  bulletin  de  cette  Société  con- 
tient une  intéressante  notice  de  notre  collabora- 
teur M.  A.  Pastoors  sur  la  collégiale  de  St-Aimé 
de  Douai, ce  monument  du  XIII*"  siècle  malhieu- 
reusement  rasé  par  le  Gouvernement  révolution- 
naire, qui  le  mit  aux  enchères  et  l'adjugea  pour 
130,000  fr.  f')  Ce  monument  sacré  fut  défini  et 
estimé  par  Bonbé,  fils,  architecte,  comme  suit  : 

<  Un  grand  et  vaste  édifice,  bâti  en  grés,  briques  et 
blanc,étant  couvert  d'une  charpente  considérable  pour  la 
construction  et  revêtu  d'ardoises.  Au  pourtour  de  la  dite 
église  se  trouvent  une  quantité  de  petites  chapelles,  dont 
les  couvertures  se  trouvent  séparées  par  de  gouttières  en 
plomb,  tout  étant  bâti  sur  une  surface  de  Soo  toises 
carrées  environ. 

«  Le  clocher  bâti  en  grés,  surmonté  d'une  espèce  de 
dôme,  est  compris  dans  la  présente  estimation,  de  même 
que  la  porte  de  fer,  servant  d'entrée  au  cimetière  de  cette 
église.  > 

«  Suis  d'avis  que  toutes  charges  comprises, ce  domaine 
national  valait  en  capital,  y  compris  le  clocher,  la  somme 
de  93,000  fr.  (l'horloge  avec  la  cloche  étant  réservées.  > 

L.  C. 


Cercle  historique  et  archéologique  de 
Courtrai.  —  Cette  Société,  dont  nous  annon- 
cions naguère  la  fondation,  a  déjà  produit  des 
travaux  intéressants.  Il  faut  signaler  spéciale- 
ment, outre  une  courte  dissertation  du  baron 
J.  Bethune  sur  les  iours  centrales  des  églises,  des 

I.  C'était  un  beau  vaisseau  à  trois  nefs  sur  colonnes,  chœur  avec 
déambulatoire,  et  chapelles  absidales  rondes.  A  noter  que  le  chœur 
de  Saint-Aimé  offrait  plusieurs  châsses  adossées  au  maitre-autel 
comme  à  la  cathédrale  de  Tournai. 


notes  fort  documentées  de  MM.  J.  et  L.  Bethune 
sur  Waermaerde  et  son  église  (une  église  bien 
scaldisienne)  et  la  jolie  église  de  Tieghem,  au 
riche  mobilier. 

Cercle  archéologique  de  Malines.  1903.  — 
Le  passé  des  artistes  malinois,  basé  sur  les  re- 
cherches de  Smeyers  et  de  ses  continuateurs,  a 
pris  corps  surtout  dans  V Histoire  de  la  peintiire 
et  de  la  sculpture  de  Malines,  de  feu  Neefs.  Cette 
liistoire  est  reprise  par  M.  W.  Coninckx,  qui  se 
trouve  à  même  de  développer  et  compléter 
l'œuvre  de  Neefs  à  l'aide  d'un  manuscrit  dont 
s'est  enrichi  le  dépôt  des  archives  malinoises  ; 
c'est  une  copie  faite  par  Smeyers  et  complétée 
par  Rymenans,  du  livre  des  apprentis  de  la  Cor- 
poration des  peintres  et  sculpteurs  du  milieu  du 
XVl''  jusqu'à  la  fin  du  XVI Ii^  siècle. 


ERRATUM. 

Une  phrase  de  l'allocution  prononcée  par  notre  ami 
M.  H.  Chabeuf,  à  l'excursion  en  Bourgogne  de  la  Gilde  de 
.St-Thomas  et  St-Luc,a  été  dénaturée  par  une  interpolation 
de  mots  (V.  p.  66,  de  la  livraison  de  janvier  dernier). 

Les  10%  1 1"  lignes  et  suivantes  de  la  2"=  colonne  doivent 
se  lire  comme  suit  : 

«  Il  y  a  ainsi  dans  l'histoire  des  idées,  certains 
faits  généraux  produits  d'une  loi  mystérieuse 
de  parallélisme,  qui,  à  la  fois  et  s'ignorant,  s'exer- 
cent sous  une  influence  supérieure  et  plus  qu'hu- 
maine sur  les  points  les  plus  éloignés  de  l'espace 
civilisé.  » 


^^L^^^^;^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^;mS$ 


^^wwwwwwwww^wwwwww^^^wwwwwww 


AHNENREIHKN  AUS  DEM  STAMBAUM 
DES  PORTUGIESIGHEN  KONINGHAUSES 
MINIATURENFOLGE  IN  DER  BIBUOTHEK 
DES  BRITISH  MUSEUM  ZU  LONDON.  Mit 
einem  Genealogischc/i  Wegweiser  von  pto/essor  H.  G. 
Strohl,  so  luie  einer  Kunsthislorischen  ErlaiHerung 
Il  lui  einer  kurzen  Abhandlnng  iiberdic  Flandrische  Bttch- 
malerci  des  XI'.  und  XVI.  Jahrhunderts  -von  piofcssot 
D.  L.  Kaemmerer. 

SUITE  D'ANCÊTRES  TIRÉS  DE  L'ARBRE 
GÉNÉALOGIQUE  DE  LA  MAISON  ROYALE 
DU  PORTUGAL,  SÉRIE  DE  MINIATURES  DE 
LA  BIBLIOTHÈQUE  DU  MUSÉE  BRITAN- 
NIQUE DE  'LO'N'D^'E.S.  Avec  des  indications  gc'7u'a- 
logiques,  des  L'claircissemeiits  histo/iques  par  le  prof. 
H.  G.  Strohl,  et  une  notice  sur  la  peinture  des  inanus 
crits  en  Flandre  au  XV'  et  au  XVF  siècle,  par  le  prof. 
D.  L.  Kaemmerer.  —  J.  Hoffman,  éditeur  h  Stuttgart. 
34  pp.,in-4°avec  un  atlas,  gr.  in-f°de  13  pi.  en  phototypie. 

50  marcs. 


;^^^^4^  AUCUNE  époque  de  l'histoire  de 


l'art  on  n'a,  comme  de  nos  jours, 
1  rendu  accessibles  et  vulgarisé  dans 
^  le  bon  sens  du  mot,  les  œuvres  dont 
*(t^^S^4è  l'étude  et  la  jouissance  étaient  ré- 
servées à  un  petit  nombre  de  privilégiés.  Nous 
voyons,  à  tout  moment,  la  librairie  s'emparer  de 
petits  trésors  restés  inconnus  du  public,  et  grâce  à 
des  reproductions  dont  la  fidélité  ne  peut  être 
mise  en  doute,  les  offrir  aux  curieux  et  aux  stu- 
dieux. La  publication  dont  nous  donnons  le  titre 
est  de  ce  nombre.  Grâce  au  bon  goût  de  l'éditeur, 
aux  soins  donnés  à  la  reproduction  des  pein- 
tures sur  vélin  qui  en  sont  l'objet  et  aux  études 
des  deux  savants  qui  les  expliquent,  cette  publi- 
cation apporte  des  informations  précieuses  sur 
l'histoire,  longtemps  négligée  et  encore  trop  peu 
connue,  de  la  peinture  des  manuscrits. 

Cette  peinture,  en  effet,  dont  les  créations  ont 
généralement  le  privilège  de  jouir  d'une  conser- 
vation parfaite,  est  une  des  branches  les  plus  in- 
téressantes de  l'art  dans  les  Flandres.  Elle  y  a 
pris,  plus  que  dans  aucune  autre  contrée  de 
l'Europe,  un  magnifique  essor.  Répondant  au 
XV'<^  et  au  XVI<=  siècle  à  des  demandes  multi- 
ples, à  un  véritable  besoin  de  l'aristocratie  et  du 
clergé,  elle  a  été  tout  à  la  fois  un  art  et  une 
industrie.  C'est  ce  que  fait  très  bien  ressortir 
dans  son  étude  un  peu  concise  mais  fouillée 
M.  Knemmerer. 

Cette  étude,  comme  l'auteur  en  fait  la  réserve 
expresse,  n'a  pas  la  prétention  d'être  complète. 
Il  est  étrange  cependant,  comme  nous  aurons 
l'occasion    de    le    remarquer    tantôt,    qu'il    ait 


presque  passé  sous  silence  une  époque  particu- 
lièrement brillante  de  la  peinture  sur  vélin,  celle 
qui  a  été  fortement  influencée  par  l'Ecole  des 
Van  Eyck. 

Le  manuscrit,  ou  pour  être  plus  exact,  le  frag- 
ment de  manuscrit  qui  forme  l'objet  de  cette 
publication,  se  trouve  au  riche  dépôt  de  livres 
illustrés  par  des  artistes  néerlandais  conservés 
au  Musée  britannique.  11  se  compose  de  treize 
feuilles  de  grand  format,  peintes  avec  une  ample 
richesse  de  détails,  et  reproduites  pour  la  pre- 
mière fois  par  la  publication  que  nous  annon- 
çons. Le  texte  intéressant  et  instructif  qui  y  est 
ajouté,  comme  nous  l'avons  dit,  est  dû  à  la  plume 
de  M.  Kaemmerer.  Il  nous  apprend  que  onze  de 
ces  feuilles  ont  été  acquises  en  1849,  au  prix  de 
40  livres  sterling,  par  IM.  Newton  Scott,  attaché 
à  l'ambassade  anglaise  à  Lisbonne,  et  qui  les 
céda  au  Musée  britannique  contre  la  somme  de 
600  guinées.  Plus  tard,  en  1868,  le  même  musée 
eut  la  bonne  fortune  de  pouvoir  acquérir  deux 
autres  feuilles  de  la  même  suite  au  baron  de 
Hortega  :  malheureusement  les  marges  de  ces 
deux  feuilles  ont  été  assez  notablement  rognées. 

A  la  fin  du  XV«  siècle,  les  familles  royales  et 
princières  cherchaient  à  lutter  entre  elles  et  à  se 
surpasser  dans  la  confection  d'arbres  généalo- 
giques. L'empereur  Maximilien  avait  sa  généa- 
logie rendue  populaire  par  le  burin  de  Hans 
Burgkmair,  et  qui  faisait  aboutir  au  patriarche 
Noé  les  ancêtres  du  Souverain.  L'exemple  de 
l'empereur  Maximilien  semble  avoir  piqué  d'é- 
mulation don  Ferdinand,  prince  portugais,  troi- 
sième fils  d'Emmanuel  III  et  de  Marie  d'Es- 
pagne, fille  de  Ferdinand  le  Catholique.  Ce  jeune 
prince  s'adonnait  avec  un  intérêt  intense  aux 
études  historiques  ;  il  avait  formé  une  collection 
importante  de  manuscrits  et  de  livres  imprimés 
relatifs  à  l'histoire  de  sa  maison.  Il  envoya  au 
chroniqueur  Damien  van  der  Goes,  ambassadeur 
de  son  frère  Jean  III  en  Flandres,  un  croquis  de 
la  généalogie  complète  des  rois  d'Espagne,  dont 
le  premier  ancêtre  était  également  le  patriarche 
Noé.  L'arbre  généalogique  fut  établi  avec  le  con- 
cours de  plusieurs  savants,  et  Damien  avait  reçu 
mission  de  le  faire  peindre  par  le  meilleur  maître 
enlumineur  connu. 

C'était  alors,  dans  l'opinion  de  Damien,  maître 
Simon,  vivant  à  Bruges  (Simon  Bening),  le  plus 
recommandable  pour  exécuter  d'après  le  croquis 
en  question,  les  travaux  de  peinture  en  minia- 
tures —  Causas  de  iluminure  —  pour  lesquelles, 
ajoutait  l'envoyé  de  Jean  III,  «j'ai  déjà  dépensé 


i68 


3Rrbuc  tjc  V^xt  fbrétien. 


une  forte  somme  d'argent  ».  Le  20  août  1530. 
Damien  van  der  Goes  écrivit  d'Anvers  à  don 
Ferdinand,  qu'il  lui  envoyait  la  première  feuille 
du  travail  demandé,  en  même  temps  qu'un  livre 
qu'il  avait  été  chargé  de  faire  peindre.  Le  livre, 
ajoutait-il,  n'est  pas  d'aussi  bonne  écriture  qu'à 
l'ordinaire,  mais  l'ancien  calligraphe  est  mort, 
son  fils,  qui  lui  a  succédé,  n'est  guère  aussi  ca- 
pable que  le  père,  mais  c'est  cependant  le  meil- 
leur que  l'on  puisse  trouver.  J'enverrai  l'autre 
livre  aussitôt  qu'il  sera  achevé.  J'ai  déjà  en  ma 
possession  les  miniatures  qui  sont  terminées. 

De  ce  passage,  il  ressort  que  Bening  com- 
mença le  travail  en  1530,  et  qu'une  feuille  devant 
servir  pour  ainsi  dire  d'échantillon,  était  achevée 
au  mois  d'août  de  la  même  année.  Ce  passage, 
comme  le  pense  M.  Kaemmerer,  se  rapporte  évi- 
demment à  la  généalogie  des  rois  de  Léon  et  de 
Castille.  I!  semble  hors  de  doute  également  que 
l'arbre  généalogique  avait  été  établi  et  esquissé 
par  Antoine  de  Hollande,  ou  d'autres  artistes 
néerlandais  ou  allemands  demeurant  au  Portu- 
gal, et  peints  ensuite  par  Bening  qui  ajouta 
les  oiseaux  et  d'autres  animaux  dans  les  places 
restées  vides.  Les  armes  de  Portugal  réunies  à 
celle  de  la  généalogie  fictive  de  Magog,  des  bor- 
dures architecturales  paraissent  également  avoir 
été  dessinées  par  Bening.  Il  n'est  pas  facile  au 
surplus  de  faire  la  part  des  différents  artistes  qui 
ont  collaboré  à  cette  œuvre  complexe. 

La  comparaison  des  effigies  de  plusieurs  souve- 
rains et  de  leurs  femmes  dont  les  portraits  authen- 
tiques sont  connus,  avec  les  figures  des  arbres 
généalogiques,  prouve  que  bien  peu  de  ces  person- 
nages peuvent  être  regardés  comme  des  portraits. 
Les  compositions  dans  lesquelles  ils  figurent  ne 
doivent  donc  pas  être  considérées  comme  docu- 
ments historiques,  mais  bien  comme  des  œuvres 
d'art  décoratif;  à  ce  point  de  vue  ces  miniatures 
sont  remarquables.  Plusieurs  des  figures  sont 
dignes  d'un  grand  artiste. 

M.  Kaemmerer,  dans  le  texte  ajouté  à  la  repro- 
duction de  ces  enluminures,  ne  s'est  pas  contenté 
de  les  décrire  et  d'en  donner  une  appréciation  cri- 
tique. Il  y  a  ajouté  une  notice  sur  les  principaux 
miniaturistes  des  Pays-Bas,  et  une  liste  des  ma- 
nuscrits contenant  leurs  enluminures,  ou  celles 
qui  leur  sont  attribuées.  Cepeudant,  comme  nous 
venons  de  le  faire  remarquer,  il  n'accorde  aucune 
mention  à  ce  groupe  de  peintres  dont  les  travaux 
se  lient  intimement  à  ceu.x  des  Van  Eyck,  parmi 
lesquels  il  importe  de  citer  le  plus  précieux  de 
tous,  le  magnifique  livre  du  duc  de  Berry  dont 
la  partie  la  plus  importante  est  conser  vée  à  la  Bi- 
bliothèque de  Turin  et  qui  a  été  étudiée  avec  tant 
de  soin  par  M.  Paul  Durrieu  (').  M  K.cite  cepen- 

I.  V.  Gazette  des  Beaux-Arts,  livr.  547  et  548.  janvier  et  février 
»9°3- 


dant  le  nom  de  Marguerite  Van  Eyck  quia  pu 
être  au  nombre  de  ces  enlumineurs,  mais  il 
n'existe  aucune  raison  de  croire  qu'elle  ait  été 
religieuse,  comme  le  dit  le  savant  Allemand. 

Quelques  indications  sur  l'organisation  des 
Gildes  ou  corporations  de  ces  peintres  que  M.K. 
rappelle,  méritent  d'être  notées  ;  on  les  doit  en 
grande  partie  aux  recherches  de  M.  Weale.  Le 
premier  patron  de  la  Gilde  des  libraires  de 
Bruges  n'a  pas  été  saint  Jean-Baptiste,  mais  bien 
saint  Jean  l'Évangéliste,  probablement  parce 
que  les  peintres  l'ont  généralement  représenté 
écrivant  dans  l'île  de  Pathmos,  avec  une  plume  et 
un  encrier.  Plus  tard,  la  corporation  a  adopté 
saint  Luc  comme  patron  secondaire,  sans  doute 
à  la  demande  des  peintres  miniaturistes. 

A  Bruges,  jusqu'en  1457,  non  seulement  cha- 
cun était  libre  d'exercer  ces  professions,  mais 
même  bon  nombre  d'enluminures  et  d'impres- 
sions en  couleurs  étaient  importées,  venant  prin- 
cipalement d'Utrecht,  les  artistes  résidant  à  Bru- 
ges ne  suffisant  plus  à  répondre  aux  detnandes 
des  acheteurs. 

Lorsque  le  travail  des  enlumineurs  commença 
à  acquérir  une  véritable  valeur  au  point  de  vue 
de  l'art,  les  peintres  de  retables  et  de  tableaux 
les  obligèrent  par  des  moyens  légaux  à  entrer 
dans  leur  Gilde.  De  même  que  pour  les  peintres, 
on  peut  établir  que,  presque  sans  exception,  les 
plus  anciens  miniaturistes  étaient  étrangers  à  la 
ville  et  sont  venus  se  fixer  à  Bruges  attirés  par 
la  facilité  qu'ils  y  trouvaient  à  vendre  leurs  tra- 
vaux. 

C'est  ainsi  que  Guillaume  Vrelants,  l'un  des 
premiers  membres  de  la  Gilde  et  dont  on  pos- 
sède quelques  travaux  authentiques,  était  natif 
d'Utreclit.  Il  vint  s'établira  Bruges  et  y  acheta 
le  droit  de  bourgeoisie  le  30  août  1456.  Simon 
Bening,  l'auteur  des  peintures  généalogiques  ob- 
jet de  cette  étude,  est  né  à  Anvers  et  y  résidait 
encore  aux  premières  années  du  Wl*"  siècle.  Il 
s'établit  à  Bruges  et  acheta  le  droit  de  cite  en 
15 19.  Avant  cette  date,  il  est  venu  à  Bruges  a 
différentes  reprises, sans  doute  afin  d'y  vendre  ses 
livres  aux  foires  annuelles  ou  pour  y  prendre  des 
commandes  ('). 

M.  Kaemmerer  croit  que  Bening  et  Gérard 
Horebaut  auraient  tenu  boutique  à  la  fois  à 
Gand  et  à  Bruges, mais  c'est  là  une  opinion  qui  ne 
semble  avoir  aucun  fondement  historique. 

Nous  ne  suivrons  pas  M.  Kaemmerer  dans 
les  développements  de  son  historique  de  la  pein- 
ture des  manuscrits  ;  nos  indications  suffiront  à 
en  faire  comprendre  l'importance.  La  notice  gé- 
néalogique due  à   la  plume  de  M.  le  professeur 


I.  Voyez  Weale,  lie^roi,  t.  IV,  1873,  pp.  238-251. 


ldibltograpl)îe. 


169 


StrohI  semble  également  faite  avec  soin  et  con- 
science, mais  elle  sort  trop  du  cadre  de  nos  étu- 
des pour  nous  y  arrêter. 

Les  treize  grandes  compositions  généalo- 
giques, dont  l'une  n'existe  qu'à  l'état  de  contour, 
sont  hautement  fantaisistes  dans  leur  ordonnance. 
Indépendamment  des  figures  historiques  revêtues 
de  leur  costume  pittoresque  on  trouve  un  peu  de 
tout,  de  la  faune  et  de  la  flore,  des  oiseaux  de 
tous  genres,  paons,  aigles,  faucons,  petits  oiseaux 
chanteurs,  des  ménageries  complètes  avec  des 
animaux  variés,  des  singes  et  des  ours,  des  cerfs 
et  des  chats,  des  griffons  et  des  chiens  de  toutes 
espèces  ;  puis  ce  sont  au  bas  des  encadrements, 
des  vues  de  villes,  des  batailles  navales,  des  sièges 
et  d'autres  combats,  suivant  que  l'artiste  croyait 
devoir  rappeler  les  événements  de  la  vie  des  sou- 
verains dont  il  voulait  illustrer  les  règnes  :  le  tout 
entremêlé  de  blasons  nombreux,  de  panoplies  et 
de  phylactères. 

Les  treize  grandes  planches  reproduites  avec 
toute  la  fidélité  du  procédé  phototypique  adopté 
donnent  l'idée  d'œuvres  du  premier  ordre,  et  on 
doit  savoir  gré  à  l'éditeur  de  n'avoir  épargné  ni 
soins  ni  dépense  pour  établir  cette  publication 
avec  la  richesse  qu'elle  comporte.  Cette  belle  pu- 
blication n'a  été  imprimée  qu'à  200  exemplaires. 

J.  H, 


THE  EARLY  CHRISTIAN  MONUMENTS  OF 
SCOTLAND,  par  J.  RoMiLV  Ali.em  et  J.  Anderson 
—  Secretary,  National  Muséum  of  antiquities,  Queen 
Street,  Ediraburgh,  Scotland,  1904.  L.  ,;  3  (So  fr.) 

PARMI  les  premiers  monuments  chrétiens  de 
l'Ecosse  les  plaques  en  pierre  sculptées  for- 
ment la  catégorie  la  plus  nombreuse  et  certaine- 
ment la  plus  intéressante  au  point  de  vue  archéo- 
logique du  pays. Le  présent  ouvrage.diviséen  trois 
chapitres,  donne  la  description  et  la  reproduction 
de  plus  de  500  de  ces  plaques.  L'auteur  donne 
une  description  exacte  des  ornements  et  figures 
bibliques  ou  tirées  de  bestiaires  aussi  bien  que 
des  inscriptions  celtiques  qui  accompagnent  les 
sujets  traités. 

L.  C. 

A  RENAISSANCE  LEANING  FAÇADE  AT 
GENOA.  LA  FAÇADE  INCl-INÉE  DE  SANT- 
AMBROGIO  A  GÈNES,  par  \V.  H.  GOODVEAR.  — 
Opuscule  in-4°;  22  pp.  80  photogravures  et  3  plans 
levés.  New- York,  Macmillan  Company,  66  fifih  .\ve- 
nue.  —  1902. 

Le  professeur  Goodyear  vient  de  publier  une 
étude  intéressante  sur  l'inclinaison  que  présente 
la  partie  inférieure  de  l'église  St-Ambroise  à 
Gênes.  Cette  inclinaison  est  voulue  et  ce  qui  le 


prouve,  c'est  l'observation  faite  par  M.  Goodyear 
que  les  moulures  des  bases  des  pilastres  d'angle 
parfaitement  horizontales  forment  aussi  avec  le 
plan  de  la  façade  un  angle  obtus  du  côté  opposé. 

Il  est  probable  que  cette  disposition  a  été 
adoptée  pour  faire  mieux  valoir  les  sculptures  et 
les  présenter  sans  le  moindre  raccourci  :  tels  les 
pinacles  et  statues  en  couronnement  de  St-Marc 
de  Venise,  dont  l'inclinaison  est  de  plus  de  six 
pouces. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'étude  de  M.  Goodyear 
montre  que  la  pratique  des  architectes  du  moyen 
âge,  de  donner  aux  lignes  et  surfaces  de  leurs 
monuments  des  formes  courbes  ou  inclinées,  en 
vue  de  corriger  les  effets  de  perspective,  a  persisté 
dans  un  certain  degré  à  travers  la  Renaissance, 
jusque  ime  époque  assez  avancée. 

L.  C. 

LA  PHOTOGRAPHIE  DES  MONUMENTS, 
par  F.  Martin  Gabon.  —  Broch.  Pion,   Paris,  1903. 

M.  le  D"'  Coutan  a  rappelé  dans  un  récent  ar- 
ticle de  cette  Revue,  les  éminents  services  ren- 
dus aux  archéologues  par  M.  Martin  Sabon, 
photographe  d'élite,  amateur  aussi  désintéressé 
qu'éclairé.  Les  nombreux  amis  des  monuments 
qui  utilisent  le  précieux  objectif,  trouveront  dans 
la  brochure  ci-dessus  tout  le  fruit  de  l'expérience 
et  de  la  science  de  ce  virtuose  de  la  photographie. 
Les  admirables  vignettes  qui  l'illustrent  donnent 
la  plus  haute  idée  de  son  savoir-faire. 

L.  C. 

LINE  AND  FORMS,  par  Walter  Crane.  —  In-12, 
illustr.,  232  pp.  Londres,  Bill,  and  C°,  1902. 

Dans  ce  livre  destiné  à  être  un  des  classiques 
d'art  les  plus  universels,  on  commence  à  montrer, 
mieux  encore  par  une  exquise  illustration  que 
par  le  texte,  toute  la  valeur  de  la  ligne,  comme 
expression  des  forces,  des  idées,  du  mouvement; 
on  montre  que  les  variétés  dans  l'emploi  de  la 
ligne  sont  les  dialectes  divers  du  dessin  et  que 
l'artiste,  par  son  sens  de  sélection,  trouve  sa 
manière  à  lui  de  se  servir  de  la  ligne. 

Venant  aux  principes,  l'auteur  remarque  qu'on 
se  sert  de  la  ligne  dans  un  sens  purement  gra- 
phique (formes  adventices)  ou  dans  un  sens  or- 
nemental (formes  stylisées).  Il  conseille  d'ob- 
server les  contours  des  objets  et  de  déduire  les 
détails  de  la  masse.  La  pondération  des  masses 
s'obtient  par  la  répétition,  l'alternance,  la  sy- 
métrie et  le  rayonnement.  La  ligne  et  le  relief 
sont  les  deux  éléments  de  l'art. 

Il  montre  ensuite  par  des  exemples  le  choix 
judicieux  à  faire  de  la  manière  de  tracer  les 
lignes  pour  interpréter  un    modèle,   de  manière 


lyo 


Bcbuf  tir  rSrt  c{)rctten. 


à  donner  au  dessin  du  caractère;  comment  le 
procédé  diffère  selon  la  destination  du  travail  du 
dessinateur  et  selon  son  outil  :  crayon,  fusain, 
pinceau. 

Quant  à  la  forme,  elle  est  la  chair  du  dessin, 
comme  la  ligne  en  est  le  squelette.  Elle  s'incarne 
dans  le  solide;  les  facteurs  sont  l'équilibre  des 
masses,  le  contraste  dans  les  éléments  reproduits 
ou  la  manière  de  les  rendre,  et  la  forme  enve- 
loppante. 

Ici  apparaît  le  grand  styliste  décorateur  que  fut 
W.  Crâne;  c'est  de  la  décoration  qu'il  traite  avec 
prédilection.  Le  décor,  dit-il,  doit  s'adapter  à  son 
emplacement  comme  l'e.scargot  à  sa  coquille; 
cet  emplacement  est  donné  par  l'architecte,  et 
l'architecture  gothique,  comme  le  remarque  l'au- 
teur, est  de  beaucoup  celle  qui  fournit  à  l'artiste 
les  thèmes  les  plus  riches  et  en  même  temps  les 
plus  belles  res.sources  techniques.  Les  artistes 
médiévaux  ont  su  merveilleusement  harmoniser 
le  décor  à  la  structure. 

On  le  voit,  dans  la  composition  interviennent 
trois  éléments  : 

la  ligne  prédomine  dans  le  dessin  d'illustration 
la  forme  »  »  »       pictural  et  plas- 

l'emplacement  »  »      décoratif,  [tique. 

Ici  l'auteur  étudie  la  combinaison  de  la  ligne 
tracée,  la  combinaison  des  formes  au  regard  du 
pittoresque  naturel  ou  contrasté. 

Puis  il  indique  les  procédés  propres  à  expri- 
mer le  relief;  contraste  des  tons,  effet  d'ombre 
et  de  himière,  modelé  et  relief,  et  il  analyse  ces 
procédés  complexes  avec  une  remarquable  luci- 
dité, en  msistant  sur  la  distinction  fondamentale 
des  lignes  de  contour  et  de  la  ligne  auxiliaire. 

L.  r. 


GRONDBKGINSELEN  VAN  DE  GESCHIE- 
DENIS  DËR  BOUWKUNST.  —  I.  HËIDEN- 
SCHE  BOUWKUNST.  —  II.  CHRISTENE 
BOUWKUNST,  par  A.  Van  Houcke,  2  vol.  in-8"de 
180  à  220  pp.,  nombreuses  gravures,  Peeters,  1903. 

Il  existe  quantité  d'ouvrages  traitant  d'une 
manière  générale  de  l'art  monumental  a  travers 
les  âges.  Il  en  est  trop  peu  qui  offrent  le  caractère 
didactique  et  l'allure  concise,  qui  conviennent  à 
la  large  diffusion  de  l'histoire  de  l'architecture 
dans  la  masse  du  public  instruit.  C'est  que  cette 
vaste  matière  est  terriblement  difficile  a  conden- 
ser en  quelques  pages  sans  grosses  lacunes.  C'est 
à  quoi  a  réussi  M.  V  in  Houcke  dans  cet  ouvrage 
qui  a,en  outre,le  mérite  d'être  écrit  dans  la  langue 
néerlandaise,  encore  assez  dépourvue  de  livres  de 
l'espèce.  Nous  devons  dire  que  M.  Van  Houcke 
était  particulièrement  préparé  à  cette  œuvre  dis- 
tinguée, car  depuis  de  longues  années  il  se  livre 


à  l'enseignement  de  l'architecture  à  l'École 
St-Luc  de  Bruxelles,  et  dès  l'année  1891,  il  a  déjà 
publié  en  français  une  excellente  histoire  de 
l'architecture;  c'était  un  modeste  (;«î7vr^£  litho- 
graphie (')  et  illustré  de  la  main  de  l'auteur. 
Sa  réédition  se  présente  sous  la  forme  de  deux 
beaux  volumes,  fort  abondamment  illustrés  de 
vignettes  et  de  photogravures.  C'est  une  belle 
acquisition  pour  la  bibliothèque  si  recomman- 
dable  du  Davidsfonds. 

L.  C. 


LESVILLESD'ARTCELEBRES:  RAVENNE, 
par  Ch.  DiEHL  ;  CONSTANTINOPLE,  par  H. 
B.ARTH.  —  Petit  in-4"  nombreuses  gravures.  Paris, 
Renouard,  1903. 

La  collection  à  laquelle  appartient  cet  élégant 
volume  est  connue  de  nos  lecteurs,  à  qui  nous 
avons  fait  connaître  les  volumes  consacrés,  l'im 
à  Bruges  et  Ypres,  l'autre  a  Gand  et  Toiirniii. 
Nos  abonnés  connaissent  aussi  M.  Ch.  Diehl  et 
M.  H.  Barth,  deux  écrivains  de  marque  bien  qua- 
lifiés pour  décrire  deux  villes  dont  ils  sont  depuis 
longtemps  les  fervents  et  érudits  admirateurs. 
Ils  ont  fait  ailleurs  œuvre  de  science  appro- 
fondies; ici,  ils  condescendent  à  faire  d'excellente 
vulgarisation. 

De  Ra venue,  feu  IM.  Barbier  de  Montault  a 
décrit  toutes  les  riches  mosaïques,  et  nos  divers 
collaborateurs  ont  traité  bien  des  points  de  son 
archéologie.  Il  est  singulièrement  attrayant  de 
retrouver  dans  les  belles  pages  que  nous  signa- 
lons, le  tableau  largement  tracé  en  maître  par 
l'historiographe  même  du  grand  Justinien,  des 
merveilles  accumulées  dans  cette  ville  étonnante, 
triste  infiniment  et  bien  morte,  où,  suivant  l'esprit 
de  Dante,  il  semble  que  les  sujets  de  Théodoric 
et  de  Gallia  Placidia  se  retrouveraient  encore 
presque  chez  eux,  s'ils  se  levaient  de  la  terre  où 
Us  dorment. 

En  parlant  des  sculptures  méplates,  en 
marbre  et  en  ivoire  du  V<=  et  du  VI<=  siècle  ainsi 
que  des  mosaïques  et  de  leurs  sujets  sornptuen.v, 
M.  Diehl  précise  ce  point  de  l'influence  orien- 
tale, que  l'éminent  chanoine  Van  den  Gheyn  a 
trop  vaguement  indiqué  dans  son  intéressante 
étude  des  chapiteaux  byzantins  (2)  :  c'est  celle 
de  l'école  syrienne  ou  alexandrine,  la  même  a 
qui  l'on  doit  la  chaire  de  Ma.xicnien  (VI'=  s.). 

L'ouvrage  se  termine  par  des  pages  de  belle 
littérature  et  d'art  intense  où  M.  Dielh  évoque 
la  grande  figure  de  Dante,  de  Camaldulo  et  de 
ce  monde  héroïque  religieu.x  dont  Ravenne  fut 
un  des  centres    les    plus   remarquables. 

M. Barth,  et  son  livre  Constantmople,  sont  égale- 


1.  Gand,  Siepmann,  1891. 

2.  V.  Revue  de  t  Arl  chrilien,  p.  523,  .inn. 


1903. 


Btbltograpl)te, 


171 


ment  connus  de  nos  lecteurs  par  l'article  que  notre 
Directeur  I\I.  J.  Helbig  a  consacré  à  l'édition 
allemande  de  cet  ouvrage  (').  Il  exprimait  le 
vœu  d'en  voir  donner  une  traduction  française. 
Après  avoir  retracé  en  poète  les  beautés  pitto- 
resques de  la  ville  moderne,  il  s'arrête  longuement 
à  une  description  très  complète  et  très  impres- 
sionnante de  l'église- mosquée  Sainte-Sophie.  Il 
passe  en  revue  également  l'église  purement  by- 
zantine des  SSts-Serge  et  Bacchus,  Ste  Irène, 
transformée  en  arsenal,  de  Kahrie-djami,  dont  il 
reproduit  abondainment  les  belles  mosaïques  si 
pleines  de  vie,  en  dépit  des  traditions  byzantines, 
plusieurs  autres  églises  modestes  moins  ancien- 
nes, Vésa-djami,  Fétiyé-djami,  les  mosquées 
d'Ahmed,  de  Alehemed  Pacha  (l'ancienne  Anas- 
tasie),  etc. 

Viennent  ensuite  les  constructions  civiles  et 
militaires  Tekfour-Serail,  les  aqueducs,  la  citerne 
des  looi  colonnes,  le  château  des  Sept-Tours, 
l'hippodrome,  l'obélisque  de  Théodore  le  Grand, 
la  colonne  Serpentine,  l'obélisque  Muré,  la  co- 
lonne Brûlée,  etc. 

Pour  étudier  les  produits  de  l'art  turc  pur  dé- 
rivant des  civilisations  perse  et  arabe,  il  faut  se 
rendre  à  Brousse,  et  visiter  ses  mosquées  et  ses 
mausolées. Nous  revenons  enfin  à  Constantinople 
et  visitons  les  grandes  mosquées  de  Mahomed  1 1 
et  de  Bajazet,  le  Shoh-Zade,  la  mosquée  de  Suleï- 
ma.celle  de  la  Validé  et  les  monuments  modernes. 

L.  C. 

NOTICES  SUR  LA  COLLÉGIALE  DE  SAINT- 
PIERRE  A  DOUAI,  par  M.  l'abbe  Pastooks.  — 
Broch.  exir.  de  Bu/L  delà  Soc.  d'étude  de  Douai. 

Courte  notice  sur  une  importante  église  dis- 
parue. Elle  avait  cinq  nefs,  un  choeur  très  allongé, 
une  superstructure  en  boisetdes  cryptes  antiques. 
Elle  abritait  la  belle  statue  de  Notre-Dame  des 
Miracles.  ^     ^ 


BASILIQUE  DE  SAINT-REMI.  —  ORIGINE 
ARCHITECTURALE,  par  M.  GosSET.  —  Broch. 
Reims.  Imp.  de  l'Académie,  1903. 

M.  L.  DemaisoD  a  avancé  au  congrès  de  Bor- 
deaux, que  la  basilique  de  Saint-Remi  n'a  «  t-ien 
conservé  des  travaux  d' Hinonar  ».  Ce  n'est  pas 
l'avis  de  M.  Gosset,  qui  n'a  pas  épargne  ses 
pemes  pour  justifier  sa  manière  de  voir.  A  l'aide 
de  nombreux  levers,  et  de  dessins  très  explicites, 
il  s'est  attaché  à  restituer  les  états  successifs  des 
nefs  de  l'ancienne  basilique,  et  spécialement  des 
cinq  arcades  primitives  conservées  à  la  face  Ouest 
du  transept  Nord,  encore  conservées  sous  les 
revêtements  ogivaux  de  Pierre  de  Celles. 

I.  Hevue  de  l' Art  chrétien,  année  1902,  p.  144. 


Saint-Remi  fut,  selon  Dom  Marlot,  bâtie  par 
Turpin  (736-802),  puis  agrandie  et  achevée  par 
Hincmar  (852).  L'abbé  Agrard  entreprit  de  la 
renouveler  en  1005.  M.  Gosset  reproduit  intégra- 
lement la  relation  du  moine  Anselme  (').  On  y 
trouve  ce  passage,  qui  est  le  pivot  de  la  discus- 
sion :  «  Après  l'avoir  presque  (pœne  diruto)  en- 
tièrement démolie  et  ne  laissant  que  quelques 
fondements  (fiiudamentis  quibusdain  rehctis)  qui 
parurent  nécessaires  aux  architectes  pour  les 
constructions  futures,  il  reprit  l'édification  de 
la  maison  de  Dieu  ».  Quelque  chose  a  été 
conservé  de  l'édifice  carlovingien.  Ce  reste,  M. 
Demaison  le  voit  dans  quatre  piliers  de  la  nef 
M.  Gosset  constate  qu'il  faut  le  chercher  plutôt 
dans  les  cinq  arcades  précitées  du  transept.  Ces 
dernières  sont  de  style  plus  ancien,  de  moulura- 
tion,  de  proportion,  de  module  différent  de  tout 
le  reste  et  plus  conforme  à  l'ordonnance  antique. 
Tel  était  aussi  l'avis  de  M.  L.  Leblan,  dans  son 
rapport  officiel  de  1877.  -,      p 


"^m  ©érioïiiques.  wm 

BULLETIN    MONUMENTAL,    1903,  n"  45- 

M.  Lefèbvre  Fontalis  donne  la  monographie 
d'une  élégante  église  de  la  Mayenne,  l'abbatiale 
d  Evre.  Elle  présente  une  petite  nef  romane,  aug- 
mentée au  XI  V<=  siècle  d'un  vaisseau  relativement 
vaste,  comprenant  au  bout  des  nefs,  un  vaste  tran- 
sept et  un  chœur  profond,  entouré  de  sept  cha- 
pelles absidales  comprises  dans  un  hémicycle. 
Les  arcades  du  chœur  sont  encadrées  de  larmiers 
fleuronnés  ;  le  chœur  est  imite  de  la  cathédrale  du 
Mans  ;  c'est  dire  quelle  est  la  richesse  de  son 
architecture  élancée.  A  noter  la  forme  des  piles 
du  rond-point,  en  amande,  à  deux  colonnettes 
greffées  dans  le  sens  de  rayonnement  du  chœur. 
Le  clocher-porche  roman  est  une  rareté  dans  la 
région.  La  chapelle  Saint-Crépin  offre  un  portail 
d'une  décoration  très  curieuse,  de  style  roman, 
qui  aurait  mérite  une  description  plus  explicite 
que  cette  courte  explication  :  «  Ses  deux  colon- 
nettes  et  ses  chapiteaux  à  feuillages,  couronnés 
par  des  tailloirs  à  large  doucine,  soutiennent  des 
claveaux  en  coussinets  (?j,en  boudin  rehaussé  de 
têtes  plates  (?)  et  un  cadre  mouluré  )). 

M.  V.  Makerau  décrit  le  château  de  Sarzay 
(Indre)et  M. l'abbé  BouiUet,  l'église  deMontreuil- 
sous-Bois  (Seine),  qui  possède  un  beauchœurdu 
XIII'^  siècle  aux  très  élégants  chapiteaux,  des 
voûtes  sixpartites,  un  beau  triforium. 

Le  Directeur  àxxBulletin  nous  donne  encore  une 


I.  Anselme,  Itinerariutn  Leonis  Papœ   (Bollandistes,  l'vol.  a.  i). 


172 


3Ret)ue  lie  r^rr  chrétien. 


étude  sur  le  puits  de  S^int-Fort  et  les  cryptes 
de  la  cathédrale  de  Chartres  ;  il  rend  compte  des 
fouilles  opérées  par  M,  Merlet,  sous  son  con- 
trôle et  celui  de  M.  de  Lasteyrie.  Ces  fouilles 
ont  permis  de  reconnaître  la  place  occupée  jadis 
dans  les  cryptes  par  le  sanctuaire  de  Notre- 
Dame  de  Sous-Terre  (dit  \7i  grotte  druidique). 
Il  redresse  les  erreurs  émises  dans  des  études 
antérieures. 

REPERTORIUM   FUR    KUNSTW^ISSEN- 
SGHAFT  (fascicule  3). 

M.  É.  Jacobsen  passe  en  revue  les  tableaux 
italiens  du  Louvre,  en  redressant  maintes  attri- 
butions. 

M.  Jacob  Schmitt  s'occupe  de  l'ancienne  église 
Saint-Charles  Borromée,  de  l'ancien  couvent  de 
Saint-Faul,  dans  le  faubourg  Au,  de  Munich, 
bâtie  de  1621  à  1623,  et  démolie  en  1902. 

M.  R.  Bruc  fait  connaître  le  traité  de  maître 
Antonio  de  Pise  sur  la  peinture  sur  verre.  Le 
manuscrit  fut  découvert  dans  les  archives  du 
couvent  de  Saint-François,  a  Assise,  et  fut  publié 
dans  le  livre  de  P.  Giuseppe  Fratini,  Storia  délia 
Basilica  e  del  Convento  di  San  Francesco  in 
Assisiiyt-è.'io,  i8S2j.  Il  appartient  à  la  seconde 
moitié  du  XIV"  siècle.  M.  Thope  y  a  reconnu 
l'œuvre  d'un  Antonio,  peintre  sur  verre  qui  tra- 
vaillait en  1395  au  Dôme  de  Florence. 

Signalons  une  notice  de  M.  !•".  Jacob  Schmitt 
sur  la  curieuse  basilique  à  dix  pans  de  Saint- 
Jean-Baptiste,  à  Worms,  construite  sous  l'arche- 
vêque Burkard  I  (1000-1025)  et  détruite  par  les 
Français  en  1807-1808,  et  un  article  de  M.  VVil- 
helm  Suida  sur  de  nouvelles  études  sur  l'histoire 
de  la  peinture  lombarde  au  XV^  siècle.  L'auteur 
analyse  en  détails  le  livre  important  de  M.  Fran- 
cesso  Malaguzzi  Na\ç.x\:  Recherches  sur  les  peintres 
lombards  du  Quattrocento  (Milan,  1902). 

M.  Albert  Giimbel  publie  de  nouveaux  docu- 
ments, trouvés  aux  Archives  royales  de  Nurem- 
berg, ayant  trait  à  la  commande  et  à  l'exécution 
du  tombeau  de  la  famille  Schreyer,  par  Adam 
Krafft,  dans  l'église  Saint-Sébald,  à  Nuremberg. 

Une  note  de  M. Campbell  Dodgson  a  pour  objet 
les  différentes  copies  de  \' Apocalypse  de  Diirer, 
celle  de  Hieronymus  Grefïe  {\^02)  et  les  copies 
anonymes. 

M.  Wilhelm  Vœge  s'occupe  de  l'influence 
provençale  en  Italie  et  de  la  date  du  portail 
d'Arles.  Il  montre  par  de  nombreux  exemples 
l'influence  exercée  par  les  sculpteurs  d'Arles  et 
de  Saint-Gilles  sur  les  sculpteurs  de  la  Haute- 
Italie,  particulièrement  sur  ceux  de  Modène  et 
de  Parme. 

M.  A.  GiJmbel  étudie  les  traités  passés  pour 
l'illustration  et  l'impression  de  la  Chronica  inun- 
dide  Schedel,  par  Michel  Wolgemut  et  Wilhelm 


Pleydenwurfif.  pour  l'illustration,  avec  Schreyver 
et  Sébastien  Kammermeister  (1491). 

M.  E.  Scatassa  décrit  l'église  gothique  dispa- 
rue del  Corpus  Doniini,  a  Urbin  ('). 

L'ARCHITECTURE  USUELLE. 

Nous  avons  parcouru  avec  grand  intérêt  les 
premières  livraisons  de  cette  nouvelle  publica- 
tion archéologique  conçue  dans  un  sens  parti- 
culièrement pratique  et  technique,  et  dirigé 
par  un  maître  capable  de  lui  assurer  grand  succès 
et  de  rendre  des  services  marqués  aux  profession- 
nels de  l'architecture  ;  nous  voulons  parler  de 
M.  Rivoalen,  dont  on  connaît  la  collaboration 
distinguée  à  V Encyclopédie  d'architecture,  à  la 
Construction  moderne,  aux  Nouv.  A  nu.  de  la  Con- 
struction, etc.  Cette  revue  technique  mensuelle 
est  éditée  par  M.  Thezard  à  Dourdain.  Elle  ne 
coûte  que  15  fr.  par  an. 

L'EFFORT. 

Nous  ne  pouvons  manquer  de  saluer  l'appari- 
tion à  Roubaix  d'un  petit,  mais  excellent  pério- 
dique, Y  Effort,  organe  de  la  fédération  de  la  jeu- 
nesse catholique  de  la  région.  C'est  un  journal 
d'action  chrétienne,  qui  ne  s'occupera  d'art  que 
subsidiairement  et  incidemment  ;  mais  nous 
savons  dans  quel  esprit  éclairé  et  sérieux  les  créa- 
teurs conçoivent  le  rôle  de  l'art  dans  le  mouve- 
ment catholique,  qu'ils  poursuivent,  sous  cette 
belle  devise  :  Instaurare  omnia  in  Christo. 

L'ART  ET  L'AUTEL  (octobre  1903). 

Etude  de  M.  le  D"^  Ménard  sur  Le  Vitrail,  et 
en  particulier  sur  les  vitraux  de  la  cathédrale  de 
Troyes. 

Les  Calvaires  morbihannais ,  par  M.  J.  Buléon. 

Le  Style  moderne  en  architecture  religieuse,  par 
M.  Emile  Sedeyn. 

(Décembre).  —  Le  Cycle  de  la  Nativité  dans  la 
liturgie  et  dans  l'art  du  XI II'  siècle,  par  M.  E.  van 
den  Brœck  (3  grav.). 

L'ARTE  (1903,  fasc.  I  à  IV). 

A.  Venturi  :  Les  premières  œuvres  du  Caradosso 
à  Rome.  —  M.  Venturi  attribue  les  battants  en 
bronze  qui  ferment  le  reliquaire  des  chaînes  de 
saint  Pierre,  à  l'église  San  Pietro  in  Vincoli,  au 
Caradosso,  artiste  né  en  1452. 

Marcel  Reymond  :  La  Tombe  d' Onofrio 
Strozzi  dans  l'église  de  la  Trinité,  à  Florence.  — 
M.  M.  Reymond  combat  l'attribution  du  monu- 
ment funéraire  d'Onofrio  Strozzi.  M.  Reymond 
estime  que  l'admirable  monument  du  doge 
Mocenigo,  à  Venise,  d\i  à  un  Piero  di  Niccolo 
également,  est  très  imprégné  encore  de  souvenirs 
gothiques,  et  qu'il  date  pourtant  de  1423. 

I.  D'après  le  Courrier  dt  l'Art. 


Btbltograpl)ie. 


173 


« 


Xndei*  bibliograpl)îquc. 


vl  'ïf  ^  Or'  "Sr  Oj  •'.V  ''a  iSt  -V  <!ir'  -V  A/  -V  S?  .v  Ot'  .V  .^V  î3?  ^'  ^'  «;  »V& 

^rrbeologie  et  ideaiu'^rrs:^' . 

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*  Baedeker.  —  Le  Nord  Est  de  la  France.  — 
Paris,  Ollendorf,  1903. 

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célèbres).  —  In-4',  180  pp.,  103  grav.  Paris,  Laurens. 

Baye  (baron  de).  —  Émaux  de  la  cathédrale 
DE  Vladimir  et  du  couvent  de  Saint-Antoine- 
LE  Romain.  —  Jn-S",  Paris,  1903. 

Bossebœuf  (abbé).  —  Le  château  de  Veretz, 

SON  HISTOIRE  ET  SES  SOUVENIRS.  —  In-4"',  XIN'syÔpp. 

255  grav.  Touranzille,  Tours,  1903. 

Bruchet  (M.).  —  Étude  archéologique  sur 
LE  CHATEAU  d' ANNECY.  —  Ifi-S",  Annecy,  1901. 

Chevalier  (U.).  —  Ordinaire  et  coutumier  de 
l'église  cathédrale  de  Bayeux,  XIII=  siècle. 
6  pi.  photogravure.  —  Paris,  Picard,  1902. 

Le  même.  —  Autour  des  origines  du  suaire 
DE  LiREV  avec  documents  INÉDITS.  —  Paris,  Picard, 

Le  même.  —  L'abjuration  de  Jeanne  d'ARC 

AU  CIMETIÈRE  DE  SaINT-OuEN  ET  l'AUTHENTICITÉ  DE 

sa  FORMULE.  —  Paris,  Picard,  1902. 

*  de  la  Croix  (Le  R.  P.  C).  —  Étude  sommaire 

DU  BAPTISTÈRE    SaINT-JeaN    DE    PoiTIERS.    —    In  8°, 

86  pp.  Poitiers,  Blois,  1903. 

De  la  Croix  (R.  P.  C.  ).  —  Étude  som.maire  du 

BAPTISTÈRE     DE    SaINT-JeaN     DE    PoillKRS.   —    In-8°, 

Poitiers,  1903. 

*  Diehl  (Ch.)  et  Barth  (H.).  —  Les  villes  dart 
célèbres:  Ravenne,  Constantinople. ^  Petit  in-4°, 
nombr.  grav.  Paris,  Renouard,  1903. 

Diehl  (Ch.).  —  Ravenne  (Les  Villes  d'Art 
célèbres)  —  In-4°,  139  pp.,  130  grav.  Paris,  Laurens. 

Enlart  (C.)  et  Montoyer  (G.  de).  —  Eugène 
MuNTZ.  — In-8°,  Rouen,  1903. 

Gauthier (J.).  —  L'église  deRomain-Motier,au 
canton  de  Vaud  (Suisse).  —  In-8°,  12  pp.,  3  pi. 
Paris,  impr.  nationale,  1902. 

Le  même.  —  Le  cardinal  de  Granville  et 
LES  artistes  de  son  temps.  (Extr.  des  Mémoires  de 
la  Soc.  d'émulation  du  Doubs,  -]'  série,  t.  VI).  —  In  8°, 
51  pp.,  2  portr.  Besançon,  Dodivers,  1902. 

I.  Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  (*)  ont  été,  sont  ou 
seront  l'objet  d'un  article  bibliographique  dans  la  Revue. 


Germain  (L.).  —  Note  sur  deux  chapiteaux  de 
LA  CATHÉDRALE  DE  Saint-Dié.  —  In-S",  8  pp.  et  grav. 
Cuny,  1902 

*  Gossart  (Maurice).  —  Jean  Gossart  de  Mau- 
beuge,  sa  vie  et  son  œuvre,  d'après  les  dernières 
recherches  et  des  documents  inédits.  —  in-8'', 
147  pp.,  8  pL,  avec  une  préface  de  A.-M.  GossEZ,éd.du 
«  Beffroi  »,  Lille. 

*  Gosset  (M.).  —  Basilique  de  Saint-Remi.  — 
Origine  architecturale.  —  Broch.  Reims,  Imp.  de 
l'Académie,  1903. 

Le  Coutil.  —  L'époque  gauloise  dans  le  Sud- 
Ouest  de  la  Belgique  et  du  Nord-Ouest  de  la 
Celtique.  —   In-8°,  144  pp.  4  pi.,  Louvier,  1902. 

Marcais  (W.  et  G).  —  Les  monuments  arabes 
DE  Tlemcen.  —  In-4°,  358  pp.,  82  ill.  et  30  pi., 
Paris,  Fontemoing,  1 903. 

*  Martin  Gabon  (F.).  —  La  photographie  des 
monuments.  —  Broch.  Pion,  Paris,  1903. 

Mathieu  (F.).  —  Peintures  murales  de  la 
chapelle  Rolin  a  l'église  collégiale  de  Beaune 
(broch.  extr.  des  Afém.  de  la  Soc.  d'hist.  et  d^archèol. 
de    Beaune   1901). —  Beaune,  Batault,   1902. 

Mazerolle  (F.).  —  Le  médaillon  français,  du 
xv''  siècle  au  milieu  du  xvii°.  —  2  vol.  in-4'', 
630  à  767  pp.  Paris,  imp.  nat. 

Molmenti  (P.).  et  Ludwig  (G.).  —  Vittore 
Carpaccio  et  la  confrérie  de  sainte  Ursule  a 
Venise  (sur  les  peintures  du  martyre  de  Ste  Ursule 
au  musée  de  Venise).  —  In-4",  too  pp.  9  pi.  Paris, 
Oudet.  fr.  15. 

Moyeux  (A.). —  Réponse  a  M.  Eugène  Lefèvre- 
Pontalis  sur  son  article  «  Les  façades  succes- 
sives de  la  cathédrale  de  Chartres  au  XP  et 
AU  XIP  siècle». —  Étude  présentéeparlaSoc.  archéol. 
d'Eure  et  Loire.  In-8°,  24  pp.  et  fig.  Chartres,  Garnier, 
1903. 

*  Pastoors  (M.).  —  Notices  sur  la  collégiale 
DE  Saint-Pierre  a  Douai.  —  Broch.  extr.  du  Bull, 
de  la  Soc.  d'étude  de  Douai. 

Rivières  (baron  de).  —  Les  statues  tombales 
DU  musée  des  Augustins  DE  Toulouse.  —  Ii'i-4°, 
24  pp.,  4  pi.,  2  fig.  Toulouse,  Chacon,  1903. 

*  Rohault  de  Fleury  (G.).  —  Gallia  domi- 
nicana.  Les  couvents  dominicains  au  moyen  âge. 
—  2  vol.  in-4'^',  contenant  chacun  plus  d'une  centaine  de 
planches.  Paris,  Lethiellieux,  libraire  éditeur. 

*  Rupin  (Ernest).  —  Roc  Amadour.  Étude 
historique  et  archéologique.  Préface  par  le  C'= 
Robert  de  Lasteyrie,  membre  de  l'Institut.  —  120  gra- 
vures dans  le  texte,  12  pi,  et  chromo  hors  texte.  Paris, 
librairie  G.  Baranger,  fils,  1904. 


KRVUK  DE  l'art  CHRÉTIEN 
l()04.  —  2''"-*  [.IVRAISON. 


'74 


3Re\)ue  tie  T^ivt  cbrétien. 


Serruys  (D).    —  Catalogue  des  manuscrits 

CONSERVÉS    AU  GYMNASE  GREC  DE  SaLONIQUE.  Itl- 

8",  82  pp.  1903.  (Extrait  de  la  Revue  du  Biblioth.) 

Uzureau  (F.).  —  Andegaviana.  —  In-S",  504  pp. 
Angers,  Piraudeau,  1904. 

Villenody  (F.  de).  —  Du  fantastique  végétal. 
(Extrait  des  Notices  d'art.)  —  In-8°,    Moutiers,    1903. 

Vitry  (P.).  —  De  quelques  travaux  récents 
relatifs  a  la  peinture  française  du  xv"  siècle. 
—  In-8°,  45  pp.  (Ext.  du  Bulletin  de  la  Société  archéo 
logique  de  Touraiiie,  n   i,   1903),  Paris,  Rapilly,   1903. 


ailcniagnc. 


*  Beissel  (Stephan).  —  Kunstschaetze  des  Aa- 
CHENER  Kaiserdoms.  Werke  der  Goldschmiede- 
kunst,  Elfenbeinschnizerei  und  Textilkunst. — 
35  Lichtdrucke,  mit  Text,  folio  30  x  40  cm.  in  Mappe. 

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Beissel.  —  B.  Kiihlen,  éditeur  à  Gladbach.  En  porte- 
feuille.  Prix  :  30  marks. 

*  Braun  S.  T.  (Joseph).  —  200  modèles  de  Bro- 
derie religieuse,  genre  moyen  AGE.  —  Fribourg 
en  Brisgau,  Herder,  éditeur,  1904. 

*  Geiges  (Le  prof.  F.).  —  Der  Alte  Fenster- 
SCHMUCK  DES  Freiburger  Munsters.  —  Freiburg 
in  Brisgau,  Herdersche  Verlagshandlung. 

Les  anciens  vitraux  de  la  cathédrale  de 
Fribourg,  par  le  prof  Geiges.  —  5  liv.  in-4°,  avec  de 
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Deux  livraisons  ont  paru.  L'ouvrage  sera  complet 
en  5  livraisons. 

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tonen  St-Gallen  und  Appenzell  (extr.  de  Anzeiger 
fiir  schweizerische  Alterthnmskunde.  —  Nouv.  série, 
t.  IV,  pp.  251-259  {à  suivre).  Zuiich,  1902-1903. 

Ruskin  (J.).   —  Moderne  Maler  (vol.  I  et  II). 

—  Im  Auszug  uebersetz  und  zusammengefasst  von 
Charlotte  Breicher.  —  In-8°,  312  pp.  Leipzig, 
Diederichs,  1902. 

*  Slrohl  (H.  G.).  —  Ahnenreihen  aus  dem 
Stambaum  des  Portugiesichen  Koninghauses  Mi- 

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Wegweiser,  so  wie  einer  kunsthisiorischen  Erlaiiterung 
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Buchmalerei  des  XV.  und  XVI.  Jahrhundcits. 

*  StrohI  (H.  G.)  et  Kaemmerer  (D.  L.).  — 
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DE  la  Maison  royale  du  Portugal,  série  de  mi- 
niatures DE  LA  bibliothèque  du  Musée  Britan- 


nique de  Londres.  —  .\vec  des  indications  généalo- 
giques, des  éclaircissements  historiques,  et  une  notice 
sur  la  peinture  des  manuscrits  en  Flandre  au  XV=  et 
au  XVP  siècle.  —  In-4°avec  un  atlas,  34  pp.,  gr.  in  f° 
de  13  pi.  en  phototypie.  50  marcs. 

^=—^  Angleterre.  ==^—^^ 


j        *  Crâne  (W.).   —   Line  and   forms.    —    In-12, 
232  pp.,  nombr.  illustr.  Londres,  Bell,  and  S  ms,  1902. 

*  Romily  Allen  (J.)  et  Andersen  (J.).  —  The 
EARLY  Christian  monuments  of  Scotland.  —  Se- 
cretary.  National  Muséum  of  antiquities,  Queen  street, 
Edimburgh,  Scotland,  1904.  L.  3-3  (80  fr.) 


Italie. 


Gerspach.  —  L'arazzo  dei  gobelni  offerto  a 
S.  M.  LA  Regina  d'Italia.  —  Broch.  extr.  de  la 
JVuûva  Antologia,  Rome,  1903. 

Venturi  (Ad.).  —  La  galleria  nazionale  in 
Roma:quadri  e  statue.  —  In-4",  et  fig.  Roma,  tip. 
dell'unione  cooperativa  éditrice. 

^=    (îtats=C3nis  D'Amérique.    =^ 

Bell  (A.  J.).  —  The  Saints  in  Christian  art. 
(Vol.  II),  with  about  50  ill.  —  Clo/li,  small  ^to, 
$4.  50  ttet.  Macmillan  Company,  66,  Fifth  ave.,  New- 
York. 

Berenson  (B.).  —  The  study  .\nd  ckiticism 
of  italian  art.  (Second  Séries).  —  Cloth,  8™.,  $3.50 
net.  Illustrated  Macmillan  Company,  66,  Fifth  ave., 
New- York. 

Cartwright  (J.).  [Mrs.  Henri  Ady].  —  Jean 
François  Millet,  with  photog.  portrait  and  8  photog. 
after  the  artist's  drawings.  —  Cloth,  S>vo.,  $3.50  net. 
Macmillan  Company,  66,  Fifth  ave.,  New-York. 

Davies,  m.  A.  (Rév.  G.  S.).  —  FransHals,  wiih 
12  photog.  plates  and  about  45  olher  ill.  —  Cap  folio, 
$14.00  tiet.  Macmillan  Company,  66,  Fifth  ave.,  New 
York. 

Frances  Morse  (C).  —  Furniture  of  olden 
TIMES.  Illustrated  by  niany  half-tones  of  quaint  and 
valuable  pièces.  —  Cloth,  Crown  ?>vo.  Gilt  top,  $3.00 
?iet.  Also  an  édition  on  large  paper  limited  to  one 
hundred  copies.  Macmillan  Company,  66,  Fifth  ave., 
New- York. 

*  Goodyear  (W.  H  ).  —  .\  renaissance  i.eaning 

façade    AT    GeNOA,     la     FAÇADE     INCLINEE    DE    SaNI- 

Ambrogio  à  GÊNES.  —  opuscule  in-4°;  22  pp.,  80  pho- 
tog. et  3  pi.  levés.  Macmillan  Company,  66,  Fifih  ave., 
New- York,  1902. 

Konody  (P.  G.).  —  The  art  of  WalterCrane, 
with  190  illustr.,  including  24  colored  plates  and 
8  photogravures.  —  Impérial,  Quarto.  Gilt  top,  $20. 
Macmillan  Company,  66,  Fifth  ave.,  New  Votk. 


Btbltograplîte. 


175 


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nRAUGHTSMEN  IN  THE  XlIIth  CENTURY.  Uiiiform  with 
«  French  Painters  of  the  XVIITlh  Century,  »  etc.  With 
10  photogr.  and  40  blocks.  —  Cloth,  Impérial  Zvo., 
$10.  Macmillan  Company,  66,  Fifth  ave.,  New- York. 

Langton  Douglas.  —  Fra  angei.ico,  6  photog. 
and  67  halftone  illustrations  —  Impérial  Svo.  $6.00 
ne/.  Macmillan  Company,  66,  Fifth  ave.,  New-York. 

Lord  Ronald  Sutherland  Gower  (F.  S.  A.). 
—  Sir  Joshua  Rkvnolds,  with  90  ill.  including  2 
phot.  —  C/0//1.  Quarto,  $3.00.  Macmillan  Company, 
66,  Fifth  ave.,  New  Yoïk. 


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Granberg  (O.).  —  Om  kejsar  Rudolf  11  konst- 

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In-4°,  130  pp  ,  II  pi.  Stockholm,  Fôrf.  Kr.  20. 

Sirén  (O.).  —  Dessins  et  tableaux  de  la  Re 
naissance    italienne    dans    les   collections   de 
Suède.  —  In-8°,    144  pp.,   39  pi,   Stockholm,  Hasse    ' 
W.  TuUberg,  1902. 


Sinding  (O.).  —  Mari ae  Tod  und  Himmelfahrt. 
EiN  Beitrag  zur  Kenntnis  der  Fruhmittelalter- 

LICHEN     DENKM.-iHLER.      HrsG.      MIT     BeiTRAG      VON 

«  Benneches  Stiftelse  ».  —  In- 8°,   134   pp.    et    2  portr. 
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hague,  Nordirize  Forlay.  Le  fasc.  Kr.  50. 


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Der  Meister  der  Van  Eyck-Schule,  auch 
genannt  der  unbekannte  Meister  von  1480.  — 
Fasc.  1-2.  4  pp.  et  10  pi.  Haarlem,  Kleiniiiann.  Le  fasc. 
7  H.  20. 

GÉRARD  David,  dit  maître  Gérard  de  Bruges 
(1450  ?- 1525).  —  Fasc.  s  (en  allemand,  anglais  et 
français).  6  pp.  et  6  pi.  en  phototypie.  Haarlem, 
Kleinmann,  1903. 

*  Van  Houcke  (A.).  —  Grondbeginselen  Van 
de  geschiedenis  der  bouwkunst  —  I.  Heidensche 
BouwKUNST.  —  II.  Christene  bouwkunst.  —  2  vol. 
in-8",  180  à  220  pp.,  nombr.  grav.  Louvain,  Peeters, 
1903. 


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Cl)rOni(ïUC.  SOMMAIRE:  CONSERVATION  DES  MONUMENTS  ANCIENS.  - 
ÉCOLE  ST-LUC.  -  HAUTES  ÉTUDES  D'ART.  —  VARIA.  -  NÉCROLOGIE  :  Frère 
Marusin. 


i^^^^^i^i^^i^W^i^^^WWWWWWWWWWWWWWWW" 


^ 


Conservation  Des  monuments  aneiens. 

OUS  sommes  les  premiers  à  nous  éle- 
ver contre  les  atteintes  portées  par  les 
restaurateurs  trop  zélés  à  la  majesté 
des  monuments  anciens.  Cependant 
nous  constatons  qu'aujourd'hui  la  défiance  jadis 
si  justifiée  à  l'égard  des  architectes,  est  moins 
motivée,  vu  la  prudence  éclairée  des  artistes  du 
bâtiment,  devenus  à  la  fois  plus  archéologues  et 
plus  consciencieux. 

Mais  la  défiance  du  public  ne  désarme  pas  ;  au 
contraire,  le  mouvement  hostile  aux  architectes 
et  artistes  est  devenu  une  poussée  populaire. 
On  n'a  qu'à  les  invectiver  pour  se  faire  applaudir 
et  l'on  s'en  donne  à  cœur  joie.  Cela  se  voit  sur- 
tout en  France  et  en  Belgique. 

Dans  ce  dernier  pays,  les  restaurateurs  ont 
trouvé  des  défenseurs  dans  les  membres  de  la 
Commission  royale  des  monuments  à  l'encontre 
de  la  société  fort  bruyante  et  remuante,  dite 
Société  nationale  pour  la  protection  des  sites  et  des 
moniunents  en  Belgique  {on  n'est  pas  plus  laconi- 
que). Cette  société  avait  dénoncé  au  Gouver- 
nement toutes  sortes  d'actes  de  vandalisme  com- 
mis sous  l'œil  paternel  de  la  Contmission  des 
monuments.  L'église  de  Walcourt  dépouillée  de 
ses  boiseries,  celle  de  St-Martin  à  Courtrai  dé- 
garnie de  ses  marbres,  celle  d'Alost  menacée  de 
perdre  le  portique  de  son  retable,  l'église  d'Op- 
chie  défigurée,  les  boiseries  d'Hulshout  mises  à 
l'encan,  etc. 

Or,  voyez  le  mécompte.  La  Commission  incri- 
minée a  répondu,  et  établi  que  les  boiseries  de 
Walcourt  restent  et  resteront  en  place,  que  celles 
de  Saint-Martin  tombent  d'elles-mêmes  en  mor- 
ceaux et  sont  sans  valeur,  que  l'église  d'Opchie 
n'existe  pas  (il  y  a  bien  une  église  d'Aubechies, 
mais  dont  la  restauration  est  l'objet  présentement 
des  études  les  plus  consciencieuses),  etc.  ('). 

Décidément,  il  devient  temps  qu'on_  ne  croie 
plus  sur  parole  les  déclamateurs  de  l'Ecole  des 
pittoresques,  qui  se  font  de  la  popularité  dans  les 
journaux  sur  le  dos  des  travailleurs.  Nous  avons 
eu  déjà  mainte  occasion  de  remettre  à  leur  place 
dans  ces  colonnes  mêmes,  l'une  et  l'autre  de  ces 
mouches  du  coche  de  l'art. 


I.  Commission  roya/e  des  Monuments.  —  Correspondance  artec  la 
Société  nationale  four  la  protection  des  sites  et  des  monuments  de 
Belgique,  1903. 


Rappelons  que  dans  la  séance  annuelle  de  la 
Commission  royale  des  monuments  de  la  Belgique 
tenue  en  octobre  1902,1e  président  de  ces  assises, 
M.  l'Inspecteur  général  Ch.  Lagasse  de  Locht, 
avait  répliqué  avec  une  ironie  charmante  aux 
récriminations  de  «  l'École  des  pittoresques  » 
à  l'égaid  de  la  restauration  des  monuments 
anciens,  et  ce,  à  propos  de  la  restauration  de 
l'abbaye  de  Villers,  cette  belle  entreprise  d'art 
consciencieuse  inaugurée  sous  ses  auspices  et 
bientôt  couronnée. 

La  restauration  de  la  brasserie,  disait-il,  en 
partie  réalisée  et  de  façon  remarquable  par  feu 
Licot,  devrait  être  achevée  complètement.  Le  ré- 
fectoire devrait  être  complètement  restauré. 

«  En  restaurant  complètement  le  réfectoire,  on  aurait 
un  local  qui  servirait  de  musée  pour  les  restes  découverts 
dans  les  décombres  de  Villers  et  qui,  aujourd'hui,  se  trou- 
vent relégués  dans  une  dépendance.Heureusement,  la  clef 
en  est  bien  gardée.  A  l'intérieur  de  l'église  abbatiale  nous 
voudrions  réédifier  le  mausolée  du  Duc  Henri  et  de  la 
Duchesse  dont  on  a  retrouvé  les  tombes.  On  a  tous  les 
éléments  de  cette  restauration  dans  les  documents  histo- 
riques concernant  l'abbaye  ('). 

«  Voilà  pour  satisfaire  les  architectes  et  les  savants  ar- 
chéologues. 

«  Quant  aux  pittoresques,  qu'ils  se  rassurent  ;  il  n'est 
pas  question  de  ressusciter  l'église  de  ses  ruines.  Mais, 
pour  les  satisfaire,  faut-il  la  laisser  s'anéantir  absolument? 
Ne  faut-il  pas  reconstituer  quelques  bandeaux  dans  la 
voûte,  afin  d'empêcher  que  certains  contreforts,  desti- 
nés à  subir  les  poussées  de  la  voûte,  manquant  de  quoi 
répondre  h  leur  destination  primitive,  ne  produisent  juste 
l'effet  contraire  et  n'achèvent,  en  poussant  au  vide,  d'a- 
battre ce  qui  reste  encore  des  murs  magnifiques  et  véné- 
rables de  la  splendide  abbatiale  "i 

«  Je  le  sais  ;  on  objecte  la  beauté  de  l'actuelle  ruine. 
Mais  ici  vraiment  on  oublie  ce  que  savent  tous  les  vieux 
amis  de  Villers  :  nous  avons  connu  la  haute  nef  de  l'église 
revêtue  de  sa  voûte.  Il  y  a  à  peine  25  ans  que  cette  voûte 
s'est  effondrée  tout  entière. 

«  Si  elle  était  rétablie  partiellement  dans  un  but  con- 
fortatif,  les  ruines  de  Villers  en  seraient-elles  moins 
belles  ?  Selon  moi,  elles  seraient  comme  je  les  ai  connues 
jadis,  beaucoup  plus  grandioses  et  plus  impressionnantes. 
Elles  s'offriraient  sous  un  aspect  plus  charmant,  plus 
<L  inimitable  »  aux  amateurs  du  pittoresque. 

<  Je  vais  plus  loin.  Messieurs.  Oui  de  vous  ne  s'est  ar- 
rêté, étreint  par  l'admiration,  devant  l'abside  fière  et 
simple  de  l'abbatiale.'  Combien  le  fenestrage  en  est  im 
posant  !  Et  pourtant  la  lumière  crue  tombant  de  haut  et 

I.  Outre  la  gravure  figurant  dans  les  Trophées  de  BUTKENS  ei 
dans  le  grand  Théâtre  sacré,  il  y  a,  dans  un  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque tio  Bourgogne  cité  par  M.  Schuermans,  une  aquarelle  repré- 
sentant le  tombeau  tel  qu'il  était  au  XVIII<'  siècle. 


Cl)ronique. 


177 


directement  dans  le  chœur  non  voûté  embarrasse,  inter- 
fère, diminue  et  détruit  presque  les  rayons  du  soleil  pé- 
nétrant à  travers  les  baies  latérales.  Toutes  les  nuances 
dues  aux  jeux  de  la  lumière  venant  de  ces  baies  grandes 
et  sveltes  du  chœur  ont  disparu  avec  la  voûte.  Rétablis- 
sons cette  voûte,  ne  fût-ce  que  pardessus  le  chevet,  et 
voici  que  l'œuvre  géniale  reprend  tous  ses  aspects,  ceux 
qu'a  voulus  l'artiste  et  ceux  aussi  qu'ont  entrevus  et  de- 
vinés les  rêves  féconds  de  son  imagination.  Dites  :  quel 
<  pittoresque  >  y  trouvera  sérieusement  à  redire  ? 

<  Ainsi,  il  n'y  a  point  de  contradiction  réelle  entre  la 
recherche  de  cette  forme  et  une  restauration  rationnelle. 
Tout  est  affaire  de  tact  et  de  mesure.  11  ne  saurait  y  avoir 
en  l'espèce,  de  principe  absolu.  11  convient,  dans  chaque 
cas,  de  se  livrer  à  une  étude  complète  et  d'arriver  h  des 
résultats  contre  lesquels  viennent  s'émousser  les  traits 
divers  de  la  critique  totale.  L'artiste  restaurateur  peut, 
s'il  est  de  force,  rendre  de  grands  services  non  seulement 
à  l'art,  mais  à  l'archéologie  et  aux  <  pittoresques  >.  J'at- 
tends de  pied  ferme  la  contradiction. 

<  Autre  observation  :  rien  n'est  plus  délicat  qu'une  res- 
tauration. Quelques  critiques  se  sont  imaginé  que  les 
restaurations  réclamées  par  les  artistes  avaient  surtout 
pour  but  un  gain  d'argent.  Ces  critiques  me  permettront 
de  le  leur  dire  :  ils  n'ont  pas  l'âme  artiste  ;  sans  quoi  ils 
n'invoqueraient  pas  un  argument  à  la  fois  si  pitoyable  et 
si  faux.  > 

Ici  M.  Lagasse  fait  bonne  justice  de  cet  argu- 
ment de  mauvais  ton,  qui  consiste  à  représenter 
les  architectes  restaurateurs  comme  des  gens 
ctipides,  intéressés,  poussant  à  la  dépense  au  pro- 
fit de  leur  bourse.  Nous  avons  essuyé  ces  amé- 
nités dans  une  polémique  antérieure.  Nous  avons 
dédaigné  d'y  répondre.  M.  Lagasse  continue  : 

'<  Dernière  observation  :  on  a  beaucoup  critiqué 
l'emploi,  à  Villers,  d'une  pierre  neuve  jaunâtre  pour  l'en- 
cadrement de  certains  baies  de  fenêtres  ;  on  a  dit,  même 
à  la  Chambre  des  Représentants,  que  l'emploi  de  ces 
matériaux  était  d'un  effet  désastreux. 

<  J'ai  voulu  en  avoir  le  cœur  net  ;  voici  l'expérience  que 
j'ai  ordonnée. 

«  On  a  pris,  çà  et  là,  dans  des  encadrements  ruinés, 
des  morceaux  de  pierre  jaune  ancienne  (').  J'ai  fait  dres- 
ser sur  le  sol,  deux  encadrements  de  baies,  l'un  composé 
avec  ces  pierres  jaunes  anciennes,  l'autre  avec  des  pierres 
jaunes  nouve'Ies.  On  a  demandé  à  ceux  qui  n'étaient 
point  au  courant  de  l'expérience  de  quel  côté  étaient  les 
anciens  matériaux  et  de  quel  côté  étaient  les  nouveaux. 

<  Personne  n'a  pu  faire  la  distinction. 

<  On  a  fait  un  autre  essai.  L'entourage  d'un  fenestrage 
a  été  composé  d'un  mélange  de  pierres  anciennes  et  nou- 
velles. Encore  un  coup,  on  n'a  pu  distinguer  les  unes  des 
autres. 

«  D'où  provient  donc  l'effet  soi-disant  désastreux  invo- 
qué jusqu'au  sein  du  Parlement  ?  L'œil,  habitué  trop  vite, 
hélas  !  au  ton  grisâtre  d'une  ruine  désolée,  s'est  effarou- 
ché, avant  toute  réflexion,  à  la  vue  d'une  couleur  jaune 
réapparaissant  et  se  détachant  sur  l'aspect  terne  et  misé- 
rable des  baies  dépouillées  de  leur  encadrement.  Est-ce 
qu'un  aspect  terne  et  misérable  saurait  jamais  appartenir 
à  quelque  forme  pittoresque  ?  Encore  un  coup,  dans  ce 
cas  particulier,  les  artistes,  les  savants  et  les  <  pittores 
quf-s  >  sérieux  ne  sauraient  être  en  désaccord  >. 


I.  Sur  la  provenance  de  ces  pierres  jaunes,  voir  Bulletin  des  Com- 
missions royales  d'art  et  darchéologie,  t.  XVII.  1878,  p.  275. 


Mgr  Fallières,  évêque  de  Saint  Brieuc,  vient 
de  créer  dans  son  diocèse  une  Commission  qui 
devrait  exister  partout  en  France.  Aucune  con- 
struction, aucune  restauration,  nulle  démolition, 
pas  la  moindre  aliénation  de  mobilier  religieux 
ne  pourront  avoir  lieu  sans  l'avis  de  celte  Com- 
mission, composée  d'archéologues  et  de   lettrés 

bretons. 

-«■ 

*  * 

Tûiirmis.  —  Le  curé  de  l'abbatiale  de  Saint- 
Philibert  de  Tournus  met  en  souscription  une 
monographie  détaillée  et  abondamment  illustrée 
de  ce  curieux  monument  de  l'architecture  romane 
qui  est  comme  la  préface  de  l'école  clunisienne. 

*  •» 

Cliâlons. —  On  vient  de  terminer  la  restauration 
intérieure  de  la  sacristie  et  du  cloître  de  la  cathé- 
drale de  Chnlons-sur-  Saône. 

*  * 

Calvados.  —  Le  beau  clocher  XI 11'=  siècle  de 
Lagrune,  deux  fois  endommagé  par  la  foudre,  va 
être  restauré.  On  attendait  cette  restauration 
depuis  cinq  ou  six  ans.  Les  choses  ont  duré 
ainsi  par  suite  de  désaccords  entre  les  archéolo- 
gues et  l'architecte  des  monuments  historiques 
au  sujet  des  clochetons  qui  doivent  accompagner 
la  base  de  la  flèche.  Le  différend  menaçant  de 
s'éterniser,  le  Comité  a  déclaré  que  cette  recon- 
stitution n'était  pas  indispensable  pour  le 
moment,  on  rachètera  par  de  simples  amortisse- 
tnents  la  place  des  anciens  clochetons  ('). 

*  * 

M.  Jacques  Siegfried  a  offert  à  l'Institut  le 
beau  château  de  Langeais,  sous  unique  réserve 
d'en  garder  l'usufruit. 

Construit  au  X°  siècle  par  Foulques  Nerra, 
cet  important  édifice  fut  saccagé  sous  la  Révo- 
lution et  reconstruit  sous  la  Restauration.  M.Jac- 
ques Siegfried,  son  dernier  possesseur,  l'a  res- 
tauré entièrement  :  il  l'a  restitué  dans  son  aspect 
priiTiitif  et  grâce  à  une  admirable  sélection  du 
mobilier,  l'a  transformé  en  un  véritable  musée  de 
l'époque  Louis  XL 

Une  commission,  composée  de  représentants 
des  cinq  Académies,  a  visité,  il  y  a  quelques  jours, 
ce  magnifique  domaine. 

école  Samt^Iruc. 

llA  distribution  des  prix  aux  élèves  de 
cole  Saint-Luc  de  Liège  a  eu  lieu 
en  décembre  dernier. 

L'École  vient  de  perdre  un  de  ses 
fondateurs  en  la  personne  de  M.  Pascal  Lohest, 
président  du  Comité-directeur.  L'année  scolaire 

I.  Art  sacré. 


J 


178 


îRcliue  tie  V^xt  cbrctien. 


a  été  brillante,  l'école  est  fréquentée  par  plus  de 
4C0  élèves.  Monsieur  le  Ministre  du  Travail  a 
visité  naguère  l'établissement  et  témoigné  sa 
satisfaction.  Les  séminaristes  sont  autorisés  à 
suivre  certaines  leçons  orales.  Plusieurs  prix  ont 
été  obtenus  par  des  élèves  dans  des  concours 
ouverts  pour  les  constructions  d'églises.  Plusieurs 
ateliers  d'art  ont  été  ouverts  par  d'autres  : 
ateliers  d'orfèvrerie,  de  sculpture,  de  peinture 
décorative,  et  bureau  d'architecture. 

Le  R.  F.  Guilette  a  fait  un  remarquable 
discours  sur  l'état  d'âme  de  l'artiste  chrétien.  On 
peut  entendre  par  l'art,  a-t-il  dit,  le  savoir  faire; 
dans  ce  sens  il  n'y  a  pas  plus  d'art  chrétien  que 
de  science  chrétienne.  Mais  l'art  peut  se  prendre 
aussi  pour  l'inspiration,  et  consiste  dans  l'inter- 
prétation qui  en  fait  l'expression  des  idées,  de 
l'idéal  ;  à  ce  point  de  vue,  il  y  a  art  et  art,  art  chré- 
tien et  art  païen  ;  et  si  l'école  St-Luc  met  ses 
moyens  techniques  au  service  du  sentiment 
chrétien,  l'état  d'âme  intellectuel  de  nos  appren- 
tis comporte  leur  adhésion  aux  principes  de  la 
théologie  chrétienne  sur  la  conception  des  Beaux- 
Arts. 

Tel  est  le  sujet  développé  par  l'éloquent  con- 
férencier, qui  a  fini  en  proposant  comme  modèle 
de  l'artiste  chrétien  l'incomparable  artiste  de  son 
ordre,  FraAngelico. 


Hautes  étuDes  D'art. 

rUNE  des  dernières  conférences  de 
l'Institut  des  hautes  études  d'art  de 
lîruxelles  a  eu  pour  sujet  la  vitrerie  , 
et  pour  auteur  le  député  Verhaegen, 
ingénieur,  artiste  et  homme  d'œuvres,  le  chef  du 
mouvement  populaire  antisocialiste  belge, auquel 
S. S.  Pie  X  adressait  naguère  une  lettre  qui  a  eu 
un  grand  retentissement. 

M.  Verhaegen  est,  en  cette  matière  délicate, 
un  spécialiste  d'une  rare  compétence.  Élève  et 
collaborateur  de  Bethune,  il  s'adonna  pendant 
plusieurs  années  à  la  pratique  de  l'art  du  vitrail, 
avec  une  science,  un  tact  et  une  pureté  de  goût 
que  tous  se  plaisent  à  reconnaître. 

M.  Verhaegen  a  parcouru  les  étapes  de  la 
fabrication  du  vitrail  depuis  les  origines  ;  puis 
il  a  esquissé  dans  ses  grandes  lignes  l'évolution 
archéologique  de  cet  art  dont  le-  premières 
manifestations  remontent  au  XII<=  siècle.  .Avec 
une  admiration  profonde  pour  les  «  vitrailleurs  » 
du  passé,  il  a  montré  sur  quelles  bases  solides 
reposait  leur  éminente  supériorité:  la  science  des 
harmonies,  la  connaissance  consommée  des 
rayonnements  et  des  juxtapositions  ;  notion 
exacte  de  la  mission  du  vitrail  comme  auxiliaire 


de  l'architecture,  destiné  à  mettre  en  valeur  l'en- 
semble du  monument. 

Cet  art  est  tombé  dans  une  profonde  déca- 
dence ;  depuis  quelques  années  un  réveil  se  mani- 
feste, grâce,  en  Belgique,  à  l'énergie  impulsive 
du  baron  Bethune  et  de  ses  continuateurs, 
MM.  Verhaegen,  Joseph  Casier,  etc.  Il  importe 
que  ce  mouvement  soit  appuyé  par  tous  ceux  qui, 
comme  donateurs,  marguilliers  ou  à  tout  autre 
titre,  ont  à  commander  des  vitraux. 

Une  seconde  conférence  sur  le  même  sujet 
sera  donnée  prochainement  par  un  peintre  ver- 
rier bien  connu  de  nos  lecteurs,  M.  Jos.  Casier. 

Voici  du  reste  la  série  des  conférences  données  : 

Le  23  janvier,  M.  Gustave  Benedite,  conserva- 
teur aux  Musées  du  Louvre  :  L'art  dans  la  vie 
privée  chez  les  anciens  Égyptiens  (projections 
lumineuses).  —  Le  30  janvier,  M.  Alph.  Rœrsch, 
professeur  à  l'Université  de  Gand  :  Les  Huma- 
nistes belges  à  l'époque  de  la  Renaissance.  — 
Le  6  février,  M.  Edmond  De  Bruyn  :  L'Art 
folklorique  (projections  lumineuses).  —  Le 
13  février,  M.  Paul  Vitry,  conservateur  aux 
Musées  du  Louvre  :  Les  Primitifs  français  (pro- 
jections lumineuses).  —  Le  20  février,  M.  Joseph 
Casier  :  L'Art  du  vitrail  (projections  lumineuses). 
—  Le  27  février,  M.  Maurice  Emmanuel,  cri- 
tique d'art  à  Paris  :  Lulli,  musicien  du  Roy 
(audition  musicale).  —  Le  5  mars,  M.  Alexandre 
Halot,  consul  général  du  Japon  :  L'Art  japonais 
(projections  lumineuses).  —  Le  12  mars,  M.  Vin- 
cent d'Indy  :  L'Ancien  Opéra  français  (audition 
musicale).  —  Le  19  mars,  M.  Ernest  Verlant, 
directeur  des  Beaux- Arts:  Sienne  (projections 
lumineuses).  —  Le  26  mars,  M.  Charles  Michel, 
professeur  à  l'Université  de  Liège  :  La  Sculpture 
funéraire  à  Athènes  (projections  lumineuses). 


Varia. 

'INCENDIE  de  la  bibliothèque  de 
l'Université  de  Turin  en  janvier  der- 
nier,a  été  désastreux.  Parmi  les  œuvres 
détruites  (loo.ooo  sur  300.OOO),  se 
trouvent  des  chefs-d'œuvre  artistiques, des  codex 
et  des  manuscrits  précieux  d'un  intérêt  universel. 
Voici  rénumération  des  principaux  :  tous  les 
documents  relatifs  à  la  maison  de  Savoie  ;  les 
très  rares  manuscrits  de  l'abbaye  de  Bobbio  ; 
quatre  cents  manuscrits  grecs,  douze  cents 
latins  ;  deux  splendides  volumes  de  VHistoria 
Naturalis  de  Pline,  du  XV'"  siècle,  avec  des 
miniatures  de  Mantegna  ;  beaucoup  de  manus- 
crits anciens  ;  une  précieuse  mappemonde  en 
acier  gravé,  exécutée  par  Basso  en  1570;  les 
palimpsestes  de   Cicéroii    et  de   Cassiodore  ;   le 


Cl)romquc. 


179 


code  théodosien    des     IV«    et    V'=    siècles  ;  les 
cartes  géographiques  du  Juvara,  etc.,  etc. 

M.  le  Ch.  P.  Durrieu  a  fait  sur  ces  pertes 
déplorables  une  étude  très  documentée  parue 
dans  le  Courrier  de  l'Art,   nous   y  reviendrons. 


*  * 


La  Commission  du  Vieux  Paris  se  préoccupe 
d'établir  le  programme  du  prochain  concours  de 
photographie  organisé  par  la  Ville,  afin  de  con- 
stituer, pour  le  musée  Carnavalet,  une  collection 
des  sites  et  des  monuments  parisiens  les  plus 
remarquables. 

Les  amateurs  sont  invités  à  présenter,  l'année 
prochaine,  des  clichés  de  la  Bièvre,  du  vieux 
Montmartre  et  des  jardins  dans  Paris  apparte- 
nant a  des  particuliers. 


On  sait  l'importance  de  l'ancienne  abbatiale 
d'Essen.  Non  seulement  elle  est  d'une  haute 
signification  pour  l'histoire  de  l'architecture  du 
moyen  âge,  mais  en  outre  elle  possède  un  trésor 
qui,  en  pays  de  langue  allemande,  où  les  églises 
sont  si  riches  en  objets  précieux,  est  à  peine  sur- 
passé par  le  trésor  d'Aix-la-Chapelle. 

La  fabrique  de  l'abbatiale  a  pris  une  initiative 
qui  mérite  toute  louange.  Elle  a  voulu  faire  con- 
naître par  une  belle  publication  les  objets  d'art 
que  l'église  renferme.  L'exécution  du  projet  ne 
pouvait  être  mieux  confiée  qu'à  M.  G.  HUMANN, 
qui  a  habité  Essen  durant  de  longues  aimées,  et 
dont  les  savantes  études  sur  l'architecture  de  l'ab- 
batiale sont  hautement  appréciées  ('). 

« 
*   * 

Le  musée  de  Naples  va  prochainement 
exposer  une  série  très  importante  et  peu  connue 
de  tapisseries  anciennes,  exécutées  en  Flandre 
au  XV1<=  siècle,  d'après  des  dessins  de  van 
Orley,  l'auteur  des  célèbres  Chasses  de  Maxiini- 
lien.  Le  musée  de  Naples  possède  les  tapisseries 
dont  il  s'agit   depuis  une   quarantaine  d'années, 


I.  L'ouvrage  doit  paraître  incessamment  sous  le  titre  Die  Kunst- 
werke  des  Munsterkirche  zu  Essen  (gr.  în-80,  xn-440  p.  :  Album  de 
72  pi.  Gr.  in-fol.  Prix:  80  marcs,  tiré  à  200  exerapJaires).  Les 
planches  photoiypiques  reproduisent  des  objets  d'art  de  toutes  les 
périodes  comprises  entre  le  Vlll*^  et  le  XVIIP  siècle  Les  objets 
datant  de  l'époque  des  Othons.  qui  font  surtout  la  réputation  du 
trésor  d'Essen,  y  sont  richement  représentés.  Nous  espérons  rendre 
compte  de  cette  belle  publication,  mais  nous  voulons  dés  mainte- 
nant signaler  l'initiative  que  la  fabrique  de  la  collégiale  d'Essen 
vient  de  prendre. 


mais,  par  suite  d'un  procès,  elles  n'avaient  jus- 
qu'ici pu  être  exposées.  Elles  furent  offertes, 
paraît-il,  à  Charles  Quint,  en  153 1,  par  les 
États-Généraux  des  Pays  Bas,  qui  y  avaient 
fait  représenter,  pour  plaire  à  l'empereur,  la  plus 
grande  de  ses  victoires  :  la  bataille  de  Pavie. 
Après  avoir  décoré  le  palais  de  Bruxelles  sous 
Philippe  II,  elles  appartinrent  à  don  Carlos,  qui 
les  légua  à  son  ancien  précepteur,  don  Honoré 
Juan,  évêque  de  Osma.  On  ignore  ce  qu'elles 
devinrent  depuis  lors  jusqu'en  1862,  où  le  der- 
nier descendant  de  la  famille  d' Avanlos  les  légua 
au  musée  de  Naples.  Elles  sont  au  nombre  de 
sept  et  mesurent  chacune  8  mètres  de  longueur 
sur  3™8o  de  hauteur  ;  elles  sont  tissées  de  laine, 
de  soie,  d'or  et  d'argent.  Quatre  d'entre  elles 
ont  perdu  leur  bordure.  A  cela  près,  elles  sont 
intactes.  Ces  tapisseries,  qui  représentent  les 
principaux  épisodes  de  la  bataille  de  Pavie,  sont, 
dit-on,  plus  remarquables  encore  par  la  compo- 
sition et  le  mouvement  que  les  Chasses  de  Maxi- 
inilien.  Il  est  visible  que  le  paysage,  très  soi- 
gneusement traité,  a  été  étudié  sur  place  par 
l'artiste.  Quant  au  nom  de  celui-ci,  aucun  doute 
n'est  possible  :  M.  Wauters  a  démontré  que  la 
Bataille  de  Pavie  est  l'œuvre  de  van  Orley  ;  on 
peut  d'ailleurs  en  voir  au  Louvre  les  dessins 
originaux  (»). 


S^f^  ïîécrologie. 


jfrèrc  lEanieîn. 

Nous  apprenons  avec  regret  la  mort  du  cher 
frère  Marusin,  diiecteurde  l'École  profes- 
sionnelle St-Luc  de  Liège,  pieusement  décédé  à 
Liège  le  19  janvier  1904,  dans  la  60""^  année  de 
son  âge  et  la  43"'°  de  vie  religieuse. 

L'enseignement  de  l'art  chrétien  fait  en  sa 
personne  une  perte  sensible. 

Celte  école,  qu'il  dirigeait  depuis  vingt  ans,  a 
pris,  sous  son  habile  direction,  un  développe- 
ment considérable  et  s'est  acquis  une  juste  répu- 
tation. 

Toute  sa  vie  fut  vouée  aux  rudes  labeurs  de 
l'enseignement  et  to.utes  les  forces  de  son  âme 
aux  intérêts  de  l'art,  au  bien  de  la  relgion,dela 
classe  ouvrière  et  de  la  jeunesse  liégeoise. 

1.    Courrier  de  i' Art. 


Imprimé  par  Desclée.   De  Brouwer  et  C"^,  Lille-Paris-Bruges. 


l'Hrt  rtjrétien 


paraissant  toiis  (ce  bcnjc  umis. 
47"'^  Hnnée.  —  4<=  Série. 


;lj'W»H^â)<Jiièiii^3^HffiKi}ttffiîH  •?) 


^    Came  XV  (LiF  de  (a  conecticiii).    <^, 
^i^^^^ljK  3'"'  livraison.  —  ffîai  1904.    f  1 


Un  tympan  ïie  porte  à  la  catbéïirale  ïie  Houen, 


m'0-S'  t^> .  Oa « 


<>-  lia  mort  De  0ainr  tJean  r6))angélt0te. 


«»  SSS>>E.'$>S«» 


ES  portes  secondaires 
de  la  façade  occiden- 
tale à  la  cathédrale  de 
Rouen  posent  à  l'atten- 
tion de  l'historien  d'art 
des  problèmes  de  plus 
d'une  sorte,  et  d'abord 
le  plus  grave  de  tous  :  celui  de  la  date  de 
leur  construction.  Ces  deux  portes  sont- 
elles,  comme  Viollet-le-Duc  le  premier  (') 
l'a  cru,  avec  la  base  de  la  tour  nord  (tour 
dite  de  St-Romain)  les  vestiges  subsistants 
d'une  cathédrale  antérieure  élevée  tout  en- 
tière au  cours  du  XII^  siècle?  Est-il  pos- 
sible d'admettre  que  l'église,  bâtie  par  les 
premiers  ducs  de  Normandie  {-)  et  consa- 
crée en  1063  (3)  sous  l'archevêque  Maurille, 

1.  Dictionnaire  (V Architecture,  t.  II,  p.  362. 

2.  Au  témoignage  d'Orderic  Vital.  Voir  Dom  Pomme- 
raye.  Histoire  de  la  cathédrale  de  Rojien.  Paris,  1686, 
p.  19. 

3.  Manuscrit  de  la  cathédrale.  —  Voir  Dom  Pomme 
raye,  p.  21. 


ait  été  si  promptement  remplacée  par  une 
construction    nouvelle   (■)  ?   Et    s'il    paraît 
difficile,    d'autre   part,    de   penser   que   ces 
portes  appartiennent  à  l'œuvre  de  la  cathé- 
drale actuelle  dont  la  première  période    de 
construction  va  de  1 200  à  1 2  1 4,  n'est-il  pas 
vraisemblable    qu'elles    soient,   comme    la 
tour  nord,    le    souvenir  d'embellissements 
ajoutés  par  les  Rouennais  à  leur  cathédrale 
à  la  fin  du  XI I^  siècle,  plutôt  que  les  restes 
d'une  église  complète  dont  on  ne  trouve 
d'ailleurs  nulle  autre  trace  (-)  ? 


1.  Dans  un  des  travaux  les  plus  récents  sur  la  cathé- 
drale de  Rouen  {France  artistique  et  monumentale,  Paris, 
t.  II,  p. 54),  on  trouve,  il  est  vrai,  la  mention  d'un  incendie 
de  uio  dont  personne  n'avait  jamais  parlé  et  qui  expli- 
querait toutes  choses.  Malheureusement,  c'est  une  sup- 
position qui  paraît  totalement  gratuite. 

2.  Qu'il  n'existe,  contrairement  à  l'opinion  de  Viollet- 
le-Duc,  aucune  autre  trace  d'une  église  du  XII"  siècle, 
c'est  l'avis  de  M.  le  docteur  Coutan.  —  Coup  d'œil  sur 
la  cathédrale  de  Rouen  aux  X  h  et  XIII'  siècles  —  qui 
s'est  livré  sur  cette  question  à  une  véritable  expertise 
archéologique,  et  a  émis,  au  moins  pour  la  tour  N.  l'hypo- 
thèse que  j'indique. 


;;EVUE  DE   L  ART    CHRÉTIEN. 
1904.    —   3""   LlVR.\ISON. 


l82' 


3^ebue  lie  V^xt  t\)xttitn* 


Je  crois,  pour  ma  part,  que  l'étude  atten- 
tive et  qîiasi-microscopique  des  fragments 
de  sculpture  figurée  qui  subsistent  encore 
dans  des  caissons  au  soubassement  de  ces 
deux  portes,  leur  comparaison  avec  des 
détails  de  N.-D.  de  Chartres  et  de  N.-D. 
de  Paris,  pourrait,  concourant  avec  l'étude 
de  l'architecture,  contribuer  à  élucider  la 
question  de  date. 

Mais  si  cette  question,  que  je  ne  puis 
aborder  aujourd'hui,  est  encore  controver- 
sée, il  est  au  moins  un  point  sur  lequel  tout 
le  monde  est  d'accord  ('),  c'est  que  la 
sculpture  des  tympans  des  deux  portes  est 
manifestement  postérieure  à  leur  architec- 
ture et  ne  peut  être  placée  plus  tôt  que 
1240  à  1250.  Il  y  a  eu  là  un  remaniement 
dont  la  trace  est  visible  au  portail  nord,  où 
le  superbe  rinceau  qui  décore  le  chambranle 
est  brusquement  coupé  pour  faire  place  au 
linteau  portant  les  figures.  Ou  le  tympan 
est  resté  non  sculpté  pour  attendre  le  tasse- 
ment de  la  maçonnerie  pendant  une  période 
de  temps  qui  paraîtrait  bien  considérable 
ou,  plus  vraisemblablement,  un  tympan 
contemporain  des  pieds  droits  a  été  rem- 
placé dans  le  cours  du  XII 1°  siècle. 

En  effet,  deux  beaux  fragments  de  sta- 
tues assises,  trouvées  dans  les  substructions 
de  la  base  du  clocher,  et  déposés  au  musée 
archéologique  de  Rouen,  semblent  bien 
avoir  appartenu  à  l'un  ou  l'autre  des  tym- 
pans primitifs  de  la  façade  principale. 

Mais  si  l'on  est  à  peu  près  d'accord  sur 
la  date  de  ces  sculptures  (date  que  j'essaie- 
rai tout  à  l'heure  de  préciser  un  peu  plus 
par  voie  de  comparaisons),  il  n'en  va  pas  de 
même  pour  leur  iconographie,  et  c'est  l'ex- 
plication d'une  partie  importante  du  tym- 
pan nord  que  je  voudrais  aujourd'hui   pro- 

i.Un  passage  de Wlit  i^olhi'que,  —  Louis  Gonse,  Paris, 
1889,  —  p.  loS,  semble  prêter  à  l'équivoque,  mais  l'opinion 
de  M.  Gonse  ne  peu!  pourtant  ètie  douteuse. 


poser   aux  lecteurs  de  la  Revue  de  l' Art 
chrétien. 

Si  les  artistes  du  moyen  âge  ne  se  sont 
pas  désintéressés  de  la  beauté  pure,  autant 
qu'on  a  voulu  longtemps  nous  le  faire  croire, 
il  est  bien  certain,  cependant,  qu'ils  se  sont 
préoccupés  plus  qu'on  ne  l'a  jamais  fait, 
de  la  signification  précise  de  leurs  œuvres. 
Retrouver  le  sens  d'une  de  ces  œuvres, 
c'est  donc,  il  me  semble,  réveiller  en  elle 
l'àine  qu'y  avait  déposée  l'auteur  anonyme 
qui  la  créa,  c'est  lui  rendre  la  parole  afin 
qu'elle  puisse  reprendre  avec  nous  le  dia- 
logue pour  lequel  elle  avait  été  faite  et  que 
notre  indifférence  seule  avait  interrompu. 
C'est  en  même  temps  peut-être  retracer  les 
démarches  de  l'esprit  même  du  moyen  âge 
et,  par  l'intimité  des  œuvres,  pénétrer  jus- 
qu'à l'intimité  des  hommes,  et  là  réside  le 
grand  intérêt  des  problèmes  iconographi- 
ques qui  nous  arrêtent  à  chaque  pas  lorsque 
nous  voulons  étudier  de  près  l'art  de  ce 
temps. 

Le  tympan  de  la  porte  nord  (')  présente 
dans  son  registre  inférieur  la  vie  de  saint 
Jean- Baptiste  :  festin  d'Hérode,  danse  de 
Salomé,  décapitation  du  saint,  offrande  de 
sa  tête  à  la  jeune  fille. —  C'est  là  que  se  voit 
le  plus  illustre  spécimen  de  cette  danse  de 
«  jongleresse  »  exécutée  sur  les  mains,  motif 
dont  un  dessin  de  Villars  de  Honnecourt 
montre  la  popularité  dans  l'art  du  XI 11^ 
siècle,  mais  qui  lui  était  bien  antérieure  — 
comme  en  témoigne,  à  Rouen  même,  au 
musée  archéologique,  un  monument  d'une 
respectable  antiquité,  le  chapiteau  de  Saint- 
(reorge  de  Boschcrville  (-)  —  et  que  l'on 
retrouve  plus  tard  dans  un  médaillon  du 
portail  de  la  Calende,  toujours  à  Rouen. 

Au-dessus   de  cette  première  zone,  dans 


1.  Moulé  au  Trocadéro. 

2.  Revue  de  l' /ht  chrétien,  année  1900,  pp.  244  et  suiv. 


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Cpmpan  De  porte  à  la  tatljéDrale  ûe  Kouen. 


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3Rebue  tir  r^rt  cbrctien. 


l'écoinçon,  se  trouve  une  scène  dont  on  n'a 
pas  jusqu'ici  précisé  le  sens  :  au  centre  se 
présente  un  tombeau  ouvert  dans  lequel 
disparait  à  mi-corps  un  personnage  imberbe 
vêtu  en  simple  prêtre  avec  la  chasuble  et 
l'amict  paré,  tenant  d'une  main  un  livre  et 
faisant  de  l'autre  un  geste  de  prédication 
ou  de  bénédiction.  Deux  acolytes  se  tien- 
nent à  ses  côtés  ;  deux  vieillards  barbus, 
drapés  dans  de  grands  manteaux  qui  leur 
enveloppent  en  partie  la  tête,  se  penchent 
sur  les  trois  premiers  personnages  avec  une 
impression  d'anxiété  intense.  Enfin  une 
femme,  d'un  côté,  et  de  l'autre,  un  jeune 
homme,  le  menton  dans  la  main,  terminent 
la  composition  à  droite  et  à  gauche. 

Il  émane  de  tout  cet  ensemble  attentive- 
ment considéré  un  sentiment  d'émotion 
profonde  dont  j'ai  toujours  été  frappée  et 
qui  ne  me  permettait  pas  de  me  contenter 
des  explications  proposées. 

Deux  faits  dominants  dans  cette  compo- 
sition ont  en  effet  donné  naissance  à  deux 
modes  d'interprétation  parmi  les  historio- 
graphes, parfois  assez  distraits,  de  la  ca- 
thédrale de  Rouen:  ceux  que  frappait  sur- 
tout la  présence  d'un  tombeau,  ont  vu  dans 
cette  scène  soit  la  Résurrection  du 
Christ  (')  soit  au  contraire  une  représenta- 
tion de  funérailles  {-),  tandis  que  d'autres, 
plus  attentifs  aux  attitudes  des  divers  per- 
sonnages, y  ont  cru  reconnaître  une  prédi- 
cation soit  de  S.  Jean- Baptiste  soit  de  S. 
Romain,  évêque  de  Rouen  (3). 

Ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  hypothèses 
n'étant  plausible,  puisque  le  personnage 
principal,  imberbe,  tête  nue,  vêtu  en  simple 
prêtre,  ne  peut  représenter  ni  le  Christ  ni  le 

1.  Abbé   Cochet,    Répertoiie  arch.  de  la  Seine  Inf", 
Paris,  1871. 

2.  Abbé  Sauvage,  Normandie  fiiltoieique  et  monumen- 
tale,ht  Havre,  1896. 

3.  Abbé  Loth,  Histoire  de  Lt  cath.  de  Rouen,  Rouen. 


Précurseur,  ni  un  évêque;  puisque,  d'autre 
part,  il  est  bel  et  bien  vivant  dans  son  tom- 
beau et  qu'il  ne  peut  être  question  là  d'un 
ensevelissement  ordinaire,  il  s'agissait  de 
trouver  dans  la  légende  ou  dans  l'histoire 
un  fait  qui  conciliât  ces  données  assez 
exceptionnelles  et  en  apparence  contradic- 
toires. 

Or  ce  trait  existe  dans  la  légende  de  S. 
JeanÉvangéliste;  un  vitrail  du  XI 11*=  siècle, 
à  la  cathédrale  de  Tours,  vitrail  dont  la 
majeure  partie  est  consacrée  à  l'histoire  de 
S.  Jean-Baptiste,  retrace  aussi,  avec  plu 
sieurs  autres  scènes  de  la  vie  de  l'apôtre, 
celle  même  à  laquelle  je  fais  allusion.  Et 
je  crois  pouvoir  affirmer  que  la  sculpture  de 
Rouen,  comme  le  vitrail  de  Tours,  juxta- 
pose à  la  mort  de  S.  Jean-Baptiste  celle  de 
S.  Jean  apôtre  retracée  d'après  les  récits 
légendaires. 

Que  le  moyen  âge  ait  souvent  rapproché, 
jusqu'à  les  confondre  presque,  les  deux 
saints  homonymes  et  qu'il  y  ait  eu  à  Rouen 
même  des  convenances  particulières  pour 
ce  rapprochement,  c'est  ce  que  nous  verrons 
plus  loin. 

Recherchons  d'abord  dans  les  textes  l'ori- 
gine des  diverses  représentations  de  la 
mort  de  S.  Jean  :  la  Légende  dorée  pour- 
rait suffire  à  la  rigueur,  mais,  comme  elle 
est  postérieure  à  cette  sculpture,  que  d'ail- 
leurs elle  n'explique  pas  complètement,  nous 
remonterons  pour  plus  d'exactitude  aux 
sources  qui  l'ont  précédée.  Voici  d'abord 
le  récit  de  V^incent  de  Beauvais  (')  (je  tra- 
duis) :  «  Alors  que  S.  Jean  était  âgé  de  99 
ans,  le  Seigneur  Jésus  lui  apparut  avec  ses 
disciples  et  lui  dit  :  «  11  est  temps  que  tu 
manges  avec  tes  frères  à  mon  festin  ;  le  di- 
manche, jour  de  ma  Résurrection,  qui  est 
dans  cinq  jours,  tu  viendras  à  moi.  » 

I.  spéculum  kistoriale.  Édition  de  Douai,  Livre  X. 
chap.  XLI.X. 


Cpmpan  tje  porte  à  U  catljédrale  De  IRouen. 


185 


C'est  pourquoi,  le  dimanche,  tout  le 
peuple  se  réunit  dans  l'église,  et  là,  ayant 
célébré  les  saints  mystères,  depuis  léchant 
du  coq  jusqu'à  la  troisième  heure  du  jour, 
S.  Jean  exhorta  les  fidèles,  les  invitant  à  la 
persévérance  et  leur  annonçant  sa  propre 
vocation. 

Après  quoi  il  ordonna  qu'une  fosse  fût 
faite  près  de  l'autel  et  la  terre  jetée  hors  de 
l'église.  Alors,  y  descendatti,  il  étendit  les 
mains  vers  Dieu  et  dit  :  «  Seiçjneur,  invité 
à  votre  festin  je  vous  rends  grâces  de  ce 
que  je  suis  tel  qu'il  faut  être  pour  partager 
semblable  nourriture  et  vous  savez  que  je 
le  désirais  de  tout  mon  cœur.  ))  Quand  il 
eut  fini  sa  prière  le  peuple  répondit  : 
«  Amen  »  et  une  si  grande  lumière  apparut 
au-dessus  de  l'apôtre  pendant  près  d'une 
heure  que  personne  n'en  pouvait  supporter 
la  vue.  Ensuitecette  fosse  fut  trouvée  pleine, 
mais  elle  ne  contenait  rien  que  de  la  manne 
qui  s'en  écoulait  et  a  continué  de  s'en  écou- 
ler jusqu'à  nos  jours.  » 

Puis  voici  une  version  plus  brève  (')  et 
qui,  dans  sa  sobriété  même,  semble  le  plus 
précis  commentaire  de  la  sculpture  de 
Rouen.  ^  L'an  soixante  dix-septième  après 
la  passion  du  Sauveur,sous  le  règne  de  Tra- 
jan,  accablé  déjà  sous  le  poids  de  la  vieil- 
lesse et  sentant  que  le  jour  de  son  passage 
était  proche,  il  ordonna  qu'un  sépulcre  lui 
fût  creusé,  d'où,  faisant  ses  adieux  à  ses  frè- 
res, il  entra  vivant  dans  le  tombeau  et  s'y 
coucha  comme  dans  un  lit  (2).  » 

Un  troisième  récit,  celui  du  «  Combat 
apostolique,»  d'une  poésie  abondante  et  dif- 
fuse, où  l'auteur  de  la  Légende  dorée  a 
puisé  à  pleines  mains,  n'ajoute  aucun  trait 
essentiel  à  l'intelligence  de  la  scène,  sauf  en 

1.  Attribuée  faussement,  paraît-il,  à  Isidore  de  Séville 
(De  ortu  et  obitu  Palrum,  Migne,  LXXXIH,  col.  152;. 

2.Jussit  fertur  effodi  sibi  sepulchrum  inde  vale  dicens 
frairibus... 


ceci,  qu'il  mentionne  très  précisément,  lors 
de  la  mort  de  saint  Jean,  qui  se  passe, 
d'après  lui,  hors  de  l'église,  la  présence  de 
plusieurs  témoins  qu'il  va  jusqu'à  nom- 
mer ('). 

Tous  les  narrateurs  insistent  sur  la  dis- 
parition miraculeuse  du  corps  de  S.  Jean 
remplacé  par  une  source  de  manne  intaris- 
sable et  bienfaisante.  On  voit  qu'il  y  a  dans 
tout  ce  cycle  légendaire  comme  une  florai- 
son de  la  semence  jetée  dans  les  âmes  par 
la  .parole  mystérieuse  du  Sauveur  au  sujet 
de  S.  Jean  rapportée  par  l'Evangile  :  «  Si 
je  veux  qu'il  demeure  jusqu'à  ce  que  je 
vienne  que  vous  importe  .''  »  Et  l'Évangile 
même  ajoute:  «  Le  bruit  se  répandit  parmi 
les  frères  que  ce  disciple  ne  mourrait  pas.» 
On  croyait  donc  communément  que  saint 
Jean  avait  été  enlevé  au  ciel  avec  son  corps. 
Il  était  réservé  à  Ciotto,  la  plus  haute  in- 
carnation peut-être  de  l'âme  gothique,  de 
donner  à  cette  tradition  son  maximum  d'ex- 
pression spirituelle  dans  la  belle  fresque 
d'Assise,  où  il  nous  montre  le  disciple  bien- 
aimé  s'élançant  corps  et  âme  et  comme 
s'envolant  à  l'appel  du  Maître.  Mais  voyons 
au  point  de  vue  qui  nous  occupe  comment 
\ç.  passage  de  S.  Jean  a  été  interprété,  dans 
les  monuments  antérieurs  à  notre  sculpture 
ou  contemporains.  Quelques  vitraux  du 
X II I^  siècle  et  trois  manuscrits  nous  servi- 
ront de  points  de  coinparaison.  A  Tours  (f), 
dans  le  vitrail  dont  j'ai  parlé  plus  haut, 
S.  Jean  est  représenté  assis  dans  un  tom- 
beau, mains  jointes,  et  regardant  vers  le 
ciel  :  une  main  divine  sort  des  nuages  et 
laisse  échapper  de  vifs  rayons  de  lumière  :un 
globe  de  feu  apparaît  au-dessus  d'un  autel. 
Les  fidèles,  témoins  du  prodige,  sont  placés 

1.  Combat  apostolique  du  pseudo-Abdias.  Migne,  Z>/V/. 
des  apocryphes^  1S58,  t.  II. 

2.  Vitraux  de    Jours,    Bourassé  et   Marchand,   Paris, 
1849,  Pl-  II. 


i86 


Be\)ur  be  T^rt  cbvétiea. 


dans  le  médaillon  suivant.  —  S.Jean  est  ici 
comme  à  Rouen  imberbe  et  vêtu  en  simple 
prêtre.  — A  Lyon  (vitrail  de  l'abside  de    la 
cathédrale  tout  près  d'un  vitrail  de  S.  Jean- 
Baptiste), il  est  couché  dans  sa  tombe  vêtu 
en  évêque  et  barbu  ('  )  :  deux  autres  évêques 
et  un  enfant  assistent   au    miracle  :   devant 
un  autel  un  prêtre  ou    diacre   se   tient   de- 
bout et  regarde  l'apôtre  avec   une   expres- 
sion de  douleur.  Les  représentations  du  vi- 
trail de  Bourges(2)  et  du  vitrail  de  Troyes(3) 
sont  à  peu  près  semblables  à  celle  de  Tours. 
Au     vitrail    de     Chartres     (4),  S.     Jean 
est  assis  dans  un  sarcophage  posé  sur  des 
piliers:  il  joint  les  mains  et  prie;  des  rayons 
de  feu  descendent    sur  lui.    Dans  la   ver- 
rière   de    St-Julien    du  Sault  (5),    l'apôtre 
reçoit  l'annonce  de  sa  mort,  puis  il  célèbre 
la  messe  et  enfin  il  entre  debout,  une  croix 
hastée  à  la  main,  dans  son  tombeau.  Il  est 
imberbe  et  sans  insignes  épiscopaux  (''). 

On  le  voit,  tous  ces  monuments  pré- 
sentent d'assez  notables  différences  d'in- 
terprétation avec  la  scène  de  Rouen.  Il  en 
est  de  même  dans  les  manuscrits.  Ce  fut, 
a  dit  M.  Mâle  (7),  dans  une  certaine 
famille  de  manuscrits  provenant  d'un  pro- 
totype anglo-normand,  une  habitude  des 
miniaturistes  que  de  faire  précéder  ou  sui- 
vre l'illustration  de  l'Apocalypse  de  scènes 
empruntées  à    la  légende    de    S.  Jean.  Et 

i.  Monographie  delà  cathédrale  de  Lyon.  Bégule  et 
Guigue.  Lyon,  i88o,etÉtude  vni. Lancette  6  desVi/raux 
de  Bourges.  PP.  Cahier  et  Martin,  Paris,  1842-44. 

3.  Vitraux  de  Bourges.  PI.  XV,  texte  p.  270.  (Chapelle 
du  chevet,  tout  près  d'un  vitrail  de  S.  Jean-Baptiste.) 

3.  Abside  de  la  cathédrale.  PI.  XIII.  D.  des  Vitranx 
de  Bourges. 

4.  Monographie  de  la  cathédrale  de  Chartres.  Bulteau, 
1891. 

5.  Gaussin,  Portefeuille  archéologique  de  la  Cha?npagne, 
1861,  PI.  VIII. 

6.  Dans  une  petite  rose  de  Reims,  \  l'abside,  le  P. 
Cahier  croit  reconnaître  encore  S.  Jean  près  d'entrer 
dans  le  tombeau.  L.  c,  PI.  XVI 11. 

7.  Mâle,  Art  religieux  au  XIII'  siicle,  Paris,  z"  édition, 
1902.  P.  405-408. 


quoique  cet  usage  soit  assez  loin  d'être 
universel  (')  je  lui  dois  deux  documents  de 
comparaison  intéressants. 

Le  magnifique  manuscrit  français  403  de 
la  Bibliothèque  Nationale  (-)  nous  pré- 
sente la  messe  de  S.  Jean,  puis  saint  Jean 
couché  dans  son  tombeau,  mains  jointes 
avec,  planant  au-dessus  de  lui,  des  anges 
dont  l'un  recueille  son  âme  sous  la  forme 
d'un  petit  enfant.  Saint  Jean  porte  l'amict 
paré  et  n'a  aucun  insigne  épiscopal  :  il  est 
légèrement  barbu.  Au  dernier  f°  du  ma- 
nuscrit lat.  688  (même  Bibliothèque),  en 
illustration  du  récit  attribué  à  Isidore  de 
Séville,  est  une  fort  médiocre  miniature  qui 
représente  encore  l'apôtre  à  demi  couché 
dans  le  tombeau,  la  tête  enveloppée  d'un 
linge,  nimbé  ;  une  colombe  sort  de  sa  bouche 
et  un  ange  lui  tend  les  bras. 

Enfin  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal  pos- 
sède un  très  curieux  petit  manuscrit  :  Tro- 
paire  de  l'Eglise  d'Autun  revêtu,  en  guise 
de  reliure,  d'un  ivoire  romain  du  III^  siècle 
scié  en  deux.  Or  ce  précieux  manuscrit  qu'il 
faut  dater  entre  996  et  1024  (3)  et  dont 
l'illustration  révèle  un  curieux  mélange  de 
traditions  classiques  et  d'influences  byzan- 
tines (la  Vierge  de  l'Adoration  des  Mages  y 
est  coiffée  en  impératrice  d'Orient),contient 
une  page  où  l'on  voit  S.  Jean  debout, 
imberbe  et  nimbé,  un  livre  à  la  main,  faire 
ses  adieux  aux  fidèles  puis  entrer  dans  son 
tombeau. 

La  seule  œuvre  de  sculpture  gothique 
où  l'on  ait  jusqu'à  présent,  à  ma  connais- 
sance, reconnu  la  mort  de  S.  Jean  apôtre 
est  issue  d'après  M.  Mâle,  de  l'Apocalypse 
anglo-normande;  et,  en  effet,  c'est  à  la  suite 

1.  Sur  une  dizaine  de  manuscrits  de  l'Apocalypse  con- 
sultés je  n'en  n'ai  trouve  que  deux  de  ce  type. 

2.  XI I"  siècle. 

3.  Catalogue  des  manuscrits  de  la  liibliothique  de  F  Ar- 
senal. Henry  Martin,  T.  II,  N"  ii6y. 


Cpmpan  De  porte  à  la  catl)étïrale  De  IRouen. 


187 


de  scènes  empruntées  à  la  vision  de  Path- 
mosque  se  présentent  sur  le  retour  du  tym- 
pan accolé  à  droite  de  la  façade  occidentale 
de  la  cathédrale  de  Reims  la  vie  et  la  mort  de 
S.  Jean, et  la  représentation  en  est  conforme 
en  plusieurs  points  aux  données  de  la  mi- 
niature. L'apôtre  est  couché  dans  la  tombe 
revêtu  de  la  chasuble  et  portant  une  large 
tonsure  ;  des  anges  emportent  son  âme  au 
ciel. 

Reportons-nous  maintenant  à  la  scène 
de  Rouen  ;  la  donnée  en  est  entièrement 
originale  et  neuve:  S.  Jean  y  est  bien  dans 
la  tombe,  mais  debout  et,  du  fond  même  de 
cette  tombe,  il  adresse  à  ses  frères  les 
adieux  suprêmes.  Il  semble  disparaître 
déjà  et  comme  s'enfoncer  dans  la  terre  : 
c'est  ainsi.je  crois.qu'il  faut  expliquer  la  dis- 
proportion qui  existe  entre  sa  stature  et 
celle  de  ses  acolytes.  Des  fidèles  sont  là  : 
deux  vieillards,  deux  jeunes  gens,  une 
femme,  un  enfant,  c'est  toute  une  Église 
en  résumé  :  aucun  trait  ne  les  caractérise, 
mais  nous  sentons  qu'ils  sont  en  proie  à 
une  intense  émotion  et  qu'il  se  passe 
devant  eux  quelque  chose  de  surhumain. 
Il  n'y  a  pas  de  main  divine  ni  de  rayons, 
seule  une  sorte  de  cannelure  à  la  clef  de 
l'arc  me  semble  une  indication  schématique 
de  nuages. 

Toutes  les  figures  se  détachent  sur  un 
fond  ouvré  qui  était  sûrement  peint  et  doré, 
car  la  polychromie  semble  avoir  joué  à  la 
cathédrale  de  Rouen  un  rôle  particuliè- 
rement important. 

Maintenant,  si  l'on  se  demande  pourquoi 
cette  scène  dans  le  voisinage  de  sujets  em- 
pruntés à  la  vie  de  S.  Jean-Baptiste,  il  ne 
sera  pas  besoin  d'invoquer  des  exemples 
aussi  exceptionnels  que  la  présence  à 
Chartres  et  à  Reims  de  la  représentation 
de  Job  au  milieu  de  tympans  consacrés  à  la 
vie  de  saints  du  nouveau  Testament. 


D'où  viennent  le  rapprochement  ou  la 
substitution  fréquente  l'un  à  l'autre  des 
deux  saints  Jean  dans  l'art  chrétien  ?  Il  ne 
semble  pas  qu'il  soit  besoin  pour  l'expliquer 
de  très  longs  commentaires,  mais  en  tout 
cas  c'est  là  un  fait  iconographique  des 
plus  constants.  Dans  plusieurs  monuments 
cités  par  M.  Grimouard  de  St-Laurent  (•), 
le  Précurseur  tient  au  pied  de  la  croix  dans 
la  scène  du  Jugement  la  place  que  nous 
sommes  plus  accoutumés  à  voir  S.  Jean 
occuper.  Cette  tradition  s'est  perpétuée 
dans  l'iconographie  allemande  ou  plus  ou 
moins  influencée  de  germanisme  et  S.  Jean- 
Baptiste  figure  avec  la  Vierge  au  Jugement 
dernier  de  Reims  et  à  celui  de  Strasbourg. 

Je  n'ai  pas  rencontré  cependant  au 
XI  Ile  siècle,  sauf  dans  le  vitrail  de  Tours, 
un  exemple  de  parallélisme  aussi  précis  {-) 
que  celui  du  tympan  de  Rouen  et  ce  rap- 
prochement a  pu  être  dicté  par  une  coïnci- 
dence particulière.  En  effet,  s'il  ne  semble 
pas  qu'il  y  ait  eu  une  église  ou  baptistère 
de  Saint-Jean  comprise  dans  les  construc- 
tions de  la  cathédrale  de  Rouen,  comme  il 
y  avait  une  paroisse  de  Saint-Etienne  qui 
a  déterminé  l'iconographie  du  tympan  sud, 
la  nef  latérale  nord  était  cependant  sous  le 
patronage  tout  spécial  des  deux  saints  Jean, 
car  elle  contenait  et  contient  encore  deux 
chapelles  du  Précurseur  et  dans  chacune 
des  chapelles,  des  chapellenies  étaient 
fondées  en  l'honneur  des  deux  saints  homo- 
nymes (3). 

Le  tympan  central  de  la  façade  occiden- 
tale, remplacé   au   XVIe  siècle,  étant  très 

1.  Guide  de  r Art  chrétien.  Paris,  1874,  in-8°. 

2.  A  la  cathédrale  de  Burgos,  une  porte  dite  «  Porta- 
da  de  la  Pellegeria  >,  du  XVI=  siècle,  juxtapose  aussi  le 
martyre  des  deux  S.  Jean  :  la  décollation  de  l'un  et  le  sup- 
plice de  l'huile  bouillante  pour  l'autre. 

3.  Il  est  probable  que  ces  chapelles  sont  postérieures 
au  tympan  dont  je  m'occupe,  mais  elles  ne  font  que  con- 
sacrer le  souvenir  de  traditions  anciennes. 


i88 


3Rrbue  tie  T^rt  tbrétirn. 


vraisemblablement  dès  le  XI 11^  consacré,  î 
comme  aujourd'hui,  à  la  sainte  Vierge,  la 
cathédrale  de  Rouen  présentait  donc  un 
portail  de  Marie  accosté  à  droite  et  à  gau- 
che d'un  portail  Saint-Jean  et  d'un  portail 
Saint-Etienne. 

Ce  que  devaient  être  le  charme  et  la  beauté 
de  cet  ensemble,  le  tympan  subsistant  de 


Saint-Jean  (beaucoup  plus  beau  et  mieux 
conservé  que  celui  de  Saint-Etienne)  nous 
le  laisse  deviner. 

L'école  de  l'Ile  de  France,  c'est-à-dire  ce 
qu'il  y  eut  dans  la  sculpture  gothique  de 
plus  aisé  et  de  plus  sobre,  de  plus  libre  à  la 
fois  et  de  plus  mesuré,  s'y  reconnaît  avec 
une    nuance    spéciale    d'affinement    et    de 


Morceaux  de  sculpture  du  XHh'  siècle  provenant  de  la  cathédrale  de  Rouen  actuellement  déposés  au  cliantier. 
La  figure  de  droite  doit  avoir  appartenu  à  la  porte  principale  de  la  façade  O.  (Cliché  de  l'auteur.) 


grâce.  Une  élégance  aussi  souveraine  que 
celle  du  groupe  des  convives  d'Hérode  se 
rencontre  rarement  même  en  plein  XI 11^ 
siècle  dans  la  sculpture  monumentale. 

La  partie  supérieure  où  se  trouvent  les 
adieux  de  l'apôtre  n'est  d'ailleurs  pas,  à 
beaucoup  près,  la  meilleure  partie  de  cet 
ensemble,  au  point  de  vue  du  dessin  et 
des  proportions.  La  division  en  deux  regis- 
tres semble  avoir  été  tracée  un  peu  impru- 


demment et  n'avoir  pas  laissé  assez  de  place 
à  l'écoinçon.  Or  l'artiste,  ayant  logé  là  toute 
une  composition  importante  à  multiples 
personnages  et,  chose  tout  à  fait  anormale 
alors,  n'ayant  pas  placé  les  figures  les  plus 
grandes  au  centre,  il  s'est  trouvé  gêné  par 
la  courbure  de  l'arc  et  les  lignes  de  son 
groupe  en  ont  souffert  une  sorte  de  con- 
trainte. 

Toutefois,  s'il  ne  nous  a  pas  donné  là  un 


Cpmpan  De  porte  à  la  catl)éDrale  De  IRouen. 


189 


exemple  de  cette  merveilleuse  adresse  d'a- 
daptation au  cadre  architectural  par  où  les 
Gothiques  se  sont  montrés  parfois  les 
dignes  émules  des  Grecs,  on  peut  dire  que 
de  sa  gêne  même  il  s'est  fait  un  moyen 
d'expression  et  qu'il  y  a  quelque  chose  de 
très  touchant  dans  la  convergence  de  tous 
les  personnages  vers  le  tombeau  où  se  passe 
le  miracle  ;  mais  il  serait  difficile  d'excuser 
le  modelé  sommaire  et  les  mains  énormes 
et  maladroites  des  acolytes  de  S.  Jean. 

Le  nom  d'école  de  l'Ile  de  France  étant 
une  expression  plutôt  morale  que  géogra- 
phique, c'est  assez  loin  de  Paris  qu'il  faut 
aller,  me  semble  t-il,  chercher  dans  ce  qui 
nous  reste  de  sculpture  du  XI 11*=  siècle, 
des  analogies  évidentes  de  style  avec  le 
tympan  de  Rouen. 

Le  tympan  principal  de  la  cathédrale  de 
Bourges  et  celui  de  la  Porte  dorée  d'Amiens 
d'une  part,  le  tympan  de  la  porte  St-Sixte 
à  la  cathédrale  de  Reims  d'autre  part,  ceux- 
là  avec  plus  de  recherche  de  mouvement 
et  d'expression,  des  draperies  plus  amples, 
celui-ci  au  contraire  d'allure  sensiblement 
plus  froide  et  avec  des  plis  linéaires  plus 
maigres,  me  semblent  limiter  assez  exacte- 
ment en  avant  et  en  arrière  la  période  où 
peut  s'inscrire  le  tympan  de  Rouen.  Au 
point  de  vue  du  pathétique  contenu  dans 
l'expression  et  le  groupement  des  figures, 
le  morceau  de  l'histoire  de  Job  dans  cette 
sculpture  de    Reims    me   paraît  relever  du 


même  sentiment  que  la  scène  de  la  mort 
de  S.  Jean. 

Or,  on  s'accorde  assez  généralement  au- 
jourd'hui à  placer  les  portes  ci-dessus  nom- 
mées de  Bourges  et  d'Amiens  à  la  fin  du 
XI 11^  siècle  (environ  1280)  et  les  récents 
travaux  de  M.  Déniaisons  ont  donné  la  date 
de  1240  (')  environ  au  portail  Saint-Sixte 
de  Reims.  C'est  à  peu  près  au  milieu  de  la 
période  ainsi  circonscrite,  entre  1250  et 
1260,  que  pourrait, ce  me  semble,  être  placée 
la  sculpture  qui  nous  occupe  ici.  Vingt  ou 
trente  ans  la  sépareraient  des  premiers  tra- 
vaux entrepris  au  portail  de  la  Calende. 

Un  admirable  morceau, malheureusement 
unique  et  très  mutilé,  une  statue  de  sainte 
aux  pieds  posés  sur  des  nuages,  actuelle- 
ment déposée  au  musée  du  chantier  de  la 
cathédrale, permet  d'apprécier  la  beauté  des 
travaux  exécutés  dans  cette  période.  Car 
la  cathédrale  de  Rouen  a  eu  la  bonne  for- 
tune de  rencontrer  à  toutes  les  étapes  de 
son  histoire  des  sculpteurs  soigneux  et  di- 
ligents et  si  elle  ne  présente  plus  de  grands 
ensembles,  les  médiocrités  y  sont  aussi 
beaucoup  plus  rares  que  dans  d'autres  mo- 
numents d'une  tenue  générale  plus  impo- 
sante et  plus  complète. 

Louise  PiLLiON. 


I .  Louis  Déniaisons,  La  cathédrale  de  Reims,  in-S",  Caen, 
Delesques,  1902. 


è^^*^,^ 


^ 


^ 


'  A^T<  A^^  \^Î}H  »^  )i^^  \^^  af^  \^^  A^^  A^^  \^^  X^^  A^A  \^^  \^ry. 


JJTlIXIXIIlITIIÏTTILlJIIXIIIXnTXIIIJIIIXTTIIIIIXIIIIIIIITIIIITIÏIIIXlIIlJIIIIIIlIIIIIIiriIIlITIXIIXIXIlIIIIIIirTIIIIIIia^ 


lies  peintures  De  la  chapelle  BattiMiéger    à 


Dotre  ï)aine  De  Beaune,  Côte  D'or. 


fe 


TiTTirjxiTrirriiiiJiixiiiiiirxitiiJiroriiiiTiiLiiiiiiriri3iiïiiTi-iJi-iiiiLii3iiiixTiiTiirT[rTiiiirxiiiiiiiiiT 


,  ^XÔ-^  *;4I-^  *iil-^  ^AI-^  ^;il-^  ^i^-^  ^AÉl^  ^iil-*  ^i^^  ^^'f  ^;^-^  ^iiî^  *i^-^  ^S''  *i4ï^ . 


L  a  été  déjà  parlé  ici  même 
de  cet  ensemble  remarqua- 
ble, mais  d'une  manière 
très  sommaire,  et  le  sujet 
mérite  qu'on  y  revienne. 

Notre-Dame  de  Beaune, 
«  l'insigne  collégiale  Notre- 
Dame»,  comme  on  l'appe- 
lait officiellement  avant  1789,  est  un  bel  édifice 
du  XII*  siècle,  à  trois  nefs,  avec  déambulatoire 
autour  du  sanctuaire,  sur  lequel  s'ouvrent  trois 
chapelles  basses  voûtées  en  cul  de  four;  au-des- 
sus de  la  croisée  se  creuse  une  coupole  rudimen- 
taire.  Du  point  de  vue  architectural,  Notre-Dame 
est  une  fille,  —  à  Beaune  on  dit  volontiers  une 
sœur,  ^ — de  Saint-Lazare,  la  cathédrale  d'Autun; 
jusqu'à  la  Révolution,  Beaune  fit  partie  du 
diocèse  d'Autun.  Ainsi  la  grande  voûte  est  à 
berceau  aigu  et  le  triforium  présente  des  formes 
quasi -romaines,  plus  interprétées,  toutefois,  qu'à 
Autun  où  la  ressemblance  avec  le  chemin  de 
ronde  de  la  porte,  dite  d'Arroux,  arrive  presqu'à 
la  copie.  Le  porche  jeté  en  avant  du  portail  prin- 
cipal, n'a  été  ajouté  qu'au  XI V«  siècle;  enfin  les 
XV=  et  XVI''  ont  accolé  aux  nefs  latérales  plu- 
sieurs chapelles  dont  la  seconde  en  entrant,  au 
côté  de  l'Évangile,  dite  aussi  du  grand  Christ,  à 
cause  d'un  crucifix  de  grandeur  naturelle,  mais 
peu  ancien,  qui  surmonte  l'autel,  est,  de  temps 
immémorial,  sous  le  vocable  de  saint  Léger, 
évêque  d'Autun,  mis  à  mort  par  l'ordre  d'Ebroïn, 
sous  le  règne  de  Thierry  III,  en  67S. 

Dans  l'été  de  1901,  un  membre  du  Conseil  de 
fabrique,  M.  Francisque  Mathieu-Faivre,  qui  est 
à  la  fois  un  collectionneur  de  grand  goût  et  un 
dessinateur  habile,  crut  distinguer  sous  le  badi- 
geon successivement  épaissi  au  cours  des  âges, 
des  traces  non  équivoques  d'anciennes  peintures 
voilées.  Et  son  attention  fut  d'autant  plus  excitée, 
que  la  chapelle  avait  été  décorée  au  XV*  siècle, 
par  Jean  Rolin,  évêque  d'Autun,  cardinal  au  titre 
de  San  Stefano  in  Cœlio  Monte,  fils  du  célèbre 
chancelier,  et  archidiacre  de  Notre-Dame.  En 


1470,  au  moment  où  se  rallumait  la  guerre  entre 
Louis  XI  et  Charles  le  Téméraire,  il  avait  fui 
Autun  menacé  par  les  troupes  royales,  et  s'était 
retiré  à  Beaune;  le  chapitre,  reconnaissant  d'une 
fondation  de  300  écus  d'or  faite  en  l'église,  l'ac- 
cueillit avec  honneur,  mit  à  sa  disposition  le 
logement  qui  avait  été  celui  de  Guigone  de 
Salins,  la  deuxième  femme  du  chancelier,  et  lui 
concéda  l'usage  de  la  chapelle  Saint-Léger.  Le 
cardinal  la  fit  décorer  de  peintures  où  il  mit  son 
portrait,  de  vitraux  à  ses  armes,  et  annonça 
même  qu'il  la  destinait  à  sa  sépulture,  ce  qui  ne 
devait  pas  s'exécuter.  Sa  munificence  ne  s'arrêta 
pas  là;  il  contribua  à  la  peinture  renouvelée  de 
la  riche  imagerie  du  portail  exterminée  à  la 
Révolution,  et  fit  élever  le  jubé  qui  eut  le  même 
sort.  Enfin  il  chargea  le  chapitre  de  faire  exécuter 
à  ses  frais  une  tenture  en  tapisserie,  la  Vie  de  la 
Vierge,  destinée  à  orner  le  pourtour  du  sanctuaire 
aux  grandes  solennités  ;  elle  existe  encore  et 
je  l'ai  décrite  dans  la  Revue  de  l'Art  c/iri'ticn, 
igoo,  3*  livraison.  Toutefois,  le  projet  ne  devait 
pas  se  réaliser  du  vivant  de  Jean  Rolin,  mais  il 
fut  repris  par  l'archidiacre  Hugues  Le  Coq,  qui 
se  servit  manifestement  àespatrons — les  modèles 
de  ce  temps  étaient  peints  sur  toile  —  comman- 
dés pour  être  travaillés  en  tapisserie.  Seulement, 
et  c'était  bien  son  droit,  Hugues  Le  Coq  substitua 
son  image  de  donateur  et  ses  armes  parlantes 
à  celles  du  cardinal. 

Des  vitraux  peints  aux  armes  de  Jean  Rolin, 
il  ne  subsiste  depuis  longtemps  aucune  parcelle; 
mais  les  peintures  soupçonnées  sous  le  lait  de 
chaux  n'allaient-elles  pas  reparaître  plus  ou 
moins  dégradées,  avec  une  inscription  dédica- 
toire  ou  la  signature  héraldique  du  donateur, 
peut-être  même  avec  ce  portrait  que  l'on  savait 
avoir  existé  ici?  «  Sera  aussy  paint  mains  jointes 
«  mon  dit  seigneur  le  cardinal,  ainsi  qu'il  est  au 
«  tableau  de  la  chapelle  Saint-Légier,  à  Beaune, 
«  qui  a  fait  ledit  maistre  feu emprès  (')  de 

I.  Emprii  de  luy,  d'après  lui,  d'après  le  modèle  vivant  et  présent. 


îLe0  peintures  tie  iJ^otre-SDame  De  Beaune. 


191 


«  luy  et  son  chapeau  de  cardinal  devant  luy  » ,  lit- 
on  dans  le  marché  fait  au  nom  du  chapitre,  le  13 
septembre  1474.  entre  Antoine  de  Salins,  doyen, 
Antoine  Grignard  et  A.  de  Salins,  chanoines,  et 
Pierre  Spicker  (•),  peintre  pour  les  patrons  des 
futures  tapisseries.  Remarquons  bien  que  le  mot 
tableau  ne  se  réfère  pas  nécessairement  à  une 
peinture  adventice  et  mobile,  mais  se  peut  très 
bien  entendre  d'une  décoration  murale. 

M.  Mathieu-Faivre  se  mit  à  l'œuvre  et  condui- 
sit son  minutieux  travail  avec  un  soin,  un  res- 
pect que  l'on  ne  saurait  trop  louer;  tant  de  pein- 
tures retrouvées  sous  le  badigeon  ont  souffert  de 
l'emploi  brutal  d'un  instrument  en  fer!  Les  résul- 
tats obtenus  ont  récompensé  le  patient  archéo- 
logue, et  des  traces  importantes  de  la  décoration 
depuis  des  siècles  abolie,  ont  reparu  au  jour,  nous 
rendant  comme  une  ombre  du  bel  ensemble 
commandé  par  le  cardinal  et  certainement  exé- 
cuté par  un  des  meilleurs  artistes  du  temps.  La 
découverte  fit  quelque  bruit,  non  seulement  dans 
les  journaux  bourguignons,  mais  encore  à  Paris, 
si  bien  que  le  lundi  11  septembre  1901,  \ç.  Jour- 
nal des  Débats  publiait  un  article  signé  Raymond 
Kœchlin  sur  les  peintures  ressuscitées  de  la  cha- 
pelle Saint-Léger  {f). 

Il  faut  d'abord  entendre  que  celle-ci  forme  un 
carré  parfait,  avec  voûte  peu  élevée  en  arcs  ogives 
reposant  sur  quatre  consoles  d'angle,  et  que  la 
fenêtre  unique  à  réseau  flammé  ne  remplit  pas  à 
beaucoup  près  le  mur  goutterot,  ce  qui  laisse  de 
côté  des  espaces  vides  mais  mal  éclairés.  La 
paroi  où  est  l'autel  ne  présente  plus  que  des  traces 
de  peintures  ;  toutefois,  au  moins  dans  la  partie 
gauche,  —  côté  de  l'Évangile,  —  le  sujet  n'est  pas 
douteux  et  pourrait  être  restitué,  sinon  sur  la 
muraille,  du  moins  sur  le  papier,  avec  une  certi- 
tude à  peu  près  entière,  c'est  une  Lapidation  de 
saint  Etienne.  Richement  vêtu  en  diacre,  age- 
nouillé, les  mains  jointes,  la  tête  nimbée  rejetée 
en  arrière,  le  jeune  saint  a  déjà  reçu  une  pierre, 

1.  Le  nom  est  écrit  eo  français,  Spicre,  comme  on  le  prononçait. 
mais  c'est  évidemment  Spicker. 

2.  M.  Mathieu-Faivre  a  décrit  les  peintures  découvertes  par  lui, 
dans  une  brochure  :  Peintures  murales  de  la  chapelle  Roliii  (cha- 
pelle Saint-Léger j  à  l'église  collégiale  de  Beaune,  par  F,  Mathieu^ 
membre  de  la  Société  d' Histoire  et  d' Archéologie.  Extrait  des  vié- 
moires  de  la  Société  d'Histoire  et  d' Archéologie  de  Beaune,  içoz.  — 
Beaune,  imprimerie  Arthur  Batault,  jgo2,  in-S»  de  12  pages,  avec 
deu.x  planches  héliographiques  et  deux  lithographies. 


mais  prie  toujours,  c'est  le  moment   suprême  où 
les  cieux  s'ouvrent  visibles  pour  le  recevoir  ;  voici 
les  textes  synthétisés  par  le  peintre  :  Cum  antein 
esset  plenus  Spiritii   Sancto,   intendens  in  cœluin 
vidit  gloriam   Dei,  et  Jcsnm  stantem  a  dextris 
Dei.   Et  ait  :  Ecce  video  cœlos  apertos  et  Filiuin 
hominis  stantem  a  dextris  Dei.  ACTA  APOSTOLO- 
RUM,  cap.  VII,  j.  55. —  Et  ejicientes  extra  civitatem 
lapidabant....   J.   57.   Et   lapidabant  Stêphanvm 
invocantem,  et   dicenteni  :   Domine  Jesu,   suscipe 
spiritum  meum.  y.  58.  —  Positis  antem  genibiis, 
clamavit  voce  magna,  dicens  :  Domine,  ne  statiias 
illis  hoc  peccatum.  Et  qnum  hoc  dixisset.  obdormi- 
vit  in  Domino...  J.   59.  Malheureusement  l'en- 
duit est  tombé  ou  a  été   détruit  dans  toute  la 
partie  de  droite,   supprimant  l'apparition  de  la 
gloire  divine,  et  même  la  ligne  verticale  de  sépa- 
ration entre  ce  qui  est  et  ce  qui  n'est  plus,  coupe 
environ  un  sixième  de  la  scène  terrestre.  Derrière 
le  martyr  —  dans  toutes  les  représentations  de  la 
lapidation,  les  bourreaux  frappent  le  jeune  diacre 
par  derrière  —  se  voit  debout  un  des  exécuteurs 
improvisés;   il  porte  une  toque  à  fleurons   dorés, 
un    vêtement    collant    mi-partie    rouge    et   bleu 
brodé   d'or,   et  se  prépare  à  lancer   une  grosse 
pierre;  la  physionomie  est  féroce,  l'attitude  et  le 
geste  sont  bien  ceux  de  l'homme  qui  veut  porter 
un  coup  avec   le  maximum  de  sa   force.  Même 
précision  dans   le  mouvement  d'un  personnage 
placé  sur  le  devant  et  vêtu  comme  le  premier, 
qui  ramasse  une  pierre;  mais  tout  en  étant  recon- 
naissable  dans  son  tracé  général,  cette  figure  est 
fort  dégradée. 

La  composition  simple  et  d'un  beau  caractère, 
ne  remplit  en  hauteur  que  les  deux  tiers  de 
l'arc;  au-dessous  s'étend  un  riche  parement  figuré, 
un  dossier,  comme  on  disait  alors,  en  drap  d'or 
damassé  avec  une  bordure  feinte  d'orfèvrerie 
gemmée  de  pierres  précieuses.  Il  était  tenu  par 
deux  anges  debout,  à  longues  ailes  et  en  robes 
blanches,  dont  il  subsiste  entier  celui  du  côté  de 
l'Évangile;  malgré  un  défaut  de  régularité  dans 
les  traits,  il  est  fort  beau.  Enfin,  plus  bas, 
agenouillé  et  les  mains  jointes,  voici,  peint  en 
petites  proportions,  un  homme  d'Église  vêtu  d'un 
manteau  noir  doublé  de  rouge,  avec  capuchon, 
et  que  recouvre  une  aube  blanche;  cette  figure  a 
malheureusement  souffert  et  beaucoup   dans  la 


192 


3Rcbur  Dr  r^rt  cbvctiru. 


partie  inférieure.  Il  est  manifeste  que  nous  avons 
là,  mis  à  la  place  d'honneur,  un  personnage  im- 
portant: serait-ce  le  cardinal  ?  On  l'a  cru  d'abord 
et  il  y  avait  quelque  vraisemblance;  sans  doute, 
pensait-on,  le  chapeau  rouge  à  glands  et  le  chien 
blanc  ('),  ce  compagnon  inséparable  du  prélat,  se 
voyaient  à  ses  pieds  dans  la  partie  détruite.  En- 
fin, avec  un  peu  de  bonne  volonté  on  retrouvait 
dans  les  traits  du  personnage  en  prière,  cette 
vulgarité  empâtée  et  lourde  qui  apparaît  dans 
les  deux  images  authentiques  et  contemporaines 
qui  nous  donnent  le  portrait  de  Jean  Rolin.  C'est 
d'abord  une  précieuse  peinture  sur  bois  conser- 
vée au  palais  épiscopal  d'Autun,  et  provenant, 
comme  la  Vierge  au  donateur  du  Louvre,  de  la 
cathédrale  Saint-Lazare.  Vêtu  de  la  capfia 
magna  écarlate  et  joignant  les  mains,  son  chien 
blanc  à  ses  pieds,  le  cardinal  est  agenouillé  de- 
vant l'Enfant  Jésus  couché  dans  la  crèche,  près 
de  celle-ci  sont  la  Vierge,  saint  Joseph  et  deux 
anges;  derrière,  l'âne  et  le  bœuf;  au  fond,  une 
palissade  où  s'appuient  du  dehors  deux  bergers; 
le  portrait  est  authentiqué  par  les  armes  des 
Rolin.  C'est  une  œuvre  très  remarquable  de 
l'école  flamande,  mais  il  ne  faut  pas  prononcer 
ici  le  nom  des  Van  Eyck,  puisque  Jean  Rolin  ne 
reçut  le  chapeau  que  [)lusieurs  années  après  la 
mort  des  deux  frères  Hubert  et  Jean  Van 
Eyck  (2). 

On  doit  encore  reconnaître  le  cardinal  dans  la 
miniature  initiale  d'un  beau  manuscrit,  les  Chro- 
niques de  Haiiiaut,  à  la  Bibliothèque  de  Bour- 
gogne à  Bruxelles.  Ces  Chroniques  sont  l'œuvre 
du  franciscain  Jehan  de  Guyse,  né  à  Mons  vers 
1334,  mort  à  Valenciennes  le  6  février  1399,  et  le 
manuscrit  original  en  latin  est  à  la  Bibliothèque 
nationale  de  Paris,  Fonds  Dupuy.  Une  traduc- 
tion française  fut  exécutée  sur  l'ordre  de  Philippe 
le  Bon  par  son  «  escrivain  et  translateur  >  Jean 
Wauquelin,  clerc  de  Mons,  et  la  commande  don- 
née par  Simon  Nockart,  clerc  du  bailliage  de 
Hainaut,  conseiller  ordinaire  du  duc  en  Brabant. 
Cette  traduction  est  en  trois  volumes  in-folio 
dont  le  premier  fut  terminé  en  1446,  le  deuxième 
en   1449  par  Jacobin  du  Bos,  le  troisième  proba- 

1.  Le  cardinal  était  atteint,  paraltil,  d'une  maladie  qui  provo- 
quait de  fréquents  et  subits  vomissements,  or  le  chien  était  dressé 
à on  m'entend  de  reste. 

2.  Huljert  est  mort  en  1426,  Jean  en  1440. 


blement  en  1455.  La  miniature  à  pleine  page, 
mise  en  tête  du  premier  volume,  compte  parmi 
les  chefs-d'œuvre  du  genre;  selon  l'usage,  on  y 
voit  Philippe  le  Bon  entouré  de  sa  cour,  et  rece- 
vant l'hommage  du  livre  par  lui  commandé.  De- 
bout, vêtu  de  noir,  le  chaperon  chargé  d'une 
masse  de  linges  plissés  et  bouffants,  le  duc  a 
cette  pose  de  danseur  qui  paraissait  sans  doute 
aux  contemporains  le  comble  de  la  dignité  et  de 
la  grâce,  les  jambes  d'une  gracilité  invraisem- 
blable, encore  une  des  beautés  du  temps,  et  les 
pieds  chaussés  de  souliers  à  la  poulaine  extrava- 
gants. .'\  sa  gauche,  un  jeune  garçon  de  quatorze 
ans,  la  Toison  d'Or  au  cou,  le  bonnet  à  la  main, 
engoncé  dans  de  grosses  épaules  et  la  tête  pen- 
chée en  avant,  se  montre  dans  toute  la  gaucherie 
de  l'âge  ingrat;  c'est  le  comte  de  Charolais,  le 
futur  Charles  le  Téméraire.  A  la  droite  du  duc, 
plusieurs  personnages  debout;  un  vieillard  en 
longue  robe,  qui  est  certainement  le  chancelier 
Rolin,  a  la  première  place;  ensuite  vient  un  grand 
et  gros  bonhomme  en  rouge,  à  la  figure  pleine, 
fîasque,  et,  il  n'y  a  pas  en  vérité  d'autre  mot,  à  la 
physionomie  de  parfaite  ganache  ofîficielle;  c'est 
manifestement  le  cardinal  reconnaissable,  d'ail- 
leurs, à  l'inévitable  chien  blanc  couché  devant 
lui  sur  le  pavé  émaillé.  Il  viendra  un  temps  où 
un  cardinal  n'acceptera  pas  facilement  le  second 
rang  et  s'égalera  aux  princes.  A  droite,  faisant 
face  au  duc,  un  groupe  ds  chevaliers  de  la  Toison 
d'Or,  aux  figures  graves  et  rasées  ('). 

Cette  miniature  est  d'une  beauté  qui  l'a  fait 
attribuer  à  Rogier  Van  der  Weyden  ;  il  est  plus 
assuré  de  la  donner  à  un  enlumineur  de  profes- 
sion comme  il  en  existait,  et  de  talent  hors  ligne, 
à  la  cour  de  Bourgogne.  Peut-être  pourrait-on 
prononcer  le  nom  de  ce  Simon  Marmion  à  qui 
M.  Salomon  Reinach  attribuerait  volontiers  les 
miniatures  du  beau  manuscrit  :  Histoire  de 
France  depuis  la  prise  de  Troie  jusqu'au  règne  de 
Charles  V,  venu  de  la  Bibliothèque  de  Bourgogne 
à  celle  de  Saint-Pétersbourg.  Mais  toutes  les 
hypothèses  ne  sont  (jue  des  jeux  de  l'érudition. 


I.  La  miniature  ici  décrite  est  reproduite  en  héliogravure  dans  le 
tome  VU  I  delà  Gazelle  archéolosi(jue.  publiée  par  MM.  J.  de  Witte, 
K.  Lenormant  et  Kobert  de  Lasteyrie,  pour  accompagner  un  bon 
article  de  M.  Duclens,  mais  l'auteur  laisse  de  côté  la  question  de 
l'identification  des  personnages  représentés.  Il  est  on  ne  peut  plus 
regrettable  que  cette  publication  qui  honorait  l'érudition  française, 
n'ait  pas  été  continuée. 


îles  peintures  ûe  jl^otre  2Daine  De  Beaune.        193 


et  tant  qu'un  document  vainqueur  n'est  pas  sorti 
de  la  poussière  des  archives  pour  nous  livrer  un 
acte  de  commande  ou  de  paiement,  le  plus  sage 
est  d'admirer  les  belles  choses  sans  se  risquer  à 
prononcer  aucun  nom. 

Une  observation  pourtant.  J'ai  dit  que  le  pre- 
mier tome  des  Chroniques  avait  été  achevé  en 
1446,  or  l'évêque  d'Autun  ne  fut  fait  cardinal, 
par  Nicolas  V,  que  le  13  janvier  1449,  à  la  recom- 
mandation de  Philippe  le  Bon  ;  mais  la  minia- 
ture dédicatoire  a  pu  être  ajoutée  postérieure- 
ment à  l'achèvement  du  corps  même  du  volume. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  impossible  d'admettre 
que  le  clerc  représenté  dans  la  peinture  de 
Beaune,  au  côté  de  l'Evangile,  soit  le  cardinal  ; 
son  portrait  était  au  côté  de  l'Épître,  là  où  l'on 
a  retrouvé  un  pan  de  la  cappa  magna  rouge  et  le 
chien  blanc  caractéristique;  seulement  c'est  la 
seconde  place,  la  première  étant  incontestable- 
ment au  côté  de  l'Évangile.  A  cet  effacement 
d'un  prince  de  l'Église,  je  vois  deux  raisons  pos- 
sibles; il  se  pourrait  <jue  se  considérant  dans  la 
chapelle  de  la  Collégiale  comme  un  simple 
dignitaire  du  chapitre,  l'évêque  eût  cédé  la  pré- 
séance au  doyen,  ce  serait  alors  Antoine  de 
Salins  dont  nous  aurions  ici  l'image  agenouillée. 
Mais  au  XV*  siècle  on  subtilisa  à  outrance  sur 
toutes  choses;  on  bouleversa  l'ordre  et  la  dispo- 
sition héraldique  des  écus  armoriés  pour  en  diri- 
ger les  pièces  comme  des  êtres  vivants,  soit  vers 
le  centre  d'un  tableau  —  ainsi  qu'on  le  voit  dans 
un  des  retables  de  la  Chartreuse  au  musée  de 
Dijon  —  soit  vers  un  autel  plus  ou  moins  éloigné 
ou  une  image  sainte,  ce  dont  Palliot  nous  donne 
des  exemples  (');  il  serait  donc  possible  que  l'on 
eût  considéré  comme  le  lieu  d'honneur  la  partie 
de  la  muraille  la  plus  rapprochée  du  sanctuaire 
et  du  maître-autel. 

Le  choix  du  sujet  représenté  se  rapporte 
évidemment  au  vocable  de  l'église  dont  le  cardi- 
nal, l'évêque  d'Autun,  était  titulaire  à  Rome,  San 
Stefano  in  Cœlio  Monte;  c'est  aussi  en  souvenir 
du  titre  de  son  église  cathédrale,  Saint-Ladre, 
comme  on  dit  familièrement  dans  le  diocèse 
que  l'évêque  d'Autun  a  fait  peindre  une  Résur- 
rection de  Lazare  sur  la  muraille  opposée  à  l'au- 

I.  La  vraye  et  parfaite  Science  des  armoiries  —  MDCLXI  i  V. 
in-fo  pp.  289.  290,  291. 


tel.  Mieux  conservée  que  la  Lapidation,  incom- 
plète cependant,  la  composition  remplit  ou  plutôt 
remplissait  l'espace  entier  inscrit  dans  l'arc  brisé, 
et  descend  même  un  peu  plus  bas  que  les  con- 
soles d'oij  jaillissent  les  nervures.  "Mais  le  quart, 
environ,  du  sujet  manque  à  la  gauche  du  specta- 
teur, une  réfection  ancienne  de  la  maçonnerie 
ayant  aboli  toute  trace  de  peinture  en  cette  par- 
tie, qu'une  ligne  verticale  et  nette  sépare  de  ce 
qui  a  été  conservé. 

Sur  le  devant,  au  centre  à  peu  près  de  la  com- 
position, Lazare,  rappelé  à  la  vie  et  tourné  à 
gauche,  se  soulève  d'un  sarcophage  ouvert  en 
marbre  rougeâtre.  La  figure  a  malheureusement 
disparu  presque  en  entier,  on  voit  seulement  la 
partie  médiane  et  nue  du  corps  enveloppé  par  le 
bas  dans  un  linceul  blanc  dont  un  pan  retombe 
en  dehors  de  la  cuve;  le  ressuscité  a  les  mains 
jointes,  et,  penché  sur  lui,  saint  Pierre  enlève  les 
dernières  bandelettes  de  l'ensevelissement.  Et 
statim  prodiit  qui  fiierat  inortuiis,  ligatus  pedes 
et  inaitits  institis,  et  faciès  illins  sudario  erat 
ligata.  Dixileis  lesus  :  Solvite  en  m,  et  sinite  abire. 
JOANNES,  cap.  XI,  J.  44.  C'est  sans  doute  une 
idée  subtile  et  belle  d'avoir  ainsi  confié  à  celui 
qui  a  reçu  le  pouvoir  de  lier  et  de  délier,  le  soin 
de  dénouer  les  liens  de  la  mort  (').  Ainsi  dans 
cet  art  admirable  et  vraiment  chrétien  du  moyen 
âge,  un  geste,  une  attitude,  un  détail  en  appa- 
rence insignifiant,  ont  un  sens  ésotérique  et  con- 
tribuent à  l'intensité  de  l'idée  religieuse  exprimée. 
Ces  inspirations-là,  les  artistes  ne  les  trouvaient 


I.  Le  même  détail  se  rencontre  dans  la  Résurrection  de  Lazare  qui 
forme  la  partie  centrale  du  triptyque  de  Nicolas  Froment  d'Avignon, 
au  musée  des  Offices,  n»  744.  Saint  Pierre,  reconnaissable  à  sa  che- 
velure grisonnante,  à  sa  barbe  épaisse,  à  sa  calvitie,  détaché  du 
groupe  formé  par  le  Christ  et  ses  apôtres,  et  agenouillé,  délie  les 
mains  du  ressuscité  assis  dans  son  sarcophage  ;  à  gauche  sont  de- 
bout les  saintes  femmes  dont  l'une,  celle  du  devant,  ramène  sur  sa 
bouche,  le  long  linge  pendant  qui  lui  sert  de  coiffure;  à  droite,  un 
seigneur  debout  fait  un  geste  semblable.  La  composition,  très  ras- 
semblée, s'inscrit  dans  une  sorte  de  galerie  de  style  flamboyant  et  se 
détache  sur  un  fond  richement  damassé.  Le  triptyque  des  Offices  est 
s\gné.V, cola/isFrumenticibsolvil  opiis  XXoKL"  Jui-.ii  MCCCCLXI, 
il  est  donc  sensiblement  contemporain  des  peintures  murales  de 
Beaune.  Nicolas  Froment  d' .Avignon  fut  un  des  peintres  du  roi 
René,  et  son  œuvre  capitale,  le  Buisson  ardent,  qui  est  a  la  cathédrale 
d'Aix  en  Provence,  a  figuré  à  l'exposition  rétrospective  de  1900.  Le 
triptyque  de  Florence  devrait  être  dans  les  salles  françaises  et  non 
dans  les  salles  flamandes. 

On  peut  rapprocher  des  peintures  de  Beaune,  la  Risiirreclion  de 
Lazare,  par  Gérard  de  Harlem  que  Ion  voit  au  Louvre  ;  la  com- 
position me  semble  un  peu  dispersée,  mais  le  thème  principal  est 
le  même,  c'est  à-dire  que  le  ressuscité  surgit  d'un  sarcophage 
à  l'antique  placé  à  terre. 


194 


WitWt  De  rSrt  (brétten* 


peut-être  pas  en  eux-mêmes,  ils  les  recevaient  du 
clergé  qui  dressait  minutieusement  le  programme 
des  compositions  à  exécuter:  «  L'art  seul  appar- 
tient au  peintre,  proclame  le  onzième  concile  de 
Nicée  en  7S7,  l'ordonnance  et  la  disposition  ap- 
partiennent aux  pères  (i).  »  Il  ne  faudrait  pas 
croire,  d'ailleurs,  que  ces  raffinements  fussent 
lettres  mortes  pour  le  commun  des  fidèles;  si 
toutes  ces  leçons  des  choses  ne  nous  sont  plus 
accessibles  que  par  des  commentaires,  nos  loin- 
tains ancêtres  du  XV'^  siècle  les  comprenaient 
sans  peine,  et  c'est  alors  que  les  églises  étaient 
vraiment  et  dans  toutes  leurs  parties,  de  grands 
livres  ouverts  où  la  peinture,  la  sculpture,  et  le 
vitrail  parlaient  aux  yeux  et  à  l'âme  par  les 
couleurs  et  les  formes  de  la  vie. 

A  gauche  du  sarcophage,  vêtu  d'une  robe  rou- 
geâtre  brodée  d'or,  la  tête  légèrement  penchée  et 
ceinte  d'une  auréole  radiée  différente  du  nimbe  en 
aimeau  des  saints,  le  Christ  est  debout;  ses  deux 
mains  à  demi  tendues  et  aux  doigts  rapprochés, 
mais  dans  un  autre  geste  que  celui  de  la  prière 
humaine,  font  le  signe  dominateur  qui  commande 
à  la  mort  et  à  la  vie.  Signe  très  simple,  d'ailleurs  : 
la  toute-puissance  n'a  pas  besoin  de  mouvements 
violents  pour  être  obéie  ;  rappelons-nous  celui  de 
Jéhovah  dans  les  fresques  de  la  création  de 
l'homme  et  de  la  femme  au  plafond  de  la  Six- 
tine.  Un  peu  voilé  par  le  hâle  des  longs  siècles, 
le  visaP'e  divin  a  une  expression  très  belle  de  puis- 
sance et  de  douceur.  Derrière  le  Christ,  le  peintre 
avait  mis  le  chœur  des  douze  apôtres,  mais  il  a 
disparu  eu  partie,  et  c'est  une  perte  à  jamais 
regrettable.  D'abord  parce  que  la  lacune  détruit 
l'équilibre  général  et  atteint  même  en  arrière  le 
contour  du  Christ;  ensuite,  à  en  juger  par  les 
cinq  figures  subsistant  à  droite,  ce  qui  est  effacé 
devait  être  de  la  plus  grande  beauté.  Celui  qui 
conformément  à  la  tradition  iconographique,  est 
au  premier  rang,  saint  Jean,  me  parait  de  tous 
points  admirable;  imberbe,  et  seul    des  apôtres, 


I.  J'imagine  que  lorsque  dans  la  seconde  moitié  du  XV*=  siècle, 
Filippino  Lippi  eut  à  peindre  la  vie  de  saint  Thomas  d'Aquin  dans 
la  chapelle  Caraffa,  en  l'église  Notre-Dame  de  la  Minerve,  A  Rome, 
il  dut  certainement  consulter  quelque  Dominicain  du  couvent  atte- 
nant à  l'église.  Ce  sont  aussi  les  lettrés  de  la  Cour  pontificale,  Ali- 
dosi,  Benibo,  Bibbiena,  Casiiglionc,  qui  ont  dû  donner  au  jeune 
Raphaël  les  programmes  de  ses  grandes  fresques  synthétiques  du 
Vatican  ;  la  conception  et  l'ordonnance  en  sont  évidemment  au- 
dessus  de  ce  que,  réduit  à  ses  seules  forces,  pouvait  concevoir  im 
jeune  homme  de  vingt-cinq  ans,  ftit-il  Raphaël. 


même  dans  l'extrême  vieillesse,  il  sera  repré- 
senté ainsi  ('),  la  tête  chargée  d'une  épaisse 
chevelure,  le  disciple  bien-aimé  incline  son  visage 
attentif,  non  au  miracle  qui  s'accomplit,  sa  foi 
n'a  pas  besoin  de  voir,  mais  au  geste  du  Maître, 
tandis  que  ses  mains  s'enlacent  distraites  à  la 
hauteur  de  la  ceinture.  La  justesse  de  l'attitude, 
la  vérité  de  la  draperie  qui,  à  demi  retenue  par  le 
bras  droit,  se  brise  en  plis  d'une  noblesse  digne 
des  maîtres  florentins,  enfin,  par-dessus  tout,  la 
grâce  sereine  du  visage  appartiennent  au  grand 
art  flamand,  au  grand  art  tout  court. 

Le  surplus  de  la  paroi,  les  deux  tiers  environ, 
est  rempli  de  la  foule  des  spectateurs  :  Judœi 
ergo,  qui  erant  cum  ea  in  donio  et  consolabantur 
eam,  cum  vidissent  Mariant  quia  cito  surrexit  et 
exiit,  seciiti  sunt  eam  dicentes  :  Quia  vadit  ad 
monumentuni,  ut  ploret  ibi.  JOANNES,  cap.  XV, 
y.  31.  Ici  nous  sommes  en  pleine  réalité  du 
XV«  siècle,  additionnée  de  couleur  naïve- 
ment orientale  ;  toutefois  il  n'y  a  aucune  dis- 
sonance entre  les  parties,  entre  le  groupe  du 
Christ  et  des  apôtres  qui  est  traité  selon  le  mode 
traditionnel,  abstrait,  et  celui  des  spectateurs. 
L'unité  se  fait  d'abord  par  l'exécution  qui  est 
partout  de  la  même  précision,  ensuite  par  une 
recherche  égale  de  la  vérité  dans  les  types,  plus 
idéalisés  à  gauche,  plus  réels  à  droite.  Nous 
sommes  dès  longtemps  habitués  à  ce  mélange  du 
sacré  avec  le  profane  et,  avec  Véronèse,  par 
exemple,  l'art  des  siècles  suivants  nous  en  fera 
voir  bien  d'autres. 

Douze  personnages,  dix  hommes  et  deux 
femmes,  disposés  surdeu.x  rangs,  ceux  du  second 
dominant  de  beaucoup  ceux  du  premier,  assistent 
paisibles  au  miracle  accompli  ;  la  plupart  dans 
une  attitude  assez  indifférente,  quelques-uns  ne 
regardent  pas  ou  même  détournent  la  tête.  Sans 
doute  le  peintre  a  eu  la  bonne  intention  de  leur 
faire  prendre  part  à  l'événement  mais  sans  réussir 
à  les  unir  dans  un  sentiment  commun  et  actif. 
Ainsi,  à  droite,  un   gros  Turc,  rasé  et    à  turban, 

I.  L'art  byzantin  représente  saint  Jean  yieux  avec  une  longue 
barbe,  mais  l'iconographie  occidentale  le  laisse  plus  volontiers  im- 
berbe, même  à  la  fin  de  sa  longue  vie.  Toutefois  la  règle  fléchit  plus 
tard;  aux  piliers  qui  soutiennent  la  coupole  de  Saint-Pierre  de 
Rome,  le  saint  Jean  en  mosaïque  est  un  vieillard  barbu  comme  les 
trois  autres  ICvangélistes.  Il  est  vrai  que  le  cavalier  d'Arpin  —  1560- 
1640  —  n'est  une  grande  autorité  ni  en  art,  ni  en  iconographie.  Saint 
Jean  est  représenté  de  niôine  dans  les  mosaïques  récentes  de  la 
chapelle  sépulcrale  de  Pie  IX,  à  Saint-Laurent-liors-les-Murs. 


îLe0  peintures  de  iBotre-SDame  De  Beaune.        195 


fait  placidement  face  au  spectateur  ;  la  main 
gauche  passée  dans  sa  ceinture  il  esquisse  de  la 
droite  un  geste  imprécis;  en  vérité,  l'idée  générale 
fait  absolument  défaut.  Du  reste,  toutes  ces  fi- 
gures semblent  étudiées  sur  la  vie  même,  ce  sont 
des  portraits  où  nous  retrouvons  les  types  fami- 
liers à  l'art  septentrional  du  temps,  mais  le 
peintre  lésa  pris  comme  ils  s'offraient  à  lui  et 
sans  parvenir  à  les  incorporer  à  l'action.  Tout  de 
même,  cette  naïveté,  cette  gaucherie,  si  l'on  veut, 
ont  un  charme  attirant  de  réalisme  ingénu,  et 
valent  cent  fois  mieux  que  le  pathétique  con- 
ventionnel, gesticulant  de  l'âge  dit  classique. 

Les  costumes  ne  sont  pas  moins  intéressants  ; 
voici  des  bonnets  de  feutre  coniques  comme 
on  en  voit  dans  maints  portraits  du  XV°  siècle, 
le  prétendu  Charles  le  Téméraire  à  la  flèche  ('), 
du  musée  de  Bruxelles,  par  exemple.  Un  per- 
sonnage du  second  rang,  il  regarde  celui-là,  porte 
le  chapeau  à  grands  rebords  retroussés,  la  coiffure 
des  Juifs  en  ce  temps,  celle  du  prophète  Zacharie 
dans  la  statue  du  monument  dit  le  Puits  de 
Moïse  ou  des  Prophètes,  à  l'ancienne  chartreuse 
de  Dijon.  Seuls,  au  premier  plan,  un  homme  et 
deux  femmes  ont  un  rôle  de  spectateurs  actifs 
dans  le  drame  divin  ;  une  grosse  commère,  vue 
de  face,  à  coiffure  faite  de  linges  compliqués, 
suppute  sur  ses  doigts  la  durée  de  l'ensevelisse- 
ment :  Et  invenit  eiim  quatuor  dies,javi  in  inonii- 
mento  habentem.  JOANNES,  cap.  XI,  y.  17.  Plus 
rapprochée  du  sépulcre,  une  autre  femme,  vêtue 
d'un  riche  damas  à  grands  rinceaux  comme  on 
les  aimait  alors,  la  tête  abritée  sous  un  capuchon 
faisant  pèlerine,  se  détourne,  la  main  étendue, 
comme  pour  écarter  la  vision  de  mort  et  se 
bouche  le  nez.  Cette  figure  à  peu  près  sacramen- 
telle dans  la  représentation  de  la  scène  de 
Béthanie  exprime  le  :  Dicit  ei  Martlia  soror  ejiis 
qui  mortuus  fiierat  :  Domine,  jam  fœtet,  quatri- 
duanus  est  enim.  JOANNES,  cap.  XI,  J.  39  Un 
personnage  en  longue  dalmatique  de  drap  d'or 
ramage  de  fleurs  bleues  et  coiffé  d'amples 
linges  faisant   couvre-nuque,    la    rassure   en    lui 

I.  La  comparaison  de  l'homme  à  la  flèche  avec  le  grand 
liâurd  Antoine  de  Bourgogne,  dont  le  portrait  est  à  Chantilly, 
m'a  toujours  fait  penser  que  les  deux  panneau.'c  représentent  le 
même  personnage  seulement  plus  jeune  dans  celui  de  Bruxelles. 
Quant  au  Téméraire,  son  image  la  plus  authentique  me  parait 
être  le  portrait  de  Berlin,  qui  est  attribué  selon  toutes  vraisem- 
blances à  Rogier  Van  der  Weyden. 


montrant  le  miracle  déjà  accompli.  Ces  deux 
femmes  sont  assurément  Marthe  et  Marie,  les 
deux  sœurs  du  miraculé,  mais,  dans  la  première 
surtout,  le  peintre  s'est  montré  plus  réaliste  qu'il 
n'était  nécessaire  pour  être  vrai. 

Comme  dans  les  tapisseries  du  temps  et  les 
aimables  peintures  de  la  première  Renaissance 
italienne,  le  terrain  est  fait  de  gazon  semé  de 
fleurettes  ;  selon  une  coutume  très  en  faveur  chez 
les  Juifs,  le  tombeau  de  Lazare  se  trouvait  dans 
un  jardin,  mais  c'était  une  grotte  creusée  dans  le 
roc  et  fermée  par  une  énorme  pierre  s'encadrant 
dans  la  feuillure  de  l'entrée,  non,  il  est  à  peine 
nécessaire  de  le  dire,  un  sarcophage  isolé  et 
factice  à  la  mode  païenne.  Ainsi  sera  le  sépulcre 
neuf  où  bien  peu  de  semaines  après  la  scène 
de  Béthanie,  Joseph  d'Arimathie  déposera  le 
corps  du  Christ.  En  arrière  et  en  haut,  sans  le 
moindre  souci  de  la  perspective,  se  profile  une 
ville  toute  hérissée  de  tours  et  de  hautes  toitures  ; 
le  chemin  qui  y  conduit  passe  par  une  coupure 
de  la  première  enceinte  crénelée,  la  fausse  braie, 
et  ondule  vers  la  seconde  porte  ouverte  entre 
deux  tours  rondes  à  faîtes  aigus.  Quelle  est  cette 
ville  représentée,  bien  entendu,  semblable  à  une 
forteresse  du  XV^  siècle  occidental?  Serait-ce 
Jérusalem?  Ce  n'est  pas  impossible.  Toutefois 
la  ville  sainte  était  éloignée  de  quinze  stades, 
c'est-à-dire  de  plus  de  deux  kilomètres  et  demi 
de  Béthanie  ('),  —  JOANNES,  cap.  XI,  jr.  18,  où 
habitait  la  famille  de  Lazare.  Or  la  forteresse  ici 
figurée  semble  toute  proche.  A  la  vérité  étant 
données  les  libertés  extraordinaires  que  l'on 
prenait  alors  avec  la  perspective,  l'objection  a 
très  peu  de  valeur.  Mais  en  voici  une  autre  et 
qui  me  paraît  plus  sérieuse.  Lorsque  l'on  repré- 
sentait Jérusalem,  on  ne  manquait  jamais  de 
mettre  en  évidence  le  Temple  de  Salomon  ou 
plutôt  celui  d'Hérode.  Et  en  un  temps  où  l'on 
n'était  pas  assez  savant  pour  faire  de  l'archéo- 
logie, où  l'on  prenait  en  tout  les  choses  du  passé 
pour  identiques  à  celles  du  présent,  une  confusion 
naïve  s'était  opérée  entre  le  Temple  juif  et 
la  mosquée  qui  lui  a  succédé  sur  la  terrasse 
salomonique.  Ainsi  l'on  représentait  la  Jérusalem 

I.  Béthanie  est  aujourd'hui  El  Azarijeh,  nom  qui  rappelle  certai- 
nement celui  de  Lazare.  C'est  une  bourgade  située  à  l'Est  de 
Jérusalem  et  par  conséquent  du  côté  où  s'élève  la  haute  terrasse  qui 
porte  la  mosquée  d'Omar  et  domine  sur  tous  les  environs. 


196 


ÎRrbut  tie  V^xt  cbrcttcn. 


des  Évangiles  comme  une  de  ces  villes  à  cou- 
poles que  décrivaient  ou  dessinaient  les  voyageurs 
et  les  pèlerins. Si  bien  que  l'on  représentait  volon- 
tiers le  nouveau  Temple  aux  longues  lignes  ro- 
maines, en  lui  donnant  les  formes  plus  ou  moins  1 
interprétées  de  l'édifice  élevé  en  6^J  par  le  Kalife 
Omar.  On  en  a  la  preuve  dans  maints  tableaux 
de  la  fin  du  XV'=  siècle  ou  des  premières  années 
du  XVI'=,  particulièrement  dans  les  deux  Afa- 
riages  de  la  Vierge,  peints,  l'un  par  le  Pérugin  — 
le  tableau  se  trouve  aujourd'hui  au  musée  de 
Caen  —  et  l'autre  exécuté  par  Raphaël  en  1504 
pour  l'église  San  Francesco  de  Citta  di  Castello, 
et  qui  appartient  maintenant  au  musée  Brera, 
de  Milan,  une  imitation,  une  adaptation,  si  l'on 
veut,  mais  très  supérieure  de  l'œuvre  pérugi- 
nesque.  Eh  bien  !  l'un  et  l'autre,  le  jeune  Raphaël 
de  21  ans,  comme  son  vieux  maître  qui  en  avait 
58,  ont  représenté  le  Temple  sous  la  forme  d'un 
édifice  à  coupole  et  à  pans,  octogonal  chez  le 
Pérugin,  polygonal  chez  Raphaël,  traduction  en 
style  italien  de  la  mosquée  d'Omar  dont  on  con- 
naissait par  les  récits  la  structure  générale.  La 
même  représentation  se  rencontre  dans  la  fresque 
du  Pérugin,  à  la  chapelle  Sixtine,  Le  Chnst 
remettant  les  clefs  à  saint  Pierre.  Et  comme  nous 
n'avons  rien  de  semblable  dans  la  peinture  de 
Beaune,  j'en  conclus  que  le  peintre  a  voulu  repré- 
senter non  Jérusalem  mais  Béthanie,  qui  dans 
l'évangile,  JOANNES,  cap.  XI,  J.  i  et  2,  est  qua- 
lifiée de  castelhim,  un  mot  que,  vivant  dans  un 
pays  hérissé  de  forteresses,  il  aura  pris  dans  un 
sens  féodal  et  militaire. 

Mais  cette  ville  forte  du  XV*^  siècle  français  ou 
flamand,  est  elle  une  image  réelle  ou  une  fan- 
taisie de  l'artiste?  Dans  une  première  et  rapide 
étude,  je  m'étais  demandé  si  nous  n'aurions  pas 
ici  une  vue  plus  ou  moins  arrangée  d'Autun,  la 
ville  épiscopale  de  Jean  Rolin,  ou  de  Beaune.  Et 
j'invoquais  entre  maints  exemples,  la  vue  du 
vieux  Louvre  de  Philippe-Auguste  et  de  Charles 
V  qui  fait  le  fond  du  tableau  dans  le  beau 
Calvaire,  honneur  du  Palais  de  Justice,  à  Paris, 
à  peu  près  contemporain  des  peintures  de 
Beaune,  et  les  miniatures  des  Heures  de  Jean, 
duc  de  Berry,  à  la  bibliothèque  du  châttau  de 
Chantilly.  Un  examen  plus  attentif  m'a  fait  é- 
carter   cette  hypothèse   comme  très   insuffisam- 


ment fondée.  Tout  au  plus,  à  gauche,  dans  ce 
clocher  carré  surinonté  d'une  haute  pyramide  à 
pentes  rapides,  pourrait-on  reconnaître  «l'insigne 
collégiale  »  elle-même  (').  Mais  l'analogie  est 
d'autant  plus  fugitive  qu'au  XV»  siècle,  Beaune 
n'était  pas  la  ville  forte  en  double  enceinte  que 
l'on  voit  ici. 

Les  ors  mis  où  il  fallait  et  qui  ont  reparu 
vibrants  et  chauds  parmi  les  couleurs  assoupies, 
donnent  une  richesse  d'émail  à  cet  ensemble,  qui, 
selon  les  lois  de  la  décoration,  vêt  la  muraille  sans 
y  ouvrir  des  perspectives.  Ces  lois,  les  artistes  du 
moyen  âge  les  pratiquaient  d'instinct  et  aussi 
par  l'effet  d'une  heureuse  ignorance  ;  en  vérité  ces 
naïfs  pourraient  donner  aux  plus  savants  des 
leçons  de  ce  que  doit  être  la  peinture  appliquée 
aux  monuments.  Mais  dès  le  début  du  XVI«  (2) 
siècle  l'emploi  de  l'or  fut  jugé  barbare  ;  appli- 
qué aux  tableaux,  il  peut  être  condamné  parce 
qu'il  met  le  trompe-l'œil  à  la  place  de  l'image.  Et 
cependant,  oh  !  la  vanité  des  jugements  absolus 
dans  les  arts  !  que  de  quattro-centistes  italiens  ou 
flamands  se  sont  servis  heureusement  de  l'or  pour 
donner  à  leurs  œuvres,  fresques  ou  tableaux  de 
chevalet,  comme  à  des  miniatures  amplifiées,  un 
charme  et  une  beauté  de  plus  !  Je  pense  en  écri- 
vant ceci,  à  maint  Fra  Angelico,  1387-1455,  à 
cette  Adoration  des  Mages  de  Gentile  da  Fa- 
briano, —  1360- 1440,  —  que  l'on  voit  à  l'Aca- 
démie des  Beaux-Arts  à  Florence,  et  aussi 
à  tant  d'œuvres  flamandes  semblables  à  de 
grands  émaux  largement  rehaussés  d'or,  telles 
que  les  peintures  extérieuresde  MelchiorBroeder- 
lam,  —  fin  du  XIV"^  siècle  —  au  grand  retable 
de  bois  sculpté  et  doré  qui  de  la  chartreuse  de 
Champmoi  a  passé  au  musée  de  Dijon.  J'estime 
donc  que  l'emploi  de  l'or  se  justifie  très  bien 
quand  il  s'allie,  et  c'est  le  cas  des  primitifs,  à  la 


1.  La  grosse  coupole  à  quatre  pans  et  surmontée  d'un  lanternon, 
que  l'on  voit  aujourd'hui  couronnant  les  tours  de  la  croisée,  date 
seulement  du  XVI  I«  siècle. 

2.  Il  y  a  encore  quelques  touches  d'or  dans  la  Thiologie,  dite  mal 
à  propos  la  Dispute  du  Sai nt-Sacrement ^  la  première  des  grandes 
fresques  peintes  par  Raphaël  au  Vatican,  de  1508  à  1511.  Mais 
quand,  le  31  octobre  1512,  apparut  pour  la  première  fois  entièrement 
découverte  la  voiite  de  la  chapelle  Sixtine.  plusieurs,  même,  dit-on, 
le  Pape  Jules  II,  reprochèrent  à  Michel-Ange  d'avoir  dédaigné  de 
rehausser  d'or  les  vêtements  de  ses  personnages.  «  Sainteté,  répondit 
rudement  l'artiste,  j'ai  peint  là  de  pauvres  gens  qui  n'avaient  point 
d'or  sur  leurs  habits  ï>.  Il  se  rencontre  cependant  quelques  applica- 
tions d'or  sur  des  balustres  figurées. 


îlc0  peintures  de  iJ^otre-SDame  De  îdeaune.        197 


finesse  quasi  orfévrée  du  travail  et  à  la  solidité 
émaillée  de  la  couleur.  Mais  pour  produire  tout 
son  effet  décoratif,  l'emploi  doit  être  loyal,  c'est- 
à-dire  qu'il  faut  ici,  comme  dans  les  miniatures, 
de  l'or  appliqué  à  l'état  de  métal  en  feuilles  bruni 
et  ciselé,  non  une  couleur  délayée  au  pinceau. 

Il  ne  faudrait  pas  évoquer  devant  la  muraille 
peinte  de  la  chapelle  Saint-Léger  certains  sou- 
venirs du  grand  art  chrétien,  entre  autres  celui 
de  cette  Résurrection  de  Lazare,  une  des  plus 
saisissantes  dans  la  série  des  fresques  dont,  vers 
1302,  le  jeune  Giotto,  —  il  avait  alors  vingt-six 
ans,  —  couvrit  les  murs  de  la  petite  église  Santa 
Maria  del  Arena  à  Padoue,  peut-être  le  plus  bel 
ensemble  de  peinture  religieuse  du  XIV'=  siècle 
en  Italie.  Rien  dans  la  composition  que  je  me 
suis  efforcé  de  décrire  n'égale  l'apparition  formi- 
dable et  bien  hébraïque  de  ce  corps  que  Giotto 
nous  montre  étroitement  serré,  comme  une  mo- 
mie vivante,  dans  un  léseau  de  bandelettes 
entrelacées.  La  même  formule  se  retrouve  dans 
une  des  plus  anciennes  mosaïques  de  Ravenne,  et 
je  l'ai  rencontrée  dans  les  catacombes  romaines. 
Mais  Giotto  appartient  encore  à  i'art  chrétien 
primitif;  si  le  sentiment  moderne  de  la  vie  et  de 
la  forme  s'éveille  déjà  en  lui,  le  contemporain  de 
Dante  conserve  encore  quelque  chose  de  cette 
gravité  terrifiante  empreinte  dans  les  grandes 
mosaïques  comme  le  Jugement  dernier  ou  plu- 
tôt V Apocalypse  de  la  cathédrale  de  Torcello, 
dans  la  lagune  vénitienne.  Toutefois,  dès  la  fin  du 
XIV«  siècle,  l'art  religieux  se  fait  plus  intime, 
moins  distant,  les  détails  familiers  y  apparaissent 
et  mettent  la  vie  actuelle  parmi  les  «  ystoires  > 
de  l'Évangile  et  de  la  vie  des  Saints.  Dans  les 
peintures  de  Broederlam,  au  musée  de  Dijon,  le 
sujet  de  la  Fuite  en  Egypte  monUe  saint  Joseph 
marchant  à  pied  devant  l'âne  blanc  qui  porte  la 
Vierge  et  l'Enfant,  et  il  soutient  ses  forces  en  bu- 
vant à  même  d'un  petit  baril  dont  le  jet  tombe  de 
haut  dans  sa  bouche.  Ces  familiarités  aimables 
se  rencontrent  surtout  dans  l'art  flamand  éclos 
dans  un  pays  de  vie  intérieure,  tandis  que  l'Italie 
est  vouée  par  son  climat  et  ses  traditions  à 
la  vie  du  dehors  qui  implique  nécessairement 
plus  de  gravité  oratoire  ;  il  y  a  toujours  eu  en 
Italie  du  romain  et  du  païen,  aussi  l'art  y  a-t-il  le 
plus  souvent  offert  moins  des  choses  vraies  que 


de  belles  formes  et  de  beaux  assemblages  de 
couleurs.  C'est  pourquoi  dès  le  commencement 
du  XVI^  siècle,  après  les  premières  œuvres  de 
Raphaël,  les  écoles  italiennes  tombent-elles  vite 
dans  cette  noblesse  convenue,  admirable  encore 
parce  qu'elle  demeure  personnelle  et  humaine 
dans  les  cartons  de  Hampton  Court,  mais  qui 
dégénérera  vite  en  procédés  de  professeurs  et  en 
formules  académiques  avec  les  maîtres  bolonnais 
et  les  décorateurs  faciles  de  la  décadence. 

Et  pendant  que  l'art  italien  se  tourne  en 
rhétorique,  celui  du  Nord  poursuit  son  évolution 
dans  le  sens  de  la  vérité  et  ce  sera  alors  cette  in- 
comparable floraison  de  l'art  intime  des  maîtres 
hollandais  qui  remplit  le  XVI I''  siècle,  tandis  que 
l'Italie  en  est  réduite  après  le  Dominiquin,  les 
Carrache  et  le  Guide,  à  Pierre  de  Cortone,  à 
Carlo  Maratta  et  à  Luca  Giordano. 

Cependant  cette  note  d'intimité  familière  n'est 
pas  absente  de  la  peinture  italienne  duXV*  siècle, 
mais  elle  y  est  l'accident  et  Florence  va  de  plus 
en  plus  donner  sur  l'écueil  des  anatomies  à 
outrance  où,  après  Luca  Signorelli,  risquera  de  se 
perdre  Michel-Ange  lui-même.  En  même  temps 
les  Florentins  goûtent  beaucoup  les  œuvres  fla- 
mandes contemporaines  ;  il  leur  en  venait  des 
ateliers  lointains  de  Bruges,  de  Gand,  de  Bru- 
xelles, d'Anvers,  et  les  artistes  en  apportaient 
eux-mêmes  ou  les  peignaient  sur  place  dans  les 
villes  où  ils  s'arrêtaient  bien  fêtés  au  cours  de  ces 
voyages  d'outre-monts  qui  commençaient  d'être 
comme  des  pèlerinages  obligés  aux  sanctuaires 
du  beau  antique.  Rogier  Van  der  Weyden,  Mem- 
ling,  Hugo  Van  der  Goes,  connurent  l'Italie  et 
Florence  se  plut  à  leurs  œuvres  par  des  motifs 
assez  semblables  à  ceux  qui  nous  passionnent 
aujourd'hui  pour  les  primitifs  ;  cet  exotisme  sa- 
voureux, les  Flandres  étaient  alors  aussi  dis- 
tantes que  le  sont  pour  nous  le  Japon  et  la  Chine, 
cette  naïveté  à  la  fois  un  peu  appuyée  et  subtile 
contrastait  avec  le  raffinement  florentin,  comme 
ils  aiguillonnent  aujourd'hui  notre  imagination 
et  notre  vision  blasées.  L'homme  se  laisse  prendre 
surtout  par  les  qualités  qui  lui  manquent  le  plus. 
Aussi  les  œuvres  flamandes  et  allemandes  sont- 
elles  nombreuses  à  Florence,  plus  même  qu'en 
France  si  proche  pourtant,  et  si  profondément 
pénétrée  par  le  génie  artistique  des  Pays-lîas. 


REVUE    DE   l'aijT   CHKÉTIHN. 
1904.    —   i""^    LIVB.MàûN. 


198 


BeDuc  t)c  ravt  cbrcticu 


J'en  reviens  à  la  chapelle  Saint-Léger  et  de 
chaque  côté  de  la  fenêtre  qui  a  récemment  reçu 
un  vitrail  en  grisaille,  une  des  dernières  œuvres 
d'Edouard  Didron,  je  rencontre  peinte  debout 
une  figure  de  femme,  sainte  Marthe  à  gauche,  ! 
sainte  Madeleine  à  droite  ;  chacune  a  son  nom 
écrit  en  caractères  gothiques  à  la  hauteur  de  la 
tête.  Ici  encore  le  choix  des  deux  personnages 
n'est  pas  arbitraire,  puisque  Marthe  était  la 
sœur  de  Lazare  et  Marie-Madeleine  peut-être  de 
sa  famille.  Même  dans  leur  intégrité  elles  n'ont 
jamais  été  très  visibles,  surtout  quand  la  baie 
était  remplie  par  un  vitrail  à  toute  coloration. 
C'est  que  nos  lointains  ancêtres  avaient  des 
yeux  de  chats  et  trouvaient  suffisantes  des  clar- 
tés naturelles  ou  artificielles  qui  nous  paraîtraient 
à  nous  des  ténèbres  visibles.  Ainsi  les  églises 
d'Italie  présentent  des  figures  à  peine  distinctes  I 
pour  nous,  mais  qui  l'étaient  parfaitement  pour 
les  hommes  du  XV^  siècle;  au  palais  Médicis, 
plus  tard  dit  palais  Riccardi,  Benozzo  Gozzoli 
a  orné  de  fresques  excellentes  et  d'une  conserva- 
tion parfaite,  les  murs  d'un  petit  oratoire  éclairé 
par  une  baie  étroite,  et  dont  certaines  parties  ne 
peuvent  être  vues  qu'à  la  clarté  d'une  bougie. 
De  la  sainte  Marthe,  très  dégradée,  il  ne  subsiste 
que  des  traces,  suffisantes  toutefois  à  nous  en 
faire  reconnaître  la  beauté  ruinée.  On  distingue 
la  tête  à  la  coiffure  de  linges  plissés,  les  mains 
qui  tiennent  un  bénitier  et  une  palme,  le  monstre 
enfin,  la  tarasque  foulée  sous  le  pied  victorieux 
de  la  sainte;  le  fond  est  en  montagnes  de  formes 
bizarres.  C'était  le  goût  du  temps  ;  rappelons- 
nous  le  paysage  tourmenté  que  Léonard  de  Vinci 
K  donné  pour  fond  à  Va  Joconde. 

Mieux  conservée  est  la  sainte  Madeleine  et  de 
l'avis  de  tous,  elle  doit  être  considérée  comme 
une  des  plus  belles  choses  que  l'art  médiéval  ait 
laissées  en  Bourgogne;  le  vêtement  est  fort  riche, 
un  manteau  bleu  brodé  d'or  recouvre  une  robe  à 
fleurs  d'or  qui  tombe  cannelée  pour  s'amonceler 
en  beaux  plis  cassés  autour  des  pieds  ;  la  main 
droite  porte  le  vase  à  parfums,  la  gauche  le  livre 
ouvert,  les  deux  caractéristiques  de  la  sainte.  La 
tête,  un  peu  penchée  sur  sa  droite,  —  les  deux 
figurassent  tournées  vers  la  fenêtre  où  était  sans 
doute  peint  un  Christ  ou  une  Vierge  —  montre 
sous  une  abondante  chevelure   crespelée    ruisse- 


lant sur  les  épaules  un  pur  et  doux  visage,  plus 
français,  semblet-il,  que  flamand.  On  remarquera 
que  la  robe  ouverte  en  carré  laisse  voir  le  cou  et 
même  un  peu  de  la  poitrine  ;  dans  le  fond,  une 
montagne  abrupte  portant  un  château  à  quatre 
tours.  Cette  figure,  la  perle  de  toute  cette  déco- 
ration, peut  soutenir  la  comparaison  avec  les 
plus  belles  du  même  temps    et    du   même   art. 

La  triple  moulure  creuse  qui  enserre  la  fenêtre 
est  peinte  dans  le  style  des  bordures  prodiguées 
par  les  enlumineurs  contemporains  aux  marges 
de  leurs  manuscrits  ornés.  Dans  la  première 
gorge,  sur  un  fond  de  ce  pourpre  à  la  fois  chaud  et 
sombre  propre  au  XV'=  siècle,  montent  de  souples 
rinceaux  entremêlés  de  phylactères  où  se  lit  la 
devise  du  cardinal  :  Deunt  time  ;  dans  l'azur  pro- 
fond de  la  seconde  ce  sont  des  feuillages  de  chêne 
d'un  vert  éclatant  et  doux,  à  grosses  fleurs  retom- 
bantes bleues  à  pistils  d'or  ;  ici  nous  rencontrons 
encore  la  signature  du  cardinal,  non  plus  sa  devise 
mais  ses  armes  :  Écartelé  an  i  et  ^  d'azur  à  trois 
clefs  d'or  mises  en  pal  le  panneton  en  haut,  qui  est 
de  Rolin,  aiix  2  etj  d'or  à  une  bande  d'azur  char- 
gée d'une  molette  d'argent,  qui  est  de  Delandes. 
Ensuite  ce  sont  deux  hommes  sauvages  brandis- 
sant des  massues  et  portant  les  mêmes  armes 
dont  ils  sont  très  probablement  les  tenants. 

La  voûte  est  d'azur  semé  d'étoiles  d'or,  les 
nervures  sont  aux  mêmes  couleurs, celles  du  car- 
dinal ;  rien,  en  effet,  dans  ces  décorations  n'était 
laissé  au  hasard  et  à  la  fantaisie  de  l'artiste.  En- 
fin, en  face  de  la  fenêtre,  dans  l'espace  demeuré 
libre  entre  le  formeret  primitif  et  l'arc  d'entrée 
percé  au  XV"  siècle,  des  vestiges  de  peintures 
montrent  des  châteaux  forts  dans  un  paysage. 
Peut-être  même  la  décoration  débordait-elle  de 
la  chapelle  ;  en  effet,  dans  la  travée  correspon- 
dante du  bas-côté,  autour  de  la  clé  de  voûte,  on 
croit  distinguer,  combien  vagues,  à  vrai  dire  ! 
les  contoms  d'une  Annonciation  dont  le  style 
paraît  contemporain  de  la  décoration  décrite. 

L'auteur  tle  la  décoration  commandée  par  Jean 
Rolin  est  et  demeurera  peut-être  à  jamais  in- 
connu ;  on  a  noté  que  dans  le  marché  pour  les 
tapisseries  a  été  laissé  en  blanc  le  nom  de  l'ar- 
tiste déjà  mort.  Mais  Dijon  et  la  Bourgogne  ne 
manquaient  pas  alors  de  peintres  flamands  ou 
élèves  des  Flamands,  qui  continuaient   la  tradi- 


iLe0  peintures  îie  #otre'2Dame  de  Beauiie. 


199 


tion  des  vieux  maîtres  de  la  Chartreuse,  de  Mel- 
chior  IVoederlam,  de  Jehan  de  Beaumetz,  de 
Jehan  Malwell,  de  Henry  Bellechose.  De  cette 
seconde  école  dijonnaise  on  connaît  quelques 
noms  de  tournure  plutôt  française,  Raoul  Pi- 
cornet,  Adam  de  Montpointet,  Jehan  Change- 
rut,  un  pur  nom  dijonnais,  Pestinien,  André  du 
Mont  ;  quant  à  Guillaume  Spicker  ce  fut  surtout 
un  verrier.  Toutefois  on  ne  donne  pas  ici  une 
énumération  où  choisir.  Quoi  qu'il  en  soit,  celui 
qui  a  composé  et  exécuté  l'ensemble  décrit  dans 
ces  pages,  était  un  maître  ;  et  il  ne  s'agit  pas  ici 
d'improvisations,  ni  de  décors  brossés  rapidement 
pour  l'effet  sans  souci  des  détails,  mais  d'une 
œuvre  très  étudiée  où  la  science  du  dessin 
s'unit  à  la  recherche  de  la  vérité  dans  les  ty- 
pes pris  sur  le  réel  ou  idéalisés.  Enfin  les  parties 
ornementales  sont  délicates  comme  des  minia- 
tures agrandies  ;  partout  l'exécution  présente 
cette  finesse  appliquée  dont  le  secret  se  perd  au 
seuil  du  XVI'^  siècle  alors  qu'apparaîtra  dans 
l'art  le  style  oratoire.  Et  il  y  en  aura  pour  long- 
temps. 

Quel  sera  le  sort  des  peintures  de  Beaune? 
Bien  entendu,  il  ne  saurait  être  question  de  les 
cacher  sous  un  nouveau  voile  de  badigeon, 
cette  fois  ce  serait  pour  toujours.  La  question 
est  donc  de  savoir  si  on  les  conservera  telles 
quelles  ou  si  l'on  tentera  de  les  restaurer  ;  mais 
ici  se  manifeste  cette  opposition  de  vues  que  j'ai 
eu  souvent  l'occasion  de  constater  et  avec  regret. 
Les  archéologues  voient  volontiers  dans  les  édi- 
fices religieux  de  grands  objets  d'art  servant 
surtout  à  être  beaux,  et  c'est  ainsi  que  la  Com- 
mission des  Monuments  historiques  a  pu  être 
accusée  souvent  de  sacrifier  à  l'esprit  de  géomé- 
trie, les  convenances  les  plus  essentielles  du  culte. 
Il  faut  bien  reconnaître  pourtant  que  les  églises 
sont  avant  tout  des  édifices  d'usage,  et  j'ajoute 
que  cet  usage  étant  leur  vie  morale  est  insépa- 
rable de  leur  beauté.  D'autre  part  le  clergé,  avou- 
ons-le, a  une  certaine  tendance  à  tenir  un  compte 
insuffisant  de  la  valeur  esthétique  des  monuments 
et  de  leur  parure  adventice  ;  après  tout  il  est  ex- 
cusable de  vouloir  qu'une  église  se  présente  dans 
des  conditions  de  dignité,  peu  compatibles,  se- 
lon lui,  avec  un  état  de  délabrement  et  de  ruine 
partielle.  Ce  sont  là  deux  points  de  vue  opposés. 


deux  conceptions  du  devoir,  respectables  l'une  et 
l'autre,  entre  lesquelles  avec  un  peu  de  bonne  vo- 
lonté, on  pourrait  ne  pas  faire  de  choix  exclusif. 
Et  tout  bien  considéré,  malgré  l'état  ruineux  des 
peintures  récemment  mises  au  jour,  j'estime  qu'a- 
vant d'y  toucher  on  fera  bien  d'y  regarder  à 
deux  fois  ;  vraiment,  il  y  aurait  trop  à  faire.  Dans 
le  Martyre  de  S.  Etienne,  plus  d'une  moitié  de  la 
composition  manque  absolument,  et  l'autre 
n'existe  qu'à  l'état  d'indications.  Moins  malades, 
les  deux  figures  de  saintes  devraient  être  resti- 
tuées dans  une  large  mesure  ;  pour  un  bon  tiers 
la  ste  Madeleine,  pour  un  peu  plus  la  ste  Marthe. 
Enfin  dans  la  Résurrection  de  Lazare,  tout  un 
pan  fait  défaut  à  gauche  et  il  faudrait  refaire  à 
peu  près  en  entier  la  figure  du  ressuscité.  Ce  sont 
là  des  responsabilités  que  ne  consentira  sans 
doute  jamais  à  assumer  la  Commission  des 
Monuments  historiques,  et  on  ne  l'en  saurait  blâ- 
mer. Il  est  donc  probable  que,  à  part  un  léger 
travail  de  consolidation  et  de  raccord,  les  pein- 
tures de  Beaune  demeureront  dans  l'état  où  les 
ont  mises  le  temps  et  les  hommes. 

En  fait,  elles  ne  sont  pas  plus  dégradées  que 
celles  de  maintes  églises  d'Italie  ;  celle-ci,  en 
effet,  n'a  pas  épargné  non  plus  la  riche  parure 
murale  dont  les  siècles  avaient  vêtu  ses  monu- 
ments religieux.  Nombre  de  fresques  disparurent 
sous  le  badigeon,  soit  parce  que  dans  les  temps 
de  peste  on  employait  le  lait  de  chaux  dans  un 
but  d'assainissement  général  ('),  soit  aux  siècles 
dits  classiques,  par  mépris  de  ces  œuvres  jugées 
barbares.  De  nos  jours  encore,  à  Florence,  ont 
reparu  des  peintures  dont  la  mémoire  même 
s'était  perdue,  celles  de  Giotto,  à  Santa  Croce, 
ne  furent  dévoilées  qu'en  1858;  la  Cê«^  d'Andréa 
del  Castagno,  faussement  attribuée  d'abord  à 
Raphaël,  à  l'ancien  couvent  San  Onofrio,  avait 
été  mise  au  jour  dès  1843.  Je  ne  parle  pas  de  cer- 
taines destructions  plus  qu'imbéciles  perpétrées 
au  Campo  Santo  de  Pise  et  ailleurs,  pour  infixer 
dans  les  murailles  de  gros  tombeaux  de  style 
classique.  Toutefois,  le  procédé  de  la  fresque 
étant  une  incorporation  de  la  couleur  à  l'enduit 

I.  C'est  ce  que  l'on  fit  à  'Vérone  à  l'occasion  de  la  peste  de 
1690,  notamment  dans  l'église  San  Giorgio  dont  les  décorations 
remontaient  au  XIV'^  siècle.  Exemple  cité  par  M,  Gerspach  dans 
ses  savantes  études  sur  l'art  florentin  publiées  dans  la  Revue  de 
t Art  chrétien. 


même,  conserve  mieux  les  compositions  enseve- 
lies sous  le  badigeon  que  celui  qui  est  employé 
dans  le  Nord  et  consiste  en  une  simple  applica- 
tion d'une  couche  colorée  sur  les  surfaces  sèches. 
Je  terminerai  cette  étude  par  quelques  mots 
de  biographie  :  Jean  Rolin  était  le  troisième  en- 
fant de  Nicolas  Rolin,  chancelier  de  Bourgogne, 
et  de  sa  première  femme,  Marie,  fille  de  Ber- 
thold  Delandes,  valet  de  chambre  du  Roi,  géné- 
ral des  monnaies  de  France,  et  de  Philippe  Cul- 
doé.  Le  légiste,  fils  d'un  bourgeois  d'Autun,  qui 
sera  fait  chancelier  de  Bourgogne  en  1422  en 
remplacement  de  Jean  de  Thoisy,  et  deviendra 
ainsi  le  premier  personnage  des  États  bourgui- 
gnons après  le  duc,  était  déjà  assez  avancé  dans 
la  carrière  des  honneurs  pour  avoir  contracté 
un  mariage  relativement  considérable.  Jean,  le 
troisième  enfant  de  Nicolas  Rolin,  eut  pour  par- 
rain le  duc  Jean  sans  Peur  et  naquit  probablement 
en  1408.  Étant  fait  d'Église,  il  fut  à  vingt-deux 
ans  chanoine  et  archidiacre  d'Autun,  évéque  de 
Châlon  sur  Saône  le  7  septembre  1431,  d'Autun 
en  octobre  1434,  ce  qui  lui  donnait  le  premier 
rang  après  l'archevêque  dans  l'archidiocèse  de 
Lyon,  et  le  droit  de  porter  le  pa//ium,  conféré  en 
599  par  le  pape  S.  Grégoire  à  1  evèque  S.  Syagre. 
En  1443,  par  le  privilège  de  son  siège,  il  est 
administrateur  du  diocèse  de  Lyon  après  la  mort 
d'Amédée  de  Talaru,  pendant  la  minorité  de 
Charles  de  Bourgogne,  et  se  fait  représenter  à 
Lyon  par  son  vicaire  général  Barthélémy  du 
Fresne.  Le  13  janvier  1449,  le  pape  Nicolas  V  le 
fait  cardinal  sur  la  recommandation  de  Philippe 
le  Bon.  Il  se  montra  du  reste  aussi  avide  de 
richesses  que  son  père  et  cumula  force  bénéfices, 
abbayes  et  autres  ;  de  plus,  comme  beaucoup 
de  membres  du  haut  clergé  contemporain,  ses 
mœurs  n'étaient  pas  fort  bonnes.  Mais  il  avait  cet 


esprit    public    qui    réparait   bien  des   choses,  et 
faisait   à  tout    prendre   un    noble   usage    de  ses 
revenus;  son  église  cathédrale  ayant  été  ravagée 
par  un  incendie  allumé   par  la  foudre  le  17  sep- 
tembre 1465,  il  la  fit  réparer  et  Saint-Lazare  lui 
doit  son  chœur  ogival  et  la  belle  flèche  de  pierre 
fleurie  aux  arêtes  de  choux  ciselés,  qui  surmonte 
à  la  croisée  les  graves  maçonneries  du  XII^  siècle. 
Elle  remplace  l'aiguille  de  charpente  et  de  plomb 
détruite  par  le  feu.  Jean  Rolin  donna  aussi  la 
grosse  cloche,  les  quatres  colonnes  de  cuivre  en- 
tourant le  maitre-autel,   et  l'aigle  ou  lutrin  du 
chœur.  A  Paris,  il  reconstruit  la  salle  capitulaire 
des  Carmélites   de  la  place  Haubert  ;  il   fonde 
des  offices  dans  maintes  églises,  notamment  à  la 
Sainte-Chapelle  de   Dijon,  à  Sainte-Geneviève 
de  Paris  et  on  a  vu  qu'il  se  montra  très  libéral 
envers    le  chapitre  et    l'église   de  Beaune.  Cela 
n'empêcha  pas  le  premier  de  poursuivre  en  cour 
de  Rome  l'exemption  pour  la  collégiale  de  la 
juridiction    épiscopale,    et    il    y    fut     aidé    par 
Louis  XI  qui   détestait  dans  les  Rolin  les  an- 
ciens et   bons    serviteurs    des    ducs   nationaux. 
Ainsi  cette  fois  la  haine  parla  plus  haut  chez 
le  roi  que  l'intérêt    politique.  Mais  le  cardinal, 
un  assez  pauvre  homme,  disons-le,  mourut  à  Gra- 
vant, près  d'Aiixerre,  en  revenant  de  Paris  dans 
son  diocèse,  le  10  des  calendes  de  juillet,  22  juin 
1483,  sans  avoir  eu  connaissance  de  l'acte  ponti- 
fical qui  soustrayait  à  l'autorité  de  sa  crosse  la 
plus  riche  collégiale  de  son  diocèse.  Le  corps  fut 
ramené  à  Autun  et  solennellement  inhumé  dans 
la  cathédrale,  à  la  gauche  de  l'autel  principal, 
c'est-à-diie  au  côté  de  l'Évangile.  Le  tombeau 
qui  était  une   œuvre  d'art    remarquable,  a    été 
détruit  à  la  Révolution. 

Henri  Chabeuk. 


A^X  \^^  xf^  \^fU  A^  Ji^y^  i^^  X^^  i^*U  i^^  *^^  Ai^^  i^^  i^^  i^^ 


LXiximî  [1  n  I  iT  rinrTTT-\  ttcxti  i  r 


Djnxixicitiiii-iJTrTxixi 


|5 


Description  De  la  porte  occtîientale  tie  l'ancienne 


catUrîirale  Haint  Vincent  ht  Berne  (Huissc). 


M^*£i^  "^s^  *i^  ^^ô^  ri*î-^  *i^^  -"iô^  *iii^  ^^^  ^s^  *iô^  *x^  *^^  *(<^  ^èrf 

Gcncralitcs 


I 


J^^^IIXITXXXX»ÏTXT3JirXIIyT-rTTTT-r':T'rT^rT"»TTTlTT   rTTTTTTTyTTTTTTTTTTTTTlIiyfTTITI  miIIlITm 


OUT  le  monde  a  vu 
Berne,  la  ville  pittores- 
que par  excellence  ;  pas 
un  touriste  qui  n'ait  ad- 
miré la  tour  de  l'hor- 
loge, les  amusantes  fon- 
taines, les  ours  histori- 
ques, et  contemplé  longuement  à  l'horizon 
le  panorama  des  Alpes  neigeuses  ;  quel- 
ques-uns ont  peut-être  même  visité  l'église 
St-Vincent  ;  mais,  à  part  les  architectes  et 
les  archéologues,  combien  peu  ont  examiné 
comme  il  le  mérite  le  portail  de  ce  vieux 
monument  et  se  sont  rendu  compte  du  chef- 
d'œuvre  qu'ils  avaient  sous  les  yeux  ? 

Et  pourtant  quelle  jouissance  ne  trouve- 
rait pas  tout  artiste,  tout  voyageur  même, 
si,  secouant  cette  indifférence,  il  examinait 
en  détail  cette  curieuse  page  de  pierre  !  — 
C'est  ce  que,  dans  cette  analyse,  nous  allons 
essayer  de  faire  comprendre. 

On  peut  comparer  à  certains  égards  le 
portail  de  St-Vincent  de  Berne  à  celui  de 
l'église  de  Thann,  élevé  vers  la  même 
époque  ('):  ainsi  tous  deux  présentent  la 
particularité  très  rare  que  les  baies  de  la 
porte,  séparées  par  le  trumeau,  ne  sont  pas 
carrées  (-)  :    elles    sont    chacune    limitées 

i.La  première  pierre  de  St-Thibault  de  Thann  fut  pos^e 
en  1331  ;  mais,  si  l'on  considère  que  la  célèbre  flèche  de 
celte  église  ne  fut  commencée  qu'en  1430,  on  peut  penser 
que  la  construction  de  la  façade  n'a  été  antérieure  que  de 
peu  d'années  à  celle  du  portail  de  Berne. 

1.  Plus  exactement,  les  baies  de  la  porte  de  Thann  sont 
carrées,  mais  encadrées  chacune  d'une  ogive  ;  le  tympan 
qui  les  surmonte  n'étant  que  la  conséquence  de  cette  for- 
me ogivale,  on  peut  dire,  dans  un  certain  sens,  que  ces 
baies  ne  sont  pas  du  type  carré. 


supérieurement  à  Thann  par  une  ogive,  à 
Berne  par  une  ligne  brisée  bizarre  mais  non 
sans  grâce  ;  le  trumeau  présente  aux  deux 
églises  la  même  disposition  très  particulière 
de  trois  statues,  dont  celle  du  centre  plus 
élevée  que  les  deux  autres  (').  -  A  un  au- 
tre point  de  vue,  la  multitude  des  person- 
nages, leur  exiguïté,  leur  fourmillement, 
pourrait-on  dire,  sont  les  mêmes  dans  les 
deux  édifices.  —  C'est  pourquoi,  si  l'on 
considère  la  proximité  des  deux  villes,  leurs 
rapports  fréquents  au  moyen  âge  (à  une 
certaine  époque,  Mulhouse,  voisine  de 
Thann,  fit  partie  de  la  ligue  des  cantons 
suisses),  on  peut  se  demander  si  les  artistes 
qui  ont  construit  et  sculpté  la  porte  de  Ber- 
ne ne  se  sont  pas  inspirés  à  certains  égards 
de  celle  de  Thann. 

Bistoriquc. 

AUX  pieds  des  statues  qui  ornent  le 
trumeau  de  cette  porte,  se  déroule 
une  large  banderole  tenue  par  deux  figuri- 
nes et  dont  l'inscription  (K  de  notre  cro- 
quis), en  vieil  allemand,  comme  toutes 
celles  que  nous  allons  avoir  à  examiner, 
nous  donne  l'acte  de  naissance  de  la  cathé- 
drale : 

in  dem  iar  der  geburt 
christi  mccccxxi  an  dem  xi 
tag  merczen  ward  der  erste 
stein  geleit  an  dieser  kilchen 

c'est-à-dire  :  «  En  l'an  142 1  delà  naissance 
du  Christ,  le  onzième  jour  de  mars,  a  été 
posée  la  première  pierre  de  cette  église.  » 

I.  Cette  disposition,  très  rare  aux  portes  gothiques,  a 
été  employée  au  Xll'siècle  par  un  certain  nombre  de  cons- 
tructeurs romans,  surtout  en  Bourgogne  (Autun,Vézelay) 


202 


WitWt  tie  V^xt  t\\ïttm\. 


L'édifice,  commencé  à  cette  date,  semble    1    rieur  tout  au  moins,  y  compris  le  portail,  a 
avoir  été  construit   d'un  seul  jet,  et  Texte-    |    dû  être  terminé  dans  la  première  moitié  du 


nra'IHHBH  ■■■■  JWWl   M  TT     il 


îii; 


f 


Fig.  I.  —  Porte  occidentale  de  Téglise  Saint-Vincent  de  Berne. 


XV<=  siècle.  —  Négligé  pendant  plusieurs 
siècles,  le   monument  a  été  restauré   avec 


soin  par  l'architecte  Millier,  de  1870  au   20 
octobre  1893,  jour  où    fut  posé   le  couron- 


Cat!)éîirale  ^atn^^tncent  De  Berne* 


20 


o 


nement  de  la  tour  qui  surmonte  le  portail, 
et  que  les  constructeurs  du  KV'  siècle 
avaient  laissée  inachevée. 

Avec  la  collaboration  de  M.  Haendeke, 
M.  Millier  a  publié  une  très  intéressante 
étude  (en  allemand)  sur  le  monument  res- 
tauré par  lui.  C'est  dans  cet  ouvrage 
(Das  Miinster  in  Bern)  que  nous  avons 
puisé  la  plupart  des  renseignements  qui 
vont  suivre. 

Notre  portail  est  assurément  une  œuvre 
de  décadence,  où  le  désir  de  l'originalité 
quand  même  se  manifeste  par  des  formes 
bizarres,  des  lignes  contournées  ;  mais  il  y 
a  une  telle  richesse  dans  l'ornementation, 
une  telle  ingéniosité  dans  certaines  dispo- 
sitions, une  telle  perfection  dans  la  statuaire 
des  grandes  figures  des  ébrasements,  une 
si  curieuse  reproduction  des  costumes  et 
des  modes  de  l'époque,  que  cette  porte  in- 
téressera toujours  l'artiste  comme  l'archi- 
tecte, et  l'archéologue  comme  l'historien. 

X)C0cnption  analptiquc. 

Trumeau. 

La  Justice.  —  N°  i.  —  Peut-être,  à  l'ori- 
gine, y  a-t-il  eu  à  cette  place  une  statue  de 
saint  Vincent,  patron  de  l'église  :  c'est  une 
hypothèse  de  MM.  Haendeke  et  Millier, 
mais  qui  nous  semble  assez  faiblement 
étayée.  S'il  était  prouvé  qu'il  y  a  eu  ici  une 
autre  statue  que  la  statue  actuelle,  il  nous 
paraît  que  la  présence  des  deux  anges  et 
des  Vierges  sages  et  folles,  aussi  bien  que 
celle  du  Jugement  dernier  du  tympan  ferait 
supposer  la  figure  du  Christ  plutôt  que 
celle  de  S.  Vincent.  —  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  statue  actuelle,  œuvre  d'un  sculpteur  in- 
connu,datée  de  l'an  i  575,  époque  où  Daniel 
Heintz,  le  père,  était  architecte  de  l'église, 
est  un  pur  chef-d'œuvre. 

Elle  représente  la  Droiture  ou  la  Justice 
(die  Gerechtigkeit),  non  cette  Justice  raide 


et  inflexible  comme  elle  apparaît  d'ordi- 
naire, mais  une  délicieuse  figure  de  jeune 
fille  vêtue  des  plus  riches  atours  d'une  da- 
moiselle  de  la  cour  de  Bourgogne  au  XV^ 
siècle,  et  qui  semble  vouloir  faire  oublier, 
par  son  sourire  et  par  la  gracieuse  moue  de 
sa  tête  penchée,  qu'elle  tient  une  épée  nue. 
N°'  2  et  3.  —  A  ses  côtés,  sur  des  socles 
un  peu  moins  élevés  et  placés  au  niveau  des 
statues  des  ébrasements,  deux  anges,  vêtus 
comme  des  diacres  :  ils  ont  les  cheveux  fri- 
sés et  les  joues  bouffies  de  l'école  flamande 
(comme  aussi  les  statues  des  ébrasements) 
mais  sans  cette  exagération  qui  se  montre 
à  Dijon  ou  à  Brou.  Ils  tiennent  à  la  main 
chacun  une    tablette.  Sur  celle  du  N°  2  on 

lit: 

vorsichtig  keusch  und  wis 
wyl  ihr  gewesen  sind 
gelind  herin  freunde  siiss 
zu  eureni  briitigam  inariK  kind 

c'est-à-dire  :  «  Parce  que  vous  avez  été 
prudentes,  chastes  et  sages,  entrez,  douces 
amies,  près  de  l'enfant  de  Marie,  votre 
fiancé.  » 

L'ange  adresse  ces  paroles  aux  vierges 
sages  de  l'ébrasement,  vers  lesquelles  il  est 
tourné. 

L'ange  N"  3  regarde  les  vierges  folles  à 
qui  se  rapportent  les  quatre  vers  gravés  sur 
sa  tablette  : 

dir  thorrechten  kamt  zu  spiit 

der  briitigam  dir  thiir  geschlossen  hat 

er  kennt  euch  nit  wer  ihr  sind 

den  eure  ampeln  verkehrt  sind 

c'est-à-dire:  «  Vous,  folles,  vous  êtes  venues 
trop  tard  ;  le  fiancé  vous  a  fermé  la  porte  ; 
il  ne  vous  connaît  plus,  ne  sait  pas  qui  vous 
êtes,  car  vos  lampes  sont  renversées.  » 

Ébrasements. 

LES  figures  des  ébrasements,  que  nous 
allons  examiner,  ont  été  sculptées  par 
Ehrard  Kung,  vers  la   fin   du   XV^  siècle. 


204 


îRebttf  tie  rarr  cJ^rcticn. 


Elles  sont  ainsi  à  peu  près  contemporaines 
de  la  construction  du  portail,  et  antérieures 
d'une  centaine  d'années  à  la  statue  du  tru- 
meau. Ce  sont  d'ailleurs,  comme  celle-ci, 
des  œuvres  admirables 

Les  Vierges  sages  et  les  Vierges  folles  (■). 
—  N""  438.  —  Les  cinq  Vierges  sages  ; 
vêtues  selon  la  mode  bourguignonne  la  plus 
splendide  :  elles  ont  les  cheveux  ondulés, 
soit  dénoués,  soit  partagés  en  deux  ban- 
deaux, et  portent,  par-dessus,  des  couron- 
nes aux  formes  variées  ;  les  corsages  sont 
ajustés,  les  manches  pour  la  plupart  bouffan- 
tes ;  les  robes,  amples  et  tombant  sur  les 
pieds,  sont  généralement  recouvertes  d'un 
manteau  ;  tous  ces  vêtements  sont  brodés  ; 
autour  du  cou,  qu'encadre  parfois  un  col, 
s'enroulent  des  colliers  de  pierres  pré- 
cieuses. Le  n"  4  tient,  outre  sa  lampe,  une 
tablette  dont  l'inscription  est  aujourd'hui 
effacée  ;  les  quatre  autres  vierges  portent 
avec  soin  leur  lampe,  sorte  de  torchère, 
d'où  s'échappe  une  large  flamme;  le  n°  8 
montre  du  doigt  cette  flamme  à  l'ange  (n"  2) 
placé  vis-à-vis,  lequel  lui  répond  par  les 
mots  gravés  sur  sa  tablette. 


N°^  9  à 


Les   cinq    Vierges  folles. 


peut-être  encore  plus  richement  vêtues  que 
les  précédentes  ;  l'expression  de  leur  phy- 
sionomie est  désespérée,  et  elles  tiennent 
leurs  lampes  renversées.  Le  n°  9  dont  les 
longs    cheveux    sont   rassemblés   en  deux 

I.  Ce  sujet  est  un  de  ceux  le  plus  fréquemment  traités 
sur  les  portes  d'église,  où  l'appelle  naturellement  sa  signi- 
fication symbolique.  Maison  remarquera  qu  en  France,  à 
l'époque  ogivale  du  moins,  les  Vierges  sages  et  folles  occu- 
pent presque  toujours  les  pieds  droits  de  la  porte  ('Amiens, 
Paris,  Auxerre,  Sens,  etc.),  et  rarement  la  voussure  (Laon, 
Dol,  St-Pèresous-Vézelay)  ;  en  Allemagne,  au  contraire, 
on  a  souvent  donné  à  ce  sujet  une  place  plus  importante. 
Nous  le  trouvons  au  linteau  à  la  porte  St-Gall  de  la  cathé- 
drale de  Bâle  ;  aux  grandes  niches  des  ébrasements  à 
Strasbourg,  Berne,  et  F"ribourg  en  Brisgau  (à  cette  der- 
nière église,  plus  exactement  sur  les  parois  du  porche  qui 
prolongent  les  ébrasements)  ;  mais  nulle  part  ce  sujet  n'a 
été  traité  avec  autant  de  magnificence  qu'à  Berne. 


épais  bourrelets,  a  un  corsage  à  col  rabattu, 
à  larges  manches  bouffantes  ,  le  n°  10,  qui 
semble  être  un  portrait,  est  coiffé  d'une  de 
ces  toques  hautes  que  Véronèse  posait  plus 
tard  sur  la  tête  des  rois  mages  :  elle  a  un 
collet  rabattu  ;  de  sa  lampe  penchée  l'huile 
se  répand  ;  le  n°  11,  ouvrant  la  bouche  pour 
se  lamenter,  est  admirable  d'expression  ; 
elle  est  vêtue  d'une  robe  courte  et  coiffée 
d'un  large  bonnet  plat  garni  d'un  voile  dé- 
coupé ;  le  n°  12,  qui  de  sa  main  essuie  ses 
larmes,  porte  le  curieux  chapeau  à  deux 
cornes  du  XV^  siècle,  recouvert  d'un  voile; 
le  n°  13,  une  sorte  de  chaperon  à  larges 
bords.  Cette  dernière  tient  une  tablette  sur 
laquelle  on  lit  : 

ach  und  weh  dass 

wir  kein  œhle  hand 

gend  uns  zu  kaufen 

das  wir  mil  euch  lue  gehnd 

ce  qui  signifie:  %.  Malheur  sur  nous  parce 
que  nous  îi avons  point  d'huile,  vendez-nous- 
en,  afin  que  nous  entrions  avec  vous  »  (chez 
l  Époux). 

Sous  les  socles  des  deux  dernières  sta- 
tues de  chaque  côté  : 

N""  14  et  15.  —  Une  dame  élégamment 
vêtue  et  un  seigneur  coiffé  du  chapel  réser- 
vé aux  princes  ;  il  tenait  autrefois  à  la  main 
un  épieu,  comme  en  témoigne  un  dessin 
fait  en  1830  ;  près  de  lui,  un  chien  courant 
poursuit  un  chevreuil.  Ces  figures,  d'après 
M.  le  docteur  Stantz,  caractérisent  la  «  zah- 
me  Jagd  »  (chasse  aux  animaux  non  féro- 
ces, réservée  aux  nobles). 

N°'  1 6  et  r  7.  —  Un  homme  et  une  femme 
du  peuple,  dont  le  costume  simple  et  pauvre 
contraste  avec  la  richesse  d'atours  des  sta- 
tues qui  les  surmontent.  Peut-on  voir  ici, 
par  opposition  aux  n"  14  et  15  :  la  chasse 
aux  animaux  féroces  à  laquelle  le  peuple 
était  tenu  (wildc  Hatze  durch  Lœzue,  Hund 


Catl)éDraIe  t)atnt'Bincent  tie  Berne. 


205 


und  Bar).  Mais  rien  n'indique  ici  une  I  notre  avis,  M.  Stantz  a  cherché  trop  loin  : 
chasse,  et  si  c'en  était  une,  comment  expli-  ces  quatre  figures  symbolisent  simplement, 
quer  la  présence  delà  femme  du  peuple?  A       d'un  côté,  les  seigneurs,  les  nobles  (l'artiste 


P\g.  z.  —  Ébrasement  gauche  du  portail.  —  Les  Vierges  sages.  —  Moise  (à  la  voussure). 


n'a  figuré  la  chasse  que  comme  un  acces- 
soire caractéristique  et  presque  indispen- 
sable de  la  vie  d'un  seigneur  du  XV^  siè- 
cle), de  l'autre  côté,   les  gens  du   peuple  : 


peut-être  pour  indiquer  que  les  uns   et    les 
autres  ont  contribué  à  l'érection  de  l'église. 
Au-dessous  des  n°'  16  et  17   se  trouvait 
autrefois  un  bénitier. 


Voussures. 

Instruments  de  la  Passiou.  —  N""  1 8  à  22. 

—  Cinq  anges  (la  sixième  niche  est  remplie 
par  un  épisode  du  Jugement  dernier  qui  dé- 
borde du  tympan)  debout,  à  longs  cheveux 
frisés,  tiennent  les  instruments  de  la  Pas- 
sion. Ils  ont  une  admirable  vérité  d'atti- 
tudes, très  variées. 

Le  n°  18  tient  une  verge;  le  n°  19,  la 
colonne  de  la  flagellation  autour  de  laquelle 
une  corde  est  enroulée  en  spirale,  et  l'épon- 
ge au  bout  du  bâton  ;  le  n°  20,  la  croix;  le 
no  21,  la  lance;  le  n°  22,  la  couronne  d'é- 
pines et  d'énormes  clous  réunis  en  fais- 
ceau. 

Patriarches  et  Prophètes.  —  N°'  23  a  30. 

—  La  seconde  voussure  est  occupée  par  les 
patriarches  et  les  prophètes. 

N°'  23.  —  Moïse,  debout,  chauve,  avec 
une  longue  barbe  pointue  curieusement 
frisée  ;  il  se  présente  de  face  et  tient  sur  sa 
poitrine  une  table  de  pierre  carrée  avec 
l'inscription  :  du  sollst  die  bilder  nicJit  an- 
biittcii  noch  ihnen  dienen  (tu  ne  dois  ado- 
rer ni  servir  aucune  image). 

N°  24.  —  Zacharie,  barbu,  coiffé  d'un 
bonnet  plat  ;  il  est  assis  et  a  l'air  méditatif; 
il  déroule  une  banderole  sans  inscription 
visible. 

N°  25.  —  Osée,  barbu,  en  robe  courte, 
assis  ;  sa  tête  est  encadrée  dans  un  capu- 
chon à  pèlerine  ;  il  déploie  un   phylactère. 

N  "  26.  —  Le  roi  David,  assis,  couronne 
en  tête,  tient  un  instrument  de  musique. 

N"  27.  —  Daniel,  assis. 

N°  28.  —  Hagaï  (Aggée  .'')  assis  ;  coiffé 
d'un  bonnet  plat,  il  tient  une  banderole  où 
est  inscrit  son  nom. 

N"  29  -—  Joël,  assis  ;  il  est  imberbe  ;  sa 
physionomie  est  énergique  ;  il  porte  une 
coiffure  bizarre.  Selon  M.  Muller,  il  tient 
un    disque    (?),     mais,    pour     nous,    nous 


n'apercevons  entre  ses  mains  qu'une  longue 
banderole. 

N  "  30.  —  Un  personnage  en  costume 
juif,  vêtu  d'une  robe  et  d'un  manteau  ;  sa 
barbe  est  partagée  en  deux  par  le  milieu  ; 
il  est  debout  et  tient  un  livre  ouvert  dont 
l'inscription  est  effacée. 

Le  Christ  et  les  Apôtres.  —  N"^  31  à 
45.  —  De  l'avant-dernier  cordon  de  la 
voussure  se  détachent  des  tiges  moulurées 
qui,  traversant  le  dernier  cordon,  s'épanouis- 
sent en  larges  piédestaux  supportant  quin- 
ze statues.  Les  deux  tiges  extrêmes  sont 
en  partie  courbes,  les  autres,  entièrement 
droites.  On  ne  peut  du  reste  expliquer 
cette  disposition  bizarre  que  par  le  désir 
de  placer  les  statues  dans  le  sens  vertical. 
Quant  aux  statues  elles-mêmes,  l'exécution 
en  est  très  médiocre  :  elles  représentent  les 
personnages  suivants,  tous  assis  et  sans 
nimbe  : 

N"  31.  —  Le  Christ  Juge,  assis,  le  torse 
nn,  les  bras  ouverts  pour  montrer  ses 
plaies. 

N"  32.  —  La  Vierge,  à  genoux. 

N°  33.  —  S.  Jean- Baptiste,  à  genoux, 
l'implorant  avec  Marie  en  faveur  des  pé- 
cheurs. 

N"'  34,  35  et  36.  —  Trois  apôtres,  assis, 
tenant  chacun  un  long  bâton. 

N°'  2)1  y  3S  et  39.  —  Trois  apôtres,  assis 
(l'ombre  de  la  voûte  ne  permet  pas  de 
distinguer  leurs  attributs). 

N°^  40  et  41.  —  Deux  apôtres,  assis,  te- 
nant chacun  un  long  bâton. 

N"  42.  —  S.  André,  assis,  tenant  la  croix 
diagonale  qui,  depuis  le  XIVc  siècle,  passe 
pour  avoir  été  l'instrument  de  son  martyre. 
—  On  sait  en  effet  que  jusqu'à  cette  époque, 
l'apôtre  a  toujours  été  représenté  avec  la 
croix  droite  ;  mais  alors  le  duché  de  Bour- 
gogne, qui  portait  dans  ses  armes  une  croix 


Cathédrale  ^amr  2llincent  De  Berne. 


207 


diagonale,  ayant  pris  pour  patron  S.  André, 
on  associa  dorénavant  l'idée  du  saint  à  celle 
de  cette  croix. 


N"'  43,  44  et  45.  —  Trois  apôtres,  assis. 

Dans  cette  série, les  attributs  sont  moins 

variés  qu'à  l'ordinaire  :  on  ne  peut,  par  suite, 


Fis-  3-  —  Schéma  du  portail  de  Saint- Vincent  de  Berne. 


identifier  ces  divers  apôtres,  ni  même  savoir  ne  correspondrait  pas  exactement  aux  don- 
ce  que  signifie  exactement  le  long  bâton  nées  traditionnelles  ?  Est-ce  plutôt  le  bâton 
que  la  plupart  tiennent  à  la  main  :  est-ce  de  voyage  avec  lequel  ils  sont  partis  à  la 
l'instrument  de  leur  martyre  qui  en  ce  cas  conquête  du  monde, ou  celui  qu'ils  tenaient 


208 


Belluc  De  r?lrt  cbvétten. 


à  la  main,  selon  le  rite  israélite,en  célébrant 
la  Pâque  ? 

Tympan. 

Le  Jugement  dei-nier.  —  Le  tympan  re- 
présente le  Jugement,  le  Ciel  et  l'Enfer. 
L'artiste  a  voulu  rendre  la  grandeur  de  la 
scène  par  la  multitude  des  personnages  : 
jamais, croyons-nous, la  sculpture  du  moyen 
âge  n'a  entassé  plus  de  figures  dans  un 
même  tableau  :  nous  en  avons  compté  plus 
de  cent-dix  dans  cet  espace  restreint.  Ajou- 
tez à  cela  que  pour  exprimer  la  perspective 
et  former  le  décor  dont  les  imagiers  des 
siècles  précédents  n'avaient  cure,  notre 
sculpteur  a  ménagé  jusqu'à  cinq  plans  diffé- 
rents, modelé  des  rochers  dans  l'enfer  et 
une  porte  monumentale  dans  le  Paradis  : 
aussi  la  première  impression  est  celle  d'une 
confusion  voisine  du  chaos.  Disons  cepen- 
dant, qu'examinées  en  détail  et  en  quelque 
sorte  à  la  loupe,  certaines  parties  de  ce 
vaste  tableau  sont  fort  remarquables;  mais 
ce  n'est  pas  là  le  but  qu'il  fallait  atteindre, 
et  l'ensemble  n'en  est  pas  moins,  à  notre 
avis.antiarchitectural;  c'est  une  belle  œuvre, 
mais  une  œuvre  de  pleine  décadence.  Tout 
ce  bas-relief  a  dû  être  sculpté  à  l'atelier, 
avant  la  mise  en  place. 

N°  46.  —  L'archange  S.  Michel,  sans 
ailes  ni  nimbe,  à  la  chevelure  frisée,  tête 
nue,  couvert  de  parties  d'armure  (notam- 
ment de  brassards),  brandit  son  épée  et 
sépare  les  justes  des  réprouvés  ;  de  la  main 
gauche  il  saisit  à  la  gorge  un  monstre  in- 
forme, évidemment  un  démon  qu'il  va  frap- 
per de  son  glaive.  Sa  taille  est  gigantesque 
et  disproportionnée  à  celle  des  autres  figu- 
res. Il  ne  tient  pas  à  la  main  la  balance, 
mais  on  en  aperçoit  un  plateau  à  ses  pieds  : 
est-ce  pour  exprimer  que  le  jugement  est 
déjà  rendu,  qu'il  ne  reste  qu'à  l'exécuter  en 
séparant  les  élus  des  damnés  ?  ce  serait  une 


'  idée  peu  heureuse  et  à  peine  orthodoxe. 
Nous  pensons  plutôt  que  l'artiste  n'a  obéi 
ici  qu'au  désir  de  grouper  harmonieusement 
les  éléments  de  son  sujet.  On  remarquera 
aussi  que,  par  une  autre  dérogation  aux 
principes  traditionnels  des  imagiers,  dans 
ce  jugement,  il  n'y  a  point  de  résurrection 
des  morts. 

N"  47.  —  Au-dessus  de  S.  Michel,  un 
ange  ailé,  volant  dans  les  airs,  écarte  égale- 
ment à  coups  d'épée  la  horde  des  démons. 

N°48.  —  Un  petit  ange  ailé  déploie  dans 
les  airs  une  banderole  où  on  lit  :  mors 
(la  mort). 

N°  49.  — •  Un  autre,  semblable  :  sa  ban- 
derole porte  les  mots  in  dictuni  qui  peuvent 
signifier  «  le  jugement  »  ou  «  dans  le  lieu 
assigné  »  (il  se  trouve  du  côté  de  l'enfer). 
Il  souffle  dans  une  sorte  de  trombone. 

Le  Paradis.  —  N°  50.  —  L'entrée  du 
Paradis  :  c'est  une  porte  monumentale, une 
sorte  de  dais  élégant  aux  meneaux  flam- 
boyants: réduction  de  ces  admirables  «  bal- 
daquins »  dont  le  XV^  siècle  nous  a  laissé 
un  si  bel  exemple  à  Ste-Cécile  d'Albi. 

N"  5  r.  —  Sous  cette  porte,  un  pape  en 
grand  costume,  couronné  d'une  tiare  énor- 
me, est  accueilli  par  deux  anges. 

N°  52.  —  Un  ange  aux  ailes  démesurées, 
volant  en  l'air,  apporte  dans  ses  deux 
mains  des  objets  peu  distincts  (couronnes 
ou  branches  de  feuillage  ?) 

N°  53.  —  Quatre  chevaliers,  complète- 
ment adoubés,  se  tiennent  debout  côte  à 
côte.  Leur  costume  est  fort  intéressant.  Le 
premier  (à  gauche)  est  coiffé  d'un  casque 
conique  arrondi,  à  mentonnière  ;  son  bou- 
clier, rond  et  pointu  par  le  bas,  est  timbré 
d'une  croix  ;  —  le  second  porte  un  écu 
carré  concave  marqué  d'une  croix  pattée  ; 
—  le  bouclier  du  troisième,  également  or- 
né   d'une  croix,  est  carré  plat  ;  —  enfin  le 


Catl)éDrale  t)atnt'^tncent  îie  Berne» 


209 


dernier,  coiffé  d'un  simple  chapel  de  fer, 
montre  sur  son  écu,  non  une  étoile  (comme 
le  dit  M.  Muller,  qui  émet  l'hypothèse  que 
ce  pourrait  être  celle  des  mages  ?),  mais 
une  double  croix  disposée  à  peu  près 
comme  celle  du  drapeau  d'Angleterre.  — 
M.  Muller  voit  dans  les  trois  premiers  de 
ces  chevaliers  les  représentants  des  trois 
Ordres  monastiques  du  Temple,  de  St-Jean 
de  Jérusalem  et  Teutonique. 

N"  54.  —  M.  Muller  signale  ici  cinq 
personnages,  mais  nous  n'en  voyons  que 
quatre  :  le  premier  à  droite  est  un  empe- 
reur, car  il  a  sur  la  tête  une  haute  couronne 
fermée  :  il  tient  à  la  main  un  objet  prisma- 
tique (vase,  reliquaire  ?)  dont  nous  ne  com- 
prenons point  la  nature.  11  porte  une  barbe 
chenue,  comme  d'ailleurs  le  personnage 
suivant,  qu'à  sa  couronne  ouverte  on  re- 
connaît pour  un  roi  ;  celui-ci  tient  dans  sa 
main  le  globe  terrestre  surmonté  de  la 
croix  (il  semble  bizarre  que  ce  ne  soit  pas 
plutôt  l'attribut  de  l'empereur).  —  Les 
deux  derniers  personnages,  vêtus  du  même 
costume,  sont  imberbes,  coiffés  de  bonnets 
plats  et  couverts  de  tuniques  à  manches 
bouffantes  ;  le  premier  porte  sur  l'épaule 
une  épée  très  courte  dont  la  garde  forme 
une  croix.  M.  Muller  pense  que  ce  sont  des 
dignitaires  bienfaiteurs  de  la  cathédrale,  ou 
des  feudataires  du  chapitre  ; —  ce  peuvent 
être  tout  simplement  des  hérauts  formant 
la  suite  de  l'empereur  et  du  roi. 

N"  55.  —  Deux  anges,  debout  à  l'extré- 
mité droite,  poussent  devant  eux,  pour  les 
faire  entrer  au  ciel,  cinq  personnages  : 
d'abord,  le  plus  près  des  anges  et  se  re- 
tournant vers  eux,  un  évêque  mitre  ;  puis 
un  cardinal  coiffé  du  chapeau  plat  à  brides  ; 
un  archevêque,  mitre  en  tête;  puis  encore, 
se  tournant  vers  le  précédent,  un  second 
cardinal  vêtu  et  coiffe  comme  le  premier. 


les   épaules   couvertes   d'une   pèlerine  ;  — 
enfin,  un  moine  encapuchonné. 

N"  56.  —  Longue  suite  de  quinze  per- 
sonnages, caractérisant,  comme  les  précé- 
dents, les  élus  ;  nous  les  examinerons  en 
commençant  par  la  gauche  : 

Plusieurs  hommes  imberbes,  vêtus  de 
tuniques,  lèvent  la  tète  vers  la  Porte  du 
ciel  ,  les  deux  derniers  tiennent  sur  l'épaule 
une  arme  recourbée  ;  l'un  d'eux,  coiffé  d'un 
casque  bizarre,  se  couvre  d'un  écu  historié. 

Une  mère,  debout,  coiffée  d'un  voile, 
presse  contre  elle  ses  deux  petits  enfants 
qui  lui  serrent  les  mains  avec  confiance. 

Derrière  cette  scène,  un  prêtre  tient  un 
calice  ;  un  homme  à  longue  barbe,  chauve, 
porte  de  la  main  gauche  les  armoiries  de 
Berne  avec  l'ours.  A  sa  gauche  est  le  bailli 
(Schultheiss)  de  Berne,  que  l'on  reconnaît 
à  sa  chaîne  d'or  :  cette  figure  admirable, 
aux  cheveux  frisés  couronnant  un  visage 
glabre,  au  large  front,  au  nez  puissant  légè- 
rement busqué,  au  menton  volontaire,  à  la 
bouche  fine  ombragée  d'une  légère  mous- 
tache, est  évidemment  le  portrait  d'un  des 
baillis  de  Berne  lors  de  la  construction  du 
portail  :  on  pourrait  sans  doute,  avec 
quelques  recherches,  découvrir  son  iden- 
tité. 

Puis  viennent  plusieurs  personnages  im- 
berbes, vêtus  de  tuniques  ou  de  robes 
courtes,  tenant  divers  objets  indistincts  ; 
et  enfin,  fermant  la  marche,   trois  femmes. 

Tous  ces  personnages  sont  debout. 

N°  57.  — Au-dessus  d'un  nuage  parsemé 
d'étoiles,  voici  les  Prophètes  et  Patriarches 
de  l'Ancienne  Loi,  trônant  dans  le  ciel.  On 
ne  voit  que  leur  buste.  Ce  sont,  en  com- 
mençant par  le  bas  : 

D'abord  un  homme  barbu,  à  l'air  fa- 
rouche, coiffé  d'un  bonnet  juif  :  on  n'aper- 
çoit que  sa  tête,  aussi  ne  peut-on  l'identifier: 
est-ce  Samson,  Gédéon,  Josué  ?  —  Moïse, 


2IO 


ÎRclJUc  De  rart  fbvcttcn. 


barbu,  coiffé  de  la  mitre  à  deux  cornes  des 
srrands-prêtres,  et  tenant  les  Tables  de    la 
Loi  ;  une    femme   voilée  (Judith  ?)  ;  —   un 
vieillard   à    longue  barbe  ondulée  {Mathu 
salem  ?  Abraham  ?) 

Puis  des  saints  du  Nouveau  Testament, 
tous  imberbes  :  l'un  tient  une  petite  croix  ; 
deux  autres,  des  objets  indistincts.    —   Kn 


tout  onze  figures,  dont  quatre  ou  cinq 
femmes. 

L' Enfer.  —  Tous  les  personnages  de 
l'enfer  sont  nus,  sauf  les  exceptions  que 
nous  signalerons  au  passage. 

N°  58.  —  A  une  potence  sont  pendus 
par  la  langue,  au  moyen  de  chaînes,  trois 
damnés  ;   leurs    [jieds   sont    léchés   par   les 


Fig.  4.       Tympan  de  la  porte  de  Saint  Vincent  de  Berne. 


rtammes  ;  ils  se  tordent  de  douleur.  Ce 
châtiment  semble  être  celui  des  réprouvés 
qui  ont  péché  par  la  parole. 

N"  59.  —  Un  chaos  de  damnés  se  dé- 
battant contre  des  démons  à  corps  humains 
monstrueux  et  à  têtes  d'animaux  informes 
rappelant  vaguement  les  têtes  de  lions  de 
l'art  khmer.  —  Dans  un  coin,  trois  damnés 
sont  plongés  jusqu'au  cou  dans  une  masse 
dont  on  ne  peut  reconnaître  la  nature,  mais 
qui  paraît  être  un  bloc  de  glace,  hypothèse 


assurément  bizarre,  explicable  toutefois  à 
Berne,  où  les  artistes,  en  sculptant  le 
portail,  voyaient  sans  cesse  à  l'horizon  les 
glaciers  des  Alpes  :  il  semble,  à  en  juger 
par  leurs  coiffures,  que  ce  soit  un  empereur, 
un  évêque  et  peut-être  un  cardinal. 

N°  60  — ■  Une  cohue  de  damnés  en- 
traînés vers  l'enfer  par  des  démons  mons- 
trueux qui  les  tirent  à  l'aide  d'une  chaîne; 
plusieurs  sont  jetés  à  terre  et  rampent  sur 
les  genoux.  Un  groupe    de   trois    femmes 


Carl)cDralc  ^ain^îliincent  tje  Berne. 


21  I 


nues,  tourmentées  par  les  diables,  person- 
nifient peut-être  la  luxure  ;  plus  loin,  un 
démon  assis  semble  tenailler  tranquille- 
ment la  chair  d'un  réprouvé.  Toute  la  scène 
est  environnée  de  flammes.  Parmi  les 
damnés,  on  voit  des  représentants  de  divers 
corps  de  métiers  :  charron  portant  une  roue, 
tailleur  de  pierre  tenant  une  hachette,  men- 
diant perclus  appuyé  sur  une  béquille,  etc. 

N°  6i.  —  Une  sorte  de  rocher  entr'ou- 
vert,  rempli  et  environné  de  flammes  :  c'est 
l'enfer.  Un  pape,  à  la  tiare  énorme,  y  est 
précipité,  tête  première,  par  de  hideux 
démons  (')  ;  un  empereur,  un  cardinal,  l'ont 
précédé  dans  le  gouffre(-).  Certaines  parties 
du  rocher  sont  contournées  en  forme  de 
têtes  grimaçantes. 

N°  62.  —  Un  autre  tas  de  rochers,  au 
milieu  desquels  paraît,  entourée  de  flammes, 
l'énorme  tête  barbue  d'un  damné  :  les  dimen- 
sions de  cette  tète,  la  place  à  part  que  sem- 
ble occuper  le  réprouvé  auquel  elle  appar- 
tient, laissent  supposer  qu'il  s'agit  d'un  ré- 
prouvé de  marque,  peut-être  Judas  ou  Caïn. 

1.  Quelque  singulière  que  soit  cette  représentation  sur 
une  porte  d'église  d'un  pape  jeté  en  enfer,  elle  n'est  pas 
sans  exemple  :  dès  le  .\III''  siècle  nous  trouvons  ce  sujet 
à  la  porte  des  libraires  de  la  cathédrale  de  Rouen.  On 
doit  y  voir  généralement  moins  l'expression  de  l'esprit 
satirique  de  nos  pères,  que  la  traduction  de  cette  idée 
que,  même  dans  les  plus  hautes  situations,  l'homme  est 
toujours  sujet  au  péché  et  à  la  damnation.  —  Cependant 
sur  le  bas-relief  de  Berne,  sculpté  quelques  années  à 
peine  après  le  concile  de  Constance  (1414-1418),  on  peut, 
en  raison  du  rapprochement  de  temps  et  de  lieu,  se 
demander  si  exceptionnellement  l'artiste  n'a  pas  voulu 
faire  une  personnalité,  et  désigner  sous  la  figure  de  ce 
pape  damné,  soit  Jean  X.\III,  dégradé  et  emprisonné 
par  le  Concile,  soit  plutôt  Benoît  XIII  que  l'Allemagne 
n'avait  jamais  reconnu  et  qui,  déposé  aussi,  bravait  encore 
du  fond  de  l'Espagne  les  décisions  du  monde  chrétien. 

2.  Les  tigures  d'un  pape,  d'un  empereur  et  d'un  évéque 
placées  en  enfer,  sont,  dans  ce  Jugement  dernier,  de  tra- 
dition dans  l'art  au  moyen  âge.  L'idée  exprimée  par  ce 
moyen  est  qu'aucun  rang  si  élevé  qu'il  soit,  dans  la  hié- 
rarchie de  l'Eglise,  comme  dans  celle  de  l'État,  ne  met  à 
l'abri  de  la  Justice  de  Dieu.  Dans  les  Jugements  derniers 
de  Fra  Angelico,  ces  figures  du  pape  et  des  évéques,  pa- 
raissent également,  et  l'artiste  dominicain  y  joint  des 
religieux  dominicains,  dans  une  intention  facile  à  saisir. 

N.   D.   L.   R. 


Sur  ces  rochers,  remplissant  une  des 
niches  de  la  voussure,  est  assis  un  horrible 
diable  qui  souft^e  dans  une  corne  tout  en 
battant  du  tambour  ;  il  est  coiffé  d'un  casque 
ridicule  surmonté  d'un  gigantesque  plumet. 

Partie  purement  décorative. 

A.  —  Lourde  guirlande  de  feuilles,  du 
type  de  la  feuille  de  chardon,  suivant  la 
curieuse  courbe  en  dos  d'âne  des  deux  baies: 
cette  guirlande  s'harmonise  admirablement 
avec  les  autres  ornements  du  portail. 

B.  —  Socles  des  statues  des  ébrasements: 
ce  sont  non  des  chapiteaux  couronnant  les 
colonnettes  de  support,  mais  simplement 
des  épanouissements  très  ornés  de  ces 
colonnettes. 

C.  —  Niches  vides. 

D.  —  Dais  excessivement  riches  et  fouil- 
lés, dont  les  arcatures  à  contre-courbes  sont 
garnies  de  meneaux  formant  dentelle  ;  bien 
qu'ornés  de  pinacles  aux  angles,  ils  sont 
plats  au  sommet. 

E.  —  Socles  d'une  forme  très  bizarre, 
offrant  le  profil  d'une  carène  de  nef,  à  la  sur- 
face ornée  d'arabesques,  et  se  prolongeant 
en  nervures  ajourées  (beaucoup  sont  bri- 
sées) pour  former  dais  au-dessus  de  la  sta- 
tuette inférieure. 

F.  —  Au  sommet  de  la  voussure,  le  sculp- 
teur, au  lieu  d'accoler  simplement  les  deux 
dais,  en  a  combiné  les  éléments  en  un  gra- 
cieux ensemble. 

G.  —  Arcades  légères  à  contre-courbes 
formant  dais. 

H.  —  Petite  fenêtre  ronde,  sans  orne- 
ment, faisant  tache  au  milieu  du  tympan. 
Elle  paraît  avoir  existé  très  anciennement, 
mais  il  est  certain  qu'à  l'origine,  l'architecte 
du  XV^  siècle,  si  prodigue  d'ornements  aux 
autres  parties  du  portail,  a  dû  garnir 
cette  rosace  de  meneaux  flamboyants  ca- 
pables  d'en   dissimuler  l'effet    désastreux. 


212 


WitWt  îie  V^xt  t\)xttitn. 


Aujourd'hui, c'est  un  œil-de-bœuf  qui  serait 
mieux  à  sa  place  dans  une  caserne  ou  dans 
une  usine. 

I.  —  Bases  des  statues  des  apôtres  ;  elles 
sontformées  alternativement  par  l'épanouis- 
sement, orné  de  nervures,  des  colonnettes, 
et  par  une  sorte  de  chapiteau  en  forme  de 
bourrelet  rond  très  ouvragé. 

J.  —  Nervures  unies  de  l'archivolte 
d'entrée  du  porche. 

K.  —  Inscription  donnant  la  date  de  la 
construction  de  l'église  (voir  cette  inscrip- 
tion en  tête  de  l'article). 

Porche. 

LA  voûte  de  ce  porche,  ornée  de  ner- 
vures saillantes  supportant  des  clefs 
de  voûte  aux  croisements,  retombant  sur 
des  amortissements  historiés,  est  fort  remar- 
quable. Depuis  1574  elle  est  peinte  en  bleu 
et  parsemée  d'étoiles  dorées.  Les  douze 
croisements  des  nervures  sont  ornés  de  la  co- 
lombe du  Saint-Esprit,  des  quatre  animaux 
et  des  sept  planètes,  devant  chacune  des- 
quelles un  ange  porte  avec  respect  un  ou 
deux  des  instruments  de  la  Passion.  —  Les 
neuf  amortissements  sont  consacrés  aux 
neuf  chœurs  des  anges,  qui  s'y  trouvent 
représentés  avec  les  inscriptions  suivantes  : 

Les  Séraphins,  sous  la  forme  d'enfants 
couronnés  tenant  des  cierges.  On  lit  :  die 
seraphini  brennen  in  der  liebe  Godles,  c'est- 
à  dire  «  les  séraphins  sont  consumés  de 
l'amour  de  Dieu.  » 

Les  Puissances  sont  des  anges  recouverts 
d'une  armure.  L'inscription  est  illisible. 

Les  Dominations  :  anges  en  vêtements 
sacerdotaux.    On    lit   :    dotninationes    hant 


gwalt  in  kiininel  zu  regieren  (les  domina- 
tions ont  pouvoir  de  gouverner  dans  le 
ciel.). 

Les  Vertus  sont  des  anges  tenant  des 
livres.  On  lit  :  virtiites  durck  uns  thnt  gott 
sein,  phrase  au  sens  obscur  qui  doit  signifier  : 
«  C'est  par  nous  (anges  nommés  vertus)  que 
Dieu  fait  exister  les  vertus  (humaines)  »  ; 
sorte  de  jeu  de  mots  sur  la  double  significa- 
tion du  mot  «  vertu  »  (') 

Les  Archanges  tiennent  des  sceptres. 
Inscription  -.erzengel  verkiinden  die grossen 
thaten  godles  (les  archanges  publient  les 
grandes  œuvres  de  Dieu). 

Les  Trônes  sont  des  anges  sans  emblème 
spécial.  On  lit  :  tronii m  uns  kat godt  seinen 
sitz  (les  Trônes  :  en  nous  Dieu  fait  sa 
demeure). 

Les  Chérubins,  également  sans  attribut. 
On  lit  les  mots  :  ckerubim  sind  vollkommcn 
in  der  zveisheit,  c'est-à-dire  :  les  Chérubins 
possèdent  la  plénitude  de  la  sagesse. 

Les  Principautés  :  anges  portant  des 
croix.  L'inscription  est  effacée. 

Les  .A.nges  ont  des  styles  et  des  sceaux 
cruciformes  (signacula  Dei).  Engel  sind 
boten godtes,  dit  l'inscription:  les  anges  sont 
les  messagers  de  Dieu. 

De  chaque  côté  de  la  porte,  sur  le  retour 
du  mur  du  porche,  on  distingue  les  restes 
d'anciennes  fresques  :  celle  de  gauche,  la  plus 
remarquable,  est  divisée  en  deux  parties  : 
en  bas  est  représentée  l'Annonciation  ;  au- 
dessus  une  troupe  d'anges. 

G.  Sanonek. 

Paris. 


I.  La  pluase  allemande  peut  .Tussi  eue  complétée  par  le 
mol  :  M'ille.  C'est  par  nous  que  Dieu  accomplit  sa  volonté. 


\^A  A^VX^  K^^  \^A  A^yhc  A^VU  \^yU  A^VU  \^»U  A^^g^  A^^  A^'VlU  A^V^  A^^  \^  ^^ 


LriiiriiijiiiiiiiiiiiiiiitiiiiitijiiiiiiLxiiiiititiiiiiiiïiTrin3TciiiiiiixiiiiiiixiiïiTrrxiriiiixo:i_iiiiiHiiîiiiiïriiiiîïïiiiiiiiiiiiiixr)iirin 


^^m^^^m^^m  ffîélanges.  ^©^^s)^î§Kg^^§K©® 


JP         flTTTtTTTtlllinHYÏÏITTrTTlirTTTÏII- 


-Illiiu  intTTTTTTTY-nrTrTr-.r 


iicmxrrmin  luiix 


jh;^  V}''  "S-"'  ^^i^f  *i*ï^  ^it^f  *x^  *  ^S''  ^1^)^  -'iii^  *ï^  ^^'f  r(^*  ^xAî-'f  ^ifi-*  *iA^ , 


B,oc=HmaDour  (') 


E  pèlerinage  de  Roc  Amadour  a  joui 
d'une  grande  et  bien  ancienne  célé- 
brité, non  seulement  en  France,  mais 
dans  tous  les  pays  catholiques.  Dès  le 
XI[e  siècle,  mais  surtout  au  siècle  suivant,  ce 
sanctuaire  attirait  des  fidèles  de  toutes  les  ré- 
gions et  de  toutes  les  classes  de  la  société.  L'ori- 
gine de  ce  pèlerinage  semble,  comme  toutes  les 
origines,  assez  obscure.  On  a  voulu  la  faire  re- 
monter aux  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne, 
par  une  légende  qui  a  obtenu  beaucoup  de  crédit. 
Ce  qui  semble  certain,  c'est  qu'en  1166,  on  dé- 
couvrit au  seuil  d'une  chapelle  un  corps,  dans 
lequel  le  peuple  crut  voir  les  restes  d'un  saint  et 
que  la  rumeur  publique  désignait  comme  étant 
celui  de  saint  Amadour.  Des  prodiges  et  des 
grâces  obtenues  par  l'intercession  de  la  Vierge 
Marie  auprès  des  reliques  du  saint  canonisé  par 
la  voix  du  peuple,  vinrent  confirmer  bientôt  les 
élans  de  la  dévotion  nouvelle.  Dès  la  fin  du 
XIP  siècle,  les  miracles  se  multiplièrent  et  avec 
eux  la  célébrité  du  sanctuaire  qui,  élevé  dans 
une  contrée  singulièrement  pittoresque,  sur  les 
flancs  d'un  rocher  abrupt,  semblait  de  nature 
à  frapper  l'imagination.  Aussi  à  la  fin  de  ce  siè- 
cle, la  réputation  de  Roc- Amadour  non  seule- 
ment était  populaire  dans  tout  le  Quercy,  mais 
elle  avait  gagné  les  frontières  de  France  et  de  là 
s'était  étendue  aux  pays  voisins. 

Avant  cette  époque,  cependant,  le  village  avait 
une  certaine  importance.  II  avait  commencé  à 
prendre  de  l'extension  lorsque  vers  la  fin  du  X*^ 
siècle,  en  968,  il  avait  été  donné  aux  moines  de 
Tulle  qui  y  bâtirent  un  couvent  autour  duquel 
vinrent  bientôt  se  grouper  les  habitations  d'un 
peuple  religieux  et  paisible,  heureux  de  vivre 
près  d'un  sanctuaire  vénéré  et  d'établir  ses  de- 
meures dans  les  anfractuosités  d'un  rocher  près, 
que  inaccessible. 

I.  Ernest  Rupin.  Roc-Amadour.  Etude  historique  et  archéolo- 
gique. Préface  par  M.  le  comte  Robert  de  Lasleyrie,  membre  de 
l'Institut,  120  gravures  dans  le  texte,  12  planches  et  i  chromolitho- 
graphie hors  texte.  Paris,  G.  Baranger,  5,  rue  des  Saints- Pères, 
1904.  Prix:  20  fr. 


Malgré  les  fortunes  diverses  et  des  époques 
singulièrement  agitées,  les  pèlerinages  à  Roc- 
Amadour  n'ont  cessé  de  conserver  leur  popula- 
rité jusqu'à  nos  jours.  A  ces  pèlerins  de  la  Foi 
sont  venus  se  joindre  ceux  du  plaisir  et  de  la 
curiosité,  je  veux  parler  des  touristes  dont, 
d'année  en  année,  on  voit  maintenant  croître  le 
nombre. 

Indépendamment  des  masses  populaires  qui, 
au  cours  des  siècles,  sont  venues  à  Roc-Ama- 
dour,  conduites  par  les  inspirations  de  la  foi,  de 
nombreux  personnages  historiques  ont  tenu  à 
visiter  ce  sanctuaire  privilégié,  protégé  par  de 
redoutables  défenses  et  qui  cependant  a  connu 
toutes  les  misères  et  les  horreurs  de  la  guerre.  Ce 
rocher  a  ses  légendes,  nous  l'avons  dit,  et  ses 
contes  locaux  ;  il  n'est  pas  étonnant  qu'il  ait 
trouvé  un  historien. 

Nous  devons  nous  applaudir  qu'il  se  soit  trouvé 
précisément  dans  un  écrivain  capable  de  s'épren- 
dre des  beautés  de  son  sujet  comme  artiste,  de 
l'étudier  en  érudit  et  de  nous  donner  le  livre  que 
je  me  fais  l'agréable  devoir  de  signaler  aux  lec- 
teurs de  notre  Revue. 

M.  Ernest  Rupin,  les  lecteurs  de  notre  Revue  le 
savent,  est  non  seulement  un  archéologue  très 
au  courant  des  antiquités  de  son  pays,  mais  c'est 
surtout  un  artiste.  Il  devait  donc  être  tout  natu- 
rellement sollicité  par  une  ancienne  cité  histo- 
rique, bâtie  dans  un  coin  merveilleusement  pit- 
toresque du  Quercy,  et  illuminée  pour  ainsi  dire 
de  l'auréole  de  son  renom  de  sainteté  et  des  mi- 
racles accomplis  par  l'intercession  de  la  Vierge 
de  Roc-Amadour.  Cependant,  j'ai  hâte  de  dire 
que  ce  n'est  pas  en  pèlerin,  ni  en  artiste  que 
l'auteur  a  compris  son  sujet,  c'est  avant  tout  en 
historien  consciencieux  et  fidèle.  Loin  de  cher- 
cher à  en  esquiver  les  difficultés  et  les  côtés  épi- 
neux, il  les  a  abordés  de  front.  L'un  des  côtés  les 
plus  délicats  pour  un  écrivain  catholique  était  la 
question  des  origines  du  pèlerinage  séculaire  et 
de  la  réalité  du  personnage  qui  a  donné  un  nom 
si  sonore  à  cette  curieuse  ville  de  Roc-Amadour. 

M.  Rupin  consacre  les  premiers  chapitres  et 
non  moins  de  80  pages  à  l'étude  de  cette  ques- 


RBVUE  DE  l'art   CHRÉTIEN. 
1904.    —   3"'*   LIVRAISON. 


214 


3Rel)ue  îie  r^rt  c!)rétieu. 


tion,  et  après  avoir  interrogé  les  documents  les 
plus  anciens  et  scruté  toutes  les  sources,  il  n'a 
pu  rien  retrouver  de  ce  saint  Amadour,  identifié 


avec  le  Zachée  de  l'Évangile,  qu'une  pieuse 
légende  racontait  être  venu  mourir  sur  ce  rocher 
du  Quercy,  après  avoir  épousé  sainte  Véronique, 


Vue  de  Roc-Amadour  (côté  Nord-Est). 


ou,  selon  d'autres,  après  avoir  donné  le  jour  à 
cette  sainte  si  charitable  à  Jésus  lors  de  sa  marche 
au  Calvaire. 

Obligé  par  sa  conscience  d'historien  à  reléguer 


dans  le  domaine  de  la  pure  légende  des  faits  sur 
lesquels  se  sont  basées  des  autorités  respectables 
et  même  les  mandements  de  quelques  évêques, 
M.  Rupin,  avant  de  les  consigner  dans  son  livre, 


S^tiamtô. 


2r5 


a  voulu  les  soumettre  à  plusieurs  savants  de 
l'Ordre  bénédictin. Il  a  reçu  de  l'un  d'eux,  ancien 
professeur  d'histoire  ecclésiastique  des  Pères  de 


Solesmes,  réfugié  aujourd'hui  en  Angleterre,  la 
réponse  que  je  tiens  à  transcrire. 

«  J'ai   lu  avec  grand  intérêt   le  manuscrit  de 


Vue  iutéiieure,  avaut  les  restauiatious,  du  palais  des  évèques  de  Tulle. 


M.  Ernest  Rupin  sur  les  Origines  de  Roc-Ama- 
dour.  Il  demeure  très  difficile  de  ne  pas  partager 
son  avis.  Sa  démonstration  est  abondante,  peut- 
être  un  peu  touffue,  mais  l'exposé  reste  clair  et 


les  preuves  s'enchaînent  naturellement.  Il  faut 
louer  surtout  le  ton  de  la  polémique  de  M. Rupin. 
Trop  souvent  les  adversaires  de  l'école  tradition- 
nelle ont  triomphé   malignement,  durement,  du 


2l6 


3Rebue  tit  r^^rt  chrétien. 


peu  de  solidité  de  l'argumentation   des   tenants    j    rières  ne  pourront  se  plaindre   à  leur   contradic- 

de  cette  dernière.  1    teur  de  son  manque  de  courtoisie.  M.  Rupin  dis- 

»  Mgr  Enard  [évêque  de  Cahors]  et  M.  Bour-    [    cute  les  traditions  de  Roc-Amadour  en  historien 


Escalier  conduisant  aux  chapelles. 


et  non  en  dénicheur  de  saints.  L'autorité  ecclé- 
siastique ne  pourra  que  souscrire  aux  conclusions. 
Je  ne  vois  pas  cornaient  on  pourrait  y  répon- 
dre. » 


Dans  la  charmante  préface  que  le  comte  Ro- 
bert de  Lasteyrie  a  écrite  pour  ce  livre,  il  dit  de 
son  côté  : 

«  C'est  une  œuvre  de  bonne  foi,  on  s'en  aperce- 


£©élange0. 


217 


vra  dès  les  premières  pages;  à  quelque  école  his- 
torique que  l'on  appartienne,  on  ne  pourra  mé- 
connaître le  soin  scrupuleux  que  l'auteur  a  mis 
à  n'avancer  que  des  faits  solidement  établis,  et 
on  devra  lui  savoir  gré  des  précautions   qu'il  a 


prises  pour  se  faire  pardonner  des  pages  où,  en 
historien  sincère,  il  a  dû  montrer  l'inanité  de 
pieuses  légendes,  auxquelles  on  sera  surpris, 
après  avoir  lu  sa  réfutation,  que  tant  d'hommes 
éclairés  et  sincères  aient  pu  ajouter  foi.  » 


Entrée  de  la  porte  du  Fort  à  RocAmadour  (état  actuel). 


On  ne  saurait  mieux  dire.  M.  Rupin,  non  seu- 
lement use  de  son  droit,  mais  il  accomplit  un 
devoir,  en  appliquant  à  l'étude  des  poétiques  lé- 
gendes qui  ont  cours  depuis  le  XII*^  siècle,  les 
régies  sévères  de  la  critique  historique  qui,  dans 
ces  derniers  temps,  a  fait  de  grands  progrès. 
C'est  là,  il  faut  en  convenir,  un   rude   critérium. 


sous  lequel  on  voit   s'évanouir  bien    de   pieuses 
illusions  et  de  poétiques  souvenirs. 

Nous  ne  devons  pas  oublier  que  la  connais- 
sance de  l'histoire  et  l'étude  des  documents  cer- 
tains, ne  peuvent  être  le  monopole  exclusif  de 
savants  catholiques:  on  doit  à  ceux-ci  beaucoup 
de  gratitude  lorsqu'ils  sont  les  premiers  à  s'éta- 


2l8 


jl^rbur  De  r^rt  fbvctieu. 


blir  dans  un  domaine  dont  ne  manquera  pas  de 
s'emparer  une  controverse  hostile.  L'Église  et  la 
foi  catholiques  n'ont  besoin  que  de  lumière  et 
de  vérité.  C'était  aussi  l'opinion  du  grand  pape 
Léon  XIII  lorsqu'il  ouvrit  largement  l'accès  des 
archives  du  Vatican  à  tous  les  studieux,  quelle 
que  fût  leur  confession.  La  poésie  des  légendes 
populaires  a  pu  inspirer  les  artistes  et  alimenter 
la  dévotion  des  masses,  mais  si  on  continuait  à 
les  admettre   comme   témoignages  de  l'histoire, 


Rue  de  la  Couronnerie  à  Roc-Amadour. 

elle  deviendrait  une  arme  dangereuse  entre  les 
mains  de  nos  adversaires.  Encore  une  fois,  la 
religion  et  la  véritable  piété,  n'ont  rien  à  redou- 
ter de  la  lumière. 

Dans  les  chapitres  suivants,  l'auteur  continue 
à  se  tenir  sur  le  terrain  de  l'histoire.  Il  s'est  trop 
familiarisé  avec  les  sources,  il  a  réuni  trop  d'in- 
formations de  tout  genre  pour  ne  pas  prendre 
plaisir  à  les  coordonner,  à  les  utiliser  et  à  les 
mettre  en  valeur.  Cette  petite  agglomération 
d'églises,  d'habitations  et  de  défenses,  perchées 
sur  un  roc.ofifre  une  histoire  pleine  de  péripéties, 
où  les  misères  de  la  guerre  et  parfois   le   dénue- 


ment le  plus  complet  succèdent  aux  fêtes  de 
l'Église  et  aux  magnificences  des  pèlerinages 
tellement  nombreux  que  les  fidèles  ne  pouvaient 
trouver  place  dans  le  sanctuaire  principal  que 
successivement,  par  petits  groupes  et  confor- 
mément à  des  dispositions  particulières. 

M.  Rupin  a  étudié  son  sujet  sous  les  différents 
points   de   vue   auxquels   celui-ci   s'offre   à   lui  : 
Origines,  histoire  aux  différents  siècles  du  moyen 
âge  jusqu'à  nos  jours,  et  notamment  à   l'époque 
si    désastreuse     pour    les    sanctuaires    de    Roc- 
Amadour,  des  guerres   de  religion,   pèlerinages, 
archéologie  militaire,  civile  et  religieuse.   Cette 
variété  d'aspects  est  précisément  ce  qui  rend    la 
lecture  à  la  fois  intéressante  et  instructive.  L'un 
des  chapitres  qui  m'ont  paru  le  plus  attachant 
est    celui    consacré    à    l'étude    des    pèlerinages. 
L'auteur  nous    initie  à  leur  origine,    à  l'orga- 
nisation, aux  développements  et  aux  différentes 
conditions  dans  lesquelles  s'effectuent  ces  pieux 
voyages.    Le    premier    pèlerin    de    marque   que 
nous  voyons  à  Roc-Amadour  est    Henri  II,  roi 
d'Angleterre.  Après  avoir  fait   la  conquête  du 
Quercy  en   1166,  il   voulut  s'agenouiller  auprès 
des  reliques  de  l'anachorète  que    l'on  venait   de 
découvrir,  et  quatre  ans   plus   tard,  il    renouvela 
cet  acte  de  piété,  en  1 170,  cette  fois  suivi   d'une 
armée  prête  à  combattre.  La  même  année,   c'est 
le  comte  de  Flandre,  Philippe  d'Alsace  qui  vient, 
avec  une  nombreuse   et  brillante  suite   de   che- 
valiers, faire  ses  dévotions  et  rendre  hommage  à 
la  Vierge  dans  son  sanctuaire  de  Roc-Amadour. 
D'autres     hauts    personnages,    dignitaires     de 
l'Église  ou  nobles  laïcs  viennent  gravir  la    mon- 
tagne sainte.  C'est  Arnauld    Amalaric,   abbé  de 
Cîteaux,  légat  du  pape;  c'est  le  comte  Simon  de 
Montfort  qui  vient  le  rejoindre.    Puis  c'est   saint 
Dominique ,    c'est     Englebert ,    archevêque    de 
Cologne,  prince  électeur  de  l'Empire,  c'est  enfin 
Louis  IX,  le  saint  roi  de  France,  accompagné  de 
ses  trois  frères  et  de  la  reine  Blanche,  sa  mère,  qui 
viennent  à  Roc-Amadour,  en  1245,  humblement 
prier  dans  l'église  consacrée  à  la   Vierge   Marie, 
et  lui  rendre  grâces  pour  la   guérison  d'une  ma- 
ladie qui  avait  menacé  les  jours  de  la  reine-mère. 
Il  va  de  soi   que    ces   pèlerins   princiers   ne  ter- 
minaient pas  leurs  dévotions  sans  laisser  au  sanc- 


£Pélange0, 


219 


tuaire  des  dons  d'une  grande  richesse  et  qui  ont 
formé  un  trésor  souvent  renouvelé. 

Les  richesses  que  possédait  l'oratoire  de  la 
Vierge  furent  enlevées  en  1183,  par  Henri  au 
Court  Mantel,  et  en  1235,  par  l'abbé  Élie  de  Ven- 
tadour.  A  l'époque  des  guerres  de  religion,  les 
protestants  firent  main  basse  sur  les  trésors  de 
l'église  et  la  tourmente  révolutionnaire  s'empara 
à  son  tour  de  tout  ce  qu'il  y  avait  de  précieux,  de 
tout  ce  qui  pouvait  avoir  une  valeur  matérielle 
quelconque.  M.  Rupin  ajoute  cette  réflexion  : 
«quelques  reliquaires  avaient  cependant  échappé 
à  ces  déplorables  événements;  ils  formeraient 
encore  un  ensemble  important  si  on  n'en  avait 
pas  aliéné  un  grand  nombre.  Nous  protesterons 
toujours  contre  ce  genre  de  trafic.  Il  nous  semble 
que  lorsque  des  objets  de  cette  valeur  sont  donnés 
à  une  église,  c'est  pour  qu'ils  y  restent  ;  en  les 
vendant,  on  ne  respecte  plus  les  intentions  des 
donateurs  et  on  n'encourage  pas  les  donations 
futures  »  (i).  Je  me  fais  un  véritable  plaisir  d'en- 
registrer cette  protestation  qui  est  en  quelque 
sorte  l'écho  d'un  article  paru,  il  y  a  nombre 
d'années,  dans  cette  Revue  (2). 

De  nombreux  pèlerins  arrivaient  à  Roc- 
Amadour,  non  en  accomplissement  d'un  vœu, 
mais  en  vertu  d'une  condamnation,  qui  très  sou- 
vent n'émanait  pas  d'un  tribunal  ecclésiastique, 
mais  bien  de  la  justice  civile.  Les  délits  en- 
traînant l'obligation  d'un  pèlerinage  à  Roc-A- 
madour  sont  soigneusement  spécifîés,notamment 
dans  les  coutumes  de  Flandre  et  de  la  princi- 
pauté de  Liège,  car  les  pèlerinages  à  ce  sanc- 
tuaire étaient  particulièrement  populaires  dans 
les  Pays-Bas.  L'auteur  entre  à  cet  égard  dans  des 
détails  fort  intéressants  et  qui  témoignent  d'une 
grande  érudition.  Il  est  évident  que  dans  ces 
condamnations  se  manifeste  le  principe  d'amé- 
liorer le  coupable  par  la  nature  de  la  punition 
qui   lui  est  infligée. 

La  plume  de  rauteur,dans  son  étude  si  achevée 
sur  Roc-Amadour,  est  bien  celle  de  l'historien. 
Son  style,  simple,  clair,  sans  sécheresse,  décrit 
avec  beaucoup  de  netteté  les  faits  qu'il  raconte 
et  les  monuments  qu'il  veut  nous  faire  connaître. 


s'appuyant  parfois  de  nombreuses  citations  de 
pièces  d'archives,  de  notes  empruntées  aux 
auteurs  anciens  et  enfin  de  pièces  justificatives. 
Artiste,  il  ne  se  laisse  pas  aller  aux  tirades  élo- 
quentes en  présence  des  beautés  des  sites  ou  du 
prestige   des   monuments   restés  debout   et  qui 


1.  Pp.  302  et  303. 

2.  De  la  Venu  des   Objets   d'Art  appartenant  aux  églises,  t.  VI, 
année  i88û,  pp.  489  495. 


Rue  de  la  Mercerie  à  Roc-Amadour. 

nous  parlent  du  passé.  Il  demeure  sobre  tout  en 
étant  persuasif  et  attachant  tout  en  restant  vrai. 
Il  abandonne  aux  nombreuses  illustrations  qui 
ornent  son  livre,  le  soin  de  suppléer  à  des  des- 
criptions, qui  souvent  n'apprennent  rien  au 
lecteur — chacun  les  interprétant  à  sa  manière. 
Les  vues  photographiques  et  les  gravures  dans  le 
texte  sont  d'une  grande  fidélité  et  ajoutent  beau- 
coup au  charme  que  le  lecteur  éprouve  en 
étudiant  cet  intéressant  volume.   Les  quelques 


220 


3Ret3ur  ïie  T^lrt  cbrétien. 


clichés  que  l'on  a  bien  voulu  nous  confier  per- 
mettront d'ailleurs  aux  lecteurs  de  la  Revue, 
d'apprécier  la  valeur  des  illustrations  ;  je  serais 
heureux  si  ces  lignes  rapides  leur  donnaient  le 
pressentiment  de  la  valeur  du  texte. 

Jules  Helbig. 


Jïcs  tiascs  sactés  Du  T^rcsor  Gliancatlo 

^.x^w^^.^^  BLossi.  --^^— ^-^-^-— ^ 

E  lecteur  se  rappellera  sans  doute  qu'en 
1893,  la  Revue  a  donné   plusieurs  ar- 
ticles sur  un  ouvrage  paru  sous  le  titre 
de  ;  Tavole  XXV  reproducenti  il  sacro 
tesoro  Rossi.  2^  edizione.  Rom  a,  iSço. 

Nous  connaissions  ce  trésor,  non  de  visu  mais 
par  cette  publication,  et  comme  il  avait  été  exa- 
miné par  les  savants  les  plus  autorisés  de  Rome 
sans  en  excepter  le  commandeur  J.-B.  de  Rossi, 
le  prof.  Gori,  le  P.  Louis  Bruzza,  barnabite  et 
beaucoup  d'autres  savants  —  qu'il  avait  fait 
l'objet  d'une  série  d'articles  dans  la  savante 
revue  allemande  bien  connue  sous  le  nom  de 
Romische  Quartalsckrift,  et  avait  même  été 
exposé  à  Rome,  sans  qu'aucun  doute  se  fût 
élevé  sur  son  authenticité,  —  nous  crûmes,  de 
même  que  notre  savant  et  regretté  collaborateur 
Mgr  Barbier  de  Montault  qui  en  parla  également 
dans  notre  Revue  ('),  que  la  valeur  archéologique 
du  trésor  Giancarlo  Rossi  était  absolument 
établie.  Il  n'en  était  pourtant  pas  ainsi.  En  1895, 
le  R.  P.  Grisar,  que  nos  lecteurs  connaissent  par 
l'étude  que  ce  savant  a  publiée  sur  Sainte-Marie 
in  Cosmedin  à  Rome,  dans  la  Revue  de  l' Art 
chrétien,  fit  paraître  une  brochure  intitulée  :  Un 
prétendu  trésor  sacré  des  premiers  siècles,  où, 
niant  d'une  façcm  absolue  l'authenticité  des 
pièces  de  ce  trésor,  il  le  regardait  comme  l'œuvre 
d'un  faussaire  moderne. 

Une  violente  polémique,  qui  bientôt  prit  un 
caractère  personnel,  s'engagea  à  la  suite  de  la 
publication  de  cette  brochure.  Le  P.  Grisar  crut, 
avec  raison,  qu'il  n'était  pas  de  sa  dignité  de  ré- 
pondre aux  attaques  personnelles  dont  il  était 
l'objet  à  son  tour,  et  insensiblement  tout  est 
rentré  dans  le  silence. 

I.  Année  1893,  pp.  156  et  ss. 


Mais  voici  qu'un  savant  italien  adresse  à  la 
Romische  Qnartalschrift  une  lettre  dans  laquelle 
il  prend  la  défense  du  trésor  ;  il  le  fait  par  la 
citation  de  textes  à  peu  près  contemporains  de 
l'époque  à  laquelle  on  a  généralement  voulu  faire 
remonter  le  trésor  en  question. 

Nous  tenons  à  communiquer  à  nos  lecteurs  la 
traduction  de  cette  lettre,  non  pour  rouvrir  une 
polémique  dont  l'intérêt  semble  épuisé,  mais 
parce  qu'elle  contient  des  citations  curieuses 
donnant  des  informations  inattendues  sur  d'an- 
ciennes liturgies,  qui  sont  de  nature  à  justifier  la 
forme  de  l'une  des  pièces  les  plus  vivement 
attaquées  dans  l'opuscule  du  P.  Grisar. 

Encore  une  remarque  sur  le  trésor  Rossi. 

Depuis  la  très  forte  critique  publiée  en  1 895  par 
le  savant  P.  Grisar,  sur  le  célèbre  trésor  du  chev. 
Giancarlo  Rossi,  personne  n'a  plus  osé  vanter, 
ni  même  apprécier  l'antiquité  et  la  valeur  des 
ustensiles  sacrés  composant  cette  collection.  I^e 
R.  P.  Grisar  en  avait  démontré  la  fausseté,  et 
généralement  on  s'est  incliné  devant  cette  démon- 
stration. Malgré  cet  assentiment  presque  général, 
je  crois  devoir  émettre  encore  des  doutes  sur 
le  bien  fondé  de  l'opinion  du  P.  Grisar,  étant 
convaincu  que  parmi  les  pièces  falsifiées  du 
trésor,  il  en  existe  d'autres  d'une  authenticité 
incontestable.  Moi,  qui,  depuis  1893  ai  démontré, 
dans  plusieurs  articles  publiés  dans  la  Scuola  cat- 
tolica,  que  le  trésor,  loin  d'être  un  travail  du  I^"^ 
siècle,  comme  on  le  prétendait  alors,  était  l'œuvre 
du  VIIL  ou  du  commencement  du  IX"  siècle,  je 
n'ai  pas  voulu  écrire  un  mot  contre  les  conclu- 
sions du  P.  Grisar,  parce  que  la  polémique  avait 
pris  un  caractère  âpre  et  personnel,et  que  en  réa- 
lité j'ai  alors  commencé  moi-même  à  croire  que 
plu.sieurs  des  pièces  étaient  fausses.  Mais  aujour- 
d'hui tout  étant  rentré  dans  le  calme,  je  m'enhar- 
dis à  soumettre  aux  archéologues  une  observa- 
tion simple  et  modeste,  mais  qui,  selon  moi,  ne 
manque  pas  d'importance  :  je  le  fais  dans  l'es- 
poir que  la  question  étant  mieux  étudiée,  on 
pourra  établir  la  vérité  avec  une  entière  certitude. 

A  la  page  35  de  l'édition  italienne  du  travail 
du  P.  Grisar  Di  7in  pretcso  tesoro  cristiano,  etc. 
Roma,Spithover,  1895,  on  lit  :  Où  surtout,  a-t-oii 
trouvé  un  vase  en  argent   pour  le  vin  eucharis- 


£©élangc0. 


221 


tique  (planche  24"),  vase  auquel  l'audacieux  inven- 
teur a  donné  la  forme  d'un  agneau  élevé  sur  un 
plat  en  argent,  entouré   de  douze  gobelets  ?  Où 
peut-on  lire  que   le   vin  euchaiistique  a  été  con- 
servé et  distribué  de  cette  manière,  et  particuliè- 
rement à  l'époque  dans   laquelle   l'artiste,  grâce 
aux  formes  barbares  adoptées  par  lui,  s'est  confi- 
né? Nous  connaissons  la  colombe  eucharistique  en 
argent,  remontant   aux    temps  les  plus  anciens, 
dans  laquelle   on   conservait  seulement  le  pain 
consacré,  et    qui   était  suspendue  dans  les  égli- 
ses.   Nous    savons   aussi  que    chez    les    Longo- 
bards,  les  gobelets  d'usages   profanes  prenaient 
souvent  la  forme  d'animaux...  Mais  voilà  /oui,ei 
cela   ne  peut   servir   à  démontrer    l'usage    d'un 
agneau  eucharistique.  Ou  voudrait-on  admettre 
comme    preuve,   la   figure   de  femme    qui    dans 
notre  planche  1 1  N°  i  porte  sur  un  plat  ce  même 
agneau  que  nous  reproduisons  ?. . .  les  douze  gobe- 
lets qui  entourent  l'agneau  ne  sont  pas  détachés, 
comme  on  pourrait  le  croire,  mais  ils  sont  fixés 
sur  le   plat,  circonstance   bien   étrange,  et  qui  a 
obligé  les  amis   du    trésor,  forcés  cependant  de 
trouver  une  explication,  à  émettre  la  conjecture, 
qu'ils  étaient  destinés  seulement  à  recevoir  d'au- 
tres récipients  du  vin  consacré...   La  description 
de  l'agneau  dit  assez   aux  connaisseurs  que  cela 
ne   peut  être   œuvre   d'antiquité   chrétienne,    ni 
création  de  l'art  primitif  du  moyen  âge  mais  bien 
comme  tout  le  trésor,  un  produit  du  XIX«  siècle; 
non   un   monument   de   l'antique  Liturgie,   mais 
celui  de  l'art  raffiné  d'un  faussaire  tout  contem- 
porain. 

A  ces  affirmations  si  explicites  et  si  tranchan- 
tes du  P.  Grisar,  j'ose  opposer  : 

a)  Aux  VI Ifs  et  IX^  siècles, dans  les  liturgies 
solennelles,  en  usage  comme  vase  eucharistique, 
pour  les  espèces  du  pain,  il  existait  non  seule- 
ment la  colombe,  mais  précisément  aussi  l'a- 
gneau; 

d)  que  les  douze  récipients,  fixés  au  plateau  et 
entourant  l'agneau  ne  sont  pas  des  gobelets,  mais 
des  lampadaires,  ou  des  récipients  pour  l'huile 
ou  les  baumes  à  brûler  ; 

c)  que  le  tort  des  amis  du  trésor  consiste  seu- 
lement dans  l'explication  erronée  qu'ils  ont  don- 
née de  l'agneau,  croyant  que  c'était  un  vase 
destiné  aux  espèces  du  vin  et   non  à  celles  du 


pain,  et  donnant  pour  des  gobelets,  ce  qui  n'était 
que  des  godets  de  lampes  ; 

tl)  que   donc  la  prétendue  falsification  de  l'a- 
gneau, devient  pour  le  moins  douteuse. 

Et  la  preuve  ? 

La  voici  :  Un  an  après  la  publication  du  P.Gri- 
sar,  réminent  P.  Fidèle  Savio  imprimait  un 
travail  sur  la  légende  des  SS.  Faustin  et  Gio- 
vito  (Analecta  Bolland.,  t.  XV),  précédé  d'un 
examen  critique  de  la  légende  suivi  du  texte 
amendé  de  celle-ci.  Le  P.  Savio  démontre  que  la 
légende  remonte,en  se  montrant  sévère,  au  milieu 
du  LX«  siècle,  d'autres  diraient  à  la  fin  du  VI II''. 
Eh  bien,  dans  cette  légende,  je  lis  le  passage 
suivant  : 

«  Et  ecce  angélus  Domini  apparuit,  praesente 
populo,  et  quatuor  pueri  in  albis,  habentes  in 
manibus  suis  altare  aureiini  ge:nniis  ornatiim,  in 
quo  erat  agnns....  Angélus  dixit  :  Mitte  mamim 
titam  ad  agmim  et  trade  populo,  in  vero  (Jovita) 
suscipe  ex  altari  sanguinem  Domini  et  trade 
populo...  Beatus  Faustinus  misit  manum  suant 
ad  agnum  et  coepit  tradere  populo  »  (p.  lOi  de 
l'Extrait  des  Analecta). 

Ce  passage  peut  encore  laisser  quelque  doute. 
Mais  en  voici  un  autre,  où  nous  voyons  claire- 
ment indiqué  l'agneau,  réserve  du  pain  eucha- 
ristique, entouré  de  douze  lampes  (les  douze 
prêt  endus  gobelets)  et  la  croix  sur  la  tête,  cette 
croix,  dans  laquelle  le  P.  Grisar  (p.  37)  a  reconnu 
une  autre  marque  de  falsification. 

«  Cum  cogitaret  beatus  Faustinus  unde  eos 
communicaret,  et  ecce  ipse  angélus  cum  quattuor 
pueris  habentibus  in  manibus  suis  altare  aureum 
gemmis  ornatum,  et  super  altare  agnum  nive  can- 
didiorem  (probablement  en  argent  comme  celui 
du  trésor)  et  in  circuitu  eius  lampades  diiodecim 
(les  douze  gobelets  prétendus)  crux  super  capiit. 
...  Tum  Faustinus  et  Jovita  tradentes  ab  altari  ; 
corpus  et  sanguinem  Domini,  etc.  »  (p.  102  de 
l'Extrait  des  Analecta'). 

Ce  passage  me  semble  décisif  :  il  sert  à  expli- 
quer le  précédent  et  à  éclairer  celui  qui  lui  suc- 
cède : 

«  Cumque  surrexissent  ab  oratione  apparuit 
ante  eos  angélus  stans  ante  fontem  nivea  veste 
indutus,  coruscantibus  oculis,  tenens  in  manibus 
suis  canistrum  gemmeum  et  super  canistrum  agnus 


222 


3Rebur  ïie  V^xt  cf)rctien. 


niveus  erat  ;  cuius  similitudo  narrari  non  potest, 
Octava  autem  die  hora  quarta  coeperunt  de  agno 
tradere  populo  et  ecce  subito  apparuit  angélus 
Domini  tenens  calicem  gemmis  ornatiim  et 
dédit  eum  Jovitae  dicens  :  Accipe  et  trade 
populo  credenti  in  Deum  »  (p.  III  de  l'Extrait 
des  Analecies.) 

Dans  ce  passage  nous  avons  Vagneau  distinct 
du  arlice  :  le  premier  sert  à  la  custode  des  espè- 
ces du  pain,  le  calice  à  celles  du  vin.  IJAgniisesX. 
toujours  placé  sur  l'autel,  comme  on  le  voit  pi.  II, 
fig.  I,  de  l'opuscule  du  P.  Grisar,  ou  bien  porté 
par  la  main  des  Anges,  ou  des  officiants,  comme 
cela  se  voit  pi.  II,  fig.  2.  UAginis  est  entouré  de 
12  lampes  faisant  allusion  aux  douze  apôtres, 
dont  les  bustes  sont  gravés  au  bord  inférieur 
du  plateau,  sur  lequel  est  posé  \'Agnus  du  trésor 
Rossi,  et  celui-ci  est  orné  de  la  croix  sur  la  tête, 
pour  mieux  le  caractériser. Il  est  inutile  d'insister 
davantage. 

Cette  coïncidence  si  éloquente  entre  la  des- 
cription de  la  scène  eucharistique  des  actes  des 
SS.  Faustin  et  Giovito  et  le  vase  eucharistique 
du  trésor  Rossi,  ne  peut  être  l'effet  du  hasard, 
pas  plus  qu'elle  ne  saurait  être  le  produit  d'une 
mystification.  Le  faussaire  audacieux,  comme 
l'appelle  le  P.  Grisar  qui,  de  sa  pure  imagination, 
aurait  créé  un  vase  eucharistique  semblable 
devait  être  un  brillant  esprit,  un  génie  supérieur 
en  culture  artistique,  en  science  archéologique  et 
en  liturgie,  supérieur  au  Père  Grisar  lui-même. 
Celui-ci  ignorait  complètement  l'usage  d'un  A- 
gneau  eucharistique.  Les  Michetti,  les  Guarentini 
et  d'autres  plus  obscurs  encore,  désignés  comme 
les  auteurs  ou  les  inspirateurs  de  la  colossale 
mystification,  pouvaient-ils  avoir  cette  science? 
Absolument  non.  (P.  Grisar,  Ancora  del  preteso 
tesoro  cristiano.  Rome,  Spithover,  1896,  p.  13.) 
En  conclusion  cependant,  je  suis  d'avis  que  le 
P.  Grisar  a  bien  fait  de  mettre  sur  leurs  gardes 
les  savants,  pour  qu'ils  ne  se  laissent  pas  tromper 
trop  facilement  par  certaines  pièces  du  trésor 
Rossi,  d'une  authenticité  contestable,  mais  je 
crois  à  bon  droit  [louvoir  m'opposer  à  son  œuvre 
de  démolition  du  dit  trésor  tout  entier,  dont  je 
crois  quelques  pièces  non  seulement  entière- 
ment authentiques,  mais  même  d'une  inestima- 
ble valeur.  „       t^     r  t^     ,   ir    »» 

Sac.  Prof.  Rodolfo  Majocchi. 


■Rotes  à  propos  D'une  fresque  que  l'on 

croît  représenter  ^Teanne  D'Brc,  Dans 

réglise  De  St=Bctrone  à  Bologine. 

L  y  a  quelques  années,  en  délivrant  du 
badigeonnage    les    fresques    du  XV'' 
siècle  qui  décoraient  les  piliers  de  la 
monumentale  église  de  St-Pétrone  à 
Bologne,  on  vit  paraître  sur  le  premier  pilier  à 


Bologne.  —  Église  de  St-Pétrone    -   Fresque  du  XV  siècle. 

gauche  une  intéressante  image,  dans  laquelle  on 
crut  reconnaître  un  portrait  de  Jeanne  d'Arc. 

Dans  une  fausse  niche  de  style  gothique,  sou- 
tenue par  des  colonnettes  torses,  et  supportant 
quelques  tourelles,  est  peinte  une  jeune  fille  vue 


£@élange0. 


223 


de  profil.  Elle  porte  une  robe  grise  à  collerette 
rouge,  elle  tient  dans  la  main  gauche  une  bande- 
role ornée  d'une  croix,  et  sa  chevelure  blonde  et 
riche  tombe  sur  les  épaules.  Une  courroie  passée 
sur  l'épaule  droite  soutient  deux  besaces. 

La  tête  n'étant  pas  nimbée,  on  supposa  que 
cette  fresque  ne  représentât  point  l'image  d'une 
sainte.  L'hypothèse,  qu'il  s'agit  au  contraire  d'un 
portrait  de  Jeanne  d'Arc,  fut  suggérée  par  le  sou- 
venir d'une  vieille  légende  locale  d'après  laquelle 
les  parents  de  cette  héroïne  appartenaient  à  une 
branche  exilée  en  France  de  la  noble  famille  bo- 
lonaise des  Ghisilieri. 

Le  nom  des  Ghisilieri,  dans  l'histoire  de  Bo- 
logne, se  rattache  à  toutes  les  luttes  intestines, 
qui  troublèrent  cette  ville  au  moyen  âge.  Ils  sont 
surtout  les  ennemis  de  la  famille  Bentivoglio, 
qui  eut  au  XV^  siècle  la  seigneurie  de  la  ville. 
Lorsque,  dans  l'année  1445,  Annibale  I  Bentivo- 
glio fut  assassiné,  un  Ghisilieri  (François)  fut  un 
des  plus  actifs  meneurs  de  la  conspiration  qui 
amena  ce  meurtre.  Bannis  de  Bologne,  les  Ghisi- 
lieri se  dispersèrent,  et  se  fixèrent  en  mainte  ville 
italienne  ;  on  trouve  les  traces  de  leur  séjour  à 
Rome,  en  Toscane,  dans  les  Marches  et  en  Pié- 
mont. De  la  branche  piémontaise  naquit  Michel 
Ghisilieri,  qui  devint  Pape  sous  le  nom  de  Pie  V; 
c'est  la  véritable  illustration  historique  de  la  fa- 
mille. Mais  l'émigration  d'une  branche  des  Ghi- 
silieri en  France  parait  être  encore  plus  ancienne; 
elle  remonte  à  la  première  usurpation  des  Benti- 
voglio (1401). 

Une  chronique  manuscrite  qui  raconte  la  vie 
de  deux  cent  vingt-  sept  personnages  de  la  fa- 
mille est  aujourd'hui  en  possession  (à  Bologne) 
du  comte  Louis  Rinaldi  Ghisilieri  (»).  Elle  nous 
apprend  que,  lorsque  Jean  I  Bentivoglio,  dans 
l'année  1401,  se  fit  seigneur  de  Bologne,  Ferrand 
Ghisilieri  s'expatria  avec  sa  femme  Bartholomée 
Ludovisi,  et  qu'il  eut  en  Lorraine  une  fille,  celle 
qui  devint  ensuite  l'illustre  Jeanne  d'Arc.  Le 
chroniqueur  appuie  son  dire  sur  deux  épitaphes 
écrites  en  l'honneur  de  Jeanne.  L'une,  française, 

I.  Vife  di  duecentcrventisette  uomitti  insigni  délia  famiglia 
Ghisilieri  famoU  in  santità,  o  in  dottrina,  o  in  armi  cavale  dalli 
piit  accreditati  storici  :  ms.  anonyme  in-folio  en  326  pp.  Le  ma- 
nuscrit contient  un  arbre  généalogique  de  la  famille,  et  il  est  enrichi 
par  plusieurs  dessins  et  par  des  portraits  ;  parmi  ces  derniers  celui 
de  (eanne  d'Arc,  qui  n'offre  d'ailleurs  aucune  ressemblance  avec 
l'image,  représentée  dans  la  fresque. 


est  attribuée  à  Claudine  Brunaud  ;  l'autre  est 
italienne  et  anonyme.  Ce  sont  de  bien  pauvres 
compositions  poétiques;  elles  mentionnent  toutes 
les  deux  le  noble  sang  des  Ghisilieri  qui  coulait 
dans  les  veines  de  Jeanne,  et  elles  donnent  à  son 
père  le  nom  de  Ferrand  ('). 

La  chronique  Ghisilieri  est,  à  notre  connais- 
sance, le  seul  document  qui  affirme  l'origine  bo- 
lonaise de  Jeanne  d'Arc.  Cette  tradition  fut  ac- 
cueillie par  Guillaume  Marsano,  qui  la  soutint 
dans  un  article  de  la  Gazette  universelle  des 
théâtres,  de  la  littérature,  de  la  musique  et  des 
modes  de  Vienne  (2)  ;  et  par  Caroline  Bonafede 
qui,  publiant  les  vies  de  quelques  femmes  illustres 
bolonaises,  mit  Jeanne  dans  leur  nombre  (3). 
Parmi  les  défenseurs  de  cette  thèse,  nous  trou- 
vons aussi  un  nom  moins  obscur,  celui  de  Jean- 
Baptiste  Crollalanza,  qui  publia  tout  un  livre 
sur  la  question  (■*),  en  s'efforçant  par  des  argu- 
ments tout- à-fait  spécieux  de  donner  du  crédit 
et  de  la  valeur  historique  à  la  tradition.  Mais  les 
données  sur  lesquelles  cette  tradition  repose,  ne 
peuvent  soutenir  un  sérieux  examen. 

En  effet,  les  sources  qui  servent  de  base  à  la 
démonstration  de  Crollalanza  sont  trop  éloi- 
gnées du  siècle  de  Jeanne  d'Arc,  pour  offrir  à 
elles  seules  une  preuve  suffisante.  La  chronique 
n'est  pas  antérieure  au  XVI 1 1«  siècle  ;  l'épitaphe 
française  est  l'œuvre  d'un  poète  qui  vécut  au 
XVII'':  l'épitaphe  italienne,  dont  l'origine  et 
l'auteur  nous  sont  inconnus,  est  d'une  authenti- 
cité bien  douteuse,  et  il  nous  serait  même  permis 
de  supposer  qu'elle  ait  été  forgée  par  l'auteur  de 
la  chronique. 

Ce  même  auteur  allègue  un  arbre  généalogique 
des  Ghisilieri  ;  mais  cette  preuve  également  est 
bien  loin  d'être  concluante,  puisque  l'arbre  cité 
ne  coïncide  pas,  pour  ce  qui  regarde  Ferrand, 
avec  les  généalogies  connues  de  la  famille. 

D'ailleurs  les  historiens  et  les  chroniqueurs 
bolonais  plus  anciens  gardent  tous  le  silence  le 

1.  Ces  deux  épitaphes  sont  transcrites  par  Crollalanza  dans  son 
livre  sur  Jeanne  d'Arc,  qui  est  cité  ci-dessous. 

2.  9  et  10  décembre  1835. 

3.  Carolina  Bonafede.  Cenni  biografici  e  ritratti  d' imigni  Donne 
bolognesi  raccolti  dagli  storici  pi  il  accreditati.  Bologna.  tip.  Sassi. 
1845,   pp.   183. 

4.  G.  B.  Crollalanza.  Origine  e  gesta  di  Giovanna  Darco  (sic) 
I™  édition.  Narni,  tip.  del  Gattamelata,  1859.  2m=  édition,  ibidem, 
1862. 


224 


jIRebue  tie  T^rt  ct)rétien. 


plus  absolu  sur  l'origine  bolonaise  de  Jeanne 
d'Arc.  Il  ne  faut  pas  oublier  à  ce  propos  que 
Sabadino  degli  Arienti,  écrivain  qui  vécut  à  la 
cour  des  Bentivoglio,  dans  son  livre  «  Gyneveia 
de  le  clare  donne  ;»,  dédia  une  de  ses  biographies 
de  femmes  illustres  à  Jeanne  d'Arc,  à  «  Janna 
polcella  gaya  de  Fratiza  ». 

Sabadino,  qui  fut  renseigné,  sur  la  vie  de 
Jeanne,  par  un  chroniqueur  bolonais  revenant  de 
la  France  —  Fileno  délie  Tuate  —  raconte  les 
origines  de  Jeanne  suivant  la  version  bien  con- 
nue :  <(  —  Qiiesia  Janna  polcella  gaya  nacqiie  in 
Franza  nel paese  de  Barois,  la  qiiale  da  la  elate  de 
octo  anni  fino  a  li  sedexe  fii  gnardatrice  de  pécore 
et  sempre  se  exercito  corere  in  qiiella  parte,  et  in 
questa  altra  insieme  cuvi  altre  fanciule  gnarda- 
trice de  pécore,  etcuin  unagrossa  verga  corne  asta, 
la  quale  sotto  il  brazo  se  poneva  stringendola  corne 
li  cavalieri  d'arme  le  lanze  ;  et  colpiva  ne  li  piedi 
de  li  arbori  et  talvolta  inontava  a  cavalo  de  qualche 
cavalla  de  altri  pastori  correndo  similmente,  che 
chi  la  vedea  cnin  piacere  se  ne  maravigliava,  pei 
modo  divenne  fiera  e  gagliarda  (').  » 

Pas  un  mot  sur  les  parents  de  Jeanne,  et  sur 
leur  origine  étrangère.  D'ailleurs  ce  n'est  guère 
probable  que  Sabadino,  ami  et  courtisan  des 
Bentivoglio,  eût  compris  entre  ses  <iclare  donner 
une  femme,  qu'il  crut  issue  de  la  famille  Ghisi- 
lieri,  ennemie  constante  de  ses  maîtres. 

Le  témoignage  négatif  de  Sabadino  est  une 
preuve  presque  décisive  contre  la  vraisemblance 
de  la  légende  (2). 

En  résumant,  il  n'est  pas  trop  malaisé  de  soup- 
çonner qu'il  s'agisse  d'une  audacieuse  tentative 
d'enrichir  l'histoire  des  gloires  de  la  famille  ; 
tentative  appuyée  sur  le  fait  des  longs  exils,  que 
la  famille  même  eut  à  supporter.  Le  chroniqueur, 
intéressé  peut-être,  ou  tout  simplement  adroit 
courtisan,  accepta  les  preuves  qui  lui  étaient 
offertes,  preuves  trop  modernes  et  suspectes,  et 
il  bâtit,  à  leur  aide,  son  romanesque  récit. 

Si  la  tradition  de  l'origine  bolonaise  de  Jeanne 

1.  Gynevera  de  le  clare  donne  di  Joanne  Sabadino  de  li  Arienti,  a 
cura  di  Corrado  Ricci  e  A.  liacchi  deila  Lega.  Bologna,  1888, 
pp.   100-103. 

2.  Marsano  ne  cite  pas  seulemenl  le  chroniqueur  et  les  docu- 
ments allégués  par  ce  dernier  ;  il  affirme  aussi  que  deux  historiens 
donnent  à  Jeanne  le  nom  de  Cihisilieri.  Mais  il  ne  nous  dit  pas  qui 
sont  ces  historiens  ;  et  son  affirmation  aussi  dénuée  de  pieuvcs,  ne 
mérite  pas  de  nous  arrêter. 


d'Arc  repose  sur  des  bases  si  faibles,  l'hypothèse 
que  l'image  de  St- Pétrone  soit  le  portrait  de 
l'héroïne  vient  à  perdre  sa  principale  raison  d'ê- 
tre. Mais,  laissant  de  côté  la  tradition,  nous  allons 
examiner  si  l'image  elle-même  nous  offre  des 
éléments  qui  permettent  de  supposer  que  le  pein- 
tre ait  eu  en  effet  l'intention  de  représenter 
Jeanne  d'Arc. 

Quelle  est  la  pose  de  la  soi-disante  Jeanne  ? 
Elle  soutient  avec  la  gauche  la  bannière,  tandis 
qu'avec  la  droite  elle  esquisse  un  mouvement  qui 
rappelle  celui  d'une  personne  en  train  de  discuter. 
L'index  et  le  troisième  doigt  réunis  forment  un 
arc  avec  le  pouce;  les  autres  doigts  ne  se  voient 
point.  Ce  geste  n'a  pas  encore  le  charme  de 
celui  que  Masolino  a  donné  à  Ste  Catherine 
dans  sa  dispute  avec  les  philosophes  païens  ; 
mais,  bien  que  moins  clairement,  il  exprime  la 
même  idée:  ce  qui  ne  conviendrait  point  à  Jeanne 
d'Arc. 

Un  fait  aussi  qu'on  ne  doit  pas  négliger,  est 
que  la  fresque  qui  nous  occupe  se  trouve  préci- 
sément dans  cette  partie  de  l'église  qui  était  déjà 
construite  dans  les  premières  années  du  XV'î 
siècle.  On  sait  en  effet  que  dès  1401  les  quatre 
premières  chapelles  de  droite  et  de  gauche,  et  la 
partie  de  la  nef  qu'elles  renferment  étaient  ache- 
vées ;  de  sorte  que  dans  la  même  année,  on  pou- 
vait célébrer  les  divins  offices  dans  la  chapelle 
Bolognini  (la  quatrième  à  gauche)  ('). 

A  la  même  époque  cette  partie  de  l'église  était 
aussi  décorée  de  peintures  murales.  Vasari,  Mal- 
vasia,  Cavalcaselle  mentionnent  celle  que  peignit 
un  vieux  maître  de  Bologne,  Lippo  di  Dalmasio, 
dans  l'année  1407,  et  qui  représentait  la  Vierge 
avec  l'enfant  Jésus  et  une  gloire  d'anges.  Cette 
fresque  a  été  transportée  sur  toile,  et  même  elle 
a  beaucoup  souffert  dans  ce  passage. 

Une  autre  fresque,  l'image  colossale  de  S. 
Christophe,  restée  heureusement  à  sa  place  pri- 
mitive entre  la  troisième  et  la  quatrième  chapelle 
de  gauche,  a  tous  les  traits  distinctifs  du  style 
de  Jacopo  di  Paolo,  peintre  bolonais  qui  travailla 
surtout  dans  les  dernières  années  du  XI V"^  siècle, 
et  qu'on  ne  trouve  plus  mentionné  après  1402. 

On  peut  donc  avec   assez   de  raison  supposer 

I.  Ricci,  Guida  di  Bologna,  Bologna,  1900,  p.  15.  —  Gatti,  La 
fabbrica  di  S.  Peironio.  Bologna,  i88g,  p.  12. 


£©élange0. 


225 


que  notre  fresque,  située  si  près  des  deux  autres, 
est  aussi  une  œuvre  des  premières  années  du 
XV*  siècle  (ce  qui  met  Jeanne  d'Arc  hors  de 
cause);  et  l'examen  de  son  style  ne  peut  que  nous 
confirmer  dans  cette  opinion. 

La  fresque  est  très  endommagée,  mais  pas  de 
telle  sorte  qu'elle  ne  puisse  être  étudiée,  d'autant 
plus  qu'elle  n'a  pas  été  gâtée  par  des  retouches. 
La  soi-disante  Jeanne  a  une  silhouette  assez 
svelte  et  bien  prise,  mais  sa  physionomie  est  dure 
et  suffisamment  revêche.  Les  yeux  sont  petits  et 
fixes,  les  lèvres  et  le  menton  trop  proéminents  et 
accentués  ;  les  muscles  sont  saillants,  le  front  est 
large  et  osseux.  L'impression  dure  de  ce  visage 
sans  charme  est  rehaussée  par  les  ombres  ter- 
reuses et  sombres. 

Les  fresques  bien  connues,  peintes  par  un 
maître  qui  n'a  pas  encore  été  déterminé  avec 
certitude  dans  la  chapelle  Bolognini  Amorini, 
offrent  beaucoup  de  rapports  avec  notre  image, 
soit  pour  le  dessin  soit  pour  la  couleur.  Le  mo- 
delé des  visages  surtout  présente  des  analogies 
si  frappantes  dans  les  deux  œuvres,  qu'il  est  per- 
mis de  les  attribuer  à  la  même  main.  On  ne  pour- 
rait du  moins  ne  pas  admettre  qu'il  s'agit  de 
deux  maîtres  bien  rapprochés  pour  le  style  et 
pour  l'époque. 

Or  les  documents  nous  attestent  que  les  fres- 
ques de  la  chapelle  Bolognini  Amorini  furent 
exécutées  sur  la  commande  que  Barthélémy  Bo- 
lognini exprima  dans  son  testament  en  l'année 
1408.  Nous  ne  connaissons  pas  avec  certitude,  je 
le  répète,  le  nom  de  leur  auteur  ;  mais  ce  fut, 
selon  toute  apparence,  ce  même  Jean  de  Modène 
qui,  au  cours  de  l'année  1420,  travaillait  aux 
fresques  toujours  existantes,  bien  que  défigurées 
par  des  retouches  maladroites,  dans   la  chapelle 


de  St-Abonde,  la  première  du  côté  gauche  de 
St-Pétrone  (O- 

On  peut  attribuer  à  cette  même  période,  1408- 
1420,  la  fresque  qui  nous  occupe  et  qui  est  cer- 
tainement, en  tout  cas,  une  œuvre  antérieure  à  la 
mort  de  Jeanne  d'Arc.  Si  même  on  admettait 
que  l'image  eût  été  peinte  après  143 1  (ce  qui  ne 
paraît  pas  vraisemblable)  on  se  heurterait  tou- 
jours à  une  difficulté  assez  considérable.  Est-ce 
possible  qu'on  choisit  afin  de  décorer  une  église 
les  traits  d'une  femme  morte  sur  le  bûcher,  par 
la  sentence  d'un  tribunal  ecclésiastique  qui  la 
déclarait  hérétique  ? 

Une  telle  idée  ne  pouvait  naître  qu'après  sa 
réhabilitation  ;  mais  une  date  postérieure  à  l'an- 
née 1456  serait  absolument  incompatible  avec  le 
style  de  la  fresque.  Il  faut  donc  conclure  que 
celle-ci  ne  peut  pas  être  le  portrait  de  Jeanne 
d'Arc  (2). 

L'image  perd  ainsi  tout  son  attrait  légendaire 
et  tout  son  intérêt  historique  :  elle  est  très  inté- 
ressante toutefois,  parce  que  c'est,  très  probable- 
ment, une  nouvelle  œuvre  que  nous  apprenons  à 
connaître  du  maître  de  la  chapelle  Bolognini, 
c'est-à-dire  du  plus  marquant  des  artistes  de  la 
première  moitié  du  XV<"  siècle  à  Bologne. 

Henri  Brunelli. 


1.  Bianconi,  Guida  di  Bologna.  Bologna,  1835,  p.  112.  Ricci, 
ouvr.  déjàcité,  pp.  16-18. 

2.  Est-ce  même  l'image  d'une  femme  ?  J'ai  suivi  l'opinion  géné- 
ralement reçue,  en  disant  qu'il  s'agit  d'un  portrait  de  jeune  fille  ; 
mais,  quoique  j'incline  à  penser  de  même,  je  ne  peux  taire  que  le 
sexe  de  cette  image  parait  douteu.x.  Les  longs  cheveux  blonds  qui 
l'ornent  peuvent  aussi  bien  convenir  à  l'image  d'un  adolescent. 
Dans  l'œuvre  célèbre  de  Carpaccio  et  dans  bien  d'autres  tableaux, 
qui  représentent  .S.  Georges  terrassant  le  dragon,  le  saint  a  une 
figure  dont  le  charme  juvénile  est  rehaussé  par  ses  longs  cheveux 
bouclés. 


*^  ^  ^  :^V^  j^^l^i^ij^^^i^i^^i^ii^i^  ^^.  ^^^^  ^,  ^,  ^  -^^  :^fe^i^ 


Corrtsponliance.  ^^mwm^mwm 


■^  ^m '^  ^  --'^  =^  -^^  '^^  '-^  '^  '^  ^'^  '-^  '"^  '"^  '^  ^- ^  '^^  ^-^  '-^  ^-^  '"^  '"^  '■■■'^  ^-^^ 

^.^:v^^.^v^.^  Italie. 


Bcjiate  :  Un  tableau  Bf  fflatco  B'Ooaione.  —  'B\:^t  : 
XccB  frcsqucfi  Dii  Campo  Hatito.  —  Canif  rlno  :  Xtc  choeur 
te  l'éoliac  tics  ClatisBCB.  —  Blorcnrc  :  It'aBotation  urs 
ffiagco  par  O.entilc  Ba  Habriano;  une  fflaBone  Bc  B.  Capo=  | 
rali;  une  sousctiption  exemplaire;  lea  atcbiuea  photoara- 
phiques  ;  Bécouoertc  De  BCBBine  Bf  ffîitbeUHnçe. 

Besate  (Lombardie)  Un  tableau  de  Marco 
d'Oggione. 

L'église  San  Michèle  Arcangelo  possède  un 
tableau  portant  l'inscription  : 

Hoc  opus  fecit  fieri  Comniunitas  Besati. 

Comme  il  arrive  trop  souvent,  la  peinture 
avait  été  laissée  à  l'abandon  et  peu  à  peu  avait 
subi  l'influence  de  la  poussière  et  de  la  fumée 
des  cierges  et  de  l'encens. 

Un  amateur  intelligent,  M.  Pisani  appela  l'at- 
tention sur  cet  ouvrage  ;  il.  fut  alors  envoyé  à 
Milan  et  soumis  à  l'examen  de  l'éminent  direc- 
teur de  la  Galerie  Brera,  M.  Corrado  Ricci  et 
de  M.  le  professeur  Careiiagli. 

La  peinture  fut  décrassée  et  reconnue  comme 
étant  de  Marco  d'Oggione,  né  en  1470  et  mort, 
croiton,  en  1550. 

C'était  un  fervent  admirateur  de  Léonard  de 
Vinci  dont  il  s'inspira  souvent  ;  il  copia  deux 
fois  la  célèbre  Cène  de  Léonard,  à  l'église  de 
Santa  Maria  délie  Grazie,  alors  que  déjà  la  pein- 
ture était  menacée  de  ruine.  La  copie  d'Oggione 
a  servi  à  une  gravure  de  Frey  et  de  Morghen. 

Le  tableau  de  Besate  (i  mètre  "jQ  de  haut,  sur 
I  m.  48  de  large)  représente  la  Madone  assise  sur 
un  trône  avec  l'Enfant  Jésus,  adorée  par  des 
saints  en  robes  monacales  ;  la  peinture  est  d'un 
ton  un  peu  gris  et  diaphane,  mais  d'une  grande 
délicatesse. 

Les  fresques  du  Cauipo   Santa   de  Pise. 

Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  la  préservation 
des  fresques  peintes  sur  la  muraille  exposée  à 
l'air  de  la  mer,  est  d'actualité. 

Bien  des  tentatives  infructueuses  ont  été 
faites  ;  récemment  on  h  parlé  d'un  essai  sur  des 
parties  secondaires  des  peintures  de  Benozzo 
Gozzoli,  très  affaiblies  de  coloration  et  l'essai, 
a-t-on  dit,  n'aurait  pas  bien  réussi. 


Le  système  consiste  à  enlever  la  fresque  et 
à  la  placer  sur  un  réseau  de  fils  métalliques,  puis 
à  la  remettre  en  place,  en  ayant  soin  de  laisser 
entre  elle  et  le  mur  un  espace  vide  suffisant  pour 
la  circulation  de  l'air. 

A  la  lecture  de  ces  relations,  on  pourrait 
croire  que  la  méthode  est  appliquée  pour  la  pre- 
mière fois. 

Il  n'en  est  rien. 

Il  y  a  une  dizaine  d'années  environ,  M.  Fiscali  a 
proposé  ce  système  à  la  Commission  compétente. 

Il  a  été  autorisé  de  l'expérimenter,  après  des 
épreuves  préliminaires. 

Le  très  habile  praticien  a  levé  ainsi  et  remis 
en  place  vingt-quatre  mètres  carrés  des  fresques 
d'Antonio  Veneziano  (1319-13S3)  représentant 
la  mort  de  saint  Ranieri,  l'un  des  patrons  de  Pise. 

La  tentative  a  si  bien  réussi  que  pas  un  seul 
critique  d'art  ne  s'en  est  aperçu  et  n'a  signalé 
l'opération. 

Du  reste,  pour  toutes  ces  questions  de  fresques: 
technique,  restaurations,  etc.,  il  ne  suffit  pas  d'être 
écrivain,  peint  re,  ou  architecte,  il  faut  absolument 
suivre  de  très  près  les  travaux  et  souvent. 

Nous  en  avons  une  nouvelle  preuve  à  propos 
des  fresques  de  Gozzoli  au  Campo  Santo. 

L'essai  fait  par  M.  P^iscali  a  échoué,  dit-on. 

Eh  bien,  non  ;  il  a  réussi  autant  que  cela  a  été 
possible  et  pour  l'affirmer,  je  m'appuie  sur  l'au- 
torité d'un  membre  de  la  Commission  nommée 
par  le  ministre. 

Il  ne  pouvait  entrer  dans  le  programme  de 
remettre  les  fresques  dans  leur  état  primitif; 
elles  resteront  donc  affaiblies  dans  leurs  colora- 
tions ;  il  fallait  simplement  chercher  le  moyen 
d'empêcher  les  dégradations  de  s'étendre.  Par 
l'exemple  des  peintures  d'Antonit)  Veneziano, 
la  Commission  a  estimé  que  les  procédés  de 
M.  Fiscali  arriveraient  à  ce  résultat. 

Je  puis  donner  une  nouvelle  preuve  de  la  con- 
fiance qu'inspire  M.  Fiscali  :  par  décision  minis- 
térielle il  vient  d'être  chargé  d'appliquer  son 
procédé  aux  fresques  dePaloUccello  (1397-  i475J 
du  cloître  vert  de  la  basilique  de  Smta  Maria 
Novella  à  Florence. 


Correspondance. 


227 


J'ai  vu  les  premiers  résultats  ;  ils  sont 
excellents. 

Je  reviendrai  sur  cette  très  importante  entre- 
prise. 

Camerino  (  ancien  État  de  l'Eglise). 

La  toiture  du  chœur  de  l'église  des  Clarisses 
s'est  écroulée  et  dans  sa  chute  a  brisé  les  stalles 
et  les  boiseries.  Ces  ouvrages,  peu  connus,  mais 
fort  remarquables,  paraît-il,  sont  de  l'an  1489, 
ainsi  que  l'indique  une  inscription  :  Opus  Donii- 
nici  Severinatis  14SÇ. 

On  pense  que  l'auteur  est  le  célèbre  Indivio 
de  San  Severino  qui  a  sculpté  les  boiseries  de 
l'église  de  San  Severino  et  celles  du  chœur  de 
l'église  supérieure  d'Assise. 

Les  débris  ont  été  soigneusement  recueillis  et 
on  espère  pouvoir  reconstituer  l'ensemble. 

Il  sera  placé  au  Musée  civique  de  Camerino, 
organisé  en  1903  dans  l'ancienne  église  de  la 
Santissima  Annunziata,  décorée  d'une  fresque 
de  Pinturicchio. 

La  predelle  de  l'Adoration  des  Mages  par  Gen- 
tile  da  Fabriano. 

Ce  magnifique  ouvrage  signé  OPUS  GEN- 
TILIS  FABRIANO  1423  MENSIS  MAII, 
fait  partie  de  la  Galerie  de  l'Académie  de  Flo- 
rence ;  il  était  jadis  dans  la  sacristie  de  l'église 
de  la  Trinité. 

Il  est  évident  que  tous  ceux  qui  l'ont  admiré, 
ont  remarqué  l'absence  de  l'une  des  trois  histoires 
peintes  sur  la  predelle  ;  V Adoration  des  Bergers 
et  la  Fuite  en  Egypte  sont  là,  mais  le  troisième 
compartiment  était  vide  ;  la  peinture  est  au 
Musée  du  Louvre  et  parait  avoir  été  prise  à  la 
fin  du  XVI 11^  siècle  ou  dans  les  premières 
années  du  XIX^ 

Elle  représente  la  Présentation  au  Temple. 

On  regrettait  cette  lacune  trop  prolongée.  Un 
artiste  italien,  M.  Diomède  délia  Bruna,  vient 
de  la  combler  ;  il  a  copié  fidèlement  au  Louvre 
la  Présentation  et  en  a  généreusement  fait  don 
à  la  Galerie. 

Une  Madone  de  B.  Caporali. 

M.  Corrado  Ricci,  le  très  distingué  directeur 
de  la  Galerie  de  Brera  à  Milan  a  été  nommé 
Directeur  des  Musées  royau.v  de  Florence  en 
remplacement  de  l'éminent  M.  Ridolfi,  admis  à 
la  retraite  sur  sa  demande  après  quarante-cinq 
ans  d'excellents  services. 


On  ne  pourrait  faire  un  meilleur  choix. 

M.  Corrado  Ricci  a  inauguré  ses  fonctions  par 
l'acquisition  d'une  Madone  par  Bartolomeo  Ca- 
porali. 

Nous  reproduisons  en  petit  cette  délicieuse 
peinture. 

On  ne  connaît  pas  exactement  l'année  de  la 
naissance  de  Caporali  ;  il  a  été  inscrit  sur  la  ma- 
tricule des  peintres  de  Pérouse  en  1422  et  tra- 
vaillait encore  1487. 

Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  son  fils  Capo- 
rali (Jean-Baptiste)  dit  Betti, peintre  et  architecte 
et  avec  son  petit-fils,  Jules,  également  peintre  et 
architecte. 

Les  peintures  de  Bartholomeo  Caporali  sont 
d'une  extrême  rareté  dans  les  musées. 

Je  crois  que  la  pinacothèque  Vanniicci  de 
Pérouse,  seule,  possède  une  œuvre  authentique 
de  lui,  c'est  une  sainte  Marie  Madeleine. 

Le  même  musée  conserve  aussi  une  fresque 
à.tis.c'Ciéa,  Jésus-Christ  et  la  Vierge  en  gloire,  avec 
la  date  MCCCCLXIX,  mais  elle  est  seulement 
attribuée  à  Caporali. 

Caporali  a  collaboré  fréquemment  avec  Bene- 
detto  Bonfigli  (1420  ?-i496  ?). 

La  pinacothèque  de  Pérouse  conserve  de  cette 
collaboration  plusieurs  tableaux  :  La  Vierge 
annoncée,  petit  ouvrage  très  abîmé  ;  l'Ange  Ga- 
briel annonçant,  petit  tableau  détaché  d'une 
cuspide  ;  les  saints  Paul  et  Pierre  ;  la  Madone 
avec  r  Enfant  et  des  Anges  ;  saint  Pierre  et  sainte 
Catherine,  ces  trois  dernières  peintures  sont  d'ex- 
cellents ouvrages. 

Une  souscription  exemplaire. 

La  Commission  nommée  en  1S55  pour  la  nou- 
velle façadedu  Dôme  de  Sainte-Marie  de  laFleur 
de  Florence  vient  d'approuver  les  comptes  des 
recettes  et  des  dépenses  ;  dans  ces  comptes  sont 
comprises  également  les  trois  portes  de  bronze 
non  prévues  dans  le  principe. 

Les  recettes,  souscriptions,  legs,  concessions 
ont  été  de  1,798,  312  lires  : 

Tous  frais  payés,  il  reste  un  reliquat  de  205,158 
lires. 

Le  résultat  est  magnifique  et  bien  peu  d'entre- 
prises en  ont  obtenu  de  semblables. 

C'est  que  la  façade  résulte  d'un  mouvement 
unanime  de  patriotisme  et  de  piété. 

Parmi  lessouscripteurs  on  peut  citer  l'ex-grand- 


duc  de  Toscane,  le  Pape  Pie  IX,  le  roi  Victor- 
Emmanuel  II. 

Les  sculpteurs  chargés  de  l'exécution  des  nom- 
breuses figures  de  la  façade  ont  tenu  à  travailler 
sans  rétributions  et  n'ont  accepté  que  le  rem- 
boursement des  marbres  et  de  la  pratique. 

En  1903  mourut  à  Florence,  à  l'âge  de  quatre- 
vingt-treize  ans,  un  notable  Anglais,  M.  Temple- 
Leader,  ancien  membre  de  la  Chambre  des  Com- 
munes. 

Depuis  de  longues  années  il  était  établi  à 
Florence,  s'occupant  d'archéologie  et  d'art.  Sa 
fortune  lui  avait  permis  la  fantaisie  de  tenter  le 
rétablissement  du  château  de  Vincigliata,  situé 
sur  une  colline  près. de  Fiesole,  dont  il  ne  restait 
que  quelques  ruines  du  XIV''  siècle  ;  il  y  réussit 
dans  une  certaine  mesure. 

Après  sa  mort  on  trouva  dans  son  testament 
un  legs  de  180,000  lires,  destiné  aux  nouvelles 
portes  de  bronze  du  Dôme  de  Florence.  Il  était 
spécifié  qu'au  cas  où  les  portes  seraient  achevées 
à  l'époque  desa  mort  —  ce  qui  s'est  en  effet  réalisé 
—  la  somme  servirait  à  l'achèvement  de  la  gale- 
rie qui  contourne  à  l'extérieur  la  base  de  la  cou- 
pole de  Brunellesco. 

C'était  bien  pensé,  car  depuis  plus  de  cinq  siè- 
cles on  regrettait  l'état  inachevé  de  la  galerie. 

Brunellesco  avait  bien  laissé  un  projet,  mais  le 
dessin  a  été  perdu  ;  l'opéra  du  Dôme  adopta  en 
principe  des  projets  de  Simone  Pollaiulo,  Giu- 
liano  da  Sangallo,  Baccio  d'Agnolo,  Antonio 
Manelli. 

Enfin  en  15  15,  on  découvrit  une  partie  de  la 
galerie  ;  elle  consistait  en  petites  arcades  qui 
n'eurent  pas  l'approbation  des  Florentins  ;  Mi- 
chel-Ange,très  poité  à  la  critique,  donnaledernier 
coup  à  la  galerie,  en  l'appelant  une  cage  à  grillons. 

Depuis  lors,  les  choses  sont  restées  en  l'état. 

Le  legs  de  Temple-Leaders,  compris  dans  le 
reliquat  de  205,  158  lires,  permettra  d'achever  la 
galerie. 

Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  la  générosité 
des  Anglais  se  manifeste  à  Florence. 

Plusieurs  anciennes  fresques  badigeonnées  ont 
été  rendues  à  la  lumière  à  leurs  frais,  mais  c'est 
Sloane  qui  a  donné  le  plus  généreux  exemple.  Il 
a  mis  500,000  lires  à  la  disposition  de  l'architecte 


de  la  basilique  de  Santa  Croce  pour  l'édification 
de  la  façade,  qui  fut  terminée  en  1863  d'après 
un  croquis  attribué  à  Simone  del  Pollaiulo  del 
Cronaca  (1457-1508). 

Sloane,  et  cela  n'enlève  absolument  rien  à  son 
mérite,  s'était  peut-être  rappelé  que  le  fabricant 
des  produits  tincturiaux,  Giovanni  Rucellai,  sur- 
nommé Oriccellai,  avait,  en  1448,  fait  édifier  à  ses 
frais,  par  son  ami  l'architecte  Alberti,  la  façade  de 
la  basilique  de  Santa  Maria  Novella. 

Les  archives  photographiques. 

M.  Corrado  Bicci  a  créé  à  la  Galerie  de  Flo- 
rence une  section  :  les  archives  photographiques. 

Il  a  fait  appel  aux  artistes,  amateurs,  photo- 
graphes de  profession  de  tous  pays. 

Ces  photographies  seront  classées  méthodi- 
quement et  mises  à  la  disposition  du  public. 

C'est  là  une  excellente  idée.  Le  succès  a  ré- 
pondu à  l'appel  ;  en  moins  de  deux  mois, 
10,000  documents  ont  été  déjà  reçus. 

Découverte  de  dessins  de  Michel- Ange. 

L'année  dernière,  M.  Ferri,  conservateur  de  la 
Galerie  des  offices  de  Florence,  de  la  très  impor- 
tante section  des  dessins  qui  sont  au  nombre  de 
plus  de  40,000,  a  découvert  avec  le  concours  de 
M.  E.  Jacobsen,  une  suite  inconnue  de  dessins 
de  Michel-Ange. 

Poursuivant  leurs  recherches  les  deux  érudits 
viennent  de  trouver  une  autre  suite  du  grand 
artiste.  Les  dessins  se  rapportent  aux  études 
pour  la  voûte  de  la  chapelle  Sixtine,  au  monu- 
ment du  pape  Jules  II  et  à  la  restauration  de 
plusieurs  antiques  du  Vatican,  dont  Michel- Ange 
s'était  chargé.  Gerspach. 


Au  Congrès  d'archéologie  tenu  à  Namur  en 
1886,  M.  Van  Bastelaer  et  M.  le  comte  Vander 
Straten-Ponthoz  ont  posé  la  question  de  savoir 
s'il  faut  prendre  les  mots  droite  et  gauche  dans 
leur  sens  objectif  ou  dans  leur  sens  subjectif 
lorsqu'on  s'en  sert  dans  la  description  d'objets 
appartenant  à  l'héraldique,  à  la  numismatique, 
ou  à  des  monuments  ou  œuvres  d'art. 

M.  le  comte  Vander  Straten-Ponthoz  nous 
fait  observer  que,  depuis  lors,  la  solution  dans  le 
sens  objectif  a  été  admise  pour  ces  termes. 


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rn^mB)  Tvabaujc  bejS  JSociétés  sabantes.  i^m 


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Société  des  Antiquaires  de  France.  — 
Séance  du  j  février  iço^.  —  M.  Toutain  est  élu 
membre  résidant,  en  remplacement  de  M.  Ui. 
Robert. 

MM.  Fourcher,  A.  Vidier  et  L.  Galle  sont  élus 
associés  correspondants  nationaux.  M.  F.  Cu- 
mont  est  élu  associé  correspondant  étranger  à 
Bruxelles. 

Séance  du  lo  février.  —  M.  le  baron  de  Baye 
communique,  de  la  part  de  M.  Lex,  le  calque 
d'un  carreau  de  pavage. 

M.  de  Villefosse  lit  une  note  de  M.  J.  Déche- 
lette  sur  un  petit  vase  à  infuser  faisant  partie  de 
la  collection  de  M.  Bertrand,  conservateur  du 
musée  de  Moulins. 

M.  de  Mély  communique  un  dessin  du  VI 11^ 
siècle  tiré  du  Sacramentaire  de  Gellone  et  repré- 
sentant un  chevalier  armé  de  toutes  pièces. 

Séance  du  ij  février.  —  M.  Dimer  fait  une 
communication  sur  les  tableaux  qui  décoraient 
jadis  la  petite  galerie  du  Louvre. 

M.  Lafaye  rend  compte  au  nom  de  M.  Franki- 
Maulin  d'une  découverte  d'antiquités  gallo-ro- 
maines faite  à  Vers,  près  de  Sederon,  Drôme. 

M.  Cagnat  propose  une  lecture  pour  une  ins- 
cription cursive  qui  orne  un  plat  communiqué  par 
M.  le  baron  de  Baye. 

Il  donne  ensuite  lecture  d'un  mémoire  de  M. 
Gauckler  sur  le  mosaïste  dans  l'antiquité. 

Lecture  est  donnée  d'une  note  de  M.  Jadart, 
sur  une  plaque  en  terre  cuite  du  musée  de  Reims 
portant  le  sceau  de  Jean  Godart. 

M.  de  Villefosse  rend  compte  des  plus  récentes 
découvertes  du  R.  P.  Delattre. 

Séance  du  2jf.  février.  —  M.  Dumuys  fait  hom- 
mage des  photographies  agrandies  représen- 
tant des  ivoires  du  musée  historique  d'Orléans. 
Il  communique  la  reproduction  de  deux  ensei- 
gnes de  pèlerinage  appartenant  au  même  musée. 
Il  fait  passer  sous  les  yeux  delà  Société  le  sceau 
du  comte  d'Alençon  tué  à  Crécy.  Ce  sceau  a  été 
trouvé  à  Orléans  dans  la  rue  des  Gourdes,  lors 
des  travaux  exécutés  pour  poser  le  câble  élec- 
trique. Il  fait  partie  de  la  collection  de  M.  Du- 
muys. 

M.  de  Villefosse  communique  un  travail  de 
M.  R.  de  Kerviler  sur  les  mesures  de  longueur 
et  les  nombres  7  et  3  chez  les  constructeurs  de 
monuments  mégalitiques  en  Armorique. 

M.  Henri  Martin  présente  un  manuscrit  du 
commencement    du  XV'=    siècle  qui    porte    des 


notes  marginales  pour  guider  le  travail  de  l'illus- 
tration. 

M.  Durrieu  fait  part  d'une  découverte  de  M. 
Lucien  Magne  qui  a  reconnu  dans  une  des  mi- 
niatures des  Heures  du  duc  de  Berry,  conservées 
à  Chantilly,  une  reproduction  du  château  de 
Saumur. 

M.  Cheron  fait  au  nom  de  M.  Mallard  une 
communication  sur  les  fouilles  que  celui-ci  est  en 
train  d'exécuter  dans  le  théâtre  de  Prévaut  près 
de  St-Amand. 

Séance  du  2  mars.  —  MM.  Ch.  Vignot,  Char- 
les Magne  et  l'intendant-général  Courbot  sont 
élus  associés  correspondants  nationaux. 

M.  Adrien  Blanchet  communique  un  plomb 
antique  au  type  de  Mercure  sur  lequel  on  lit  un 
nom  qui  semble  se  rapprocher  de  celui  d'Anse. 
(Rhône). 

M.  Jules  Maurice  communique  les  parties 
essentielles  d'un  mémoire  relatif  aux  ateliers  mo- 
nétaires des  Gaules  vers  l'époque  de  Constantin 
et  à  leur  fonctionnement. 

Séance  du  ç  mars.  —  M.  Omont  entretient  la 
Société  d'un  très  ancien  exemple  d'illustration 
fourni  par  le  ms.  latin  4884  de  la  Bibliothèque 
nationale. 

M.  Gauckler  adresse  une  note  au  sujet  d'une 
inscription  trouvée  à  El  Djem  Thysdins,  par 
MM.  Gilbert  et  Tunlay. 

M.  Cagnat  parle  d'une  enceinte  funéraire  chré- 
tienne fouillée  par  M.  Bertrand,  conservateur  du 
Musée  de  Philippeville  à  Ceni  Melek  sur  la  route 
de  Stord. 

M.  Henri  Martin  communique  un  livre  d'Heu- 
res conservé  à  la  bibliothèque  de  l'Arsenal  et 
qui  paraît  avoir  appartenu  au  duc  Jean  de 
Berry. 

Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres.  —  Séance  du  2ç  janvier  iço^.  —  M.  P. 
De  Meyer  énumère  les  pertes  de  la  bibliothèque 
nationale  de  Turin  au  cours  de  l'incendie  que 
nous  avons  relaté  (').  Il  annonce  que  la  plupart 
des  manuscrits  grecs  et  beaucoup  de  manuscrits 
latins  (plusieurs  milliers)  sont  devenus  la  proie 
des  flammes  ou  ont  été  détruits  par  l'eau.  Il 
termine  en  proposant  à  l'Académie  de  mettre 
une  collection  aussi  complète  que  possible  de  ses 
publications  à  la  disposition  du  conservateur 
de  la  bibliothèque  de  Turin. 

I.  V.  Revue  de  l'Art  ehrétteti,  1904,  p.  178. 


KEVIJH    Di-:    I.  AHT    CHKKTtK.V. 
1904.    —    3""^    LIVRAISON. 


230 


3Rebue  ïie  V^xt  cbrctinu 


M.  S.  Reinach  remarque  combien  il  devient 
facile  de  limiter  pareil  désastre  en  photo- 
graphiant les  manuscrits  précieux.  Sur  la  propo- 
sition de  M.  Uieulafoy,  l'Académie  décide  qu'elle 
prendra  auprès  du  Ministre  de  l'instruction  pu- 
blique l'initiative  d'une  proposition  dans  ce  sens. 

Séauce  du  5  février.  — Il  est  donné  lecture 
d'un  projet  de  loi,  tendant  à  faire  photographier 
les  monuments  les  plus  précieux  conservés  dans 
les  musées  selon  le  vœu  émis  par  l'Académie. 

Séance  du  12  février.  —  L'Académie  procède 
à  la  proposition  de  candidats  à  la  direction  de 
l'école  française  d'Athènes. 

M.  S. Reinach  montre  et  commente  vingt-deux 
photographies  d'après  les  miniatures  qui  ornent 
un  magnifique  manuscrit  de  Froissart,  écrit 
pour  le  Grand  Bâtard  de  Bourgogne  en  1469  et 
doimé,  au  XVI'=  siècle,  à  la  Bibliothèque  de 
Breslau. 

Quelques-unes  d'entre  elles  représentent  des 
scènes  historiques  où  figurent  des  vues  de  Paris, 
de  Bruges,  de  Dunkerque,  de  Bordeaux  et  de 
Londres. 

La  vue  de  Paris  avec  le  Châtelet  et  la  Bastille 
est  particulièrement  intéressante. 

M.  Reinach  estime  que  les  meilleures  minia- 
tures de  ce  manuscrit  peuvent  être  d'un  artiste 
français  établi  à  Bruges  auquel  M.  P.  Durrieu  a 
attribué  les  belles  grisailles  des  Miracles  de  la 
Vierge  (actuellement  à  la  Bibliothèque  Nationale) 
et  plusieurs  miniatures  d'un  manuscrit  de  la  col- 
lection Dutuit  au  Petit  Palais. 

M.  S.  Reinach  annonce  qu'Edhem  Bey,  pour- 
suivant, au  nom  du  musée  de  Constantinople,  les 
fouilles  de  Tralles  (Asie-Mineure),  a  déblayé  une 
partie  du  gymnase  de  cette  ville  et  y  a  décou- 
vert, avec  une  série  d'inscriptions  relatives  aux 
vainqueurs  des  jeux,  un  très  intéressant  bas-relief 
en  marbre  dont  le  motif  est  absolume''nt  nouveau. 

C'est  le  premier  exemple  d'un  bas-relief  pitto- 
resque dont  la  provenance  asiatique  soit  certaine. 

Séance  du  iç  février.  —  M.  Hcuzey  continue 
à  exposer  quelques-uns  des  principaux  résultats 
obtenus,  dans  les  fouilles  de  Tello,  par  le  capi- 
taine Gros,  le  nouveau  chef  de  la  mission  fran- 
çaise de  Chaldée.  Parmi  ces  découvertes,  il 
convient  de  signaler  l'existence  de  la  polychromie 
dans  l'ancienne  sculpture  chaldéenne. 

A  citer  encore  un  bas-ielief  très  archaïque  qui 
représente  la  «Pêche  miraculeuse  du  héios  Isdou- 
bar  »  ;  r  «  Hercule  oriental  »,  sujet  des  plus  rares, 
reproduit  seulement  sur  un  cylindre  ;  une  plaque 
de  coquille  découpée  (c'était  l'ivoire  de  cette 
haute  antiquité)  qui  nous  donne  la  figure  du  roi 


Our-Nina  que  l'on  place  vers  le  quarantième 
siècle  avant  notre  ère.  Ces  monuments  sont  d'un 
grand  intérêt  archéologique  et  historique. 

Les  documents  épigraphiques  recueillis  par  le 
capitaine  Cros  et  déchiffrés  par  M.  François  Thu- 
reau-Dangin,  établissent  une  relation  directe 
entre  les  aiinales  de  Sirpourla  et  celles  de  plu- 
sieurs autres  villes  chaldéennes,  parmi  lesquelles 
la  cité  biblique  d'Erech,  mentionnée  dans  la 
Genèse  :  c'est  un  synchronisme  important  pour 
la  reconstruction  des  origines  de  l'histoire. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  offre  à  l'Académie, 
de  la  part  de  l'abbé  Martin,  l'étude  sur  le  coq 
du  clocher,  dont  nous  rendons  compte  plus  haut. 

ConiDinnications  diverses.  —  M.  Clermont- 
Ganneau  communique  une  lettre  du  Père 
Lagrange,  datée  de  Jérusalem  le  15  février,  dans 
laquelle  cet  érudit  annonce  le  retour  à  bon  port 
de  l'expédition  qui  s'était  rendue  à  Éboda. 

Trois  cents  tombes  antiques  ont  été  explorées. 
On  y  a  découvert  le  tombeau  du  fameux  roi 
nabatéen  divinisé  Obodat,  avec  un  proscynème 
nabatéen  ainsi  conçu  :  '<  Vivant  est  Obodat  »,  et 
la  marque  de  deux  pieds  gravés  attestant  l'acte 
d'adoration  d'un  ancien  pèlerin.  D'autres  graffiti 
nabatéens  ont  été  copiés;  des  plans  d'Éboda, 
Sbeita  et  Elousa  ont  été  levés,  avec  de  nombreux 
dessins  et  détails.  A  signaler,  entre  autres,  un 
sépulcre  orné  d'animaux  dans  le  genre  des 
fresques  de  celui  de  Beit-Djibrin.  Le  tout  sera 
prochainement  envoyé  à  l'Académie  avec  un 
rapport  explicatif. 

Séance  du  4.  mars.  —  Le  secrétaire  perpétuel 
donne  lecture  de  l'article  du  testament  par  lequel 
M.  Edmond  Drouin,de  Paris,  lègue  à  l'Académie 
des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  mie  rente 
annuelle  de  300  fr.  avec  mission  de  fonder  un  prix 
de  1.200  francs,  qui  sera  accordé  tous  les  quatre 
ans,  au  meilleur  ouvrage  sur  la  numismatique 
orientale. 

Le  président  donne  lecture  d'une  lettre  dans 
laquelle  le  préfet  de  la  Seine  décrit  les  fouilles 
qui  ont  été  entreprises,  ces  temps  derniers,  par  la 
Commission  du  Vieux  Paris,  rue  Fromentel  et  rue 
Lanneau,  et  dont  nous  avons  dit  ici  les  résultats. 
L'Académie  décide  qu'elle  priera  le  président 
de  la  Commission  de  ces  fouilles,  M.  Georges 
Villain,  de  venir  exposer,  avec  plans  à  l'appui, 
les  résultats  de  ses  recherches. 

M.  Clermont-Ganncau  mentionne  qu'au  cours 
des  travaux  de  réfection  d'égouts  qui  ont  été 
entrepris  dans  ces  parages,  il  y  a  quelques 
années,  les  ouvriers  ont  mis  à  jour  un  gros  ro- 
binet en  cuivre  oxydé  qui  provenait  probable- 
ment  des  étuves  dont  on  a  relevé  les  traces. 


Cratjaujc  tieg  Sociétés  0at)ante0» 


231 


Cette  épave  d'un  autre  âge  avait  été  déposée  au 
Collège  de  France. 

M.  Bayet  communique  à  l'Académie  une  inté- 
ressante notice  sur  l'état  des  fouilles  que  M.  de 
Morgan  dirige  actuellement  en  Perse. 

Il  signale  tout  particulièrement  la  découverte 
d'une  statue  de  femme  en  granit  gris  portant  une 
inscription  probablement  votive,  un  lion  en 
marbre,  une  colonne  en  bronze  sur  laquelle  on 
relève  une  longue  inscription,  des  cylindres  à 
scènes  figurées,  et  divers  objets  en  métal. 

De  son  côté,  M.  Heuzey  entretient  l'Aca- 
démie de  la  céramique  chaldéenne.  Celle-ci 
n'était  représentée  jusqu'ici  que  par  des  vases  en 
terre  ordinaire  sans  décoration  d'aucune  sorte. 
D'après  les  exemples  communiqués  par  M.  Heu- 
zey, on  doit  aux  fouilles  du  capitaine  Gros  d'avoir 
constitué  une  série  de  vases  chaldéens  en  terre 
noire  ornés  de  figures  à  la  pointe  dont  le  contour 
est  avivé  par  une  pâte  blanche  incrustée  dans  les 
incisions. 

Il  s'agit  d'une  technique  spéciale  qui  a  fait  un 
grand  chemin  dans  le  monde  antique,  car  on  la 
retrouve  depuis  la  région  de  la  Suse  jusque  dans 
les  nécropoles  d'Espagne,  en  passant  par  la  Tur- 
quie, l'île  de  Chypre,  laThrace  et  l'Étrurie. 

M.  Ed.  Pottier  présente  de  la  part  de  M.  Gonze, 
secrétaire  général  de  l'Institut  archéologique 
de  Berlin,  une  photographie  de  la  sculpture  qui 
a  été  trouvée  à  Pergame  et  publiée  dans  les 
comptes  rendus  de  l'Académie  de  Berlin.  Il  s'agit 
d'une  copie  romaine  de  l'Hermès  Propylaios 
d'Alcamènes,  comme  l'indique  une  inscription 
gravée  sur  la  base.  Le  style  encore  archaïque 
en  est  fidèlement  conservé  et  peut  servir  à 
établir,  d'une  façon  plus  rigoureuse  qu'on  n'avait 
pu  encore  le  faire,  le  caractère  des  œuvres  d'Al- 
camènes, le  principal  émule  de  Phidias.  L'original 
a  été  transporté  au  musée  de  Constantinoplc. 

Séance  du  11  tnars.  —  Le  docteur  Capitan  et 
MM.  Breuil  et  Charbonneau  communiquent  à 
l'Académie  le  résultat  des  observations  complè- 
tement inédites  qu'ils  ont  faites  sur  le  territoire 
de  la  ferme  de  la  Vaulx  près  de  Saint  Aubin- 
Baubigné  (Deux- Sèvres),  entre  Bressuire  et 
Cholet.  Il  existe  là,  dans  un  espace  d'à  peine  un 
kilomètre  carré,  de  nombreux  blocs  de  granit, 
parfois  assez  volumineux,  isolés  au  milieu  des 
champs.  Sur  la  plupart,  au  nombre  d'une  cin- 
quantaine, les  auteurs  ont  découvert  de  nom- 
breuses gravures,  qu'ils  ont  photographiées,  cal- 
quées et  dessinées. 

Profondément  gravées  sur  la  surface  du  granit, 
ces  figures  se  composent:  1°  de  signes  divers  ; 
2°  de  figures  d'animaux  ;  3°  de  figures  humaines. 
Toutes  sont  extrêmement  stylisées. 


Parfois  les  figures  sont  groupées  deux  à  deux; 
elles  forment  quelquefois  de  vraies  scènes  :  soit 
un  couple,  soit  plusieurs  individus  qui,  dans  une 
image,  entourent  un  grand  personnage  les  bras 
étendus.  Des  figures  d'animaux  sont  quelquefois 
associées  aux  images  humaines,  souvent  avec 
représentation  d'un  cavalier  de  même  type  que 
les  autres  figures.  Enfin,  des  cercles,  des  croix, 
des  signes  divers  sont  souvent  interposés  entre 
les  images. 

Telles  sont  ces  singulières  figures  dont  il 
n'existe  nulle  part  d'identiques.  Tout  au  plus 
pourrait-on  rapprocher  les  figures  d'animaux  de 
certaines  gravures  rupestres  d'Algérie  et  les 
images  humaines  des  statues  menhir  du  Tarn  et 
de  l'Aveyron,  découvertes  par  l'abbé  Hermet  et 
qu'on  peut  légitimement  attribuer  à  l'époque  du 
bronze.  Il  est  donc  bien  difficile  de  dater  les 
gravures  rupestres  de  la  Vaulx.  Elles  ne  parais- 
sent guère  pouvoir  être  considérées  comme  bar- 
bares. 

On  peut  donc  penser  qu'elles  sont  antiques,  et 
non  sans  de  grandes  réserves  les  rapprocher  des 
statues  menhir  sus-indiquées  et  les  faire  remonter 
à  l'époque  du  bronze  ou  au  premier  âge  du  fer  ; 
soit  donc  du  neuvième  au  douzième  siècle  avant 
Jésus-Christ. 

Quant  à  leur  signification,  on  pourrait,  dit  M. 
Capitan,  émettre  l'hypothèse  qu'elle  est  commé- 
morative,  rituelle  ou  fétichique. 

Les  enhiinineiirs  de  manuscrits  au  moyen  âge. 
—  M.  Henry  Martin,  conservateur  à  la  Biblio- 
thèque de  l'Arsenal,  communique  à  l'Académie 
des  observations  d'où  il  résulte  que,  dès  leXlII«= 
siècle,  il  y  a  eu  de  véritables  ateliers  de  peintres 
placés  sous  la  direction  d'un  chef  ou  d'un  maître 
qui  fournissait  à  ses  collaborateurs  les  esquisses 
des  miniatures  à  exécuter. 

Ces  esquisses,  qui,  jusqu'à  présent,  avaient 
passé  inaperçues,  peuvent  être  observées  sur  les 
marges  d'un  très  grand  nombre  de  manuscrits 
de  luxe.  Elles  sont  généralement  d'un  dessin 
bien  supérieur  à  celui  des  miniatures,  et  les  per- 
sonnages figurés  dans  ces  esquisses,  bien  qu'ils 
soient  souvent  dessinés  d'une  façon  sommaire, 
ne  présentent  pas  les  gestes  gauches  qu'on  re- 
marque dans  beaucoup  de  ces  petits  tableaux  du 
moyen  âge. 

Grâce  à  ces  esquisses,  on  comprend  maintenant 
pourquoi  les  miniatures  d'un  même  manuscrit, 
quoique  bien  homogènes  pour  la  composition  des 
scènes,  accusent  si  souvent  d'incroyables  inéga- 
lités dans  l'exécution  de  l'enluminure.  Toutes  les 
esquisses  étaient  bien  l'œuvre  du  chef  d'atelier, 
mais  le  travail  d'enluminure  était  confié  à  des 
auteurs  différents, 

M.  Henry  Martin  a  relevé  aussi  l'existence  à 
Paris,  sous  Charles  VII,  d'une  femme  peintre  in- 


232 


Brtuc  ÏJC  part  cbréttcn. 


connue  jusqu'ici  et  qui  devait  être  très  en  vogue 
puisque  ses  œuvres  se  payaient  fort  cher.  Cette 
enlumineuse  portait  le  nom  assez  singulier  d'A- 
nastaise  (nous  disons  aujourd'hui  Anastasie). 
Bien  qu'elle  travaillât  à  Paris,  il  n'est  pas  sûr  que 
cette  dame  Anastaise  fût  Française  d'origine  ; 
peut-être  avait-elle  été  attirée  en  France  par  la 
renommée  universelle  dont  jouissaient  à  cette 
époque  les  enlumineurs  parisiens. 

Séance  du  i8  mars.  —  M.  Ph.  Berger  annonce 
que  M.  Gauckler,  directeur  des  antiquités  et  des 
fouilles  en  Tunisie,  a  découvert  au  Djebel-Man- 
sour,  dans  les  ruines  de  la  petite  «  civitas  Galita- 
na  »,  là  où  fut  déjà  trouvé  un  monument  funé- 
raire avec  bas-reliefs  et  inscription  bilingue,  latine 
et  néo-punique,  un  linteau  de  porte  monolithe 
portant  la  dédicace  d'un  temple  à  Mercure  par 
la  «  civitas  Galensis  »  et  ses  suffîtes  Aris  et  Ma- 
nius,  fils  du  Celer. 

M.  Potier  communique  une  notice  du  P.  Jala- 
bert  sur  les  stèles  de  Sidon. 

Séance  du  2§  mars.  —  La  Commission  du  prix 
Saintour  (3,000  fr.),  destiné  à  récompenser  le 
meilleur  ouvrage  relatif  à  l'antiquité  classique 
publié  depuis  le  i*^"^  janvier  1901,  accorde  : 

Un  prix  de  2,000  fr.  à  M.  Maurice  Besnier 
pour  son  livre  intitulé  L'Ile  Tibérine  dans  l'anti- 
quité ; 

Un  prix  de  1,000  fr.  à  M.  Ridder  pour  son 
Catalogue  des  vases  peints  de  la  Bibliothèque  JVa- 
tiotiale. 

Séance  du  jo  mars.  —  M.  Babelon  fait  une 
communication  relative  aux  types  monétaires  et 
autres  monuments  qu'on  a  rapprochés  de  la 
célèbre  statue  de  bronze  du  musée  de  Berlin, 
connue  sous  le  nom  de  L Enfant  en  prière. 

Il  démontre  que, sur  la  monnaie  de  Tarente,  le 
héros  Taras,  à  califourchon  sur  le  dauphin,  ne 
fait  pas  le  geste  de  la  prière, mais  les  mouvements 
saccadés  du  céleuste,  comme  pour  régler  et 
rythmer  le  balancement  des  rameurs.  Sur  la  stèle 
de  Némée,  oîi  l'on   a  vu  un  athlète  en  prière,  il 


faut  reconnaître,  suivant  M.  Babelon,  un  devin, 
peut-être  Mélampos,dans  une  attitude  liturgique. 
Des  monnaies  de  Sicyone  représentent  le 
même  personnage  avec  des  bandelettes  qui  des- 
cendent parallèlement  de  ses  mains  levées,  au- 
dessus  de  sa  tête  ;  et  parfois  la  colombe,  placée 
devant  lui,  indique  qu'il  s'agit  d'une  scène  d'or- 
nithomancie. L'hypothèse  de  l'athlète  en  prière 
doit  donc  être  écartée. 


Académie  royale  d'Archéologie  d'Anvers. 
—  M.lechan.  Van  den  Gheyn,  dans  son  discours 
présidentiel  de  décembre  dernier,  a  exposé  la 
perplexité  qu'il  éprouve  en  présence  de  la  ques- 
tion de  la  restauration  des  anciens  monuments, 
qu'il  distingue,  comme  le  soussigné  l'a  proposé 
dès  1894,  en  deux  catégories,  les  monuments 
morts  et  les  monuments  vivants.  Autrefois,  un 
généreux  mouvement  s'est  produit  contre  l'aban- 
don dont  ils  étaient  l'objet,  les  uns  et  les  autres, 
en  faveur  de  leur  restauration  ;  depuis,  on  dé- 
nonce les  restaurateurs  à  l'animosité  publique. 
Au  sujet  du  traitement  des  ruines,  M.  Van  den 
Gheyn  cite  deux  opinions  contraires  :  celle  de 
M.  Fierens  et  la  mienne;  il  trouve  que  j'ai  plutôt 
raison  en  théorie,  mais  il  se  range  en  pratique  du 
côté  de  mon  antagoniste.  C'est  comme  pour  la 
polychromie  d'église  :  M.  Van  den  Gheyn  est 
connu  pour  avoir  vaillamment  affirmé  le  bien 
fondé  de  cette  pratique,  jadis  universelle  ;  et 
néanmoins,  il  serait,  dit-il,  le  dernier  à  conseiller 
l'application  de  ce  principe. 

Quant  aux  ruines,  il  faut  procéder  avec  une 
extrême  circonspection  ;  éviter  de  pécher  par 
défaut,  plus  encore  par  excès.  Nous  sommes 
d'accord.  Pour  les  monuments  vivants,  dit  l'émi- 
nent  chanoine,  cela  dépend  des  cas.  Il  n'y  a  pas 
de  danger  qu'il  trouve  des  contradicteurs. 

M.  H.  Hymans  a  vivement  intéressé  son  audi- 
toire par  une  piquante  causerie  sur  les  dupes  et 
les  faussaires  en  archéologie. 

L.  ClocjUET. 


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^^^^m^^^mM  Btbiiograpbte.  m^m^m^mm 


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DER  ALTE  FENSTERSGHMUCK  DES  FREI- 
BURGER  MUNSTERS,  von  Prof.  F.  Geiges. 

LES  ANCIETMS  VITRAUX  DE  LA  CATHÉ- 
DRALE DE  FRIBOURG,  par  le  Prof.  P".  Geiges. 
Herder,  éditeur,  Fribourg.  L'ouvrage  sera  complet  en 
5  livraisons  in-4°  avec  de  nombreuses  illustrations 
dans  le  texte,  et  2  planches  en  couleurs  par  livraison. 
Deux  livraisons  ont  paru.  Prix  de  la  livraison;  5  marcs. 

5^^^^^i?»'EST  un  des  meilleurs  ouvrages  qui 
1^  aient  paru  sur  la  peinture  sur  verre. 
\  Il  convient  de  le  recommander  tout 
j^  particulièrement  aux  peintres  ver- 
^^^^^-j^  riers  et  aux  archéologues  qui  dési- 
rent s'initier  aux  procédés  techniques  de  ce  genre 
de  peinture.  La  cathédrale  de  Fribourg,  malgré 
les  pertes  considérables  dont  l'auteur  énumère 
les  causes,  a  conservé  toute  une  série  de  verrières 
d'époques  différentes  et  dont  les  plus  anciennes 
remontent  au  XIII<^  siècle.  Un  grand  nombre  de 
ces  vitraux  et  des  détails  dont  ils  se  composent 
sont  reproduits  dans  les  illustrations,  avec  une 
précision  et  un  caractère  qui  permet  de  recon- 
naître immédiatement  le  siècle  auquel  appartient 
l'œuvre. 

C'est  que  l'auteur  de  cette  étude.désigné  comme 
professeur,  est  lui-même  peintre  verrier,  et  on 
s'aperçoit  bientôt  à  la  lecture  de  son  texte  et  à 
la  vue  de  ses  croquis  que  l'on  a  affaire  à  un  pra- 
ticien expérimenté,  qui  a  étudié  à  tous  les 
points  de  vue,  avec  un  véritable  amour,  l'art  qu'il 
cultive.  Bien  qu'au  titre  de  l'ouvrage  on  puisse 
croire  qu'il  s'agit  ici  d'une  simple  monographie, 
on  s'assure  à  la  lecture  que  M.  Geiges  a  décrit 
et  dessiné  les  vitraux  de  ta  cathédrale  deFribourg 
à  un  point  de  vue  synthétique.  Il  a  étudié  la  pein- 
ture sur  verre  dans  presque  tous  les  monuments 
de  l'Europe,  et  il  a  lu  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur 
cet  art  si  important  dans  le  décor  des  édifices  du 
moyen  âge.  M.  Geiges  connaît  aussi  la  peinture 
sur  verre  moderne,  les  qualités  du  verre  employé 
et  ses  jugements  prouvent  qu'il  est  pénétré  des 
véritables  principes  de  la  vitrerie. 

Nous  avons  donc  ici  à  une  publication  haute- 
ment recommandable  et  sur  laquelle  je  compte 
revenir  lorsque  l'ouvrage  entier  aura  paru. 

J.   H. 

DEUX  CENTS  MODÈLES  DE  BRODERIE 
RELIGIEUSE,  GENRE  MOYEN  AGE,  par  Jo- 
seph Br.^ux,  s.  j.  Herder,  éditeur.  Fribourg  en 
Brisgau.  1904  In-foP  20  pi.  (50  x  70),  —  Prix  en  car- 
ton, fr.  22-50. 


L'ouvrage  contient  16  modèles  pour  croix  de 
chasuble,  6  pour  ornements  de  chape  et  7  pour 
dalmatique  ;  11  pour  broderie  d'étoles  et  un  très 
grand  nombre  pour  bordure  d'aubes.  Les  plan- 
ches sont  accompagnées  d'un  texte  explicatif. 

L'auteur  a  surtout  eu  en  vue  un  but  pratique: 
il  veut  rendre  ses  dessins  utiles  aux  brodeurs 
sans  que  sa  collection  de  modèles  devienne  trop 
coûteuse  ;  c'est  à  cet  effet  qu'il  a  réuni  plusieurs 
motifs  sur  une  seule  feuille. 

Bon  nombre  de  ses  dessins,  notamment  ceux 
des  bordures  d'un  usage  si  général,  peuvent  être 
appliqués  à  différents  usages  liturgiques  ;  on  peut 
les  appliquer  aux  bordures  des  nappes  d'autel, 
aux  aubes,  surplis,  etc.,  dans  tous  les  cas  où  une 
bordure  ornementale  est  d'un  bon  effet. 

Le  R.  P.  Braun  dessine  avec  élégance  et  ses 
ornements  sont  généralement  de  bon  goût,  sans 
s'attacher  avec  sévérité  au  style  d'une  époque 
déterminée,  ce  qui  est  peut-être  à  regretter,  car 
les  différents  siècles  du  moyen  âge  ont  eu  un 
style  particulier  qui  généralement  leur  donne  une 
haute  valeur.  Les  mêler  dans  une  sorte  d'éclec- 
tisme et  broder  «  en  genre  moyen  âge  »,  comme 
dit  le  titre  de  l'ouvrage,  ne  peut  guère  être  tenté 
qu'au  détriment  du  caractère. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'ouvrage  sera  certainement 
utile  aux  brodeurs  qui  s'en  serviront  avec  cir- 
conspection, surtout  si,  en  suivant  les  dessins  du 
R.  P.  Joseph  Braun, ils  observent  avec  conscience 
les  procédés  techniques  des  brodeurs  des  XV=  et 
XVI':  siècles,  dont  le  style  domine  dans  les  mo- 
dèles de  la  collection  que  nous  leur  signalons. 

J.   H. 


KUNSTSCHAETZE  DER  AACHENER  KAI- 
SERDOMS.  WERKE  DER  GOLDSCHMIEDE- 
KUNST,  ELFENBEINSCHNITZEREI  UND 
TEXTILKUNST.  35  Lichtdrucke  mit  Text  von 
Stephan  Beissel,  S.  J. 

LES  TRÉSORS  DE  L'ART  CONSERVÉS  AU 
DOME  IMPÉRIAL  D'AIX-LA-CHAPELLE. 
ŒUVRES  D'ORFÈVRERIE,  DE  LA  TOREU- 
TIQUE  ET  DE  L'ART  TEXTILE.  35  planches  en 
phototypie,  avec  texte  explicatif  d'Etienne  Beissel. 
In-fol°  30x40  cm.  Prix  :  30  marcs. 

Le  trésor  du  sanctuaire  fondé  par  Charlema- 
gne  et  enrichi  par  plusieurs  empereurs  d'Alle- 
magne et  d'autres  princes  a  été  assez  souvent 
l'objet  d'études  savantes  et  de  publications  de 
mérite.  Il  forme  en  effet  une  de  ces  collections 
d'oeuvres  d'art  comme  il  n'en  existe  qu'un  nom- 


234 


3Rel)uc  De  T^vt  cl)rttieu. 


bre  très  restreint  en  Europe,  également  impor- 
tante par  le  mérite  souvent  exceptionnel  du 
travail,  et  l'authenticité  historique  qui  ne  peut 
être  mise  en  doute.  11  s'agit  donc  ici  tout  à  la 
fois  de  chefs-d'œuvre  et  de  documents  précieux. 

Cependant,  jusqu'à  présent,  le  trésor  d'Aix-la- 
Chapelle  n'a  pas  encore  été  l'objet  dans  son 
ensemble,  d'une  publication  qui  fût  à  la  fois  en 
rapport  avec  sa  haute  valeur,  et  avec  les  moyens 
de  reproduction  dont  disposent  la  science  et  l'art 
moderne.  Celle  que  nous  annonçons  répond  à  un 
désir  souvent  exprimé  parles  archéologues.  Pour 
ceux  d'entre  eux  qui  ont  vu  et  étudié  cette  re- 
marquable collection,  ce  sera  tout  à  la  fois  un 
moyen  de  rappeler  leurs  souvenirs  et  de  résumer 
leurs  études,  tandis  que  les  studieux  qui  n'ont 
pas  encore  eu  l'occasion  de  se  rendre  à  Aix-la- 
Chapelle,  trouveront  une  série  d'informations, 
d'excellents  éléments  de  comparaison  et  d'ensei- 
gnement, en  attendant  l'examen  des  monuments 
eux-mêmes. 

Pour  l'Allemagne,  cette  riche  publication 
trouve  une  sorte  d'opportunité,  en  coïncidant 
avec  le  décor  récent  que  vient  de  recevoir  le  mo- 
nument où  ce  trésor  est  conservé.  Décor  qui 
embrasse  tout  au  moins  dans  sa  partie  essentielle, 
le  célèbre  octogone,  la  partie  primitive  construite 
par  le  grand  empereur  d'Occident. 

Nons  aurons  peut-être  à  revenir  sur  cette  dé- 
coration un  peu  controversée  par  le  monde  érudit 
en  Allemagne  ;  en  attendant,  l'occasion  a  paru 
favorable  à  un  savant  que  les  lecteurs  de  la 
Revue  connaissent,  le  R.  P.  Beissel,  d'ajouter  un 
texte  succinct,  mais  sufifisant  au  point  de  vue 
archéologique,  comme  au  point  de  vue  de  l'art, 
aux  planches  éditées  par  M.  Kiihlen  de  Gladbach 
que  nos  lecteurs  connaissent  également  comme 
éditeur,  et  comme  notre  collaborateur  par  les 
planches  qui  paraissent  dans  notre  recueil. 

Les  trente-cinq  planches  qui  reproduisent  les 
monuments  les  plus  remarquables  du  trésor 
d'Aix-la-Chapelle  sont  de  tout  point  excellentes: 
elles  sont  non  seulement  précieuses  par  la  dimen- 
tion  du  format  adopté,  par  la  netteté  et  la  pré- 
cision de  l'exécution,  mais  un  véritable  artiste, 
M.  Kiihlen,  a  su  mettre  les  pièces  du  trésor  dans 
le  meilleur  jour  pour  en  accentuer  le  relief  et 
donner  à  ses  reproductions  autant  que  possible, 
la  beauté  du  monument  reproduit. 

La  plupart  des  pièces  du  trésor  offrent  encore, 
comme  je  viens  de  le  rappeler,  un  intérêt  parti- 
culier par  leur  origine  historique  et  les  souvenirs 
mémorables  qui  s'y  rattachent,  et  toutes  ou  pres- 
que toutes  ont  acquis  une  grande  notoriété.même 
en  dehors  du  monde  savant, par  l'énorme  afïluence 
de  pèlerins  qui  vient  le  visiter  tous  les  sept  ans. 
En  dehors  de  ce  mouvement  religieux,  il  est  bien 


peu  de  voyageurs  instruits  qui,  visitant  la  station 
balnéaire,  ne  tiennent  à  voir  le  trésor  du  dôme, 
comme  nous  venons  de  le  dire  un  des  plus  célè- 
bres de  l'Europe  catholique.  Quel  est  celui  d'entre 
eux  qui  n'ait  pas  examiné  avec  attention,  la 
grande  couronne  de  lumière  suspendue  dans 
l'octogone,  offrande  de  l'empereur  d'Allemagne 
Frédéric  I^"^,  ouïe  remarquable  ambon  donné  par 
son  successeur  l'empereurFredéric  II,  et  qui  n'ait 
pas  conservé,  —  s'il  a  visité  le  trésor  —  souvenir 
des  magnifiques  châsses  de  la  sainte  Vierge 
Marie,  de  la  châsse  de  Charlemagne,  du  beau 
retable  d'or,  et  de  la  chapelle  de  saint  Anastase  ? 
Tous  ces  monuments  précieux  sont  reproduits 
avec  une  conscienee  et  une  exactitude  qui  ne  lais- 
sent rien  à  désirer.  Les  principaux  sont  donnés 
sous  plusieurs  aspects,  de  manière  à  en  faire 
valoir  les  détails  les  plus  remarquables. 

Le  prospectus  de  l'ouvrage  nous  apprend  que 
la  nature  des  procédés  employés  n'a  permis  d'im- 
primer qu'un  nombre  d'exemplaires  assez  limité. 
En  présence  du  prix  modéré  de  cette  publication 
et  de  l'extrême  utilité  qu'elle  offre  aux  artistes, 
aux  orfèvres  et  à  tous  les  artisans  professionnels 
des  arts  décoratifs,  il  est  à  désirer  que  cette  publi- 
cation trouve  sa  place  dans  toutes  les  biblio- 
thèques publiques  et  particulièrement  dans  celles 
des  Académies  et  des  écoles  d'Art. 

J.  H. 


GKNÈSE  DK  LA  CRYPTOGRAPHIE  APOS- 
TOLIQUE ET  DE  L'ARCHITECTURE  RI- 
TUELLE, DU  I"  AU  xvr  SIÈCLE,  par  Théo- 
phile Bkaudoire.  —  I  vol.  in  4"  de  292  pp.  avec  nom- 
breuses reproductions  d'œuvres  d'art.  —  Paris,  H. 
Champion,  1903.  30  francs. 

NOUS  signalons  à  l'attention  des  lecteurs 
de  la  Revue  une  découverte  originale,  qui 
ne  manquera  pas  de  piquer  leur  curiosité.  M.  Th. 
Beaudoire  croit  avoir  retrouvé  la  clé  de  la 
symbolique  chrétienne.  Cette  science  mysté- 
rieuse, propagée  dans  tout  le  moyen  âge,  aurait 
eu  des  principes  fixes  et  traditionnels  suivant 
lesquels  se  seraient  développés  les  arts  de  la  dé- 
coration architecturale  et  de  la  construction. 
Pour  établir  cette  thèse,  l'auteur,  qui  n'est  pas 
architecte,  n'a  pas  épargné  sa  peine.  Une  étude 
patiente  et  consciencieuse  de  l'Art  religieux 
dans  ses  manifestations  les  plus  diverses  l'a  mis 
à  même  de  réunir  bon  nombre  de  documents 
intéressants  et  variés.  Peut-être  la  manière  dont 
ils  sont  présentés  laisse-t-elle  à  désirer;  on  aurait 
souhaité  plus  de  souci  de  la  rigueur  scientifique. 
Tel  qu'il  est  cependant,  l'ouvrage  offre  quantité 
d'idées  neuves  et  personnelles,  qui,  malgré  quel- 


ll5tbliograpl)ie. 


235 


ques  exagérations,  méritent  certainement  d'être 
prises  en  considération.  J'exposerai  brièvement 
les  principaux  points  du  sujet  d'après  le  système 
de  l'auteur,  dont  je  ne  prétends  pas  du  reste 
discuter  toutes  les  conclusions. 

Les  premiers  chapitres  traitent  des  signes 
mystérieu.x,  dont  se  servirent  les  Juifs  et  les 
Chrétiens,  lorsqu'ils  voulurent  représenter,  les 
uns  la  personne  de  Jéhovah,  les  autres  le  Fils  de 
Dieu  fait  homme. Laloi  mosaïque  interdisait  l'usa- 
ge de  symboles  imitant  les  êtres  animés.  Aussi, 
suivant  l'auteur,  les  Israélites  choisirent-ils,  pour 
désigner  la  personne  de  Dieu,  la  lettre  de  leur 
alphabet  qui  signifie  tête  :  c'est  le  resch,  qui 
s'écrivait  anciennement  ■^.  Grâce  à  l'initiale 
du  nom  de  Jéhovah,  1,  qu'ils  couchèrent  en  tra- 
vers de  la  précédente,  ils  formèrent  un  mono- 
gramme -4  ;  ce  symbole  de  Dieu  fut  transmis 
par  la  tradition  jusqu'au  XV'  siècle,  où  les  typo- 
graphes   le    reproduisirent    constamment    dans 


leurs  marques  ;  telle  serait  l'origine  du  fameux 
Quatre  de  chiffres,  dont  les  bibliophiles  n'ont 
jamais  pu  deviner  la  signification  exacte.  Ce 
n'est  toutefois  qu'une  hypothèse,  car  je  ne  sache 
pas  que  l'on  rencontre  ce  signe  dans  l'antiquité. 

Les  premiers  chrétiens  adoptèrent  le  même 
caractère  hébraïque  pour  désigner  le  Christ  ; 
seulement  chez  eux  le  resch  secondaire  T  de- 
vint souvent  le  P,  lettre  correspondante  de 
l'alphabet  grec.  En  y  joignant  l'iota,  initiale  du 
mot  'lïiToûi;,  ils  formèrent  le  monogramme  -9-, 
-^,  que  l'on  trouve  continuellement,  dans  l'an- 
tiquité chrétienne,  sous  l'une  de  ces  deux  formes. 
Souvent  aussi  ils  combinaient  le  resch  *]  ,  P 
ou  le  monogramme  -^,-p-  >  avec  la  lettre  X 
de  Xpio-TÔç,  ce  qui  donna  )^,  •^,  le  chrisme  très 
usité,  lui  aussi,  dans  les  temps  anciens. 

Dans  l'art  antique,  le  resch  se  trouve  quelque- 
fois seul  sous  la  forme  d'une  volute  : 


Pavement  de  la  basilique 
de  Tigzirt. 


Fronton  du  baptistère  St-Jean  de  Poitiers. 


Marque  du  libraire  Resch, 
de  Paris. 


Deux  reschs  du  même  modèle  accouplés  ont 
formé  la  feuille  que  l'on  rencontre  si  fréquemment 
sur  les  inscriptions  des  catacombes  ;  ce  symbole 


aurait  été  pour  les  chrétiens,  d'après  l'ingénieuse 
théorie  de  M.  H.,  l'image  de  la  consubstantialité 
du  Père  et  du  Fils. 


o^  ô  ô  é 


Ce  symbole  de  la  feuille  ou  du  cœur  se  retrouve 
sur  certaines  monnaies,  comme  celle  du  roi  Sige- 
bert,  et  surtout  dans  plusieurs  marques  de  typo- 
graphes, où  il  accompagne  le  Quatre  de  chiffres, 
coïncidence  évidemment  curieuse. 

L'un  des  monuments  anciens  les  plus  intéres- 
sants pour  la  cryptographie  chrétienne  est  une 
table  de  marbre  trouvée  à  Lyon  en  1S43,  étudiée 
par  M.  Le  Blant.  Elle  renferme  plusieurs  des 
signes  mystérieux  dont  j'ai  donné  plus  haut 
l'explication  d'après   M.  Beaudoire.  Les  petites 


volutes  qu'on  y  remarque  sont  assez  souvent 
reproduites  sur  les  monnaies  du  moyen  âge,  ce 
qui  semble  bien  indiquer  qu'on  leur  donnait  une 
signification  déterminée.  ( Cf.  figures  ci-après). 

Un  autre  ornement  se  rencontre  aussi  dans  les 
catacombes  et  sur  les  monuments  anciens,  sur- 
tout dans  l'architecture  mérovingienne  ;  c'est 
l'étoile  à  quatre,  six  ou  huit  rais,  <=§=,  <^,  .^  ; 
l'auteur  ne  peut  s'empêcher  d'y  voir  une  forme 
plus  ornée  des  sigles  -^,  )^  et  ^,  monogram- 
mes   du   Christ.   Cette    dernière    interprétation 


236 


îRcbuc  De  rSvt  chrétien. 


parait  acceptable,  car  il  existe  à  Rome  des 
inscriptions  très  anciennes,  que  l'auteur  n'a  pas 
connues,où  le  sigle  -^  accompagne  le  mot  IX0YC, 
ou  la  figure  du  poisson. 

Mais,  de   tous  ces    faits,   on    ne   saurait  tirer 
une    conclusion    trop    générale,  car  il   est   ma- 


Monnaie  de  Sigebert. 

nifeste  que  ces  symboles  existaient  comme  purs 
ornements,  de  longs  siècles  avant  le^  christia- 
nisme. Aussi,  ne  doit-on  s'en  servir  qu'avec  une 
très  grande  prudence  pour  conclure  de  leur  pré- 
sence sur  beaucoup  de  monuments  anciens,  au 
caractère  chrétien  de  ces  monuments.  C'est  pour- 

Marques  des  imprimeuis  Courbé,  Sonnius,  Thierry,  à  Paris. 

tant  ce  que  l'auteur  s'applique  à  démontrer  à 
propos  des  fameux  tombeaux  phrygiens,  connus 
des  archéologues  pour  leurs  formes  mystérieuses. 
A  l'extrémité  orientale  de  la  Phrygie  se  dres- 
sent, en  effet,  sur  les  collines  dominant  le  San- 
garios,   d'étranges    monuments    taillés    dans    le 


Marbre  de  Lyon,  111=  siècle 


roc  même,  que  jusqu'ici  l'on  avait  pris  pour  des 
tombeaux  ou  des  cénotaphes.  MM.  Charles 
Texier,  Ramsay,  Perrot  et  Chipiez  ont  viisité  à 
différentes  époques  cette  vaste  nécropole  ;  ils  ne 
se  sont  guère  accordés  sur  la  destination  de  ces 
sculptures  gigantesques,  sauf  sur  leur  caractère 
païen,  et  sur  leur  très  haute  antiquité.  L'un    de 


ces  monuments  porte  une  inscription  où  se  lit 
le  mot  Mida,  d'où  le  nom  de  tombeau  de  Midas 
qu'on  lui  donne  généralement.  M.  Beaudoire  est 
le  premier  à  voir  là  une  œuvre  chrétienne  :  l'or- 
nementation lui  en  fournit  la  preuve.  Ce  tombeau 
consiste  en  un  mur  de  tuf  volcanique,  sur  la  paroi 
duquel  une  main  inconnue  a  sculpté  en  creux  un 
immense  parallélogramme  orné  de  méandres, 
formant  des  croix  et  des  carrés,  et  surmonté  d'un 
fronton  que  terminent  deux  volutes  accolées 
l'une  à  l'autre.  Plusieurs  autres  monuments  du 
voisinage,  de  forme   et  de  décor  analogues,  pas- 


Monnaies  du  roi  Clovis,  du  Mans  et  de  Paris. 

sent  pour  les  tombeaux  des  rois  phrygiens.  M.  B. 
les  regarde  tous  comme  chrétiens  ;  pour  lui  ce 
serait  quelque  chose  comme  des  calvaires  primi- 
tifs ;  les  deu.x  volutes  du  sommet  seraient  des 
reschs,  figures  du  Christ,  les  croix  et  les  carrés 
des  chrismes. 


#  u 


En  revenant  vers  la  côte  occidentale  de  l'Asie 
Mineure,  l'on  trouve  sur  les  versants  du  mont 
Sipyle,  tout  près  de  Smyrne,  une  autre  vaste 
nécropole,  dont  le  monument  principal  porte  le 
nom  de  tombeau  de  Tantale,  roi  de  Lydie. 

Texier  a  pu  y  pénétrer  et  prendre  le  dessin 
intérieur  de  cette  rotonde,  qui  se  trouve  repré- 
senter assez  exactement  le  sigle  (^  du  Christ, 
fréquent  dans  l'antiquité.  M.  B.  en  conclut,  un 
peu  trop  vite  semble-t-il,  que  ce  doit  être  une 
tombe  chrétienne. 

Plus  heureuse  me  paraît  être  son  hypothèse, 
très  neuve,  elle  aussi,  à  propos  des  espèces  de 
camps  retranchés  que  les  explorateurs  ont  dé- 
couverts sur  les  sommets  escarpés  de  ce  mont 
Sipyle.Ces  plates-formes,  d'accès  difficile,  présen- 
tent des  cours  inclinées  en  pente  douce,  avec  des 
réservoirs  et  des  sortes  à'auges,  creusées  dans  le 
roc,  dont  la  destination  est  restée  inexplicable. 
M.  B.  soupçonne  que  ces  endroits  retirés  pour- 
raient bien  avoir  été  ménagés  par  les  premiers 
chrétiens  pour  l'administration  du  baptême.  Les 


Btbltograpl)te. 


237 


ait£;t-s,dAns  lesquelles  on  descendait  par^/^z^.r  iftar- 
cAes,  ne  devaient  être  autre  chose  que  la  piscine. 
L'un  de  ces  baptistères  à  ciel  ouvert  possède  une 
petite  abside,  qui  pouvait  être  le  lieu  où  siégeait 
ï'évêque  pour  la  confirmation.  Rien  ne  s'oppose 
absolument  à  ce  que  ce  soit  la  meilleure  solu- 
tion de  ce  problème  archéologique.  Il  est  égale- 
ment vraisemblable  que  notre  auteur  a  raison 
quand  il  reconnaît  un  baptistère  dans  l'une  des 
tours  rondes  qui  se  dressent  encoreprèsdesruines 
de  la  basilique  de  Pergame.  Rien  n'y  manque, 
ni  le  réservoir  pour  recueillir  l'eau  des  pluies,  ni 
les  canaux,  ni  même  les  vannes  destinées  à  régler 
l'alimentation  de  la  cuve  baptismale. 


Dans  la  troisième  partie  de  son  ouvrage,  M.  B. 
étend  à  toute  l'architecture  religieuse  les  prin- 
cipes de  la  science  cryptographique.  Les  deux 
principaux  sigles  dont  nous  avons  parlé,  le  resch 
et  le  chrisme,  seraient,  d'après  lui,  la  source  de 
toute  décoration  architecturale  ;  bien  plus,  ils 
seraient  comme  la  loi  de  la  construction  elle- 
même.  Qu'on  en  juge  par  ces  deux  phrases,  que 
j'emprunte  à  l'auteur  :  «  Ces  sigles  transformés 
en  cent  mille  dessins  plus  ou  moins  artistiques 
au  moment  des  persécutions  en  Asie  Mineure, 
en  Afrique  ensuite,  puis  à  Rome,  ont  formé  peu 
à  peu  le  bel  Art  qui  n'est  ni  byzantin,  ni  roman, 
ni  gothique,  mais  simplement  et  purement  Ckré- 


tien  (p.  288-2S9).  —  L'architecture  des  églises 
d'Europe...  n'est  ni  romane,  mot  inventé  en  1825 
par  Quicherat,  ni^t7//î/(7«^  flamboyante  ou  rayon- 
nante, mots  inventés  vers  le  milieu  du  XIX''  siè- 
cle par  de  pseudo-archéologues  ;  c'est  une  archi- 
tecture rituelle  chrétienne  (p.  143).» 

Il  paraît  bien  qu'ici  l'auteur  a  poussé  un  peu 
loin  ses  conclusions.  Vouloir  découvrir  partout  le 
resch  et  le  chrisme  mystique  est  évidemment 
excessif  ;  car  suivant  ce  système,  il  n'est  plus 
possible  de  tracer  une  ligne  droite  ni  une  courbe, 
encore  moins  de  croiser  deux  lignes,  sans  faire 
du  symbolisme.  Selon  M.  Beaudoire,  cependant, 
le  nom  du  Christ  se  lit  en  tout  endroit  dans  nos 
édifices  religieux,  dans  les  nervures  des  fenêtres 
aussi  bien  que  dans  les  rosaces  de  nos  cathé- 
drales, dans  les  palmettes  des  chapiteaux,  dans 
l'arcade  romane  comme  dans  la  courbe  brisée  de 
l'ogive,  même  dans  l'intersection  des  arêtes  des 
voûtes  !  Et  tout  cet  art  serait  venu  d'Asie  Mi- 
neure à  la  suite  des  Croisades.  Mais  tout  cela 
est  bien  hypothétique.  Qu'il  se  soit  trouvé  au 
moyen  âge  des  artistes  qui  aient  voulu  donner  à 
leurs  constructions  telle  ou  telle  signification 
symbolique,  cela  n'est  pas  douteux  ;  mais  il   est 


inadmissible  qu'il  ait  pu  exister  une  tradition 
constante  et  universelle,  qui  aurait  inspiré  toutes 
les  œuvres  d'art  jusqu'au  XVI«  siècle,  i-rt«5 /«/.fje^ 
aucune  trace  dans  les  documents  écrits.  Aussi  me 
semble-t-il  que  l'auteur  a  eu  tort  de  généraliser 
un  système  qui  a  certainement  du  bon. 

En  résumé,  il  y  a  beaucoup  à  prendre  dans  le 
livre  de  M.  Beaudoire,  et  l'on  doit  féliciter  l'au- 
teur de  l'abondance  de  ses  recherches.  Nous 
avons  le  regret  de  ne  rendre  là  qu'un  hommage 
posthume  ;  une  mort  subite  emporta  M.  Théo- 
phile Beaudoire  au  moment  où  s'imprimaient  les 
dernières  feuilles  de  son  volume  ('). 

DE   P. 

LE  COQ  DU  CLOCHER,  par  L.  Martin.  (Broch. 
extr.  des  Mém.  de  l'Acad.  Stanislas).  Nancy,  Berger, 
1904. 

M.Martin  a  entrepris  de  résoudre  l'intéressante 
question  tant  de  fois  exposée  :  pourquoi  le  coq 
sur  la  flèche  de  nos  églises?  Il  l'a  traitée  de  ma- 

I.  Nous  devons  à  la  complaisance  des  héritiers  de  M.  Th.  B. 
d'avoir  pu  donner  quelques  spécimens  des  illustrations  soignées, 
qui  ajoutent  à  l'intérêt  de  cet  ouvrage. 


238 


ÎRebue  lie  r^rt  cbrcticn. 


nière  littéraire  et  charmante, après  l'abbé  Barraud, 
A.  De  Caumont,  l'abbé  Godard  et  Barbier  de 
Montault. 

Dès  820,  l'évêque  Dampert  plaçait  un  coq  de 
bronze  au  faîte  du  clocher  de  Brescia,  et  ce  ne 
fut  sans  doute  pas  la  première  des  girouettes  de 
cette  forme  ;  depuis  le  X*"  siècle  les  documents 
écrits  célèbrent  cette  vigie  gallinacée,  qui  plane 
dans  les  airs,  brave  la  tempête,  regarde  le  soleil, 
défie  la  foudre,  qui  toutefois  la  frappe  souvent. 
S.  Charles  Borromée  la  prescrit  dans  ses  Actes 
de  l'Église  de  Milan. 

Mais  d'où  lui  vient  son  privilège  ?  — •  On  a  vu 
dans  ce  coq  un  emblème  celtique,  on  a  pensé  qu'il 
figurait  la  patrie  gauloise,  que  rappelle  son  nom, 
et  même  Jos.  Bard  s'insurgea  jadis  contre  cet 
emblème  profane  et  prétendit  en  dégarnir  les 
tours  d'église. 

La  vraie  solution  doit  être  demandée  à  l'inter- 
prétation des  anciens.  Déjà  les  Grecs  et  les  Ro- 
mains avaient  fait  du  coq  l'emblème  de  la  vigi- 
lance et  de  l'activité;  ils  Un  attribuaient  les  fonc- 
tions de  réveil-matin,  et  c'était  pour  eux  le  type 
du  courage  et  de  la  vigilance  en  même  temps 
qu'un  oiseau  protecteur. Les  chrétiens  reprirent  ce 
symbole.  Saint  Ambioise  célèbre  dans  ses  hym- 
nes le  chant  du  coq  et  sa  vigilance,  S.  Grégoire 
le  Grand,  Prudence  et  S.  Hilaire  dans  leurs 
commentaires  du  livre  de  Job,  assurent  que  le  coq 
donna  le  signal  de  la  Résurrection  et  montrent 
l'oiseau  matinal  secouant  les  fidèles  dans  leur 
torpeur. 

Et  ce  n'est  pas  ici  une  fantaisie  poétique  ;  les  li- 
turgistes  du  moyen  âge  ne  tarissent  pas  sur  le  sym- 
bolisme de  cet  oiseau, qui  pivote  au  gré  des  vents 
par-dessus  la  croix.  S.  Eucher,  S.  Grégoire,  S. 
Bonaventure  en  font  l'emblème  du  pasteur  des 
âmes.  Hugues  de  Saint-Victor  développe  cette 
idée  mystique,  reprise  par  Durand  de  Mende  et 
Honorius  d'Autun. 

L.  C. 

LE  DOUBLK  CHŒUR  DE  LA  CATHÉDRALE 

DE  GLASGOW,  par  M.  Th.  Lennox-Watson.— Gr. 
in-4°,  illustré  de  180  pp.,  papier  de  luxe.  —  Glascow, 
Hedderwick,  1901. 

A  défaut  de  documents  d'archives,  M.  Lennox- 
Watson  a  entrepris  de  narrer  l'histoire  de  la  ca- 
thédrale de  Glascow  à  l'aide  de  l'étude  conscien 
cieuse  des  voûtes,  étude  qu'il  a  faite  avec  une 
remarquable  pénétration.  Il  a  pu  établir  que  ce 
monument  a  été  exécuté  en  cinq  périodes,  recon- 
naissablcs  aux  progrès  survenus  dans  la  construc- 
tion des  voûtes  gothiques. 

La  première  cathédrale  de  Glascow  1175- 
1194)  fut  en  partie  démolie  et  reconstruite  sur 
un  plan  plus  vaste,  de  1208  à  1232,  par  l'évêque 


Walter  ;  le  chœur  fut  achevé  sous  Bondington, 
entre  1233  et  1258.  Cet  édifice  offre  la  curieuse 
disposition  d'un  chevet  plat  contourné  par  un 
double  déambulatoire  de  forme  carrée  ;  Villard 
de  Honnecourt  en  a  donné  dans  son  album  le 
croquis  et  le  dispositif 

Après  Walter  on  travailla  encore  un  siècle  à 
l'achèvement  de  la  nef,  dont  on  poursuivit  la 
construction  à  mesure  des  ressources. 

De  l'édifice  primitif  on  a  conservé  les  deux 
travées  S.-O.  de  la  crypte  ;  mais  la  voûte  en  fut 
reconstruite  de  1240  à  1260. 

Toutes  ces  dates,  assez  précises,  notre  auteur 
les  déduit  de  l'étude  des  voûtes  et  en  particulier 
du  tracé  et  du  profil  des  moulures,  et  sa  pers- 
picacité n'est  pas  mise  en  défaut  même  en  pré- 
sence de  certaines  parties  oîi  l'on  a  été  amené  à 
conserver  des  tracés  et  des  profils  surannés  pour 
continuer  l'œuvre  commencée  ;  les  reprises  se 
trahissent  par  la  manière  spéciale  dont  on 
dut  alors  constituer  les  retombées  et  les  som- 
miers. 

Nous  ne  reprendrons  pas avecl'auteur,  l'évolu- 
tion si  rationnelle  et  si  rapidement  progressive  de 
la  voûte  en  croisée  d'ogive  au  cours  du  XIII'" siè- 
cle. Une  étape  dans  cette  évolution  est  marquée 
par  l'adoption  des  ogives  en  plein  cintre,  combi- 
nées avec  desformerets  à  cintre  brisé;  cette  phase 
apparaît  à  Glascow  en  1240  ;  elle  y  est  accusée 
surtout  par  un  bel  agencement  des  sommiers, 
comme  delà  retombéed'une  série  de  nervures  d'un 
même  rayon  de  courbure  ;  c'est  le  second  système 
de  voûtes,  faisant  place  aux  voûtes  romanes. 

Un  troisième  stade  va  de  1230  à  1250;  le 
plan  d'ensemble,  arrêté  par  Bondington  avant  les 
travaux  de  1235,  ne  comportait  pas  de  supers- 
tructure voûtée  au-dessus  du  compartiment 
central  formant  le  chœur  proprement  dit  ;  cette 
partie  fut  couverte  de  charpente,  tandis  qu'on 
hâtait  l'achèvement  des  voûtes  des  bas-côtés. 
Mais  les  moulures  de  ces  dernières  sont  celles  qui 
furent  à  la  mode  en  1250. 

Mais  voici  qu'un  nouvel  élément  s'introduit 
dans  l'organisme  des  voûtes,  à  .savoir  la  lierne, 
qui  était  apparue  en  Angleterre  dès  1230,  et  qui 
en  devint  un  accessoire  inséparable  à  partir  de 
1240.  Le  compartiment  central  de  la  crypte  de 
Glascow,  une  des  plus  belles  et  des  plus  récentes 
de  l'Europe,  date  des  environs  de  1260.  Ici,  la  dis- 
position nouvelle  se  trouve  greffée  sur  l'ancienne 
déjà  partiellement  exécutée.  Ainsi,  les  bas-côtés 
de  la  crypte,  qui  remontent  à  1235,  sont  couverts 
desimpies  croisées  d'ogives,  aux  moulures  épaisses 
et  toriques.  Au  centre,  les  profils  sont  plus  fouil- 
lés, et  le  tracé  des  nervures  rappelle  l'ichtogra- 
phie  des   pièces   isolées,  salles  capitulaires,  etc. 


Btbltograpl)te. 


239 


C'est  la  voûte  en  étoile,  telle  qu'elle  figure 
dans  l'albiim  de  Villard  de  Honnecourt,  dessinée, 
Oiiicherat  l'a  démontré,  de  1240  a  1251;  cette 
voûte  devint  commune  au  XIV<'  siècle  (église 
de  Ste-Marie  et  de  Ste-Catherine  de  Lubeck). 

Après  les  liernes  apparaissent  les  tiercerons, 
spécialement  nécessaires,  en  Angleterre,  pour 
soutenir  à  ce  point  intermédiaire,  les  liernes 
qui  offrent  fort  peu  de  flèche  (à  l'abside  on  peut 
constater  leur  fléchissement).  Les  tiercerons  ap- 
paraissent dans  la  voûte  de  la  cage  de  l'escalier 
d'ouest  de  la  crypte. 

Puis  le  système  se  développe,  engendre  les 
contre-liernesou  goussets, les  tiercerons  multiples, 
pour  aboutir  à  la  voûte  en  éventail  ;  les  nervures 
deviennent  plus  étroites  et  plus  élancées  pour 
mieux  se  dégager.  Pendant  ce  temps  (la  première 
moitié  du  XI II<"  siècle),  les  profils  des  moulures 
fournissent  des  indications  chronologiques  infail- 
libles.surtout  ceux  des  nervures.  A  Glascow  leurs 
profils  accusent  cinq  époques  distinctes,  allant  de 
1220  à  1270  pour  les  quatre  premières,  la  cin- 
quième est  postérieure. Pour  établir  cette  classifi- 
cation, l'auteur  entre  dans  des  détails  techniques 
sur  la  marche  des  travaux,  les  moyens  d'élevage, 
etc.  L'étude  de  l'agencement  des  sommiers  lui 
permet  de  restituer  la  disposition  primitive  des 
voûtes  et  la  partie  centrale  de  la  crypte.  Les  ner- 
vures,commencées  en  i240,ont  dû  être  déviées  en 
1260  pour  s'adapter  à  un  nouveau  tracé  de  l'ossa- 
ture du  plafond  voûté. 

Bref,  cette  étude  anatomique  d'un  des  beaux 
monuments  de  l'Angleterre  est  un  travail  vrai- 
ment scientifique,  fécond  en  déductions  bien 
établies. 

L.  C. 


DICTIONNAIRE   DE  LA   BIBLE,  t.  XVII. 

Décrivant  la  ville  hébraïque  de  Gébal,  M.  Le 
Camus  nous  représente  ses  habitants  comme 
d'habiles  constructeurs  qui  ont  collaboré  au  tem- 
ple de  Jérusalem.  Les  murs  de  la  cité,  dont  il  ex- 
hibe d'intéressantes  reproductions  d'après  Renan, 
sont  d'un  magnifique  appareil;  ceux  du  temple 
de  Jérusalem  leur  étaient  analogues. 

L'article  de  M.  F.  Prat  sur  la  généalogie  de 
Jésus-Christ  est  à  consulter  par  les  artistes 
appelés  à  composer  un  arbre  de  Jessé.  Celui  de 
M.  Lesètre  sur  la  génuflexion  est  instructif  au 
point  de  vue  iconographique.  M.  Legendre  décrit 
les  ruines  d'Umm-Qeis,  l'antique  Gadara,  et  le 
remarquable  tombeau  restitué  par  Schumaeker. 
Intéressant  pour  tout  lecteur  est  l'article  sur 
Gethsémani  et  le  jardin  des  Oliviers.  Au  mot 
gond,  M.  Lesètre  fait  connaître  le   curieux  pivot 


d'une  porte  en  pierre  d'une  chambre  funéraire  du 
tombeau  des  rois  de  Jérusalem. 

Dans  un  autre  article  (gouvernail),  il  montre 
comment  les  navigateurs  grecs  suppléaient  par 
la  manœuvre  des  rames  à  l'instrument  du  pi- 
lote qui  ne  fut  adapté  qu'au  commencement  de 
l'ère  chrétienne  à  l'étambot  des  navires. 

Bien  intéressante  pour  nos  lecteurs  est  l'im- 
portante étude  du  même  savant  sur  le  grand- 
prêtre,  son  élection,  sa  consécration,  sa  fonction, 


Costume  du  grand-prêtre,  d'après  J.  Iîkaun. 

spécialement  son  costume,  d'où  dérive  le  splen- 
dide  costume  sacerdotal  et  pontifical  chrétien, 
le  costume  dont  leSeigneur  avait  lui-même  fourni 
la  description  et  qui  faisait  l'admiration  des 
Hébreux  :  l'éphod,  le  pectoral  ou  rational,  la  tu 
nique  à  lames  d'or  et  la  tunique  de  byssus,  la 
tiare,  la  ceinture  brodée,  etc.  —  Ce  sujet  est 
développé  dans  d'autres  articles  du  dictionnaire 
relatifs  aux  termes  précités. 


240 


Bebtie  ïie  V^xt  t\)xtîitn. 


Plus  loin  il  étudie  l'art  de  la  gravure  chez  les 
Hébreux,  la  gravure  sur  pierre,  les  sceaux  dont 
on  voit   un  si  beau   spécimen   au    Louvre  (sceau 


d'Armais).  Le  costume  liturgique  était  rehaussé 
de  pierres  gravées,  enchâssées  dans  l'or.  Toutefois 
le  peuple  juif  était  peu  expert  dans  cet  art  déli- 


Joueurs  de  harpe  égyptiens. 


cat,  les  Phéniciens  lui  procuraient  les  joyaux  né- 
cessaires, les  gemmes  égyptiens  et  assyriens. 
Fort  curieux  est  l'article  de  M.  Levesque  sur 


T'T») 


Grenade  figurée  sur  les  colonnes  du  temple  de  Jérusalem. 

d'après  l;i  restitution  de  M.  Cmi'lHZ. 

la  grenade.  Ses  fleurs  et  ses   fruits  furent  remar- 
quables dans  l'art  hébraïque. 

La   grenade  était   figurée  sur  la  colonne  du 


temple  de  Jérusalem;deux  cents  grenades  étaient 
rangées  autour  du  chapiteau  et  du  portique, 
comme  on  le  voit  dans  la  restitution  de  M.  C. 
Chipiez. 

M.  Beurlier  nous  présente  la  restitution  par 
Curtius,  du  fameux  gymnase  d'Olympie,  mis  au 
jour  assez  récemment  par  les  fouilles  de  l'École 
française  d'Athènes. 

On  le  voit, la  savante  encyclopédie  biblique  de 
l'abbé  Vigoureux  est  pleine  de  données  précieuses 
où  chacun  peut  prendre  sa  part,  notamment 
les  archéologues  chrétiens  qui  nous  lisent.  — 
Ces  quelques  glanes  suffiront,  pensons-nous,  à 
leur  montrer  combien  le  Dictionnaire  de  la  Bible 
peut  les  seconder  dans  leurs  études. 

L.  C. 

HISTORIA  DK  LA  ARQUITEGTURA  CHRIS- 
TIANA,  par  V.  Lamperez-v-Romea.  —  In-12,  illus- 
trée de  240  pp.  Barcelone,  J.  Gili,  1904. 

M.  Lamperez-y-Romea,  professeur  de  l'École 
Supérieure  d'architecture  de  Madrid,  que  nos  lec- 
teurs connaissent  bien,  comme  le  plus  autorisé  des 
architectes  archéologues  de  l'Espagne,  était  tout 
désigné  pour  éditer  ce  livre,  grandement  désiré 
par  la  masse  du  public  instruit, à  savoir  un  précis 
de  l'Histoire  de  l'architecture  chrétienne.  Il  l'a 
fait  avec  sa  compétence  reconnue,  et  il  a  eu  le 
talent  de  condenser  en  quelques  pages  substan- 
tielles cette  énorme  matière,  qui  comprend  l'his- 
torique, les  procédés  et  les  formes  des  styles  suc- 
cessifs, latin  et  byzantin,  tant  d'Orient  que  d'Oc- 
cident, roman,  gothique  et  classique  renaissant; 
eu  outre  il  fait  connaître  les  grands  monuments 


Btbltograpl)te, 


241 


des  époques  historiques  ;  il  insiste,  comme  de 
juste,  sur  les  beaux  monuments  de  son  pays.  Nous 
prédisons  bon  succès  à  son  éditeur  M.  J.  Gili. 

T..  C. 

ARNOULD    DK    VUEZ,    PEINTRK   LILLOIS 

(1644-1720),  par  L.  Quarré-Reybourbon.  —  Petit 
in-4°  de  80  pp.,  nombreuses  planches.  Lille-Lefèbvre- 
Ducroy,  1904. 

MonsieurOuarré-R.estunérudit  dont  l'activité 
se  manifeste  par  de  nombreuses  communications 
aux  sociétés  savantes.  C'est  à  la  réunion  des  so- 
ciétés de  Beaux-Arts  de  l'an  dernier,  qu'il  a  pré- 
senté la  biographie  de  Vuez,  rééditée  en  un 
volume  de  luxe,  élégamment  présenté. 

Le  personnage  est  intéressant,  et  sa  vie  est  re- 
tracée consciencieusement  à  l'aide  de  documents 
inédits,  conservés  entre  les  mains  de  M'"  Las- 
serre  d'Arras,  descendante  du  peintre.  Celui-ci 
naquit  à  Saint  Orner,  se  forma  à  Paris  et  à  Rome; 
il  fut  élève  de  Lebrun.  Peut-être  bien  pourrait-on 
lui  attribuer  (M.  Quarré  le  pense)  les  dessins  du 
Parthénon  rapportés  par  le  marquis  de  Nossi- 
tal  et  qu'on  attribuait  jusqu'ici  à  Carrey.  Vuez  se 
maria  à  Lille  et  s'y  fixa.  Intéressants  sont  ses  tra- 
vaux, dont  notre  auteur  dresse  la  liste  imposante; 
il  lui  assigne  une  place  parmi  les  décorateurs 
du  genre  de  Lesueur.  Ses  peintures  sont  dignes, 
et  empreintes  de  sentiment.  Le  Jugement  dernier, 
destiné  à  la  salle  du  conclave  à  Lille,  est  une  page 
de  grande  allure. 

L.  C. 

CONSTRUCTION  PROJETÉE  SOUS  LOUIS 
XIV  A  VERSAILLES  D'UN  PAVILLON  D'A- 
POLLON, par  J.  Fennebesque.  —  Broch.  in-8°. 
Versailles,  Bernand,  1902. 

Ce  pavillon  d'Apollon  dont  M.  F.  nous  fait 
la  description  d'après  un  manuscrit  du  temps, 
aidé  d'une  estampe  du  projet,  devait  être  un  vaste 
musée  encyclopédique  à  l'usage  de  la  Cour, conte- 
nant des  sallesspéciales  pour  l'histoire, laphiloso- 
phie,  pour  l'architecture  et  la  sculpture,  pour  la 
peinture  et  l'optique,  pour  la  poésie  et  la  musi- 
que, et  il  eût  été  digne,  par  sa  splendeur,  du  Roi 
Soleil. 

Un  rêve  éblouissant  qui  faillit  se  réaliser. 

L.  C. 

ITINÉRAIRE  DES  PROMENADES  DE  LA 
FAMILLE  ROYALE  DANS  LES  PARCS  DE 
VERSAILLES, par  J.Fennebesque.  —  Broch.  in-S". 
Versailles,  Bernand,  1902. 

C'est  un  autre  aspect,  plus  vivant,  des  fastes  de 
la  cour  du  XVI I'^  siècle,  qu'évoque  M.  F.  quand 


il  commente  l'itinéraire  dont  il  s'agit,  c'est-à-dire 
le  plan,  conservé  au  Cabinet  des  Estampes,  des 
allées  fréquentées  par  la  famille  royale,  et  entre- 
tenues en  conséquence.  Le  sujet,  on  le  comprend, 
n'est  pas  pour  nous  arrêter  spécialement. 

L.  C. 


DOCUMENTS  D'ART  MONUMENTAL  DU 
MOYEN  AGE,  architecture,  sculpture,  ferronneries, 
relevés  et  croquis,  par  Vincent  Lenertz,  architecte, 
chef  des  travaux  graphiques  à  l'Université  de  Louvain. 
—  Vromant  et  €'=,  Bruxelles. 

Nous  sommes  dans  une  période  remar- 
quable au  point  de  vue  de  l'étude  des  monu- 
ments anciens.  Nulle  époque  de  l'histoire  n'a 
vu  le  public  éclairé  s'attacher  avec  cette  passion 
à  leur  étude  ;  cette  ferveur  excessive  passera,  et 
sans  doute  ne  se  reproduira  plus,  car  bientôt 
ce  qui  nous  en  reste  sera  suffisamment  connu; 
l'attrait  qui  s'attache  jusqu'ici  à  des  mines  encore 
exploitables  se  perdra,  et  d'ailleurs  l'on  sait  que 
les  esprits  s'orientent  vers  les  formes  de  l'avenir 
greffées  sur  celles  du  passé. 

En  attendant,  quelle  riche  collection  de  mono- 
graphies et  de  recueils  les  arts  graphiques  si  per- 
fectionnés mettent  à  notre  disposition  !  Tantôt  ce 
sont  des  rendus  au  crayon  lithographique  d'après 
nature  ou  d'après  photographie,  comme  les  inap- 
préciables petites  monographies  d'édifices  anciens 
de  M.  Raguenet  ;  tantôt  ce  sont  des  collections 
de  phototypies  comme  la  série  des  cathédrales 
françaises  de  Robert,  et  la  collection  des  monu- 
ments, malheureusement  interrompue,  qu'avait 
entreprise  M.  Dero  ;  ou  bien  encore  de  fines 
reproductions  phototypiques  des  savants  dessins 
des  architectes  de  la  Commission  des  monuments 
historiques,  éditées  par  Schmitz,  ou  encore  les 
croquis  des  Vieux  coins  de  Flandre,  tracés  sur  la 
pierre  lithographique  par  M.  Heins.  M.  Lenertz 
nous  fournit  aujourd'hui  le  dernier  cri,  le  genre 
le  plus  savoureux  de  rendus  des  monuments 
anciens  :  ce  sont  ses  propres  croquis  originaux. 

La  photographie  nous  donne  l'aspect  réel  et 
pittoresque  des  monuments,  pris  d'un  point  de 
vue  perspectif,  mais  son  rendu  superficiel  nous 
laisse  ignorer  les  mystères  de  sa  structure  et 
nous  dérobe  quantité  de  choses  essentielles. 
Les  relevés  orthogonaux  nous  fournissent  avec 
précision  les  données  métriques  et,  avec  des  cou- 
pes, les  secrets  de  la  structure,  mais  nous  désan- 
chantent  en  supprimant  la  poésie  et  l'âme  du 
monument  ;  les  croquis  brossés  sont  un  régal 
pour  l'amateur,  mais  disent  peu  à  l'homme 
d'étude.  Pour  les  gens  studieux  de  l'art  monu- 
mental, rien  de  tel  que  ces  relevés  pris  au  pied 
du    mur    par    un    bon  technicien,  qui  s'attache 


242 


3Rr\)uc  De  V'S.xt  cf)icticu. 


aux  choses  intéressantes,  en  dégage  toute  la 
substance,  donne  l'impression  esthétique  et  l'ana- 
lyse structurale,  et  en  quelques  traits  d'un  crayon 
anatomiste,  relevés  de  teintes  de  lavis,  rapporte 
dans  son  carnet  des  notes  précieuses,  à  l'aide  des- 
quelles il  puisse  féconder  ses  études  de  compo- 
siteur. Quand  ce  dessinateur  touriste  est  un 
maître  et  de  la  technique  et  du  dessin,  comme 
M.  Lenertz,  ses  croquis  de  voyage  sont  des  docu- 
ments de  premier  ordre,  qu'on  peut  à  bon  droit 
lui  envier.  Aussi  lui  sommes-nous  reconnaissants 
de  nous  les  céder  dans  toute  leur  saveur  originale 
et  primesautière, reproduits  tels  quels  en  fac-similé 
par  le  nouveau  procédé  de  la  photographie  en 
trois  teintes,  —  On  en  jugera  par  la  planche 
spécimen  que  nous  donnons  et  qui  est  extraite 
de  son  recueil  ('). 

L.  C. 

PETIT  FORMULAIRE  DE  PRIÈRES.  —  Im- 
primerie St  Augustin,  Desclée,   Paris,  Lille,  Rome. 

Ce  sont  œuvres  artistiques,  que  certains  livres 
de  prières,  que  produit  notre  éditeur.  Nous  avons 
sous  les  yeux  un  joli  paroissien  en  maroquin 
écrasé,  format  pratique,  glissant  facilement  dans 
la  poche  ou  dans  le  réticule  ;  malgré  cela,  très 
complet,  vrai  formulaire  de  prières.  En  plus  des 
prières  habituelles  de  la  messe,  de  la  communion, 
vêpres,  salut,  chemin  de  croix,  rosaire,  on  y 
trouve  plusieurs  litanies,  la  prière  indulgenciée 
à  la  Ste- Famille,  \e  A/emorare  à  S.  Antoine  et, 
heureuse  innovation  !  les  évangiles  des  diman- 
ches !  La  lecture  des  Saints  Évangiles  si  recom- 
mandée est  si  précieuse  aux  âmes  chrétiennes  ;  et 
tout  cela,  condensé  en  des  pages  mignonnes, 
admirablement  imprimées,  et  élégamment  re- 
liées. C'est  à  rendre  dévot  un  mécréant  qui 
a  du  goût. 

L.  C. 

RAPPORT  SUR  LA  DÉMOLITION  D'UNE 
PARTIE  DE  L'ENCEINTE  ROMAINE  DE 
SENS  EN  1903,  par  l'abbé  Chartraire.  —  Broch. 
Imp.  nat.,  1904. 

La  Société  archéologique  de  Sens  suit  avec  un 
légitime  intérêt  les  démolitions  successives  aux- 
quelles ne  peut  échapper  ce  précieux  reste  d'une 
enceinte  remarquable.  Le  premier  fonds  du 
musée  local,  riche  déjà  de  300  pièces,  fut  formé 
en  1 846  des  épaves  de  ces  murs  antiques  entamés 
en  1846,  et  qui  n'ont  plus  aujourd'hui  que  quatre 
des  seize  tours,  figurées  sur  le  plan  restitué  par 
M.  Lallier.  M.  S.  Julliot  en  a  tiré  alors  la 
grande  inscription  de  Magilius,  et  a  pu  restituer 

I.  Celui-ci  comprendra  50  planches  format  grand  in^"  et  paraîtra 
en  quatre  livraisons,  de  12  à  13  pi. ,  au  prix  de  7  fr.  50  par  livraison 
pour  les  souscripteurs. 


la  façade  des  thermes  d'Agedineum  (X"=  siècle). 
Un  nouvelle  démolition,  opérée  en  1903,  et  suivie 
par  la  Société  et  par  son  érudit  vice-président,  a 
donné  des  fragments  d'architraves  et  d'une  frise 
ornée  de  bas-reliefs  où  figurent  la  tête  colossale 
d'  Helios,  de  curieuses  inscriptions  polychromes 
à  lettres  incrustées  de  métal,  une  nymphe  cou- 
chée dans  une  gracieuse  attitude,  une  stèle  ornée 
de  la  figure  en  pied  d'un  personnage  entier, 
et  quantité  de  fragments,  dont  M.  Chartraire 
donne  un  inventaire  méthodique. 


"^m  BcrioïJiques» 


Burlington  Magazine. —  M.James  Weale 
publie  dans  le  fascicule  de  Mars  une  notice  sur 
Jean  Van  Eyck  qui  semble  de  nature  à  intéresser 
nos  lecteurs,  comme  tout  ce  qui  concerne  les 
maîtres  de  l'ancienne  École  flamande.  Nous  la  tra- 
duirons textuellement. 

La  mort  de  Jean  Van  Eyck,  sa  veuve  et  ses 
enfants.  Tous  les  écrivains  jusqu'en  1795,  sont 
d'accord  pour  dire  que  Jean  Van  Eyck  est  mort 
vers  l'an  1440.  En  classant  les  archives  de  l'église 
St-Donatien  dans  laquelle  il  a  été  enterré,  j'ai 
trouvé  dans  les  comptes  de  la  fabrique  de  cette 
église,  de  l'année  commençant  le  25  juin  1440, 
et  finissant  le  24  juin  1441,  l'indication  des 
sommes  reçues  pour  sa  tombe,  et  la  sonnerie  des 
cloches  à  ses  funérailles  ;  dans  l'obituaire  de 
l'église  son  anniversaire  devait  être  célébré  le 
9  de  juillet.  Cette  date,  quoique  incorrecte,  est 
généralement  acceptée  maintenant.  Deux  postes 
dans  les  comptes  de  Waltère  Poulain,  receveur 
général  des  Flandres,  pour  l'année  terminée  le 
31  décembre  1441,  prouvent  que  le  décès  de 
Jean  eut  lieu  en  H41,  mais  ils  laissent  incertaine 
la  date  exacte  du  jour  de  cet  événement.  La 
première  de  ces  annotations  établit  qu'il  con- 
serva le  titre  de  peintre  du  duc  jusqu'à  sa  mort, 
que  le  salaire  de  cette  charge  lui  fut  payé 
jusqu'au  24  du  mois  de  juin  1441  ;  le  reçu 
signé  du  peintre  est  rappelé  par  le  compte.  Le 
second  poste  (')  nous  informe  que  Jean  mourut 
vers  la  fin  de  juin,  et  qu'au  22  du  mois  de  juil- 
let, le  duc  en  considération  des  bons  et  agréables 
services  rendus  par  le  peintre  décédé  et  en  com- 
passion de  sa  veuve  et  de  ses  enfants,  leur  fit  un 

I.  A  demoiselle  Marguerite,  vefve  du  dit  Jehan  Van  Eyck.  pcm- 
tre  de  mon  dit  Seigneur  qui  irespassa  environ  la  fin  du  mois  de 
Juingen  dit  an  mil  ce  ce  quarante  ung,  à  laquelle  icelhii  Seigneur, 
considéracion  eue  aux  bons  et  agréables  services  que  lui  avait  fait  le 
ditdeffunctenson  vivant. et  pour  pitié  et  compassion  d'elle  et  de  ses 
eiifanls  demourez  après  le  décès,  a  oitroié  de  sa  grâce  especial 
qu'elle  ait  été  prengne  pour  elle  et  ses  diz  enfans  pour  ung  demy 
an  la  moitié  de  tele  pension  ou  gaiges  qu'avoit  et  prennoii  de  lui 
le  dessus  dit  deffunct  par  chacun  an  en  son  vivant,  lesquelz  pen- 


Bibltograpl)te» 


243 


don  de  360  livres,  l'équivalent  du  salaire  semes- 
triel de  son  époux.  Nous  apprenons  en  outre, 
par  la  même  annotation,  que  le  nom  de  baptême 
de  la  femme  de  Jean  Van  Eyck  était  Marguerite, 
qu'elle  demeura  veuve  avec  au  moins  deux 
enfants  dont  l'une  était  la  filleule  du  duc, Philippe 
ou  Philippine,  née  au  mois  de  juin  1434,  et 
l'autre  Livine  devint  religieuse  à  Maaseyck  en 
'449- 

(Juillet)  (•).  —  M.  R.  Fry  étudie  la  collection 
de  sir  Hubert  Parry  (i'^''  article).  Cette  pre- 
mière partie  est  consacrée  aux  Primitifs  italiens, 
qui  y  sont  particulièrement  bien  représentés. 
Parmi  les  œuvres  les  plus  remarquables  de  cette 
période,  il  faut  citer:  C/ne  Nativité,  de  l'école  de 
Cimabué,  dont  la  date  d'exécution  peut  être 
fixée  au.x  environs  de  l'an  1400;  un  polyptyque 
de  Bernardo  Daddi  ;  deux  tableaux  d'autel  de 
Taddeo  et  d'Angelo  Gaddi  ;  une  Adoration  des 
Mages  de  Lorenzo  Monaco,  etc. 

M.  E.  Blochet  s'occupe  de  certains  manuscrits 
à  miniatures  que  l'on  a  pu  voir  au  printemps  der- 
nier à  l'exposition  d'art  musulman  du  pavillon 
de  Flore.  On  sait  combien  est  rare,  dans  l'art 
musulman,  la  reproduction  de  la  figure  humaine  ; 
c'a  donc  été  une  bonne  fortune  pour  les  orien- 
talistes, de  pouvoir  admirer  les  très  curieuses 
enluminures  prêtées  à  cette  exposition  par  la 
Bibliothèque  Nationale,  le  baron  E.  de  Roth- 
schild, M.  Ch.  Schefer,  etc. 

A  signaler  encore  dans  ce  numéro  :  un  article 
de  M.  Percy  Macquoid  sur  les  trésors  d'argenterie 
du  collège  de  Winchester  ;  —  une  étude  de 
M.  R.  Petrucci  sur  les  sceaux  des  corporations 
bruxelloises  ;  —  enfin,  un  article  de  M.  E.  Moli- 
nier  sur  les  tapisseries  des  Gobelins  du  XVII'' 
siècle. 

(Août).  —  M.  Campbell  Dodgson  examine  un 
portrait  dessiné  d'Albert  Diirer,  récemment 
acquis  par  le  Brilish  Muséum,  et  qui  porte  les 
poinçons  de  deux  collectionneurs  notables  :  sir 
Thomas  Laurence  et  le  capitaine  William  Co- 
ningham.  Commentant  une  inscription  qui  se 
trouve  à  l'extrémité  supérieure  gauche  du  dessin, 
M.  Dodgson  établit  que  le  personnage  représenté 
est  la  princesse  Marguerite,  sœur  de  Casimir, 
margrave  de  Culmbach,  et  fille  du  margrave 
Frédéric  de  Brandebourg,  Ansbach  et  Bayreuth 
(1460- 15  36). 

sions  ou  gaiges  finisent  au  terjne  de  ]a  Saint  Jean  mil  CGC  C  qua- 
rante ung  par  le  trespas  dicellui  deffunci,  comme  il  appert  plus  à 
plain  par  les  lettres  patentes  de  mon  dit  Seigneur  sur  ces  faictes 
et  données  en  sa  ville  de  Brouxelles  le  XXII':  jour  de  Juillet  au  dit 
an  mil  c  c  c  c  quarante  ung.  Pour  ce  icy  par  vertu  d'icelles  et  quic- 
tance  de  la  due  vefve,  ay  rendues  à  court,  pour  les  diz  gaiges  ou 
pension  d'un  demy  an  escheu  au  .\oel  ou  dessus  dit  an  mil  c  ce  c 
quarante  ung,  la  somme  de  ciiii^xl  du  pris  de  XI  gros  la  livre... 

Valent....  niic.  xlivres. 
I.  Ce  compte-rendu  est  emprunté  au  Courrier  de  l'Art. 


Un  article  de  M.  Mason  Perkins  est  relatif 
à  Andréa  Vanni,  un  des  plus  lointains  repré- 
sentants de  l'école  siennoise  (août  1333)  et  dont 
il  ne  reste  plus  que  trois  ouvrages  rigoureu- 
sement authentiques,  tous  les  trois  à  Sienne: 
une  Sainte  Catherine  dans  l'église  San  Dome- 
nico;  une  Crucifixion,  à  l'Institut  des  Beaux- 
Arts,  et  enfin  un  polyptyque  relativement  peu 
connu  dans  l'église  de  l'Alborino. 

A  citer  encore,  dans  ce  fascicule,  un  article 
de  notre  collaborateur  M.  James  Weale  sur  Les 
Primitifs  flamands  à  l'Exposition  de  Bruges  de 
l'année  dernière  ;  une  notice  sur  les  dernières 
acquisitions  du  Louvre,  etc. 

(Septembre-octobre  1903).  —  M.  Bernhard 
Berenson  commence  une  étude  sur  un  peintre 
siennois  de  la  légende  franciscaine,  lequel  n'est 
autre  que  Stefano  di  Giovanni,  dit  Sassetta. 
Déjà,  dans  le  numéro  de  mai,  M.  Langton  Dou- 
glas avait  réhabilité  le  nom  et  l'œuvre  de  ce 
peintre  qu'ont  trop  ignoré  la  plupart  des  cri- 
tiques d'art.  Après  lui,  et  s'aidant  d'ailleurs  beau- 
coup de  son  article,  M.  J.  Destrée  {Art  moderne, 
2  août)  a  retracé  la  vie  et  le  rêve  d'art  de 
Sassetta,  et  s'est  essayé  à  un  premier  catalogue 
de  ses  œuvres.  M.  Berenson,  plus  heureux  que 
ses  devanciers,  puisqu'il  lui  a  été  donné  de 
retrouver  et  d'identifier  les  neuf  panneaux  du 
grand  retable  que  l'artiste  exécuta  pour  l'église 
Saint-P"rançois,  à  Borgo  San  Sepolcro,  se  place 
cependant  à  un  point  de  vue  différent.  II  analyse 
les  œuvres  de  Giotto  dans  l'église  d'Assise,  moins 
comme  œuvres  d'art  que  comme  interprétations 
de  la  légende  franciscaine,  et  il  nous  montre 
comment  elles  échouent  à  nous  communiquer 
l'essence  spirituelle  de  l'enseignement  de  saint 
François.  Comparant  ensuite  l'art  européen  à 
celui  d'Extrême-Orient,  il  se  livre  à  des  considé- 
rations étranges,  d'où  résulterait  la  supériorité  de 
ce  dernier  dans  l'expression  du  spirituel  ;  il  en 
donne  comme  exemple  une  peinture  chinoise  du 
-XII'-'  siècle,  représentant  un  miracle,  dans  la 
collection  de  M.  Deuman  W.  Ross,  de  Cam- 
bridge U.  S.  A. 

M.  Campbell  Dodgson  donne  une  notice  sur 
un  saint  Jean  à  Pathmos  :  une  gravure  sur  bois 
attribuée  à  tort  à  Hans  von  Kulmbach.  L'auteur, 
après  s'être  élevé  contre  cette  attribution , s'appuie 
sur  la  couronne  qui  entoure  la  signature  pour  y 
reconnaître  la  signature  de  Hans  Knoblauch,  im- 
primeur et  éditeur  strasbourgeois  (période  d'ac- 
tivité :  1500  1528),  qui  serait  alors  le  possesseur 
et  l'éditeur  de  cette  gravure  ;  quant  à  l'auteur, 
il  doit  être  cherché  parmi  les  artistes  stras- 
bourgeois  contemporains  ;  peut-être  serait-ce 
Wechtiin  ? 


244 


Bc\)ue  De  r^^rt  cbrctien» 


GAZETTE  DES  BEAUX-ARTS.  —  Livraison  du 
i"  février  1904. 

Le  Renouvellement  de  l'Art  par  les  «  Mys- 
tères »  à  la  fin  du  moyen  âge  (i<^'  article),  par 
M.  É.  Mâle. 

Quelques  bois  sculptés  de  l'école  tourangelle 
du'XVe  siècle  par  M.  P.  Vitry. 

Un  Portrait  d'enfant  :  «  Elizabeth  Laura  Hen- 
rietta  Russel  »,  par  le  baron  R.  Portails. 

Le  Palais  Farnèse  par  M.  André  Chaumeix. 

Deux  mannequins  en  bois  du  XVl*^  siècle,  par 
M.  É.  Michel,  de  l'Institut. 

Girolamo  délia  Robbia  et  ses  œuvres  (2^  et 
dernier  article),  par  miss  M.  Cruttwell. 

Deux  «  Vies  »  d'évêques  sculptées  à  la  cathé- 
drale de  Rouen  (2^  et  dernier  article),  par  M"^ 
L.  Pillion  (I). 

Artistes  contemporains.  —  R.  Mois  ;  P.-J.-C. 
Gabriel  (2"=  et  et  dernier  article),  par  M.  Georges 
Riat. 

Bibliographie  :  Deux  récents  historiens  de 
Watteau  (Gabriel  Séailles  ;  Edgcumbe  Staley), 
par  M.  Maurice  Tourneux  ;  —  Constantin 
Meunier,  sculpteur  et  peintre  (Camille  Lemon- 
nier),  par  M.  R.  M.  ;  —  Monumenti  dell'  Italia 
méridionale  (Adolfo  Avena),  par  M.  E.  Bertaux; 
—  Sports  et  jeux  d'adresse  (H. -T.  D'Alle- 
magne), par  M.  A.  M. 

Cinq  gravures  hors  texte  : 

L' Adova(io7i  des  bergers,  miniature  par  Jean 
Fouquet  (Musée  Condé, Chantilly). 

Elizabeth  Laura  Henrietta  Russel,  par  William 
Ovi^en. 

Les  Œuvres  de  miséricorde,  bas-reliefs  en 
terre  cuite  émaillée,  par  Girolamo  délia  Robbia. 

Carrier,   bronze  par  M.   Constantin    Menier. 


The  CrafSMAN.  —  Nous  venons  de  recevoir 
le  n°  d'octobre  de  cette  revue  mensuelle  de  mé- 
tiers d'art  publiée  par  -i  The  united  Craft  »  (2). 

Le  fascicule  est  copieusement  illustré  et  con- 
tient en  dehors  d'articles  traduits  du  français 
des  études  originales  de  Caryl  Caleman  sur 
l'auréole  comme  symbole  à  travers  les  siècles  ;  de 
VVendell,  G.  Corthell  sur  le  travail  du  bois  en 
Suisse;  de  Louise  Stowell,  sur  les  images  peintes 
du  Japon,  de  Irène  Sargent  sur  l'art  de  la  po- 
terie au  collège  Ste-Sophie  à  Nouvelle  Or- 
léans. 

Handicraft  est  une  autre  revue  mensuelle 
d'arts  et  métiers  publiée  par  «  The  Society  of  arts 

I.  Il  sera  rendu  complo  de  ce  trnv.iil  dans  notre  proolmine 
livraison. 

2   277,  Soulh  State  slreet  Syracuse  New-York,  3  dollars  par  an. 


and  crafts  »  (2).  Le  No  de  septembre  contient  un 
article  intéressant  traitant  du  verre  et  qui  fait 
suite  à  un  autre  article  sur  les  vitraux  paru  dans 
le  no  de  juillet.  Dans  le  no  d'août  a  paru  une 
étude  de  M.  Hodge  sur  la  reliure  des  livres. 

E.  C. 


MISGELLANEA    D'ARTE   (1903,  fasc.  lO-ll). 

Ce  double  numéro  est  entièrement  consacré  à 
Masaccio,  à  sa  vie  et  à  ses  œuvres. 

—  M.  Marrai,  à  propos  des  fresques  de  la  cha- 
pelle Brancacci,  au  Carminé,  dues  au  pinceau 
de  Masaccio  et  de  Masolino,  consacre  à  ces  deux 
grands  peintres  des  pages  des  plus  intéressantes 
et  d'une  critique  très  sûre. 

—  M.  Paolo  d'Ancona  nous  décrit  le  tableau 
d'autel  de  l'église  del  Carminé,  actuellement  à  la 
galerie  de  l'Académie  des  Beaux- Arts,  générale- 
ment attribué  à  Masaccio.  Sans  vouloir  nier  cette 
attribution,  M.  d'Ancona  ne  la  croit  pas  aussi 
certaine  qu'on  le  dit  généralement. 

—  M.  N.  Ferri  a  étudié  des  dessins  de  Masac- 
cio, tous  assez  arbitrairement  attribués  au  célèbre 
réformateur  de  la  peinture  toscane.  Il  passe  en 
revue,  d'après  le  catalogue  Braun,  ceux  du  musée 
de  Lille,  du  Louvre,  du  British  Muséum,  des 
Offices,  etc.  Aucun  ne  paraît  à  M.  Ferri  d'une 
authenticité  certaine. 

—  Enfin,  M.  Giovanni  Poggi  consacre  une 
importante  étude  à  la  table  d'autel  que  Vasari 
dit  avoir  été  faite  par  Masaccio  pour  l'église  del 
Carminé  à  Pise. 

(Fasc.  12).  —  M.  Canestrelli  étudie  minutieu- 
sement l'église  de  San  Quirico  in  Osenna,  située 
à  45  kilomètres  de  Sienne.  Il  conclut  que  cet 
édifice  date  de  la  seconde  moitié  du  XIII<=  siècle, 
sauf  la  porte  occidentale,  qui  est  du  XII'=  siècle 
(8*  illustrations). 

—  M.  Jacques  Mesnil  étudie  la  Madone  des 
constructeurs  ;  c'est  la  plus  ancienne  œuvre  d'An- 
dréa délia  Robbia,  dont  la  date  soit  établie  par 
un  document  précis  ;  elle  date  de  1475.  Andréa 
avait  40  ans. 

RIVISTA  D'ARTE  (1904,  n"  l). 

A  dater  de  1904,  la  Miscellanea  d'Arte  se  pu- 
blie sous  le  titre  Rivista  d'Arte.  Elle  est  dirigée 
par  une  Commission  de  laquelle  font  partie  MM. 
Corrado  Ricci,  Benvenuto  Supino  et  Giovanni 
Poggi. 

—  M.  Corrado  Ricci,  à  propos  du  tableau  peint 
à  Florence  par  Benozzo  Gozzoli  pour  la  confrérie 

I.  14.  .*>oni«'rset  Street  at  Boston  Massachiissetts.  i  dollar  par  an. 


Btbltograpftte. 


245 


de  San  Marco,  et  aujourd'hui  à  Londres,  recher- 
che ce  qu'a  pu  devenir  la  prédelle.  Il  suppose, 
d'après  les  sujets  indiqués  par  les  documents,  que 
c'est  à  ce  tableau  que  se  rapportent  deux  petits 
tableaux  de  Gozzoli  :  le  Miracle  de  saint  Domi- 
nique, qui  est  à  Brera,  à  Milan,  et  le  Miracle  de 
saint  Zénobe,  de  la  collection  Rodolphe  Kann,  à 
Paris. 

—  M.  Carlo  Gamba  étudie  un  tableau  de 
Pontormo,  qu'il  a  trouvé  dans  l'église  de  Carmi- 
gnano. 

—  M.  Emilio  Robîony  publie  des  documents 
établissant  que  la  Madone  au  long  cou  du  Par- 
mesan (galerie  Pitti),  a  été  achetée  en  1698  par 
le  grand-duc  de  Toscane  Ferdinand  de  Médicis, 
aux  Pères  Servîtes  de  Parme  par  l'intermédiaire 
du  comte  Calvi. 

(N°  2).  —  T^a  plus  grande  partie  du  numéro  est 
consacrée  aux  dessins  de  Michel- Ange  que  MM. 
Ph.  Ferri  et  Jacobsen  ont  découverts. 

—  M.  Corrado  Ricci  étudie  un  tableau  de  Rar- 
tolomeo  Caporali  récemment  acheté  par  le  musée 
de  Florence  et  placé  aux  Offices.  Il  représente 
La  Madone,  rEnfant  Jésus  et  des  anges.  Il  est  très 
bien  conservé  et  d'un  fort  beau  coloris. 

—  M.  de  Fabriczy  publie  quelques  documents 
sur  Mino  da  Fiesole. 

(N°s  3-4).  —  M.  Peleo  Bacci  étudie  une  Résur- 
rection du  Florentin  Benedetto  Buglioni,  l'auteur 
des  terres  cuites  de  l'église  de  la  Badia,  à  Flo- 
rence. Cet  ouvrage  important  se  trouve  au  Capi- 
tole,  annexé  à  l'église  Saint-François,  à  Pistoia. 
Les  documents  qui  le  concernent  portent  les 
dates  de  1489  et  de  1490. 

—  M.  Jacques  Mesnil  publie  des  documents 
sur  la  Compagnie  de  Gesù  Pellegrino.  Cette  So- 
ciété était  très  importante  au  XV*"  siècle  à  Flo- 
rence et  siégeait  à  Santa  Maria  Novella. 

—  ]\r.  Colasanti  décrit  le  tableau  de  Néri  di 
Bicci,  à  la  Pinacothèque  de  Gubbio,  qui  repré- 
sente La  Vierge  adorant  l'Enfant  Jésus.  Il  la 
compare  au  tableau  de  Fra  Filippo  Lippi  qui  est 
à  Berlin  et  qui  représente  le  même  sujet  et  il 
conclut  que  Néri  di  Bicci  a  suivi  de  près  Filippo 
Lippi  sans  arriver  à  en  atteindre  toute  la  grâce. 

—  En  quatre  pages  intéressantes,  M.  Durand- 
Gréville  continue  ses  <i  Notes  sur  des  tableaux  et 
dessins  de  collections  italiennes.  »  Il  signale  en 
particulier  la  Vierge  avec  l'EnJant  de  la  Pinaco- 
thèque de  Lucques.  Cette  œuvre,  attribuée  à 
l'école  allemande  du  XI'"  siècle,  semble  à  l'auteur 
l'œuvre  d'un  grand  peintre  néerlandais  ('). 

I.  Courrier  de  tArl. 


JAKCRBUCH  DER  KUNSTHISTORISCHEN 
SAMIVILUNGEN  DES  ALLE  RHŒGHSTEN  KAI- 
SERH  A  aSES.  Tiime  XXI,  année  1 900. 

Ce  volume  contient  les  travaux  suivants, 
illustrés,  comme  d'habitude,  de  nombreuses  et 
belles  reproductions  dans  le  texte  ou  hors 
texte  : 

—  La  Peinture  de  paysage  en  Toscane  aux  XI V" 
rt  A'  I  '■"  siècles,  son  origine  et  son  développement, 
par  M.  Wolfgang  Kallab. 

Pendant  toute  la  période  antique  et  byzantine 
le  paysage  a  gardé  un  rôle  secondaire.  Ce  n'est 
qu'au  commencement  du  XIV*"  siècle,  qu'avec 
Giotto  et  Duccio,  nous  voyons  l'éveil  d'un  senti- 
ment direct  de  la  nature.  Parmi  les  idéalistes  du 
XIV*  siècle,  Ambrogio  Lorenzetti  fut  le  seul 
réaliste.  Il  renonça  aux  fonds  dorés  que  Duccio 
conservait  encore,  mais  il  n'eut  pas  sur  ses  con- 
temporains une  bien  grande  influence.  Enfin 
Masaccio  se  dégagea  complètement  de  la  tra- 
dition byzantine.  Il  peignit  les  collines  des 
environs  de  Florence,  les  vallées  de  l'Arno  et  du 
Mugello.  Mais  ces  paysages,  traités  par  grandes 
lignes  et  par  masses  d'ombre  et  de  lumière, 
sont  toujours  subordonnés  au  sujet  principal.  Au 
contraire,  ses  successeurs,  les  naturalistes  du  XV^ 
siècle,  s'attardèrent  dans  des  recherches  de  dé- 
tails, ponts,  champs  clos,  villes  fortifiées  «  ed  altri 
minuzie  délie  natura  »,  selon  le  mot  de  Vasari. 
Ils  semblaient  avides  de  faire  parade  de  leur 
science  de  la  perspective  dont  les  lois  venaient 
d'être  établies  par  L.  R.  Alberti,  P.  Uccello  et 
Piero  délia  Francesca.  Ce  dernier  fut,  d'ailleurs, 
un  grand  paysagiste.  Il  se  préoccupa  de  rendre 
l'atmosphère  et  de  résoudre  tous  les  problèmes 
de  la  perspective  aérienne,  dont  ses  prédécesseurs 
semblaient  ne  pas  se  douter.  Les  Ombriens  de 
la  fin  du  XV"  siècle  se  préoccupèrent  de  rendre 
dans  leurs  paysages  les  harmonies  des  différentes 
heures  du  jour  et  ils  purent  être  considérés 
comme  les  créateurs  du  paysage  intime. 

Léonard  de  Vinci,  par  ses  paysages,  n'appar- 
tient guère  à  l'école  florentine.  Ses  fonds  de  ro- 
chers fantastisques  font  plutôt  penser  aux  mon- 
tagnes dolomitiques  qu'aux  collines  de  la  Tos- 
cane. Par  ses  traités,  il  fut  le  premier  théoricien 
du  paysage  et  il  étudia,  par  esprit  scientifique, 
bien  des  problèmes  dont  on  ne  retrouve  aucune 
trace  dans  ses  tableaux. 

Le  paysage  florentin  ne  se  développera  pas 
au.K  siècles  suivants  comme  à  Venise.  Ce  n'est 
qu'un  épisode  sans  grande  influence  sur  la  pein- 
ture moderne.  Mais  il  a  pourtant  un  intérêt  histo- 
rique comme  exemple  de  la  transition  entre  les 
formules  du  moyen  âge  et  la  compréhension  in- 
dividuelle de  l'art  moderne. 


REVUE  DE  L  ART   CHRKTIEN. 
1904.    —    3""^    LIVRAISON. 


246 


îRebue  tic  l'^vt  cbrctieu. 


—  Les  Types  de  la  «  Genèse  »  de  Vienne  sur  les 
ivoires,  par  M.Hans  Graeven. 

M.  Graeven  établit  les  ressemblances  évidentes 
qui  existent  entre  certaines  scènes  de  ce  manus- 
crit et  des  ivoires  byzantins  dispersés  dans  di- 
verses collections  et  dont  les  sujets  demeuraient 
jusqu'à  présent  incertains.  L'auteur  croit  que  les 
compositions  de  la  Genèse  sont  des  copies  de  re- 
cueils de  sujets  d'après  d'anciens  modèles  dont 
se  servaient  les  artisans  byzantins  du  IX'=  siècle. 

tiotonsV  Hislûire  de  la  miniature  dans  la  maison 
d'Esté,  à  Ferrare,  par  M.  Julius  Hermann  ('). 


I.  D'après  la  Chroyiique  des  Arts. 


BULLETIN  DES  MUSES  BOYAUX  DES 
ARTS  DÉCORATIFS  ET  INDUSTRIELS  DE 
BRUXELLES. 

M.  J.  Destrée  publie  dans  le  numéro  de  jan- 
vier ses  études  sur  le  phylactère  de  Ste-Marie 
d'Oignies  exécuté  par  le  trère  Hugo.  Cet  objetde 
toute  beauté,  récemment  acquis  par  le  musée 
de  Bruxelles,  appartenait  à  l'église  Saint-Nicolas 
de  Nivelles,  où  il  a  été  mis  en  évidence  pour  la 
premièrefois  par  laGilde  deSt-ThomasetSt-Luc. 
M. Destrée  le  compare  à  un  phylactère  semblable 
dû  au  moine  d'Oignies,  et  conservé  au  trésor  des 
Sœurs  de  Notre-Dame  de  Namur,  et  à  un  troi- 
sième, appartenant  à  le  cathédrale  de  Cologne 
et  signalé  par  le  chanoine  Schnùtgen. 

L.  C. 


Btbltograpl)te. 


247 


•^ 


Jiidei'  bibliographique. 


archéologie  et  Beaiir  :^rrs  ' \ 


.(France. 


Barrière  Flavy.  —  Fouilles  de  l'kglise  de 
Saint-Paul  d'Auterive.  —  In-8°.  Toulouse,  Chauvin 
et  fils,  1903. 

Bastier  (P.).  —  Fénelon,  critique  d'art.  — ■ 
In-S",  63  pp.  Paris,  Larose.  i  fr. 

Beaudoire  (T.).  — Genèse  de  la  cryptographie 
APosTOLii.iUE  et  de  l'architecture  rituelle  du 
I"  AU  XVl=  SIÈCLE.  —  In-8°  292  pp.  et  fig.  Paris, 
Ciiampion,  1903.  30  fr. 

Berteaux  (E.).  —  L'art  dans  l'Italie  méri- 
dionale, DE  LA  FIN  de  L'EMPIRE  ROMAIN  A  LA  CON- 
QUÊTE DE  Ch.\rles  d'Anjou.  —  In-4°,  404  fig., 
38  pi.,  2  tabl.  Paris,  Fontemoing.  80  fr. 

Bréhier  (L.).  —  Les  origines  du  crucifix  dans 
l'art  religieux  ( Science  et  Religion ). —  In-12,  64  pp. 
Paris,  Blond,  1903. 

*  Chartraire  (L'abbé).  —  Rapport  sur  la  dé- 
molition d'une  partie  de  l'enceinte  romaine  de 
Sens  en  1903.  Broch.  Paris,  Imp   nat.,  1904. 

De  Baudot  (A.)  et  Perrault-Dabot  (A.).  — 
Archives  de  l\  commission  des  monuments  histo- 
riques. Périgord-Languedoc,  Gascogne-Provence. 
—  In-4»,  100  héliogr.  Paris,  Laurens.  iio  fr. 

De    Chennevai    (H.).    —  Petit    inventaire 

ILLUSTRÉ    DE    CHALCOGRAPHIE    DU    MuSÉE    NATIONAL 

DU  Louvre. —  In  8°,  42  pp.,  i  pi.,  45   grav.,  Paris, 
Joanin,  1903.  i  fr.  50. 

de  Dion  (A.).  —  Croquis  Montfortois.  La 
CHAPELLE  Saint-Laurent.  —  11-4°,  41  pp.  et  fig. 
Tours,  1903. 

de  Rivières  (B°").  —  Les  statues  tombales  du 
musée  des  Augustins  de  Toulouse.  —  In-4°,  28  pp., 
4  pi.  et  2  fig.  Toulouse,  Chauvin,  1903. 

*  Dictionnaire  de  la  bible,  t.  XVII.  —  Paris, 
Letouzey  et  Ané. 

Donlol  (A.).  —  Histoire  du  XVI'  arrondisse- 
ment de  Paris.  —  i  vol  in-8°,  avec  grav.  et  cartes, 
Paris,  Hachette,  1903. 


t.   Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  (*)  ont  été,  sont  ou 
Siéront  l'objet  d'un  ariicle  bibliographique  dans  la  Revue. 


Durrieu  (L.).  —  L'Histoire  du  bon  roi 
Alexandre.  Extr.  des  Éludes  d'art  ancien  et  moderne, 
1903- 

Érard  (Ch.).  —  L'art  iîyzantin,  son  architec- 
ture SA  décoration.  Texte  de  A.  Gayet.  —  13  pi. 
en  héliog.  et  21  pi.  en  couleur.  Paris,  Soc.  franc, 
d'édition  d'art.  Fr.  140. 

*  Fennebesque(J.).  —  Construction  projetée 
sous  Louis  xiv  a  Versaili,es  d'un  pavillon  d'Apol- 
lon. —  Broch.  in-S'\  Versailles,  Bernand,  1902. 

*  Le  même.  —    Itinéraire  des  promenades 

DE  LA  FAMILLE  ROYALE  DANS  LES  PARCS    DE  VERSAIL- 
LES. —  Broch.  in-8".  Versailles,  Bernand,  1902. 

Gosset  (A.).  —  B.ASILIQUE  Saint-Remi.  Origine 
ARCHITECTURALE.  —  In-8°,  i6  pp.,  grav.  et  plan. 
Reims,  Imp.  de  l'Académie. 

Jamot  (C).  —  Inventaire  général  du  Vieux 
Lyon.  —  In-8'',  64  pp.,  15  photogr.,  2  plans.  Lyon, 
Reychie,  1903. 

*  Martin  (L.).  —  Le  coq  du  clocher.  —  (Broch. 
extr.  des  Mém.  de  FAcad.  Stanislas).  Nancy,  Berger, 
1904. 

*  Petit  formulaire  de  prières.  —  Imprimerie 
St-Augustin,  Desclée,  Paris,  Lille,  Rome. 

*  Quarré-Reybourbon  (L).  —  Arnould  de 

VUEZ,    PEINTRE    LILLOIS    (16441720).    Petit     in-4" 

de  80  pp.,   nombr.  planches.  Lille,  Lefebvre-Ducroy, 
1904. 

Serbat  (L.).  —  L'architecture  des  Jésuites  au 
XVIP  siècle.  —  In-8'',  loS  pp.  Caen,  Delesque,  1903. 

Tremblin  (E.).  —  Cimetière  fortifié  et  église 
DE  Bermerain.  —  In-S",  25  pp.,  Lille,  Danel,  1903. 


^[llcmagne. 


Alte  Meister  in  den  Farben  des  Originals 
wiedergegeben.  —  Fasc.  16.  In-4'',  4  pp.  et  8  pi, 
Leipzig,  Seemann,  1903.  5  M. 

*  Beissel  (É.).  —  Les  trésors  dé  l'art  con- 
servés AU  DOME  impérial  d'Aix - la-Chapelle. 
œuvres  d'orfèvrerie,  de  la  toreutique  et  de 
l'art  textile.  —  35  pi.  in-fol".  30  M. 

Bergner  (H.). —  Kirchliche  Kunstaltertumer 
IN  Deutschland.  Fasc.  I.  — •  In-8°,  i  pi.  Leipzig, 
Tauchnitz,  1903. 

*  Braun  (J.),  S.  J.  —  Deux  cents  modèles  de 

broderie  religieuse,  genre  moyen  AGE.   —  In-fol", 

20  pi.  Herder,  Fribourg  en  Brisgau,  1904.     22  fr.  50. 


248 


3Rr\)ur  t)C  V^xi  cljvctirn. 


Broicher  (C.)-  —  John  Ruskin  und  sein  Werk. 

PURII  ANER,  KUNSTLER,  KrITIKER.  I.  Reihc  :  ESSAYS. 

—  In-8°,   298  pp.,    I   pi.   Leipzig,  Diederichs,  1902. 

Daun  (B.).  —  Veit  Stross  und  seine  Schulen 
m  Deutschlamd,  Polen  und  Ungarn.  —  Mit 
89  teils  Abbildungen  in  Aulotypie.  Leipzig,  Hierse- 
inann,  1904.  AL  10. 

Die  Meisterweeke  der  Gemaelde  Galerie  des 
allerhochsten  Kaiserhauses  in  Wien. —  Fasc.  2, 
Berlin,  Gesellschaft,  1903.  M.  125. 

Fleurent  (J.).  —  Der  Isenheimer  Altar  und 
DIE  Gemaelde  Gruenewalds.  —  In  8°,  44  pp.,  14 
pliotoiyp.  Colmar,  Juny,  1903. 

*  Geiges  (Le  prof.  F.).  —  Les  anciens  vitraux 

DE    LA    CATHÉDRALE    DE    FrIBOURG.  5     livr.     in-4", 

nombr.  iliustr.,  2  pi.  en  coul.  par  livr.  Herder,  Fri- 
bourg.  Prix  de  la  livr.  :  M.  5. 

Gluck  (G).  —  Aus   RuBENs'  Zeit  und  Schule. 

B11MERK.UNGEN    ZV    EINIGEN  GlMALDEN  DER  KAISERL. 

Galerie  in  Wien.  —  48  pp.,  6  pi.,  32  iliustr.  Vienne, 
Tempsky,  1903.    M.  iS. 

Hausmann  (S.)  et  Polaczek   (E.).  —  Denk- 

MALER    DER  BaUKUNST    IM  ElSASS  VOM  MiTTELALTER 

bis  zum  18  Jahrhundert.  — Monuments  d'archi- 
tecture DE  l'Alsace  depuis  le  moyen  âge  jusqu'au 
XVIII' SIÈCLE.  —  loo  pi.  Strasbourg,  Heinrich,  1903. 

Helsch  (G.  F.).  —  Anleitung  zum  Studium  der 
Peuspektive  und  deren  Anwenuung.  —  124  fig. 
1  pi.  Tauchnitz,  Leipzig,  1904.  M.   i.So. 

Heubacli(A.). — MonumentalbrunnenDeutsch- 

LANDS,  OeSTERREICHS  UND  DER  SCHWEIZ  AUS  DEM   13 

BIS  18  Jahrhundert.  —  Fo7itaines  viomuneniaks  en 
AHfiiiao/ie,  Autriche  et  Suisse  du  XI JI'  au  Xl'JJJ' 
siècle.  60  pi.  Tauchnitz,  Leipzig,  1904.  M.  36. 

Kirchner  (J.).  —  Die  Darstellung  des  ersten 
Menschenpaares  in  der  bildenden  Kunst  von 
DER  altesten  Zeit  bis  auf  unsere  Tage.  —  In  8", 
284  pp.,  105  fig.  Slutgard,  Cuke,  1903.  M.  10,60. 

Knachfuss  (H.).  —  Tizian,  4*^  édit.  —  In-8°, 
156  pp.,  123  fig.  Velhagen  et  Klasing,  Bielefeld,  1903. 

M.   3. 

Leibnitz  (D.).  —  Die  Organisation  der  Ge 
woelbe  im  ciikistliciien  Kirchenbau.  —  96  fig. 
'l'auchnitz,  Leipzig,  1904. 

Liibke  (W.).  —  Die  mittelai.terliche  Kunst 
IN  Westkalen.  —  F'olio-Atlas  mit  29  lithographieiten 
Tafeln.  Tauchnitz,  Leipzig,  1904.  M.  10. 

Meisterwerkic  der  Malerei.  Alte  Meister.  Re- 
productionen  in   Photograv.  Mit  ein   Vokwort 


und  begleit.  :  —  Fasc.  I.  3  p!.,  4   pp.  Bony,  Berlin, 

1903.  M.  3. 

Messmer  (J.  A.).  —  Ueber  den  Ursprung,  die 
Entwickelung  und  Bedeutung  der  Basilika  in 
DER  CHRisïLicHEN  B.\UKUNST-. —  Tauchniiz,  Leipzig, 

1904.  AL  0.80. 

Mothes  (Dr.  O.). —  Handbuch  des  evangelisch- 
CHRisTLiCHEN  KiRCHENBAUES.  59  iUustr.  Tauchnitz, 
Leipzig,  1904.  M.   12. 

Millier  (Dr.  H.  A). —  Karte  der  mittelaltek 

LICHEN     KlRCHliNARCHlTEKTUR- DeUTSCHLANDS.    — 

Geb.  Tauchnitz,  Leipzig,  1904.  M.  1. 

Odobesco  (A.).  —  Le  Trésor  de  Pétrosa. 
Étude  sur  l'orfèvrerie  antique.  —  3  pi.,  lO  chio 
uioiith.,  356  fig.,  inf".  Leipzig,  Hiersemann.  M.  120. 

Olte    (H.).    —    Handbuch    der    kirchlichen 

KUNSTARCH.AOLOGIE  DES    DEUTSCHEN  MlTTELALTEKS. 

—  543  fig.  l'auchnitz,  Leipzig,  1904.  M.  37. 
Reichensperger  (A.).  —  Georg  Gottlob  Un- 

GEWITTER    UND    SEIN    WiRKEN    ALS    BaUMEISTER.    — 

Tauchnitz,  Leipzig,  1904.   M.  60. 

Le  même.  —  Vermischte  Schriften  ubek 
christliche  Kunst.  —  8  pi.  Tauchniiz,  Leipzig, 
1904   M.  5. 

Redlenbacher  (R.). —  Leitfaden  zum  Studiu.m 
der  mittelalterlichen  Baukun.^t.  —  544  fig,  4  pi. 
et  fig.  Tauchnitz,  Leipzig,  1904.  M.  5. 

RoLhenhâusler  (F.).  —  Zur  Baugeschichte 
DES  Klosters  Rhlinau.  —  In-8°.  142  pp.  Fribourg, 
Echenfeld,  1903.  M.  3,60. 

Ruskin  (J).  —  Moderne  Maler(vo1.  I  et  II). 

—  In-8>,  312  pp.  Leipzig,  Diederichs,  1902. 

Schmidt  (P.).  —  Maulbronn.  Die  Bauge- 
schichte. Entwickelung  des  Klosters  im  12  und 
13.jAHRH.UND  sein  Einfluss  auf  die  schwab.  und 
FRANK.  Architektur. —  ^1-8",  128  pp.  1 1  pi.  I  Carte. 
Strasbourg,  Heiiz,  1903.  M.  8. 

Statz  (V.)  et  Ungewitler  (G.).  —  Gotisciies 
MusTERBUCH.  —  In-folio,  200  pi.  2  M.  50  Pf. 

Steinmann  (E.).  —  Botticelli.  —  2"  éd.,  in-8'', 
104  Pli.  91  fig.  Velhagen  et  Klasing,  Bielefeld,  1903. 

M.  3. 

Thierne  (U.)  et  Becker  (1^).  —  Allgemeines 
Lexikon  der  bildenden  Kunztler.  —  20  vol. 
in-S".  Leipzig,  Hieisemann,  1904.  M.  400. 

Tbomae  (W.).  —  Der  ehemalige  Hochaliar 
IN  DEN  Karmelitenkirche  zu  Hirschhorn.  Einen 
Brkitag  zur  Kunst  und  Kulturgeschichte  des 
xviii  Jahrh.  —  In  8°,  22  pp.  Koester,  Heidelberg, 
1903.  Al.  10. 


ai5tbliograpl)te. 


249 


Ungewitter  (G.).  —  Lf.hrbuch  der  gotischen 
KoNSTRUKTiONEN.  —  Nombr.  illustr.  et  pi.  Leipzig. 
Tauchnitz.   ^^.   -12. 


Le  même. 

Ornamentik. 
1904.  M.  9. 


—  Sammlung    mittelalteri.icher 
—  In  fol.,    24  pi.   Leipzig.  Tauchnitz, 


Weingârtner  (\V.).  —  Ursprung  u.  Entwicke- 

LUNG      DES      CHRISTLICHEN      KiRCHENGEBAUDES.      — 

Leipzig,  Tauchnitz,  T904.  M.  4. 


anglcterrc. 


Cathkdrals,  arreys  andchurches  of  England. 

—  2  vol.  in-8°.  Londres,  Cassell.  sh.  15. 

Davies  (G.-S.).  —  Hàns  Holbein  the  vounger. 

—  In-fol.  247  pp.  et  pi.  Londres,  Bell.  sh.  105. 

de  Wyzewa  (T.).  —  Une  nouvelle  biographie 
de  Botticelli.  —  I  vol.  illust.  Londres,  Streeter, 
1903. 

*  Lennox-Watson  (Th.).  —  Le  double  chœur 
DE  LA  cathédrale  DE  Glascow.  —  In-4"  illustr., 
180  pp.,  papier  de  luxe.  —  Glascow,  Hedderwick, 
1901. 

Ricketls.  —  The  Prado  and  tts  masterpieces. 

—  In  4°,  50  phototypies.  Londres,  Constable.  sh.  105. 

SolOn  (I^  ).  —  A  HISTORV  AND  description  of  THE 

OLD  french  faïence.  —  Un  vol.  in-4°,  172  pp.  58  pi. 
Londres,  Cassel. 

Wallis  (H.).  —  Oak  leaf  jars.  —  In-4°,  40  pp., 
92  pi.  Londres,  Quaritch,  1903. 

Le  même.  —  Italic  ceramic  art:  maiolica 

PAVEMENT    TILES    OF   THE    1 5TH    CENTURV.   —    In-4'', 

Londres,  Quaritch,  1903.  sh.  i. 
Williamson.  —  The  anonimo.  Notes  on  pic- 

TURES    AND    WORKS    OF    ART    IN    ItaI.Y,    MADE    EV    AN 
ANONVMOUS  WRITER  IN  THE  SIXTEENTH    CENTURY.  — 

Trad.    par   P.  Mussi.   In-8°,    162   pp.    Londres,  Bell. 

sh.  7.  6. 


31talic. 


Lugano  (P.).  —  Guida  illustrata  di  monte 
Oliveto  Maggiore.  Monte  Oliveto  Maggiore.  — 
In-i2,  189  pp.,  1903. 


Cspagnc. 


Fita  (F.).  —  M0NUMENTOS  romanos  PE  SAN  Juan 
DE  Camba,  Cordoba,  Linares,  Vilches.  Cartagena, 
Barcelona  y  Tarrasa.  (Extrait  du  Bolelin  de  la  R. 
Academia  de  la  historia  Madried,  içoj.  —  T.  XLII, 
pp.  446463.) 


Le  même.  —  Santa  Eulalia  de  Barcelona. 
Una  de  sus  hasiltcas  en  EL  siGLO.  (Extrait  du  Bole- 
lin de  la  R.  Academia  de  la  historia  Madried,  IÇO^. 
T.  XLIII,  pp.  250-255.) 

*  Lamperez-y-Romea  (V.).  —   Historia  de 

LA    ARQUITECTURA   CHRIST! ANA.    In- 12     iUustré  de 

240  pp.  Barcelone,  J.  Gili,  1904. 

Marina  (J.).  —  Toledo.  —  Ilustrations  de  Luis 
Garcia  Sampedro.   Barcelona,  Gili,  1903.  ptas.   2. 

=^  Eiitricbc.  === 


Kirsch  (J. -P.)  et  Luksch  (V).  —  Illustrierte 
Geschichte  der  katholischen  Kirche.  —  Histoire 
illustrée  de  r  Église  catholique.  50  pi.  et  800  vignettes. 
Vienne,  Oesterreichischen   Léo   Gesellschaft,    1904. 


M. 


Puisse. 


Healon  (C).  —  Notre-Dame  de  Neuchatel  et 
l'architecture  primitive  de  la  Suisse.  —  In-4°, 
19  pp.  Neuchatel,  Wolfrath.   fr.  i. 

Reinhart  (E.).  —  Die  Cluniacenskk  Archi- 
tektur  in  der  Schweiz  vom  X  bis  XIII  Jahrhun- 
DERX.  —  In  8°,  106  pp.  et  6  pi.  Zurich,  Schulthess, 
1904. 


^uèDc=Bot)oège. 


Lusberg  Bering. —  Ein  illustrierter  Fïihrer 
durch  die  chronologische  Sammlung  der  dani- 
schen  Kônige.  —  In-S",  96  pp.  135  illustr.Copenhage, 
Opsynet.  Kr.  2. 

Nordervan  (G.)  —  Hundra  bildkonstens 
masterverk.  reproduktioner  i  fargtryck  of  be- 
romda  malningar  fran  aldre  tii.l  nyare  tid  ut- 
Gifna. —  Fasc.  I,  5  pi.  Stockholm,  Akttieb.  Kr.  2. 


IBelgiquc^^oUanDc. 


*  Destrée  (J.).  —Musées  royaux  des  arts  déco- 
ratifs et  industriels.  Catalogue  des  ivoires,  des 
objets  en  nacre,  en  os  gravé  et  en  cire  peinte. 
—  In-8°,  130  pp.  Bruylant,  Bruxelles. 

Le  même.  —  Renier  d'Huy,  auteur  des  fonts 
baptismaux  de  Saint-Barthélemy  a  Liège  et  de 
l'encensoir  du  Musée  de  Lille.  —  Brochure  illus- 
trée. Bruxelles,  Vromant,  1904. 

Giovale  (G.-B.).  —  Recherches  architectoni- 
QUES  sur  la  basilique.  Les  sarcophages  des  saints 
martyrs.  —  Le  monde  catholique  illustré,  IÇ02. 

Heins  (M.).  —  Petite  histoire  de  la  ville  de 
Gand  et  de  ses  institutions.  —  111-4",  illustré. 
Hoste,  Gand.  fr.  1,50. 


250 


ÎRebue  lie  T^rt  tl^rétieiu 


*  Lenertz  (Vincem).  —  Documents  d'art  mo- 
numental DU  MOYEN  AGE,  architecture,  sculpture, 
ferronnerie,  relevés  et  croquis.  Vromant  et  C'"^, 
Bruxelles. 

Miles  (B.).  —  Architecture,   décoration   et 

AMEUBLEMENT  PENDANT  LE  XVII1"=  SIECLE,  RÉGENCE 

Louis  XV.    —    200  planches  et   2000   dessins.   De 
Nobele,  22,  rue  de  la  Tulipe,  Bruxelles. 

Original  drawings  by  Rembrandt  Harmens  van 

RyN,REPRODUCED  in  THE  COLOURS  OF  THE  0R1GINALS 

BY  Enkikand  Binger,  3=  série,  1'"=  partie.  —  La  Haye, 
Nyhoff.  FI.  75. 


Reynaert    (J.).    —    Eenige    aanteekeningen 

OVER    DE    VOORNAAMSTE    ALTAREN    DER     HOOKDKERK 

van  Sint-Nikolaas.  —  Annales  du  Cercle  archéolo- 
gique du  pays  de  Waes,  t.  XXI,  pp.  281-295. 

van  Arkel  (G.)  et  Weissmann  (A.-W.).  — 
Nookd-Hollandsche  oudheuen,  uitgegeven  van 

WEGE  HET  K0NINK.LIJK  OUDHEIDKUNDIE  GENOOISCHAP 

TE  Amsterdam,  —  In-4",  114  pp.,  96  fig.,  6  pi  Am- 
sterdam, 1902. 

van  der  Moeren  (R.).  —  Het  O.  L.  Vrouw- 
beeld  van  Blindekens  (a  Bruges).  —  Biekorf,  T. 
XIV,  pp.  265-268.  De  Plancke,  Bruges.  1903. 


^  :^  ^^;^  ^^^  ^^  ^:^.  ^^  ^  ^.  ■^.  :^  :^V^  ^^  ^,  ^  ^.  ^'^  ^^  ^^  ^^  ^  ^  ^  ^^ 


w 

h 


dirOniCJUC.  sommaire:  école  des  hautes  études  d-art  de  Bru- 
xelles. —  conservation  des  monuments  et  objets  D'ART;  la  loi  Pacca  ; 
le  Campanile  de  Venise  ;  la  maison  d'Ozé  à  Alençon  ;  Croix  triomphale  ;  église  des  Jacobins 
de  Castillonnès;  cathédrale  de  Lyon  ;  Notre-Dame  d'AIençon  ;  église  de  Beaulieu,  de  Longueil- 
Annel  ",  Beffroi  de  Périgueux  ;  Sainl-Jean-de-la-Ruelle  ;  Catacombes  romaines.  —  ŒUVRES 
NOUVELLES  :  cathédrale  de  Cerignola  ;  parvis  d'Amiens  ",  atelier  de  tapisseries  au  Vatican, 
à  Champfleur.  —  MUSÉES  ET  BIBLIOTHÈQUE:  musée  de  Naples,  de  Florence,  de  Mont- 
pellier; bibliothèque  de  Turin.  —  MUSIQUE  SACRÉE:  Centenaire  de  saint  Grégoire  le 
Grand.   —  NÉCROLOGIE  :  E.  J.  Corroyer. 


i^jWWWWWW^WWWWWW^WWWWWWWWWWWWW 


Gcolc  De  bautcs  ctiiDcs  De  BrurcUcs. 


dite. 


fES    conférences  des  cours  d'art  et  d'ar- 
cliéologie    se  poursuivent  chaque   sa- 
medi avec  un  succès  croissant.    Après 
la  captivante  causerie  de  M,  G.  Bene- 
l'éiiiinent    égyptologue    parisien,  sur  «   les 


industries  d'art  de  l'ancienne  Egypte  »,  on  a  eu 
une  étude  de  M.  le  prof.  Roersch,  de  l'Université 
de  Gand,  sur  n  les  humanistes  belges  de  la 
Renaissance  ». 

-M.  Roersch  a  révélé  une  des  phases  les  plus 
attachantes  de  l'histoire  littéraire  belge,  un  épi- 
sode de  ce  mouvement  d'expansion  qui,  au  XV"^ 
et  au  XVIfi  siècle,  fit  rayonner  sur  toutes  les 
nations  latines  l'influence  flamande  :  dans  la 
musique,  la  peinture,  les  lettres,  la  philosophie, 
les  mathématiques,  les  Flamands  gravent  leur 
empreinte. 

M.  Roersch,  orienté  par  ses  études  spéciales 
vers  les  questions  philologiques  et  littéraires,  a 
montré  comment  la  Renaissance  avait  pris  ori- 
gine dans  les  provinces  flamandes,  comment 
l'humanisme,  loin  d'y  avoir  été  importé  d'Italie, 
y  était  né  spontanément  du  besoin  de  réaction 
contre  la  scolastique,  et  avait  pu  s'y  développer 
très  rapidement,  grâce  à  la  préparation  du  terrain 
intellectuel  par  De  Groote  et  ses  continuateurs. 

Ce  Gérard  De  Groote,  né  à  Deventer  en 
1340,  —  soit  plus  d'un  demi-siècle  avant  les 
humanistes  italiens,  à  part  Pétrarque  et  Boccace, 
—  fut  le  premier  humaniste  flamand.  Par  ses 
propres  travaux,  surtout  par  la  fondation  des 
Frères  de  la  Vie  Commune  (Hiéronymites)  dont 
les  collèges  rayonnèrent  bientôt  sur  la  Hollande, 
l'Allemagne  et  la  Belgique,  De  Groote  suscita  un 
vigoureux  réveil  des  esprits. 

Après  lui  viennent  :  Érasme,  le  plus  univer- 
sellement célèbre,  qui  se  fixe  à  Louvain  dès 
1502  ;  Juste-Lipse  ;  De  Smedt  de  Westwinkel 
(1525),  le  créateur  de  la  méthode  épigraphique  ; 
Piguius,  le  gouverneur  du  prince  Charles  de 
Clèves  (1520- 1604),  auteur  d'un  célèbre  récit  de 
voyage  à  Rome  avec  son  élève,  et  initiateur  de 
la  Chronologie  de  l'Empire  romain  ;  François 
de  Maulde,  d'Oudenburg  ;  le  seigneur  de  Boes- 


beke,  qui  découvre  l'inscription  d'Ancyre  ;  Marc 
Laurain,  seigneur  de  Watervliet,  qui,  avec  la 
collaboration  de  Goitzius,  établit  à  Bruges  une 
imprimerie  et  un  atelier  de  gravure  tout  spéciale- 
ment pour  publier  le  catalogue  de  ses  collec- 
tions ;  enfin  le  charmant  Jean  Everts,  dit  Jean 
Second,  mort  tout  jeune  à  Tournai,  peintre, 
graveur  et  poète  latin  exquis,  si  exquis  que  son 
recueil  les  Baisers  sert  de  modèle  aux  poètes 
de  la  Pléiade:  Ronsard,  Bellau,  du  Bellay,  qui  le 
démarquent  sans  scrupule... 

M.  P.  Vitry  a  fait  une  conférence  sur  les  Pri- 
mitifs français.  En  cette  préface  à  l'exposition 
qui  vient  de  s'ouvrir,  l'orateur  s'est  appliqué  à 
mettre  en  relief  les  caractères  de  l'art  où,  tour  à 
tour  au  service  des  rois  de  France,  des  ducs  de 
Berry,  d'Anjou,  de  Bourgogne,  à  Bourges,  à  An- 
gers, à  Dijon,  s'illustrèrent  des  maîtres  de  premier 
ordre.  Avec  plusieurs  expressément  désignés  :  les 
frères  Pol,  Jean  et  Herman  Manuel,  dits  de  Lim- 
bourg,  Jean  de  Bandol,  dit  de  Bruges,  Jean  Coste, 
Girard  d'Orléans,  J.  Fouquet  et  ses  fils,  Bour- 
dichon,  le  conférencier  en  a  signalé  d'autres, 
encore  indéterminés,  en  qui  persistent  des  habi- 
tudes assez  franches  pour  constituer  une  école, 
au  sens  rigoureux  du  mot.  Contemporains  de 
Broederlam,  ils  seront  les  précurseurs  des  frères 
van  Eyck,  comme  sculpteurs,  comme  peintres, 
comme  miniaturistes. 

M.  de  Bruyn  doit  parler  de  1'*  Art  popu- 
laire ». 

L'éminent  professeur  romain  Marucchi,  bien 
connu  par  ses  travaux  archéologiques,  viendra 
donner,  en  avril,  une  série  de  conférences  sur 
«  les  résultats  des  récentes  fouilles  du  Forum  ». 

Art  naturaliste. 

La  collection  de  l'école  des  Beaux- Arts  possède 
une  statue  couchée  en  marbre, attribuée  àGermain 
Pilon,  et  indiquée  par  E.  Muntz  comme  la  figure 
de  Catherine  de  Médicis.  —  Une  consultation 
anatomique,  faite  à  l'initiative  de  M.  E.  Luger  (i), 
a  révélé  que  le  gisant  est  bel  et  bien  un  homme, 
et  qu'il  s'agit  d'une  étude  sur  modèle  vivant 
destinée  à  l'exécution  de  l'effigie  de  Henri  II. 

I.  V.  Chronique  des  ar/s,  1904.  p.  4. 


252 


jRcbue  ÎJe  ï^xt  thxétmx. 


Ne  faut-il  pas  admirer  cette  servilité  savante 
de  la  copie  d'un  modèle,  qui  aboutit  à  une 
expression  artistique  telle,  qu'il  faille  de  savantes 
recherches  pour  distinguer  s'il  s'agit  d'un  homme 
ou  d'une  femme  ! 


Conscruation  Des  monuments  et 
objets  Q'Hrt. 


WI    Pacca.     —     On     connaît     la     loi 
salutaire    édictée    jadis  par    le  Saint- 


Siège  sur  l'initiative  du  Card.  Pacca, 
pour  protéger  les  œuvres  d'art  ancien, 
(bien  avant  que  nos  Congrès  d'archéologie 
n'eussent  jeté  l'alarme  contre  les  marchands  du 
Temple)  et  mettre  frein  à  la  spéculation  qui 
faisait  sortir  d'Italie  tant  de  chefs-d'œuvre  de 
l'art.  Les  journaux  font  maintenant  honneur  de 
cette  loi  au  «  Gouvernement  italien  ».  Le  Gou- 
vernement italien, lui,  se  sert  de  la  loi  pontificale 
d'une  manière  singulière,  absurde,  au  profit  des 
finances  et  en  fait  une  exploitation  du  fisc.  Il  en 
tire  prétexte  pour  permettre  l'exportation  de 
livres  anciens,  moyennant  une  forte  taxe.  —  La 
Bibliflfiliaàt.  Florence  s'élève  contre  ces  pratiques 
et  réclame  avec  raison,  qu'on  laisse  libre  la 
vente  des  estampes  dont  il  reste  de  multiples 
exemplaires. 


Le  Campanile  de  Venise.  —  On  nous  écrit  de 
Rome  : 

«  Dans  sa  séance  du  22  mars,  le  Sénat  a  ap- 
prouvé le  projet  de  loi  pour  la  reconstruction  du 
Campanile  de  Saint-Marc  et  pour  la  restauration 
des  monuments  de  Venise.  A  propos  du  campa- 
nile de  Saint-Marc,  le  rapporteur,  M.  le  Sénateur 
Pellegrini,  assure  que  les  anciennes  fondations 
ont  été  trouvées  en  parfait  état  de  conservation 
et  que  toute  crainte  à  cet  égard  a  disparu,  de 
même  que  les  préoccupations  concernant  les 
éventualités  auxquelles  seraient  exposés  les 
monuments  du  voisinage,  qui  doivent  également 
être  écartées.  Ces  déclarations  ont  été  confirmées 
par  M.  Orlando,  miin'stre  de  l'Instruction  publi- 
que, lequel  a  ajouté  qu'il  assumait  comme  minis- 
tie  la  responsabilité  de  ces  informations.  Cepen- 
dant il  a  ajouté  avoir  acquis  la  conviction  que 
l!exécution  du  travail  n'est  pas  entre  de  bonnes 
mains;  il  confessa  son  manque  absolu  de  con- 
fiance en  voyant  présider  à  la  reconstruction  du 
campanile  le  même  système  qui  a  été  la  cause 
de  sa  ruine. 

Il  résuite  cependant  des  renseignements  four- 
nis, que  la  Commission  à  laquelle  le  travail  a  été 
confié  ne  s'isole  pas  de  l'action  gouvernementale, 


cette  Commission  comptant  dans  son  sein  des 
représentants  autorisés  du  Gouvernement.  A  l'ad- 
ministration municipale  de  Venise  n'incombe 
d'autre  responsabilité  que  celle  de  la  gestion  des 
finances. 

Les  deux  projets  de  loi  ont  été  approuvés  et 
votés  au  icrutin  secret.  » 

On  ne  saurait  s'empêcher  de  trouver  étrange 
l'attitude  de  M.  Orlando,  Ministre  de  l'Instruc- 
tion publique:  elle  est  de  nature  à  jeter  le  discré- 
dit sur  la  direction  d'un  comité  où  le  Gouverne- 
ment lui-même  est  représenté. 

Les  membres  de  cette  Commission  seraient 
peut-être  fondés  de  répondre  à  M.  le  Ministre 
que  si,  par  le  système  qu'ils  ont  adopté,  le  nou- 
veau campanile  doit  résister  à  l'action  des  siècles 
aussi  longtemps  que  l'a  fait  l'ancien,  on  n'aura 
pas  trop  à  se  plaindre  de  la  direction  imprimée 
au  travail.  La  stabilité  du  nouveau  campanile  de 
Saint-Marc  dépassera  probablement  de  beaucoup 
celle  d'édifices  modernes  approuvés  par  le  Minis- 
tre italien. 

# 
«   * 

La  maison  d'Ozé,  à  Alençon,  ayant  été  classée 
comme  monument  historique  par  décret  du  27 
août  dernier,  la  SocicU' historique  et  archéologique 
de  l'Orne  vient  d'ouvrir  une  souscription,  dont  le 
montant,ajouté  à  la  subvention  fournie  par  l'Etat, 
est  destiné  à  aider  à  la  restauration  de  la  maison 
dont  il  s'agit  et  à  sa  transformation  en  musée 
public  (•). 


La  croix  triomphale  vient  d'être  rétablie  à  sa 
place  dans  l'église  de  Rebaix  (Hainaut). 


La  Dépêche  de  Toulouse  prête  à  M.  le  cuté  de 
Castillonnès  l'intention  d'ouvrir  une  nouvelle 
souscription  pour  l'achèvement  des  travaux  à 
l'église  et  au  clocher.  —  On  sait  que  la  façade 
nord  de  Notre-Dame  des  Jacobins  menace  ruine 
et  que  de  grosses  réparations  sont  nécessaiies. 
Le  monument  étant  communal,  c'est  la  Ville 
d'Agen  qui  devrait  supporter  tous  les  frais  de 
ces  réparations.  M.  le  maire  a  songé  à  faire  clas- 
ser l'église  parmi  les  monuments  historiques,  ce 
qui  obligerait  l'Etat  à  prendre  à  sa  charge  les 
frais  d'entretien.  Il  demande,  en  conséquence,au 
conseil  de  l'autoriser  à  faire  les  démarches  néces- 
saires. 


I.  On  peut  adresser  toutes  souscriptions  A  .\r.  Léon  Homniey. 
conseiller  municipal  à  Alençon.  banquier  cl  trésorier  du  comiié 
d'organisation,  rue  du  Cours,  à  Alençon. 


Cl)romque. 


253 


Un  crédit  de  60.000  francs  a  été  alloué  sur 
le  budget  de  1904  pour  la  continuation  des  tra- 
vaux de  la  cathédrale  de  Lyon  (Rhône).  Le  rap- 
port de  la  Commission  des  finances  du  Sénat  fait 
connaître  que  le  dernier  crédit  figurera  au  budget 
de  1905. 

**# 

L'église  Notre-Dame,  à  Aleiiçon  (Orne),  monu- 
ment historique,  exige  des  réparations  dont  le 
montant  s'élève,  paraît-il, à  40,000  francs. Rappe- 
lons que  les  verrières  du  haut  de  la  nef  de  cet 
édifice.datant  du  XVI'=  siècle, forment  un  ensem- 
ble de  tout  premier  ordre. 

* 
♦  ♦ 

On  nous  informe  que  très  prochainement  la 
commune  de  Beaiilieu  (Indre-et-Loire)  va  mettre 
en  adjudication  les  travaux  de  restauration  de 
son  église,  lesquels  sont  évalués  à  100.000  fr. 


Le  dimanche  14  février,  Mgr  l'évèque  de  Beau- 
vais  a  béni  la  nouvelle  église  de  Longueil-Annel. 
Cette  église  est  sur  plan  basilical,  sans  transept,  à 
trois  nefs,  et  triforium  praticable.  Style  général  : 
transition,  fin  du  XI  I«.  Architecte  ;  M.  Morin.  Le 
clocher  reste  à  édifier. 


Le  beffroi  de  l'église  de  la  Cité  à  PJrigueux, 
menace  ruine  ;  il  est  déjà  tout  lézardé.  Des  mesu- 
res viennent  d'être  prises  pour  éviter  des  acci- 
dents aux  abords  de  l'église,  en  attendant  une 
urgente  réparation. 

* 

*  * 

La  commune  de  Saint-Jeande- la- Ruelle {\^o\- 
ret)  reçoit  du  ministère  des  Cultes  un  secours  de 
10.000  fr.  pour  aider  à  la  couitruction  de  son 
église  (•). 

#  * 

M.  Chaumié,  ministre  des  Beaux-Arts,  vient 
de  charger  d'urgence  M.  Suisse,  architecte  des 
Monuments  historiques,  d'accord  avec  le  ministre 
de  la  Guerre,  de  prendre  en  main  les  travaux  de 
Saint- Philibert  à  Dijon,  et  d'établir  un  projet  de 
restauration  de  cet  édifice,  dont  M.  Chabeuf  s'oc- 
cupe dans  la  présente  livraison  de  notre  Revue. 

* 
«  « 

Catacombes  romaines.  —  Depuis  quelques  se- 
maines, Rome  compte  une  basilique  chrétienne 
de  plus  et  un  groupe  de  catacombes  bien  supé- 
rieur à  celles  déjà  connues. 

I.  Les  nouvelles  précédentes  sont  empruntée  l'excellente  revue 
hebdomadaire  V Art  sacré. 


La  découverte  a  été  faite  non  loin  du  cimetière 
de  Comodilla,  lequel  est  même  en  communica- 
tion avec  ces  catacombes  inopinément  venues  au 
jour. 

Cette  basilique  souterraine  n'est  pas  de  grande 
dimension  ;  en  revanche,  elle  offre  un  grand  in- 
térêt par  les  trésors  artistiques  qu'elle  renferme. 
Toutes  les  parois  sont  couvertes  de  fresques,  dont 
deux  surtout  frappent  non  seulement  à  cause  de 
leur  parfait  état  de  conservation,  car  on  les  di- 
rait peintes  d'hier,  mais  par  la  pureté  du  dessin. 

On  sait  que  les  peintures  des  premiers  siècles 
de  l'ère  chrétienne  qui  se  sont  conservées  dans  les 
catacombes,  sont  de  simples  simulacres  faits  à 
grands  traits  et  sans  aucune  recherche  du  dessin. 
Même  les  fresques  découvertes  il  n'y  a  pas  long- 
temps dans  la  basilique  «  S.  Maria  Antiqua  »  au 
Palatin,  bien  qu'importantes  pour  l'époque  où 
elles  furent  exécutées,  ont  toute  la  froideur  et  la 
raideur  hiératiques  de  l'art  byzantin. 

Au  contraire,  les  fresques  découvertes  dans  les 
catacombes  de  Comodilla  révèlent  le  pinceau 
d'un  véritable  artiste  au  dessin  correct  et  puis- 
sant. L'une  d'elles, représentant  la  Vierge,  entou- 
rée de  quatre  saints,  est  un  réel  chef-d'œuvre.La 
tête,  finement  modelée,  a  une  expression  de  man- 
stiétiide  qui  émeut  même  le  profane.  Le  coloris 
est  d'une  admirable  fraîcheur  et  les  tonalités  d'une 
harmonie  que  l'on  chercherait  en  vain  dans  les 
peintures  byzantines.  Les  lignes  du  drapé,et  pour 
la  Vierge  et  pour  les  saints,  sont  belles  et  souples. 

Si  la  découverte  de  cette  petite  basilique  est 
importante  au  point  de  vue  artistique,  celle  des 
catacombes  l'est  encore  davantage  sous  le  rap- 
port archéologique. 

Le  visiteur  qui  descend  dans  les  catacombes 
romaines  en  voit  les  «  loculi  »  vides,  les  tombes 
dévastées  en  grande  partie.  Dans  le  groupe  qui 
vient  de  revenir  au  jour  se  trouvent  des  galeries 
de  20  mètres  de  hauteur,  avec  dix  à  douze  ran- 
gées de  «  loculi  »  ou  tombes,  toutes  fermées, 
toutes  intactes.  De  plus,  à  côté  de  chaque  tombe, 
il  y  a  la  lampe  funéraire,  les  dons  votifs  et  jus- 
qu'aux clous  où  étaient  appendues  les  couronnes. 

Il  est  très  probable  que  ces  souterrains  furent 
fermés  au  VI'^  siècle  et  échappèrent  ainsi  aux 
déprédations  des  Goths.  On  les  a  donc  retrouvés 
en  leur  état  primitif  et,  une  particularité  à  noter, 
c'est  que  des  squelettes  gisaient  à  terre.  Il  est  à 
supposer  qu'un  éboulement  se  produisit,  obstrua 
les  galeries  et  que  ces  squelettes  sont  ceux  des 
chrétiens  venus  prier  près  de  la  tombe  de  leurs 
chers  défunts,  et  qui  ne  purent  se  sauver  quand 
l'éboulement  eut  lieu. 

Tous  les  «  loculi  »,  toutes  les  tombes  ont  leur 
inscription,  une  date,  ce  qui  permet  d'établir  que 
l'hypogée  est  de  l'époque  comprenant  le  V'^  et  le 
Vl<=  siècle. 


254 


3Rrbur  tic  V^xt  chrctirn. 


Mais  noiis~sommes  seulement  au  commence- 
ment des  explorations  :  d'autres  galeries  restent 
encore  à  découvrir,  qui  probablement  seront  in- 
tactes aussi. 

Autour  de  la  basilique  existent  les  sépulcres 
de  plusieurs  saints  et  martyrs  du  VI*^  siècle.  On 
y  a  recueilli  nombre  de  sarcophages,  de  colonnes, 
de  chapiteaux  et  de  fragments  de  statues.  Tout 
un  trésor  archéologique. 

Les  fouilles  se  font  pour  le  compte  du  Vatican. 
Pie  X  s'y  intéresse  immensément,  surtout  à  cause 
des  tombes  des  martyrs  et  des  saints. 


* 
*   * 


Nous  lisons  avec  plaisir  dans  la  Chronique  des 
Arts  du  9  avril  : 

i.  Une  étrange  mesure  ministérielle  vient  de  supprimer 
des  prétoires  tous  les  emblèmes  religieux.  Si  nous  n'avons 
pas  à  juger  ici  les  raisons  dont  elle  s'inspire,  il  nous  ap- 
partient de  dénoncer  le  sacrilège  artistique  qu'elle  accom- 
plit h  la  légère.  Toutes  les  sculptures,  tous  les  tableau.\ 
religieux  qu'une  tradition  souvent  ancienne  plaçait  sous 
les  yeux  des  juges,  des  prévenus  et  des  spectateurs 
vont  disparaître  et  les  murs  ne  présenteront  plus  au  re- 
gard dépaysé  que  leur  nudité  inonotone. 

Il  y  a  là  un  véritable  contre-sens  artistique.  La  vie 
publique  n'avait  que  trop  rarement  déjà  le  souci  du  décor 
où  elle  s'écoule.  Et  puisque  les  prétoires  gardaient, 
comme  un  legs  du  passé,  une  ornementation  parfois  si 
précieuse,  il  fallait  la  leur  laisser.  Une  administration 
intelligente  aurait  même  souhaité  de  l'enrichir.  Aux  em- 
blèmes déjà  existants  elle  aurait  ajouté  d'autres  emblèmes 
qu'ils  soient  ou  qu'ils  ne  soient  pas  religieux.  Elle  se  serait 
souvenue  que  le  charme  de  tant  de  vieilles  cités  vient  pré- 
cisément de  ce  qu'elles  ont  eu  soin  de  parer  les  salles  où 
s'assemblaient  leurs  juges,  leurs  syndics  ou  leurs  conseil- 
lers, et  d'embellir  la  vie  officielle.  .Si  les  murs  blanchis  .\ 
la  chaux  et  les  bustes  de  plâtre  doivent  être  désormais  le 
décor  idéal  de  tous  les  actes  publics,  c'est  que  les  Scythes 
ont  envahi  le  monde. 

Une  autre  inquiétude  saisit,  pour  peu  que  l'on  songe 
aux  destinées  des  œuvres  d'art  qui  vont  être  enlevées  de 
leur  place  traditionnelle.  Les  questions  de  propriété  ne 
manqueront  pas  d'être  souvent  délicates,  et,  une  fois 
résolues,  elles  laisseront  encore  indécis  l'einplacement 
futur  des  ouvrages  bannis.  Où  les  départements  les  expo- 
seront-ils ?  Dans  quelle  salle  obscure  et  sans  emploi  les 
villes  pourontelles  les  accueillir.?  On  parle  déj.à  de  main- 
tenir certains  tableaux  dans  les  prétoires,  en  les  recou- 
vrant d'un  voile,  comme  des  objets  indignes  d'être  vus. 
Et  ce  projet  suffirait  à  condamner  à  lui  seul  la  mesure  qui 
vient  de  frapper  les  emblèmes.  Au  milieu  de  tant  d'incer- 
titudes, il  conviendra  que  les  départements  et  les  villes 
se  souviennent  qu'il  est  pour  nos  richesses  d'art  un  asile 
national,  et  que  le  Louvre  pourra  aisément  devenir  le 
refuge  glorieux  des  bannis.  Ce  sera  le  meilleur  moyen  de 
sauvegarder  à  la  fois  les  ouvrages  eux  mêmes  et  l'intérêt 
du  public.  > 


OEutircs  nouticUcs. 

Cathédrale  de  Cerigiiola.  —  Nous  résumons  ci- 
après  un  article  paru   dans   le  fournal  dis  Arts 


sous   la    signature    connue   et    sympathique    de 

André  Arnoult. 

Je  ne  pense  pas  que  la  cathédrale  actuellement  en 
construction  dans  la  petite  ville  de  Ceriguola,  province 
de  Capitanate  ou  de  Foggia,  soit,  par  les  dimensions, 
un  édifice  de  tout  premier  ordre  en  Italie.  Du  reste, 
il  ne  faudrait  pas  s'imaginer  que  les  églises  italiennes 
atteignent  toutes  à  des  proportions  gigantesques.  Par 
leurs  dimensions,  les  cathédrales  de  Gênes,  de  Pise, 
d'Orvieto,  de  Sienne,  p.ir  exemple,  sont  dépassées  par 
nombre  des  nôtres  ;  celle  de  Ccrignola  aura,  j'imagine, 
de  70  à  80  mètres  de  longueur,  ce  qui  lui  donnera  un 
rang  honorable  parmi  ses  sœurs  aînées.  La  cathédrale  de 
Sienne  en  a  89,  celle  d'Orvieto   104,  celle  de  Pise  95. 

Un  legs  important  a  été  la  base  de  l'œuvre  dont  la 
réalisation  a  été  confiée  à  l'architecte  Alvino  ;  mais  la  mort 
l'a  surpris  avant  que  les  projets  fussent  sortis  de  la  pé- 
riode préparatoire  et  l'achèvement  a  été  confié  à  un  de 
ses  élèves,  M.  Giuseppe  Pisanti,  que  l'Italie  tient  pour  un 
de  ses  meilleurs  architectes  contemporains. 

Ayant  a  édifier  de  toutes  pièces  une  cathédrale  en  style 
médiéval,  M.  Pisanti  pouvait  s'en  tenir  à  celui  qui  a  laissé 
tant  d'exemples  dans  l'ancien  royaume  de  Naples,  où 
abondent  les  œuvres  normandes  et  angevines  dues  à  des 
prélats  et  à  des  architectes  d'origine  française. 

Cette  influence  venue  du  Nord,  que  l'on  amoindrirait 
volontiers  en  Italie  de  même  qu'on  la  majorerait  plutôt 
en  France,  ne  peut  être  mise  en  doute.  Il  faut  entendre, 
toutefois,  que  les  architectes  français  —  Pierre  d'Angi- 
court  sera  au  XI 1 1'^  siècle  celui  de  Charles  d'Anjou  — 
modifièrent  plus  ou  moins  leurs  plans  et  leurs  procédés 
de  structure  pour  adapter  leurs  édifices  à  des  conditions 
spéciales  dont  ils  étaient  trop  bons  constructeurs  pourne 
pas  tenir  compte.  Ainsi,  j'ai  déjà  indiqué  qu'ils  rempla- 
çaient un  peu  partout  les  berceaux  en  pierre  par  des  char- 
pentes apparentesbeaucoup  plus  résistantes  aux  secousses 
sismiques  que  les  voûtes  équilibrées  par  des  contreforts. 

Pourquoi  M.  Giuseppe  Pisanti  est-il  allé  cheicher  son 
inspiration  sur  les  bords  de  l'Arno  ?  Je  l'ignore.  Mais  les 
projets  et  maquettes  exposés  en  1903  au  Palais  des  Beaux- 
Arts  de  Naples  nous  donnent  l'impression  d'une  adroite 
copie  de  la  cathédrale  de  Floreuce,  Sainte- Marie  de  la 
Fleur.  C'est  un  beau  modèle,  assurément,  et  je  ne  crois 
pas  qu'il  existe,  dans  le  monde  chrétien,  un  plus  beau,  un 
plus  noble  parti  de  plan  (';  —  je  parle  surtout  de  l'effet 
extérieur — que  celui  de  cette  immense  église  à  l'aspect 
immobile,  avec  sa  coupole  cantonnée  de  trois  absides  en 
quart  de  sphère,  séparées  par  des  sacristies  rectangulaires. 
Mais  il  faut  bien  avouer  qu'au  lieu  de  sincères  ossa- 
tures apparentes  loyalement  exprimées  dans  nos  cathé- 
drales du  moyen  âge,  nous  n'avons  ici,  selon  la  tradition 
romaine,  qu'un  édifice  en  briques  ou  de  très  petit  appareil 
revêtu  d'une  pellicule  de  marbres.  Sainte-Marie  de  la 
Fleur,  comme  son  campanile  et  son  baptistère,  comme 
les  façades  de  San  INIiniato  et  de  Santa-Maria-Novella 
n'est  qu'une  masse  rudimentaire  sur  laquelle  on  a  jeté 
une  riche  parure  polychrome. 

Ainsi  faisaient  les  Romains  pour  leurs  palais,  leurs 
thermes  et  certains  grands  édifices  à  voûtes,  tels  que  le 
Panthéon  et  cette  basilique  de  Constantin,  dont  dérive 
en  partie  l'art  moderne.  Seulement,  ils  construisaient 
mieux  que  leurs  descendants  et  n'avaient  pas  besoin 
d'étresillonner  leurs  voûtes  et  leurs  arcs  par  ces  tirants  de 
fer  ou  même  de  bois,  qui  gâtent  tant  d'intérieurs  italiens. 

I.  Nous  ferons  remarquer  au  lenteur  que  cette  appréciation  est 
personnelle  à  notre  estimé  correspondant 

(n.   d.  l.  r.) 


Ctjroinque» 


255 


Donc,  la  cathédrale  nouvelle  de  Cerignola  sera  un 
succédané,  un  diminutif  ingénieux  de  Sainte  Marie  de  la 
Fleur,  et  on  y  retiouvera  le  thème  ornenjenial  de  la 
façade  tlorentine  nouvelle  ;  toutefois,  la  section  des  gran- 
des et  basses  nefs  y  semble  plus  accusée  et  la  figure  géo- 
métrique rappellera,  mais  pour  le  tracé  seulement,  le 
portail  de  la  cathédrale  de  Pise.  Et  la  similitude  avec 
Sainte- Marie  de  la  Fleur  se  poursuivra  dans  la  distribu- 
tion de  la  sculpture,  jusque  dans  les  baies  longues  et 
étroites  divisées  par  un  meneau  torse.  La  coupole  sera, 
bien  entendu,  beaucoup  moins  volumineuse  que  celle  de 
Brunelleschi,  mais  elle  reposera  aussi,  sans  contreforts, 
sur  un  tambour  octogone  ;  seulement,  les  oculus  circu- 
laires seront  remplacés  sur  chaque  pan  par  trois  fenêtres 
conjuguées.  Le  style  sera  sensiblement  celui  de  Sainte- 
Marie,  sans  copie  servile,  cependant,  et  on  nous  annonce, 
cela  est  un  peu  inquiétant,  que  l'architecte  a  fait  appel 
aux  formes  les  plus  nouvelles  du  décor  ornemental  con- 
temporain. La  coupole  parait  plus  élancée  que  celle  de 
Florence  ;  je  doute  que  cet  allongement  de  la  courbe 
génératrice  y  ajoute  de  l'élégance  ;  ce  serait  plutôt  le 
contraire.  C'est,  en  effet,  une  erreur  commise  par  beau- 
coup d'architectes,  qui  s'imaginent  ainsi  donner  de  la 
grâce  à  leurs  courbes,  notamment  à  leurs  portiques  ou 
arcs  de  triomphe  en  resserrant  les  lignes  au  lieu  de  les 
distendre  ;  mais  ce  n'est  pas  le  lieu  de  traiter  à  fond  une 
question  de  cet  ordre. 


* 
♦  # 


A)niens.  —  On  vient  de  créer  devant  la  cathé- 
draled'Amiensune  place  d'heureuses  proportions 
et  de  bâtir  en  face  de  Notre-Dame  une  rangée 
de  maisons  d'un  goût  exquis. 

On  s'est  bien  gardé  de  créer  devant  le  vénérable 
et  merveilleux  édifice  un  gigantesque  espace  vide, 
qui  l'aurait  comme  noyé  dans  le  vide  du  ciel  ; 
on  a  mesuré  l'espace  au  monument  lui-même, 
à  sa  hauteur,  de  manière  à  donner,  sans  plus,  le 
recul  nécessaire  pour  le  saisir  d'un  coup  d'œil;  la 
bonne  mesure  est  celle  que  réclamerait  un  photo- 
graphe pour  faire  entrer  la  façade  entière  dans 
le  champ  de  son  objectif;  et  cela  y  est.  La  pente 
douce  du  terrain  vers  la  cathédrale  contribue  à 
l'excellent  effet,  complété  par  l'heureuse  idée, 
qu'on  a  eue  de  daller  la  place,  comme  le  parvis 
lui-même,  selon  la  tradition  des  places  antiques. 

Mais  ce  qu'il  faut  louer  surtout,  c'est  la  ma- 
nière dont  on  a  traité  les  maisons  élevées  en  face 
de  la  cathédrale.  Pour  éviter  le  danger  d'immeu- 
bles de  rapport,  M.  l'architecte  Douillet  proposa 
à  la  Ville  de  lui  vendre  le  terrain  pour  y  bâtir  à 
la  distance  convenue  un  rang  de  logis  de  style 
approprié.  —  Il  a  donné  là  le  modèle  pur  des 
entreprises  de  l'espèce.  Avec  un  ensemble  de 
motifs  pris  à  Amiens,  à  Abbeville,  à  Rouen,  à 
Beauvais,  il  a  composé  et  a  groupé  des  maisons, 
où  le  confort  moderne  s'allie  aux  formes  savou- 
reuses de  l'art  traditionnel  et  local  (ij. 


I.  Nous  résumons  ici  un  article  de  M.  G.  Scheid,  dans  l'excel- 
lente revue  Lt  Cottage.  (Paris,  rue  Nouvelle,  8.) 


Après  dix-huit  ans  d'interruption,  l'atelier  de 
tapisserie  de  M.  Gentili  va  être  relevé  par  S.  S. 
Pie  X,  avec  une  royale  magnificence.  Le  rescrit 
pontifical  qui  autorise  sa  réouverture  est  déjà 
entré  en  voie  d'exécution.  M.  Gentili  et  son  fils 
ont  pris  possession  d'un  local  dans  la  galerie 
au-dessus  du  portique  de  Saint  Pierre.  L'atelier 
de  tapisserie  ne  comptera  jamais  moins  de  dix 
élèves,  entretenus  par  le  trésor  apostolique.  Il  a 
averti  en  outre  M.  Gentili  qu'il  honorerait  l'ate- 
lier d'une  visite  aussitôt  après  sa  pleine  reconsti- 
tution (I). 


Depuis  deux  ans  un  atelier  de  tapisserie  de  haute  lisse 
—  dans  lequel  on  emploie  les  meilleurs  procédés  de  nos 
manufactures  de  l'État  —  est  établi,  avec  la  haute  appro- 
bation de  Monseigneur  l'évcque  du  Mans,  grâce  à  l'initia- 
tive de  M.  le  chanoine  Bruneau,  dans  une  maison  voisine 
du  monastère  franciscain  de  Champfleur  (Sarthe). 

Une  habile  ouvrière  de  Paris  a  bien  voulu  donner  à 
quelques-unes  des  religieuses  les  premières  leçons  et  les 
élèves  ont  fait  des  progrès  si  rapides  qu'au  bout  de  trois 
mois  elles  étaient  en  état  de  commencer  et  de  mener  à 
bonne  fin  la  copie  exacte  et  fidèle  d'un  morceau  de  la 
tapisserie  (XVI"  siècle)  des  saints  Gervais  et  Protais  de 
la  cathédrale  du  Mans. 

D'éminents  archéologues,  des  savants  distingués,  de 
fins  connaisseurs  parmi  lesquels  nous  pouvons  citer  ;  M. 
de  Farcy,  d'Angers  ;  M.  Guiffiey,  directeur  de  la  manu- 
facture des  Gobelins,  ont  salué  avec  joie  cette  heureuse 
tentative  et  ont  même  voulu  témoigner  pratiquement  par 
une  commande  leur  haute  satisfaction. 

Pour  compléter  cette  œuvre  éminemment  artistique, 
depuis  quelques  mois  à  côté  des  métiers  des  tisseuses,  on 
a  organisé  un  atelier  de  réparation  pour  les  vieilles  tapis- 
series. 

Les  résultats  déjà  obtenus  sont  parfaits.  Par  les  soins 
et  la  charité  toujours  si  libérale  de  M.  le  chanoine  Chan- 
son, un  des  panneaux  de  la  grande  tapisserie  de  Saint- 
Julien,  qui  se  trouve  exposé  actuellement  dans  le  cathé- 
drale en  entrant  au  chœur  du  côté  de  l'Epître,  vient  d'être 
complètement  restauré. 

Les  nombreux  visiteurs  de  la  cathédrale  pendant  les 
fêtes  de  saint  Julien  pourront  juger  eux-mêmes  ce  travail. 

Nous  ne  saurions  trop  nous  réjouir  de  cette  heureuse 
initiative.  Elle  prouve  une  fois  de  plus  que  l'Eglise  ne 
saurait  être  indifférente  à  tout  ce  qui  touche  aux  arts,  au 
progrès  :  ce  progrès  dont  elle-même  demeure  ici-bas  la 
plus  belle,  la  plus  vivante  expression. 


flBiisccs  et  Bibliotbèque. 

Au  musée  de  Naples. —  On  lit  dans  \z  Journal 
de  ï Art  : 

Le  travail  de  réorganisation  du  Musée  de  Naples  est 
l'œuvre  du  directeur,  le  professeur  Ettore  Pais  ;  elle  a 
duré  deux  ans,  coupés,  il  est  vrai,  par  un  intervalle  de 
repos  de  plusieurs  mois,  dû  aux  polémiques  ardentes  des 
journaux.  Les  critiques  n'ont  pas  manqué,  en  effet,  au 


I.   La  Véritâ française,  23  février  190.1. 
Safthe,  du  30  janvier  1904. 


■  Du  Nouvelliste  de  la 


256 


ÎRcbuc  iJC  rart  cbvcttciu 


promoteur  de  l'œuvre  entreprise  et  il  a  fallu  une  singu-    ' 
lière  énergie  à  M.  Ettore   Pais  pour  que   sa  volonté  ne 
fléchît   pas.  Mais  le   succès   est  enfin   venu,  et  l'opinion, 
subitement   retournée,    ne  fait   plus    entendre   de   voix 
discordante. 

Le  premier  acte  de  M.  Ettore  Pais  a  été  de  faire  entrer 
partout  la  lumière  dans  des  salles  pour  la  plupart 
obscures  ou  mal  éclairées,  de  mettre  .1  portée  de  la  vue  et 
en  bonne  clarté  nombre  d'objets,  d'inscriptions  surtout, 
enfouis  dans  l'ombre  ou  placés  trop  haut.  Le  rez-de-chaus- 
sée, accru  de  plusieurs  salles,  a  leçu  les  marbres  et  les 
grands  bronzes.  Un  vestibulede  formes  et  de  proportions 
imposantes  sert  d'entrée  aux  différentes  parties  ;  là,  on  a 
réuni  les  plus  grands  monuments,  les  statues  équestres 
des  Balbus,  venues  d'Herculanum  ;  celle  du  théâtre  de 
Pompéi,  à  Rome;  les  prêtres  et  les  prétresses  de  Pompéi; 
k  droite  sont  les  salles  de  l'histoire  de  l'art,  h  gauche 
l'iconographie  grecque  et  romaine,  au  milieu  l'icono- 
graphie. D'autres  salles  renferment  les  morceaux  de  pein- 
ture venant  d'Herculanum  et  de  Pompéi,  classés  par 
styles,  par  époques  et  par  lieux  d'origine. 

A  l'étage  supérieur  sont  les  médailles,  les  gemmes,  les 
vases  ;  puis,  dans  des  salles  éclairées  par  le  haut,  les 
peintures  modernes,  entendons  ceci  des  œuvres  non 
antiques,  puisque  la  collection  va  du  XI 11^  siècle  au 
W'III"  siècle:  le  classement  suivi  est  conforme  h  la 
chronologie.  Un  grand  salon  a  reçu  les  belles  tapisse- 
ries du  marquis  del  Vasio,  et  les  objets  de  la  Renaissance. 

Dans  l'aile  orientale  est  l'Antiquarium  où  sont  exposés 
les  petits  bronzes  présentés  avec  beaucoup  de  goût.  Enfin, 
à  l'étage  au-dessus,  qui  se  compose  de  pièces  basses  inu- 
tilisées jusqu'ici,  c'est  tout  une  succession  de  salles  nou- 
velles décorées  en  style  pompéien  et  remplies  de  tout  ce 
qui  a  trait  à  la  vie  antique,  objets  en  céramique,  en  verre 
coloré  ou  blanc,  menus  ustensiles  de  la  toilette  des 
femmes,  armes,  papyrus,  monnaies,  provenant  de  Cumes, 
Stabia,  Herculanum  et  Pompéi.  Beaucoup  de  ces  objets, 
et  non  des  moins  précieux,  sont  pour  la  première  fois 
exposés. 

Le  musée  comprend  ainsi  trois  grandes  divisions  : 
Peinture,  sculpture,  archéologie.  Le  classement  très 
méthodique  et  rigoureux  auquel  s'est  astreint  M.  Ettore 
Pais  n'a  donné  aucune  froideur  à  un  ensemble  demeuré 
suggestif  et  vivant. 

Ces  renseignements  sont  empruntés  à  V Illustration 
italienne  du  22  novembre  1903. 

Ainsi,  après  la  réorganisation  du  musée  Brera,  à  Milan, 
c'est  le  tour  du  musée  de  Naples.  A  quand  celui  de 
l'Ac.idémie  de  la  Pinacothèque  du  Vatican,  où  l'éclairage 
partout  pris  de  côté  dans  les  quatre  salles  est  absolument 
défectueux,  et  même  des  Offices  de  Florence,  dont  cer- 
taines petites  pièces  sont  des  espèces  de  cryptes  enténé- 
brées  ? 

Mon  rêve  serait  de  voir  réunis  en  une  galerie  disposée 
à  la  moderne  les  Offices,  le  Pilti  et  l'Académie  des  beaux- 
arts  ;  on  aurait  ainsi  le  plus  beau  musée  de  peintures 
italiennes  du  monde.  En  mettant  toutefois  hors  classe  le 
Vatican,  non  pour  sa  galerie,  mais  pour  la  .Sixtine  et  les 
Chambres  de  Raphaël,  1'  «  Odieux  Raphaél  5>,  comme  a 
osé  l'écrire  M.  Huysmans,  qui,  je  l'espère  pour  lui,  n'était 
pas  encore  venu  à  Kome.  .Si  l'auteur  de  VOblat  a  écrit  ce 
mot,  qui  fait  tort  seulement  à  lui,  après  avoir  vu  les 
Chambres,  ce  serait  vraiment  un  cas  pathologique  rele- 
vant des  spécialistes. 

André  Arnoult. 


Nous  lisons  dans  le  Journal  d' Art. 

Aux  Musées  de  Florence.  —  Le  Journal  des 
Débats  annonce  que  M.  Corrado  Ricci,  le  réorga- 
nisateur du  musée  Brera  à  Milan,  vient  d'être 
chargé  du  mêine  travail  à  Florence,  où  il  aura  à 
remanier  les  Offices  et  la  collection  du  palais 
Pitti.  Son  correspondant  ajoute  : 

Je  ne  doute  pas  qu'il  ne  soit  aussi  heureux  dans  la  ville 
des  Médicis  que  dans  celle  des  Visconti  et  des  Sforza; 
mais  il  aura  fort  à  faire.  .\ux  Offices,  le  local  est  manifes- 
tement insuffisant  et  imparfait. 

D'après  \t  Journal  des  Débats,  un  des  articles  du  pro- 
gramme serait  la  suppression  de  ce  salon  octogone  connu 
dans  le  monde  entier  sous  le  nom  de  la  Tribune.  Le  goût 
n'est  plus  ;\  ces  assemblages  d'œuvres  diverses  étrangères 
les  unes  aux  autres  par  l'espace  et  la  durée;  et,  de  f.iit,  la 
Tribune  des  Offices  réunit  des  tableaux  assez  étonnés  de 
voisiner  ainsi.  D'ailleurs,  elle  date  d'une  époque  déjà 
décadente,  puisqu'elle  a  été  construite  à  'a  tin  du  XVI' 
siècle  ou  au  commencement  du  XX'II'^  siècle  par  l'archi- 
tecte florentin  Bernardo  Buontalenti  et  décorée  par  Ber- 
nardino  Pocetti  ;  aussi,  le  choix  souvent  remanié,  des 
tableaux  et  statues  n'est-il  pas  d'une  grande  sévérité  et 
vraiment  ni  le  Guerchin,  ni  le  Guide,  ni  Schidone,  ni 
Annibal  Carrache,  ne  devraient  se  rencontrer  ici  avec 
Raphaël,  Michel  Ange,  Le  Titien,  le  Pérugin,  Mantegna, 
Fra  Bartolomeo,  Giorgione,  Le  Corrège,  Rubens  et  \'an 
Dyck.  En  l'état,  la  Tribune  offre  donc  une  étrange  macé- 
doine, .\lbert  Diirery  coudoie  Raphaël,  et  avec  nos  idées 
méthodiques,  nous  trouvons  qu'un  semblable  péle-méle 
ne  fait  que  nuire  à  tout  le  monde.  Mais  détruire  la  Tri- 
bune, ce  n'est  pas  faire  disparaître  l'édicule  lui-même,  ce 
serait  grand  dommage;  avec  son  pavé  de  beaux  marbres 
assemblés  h.  l'antique,  sa  voûte  à  écailles  de  nacre  qui 
luisent  doucement,  sa  lumière  florentine  tombant  égale  et 
claire  de  la  lanterne,  la  Tribune  est  une  cassette  pré- 
cieuse dont  on  peut  seulement  changer  la  destination. 
Les  tableaux  y  sont  déjà  en  ordre  dispersé  et  dans  un 
demi-isolement  favorable;  qu'on  en  fasse  le  sanctuaire  de 
l'art  dans  la  période  raphaclesque,  mais  que  l'on  conserve 
à  l'ensemble  son  caractère,  celui  d'une  salle  intime  faisant 
partie  du  palais  d'un  prince  amateur  intelligent,  et  qu'on 
ne  fasse  pas  évanouir  ce  parfum  affaibli,  si  captivant 
encore  du  lointain  passé.  Nos  musées  modernes  se  font 
de  plus  en  plus  irréprochables  au  point  de  vue  didac- 
tique, mais  ils  sont  facilement  froids  comme  des  cabinets 
de  minéralogie.  Déjà  Lamartine  n'aimait  pas  les  musées 
où  les  œuvres  de  la  main  et  de  l'intelligence  humaines 
sont  mises  hors  de  leur  place,  ce  sont  «  des  cimetières  de 
l'art  >.  écrit-il  dans  son  Voyage  en  Orient  ;  hélas  !  ces 
cimetières-là  sont  aussi  nécessaires  que  les  autres. 

J'espère  donc  que  M.  Corrado  Ricci  épargnera  l'œuvre 
de  Buontalenti,  mais  pour  en  user  autrement  et  mieux. 

Laissera-t-il  ici  les  cinq  antiques,  la  Vénus  de  Médicis, 
VApollino,  le  Ri'ntouleur,  le  Faune  et  les  Lutteurs,  que 
l'on  y  voit  de  temps  immémorial,  et  qui  en  sont  devenus 
comme  le  décor  nécessaire?  J'en  doute;  le  mélange  des 
œuvres  de  la  statuaire  et  de  la  peinture  n'est  pas  heu- 
reux; il  y  a  une  quarantaine  d'années,  on  en  a  essayé  au 
Louvre,  et  j'ai  vu  la  Diane  à  la  biche  dressée  au  milieu 
du  Salon  carré;  elle  n'y  est  pas  demeurée  longtemps, 
l'épreuve  ayant  été  unanimement  condamnée. 

Cependant,  la  tradition,  la  consécration  du  temps 
peuvent  militer  en  faveur  de  la  conservation  de  la  Tri- 


Cl)rontque. 


257 


bune  en  son  état  actuel,  sauf  à  reviser  le  choix  des  pein- 
tures exposées. 

Que  fera  M.  Corrado  Ricci  de  la  collection  des  por- 
traits de  peintres  par  eux-mêmes?  Actuellement,  ils  sont 
placés  dans  des  salles  au-dessous  du  musée  et  forment 
une  série  h  part;  je  crois  qu'il  faut  conserver  ce  caractère 
de  personnalité  à  la  galerie  créée  par  le  cardinal  Léopold 
de  iMédicis,  et  j  imagine  que  M.  Corrado  Ricci  se  gardera 
bien  de  disperser  un  ensemble  unique  au  monde. 

Pour  le  Pitti,  la  question  est  plus  délicate  ;  ici,  nous 
avons  moins  un  musée  qu'une  collection  princièie,  logée 
dans  les  appartements  d'un  palais  et  personne  ne  peut 
songer  h  détruire  le  bel  aspect  intime  de  ces  amples 
salons  tendus  de  vieille  soie  rouge,  sous  les  voûtes  peintes 
par  Pierre  de  Cortone,  Luigi  Sabatelli,  Ciro  Ferri,  Catani 
et  Gaspero  Martellini,  décorations  fastueuses  de  la  déca- 
dence, d'accord,  et  qui  ne  sont  plus  à  la  mode  aujourd'hui, 
mais  auxquelles  on  ne  peut  refuser,  du  moins,  de  l'imagi- 
nation et  de  l'éclat. 

D'après  le  Journal  ^^s  Débats^  le  Pitti  conservera  son 
état  historique  de  galerie  particulière  ;  pour  ma  part,  et  je 
l'ai  déjà  dit  ici  même,  je  révérais  de  voir  tous  les  musées 
de  peinture  florentins  réunis  dans  une  synthèse  unique  et 
savante,  mais  du  moment  oii  il  n'en  peut  être  ainsi,  je 
crois  que  l'on  fera  bien  de  maintenir  au  Pitti  sa  présenta- 
lion  plusieurs  fois  séculaire. 

Il  paraît  que  les  magasins  du  palais  renferment  en 
abondance  des  œuvres  inconnues  du  public  et  peut-être 
des  conservateurs  eux-mêmes.  M.  Corrado  Ricci  se  pro- 
pose donc  de  les  explorer  et  de  demander  à  la  liste  civile 
italienne  quelques  locaux  supplémentaires.  On  pourra 
aussi  faire  un  choix  parmi  les  innombrables  portraits  qui 
tapissent  le  long  corridor  de  communication  entre  les 
Offices  et  le  Pitti.  Il  y  a  là  beaucoup  de  toiles  ayant  tout 
au  plus  une  valeur  documentaire,  mais  quelques-unes 
peuvent  être  dignes  de  prendre  place  dans  les  salles  des 
musées,  soit  aux  Offices,  soit  au  Pitti  lui-même. 

André  ArNOULT. 


Notre  estimé  collaborateur  M.  J.  Berthelé 
nous  apprend  qu'il  vient  de  réussir  à  faire  acheter 
par  l'Université  de  Montpellier  la  superbe  col- 
lection de  moulages  de  notre  regretté  ami  M.  le 
chanoine  Didelot  de  Valence  (').  L'Association 
des  Antis  de  V Université  a  pris  sur  elle  les  frais 
de  cette  acquisition. 

La  collection  sera  très  prochainement  trans- 
portée à  Montpellier,  où  elle  conservera  son  inté- 
grité. Elle  sera  logée  dans  une  salle  spéciale,  qui 
portera  le  nom  de  Salle  Didelot. 

Persuadé  que  le  développement  des  Universi- 
tés provinciales  résultera  surtout  de  la  spéciali- 
sation locale  de  leur  enseignement,  et  que  l'Uni- 
versité de  Montpellier  est  mieux  placée  que  toute 
autre  pour  l'étude  si  intéressante  de  l'art  du 
moyen  âge  dans  le  Midi  de  la  France,  cette 
association  a  voté  à  la  Faculté  des  lettres  une 
importante  subventioii  pour  la  création  d'un 
«  musée   d'art   méridional  »,  qui   complétera  les 

I.  M,  l'abbé  Didelot  séjourna  longtemps  à  Gand.  où  il  s'était  fait 
le  disciple  du  grand  maître  d'Art  chétien,  le  baron  Béthune,  dont 
notre  Revue  a  toujours  épousé  les  doctrines. 


collections  d'art  antique  déjà  existantes.  C'est 
cette  subvention,  venant  s'ajouter  à  une  alloca- 
tion de  monsieur  le  directeur  de  l'enseignement 
supérieur,  qui  a  permis  d'acquérir  sans  retard  la 
splendide  collection  d'anaglyptique,  créée  à 
grands  frais  par  le  savant  archéologue  de 
Valence. 

A  ce  sujet  nous  lisons  dans  XÈclair  du  10 
tnars  : 

Grâce  au  zèle  éclairé  de  M.  le  professeur  Joubin,  cette 
série  de  reproductions,  pour  l'acquisition  de  laquelle  il 
s'était  produit  de  nombreuses  compétitions,  notamment 
lie  la  part  de  plusieurs  universités  voisines,  est  définitive- 
ment assurée  à  l'Universilé  de  Montpellier. 

Notre  ville  se  trouvait  toute  désignée  par  sa  situation 
géographique  comme  un  centre  d'études  archéologiques 
méridionales.  L'outillage  scientifique  de  premier  ordre 
qu'elle  vient  d'acquérir  permettra  à  nos  étudiants,  —  et 
aussi,  nous  l'espérons  bien,  à  nombre  de  nos  compatriotes, 
—  de  s'initier,  sous  l'érudite  duection  de  M.  le  professeur 
Joubin,  à  l'histoire  de  l'art  médiéval,  aussi  bien  en  Lan- 
guedoc, qu'en  Roussillon,  en  Catalogne,  en  Provence,  en 
Dauphiné  et  même  en  Auvergne. 

La  collection  Didelot,  en  effet,  comprend  les  plus  re- 
marquables spécimens  de  la  sculpture  du  IV=  au  XI II" 
siècle,  conservés  ron  seulement  à  Arles,  à  Beaucaire,  à 
Tarascon  et  à  Narbonne,  mais  encore  à  Barcelone,  à 
Girone,  à  Perpignan,  à  EIne,  à  Dax,  à  Aire-sur-1'Adour, 
à  Marseille  (Château  Borély),  à  Carpenlras,  à  Vaison,  à 
Lérins,  à  Manosque,  à  Saint-Maximin,  à  Brignoles,  à 
Die,  à  Vienne,  à  Valence,  à  Saint-Restitut,  à  Grenoble,  à 
Lyon  (Ainay),  à  Nantua,  à  Charlieu,  à  Saint-Rambert,  à 
Valbonne,  au  Bourg  Saint  Andéol,  à  Bagnols,  à  Issoiie, 
à  Saint-Nectaire,  à  Clermont-Fetrand,  au  Puy,  etc. 

Espérons  que  la  générosité  de  l'Association  des  Amis 
de  l'Université  sera  d'un  bon  exemple  et  contribuera  à 
provoquer  des  libéralités  de  la  part  de  nos  concitoyens, 
qui  voudront  faire  pour  les  collections  nouvelles  ce  que  le 
regretté  M.  Chaber  a  fait,  il  y  a  quelques  années,  avec 
tant  de  goût  et  de  discernement,  pour  la  période  grecque 
et  pour  l'époque  de  la  renaissance. 

Ne  semble-t-il  pas  tout  indiqué  de  continuer  la  collec- 
tion Didelot  par  la  reproduction  de  ces  autres  merveilles 
dont  s'enorgueillit  notre  Midi,  tels  le  portail  et  le  cloître 
de  Saint-Trophime  d'Arles,  la  façade  de  Saint-Gilles,  les 
tombes  épiscopales  de  Maguelone,  etc..' 

♦ 
*  * 

Incendie  de  la  bibliotJicque  de  Turin.  Nous 
avons  promis  à  nos  lecteurs  des  détails  sur  les 
pertes  causées  par  le  feu  à  ce  précieux  dépôt  ; 
mais  le  désastre  est  si  considérable,  les  pertes 
sont  si  nombreuses,  que  les  documents  y  relatifs 
seraient  trop  longs  à  donner.  Nous  signalons  à 
ceux  qui  voudront  s'en  renseigner  à  cet  égard  un 
article  très  étendu  de  l'érudit  qui  probablement 
a  le  mieux  connu  les  richesses  considérables  de 
la  célèbre  bibliothèque,  et  qui  y  a  puisé  des 
notes  devenues  aujourd'hui  singulièrement  pré- 
cieuses ;  nous  voulons  parler  de  M.  le  comte 
P.  Durrieu,  qui  a  publié  dans  les  numéros  du  6  fé- 
vrier dernier  suivants  du   Courrier  de  l'art,  trois 


258 


Bebue  tie  T^vt  cfirétien. 


longs  articles.  Il  y  étudie  spécialement  les  ma- 
nuscrits à  miniature  française  et  flamande,  parmi 
lesquels  il  désigne  la  fameuse  Bi/>/e  latine  et  les 
Retires  du  duc  de  Berry  qui  ont  été  jadis  l'objet 
d'une  magistrale  étude  de  M.  L.  Delisle  dans  la 
Gazette  des  Beaux- Arts.  C'est  dans  ce  dernier 
manuscrit  que  M.  Durrieu  a  découvert  la  main 
des  Van  Eyck.  En  ce  moment,  nous  ignorons 
encore  si  les  Heures  de  Turin  ont  été  sauvées. 


Nous  empruntons  à  un  journal  français,  Le 
Gaulois,  l'article  intéressant  qu'on  va  lire,  et  qui 
répond  de  tous  points  à  nos  propres  vues: 

Ua  ffîusique  sacrée  et  le  Cfjant  Qtégorien 

(Centenaire  De  jiîafnt  erégoire  le  Grand,) 

jA    Sainteté  Pie    X    entre   dans   la  voie  des 
réformes  et  commence    par  celle  du    culte 
I'  extérieur,  auquel  il   veut  rendre  toute  la  di- 
gnité que  des  abus  lui  avaient  enlevée. 

Il  ne  sera  plus  permis  d'introduire  dans 
les  églises  des  chants  et  une  musique  peu  dignes  du 
sanctuaire. 

Les  paroles  de  la  liturgie  seront  chantées  d'après  la  no- 
tation grégorienne,  et  l'orgue,  qui  doit  soutenir  et  non 
couvrir  les  voix,  ne  fera  plus  entendre  que  des  morceaux 
d'un  caractère  exclusivement  grave  et  religieux. 

Le  Pape  n'interdit  pas,  tout  en  faisant  l'éloge  de  la 
musique  de  Palestrina,  aux  artistes  de  donner  des  com- 
positions nouvelles,  mais  il  bannit  de  l'église  tout  ce  qui 
aurait  un  cachet  profane  et  théâtral. 

La  musique  de  Palestrina  et  celle  de  plusieurs  grands 
compositeurs  est  admirable,  mais,  en  raison  des  difficul- 
tés qu'elle  présente,  de  la  perfection  d'exécution  qu'elle 
exige,  bien  peu  d'églises  sont  à  même  de  l'adopter.  A 
peine  de  perdre  toute  sa  beauté,  elle  réclame  non  plus 
de  simples  chantres  mais  des  artistes,  des  professionnels. 

A  Paris,  il  n'y  a  guère  que  la  Sc/iola  Ca/i/oi  i/m  de  M. 
Charles  Bordes  qui  sache  mettre  en  valeur  les  œuvres 
de  Palestrina. 

C'est  aux  maîtres  à  faire  dans  le  répertoire  religieux  un 
choix  de  morceaux  d'une  exécution  plus  facile  et  à  y 
ajouter  de  nouvelles  compositions  conformes  aux  pres- 
criptions du  Pape. 

La  diversité  des  notations  pour  les  mêmes  paroles 
liturgiques  semble  à  bon  droit  une  anomalie.  A  l'origine, 
cette  diversité  de  notation  n'existait  pas;  l'ancienne  unité 
de  notation  est  un  fait  maintenant  démontré.  Elle  a  dis- 
paru lentement  au  cours  des  siècles,  au  grand  détriment 
de  la  majesté  du  culte. 

En  France,  h  l'heure  actuelle,  près  d'une  quinzaine 
de  notations  se  partagent  les  diocèses.  Une  musique 
presque  toujours  dépourvue  de  caractère  religieux  a 
envahi  les  églises,  au  point  que  l'office  divin  perd  com- 
plètement tout  caractère  sacré. 

Pie  X  veut  faire  cesser  ces  abus  et  la  réforme  qu'il 
vient  de  décréter  obtient  un  immense  retentissement, 
non  seulement  dans  le  clergé,  mais  encore  dans  le  monde 
musical. 

Pie  X  confirme  ses  décisions  par  des  actes  et,  après 
avoir  décrété  l'adoption  de  la  notation  grégorienne  pour 
la  liturgie  latine,  il  s'apprête  à  faire  célébrer,  dans  .Saint- 
Pierre  de  Rome,  en  chant  grégorien,  la  fête  du  centenaire 


de  la  mort  de  saint  Grégoire  le  Grand.   Le  Pape  donne 
l'exemple  et  officiera  lui-même  à  cette  solennité. 


Il  y  a  quarante  ans,  il  n'eût  pas  été  possible  de  chanter 
un  office  d'après  la  notation  grégorienne  transmise  par 
Rome  sous  les  Carolingiens  et  enseignée  partout  et  spé- 
cialement dans  les  célèbres  écoles  de  Metz  et  de  Saint- 
Gall  :  la  tradition  en  était  perdue  et  on  désespérait  de 
la  ressaisir. 

Par  suite  d'erreurs  qui  se  multipliaient  de  copie  en 
copie,  de  changements  probablement  voulus,  le  texte 
musical  grégorien  atteignit  l'époque  de  l'imprimerie  tel- 
lement défiguré,  sauf  dans  quelques  rares  églises  qui 
avaient  su  en  conserver  plus  ou  moins  la  pureté,  qu'il 
était  devenu  méconnaissable.  L'imprimerie  fixa  ces  alté- 
rations, que  les  musicographes  aggravèrent  chacun 
suivant  ses  goûts  personnels. 

Saint  Pie  V, conformément  aux  intentions  exprimées  au 
Concile  de  Trente,  établit  des  règles  pour  les  paroles  de 
la  liturgie,  mais  la    liberté  fut  laissée  pour  la  notation. 

Par  souvenir,  on  continuait  à  appeler  grégorienne 
toute  notation  adaptée  à.  la  liturgie  romaine,  bien  qu'au- 
cune des  notations  en  usage  en  France  n'eût  droit  à  cette 
qualification  sauf  approximativement  le  chant  rémo- 
cambraisien. 

A  Rome,  où  la  musique  l'avait  emporté  sur  le  plain- 
chant,  le  grégorien  avait  disparu  depuis  longtemps.  Une 
musique  de  concert,  et  de  quels  concerts  !  pouvait  faire 
oublier  aux  fidèles  qu'ils  étaient  dans  une  église  et  assis- 
taient à  l'office  divin. 

Le  mal  avait  gagné  toute  l'Italie,  moins,  dans  une  cer- 
taine mesure,  l'Église  de  Milan,  qui  conserve  avec  un 
soin  jaloux  son  antique  rite  ambrosien,  au  point  que 
même  les  simples  fidèles  regarderaient  comme  un  sacri- 
lège la  moindre  innovation  liturgique. 

Le  sens  profondément  religieux  du  cardinal  Sarto  souf- 
rait de  cet  état  de  choses  qu'il  avait  trouvé  à  Venise  et 
tenté  de  corriger  ;  devenu  Pape,  il  n'a  pas  tardé  à  im- 
poser une  réforme  complète  et  immédiate  de  ces  abus 
dans  son  diocèse  de  Rome  par  sa  lettre  au  cardinal-vi- 
caire et  à  prescrire  par  son  tiintii  proprin,  véritable  code 
de  la  musique  sacrée,  cette  réforme  pour  toute  l'Église. 
Pie  X  adopte  la  notation  grégorienne  pour  le  chant 
liturgique,  et,  avec  cette  sagesse  dont  l'Église  romaine 
donne  l'exemple,  le  décret  de  la  Congrégation  des  Rites 
qui  notifie  les  intentions  du  Souverain  Pontifeaccorde  aux 
diocèses  et  aux  institutions  religieuses  un  laps  de  temps 
indéterminé  pour  l'introduction  du  grégorien,  en  per- 
mettant l'emploi,  mais  seulement  temporaire,  des  nota- 
tions en  usage. 

Loin  d'être  une  atténuation  aux  décisions  de  Pie  X, 
comme  il  a  été  dit  mal  à  propos,  ce  décret  en  est  l'ap- 
plication. 


L'illustre  abbé  de  Solesmes,  Dom  Guéranger,  après 
avoir_  déterminé  par  ses  écrits  le  mouvement  de  retour 
des  Églises  de  France  au  droit  de  la  liturgie,  estimait, 
peu  satisfait  des  essais  pseudo  grégoriens  qui  se  multi- 
pliaient, qu'il  lui  restait  à  rendre  h.  la  liturgie  romaine  sa 
notation  primitive.  L'oeuvre  devant  laquelle  avaient 
échoué  des  musicologuesémérites  était  considérable, mais, 
avec  cette  foi  qu'il  avait  dans  les  causes  qu'il  défendait 
et  qu'il  a  vues  toutes  triompher,  il  ne  voulait  pas  désespé- 
rer du  succès. 

La  Providence  lui  envoya  l'homme  qui  devait  réaliser 
ce  vreu,  dont  l'Église  entière  était  appelée  à  bénéficier. 


chronique. 


259 


Le  1"  novembre  l85o,  un  jeune  piètre  de  la  Lorraine 

que  le  cardinal  Caverol,  alors  évêque  deSaint-Dié,  avait 
laissé  partir  à  regret,  faisait  profession  de  la  vie  bénédic- 
line  à  Solesmes,  Uom  Joseph  Pothier. 

Avec  le  discernement  qu'il  possédait  des  capacités 
intellectuelles,  Doni  CUiéranger  avait  déjà  reconnu  dans 
le  novice  d'exceptionnelles  aptitudes  pour  la  musique 
sacrée.  Aussi  contia-t-il  de  suite  au  nouveau  moine  la 
mission  de  retrouver  le  chant  grégorien. 

La  tâche  était  d'autant  plus  périlleuse  que  les  essais 
des  musicologues  qui  l'avaient  entreprise  n'avaient  rien 
d'encourageant  et  surtout  pour  un  débutant  de  vingt-cinq 
ans.  ^Lais,  plein  d'ardeur  et  soutenu  par  l'obéissance,  qui 
double  les  forces  du  religieux,  Dom  Potliier  se  mit  à 
l'œuvre,  étudiant,  comparant  les  travaux  de  ses  devan- 
ciers, recourant  aux  auteurs  du  moyen  âge,  qui  avaient 
laissé  des  écrits  sur  la  musique  sacrée  et  entrant  en  rap- 
port avec  les  hommes  réputés  les  plus  compétents, 
comme  le  chanoine  Gonthier,  l'abbé  KaiUard.  Il  étudia 
dans  de  nombreuses  bibliothèques  tous  les  manuscrits  de 
liturgie  notée  connus  et,  après  de  longues  années  de 
labeur,  publia  le  fruit  de  ses  recherches  en  un  petit 
volume,  les  Mélodies gri'j^oricnncs,  qui  fut  un  événement. 
11  ne  tarda  pas  à  mettre  en  œuvre  les  théories  qu'il 
avait  établies  et  donna  le  graduel,  puis  l'antiphonaire, 
restitués  d'après  les  plus  anciens  manuscrits. 

Ces  manuscrits  ne  sont  pas  écrits  avec  les  figures  mu- 
sicales de  la  notation  moderne,  dont  l'invention  lemon- 
terait  au  XI=  siècle  et  serait  due  à  un  Bénédictin 
français,  Guy,  retiré  à  Arezzo.  La  notation  dans  ces 
anciens  manuscrits  est  représentée  par  des  signes  appelés 
neumcs  et  sans  portée. 

Les  essais  d'interprétation  de  ces  neumes  étaient  loin 
de  donner  toute  satisfaction,  et  plus  d'un  érudit  de  la 
musique  avait  fini  par  les  déclarer  indéchiffrables. 

Il  existait  bien  à  Montpellier  un  manuscrit  découvert 
par  M.  Danjou,  manuscrit  écrit  en  double  notation,  mais, 
malgré  ce  secours,  on  ne  parvenait  pas  à  donner  une 
interprétation  satisfaisante  des  neumes.  Théodore  Nisard, 
qui  avait  cependant  transcrit  ce  manuscrit,  avait  fini  par 
déclarer  qu'il  fallait  renoncer  à  retrouver  l'ancien  chant 
grégorien  reçu  de  Rome  au  haut  moyen  âge. 

Un  membre  de  la  Société  des  Missions  étrangères,  M. 
l'abbé  Tesson,  avait  compris  que  pour  rentrer  en  posses- 
sion du  grégorien,  il  fallait  s'adresser  aux  livres  litur- 
giques manuscrits  et,  en  compulsant  ceux  qu'il  trouvait 
près  de  lui,  il  était  parvenu  à  donner  au  chant  rémo- 
cambraisien  établi  sur  ces  travaux  une  grande  similitude 
avec  le  grégorien. 

M.  Tesson  avait  dû  se  borner  à  étudier  les  manuscrits 
notés  avec  la  figuration  dite  guidonienne,  la  clef  des 
neumes  n'était  pas  trouvée. 

Dom  Pothier  ne  connut  pas  le  découragement,  et,  aidé 
par  la  pratique  journalière  qu'il  avait  du  chant  de  l'office 
divin,  il  découvrit  la  clef  des  neumes  et  put  établir  que  sa 
restitution  du  chant  grégorien  était  complète.  D'anciens 
manuscrits  guidoniens,  écrits  à  l'époque  où  l'usage  des 
neumes  n'était  pas  encore  complètement  perdu,  sont 
venus  confirmer  l'exactitude  de  ses  lectures. 


Pour  des  motifs  étrangers  à  l'art  et  à  la  liturgie,  l'œuvre 
de  Dom  Pothier  a  rencontré  des  contradicteurs.  Mais  il 
a  été  facile  à  ceux  qui  ont  embrassé  sa  doctrine,  comme 
à  lui,  de  la  défendre  victorieusement. 

La  beauté  de  la  notation  grégorienne  est  au-dessus  de 
toute  discussion.  Les  dilettanti  qui  ont  suivi  les  offices  à 
Saint-Gervais  à  l'époque  où  M.  Bordes  était  le  maître  de 
chapelle  de  cette  paroisse,  ont  constaté  la  supériorité 
du  grégorien  sur  les  autres  notations.  Et,  ce  qui  n'est  pas 


moins  prouvé,  les  offices,  chantés  en  grégorien,  ne  sont 
plus  d'une  longueur  interminable. 

Quant  à  l'exécution  du  grégorien,  tel  qu'il  a  été  resti- 
tué par  Dom  Pothier,  elle  oftVe  si  peu  de  difficultés  qu'en 
peu  de  temps  des  enfants,  qui  n'ont  reçu  aucune  initiation 
à  la  musique,  sont  à  même  de  le  chanter  avec  une  éton- 
nante justesse.  La  preuve  de  ce  fait  existe  partout  où 
cette  notation  a  été  enseignée  avec  une  bonne  méthode 
et  par  un  professeur  expérimenté,  notamment  au  petit 
séminaire  de  Versailles,  sous  la  direction  de  M.  le  cha- 
noine Poivet. 

Les  nouvelles  éditions  du  chant  grégorien  faites  sans 
la  participation  de  Dom  Pothier  par  des  musicographes 
moins  respectueux  que  lui  de  la  vérité  des  manuscrits, 
présentent,  il  est  indispensable  de  dégager  la  responsa- 
bilité de  ce  grand  maîire,  un  texte  altéré  ;  elles  ne  don- 
nent pas  le  texte  pur. 

Animé  des  mêmes  préoccupations  pour  la  dignité  du 
culte  que  le  patriarche  de  Venise  et  devançant  l'acte  de 
Pie  X,  Mgr  Henry,  évêque  de  Grenoble,  a  remplacé,  il  y 
a  trois  ans,  la  notation  plus  que  médiocre  qu'il  avait 
tiouvée  en  usage  dans  son  diocèse,  par  le  grégorien,  et 
avant  même  que  cette  notation  ait  été  louée  par  un  bref 
de  Léon  XI  II  qui,  tout  en  célébrant  sa  beauté,  n'allait 
pas  jusqu'à  en  recommander  l'usage  en  termes  formels. 
Mgr  Henry  aura  été  un  précurseur  de  la  réforme  accom- 
plie par  Pie  X. 

C'est  à  Dom  Pothier  que  l'abbaye  de  Solesmes  doit 
d'être  devenue  un  conservatoire  de  chant  grégorien,  c'est 
à  son  école  que  se  sont  formés  les  moines  qui  y  enseignent 
aujourd'hui  le  plain-chant  ;  il  a  aussi  inspiré  le  travail 
monumental  de  la  Paléographie  imtsicale. 

Devenu  abbé  de  Saint-Wandrille,  Dom  Pothier  con- 
tinue l'œuvre  du  chant  et  il  n'est  pas  de  mois  que  la  \2A- 
\AXi\.e.  Revite  du  CJiant  grégorien^  •çv^i\\é^  à  Grenoble,  ne 
donne  à  ses  lecteurs  une  étude  du  savant  Bénédictin  sur 
le  chant  d'un  texte  liturgique. 


Dom  Pothier  aura  été  pour  la  notation  liturgique  ce 
qu'un  autre  grand  Bénédictin,  Mabillon,  fut  il  y  a  deu.x 
siècles  passés,  pour  la  science  des  documents  historiques, 
la  diplomatique,  le  grand  initiateur. 

Avant  Mabillon,  des  érudits  avaient  fait  quelques 
essais  de  critique  des  actes  laissés  par  le  moyen  âge, 
mais  c'est  de  Mabillon,  qui  revisa  et  compléta  leurs  tenta- 
tives par  ses  propres  recherches  et  une  savante  méthode, 
que  date  la  diplomatique. 

Malgré  les  progrès  de  l'érudition,  qui  ont  rectifié  sur 
mainte  question  les  règles  qu'il  avait  établies,  Mabillon 
demeure,  comme  père  de  la  diplomatique,  une  des  plus 
grandes  gloires  de  la  science  française,  et,  dans  le  monde 
savant,  son  nom  sera  toujours  prononcé  avec  admiration 
et  respect. 

Dom  Pothier  est  le  Mabillon  du  chant  grégorien.  Jus- 
qu'à lui,  il  n'y  a  eu  que  des  essais.  Des  musicographes 
pourront  peut-être  proposer  çà  et  là  des  modifications  à 
ses  lectures,  elles  seront  rares  si  on  revient  aux  plus 
anciennes  leçons  connues  et  ces  dissidents,  la  loyauté  la 
plus  élémentaire  leur  en  fera  une  obligation,  devront 
toujours  reconnaître  en  Dom  Pothier  le  maître  sans 
lequel  la  clef  du  chant  grégorien  serait  encore  à  trouver. 

Pie  X  a  nommé  une  commission  organisatrice  des 
fêtes  du  centenaire  de  la  mort  de  saint  Grégoire  le  Grand, 
auxquelles  il  veut  donner  une  solennité  extraordinaire 
qui  fasse  date  dans  l'histoire  de  l'Église  et  de  la  liturgie. 

Lors  de  la  commémoration  de  l'exaltation  de  saint 
Grégoire  à  la  chaire  de  saint  Pieire,  faite  sans  grande 
pompe  sous  Léon  XIII,  Dom  Pothier  avait  eu  les  hon- 
neurs de  l'allocution  pontificale  dans  l'audience  accordée 


26o 


3Re\)uc  tir  V^xt  chrétien» 


aux    musicolot;ues  venus    à    Rome    à    cette    occasion. 

La  pensée  de  Pie  X  est  de  n'arrêter  le  texte  de  la  nota- 
tion grégorienne  qu'il  déclarera  typique  pour  toute  l'Église 
qu'après  un  sérieux  examen,  et  il  a  appelé  Uom  Pothier 
auprès  de  lui. 

C'est  un  grand  honneur  pour  la  France  et  pour  le  vieil 
ordre  bénédictin  d'avoir  donné  à  l'Eglise  l'homme  émi- 
iient  dont  les  travaux  permettent  la  restauration  de  l'ancien 
chant  liturgique. 

(Gaulois.)  A.  Louis. 


^mim^  Dccrologie.  imw^ 


6.  tJ.  Gorrapcr. 

Nous   devons   un  souvenir  pieux  à   lemi- 
nent   restaurateur  de    l'abbaye  du    Mont 
Saint-Michel   et    de  maints    autres   monuments 


anciens  (■),  à  l'auteur  des  excellents  traités  :  FJar- 
chitectnre  romane  et  L'architecture  gothique.  Il 
avait  été  l'élève  de  VioUet-le-Duc  et  de  Questel. 

Onse  rappelle  les  longues  luttes  suscitées  entre 
les  intérêts  de  l'art  et  les  intérêts  locaux  lors  de 
la  construction  de  la  fameuse  digue  unissant  le 
Mont  Saint-Michel  à  la  mer,  et  les  protestations 
énergiques  du  regretté  Corroyer. 

Corroyer  ne  s'est  pas  retiré,  il  a  été  révoqué 
par  décret  du  7  décembre,  «  tout  simplement 
parce  qu'il  faisait  partie  d'une  œuvre  pour  le 
recrutement  des  Frères  des  écoles  chrétiennes  !  » 

L.  C. 


I.  Citons  l'Hôteirte-Villp  de  Roanne.  Saint-Bruno  à  Grenoble,  les 
Fortilîcations  de  Dinan,  l'abbaye  du  Mont  Saint-Michel,  le  projet 
de  restauration  du  tr.ansept  sud  de  la  cathédrale  de  Soissons,  des 
Calvaires  bretons,  les  églises  de  H^un,  Nesles,  Alhies,  etc. 


Imprimé  par  Desclée,  De  Brouwer  et  C'^,  Lille-ParisBrugas. 


Beijue  lie 


l'Hrt  ftiretten 


s^  paraisennt  tous  leje  beuv  moie.  4; 


■iï- 


47'"^  Hnnée.  —  4^  Sétic.      * 

4: 


Corne  XV  (ltv«  De  fa  cûllcitiûii;. 


'%<^ 


[g 


vruilter  1904.    <^: 

^©^  Ii:*G):po0ition  ti*Hrt  ancien  à  JStenne»  ^m 


g^tefflMtm^-pXPOSITION  ouver- 
te à  Sienne  le  17  avril, 
en  présence  du  roi  d'Ita- 
lie, du  ministre  de  l'Ins- 
truction publique  et  de 
toutes  les  autorités  qui 
pouvaient  ajouter  l'éclat 
d'une  tête  nationale  aux  souvenirs  de  l'art 
du  passé,  est  la  première  exposition  rétros- 
pective organisée  en  Italie.  Il  n'y  a  pas 
lieu  de  s'en  étonner:  dans  ce  pays  heureux, 
si  riche  en  monuments,  en  œuvres  d'art  et, 
à  tout  prendre,  si  conservateur,  chaque  cité 
ancienne,  avec  les  musées  communaux  éta 
blis  de  toutes  parts,  offre  une  exposition  per- 
manente ;  et  ces  villes,  visitées  annuelle- 
ment par  une  foule  d'étrangers,  auraient 
peu  à  gagner  à  leur  offrir  une  collection 
éphémère,  cette  collection  fût-elle  orga- 
nisée et  classée  avec  toute  la  science  et 
l'intelligence  déployées  à  la  «  Mostra  >  de 
Sienne. 

Cette  première  tentative  se  produisant  à 
la  suite  des  expositions  d'art  ancien  orga- 


nisées à  Paris,  à  Bruxelles,  à  Liège,  à  Dus- 
seldorf  et  à  Dinant  sur  la  Meuse,  n'est  donc 
pas  dénuée  de  hardiesse.  Sienne  est  préci- 
sément une  de  ces  villes  d'Italie  qui,  sans 
être  en  dehors  de  l'itinéraire  des  touristes, 
est  des  plus  riches  en  monuments,  en  mu- 
sées et  en  souvenirs  historiques.  C'est  la 
cité  où  les  édifices,  les  rues  et  les  habitants 
eux-mêmes,  très  caractérisés,  semblent  être 
restés  les  plus  fidèles  à  la  vie  du  moyen 
âge,  les  plus  attachés  aux  traditions  d'un 
passé  glorieux.  Le  choix  du  local  de  l'Ex- 
position, —  le  Palazzo  publico,  l'hôtel  de 
ville,  —  l'un  des  édifices  civils  les  plus  jus- 
tement célèbres  par  la  beauté  de  son  archi- 
tecture et  les  plus  remarquables  par  l'inté- 
grité de  sa  conservation  intérieure,  —  peut 
paraître  à  la  fois  comme  une  hardiesse,  ou 
comme  un  trait  de  génie.  L'exhibition  des 
objets  réunis  et  disposés  dans  quarante 
salles  de  ce  palais  évocateur  des  grandeurs 
de  l'histoire  et  de  l'art  siennois  est  assuré- 
ment d'un  grand  intérêt;  elle  est  très  digne 
d'étude,  et  les  hommes  qui  ont  apporté  à 


RBVUB  UE  l'art  CHRÉTIRN. 
1904.  —  4'"'=  LIVRAISON. 


202 


Bebue  lie  P^rt  cbrcttcn. 


l'organisation  et  à  l'ordonnance  de  cette 
vaste  Exposition,  leur  science  et  leur 
dévouement,  ont  bien  mérité  la  gratitude  de 
leurs  concitoyens  et  des  visiteurs  :  mais  il 
arrivera  que  plus  d'un  de  ces  derniers, 
après  avoir  passé  en  revue  les  richesses 
réunies,  après  les  avoir  examinées  de  salle 
en  salle,  de  vitrine  en  vitrine,  après  avoir 
gravi  le  rude  escalier  en  pierre  pour  étudier 
les  panneaux  de  l'ancienne  École  de  Sienne 
appendus  aux  murs  des  étages  supérieurs  et 
s'être  arrêté  à  la  Loggia,  où  l'on  a  réuni  les 
débris  de  la  célèbre  fontaine  de  Jacopo 
délia  Quercia  voudra  s'arrêter.  Il  se  repo- 
sera en  contemplant  du  haut  de  cette  loggia 
la  vue  magnifique  d'une  partie  de  l'ancienne 
cité  entourée  des  délicieuses  montagnes 
éclairées  par  le  soleil  du  midi,  et,  recueillant 
ses  impressions  en  présence  de  la  vision 
qu'il  a  sous  les  yeux,  il  se  dira  que  dans 
tout  ce  qu'il  a  vu,  rien  n'égale  en  intérêt, 
en  souvenirs  historiques  et  en  enseigne- 
ments le  monument  même  où  se  trouve 
l'Exposition. 

Aussi  je  dois  offrir  d'avance  mes  excuses 
au  lecteur  si,  dans  les  lignes  rapides  qu'il  a 
sous  les  yeux,  il  aura  lieu  de  m'accuser  de 
nombreuses  distractions,  —  peut-être  de 
digressions  et  de  redites.  Mon  désir  serait 
de  l'aider  à  se  former  une  conception  de 
cet  art  siennois,  expression  non  seulement 
du  génie  de  cette  forte  race,  mais  qui  s'est 
pénétré  si  profondément  de  la  foi,  des  insti- 
tutions et,  j'oserais  ajouter,  de  la  fierté  des 
citoyens  de  cette  République,  souvent 
l'émule,  l'ennemie  acharnée,  et  parfois  l'heu- 
reuse rivale  de  Florence!  Le  Palazzo piiblico 
est  un  de  ces  monuments  du  XII 1^  siècle 
les  mieux  conçus,  —  non  seulement  au  point 
de  vue  de  la  construction,  mais  encore  par 
son  décor  et  son  ameublement,  —  pour 
répondre  à  la  vie  civique  et  aux  institutions 
de  ces  énergiques  républiques   italiennes. 


Il  a  été  trop  souvent  décrit  pour  que  je 
m'attarde  à  le  faire  à  mon  tour,  mais  en 
visitant  l'Exposition,  le  cadre  et  le  tableau, 
le  contenu  et  le  contenant  se  pénètrent 
mutuellement  de  manière  si  intime  que  l'un 
est  le  complément  de  l'autre.  Ce  serait  se 
priver  de  propos  délibéré  d'un  enseigne- 
ment et  d'une  jouissance,  de  vouloir  s'en 
tenir  aux  objets  exposés  dans  les  montres 
et  les  vitrines,  suspendus  aux  murs  et  repris 
dans  le  catalogue,  —  qui  n'existait  pas 
au  moment  de  ma  visite,  qui  n'existe  pas 
encore  au  moment  où,  résumant  mes  notes, 
—  j'écris  ces  lignes.  J'ai  dû  me  contenter, 
pour  toute  information  sur  les  objets  que 
j'avais  sous  les  yeux,  de  très  maigres  indi- 
cations, inscrites  sur  des  fiches  auprès  des 
objets  exposés,  parfois  trop  éloignées  de 
la  paroi  du  verre  protecteur,  pour  qu'il  soit 
possible  de  les  lire. 

Dans  des  conditions  aussi  défavorables, 
des  erreurs  sont  inévitables. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  la  pre- 
mière salle  qui  est  surtout  d'intérêt  local  ; 
elle  contient  des  documents  topographiques 
et  historiques  concernant  l'ancienne  ville 
de  Sienne  :  plans,  dessins  reproduisant 
les  églises  et  les  habitations  démolies  ou 
dont  la  construction  a  été  modifiée.  A 
Sienne  on  est  essentiellement  conserva- 
teur ;  c'est  là  un  des  beaux  côtés  du  ca- 
ractère national  auquel  la  ville  doit  en 
grande  partie  son  charme,  les  oeuvres  d'art 
leur  durée,  les  hommes  leur  valeur.  Il  suffît 
d'en  parcourir  les  rues  pour  s'en  convain- 
cre. Les  documents  exposés,  précieux  pour 
l'étude  de  l'histoire  de  la  ville,  arrêteront 
peu  le  visiteur  étranger  ;  en  revanche  il 
trouvera  dans  la  seconde  salle,  s'il  s'inté- 
resse aux  œuvres  de  l'orfèvrerie  religieuse, 
une  collection  très  considérable  à  étudier. 
Et  cependant  les  pièces  les  plus  remarqua- 
bles  ont  été   placées  ailleurs,   notamment 


iL'6;i:positton  D'^rt  ancien  à  tienne. 


263 


dans  la  Chapelle  du  palazzo  où  nous  aurons 
à  les  examiner. 

L'une  des  branches  de  l'art  siennois  les 
mieux  représentées,  et  les  moins  connues 
peut-être,  c'est  l'orfèvrerie  religieuse,  non 
seulement  par  l'extrême  variété  des  pièces 
réunies,  mais  encore  par  leur  multiplicité 
imposante,  par  les  souvenirs  qui  s'y  ratta- 
chent, et  le  nom  connu  des  artistes  aux- 
quels on  les  doit. 

Dans  cette  salle  on  voit  exposées  en 
cinq  grandes  vitrines  des  séries  considé- 
rables de  croix  stationales  en  cuivre  doré  et 
en  métal  précieux  du  X 11'=  au  XV 1 1'  siècle  : 
des  calices, des  ciboires,  avec  leurs  patènes, 
des  pyxides,  des  burettes,  des  instruments 
de  paix,  des  clochettes  et  des  encensoirs, 
enfin  tous  les  ustensiles  employés  dans  le 
culte  religieux  J'y  remarque,  à  titre  de  sou- 
venir historique,  un  anneau  du  pape  Pie  II 
exposé  par  le  comte  Piccolomini  :  c'est  donc 
un  document  de  famille.  Plusieurs  jolis  en- 
censoirs du  XI  P  au  XV'  siècle  seraient  à 
recommander  par  leur  forme  simple  et  gra- 
cieuse, à  titre  de  modèle,  aux  orfèvres  mo- 
dernes. Un  fragment  de  couronne  du  XIV" 
siècle,  se  développant  aux  grandes  fleurs  de 
lis,  ayant  probablement  servi  à  couronner 
quelque  statue  de  Vierge,  peut  également 
être  imité.  Dans  l'une  des  vitrines  s'est 
égarée  une  belle  tête  de  sainte  Catherine 
en  marbre,  de  Mino  da  Fiesole.  Enfin 
parmi  les  reliquaires  de  tous  dessins  et  de 
toutes  dimensions,  un  grand  reliquaire  en 
forme  de  triptyque  s'impose  à  l'attention. 
La  reproduction  que  nous  offrons,  le  fait 
connaître  suffisamment  pour  rendre  une 
description  inutile.  Les  formes  architectu- 
rales encadrant  des  émaux  d'un  bleu  tem- 
péré qui  servent  de  fond  aux  gravures,  sont 
d'un  effet  très  harmonieux.  Les  plaques 
émaillées  représentent  la  Ste  Vierge  assise 
sur  un  trône  avec  l'Enfant  Jésus  entourés 


de  plusieurs  saints,  et  dans  la  région  supé- 
rieure, la  Crucifixion.  Les  gravures  sont  de 
très  bon  style,  et  paraissent,  comme  le  reli- 
quaire, du  XlVe  siècle. Ce  beau  travail,  qui 
a  une  hauteur  d'un   mètre    à  peu  près,  est 


Reliquaire  du  XI V^  siècle.  (Phot.  Lombarui  à  Sienne.) 

exposé  par  la  Société  de  Pie  Disposizione. 
Nous  aurons  à  revenir  sur  plusieurs  au- 
tres pièces  d'orfèvrerie  que  l'on  pourrait 
appeler  des  monuments.  Non  qu'il  y  ait  une 
seule  de  ces  grandes  châsses  aux  formes 
architecturales,  comme  l'art  de  Limoges,  et 


204 


3Rebue  it  V^xt  t\)xttitn. 


surtout  l'art  rhénan  et  mosan  en  ont  pro- 
duit en  grand  nombre,  et  comme  on  en  a  vu 
des  exemplaires  remarquables  aux  exposi- 
tions de  Bruxellesen  1888, de  Liège  en  î88i 
et  de  Dusseldorf  en  1902.  Cet  élément  fait 
absolument  défaut  à  Sienne,  les  maîtres 
italiens  comprenant  leur  art  d'une  manière 
très  différente  de  nos  orfèvres  du  Nord. 
Bien  des  objets,  dans  cette  salle,  sollici- 
teraient notre  attention  :  ces  richesses  se 
trouvent  exposées  dans  la  salle  du  Grand 
Conseil  décoré  des  fresques  d'Ambrogio 
Lorenzetti,  où  ce  grand  artiste  a  cherché 
au  moyen  d'allégories  dont  les  unes  sont 
claires  et  facilement  intelligibles,  les  autres 
obscures,  à  représenter  les  conséquences  du 
âon  et  du  maii-vais  gouvernement,  peintures 
célèbres  et  souvent  décrites,  quoique  par- 
fois interprétées  de  manière  différente.  Ces 
vastes  compositions  qui  couvrent  de  trois 
côtés  les  parois  de  la  salle  sont  aujourd'hui 
dans  un  triste  état  :  celle  qui  est  peinte  sur 
le  mur  opposé  aux  fenêtres  peut  seule  être 
encore  étudiée  dans  son  ensemble  remar- 
quable. Mais  n'oublions  pas  que  ces  fresques 
remontent  au  XIV''  siècle  ;  elles  ont  fait 
l'admiration  et  l'enseignement  de  bien  des 
générations  !  Des  gravures  et  de  bonnes 
photographies  de  ce  qui  en  subsiste  con- 
serveront au  moins  la  pensée  du  maître  aux 
générations  futures. 

Nous  passons  dans  la  quatrième  salle, 
connue  à  Sienne  sous  le  nom  de  Sala  del 
Mappaniondo  ;  c'est  la  plus  considérable 
par  ses  proportions  et  l'une  des  plus  inté- 
ressantes par  son  décor  pictural.  Là  sont 
exposés  dans  un  grand  nombre  de  vitrines, 
les  tissus  et  ornements  sacerdotaux  :  cha- 
subles, dalmatiques,  chapes,  manipules, 
étoles,  antependiums,  voiles  de  baptême, 
corporaux,  etc.  Les  églises  de  Sienne  et 
des  environs,  les  oratoires  de  communautés 
religieuses,  des  hôpitaux  et  des  associations 


charitables  de  tout  genre,  semblent  s'être 
dépouillés  à  l'envi  pour  répondre  à  l'appel 
du  Comité  de  l'Exposition,  et  cette  abon- 
dance presque  excessive  prouve  tout  au 
moins  que  l'œuvre  des  organisateurs  jouit 
d'une  grande  popularité  et  semble  être 
considérée  comme  une  manifestation  pa- 
triotique. Dans  mon  examen  peut-être  trop 
rapide  des  tissus  façonnés  en  ornements 
sacerdotaux,  je  n'en  ai  guère  noté  qui  pût 
remonter  au  XV^  siècle  ;  l'archéologue 
trouvera  dans  cet  ensemble  de  jolis  motifs 
et  d'intéressantes  combinaisons  de  couleurs, 
mais  bien  peu  de  sujets  d'étude.  Les  plus 
anciens  motifs  de  ces  étoffes  développent 
le  type  si  connu  et  si  souvent  mis  en  œuvre 
au  XVe  et  au  XVl^  siècle  de  la  pomme 
de  grenade. 

Le  damas,  certainement  italien,  d'une 
chasuble  du  XVI^  siècle,  m'a  paru  intéres- 
sant par  le  dessin  inspiré  d'un  thème  favori 
de  l'art  siennois.  11  représente  la  sainte 
Vierge  en  adoration  de  l'Enfant  Jésus 
couché  devant  elle  ;  ce  groupe  est  abrité 
sous  un  dais,  comme  on  en  porte  en  proces- 
sion, dont  les  montants  sont  tenus  par  des 
anges,  et  sur  lequel  on  lit  le  texte  ;  VER- 
BUM  CARO  FACTVM  EST.  Le  fond 
du  damas  est  d'un  bleu  tendre:  l'Enfant 
Jésus,  les  têtes  et  les  mains  des  figures  sont 
en  carnation  ;  çà  et  là  des  touches  rouges 
dans  les  costumes.  L'ensemble  est  d'un 
effet  très  distingué.  Exposé  par  le  sémi- 
naire épiscopal  de  Montalcino. 

Dans  cette  même  salle  se  trouve  une 
montre  dans  laquelle  plusieurs  pièces  d'or- 
fèvrerie, de  valeur  et  de  dimensions  excep- 
tionnelles, ont  été  exposées.  On  y  voit  deux 
reliquaires  en  forme  de  tête,  servant  de 
custode  aux  chefs  de  deux  saints,  qui,  au 
point  de  vue  du  travail,  n'offrent  pas  de 
valeur  exceptionnelle.  Mais  il  y  a  là  une 
pièce  d'orfèvrerie  qui  par   ses   dimensions 


3L'<25;cpo0(tton  îi'i^rt  ancten  à  tienne. 


265 


—  elle  a  plus  de  deux  mètres  de   hauteur 

—  et  par  l'originalité  de  la  composition, 
attire  l'attention  des  visiteurs.  La  fiche  que 
j'ai  pu  lire  à  grand'peine,  placée  au  pied  de 
ce  reliquaire,  fort  sobre  de  détails,  donne 
au  reliquaire  la  date  de  l'année  1472. 


La  longue  inscription  gravée  au  pied  de 
ce  curieux  travail,  et  dont  j'ai  pu  me  procu- 
rer le  texte,  est  beaucoup  plus  explicite.  Elle 
nous  apprend  que,  commencé  en  1350,  ce 
reliquaire  a  été  achevé  seulement  en  1471, 
par  Gabriel  d'Antonio,  orfèvre  siennois('). 


Pied  du  reliquaire  exposé  par  la  commune  de  Lucignano.  (Ihot.  d'AiiNANi  ) 


Cette  inscription  explique  le  disparate 
de  la  composition,  dont  la  partie  inférieure, 
le  soubassement,  est  d'un  caractère  tout 
architectural,  tandis  que  la  partie  supé- 
rieure, qui  affecte  la  forme  d'un  arbre,  et 
qui  vient  s'y  souder  d'une  manière  peu  or- 
ganique, exécutée  plus  d'un  siècle  plus  tard, 
est  seule  le  travail  de  Gabriel  d'Antonio. 
Nous  sommes  évidemment  déjà  à  une  pé- 


riode de  décadence  de  l'art,  mais  l'œuvre 
très  intéressante  dénote  beaucoup  de  talent. 
L'ensemble  forme  une  sorte  d'arbre.  D'un 
pied  hexagone  qui  peut  avoir  60  à  70  cen- 

I.  Clarum  indiisiriaqtie  dominicae  Crucis  hujtts  arboris 
praeceile?is  opits  anno  MCCCL  inceplwn  ;  exinde  prae- 
stantis  Comiinitatis  Lucignani  Numpliatae  ac  Dominae 
Jacobae  haeredum  Reverendi  Magistri  Johannis,  fraire 
Mannella  Macleo,  Marianoqice  Vivticci  recta  Jide  procu- 
raittibus,  per  magistrum  Gabrielem  Antonii  de  Sertis 
anno  gratiae  MCCCCLXXI foeliciter  completum  est. 


266 


3Rrbur  De  TSrt  cbrctien. 


timètres  dans  la  plus  grande  étendue  de  la 
base,  émerge  une  sorte  de  chapelle  avec 
ogives,  pinacles,  contreforts,  de  formes  ar- 
chitecturales de  même  que  le  pied,  et  très 
détaillés.  De  cet  édicule  s'élève  un  arbre 
à  six  branches  de  chaque  côté,  donnant 
naissance  à  des  feuilles  de  grand  style,  et 
terminées  par  de  larges  médaillons  enca- 
drant des  émaux  translucides.  Ces  branches 
alternent  avec  des  bourgeons  formés  par 
des  coraux,  sortant  directement  de  la  tige 
centrale,  laquelle  aboutit  à  un  Christ  en 
croix  surmonté  du  pélican  symbolique  nour- 
rissant les  petits  de  son  sang. 

Ce  travail  d'orfèvrerie,  d'une  disposition 
si  originale,  est  d'un  très  joli  ensemble. 
Malheureusement  il  a  beaucoup  souffert  ; 
presque  partout  l'émail  coloré  a  éclaté,  lais- 
sant à  nu  la  gravure  destinée  à  lui  donner 
du  jeu.  Ce  grand  reliquaire  étant  protégé 
par  une  glace,  je  n'ai  pu  m'approcher  assez 
pour  discerner  les  sujets  traités  dans  les 
émaux  translucides,  ni  examiner  de  près 
d'autres  détails  qu'il  m'importait  d'étudier. 
La  photographie  du  pied  que  j'ai  pu  me 
procurer  depuis,  mettra  le  lecteur  à  même 
de  juger  de  la  partie  inférieure  de  ce  cu- 
rieux travail. 

Tout  auprès  de  cet  arbre  mystique,  mais 
plus  accessible  à  l'œil,  se  trouvent  deux 
autres  végétaux  en  or  et  qu'il  convient  de 
signaler,  moins  en  raison  de  la  valeur  de  l'art 
que  pour  les  souvenirs  historiques  qu'ils 
rappellent.  Ce  sont  deux  roses  d'or,  dont 
l'une  a  été  donnée  par  le  pape  Pie  II,  de 
poétique  mémoire,  à  la  commune  de  Sienne  ; 
l'autre  a  été  offerte  par  Alexandre  VII  à 
la  cathédrale  de  cette  même  cité,  si  dévouée 
à  l'Église. 

Les  fresques  des  anciens  maîtres  de 
l'École  de  Sienne  qui  décorent  cette  salle 
historique  réclament  l'attention  du  visiteur, 
non  moins   que  les  objets  exposés.  L'une 


des  parois  est  couverte  par  une  vaste  pein- 
ture de  Simone  Martini.  Elle  représente  la 
Vierge  Marie  assise  sur  un  trône  magni- 
fique, et  abritée  sous  un  vaste  dais  dont 
les  supports  sont  tenus  par  les  apôtres 
Pierre  et  Paul,  et  les  deux  saints  Jean,  le 
précurseur  et  l'évangéliste.  Devant  la  Mère 
de  Dieu,  protectrice  de  Sienne,  sont  age- 
nouillés les  patrons  de  la  cité  :  Ansanus, 
Victor,  Crescentius  et  Savinus,  précédés  de 
deux  anges  qui  présentent  des  offrandes  à 
Marie.  L'encadrement  de  cette  vaste  page 
est  formé  de  médaillons,  représentant  en 
buste,  le  Christ  et  différents  saints.  Cette 
fresque,  peinte  en  131 5,  fut  très  peu  d'an- 
nées après  repeinte  par  Simone  Martini  lui- 
même,  son  œuvre  ayant  été  fortement 
endommagée  par  les  émanations  d'un  ma- 
gasin de  sel,  établi  à  l'étage  qui  se  trouve 
en  dessous  de  la  salle. 

L'état  actuel  de  la  peinture  laisse  à  dési- 
rer naturellement,  quoiqu'il  y  ait  quelques 
parties  assez  bien  conservées  et  que  d'autres 
aient  été  rafraîchies  par  des  retouches.  Ce- 
pendant, malgré  l'action  du  temps  et  les  res- 
taurations,cette  vision  toute  céleste  produit 
encore  l'impression  rêvée  parle  peintre. La 
Vierge, tenant  son  Enfant  si  gracieux, debout 
sur  ses  genoux,  n'a  rien  perdu  de  sa  majes- 
té. Les  saints  qui  l'entourent  ont  conservé 
leur  air  de  grandeur,  l'expression  et  même 
quelque  chose  de  l'agrément  de  la  tonalité 
originale.  C'est  la  plus  ancienne  œuvre  de 
Simone  qui  soit  parvenue  jusqu'à  nous. 

Dans  la  même  salle,  mais  du  côté  opposé 
et  placée  assez  haut, on  voit  une  autre  œuvre 
du  même  peintre.  C'est  le  portrait  équestre 
de  Guidoriccio  da  Fogliano,  capitaine  mili- 
taire de  Sienne,  probablement  le  plus  ancien 
portrait  équestre  que  l'art  italien  ait  produit. 
Un  auteur  qui  a  fait  une  étude  approfondie 
de  l'École  siennoise,  dit  que  cette  œuvre  est 
l'une  de  ses  productions  les  plus  merveilleu- 


3l'(lB;i:posttton  îi'i^rt  ancien  à  tienne. 


267 


ses  (').  Sur  les  murs  opposés  aux  fenêtres 
sont  peints  en  e^risaille  des  combats,  et  sous 
le  portrait  de  Guidoriccio  est  placée  la  célè- 
bre madone  de  Guido  de  Sienne  datant  pro- 


Saint  Bernardiu  de  Sienne. 

bablement  de  la  seconde  moite  du  XI 11^ 
siècle,  mais  elle  a  été  repeinte  un  siècle 
plus  tard,  par  un  élève  de  l'École  du 
Duccio. 

I.  M"=  Lucy  Olcott,  Guide  to  Siena,  p.  207. 


Dans  la  même  salle  sont  peintes  plusieurs 
figures  de  Saints,  parmi  lesquels  les  deux 
Saints,  citoyens  de  la  ville  et  aujourd'hui 
encore  des  plus  populaires  :  Sainte  Cathe- 
rine et  saint  Bernardin  de  Sienne. 

De  la  salle  de  la  Mappemonde  on  se 
rend,  en  suivant  un  corridor  assez  obscur,  à 
la  Chapelle  du  palais. 

Parmi  les  touristes  visiteurs  de  l'ancien 
palais  public  de  Sienne,  il  en  est  peu  qui, 
ayant  parcouru  ses  grandes  salles  toutes 
couvertes  de  fresques,  n'aient  conservé  une 
impression  durable  de  l'oratoire  charmant 
et  recueilli  appelé  la  Chapelle  du  magistrat 
de  Sienne.  C'est  en  effet  un  sanctuaire  tout 
imprégné  de  la  foi  du  peuple  siennois,  de 
son  amour  particulier  de  la  sainte  Vierge, 
où  la  religion  a  trouvé  dans  l'Art  son  ex- 
pression la  plus  pure  et  la  plus  élevée.  La 
chapelle  a  une  sorte  de  narthex,  ou,  si  ce 
mot  semble  trop  archéologique,un  vestibule 
tout  historié  de  peintures.  Elle  en  est  sépa- 
rée par  une  élégante  grille  en  fer  forgé  ('), 
qui  permet  à  l'œil  de  plonger  dans  l'ora- 
toire, très  parcimonieusement  éclairé  d'or- 
dinaire, mais  dont  pendant  l'Exposition  le 
demi-jour  est  dissipé  par  un  jet  de  lumière 
électrique,  destiné  à  mettre  en  relief  les 
pièces  d'orfèvrerie  exposées  au  centre  de  la 
chapelle. 

Dans  le  vestibule  très  richement  décoré, 
comme  les  parois  de  la  chapelle  même,  de 
fresques  par  Taddeo  Bartholi,  on  aperçoit 
tout  d'abord  l'énorme  figure  de  saint  Chris- 
tophe, qui,  d'après  une  tradition  beaucoup 
plus  vulgarisée  en  Allemagne  et  dans  les 
Pays-Bas  qu'en  Italie,  devait  préserver  de 
maie  mort  celui  qui  l'avait  aperçue  dans  la 
journée.  Elle  est  accompagnée,  mais  peinte 
en  proportions  beaucoup  plus  réduites,  de 

I.  Travail  que  nous  reproduisons,  terminé  en  1445,  par 
Giacomo  di  Giovanni. 


268 


jRebue  lie  VSixt  cbrétten» 


Grille  en  fer  forgé  de  la  Chapelle  du  Magistrat  de  Sienne.  (Phot.  Lomuabui  à  Sienne.) 


la  figure   de  Judas   Machabée.  Le  maître, 
fier  de  son  travail  et  fier  d'être  Siennois.a  eu 


soin  de  ne  pas  se  laisser  oublier  en  présen- 
ce d'un   de  ses   plus  beaux  travaux  ;  nous 


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3l'<z^;cpo0ttion  ti':^rt  ancien  à  tienne. 


269 


lisons  dans  un  cartell'inscription  suivante: 

TIIADEUS  'BaRTHOLI     DE    SeNIS    PINXIT    tstâ 

capcllani  cu7n  figura  sti  Xpofori  et  cum 
a/lis  fignris  avec  la  date  de  1407.  Avant 
d'entrer  dans  la  chapelle,  notons  le  bénitier 
en  bronze,  œuvre  de  Giovanni  Turini. 

Cet  oratoire,  je  ne  saurais  trop  le  répéter, 
est  vraiment  une  merveille  d'harmonie  et  de 
goût,  où  tous  les  arts  se  sont  concertés  pour 
produire  le  sanctuaire  où  les  magistrats 
d'une  population  catholique  allaient  deman- 
der au  ciel  les  lumières  nécessaires  à  leur 
mission. ..Je  l'avais  vu  il  y  a  un  certain  nom- 
bre d'années  ;  mais  je  profite  de  l'Exposi- 
tion pour  le  voir,  le  revoir  et  l'étudier  ;  je 
profite  aussi  de  la  lumière  électrique  pour 
étudier  les  fresques  de  Bariholi  noyées 
d'ordinaire  dans  une  demi-obscurité.  La 
décoration  murale  encore  complète,  semble 
avoir  peu  souffert.  Elle  se  compose  de  fi- 
gures de  différents  Saints  sous  des  balda- 
quins d'architecture  ;  ce  sont  des  Saints  dont 
la  dévotion  est  la  plus  populaire.  Mais  ce 
qui  impressionne  surtout,  ce  sont  les  quatre 
grandes  fresques  où  Taddeo  a  représenté 
les  derniers  épisodes  de  la  Vie  de  la  sainte 
Vierge,seIon  la  poétique  légende  de  Jacques 
de  Voragine.  Pour  l'intelligence  des  plan- 
ches reproduisant  deux  de  ces  composi- 
tions, il  est  nécessaire  de  rappeler  en  peu 
de  mots  le  texte  de  cette  légende  : 

La  Vierge  Marie,  immaculée  dans  sa 
naissance,  d'une  vie  pure  et  sans  tache,  ne 
devait  pas  mourir  ;  la  mort  n'étant  que  le 
fruit,  la  conséquence  du  péché.  Cependant 
ayant  vécu  des  années  après  la  Résurrection 
et  l'Ascension  de  son  divin  Fils,  — années 
écoulées  dans  l'amour  et  la  méditation  de 
celui  dont  elle  avait  été  la  mère,  —  elle  fut 
prise  d'un  incommensurable  désir  d'être  de 
nouveau  réunie  à  Jésus;  désir  tellement  ar- 
dent  qu'elle  sentit  son    âme,  ne  pouvant  y 


résister,  prête  à  se  séparer  du  corps  pour  al- 
ler au  ciel.  Puis,  prévoyant  cette  séparation, 
elle  se   souvint  des  apôtres,  les  disciples  et 


Bénitier  en  bronze,  œuvte  de  Giovanni  Turini 

(Phot.  LOMBARDi  à  Sienne.) 

les    amis    de  Jésus  :    avant   de   quitter    la 

terre,  elle   voulait  les   voir  encore  une  fois 

par  les  yeux  du  corps  réunis  autour  d'elle. 

Cependant,  les  apôtres,  alors  disséminés 


sur  toute  la  terre,  s'étaient  séparés  pour  al- 
ler, selon  la  volonté  du  Maître,  prêcher 
toutes  les  nations.  Mais  voilà  que,  mus  par 
une  force  irrésistible,  ils  se  sentent  enlevés 
à  leur  mission  et  transportés,  les  uns  après 
les  autres, auprès  de  la  Vierge  Marie, la  mère 
de  Jésus-Christ. 

C'est  l'arrivée  miraculeuse  des  disciples 
qui  forme  le  sujet  delà  première  des  gran- 
des fresques;  on  voit  la  sainte  Vierge,  sous 
un  édicule,  tendant  les  mains  dans  une 
sainte  joie,  aux  apôtres,  dont  deux  retar- 
dataires, à  droite  et  à  gauche  de  la  compo- 
sition, arrivent  encore,  suspendus  dans 
l'air,  dans  l'attitude  la  plus  mouvementée, 
au  terme  du  miraculeux  voyage. 

La  seconde  composition  représente  la 
sainte  Vierge  étendue  sur  sa  couche  funè- 
bre, entourée  des  apôtres.  Saint  Pierre, 
une  palme  à  la  main,  lit  la  prière  des 
agonisants  ;  des  deux  côtés,  des  anges  cé- 
roféraires  et  turiféraires,  donnent  une  gran- 
de solennité  à  cette  scène,  où  Jésus-Christ, 
tout  rayonnant  de  gloire,  vient  recueillir 
l'âme  de  sa  sainte  Mère,  que  sous  la  forme 
d'un  petit  enfant,  il  presse  sur  son  sein. 

La  troisième  fresque  représente  les  funé- 
railles de  la  Vierge  Marie.  Le  corps  est 
porté  par  les  apôtres  précédés  de  saint 
Jean  l'Evangéliste,  le  disciple  que  Jésus 
aimait,  tenant  la  palme  qui  doit  préserver 
la  sainte  dépouille  des  atteintes  du  démon 
qui  complotait  une  profanation. 

Enfin,  dans  le  quatrième  tableau  nous 
voyons  les  apôtres,  arrivés  au  terme  des  fu- 
nérailles, au  moment  où  ils  vont  déposer  le 
corps  de  la  Vierge  dans  le  tombeau  qui  a 
été  préparé.  Mais  voici  la  radieuse  figure 
de  Jésus-Christ,  qui,  entouré  d'une  gloire 
d'anges,  vient  appeler  Marie  à  sa  glo- 
rieuse Assomption.  Le  cénotaphe  restera 
vide,  la  tombe  n'est  pas  faite  pour  garder 


une  chair  incorruptible  sur  laquelle  le  péché 
n'a  eu  aucune  prise... 

Il  faut  voir  avec  quel  charme,  avec  quelle 
verve  le  pinceau  du  maître  siennois  a  su 
rendre  la  poésie  et  pénétrer  de  vie  cette 
gracieuse  légende  ;  —  la  sainte  véhémence 
du  Christ  arrivant  avec  son  vol  d'angres, 
I  accueillir  sa  Mère  pour  son  Assomption  au 
Ciel.  Il  faut  voir  l'onction  et  la  dignité  des 
apôtres  :  ils  sont  solennels,  il  est  vrai,  mais 
ils  vivent  d'une  vie  toute  surnaturelle. 

Ces  fresques  ont  subi  quelques  retouches  ; 
cependant  ce  travail  a  été  fait  d'une  manière 
assez  discrète  pour  ne  pas  compromettre 
l'impression  produite  par  cette  œuvre  char- 
mante. 

Taddeo  Bartholi  a  été  un  maître  d'une 
fécondité  remarquable.Ouoiqu'il  ait  travail- 
lé dans  d'autres  villes,  on  trouve  à  Sienne 
de  nombreux  produits  de  son  pinceau  qu'il  a 
toujours  soin  de  signer.  Généralement  ce- 
pendant les  historiens  de  l'art  n'ont  pas 
donné  à  ce  peintre  la  place  que  ses  œuvres 
doivent  lui  assurer. 

Avant  de  passer  à  l'examen  des  objets 
exposés,  je  dois  rappeler  encore  que  tout 
le  mobilier  de  la  chapelle  est  à  la  hauteur 
de  la  peinture.  En  dessous  des  fresques,  les 
parois  sont  garnies  de  stalles  dont  les  par- 
closes  sont  sculptées  avec  une  élégance  toute 
toscane, et  le  dossier  historié  d'une  série  de 
compositions  illustrant  le  Credo  de  Nice, 
qui  forment  tout  un  traité  d'iconographie 
chrétienne.  Ce  beau  travail  à'intarsio,  sorte 
de  mosaïque  de  différentes  sortes  de  bois 
incrustés,  est  de  Domenico  di  Niccolo. 

Une  bonne  peinture  de  Sodoma  forme 
le  retable  d'autel  de  la  chapelle,  sous 
lequel  dans  la  predella  sont  retracés  les  dif- 
férents épisodes  de  la  vie  de  Marie.  Enfin 
le  mobilier  de  l'oratoire  est  complété  par  un 
joli  buffet  d'orgue  et  une  élégante  lanterne 


îL'erposttton  D'art  ancien  à  tienne. 


271 


de  style  gothique  dont  je  mets  une  repro- 
duction photographique  sous  les  yeux  du 
lecteur. 

Le  Comité  d'organisation  a  eu  le  bon 
goût  de  ne  pas  encombrer  ce  délicieux  ora- 
toire. Il  n'y  a  placé  qu'une  montre  où,  lors 
de  ma  visite,  figuraient  une  demi-douzaine 


d'œuvres  d'orfèvrerie  religieuse  de  choix, 
dignes  du  cadre  où  elles  sont  exposées. 

C'est  d'abord  le  reliquaire  très  important 
comme  dimensions  et  comme  travail,  du 
chef  de  San  Galgono,  travail  du  XI V^  siècle; 
la  reproduction  que  nous  en  donnons,  per- 
mettra   au    lecteur,   mieux    qu'une   longue 


ft». 


stalles  ornées  de  mosaïques  de  différentes  sortes  de  bois  incrustés  (Domenico  di  NiccOLo).  (Phot.  Lombardi  à  Sienne.) 


description,  de  se  faire  une  idée  de  l'en- 
semble. 

Puis  vient  le  beau  reliquaire  du  «  San- 
Savino  »,  exposé  par  la  cathédrale  d'Or- 
vieto,  travail  d'Ugolino  di  Vieri  et  de  Viva 
di  Lando. 

C'est  à  mes  yeux  la  plus  belle  pièce  d'or- 
fèvrerie de  l'Exposition. 


Sur  un  pied  de  forme  hexagone  posé  sur 
six  lions,  s'élève  un  édicule  de  style  archi- 
tectural d'une  élégance  remarquable.  Des 
colonnes  annelées,  ornées  d'émaux  posées 
sur  un  soubassement,  sont  réunies  par  des 
arcs  en  ogives  surmontés  de  frontons  trian- 
gulaires dont  les  rampants  sont  décorés  de 
crochets  d'un  caractère  végétal.  Ces   fron- 


272 


3&ebur  De  T^rt  rt)rctien. 


tons,  réunis  par  une  voûte,  forment  ce  que 
l'on  peut  considérer  comme  le  premier  étage 
d'un  édifice  ajouré,  servant  de  dais  à  une 
statuette  de  la  sainte  Vierge  avec  son 
divin  Fils  entre  les  bras.  Au-dessus  de  ce 
petit  temple  s'élance  un  second  étage  décoré 


Lanterne  de  la  Chapelle  du  Palazzo  publico 
(Phot.   LoMBARDi  à  Sienne.) 

de  fenestrages  et  d'ajours  entre  lesquels  on 
voit  la  statuette  d'un  Saint,  abritée  par  une 
voûte  couverte  par  la  flèche  aiguë  dont  le 
sommet  s'amortit  par  une  statuette  d'ange. 
On  peut  se  demander  où  se  trouve  la 
relique  dans  ce  bel  ensemble,  et  quelle  est 


cette  relique  ?  Elle  trouve  probablement  sa 
place  dans  le  soubassement  formant  une 
sorte  de  dôme  sur  lequel  est  posée  la  sta- 
tuette de  la  Vierge  Marie.  A  part  cette 
objection  à  laquelle  ne  se  serait  pas  exposé 
un  orfèvre  du  Nord,  on  doit  reconnaître 
que  le  reliquaire  est  d'un  dessin  excellent  : 
l'effet  en  est  si  grandiose  qu'il  pourrait 
servir  de  type  et  inspirer  l'artiste  chargé 
d'ériger  sur  une  place  publique  un  monu- 
ment en  honneur  d'un  saint  personnage. 
Une  œuvre  de  ce  caractère  serait  imposante 
et  d'un  aspect  autrement  monumental  que 
les  banalités  érigées  sur  les  squares  de  nos 
grandes  villes. 

Parmi  les  autres  pièces  d'orfèvrerie  qui  se 
trouvent  dans  la  même  montre,  j'ai  noté  un 
magnifique  instrument  de  paix  représentant 
le  Christ  en  majesté  avec  les  quatre  évan- 
gélistes  sur  fond  émaillè.  Cette  œuvre  de 
grand  style  est  exposée  par  la  municipalité 
de  Sienne. 

La  salle  voisine  contient  des  statues,  et 
surtout  des  statues  peintes  et  dorées. 

L'ensemble  ne  suffit  pas  à  l'étude  des 
développements  et  de  la  floraison  de  la 
sculpture  siennoise,  mais  elle  en  fait  con- 
naître le  caractère.  Nous  nous  trouvons 
tout  d'abord  en  présence  de  six  figures  du 
statuaire  le  plus  célèbre  de  Sienne,  Jacopo 
délia  Ouercia  (1374-142S).  On  a  voulu  voir 
dans  ce  statuaire  un  prédécesseur  de  Mi- 
chel-Ange: en  ce  qui  concerne  l'École  de 
Sienne,  il  a  été  par  la  vigueur  de  son  ciseau 
et  l'énergie  de  ses  conceptions  un  nova- 
teur, tout  en  demeurant  peut-être  la  dernière 
incarnation  des  traditions  médiévistes,  alors 
en  décadence.  Les  six  figures  que  nous 
avons  sous  les  yeux  représentent  la  Vierge 
Marie,  quatre  apôtres  polychromes  et  sur- 
tout dorés,  au  point  d'en  prendre  un  aspect 
métallique.  Une  statue  en  grandeur  natu- 
relle de  saint  Nicolas,  richement  et  vigou- 


3L'6i:po0(tton  û'^rt  ancien  à  tienne. 


273 


reusement  décorée  de  peinture  (exposée 
par  la  Scuola  professionale  Leopoldine)  m'a 
paru  particulièrement  remarquable  ;  le  lec- 
teur en  trouvera  ici  une  reproduction.  Le 
saint  est  représenté  revêtu  de  ses  orne- 
ments sacerdotaux,  mais  par  une  bizarrerie 
dont  il  faut  chercher  la  source  dans  une 
légende  qui  m'est  inconnue,  il  a  les  pieds 
nus.Nous  allons  retrouver  l'œuvre  du  maître 
dans  d'autres  locaux  de  l'Exposition.  Deux 
salles  sont  remplies  de  moulages  faits  avec 
beaucoup  de  soin  d'après  les  travaux  de 
Jacopo  exécutés  dans  d'autres  villes  d'Italie. 
Parmi  les  chefs-d'œuvre  de  délia  Quercia 
on  cite  avec  raison  le  ravissant  tombeau 
d'Ilaria  de  Carretto  de  la  cathédrale  de 
Lucques.  La  figure  de  la  jeune  fille,  couchée 
sur  le  sarcophage  dans  l'attitude  du  som- 
meil et  de  la  paix,  est  remarquable  de  grâce 
juvénile  et  d'élégance  dans  les  draperies. 
Mais  il  est  à  regretter  de  voir  l'impression 
toute  chrétienne  que  donne  cette  chaste 
figure  compromise  parla  ronde  de  «  Puttis  » 
qui,  soulevant  de  lourdes  guirlandes,  pren- 
nent leurs  ébats  dans  le  soubassement  de  la 
tombe  ! 

C'est  la  Renaissance  avec  ses  inconve- 
nances qui  arrive... 

Dans  la  grande  Loggia  du  palais,  on  a 
réuni  et  juxtaposé,  de  façon  à  rappeler  la 
disposition  primitive  de  l'œuvre  la  plus 
populaire  du  maître,  —  celle  qui  l'a  fait 
nommer  Nicolas  délia  Fonte,  —  je  veux 
parler  de  la  fontaine  de  la  place  del  Campo 
vis  à  vis  de  l'hôtel  de  ville.  Ce  ne  sont, 
hélas  !  que  les  ruines  en  quatre-vingts  frag- 
ments qui  composaient  autrefois  la  fontaine 
Gaja,  peut-être  la  fontaine  la  plus  juste- 
ment célèbre  du  monde. 

Tombée  dans  un  état  d'irréparable  ruine, 
elle  a  été  remplacée,  en  1886,  par  la  copie 
en  marbre  blanc  exécutée  par  Tito  Sar- 
rocchi,  mais  qui  semble  être  restée  incom- 


Reliquaire  de  San  Galgano.  (Phol.  Lombardi  à  Sienne.) 


274 


ÎRebue  De  T^rt  chrétien. 


plète.  et  ne  rend  pas   assurément   le    style 
du  maître. 

Comme  tout  l'art  du  moyen  âge,  l'œuvre 
originale  s'inspirait  à  la  fois  d'une  pensée 
religieuse  et  populaire. Un  vaste  bassin  con- 
tenant une  nappe  d'eau,  était  entouré  de 
trois  côtés  par  des    statues   et    des   hauts 


statue  de  saint  Nicolas,  par  Jacopo  délia  Qurrcia. 
(Phot.  I.OiMiiAKiJi  à  Sienne.) 

reliefs  en  marbre  blanc.  Au  centre  de  la 
composition  trônait  la  sainte  Vierge,protec- 
trice  de  la  ville,  avec  son  divin  Enfant. 
Aux  deux  côtés  de  ce  groupe  deux 
figures  (des  anges  ?)  lui  servaient  de  garde 
d'honneur.  Puis  venaient  huit  figures  repré- 
sentant les  Vertus  cardinales  et   sociales  : 


ensuite  deux  groupes,  aux  extrémités  :  la 
création  d'Adam  et  les  premiers  parents 
de  l'humanité  chassés  du  Paradis.  Çà  et  là, 
des  carnassiers  lançaient  par  la  gueule 
des  jets  d'eau.  Telle  qu'elle  existe,  la  copie  a 
le  mérite  de  rappeler  la  pensée  de  l'œuvre 
originale. 

Jacopo  délia  Fonte  et  les  créations  de  son 
puissant  génie  ne  doivent  pas  nous  faire 
oublier  les  imagiers,  ses  confrères,  dont  les 
travaux  intéressants  sont  réunis  dans  deux 
salles  du  palais. 

Nous  venons  de  voir  qu'au  centre  de  la 
grande  fontaine  de  la  place  du  Campo,  la 
place  publique  par  excellence  à  Sienne,  — 
celle  que  déjà  Montaigne  déclarait  la  plus 
belle  d'Italie,  —  trône  la  sainte  Vierge 
avec  le  divin  Enfant.  La  dévotion  à  la  sainte 
Vierge  est  si  vivante,  si  populaire,  qu'on  peut 
la  regarder  comme  la  véritable  inspiratrice 
de  l'art  à  Sienne.  Tous  les  arts,  architecture, 
art  plastique,  peinture  et  même  les  arts 
mineurs  viennent  à  l'envi,  rendre  hommage 
à  la  Reine  du  ciel,  à  la  Mère  du  Verbe  fait 
chair.  Nous  avons  vu  tantôt,  dans  la  chapelle 
du  palais  Taddeo  Bartholi, chanter  pour  ainsi 
dire,  en  quatre  fresques  admirables,  la  fin 
de  l'existence  terrestre  de  la  Vierge  Marie, 
et  son  triomphal  départ  vers  le  ciel.  Il  ne 
serait  pas  difficile  d'écrire  un  volume  sur 
les  œuvres  d'art  créées  sous  la  même  inspi- 
ration, et  certes, les  images  pour  l'illustrer  ne 
feraient  pas  défaut  !  En  peinture,  on  peut 
voir  dans  les  salles  supérieures  du  palais, 
des  séries  de  madones  sur  fond  d'or  avec 
l'Enfant  divin,  se  répétant  du  XI IP  au 
XIV^  siècle,  avec  peu  de  variantes.  C'est 
comme  la  récitation  du  rosaire,  où  l'artiste, 
reprenant  la  même  formule,  ne  croit  pas 
répéter  l'œuvre  de  ses  prédécesseurs,  mais 
bien  la  renouveler  par  l'accent  de  sa  foi  (')! 

i.On  se  rappellera  qu'à  propos  de  la  bataille  de  Montea- 
perto  où  les  Siennois  unis  aux  Gibelins  intligèrent  une 


lt'C;cpositton  ti';art  ancien  à  tienne. 


275 


Dans  la  statuaire,  ce  sont  des  groupes 
de  l'Annonciation,  figures  de  grandeur  na- 
turelle, polychromées  avec  art  qui  s'im- 
posent à  l'attention  du  visiteur.  Plusieurs 
de  ces  groupes  ont  été  réunis  (salle  VI I  I).Je 
remarque  deux  statues,  l'ange  Gabriel  et  la 
sainte  Vierge,  d'un  grand  caractère.  Elles 
appartiennent  à  l'église  de  Montaluccio. 
L'artiste  a  donné  aux  carnations  la  tonalité 
naturelle;  la  Vierge  Marie  est  revêtue  d'une 
robe  rouge,  d'un  manteau  et  voile  bleus, 
semés  d'étoiles  et  bordures  en  or.  Plus  loin, 
ce  sont  deux  autres  statues  représentant 
également  la  Salutation  angélique,  où  la 
Vierge,  vêtue  d'une  simple  robe  rouge, 
sans  manteau  ni  voile,  remarquable  par  la 
jeunesse  et  le  sentiment  de  naïveté,  semble 
toute  surprise  de  l'apparition  de  l'ange,  re- 
vêtu d'une  robe  blanche, avec  parure  et  étole 
du  même  rouge  que  la  robe  de  Marie.  En 
général,  dans  la  peinture  de  ces  figures  de 
l'Annonciation,  l'artiste,  cherchant  à  mar- 
quer par  la  couleur  des  vêtements  l'origine 
céleste  de  l'ange  au  moyen  d'une  tonalité 
claire,  y  introduit  cependant  dans  les  détails 
les  couleurs  portées  par  la  Vierge,  faisant, 
en  quelque  sorte, écho  à  celles-ci.  L'harmonie 
des  tonalités  est  d'ailleurs  rétablie  par  les 
bordures  en  or  et  parfois  par  les  semis  de 
même  métal  qui  enrichissent  le  décor. 

Dans  la  salle  où  sont  exposées  les  cinq 
statues  dejacopo  et  les  Annonciations  que 
je  viens  de  citer,  la  décoration  et  l'ameuble- 
ment appartenant  à  l'hôtel- de-ville  même, 
viennent  encore  une  fois  compléter  admi- 
rablement l'impression  que  produisent  les 
objets  exhibés.  Toute  cette  salle  avec  ses 
voûtes,  ses  arcs  doubleaux  et  ses  lambris. 


sanglante  défaite  aux  Guelfes  de  Florence,  la  ville  prit  le 
nom  de  Siena  délia  Vergine j  le  goiifalonier  Buona  Guida 
Lucari  ayant  proposé,  avant  le  combat,  de  donner  la 
cité  à  la  Vierge  Marie  et  d'en  remettre  les  clés  à  l'évêque 
de  Sienne. 


a  conservé  ses  anciennes  peintures.  Ce  sont 
de  grandes  fresques  de  Spinello  Aretini, 
avec  la  collaboration  de  son  fils.  Les  figures 
symboliques  de  la  voûte  sont  dues  au  pin- 
ceau de  Martino  di  Bartolomeo.  Spinello 
Aretino,  l'un  des  derniers  peintres  inspirés 
par  Giotto,  n'était  pas  Siennois  :  c'est  l'un 
des  rares  exemples  où  un  artiste  étranger 
ait  été  appelé  à  participer  à  une  œuvre  es- 
sentiellement civique.  Les  scènes  peintes 
dans  cette  salle  représentent  les  différents 
épisodes  de  la  vie  du  grand  pape  siennois 
Alexandre  III  (Orlando  Bandinelli),  et 
plusieurs  des  compositions  sont  inspirées 
par  la  lutte  héroïque,  soutenue  par  ce  pape 
contre  l'empereur  Frédéric  Barbarossa. 
L'une   des   compositions    les  plus    drama- 

.  tiques  représente  le  pape  donnant  une  épée 
au  doge  de  Venise  Ziani,  agenouillé  devant 
le  souverain  pontife  et  entouré  de  ses 
soldats.     Dans     une    autre     fresque    nous 

j  voyons  le  cortège  triomphal  d'Alexandre 
victorieux,  monté  sur  un  destrier  dont  la 
bride  est  tenue  d'un  côté  par  le  doge,  et  de 
l'autre  par  l'empereur  humilié.  On  s'ar- 
rêterait indéfiniment  àdéchiffrer  les  fresques 
un  peu  oblitérées  de  ce  cycle  où  tout  parle 
de  la  grandeur  des  idées  et  de  la  grandeur 
des  arts  du  passé  !...  Vous  voyez  qu'à  tout 
instant  dans  l'Exposition  de  Sienne,  le  mo- 
nument où  elle  se  trouve  se  confond  avec 
le  contenu,  la  collection  temporaire  avec 
l'édifice  antique,  qui  vit  encore  aujourd'hui 
de  la  vie  civique  qui  l'a  créé. 

Je  ne  puis  quitter  cette  salle  sans  jeter 
un  coup  d'œil  sur  un  banc  à  haut  dossier, 
qui  garnit  tout  un  pan  de  mur.  C'est  un 
travail  du  XV^  siècle,  orné  d'armoiries,  de 
sculptures  et  de  ce  travail  de  marqueterie 
dont  nous  avons  remarqué  le  bel  effet  aux 
salles  de  la  chapelle.  Je  demande  au  gar- 
dien si  ce  banc  monumental  fait  partie  de 
la  Mostra  ?  Non,  il  appartient  au  Palazzo 


et  occupe  la  place  pour  laquelle  le  huchier 
la  fait. 

C'est  à  regret  que  je  m'éloigne  d'une  divi- 
sion où  j'ai  arrêté  le  lecteur  si  longtemps. 
Mais  nous  allons  précipiter  1  allure.  Nous 
sommes  arrivés  à  la  salle  que  l'on  appelle  ici 
«  monumentale  ».  Elle  l'est  en  effet  par  ses 
vastes  dimensions.  Les  murs  sont  couverts 
de  peintures  modernes,  illustrant  des  faits 
non  moins  modernes  de  l'Histoire  contem- 
poraine de  l'Italie  et  des  sujets  tirés  de  la 
vie  du  roi  Victor-Emmanuel.  Dans  l'une  de 
ces  vastes  compositions  je  vois,  au  premier 
plan,  des  bersagliers  qui  font  feu  dans  la 
direction  du  spectateur;  cela  fait  frémir! 
il  faut  passer  rapidement  et  nous  réfugier 
de  nouveau  dans  les  œuvres  du  passé. 

A  l'annonce  de  l'Exposition  de  Sienne 
on  pouvait  espérer  trouver  réunis  un  grand 
nombre  de  tableaux  et  avoir  ainsi  sous 
les  yeux  une  sorte  de  synthèse  du  dé- 
veloppement de  cette  Ecole  de  peinture, 
plus  célèbre  peut-être  que  bien  connue  en- 
core. A  ce  point  de  vue  l'Exposition  serait 
une  déception,  si  les  fresques  ornant  les 
salles  du  palais  public  n'offraient  ample 
compensation  au  visiteur.  Mais,  par  le  peu 
de  lignes  quej'ai  consacrées  à  ces  peintures 
murales,  le  lecteur  a  pu  voir  que  le  Palazzo 
publico  renferme  un  véritable  trésor  d'œu- 
vres  des  anciens  maîtres  siennois.  Je  con- 
naissais ces  peintures  par  une  visite  anté- 
rieure, mais  comme  la  plupart  des  voyageurs 
qui  peuvent  disposer  de  peu  de  temps, 
j'avais,  guidé  par  le  concierge  et  ses  banales 
explications,  été  obligé  d'abréger  l'étude 
nécessaire  à  l'intelligence  de  ces  pages 
historiques.  Ce  n'est  pas  l'un  des  moindres 
charmes  et  des  moindres  fruits  de  l'Ex- 
position actuelle,  de  les  voir  bien  à  l'aise, 
d'y  revenir  et  de  pouvoir,  le  lendemain,  con- 
trôler l'impression  de  la  veille.  Ce  serait 
déjà  ample  compensation  à  ce  que,   dans 


leur  ensemble,  les  peintures  de  l'ancienne 
Ecole  siennoise,  réunies  à  l'étage  supé- 
rieur du  palais,  présentent  d'insuffisant.  Une 
autre  compensation  est  offerte  aux  stu- 
dieux par  le  très  beau  Musée  de  l'Institut 
des  Beaux-Arts  de  Sienne,  dont  pas  un 
cadre  n'a  été  déplacé  pour  enrichir  la 
Mostra  d'arte  senese  antica.  Cette  galerie, 
bien  disposée,  bien  éclairée,  est  au  point 
de  vue  de  la  peinture  siennoise  et  ombrien- 
ne, de  la  plus  haute  importance.  Elle  exige 
plus  d'une  visite  qu'un  catalogue, assez  bien 
fait,  rendra  particulièrement  instructive. 
On  y  trouvera  notamment  les  retables  et  les 
panneaux  de  Giovanni  di  Paolo  et  deSano 
di  Pietro,  deux  maîtres  féconds  dont  les 
oeuvres  remarquables  suivent  entièrement 
le  courant  d'idées  de  Fra  Antrelico.  Dans 
nn  Jugement  dernier  de  Giovanni  di  Paolo, 
on  retrouve  plusieurs  des  scènes  les  plus 
poétiques  et  des  épisodes  les  plus  touchants 
des  jugements  de  l'inimitable  moine  de 
Fiesole.  Ces  peintres  sont  à  peu  près  con- 
temporains, mais  ce  que  l'on  connaît  de  leur 
vie  ne  permet  pas  de  conclure  à  des  rela- 
tions de  maître  à  élève.  Cependant  il  ne 
paraît  pas  possible,  en  présence  d'analogies 
incontestables,  de  les  considérer  comme  in- 
dépendants les  uns  des  autres.  Ou  bien  Fra 
Angelico  a  été  directement  inspiré  par  eux, 
ou  il  a  été  leur  inspirateur.  C'est  là  une 
question  de  chronologie  à  élucider  ■  mais 
en  étudiant  le  Jugement  dernier  de  Gio- 
vanni di  Paolo,  on  est  disposé  à  lui  recon- 
naître la  priorité. 

Au  Palazzo  publico  on  a  réuni  à  peu  près 
trois  cent  et  trente  tableaux  ;  ce  sont  des 
retables  empruntés  à  quelques  églises,  des 
panneaux  prêtés  par  des  collectionneurs, 
parmi  lesquels  il  y  a  assurément  des  œuvres 
de  mérite  ;  mais  là  n'est  pas  l'intérêt  de 
l'Exposition,  et  si  l'on  y  venait  dans  l'es- 
poir   d'étudier    par    quelque    chef-d'œuvre 


HcDiic  De  THct  cfjréticn. 


PL.  V. 


Beliquairc  D'Ugolino  D(  Vierf.  xiv=  ?iicle.  —  Catfiéûiale  û'Orbleto. 

(Phot.    d'ALINAKI.) 


3l'CApo0ttion  î)':^rt  ancien  à  â)tenne, 


277 


resté  inconnu  le  caractère  et  l'importance 
de  l'École  de  Sienne,  on  s'exposerait  à  une 
déconvenue.  Il  y  a  cependant  des  panneaux 
que  l'on  examinera  avec  plaisir.  Dans  la 
salle  XXIX,  se  trouve  une  collection  con- 
sidérable de  panneaux  de  Sano  di  Pietro, 
maître  fécond,  mais  dont,  comme  je  viens 
de  le  rappeler,  on  peut  étudier  au  Musée 
de  l'Académie,  les  œuvres  importantes  ; 
dans  une  autre  salle  j'ai  noté  une  imposante 
tîgure  de  saint  Jean  le  Précurseur  dont  je 
n'ai  pas  eu  longtemps  à  chercher  le  maître  ; 
on  y  lit:  <l  Taddeus  de  Senis  me  pinxit  ». 

Dans  les  salles  où  sont  exposées  les  pein- 
tures, de  nombreux  dessins  de  maîtres  sont 
classés  dans  les  vitrines  ;  ils  sont  très  ins- 
tructifs ;  c'est  ainsi  que  l'on  y  voit  entre 
autres  des  croquis  et  études  de  Pinturicchio 
pour  les  fresques  de  la  Libreria  du  dôme  de 
Sienne  et  d'autres  documents  pleins  d'in- 
térêt pour  les  studieux  et  les  artistes. 

La  salle  Vil,  quoique  vaste,  est  presque 
encombrée  par  cinq  grandes  montres  ou 
vitrines  à  double  versant,  et  une  vitrine 
simple,  placée  contre  le  mur  du  fond,  dans 
lesquelles  sont  rangées  plusieurs  centaines 
de  manuscrits  sur  vélin,  la  plupart  riche- 
ment décorés  de  miniatures,  appartenant 
du  XI  I«  au  XVe  siècle.  Un  grand  nombre 
sont  des  livres  de  chœur,  mais  il  y  a  aussi 
des  manuscrits  prêtés  par  les  bibliothèques 
de  l'Etat,  de  la  ville  de  Sienne,  de  Commu- 
nautés hospitalières,  de  bienfaisance  ou 
autres,  et  qui,  indépendamment  de  leur 
décor  pictural,  peuvent  avoir  une  valeur 
historique  importante.  Mis  sous  glace,  ces 
livres  sont  généralement  ouverts  à  la  place 
où  se  trouvent  les  enluminures  les  plus 
intéressantes.  Parmi  celles-ci,  il  y  en  a  de 
belles  et  qui  donnent  bien  la  note  de 
l'époque  et  de  la  contrée  qui  les  a  produits, 
mais,  si  l'on  y  remarque  particulière- 
ment un  livre  de  chœur  du  XV'  siècle  dont 


les  miniatures  sont  attribuées  à  Giovanni 
di  Paolo  et  quatre  antiphonaires  de  Chiusi, 
de  la  seconde  moitié  du  XI V'^  siècle,  il  y  en 
a  peu  d'autres  dont  la  valeur  soit  au  point 
de  vue  de  l'art  de  nature  à  mériter  une 
étude  approfondie.  11  en  est  de  même  du 
décor  de  la  salle  composé  de  Gobelins  du 
XVI le  et  du  XVI  Ile  siècle,  et  dans  la 
voûte,  des  peintures  de  la  même  époque. 

Il  est  entendu  que  je  ne  conduirai  pas  le 
lecteur  dans  la  visite  des  quarante  salles  où 
sont  étalées  les  richesses  ou  les  curiosités 
qui  ont  un  intérêt  particulier  au  point  de  vue 
historique  de  l'ancienne  République  sien- 
noise.  Le  Siennois  est  essentiellement  con- 
servateur, je  dois  le  répéter  ;  c'est  un  grand 
mérite,  et  il  suffit  de  parcourir  les  rues  de 
la  ville  pour  s'en  assurer  et  lui  rendre 
pleine  justice  dans  son  amour  du  passé. 
L'Exposition  est  toute  pénétrée  de  cet 
esprit. 

Dans  une  des  salles  nous  trouverons  un 
médailler  qui  semble  assez  complet;  on  y  a 
ajouté  une  belle  collection  de  matrices, 
des  sceaux  qui  ont  servi  et  qui  servent  peut- 
être  encore  à  la  Commune  de  Sienne,  à  ses 
différentes  associations  et  communautés, 
aux  notables  de  la  ville.  Il  en  est  qui  remon- 
tent au  XI I*^  et  au  XI 11^  siècle,  et  qui 
sont  de  petits  chefs-d'œuvre  de  la  Sphra- 
gistique,  dont  le  moyen  âge  savait  rendre 
souvent  d'une  manière  admirable  le  symbo- 
lisme et  la  signification.  Mais  dans  une 
Exposition  aussi  riche,  il  est  impossible 
d'entrerdans  le  détail  de  toutes  les  branches. 
C'est  ainsi  que  je  ne  me  suis  guère  arrêté 
aux  compartiments  contenant  les  armes  an- 
ciennes pour  lesquelles  toute  compétence 
me  fait  défaut.  La  ferronnerie  m'a  peu  arrêté, 
et  je  n'y  ai  rien  trouvé  de  supérieur  à  la 
grille  de  la  chapelle  du  Palazzo,  dont  une 
reproduction  a  été  mise  sous  les  yeux  du 
lecteur.  Dans  le  mobilier   une  magnifique 


KBVue  uE  l'art  chrétien. 

1904.  —  4'"'^  LIVRAISON. 


278 


JRrbuc  tjc  r^vr  ff)rcticn. 


stalle  exposée  par  la  cathédrale  d'Orvieto 
attire  l'attention  du  visiteur. 

Arrivé  au  bout  de  ma  tâche  je  me  fais 
un  devoir  de  rendre  hommage  aux  efforts 
et  au  travail  des  membres  du  Comité  qui 
ont  réuni  et  disposé  d'une  manière  très  ju- 
dicieuse les  trésors  de  cette  riche  Exposi- 
tion. On  m'assure  que  le  classement  et  l'or- 
donnance de  l'ensemble  sont  en  grande 
partie    l'œuvre  de    M.    Corrado    Ricci,   le 


savant  directeur  des  musées  de  Florence 
qui  a  inauguré  l'Exposition  par  un  éloquent 
discours  lors  de  la  visite  royale.  Ces  travail- 
leurs ont  bien  mérité  de  l'art  toscan  et  par- 
liculièrement  de  l'art  siennois  en  réunissant 
en  nombre  prodigieux  ces  monuments  et 
ces  éléments  d'étude  dont  une  partie  n'était 
que  peu  ou  point  connue. 

Jules   Helbig. 


A^A  A^^  A^^  iM*  ^%*  i^yU  x^^  x^iU  ^^^  i,r^  i^U  k^^  A^^  k^^U  A^yU  ■ 


iTninn  cixriiittixiiiirx 


Il  ^  lies  monuments  cf)réttens  l)*Hutun.  m 


r  I  OTinxnurcDa 


nfTiT  I  rrrn 


trriTTX  ncuxi  IX I  :a:i  nxu.cmiTTi  3ŒH  3 


*i^*  '^>B^  m^  *iA^  *i?^  ^.vfcl^  ^0^  V^AJ-V  Y,^  y^  y;^-^  Y^JC  Y^^  ^^^  V^ÀJ^ 


A  ville  d'Autun  est  éloi- 
HSF"^^^^^!^  gnée  de  la  vallée  de  la 
ilW/RJkE^^fwtH-  Sgône  et  de  la  vallée  de 
la  Loire,  elle  est  privée 
des  communications  par 
bateau,  et  cependant, 
^W5S?  giie  était  très  accessible 
dans  l'Antiquité,  elle  se  trouvait  à  la 
jonction  de  plusieurs  voies  romaines  qui  la 
mettaient  en  relation  facile  avec  Lyon, 
Besançon,  Sens,  Orléans  et  Bourges  ;  il 
n'est  donc  pas  surprenant  qu'elle  ait  été 
visitée  dans  les  premières  courses  aposto- 
liques des  missionnaires  de  l'Évangile  à 
travers  la  Gaule.  Sa  population,  riche  et 
nombreuse,  n'était  pas  uniquement  occupée 
d'affaires  de  négoce,  comme  celle  de  Lyon, 
elle  renfermait  une  élite  intellectuelle  for- 
mée aux  études  sérieuses  par  les  professeurs 
de  son  gymnase  connu  dans  le  monde  ro- 
main, sous  le  nom  d'Écoles  Méniennes  et 
habituées  aux  discussions  philosophiques  ; 
il  y  avait  donc  là  un  terrain  tout  préparé 
pour  recevoir  avec  avidité  les  nouvelles 
doctrines  apportées  par  les  disciples  du 
Christ  (').  Quel  est  l'apôtre  qui  le  premier 
annonça  dans  la  ville  la  venue  du  Messie 
promis  aux  nations  ?  nous  l'ignorons.  Nous 
savons  seulement  qu'il  fut  assez  éloquent 
pour  inspirer  l'enthousiasme  à  ses  auditeurs 
et  pour  en  faire  des  croyants  intrépides 
jusqu'à  braver  la  mort. 

Symphorien,  le  martyr  si  connu,  honoré 
dans  une  grande  partie  des  églises  de   la 


I.  On  enseignait  le  grec  certainement  dans  ces  écoles. 
Dans  les  fouilles  pratiquées  avant  l'église  Saint-Étienne 
(1839),  on  a  découvert  une  épitaphe  chrétienne  en  vers 
grecs  qui,  de  l'avis  des  meilleurs  juges,  serait  du  III' 
siècle.  —  Le  Blant,  Inscriptions  chrétiennes  de  la  Gaule, 
1836,  in-4o. 


Celtique,  de  Metz  jusqu'à  Nantes  ('),  a  été 
immolé  à  Autun  dans  le  même  temps  que 
saint  Pothin  souffrait  le  martyre  à  Lyon, 
à  deux  ans  près,  et  il  est  mort  avec  le  même 
courage  en  répétant  à  ses  bourreaux  :  «  Je 
suis  chrétien  et  j'adore  le  Dieu  vivant  qui 
règne  aux  Cieux.  »  Il  ne  s'agit  pas  ici  d'un 
pieux  récit  inventé  au  X^  siècle  pour  exci- 
ter l'admiration  des  fidèles,  il  existe  une 
passion  de  saint  Symphorien  qui,  dès  le 
Vie  siècle,  au  moins,  était  lue  dans  divers 
diocèses  et  dont  Grégoire  de  Tours  a  cité 
des  passages  dans  son  livre  des  Confesseurs 
de  la  Foi  (^).  L'historien  rapporte  que  le 
jeuneSymphorien  fut  décapité  hors  du  mur 
d'enceinte  après  avoir  reçu  les  exhortations 
de  sa  mère  et  ne  dit  rien  du  rôle  qu'il 
jouait  dans  la  ville.  J'en  conclus  que  son 
âge  ne  lui  permettait  pas  encore  de  remplir 
aucune  fonction  publique  civile  ou  ecclé- 
siastique. Après  sa  mort,  son  corps  fut 
porté  non  pas  parmi  les  autres  sépultures, 
mais  extra  campum  publicîim,  c'est-à-dire 
en  dehors  du  cimetière  commun,  pour  lui 
infliger  une  sorte  de  flétrissure  aux  yeux 
des  païens. 

Ce  terrain  qui  s'étendait  au  N.-E.  de  la 
ville,  le  long  de  la  voie  d'Autun  à  Besançon, 
ne  fut  pas  longtemps  désert,  il  devint  le 
rendez-vous  des  coreligionnaires  de  Sym- 
phorien dont  les  pratiques  pieuses  conser- 
vèrent la  mémoire  de  son  martyre  et  du 
lieu  de  sa  sépulture  jusqu'au  jour  où  les 
chrétiens  osèrent  ériger  des  cel/cs  dans  les 
cimetières   (").    Certains    auteurs    font   re- 

1.  Le  plus  ancien  cimetière  de  Nantes  au  N.-E.  de  la 
ville  était  sous  le  patronage  de  S.  Symphorien. 

2.  i.  Ferunt  etiam  in  hac  urbe  simulacrum  Berecynthiae, 
sicut  sancti  tnariyris  Symphoriani  passio  déclarât.  1> 
(Greg.  Turon.,  De  viia  confiss.,  c.  Lxxvn.) 

3.  «  Eo  namque  tempore  nondum  latis  aedificiis  ambie- 


28o 


Wit\)x\t  tie  rSrt  cbvéticiL 


monter  la  construction  d'un  premier  ora- 
toire jusqu'à  l'épiscopat  d'un  saint  Amator 
qui,  d'après  les  Martyrologes  les  plus  ac- 
crédités, aurait  vécu  au  II 1*^  siècle.  Quoi- 
qu'il en  soit,  il  est  bien  certain  que  les 
premiers  édifices  ne  furent  pas  somptueux 
dans  les  cimetières  du  II I^  siècle  ou  du 
IV«,  et  que  bien  des  années  s'écoulèrent 
avant  que  l'organisation  du  culte  public 
permît  d'élever  ce  qu'on  appelait  une  basi- 
lique à  l'époque  mérovingienne.  Les  textes 
les  plus  anciens  se  servent  du  mot  ce//a 
parvissima  pour  désigner  la  memorta  qui 
fut  consacrée  par  la  main  de  l'évêque  déjà 
cité. 

Au  V'^  siècle,  l'évêque  Euphrône,  alors 
qu'il  était  simple  prêtre,  jugeant  que  l'édifice 
n'était  pas  à  la  hauteur  des  mérites  d'un 
si  grand  martyr,  s'empressa,  vers  450,  de 
lui  élever  une  basilique  où  il  reçut  lui-même 
la  sépulture  en  490  (').  Nous  n'avons  pas  de 
détails  sur  cette  érection,  mais  il  y  a  lieu  de 
croire  qu'il  ne  négligea  rien  pour  placer  le 
tombeau  dans  les  conditions  prescrites  par 
la  liturgie,  c'est-à-dire  dans  une  confession 
pratiquée  sous  le  maître- autel.  Cet  évêque 
était  partisan  de  la  décence  dans  les  églises, 
il  était  plein  de  zèle  pour  la  décoration  des 
tombeaux  élevés  à  la  mémoire  des  saints 
personnages,  témoin  cette  table  de  marbre 
qui  fut,  par  ses  soins,  envoyée  jusqu'àTours 
pour  recouvrir  la  sépulture  de  saint  Martin. 
Il  entretenait  des  relations  amicales  avec 
cette  église,  il  reçut  sans  doute  en  échange 
des  reliques  du  grand  thaumaturge  et   ne 

batur  sed   parvissimae  cellœ   angustiis  obseratuni    erat 

spatium Licet  enim   jamdiù  prefata  cella  fuisset   in 

honore  martyris  constructa,  non  tamen  fuerat  canonico 
more  pontificis  invocationibus  consecrata.  »(K/yrt  ^...^wij- 
toris  cpisc.  Aulissiod.,  c.  IV.) 

r.  <  Eo  tempoie  et  basilica  beati  Symphoriani  Au- 
gustodunensis  martyris  ab  Eufronio  .udificata  est.  Et 
ipse  Eufronius  hujus  deinceps  civitatis  episcopatuni  sor- 
tilus  est  >.  (Gregorius  Tur.,  Historia  Franc,  Lib.  Il, 
cap.  IV.) 


manqua  pas  d'envoyer  également  des  re- 
liques de  saint  Symphorien.  Cette  suppo- 
sition est  fondée  sur  l'existence  d'une  église 
très  ancienne  élevée  dans  un  faubourg  de 
Tours  sous  l'invocation  du  martyr  d'Autun. 
Ce  fut  le  point  de  départ  de  la  dévotion  de 
S.  Symphorien  si  commune  dans  toute  la 
vallée  de  la  Loire  qu'on  la  rencontre  même 
au-dessous  de  Nantes,  à  Couëron.  Cette 
propagation  fut  rapide,  car  on  constate  que 
le  plus  vieux  cimetière  de  Nantes,  celui 
qui  contenait  le  plus  de  sarcophages  méro- 
vingiens, était  sous  l'invocation  spéciale  de 
saint  Symphorien  (').  Un  saint  d'une  re- 
nommée aussi  étendue  ne  pouvait  pas  être 
indifférent  à  ses  compatriotes. 

On  ignore  quel  est  le  personnage  pieux 
qui  augmenta  la  fondation  d'Euphrône  en 
établissant  une  communauté  religieuse  char- 
gée des  offices  religieux;  on  sait  seulement 
que,  dans  le  cours  du  VII^  siècle,  un  ecclé- 
siastique, du  nom  d'Hermengarius,  s'intitu- 
lait abbé  de  St-Symphorien,  ce  qui  nous 
autorise  à  déclarer  que  les  reliques  du  mar- 
tyr d'Autun  étaient  gardées,  comme  celles 
de  tous  les  martyrs,  par  une  communauté 
régulière  (').  Cet  établissement  ne  fut  pas 
anéanti  par  les  Sarrasins,  puisqu'en  865 
Adalhard  unissait  le  titre  d'abbé  de  St-Sym- 
phorien à  celui  de  comte  d'Autun  (').  .Au 
Xlll«=  siècle,  l'église  est  appelée  basilique 
dans  le  martyrologe  éduen,  il  est  probable 
que  l'établissement  est  tombé  peu  après  au 
rang  de  prieuré,  c'est  le  titre  qu'il  portait  en 
1793  au  moment  où  il  fut  détruit  (^). 

Sur  le  tombeau  et  sur  le  concours  de  pè- 
lerins qu'il  attirait,  les  auteurs,  pourtant  très 
nombreux  qui   ont  écrit  sur  les  antiquités 

1.  La  chapelle,   petite  et  rectangulaire,  était  bâtie  en 
petit  appaieil  sans  chaîne  de  briques. 

2.  Aitonymus  Etiucnsis,  cap.  i. 

3.  Recueil  des  historiens  de  Fronce,  t.  \'  1 1 1. 

4.  Oinet,  S.  Symphorien  ei  son  culte,  Autun,  Dejussieu, 
1861.  In-S". 


îLe0  monument0  cl)réttens  D':2lutun. 


281 


d'Autun,  gardent  le  silence  ;  Grégoire  de 
Tours  lui-même,  qui  a  visité  cette  ville,  a 
manqué  cette  fois  à  sa  mission  pour  courir 
après  le  merveilleux  et  prêter  l'oreille  aux 
récits  des  amateurs  de  prodiges.  Il  nous 
parle  de  Rhétice,  l'évêque  marié  qui  vécut 
avec  son  épouse  comme  avec  une  sœur  ;  il 
nous  raconte  que  celle-ci  ayant  été  inhumée 
la  première,  dans  un  vaste  sarcophage,  se 
réveilla  comme  d'un  long  sommeil  quand 
on  souleva  le  couvercle  et  tendit  les  bras 
à  l'évêque  défunt  qu'on  apportait  près 
d'elle  (').  Il  nous  rapporte  encore  qu'il  a  vu 
le  tombeau  de  l'évêque  Cassien  dont  la 
sainteté  attirait  de  nombreux  malades  qui 
cherchaient  leur  guérison  en  composant  des 
breuvages  avec  la  poussière  grattée  sur  son 
sarcophage. 

Il  se  promena  dans  le  vaste  cimetière 
environnant  et  entra  dans  la  basilique  de 
Saint-Étienne  qui  passait  pour  le  rendez- 
vous  de  toutes  les  âmes  des  béatifiés  dont 
les  cendres  remplissaient,  croyait  on,  d'in- 
nombrables sépulcres;  son  guide  lui  raconta 
que  ces  nouveaux  Champs  Élysées  retentis- 
saient souvent  de  mystérieuses  psalmodies, 
que  des  apparitions  se  produisaient  et  qu'en 
s'approchant  de  Saint-Étienne,on  entendait 
des  choeurs  de  voix  célébrant  les  vigiles, 
on  apercevait  des  lumières  ou  des  clartés. 
Des  indiscrets  pénétrèrent  dans  l'intérieur 
et  furent  doucement  charmés  par  les  chants 
qu'ils  entendirent,  mais  une  voix  pleine  de 
menaces  leur  reprocha  leur  curiosité  ('). 

Voilà  les  récits  que  le  naïf  historien  ai- 
mait à  recueillir,  voilà  ce  qui  lui  fit  oublier 
sa  visite  au  tombeau  de  S.  Symphorien. 
Et  pourtant  l'invocation  de  saint  Etienne, 
premier  martyr,  aurait  dû  lui  rappeler  la 
présence  du  premier  martyr  d'Autun,  car 
cette  fondation    pieuse  n'avait  pas   d'autre 

I.  De gloria  confessorum,  cap.  LXXVI. 
■i.Ibid.,  cap.  LXXIII. 


raison  que  celle  d'accompagner  la  sépulture 
de  saint  Symphorien.  Partout  où  des  mar- 
tyrs ont  versé  leur  sang  et  ont  mérité 
l'érection  d'une  basilique,  on  est  sûr  de  ren- 
contrer à  proximité  une  seconde  basilique, 
élevée  à  la  mémoire  du  proto-martyr  pour 
faire  cortège  à  la  première;  c'est  une  parti- 
cularité qui,  dans  les  cas  douteux,  peut  ser- 
vir à  déterminer  les  qualités  d'un  apôtre 
quand  on  veut  savoir  s'il  a  été  tout  ensem- 
ble confesseur  et  martyr.  L'invention  des 
reliques  de  saint  Etienne  est  de  l'époque 
du  règne  d'Honorius  (395-423)  (')  ;  elles 
ont  été  distribuées  en  abondance  et  recher- 
chées dans  une  foule  d'églises  qui  gardent 
encore  aujourd'hui  son  patronage. 

Saint  Pierre,  le  chef  des  Apôtres,  a  joui 
aussi  d'une  grande  vogue  ;  cependant  il 
n'est  venu  qu'après  saint  Etienne.  Au  reste, 
on  sait  que  son  culte  s'est  répandu  seule- 
ment après  la  découverte  des  chaînes  qu'il 
avait  portées  dans  sa  prison, or  cette  décou- 
verte n'est  pas  antérieure  au  V^  siècle  (°). 
Ces  chaînes  furent  coupées  à  la  lime  et  ré- 
pandues dans  tout  l'univers. 

Quelques  débris  vinrent  à  Autun,  sans 
doute,  sous  l'épiscopat  d'Euphrône  qui  déjà 
possédait  des  reliques  de  saint  Etienne,  et, 
muni  de  ces  précieux  témoignages,  il  eut  la 
joie  de  décorer  la  chrétienté  d'Autun  de 
deux  nouvelles  basiliques  qui  faisaient  cor- 
tège au  martyr  de  la  ville.  Nous  ne  sommes 
pas  dans  le  champ  des  hypothèses,  nous 
marchons  sur  le  terrain  solide  (^).  Dans 
tous  les  diocèses,  les  fondations  primitives 

1.  C'est  un  des  événements  les  plus  célèbres  du  V"  siè- 
cle, dit  Lenain  de  Tillemont.  {Mémoires ecclés.,  II,  12.) 

2.  Art.  de  M.  de  Rossi  sur  le  cinietûre  des  Aliscainps 
(T Arles,  traduit  par  M.  L.  Palustre.  (Bull,  mon.,  5'  série, 
t   m,  p.  170.) 

3.  On  a  des  raisons  de  croire  que  la  basilique  de  Ste- 
Croix, détruite  en  843,  était  aussi  dans  ce  quartier.On  cite 
encore  Saint- Pantaléon  dans  le  voisinage  de  Saint-Sym- 
phorien,  St-Vincent,St-Simon  et  St-Jude(depuisSt-Roch), 
St-André,rabbaye  de  Saint-Martin, le  tout  dispersé  sur  un 
espace  de  1200  mètres. 


282 


IRebue  ïie  ravt  cl^vctien. 


se  sont  accomplies  dans  les  mêmes  condi- 
tions, par  groupes:  on  aurait  cru  faire  injure 
à  un  saint  personnage,  si  on  avait  laissé  son 
tombeau  isolé  au  milieu  d'une  nécropole. 
Au  Ve  siècle,  l'Église  jouissait  d'une  liberté 
complète, rien  n'empêchait  l'évêque  d'ériger 
ses  basiliques  dans  l'intérieur  de  la  ville, 
tnh'a  mta'os,  et,  cependant,  nous  le  voyons 
préférer  la  banlieue  déserte,  le  quartier  con- 
sacré aux  sépultures,  parce  motif  qu'il  vou- 
lait honorer  la  mémoire  du  premier  martyr 
d'Autun  et  toutes  les  autres  sépultures 
chrétiennes  qui  se  pressaient  autour  de  son 
tombeau. 

Le  champ  désigné  pour  les  inhumations 
sous  l'administration  romaine  se  trouvait 
au  Nord-Est  de  la  ville,  à  1200  m.  de  l'en- 
ceinte, le  long  de  la  voie  d'Autun  à  Be- 
sançon.Celui-ci  paraît  avoir  été  la  principale 
nécropole,  bien  qu'on  ait  constaté  la  pré- 
sence d'une  autre  au  Sud-Est,  dans  un 
endroit  nommé  le  Champ  des  Urnes,  où  les 
inhumations  païennes  et  chrétiennes  furent 
pratiquées  du  V"  au  VIII'  siècle  (').  Dans 
tous  les  cas,  c'est  au  cimetière  de  Saint-  Pierre 
de  r^.yi'rïVr  ou  de  Saint- Etienne  qu'il  faut 
chercher  et  étudier  les  monuments  funé- 
raires les  plus  nombreux  et  les  plus  impor- 
tants du  Paganisme  et  du  Christianisme;  son 
surnom  de  l'Estrierlui  vient  du  voisinage 
de  la  voie  romaine  qui  le  traversait  sous  le 
nom  de  via  strata. 

Il  se  composait  de  la  réunion  de  trois 
cimetières  :  l'un  d'eux,  situé  au  lieu  dit 
actuellement  les  Dreyneaux,  est  appelé 
dans  les    chartes    la    terre   des  Endormis. 


I.  M.  H.  de  Fontenay,  qui  a  minutieusement  relevé 
tous  les  résultats  des  fouilles  faites  dans  les  sépultures 
païennes  et  chrétiennes  et  noté  toutes  les  inscriptions 
découvertes,  signale  encore  trois  autres  polyandres  à 
Boisjean,  au  Temple  de  Pluton  et  aux  champs  St-Roch. 
Au/un  et  SCS  Afonuiiienls,  pa.r  H.  de  Fontenay  avec  un 
précis  historique  par  Anat.  de  Charmasse.  Autun,  1889, 
I  vol.  in-i2  pp.  233-286. 


Outre  les  basiliques  de  Saint-Pierre  et  de 
Saint- Etienne  qui  en  décoraient  les  extré- 
mités, il  renfermait  plusieurs  oratoires  qui 
recouvraient  les  tombeaux  de  Rhétice,  de 
Pragmace,  de  S.  Evoant,  de  S.  Cassien. 
Plus  tard,  au  VI'  ou  au  VII'  siècle,  sur- 
girent sur  le  même  emplacement  des 
abbayes  qui  prirent  le  nom  des  SS.  Pierre, 
Etienne  et  Symphorien  et  où  retentirent 
les  louanges  de  Dieu  pendant  de  longs 
siècles.  Les  fondations  servirent  en  même 
temps  à  recueillir  les  débris  des  construc- 
tions secondaires  qui  tombèrent  dans  l'aban- 
don faute  de  ressources  ou  à  suppléer  les 
titulaires  négligents.  On  portait  surtout  à 
l'abbaye  et  à  la  basilique  de  Saint-Pierre 
les  sarcophages  dont  la  conservation  était 
compromise.  C'est  ainsi  que  dom  Ruinart 
vit  le  tombeau  de  Rhétice  logé  dans  une 
petite  arcade  qu'on  avait  pratiquée  dans  le 
mur  de  cette  église.  Comme  la  basilique  de 
St-Symphorien  était  très  étroite,  on  avait 
aussi  contracté  l'habitude  d'y  porter  les 
sarcophages  des  évêques  d'Autun  pendant 
les  siècles  antérieurs  au  Ville.  Malgré  les 
dévastations  commises  à  toutes  les  époques, 
le  polyandre  de  St-Pierre  était  encore  cou- 
vert de  monuments  au  XVl^  siècle  (').  On  y 
voyait, dit  Chasseneuz,  d'innombrables  tom- 
beaux en  pierre  d'une  élégante  structure. 
Munier,  qui  vivait  5  ans  plus  tard,  y  cons- 
tatait la  présence  de  quantités  de  tombeaux 
et  de  monuments  et  plusieurs  petites  cha- 
pelles, les  unes  à  demi  ruinées,  les  autres 
totalement.  Au  XVIII''  siècle,  le  peuple 
désignait  sous  le  nom  de  tombeau  de  S. 
Amator  un  oratoire  construit  en  belles 
pierres  de  taille  (').  De  l'église  St-Etienne 
il  ne  restait  alors  que  la  façade  à  laquelle 
on  attribuait  une  haute  antiquité  ;  elle  dé- 

1.  Catalogus  gloria  mundi.  Lyon,  1529.  Inf».  69  col. 

2.  Nouvelles  ecclésiastiques.  1775,  ?■  '65. 


îLes  monument©  cl)rétien0  îi'autun. 


283 


pendait  d'un  prieuré  dont  le  titulaire  ne  se 
souciait  guère  d'entretenir  les  souvenirs 
que  rappelait  cette  fondation,  bien  qu'il  fût 
grand-vicaire  du  diocèse  ;  il  préférait  tirer 
bon  parti  des  terrains  des  alentours  en  les 
affermant  à  un  cultivateur.  Sa  profanation 
souleva  pourtant  parmi  les  lettrés  quelques 
protestations  dont  nous  trouvons  l'écho 
dans  un  journal  du  temps,  les  Nouvelles 
ecclésiastiquesàfi  1 775.Enretournantla  terre, 
on  amena  au  jour  des  «urnes  romaines  et 
gauloises  chargées  d'inscriptions»,  dit  un 
témoin.  Les  sépultures  chrétiennes,  les 
ruines  des  oratoires  et  les  débris  des  sarco- 
phages qui  auraient  pu  orner  les  galeries 
d'un  musée  furent  traités  comme  de  vul- 
gaires moellons  sans  que  personne  ait  eu  le 
temps  et  le  goût  de  décrire  ces  précieux 
restes  pour  les  historiens  futurs.  Aujour- 
d'hui, le  terrain  a  été  si  bien  nivelé  par  la 
culture  qu'il  est  difficile  de  retrouver  l'em- 
placement du  cimetière  de  l'abbayede  Saint- 
Etienne  sans  un  guide  archéologue. 

L'église  et  le  domaine  de  St-Pierre  de 
Lestrier  sont  passés  entre  les  mains  de  di- 
vers particuliers  qui  n'ont  conservé  que  la 
crypte.  I\L  de  Charmasse,  qui  a  bien  voulu 
nous  renseigner  d'après  ses  souvenirs,  af- 
firme qu'elle  est  construite  en  grand  ap- 
pareil et  qu'elle  conterait  des  sépultures  des 
premiers  évêques  d'Autun  comme  l'église 
supérieure.  C'est  tout  ce  qu'on  peut  en  dire 
dans  la  situation  présente  en  attendant 
qu'un  accès  facile  permette  d'en  faire  une 
description. 

Bien  que  de  nombreux  auteurs  aient  écrit 
sur  les  antiquités  et  les  institutions  d'Autun, 
j'ai  eu  beaucoup  de  peine  à  rencontrer  des 
renseignements  sur  la  fondation  qui  porte  le 
vocable  de  S.  Symphorien  à  Autun,  de 
même  que  sur  son  tombeau  {').  Le   fait  est 

I.  Ladone,  Augustoduni amplissitnœ civitatis anti- 


surprenant  dans  une  cité  importante  où 
les  sépultures  furent  entourées  de  monu- 
ments pompeux.  Les  auteurs  citent  un 
tombeau  de  marbre  blanc  qui  se  voyait  au 
XVII''  siècle  dans  l'église  du  prieuré  de 
St-Symphorien,  mais  ils  ne  sont  pas  d'accord 
sur  sa  destination  et  ne  proposent  que  le 
nom  de  saint  Franchet,  archevêque  de  Sens. 
Sur  le  sarcophage  du  patron  de  l'église  on 
garde  le  silence  comme  si  on  avait  perdu  sa 
trace  après  un  enfouissement  pendant  une 
époque  troublée. 

Il  est  à  présumer  que  la  multiplicité  des 
saints  personnages  qui  honorèrent  l'Eglise 
d'Autun  et  l'abondance  des  reliques  qui 
furent  apportées  là,  de  divers  côtés,  comme 
celles  de  saint  Nazaire  et  de  saint  Lazare, 
auxquelles  on  érigea  de  belles  basiliques 
dans  l'intérieur  de  la  ville  d'Autun,  éclip- 
sèrent, après  le  IX^  siècle,  la  renommée  du 
martyr  (').  Il  y  a  un  saint  surtout  dont  le 
culte  a  pu  lui  causer  quelque  préjudice,  c'est 
saint  Andoche,  dont  le  nom  a  été  donné  à 
l'une  des  portes  de  la  ville  et  à  une  abbaye 
qui  n'était  pas  éloignée  de  l'enceinte.  Ce- 
pendant son  histoire  ne  se  rattache  pas 
directement  à  Autun,  il  appartient  à  une 
autre  localité  du  diocèse  nommée  Saulieu, 
dans  l'arrondissement  de  Semur,  où  il  est 
honoré  depuis  une  antiquité  qui  peut  re- 
monter au  temps  de  saint  Symphorien  ("). 
Il  se  présente  à  nous  avec  toutes  les  appa- 
rences d'un  apôtre  envoyé  avec  une  délé- 
gation officielle  par  un  pontife  pour  évan- 
géliserune  contrée,  il  est  accompagné  d'un 
diacre  saint  Thyrse.  Le  troisième  person- 
nage,  saint   Félix,   que  les   biographes   lui 

quitates.  Autun,  1648.  In- 12.  he?i\Hé,  De  Antiquis  Bibracte 
seu  Augustoduni monwnentis  libellus.  Lugduni,  1650. 

Ph.  Chavane,  Recherches  et  mémoires  servant  à  [his- 
toire de  Vanc.  ville  et  cité d Au/un.  Dijon,  1660,  in-4''. 

1.  Dinet,  5.  Symphorien  et  son  cu'te,  Autun,  Dejussieu, 
1861,  in-S°  2  vol. 

2.  Acta  sajictorutn,  t.  VI  de  septembre. 


284 


WitWt  lie  r^rt  cl)rctten. 


adjoignent  serait  un  négociant,  qui,  après 
lui  avoir  donné  asile,  se  serait  converti  et 
aurait  partagé  son  apostolat  et  son  martyre. 
Il  ne  peut  y  avoir  d'embarras  pour  dater 
leur  arrivée  dans  le  pays  des  Éduens.  Leurs 
noms  sont  d'origine  grecque  bien  caracté- 
risée. Comme  Pothin  et  Symphorien,  ils 
appartiennent  donc  à  la  phalange  qui  vint 
d'Orient  et  remonta  la  vallée  du  Rhône  au 
11^  siècle.  Ils  ont  été  martyrisés  à  Saulieu 


Crypte  de  SaintAndoche  à  Saulieu. 

dans  l'une  de  leurs  courses  apostoliques 
comme  Bénigne  à  Dijon,  et  ils  sont  de- 
meurés là,  loin  du  chef-lieu  du  diocèse,  par 
respect  pour  les  hommages  qu'on  rendait  à 
leur  sépulture,  et  c'est  ainsi  qu'Autun  a  dû 
se  contenter  de  leurs  reliques  morcelées  ('). 
Le  monument  où  les  corps  de  saint  An- 
doche  et  de  ses  compagnons  furent  conser- 
vés pendant  900  ans  existe  toujours  à 
Saulieu  ;  il  a  une  forme  si  particulière  et  si 
archaïque  qu'il  convient  de  le  décrire  ici. 

I.  Ce  qu'on  nomme  la  prison  desaint  Andocheà  Autun 
est  une  salle  basse  dépendant  d'une  aumônerie  du  IX' 
siècle  décrite  par  M.  Bulliot  (Congrès  scienii/.  de  France, 
42°  session,  1876.  Autun,  Dejussieu,  1877,  t.  I,  p.  114). 


Il  se  compose  d'un  rectangle  allongé  for- 
mant nef,  terminé  à  l'Orient  par  un  chœur 
circulaire  de  cinq  mètres  de  diamètre,  coiffé 
d'une  coupole  (').  On  y  pénétrait  par  un 
double  escalier  pratiqué  au  Nord  et  au  Midi, 
qui  aujourd'hui  est  réduit  à  une  seule  des- 
cente au  Midi,  l'autre  étant  obstruée.  L'éclai- 
rage se  compose  uniquement  d'une  lucarne 
étroite,  percée  du  côté  de  l'Orient  ;  dans 
l'autre  partie,  il  n'y  a  pas  trace  de  fenêtre. 

En  réunissant  la  nef  et  le  chœur  on  a 
un  ensemble  de  16  mètres  de  longueur  sur 
4  mètres  de  largeur  ;  quant  à  la  hauteur,  elle 
a  été  malheureusement  réduite  lors  de  la 
reconstruction  du  chœur.  Elle  s'annonçait 
à  tous  les  visiteurs  qui  pénétraient  dans 
l'église  supérieure  par  un  surhaussement 
du  sol  auquel  on  accédait  en  montant 
huit  marches  qui  donnaient  de  la  majesté 
au  chevet,  mais  les  bons  chanoines  de  la 
collégiale  n'aimaient  pas  les  difficultés,  ils 
ont  relevé  le  dallage  de  l'église  supérieure, 
abaissé  celui  du  chœur  pour  avoir  l'unifor- 
mité, et  de  la  sorte,  la  voûte  de  la  crotine, 
abaissée  notablement,  est  de  2"\5o.  Ce  sont 
encore  les  chanoines  qui,  pour  faire  un  char- 
nier, ont  coupé  la  crypte  en  deux  et  séparé 
le  chœur  de  la  nef  par  un  mur  ;  cependant 
cette  mutilation  peu  respectueuse  ne  nous 
empêche  pas  d'entrevoir  le  plan  primitif. 

S'il  faut  en  croire  la  tradition,  trois  niches 
auraient  existé  dans  les  murs  de  la  rotonde 
pour  contenir  les  tombeaux  des  trois  mar- 
tyrs ;  il  serait  peut-être  plus  exact  de  dire 
que  le  principal  tombeau  occupait  le  milieu, 
celui  de  S.  Andoche,  et  que  les  deux  autres 
l'accompagnaient  à  droite  et  à  gauche 
comme  on  l'a  fait  dans  de  nombreuses  con- 
fessions. Aujourd'hui,  on  ne  voit  plus  traces 
d'arcosoles.  Il  est  vrai  que  bien  des  événe- 

I.  Carlet  (Joseph),  Notice  sur  l'égHse  ci' Andoche  de 
Saulieu.  Mémoires  de  la  Commission  des  Antiquités  de  la 
Côte  d'Or,  t.  V,  1 13,  1S57-1860. 


^àintmtniQnt  De  SDlfon  et  ses  crpptes.  285 


ments  ont  pu  bouleverser  ce  sanctuaire 
depuis  le  jour  où  le  pape  Calixte  II,  en 
consacrant  l'église  de  Saulieu,  le  21  décem- 
bre I  I  19,  tira  les  reliques  des  trois  martyrs 
de  la  crypte  pour  en  faire  la  translation 
solennelle  dans  l'église  supérieure  ('). 

La  maçonnerie,  grossièrement  exécutée, 
est  sans  assises  régulières,  elle  n'a  subi  de 
remaniements  que  par  la  réfection  de  la 
voûte,  au  XVI  Ile  siècle,  et  cette  partie 
seule  est  recouverte  d'un  enduit.  Un  vieux 
vestige  de  décoration  subiste  à  la  naissance 
de  la  coupole,  c'est  un  agneau  sculpté  quia 
le  corps  traversé  par  une  croix,  figuration 
tout  à  fait  archaïque  qui  démontre  que,  dans 
son  ensemble,  le  monument  est  intact,  que 
sa  date  est  antérieure  à  l'époque  mérovin- 
gienne {"). 


E'cgUse  De  SamtBcnignc  Dc  X)i)on 
et  ses  crjjptes. 

lELON    le  jugement   de   Viollet- 
ie  Duc,  les    cryptes  bâties  sous 


l'ancienne  église  de  Saint- Bé- 
nigne de  Dijon  ('),  alors  qu'elle 
était  complète,  étaient  l'un  des  plus  vastes 
monuments  souterrains  qui  eussent  été 
construits  dans  la  Chrétienté  ;  il  dit  cryptes 
au  pluriel,  parce  qu'en  réalité  l'ensemble  se 
composait  d'une  succession  de  trois  cryptes 
ajoutées  successivement  l'une  à  l'autre,  sous 
trois  édifices  de  forme  différente,  admirable 
exemple  de  l'esprit  de  conservation  qui 
animait  les  anciens  dans  leurs  travaux  et  de 
l'ingéniosité  qui  les  guidait  dans  leurs  com- 

1.  <  Corpora  martyrum  e  subterranea  spelunca  in  re- 
centiorem  locum  transtulit.  >  Abbé  Baudiau,  Le  Mon/an, 
t.  m,  p.  231. 

2.  Le  tombeau  de  saint  Andoche  a  été  reproduit  dans 
VHisl.  de  Bourgogne  de  Dom  Plancher,  dans  le  congrès 
de  \3.  Soc.  franc,  d' Archéologie  d.i  1832  et  dans  les  Anna- 
les de  la  Société  éduenne,  1862-64. 

3.  Dictionnaire  d'architecture,  verbo  crypte. 


binaisons  architecturales.  Les  démolisseurs 
delà  Révolution  de  1793  ont  jugé  que  Dijon 
avait  trop  d'églises  agglomérées  sur  un 
même  point,  que  celle-ci  notamment  tenait 
trop  de  place,  et  ils  ont  rasé  au  moins  la 
moitié  des  édifices  élevés  au-dessus  du  sol 
en  comblant  les  dessous  avec  les  décombres 
et  en  fermant  tous  les  accès. 

De  toutes  les  antiquités  accumulées  au- 
dessus  du  tombeau  de  saint  Bénigne,  il  ne 
reste  aujourd'hui  sous  nos  yeux  qu'une 
église  ogivale,  bâtie  à  la  fin  du  XI 1 1^  siècle. 
La  disparition  des  annexes  prive  la  ville  de 
Dijon  d'un  édifice  en  forme  de  rotonde  à 
plusieurs  étages  qui  constituait  un  type  de 
construction  très  rare  parmi  les  productions 
de  l'époque  romane  et  qui  servait  de  trait 
d'union  entre  l'église  ogivale  et  un  édicule 
mérovingien.  Il  nous  serait  difficile  d'appré- 
cier la  valeur  archéologique  de  cet  assem- 
blage bizarre,  mais  intéressant,  si  Mabil- 
lon  (')  n'avait  publié  le  plan  de  l'abbatiale 
de  Saint- Bénigne,  et  si  un  historien  récent 
de  haute  valeur,  M.  le  chanoine  Chomton, 
n'avait  recherché  avec  persévérance  les 
documents  qui  relatent  les  entreprises  de 
chaque  époque  et  suivi  avec  la  passion  de 
l'archéologue  éclairé  les  fouilles  tentées  à  la 
fin  du  XIX'^  siècle  pour  retrouver  les  dispo- 
sitions du  martyrium  de  Saint- Bénigne  et 
de  ses  alentours  (').  Voilà  les  deux  guides 
dont  nous  nous  servirons  pour  projeter  la 
lumière  sur  les  origines  chrétiennes  de 
Dijon. 

On  sait  que  le  siège  épiscopal  de  cette 
ville  est  récent,  il  date  seulement  du  siècle 
;  dernier  (1731);  auparavant  le  pays  de  la 
Côte  d'Or  relevait  du  siège  épiscopal  de 
Langres.  Malgré  l'éloignement  des  deux 
villes,  nous  aurons  l'occasion  de  noter  que 

1.  Annales  O.  S.  B.,  t.  IV,  libro  LU,  N°  8. 

2.  Histoire  de  l'église  de  Saint-Bénigne  de  Dijon.  Dijon, 
1900,  I  vol.  in  folio. 


286 


jRebue  De  V^xt  cbrétten. 


plusieurs  évêques  préférèrent  Dijon  à  leur 
cité  ordinaire,  et  recherchèrent  l'honneur 
de  reposer  après  leur  mort  auprès  du  mar- 
tyr Bénigne,  témoignage  qui  n'était  rendu 
qu'aux  premiers  apôtres  de  la  Foi  dans 
chaque  région  et  qui  encourage  l'opinion  de 
ceux  qui  regardent  la  mission  de  Bénigne 
comme  un  apostolat  (').  En  voyant  la  simi- 
litude de  circonstances  qui  existent  entre 
les  origines  chrétiennes  de  Dijon  et  les 
commencements  des  autres  chrétientés,  on 
ne  peut  s'empêcher  de  croire  que  Bénigne 
a  exercé  des  fonctions  analogues  à  celles  de 
saint  Ferréol  de  Besançon  vers  211. 

L'époque  de  son  martyre  est  contestée, 
elle  est  placée  par  les  uns  sous  Marc-Aurèle, 
par  les  autres  sous  Aurélien.  J'incline  pour 
le  second  siècle,  par  cette  considération  que 
la  Bourgogne  était  trop  voisine  de  Lyon 
pour  être  oubliée  par  les  disciples  de  saint 
Pothin  et  de  saint  Irénée. 

La  crypte  de  Saint- Bénigne  est  une  de 
celles  que  visita  Grégoire,  évêque  de  Lan- 
gres  au  VP  siècle  (''),  elle  était  alors  dans 
un  état  de  vétusté  tel  qu'elle  ressemblait  à 
une  ruine,  abandon  qui  mit  l'évêque  dans 
un  grand  embarras.  Le  grand  sarcophage 
qu'elle  renfermait  n'avait  pas  d'inscription, 
puisque  l'évêque  dans  sa  première  impres- 
sion le  prenait  pour  le  tombeau  de  quelque 
païen  {^)  ;  il  est  à  présumer  que  la  liturgie 
était  également  muette  à  son  égard  dans 
l'église  de  Dijon,  autrement  on  ne  compren- 
drait pas  ces  hésitations  de  Grégoire.  Il  ne 
fallut  rien  moins  qu'une  apparition  et  le 
spectacle  de  pk  sieurs  miracles  pour  le  con- 

I.  Ce  n'est  pas  un  martyr  isolé  comme  S.  ValérienetS. 
Marcel.  Be'nigne  avait  deux  acolytes  (comme  saint  Denis) 
que  nous  nommerons  plus  loin. 

z.  <,<  De  qua  ille  visione  concussus  beatum  sepulchrum 
adit...  Et  quia  crypta  illa,  quae  ab  antiquis  inibi  transvo- 
luta  fuerat,  diruta  crat.  >  De gloria  marlyrum.  L.   I. 

3.  «i  Et  quia  in  magno  sarcophago  post  martyriuni  con- 
ditus  fuit.  >  {Ibidem.) 


vaincre  qu'il  était  en  présence  de  la  sépul- 
ture du  premier  apôtre  du  diocèse.  On  ne 
peut  accorder  aucune  confiance  aux  vies 
qui  nous  ont  été  transmises  sous  le  nom  de 
saint  Bénigne  de  Dijon  (');  on  doit  s'en  tenir 
à  ce  que  rapporte  Grégoire  de  Tours  au 
chapitre  Ll  de  son  livre  rédigé  à  la  Gloire 
des  Martyrs.  Cet  auteur  en  fait  un  mar 
tyr  qui  fut  immolé  dans  le  castrum  de  Dijon 
sans  nous  éclairer  sur  le  siècle  où  il  vivait. 

L'époque  à  laquelle  arriva  cet  événement 
est  livrée  aux  conjectures,  comme  le  nom  du 
personnage  qui  prit  soin  de  recouvrir  sa 
sépulture  d'une  façon  honorable.  Le  fait  le 
plus  certain,  c'est  la  grandeur  et  le  poids  du 
sarcophage  qu'on  avait  employé  pour  con- 
server les  restes  de  saint  Bénigne,  car 
Grégoire  de  Tours  revient  sur  ce  sujet  une 
seconde  fois  pour  nous  dire  que  trois  paires 
de  bœufs  pouvaient  à  peine  le  traîner.  Un 
vaste  cimetière  s'étendait  hors  de  l'enceinte 
fortifiée  de  Dijon,  au  delà  du  lit  naturel  du 
Suzon  :  c'est  là  que  fut  établi  son  monu- 
ment funéraire. 

Lorsque  l'évêque  de  Langres,  Grégoire, 
élu  en  506  ('),  fit  une  enquête  sur  la  réalité 
des  prodiges  qu'on  racontait  à  propos  de 
saint  Bénigne  ;  il  constata  que  les  paysans 
entouraient  sa  tombe  avec  empressement 
et  s'en  retournaient  satisfaits  des  grâces 
qu'ils  avaient  obtenues.  Il  y  avait  pourtant 
dans  ce  cimetière  d'autres  oratoires  :  la 
basilique  de  Saint-Jean  où  reposait  l'évêque 
saint  Urbain,  mort  depuis  50  ans,  et  une 
autre  basilique  où  l'on  gardait  les  reliques 
de  sainte  Paschasie  ;  néanmoins,  la  crypte 
de  Saint  Bénigne  était  la  plus  visitée. 

Il  y  avait  aussi  un  oratoire  élevé  en 
l'honneur  de  la  Mère  de  Dieu  d'une  date 
incertaine  dont   les    dispositions    méritent 

1.  Acta  S<i>i</oruiii,  l"  Novembre. 

2.  S.  Grégoire  a  occupé   le  siège  de  Langies  de  506  à 
539  environ. 


^aintTBéniQnt  îJt  SDtjon  et  ses  erpptes. 


287 


d'être  signalées  parce  qu'elles  ont  une 
ressemblance  frappante  avec  les  hypogées 
gallo-romains  surmontés  d'un  édicule  ('). 
Les  témoins  qui  ont  découvert  ses  sub- 
structions  comme  ceux  qui  l'ont  vu  debout, 
le  représentent  comme  un  bâtiment  carré, 
élevé  par- dessus  une  crypte  (^)  ;  c'est  celui 
qui  fut  réuni  à  la  basilique  au  IX^  siècle. 

Après  quelques  hésitations  causées  par 
l'aspect  grossier  sans  doute  du  sarcophage, 
l'évêque  de  Langres  se  décida  à  relever  les 
murs  et  la  voûte  de  la  crypte  dans  le  pre- 
mier quart  du  Vl"  siècle.  La  littérature  du 
temps  voulait  que  le  Saint  réclamât  lui- même 


cette  faveur  dans  une  apparition,  et  c'est  ce 
qui  arriva  en  effet.  «  Hâtez-vous,  dit  le 
Saint,  d'élever  un  oratoire  sur  mon  tom- 
beau ».  Grégoire  de  Tours  qui  rapporte  ces 
détails,  dit  formellement  que  la  première 
crypte  était  voûtée  et  que  la  seconde  fut 
exécutée  avec  élégance  ('),  ce  qui  ne  nous 
surprend  pas  depuis  que  nous  avons  vu  les 
dessins  de  certains  chapiteaux  réemployés 
dans  le  monument  du  XI^  siècle  (^),  chapi- 
teaux dont  les  feuilles  d'acanthes  sontencore 
de  l'art  antique,  bien  qu'elles  aient  été  alté- 
rées par  la  main  des  mérovingiens.  Il  n'en 
faut  pas  davantage  pour  inférer  que  l'archi- 


CrypLe    de    S' Bénigne    de    Dyon 


tecte  avait  employé  des  pilastres  et  des 
colonnes  pour  supporter  les  arêtes  des  voû- 
tes. Le  dallage  se  composait  de  plaques  de 
marbre  multicolore  dont  les  derniers  vesti- 
ges ont  été  aperçus  en  1858,  observation 
qui  a  déjà  été  faite  dans  la  crypte  deSaint- 
I  renée  de  Lyon  (^).  Afin  de  couronner  son 


1.  Les  restes  de  mosaïque  qu'on  a  découverts  dans  le 
dallage  sont  une  preuve  que  l'e'difice  est  au  moins  méro- 
vingien. (Chomton,  p.  77.) 

2.  Voir  les  plans  publiés  par  Dom  Mabillon  et  M.  le 
ch.  Chomton.  Voir  aussi  les  vues  données  par  le  baron 
Taylor,  \  'oyages  pittoresques  et  romantiques  dans  l'an- 
cienne France.  Bourgogne,  t.  II. 

3.  Sidoine  Apollinaire  et  Grégoire  de  Tours  citent  des 


œuvre  l'évêque  ajouta  par-dessus,  vers  533, 
une  grande  basilique  (3). 

Le  sarcophage  de  saint  Bénigne  n'était 
pas  décoré  de  figures,  le  grain  de  sa  pierre 

évêques  qui  employaient  des  marbres,  des  colonnes  et 
des  mosaïques  au  V  et  au  VI°  siècle. 

Historia  Francorum,  libro  V,  cap.  96.  —  Epistolarum, 
libro  II,  cap.  10. 

1.  «  Et  quia  crypta  illa  quae  ab  antiquis  inibi  transvo- 
luta  fuerat,  diruta  erat,  rursum  eam  beatus  pontifexreae- 
dificavit  eleganti  transvolvens  opère  >.  Historia  Franco- 
rum,  libro  II,  cf.  De  Gloria  tnartyrum,  L.  I. —  Vitae  Pa- 
trum  cap.  X,  i . 

2.  Voir  la  planche  ci-jointe  empruntée  à  l'ouvrage  de 
M.  Chomton. 

3.  «  Nec  moratus,  super  cryptam  illam,  basilicam 
magnam  jussit  aedificari  >.  {Historia  Francor.,  ibidem.) 


288 


Bebue  De  T^vt  t\)xttitn. 


était  si  tendre  que  les  pèlerins  le  grattaient 
pouren emporter  la  poussière.  Raoul  Glaber, 
quile  vit  au  X^  siècle.confirme  la  description 
de  Grégoire  en  lui  appliquant  l'épithète  de 
pergrandis  arca.  Il  occupait  le  centre  et, 
suivant  l'habitude,  il  était  flanqué  de  deux 
compagnons  que  l'Histoire  appelle  saint 
Eustade  et  saint  Tranquille.  La  mousse  qui 
poussait  sur  le  sarcophage  de  ce  dernier 
avait,  contre  certaines  maladies,  notamment 
contre  les  pustules,  une  vertu  dont  Grégoire 
de  Tours  fit  l'épreuve  avec  succès  (').  Tous 
ces  détails  révèlent  donc   une  crypte  très 


fréquentée  où  les  tombeaux  n'étaient  pas 
protégés  par  les  barrières  qui  paraissent 
avoir  existé  dans  les  temps  postérieurs. 
M.  l'abbé  Chomton,  qui  a  étudié  de  près 
les  substructions  de  l'abbatiale,  présume  que 
la  crypte  martyrium  devait  être  carrée  (') 
comme,  par  exemple,  celle  de  saint  Véné- 
rand  à  Clermont,  il  n'explique  pas  le  texte 
de  X Histoire  des  Francs,  eleganli  opère  ; 
nous  sommes  obligé  de  rechercher  un  autre 
terme  de  comparaison  tel  que  la  crypte  de 
Saint  Seurin  de  Bordeaux. 

J'inclinerais  plutôt  à  croire  que  devant  les 


fffle/ft    *  OWJ"  fit  mm 


Cryptes  de  Saint-Bénigne  de  Dijon. 


trois  tombeaux  orientés  et  logés  dans  ses 
niches  il  y  avait  une  sorte  de  vestibule  cou- 
vert de  voûtes  d'arêtes  retombant  sur  des 
colonnes.  Les  œuvres  du  V  K"  siècle  sont 
moins  sévères  que  celles  des  temps  précé- 
dents. Avec  un  simple  caveau,  il  semble 
difficile  de  faire  une  œuvre  élégante  comme 
celle  dont  parle  l'historien.  Dans  tous  les 
cas,  l'espace  n'y  manquait  pas,  puisqu'on 
trouva  le  moyen  d'y  placer,  à  la  fin  du  V I  II  "^ 
siècle,  le   sarcophage   de  saint  Jacques  (^), 

1.  De  gloria  confessorum,  cap.  XLIV. 

2.  «  Jacob  Christi  pontifex  mortem  subiens  requiescit 
in  crypta  .S.  Benigni  martyris  ecclesie  Divionensis  habens 
ad  caput  allare  in  honnie  S.  Mansueti  confessoris  î>  (fiesta 
episc.  Ttillensium,  ap.  Mon.  Gcrm.  liist.,  VIII,  637. 


évêque  deToul.qui  mourut  à  Dijon,  en  reve- 
nant de  Rome  et  d'ériger  contre  la  tête  ad 
caput  un  autel  en  l'honneur  de  saint  Man- 
suet  ;  c'est  pourquoi  il  me  paraît  superflu  de 
supposer  avec  M.  l'abbé  Chomton  que  la 
crypte  subit  des  agrandissements  dans  le 
même  temps  pour  expliquer  comment  elle 
fut  capable  de  recevoir  les  sépultures  insi- 
gnes qui  se  trouvaient  dispersées  dans  le 
cimetière  voisin.  On  a  des  exemples  de 
cryptes  bâties  sur  un  plan  spacieux,  à  l'épo- 
que mérovingienne,  témoins  celles  de 
Jouarre,  de  Saint-Seurin,  de  Trêves  et  de 
Saint-Léger,  dans  les  Deux-Sèvres. 

I. Cette  hypothèse  s'applique  àla  première  construction 
antérieure  au  VI'=  siècle  ou  bien  à  la  forme  du  ciboriuni. 


Les  seuls  travaux  certains  sont  les  res- 
taurations entreprises,  vers  870,  par  levêque 
Isaac  ;  elles  paraissent  avoir  été  le  point  de 
déparc  d'un  agrandissement  considérable 
qui  fut  sans  doute  décidé  en  vue  de  répon- 
dre aux  désirs  de  beaucoup  de  personnages 
qui  manifestaient  l'intention  de  reposer 
près  de  la  tombe  du  martyr  Bénigne.  On 
sait  en  effet  que  plusieurs  évêques,  Isaac, 
Argrimus,  Garnier,  demandèrent,  sans  par- 
ler de  divers  bienfaiteurs  laïques,  une  place 
dans  le  prolongement  de  la  crypte.  Au  lieu 
d'agrandir  l'étage  inférieur  dans  le  sens  de 
l'Ouest,  l'évêque  Isaac,  auquel  il  faut  sans 
doute  attribuer  les  absidioles  ajoutées  à 
gauche  et  à  droite,  décida  que  le  chevet 
serait  prolongé  vers  l'Orient  afin  de  ratta- 
cher à  Saint-Bénigne  l'édicule  dédié  à  la 
Mère  de  Dieu  qui  se  trouvait  dans  cette 
direction,  à  25  mètres  de  là,  à  peu  près  sur 
la  même  ligne  que  l'axe  du  bâtiment  princi- 
pal, et  qui  inspirait  une  grande  vénération 
à  raison  de  son  antiquité. 

Ce  plan  ne  fut  pas  conforme  au  goût  de 
l'abbé  Guillaume  qui  le  modifia  complète- 
ment au  commencement  du  Xl*^  siècle.  A 
la  place  des  travées  qui  servaient  de  trait 
d'union  avec  Sainte-Marie,  il  édifia  une 
rotonde  à  plusieurs  étages,  puis  il  remplaça 
toute  l'ancienne  basilique  par  une  nouvelle 
église  à  cinq  nefs  dont  les  bas-côtés  étaient 
couverts.  Les  agrandissements  commen- 
cés en  looi  furent  inaugurés  en  1016. 

Suivant  la  description  de  la  Chronique 
de  Sai7tt- Bénigne  qui  nous  a  conservé  l'as- 
pect des  lieux,  le  visiteur  qui  entrait  par  la 
grande  porte  de  l'Ouest  rencontrait  bientôt 
près  d'un  autel  érigé  à  la  Sainte  Croix  et  à 
Tous  les  Saints,  au  milieu  de  la  grande  nef, 
trois  entrées  qui  le  conduisaient  dans  le  sous- 
sol  du  XI"  siècle,  au  moyen  de  quinze  mar- 
ches (■).  Là,  il   pouvait  se   promener   sous 

I.  <  Ante  hoc  altare  triplex  constat  introitus  cryptae  et 


une  forêt  de  colonnes  (il  y  en  avait  104) 
assemblées  par  douzaine  et  sur  quatre  rangs, 
jusqu'à  l'extrême  chevet.  Cet  étage  infé- 
rieur, y  compris  celui  de  la  rotonde,  n'avait 
pas  moins  de  60  mètres  de  longueur  et 
renfermait  cinq  autels. 

Voyons  maintenant  ce  que  devint  la  con- 
fession du  martyr  à  travers  tous  ces  boule- 
versements. Nous  pouvons  être  certains 
que  son  emplacement  fut  respecté  à  Dijon 
comme  ailleurs  et  qu'elle  fixa  toujours  l'axe 
principal  de  l'église. 

Les  recherches  qui  furent  faites  pour 
remettre  en  honneur  le  culte  de  S.  Béni- 
gne un  moment  étouffé  révèlent  les  mesu- 
res prises  pendant  les  troubles  causés  par 
les  invasions  des  Normands  et  des  Hon- 
grois. On  sait  que  le  corps  fut  porté  d'abord 
à  Langres  pour  quelque  temps,  vers  898, 
puis  après  son  retour,  il  fut  transféré, en  923- 
931,  dans  l'église  de  Saint- Vincent,  bâtie 
dans  l'enceinte  fortifiée  de  Dijon,  puis  rap- 
porté en  940  dans  l'abbaye  de  Saint- Béni- 
gne hors  les  murs,  où,  par  prudence,  il  fut 
enfoui,  comme  saint  Germain  d'Auxerre 
dans  une  fosse  par-dessus  laquelle  on  bâtit 
une  petite  voûte  en  forme  de  caveau  ; 
les  colonnes  furent  renversées  et  le  tout 
fut  recouvert  de  terre  pour  tromper 
les  chercheurs  (').  C'est  ainsi  que  les  choses 
se  sont  passées  dans  beaucoup  d'églises, 
notamment  à  Trêves  et  à  Sainte- Rade- 
gonde  de  Poitiers;  c'est  pourquoi  l'abbé 
Guillaume  eut  quelque  peine  à  retrouver 
les  reliques.  L'invention  fut  laborieuse  sur- 
tout parce  que  la  porte  de  la  crypte  était 
masquée,  et  que  les  religieux  témoins  des 
travaux  n'étaient  plus    là  pour  la  guider. 

in  quindecimgradibus  ascenditur  ab  ipsa  ad  superiorem 

ecclesiam  >  (Chomton,  note  p.  98.) 

I.  Je  suis  tenté  de  faire  remonter  au  X'=  siècle  la  fosse 
que  M.  Chomton  attribue  à  l'abbé  Guillaume.  Alors,  elle 
avait  sa  raison  d'être  pour  servir  de  cachette,  tandis  que 
plus  tard,  elle  ne  se  comprend  pas. 


290 


3Rebue  tir  V^xt  chrétien. 


La  disposition  des  lieux,  nous  dit  R.  Gla- 
ber,  un  contemporain,  était  masquée  par 
des  ruines  et  des  décombres  ;  de  plus,  le 
lieu  de  la  sépulture  était  creusé  profondé- 
ment devant  C  autel  principal  à\x  monastère. 
Cette  expression  ne  peut  désigner  que  l'au- 
tel majeur  élevé  dans  l'église  supérieure  et 
non  celui  du  dessous,  comme  le  suppose 
peut-être  à  tort  M.  Chomton,  car  il  y  a  dans 
son  interprétation  plusieurs  invraisemblan- 
ces. D'abord  il  n'y  a  pas  d'exemples  de  tom- 
beaux placés  devant  l'autel  de  la  crypte, 
c'est  au  contraire  l'autel  qui  est  à  la  tête  du 
tombeau,  c'est  le  cas  de  Saint-Germain 
d'Auxerre,  de  SaintValérien  de  Trêves  et 
d'une  foule  d'autres.  Ensuite,  si  la  fouille 
avait  été  pratiquée  immédiatement  dans 
la  crypte,  un  ecclésiastique  au  courant  des 
usages  liturgiques  n'aurait  pas  hésité  sur 
l'endroit  à  sonder,  tandis  qu'à  l'étage  su- 
périeur l'ouverture  pouvait  être  dissimulée 
par  un  dallage  ou  une  maçonnerie  habile- 
ment façonnés.  Glaber  parle  encore  de 
p7'ofottdeurs,  or  la  fosse  où  gisent  les  débris 
du  sarcophage  n'a  jamais  eu  plus  de  quatre 
ou  cinq  marches,  tandis  que  l'escalier  à 
trouver  pour  descendre  en  avait  quinze  ('). 
Si  on  adoptait  la  traduction  de  M.  Chom- 
ton, il  en  résulterait  tout  un  bouleverse- 
ment pour  la  physionomie  de  la  crypte 
mérovingienne,  puisqu'il  met  l'autel  là  où 
les  rites  habituels  placent  le  tombeau.Ouand 
on  a  peu  d'espace,  il  est  plus  naturel  de 
repousser  le  sarcophage  contre  le  fond  du 
chevet  et  d'appliquer  l'autel  à  l'extrémité 
ouest;respace  libre  est  beaucoup  plus  grand 
dans  ce  cas  que  dans  la  position  inverse,où 
il  y  a  nécessité  de   laisser  un  espace  libre 

I.  <  Cujus  namque  positionem  loci  antiqua  vetustas 
occuluit.  Nam  coram  pr;Ecipuo  illius  monasterii  altari 
profundius  habebatur  defossum  memoratum  sepulcrum, 
quod  continiio  requirens  invenit  >.  Raoul  Glaber,  Vita 
GuilUlini.  On  sait  que  le  mot  sepulcruiii  désigne  aussi 
bien  la  grotte  funéraire  que  le  tombeau  lui-même. 


entre  le  tombeau  et  l'autel  pour  le  service 
religieux.  C'est  pourquoi  cette  dernière  dis- 
position n'a  pas  été  adoptée  dans  nos 
églises. 

Ce  principe  étant  posé,  il  n'est  plus  né- 
cessaire de  conjecturer  que  l'abbé  Guillau- 
me a  modifié  le  niartyrium  le  jour  où  il  a 
transformé  le  chevet  plein  en  chevet  à  jour, 
il  a  relevé  ce  qui  était  tombé  et  les  marches 
qu'il  a  placées  à  l'extrême  chevet  ont  été 
adoptées  pour  la  commodité  de  ses  visiteurs 
qui  arrivaient  par  la  rotonde  ou  tournaient 
autour  de  la  confession  (').  Après  ces  ré- 
flexions, je  comprends  mieux  pourquoi 
dom  Plancher  a  osé  dire  que  l'abbé  Guil- 
laume s'était  contenté  de  faire  des  répara- 
tions dans  la  crypte  de  Saint- Bénigne  :  sa 
pensée  était  que  les  lignes  du  plan  primitif 
avaient  été  respectées  (''). 

L'autel  dont  a  voulu  parler  Raoul  Glaber, 
est  bien  l'autel  majeur  du  premier  étage  de 
plein  pied.  11  s'ensuit  que  la  recherche  s'est 
faite  dans  la  croix  du  transept  et  que  les 
ouvriers  ont  retrouvé  la  descente  de  l'esca- 
lier du  milieu  qui  peut-être  avait  été  fermée 
lorsque  les  escaliers  de  côté  furent  ouverts 
à  gauche  et  à  droite  {f). 

A  force  de  patience,  l'abbé  Guillaume 
parvint  à  ressaisir  le  sarcophage  et  les 
reliques  dans  le  contrebas  creusé  à  l'endroit 
même  où  il  avait  été  exposé  pendant  des 
siècles  au  grand  jour  ;  il  se  borna  à  rétablir 
la  murette  sur  laquelle  s'élevaient  autrefois 
les  colonnes  du  dôme  (^)  et  dont  les  lignes 
traçaient  une  sorte  de  cella  rectangulaire, 
puis  il  enveloppa  le  sarcophage  d'une  sorte 

1.  Le  texte  dit  que  Guillaume  avança  le  tombeau  vers 
\'Ot\tn\,  paululum  amovetis  ad  orientem^  pour  indiquer 
sans  doute  qu'il  le  rapprochait  du  nouveau  chevet.  L'an- 
cien chevet  pouvait  être  plat  et  non  circulaire. 

2.  Histoire  de  Bour^oane,  tome  I,  476-499. 

3.  Viollet-le-Duc  ne  doutait  pas  que  le  double  escalier 
ne  fût  du  VI'=  siècle  (Dictionnaire  dare/iilccture). 

4.  <  Desuper  auteni  quattuor  columnx'  marmorea; 
locat;e  erant  antiquitus  ».  (Chroit.  S.  lienigni.) 


^atnt'Béntgne  De  SDîfon  et  sts  crppte0. 


291 


de  caveau  voûté  en  cintre  et  ouvert  aux  deux 
extrémités,  à  l'insur  de  ce  qui  se  voit  encore 
à  Saint-Germain  d'Auxerre.  C'est  à  cette 
couverture  qu'il  faut  appliquer  la  désigna- 
tion (à  sépulcre  employée  par  la  chronique 
de  Saint- Bénigne.  «  Elle  est  en  forme  de 
tombe  construite  avec  des  pierres  appa- 
reillées, sa  longueur  est  de  huit  coudées  et 
sa  largeur  de  cinq(').  »  L'usage  voulait  alors 
que  le  vrai  tombeau  fût  dissimulé  et  fût 
remplacé  aux  yeux  de  la  foule  par  un  céno- 
taphe. L'abbé  Guillaume  plaça  sur  le  sépul- 
cre une  sorte  de  châsse  en  bois  de  6  cou- 
dées de  long,  de  3  coudées  de  large,  de  7 
coudées  et  demie  de  hauteur,  recouverte  de 
plaques  d'or  et  d'argent,  où  étaient  repré- 
sentés en  ciselure  les  tableaux  de  la  Nati- 
vité et  de  la  Passion  du  Sauveur.  Le  chro- 
niqueur donne  à  cette  addition  somptueuse 
le  nom  à'absida  dont  le  sens  est  ici  bien 
détourné  de  l'usage  habituel  ;  il  ajoute  que 
ce  bel  ouvrage  disparut  pendant  une  famine 
pour  convertir  sa  valeur  en  grain  et  en 
pain. 

Tout  cet  échafaudage  n'aurait  pas  pu 
s'élever  sous  les  anciennes  voûtes  (-);  c'est 
pourquoi  l'architecte,  après  avoir  ajouré  le 
fond  du  chevet  au  moyen  de  colonnes,  fut 

1.  <  Sepulcrum  vero  sancti  et  gloriosi  martyris  ita  est 
constructum  :  tumba  ex  quadris  lapidibus  asdificata  quœ 
octo  cubitos  in  longuni,  quinque  autem  tenet  in   latum  ». 

(Chronicon  S.  Renigni  Divionensis). 

2.  <  Olim  super  lapideos  arcus  quos  continebant,  absi- 
dam  ferebant  ligneam  >.  Il  faudrait  «  arcus  lapidei  qui 
continebaniur  intra  columnas  >.  Le  rédacteur  n'est  pas 
très  fort  latiniste  (Chomton,  p.  1 19). 


obligé  de  recourir  à  de  nouvelles  voûtes  en 
plein  cintre  et  à  demi-coupoles  en  se  servant 
des  anciens  supports.  Afin  de  contrôler  les 
renseignements  fournis  par  la  Chronique,  on 
a  pratiqué  des  fouilles,  en  1858,  en  deçà  et 
au  delà  du  chevet  gothique,  bâti  au  XI 11^ 
siècle,  et  on  est  arrivé  ainsi  à  se  convaincre 
que  l'auteur  s'était  fidèlement  tenu  au  cou- 
rant des  travaux  de  l'abbé  Guillaume,  et 
que  dans  les  reconstructions  successives  du 
XI^^  et  du  XII  I^  on  avait  toujours  respecté 
les  principaux  massifs  de  maçonnerie.  Après 
avoir  examiné  lessubstructions  de  la  roton- 
de et  à,\iniartyriîimy\o\\Q\.  le-Duc(')déclara 
que  ces  constructions  étaient  identiques  et 
possédaient  tous  les  caractères  barbares  du 
XI"  siècle.  Cela  ne  veut  pas  dire  que,  dans 
sa  pensée,  il  ne  restait  rien  des  édifices 
antérieurs  ;  il  croyait  à  la  superposition 
exacte  des  murs  et  des  supports  et  attribuait 
les  escaliers  latéraux  au  VI*"  siècle.  On  a 
mis  au  jour  le  fond  du  sarcophage  de  saint 
Bénigne,  des  fûts  de  colonne,  des  chapi- 
teaux, des  débris  de  carrelage  qui  nous 
permettent  de  dire  que  Dijon  possède 
encore  beaucoup  de  vestiges  de  la  confes- 
sion mérovingienne  de  son  premier  martyr 
et  aussi  des  matériaux  contemporains  de 
saint  Grégoire  de  Langres  réemployés  au 
XI'^  siècle  dans  les  supports  des  voûtes  (2). 

L.  Maître. 

1.  Dictionnaire  éarchitecttere,  verbo  crypte. 

2.  Voir  de  curieux  chapiteaux  mérovingiens  reproduits 
par  M.  Chomton,  pi.  XI  et  .\.\VII  de  son  livre. 


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(âcncralités.  -  Historique. 


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L  est,  dans  les  pays  rhé- 
nans, un  dicton  popu- 
laire : 

Le  clocher  de  Fribourg  est  le  plus 
gros,  —  Le  clocher  de  Strasbourg 
est  le  plus  haut,  —  Le  clocher  de 
Thann  est  le  plus  beau. 

Peut-être,  à  vrai  dire, 
pour  les  besoins  d'une  rime  d'ailleurs  dou- 
teuse, ce  brocard  rabaisse-t-il  un  peu  trop 
les  chefs-d'œuvre  de  Strasbourg  et  de  Fri- 
bourg en  Brisgau  ;  on  ne  saurait  méconnaître 
cependant  que  la  flèche  de  St-Thibault,  si 
hardie  et  si  légère,  est  un  des  ouvrages  les 
plus  remarquables  du  XV<=  siècle  et  que  sa 
réputation  n'est  nullement  usurpée.  Ce  mor- 
ceau d'architecture  est  trop  connu  pour  que 
nous  croyions  utile  de  le  décrire  à  nouveau  ; 
pourtant  l'église  de  Thann  se  recomman- 
de à  l'attention  des  artistes  par  bien  d'au- 
tres côtés,  notamment  par  ses  portes  mo- 
numentales. Nous  allons  les  examiner  en 
détail;  mais  on  nous  permettra  auparavant 
de  jeter  un  rapide  coup  d'œil  sur  l'histoire 
de  cet  édifice. 

Si  l'on  en  croit  la  légende,  S.  Thibault 
(ou  Ubaldus),  évêque  de  Gubbio,  en  Italie, 
étant  mort  dans  son  diocèse  en  l'an  1161, 
son  serviteur  se  mit  en  route  portant,  ca- 
chée dans  l'intérieur  de  son  bâton  de 
voyage.une  relique  de  son  maître.  Il  marcha 
longtemps,  traversa  les  Alpes,  et,  arrivé  en 
Alsace,  il  s'arrêta  un  soir,  épuisé  de  fatigue, 
dans  un  bois  de  sapins  pour  y  passer  la  nuit. 
Au  matin, après  un  sommeil  réparateur, notre 
homme  voulut  reprendre  son  chemin  ;  mais 
son  bâton  de  voyage.son  bourdon, était  com- 


me fixé  au  tronc  du  sapin  voisin,  contre  le- 
quel il  l'avait  posé  la  veille;  malgré  ses 
efforts,  il  ne  put  l'en  détacher,  et  fut  forcé 
de  comprendre  que  S.  Thibault  voulait  que 
sa  relique  demeurât  en  ce  lieu. — Or,  la 
même  nuit,  le  comte  Engelhardt,  des  fenê- 
tres de  son  château  d'Engelburg,  regar- 
dant la  nuit  noire  et  le  paysage  désert.avait 
aperçu,  entre  les  branches  du  sapin  miracu- 
leux qui  abritait  la  relique,  trois  lumières 
merveilleuses:  dès  l'aube,  il  accourt  sur  le 
lieu  du  prodige,  trouve  le  pèlerin  fort  em- 
barrassé de  la  résistance  de  son  bourdon; 
le  miracle  est  évident,  et  le  comte,  pour 
abriter  la  relique  de  S.  Thibault,  décide 
l'érection  d'une  chapelle  sur  l'emplacement 
même  du  sapin  (').  Le  nouveau  sanctuaire 
acquit  bientôt  une  telle  réputation  et  la 
foule  des  pèlerins  devint  si  grande  que, 
trente  ans  après,  on  dut  ajouter  une  église 
à  la  chapelle  primitive.  En  même  temps 
se  formait,  autour  de  ce  centre,  une  ville (-) 
qui,  en  souvenir  de  son  origine,  prit  le  nom 
de  Thann  (3),  et  mit  dans  ses  armes  un  sa- 
pin. Cette  nouvelle  église  étant  à  son  tour 
devenue  insuffisante,  on  demanda,  en  1269, 
à  Erwin  de  Steinbach,  de  dessiner  le  plan 
d'un  édifice  plus  vaste  et  plus  somptueux  ; 
les  travaux  commencèrent  en  1275,  mais 
ce  ne  fut  pas  cet  architecte  qui  les  dirigea. 
En  1307, on  construisait  le  grand  portail ;en 
1310,  les  portes  latérales;  en  1322,  la  nef 
s'achevait;  en    1344,  les  assises  de  la  tour 

1.  Ce  petit  sanctuaire  se  trouvait,  croit-on,  exactement 

sur  l'emplacement  de  la   chapelle  dédiée  à  .S.  Thibault 
dans  l'église  actuelle. 

2.  Le  nom  de  Thann  apparaît  pour  la  première  fois  en 
1244. 

3.  «Tanne»  en  allemand,  signifie  sapin. 


|aortailj5  De  VtQiiQt  ^t-Cbibault  De  Cl)ann» 


293 


étaient  posées  et  en  1351,  on  entamait  la 
construction  du  chœur.  Mais  à  partir  de 
1363,  les  travaux  furent  suspendus;  l'archi- 
tecie  Hans  Werlin  qui  les  reprit  en  1386, 
se  borna  sans  doute  à  terminer  le  chœur, 
car  une  inscription  gravée  à  la  base  du  clo- 


cher nous  apprend  que  la  première  pierre 
de  ce  prestigieux  couronnement  de  l'édifice 
fut  posée  seulement  en  1430,  et  que  l'œuvre 
fut  achevée  en  1516  par  maître  Remigius 
Walch. 

Ce  beau  monument  qui,  malgré  la  durée 


Fig.  r.  —  Eglise  Saint-Thibault,  à  Thann. 


de  sa  construction,  présente  un  rare  carac- 
tère d'unité,  a  eu  la  bonne  fortune  d'échap- 
per presque  complètement  aux  embellisse- 
ments que  les  siècles  classiques  ont  infligés 
ailleurs  à  tant  d'églises  ogivales.  Il  ne  pou- 


vait cependant  se  soustraire  aux  injures  du 
temps  et,  notamment  dans  les  portails,  qui 
nous  intéressent  spécialement,  bien  des 
sculptures  étaient  mutilées,  bien  des  fi- 
gures  avaient   disparu.   Le  gouvernement 


KRVUE  UE  l'art  chrétien 
1904.  —  4*"*^  LlVRAIc;ON. 


294 


IRebue  tie  r^vt  cbrctien. 


s'est  ému  de  cet  état  de  choses  ('  )  :  en  1886, 
M.  Winckler,  architecte  de  Bavière,  a  été 
chargé  de  la  restauration  complète  du  monu- 
ment, et  les  travaux,  continués  par  un  autre 
architecte,  sont  aujourd'hui  presque  ache- 
vés. M.  l'abbé  Jost,  ancien  curé  deThann(-), 
a  secondé  avec  beaucoup  de  zèle  et  de 
science  archéologique  celte  grande  œuvre; 
c'est  encore  à  lui  que  nous  devons  la  meil- 
leure partie  des  renseignements  groupés 
dans  notre  modeste  étude.  Qu'il  nous  per- 
mette de  lui  rendre  ici,  au  nom  de  tous  les 
amateurs  du  beau,  un  hommage  de  recon- 
naissance bien  mérité. 

PORTAIL  OCCIDENTAL. 

LE  portail  principal  de  l'église  St-Thi- 
bault  est  remarquable  à  plus  d'un  titre: 
sa  disposition  générale,  avec  ses  deux  baies 
surmontées  chacune  d'un  tympan  et  réunies, 
à  l'étage  supérieur,  sous  un  vaste  tympan 
commun, est  à  peu  près  unique;son  trumeau 
aux  statues  superposées  rappelle  celui  de 
St-Vincent  de  Berne,  avec  qui  il  présente 
certains  rapports  que  nous  avons  signalés 
ailleurs  (3)  ;  enfin,  la  foule  de  figurines 
pressée  sur  ses  tympans  et  sous  ses  vous- 
sures, se  groupent  en  des  scènes  d'une  gra- 
cieuse naïveté,  déjà  trop  rare  au  X1V<= 
siècle:  sans  doute,  l'exécution  laisse  parfois 
à  désirer,  les  personnages,  à  trop  grosse 
tête,  trapus  et  courtauds,  évoquent  çà  et 
là  l'idée  des  nains  familiers  de  nos  vieux 
contes,  et  leur  exiguïté,'leur  nombre  véri- 
tablement exagéré,  s'ils  sont  intéressants, 
amusants  pourrions-nous  dire,  pour  qui- 
conque les  examine  en  détail,  produisent  à 
distance  une  inévitable  confusion  et  ne  réa- 

1.  Depuis  douze  ans  le  gouvernement  allemand  a  con- 
sacré à  cette  restauration  plus  de  200.000  francs;  et, grâce 
à  l'initiative  de  M.  l'abbé  Jost,  d'autres  souscriptions 
importantes  ont  été  fournies  par  les  particuliers. 

2.  kéceminent  nommé  vicaire-général  de  Strasbourg. 

3.  Voir  notre  étude  sur  St-Vincent  de  Berne. 


lisent  point  l'effet  d'ensemble, seul  désirable 
au  point  de  vue  architectural,  que  détermi- 
nent avec  tant  denetteté  les  grandes  figures, 
largement  traitées  sur  les  tympans  de  nos 
portes  d'église  du  XI 11"^  siècle. 

En  ce  qui  concerne  l'iconographie,  le 
sujet  des  sculptures  de  notre  portail  est 
extrêmement  complexe  :  la  voussure  de  la 
ofrande  archivolte  nous  fait  le  récit  de  la 
Genèse  et  nous  montre  des  scènes  de  mar- 
tyre ;  puis  des  anges,  des  patriarches,  des 
rois  ancêtres  de  Marie.  Sous  cet  encadre- 
ment se  déroule,  au  tympan,  l'histoire  dé- 
taillée de  la  Vierge  :  sa  naissance,  sa  vie, 
sa  mort  et  son  couronnement  au  ciel.  — 
Par  une  disposition  peu  liturgique  et  à  peine 
explicable  sur  la  façade  d'une  église  non 
consacrée  à  Notre-Dame,  l'histoire  de 
Marie  est  ainsi  placée  au-dessus  de  celle 
du  Christ  que  nous  voyons  aux  petits  tym- 
pans inférieurs  :  ici  en  effet  nous  trouvons, 
à  droite,  la  Nativité,  à  gauche,  la  Mort  de 
Jésus,  en  d'autres  termes  :  l'Incarnation  et 
la  Rédemption.  Tout  à  l'entour,  sous  les 
voussures,  des  scènes  de  martyre.  Plus  bas, 
au  trumeau  et  aux  ébrasements,  la  Vierge- 
Mère  est  entourée  des  Saints  et  Saintes 
les  plus  populaires  en  Alsace.  Enfin,  au 
sommet  de  la  porte,  Jésus  Christ  montre 
ses  plaies  coinme  dans  un  jugement  der- 
nier. Ajoutez  encore  le  S.  Thibault  qui 
couronne  le  pignon  de  la  façade,  et  vous 
aurez  une  idée  de  la  multiplicité  et  de  la 
diversité  des  sujets  représentés. 

Toute  la  façade  est  construite  en  belle 
pierre  de  Rouffach  ;  les  sculptures  ne  pa- 
raissent présenter  aucune  trace  de  peinture, 
bien  que  certaines  parties,  comme  les  écus- 
sons  armoriés  qui  surmontent  les  deux 
baies,  semblent  appeler  l'emploi  de  la 
couleur. 

Au  cours  de  notre  analyse,  nous  noterons 
au  passage   les   détails  refaits    ou    rétablis 


î^ortails  de  l'église  ht  ^U%\)ihan\t  î3e  Cl)ann.        295 


dans  la  récente  restauration  ;  mais,  dès 
maintenant,  nous  pensons  devoir  signaler 
la  principale  modification  apportée  par  l'ar- 


chitecte moderne  à  la  disposition  antérieure; 
jusqu'à  ces  dernières  années,  et  sans  doute 
depuis  l'origine   du    monument,   de  chaque 


^  f^-- 


iki. 


xpyxi-i  ragitf^g^aâJMfe^gsg  -ggg^'è»  ''c 


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tr     >^\     .11 


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^^.i.^:- 


Fig.  2.  —  Porte  occidentale  de  l'église  Saint-Thibault, 


côté  du  Christ  qui  surmonte  le  portail, 
étaient  rangées  sur  une  ligne  horizontale  six 
grandes  statues  ou  groupes  (figurés  en  traits 


sur  notre  schéma),  représentant  la  Vierge, 
S.  Jean,  S.  Pierre,  S.  Paul,  S.  Barthélémy 
et  trois  autres  saints. 


296 


Brbuc  lie  r!a;rt  cf)rétien. 


Ces  statues  ont  été  supprimées  et  rem- 
placées par  une  galerie  à  fines  colonnettes 
surmontées  de  pinacles  aigus  et  de  cloche- 
tons aux  arêtes  ornées  de  crochets  :  type 
qui  a  été  emprunté  par  l'architecte  mo- 
derne au  dessin  d'un  vitrail  de  l'église  (le 
premier  à  gauche  du  chœur)  (')  L'ensemble 
est  gracieux,  mais  peut-être  un  peu  trop 
léger  et  grêle  par  rapport  à  la  structure 
solide  et  robuste  du  reste  de  la  façade. 

Examinons  maintenant  le  détail  des 
sculptures  en  signalant,  dès  maintenant  et 
une  fois  pour  toutes,  qu'aucune  figure  de  ce 
portail  ne  porte  de  nimbe. 

Voussure  du  tympan  principal. 

CORDON  extérieur:  N"^  i  à  16  — 
Anges  musiciens,  debout  ;  les  figures 
sont  abritées  chacune  sous  un  dais,  confor- 
mément à  l'usage,  mais  on  remarquera  un 
dais  supplémentaire  aux  deux  extrémités 
du  cordon,  sous  les  pieds  du  premier  et  du 
dernier  personnage  :  particularité  pouvant 
faire  supposer  qu'autrefois  ce  cordon  se 
prolongeait  davantage  et  ne  s'arrêtait  point 
aux  chapiteaux  des  petites  colonnes. 

Voici  le  détail  des  figures  : 

Anges  musiciens.  —  i.  Ange  tenant  un 
instrument  indistinct. 

2.  Ange  soufflant  dans  une  clarinette 
énorme. 


I.  A  notre  avis,  M.  Winckler  a  commis  là  une  lourde 
erreur  :  l'architecture  de  fantaisie  qui  orne  le  fond  des 
vitraux  a  un  principe  de  conception  et  des  moyens 
d'exécution  tout  autres  que  la  véritable  architecture.  Elle 
cherche  la  richesse  et  la  légèreté,  sans  trop  se  préoccuper 
de  la  vraisemblance  et  de  la  stabilité  de  la  construction, 
et  la  coloration  permet  de  mettre  plus  ou  moins  en  valeur 
les  diverses  parties.  —  De  même  l'architecture  pratiquée 
par  les  orfèvres  sur  les  châsses  ou  les  tabernacles  serait 
souvent  ridicule  si  on  l'appliquait  à  de  véritables  édifices. 
—  Toutes  proportions  gardées,  il  en  est  de  l'architecture 
comme  de  la  poésie  :  telles  strophes  d'un  opéra  célèbre 
qui  nous  charment  parce  qu'elles  servent  de  support  à 
une  belle  musique,  nous  païaîtraient  d'insipides  vers  de 
mirliton  si  nous  nous  avisions  de  les  déclamer  en  dehors 
de  leur  cadre  et  sans  leur  broderie  de  notes. 


3.  Ange  tenant  sur  sa  poitrine  un  petit 
orgue  ou  peut-être  un  syrinx. 

4.  Ange  tenant  à  l'envers  un  violon  et 
son  archet. 

5.  Ange  tenant  à  la  main  un  cahier  de 
musique  :  il  semble  chanter. 

6.  Anoe  tenant  un  instrument. 

7.  Ange  sonnant  de  l'olifant. 

8.  Ange  tenant  un  instrument  peu  dis- 
tinct. 

9.  Ange  tenant  un  instrument  peu  dis- 
tinct. 

10.  .^nge  soufflant  dans  une  fiùte  double. 

11.  Ange  frappant  un  triangle. 

12.  Ange  tenant  un  monocorde. 

13.  Ange  battant  des  cymbales  (?). 

14.  Ange  tenant  une  sorte  de  guitare. 

15.  Ange  tenant  un  instrument  de  mu- 
sique. 

16.  Ange  pinçant  une  grande  cithare. 
A  propos  de  cette  série,    fort   complète, 

comme  on  le  voit,  nous  remarquerons 
que  c'est  surtout  à  partir  de  la  fin  du 
XI 11*=  siècle  que  les  imagiers  se  sont  at- 
tachés à  varier  les  instruments  de  leurs 
anges  musiciens  et  de  leurs  vieillards  apo- 
calyptiques ;  jusque-là,  ces  personnages  ne 
connaissaient  guère  que  la  trompette,  le 
tnonocorde,  la  guitare  et  surtout  la  vièle 
(voir  Moissac,  Saintes,  Paris,  Chartres, 
Laon,  etc..)  A  Metz,  aux  pieds  droits  de 
la  porte  méridionale,  la  collection  est  en- 
core plus  complète  qu'ici. 

Deuxième  cordon.  —  Nous  voyons  ici 
les  Docteurs  de  l'Église  latine  (N"=*  17  à 
20),  opposés  aux  Évangélistes  (N°^37à 
40),  exactement,  sauf  le  détail  bizarre  des 
figures,  comme  à  la  porte  ancienne  de  la 
cathédrale  de  Cologne  ;  entre  eux,  les  rois 
ancêtres  de  la  Vierge  assistent  au  triomphe 
de  Marie  représenté  sur  le  tympan. 

Les  quatre  Docteurs.  —  17.  S.Grégoire 
le  Grand  (ou  peut-être   S.  Ambroise)   est 


portails  îie  VtQlm  ^tCl)tbault  De  Cï)ann. 


297 


assis  devant  un  pupitre  richement  sculpté, 
et  écrit  ses  Co)!n>icntaires.  Il  est  vêtu 
d'une  robe  et  d'un  manteau  ;  sa  coiffure 
conique  bordée  par  une  couronne  et  sur- 
montée d'un  bouton,  semble  bien  une  tiare 
papale  ;  mais  comme  le  docteur  suivant 
porte  exactement  la  même  coiffure,  on  ne 
peut  affirmer  que  ce  soit  ici  S.  Grégoire;  il 
est  imberbe,  frisé  et  paraît  bien  jeune  pour 
un  pape. Nous  n'apercevons  pas  ici  la  colom- 
be du  St-Esprit  qui  inspirait  le  saint  Doc- 
teur et  que  les  imagiers  ont  si  souvent 
représentée  lui   parlant  à  l'oreille. 

18.  —  S.  Ambroise  (ou  peut-être  S.  Gré- 
goire), vêtu  et  coiffé  comme  le  précédent  II 
est  plus  âgé  ;  sa  tête,  ornée  d'une  courte 
barbe,  respire  l'énergie.  Il  lit  dans  le  livre 
ouvert  devant  lui  sur  le  pupitre,  et  de  la 
main  droite  écrit  sur  une  banderole  dérou- 
lée sur  ses  genoux  (peut  être,  au  lieu  d'une 
banderole,  est-ce  une  sorte  d'encrier  où  il 
trempe  son  style  ?). 

19.  S.  Jérôme,  reconnaissable  à  son  cha- 
peau de  cardinal, d'une  forme  quasi-conique, 
avec  son  fond  surélevé.  Il  se  penche  sur 
son  pupitre. 

20.  S.  Augustin,  barbu,  nu-tête,  semble 
méditer  un  passage  qu'il  montre  du  doigt 
sur  la  page  du  livre  ouvert  sur  son  pupitre. 

Rois  ancêtres  de  Marie.  Nos  21  à  35.  — 
Ces  quinze  rois,  couronnés  de  diadèmes 
fleuronnés,  vêtus  de  robes  et  de  manteaux 
attachés  sur  la  poitrine,  sont  assis  sur  des 
trônes  et  tiennent  à  la  main  des  sceptres 
finement  ouvragés.  Le  nombre  des  rois 
ancêtres  de  Marie  représentés  sur  nos 
façades  de  cathédrales  est  extrêmement 
variable  :  on  en  compte  vingt-huit  à  Paris, 
vingt-deux  à  Amiens,  seize  à  Chartres 
(face  ouest)  et  vingt  à  Chartres  (face  sud): 
c'est  assez  dire  que  les  artistes  n'ont  été 
guidés,  en  général,  que  par  les  dimensions 
de  la  galerie  ou  de  la  voussure  qu'il  s'agis- 


sait de  décorer.  Ici,  cependant,  il  semble 
bien  que  le  nombre  quinze  soit  voulu,  car 
sur  le  cordon  de  notre  porte,  entre  les  doc- 
teurs et  les  évangélistes,  il  restait  seize 
places,  et  l'imagier  a  rempli  la  seizième 
par  une  scène  (n"  36)  qui  ne  se  rattache 
aucunement  à  la  généalogie  de  la  Vierge. 
Il  semble  donc  qu'on  ait  représenté  ici  les 
ancêtres  de  Marie  depuis  David,  qui  le 
premier  fut  roi,  jusqu'à  Jéchonias,  qui  fut 
détrôné  et  emmené  captif  à  Babylone. 
Dans  cette  hypothèse  nous  aurions  ici, 
selon  la  généalogie  de  S.  Mathieu:  David, 
Salomon,  Roboam,  Abias,  Asa,  Josaphat, 
Joram,  Ozias,  Jonathan,  Achaz,  Ezéchias, 
Manassès,  Amon,  Josias  et  Jéchonias. 
Hâtons-nous  d'ajouter  que  nous  n'avons  pu 
identifier  aucune  de  ces  figures,  sauf  toute- 
fois le  No  35,  qui  est  David,  car  il  tient  en 
main  une  harpe.  Contrairement  à  l'usage, 
il  faut  donc  lire  la  série  de  droite  à  gauche. 

Voici  le  détail  des  figures: 
2  I .    Roi  à  courte  barbe  tenant  une  harpe  : 
c'est  évidemment  le  roi  David. 

22.  Roi  barbu:  Salomon. 

23.  Roi   imberbe  tenant  un  objet  indis- 
tinct: Roboam. 

24.  Roi    barbu    tenant   un    phylactère: 
Abias. 

25.  Roi    barbu  tenant    un    phylactère  : 
Asa. 

26.  Roi  barbu  tenant  un  phylactère  dé- 
roulé entre  ses  bras  étendus:  Josaphat. 

27.  Roi  barbu   lisant  un   phylactère  dé- 
roulé sur  ses  genoux:  Joram. 

28.  Roi  barbu:  Ozias. 

29.  Roi  barbu,  portant   son  sceptre  sur 
l'épaule:  Joathan. 

30    Roi  à    très  longue  barbe,  déroulant 
un  phylactère:  Achaz. 

31.  Roi  barbu  :  Ezéchias. 

32.  Roi  barbu  :  Manassès. 


298 


3Rebtir  tjc  T^rt  cbrctiem 


33.  Roi  barbu,  à  l'expression  autoritaire: 
Amon. 

34.  Roi  âgé,  barbu,  paraissant  méditer 
sur  un  phylactère:  Josias. 

35.  Roi  imberbe,  assis  sur  un  trône  orné 
ettenant  à  la  main  un  objet  indistinct:  Je 
chonias. 

36.  —  Ce  compartiment  est  occupé  par 
une  scène  à  plusieurs  personnages,  qu'il 
nous  a  été  impossible  de  bien  distinguer: 
nous  croyons  voir  un  homme  étendu  à  terre, 
que  plusieurs  autres  semblent  regarder  en 
riant.  Serait-ce  Job  sur  son  fumier  ?  ou 
plutôt  Noé,  enivré,  en  butte  aux  railleries 
de  Sem  et  de  Cham  ?  —  En  tous  cas,  cette 
scène  n'a  aucun  lien  avec  celles  qui  l'en- 
tourent. 

Évangélistes.  —  Beaucoup  de  portes 
d'églises  (Strasbourg,  Cologne,  St- Benoît 
sur- Loire,  etc..)  nous  montrent  les  évan- 
gélistes assis  devant  de  petits  pupitres, 
ayant  près  d'eux  l'animal  qui  leur  sert  de 
symbole.  Mais  ici  l'artiste,  par  une  simpli- 
fication hardie  et  à  peine  respectueuse,  a 
donné  aux  personnages  la  tête  même  de 
l'aigle,  de  l'ange,  du  bœuf  et  du  lion  ('). 
Pour  trouver  une  autre  interprétation  aussi 
libre  et  originale  du  même  sujet,  il  faut  al- 
ler à  Worms,  où,  sur  la  porte  méridionale, 
les  Évangiles  sont  figurés  par  un  monstre 
dont  la  tête  quadruple  réunit  celles  des 
quatre  animaux,  et  qui  marche  sur  quatre 
pieds  empruntés  chacun  à  l'un  d'eux  (2). 

1.  Dans  les  Mélanges  archéologiques  les  RR.  PP. 
Martin  et  Cahier  citent  diverses  représentations  ana- 
logues des  Évangélistes  :  on  les  voit,  en  buste,  avec  tête 
d'animal,  sur  une  enluminure  d'un  évangéliaire  de  Poi- 
tiers du  IX"  siècle,  et  surun  vitrail  d'une  rose  à  la  cathé- 
drale de  Strasbourg, de  même,  mais  en  pied,  sur  un  ancien 
vase  ou  bénitier.  Mais  les  savants  archéologues  ne  citent 
aucun  exemple  de  sculpture  architecturale  reproduisant 
ce  type  extraordinaire.  Les  quatre  statuettes  de  Thann 
constituent  donc  un  document  très  curieux  et,  croyons- 
nous,  unique  dans  son  genre. 

2.  Cet  <  Animal  Ecclesie  »  se  retrouve  sur  une  minia- 
ture d'un  manuscrit  de  \Hortus  deliciarum  :  les  RR. 
PP.   Martin  et  Cahier  en   ont  donné  une  reproduction 


57.  —  S.  Jean,  sous  les  traits  de  l'aigle, 
vêtu  de  la  robe  et  du  manteau,  assis,  mon- 
tre du  doigt  le  livre  de  son  évangile. 

38.  —  S.  Mathieu,  de  même,  avec  une 
tête  d'ange,  imberbe  et  frisée. 

39.  —  S.  Luc,  de  même  :  sa  tête  de  bœuf, 
ornée  de  deux  cornes,  a  un  air  grave,  du 
plus  haut  comique. 

40.  —  S.  Marc,  à  la  tête  de  lion,  dans  la 
même  position. 

Ha  Genèse.  —  N"'  41  à  62  —  Les  épiso- 
des de  la  Genèse  et  des  premiers  temps  de 
l'humanité,  représentés  sur  ce  cordon  de  la 
voussure,  ont  été  reproduits,  à  partir  du 
XII I^  siècle,  sur  la  plupart  de  nos  grandes 
églises,  tantôt  comme  ici,  à  la  voussure 
(Laon,  Chartres,  Fribourg,  Strasbourg, 
Worms,  etc.)  soit  au  soubassement  (Rouen, 
Bourges,  Auxerre,  etc.). 

Selon  la  tradition  habituelle  des  imagiers 
dans  les  scènes  de  la  Création,  Dieu  est 
représenté  sous  les  traits  de  Jésus-Christ, 
mais  sans  nimbe  (comme  tous  les  autres 
personnages  de  notre  portail);  quant  à  la 
figuration  des  êtres  créés,  l'artiste  nous 
inontre  ici,  comme  à  Laon,  Chartres  et 
Strasbourg,  les  êtres  eux-mêmes,  tandis  que 
le  plus  souvent  (Fribourg,  Rouen,  Auxerre, 
etc.,)  Dieu  bénit  simplement  un  disque  sur 
lequel  apparaissent  les  choses  créées. 

41.  —  Dieu  crée  le  ciel  et  la  terre:  de- 
bout il  tient  de  la  inain  gauche  et  bénit 
de  la  droite  une  masse  de  neuf  segments  de 
sphères  à  peu  près  concentriques,  emboîtés 
l'un  dans  l'autre  et  représentant  la  terre  et 
les  planètes:  c'est  ainsi,  par  des  cercles  con- 

dans  leurs  Mélanges  archéologiques.  —  La  fantaisie  d'une 
telle  représentation  heurte  évidemment  le  bon  goût, 
et,  au  moyen  âge  même,  quelques  esprits  y  tiouvèrcnt 
matière  .\  raillerie  :  ainsi,  en  l'an  1496,  le  célèbre  graveur 
Wenceslas  d'Olmutz,  voulant  faire  la  -satire  de  l'Église 
romaine,  nous  la  montre  sous  la  forme  d'une  femme  dont 
chacun  des  quatre  membres  est  emprunté  à  l'un  des  qua- 
tre animaux  :  il  est  vrai  que,  pour  mieux  accentuer  son 
hostilité,  il  donne  au  personnage  une  tête  d'âne. 


centriques,  que  les  savants  du  moyen  âge 
figuraient  l'univers  :  ils  ne  variaient  guère 
entre  eux  que  par  le  nombre  des  cercles  : 
Gauthier  de  Metz,  dans  son  «  Image  du 
monde  »,  en  trace  jusqu'à  quinze. 

42.  —  Dieu  sépare  les  eaux  inférieures 
des  eaux  supérieures.  L'imagier  a  ici  traduit 
plus  littéralement  que  de  coutume  l'expres- 
sion même  de  la  Genèse:  Dieu  debout,  ar- 
mé d'une  baguette.tranche  en  quelque  sorte 
les  eaux  qui  se  partagent  en  deux  masses 
ondulées  ou  nuageuses. 

43.  —  Dieu  crée  les  anges:  c'est  un  gra- 
cieux et  pieux  chapitre  ajouté  au  récit  mo- 
saïque par  la  foi  de  nos  pères  :  deux  anges 
joignant  les  mains  et  souriant  comme  en 
extase  sont  agenouillés  devant  Dieu,  qui 
les  appelle  à  la  vie  en  les  bénissant. 

44.  —  Dieu  crée  les  plantes:  ce  sont  des 
herbes  et  des  arbres  aux  branches  noueuses 
qui  se  dressent  sous  sa  main  bénissante. 

45.  —  Dieu  crée  le  soleil:  l'astre  est  figu- 
ré, accompagné  d'étoiles,  sur  une  sorte  de 
paroi  convexe  placée  devant  les  pieds  de 
Dieu. 

46.  —  Dieu  crée  la  lune,  de  même:  sur 
la  paroi  se  montrent  une  pleine  lune  et  des 
étoiles. 

47.  —  Dieu  crée  les  quadrupèdes:  ils 
sont  comme  amoncelés  devant  lui  sur  une 
sorte  de  rocher;  au  sommet  de  cette  pyra- 
mide vivante  se  dresse  un  singe. 

48.  —  Dieu  crée  les  oiseaux,  entassés  les 
uns  au-dessus  des  autres  comme  les  qua- 
drupèdes de  la  scène  précédente.  Parmi 
eux  on  distingue  des  aigles. 

49-  50.  —  Dieu  crée  l'homme:  ici  l'ar- 
tiste a  divisé  le  sujet  en  deux  scènes  pour 
exprimer  sans  doute  la  grandeur  de  l'œu- 
vre divine  :  en  49,  Dieu  forme  Adam  éten- 
du à  terre;  en  50,  il  le  met  debout:  cette  I 
représentation  est  quelque  peu  puérile.  La 
même  idée  de  grandeur  a  été  mieux  rendue 


par  le  sculpteur  de  Notre-Dame  de  Rouen 
qui,  pour  la  création  de  l'homme,  fait  inter- 
venir les  trois  personnes  de  la  Sainte  Tri- 
nité, tandis  que  pour  les  autres  êtres  Dieu 
le  Père  paraît  seul.  —  On  remarquera  aus- 
si, sur  notre  voussure,  que  l'homme  est  im- 
berbe au  premier  tableau  et  barbu  au  se- 
cond: l'artiste  semble  ainsi  avoir  mal  com- 
pris la  gracieuse  tradition  des  imagiers  rhé- 
nans.qui  nous  montrent  (àWorms.Fribourg, 
etc.)  Adam  barbu  à  partir  de  son  péché 
seulement,  pour  exprimer  sans  doute  qu'en 
perdant  l'innocence  il  a  perdu  l'éternelle 
jeunesse  qui  lui  était  réservée. 

51.  —  Dieu  crée  la  femme  :  tel  nous  pa- 
raît du  moins  être  le  sujet  de  ce  tableau, 
malgré  l'absence  d'Eve  dont  l'image  doit 
avoir  été  brisée.  Adam  en  effet  dort,  éten- 
du dans  une  attitude  accablée  et  Dieu  étend 
la  main  vers  lui  comme  pour  commander. 

52.  —  Dieu  unit  Adam  et  Eve:  debout 
entre  eux,  il  leur  met  la  main  dans  la 
main.  —  Dans  ce  tableau  comme  dans  les 
suivants,  jusqu'à  l'expulsion  du  Paradis, 
nos  premiers  parents  sont  complètement 
nus. 

53.  —  Dieu  ayant  conduit  nos  premiers 
parents  devant  l'arbre  de  la  Science,  le 
montre  à  Adam,  derrière  lequel  se  tient 
Eve,  et  leur  fait  défense  de  goûter  aux  fruits 
de  cet  arbre. 

24.  —  Le  péché:  au  milieu  de  la  scène, 
le  petit  arbre,  au  tronc  duquel  est  enroulé 
le  serpent;  à  gauche  Adam,  à  droite  Eve 
écoutent  les  paroles  du  Tentateur  et  s'ap- 
prêtent à  cueillir  la  pomme,  qu'on  aperçoit 
sous  un  bouquet  de  feuilles. 

55.  —  Dieu  reproche  leur  désobéissance 
à  Adam  et  Eve,  qui  s'approchent  honteux 
en  cachant  leur  nudité. 

56.  —  Un  ange  en  longue  robe  chasse 
du  Paradis  Adam  et  Eve  qui  se  retirent 
lentement;  il  devait,  selon  l'usage  invariable. 


300 


WitWt  De  ravt  cbittten. 


être  armé  d'un  glaive;  mais  nous  n'avons 
pu  distinguer  trace  de  cette  arme. 


57-    —   Scène    extraordinaire,     unique, 
croyons-nous,  dans  la  statuaire  monumen- 


F>C-  3-  —  Schéma  de  la  porte  occidentale  de  l'église  Saint-Thibault. 


taie  du  moyen  âge:  du  sein  de  nuées  épais- 
ses   sortent   les   bustes   d'un    vieillard  qui 


paraît   commander,  et   d'un  jeune   homme 
imberbe  ou  à   barbe  très   courte.  On  doit 


i^ortails  De  régltse  ^t  Ct)ibault  ht  Cbann. 


301 


voir  ici  Dieu  décrétant  l'Incarnation,  c'est- 
à-dire  (si  l'expression,  traduction  exacte  de 
la  scène  représentée,  n'est  pas  par  trop  hé- 
rétique) Dieu  le  Père  commandant  à  Dieu 
le  Fils  de  s'incarner  dans  la  suite  des  temps 
pour  racheter  l'homme  qui  vient  de  se  per- 
dre. On  trouvera  sans  doute  étrange  l'ab- 
sence de  la  troisième  personne  divine  et 
aussi  cette  figure  imberbe  prêtée  ici  à  Jésus- 
Christ  ;  l'artiste  semble  avoir  voulu  par  là 
mieux  marquer  la  différence  entre  le  Père 
et  le  Fils. 

58.  —  Scène  presque  aussi  curieuse  que 
la  précédente,  mais  plus  orthodoxe  et  aussi 
gracieuse  que  touchante.  D'ordinaire,  les 
imagiers  après  la  sortie  de  l'Eden  ne  font 
plus  intervenir  Dieu  :  la  condamnation 
prononcée  s'exécute,  sans  qu'il  paraisse 
s'occuper  davantage  d'Adam  et  d'Eve: 
ceux-ci  travaillent  péniblement,  loin  de 
Dieu.  Ici,  au  contraire.  Dieu  ne  se  désin- 
téresse point  de  leur  sort:  il  ne  se  contente 
point  de  leur  dire  :  «  Vous  gagnerez 
votre  pain  à  la  sueur  de  votre  front  »,  mais 
il  leur  apporte  lui-même  des  vêtements  et 
les  outils  qui  leur  permettront  de  travailler 
utilement.  —  Idée  charmante,  qui  montre 
bien'  la  foi  de  nos  pères  en  l'inépuisable 
bonté  de  Dieu 

59.  — -  Encore  une  scène  gracieuse  que 
nous  n'avons  rencontrée  sur  aucune  autre 
porte  d'église:  Eve,  devenue  mère,  allaite 
son  premier-né,  et,  attirés  par  ce  spectacle 
nouveau  et  sacré  de  la  maternité,  les  anges, 
accourus,  entourent  la  jeune  mère. 

60.  —  Premiers  travaux  de  l'homme: 
Eve,  tenant  son  enfant  sur  ses  genoux,  file 
à  un  fuseau  sculpté,  tandis  qu'Adam,  à  ses 
pieds,  bêche  la  terre. 

61-62.  —  M.  Ch.  Grad,  décrivant  som- 
mairement notre  porte  dans  son  magni- 
fique ouvrage  sur  l'Alsace,  indique  ici  les 
sacrifices   de  Melchisédech  et  d'Abraham. 


C'est  une  erreur  évidente.  Le  N^ôi  repré- 
sente le  sacrifice  de  Caïn  et  d' Abel  :les  deux 
frères,  dont  un  au  moins  vêtu  d'une  courte 
tunique,  sont  debout  de  chaque  côté  d'un 
petit  autel  recouvert  d'une  nappe,  sur  le- 
quel sont  disposées  les  offrandes:  ce  sont 
des  objets  peu  distincts,  sans  doute  un 
aeneau  et  des  fruits  de  la  terre.  Le  N"  62 
est  le  meurtre  d'Abel:  le  malheureux,  déjà 
blessé  sans  doute,  est  étendu  à  terre,  et  Cain 
dont  on  remarquera  la  pose  pleine  de  vie, 
lui  assène  à  deux  mains  un  coup  d'une 
sorte  de  pioche  à  long  manche. 

Comme  on  l'a  vu,  celte  série  de  l'Ancien 
Testament  est  encore  plus  admirable  par 
l'idée  que  par  l'exécution;  plusieurs  scènes 
sont  uniques  dans  leur  genre  :  ce  cordon 
de  voussure  constitue  une  des  parties  les 
plus  curieuses  du  portail  de  Thann. 

Martyres  des  Apôtres.  —  N^^  63  à  -]-]. 
—  Ce  cordon  représente  la  mort  des  apôtres 
et  des  premiers  martyrs  chrétiens  :  ce  sujet, 
assez  rare  à  la  voussure  de  nos  portes 
d'église,  se  retrouve,  presque  à  la  même 
place,  au  portail  de  Strasbourg  et,  d'après 
l'ordre  des  tableaux,  la  quasi-similitude  de 
certains  groupes,  on  est  amené  à  penser 
que  le  sculpteur  de  Thann  a  plus  ou  moins 
copié  l'œuvre  de  Strasbourg  ;  mais  à  cette 
dernière  cathédrale,  le  sujet  se  trouve 
mieux  à  sa  place  qu'ici  :  le  martyre  des 
Apôtres  encadre  tout  naturellement  la 
Passion  et  la  Mort  du  Christ,  représentées 
au  tympan,  tandis  qu'ici  ce  sujet  se  rap- 
porte bien  indirectement  soit  à  l'histoire 
de  la  Vierge  que  nous  voyons  au  tympan, 
soit  aux  scènes  de  la  Genèse  et  aux  autres 
figures  que  nous  venons  d'examiner  dans 
la  voussure.  Quoi  qu'il  en  soit,  voici  le 
détail  de  ces  quatorze  groupes  : 

63.  —  A  cette  place  nous  voyons,  à  Stras- 
bourg, un  apôtre,  évidemment  S.  Pierre, 
attaché  à  une   croix  renversée  au   moyen 


Î02 


3Re\)uc  De  T^vt  cbrctien. 


d'une  corde  qui  lui  entoure  plusieurs  fois  le 
corps.  —  Ici  nous  trouvons  de  même  un 
Saint  crucifié  la  tête  en  bas,  en  présence  d'un 
roi  qui, sceptre  en  main  et  couronne  en  tête, 
préside  au  supplice  ;  mais  on  peut  se  deman- 
der s'il  s'agit  de  S.  Pierre,  car  plus  loin,  au 
N°  71,  nous  rencontrons  un  autre  martyr, 
crucifié  aussi  la  tête  en  bas. 

64.  —  Comme  à  Strasbourg,  S.  Paul  est 
agenouillé  :  un  bourreau  le  frappe  d'un 
glaive  qui  pénètre  profondément  dans  le 
cou  du  martyr.  Deux  autres  exécuteurs, 
debout,  assistent  à  la  scène. 

65.  —  L'apôtre  est  agenouillé  au-dessus 
d'un  billot  ;  un  bourreau,  debout  derrière 
lui,  attend,  appuyé  sur  une  grande  épée.  Un 
autre,  dont  nous  ne  distinguons  pas  bien  le 
geste,  semble  frapper  la  tête  du  martyr. 

66.  —  Deux  personnages  barbus  parais- 
sent tirer  les  extrémités  d'une  corde  qui  en- 
toure le  corps  du  martyr  (ou  peut-être  d'une 
lame  de  scie  qui  lui  entrerait  dans  les 
chairs?).  Nous  savons  que  S.  Marc  fut  traîné 
au  moyen  d'une  corde  à  travers  les  rues 
d'Alexandrie,  mais  nous  ne  pouvons  guère 
reconnaître  ici  cette  scène. 

67.  —  Plusieurs  personnages  agenouillés 
ou  accroupis  sur  le  sol,  semblent  s'em- 
presser autour  d'un  objet  que  nous  distin- 
guons mal,  et  au-dessus  duquel  apparaissent 
d'autres  figures.  Seraient-ce  des  bourreaux 
activant  le  feu  sous  le  gril  de  S.  Laurent  ? 

68.  —  Une  barque  chargée  de  passagers 
flotte  sur  la  mer  dont  on  voit  les  vagues 
au  premier  plan  ;  des  matelots  rament, 
tandis  que  leur  chef  se  tient  debout,  un 
bâton  de  commandement  sur  l'épaule.  Un 
autre  personnage  se  penche  par  dessus 
bord  :  nous  ne  distinguons  pas  s'il  jette  à 
l'eau  un  corps  humain  ;  en  ce  cas,  ce  pour- 
rait être  le  corps  du  diacre  S.  Vincent  jeté 
à  la  mer  comme  nous  le  voyons   sur   beau- 


coup de  bas-reliefs,   notamment  à  la  cathé 
drale  de  Bâle. 

69.  —  Un  personnage  semble  agenouillé 
devant  une  roue(?)  que  l'on  aperçoit  en 
l'air.  Un  autre,  debout,  le  frappe  par  der- 
rière (?)  nous  ne  nous  expliquons  pas  cette 
scène. 

70  —  Plusieurs  personnages  sont  age- 
nouillés :  nous  ne  distinguons  pas  de  bour- 
reaux. 

71.  —  S.  Pierre  (ou  si  l'on  reconnaît 
S.  Pierre  au  No  63,  S.  Barthélémy  qui, 
selon  S.  Dorothée,  aurait  subi  le  même 
martyre),  crucifié  la  tête  en  bas  :  quatre 
bourreaux  lui  clouent  les  pieds  et  les  mains 
à  coups  de  marteau. 

72.  —  Un  saint  (ou  peut-être  deux  :  en 
ce  cas  S.  Simon  et  S.  Jude)  à  genoux  ;  un 
païen  vient  le  frapper  par  derrière.  Au 
second  plan,  trois  personnages,  debout, 
assistent. 


7: 


Scène   extrêmement  confuse  :  en 


avant  un  corps,  qui  semble  nu,  est  étendu 
sous  les  roues  d'une  sorte  de  chariot.  Au- 
dessus  s'agitent  plusieurs  personnages. 

74.  — ■  Le  Saint  (peut-être  S.  Matthieu 
qui  fut  frappé  pendant  sa  prière)  est  à 
genoux  ;  trois  exécuteurs  paraissent  der- 
rière lui;  un  d'eux  lui  donne  un  coup  d'épée. 

75.  —  S.  Jean  plongé  dans  une  cuve 
d'huile  bouillante,  devant  la  Porte  Latine 
de  Rome  :  le  buste  du  saint  émerge  d'une 
cuve  manifestement  trop  petite  pour  con- 
tenir son  corps.  Deux  bourreaux,  debout, 
semblent  remuer  l'huile;  deux  autres,  bais- 
sés, attisent  le  feu. 

76.  —  S.  .'\ndre  est  lié  par  les  bourreaux, 
au  moyen  de  cordes,  à  une  croix  en  X  — 
Le  même  martyr  se  trouve  à  la  même  place 
sur  la  porte  de  Strasbourg  ;  mais  il  est  lié 
à  une  croix  droite  :  c'est  qu'en  effet,  les 
sculptures  de  Strasbourg  datent  du    XI  IL' 


l^ortatls  de  l'égltse  ^t  Ct)tbault  De  Cl)ann. 


303 


siècle,  époque  ou  personne  ne  songeait  a 
attribuer  à  notre  apôtre  une  croix  de  forme 
spéciale;  mais,  dans  le  cours  du  XIV^  siècle, 
la  maison  de  Bourgogne,  dont  les  armes 
comportaient  deux  bandes  croisées  en 
diagonale,  ayant  pris  pour  patron  S.  André, 
l'idée  de  la  croix  diagonale  fut  dès  lors 
toujours  associée  à  celle  du  saint  apôtre  : 
le  sculpteur  de  Thann,  tout  en  s'inspirant 
des  groupes  de  Strasbourg,  a  dû  modifier 
le  sujet  conformément  à  la  tradition  alors 
nouvelle,  qui  depuis  est  devenue  générale. 

/ô"^'*  et  "]"] .  —  Ces  deux  groupes  sont 
bizarrement  placés  au-dessous  de  la  base  du 
tympan  ;  ils  sont  séparés  des  précédents 
par  la  frise  ;  mais  la  similitude  des  sujets 
montre  assez  qu'ils  forment  la  suite  de  la 
même  série. 

76t>'s.  —  S.  Phillippe,  vieillard  à  longue 
barbe,  est  suspendu  à  une  croix  dressée, 
sur  laquelle  quatre  bourreaux  le  clouent  à 
grands  coups  de  marteau. 

77.  —  Un  saint,  agenouillé,  est  frappé 
par  derrière  d'un  coup  d'épée  à  la  nuque  ; 
deux  personnages,  debout,  semblent  prési- 
der au  supplice.  Ce  pourrait  être  le  martyre 
de  S.  Matthieu  (à  moins  qu'on  ne  préfère  le 
reconnaître  au  N°  74). 

Prophètes.  —  N°'  ■jf'"'  à  90.  —  Ce  cor- 
don ne  fait  pas,  à  proprement  parler,  partie 
de  la  voussure  :  il  est  pris  sur  le  tympan, 
dont  il  encadre  la  portion  supérieure.  Les 
quatorze  statuettes  qui  le  composent,  non 
abritées  sous  des  dais  comme  les  précé- 
dentes, mais  portées  simplement  sur  des 
socles,  tiennent  chacune  à  la  main  un  phy- 
lactère déroulé,  sur  lequel  était  sans  doute 
autrefois  inscrit  leur  nom.  Leur  costume 
fait  reconnaître  en  eux  des  personnages  de 
l'Ancien  Testament  :  comme  on  ne  trouve 
point  Moïse  dans  la  série,  ce  ne  peuvent 
guère  être  des  patriarches  :  nous  verrons 
donc  en  eux  les  prophètes  qui  ont  annoncé 


la  grandeur   de  Marie,    dont   l'histoire  est 
racontée  sur  le  tympan. 

77''''.  —  Barbu,  assis,  coiffé  d'un  haut 
bonnet,  regarde  en  l'air  les  scènes  du  tym- 
pan. 

78.  —  Barbu,  assis,  nu-tête,  lit  attentive- 
ment son  phylactère. 

79.  —  Barbu,  assis,  couronné  (peut-être 
est-ce  David  ?) 

80.  —  Barbu,  assis,  coiffé  d'un  bonnet, 
regarde  le  ciel. 

81.  —  Barbu,  assis,  coiffé  d'un  bonnet, 
lit  son  phylactère. 

82.  —  Barbu,  assis,  coiffé  d'un  bonnet 
plat,  lit  son  phylactère. 

83.  —  Barbu,  assis,  coiffé  d'un  bonnet, 
tient  son  phylactère  sur  ses  genoux. 

84.  —  Barbu,  assis,  nu-tête,  tient  son 
phylactère  devant  lui. 

S5.  —  Barbu,  assis,  coiffé  d'un  bonnet, 
tourne  la  tête  vers  les  scènes  du   tympan. 

86.  —  Barbu,  assis,  nu-tête,  lit  en  sui- 
vant du  doigt  sur  son  phylactère. 

87.  —  Barbu,  assis,  coififé  d'un  bonnet 
plat,  tient  son   phylactère  sur  ses  genoux. 

88.  —  Semblable  au  précédent. 

89.  — •  Barbu,  assis,  nu-tête,  lit  son  phy- 
lactère. 

90.  —  Barbu,  assis,  coiffé  d'un  bonnet 
formé  d'étoffes  flottantes. 

Tympan  principal. 

Les  sculptures  de  ce  tympan  représen- 
tent, comme  nous  l'avons  dit,  les  principaux 
épisodes  de  la  vie  de   Marie. 

91.  —  Dans  le  temple  de  Jérusalem,  le 
prêtre,  la  tête  voilée,  est  debout  auprès 
d'un  petit  autel  soigneusement  recouvert 
d'une  nappe.  Il  vient  de  refuser  l'offrande  de 
J  oachim  et  d'Anne,leur  disant  qu'un  homme 
sans  enfant  est  maudit  de  Dieu  et  indigne 
d'entrer  dans  le   temple.    Les   deux  époux. 


304 


îRrlJuc  Dr  r^vt  cbvcttnu 


confus,  s'éloignent,  Joachim  marche  appuyé 
sur  un  bâton  de  voyage. 

92.  —  Joachim  s'est  retiré  au  milieu  de 
ses  troupeaux,  il  est  assis  parmi  les  rochers, 
quand  un  petit  ange,  paraissant  au-dessus 
de  sa  tête,  vient  lui  annoncer  que  sa  prière 
a  été  entendue  de  Dieu,  qu'Anne  va  enfan- 
ter et  qu'il  la  rencontrera  près  de  la  Porte 
d'Or  en  rentrant  à  Jérusalem. 

93-  —  Joachim,  les  épaules  couvertes 
de  sa  pèlerine  de  voyage,  est  arrivé  devant 
la  Porte  d'Or  au  moment  où  Anne  en  sor- 
tait.   Les  deux  époux  s'embrassent. 

94.  —  Naissance  de  Marie.  — ^SteAnne 
est  couchée  dans  un  lit,  la  tête  soutenue 
par  des  oreillers  :  auprès  d'elle  s'empres- 
sent deux  femmes  dont  l'une  lui  apporte 
une  potion.  Au  pied  du  lit,  une  servante 
lave  l'enfant  dans  un  baquet  ;  une  autre 
s'apprête  à  verser  l'eau  d'une  cruche  ('). 

95.  —  Un  vieillard,  sans  doute  le  grand- 
prêtre,  est  debout  près  de  l'autel  des  holo 
caustes,  placé  au  sommet  d'une  pyramide  de 
huit  hauts  degrés  (d'après  la  tradition,  il 
devrait  y  en  avoir  quinze,  correspondant 
aux  quinze  psaumes  graduels).  La  petite 
Marie,  âgée  de  trois  ans,  gravit  avec  as- 
surance cet  escalier,  tenant  ses  mains 
jointes  et  élevées  vers  l'autel.  —  On  remar- 
quera que  contrairement  à  l'usage,  le  sculp- 
teur n'a  point  fait  assister  Joachim  et  Anne 
à  cette  scène. 

96.  —  Vie  de  Marie  dans  le  temple  : 
depuis  trois  ans  jusqu'à  quatorze,  Marie 
vécut  dans  le  temple  :  selon  la  Li^gende 
dorée,  elle  restait  en  prière  depuis  le  matin 
jusqu'à  la  troisième  heure  ;  ensuite  elle 
s'occupait  à  tisser  la  laine  ;  après  quoi  elle 
se  remettait  en  prière  jusqu'au  moment  où 
un  ange  venait  lui  apporter  sa  nourriture. 
—  Ici,  nous  la  voyons  vaquer  aux  soins  du 

I.  M.  Grad  a  vu  dans  cette  scène  la  naissance  du  Pré- 
curseur :  nous  ne  compienons  pas  celle  erreur. 


temple  :  elle  s'apprête  à  poser  un  calice 
sur  l'autel  ;  derrière  elle,  une  de  ses  com- 
pagnes, debout,  tient  un  livre  d'heures  ; 
d'autres,  assises  sur  la  terre,  se  livrent  à  des 
travaux  manuels. 

97.  —  Nous  ne  sommes  pas  absolument 
certain  de  l'interprétation  de  cette  scène, 
mais  nous  croyons  y  reconnaître  la  suite  de 
la  vie  de  Marie  dans  le  temple  :  sur  le 
revers  de  l'autel  mentionné  au  N"  96,  une 
jeune  fille  couronnée  semble  agenouillée  ; 
elle  lit  dans  un  livre  de  prières  ;  près 
d'elle  quatre  autres  jeunes  filles,  dont  une 
au  moins  file  la  laine,  conformément  au 
récit  de  la  Légende  dorée.  Ce  doit  être  la 
Vierge,  parvenue  à  l'âge  de  quatorze  ans, 
implorant  Dieu  avant  de  quitter  le  temple: 
mais  pourquoi  est-elle  couronnée .''  est-ce 
pour  exprimer  sa  sainteté  ':  ou  faut-il  voir 
dans  ce  diadème  la  couronne  des  fiancées.'' 
nous  ne  savons. 

98.  —  Voici  le  passage  de  la  Légende 
qui  se  rapporte  à  cette  scène  :  «  Une  voix 
sortit  du  fond  du  temple,  disant  que  tous 
les  hommes  nubiles  et  non  mariés  de  la 
maison  de  David  devaient  s'approcher  de 
l'autel,  chacun  portant  une  baguette  à  la 
main,  et  que  la  Vierge  Marie  aurait  à 
épouser  celui  d'entre  eux  dont  la  baguette 
produirait  des  feuilles.  Or  il  y  avait  là  un 
homme  de  la  maison  de  David,  nommé 
Joseph,  qui,  seul,  ne  se  présenta  pas 
devant  le  prêtre,  estimant  inconvenant,  à 
son  âge,  de  prétendre  devenir  le  mari  d'une 
vierge  de  quatorze  ans.  De  telle  façon  que 
le  miracle  prédit  par  la  voix  divine  n'eut 
pas  lieu.  Et  le  prêtre,  de  nouveau,  inter- 
rogea le  Seigneur,  qui  répondit  que  celui-là 
seul  n'avait  pas  apporté  sa  baguette,  qui 
était  destiné  à  devenir  le  mari  de  la  Vierge. 
Force  fut  donc  à  Joseph  de  se  présenter  à 
l'autel  :  et  aussitôt  sa  baguette  produisit 
des  feuilles  et  on  vit  descendre  sur  elle  une 


|i>orratl0  ht  rcglîse  ^t  Cl)ibault  îie  Cl)ann. 


305 


colombe,  du  haut  du  ciel  (').  »  —  Nous 
voyons  ici  huit  prétendants,  debout,  tenant 
leur  baguette  stérile  à  la  main  ;  la  plupart 
sont  jeunes  ;  un  seul  est  âgé,  comme  on 
peut  le  reconnaître  à  sa  longue  barbe:  c'est 
Joseph,  car  son  rameau  commence  à  pous- 
ser des  leuilles  et  au  sommet  nous  aperce- 
vons une  petite  masse  informe,  qui  pourrait 
être  un  lis,  mais  où  nous  préférons  voir  la 
colombe  mentionnée  dans  le  naïf  récit  de 
la  Légende. 

99.  —  Mariage  de  Joseph  et  de  Marie. 
—  Au  centre  du  tableau,  le  grand-prêtre, 
barbu,  voilé,  se  tient  debout  ;  au  pre- 
mier plan  de  chaque  côté,  les  deux  époux 
s'avancent  l'un  vers  l'autre  et  se  donnent  la 
main  (ou  peut-être  Joseph  remet-il  à  Ma- 
rie l'anneau  du  mariage);  Joseph  a  la  tête 
couverte  d'un  voile;  la  Vierge  est  nu-tête. 
Derrière  Marie  sont  un  vieillard  et  une 
femme:  bien  que  celle-ci  paraisse  assez 
jeune,  nous  pensons  que  ces  deux  person- 
nages sont  Joachim  et  Anne  qui,  selon  la 
tradition  du  moyen  âge,  ont  assisté  au 
mariage  de  leur  fille.  Au  second  plan,  qua- 
tre autres  personnes,  sans  doute  les  témoins 
ou  les  amis  des  époux. 

100.  —  L'Annonciation.  —  Au  milieu  d'une 
nuée  épaisse,  traversée  de  rayons,  apparaît 
le  buste  de  Dieu  le  Père,  tenant  en  sa  main 
le  globe  du  monde;  en  avant  de  la  nuée, 
l'ange  messager  de  Dieu,  Gabriel,  s'age- 
nouille respectueusement  pour  saluer  la 
Vierge  :  Ave,  Maria.  Celle-ci,  également 
à  genoux,  s'incline  avec  un  geste  de  sur- 
prise et  de  soumission, 

loi.  —  (Deuxième  bande  du  tympan.) 
La  Visitation:  par  une  disposition  bizarre, 
la  Vierge  (ou  S'^^  Elisabeth,  car  on  ne  peut 
distinguer  l'une  de  l'autre)  est  vue  de  dos, 
au  premier  plan,    cachant  presque  entière-    ^ 

I.  Légende  rfijri^t' (traduction  de  Wyzewa).  —  Nativité     | 
de  la  V'ierge. 


ment  l'autre  figure  qui  se  présente  de  face. 

102.  —  S.  Joseph  et  la  Vierge  sont  assis 
vis-à-vis  l'un  de  l'autre;  un  petit  ange  sor- 
tant à  mi-corps  d'une  nuée,  vient  expliquer 
à  Joseph  que  Jésus,  qui  va  naître,  a  été 
conçu  par  l'opération  du  Saint-Esprit  et 
que,  loin  de  se  troubler  de  cette  conception, 
il  doit  s'en  réjouir. 

Ici  devrait  se  placer  la  Nativité  de  Notre- 
Seigneur;  mais,  soit  que  l'artiste  ait  jugé 
ce  sujet  trop  important  pour  être  traité  ici 
incidemment,  soit  plutôt  qu'il  ait  pensé  que 
ce  mystère  se  rattachait  encore  plus  à  la 
vie  de  Jésus  qu'à  celle  de  Marie,  qui  seule 
fait  l'objet  de  notre  tympan,  il  a  réservé  ce 
sujet  pour  un  des  tympans  inférieurs,  où  il 
l'a  traité  avec  une  abondance  de  détails 
(N"'  1 19  à  123)  qui  ne  laisse  rien  à  désirer. 

103.  —  Dans  le  temple,  le  vieillard  Si- 
méon,  la  tête  couverte  d'un  voile,  est  assis  : 
il  tient  sur  ses  genoux  l'Enfant-Dieu  et 
chante  le  Nunc  dimittis...  Contrairement 
à  la  tradition,  nous  ne  voyons  ici,  du  moins 
au  premier  plan,  ni  Marie  et  Joseph,  ni 
la  vieille  Anne.  Par  contre,  cinq  vieillards 
(dont  un  est  peut-être  S.  Joseph)  et  au  fond 
du  tableau  deux  femmes(peut-être  la  Vierge 
et  Anne)  s'empressent  autour  de  Siméon; 
un  des  vieillards,  agenouillé,  touche  avec 
respect  le  corps  sacré  du  petit  Jésus. 

104.  - —  La  Circoncision  :  — ■  Marie,  suivie 
de  Joseph,  s'est  présentée  au  temple;  elle 
pose  l'Enfant,  nu,  debout  sur  un  petit  autel 
recouvert  d'une  nappe;  de  l'autre  côté  de 
l'autel,  le  grand-prêtre,  la  tête  voilée,  s'ap- 
prête à  recevoir  Jésus  dans  ses  bras.  A  l'ar- 
rière-plan,  un  homme  et  deux  femmes  as- 
sistent à  la  cérémonie. 

105.  —  Le  massacre  des  Saints  Inno- 
cents: —  le  roi  Hérode,  couronne  en  tête, 
tenant  en  main  un  long  sceptre  et  un  objet 
qu'on  prendrait  volontiers  pour  un  globe 
impérial,     est    assis,   afin    de    présider  au 


3o6 


Bctour  De  r^rt  cbrctim. 


massacre.  Devant  lui  deux  soldats, au  casque 
conique  et  à  l'accoutrement  bizarre,  enfon- 
cent sans  effort  leur  glaive  dans  le  corps 
d'enfants  nus.  La  terre  est  jonchée  de  pe- 
tits cadavres,  et  derrière  les  soldats,  les 
mères  pleurent  en  pressant  sur  leur  sein  les 
restes  de  leurs  fils  égorgés. 

io6.  —  Pendant  ce  temps,  la  Sainte  Fa- 
mille gagne  l'Egypte. —  On  remarquera 
que  l'imagier  n'a  pas  représenté  le  songe  de 
S.  Joseph,  averti  par  un  ange  de  quitter  la 
Judée  :  cette  scène  précède  presque  tou- 
jours, sur  nos  portes  du  moyen  âge,  celle  de 
la  Fuite  en  Egypte.  —  Quoi  qu'il  en  soit, 
nous  voyons  ici  S.  Joseph,  bien  emmitouflé 
dans  un  manteau  à  capuchon,  conduisant 
par  la  bride  l'âne  sur  lequel  est  assise  la 
Vierge  tenant  Jésus  dans  ses  bras;  du  reste, 
pas  d'arrière-plan,  aucun  arbre, comme  nous 
en  montrent  la  plupart  des  bas-reliefs,  pour 
indiquer  que  le  saint  cortège  traverse  la 
campagne.  Mais,  en  avant  de  S.  Joseph,  et 
paraissant  l'attendre,  se  montre  un  soldat 
en  casque  et  cotte  de  mailles,  debout,  te- 
nant à  la  main  une  lance  à  laquelle  est  fixée 
une  tablette.  Nous  ne  nous  expliquons  pas 
bien  la  présence  de  ce  soldat  :  serait-ce  un 
mercenaire  égyptien  recevant  la  Sainte  Fa- 
mille à  sa  sortie  de  Judée?  ou  un  défenseur 
suscité  par  Dieu  pour  la  protéger  au  milieu 
des  périls  de  la  route?  A  notre  connaissance, 
aucune  tradition,  écrite  ni  sculptée,  ne  fait 
mention,  dans  l'épisode  qui  nous  occupe,  de 
ce  guerrier  que  nous  allons  retrouver  à  ia 
scène  suivante. 

107.  —  Même  scène  que  la  précédente, 
mais  le  soldat  marche  cette  fois  en  avant, 
conduisant  l'âne  avec  sollicitude;  Marie, 
toujours  assise  sur  la  monture,  tient  l'En- 
fant, et  Joseph,  vêtu  comme  ci-dessus,ferme 
la  marche.  —  Bien  que  Jésus  ne  semble  pas 
plus    grand  que   sur   l'autre    tableau,    nous 


croyons  voir  ici  le  retour  d'Egypte  en  Ju- 
dée, à  moins  toutefois  que,  comme  la  pré- 
sence du  mystérieux  soldat  paraîtl'indiquer, 
il  ne  s'agisse  d'un  seul  épisode,  en  deux  ta- 
bleaux, de  la  Fuite  en  Egypte:  épisode,  en 
tout  cas,  qui  nous  est  inconnu. 

108.  —  La  Sainte  Famille  au  travail  :sous 
une  sorte  de  toit,  qui  indique  l'intérieur 
d'une  maison,  S.  Joseph,  à  l'énorme  tête, 
barbu,  manœuvre  un  gros  marteau  :  au  pre- 
mier plan,  entre  la  Vierge  et  S"  Elisabeth 
{celle-ci  plus  âgée  et  voilée)  agenouillées, 
les  deux  enfants,  Jésus  et  S.  Jean,  jouent 
ensemble  sur  un  escabeau  élevé.  Au  fond 
on  aperçoit  la  tête  de  Zacharie. 

109.  —  (Troisième  bande  du  tympan). — - 
Ce  sujet,  et  surtout  le  suivant,  sont  difficiles 
à  expliquer.  Nous  pensons  pourtant  qu'ici 
il  s'agit  simplement  d'une  scène  de  la 
Sainte  Famille  :  une  femme  (  Marie  ?)  assise, 
tient  sur  ses  genoux  l'Enfant,  qui  l'embras- 
se ;  un  vieillard  à  tête  voilée  (Joseph  ?)  s'ap- 
proche du  groupe. 

iio. —  Ici,  nous  avouons  ne  pas  com- 
prendre le  sujet,  ni  même  distinguer  exac- 
tement les  objets  représentés:  c'est  une 
sorte  de  cadre  rectangulaire  formé  d'énor- 
mes pièces  de  bois  ou  de  maçonnerie:  au 
haut  des  montants  et  au  milieu  de  la  base, 
trois  objets  semblables  qu'il  nous  est  impos- 
sible de  distinguer;  au  centre  du  cadre,  le 
buste  d'un  vieillard;  en  dehors  du  cadre,  à 
gauche,  un  bœuf  et  un  personnage  barbu 
qui  amène  la  bête,ou  peut-être,au  contraire, 
se  détourne  ;  à  droite,  trois  figures  debout: 
une  femme,  un  serviteur  ou  soldat  en  tu- 
nique courte  et,  au  second  plan,  un  person- 
1  nagebarbuquipourraitêtre  Notre-Seigneur, 
si  cette  place  accessoire  et  surtout  la  chro- 
nologie ne  forçaient  à  écarter  cette  hypo- 
thèse. En  effet,  tous  les  épisodes  de  ce 
tympan  étant   exactement  disposés  par  or- 


i^ortads  De  VtQiist  ^t  Cl)tbault  de  C!)ann. 


307 


dre  de  date,  la  scène  énigmatique  qui  nous 
occupe  se  place  pendant  l'enfance  du  Christ, 
entre  son  retour  d'Egypte  et  sa  visite  au 
temple,  que  nous  allons  examiner  mainte- 
nant. 

111.  —  Jésus  parmi  les  Docteurs  :  — 
l'Enfant,  assis  sur  une  sorte  d'estrade, 
commente  un  livre  ouvert  sur  ses  genoux  ; 
trois  docteurs,  debout,  l'écoutent  ;  deux 
autres  sont  assis  à  terre  en  face  de  lui  ; 
quatre  autres  enfin,  assis  de  même,  discutent 
sur  un  passage  du  livre  qu'ils  tiennent  en 
main.  De  l'autre  côté,  Joseph  et  Marie  ar- 
rivent et  font  un  geste  de  surprise  en  aper- 
cevant Jésus  parmi  les  Docteurs. 

112.  —  F'ranchissant  une  longue  période, 
nous  voici  à  la  mort  de  la  Vierge  :  elle  est 
étendue,  habillée  et  le  front  voilé,  sur  un 
lit  sculpté  recouvert  d'un  drap, la  tête  posée 
sur  un  oreiller.  Jésus,  revenu  sur  terre  pour 
recueillir  l'âme  de  sa  Mère,  est  debout  près 
d'elle  et  la  bénit,  mais  il  ne  tient  pas  à  la 
main  l'âme  comme  sur  beaucoup  d'autres 
sculptures  des  XI 1 1"=  et  X I V"  siècles.  De 
chaque  côté  du  Christ,  cinq  apôtres  debout  : 
celui  placé  à  la  tête  du  lit  est  seul  imberbe, 
c'est  évidemment  S.  Jean. 

113.  —  Les  funérailles  de  la  Vierge.  — 
S.  Pierre  et  S.  Paul,  conformément  à  la 
tradition, portent  ensemble  sur  leurs  épaules 
la  civière  recouverte  d'un  drap,  où  est  cou- 
ché le  corps  de  Marie.  Les  autres  Apôtres 
font  cortège  :  on  aperçoit  les  têtes  de  six 
d'entre  eux.  Quant  aux  trois  petits  indivi- 
dus renversés  à  terre  en  avant  et  au-dessous 
du  brancard  funèbre,  voici  la  légende  qui 
explique  leur  présence  à  cette  place  :  les 
Juifs  ayant  appris  la  mort  de  la  Vierge  se 
portèrent  en  armes  sur  le  parcours  du  cor- 
tège, pour  s'emparer  du  corps  qui  avait  en- 
fanté Jésus  et  pour  massacrer  les  disciples. 
Le  prince  des  prêtres,  qui  les  conduisait, 
voulut  saisir  le  cercueil  pour  le  jeter  à  ter- 


re, mais  ses  deux  mains,  se  desséchant,  y 
restèrent  attachées  ;  en  même  temps,  les 
anges  qui  entouraient  le  cortège  aveu- 
glèrent les  autres  Juifs. —  Cependant  le 
prince  des  prêtres  ayant  imploré  S.  Pierre 
et  promis  de  se  convertir,  fut  guéri  et  S. 
Pierre  lui  ayant  donné  la  palme  qu'il  por- 
tait, lui  dit  :  «  Touche  de  ce  rameau  les 
yeux  de  tes  compagnons.  ))  Aussitôt  la  vue 
fut  rendue  à  tous,  et  tous  crurent  en  Jésus- 
Christ  ('). —  Nous  ne  voyons  pas  sur  notre 
bas-relief  les  mains  desséchées  du  prince 
des  prêtres,  mais  les  petits  personnages 
étendus  à  terre  sont  évidemment  les  Juifs 
frappés  de  cécité. 

114.  —  Quatrième  bande  du  tympan: 
toute  cette  bande,  peut-être  parce  qu'elle 
contient  l'Assomption,  est  surmontée  d'un 
feston,  qui  se  replie  même,  formant  cadre, 
autour  de  la  scène  de  l'Assomption  et  des 
Anges  qui  l'accompagnent.  Ce  feston,  origi- 
nal, mais  lourd  et  peu  gracieux,  se  compose 
d'une  sorte  de  ruban  tuyauté  formant  des 
coques   alternativement  en  haut  et  en  bas. 

La  première  scène  représente  la  mise  au 
tombeau  de  la  Vierge  :  le  tombeau,  de  pier- 
re sculptée,  est  orné  de  petites  fleurettes  ; 
les  Apôtres  (nous  en  comptons  onze,  et  en 
l'absence  de  tout  nimbe  ici  comme  sur  les 
autres  scènes,  il  est  difficile  de  dire  si  Jésus 
n'est  pas  parmi  eux  {-)  )  y  déposent  le  corps 
«le  Marie,  enveloppé  d'un  linceul,  dont 
quatre  d'entre  eux  tiennent  les  bords  et  les 
extrémités.  Des  anges  apparaissent  dans 
le  ciel. 

115.  —  Nous  croyons  reconnaître  ici 
l'épisode  de  S.  Thomas,  bien  que  logique- 

1.  Ce  sujet  a  été  représenté  très  fréquemment  sur  les 
vitraux  d'église  ;  il  se  trouve  notammant  sur  une  admi- 
rable verrière  du  début  du  XVI»  siècle  à  Notre-Dame  de 
Châlons-sur-Marne. 

2.  En  ce  cas  on  pourrait  penser  que  les  dix  apôtres  re- 
présentés avec  Jésus  sont  U;s  mêmes  qui  ont  assisté  aux 
derniers  moments  delà  Vierge  (voir  ci-dessus  n"  112). 


3o8 


ÎRcbue  tir  rart  cbvcttcu. 


ment  cette  scène  doive  prendre  rang  après 
l'Assomption.  —  S.  Thomas.nous  dit  la  lé- 
gende, n'avait  pas  assisté  à  ce  miracle;  et 
toujours  incorrigible,  il  refusait  de  croire 
que  le  corps  de  Marie  eût  été  enlevé  au 
ciel  ;  mais  soudain,  apportée  par  un  ange, 
la  ceinture  de  la  Vierge  tomba  du  ciel  dans 
les  mains  de  l'incrédule,  en  témoignage  de 
la  réalité  de  l'Assomption.  —  Nous  voyons 
ici  un  personnage  barbu  (S.  Thomas  dans 
notre  hypothèse)  agenouillé  :  il  semble  te- 
nir en  main  un  objet  vertical  très  long, 
qui  serait  la  ceinture  de  Marie  ;  au-des- 
sus, nous  croyons  distinguer  un  ange.  En 
arrière,  quatre  personnages  barbus  regar- 
dent la  scène. — On  pourrait  aussi  conjectu- 
rer qu'au  lieu  de  S.  Thomas,  l'homme  age- 
nouillé est  le  prince  des  prêtres,  tenant  en 
main  la  palme  dont  nous  avons  parlé  sous 
le  N°  1 13. 

116.  —  Marie,  joignant  les  mains,  s'élève 
au  milieu  des  nuées,  environnée  d'une  foule 
de  petits  anges  qui  apparaissent  à  mi-corps. 

117.  —  Ce  tableau,  tout  encadré,  comme 


le  précédent,  par  le  feston  que  nous  avons 
décrit,  nous  montre  simplement  des  anges 
volant  dans  le  ciel,  à  la  rencontre  de  la 
Vierge. 

I  18. —  Le  sommet  du  tympan  ne  ren- 
ferme qu'une  seule  scène  :  le  Couronne- 
ment de  Marie.  Sur  une  estrade  sculptée, 
Jésus  et  Marie  sont  assis  vis-à-vis  l'un  de 
l'autre,  et  Jésus,  couronné,  tenant  en  main 
le  globe  du  monde,  pose  un  diadème  sur 
le  front  de  sa  Mère  qui  s'incline  en  joi- 
gnant les  mains.  —  A  droite  et  à  gauche, 
de  petits  anges  font  retentir  l'air  de  leurs 
concerts  ;  ils  jouent  de  divers  instruments  : 
buccin,  harpe, hautbois,cithare,  violon,  tam- 
bour, cor  et  longue  trompette  ;  d'autres 
chantent  un  cantique  dont  ils  lisent  les  pa- 
roles sur  une  banderole.  N'oublions  pas 
l'orchestre  complet  des  anges  de  la  vous- 
sure (N"'  I  à  16)  réunis,  eux  aussi,  pour  cé- 
lébrer le  triomphe  de  Marie. 


(A  suivre.) 


G.  Sanoner. 

Paris. 


"f  A^-A  K^*u  A^y;^  K^^^u  \^  A  i^^  jMa  A^%t  i^^  A^^  »^  *^x  ;t^^  A^vu  A^v:u  ' 


*^        CIIITTlI^tlIIIIIIXIIJIIIIITItlIIIÏTTITTTTTTïrTIlItlITTTTTTrTTT-rrrrrTTTT- 


TTTrn-mrTTTTT- 


TT'rTTTTTI  tTITrTrT'riTIf  f  TTl 


^1  m^^^m^m^^m^m  ffîélange^,  më^mm^^m^m 


^iiiiiirxïTiTirrriiixiitiïiirrTixriixii-iJiiirnixxmitniiixmiii 


irTT^mrirtniITTTT-t  l  II  l  TTTTTTTTrTT-TTTTTTTTTIirrTII]LIIXirirXlIJtIlJ.iLLLXXXAJJ 


^  ^^^  ^J^  ^é^  »iiî-*  l'iiï  V  y^x  y^  y^^  y^^  '^^  y^  v^^aj^  y^jf  y^A^x  v^^ 


ttn  atelier  pour  la  BLcproDiiction  De» 
^^.^-■^  anciennes  tapisseries.  --^-.^-^■' 


|ES  inventaires  font  connaître  les  ad- 
mirables tapisseries,  substituées  en 
France  de  la  fin  duXIV^siècle  jusqu'au 
XVIII<=  aux  tentures  de  parement, 
aux  cliambres  de  broderie,  aux  courtines  et  aux 
tissus  précieux  ('),  dont  on  aimait  à  décorer  l'in- 
térieur des  édifices. 

A  l'origine,  les  cartons  peints,  de  grandeur 
d'exécution  souvent, par  les  meilleurs  artistes  du 
temps,  étaient  interprétés  avec  un  sentiment  dé- 
coratif, concordant  avec  les  exigences  de  la  fa- 
brication. Trois  ou  quatre  teintes  par  couleur 
pénétrant  les  unes  dans  les  autres,  par  de  gran- 
des hachures,  suffisaient  pour  rendre  les  plis  des 
vêtements  les  plus  compliqués.  Un  fort  trait  brun 
y  accusait  les  contours  des  figures,  la  profondeur 
des  draperies  et  détachait  tous  les  détails,  un 
peu  comme  les  plombs  d'un  vitrail.  A  distance 
(et  presque  toujours  les  tapisseries  étaient  vues 
ainsi)  l'effet  décoratif  était  excellent  :  l'histoire 
ou  la  scène  composée  de  plusieurs  figures,  se  lit 
à  merveille  sur  le  fond  uni  ou  diapré.  On  dirait 
l'agrandissement  des  miniatures  de  l'époque. 

Au  XV«  siècle  et  surtout  au  XV I*",  un  notable 
changement  se  remarque  dans  le  dessin  ;  il  se 
perfectionne  au  détriment  de  l'effet  général. 
Adieu  les  beaux  et  puissants  fonds  unis  ou  dia- 
prés, dont  X Apocalypse  et  les  Anges  de  Nantilly, 
à  Saumur,  fournissent  de  si  curieux  exemples. 
La  succession  de  plans  différents,  les  intérieurs 
d'appartement,  les  paysages,  la  perspective  enfin, 
changent  complètement  l'aspect  des  tapisseries. 
Les  personnages,  souvent  trop  nombreux,  se 
pressent  les  uns  devant  les  autres:  l'œil  est  fatigué 
par  la  multiplicité  des  couleurs  et  la  mièvrerie 
des  détails.  Le  fil  d'or  se  mêle  à  la  laine  et  à  la 
soie  pour  donner  plus  de  vraisemblance  et  de 
richesse   aux   bordures  des   vêtements,  aux  ar- 

1.  On  les  appelait  i.  pailles,  fanni  serici,  iaudequins,  draps  de 
Larest  et  de  Lucques,  culci/rœ  pinctœ,  sarges,  etc.  » 


mures,  aux  couronnes,  etc..  ou  bien  encore,  il 
apparaît  en  fines  hachures  pour  éclairer  les  par- 
ties saillantes,  à  la  manière  des  miniaturistes 
contemporains. 

Malgré  cette  recherche  exagérée  dans  les  dé- 
tails, malgré  cette  imitation  de  la  nature  de  plus 
en  plus  grande,  la  tapisserie  conserve  encore  un 
faire  particulier,  un  aspect  décoratif,  qui  la  dis- 
tingue des  fresques  et  de  la  peinture  à  l'huile. 
Elle  reste  pour  les  archéologues  à  venir  une 
mine  inépuisable  de  renseignements  uniques  sur 
le  costume,  les  armes  et  l'ameublement  du  temps 
où  on  l'a  fabriquée. 

Il  en  sera  tout  autrement,  quand  Lebrun  aura 
mis  à  la  mode  le  style  classique,  les  costumes 
grecs  et  romains,  le  respect  absolu  de  la  couleur 
locale  et  surtout  quand  la  tapisserie  deviendra  la 
copie  servile  de  la  peinture  à  l'huile. 

Peu  à  peu,  la  faveur  dont  avait  joui  si  long- 
temps la  tapisserie,  décline. 

Aveuglés  par  les  déclamations  contre  le 
gothique,  à  la  mode  à  la  fin  du  XVII=  siècle, 
les  Chapitres  de  nos  belles  cathédrales  rivalisent 
d'ardeur  pour  détruire  les  vitraux  peints,  les 
dinanderies,  les  jubés,  les  autels  et  tout  le  reste. 
Place  aux  stucs,  aux  marbres  d'Italie,  aux  plâ- 
tras dorés,  aux  vitres  blanches  et  surtout  vive  le 
badigeon  (')  ! 

Dans  leur  amour  pour  le  «  grand  style  »  et 
croyant  faire  preuve  de  bel  esprit  à  la  suite  de 
Fénelon  et  aussi  à&goût,  les  chanoines  détruisent 
à  l'envi  (avec  les  meilleures  intentions  du  monde) 
des  pièces  d'orfèvrerie,  des  sculptures  et  des 
peintures  superbes,  échappées  à  la  fureur  des 
Huguenots  en  1563.  Les  tapisseries  ne  furent 
pas  davantage  épargnées. 

Le  chapitre  d'Auxerre  aliéna  de  magnifiques 
tentures,  dont  les  harmonieuses  couleurs  avaient 
été  admirées  par  Louis  XIV  :  on  peut  les  voir 
aujourd'hui  au  Musée  de  Cluny. 

I.  Un  certain  BoraH;,  italien,  badigeonna  l'église  de  Marmoutiers 
et  la  cathédrale  d'Angers,  dans  laquelle  rien  ne  fut  respecté  pour 
cette  opération,  pas  même  le  tombeau  d'Ulger,  qu'on  mura,  afin  de 
pouvoir  plus  aisément  tirer  les  joints  de  pierre  :  les  tombeaux  en 
pierre  sculptée  de  Jean  de  Rély,  de  Jean  Olivier  et  de  Claude  de 
Rneil  furent  souillés  de  badigeon. 


l.fcVL'K    DK    L  AKT    CHktril-.N. 
IÇO4,    —   3'"*    LIVRAISON. 


310 


3Rebue  lie  V^xt  tbrctien» 


A  la  cathédrale  d'Angers,  la  vente  de  toutes 
les  tapisseries  fut  décidée  en  1782,  sous  le  pré- 
texte qu'elles  causaient  ajix  voix  un  très  grand 
préjudice  ('). 

Il  en  fut  ainsi  un  peu  partout  à  la  fin  du 
XVIII''  siècle. 

Toutefois,  cette  défaveur  n'était  pas  particu- 
lière aux  églises  :  elle  était  générale.  Mercier,  dans 
son  Tableau  de  Paris,  écrit  en  1783  {-):  «  On  a 
«  banni  des  appartements  ces  tapisseries  à  grands 
«  personnages,  que  les  meubles  coupaient  désa- 
i  gréablement.  Le  damas  à  trois  couleurs  et  à 
«  compartiments  égaux,  a  pris  la  place  de  ces 
«  figures,  qui,  massives,  dures  et  incorrectes,  ne 
«  parlaient  pas  à  l'imagination  des  femmes...  Les 
«  tapisseries  descendent  des  galetas  pour  le  jour 
«  de  la  Fête-Dieu,  ou  bien  on  les  envoie  à  la 
«  campagne  pour  garnir  les  mansardes.  » 

Quelle  aberration  !  elles  furent  remplacées  par 
le  damas,  la  toile  des  Indes  et  le  vulgaire  papier 
peint. 

Les  temps  troublés  de  la  Révolution  et  les 
quarante  premières  années  du  XIX<=  siècle  ne 
furent  pas  moins  funestes  aux  tapisseries  :  elles 
n'échappèrent  à  aucune  espèce  de  vandalisme  : 
donnons-en  quelques  exemples. 

La  célèbre  tapisserie  (disons  plutôt  la  Broderie) 
de  la  conquête  d'Angleterre,  à  la  cathédrale  de 
Bayeux,  réquisitionnée  pour  décorer  le  char  de 
la  déesse  Raison,  allait  être  souillée  de  peintures 
et  d'emblèmes  patriotiques,  quand  un  citoyen  la 
sauva  en  donnant  à  la  municipalité  une  pièce  de 
toile  neuve.  —  U Apocalypse,  de  Saint-Maurice 
d'Angers,  fut  étendue  sur  les  gradins  d'une  serre 
et  employée  à  garantir  du  froid  les  orangers  de 
la  ci-devant  abbaye  de  Saint-Serge.  —  Plus 
tard,  on  en  tapissa  l'écurie  de  l'évêché  pour  em- 
pêcher les  chevaux  de  s'écorcher  ;  on  en  tailla 

1.  Ainsi  disparurent  les  tentures,  données  en  1428  par  CliarlesVII, 
«  faictes  à  fil  d'or,  d'argent,  soie  et  layne,  en  lesquelles  sont  les 
<i  ymaigeyies  du  l'ieit  et  Nouveau  Tes/atfunt,  qui  se  tendent  aux 
«  festes  solennelles  au  liault  du  cueur  de  la  dite  église,  estimées  val- 
«loir  cinquante  mil  livies  tournois  i>  en  1533;—  la  l'ie  tic  saint 
Maurice  et  de  ses  compagnons,  en  laine  et  soie,  donnée  en  1459  pour 
le  dossier  des  stalles  par  le  chanoine  Hugues  Fresneau;  —  la  Vie  de 
saint  Alaurille,  commandée  en  1460  par  le  Chapitre  pour  la  déco- 
ration du  jubé  :  —  la  Rdutrrection  exécutée  vers  1467  et  enfin 
l' Annonciation.  la  Nativité,  le  Baptême  de  N.-S.  et  la  Cine,  don- 
nées en  1540  par  l'évCque  Jean  Olivier. 

\J  Apocalypse,  seule,  sans  doute  à  cause  de  son  poids  et  de  ses 
énormes  dimensions  (144  mètres  sur  5"'3o),  échappa  à  cette  lamen- 
table dispersion. 

2.  Volume  VI,  p.  91. 


des  descentes  de  lit  ;  on  en  couvrit  même  les 
parquets,  pendant  la  restauration  des  plafonds. 
—  .Ailleurs,  pendant  les  guerres  de  la  Vendée, 
les  tapisseries  servirent  à  envelopper  des  fusils, 
à  couvrir  (comme  de  vulgaires  bâches)  les  voi- 
tures qui  transportaient  les  blessés.  —  Enfin, 
l'habitude  de  les  transformer  en  tapis  de  pied, 
d'en  couvrir  les  bûches  et  les  pommes  ne  cho- 
quait personne,  il  y  a  cinquante  ans  ('). 

L'État  semblait  aussi  acharné  à  leur  destruc- 
tion que  les  particuliers,  dont  l'ignorance  était 
assurément  plus  excusable.  Ne  vit-on  pas  le 
gouvernement,  à  l'époque  du  Directoire,  faire 
brûler  dix  tentures,  de  l'ancien  mobilier  de  la 
Couronne,  tissées  d'or  et  d'argent  et  d'une  valeur 
artistique  hors  pair  pour  en  tirer  quelques  kilos 
de  métal  précieux  ? 

L'administration  des  Domaines  vendit  aux 
enchères  à  Angers  Y  Apocalypse  au  nombre  des 
meubles  inutiles  de  l' e'vcché çouv  300  fr.  !...  L'évê- 
que  heureusement  intervint,  en  fit  l'acquisition  et 
la  remit  à  la  fabrique.  Sans  lui,  qui  sait  si  cette 
unique  tenture  n'aurait  pas  été  dépecée  par  les 
revendeurs  en  couvre-pieds,  comme  il  en  advint 
sous  la  Terreur,  des  tapisseries  yfewrt/e/z'j'fVi  d'un 
hôtel-de-ville  ? 

A  ce  dédain,  à  ce  mépris  systématique,  à  ce 
stupide  vandalisme  succéda,  vers  1850,  une  ère 
de  réaction.  Autant,  pendant  un  siècle,  on  avait 
détruit  avec  entrain  les  vieilles  tapisseries;  autant 
on  mit  d'ardeur  à  les  rechercher,  à  les  remettre 
en  honneur.  Nul  doute  que  ce  revirement  de 
l'opinion  ne  soit  dû  aux  études  archéologiques, 
aux  expositions,  aux  collectionneurs  et  aux 
savants  ouvrages  de  MM.  Darcel,  Mihitz,  Pin- 
chart  et  Guiffrey. 

II 

CE  préambule  était,  il  me  semble,  nécessaire 
pour  justifier  \'oççoï\.Vin\ié  àeV  Atelier  pour 
la  Reproduction  des  anciennes  Tapisseries,  dont 
je  viens  entretenir  le  lecteur. 

Depuis  que  les  tentures  des  siècles  passés  sont 
estimées  à  leur  juste  valeur,  d'iiabiles  ouvrières 
ont  pris  à  tâche  de  remédier  à  leurs  dégradations. 

I.  En  1875,  je  trouvai,  étendu  sur  les  melons,  dans  un  jardin,  un 
beau  panneau  de  tapisserie,  représentant  Isaac  bénissant  Jacob,  des 
premières  .innées  du  XVI*-'  siècle.  Il  fait  maintenant  partie  de  la 
collection  de  la  cithédrale  d'.Angers. 


£Pflange0. 


311 


Le  moyen  âge  connaissait  les  ateliers  de  Ren- 
trayuie,  A  combien  d'épreuves  étaient  alors 
soumises  les  tapisseries!  Détachées  à  la  hâte  des 
chambres  d'apparat  ou  de  salles  de  parement,  on 
les  transportait  souvent  au  loin  à  dos  de  mulet 
ou  par  eau  à  l'occasion  d'un  tournois,  d'un  mys- 
tère célébré  en  plein  air,  d'une  entrée  seigneuriale 
ou  en  mainte  autre  circonstance,  si  bien  qu'après 
ces  pérégrinations,  elles  revenaient  souvent  en 
très  mauvais  état  ;  il  fallait  alors  les  confier  aux 
rentrayeiirs. 

A  plus  forte  raison  les  vieilles  tapisseries,  mal- 


traitées comme  je  l'ai  dit,  ont-elles  presque  toutes 
eu  besoin  de  sérieuses  réparations.  Aussi  devint- 
il  nécessaire  de  former  de  nombreuses  ouvrières 
pour  en  raviver  les  couleurs  fanées,  en  restaurer 
le  tissu  à  demi  usé  et  même  pour  refaire  à  neuf 
certaines  parties  détériorées  par  les  rats  ou 
maladroitement  coupées. 

Angers  s'est  assurément  distingué  sous  ce 
rapport,  grâce  à  l'initiative  du  chanoine  Joubert, 
dont  la  mémoire  ne  saurait  être  assez  bénie  des 
archéologues  ('). 

Mais,  si  toutes  les  villes  importantes  possèdent 


^miiJu'  miUMio  nummliiiiM  muo  tnaoïlluiMrtni.usiuaKnilc^'ritivu-j 
„__      mm.  utamius  i.nuMnni  mltiu  tsnakus  aiianimmum  ijw  pat  mm  a  ulutu 
^^^i(  pajajm  jatmm  immuoniir  pinli?pi  taamaUs  îttmnaliuao  mp.  Uhmu  hmriâ  if' 


'^TS^œs^Sl^^ilS^J?:^     p:n*i^  =f-'^  '^^'^-^^t'^i^:^^^.'^^^- 


.  !)(  luintau  nu  upotis  Miiciu  [fitaipa^  traommiru  Itiitliumî  iiousmtnif  tnl&f 
ali|!{iDitak  m-,tams  tuM  ditis  nwa  inistozi  jaun  ïnis  marq  - 


Une  des  pièces  de  la  \  'ic  de  saint  Gervais  et  de  saint  Ptotais,  donnée  en  1509  à  la  cathédrale  du  Mans,  par  Martin  Guérande.  Reproduction. 


aujourd'hui  des  reitti-ayeuses  cB.pAh\es,  Aubusson, 
Beau  vais  et  Paris  étaient  jusqu'ici  les  seules, 
à  ma  connaissance,  oii  l'on  pouvait  reproduire 
une  ancienne  tapisserie  iojtt  entière.  Quoi  de 
plus  utile  cependant  ? 

—  Un  amateur  possède  trois  pièces  de  la  même 
histoire  :  celle  qui  lui  manque  se  trouve  dans  le 
musée  voisin.  Ne  serait-il  pas  heureux,  faute  de 
Yoriginal,  de  s'en  procurer  une  copie  très  exacte 
et  de  combler  ainsi  la  lacune  qui  le  chagrine  ? 
Assurément  si,  à  la  condition  que  cette  copie 
soit  en  parfaite  harmonie  avec  les  pièces  dont  il 
est  déjà  propriétaire. 

—  Un  Musée  des  Arts  Décoratifs,  rempli  de 
moulages,   d'estampages    et   de    photographies, 


classés  méthodiquement  pour  guider  le  visiteur, 
avide  de  s'instruire,  dans  les  transformations  de 
l'architecture,  de  la  sculpture  et  de  la  peinture  à 
travers  les  siècles,  n'accueillerait-il  pas  avec  fa- 
veur des  reproductions  tissées  d'anciennes  tapisse- 
ries, connues  dans  l'Europe  entière?  Évidem- 
ment au  même  titre  que  des  copies  de  Raphaël, 
de  Murillo  ou  de  Rubens. 

—  Enfin,  une  scène  manque  dans  une  tenture: 
elle  a  été  détruite  par  un  incendie,  par   les  rats 

I.  Ce  vénérable  chanoine,  mort  depuis  une  vingtaine  d'années, 
restaura  l'Apocalypse,  acheta  à  vil  piix  de  1850  à  1860  pour  la  Fabri- 
que de  très  curieuses  tapisseries  provenant  des  anciennes  églises 
d'Angers  et  des  environs,  échappées  à  la  Révolution  et  forma  des 
ouvrières,  à  force  de  patience  et  de  persévérance,  pour  les  remettre 
en  état. 


312 


i^ebue  lie  T^rt  cJ)vctien» 


ou  de  toute  autre  façon...  mais  on  sait  que  telle 
miniature  d'un  manuscrit  en  donne  exactement 
la  composition.  Qu'on  l'agrandisse  à  la  dimension 
voulue,  qu'on  suive  rigoureusement  le  coloris  et 
la  technique  du  reste  de  la  tapisserie  et  la  lacune 
sera  comblée.  C'est  absolument  le  cas  pour 
V Apocalypse  d'Angers. 

Douze  tableaux  sur  quatre-vingt-dix  manquent 
aujourd'hui.  Les  cartons  ne  présentent  aucune 
difficulté,  puisqu'on  trouvera  dans  le  Manuscrit 
N°  422  de  la  bibliothèque  de  Cambrai  les  mi- 
niatures correspondantes, 


Dans  l'une  ou  l'autre  de  mes  trois  hypothèses, 
l'atelier  de  Champfleur  (Sarthe),  près  Alençon, 
est  appelé  à  rendre  les  plus  grands  services  :  en 
voici  l'histoire. 

III 

MONSIEUR  le  chanoine  Bruneau,  attaché 
à  la  cathédrale  du  Mans,  ne  manqua  pas 
d'y  remarquer  plusieurs  antiques  tapisseries  d'une 
haute  valeur  artistique.  Désireux  de  procurer  des 
moyens  d'existence  honorable  à  quelques  adroi- 
tes ouvrières  de  Champfleur,  il  se  garda  bien  d<^ 


Tableau  n"  6  de  la  i""^'  pièce  de  \ Apo:alyi''Sc,  exécutée  par  Nicolas  Bataille  en  1376  pour  Louis  I*^',  duc  d  Anjou.  Reproduction. 


les  annihiler  dans  la  confection  quasi-mécanique 
d'ouvrages  de  couture,  et  dirigea  leurs  aptitudes 
vers  la  restauration  et  surtout  la  reproduction  des 
anciennes  tapisseries.  Il  fut  amené  à  cette  résolu- 
tion par  ses  fonctions.  Que  faire  des  tentures, 
usées  jusqu'à  la  corde,  dont  les  chaînes  sont  à 
demi  pourries  ?  il  est  souvent  impossible  de  les 
rentrayer.  Ne  vaut-il  pas  mieux,  en  certains 
cas,  reproduire  entièrement  à  neuf?  C'est  assuré- 


ment un  expédient  plus  rapide  et  moins  coû- 
teux (■)• 

Après  avoir  fait  venir  de  Paris,  il  y  a  deux  ans 
et  demi,  une  ouvrière  très  expérimentée  pour 
initier  les  siennes  pendant  six  mois,  le  chanoine 
Bruneau  acheta  plusieurs  métiers  de  haute-lisse 
et  les  mit  à  l'œuvre.  Trois  essais  seulement  suffi- 


I.  Les  tapisseries  exécutées  à  Champfleur  sont  d'un  prix  très 
abordable.  On  pourra  s'en  rendre  compte  en  s'adressant  A  M.  le 
chanoine  Bruneau  (i,  place  St-Michel,  Le  Mans). 


£©élangeg. 


313 


rent  pour  lui  donner  pleine  confiance  dans  le 
résultat.  Une  des  pièces  de  la  Vie  de  samt  Ger- 
vais  et  de  saiuf  Protiu's,  donnée  en  1509  à  la 
cathédrale  du  Mans,  par  Martin  Gjcérande,  cha- 
noine de  Saint-Julien  ('),  fut  apportée  à  Champ- 
fleur  avec  ordre  de  la  reproduire  très  exactement. 
Ce  travail  présentait  peu  de  difficulté,  la  tapis- 
serie étant  en  bon  état.  En  quelques  mois,  trois 
ouvrières  terminèrent  ce  panneau  d'un  tissu  assez 
fin  et  d'une  surface  de  cinq  mètres  carrés  avec 
un  succès  complet,  inespéré  pour  une  première 
copie.  Je  reproduis  ici  cet  intéressant  panneau, 
dans  lequel  figure  le  donateur. 


Avant  d'avoir  comparé  la  reproduction  à  l'ori- 
ginal, quand  j'appris  ce  qui  se  faisait  à  Champ- 
fleur,  j'étais,  je  l'avoue,  fort  incrédule.  Semblable 
tentative  inspire  toujours  une  grande  méfiance 
aux  archéologues.  Elle  leur  semble  téméraire, 
tant  il  est  difficile  de  respecter  le  /iiire  et  le 
dessi>i  des  anciens,  tant  une  interprétation  plus 
ou  moins  fantaisiste  (sous  prétexte  de  perfec- 
tionner) est  à  craindre. 

«  Ne  me  parlez  pas  de  cela,  dis-je  tout  d'abord, 
«  vous  allez  échouer  mise'rablemetit.  De  simples 
H  ouvrières  peuvent-elles  faire  en  tapisserie  autre 
«  chose  que  des  pantoufles  ?...  En  tout  cas,  «  nisi 


Tapisserie  exécutée  entre  1659  et  1661  pour  faire  suite  à  une  tenture  du  commencement  du  XVl^  siècle.  Reproduction. 


<  videra,  non  credam   »,  comme  saint   Thomas. 

Devant  l'insistance  de  mon  interlocuteur 
(M.  Chapée,  archéologue  bien  connu),  je  promis 
de  faire  le  voyage. 

D'Angers  à  Champfleur  le  trajet  est  facile... 
Me  voici  donc  arrivé  dans  un  vaste  atelier  bien 
éclairé,  au  milieu  duquel  se  dresse  un  grand  mé- 
tier de  haute-lisse.  Trois  ouvrières  travaillaient 
au  panneau  de  la  Vie  de  saint  Gervais.  Je  m'ap- 
proche avec  le  plus  vif  désir  de  les  trouver  en 
faute.  «  Voici  un  nez  trop  long,  quelle  invention!  ^ 
—  Permettez,  me  dit-on,  comparez  avec  l'origi- 
nal. —  «  Rien  à  dire,  il  est  tel.  Mais  cette  teinte 
est  un  peu  fade.  »    —    Regardez    la    tapisserie. 

<  Elle  est  semblable  dans  le  modèle...  »  Et  ainsi 
de    suite   de   toutes    mes  observations.   Je  dus 

I.  Cette  tentune  se  compose  de  plusieurs  pièces,  destinées  au  dos- 
sier des  stalles.  La  longueur  totale  est  de  50  mètres  ;  la  hauteur  de 
i">.50.  Les  personnages  ont  o°>,85  de  hauteur. Des  légendes  en  lettres 
gothiques  donnent  l'explication  des  sujets.  Les  scènes  sont  limitées 
par  des  motifs  d'architecture, 


m'avouer  battu  et  content  :  la  justice  m'obligeait 
à  décerner  les  plus  grands  éloges  à  ces  ouvrières 
que  j'étais  tout  disposé  à  mon  arrivée  à  découra- 
ger par  mes  critiques. 

Aussi  est-ce  de  grand  cœur  et  à  titre  de  répa- 
ration d'honneur,  que  j'écris  aujourd'hui  ces 
lignes. 

L'atelier  de  Champfleur  a  produit  beaucoup 
d'autres  travaux  et  compte  maintenant  dix  ou- 
vrières. 

On  lui  doit  la  copie  de  deux  autres  grandes 
pièces  de  la  Vie  de  saint  Gervais  et  de  saint 
Protais,  d'une  surface  de  20  mètres  carrés  —  de 
quatre  apôtres,  à  mi-corps  ('),  —  enfiti  du  tableau 


I.  Martin  Guéranife. décédé  le  26  février  1510,  fit  encore  e.xécuter 
de  petites  tapisseries  pour  parer  les  abat-voix  ou  dais,  placés  au- 
dessus  des  stalles.  Elles  avaient  seulement  o",  80  de  hauteur  et  repré- 
sentaient des  pprsonnages.  à  mi-corps,  encadrés  dans  des  arcs  sur- 
baissés. 11  y  en  a  quatre  :  deux  grandes  pièces  de  isn^s  sur  om.So 
pour  la  longueur  du  chœur  {Les  douze  A  faire!  et  les  douze  Sibylles) 
et  deux  petites  pour  les  parties  des  stalles  en  retour  derrière  le  jubé 


314 


3Rebuc  lie  T^rt  cbvctien» 


n°  6  de  la  première  pièce  de  \' Apocalypse,  d'An- 
gers, destinée  à  un  musée  ('). 

En  dessous  de  la  photographie  de  ce  dernier 
travail,  j'ai  fait  reproduire  un  fragment  de  tapis- 
serie représentant  Saint  Julien  entre  saint  Gcr- 
vais  et  saint  Protais  [-),  qui  était  en  très  mauvais 
état  restauré k  Champfleur. 

Les  lacunes,  causées  par  les  modernes  Van- 
dales, dans  l'Apocalypse,  exécutée  de  1376  à  1380 
aux  frais  de  Louis  I'^'',  duc  d'Anjou,  sautent  aux 
yeux,  quand  on  examine  les  planches  données 
autrefois  dans  la  Revue.  La  tapisserie  se  compo- 
sait jadis  de  90  tableaux,  analogues  au  n°  6  (dont 
la    photographie    donne    la    copie    exécutée    à 

(Lei  quatre  docteurs  de  l'Église  latine  et  \es  Quatre  vertus  cardi- 
nales). 

Il  ne  reste  plus  aujourd'hui  que  la  série  des  douze  apôtres  et  troii 
docteurs  de  l'Église  en  mauvais  état. 

I.  Cette  reproduction  a  été  exposée  à  Angers  pendant  huit  jours. 
Voici  l'article  de  la  Semaine  Keligieuie,  du  i^-r  mai  qui  lui  est  con- 
sacré : 

Aux  amateurs  de  Tapisserie. 

Dimanche  et  jours  suivants,  les  Angevins,  habitués  à  s'arrêter 
devant  la  vitrine  de  M.  Girard,  presque  toujours  ornée  des  compo- 
sitions artistiques  les  mieu.v  réussies,  pourront  y  admirer  la  repro- 
duction fidèle  d'une  des  scènes  de  V  Apocaly/>se  de  noire  cathédrale. 
Chacun  connaît  à  -Angers  la  haute  valeur  de  cette  tenture,  com- 
mandée pour  les  fêtes  de  l'Ordre  de  la  Croix  établi  par  Louis  I*^^, 
duc  d'Anjou,  dans  la  chapelle  de  son  château  en  l'honneur  de  l'in- 
signe relique  de  la  Vraie-Croix  (conservée  aujourd'hui  aux  Incura- 
bles de  Baugé).  De  1376  à  1379  fut  tissée  cette  œuvre  si  importante 
•par  Nicolas  Bataille,  tapissier  parisien,  sur  les  cartons  de /f,j«  de 
Bandol,  dit  Hennequin  de  Bruges,  pour  une  somme  équivalant, 
suivant  M.  Guiffrey,  à  430.000  francs  de  notre  monnaie.  Kaut-il  s'en 
étonner  quand  on  sait  que  cette  tapisserie  avait  jadis  une  surface  d'en- 
viron 800  mètres  carrés  et  qu'elle  était  estimée  300,000  livres  en  1533  ? 
Sa  réputation  est  universelle  ;  elle  a  figuré  à  Paris  aux  grandes 
expositions.  On  a  pu  voir,  il  y  a  trois  ans.  un  dessinateur  émérite, 
M.  Thompson,  reproduire  à  Xaquarelh  pour  le  Musée  Kensington, 
de  Londres,  les  premiers  tableaux  de  \' Apocalypse. 

Rien  donc  d'étonnant  qu'un  Musée  ait  fait  copier  le  N»  6  de  la 
première  pièce. 

Ce  tableau  est  l'interprétation  des  deux  versets  suivants  du  cha- 
pitre IV  de  l'Apocalypse. 

Y .  10.  Les  vin^t-quatre  vieillards  se  prosternaienl  devant  celui 

qui  est  assis  sur  le  trône,  et  ils  adoraient  celui  qui  vit 

dans  les  siècles  des  siècles  et  ils  jetaient  leurs  couronnes 

devant  le  trône,  en  disant  : 

]F.  II.   Vous  êtes  digne,  ô  Seigneur  Dieu,  de  recevoir  "loire,   lion- 

neur  et  puissance,  parce  que  vous  avez  créé  toutes  choses... 
...Tel  est  le  sujet  du  tableau,  dont  on  annonce  aujourd'hui  l'ex- 
hibition. 

2.  Évidemment,  il  y  avait  une  interruption  dans  l'ornementation 
des  abat-voix  ;  elle  correspondait  à  la  largeur  de  la  porte  du  jubé. 
Jean  le  Bouclier,  tapissier  du  Mans,  fut  chargé,  en  1658,  de  fournir 
une  pièce  représentant  S.  Julien,  S.  Gervais  et  S.  Protais  pour 
combler  cette  lacune.  Les  tableaux  devant  servir  de  patrons  furent 
remis  aux  commissaires  du  Chapitre  le  3  mars  1659  et  la  tapisserie 
«  neufve  de  trois  figures  en  mi-corps  scavoir  de  saint  Julian,  saint 
«  Gervais  et  saint  Prothais  pour  estre  adjoustées  aux  petites  tapisse- 
«  ries  qui  font  la  courtine  au  couronnement  des  chaires  de  nostre 
«  chœur  »  fut  apportée  ;\  la  cathédrale  le  21   février  i56i. 

Archives  de  la  Sarthe,  Chapitre  delà  cathédrale,  Série  B,  N"  11, 
pp.  289,  340  et  669. 


Champfleur).  Aujourd'hui  I2  tableaux  manquent, 
huit  autres  sont  incomplets.  Ce  serait  un  travail 
bien  intéressant  de  rétablir  cette  immense  ten- 
ture, d'environ  Soo  mètres  carrés,  dans  son  état 
primitif  Avec  un  atelier  comme  celui  de  Champ- 
fleur et  le  manuscrit  N"  422  de  Cambrai,  la  tâche 
serait  abordable.  Cette  entreprise,  digne  de  tenter 
quelque  Mécène  angevin,  pourrait  être  considé- 
rée en  quelque  sorte  comme  Yainendc  honorable 
du  XX«  siècle,  pour  les  dégradations  honteuses, 
infligées  à  la  belle  tapisserie  de  Louis  I'=^ 

C'est  mon  vœu  en  terminant  cet  article,  écrit 
avec  enthousiasme  pour  le  talent  des  ouvrières 
de  Champfleur  et  reconnaissance  pour  le  cha- 
noine Bruneau,  qui  les  a  dirigées  avec  tant  de 
savoir  et  de  succès,  au  grand  profit  des  amateurs 

de  tapisserie.  -,      .    .^„t7.„^,, 

^  Louis  DE  Farcy. 


ffîonumcnts  De  tcaticrs.  — ^--- 

N  croit  généralement  qu'une  qualité 
essentielle  d'un  édifice  est  d'avoir 
un  plan  géométriquement  correct, 
des  lignes  bien  de  niveau  ou  d'aplomb, 
une  belle  exactitude  de  la  ligne,  sinon  une  or- 
donnance parfaitement  symétrique.  Plusieurs 
seront  étonnés  d'apprendre,  que  parmi  les  plus 
beaux  monuments  du  monde,  il  en  est  peu  qui 
réalisent  cette  perfection  orthogonale,  et  beau- 
coup qui  enfreignent  avec  une  singulière  désin- 
volture les  lois  saintes  de  la  régularité. 

Ceux  qui  se  sont  occupés  de  restauration  d'an- 
ciens monuments  et  qui  ont  dû  procéder  à  leur 
relevé,  connaissent  au  contraire  les  invraisem- 
blables irrégularités  que  présente  souvent  leur 
«  plan  à  terre  >.  Les  dissymétries  les  plus  fortes, 
les  hors  d'équerre  les  plus  hardis,  les  irrégula- 
rités les  plus  risquées,  s'y  rencontrent  en  abon- 
dance, et  d'ailleurs  échappent  fréquemment  à 
l'œil  de  l'observateur.  Les  anciens  ont  procédé  à 
la  plantation  de  leurs  murs,  ou  bien  avec  un  su- 
perbe dédain  de  l'exactitude  géométrique,  ou 
plutôt  avec  une  étonnante  conscience  de  notre 
imperfection  visuelle.  Cela  leur  a  permis  de  se 
tirer  aisément  des  difficultés  que  les  circonstances 
locales  ont  pu  opposer  à  la  rigueur  des  tracés 
exacts. 


£©élange0. 


315 


Mais  ce  dont  on  ne  se  doute  guère,  ce  sont  les 
déviations  non  moindres,  qu'offrent  les  mêmes 
édifices  dans  ce  qu'on  appelle  leur  «  élévation  ». 
Dans  des  études  que  nous  rappelions  récem- 
ment ('),  M.  Goodyear  a  prouvé  que  tous  les  an- 
ciens monuments  sont  généralement  de  travers. 
Ayant  remarqué  des  incorrections  de  lignes  dans 
l'un  ou  l'autre  monument,  il  s'est  mis  à  en  vérifier 
une  quantité  d'autres,  et  presque  partout  il  les  a 
trouvés  en  désaccord  avec  la  ligne  de  niveau 
comme  avec  le  fil  à  plomb,  et  cela  dans  les 
constructions  de  la  renaissance,  comme  dans  les 
romanes,  les  byzantines  et  les  gothiques. 

Mais  ces  irrégularités  que  nous  prendrions 
pour  des  gaucheries  ou  tout  au  plus  pour  des 
négligences  de  la  part  d'habiles  constructeurs  qui 
savent  ce  qu'ils  peuvent  se  permettre  en  présence 
de  l'imperfection  de  notre  organe  visuel,  sont 
quelquefois  des  anomalies  voulues,  des  raffine- 
ments d'art,  des  artifices  de  virtuoses,  et  ces  écarts 
intentionnels  de  la  droite,  de  l'horizontale,  de  la 
verticale  se  rencontrent  de  fait  dans  les  plus  ad- 
mirables édifices  de  tous  les  styles,  depuis 
l'antiquité  égyptienne  jusqu'à  nos  jours. 

M.  Goodyear  les  signale  et  les  démontre  par  des 
relevés  et  des  photographies,  à  St-Loup,à  Notre- 
Dame,  à  St- Alpin  de  Chalons  ;  à  St-Remi  de 
Reims;  à  la  cathédrale  de  Laon; à  St  Jean  deCaen; 
aux  cathédrales  de  St-Quentin,  d'Amiens,  de 
Paris,  de  Laon,  de  Noyon,  comme  à  celles  de  Pise, 
de  Fiesole,  d'Assise,  comme  à  St-Marc  de  Venise, 
à  Ste-Sophie  de  Constantinople,  à  St-Am- 
broise  de  Milan,  et  jusque  dans  les  monuments 
bien  plus  compassés  de  la  Renaissance  Italienne. 

M.  Goodyear,  partant  de  ce  fait  constant,  que 
l'irrégularité  est  généralement  voulue,  se  de- 
mande dans  quel  but  et  d'après  quelles  règles 
elle  a  été  réalisée.  D'après  lui,  elle  est  due  au  sens 
artistique,  à  la  profonde  habileté  des  anciens  ar- 
chitectes. Ils  ont  voulu,  non  pas  profiter  de  la 
tolérance  des  yeux  peu  exercés,  mais  au  contraire 
satisfaire  l'exquise  délicatesse  de  la  vue  chez  les 
spectateurs  raffinés. 

Il  est  avéré  que  certaines  lignes  s'écartent  de 
l'horizontale,  en  vue  d'effets  de  perspective,  que 
d'autres  s'inclinent  sur  la  verticale  pour  tenir 
compte  de  certaines  illusions  d'optique;  des  lignes 

1.   Kevucde  l'Arl  chrélien,  anvée  1904,  p.   168. 


sont  légèrement  curvilignes,  pour  paraître  plus 
droites.  Il  y  a  longtemps  que  ces  raffinements  de 
tracé  ont  été  signalés,  notamment  au  Parthénon 
d'Athènes.  Et  quant  au  détail,  la  parfaite  correc- 
tion géométrique  d'une  construction  évoque  l'idée 
d'un  monolithe  facilement  équarri,  plutôt  que 
d'une  construction  organique  combinée;  un  mur 
plat,  lisse,  aux  joints  imperceptibles,  ne  fait  nul- 
lement penser  au  travail  structural,  que  révèle  un 
appareil  bien  accusé.  La  rigidité  des  lignes  géo- 
métriques exprime  la  sécheresse  et  n'inspire 
aucun  des  attraits  que  l'on  a  pour  des  choses, 
où  la  vie  organique  ou  le  travail  humain  a  laissé 
son  empreinte. 

Aucun  sculpteur  ne  fera  une  statue  parfaite- 
ment et  géométriquement  symétrique,  qui  serait 
d'une  raideur  choquante  et  d'une  expression 
glaciale.  Un  grand  architecte  rompt  la  régularité 
des  ordonnances  d'un  édifice,  comme  le  sculp- 
teur la  raideur  des  lignes  d'une  statue.  Chacun 
sait  bien  que  le  charme  intime  d'un  croquis  tracé 
à  main  libre  gît  dans  la  vivante  incorrection  des 
lignes  et  dans  cette  agitation  des  traits  qui  tra- 
duit les  nuances  d'impression  nerveuse  propre  à 
une  main  vivante.  Il  n'y  a  rien  de  cette  vie  expri- 
mée dans  les  dessins  compassés,  ni  dans  les 
bâtisses  aux  contours  mécaniquement  corrects, 
aux  angles  impeccablement  mesurés.  Les  Pierre 
de  Montereau  et  les  Palladio  réalisaient  dans 
leurs  constructions  ces  lignes  vibrantes  qui 
sont  le  prestige  des  dessinateurs  artistes.  Les 
monuments  qu'ils  ont  élevés  sont;  dans  toutes 
leurs  parties,  empreints  de  ces  vivantes  infrac- 
tions à  la  froide  régularité.  Les  pierres  ont 
leur  entité  et  font  chacune  dans  le  mur  leur 
partie  artistique,  comme  chaque  voix  dans  un 
chœur  de  chantres  ;  toutes  les  travées  sont  pa- 
reilles, mais  on  les  regarde  successivement 
comme  on  regarde  différentes  personnes  ;  tous 
les  coins  de  l'édifice  sont  symétriquement  répétés, 
mais  ont  une  physionomie  propre.  Le  regard 
se  promène  sans  se  lasser  sur  les  surfaces  vi- 
brantes sur  lesquelles  l'artiste  ou  l'artisan  a  laissé 
partout  quelque  faible  trace  de  son  activité  émue; 
ils  ne  sont  point  comme  un  tapis  fabriqué  mé- 
caniquement dans  les  prisons  des  Indes  sous  la 
férule  anglaise,  dont  les  motifs  identiquement 
répétés  lassent  bientôt  le  regard,  mais  comme 


3i6 


3Re\3ur  tje  l'Srt  cbrétien. 


les  tapis  d'Orient  oîi  l'ouvrier  libre  a  partout 
semé  la  vivante  imperfection  de  son  travail 
manuel  ('). 

L.  Cloquet. 


Saloirs  gotbiqncs. 


E  château  de  Munte,  vieux  manoir 
gothique,  reconstruit  au  XVII^  siècle, 
et  restauré  de  nos  jours  par  son  pro- 
priétaire M.  le  Dr  Verstraeten,  profes- 


seur à  l'université  de   Gand,   contient   dans  ses 


vieux    souterrains    d'assez   curieuses    cuves    de 

I.  Y.  W.  H.  Goodyear,  Architectural  reûnement  in  frencli 
gothic  Cathédrale  and  earïy  byzantine  Churchea.  Petit  in-4*^  de 
70  pp.  illustré,  Macmillan  Company,  Brooklyn.   1904. 


pierre  bleue  (petit  granit),  au  nombre  de  trois, 
qui  font  penser  au  saloir  où  le  criminel  boucher 
de  la  légende  de  Saint-Nicolas  de  Myre  mit  en 
saumure,  les  morceaux,  des  trois  petits  enfants 
que  le  bon  Saint  devait  bientôt  ressusciter.  Ces 
objets  étant  assez  rares,  nous  en  avons  relevé  les 


-  ^V-yiH"^-==^VV'r    V-1 


croquis  qui  intéresseront  peut-être  nos  lecteurs. 
L'un  est  octogone,  analogue  presque  aux  cuves 
baptismales,  avec  ses  moulures  accusant  le  com- 
mencement du  XVI^  siècle  ;  les  deux  autres, 
en  forme  de  simples  parallélipipèdes,  sont  sans 

doute  plus  récents. 

L.  C. 


^,5t  ^^.  :^^  :<^  ^  ^:^  ^^^^  ^^  ^^.  ^^  ^^.  ■■'^.  ^.  ^^^^^^^  ^  ^  ^:^.  ^.  ^^^iM. 


'h 


% 


^m^mm^mm  Corresponïiance.  ^mwm'^mwm 


ww^wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww^^ 


^  ^  rw.^^:v^.  w.^^    Italie. 

BlOifiirr :  Un  ctutifir  pat  CBict)Cl>?Jnot;  Xtca  ffiusjfefl 
ft  Ira  (•i.ilcricfl  !  Bfcouljcrtc  Ce  BCBSins  Bc  ÎBlchrl  Hnec; 
Gnûoi  De  tapiuBcrifa  à  Karia.  —  Vftli.iiif  :  DoiiDrlIc  acquit 
aition  Bf  la  ftalcnc  ropalf.  —  ïîomc:  lie  portrait  Bf  JSa 
jSairuttc  x>ic  X.  —  BoiBO  ^an  liorenjo:  dix  tableau 
bolf. —  ÎBonttlCOnc:ï)fcouberte  D'une  faiee. —  ïîflple;£(: 
lie  portrait  Du  catDinal  Bempo  :  lea  pomaita  par  Dtcolaa 
Hromeiit  ù'.FJtiianori. 

\LORENCE.  —  Un  Crucifix  par  Mi- 
chel Ange.  —  Le  sculpteur  Asciano 
Coiidivi  a  écrit,  en  1553,  l'histoire  de 
Michel-Ange, sous  les  yeux  du  maître. 

Vasari  a  consacré  un  chapitre  détaillé  à 
Michel-Ange. 

Les  deux  auteurs  rapportent  que  dans  sa 
jeunesse,  Michel-Ange  a  sculpté  un  crucifix  en 
bois,  un  peu  moins  grand  que  nature,  pour  le 
prieur  de  l'église  de  Santo  Spirito  de  Florence, 
et  que  ce  crucifix  fut  placé  au-dessus  de  l'autel 
majeur. 

D'autres  écrivains,  Boighini  en  î58r,  et  Bocchi 
en  1591,  fournissent  le  même  renseignement. 

De  1600  à  1607,  l'ancien  autel  majeur  fut 
remplacé  par  l'autel  actuel  ;  le  crucifix  de 
Michel-Ange  ne  trouva  pas  sa  place  dans  le  nou- 
veau et  médiocre  monument  ;  il  ne  fut  plus  parlé 
de  la  sculpture  dans  les  écrits  sur  l'art  à  Floren- 
ce jusqu'en  1761,  année  où  parut  le  travail 
du  père  Richa  sur  les  églises  de  Florence.  L'écri- 
vain dit  que  sur  l'autel  de  la  salle  du  Chapitre  se 
trouvait  le  Christ  de  Michel-Ange,  destiné  au 
chœur  de  l'église,  mais  à  présent  conservé  dans 
la  sacristie. 

Depuis  lors,  il  n'a  plus  guère  été  question  de 
ce  crucifix  ;  cependant  dans  la  Niiova  Guida  da 
Firenze,  publié  en  1842  par  l'architecte  Fantozzi, 
il  est  dit  qu'à  San  Spirito,  dans  le  chœur  de 
l'autel  majeur,  on  voit  un  crucifix  en  bois,  que, 
selon  ce  que  rapporte  Cinelli,  continuateur  de 
Bocchi,  on  peut  croire  œuvre  de  Michel-Ange. 

François,  dans  la  Nuova  Guida  da  Fire^ize, 
publié  en  1857,  fait  la  même  mention. 

L'église  est  en  forme  de  croix  latine  et  l'autel 
se  trouve  placé  à  l'intersection  des  branches  ;  le 


chœur,  c'est-à-dire  l'enceinte  réservée  aux 
chanoines  et  aux  chantres,  est  derrière  l'autel 
et  séparé  de  la  nef  par  une  simple  cloison  de 
bois  de  peu  de  hauteur. 

Les  mentions  de  Fantozzi  et  de  François  n'ont 
pas  attiré  l'attention  des  écrivains  modernes  qui 
se  sont  occupés  de  Michel-Ange. 

Knacfuss(i897),  M.  Reymond  (1900),  Corrado 
Ricci  (1902),  Hobroyd  (1903)  ou  ne  parlent  pas 
du  crucifix,  ou  bien  disent  qu'il  a  disparu  de 
Santo  Spirito. 

Aucun  des  guides  actuels  à  l'usage  des  voya- 
geurs ne  signale  cette  sculpture. 

Subitement  le  crucifix  du  Santo  Spirito  est 
devenu  une  question  d'actualité. 

Le  professeur  Thodede  l'université  de  Heidel- 
berg,  est  l'auteur  d'une  vie  de  Michel-Ange  dont 
deux  volumes  ont  paru;  il  a  séjourné  plusieurs 
fois  à  Florence  et  lors  de  son  dernier  voyage  il  a 
fait  une  découverte,  —  le  mot  est  de  lui,  —  dont 
les  journaux  allemands  et  italiens  ont  rendu 
compte. 

En  visitant  une  fois  de  plus  l'église  Santo 
Spirito,  le  professeur  aperçoit  le  crucifix  du 
chœur  auquel  il  n'avait  pris  aucune  attention 
jusque-là. 

Avec  une  vive  émotion  il  reconnaît  l'œuvre 
de  Michel-Ange. 

Il  suppose  que  de  la  sacristie  le  crucifix  a 
été  transporté  sur  la  balustrade  du  chœur,  car 
il  n'admet  pas  qu'un  ouvrage  de  cette  importan- 
ce ait  pu  être  perdu,  alors  que  l'église  Santo 
Spirito  conserva  tant  de  peintures  remarquables 
du  XV^  siècle. 

Le  professeur  Thode  est  émerveillé  de  sa 
découverte.  Il  tient  le  crucifix  comme  im  ouvrage 
du  plus  haut  intérêt  ;  Michel-Ange  n'avait  que 
de  dix-sept  à  dix-neuf  ans  lorsqu'il  le  sculpta 
et  déjà  dans  cette  œuvre  de  jeunesse  on  sent  le 
génie  du  grand  artiste  ;  cette  sculpture  forme 
la  transition  du  style  du  XV^  au  XVJe  siècle  et 
indique  la  voie  que  l'art  suivra  à  l'avenir  ! 

Le  lyrisme  de  Thode  est  sans  doute  très 
sincère,  maison  peut  admettre  que  la  satisfaction 
d'avoir  fait  une  découverte  lui  a  donné  l'illusion 


3i8 


ÎRetoue  tje  rart  cbrctien. 


de  voir  dans  le  cruficix  des  qualités  qui  n'exis- 
tent pas. 

L'opinion  à  peu  près  générale  émise  à  Floren- 
ce à  ce  sujet,  peut  se  résumer  ainsi. 

Rien  ne  prouve  que  ce  crucifix  du  chœur  soit 
celui  qui  était  dans  la  sacristie  de  l'église. 

En  tout  cas  la  sculpture, si  elle  est  de  Michel- 
Ange,  ne  porte  pas  l'empreinte  du  maître. 

Elle  n'est  pas  dans  de  bonnes  proportions,  car 
les  bras  sont  trop  longs. 

Le  torse  est  modelé  avec  force,  tandis  que  les 
jambes  ne  le  sont  pas  assez. 

Le  crucifix  n'a  jamais  attiré  l'attention  des 
fidèles  et  des  visiteurs,  même  pas  celle  du  pro- 
fesseur Thode  jusque  dans  ces  derniers  temps, 
parce  qu'il  ne  présente  rien  qui  le  distingue 
particulièrement  des  autres  crucifix  de  la  fin  du 
XVe  siècle. 

Plusieurs  critiques  vont  plus  loin  et  voient  là 
un  ouvrage  flamand  plutôt  qu'italien. 

Le  professeur  Thode  annonce  sur  le  sujet  une 
dissertation  appuyée  de  photographies,  qui  paraî- 
tra dans  son  troisième  volume  sur  Michel-Ange, 

Attendons  cette  publication  ;  à  mon  avis,  le 
professeur  aura  beaucoup  de  peine  à  convaincre 
ceux  de  ces  lecteurs  qui  ont  constamment  Mi- 
chel-Ange sous  les  yeux. 

Les  Musées  et  les  Galeries. 

Plusieurs  journaux  italiens  et  étrangers  ont 
annoncé  que  le  nouveau  et  éminent  directeur 
des  musées  royaux  de  Florence,  M.  Corrado 
Ricci,  avait  l'intention  d'apporter  de  notables 
changements  dans  les  établissements  dont  il  a  la 
direction  ;  on  a  dit,  notamment,  qu'il  supprime- 
rait la  célèbre  Tribune  de  la  Galerie  des  Offices. 

Il  faut  ramener  au  point  tous  ces  bruits.  La 
Tribune  ne  sera  pas  supprimée,  M.  Corrado  Ricci 
y  fera  des  changements  de  tableaux, comme  l'ont 
fait  tous  ses  prédécesseurs. 

Dès  que  les  nouvelles  salles  de  la  galerie  se- 
ront prêtes,  le  directeur  procédera  à  une  instal- 
lation des  tableaux  en  ordre  raisonné  et  métho- 
dique. 

On  a  écrit  également  sur  la  Galerie  Pitti  ;  on  a 
parlé  des  tableaux  relégués  en  magasin,  et  on 
émettait  l'espoir  que    M.  Ricci  y  mettrait  ordre. 

C'est  bien  peu  connaître  la  situation  adminis- 
trative de  la  Galerie  palatine. 


Le  Palais  Pitti  et  toutes  ses  dépendances  ont 
été,  par  une  loi  du  parlement  italien,  attribués  au 
souverain.  Le  directeur  des  musées  royaux  de 
Florence  ne  peut  ni  ajouter  ni  retrancher  un  seul 
tableau  à  la  Galerie  ;  il  a  cependant  la  faculté  de 
changer  déplace  les  ouvrages;  c'est  ce  que  vient 
de  faire  M.  Corrado  Ricci. 

Les  magasins  de  tableaux  de  Pitti  sont  une 
invention  pure  et  simple. 

Découverte  de  dessins  de  Michel- Ange. 

La  Galerie  des  Offices  conserve  environ  44,000 
dessins;  la  majeure  partie  est  en  portefeuille, 
dont  un  grand  nombre  sont  exposés  sous  vitrines 
dans  les  corridors  et  diverses  salles  de  la  Galerie. 
M.  Ferri,  le  distingué  conservateur  de  la  collec- 
tion, et  M.  E.  Jacobsen,  un  émérite  érudit,  s'oc- 
cupent sans  cesse  de  rechercher  dans  les  cartons 
les  pièces  qui  ont  pu  échapper  à  l'attention. 

Leurs  efforts  ont  eu  un  grand  succès.  L'an 
passé,  ils  ont  trouvé  quarante  esquisses  et  dessins 
de  Michel-Ange  tracés  sur  dix  cartes  différentes. 
Cette  année  ils  ont  pu  ajouter  vingt  dessins  à 
ceux  de  l'année  dernière. 

Avec  science  et  sagacité,  ils  sont  arrivés  à 
spécifier  les  sujets,  quelquefois  cependant  assez 
incertains. 

Les  sujets  se  rapportent  aux  études  de  Michel- 
Ange  pour  la  chapelle  Sixtine,  les  tombeaux  des 
Médicis,  et  d'autres  travaux  du  maître. 

On  espère  que  bientôt  un  éditeur  intelligent 
fera  paraître    ces   très    intéressants  documents. 

Envoi  de  tapisseries  à  Paris. 

Florence  a  envoyé  à  l'Exposition  des  Primitifs 
français  à  Paris,  deux  tapisseries  de  la  magnifique 
suite  de  huit  pièces,  dite  Les  Fêtes  de  Henri  //, 
l'une  a  trait  aux  fêtes  de  Bayonne  données  à 
Catherine  de  Médicis, l'autre  à  une  fête  donnée  en 
1572  aux  Tuileries  aux  ambassadeurs  polonais. 

Les  cartons  de  ces  tapisseries  sont  fort  proba- 
blement français, mais  l'exécution  est  flamande  à 
n'en  pas  douter. 

Les  tapisseries  sont  donc  du  dernier  quart  du 
XVI'^  siècle. 

Par  quel  abus  de  langage  peut-on  les  classer 
dans  les  Primitifs  ? 

Venise.  —  Galerie  royale  de  peinture. 

M.  Cantalamissa,  le  très  distingué  directeur, 
s'attache  surtout  à  rechercher  les  peintures  des  ar- 
tistes vénitiens.  Voici  ses  dernières  acquisitions, 


—  La  Madone  et  l'Enfant,  saint  Jean  et  saint 
Jérôme,  par  Catena  (Vincenzo)  de  Venise  >i<  i  531. 

—  La  Madeleine,  par  Pittoni  (Gianbatista)  de 
Venise  (i 686- 1767). 

—  La  Guérison  du  paralytique,  par  Ricci  (Se- 
bastiano)  de  Bellune  (16601734). 

—  Iles  de  la  lagjine,  par  Guardi  (Francesco)  de 
Venise  (1712-1793). 

—  Ile  de  la  lagune  par  Canaletto  de  Venise 
(1697-1768). 

Rome.  —  Depuis  l'avènement  du  Pape  Pie  X, 
son  eFfigie  est  répandue  à  profusion  dans  toute 
l'Italie:  photographies,  gravures.chromolithogra- 
phies,  plastiques,  etc. 

Mais  ce  n'est  que  dans  ces  derniers  temps  que  le 
pontife  a  décidé  de  donner  séances  à  des  artistes. 

M.  Gabriel  Ferrier,  peintre  français  de  grand 
talent,  a  fait  le  portrait  peint  à  l'huile  et  l'a  ex- 
posé au  salon  de  Paris  de  cette  année.  M.  Fré- 
déric Limburg,  sculpteur  allemand,  a  sculpté 
le  buste  destiné  aux  évêchés, paroisses  et  institu- 
tions catholiques  de  l'Allemagne. 

On  raconte  que  le  Pape,  passant  par  hasard 
dms  une  salle  du  Vatican,  où  M.  Limburg  tra- 
vaillait, vit  que  le  sculpteur  avait  fait  poser  un 
simple  domestique  revêtu  des  parements  pontifi- 
caux. Pie  X  sourit  et  n'empêcha  nullement  M. 
Limburg  de  continuer,  comprenant  fort  bien  que 
le  modèle  n'était  là  que  pour  les  parements. 

Borgo  San  Lorenzo  (Toscane).  —  L'église  con- 
servait un  tableau  du  XV<^  siècle,  d'auteur  in- 
connu, représentant  San  Assiano,  patron  du  sanc- 
tuaire. 

Le  tableau  a  été  volé. 

Montcleone  (Ombrie).  —  Les  découvertes 
d'antiquités  ne  rentrent  pas  en  général  dans  le 
cadre  de  la  Revue  de  F  Art  chrétien  ;  cependant, 
par  exception,  on  peut  en  signaler  une  en  raison 
de  son  extrême  rareté.  Dans  une  nécropole  de 
Monteleone,  localité  située  près  de  Spolète,  on  a 
trouvé  à  quelques  mètres  de  profondeur  une  bige 
qui  paraît  remonter  à  quatre  ou  cinq  siècles  avant 
l'ère  chrétienne  ;  elle  était  ornée  de  plaques  de 
cuivre  avec  des  sujets  à  personnages. Les  paysans 
qui  ont  fait  la  découverte  ont  trouvé  également 
des  casques  et  des  amphores  métalliques. 


Le  secret  a  été  si  bien  gardé,  que  personne  ne 
s'est  douté  de  ce  trésor,  sauf,  bien  entendu,  les 
intéressés  qui  se  sont  mis  en  relations  avec  un 
marchand  d'antiquités  ;  ce  négociant  a  si  bien  ma- 
nœuvré, qu'il  a  acheté  la  bige  pour  un  prix  rela- 
tivement minime  et  qu'il  l'a  revendue  en  Amé- 
rique trois  ou  quatre  cents  fois  plus  cher  qu'il  l'a- 
vait payée,  c'est-à-dire  de  200,000  à  300,000  fr. 

Et  de  plus  il  a  trouvé  moyen  de  l'exporter 
malgré  les  lois  italiennes  interdisant  l'exporta- 
tion des  objets  d'art  anciens  sans  une  autorisa- 
tion préalable. 

Les  biges  antiques  sont  d'une  extrême  rareté. 

Les  musées  italiens  n'en  ont  qu'une  seule  ; 
elle  est  d'origine  étrusque  et  conservée  au  musée 
archéologique  de  Florence  ;  elle  a  subi  du  reste 
des  restaurations,  et  certaines  parties  qui  man- 
quaient ont  été  ajoutées  avec  intelligence. 

II  y  a  bien  au  musée  de  sculpture  du  Vatican  une 
salle  dite  de  la  Bige  ;  mais  ce  n'est  pas  un  char 
véritable  qui  a  donné  son  nom  à  la  salle,  c'est 
une  bige  décorative  en  marbre. 

Naples.  —  On  savait  que  Titien  avait  exécuté 
le  portrait  du  célèbre  cardinal  Bempo  (1470- 
1547),  secrétaire  du  pape  Léon  X  pour  les  lettres 
latines,  mais  on  croyait  la  peinture  perdue.  Elle 
vient  d'être  trouvée  au  musée  royal  de  Naples  ; 
le  cardinal  est  représenté  assis, maigre  et  austère- 
le  fond  du  tableau  montre  la  campagne  d'Aso- 
lana  qu'affectionnait  le  cardinal. 

Et  comme  j'ai  cité  Naples,  il  est  de  circons- 
tance d'ajouter  que  j'ai  noté  à  la  Pinacothèque 
deux  ouvrages  de  Froment  d'Avignon,  peintre 
du  roi  René,  dont  plusieurs  ouvrages  sont  pré- 
sentement exposés  à  Paris. 

On  sait  que  Froment  a  travaillé  de  146 1  à 
1482,  mais  je  ne  crois  pas  que  les  peintures  de 
Naples  aient  été  signalées  par  les  écrivains  fran- 
çais. 

Ce  sont  les  effigies  en  pied,  d'une  facture  élé- 
gante et  distinguée,  de  Charles,  duc  de  Calabre, 
et  de  Robert,  roi  de  Sicile  ;  tous  deux  sont  figu- 
rés en  rois  mages  apportant  des  présents. 


Ger.sp.\ch, 


Florence. 


320 


WitWt  tie  r^rt  cbrétien. 


Question. 


UN  de  nos  abon- 
nés nous  en- 
voie la  photographie 
d'une  croix  byzantine 
en  nous  demandant 
de  déterminer  sa  pro- 
venance et  son  âge. 

Réponse  :  L'objet 
appartient  évidem- 
ment à  l'art  russe.  Il 
est  impossible  de 
préciser  davantage 
étant  donné  l'hiéra- 
tisme de  cet  art,  qui 
comporte  la  multi- 
plication des  répli- 
ques d'une  même 
composition  tradi- 
tionnelle. L'objet  pa- 
raît dater  du  XIV^ 
siècle.  Nous  repro- 
duisons commepoint 
de  comparaison  une 
croi.x  presque  iden- 
tique mais  complétée 
par  cinq  plaques  his- 
toriées montées  sur 
les  branches  supé- 
rieures de  la  croix. 

Au  surplus  nous 
avons  le  plaisir  de 
fournir  à  notre  cor- 
respondant latraduc- 
tion  des  inscriptions 
slaves  indiquant  des 
sujets  et  symboles 
tracés  sur  la  croix 
qu'il  possède,  à  sa- 
voir : 

Au  croisillon  figure 
le  soleil  et  la  lime  ;  au 
titulus,  IC.XC  (Jésus 
Christus)  ;  au  côté 
du  nimbe,  fils  de 
Dieu;  sous  la  tête 
divine,  au  sommet  de 
la  branche  verticale  : 
Ifitage  de  Dieu  créa- 
teur du  »to?ide:  im- 
médiatement en  des- 
sous :  anges  dii'ins  ; 
dans  le  croisillon  de 
la  traverse  supérieu- 
re :  Roi  de  gloire; 
dans  le  croisillon  de 
la  grande  traverse  à 
gauche  :  7ious  nous 
inclinons  devant  tu 
croix  glorieuse  ;  à 
droite  :  et  nous  clian- 
tons  ta  sainte  Résur- 
rection ;so\is  les  pieds 
du    Christ  :    mon    a- 

chTvil'ie'd.-làtveurV  C.  de  Na.areth  :  h  la  gauche  de  la  poitrine  du  Christ:  .>A,/.«r;  aux  côtés  de  'a.tête  d'Adam  : 
Go7gotla.  Enfin  en  tête  des  registres  latéraux  :  à  droite,  la  Ste  Mère  de  Dieu  et  Ste  Mane  Magdeleine;  à  gauche, 
^.  Jean  et  le  centurion. 


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^ 
^ 


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Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Let- 
tres. —  Séance  du  S  avril.  —  M.  L.  Heuzey  fait 
connaître  un  monument  de  sculpture  romaine 
découvert  en  deux  fois  (1889  et  i89S)à  Ville- 
vieille  près  de  Sommières  (Gard). 

On  trouva  d'abord  un  étroit  piédestal  de  pierre 
giise  taillé  en  forme  de  gaine  ou  d' kermès  et  por- 
tant une  inscription  latine  que  l'on  peut  traduire 
ainsi  :  «  Au  génie  de  notre  Publius,  Pimigenius, 
son  affranchi.  >  Cette  formule  familière,  fré- 
quente dans  la  région  de  l'ancienne  colonie  ro- 
maine de  Nîmes,  indique  un  culte  religieux  voué 
par  les  esclaves,  les  affranchis,  les  clients  d'un 
patron  à  son _^'^;/n/.f,  c'est-à-dire  au  démon  intime 
que  les  Romains  croyaient  résider  au  fond  de 
chaque  personnalité. 

Ce  n'est  que  beaucoup  plus  tard  que  fut  re- 
cueilli dans  le  même  terrain  un  marbre  blanc  que 
M.  Fernand  Révil,  possesseur  de  ces  divers  frag- 
ments, reconnut  comme  s'emboîtant  dans  la  cavi- 
té creusée  au  sommet  de  l'hermès.  La  tête,  d'une 
réalité  vivante,  est  surtout  curieuse,  parce  qu'elle 
est  coiffée  de  1'  «  apex  »  ou  bonnet  à  pointes  des 
prêtres  appelés  «  fiamines  ». 

Séance  du  ij  avril.  —  L'Académie  propose 
pour  la  médaille  d'or  offerte  par  la  Société  cen- 
trale des  architectes,  M.  Lefebvre,  membre  de 
l'Ecole  française  d'Athènes,  qui  a  exécuté  des 
fouilles  au  Fayoum,  ayant  amené  la  découverte 
d'un  temple  consacré  à  des  divinités  helléniques 
ainsi  que  de  nombreux  papyrus  grecs. 

Séance  du  6  mai.  —  M.  Dieulafoy  continue  la 
lecture  de  son  mémoire  sur  la  sculpture  espa- 
gnole, notamment  sur  la  statuaire  polychrome. 
Il  est  en  mesure  d'établir,  que  c'est  à  Léon,  dans 
la  vieille  cathédrale  et  au  Musée  municipal,  que 
se  trouvent  les  monuments  polychromes  les  plus 
anciens,  datant  du  début  du  XIII'^  siècle;  on 
y  constate  l'influence  des  écoles  méridionales  de 
la  France  et  des  écoles  clunisiennes,  influence 
qui  restera  prépondérante  jusqu'au  milieu  du 
XV'^  siècle,  date  à  laquelle  l'art  bourguignon, 
flamand  et  même  allemand  devient  prédominant. 
Enfin,  au  XVI'^  siècle,  l'Espagne,  fidèle  aux 
traditions  de  la  Renaissance  italienne,  atteindra 
la  perfection  avec  les  contemporains  et  les  ému- 
les de  Velazquez,  de  Ribera  et  de  Miirillo. 

Séance  du  ij  mai.  —  M.  Heuzey  fait  une  com- 
munication sur  les  monuments  ibériques  récem- 
ments  découvertes  en  Espagne. 

Grâce  à  MM.  Arthur  Engel  et  Pierre  Paris, 
le   musée  du  Louvre  a  pu  suivre  et  encourager 


des  recherches  qui  ont  mis  au  jour  nombre  de 
monuments  appartenant  à  l'antiquité  ibérique, 
encore  si  incomplètement  connus. 

M.  Heuzey  résume  une  notice  de  ces  deux  ar- 
chéologues sur  les  fouilles  qu'ils  ont  exécutées  à 
Osuna,  l'antique  Ursao.  Ils  y  ont  déblayé  les 
siibstructions  d'une  muraille  construite  avec  des 
blocs  arrachés  à  des  édifices  d'époques  différentes. 
Beaucoup  de  ces  blocs  portaient  des  sculptures 
romaines  et  demi  barbares,  conservant  quelques 
traces  des  influences  antérieures,  grecques  ou 
orientales. 

Ce  sont  des  angles  de  frises,  des  pièces  d'ar- 
chitecture, avec  des  restes  de  représentations  mi- 
litaires ou  religieuses  ;  guerriers  aux  casques  che- 
velus et  aux  longs  boucliers,  presque  gaulois  ; 
autres  combattants  à  la  tête  nue,  armés  de  la 
petite  rondache  ibérique  ;  à  côté  de  ces  soldats, 
un  curieux  acrobate  marchant  sur  ses  mains, 
comme  s'il  s'agissait  de  jeux  militaires  plutôt  que 
de  combats  réels.  Puis  des  femmes  portant  des 
vases  à  libation,  une  joueuse  de  flûte,  un  prêtre  à 
long  manteau,  de  nombreuses  figures  d'animaux, 
surtout  des  taureaux.  Les  armes  et  les  poteries 
feront  l'objet  d'une  autre  communication. 

Séance  du  20  mai. —  L'.Académie  attribue  à 
M.  Dufour,  ancien  membre  de  l'École  d'Extrême- 
Orient,  une  nouvelle  allocation  de  6000  fr.  pour 
lui  permettre  de  continuer  les  fouilles  du  Bayon 
d'Angkor-Thom. 

Séance  du  2-j  mai. —  M.  Clermont-Ganneau 
donne  lecture  d'une  dépêche  datée  de  Dakar  dans 
laquelle  le  lieutenant  Desplagnes,  chargé  de  mis- 
sion, annonce  à  l'Académie  la  découverte  qu'il 
vient  de  faire  de  l'emplacement  de  Koukia,  pre- 
mière métropole  de  l'empire  de  Sourhaï. 

Suivant  la  légende,  cette  cité  remontait  aux 
pharaons  d'Egypte.  Elle  disparut  au  courant  du 
XVIII<=  siècle.  Il  n'en  reste  actuellement  que 
quelques  ruines,  des  monticules  avec  des  cime- 
tières renfermant  de  nombreuses  pierres  tumu- 
laires  chargées  d'inscriptions  arabes. 

Le  P.  Jalabert  communique,  au  nom  du  P.  Sé- 
bastien Ronzevalle,  professeur  à  l'Université 
française  de  Beyrouth,  une  note  sur  quelques  mo- 
numents relatifs  aux  cultes  syriens  de  l'époque 
gréco-romaine. 

C'est  d'abord  un  autel  de  Hauran,  dont  une 
face  représente  le  dieu  Esculape  revêtu  du  cos- 
tume romain  ;  puis  une  nouvelle  inscription  rela- 
tive au  dieu  Beellepharus  provenant d'Heilboun, 
qui  permet  d'affirmer  que  ce  dieu  est  bien  d'ori- 
gine syrienne,  ce  serait  le  Raal  d'Ifry  près  Damas  ; 


322 


jRebxic  De  rart  tbrctien. 


enfin  divers  monuments  où  figurent  des  repré- 
sentations diverses  sous  la  forme  de  lions.  La 
plus  intéressante,  le  lion  cornu  de  la  gaine  du 
Jupiter  Héliopolitain,  confirme  l'origine  égyp- 
tienne du  grand  dieu  Cœlisyrien 

Séance  du  ^  juin.  —  M.  Homolle  communique 
le  rapport  de  M.  Lefebvre,  membre  de  l'École 
française  d'Athènes,  sur  les  fouilles  qu'il  a  faites 
en  collaboration  avec  M.  Bassy  sur  l'emplace- 
ment deTchneh.en  Egypte. 

Le  capitaine  Weill  donne  lecture  d'une  notice 
-sur  un  nouveau  bas-relief  de  Snofrou. 

Séance  du  lojuin.  ■ —  M.  Héron  de  Villefosse 
fait  part  à  l'Académie  d'une  lettre  qu'il  a  reçue  du 
docteur  Carton,  président  de  la  Société  archéolo- 
gique de  Sousse,  annonçant  que,  de  concert  avec 
l'abbé  Legnaud,  il  vient  de  découvrir  l'entrée 
d'une  des  catacombes  d'Hadrumète. 

Cette  voie  d'accès,  qui  présente  encore  un  esca- 
lier de  huit  marches  bien  conservées,  devait  être 
protégée  par  un  petit  édicule  voûté  ;  la  voûte  était 
formée  de  poteries  creuses  et  cylindriques.  Elle 
conduit  à  un  vestibule  en  forme  de  croix  —  peut- 
être  une  chapelle  — -  qui  n'est  pas  encore  complè- 
tement déblayé,  mais  qui  est  entièrement  garni  de 
loctili  ;  dans  un  des  angles  une  petite  ouverture 
taillée  dans  le  tuf  donne  sur  les  galeries  des  cata- 
combes. 

Cette  nécropole  était  très  étendue.  Plus  de  qua- 
tre cents  mètres  de  galeries  souterraines  sont  déjà 
dégagées  ;  elles  forment  jusqu'à  quatre  étages  de 
tombeaux  fermés  par  des  tuiles.  Une  galerie  ré- 
cemment découverte  conduit  à  un  carrefour  où 
débouchaient  six  autres  galeries,  ce  qui  laisse  en- 
trevoir un  champ  d'exploration  considérable. 

Tout  était  rempli  de  terre.et  le  dégagement  eût 
été  extrêmement  coûteux  si  le  colonel  du  4^  régi- 
ment de  tirailleurs  n'avait  pas  fourni  la  main- 
d'œuvre. 

Le  diagramme  musical  inédit  de  Florence.  — 
M.  Ruelle,  de  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève, 
communique  une  note  sur  «  le  diagramme  musical 
inédit  de  Florence  >. 

Ce  savant  a  trouvé  ce  tableau  dans  le  Lauren- 
tianus,  86,  3,  folio  163. 

Société  des  Antiquaires  de  France.  — 
Séance  du  /"-'  ai'ril  iço^.  —  MM.  Philippe  de 
Forti  et  Gabriel  Martin  sont  élus  associés  cor- 
respondants. 

M.  Lcprieur  expose  les  raisons  qui  lui  font 
croire  à  l'authenticité  du  «diptyque  de  Melun  > 
et  du  portrait  de  Jean  Fouquet.  Une  discussion 
s'engage  à  ce  sujet  entre  MM.Leprieur,  de  Mély 
et  Marquet  de  Vasselot. 


Séance  du  2y  avril.  —  M.  Blanchet  fait  au 
nom  de  M.  Naef  une  communication  sur  les 
différentes  marques  à  l'aide  desquelles  les  archi- 
tectes suisses  désignent  les  parties  restaurées 
dans  les  monuments  anciens. 

M.  de  Mély  fait,  au  nom  du  baron  Carré  de 
Vaux,  une  communication  sur  les  origines  de  la 
légende  de  J^ellerophon. 

M.  Toutain  cominunique  une  inscription  grec- 
que trouvée,  en  1880,  à  Panticapie  (Crimée). 

M.  de  Laigue  envoie  un  mémoire  sur  une  ins- 
cription grecque  découverte  à  Trieste. 

M.  Ravaisson  MoUien  entretient  la  Société  de 
différentes  peintures  italiennes  ou  françaises,  o\x 
se  peut  reconnaître  le  portrait  de  Léonard  de 
Vinci. 

Séance  du  ./  mai.  —  M.  Ch.  Em.  Ruelle  est  élu 
membre  résidant,  en  remplacement  de  M.  Cor- 
royer, décédé. 

M.  Joseph  Depoint  est  élu  associé  correspon- 
dant national. 

M.  Chenon  communique  divers  objets  de  l'épo- 
que gallo-romaine  trouvés  à  Château-Meillant 
(Cher). 

Séance  du  11  mai. —  M.  Dimier  pose  une  ques- 
tion au  sujet  de  Marc  Duval,  graveur  du  portrait 
des  trois  Coligny. 

M.  Durant-Gréville  présente  diverses  observa- 
tions au  sujet  de  certaines  œuvres  exposées  aux 
Primitifs  français  qu'il  croit  devoir  attribuer  à 
Bourdichon. 

M.  Destrée  entretient  la  Société  d'un  tombeau 
sculpté  de  HouPfalize  (Luxembourg)  et  d'an  fuge- 
ment  dernier  de  l'école  brabançonne  au  Louvre. 

Séance  du  18  mai.  — Communications  :  de  M. 
Y.  de  Mély  sur  la  signature  de  Jehan  Perréal  dé- 
couverte par  lui  dans  la  décoration  du  carrelage 
qui  figure  au  bas  du  tableau  de  La  Vierge  appar- 
tenant au  Louvre,  actuellement  exposé  aux  Pri- 
mitifs français,  et  qui,  suivant  notre  collabora- 
teur, offre  cette  forme  :  «  I.  P.  I.  *  I.  1490  »  ;  — 
de  M.  J.  Maurice  sur  une  nouvelle  reproduction 
du  labaruui  de  Constantin  ;  —  de  M.  Arnauldet 
sur  les  origines  du  monastère  et  de  la  bibliothè- 
que de  Saint-Mesmin  de  Micry  ;  —  de  M.  Mar- 
quet de  Vasselot  sur  une  base  de  reliquaire  en 
cuivre  doré  de  la  fin  du  Xll»^  siècle  ou  du  début 
du  XI 11"=,  récemment  acquise  parle  Louvre. 

Séance  du  25  mai.  —  M.  V.  de  Mély  poursuit 
devant  la  Société  son  enquête  sur  les  Primitifs. 
Ses  dernières  constatations  ont  trait  au  fameux 
diptyque  de  Melun,  par  Fouquet,  qui  représente 
la  Vierge  sous  les  traits  d'Agnès  Sorel,  et  Etienne 
Chevalier.  M.  de  Mély  relève  la  différence  de 
dimensions    aussi    bien     que   de    facture    qu'ils 


Cratjaujc  tie0  Sociétés  satiantcs. 


323 


offrent  :  \' Etienne  Chevalier  mesure  i'",oi  sur 
o'",88,  \diV'icrge  o"\8i5  sur  o"', 82. Quant  à  la  dif- 
férence de  facture,  elle  s'explique,  suivant  M.  de 
Mély,  par  le  fait,  que,  si  V Etienne  Chevalier  a.  été 
peint  en  1450,  l'autre  panneau  a  dû  l'être  avant 
1442,  date  où  Agnès  Sorel  quitta  la  Cour.  M.  de 
Mély  fait  ensuite  une  remarque  intéressante  sur 
le  portrait  sur  émail  de  Jean  Fouquet,  également 
exposé  aux  Primitifs,  peint  très  probablement 
par  l'artiste  lui-même  et  qui  aurait  fait  partie  du 
cadre  du  prétendu  diptyque  de  Melun.  M.  de 
Mély  fait  observer  que  la  dorure  au  feu  a  été 
découverte  seulement  en  14S4,  et  que  le  travail 
d'émail  à  l'aiguille,  suivant  lequel  ce  médaillon  a 
été  exécuté,  est  absolument  caractéristique  du 
milieu  du  XVI*" siècle. 

M.  Cagnat  présente,  de  la  part  du  D""  Carton, 
une  inscription  funéraire  conservée  à  Kairouan  et 
une  petiteboite  de  plomb, recueillie  par  le  sergent 
Scard  dans  une  sépulture  de  Sousse. 

M.  Durand-Gréville  entretient  la  Société  de 
quelques  miniatures  qu'il  croit  devoir  attribuera 
ce  «  maître  François  »  qu'on  suppose  être  Fran- 
çois Fouquet,  fils  de  Jean. 

Séance  du  i^' juin.  —  M.  Leprieur  répond  à  la 
communication  faite  par  M.  F.  de  Mély  sur  le 
<(  diptyque  de  Melun  >  de  Jean  Fouquet,  à  la 
dernière  séance  de  la  Société  et  dont  nous  avons 
donné  le  résumé  ici  même.  Il  a  pu  constater, 
après  vérification,  qu'il  n'y  avait  pas,  entre  les 
volets  du  diptyque  de  Melun,  la  différence  de 
0'",20  en  hauteur  et  de  0"\o6  en  largeur  indiquée 
par  M.  de  Mély.  Les  dimensions  des  deux 
panneaux  (o™,942  sur  o'",855  pour  la  Vierge, 
0'",965  sur  o"',885  pour  le  portrait  A' Etienne  Che- 
valier) sont  (à  un  demi-centimètre  près),  con- 
formes à  celles  qu'avait  lionnées  M.  Friedlzender 
en  1896,  dans  \s  Jahrbuch  à&  Berlin  Rien,  sur  ce 
point,  ne  s'oppose  donc  à  ce  qu'ils  aient  formé 
diptyque  dès  l'origine. 

Après  avoir  rappelé  le  témoignage  des  histo- 
riens du  XVI1I'=  siècle  (Denys  Godefroy  no- 
tamment. Histoire  de  Charles  VII,  1661),  qui 
les  ont  vus  réunis  encore  en  place  et  dans  leur 
cadre  original,  à  l'église  Notre-Dame  de  Melun, 
M.  Leprieur  fait  remarquer  dans  la  Vierge  certains 
détails,  comme  les  plaques  marbrées  du  siège 
(identiques  à  celles  qui  ornent  le  mur  dans  l'autre 
panneau),  et  surtout  comme  le  geste  indicateur 
de  riînfant  montrant  nettement  du  doigt  le  dona- 
teur, qui  semblent  bien  témoigner  de  l'exécution 
contemporaine  des  deux  œuvres,  nécessitées  ainsi 
en  quelque  sorte  l'une  par  l'autre  comme  pen- 
dants. Pour  expliquer  l'aspect  juvénil  d'Agnès 
Sorel  sous  les  traits  de  la  Vierge,  il  s'en  tient  à 
l'hypothèse  émise  par  lui,  dès  1897,  dans  la  Revue 
de  l'Art  ancien  et  moderne  :  à  savoir  que  Fouquet 


peut  avoir  utilisé  simplement  ici,  après  la  mort 
d'Agnès  et  dans  un  arrangement  modifié,  un 
ancien  portrait  (peinture  ou  dessin), exécuté  sans 
doute  par  lui-même  d'après  le  vif 

Quant  au  célèbre  portrait  en  émail  représentant 
Fouquet,  il  estime  que,  quel  que  soit  le  procédé 
employé,  le  style  seul  de  l'œuvre  prouve  qu'on  ne 
saurait  l'écarter  de  sa  date  traditionnelle  (milieu 
du  XVi^  siècle).  Il  la  rapproche  des  miniatures  de 
Chantilly,  pour  l'effet  du  camaïeu  d'or  aussi  bien 
que  pour  les  caractères  de  l'inscription,  et  rappelle 
que,  dans  la  bordure  même  du  diptyque  de  Melun, 
semblent  avoir  figuré  des  émaux  analogues,  ainsi 
qu'il  l'a  précédemment  démontré.  Mais  il  garde 
jusqu'à  nouvel  ordre  toutes  réserves,  quant  à 
l'hypothèse  nouvelle  de  M.  Bouchot,  qui  voudrait 
que  cet  émail  même  en  provienne. 

Séance  du  8  Juin.  —  M.  Adrien  Blanchet 
communique  un  moule  en  terre  cuite  du  moyen 
âge  qui  paraît  avoir  servi  à  la  contrefaçon  des 
bulles  de  Grégoire  IX. 

M.  Toutain  étudie  le  texte  de  Strabon  qui 
mentionne  un  sanctuaire  de  Hera  Argonia  au 
Nord  de  Poestum. 

M.  Monceau  communique  au  nom  de  M. 
Gauckler  et  commente  plusieurs  inscriptions 
chrétiennes  d'Afrique. 

Lecture  est  donnée  d'une  note  de  M.  Aveneau 
de  la  Grancière  sur  le  résultat  des  fouilles  faites 
au  nouveau  cimetière  de  Vannes. 

Au  mois  de  mai  a  eu  lieu,  au  musée  du  Lou- 
vre, la  célébration  du  centenaire  de  la  Société 
Nationale  des  Antiquaires  de  France.  A  cette 
occasion,  M.  Héron  de  Villefosse  a  lu  le  très 
intéressant  discours  préparé  par  M.  Durrieu  et 
dont  le  sujet,  tout  d'actualité  était  les  origines  de 
la  peinture  française.  M.  Bayet  et  M.  Marcel  ont 
ensuite  prononcé  des  allocutions.  Après  quoi, 
M.  Noël  Valois,  membre  de  l'Institut,  s'est  fait 
applaudir  dans  la  lecture  d'une  savante  étude 
sur  l'histoire  de  la  Société  des  Antiquaires.  Enfin, 
des  médailles  d'or  et  d'argent  ont  été  décernées 
à  divers  savants  de  province  et  de  l'étranger. 

Congrès  des  Sociétés  Savantes  de  Paris  et 
des  Départements.  —  Le  Congrès  s'est  tenu 
à  Paris,  à  la  Sorbonne,  du  5  au  9  avril.  Voici  le 
résumé  des  travaux  de  la  section  d'archéologie  : 

Mardi ^  avril.  —  M.  l'abbé  Arnaud  d'Agnel 
lit  une  communication  sur  les  antiquités  du 
musée  de  Sault  (Vaucluse),  riche  en  objets  pré- 
historiques et  antiquités  gallo-romaines. 

M.  Clerc  lit  le  compte  rendu  des  fouilles  qu'il 
a  faites  en  collaboration  avec  M.  l'abbé  Ar- 
naud d'Agnel  sur  la  colline  de  la  Tourette,  près 
du  village  de  Saint-Marcel(banlieue  de  Marseille) 


324 


ÎRebur  ïir  T^rt  cl)iTttriu 


et  qui  ont  fourni  des  vestiges  des  temps  néoli- 
thiques et  ligures,  ainsi  que  des  diverses  périodes 
grecques. 

Lecture  est  donnée  d'un  mémoire  de  M.  de 
Gérin-Ricard  sur  les  castella  des  environs  d'Aix- 
en-Provence. 

M.  Jean  Louis  lit  un  mémoire  sur  la  céramique 
romaine,  fondé  sur  l'étude  des  objets  recueillis 
dans  les  fouilles  qu'il  poursuit  depuis  1899  à  Au- 
trécourt  (Meuse). 

M.  J.  Martin  lit  un  mémoire  sur  les  pierres 
tombales  et  inscriptions  du  territoire  de  Tournus 
(Côte-d'Or). 

M.  Pasquier  envoie  un  mémoire  sur  les  sta- 
tuts des  orfèvres  de  Toulouse  en  1550- 

M.  le  chanoine  Pottier  entretient  la  section 
du  résultat  des  fouilles  entreprises  sur  l'empla- 
cement de  l'abbaye  cistercienne  de  Grandselve 
(Tarn- et- Garonne). 

M.  Victor  Quesné  lit  un  travail  sur  la  dalle 
tumulaire  de  Jean  Anquetin,  sénéchal  de  Neuf- 
bourg  (1400). 

Mercredi  6  avril.  —  M.  l'abbé  Chaillan  lit  un 
mémoire  sur  un  rebord  de  couvercle  d'un  sarco- 
phage chrétien  ou  de  l'époque  chrétienne,  en- 
castré dans  le  mur  de  l'église  de  Nets  et  orné  de 
bas-reliefs. 

M.  Chevreux  lit  un  mémoire  sur  les  croix  de 
plomb,  dites  «  croix  d'absolution  >>,  trouvées 
dans  des  tombes  et  munies  d'inscriptions  au 
trait,  du  XI»"  au  XV1I«  siècle. 

M.  Henry  Corot  donne  lecture  d'une  notice 
sur  une  sépulture  à  incinération  partielle  décou- 
verte à  Minot  (Côte-d'Or). 

M.  Louis  Févret  lit,  en  son  nom  et  au  nom 
de  M.  Julien  Feuvrier,  un  mémoire  sur  l'antique 
Crucinia  et  la  découverte  de  quatre  autels  ané- 
pigraphes  des  époques  celtique  et  gallo-romaine, 
à  Dôle  (Jura). 

M.  Ed.  Fourdrignier  signale  un  vase  métal- 
lique récemment  trouvé  dans  la  Seine,  et  le  rap- 
proche des  trésors  d'argenterie  bien  connus  de 
Boscoreale,  au  Louvre,  et  de  Berthouville,  au 
Cabinet  des  médailles. 

M.  Léon  de  Velsy  présente  l'historique  des 
cachettes  monétaires  les  plus  importantes  re- 
trouvées dans  le  département  de  la  Seine-Infé- 
rieure. 

M.  Georges  Béraud  expose  le  résultat  des 
explorations  qu'il  poursuit  au  point  de  vue  pré- 
historique dans  l'arrondissement  de  Bressuire. 

M.  Chambroux  signale  la  découverte  d'un 
cimetière  mérovingien  au  pied  de  l'église  Saint- 
André  à  Chelles  (Seine-et-Marne). 

M.  Ulysse  Dumas  lit  trois  mémoires  sur  l'ex- 
ploration qu'il  a  faite  de  la  grotte  de   la  Baume- 


Longue,  commune  de  Dions  (Gard)  ;  sur  la  sta- 
tion des  Châtaigniers,  à  Baron  (Gard),  et  sur  la 
grotte  Nicolas,  comauine  de  Sainte- Anastasie 
(Gar),  où  il  a  découvert  de  nombreux  objets 
préhistoriques. 

N  Eugène  Ferrase  présente  une  carte  préhis- 
torique du  Minervois  qu'il  a  dressée. 

M.  Julien  Feuvrier  lit  une  notice  qu'il  a  rédigée 
en  collaboration  avec  M.  Louis  Févret  sur  une 
épée  de  fer  trouvée  à  Chaussin  (Jura)  et  qui  porte 
une  marque  de  fabriquant.  Les  auteurs  rappor- 
tent cette  arme  au  début  de  l'époque  de  La  Tène. 

M.  Maurice  GiUet  rend  compte  de  la  décou- 
verte qu'il  a  faite,  entre  les  villages  de  Villepreux 
et  Chavenay,  près  Versailles,  de  stations  néoli- 
thiques. 

M.  Charles  Magne  donne  lecture  d'une  notice 
des  plus  documentées  sur  le  fer  à  cheval  dans 
l'antiquité. 

M.  Pillou  lit  une  étude  sur  une  épée  de  bronze 
trouvée  dans  la  rivière  d'Oise,  près  de  Chauny 
(Aisne),  et  qui  paraît  remonter  à  la  fin  de  l'âge 
de  la  pierre  polie. 

Lecture  est  donnée  d'un  mémoire  de  M.  l'abbé 
Poulaine  sur  les  fouilles  de  la  grotte  Saint- 
Joseph,  à  Saint-Moré  (Yonne),  où  il  a  trouvé  de 
nombreux  débris  de  l'industrie  et  de  la  faune 
paléolithique. 

M.  le  secrétaire  lit  un  mémoire  de  M.  le  doc- 
teur Roux  signalant  les  monuments  mégalithi- 
ques des  environs  de  Saint-Nectaire  (Puy-de- 
Dôme). 

M  Henry  Corot  présente  une  carte  archéolo- 
gique du  département  de  la  Côte-d'Or,  qu'il  se 
propose  de  publier  prochainement. 

M.  Fourdrignier  entretient  le  Congrès  de  la 
découverte  faite  il  y  a  quelques  jours  par  M.  Le- 
moine,  près  de  Châlons-sur-Marne,  d'une  sépul- 
ture à  chars  analogue  à  celle  de  la  Gorge-Meillet. 

Jeudi  7  (tvril.  —  M.  l'abbé  Arnaud  d'Agnel 
lit  un  travail  sur  le  trésor  de  l'église  Sainte-Anne 
d'Apt  (Vaucluse). 

Lecture  est  donnée  d'une  note  de  M.  Barrière- 
Flavy  sur  de  nouvelles  stations  wisigothiques  du 
midi  de  la  France. 

M.  Jules  Beaupré  communique  un  inventaire 
des  monnaies  gauloises  recueillies  dans  l'arron- 
dissement de  Nancy. 

M.  Gustave  Chauvet  communique  un  statère 
d'or  pâle  trouvé  à  Lorigné  (Deux- Sèvres). 

M.  le  chanoine  Cherrier  lit  un  mémoire  sur  la 
croix  de  Lorraine  en  Provence. 

M.  Chevreux  lit  un  mémoire  sur  \e  paçus  Su^- 
(rinteiisis,  dont  le  chef-lieu  aurait  été  la  localité 
des  Vosges  appelée  Sugcnes  au  inoyen  âge. 


Crat)au;c  des  ^otittts  savantes. 


325 


M.  Paul  Ducourtieux  lit  un  mémoire  sur  les 
voies  romaines  qui  traversaient  le  territoire  des 
Lémovices. 

M.  le  secrétaire  rend  compte  d'un  catalogue 
dressé  par  le  R.  P.  Delattredes  marques  cérami- 
ques grecques  et  romaines  trouvées  à  Carthage, 
sur  la  colline  voisine  de  Sainte-Monique,  en  1902 
et  1904. 

M.  Emile  Bonnet  lit  une  étude  sur  les  vestiges 
de  l'architecture  carolingienne  dans  le  départe- 
ment de  l'Hérault. 

Lecture  est  donnée  d'une  note  de  M.  l'abbé 
Chaillan  sur  différentes  églises  construites  peu 
après  l'an  looo  par  les  bénédictins  de  Saint- 
Victor  de  Marseille,  dans  la  vallée  de  l'Arc  supé- 
rieur. 

M.  P.  Coquelle  lit  un  travail  sur  les  portails 
romans  du  Vexin  français  et  du  Pincerais. 

M.  Charles  Joret  fait  une  communication  sur 
quelques  objets  trouvés  sur  le  champ  de  bataille 
de  Formigny. 

M.  l'abbé  Meister  lit  un  mémoire  sur  des  ins- 
criptions tumulaires  et  campanaires  de  Grand- 
villiers  (Oise). 

M.  l'abbé  Nicolas  lit  un  travail  de  sujet  sem- 
blable concernant  l'ancien  décanat  de  Uun 
(Lorraine). 

M.  le  chanoine  E.  Morellitun  travail  sur  l'épi- 
graphie  du  canton  d'Estrées-Saint-Denis. 

M.  l'abbé  Parât  résume  les  récentes  décou- 
vertes préhistoriques  faites  à  La  Roche-aux- 
Loups,  au  Crot-Canat  et  à  La  Roche-aux-Lar- 
rons  (Yonne). 

M.  J.  de  Saint-Venant  parle  des  fouilles  qu'il 
a  faites  en  collaboration  avec  M.  L.  Poussereau 
dans  une  enceinte  avec  motte,  située  au  vieux 
château  de  Barbarie,  à  La  Machine  (Nièvre). 

Lecture  est  donnée  d'un  mémoire  de  M.  Léon 
Germain  de  Mady  sur  le  calvaire  de  Briey,  dont 
deux  statues  de  bois,  qui  se  rattachent  à  l'école 
des  Richier,  sont  conservées  dans  la  chapelle  du 
cimetière  actuel  de  Briey. 

l.e  samedi  ç  avril  a  eu  lieu  à  la  Sorbonne 
l'assemblée  générale  de  clôture  du  Congrès.  Un 
discours  a  été  prononcé  par  M.  Bayet,  directeur 
de  l'enseignement  supérieur,  représentant  le 
ministre  de  l'Instruction  publique. 


Réunion  des  délégués  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  Départements.  —  La  vingt- 
huitième  session  a  eu  lieu  à  Paris,  à  l'École  des 
Beaux-Arts,  du  5  au  8  avril.  Nous  donnons  ci- 
après  le  résumé  des  travaux  présentés  : 


Mardi ^  avril.  —  M.  Emile  Biais  retrace  l'his- 
toire du  théâtre  à  Angoulême  du  XV»"  siècle  à 
1904. 

M.  Charles  Ponsonailhe  lit  une  étude  sur  deux 
peintres  de  Montpellier  au  XVII'=  siècle,  Zueil 
et  Boissière. 

MM.  H.  Herluison  et  Paul  Leroy  donnent  lec- 
ture d'un  travail  sur  les  sculpteurs  Gois  père  et 
filset  sur  la  statue  de  Jeanne  d'Arc  de  ce  dernier. 

M.  Louis  de  Grandmaison  présente  la  suite  de 
son  Essai  d armoriai  des  artistes  français. 

M.  A.  Montier  parle  des  épis  ou  pièces  de 
faîtage  en  terre  cuite  vernissée  ou  émaillée,  en 
Normandie. 

M.  F.  Lorin  étudie  les  belles  peintures  du 
château  de  Thoisy  (Seine-et-Oise). 

M.  Camille  Leymarie  lit  des  notes  sur  l'his- 
toire du  biscuit  à  Limoges. 

M.  Bouillon- Landais  parle  de  la  collection  de 
tableaux  de  Paul  de  Surion  légués  à  la  Ville  de 
Marseille  :  plus  de  quatre-vingts  toiles,  dont  plu- 
sieurs très  importantes  au  point  de  vue  histo- 
rique. 

M.  Paul  Pellot  lit  une  notice  sur  Gérard  Aubry, 
peintre  champenois  du  XVII^  siècle. 

M.  Paul  Clauvet  communique  un  travail  sur 
Pierre  Martin  Barat,  peintre  du  XVIII^  siècle, 
qui  a  laissé  les  portraits  d'un  secrétaire  perpétuel 
de  l'Académie  de  Nîmes. 

Mercredi  6  avril.  —  M.  L.  Scribe  parle  des 
maisons  de  la  Renaissance  à  Romorantin. 

M.  Eugène  Thirion  lit  un  travail  sur  le  théâtre 
à  Fontainebleau  jusqu'en  1870. 

M.  Léon  Chartel  fait  l'historique  de  l'enseigne- 
ment public  des  arts  du  dessin  à  Lyon. 

M.  L.  Quané-Reybourbon  lit  une  étude  sur 
Alphonse  Colas,  peintre  lillois  (1818-1887). 

M  J.  Martin  présente  une  note  sur  les  fres- 
ques de  l'ancienne  église  de  Varennes-le-Grand 
(fin  du  XVI«  siècle). 

M.  P.  Parfouru  lit  un  travail  sur  les  anciennes 
tapisseries  du  palais  du  Parlement  de  Rennes. 

M.  Emile  Delignières  donne  lecture  d'une  im- 
portante étude  surPierre-AdrienChoquet,  peintre 
abbevillois  (1743-1813). 

M.  Henri  Jadart  remet  en  lumière  des  artistes 
rémois  inconnus  du  XVI<^  siècle. 

M.  Albert  Jacquot  présente  la  suite  de  son 
Essai  de  répertoire  des  artistes  lorrains:  les  autetirs 
dramatiques  et  comédiens. 

M.  l'abbé  Brune  étudie  des  statues  de  la  fin 
du  XVI^  siècle  à  l'église  d'Arlay  (Jura). 

M.  l'abbé  Langlois  lit  une  communication  sur 
des  bustes  de   Sceaux,  représentant  des  empe- 


RSVUB   DE   l'art   CHRÉTIEN. 
1904.    —   4""^   LIVRAISON. 


326 


Brtue  tir  rSrt  cbvétieiu 


reurs  romains  et  aujourd'hui  dispersés  à  Chartres 
et  à  Paris. 

Jeudi  7  avril.  —  M.  Alfred  Gabeau  lit  une 
étude  historique  sur  la  collection  de  tableaux  du 
duc  de  Choiseul. 

M.  Bourde  de  la  Rogerie  présente  une  notice 
sur  un  recueil  de  plans  manuscrits  d'édifices  cons- 
truits par  les  architectes  de  la  Compagnie  de 
Jésus  (1607- 1672). 

M.  le  baron  Guillibert  lit  une  monographie  du 
peintre  Granet  (1775  1849). 

M.  Félix  Pasquier  fait  une  communication  où, 
sous  le  titre  :  Engagement  d'objets  précieux  de  la 
maison  de  Foix\  il  donne  des  inventaires  de 
pierreries,  de  bijoux,  de  pièces  d'orfèvrerie,  que 
les  Grailly,  comtes  de  Foix,  mirent  en  gage  dans 
un  moment  de  gêne. 

M.  le  chanoine  Ch.  Urseau  lit  une  note  sur  le 
portrait  de  Louis  XI  conservé  à  Notre-Dame  de 
Béhuard,  en  Anjou. 

M.  V.-E.  Veuclin  donne  communication  de 
notes  biographiques,  critiques  ou  anecdotiques 
sur  cent  cinquante  artistes  ou  artisans  de  la  région 
normande. 

AI.  Armand  Benêt  présente  une  liste  impor- 
tante d'artistes  et  d'artisans  des  XIV'^  et  XV^ 
siècles  occupés  parles  ducs  d'Harcourt. 

M.  Paul  Lafond  entretient  l'assemblée  de  trois 
nouveaux  portraits  de  Henri  IV,  contemporains 
du  modèle,  et  dont  l'un  a  été  gravé  en  1630  par 
un  artiste  des  Flandres. 

M.  Maurice  Hénault  parle  des  portraits  de  sou 
verains  conservés  au  musée  de  Valenciennes. 

M.  Paul  de  Longuemare  lit  une  notice  sur  un 
architecte  du  XVI I^  siècle:  Abel  de  Sainte- 
Marthe. 

Vendredi  8  avril  —  M.  L.  de  Vesly  fait  une 
communication  intitulée:  ]&s.nGo\\]an, architecte  ; 
les  colonnes  de  l'église  Saint-Maclou  à  Rouen. 

M.  l'abbé  Requin  lit  une  notice  sur  le  sculpteur 
Stephani  et  le  peintre  Guigonis;  artistes  proven- 
çaux du  XVe  et  du  XVl"  siècle. 

Enfin,  M.  Henry  Jouin,  secrétaire  du  comité, 
donne  lecture  de  son  rapport  général  sur  les  tra- 
vaux de  cette  vingt-huitième  session. 

Comité  des  travaux  historiques.  —  Bull, 
archéol.,  1903,  y  liv.  —  M.  Euting,  professeur  à 
l'Université  de  Strasbourg,  a  découvert  dans  le 
pays  de  Moab  les  restes,  remarquables  au  point 
de  vue  artistique,  du  palais  de  Méckatta,  con- 
struit par  un  prince  de  la  dynastie  des  Ghas- 
sanides,  et  qui  serait  le  premier  monument  où 
l'art  byzantin  est  combiné  avec  l'art  arabe.  Enre- 


gistrons une  note  du  R.  P.  Delattre  sur  des  ins- 
criptions romaines  en  Tunisie  et  des  découvertes 
archéologiques  faites  à  Carthage.  Signalons  spé- 
cialement une  étude  de  M.  Barrière-Flavy  sur 
les  portails  romans  des  églises  de  Caujacet  et  de 
Gaillac-Toulza  (Haute-Garonne).  Ces  travaux 
sont  à  rapprocher  de  ceux  de  notre  collaborateur 
M. Lanore. Importante  aussi  est  la  description  par 
M.  le  comte  de  Loisne,  des  miniatures  romanes 
du  cartulaire  de  Marchiennes,  dues  sans  doute 
au  moine  Guy,  dont  Mgr  Dehaisnes  avait  retrou- 
vé plusieurs  œuvres.  M.  l'abbé  Metais  décrit 
aussi  les  vitraux  de  Ste-Anne  du  XVI^  siècle,  à 
l'église  de  Saint- Valérien  de  Châteaudun. 


Société  d'archéologie  de  Bruxelles,  —  Par- 
mi les  travaux  de  l'année  1903,  nous  avons  à 
signaler,  à  notre  point  de  vue,  une  communica- 
tion de  M.  J.  Destrée  sur  un  monument  votif  du 
XV«  ou  du  XVIf^  siècle,  et  une  autre  sur  l'auteur 
(qui  reste  toujours  discuté)  des  fonts  baptismaux 
de  l'église  de  St-Barthélemy  de  Liège,  Nous  re- 
viendrons sur  cette  question,  MM.  Destrée  et 
Kurth,  qui  ont  attribué  ces  fonts  à  Régnier  de 
Huy  ayant  rencontré  des  contradicteurs. 

M.  l'abbé  Lemaire  a  commencé  l'étude  de  l'é- 
glise d'Alsemberg. Madame  Isabelle  Errera  a  fait 
connaître  une  remarquable  pièce  d'étoffe  d'or 
découverte  à  Modène, étoffe  de  fabrication  arabe, 
avec  influence  byzantine,  du  X"^  ou  du  Xl<=  siècle. 

M.  de  Marsy  s'est  occupé  des  sceaux  des  cor- 
porations bruxelloises.  Il  faut  ajouter  à  ces  études 
les  sept  brillantes  conférences  de  MM.de  Mot  et 
Cappart  sur  les  antiquités  égyptiennes. 

Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  de 
Gand  (12*^  année).  A  signaler  spécialement  une 
conférence  du  R.  P.  Van  den  Ghein  conservateur 
des  manuscrits  à  la  bibliothèque  royale  de  Bru- 
xelles sur  la  miniature  à  la  Cour  de  Bourgogtie. 

Un  membre  dénonce  un  projet  menaçant,  sous 
prétexte  d'agrandissement  et  de  restauration,  la 
petite  église  d'Afsné,  véritable  bijou  architectu- 
ral de  la  Flandre. 

M.  V.  Van  der  Haeghen,  archiviste  de  la  ville 
de  Gand,  s'occupe  de  \a  conspiration  pour  délivrer 
Gand  et  la  Flandre  de  la  domination  espagnole  en 
1631. 

M.  J.  Desmet  étudie  la  porte  romane  de  l'hô- 
pital de  Louvam  et  continue  la  discussion  soule- 
vée par  M.  Maeterlinck,  au  sujet  de  son  époque. 

On  entend  la  conférence  de  M.  Jos.  Casier 
sur  le  vitrail,  illustrée  de  projections  lumineuses. 
L'orateur  examine  les  différents  points  de  vue 
sous  lesquels  la  question  du  vitrail  peut  être 
envisagée. 


^xà\)à\ix  t}tô  â>ociété0  sabantes. 


327 


M.  A.  Heins  décrit  une  maison  gantoise.  Ses 
transfortnations  du  X  V^  au  X  VIII^  siècle.  Les 
archives  de  la  ville  de  Gand  renferment  une 
grande  quantité  de  dessins  anciens  de  façades  et 
de  pignons,  du  XYII^  et  du  début  du  XVIIIe 
siècle.  Ces  documents  étaient  joints  aux  deman- 
des adressées  aux  échevins  en  vue  d'obtenir  l'au- 
torisation de  faire  des  modifications  à  des  mai- 
sons. C'est  en  consultant  une  farde  de  cette  col- 
lection, que  M.  Heins  a  pu  établir  les  change- 
ments faits  à  la  demeure  du  sieur  Robert 
Stevens,  habitant  quai  de  la  Grue.  Une  réduction 
du  dessin  original  accompagne  le  texte. 

Institut  archéologique  liégeois.  — Bull.de 
l'année  iço2.  —  M.  le  vicaire  général  E.  School- 


meesters,  dans  ses  études  sur  Rodolphe  de  Habs- 
bourg et  la  principauté  de  Liège,  nous  fait  voir  à 
l'œuvre  dans  ses  rapports  avec  la  principauté  de 
Liège,  l'activité  de  la  chancellerie  de  Rodolphe 
de  Habsbourg,  qui  «  se  montra  ici  comme  ailleurs 
dans  l'Empire  le  défenseur  des  droits  acquis  et  le 
gardien  de  l'ordre  et  de  la  paix  publique.  » 

M.  Ruhl  passe  en  revue  les  monuments  de 
l'art  militaire  au  pays  de  Liège  que  le  temps  et 
la  pioche  des  démolisseurs  ont  épargnés. 

M.  L.  Renard  fait  Rapport  sur  les  recherches 
et  les  fouilles  exécutées  en  içoj  par  l'Institut  ar- 
chéologique liégeois.  Exposé  très  intéressaut  des 
fouilles  opérées  à  Latinne,  Ocquier,  Vervoz  (Cla- 
vier). 


^  :^  ^.  ^  ^^  ^^  -^^  ^:^  ■^■^.  ^.  ^.  ^  ^  ^,  i^^  ^.  ^  ^  ^  ^^^^^^^^ 


mm^^^^^m^  Bifaliograpbic.  ^m^^^m^mBmm 


wwwwwwwwwwwwwww^wwwwwwwww^ 


PISTOIA:  Nelle  sue  opère  d'arte.  —  PRATO  : 
Impression!  d'arte.  —  FIRENZE  :  P.  Lumachi,  par 
Odoardo  H.  Giglioli. 

^N  publie  sur  les  arts  en  Italie,  tant 
^  d'erreurs  et  d'inepties  qu'on  est  sou- 
^  lagé,lorsque  paraissent  des  ouvrages 
I  comme  ceux  de  M.  H.  Giglioli. 
«^^■.y^.^4^  Ses  volumes  sur  Pistoia  et  Prato 
sont  indispensables  aux  personnes  qui  veulent 
connaître  les  arts  de  ces  deux  antiques  et  très  in- 
téressantes cités,  trop  négligées  par  les  voyageurs 

Ger. 


MONOGRAPHIE  DE  LA  GATHÉDRAE  D'A- 
MIENS, par  G.  Durand,  tom.  IL  MOBILIER  ET 
ACCESSOIRES.  —  Grand  in-40  de  660  pp.  et  pi. 
en  héliogravure.  —  Amiens,  Yvert  et  Tellier,  1903. 

NOUS  avons  fait  connaître  le  premier  et 
principal  volume  de  cette  monographie 
modèle,  vraiment  digne  du  chef-d'œuvre  archi- 
tectonique  chrétien,  et  qui  fait  grand  honneur  à  la 
Société  des  Antiquaires  de  Picardie  et  illustre 
le  nom  de  son  président  M.  G.  Durand.  Là  ma- 
gistrale étude  consacrée  dans  un  premier  volume 
au  monument  lui-même  se  trouve  complétée  dans 
ce  second  volume,  par  la  description  du  mobilier 
actuel  et  l'exposé  de  ce  que  l'on  sait  du  mobilier 
disparu,  bien  autrement  important  que  celui  qui 
subsiste.  L'auteur  fait  le  tour  du  monument, 
décrivant  ce  qu'il  rencontre  ;  mais  il  consacre 
deux  chapitres  spéciaux  et  fort  importants  aux 
clôtures  du  chœur  et  aux  stalles  avec  des  com- 
pléments au  sujet  des  vitraux,  des  cloches  et  du 
trésor.  Il  ne  manque  pas  de  faire  connaître  les 
quelques  spécimens  conservés  de  cette  fameuse 
série  de  tableaux  dédiés  à  la  Vierge  par  la  con- 
frérie du  Pnj  Notre-Dame,  et  dont  feu  M.J.  De- 
haisnes  a  jadis  entretenu  nos  lecteurs  (').  Les 
belles  héliogravures  qui  donnent  tant  de  valeur  à 
la  monographie  de  N.-D.  d'Amiens,  sont  surtout 
consacrées  aux  bas-reliefs  de  la  clôture  du  chœur 
et  aux  merveilleuses  sculptures  des  stalles. 

Nous  ne  pouvons  entreprendre  d'analyser  cet 
ouvrage  considérable,  dont  l'éloge  n'est  d'ailleurs 
plus  à  faire.  Sans  vouloir  aucunement  en  faire  le 
résumé,  nous  y  glanerons  quelques  notes  relatives 
aux  parties  disparues,  au  sujet  desquelles  l'auteur 
s'est  livré  à  de  patientes  et  consciencieuses  re- 
cherches. 

On  a  quelques  indications  sur  le  jubé  qui  fer- 
mait le  chœur  au  moyen  âge.  Il  était  de  pierre, 

I.  V.  Revue  île  l' Art  chrétien,  année  1890,  pp.  25  et  suiv. 


et  formait  un  portique  à  sept  arches  sur  colonnes, 
avec  cintres  redentés,  à  larmiers  fleuronnés, 
celui  du  milieu  plus  large,  décoré  à  l'intrados 
de  feuillages  ;  la  balustrade  contenait  en  ses  nom- 
breuses niches  (29  sur  la  face  antérieure)  une 
série  de  statues  de  prophètes,  de  sybilles,  d'anges, 
etc.  Ce  portique,  large  d'environ  8  pieds,  porté  en 
saillie  sur  les  deux  piles  d'entrée  du  chœur,  était 
voûté  de  petites  croisées  d'ogives.  Une  porte 
grillée  s'ouvrait  au  centre  ;  les  travées  extérieures 
abritaient  deux  autels  consacrés  l'un  à  l'anneau 
de  la  Vierge  et  à  S.  Firmin,  et  l'autre  au  menton 
de  S.  Jacques.  D'après  le  dessin  qu'on  en  garde, 
datant  de  1727,  son  style  se  rapporte  au  début 
du  XIV<=  siècle. 

Parmi  les  tombeaux  d'évêques,  celui  de  Fran- 
çois de  Halluin  (1503-1538)  était  un  mausolée 
somptueux  qui  s'élevait  en  pyramide  jusqu'à 
la  hauteur  des  chapiteaux  des  maîtres  piliers;  il 
était  fort  admiré  pour  sa  richesse,  mais  scandali- 
sait à  juste  titre  le  Chapitre  par  son  exubérance. 

M.  Durand  esquisse,  à  l'aide  de  documents,  les 
tombeaux  disparus  et  complète  l'indication  des 
sujets  sculptés  au  pourtour  du  chœur,  et  dont  on 
garde  de  si  remarquables  parties.  Il  décrit  ces 
dernières,  et  commente  avec  une  grande  érudi- 
tion leur  riche  iconographie.  Un  dessin  de 
1727  donne  un  croquis  des  remarquables  tom- 
beaux, placés  bout  à  bout,  des  évêques  Jean  de  la 
Grange  (^  1402),  et  Jean  de  Boissy  {>b  1410). 
Leurs  cénotaphes  enlignés  occupaient  une  travée 
du  chœur,  à  l'abri  d'un  baldaquin  à  quadruple 
travée,  très  élevé,  et  porté  par  de  sveltes  supports, 
qui  sont  si  bien  incorporés  aux  lignes  de  l'édifice, 
qu'ils  se  confondent  avec  lui.  La  statue  du  car- 
dinal de  la  Grange  est  seule  conservée  ;  c'est  une 
œuvre  de  l'école  parisienne. 

Notons  que  dès  le  XIII^  siècle  le  c/iœtir  et  le 
sanctuaire,  très  distincts,  étaient  séparés  par  deux 
degrés  et  une  balustrade.  Il  y  avait  dans  le  chœur 
deux  autels  ;  le  iiiajus  altare  et  \e  post  altare,  le 
premier  adossé  au  diamètre  du  rond  point,  le 
second,  au  fond  de  l'abside.  Les  comptes  four- 
nissent de  curieuses  indications  sur  les  parements 
de  broderie  de  ces  autels.  A  la  fin  du  XV^'  siècle 
on  fit  un  premier  et  riche  retable  d'orfèvrerie,  exé- 
cuté par  deux  orfèvres  d'Amiens,  Pierre  Fauvel 
et  Pierre  de  Dury,  aidés  de  Nicolas  des  Osteux. 
On  mit  huit  ans  à  l'exécuter.  Il  était  renfermé 
dans  des  étuis  de  bois  peint  qu'on  n'ouvrait 
qu'aux  grandes  fêtes.  On  y  avait  figuré  le  crucifie- 
ment, lequel  ne  se  voyait  que  le  Vendredi-Saint; 
car  tous  les  autres  jours  de  l'année,  hormis  les 
grandes  fêtes,  où  l'on   découvrait  le  retable  d'or- 


Btbltograpfile. 


329 


févrerie,  son  enveloppe  était  garnie  de  riches 
étoffes. 

Au  XIV=  siècle  un  crucifix  et  quatre  candé- 
labres d'argent  doré,  dont  deux  étaient  plus 
grands  que  les  autres,  formaient  la  garniture 
ordinaire  du  maître-autel. 

Six  belles  colonnes  de  cuivre  ornées  de  figures 
de  saints  en  ronde  bosse  et  surmontées  de  statues 
d'anges  vêtus  de  chapes  et  portant  les  instru- 
ments de  la  Passion,  soutenaient  les  tringles  des 
courtines.  Des  frises  de  cuivre  d'où  naissaient  des 
branches  fleurdelisées  portant  des  bobèches  et 
servant  de  chandeliers  devant  la  châsse  des  saints, 
s'étendaient  des  deux  côtés  de  l'autel  jusqu'à  la 
clôture  du  sanctuaire.  Cet  appareil  datait  de  151 1. 

Au  XI V^  siècle  la  Sainte  Eucharistie  était  sus- 
pendue dans  une  coupe  suspendue  au-dessus  du 
maître  autel  dans  un  tabernacle  porté  sur  six 
colonnes  d'argent  doré. 

Les  châsses  étaient  placées  derrière  le  maître- 
autel,  voilées  d'ordinaire.  Il  y  avait  devant  l'au- 
tel un  édicule  de  pierre  pour  les  exposer.  Cet 
édicule  barrait  le  chœur  transversalement  ;  il  of- 
frait des  niches  pour  les  deux  châsses  et  on  y 
accédait  par  deux  petits  colimaçons. 

Un  grand  dais  d'étoffe  bleue  garnie  de  fran- 
ges et  semée  de  fleurs  de  lis  d'or  fut  suspendu 
au-dessus  du  maître-autel  jusqu'en  1707. 

Dans  le  chœur  figuraient  de  grands  candéla- 
bres en  cuivre,  des  lutrins  en  bronze,  comme  on 
en  voit  encore  à  Tournai. 

Les  parties  conservées  de  la  merveilleuse  clô- 
ture sont  l'objet  d'une  minutieuse  description.  On 
ne  connaît  pas  leurs  auteurs  ;  la  période  de  leur 
exécution  s'étend  de  1490  à  1530  environ.  On  y 
distingue  deux  époques.  L'imagerie  de  Saint- 
Firmin  (vers  1490)  est  plus  ancienne;  les  person- 
nages ont  plus  de  raideur,  les  draperies  sont 
tuyautées  ;  les  costumes  sont  relativement  sim- 
ples. Le  reste  est  du  premier  quart  du  X  VI«  siècle, 
de  même  que  les  stalles  ;  toutefois,  ces  sujets 
sculptés  échappent  en  grande  partie  à  l'influence 
italienne  ;  c'est  de  l'art  flamand,  d'un  naturalisme 
un  peu  prosaïque. Encore  dans  l'ensemble  de  cette 
seconde  partie  peut-on  distinguer  deux  mains. La 
plus  récente,  datée  1531,  est  la  plus  retardatrice. 
Les  histoires  de  S.  Firmin  et  de  S.  Jean-Baptiste 
sont  de  petites  merveilles  assez  connues;  M.  Du- 
rand en  a  fait  un  commentaire  qu'il  faudrait  lire 
devant  les  sculptures  même.  Il  en  est  de  même 
de  celles  de  la  clôture  du  transept,  qui  retracent 
des  scènes  de  l'Évangile. 

Les  stalles  sont  prodigieusement  fouillées.d'une 
richesse  étourdissante,  et  néanmoins  d'une  belle 
unité.  La  description  de  leurs  imageries  forme 
tout  un  petit  traité  d'iconographie.  Elles  furent 
commencées  en  1508,  par  Arnould  Boulin  auquel 
on  associa  Alexandre  Huet,  tous  deux  d'Amiens  ; 


leurs  serviteurs  furent  Léonard  Le  Clerc,  Guil- 
laume Quentin  et  Pierre  Meurisse.  On  attribue 
à  Huet  le  côté  droit,  à  Boulin  le  côté  gauche 
des  stalles  (l'auteur  du  document  entend  sans 
doute  la  droite  et  la  gauche  du  spectateur). 

Pour  l'exécution  de  72  histoires  des  sellettes 
ou  miséricordes,  on  a  dit  qu'il  avait  été  fait 
marché  à  part  avec  Antoine  Avernier,  mais 
M.  Durand  admet  l'opinion  émise  dans  la  Revue 
de  l'Art  chrétien  ('),  par  Mgr  Dehaisnes  :  que  cet 
Avernier  pourrait  être  un  nom  mal  lu  pour 
Antoine  Anquier,  l'auteur  de  la  statue  funéraire 
d'Adrien  de  Hénencourt.  La  question  reste  à  ré- 
soudre. Le  marché  primitif  ne  prévoit  pour  les 
miséricordes  que  des  ornements  ;  on  se  décida 
plus  tard  à  y  mettre  des  sujets  bibliques,  ce  qui 
est  rare.  Le  nom  de  Turpin,  deux  fois  gravé  sur 
les  stalles,  est  celui  d'un  simple  ouvrier.  Il  faut 
ajouter  aux  noms  des  ouvriers  celui  d'un  certain 
Breton  et  deux  frères  Cordeliers  appelés  en  i  5  10. 

Il  faut  encore  signaler  le  reste  des  peintures 
murales  exécutées  en  1506  dans  la  chapelle  de 
Saint-Èloy,  et  représentant  les  sybilles  et  les 
remarquables  tombes  des  évêques  Evrard  de 
Fouilloy  et  Geoffroy  d'Eu,  monuments  de  bronze 
du  XI Ile  siècle,  à  peu  près  uniques  en  France. 

Encore  une  fois  toutes  nos  félicitations  à 
M.  Durand. 

L.  C. 


MANUKL  D'ARCHEOLOGIE  FRANÇAISE 
DEPUIS  LES  TEMPS  MÉROVINGIENS  JUS- 
QU'A LA  RENAISSANCE,  par  E.  Enlart.  —  Pre- 
mière partie,  architecture.  —  Tome  II,  Architecture 
civile  et  militaire.  —  In-8",  850  pp.  illustrées.  Paris, 
Picard,  1903. 

Nous  avons  fait  connaître  le  premier  volume 
de  ce  remarquable  ouvrage,  qui  restera  le  traité 
définitif  et  classique  pour  la  France.  Le  second 
volume  est  écrit  avec  la  même  abondance  d'éru- 
dition que  le  premier  et  la  même  sûreté  d'in- 
formations. M.  Enlart  reprend  à  peu  près  le 
plan  du  deuxième  volume  de  V Abécédaire  d'ar- 
chéologie de  de  Caumont,  mais  au  lieu  de  hacher 
la  matière  relative  à  chaque  genre  d'édifices, 
en  la  reprenant  séparément  aux  époques  suc- 
cessives, il  épuise  en  une  fois  le  sujet  au  cours  de 
tout  le  moyen  âge.  Il  écarte  certaines  superféta- 
tions  où  tombait  son  illustre  devancier,  quand  il 
traitait  des  appareils,  du  carrelage,  etc.,  et  autres 
questions  connexes  à  l'architecture  religieuse  et 
civile.  Par  contre,  il  est  beaucoup  plus  complet 
dans  les  choses  pertinentes,  il  n'ignore  aucun  édifice 
civil  ou  militaire  du  territoire  français,  et  com- 
plète par  des  notes  copieuses  autant  que  précises, 

I.  Année  1889,  p.  467. 


330 


ISitWt  De  r^vt  cbrctten. 


les   indications    qui    surchargeraient    trop    son 
texte  parfois  un  peu  touffu.  Chez  lui,  le  dépouille- 
ment des  archives  et   des   anciens  écrits  va  de 
pair  avec  les  relevés   faits  sur    les    monuments. 
Il  déverse  en  quelque  sorte  dans  son    livre  une 
quantité    étonnante    de     documents,    fruit    de 
voyages  et  de    recherches   singulièrement  fruc- 
tueux. L'illustration  est  judicieusement  choisie, 
composée    de   dessins  très  démonstratifs,    et  de 
photogravures  absolument  typiques.L,' A /^/câfaïre 
d'Arcisse  de  Caumont  était  un  recueil,  fort  re- 
marquable pour  l'époque,  de  documents  relatifs 
au  vaste  sujet  qui  nous  occupe  ;  ici  la  matière  est 
I       mieux  coordonnée.  Certains  chapitres  sont  à  cet 
égard  vraiment  didactiques,  comme  ceux  relatifs 
aux  monastères  et  aux  fortifications.  On  souhai- 
terait voir  la  méthode  appliquée  de  manière  com- 
plète à  tous  les  genres,  notamment  à  l'habitation 
privée.  La  revue  des  types  régionaux  de   vieilles 
maisons  de   France  reste  encore  à  faire.   Dans 
l'ouvrage  de  M.  Enlart   il  y  a  des  chapitres  en- 
tièrement nouveaux  et  des  plus  intéressants,  tel 
celui  qui    est    relatif  aux    travaux   publics,  aux 
égoûts,  aux  bastilles,  lieux  de  divertissements  et 
maisons    de  jeux,    etc.,   ainsi    qu'à    l'art   naval. 
Les  tables  de  référence  sont  précieuses,  le  réper- 
toire archéologique  des  départements,  document 
inestimable,  démontre  à  quel  point  l'étude  a  été 
fouillée  en  tous  sens,  et  combien   elle  est  com- 
plète. Le  livre  de  M.  Enlart   est  un  instrument 
de  travail  et  d'étude  d'une  utilité  extraordinaire; 
on  ne  aurait  assez  lui  en  être  reconnaissant. 

L.  C. 

LA  SCULPTURE  BELGE  ET  LES  INFLUEN- 
CES   FRANÇAISES    AU     XIIP     ET     AU     XIV^ 

SIÈCLE,  par  M.  R.  Kœchlin.  —  Gr.  in-8°  de  48  pp. 
Paris,  Gazette  deî  Beaux- Arts,  1903. 

Les  œuvres  médiévales  de  sculpture  ne  sont 
pas  nombreuses  en  Belgique  ;  elles  intéressent 
au  plus  haut  point  l'histoire  de  l'art,  comme  on  le 
verra  par  ce  qui  suit.  Il  est  étonnant  qu'il  ne  se 
soit  pas  trouvé  un  érudit  belge  pour  en  faire 
l'étude  d'ensemble  ;  cette  besogne  a  été  entre- 
prise par  un  des  plus  distingués  parmi  les 
critiques  d'art  français,  et  il  a  procédé  à  ce  sujet 
à  une  enquête  sérieuse,  embrassant  toutes  les 
pièces  de  valeur  de  la  sculpture  proprement  dite, 
à  l'exclusion  de  l'orfèvrerie.  Il  a  fait  mieux,  il  a 
tiré  de  son  clairvoyant  examen  des  déductions 
nettes,  neuves  et  logiques.  On  pourra  lui  contester 
des  détails  :  il  sera  difficile  d'infirmer  sa  thèse. 

Cette  thèse  est  la  suivante  :  Jusqu'ici  l'on  a 
attribué  à  l'esprit  flamand  et  en  particulier  à  sa 
sculpture  du  XI  V<=  siècle  une  influetice  originelle 
et  primordiale  sur   la    renaissance  réalistique  de 


l'art  plastique  en  Europe.  Il  n'en  est  rien  :  le  réa- 
lisme flamand  ne  s'affirme  qu'au  XV^  siècle  et 
plutôt  dans  la  peinture.  Au  XIII<^  et  au  XIV<= 
siècle,  le  réalisme,  loin  de  dominer  en  Flandre, 
transpire  à  peine  à  côté  de  l'idéalisme  français 
qui  pénètre  dans  l'art  belge.  C'est  presque  le 
contrepied  des  théories  de  Courajod.  M.  Kœchlin 
ajoute,  que  si  le  naturalisme  bourguignon  dérive 
de  l'art  flamand,  il  s'en  distingue  par  un  souffle 
plus  puissant. 

Nous  devons  reconnaître,  dans  l'état  actuel  de 
nos  connaissances,  le  succès  de  la  thèse  de  M. 
Kœchlin.  Quant  à  l'influence  française  en  Bel- 
gique, au  X1II<^  et  au  XIV''  siècle,  les  écrivains 
belges  l'ont  à  peine  indiquée  dans  leurs  livres, 
mais  beaucoup  l'ont  remarquée,  et  à  la  Société 
d'archéologie  à  Gand  il  en  a  été  souvent  question. 
M.  A.  Heins  l'a  récemment  encore  affirmée  à 
propos  des  sculptures  des  voûtes  lapidaires  de 
Saint-Bavon,  et  le  premier  peut-être,  je  la  lui 
avais  signalée,  consulté  par  lui  sur  ces  sculptures. 
Cette  influence  est  évidente  dans  le  domaine  de 
l'architecture.  Le  chœur  de  la  cathédrale  de 
Tournai  est  une  œuvre  bien  française,  ainsi  que 
la  chapelle  épiscopale,  érigée  à  la  fin  du  XII'= 
siècle,  par  l'évêque  Etienne,  ancien  abbé  de 
Sainte- Geneviève.  L'église  Saint -Jacques  de 
Tournai  semble  pénétrée  d'influences  françaises 
avec  ses  claires-voies  qu'on  dirait  bourguignonnes, 
et  sa  tour  qui  évoque  un  lointain  souvenir  de 
celles  de  Laon,  et  rappelle  d'une  manière  frap- 
pante le  clocher  de  Vernouillet. 

Les  trois  jolies  églises  de  Poperinghe  sont 
parentes  de  la  cathédrale  de  Saint-Omer.  Le 
croisillon  Sud  de  Saint-Martin  d'Ypres  a  deux  ou 
trois  chapiteaux  d'une  flore  purement  parisienne, 
et  son  chœur  est  français  par  sa  corniche  sculptée 
et  surtout  par  ses  absidioles  en  diagonale  du 
type  Soissonnais  ;  le  même  plan  d'absidioles  se 
retrouve  à  Lisseweghe  et  à  Damme.  Inutile  de 
rappeler  les  influences  françaises  marquées  au 
chevet  de  Sainte-Gudule  à  Bru.xelles  et  à  N.-D. 
de  la  Chapelle. 

M.  Kœchlin  relève  les  marques  de  l'influence 
française  dans  la  sculpture  belge.  Il  commence 
son  enquête  au  XII«  siècle.  A  cette  époque  Tour- 
nai possédait  une  école  d'art  puissante,  et  à 
laquelle  il  aurait  tort  de  dénier  une  grande  origi- 
nalité. Il  a  beau  parler  de  la  rudesse  des  fonts 
baptismaux  ;  s'il  connaissait  la  riche  collection  de 
ces  fonts  superbes,  malgré  le  fantastique  débor- 
dement de  leur  décor, il  yreconnaîtrait  les  vestiges 
d'ateliers  ayant  leur  art  propre,  plus  lombard 
que  français.  A  notre  avis,  nos  provinces  ne  su- 
bissent la  loi  française  qu'à  partir  du  XI 11*^  siècle. 
Dès  lors  elle  est  incontestable.  Elle  éclate 
dans  le  double  tympan  de  l'hôpital  Saint-Jean  à 


25tbltograpl)te. 


331 


Bruges  (vers  1270),  mais  apparaît  plus  tôt  en 
Flandre  française  (Grand  Dieu  de  Thérouane). 
—  M.  Kœclilin  croit  la  retrouver  dans  le  tympan 
de  Saint-Servais  à  Maestricht  (?).  Elle  s'accuse 
dans  une  série  de  madones  de  nos  musées  et  de 
nos  églises,  notamment  dans  la  Vierge  assise  de 
Saint-Pierre  à  Louvain,  dans  l'admirable  Vierge 
de  Saint-Jean  et  de  Saint-Pholien  à  Liège,  dé- 
crites par  M.  Helbig,  dans  celle  de  Laeken. 

Les  dalles  funéraires,  si  nombreuses  en 
Belgique,  sont  des  schémas  idéalistes  et  les 
gisants  des  sarcophages  sont  à  peine  encore  des 
portraits. 

Au  KIY'""  siècle  l'idéalisme  fait  place  à  la 
formule,  comme  M.  Kœchlin  l'a  si  bien  montré 
en  étudiant  la  sculpture  au  pays  de  Troyes  ;  et 
la  formule  est  la  même  en  Belgique  que  dans  le 
Nord  de  la  France,  que  dans  toute  la  France. 
Aussi  l'emporte-t-elle  sur  le  réalisme  natif  et 
incontestable  des  Flamands,  qui  ne  s'en  dégage 
que  très  tard,  à  la  fin  du  siècle.  C'est,  comme  à 
Troyes,  dans  les  statues  de  Vierges,  qu'on  peut 
surtout  étudier  l'évolution  :  le  type  est  la  Vierge 
du  portail  Ouest  de  Notre-Dame  de  Tournai  (à 
noter  toutefois  que  la  tête  de  cette  Vierge  est 
de  la  Renaissance  ainsi  que  l'Enfant  Jésus),  celle 
du  portail  Sud  de  Hal,  la  sainte  Catherine  de 
Beauneveu  à  Courtrai,  si  proche  parente  de  la 
Vierge  de  Tournai  et  d'autres  Vierges  de  nos 
musées.  Le  maniérisme  est  à  son  apogée  dans  la 
charmante  Vierge  des  Fonts  de  la  cathédrale 
d'Anvers.  Celle  de  N.-D.  du  Lac  à  Tirlemont 
(conservée  au  musée  de  la  ville)  est  la  plus  frap- 
pante par  sa  similitude  avec  les  modèles  français. 

L'analogie  se  manifeste  encore  dans  certains 
thèmes  uniformes  comme  celui  des  sculptures 
représentant  le  Couronnejiient  de  la  Vierge  à 
Bruges,  à  Saint-Jacques  de  Liège,  à  Walcourt,  ou 
des  figurations  d'Abraham  recueillant  les  âmes 
dans  son  sein,  etc.  —  Les  prophètes  de  la  cathé- 
drale de  Tournai  sont  apparentés  à  ceux  de  Sens. 

M.  Kœchlin  refuse  de  reconnaître  la  verve 
caricaturiste  et  la  faculté  d'observation  attribuée 
aux  Flamands,  dans  les  consoles  et  les  masques 
de  la  salle  échevinale  d'Ypres,  même  dans  les 
consoles  de  l'Université  de  Louvain,  et  de  la  Bi- 
loque  de  Gand,  ainsi  que  dans  les  écoinçons 
historiés  de  la  chapelle  des  Comtes  à  Courtrai, 
de  l'église  du  Sablon  à  Bruxelles,  des  églises 
d'Assche  et  de  Hal.  C'est,  me  semble-t-il,  aller 
loin  ;  mais,  trop  peu  compétent,  nous  laissons 
à  MM.  Maeterlinck,  de  Smet  et  Destrée,  ces  fins 
connaisseurs  en  l'espèce,  de  dire  leur  avis  à  cet 
égard.  Comparant  nos  produits  à  ceux  des  ateliers 
français,  M.  Kœchlin  n'est  pas  loin  de  trouver 
ceux-ci  plus  réalistes  que  les  Flamands. 

Ce  n'est  qu'au  troisième  tiers  du  XIV'=  siècle. 


qu'il  reconnaît  l'entrée  en  scène  du  réalisme 
flamand.  Mais  ce  n'est  à  ses  yeux  que  le  réa- 
lisme bourgeois  et  terre  à  terre,  étranger  à  cette 
allure  puissante  qui  caractérisa  le  génie  des 
Flamands  transplantés  en  Bourgogne.  Les  chefs- 
d'œuvre  de  cette  période  sont,  à  son  sens,  les 
chapiteaux  de  la  Grande  église  de  Rotterdam,  les 
consoles  de  la  galerie  Ouest  de  la  façade  de 
l'hôtel  de  ville  de  Bruxelles  et  celles  de  l'hôtel  de 
ville  de  Louvain. 

Les  origines  de  l'École  de  Dijon  paraissent 
à  notre  auteur  une  énigme,  sans  attache  dans 
le  passé  avec  la  Flandre,  et  étrangères  à  la  suite 
du  développement  de  l'école  belge.  Les  mor- 
ceaux qui  gardent  le  plus  d'analogie  avec  les 
œuvres  bourguignonnes  sont  l'ancienne  décora- 
tion du  portail  de  l'hôtel  de  ville  de  Bruxelles, 
déposée  au  musée  communal. 

Nous  croyons  avoir  analysé  fidèlement  l'étude 
de  M.  Kœchlin,  révolutionnaire  et  presque 
agressive  à  l'égard  d'idées  chères  à  nos  compa- 
triotes. Nous  ne  sommes  pas  en  état  d'y  contre- 
dire. Quelle  que  soit  la  vérité,  elle  ne  peut  que 
gagner  à  des  recherches  aussi  consciencieusement 
conduites  et  aussi  franchement  exposées. 

Ajoutez  que  l'auteur,  admirablement  docu- 
menté, semble  avoir  fouillé  tous  les  coins  de  la 
Belgique.  Du  reste  en  quelques  heures  passées 
au  musée  des  Moulages  du  Cinquantenaire  à 
Bruxelles  il  a  pu  déjà  se  faire  une  idée  de  l'en- 
semble de  notre  art  plastique  médiéval.  On  ne 
pourrait  trouver  plus  belle  preuve  de  la  manière 
méthodique  et  éclairée  dont  l'Ltat  belge  a  cons- 
titué cette  collection  et  des  grands  services  qu'elle 
est  susceptible  de  rendre. 

L.  C. 


DEUX  VIES  D'ÉVÊQUES,  par  M"'  Louise 
PiLLiON.  (Extrait  de  la  Gazette  des  Beaux-Arts.) 

Croirait-on  que  parmi  les  sculptures  histo- 
riées si  remarquables  qui  tapissent  le  fameux 
portail  de  la  Calende  de  Rouen,  et  que  tant  de 
milliers  de  touristes  et  d'archéologues  ne  cessent 
d'examiner,  se  trouvent  encore,  ou  plutôt  se 
trouvaient  de  longues  pages  indéchiffrées,comme 
des  albums  d'histoires  étalées  là  sous  les  yeux 
de  chacun  et  que  personne  n'avait  lues  ;  et  ces 
histoires  n'étaient  rien  moins  que  celles  de  deux 
grands  saints  évêques,  saint  Romain  et  saint 
Ouen.  C'est  une  dame,  notre  nouvelle  collabora- 
trice,M^i'^  Louise  Pillion,qui  par  son  érudition  est 
venue  éclairer  ces  étonnants  bas-reliefs,  plongés 
dans  l'ombre  de  l'ignorance,  en  même  temps,  il 
faut  le  dire, que  dans  la  pénombre  due  à  un  fâcheux 
éclairage  ;  mais  la  photographie  est  devenue  un 
précieux  auxiliaire  de  l'archéologue,  et  elle  est 


332 


3Rebue  te  V^xt  chrétien. 


une  des  nombreuses  ressources  de  notre  corres- 
pondante, qui  n'est  en  défaut  devant  aucune 
difficulté. C'est  un  régal  de  lire  les  pages  élégantes 
et  érudites  où  elle  élucide  de  multiples  problèmes 
et  retrace  sans  lacune  la  double  histoire  si  pitto- 
resquement  ciselée  dans  les  pierres  séculaires. 

L.  C. 


MONUMENTS  DU  FOREZ  ET  DU  VELAY. 

Le  journal  Le  Mémorial  de  la  Loire  et  de  la 
Haute-Loire  a  donné  une  suite  à  l'intéressante 
série  de  monographies  paroissiales  due  à  M.  Noël 
Thiollier,  et  que  nous  avons  signalées  naguère  ('). 
—  On  y  trouve  des  renseignements  pleins  d'in- 
térêt sur  les  églises,  châteaux  et  autres  antiquités. 
A  Chanteuges  ce  sont  les  ruines  de  l'ancienne 
abbaye  dominant  le  panorama  superbe  de  la 
Planèze  et  l'église,  un  des  plus  beaux  spécimens 
d'architecture  romane  dans  la  Haute-Loire,  cons- 
truite vers  1 137,  et  qui  offre  de  beaux  chapiteaux 
historiés  (à  remarquer  surtout  une  représentation 
du  Bon  Pasteur).  —  A  Saint-Haon,  existe  une 
église  également  romane,  une  des  plus  originales 
de  la  région  par  sa  curieuse  abside  à  5  pans,  bâtie 
en  appareil  avec  parement  en  talus  que  couronne 
sous  la  corniche  de  longues  arcatures  ;  en  avant 
se  dresse  un  mur  surmonté  de  quatre  arcades  oili 
pendent  les  cloches.  —  L'église  de  Saint- Vidal, 
également  ancienne,  avec  une  travée  voûtée  en 
coupole  sur  trompes  et  une  abside  ronde  à 
l'intérieur,  à  pans  coupés  au  dehors;  la  fenêtre 
centrale  est  encadrée  d'une  archivolte  trilobée 
posant  sur  colonnettes.  —  Jusqu'à  1872  celle  de 
Ternay  avait  gardé  sa  superstructure  en  char- 
pente; ses  murs  si  bien  conservés,  avec  assises 
de  moellons  alternant  avec  un  double  ou  triple 
rang  de  briques,  sont  un  chef-d'œuvre  de  maçon 
nerie  ;  elle  mérite  d'être  étudiée  de  près.  —  Pour 
bâtir  l'église  de  Ceyssac  (une  haute  curiosité  des 
environs  du  Puy),  l'on  se  contenta  de  construire 
une  façade  et  un  chevet  entre  deux  coulées  volca- 
niques formant  murs  latéraux,  et  de  bander 
unevoùte  au-dessus;elle  s'ouvre  par  une  jolieporte 
romane.  — Saint-Christophe  sur  Dolaizon  a  une 
église  romane  analogue  aux  précédentes,  cou- 
verte en  dalles  de  pierre.Celle  de  Verrières, fondée 
en  1223.  fut  reconstruite  au  commencement  du 
XVIe  siècle,  d'un  seul  jet  ;  c'est  une  des  plus 
belles  églises  de  la  contrée.  —  L'église  Sainte- 
Marie  à  Borne  garde  son  chevet  roman  ainsi  que 
son  ancien  campanile.  Noirétable  a  conservé  deux 
anciennes  églises,  l'une  remonte  au  XII'-  siècle, 
c'est  celle  du  prieuré  bénédictin  ;  la  seconde  date 
du  XV<=  siècle;  elle  offre  en  avant  un  vaste 
porche   de   charpente  du    XVI«  siècle.    Inspirée 

I.  Revue  de  CArt  chrétien,  année  1904,  p.  339. 


commeplusieurs  autres  de  La  Chaise-Dieu, l'église 
de  Saint-Galmier  offre  une  grande  nef  dépourvue 
de  fenêtres  et  éclairée  seulement  par  les  bas-côtés 
et  les  chapelles,  cette  nef  est  d'ailleurs  large  et 
belle,  posée  sur  des  piliers  à  moulures  qui  se 
perdent  dans  les  voûtes.  Cette  église  date  du 
XV"^  siècle. —  Notre  touriste  érudit  nous  présente 
la  vue  de  l'église  démolie  de  Saint-Martin-la- 
Sauveté  ;  partie  romane  et  partie  gothique.  En 
agrandissant  l'église  de  Beaulieu,on  a  eu  soin  de 
respecter  le  vaisseau  roman  construit  en  superbes 
blocs  de  brèche  volcanique;  son  abside  est  semi- 
circulaire  intérieurement, à  pans  coupés  au  dehors, 
avec  trois  absidioles  creusées  aux  dépens  du  mur. 
Des  tempsanciens  il  ne  resteàCoubonquedeux 
cippes  romains  et  l'église  de  St-Georges,  du  moins 
la  partie  centrale  de  la  façade  avec  le  portail  de 
si  belle  ordonnance.  Nulle  part  on  ne  peut 
mieux  qu'à  Lavaudieu  se  faire  une  idée  de  ce 
que  fut  au  moyen  âge  un  monastère  de  femmes; 
tout  est  conservé  ;  fortifications,  église,  cloitre, 
salle  capitulaire,  cuisine  et  dortoir  ;  mais  hélas! 
bien  délabré.  L'église  est  un  monument  fort 
curieux  de  la  fin  du  XI<=  siècle,  avec  un  des  plus 
jolis  cloîtres  que  le  XII<=  siècle  ait  laissés  dans 
la  Haute-Loire.  Dans  le  réfectoire  on  peut  encore 
voir  des  fresques  du  XH^  siècle.  —  L'église  de 
l'Hôpital-sous-Rochefort  est  construite  en  partie 
avec  des  matériaux  antiques  de  grand  appareil 
comprenant  pas  mal  de  cippes  funéraires.  Le 
portail  est  de  grande  allure.  L'église  de  Trélins, 
un  intéressant  morceau  du  XV'=  siècle,  et  la  ville 
de  Saint-Etienne  était  surtout  remarquable  par  sa 
rue  Guy-Colombet  aux  maisons  moyenâgeuses, 
récemment  démolies  par  une  municipalité  trop 
peu  soucieuse  des  souvenirs  du  passé.  Inutile 
d'insister  sur  l'intérêt  de  la  chapelle  Saint-Michel 
d'Aiguilhe  et  sur  celui  de  l'église  de  Charlieu, 
deux  joyaux  de  l'art  roman  élevé  en  Forez  sur 
la  frontière  bourguignonne. 

L.  C. 


ENQUETES  CAMPANAIRES  —  NOTES,  É- 
TUDES  ET  DOCUMENTS  SUR  LES  CLOCHES 
ET  LES  FONDEURS  DE  CLOCHES,  DU  VHr 
AU  XX=  SIÈCLE,  par  Jos.  Berthelé.  —  In-8°  de 
XVI-7s8  pp.,  48  gravures.  iMontpellier,  Delord-Bœhm 
et  Martial,  1903.  Prix  :  20  fr. 

Il  y  a  quelque  trente  ans,  les  cloches  n'étaient 
inscrites  au  programme  des  études  archéolo- 
giques et  historiques,  que  comme  une  branche 
du  Mobilier  ecclcsiastitjue  et  de  V Épigraphie.  Les 
archéologues  ne  s'y  intéressaient  guères,  que  si 
elles  remontaient  au  moyen  âge.  Les  épigra- 
phistes  les  transcrivaient  si  elles  était  antérieures 
à  la  razzia  de  1792- 1793. 


I0ibliograpl)te. 


333 


Dans  ces  derniers  temps  (')  plusieurs  archéo- 
loi^ues,  MW.  L.  Germain  de  Maidy  et  Jos.  Ber- 
tlielé,  notamment,  ont  montré  quel  intérêt  ont 
réellement  les  cloches  pour  Vhtstoire  de  l'Art 
iiuiititrifl  t.\.  quelle   attention  méritent    ces  mo- 


Beffroi  et  cloches  de  l'Épine  (Hautes-Alpes). 

destes  artisans  ambulants,  qui  ont  peuplé  de  leurs 
œuvres  nos  clochers  et  nos  beffrois,  et  dont 
beaucoup  ont  été  de  véritables  artistes. 

Le  Comité  des  Travaux  historiques  a  aidé    ces 


I.  A  la  suite  de  la  publication,  en  1884,  par  M.  Henri  Jadart,  de 
l'histoire  du  célèbre  bourdon  de  Reims. 


eff"orts.  Des  recueils  autorisés  (la  Revue  de  l'Art 
chrétien  se  flatte  d'avoir  été  le  principal  avec  le 
Bulletin  Monumental),  se  sont  associés  à  ce 
mouvement.  L'étude  de  l'art  campanaire  possède 
aujourd'hui  ses  fervents,  tels  MIVI.  Brugière,  Le- 
cler,  Jadart,  L.  Régnier  et  R.  Rodière. 

Pour  aider  les  travailleurs  dans  ce  genre  de 
recherches,  M.  Jos.  Berthelé  vient  de  réunir  en 
volume,  avec  d'abondantes  et  instructives  illus- 
trations, une  série  de  notices  consacrées  par  lui 
à  l'histoire  des  cloches  et  des  fondeurs  de  cloches 
et  aux  inscriptions  campanaires  anciennes.  Il 
peut  dire  avec  orgueil  :  Exegi  Monumentum  œre 
perennius. 

Le  volume  h'ouvre  par  une  étude  historique, 
technique  et  pittoresque,  sur  la  fonte  des  cloches 
avant  l'époque  actuelle  :  —  i°  l'entreprise  commer- 
ciale, 2°  l'opération  industrielle,  3°  le  règlement  des 
comptes. 

Viennent  ensuite,  groupés  par  ordre  géo- 
graphique, cinquante  et  quelques  articles  de 
genres  très  divers  :  listes  d'anciens  fondeurs, 
discussions  épigraphiques, monographies, dépouil- 
lements bibliographiques,  documents,  inscrip- 
tions, etc.,  concernant  particulièrement  les  dépar- 
tements des  Deux-Sèvres,  de  la  Vienne,  de  la 
Vendée,  de  la  Somme,  de  l'Oise,  de  l'Eure,  du 
Jura,  de  la  Nièvre,  de  la  Loire,  de  l'Ariège,  de  la 
Haute  Garonne,  de  la  Haute-Marne,  des  Vosges, 
du  Loiret,  du  Gers,  de  la  Meuse,  de  l'Aisne,  de  la 
Marne,  des  Ardennes,  du  Rhône,  de  la  Côte- 
d'Or,  de  l'Yonne,  etc. 

L'ouvrage  se  termine  par  trois  tables  analy- 
tiques, très  minutieuses  et  très  complètes  :  — 
1°  un  Index  des  noms  de  Fondeurs,  —  2°  un 
Index  général  des  noms  de  personnes,  de  lieux  et  de 
tnatières,  —  3°  un  Index  spécial  des  gravures. 

Le  premier  de  ces  index  contient  plus  de  900 
noms  de  fondeurs  de  cloches.  Ce  seul  détail  suf- 
firait à  indiquer  l'importance  du  volume  pour  les 
études  d'épigraphie  campanaire. 

Tous  les  départements  de  France,  sauf  un,  sont 
représentés  plus  ou  moins  dans  l'index  des  noms 
de  lieux.  Notons  également  les  articles  :  Alle- 
magne, Belgique,  etc. 

L'illustration  —  toute  documentaire  —  se 
rapporte  à  la  fois  à  la  campanographie  ancienne 
et  à  la  campanographie  moderne. 

La  Paléographie  des  cloches  peut  y  être  étudiée 
dans  ses  différents  types,  à  l'aide  d'une  série  de 
fac-similes  d'inscriptions,  remontant  jusqu'au 
commencement  du  XI 11^  siècle. 

Ulconographie  campanaire,  héraldique,  orne- 
mentale, religieuse  ou  historique,  n'est  pas  moins 
amplement  représentée.  Une  série  spéciale  est 
consacrée  aux  Marques  de  fondeurs. 


334 


3Rebue  te  T^rt  chrétien. 


L'auteur    a    complété    cette   partie  iconogra- 
phique par  la  reproduction    de    divers  bourdons 


Matrice  du  fondeur  Fr.  Michel. 


importants  et  par  les  portraits  de  quelques  an- 
ciens fondeurs  célèbres. 

Enfin,  une  place  a  été  faite,  dans  l'illustration, 
à  la  Technique  campanaire  et  même  à.\a  Musique 


campanaire  :  —  les  carillons  composés   par   feu 
Alexis  Lévêque  apportent  une  note  presque  gaie 


f 


Matrice  du  fondeur  Fr.  Micliel. 


au  milieu  de  ces  Enquêtes,  dont  le  caractère 
général  est  bien  plutôt  celui  d'une  œuvre  d'éru- 
dition que  d'un  livre  de  curiosité. 

L.  C. 


2l5ibliograpl)te. 


335 


■«fc 


DOCUMENTS  D'ART  MONUMKNTAL  DU 
MOYEN  AGE,  par  V.  Lenertz,  Bruxelles,  Vromant, 
1904. 

Le  beau  recueil  de  fragments  artistiques,  et 
fac-similé  des  croquis  originaux  (ces  croquis 
valent  de  bien  bons  dessins),  qu'a  entrepris 
M.  Lenertz,  et  que  nous  avons  annoncé  derniè- 
rement, tient  toutes  ses  promesses.  L,e  troisième 
fascicule  nous  offre  les  détails  précis  des  fameuses 
bailles  de  Malines  et  d'une  défense  grillagée  de 
fenêtre  de  la  même  ville, le  charmant  lutrin  en  bois 
sculpté  en  forme  de  pliant,de  l'église  Ste-Gertrude 
de  Louvain,  des  détails  nombreux  des  stalles  si 
connues  de  l'église  St-Jacques  de  Liège,  une  fort 
intéressante  grille  conservée  au  musée  de  l'Hôtel- 
de- Ville  de  Louvain,  des  couronnements  de  tours 
des  bords  du  Rhin,  la  clôture  du  chœur  de  l'église 
St-Mathius  à  Trêves,  l'ensemble  et  de  savoureux 
fragments  du  chœur  de  St-Jean  de  Diest,  et  des 
spécimens   rares  de  moulures  gothiques. 

L.  C. 

L'ANCIEN  CHATEAU  DES  COMTES  DE 
FLANDRE  A  GAND,  par  J.  de  Waele,  Bruxelles, 
Goemare,  1904. 

Cette  brochurette  est  le  troisième  article  d'une 
série  insérée  aux  Annales  des  travaux  publics  de 
Belgique  (avril  1904),  dans  lesquelles  l'auteur 
distingué  de  la  restauration  tant  discutée,  expose 
d'une  manière  très  précise  et  brève  les  travaux 
exécutés  en  les  justifiant  par  des  arguments 
solides.  ^     P 


SOUVENIRS  DE  PREMIERE   COMMUNION 
SOCIÉTÉ   ST-AUGUSTIN. 

Les  deux  nouveaux  souvenirs  de  première 
communion  que  vient  d'éditer  la  maison  Des- 
clée  sont  de  purs  chefs-d'œuvre  d'imagerie 
chrétienne.  La  polychromie  murale  a  son  style, 
bien  différent  de  celui  de  la  miniature  ;  de  mê- 
me la  chromolithographie  a  le  sien,  rarement 
compris.  Il  ne  s'agit  pas  de  cette  chromolitho- 
graphie réalistique  qui  reproduit  avec  une  cer- 
taine fidélité,  surtout  depuis  l'invention  des 
procédés  trichromes,  le  rendu  de  l'aquarelle 
artistique  ou  de  la  peinture  de  chevalet  ;  nous 
voulons  parler  de  la  chromolithographie  consi- 
dérée comme  expression  d'art  spéciale.  Appli- 
quée à  l'imagerie  populaire,  elle  possède  une 
technique  toute  particulière,  que  nous  Dévouions 
pas  exposer  ici,  mais  dont  on  peut  considérer 
les  deux  images  qui  nous  occupent  comme  des 
spécimens  réussis  et  charmants.  C'est  un  mélange 
intime  de  compositions  historiées  et  d'art  déco- 


ratif Les  sujets  à  personnages  occupent  des  pan- 
neaux et  des  médaillons  ;  les  ornements  sont 
semés  dans  le  cadre  et  dans  des  fonds:  les  textes 
eux-mêmes, inscrits  dans  des  banderoles, ou  tracés 
sur  le  fond  en  caractères  ornés,  constituent  un 
noble  décor.  —  La  polychromie  est  solide  et  très 
soutenue,  mais  douce  et  harmonieuse  ;  rien  de 
criard  et  rien  de  fade.  L'ensemble,  relativement 
complexe,  est  d'une  seule  et  belle  venue  ;  tout  se 
tient  et  se  lie  et  une  grande  douceur  de  coloris  se 
dégage  d'une  richissime  composition.  Quant  aux 
sujets  principaux,  ils  se  lisent  avec  une  clarté 
qui  saute  aux  yeux,  ils  sont  dessinés  d'un  trait 
pur,  distingué,  expressif  ;  les  figures  sont  nobles, 
les  costumes  gracieux  et  artistiques.  Celles  de  la 
la  Vierge  de  Lourdes,  qui  occupe  le  centre  des 
images,  et  des  anges  qui  l'accostent  sont  suaves. 
Quant  à  la  belle  scène  qui  illustre  l'autre  image, 
et  où  S.  Louis  de  Gonzague  est  représenté  rece- 
vant la  Ste  Communion  de  la  main  de  S.  Char- 
les, c'e.st  une  fort  belle  composition  fortement 
idéalisée  et  cependant  d'un  naturel  charmant, 
en  ce  qui  concerne  les  proportions  des  figures, 
l'agencement  des  attitudes,  l'exécution  des  costu- 
mes, fidèles  aux  usages  du  temps.  Les  deux 
anges  qui  assistent  à  la  cérémonie,  paraissent 
descendus  des  tableaux  de  Memling.  Dans  des 
médaillons  sont  figurés  le  Baptême,  la  Confession, 
l'Eucharistie  et  la  Confirmation  et  des  scènettes 
gracieuses,  auxquelles  les  mêmes  costumes  an- 
ciens, bien  en  situation  ici,  prêtent  une  grande 
noblesse. 

En  vérité,  c'est  bien  là  l'imagerie  qu'il  faut 
aujourd'hui.  Elle  est  d'un  dessin  plus  savant  que 
les  naïves  miniatures  de  nos  pères,  mais  elle  a 
leur  charme  artistique  et  leur  accent  décoratif 
et  surtout  leur  expression  profondément  noble, 
idéale  et  pieuse. 

L.  C. 


ANCIENNES  HABITATIONS  RURALES  EN 
PICARDIE,  par  M.  A.  de  Francqueville.  —  In-8° 
de  40  pp.  Amiens,  Yvert  et  Tellier,  1904. 

Ce  sujet  est  d'un  vif  intérêt.  La  question  des 
types  traditionnels  de  l'habitation  et  de  la  ferme 
a  été  mise  à  l'ordre  du  jour  du  prochain  congrès 
archéologique  convoqué  a  Mons,  et  M.  A.  Flebus 
a  déjà  présenté  la  définition  de  quatre  types 
primordiaux  (i)  de  fermes,  le  type  franc,  le  type 
saxon,  le  type  frison  et  celui  de  la  villa  romaine. 

Dans  son  beau  livre,  sur  les  conditions  de  l'ha- 
bitation en  France  (2),  M.  A.  de  Foville  a  montré 
naguère  que  chaque  région  possède  son  type  de 

1.  Annales  du  Congrès  archéol.  de  Mons,  1904,  4"  livr. 

2.  Paris,  Leroux,  1894. 


330 


ISitWt  De  r^lrt  cJ)rctteu. 


maison  rurale  si  caractéristique,  que  quand  un 
voyageur  qui  traverse  la  France  en  chemin  de  fer, 
ouvrant  la  fenêtre  de  son  wagon  au  point  du  jour, 
se  demande  où  il  est,  il  est  fixé  dès  qu'il  a  vu 
une  ferme,  et  deux-  ou  trois  maisonnettes. 

M.  Foville  passe  en  revue  les  habitations  de 
diverses  provinces.  Les  conditions  d'exploitation 
des  terres,  la  configuration  du  sol,  sa  nature 
orographique,  géologique  et  hydrologique,  la  na- 
ture des  matériaux  locaux,  les  mœurs  des  habi- 
tants, toutes  les  influences  topiques  se  reflètent 
dans  les  constructions  anciennes, qui  apparaissent 
en  quelque  sorte  comme  le  produit  de  la  terre. 

A  ces  intéressantes  observations  M.  de  Franc- 
queville  fait  un  nouvel  apport  en  nous  décri- 
vant les  habitations  rurales  en  Picardie. 

Il  nous  rappelle  les  huttes  anciennes  ?>.  paillo- 
tage  (torchis)  enfoncées  dans  le  sol, les  chaumières, 
les  cabanes  couvertes  d'essangles  (planchettes  de 
chêne).  La  panne  n'apparaît  qu'au  XVI II<^  siècle. 
Les  murs  sont  en  galets  au  bord  de  la  mer  ;  en 
pierre  dans  l'Aine  et  dans  l'Oise,  en  grès  dans  le 
canton  de  Villers  Bocage,  en  briques  cuites  aux 
confins  de  la  Normandie  ;  en  brique  séchée  au 
soleil  dans  le  Laonnais,et  un  peu  partout  on  ren- 
contre les  murs  en  bouge  ou  en  torchis.  L'Aisne  a 
ses  habitations   souterraines  {creutes  ou  boves). 

Si  les  matériaux  varient  avec  les  localités,  il  en 
est  de  même  de  l'emplacement.  Ici  la  maison  est 
en  façade,  là  c'est  la  grange  ;  on  rencontre  peu  de 
fermes  isolées  ;  le  Picard  aime  à  vivre  en  société, 
près  de  son  clocher  et  prèsdes  bâtiments,dispersés 
dans  les  herbages,  comme  en  Normandie  et  en 
Flandre.  Les  maisons  des  villages,  entourées  de 
leur  coiirtil  (verger)  s'égrènent  le  long  de  la  rue. 

M.  de  Francqueville  pénètre  dans  une  de  ces 
maisons.  Il  franchit  la  porte  charretière  de  la 
ferme  et  la  porte  cojipée,  à  guichet,  qui  accède  à  la 
première  pièce,  nommée  la  maison,  avec  la  gran- 
de cheminée,  avec  la  cramillie  fleur-de-lysée  qui 
supporte  la  mcquinette  (chaudron).  Un  seul  an- 
dier  porte  les  bûches  placées  de  biais.  A  la  poten- 
ce pend  le  crochet,  sorte  de  lampe  juive,  en  fer 
dans  l'Amiénois,  en  cuivre,  à  plusieurs  becs  aux 
environs  d'Abbeville.  Un  coffre  en  forme  de  py- 
ramide tronquée  sert  de  siège  et  contient  le  sel  ; 
sur  les  gradins  de  \a.  potière  s'étalent  les  plats  et 
les  brocs.  Les  murs  blanchis  à  la  chaux  sont  or- 
nés d'images  naïves.  Une  grande  table,  une  petite 
à  trois  pieds,  des  cayelles  garnissent  la  maison. 
Une  claie  suspendue  sous  le  plafond  sert  à  dé- 
poser le  lard  au  sortir  du  saloir.  En  face  de  la 
cheminée  est  la  boîte-horloge  (le  coucou)  sculp- 
tée au  couteau. 

Latéralement  s'ouvrent  deux  chambres  sans 
feu,  la  principale  est  la  chambre  des  maîtres  de 
céans.   Le  lit  en    frêne   est  couvert    du  londier 


(courte  pointe)  ;  quelquefois  il  est  dans  une  sorte 
d'alcove  protégée  par  des  rideaux  de  toile  de 
Jouy.  \Jannoire,  en  chêne,  est  du  temps  de  Louis 
XIII,  et  bien  picarde,  à  deux  corps.  A  côté  est 
le  coffre  de  mariage  ;  jadis  on  voyait  aussi  le 
rouet. 

L'auteur  décrit  une  série  de  ces  vieux  logis, 
qui  sont  tous  en  pans  de  bois.  Il  donne  des  des- 
sins, qu'on  souhaiterait  moins  sommaires. 

L.  C. 


IL     POLITICO     DELLA    PARROGHIALE   DI 

OTTANA,  par  E.  Brunelli  (Extrait  de  \Arte). 

Les  fresques  remarquables  de  la  modeste  égli- 
se paroissiale  d'Otana  sont  consacrées  notam- 
ment à  l'histoire  de  saint  François,  dont  l'image 
en  pied  est  noble  et  impressionnante.  L'Annon- 
ciation surtout  est  de  grand  style  ;  les  peintures 
sont  l'œuvre  d'un  artiste  pisan  de  la  première 
moitié  du  XIV«  siècle. 

L.  C. 


OPERE  D'ARTE   DEL  PALAZZO   GAREGIATI 
A  VENETIA,  par  E.  Brunelli  (Extrait  de  VArte). 

Parmi  les  richesses  du  palais  Vénitien,  notre 
auteur  distingue,  décrit  et  reproduit  une  pein- 
ture de  Bartolomeo  Moiitagna  figurant  le  groupe 
de  la  Vierge  et  de  l'Enfant  divin  accosté  des 
figures  de  S.  Jean  Baptiste  et  de  S.  François 
d'Assise  (celui-ci  tient  une  croix  en  forme  de 
tau)  ;  puis  une  madone  de  Luca  da  Conegliano, 
une  autre  de  Bastiano  Mainardi  et  une  peinture 
du  même  artiste  représentant  Jésus,  adoré  par 
saint  Joseph  et  la  Vierge  Marie,  tandis  que  des 
anges  présentent  dans  les  airs  un  phylactère  où 
est  reproduit  le  texte  et  la  notation  musicale  du 
Gloria  in  cxcclsis. 

L.  C. 


DICTIONNAIRE  D'ARCHÉOLOGIE  CHRÉ- 
TIENNE ET  DE  LITURGIE.  —  Fascicule  IV. 
Paris,  Letouzey,  1904. 

Nous  nous  proposons  de  puiser,  à  mesure 
qu'elle  se  présente  à  nous,  à  cette  mine  de  don- 
nées précieuses,  ou  du  moins,  d'en  signaler  les 
richesses  à  nos  lecteurs. —  Le  4""^  fascicule  con- 
tinue l'étude  de  V AgneaH,cons\ô.éxé  comme  sym- 
bole de  Moïse  et  du  Rédempteur,  des  apôtres, 
des  prophètes  et  des  fidèles.  À  ces  titres  divers, 
W  figure,  dès  le  IV*^  siècle,  dans  le  sarcophage  de 
Junius  Bassus  au  Vatican,  sur  un  peigne  litur- 
gique du  IVe  siècle,  dans  les  peintures  des  cata- 
combes, etc. 


ldtl)llograpl)te. 


337 


Notre  ancien  collaborateur,  M.  P.  AUard,  s'oc- 
cupe de  sainte  Agnès,  et  en  particulier  de  son 
tombeau  et  de  sa  basilique,  de  son  image  en 
orante,  découverte  en  1884,  de  sa  figuration  sur 
des  verres  dorés  et  antiques,  et  sur  les  mosaïques 
de  Ravenne,  notamment  à  Saint- Apollinaire  le 
jeune  à  Ravenne  :  une  notice  est  consacrée  à  sa 
magnifique  basilique  sur  la  voie  Nomentane.Les 
fouilles  exécutées  en  1901  dans  cette  basilique 
ont  mis  au  jour  une  châsse  où  des  restes  de  cette 
Sainte  se  trouvent  mêlés  à  d'autres  ossements 
de  martyrs.  A  noter  aussi  la  reproduction  de 
l'inscription  damasienne  consacrée  à  sa  mémoire, 
et  le  plan  du  cimetière.  Le  mausolée  de  Sainte- 
Constance,  compris  dans  ce  cimetière,  est  l'objet 
d'une  description.avecdissertation  sur  les  ancien- 
nes peintures  et  mosaïques,  et  sur  leur  interpré- 
tation. 

L'article  Agttus  Dei  est  à  signaler  au  point  de 
vue  du  culte. 

M.  \V.  Henry,  qui  nous  décrit  la  chapelle 
d'Aix-la-Chapelle,  n'est-il  pas  trop  sévère,  en  la 
qualifiant  d'imitation  maladroite  de  Saint-Vital 
de  Ravenne  ?  Les  architectes  ne  sont  générale- 
ment pas  de  cet  avis,  et  y  voient  une  variante 
des  rotondes  byzantines,  d'une  autre  conception, 
fort  judicieuse  dans  son  genre,  moins  prestigieuse 
mais  plus  rationnelle,  notamment  dans  la  cons- 
truction bien  supérieure  des  voûtes  des  bas- 
côtés  et  l'élimination  des  hémicycles.  —  M.  H. 
Leclercq  décrit, d'après  notre  collaborateur  Gers- 
pach,  les  tapisseries  coptes  que  nous  avons  jadis 
fait  connaître  d'une  manière  développée,et  d'après 
Fovier,  la  célèbre  tapisserie  d'Akmin.  Il  nous  fait 
aussi  connaître  la  catacombe  d'Albano,  le  cime- 
tière et  la  basilique  de  Saint- Alexandre,  et  enfin 
la  ville  d'Alexandrie,  qui  est  l'objet  du  principal 
chapitre  du  volume  ;  on  peut  y  étudier  la  cathé- 
drale, le  dominiciim  Dionysii,  le  sanctuaire  de 
Saint-  Menas,  le  diptyque  d'ivoire  où  figure  le 
saint  patron,  les  ivoires  conservés  à  saint  Marc,  et 
surtout  les  catacombes,  la  catacombe  chrétienne 
de  Karmouz,  avec  ses  sarcophages,  ses  peintures 
où  figure  la  fameuse  image  du  Christ- Docteur 
foulant  l'aspic  et  le  basilic,  les  catacombes  païen- 
nes aux  galeries  régulièrement  tracées,  les  cata- 
combes chrétiennes  d'Abou-el-Achem,  les  hypo- 
gées, l'épigraphie  funéraire,  etc.  ^    ^ 


â^  ©ériotiiques. 


BULLETIN   DKS  METIERS  D'ART. 

Cet  excellent  périodique  d'art  continue  à  se 
distinguer  par  ses  articles  intéressants,  pratiques, 
opportuns,  dictés  par  l'esthétique  la  plus  droite, 


et  par  les  sentiments  les  plus  chrétiens.  Nous 
l'avons  jadis  présenté  à  nos  lecteurs,  analysant 
son  premier  numéro  et  empruntant  à  un  écrivain 
d'esprit  un  vif  éloge  de  ses  mérites  (').  —  Nous 
avons  confirmé  depuis  nos  sentiments  d'estime 
pour  la  jeune  revue,  qui,  en  certain  point,  s'est 
un  jour  trouvée  si  bien  d'accord  avec  nous, 
qu'elle  nous  fit  l'honneur,  je  ne  dirai  pas  de  nous 
citer,  mais  de  nous  emprunter  nos  propres 
expressions  pour  exprimer  une  idée  commune  à 
un  de  ses  collaborateurs  et  au  soussigné  (2). 

Une  troisième  fois  (s),  nous  avons  signalé  ses 
travaux  et  loué  leur  valeur.  Nous  sommes  heu- 
reux de  constater  aujourd'hui  ses  succès  crois- 
sants. Dans  les  livraisons  de  cette  année,  figure 
une  étude  sur  l'interprétation  de  la  figure  hu- 
maine dans  l'art,  qui  fait  heureusement  suite  au 
magistral  traité  de  la  flore  artistique,  signalé  ici  à 
deux  reprises.  Nous  ne  pourrions  louer  la  boutade 
de  M.  M.  Braun  en  faveur  de  la  conservation  de  la 
poire  monumentale  dont  on  affuble  par  récidive 
le  clocher  de  Dinant,  mais  nous  trouvons  d'excel- 
lents principes  exposés  par  M.  Gevaert,  dans  sa 
conférence  sur  l'enseignement  professionnel,  et 
notons  une  étude  bien  faite  du  porche  de  l'église 
d'A'^sche,  accompagnée  de  nombreux  dessins  de 
détail.  Le  dernier  numéro  contient  un  remar- 
quable morceau:  c'est  la  reproduction  des  plans, 
que  le  cher  frère  Mares  adressés  pour  la  basilique 
votive  qu'il  fut  question  d'ériger  au  quartier  de 
l'Est  de  Bruxelles,  avant  qu'eût  prévalu  le 
projet  de  l'église  monumentale  qui  va  s'élever 
à  Koekelbergh,  sous  le  patronage  des  plus 
hauts  personnages.  Nous  avons  sous  les  yeux  la 
conception  d'une  grande  église,  selon  l'idéal  du 
maître  vénéré  de  l'école  St-Luc,  de  cet  illustre 
frère  Mares  qui,  depuis  près  d'un  demi-siècle, 
préside  à  la  prospérité  des  écoles  de  St-Luc  ;  de 
ce  digne  artiste  qu'on  va  fêter  prochainement,  à 
l'occasion  de  son  jubilé  de  cinquante  ans  de 
profession  religieuse.  Cette  œuvre  magistrale  ne 
peut  être  décrite  en  ces  lignes  cursives  ;  nous 
espérons  y  revenir. 

Nous  avons  rappelé  les  articles  élogieux  con- 
sacrés ici  au  Bulletin  des  métiers  d'art.  Notre  sym- 
pathie pour  cette  œuvre  artistique  chrétienne  n'a 
rien  de  tiède  ou  de  douteux...  Néanmoins,  dans 
le  numéro  d'avril,  faisant  allusion  à  ce  que  nous 
avions  écrit  dans  la  première  livraison  de  cette 
année,  p.  81,  et  qui  n'avait  rien  que  de  bien 
anodin  (qu'on  le  relise),  le  Bulletin  écrit  cette 
phrase  étrange:  «  A  part  ce  commentaire  et  un 
autre,  le  compte  rendu  de  la  Revue  est  exact 
mais  fielleux,  ce  que  nous  regrettons  sincère- 
ment. » 


1.  Revue  de  l'Art  chrétien,  année  1901,  p.  532. 

2.  Ibid..  année  1902,  p.  3c;3. 

3.  Ibid.,  année  1903,  p.  81, 


138 


WitWt  tie  rarr  cbrctirn. 


Nous  regrettons  bien  plus  encore,  de  voir  nos 
intentions  si  mal  appréciées,  et  nous  avouons 
en  être  sinsrulièrement  étonnés  (•). 

L.  C. 


BULLETIN   MONUMENTAL. 


N"  6,  1903. 


M.  L.  H.  Labande  donne  une  étude  sur  Saint- 
Trophime  d'Arles,  dont  le  portail,  véritablement 
inondé  de  sculpture,  a  une  renommée  universelle. 
Il  reprend,  après  Révoil,  M.  Véron  (=),  M.  l'ab- 
bé Bernard,  M.  Constantin  et  d'autres,  le  gros 
problème  que  soulève  la  composition  hétérogène 
des  constructions  de  cet  édifice.  Les  chambres 
souterraines  découvertes  naguère  sous  le  pave- 
ment de  l'église  ne  sont  que  des  substructions 
du  nivellement  de  l'époque  romaine.  Il  faut 
abandonner  l'assertion  de  Révoil,  que  l'église 
métropolitaine  aurait  été  bâtie  en  601,  par  S. 
Virgile  ;  la  vie  de  cet  évêque  sur  laquelle  il  s'ap- 
puyait, est  apocryphe.  —  La  reconstruction  de 
la  basilique  de  St-Étienne  doit  remonter  à  la 
renaissance  carolingienne  (fin  du  VIII*^  siècle). 
Elle  est  citée  dans  le  texte  du  concile  de  813. 
La  façade  occidentale  et  les  murs  latéraux,  sur- 
tout dans  les  premières  travées  du  vaisseau, 
subsistent  dans  leur  plus  grande  hauteur,  ainsi 
qu'un  corps  de  construction  servant  actuellement 
de  sacristie.  Cette  sacristie  n'était  pas  voûtée. 
Les  piliers  primitifs  ont  disparu  lors  d'une 
restauration  ultérieure.  (A  s/iii're.) 


1.  Nous  devons  bien  (que  le  lecteur  nous  le  pardonne),  nous  ex- 
pliquer sur  cette  querelle  qu'on  nous  cherche.  A  propos  de  la 
controverse  relative  à  la  restauration  des  monuments,  où  la  A'fviif 
avait  pris  parti,  nous  avions  dit,  en  parlant  du  Bulletin  da  miitiers 
d'art  : 

«  La  vérité  là.dessus,  il  la  sait,  mais  il  ne  veut  pas  la  dire  !  » 

Tel  est  le  délit. 

Qu'est-ce  qu'il  peut  y  avoir  Aq  fielleux,  de  malveillant  ou  simple- 
ment de  désobligeant,  à  cette  remarque,  qui,  dans  notre  pensée, 
équivalait  à  dire  :  le  Bulletin  de\  métiers  d\irt  réserve  son  opinion  i 
—  .-^u  surplus,  n'était-ce  pas  à  peu  près  le  résumé  du  passage  visé 
par  nous,  et  que  voici  tout  entier  (Bull.,  année  1903,  nov.  p.  129)  : 

«  Aussi  le  Bulletin  est-il  resté  fort  calme  au  milieu  des  débats 
tapageurs  et  trop  souvent  rouverts  entre  poétiques  et  tnrhéoloi;ues. 
Il  s'est  gardé  d'y  entrer.  La  seule  attitude  qu'il  eiU  pu  prendre  était 
en  dehors  des  camps  en  présence.  11  l'a  montré  chaque  fois  que,  pour 
rabattre  un  ridicule  trop  inconscient,  redresser  une  erreur  de  fait  trop 
criarde,  relever  un  principe  trop  méconnu,  il  a  cru  devoir  élever  la 
voix.  Le  point  de  vue  auquel  .se  plaçaient  les  gr,inds  champions  de 
cette  lutte  n'était  pas,  à  notre  avis,  le  vrai,  et  nous  croyons  encore 
que  l'avenir  ne  tirera  aucun  profit  des  idées  échangées  dans  cette 
dispute.  )> 

On  n'est  pas  plus  solennel,  ni  plus  dédaigneux.  Le  lecteur  jugera 
si  nous  .avons  été  flattés,  nous  qui  avions  consacré  à  cette  contro- 
verse, déclarée  oiseuse,  tout  un  long  mémoire  (qui  a  d'ailleurs  servi 
de  base  aux  débats  du  Congrès  international  d'arckitecture  tenu  à 
Madrid,  en  mai  dernier).  Mais  chacun  est  libre  de  placer  très  haut 
son  jugement,  et  nous  n'avons  eu  garde  de  chercher  noise  à  notre 
jeune  confrère.  Nous  nous  sommes  simplement  permis  cette  ré- 
flexion anodine  :  «  Jeune,  et  fier  à  ses  heures,  il  assiste,  le  sourire  ,iux 
lèvres,  aux  débats  sur  la  restauration  ..  etc.  »  (Voir  notre  livraison 
de  janvier,  p.  81.) 

Et  c'est  tout  ;  et  c'est  en  visant  ces  lignes,  que  le  Bulletin  (sans 
aucim  fiel,  lui)  imprime  ceci  ;  —  <t  on  nous  a  reproché  —  oh  !  si 
gentiment  —  de  ne  pas  savoir  ce  que  nous  voulions.  »  Le  lecteur 
jugera  si  le  reproche  est  équitable  I 

2.  Arehileclure  romane  du  Midi  de  la  France. 


M.  Vachon  se  livre  à  des  recherches  sur  l'ar- 
chitecte de  l'ancien  hôtel  de  Villers,  à  Paris;  il 
achève  de  démontrer  le  fait,  que  feu  L.  Palustre 
avait  jadis  fait  connaître,  de  la  construction  par 
Pierre  Chambriges  de  cet  édifice  si  longtemps 
attribué  au  Boccador. 

L'article  marquant  de  la  livraison  est  celui 
que  M.  Jean  Virey,  consacre  à  l'histoire  de  la 
construction  de  Saint-Philibert  de  Tournas.  Ce 
monument  si  curieux  et  fort  compliqué  offre 
beaucoup  d'unité  malgré  de  multiples  reinanie- 
ments.  La  construction  primitive  fut  celle  du 
sanctuaire  (IX<^  siècle)  actuellement  détruit,  cor- 
respondant à  la  partie  centrale  de  la  crypte.  Il 
ne  subsiste,  .selon  M.  Virey,  rien  d'antérieur  au 
X^  siècle.  L'auteur  admet  qu'Aimin  commença  la 
reconstruction  avant  sa  mort  survenue  vers  946, 
que  son  successeur  la  continua  et  que  l'abbé 
Etienne,  entre  960  et  970,  acheva  l'œuvre  par  la 
reconstruction  de  la  crypte  et  du  chœur.  Les 
fouilles  opérées  par  M,  Virey  ont  montré  les  traces 
sous  les  nefs  du  formidable  incendie  de  1006, 
qui  a  dû  nécessiter  le  remplacement  du  plafond 
par  des  voûtes.  Les  travaux  de  l'abbé  Bernier, 
suivis  de  la  consécration  en  1019,  doivent  con- 
cerner le  chœur  avec  son  pourtour.  Les  remar- 
quables voûtes  actuelles  de  la  grande  nef  ne 
seraient  cependant  que  du  commencement  du 
XI«  siècle,  celles  du  nartliex,  de  l'époque  de 
saint  Ardain  (1028-1058),  ainsi  que  les  tours 
jumelles.  La  croisée  de  transept  et  le  chœur  sont 
du  XII<=  siècle.  Seuls  les  murs  de  la  crypte 
remontent  au  X''  siècle. 

Signalons  encore  une  note  de  M.  L.  Régnier, 
oîi  il  résume  les  travaux  de  feu  G.  Paris  et  de 
notre  collaborateur  M.  Lanore.  à  l'encontre  de 
la  thèse  de  M.  Marignan  sur  l'âge  de  la  tapisserie 
(ou  plutôt  de  la  broderie)  de  Bayeux,  que  nous 
avons  fait  connaître  antérieurement. 

L.  C. 


JAHRBUCH    DER    KOEN.    PRKUSSISCHEN 

KUNSTSAMMLUNGEN.  —  Le  dernier  fascicule 
contient  une  chronologie  des  œuvres  de  Giulano  de 
Sangallo  de  1902,  par  M.  Von  F.ap.riczv  ;  une  étude 
de  M.  G.  Ludwig  sur  les  artistes  étrangers,  surtout 
flamands  et  allemands,  établis  à  Venise  dans  la  se- 
conde moitié  du  XVI"=  siècle. 

Dans  le  premier  livre  de  1903,  M.  A.  Haupt 
étudie  un  album  d'esquisses  espagnoles  de  la 
Renaissance.  M.  Haseloff  s'occupe  des  ivoires 
de  l'école  de  Ravenne  aux  IV«  et  V"^  siècles, 
qui  semble  n'avoir  été  qu'une  succursale  d'é- 
cole orientale.  M.  H.  Friedlander  fait  connaître 
des  œuvres  d'un  peintre  hollandais,  du  XV 
siècle,  Geertgen    Tôt    S.  Jans.    —    M.  W.   Bode 


2i5tbUograpl)te. 


339 


fait  ressortir  les  particularités  de  X Adoration  des 
bergers  de  Hugo  van  der  Goes,  récemment  entrée 
au  musée  de  Berlin. 


RKPERTORIUM   FUR  KUNSTWISSKN- 
SCHAFT,  1903,  fasc.  4. 

Etude  de  M.  W.  Weisbach  sur  Pétrarque  et 
l'art.  L'auteur,  après  avoir  cité  le  livre  récent  du 
prince  d'Essling  et  du  regretté  E.  Miintz  sur 
Pétrarque,  analyse  l'ouvrage  et  le  complète  par 
le  résultat  de  ses  recherches  personnelles.  Il 
étudie  les  illustrations  des  Cansoniere,  du  De 
Viris  illustribiis  et  surtout  des  Triomphes.  Le 
type  du  Triomphe  est,  selon  l'auteur,  celui  où  les 
allégories  s'avancent  triomphantes  sur  un  char. 
L'auteur  montre  que  l'on  peut  en  suivre  la 
représentation  depuis  le  début  du  quattrocento, 
et  que  le  cycle  atteint  son  apogée  au  milieu  du 
XV*  siècle,  à  Florence. 

Article  de  M.  E.  Moeller  sur  l'épisode  de  la 
verge  brisée  des  prétendants  à  la  main  de  Marie. 

Etude  de  M.  A.  Gtimbel  sur  le  peintre  et 
sculpteur  Berthold  de  Nuremberg,  qui  est  cité 
dans  des  documents  en  1363  et  1378,  et  sur  la 
famille  Landauer.a  laquelle  il  appartenait  et  dont 
un  membre  commanda  plus  tard  à  Diirer  le 
tableau  de  Tous  les  Saints. 

M.  H.  Rœttinger,  à  propos  de  l'étude  de 
M.  Giehlow  sur  le  Livre  d'heures  de  l'empereur 
Maximilien,  illustré  par  Durer  et  autres  artistes, 
relire  à  Hans  Durer  pour  les  donner  à  Altdorfer 
les  encadrements  signés  du  monogramme  HD 
et,  par  de  semblables  comparaisons  de  style, 
attribue  au  peintre  Wolfgang  Huber  les  dessins 
signés  AA. 

Fasc.  5.  Étude  de  M.  E.  Polaczek  sur  maître 
Nicolas  dit  de  Pise,  et  que  des  documents  con- 
temporains désignent  sous  le  nom  de  Nicolas 
Pietri  «  de  Apulia  ».  L'auteur  étudie  l'état 
actuel  de  la  question  et  les  nouveaux  essais 
d'explication.  Le  problème  est  de  savoir  si  c'est 
à  Apulie  en  Toscane  ou  à  Apulie  dans  le  Sud  de 
l'Italie  que  naquit  Nicolas  ;  Hovve,  Venturi, 
Schering  et,  plus  tard,  M.  Bertaux  (par  de  très 
intéressants  arguments  tirés  des  rapports  archi- 
tecturaux entre  Castel  del  Monte  et  le  château 
de  Prato),  se  sont  prononcés  pour  la  seconde 
hypothèse  ;  l'auteur,  lui,  s'appuyant  sur  l'inscrip- 
tion de  la  fontaine  de  Pérouse,  conclut  que  Nico- 
las est  né  à  Pise  et  que  le  «  de  Apulia  »  se 
rapporte  au  nom  du  père,  et  il  croit  que  l'art 
toscan  du  XII=  et  du  XIII<=  siècle,  en  y  ajoutant 
les  indéniables  influences  de  l'antique  et  du 
gothique,  suffisent  à  expliquer  l'œuvre  de  Ni- 
colas. 


Nouveaux  documents  publiés  par  M.  F.  Mala- 
guzzi-Valeri  sur  le  Pérugin  et  la  Chartreuse  de 
Pavie. 

Notice  de  M.  E.  von  Dobschiitz  sur  la  Vision 
dEzéchiel,  représentée  sur  un  plat  d'ivoire  byzan- 
tin. 

Étude  de  M.  Swarzenski  sur  les  peintures  et 
l'ornementation  de  l'abbaye  de  Reichenau,  de 
l'époque  carolingienne  à  l'époque  d'Othon.  L'au- 
teur montre  la  dépendance  étroite  qui  unit 
Reichenau  et  Saint-Gall  au  X=  siècle  ('). 

GAZETTE   DES  BEAUX-ARTS  (=). 

Livraison  du  I"  avril  iço^.  —  L'Exposition 
des  Primitifs  français.  —  Avant-propos,  par 
M.  Henri  Bouchot. 

Études  d'iconographie  française.  —  II.  Iden- 
tification de  deu.K  modèles  de  la  Tour,  par 
Maurice  Tourneux. 

Le  Renouvellement  de  l'art  par  les  «  Mystères» 
à  la  fin  du  moyen  âge  (3<=  article),  par  M.  Emile 
Mâle. 

L'Exposition  de  l'Art  français  du  XVIII= 
siècle  à  Bruxelles,  par  M.  Henry  Hymans. 

Maître  Francke,  par  M.  Etienne  Bricon. 

L'Exposition  Alphonse  Legros,  par  M.  Roger 
Marx. 

Grottaferrata,  par  M.  G.-L.  Poubel. 

Bibliographie  :  L'Art  pendant  la  Révolution 
française,  à  propos  de  publications  récentes 
(L.  Tuety  ;  H.  Lapauzel),  par  M.  Jules  Guiffrey, 
de  l'Institut  ;  —  Leçons  professées  à  l'École  du 
Louvre  (L.  Courajod),  par  M.  Louis  Hourticq. 
Six  gravures  hors  texte  : 

Portrait  dOrry  de  Vignory,  contrôleur  général 
des  Finances,  pastel  par  M.-Q.  de  la  Tour  (Musée 
du  Louvre)  ;  photogravure. 

Portrait  de  M.  Duval  de  l'Épinay,  pastel  par 
M.-Q.  de  la  Tour  (coll.  de  M.  J.  Doucet)  ;  eau- 
forte  par  M™<^  Julie  G.-Romain. 

Le  Bonheur  du  ménage,  par  Marguerite  Gérard 
(coll.  de  M.  Gouttenoire  de  Toury)  ;  héliogravure 
Chauvet. 

La  Mise  au  tombeau,  par  maître  Francke  (1435) 
(Musée  de  Hambourg)  ;  photogravure. 

Le  Petit  hangar,  eau-forte  originale  de  M.  Al- 
phonse Legros. 

Étude  d'enfants,  dessin  par  M.  F.  Guiguet  : 
photogravure. 

Nombreuses  gravures  dans  le  texte. 

1.  D'après  le  Courrier  de  t Art. 

2.  Hue  Favart,  8,   Paris. 


340 


3Rel)ue  De  rSrt  chrctten» 


BULLETIN     ARCHEOLOGIQUE,    1903, 


livr. 


F.  Régnault,  Peintures  et  gravures  dans  la 
grotte  de  Marsoulas  (Haute-Garonne),  l'abbé  F. 
Poulaine,  Les  fouilles  de  Hermès  (Oise),  en 
1902,  Rapport  sur  les  fouilles  du  rempart  d'Arles 
en  1902  et  restitution  de  l'Arc  admirable.  L'abbé 
Chartraire,  Rapport  sur  la  démolition  d'une 
partie  de  l'enceinte  romaine  de  Sens  (Yonne),  en 
1503.  —  L'abbé  F.  l'oulaine,  Une  statue  de 
Vierge  mère  à  Voutenay  (Yonne).  —  L.  Le 
Clert,  Notes  sur  les  fermoirs  armoriés  d'un  livre 
d'heures  conservé  à  la  bibliothèque  de  Chaumont- 
en-Bassigny.  —  L.  Broche,  Inventaire  du  mobi- 
lier du  palais  épiscopal  de  Laon,  au  décès  de 
l'évêque  Geoffroy  le  Meingre.  —  L.  Lex,  Docu- 
ments inédits  de  numismatique  bourguignonne. 
—  Le  R.  P.  Delattre,  Note  sur  une  nécropole 
punique  voisine  dé  Sainte- Monique.  —  Gauckler, 
Le  quartier  des  Thermes  d'Antonin  et  le  couvent 
de  Saint-Etienne  à  Carthage. 

1903,  3*^  livr.  :  J.  Pilloy,  La  gourde  de  Conce- 
vreux  (Aisne).  —  C.  Barrière-Flavy,  Les  portaits 
des  églises  de  Caujac  et  de  GaiUac-Toulza 
(Haute-Garonne).  —  Le  comte  A.  de  Loisne, 
Les  miniatures  du  cartulaire  de  Marchiennes.  — 
L'abbé  Ch.  Métais,  Un  vitrail  de  Sainte-Anne, 
du  XVI=  siècle,  à  l'église  Saint- Valérien  de  Châ- 
teaudun.  —  A.  Ballu,  Rapport  sur  les  fouilles 
exécutées  en  1902,  à  Khamissa. 


L'ART  SACRÉ,  avril    1904. 

A  noter  dans  ce  périodique  recommandable, 
un  article  de  M.  l'abbé  Gregat  sur  la  belle  Vierge 
et  l'Enfant  de  Marthuret  à  Riom,  gracieux  spé- 
cimen de  la  première  renaissance  française, 
d'un  réalisme  pénétrant,  mais  d'une  distinc- 
tion extrême,  en  ce  qui  concerne  du  moins  la 
figure  de  la  Vierge.  M.  P.  Besnard  continue  ses 
articles  de  vulgarisation  iconographique  ;  il  en  est 
à  S.  Philippe  et  S.  Barthélémy.  Avec  infiniment 
de  raison,  il  fait  ressortir  ce  qu'il  y  a  de  répu- 
gnant dans  le  saint  Barthélémy  écorché  de  Ra- 
phaël à  la  Chapelle  Sixtine.  M.  Ch.  Farnez 
donne  la  monographie  de  l'église  du  Mont- 
devant  Sassey  (Meuse)  joli  édifice  roman,  avec 
crypte.  On  regrette  de  ne  pas  trouver  \e  plan  du 
monument,  ce  qui  est  essentiel  pour  toute 
monographie  illustrée. 


L'ART  DÉCORATIF  (■). 

La  Peinture  aux  Salons,  par  Gustave  Soulier. 
Architecture  Danoise,  par  Jean  Lahor.  La  dentelle 
française  an  Musée  Gallicra,  par  Emile  Sedeyn. 
La  Gra7'ure  à  l'eau-forte  simplifiée,  par  Henri 
Boutet.  Un  intérieur  moderne,  par   Léon  Riotor. 


Rue  Saint-Augustin,  24,  Paris,  z». 


BtbUograpl)te. 


341 


a5s5£j£!2.s£î; 


iîSj&îK,  •&  •StîÊîa.iïKf 


Xndei*  bïbliograpl)tque. 


.& 


^rcl)cologie  et  Ibtanx^vtQ'K 


jFrancc. 


*  Berthelè  (Jos.).  —  Enquêtes  campanaires  -^ 

NOTES,  ÉTUDES  ET  DOCUMENTS    SUR    LES    CLOCHKS    ET' 
LES  FONDEURS  DE  CLOCHES,  DU  VIIl"  AU  XX'=  SIÈCLE. 

—  In-8'^  de  XVI-750  pp.,  48  gravures.  Montpellier, 
Delord-Buehm  et  Martial,  1903.  Prix  :  20  fr. 

Cabrol  (R.  P.  dom). —  Dictionnaire  d'archéo- 
logie   CHRÉTIENNE    ET    DE    LITURGIE.    Fasc.    I    et    2, 

10-4°,  576  col.  et  fig.  —  Paris,  Letouzey  et  Ané,  1903. 
Chauvet  (G.).  —  Analyses  de  bronzes  anciens 

DU  DÉPARTEMENT  DE  LA  CHARENTE.  —  In-S".  RuffeC, 
1903- 

Clermont-Ganneau  (C).  —  Recueil  d'ar- 
chéologie ORIENTALE.  ^  I-VI,  fasc.  1-5.  —  In-S", 
80  pp.  Paris,  Leroux.  1903. 

de  Baye.  —  Emaux  de  la  cathédrale  de  Vla- 

Dl.MlR  et  du  couvent  DE  SaINT-AnTOINE  LE  RoMAIN 

(Russie).  —  In-8°,  15  pp.  et  grav.  Paris,  Nilson,  1903. 
de  Lasteyrie  (R.).  —  Études  sur  la  sculpture 

FRANÇAISE    AU  MOYEN    AGE.  In-4°,   I44    pp.,   21   pi. 

Paris,  Leroux,  1902. 

de  Mirabal  (C).  —  Le  crucifix  de  Fénelon. 
exécute  A  Ro.ME,  VERS  1625,  par  François  Duquesnoy. 

—  In-S",  30  pp.  avec  grav.  Mesnil,  Firmin  Didot  et  C". 

de  Vries  (G.).  —  Reproduction  du  Bréviaire 
Gki.màni  de  la  bibliothèque  de  Saint-Marc  a 
Venise.  —  Fasc.  L  Paris,  Delagrave.  Le  Fasc. 
fr.  2-50. 

*  Dictionnaire  d'.\rchéologie  chrétienne  et 
DE  liturgie.  — F'ascicule  IV.  Paris,  Letouzey,  1904. 

*  Durand  (G.).  —  Monographie  de  la  cathé- 
drale   d'Amiens,  t.  IL  Mobilier  et  accessoires. 

—  Gr.  in-4°  de  660  pp.  et  pi.  en  héliogravure.  Amiens, 
Yvert  et  Tellier,  1903 

*  Enlarl  (E.).  —  Manuel  d'archéologie  fran- 
çaise depuis  les  temps  mérovingiens  jusqu'à  la 
renaissance.  Première  partie,  architecture.  Tome  II, 
Architecture  civile  et  militaire.  —  In-8',  850  pp. 
illustrées.  Paris,  Picard,  1903. 

Fleury  (G.).  —  Les  portails  romans  du  XIP 

SIÈCLE    ET    LEUR    ICONOGRAPHIE.  —    In-S"^,  32    pp.  et 

17  pi.  Mamers,  Fleury  et  Dangin,  1903. 

*  Francqueville  (M. -A.).  —  Anciennes  habita- 
tions   RURALES    EN    PICARDIE.    —    In-S°    de     40    pp. 

Amiens,  Yvert  et  Tellier,  1904. 

I.  Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  {*)  ont  été,  sont  ou 
seront  l'objet  d'un  article  bibliographique  dans  la  Revue. 


Heures  de  Turin.  Peintures  provenant  des 
HEURES  DE  Jean  de  France,  duc  de  Berky.  Photo- 
typies  d'après  les  originaux  de  la  Biblioteca  nazionale 
de  Turin  et  du  Musée  du  Louvre.  —  In-fol.,  Paris, 
1902. 

*  Kœchlin  (R,).  —  La  sculpture  belge  et  les 

INFLUENCES  françaises  AU  XIIP  ET  AU  XW  SIECLE. 

—  In-S"  de  48  pp.  Paris,  Gazette  da  Beaux-Arts,  1903. 

Les  chefs-d'œuvre  des  Grands  Maîtres.  Nou- 
velle série  :  XV^-XVIIP  siècles,  accompagné  d'une 
notice  par  M.  Ch.  Morcau-Vauthier.  — •  Paris,  Ha- 
chette. 

Mazerolle  (F.).  —  Les  médailleurs  français 
du  XV"=  siècle.  —  2  vol.  in-4°.  Paris,  Imprimerie  na- 
tionale, 1902. 

*  Monuments  du  Forez  et  du  Velay. 

*  Pillion  (M'"'  Louise). —  Deux  vies  d'évêques. 

—  Extrait  de  la  Gazette  des  Beaux-Arts. 

Ruskin  (J.).  —  La  bible  d'Amiens.  Traduction, 
notes  et  préface  par  M.  Proust.  —  Un  vol.  in-i8  de 
349  pp.  Paris,  Société  du  Mercure  de  France. 

Van  den  Broeck.  —  Les  médaillons  de  la  ca- 
thédrale d'Amiens.  —  In  fol.  22  pp.  Paris,  y  Art  et 
r  autel.  Fr.  2  50. 

Wilmotte(M.).  —  L'évolution  du  roman  fran- 
çais aux  environs  de  i  150.  —  In-8",  67  pp.  Paris, 
Bouillon,  1903. 


Allemagne. 


Berling(L.).  —  Kunstgewerbliche  Stilproben 
240  fig.,  30  planches.  Hiersemann,  Leipzig,  1902. 

Mk.  2. 

BLschoff(M.). —  Architektonische  Stilproben. 
Ein  Leitfaden  mit  historischem  Uberblick  der  wich- 
tigsten  Baudenkmàler.  loi  Abbildungen  —  Gr.  10-8". 
Leipzig,  Karl  W.  Hiersemann,  1900.  Mk.  5. 

de  Vries  (D'^  S.  G.)  et  Morpurgo  (U'  Sal.).  — 
Breviarium    Grimani.    Reproduktion    aus    der 

BlBUOTHEK  VON  SaN  MaRCO   IN  VeNEDIG,   —    12  B""" 

mit  300  farbigen  und  1268  getonten  Tafeln  in  Photo- 
Heliograviire.  —  Erscbeinungsdauer  ca.  6  Jahre  (1903 
bis  ca  1908).  Preis  pro  Band  Mk.  200.  —  Erschienen 
Bd.  I.  —  Leipzig,  Karl  W.  Hiersemann. 

Denkmaeler  der  Renaissance-Sculptur  Tos- 
CANAS.  —  Fasc.  96-101.  Munich.  Bruckmann,  le  fasc. 

M.  20. 

de  Radisics  ^E  )  et  Szendrei  (J.).  —  Chefs- 
d'œuvre  d'art  de  la  Hongrie  (Magyar  Mukinc- 
SEK.)  3  Bde  mit  120  Textabbildungen  und  55  Tafeln 
in  Heliogr.  und  Radierung  (11  davon  in  Farbenge- 
druckt)  und  16  Chromolithographien.  —  Gr.-Quart. 
Budapest,  1897-1902.  Mk.  255. 


KtiVUK   L»E  L  AKT  CHKKTIKN. 
igo4.  —  4'°®  I.IVKAISON. 


342 


3Rrt)itc  be  l'^rt  cJ)vcticn* 


Handzeichnungen  alter  Meister  d.  holland. 
SCHULE.  —  5'  série,  fasc.  2-4.   Haarlem,  Kleinmann. 

Le  fasc.  M.  4. 

Handzeichnungen  alter  Meister  a.  v>.  Alber- 
TiNA.  T.  VIII,  fasc.  6-1 1.  Vienne,  Schenk. 

le  fasc.  M.  3. 

Klassiker  der  Kunst.  —  I.  Raffael.  In-8°  153 
pp..  202  fig.,  s  marks.  —  II.  Rembrandt.  In-8'", 
278  pp.,  405  fig.,  8  marks.  Stuttgart  et  Leipzig.  Deut- 
sche Verlags-Anstalt. 

Lippmann  (F.).  —  Zeichnungen  alter  Meis- 
ter iM  Kupferstichkabinet  der  k.  Muséum  zu 
Berlin.  —  20  pi.  fasc.  6-7.  Berlin,  Grote,  1903. 

Le  fasc.  M.  15. 

Swarzenski  (G.).  —  Die  Regensburger  Buch- 
malerei  des  X.  UNO  XI.  Jahrhunderts.  —  Mit 
loi  Lichtdruck  auf  35  Tafeln.  Gr.  in-4".  Leipzig,  Karl 
W.  Hiersemann,  1901.  Mk.  75. 

von  Fabriczy  (G.).  —  Die  Handezichnungen 
Giuliano's  da  Sangallo.  Kritischës  Verzeichnis. 
—  In-8°,  132  pp-  Stutgard,  Gerschel. 

von  Leyden  (L).  —  Handzeichnungn.  —  Fasc. 
9-10.  Haarlem,  Kleinmann.  Le  fasc.  M.  6. 

WolfF  (F.).  —  Handbuch  der  staatlichen 
Denkmalpflege  in  Elsass-Lothringen.  Im  Auf- 
trage  des  kaiserl.  Ministeriu.m  fur  Elzass  Lo- 
thringen.  In-60,  404  pp.  Strasbourg,  Trubner,  1903. 

Zeller  (A.)  —  Die  Stiftskirche  St-Peter  zu 
Wimpfen  im  Tal,  mit  vielen  Abbildgn.  und  Atlas 
VON  32  Tafeln  in  Photolithographie.  Folio.  Leip- 
zig, Hiersemann,  1903.  Mk.  48.  (120  exempl.  dans  le 
commerce). 


9nglcterrc. 


Allen  (J.).  —  Albrecht  Durer.  —  In-16,  222  pp. 
Londres,  Methuen.  sh.  2,6. 

Montagne  Marks.  —  Home  art.s  and  crafts. 
—  149  pp.  Philadelphia  et  London,  Lippincott,  Com- 
pany. $.  1,50. 


Italie. 


*  Brunelli  (E.).  —  Il  poliptico  della  parro- 
CHiALE  Di  Ottawa,  lîxtrait  de  VArU. 


*  Le  même.  —  Opère  d'arte  del  Palazzo 
Caregiati  a  Venetia.  Extrait  de  VArte. 

*  Giglioli  (O.H.).  —  PisTOiA  :  Nelle  sue  opère 
d'arte.  —  Prato  :  Impression!  d'arte.  —  Firenze  : 
P.  Lumachi. 

=—    €tats=2Iius  D'amcriquc.    — 


Hudson  Moore.  —  The  old  China  Book.  — 
200  pp.,  nombr.  illustr.  New-York.  Frederick  A.Stokes 
Company.  $  2,00. 

Wilbur  Macey  Stone.  —  Jay  Chambers,  his 
Book  Plates.  —  New-York,  Randolph  R.  Beam. 


'î6cl0iaue4t)oUanr)c. 


Cloquet  (L.).  —  Lexique  des  termes  archi- 
tectoniques  anciens  et  modernes  —  Livre  de 
poche,  format  in  12.  SoàéiéSt-hugyxiÛn.f Sous J>resse. ) 

Des  Marez.  —  L'organisation  du  travail  a 
Bruxelles  au  XV*^  siècle.  —  In  8°,  520  pp.  Bru- 
.xelles,  Lamartin,  1904. 

Destrée  (J.).  —  Musées  royaux  des  Arts  déco- 
ratifs ET  industriels  de  Bruxelles.  Catalogue 
des  ivoires  des  objets  en  nacre,  en  os  gravé  ET 
EN  cire  PEINTE.—  In  8",  129  pp.,  42  fig.  Bruxelles, 
V.  Bruyant,  1902. 

*  De  Waele  (J.).  —  L'ancien  château  des 
comtes  de  Flandre  a  Gand.  —  Bruxelles.  Goe- 
maere,  1904. 

Dondelet  (C).  —  Le  Spéculum  Humanae  Sal- 
vationis  de  Florence. —  14  reproductions.  —  Gand, 
Librairie  néerlandaise.  1903. 

*  Leiiertz  (V).  —  Documents  d'art  monumf.n 
TAL  du  moyen  AGE.  —  Bruxelles,  Vromant,  1904 

Peuteman  (J.).  —  Notice  sur  la  chapelle  de 
Halloux  (près  Limbourg)  et  les  anciens  pèleri- 
nages DE  sainte  Anne  et  de  saint  Éloi.  —  In-8°, 
31  pp.,  grav.  Verviers,  Lacroix. 


*  Société   Saint-Augustin. 
première  communion. 


Souvenirs  de 


Wybo  (C).  — Nieuport  ancien  et  moderne. 
150  pj).,  62  fig.  Furnes,  1904. 


^..^, 


U^.^.^^y:^y^^^^.^^.^.^.^^^^^^^^^^^^ 


% 


d)rOniClUC.  SOMMAIRE  :  PRIMITIFS  FRANÇAIS,  FLAMANDS  ET  ALLE- 
MANDS. —  RESTAURATION  DES  MONUMENTS:  Congrès  de  Madrid;  Châlons  ; 
Chartres;  Binche  ;  Y  près  ;  Gand  ;  Bruges.  —  ROME  MODERNE.  —  NOUVELLES: 
Pierrefort  ;  Gand  ;  Milmort;  Exposition  mariale  de  Rome. 


W?5rWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWW^ 


fitimitifs  français,  flamanOs  et  allemands. 

EXPOSITION  ouverte  en  1902,  à 
Bruges,  des  tableaux  anciens  dits  im- 
proprement «  les  primitifs  »,  n'aura  été 
que  le  commencement  d'un  grand  mou- 
vement d'étude  ;  depuis,  grâce  à  l'initiative  et  à 
l'énergie  de  M.  H.  Bouchot,  la  France  a  voulu 
montrer  au  monde  qu'elle  a  aussi  des  primitifs,  et 
pour  la  première  fois  les  a  réunis  en  un  bel  en- 
semble ;  déjà  l'Allemagne  suit  l'exemple,  et  une 
exposition  de  primitifs  est  aussi  ouverte  en  ce 
moment  à  Dusseldorf. 

L'exposition  du  Louvre,  moins  prestigieuse, 
moins  éblouissante  que  celle  de  Bruges,  mais 
plus  agréablement  présentée,  comprend  diverses 
catégories  d'oeuvres  dues  à  des  artistes,  qu'on 
pourrait  classer  en  français  et  en  franco-flamands, 
selon  l'expression  du  professeur  Hulin,  qui  dis- 
tingue parmi  ceux-ci  les  Français  adeptes  de 
l'École  de  Bruges,  et  les  Flamands  qui  ont  tra- 
vaillé en  France. 

Dans  une  récente  conférence,  l'érudit  Gantois 
que  nous  venons  de  citer,  s'est  efforcé  de  faire  le 
départ  entre  les  trois  groupes  d'artistes.  C'est  un 
Flamand  pur,  qu'il  faut  voir  dans  Melchior 
Broederlam,  auquel  M.  Hulin  restitue  la  Vierge 
de  M.  Aynard  (n°  13),  qu'une  fausse  étiquette 
attribue  à  Malouel.  On  a  donné  à  ce  dernier 
artiste  le  n°  16  (légende  de  S.  Denis),  qui  revien- 
drait à  son  successeur  Henri  Bellechose,  encore 
un  pur  Flamand. 

C'est  dans  le  portrait  que  l'on  peut  bien  diffé- 
rencier le  procédé  français  et  le  flamand.  Un 
type  de  la  première  catégorie  est  le  superbe 
portrait  de  Jean  U  (no  i),  dont  il  faut  rappro- 
cher l'aquarelle  n°  26  de  la  Bibliothèque  nationale, 
étudiée  par  M.  Bouchot,  dans  la  Gazette  archéolo- 
gique :  œuvre  remarquable,  toute  en  silhouette,  à 
l'instar  des  Italiens. Tout  autre,  remarque  M.  Hu- 
lin, était  le  portrait  flamand,  tel  celui  dejean- 
sans-Peur  ;  ceux-ci  sont  toujours  présentés  de 
trois  quarts  et  d'un  éclairage  spécial,  selon  la 
formule  née  aux  Pays-Bas. 

L'art  franco-flamand,  lui,  est  bien  représenté 
par  les  admirables  et  les  typiques  miniatures  des 
frères  de  Limbourg,  qui  marquent  l'apogée 
du  mouvement  d'art  commencé  à  la  fin  du 
XIV  siècle. 

Mais  au  commencement  du  XV<=  siècle,  la 
France  cesse  d'être  le  foyer  artistique  de  l'Occi- 
dent. Paris  tombe  aux  mains  des  Anglais,  Phi- 


lippe-le-Bon  établit  sa  cour  à  Bruges  et  à  Bru- 
xelles. La  Flandre  partage  l'hégémonie  avec 
l'Italie.  D'ailleurs,  c'est  Van  Eyck  qui  avait 
vraiment  créé  l'art  moderne  dont  l'influence 
s'étendit  jusqu'en  Italie,  en  Espagne  et  en  Alle- 
magne. Cet  art  est  caractérisé  par  une  analyse 
plus  profonde  de  l'aspect  visuel  de  la  nature  et 
la  parfaite  compréhension  de  la  lumière  et  du 
relief. 

Cette  influence  pénétra  en  France.  Au  cœur  de 
la  France  royale,  on  la  retrouve  bientôt  (c'est 
toujours  notre  conférencier  qui  l'observe)  dans 
les  admirables  anges,  qui  décorent  la  voûte  de  la 
chapelle  de  l'hôtel  de  Jacques  Cœur,  à  Bourges, 
tout  imprégnésdu  caractère  flamandettrès  voisins 
de  l'art  de  Van  der  Weyden.  Jean  Fouquet  nous 
offre  un  fonds  bien  français,  mais  atteint  par  des 
influences  italiennes  et  flamandes.  Le  diptyque 
de  Melun  (n°s  40  et  41)  est  antérieur  à  1450, 
témoin  le  costume.  Le  fond  est  bien  italien, 
mais  ce  n'est  qu'un  accessoire.  Le  groupement 
des  personnages  est  une  création  de  Fouquet. 
Mais  les  têtes  sont  de  construction  flamande, 
quelle  que  soit  la  forte  personnalité  de  l'artiste. 
M.  Hulin  passe  en  revue  la  si  riche  série  de 
portraits  de  Fouquet  ;  il  lui  refuse  toutefois  les 
numéros  51  et  43.  —  Le  portrait  de  la  galerie 
Liechtenstein  (n°  51),  M.  Hulin  le  rapproche  du 
portrait  de  M  Homme  au  verre  de  vin  (n"  43)  ;  dans 
aucun  des  deux  on  ne  trouve  le  modelé  rond  à 
points  de  lumière,  qui  caractérise  toutes  les  têtes 
de  Fouquet  :  ni  ses  ombres  cernantes,  ni  son  mode 
d'éclairage, ni  sa  manière  banalede  rendre  l'oreille 
et  la  main.  Ces  deux  derniers  portraits  ont  au 
contraire  les  qualités  flamandes,  une  structure 
plus  parfaite  même  que  ceux  de  Jean  Van  Eyck. 
L'auteur  est  flamand,  fixé  en  France,  postérieur 
à  Van  Eyck,  antérieur  à  Van  der  Weyden. 

L'action  des  influences  externes  se  manifeste 
également  en  Provence.  L'Annonciation  d'Aix, 
cette  peinture  si  extraordinaire,  est  visiblement, 
selon  notre  fin  critique,  aussi  l'œuvre  d'un  Fla- 
mand ;  aucun  autre  que  les  artistes  des  Pays-Bas 
n'était  capable  de  cette  exécution  amoureuse 
des  choses  inanimées,  ni  familiarisé  avec  cette 
mise  en  scène  symbolique.  Le  milieu  provençal 
se  traduit  par  la  couleur  locale.  Certaines  analo- 
gies rappellent  le  peintre  badois  Conrad  Witz, 
sur  lequel  l'auteur  de  ce  tableau  a  exercé  une 
forte  influence.  M.  Hulin  risque  l'hypothèse  que 
le  maître  de  l'Annonciation  d'Aix  serait  à  iden- 
tifier avec  le  Flamand  Barthélémy  Le  Clerc.  La 


344 


Bcbue  De  V^xt  cbvétien. 


Résurrection  de  Lazare,  de  la  collection  Kaufmann 
(no  8i),  paraît  ne  pas  être  de  Nicolas  Froment. 
M.  Hulin  a  établi  antérieurement  qu'elle  lui  est 
postérieure,  et  il  incline  à  l'attribuer  à  un  peintre 
des  Pays-Bas,  appelé  par  le  roi  René. 

Mais  le  tempérament  du  Midi  est  manifeste 
dans  les  œuvres  authentiques  de  Froment,  mal- 
gré quelques  emprunts  au  Flamand.  La  Vie  de 
S.  Mitre  (n°  80)  est  de  son  école. 

En  général,  Charenton  est  nettement  français 
avec  quelques  influences  giottesques.  Cependant 
M.  Hulin  remarque  que  le  Couromietnent  de  la 
Vierge  contient  deux  œuvres  bien  distinctes  ; 
le  paysage  est  d'un  autre  style  que  le  groupe  ; 
c'est  presque  du  flamand. 

La  tradition  provençale  pure  éclate  dans  la 
Pietà  de  Villeneuve  (n°  jy),  cette  œuvre  pathé- 
tique, passionnée,  archaïque  et  avancée,  mala- 
droite et  savante;  «,  où  l'artiste  a  su  si  puissam- 
ment concentrer  l'attention  sur  la  signification 
morale  et  l'expression  plastique  des  sujets.  »  Ce 
tableau  révèle  une  nationalité  artistique.  Si 
l'école  de  Tours  est  française,  celle-ci  est 
autre.  L'école  provençale  a  sa  psychologie  bien 
distincte. 

Les  considérations  que  nous  venons  d'em- 
prunter au  professeur  gantois  vont  rudement  à 
['encontre  des  savantes  et  attachantes  disserta- 
tions par  lesquelles  Bouchot  et  Lafenestre  ont 
en  quelque  sorte  inauguré  l'exposition  du  pavillon 
de  Marsan.  Elles  seront  sans  doute  fortement 
combattues;  elles  intéresseront  en  tous  cas  vive- 
ment nos  lecteurs. 

L.  C. 


*  * 


L'Exposition  des  Primitifs  allemands  à  Dus- 
seldorf  offre  une  réunion  d'œuvres  plus  fournie  et 
plus  complète,  sinon  aussi  intéressante,  que  celle 
de  Paris  ;  seulement  elle  présente  moins  d'unité 
et  elle  est  moins  préparée  au  point  de  vue  de  la 
documentation.  Les  organisateurs  semblent  avoir 
rencontré  chez  les  propriétaires  de  collections 
privées  et  près  des  dépôts  publics  un  accueil 
plus  empressé  que  leurs  collègues  français  ;  la 
liste  des  «  prêteurs  »  contient  plus  de  125  noms, 
et  le  catalogue  accuse  la  présence  de  41 1  œuvres 
de  peinture,  de  170  manuscrits  et  miniatures, 
d'une  dizaine  de  tapisseries. 

Les  primitifs  sont  groupés  en  sections  :  l'école 
de  Cologne  et  du  Bas- Rhin,  depuis  le  milieu  du 
XIV''  jusqu'au  commencement  du  XV^^  siècle  ; 
—  l'école  de  VVestphalie,  du  commencement  du 
XII1«  à  Ludger  to  Ring  le  jeune  (1522- 15S3);  — 
les  peintres  du  Moyen-Rhin  et  du  Sud,  deuxième 
moitié  du  XV^  et  XVI<=  siècle  ;  —  puis  viennent 
les  Flamands,  depuis  les  successeurs  de  Van  Eyck 
jusqu'à  la  seconde  moitié  du  XVI*'  siècle  ;  quel- 


ques Hollandais,  de  1480  à  1560,  deux  Français  : 
Clouet  et  Mannion. 

Beaucoup  d'œuvres  allemandes  restent  sans 
attribution.  Pour  beaucoup,  on  doit  se  contenter 
de  les  grouper  autour  de  quelque  maître  ano- 
nyme :  maître  de  la  Vie  de  Marie,  maître  de 
l'Assomption,  maître  de  la  Sainte  Famille,  maître 
de  Saint-Séverin...,  etc. 

La  section  la  plus  attachante  est  celle  des 
peintres  du  Bas-Rhin.  Elle  s'ouvre  par  la 
grande  page  d'un  maître  inconnu,  d'environ 
1330,  et  continue  par  Wilhelm  von  Herle,  les 
maîtres  du  début  du  XV'=  siècle,  encore  si  naïve- 
ment inexpérimentés  et  sincères,  jusqu'à  ce 
délicat  et  poétique  Stephan  Lochner,  dont  cinq 
œuvres  se  trouvent  réunies  :  la  «  Madone  à  la 
Violette  »  donne  surtout  l'idée  exacte  de  sa  cou- 
leur chaude  et  séduisante,  de  l'expression  pu- 
dique et  réservée  de  ses  personnages  ;  la  Vierge 
d'une  petite  «  Adoration  de  l'Enfant  Jésus  »  est 
tout  particulièrement  exquise  de  fraîcheur  et  de 
tendresse  ;  tandis  que  sa  «  Présentation  au 
Temple  »,  du  musée  de  Darmstadt,  le  montre 
sous  son  aspect  décoratif. 

Le  maître  de  la  Vie  de  Marie  est  représenté 
par  un  remarquable  tableau  d'autel  :  un  «  Cruci- 
fiement »  de  large  ordonnance,  de  belle  tonalité, 
et  qui  se  distingue  par  une  heureuse  préoccupa- 
tion de  vérité  et  d'émotion  dans  la  douleur 
simple  des  saintes  femmes  ;  la  Madeleine,  restée 
debout,  contemplant  Jésus  d'un  regard  plein  de 
confiance  et  d'amour,  constitue  une  trouvaille 
vraiment  poignante.  Du  maître  de  la  «  Sippe  », 
une  charmante  <(  Adoration  des  Mages  ».  Le 
maître  de  Saint-Séverin,  qui  se  caractérise  par  la 
justesse  et  la  finesse  dans  une  «  Messe  de  saint 
Grégoire  »  est  aussi  l'un  des  premiers  portraitis- 
tes de  l'école  :  son  portrait  de  Vieille  Dame  est 
superbement  composé,  et  les  deux  personnages 
du  tableau  de  l'église  Saint-Séverin  (sainte 
Hélène  et  saint  Etienne),  constituent  également 
des  morceaux  de  profonde  psychologie  et  de 
vivante  humanité. 

Voici  maintenant  le  plus  célèbre,  avec  Lo- 
chner, des  interprètes  de  la  Vierge  :  le  maître  de 
la  mort  de  Marie,  aujourd'hui  identifié  avecjoos 
van  der  Beke  de  Clèves,  ou  Jos  van  Cleef,  origi- 
naire du  Bas-Rhin,  membre  de  la  Lucasgilde  à 
Anvers  de  1511a  i540,et  manifestementinfluencé 
par  Quentin  Matsys.  On  verra  sa  petite  «  Adora- 
tion des  mages  »,  du  Musée  de  Dresde,  animée, 
touffue,  savoureuse  ;  sa  <i  Sainte-Famille  »  aux 
tonalités  hardies,  avec  un  paysage  d'une  extrême 
délicatesse  ;  son  beau  «  Christ  en  croix  »,  et 
pour  lui  surtout  on  fera  bien  de  passera  Cologne 
admirer  une  de  ses  œuvres  capitales,  une  de  ces 
morts  de  la  Vierge  qui  lui  valurent  sa  célébrité 
et  son  nom. 


Cl)Vûmque» 


345 


Bartholomé  Bruyn  (1493-1555),  intéressant  par 
ses  recherches  de  clair-obscur  déjà  très  modernes 
(Nuit  de  Noël),  est  remarquable  comme  portrai- 
tiste volontaire  et  pénétrant.  Passant  par  Anton 
Wœnsam  de  VVorms  (1511-1541),  par  quelques 
inconnus  du  quinzième,  nous  atteignons  Jan  Jœst 
( —  15  I9)qui  couronne  la  section  bas-rhénaneavec 
son  retable  du  maître-autel  de  l'église  Saint- Nico- 
las à  Kalkar  ;  ouvrage  considérable  formé  de 
16  grands  panneaux  représentant  les  principaux 
épisodes  de  la  vie  de  Jésus,  jusqu'à  la  venue  du 
Saint-Esprit  et  à  la  mort  de  Marie.  Le  réalisme 
des  figures  et  de  la  mise  en  scène,  le  côté  drama- 
tique de  l'interprétation,  la  variété  et  le  pittores- 
que dans  la  composition  en  font  un  monument 
caractéristique  du  génie  rhénan. 

C'est  chez  les  Westphaliens  que  se  trouve  la 
peinture  la  plus  ancienne  en  date  de  l'Exposition: 
i'antependium  d'un  maître  de  Soest,  au  début  du 
XIII^  siècle.  Il  est  vrai  que  nous  sautons  alors 
à  peu  près  deu.K  siècles  pour  retrouver  seulement 
les  saints  de  Conrad  de  Soest  (vers  1400),  puis 
quelques  maîtres  indéterminés  du  XV*.  et  enfin 
les  deux  Dlinwegge  et  les  deux  To  Ring, 
Huit  œuvres  importantes  mettent  en  relief  l'art 
opulent  des  frères  Dijnwegge(vers  1500-1520)011 
des  influences  flamandes  sont  comme  transpo- 
sées, interprétées  par  une  imagination  abondante 
à  l'excès  :  dans  le  <,<  Crucifiement  >,  par  exemple, 
c'est  le  grouillement  de  la  foule,  la  multiplicité 
des  personnages,  au  détriment  de  l'intérêt  des 
figures  essentielles  ;  cela  manque  d'air,  de  pon- 
dération ;  mais  c'est  brillant,  observé,  d'exécution 
soutenue.  L'ainé  des  Ring,  Herman  (1520-1597), 
se  recommande  par  ses  petits  portraits  décisifs, 
serrés,  d'expression  pénétrante  ;  son  cadet  Lud- 
ger,  est  un  coloriste  extrêmement  raffiné,  inventif 
et  savoureux  ;  en  même  temps  qu'il  traite  avec 
souplesse  et  poésie  la  figure  de  la  femme. 

JDans  la  région  du  Rhin  moyen  et  supérieur  la 
chronologie  est  moins  suivie  :  parmi  les  pièces 
curieuses,  toutes  isolées,  sauf  l'ensemble  du 
maître  du  €  Hausbuch  »  ( —  vers  1 505)  —  un  des 
artistes  influents  de  l'école  de  Francfort  et  de 
Mayence  —  citons  l'importante  «  Madone  dans 
un  buisson  de  roses  »  de  Martin  Schongauer  ;  un 
impressionnant  portrait  de  jeune  homme  et  une 
<,<  Sainte-Famille  >  de  Diirer,  deux  portraits  de 
garçonnets,  d'un  charme  juvénile  et  d'une  déli- 
catesse de  manière  exquise,  de  Cranach  le  vieux, 
et  le  portrait  de  Thomas  Morus,  d'Holbein  le 
jeune. 

» 
»   * 

La  section  des  manuscrits  est  constituée  prin- 
cipalement par  les  contributions  des  bibliothè- 
ques ecclésiastiques,  et  surtout  par  celle  de  la 
cathédrale  de  Cologne.  Les  pièces  les  plus  an- 


ciennes sont  une  réunion  de  Canons  du  XVI 1'= 
siècle,  «  l'Adacodex  »,  donné  au  commencement 
du  IX'^  par  l'abbesse  Ada  à  saint  Maximin, 
abbé  de  Trêves  ;  les  évangéliaires  et  missels  du 
X«  siècle,  en  nombre  imposant...  Dans  les 
époques  plus  rapprochées,  on  verra  comme  par- 
ticulièrement important  le  livre  de  prières  de 
Catherine  de  Clèves  (1430),  de  la  collection 
d'Arenberg. 

Et  c'est  à  cette  dernière  galerie  encore  qu'ap- 
partiennent les  tapisseries  principales  ;  deux 
grandes  compositions  bruxelloises  du  début  du 
XVI*  siècle,  le  Jardin  de  la  Vertu  et  le  Bûrg  de 
l'Honneur,  et  trois  mythologies  de  Jossede  Vos. 
L'art  germanique  n'est  représenté  dans  cet  ordre 
d'idées  que  par  deux  pièces  du  XIV*  siècle  ('). 


Restauration  Des  monuments. 


ETTE  question  a  été  débattue,  cette 
fois,  entre  architectes,  au  Congrès  in- 
ternational d'architectes  tenu  à  Madrid 
en    mai  dernier.    Nous    extrayons  de 


\' Arcliitecture  le  résultat  de  cette  discussion. 

<ic  Les  conclusions  lues  par  M.  Poupinel  sont  adoptées. 
MM.  Cloquet  et  Gabello  reconnaîtront  facilement  ce  qui 
leur  revient. 

L'assemblée  a  été  d'avis  :  i.  Qu'il  y  a  lieu  de  distinguer 
entre  les  monuments  appartenant  à  une  période  déter- 
minée de  civilisation  et  ayant  servi  à  des  usages  qui  ne 
sont  plus  et  ne  seront  plus,  et  les  monuments  qui  conti- 
nuent à  être  utilisés  pour  l'objet  en  vue  duquel  ils  ont  été 
construits.  (  M.  Cloquet  avait  dit  :  «  monuments  morts, 
monuments  vivants.  >) 

«  Que  les  monuments  doivent  être  conservés  en  con- 
solidant les  parties  indispensables  pour  éviter  leur  ruine, 
car  l'importance  d'un  monument  réside  dans  la  valeur 
historique  et  technique,  qui  disparait  avec  le  monument. 

•S  Que,  l'utilité  étant  une  des  bases  de  la  beauté  des 
monuments,  on  doit  les  restaurer  pour  qu'ils  puissent 
continuer  à  servir. 

«  Que,  l'unité  de  style  étant  aussi  une  des  bases  de  la 
beauté,  on  devrait  restaurer  dans  le  style  primitif  en 
respectant  les  formes  géométriques  ;  mais  on  doit  cepen- 
dant conserver  les  parties  exécutées  dans  un  style  diffé- 
rent de  celui  de  l'ensemble,  si  leur  style  a  du  méiite  en 
lui-même  et  ne  détruit  pas  l'harmonie  générale.  (M.  Nizet 
a  insisté  sur  ce  point.) 

'(  On  ne  chargera  de  la  conservation  et  de  la  restaura- 
tion des  monuments  quî  des  architectes  diplômés  ou 
spécialement  autorisés  agissant  sous  le  contrôle  artis- 
tique, archéologique  et  technique  de  l'État. 

«  On  provoquera,  dans  les  pays  où  il  n'en  existe  pas 
encore,  la  création  de  sociétés  de  défense  pour  les  monu- 
ments historiques  et  artistiques  ;  dans  les  pays  où  il  en 
existe,  on  provoquera  leur  développement  :  elles  pourront 
se  grouper  pour  un  effort  commun  et  collaborer  à  l'éta- 
blissement de  l'inventaire  général  des  richesses  nationales 
et  locales.  » 


I.     Nous    avons    résumé  ici   un    compte  rendu   paru    dans    le 
XX^  Siècle,  et  signé,  C.  S. 


346 


jl^ebue  ïje  r^rt  chrétien. 


Châlons.  —  Il  est  question  d'entreprendre  la 
restauration  de  la  belle  église  de  Notre-Dame 
de  Châlons  sur  Marne.  Le  devis  des  travaux 
monte  à  près  de  90,000  fr. 

L'église  de  St-Jacques  de  Compiègne  va  être 
réinscrite  parmi  les  monuments  classés. 


* 
*  * 


Chartres.  —  De  nouvelles  fouilles  ont  été  en- 
treprises sous  le  chœur  de  la  cathédrale  de 
Chartres.  Elles  ont  pour  but  de  retrouver  les  ves- 
tiges de  l'ancien  caveau  de  saint  Savinien  et  saint 
Potentien,  ainsi  que  le  puits  des  Saints-Forts. 

* 

*  * 

Binche.  —  Les  travaux  de  restauration  de  l'é- 
glise collégiale  Saint-Ursmer  à  Binche  (Belgique) 
continuent.  Cette  importante  entreprise  néces- 
sitera une  dépense  d'environ  300,000  francs. 

Les  travaux  en  maçonnerie  de  la  restauration 
du  transept  sud  de  l'église  sont  terminés. 

On  travaille  à  la  restauration  intérieure  et  ex- 
térieure des  deux  chapelles  de  transept  et  de  la 
travée  de  la  haute  nef  correspondante,  ainsi 
qu'au  chœur  et  à  la  chapelle  du  Saint-Sacrement. 

L'église  parait  par  suite  des  travaux  singu- 
lièrement agrandie  et  surélevée.  Les  voûtes  et  les 
piliers  ont  été  débarrassés  du  plâtras  séculaire 
qui  les  alourdissait.  Les  briques  rouges  des 
voûtes,  les  grès  nuancés  de  blanc  et  de  jaune,  des 
colonnes  forment  un  contraste  saisissant. 

* 

*  * 

Ypres.  —  L'architecte  communal  M.  Coomans 
a  achevé  les  plans  de  la  restauration  de  St-Martin 
à  Ypres. 

La  Commission  royale  des  monuments  a  écrit 
à  ce  propos  une  lettre  dans  laquelle  elle  fait  le 
plus  vif  éloge  de  l'œuvre  de  M.  Coomans.  La 
restauration  globale  comporte  un  devis  de 
656,000  francs. 

On  ne  la  fera  naturellement  que  petit  à  petit. 
Ainsi  on  commencera  par  le  petit  portail  de 
l'entrée  sud. 

Le  devis  de  ce  travail  s'élève  à  120,000  fr.  ;  il 
sera  prochainement  mis  en  adjudication.  Les 
plans  seront  exposés  à  l'Hôtel  de  Ville.  Le  con- 
seil communal  a  officiellement  félicité  l'architecte 
yprois  et  le  distingué  correspondant  de  la  Com- 
mission royale  des  monuments. 


Gand. —  On  restaure  en  ce  moment  un  édifice 
antique  situé  sur  la  place  aux  Foins  connu, 
depuis  des  siècles,  sous  le  nom  de  Spijkcr. 
Comme,  sous  l'ancien  régime,  c'était  une  pro- 
priété du  souverain  dépendant  de  la  cour  féodale 


du  Vieux-Bourg-de-Gand,  il  y  a  tout  lieu  de 
supposer  que  c'était  jadis  l'entrepôt  où  l'on  em- 
magasinait les  redevances  en  grain,  en  nature, 
que  certaines  terres  du  Comté  de  Flandre  devaient 
au  souverain  sous  le  titre  de  Spijkcrrenten  ou 
Epier. 

L'édifice  est  très  ancien,  peut-être  autant  que 
la  maison  dite  de  l'Etape,  mais  il  est  plus  rema- 
nié et,  par  conséquent,  moins  caractéristique. 
Sa  restauration  n'en  offre  pas  moins  un  intérêt 
archéologique  qui  méritait  l'attention  de  l'Admi- 
nistration ('). 


Bruges.  — ■  L'admirable  quai  du  Rosaire,  connu 
de  tous  les  touristes,  allait  subir  une  dégradation 
regrettable  par  la  construction  au  bord  de  l'eau, 
du  côté  Ouest,  d'une  brasserie  avec  malterie. 

Les  édiles  ont  su  prévenir  ce  désastre.  Inter- 
venant pour  une  somme  de  10,000  francs,  ils  ont 
obtenu  du  propriétaire  la  construction  d'une 
série  de  jolis  pignons  en  style  flamand,  dont  la 
conservation  est  assurée  par  contrat  pour  une 
durée  de  trente  années. 

La  tourelle  qui  s'élève  à  l'Est  du  quai  du  Ro- 
saire sera  sous  peu  acquise  par  la  Ville,  qui  la 
fera  reconstituer  et  qui  interviendra  largement 
dans  la  restauration  de  la  façade  dui?  Dreveken  ». 

Différentes  visites  de  ministres  ont  appris  aux 
Brugeois  que  les  gouvernants  caressent  des 
projets  grandioses  au  sujet  de  la  belle  place  du 
Bourg. 

Non  seulement  le  Palais  de  Justice  serait 
reconstitué  d'après  le  plan  de  Marcus  Geeraerd  ; 
mais,  du  côté  ouest,  la  rangée  des  maisons  entre 
la  Chapelle  du  Saint-Sang  et  la  rue  Breydel  serait 
expropriée,  démolie  et  rebâtie  comme  elle  était 
au  moyen  âge. 

M.  De  Vriendt,  l'éminent  peintre  d'histoire,  a 
informé  le  Collège  échevinal  qu'il  vient  de  ter- 
miner la  composition  du  dernier  tableau  pour  la 
salle  échevinale.  Il  promet  d'exécuter  cette 
peinture  murale  avant  la  fin  de  la  présente 
année. 

Les  touristes  qui  visitent  Bruges  louent  unani- 
mement les  propriétaires  qui  restaurent  si  déli- 
catement les  anciens  pignons.  Ils  ne  cachent  pas 
leur  admiration  pour  les  nombreuses  façades 
flamandes,  qu'on  érige  un  peu  partout  et  dont 
l'aspect  aussi  artistique  que  varié  augmente  les 
attraits  de  Bruges-la-Belle. 

M.  Schramme,  avocat,  échevin  des  beaux- 
arts, a  donné  un  bon  exemple  en  érigeant  au  Nord 
de*  la  place  du  Bourg  une  coquette  façade  style 
flamand  du  XVI le  siècle. 


I.  Chronique  des  travaux  publia. 


Cjjrontque. 


347 


Très  remarqués,  rue  des  Pierres,  les  deux 
grands  pignons, à  gradins  contigus  dont  les  beaux 
bas-reliefs  sont  rehaussés  d'or. 

Rue  des  Baudets,  chacun  s'arrête  pour  admirer 
les  trois  pignons  dentelés  qui  forment  la  façade 
de  l'hôtel  d'Autricourt,  anciennement  «  't  hof 
van  Holland».Feu  M.  DeWulf  en  est  l'architecte. 

La  Vierge,  qui  figure  au-dessus  de  la  porte 
cochère,  sous  un  dais  délicatement  fouillé,  est 
une  sculpture  remarquable,  exécutée  sur  place. 
Au  bout  de  la  rue,  en  face  de  la  porte  d'Osteude, 
s'élèvent  deux  pignons,  en  style  local,  d'après 
les  projets  couronnés  de  M.  Pannier  ;  ces  cons- 
tructions formeront  un  heureux  pendant  à  la 
jolie  maison  à  tourelle  du  coin  opposé. 

La  construction,  en  style  brugeois,  de  la 
belle  maison  Viérin,  coin  de  la  rue  Eeckhout  et 
du  Dyver  (dernier  projet  produit  par  feu  notre 
éminent  architecte  Charles  De  VVulf),  est  com- 
mencée. On  espère  la  mettre  sous  toit  cette 
année  ('). 


Home  noutJcUc. 

OICI  en  quels  termes  un  esthète  pari- 
sien, M.  André    Hallays,  résume  les 
impressions  que  lui  a  laissées  un  récent 
voyage   à   la   Ville  Éternelle,   préten- 
dument régénérée  par  l'invasion  subalpine  : 

«  Rome,  capitale  du  royaume  d'Italie,  a  subi  le  soit  de 
toutes  les  capitales  :  elle  s'est  enlaidie.  On  a,  pour  les 
besoins  de  la  circulation  et  de  l'hygiène,  abattu  des  églises 
renversé  des  palais,  saccagé  de  vieux  quartiers.  Quel- 
ques-uns de  ces  travaux  étaient  indispensables.  D'autres 
étaient  sans  excuse...  Mais  toutes  nos  plaintes  sont 
vaines  pour  le  passé,  vaines  pour  l'avenir. 

Les  grandes  rues  neuves,  surtout  à  Rome,  ne  sont  pas 
seulement  ridicules  et  désolantes,  mais  encore  désagréa- 
bles et  malsaines  ;  elles  sont  le  royaume  du  vent,  du 
soleil  et  de  la  poussière.  N'importe  !  11  est  entendu  qu'une 
capitale  ne  peut  se  passer  de  «  grandes  artères  »  et,  à  ce 
dogme,  on  continuera  de  sacrifier  la  beauté  et  le  sens 
commun. 

11  semble  cependant  que  les  enibellissetirs  de  Rome 
viennent  de  dépasser  la  mesure.  Lorsqu'ils  démolissent, 
ils  peuvent  parfois  invoquer  un  semblant  d'utilité.  Mais 
lorsqu'ils  bâtissent,  on  est  en  droit  de  leur  demander  un 
peu  de  goût  et  de  discrétion  —  de  \a  discrétion  surtout. 
Leurs  derniers  ouvrages  sont  effroyables  et  terriblement 
indiscrets. 

On  a  rasé  naguère  les  ruelles  de  l'ancien  Ghetto.  Sur 
cet  emplacement,  on  a  élevé  une  synagogue.  Cet  édifice 
ne  se  distingue  pas  par  une  laideur  excessive  ;  il  est 
lourd,  vulgaire  et  simple.  La  vue  en  serait  donc  tolérable, 
si  l'on  n'avait  eu  l'idée  de  coiffer  la  synagogue  d'une  sorte 
de  coupole  en  zinc  qui  étincelle  à  toutes  les  heures  du 
jour,  et  comme  un  miroir,  réverbère  les  rayons  du  soleil. 
De  quelque  côté  que  l'on  se  place  pour  goûter  le  spec- 
tacle de  Rome,  la  douce  harmonie  des  dômes,  des  cam- 
paniles et  des  toitures  est  brisée  par  ce  jet  de  lumière 
aveuglant. 

I.  Chronique  des  travaux  publics. 


Mais  le  méfait,  l'impardonnable  méfait,  c'est  la  cons- 
truction du  nouveau  Palais  de  Justice.  De  toutes  parts, 
on  aper(;oit  cette  masse  énorme  et  déshonorante.  On  ne 
peut  dire  si  c'est  de  près  ou  de  loin  que  ce  monument 
babylonien  est  le  plus  ridicule  et  le  plus  exaspérant.  De 
loin,  lorsqu'on  embrasse  toute  Rome,  du  Janicule  ou  du 
Fincio,  il  nous  choque  parce  qu'il  détruit  l'équilibre  du 
tableau.  Il  n'est  point  à  l'échelle  de  la  ville.  Il  rabaisse 
les  autres  édifices.  Il  accapare  toute  l'attention.  Il  écrase 
Rome  du  poids  de  sa  formidable  banalité. 

De  près,  ses  façades  ornées  et  sculptées  (et  quels  orne- 
ments !  quelles  sculptures  !)  nous  choquent  comme  un 
désastreux  contresens.  Un  pareil  décor  à  Rome  où  toutes 
les  façades  sont  graves  et  unies  !  Méconnaître  à  ce  point 
la  traditionnelle  physionomie  de  la  Ville  éternelle  !  Même 
au  temps  où  le  baroque  était  en  faveur,  les  architectes 
n'avaient  point  perdu  le  sentiment  de  cette  grande  loi  de 
la  beauté  romaine  et  ils  avaient  réservé  à  l'intérieur  de 
l'édifice  les  fantaisies  de  leur  verve  tumultueuse. 

Devant  le  nouveau  Palais  de  Justice  de  Rome,  on  se 
rappelle  les  paroles  célèbres  du  grand  architecte  florentin 
Léon  Battista  Alberti  :  «  Quel  sentiment  pourra  jamais 
émouvoir  une  grande  masse  de  pierres,  mal  formée  et  mal 
ajustée,  sinon  que  plus  elle  sera  colossale,  et  plus  nous 
blâmerons  les  dépenses  jetées  en  l'air,  et  plus  il  nous 
faudra  honnir  l'appétit  sans  but  d'amonceler  des  pierres  ?  > 

André  Hallavs. 


I^outicUcg. 

Pierrefort.  —  Un  incendie  vient  de  détruire 
en  partie  le  vieux  manoir  de  Pierrefort,  datant 
du  XIV"  siècle,  et  l'un  des  plus  intéressants  de 
l'époque  des  ducs  de  Lorraine.  La  porte  histo- 
rique et  une  partie  des  bâtiments  habités  ont 
pu  être  préservés.  Cet  incendie  a  causé  néan- 
moins des  pertes  irréparables  pour  l'archéologie 
lorraine. 


Gand.  —  On  a  découvert  près  du  Château  des 
Comtes  à  Gand,  les  fondations  d'un  pilier  d'une 
des  bailles  de  cette  ancienne  forteresse,  du  côté 
de  la  place  Ste-Pharaïlde.  Ce  bloc  de  maçonnerie 
composée  de  grandes  briques,  se  trouve  à  environ 
5  mètres  de  la  porte  d'entrée  et  mesure  en  coupe 
I  m.  30.  Un  journal  local,  le  Volksbelang,  rappelle 
à  ce  sujet,  que  dans  les  documents  les  plus  anciens 
il  est  fait  mention  des  bailles  du  Château  des 
Comtes  :  au  moyen  âge  elles  furent  en  bois,  au 
XVI<=  siècle  elles  étaient  en  fer  et  avec  des  piliers 
en  pierre  ornés  d'un  lion.  En  1635,  on  y  ajouta 
même  les  statues  du  roi  Philippe  et  du  prince 
cardinal  Ferdinand. 

On  a  trouvé  au  même  endroit  la  voûte  maçon- 
née du  pont  qui,  dans  la  rue  de  la  Monnaie,  pas- 
sait au-dessus  du  fossé  des  Corroyeurs,  comblé 
depuis  plus  de  trente  ans.  Sous  les  rails  du  tram- 
way la  maçonnerie  a  été  démolie,  mais  elle  est 
restée  intacte  sous  le  trottoir,  du  côté  de  la  Lieve. 


348 


3^ebue  ïie  rart  c!)rttien. 


Milmort.  —  On  a  découvert  à  l'église  de  Mil- 
mort  près  Liège,  lisons-nous  dans  le  Bulletin  des 
métiers  d'art,  des  peintures  murales  du  commen- 
cement du  X  VI^  siècle.  Le  mur  oriental  porte  en 
haut,  sur  un  fond  rouge-brique,  Notre-Dame  des 
Sept  Douleurs,  avec  les  médaillons  traditionnels  ; 
en  bas,  les  deux  donateurs  et  saint  Étoi,  représenté 
comme  évêque  et  comme  forgeron.  Sur  le  mur 
nord  se  trouvent,  superposées,  des  deux  côtés  de 
la  fenêtre  :  la  Présentation  de  la  sainte  Vierge, 
l'Annonciation  —  la  Nativité,  l'Adoration  des 
Mages.  Sous  la  voûte  on  distingue  encore  le 
Christ  dans  sa  gloire;  malheureusement  ces  ves- 
tiges d'art  ancien  sont  destinés  à  disparaître.  — 
L'ancienne  église  va  être  reconstruite  sur  les 
plans  de  M.  Lohest. 


Rome.  —  Le  Comité  central  institué  pour 
célébrer  le  cinquantième  anniversaire  de  la  défi- 
nition dogmatique  de  l'Immaculée  conception 
adresse  un  appel  en  faveur  de  l'exposition  ma- 
riale  internationale. 

«  Puisqu'un  appel  chaleureux  du  souverain 
pontife,  y  est-il  dit,  convie  les  fidèles  à  venir  à 
Rome  chanter  à  la  Vierge  Immaculée  l'hymne 
de  la  foi  et  de  la  piété  filiale,  pourquoi  le  génie 
chrétien  qui,  au  cours  des  siècles,  a  accumulé  de 
si  précieux  trésors  à  la  gloire  de  la  plus  belle  des 
créatures  ne  les  réunirait-il  pas  dans  une  exposi- 
tion modeste,  mais  qui  compléterait  les  travaux 
du  Congrès? 

Aussi,  le  Comité  central  romain  a  décidé  qu'il 
se  fera  une  exposition  mariale  internationale.  Sa 
Sainteté  Pie  X  veut  qu'elle  ait  lieu  dans  le  palais 
apostolique  de  Latran. 


Cette  exposition  devant  servir  au  Congrès 
mariai,  son  programme  se  modèle  sur  le  pro- 
gramme du  Congrès  et  se  compose,  comme  celui- 
ci,  en  trois  divisions  générales  qu'on  a  jugé 
opportun  de  réduire  aux  limites  suivantes  : 

pe  division  :  Le  culte  de  Marie  et  ses  nianifes- 
tatiotis  dans  l'iconographie  et  dans  la  numisma- 
tique. 

II«  division  :  La  presse  mariale. 

III«  division  :  l^es  instituts  religieux  et  les  asso- 
ciations viariales. 

L'Exposition  n'aura  pas  un  but  industriel  et 
n'admettra  que  des  objets  ayant  un  caractère 
artistique,  historique  ou  antique.  Cette  admis- 
sion sera  soumise  au  jugement  d'un  jury  compé- 
tent nommé  par  le  Comité  local  avec  l'approba- 
tion de  la  Commission  cardinalice.  On  fera  con- 
naître au  plus  tôt  les  critériums  qui  serviront  de 
base  aux  appréciations  de  ce  jury.  » 


Langeais.  —  L'ingénieur  Léon  Dru,  récem- 
ment décédé,  a  fait  à  l'État  un  legs  dont  l'im- 
portance dépasse  même  celle  de  la  donation  à 
l'Institut  du  château  de  Langeais. 

C'est  le  château  historique  de  Vez,  dans  l'Oise, 
avec  les  collections  artistiques  qu'il  contient  et 
un  capital  d'environ  un  million  et  demi.  Ces 
différents  legs  sont  faits  aux  conditions  suivantes: 

1°  Le  château  devra  être  classé  comme  monu- 
ment historique  ; 

2°  Le  public  devra  en  avoir  le  libre  accès  au 
moins  trois  jours  par  semaine. 


Imprimé  par  Desclée,  Dk  Brouwer  S:  C'^',  Lille- l'aris-Bruges. 


1%riuif  ùi'  rilrt-  rtu'ftini 


in.  VI 


Cavn?[aar  ùc  Vabham  Dr  Gliampa^iiG'.(>Sartlaf.) 

Uiffcrents  tyyez  Oe  pat-cs  trouocs  dans  les  j^JtiiLîes . 


"I-iinnir  iir  l'fivï  i-[]dt'm\. 


ï?l.VII 


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CavreUxQp  ùr  Tabbaue  ùr  Chanapaauir.(>Sari:[ie.) 

fOcssius  O'cnscmbU  obtenus  avez  les  parés  trouocs  Oans  les  j^ouiUes . 


}ç9^:h^k9^kf^kUkM;içMkUkUi^^ 


@^m¥.B^niiiu]&'iîîiiiihB':mi\v^i3iiiuiïiwi\v^^^^  W\ 


'  <^  <^p  <^  *=%=■ 


Betjue  îie 


l'Hrt  rhretteu 


paraissant  tous  les  bEii)C  mois. 
47""*  Hnnée.  —  4^  Série. 


(Conif  XV  (Live  ne  (a  collection).    <|< 

4< 


S"'"  litir.  —  Septembre  190^.   41l 


fa44H{ii-i::Hi!ili,  :  i;i!!!î  :,!H}t;r     HHHiiB^Ϋgh^ig^Hffigg.^raaB^giSEg1clfHiatf1i«iHiEaS«l^î?iG1îiHiHfiB 


lie  carrelage  ïJe  Tabbaje  be  Champagne  (Harti)e), 

D'après  les  paucs  tetrouucs  sur  remplacement  Du  cbœur  De  l'église  De  cette  atibape. 


u^mwm 


N  1859,  M.  E.  Amé, 
architecte  des  monu- 
ments historiques,  pu- 
bliait un  important  vo- 
lume sur  les  carrelages 
émaillés  ("),  et  il  dédiait 
son  travail  à  Viollet-le- 
Duc,  son  maître. 

Il  faudrait,  si  la  place  le  permettait,  suivre 
M.  Amé  page  par  page,  dans  son  livre,  pour 
étudier  convenablement  le  carrelage  du 
chœur  de  l'église  de  Champagne. 

Comme  ce  n'est  pas  possible, nous  devons 
tout  d'abord  recommander  la  lecture  du  vo- 
lume à  ceux  qui  jugeront,  avec  raison,  les 
lignes  qui  suivent  bien  incomplètes. 

I.  Les  carre /âges  ^matUés  du  moyen  âge  et  de  la  Renais- 
sance, précédés  de  rhistoire  des  anciens pavages^mosaïques, 
labyrinthes,  dalles  incrustées,  par  M.  Emile  Amé,  archi- 
tecte des  monuments  historiques,  correspondant  du  mi- 
nistère de  rinstruction  publique  pour  les  travaux  histo- 
riques. Paris,  A.  Morel  et  C"=,  éditeurs,  l8,  rue  Vivienne, 
1859.  Tiré  à  300  exemplaires  n°  102,  in-4°,  201  pp.  Nom- 
breuses planches  noir  et  couleur. 


Au  moment  où  écrivait  M.  Amé,  en  1859, 
le  retour  aux  traditions  artistiques  du 
moyen  âge  commençait  à  peine.  Voici  ce 
que  dit  M.  Amé  dans  son  introduction  : 

«  En  1850,  une  des  grandes  salles  du 
musée  de.  Cluny,  à  Paris,  fut  pavée  de  car- 
reaux vernissés  incrustés.  Ce  pavement 
d'une  grande  simplicité, qui  cependant  n'ex- 
clut pas  la  beauté,  fut  admiré  sans  restric- 
tions, et  la  vue  de  cette  espèce  de  mosaïque, 
exécutée  en  peu  de  temps,  causa  une  sur- 
prise générale.  Les  visites  au  musée  se 
succédèrent  ;  elles  furent  nombreuses  ;  quel- 
ques mois  après,  on  s'aperçut  que  l'éclat 
brillant  du  carrelage  s'amoindrissait  d'une 
singulière  façon  ;  puis,  à  la  place  d'une  aire 
resplendissante,  semée  de  feuillages  et  de 
fleurs,  l'argile  pure  et  simple  ne  tarda  pas 
à  paraître  en  quelques  endroits  plus  fré- 
quentés. On  revint  sur  les  louanges  décer- 
nées avec  une  si  grande  libéralité  et  on 
condamna  les  carrelages  vernissés,  en   les 


REVUE  DE  l'art  CHRÉTIEN. 
1904.  —  5'"*  LIVRAISON. 


350 


Bebue  tie  T^rt  chrétien. 


reconnaissant  tout  au  plus  bons  à  flatter 
les  yeux.  » 

M.  Amé  ajoutait  :  «  Ce  résultat  fâcheux 
ne  doit  pas  atteindre  un  système  excellent 
en  lui-même,  ce  qui  en  reste  le  prouve  po- 
sitivement ;  il  doit  seulement  être  imputé 
à  la  maladresse  ou  à  l'impéritie  du  fabricant 
dont  les  études  trop  superficielles  se  seront 
arrêtées  en  face  des  recherches  sérieuses 
nécessaires  pour  obtenir  un  vernis  solide, 
dur  et  résistant,  égal  à  celui  qui  recouvre 
les  carreaux  du  moyen  âge. 

Cette  réaction,  à  nos  yeux,  n'est  donc 
pas  sérieuse,  et  doit  bientôt  succomber  sous 
les  efforts  réunis  des  fabricants  ;  c'est  à  eux 
qu'il  appartient  de  remettre  en  honneur  ces 
brillants  pavages....  » 

M.  Amé  était  bon  prophète  et  il  n'est 
guère  possible  de  voir  aujourd'hui  une  mai- 
son moderne  qui  n'ait  au  moins  le  vestibule 
pavé  en  carreaux  décorés.  Le  procédé  n'est 
peut-être  pas  tout  à  fait  le  même  qu'au 
moyen  âge  ;  les  carreaux  ne  sont  pas  de  la 
même  fabrication.  Qu'importe,  le  résultat 
est  le  même  et  part  du  même  principe. 

Cette  fabrication  des  pavés  décorés  est 
aujourd'hui  une  industrie  très  florissante  ; 
sa  naissance  (c'est  notre  conclusion)  est  due 
aux  travaux  archéologiques.  La  plus  gran- 
de partie  des  dessins  exécutés  de  nos  jours 
sur  les  carrelages  ne  sont  que  les  répéti- 
tions des  dessins  des  XI  I=,  XI 11=  et  XI V^ 
siècles.  De  ce  côté  nos  fabricants  ont  fort 
peu  créé. 

Les  dessins  de  pavés  qui  vont  suivre  et 
qui  ont  été  reconstitués  d'après  les  éléments 
retrouvés  à  Champagne,  sont  tout  à  fait 
inédits  ;  je  ne  les  ai  vus  nulle  part,  quelque 
nombreuses  qu'aient  été  mes  recherches 
depuis  un  an.  Si  ces  lignes  tombent  sous 
les  yeux  d'un  fabricant,  il  lui  sera  loisible 
de  s'en  servir. 

Par  ailleurs,  les  pavés  de  Champagne  ne 


se  prêtent  pas  qu'aux  seules  combinaisons 
qui  suivent.  Il  y  en  a  d'autres.  Je  laisse  aux 
curieux  le  soin  de  tirer  de  ce  jeu  de  patien- 
ce tout  ce  qu'il  peut  donner.  Le  jeu  despe- 
tits pavés  peut  charmer  les  longues  soirées 
d'hiver. 

II 

PENDANT  la  domination  romaine  et 
jusqu'au  milieu  du  XII°  siècle  envi- 
ron, la  mosaïque  fut  employée  dans  les 
Gaules  pour  revêtir  l'aire  des  habitations 
et  des  églises.  Les  voûtes  même  en  furent 
ornées.  A  partir  de  cette  époque,  la  mosaï- 
que disparaît  tout  à  coup,  et  les  pavages 
en  terre  cuite  (sorte  de  mosaïque  moins 
coûteuse)  la  remplacent  définitivement.  Ces 
carrelages  formés  de  pièces  de  rapport,  va- 
riées en  couleur,  se  perfectionnèrent  rapi- 
dement, et  la  fin  du  XI 11^  siècle  n'était  pas 
arrivée  que  le  système  de  carreaux  couverts 
de  dessins  à  deux  tons  prévalait  presque 
complètement. 

Les  carreaux  unis,  non  décorés  et  dispo- 
sés en  mosaïque,  demandaient  à  être  dé- 
coupés avec  art  et  présentaient  un  travail 
d'une  grande  complication,  pour  former  des 
courbes,  des  entrelacs,  etc. 

Aussi,  dès  que  l'on  sut  fabriquer  des  car- 
reaux émaillés,  abandonna-t-on  le  système 
tout  en  continuant  à  imiter,  avec  les  nou- 
veaux moyens,  les  effets  que  l'on  obtenait 
auparavant  avec  de  véritables  mosaïques. 
C'est  en  vertu  de  cette  recherche  que  cer- 
tains pavés  émaillés  reproduisent  un  damier 
jaune  et  rouge,  damier  obtenu  auparavant 
au  moyen  d'autant  de  pavés  indépendants 
qu'il  y  avait  en  tout  de  petits  carrés.  Chaque 
pavé,  tantôt  rouge,  tantôt  jaune,  était  carré 
et  d'une  seule  teinte. 

Quand  il  s'est  agi  d'exécuter  les  pavés 
décorés,  les  difficultés  à  vaincre  devinrent 
très  grandes. 


JLt  carrelage  tie  l'abbape  tie  Cl)ainpague. 


35  i 


Celle  qui  exige  les  plus  longs  tâtonne- 
ments de  la  part  des  industriels,  est  d'obte- 
nir que  la  pâte  colorée  formant  les  orne- 
ments prenne  à  la  cuisson  le  même  retrait 
que  celui  du  carreau. 

Le  carrelage  que  nous  allons  étudier  est 
un  carrelage  cistercien  ;  j'insiste  sur  ce 
point,  car  tout  ce  qui  touche  à  cet  Ordre 
porte,  au  point  de  vue  artistique,  un  carac- 
tère extrêmement  accentué. 

Il  régnait.comme  on  sait,une  très  grande 
sobriété  d'ornements  dans  la  décoration  des 
églises  cisterciennes.  Saint  Bernard  l'avait 
érigée  en  système  par  esprit  d'opposition  à 
la  richesse  décorative  des  églises  cluriisien- 
nes.  Le  contraste  était  frappant  mais  voulu. 
11  en  est  résulté  que  l'on  ne  rencontre  ja- 
mais de  mosaïque  de  marbre  dans  les  égli- 
ses de  Cîteaux,  tandis  que  l'on  en  trouve 
encore  dans  celles  de  Cluny,  après  cepen- 
dant que  l'usage  en  eut  été  généralement 
abandonné.  Et  quand,  dans  leurs  églises, 
les  Clunisiens  employèrent  les  pavés  ver- 
nissés, ils  cherchèrent  à  leur  conserver  le 
caractère  de  la  mosaïque. 

A  l'appui  de  cette  thèse,  nous  invoque- 
rons le  témoignage  de  la  rosace  de  Vivoin, 
dans  le  chœur  de  l'église  du  prieuré.  | 

Cette  rosace  dont  nous  donnons  la  repro- 
duction, a  perdu  aujourd'hui  une  grande 
partie  de  ses  couleurs. 

Ses  émaux  se  sont  usés  sous  le  frottement 
des  pieds  :  on  ne  saurait  s'en  étonner  lors-  i 
qu'on  songe  qu'elle  est  en  place  depuis  six 
siècles.  Cette  rosace  est  essentiellement 
une  mosaïque  où  la  terre  cuite  remplace  le 
marbre. 

Pendant  longtemps  les  églises  cistercien- 
nes firent  usage  de  carreaux  à  dessins  im- 
primés, les  règlements  de  I  Ordre  recom- 
mandant la  plus  grande  simplicité  dans  les 
formes  et  les  ornements. 


Les  vitraux  même  étaient  incolores  et  les 
dessins  figurés  par  des  plombs.  (Vitraux 
incolores  de  l'église  de  Pontigny.) 

Ces  églises  de  Cîteaux  firent  toutefois  de 
rapides  progrès  dans  l'emploi  des  produits 
céramiques,  et  c'est  à  elles  que  l'on  doit  les 
perfectionnements  que  ces  sortes  de  pa- 
vages reçurent  à  la  fin  du  XI  !«  siècle,  lors- 
qu'on eut  découvert  la  manière  de  faire  en- 
trer par  incrustation  deux  terres  de  même 
nature,  mais  d'une  teinte  différente,  dans  le 
même  carreau. 

Saint  Bernard  n'était  plus  là  pour  main- 
tenir ses  moines  dans  la  sévérité  primitive 
de  la  règle. 

Les  Cisterciens  étaient  mêmeparvenus,au 
commencement  du  XII P  siècle,  à  établir  de 
si  grands  perfectionnements  dans  l'emploi 
des  terres,  qu'en  1 210,  lors  d'un  chapitre 
général,  on  réprimanda  vertement  l'abbé  de 
Beaubec  qui  avait  autorisé  l'un  de  ses 
religieux,  expert  en  la  matière,  à  exécuter 
des  pavages  pour  des  personnes  qui  ne 
suivaient  pas  l'observance  cistercienne.  Ces 
carrelages  avaient  excité  l'admiration  ;  il  y 
a  donc  lieu  de  croire  que  ces  pavés  étaient 
historiés  et  couverts  de  figures  incrustées  ; 
il  fallait  une  semblable  cause  pour  agir  ainsi 
sur  l'esprit  des  populations. 

Un  dernier  mot  enfin  sur  la  décoration 
des  églises  de  Cîteaux.  Une  tradition  fort 
répandue  existe  encore  parmi  les  habitants 
du  village  où  était  située  l'abbaye  de  Pon- 
tigny ;  c'est  que  les  pavés  des  chapelles 
reproduisaient  les  dessins  des  vitraux  inco- 
lores ;  des  fouilles  exécutées  dans  l'abside 
permirent  de  reconstituer  des  terres  cuites 
d'anciens  pavements  du  XI I'^  siècle  qui 
présentaient  la  plus  grande  analogie  avec 
les  vitraux  qui  existaient  encore  {'). 

I.  La  coutume  d'inhumer  dans  les  églises  a  été  une 
cause  de  ruine  pour  beaucoup  de  carrelages. 


352 


5Rebue  De  r^rt  ct)rétien. 


m 


LES  pavés  retrouvés  dans  les  fouilles  sur 
l'emplacement  du  chœur  de  l'église 
de  Champagne,  présentent  environ  trente- 
trois  variétés  différentes  (').  Ce  chiff're  est 
un  minimum,  dans  lequel  nous  n'avons  pas 
voulu  comprendre  quantité  de  débris,  qui 
devaient  être  d'anciens  pavés  brisés. 

Nous  donnons  chacune  de  ces  variétés  et 
pour  la  plupart  nous  indiquerons  les  dimen- 
sions de  l'original. 

1°  {Diamètre  75™"').  Pavé  circulaire  en 
terre  rouoeâtre  avec  dessins  incrustés  en 
terre  blanchâtre,  le  tout  recouvert  d'un 
vernis  jaunâtre  très  limpide. 

2°  {Côté  ço'""').  Pavé  triangulaire  de 
même  composition  que  le  précédent. 

3°  {Longueur  9J""").  Pavé  long,  avec 
deux  extrémités  curvilignes,  recouvert  d'un 
émail  vert  très  foncé,  presque  noir. 

4°  {Hauteur  o"'i4,  longueur  o"'//^). 
Pavé  en  forme  d'écu.  Il  porte  très  effacé 
l'émanché  des  Riboul.  La  partie  marquée 
sur  le  dessin  par  des  hachures  était  en  terre 
cuite  naturelle,  l'autre  en  terre  blanche,  le 
tout  recouvert  d'un  vernis  jaunâtre  très 
limpide.  Ce  pavé  n'a  été  retrouvé  qu'à  un 
seul  exemplaire  ;  la  terre  blanche  est  pres- 

I.  Définitions  de  quelques  ternies  techniques  : 

On  appelle  Engobe  une  matière  terreuse,  soit  blanche, 
soit  colorée, qui  par  son  opacité  cache  et  semble  masquer 
la  couleur  de  la  terre,  au  point  qu'une  pièce  jaunâtre  à  sa 
surface  peut  ofifrir  à  l'intérieur  une  pâte  rouge. 

Le  Vert,  fréquemment  employé,  ne  peut  pas  être  consi- 
déré comme  un  engobe,  c'est  un  vernis  composé  de 
protoxyde  trituré  de  cuivre  rouge  ou  bien  encore  de 
batitture  de  cuivre  jaune  mêlés  avec  de  l'alquifoux  (sulfure 
de  plomb,  ou  galène).  On  l'appliquait  sur  les  engobes  ou 
les  terres  blanches. 

On  appelle /^aw.?  vernisses  ou  cmaillés  ceux  dont  la 
couverte  est  translucide  et  laisse  par  conséquent  aper- 
cevoir les  tons  de  la  terre  cuite.  Les  pavés  vernissés  ont 
une  glaçure  transparente  et  une  teinte  légèrement  jaunâtre 
quand  elle  n'a  pas  été  mélangée  avec  certains  oxydes 
métalliques. 

Les  pavés  à  surface  tnale  ou  sans  couverte  ne  sont 
revêtus  d'aucun  vernis. 


que  entièrement  partie,  mais  sa  place  est 
marquée  par  des  creux,  au  fond  desquels 
adhèrent  encore  quelques  fragments  blan- 
châtres. 

5°  {Côté  rectiligne  0'^i4S).  Pavé  en  terre 
cuite  non  vernie,  dont  nous  n'avons  trouvé 
également  qu'un  seul  échantillon. 

6°  {Hypothénuse  95  '"'").  Pavé  en  terre 
cuite  avec  engobe  blanche  recouvert  d'un 
vernis  jaune.  Il  se  présente  avec  une  belle 
couleur  citron. 

7°  {Mêmes  dimensions  que  le  précédent^ 
Pavé  triangrulaire,  terre  cuite  avec  dessins 
blancs  incrustés,  recouvert  d'un  vernis 
jaunâtre. 

Z"  {Côtés  yo""").  Pavé  rectangulaire  en 
terre  cuite  avec  émail  vert  très  foncé  pres- 
que noir. 

9°  {Mêmes  dimensions  çue  les  n"^  6  et  7) 
Pavé    triangulaire    de    même   composition 
que  le  précédent. 

lo''  {Grand  côté  (Jo""",  petit  côté  42"""). 
Pavé  parallélogrammatique,  de  même  com- 
position que  les  deux  précédents. 

I  1°  {Grands  côtés  o'^ii^,  petits  côtés 
o'^Ojo).  Pavé  de  forme  curieuse  ;  il  est 
formé  de  partie  d'un  losange,  dans  lequel 
est  découpé  un  vide  destiné  à  recevoir  le 
n°  1 2.  Ce  pavé  est  en  terre  cuite,  recouverte 
d'un  émail  vert  très  foncé,  presque  noir. 

I  2°  {Diamètre  o"'oj).  Petit  pavé  circulaire 
destiné  à  être  enchâssé  dans  la  cavité 
circulaire  également  du  n°  i  t.  Terre  cuite, 
engobe  blanche,  vernis  blanc  jaunâtre, 
aspect  général  en  résultant  jaune  citron 
clair. 

1 2i° {Grands côtés  6^065, petits  o"'04S,  côtés 
rentrants  o''"o6^).  Pavé  en  forme  de  V. 
Même  composition  et  couleur  que  le  pré- 
cédent. 

14"  {Côté  o"'042).  Pavé  en  forme  de 
losange.  Même  composition  et  couleur  que 
le  précédent. 


3Le  carrelage  De  Tabbape  De  Champagne. 


353 


1 5°  {^Mêmes  dimensiones  que  le  précédent). 
Pavé  en  forme  de  losange. Terre  cuite,  sans 
vernis,  ni  émail  ;  de  couleur  ocre  rouge  par 
conséquent. 

i6°  [Côté  o"'o6§).  Pavé  carré  décoré  ; 
terre  cuite,  croix  fleurdelisée  incrustée  en 
terre  blanche,  vernis  jaunâtre. 

\y°  [Hypothénuse  o'"ijo,  côtés  o"'iio). 
Pavé  en  triangle  décoré  d'une  demi-fleur 
de  lis,  complétée  par  un  deuxième  pavé 
semblable.  Même  composition  que  le  précé- 
dent. 

1 8°  {Côté,  o'"o8o).  Pavé  en  losange,  décoré 
d'une  fleur  de  lis.  Ce  pavé  ne  nous  est 
parvenu  que  par  un  seul  échantillon  dont 
les  deux  extrémités  étaient  brisées.  Même 
composition  que  le  précédent. 

19°  {Petit  côté  6^040,  grand  côté  o^'oys). 
Pavé  parallélogrammatique,  terre  cuite, 
recouvert  d'un  émail  opaque,  vert  très  foncé 
presque  noir. 

20"  {Petit  côté  o'"70,  grand  côté  o^'oSs). 
Nous  n'avons  retrouvé  aucun  échantillon 
de  ce  pavé.  Le  dessin  est  fait  d'après  un 
échantillon  découvert,  il  y  a  fort  longtemps, 
par  M.  Vallée,  un  des  propriétaires  de 
Champagne.  Terre  cuite,  dessins  incrustés 
en  terre  blanche,  vernis  jaunâtre.  Ce  pavé 
porte  comme  décoration  la  fleur  de  lis  de 
France,  et  le  château  de  Castille,  plus  un 
fleuron  ornemental. 

21°  {Grand  côté  o^oço,  petit  côté  o'"OJ2). 
Pavé  rectangulaire  décoré.  Terre  cuite, 
dessin  incrusté  en  terre  blanche,  vernis 
jaunâtre.  Le  dessin  n'est  pas  complet  avec 
un  pavé  ;  il  en  faut  deux,  on  a  alors  une 
fleur  de  lis  très  élégante.  Malheureusement 
nous  n'avons  trouvé  que  plusieurs  exem- 
plaires de  ce  seul  pavé  et  aucun  du  pavé  le 
complétant.  Nous  avons  essayé  une  recons- 
titution que  l'on  trouvera  plus  loin. 

22°  {Petit  côté  o'"oj8,  grand  côté  o'^ios). 


Pavé  rectangulaire.  Terre  cuite  recouverte 
d'un  émail  vert  très  foncé,  presque  noir. 

23°  {Grand  côté  0^^103,  petit  côté  0^^025). 
Pavé  parallélogrammatique  ;  même  compo- 
sition que  le  précédent. 

24°  {Hypothénuse  o"'/Oj).  Pavé  trian- 
gulaire. Même  composition  que  le  précé- 
dent. 

25°  {Grand  côté  0^115,  petit  côté  0^^040). 
Deux  pavés  parallélogrammatiques. 

26°  Même  composition  que  le  précédent. 

27°  (/"  côté  0^^024  ;  2"  côté  0"'045  ;  J' côté 
0,07 J  ;  4^  côté  0,100).  Pavé  dont  deux  côtés 
seulement  sont  parallèles.  Même  compo- 
sition que  le  précédent. 

28°  {Petit  côté  o'"o2S,  grand  côté  o'^o'/s). 
Pavé  parallélogrammatique.  Même  compo- 
sition que  le  précédent. 

29°  {Grands  côtés  o^^iii,  côtés  intérieurs 
0^^045,  petits  côtés  o"'oj'j).Pavé  en  forme  de 
V.  Terre  cuite,  engobe  blan'che,  vernis 
jaune  ;  aspect  général  en  résultant,  jaune 
citron. 

30°  {Grand  côté  0^^072,  petit  côté  0^^040). 
Pavé  triangulaire.  Même  composition  que 
le  précédent. 

31°  {Côté  o'^ojo).  Pavé  carré.  Même 
composition  que  les  n°'  22,  23,  etc.,  mais  il 
présente  cette  particularité  que  deux  sillons 
suivant  les  diagonales  sont  profondément 
gravés  à  sa  surface. 

32°  {Côté  o'^oSo).  Pavé  en  losange,  vert 
très  foncé.  Même  composition  que  les 
n°'  22,  23,  etc. 

2iT^°  {Côté  0^080).  Pavé  en  losange  ;  aspect 
jaune  citron.  Même  composition  que  les 
n°'  29,  30. 

Pour  ne  pas  y  revenir  constamment,  avec 
la  description  de  chaque  pavé, nous  donnons 
ses  dimensions  ce  qui  nous  dispensera 
d'indiquer  l'échelle  des  dessins. 

Enfin  nous  ajouterons  que  chaque  pavé 


354 


ISitWt  De  r^rt  cj)rctien. 


existe  en  demi  pavé.afin  de  pouvoir  carreler 
aisément  toute  surface  triangulaire  sans 
avoir  à  briser  de  carreaux. 

Les  pavés  retrouvés  en  plus  grand 
nombre  sont  ceux  numérotés  i,  2,  3.  En 
les  groupant  ils  ont  permis  de  former  le 
type  de  carrelage  A,  qui  devait  recouvrir 
la  plus  grande  partie  du  sol  du  sanctuaire. 
Les  autres  combinaisons  devaient,  suivant 
le  système  décoratif  employé  dans  ces  tra- 
vaux au  moyen  âge,  former  des  bandes  ou 
des  encadrements.  La  beauté  décorative  de 
ce  motif  est  très  grande.  Ce  beau  dessin 
est  assurément  de  la  fin  du  XI 11^  siècle 
autant  qu'on  en  peut  juger  par  le  style  seul. 

Les  n°'  4,  5  (24  ou  17)  ont  permis  de 
tenter  la  reconstitution  B.  Toutefois  le 
petit  pavé  en  croix,  placé  à  la  pointe  des 
écus,  n'ayant  pas  été  retrouvé  même  en 
unité,  il  est  impossible  de  rien  affirmer.  Les 
pavés  carrés  24  et  17,  unis  ou  décorés  de 
fleurs  de  lis,  pouvaient  être  alternés  et 
donner  ainsi  une  plus  grande  variété  d'as- 
pect. Un  architecte  de  nos  amis  nous  a 
suggéré  l'idée  que  nous  avions  là  un  sys- 
tème décoratif  de  revêtement  de  muraille 
plutôt  qu'un  dallage.  Ce  n'est  pas  impos- 
sible. Toutefois,  l'état  d'usure  du  pavé  aux 
armes  des  Riboul  ne  permet  guère  d'ad- 
mettre cette  hypothèse  :  il  ne  nous  serait 
pas  arrivé  si  détérioré  s'il  n'avait  subi  de 
longs  frottements  de  pas.  De  même  que  le 
précédent,  ce  carrelage  est  par  son  style 
du  XIII'  siècle. 

N°  13  (jaune  citron)  seulement.  Ce  sys- 
tème C  est  obtenu  avec  le  seul  pavé  n°  13  ; 
étant  monochrome,  il  devait  former  des 
bandes  ou  chemins.  Ajoutons  seulement 
que  les  joints  en  ciment  rougeâtre  rom- 
paient la  monotonie  de  la  teinte  générale. 
Il  est  difficile  d'indiquer  la  date  de  ce 
dallage,  il  peut  être  placé  aussi  bien  au 
XI  II<-' qu'au  XIV-^  siècle. 


D.  Système  composé  de  deux  pavés  les 
n°  15  (rouge,  terre  cuite)  et  25  (jaune 
citron).  Pour  différencier  quelque  peu  les 
teintes  sur  la  reproduction,  le  jaune  est 
indiqué  par  un  pointillé,  et  le  rouge  terre 
cuite  par  des  hachures.  Comme  toujours  les 
joints  en  ciment  avaient  leur  importance, 
n'étant  pas  d'une  épaisseur  négligeable. 

jE.  N°'  15,  14,  29,  25  et  26.  Système  plus 
complet  que  le  précédent,  employant  trois 
pavés  de  plus,  différents  de  forme  et  de 
couleur.  La  tonalité  de  ce  carrelage  est  des 
plus  riches.  Nous  avons  employé  des  ha- 
chures et  des  pointillés  pour  mettre  en 
valeur  les  différentes  colorations. 

K  N°^  II  et  12.  Les  pavés  11  et  12 
seulement  entrent  dans  le  système  /^  Les 
petits  disques  jaune  citron  se  détachent 
avec  la  plus  grande  vigueur  sur  le  fond 
vert,  presque  noir  et  le  dessin  est  complété 
par  les  joints  en  ciment.  Ce  système  est 
peut-être  de  la  fin  du  XII'  ou  du  commen- 
cement du  XI 11"^  siècle.  C'est  en  tous  cas 
celui  qui  paraît  le  plus  ancien. 

G.  N°  13.  Le  pavé  n°  13  intervient  dans 
ce  système  G,  avec  un  pavé  carré  dont  il 
n'a  pas  été  retrouvé  d'échantillon  certain. 
Nous  donnons  toutefois  ce  carrelage  à  titre 
de  renseignement. 

//.  N°  20.  Le  seul  pavé  n°  20  donne  la 
splendide  décoration  ci-jointe.  Les  fleurs 
de  lis  de  France  et  les  châteaux  de  Castille 
y  alternent  avec  un  fleuron  décoratif.  Ce 
motif,  de  la  plus  belle  époque  du  XII L 
siècle,  a  dû  être  fabriqué  vers  le  temps  de 
la  mort  de  saint  Louis  et  rien  ne  s'oppose 
à  penser  qu'il  environnait  le  tombeau  de 
l'évêque  G.  Rolland.  Ce  tombeau  de  grande 
richesse,  puisqu'il  était  en  cuivre  doré  et 
émaillé,  devait  se  présenter  admirablement 
sur  ce  fond  chaudement  polychrome. 

/.  N°  2  I  n'étant  que  partie  constituante 
d'un  système  de  deux  pavés, nous  proposon 


3Le  carrelage  îie  Tabbape  De  Clîanipagne, 


355 


la  reconstitution  ci-jointe  qui  semble  la 
seule  possible.  Nous  donnons  à  la  fois  le 
simple  trait  et  l'aspect  général. 

Ce  motif  paraît  être  du  XI V^  siècle, 
y.  N°^  lo,  14.  15,  19,  18,  32  et  33.  Sept 
pavés  interviennent  dans  ce  système  y.  Il 
comprenait  des  pavés  losanges  unis,  jaunes 
ou  verts,  et  décorés  avec  des  fleurs  de  lis 
(18).  La  plus  grande  variété  pouvait  être 
obtenue  avec  des  moyens  très  simples  ;  la 
monotonie  était  évitée, ce  qui  paraît  toujours 
avoir  été  la  préoccupation  des  décorateurs 
du  moyen  âge. 


Nous  laisserons  de  côté  les  combinaisons 
que  l'on  pourrait  obtenir  avec  les  pavés  6, 
7,  8,  9,  16,  22.  23.  27,  28:  nous  n'avons 
voulu  que  montrer  la  pensée  qui  avait 
présidé  à  la  composition  d'un  dallage  tel 
que  celui  de  Champagne.  D'ailleurs  des 
pavés  tels  que  le  n°  2  7, devaient  être  accom- 
pagnés de  nombre  d'autres  qui  ne  nous  sont 
pas  parvenus  ;  composer  des  combinaisons 
avec  ces  données  incomplètes  serait  faire 
oeuvre  d'imagination  et  ne  présenterait 
aucun  résultat  certain. 

J.   Chappée. 


a'^V:^  A^v!^  K^^  K^^  K^^  \^^  A^^  A^^  A^^  A^^  K^^  \^-H  \^^  ii^-A  \^^  ' 


txixiu:LiiJixiiJiiitiïJ'tiiiiJ-ïtXTiriTiiJiiiiriiKiiJiiriiiTiiiir]iTiiiitTiTTTTiTTiriiiixiiiiiiiiiiiiiiii:iiiiiiiiiiiiiiii:iTiiriiiLiiJiiiixiirTTiT^ 


li'Hrt  au  courent  B,  Gansto  aile  ffîuva  à  Florence. 


I 


Tnii  I  irnxrTTTnrxixxixuxiix 


im  rmiixxixxEtJ 


I 


X'ï 


['ANTIQUE  cité  de 
Sienne  a  donné  à  l'É- 
glise des  saints  illustres. 
Sainte  Catherine  et 
saint  Bernardin  sont, 
depuis  des  siècles,  res- 
ïl^wmn^^mmwS  tés  honorés  et  populai- 
res, mais  à  côté  d'eux  d'autres  Siennois, 
fondatori  di  Religioni,  fondateurs  d'Ordres 
religieux,  ont  apporté  au  christianisme  les 
bienfaits  de  leurs  vertus. 

Ils  sont,  il  faut  le  reconnaître,  trop  ou- 
bliés aujourd'hui. 

Bernard  Tolomei,Ambroise  Piccolomini, 
Patrice  Patricii  ont  fondé  l'Ordre  des  moi- 
nes blancs  du  célèbre  couvent  de  Monte 
Oliveto  Maggiore. 

Etienne  et  Jacques  ont  été  les  créateurs 
et  les  chefs  des  chanoines  réguliers  du  Saint- 
Sauveur. 

Jean  Colombino  a  fondé,  en  1 334,  l'Ordre 
des  Clerici  Apostoliques,  dits  Jésuates  de 
Saint-Jérôme. 

Il  appartenait  à  l'une  des  plus  anciennes 
familles  de  Sienne. 

Les  Colombini  descendent  de  la  colonie 
romaine  ;  pendant  des  siècles  elle  a  donné 
à  la  République  des  docteurs,  des  lettrés, 
des  gonfaloniers,  des  capitaines  et  des  am- 
bassadeurs. 

Ses  membres  occupèrent  également  d'im- 
portantes fonctions  à  Rome,  Bologne, 
Parme  et  Pérouse. 

La  famille  possédait  des  palais  à  Sienne 
et  plusieurs  châteaux  dans  les  environs. 

Jean  renonça  à  tous  les  avantages  qu'il 
pouvait  tirer  de  cette  situation  et  consacra 


sa  vie  à  la  piété,  au  soulagement  des  mal- 
heureux et  à  la  prédication. 

Il  alla  prêcher  à  Pise,  Lucques,  Pistoie, 
Florence,  Bologne,  Viterbe,  Arezzo  et  dans 
d'autres  localités.  Sans  peine  il  recruta  des 
frères  dans  l'élite  de  la  société  et  dans 
chaque  cité  importante  il  institua  un  rettore 
deiraninie,  un  directeur  spirituel. 

L'Ordre  fut  approuvé  à  Viterbe,  en  1 367, 
par  le  pape  Urbain  V,  de  passage  dans 
cette  cité. 

Colombino  était  allé  se  prosterner  aux 
pieds  du  pontife  ;  il  mourut  en  juin  de  la 
même  année  à  Aquapendente  des  suites  de 
la  fièvre  qu'il  avait  gagnée  aux  bords  du 
lac  de  Bolsène. 

Il  fut  béatifié. 

La  plus  ancienne  règle  codifiée  de  l'Ordre 
qui  a  été  conservée,  est  de  1426  ;  elle  fut 
plusieurs  fois  modifiée,notamment  en  1485. 

Les  frères  suivaient  la  règle  de  saint 
Augustin. 

Ils  n'étaient  pas  prêtres  mais  simples 
clercs  :  «  non  abiamo  violta  abilita de prete^b, 
nous  n'avons  pas  les  qualités  des  prêtres, 
dit  un  article  du  règlement. 

Ils  avaient  pris  saint  Jérôme  pour  pa- 
tron. 

On  les  appelait  aussi  Gesuati  ou  /nge- 
sîiati,  parce  qu'ils  prononçaient  très  sou- 
vent le  nom  de  Jésus. 

Le  peuple  les  désignait  habituellement 
sous  le  nom  de  pères  Alla  Calza,  à  cause 
de  la  forme  allongée  de  leur  capuchon  qui 
ressemblait  à  une  chausse. 

Je  reproduis  leur  coiffure  d'après  une 
miniature  du  XV^  siècle. 

La  robe  était  brune  et  la  coiffure  blanche, 
d'où   le  nom   de  Ingesuati  de  caputio  albo 


IL'^ixt  au  toutjent  ^.  (5msto  à  jFlorence. 


357 


qu'on  trouve  dans  quelques  écrits  du  XV^ 
siècle. 

On  les  connaît  aussi  à  Florence  sous  la 
dénomination  de  pères  du  couvent  de  Saint- 
Juste,  qui  fut  leur  première  résidence  près 
de  la  cité. 

Recruté  d'abord  dans  les  classes  élevées, 
l'Ordre  devint  bientôt  populaire;  il  eut  des 
maisons  dans  un  grand  nombre  de  cités 
italiennes  et  même  en  France,  à  Toulouse. 

Les  Jésuates  devaient,  d'après  la  règle 
de    l'Ordre,    éviter  l'oisiveté  ;  lorsque  les 


Coiffure  d'après  une  miniature  du  XV*^  siècle. 

oraisons  et  les  travaux  habituels  du  couvent 
étaient  terminés,  ils  pouvaient,  avec  l'au- 
torisation du  supérieur,  se  livrer  à  diverses 
occupations  manuelles  au  bénéfice  de  la 
communauté. 

Ils  usèrent  largement  de  cette  faculté 
et  acquirent  ainsi  de  grandes  richesses. 

Cette  prospérité  leur  fut  fatale. 

En  1668,  le  pape  Clément  IX  supprima 
l'Ordre  des  Jésuates  et  des  chanoines  de 
Saint-Georges  d  Alga  qui  possédaient  de 
grands  biens  en  Vénetie. 

Cette  mesure  extrême  fut  arrachée  au 
pape  par  la  République  de  Venise,  qui 
était  à  bout  de  ressources  ;  les  biens  des 
couvents   furent  vendus   en  grande  partie 


pour  soutenir  la  guerre  contre  les  Turcs  et 

les  frères  se  dispersèrent  dans  d'autres 
communautés  comme  leur  règle  leur  en 
donnait  la  facilité. 

Telle  est,  en  résumé,  l'histoire  de  l'Ordre 
des  Jésuates. 

Nous  allons  maintenant  nous  occuper 
de  leur  couvent  de  Florence,  le  seul  de 
leurs  établissements  sur  lequel  il  est  resté 
des  renseignements. 

II 

EN  l'année  1383,  le  Jésuate  Nanni  di 
Gualtieri  de  San  Gimignano,  gen- 
tihio)iio  honorato,  rettore  dell'ajtime,  prit  la 
résolution  d'établir  à  Florence  une  maison 
de  l'Ordre. 

Il  ne  pouvait  mieux  choisir. 

La  République  de  Florence  s'est  toujours 
montrée  très  favorable  aux  couvents,  non 
seulement  par  esprit  de  piété,  mais  à  cause 
du  bénéfice  moral  et  matériel  qu'elle  tirait 
des  corporations  religieuses. 

Dès  1206,  elle  avait  accueilli  avec  em- 
pressement les  frères  Umiliati,  très  experts 
dans  le  travail  de  la  laine  ;  elle  leur  concéda 
des  terrains  et  des  privilèges,  notamment 
l'exemption  des  impôts,  et  la  faveur  de 
recevoir  le  sel  gratuitement  de  la  Com- 
mune. Les  Umiliati  fondèrent  réellement 
à  Florence  l'industrie  de  la  laine,  qui  fut 
l'un  des  éléments  les  plus  efficaces  de  la 
prospérité  de  la  République. 

Les  Jésuates  ne  s'établirent  pas  dans 
l'intérieur  de  la  cité,  mais  hors  de  la  porte 
Pinti,  dans  un  modeste  couvent  de  reli- 
gieuses, bâti  depuis  un  siècle  environ,  et 
presque  abandonné.  Les  religieuses,  en  très 
petit  nombre,  furent  placées  dans  l'intérieur 
de  Florence. 

Le  couvent  était  sous  le  vocable  de 
saint  Juste,  archevêque  de  Lyon   à  la  fin 


358 


5Retoue  ïje  T^rt  cbrctien. 


du  IVe  siècle.  Quelques  historiens  Flo- 
rentins pensent  que  saint  juste  n'était  pas 
archevêque  de  Lyon,  mais  évêque  de  Vol- 
terra. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'ancien  couvent  portait 
le  nom  de  Convenlo  di  S.  Giusto. 

Les  Jésuates  le  quittèrent  vers  1438, 
pour  s'établir  dans  de  nouveaux  et  plus 
vastes  bâtiments  que  l'extension  de  leurs 
industries  avait  rendus  nécessaires  ;  la  nou- 
velle maison  continua  cependant  à  porter 
le  nom  de  S.  Giusto. 

Elle  fut  construite  hors  de  la  porte  Pinti 
et  prit  le  nom  de  Convento  di  San  Gitcsto 
aile  Mura. 

La  porte  a  été  démolie  de  notre  temps, 
ainsi  que  toute  l'ancienne  enceinte  de  Flo- 
rence sur  la  rive  droite  de  l'Arno. 

La  rue  di  Pinti  existe  toujours  ;  elle 
conduisait  jadis  à  Fiesole  ;  sa  dénomination 
provient,  selon  les  uns,  de  terrains  apparte- 
nant à  un  propriétaire  nommé  Pinti,  selon 
d'autres,  d'un  couvent  de  filles  repenties, 
pentite,  d'où,  par  abréviation,  le  peuple  a 
fait  Pinti  ('). 

La  situation  est  très  belle.  De  la  plaine, 
le  regard  embrasse  les  collines  et  les 
montagnes  de  la  vallée  de  l'Arno  :  Fiesole, 
le  mont  Ceceri,  Vallombrosa,  le  mont  Con- 
suma au  loin,  et  plus  près  les  collines  de 
San  Miniato. 

Tout  l'horizon  présente  les  lignes  douces 
et  harmonieuses  de  l'Apennin  toscan  que 
les  peintres  du  XV<^  siècle  se  plaisaient  à 
choisir  pour  les  fonds  de  leurs  fresques  et 
tableaux. 

L'architecte  fut  Antonio  di  Giorgio  da 
Settignano  ;  Antonio  évidemment  ne 
compte  pas  parmi  les  grands  architectes  de 


I.  [.es  modifications  des  anciens  noms  de  Florence 
ne  sont  pas  rares  :  de  l'oratoire  de  San  Michèle  in  Orlo, 
on  a  fait  Or  San  Michèle  ;  de  la  rue  Santa  Maria  sopra 
Porta,  on  a  fait  Por  Santa  Maria. 


Florence  du  XV^  siècle  ;  mais  alors  l'archi- 
tecture avait  atteint  un  si  haut  degré,  qu'on 
pouvait  être  très  bon  architecte  sans  être 
dans  le  premier  rang. 

Les  constructions  d'Antonio  da  Setti- 
gnano furent  détruites  en  1529,  comme 
on  le  verra  plus  loin. 

Il  n'en  reste  ni  plans,  ni  traces,  mais  au 
moyen  de  documents  d'archives  et  de  la 
description  faite  par  Vasari  qui  fréquen- 
tait chez  les  Jésuates,  il  est  possible  de  se 
faire  une  idée  assez  juste  du  couvent  et  de 
ses  dépendances. 

Nous  réservons  les  œuvres  d'art. 

En  sortant  de  la  porte  Pinti,  on  arrivait 
au  couvent  par  une  allée  où  se  trouvait  un 
tabernacle. 

La  façade  du  couvent  était  pourvue  d'une 
loggia  à  colonnes. 

De  cette  loggia  on  entrait  dans  l'église 
décorée  de  peintures  et  de  sculptures  ;  der- 
rière l'autel  majeure  se  trouvait  un  portique 
d'ordre  dorique  en  bois  de  noyer  sculpté. 

Au-dessus  de  la  porte  principale,  l'archi- 
tecte avait  disposé  une  tribune  très  com- 
mode pour  les  oraisons  de  nuit  des   frères. 

La  même  loggia  donnait  accès  dans  le 
couvent. 

C'était  d'abord  un  petit  cloître  à  co- 
lonnes, avec  un  beau  puits  à  baldaquin  au 
centre. 

De  ce  cloître  on  pouvait  entrer  dans 
l'église  et  au  secrétariat. 

Après  cet  enclos  réservé  au  public  on 
pénétrait  dans  le  couvent  proprement  dit. 

Il  possédait  trois  autres  cloîtres  avec  por- 
tiques à  colonnes  de  pierre,  surmontés  d'au- 
tant de  cloîtres  en  bois,  d'où  la  vue  s'éten- 
dait sur  Florence,  Fiesole  et  la  vallée  de 
l'Arno. 

Le  grand  cloître  dont  les  colonnes  étaient 
garnies  de  ceps  de  vigne,  conduisait  dans 
le  jardin,  très  bien  cultivé  en  fleurs  et  réputé 


IL'Zvt  au  cout)ent  ^.  mn&to  à  jflorence. 


359 


l'un  des  plus  beaux  de  Florence,  qui  en  a 
toujours  compté  et  en  compte  encore  beau- 
coup de  fort  beaux. 

Au  premier  étage  se  trouvaient  les  dor- 
toirs, diverses  chambres  et  un  oratoire. 

Le    couvent  était    pourvu  d'annexés  et 
de  cours  aménagées  pour  le  service  :  cui- 
sines, boulangerie,  celliers,  bûchers  et  labo 
ratoirespour  les  diverses  industries  exercées 
parles  Jésuates. 

Le  plan  du  couvent  n'avait  rien  de  par- 
ticulier ;  presque  tous  les  couvents  italiens 
du  X\^^  siècle  sont  à  peu  près  du  même 
type  en  tant  que  dispositions  élégantes  et 
confortables. 

Les  Jésuates  n'avaient  pas  de  foreste- 
ria.  appartement  pour  les  étrangers,  dont 
étaient  pourvus  généralement  les  couvents 
situés  loin  des  agglomérations  ;  le  voisi- 
nage de  Florence  rendait  inutile  un  pareil 
aménagement. 

Un  historien  florentin  dit  que  les  Jé- 
suates avaient  dépensé  100,000  florins  pour 
la  construction  et  la  décoration  de  leur 
couvent. 

Toute  discussion  sur  ce  chiffre  serait 
vaine  :  d'abord  la  réalité  de  la  somme  n'est 
pas  démontrée  et  le  serait-elle  qu'elle  ne 
nous  donnerait  qu'une  idée  très  incertaine 
de  la  dépense. 

Pour  l'apprécier  en  monnaie  de  notre 
temps,  il  faudrait  avant  tout  connaître  la 
décroissance  de  la  puissance  d'achat  de  l'or 
depuis  le  XV^  siècle. 

Sur  cette  décroissance  les  économistes 
ne  sont  nullement  d'accord. 

Au  XVe  siècle  le  florin  d'or  de  la  Répu- 
blique de  Florence,  accepté  dans  le  monde 
entier,  était  en  or  pur  sans  alliage. 

Son  poids  était  à  peu  près  celui  d'une 
pièce  d'or  de  notre  temps  qui  vaudrait 
1 1 ,  "^o  à  1 2  fr. 


Les  uns  veulent  que  ce  florin  avait  une 
puissance  d'achat  égale  à  60  francs  d'au- 
jourd'hui, les  autres  ne  vont  qu'à  35  ou 
40  francs  ;  je  penche  vers  cette  dernière 
opinion. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  Jésuates  étaient 
très  riches,  beaucoup  trop  riches  même, 
car  cette  richesse  fut  la  cause  de  la  suppres- 
sion de  l'Ordre. 

Ils  tiraient  leurs  revenus  des  différentes 
industries  qu'ils  pratiquaient. 

III 

COMME  d'autres  moines,  ils  distillaient 
des  plantes  à  usage  de  pharmacie  et 
de  parfumerie,  mais  ils  étaient  aussi  distil- 
lateurs de  raisins,  d'où  le  nom  à.it  padri  del- 
l'acquavite,  pères  de  l'eau-de-vie,  que  les 
Florentins,  toujours  narquois,  ne  tardèrent 
pas  à  leur  donner. 

Les  distillations  ne  les  occupaient  pas 
exclusivement.  Ils  étaient  maîtres-verriers 
et  fabricants  de  couleurs. 

Nous  n'avons  pas  à  faire  ici  l'histoire  des 
vitres  et  des  vitraux,  mais  seulement  à  ré- 
sumer ce  que  l'on  sait  des  Jésuates  dans 
cette  fabrication  et  l'on  sait  fort  peu  de 
choses. 

On  ignore  l'époque  de  leur  début  dans 
ce  genre  de  travaux,  mais  on  croit,  sans 
cependant  qu'il  y  ait  des  preuves  à  l'appui, 
que  les  vitraux  de  couleur  d'Or  San 
Michèle  viennent  des  Jésuates. 

Les  fenêtres  et  les  lunettes  des  portes 
du  sanctuaire  ont  été  construites  par  l'ar- 
chitecte Talenti  vers  1378  et  terminées 
plusieurs  années  après  par  d'autres  archi- 
tectes ;  or  les  Jésuates  se  sont  installés  hors 
la  porte  Pinti  en  1383.  Les  dates  ne  s'oppo- 
sent donc  pas  à  l'hypothèse,  d'autant  que 
les  verrières  ont  pu  être,  sans  inconvénients, 
placées  plusieurs  années  après  l'achèvement 


36o 


BeDue  lie  V^xt  chrétien. 


de  l'architecture,  l'oratoire  étant  ouvert  sur 
ses  quatre  faces. 

Les  anciens  vitraux  d'Or  San  Michèle 
qui  subsistent  prouvent  que  les  Jésuates 
étaient  très  habiles  peintres  verriers;  leurs 
couleurs  sont  franches,  vibrantes  et  d'une 
parfaite  transparence,  mais  en  tant  que 
composition  les  vitraux  laissent  beaucoup 
à  désirer.  Certains  motifs  ne  s'expliquent 
pas,  tant  ils  sont  confus;  dans  d'autres  c'est 
avec  peine  qu'on  distingue  les  sujets. 

Les  Jésuates  ont  travaillé  aussi  à  la 
cathédrale  de  Sainte- Marie  de  la  Fleur, 
sur  des  modèles  qu'on  leur  fournissait.mais 
on  ne  connaît  pas  exactement  les  verrières 
qui  leur  appartiennent. 

Ils  avaient  le  sentiment  de  leur  infé- 
riorité pour  la  composition  des  sujets  et 
attachèrent  à  leur  maison  des  artistes  ca- 
pables de  fournir  des  modèles. 

En  1477,  l'archevêque  d'Arezzo  leur  de- 
manda un  vitrail  représentant  Jésus-Christ 
et  saint  Donato.  La  commande  dit  expres- 
sément que  le  vitrail  doit  être  cuit  au  feu 
et  non  peint  à  l'huile,  ce  qui  indique  qu'il  y 
avait  déjà  alors  des  vitraux  peints  à  l'huile 
en  transparence,  comme  on  en  voit  encore 
dans  quelques  églises. 

Ils  firent,  en  1570,  pour  l'église  San 
Girolamo  à  Sienne,  un  vitrail  avec  la  Sainte 
Trinité. 

Les  Jésuates  fabriquaient  aussi  des  vitres 
blanches  et  des  vitraux  avec  des  ornements 
en  couleur  ;  ils  eurent  dans  ce  genre  plu- 
sieurs commandes  pour  le  Palais  de  la  Sei- 
gneurie de  Florence. 

Ils  ont  travaillé  en  1558  et  1568  aux 
vitraux  de  la  bibliothèque  Laurentienne 
composés  dans  l'élégant  style  de  Jean  d'U- 
dine  et  probablement  par  lui-même. 


IV 

L'HISTOIRE  n'a  retenu  que  les  noms 
de  deux  artistes  employés  par  les 
Jésuates  pour  les  modèles  de  vitraux. 

Francesco  Granacci  (  147  i- 1544),  un  des 
meilleurs  élèves  de  Domenico  Ghirlandaio, 
était  un  peintre  très  distingué  ;  il  excellait 
surtout  dans  les  ouvrages  de  décoration  : 
bannières,  arcs  de  triomphe  pour  les  fêtes, 
organisation  et  costumes  des  cortèges,  tou- 
tes choses  très  prisées  par  les  Florentins. 
On  ne  connaît  pas  les  travaux  qu'il  fit  pour 
les  Jésuates. 

Giovanni  Agnolo  da  Montorsoli  (') 
(' 507- ■  563)  n'est  resté  que  peu  de  temps 
au  couvent  de  San  Giusto. 

Son  histoire,  décrite  en  détail  par  Vasari, 
est  intéressante  ;  je  vais  la  résumer  très 
brièvement  pour  montrer  comment  un  en- 
fant bien  doué  pour  les  arts,  pouvait  faire 
son  chemin  au  XVI''  siècle. 

Giovanni  a  débuté  à  Fiesole  chez  un  scal- 
pellino,  tailleur  de  pierres  ;  d'autres  sculp- 
teurs plus  célèbres  que  lui  ont  commencé 
de  la  même  façon. 

A  Fiesole  il  fut  remarqué  par  le  sculp- 
teur Andréa,  excellent  dessinateur  qui  lui 
donna  des  leçons. 

Giovanni,  qui  aimait  les  voyages,  s'en  fut 
à  Rome  avec  plusieurs  scalpellini  pour  tra- 
vailler à  la  basilique  de  Saint-Pierre  alors 
en  construction;  de  là  il  alla  à  Pérouse  et 
à  Viterbe.  Puis  il  vint  à  Florence,  où  il 
fut  agréé  par  Michel-Ange  pour  les  travaux 
de  la  chapelle  et  de  la  libreria  de  l'église 
de  Saint- Laurent. 

De  Florence  il  se  rendit  dans  le  Casen- 
tin  aux  Camaldules  et  à  la  Verna. 


I.  Rappelons  que  le  mot  da  précédant  le  nom  d'une 
localité,  sii^nifie  généralement  que  la  personne  dont  il  est 
tliiestion  est  originaire  île  cette  localité  ;  cependant  ce 
n'est  pas  toujours  exact  :  Mino  da  Kiesole,  par  exemple, 
n'est  pas  natif  de  Fiesole,  mais  de  Poppi  dans  le  Casen- 
tin,mais  il  s'est  illustré  pendant  son  séjour  ;\  Fiesole. 


3L';art  au  coutjent  â)*  (I5tusto  à  iflorence. 


361 


Il  revint  à  Florence,  se  présenta  chez  les 
Jésuates,  qui  l'accueillirent  avec  bienveil- 
lance, espérant  trouver  en  lui  un  compo- 
siteur de  modèles  de  vitraux. 

Là  il  fit  la  coimaissance  d'un  frère  Servite 
qui  venait  dire  la  messe  au  couvent  San 
Giusto,  les  Jésuates,  n'étant  pas  prêtres,  ne 
pouvaient  célébrer  le  saint  Sacrifice  de  la 
Messe. 

Le  Servite  persuada  Giovanni  Agnolo 
qu'il  perdrait  son  temps  chez  les  Jésuates, 
«  qui  ne  font  que  dire  des  prières,  fabriquer 
des  vitres,  distiller  des  plantes,  cultiver 
les  Jardins  et  autres  choses  semblables  sans 
étudier  et  s'occuper  de  littérature.  » 

Agnolo  se  laissa  persuader  ;  il  fut  accepté 
par  les  Servîtes  «  considérant  que  la  mai- 
«  son  avait  besoin  d'un  homme  qui  savait 
«  peindre  et  faire  des  images  et  qu'en 
A  travaillant  il  pourra  être  utile  au  cou- 
«  vent.  » 

En  1532,  le  prieur  des  Servites  le  pro- 
posa «  pour  faire  des  images  dans  les 
«  conditions  où  d'autres  en  ont  fait  avant 
«  lui,  car  beaucoup  de  ces  images  étaient 
«  gâtées.  » 

Peu  de  temps  après  Agnolo  fut  reçu 
et  prit  le  nom  de  Fra  Giovanni    d'Agnolo. 

Il  ne  paraît  pas  avoir  beaucoup  travaillé 
au  couvent  des  Servites  de  Florence,  car  il 
continua  ses  pérégrinations. 

Michel-Ange  avait  apprécié  son  talent;  il 
le  fit  agréer  au  pape  Clément  VII  pour  la 
restauration  de  plusieurs  statues  antiques 
conservées  au  Vatican, 

Giovanni  revint  à  Florence,  où  il  aida  Mi- 
chel-Ange dans  ses  travaux  de  la  nouvelle 
sacristie  deSaint- Laurent;  Michel-Ange  lui 
confia  notamment  la  statue  de  saint  Cosme, 
dont  il  eut  soin  cependant  de  retoucher  la 
tête  et  le  bras. 

Le  frère  s'en  fut  ensuite  travailler  à  Gê- 
nes, Venise,  Padoue,  Vérone,  Mantoue,  Bo- 


logne, Messine  ;  enfin,  fatigué  de  ces  péré- 
grinations et  de  son  labeur,  Giovanni  liquida 
sa  position  ;  il  avait  gagné  personnellement 
une  belle  fortune. 

Il  dota  ses  neveux  ;  laissa  aux  hôpitaux 

de    Naples  de  l'argent  pour  les  aumônes, 

I    et    à  son    couvent  des  Servites   une  forte 

somme   pour  acheter  une  terre.  Il   institua 

pour    quelques  membres  de  sa  famille  des 


rentes  viagères. 


Après  quoi  il  rentra  au  couvent  de  Flo- 
rence, où  les  Servites  l'accueillirent  avec 
grande  satisfaction. 

Il  mourut  en  1  563. 

Fra  Giovanni  Agnolo  da  Montorsoli  ne 
peut  être  mis  au  rang  des  grands  sculp- 
teurs de  Florence,  mais  il  fut  un  bon  et 
consciencieux  artiste. 

Les  Jésuates  en  le  prenant,  avaient  eu  le 
sentiment  de  sa  valeur. 

Dans  les  rangs  des  Jésuates  on  cite  quel- 
ques peintres  : 

Giuliano  da  Firenze,  mort  à  Sienne  de 
j  la  peste  en  1487  ;  il  aurait  peint  dans  cette 
cité  un  tabernacle  avec  la  Madone  et 
plusieurs  ouvrages  dans  le  couvent  des 
Jésuates  ;  on  nomme  aussi,  mais  sans  dé- 
tails, Benedetto  da  Brescia,  dont  je  n'ai 
trouvé  le  nom  nulle  part,  et  Benedetto  da 
Lucca.  J'ai  relevé  à  la  date  de  1690,  un 
peintre  nommé  Benedetto  da  Lucca,  mais 
sans  indication  de  ses  travaux  ;  il  est  pos- 
sible que  ce  fut  un  ancien  Jésuate  ayant 
survécu  à  la  suppression  de  l'Ordre,  effec- 
tuée en  1688. 

Les  Jésuates  ont  aussi  compté  dans  leur 
corporation  des  théologiens,  des  mathéma- 
ticiens, des  ingénieurs  et  des  mécaniciens. 

Fra  Giovanni  da  Milano  a  construit  en 
1425  l'horloge  du  palais  public  de  Sienne 
et  vers  1640,  fra  Bonaventura  Cavalieri  a 
inventé  une  pompe  hydraulique  encore  en 
usage  et  qui  porte  son  nom. 


302 


Brbue  îje  r^rt  chrétien. 


V 


L'INDUSTRIE  des  vitraux  peints 
avait  amené  les  Jésuates  à  la  fabrica- 
tion des  couleurs. 

Ici  encore  nous  sommes  dans  une  igno- 
rance à  peu  près  complète,  car  nous  ne  con- 
naissons du  couvent  qu'une  seule  couleur  : 
Vazzîirro  oltramarino,  le  bleu  d'outre-mer  ; 
il  est  vrai  qu'elle  est  de  première  impor- 
tance. 

Très  fréquemment  dans  les  lettres  des 
peintres  et  dans  les  contrats  passés  par 
devant  notaires  entre  eux  et  leurs  clients,  il 
est  question  de  cette  couleur. 

Elle  était  d'un  prix  très  élevé,  on  dit 
qu'elle  valait  littéralement  son  poids  en  or  ; 
aussi  le  peintre  stipulait  parfois,  en  plus  du 
prix  de  la  peinture,  une  indemnité  spéciale 
pour  le  bleu  ou  l'obligation  par  le  client 
d'en  fournir  la  quantité  nécessaire. 

J'ignore  l'origine  de  la  qualification  outre- 
mer ;  je  ne  sais  pas  non  plus  à  quelle  époque 
les  Jésuates  parvinrent  à  fabriquer  lacouleur 
et  à  la  faire  adopter  à  la  place  de  Xazzurro 
délia  Magna,  l'azur  d'Allemagne,  alors 
apprécié  en  Italie  ;  il  n'est  pas  douteux 
cependant  que  déjà  vers  le  milieu  du  XV^ 
siècle,  le  bleu  des  Jésuates  était  très  estimé. 

Pierre  de  Médicis,  dit  le  Goutteux,  fils  de 
Côme  le  Vieux,  confia  à  Benozzo  Gozzoli 
la  décoration  de  la  chapelle  du  palais  élevé 
par  son  père  vers  1430  ('). 

Benozzo  a  exécuté  là  de  1459  à  1463  la 
splendide  fresque  représentant  le  cortège 
des  Rois  mages  se  rendant  à  Bethléem. 

Avant  de  se  mettre  au  travail,  Gozzoli 
écrivit  à  Pierre  de  Médicis  de  lui  faire  tenir 
de  Xazzurro  deg  Jesuati. 

Benozzo  n'en  était  pas  à  ses  débuts  ;  il 

1.  On  sait  que  ce  magnifique  édifice  dlevé  par  Michelozzo 
est  connu  sous  la  dénomination  de  palais  Riccardi,  nom 
de  la  famille  qui  l'a  acheté  en  1659.  Il  eût  été  plus  juste 
de  lui  conserver  le  nom  de  Palais  des  Médicis. 


avait  déjà  exécuté  des  peintures  à  Florence, 
à  San  Gimignano,au  couvent  du  Monte  Oli- 
veto  Maggiore,  à  l'église  de  San  Francesco 
à  Montefalco  ;  s'il  a  fait  choix  de  l'azur  des 
Jésuates  c'est  qu'il  en  avait  reconnu  les 
qualités. 

Michel-Ange  aussi  connaissait  cet  azur. 

Le  10  mai  1508,  il  s'était  mis  à  l'œuvre 
au  plafond  de  la  chapelle  Sixtine. 

Trois  jours  après  il  expédia  à  Florence 
la  lettre  suivante  : 

«  Au  Révérend  père  en  Jésus-Christ, 
«  frère  Jacopo,  Jésuate  à  Florence. 

»  Frère  Jacopo, 

»  Ayant  à  faire  peindre  ici  certaines  cho- 
ses, ou  bien  à  peindre,  il  m'arrive  de  vous  en 
donner  avis  parce  qu'il  m'est  nécessaire 
d'avoir  une  certaine  quantité  de  bel  azur  ; 
et  si  vous  pouviez  m'en  livrer  à  présent,  cela 
me  serait  bien  commode.  Pour  cela  veuillez 
envoyer  ici  à  vos  frères,  la  quantité  que  vous 
avez  ;  qu'il  soit  beau  et  je  vous  promets  d'y 
mettre  le  juste  prix.  Et  avant  que  je  prenne 
livraison  de  cet  azur,  je  vous  ferai  payer  ici 
ou  là-bas  où  vous  voudrez. 

»  Votre  Michel- Ange, 
))  Sculpteur  à  Rome. 

»  Ce  treize  de  mai  1508.  » 

On  remarque  que  Michel-Ange  travail- 
lant à  la  Sixtine  comme  peintre,  se  qua- 
lifie de  sculpteur. 

En  revanche  Orcagna,  qui  a  sculpté  en 
1359  le  tabernacle  d'Or  San  Michèle,  a 
signé  son  œuvre  :  pictor  fiorentinus ! 

L'emploi  du  bleu  d'outremer  en  fresques 
présente  des  inconvénients, quelle  qu'en  soit 
la  qualité. 

Il  ne  résiste  ni  à  l'humidité  permanente, 
ni  au  lavage  à  l'eau,  ce  qui  est  une  cause  de 
dégradation.  Mais  sur  un  mur  sec  et  à  l'abri 
de  pluie  il  se  conserve  parfaitement,  ainsi 


iL'^rt  au  cout)ent  â)»  (Binsto  à  jfloreuce. 


363 


que  le  montrent  les  fonds  bleus  des  fres- 
ques peintes  par  Giotto  en  1306  à  l'église 
de  la  Madone  dell'Arena  à  Padoue. 

Il  n'est  pas  probable  que  les  Jésuates  se 
soient  bornés,  en  fait  de  couleurs,  à  la  fa- 
brication du  bleu  d'outre-mer,  mais  aucun 
document  ne  fournit  des  renseignements  sur 
la  question. 

VI 

LES  Jésuates  vécurent  sans  incidents 
dans  leur  couvent  de  San  Giusto  aile 
Mura  jusqu'en  1529. 

En  cette  année  Philibert  d'Orange,  lieu- 
tenant de  Charles  -  Quint,  vint  attaquer 
Florence  pour  y  ramener  les  Médicis  qui 
avaient  été  chassés. 

Le  quartier  général  impérial  s'établit  à 
San  Salvi  au  large  de  la  porte  Pinti  ;  Flo- 
rence prit  la  résolution  de  défendre  à 
outrance  sa  liberté  et  son  indépendance  et 
fit  dans  ce  but  d'immenses  sacrifices,  désas- 
treux pour  l'art. 

La  presque  totalité  de  l'orfèvrerie  reli- 
gieuse des  églises  et  des  couvents  fut  en- 
voyée à  la  monnaie;  tous  les  bâtiments  qui 
pouvaient  faciliter  les  approches  de  l'assié- 
geant furent  rasés  ;  le  7  octobre  1529,1e 
peuple  jeta  bas  tout  le  couvent  des  Jésuates 
et  ne  laissa  debout  que  le  tabernacle  situé 
sur  le  chemin  de  la  porte  Pinti. 

Les  Jésuates  furent  provisoirement  logés 
chez  les  habitants  de  Florence,  puis  dans 
plusieurs  maisons  religieuses  et  finalement 
dans  un  couvent  près  de  la  porte  San  Pier 
Gattolini,  nommée  depuis  porta  Romana. 

Une  bulle  du  pape  Clément  XII,  datée  de 
1531,  les  confirma  dans  leur  nouvelle  pro- 
priété. Ils  reçurent  de  la  Commune  pour 
leur  couvent  de  S.  Giusto  une  indemnité 
qui  fut  bien  loin  de  compenser  les  pertes 
qu'ils  avaient  subies,  mais  qui  cependant 
témoigne  de  l'esprit  de  justice  qui  animait 
Florence. 


L'établissement  de  la  porte  San  Pier 
Gattolini  prit  le  nom  de  S.  Giusto  a  S. 
Girolamo  de'  Gesuati,  mais  le  peuple  con- 
tinua à  l'appeler  de//a  Ca/sa,  et  on  le 
nomme  encore  ainsi. 

Après  la  suppression  en  1668  de  l'Ordre 
des  Jésuates,  l'établissement  fut  acheté  par 
la  Congrégation  du  Saint-Sauveur  de  l'Ar- 
chevêché. 

La  Congrégation  avait  pour  but  l'instruc- 
tion des  jeunes  gens  pauvres,  particulière- 
ment de  ceux  de  la  campagne,  qui  se  desti- 
naient à  la  vie  ecclésiastique. 

Après  diverses  modifications,  les  frères 
de  la  Congregazione  di  sacerdoti  secolari  di 
Gesu  Salvatore  continuèrent  une  œuvre 
si  utile.  Ils  sont  toujours  là  très  modestes 
et  très  respectés  ;  ils  reçoivent  comme  pen- 
sionnaires trente  jeunes  gens  moyennant 
une  légère  rétribution. 

VU 

J'ARRIVE  enfin  aux  œuvres  d'art  com- 
mandées par  les  Jésuates. 
Des  fresques  du  couvent  de  S.  Giusto 
aile  Mura  nous  ne  savons  que  ce  que  Vasari 
qui  les  a  vues  en  rapporte.  Des  sculptures, 
des  orfèvreries  religieuses,  des  parements 
de  l'église,  rien  n'a  été  conservé. 

Des  manuscrits,  il  n'en  reste  que  trois. 

Des  tableaux,  quatre  ont  été  sauvés  du 
désastre  de  1529,  les  Jésuates  ayant  eu 
soin  de  les  transporter  dans  F'iorence  ;  ils 
sont  restés  longtemps  à  la  Calza;  à  présent 
ils  figurent  dans  les  galeries  royales  de  la 
cité. 

Les  Jésuates  ont  fait  travailler  Gherardo 
(1407-1470). 

Il  a  peint  à  fresque  au-dessus  de  la  porte 
d'entrée  du  couvent  un  médaillon  avec 
San  Giusto  et  deux  anges. 

Gherardo  est  surtout  renommé  pour  ses 
miniatures,  mais  il  a  fait  également  des  ta- 


bleaux  et  des  fresques.  La  pinacothèque  de 
Bologne  conserve  de  lui  un  très  bel  ouvrage 
le  Mariage  mystique  de  sainte  Catherine. 

A  Florence  il  y  a  de  lui  un  tabernacle 
sur  rue,  toujours  clos  par  des  volets  peints. 
J'ai  cependant  pu  le  voir  ;  il  montre  la  Ma- 
done avec  l'Enfant,  et  les  saints  François, 
Jérôme,  Dominique,  Benoît  et  Michel  ar- 
change ;  la  peinture  a  été  retouchée,  mais 
la  Madone  et  l'Enfant  sont  intacts  ;  il  m'a 
paru  que  ces  figures  tiennent  un  peu  de 
Botticelli  ;  en  ce  cas  elles  seraient  d'une 
époque  ou  Gherardo  était  déjà  âgé. 

Vasari  raporte  que  Gherardo  fit  sur  le 
mur  extérieur  de  l'église  San  Egidio,  au 
couvent  de  Santa  Maria  Nuova  à  Florence 
la  grande  fresque,  toujours  en  vue,  repré- 
sentant le  pape  Martin  \,  pontificat  de 
141 7  à  1431,  confirmant  les  privilèges  ac- 
cordés au  sanctuaire. 

L'assertion  de  Vasari  est  fort  contes- 
table. La  fresque  a  beaucoup  souffert  ;  elle 
a  visiblement  été  retouchée  et  par  suite  dé- 
naturée. Il  est  difficile  d'en  juger;  en  tous 
cas  c'est  un  ouvrage  secondaire,  assez  bien 
composé  cependant. 

La  peinture  fait  pendant  à  une  autre 
grande  fresque  de  Lorenzo  di  Bicci  de 
1420,  représentant  le  pape  Martin  V  et  le 
cardinal  Antonio  de  Bologne  consacrant 
l'église  en  14 19. 

Je  cite  cet  ouvrage  parce  qu'il  est  très 
bon  et  surtout  à  cause  des  moyens  de  con- 
servation qu'on  a  employés,  de  notre  temps 
pour  en  empêcher  la  dégradation. 

La  conservation  d'une  peinture  murale 
en  plein  air  est  toujours  difficile  ;  le  moyen 
qu'on  a  employé  pour  la  fresque  de  Loren- 
zo di  Bicci  me  semble  le  meilleur  et  le  plus 
pratique. 

A  environ  vingt  centimètres  du  mur  on 
a  posé  un  vitrage  sans  montants  ;  aux 
quatre  côtés,  entre  les  vitres  et  la  peinture, 


on  a  appliqué  une  toile  métallique,  assez 
serrée  pour  s'opposer  au  passage  de  la  pous- 
sière tout  en  laissant  pénétrer  l'air. 

Gherardo  de  plus  était  mosaïste  II  com- 
posa en  vue  de  cet  art  des  cartons  destinés 
à  la  chapelle  San  Zenobi  de  l'église  Sainte- 
Marie  de  la  F"leur  ;  ces  mosaïques  n'exis- 
tent plus. 

Les  Jésuates  estimaient  sans  doute 
qu'un  mosaïste  leur  serait  utile  pour  les  vi- 
traux peints,  et  en  ceci  ils  étaient  dans  le 
vrai  ;  un  carton  de  mosaïque  peut  en  effet 
parfaitement  servir  à  un  vitrail  et  réci- 
proquement, si  le  metteur  en  œuvre  sait 
employer  judicieusement  les  qualités  ex- 
pressives des  matières  vitrifiables,  opaques 
pour  la  mosaïque,  transparentes  pour  les 
vitraux. 

L'exemple  de  Gherardo  et  d'autres  mon- 
tre qu'un  miniaturiste  peut  en  même  temps 
se  livrer  à  la  peinture  décorative  et  aux 
tableaux  d'autels. 

Il  est  probable  que  Gherardo  peignit 
aussi  des  miniatures  pour  les  Jésuates  ;  on 
peut  admettre  également  que  Boccardino.le 
jeune,  miniaturiste  qui  a  beaucoup  travaillé 
pour  les  couvents  de  Florence, a  également 
été  employé  par  les  Jésuates.  Il  ne  semble 
pas  que  Pérugin  ail  illustré  quelques-uns  de 
leurs  manuscrits  ;  dans  aucun  écrit  il  n'est 
question  de  Pérugin  miniaturiste. 

Les  manuscrits  des  Jésuates  conservés 
dans  les  bibliothèques  de  Florence  ne  sont 
qu'au  nombre  de  trois  dont  deux  du  XV*^ 
siècle  et  un  du  XV  l^.  Ils  sont  d'une  écri- 
ture très  soignée,  encadrés  de  listels  et  de 
fieurs.  Ceux  du  XV^  siècle  ont  quelques 
petites  miniatures  d'une  grande  finesse  :  la 
Déposition  du  Christ,  l'Enfant  Jésus  et 
saint  Jean,  le  bienheureux  Colombini  et 
deux   autres  Jésuates,    le  pape  Martin  V. 

Tous  les  autres  manuscrits  du  couvent 
sont  perdus. 


^'Zrt  au  courent  ^.  d^iuôto  à  jFlorence. 


365 


Une  seule  sculpture  est  mentionnée  par 

Vasari,  elle  était  dans  l'église  du    couvent. 

C'est    une   Crucifixion  avec   la  Madone 

et   saint   Jean,   par   Benedetto   de    Maiano 

(1442- 1497);  cet  ouvrage  n'existe  plus. 

Lesculpteur  était  d'une  famille  d'artistes 
demeurant  à  Maiano  près  de  Florence  ;  il 
débuta  dans  la  marqueterie,  mais  c'est  dans 
l'architecture  et  la  sculpture  décorative 
qu'il  conquit  une  grande  et  juste  renommée. 
Il  travailla  notamment  à  Arezzo,  Faenza, 
Naples,  Sienne,  Prato,  Monteoliveto,  etc. 
On  ne  peut  citer  ici  que  les  œuvres  les  plus 
importantes  qu'il  a  laissées  à  Florence  : 

Le  palais  Strozzi,  qui  peut  rivaliser  avec 
le  palais  Médicis. 

La  chaire  à  Santa  Croce,  une  perfection 
de  grâce  et  de  légèreté. 

La  décoration  de  la  porte  de  l'audience 
du  palais  de  la  Seigneurie:  les  candélabres 
avec  enfants,  la  Justice,  saint  Jean,  qui 
faisaient  partie  de  la  porte  sont  conservés 
au  musée  national  du  Bargello,  ainsi  que 
plusieurs  autres  reliefs  de  Benedetto. 

Le  tombeau  de  Philippe  Strozzi  le  Vieux 
à  l'église  Santa  Maria  Novella.  Le  sculpteur 
rit  aussi  le  buste  de  ce  patricien;  il  a  été 
acquis  par  le  musée  du  Louvre. 

Le  buste  de  Giotto  à  Sainte-Marie  de  la 
Fleur. 

Tous  ces  ouvrages,  tombeaux,  bustes, 
autels,  cil)oires,  sont  empreints  de  vérité 
et  d'élégance;  l'arabesque  est  traitée  avec 
cette  perfection  florentine  du  XV^  siècle  at- 
teinte nulle  part  ailleurs. 

En  faisant  choix  de  Benedetto  de  Maia- 
no, les  Jésuates  ont  montré  qu'ils  étaient 
hommes  de  goût. 

Les  Jésuaies  firent  appel  à  Domenico 
Bigordi  dit  Ghirlandaio  (1449-1494). 

Vasari  nous  l'apprend  en  ces  termes  : 

«  Il  peignit  pour  les  frères   Jésuates  un 


«  tableau  pour  l'autel  majeur  avec  plusieurs 
«  saints  à  genoux:  saint  Juste,  évêque  titu- 
«  laire  de  l'église,  saint  Zenobi,  évêque  de 
<■<  Florence  ;  l'ange  Raphaël  et  saint  Michel 
«  revêtu  d'une  très  belle  armure  et  autres 
«  saints  ;  et  en  vérité  I~)omenico  mérite  des 
«  éloges,  parce  qu'il  fut  le  premier  qui 
«  commença  à  contrefaire  avec  les  couleurs 
«  quelques  garnitures  et  ornements  d'or, 
«  qui  alors  étaient  en  usage;  il  supprima 
«  aussi  en  grande  partie  les  bordures  d'ar- 
«  gile  doré,  qui  sont  plus  pour  les  garni- 
l  tures  que  pour  les  bons  ouvrages  d'art. 

«  Mais  plus  belle  que  les  autres  figures 
«  est  la  Madone,  avec  l'Enfant  sur  les 
«  genoux,  entourée  de  quatre  anges.  Cette 
«  peinture  étant  à  la  détrempe  ne  pouvait 
«  être  mieux  travaillée.  » 

La  reproduction  que  nous  donnons  de  ce 
beau  tableau  présente  une  idée  juste  de  la 
composition,  mais  elle  est  impuissante  à 
faire  comprendre  l'éclat  des  colorations. 

II  faut  bien  reconnaître  que  certains  cri- 
tiques d'art  de  notre  temps  font  preuve 
d'ignorance  en  matière  technique  ;  ils  afifir- 
ment,  par  exemple,  que  la  peinture  de  la 
détrempe  est  impuissante  à  donner  des 
effets  de  coloration  aussi  puissants  que  la 
peinture  à  l'huile;  il  suffit  cependant  de  re- 
garder avec  attention  pour  se  convaincre 
que  la  détrempe  fournissait  au  peintre 
aussi  bien  les  couleurs  vibrantes  et  accen- 
tuées que  les  nuances  ternes  et  délicates. 
Le  tableau  de  Ghirlandaio  en  est  le  témoi- 
gnage absolu,  et  il  est  probable  que  peint  à 
l'huile, il  ne  serait  pas  dans  l'état  de  conser- 
vation où  nous  le  voyons  aujourd'hui,  plus 
de  quatre  siècles  après  sa  création. 

Le  tableau  est  resté  à  la  Calza  jusqu'en 
1857  ;  il  était  peu  connu,  mais  cependant  il 
avait  excité  la  convoitise  des  conservateurs 
de  la  galerie  nationale  de  Londres:  ils  étaient 
en    pourparlers   avec  les    pères   lorsque  le 


KKVUK  L>E  L  AKT  CMRi^.TlKN. 
IQO^.  —  5'"*^  LIVRAISON. 


366 


Be\)ue  De  r^vt  cbtétieiu 


grand-duc  Léopold  [  l  s'opposa  à  la  vente, 
comme  il  en  avait  le  droit. 

Les  pères,  dont  les  ressources  étaient  in- 
suffisantes pour  l'exercice  de  leur  mission, 
se  prêtaient  favorablement  aux  ouvertures 


qui  leur  furent  faites;  ils  ignoraient  sans 
doute  que  les  communautés  religieuses 
ne  pouvaient  disposer  de  leurs  objets 
d'art  qu'avec  l'autorisation  du  Gouverne- 
ment. 


La  vierge  et  1  Enfant  Jésus,  par  Doinenîco  Cîmiri-andaio  (1449-1494)'  <'i>lerie  des  Offices  ;i   Florence.  (Photocr.  Ai.imari,   Klorenco.) 


Le  directeur  de  la  Galerie  des  Offices, 
M.  Montalvo,  mis  au  courant  de  la  négo- 
ciation, la  fit  cesser  et  approuver  par  le 
grand-duc  Léopold  II  une  combiiiazione 
assez  étrange  à  première  vue. 

Le  tableau  fut  transporté  aux  Offices  et 


les   pères   reçurent   en   échange  une   rente 
perpétuelle  de  onze  cents  livres  par  an. 

Au  fond,  l'intention  du  prince  était  d'as- 
surer une  subvention  hors  de  toute  at- 
teinte, à  une  institution  dont  il  reconnais- 
sait l'utilité.  La   subvention  fut    supprimée 


JL'^xt  au  coutîent  ^.  dBtusto  à  jFlorence» 


67 


fin  1903,  dans  les  conditions  favorables  aux 
pères,  que  nous  ferons  connaître. 

VIII 

PERUGIN  semble  peu  en  faveur  dans 
la  critique  moderne,  peut-être  parce 
que  les  critiques  de  notre  temps  cherchent 
en  général  à  se  singulariser. 

On  lui  reproche  les  inégalités  dans  son 
œuvre,  l'uniformité  de  ses  types  et  son  amour 
du  lucre  qui  l'a  conduit  à  faire  du  métier. 

Quelle  est  donc  l'œuvre  d'un  grand  pein- 
tre qui  est  exempte  d'inégalités  ? 

Fra  Angelico  n'a  pas  donné  à  toutes  ses 
peintures  la  même  perfection. 

Raphaël  a  eu  des  faiblesses. 

Titien  a  plusieurs  tableau.x  authentiques 
qu'on  a  peine  à  lui  attribuer,  tant  ils  diffè- 
rent de  ses  meilleurs. 

Andréa  del  .Sarto,  sema  errore,  comme  on 
dit  de  lui  à  Florence,  est  parfois  également 
inférieur  à  lui-même. 

Et  par  quelle  exception  Pérugin  ne  le 
serait-il  pas  ? 

On  ignore  la  date  de  ses  premiers  ouvra- 
ges, mais  lorsqu'à  1  âge  de  trente- six  ans,  il 
fut  appelé  à  Rome  pour  les  fresques  de  la 
Sixtine,  il  devait  déjà  être  très  apprécié. 

Et  il  a  travaillé  constamment  jusqu'en 
1523,  année  où  il  est  tombé  frappé  par  la 
peste,  à  l'âge  de  soixante-quinze  ans. 

11  a  donc  tenu  les  pinceaux  durant  plus 
d'un  demi-siècle,  et  on  voudrait  que  toujours 
il  ait  été  également  bien  inspiré  ! 

Il  a  faibli  dans  les  dernières  années  de  sa 
laborieuse  existence,  c'est  incontestable  ; 
mais  c'est  à  tort  qu'on  jugerait  son  très 
grand  talent  sur  ses  derniers  ouvrages. 

L'œuvre  d'un  artiste  ne  se  juge  pas  selon 
une  sorte  de  moyenne  prise  entre  ses  meil- 
leurs et  ses  moins  bons  ouvrages.  Il  ne  faut 
le   voir    qu'à   son   apogée,    n'eût-il  produit 


alors  que  de  rares  ouvrages  hors  ligne. 
Cela  suffit  pour  le  classer,  et  ce  n'est  pas  le 
cas  de  Pérugin,  qui,  dans  la  plénitude  de  son 
génie,  a  produit  tant  de  peintures  extrê- 
mement remarquables,  notamment  X'a  Dépo- 
sition de  la  Croix  de  la  galerie  Pitti,  l'une  des 
plus  belles,  des  plus  pathétiques  peintures 
de  l'art  chrétien 

L'uniformité  de  ses  types  ? 

Elle  existe  certainement,  mais  on  a  exa- 
géré en  l'étendant  à  presque  tous  ses  per- 
sonnages ;  elle  se  limite  à  la  Madone,  à  la 
Madeleine  et  à  saint  Jean. 

Dès  ses  débuts,  il  avait  créé  ces  figures 
extatiques  empreintes  de  piété,  de  tendresse 
et  de  douleur  contenue. 

Elles  ont  répondu  au  sentiment  intime 
du  peuple,  et  aussitôt  le  succès  s'est  déclaré. 

De  la  Toscane,  de  l'Ombrie,  de  Rome, 
de  la  Haute- Italie  et  des  pays  étrangers  on 
lui  demandait  des  peintures  conformes  à  ses 
créations  ;  sans  manquer  à  son  mandat  il  ne 
pouvait  modifier  son  genre. 

Et  puis,  les  autres  grands  peintres  italiens 
n'ont-ils  pas  persisté  dans  les  types  qu'ils 
ont  adoptés  ? 

Les  Madones  de  Fra  Angelico,  de  D. 
Ghirlandaio,  de  Botticelli,  de  Signorelli, 
de  F.  Lippi,  de  Léonard  de  Vinci,  d'Andréa 
del  Sarto  et  de  bien  d'autres  se  ressemblent 
entre  elles,  au  point  qu'à  première  vue  on 
en  reconnaît  l'auteur. 

La  cupidité  ?  Certainement  Pérugin  se 
faisait  payer  et  il  avait  bien  raison.  Tous  les 
peintres  en  faisaient  autant,  les  uns  pour  leur 
profit  personnel,  les  autres  pour  le  couvent 
auquel  ils  appartenaient. 

On  fit  un  jour  remarquer  à  Fra  Angelico 
que  ses  prix  étaient  bien  plus  élevés  que 
ceux  de  ses  contemporains  ;  il  répondit  que 
c'était  vrai,  mais  que  l'argent  n'était  pas 
pour  lui  qui  avait  fait  vœu  de  pauvreté,  mais 


?68 


WitWt  De  rart  fbrétieiL 


pour  son  couvent  et  que  là  il  était  consacré 
à  la  glorification  de  Dieu. 

De  l'aveu  de  ses  amis,  Titien  ne  voulait 
travailler  que  pour  des  clients  très  riches  ; 


cela  ne  lui  a  pas  toujours  réussi,  car  nombre 
de  ses  tableaux  sont  restés  impayés  ;  c'est 
lui  du  moins  qui  l'affirme  en  se  plaignant  de 
la  détresse  de  ses  dernières  années. 


Pieta     p;ii    PÉKUGIN  (1446-1523).  Galerir.  de  l'Acadciiiic  h   lloreiice.   (Photugr.   Al-lNAKi,   Florence.) 


Du  reste,  Vasari,  qui  reproche  à  Pérugin 
sa  cupidité,  donne  un  exemple  de  son 
abnégation. 

Pérugin  avait  terminé  pour  les  religieuses 
de  SainteClciire  la  Descente  de  la  Croix,  qui 


est  S(jn  chefd  œuvre.  La  peinture  excita  une 
grande  admiration  ;  un  amateur,  Francesco 
j  del  Pugliese,  proposa  aux  sœurs  de  l'acheter 
trois  fois  plus  cher  que  le  prix  de  l'acquisi- 
tion et  d'en  commander  pour  le  couvent  une 


3t';art  au  coutjent  ^,  (Bimto  à  jFlorence 


369 


réplique  à  Pérugin.  Le  peintre  refusa,  disant 
que  jamais  il  ne  pourrait  arriver  à  un  sem- 
blable résultat. 

Pérugin    peignit    dans    le    couvent    des 
Jésuates  plusieurs  fresques. 

Dans  le  premier  cloître  il  fit  une  Adora- 
tion des  Mages  avec  une  quantité  de  person- 
nages et  de  têtes  d'après  le  naturel,  notam- 
ment celle  d'Andréa  Verrocchio,  son  maître. 
Dans  le  même  cloître  il  peignit,  au-dessus 
des  arcs  des  portiques,  une  frise  avec  des 
figures  en  buste  dont  celle  du  prieur,  grand 
amateur  d'art.qui  lui  avait  fait  la  commande. 
Dans  un  autre  cloître,  au-dessus  de  la 
porte  du  réfectoire,  il  représenta  le  pape 
Urbain  \'  donnant  l'habit  au  bienheureux 
Giovanni  Colombino  accompagné  de  huit 
frères.  Vasari  loue  beaucoup  les  effets  de 
perspective  fuyante  de  cette  fresque. 

Au-dessous  de  cette  peinture  il  peignit  la 
Nativité  avec  des  anges  et  des  bergers. 

Ht  au-dessus  de  l'entrée  d'un  oratoire  il  fit 
dans  un  arc  et  en  demi-figures  la  Madone, 
saint  Jérôme  et  le  bienheureux  Giovanni 
Colombino. 

Pérugin    peignit  pour   l'église  deux   ta- 
bleaux. 
La  Pie  ta. 

La  Madone  tient  sur  ses  genoux  Jésus- 
Christ  descendu  de  l'instrument  de  supplice. 
<i  Le  Christ  mort,  dit  \'asari,  est  aussi  raide 
<  que  s'il  était  resté  longtemps  sur  la  croix 
«  et  que  la  durée  et  le  froid  l'eussent  ainsi 
</  réduit.  ); 

Saint  Jean  soutient  la  tête  du  Sauveur  ; 
derrière  lui,  Nicodème  lève  les  yeux  vers  le 
ciel. 

Sainte  Marie-Madeleine  est  à  genoux  en 
prière;  Joseph  d'Arimathie,  debout, regarde 
le  divin  Crucifié. 

La  scène  est  figurée  sous  un  portique  à 
colonnes  s'ouvrant  sur  la  campagne. 


Elle  est  de  toute  beauté  :  simple,  tou- 
chante, sans  emphase. 

L'archiduchesse  Marie-Madeleine  d'Au- 
triche, mariée  au  grand-duc  Cosimo  II, 
qui  régna  de  1 609  à  1621,  l'acheta  aux  pères 
et  la  mit  dans  la  chapelle  de  la  villa  du 
Poggio  Impériale,  ancien  château  aux  por- 
tes de  Florence,  rebâti  par  l'archiduchesse. 

La  princesse  fit  faire  une  copie  du 
tableau  par  Vannini  qu'elle  donna  à  la 
Calza  ;  on  croit  que  cette  copie  est  en 
Angleterre. 

Du  Poggio  Impériale  la  Pietàfut  trans- 
portée au  palais  Pitti. 

En  1799,  elle  fut,  par  ordre  du  com- 
missaire de  la  République  française,  en- 
voyée à  Paris  avec  d'autres  tableaux  de  la 
galerie  Palatine  (');  elle  revint  à  Pitti  en 
1 8  I  5, et  y  resta  jusqu'en  1 83 1 ,  année  où  elle 
prit  place  à  la  Galerie  de  l'Académie,  en 
échange  d'une  autre  Déposition  par  Pérugin, 
qui  est  toujours  à  Pitti. 
Jésus  au  Jardin  des  Oliviers. 


I.  Parmi  les  63  tableaux  enlevés  de  Pitti  on  remarque 
particulièrement. 

Raphaël  :  La  Vierge  à  la  chaise^  —  La  madone  au  bal- 
daquin, —  La  madone  de  F Inipanata,  —  La  vision 
dEzechiel,  —  Le  portrait  du  pape  Jules  II,  —  Le  portrait 
du  cardinal  Dovizi  de  Bibbienna,  —  Le  portrait  d'Int^hc- 
ratni,  —  Le  portrait  du  pape  Léon  X. 

Michel-Ange  :  Les  Parques. 

Titien  :  La  Madeleine,  —  La  Belle,  —  Le  poitrail  du 
cardinal  Hippolyte  de  Médicis. 

Allori  :  Judith. 

André  del  Sarto  :  La  Déposition,  —  Histoire  de  Joseph. 

Fra  Bartolomeo  :  Jésus  et  les  quatre  évangélistes,  — 
Saint  Marc. 

Sébastien  del  Piombo  :  Le  martyre  de  sainte  Agathe. 

Jules  Romain  :  Les  muses  et  Apollon, — .Sainte  Famille. 

Carlo  Doici  :  Le  Christ  au  jardin  des  Oliviers. 

Rubens  :  Paysages,  —  Les  Philosophes. 

Van  Dyck  :  Le  portrait  du  cardinal  Bentivoglio. 

Rembrandt  :  Polirait  d'un  vieillard. 

Sept  tableaux  enlevés  en  1799,  ne  sont  point  parvenus 
à  Paris  et   n'ont  pas  fait  retour  à  Pitti,  ce  sont  : 

Deux  épisodes  de  l'histoire  de  Mucius  Scévola  et  deux 
histoires  de  Jacob,  par  Bartolomeo  Veneziano. 

Une  Sainte  Famille  dans  le  style  de  Raphaël. 

Une  Sainte  Famille  d'Annibal  Carache. 

Moïse  abandonné  sur  le  Nil,  par  Paul  Véronèse. 

{Archives  des  musées  et  galeries  de  Florence.) 


o 


70 


jRebue  ïie  l^Srt  chrétien. 


Le  sujet  a  été  souvent  traité,  mais  aucun 
peintre  n'a  donné  à  la  figure  de  Jésus  une 
si  belle  expression  de  piété,  de  résignation 
et  de  douceur;  on  ne  peut  se  lasser  de  voir 


ce  tableau  et  on  ne  peut  l'oublier  lorsqu'on 


a  vu. 


Les  apôtres  endormis  sont    d'un   naturel 
parfait.  «  Là,    dit  Vasari,    Piero   a   montré 


Jésus  au  jardin  des  Oliviers,  par  Peiîugin  (1446-1527).  tjalerie  de  l'Acadcnue  u  1*  lorence.  (Photogr    Ai.inaki,  Florence. 


«  combien  le  sommeil  a  de  puissance  contre 
«  l'affliction  et  la  douleur,  en  faisant 
«  dormir  les  apôtres  dans  des  attitudes 
«  paisibles.  » 

Le  fond  est  occupé  d'un  côté  par  des 
soldats  qui  cherchent  le  Sauveur  pour  s'en 
emparer,  de  l'autre  par  un  groupe  d'hommes 


précédés  de  Judas,  une  bourse  à  la  main. 
Le  paysage  montre  une  cité  idéale  dans 
la  vallée  de  l'Arno.  Il  est  traité  avec  une 
minutie  de  détails  et  une  pureté  de  lignes 
qui  paraissent  d'un  conventionnel  exagéré 
et  comme  puériles,  mais  qui  cependant  sont 
parfaitement  exacts;  seulement  pour  com- 


prendre  les  paysages  des  quatrocentistes, 
il  faut  vivre,  comme  eux,  dans  une  atmos- 
phère pure,  limpide  et  baignée  de  soleil. 

Il  est  probable  que  Jésns  au  [ardin  des 
Oliviers  et  la  Pietà  ont  été  peints  à  Flo- 
rence, à  l'époque  où  Pérugin  fit  la  célèbre 
Déposition  de  la  Croix  de  la  galerie  Pitti, 
son  meilleur  ouvrage,  daté  de  1495. 

En  la  même  année,  il  peignit  aussi  la 
Crucifixion  au  couvent  de  Santa  Maria 
Madelena  dei  Pazzi  ;  par  une  fortune  rare- 
ment accordée  aux  fresques,  les  couleurs 
sont  restées  sans  aucune  altération. 

Il  n'en  a  pas  été  de  même  pour  [ésus  au 
Jarditi  des  Oliviers,  la  Pietà  et  une  Cruci- 
fixion dont  il  va  être  question. 

Vasari  mentionne  que  ces  trois  tableaux, 
peints  sur  bois  et  à  l'huile,  ont  beaucoup 
souffert  ;  les  couleurs,  surtout  dans  les  obs- 
curs et  les  ombres,  étaient  déjà  craquelées 
de  son  temps  ;  cela  tient  à  l'inexpérience 
du  Pérugin  dans  ce  genre  de  peinture  qui 
commençait  seulement  à  être  pratiqué  en 
Italie. 

T)  a.ns  Jésus  au  Jardin  &\.  la  Pietà,  on  a 
pu  arrêter  les  effets  des  craquelures  ;  elles 
sont  toujours  visibles,  mais  en  fait  elles  ne 
nuisent  pas  à  l'aspect  général  des  tableaux. 

IX 

LES  Jésuates  possédaient  de  Pérugin 
un  troisième  tableau  placé  dans  l'ora- 
toire de  l'étage  supérieur  du  couvent. 

Nous  le  reproduisons. 

Dans  un  paysage  rocheux  s'élève  la 
Croix. 

A  la  droite  du  Sauveur,  saint  Jérôme,  un 
chapeau  de  cardinal  est  à  ses  pieds,  et  saint 
François,  une  croix  et  un  livre  dans  les 
mains;  à  la  gauche  du  Christ,  saint  Jean- 
Baptiste  et  le  bienheureux  Jean  Colombino, 
fondateur  de  l'Ordre  des  Jésuates,  au  pied 
de  la  Croix,  sainte  Madeleine. 


Le  tableau  ne  se  trouve  pas  dans  de 
bonnes  conditions  à  l'église  de  la  Calza  ;  il 
était  mal  en  vue  derrière  l'autel  :  pour  l'exa- 
miner, il  fallait  monter  sur  un  escabeau  et 
être  presque   toujours  muni   de    luminaire. 

Il  vient  d'entrer  à  la  Galerie  des  Offices 
dans  les  conditions  que  voici  : 

En  1898,  les  pères  eurent  l'intention  d'ac- 
quérir pour  leur  institution  une  villa  dans 
les  environs  de  Florence,  mais  l'argent  leur 
manquait.  Ils  proposèrent  alors  à  M.  Ridolfi, 
directeur  des  musées  royaux  de  Florence, 
une  combinazione,  et  après  de  longs  pour- 
parlers, on  se  mit  d'accord. 

Les  pères,  comme  je  l'ai  indiqué,  rece- 
vaient de  l'État,  depuis  1857,  une  rente 
annuelle  et  perpétuelle  de  onze  cents  lires, 
en  compensation  d'un  tableau  de  Ghirlan- 
daio  qu'ils  avaient  cédé  à  la  Galerie.  Ils 
déclarèrent  être  prêts  à  remettre  à  l'État 
la  Crucifixion  de  Pérugin,  et  à  renoncer  à 
la  rente  de  onze  cents  lires,  si  de  son  côté 
l'État  consentait  à  leur  donner  une  somme 
de  trente  mille  lires  et  un  tableau  pour  être 
mis  dans  leur  chapelle  à  la  place  de  la 
Crucifitxion. 

La  combinaison  fut  approuvée  par  le 
ministre  de  l'instruction  publique  et  des 
beaux-arts  et  par  le  ministre  des  cultes, 
après  avis  favorable  du  Conseil  d'Etat,  et 
le  nouveau  directeur  des  musées  et  galeries 
de  Florence,  M.  Corrado  Ricci,  prit  posses- 
sion du  tableau. 

La  somme  à  payer  sera  prélevée  sur  les 
recettes  d'entrée  des  musées  et  galeries  de 
Florence. 

Maintenant  que  le  tableau  est  placé  dans 
un  musée,  on  peut  l'étudier  à  loisir. 

Déjà  à  la  Calza  il  avait  attiré  l'attention, 
et  de  sérieux  critiques  admettaient  que  si 
certaines  parties  étaient  bien  de  Pérugin, 
d  autres  personnages  pouvaient  être  de  la 


main  de  Signorelli  ([441  ^  '523),    le   saint 
Jérôme  notamment. 

D'autres  écrivains  pensaient  que  le  saint 
Jérôme  et  la  Madeleine,  tout  en  étant  de  Pé- 
nigin,  paraissaient  copiés  d'après  Signorelli. 


Mon  humble  avis  est  qu'il  n'y  a  pas  là 
de  figures  copiées  de  Signorelli,  mais  bien 
collaboration  de  Pérugin  et  de  Signorelli. 

Ceux  qui  ont  eu  l'occasion  de  voir  les 
œuvres  de  Signorelli   à  Florence,  à  Milan, 


mMiL.Jk^ 


Crucifixion,  par  Signorelli  (1441  (?)-i523).  Galerie  de  l'Académie  à  Florence.  (Photogr.  Alinaki,  Florence.) 


à  Pérouse,  à  Volterre,  à  Borgo  San  Sepol- 
cro,  à  Cortone,  à  Citta  di  Castello,  à  Monte 
Oliveto  Maggiore,  à  Orvieto  et  dans  d'au- 
tres localités,  car  beaucoup  de  peintures  de 
ce  grand  artiste  ont  été  conservées,  ont  été 


frappés  de  la  vigueur,  de  l'énergie,  de  la  har- 
die.sse  du  dessin  et  de  l'éclat  des  couleurs. 
On  retrouve  ces  qualités  dans  le  saint 
Jérôme  et  la  Madeleine  de  la  Crticifixion 
de  la  Calza  ;  la  physionomie  de  la  Madeleine 


est  très  caractéristique  ;  chaque  fois  que 
Signorelli  a  eu  à  représenter  la  sainte,  il  lui 
a  donné  les  mêmes  traits. 

Le  saint  Jean  et  le  saint  François  sont 
certainement  de  Pérugin  et  aussi  le  bien- 
heureux Colombino. 

Quant  au  Christ  en  croix,  je  pense  qu'il 
est  de  Pérugin,  par  comparaison  avec 
d'autres  figures  du  divin  Crucifié. 

11  est  possible  qu'on  veuille  l'attribuer  à 
Signorelli  et  non  à  Pérugin. 

Pour  permettre  d'en  juger,  je  reproduis 
la  Criicifixion  de  Signorelli  conservée  à 
la  galerie  de  l'Académie  de  Florence  ;  on 
remarquera  qu'ici  le  visage  du  Sauveur  est 
empreint  d'une  énergie  et  le  corps  d'une 
roideur  inconnue  dans  les  Crucifixions  de 
Pérugin,  mais  tout  à  fait  dans  le  style  de 
Signorelli. 

je  crois  donc  à  une  collaboration  des 
deux  peintres  dans  la  Crucifixion  de  la 
Calza.  Dans  quelles  conditions  a-t-elle  eu 
lieu  ?  et  à  quelle  époque  ?  Ce  sont  des 
questions  à  résoudre. 

Pérugin  et  Signorelli  ont  travaillé  à  la 
même  époque,  de  148 1  à  1483,  aux  fresques 
de  la  chapelle  Sixtine  ;  peut-être  l'idée  du 
tableau  leur  est-elle  venue  alors  ?  En  ce 
cas  nous  aurions  sous  les  yeux  un  des  pre- 
miers ouvrages  de  Pérugin. 

Et  entendons-nous  bien. 

X 

T  L  s'agit  d'une  collaboration  à  un  même 
A  tableau  des  deux  peintres  pratiquant 
le  même  genre  de  peintures,  et  non  d'une 
peinture  commencée  par  un  peintre  et  ter- 
minée par  un  autre  après  la  mort  ou  l'aban- 
don du  premier.  Dans  cet  ordre  les  exemples 
sont  faciles  à  citer. 

Les  fresques  de  la  chapelle  Brancacci  à 
l'église  Santa  Maria  del  Carminé  ont  été 
commandées  à  Masolinoda  Panicole;  après 


le  départ  de  ce  peintre  pour  la  Hongrie, 
elles  ont  été  confiées  à  Masaccio  ;  à  la 
mort  de  ce  grand  artiste,  en  1428,  elles  ont 
été  abandonnées,  et  ce.  n'est  qu'en  1484 
qu'elles  ont  été  reprises  et  terminées  par 
Filippino  Lippi. 

La  Déposition  de  la  Croix,  commandée  à 
Filippino  Lippi  pour  le  couvent  de  San 
Marco  à  Florence,  a  été  terminée  par  Pé- 
rugin, après  la  mort  de  Lippi. 

La  Transfiguration  de  Raphaël  a  été 
achevée  par  Jules  Romain. 

11  n'est  pas  question  non  plus  des  pein- 
tres attachés  en  qualité  d'aides  à  un  maître, 
comme  Penni,  Jules  Romain  et  d'autres 
l'ont  été  à  Raphaël  qui  seul  avait  la  respon- 
sabilité du  travail. 

Nous  sommes  en  présence  d'une  de  ces 
associations  effectives  dont  nous  trouvons 
quelques  exemples  dans  l'histoire  de  la  pein- 
ture italienne. 

Je  sors  de  mon  sujet  pour  en  mentionner 
une  fort  peu  connue  et  la  seule,  je  crois,  dont 
le  texte  a  été  conservé. 

Fra  Bartolomeo  délia  Porta  (14S8-1517) 
et  Mariotto  Albertinelli  (1474  15 15)  ont 
conclu  au  commencement  de  1509  une  so- 
ciété en  forme  régulière. 

L'acte  fut  approuvé  par  le  supérieur  de 
Fra  Bartolomeo,  prieur  du  couvent  San 
Marco  à  Florence.  11  peut  se  résumer 
comme  suit  : 

Le  syndic  du  couvent  fournit  aux  deux 
peintres  les  couleurs,  les  toiles,  et  tout  ce 
qui  est  nécessaire  à  la  profession. 

De  l'argent  encaissé  par  la  vente  des 
peintures,  le  syndic  prélève  d'abord  ses 
déboursés  puis  la  somme  restante  est  divi- 
sée en  deux  parts  égales  :  l'une  pour  Alber- 
tinelli, l'autre,  pour  F"ra  Bartolomeo,  c'est-à- 
dire  pour  le  couvent,  puisque  les  Domini- 
cains ne  pouvaient  rien  posséder  par  eux- 
mêmes.  A  la  fin  de  la  société,  les  peintures. 


374 


Bebuc  ïir  r^rt  t!)rétien. 


les  modèles  et  le  matériel  restant  à  l'atelier 
seront  partagés  entre  les  deux  peintres. 

Rien  dans  le  contrat   ne  s'opposait  à  ce 
que  les  peintres  travaillent  chacun  pour  son 


compte,  et  il  semble,  qu'ils  ont  usé  de  cette 
faculté. 

La  liste  complète  des  tableaux  exécutés 
en  société  n'existe  pas,  et  sur  plusieurs  il  y 


Crucifixion,  par  Pkkugin  (1466-1527)  et  SliiKOKELLl  (1-141  (?)-1527).  Galerie  des  Offices  à  Florence. (Pliotugr.  Ai. inaki,   1  lortnce.) 


a  des  doutes.  Mais  selon  des  documents 
d'archives  et  des  notes  ainsi  conçues  :  de 
Fra  Barlolomeo  nostro  e  Rlariotto  stio  com- 
pagno,  il  résulte  que  durant  la  société  il  est 
sorti  du  studio  : 

Une  Nativité. 

Le  Christ  portant  la  croix. 


La  Madone  avec  l'Enfant  et  les  apôtres 
Pierre  et  Paul. 

\}n  tableau  sans  désignation  de  sujet 
pour  la  Chartreuse  de  Pavie. 

Un  tableau  sans  désignation  de  sujet 
envoyé  dans  les  Flandres. 

Comment  le  sage  et  laborieux  Fra  Bar- 


il';art  au  coûtent  ^.  (3inQto  à  jflorcnce. 


^75 


tolomeo  est-il  arrivé  à  contracter  un  arran- 
gement avec  Mariotto  Albertinelli,  peintre 
de  beaucoup  de  talent,  il  est  vrai,  mais  vi- 
cieux, fantasque,  paresseux  ? 

Fra  Bartolomeo  était  alors  à  l'apogée 
d'une  gloire  bien  méritée,  car  il  a  été  l'un 
des  plus  grands  peintres  chrétiens  de  l'Ita- 
lie. 

Ne  pouvant  suffire  aux  commandes,  il 
s'adjoignit  Albertinelli,  qui  avait  parfaite- 
ment adopté  sa  manière  ;  sans  doute  aussi 
le  Dominicain  eut  pitié  de  la  misère  où  était 
tombé  Albertinelli  par  ses  détestables  habi- 
tudes. 

La  société  fut  dissoute  en  1 5  i  2  par  le  fait 
d'Albertinelli,  qui  ne  pouvait  se  résoudre  à 


une  vie  régulière. 


Le  prieur  du  couvent  de  San  Marco  pro- 
céda au  partage  des  objets  au  studio. 

Fra  Bartolomeo  reçut  : 

Un  grand  tableau  La  Vierge  assise  sur 
un  trône  avec  [Enfant  sur  ses  genoux,  sainte 
Anne  et  les  saints  protecteurs  de  Florence. 
Cet  ouvrage  avait  été  commandé  au  frère 
pour  la  salle  du  Conseil  de  la  République  ; 
il  n'était  qu'ébauché  en  i  5  1 2  et  est  resté  en 
grisaille  à  la  mort  de  Bartolomeo,  en  15  17. 
11  est  à  la  Galerie  des  Offices. 

Dieu  le  Père  avec  les  saintes  Marie  Ma- 
deleine et  Catherine. 

Le  Christ  portant  la  Croix. 

Un  Christ  en  buste. 

Albertinelli   eut  pour  sa  part  un  tableau 
de  Filippo  Lippi. 

La  copie  du  tableau  peint  pour  les  Char- 
treux de  Pavie. 

Adam  et  Eve,  ébauche  par  P'ra  Bartolo- 
meo. 

Trois  tableaux  sans  désignation  de  sujet. 

Un  Christ   portant   la  croix  entouré  des 
deux  larrons. 

Une  Annonciation. 


Le  matériel  du  studio  restera  à  la  dispo- 
sition de  Bartolomeo,  mais  reviendra  à 
Albertinelli  après  la  mort  du  frère. 

On  y  remarque  : 

Un  Enfant  Jésus,  modèle  en  plâtre  de 
l'Enfant  du  tombeau  de  Carlo  Marsuppini 
exécuté  à  la  basilique  de  Santa  Croce  par 
Desiderio  da  Settignano. 

Divers  instruments  de  mesurage,  compas 
et  autres. 

Plusieurs  modèles  de  figures  humaines  en 
bois  articulés. 

On  sait  que  Fra  Bartolomeo  se  servait 
couramment  de  pareils  mannequins. 

XI 

DANS  l'allée  qui  conduisait  de  la  porte 
Pinti  au  couvent,  les  Jésuates  avaient 
fait  construire  un  tabernacle  isolé.  Andréa 
del  Sarto  (i486- 1531)  y  peignit  à  fresque, 
de  grandeur  naturelle,  la  Madone  avec  l'En- 
fant Jésus  sur  les  genoux  et  saint  Jean  de- 
bout. 

Vasari  dit  que  la  Madone  était  le  por- 
trait de  la  femme  d'Andréa.  La  coutume 
était  ancienne  de  représenter  les  personnes 
vivantes  sous  forme  de  saints  et  de  saintes. 

Savonarole(i452-i498)  avait,  du  haut  de 
la  chaire  de  Sainte-Marie  de  la  Fleur,  pro- 
testé énergiquement  contre  cet  abus  ;  il  ne 
fut  pas  écouté  par  les  peintres,  pas  plus  que 
ne  le  fut  plus  tard  saint  Charles  Borromée. 

Lors  de  la  démolition  du  couvent,  le  ta- 
bernacle fut  respecté. 

En  1576,  le  grand-duc  Cosimo  I^'' voulut 
le  faire  transporter  dans  la  cité  ;  les  archi- 
tectes consultés  déclarèrent  l'opération  im- 
possible. 

Elle  l'était  sans  doute  à  cette  époque, 
mais  une  pareille  entreprise  eut  lieu  au 
XV II  le  siècle. 

Dans  le  jardin  du  couvent  de  la  Crocet- 
ta  existait  une  chapelle   décorée  à    fresque 


376 


jRebue  lie  r^^rt  ct)vétien* 


par  Giovanni  da  San  Giovanni  (  i  582- 1  636) 
d'une  Fuite  en  Egypte,  d'épisodes  de  la  vie 
de  la  Vierge,  de  fleurs  et  d'ornements. 

Le  grand-duc  Pierre  Léopold  fit  en  1788 
transporter  la  chapelle  toute  entière  dans 
une  salle  de  l'académie  des  Beaux-Arts. 
L'architecte  Paoletti  réussit  à  ce  point  qu'on 
ne  peut  se  douter  de  la  translation  ('). 

Le  tabernacle  d'Andréa  fut  abandonné 
et  insensiblement  tomba  en  ruine. 

Par  fortune  un  peintre,  Jacopo  Chimen- 
ti  da  Empoli  (1551- 1640),  en  fit  une  copie 
lorsque  la  peinture  était  encore  en  bon  état. 

Cette  copie  est  à  la  galerie  du  prince 
Corsini  à  Florence. 

Chimenti  avait  beaucoup  étudié  Andréa 
del  Sarto  ;  il  fit  si  bien  que  si  l'on  n'é- 
tait informé,  on  prendrait  ce  tableau  pour 
un  Andréa  authentique  ;  tout  y  est  ;  l'élé- 
gance du  dessin,  le  charme  des  colorations 
et  ce  chiarosaii'o  particulier  à  Andréa. 

Cet  exemple  et  d'autres  montrent  l'utilité 
des  copies  ;  il  faut  distinguer  cependant  et 
ne  pas  s'abuser. 

Les  copies  réduites  constituent  d'agréa- 
bles souvenirs  et  sont  de  grande  utilité  aux 
publications  illustrées,  mais  pour  la  recons- 
titution d'un  ouvrage  ruiné  ou  perdu  elles 
sont  insuffisantes. 

Ce  qu'il  faut  en  ce  cas,  ce  sont  des  copies 


I.  La  chapelle   est  à   trois  faces  ;  elle  mesure  .î  l'inté- 
rieur 3  mètres  20  sur  2  m.  70  et  en  hauteur  4   mètres  50. 


fidèles,  à  peu  près  dans  les  dimensions  de 
l'original. 

C'est  le  parti  que  la  direction  des  Beaux- 
Arts  d'Italie,  a  adopté  pour  les  fresques  du 
VI  II'^  siècle  du  sanctuaire  de  Santa  Maria 
Antiqua  au  Forum  Romain. 

Et  encore  faut-il  avoir  soin  de  choisir  un 
copiste  qui  fasse  abstraction  de  son  tempé- 
rament personnel;  cette  qualité,  l'expérien- 
ce l'a  prouvé,  est  assez  difficile  à  rencon- 
trer chez  les  peintres  qui  d'habitude  pro- 
duisent des  œuvres  originales  ;  on  la  trouve 
au  contraire  assez  facilement  chez  les  pein- 
tres qui  font  profession  de  copier. 

Au  couvent  près  de  la  porte  Romana,  les 
Jésuates  et  leurs  successeurs  firent  exécuter 
plusieurs  peintures  en  l'honneur  de  la  Ma- 
done et  de  leur  patron  ;  elles  sont  de  qua- 
lité inférieure. 

C'est  à  tort  qu'on  attribue  à  l'initiative 
des  Jésuates  le  cénacolodu  réfectoire  :  il  a 
été  peint  par  Francesco  di  Cristofano  Gui- 
dini  dit  Franciabigio,  mort  en  1525,  avant, 
par  conséquent,  la  prise  de  possession  du 
couvent  par  les  Jésuates. 

Certes  les  Jésuates  n'ont  pas,  comme  les 
Dominicains,  fourni  des  peintres  célèbres, 
mais  par  les  artistes  qu'ils  ont  attachés  à 
leurs  institutions  et  par  les  commandes 
judicieusement  distribuées,  ils  ont  contribué 
dans  une  mesure  efficace  à  l'incomparable 
floraison  des  arts  au  XV<^  siècle. 

Gerspach. 


fc^  A^-*  >M^  »^^  k^^  A^X  K^*U  A^^  V^  A^yl^  *^%ft  A^-*  *^^  A^-^  »^  xf*y,  ' 


■* 


[IiriITTHUTTIimlIIIirr  tllXIItirrrrrrrrYlIIITTIl   IT-tTIIICIIrrrTTirrTITTTI'fTTrTTTrYTTTTTTTTfTTTTTTT-l-l 


n^nxmnTnnD  itttui 


GtuDe  sur  le0  Dates  De  la  coiiBtrucrion  De  l'église 


et  De  la  trppte  D'Iîastière. 


;iïiTTiTirn:iTiirTiixmxTmTTT]^iiiiiîctxiirxijciiiiirE:rTix^ 


imitiiTi  mi. 


k1^*^*  '.'^J*  *i^  »i*î*  *iil*  *i*^^  *i^^  *i^'f  ^itîr'f  -'^f  *ï*I^  l'i/jv  *x*5*  ^xAÏ^  *^^  A'-ïl; 


gj^jy5«^^  'ÉGLISE     de     l'ancien 
prieuré  d'Hastière  No- 
tre-Dame  (')(  Belgique), 
^   dépendance  de  l'abbaye 
bénédictine    de    Waul- 

_^_^      sort,       supprimée       au 

):t^mm^mmmii  XVI 11^  siècle,  est  un 
monument  de  l'architecture  romane  assez 
remarquable.  Construite  au  XI"  siècle,  elle 
fut  agrandie  vers  le  milieu  du  XIII' siècle. 


On  aurait  ajouté  à  cette  époque  un  nouveau 
sanctuaire  de  style  gothique. 

Le  chœur  conventuel  et  son  collatéral 
dateraient  aussi  de  la  première  époque  d'ac- 
tivité ;  tout  au  moins  a-t-on  laissé  supposer 

I.  Sur  l'histoire  d'Hastière  cfr.  Dom  U.  Berlière,  Mo- 
naslicon  I>elf;e,  t.  I,  pp.  53-54-  —  L.  Lahaye,  Élutie  sur 
F  abbaye  de  U'aulsori  (Extrait  du  Bulletin  de  la  Société 
d'art  et  iP/iistoire  du  diocèse  de  Liège,  t.  V). 


qu'ils  sont  antérieurs  au  XI  II''  siècle,  date 
de  la  construction  du  sanctuaire.  On  ne  les 
a  jamais  attribués  à  cette  date.  Leur  style 
et  certains  indices  archéologiques  prouvent 
cependant  qu'ils  n'ont  pu  être  bâtis  à  une 
autre  époque. 

Nous  le  démontrerons  ci-dessous. 

Quelques  modifications  faites  à  l'intérieur 
de  l'église  et  aux  fenêtres,  pendant  le  XV" 
siècle  et  à  l'époque  de  la  Renaissance,  ont 


Eglise  d'Hastière.   —  Vue  générale.  (.Pliotogr.Tphie  de  laiiteiu.) 

été  supprimées  au  cours  de  la  restauration 
récente  de  l'édifice  en  son  style  primitif. 

Dans  l'église  se  trouve  une  crypte  curieu- 
se. Mise  au  jour  lors  de  ces  travaux,  elle  a 
donné  lieu  à  diverses  hypothèses  sur  la  date 
de  sa  construction.  Certains  auteurs  ont 
voulu  la  faire  remonter  aux  temps  de 
S.  Materne,  au  IV"  siècle.  Cette  opinion  fut 
abandonnée  depuis.  D'autres  ont  proposé  le 


ô/' 


Betouc  tir  V^xî  cbrctieu. 


VI 1 1'' ou  le  IX' siècle.  Aucun  auteur  n'a 
examiné  les  éléments  que  pouvait  donner 
sur  son  âge,  à  défaut  de  documents  précis, 
l'étude  du  style  et  des  caractères  architec- 
turaux de  la  crypte. 

La  chronique  du  monastère  de  Waulsort 
relate  la  construction  d'une  église  à  Has- 
tière  par  Adalbéron,  évêque  de  Metz  (929- 
964)  ('),  probablement  en  remplacement  de 
l'oratoire  primitif,  dont  les  origines  restent 
incertaines  (■). 

Elle  mentionne  aussi  l'élévation  d'un 
nouveau  temple  par  Rodolphe,  abbé  de 
■Waulsort  (1033- 1035),  lequel  avait  été  pen- 
dant plusieurs  années  directeur  de  l'école 
des  oblats,  annexée  au  prieuré  d'Hastière. 

A  part  ces  deux  indications  on  n'y  trouve 
plus  rien  relativement  à  la  construction  de 
l'église  d'Hastière.  Une  inscription  funé- 
raire, dont  il  sera  fait  usage  ci-dessous,  jette 
une  certaine  clarté  sur  les  travaux  effectués 
au  XI I  P  siècle. 

Il  a  paru  préférable  de  commencer  cette 
étude  par  la  recherche  de  l'âge  de  la  crypte, 
que  l'on  croit  antérieure  à  l'église  du 
XI" siècle  et  avoir  appartenu  à  la  construc- 
tion de  l'évêque  Adalbéron  au  X°  siècle  ou 
même  à  l'oratoire  primitif.  L'examen  de  la 
crypte  fournira,  d'ailleurs,  quelques  données 
au  moyen  desquelles  il  sera  possible  de 
reconstituer  le  plan  absidal  de  l'église,  bâtie 
par  l'abbé  Rodolphe  (1033-1035).  Il  per- 
mettra de  suivre  plus  facilement  les  trans- 
formations et  l'agrandissement  du  XI  IL 
siècle. 

La  crypte  s'étendait  autrefois  sous  une 
partie  de  la  croisée  et  sous  le  sanctuaire  du 
temple  construit  par  Rodolphe. 

1.  Sed  quia  ea  ecclesU  vHabteriensisI  esse  constructa 
cogodscebatur  a  domino  Adalberone  Mettensium  prœsu- 
le...  Historia  Walciodorensis  monasterii,  éd.  M.  (i.  H., 
SS.,  t.  XIV,  p.  512. 

2.  Voy.  L.  Lahaye,  Elude  sur  l'abbaye  de  Waulsort, 
p.  15. 


Démolie  en  partie,  comblée  lors  de 
l'agrandissement  de  l'église,  les  travaux  de 
déblaiement  entrepris  durant  la  restauration 
de  l'édifice  l'ont  fait  reparaître.  Elle  a  été 
rétablie  dans  son  état  primitif.  Seule  la 
voûte  qui  la  couvrait  n'a  pas  été  recons- 
truite :  l'extrados  de  celle-ci  se  serait  élevé 
à  une  certaine  hauteur  au-dessus  du  niveau 
du  pavement  actuel  du  chœur,  construit  à 
la  place  où  au  XL  siècle  se  trouvait  le 
sanctuaire  de  l'église. 

Elle  a  l'aspect  d'une  fosse,  creusée  au 
milieu  de  l'église.  Une  balustrade  en  fer 
l'entoure  actuellement. 

Cette  crypte  compte  trois  nefs  ;  chaque 
nef  s'étend  sur  une  longueur  de  trois  tra- 
vées. Une  abside  semi-circulaire  termine  la 
crypte  à  l'Est.  Il  s'en  suit  que,  seule,  la  net 
du  milieu  a  un  plan  régulier.  Les  travées 
orientales  extrêmes  des  nefs  latérales  offrent 
un  plan  triangulaire  dont  l'un  des  côtés  est 
formé  par  un  segment  de  la  courbure  de 
l'abside. 

On  accède  à  la  crypte  par  deux  escaliers 
latéraux  débouchant  au  transept,  de  chaque 
côté  de  la  croisée. 

Au  fond  de  la  nef  centrale  se  trouve  un 
enfoncement,  une  niche  de  plan  oblong, 
réservée  dans  la  maçonnerie  de  labside  ;  de 
part  et  d'autre,  dans  la  courbure,  des  bancs 
en  maçonnerie.  .Ailleurs,  entre  les  pilastres, 
le  long  du  mur  règne  une  banquette  de 
maçonnerie.  La  crypte  était  éclairée  au- 
trefois par  une  baie  percée  dans  le  mur 
de  l'abside,  de  chaque  côte  de  la  niche  du 
fond. 

Dans  la  travée  orientale  de  la  net  du 
milieu,  à  quelque  distance  et  au  devant  de 
la  niche,  on  a  découvert  les  restes  d  une 
masse  cubique  de  maçonnerie  qui  devait 
être  l'autel  de  la  crypte.  Il  est  construit  sur 
un  soubassement,  élevé  d'un  degré  au-des- 


Construction  ht  l'église  et  De  la  crppte  O'i^astière, 


379 


sus  du  niveau  du  sol  de  la  crypte.  Un  petit 
espace  creux,  réservé  dans  la  masse  de 
l'autel,  prouve  qu'on  y  avait  placé  des  reli- 
ques conservées,  probablement,  dans  un 
coffret  en  métal  ou  en  bois. 

Le  sol  de  la  crypte  est  recouvert  d'un 
pavement  en  blocage.  Les  parois  des  murs 
sont  enduits  d'une  épaisse  couche  de  plâtre 
sur  lequel  on  a  retrouvé  de  nombreux  gra- 
phites, fortement  endommagés,  partielle- 
ment détruits  même  par  les  travaux  de  res- 
tauration. 

La  plupart  ont  été  reproduits  dans  la 
notice  de  Dom  G.  van  Caloen,  qui  les  a 
relevés  avant  la  restauration  ('). 

Dans  la  niche  de  l'abside  on  a  retrouvé 
quelques  traces  de  peinture  et  de  dorure 
décoratives.  Ce  devait  être  l'emplacement 
du  siège  du  chef  de  la  communauté.  Aucun 
vestige  du  siège  ne  fut  découvert.  Des 
deux  côtés  de  la  niche,  le  long  du  mur  de 
l'hémicycle,  on  remarque  les  bancs  en 
pierre  destinés  aux  religieux,  pendant  les 
offices  dans  la  crypte. 

La  voûte  couvrant  autrefois  la  crypte 
était  portée  par  quatre  colonnettes  isolées 
et  par  des   pilastres  doubles  ou   composés. 

Les  colonnettes  n'existent  plus.  Il  reste 
de  l'une  d'elles  un  fragment.  Le  fût  en 
pierre  calcaire  grise,  polie,  est  octogonal. 

Le  plan  carré  du  socle  est  raccordé  au 
fût  par  un  simple  adoucissement,  surmonté 
d'une  baguette  qui  suit  le  contour  angu- 
leux du  fût. 

Les  pilastres  sur  lesquels  reposaient  les 
arcs  doubleaux  sont  munis  d'un  dosseret 
formant,  de  chaque  côté  du  pilastre  princi- 
pal, un  pilastre  secondaire  sur  lequel  ve- 
naient retomber  les  arêtes  de  la  voûte.  Selon 
d'éminents  archéologues,  ces  pilastres    ne 

I.  Dom  G.  van  Caloen,  Hastière  Notre-Dame  ou  Has- 
tiire  par  delà  (.^nn.iles  de  la  Société  d'archéologie  de 
Namiir,  t.  XVII,  1886). 


se  rencontrent  pas  avant  le  XL  siècle  ('). 
Leur  présence  suffit  donc  pour  dater 
la  crypte  du  XL  siècle,  c'est-à-dire  du 
temps  de  l'abbé  Rodolphe  (1033-1035), 
sous  l'administration  duquel  fut  construite 
à  Hastière  une  nouvelle  abbatiale.  Cette 
conclusion  est  vérifiée  par  l'esquisse  ci- 
dessous  du  temple,  tel  qu'il  avait  été  cons- 
truit par  Rodolphe  au  XL  siècle. 

L'église  avait  le  plan  de  la  croix  latine 
comprenant  un  sanctuaire  orienté,  le  tran- 
sept et  la  grande  nef,  avec  bas-côtés,  pré- 
cédée à  l'Ouest  d'une  belle  tour  carrée  dont 
le  rez-de  chaussée  voûté  servait  de  porche. 
La  nef  et  les  bas-côtés  comptent  cinq  tra- 
vées couvertes,  de  même  que  le  transept, 
d'un  plafond  lambrissé.  Les  arcades  de  la 
nef  et  toutes  les  baies  de  l'église  du  XL 
siècle  sont  en  plein  cintre. 

Très  irrégulier  est  l'appareil  des  murs, 
bâtis  en  blocage  de  pierre  calcaire  des 
bords  de  la  Meuse. 

A  l'intérieur,  une  épaisse  couche  de  plâ- 
tre sur  la  surface  rugueuse  et  inégale. 

L'église  se  terminait  à  l'Orient  par  une 
abside  principale,  flanquée  de  deux  absides 
secondaires.  Des  traces  de  l'hémicycle 
formé  par  chacune  des  absidioles  ont  été 
retrouvées,  lors  des  fouilles  préalables  à  la 
restauration  de  l'édifice. 

Le  sanctuaire  s'étendait  au-dessus  de  la 
crypte  voûtée.  11  était  naturellement  sur- 
élevé de  plusieurs  degrés  au-dessus  du  ni- 
veau de  la  nef,  fermé  par  une  abside  semi- 
circulaire  contournant  la  crypte. 

De  chaque  côté  de  celle-ci,  dans  l'ali- 
gnement  des  arcades  du  chœur   actuel,  un 


I.   6   f.    A.    Choisy,    Histoire    de    l'Architecture,  t.    II, 
PP    148  et  153. 

J.  ^Wsrin,  Les  orii^ines  de  l'Architecture  gothique   [Re- 
vue de  l'Art  chrétien,    5=   Série,  1901,  t.  XII,  pp.  370  et 

371.) 

C.  Enlart,  Manuel  d Archéologie  fratii^aise,  t.  I,  pp.  320 
et  suiv. 


38o 


3Rel)ue  t)c  rSrt  cljvéttrn. 


pan  de  mur  s'élève  jusqu'au  comble  de  la 
hauie  nef.  A  une  certaine  hauteur,  ces 
murs  sont  percés  chacun  d'une  baie  en 
plein  cintre,  légèrement  outrepassé.  Dans 
l'état  présent  de  l'église  ils  n'ont  ni  utilité, 
ni  raison  d'être. 

Autrefois,  ils  séparaient  la  travée  rectan- 
gulaire du  sanctuaire  des  bas-côtés.  Les 
baies  servaient  à  éclairer  le  sanctuaire  et 
permettaient  de  suivre  les  offices  de  celui- 
ci  aux  assistants  des  bas-côtés. 

Le  sanctuaire  était  recouvert  d'une  voûte 
sur  laquelle  se  continuaient  les  peintures 
qui  décorent  l'arc  triomphal. 

On  peut  encore  remarquer  aujourd'hui 
quelques  traces  d'amorces  de  cette  voûte. 

A  l'endroit  où  finissent  les  murs  dont 
nous  venons  de  parler  devait  commencer  la 
courbure  de  l'abside  du  sanctuaire  primitif 
de  l'église. 

Le  plan  de  l'église  d'Hastière,  au  XI'' 
siècle,  se  confond  avec  celui  des  nombreuses 
abbatiales  et  collégiales,  élevées  en  Bel 
gique,  surtout  dans  le  bassin  de  la  Meuse, 
aux  XI*"  et  XI  I"  siècles.  Il  correspond  exac- 
tement au  plan  de  l'ancienne  collégiale  de 
Celles  et  ressemble  à  celui  de  la  collégiale 
de  Lobbes.à  celte  différence  près  qu'ici  le 
chevet  est  rectangulaire. 

A  une  époque  ultérieure, au  XI I  1'  siècle, 
l'église  construite  par  l'abbé  Rodolphe 
fut  transformée  et  agrandie  par  l'adjonction 
d'un  nouveau  chœur,  avec  collatéral,  et 
d'un  nouveau  sanctuaire. 

Cependant,  les  auteurs  qui  croient  la 
crypte  antérieure  à  l'église  de  l'abbé  Ro- 
dolphe, sont  d'avis  que  le  chœur  n'aurait  pas 
été  ajouté  auXlII"^  siècle  mais  construit 
par  l'abbé  Rodolphe,  en  même  temps  que 
la  partie  occidentale  de  l'église. 

Le  sanctuaire  seul  devrait  être  reporté 
au  XI  [h-  siècle.  L'abbé  AUard  de  Hiergfes 
{12OÛ-1264)  l'aurait  accolé  à  la  construction 


ancienne,  en  détruisant  le  mur  au  fond  du 
chœur.  Cette  solution,  très  simple,  ne  ré- 
pond aucunement  aux  indications  révélées 
par  l'architecture  du  monument. 

On  sait,  il  est  vrai,  que  sous  l'abbatiat 
d  Alard  de  Hierges  certains  travaux 
furent  effectués  à.  l'église  d'Hastière.  Une 
inscription  figurant  sur  la  pierre  tombale  du 


Jljplise  du 
Il    Histii reTir-Mi 


prélat,    scellée  dans   le  pavement  de  la  tra- 
vée rectangulaire  du  sanctuairtt  l'atteste 

abbas  hoc  templum  xpo  conslruxil  Alardtisi^). 
Peut-être  a  t-on  pensé  que  l'action  d'A- 
lard  s'était  bornée  au  sanctuaire,  parce  que 
sa  pierre  tombale  se  trouvait  placée  là. 

Mais  l'inscription  ne  détermine  pas  la 
partie  de  l'église  édifiée  sous  l'administra- 
tion d  Alard. 

I.  Voyez  la  reproduction  delà  pierre  tombale  de  l'abbé 
Alard  et  de  son  inscription  dans  K.  Reuseiis,  lAt'niinls 
il'arMolojriechrHienne,  2=  éd.,  t.  II.,  pp.  272  et  siiiv. 


Construction  De  l'egltee  et  tie  la  crppte  D'i^asttère.     381 


C'est  donc  au  moyen  des  renseignements 
fournis  par  l'architecture  et  par  le  style  du 
monument  qu'il  est  possible  d'élucider  ce 
point. 

Cette  partie  de  l'église,  renfermant  le 
chœur  conventuel,  chorus  stallahis  ou  psal- 
lentium,  est  en  style  gothique  primaire.  Il 
est  éclairé  par  d'étroites  fenêtres  lancéolées, 
bordées  d'un  encadrement  de  pierres  blan- 
ches. Impossible,  dès  lors, de  le  faire  remon- 
ter au  XT'  siècle,  à  l'époque  de  l'abbé  Ro- 
dolphe. 

D'ailleurs,  à  supposer  que  le  sanctuaire 
seul  ait  été  ajouté  au  monument,  on  décou- 
vrirait sans  aucun  doute  une  solution  de 
continuité  dans  le  mur,  entre  la  partie 
ancienne  et  la  partie  neuve,  soudée  à  l'an- 
cienne. 

L'examen  des  murs  de  l'église,  au  point 
où  se  terminent  les  murs  du  chœur  et  com- 
mencent ceux  du  sanctuaire,  ne  laisse  aper- 
cevoir aucune  soudure.  C'est  le  mur  du 
chœur  qui  se  prolonge  pour  former  le  sanc- 
tuaire et  l'abside  polygonale.  L'appareil  est 
le  même  aux  murs  du  chœur  et  aux  murs 
du  sanctuaire.  Au  sanctuaire  et  au  chœur 
la  tablette  de  la  corniche  est  soutenue  par 
de  petits  modillons  très  saillants. 

Ces  deux  parties  de  l'église  sont  édifiées 
en  une  seule  et  même  période. 

Elles  ont  été  ajoutées  au  transept  de 
l'église  du  X  L  siècle.  On  trouve  en  effet 
une  solution  de  continuité  dans  le  mur  de 
la  haute  nef,  entre  la  dernière  lancette  du 
chœur  et  la  première  fenêtre  romane  de  la 
nef  du  XI"  siècle.  Cette  soudure  se  remar- 
que d'autant  plus  facilement  qu'il  existe  une 
notable  différence  entre  l'appareil  en 
blocage  des  murs  de  la  nef  romane  et  celui 
moins  irrégulier  des  murs  du  chœur  ei  du 
sanctuaire.  De  plus,  les  murs  de  la  partie 
de  l'église  construite  par  l'abbé  Rodolphe 
sont  couverts  de  grandes  arcatures  aveu- 


gles, bandées  sur  pilastres  et  sous  lesquelles 
sont  établies  les  fenêtres.  Ces  arcatures 
n'existent  pas  au  chœur  et  au  sanctuaire. 
Enfin,  dans  l'ancienne  œuvre,  la  corniche 
s'appuie  sur  l'extrados  des  arcatures.  Au 
chœur  et  au  sanctuaire,  elle  repose  sur  des 
modillons. 

L'existence  de  cette  soudure,  la  diffé- 
rence entre  l'appareil  des  murs  et  la  manière 
de  construire,  dans  les  deux  parties  de 
l'église,  permettent  d'affirmer  qu'on  se 
trouve  en  présence  d'une  construction  nou- 
velle soudée  à  une  autre  plus  ancienne.  Et 


Vue  intérieure  de  l'église  d'Hastière.  (Photographie  de  l'auteur). 

comme  il  a  été  établi  ci-dessus  que  le 
sanctuaire  et  le  chœur  ont  été  élevés  en 
une  fois,  il  s'en  suit  que  toute  la  partie 
orientale  de  l'église,  le  chœur  et  le  sanc- 
tuaire, ont  été  ajoutés  à  l'œuvre  du  XI" 
siècle.  Par  leur  style,  le  chœur  et  le  sanc- 
tuaire appartiennent  au  XI  II"  siècle.  On 
peut  donc  les  attribuer  à  l'abbé  Alard  de 
Hierges(i26o-i264)dont  l'inscription  funé- 
raire nous  rappelle  la  participation  à  la 
construction  d'Hastière. 

Lorsque  l'abbé  Alard  résolut  d'agrandir 
l'église  vers  l'Est  et  de  construire  un  nou- 
veau chœur  conventuel,  avec  sanctuaire,  il 
dut,  avant  tout,  faire  abattre  les  trois 
absides  qui  fermaient  le  temple  de  ce  côté. 


KRVUB  UB  l'art  CHRéTIBN. 
IQO4.  —  5'"*^  t.IVRAI«ÎON. 


î82 


jRebue  lie  T^vt  cl)rcticu. 


Les  deux  pans  de  mur,  dont  il  a  été 
question,  furent  épargnés,  parce  que,  se 
trouvant  dans  le  prolongement  des  arcades 
de  la  nef,  ils  ne  faisaient  pas  obstacle  à  la 
réalisation  du  nouveau  projet.  Pour  obtenir 
dans  la  nouvelle  construction  un  niveau 
égal  à  celui  de  l'ancienne,  l'abbé  Alard  fut 
forcé  de  détruire  la  voûte  de  la  crypte  au- 
dessus  de  laquelle  s'étendait  l'ancien  sanc- 
tuaire surélevé. 

Au  XI 1 1"  siècle  l'usage  des  cryptes  était  • 
généralement  abandonné.  Le  culte  des  re- 
liques avait  cessé  d'être  souterrain.  Il  se 
faisait  au  fond  de  l'abside,  sur  un  autel 
élevé  spécialement  à  cet  effet  et  portant  le 
nom  d'autel  aux  reliques  ('). 

Rien  d'étonnant  que  l'abbé  Alard  com- 
blât la  crypte  jusqu'au  niveau  du  pavement 
de  l'église  pour  y  établir  le  chœur  conven- 
tuel. Cela  s'était  fait  aussi  à  l'église  de  l'ab- 
baye de  St-Trond,  sous  l'abbé  Adélard 
(►f"  1082).  Désirant  agrandir  l'abbatiale, 
Adélard  supprima  la  crypte  et  fît  construire 
sur  son  emplacement  un  nouveau  chœur  {^). 

Avant  la  restauration  de  l'église  d'Has- 
tière,  les  stalles  en  bois  du  XV""  siècle  se 
trouvaient  dans  le  chœur  conventuel,  au- 
dessus  de  la  crypte  comblée.  Par  suite  du  ' 
déblaiement  de  celle-ci,  on  fut  obligé  de  les 
changer  de  place,  et  on  les  mit  dans  la 
travée  rectangulaire  du  sanctuaire.  Elles  y 
sont  encore  aujourd'hui. 

Le  collatéral  du  chœur  a  été  refait 
complètement.  Au  Nord  n'existaient  plus 
que  les  fondations  du  mur  extérieur.  Au 
Sud, une  partie  de  mur  s'élevait  par  endroits 
jusqu'au  seuil  des  fenêtres.  Quelques  traces 

1.  E.  Reusens,  Éléments  tparchéol.  chrét.,  t.  I,  pp.  351 
et  427. 

2.  Et  quia  post  vêtus  sanctuarium,  de  quo  habetur 
supra...  predicta  vêtus  cripta  erat,  replevit  (abbas  Ade- 
lardus)illam  humo,  et  ibidem  chorum  psallentium  con- 
struxit.  Gesta  abbalum  Trudonensium,  éd.  de  Borinan, 
t.  M,  p.  148. 


de  la  voîlte  couvrant  l'extrême  travée  orien- 
tale du  collatéral  sud  ont  été  découvertes. 
Le  bas  des  fenêtres  éclairant  cette  travée 
subsistait  encore.  Ces  précieux  restes  ont 
contribué  largement  à  la  reconstitution  du 
collatéral  sud.  Le  collatéral  nord  a  été  re- 
construit sur  le  modèle  de  l'autre. 

Les  fenêtres  du  sanctuaire  et  au  chevet 
du  collatéral  sont  les  mêmes.  Elles  se  com- 
posent de  deux  lancettes,  encadrées  sous 
un  arc  de  décharge  commun.  Leurs  me- 
neaux et  le  remplage,  percé  d'un  oculus  au 
sanctuaire,  sont  en  tuf  blanchâtre. 

La  même  pierre  fut  employée  aux  voûtes 
du  sanctuaire  et  de  la  travée  extrême  du 
collatéral,  les  seules  parties  voûtées  de 
l'église,  avec  le  rez-de-chaussée  de  la  tour. 
On  la  retrouve  encore  aux  embrasures  des 
lancettes  du  haut  chœur.  Elle  n'apparaît 
pas  dans  l'œuvre  de  l'abbé  Rodolphe,  sauf 
exceptionnellement  au  tailloir  de  quelques 
pilastres  du  rez-de-chaussée  de  la  tour. 

Les  voûtes  du  sanctuaire  et  de  l'extrême 
travée  du  collatéral  sont  des  croisées 
d'ogives,  dont  les  nervures  s'appuyent  sur 
des  culs  de  lampe,  très  simples,  sans  déco- 
ration. La  section  des  arcs  de  voûte  et  le 
profil  des  culs  de  lampe  sont  les  mêmes  au 
sanctuaire  et  au  collatéral.  Il  en  résulte  que 
la  communauté  d'origine  de  ces  parties  de 
l'église  n'est  pas  douteuse.  Toutes  deux 
datent  de  la  même  époque. 

Dans  la  reconstruction  du  collatéral,  au 
lieu  de  fenêtres  à  arc  brisé,  pareilles  à  celles 
du  haut  chœur  et  à  celles  au  chevet  du 
collatéral,  il  a  été  jugé  préférable  d'y  placer 
des  baies  à  plein  cintre.  On  a  oublié  d'ap- 
puyer la  tablette  de  la  corniche  sur  des 
modillons  très  saillants,  comme  cela  existe 
au  sanctuaire  et  au  chœur. 

Une  confusion  pourrait  naître  de  cette 
différence  dans  l'architecture  du  collatéral, 


Construction  De  Téglige  et  De  la  crppte  D'i^a0tière.     383 


d'une  part,  du  chœur  et  du  sanctuaire, 
d'autre  part.  Elle  pourrait  faire  supposer 
que  le  collatéral,  sauf  la  travée  voûtée,  date 
d'une  période  autre  que  le  chœur  et  le 
sanctuaire. 

Pareille  hypothèse  est  inadmissible.  Le 
sanctuaire  et  la  travée  voûtée  du  collatéral 
datent  d'une  même  époque.  Nous  l'avons 
démontré.  Uniquement  pour  la  partie  anté- 
rieure du  collatéral,  —  celle  éclairée  par 
les  fenêtres  à  plein  cintre,  —  pourrait  être 
posée  la  question  de  savoir  si  sa  cons- 
truction est  antérieure  à  celle  du  sanc- 
tuaire. Mais  cela  supposerait  l'existence 
d'une  soudure  au  mur  extérieur  du  colla- 
téral, à  l'amorce  de  la  travée  voûtée.  Cette 
soudure,  nous  l'avons  vainement  cherchée 
dans  cette  partie  du  mur  certainement 
ancienne  et  peu  remaniée. 

L'erreur  provient  sans  doute  de  ce  que 
les  restaurateurs  sont  partis  de  l'idée  géné- 
ralement admise  alors,  que  le  chœur  et  le 
collatéral  devaient  être  attribués  à  l'abbé 
Rodolphe.    Dans   ce  cas   le  collatéral    eût 


pu  recevoir  le  jour  par  des  baies  romanes. 
Voici  nos  conclusions  :  La  partie  occi- 
dentale de  l'église  d'Hastière,  le  transept, 
la  crypte,  la  nef  et  ses  bas-côtés  avec  la 
tour  sont  l'œuvre  de  l'abbé  Rodolphe  ;  le 
sanctuaire,  le  chœur  conventuel  et  son 
collatéral  doivent  être  attribués  à  l'abbé 
Alard  de  Hierges. 

En  terminant,  hommage  soit  rendu  à  la 
mémoire  du  savant  éminent,  M.  le  chanoine 
Reusens,  mon  ancien  profe.sseur,  auquel 
j'avais  soumis  le  résultat  des  recherches 
préalables  à  cette  étude. 

Je  suis  heureux  de  remercier  de  leurs 
renseignements,  si  obligeamment  donnés, 
M.  l'abbé  Ledoux,  ancien  curé  d'Hastière, 
et  M.  Schlcigel,  le  curé  actuel. 

M.  P.  J.  de  Maesschalck,  archéologue  à 
Termonde,  a  bien  voulu  se  charger  du  plan 
de  l'église.  Je  ne  saurais  assez  l'en  re- 
mercier. 

Adrien  Schelleken.s. 


i^  A^*  \^*  \^*  iM*  A^^  A^nA  iM^  iSi*  K^*.  »^^  A^-*  *^t*  *^^  *^^  *'^  ! 


fTTTTTTT    TTTTTTl-liniTriT-rrrrrTTTI  TIIITTII  rTTT^T^^TT^  Y  II  I  n:  T  T  T  T  rTTn -TTT  TTTT  inrT-TTT^T-f  rTTT  rTJ]l.ITI  ITI^"  riTTTI^CT  LIIXIJJCITIXIIITLlIJIIIIXXrrXI^ 


Description  Des  portails  îie  l'cglise  JSt'Tl)ibauit 


De  TDann  (Hlsace).  (n°  clxxv  dc  la  coucmon). r-s'^^/^t-;  o. 


I 
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3cnTrrTnrTTTTTxi::nriTTT)tTiriin]:iiirTrrjn 


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;^*iÔ^  *^^  *;>5*  *i*I^  *iiï^  ^a6I^  ^a^^  ""^^  ""S.-^  ''él''  ^S^  *itl,*  *Ai5^  *i*î^  *AÔ^  ]^ 
Tympans  inférieurs 


A  connexité  des  sujets  iconogra- 
phiques, sinon  l'ordonnance  ar- 
chitecturale, nous  amène  à  exa- 
miner maintenant  les  tympans  inférieurs, 
en  commençant  par  celui  de  droite. 

Tympan  de  droite.  —  Il  est  entièrement 
consacré  à  la  représentation  de  la  Nativité 
de  Jésus,  dont  les  différents  épisodes  sont 
disposés  non  en  bandes  régulières  comme 
au  tympan  principal,  mais  en  plusieurs 
plans  arbitrairement  séparés  :  ce  qui  ne 
laisse  pas  de  produire  un  désordre  aussi 
amusant  que  pittoresque  (-). 

119.  —  Dans  un  nuage  au-dessus  de 
rochers  qui  ont  la  forme  de  prismes  basal- 
tiques, apparaît  une  tête,  peut-être  celle  de 
Dieu  le  Père  (bien  qu'elle  n'en  reproduise 
pas  les  traits  habituels)  assistant  du  haut 
des  cieux  au  mystère  de  l'Incarnation  ; 
peut-être  aussi,  comme  pourrait  le  faire 
croire  la  toque  qui  la  coiffe,  cette  tête  est- 
elle  celle  du  maître  imagier  auteur  des 
sculptures  de  la  porte. 

I  20.  —  Au-dessous  de  lui,  et  séparés  des 
scènes  voisines  par  une  mince  bande  de 
nuées,  une  douzaine  de  petits  anges,  dis- 
posés sur  deux  rangs,  de  face,  se  montrent 
à  micorps  :  les  deux  plus  rapprochés  de 
terre  tiennent  en  mains  un  objet  indis- 
tinct, qui  doit  être  la  traditionnelle  bande- 
role, ou  plutôt  le  livre  ouvert,  avec  l'ins- 
cription :  «  Gloria  in  excelsis  Deo...  » 

1.  ï'^  partie.  —  Voyez  la  \"  partie,  p.  292. 

2.  Ce  système  de  plusieurs  plans,  assez  rare  dans  les 
sculptures  du  moyen  âge,  se  retrouve  au  tympan  de  la 
porte  de  Berne,  dont  nous  avons  déjà  signale  les  analo- 
gies avec  notre  portail  et  aussi  à  la  porte  sud  d'Ulni. 


12  1.  —  Au-dessous  des  anges,  trois 
bergers,  réveillés  par  le  cantique,  se  sont 
levés,  et,  debout,  lèvent  les  yeux  au  ciel, 
tournant  le  dos  au  spectateur;  leur  costume 
est  amusant  :  le  capuchon,  la  grosse  houp- 
pelande indiquent  bien  des  bergers  alle- 
mands du  XIV^  siècle,  mais  si  courtauds, 
si  grassouillets,  qu'on  les  dirait  sortis  d'une 
boîte  de  jouets  de  Nuremberg.  Près  d'eux 
leurs  moutons  paissent;  à  gauche  un  pas- 
teur souffle  dans  un  cornet  ;  çà  et  là  se 
dressent  quelques  minuscules  arbustes;  à 
l'extrême  droite  de  la  scène,  une  chèvre, 
détachée  du  troupeau  des  bergers,  broute 
des  feuillages.  Chacun  de  ces  personnages 
ou  de  ces  arbrisseaux  est  planté  sur  un  de 
ces  blocs  de  basalte  que  nous  avons  signa- 
lés, ce  qui  leur  donne  encore  plus  l'appa- 
rence de  joujoux  de  bois.  —  A  la  droite 
des  trois  bergers,  on  voit  une  énorme  tête 
barbue  à  la  bouche  ouverte  :  la  main  de 
ce  personnage,  dont  le  reste  du  corps  est 
caché,  tient  un  petit  fagot  ou  un  faisceau. 
Est-ce  le  portrait  d'un  des  sculpteurs,  ou  un 
berger,  ou  plutôt  une  figure  du  démon,  ou 
du  paganisme,  frémissant  de  rage  à  l'aspect 
de  Jésus  naissant?  —  Une  tête  à  peu  près 
semblable  se  voit  au  tympan  de  Si-Vincent 
de  Berne,  sculpté  vers  la  même  époque  et 
sans  doute  par  des  artistes  de  la  même 
école,  au  milieu  d'un  des  rochers  qui  rem- 
plissent l'enfer.  —  Si  on  admettait  notre 
hypothèse,  on  pourrait  reconnaître  dans  le 
petit  personnage  voisin,  qui  regarde  le  ciel 
en  joignant  les  mains,  la  per.sonnification 
des  hommes  de  bonne  volonté,  qui  saluent 
la  venue  du  Messie  :  ainsi  d'un  côté,  les 
païens  endurcis  qui  vont  être  vaincus  ;  de 


îêovtails  De  Téglise  ^t4i:i)tbault  De  Cl)ann.         385 


l'autre,  les  futurs  chrétiens  qui  commen- 
cent à  espérer  :  cette  antithèse  serait  assez 
dans  le  goût  du  XIV^  siècle. 


122.  —  S.  Joseph,  coiffé  d'une  sorte 
de  toque,  agenouillé  devant  la  crèche,  y 
prend  (ou  y  dépose)  l'Enfant  Jésus  emmail- 


rrsvaer^s^ 


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lt!'e-^-f^N^-]C^^t^^^'^- 


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loté.  C'est  du  moins  ainsi  que  nous  croyons 
pouvoir  interpréter  cette  scène,   dont   cer- 


tains  détails  sont   peu   distincts.    —    Bien 
que  ce  sujet  et  le  suivant  aient  pour  théâtre 


386 


IBitWt  tie  rart  cbvétteu- 


commun  l'étable,  dont  le  petit  toit  percé 
d'une  cheminée  ou  d'une  lucarne,  surmonte 
toute  cette  partie  du  bas-relief,  nous  devons 
les  séparer,  car  autrement  nous  trouverions 
dans  la  même  scène  deux  Enfants  Jésus. 

123.    —    L'Adoration     des     mages.     — 
L'étoile  s'est  arrêtée  et  posée  sur  le  toit  de 
l'étable.    Dans    l'étable    même,    la  Vierge 
est  à  demi  couchée   dans   un    petit    lit  ('), 
au-dessus   duquel    paraissent  les   têtes   de 
l'âne    et  du   bœuf,   qui    se   retourne   pour 
manger  au  râtelier  ;  sur  les  pieds  de  Marie, 
est  assis,  au  bout  du  lit,  le  petit  Jésus,  mi- 
gnon   et  frisé,  vêtu  d'une  courte   robe  et 
ayant  à  peu  près  la  taille   d'un   enfant  de 
deux  ans  ;  en  souriant,   il  tient  le  coffret 
d'or  qui   lui  est  offert  par  le  premier  des 
mages,  agenouillé  devant  lui,  et  le  bénit.  Ce 
roi,  à  la  ceinture  duquel  est  pendue  une 
épée,  a  déposé  à  terre  sa  couronne  et,  pros- 
terné, il  caresse  les  pieds  de  l'Enfant.  Au 
second  plan,  trois  serviteurs,  debout,  dont 
l'un  tient  par  la  bride  le  cheval  du  mage. — 
Immédiatement    derrière,   le    second    roi, 
couronné,   et  barbu   comme  le  précédent, 
descend   de   cheval  ;   il   a  encore   un    pied 
dans  l'étrier,  et  tient  à  la  main  une  sorte  de 
ciboire  qui  renferme  l'encens.    Au   second 
plan,    un  soldat  armé  de  pied  en   cap.  — 
Derrière   ce   groupe,    le  cortège  continue, 
dégringolant  comme   d'un    chemin    creux, 
tout  le  long  de  la  voussure  :  ce  sont  d'abord 
deux  hérauts  à  cheval  ('),  bizarrement  ac- 
coutrés,   sonnant    de    longues    trompettes 
droites  ;  derrière  eux  s'entrevoit  un  autre 
cavalier  ;   puis   le   troisième    mage,  jeune, 
imberbe,  aux   cheveux   frisés,  couronné  et 
cuirassé  ;  dressé  sur  ses  étriers,  il  porte  à 
la  main  le  ciboire  fermé,  rempli  de  myrrhe. 

1.  De  niême  à  Fribourgen-Rrisgau. 

2.  Tous  ces  chevaux  ont  l'encolure  protégée  par  une 
pièce  de  mailles,  allant  de  leurs  oreilles  jusqu'à  la  selle  : 
harnachement  de  guerre  usité  à  la  fin  du  moyen  âge. 


—  Derrière,  ou  plutôt  au-dessus  de  lui,  tant 
est  raide  la  pente  que  descend  le  cortège, 
viennent  d'abord,  marchant  de  front,  deux 
cavaliers  tout  bardés  de  fer,  avec  casque 
conique  et  cuirasse,  reliés  ensemble  par 
un  tissu  de  mailles;  enfin,  fermant  la  marche,  I 
deux  cavaliers  encore,  dont  l'un  très  mutilé  ; 
l'autre  est  un  chevalier  barbu,  casqué,  mais 
sans  cotte  de  mailles  et  moins  pesamment 
armé  que  les  précédents. 

Ty)iipan  de  gauche.  —  Faisant  pendant 
à  la  Nativité,  ce  bas-relief  nous  montre,  en 
une  seule  scène,  la  mort  du  Christ.  Les 
groupes  sont  ici  disposés  avec  plus  d'art,  et 
l'exécution  semble  moins  naïve  qu'au 
tableau  précédent. 

124  —  Jésus  meurt  sur  la  croix:  la  tête 
couronnée  d'épines,  les  pieds  cloués  l'un 
sur  l'autre;  cette  figure  admirable  d'expres- 
sion ne  diffère  en  rien  de  nos  plus  beaux 
Crucifix  modernes. 

125-126.  —  De  chaque  côté  de  la  Croix, 
un  ange  adorateur  à  genoux  sur  une  nuée, 
élève  dans  ses  mains  un  calice  pour  re- 
cueillir les  gouttes  de  sang  qui  coulent  des 
mains  transpercées  du  Sauveur.  Sous  ces 
nuées,  deux  anges,  plus  petits,  apparaissent 
à  mi-corps. 

127.  —  Un  ange,  sortant  à  mi-corps 
d'un  nuage,  au  sommet  de  la  Croix,  déploie 
entre  ses  bras  une  banderole  avec  l'inscrip- 
tion 1.  N.  R.  I.  ordinairement  fixée  à  la 
croix  elle-même. 

128.  —  Le  bon  larron,  dont  la  tête  est 
extrêmement  mutilée,  est  attaché  à  une 
croix,  moins  haute  que  celle  de  Jésus.  Ses 
jambes  sont  repliées,  et  un  soldat  monté 
à  une  échelle  appliquée  au  bras  de  la  croix, 
les  lui  brise  pour  l'achever  ;  un  ange  descend 
du  ciel,  au-dessus  de  sa  tête,  pour  recueillir 
son  âme  rachetée.  Au  pied  de  l'échelle,  trois 
cavaliers. 


0ortatl0  îje  l'église  t)t  Cl)tbault  De  Cl)ann, 


387 


129.  —  Le  mauvais  larron,  placé  de  même, 
de  l'autre  côté  du  Christ  (').  Même  détail 
qu'au  n°  128.  Si  la  partie  supérieure  du 
tableau  n'était  pas  mutilée,  nous  verrions 
sans  doute  un  démon  venant  chercher  l'âme 
du  pécheur  impénitent. 

1 30.  —  Au  pied  de  la  croix,  se  tient  un 
groupe  de  cavaliers  aux  casques  bizarres  et 
variés  ;  parmi  eux  doit  se  trouver  Longin, 
s'apprêtant  à  percer  le  côté  de  Jésus.  Ils 
sont  suivis  d'autres  personnages  qui  pa- 
raissent être  des  Juifs,  car  ils  sont  vêtus  à 
l'orientale,  coiffés  de  toques  fantaisistes  et 
armés  simplement  d'une  courte  épée  ;  leur 
chef  à  la  tête  barbue,  se  retourne  vers  son 
suivant  et  semble  lui  dire,  en  montrant  du 
doigt  le  Christ:  «  Cet  homme  était  vraiment 
Fils  de  Dieu  !  » 

131.  —  Les  soldats  jouent  aux  dés  sur 
une  table  improvisée,  la  robe  sans  couture 
de  Jésus,  que  l'un  d'eux  porte  sur  l'épaule. 
Au  premier  plan,  un  de  ces  mercenaires, 
assis,  rit  aux  éclats,  soit  parce  que  la  chance 
l'a  favorisé,  soit  plutôt  parce  qu'il  voit  deux 
de  ses  camarades  se  disputant  et  s'ar- 
rachant  la  barbe  à  la  suite  d'un  coup  de  dés 
douteux. 

132.  —  Le  groupe  des  Saintes  Femmes. 
—  Au  pied  de  la  croix  de  Jésus,  Made- 
leine, élevant  ses  mains  jointes,  est  pros- 
ternée; à  terre,  près  d'elle,  est  un  vase  de 
parfums.  —  A  ses  côtés,  la  Vierge,  que 
S.  Jean  cherche  vainement  à  soutenir, 
tombe  en  pâmoison  dans  les  bras  d'une 
Sainte  Femme  assise  à  terre.  —  Derrière 
ce  groupe  est  un  cavalier,  sans  doute  un 
centurion,  armé  de  pied  en  cap. 

I.  Le  plus  souvent,  sur  les  portes  du  moyen  âge,  le 
Christ  en  croix  est  représenté  seul  ;  pourtant  on  trouve 
les  deux  larrons,  accompagnés  d'un  ange  et  d'un  démon, 
dès  le  XI I'  siècle  àSt-Pons  (Hérault)..'\u  XlII'et  surtout 
au  XIV'  siècle,  les  exemples  sont  nombreux. 


Voussure  des  tympans  inférieurs. 

NOUS  retrouvons  ici,  au  cordon  in- 
térieur, des  scènes  de  supplice  : 
M.  Ch.  Grad  croit  y  reconnaître  les  mar- 
tyres des  principaux  Saints  du  rituel  de 
Bâle,  qui  était  autrefois  suivi  à  Thann  :  ce 
n'est  pas  absolument  exact,  bien  que, 
parmi  les  Saints  que  nous  trouvons  ici,  la 
plupart  soient  compris  dans  ce  rituel  ;  — 
à  l'autre  cordon  se  pressent  d'autres  Saints, 
particulièrement  populaires  en  Alsace. 

Premier  cordon.  —  Baie  de  gauche  : 

^2>?>-  —  Un  évêque  est  agenouillé,  mitre 
en  tête  et  mains  jointes,  attendant  le  coup 
fatal  ;  près  de  lui,  deux  exécuteurs,  dont 
un,  par  derrière,  le  frappe  d'une  hache  sur 
la  tête.  Ce  saint  passe  pour  être  S.  Mathieu. 

134.  —  Ste  Agnès  est  amenée  par  deux 
soldats  devant  le  juge;  celui-ci,  vêtu  comme 
un  seigneur  du  XV^  siècle,  est  assis. 

135. —  Supplice  de  S.  Vit:  le  jeune  martyr 
(il  était  âgé  de  douze  ans)  est  plongé,  nu, 
dans  une  chaudière  remplie  de  poix  bouil- 
lante, sous  laquelle  un  bourreau,  muni  d'un 
souffîet,  active  le  feu  avec  rage.  Cependant 
le  Saint,  croisant  les  mains  sur  la  poitrine, 
semble  être  comme  en  extase.  A  gauche 
se  tient  l'empereur  Dioclétien,  les  bras 
croisés,  présidant  au  supplice.  —  Ce  même 
sujet  est  représenté  sur  un  vitrail  ancien 
de  St-Thibault. 

136.  —  Martyre  de  S.  Jean-Baptiste  :  en 
haut  sont  assis  à  un  festin  le  roi  Hérode 
avec  la  reine  et  deux  convives  ;  en  avant, 
S.  Jean,  couvert  de  sa  peau  de  chameau, 
est  agenouillé  devant  l'exécuteur  qui  le 
désigne  d'une  main,  tandis  que  de  l'autre  il 
tient  son  glaive.  Hérodiade,  couronnée 
(comme  à  la  cathédrale  de  Rouen),  porte 
le  chef  du  Saint  dans  un  plat. 

137.  —  Supplice  de  S.  Erasme:  vêtu  de 
ses   ornements   pontificaux,   le  martyr  est 


388 


Bebuc  tic  rSrt  cbvcrinL 


assis  de  face  sur  un  siège.  Deux  bourreaux, 
armés  de  longues  alênes,  lui  transpercent 
l'un  le  pouce  de  la  main  gauche,  l'antre  le 
pouce  du  pied  gauche.  Les  traits  du  Saint 
expriment  une  souffrance  extrême. 

138.  —  Martyre  de  Ste  Afra,  vierge:  elle 
est  debout  sur  son  bûcher,  richement  vêtue, 
une  couronne  placée  sur  ses  longs  cheveux; 
à  sa  droite,  un  bourreau,  en  attisant  le 
bûcher,  vient  de  se  brûler  et  pousse  des  cris 
de  douleur  :  détail  plein  de  verve  qui  carac- 
térise bien  l'imagier  de  Thann.  -Ste  Afra 
est  une  Sainte  particulièrement  vénérée  en 
Alsace  :  non  loin  d'Altkirch,  une  église  lui 
est  dédiée. 

139.  —  S.  Sébastien,  nu,  debout,  tourne 
le  dos  à  quatre  soldats  qui  lui  tirent  des 
flèches  à  bout  portant.  —  Ce  Saint  était 
jadis,  à  Thann,  l'objet  d'une  vénération 
particulière.  En  1422,  le  pape  accorda  des 
indulgences  spéciales  à  cette  dévotion  dans 
l'église  de  Thann  ('). 

140.  —  S.  Laurent  est  étendu  sur  son 
gril  ;  trois  bourreaux  attisent  le  brasier  au- 
dessous,  tandis  que  Décius,  couronné, 
préside  au  supplice  qu'il  a  ordonné.  — 
S.  Laurent  avait  autrefois  un  autel  dans 
l'église  St-Thibault  ;  son  martyre,  ainsi 
que  celui  de  S.  Sébastien,  est  représenté 
dans  le  grand  vitrail  du  chœur. 

Baie  de  droite. 

141  —  S.  Etienne,  agenouillé,  prie  les 
yeux  levés  au  ciel,  tandis  que  deux  Juifs 
le  lapident  ;  en  arrière,  un  pharisien  barbu 
semble  encourager  les  bourreaux.  —  On 
remarquera  que  S  Etienne  est  ainsi  placé 
symétriquement  à  S.  Laurent  :  c'est  une 
tradition  des  imagiers  de  mettre  côte  à  côte 
les  deux  diacres  martyrs,  auxquels  on  ad- 
joint parfois  S.  Vincent. 

I.  Celte  bulle  existe  encore  dans  les  archives  de  la 
mairie  de  Thann. 


142.  —  Martyre  de  S.  Léger  :  deux  sol- 
dats d'Ebroin  maintiennent  par  derrière  le 
saint  évêque  d'Autun,  tandis  que  deux 
bourreaux,  à  l'aide  d'une  vrille  de  charpen- 
tier, lui  crèvent  les  yeux. 

143.  —  S'^  ApoUonie,  couronnée  d'un 
diadème,  est  assise  et  croise  les  bras  sur  sa 
poitrine  ;  deux  bourreaux  la  martyrisent  : 
l'un,  tenant  un  ciseau  sur  lequel  il  frappe  à 
coups  de  marteau,  fait  sauter  les  dents  de 
la  Sainte  ;  l'autre  les  saisit  au  moyen  d'une 
pince  —  S'"  Apollonie  était  en  grande  vé- 
nération à  Thann  ;  l'église  des  Franciscains 
lui  était  dédiée. 

144.  —  S'^  Odile  est  agenouillée,  mains 
jointes,  dans  son  costume  de  nonne,  devant 
un  autel  recouvert  d'une  nappe  et  sur  lequel 
brûle  un  cierge.  Elle  prie  pour  son  père 
mourant,  que  l'on  aperçoit  près  d'elle  :  c'est 
un  vieillard  barbu,  vêtu  d'une  chemise  et 
couché,  les  bras  croisés  sur  sa  poitrine. Un 
ange  apparaît  qui,  de  sa  main,  touche  le 
bras  du  moribond,  pour  exprimer  que  la 
prière  de  S'"  Odile  a  obtenu  le  salut  de  l'âme 
de  son  père.  — -  Cette  Sainte  est  la  patronne 
de  l'Alsace  ;  la  chapelle  de  l'hôpital  de 
Thann  est  placée  sous  son  vocable. 

145.  —  .S.  Emméran,  barbu,  est  assis  à 
demi  nu  sur  une  pierre  :  cette  circonstance, 
ainsi  que  le  nombre  des  trois  bourreaux  qui 
l'entourent,  est  conforme  à  la  vieille  tradi- 
tion rapportée  dans  une  vie  des  Saints  im- 
primée en  1513  à  Strasbourg. —  Le  pre- 
mier des  bourreaux,  à  la  gauche  du  Saint, 
se  tient  debout,  de  face,  sur  un  perron  de 
deux  marches  ;  d'une  main  il  tient  écarté  le 
bras  de  S.  Emméran,  et  de  l'autre  lui  coupe 
les  doigts  de  la  main  gauche  ;  le  second,  de- 
bout près  du  -Saint,  lui  tranche  sur  sa  pro- 
pre cuisse  les  doigts  de  la  main  droite  ;  le 
troisième,  assis  à  terre,  appuie  sur  une 
pierre  le  pied  du  .Saint,  afin  de  lui  couper 
les  orteils  avec  un  coutelas  de  boucher.  La 


laortaUs  îic  l'égUse  â)t  Cl)îbault  ht  Cljann. 


389 


physionomie  de  S.  Emméran  exprime  une 
douleur  profonde. 

146  —  L'ermite  S.  Antoine  tourmenté 
dans  le  désert  par  les  démons  :  le  Saint, 
très  barbu,  est  vêtu  d'un  froc  de  moine  et 
d'une  sorte  de  camail  :  il  est  agenouillé  et 
prie,  malgré  les  efforts  de  trois  démons 
velus,  à  pieds  de  chèvre,  qui,  armés  de 
massues,  le  frappent  l'un  au  front,  l'autre 
au  côté.  —  Cette  tentation  de  S.  Antoine 
est  une  des  plus  anciennes  que  nous  con- 
naissions sur  les  portes  d'église  ;  il  est 
intéressant  de  constater  qu'elle  ne  présente 
pas  le  caractère  grotesque  que  se  sont  plu  à 
lui  donner  les  Callot  et  les  Téniers  :  <<  le  fi- 
dèle compagnon  de  S.  Antoine  »  notam- 
ment paraît  être  une  invention  postérieure 
au  XlV'e  siècle,  car  l'imagier  de  Thann, 
dont  nous  avons  constaté  çà  et  là  l'esprit 
jovial,  n'aurait  pas  négligé  un  accessoire 
aussi  pittoresque. 

147.  —  Martyre  de  S'^  Lucie  :  la  vierge, 
dépouillée  de  ses  vêtements,  debout,  joint 
les  mains  ;  un  bourreau  lui  verse  sur  la 
chair.au  moyen  d'une  grande  cuiller,  la  poix 
bouillante  qu'il  puise  dans  une  cuve  cerclée 
posée  sur  un  feu  devant  la  martyre.Comme 
celle-ci  résiste  à  ce  tourment,  le  consul 
Paschase  qu'on  aperçoit  au  fond,  couronné 
comme  un  roi,  entre  deux  acolytes  barbus, 
donne  l'ordre  de  lui  percer  la  gorge  :  un 
second  bourreau,  d'une  main  saisit  déjà  la 
tête  de  la  victime  et  de  l'autre  brandit  son 
glaive. 

148.  —  S.  Mathias,  barbu,  vêtu  de  la  ro- 
be et  du  manteau,  costume  habituel  des 
Apôtres,  est  à  genoux,  les  mains  croisées  et 
liées  ensemble  ;  déjà  le  bourreau  abaisse  sa 
hache  sur  la  tête  du  martyr.  Au  fond  de  la 
scène  se  tient  le  persécuteur,  coiffé  d'un 
bonnet  de  fourrure,  les  mains  posées  sur  le 
pommeau  de  son  épée  ;  deux  soldats  sont 
debout  à  sa  droite. 


Second  cordon.  —  Baie  de  gauche. 

149.  —  S"=  Hélène,  ayant  sur  la  tête,par- 
dessus  son  voile,  la  couronne  d'épines,tient 
à  la  main  la  Vraie  Croix,  qu'elle  a  retrouvée 
sur  le  Calvaire.  Cette  figure,  comme  toutes 
les  suivantes,  est  debout. 

150.  —  Saint  religieux,  vêtu  d'une  robe 
sans  ceinture,  tenant  dans  la  main  droite 
une  verge  recourbée  et  dans  la  gauche  un 
livre  à  demi  ouvert  :  ce  Saint  passe  pour 
être  S.  Benoît, mais  on  pourrait  aussi  recon- 
naître en  lui  l'un  des  moines  fondateurs  ou 
réformateurs  d'Ordres,  si  nombreux  au 
moyen  âge  en  Alsace  et  sur  les  bords  du 
Rhin  :    S.    Morand,    S.    Fridolin,    S.  Gall, 

etc.. 

151. —  S.  Paul,  ermite,  à  la  longue  barbe 
inculte,  s'appuie  sur  un  bâton  ;  il  est  vêtu 
d'une  robe  faite  de  racines  tressées;  dans  sa 
main  gauche  il  tient  un  pain. 

152.  —  Ermite  imberbe,  à  la  face  ridée  ; 
ses  pieds  et  son  torse, nus, sont  très  maigres, 
presque  décharnés  ;  sa  chevelure  est  extrê- 
mement longue  ;  son  vêtement  est  fait  de 
feuilles.  Près  de  lui,  un  ange  lui  présente  la 
sainte  Hostie.  Albert  Durer  et  Hans 
Schâufelin  ayant  représenté  de  cette  même 
manière  S.  Onuphre,  on  doit  penser  qu'il 
s'agit  ici  de  ce  Saint.  Cependant  la  lon- 
gueur des  cheveux,  jointe  à  l'absence  de 
barbe,  permettent  de  se  demander  si  cet 
ermite  n'est  pas  plutôt  une  femme  ;  ce  serait 
alors  S"=  Marie  l'Égyptienne  ;  mais  en  ce 
cas  l'imagier,  en  nous  montrant  près  d'elle 
un  ange,  aurait  traité  bien  librement  la  lé- 
gende, car  c'est  l'abbé  S.  Zosime  qui,  tra- 
versant le  Jourdain  en  marchant  sur  les 
eaux,  vint  au  jour  de  Pâques,  apporter  la 
communion  à  la  Sainte. 

153.  —  S.  Augustin,  en  habits  épiscopaux 
avec  la  mitre,  l'aube,  la  chasuble,  tient  de 
la  main  droite  sa  crosse;  dans  l'autre  main 
il  porte  une  aumônière  contenant  un  livre. 


390 


jRebue  De  l'art  chrétien. 


—  On  trouve  au  musée  de  Colmar  un 
autel  sur  lequel  ce  saint  est  représenté 
exactement  de  la  même  manière. 

154.  —  Une  sainte,  couronnée,  enfonce 
dans  la  Gueule  d'un  drayron  infernal  une 
lance  dont  la  hampe  est  terminée  par  une 
petite  croix  ;  sans  doute  S'*"  Marguerite,  qui 
vainquit  de  cette  façon  le  démon.  Bien 
qu'elle  ne  fût  pas  reine,  on  la  représente 
parfois  couronnée. 

155.  —  L'empereur  S.  Henri  II,  barbu, 
couronné,  vêtu  d'une  tunique  de  guerrier  ; 
il  tient  à  la  main  son  sceptre  et  une  petite 
église,  reproduction  très  fantaisiste  de  la 
cathédrale  de  Bamberg  fondée  par  lui. 

156.  —  Evêque  crosse  et  mitre,  tenant 
de  la  main  gauche  un  sudarium,  et  de  la 
droite,  levée  en  l'air,  un  poisson  :  c'est 
S.  Ulrich,  évêque  d'Augsbourg,  qui  a  con- 
verti Ste  Afra  :  il  est  à  ce  titre  très  popu- 
laire sur  les  bords  du  Rhin,  notamment  à 
Bâle  ;  plusieurs  villages  de  la  contrée  por- 
tent son  nom. 

Ici  se  termine  le  second  cordon  de  la  vous- 
sure: on  remarquera  qu'à  cette  baie,  comme 
à  l'autre,  ce  côté  de  la  voussure  comprend 
deux  sujets  de  moins  que  le  côté  opposé  : 
c'est  qu'en  effet  ce  cordon  se  prolonge  aux 
ébrasements  par  une  gorge  moulurée,  tan- 
dis qu'au  trumeau  il  cesse  d'exister. 

Baie  de  droite. 

'57.  —  S.  Maurice,  complètement  armé, 
vêtu  d'une  courte  tunique  ;  son  costume, 
qui  veut  être  romain,  se  complète  par  un 
casque  bizarre,  précurseur  de  celui  des 
anciens  pompiers.  II  tient  en  main  une 
lance  surmontée  d'une  petite  croix.  — 
S.  Maurice,  comme  tous  les  martyrs  de 
la  légion  thébaine,  mis  à  mort  dans  le 
Valais,  est  très  populaire  sur  les  bords  du 
Rhin  :  les  ossements  de  ces  martyrs  sont 
d'ailleurs  conservés  à  Cologne  dans  l'admi- 


rable église  dédiée  à  l'un  d'eux,  S.  Géréon. 

158.  —  L'archange  S.  Michel,  transper- 
çant de  sa  lance  le  dragon  infernal  qui  se 
tord  à  ses  pieds. 

159. —  Un  saint  abbé  crosse,  en  costume 
de  pénitent,  tenant  dans  sa  main  gauche  une 
pierre.  Ce  saint  passe  pour  être  S.  Jérôme; 
la  pierre  qu'il  porte  serait  alors  celle  dont 
il  se  servait  pour  meurtrir  son  corps  pen- 
dant ses  tentations.  —  Mais  nous  préfére- 
rions voir  ici  S.  Fridolin,  fondateur  du 
monastère  de  Sâckingen,  sur  le  Rhin,  et 
apôtre  de  la  Suisse,  ou  encore  S.  Gall, 
premier  abbé  du  célèbre  couvent  qui  porte 
son  nom. 

160.  —  Un  saint  évêque,  mitre  en  tête, 
tenant  sa  crosse  et  bénissant  :  c'est  S.  Ni- 
colas, patron  d'une  des  premières  églises 
de  Thann. 

161.  —  S.  François,  en  costume  de 
moine,  nu-tête  et  tonsuré  :  les  deux  mains 
ouvertes  en  avant,  il  semble  montrer  ses 


stigmates. 


162.  —  S.  Georges,  couvert  d'une  ar- 
mure complète,  mais  coiffé,  au  lieu  de  cas- 
que, d'un  bizarre  bonnet  de  fourrure.  —  On 
remarquera  qu'à  la  cathédrale  de  Bâle  le 
même  Saint  porte  aussi  un  haut  bonnet 
orné  de  plumes,  précurseur  de  ceux  des 
houzards  du  X\'I1I"  siècle.  —  A  sa  cein- 
ture est  passé  un  poignard  ;  il  lient  de  la 
main  gauche  son  bouclier  et  de  la  droite  un 
petit  étendard  dont  la  hampe  est  terminée 
par  une  croix.  Il  regarde  à  ses  pieds  une 
place  aujourd'hui  vide,  où  sans  doute  se 
trouvait  le  dragon  dont  il  a  triomphé. 

163.  — S.Bernard,  fondateur  de  Cîteaux, 
tient  à  la  main  une  crosse  dans  la  volute  de 
laquelle  se  montre  un  lis  :  allusion  soit  à  la 
pureté  de  ce  Saint,  soit  plutôt  à  la  dévotion 
spéciale  qu'il  professait  pour  la  Vierge.  — 
La  présence  de  S.  Bernard  se  justifie 
aisément  ici,  car,  par  une  bulle  de    1422, 


|dortaU0  îie  Vtsiisit  â)^CDibault  tie  Cî)ann.         391 


Thann  obtint  la   faveur  de  célébrer  solen- 
nellement sa  fête. 

164.  —  L'impératrice  d'Allemagne, 
Ste  Cimégonde,  épouse  de  S.  Henri  II.  — 
Enveloppée  d'un  large  manteau,  couronnée 
d'un  diadème  pardessus  son  voile  et  son 
bandeau,  elle  tient  à  la  main  une  croix 
grecque, en  mémoire  du  fragment  de  laVraie 
Croix  dont  elle  fit  présent  à  l'église  de 
Bcàle. 

Linteatix.  —  Les  linteaux  des  deux  baies 
que  nous  venons  d'examiner  sont  ornés 
chacun  d'une  arcature  très  riche  de  la  toute 
dernière  période  du  style  gothique.  Sous 
ces  arcades  sont  des  écussons  que  nous 
allons  examiner. 

165.  —  (Refait  nouvellement).  Écu  aux 
armes  de  la  ville  de  Thann  ('),  avec  le  sapin 
légendaire  ;  on  retrouve  cet  écu  sur  les  an- 
ciennes monnaies  de  la  ville  (''). 

166.  —  (Refait  nouvellement).  Deux 
bars  renversés  d'or  :  ce  sont  les  armes  des 
comtes  de  Ferrette,  premiers  seigneurs  de 
Thann  (^). 

167.  —  (Refait  nouvellement).  Aigle 
simple  éployé  :  on  retrouve  ces  armoiries 
au  revers  de  certaines  monnaies  de  Thann 
et  aussi  de  Colmar:  c'est  l'aigle  autrichien. 
En  eftet,  après  l'extinction  de  la  maison 
comtale  de  Ferrette,  Thann  passa  sous  la 
domination  des  archiducs  d'Autriche  :  c'est 
au  cours  de  cette  période  que  fut  édifiée 
l'église  de  St-Thibault. 

168.  —  (Refait  nouvellement).  Lion  ram- 
pant, armoirie  des  barons  de  Reinach;  nous 
avons  retrouvé  sur  les  monnaies  de  Mul- 


1.  Voir  page  292  l'histoire  de  la  fondation  de  Thann  et 
la  signirication  de  ce  sapin  dans  les  armes  de  la  ville. 

2.  Thann  obtint  en  1387,  des  archiducs  d'Autriche,  le 
droit  de  battre  monnaie;  ses  écus  représentent  générale- 
ment, sur  une  face,  l'image  de  S.  Théobald  ;  sur  l'autre, 
les  armes  de  la  ville. 

3.  Plus  anciennement,  la  maison  de  Ferrette  (en  alle- 
mand <  Pfirt  >),  avait  pour  armes  un  buste  de  femme 
habillé  de  gueules,  couronné  d'or. 


house  du  XVI  le  siècle  un  lion  semblable 
supportant  l'écu  de  la  ville. 

169-170.  —  La  forme  des  écus  subsiste  ; 
mais  les  armoiries  ayant  été  effacées,  on  les 
a  laissé.s  tels  lors  de  la  restauration. 

Les  deux  dernières  petites  arcades 
sont  complètement  vides  :  on  ne  peut 
affirmer  qu'elles  aient  jamais  abrité  des 
écussons. 

171.  —  Trumeau.  —  Au  sommet  d'une 
fine  colonnette,  dont  le  chapiteau  dépasse  le 
niveau  des  baies  de  la  porte,  la  Vierge  se 
tient  debout,  couronnée,  par-dessus  son 
voile,  d'un  diadème  à  fleurons.  Elle  porte, 
assis  sur  son  bras,  l'Enfant  Jésus,  nu-tête 
et  sans  nimbe,  qui  tient  le  globe  dans  une 
main  et  de  l'autre  caresse  le  menton  de  sa 
Mère.  —  La  Vierge  porte  en  outre  un  livre 
entr'ouvert.  —  Cette  statue  du  XI V^  siècle 
est  très  gracieuse,  et  peut  soutenir  la  com- 
paraison avec  les  plus  belles  Vierges  de  nos 
cathédrales. 

1  72.  —  S.Thibault,  évêque,  aux  cheveux 
frisés  sous  sa  mitre  brodée,  tient  sa  crosse. 

—  Un  personnage  minuscule,  en  costume 
de  moine,  au  capuchon  rabattu  sur  le  dos, 
est  agenouillé  à  ses  pieds.  On  pourrait  voir 
aussi  dans  ce  personnage  à  genoux,  soit  un 
donateur,  soit  le  serviteur  du  Saint  qui  ap- 
porta ses  reliques  en  Alsace(voir  page  292). 

—  La  tête  de  S.  Thibault  a  été  refaite 
nouvellement. 

I  -j^.  —  Ste  Catherine,  couronnée,  tient  à 
la  main  un  livre  et  une  grande  épée  dont 
elle  perce  un  petit  personnage  figurant  sans 
doute  le  persécuteur  renversé  à  ses  pieds. 

174.  —  Êbrasements.  —  S.  Amarin, 
moine  à  longue  barbe,  nu-tête,  s'appuie  sur 
un  gros  bâton  de  voyage.  —  La  moitié  de 
la  tête  a  été  restaurée. 

175.  —  S.  Léonard,  abbé  :  imberbe,  tête 
nue,  il  porte  un  costume   de  moine.  De  sa 


main  gauche  il  tient  une  chaîne  dont  l'autre 
extrémité  est  fixée  au  cou  d'un  captif  age- 
nouillé, mains  jointes,  sur  le  sommet  d'une 
tour.  —  On  raconte  en  effet  que  le  vicomte 
de  Limoges  avait  fait  sceller  à  une  tour  de 
son  château  une  lourde  chaîne  à  laquelle  il 
attachait  par  le  cou  les  criminels.  Or  un 
serviteur  de  S.  Léonard,  ayant  été  par  er- 
reur ainsi  enchaîné,  invoqua  son  patron 
mort  depuis  quelque  temps,  et  celui-ci  le 
délivra  miraculeusement.  Aussi  ce  Saint 
est-il  invoqué  par  les  captifs. 

1/6.  — S'^  Barbe,  vierge,  couronnée, 
montre  du  doigt  une  sorte  de  tour  carrée 
qu'elle  tient  à  la  main. 

1  7  7-  —  S''  Apolline  ou  Apollonie,  couron- 
née, tient  sur  un  linge  une  énorme  dent,  en 
mémoire  de  son  martyre  :  le  persécuteur  lui 
fit  en  effet  briser  les  dents  à  coups  de 
maillet. 

Suite  du  mur  de  la  façade. 

I  /S.  —  S.  Georges,  en  costume  de  cheva- 
lier complètement  adoubé  :  casque  conique, 
brassards,  jambières,  cotte  de  mailles,  etc.. 
Debout,  il  transperce  de  sa  lance  la  gueule 
du  dragon  infernal,  qui  se  tord  à  ses  pieds. 
Cette  statue  est  fort  belle  :  elle  a  un  peu  de 
la  majestueuse  énergie  du  S.  Michel  de 
Frémiet. 

On  remarquera  que,  de  l'autre  côté  de 
la  porte,  la  place  symétrique  à  celle  occupée 
par  .S.  Georges  est  vide  et  parait  n'avoir 
jamais  été  décorée  d'aucune  figure. 

179.  — (.Statue  neuve).  S'^  Claire,  en  cos- 
tume de  religieuse,  tenant  à  la  main  une 
chapelle  ou  peut-être  un  reliquaire. 

1 80  —  (Statue  neuve).  S""  Agathe.vierge, 
au-dessus  d'un  petit  brasier  :  elle  subit  en 
effet  le  supplice  du  feu,  et  c'est  pour  cette 
rai.son  qu'on  l'invoque  communément  con- 
tre l'incendie. 


181  — (Statue  neuve).  S.  Edouard,  roi 
d'Angleterre,  ne  refusait  jamais  l'aumône  à 
ceux  qui  la  lui  demandaient  au  nom  de  S. 
Jean.  Un  jour,  imploré  au  nom  de  ce  Saint 
par  un  pèlerin, il  lui  donna  sa  bague,  n'ayant 
pas  sa  bourse  sur  lui.  Or  le  prétendu  pèle- 
rin était  S.  Jean  lui-même,  qui,  à  quelque 
temps  de  là,  rendit  miraculeusement  la  ba- 
gue au  pieux  monarque.  —  Nous  le  voyons 
ici  en  train  de  faire  cette  aumône. —  On  re- 
marquera que  la  Légende  Dorée  rapporte  la 
même  tradition  à  propos  du  roi  S.  Edmond. 

182.  —  (Statue  neuve).  S.  Antoine  de 
Padoue,  jeune  religieux,  portant  sur  son 
bras  l'Enfant  Jésus  et  tenant  à  la  main  un 
rameau  de  feuillage.  Inutile  de  faire  remar- 
quer que  cette  figure  n'a  aucune  prétention 
d'ancienneté  :  si  le  saint  franciscain,  par  sa 
vie,  appartient  au  XI 11^  siècle,  on  doit  re- 
connaître que  son  culte  s'est  développé 
seulement  à  une  époque  assez  récente  et 
que  les  sculpteurs  de  notre  porte,  au  XIV^ 
siècle,  devaient  à  peine  connaître  son  nom. 

183.  —  (Statue  neuve).  Moine  au  capuchon 
rabattu  sur  la  tête  ;  les  mains  sont  cachées 
sous  ses  manches  ;  entre  les  bras  il  tient  une 
croix.  Comme  S.  Antoine,  il  porte  un  cha- 
pelet pendu  à  sa  ceinture.  Ce  doit  être  S. 
François  d'Assise  :  cette  figure  nous  sug- 
gère les  mêmes  réflexions  que  la  précédente. 

184.  — S.  Louis,  imberbe,  portant  avec 
respect,  sur  un  coussin,  la  couronne  d'épi- 
nes qu'il  a  reçue  des  infidèles  et  pour  laquel- 
le il  a  fait  construire  la  S'"  Chapelle.  Con- 
trairement aux  représentations  habituelles, 
le  pieux  roi  tient  ici  une  épée  nue  et  est 
coiffé  d'un  casque  sur  lequel  est  posée  sa 
couronne  ;  sans  doute  pour  exprimer  qu'il 
fit  la  guerre  aux  ennemis  du  Christ. 

Sommet  de  la  porte. 

185  — Le  Christ,  assis,  le  torse  nu, mon- 
trant ses  plaies.  Comme  nous  l'avons  dit  ci- 


0ortaiï0  De  l'égliee  ^t'C|)it)ault  îie  Cl)aim, 


393 


dessus,  cette  statue  colossale  (3^4  mètres 
de  haut)  occupait  jadis  le  milieu  d'une 
rangée  de  sept  statues  ou  groupes  ;  placée 
un  peu  en  retrait  du  plan  de  la  porte,  elle  a 
seule  trouvé  grâce  devant  l'architecte  charoé 
de  la  restauration. 

Nous  n'avons  pu  englober  dans  notre 
schéma  les  autres  figures  qui,  plus  éloignées 
de  la  porte,  concourent  aussi  à  l'ornemen- 
tation de  cette  belle  façade.  Nous  croyons 
néanmoins  devoir  les  signaler  rapidement. 

Au  sommet  du  pignon,  debout  sur  un 
socle  décoré  d'une  figure  de  femme  nue, 
symbolisant  peut-être  le  vice,  se  montre 
l'évêque  .S  Thibault,  patron  de  l'église  et 
de  la  ville  de  Thann.  —  De  chaque  côté  du 
Saint,  deux  pèlerins,  un  homme  et  une 
femme,  agenouillés. 

Sur  le  mur  de  la  façade,  à  gauche,  en 
continuant  au  delà  du  N°  181,  nous  trou- 
vons successivement  : 

S.  Augustin,  tenant  la  crosse  d  évêque 
d'Hippone,  et  un  cœur  enflammé  ;  sur  son 
livre,  on  lit  le  titre  de  son  ouvrage  :  Civi- 
tas  Dei. 

S.  Jérôme,  en  costume  de  cardinal  ;  près 
de  lui  est  son  lion  ;  on  lit  sur  son  livre  : 
Biblia  sacra  :  c'est  la  Sainte  Bible  qu'il 
a  traduite. 

Un  saint  évêque  tenant  la  crosse  et  un 
marteau  :  c'est  S.  Eloi,  patron  des  mécani- 
ciens, nombreux  à  Thann. 

S.  Luc,  imberbe  ;  près  de  lui  le  bœuf;  — 
il  est  le  patron  des  dessinateurs  également 
nombreux  dans  la  ville. 

Au-dessus  de  ces  Saints,  S.  Christophe 
portant  sur  son  épaule  l'Enfant  Jésus. 

En  outre,  de  ce  côté,  nous  trouvons  une 
Sainte  couronnée,  près  de  laquelle  est  une 
urne  :  c'est  S"  Madeleine  avec  le  vase  d'al- 
bâtre contenant  les  parfums  dont  elle  oignit 
Jésus  ;  —  une  autre  Sainte,  également  cou- 


ronnée, tenant  à  la  main  trois  flèches  :  S'" 
Ursule,  fille  de  roi,  qui  fut  tuée  à  coups  de 
flèches,  avec  les  onze  mille  vierges,  ses 
compagnes. 

De  l'autre  côté  de  la  porte,  au  delà  de 
S.  Louis  (N°  184),  nous  voyons  S"  Cécile, 
portant  une  palme  et  un  petit  orgue. 

Partie  purement  ornementale. 

A.  Galerie  (déjà  signalée  et  critiquée 
dans  la  description  générale  de  la  porte, 
page  295)  imaginée  de  toutes  pièces  par  l'ar- 
chitecte chargé  de  la  restauration,  à  la  place 
de  six  statues  ou  groupes  qui  entouraient 
le  Christ  central.  Ce  sont  de  grêles  colon- 
nettes  aux  chapiteaux  feuillages,  entre 
lesquelles  s'ouvrent  de  très  petites  arcatures 
trilobées  surmontées  de  gables  triangulaires. 
—  Au-dessus  des  chapiteaux  la  colonne  se 
reforme,  plus  épaisse  et  carrée,  et  se  ter- 
mine par  un  haut  clocheton  à  crochets, 
d'aspect  un  peu  lourd.  Deux  particularités 
viennent  rompre  l'harmonie  de  cette  déco- 
ration :  d'abord,  près  de  chaque  extrémité, 
un  petit  saillant  de  la  balustrade  ;  ensuite 
la  grande  archivolte  de  la  porte  qui  coupe 
toute  la  partie  médiane  de  la  galerie  ;  l'ar- 
chitecte a  bien  relevé  cette  partie  le  long  de 
l'archivolte  ;  mais  on  ne  voit  plus  les  fûts 
des  colonnes,  et  les  clochetons,  qui  seuls  se 
montrent,  paraissent,  faute  de  ce  support 
indispensable,  alourdis  et  illogiques  à  cette 
place. 

H  —  Large  rinceau  de  vigne  remplis- 
sant une  gorge  profonde  qui  limite  infé- 
rieurement  le  tympan  principal. 

C.  —  Redans  très  saillants,  complète- 
ment découpés  à  jour  et  terminés  par  des 
fleurs  de  lis.  Cette  dentelle  de  pierre  en- 
cadre extérieurement  les  archivoltes  des 
I  deux  baies  de  la  porte.  —  Au-dessous  de 
I  ces  redans,  le  dernier  cordon,  ou  filet  de 
couronnement,  est  formé   d'une   guirlande 


394 


Bebue  lie  rSrt  cl)rctien. 


de  feuilles   frisées,    affectant   de   place  en 
place  la  forme  de  crochets. 

D.  —  Entre  le  tympan  principal  et  les 
archivoltes  des  baies  jumelles,  la  muraille 
apparaissait  nue:  pour  masquer  cette  nudité, 
l'architecte  y  a  ménagé  trois  petits  oculi 
polygonaux  à  côtés  arrondis,  d'une  assez 
pauvre  invention  ;  celui  du  milieu,  plus 
grand,  est  seul  ouvert  ;  les  deux  autres 
sont  aveugles  et  constituent  en  réalité  un 
simple  placage. 

E.  —  Le  chapiteau  de  la  colonne  du 
trumeau  devait  être  mince  à  sa  partie  infé- 
rieure pour  se  rattacher  à  la  colonne,  et 
très  large  au  sommet  pour  former  le  socle 
de  la  grande  statue  de  la  Vierge  (N"  i/i)- 
Cette  difficulté  a  été  élégamment  résolue  au 
moyen  de  deux  étages  de  guirlandes  de 
feuilles  superposées  sur  le  chapiteau,  dont 
elles  augmentent   progressivement   la   lar- 


geur. 


F.  —  Après  le  N'^  164,  nous  avons  déjà 
mentionné  ces  arcatures  qui  décorent  le 
linteau  des  baies  jumelles.  Elles  sont  for- 
mées de  lancettes  très  arrondies,  subdi- 
visées à  l'intérieur  en  plusieurs  lobes  iréHés; 
chacune  est  couronnée  par  un  épais  fleuron, 
et  séparée  de  la  suivante  par  deux  petits 
clochetons  ;  les  écoinçons  sont  décorés  de 
petits  panneaux.  —  L'ensemble  est  très 
gracieux  ;  certains  détails  font  déjà  pres- 
sentir l'art  de  la  Renaissance. 

G.  —  Dais  surmontant  les  statues  de 
l'ébrasement  de  gauche  et  du  trumeau  :  ils 
sont  ouverts  sur  deux  faces  par  une  arcade 
trilobée  surmontée  d'un  fronton  triangu- 
laire à  rampants  munis  de  crochets. 

G'.  —  Les  dais  des  statues  de  l'ébrase- 
ment droit  sont  au  contraire  très  riches,  sur- 
tout celui  de  l'extérieur,  qui  est  ouvert  sur 
trois  faces  et  décoré  de  six  petites  statuettes. 
Ces  deux  dais  sont,  sauf  quelques  variantes. 


du  même  type  que  les  arcatures  F  du  linteau 
voisin. 

H.  —  Chapiteaux  ornés  de  deux  rangées 
de  feuillage  se  surplombant  :  c'est  à  peu 
près  le  même  modèle  qu'en  E  ;  mais  ici  ce 
n'est  qu'un  mode  d'ornementation,  tandis 
que  là  c'était  un  artifice  ingénieux  pour 
élargir  la  corbeille  du  chapiteau. 

I.  —  Petites  arcades  ogivales  prises 
dans  l'épaisseur  du  mur;  au-dessous  est  une 
petite  rosace  à  jour  et  un  arc  plein  cintre  à 
petits  crochets  qui  délimite  l'ouverture 
même  de  l'arcature.  L'ensemble  forme  une 
sorte  de  dais  sans  saillie  extérieure,  qui 
semble  appeler  la  présence  d'une  statue.  Il 
ne  parait  pas  cependant  qu'il  y  en  ait  jamais 
eu  sous  l'arcade  de  droite. 

J.  —  Gargouille  (neuve)  :  chèvre. 

K.  —  »  »  :  cheval. 

L.  —  Piédouches  ornés  de  moulures  très 
simoles,  terminées  au  sommet  en  forme 
d'ogives. 


II. 


PORTAIL  SEPTENTRIONAL. 


A  DEUX  pas  de  la  porte  occidentale, 
et  s'ouvrant  comme  elle  tout  au  bas 
de  la  nef,  mais  dans  le  mur  du  Nord,  se 
trouve  la  porte  que  nous  allons  rapidement 
analyser. 

Sans  présenter  l'intérêt  iconographique, 
ni  la  richesse  luxuriante  de  sa  rivale,  elle 
ferait  encore  honneur  à  bien  des  cathé- 
drales: c'est  en  effet  un  des  portails  les  plus 
curieux  de  l'époque  de  transition  :  les  ar- 
chivoltes, tant  du  porche  que  de  la  porte 
même,  les  résilles  de  la  verrière  n'accusent 
presque  plus  la  brisure  centrale  ;  les  baies 
jumelles  de  l'entrée  sont  surbaissées  en  anse 
de  panier,  mais  tous  les  détails  d'ornemen- 
tation sont  purement  gothiques.  Et  tandis 
que  les  architectes  de  ce  temps,  cherchant 
leur  voie   entre  les   procédés  de  l'art  flam- 


0ortatl0  De  réglisse  m%l)itmlt  Ue  Ct)ann. 


395 


boyant  épuisé  par  ses  propres  excès,  et  les 
essais  encore  timides  d'où  devait  sortir  la 
Renaissance,  n'ont  produit  en  général  que 


des  œuvres  bizarres  et  chargées,  notre  por- 
tail au  contraire  se  distingue  par  une  rare 
élégance,  qu'il  doit  sans  doute  à  la  franchise 


Fig:.  5.  —  Porte  septentrionale  de  l'église  Saint-Thibault. 


de  son  parti-pris  :  il  unit  à  la  pureté  des 
lignes  de  la  Renaissance  la  richesse  d'exé- 
cution  de  l'art  gothique  à  son  apogée,  et 


peut  soutenir  la  comparaison  avec  les  meil- 
leures productions  de  l'un  et  de  l'autre  style. 
I.  —  La  Vierge,  debout,  une  couronne 


fleuronnée  posée  sur  ses  cheveux  ondulés, 
tient  assis  sur  son  bras  gauche  l'Enfant 
Jésus  à  demi  nu,  qui  joue  avec  un  oiseau. 
De  la  main  droite,  Marie  porte  un  rameau 
de  lis  en  fleur.  —  Ce  type  de  l'Enfant  à 
l'oiseau,  bien  que  fréquent  dans  les  tableaux 
des  primitifs,  est  très  rare  sur  les  portes 
d'église  du  moyen  âge. 

2.  —  S.  Jean-Baptiste, aux  cheveux  frisés 
et  à  la  barbe  presque  inculte,  est  debout  ;  il 
porte  l'Agneau  de  Dieu.  Pour  tout  vêtement 
il  a  une  peau  de  quadrupède,  tout  entière 
et  dont  la  tête  tombe  au-dessous  de  ses  ge- 
noux ;  les  bras  et  les  jambes  sont  nus. 

3.  —  L'évêque  S.  Thibault,  coiffé  d'une 
mitre  brodée,  tient  en  main  sa  crosse, beau- 
coup plus  finement  ouvragée  que  la  plupart 
des  crosses  sculptées  en  pierre.  De  la  main 
il  semble  accueillir  deux  minuscules  pèle- 
rins, ou  donateurs,  qui,  leur  chapeau  rabat- 
tu sur  leur  dos,  mains  jointes,  s'agenouillent 
à  ses  pieds  avec  un  air  de  ferveur  presque 
amusant  chez  de  si  petits  bonshommes. 

4.  —  S'"  Marguerite,  couronnée,  foule 
aux  pieds  le  dragon  infernal. 

5.  —  S.  Ulrich,  évêque  d'Augsbourg, 
dont  le  costume  et  la  pose  sont  presque  pa- 
reils à  ceux  du  N"  3.  Des  deux  donateurs 
agenouillés  à  ses  pieds,  l'un  est  pour  ainsi 
dire  couché  à  terre. 

6.  —  Un  seigneur,  imberbe,  nu-tête,  vê- 
tu d'une  robe  courte  bordée  d'un  galon, s'ap- 
puie sur  une  sorte  de  canne  dont  la  partie 
supérieure  est  brisée  et  qui,  dans  son  état 
primitif  pouvait  être  une  lance  ou  un  bâton 
de  commandement.  De  la  main  gauche,  il 
tient  des  grappes  de  raisin.  Cet  emblème 
caractérise  .S.  Morand,  qui,  selon  la  légende, 
aurait  passé  tout  un  carême  sans  autre  nour- 
riture qu'une  grappe  de  raisin  :  c'est  en  rai- 
son de  cette  circonstance  que  les  vignerons 
du  Sundgau  l'honorent  comme  leur  patron  ; 
mais    nous    nous   demandons  pourquoi   le 


Saint    bénédictin  d'Altkirch   n'est    pas  re- 
présenté sous  son  costume  monastique. 

7.  —  S.  Léon  IX,  pape  ;  sa  tiare,  au  con- 
traire de  celles  du  XI 11^  siècle,  présente 
les  trois  couronnes  superposées  ;  il  tient  à 
la  main  un  reliquaire. 


Fig.  6.  —  Schéma  de  la  porte  septentrionale. 

On  remarquera  qu'aucune  de  ces  statues 
n'est  nimbée. 

Partie  purement  ornementale. 

A  A.  —  Sorte  de  gable,  de  dessin  ultra- 
flamboyant à  accolades,  surmontant  cha- 
cune des  baies  jumelles  ;  les  rampants  sont 
ornés  de  crochets,  les  intervalles  des  me- 
neaux   remplis    par   un    réseau  d'arcatures 


îdortatls  De  l'église  ^t  Cl)tbault  De  Cl)aun. 


397 


ou  de  rosaces  trilobées  ;  l'ensemble,  cou- 
ronné par  de  gros  fleurons,  forme  comme 
un  écran  ajouré  en  avant  de  la  verrière  du 
fond  du  porche. 

BB.  —  Ue  chaque  côté.à  différentes  hau- 
teurs, trois  petits  dais  indiquent  l'emplace- 
ment de  statues,  qui  paraissent  n'avoir 
jamais  été  posées. 

C.  —  La  grande  archivolte  à  accolade 
qui  limite  la  baie  du  porche,  projette  à  l'in- 
térieur un  feston  de  pierre  formé  de  redans 
trilobés  d'une  admirable  légèreté.  En  gé- 
néral nous  aimons  peu  ces  dentelles  accro- 
chées aux  archivoltes,  mais  ici  nous  nous 
inclinons  devant  l'effet  produit  :  ce  feston 
donne  de  l'importance  au  filet  de  couronne- 
ment, et  il  cache  en  même  temps  la  nudité 
de  la  voussure  ;  enfin,  au  sommet,  il  s'inter- 
rompt avec  discrétion  pour  dégager  la 
pointe  de  l'accolade. 

U — Dais  de  la  statue  du  trumeau;  c'est, 
en  miniature,  une  véritable  flèche  de  cathé- 
drale,à  trois  étages  ornés  chacun  d'arcatures 
trilobées  supportées  par  des  colonnettes. 

E  et  F.  —  Dais  des  statues  des  piles  du 
porche  :  riches  dais  polygonaux,  dont  les 
rampants  à  contre-ogive,  ornés  de  crochets, 
s'entrecroisent  pour  former  des  arcatures 
trilobées  et  se  rencontrent  à  la  même  hau- 
teur pour  s'épanouir  en  fleurons.  Ceux  mar- 
qués F,  qui  regardent  l'intérieur  du  porche, 
sont  surmontés  d'un  pinacle  un  peu  lourd. 
Mais  en  arrière  des  uns  et  des  autres,  et 
paraissant  les  prolonger  sur  la  face  des  piles 


du  porche,  s'élèvent  des  clochetons  inégaux, 
très  aigus,  supportés  par  des  colonnettes  et 
atteignant  le  sommet  du  porche. 

G. — Balustradede  laterrassequi  surmon- 
te le  porche  :  elle  est  ajourée  selon  un  des- 
sin fort  gracieux  assez  répandu  aux  XIV^ 
et  XVe  siècles.  ^   Sanoner 

Paris. 


Noie.  —  Cet  article  était  déjà  composé  quand 
il  a  été  donné  tout  récemment  (août  1904)  à 
l'auteur  de  visiter  la  cathédrale  d'Ulm  :  il  a  été 
surpris  de  retrouver  sur  les  portes  de  ce  monu- 
ment la  plupart  des  particularités  du  portail  de 
Thann.  Ces  traits  communs,  si  nombreux  et  si 
caractéristiques,  nous  obligent  à  attribuer  à  la 
même  école  d'imagiers  la  décoration  des  deux 
édifices.  Nous  citerons  notamment  les  ressem- 
blances suivantes  : 

A.  Au  point  de  vue  de  la  statuaire  et  de 
l'iconographie: —  1°  Dieu  donne  des  vêtements 
à  Adam  après  le  péché  (n°  58  Thann  ;  porte 
ouest  Ulm)  ;  2°  Marie  et  ses  compagnes  dans 
le  temple  ;  Marie  porte  une  offrande  sur  l'autel  ; 
épisode  de  la  verge  fleurie  (n°s  96,  97  et  98,  T  ; 
p.  sud  U.  )  3°  portrait  de  l'imagier  au-dessus  de 
la  crèche  (n°  1 19  T.  ;  p.  sud  U.)  4°  même  cortège 
des  mages  descendant  le  long  de  la  voussure  ; 
mêmes  piédestaux  prismatiques  des  bergers 
(nos  123  et  121  T;  p.  sud  U.)  5°  anges  recueillant 
le  sang  de  Jésus  crucifié,  soldats  sur  les  échelles 
(n»  125  à  129  T.  ;  p.  nord  U.),  etc. 

B.  Au  point  de  vue  de  la  construction.  — 
1°  baies  ogivales  accolées,  trumeau  à  plusieurs 
personnages  (p.  ouest  Ulm)  ;  2°  deux  tympans 
inférieurs  historiés  inscrits  dans  un  tympan  su- 
périeur (p.  sud  U.),  etc. 


RBVUH  DE  l'art  CHRÉTIEN. 
1904,  —  5'"*  LIVRAISON. 


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15) 


ïi 


Jlc  stplc  nco=cla5sique  et  le  noimcau 
^.^.r^.-..^s..^^  Brurcllcs. 


A.  reconstruction  du  palais  royal  et 
des  inusées  de  Bruxelles  va  se  faire 
dans  le  style  gréco-romain  qu'affec- 
tionne le  Souverain,  dont  on  connaît 
les  goûts  grandioses, les  concepts  à  la  Louis  XIV, 
inspirés  de  l'art  pompeux  des  cours  de  l'ancien 
régime.  Sous  son  impulsion,  des  quartiers  pitto- 
resques et  vivants  du  vieux  Bruxelles  vont  faire 
place  à  des  ordonnances  à  la  romaine,  aussi  froi- 
des que  majestueuses, qu'admireront  les  étrangers 
en  excursion,  mais  que  désertera  la  vie  de  la 
cité.  On  peut  ne  pas  partager  cet  idéal,  on  peut 
regretter,  comme  M.  Ch.  Buis  ce  qu'on  appellerait 
de  la  mégalomanie,sauf  le  respect  que  l'on  doit  à 
un  Souverain  qui  est,  à  bien  des  titres,  le  bienfai- 
teur du  pays  ;  on  comprend  que  l'architecte  ap- 
pelé à  réaliser  les  volontés  royales  se  complaise 
à  ce  qu'offre  de  grand  et  de  fastueux  la  noble 
tâche  confiée  à  son  remarquable  talent.  Un 
écrivain  officieux  a  entrepris  de  justifier  devant 
le  public  un  parti  qui  trouve  sa  principale  rai- 
son d'être  dans  une  auguste  volonté.  Cet  avocat 
ne  se  contente  pas  de  défendre  la  cause  du  néo- 
classicisme par  des  arguments  de  circonstance, 
il  croit  devoir  ériger  son  goût  en  principe  et  jeter 
le  blâme  sur  ceux  qui  ne  trouvent  pas  que  tout 
soit  pour  le  mieux  dans  un  Bruxelles- Versailles. 
Il  estime  que  la  Belgique  aurait  tort  de  ne  pas 
rompre  entièrement  avec  les  traditions  de  son 
art  national  et  traditionnel,  absolument  suranné 
selon  lui.  C'est  dans  la  Chronique  des  travaux 
publics  que  nous  trouvons  son  plaidoyer,  qui  ne 
manque  pas  d'être  un  peu  paradoxal.  Il  peut  se 
résumer  à  peu  près  en  ces  termes  : 

Un  monument  public  ne  peut  être  excentri- 
que et  tapageur  ;  or  en  dehors  du  gréco-romain, 
il  n'y  a  pas  d'architecture  simple  et  grande,  pas 
d'expression  saine  et  lo^jique  de  la  vérité.  Pour 
donner  à  la  façade  une  allure  rationnelle,  il  faut 
la  revêtir  de  colotuiades  engagées.  Le  gothique 
et  la  Renaissance  n'offrent  à  l'œil  que  profusion 


d'ornements  bizarres  exclusifs  du  <i  grand  art  ». 
Le  style  classique  seul  s'adapte  bien  à  la  vie  mo- 
derne. La  Renaissance  flamande  n'est  d'ailleurs 
qu'une  «  interprétation  rustique  »  (sic)  de  la  Re- 
naissance italienne  et  le  gothique  n'est  bon  que 
pour  les  églises;  il  ne  se  conçoit  d'ailleurs  pas 
sans  les  donjons,  les  échauguettes,  les  mâchicou- 
lis, les  créneaux  et  les  meurtrières,  d'où  il  tire  son 
pittoresque.  Le  style  à  platebande  de  l'anti- 
quité est  le  seul  qui  convienne  au  climat  belge, 
aux  matériaux  belges,  aux  programmes  moder- 
nes, et,  n'est-ce  pas,  «ce  devrait  être  une  vérité 
banale  de  dire  qu'un  édifice  est  construit  pour  le 
rôle  qu'il  est  appelé  à  remplir»  ? 

«  Si  les  amateurs  de  gothique  n'aiment  pas 
Guimard,  c'est  que  leur  éducation  artistique  ne 
les  met  pas  à  même  de  le  comprendre.  >  — 
«Ecoutons  les  professionnels,  dont  l'avis  a  plus  de 
poids  que  celui  des  architectes  amateurs.  »  Vous 
qui  n'êtes  pas  de  notre  avis,  vous  n'y  entendez 
rien.  —  Et  cela  suffit  !  Assez  de  discussions 
comme  cela  !  Point  à  la  ligne. 

On  pourrait  croire  que  nous  travestissons  le 
morceau  ;  il  faut  que  le  lecteur  puisse  s'assurer 
par  .ses  propres  yeux  que  nous  l'avons  fidèlement 
résumé.  C'est  pourquoi  nous  le  donnons  ci-après 
avec  quelques  notes. 

L.  C. 

Uc  Balais  roi?aI  Dc  BrurcUes  (') 


E  style  est  gréco-romain  ou  classique,  et  les 
partisans  du  gothique  et  <ie  la  Renaissance 
flamande  en  ont  f.iit  un  grief  à  l'artiste.  Mais 
celui-ci  estime  qu'un  monument  public  ne 
doit  pas  revêtir  une  excentricité  tapageuse  (°), 
qu'il  doit  être  l'expression  saine  et  logique  de  la  vérité  ('J. 
La  fai^ade  sera  simple,  homogène  et  exempte  d'éléments 
inutiles  (■•),  elle  s'impose  (5)  par  ses  proportions  et  par  sa 
masse  et  non  par  des  détails  injustifiables. 

I     Chronique  dei  travaux  publics^  28  août  1904. 

2.  Tout  style  en  dehors  du  gréco-romain  est  donc  excentriquo  et 
t.ipageur  ? 

3.  lin  quoi  le  gréco-romain  est-il  spécialement  l'expression  saine 
et  logique  de  la  vérité? 

4.  lîstce  que  les  colonnades  engagées  ne  sont  pas  des  éléments 
inutiles? 

^.  L'écrivain  aur;;  voulu  dire  :  «  elle  impose  par  ses  masses  >? 


S^^tiamtQ. 


399 


Le  grand  art  est  modeste  et  laisse  supposer  par  sa 
simplicité  que  chacun  puisse  l'aborder  sans  grandes  étu- 
des (')•  Et  ce  n'est  pas  seulement  vrai  pour  l'architecture  : 
un  discours  simple  et  beau  inspire  aux  naïfs  cette  pensée 
qu'ils  seraient  capables  d'en  faire  autant.  La  profusion 
des  ornements  dans  une  fagade  correspond  à  l'abus  du 
néologisme  chez  nos  écrivains  contemporains  {').  Mais 
l'ange  du  bizarre,  dans  aucun  domaine  artiste,  n'a  réussi 
encore  à  supplanter  les  muses  de  l'antique  Hellade. 

On  a  dit  au  Parlement  que  le  gréco  romain  n'était  qu'un 
pastiche  (^),  que  le  style  (zuimard,  comme  on  dit  quelque- 
fois, n'avait  aucune  originalité.  Racine  n'en  a  pas  non  plus, 
en  ce  sens  qu'il  s'inspire  de  Sophocle  et  d'Euripide  {*). 
Originalité  est  un  mot  servant  d'habitude  h  couvrir  l'in- 
conséquence qui  a  présidé  à  l'étude  des  œuvres  man- 
quées  Uy  a  beau  temps  qu'on  en  a  fait  justice  dans  l'en- 
seignement littéraire.  Certes,il  y  a  une  bonne  originalité, 
celle  qui  trouve  une  belle  pensée  que  personne  n'a  eue, 
mais  le  style  original,  en  littérature,  c'est-à-dire  le  style 
qui  fait  reconnaître  tel  ou  tel  écrivain,  est  le  résultat  de 
ses  défauts  et  non  de  ses  qualités.  La  preuve  est  qu'on 
pastiche  le  plus  facilement  des  écrivains  qui  ont  le  nom 
d'avoir  le  style  plus  original.  Rien  de  plus  aisé  que  d'é- 
crire un  caractère  de  La  Bruyère  ou  une  lettre  de  Mada- 
me de  Sévigné,  plus  ressemblants  que  s'ils  n'étaient  pas 
en  toc.  Un  conte  de  Voltaire  est  même  faisable.  Mais  on 
ne  pastiche  pas  Racine,  ni  Bossuet. 

Le  gréco- romain  est  le  style  classique  ;  il  est  l'expres- 
sion la  plus  complète  du  grand  art  et  a  le  mérite  pratique 
de  se  prêter  le  mieux  h  l'emploi  des  matériaux  de  notre 
pays  (5).  .Sans  doute,  il  est  noble,  austère,  plutôt  que  gai, 
mais  un  monument  public  ne  doit  pas  être  fantaisiste.  «On 
ne  rit  pas  dans  une  école  militaire  (')  >,  disait  Maquet 
pour  expliquer  le  caractère  sérieux  de  la  façade  qu'il  a 
conçue  pour  l'éditice  de  l'avenue  de  la  Renaissance. 

C'est,  au  contraire,  le  gothique  moderne  et  la  Renais- 
sance flamande  qui  pourraient  plutôt  être  appelés  des 
pastiches  ('). 

Nos  esthètes  les  représentent  comme  nos  styles  natio- 
naux, pour  flatter  notre  amour-propre.  Mais  la  Renais- 
sance n'est  qu'une  interprétation  rustique  de  la  Renais- 
sance italienne  (^).  Le  gothique  n'est  assurément  pas  d'in- 

1.  Curieuse  définition  du  grand  art. 

2.  C'est  à  l'auteur  de  la  Bourse  de  Bruxelles  qu'il  faut  dire  cela. 

3.  On  a  eu  raison. 

4.  Racine  parle  français  et  pas  grec. 

5.  Nous  pensions  jusqu'ici  que  le  style  classique  était  par  excel- 
lence crlui  qui  convient  aux  matériaux  et  au  climat  de  la  Grèce,  à 
ses  beaux  marbres  favorables  comme  son  ciel  au  système  de  la  plate- 
baniie;  et  que  notre  pays  s'accommodait  mieux,  avec  «es  malériaux 
plus  divisés  et  son  climat  pluvieux,  des  moyens  si  habiles  créés  par 
le  moyen  âge. 

6.  On  a  bien  tort. 

7.  .A.llez-y  !  Payez  d'audace.  Traitez  de  pastiches  des  constiuc- 
lions  faites  dans  le  style  traditionnel,  et  d'originales  celles  qui  sont 
copiées  des  édifices  exotiques  et  vieux  de  milliers  d'années. 

8.  Ceci  est  un  sophisme.  La  renaissance  flamande  offre  un  tond 
ir.idilionnel  et  local afiecté  d'une  influence  italienne,  bien  mal  quali- 
hée  <  d'interprétation  rustii/uf.  »    Qu'est-ce  qu'on  veut  dire  par  là  ? 


vention  belge.  Il  se  prête  aux  édifices  religieux  ('),  mais  en 
abuser  pour  les  bâtiments  modernes  témoigne  d'un  man- 
que de  logique  que  rien  ne  justifie.  La  façon  de  vivre,  de 
construire  était  tout  autre,  au  moyen  âge  que  de  nos 
jours.  Donjons,  échauguettes,  mâchicoulis,  créneaux  et 
meurtrières  d'où  le  gothique  tire  son  pittoresque  {-)  sont 
aujourd'hui  un  non-sens.  Et  ce  devrait  être  une  vérité 
banale  de  dire  qu'un  édifice  est  construit  pour  le  1  Ole  qu'il 
est  appelé  à  remplir.  A  la  Maison  du  Roi,  à  Bruxelles, 
des  employés  de  la  Ville  ont  été  frappés  de  cécité. 

Sans  doute,  conservons  avec  un  soin  jaloux  nos  monu- 
ments gothiques.  Cela  coûte,  du  reste,  assez  cher  pour 
nous  ôter  l'envie  d'en  édifier  d'autres.  L'église  du  Sablon, 
à  Bruxelles,  et  l'hôtel  de  ville  de  Louvain,  coûtent  en  ce 
moment  à  eux  seuls  pour  leur  restauration  la  bagatelle  de 
trois  millions  (3),  et  ce  n'est  pas  tout,  car,  quand  on  a  fini 
d'un  côté,  il  faut  recommencer  de  l'autre,  de  sorte  que  la 
dépense  est  permanente. 

Si  les  amateurs  de  gothique  n'aiment  pas  Guimard, 
c'est  que  leur  éducation  artistique  ne  les  met  pas  à  même 
de  le  comprendre  (•*).  Ils  ne  saisissent  pas  l'ensemble 
d'une  conception,  mais  seulement  l'inspiration  du  hasard 
et  le  caprice  de  la  fantaisie  Et  cependant,  en  architecture, 
comme  en  musique,  l'ensemble  est  tout.  Toutes  les  par- 
ties si  remarquables  qu'elles  soient,  aboutissent  à  une  ca- 
cophonie, si  l'orchestration  n'est  pas  bien  faite. 

Le  gothique  moderne  n'a  ni  le  caractère,  ni  le  senti- 
ment du  gothique,  parce  que  celui-ci  était  le  reflet  des 
mœurs  du  temps.  Toutes  les  époques  ont  leurs  concep- 
tions artistiques  et  le  palais  de  Bruxelles  ne  sera  pas  ha- 
bité par  le  duc  Jean  II  de  Brabant  (s),  mais  par  le  roi 
Léopold  II  qui  y  donnera  des  fêtes  où  les  salons  seront 
éclairés  k  la  lumière  électrique. 

Paris  et  Rome,  où  domine  le  style  classique,  sont  les 
plus  belles  villes  du  monde  (").  Ne  nous  laissons  donc  pas 
aller  à  un  faux  amour-propre.  Écoutons  les  profession- 
nels (0  dont  l'avis  a  plus  de  poids  que  celui  des  architectes 
amateurs. 

Tout  ceci  pour  répondre  quelques  mots  aux  observa- 
tions que  le  projet  Maquet  a  provoquées  à  la  Chambre 
et  au  Sénat. 

La  façade  sera  en  pierre  d'Euville,  en  pierre  bleue  et 
en  pierre  de  Gobertange.  Il  n'y  aura  pas  de  maçonnerie 
apparente.  On  employera  environ  8,000  m'  de  pierres. 
Les  fondations  nécessiteront  30,000  m^  de  maçonnerie. 

1.  En  quoi,  s'il  vous  platt,  s'y  prêterait-il  exclusivement? 

2.  Qui  parle  de  faire  aujourd'hui  des  macliicoulisetdes  meurtrières  ? 

3.  Et  le  Palais  de  Justice  de  Brii.>;elles  ?  Il  est  de  la  moitié  du 
siècle  ilernier  et  son  entretien  cotue  à  ce  que  l'on  assure  plus  de 
cent  mille  francs  par  an. 

4.  Et  nul  n'aura  de  l'esprit  que  «  nous  et  nos  amis  !  » 

5.  Il  ne  sera  pas  habité  non  plus  par  Auguste. 

6.  Rome  est  une  ville  auguste  par  ses  souvenirs  et  son  histoire, 
comme  par  sa  situation  du  centre  de  la  chréiienté  :  elle  n'est  pas  de 
premier  ordre  au  point  de  vue  de  l'esthétique.  Paris  est  la  première 
ville  du  monde  par  sa  valeur  artistique  ;  mais  parmi  ses  joyaux 
N.-D.  de  Paris  et  la  Ste-Chapelle  ne  sont  pas  les  moindres. 

7.  Tous   les   professionnels   ne    sont   pas   de   votre   avis. 


400 


jRebue  lie  r^rt  cbrétten. 


A  l'intérieur,  on  rétablira  l'ancienne  décoration  du  côté 
de  la  façade.  Le  grand  escalier  ne  bouge  pas,  mais  les 
escaliers  de  service  donnant  sur  la  façade  sont  modifiés 
et  doivent  l'être,  c'est  un  vrai  casse-cou  ;  il  n'y  a  pas 
longtemps,  le  Roi  est  tombé  sur  les  degrés;  heureusement 
Sa  Majesté  ne  s'est  pas  fait  de  mal. 

Les  bâtiments  actuels  du  palais  n'ont  ni  air,  ni  lumière: 
ils  sont  malsains,  humides,  pourris.  On  aurait  peut  être 
mieu.\  fait  de  se  décider  à  jeter  tout  par  terre,  quitte  à  re- 
construire sans  y  rien  changer  l'admirable  escalier  de 
Balat. 


H'ecolc  gantoise  Oe  Saint=Jiuc  et 
i'Grposition  Des  tratiaur  De  ses  clèties. 

École  Saint-Luc  de  Gand. 

X  lit  dans  le  Bien  public  de  Gand  : 

Un  critique  d'art  distingue,  actuellement 
en  possession  d'une  chaire  d'esthétique  dans 
une  École  de  Hautes  Études,  a  complaisam- 
ment  esquissé  le  tableau  de  notre  art  architectural  pré- 
sent ;  dans  ses  notes,  il  cite  deux  douzaines  de  maitres 
belges  et  se  tait  absolument  sur  l'École  St-Luc  :  et  je 
crois  que  c'est  pure  charité  de  sa  part.  Ailleurs,  il  y  fait 
une  allusion  voilée,  pour  affirmer  qu'elle  ne  demande  à 
ses  élèves  que  la  copie  de  formes  anciennes  et  qu'elle 
n'a  produit  que  des  pastiches  assez  médiocres  ('). 

La  vérité,  c'est  que  l'École  St-Luc  a  préparé  de  longue 
main,  depuis  plus  de  trente  ans,  l'évolution  irrésistible 
par  laquelle  est  actuellement  rénovée  notre  architecture, 
car,  pour  une  grande  part,  le  néo-style  n'est  que  du 
gothique  déguisé. 

Dépouillez  les  constructions  dites  «  esthétiques  >,  du 
moins  les  bonnes,  de  quelques  fantaisies  qui  les  gâtent, 
comme  les  courbes  serpentines,  et  les  formes  a  priori,  et 
que  restera-t-il  d'intéressant,  sinon  l'emploi  de  matériaux 
apparents,  la  mise  en  évidence  de  la  njenuiserie  et  de  la 
ferronnerie,  l'usage  de  la  flore  stylisée  et  des  essais  de 
la  polychromie  ?  Qu'est-ce  que  ces  nouveautés,sinon  l'en- 
vahissement du  rationalisme  médiéval  (les  Anglais  di- 
sent préraphaéliste)  agrémenté  de  caprices  puérils  ou 
charmants  } 

Or,  cette  évolution,  qui  l'a  préparée,  un  (|i.iart  de  siècle 
durant,  avant  la  naissance  de  nos  jeunes  architectes  ferns 
de  leurs  inventions  ?  C'est  TÉcole  St-Luc,  qui  avait  de- 
mandé aux  maîtres  médiévaux  les  secrets  de  la  saine 
construction  et  qui  avait  répandu  les  principes  dans  les 
Flandres  antérieurement  aux  premiers  essais  de  ceux-là 
qui  ont  eu  la  monumentale  suffisance  de  s'adjuger  le 
monopole  de  l'esthétique. 

Nos  amis  ont  pris  pour  point  de  départ  de  leurs  études 

I.  V.  Fierens  Gevaert,  Nouveaux  essais  d'art  contemporain. 


le  moyen  âge  ;  ils  ont  tiré  leurs  modèles  classiques  de 
nos  monuments  nationaux,  qu'ils  ont  dessinés  et  restau- 
rés, avant  de  se  mettre  à  composer  librement  des  édifices 
absolument  modernes;  et  on  les  appelle  des  copistes!  On 
trouve  originaux  et  personnels  ceux  qui  continuent  les 
errements  gréco-romains  et  alignent  des  colonnades  dori- 
ques ou  ioniques  à  perte  de  vue 

Nous  estimons,  nous,  que  les  plus  modernistes  ne  sont 
pas  ceux  qui  inventent  des  formes  abracadabrantes,mais 
ceux  qui  savent  adapter  à  des  programmes  généreusement 
modernes  des  procédés  techniques  sages,  fussent-ils  tra- 
ditionnels, et  se  servir  des  matériaux  les  plus  nouveaux 
sans  répudier  les  bons  vieux  moyens  d'autrefois. 

La  tendance  moderne  et  pratique  de  l'enseignement  de 
l'École  St-Luc  est  si  accusée,  qu'elle  a  pris  de  tout  temps 
pour  objectif  de  ses  études  les  questions  les  plus  vivantes 
qui  se  posaient  dans  le  milieu  gantois. 

Aussi,  cette  fameuse  transformation  du  centre  de  la 
ville  de  Gand,  à  laquelle  M.  Braun  aura  attaché  son  nom, 
ayant  eu  le  mérite  de  prendre  l'initiative  de  son  exécution, 
qui  l'a  conçue,sinon  l'École  St-Luc'  Il  y  a  près  de  15  ans 
que  cette  importante  question  était  mise  à  l'étude  dans 
un  de  ses  concours  de  fin  d'année. 

Le  Courrier  Belge  du  21  juin  1896  reproduit  le  projet, 
élaboré  dès  i89o,par  l'élève  Alph.Depauw,d'Ostende,pour 
la  transformation  des  abords  de  la  cathédrale  St-Kavon, 
comprenant  le  dégagement  du  chœur  et  la  construction 
d'un  nouveau  palais  épiscopal.  C'est  d'ailleurs  un  des 
maitres  de  St-Luc,  le  vénérable  Auguste  Van  Assche,  qui 
a  conçu  l'idée  première  des  grands  dégagements  en  voie 
d'accomplissement  dans  la  cuve  de  Gand. 

Quant  a  la  restauration  de  la  Halle  aux  draps, elleétait 
l'objet  d'une  excellente  étude  de  notre  architecte  provin- 
cial, M.  Etienne  Mortier,  lorsqu'il  était  encore  sur  les 
bancs  de  l'académie  St-Luc  ;  c'était,  je  crois,  vers  1878 
il  y  a  plus  d'un  quart  de  siècle. 

Le  projet  de  cet  élève  plein  de  promesses  (brillamment 
tenues)  était  de  tous  points  excellent,  peut-être  supérieur 
h  celui  qui  a  été  exécuté,  car  il  ne  comportait  pas  les  lourds 
balcons,  qu'à  tort  selon  nous,  on  a  mis  au  bas  des  flèches 
des  tourelles.  Depuis,  l'étudiant  est  devenu  un  maître, 
dont  on  parle  relativement  peu,  parce  qu'il  est  modeste 
et  ne  fait  partie  d'aucune  coterie  ;  mais  l'avenir  le  placera 
très  haut  parmi  les  artistes  de  notre  temps,  notamment 
pour  la  part  qu'il  a  prise  à  l'érection  de  l'Hôtel  des  Postes, 
et  pour  des  restaurations  consciencieuses. 

Dans  ses  mains  la  nouvelle  chapelle  dite  «Heilig  Graf>, 
près  de  Saint-Bavon,  est  devenue  un  bijou  architecto- 
nique,  et  aucune  restauration  n'a  été  effectuée  avec  plus 
de  talent  et  de  clairvoyance  que  celle  de  la  façade  sud  de 
la  cathédrale  et  de  ses  dépendances. 

Les  blanches  maquettes  bientôt  légendaires  qui  depuis 
tant  d'années  se  succèdent  dans  les  niches  de  l'Hôtel-de- 
Ville,  de  temps  en  temps  inspectées  par  une  Commission 
royale  ou  communale  ou  autre,  attestent  le  désarroi  de 
l'art  de  nos  grands  sculpteurs  si  artistes,  mais  parfois  peu 
entendus  en  matière  d'art  monumental.  L'une,  emphatique 


£©élanges. 


401 


et  débordante,s'encadre  mal  dans  son  cadre, une  autre  s'y 
cambre  avec  trop  de  désinvolture,  d'autres  paraissent 
s'échapper  d'un  salon  ou  d'un  boudoir.  Il  y  a  bien  des 
années,  —  c'était,  je  crois,  en  1896  —  que  ce  délicat  pro- 
blème avait  été  résolu  d'une  manière  satisfaisante  par  un 
élève  de  StLuc,  le  sculpteur  A.  De  Beule,  dont  les  ma- 
quettes encore  imparfaites  au  point  de  vue  du  caractère 
monumental,  étaient  de  grand  style  tout  de  même  et  ont 
fait  sensation  naguère. 


Mais  revenons  à  l'exposition  des  travaux  de  cette  année. 

Le  «  Grand  Pri.x  >  d'architecture  se  disputait  sur  un 
programme,  auquel  on  reconnaîtra  une  parfaite  moderni- 
té, sujet  si  neuf,  que  l'on  devrait  aller  bien  loin,  à  Kre- 
feld,  à  Mulhouse  ou  à  Manchester  pour  en  trouver  des 
modèles  ;  il  s'agissait  d'élever  sur  un  terrain  de  forme 
adventice  très  particulière,  une  école  de  tissage. 

Les  élèves,  s'inspirant  de  constructions  très  modernes 
exécutées  à  Gand  et  des  leçons  techniques  reçues  à  l'É- 
cole, ont  mis  en  œuvre  tous  les  procédés  les  plus  nou- 
veaux. Le  projet  de  M.  Fr.  Todt  se  distingue  à  ce  dernier 
point  de  vue  :  l'emploi  judicieux  du  ciment  armé,  l'usage 
si  indiqué  de  fermes  Raikem  bien  conditionnées,  l'éta- 
blissement d'une  canalisation  d'eau  bien  comprise,  etc., 
le  tout  expliqué  avec  intelligence  dans  un  rapport  remar- 
quable, fait  de  son  projet  une  conception  réalisable. 

Toutefois  quelques  lacunes  empêchaient  de  le  consi- 
dérer comme  une  œuvre  maîtresse  digne  de  la  plus  haute 
récompense. 

Selon  l'habitude,  le  même  programme  était  imposé  aux 
élèves  de  la  septième  année,  où  le  jury  s'est  trouvé  en 
présence  de  compétiteurs  nombreux  et  méritants. 

Le  premier  prix  est  partagé  entre  MM.  A.  Janssens  et 
Ose.  Bernaert. 

Nous  avons  dit  qu'on  doit  rendre  à  l'École  cette  justice 
qu'elle  est  de  son  temps,  bien  qu'elle  s'attache  à  l'étude 
du  passé  ;  elle  a  comme  l'intuition  des  besoins  de  notre 
époque  et  de  l'avenir.  C'est  encore,  en  effet,  une  louable 
préoccupation  de  modernité  dans  une  œuvre  nouvelle, 
soumise  en  toute  convenance  aux  traditions  artistiques 
locales,  qui  a  dicté  le  sujet  du  concours  de  cette  année. 

Les  étudiants  de  quatrième  année  avaient  à  élever  une 
maison  de  campagne.  Ici,  nous  nous  trouvons  en  pré- 
sence d'un  charmant  projet,  que  plus  d'un  maître  signerait 
volontiers.  C'est  une  gracieuse  villa  conçue  par  M.  Carlos 
Thirion  :  elle  est  distribuée  avec  sagesse,  d'un  pittoresque 
piquant,  d'une  charmante  couleur,  d'un  style  bien  wallon 
coiTime  l'auteur. 

M.  E.  Haché  n'a  pas  moins  mérité  le  deuxième  prix  avec 
une  composition  plus  modeste,  mais  bien  jolie,  en  son  style 
flamand.  Une  mention  honorable  à  M.  Jos.  Van  de  Velde 
qui  ne  pouvait  entrer  en  lice  avec  des  projets  incomplets. 

Dans  la  section  de  ferronnerie,  M.  H.  Vanderlinden 
s'est  fait  remarquer  par  une  série  d'études  sérieuses. 

Les  années  inférieures  d'architecture  témoignent  toutes 
de   cette   étonnante   intensité  de  travail,    dont   l'École 


St-Luc  a  le  monopole,  grâce  à  d'excellentes  méthodes  et 
un  art  singulier  d'entraînement.  Il  faut  voir  les  études 
d'après  d'anciens  monuments,  les  études  de  projections 
obliques,  les  analyses  des  bâtiments  et  les  éléments  de 
constructions,  etc.etc.  Impossible  de  nous  y  arrêter,  sans 
abuser  de  la  place  qui  nous  est  accordée. 


Dans  la  section  de  modelage,  le  concours  pour  le  grand 
prix  avait  pour  sujet  le  rendu,  en  bas-relief,  d'une  des  sept 
œuvres  de  miséricorde  :  la  visite  des  malades.  M  Van  de 
Capelle  présente  une  intéressante  composition  qui  man- 
que toutefois  de  qualités  maîtresses  suffisantes  requises 
par  le  jury,  toujours  sévère  (on  doit  l'en  louer),  pour  rem- 
porter la  glorieuse  médaille.  Remarqué  du  même  artiste 
de  charmantes  études  inspirées  de  la  cathédrale  de  Reims. 

Le  même  sujet  était  imposé  aux  élèves  de  la  septième 
année  et  M.  Achille  Moortgat  a  été  plus  heureux.  Le 
groupe  qui  s'empresse  autour  du  malade  (parents,  amis  et 
serviteurs),  mû  en  quelque  sorte  par  un  même  souffle  de 
charité,  s'harmonise  à  des  attitudes  concordant  à  leur 
variété  ;  les  figures  sont  nobles,  et  le  style  personnel  de 
M.  Van  de  Walle  a  mérité  une  mention  honorable. 

Le  concours  de  la  sixième  année  avait  pour  sujet  :  1"  le 
modelage  d'une  console  .avec  figure  accroupie  et  2"  de  deux 
statues  pour  être  exécutées  en  pierre.  Le  résultat  obtenu 
par  les  deux  concurrents  est  très  satisfaisant  :  MM.  De 
Visscher  et  Geeraert  ont  emporté  un  i"  prix. 

En  cinquième  année(reproduction  de  la  statue  en  bronze 
de  saint  François,  à  la  cathédrale  de  Tolède),  les  concur- 
rents avaient,  en  outre,  à  fournir  des  œuvres  purement 
décoratives  qui,  en  général,  ont  été  fort  bien  comprises. 

Combien  plus  difficile  (et  trop  difficile)  était  un  autre 
morceau  demandé  :  l'étude  d'une  de  ces  bêtes  fantastiques 
qui  habitent  les  corniches  de  Notre-Dame  de  Paris  ;  une 
sorte  d'aigle  saisissant  dans  ses  serres  une  grappe  de  rai- 
sin. Il  était  ardu  de  donner  la  vie,  le  mouvement  harmo- 
nique à  cette  chimère. 

Il  y  a  aussi  des  études  remarquables  dans  la  quatrième 
année.  En  somme,  nous  constatons  avec  plaisir  que  les 
jeunes  sculpteurs  sont  dirigés  avec  entrain  dans  la  voie 
de  la  sculpture  décorative,  de  manière  à  devenir  des  pra- 
ticiens habiles  et  artistes  dont  nous  avons  tant  besoin. 

Encore  deux  mots  des  travaux  des  peintres  dont  une 
grande  partie  n'a  pu  être  exposée,  faute  de  place  à  cause 
des  nouvelles  constructions  en  cours. 

Nous  remarquons  en  cinquième  année  une  jolie  inter- 
prétation de  la  statue  bien  connue  du  saint  Hubert,  de 
Louvain;  en  quatrième  année  :  un  médaillon  pour  vitrail, 
qui  représente  une  figuie  du  Christ  d'après  le  beau  Dieu 
d'Amiens. 

M.  Dua,  de  la  sixième  année,  fournit  une  bonne  étude 
de  vitraux,  mais  oîi  les  figures  sont  trop  plastiques  pour 
satisfaire  aux  exigences  décoratives  du  métier. 

Le  plus  beau  morceau  de  la  section  de  peinture  est  le 
projet  de  verrière  de  M.  H.    Coppejans,  qui  a  remporté 


402 


îRebue  îfe  V^xt  chrétien. 


le  Grand  Prix.  Ce  superbe  carton  représente,  dans  les 
quatre  fenêtres  de  l'ancienne  chapelle  de  l'hospice  Sainte- 
Catherine  h  Gand,  des  épisodes  se  rattachant  h  l'histoire 
de  la  sainte  et  à  la  fondation  de  l'hospice. 

L.  C. 

Ecole  Saint- Luc  de  Liège. 

Nous  lisons  dans  le  Bulletin  des  métiers  d'art. 

Exposition  des  travaux  des  élèves.  Il  suffit  d'avoir  com- 
paré l'exposition  des  travaux  de  ses  cours  supérieurs  avec 
celle  des  œuvres  d'institutions  similaires  restées  fidèles 
aux  vieilleries  trop  académiques,  pour  constater  que  du 
côté  de  Saint-Luc  se  révèlent  de  plus  en  plus  la  vie  et  la 
dignité,  le  travail  régulier,  persévérant  et  personnel,  l'ori- 
ginalité vraie  qui  résulte  de  ce  travail,  et  l'alliance  heu- 
reuse du  culte  du  progrès,  et  de  l'emploi  de  ses  nouveau- 
tés avec  la  fidélité  aux  meilleures  traditions  artistiques 
et  nationales  de  nos  plus  habiles  devanciers. 

Les  progrès  notables  du  cours  des  arts  décoratifs  con- 
tinuent à  s'accentuer  d'une  manière  évidente. 

Ce  qui  attire  particulièrement  le  regard,  c'est  le  magni- 
fique projet  pour  la  décoration  d'une  église  avec  carton 
d'exécution  d'un  groupe  représentant  la  Cène  et  une 
figure  de  saint  Bonaventure  en  peinture  murale  faisant 
partie  de  cet  excellent  projet.  Ce  travail  a  valu  à  l'au- 
teur, M.  Colpa,  la  distinction  très  rare  du  Grand  Prix. 

Les  cours  de  mobiliers,  de  modelage  et  de  ferronnerie 
offrent  aux  visiteurs  des  projets  aussi  méritants  que  nom- 
breux. 

Signalons,  en  ferronnerie,  les  dessins  de  la  première  an- 
née :  torchère,  suspension  de  lanterne,  qui  ont  valu  à  leurs 
auteurs,  MM.  P.  Janss  et  D.  Lahaye,  un  premier  prix. 

M.  Z.  Gobiet  expose  une  copie  très  heureuse  de  la  char- 
mante statue  de  Notre-Dame  de  Hal,  ainsi  qu'une  res- 
tauration bien  réussie  d'une  noble  statue  de  sainle  Cathe- 
rine. 

En  troisième  année  :  M.  D.  Léonard  qui  obtient  un 
premier  prix  pour  ses  belles  études  d'un  mobilier  complet 
de  chambre  à  coucher. 

En  quatrième,  M.  L.  Doering  remporte  un  premier 
prix  et  M.  J.  Detilloux  un  deuxième  pour  la  composition 
d'un  mobilier  complet  de  salle  à  manger. 

**• 

Les  travaux  du  cours  d'architecture  sont  de  nature  à 
soutenir  et  à  relever  encore  la  réputation  de  l'école. 

En  huitième  année,  M.  H.  Seaux  a  produit  un  travail 
d'une  supériorité  marquée,  un  projet  de  Palais  des  Beaux- 
Arts.  Sur    un   plan    bien  combiné,    s'élève     une    riche 


façade.  Un  vrai  sentiment  artistique,  une  connaissance 
sûre  de  la  construction,  un  crayon  habile,  un  lavis  char- 
mant, se  révèlent  à  l'œil  le  moins  exercé. 

En  sixième  année,  un  projet  de  «  local  pour  société  >  a 
provoqué  de  bons  travaux.  Le  premier  prix  est  revenu  h 
M.  J.  Ghobert,  M.  J.  Barsin  a  obtenu   le  deuxième  prix. 

—  Un  projet  de  «  Villa  »  avec  dépendances,  faisait 
l'objet  du  concours  de  la  cinquième  année.  Deux  premiers 
prix:  MM.  Clément  el  Thibeau,  deux  seconds  prix  : 
MM.  Joslet  et  Wilkin,  ont  été  donnés.  Le  très  agréable 
projet  de  M.  Clément  d'Oneux  nous  ofi"re  une  riante  villa, 
sagement  distribuée,  pleine  de  pittoresque  et  de  couleur. 

Le  projet  de  M.  Thibeau  attire  les  yeux  par  la  manière 
calme  dont  il  est  rendu  et  témoigne  d'une  connaissance 
sûre  de  la  construction.  MM.  Joslet  et  Wilkin  font  augu- 
rer des  succès  pour  l'avenir. 

Aux  élèves  de  quatrième  année  était  imposé  un  projet 
de  <  maison  de  commerce  ».  MM.  Joassart  et  Thône  ont 
obtenu  le  premier  prix  ;  MM.  Dehin  et  Fétu  le  deuxième 
prix. 

L'École  Saint-Luc  de  Schaerbeek- Bruxelles. 

Pour  terminer  l'année  scolaire,  l'école  Saint  Luc 
de  Schaarbeek-Bruxelles  a  exposé  des  résultats  très 
au-dessus  de  la  moyenne.  Les  travaux  des  élèves  de 
la  section  d'architecture  dénoncent  une  rare  élite  de  dé- 
butants. L'on  sait  combien  le  jury  qui  circule  parmi  les 
écoles  Saint-Luc  semble  avoir  h  cœur  de  se  montrer  sé- 
vère. Il  a  fallu  qu'à  Bruxelles  il  se  montrât  prodigue  de 
distinctions,  à  peine  de  renier  l'esprit  d'équité  qui,  avant 
tout,  le'gouverne.  Le  Grand  Prix  (huitième  année)  a  été 
emporté  par  M.  Eug.  Hucq,  dont  les  qualités  de  goût  et 
de  distinction  ont  déjà  été  signalées  à  nos  lecteurs.  En 
septième  année  (projet  d'église)  deux  premiers  prix,  chose 
peu  ordinaire,  sont  délivrés  à  MM.  Diekschen  et  Laniy, 
et  trois  seconds  :  MM.  Gustenhoven,  Hegendorfer  et 
Meulepas.  En  sixième  année  (local  pour  une  société  d'ar- 
chitecture) deux  premiers  prix  encore  à  MM.  Gosselin  et 
Latteur,  et  un  second  à  M.  De  Roi.  MM.  Herinan  Lemaire 
et  Léon  Van  Criekinge  emportent  le  premier  prix  en  cin- 
quième année  (couvent),  et  un  projet  de  maison  commu- 
nale vaut  en  quatrième  année  à  MM.  Lefeveret  Silly  le 
premier  prix  encore. 

Signalons  comme  particulièrement  remarquable  le  pro- 
jet d'église  de  M.  Diekschen. 

Sans  être  aussi  remarquables  que  la  section  d'architec- 
ture, les  classes  de  décoration  sont  pourtant  fort  intéres- 
santes, et  les  classes  de  principes  se  montrent  pleines 
d'ardeur. 


^^^^^^^^^^^^^i^^^^  ,^  ,^  ,^  ..^  ,^  ,^  ..^  ^,^  .^  ^  ,^  ,^  .,^  ,^  :^ 

.3^  ;te 


^)^^)^)^^ii^  Corvespcinîiance.  '^^m^^m^m^m 


h 


^^.-w.^.v^^.^  Italie.  — — ^-.-v^-— 


Blai^BdlIlff  :  (In  tableau  B'-flntoncIlo  Or  SicBiSinf,  — 
IHes^inC:  DrcouOcttc D'une  moflaïquc.  —  Berlin:  IXnia^ 
bleau  ne  VanOer  GOC0.  —  San  JSi'UeiO  (Soficane)  :  "Vol 
D'une  ocuiDtf  De  îJobbia.  —  Floicnce:  liée  tabernaclea 
eut  tue;  le  DaCîD  De  SHIcbel  Hnce;  Doutielleo  acquieitions 
Dea  flBufléca  ;  Un  tableau  De  Kapbaet. 

Plaisance.  —  Un  Christ  à  la  colonne. 

|E  musée  civique  conservait  un  Christ  à 
la  colonne  qu'on  soupçonnait  être  peint 
par  Antonello  de  Messine.  Le  petit  ta- 
bleau, —  il  mesure  0^,38  sur  o"i,48  — 
était  surchargé  de  vernis  ;  le  conservateur,  le  pro- 
fesseur G.  Ferrari,  prit  le  parti  de  le  faire  net- 
toyer ;  alors  apparut  visiblement  l'inscription  : 

14.7J  Antonellns  înessaneus  me pinxit. 

C'est  un  très  bel  ouvrage,  il  était  jadis  dans  la 
chambre  à  coucher  du  palais  que  possédait  à  Plai  - 
sance  le  cardinal  Alberoni  (1664- 1752),  ministre 
du  roi  d'Espagne  Philippe  V.  Du  palais  le  ta- 
bleau passa  au  collège  Alberoni  fondé  par  le 
cardinal  et  de  là  au  musée  civique.  Sur  aucun  in- 
ventaire le  tableau  n'était  attribué  à  Antonello. 

Le  peintre  a  signé  plusieurs  de  ses  tableaux, 
comme  il  l'a  fait  sur  le  Christ  à  la  colonne,  mais 
on  trouve  aussi  son  nom  sous  d'autres  formes. 

Antonello  Messanensis;  Antonellns  de  Antonio. 
Antonio  était  le  père  d'Antonello. 

Il  règne  de  grandes  incertitudes  sur  la  vie  du 
célèbre  peintre  de  Messine. 

Vasari  et  après  lui  Siret  et  MUntz  disent 
qu'Antonello  est  resté  à  Bruges  jusqu'après  la 
mort  de  J.  Van  Eyclc,  survenue  en  1440.  C'est 
une  erieur  démontrée  à  présent:  Antonello  n'est 
arrivé  à  Hruges  qu'après  la  mort  de  Van  Eyck  ; 
ce  n'est  donc  pas  par  ce  peintre  mais  par  un 
autre  flamand  qu'il  a  été  initié  à  la  peinture  à 
l'huile  telle  qu'elle  se  pratiquait  à  Bruges. 

Les  biographes  ne  sont  d'accord  ni  sur  l'année 
de  la  naissance  d'Antonello  ni  sur  celle  de  sa 
mort. 

Messine  —  Dccouverte  d'une  mosaïque. 

Sous  une  couche  de  stuc   on  a  trouvé  sur  l'un 


des  côtés  de  l'arc  de  l'abside  du  dôme,  l'archange 
Gabriel  à  genoux  dans  l'attitude  habituelle  de 
l'Annonciation  ;  on  s'est  assuré  que  sur  l'autre 
côté  de  l'arc  existe  la  Vierge  Marie,  mais  là  le 
stuc  n'a  pas  encore  été  levé. 

On  pense  que  ces  mosaïques  ont  pour  auteur  le 
peintre  mosaïste  de  Messine  Francesco  Giuffre, 
qui,  par  un  contrat  de  1534,  s'était  engagé  à  tra- 
vailler précisément  sur  cette  partie  du  Dôme. 

Berlin.  —  Un  tableau  de  Van  der  Goes. 

On  sait  que  l'Italie  est  le  pays  qui  possède  le 
plus  grand  nombre  de  peintures  de  Hugo  Van 
der  Goes.  Ce  nombre  était  de  sept  :  il  vient  d'être 
diminué  d'une  unité,  le  tableau  de  la  Galerie 
des  Offices  de  Florence,  La  Madone,  l'Enfant  et 
sainte  Catherine  ayant  été  enlevé  à  Van  der 
Goes  et  donné  à  de  Bles  dit  Civetta  (1480  1521). 

En  revanche  le  nombre  total  des  tableaux 
de  Van  der  Goes  exposés  dans  les  musées  a  été 
augmenté  d'une  pièce  qui  a  trouvé  sa  place  au 
musée  de  Berlin. 

M.  Bode,  l'éminent  directeur,  en  a  fait  l'acqui- 
sition à  la  succession  de  Marie  Christine  de 
Bourbon,  veuve  de  l'infant  Don  Sébastien,  mort 
en  1875. 

Le  tableau  a  été  mis  pendant  quelque  temps 
sous  les  yeux  du  public  de  Madrid, mais  ne  paraît 
pas  avoir  été  apprécié  :  en  dernier  lieu  il  était  à 
Pau. 

Il  mesure  2'",45  de  long  sur  0^,97  de  haut. 

La  Madone  est  à  genoux  en  adoration  devant 
l'Enfant  ;  des  bergers  empressés  se  précipitent 
vers  le  nouveau-né  ;  deux  prophètes  en  buste 
assistent  à  la  scène  d'un  air  tranquille. 

L'acquisition  de  M.  Bode  est  d'autant  plus 
précieuse  que  dans  toute  l'Allemagne  il  n'y  avait 
que  deux  Van  der  Goes  :  Le  cardinal  Charles  de 
Bourbon  à  Nuremberg,  et  la  Madone  avec  l'En- 
fant à  Francfort. 

San  Severo.  —  Une  œuvre  robbianesque  volée 
et  retrouvée. 

Au  mois  de  janvier  dernier,  des  voleurs  péné- 
trèrent dans  la  chapelle  de  la  S.  S.  Annunziata 
annexée  à  l'église  San  .Severo  à  Legri  près  de 
Calenzano,  non  loin  de  Florence;  ils  détachèrent 


404 


3Rrbue  lie  r^lrt  chrétien» 


de  la  muraille  un  très  important  relief  des  Robbia 
et  tentèrent  de  le  vendre. 

L'ouvrage  représente  la  Déposition  du  Christ  ; 
le  corps  du  Rédempteur  est  soutenu  par  sainte 
Marie  Madeleine  et  saint  Jean  ;  dans  le  ciel  un 
chœur  d'anges. 

Les  figures,  presque  de  grandeur  réelle,  sont 
émaillées  de  blanc  et  se  détachent  sur  un  fond 
bleu. 

Le  cadre  est  limité  par  une  bordure  de  fruits, 
de  feuilles  et  de  fleurs  coloriés  d'après  le  naturel. 
Sur  le  soubassement  se  trouve  l'inscription  : 

O  vos  onines  gui  trausitis  per  viaiii,  attendite 
et  videte  si  est  dolor  siait  dolor  meus. 

Pour  comprendre  le  sens  de  ces  paroles  il  faut 
savoir  que  depuis  le  XV'=  siècle  la  Déposition 
était  placée  dans  un  tabernacle  situé  sur  la  voie 
publique.  En  1890,  on  eut  l'idée  de  la  mettre 
dans  la  chapelle,  piobablement  pour  lui  assurer 
une  plus  grande  sécurité  ;  cette  translation,  con- 
tre laquelle  la  population  fit  entendre  de  vives 
réclamations,  fut  très  probablement  la  cause  du 
vol,  dont  la  perpétration  assez  longue  n'aurait  pu 
s'accomplir  en  plein  air  dans  une  localité  fré- 
quentée. 

Ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  que  ni  l'adminis- 
tration, ni  les  photographes  professionnels  ne 
photographièrent  une  œuvre  aussi  importante, qui 
certainement  est  ou  de  Luca  délia  Robbia  ou 
d'Andréa. 

Le  défaut  d'une  reproduction  rendait  plus  dif- 
ficile la  tâche  de  la  police  ;  par  hasard  une  dame 
anglaise.  Miss  Grahame,  avait  braqué  son  kodak 
sur  la  Déposition  et  obtenu  une  épreuve  suffisan- 
te qui,  dans  une  certaine  mesure,  a  contribué  à  la 
recherche  des  voleurs  et  des  receleurs. 

La  Déposition  a  été  retrouvée  et  les  coupables 
voleurs  et  receleurs,  ont  été  sévèrement  con- 
damnés. 

Florence.  —  Les  Tabernacles  sur  rue. 

Aucune  ville  d'Italie  ne  peut  rivaliser,  même  de 
loin,  avec  Florence  pour  la  quantité  et  la  qualité 
des  tabernacles,  lunettes,  statues  et  autres  œu- 
vres d'art  exposés  sur  les  voies  publiques  à  la 
vue  du  passant. 

C'est  par  centaines  qu'il  faut  les  compter  et 
dans  le  nombre  il  en  est  des  plus  grands  artistes 


florentins  depuis  le  XIV^  siècle.  Malheureuse- 
ment, ils  sont  en  général  mal  entretenus. 

L'Association  pour  la  défense  de  l'ancien  Flo- 
rence, qui  est  la  Société  d'art  la  plus  importante 
de  Florence,  a  été  saisie  par  im  de  ses  membres 
d'une  proposition  ayant  pour  objet  la  protection 
des  tabernacles  ,  sous  la  présidence  du  prince 
Corsini.  Le  projet  a  été  adopté  ('J. 

Le  David  de  Michel- Ange.  —  L'opéra  de 
Sainte-Marie  de  la  Fleur,  la  cathédrale  de  Flo- 
rence, confia  en  1464  au  sculpteur  et  architecte 
Agostino  Duccio  un  bloc  de  marbre  de  neuf 
brasses  de  haut  (5"\22)  pour  en  tirer  une  statue 
colossale  de  prophète  destinée  à  la  décoration 
extérieure  du  Dôme. 

Duccio  était  connu  ;  il  avait  travaillé  avec 
succès  à  Venise,  Rimini,  Pérouse,  mais  il  manqua 
le  prophète. 

L'opéra  lui  retira  )a  commande  ;  c'était  assez 
dans  la  coutume  du  X  V«  siècle  ;  Donatello  subit 
une  pareille  mésaventure  au  sanctuaire  d'Or  San 
Michèle  ;  mais  cela  ne  tirait  pas  à  conséquence, 
et  Duccio  continua  à  être  demandé  dans  diverses 
parties  de  l'Italie.  En  1501,  Michel-Ange  revint 
de  Rome  à  Florence  ;  ce  grand  homme,  alors  âgé 
de  vingt-quatre  ans,  avait  déjà  donné  des  preuves 
de  son  talent. 

L'opéra  lui  remit  le  bloc  de  marbre  ;  Michel- 
Ange  se  mit  à  l'œuvre  et  donna  aussitôt  des  preu- 
ves de  ce  caractère  indépendant  qui  devait  le 
faire  souffrir  dans  sa  longue  carrière.  .'\u  lieu 
d'un  prophète,  il  fit  un  David  ;  au  lieu  de  placer 
la  statue  à  la  cathédrale,  il  obtint  de  1h  mettre 
sur  la  ringhiera  du  Palais  de  la  Seigneurie  ; 
comme  argument,  il  avait  dit  :  David  a  défendu 
le  peuple  d'Israël,  il  faut,  par  cette  statue,  donner 
un  avertissement  à  ceux  qui  gouvernent  Florence 
de  le  faire  avec  sagesse. 

Vers  1846,  on  aperçut  quelques  fissures  dans 
les  jambes  du  David  et  aussitôt  on  songea  à 
conjurer  un  péril  qu'on  tenait  pour  possible. 

Divers  moyens  furent  proposés  alors  et  dans 
la  suite  : 


I.  C'est  M.  Gerspach  qui  est  l'auteur  de  la  proposition  :  nous  sa- 
vions que  notre  collaborateur  s'occupait  des  tabernacles  depuis  plu- 
sieurs années.  Il  a  lait  une  communication  sur  ce  sujet  au  Congrès 
des  sciences  historiques  de  Rome  en  1903.  Nous  publierons  ce  tra- 
vail. 

( i^oif  de  la  Direction.) 


Correspondance. 


405 


Transport  du  marbre  dans  un  lieu  couvert  ; 

Mise  à  l'abri  en  place  sous  un  édicule  ; 

Remplacement  du  marbre  par  le  bronze. 

Rien  ne  fut  fait,  sauf  un  moulage  qui  plus  tard 
servit  à  la  fonte  de  la  statue  de  la  colline  de  San 
Miniato,  où  elle  fait  un  médiocre  effet  n'ayant 
pas  été  conçue  pour  le  bronze  et  pour  un  pareil 
emplacement. 

Enfin  en  1873  on  prit  une  résolution  ferme. 

La  statue  fut  transportée  dans  une  salle  cons- 
truite exprès  à  la  Galerie  de  peinture  de  l'Aca- 
démie ;  on  l'entoura  des  moulages  des  principaux 


ouvrages  de  Michel-Auge  et  la  localité  fut  appelée 
la  Tribune  de  David.. 

Le  peuple  de  Florence,  et  par  cela  il  faut  en- 
tendre la  population  entière,  fut  mécontent  de 
ne  plus  avoir  sous  les  yeux,  en  permanence,  son 
David. 

La  place  de  la  Seigneurie  souffrit  dans  son 
aspect  séculaire,  elle  parut  comme  amputée  d'ini 
organe  nécessaire  ;  j'ai  ressenti  deux  fois  une  pa- 
reille impression  ;  ici  d'abord,  puis  à  Venise,  après 
l'écroulement  du  campanile.  Le  municipe  com- 
prit la  situation  et  promit  qu'une  copie  en  marbre 


La  Vierge  et  l'Enfant,  par  I.uca  délia  Roodia  (1399-1482).  Musée  national  de  Florence.  (Phot.  Alinaki.) 


de  la  statue  serait  mise  à  la  place  de  l'original, 
mais  il  ne  fît  rien. 

L'an  passé,  le  cercle  d'artistes  de  Florence 
saisit  le  municipe  de  justes  réclamations  ;  l'admi- 
nistration fit  un  de  ces  référendums  très  en  usage 
au  temps  de  la  République  florentine  et  con- 
sulta les  diverses  Sociétés  d'art  de  la  cité  ;  le 
vote  fut  favorable  à  une  grande  majorité. 

Une  Commission  executive  fut  nommée,  et  une 
souscription  est  ouverte. 

Sans  aucun  doute  elle  réussira. 

Le  decoro  publico  étant  toujours  cher  aux  Flo- 


rentins, le  David  se  dressera  de  nouveau  sur  la 
ringhiera,  l'estrade  de  la  façade  du  Palais  d'où  la 
Seigneurie  de  la  République  haranguait  le  peuple 
et  proclamait  les  décrets. 

Nouvelles  acquisitions  des  musées  de  Florence. 

Le  musée  national  dit  Bargello,  déjà  si  riche 
en  œuvres  de  Robbia,  a  acquis  récemment  un 
bas-relief  de  Luca  (1399-1482)  signalé  par  Vasari 

Nous  en  donnons  la  reproduction  ;  il  porteles 
initiales  du  pape  Martin  V,  pontificat  de  1417  à 
1431- 


RKVL'tl  DE  L  AKT  CMKETIKN. 


4o6 


B.e\3ue  tje  rart  cljrétien. 


La  Vierge  en  adoration,  par  Filippino  Un-,  U459  :-50S).  ^laleriedes  Offices  Je  Florence.  H'huU  Aunak,.) 


Les  personnages  sont  en  couleur  blanche  sur 
un  fond  bleu.  La  bordure,  selon  l'habitude  des 
Kobbia,  est  coloriée  d'après  le  naturel. 


Ce  magnifique  ouvrage  était  placé  contre  une 
propriété  particulière  dans  la  rue  populeuse  de 
l'Agnolo,  au-dessus  d'une  porte  qui  jadis  donnait 


Correspontiance» 


407 


accès  à  un  séminaire  fondé  par  le  pape  Martin  V. 
Il  a  subi  là  quelques  dégâts  :  après  quoi  il  fut  re- 
couvert d'un  réseau  métallique.  Maintenant  il  est 
à  l'abri  dans  un  musée,  mais  la  translation  a 
trouvé  des  opposants.  Du  moment  où  le  relief  a 
été  enlevé  de  la  place  pour  laquelle  Luca  l'avait 
créé,  il  eût  été  préférable,  a-t-on  dit,  de  le  mettre 
dans  une  église,  dans  les  conditions  de  hauteur  et 
d'isolement  à  peu  près  semblables  à  celles  de  la 
Via  de  l'AgnoIo. 

Dins  le  monde  des  antiquaires  amateurs  et  des 
collectionneurs  étrangers,  on  ne  cesse  de  répéter 
qu'il  n'y  a  plus  rien  à  faire  en  Italie,  en  fait 
d'achats,  et  cependant  les  musées  ne  cessent 
d'augmenter  leurs  collections,  à  ce  point  qu'il  est 
plusjuste  de  dire  que  l'Italie  est  inépuisable. 

La  galerie  djs  Offices  a  eu  la  bonne  fortune 
d'acheter  une  Madone  en  adoration  de  Filippino 
Lippi  (1459  -'-1505)  fort  peu  connue. 

Si  la  reproduction  de  cette  peinture  donne  une 
idée  juste  de  la  composition,  elle  ne  peut  faire 
comprendre  le  charme  et  la  fraîcheur  des  colora- 
tions. Le  ciel  est  d'un  bleu  pur  qui  s'éclaircit  à 
l'horizon  ;  le  paysage,  détaillé  avec  précision,  est 
bien  celui  que  nous  avons  toujours  sous  les  yeux 
dans  les  plaines  du  Valdarno.  Il  démontre  une 
fois  di.'  plus  que  les  peintres  du  X  V«  siècle  avaient, 
quoiqu'on  ne  cesse  de  soutenir  le  contraire,  le 
sentiment  juste  de  la  nature. 

FilippinoLippi  a  été  choisi  pour  achever, dans  la 
chapelle  Brancacci  à  l'église  Carminé  à  Florence, 
les  fresques  commencées  par  Masaccio,  et  il  s'est 
montré  digne  de  la  mission  qui  lui  fut  confiée.  Il 
a  laissé  de  nombreuses  peintures,  notamment 
X Apparition  de  la  Vierge  à  saint  Bernard  à  la  Ba 
dia  de  Florence  délicieux  ouvrage  bien  connu  et 
apprécié,  et  la  Madone  et  les  Saints  dAns  la  cha 
pelle  Tanai,  à  l'église  San  Spirito,  trop  négligée 
par  les  visiteurs  et  dont  les  importants  tableaux 
d'autels  sont  médiocrement  soignés. 

Dans  la  cité  de  Prato,  sur  une  maison  lui  ap- 
partenant, via  Margherita,  il  a   peint,  en  1498,  à 


fresque,  un  tabernacle  en  plein  air  :  la  Vierge 
couronnée  par  les  Anges,  avec  les  saints  Antoine 
et  Etienne,  et  les  saintes  Marguerite  et  Cathe- 
rine. Cette  peinture  exquise  est  laissée  dans  le 
plus  déplorable  abandon  :  depuis  longtemps  déjà 
une  partie  a  disparu  et  malgré  les  réclamations  on 
ne  se  décide  pas  à  la  préserver  ou  à  l'enlever,  ce 
qui  est  dans  le  droit  incontestable  de  l'adminis- 
tration. 

Un  tableau  de  Raphaël?  —  Le  marchand  de 
tableaux  anciens,  Cronier,  de  Londres,  prétend 
avoir  découvert  dans  une  maison  particulière,  un 
tableau  de  Raphaël  représentant  la  Sainte  Fa- 
mille avec  l'Enfant  Jésus  dans  les  bras  de  sa  Mère. 

Le  tableau  est  très  petit  ;  il  ne  mesure  que 
69  centimètres  de  long  sur  26  de  haut. 

L'Enfant  Jésus  aurait  des  analogies  avec  l'En- 
fant du  célèbre  tableau  La  Madone  Sixtine  con- 
servé au  mu  sée  de  Dresde. 

Voici  quelle  serait  l'histoire  de  cette  peinture. 

Elle  a  été  acquise  par  le  roi  d'Angleterre 
Charles  l^''  en  1628  ;  vendue  par  Cromvvell,  la 
collection  royale  fut  dispersée  et  le  petit  tableau 
de  Raphaël  fut  acquis  pour  la  galerie  royale 
d'Espagne.  Il  y  resta  jusqu'à  l'époque  des  guerres 
de  Napoléon  ;  il  fut  alors  vendu  avec  d'autres 
tableaux  de  la  collection  pour  subvenir  aux  frais 
des  guérillas. 

D'Espagne  le  tableau  passa  en  Angleterre 
vers  181  r. 

Cromer  offre  deux  mille  cinquante  francs  à 
celui  qui  prouvera  que  le  tableau  n'est  pas  de 
Raphaël. 

La  proposition  est  singulière  ! 

Jusqu'à  présent  c'était  au  propriétaire  à  dé- 
montrer l'authenticité  d'un  tableau  qu'il  met  en 
vente  ;  de  ce  que  personne,  comme  c'est  probable, 
ne  relèvera  le  défî  de  Cromer,  cela  ne  prouvera 
nullement  que  la  peinture  est  de  Raphaël.  Et  si 
par  hasard  le  défi  est  relevé,  quel  sera  le  juge  de 
la  controverse  ? 

Gerspach. 


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Trabaujc  lies  JSociétés  saluantes. 


^WWWWW^WW^WWWWWWWW^^^fWWWWWWW^ 


Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres. —  Séance  du  ij  Juin  iço^.  — L'Académie 
décerne  les  prix  suivants  : 

Prix  Fould  (de  la  valeur  de  5,000  fr.  et  destiné 
à  «  récompenser  le  meilleur  ouvrage  sur  l'histoire 
des  arts  du  dessin  »),  partagé  ainsi  qu'il  suit  : 

2,500  francs  à  M.  G.  Durand,  pour  sa  Mono- 
graphie lie  l'église  de  Notre-Dame,  cathédrale  d' A- 
vtieiis  {')  ;  2,500  francs  à  M.  É.  Bertaux,  pour  son 
étude:  L'Art  dans  l'Italie  méridionale  de  la  fin  de 
l' Empire  romain  à  la  conquête  de  Charles  d'Anjou. 

M.  D.  Serruys  signale  une  source  ignorée 
jusqu'ici  du  capitulaire  par  lequel  Charlemagne 
s'éleva  contre  le  culte  des  images  et  que  l'on 
désigne  communément  sous  le  nom  de  Libri 
Carolini  M.  Serruys  a  retrouvé  dans  un  ouvrage 
inédit  de  Nicéphore,  patriarche  de  Constanti- 
nople,  dont  il  annonce  à  l'Académie  la  publica- 
tion prochaine,  le  texte  original  grec  de  certains 
témoignages  invoqués  par  le  capitulaire.  Ces 
témoignages  sont  empruntés  à  des  écrits  de 
propagande  iconoclaste  composés  à  Byzance 
au  VI  II<=  siècle.  Ils  furent  sans  doute  envoyés 
en  Occident  par  les  empereurs  de  Byzance 
désireux  de  créer  un  dissentiment  entre  Rome 
et  les  Francs  sur  la  question  des  images,  ainsi 
qu'ils  le  tentèrent  encore  sous  Louis  le  Débon- 
naire. 

Séance  du  i^^ juillet.  —  M.  Clermont-Ganneau 
annonce  la  mort,  en  Syrie,  du  P.  Paul  de  Saint- 
Aignan,  archéologue,  un  des  correspondants 
les  plus  zélés  de  l'Académie. 

Sur  la  proposition  de  M.  Sénart,  une  somme 
supplémentaire  de  3,000  francs  est  accordée  sur 
la  fondation  Benoît-Garnier,  à  M.  Dufour,  pour 
la  continuation  de  ses  travaux  d'exploration 
archéologique  en  Indo-Chine,  et  particulièrement 
à  Angkor. 

M.  Gauckler  annonce  à  l'Académie  qu'il 
vient  de  découvrir  à  Carthage,  comme  nous  le 
disons  plus  loin  en  détail  (voir  la  Chronique), 
le  théâtre  romain  que  l'on  croyait  détruit  et 
qui  existe,  au  contraire,  tout  entier,  sous  huit 
mètres  de  terre,  à  cent  cinquante  mètres  au  sud 
de  rOdéon  déblayé  par  lui-même  en  1900-1901. 
Une  tranchée  ouverte  dans  l'axe  du  monument 
a  permis  à  M.  Gauckler  de  reconnaître  que  l'édi- 
fice comportait  quatre  galeries  concentriques 
superposées  reliées  par  des  escaliers  voûtés  et 
surmontées  d'un  portique  à  colonnades. 


I.  V.  Revue  de  r Art  chrilien.  Année  1902,  p.  70. 


Séance  du  8  mai.  —  M.  Berger  présente  une 
inscription  bilingue  punico-lybique  qui  vient 
d'être  découverte  à  Dougga,  dans  les  fouilles 
dirigées  par  M.  Gauckler  et  conduites  sur  place 
par  son  adjoint,  M.  Sadoux.  Ce  texte,  d'une 
importance  capitale  pour  l'histoire  de  l'ancienne 
Afrique,  est  la  dédicace  d'un  temple  au  roi  nu- 
mide Massinissa,  dont  il  fait  connaître  la  généa- 
logie et  les  nombreux  ancêtres  rois  ou  suffètes. 
L'inscription  se  termine  par  le  nom  et  la  gé- 
néalogie de  l'architecte  qui  a  construit  le  temple. 
M.  S.  Reinach  annonce  que  l'abbé  Arnaud  d'A- 
gnel  vient  de  découvrir  à  Cuges  (Bouches-du- 
Rhône),  trois  squelettes  humains  dans  une  grotte 
dite  :  «  Trou  des  morts  ».  Les  uns  et  les  autres 
étaient  dans  l'attitude  accroupie  qui  caractérise 
les   plus  anciennes  inhumations   préhistoriques. 

Séance  du  i§  j'uillet.  —  M.  Sénart  analyse  le 
rapport  de  M.  Dufour,  délégué  de  l'Académie  à 
Angkor,  relatif  au  déblayement  du  Rayon  d'Ang- 
kor  et  Thom,  et  à  la  reproduction  des  sculptures 
qui  décorent  ce  monument  regardé  comme  le 
chef-d'œuvre  de  l'art  Khur. 

M.HomoUe  communique  une  lettre  de  M.  Hol- 
laux  sur  les  fouilles  de  Délos. 

Société  des  Antiquaires  de  France.  — 
Séance  du  22 jiiin  iço^.—  M.Marquet  de  Vasselot 
rouvre  la  discussion  soulevée  dans  une  précé- 
dente séance  sur  l'authenticité  du  portrait  en 
émail  de  Jean  Fouquet  qui  appartient  au 
Louvre. 

M.  le  commandant  Mowat  fait  une  communi- 
cation sur  une  inscription  grecque  disposée  en 
carré  qui  se  trouve  notamment  sur  un  jeton  de 
cuivre  de  provenance  allemande,  datée    de    1572. 

M.  Lafaye  communique  en  y  ajoutant  des 
observations  des  nouvelles  archéologiques  en- 
voyées de  Toulon,  par  M.  Franchi  Maulin. 

Séance  du  2ç  juin.  —  Le  Président  annonce  la 
mort  de  M.  Anatole  de  Barthélémy,  membre  de 
l'Institut,  doyen  des  membres  houoraires  et 
rappelle  les  services  exceptionnels  par  lui  rendus 
pendant  60  ans  à  la  Société. 

La  séance  est  levée  en  signe  de  deuil. 

Séance  du  6 juillet.  —  MM.  le  D'^  Victor  Nadet, 
André  Lemoisne,  H.  Vasnier  et  Charles  Buttin 
sont  élus  associés  correspondants  nationaux. 

M.  Michon  entretient  la  société  de  différents 
objets  en  argent  découverts  en  1902  dans  la 
Géorgie  occidentale. 


Cratïau;c  des  ^otitttô  0atïante0. 


409 


M.  Durand  Greville  fait  une  communication 
sur  divers  crucifiements  des  Musées  des  Offices, 
de  Berlin,  etc.,  qu'il  croit  pouvoir  attribuer  au 
peintre  Hubert  Van  Eyck. 

M.  Chenon  présente  une  peinture  en  forme  de 
triptyque  provenant  d'une  église  berrichonne  et 
qui  porte  la  date  de  1544-  Le  centre  de  la  com- 
position figure  un  crucifiement. 

Séance  du  i^  juillet. —  M.  Ch.  Ravaisson  Mol- 
lien  fait  une  communication  sur  diverses  repro- 
ductions de  la  Joconde  ;  il  croit  pouvoir  affirmer 
qu'on  la  voit  près  de  Léonard  de  Vinci,  à  Suron- 
no,  dans  le  Mariage  de  la  Vierge  par  B.  Luini  et 
montre  que  sa  présence  est  en  rapport  avec  le 
sujet  principal  de  cette  fresque. 

M.  Uimier  revient  sur  la  question  de  la  petite 
galerie  du  Louvre. 

Î\I,  Merlin  communique  au  nom  deM.Cagnat 
deux  inscriptions  latines  récemment  trouvées  à 
Narbonne. 

M.  Durand  Greville  revient  sur  sa  précédente 
communication  relative  à  un  tableau  qu'il  avait 
attribué  à  Hubert  Van  Eyck. 

Séance  du  20  juillet.  —  M.  Michon  lit  un  mé- 
moire sur  les  trois  stèles  funéraires  de  l'ancien 
Cabinet  de  Cardin  le  Bret,  à  Donaueschingen. 

M.  Leprieur  revient  brièvement  sur  la  question 
du  diptyque  de  Melun,  par  Jean  Fouquet,  qu'il 
a  pu  examiner  depuis  la  fermeture  de  l'Exposi- 
tion des  Primitifs  français. 

Congrès  des  Sociétés  savantes  à  la  Sor- 
bonne.  —  La  section  d'archéologie  a  eu  très  peu 
à  s'occuper  d'archéologie  monumentale,  la  numis- 
matique et  la  sigillographie  ayant,  avec  l'archéo- 
logie préhistorique,  presque  complètement  ab- 
sorbé le  programme. 

Signalons,  dans  la  première  séance,  la  commu- 
nication de  M.  l'abbé  Arnaud  d'Agnel,  sur  les 
antiquités  du  musée  du  Sault  (  Vaucluse),  tendant 
à  prouver  que  les  objets  de  bronze  conservés  à 
ce  musée  se  rattachent  à  l'industrie  du  Nord, 
tandis  que  les  objets  de  céramique,  de  source 
grecque,  indiquent  les  relations  de  la  région  avec 
Massilia. 

Dans  la  seconde  séance,  citons  le  mémoire 
présenté  par  M.  L.  Fevret  sur  quatre  autels  ané- 
pigraphes  découverts  à  Dole  (Jura),  et  auxquels 
on  veut  attribuer  une  origine  celtique  et  gallo- 
romaine;  cette  opinion  appelle  les  plus  expresses 
réserves  de  MM.  Héron  de  Villefosse  et  Déche- 
lette. 

M.  L.  de  Vesly.de  Rouen,  entretient  la  section 
de  la  découverte  de  cachettes  monétaires  retrou- 


vées dans  le  département  de  la  Seine- Inférieure, 
trésor  comprenant  872  monnaies  de  grandbronze, 
dont  les  plus  anciennes  remontent  à  Vespasien 
et  les  dernières  à  Albin. 

Dans  la  cinquième  séance,  M.  E.  Bonnet  a 
donné  lecture  d'une  étude  sur  les  vestiges  de 
l'architecture  carolingienne  dans  le  département 
de  l'Hérault.  Divers  auteurs,  parmi  lesquels 
Prosper  Mérimée,  Jules  Renouvier,  Revoil  et 
L.  Noguier,  ont  assigné  une  date  antérieure  à 
l'an  1000  à  toute  une  série  d'églises  de  ce  dépar- 
tement, telles  que  celles  de  SaintGuilhem-le- 
Désert,  Loupéan,  Quarante,  Celleneuve,  Espon- 
deilhan.  M.  Bonnet  pense,  au  contraire,  qu'il  ne 
reste  presque  rien  des  constructions  antérieures 
au  X«  siècle,  les  caractères  architectoniques  con- 
sidérés comme  carolingiens  (petit  appareil,  feuil- 
les de  fougère,  arcatures  encorbeliées,  pilastres, 
dents  de  scie,  absence  de  transept,  cordons  de 
Charlemagne)  se  retrouvant  dans  les  monuments 
des  Xle,  Xn«  et  XHIe  siècles.  Quant  à  la  porte 
principale  s'ouvrant  sur  le  côté  méridional,  la 
cause  de  son  existence  doit  être  attribuée  au  désir 
de  se  garantir  des  vents  violents  du  Nord-Ouest. 
M.  Bonnet  conclut  que,  à  part  quelques  sculptures 
conservées  dans  les  églises  de  Saint-Guilhein  et 
de  Sérignan,  à  part  les  substructions  de  la  crypte 
de  la  cathédrale  de  Lodève  et  peut-être  la  crypte 
semi-circulaire  de  l'église  Sainte- Aphrodise  de 
Béziers,  le  département  de  l'Hérault  ne  possède 
aucun  monument  de  l'époque  carolingienne. 

Dans  cette  même  séance,  M.  P.  Coquelle,  de 
la  Société  des  études  historiques  de  Paris,  auquel 
nous  devions  déjà  une  belle  étude  sur  les  clochers 
romans  du  Vexin  français,  offre  une  étude  sur  les 
portails  du  Vexin  et  du  Puicerais. 

Ces  monuments  si  nombreux  et  variés  de  la 
partie  occidentale  de  l'Ile-de-France  appartien- 
nent à  deux  séries.  La  plus  ancienne,  d'art  roman 
primitif,  est  composée  de  portails  a  deux  pieds- 
droits  unis  ou  avec  une  petite  imposte  avec  linteau 
souvent  renforcé  au  centre,  quelquefois  orné  de 
sculptures,  ou  encore  avec  un  arc  de  décharge 
très  peu  saillant  sur  un  tympan  uni.  La  seconde 
série,  de  style  roman  parvenu  à  son  apogée, 
comprend  trente- cinq  portails  qui  sont  caracté- 
risés par  un  jambage  formé  de  ressauts  rectan- 
gulaires ornés  de  colonnettes  aux  chapiteaux 
d'une  grande  variété.  Les  voussures  sont  de  sim- 
ples tores  ou  décorées  de  scènes  animées.  L'ar- 
chivolte est  souvent  finement  sculptée.  Le  tympan 
de  Heaulme  peut  être  cité  comme  étant  le  plus 
curieux  ('). 

I.   D'après  des  notes  de  M.  A.  Besnard,  dans  \ .Architecture. 


4IO 


3^e\)ue  ÎJC  V^xt  cbvctien. 


Congrès  de  la  Sorbonne.  —  Réunion  des 
délégués  de  la  Société  des  Beaux-Arts.  Cette  réu- 
nion a  été  ouverte  le  5  avril  dernier  par  l'allocu- 
tion de  bienvenue  qu'a  prononcée  M.  H.  Havard. 

La  seconde  séance  a  été  inaugurée  par  un  dis- 
cours de  M.  Élie  Forée,  dont  nous  extrayons  quel- 
ques considérations  intéressantes.  L'orateur  a 
rappelé  la  série  considérable  des  travaux  des  ses- 
sions précédentes. 

Devant  cette  collection  considérable  <le  documents  si 
patiemment  et  si  intelligemment  amassés  par  vous,  dit-il, 
on  se  prend  à  regretter  qu'une  telle  initiative  n'ait  pas  été 
prise  plus  tôt.  Mais  les  recherches  que  vous  faites,  ces 
monographies  spéciales,  ces  analyses  approfondies,  mé- 
ticuleuses sur  les  points  particuliers,  ce  sont  là  des  études 
relativement  nouvelles,  c'est  le  résultat  d'un  esprit  cri- 
tique nouveau.  Nos  pères,  gardiens  si  jaloux  des  traditions 
politiques  et  morales,  n'admettaient  g'  ère  la  tradition 
pour  l'art.  Toute  forme  vieillie,  démodée  et  qui  n'était 
plus  en  honneur,  ne  leur  semblait  pas  respectable  et 
n'était  pas  par  eu.\  respectée  :  on  la  dénaturait  à  plaisir. 
on  la  défigurait  =ans  scrupule,  quand  on  ne  la  sacrifiait 
pas  tout  à  fait.  Constamment,  Messieurs,  ne  vous  arrive- 
t-il  pas  de  signaler  ces  évictions  barbares  qui  se  multipliè- 
rent, très  fréquentes,  aux  XYIl^et  XVII I"^  siècles  .'  L'es- 
thétique officielle  eût  alors  volontiers  condamnée  mort 
—  et  exécuté  —  le  passé  glorieux  de  l'art,  je  puis  dire  tout 
notre  art  français  : 

«  N'avez-vous  pas  remarqué  ces  points,  ces  petits  or- 
nements coupés  et  sans  dessein  suivi,  enfin  tous  ces  coli- 
fichets dont  nos  vieilles  églises  sont  pleines?  Voil,"!  en 
architecture  ce  que  les  antithèses  et  autres  jeux  de  mots 
sont  dans  l'éloquence.  L'architecture  grecque  est  bien 
plus  simple  ;  elle  n'admet  que  des  ornements  maiestueux 
et  naturels,  on  n'y  voit  rien  que  de  grand,  de  propor- 
tionné, de  mis  en  place.  Cette  architecture  qu'on  appelle 
gothique  nous  est  venue  des  Arabes.  Ces  sortes  d'esprits... 
n'ayant  ni  règle  ni  culture,  ne  pouvaient  manquer  de  se 
jeter  dans  de  fausses  subtilités  ;  de  là  vient  ce  mauvais 
goût  en  toutes  cho=es...  Sophistes  en  raisonnements, 
amateurs  de  colifichets  en  architecture,  inventeurs  de 
pointe  en  poésie  et  en  éloquence...  Tout  cela  est  du 
même  génie.  > 

C'est  ainsi  que  Fénelon,  dans  le  second  dialogue  sur 
l'éloquence,  parle  de  nos  merveilleuses  cathédrales  go- 
thiques. 

Le  temps  est  loin,  où  pareil  langage  pouvait  venir  sur 
les  lèvres  d'un  homme  d'esprit. 

De  même  que  le  poète  enchaîne  son  inspiration  .^  un 
rythme  exigeant  et  choisit  un  vocabulaire  de  métaphores 
et  de  gloses  inédites,  que  le  musicien  cherche  des  harmo- 
nies et  des  combinaisons  que  le  temps  n'a  pas  usées  et 
où  brillent  l'ardeur  et  la  beauté  de  la  jeunesse:  de  même 
les  artistes  s'ingénient  à  vaincre  la  nature,  à  l'assujettira 
leurs  caprices,  à  n'employer  rien  de  vulgaire  ou  d'avili. 
Idéal  différent  de  celui  que  nous  constations  tout  à 
l'heure,  lorsque  la  foi  exaltée  du  moyen  âge  ne  se  servait 
que  de  la  pierre  et  du  bois,  matières  simples  et  commu- 
nes, mais  qui  étaient  ennoblies,  réhabilitées  par  les  pro- 
portions grandioses  de  l'architecture,  [lar  l'effort  prodi- 
gieux du  sculpteur.  Ainsi  l'art  est  l'expression  suprême 
et  infiniment  variée  d'un  idéal,  variable  lui-même  et  que 
chacun  de  nous  porte  en  soi,  et  cet  idéal  n'est  en  vérité 
qu'une  sorte  d'instinct  où  l'intelligence  n'intervient  pas, 
où  se  révèle  ime  vertu  mystérieuse,  une  forme  supérieure 
à  celle  de  l'organisme  raisonnant.  L'iKUvre  d'art,  par 
cela  même  qu'elle  est  le  prolongement,  l'aboutissement 
de  cet  instinct   naturel,  l'image,  pour  reprendre  les  ex- 


pressions de  Taine,  ne  doit  pas  être  déviée  par  l'idée  tou- 
jours approximative  malgré  son  apparente  précision,  elle 
doit  être  avant  tout  une  production  libre,  naïve,  sincère, 
toute  de  spontanéité.  L'art  ne  doit  pas  mentir,  il  ne  peut 
mentir  qu'en  se  reniant  lui-même.  Mais  ce  reproche  on 
ne  saurait  le  faire  à  notre  art  français.  La  sincérité  est 
une  de  nos  qualités  natives,  caractéristiques.  Puisque 
nous  parlons  de  nous,  laissez  moi  vous  citer  encore  une 
fois,  pour  terminer,  une  page  de  Ruskin  qui  connaissait 
bien  la  France,rayant  parcourue  en  tous  sens  et  pendant 
de  longues  années.  -Son  appréciation  sera  beaucoup  plus 
intéressante  cjue  tout  '  e  que  nous  pourrions  dire  de  nous- 
mêmes,  en  admettant  notre  impartialité  ; 

«  La  sincérité  et  la  flamme  du  Franc,  il  faut  que  je  le 
répète  avec  insistance,  car  mes  plus  leunes  lecteurs  ont 
été  habitués  à  penser  que  les  Français  sont  plus  polis 
cjue  sincères.  Ils  trouveront,  s'ils  approfondissent  la  ma- 
tière, que  la  sincérité  seule  peut  être  policée,  et  que  tout 
ce  que  nous  reconnaissons  de  beauté,  de  délicatesse  et  de 
proportions  dans  les  manières,  le  langage  ou  l'architec- 
ture des  Français  vient  d'une  pure  sincéiité  de  leur  na- 
ture, que  vous  sentirez  bientôt  dans  les  créatures  vivantes 
elles-mêmes,  si  vous  les  aimez  ;  et  si  vous  comprenez 
sainement  jusqu'à  leuis  pires  fautes,  vous  verrez  que 
leur  Révolution  elle-même  fut  une  révolte  contre  les 
mensonges  et  la  révolte  de  l'amour  trahi.  Jamais  peuple 
ne  fut  si  vainement  loyal.  » 

Dans  son  discours  d'ouverture  de  la  séance 
du  7  avril,  M.  H.Stein  s'est  occupé  de  l'événement 
artistique  du  jour,  l'exposition  des  «  Primitifs  » 
français.  Après  avoir  rappelé  les  études  remar- 
quables de  M.  P.  Mlintz  sur  l'histoire  de  la  pein- 
ture française,  il  en  a  lui-même  esquissé  cette 
histoire:  en  voici  la  partie  principale  : 

Avant  le  XI V  siècle,  les  artistes  einployés  par 
les  souverains  français  aux  travaux  de  peinture  ne  parais- 
sent pas  avoir  reçu  la  qualification  de  <  peintres  du  roi  »; 
du  moins  aucun  texte  antérieur  à  1304  ne  mentionne  cet 
office,  et  les  comptes  royaux,  d'une  brièveté  si  désespé- 
rante pour  tout  ce  qui  concerne  les  beaux-arts,  sont  muets 
là  dessus  avant  le  règne  de  saint  Louis.  Assurément  ces 
peintres  étaient  chargés  comme  leurs  successeurs  du 
XIV^^  siècle,  de  travaux  parfois  bien  secondaires  ;  ils 
décorent  des  emblèmes  et  des  berceaux  royaux,  mais  on 
les  voit  aussi  utiliser  leurs  talents  à  des  œuvres  plus  sé- 
rieuses et  plus  durables,  par  exemple  dans  les  maisons 
royales.  En  dehors  d'eux,  le  hasard  a  bien  révélé  quelques 
noms  d'artistes,  la  plupart  moines  ou  attachés  à  des  cou- 
vents. Vous  vous  souvenez,  Messieurs,  de  ce  contrat  passé 
vers  r.m  1  100  entre  un  serf  pratiquant  la  peinture,  nommé 
Foulque,  et  l'abbé  de  Saint  Aubin  d'.Angers,  celui-là  mê- 
me sous  l'administration  de  qui  furent  élevées  les  belles 
arcades  peintes  et  sculptées  découvertes  dans  un  massif 
de  maçonnerie  à  la  préfecture  d'Angers  ;  le  serf  s'engage 
à  faire  tous  les  travaux  de  peinture  dans  le  monastère,  et 
en  retour  on  promet  divers  avantages  à  l'artiste  et  à  son 
fils,  à  la  condition  que  ce  dernier  cultivera  le  même  art 
que  son  père  au  profit  du  même  monastère. 

Mais  les  peintres  de  cette  qualité  nous  échappent  pres- 
que tous.  Les  noms  qui  ont  survécu  sont  inscrits  dans  le 
DiclinniKiire  des  artistes  frivti;<ii^  de  Bérard,  auquel  il  con- 
vient de  joindre  les  textes  et  les  listes  des  Archhjcs  de 
l'art  friin^ais  ti  des  /irclihics  historiques  et  littéraires.  Si 
vous  y  ajoutez  les  noms  exhumés  par  la  province,  Port 
en  Anjou,  Girardot  à  Bourges,  Grandmaison  en  Tourai- 
ne.  Douais  en  Languedoc,  Mai.gnien  en  Dauphiné,  Maxe- 
Werly  et  /acquot  en  Lorraine,  Herluison  en  Orléanais, 
Rondot  à  Troyes  et  à   Lyon,  Dusevct  et  La  Fons-Méli- 


Cratîaur  îies  Sociétés  sàMntts. 


411 


cocq  en  Picardie,  et  par  vous-mêmes,  Messieurs,  dans  nos 
congrès  annuels,  vous  pourrez  dresser  aisément  le  bilan 
de  nos  connaissances  sur  ce  point. 

Que  sont  d'ailleurs  ces  listes  en  présence  de  ces  monu- 
ments d'antan  qui  attestent  la  vigueur  et  le  talent  de  nos 
artistes  français  du  moyen  âge?  Pour  l'époque  carolin- 
gienne, nous  avons,  à  défaut  de  monuments,  des  docu- 
ments indiscutables  :  Hincmar  faisant  décorer  la  voûte 
de  la  cathédrale  de  Reims,  Charlemagne  parlant  dans 
ses  capitiiliiires  du  soin  à  donner  aux  peintures  et  faisant 
représenter  ses  victoires  sur  les  murs  de  ses  palais  impé- 
riaux. Plus  tard,  ce  sont  de  petits  traités  de  l'art  de  la 
miniature  que  conservent  encore  nos  bibliothèques,  c'est 
le  moine  Théophile  qui  écrit  sur  l'art  roman  et  la  pra- 
tique de  la  peinture  un  ouvrage  devenu  classique  et  de- 
meuré célèbre.  De  ces  temps  lointains  nous  possédons 
encore,  à  l'état  malheureusement  fragmentaire  et  souvent 
remanié,  de  précieux  témoignages  de  notre  peinture  na- 
tionale. Qui  de  vous  n'a  admiré  ces  peintures  murales  de 
.Saint-.Savin  en  Poitou,  de  Germigny-des-Prés  en  Orléa- 
nais, de  Saint- Philibert  de  Tournus,  de  Notre-Dame  de 
MontmoriUon,  de  Ponce  en  Maine, du  Liget  en  Touraine, 
de  Saint-Julien  de  lirioude,de  Saint-Quiriace  de  Provins, 
du  Puy,  de  Quevilly,  de  Saint- Désiré,  pour  n'en  citer  que 
quelques  unes  ?  Sans  fatigue  et  sans  déplacement,  vous 
avez  d'ailleurs  un  moyen  bien  simple  de  faire  avec  elles 
plus  ample  connaissance  :  ouvrez  le  fort  bon  ouvrage  de 
Laffillée  et  Gélis-Didot  sur  la  peinture  décorative  en 
France  jusqu'au  XVh  siècle,  oii  les  reproductions 
sont  notoirement  d'une  scrupuleuse  fidélité.  Vous  y  verrez 
comment  dans  des  scènes  telles  que  le  <  Massacre  des 
innocents  devant  Hérode  »,  «  Joseph  et  M'""  Putiphar», 
1' «  Entrée  dans  Jérusalem  »,  la  «  Fuite  en  Egypte  >),  le 
«  Couronnement  de  sainte  Catherine  »,  h  côté  d'étrange- 
tés  et  de  maladresses  sans  nombre,  la  sincérité  du  sujet 
est  rendue  avec  une  éloquence  expressive  qu  i  peut  soute- 
nir toute  comparaison  avec  les  primitifs  i'aliens  et  fla- 
mands, et  qui  n'a  qu'un  défaut,  celui  d'être  insuffisam- 
ment connue 

Le  lendemain  la  séance  s'est  ouverte  par  un  di.s- 
coiirsde  M.  A.  Boserot.Son  discours  contient  des 
conseils  pour  les  ériidits  de  plus  en  plus  nom- 
breux qui  présentent  des  mémoires  en  Sorbonne. 
Il  n'y  a  pas  lieu  que  nous  nous  y  arrêtions.  Nous 
nous  contenterons  d'emprunter  comme  d'habitu- 
de le  résumé  de  communication  au  rapport  tou- 
jours si  intéressant  de  M.  H.  Jouin,  tout  en  en  re- 
tranchant les  passages  relatifs  aux  sujets  qui  sor- 
tent de  nos  cadres.  Ce  rapport  groupe  les  tra- 
vaux selon  la  branche  des  arts  qu'ils  concernent. 
Il  s'occupe  d'abord  d'architecture. 

On  a  entendu  M.  Bourde  de  la  Rogerie,  corres- 
pondant du  ministère  à  Quimper.  Son  travail  a 
pour  titre  :  Notice  sjtr  un  recueil  de  plans  vianus- 
crils  d'édifices  construits  par  les  architectes  de  la 
compagnie  de  Jésnsi^iôoj-iôjz).  C'est  un  chapitre 
à  consulter  par  tous  ceux  qui  voudront  parler  de 
l'architecture  française  au  XVII<^  siècle.  La  Com- 
pagnie de  Jésus  a  compté  dans  ses  rangs  de  très 
nombreux  architectes  parmi  lesquels,  plusieurs 
se  sont  acquis,  à  leur  époque,  un   juste  renom. 

Notons  une  note  de  M.  L.  Scribe,  sur  des  Mai- 
sons de  la  Renaissance  à  Roinoratitin.  Ces  demeu- 
res sont  peu  nombreuses,  mais  elles  ont  leur  ca- 


chet, leur  caractère,  leur  histoire.  M.  Scribe  met 
discrètement  en  lumière  les  traits  caractéristiques 
des  édifices  qui  l'occupent. 

Peu  d'artistes  de  la  Renaissance  française  sont  plus 
populaires  et  moins  connus  que  ne  l'est  Jean  Goujon.  Son 
nom  jouit  de  toute  notoriété.  Sa  Diane  iVAtiel  et  sa  Fon- 
taine des  Innocents  sont  célèbres,  mais  le  grand  public 
s'en  tient  là,sur  le  statuaire  de  Saint-Germain-l'Auxerrois, 
du  Louvre  et  d'Écouen.  M.  Léon  de  Vesly,  correspondant 
du  Comité  à  Rouen,  a  écrit  un  chapitre  imprévu  sur 
les  colonnes  de  la  tribune  des  orgues  de  Saint- Maclou. 
Les  érudits  qui  avaient  lu  Deville,  savaient  l'origine  de  ces 
colonnes.  Les  comptes  du  trésor  delà  fabrique,  de  1538  a 
1542,  publiés  par  Deville,  nomment  Jean  Goujon,  «  ar- 
chitecteur-juré  de  la  ville  de  Rouen  »,coiTime  chargé  de 
l'exécution  des  colonnes  de  .Saint-Maclou,  mais  personne 
encore  ne  les  avait  mesurées,  analysées,  décrites  avec 
le  soin  patient  que  M.  de  Vesly  a  voulu  mettre  à  ce  tra- 
vail. Les  colonnes  de  Saint-Maclou  sont  de  style  corin- 
thien ;  elles  posent  sur  un  piédestal  en  marbre  noir  ;  la 
base  et  le  chapiteau  sont  eu  marbre  blanc  et  le  fût  est 
formé  de  deux  parties  dont  l'une,  de  2  mètres, est  de  mar- 
bre noir  de  Tournai,  tandis  que  l'autre,  de  i  mètre,  est 
de  marbre  gris.  Jean  Goujon,  dans  cet  ouvrage,  n'est  pas 
le  disciple  soumis  des  anciens.  Le  fût  est  lisse.  Les  can- 
nelures corinthiennes  sont  volontairement  oubliées.  Gou- 
jon a  le  dessein  de  faire  œuvre  personnelle.  Il  innove.  M. 
de  Vesly  le  surprend  en  flagrant  délit  d'infractions  aux 
dimensions  admises,  aux  profils  consacrés.  Vignole  l'eût 
taxé  de  rébellion.  Les  acanthes  de  son  chapiteau  n'ont 
rien  de  classique.  Goujon  entend  se  montrer  créateur.  S'il 
a  proscrit  les  cannelures  du  fût,  il  dissimule  la  jonction 
des  blocs  de  diverses  couleurs  par  des  bagues  décorati- 
ves de  son  invention,  dans  lesquelles  entrent  des  guir- 
landes, des  perles,  des  lis  de  mer  avec  leurs  pétioles.  M. 
de  Vesly  est,  je  crois,  le  premier  qui  se  soit  préoccupé  de 
ressaisir  sur  les  colonnes  de  Saint-Maclou  les  vestiges 
presque  efTacés  de  ces  ornements  :  remercions  le  d'avoir 
observé  Jean  Goujon  sous  un  angle  nouveau.  C'est  Jean 
Goujon  qui  a  dit  :  «  Ceux  qui  n'ont  point  étudié  les  scien- 
ces ne  peuvent  faire  œuvres  dont  ils  puissent  acquérir 
guère  grande  louenge.  »  M.  de  Vesly  s'est  pénétré  de 
l'effort  de  l'individualité,  du  goût  de  Jean  Goujon.  Il 
ajoute  en  homme  de  science  et  en  artiste,  à  ce  qu'on  avait 
écrit,  jusqu'ici  sur  les  colonnes  de  Saint-Maclou.  Goujon 
lui-même,  s'il  était  ici,  lui  décernerait  sûrement  «grande 
louenge  ». 

Ouvrez  vos  rangs.  Messieurs.  Un  érudit,  M.  Montier, 
membre  de  la  .Société  des  Amis  des  arts  de  l'Eure,  à 
Pont  Audemer,  se  joint  à  vous.  Qu'il  soit  le  bienvenu  ! 
M.  Montier  vous  apporte  une  monographie  des  Epis  du 
pré  d'Auge  et  de  Manerbe,  deux  localités  normandes  qui 
relevaient  autrefois  des  généralités  de  Rouen  et  d'Alen- 
çon.  Je  ne  sais  rien  d'attachant  comme  l'étude  rétrospec 
tive  du  décor  aérien  dont  s'est  occupé  votre  nouveau  con- 
frère Quelles  recherches  n'a-t-il  pas  faites  dans  les  col- 
lections  publiques  et  privées,  à  Sèvres,  à  Cluny,  à  Rouen, 
,à  Louviers,  \  Lisieux,  à  Bernay,  à  Orbec,  pour  composer 
sa  gerbe,  —  le  ternie  est  de  circonstance,  —  d'épis  fuselés, 
en  terre  vernissée  ou  en  faïence  .'  C^est  une  joie  pour  l'œil 
de  contempler  ces  vases  allongés,  ces  tiges  élancées  que 
dominent  des  fleurs,  des  sirènes,des  oiseaux  fantastiques, 
tandis  que,  de  l'arête  du  toit  jusqu'au  faîte  des  ornements 
sveltes  et  toujours  élégants,  se  superposent  les  masques, 
les  chimères,  les  enroulements,  les  fruits,  les  consoles, 
que  sais-je?  tout  ce  que  peut  enfanter  une  imagination 
fertile  pour  rendre  aimable  la  rigidité  d'une  ligne  verti- 
cale. M.  Montier  a  cherché  ses  modèles  du  XV"  au 
XVI lie  siècle.  Sa   moisson  est  d'une  opulence  dont    il 


412 


IRebue  lie  V^vt  chrétien. 


faut  louer  le  moissonneur,  non  moins  que  les  maîtres 
d'œuvre  qui  ont  conçu  ces  charmantes  aigrettes  des  édi- 
fices construits  par  nos  pères. 

On  connaît  la  Tour  ronde  de  Copenhague.  M.  Scribe, 
correspondant  du  Comité  à  Romorantin,  a  voulu  nous 
faire  les  honneurs  des  maisons  historiques  de  sa  ville.  11 
nous  a  conduits  au  Carroi  doré,  à  l'hôtel  Saint-Pol,  au 
château,  à  la  chancellerie.  Promenade  instructive  et 
curieuse. 

La  sculpture    a  été   l'objet   de    deux   études 
particulièrement  intéressantes  pournous. 

La  patience  a  des  limites.  C'est  ainsi  que  Jean  de  Lou- 
hans,  l'un  des  sculpteurs  de  Brou,  s'est  lassé  du  silence 
gardé  sur  ses  ouvrages.  Il  a  confié  sa  peine  à  M.  l'abbé 
Brune,  correspondant  du  Comité  à  Mont  sous-Vaudrey, 
et  celui-ci  nous  appelle  dans  l'église  d'Arlay,  devant  un 
groupe  de  V Annonciation.  Ce  groupe  est  un  fragment  de 
retable,  commandé  vers  1530,  par  Philippe  de  Vaulchier, 
conseiller  au  parlement  de  Dôle,  et  demoiselle  Claude  de 
Clerval.  Un  historien  local,  très  digne  de  foi,  Abry  d'Ar- 
cier,  a  décrit  ce  retable.  Le  document  ancien  sur  lequel 
s'est  appuyé  d'Arcier  est  perdu,  mais  il  n'y  a  pas  lieu  de 
suspecter  la  véracité  d'un  auteur  toujours  sérieux  et  qui 
avait  puisé  aux  bonnes  sources.  Ce  qu'il  rapporte  est 
d'ailleurs  trop  en  désaccord  avec  ce  que  l'on  pensait  au- 
tour de  lui,  et  trop  justifié  par  les  découvertes  récentes, 
pour  qu'il  ait  parlé  au  hasard.  En  conséquence,  s'il  nous 
dit  positivement  «  d'après  un  ancien  registre  >  que  le 
retable  de  V Annonciation  était  «  du  dessin  et  de  la  main 
de  Jean  de  Louhans  »,  sculpteur  complètement  inconnu 
au  moment  où  écrivait  d'Arcier,  nous  n'avons  qu'à  l'en 
croire.  Le  groupe  de  VAntionciatioti  n'est  pas  intact.  11  a 
subi  plus  d'un  outrage.  Mais  il  est  d'une  lecture  assez 
claire  pour  que  son  auteur  nous  apparaisse  doué  d'un 
talent  réel,  en  avance  sur  son  époque  par  une  préoccu- 
pation visible  de  l'ampleur  des  formes,  signe  précurseur 
du  XVII'  siècle.  Louhans  est  aussi  sollicité  par  les  maî- 
tres d'Italie.  Telle  est  la  double  caractéristique  de  sa 
personnalité.  M.  Brime  s'est  arrêté  devant  des  statues 
anciennes  de  l'église  d'Arlay,  au  nombre  de  cinq.  II  aurait 
la  tentation  très  vive  d'inscrire  sur  leur  socle  le  nom  de 
Jean  de  Louhans.  N'est-ce  point  aller  trop  vite  ?  Ajour- 
nons le  jugement.  A  chaque  jour  suffit  sa  conquête,  et 
celle  que  vient  de  faire  M.  l'abbé  Brune  est  de  premier 
ordre. 

Nous  devons  à.  M.  l'abbé  Langlois,  conservateur  de  la 
bibliothèque  de  Chartres,  de  curieuses  recherches  et  de 
lamentables  constatations  sur  un  échange  de  marbre 
opéré  pendant  la  période  révolutionnaire.  L'échange  eut 
lieu  entre  Chartres  et  Paris  ;  ce  fut  Paris  qui  bénéficia, 
s'il  est  permis  de  considérer  comme  un  profit  les  frag- 
ments d'un  superbe  ensemble  gratuitement  détruit.  Ex- 
pliquons nous.  Le  jubé  de  l'église  Saint-Père,  reuvre 
admirable  de  François  Marchand,  dépecé,  démoli,  fut 
troqué  contre  des  bustes  d'empereurs  romains  provenant 
de  Sceaux.  De  ces  bustes,  plusieurs  sont  .'1  Chartres  ; 
d'autres  achèvent  de  se  détruire  dans  le  jardin  de  l'école 
des  Beaux-Arts.  Ce  n'est  pas  sur  ces  marbres  mutilés, 
rongés,  que  nous  pleurerons  !  M.  l'abbé  Langlois  nous 
permettra  de  ne  pas  faire  le  voyage  de  Chartres  pour 
juger  de  la  valeur  ou  de  l'attrait  des  têtes  frustes  dont  il 
nous  a  dit  l'exode.  Triste  compensation  pour  les  Char- 
trains  d'avoir  perdu  le  jubé,  qui  était  la  richesse,  l'hon- 
neur, l'éclat  de  l'église  de  Saint-Père,  que  de  se  trouver 
en  face  d'antiques  ou  de  copies  d'antiques  sans  rayonne- 
ment. Vous  attendez  de  moi  quelques  paroles  sévères  h 
l'adresse  des  organisateurs  de  musées  aux  heures  de  Irou-. 
ble  !  Hélas  !  grande  est  pour  eux  la  tentation  de  faire 
décréter  des  ruines  dont  ils  recueilleront  les  épaves.  Trop 


souvent  ils  y  succombent,  mais  ne  nous  hâtons  pas  de 
leur  jeter  la  pierre  ;  nous  n'avons  pas  été  leurs  contem- 
porains, nous  n'avons  pas  subi  l'^mibiance  qui  les  enve- 
loppait. Le  jubé  de  François  Marchand  n'avait  pas,  il  y  a 
un  siècle,  l'ampleur,  le  style,  le  prix  exceptionnel  que  les 
hommes  de  notre  génération  attachent  h  ses  reliefs.  Les 
malédictions  tardives  tomberaient  à  faux.  Les  ignorants 
ou  les  coupables  ont  disparu. 

Sept  mémoires  ont  traité  des  peintures  ;  nous 
ne  nous  occuperons  que  de  trois. 

On  affirme  que  Monteil,  l'historien  des  Français  des 
divers  Etals,  eut  la  joie  d'indiquer  à  plus  d'un  gentilhomme 
le  véritable  nom  de  ses  ancêtres.  Une  pareille  tâche  est 
louable.  Elle  honore  l'homme  qui  la  remplit.  Retrouver 
un  blason,  le  bien  lire  et  restituer  à  ses  contemporains  la 
bonne  renommée  de  leurs  aïeux,  c'est  agir  noblement. 
M.  J.  Martin,  membre  de  l'académie  de  Mâcon  h  Tour- 
nus,  est  de  l'école  de  Monteil.  L'église  de  Varenne-le- 
Grand,  en  Saône-et-Loire,  date  d'hier.  A-t-elle  vingt 
années  ?  M.  Martin  a  pensé  que  la  nef  trop  récente  serait 
l'objet  de  comparaisons  fâcheuses  s'il  ne  la  dotait  d'un 
passé.  Et  voilà  qu'il  décrit  amoureusement  les  fresques 
représentant  l'une  saint  .Sébastien,  l'autre  saint  Roch, 
qui  couvraient  les  parvis  de  l'ancienne  nef  Et  M.  Martin 
rappelle  les  fléaux  qui  décimèrent  les  ancêtres  de  la  po- 
pulation de  Varennes,  la  foi  naïve  et  forte  de  ces  ascen- 
dants qui  ornèrent  l'église  paroissiale  au  XVI'=  siècle  de 
peintures  curieuses  et  riches  (').  Varennes-le-Grand  a 
mérité  son  nom  il  y  a  quatre  siècles.  Par  le  culte  que 
rendent  ses  habitants  à  leurs  devanciers  en  prenant  souci 
de  leurs  sacrifices,  Varennes-le-Grand  a  droit  à  l'éloge. 
L'étude  de  M.  Martin  provoquera  sans  doute  l'exécution 
de  peintures  murales  destinées  à  remplacer  les  fresques 
disparues  dont  il  s'est  fait  l'annaliste. 

M.  Lorin,  correspondant  du  comité  à  Rambouillet, 
nous  introduit  chez  le  comte  de  La  Panouse,  au  château 
historique  de  Thoiry.  Notre  guide  jouit  de  la  confiance 
du  châtelain,  ce  qui  lui  a  permis  de  compulser  les  pré 
cieuses  archives  de  cette  princière  demeure.  Aussi  M 
Lorin  est-il  en  mesure  de  nous  donner  la  teneur  du  con 
trat  passé  en  1560  par  Raoul  Moreau,  trésorier  de  l'épar 
gne,  avec  Olivier  Vmbert,  maître  maçon,  pour  la  cons 
truction  d'un  château  à  Thoiry.  Raoul  Moreau  savai 
choisir.  11  ne  se  trompa  point  en  faisant  appel  à  Ymbert 
Quatre  ans  plus  tard,  en  1564,  il  avait  un  château.  La 
façade  nord  de  l'édifice  actuel  est  l'œuvre  d'Ymbert. 
Thoiry  devint,  en  1604,  la  propriété  de  Guillaume  de 
Marescot,  puis  de  Gilles-Michel  de  Marescoi,  puis  de 
M'""^  de  Vatan,  puis  de  Machault  d'.\rnouville,  garde  des 
sceaux  sous  Louis  .\V.  Et  le  domaine  de  M.  de  La  Pa- 
nouse renferme  des  portraits,  des  manuscrits,  des  souve- 
nirs de  ces  illustres  personnages,  M.  Lorin  a  ouvert  devant 
nous  des  lettres  de  Henri  IV,  de  Louis  XV,  de  d'.-\ngi- 
viller,  du  plus  haut  intérêt.  Les  missives  de  Henri  IV  ont 
trait  à  Marthe  Bossier,  la  démoniaque  de  Romorantin. 
Mais  ce  sont  les  peintures  qui  nous  appellent.  Voici 
Henri  IV  et,  .sans  doute,  Marie  de  Médicis,  deux  œuvres 
attribuées  à  Pourbus  ;  un  portrait  daté  de  1693,  est  dit  de 
Largillière  ;  un  grand  pastel,  d'une  grâce  exquise,  repré- 
sente les  trois  enfants  de  Machault  d'Arnouville.  M.  Lorin 
n'a  pu  déchiffrer  le  nom  de  l'artiste.  Qu'importe  ?  Le  beau 
n'a  pas  besoin  de  signature.  Le  portrait  d'Angélique- 
Élisabeth-Jeannede  Beaussan,  épouse  de  Charles- Henri- 
Louis  Machault,  comte  d'Arnouville,  décore  le  grand 
salon.  Il  est  l'touvre  de  l'admirable  portraitiste  suédois, 
le  chevalier  de  Roslin.  Je  voudrais  tout  dire.  Le  temps  me 

I.  L'église  de  Varennes  a  été  reconstruite,  depuis  cette  décou- 
verte, et  les  fresques  sont  perdues. 


^và\)à\ix  Des  t)octétés  satjantes» 


413 


presse.  Cependant  je  ne  puis  omettre  de  signaler  la  tapis- 
serie qui  se  déroule  joyeusement,  sous  le  regard,  dans  la 
salle  à  manger  de  Thoiry.Elle  représente  Don  i2uichotte 
dansant  .m  bal  de  Don  Antonio.  C'est  l'un  des  sujets  de 
la  tenture  composée  par  Charles  Coypel  et  qui  comporte 
six  pièces.  Les  cinq  autres  sont  la  propriété  du  marquis 
de  Vogiié,  membre  de  l'Académie  française,  beau  frère 
du  comte  de  La  Panouse.  Elles  ornent  le  château  du 
Peseau,  près  de  Sancerre.  La  tenture  entière  fut  offerte 
par  Lnuis  XVI  à  Machault  d'Arnouville,  en  réparation 
d'un  oubli  de  Louis  XV  à  l'égard  de  son  ancien  garde  des 
sceaux.  Telle  est,  dans  ses  lignes  essentielles,  la  mono- 
graphie de  NL  Lorin.  Ce  travail  est  digne  de  toute  notre 
AWtnùon.U /ninntaite  dt's  n'chesst-s  d'art  de  la  France, 
instrument  inappréciable  d'investigation,  de  sage  critique, 
de  lumière,  dont  le  marquis  de  Chennevières,  il  y  a  trente 
ans,  a  voulu  doter  notre  pays,  ne  s'applique  qu'aux 
œuvres  d'art  qui  ont  un  caractère  de  propriété  publique. 
Combien  les  historiens  de  notre  art  national  n'aurontils 
pas  de  gratitude  pour  les  révélations  de  la  richesse  pri- 
vée !  M.  Lorin  a  ouvert  devant  vous  le  «  trésor  )>  de 
Thoiry.  A  l'œuvre,  Messieurs  !  Ayez  à  cœur  de  nous  in- 
troduire, à  votre  suite,  dans  tous  les  châteaux  de  l'an- 
cienne France. 

M.  le  chanoine  Urseau,  correspondant  du  ministère  h 
Angers,  a  fait  œuvre  de  critique  et  d'impartialité  dans  le 
mémoire  qu'il  est  venu  lire  devant  vous.  Ce  mémoire  a 
trait  au  portrait  de  Louis  XI  de  l'église  de  Rehuard,  en 
Anjou.  Alors  que  tant  d'autres  cèdent  h  la  tentation  de 
voir  un  original  dans  une  copie,  ÎM  Urseau  démontre 
loyalement  qu'une  peinture,  tenue  pour  avoir  été  faite  ad 
vj-'unt^  n'est  qu'une  œuvre  exécutée  posi  inorteni.  Si 
M.  Urseau  n'était  pas  Angevin,  sa  dissertation  n'aurait 
qu'une  valeur  de  sagacité,  mais  l'auteur  habite  la  région 
où  règne  encore  la  légende  à  laquelle  il  s'attaque.  Il  faut 
le  louer  de  son  courage.  C'est  Charles  VIII  qui  offrit  à 
ISehuard  le  portrait  de  Louis  XI.  Sur  ce  point,  nul  doute. 
Or  c'est  seulement  en  1S39  que  s'accrédite  l'opinion  fau- 
tive d'authenticité.  Godard-Faultrier  émet  l'idée  ;  le  baron 
de  Wismes  l'adopte.  Ouicherat  l'estime  fondée.  L'erreur 
est  en  marche  :  elle  aura  soixante  ans  de  crédit.  M.  Urseau 
a  étudié  le  portrait  de  Behuard  :  c'est  une  œuvre  du 
XVI«  siècle,  non  du  X\'=.  Mais  notre  auteur  va  plus  loin, 
l'œuvre  qui  l'occupe  est,  d'après  lui,  la  reproduction  d'un 
portrait  de  Louis  XI  par  Jean  Fouquet,  gravé  par  Morin, 
et  que  l'on  retrouve  en  aquarelle  dans  le  recueil  de  Gai- 
gnières.  Certes,  voilà  des  constatations  neuves  et  de  pre- 
mier ordre.  Louis  XI  ne  vint  pas  moins  de  six  fois  en 
pèlerinage  à  Behuard,  de  1463  à  1480.  Par  ordonnance  du 
30  avril  148  s,  c'est  encore  Louis  XI  qui  accorda  aux  cha- 
noines de  Behuard  «  la  grâce,  à  leur  choix,  d'un  criminel 
dans  le  ressort  du  duché  d'Anjou,  le  vendredi  saint  ». 
Attentions  flatteuses,  touchant  privilège  qui  autorisaient 
les  présomptions  en  faveur  du  portrait  authentique.  M.  le 
chanoine  Urseau  voudra  se  montrer  clément  envers  ses 
devanciers.  Leur  crime  n'eut  rien  de  prémédité.  L'erreur 
étant  dissipée,  l'honneur  est  satisfait. 

Faisons  une  digression,  et  occupons-nous  d'or- 
fèvrerie, de  céramique  et  de  tapisserie. 

Décidément,  plus  une  œuvre  d'art  a  de  prix  par  la  ma- 
tière ouvrée,  plus  elle  risque  de  devenir  vénale.  Que  vous 
a  raconté  M.  Pasquier,  correspondant  du  Comité  à  Tou- 
louse ?  Il  vous  a  dit  l'humiliation  des  joyaux,  des  bijoux, 
des  pièces  d'orfèvrerie  léguées  par  Gaston  Phœbus  à  ses 
descendants  !  Froissart  a  peint  le  faste  de  ce  brillant 
capitaine,  nommé  par  Charles  V  lieutenant  général  dans 
le  Languedoc.  Il  avait  une  cour.  La  chasse  et  la  poésie 
occupaient  ses  loisirs.  Hélas  !  les  Grailly,  ses  héritiers, 
connurent  la  gêne  en  1438  et   les  trésors  accumulés  à  la 


cour  de  Béarn,  avant  cette  date  fatale,  furent  engagés  en 
échange  de  2,000  écus  d'or.  Res  angusta.  Les  embarras 
d'argent  suggèrent  les  expédients  de  toute  nature.  Le 
chapitre  d'histoire  qui  vous  est  apporté  par  M.  Pasquier 
est  instructif,  mais  ce  n'est  pas  sans  quelque  tristesse  que 
nous  voyons  d'illustres  gentilshommes  donner  en  gage 
d'une  avance  de  25,000  francs  la  «  Croix  des  comtes  de 
Foix  »,  constellée  de  764  pierres  précieuses,  perles,  dia- 
mants, émeraudes,  saphirs  et  rubis. 

Philippe  IV  recevant  un  jour  du  duc  de  Médina-Cœli  le 
tableau  des  officiers  de  la  couronne,  réclama  les  noms  de 
ses  soldats.  «  Les  officiers,  dit-il,  ne  constituent  pas  l'ar- 
mée, ils  n'en  sont  que  la  tête.  »  Ce  mot  devait  être  connu 
de  M.  Leymarie,  meinbre  non  résidant  du  Comité  à  Limo- 
ges. Ses  notes  sur  l'histoire  du  biscuit  ne  renferment  qu'à 
titre  exceptionnel  des  noms  d'artistes,  tandis  que  les  noms 
d'industriels  foisonnent  sous  sa  plume  bien  informée.  Le 
biscuit  est  une  variété  dans  la  fabrication  limousine  dont 
il  convenait  de  dire  la  genèse,  le  développement,  la  vogue. 
M.  Leymarie  a  fixé  ces  points  d'histoire  avec  siàreté.  Et 
Limoges  doit  lui  savoir  gré  de  la  lumière  qu'il  a  su  répan- 
dre sur  l'une  des  branches  de  son  industrie  céramique. 
Philippe  IV  eût  été  content  de  lui.  S'il  parle  de  l'état- 
major,  il  n'a  pas  omis  les  soldats. 

Vous  avez  entendu  M.  Parfouru,  correspondant  du 
comité  à  Rennes.  Il  vous  a  dit  les  négociations  du  Parle- 
ment de  Bretagne  avec  Charles  Errard  et  Antoine  de 
Biay,  deux  peintres  d'inégale  réputation,  en  vue  d'obtenir 
des  cartons  de  tentures  destinées  au  palais  de  justice.  Il 
vous  a  parlé  de  Gabriel  et  de  François  Pierron,  tapissiers 
à  Aubusson  que  M.  Perathon,  l'historiographe  attentif 
des  manufactuies  de  cette  ville,  ne  nous  avait  pas  nom- 
més. Nous  savons  par  M.  Parfouru  que  le  Parlement  de 
Bretagne  fut  obéi.  Trois  pièces  de  l'hôtel  du  Parlement 
furent  garnies  de  tapisseries  murales.  Aubusson  les  avait 
livrées  à  la  fin  du  XVI  I«  siècle.  Elles  disparurent  cent  ans 
plus  tard.  Ironie  de  l'orgueil  de  l'homme  !  Deux  sujets 
nous  sont  connus  :  la  Victoire  et  la  Renommée.  Légendes 
illusoires  !  Vaines  allégories  I  La  ruine  et  l'oubli  devaient 
planer  après  un  siècle  sur  les  morceaux  dispersés  de  ces 
riches  tissus.  Est-ce  la  Révolution  qu'il  faut  faire  respon- 
sable de  ces  destructions  'i  On  nous  le  dit.  Je  suis  perplexe. 
M.  de  Louvois,  fils  du  marquis  de  Souvré,  très  jeune  et 
criblé  de  dettes,  se  présente  un  jour  au  château  de  son 
père  et  lui  demande  de  l'argent.  Le  père  refuse  et  reproche 
à  son  fils  de  se  présenter  devant  lui  avec  un  frac  usé.  M.  de 
Louvois  se  retire  ;  or,  la  chambre  qu'd  habitait  dans  le 
château  paternel  était  tendue  de  riches  tapisseries.  L'une 
d'elles  représentait  ^Irmide  et  Renaud.  La  pensée  vint  au 
jeune  viveur  de  se  faire  un  habit  de  cette  tenture.  Le 
tailleur  du  village  fut  son  complice  et  quelques  jours  plus 
tard,  Louvois  reparut  devant  le  marquis  accoutré  de  la 
façon  la  plus  étrange  avec  la  tête  d'Armide  et  des  Amours 
sur  le  dos  et  les  basques  de  son  frac.  Cette  irrévérence  le 
sauva.  Le  marquis  de  Souvré  était  fier  de  ses  tapisseries. 
Il  redouta  leur  destruction  totale  s'il  ne  soldait  les  dettes 
de  Louvois.  M.  Parfouru  me  pardonnera  d'avoir  rappelé 
ce  trait.  Ce  n'est  pas  sans  tristesse  que  j'évoque  un  pareil 
souvenir.  A  toute  époque  et  de  toutes  mains  les  tissus 
précieux  ont  souffert  !  Lorsqu'on  n'en  a  pas  fait  des  fracs, 
on  les  a  dépecés  en  carpettes.  Ne  nous  étonnons  pas  de 
la  disparition  de  tentures  que  le  Parlement  fit  exécuter  il 
y  a  plus  de  deux  siècles. 

L'homme  est  un  être  enseigné.  Avant  de  patler  des 
maîtres,  donnons  place  dans  notre  travail  aux  éducateurs 
et  aux  foyers  d'étude. 

Jules  Janin,  qui  ne  signa  jamais  une  œuvre  de  longue 
haleine,  a  donné  de  l'historien  cette  définition  mélanco- 
lique :  <  L'historien  est  un  malheureux  attaché  à  une 
glèbe  savante  dont  la  moisson  fuit  toujours.  >  Parole  dé- 
cevante et  sans  justesse.  Qu'en  pense  M.  Léon  Charvet, 


414 


3Rel)uc  tie  T^rt  cf)vctteu. 


membre  non  résidant  du  Comité  à  Paris,  qui  s'est  fait 
l'historiographe  de  tant  d'artistes  de  mérite,  et  l'historien 
de  \' Enseii^nement  public  des  arts  du  dessin  à  Lyon  ?  S'est- 
il  estimé  malheureux?  Je  ne  le  crois  pas.  La  glèbe  savante 
à  laquelle  il  s'est  attaché  lui  a-telle  refusé  les  moissons  ? 
Que  non  pas  1  Vous  avez  suivi  M.  Charvet  dans  son  clair 
tableau  de  l'enseignement  du  dessin,  de  1756  h  1763,  au 
congrès  de  1903.  L'exposé  que  vous  présente  l'auteur  en 
1904  embrasse  la  tin  du  W 1 1 1'  siècle.  Avec  quelle  aisance 
et  quelle  netteté  de  vues  M.' Charvet  ne  nous  a-t-il  pas 
montré  la  répercussion  de  l'enseignement  de  l'art  sur  les 
fabriques  lyonnaises  !  Entreprises  généreuses,  luttes,  in- 
succès, triomphes,  tout  ce  qui  caractérise  une  mêlée 
hardie,  tout  ce  qui  se  dégage  de  la  bataille  pacific|ue  des 
idées,  dans  une  grande  cité,  est  observé,  recueilli  et  mis 
en  lumière  avec  sobriété  et  conscience  par  M.  Charvet. 
Les  historiens  futurs  de  la  ville  de  Lyon  seront  incom- 
plets s'ils  n'ont  pas  lu  M.  Charvet  et  ne  se  sont  pas  péné- 
trés de  ses  écrits. 

Voici  maintenant  des  artistes  anciens  qui  se 
présentent  par  groupes.  MM.  Benêt,  Veuclin, 
Jadart,  Louis  de  Grandmaison,  Requin  et  15ourde 
de  la  Rogerie  sont  leurs  parents. 

M.  Benêt,  membre  non  résidant  du  Comité  à  Caen,vous 
a  présenté  le  fruit  de  ses  découvertes  dans  les  riches  ar- 
chives du  duché  d'Harcourt.  Combien  précieuse  a  été  sa 
récolte  !  Les  premiers  épis  sont  de  13906!  les  derniers  de 
1785.  Cinq  siècles  parcourus  par  un  investigateur  sagace, 
au  milieu  de  pièces  révélatrices  !  0"^"^  )"'f>  Messieurs, 
pour  un  homme  justement  épris  d'inédit  de  lier  ses  gerbes 
dans  un  champ  de  toute  fertilité.  Guillaume  Brodon, 
Nicolas  Lefeye,  Salomon  Lambert,  Cafifieri  reçoivent  de 
la  main  de  M.  Benêt  un  surcroit  de  renommée,  si  même 
ils  ne  lui  sont  pas  redevables  de  sortir  des  ténèbres.  Nous 
ne  pouvions  nous  défendre,  en  face  des  pages  concises, 
remplies  de  sève,  tracées  par  votre  confrèm  sur  les  artistes 
et  artisans  aux  gages  des  d'Harcourt,  de  nous  souvenir  du 
trait  raconté  par  Saint-Simon,  au  sujet  du  maréchal 
d'Harcourt, mort  en  17  18, à  cinquante-cinq  ans.  La  maladie 
lui  avait  enlevé  la  parole  et  il  était  réduit  <<  à  marquer 
avec  une  baguette  les  lettres  d'un  grand  alphabet,  placé 
devant  lui,  qu'un  secrétaire,  toujours  au  guet,  écrivait  à 
mesure  et  réduisait  en  mots  ».  La  baguette  de  M.  Benêt, 
comme  celle  du  maréchal,  a  marqué  dans  l'amoncellement 
de  pièces  mises  à  sa  discrétion,  les  «  lettres  >  instructives 
qui,  désormais,  seront  des  preuves  pour  les  historiens  de 
l'art. 

M.  Veuclin,  correspondant  du  comité  à  Mesnil-sur- 
l'Estrée,  n'y  met  aucune  morgue,  et  l'exemple  qu'il  donne 
mérite  d'être  cité.  Sous  le  titre  ;  Artistes  normands,  votre 
confrère  a  groupé  les  noms  de  cent  quatre-vingt-six  artis- 
tes de  sa  région.  Tous  ne  sont  pas  des  maîtres,  et  M.  Veu- 
clin, avec  un  bon  vouloir  trop  rare  chez  les  écrivains, 
nous  permet  d'exclure  de  son  panthéon  les  personnages 
qui  n'auraient  pas  la  taille  réglementaire.  Usons  de  ce 
droit,  avec  discrétion  cependant.  Passons  sous  silence  les 
peintres  doreurs,  les  fondeurs  de  cloches,  les  serruriers, 
les  horlogers  ;  le  dénombrement  fait  par  M.  Veuclin  se 
trouvera  diminué  de  cinquante  noms,  mais,  du  moins, 
peintres,  sculpteurs,  architectes,  tapissiers,  graveurs  et 
musiciens  se  sentiront-ils  plus  à  l'aise  dans  le  salon  réduit 
où  les  a  réunis  votre  confrère.  Certains  d'entre  eux  méri- 
tent qu'on  engage  la  conversation  avec  eux.  Ils  ont  de 
l'allure,  quelques  parchemins,  je  veux  dire  des  titres  basés 
sur  leur  talent.  Leurs  ouvrages  ne  sauraient  être  passés 
sous  silence  sans  quelque  injustice. 

M.  Henri  Jadart,  membre  non  résidant  du  Comité  à 
Reims,  a  maintes  fois  parlé  devant  vous,  avec  l'autorité 


de  son  savoir,  de  maîtres  célèbres  issus  de  sa  région. 
Aujourd'hui,  M.  Jadart  se  plaît  .1  vous  présenter  des  artis- 
tes qu'il  qualifie  d'inconnus.  Modestie  excessive  ou  incons- 
ciente ironie  !  Inconnus,  les  potiers  d'étain,  fondeurs  de 
cuivre,  peintres,  peintres  verriers,  imagiers  et  musiciens 
dont  M.  Jadart  s'est  fait  l'introducteur  dans  ce  congrès? 
Mais  leurs  noms  désormais  vous  seront  familiers,  leurs 
œuvres  vous  ont  été  révélées,  leurs  habitudes,  leurs 
mœurs,  leur  caractère  n'ont  plus  rien  de  caché  pour  vous. 
M.  Jadart  a  compulsé  les  archives  les  plus  diverses  et 
reconstitué  un  passé  plein  d'ombre  avec  une  netteté,  une 
précision  de  détails  qui  lui  font  honneur.  Gare  aux  fon- 
deurs de  cloches  en  l'an  de  grâce  1904  Je  crains  pour  eux 
bien  des  mécomptes  si  les  organistes  de  la  cathédrale  et 
de  Saint-Hilaire  de  Reims,  s'autorisant  d'un  précédent 
établi  en  1667,  s'avisent  d'aller  vérifier  —  avec  droit  de 
veto  —  les  cloches  qui  sortent  des  fonderies.  Les  juges 
s'entendront-ils  ?  Seront-ils  d'accord  sur  le  ton  dans  lequel 
devra  se  maintenir  le  métal  sonore?  Quel  diapason  récla- 
ineront  ces  deux  augures?  S'ils  ne  s'entendent  pas,  le 
fondeur  aura  la  ressource  de  ne  pas  les  entendre  :  il  lui 
suffira  de  mettre  ses  cloches  en  branle  !  M.  Jadart  ne 
nous  dit  pas  si  les  fondeurs  d'autrefois,  en  butte  aux 
tracasseries  des  organistes,  ont  usé  du  stratagème. 

L'empereur  Paul  !■"  avait  de  ces  boutades.  S'il  rencon- 
trait un  soldat  de  son  armée  qui  lui  pICu,  il  l'appelait  lieu- 
tenant, puis  capitaine,  puis  commandant  et,  à  la  fin  de 
l'entretien,  notre  homme  était  colonel.  Le  grade  était 
acquis.  Quand  M.  Louis  de  Grandmaison,  correspondant 
du  comité  à  Tours,  donne  place  dans  ses  écrits  à  quelque 
artiste  d'autrefois,  il  lui  confère  des  titres  de  noblesse  et 
des  armoiries.  Titres  et  blasons  demeurent  acquis.  J'en- 
tends bien  ce  que  l'on  chuchote.  C'est  que  M.  de  Grand- 
maison  choisit  ses  hôtes  et  ne  les  invite  qu'à  bon  escient. 
11  s'est  assuré  d'avance  que  les  artistes  dont  il  s'entoure 
sont  nantis  de  parchemins.  Je  le  veux  bien,  mais  qui  de 
nous  était  renseigné  ?  Votre  confrère  a  toutes  les  appa- 
rences d'un  souverain  qui  confère  des  dignités  aux  plus 
éminents  de  ses  sujets.  Éminents,  ils  le  sont  tous,  .\  des 
degrés  différents  sans  doute,  mais  dans  une  mesure  hono- 
rable. Tels  Germain  Pilon,  Martin  Freminet,  Claude 
Deruet,  Jacques  Stella,  Charles  Le  Brun,  Mathieu  Le 
Nain,  Pierre  Mignard,  Gérard  Edelinck,  Antoine  Coypel, 
Kigaud,  Wleughels,  de  Troy,  les  Van  Loo,  Natoire, 
Cochin,  Rameau,  Francœur,  Pigalle,  Vien,  Guido  Paga- 
nino  et  d'autres  encore,  car  ils  sont  soixante-dix.  En  1903, 
ils  étaient  soixante.  La  belle  chambrée  de  dignitaires. 
Les  croix  étincellent,  les  moires  chatoient  sous  le  regard. 
M.  de  Grandmaison  se  connaît  en  brillants  cortèges.  De 
quels  maîtres  se  réclamera-t  il  auprès  de  vous  en  1905  ? 

Certains  d'entre  vous.  Messieurs,  sont  infatigables. 
Dieu  veuille  que  leur  belle  vaillance  soit  contagieuse  ! 
M.  le  chanoine  Requin,  membre  non  résidant  du  comité 
h  Avignon,  ne  soupçonne  pas  le  repos.  A  peine  a-t-il 
publié  sa  grande  monographie  de  la  faïence  de  Mous- 
tiers  qu'il  se  replonge  dans  l'aride  lecture  des  pièces  nota- 
riales de  sa  région.  Aride,  c'est  moi  qui  le  suppose,  mais 
pour  M.  Requin,  la  lecture  d'une  pièce  inédite  a  toujours 
une  grande  saveur.  Quoi  de  surprenant  à  cet  état  d'âme? 
M.  Rec|uin  ne  cherche  jamais  en  vain.  Cette  fois  encore, 
il  a  fait  émerger  deux  artistes,  le  sculpteur  Audinet  .Ste- 
phani  et  le  peintre  Henri  Guigonis,  Audinet  Stephani  ou 
Etienne,  vit  à  Aix  au  -W"  siècle.  Le  roi  René  l'a-t-il  em- 
ployé ?  C'est  chose  probable,  mais  non  prouvée.  On  suit 
la  trace  de  Stephani  de  1448  à  1476.  Il  travaille  pour  les 
Frères  prêcheurs.  Les  sieurs  Domandi,  Léalcort,  Ray- 
mond Puget  s'adressent  à  lui.  C'est  à  Raymond  Puget 
qu'il  est  redevable  de  la  commande  du  monument  du 
Saint-Pilon,  encore  existant  sur  la  route  de  Saint-Maximin 
h  Saint  Zacharie,  qui  consiste  en  un  haut  pilier  que  sur- 


Crat)aU;C  hts  ^octétcs  0at)aiites. 


4'5 


montent  quatre  anges  élevant  vers  le  ciel  la  double  statue 
de  sainte  Marie-Madeleine.  L'œuvre  est  mutilée.  Elle  est 
fruste,  mais  lisible  encore  dans  ses  saillies,  et  ce  qu'on  en 
peut  lire  témoigne  du  style  sobre  de  Stéphani.  Je  m'at- 
tarde, et  le  peintre  Guigonis  s'impatiente.  Henri  Guij^onis, 
originaire  du  diocèse  de  Genève,  est  fixé  dans  la  ville  des 
papes  en  1526.  Il  mourra  eu  1532.  M.  Requin  a  retrouvé 
la  mention  d'importantes  commandes  faites  à  Guiyonis. 
Oii  sont  les  œuvres  exécutées  par  le  peintre  en  vertu  de 
ces  contrats  ?  Votre  confrère  ne  peut  le  dire  et  son  désap- 
pointement lui  était  cruel  lorsque,  fortuitement,  des  volets 
de  triptyque,  signés  de  (îuigonis,  se  sont  révélés  à  M.  Re- 
quin. Partageons  sa  joie.  V,\l/i>ionLiatio)i,  la  A'aliviU\ 
VAiior.ilion  i/cs  Bers;er.':,  \' Ailoralion  des  Ma^es  sont  des 
pages  curieuses  dans  les(|uelles  tonte  personnalité  n'est 
pas  absente.  De  qui  ("migonis  est-il  fils,  lorsqu'il  tient  le 
pinceau  ?  Attendons,  pour  le  diie  avec  quelque  assurance, 
que  les  Primitifs  français  nous  soient  moins  étrangers. 

Il  n'est  pas  de  bon  testament  sans  codicille.  M.  Bourde 
de  la  Rogerie,  correspondant  du  ministère  à  Quimper, 
s'est  souvenu  du  testament  d'Adolphe  Lance,  Dictionnaire 
lies  architectes  (ranimais,  et  il  y  ajoute  un  codicille.  A  la 
vérité,  ce  codicille  est  quelque  peu  spécial.  Il  a  trait  aux 
architectes  de  la  Compagnie  de  lésus  qui,  de  1607  à  1672, 
ont  construit  des  églises  ou  des  châteiux.  Nous  sommes 
tous  d'accord  sur  les  lacunes  du  style  jésuite,  mais  l'his- 
toire est  l'histoire.  Elle  ne  choisit  pas.  Elle  cherche,  dé- 
couvre et  enregistre.  L'histoire  ne  doit  rien  omettre. 
M.  Bourde  de  la  Kogene  apporte  une  contribution  bien 
inattendue  au  tableau  de  l'architecture  française  au 
.W  II'  siècle.  Si  son  étude  lue  à  cette  tribune  ne  constitue 
pas  un  chapitre  entier  dans  le  livre  de  demain,  elle  four- 
nira du  moins  le  texte  d'un  commentaire,  d'une  note 
développée.  Admettons  Mansart  et  Claude  Perrault  dans 
le  chapitre,  il  y  aura  placo  pour  Martellange  et  Turmel 
dans  la  note. 

Patience,  Messieurs,  ie  n'ai  plus  à  parler  que  de  sept 
portraits  signés  par  .MM.  de  Longuemare,  Pellot,  Clauzel, 
Ponsonailhe,  Quarré  Reybourbon,  Guillibert  et  Deli- 
gnières. 

Un  architecte  Oratorien,  le  Père  Abel  de  Sainte- 
Marthe,  revit  sous  la  plume  de  M.  Paul  de  Longuemare, 
correspondant  du  comité  à  Caen,  M.  de  Longuemare  suit 
l'artiste  il  Saumur  oii  il  parait  avoir  dirigé  les  travaux  de 
la  grande  rotonde  de  Notre-Dame  des  Ardilliers.  Cette 
partie  de  l'édifice,  résolue  en  1655,  n'aurait  été  terminée 
qu'en  1690,  sinon  plus  tard,  mais  le  Père  de  Sainte- 
Marthe  ne  décède  qu'en  1697.  Rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'il 
ait  surveillé  la  construction  du  dôme  des  Ardilliers.  Les 
Oratoriens  ayant  élu  .Abel  de  Sainte-Marthe  leur  supérieur 
général,  en  1669,11  usa  de  l'autorité  que  lui  conférait  cette 
haute  magistrature  pour  exercer  son  art  à  Juilly,  à  Auber- 
villiers,  à  Paris,  où  il  enrichit  l'église  de  l'Oratoire  du 
faubourg  Saint  Honoré.  Le  digne  religieux  disposait  de 
quelques  revenus  et  il  concourut  de  ses  deniers  à  l'exécu- 
tion d'un  tabernacle  en  forme  de  dôme,  dans  l'église  de 
son  Ordre  à  Paris,  mais  c'est  avant  tout  à  Notie-Dame 
des  .Ardilliers  de  Saumur  qu'est  attaché  le  souvenir 
d'.Abel  de  Sainte-Marthe,  et  cette  église,  on  le  sait,  est 
l'un  des  types  les  plus  célèbres  de  l'architecture  religieuse 
du  XV'II"  siècle.  Riclielieu  et  Sainte-Marthe  doivent  être 
nommés  lorsqu'on  traite  de  ce  monument. 

Gérard  Aubry  frappe  à  la  porte.  C'est  un  peintre.  11 
.«.erait  Champenois.  Ouvrons  lui.  M.  Pellot,  archiviste 
bibliothécaire  à  Rethel,  est  son  introducteur.  Qu'ils  soient 
les  bienvenus.  Aubry  piend  le  titre  de  «.  peintre  ordinaire 
de  la  reine  >.  Nous  sommes  à  l'époque  de  Marie  de  Mé- 
dicis.  Ce  patronage  est  de  bon  augure.  Marie  de  Médicis 
donnait  sa  confiance  à  bon  escient.  Elle  ne  recherchait 
pas  les  médiocres.  Rubens  fut  aussi  son   peintre.   Aubry 


serait-il  de  même  envergure.'  Nous  n'osons  l'espérer. 
Aubry  se  réclamait  d'une  peintuie  conservée  au  musée  de 
Reims.  M.  Pellot  conteste  l'authenticité  de  l'attribution. 
Aubry  est  dit  «  bourgeois  de  Paris  >  en  1602,  mais  M.  Pel- 
lot suit  sa  trace  dans  le  canton  de  Fismes,  près  Reims, 
de  r6o8  à  1610.  Où  placerson  berceau.''  A  Paris,  à  Fistnes, 
à  Mont-sur-Courville  .''  M.  Pellot  nous  invite  aux  recher- 
ches sur  Aubry.  Ce  qu'il  apporte  au  congrès  de  1904  n'est 
qu'un  jalon.  A  l'oeuvre,  Messieurs,  secondez  M.  Pellot  et 
découvrez  des  toiles  indiscutables  de  ce  nouveau  peintre 
de  Marie  de  Médicis. 

M.  Charles  Ponsonailhe,  correspondant  du  Comité  à 
liéziers,  l'historien  de  Sébastien  Bourdon,  aurait  pu  inti- 
tuler le  mémoire  qu'il  vous  a  lu  :  «  Autour  d'un  soufflet.  > 
C'est,  en  effet,  un  soufflet  appliqué  par  l'irascible  Bourdon 
sur  la  joue  de  son  compatriote  Boissière,  qui  sert  de  pré- 
lude au  récit  de  M.  Ponsonailhe.  Le  fait  se  passe  en  165S. 
Bourdon  est  recteur  de  l'Académie  de  peinture  de  Paris  ; 
Boissière  appartient  h  la  jurande  de  Saint-Luc  à  Mont- 
pellier. Là,  comme  ailleurs,  académiciens  et  jures  étaient 
irréconciliables.  La  cause  du  soufflet  fut  une  critique,  sans 
doute  trop  verte,  du  tableau  la  Cliute  de  Simon  le  .\fagi- 
lieii,  exposé  par  Bourdon.  Les  conséquences  ?  Un  procès, 
la  fuite  nocturne  de  Bourdon  et  vingt  années  de  retard 
dans  la  fondation  de  l'académie  de  Montpellier.  Tout  cela 
est  fort  grave,  mais  ce  qu'il  faut  déplorer  par-dessus  tout, 
c'est  la  notoriété  que  valut  h  Boissière  le  soufflet  retentis- 
sant dont  l'avait  gratifié  Bourdon.  Ses  œuvres  manquent 
de  caractère.  Boissière  a  bénéficié  d'un  acte  de  violence. 
Cet  acte  l'a  sauvé  de  l'oubli,  mais  h  chercher  ce  que  valut 
Boissière,  M.  Ponsonailhe  a  découvert  que  Boissière  avait 
une  sœur  aînée,  mariée  en  1630,  à  un  peintre  flamand  du 
nom  de  Jean  Zueil  qui,  en  1647,  est  en  vogue  à  Montpel- 
lier. II  travaille  pour  les  consuls.  Il  est  l'artisan  le  plus 
qualifié  des  fêtes,  des  entrées,  des  représentations  de  gala. 
Jean  Zueil  se  fait  naturaliser  Français  et  prend  le  nom  de 
maitre  François.  C'est  Jean  Zueil  qui  a  formé  Boissière, 
mais  c'est  aussi  Jean  Zueil  qui  a  instruit  Hyacinthe  Ri- 
gaud.  Le  disciple  grandit  le  maître.  Zueil  a  produit  de 
bous  ouvrages.  La  plupart  ont  disparu  ;  les  autres  sont 
attribués  à  des  peintres  de  marque.  Zueil  n'a  pas  reçu  de 
la  postérité  le  renom  qui  lui  était  dû.  M.  Ponsonailhe 
remet  les  choses  au  point.  La  vivacité  de  Bourdon  nous 
incline  à  l'indulgence.  Il  a  eu,  somme  toute,  la  main  heu- 
reuse. A  quelque  chose  soufflet  est  bon. 

Jp  l'ai  vu,  dis-je,  vu,  ce  qui  s'appelle  vu  ! 

Un  dernier  mot.  Messieurs,  et  votre  session  aura  pris  fin. 

En  l'année  173 1,  Fontenelle,  delà  septuagénaire,  fut 
pris  à  partie  par  son  confrère  l'académicien  Houdar  de 
La  Motte.  <  Fontenelle  vieillit,  disait  La  Motte,  il  n'écrit 
plus  que  des  billets  !  »  Et  P^onteuelle  de  répondre  :  «  La 
Motte  vieillit  comme  moi,  d'un  jour  par  vingt-quatre 
heures,  mais  il  devient  prolixe.  Ses  moindres  lettres  ont 
quatre  pages  !  Un  billet  se  lit,  se  relit  et  parfois  se  retient. 
Une  longue  épitre  se  déplie,  mais  on  ne  la  lit  pas.  »  L'ai- 
mable et  fin  vieillard  ajoutait  :  <  Ma  devise  est  Rien  de 
trop .'  J'essaie  d'y  être  fidèle.  >  P'ontenelle  se  tint  parole, 
et,  devenu  centenaire,  l'excellent  homme  se  laissa  mourir, 
estimant  sans  doute  qu'un  siècle  d'existence  est  ime  lon- 
gévité suffisante,  au  delà  de  laquelle  il  y  aurait  excès. 


Comité  des  travaux  historiques.  —  M.  La- 
lande  fournit  une  note  sur  le  baptistère  de 
Venasque(Vaucluse),  queMéiiméecroyaitdu  XI' 
siècle.  M.  Lalande  opine  pour  le  VI=,  mais  M.  de 
I.asteyrie  fait  des  réserves  à  ce  sujet.    L'édifice, 


4i6 


ISitWt  be  V^n  chxititn. 


en  tous  cas,  paraît  antérieur  à  l'époque  romane 
proprement  dite. 

Le  R.  P.  Germer  Durand  fournit  un  important 
rapport  sur  l'exploration  faite  en  1903  de  la  voie 
romaine  entre  Amman  et  Bostra  (Arabie),  voie 
construite  par  Trajan.  Le  savant  explorateur 
reproduit  les  curieuses  ruines  de  la  citadelle  de 
Philadelphie  (Syrie),  la  mosquée,  les  restes  d'un 
temple  de  l'époque  des  Antonins,  les  ruines  du 
théâtre  romain,  de  la  porte  romaine  et  de  la 
mosquée  de  Bostra. 

M.  A.  Vidal  étudie  un  primitif  italien  (retable 
en  triptyque)  conservé  à  la  cathédrale  d'Albi. 
Ce  rare  morceau  se  trouve  signé  et  daté  :  P.  A. 
Agusti,  1 345  ;  mais  cette  signature  est-elle  authen- 
tique ?  C'est  chose  si  rare  qu'elle  demande  véri- 
fication. 

M.  A.  Philippe  communique  le  marché  conclu 
pour  la  construction  de  la  porte  d'Aiguepasses  à 
Mende  (1436;,  et  M.  F.  Villepelet,  l'inventaire 
du  trésor  de  la  collégiale  de  Saint- Front  de 
Périgueux  en  1552. 

Signalons  spécialement  un  mémoire  de  M.  S. 
Macary  sur  l'orfèvrerie  à  Toulouse  aux  X  V^  et 
XVIe  siècles.d'après  des  documents  d'archives;  ce 
mémoire  fait  connaître  la  corporation  des  Argen- 
tarii  et  aityifal>n\  \eurs  membres  et  leurs  œuvres 
décrites  dans  les  «  baux  à  besogne  ». 


Société  archéologique  du  midi  de  la 
France  1903.  —  Le  baron  Desazars  de  Mont- 
Gaillard  a  étudié  les  célèbres  miniatures  des 
archives  municipales  de  Toulouse  qui  illustrent 
douze  volumes  des  Anvales  locales  si  tristement 
mutilées  à  la  Révolution.  A  la  suite  de  la  loi 
de  1792  prescrivant  la  destruction  de  tous  les 
signes  de  l'ancien  régime,  on  brûla  sur  l'autel  de 
la  patrie  les  portraits  des  Capitaines,  et  les  feuil- 
lets qui  les  contenaient  furent  arrachés  des  regis- 
tres. Ceux-ci  restent  encore  un  des  plus  curieux 
recueils  héraldiques,  artistiques  et  paléographi- 
ques  de  France. 

La  Société  a  porté  sa  sollicitude  sur  les  travaux 
de  restauration  de  la  cathédrale  d'Albi.  Elle 
déplorelasuppressiondes  balustrades  couronnant 
les  murs  extérieurs.  M.  Marc  Gaïda  a  restauré 
habilement  les  peintures  murales  des  chapelles 
de  St-Michel,de  St-Christophe  et  de  St-Sébas- 
tien  ;  sur  les  avis  de  la  Société  Toulousaine,  il  s'est 
abstenu  de  remettre  sur  les  socles  des  anges  les 
noms  apocryphes  qu'y  avait  inscrits  la  renais- 
sance. L'appréciation  du  rapporteur,  M.  le  baron 
de  Rivière,  est  celle-ci  :  La  partie  picturale  ne 
mérite  que  des  éloges,  tandis  que  la  partie  archi- 
tecturale est  une  insulte  au  sens  commun. 

M.  de  Labordes  a  fourni  la  description  de  trois 
pierres  tumulaires  d'abbés  de  Saint-Sernin,  dont 


deux  à  effigies  ;  le  même  archéologue  fait  connaî- 
tre un  document  attestant  la  consécration  faite  en 
1 592  de  l'église  de  Saint-Etienne  de  Toulouse.  M. 
l'abbé  J.  Lestrade  fournit  un  inventaire  de  l'église 
de  Saint-Rome  datée  de  1608.  M.  l'abbé  Degest 
présente  une  note  sur  l'origine  de  la  Vierge,  nom- 
mée de  la  Daurade  (XVI'=  s),  œuvre  de  Magister 
Rainaud. 


Congrès  archéologique  de  Mons.  —  La 
Fédération  des  sociétés  d'archéologie  de  Belgique 
a  fait  cette  année  une  série  d'excursions  dans 
la  province  de  Hainaut.  —  Les  savants  versés 
dans  les  études  préhistoriques  ont  visité  sous 
la  conduite  de  MM.  Rutot  et  Hublard  les  gise- 
ments remarquables  de  Spiennes,  où  l'on  vient, 
paraît-il,  de  découvrir  une  couche  de  terrain 
inconnue  jusqu'ici,  à  la  base  du  crétacé;  on  leur  a 
montré  la  très  curieuse  station  de  l'époque 
néolithique,  naguère  trouvée  par  le  prof.  Cornet 
sur  la  plateforme  du  fameux  «  caillou  qui  bi- 
que »  d'Angers,  etc.. 

Les  membres  du  Congrès  ont  fait  un  pèleri- 
nage à  la  cité  romaine  de  Bavai.  Là  se  voit  une 
enceinte  fortifiée  flanquée  de  tours,  dont  l'exté- 
rieur remblayé  recèle  des  vestiges  gallo-romains 
encore  inexplorés.  On  a  découvert  récemment 
dans  cette  localité  un  important  hypocauste, 
ailleurs  des  murs  souterrains  décorés  de  niches, 
où  l'on  a  cru  voir  des  niches  de  colombaire  (.'), 

Les  amateurs  d'antiquités  médiévales  se  sont 
surtout  intéressés,  d'abord  aux  derniers  vestiges 
de  l'abbaye  de  Cambron.  Dans  le  parc  superbe 
du  comte  du  Val  de  Beaulieu,  un  escalier  colossal, 
d'environ  10  mètres  d'enroulement,  mène  en  trois 
volées  les  visiteurs  aux  pieds  de  la  tour  cons- 
truite par  Dewetz,  au  XVI 11"=  siècle,  entête  de 
l'église  gothique  primaire  qu'a  abattue  la  Révo- 
lution, et  dont  il  ne  reste  qu'une  colonne  et  un 
pan  de  mur  percé  d'enfeus  où  l'on  voit  de 
superbes  tombeaux  gothiques  en  voie  de  périr 
lentement.  Il  est  urgent  que  l'État  belge  les 
sauve  en  les  achetant  pour  ses  musées.  Au  che- 
vet des  gisants  l'on  voit  des  bas-reliefs  où  l'àme 
du  défunt  se  voit  portée  dans  le  sein  d'Abraham. 

En  contrebas  de  l'église,  à  son  flanc  S.-O., 
s'étend  encore  une  belle  salle  gothique,  390  arcs 
de  croisées  d'ogives  de  la  toute  première  époque  ; 
sans  doute  une  partie  du  doiiius  conversorum  de 
l'ancienne  abbaye  cistercienne.  On  y  trouve  de 
remarquables  sculptures,  notanunent  deux  gi- 
sants du  .XII  h"  siècle,  analogues  à  ceux  de 
même  provenance  qu'a  recueillis  le  musée  ar- 
chéologique de  Mons.  Notons  de  beaux  claveaux 
de  nervures  en  terre  cuite,  qu'on  s'étonne  de 
rencontrer  en  cette  région. 

De  Cambron  le   Congrès  a  fait  visite  à  l'inté- 


t!Drat)au;c  des  Sociétés  satjantes. 


417 


ressantecoUection  d'antiquités  réunies  par  le  vail- 
lant et  intelligent  chercheur  qu'est  M.  l'abbé 
Puissant.  Il  a  exposé  ces  objets  dans  des  balcons 
de  médiévale  allure,  groupés  autour  d'un  vieux 
donjon,  dernier  reste  de  l'important  château 
d'Herchies,  et  qu'il  a  élevés  sur  les  anciens  murs 
du  manoir,  de  façon  à  en  rétablir  aux  yeux  toute 
la  topographie.  M.  Puissant  a  reçu  les  éloges  bien 
mérités  des  congressistes. 

Une  autre  excursion  a  eu  pour  objectif  les 
ruines  du  palais  princier  de  Marguerite  de  Hon- 
grie, qui  agrémentent  la  superbe  propriété  de 
M.  Waroqué.  M.  Waroqué  a  réuni  dans  un  musée 
des  plus  remarquables  une  série  d'antiquités  de 
tout  premier  ordre  appartenant  à  l'art  grec  et 
romain  ;  tout  ce  qu'on  voit  dans  le  «  temple  » 
qu'il  a  érigé  ferait  très  belle  figure  au  Louvre. 

La  dernière  excursion  eut  lieu  dans  la  char- 
mante vallée  de  la  Sambre,  à  la  vieille  église  de 
Lobbes,  à  la  pittoresque  ville  de  Thuin,  et  à 
l'abbaj-e  d'Aulne,  où  s'achèvent  les  travaux  de 
restauration  ou  plutôt  de  sauvetage  et  de  conso- 
lidation des  ruines.  —  Les  excursionnistes  les  ont 
visitées  sous  la  direction  du  secrétaire  de  La 
Revue  de  l' Art  clirétien. 


Nous  reproduisons  ci-après  l'intéressante  con- 
férence qui  a  été  donnée  aux  congressistes 
par  M.  l.efebre-Pontalis,  directeur  de  la  Société 
française  d'Archéologie,  sur  les  origines  de  l'ar- 
chitecture gothique  dans  le  Nord  de  la  France. 

Conférence  faite  par  M.  Lefevre-Ponta- 
lis  au  Congres  de  Mars,  en  1904,  sur  les 
Origines  de  rarchitecttire  gothique  dans  le  Nord  de 
la  France. 

Le  conférencier  commence  par  signaler  l'erreur  com- 
mise par  les  archéologues  en  appliquant  le  terme  à!ogive 
à  l'arc  brisé. 

Une  voûte  ogivale,  une  croisée  d'ogives  est  une  voûte 
établie  sur  deux  nervures  diagonales  ;  on  trouve  dans  un 
compte  de  1399,  le  mot  de  augif,  arc  aitoif,  employé  dans 
ce  sens  ;  il  vient  du  latin  aiigere,  augmenter  ;  la  voûte 
d'arêtes  romane  fut  en  efifet  alors  augmentée  de  ner- 
vures. 

M.  Lefevre-Pontalis  demande  aux  archéologues  de 
ne  plus  appliquer  le  mot  ogive  au  cintre  brisé  ;  car  si  cette 
erreur  persiste,  il  subsiste  une  fâcheuse  équivoque,  et  il 
ne  reste  plus  aucun  terme  pour  désigner  la  vraie  ogive. 

Il  se  demande  ensuite  où  il  faut  chercher  les  plus  an- 
ciennes voûtes  d'ogives.  On  rencontre  les  nervures 
diagonales  aux  voûtes  de  St-Ambroise  à  Milan,  que  de 
Dartein  date  du  IX-  siècle  ;  mais  Cattaneo  a  prouvé  que 
le  gros  œuvre  de  St-.Ambroise  est  du  XI I'  siècle  et  on 
voit  des  croisées  d'ogives  à  St-Pierre  in  Ciel  d'Oro  de 
Pavie,  à  Darmstadt,  à  Salamanque,  toutes  de  la  même 
époque.  M.  Bilson  croit  en  avoir  rencontré  d'antérieures 
à  Durham,  mais  le  fait  a  été  contesté  par  M.  de  Lasteyrie. 
—  M.  Lefevre-Pontalis  croit  qu'on  n'a  trouvé  aucune 
croisée  d'ogives  antérieure  au  XI I"  siècle,  et  que  les  plus 
anciennes  se  rencontrent  en  France. 


Qu'est-ce  qui  en  a  donné  l'idée?  Quicherat,  dès  18501 
avait  interprété  dans  le  sens  d'une  voûte  d'ogive,  le  catjcer 
dont  il  est  question  dans  un  texte  relatif  au  phare  d'Alex- 
andrie. D'un  autre  côté,  il  avait  signalé  l'analogie  avec 
les  arcs  augifs,  des  nerfs  diagonau.x  que  constituent  les 
arcs  noyés  dans  les  voûtes  d'arêtes  romaines;  Viollet- 
le-Duc  a  cru  l'ogive  originaire  de  Syrie;  Corroyer  a  vu 
dans  les  pendentifs  des  coupoles  périgourdines  l'œuf 
.  d'où  est  sortie  l'ogive,  telle  qu'elle  fut  appliquée  en  1150 
aux  voûtes  d'arêtes  domicales  de  la  cathédrale  d'Angers. 

En  réalité  c'est  dans  l'Oise  et  la  Somme  qu'il  faut 
chercher  le  berceau  de  la  voûte  d'ogives. 

On  en  trouve  cependant  des  ambrions  en  Poitou,  dans 
la  rotonde  de  Quimperlé,  dont  la  partie  centrale  offre  une 
voûte  d'ogives  a  larges  claveaux  carrés  :  les  absides  des 
croisillons  de  la  cathédrale  de  Tournai  ont  des  sortes  de 
nervures  analogues,  larges  et  plates.  Il  y  a  encore  de  ces 
larges  nervures  à  vives  arêtes  carrées  à  St-Victor  de  Mar- 
seille ;  et  au  premier  étage  du  porche  de  Moissac  on  voit 
une  voûte  à  12  nervures;  M.  Brutails  pense  qu'elles  sont 
postérieures  à  l'an  1100.  Citons  encore  celles  de  St-Gau- 
dens  de  Toulouse  et  celles  de  St- Gilles,  que  M.  de  Lastey- 
rie considère  comme  postérieures  à  1142. 

Les  plus  anciennes  ogives  de  Poitou  sont  celles  de 
Jazeneuil,  de  Lusignan,  où  apparaît  la  nervure  à  boudin. 

En  somme  l'origme  de  la  croisée  d'ogives  doit  être  étu- 
diée dans  trois  régions  :  l'Ile  de  France,  la  Normandie 
et  l'Anjou.  —  Mais  si  l'on  cherche  le  centre  géographique 
de  son  pays  d'origine,  la  pointe  de  compas  du  cercle  qui 
enveloppe  la  patrie  de  la  voûte  gothique,  il  faut  se  con- 
centrer entre  Chartres,  Laon,  Amiens,  Orléans,  Étampes  ; 
le  point  central  est  à  peu  près  \  Senlis 


Après  avoir  insisté  sur  la  nécessité  de  réserver  le  nom 
d'ogives  aux  nervures  diagonales  des  voûtes  et  le  nom 
d'arc  en  tiers-point  aux  arcs  en  cintre  brisé,  le  savant 
archéologue  explique  comment  cette  région  fut  le  champ 
d'e.xpérience  des  trois  éléments  de  l'architecture  gothique, 
la  croisée  d'ogives,  l'arc  en  tiers-point  et  l'arc-boutant.  Il 
prouve  que  les  architectes  appareillèrent  d'abord  des 
voûtes  d'ogives  sur  des  espaces  restremts,  comme  sous 
le  clocher  d'Acy  en  Multien  (Oise)  et  sur  le  déambulatoire 
de  Morienval,  tandis  que  les  croisées  d'ogives  isolées  des 
porches  de  Saint- Victor  de  Marseille  et  de  Moissac  ou 
de  la  crypte  de  Saint-Gilles,  voûtée  vers  1142,  restaient 
des  exemples  isolés.  Les  voûtes  de  ce  genre  furent  appli- 
quées successivement  sur  les  chœurs  et  les  transepts  des 
églises  rurales  du  Beauvaisis,  du  Valais,  du  Soissonnais, 
mais  on  n'osa  guère  en  appareiller  au-dessus  des  nefs 
avant  le  milieu  du  XI I"  siècle. 

A  Bury,  à  Cambronne,  à  Foulangues,  à  La  Villetertre, 
à  Saint-Germer,  à  Saint- Vaast-les-Mello  (Oise),  à  Cou- 
longes  (Aisne),  à  Chars  (Seine-et-Oise),  les  architectes 
transformèrent  les  vieux  piliers  cruciformes  des  nefs 
romanes  en  les  cantonnant  de  colonnettes  pour  voûter 
après  coup  le  vaisseau  central.  Vers  1 160,  l'alternance  des 
piles  et  des  colonnes  fit  adopter  la  voûte  sexpartite  qui 
embrasse  deux  travées.  Dans  les  chœurs,  les  nervures 
appliquées  tout  d'abord  sous  des  voûtes  en  cul-de-four, 
comme  à  Berry-leSec  et  à  Vauxrezis,  près  de  Soissons, 
rayonnèrent  ensuite  autour  d'une  clef  centrale.  Les  profils 
primitifs  des  nervures  carrées  ou  toriques  se  modifièrent 
par  les  boudins  flanqués  de  gorges  ou  de  filets. 


Et  si  l'on  se  demande  la  raison  de  l'apparition  de 
l'ogive  en  cette  région,  l'on  est  tenté  de  la  trouver  dans 
l'influence  royale. 


4i8 


3Rebuc  ïie  r^rt  cl)rctien. 


II  n'en  est  rien  ;  la  cause  gît  dans  la  facture  due  à  la 

nature  des  matériaux. 

Dans  cette  contrée,  au  début  du  XI  h'  siècle,  les  archi- 
tectes n'étaient  pas  dominés  dans  leurs  conceptions  par 
une  école  romane  puissante.  Livrés  à  eu.K-mêmes,  ils  ont 
cherché  le  perfectionnement  de  leur  art  dans  des  procé- 
dés techniques  auxquels  se  prêtait  la  pierre  excellente 
qui  était  à  leur  disposition.  Viollet-le-Duc  s'est  trompé 
quand  il  a  dit  que  Saint-Denis  avait  été  le  point  de  dé- 
part de  l'art  gothique  ;  c'est  plutôt  le  point  d'arrivée  :  le 
produit  complet  du  style  dont  le  premier  embryon  a  dis- 
paru. VioUet  le  Duc  fait  trop  d'état  de  l'école  chini- 
sienne  ;  il  n'a  pas  aperçu  le  rôle  important,  mis  eu  relief 
par  M.  Enlart,  des  cisterciens  comme  propagateurs  du 
gothique  ;  ils  avaient  des  plans  types,  qu'ils  ont  répan- 
dus partout  en  F"rance  et  à  l'étranger. 

Mais  revenons  aux  croisées  d'ogives  et  voyons  celles 
qui  peuvent  être  datées.  M.  Lefevre-Pontalis  ne  croit 
pas  qu'il  en  existe  de  plus  anciennes  que  celles  de  Morien- 
val,  que  M.  Anthyme  Saint-Paul  date  de  Il22,etqui 
sont  en  tout  cas  antérieures  à  1125.  Elles  sont  établies  sur 
travées  très  étroites  et  otifrent  un  gros  boudin  très  lourd. 
Mieux  datées  sont  celles  de  Bellefontaine  dont  une,  très 
curieuse,  date  de  1125;  celle  du  clocher  Nord  de  Notre- 
Dame  de  Chartres,  bâti  après  l'incendie  de  1134,  puis 
viennent  les  célèbres  et  élégantes  voûtes  de  Saint-Dinis. 
Suger  nous  a  fait  connaître  lui-même  que  le  porche  fut 
élevé  de  1137  à  1140;  et  heureusement  la  restauration 
moderne  n'a  pas  touché  à  ce  porche  précieux. 

Dans  le  chneur  de  Saint- Denis,  on  est  parvenu  à  ré- 
duire beaucoup  la  section  du  boudin  ;  puis,  on  y  a  ajouté 
une  petite  baguette  ;  on  a  combiné  trois  tores,  ou  ailleurs 
adopté  le  profil  en  amande  comme  au  clocher  de  Noël 
St  Martin  (époque  avancée  du  XII' siècle)  ;  à  la  fin  du 
X 1 1"  siècle  on  rencontre  deux  tores  séparés  par  un  biseau. 
Alors  on  fait  usage  de  petites  clefs  de  voûte  ;  la  clef  de 
voûte  devient  importante  dans  la  2"^  moitié  du  X 11"  siècle. 

Au  début  les  quatre  arcs  de  tête  sont  très  bas,  et  les 
remplissages  rampent  vers  la  clef;  la  voûte  a  un  aspect 
coupoliforme.  Les  arcs  formerets  existaient  avant  les 
croisées  d'ogives  ;  on  les  rencontre  comme  terminaison 
des  berceaux  dans  l'architecture  romane  ;  on  les  trouve  aux 
berceaux  de  Morienval  dans  la  2''  moitié  du  XII'  siècle. 

Notons  encore  quelques  voûtes  datées,  celle  de  St-Ger- 
main  des  Prés,  de  1 163,  comme  celle  de  Domniartin, 
(en  aiTiinde).  M.  Broche  vient  de  dater  la  chapelle  de 
lévêchc  de  Laon,  qui  est  du  temps  de  l'évêque  Gauthier 
de  Mortagne.  Le  chœur  de  la  cathédrale  de  Paris  fut 
élevé  de  1 163  à  1 177,  le  croisillon  méridional  à  Soissons, 
entre  1 163  et  1200. —  La  cathédrale  d'Angers  est  de 
II 50-1 153,  celle  du  Mans,  de  11 58.  Un  progrès  s'accuse 
dans  les  compartiments  moins  inclinés  et  les  formerets 
remontés  comme  à  Saint-Qairiace  de  Provins. 

C'est  dans  les  chœurs  des  églises,  où  les  voûtes  étaient 
plus  faciles  h  établir,  qu'on  a  commencé  à  appliquer  la 
croisée  d'ogives  sur  grande  échelle,  d'abord  dans  les 
chœurs  ronds  qui  n'offraient  pas  encore  les  plans  savants 
des  gothiques  ;  ce  sont  les  vrais  culs  de  fours  nervés, 
quelquefois  à  4  rangs  d'ogives,  quelquefois  six,  comme 
à  Juziers,  à  Courmelles.  —  L'ogive  est  appliquée  h  des 
chœurs  carrés  comme  à  Laon  et  à  Soissons,  enfin  à  des 
chevets  à  pans  coupés  comme  les  chapelles  accolées  au 
chœur  de  Soissons. 

Mais  le  triomphe  de  la  croisée  d'ogive  se  produit  dans 
le  voûtement  des  déambulatoires. 

Les  romans  les  avaient  couverts  d'abord  d'un  berceau 
annulaire,  puis  de  voûtes  d'arêtes  ;  ils  y  appliquèrent  les 
croisées  d'ogives  à  Morienval;  à  St  Martin  d'Etampes, 
on  banda  trois  doubleaux  pirtant  de  chaque  pilier;à  N.-D. 
de  Paris,  on  imagina  le  tracé  en  triangle  pour  échapper 


aux  difficultés  du  plan  en  trapèze,  et  ce  procédé  fut  appli- 
qué avec  plus  de  perfection  encore  à  .Saint- Germain  et  h 
Saint  Leu  d'Esserent. 


Reste  un  point  :  l'origine  de  Varc  en  tiers  point. 
Le  cintre  brisé  dérive  directement  de  la  voûte  d'augives. 
Il  vient  de  la  nécessité  d'amener  toutes  les  clefs  à  peu 
près  au  même  niveau.  Cet  élément  architectonique  n'a 
d'ailleurs  qu'un  rôle  tout  à  fait  secondaire. 

Le  conférencier  proteste  contre  cette  théorie  longtemps 
admise,  qui  faisait  du  tiers-point  une  caractéristique  du 
gothique. 

On  a  bien  au  contraire  mis  un  siècle  à  passer  du  p'ein- 
cintre  au  centre  brisé  ;  l'arc  plein-cintre  a  fait  surtout 
une  belle  résistance  dans  les  clochers. 

Peu  à  peu  les  voûtes  deviennent  moins  bombées,  parce 
que  les  architectes  arrivent  à  mettre  la  clef  de  tous  les 
arcs  d'encadrement  au  même  niveau.  Ce  fut  la  véritable 
raison  du  succès  de  l'arc  en  tiers-point.  A  Morienval,  à 
.Saint-Etienne  de  IJeauvais  et  ailleurs,  on  avait  cherché  à 
résoudre  le  problème  de  monter  la  clef  du  doubleau  à  la 
même  hauteur  que  celle  de  la  voûte  à  l'aide  de  l'arc  en 
plein  cintre  sui  haussé,  mais  cet  expédient  resta  d'un 
usage  exceptionnel,  bien  qu'on  le  rencontre  encore  dans 
les  déambulatoires  de  la  cathédrale  de  Noyon  et  de 
l'église  de  Saint-Germain  des  Prés  à  Paris,  consacrée  en 
1163.  L'arc  brisé  qui  apparut  tout  d'abord  autour  des 
voûtes  par  suite  d'une  nécessité  de  construction,  se  répan- 
dit dans  tous  les  membres  de  l'architecture  vers  iiSo, 
mais  l'arc  en  plein  cintre  avait  fait  une  longue  résistance 
dans  les  portails,  les  baies  des  clochers,  les  fenêtres  et  les 
arcatures.  Il  fallut  un  siècle  pour  que  son  usage  fût  aban- 
donné définitivement  au  début  du  règne  de  saint  Louis. 
La  naissance  de  l'architecture  gothique  ne  fut  pas  une 
éclosion  spontanée,  elle  est  le  fruit  du  génie  des  archi- 
tectes du  XII'  siècle  et  la  conséquence  de  l'invention  de 
la  voûte  d'ogives. 


La  croisée  d'ogives  a  pour  complément  nécessaire  l'^/r- 
honlant. 

Les  édifices  les  plus  hardis  du  XII"  siècle  étaient  dé- 
pourvus d'arcs-boutants, —  comme  Saint-Remi  de  Reims, 
le  croisillon  de  Soissons,  le  chœur  de  .Saint-Len.  Les 
poussées  de  voûtes  déformèrent  les  chœurs  de  St-Remi 
de  Reims,  de  St-Germain-des-Prés  à  Paris,  de  Soissons, 
etc.,  et  c'est  pour  sauver  ces  chœurs  qui  allaient  tomber, 
qu'on  leur  appliquait  des  arcs-boutants  dans  la  2'  moitié 
du  XII'  siècle. 

L'arc-boutant  apparaît  comme  un  expédient  destiné  à 
prévenir  la  ruine  des  dievets  des  premières  grandes 
églises  gothiques  dans  la  seconde  moitié  du  XIP'  siècle, 
car  leschœurs  de  No:re-I)ame  deChûlons,  deSaint-Renu 
de  Reims,  de  Saint-Germain  des  Prés,  de  Saint- Leu 
d'Esserent  et  l'admirable  croisillon  sud  de  la  cathédrale 
de  Soissons  en  étaient  dépourvus  h  l'origine.  Il  fallut  les 
étayer  apiès  coup,  mais  au  commencement  du  XIII' 
siècle,  on  monta  des  arcs-boutants  encore  intacts  comme 
ceux  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Soissons  (1212),  delà 
nef  de  Notre-Dame  de  Chartres  (1220),  de  l'église  abba- 
tiale de  Longpont  (1227J. 

Au  commencement  du  XIII'  siècle  l'arc-boutant  est 
prévu  par  le  constructeur  ;  c'est  un  organe  nécessaire  et 
accessoirement  une  béquille  ajoutée  :  avec  lui  le  système 
gothique  se  complète  ;  c'est  dans  la  région  de  lieauvais, 
de  Senlis  et  de  Soissons  qu'on  le  voit  se  constituer  de 
toutes  pièces. 

M.  Lefevre-Pontalis  s'arrête  .'i  la  filiation  des  chevets 
de  Chalons  et  de  St-Remi  de  Reims,  mise  en  lumière  par 


Cratau;c  deô  ^otiétég  ©ayantes. 


419 


-M.  Demaison  ;  les  absidioles  de  ces  deux  églises  appar- 
tiennent à  ce  type  panicnlier  caractérisé  par  la  forme 
ronde  en  plan,  et  la  colonne  centrale  établie  entre  elle  et  le 
déanibiilatnire.  Or  M.  L.-P.  a  reconnu  que  le  croisillon 
Sud  de  Soissons,  élevé  vers  1170,  se  rattache  au  même 
type,  comme  le  prouvent  quantité  de  détails. 


Nous  venons  (.le  voir  la  croisée  d'ogives  appliquée  aux 
chœurs  des  églises,  et  sur  leur  déambulatoire.  Dans  les 
transepts  son  application  était  facile  ;  on  l'emploie  de 
bonne  heure.  Elle  sert  aussi  à  couvrir  la  tour-lanterne  de 
la  croisée  à  Nouvion  le- Vineux,  à  Laon,  etc. 

Enfin,  le  systcme  t^othique  fut  réalisé  intégralement  par 
son  emploi  sur  les  grandes  nefs.  Quelles  furent  les  pre- 
mières voûtes  dans  ce  système  ?  Il  est  douteux  que  ce  soit 
celle  de  Saint- Uenis  ;  ce  serait  plutôt  celle  de  Creil  (2= 
moitié  du  \Ih).  Les  constructeurs  soissonnais  étaient 
timides  et  n'osaient  voûter  leurs  nefs  ;  il  les  couvraient 
de  plafonds  en  bois  ;  si  l'on  rencontre  les  voûtes  nervées 
sur  les  nefs  primaires  deBeauvais,  elles  ne  sont  pas  pri- 
mitives :  c'est  une  vingtaine  d'années  après  l'apparition  de 
la  croisée  d'ogives  qu'on  voûta  les  églises  de  celte  région 
après  coup.  C'est  ce  que  Ion  voit  à  Acy,  à  Bury,  à 
Chars,  à  St  ("lermer,  à  Cambronne  au  XII''  siècle  :  là  on 
retrouve  les  colonnades  portant  les  retombées,  qui  ont  été 
engagées  après  coup  dans  le  mur. 

M.  L.-P.  croit  qu'il  en  fut  de  même  à  Durham,  quoi 
qu'en  pense  M.  Bilson  ;  les  colonnades  ajoutées  ultérieu- 
rement à  quelques  années  de  distance  imitent  fidèlement 
le  style  originel.  La  région  de  Soissons  a  fait  usage  de 
doubleaux  isolés  pour  porter  les  charpentes. 


Quant  aux  voûtes  sexpartites,  dérivant  de  l'alternance 
des  piles  fortes  et  faibles,  le  conférencier  est  d'avis  que 
c'est  un  procédé  qui  dérive  des  bords  du  Rhin,  et  en 
dernière  analyse  est  dû  à  une  infiuence  lombarde. 

Un  dernier  développement  se  produit  dans  les  cons- 
tructions des  voûtes  nervées  ;  c'est  la  ramification  des 
nervures  ;  les  architectes  procèdent  volontiers  du  simple 
au  composé.  Dès  le  milieu  du  XII'  siècle,  on  voit  cons- 
truire la  lierne  ;  on  la  voit  à  Juziers,  au  porche  méri- 
dional du  Puy,  en  Poitou,  en  Anjou  surtout,  où  elle  ca- 
ractérise le  style  Plantagenet  (Airvault,  St-Jouin  des  Mar- 
nes, etc.) 

La  voûte  se  complique  an  XIII"  siècle.  On  voit  dès 
cette  époque  à  la  croisée  d'Amiens  la  voûte  à  liernes 
et  tiercerons. 

De  son  côté  le  profil  des  nervures  subit  une  évolution. 

Le  tore  simple  ou  en  amande  prédomine  dans  la  pre- 
mière moitié  du  .XI  1-  siècle  ("Senlis,  Cambrai,  St-Remi  de 
Reims)  ;  puis  le  double  tore  séparé  par  une  arête  vive 
(N'.-D.  de  Paris),  ou  par  un  creux  (scolie)  ;  ensuite 
vient  le  profil  en  trèfle  agrémenté  de  b.âtons  brisés,  le 
boudin  décoré  ;  h  signaler  aussi  les  figurines  décorant  les 
sommiers. 

Dans  la  seconde  moitié  du  XII'  siècle  la  décoration 
des  ogives  est  souvent  très  riche  comme  à  Lucheux 
(.Somme)  et  à  Saint-Germer  :  elle  comporte  parfois  des 
bâtons  brisés  comme  dans  la  tribune  du  porche  de  Saint- 
Leu  d'Esserent. 

* 
*  * 

Les  chaleureux  applaudissements  de  l'auditoire  ont 
prouvé  au  conférencier  combien  les  archéologues  avaient 
apprécié  sa  facilité  de  parole  et  la  clarté  de  ses  observa- 
tions techniques,  .'i  l'aide  des  planches  de  son  ouvrage 
sur  l'architecture  religieuse  dans  le  Soissonnais  et  d'excel- 
lentes photographies. 


Société  archéologique  de  Namur.  —  Nous 
trouvons  dans  les  Annales  de  celte  Société 
t.  XXIV,  4*=  livraison,  les  travaux  suivants  à  si- 
gnaler. 

Une  œuvre  inédite  de  frère  Hugo  dOignies.  Il 
s'agit  d'une  partie  du  buste-reliquaire  de  saint 
Feuilien,  conservé  non  point  dans  le  trésor  des 
Sœurs  de  Notre-Dame  à  Namur,  où  sont  réunies 
les  œuvres  du  grand  orfèvre  du  XIII^  siècle,  mais 
dans  l'église,  autrefois  collégiale,  de  Fosses  ; 
œuvre  inédite,  d'un  goût  exquis,  dont  M.  Rops 
fait  une  instructive  description.  Il  y  reconnaît  les 
traits  caractéristiques  de  l'art  justement  vanté  du 
célèbre  ami  de  Jacques  de  Vitry  et  le  rattache, 
suivant  l'opinion  commune,  au  grand  art  rhénan. 

E.  de  Pierpont,  Congrès  d' archéologie  et  d'his- 
ioire  tenu  à  Dînant  du  ç  au  ij  août  içoj.  Dans  cet 
article,  le  secrétaire  du  Congrès  rend  compte  de 
différentes  journées  ;  les  conférences  et  les  tra- 
vaux présentés  au  Congrès  seront  publiés  dans 
un  compte-rendu  spécial. 

A.  Bequet,  Discours  prononcé  à  la  séance  d'ou- 
verture du  Congrès  de  Dînant.  M.  Bequet  retrace 
très  rapidement  l'Iiistoire  des  trois  plus  anciennes 
industries  d'art  en  Belgique  :  la  bijouterie,  l'orfè- 
vrerie, ladinanderie  ;  c'est  d'après  lui,  au  i"^'  siècle, 
dans  la  villa  d'Anteius,  à  lokilomètres  de  Dinant, 
que  se  serait  établie  l'industrie  du  cuivre  et  de 
l'émaillerie  à  côté  des  fourneaux  à  fer. 

Idem,  Habitations  des  métallurgistes  lelgo- 
romaius  des  W  et  IIP  siècles.  Des  fouilles  récen- 
tes, notamment  celles  exécutées  au  village  de 
Vodecée,  permettent  à  l'auteur  de  reconstituer 
la  structure  de  ces  habitations. 

Société  d'émulation  pour  l'étude  de  l'his- 
toire et  des  antiquités  de  la  Flandre.  53<" 
vol.,  année  1903.  —  Cette  livraison  des  Annales 
renferme  un  article  de  notre  collaborateur  James 
Weale,qui  a  longtemps  habité  la  Belgique.Il  nous 
apprend  que,  dans  une  vente  du  30  inars  1903,  il 
s'est  vendu  à  Londres  trois  livres  d'heures  d'ori- 
gine flamande,  qui  ont  atteint  des  prix  merveil- 
leux. 

L'un  de  ces  livres  Horœ  Beatœ  Mariœ  Virginis 
avec  un  calendrier  et  163  feuillets  écrits  par  un 
bon  calligraphe  flamand,  ornés  de  miniatures, 
s'est  vendu  230  livres,  soit  5,750  francs. 

Un  autre  voluirte  orné  de  23  miniatures  a  été 
adjugé  pour  152  livres,  soit  3,800  francs. 

Un  troisième  livre  d'heures,  du  X V'^'  siècle,  relié 
par  Jacobus  Van  Gavere,  gantois,  fut  acheté  en 
1786  pour  18  shelHngs  et  a  été  vendu  pour 
837  francs.  Dans  le  calendrier,  le  rév.  Charles 
Van  lloucke,  archidiacre  d'Ypres,  avait  écrit  un 
grand  nombre  de  notes  concernant  cette  ville  et 
l'abbaye  de  Nonnenbossche. 


420 


ÎÉlcbue  tie  lart  cl)rcticiu 


Commission  royale  des  monuments  de 
Belgique.  —  L'Assemblée  générale  annuelle  de 
la  Commission  Royale  des  Monuments  et  de  ses 
correspondants  aura  lieu  le  lundi  lO  octobre. 

L'ordre  du  jour  est  ainsi  réglé  : 

i"  Rapport  du  secrétaire  sur  les  travaux  de  la  Commis- 
sion pendant  l'année  1903-1904  (art.  61). 

2°  Rapports  des  Comités  provinciaux  des  membres 
correspondants  sur  leurs  travaux  de  l'année  1903-1904. 
La  lecture  ou  l'exposé  n'en  devra  pas  durer  plus  d'un 
quart-d'heure  (art.  64). 

3°  .A.  quelles  conditions  essentielles  doivent  satisfaire 
les  parties  d'un  vitrail  artistique?  (Question  remise  à  l'or- 
dre du  jour  à  la  demande  de  l'Assemblée  préparatoire  du 
10  octobre  1903  et  conformément  à  la  décision  de  l'As- 
semblée générale  du  surlendemain  12  octobre). 

4"  Qu'enseignent  les  découvertes  de  peintures  murales 
faites  dans  les  monuments  de  la  Belgique  ?  (Question  re- 
mise pour  la  seconde  fois  à  l'ordre  du  jour  en  vertu  de  la 
décision  de  l'Assemblée  générale  du  12  octobre  1903.) 

5"  Examen  des  moyen  s  les  plus  propres  d'assurer  la  con- 
servation et  la  restauration  des  anciennes  constructions 
privées  offrant  un  intérêt  archéologique,  historique  et 
artistique.  (Question  mise  à  l'ordre  du  jour  sur  la  propo- 
sition du  Comité  des  correspondants  du  Hainaut.) 

6°  Inventaires  des  objets  d'art  appartenant  aux  établis- 
sements publics. 


La  Commission  des  Monuments  histo- 
riques et  la  Ville  de  Paris  viennent  de  se 
mettre  d'accord  pour  l'exécution  d'importants 
travaux  à  Saint-Séverin.  Ses  contreforts,  notam- 
ment, dont  la  légère  élégance  est  si  admirée  et 
qui  passent  pour  un  des  chefs-d'œuvre  de  notre 
architecture  française,  vont  être  reconstitués. 

La  dépense  est  évaluée  à  1 35.000  fr. 

Société  archéologique  de  l'arrondissement 
de  Nivelles,   t.   VIII,  1"  livraison.  Nivelles,  1904. 

R.  p.  Nimal,  L'Église  de  Villcrs.  En  1899,  M.  de  Prelle 
de  la  Nieppe  publia,  dans  le  Bulletin  des  Commissions 
royales  d  Art  et  d  Archéologie  (38"'  année,  livraisons  i  et  2) 
une  étude  sur  l'église  de  l'abbaye  de  Vdlers.  Cette  étude 
se  résume  dans  les  quatre  thèses  suivantes  :  1"  l'église 
dont  nous  admirons  aujourd'hui  les  ruines  majestueuses, 
fut  commencée  dès  les  débuts  de  l'abbaye,  soit  dès  1147  ; 
2°  une  interruption  dans  les  travaux  eut  lieu  en  1212  ; 
3"  les  chapelles  latérales  du  bas-coté  nord  ont  été  cons- 
truites dès  la  première  moitié  du  -XIII"  siècle;  4"  la 
chapelle  de  Saint-Bernard,  remarquable  surtout  par  le 
sarcophage  renfermant  les  restes  de  dix  corps  de  saints, 
était  située  sous  le  porche.  Ce  sont  ces  conclusions,  qui 
ne  sont  d'ailleurs  pas  solidement  établies,  que  le  R.  P. 
Nimal  attaque  dans  le  travail  qui  nous  occupe.  D'après 
l'auteur,  les  moines  de  Voiliers  auraient,  avant  de  commen- 
cer la  construction  de  leur  église  monumentale,  construit 
un  oratoire  de  moindre  importance,  démoli   au  XVI I"     | 


siècle.  La  date  de  l'interruption  des  travaux,  fixée  par 
M.  de  Prelle  à  1212,  serait  bien  incertaine  ;  les  chapelles 
du  bas-côté  nord  ne  dateraient  que  du  XIV  siècle  ;  entîn, 
la  chapelle  de  Saint-Bernard  était  située  à  l'intérieur  de 
l'église. 

Il  y  a  du  bon  dans  ce  travail,  (^"^rit  à  la  date  de  la 
construction  de  l'église,  notamment,  le  R.  P.  Nimal  a  mis 
en  lumière  une  tradition  importante  négligée  par  M.  de 
Prelle  ;  mais  pour  l'ensemble,  le  travail  est  loin  de  satis- 
faire complètement  le  lecteur.  Ce  qui  lui  manque,  c'est 
une  documentation  suffisante.  Les  archives  de  Villers,  je 
le  veux  bien,  sont  dispersées  aujourd'hui  :  telle  partie  du 
chartrier  se  trouve  à  Bruxelles,  telle  autre  à  Malines, 
d'autres  documents  à  Londres,  d'autres  encore  entre  les 
mains  de  particuliers.  Le  premier  devoir  de  l'auteur  eût 
été  de  compulser  tous  les  documents  accessibles,  de 
rechercher  ce  qui  pouvait  être  inconnu.  Au  lieu  de  cela, 
il  se  contente  la  plupart  du  temps  de  simples  inductions 
d'un  fait  général  à  un  cas  particulier  ou  de  raisonnements 
portant  à  faux  sur  une  base  défectueuse.  Voici,  à  titre 
d'exemple,  l'une  de  ces  inductions  :  «  La  chapelle  de 
»  Saint-Charles,  dit  l'auteur,  nul  doute  à  cet  égard,  était 
»  la  chapelle  orientée  du  milieu    du  transept  gauche, 

>  c'est-à-dire  côté  épître.  Elle  est  évidemment  de  ce  côté. 

>  En  effet,  le  nécrologe  mentionne  la  sépulture  de  plu- 

>  sieurs  abbés  :  ?eira  caticelhim  sancti  Caroli  ou  prope 
»  sacristiatn  divi  Caroli.  Or,  la  sacristie  se  trouvait  du 

>  côté  de  l'épitre.  >  En  règle  générale,  oui.  Ici,  cependant, 
la  sacristie  de  Saint-Charles  se  trouvait  du  côté  de  l'évan- 
gile et  occupait  la  place  prise  jadis  par  la  chapelle  de  la 
Sainte-Trinité,  qui  avait  été  convertie  au  XVI I'^  siècle  en 
sacristie.  L'auteur  ignorait  le  fait,  peut-être,  mais  c'est  de 
sa  faute. 

Cet  exemple  se  rapporte,  certes,  à  une  question  d'inté- 
rêt secondaire,  mais  il  fait  toucher  du  doigt  le  défaut 
capital  du  livre  du  R.  P.  Nimal  :  manque  de  recherches, 
tendances  dialectiques. 

H.  Schuermans,  A  M.  Edgard  de  Prelle  de  la  Nieppe^ 
conservateur  du  Musée  royal  d\irmes  et  d'armures  à 
Bruxelles.  La  lettre  de  M.  Schuermans  se  rapporte  .1  l'un 
des  points  en  discussion  entre  M.  de  Prelle  et  le  R.  P. 
Nimal  :  l'emplacement  de  la  chapelle  de  Saint-Bernard 
dans  l'église  de  Villers.  M.  Schuermans  est  partisan  de 
l'emplacement  de  la  chapelle  en  question  sous  le  porche. 
11  invoque,  entre  autres  arguments,  contre  l'opinion  du 
R.  P.  Nimal,  l'impossibilité  de  faire  tenir  les  différents 
monuments,  que  nous  savons  avoir  orné  cette  chapelle, 
dans  l'espace  étroit  qu'offre  la  première  chapelle  du  bas- 
côté  nord,  en  entrant  par  le  fond  de  l'église  ('). 


La  Société  archéologique  du  Midi  de  la 
France  vient  d'acheter  une  des  portes  de  l'en- 
ceinte de  la  ville  de  Cordes,  que  son  propriétaire 
voulait  démolir. 


La  Société  historique  de  Bordeaux  s'efforce 
de  conjurer  la  détérioration  du  château  histo- 
rique de  Pugols,  dans  la  cour  duquel  la  munici- 
palité a  décidé  d'élever  un  bâtiinent  scolaire. 


I.  D'après  les  Archives  belges. 


^ 


wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww 


LES  ANCIENNES  MAISONS  DE  CONSTAN- 
TINOPLE,  par  M.  le  général  L.  de  Beylié.  —  In-4°, 
X-27  pp.,  11  planches  hors  texte  et  15  gravures.  — 
Paris,  E.  Leroux;  et  Grenoble,  Falque  et  Perrin,  1903. 
—  Ce  volume  est  un  supplément  à  \ Habitation  by- 
zantine, du  même  auteur  (voir  Revue  de  P Art  chrétien, 
janvier  1904). 

„  n'y  a  pas  lieu  de  reparler  ici  du 
g  somptueux  ouvrage  de  M. le  général 
^.  de  Heylié  sur  l'Habitation  byzan- 
ij  tine.  En  quête  des  vestiges  de  l'ar- 
^W^TSî^-^  chitecture  privée  des  Byzantins  et 
des  arts  qui  en  dépendent,  notre  savant  et  aima- 
ble guide  nous  a  conduit  de  la  Syrie  centrale 
aux  plaines  de  la  Russie,  de  la  presqu'île  des 
Balkans  aux  lagunes  de  Venise.  Mais  voici  qu'a- 
près ces  courses  excentriques,  il  nous  ramène  au 
cœur  de  cette  civilisation  byzantine  qui  rayonna 
si  loin  ;  qu'est-ce  que  Constantinople  a  conservé 
de  ses  anciennes  habitations?  n'est-il  pas  temps 
d'explorer  ses  vieilles  maisons?  Certes  oui,  il 
n'y  a  pas  un  instant  à  perdre,  car  chaque  jour 
elles  menacent  de  disparaître  :  tremblements  de 
terre,  incendies,  caprices  de  leurs  hôtes  présents, 
continuent,  comme  par  le  passé,  à  les  ravir  à  la 
curiosité  de  l'historien,  de  l'artiste  et  de  l'archéo- 
logue. Dès  aujourd'hui  leur  nombre  est  bien 
minime:  on  n'en  peut  guère  compter  plus  de 
quatre-vingts  qui  rappellent  plus  ou  moins  le 
style  des  maisons  que  nous  avons  étudiées  à 
Mistra  (XIV"^  s.)  ou  dans  les  arrière-plans  des 
miniatures  de  Skylitzès.  Excepté  quatre  ou  cinq, 
elles  sont  toutes  postérieures  à  la  conquête. 

De  leurs  devancières  elles  gardent  encore  l'ap- 
pareil des  murs  où  les  couches  de  briques  alter- 
nent avec  les  couches  de  pierre  (généralement 
un  lit  de  moellons  pour  deux  de  briques),  — 
les  balcons  couverts,  analogues  aux  bow-win- 
dows  modernes,  —  les  étages  à  encorbellement, 
souvent  disposés  en  crémaillère  (dents  sail- 
lantes sur  la  façade)  :  grâce  à  cet  arrangement, 
<L  triomphe  de  la  méfiance  ou  de  la  curiosité  », 
on  pouvait  de  chaque  chambre  regarder  ou  tirer 
vers  les  deux  extrémités  de  la  rue  ;  c'est  le  sys- 
tème usité  si  fréquemment  pour  flanquer  les 
angles  saillants  des  fortifications.  Autres  traits 
de  ressemblance  avec  les  habitations  du  XVI^ 
siècle,  ce  sont  les  jarres  vides  empilées  symétri- 
quement entre  la  voûte  et  le  toit,  sans  doute  pour 
le  soutenir  sans  surcharger  celle-là,  et  c'est 
surtout  l'aménagement  intérieur  des  édifices  :  il 
n'est  pas  rare,  par  exemple,  que  l'étage  entier  soit 
occupé  par  une  vaste  pièce  à  coupole  :  celle-ci  est 


précédée  d'un  vestibule  voiité,  comparable  au 
narthex  des  églises,  et  elle  sert  successivement 
de  salon  et  de  chambre  à  coucher.  Mais  ce  qui 
distingue  presque  toutes  ces  vieilles  maisons  de 
celles  qu'on  bâtissait  aux  siècles  précédents,  c'est 
l'emploi  fréquent  de  l'ornementation  polygonale 
du  style  dit  arabe,  et  celui  de  l'ogive  en  accolade  : 
par  là  elles  dénotent  un  style  dégénéré,  bien 
qu'elles  aient  été  construites  par  des  architectes 
byzantins.  On  ne  peut  pas  voir,  dans  les  trois 
quartiers  de  Constantinople,  plus  de  cinq  maisons 
qui  présentent  encore  des  fenêtres  à  plein  cintre. 

La  rareté  de  ces  spécimens  anciens  rend  plus 
précieuse  encore  l'œuvre  de  M.  le  général  de 
Beylié.  Non  content  de  dater  les  plus  remarqua- 
bles de  ces  édifices,  une  quinzaine  en  tout,  et  de 
les  décrire  avec  la  précision  d'un  architecte,  il 
nous  en  donne  25  photographies  phototypées, 
réparties  sur  1 1  planches  hors  texte  ;  15  gravures 
dans  le  texte,  plans  ou  croquis,  complètent  l'il- 
lustration. La  difficulté  de  photographier  dans 
une  rue  étroite,  n'a  pas  toujours  permis  d'éviter 
certains  défauts  de  perspective  ;  mais  l'imagina- 
tion corrige  sans  peine  le  déséquilibre  des  lignes, 
l'œil  est  charmé  par  l'excellence  de  la  reproduc- 
tion phototypique,  et  l'on  ne  peut  que  déplorer 
le  fanatisme  turc  dont  la  méfiance  a  trop  souvent 
arrêté  l'exploration  de  M.  de  Beylié  dans  le 
quartier  de  Stamboul. 

Malgré  ce  fanatisme,  Constantinople  nous 
offre  donc  encore,  non  seulement  dans  ses  églises, 
mais  même  dans  ses  habitations  privées,  de  cu- 
rieux témoins  de  la  civilisation  chrétienne  anté- 
rieure à  la  catastrophe  de  1453.  Je  ne  sais  si 
M.  de  Beylié  serait  disposé,  comme  M.  Lampakis 
ou  M.  Beaudoire,  à  reconnaître  des  emblèmes 
chrétiens  dans  ces  étoiles  et  autres  sigles  qui 
ornent  le  tympan  de  plus  d'une  porte.  En  tout 
cas  la  vitalité  de  l'art  byzantin  s'affirme  assez 
par  ce  fait  que  toutes  les  constructions  impor- 
tantes de  la  ville  furent  dues,  après  la  con- 
quête, aux  architectes  de  la  nation  vaincue  :  les 
Turcs,  «  rebelles  aux  études  scientifiques  »,  n'y 
intervinrent  jamais. 

Le  chrétien  est  tout  particulièrement  recon- 
naissant à  l'auteur  de  cet  excellent  travail,  de 
nous  avoir  dit  un  mot  du  monastère  de  Stoudion, 
de  nous  avoir  présenté,  au  moyen  d'une  bonne 
photographie,  la  façade  du  Métochion  du  Sinai 
dans  le  quartier  du  Phanar,  et  d'avoir  mis  sous 
nos  yeux  par  le  même  procédé  l'antique  beffroi 
du  couvent  de  Saint-Benoît  à  Galata,  sa  porte 
d'entrée,  franchement  byzantine,  et  la  façade 
du  couvent  deSaint-Pierre  dans  le  même  quartier. 


RHVUE  UB  l'art  CHRéXlBN. 
1404.  —  5*"®  LIVRAISON. 


422 


Bebuc  tie  r^rt  cbvctieu. 


C'est  ainsi  que  tout  en  se  cantonnant  hors  du 
domaine  de  l'architecture  proprement  religieuse, 
l'ouvrage  de  M.  le  général  de  Beylié  intéresse  à 
plusieurs  titres  les  amateurs  d'art  chrétien.  Tout 
spécialement  les  lecteurs  de  cette  Revue  seront 
heureux  de  voir  la  dédicace  adressée,  en  même 
temps  qu'au  R.  P.  Louis  Petit,  à  notre  collabo- 
rateur, M.  le  docteur  Mordtmann. 

L.  B. 


LE  PORTAIL  DE  L'ÉGLISE  DE  MIMISAN, 
par  G.  Beaurain.  —  Iti  8"  de  56  pp.,  illustré.  Paris, 
Champion,  1904. 

MIMISAN,  en  Aquitaine,  possédait  une 
église  de  la  transition  romano-gothique, 
démolie  en  1888  ;il  en  reste  la  tour  avec  un  très 
curieux  portail  historié  d'une  multitude  de 
figures  archaïques.  Au  tympan,  c'est  l'adoration 
des  mages,  et  dans  les  archivoltes  concentriques, 
le  Sauveur  entouré  des  vierges  sages  et  des 
vierges  folles,  les  douze  apôtres,  le  zodiaque. 
Dans  une  frise  au-dessus  du  portail  sont  rangées 
des  statues  d'apôtres,  des  deux  côtés  d'un  bas- 
relief  où  figure  le  Christ-Docteur  dans  un  quatre- 
feuille  à  nébules  (non  pas  à  feuillages  comme 
le  dit  l'auteur). 

M.  Beaurain  a  eu  la  bonne  pensée  d'analyser 
cette  page  d'iconographie  au  point  de  vue  du 
costume  royal,  chevaleresque,  sacerdotal  et  po- 
pulaire, comme  au  point  de  vue  du  mobilier  et 
des  symboles. 

Notons  que  la  polychromie  rehaussait  l'œuvre 
sculpturale. 

L.  C. 


GUIDE  DU  CONGRÈS  DU  PUY  DE  1904, 
par  M.  Noël  Thiollier.  —  In-8°  de  90  pp.  illust. 
Caen,  Delesque,  1904. 

M. Thiollier  a  donné  pour  l'utilité  des  membres 
du  dernier  Congrès  archéologique  de  France,  une 
série  de  courtes  et  très  bonnes  monographies  des 
monuments  du  Puy  et  des  environs, à  commencer 
par  la  cathédrale,  à  laquelle  il  a  consacré  naguère 
un  ouvrage  important(').Il  décrit  aussi  la  chapelle 
Saint-Jean,  l'église  Saint- Laurent,  la  chapelle 
octogone  et  la  chapelle  Saint-Michel  d'Aiguille. 
Les  excursions  ont  pour  objet  La  Rochelambert, 
Saint-Paulien  et  son  église  à  la  large  abside  de 
travers,  Polignac,  son  intéressant  château  et  son 
église  aux  trois  absides  rangées,  la  Chaise- Dieu 
et  son  importante  abbatiale,  Chamalière-sur- 
Loire  à  l'abside  énorme,  Clianteuges,  Brioude, 
(église  Saint-Julien  aux  longues  nefs  et  au  che- 

I.  Voir  Revue  de  V Art  chrétien,  année  1902,  p.  153. 


vet  rayonnant),  la  Voûte-sur-Loire,  Bouzols,  le 
Moiiastier.  Nous  avons  fait  connaître  antérieu- 
rement, d'après  M.  ThioUiert,  ous  les  édifices 
visités  dans  ces  localités  (').  .      p 

MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DU 
PUY,  par  M.  Noèl  Thiollikr.  —  In-8'  de  39  pp., 
illustré.  Le  Puy,  Marchessou,  1904. 

Sous  ce  titre,  M.  Thiollier  reproduit  le  ma- 
nuscrit de  l'architecte  Mallay,  qui  restaura  ou 
plutôt  remania  de  façon  déplorable  la  cathédrale 
au  inilieu  du  siècle  passé.  11  reproduit  d'instruc- 
tifs relevés  de  l'édifice  dressés  avant  la  restau- 
ration. ^^    c 

LA  CATHÉDRALE  DE  SAINT-JEAN  DE 
BEYROUTH,  par  M.  T.  Enlart.  —  In-4°  de  13  pp. 
ill.  Paris,  1904.  (Catalogue  des  Mémoires  de  la  Société 
des  Antiquaires  de  France.) 

Au  recueil  de  Mémoires  formé  à  l'occasion  du 
Centenaire  de  la  Société  des  Antiquaires,  M.  En- 
lart a  fourni  pour  contingent  une  très  intéressante 
monographie,  celle  d'une  des  plus  anciennes 
églises  élevées  par  les  Croisés, et  qui,  transformée 
en  mosquée,  avait  été  dérobée  jusqu'ici  presque 
entièrement  à  l'examen  des  archéologues.  Elle 
reproduit  le  type  d'une  église  romane  du  centre 
de  la  France.  M.  Enlart  a  rapporté  le  lever 
très  exact  en  plan  et  en  élévation,  ainsi  que  de 
bonnes  photographies  de  ce  monument  typique 
et  bien  conservé. 

C'est  une  triple  nef  à  piliers  cruciformes  de 
cinq  travées  précédées  d'un  porche  extérieur, ter- 
minées par  trois  absides  rangées  :  grande  nef 
voûtée  en  berceau  percé  de  lunettes,  au-dessus 
des  terrasses  couvrant  les  bas-côtés,  lesquels  sont 
voûtés  d'arête;  ce  dispositif,  que  favorise  le  climat 
oriental,  donne  lieu  à  un  bel  éclairage.  Les  ab- 
sides ont  des  corniches  à  modillons  historiés  et 
des  contreforts  à  colonnes  engagées. 

Saint-Jean  est  un  modèle  de  petite  cathédrale 
de  colonie,  et  le  type  des  églises  des  Croisés  de 
la  région.  r     ç 

NIEUPORT  ANCIEN  ET  MODERNE,  par 
G.  Wybo.  —  In-8"  de  135  pp.  illustré.  Bruges, 
Desclée,  1904.  En  vente  chez  l'auteur,  rue  Duques- 
noy,  40,  Tournai. 

l.a  Flandre  Occidentale  est  un  pays  très 
conservateur,  et  l'on  sait  qu'elle  garde  précieu- 
sement ses  richesses  historiques  ;  mais  ce  n'est 
point  un  pays  mort.  Bruges,  dite  la  morte,  vient 

I.  V,  Revue  de  l'Art  chrétien,  années  1901,  p.  68,  1903,  p.  339. 


BtbltograpDte» 


423 


de  creuser  un  port  à  la  navigation  internationale, 
d'ouvrir  la  première,  cette  exposition  des  «  pri- 
mitifs »,  aussitôt  imitée  à  Paris  et  à  Dusseldorf, 
et  d'envoyer  à  Saint-Louis  d'admirables  spéci- 
mens de  son  art  «  revival  ».  —  Tandis  que  Gand 
attendait  encore  un  guide  du  touriste  qui  n'ait 
pas  un  demi-siècle  d'âge  (MM. Bergman  et  Heins 
vont  nous  le  donner),  Bruges  en  a  trois  bons  ; 
Ypres  a  le  sien,  qui  est  un  modèle,  et  M.  Wybo 
nous  livre  à  présent  celui  de  Fumes,  édité  dans 
une  forme  analogue  au  précédent. 

C'est  un  charmant  volume,  plein  de  belles 
gravures,  où  l'on  rencontre  des  documents  choi- 
sis avec  intelligence,  comme  les  fac-similé  de 
certains  vieux  plans,  de  vieilles  vues  de  la  ville, 
tirées  du  retable  de  Lancelot  Blondeel,  des 
plans  à  terre  (toujours  si  précieux)  des  édifices, 
et  des  détails  d'œuvres  d'art  dont  cette  petite 
localité  est  pleine.  Citons  des  fragments  de 
peintures  murales  naguère  retrouvés  à  l'église 
de  Notre-Dame  et  dont  nous  avons  entretenu 
nos  lecteurs  ('),  les  stalles  et  les  tabernacles  en 
tourelle,  le  jubé  renaissance,  surtout  la  belle 
chaire  de  vérité,  qui  ne  connaît  guère  d'émulé 
que  son  aînée  de  Roucourt,  etc. 

I.  La  Revue  de  t Art  chrétien,  année  1899,  p.  86. 


EST 


I  CHflPEUt 
OE  N  D  OU 
SCUPtl.UnE 


CHflPCLLE 
DELA  TSmiTC- 


T^gESN^ 


CHAPELLE 
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Ch.lPELLE  DE 
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Église  de  Nieuport.  —  Plan. 


Eglise  de  Nieuport.  —  Vue  d'ensemble  (côté  sud.) 


424 


Wit\)m  tic  rSrr  cbvétieu. 


L'historique  de  la  ville  contient  une  intéres- 
sante notice  sur  la  chambre  de  rhétorique  remon- 
tant au  X1V>^  siècle  au  moins,  une  autre  sur  le 
Folklore  local. 

L'église  Notre-Dame  est  un  beau  spécimen  du 
type  delà  Flandre  maritime,  à  trois  nef  accolées, 


traversées  d'un  transept  saillant,  à  trois  chevets 
plats;  elle  date  du  X  V^  siècle  ;  la  grosse  tour,  jux- 
taposée, est  du  XV  I«  siècle.  Elle  possède  de 
belles  dalles  tumulaires  ;  nous  venons  de  parler 
de  son  intéressant  mobilier. 

Intéressant  est  l'hôtel  de  ville,  bâti  vers  1513 


Église  de  Nieuport.  —  Chaire  de  vérité. 


Le  musée  est  relativement  riche,  l'auteur  nous 
en  donne  un  petit  catalogue  très  utile  ('), 

La  Halle  surtout  est  un  chef-d'œuvre  du  genre, 
remarquable  par  son  unité  et  son  originalité. 

Voilà  un  guide  qui  peut  servir  de  modèle  ;  il 
nous  en  faudrait  un  centaine  de  pareils  pour  les 
petites  cités  belges.  .       p 


I.  Une  petite  observation  :  il  donne  le  nom  de  grotesques  i  des 
corbeaux  à  masques  grimaçants  ;  il  vaut  mieu.t  ne  pas  dénaturer  le 
sens  du  mot  gotesque.  à  peu  près  synonyme  d'araàesque. 


L^V  SCULPTURE  DU  XIV  SIÈCLE  DANS  LA 
RÉGION  DE  TROYES,  par  R.  Kœchlin  Petit 
m-8",  36  pp.  nombreuses  illustrations.  Caen,  Delesque, 
1904. 

Le  fil  conducteur  de  cette  charmante  étude 
réside  dans  l'influence  idéaliste  dont  M.  Kœchlin 
constate  la  persistance  à  travers  une  période 
imprégnée  du  réalisme  flamand,  que  L.  Courajod 
a  mis  en  évidence. 

Il  s'occupe  spécialement  des  statues  de  Vierges 
dont  il  subsiste  une  belle  série.  Ce  sujet  d'élection 


de  la  sculpture  médiévale  n'a  jamais 
été  l'objet  d'un  classement  métho- 
dique, ni  d'une  étude  d'ensemble, étude 
bien  intéressante  qu'aborde  notre  au- 
teur. 

Il  rappelle  qu'au  XIII>=  siècle  l'œu- 
vre d'art  fut  avant  tout  religieuse  ; 
tout  détail  trop  individuel  était  écarté, 
même  toute  fantaisie  propre  à  dis- 
traire l'attention.  Les  grands  maîtres 
d'alors  avaient  réussi  à  respecter  la 
nature  tout  en  l'épurant  et  à  ne  point 
tomber  dans  la  formule  vide  de  souffle. 
Chez  les  ouvriers  sans  génie,  la  part 
d'observation  de  la  nature  que  ^com- 
portait la  transformation  du  style  di- 
minue et  l'on  tombe  dans  le  poncif  au 
XIV"  siècle.  L'exagération  de  l'idéa- 
lisme engendre  alors  le  maniérisme. 
C'est  ce  que  montre  la  collection 
souverainement  curieuse  de  Vierges 
troyennes  exhibée  par  M.  K. 

La  gracieuse  Vierge  de  Fouchères, 
si  prestigieuse  sur  le  fût  d'une  haute 
croix  de  pierre,  qu'abrite  un  platane 
séculaire  à  l'entrée  du  village,  est  sin- 
gulièrement instructive  à  examiner 
de  près.  Les  plis  de  la  draperie  sont 
déjà  d'une  certaine  sécheresse,  et  le 
maniérisme  de  l'expression  s'accen- 
tue ;  quelle  distance  entre  le  beau  et 
le  chaud  sourire  de  la  Vierge  dorée 
d'Amiens,  et  le  sourire  très  fin,  mais 
véritablement  figé  de  notre  madone. 
Nous  sommes  à  la  transition. 

Si  l'on  avance,  on  constate  la  bana- 
lité du  type,  la  rondeur  d'un  visage 
moins  expressif,  et  le  déhanchement 
du  corps.  Pour  ce  qui  est  de  la  froi- 
deur du  visage,  elle  tient  à  la  désac- 
coutumance,  de  la  part  des  imagiers, 
de  l'observation  directe  de  la  nature  ; 
au  XII I"  siècle 
on  la  simplifiait 
pour  l'idéaliser, 
mais  elle  de- 
meurait à  la  ba- 
se de  l'art  ;  peu 
à  peu  l'imagier 
s'en  tint  au  pon- 
cif et  l'on  en  a 
les  premiers  ex- 
emples dans  la 


^•^\v 


■^J*li 


C33SÏ=^==5Ji^, , 


Vierge  de  Fouchères. 


Vierge  de  Sainte-Savine  à  Troyes.  Quant  au 
déhanchement,  il  vient  de  ce  qu'au  XIV<=  siècle 
la  coutume  s'implanta  de  poser  les  statues  non 
plus  sur  deux  jambes,  mais  sur  une  seule  ;  on 


fit  ressortir  la  hanche,  et  le  contraste 
de  deux  lignes,  l'une  rentrante,  l'autre 
sortante,  fut  encore  accentué  par  le 
mouvement  en  arrière  des  épaules  né- 
cessité par  le  poids  de  l'enfant  tenu 
sur  le  bras. Cette  attitude  apoaraît  déjà 
au  Xlir  siècle  dans  la  Vierge  du 
portail  nord  de  N.-D.  de  Paris.  Il  suffit 
d'exagérer  ce  geste  pour  produire 
l'effet  caractéristique  trop  cher  aux 
imagiers  du  XIV«  siècle  et  qu'on  a 
voulu  expliquer  par  les  statues  d'ivoire 
tirées  d'une  dent  d'éléphant.  Le  déhan- 
chement transporté  dans  les  figures 
sans  charge,  devint  une  contorsion 
insupportable  pour  nous  comme  les 
modes  passées. 

Le  déhanchement  est  du  reste  ac- 
cusé par  la  forme  de  la  draperie.  Tan- 
dis qu'au  XIII«  siècle  l'ample  manteau 
laissait  à  peine  entrevoir  la  robe,  il 
passe  maintenant  devant  le  buste 
d'une  épaule  sous  le  bras  qui  porte 
l'enfant,  formant  de  larges  plis  diago- 
naux ;  au  XIV«  siècle  le  manteau  se 
rétrécit  et  tend  à  devenir  une  sorte 
d'écharpe  tombant  de  la  ceinture  aux 
genoux  en  des  plis  striés.  Cette  dra- 
perie verticale,  coupant  les  plis  dia- 
gonaux et  profonds  de  la  robe,  accuse 
le  déhanchement,  mis  surtout  encore 
en  relief  par  les  plis  tombant  du  bras 
qui  porte  l'enfant  en  une  sorte  de  lai 
à  escaliers  ou  à  volutes,  véritable  ex- 
croissance qu'on  greffe  sur  la  hanche 
déjà  proéminente. 

Ici  l'auteur   pousse  à  l'extrême  les 
défauts  qui  caractérisent  le  style  du 
XIV<=  siècle,  dans  la  région  de  Troyes 
plus  qu'ailleurs  ;  mais  la  plupart  des 
Vierges  du  XIV  siècle  offrent  l'un 
ou  l'autre  trait  de  ce 
maniérisme.      Cette 
évolution   de  l'école 
traditionnelle    fran- 
çaise   était   achevée 
vers  la  fin  du  XIV-^ 
siècle  ;   mais  le  type 
subsista  encore  long- 
temps, surtout  dans 
la  Champagne,  qui  a 
échappé,    plus    que 
toute  autre  contrée, 
à  l'influence  bourguignonne  et  flamande. 

En  somme  l'art  troyen  fut  surtout  idéal,  d'une 
grande  finesse  et  d'une  remarquable  unité.  A  la 
fin  du  moyen  âge,  la  formule  gothique  s'efface  et 


426 


^tWt  De  rart  cbrctieiu 


apparaît  ensuite  un  art  plus  près  de  la  nature,  et, 
à  côté  d'une  école  puissante  d'influence  flamande, 
on  constate  ici,  comme  sur  la  Loire,  à  la  Renais- 
sance, des  ateliers  d'un  style  tout  français,  issus 
de  l'école  traditionnelle  du  XI«  siècle. 

L.  Cloquet. 


NOTICE    SUR    LA    CONSTRUCTION   DE   LA 

CHAISE-DIEU  (1344-1352),  par  M.  Maurice  Fau- 
con. —  In-S",  68  pp.  Paris,  Picard,  1904. 

Le  pape  Clément  VLancien  moine  de  laChaise- 
Dieu,  entreprit,  deux  ans  après  son  avènement, 
de  refaire  l'abbatiale  élevée  au  XI"^  siècle,  par 
saint  Robert.  —  M.  Faucon  a  recueilli  dans  les 
archives  locales  et  dans  celles  du  Vatican  l'his- 
toire détaillée  de  cette  reconstruction,  qui  coûta 
une  somme  équivalente  à  près  de  2  millions  de 
notre  monnaie  actuelle,  non  compris  les  trois 
dernières  travées  et  les  tours  exécutées  sous  Gré- 
goire XI. 

On  connaît  depuis  peu  l'architecte  de  cet  édi- 
fice, Hugues  Morel,  sans  doute  un  provençal  ;  il 
avait  sous  ses  ordres  deux  «  maîtres  de  la  fabri- 
que »,  Pierre  Falciat  et  Pierre  de  Cebazat.  La 
construction  fut  menée  avec  une  rapidité  sur- 
prenante. En  1346,  on  jetait  bas  la  nef  et  les 
clochers  de  la  vieille  église  ;  deux  ans  après,  on 
voûtait  la  nouvelle  ;  le  parachèvement  dura  toute- 
fois jusqu'en  1350.  Notre  auteur  peut  citer  par 
leurs  noms  et  prénoms  les  ouvriers  même  qui 
ont  taillé  et  sculpté  toutes  les  pierres. 

Dom  Tiolier  doit  s'être  trompé  en  avançant  que 
la  façade  occidentale  a  été  construite  sous  Clé- 
ment VI.  M.  Faucon  se  croit  en  mesure  d'assurer 
que  le  clocher  seul  date  de  cette  époque. 

La  notice  abonde  en  détails  très  curieux  sur 
les  circonstances  de  l'entreprise.  Nous  y  voyons 
que,  contrairement  au  préjugé  répandu,  aucune 
des  tâches  de  l'œuvre  n'était  l'objet  de  corvées,  ni 
exigée  à  titre  de  redevance  ;  le  travail  était  libre 
et  largement  rétribué. 

Notons  les  grands  traits  de  l'église  :  elle  me- 
sure j6  m.  de  longueur,  24  de  largeur,  près  de  19 
de  hauteur  sous  clef  ;  le  largeur  de  la  nef  est  de 
15  m.  Elle  est  à  trois  nefs,  de  hauteur  à  peu  près 
égale,  de  9  travées  à  piliers  octogonaux  où  se 
noient  les  nervures. 

Les  jours  sont  étroits  et  l'intérieur  est  sombre  ; 
l'effet  austère  était  atténué  par  la  polychromie 
dont  on  retrouve  les  traces.  A  l'extérieur,  pas 
d'arcs-boutants,  des  contreforts  à  larges  glacis. 

Le  regretté  Mtintz  a  découvert  dans  les  archi- 
ves du  Vatican  l'auteur  des  fresques  d'Avignon, 
Mateo  di    Giovanetto  de  Viterbe,  le   favori  de 


Clément  VI  ;  c'est  à  lui  que  le  pape  recourut 
aussi  pour  décorer  La  Chaise- Dieu  ;  il  y  exécuta 
des  fresques  et  peignit  deux  tableaux  pour  les 
autels. Il  dessina  sur  papier  les  28  i  histoires  »  de 
saint  Robert  qui  devaient  figurer  sur  la  châsse  du 
fondateur,  commandée  par  Clément  VI  (1352). 
Citons  pour  mémoire  \a.Dnnse  mûCûôn',b'\entôt  ef- 
facée, heureusement  relevée  par  M.  L.  Giron  (').R'-"' 
est  postérieure  d'un  siècle  aux  peintures  de  IVIat- 
teo.  Inutile  d'insister  sur  la  grosse  erreur  qui  a 
fait  attribuer  longtemps  à  Taddeo  Gadi  les  hau- 
telisses  flamandes  célèbres,  de  Jacques  de  Saint- 
Nectaire.  Taddeo  n'a  pas  travaillé  à  la  Chaise- 
Dieu. 

On  connaîtl'effigie  couchée  de  ClémentVI, par- 
tie principale  de  son  mausolée  mutilé.  On  ignoie 
généralement  que  sur  les  faces  du  sarcophage 
étaient  rangés  en  garde  d'honneur  quarante-qua- 
tre personnages, cardinaux,  archevêques,  évêques 
et  seigneurs  de  la  cour  du  pontife.  Cet  ouvrage 
s'inspirait  du  tombeau  de  Jean  XXII,  exécuté 
à  Avignon  par  M"^  Jean  de  Paris,  orné  de  75 
statuettes  aujourd'hui  dispersées.  M.  Faucon  a  la 
bonne  fortune  de  connaître  le  nom  des  auteurs 
du  tombeau  de  Clément  VI.  C'est  un  maître 
nommé  Pierre  Roye,  et  ses  deux  aides,  Jean  de 
Santolis  et  Jean  David. Roye  était  probablement 
du  Nord  ;  ses  aides  du  Midi.  Ainsi  tombe  encore 
une  légende,  celle  qui  attribuait  l'ouvrage  à  un 
artiste  italien. 

De  la  notice  de  M.  Faucon   nous  n'avons  ex- 
I    trait   que  quelques   indications    de  valeur  hors 
ligne  ;  mais  elle  est  toute  pleine  de  données  du 
plus  haut  intérêt. C'est  un  travail  de  premier  ordre. 

L.  C. 


LE  RETABLE  DE  MAIGNELAY,  par  l'abbé 
Marsaux,  broch.  Daix,  Clertnont,  1904.  (Exlr.  des 
Mém.  de  la  Soc.  hisf.  et  arch'eol.  de  Clermont.) 

La  jolie  église  de  IVIaignelay  possède  un  riche 
retable  en  bois  sculpté,  déjà  signalé,  mais  pas 
encore  décrit  de  façon  méthodique,  qu'on  peut 
rapprocher  de  ceux  de  Marissel,  et  de  Thou- 
rotte.  iVI.  P.  Vitry  l'a  signalé  comme  «  un  type 
des  meilleures  productions  de  l'école  braban- 
çonne ».  Il  représente  le  crucifiement,  en  un 
grand  bas-relief  véhémentement  mouvementé, 
entre  deu.x  autres,  beaucoup  moins  hauts,  figurant 
le  portement  de  croix  à  dextre,  la  déposition,  à 
sénestre.  Dans  son  étage  bas  formant  pseudo- 
predelle,  la  scène  de  l'enfance  du  Sauveur.  Les 
volets  sont  peints  et  représentent  des  scènes 
bibliques  à  l'extérieur;  à  l'intérieur,  la  Présenta- 

I.  Voir  Revue  de  C  Arl  chrilien,  année  1884,  p.  401. 


BtbHograpl)te. 


427 


tion  et  le  mariage  de  la  Ste  Vierge,  le  jugement 
de  Pilate  et  la  trahison  de  Judas, la  Circoncision, la 
Résurrection,  le  repos  en  Egypte  et  l'Ascension. 
M.  Marsaux  décrit  ces  scènes  avec  le  soin  qui 
le  caractérise,  et  l'érudition  qu'on  lui  connaît  en 
matière  d'iconographie  chrétienne. 

L.  C. 


■^m  Bérioliiques* 


L'EFFORT. 

Nous  avons  applaudi,  avec  toute  la  sympa- 
thie qu'elles  méritent,  aux  bonnes  œuvres  de  la 
vaillante  Fédération  de  la  jeunesse  catliolique  de 
Ronbaix,  qui  devrait  susciter  des  émules  dans 
toute  la  F'rance.  Nous  notons  avec  plaisir  que 
parmi  les  multiples  objets  de  sa  généreuse  acti- 
vité elles  ne  néglige  pas  l'art  chrétien.  Elle  pos- 
sède un  Cercle  d'art  sous  les  auspices  de  Notre- 
Dame  de  la  Treille  ;  nous  notons  une  conférence 
sur  le  Sty/e  gothique  en  Bretagne,  qu'y  a  donnée 
récemment  M.  Maurice  Glorieux. 


BULLKTIN   MONUMENTAL. 

La  première  livraison  de  cette  année  (n°  i  et  2) 
est  fort  intéressante.  Nous  y  trouvons  d'abord  la 
fin  de  l'étude  historique  et  archéologique  de  M. 
L.  H.  Labande  sur  Saint-Trophime  d'Arles.  — 
Cet  édifice, dont  le  plan  présente  une  remarquable 
unité,  est  cependant  de  différentes  époques.  On 
garde  quelques  maçonneries  de  la  fin  du  VIII« 
siècle.  Le  transept  présente  un  caractère  archaï- 
que :   les    croisillons   sont   voûtés    de  blocaille  ; 


la  coupole  porte  sur  des  trompes  en  cul  de  four. 
M.  Labande  attribue  cette  construction  au  milieu 
du  X«  siècle,  et  il  y  rattache  la  travée  voisine  du 
transept. 

Entre  107S  et  1 1 52,  on  édifia  une  crypte  à  che- 
vet pour  y  recevoir  les  reliques  de  saint  Trophi- 
me.  C'est  après  1078  qu'on  reprit  la  construc- 
tion des  nefs  actuelles.  M.  de  Lasteyrie  a  établi 
que  le  portail  date  des  20  dernières  années  du 
XII«  siècle  (I). 

En  ce  qui  concerne  l'époque  du  cloître,  attri- 
bué par  M.  R.  de  Lasteyrie  à  la  fin  du  XII« 
siècle,  l'auteur  corrobore  cette  opinion.  Le  dor- 
toir était  construit  en  II 80;  le  bâtiment  claus- 
tral était  complet  en  1195. 

Nous  ne  pouvons  que  signaler  comme  étude 
documentaire  l'article  de  M.  A.  Philippe,  sur 
l'architecture  religieuse  romane  du  diocèse 
d'Auxerre.  On  y  trouve  étudiées  les  églises  de 
Garchy,  de  Bazarne,  de  Druyes,  de  Sacy,  de 
Vermenton,  d'Escolives,  de  Saint-Agnan  de 
Cosne,  et  de  Donsy  ;  les  clochers  sont  intéres- 
sants, surtout  ceux  de  St-Germain  et  de  St-Eu- 
sèbe  d'Auxerre. 

M.  E.  Lefèbre-Pontalis  propose,  preuves  à  la 
main,  de  regarder  Jean  Langlois  comme  le  vé- 
ritable architecte  de  St- Urbain  de  Troyes  (1262- 
1266),  ce  chef-d'œuvre  de  l'architecture  go- 
thique. 

CORRESPONDANCE   ARCHÉOLOGIQUE. 

Le  n°  de  juin  1904  contient  de  nombreux 
documents  sur  l'histoire, à  partir  de  sa  fondation 
''1742),  de  l'église  de  Neuilly. 

I,  Nous  donnerons  prochainement  le  résumé  des  recherches  de 
M.  de  Lasteyrie  sur  cet  édifice. 


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428 


IRebue  ïje  V^xt  t\)xttitn. 


Xiidei*  bibltograpl)îque. 


M  iSf  'V  'V  •'V  «If'  •5r'  «V  Of'  .V  •"■«•■  •';;■  At  «V  -s?  Or'  ^ir  ^»'  -V  «ïr'  <ïf  ^'  JV  «ïr  ^ 

:^rcl)éologîc  etBeaiu' arr0 '\ 


JFrancc. 


*  Beaurain  (G,).  —  Le  portail  de  l'église  de 
MiMiSAN. —  In  8°  de  56  pp.,  illustré.  Paris,  Champion, 
1904 

Berthelé  (Jos.).  —  Archives  de  la  ville  de 
Montpellier,  inventaires  et  documents.  —  T.  III. 
Fasc.  III,  IV  et  V.  —  In-4'',  16  pi.  et  fig.,  612  pp. 
Montpellier,  Sem  et  Roumégous,  1904. 

Casati  de  Casatis  (Ch.).  —  Note  sur  les  deux 
Précurseurs  de  l'art  français,  le  duc  de  Berry 
ET  LE  ROI  René  et  sur  un  monument  historique 
menacé  de  ruine.  —  In-8°,  29  pp.  Paris,  Picard, 
1904. 

Clausse  (G.)  —  Les  cathédrales  de  Côme  et 
Bernardino  Luini.  Conférence  donnée  le  12  mars 
1904.  —  In-8°,  79  pp.  avec  grav.  Paris,  1904. 

*  de  Beylié  (Le  général  L.)  —  Les  anciennes 
maisons  de  Constantinople.  —  In-S",  X-27  pp., 
ir  pi.  hors  texte  et  15  grav.  Paris,  Leroux  et  Gre- 
noble, Falque  et  Perrin,  1903.  —  Ce  volume  est  un 
supplément  à  \ Habitation  byzantine,  du  même  auteur 
(voir  Revue  de  r Art  chrétien,  janvier  1904). 

Durand  (G.).  —  Monographie  de  l'Église 
Notre-Dame,  cathédrale  d'Amiens  ( Mémoire  de  la 
Société  des  antiquaires  de  Picardie).  —  In  4°,  664  pp., 
62  pi.  et  fig.  Paris,  Picard,  1903. 

*  Enlart  (C).  —  La  cathédrale  de  Saint  Jean 
DE  Beyrouth.  —  In-4°,  13  pp.,  iil.  Paris,  1904. 
(Catalogue  des  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires 
de  France.) 

*  Faucon  (Maurice).  —  Notice  sur  la  cons- 
truction de  la  Chaise-Dieu  (1344-1352).  —  In-8°, 
98  pp.  Paris,  Picard,  1904. 

Gaffre  (R.-P.).  —  Les  portraits  du  Christ.  — 
In-4°,  234  pp.,  23  pi.,  130  grav.  et  illustr.  Paris,  Le- 
coffre,  1903. 

Humblot  (E.).  —  Étude  d'archéologie  régio- 
nale. Documents  sur  la  sculpture  religieuse  du 
pays  Joinvillois  et  de  la  Haute-Marne. Croix  et 
DIEUX  DE  pitié. —  In-4'',  209  pp.  loôdcssins.  St-Dizier 
Godard,  1903. 

Jousset  (P.).  —  L'Italie  illustrée.  In-4'', 
nombr.    illustr.   —  Paris,  Larousse,  1904.    21  fr. 


I.   Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  (*)  ont  été,  sont  ou 
seront  l'objet  d'un  article  bibliographique  dans  la  Revue. 


*  Kœchlin  (R.).  —  La  sculpture  du  XIV«  siè- 
cle DANS  LA  région  DE  Troyes  —  Petit  in-8", 
36  pp.,  nombr.  illustr..  Caen,  Delesque,  1904. 

Le  Clert  (L.).  —  Les  Castra  et  les  Oppida  de 
l'Aube  (Compte  rendu  du  69"=  congrès  archéologique 
de  France). 

Marucchi  (O.).  —  Le  forum  romain  et  le 
palatin  d'après  les  dernières  découvertes.  — 
In-8°,  398  pp.  plan  et  grav.  Paris,  Rome,  Desclée, 
Lefebvre  et  C"^,  1903. 

*  Marsoul  (Abbé).  —  Le  retable  de  Mai- 
gnelay.  —  Broch.,  Daix,  Clermont,  1904. 

Serrigny  {¥,.).  —  Visite  a  l'église  de  Longeau 
(Haute-Marne).  L'ensevelissement  du  Christ  (bas- 
relief  reproduit  en  phototypie)  ;  un  bassin  ancien  en 
cuivre  repoussé.  —  In-8°,  13  p.  et  pi.  Langres,  Imp. 
Champenoise,  1903. 

*  Thiollier  (M.).  —  Guide  du  Congrès  du  Puy 
DE  1904.  —  In-8",  90  pp.  ill.  Caen,  Delesque,  1904. 

*  Le  même.  —  Monographie  de  la  cathé- 
drale DU  Puy.  —  In  8"  de  39  pp.  ill.  Le  Puy, 
Marchesson,  1904 


aucmamic. 


Baedeker  (R.).  Italie  septentrionale  jusqu'à 
Livourne,  Florence  et  Ravenne.  Manuel  du 
voyageur,  16=  édition.  In-i6,  580  pp.,  70  plans,  cartes. 
Leipzig,  Baedeker,  1904. 

Fâh(A.).  —  Geschichte  der  bildenden  Kunste, 
2'  éd.  —  In  8°,  785  pp.,  36  pi.  940  fig.  Fribourg, 
Herder,  1903. 

Luthmer  (F.).  —  Romanische  Ornamente  und 
Baudenkmaler    in   Beispielen   aus   kirchlichen 

UND  PROFANEN  BaUWERKEN  DES  XI  bis  XIII  JaHRH. 
2"  SÉRIE.  ORNAMENTALE  EiNZELHElTEN  AUS  ROMA- 
NISCHEN    BaUWERKEN    DER    SCHWEIZ.  —  In-fol.   2  p., 

30  pi.  Francfort,  Keller.  1903. 

Nicklès  (C).  —  La  chartreuse  du  Val  S"- 
Marguerite  a  Bale.  —  In-8°,  360  pp.,  18  pi.  Bâle. 
Basier  Buch  und  Antiquariatshandl. 

Stephani  (K.-G.).  —  Der  aelteste  deutsche 
Wohnbau  UNO  SEINE  EiNRiCHTUNG. —  2  vol. Leipzig, 
Baumgàrtner,  1902-1903. 

Slrzygowski  (J.).  —  Der  Dom  zu  Aachen  und 
SEINE  Enststellung.  —  loo  pp.,  48  grav.  Leipzig, 
Hinrichs,  1904. 

Tode  (H.).  —  Michelangelo  und  das  Ende  der 
Renaissance.  T.  II.  Der  Dichter  und  die  Ideen 
DER  Renaissance.  —  In-8°,  487  pp.,  i  fig.  Berlin, 
Grote,  1903. 


anglcterrc. 


Allen  elAnderson  (J.).  — Theearly Christian 

MONUMENTS    OF  SCOTLAND.   EDIMBOURG.    MU'Jeum    of 

antiquities,  1904. 

Strutt    (E.-C).     —    MiCHELANGELO    (MINIATURE 

SERIES  OF  PAiNiERS.)  —  In-iS,  96  pp.  Londres,  Bell. 

Styan  (K.).  —  History  of  sepulchral  cross- 
SLAiiS.  —  In-8°,  45  pp.,  71  fig.  Londres,  Bemrose,  1903. 

Wolfflin  (H.).  —  The  art  of  the  itat.ian  Re- 
naissance. A  HANDB00K  for  students  and  travel- 
lers.  From  THE  German.  With  a  prefactory  note 
liY  W.  Armstrong.  —  In-4°,  290  pp.  Londres,  Heine 
mann. 


Jtatic. 


Catalano  (M. C).   —  Corso  fondamentale  di 

ARCHKOLOGIA    CRISTIANA.    T.   L     La    CATACOMBA    CRI- 

STIANA.  —  Naples,  M.  d'Auria. 

Niti  di  Vito  (F.).  —  Il  tesoro  di  S.  Nicolao 
1)1  Bari.  —  Trani,  Vecchi,  1903. 


Pologne. 


Chledowski   (K.).  —  Siena.   —  Un   vol.  in-8", 
\v1-528  p.,  avec  72  pi.  Cracovie,  1904. 

^=—=^=  Danemark. 


Dan.marks  Malerkunst.  Billeder  og  biogra- 
PiiiER  samlede  of  c.  a.  Been.  Introduction  par 
C.  Hannover.  Fasc.  27-29.  —  In-4°,  Copenhage, 
Nordisch   Forlog. 


Puisse. 


Vetter  (F.).  —  Das  Kloster  S.  Georgen  in 
Stein  a  Rh.  als  Heim  klosterlichen  Kunst  und 
Geschichte  fur  die  Kantone  Sch.\ffhausen  und 


Thurgau.  Denkschrift,  den  beiden  hohen  Kan- 
tonsregierungen  gewidmet  inJahredesSchauff- 
hausers  Bundesfeier.  —  In-4°,  16  pp.  Berne, 
Stampflictir,  1903 


autricbe. 


Neuwirth  (J.).  —  Cistercienserkunst  in 
Oesterreich  waehrenddes  Mittelalters  (Rekto- 
ratsrede).  —  In-8°,  35  pp.  Vienne,  GéroldetCie,  1903. 


TBelgiquc=î^ollanDc. 


Destrée  (J.).  —  Musées  Royaux  des  Arts 
décoratifs  et  industriels. —  Catalogue  des  ivoires, 
des  objets  en  nacre,  en  os  gravé  et  en  cire  peinte. 
Bruxelles,  Bruylant,  1902. 

DestréeQ.).  —  Notes  sur  les  primitifs  italiens 
N"  3.  Sur  quelques  peintres  de  Sienne.  —  In-8°, 
132  pp.,  grav.  Bruxelles,  Dietrich,  1903 

Enschedé.  —  De  Sint-Bavo  ofgroote  kerk  te 
Harlem.  —  24  pp.,  i6  phototyp.  et  fig.  Harlem, 
Loosjes. 

Gimberg  (J.).  —  De  muurschilderingen  in  de 
St-Walburgskerk  te  Zutphen,  Beknopte  be- 
schrijving.  —  In-80,  19  pp.  et  pi,  Zutphen,  Thierne, 
1903. 

Nimal  (H.).  —  L'Église  de  Villers.  Étude 
historique  et  archéologique  avec  en  appendice 
un  manuscrit  du  XVIII»  siècle,  décrivant  les 
sépultures.  —  In-8°,  72  pp.  Bruxelles,  Schepens, 
1904. 

Verkest  (M.).  —  De  hoofdkerk  van  Brugge  en 
haar  kunstschat  ^  In-4",  31  pp.,  grav.  et  portr. 
Gand,  Hoste,  1903. 

*  Wybo  (G.).  —  NiEUPORT  ancien  et  moderne. 
—  In-8°,  135  pp.  illustr,  Bruges,  Desclée,  1904. 


I^i^^l!^-^^.  -^^  ^  ^-  ^  ^-  ^  ^-  "^  '^-  '^^-  ^-  '^^i^à^ii^:^i!^i!^^il^Ll^i!^ 

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Cl)rOntC(UC.  sommaire:  le  concours  pour  le  prix  de  ROME.—  RO- 
GIER  DE  TOURNAI.  —  BRUXELLES:  basilique  de  Koekelberg.  —  MONUMENTS 
ANCIENS:  Chartres;  portails  romains;  Châlons  ;  Alby  ;  Armagh;  Mulhouse  ;  Carthage  ; 
Furnes  ;  Hautem-Saint-Liévin  ;  Louvain  ;  Saint-Quentin;  Walcourt  ;  Courtrai  ;  Alost  ; 
Tirlemont,   etc.    —   VARIA  :   Tapisseries  à   Angers.         


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Jlcs  Concours  pour  le  Brir  ne  Home. 

OUS  lisons  dans  le  Courrier  de  F  Art 
et  de  la  curiosité'  de  judicieuses  ré- 
fle.xions  sur  le  dernier  concours  des 
pensionnaires  de  la  villa  Médicis. 

En  proposant  aux  architectes  comme  thème  de  con- 
cours l'édification  d'une  nouvelle  Manufacture  nationale 
des  Gobelins,  l'Institut  a  entendu  soustraire  les  activités 
à  l'ambition  vaine  d'un  art  de  parade  et  les  obliger, 
de  vive  force,  à  respecter  les  exigences,  trop  souvent  mé- 
connues, de  la  destination.  Si  la  pensée  ne  laisse  pas 
d'être  louable,  l'ensemble  des  projets  s'accorde  à  établir 
que  l'enseignement  distribué  à  l'école  sait  mal  favoriser 
une  conception  architecturale  utilitaire  et  pratique.  Le 
manque  de  simplicité,  de  personnalité,  de  rationalisme, 
est  ici  presque  constant.  L'idée  de  la  destination  n'est 
guère  suggérée  par  les  façades  à  colonnes  ou  à  pilastres, 
près  d'éd'ifices  pompeux;leur  aspect,  qui  rappelle  maintes 
fois  celui  des  fâcheux  Palais  des  Champs-Elysées,  annon- 
ce tout  aussi  bien  un  musée, une  mairie, une  école.qu'une 
manufacture  d'État.  Qu'il  soit  loisible  de  rencontrer  de 
ci  de  là,  dans  les  dispositions  générales  d'un  plan,  quel- 
que aménagement  ingénieux,  ou  même  chez  MM.  Alaux, 
Tauzin,  Hébrard  d'honorables  velléités  de  logique,  je 
raccorde,mais  aucun  emploi  de  matériaux  spécial,  si  bien 
indiqué  en  la  circonstance,  et  pas  davantage  de  régénéra- 
tion dans  le  décor,  à  tout  instant  surchargé  ou  poncif  A 
juger  d'après  ce  concours,  les  architectes  du  quai  Man- 
quais paraissent  résolument  étrangers  à  ce  qui  se  passe 
au  dehors  et  bien  peu  se  montrent  acquis  au  principe  du 
renouvellement  nécessaire  de  l'art  et  de  son  adaptation 
aux  besoins  modernes. 

Tout  différents  les  sculpteurs  !  On  leur  a  demandé  de 
représenter,  dans  une  figure.  Saint  Jean-Baptiste  prêchant 
dans  le  désert,  et  la  plupart  ont  pensé  à  Auguste  Rodin 
non  moins  qu'à  Donatello.  La  hantise  de  l'œuvre  du 
Luxembourg  apparaît  partout  :  celui-ci  s'est  souvenu  de 
l'élan  de  la  marche  ;  cet  autre  a  reproduit,  dans  sa  ressem- 
blance quasi  littérale,  le  masque  de  la  statue,  les  traits  et 
la  bouche  ouverte.  .Saint  Jean  devient,  selon  M.  Fabre  et 
M.  Brasseur,  un  illuminé  à  la  face  convulsée,  à  l'oeil 
hagard,  ou  d'après  la  fiction  de  M.  Benneteau,  de  M.  Lar- 
rivé,  une  sorte  d'énergumène,  à  la  gesticulation  désor- 
donnée. L'invention  demeure  aussi  dramatique,  dans  son 
expression  plus  mesurée,  chez  MM.  Descatoire  et  Cau- 
mont,  et  surtout  chez  M.  Biaise  et  M.  Févola  en  l'avenir 
desquels  on  placera  de  belles  espérances.  Seul  M.  Grenier 
a  imaginé  un  saint  Jean  Baptiste,  jeune,  imberbe  presque, 
non  sans  séduction  et  dont  la  contenance  timide  détonne 
parmi  l'exubérance  de  tant  d'allures  d'une  fougue  tour- 
mentée. 

Sur  les  dix  concurrents  au  prix  de  peinture,  deux,  M. 
Pierre  Gourdault  et  M.  Concaret,  ont  été  mis  en  belle  lu- 
mière, grâce  au  dernier  Salon.  Sans  prétendre  que  leurs 
versions  respectives  de  la  Décollation  de  saint  Jean  valent 
les  ouvrages  naguère  applaudis  au  (irand  Palais,  c'est 
justice  de  reconnaître  en  ces  nouveaux  travaux  la  confir- 
mation des  dons  par  où  leurs  auteurs  avaient  su  d'emblée 
conquérir  le  public.  Derechef  on  goûte  la  puissance  du 
coloris,  la  diffusion  heureuse  de  l'éclairage,  ainsi  que  les 
libres  accents  d'un  métier  sain,  ample  et  souple.  Il  y  a 


encore  révélation  d'un  vrai  tempérament  de  peintre  de 
la  part  de  M.  Godefroy  —  dont  la  toile  s'empreint  joliment 
des  matités  sourdes  de  la  fresque,  —  et  de  la  part  de 
M.  Aubry  ;  certes,  dans  l'envoi  de  M.  Aubry,  le  visage  de 
Salomé  est  d'une  construction  bizarre,  mais,  en  compen- 
sation, quel  plaisant  concert  de  nuances  assorties  à  souhait 
pour  la  joie  du  regard  !  Avec  moins  d'originalité,  peut- 
être,  M.  Muller  s'atteste  quand  même  un  coloriste  discret 
auquel  tout  éclat  et  toute  vulgarité  spontanément  ré- 
pugnent. 

R.   M. 


BLogier  De  Tournai  et  Zanctto  Bugatto 

Nous  trouvons    dans   le   même   périodique   la 
très  intéressante  communication  qui  suit  : 

ES  historiens  de  la  peinture  flamande  au 
XV=  siècle  ne  paraissent  pas  avoir  fait  at- 
tention à  deux  textes  très  importants  relatifs 
à  Rogier  van  der  Weyden ,  qui  ont  été  publiés 
en  1902  par  M.  Malaguzzi  Valeri  ( Pittori 
Lonibardi  del  (luattrocento,  p.  125  et  suiv.).  Je  les  ai  si- 
gnalés brièvement  dans  \&  Journal  des  savants  {n^o^, 
p.  iSi). 

Le  36  décembre  1460,  le  peintre  Zanelto  Bugatto,  pro- 
tégé de  Francesco  Sforza  et  de  sa  femme  Blanca  Maria, 
est  recommandé  par  le  duc  de  Milan  au  duc  de  Bour- 
gogne ;  il  se  rend  dans  les  États  de  ce  dernier  prince  pour 
profiter  des  leçons  du  célèbre  maître  Guillaume  :«  .Ideo 
cidem  arti  dcditus  est,  ut  auditâjamâ  Mai^istri  Gulielmi 
apud prcfatam  vestram  dominationein  seu  in  partibus  illis 
renwrantis,  qui  artis  illius  pre  ceteris  optiinavi  cognitio- 
neni  liabete  predicatur,  ohtenta  a  nobis  licentia  inslituerit 
ilium  adiré  dediscendi  uliguid  ab  eo  gratiâ.  Ipsum  itague 
Zaïietum,  qucm  sua  pro  virtute  no7i  mcdiocriter  carum 
habentus,  jani  dicte  Dontinationi  l'estre  cotnmendanius  > 
Qu'est-ce  que  le  célèbre  maître  Guillaume?  Il  semble 
qu'il  y  ait  là  une  erreur  de  nom  et  que  le  scribe  ait  écrit 
Gulielmi  pour  Rugeri. 

En  effet,  au  mois  de  mai  1463,  Zanetto  Bugatto  était 
de  retour  de  son  voyage  d'instruction  et  la  duchesse 
Bianca  Sforza  écrivait  à  Rogier  une  lettre  de  remercie- 
ments qu'a  publiée  M.  Valeri.  L'intitulé  de  cette  lettre  est 
en  latin  :  Nobili  viro  dilecto  Magistro  Rugcrio  de  Tornay 
pilori  in  Ihirselcs  (lîruxelles).  La  lettre  elle-même  est  en 
italien  :  je  la  traduis  librement  : 

<  La  duchesse...  Connaissant  votre  réputation  et  votre 
habileté,  nous  avons  autrefois  décidé  de  vous  envoyer 
notre  peintre  Zanetto,  afin  qu'il  apprît  de  vous  quelque 
chose  dans  l'art  de  peindre.  A  son  retour,  il  a  rapporté 
avec  quelle  bienveillance  et  quelle  affection  vous  l'avez 
reçu,  avec  quel  zèle  vous  avez  tenu  compte  de  notre  re- 
commandation, avec  quelle  libéralité  vous  lui  avez  en- 
seigné votre  art.  En  ayant  eu  également  connaissance, 
nous  vous  adressons  nos  remerciements  et,  tant  à  cause 
du  service  rendu  que  de  vos  singuliers  mérites,  nous  nous 
mettons  à  votre  disposition  pour  tout  ce  c|ui  pourrait  vous 
être  agréable.  Donné  à  Milan,  le  7  mai  1463. > 

Zanetto  est  souvent  mentionne  dans  les  documents  des 
archives  des  Sforza;  il  paraît  être  mort  au  commencement 


Cl)ronique» 


431 


de  1476.  Le  9  mars  de  cette  année,  le  duc  demande  qu'on 
le  remplace  à  Milan, en  qualité  de  portraitiste  officiel, par 
iino  pi/tore  Ceciù'd/ifl,  qui  est  Antonello  de  Messine.  Il 
doit  certainement  exister  un  bon  nombre  de  portraits  de 
liugatto,  mais  on  n'en  a  pas  encore  identifié  un  seul,  et, 
comme  il  a  passé  trois  ans  dans  l'atelier  de  Rogier  à 
Bruxelles,  il  est  probable  que  plus  d'un  poitrait  de  Zanelto 
porte,  dans  les  musées,  l'étiquette  :  <  École  flamande.  » 

Tout  récemment,  M.  C.  Hasse,  reprenant  une  ancienne 
hypothèse  ibandonnée.a  prétencludistinguerdeux  peintres 
du  nom  de  Rogier  et  a  formulé  comme  il  suit  ses  conclu- 
sions ( Rpaer  van  li>i<gj^e,  der  Meister  von  Flemalle, 
Strasbourg,  1904,  p.  51)  : 

<l  En  même  temps  que  le  peintre  de  la  ville  de  Bruxelles, 
Roger  van  der  Weyden,  vivait  \  Bruges,  entre  1400  et 
1480,  Roger  de  Bruges,  élève  de  Jan  van  Eyck,  maître  de 
Memling  et  de  Friedrich  Herlin.  Ce  grand  maître  naquit 
probablement  à  Bruges  et  visita  l'Italie  en  1450.  Il  est 
identique  au  peintre  du  tableau  d'autel  autrefois  dans 
l'abbaye  de  Fémalle.  > 

M.  Hasse  ne  connaissait  pas  la  lettre  de  la  duchesse 
de  Milan.  Le  fait  que  cette  princesse  s'adresse  à  Roger 
de  Tournai,  peintre  à  Bruxelles,  comme  au  plus  célèbre 
des  maîtres  flamands,  suffit  h  rendre  très  vraisemblable 
qu'il  s'agit  du  peintre  qui  visita  l'Italie  en  14491451  et  ne 
semble  pas  favorable  à  l'hypothèse  qu'il  existât,  à  la 
même  époque,  deux  peintres  renommés  du  même  nom. 

J'ajoute  que  les  relations  de  Rogier  avec  les  Sforza 
avaient  déjà  été  soup(;onnées  par  Crowe  et  Cavalcaselle, 
qui  se  demandent  (p.  251  de  l'éd.  allemande)  si  Rogier 
avait  passé  par  Milan  pour  se  rendre  à  Ferrare,  ou  si 
Sforza  avait  eu  connaissance  de  son  mérite  par  les  éloges 
du  duc  de  Ferrare.  La  collection  Zambeccari  h.  Bologne 
possédait  une  Crucifixion  où,  sur  le  premier  plan,  figu- 
rent deux  personnages  agenouillés,  que  leurs  armoiries 
permettent  d'identifier  à  Francesco-Marie  Sforza  et  à 
Bianca  Visconti  (')  ;  le  page  à  gauche  de  cette  dernière 
serait  son  fils,  le  duc  Galeazzo  Maria.  Crowe  et  Caval- 
caselle attribuaient  la  conception  et  l'exécution  de  cette 
peinture  à  Rogier. 

Salomon  Reinach. 


Brurcllcs. 


fN  comité  national  a  été  constitué  sous 
la   présidence  du  comte  de  Bergeyck, 


sénateur,  en    vue  de   l'érection  d'une 
grande  basilique  votive  sur  la  hauteur 

de  Koekelberg,  œuvre  somptuaire  conçue  par  le 

roi   Léopold   II. 

On  a  l'espoir,  lisons-nous  dans  la  Métropole,  que  la  pre- 
mière pierre  de  la  basilique,  pourra  être  posée  au  mois  de 
juillet  1905,  à  l'occasion  des  fêtes  jubilaires  de  l'indépen- 
dance nationale. 

On  a  dit  que  la  basilique  de  Koekelberg  serait  un  pla- 
giat de  celle  de  Montmartre.  Il  n'en'sera  rien,  ni  au  point 
de  vue  de  l'architecture  du  monument,  ni  au  point  de 
vue  des  dépenses  qu'il  entraînera. 

Montmartre  a  englouti  40  millions.  On  prévoit  pour  le 
Koekelberg  un  minimum  de  5  millions  et  un  maximun  de 
8  millions. 

I.  C'est  au  Musée  royal  de  Bruxelles  que  l'on  peut  présentement 
voir  ce  tableau.  Nous  l'avons  reproduit  naguère  avec  un  texte 
de  E.  Muntz,  où  étaient  déjà  mises  en  lumière  les  relations  de 
Rogier  et  de  Sforza.  Les  nouveaux  documents  apportés  par  M. 
Reinach  ne  font  que  confirmer  les  conclusions  auxquelles  avait  été 
conduit  notre  regretté  collaborateur.  (.n.  d.  l.  r.) 

V.   Revue  de  V Art  chrétien,  année  1893,  p.  192. 


On  a  prétendu  que  la  basilique  de  Koekelberg  serait 
édifiée  en  style  roman-byzantin.  Il  n'en  est  rien  encore. 
Le  projet  de  M.  l'architecte  Langerock,  déjà  assez  avancé 
pour  qu'on  en  puisse  louer  la  très  belle  venue  et  l'im- 
posant effet,  est  en  style  gothique  primaiie  et  restera 
donc  conforme  aux  traditions  nationales  en  tnatière 
d'architecture  monumentale  religieuse. 

En  quoi  la  basilique  de  Koekelberg  ressemblera  à 
Montinartre,  il  faut  l'espérer,  c'est  qu'elle  sera  l'œuvre 
de  la  générosité  de  toutes  les  classes  de  la  nation  et  que 
de  toutes  les  régions  du  pays  aussi  les  Belges  y  viendront 
manifester  leur  fière  et  indestructible  fidélité  à  la  foi 
séculaire  des  ancêtres. 

Il  faudrait  ne  pas  connaître  notie  pays  pour  douter 
que  le  grandiose  projet  du  Roi  n'y  soit  admirablement 
compris  et  couronné  d'un  réel  succès  de  popularité. 

Monuments  anciens. 

ATHÉDRALE  de  Chartres.  —  M. 
René  Merlet  vient  d'entreprendre  de 
nouvelles  fouilles  dans  le  chœur  de  la 
cathédrale  de  Chartres.  Il  a  fait  com- 
plètement dégager  un  gros  pilier  cruciforme  de 
la  cathédrale  carolingienne  et  l'escalier  droit 
qtii  descendait  du  côté  nord  à  la  petite  crypte 
du  IX*"  siècle  connue  sous  le  nom  de  caveau  de 
Saint-Lubin.  Cet  escalier  avait  été  rempli  de 
blocage  au  XVII"  siècle,  mais  M.  Merlet  a  fait 
réapparaître  son  mur  méridional  en  petit  appareil 
bien  régulier. 

Au  Xle  siècle,  on  pénétrait  dans  la  crypte 
carolingienne  en  passant  contre  le  puits  des 
Saints-Forts  et  dans  le  couloir  de  l'ancien  escalier 
qui  avait  été  supprimé  par  Fulbert.  Le  mur 
d'enceinte  gallo-romain,  épais  de  i™,5o,  était 
alors  percé  d'une  porte  dont  on  a  retrouvé  la 
trace.  L'entrée  actuelle  du  caveau  Saint-Lubin 
n'est  pas  antérieure  au  XVIJe  siècle,  époque  où 
l'ancien  couloir  d'accès  fut  muré  tandis  que  le 
puits  des  Saints- Forts  était  comblé. 


Portails  romans.  —  M.  Gabriel  Fleury  conti- 
nue son  intéressante  étude  sur  la  sculpture 
romane  dans  les  grands  portails  du  XII^  siècle. 
Il  décrit  et  compare  les  portes  de  Saint  Tro- 
phime  d'Arles,  de  Saint-Gilles,  de  Romans,  de 
Valcabrère,  de  Saint-Bertrand-de-Comminges,de 
Moissac,  de  Souillac,  de  Beaulieu,  de  Conques, 
de  Caremac  et  de  Cahors.  Cet  article,  illustré 
d'excellentes  photographies  de  l'auteur,  se  ter- 
mine par  l'étude  comparée  des  portails  de  Notre- 
Dame  la  Grande  à  Poitiers  et  de  la  cathédrale 
d'Angouléme.  Les  études  de  M.  G.  Fleury  sont 
à  rapprocher  de  celles  que  M.  Sanoner  consacre 
à  l'iconographie    des    portails    romans  ('). 

I.  Bulletin  monumental,  n»  1-2,  1904  et  Jfeviie  de  l'Art  chrétien, 
année  1902,  pp.  445  et  suiv.  —  Jiev.  kisl.  et  archéol.  du  Maine, 
1904,  i"  semestre,  pp.  28-69,  '^  P'- 


432 


WitWt  lie  rart  cJ)rétîen. 


Châloiis.  —  Brisés  en  plusieurs  morceaux,  les 
anciens  fonts  de  la  cathédrale  de  Châlons  avaient 
servi  de  blocage  dans  l'étage  supérieur  du  clo- 
cher du  Sud,  élevé  au  XVI I*"  siècle  et  récemment 
démoli.  Les  fragments  rapprochés  ont  permis 
de  reconstituer  une  cuve  rectangulaiie.  dont  les 
quatre  coins  sont  occupés  par  une  figure  d'ange 
sonnant  de  l'oliphant,  tandis  que  le  long  des 
quatre  faces,  des  suites  de  personnages  parais- 
sent sortir  de  leur  tombeau.  M.  le  chanoine 
Lucot  croit  cette  sculpture  contemporaine  de  la 
cathédrale  de  1147;  il  la  rapproche  des  fonts 
(tournaisiens)  de  Zedelghem  et  de  Vermand, 
dessinés  par  de  Caumont.  Comme  elle  est  de 
marbre  noir,  il  n'y  aurait  rien  de  surprenant  à  ce 
que  ce  fût  un  nouvel  exemplaire  d'une  expor- 
tation lointaine  des  ateliers  tournaisiens.  Nous 
croyons  pouvoir  rappeler  au  sujet  des  ateliers  en 
question  l'étude  que  notre  Revue  y  a  consacrée 
naguère  ('). 


» 
♦  * 


Maisons  anciennes  d'Alby.  —  M.  Aug.  Vidal 
a  signalé  et  dessiné  plusieurs  maisons  de  briques 
à  tourelles  ou  en  pans  de  bois  {^). 


* 
*  * 


La  cathédrale  cTArmagh. —  La  cathédrale  d'Ar- 
magh.que  S.  É.  le  cardinal  Vannutelli  a  inaugurée 
au  mois  de  juillet  en  Irlande,  est  dédiée  à  saint 
Patrick.  Sa  première  pierre  fut  posée  en  1840  et 
le  bâtiment  s'éleva  peu  à  peu  jusqu'en  1873,  où 
il  fut  ouvert  au  culte,  bien  qu'inachevé.  Le  car- 
dinal Logue  succéda  à  l'archevêque  Mac  Gofflgan, 
qui  était,  à  cette  époque,  à  la  tète  du  diocèse,  et 
voua  tous  ses  efforts  à  trouver  l'argent  nécessaire 
pour  achever  la  cathédrale  et  payer  les  dettes 
de  l'édifice.  L'appel  qui  fut  adresse  aux  catho- 
liques du  monde  entier  produisit  plus  qu'il  n'était 
nécessaire. 

La  cérémonie  a  eu  un  éclat  particulier.  Le  car- 
dinal Vannutelli,  qui  a  consacré  la  cathédrale,  a 
assisté  pontificalement  à  la  grand'messe,  chantée 
par  l'archevêque  VValsh. 


Mulhouse.  —  Les  superbes  vitraux  du  XI 11*^ 
sjècle  qui  ornaient  autrefois  l'église  Saint- 
Etienne,  démolie  en  1858,  vont  enfin  trouver  de 
nouveau  une  destination.  Ce  trésor  d'art,  pro- 
priété de  la  communauté  protestante  de  la  ville, 
avait  été  mis  provisoirement  en  caisses  et  remisé 


1.  L.  Cloquet,  Les/onls  romains  de  Tournai,  année  1895,  p.  308. 
—  V.  Bulletin  monumental,  n°  1-2,  190461  \lém.  de  la  Soc.  (tagri- 
cul.,  comm.,  se.  et  arts  de  la  Marne,  1901,  pp.  65-72. 

2.  Rev.  kist.,  scientif.  et  litt.  du  dép.  de  Tarn,  1903,  pp.  227-283. 


en  différents  endroits,  au  diaconat,  à  la  tour  de 
l'église  protestante  et  enfin  dans  une  cave.  On 
paraissait  avoir  complètement  oublié  ces  vieilles 
verrières  lorsque  l'idée  vint  de  les  placer  au 
temple  protestant.  Dix  fenêtres  vont  être  ornées 
d'une  quinzaine  de  panneaux  chacune.  Pour 
subvenir  aux  frais  de  restauration  et  d'installa- 
tion qui  se  monteront  à  une  trentaine  de  mille 
francs,  le  journal  L'Express  a  ouvert  une  sous- 
cription, et,  sans  distinction  de  culte,  les  vieux 
Mulhousiens  sont  venus  apporter  leur  obole  ('). 


Les  milles  de  Carthage.  —  Grâce  à  l'initiative  de 
M.  Jepssen,  danois,  et  le  concours  de  la  société 
qui  possède  aujourd'hui  l'ancien  domaine  du 
diocèse  à  Carthage,  M.  Gauckler,  directeur  des 
antiquités,  a  retrouvé  un  des  monuments  les 
plus  importants  de  la  cité  romaine,  le  théâtre  où 
Apulée  fit  ses  conférences  et  que  mentionnent 
souvent  Tertullien  et  saint  Augustin.  Construit 
selon  toute  apparence  au  début  du  W"  siècle 
de  notre  ère,  il  fut  détruit  par  les  Vandales. 

On  n'avait  aucun  renseignement  précis  sur 
l'emplacement  de  cet  édifice,  qui  fut  confondu 
souvent  avec  l'Odéon  voisin,  et  on  le  supposait 
anéanti.  Les  fouilles  actuelles  élucident  entière- 
ment ce  problème.  La  première  tranchée  ouverte 
de  haut  en  bas  dans  l'axe  présumé  du  théâtre  a 
prouvé  que  celui-ci  existe  tout  entier  sous  huit 
mètres  de  terre  rapportée  et  que  ses  dimensions 
sont  colossales. 

A  l'heure  actuelle  on  approche  de  la  scène  dont 
on  commence  à  découvrir  toute  la  décoration 
architecturale,  chapiteaux  et  corniches.  On 
espère  trouver  à  bref  délai  des  statues  et  des 
œuvres  d'art  analogues  à  celles  découvertes  en 
1900  sur  l'emplacement  de  la  scène  de  l'Odéon 
romain.  Dès  à  présent  on  a  mis  à  jour  un  superbe 
camée  ovale  sur  agate,  représentant  la  tète  de 
Pallas-Athéné,  casquée,  et  détachant  son  profil 
blanc  et  nacré  sur  un  fond  jaune  pâle. 

Les  fouilles  ont  amené  depuis  encore  la  décou- 
verte d'une  statue  colossale  d'Apollon,  debout 
près  de  l'autel.  Cette  statue,  de  toute  beauté,  est 
presque  intacte  ;  seuls  les  avant-bras  sont  en 
mauvais  état. 

La  direction  du  même  service  des  antiquités 
de  Tunisie  vient  de  faire  de  très  intéressantes 
découvertes  à  l'endroit  où  s'élevait  la  puissante 
Carthage. 

On  a  retrouvé  des  maisons  luxueuses  de  bour- 
geois riches,  des  magasins  qui  devaient  servira 
des  marchands  de   grains,  et   deux   mosaïques 

I.  Courrier  de  l'Art. 


Cl)romque. 


433 


datant  du  I<='  siècle,  et  qui  sont  d'une  belle  valeur 
artistique. 

Dans  la  région  du  cap  Bon,  on  a  découvert  un 
magnifique  sarcophage  en  marbre  blanc,  qui  va 
figurer  parmi  les  remarquables  attractions  du 
musée  de  Bardo. 


* 

•  * 


Fumes.  —  Nous  apprenons  qu'on  se  dispose 
à  opérer  le  grattage  à  cru  des  parois  intérieures 
des  murs  de  l'église  Ste-Walburge  à  Furnes. 
L'architecte  si  éminent  chargé  de  la  restauration 
de  cette  église,  et  que  nous  mettrons  parmi  les 
maîtres  les  plus  appréciés,  a  sur  ce  point  du 
grattage  des  églises,  une  manière  de  voir  que 
nous  ne  pouvons  approuver.  C'est  lui  qui  a  mis 
à  nu  les  parements  en  briques  de  la  cathédrale 
de  St-Bavon  en  sacrifiant  d'inestimables  vestiges 
de  peintures.  L'  église  de  Furnes  aussi  possède 
des  vestiges  de  décorations  murales.  Nous  espé- 
rons qu'on  ne  va  pas  les  sacrifier  au  préjugé  des 
matériaux   apparents. 


L'église  de  Hautem-Saint-Liévin,  dont  les  nefs 
ne  datent  que  de  1769,  possède  un  chœur  de 
haute  antiquité,  ainsi  que  l'oratoire  de  son 
patron,  flanqué  d'une  tourelle  ;  il  y  en  avait 
autrefois  deux  aux  flancs  de  l'abside.  On  s'oc- 
cupe de  restaurer  le  vénérable  oratoire. 


L'église  si  importante  au  point  de  vue  archéolo- 
gique de  N.-D.  aux  Dominicains  de  Louvain  est 
fort  endommagée  ;  on  va  pourvoir  à  certaines 
réfections  urgentes. 


On  s'occupe  de  la  restauration  de  l'église  de 
Saint-Quentin,  remarquable  pour  les  lancettes  si 
élancées  de  son  chœur,  en  partie  bouchées,  toutes 
dépourvues  de  leurs  meneaux.  On  y  a  découvert 
des  traces  de  polychromie  appliquée  directement 


sur  la  pierre. 


La  restauration  de  l'église  de  Walcourt,  dont 
il  a  été  question  plusieurs  fois  dans  nos  colonnes, 
est  chose  faite  et  bien  faite  par  les  soins  de 
!Vr.  Langerock.  Les  derniers  travaux  ont  eu  pour 
objet  le  rétablissement  du  clocheton  du  transept, 
du  toit  de  la  tour,  des  arcs-boutants,  des  con- 
treforts, la  restauration  du  narthex  et  la  réfection 
du  pavement  du  chœur. 


On  a  restauré  la  tour  romane  de  Loothen- 
hulle  (FI.  Occid.)  ;  on  s'occupe  des  belles  églises 
qui  font  le  monumental  ornement  de  la  jolie 
petite  ville  de  Poperinghe  :  St-Bertin,  Notre- 
Dame  et  St  Jean. 

* 

*  ♦ 

On  vient  de  classer  parmi  les  monuments,  la 
belle  tour  de  la  petite  paroisse  de  Mannekens- 
vere  (FI.  Occid.),  à  la  flèche  élancée  tout  en 
briques  (commencement  du  XV''  s.). 


La  croix   triomphale    vient   d'être   rétablie    à 
l'église  de  Rebaix  (Hainaut). 


L'église  de  Notre-Dame  àCourtrai,si  curieux 
spécimen  d'architecture  de  style  tournaisien 
(XIII''  siècle),  a  été  débarrassée  des  boiseries 
peintes  imitation  de  marbre  qui  dissimulaient 
les  anciennes  ordonnances  de  l'œuvre  primitive. 


Le  décrépissage  de  l'église  de  Saint-Martin 
d'Alost  a  mis  à  découvert  ses  parois  en  pierre  de 
Meldert,  et  a  permis  de  reconnaître  l'urgence 
de  la  restauration  de  certaines   parties  en   péril. 


L'architecte  Langerock  a  découvert  une  crypte 
dans  l'église  de  Saint-Germain  de  Tirlemont. 
Malheureusement  on  ne  pourrait  la  restaurer  sans 
relever  de  i™,50  le  pavement  du  chœur. 


Des  restes  de  peinture  murale  ont  été  trou- 
vés sur  le  pilier  de  l'église  de  Westmalle  (prov. 
d'Anvers)  ;  elles  représentent  les  Apôtres.  On  a 
fini  de  restaurer  celles  de  Neeroeteren.  Revue 
de  r Art  chrétien  les  a  publiées  ('). 

* 

*  * 

Des  peintures  décoratives  nouvelles  ont  été 
exécutées  à  la  nouvelle  église  de  Grimde  (Bra- 
bant). 

* 

♦  * 

On  a  débadigeonné  l'abbatiale  de  Saint-Hubert. 


On  vient  de  restaurer  la  chaire  de  vérité  de 
l'église  de  Roucourt  (Hainaut),  très  intéressant 
meuble  du  XVI^  siècle  ;  une  seule  autre  peut 
lui  être  comparée  :  celle  de   Nieuport.  Les  cinq 

I.  V.  Revue  de  ï Art  chrétien,  année  1903,  p.  193. 


434 


iÊlel^uc  tie  r^rt  chrétien. 


panneaux  de  la  cuve  sont  ornés  de  sujets  relatifs 
à  la  prédication.  On  y  voit  \e  Jugement  dernier, 
\a  Prédication  de  S.  Jean- Baptiste  ;  S.  François 
d'Assise,  prêchant  auv  oiseaux  ;  la  scène  relative 
au  roi  Saloinon  et  la  légende  de  Ste  Catherine 
d'A  lexa7idrie. 

Elle    était    établie    jadis    en    encorbellement 
contre  un  massif  de  maçonnerie. 


Oii  a  restauré  rhôtel-de-villedeLoo(F1.0ccid.), 
qui   remonte   au    XVI^^   s,,   sous   la  direction  de 

M.  Vineth. 

* 

♦  * 

Liège.  —  Il  a  été  procédé,  par  les  soins  de 
M.  Rousseau,  conservateur  au  Musée  des  arts 
décoratifs  de  Bruxelles,  au  démontage  de  la  cuve 
baptismale  de  Saint-Barthélémy. 

Cette  opération,  —  comme  on  le  prévoyait 
généralement,  —  n'a  pas  révélé  le  nom  de  l'au- 
teur, —  hutois  ou  dinantais,  —  du  plus  célèbre 
monument  de  la  dinanderie  du  XII''  siècle  :  elle 
n'a  mis  au  jour  ni  inscription,  ni  marque  d'aucune 
sorte. 

Ce  qui  paraît  résulter  de  l'examen  du  fond 
extérieur  de  la  cuve,  c'est  que  les  bœufs  sont  de 
plus  en  plus  vraisemblablement  l'œuvre  du  fon- 
deur même  de  cstte  cuve.  Du  moins  autour  de  ce 
fond  une  rainure  est  creusée  à  laquelle  s'adapte 
exactement  le  tenon  dont  est  cliargé  le  garot  de 
chacun  des  animaux.  Les  bêtes  qui  manquent 
ont  été  perdues  ou  enlevées  autrefois. 

* 

*  * 

La  Commission  royale  des  monuments  a  exa- 
miné la  construction  connue  à  Liège,  sous  le  nom 
de  la  maison  Porquin,  bâtie  au  XV!"  siècle  par 
le  banquier  Lombard,  Bernard  Porcini. Rachetée, 
pour  24,000  florins,  par  le  prince  de  Liège,  Ernest 
de  Bavière,  elle  fut  transformée  en  hospice, 
annexe  de  l'Hôpital.  L'Administration  commu- 
nale de  Liège,  n'ayant  tenu  aucun  compte  de 
l'avis  de  la  Commission  royale  des  monuments, 
ni  des  démarches  des  Sociétés  archéologiques  de 
la  ville  pour  la  conservation  de  cet  intéressant 
monument,  en  a  décidé  la  démolition. 

Varia. 


* 

*  * 


ALGRÉ  les  protestations  de  la  presse 
esfiagnole  et  les  mesures  prises  par 
v^jt.  le  Gouvetnement,  le  chapitre  de  Val- 
a?^jj  ladolid  a  conclu  la  vente  des  tableaux 
du  Greco,  qui  appartiennent  désormais  au  musée 
de  IVjston.  Cet  incident,  qui  a  vivement  ému 
l'opinion  publique,  hâtera  sans  doute  le  vote 
de  la  loi  contre  l'exportation  des  œuvres  d'art  ('). 

I.    Courrier  de  l'Art. 


Un  sort  semblable  a  menacé  il  y  a  quelque 
temps  les  tapisseries  de  la  Seo  de  Saragosse.  — 
La  presse  réclame  la  création,  en  Espagne,  d'une 
loi  analogue  à  la  loi  Pacca  en  Italie,  pour  em- 
pêcher l'exportation  des  œuvres  d'art. 

Un  des  meilleurs  tableaux  du  Greco,  le  portrait 
de  D.  Fernando  Nino  de  Guererra,  a  déjà  été 
récemment  vendu  en  France  pour  275,000  fr. 


* 
*  * 


La  basilique  de  Saint-Denis,  qui  avait  prêté  à 
l'exposition  des  Primitifs  français  les  statues  de 
Charles  V  et  de  Jeanne  de  Bourbon,  s'en  dessai- 
sit définitivement  au  profit  du  Louvre. 

Ces  deux  chefs-d'œuvre  du  XIV"ï  siècle 
n'étaient  d'ailleurs  à  Saint-Denis  qu'en  dépôt. 
Les  deux  statues  figuraient  autrefois  aux  côtés 
du  portail  de  l'église  des  Cèlestins  de  Paris,  que 
Charles  V  avait  fait  construire  près  de  son  hôtel 
Saint-Paul  (i). 

Le  Conseil  des  Musées,  dans  sa  dernière 
séance,  a  acquis  le  tableau  de  l'école  provençale 
du  XV'=  siècle  :  Le  Christ  an  tombeau  que  possé- 
dait l'église  de  Boulbon,  près  Avignon,  et  que 
M.  Bouchot  avait  signalé  et  reproduit  dans  la 
Gazette  du  if^"^  juin  (2). 

* 

L'église  de  Bussy-Lettre  (Marne),  remar- 
quable par  son  ancienneté,  a  été  entièrement 
détruite,  au  mois  d'août  par  la  foudre. 


Un  violent  incendie  a  détruit  le  samedi  6  août, 
à  Strasbourg,  la  vieille  église  Sainte-Madeleine, 
fondée  en  1478.  Ses  superbes  vitraux,  qui  comp- 
taient parmi  les  plus  beaux  de  l'Alsace,  ses 
peintures  murales,  dues  à  l'artiste  alsacien 
Feuerstein,  une  curieuse  Vierge  en  bois  du  XV 
siècle,  ont  été  la  proie  des  flammes.  Il  ne  reste 
plus  debout  que  le  clocher  en  pierre.  On  a  réussi 
à  sauver  le  beau  reliquaire  de  sainte  Attale,  un 
ornement  en  brocart  d'argent  du  XVI  P'  siècle,  et 
quelques  statues. 


Dans  l'église  Sainte- Marguerite  de  Colorno, 
petite  ville  près  de  Parme,  on  a  dû  déplacer  le 
tableau  représentant  le  martyre  de  sainte  Mar- 
guerite, jusqu'aujourd'hui  attribué  a  'v'ignola.  M. 
Glauco  Lombardi  a  pu  découvrir  ainsi  que  cette 
peinture    est    une    œuvre    authentique   de   Paul 


I.   Courrier  tie  l' Art. 


2.   Ibid. 


Cl)romquc. 


435 


Véronèse,  ou  se  trouve  le  portrait  de  Barbara 
Sanseverino. 


♦  * 


Il  y  a  deux  ans,  au  mois  d'août,  les  habitants 
d'Ascoli  Piceno  apprirent  avec  chagrin  qu'une 
précieuse  chape,  don  du  pape  Nicolas  V  à  la 
cathédrale,  avait  disparu.  Toutes  les  recherches 
furent  vaines  pour  retrouver  les  auteurs  du 
vol  sacrilège  et  la  trace  de  l'ornement  sacerdotal, 
conservé  depuis  plus  de  six  siècles  comme  une 
insigne  relique. 

Or,  dernièrement,  M.  Corrado  Ricci,  directeur 
des  musées  de  Florence,  reçut  une  lettre  de  M. 
Herrera,  professeur  à  l'Université  de  Bruxelles, 
l'avisant  que  la  chape  de  Nicolas  V,  qu'il  con- 
naissait pour  l'avoir  vue  à  Ascoli,  figurait  dans 
la  collection  d'objets  d'ait  exposée  par  Pierpont 
Morgan  à  Londres.  M.  Ricci  a  fait  le  voyage  de 
Londres  et  a  reconnu,  en  effet,  la  fameuse  chape. 
Le  syndic  d'Ascoli,  l'ambassadeur  d'Italie,  le 
cardinal  Vanniitelli,  sont  en  mouvement  pour 
obtenir  du  milliardaire  Morgan  la  restitution  de 
l'objet  historique,  d'une  valeur  inappréciable. 


Du  20  au  25  juillet  ont  eu  lieu  à  Arezzo  des 
fêtes  en  l'honneur  de  Pétrarque  à  l'occasion  du 
sixième  centenaire  de  sa  naissance.  On  a  placé 
sur  la  maison  natale  du  poète,  viadell'  Orto,  une 
plaque  commémorative,  et  le  Comité  du  cente- 
naire a  fait  frapper  une  médaille  imitée  des  belles 
œuvres  du  X\''"=  siècle,  qui  reproduit  le  seul 
portrait  authentique  de  Pétrarque  d'après  un 
manuscrit  de  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris, 
publié  naguère  par  la  Gazette. 

lïa  T?cntuic  «  De  rHpocaljjpsc  »  Dc  la 
CatbcDralcD'Hngcrs. 

N  lit  dans  le  Courrier  de  L'Art. 

La  cathédrale  d'Angers  possède  une  suite 
de  tapisseries  célèbres,di  tes  «de  l'Apocalypse» 
qui  a  été  l'objet  de  nombreux  et  excellents 
travaux.  Nous  en  connaissons  toute  l'his- 
toire, et  les  recherches  d'archives  si  heureuses  de 
M.  (jiffrey  lui  ont  permis  d'identifier  l'auteur  avec  le 
fameux  Nicolas  Bataille,  tapissier  parisien  du  XIV" 
siècle  (■)■ 

M.  Giry,  dans  la  revue  L'Art  (décembre  1876),  et  M. 
de  Farcy,  dans  son  Histoire  et  description  des  tapisseries 
tù  la  cathédrale  d' Angers  {Dssc\ée.it*.  De  Brouwer  éditeurs 

X.  Nicolas  Bataille,  tapissier  parisien  du  XIV'^  siècle,  auteur  de 
la  tapisserie  de  t  Apocalypse  d'Angers.  (Mémoires  delà  Société  de 
l  Histoire  de  Paris,  tomt  X.) 


à  Lille)  en  faisant  l'historique  de  cette  tenture,  avaient 
mis  au  point  toutes  les  questions  cjui  s'y  rattachaient. 
Pour  résumer  le  remarquable  travail  critique  de  M.  Giry, 
il  me  suffira  de  rappeler  que  le  duc  d'Anjou  avait  com- 
mencé par  emprunter  à  son  frère,  le  roi  Charles  V,  un 
précieux  manuscrit  de  sa  bibliothèque,  représentant,  en 
un  grand  nombre  de  miniatures,  les  scènes  épiques  de 
l'Apocalypse.  Le  livre  avait  été  confié  à  Hennequin  ou 
Jean  de  Bruges,  ])eintre  attitré  de  Jean  V,  qui  s'en  inspira 
pour  exécuter  les  cartons  de  tapisseries  dont  le  duc 
venait  de  lui  faire  la  commande,  et  qui  furent  payés  en 
janvier  1378.  C'est  Nicolas  Bataille  que  le  duc  d'Anjou 
devait  charger  d'exécuter  la  tenture,  dont  la  dernière 
pièce  ne  devait  être  terminée  qu'en  1490,  et  donnée  à  la 
cathédrale  par  Anne  de  France,  la  fille  de  Louis  XL 

Une  des  grandes  sources  d'intérêt  de  la  tenture  «de 
l'Apocalypse  »  d'Angers,  c'est  son  étroite  parenté  avec 
l'art  des  miniaturistes  et  des  enlumineurs  de  manus- 
crits. M.  Giry  avait  très  bien  démontré  que  Jean  de  Bruges 
n'avait  nullement  tiré  de  sa  piopre  imagination  les 
tableaux  complexes  et  variés  cjui  composent  cette  suite 
énorme,  et  que  ce  n'était  pas  seulement  du  manuscrit  de 
la  bibliothèque  du  roi  Charles  V  qu'il  s'était  inspiré,  mais 
de  bien  d'autres  manuscrits  royaux  qui  contenaient  des 
visions  de  l'Apocalypse. 

Le  grand  séminaire  de  Namur  possède  même  un 
manuscrit  daté  de  1360,  renfermant  86  miniatures,  dont 
un  grand  nombre  sont  presque  identiques  de  composi- 
tion avec  les  tableaux  de  la  tapisserie  de  Saint-Maurice 
d'Angers  si  bien,  qu'on  pourrait  retrouver  les  tableaux 
manquants  de  la  tenture  dans  les  miniatures  mêmes  de 
ce  livre. 

Un  travail  récent,  dont  l'auteur  est  un  des  plus  grands 
;>avants  de  notre  temps,  a  jeté  sur  cette  question  un 
jour  nouveau.  M.  Léopold  Uelisle,  secondé  par  M.  Meyer, 
s'est  proposé  d'étudier  tous  les  manuscrits  à  sujets  de 
l'Apocalypse,  plus  particulièrement  dans  leurs  rapports 
avec  la  tenture  d'Angers.  Il  n'écarte  pas  le  manuscrit  de 
la  bibliothèque  royale  de  Charles  V,  portant  aujourd'hui 
le  n°403  du  fonds  français  de  la  Bibliothèque  Nationale, 
mais  il  consacre  une  longue  étude  à  une  série  de  16 
manuscrits  ofifrant  tous  un  type  commun  arrêté  en  Angle- 
terre et  dans  le  Nord  de  la  France  au  XII' siècle,  dont 
les  miniatures  ont  longtemps  servi  de  modèles  aux  tapis- 
siers et  aux  graveurs  de  livres. 

Après  avoir  examiné  attentivement  les  miniatures, 
M.  Delisle  s'est  trouvé  dilïérer  d'avis  avec  M.  Giry,  par 
suite  de  l'identité  presque  absolue  constatée  de  bon 
nombre  de  miniatures  de  ces  manuscrits  avec  les  tableaux 
de  la  tapisserie  d'Angers  et  leur  présentation  dans  le 
même  ordre.  Il  ne  nie  pas  que  le  manuscrit  de  Charles  V 
ait  pu  être  prêté  par  lui  au  duc  d'Anjou,  mais  il  croit 
impossible  qu'il  ait  pu  influencer  l'auteur  des  cartons  de 
la  tenture  qui  sont  tout  à  fait  différents.  Ils  se  rappro- 
chent, au  contraire,  exactement  de.  miniatures  de 
plusieurs  des  manuscrits  étudiés  par  M.  Léopold  Delisle, 
et  tout  particulièrement  de  deux  manuscrits  conservés 
dans  les  bibliothèques  de  Cambrai  et  de  Metz. 

Tel  est,  sans  entrer  dans  le  détail,  le  fond  de  la  discus- 
sion de  M.  Léopold  Delisle  menée  avec  une  grande  force 
logique.  Il  ne  reste  qu'à  regretter  que  cette  discussion  ne 
s'appuie  sur  aucune  représentation  des  choses  auxquelles 
elle  s'applique.  L'autorité  de  M.  Delisle  aurait  pu  obtenir 
bien  facilement  des  bibliothèques  intéressées  d'excellentes 
photographies  qui  nous  auraient  donné  de  précieuses 
reproductions  comparatives. 

Gaston  Migeon. 


Imprimé  par  L'esclée,  De  Brouwer  et  C'<=,  Lille-Paris-Bruges. 


I 


!Belme  îie 


l'Hrt  rbrctien 


^  pnraieennt  tous  Ieô  beuv  mciiie;.  4, 


47""  Hnnée. 


4*^  Série. 


ES 


S 


Coiiic  XV  (Liv-^  ùe  fa  collection).    < 
r§,  6"e  [jjjr   __    j:?ooemtire  (90^.    ■ 

Œn  t£it)re  ti'Iïeureô  appartenant  a  H.  H.  le  due  D'Hrenberg 


à  BrujceUe0. 


GtuDe  iconopapbiQue. 

ÉTUDE  de  l'icono- 
graphie chrétienne  a  été 
cultivée  en  France  de- 
puis longtemps  par  des 
archéologues  du  plus 
haut  mérite.  Mais  nous 
■'^^^^^WÎWfWs--  sommes  encore  loin 
d'être  arrivé  au  bout.  Beaucoup  de  ma- 
nuscrits, encore  non  étudié.s  et  pourtant 
riches  en  renseignements,  forment  une 
source  abondante,  mais  ignorée  des  savants. 
Son  Altesse  le  duc  d'Arenberg  a  bien 
voulu  exposer  ses  plus  précieux  manuscrits 
à  Uusseldorf,  en  permettant  d'en  publier 
les  miniatures.  Nous  lui  exprimons  ici  toute 
notre  respectueuse  reconnaissance,  en  nous 
prévalant  de  son  autorisation  pour  donner 
ici  les  reproductions  des  miniatures  tirées 
d'un  livre  d'Heures  in-8°  de  premier  ordre 
et  qui  offre  un  intérêt  tout  spécial. 


Les  blasons  des  feuilles  deux  verso  et 
trois  recto  prouvent  que  le  livre  a  été  écrit 
et  peint  pour  Catherine  de  Clèves,  mariée 
en  1430  à  Arnaud,  duc  de  Gueldre.  Leurs 
blasons  d'alliance  sont  peints  au  bas  de  la 
seconde  feuille,  les  armes  des  bisaïeuls  de 
Catherine  sur  les  marges  de  cette  feuille  et 
delà  feuille  suivante.  Sur  la  seconde  feuille, 
on  voit  Catherine  agenouillée  devant  la 
Mère  de  Dieu,  avec  une  banderole  portant 
l'inscription  :  Mater  Dei,  miserej-e  j^iei[(\g.  i  ). 

A  la  troisième  feuille,  le  texte  commence 
par  les  Heures  de  Notre-Dame,  accom- 
pagnées de  grandes  et  de  petites  miniatures. 

Aux  Matines,  dans  une  petite  miniature, 
le  roi  David  demande  le  secours  de  Dieu: 
Deus,  m  adjutorium  meum  intende.  Un  petit 
ange  descendant  du  ciel  lui  apporte  l'assu- 
rance de  l'aide  de  Dieu  (fig.  2).  Aux  Laudes, 
trois  anges  chantent  le  Gloria.  A  Prime,  est 
représentée  la  Nativité  de  la  sainte  Vierge. 

A   Tierce,   dans  une  grande  miniature, 


KKVUK  UE  L  AKT  CHKETIBN. 
IQO4.  —  6*"*  LIVRAISON. 


l'artiste  a  peint  la  Présentation.  Dans  une 
petite  miniature,  on  voit  des  jeunes  gens 
assemblés  devant  le  grand-prêtre  ;  une 
colombe  descend  sur  saint  Joseph,  en   té- 


moignage  de   la  volonté  de    Dieu   qui   le 

désigne  comme  l'époux  de  la  sainte  Vierge. 

A  Sexte,  le  peintre  représente,  dans  une 

grande  miniature,  les  fiançailles   de    saint 


Fig. 


Catherine  de   Clèves,  agenouillée  devant  la  Mère  de  Dieu. 


Joseph  et  de  la  Vierge  Marie  r  dans  une 
petite  miniature,  on  voit  Dieu  assis  sur  un 
trône,  adoré  par  deux  anges,  après  avoir 
formé  le  dessein  de  se  faire  homme.  On 
y    lit     sur    une    banderole  :    Dicite    filice 


Sion,  ecce  rex  tuus:  vernie.  (Matth.,  21,  5.) 
A  None,  nous  voyons  dans  la  grande 
miniature,  l'Annonciation  ;  dans  la  petite 
est  représentée  la  Visitation  ;  aux  Vêpres, 
dans  la  grande,    la    Naissance  de  Notre- 


Mn  %i\)vt  d'i^eures. 


439 


Seigneur  (fig.  3)  ;  dans  la  petite,  la  Fuite 
en  Egypte  ;  aux  Compiles,  dans  une  petite 
miniature,  on  voit  comment  Notre-Dame, 
après  sa  mort,  est  portée  au  ciel  par  deux 


anges,  où  Dieu,  entouré  d'anges  rouges,  se 
dispose  à  la  recevoir. 

Les  Heures  de  la  Passion  sont  ornées  de 
sept  grandes  et  de  six   petites  miniatures, 


Fig.  2.  —  David  demande  le  secours  de  Dieu. 


représentant  l'histoire  du  Sauveur,  depuis 
la  trahison  de  Judas  jusqu'à  la  Résur- 
rection (fig.  4).  Deux  des  petites  miniatures 
sont  remarquables  :  l'une  à  Sexle,  dans 
laquelle  on  voit  Jésus,  dépouillé  de  ses 
vêtements,  assis  sur  un  tertre,  tandis  que 


les  bourreaux  sont  occupés  autour  de  la 
croix,  et  l'autre  à  None,  dans  laquelle  Nico- 
dème  demande  à  Pilate  la  permission  de 
descendre  le  corps  du  Sauveur  de  la  croix. 
D'une  importance  encore  plus  grande  pour 
l'histoire  de  l'iconographie  chrétienne  sont 


440 


îicbue  tie  ravt  cljvctieu. 


les  huh'ûlustraùons  des Heiij^es  de /a  irèsSie  I  du  Saint-Esprit  sous  la  forme  humaine  ('). 
T'r/wz'//.  On  sait  que  Benoit  XIV  s'est  pro-  |  Déjà  Avala  avait  blâmé  ces  sortes 
nonce  avec  énergie  contre  la  représentation    j    d  images  ('). 


Fig.  3.   —  La  naissance  de  Notrc-Seigneur. 


Didron  écrit  néanmoins  dans  son  Histoire 
de  Dieu  (')  :  «Quoique  ce  portrait  du  Saint- 
Esprit  en  homme  ait   été  abandonné  à  la 

I.  Paris,  1843,  p.  462. 


Renaissance,  c'est  à   nous  de  le  reprendre 

1.  Acia  et  décréta  in  caitsis  Beatifîcatioiium  et  canotii- 
zationutn  C.  12,  Opéra  Venet.  1767,  V,  102  s.  Epistola  ad 
episcopum  Augustanum. 

2.  Pictor  christianus,  Matriii,  1730,  11,  3,  n.  8,  p.  44. 


Mn  fimt  D'i^eures. 


441 


et  de  le  perfectionner  encore  ;   les   artistes 
chrétiens  ne  doivent  pas  laisser  périr  un  si 


beau  sujet,  soit  dans  les  représentations  de 
la  Trinité  entière,  soit  dans  celle  du  Saint- 


Figr.  4.   —  Jésus  porte  sa  croix. 


Esprit  tout  seul.  L'esprit  en  homme  n'a 
pas  fini  sa  carrière  ;  c'est  à  l'avenir  surtout 
qu'il  appartient  d'honorer  l'intelligence,  de 


cultiver  la  raison  dans  le  Saint-Esprit, 
comme  le  passé  a  vénéré  la  puissance  dans 
Dieu  le  Père  et  l'amour  dans  Dieu  le  Fils.  » 


442 


Bebue  lie  V^xt  ft)rétien. 


Le  pape  Benoît  XIV  jouissant  d'une  très 
grande  autorité,  je  n'oserai  pas  me  ranger 
à  l'avis  de  Didron.  Mais  on  ne  peut  nier 
que  la  lettre  du  pape  n'est  pas  tout  à  fait 
décisive  dans  cette  question  et  qu'elle  n'a 
pas  force  de  loi.  Elle  n'est  adressée  qu'à 
un  seul  évêque  et  les  raisons  qu'elle  donne, 
ne  semblent  pas  incontestables.  Benoît 
XIV  affirme  que  les  trois  personnes  qui 
visitèrent  Abraham  étaient  des  anges  et 
non  les  trois  personnes  de  la  Sainte-Trinité. 
II  prétend  qu'il  n'est  donc  pas  permis  de 
représenter  cette  Sainte-Trinité  sous  la 
figure  de  trois  hommes,  en  s'autorisant  du 
récit  de  la  sainte  Écriture  sur  cette  appari- 
tion. Mais  on  peut  répondre  que  ces  trois 
anges  signifièrent  la  Sainte-Trinité,  et 
qu'en  conséquence  on  a  le  droit  de  la  re- 
présenter sous  la  forme  de  trois  hommes  ('). 

La  seconde  raison  de  Benoît  se  fonde 
sur  la  supposition  qu'on  aurait  rarement 
représenté  les  trois  personnes  de  la  Sainte- 
Trinité  sous  les  figures  de  trois  hommes. 
Mais  Didron  prouve  qu'on  l'a  fait  souvent 
dès  le  X«  siècle  et  que  les  portraits  du 
Saint-Esprit  en  homme  ne  sont  pas  rares 
surtout  au  XV''  siècle  ('). 

La  lettre  du  pape  Benoît  à  l'évêque 
d'Augsbourg  affirme  que  même  si  l'on 
était  autorisé  à  peindre  la  Sainte-Trinité 
sous  l'image  de  trois  hommes,  il  ne  serait 
pourtant  pas  permis  pour  cela  de  repré- 
senter le  Saint-Esprit  seul  et  séparé  des 
autres  personnes  comme  un  jeune  homme, 
beau  et  aimable,  le  Saint-Esprit  ne  s'étant 
jamais  manifesté  ainsi. 

Après  ces  considérations,  revenons  à 
nos  Heures  de  la  Sainte-Trinité.  Dans  une 
grande  miniature,  aux  Matines,    les    trois 


I.  Angeli  significabant  ss.  Trinitatem.  Cornel.  a  Lapide 
in  Gen.  \%,  ■^^  Comment,  éd.  Antwerp,  1648,  p.  176.  Cf. 
Benedict.  XIV,  /.  c,  p.  102,  §  31. 

3.  Histoire  de  Dieu,  pp.  456,  461. 


Personnes  sont  assises  sur    un    trône  l'une 
à  côté  des  autres  ;  dans   une  petite  enlumi-     ' 
nure   Dieu    le  Père  siège  seul,  portant   une 
tiare,   un   globe  et   la    tête    entourée   d'un 
nimbe  qui  n'est  pas  timbré  d'une  croix. 

A  Prime,  Dieu  le  Fils  a  pris  place  sur  le 
trône  céleste,  tenant  un  livre.  Il  est  orné  du 
nimbe  crucifère.  A  Tierce,  les  trois  Per- 
sonnes siègent  de  nouveau  sur  leur  trône 
commun,  le  Père  coiffé  de  la  tiare,  le  Fils 
vêtu  d'une  chape,  le  Saint-Esprit  en  aube, 
avec  une  étole,  sans  chape,  mais  tenant  un 
livre  et  la  tête  entourée  d'un  nimbe  simple 
comme  le  Père. 

A  Sexte,  le  Père  et  le  Saint-Esprit 
trônent,  mais  le  Fils  s'est  agenouillé  devant 
la  première  Personne  qui  lui  remet  une 
petite  croix  (fig.  5). 

A  None,  sortant  d'un  cercle  de  nuages, 
dans  lequel  on  voit  la  demi-figure  du  Père, 
le  Saint-Esprit,  entouré  de  petites  flammes 
rouges,  prend  son  vol  vers  la  terre,  sous  la 
forme  d'une  colombe.  En  dessous  du  Saint- 
Esprit  le  Fils  descend  sous  la  figure  d'un 
petit  enfant  nu,  portant  une  croix.  Le  fond 
est  bleu,  semé  d'étoiles,  faisant  comprendre 
que  les  ténèbres  d'une  nuit  spirituelle 
régnaient  sur  le  monde  avant  que  Dieu  ne 
se  fît  homme. 

C'est  là  une  seconde  singularité  blâmée 
par  les  théologiens  ('). 

Grimoiiard  dit  très  bien  (-)  :  «  Le  Fils  de 
Dieu,  en  s'incarnant,  n'est  pas  venu  habiter 
ce  sein  virginal  avec  un  corps  tout  formé, 
mais  son  corps  a  été  formé  du  sang  le 
plus  pur  de  Marie.  Evidemment  les  artistes 
dont  nous  citons  les  tableaux  connaissaient 
cette  vérité,  et  ils  étaient  bien  éloignés  de 
l'hérésie  des  Valentiniens,  qui  avaient  sou- 

1.  S.  Antonin,  Summa  hist.,  III,  lit.  8,  4,  §  11  ;  Mola- 
nus.  De imiii^inibus,  III,  c.  13  ;AyaIa.  Pictor  chris/ianus, 
I,  c.  7,  n°  13.  IV,  c.  4,  n.  2,  pp.  22  et  200,  etc. 

2.  Guide  de  fart  chrétien,  Paris,  1874,  IV,  112  s. 


mn  îlttjre  D'i^eures. 


443 


tenu  l'erreur  contraire  ;  ils  voulaient  seule- 
ment rendre  sensible,  par  le  seul  procédé 


compatible  avec  la  nature  de  l'art,  le  fait, 
que  le  Fils  de  Dieu  vient  s'incarner.  Mais 


:n$  m  àinttomim 
Mimitiuttntùf.i&o 

-«.^^jrtm^  m  bminpuï  ctiiùr  et  fp,  j^ 

Fig.  5.  —  Dieu  le  Fils,  agenouillé  devant  Dieu  le  Père. 


0Mm 


ce  procédé  favorise  une  grave  erreur  ;  il  est 
puéril,  il  est  même  iconographiquement 
inexact.  Aujourd'hui  on  serait  inexcusable 
d'y   recourir.  Le  Fils    de    Dieu,    en    tant 


que  Dieu,  ne  doit  pas  être  représenté  sous 
la  figure  d'un  enfant,  étant  de  toute  éter- 
nité égal  à  son  Père.   » 

Aux  Vêpres  le  Père,  assis  sur  un  trône, 


444 


3Re\3ue  tje  T^rt  chrétien. 


tient  devant  sa  poitrine  la  croix  à  laquelle 
est  attaché  son  divin  Fils  et  au-dessus  de 
laquelle  plane  la  colombe  du  Saint-Esprit. 
Il  a  placé  la  croix  auprès  d'un  grand 
globe,  image  de  notre  terre  arrosée  par  le 
sang  du    Sauveur. 

Aux  Compiles  les  trois  personnes  sont 
représentées  une  troisième  fois,  assises  sur 
un  trône  commun,  mais  le  Fils  n'est  revêtu 
que  du  linge  qui  ceint  ses  reins.  Il  montre 
ses  plaies  et  tient  sa  croix  embrassée.  A  la 
tnesse  de  la  Très  Sainte  Trinité  le  miniatu- 
riste a  figuré  dans  la  région  supérieure  Dieu 
le  Père  en  demi-figure,  entouré  de  petits 
anges  rouges,  montrant  le  crucifix.  Dans 
la  zone  inférieure  on  voit  les  représentants 
de  la  chrétienté.  Tous  sont  agenouillés  ;  le 
pape  a  déposé  sa  tiare  sur  le  sol,  l'évêque 
sa  mitre,  le  chevalier  son  casque  et  ses 
gantelets. 

Les  miniatures  qui  accompagnent  \ Office 
des  morts  nous  offrent  un  petit  drame  en 
images.  Aux  Matines,  la  première  montre 
les  âmes  des  damnés  enfermés  dans  la 
gueule  béante  d'un  monstre  dont  la  mâ- 
choire est  pleine  de  flammes.  Un  grand 
brasier  entre  deux  tours  s'élève  sur  cette 
tête,  où  apparaît  la  gueule  d'une  seconde 
tête,  remplie  de  feu  et  de  damnés.  Des 
diables  amènent  de  toutes  parts  des  âmes. 
La  miniature,  d'une  finesse  extraordinaire, 
est  remplie  d'une  foule  de  figures  minus- 
cules (fig.  6). 

A  Prime,  un  homme  qui  vient  de  mourir 
est  posé  par  deux  porteurs  sur  un  tas  de 
foin,  dépouillé  de  ses  habits. 

A  Tierce,  des  clercs,  revêtus  de  rochets 
blancs,  et  les  parents  du  défunt,  habillés  en 
noir,  sont  assemblés  autour  du  cercueil. 
Celui-ci  est  couvert  d'un  drap  rouge  sur 
lequel  sont  placés  trois  candélabres. 

A   Sexte,   on    fait  descendre   le  cercueil 


dans  la  fosse,  tandis  qu'un  prêtre  prie,  en- 
touré des  parents  vêtus  de  deuil. 

A  None,  le  prêtre  dit  la  sainte  messe. 
Les  parents  se  rendent  en  procession  autour 
de  l'autel  pour  déposer  des  pains  sur  sa  table 
et  apporter  des  vases  remplis  de  vin. 

Le  résultat  de  ces  offrandes  apparaît  dans 
la  miniature  des  Vêpres  ;  on  y  voit  trois 
âmes,  figurées  comme  hommes  nus,  assises 
derrière  une  table  couverte  d'une  nappe. 
Des  anges  apportent  les  pains  et  le  vin 
offerts  à  l'autel  par  les  parents. 

Aux  Compiles  les  anges  délivrent  de  la 
gueule  d'un  monstre  trois  âmes  pour  les- 
quelles on  a  prié  et  fait  des  offrandes  ;  deux 
autres  âmes  sont  obligées  d'y  rester. 

Une  enluminure  placée  près  d'une  prière 
en  l'honneur  de  saint  Pierre,  représente  cet 
apôtre  refusant  l'argent  offert  par  Simon 
le  magicien. 

Les  miniatures  de  VOffice  de  ions  les 
Saints  sont  d'un  haut  intérêt. 

A  Prime,  Dieu  siège  dans  la  zone  supé- 
rieure, entouré  d'un  grand  nombre  de  saints. 
On  remarque  parmi  leur  foule,  à  droite,  le 
précurseur,  un  apôtre  avec  une  lance  (saint 
Thomas),  un  évêque  et  un  empereur.  L'ins- 
cription dit  :  Tu  es  spes  sanctorwn  et  turris 
fortitudinis.  A  gauche  S.  Jean  tient  son 
aigle  sur  le  poing,  comme  les  chevaliers  du 
XV^  siècle  portaient  leur  faucon  ;  il  est  ac- 
compagné de  sainte  Agnès  et  de  saint  Jé- 
rôme. L'inscription  dit  :  Dedisti  haeredita- 
tem  titnentibus  nomen  tutim,  Domine.  Dans 
les  marges  rouges  trois  fois  trois  anges  sont 
peints  en  rouge  avec  un  peu  de  blanc  et  de 
vert.  Dans  une  petite  miniature  vis  à  vis 
de  celle-ci,  des  anges  entourent  le  trône  de 
Dieu. 

A  Tierce  on  voit  les  apôtres  à  la  droite 
du  trône  de  Dieu,  à  gauche  les  prophètes. 

A  Sexte,  Dieu  est  entouré  des  symboles 


mn  lLi\)vt  D'ï^eureg. 


445 


des  évangélistes  (fig.  7).  A  None  le  minia- 
turiste a  placé  à  droite  du  siège  de  Dieu, 
des  religieux  de  différents  Ordres,  à  gauche 


des   chevaliers;    aux  Vêpres,  à  droite  des 
vierges,  à  gauche  des  veuves. 

\.' Office  et  la  Messe  du  Saint-  Sacrement 


Fig.  6.  —  La  poite  de  l'enfer. 


sont  ornés  de  neuf  miniatures  disposées 
avec  autant  de  goût  que  d'esprit.  Aux  Ma- 
tines, Joseph  distribue  à  quatre  hommes  du 


blé  tiré  de  trois  grands  sacs.  Une  inscrip- 
tion dit:  ht  toto  orbe panis  deerat.  (Gen.,  47, 
13.)  En  haut,    la   figure  de  Salomon  porte 


446 


jRebtie  ïfe  T^rt  chrétien. 


une  banderole  avec  l'inscription  :  Veniie,  I  têtes  de  saint  Paul  et  de  saint  André  avec 
coniedite  panem  meum.  {Vxov.,  9.  5.)  Aux  les  légendes  :  £"j/ ««//^-/«^r  /^/V,  qui  liabet 
coins,  à  droite  et  à  gauche,  sont  peintes  les    i    quinque  panes.  (Joan.,  6,   9.)  Panent,   que?n 


Fig.  7.  —  Dieu,  entouré  des  symboles  des  évangélistes. 


frangimus  {nonne  participatio  corporis  Do- 
mini  est.)  I.  Cor.,  10,  16.) 

A  Prime,  le  Saint-Sacrement  est  exposé 


sur  un  autel  dans  un  ostensoir.  A  droite  et 
à  gauche  de  cet  autel  nous  trouvons  Moïse 
et  saint  Jean  avec  des  banderoles  portant 


Win  ilibre  D'i^euree. 


447 


les  légendes  :  Dedt  tibi  cibum  manna,  quod 
ignorabas.  (Deut.,  8,  3.)  Vittcenti.  dabo 
manna  abscotiditum.  [IK^oc.,  2,  17)  Dans 
les  marges  sont  ajoutées  les  légendes  : 
Nehemias  :  Panem  de  coelo  dedisti  eis  in 
famé  eoruvi  !  (2  Esd.,  9.  i^.)  I/iesiis  :  Ego 
sum  panis  vilae,  quivemt  ad  me  non  esuriet. 
(Joan.,  6,  35.) 

A  Tierce,  la  sainte  communion  est  don- 
née par  un  prêtre  à  un  homme.  Un  autre 
fidèle  agenouillé  attend  le  prêtre.  En  haut 
les  têtes  d'Élie  et  de  Moïse  sont  peintes 
avec  les  légendes  :  Respexit  Helias  ad  ca- 
put  suum  sttbcineritium  paneiii.  (3  Reg.,  19, 
6.)  Moyses  :  Homo,  qui  accesserit  de  stirpe 
vestra  ad  ea  quœ  consecrata  sunt.  (Levit.,  22, 
3.)  Dans  les  marges  on  lit  -.Jo/ianfies  :  Ctim 
accepisset  Judas  Symonis  Iscariothes.  (Joan., 
13,  30.  )  Jésus  :  Panis  Dei  est,  qui  descendel 
de  cela.  (Joan.,  6,  33.) 

A  Sexte  le  Saint-Sacrement  est  de  nou- 
veau exposé.  Devant  l'autel  se  tiennent  de- 
bout :  Isaïe  et  Aaron,  saint  Paul  et  saint  Luc. 
Les  légendes  de  leurs  banderoles  disent  : 
Vere  tu  es  Deus  absconditus.  (  I  s. ,  4  5 ,  1 5 .  )  5? 
quis  circumcisus  non  fuerit,  non  vescetur  ex 
(?(?.  (Ex.,  I  2,  48.)  Probet  autem seipsum  homo 
et  sic  de  pane  illo  edat.  (I  Cor.,  i  i,  28.)  Nec 
est  absconditnm,  quod  non  cognoscatur. 
(Luc,  8,  I  7.) 

A  None  le  miniaturiste  montre  comment 
les  Israélites  recueillent  la  manne:  aux  Vê- 
pres, les  deux  disciples  reconnaissent  le 
Seigneur  à  Emmaiis  ;  aux  Compiles  on  voit 
comment  lesjuifs  mangent  lAgneau  pascal. 

Les  Heures  de  la  miséricorde  de  Dieu  ne 
sont  ornées  que  d'une  seule  peinture,  dans 
laquelle  «  l'homme  de  douleurs  »,  debout 
dans  un  sarcophage,  est  adoré  par  la  foule. 

Qu'ils   sont   riches   en    idées  ces    livres 


d'heures  et  bien  d'autres  manuscrits  de  la 
seconde  moitié  du  moyen  âge  !  Notre 
siècle  n'aurait  qu'à  y  puiser  pour  offrir 
à  la  dévotion  populaire  des  images  reli- 
gieuses vraiment  dignes  de  leur  objet.  Si 
l'on  voulait  s'en  inspirer,  nous  ne  verrions 
pas  se  répéter  toujours  les  mêmes  repré- 
sentations vides  et  sans  caractère,  trop  sou- 
vent sorties  d'officines,  dont  les  dessina- 
teurs sont  ignorants.  Ils  ne  cherchent  pas  à 
s'instruire,  leurs  commis  voyageurs  plaçant 
facilement  ce  qui  ne  coûte  que  peu  et  con- 
vient à  ceux  qui  suivent  en  paix  et  commo- 
dément le  chemin  battu.  Beaucoup  de  nos 
images  religieuses  modernes  sont  sem- 
blables à  l'eau  tiède,  ni  froides,  ni  chaudes. 
(Apoc.  3,  15.) 

L'art  moderne  s'efforce  à  donner  de 
hautes  nouveautés.  Il  est  à  la  recherche  de 
formules  et  de  sujets  neufs,  qui  n'ont  pas 
encore  été  vus  jusqu'à  ce  jour.  Et  c'est 
par  ce  moyen  qu'il  espère  exciter  l'attention. 

Il  va  sans  dire  que  notre  art  religieux 
doit  rester  dans  les  voies  traditionnelles  de 
son  iconographie,  mais  à  aucune  époque  et 
par  aucune  autorité  il  n'a  été  condamné  à 
une  stérilité  ennuyeuse,  à  répéter  toujours 
de  la  même  manière  tout  ce  qu'on  a  vu 
mille  fois  de  côté  et  d'autres.  L'étude 
sérieuse  du  moyen  âge  est  une  source  abon- 
dante, à  laquelle  l'artiste  puisera  des  idées 
et  des  formes  qui  répondront  aux  désirs  de 
ceux  qui  savent  penser.  L'esprit  humain 
cherche  toujours  le  vrai,  le  bon  et  le  beau 
sous  des  formes  nouvelles  ;  il  doit  rejeter 
les  formules  usées  et  qui  n'ont  pas  assez 
de  valeur  pour  répondre  aux  aspirations  de 
l'homme  religieux  et  sensé. 

Etienne  Beissel,  S.  J. 

Luxembourg. 


^  A^^  A^Vk  A^^  ^^^  K~^U  >M*  A^^  A^yU  ^^ A  K^*  A^I*  A^^  X^V^  A^VT^  i.^^  »tjl^ 

m  m^  Bortatl  ïje  Tabbape  lie  Vc^elap,  ^^ 


JrrilirTTyTTTTTITiriTITTTlYTTIT 


xrnxrrixi  1 1  ixuuliii  i  rirjcnxrrxucm^xrxmrmximrT 


i:crrrrTTr:atxrrTTritiiiiiii  crxrim  cnririiiriro 


»x^  »i*^  "xtt^  ♦i^t^  ^xAj-*  *iA:t*  VïA)  *  1^^-v  Tfiiï^  Yi^-v  y^Jc  y^  v^  X  y^^  y^ 


Interprétation  Des  suicts  Du  linteau 

et  Des  cbapiteaur  De  la  porte  centrale 

De  la  nef. 

L  n'est  peut  être  pas 
un  seul  monument  du 
moyen  âge  qui  ait  été 
plus  souvent  reproduit, 
étudié,  analysé,  que  la 
porte  centrale  de  la 
Madeleine,  à  Vézelay. 
Aucun  du  reste  n'est  plus  majestueux  par 
ses  proportions,  plus  intéressant  par  ses 
détails  ;  et  la  position  de  cette  porte,  qui 
s'ouvre  entre  le  narthex  et  l'église  pro- 
prement dite,  sous  l'abri  des  voûtes,  en  a 
suffisamment  assuré  la  conservation  pour 
en  rendre  l'examen  facile  et  attrayant  ('). 
D'abord,  Viollet-le-Duc,  qui  avait  res- 
suscité de  ses  ruines  la  vieille  abbaye 
romane  {'),  l'a  décrite  avec  un  amour  quasi 
paternel  ;  à  leur  tour,  de  Caumont,  Mé- 
rimée, Meusnier,  Le  Normant,  l'abbé 
Crosnier  ont  cherché,  ce  dernier  non  sans 
succès,  à  deviner  quelques-uns  des  pro- 
blèmes iconographiques  que  nous  propose 
la  foule  de  ses  figures  sculptées. 

Grâce  à  ces  savants  archéolosfues,  il  ne 
subsiste  aucun  doute  sur  le  sujet  de  l'ar- 
chivolte et  sur  celui  du  tympan  ;  mais,  en 
ce  qui  concerne  le  linteau  et  les  chapiteaux 
des  ébrasements,  aucune  des  explications 
données  jusqu'ici  ne  paraît  définitive.  On 
nous  permettra  de  proposer  à  notre  tour 
une   interprétation  qui    nous  semble  à  peu 


1.  Celte  conservation  serait  même  pai  faite  (sauf  en  ce 
qui  touche  la  peinture  presque  complètement  effacée)  si 
les  huj;uennls,  en  1569-1570,  et  les  révolutionnaires,  en 
'793.  n'avaient  brisé  beaucoup  de  tctes  et  gratté  certains 
détails  de  sculpture. 

2.  Violletle-Duc  a  restauré  Vézelay  de  1S40  à  1856. 


près  certaine   pour   le   linteau    et   tout  au 
moins  possible  pour  les  chapiteaux. 


R 


Description  générale  de  la  porte. 

APPELONS    brièvement   le   thème 
général  de   l'iconographie   de   notre 
porte. 

Inutile  de  nous  arrêter  aux  archivoltes, 
qui  nous  présentent  cependant  des  orne- 
ments vigoureusement  sculptés  et  un  ca- 
lendrier divisé  en  médaillons  curieux  :  ce 
sont  là  sujets  qui  se  retrouvent  sur  presque 
toutes  nos  vieilles  églises  et  ne  donnent  à 
notre  monument  aucun  caractère  spécial. 
—  Il  n'en  est  pas  de  même  du  grand  tableau 
du  tympan,  qui  est  unique  dans  la  statuaire 
du  moyen  âge  :  le  Christ,  assis  au  milieu  de 
ses  Apôtres,  leur  donne  mission  d'évan- 
géliser  le  monde  :  de  ses  mains  étendues 
partent  des  rayons  qui  aboutissent  à  la  tête 
de  chacun  d'eux  :  symbole  ingénieux  de  la 
grâce  divine.  —  Les  Apôtres  expriment 
par  leurs  gestes  et  leurs  attitudes  l'inspi- 
ration qui  les  emplit.  —  Autour  du  Christ, 
et  pour  mieux  indiquer  la  grandeur  de  la 
scène,  paraissent  le  fleuve  d'eau  vive  et 
l'arbre  de  vie  apocalyptiques.  Enfin,  dans 
huit  compartiments  disposés  à  la  périphérie 
du  tympan,  on  croit  reconnaître  les  divers 
peuples  de  la  terre,  à  qui  les  Apôtres  vont 
porter  la  bonne  nouvelle. 

Au  trumeau,  S.  Jean- Baptiste,  le  Pré- 
curseur, portait  jusqu'en  1793  l'Agneau  de 
Dieu  dont  les  iconoclastes  n'ont  laissé  sub- 
sister que  le  nimbe  avec  un  reste  d'ins- 
cription :  ecce  [agtms  Dei  qui  tollit  peccaia] 
mundi  ;  —  sur  le  socle  une  autre  inscription, 
en  vers  léonins,  nous  donne,  par  un  soin 
vraiment  superflu,  le  nom  du  saint  person- 


laortail  De  Tabbape  tie  <Illé3elap. 


449 


nage  :  Agnoscant  omnes  quia  dicitur  isie 
Johannes  \Convenit\  et populum  demonstrans 
indice  Christîim  (').  S.  Jean  est  accom- 
pagné, sur  les  côtés  du  trumeau  et  aux 
ébrasements,  par  six  apôtres  qui  ont,  comme 
lui,  coopéré  à  l'avènement  de  la  Loi  nou- 
velle. 

Le    sommet    de    la    figure  de  S.    Jean 


Fig.   I.  —  Abbaye  de  Vézelay. 
Grand  portail  de  la  nef. 

dépasse  le  linteau  et  le  divise  en  deux 
parties,  dont  chacune  semble,  d'après 
l'attitude  des  figures,  représenter  un 
sujet  différent.  Nous  allons  maintenant 
examiner  en  détail  cette  longue  bande  de 
pierre  où  se  pressent  quarante  quatre  per 
sonnages. 

I.  Cette  restitution  est  de  VioUet-le-Duc  ;  Meusnier 
avait  proposé  <  ecce  tenet  ».  Les  premières  lettres  sont  en 
effet  douteuses. 


Linteau. 

LE  linteau  est  divisé  en  deux  parties 
par  le  sommet  du  trumeau  :  chacune 
offre  une  série  de  figures  formant  comme 
une  procession  dont  les  personnages,  par- 
tant des  deux  extrémités  du  linteau,  se 
dirigent  pour  la  plupart  vers  le  centre. 
Décrivons-les. 

1°  Partie  gauche.  —  N°  i.  Adossé  à  la 
partie  supérieure  du  trumeau,  un  person- 
nage debout,  vêtu  d'une  robe  à  larges 
manches,  tient  à  deux  mains  une  lance  à 
crochet.  Auprès  de  lui  (qui,  seul  des  per- 
sonnages de  cette  partie  du  linteau,  a 
conservé  sa  tête)  on  voit  sur  le  second  plan 
deux  hommes  (N°'  2  et  3), auxquels  il  paraît 
commander,  et  qui  lui  amènent  un  bœuf 
(N°  4)  :  le  premier  tient  l'animal  par  une 
corne,  et  porte  une  énorme  hache;  le  second 
caresse  le  flanc  de  la  bête.  —  Deux  autres 
acolytes  (N°'  2""'"  et  3''"')  semblent  discuter 
avec  eux  sur  la  manière  de  tuer  le  bœuf. 

N°  5.  —  Un  personnage  portant  une 
lance,  pareille  à  celle  du  N°  i,  se  tourne  vers 
quatre  figures  également  vêtues  de  robes 
longues:  la  première  (N°6),  très  mutilée, 
tenait  une  lance  ou  un  long  bâton  ;  la  se- 
conde (N°  7),  de  face,  porte  un  seau  ;  elle 
semble  s'arrêter  pour  regarder  le  colloque 
engagé  entre  une  femme  (N°8),  qui  étend 
les  bras  en  avant,  et  un  personnage  (N°  9), 
placé  derrière  elle,  qui  lui  pose  la  main  sur 
l'épaule  :  on  ne  saurait  distinguer  quel  est 
le  sexe  de  ce  dernier. 

Puis  viennent  trois  figures  en  robe 
courte  :  l'une  (N"  10)  tient  un  grand  poisson 
attaché  par  la  tête:  une  autre  (N°  ri) 
s'appuie  sur  son  épaule  ;  la  dernière  (N°  12) 
porte  un  pain  rond  marqué  d'une  gaufrure 
carrée. 

N°  13. —  Un  personnage  enveloppé  d'un 
manteau   tombant  jusqu'aux   genoux,   s'ar- 


450 


3Re\)ue  De  T^rt  cl)iétieru 


rête,  la  jambe  gauche  croisée  par- dessus  la 
droite  ;  il  tient  un  vase  rond,  à  panse  renflée, 
tout  rempli  de  petits  fruits  sphériques. 

N°'  14  à  19''''.  —  Neuf  archers  en  marche, 
vêtus  de  tuniques  courtes,  sauf  le  N°  17 
qui  en  a  une  beaucoup  plus  longue,  et  le 
N°  14  qui  a  pour  tout  costume  un  manteau 
court  agrafé  sur  l'épaule  droite.  Ils  ont  les 
pieds  nus,  au  contraire  des  autres  per- 
sonnages du  cortège,  qui  sont  chaussés. 
—  Le  N°  14  a  un  grand  arc  sur  lequel  il 
s'appuie  comme  sur  un  bâton;  un  carquois 
garni  pend  sur  sa  cuisse;  —  la  plupart  des 
autres  bandent  de  petits  arcs. 

2"  —  Partie  droite.  —  N°''  20  et  21.  Deux 
personnages  dont  la  taille  est  beaucoup 
plus  grande  que  celle  des  figures  voisines. 
Ces  deux  statues,  bien  que  sculptées  en 
partie  sur  le  linteau,  empiètent  sur  le  tym- 
pan de  toute  la  hauteur  des  épaules  et  de  la 
tête  :  aussi  les  interprétateurs  les  ont-ils 
généralement  rattachées  à  la  composition 
du  tympan;  nous  n'avons  aucune  raison  de 
procéder  autrement;  il  nous  semble  cepen- 
dant bien  hardi  de  supprimer  tout  rapport 
entre  elles  et  le  sujet  représenté  sur  le  lin- 
teau: un  tel  préjugé  est  dangereux  au  milieu 
des  énigmes  de  ce  bas-relief.  —  D'autant 
que  cette  explication  usuelle  de  nos  deux 
figures  ferait  ressortir  deux  S.  Pierre  dans 
une  seule  composition.  D'après  la  tradi- 
tion locale,  en  effet,  que  l'on  est  réduit  à 
suivre  faute  de  toute  autre  indication,  ces 
deux  statues  représentent  l'une  (N»  21) 
la  Madeleine,  patronne  de  l'abbaye,  l'autre 
(N°  20)  S.  Pierre  :  l'identification  de  ce 
dernier  est  en  tout  cas  certaine,  car  il  tient 
à  la  main  deux  grandes  clefs  très  ouvragées. 

Les  personnages  suivants  sont  tous  de  la 
même  taille  que  ceux  de  la  partie  gauche 
du  linteau. 

N°  22.  —  Un  cheval  en  marche  vers  la 
gauche   porte  un  cavalier,  dont  il  ne  sub- 


siste plus  que  le  bouclier  rond,  la  jambe  et 
la  cuisse,  protégée  en  partie  par  une  cotte  de 
mailles. 

N"  23  et  24.  —  Deux  personnages  vêtus 
de  robes  (  le  N°  24  est  peut-être  une 
femme?);  leurs  têtes  manquant  (ainsi  que 
celles  de  toutes  les  figures  du  N°  2  au  30 
à  l'exception  des  N°^  20  et  21),  il  est  diffi- 
cile de  les  interpréter,  faute  d'autre  indica- 
tion; sans  doute  elles  regardaient  vers  le 
ciel. 


Fig.  2.  —  Abbaye  de  Vézelay. 
Schéma  du  grand  portail  de  la  nef. 

No  25.  —  Un  guerrier,  reconnaissable  à 
sa  cotte  de  mailles,  et  d'une  taille  bien 
supérieure  à  celle  de  ses  compagnons,  se 
retourne  vers  le  cavalier  N^  22.  —  Son 
geste  peut  être  interprété  de  deux  façons  : 
ou  bien  il  tenait  une  épée  et  un  bouclier, 
aujourd'hui  brisés,  et  provoquait  le  cavalier, 
ou  bien  plutôt,  il  lève  la  main  vers  les 
figures  du  tympan  (le  Christ  et  les  apôtres) 
pour  attirer  vers  elles  l'attention  du  cavalier. 

N°s  26,  27  et  28.  —  Trois  hommes  en 
tunique  courte  s'éloignent  du  précédent  et 
se  dirigent  vers  le  N"  29.  Celui  du  milieu 


lèortatl  de  Tabbape  De  ^éselap. 


451 


tient  sous  son  bras  un  bouclier  rond;  celui 
(N"  26)  qui  le  suit  lui  touche  du  doigt 
l'épaule  comme  pour  le  mettre  en  garde. 

N"  29.  —  Un  guerrier,  revêtu  d'une 
cotte  de  mailles  par  dessus  sa  tunique,  porte 
de  la  main  gauche  un  petit  bouclier  rond; 
de  la  droite  élevée  il  présente  à  Ste  Made- 
leine (dont  il  dépasse  à  peine  le  genou)  son 
épée,  la  pointe  en  bas. 

N°  30.  — -  Au  second  plan,  un  person- 
nage, debout  derrière  le  cavalier  N°  22, 
fait  un  geste  de  surprise  en  regardant  dans 
la  direction  indiquée  par  le  N*  25. 

N°  31.  —  Un  nain  ou  un  enfant  (sa  tête, 
conservée,  est  imberbe)  dont  le  manteau 
flotte  au  vent  et  dont  les  jambes  sont  bri- 
sées, monte  à  l'aide  d'une  petite  échelle  sur 
un  cheval  (N°  32)  sellé  et  sanglé  de  deux 
sangles  dont  une  fort  en  arrière,  à  la  mode 
orientale;  les  étriers  sont  courts  et  trian- 
gulaires. Le  cheval,  tournant  la  tête,  semble 
regarder  avec  mépris  son  petit  cavalier,  — 
au  second  plan,  un  homme  (peut-être  deux) 
(N"  ^;^)  lève  un  bras  vers  le  ciel. 

N°  37.  —  Une  femme  (dont  le  bras 
gauche  manque)  et  un  homme  (N°  38)  sem- 
blent s'entretenir  ensemble.  —  Entre  eux 
est  un  enfant  (N°  39)  qui  se  réfugie  contre 
sa  mère,  ou  se  dirige  vers  le  cavalier  N°  3  i. 

N°'  34,  35  et  36.  —  Trois  individus  pa- 
raissant appartenir  à  une  race  particulière; 
tous  trois  pourvus  d'énormes  oreilles  qui 
leur  descendent  sur  les  épaules  et  qui  res- 
semblent à  des  écailles  gigantesques.  Le 
premier  (N°  34),  évidemment  le  chef  de 
cette  monstrueuse  famille,  est  nu  :  il  a  les 
épaules  (les  bras  sont  cassés),  le  torse  et  les 
cuisses  recouverts  de  longs  poils  ou,  selon 
quelques  critiques,  d'un  maillot  en  peaux  de 
bêtes.  La  femme  (N''35),  dont  le  bras  droit 
est  également  brisé,  est  nue  jusqu'à  la  cein- 
ture; elle  a  le  bas  du  corps  enveloppé  dans 
une  draperie  flottante  par  le  bas,  serrée  au- 


dessus  des  hanches.  —  Entre  eux  est  leur 
enfant  (N°  36)  qui,  appuyant  la  main  droite 
contre  sa  joue  ou  son  oreille,  tient  de  l'autre 
son  pied  gauche,  comme  s'il  y  avait  mal, 
ou  encore  comme  s'il  sautait  à  cloche-pied. 
Son  père  se  penche  au-dessus  de  lui  comme 
pour  le  frapper  ou  pour  parler  à  sa  mère, 
qui  de  la  main  gauche  retient  la  draperie 
qui  lui  sert  de  robe.  —  On  remarque  le 
soin  méticuleux  avec  lequel  l'artiste  a  re- 
produit les  cartilages  des  oreilles,  parais- 
sant s'attacher  à  les  montrer  sous  toutes  les 
faces. 

Que  signifient  ces  deux  séries  de  person- 
nages que  nous  venons  d'examiner  des 
deux  côtés  du  trumeau,  sur  le  linteau? 

I.  —  Un  premier  système  (celui  de 
M.  Le  Normant)  voit  dans  la  série  gauche 
l'entrée  des  Hébreux  dans  la  Terre  promise, 
image  de  l'entrée  des  élus  dans  le  ciel,  et, 
dans  la  série  droite,  les  Péchés  et  les  Vices 
qui  empêchent  d'arriver  au  ciel.  —  Premier 
sujet  :  —  nous  avouons  ne  voir  ici  aucun 
signe  ni  attribut  caractérisant  soit  le  peuple 
hébreu,  soit  l'épisode  de  la  sortie  d'Egypte  : 
si  l'artiste  avait  eu  en  vue  ce  sujet,  il  n'eût 
pas  manqué,  à  notre  avis,  de  nous  présenter 
Moïse,  Aaron,  ou  tout  au  moins  l'Arche 
d'Alliance  et  les  tables  de  la  loi.  —  Deu- 
xième sujet  :  —  ici  la  colère  serait  figurée 
par  l'homme  qui  tient  une  épée  nue  près 
de  sainte  Madeleine  (mais  le  geste  de  pré- 
senter à  quel  qu'un  la  poignée  d'une  épée, 
même  nue,  peut-il  passer  pour  un  acte  de 
colère?);  l'orgueil  ou  la  présomption,  parle 
petit  personnage  qui  a  besoin  d'une  échelle 
pour  grimper  sur  son  cheval  (mais  si  la 
présomption  a  souvent  été  figurée  par  un 
cavalier,  c'est  par  un  cavalier  précipité  à 
terre,  non  par  un  enfant  montant  à  cheval)  ; 
la  calomnie,  par  la  famille  aux  grandes 
oreilles  (mais  pourquoi  ces  costumes  de 
sauvages,  et  pourquoi  trois  calomniateurs, 


452 


ISitWt  De  ravt  chrétien. 


quand  un  seul  suffirait?)  En  outre,  pourquoi 
les  vices  le  plus  fréquemment  représentés 
au  XII"  siècle,  la  paresse,  la  luxure  avec 
ses  reptiles,  l'avarice  courbée  sous  le  poids 
de  la  bourse  pendue  à  son  col,  ne  seraient- 
ils  pas  figurés  ici?  —  Enfin,  cette  inter- 
prétation n'explique  pas  la  présence  de 
S.  Pierre  et  de  la   Madeleine,    qu'il   serait 


singulier  de  rencontrer  à  côté  des  Vices; 
dans  ce  système  on  ne  voit  aucune  relation 
soit  entre  les  deux  parties  du  linteau,  soit 
entre  ce  linteau  et  le  tympan. 

II.  —  Un  second  système,  plus  suivi 
(Viollet-le-Duc,  abbé  Crosnier,  etc.),  croit 
reconnaître  à  gauche  les  offrandes  appor- 
tées à  l'abbé  de   Vézelay  par  les   gens  du 


0Eè 


Fig.  3.        Abbaye  lie  Vezelay.  -    Tympan  tlu   portail. 


pays,  et  même  plus  spécialement  la  fête 
dite  de  l'Apport,  où  on  lui  apportait  toutes 
sortes  de  victuailles.  —  .A  droite,  il  voit 
comme  précédemment  la  représentation 
des  Vices.  Pour  établir  une  relation  entre 
ces  deux  sujets,  on  ajoute  que  ceux  qui 
font  à  l'abbé  des  offrandes  de  bœufs,  pois- 
sons, fruits,  etc..  accomplissent  de  bonnes 
œuvres  et  méritent   le  Ciel,  tandis   que  les 


Vices  figurés  en  regard  méritent  l'Enfer  . 
—  ceci  est  à  notre  avis  trop  subtil  ;  d'ail- 
leurs nous  avons  dit  plus  haut  que  nous 
refusions  de  voir  ici  l'image  des  Vices,  — 
Au  contraire  nous  acceptons  à  peu  près, 
[  sauf  ce  que  nous  dirons  plus  loin,  l'ex- 
plication de  Viollet  le-Duc  en  ce  qui  con- 
cerne la  première  partie  du  linteau  :  toute- 
fois le  personnage   adossé   au    trumeau   ne 


peut  être  l'abbé,  car  il  tient  non  une  crosse 
ou  un  bâton  pastoral,  mais  une  lance  à 
crochet  semblable  à  celle  du  N°  5  :  ces 
deux  figures  sont  donc  celles  de  deux  bou- 
viers,  ou  de  deux  officiers  de  l'abbaye  diri- 
geant le  cortège.  Quant  aux  archers,  ce 
sont  vraisemblablement  des  chasseurs  ou 
des  soldats  de  l'abbaye. 

III.  —  A  notre  avis,  pour  trouver  le 
mot  de  l'énigme,  il  convient  de  se  rappeler 
l'époque  et  les  circonstances  où  la  porte  fut 
édifiée  :  Viollet-le-Duc  en  place  la  construc- 
tion vers  1145  ou  II 50,  en  tous  cas  sous 
l'abbatiat  de  l'abbé  Ponce  de  Montboissier 
(mort  en  ii6i)  dont  Augustin  Thierry  a 
raconté  les  luttes  avec  les  comtes  de  Nevers 
et  les  bourgeois  de  Vézelay.  Nous  inclinons 
même  à  penser  que  ce  grand  travail  ne  fut 
entrepris  qu'à  partir  de  1155,  après  la  fin 
des  troubles  qui  en  auraient  certainement 
entravé  l'exécution,  et  après  le  paiement  de 
l'indemnité  de  40,000  sous(environ  200,000 
francs)  que,  suivant  la  sentence  rendue  par 
Louis  VII,  les  bourgeois  durent  payer  à 
l'abbé,  et  que  celui-ci  employa  sans  doute 
en  partie  à  l'embellissement  de  son  église. 
—  Or  à  cette  époque,  à  Vézelay,  deux 
faits  avaient  dû  laisser  dans  les  esprits  une 
impression  profonde  :  d'abord  l'insurrection 
communale,  à  laquelle  il  eût  été  malséant 
et  dangereux  de  faire  allusion  dans  les 
sculptures  de  notre  porte  (et  à  ce  point  de 
vue,  la  représentation  de  la  fête  de  l'ap- 
port n'eût-elle  point  paru  aux  bourgeois 
une  bravade  intempestive  et  peu  chré- 
tienne ?),  ensuite  la  seconde  croisade  que 
S.  Bernard  avait  prêchée  à  Vézelay  quel- 
ques années  auparavant  et  qui  avait  attiré 
dans  cette  ville  un  concours  extraordinaire 
de  peuples  et  de  princes  ;  les  offrandes 
avaient  été  énormes  :  tant  en  nature  qu'en 
argent,  chacun  avait  donné  selon  ses 
moyens.  —  Or  la  croisade  n'était-elle  pas  un 


sujet  convenable  à  présenter  sur  une  porte 
d'église  ?  de  même  que  les  Apôtres  avaient 
fait  triompher  le  christianisme  par  la 
parole,  les  croisés  le  faisaient  triompher 
par  les  armes.  S.  Bernard  ne  disait-il  pas, 
si  l'on  en  croit  Michaud:  «Ne  vous  couvrez 
plus  du  cilice,  mais  de  vos  boucliers  invin- 
cibles !  Le  bruit  des  armes,  les  dangers,  les 
travaux,  les  fatigues  de  la  guerre,  voilà  la 
pénitence  que  Dieu  vous  impose!...  Volez 
donc  aux  armes  !  qu'une  sainte  colère 
vous  anime  au  combat,  et  que  le  monde 
chrétien  retentisse  de  ces  paroles  du  pro- 
phète :  «  Malheur  à  celui  qui  n'ensanglante 
pas  son  épée  !  » 

Ainsi  la  partie  gauche  du  linteau  figure- 
rait non  la  fête  de  l'Apport,  mais  la  remise 
des  offrandes  apportées  par  le  peuple  en 
vue  de  la  croisade  ;  la  partie  droite,  d'abord 
le  départ  pour  la  croisade,  puis  les  peuples 
infidèles  que  les  guerriers  chrétiens  vont 
convertir  par  l'épée  ;  —  d'une  part,  ceux 
qui  ne  peuvent  combattre  eux-mêmes  mais 
contribuent  par  leurs  dons  à  la  sainte  entre- 
prise, de  l'autre  ceux  qui  ont  eux-mêmes 
pris  les  armes.  —  Dans  ce  système,  il  y  a 
une  relation  logique  et  étroite  tant  entre 
les  deux  parties  du  linteau  qu'entre  ces 
deux  parties  et  le  tympan.  —  On  s'explique 
ainsi  la  présence  de  la  Madeleine,  patronne 
de  l'abbaye,  intercédant  auprès  du  céleste 
portier  S.  Pierre  en  faveur  des  croisés  ;  on 
comprend  le  geste  de  ce  guerrier  qui,  au 
moment  du  départ,  tend  son  épée  à  Ste 
Madeleine  comme  pour  la  lui  consacrer  ; 
de  même  ces  gestes  des  guerriers  qui  se 
montrent  l'un  à  l'autre,  au-dessus  d'eux,  les 
Apôtres  qui  les  ont  précédés  en  Terre- 
Sainte  et  qui  ont  frappé  de  la  parole  comme 
eux  vont  frapper  de  l'épée. 

On  nous  fera  évidemment  deux  objec- 
tions auxquelles  nous  allons  essayer  de 
répondre  : 


RKVUE    UR     L  ART  CHRBTIEK. 
1904.    —   5'"*    LIVRAISON. 


454 


Bebue  ïje  r^vt  t\)ïttitn. 


a.  —  On  nous  dira  qu'une  église,  placée 
sous  le  vocable  de  Sainte-Croix,  avait  été 
construite  à  Vézelay  aussitôt  après  le  con- 
cile et  sur  le  lieu  même  où  il  avait  été 
tenu  ;  que  dès  lors  il  n'y  avait  nul  besoin 
de  consacrer  à  nouveau  ce  souvenir  dans 
les  sculptures  qui  nous  occupent.  —  Ceci 
n'est  pas  une  objection  sérieuse,  car  il 
arrive  souvent  que  le  même  événement  est 
l'occasion  et  le  sujet,  dans  une  même  ville, 
de  plusieurs  monuments,  ou,  dans  le  même 
monument,  de  plusieurs  représentations  : 
ainsi  à  Reims  nous  trouvons  raconté  en 
diverses  places  le  baptême  de  Clovis  ;  à 
Amiens,  la  découverte  des  reliques  de  S. 
Acheul,  etc..  ;  et  la  construction  de  l'église 
de  Ste-Croix  témoigne  au  contraire  de 
l'impression  profonde  causée  à  Vézelay  par 
la  prédication  de  la  croisade. 

ô.  —  On  nous  fera  remarquer  qu'aucun 
des  guerriers  ne  porte  cette  marque  de  la 
croix  que  les  soldats  pèlerins  s'attachaient, 
dit-on,  sur  l'épaule. — L'objection  est  grave; 
elle  serait  décisive  si  nous  ne  savions  que 
les  protestants,  qui  ont  ravagé  l'église  en 
1569- 1570,  effaçaient  partout  les  croix; 
d'ailleurs  les  révolutionnaires  en  1793,  qui 
ont  gratté  l'Agneau  portant  la  croix  sur  le 
disque  du  S.  Jean-Baptiste  du  trumeau, 
eussent  suffi  à  cette  besogne.  De  fait,  aucun 
des  guerriers  n'est  intact  ;  tous  ont  la  tête 
brisée,  et  bien  des  parties  de  leurs  vête- 
ments ou  de  leurs  armes  ont  été  mutilées  ou 
grattées  :  rien  ne  permet  donc  d'affirmer 
qu'ils  n'avaient  point  porté  de  croix,  les  uns 
sur  leur  coiffure,  les  autres  sur  leur  épaule 
ou  sur  leur  bouclier. 

Ainsi,  comme  nous  l'avons  dit,  tous  ces 
personnages  (N°'  21  à  30)  représenteraient 
le  départ  pour  la  croisade  ;  les  N°'  31  à  36 
doivent,  dans  notre  système,  symboliser  les 
peuples  païens  ;  quant  aux  figures  intermé- 


diaires. (N°'  T,-/'  a.  39)  on  peut  les  rattacher 
à  l'un  ou  à  l'autre  groupe. 

N°'3i  à  33.  —  Dans  la  première  hypo- 
thèse, on  peut  donner  du  petit  personnage 
qui  se  guindé  à  cheval  au  moyen  d'une 
échelle  quatre  explications  :  a.  On  sait  que, 
dans  l'enthousiasme  du  premier  moment, 
beaucoup  d'enfants,  à  peine  en  âge  de  com- 
battre, s'enrôlèrent  pour  la  croisade  :  est-ce 
un  de  ces  jeunes  croisés  que  l'artiste  a  re- 
présenté ? —  p.  Peut-être  y  eut-il,  parmi  les 
seigneurs  qui  se  croisèrent  à  Vézelay,  un 
nain  dont  le  souvenir  perdu  dans  la  mémoire 
des  habitants  n'aurait  été  conservé  que  par 
notre  bas-relief  ?  —  y.  Peut-être  est-ce  un 
croisé  que  l'imagier  a  voulu  ridiculiser:  cela 
n'est  pas  impossible,  car  les  abbés  conser- 
vaient une  haine  persistante  contre  certains 
croisés  qui  avaient  eu  avec  eux  des  diffé- 
rends ;  Hugues  de  Poitiers  n'écrit-il  pas 
«  comme  il  (Guillaume  II  de  Nevers) 
avait  si  indignement  traité  le  tombeau  de 
Ste  Marie-Madeleine, l'amante  du  Sauveur, 
il  en  fut  puni  dès  cette  vie  (et  il  s'était 
converti  et  s'était  fait  chartreux),  il  fut  dé- 
voré par  un  chien,  et  son  second  fîls  Re- 
naud, comte  de  Tonnerre  (qui  s'était  croisé 
avec  son  frère  Guillaume  III)  fut  fait 
esclave  en  Barbarie  en  1 148.  »  —  L'imagier 
a  pu  même  avoir  en  vue  un  de  ces  deux 
jeunes  princes.  —  Mais  nous  préférons  y 
voir  un  guerrier  infidèle  adversaire  des 
croisés  :  on  remarquera  en  effet  que  le  cour- 
sier, harnaché  à  la  mode  orientale,  est  tour- 
né en  sens  contraire  de  la  plupart  des  per- 
sonnages précédents,  à  la  rencontre  desquels 
il  semble  s'apprêter  à  marcher  :  quant  à  la 
petite  taille  du  cavalier,  ne  peut-on  pas 
l'expliquer  par  les  légendes  qui  avaient 
cours  alors  sur  les  peuples  inconnus  de 
l'Orient  ('),  comme  nous  allons  le  voir  de 


I.   Ici  même,  dans  deux  des  compartiments  quientou- 


I^ortntî  îje  l'abba^e  De  TO5elap. 


455 


f;içon  certaine  pour  un  des  groupessuivants: 
depuis  Ptolémée,  on  racontait  que  l'Afrique 
recelait  une  race  de  pygmées,  redoutables 
par  leur  adresse  et  leur  férocité  :  ne  serait- 
ce  pas  ici  un  de  ces  nains  qui  se  dispose  à 
combattre  l'armée  des  croisés  ? 

N°'  34  à  36.  —  Ces  trois  personnages 
au  corps  couvert  de  poils  épais,  aux  oreilles 
énormes,  ont  jusqu'ici  paru  aux  critiques 
constituer  la  partie  la  plus  difficile  de 
l'énigme  :  certains  ont  vu  en  eux,  nous 
l'avons  dit,  le  symbole  de  la  calomnie  ; 
d'autres  ont  pensé  que  c'était  l'image  des 
peuples  indifférents  à  la  .prédication  des 
Apôtres,  car  presque  seuls  entre  tous  les 
personnages  qui  les  entourent,  ils  ne  lèvent 
point  leurs  regards  vers  le  ciel;  un  critique, 
plus  fantaisiste,  a  voulu  expliquer  la  dimen- 
sion de  leurs  oreilles  en  disant  que  plus 
éloignés  de  saint  Pierre  que  tous  les  autres, 
ils  avaient  besoin,  pour  entendre  la  prédi- 
cation de  cet  Apôtre,  d'oreilles  mieux  con- 
ditionnées ;  autant  dire  qu'ils  sont  «  tout 
oreilles  »  !  —  Nous  croyons  pouvoir  affir- 
mer que  l'artiste  a  simplement  voulu  repré- 
senter un  des  peuples  païens  que  la  tradi- 
tion populaire  du  moyen  âge  plaçait  sur  la 
route  des  Lieux- Saints.  Si  nous  lisons 
Huons  de  Bordeaux,  cette  immense  épopée 
où  le  poète  semble  avoir  réuni  toutes  les 
légendes  de  son  temps,  nous  voyons  que 
le  héros,  se  rendant  à  Babylone  pour  rem- 
plir auprès  de  l'amiral  Gaudise  la  bizarre 
mission  dont  l'a  chargé  Charlemagne,  ren- 
contre sur  son  chemin  des  nations  étranges, 
notamment  celle  des  Conmains,  qui,  dit-il  : 

<  Plus  sont  velus  que  viautre  (limier)  ne  sangler  (sanglier) 

<  De  leurs  oreilles  sont  toutacovetés  (recouverts)... 

N'est-ce  pas  là  une  description  exacte  de 
nos  trois  personnages  ? 

rent  le  tympan,  ne  voyons- nous  pas,  parmi  les  peuples  à 
qui  les  Apôtres  doivent  porter  la  Bonne  Nouvelle,  des 
individus  à  té.e  de  chien  et  d'autres  à  groin  de  porc .'' 


N"'  37  à  39.  —  Ces  trois  figures,  faute 
d'attributs,  ne  peuvent  être  identifiées  avec 
certitude  ;  mais  il  est  impossible  de  les  sé- 
parer des  figures  voisines.  Si  le  petit  cava- 
lier (  N°  31)  est,  comme  nous  le  croyons,  un 
adversaire  des  croisés,  nos  personnages 
se  trouvent  placés  entre  deux  groupes  de 
païens  et  doivent  dès  lors  représenter  eux- 
mêmes  des  païens.  —  Si  le  cavalier  est  un 
prince  chrétien,  on  peut  également,  quoique 
avec  plus  de  difficulté,  voir  aussi  en  eux 
des  chrétiens.  —  Quanta  reconnaître  dans 
cette  famille  désarmée,  qui  lève  les  yeux 
vers  le  ciel,  comme  pour  implorer  le  se- 
cours d'en  haut,  des  chrétiens,  habitants 
des  Lieux  Saints,  persécutés  par  les  Infi- 
dèles, nous  ne  pensons  pas  qu'on  doive  ha- 
sarder une  telle  hypothèse,  que  rien 
n'infirme  absolument  mais  que  rien  non 
plus  n'autorise. 

Arrivés  aux  derniers  groupes  de  cette 
longue  série,  nous  avons  pu  constater  que 
tous  les  détails  de  notre  bas-relief  s'accor- 
dent bien  avec  l'interprétation  que  nous 
proposons.  Les  considérations  d'ordre  gé- 
néral ne  sont  pas  moins  favorables  à  cette 
hypothèse  :  en  effet  :  —  1°  le  sujet  de  la 
croisade  est  tout  indiqué  à  Vézelay,  au  len- 
demain de  la  prédication  de  S.  Bernard  et 
dans  une  abbaye  de  cet  ordre  clunisien, 
dont  le  réformateur  lui-même,  Odilon,  di- 
sait à  ses  auditeurs  :  «  Avant  tout,  suspen- 
dez à  vos  cols  vos  boucliers  échancrés,  at- 
tachez par-dessus  vos  frocs  une  cuirasse 
formée  d'une  triple  chaîne,  enfourchez  vos 
destriers,  vos  bidets  ou  vos  ânes,  montez 
sur  vos  chariots  et  combattez  ces  mé- 
créants »  ;  —  2°  il  s'accorde  absolument 
avec  le  sujet  certain  du  tympan,  la  Mission 
des  Apôtres  ;  —  3°  il  explique  logiquement 
certains  gestes  ou  attitudes  de  personnages, 
autrement    incompréhensibles,     et    la   pré- 


sence  des  trois  Conmains  dont  l'identité  est 
indiscutable. 

Notre  interprétation  nous  paraît  donc 
présenter  toutes  les  garanties  d'exactitude: 
nous  avons  bien  sous  les  yeux  le  tableau 
légendaire  de  la  croisade. 


L 


Analyse  des  chapiteaux. 

ES  quatre  chapiteaux  des  pieds-droits, 
dont  les  figures  sont  reliées  moins 
étroitement  au  thème  général  de  notre 
porte,  n'ont  pas,  au  contraire,  malgré  les 
nombreuses  études  dont  ils  ont  été  l'objet, 
livré  leur  secret  :  nous  ne  nous  flatterons  pas 
d'être  plus  heureux  sur  ce  point  que  nos 
devanciers  et  notre  ambition  se  bornera  à 
ajouter  une  hypothèse  à  toutes  celles  émi- 
ses jusqu'à  ce  jour. 

Constatons  tout  d'abord,  pour  ne  plus 
revenir  sur  cette  question  d'ornementation 
pure,  le  style  admirable  de  ces  chapiteaux, 
les  merveilleux  rinceaux  de  feuillage  sur 
lesquels  se  détachent  les  personnages  :  c'est 
l'alliance,  la  fusion  intime  de  l'antique  cha- 
piteau romain  dans  ce  qu'il  a  de  plus  riche 
et  de  plus  majestueux,  avec  le  chapiteau 
roman  historié,  plein  de  vie  et  de  fantaisie. 

Examinons  les  figures  qui  s'agitent  au 
milieu  de  ces  feuillages  : 

No  40.  • —  Un  roi,  caractérisé  par  sa  cou- 
ronne, dépèce  une  béte  fauve  ;  un  serviteur 
se  tient  près  de  lui  et  l'assiste.  —  Les 
archéologues  s'accordent  à  voir  dans  ce  roi, 
Salil  offrant  à  Dieu  un  sacrifice  avec  l'aide 
de  son  écuyer.  Un  personnage  barbu 
semble  conseiller  le  roi  ou  le  réprimander  : 
ce  serait,  selon  M.  Meusnier,  le  prophète 
Samuel,  prédisant  à  Saiil  que  son  sacrifice 
sera  inutile  et  qu'il  périra  avec  ses  enfants 
dans  le  combat  qu'il  va  livrer,  parce  qu'il  a 
épargné  Agag,  roi  des  Amalécites.  Cette 
explication  est  précise  et  détaillée  ;  si  rien 
ne  semble  autoriser  spécialement  cette  hy- 


pothèse, rien  ne  s'y  oppose,  non  plus  que 
pour  celle  qui  va  être  exposée  au  chapiteau 
suivant  ;  on  peut  même  remarquer  que  ces 
deux  interprétations  continuent  le  même 
sujet,  ce  qui,  pour  deux  sculptures  voisines, 
nous  paraît  être  une  certaine  garantie 
d'exactitude. 

N°  41.  —  Un  personnage  debout  paraît 
adresser  un  discours  à  un  jeune  homme 
assis,  qui  porte  une  sorte  de  gibecière  : 
derrière  eux,  à  l'extrémité  du  chapiteau,  un 
roi,  la  couronne  en  tête,  est  assis.  Selon 
M.  Meusnier  et  la  majorité  des  critiques, 
cette  scène  représente  Samuel  sacrant 
David  roi,  ou  plutôt  lui  révélant  qu'il  suc- 
cédera sur  le  trône  au  roi  Saiil  :  c'est  ce 
dernier  qu'on  aperçoit  à  l'écart,  déplorant 
ses  fautes.  Constatons  toutefois  que  l'angle 
du  chapiteau  est  brisé  ;  on  peut  se  deman- 
der si  à  l'origine  il  ne  se  trouvait  pas  là, 
au  centre  du  tableau,  un  personnage  dont 
la  présence  modifierait  sans  doute,  du  tout 
au  tout,  l'interprétation  ci-dessus.  Sous  le 
bénéfice  de  cette  réserve  nécessaire,  nous 
admettrons  l'interprétation  de  M.  Meusnier  ; 
mais  nous  nous  séparerons  de  lui  quant  à 
l'explication  des  deux  autres  chapiteaux 
dont  voici  le  détail,  d'après  la  description 
de  Viollet-le-Duc  : 

N°  42.  —  «  Un  homme  nu,  s'appuyant 
sur  un  bâton,  ou  se  perçant  d'un  javelot. 
Devant  lui  est  un  personnage  barbu,  qui 
porte  sur  le  dos  une  corbeille  ou  claie 
d'osier.  Un  ange,  sortant  de  l'eau,  semble 
lui  présenter  un  petit  serpent  ou  un  petit 
poisson.  Toutes  ces  figures  entourées  de 
feuillages  fantastiques.  »  —  Mérimée  n'a 
proposé  aucune  interprétation  de  cette 
scène.  M.  Meusnier  croit  reconnaître  Eve 
dans  la  figure  que  Viollet-le-Duc  annonce 
«un  homme  nu  »,  et  Adam  dans  l'homme 
barbu  :  aussi  donne-t-il  pour  titre  à  ce  cha- 
piteau :  «  Premiers  travaux  d'Adam  et  Eve 


portail  de  l'abbape  de  Mt^tiav^ 


457 


après  qu'ils  ont  été  chassés  du  Paradis 
terrestre  ».  Mais  à  notre  avis,  dans  une 
pareille  scène,  le  sculpteur  n'eût  pas  man- 
qué de  donner  à  Eve,  selon  la  coutume 
constante  des  imagiers,  un  attribut  quel- 
conque :  quenouille  (comme  à  Chartres,  à 
Saintes,  etc..  XI I''  siècle),  ou  un  enfant 
(comme  à  Thann,  X I V^  siècle),  et  à  Adam, 
une  bêche  ou  un  outil  à  travailler  la  terre 
(voir  les  mêmes  monuments).  —  D'ailleurs, 


Fig.  4-  —  Chapiteaux  de  1  ebrasement  de  droite. 

à  moins  qu'on  ne  justifie  de  l'existence 
d'une  légende  spéciale  sur  ce  sujet  dans  la 
Bourofoene  du  XI I''  siècle,  nous  ne  com- 
prenons  pas  la  présence  de  l'ange  qui  sort 
de  l'eau,  un  petit  poisson  dans  la  main. 

Notre  ami,  M.  H.  Reyerdy,  propose  une 
interprétation  un  peu  subtile  peut-être, 
mais  à  coup  sûr  plus  vraisemblable  que  la 
précédente.  Il  part  de  ce  principe  que  les 
deux  chapiteaux  à  droite  de  la  porte  se 
rapportant  à  la  vie  de  David,  il  y  a  chance 
que  l'imagier  ait  suivi  la  même  pensée  dans 
les  deux  chapiteaux  de  gauche  :  les  deux 
premiers  ayant  trait  aux  actions  du  roi- 
prophète,  les  deux  autres  feraient  allusion 


à  son  œuvre  poétique.  Or,  ouvrant  le 
psaume  90,  l'un  des  plus  connus  parmi  ceux 
de  David,  on  lit  :  Angelis  suis  viandavit 
de  te,  ut  custodiant  te  in  omnibus  viis  tuis. 
Pour  mettre  en  action  ce  verset,  l'artiste 
trouvait  dans  l'Ancien  Testament  même, 
un  exemple  aussi  pittoresque  que  populaire: 
l'histoire  du  jeune  Tobie.  Ce  serait  donc  là 
le  sujet  de  notre  chapiteau.  Dans  cette 
hypothèse,  le  personnage  imberbe,  nu,  qui 


Fig.  s.  —  Chapiteaux  de  l'ébraseraent  de  gauche. 

s'appuie  sur  un  bâton  de  voyage,  serait  le 
jeune  Tobie  s'apprêtant  à  entrer  dans  le 
fleuve  après  avoir  quitté  ses  vêtements  ; 
l'homme  barbu  portant  sur  l'épaule  la  cor- 
beille d'osier  tressé,  un  serviteur  chargé  des 
provisions  nécessaires  au  voyage  ;  enfin 
l'ange  Raphaël,  par  une  traduction  assuré- 
ment libre  du  psaume,  ferait  surgir  devant 
Tobie,  lui  présenterait  même,  le  poisson 
mystérieux,  le  remède  qui  doit  rendre  la 
vue  à  son  père.  Certes  on  peut  répondre 
que  l'ange  semble  offrir  le  poisson  non  au 
jeune  Tobie,  mais  au  serviteur  ;  et  qu'il  est 
surprenant  que  ce  dernier,  figure  absolu- 
ment accessoire,  occupe  la  place  principale 


458 


3Re\)Uc  tir  r^rt  cbréticn. 


au  centre  du  tableau.  Ces  objections  ont, 
nous  le  reconnaissons,  une  grande  force, 
mais  pas  plus  que  celles  opposées  aux 
autres  interprétations  émises  jusqu'à  ce 
jour. 

N°  43.  ^  Une  femme,  nue  à  l'exception 
d'un  tablier  de  feuilles  ou  de  longs  poils, 
se  cache  le  visage  sous  une  sorte  de  bou- 
clier ovoïde  décoré  d'une  croix  pattée  :  elle 
s'avance  vers  un  grand  oiseau  à  deux  têtes. 
Derrière  l'oiseau  est  un  monstre  à  tête 
humaine  avec  une  queue  de  serpent,  forme 
fantastique  que  les  imagiers  ont  souvent 
donnée  au  démon,  spécialement  au  démon 
de  la  Calomnie.  La  femme  paraît  brandir 
une  sorte  de  fronde  contre  ces  deux  ani- 
maux. —  M.  Meusnier  voit  dans  ce  sujet 
une  Ste  Madeleine  au  désert,  chassant  pour 
se  procurer  de  la  nourriture  :  singulière, 
nourriture,  à  notre  avis,  que  des  oiseaux  à 
deux  têtes  et  des  monstres  à  tête  humaine. 
Si  l'on  tenait  à  voir  ici  une  Madeleine 
chassant,  interprétation  qui  ne  nous  paraît 
d'ailleurs  reposer  sur  rien  (car  peut-on  ad- 
mettre que  l'artiste  ait  représenté  cette 
sainte  sans  aucun  vêtement .''),  il  faudrait 
au  moins  reconnaître  dans  les  animaux 
qu'elle  poursuit,  non  un  gibier  ordinaire, 
mais  des  vices  symbolisés. 

Nous  préférons  de  beaucoup  l'interpré- 
tation proposée  par  M.  Reverdy,  qui  voit 
ici  une  nouvelle  mise  en  action  d'un  autre 
verset  du  même  psaume  90  de  David,  où 
nous  avons  déjà  trouvé  l'explication  du  cha- 
piteau précédent:  «  La  vérité,  s'écrie  le  roi- 
prophète,  t'environnera  comme  d'un  bou- 
clier; tu  ne  craindras  ni  les  terreurs  de  la 
nuit,  ni  la  flèche  qui  vole  pendant  le  jour,  ni 
les  complots  tramés  dans  les  ténèbres,  ni  les 
attaques  du  démon.  »  —  Scuto  circumdabit  te 
Veritas  ejus;  non  timebis  a  timoré  tioetiirno, 
a  sagilta  volante  in  die,  a  negotio  peramôa- 


lanfe  in  tenebris,  ab  inc7irsu  et  devionio 
meridiano.  Telle  est  la  pensée  rendue  par 
l'imagier  sur  notre  chapiteau  :  le  prétendu 
chasseur  est  l'âme  humaine,  que  l'on  repré- 
sente toujours  par  un  personnage  nu,  sans 
sexe  ;  si  l'on  veut  reconnaître  en  lui  une 
femme,  on  peut  dire  que  l'artiste,  en  oppo- 
sant aux  monstres  cette  personnification  de 
la  faiblesse,  a  voulu  faire  mieux  ressortir  la 
puissance  de  Dieu  qui  lui  assure  la  victoire  ; 
— ■  son  bouclier,  celui  de  la  vérité  divine, 
est  timbré  d'une  croix,  emblème  du  Christ 
qui  a  dit:  «Je  suis  la  Vérité  »,  les  animaux 
monstrueux  représentent  les  démons  dont 
parle  le  prophète  :  notamment,  ce  reptile  à 
tête  d'homme,  symbole  de  la  calomnie, 
rend  bien  l'idée  de  la  parole  mauvaise  dont 
parle  un  verset  précédent  du  même  psaume  : 
Quoniam  ipse  liberavit  me  de  laqneo  venan- 
tinm  et  a  verbo  aspero. 

Nous  reconnaissons  que  cette  représen- 
tation de  l'âme  luttant  contre  les  vices 
s'écarte  sensiblement  de  la  forme  tradition- 
nelle au  XI  !'■  siècle:  en  Bourgogne  notam- 
ment, à  cette  époque,  ce  sujet  est  habituel- 
lement personnifié  par  un  centaure  ou  un 
sagittaire,  comme  à  Avallon. 

Mais  la  statuaire  de  Vézelay  ne  nous  a- 
t-elle  pas  habitués  à  des  surprises  de  ce 
genre  ?  il  semble  que  les  imagiers  qui  ont 
décoré  la  vieille  abbaye  aient  cherché  sans 
cesse,  ou  à  représenter  des  sujets  nouveaux 
(comme  au  tympan  et  au  linteaii  de  notre 
porte  et  sur  nombre  de  chapiteaux  de  la 
nef),  ou  à  rajeunir  les  sujets  anciens  par 
une  expression  nouvelle  (comme  dans  le 
calendrier  de  la  voussure,  etc.). 

Aussi  y  a-t-il  toujours  eu,  et  y  aurat-il 
toujours,  dans  les  sculptures  de  Vézelay, 
une  source  inépuisable  de  jouissances  pour 
le  chercheur  qui  s'efforce,  sans  succès  peut- 
être,  mais  certes   avec  bonne   volonté,   de 


îaortatl  îie  Tabbape  De  îHé5elap. 


459 


deviner  les  idées  que  les  imagiers  d'il  y  a 
bientôt  huit  siècles  ont  voulu  exprimer  sur 
ces  pierres  énigmatiques. 

En  interrogeant  ces  figures  impassibles, 
qui  parlent  une  langue  trop  souvent  inin- 
telligible pour  nous,  l'artiste  revivra  un  peu 
de  la  vie  de  nos  pères,  au  milieu  de  cette 


ville  d'autrefois  où  se  sont  superposés, 
comme  en  un  terrain  d'alluvion  historique, 
les  débris  des  âges  passés,  que  seule  l'ab- 
baye de  Ste- Madeleine  domine  de  son 
antique  majesté  et  de  sa  tranquille  splen- 
deur. 

G.  Sanoner,  Paris. 


1^  \^*U  A^T<  >,•%<  A'^yik  K^^  \^^  A^^  A,^V-^  A^^V-U  A^^  »^  A^^  A^^Vik  A^VU  V^ViU 


I 


.TïiTiiiKixiiiirrrrriiirxitriiiixtLiiiiiTTiTiiTrxiiiiTirTTTiirirnirrriirrTrrTirriiiiiiriitiiiiii 


iiiiiixxiitiiiLcmxiUTluiixii.irri-i 


lies  saints  OTumeaiu*  ou  les  saints  Geosmes 


ûe  liangres. 


iTiiTTTiyïiTTTTi-riiTTTrTTiiiiiijriiiiiiryiiriiiiziiiirixxiiiiïiixiiixiiixiJiiiiiTiiiiiiiTTTTTTiTTïiiiiiiixiiiiiiixiirTTTiTrïTiTT  «# 

^iÔ'f  ^^^  ^Atl^  ^AÔ^^  ^A^^  ^X^^  ^^-^  ^i*ï-^  ^Atl^^  *^^  *A^^  ^^^  ^A^^  *aAÎ"<  V^tï^:^ 


E  chef-lieu  du  diocèse 
des  Lingons  dans  la 
Haute-Marne  célèbre 
aussi  la  mémoire  de 
plusieurs  martyrs  dont 
les    noms     o^recs     nous 

o 

reportent  au   siècle  de 


l'apostolat  de  S.  Polhin.  On  les  nomme 
Speusippe,  Eleusippe  et  Meleusippe,  et  la 
tradition  les  considère  comme  frères  ;  c'est 
pourquoi  le  peuple,  par  abus  de  langage,  les 
désigne  sous  les  noms  des  Saints  Jumeaux 
ou  Saints  Geosmes.  D'après  la  légende 
recueillie  par  les  Bollandistesau  17  janvier, 
ils  seraient  les  petits-fils  de  sainte  Léonille 
qui  fut  inhumée  dans  la  crypte  de  Saint- 
Bénigne  de  Dijon  ('). 

Rien  ne  s'oppose  à  ce  que  nous  adoptions 
le  récit  qui  en  fait  des  martyrs  locaux  ;  il 
n'est  pas  plus  contraire  aux  données  histo- 
riques que  le  récit  des  martyrs  de  Lyon. 
Les  noms  grecs  abondent  dans  la  lignée 
des  apôtres  qui  ont  répandu  leur  sang  dans 
la  vallée  du  Rhône,  en  proclamant  leur 
foi  au  Christ.  A  Reims,  Timothée,  à  Autun, 
saint  AtidocheM  Besançon,  FerréoL^.  Paris, 
Dyonisiîis  et  Eletitherius  sont  encore  des 
Grecs  ;  je  ne  vois  donc  pas  pourquoi  la 
capitale  des  Lingons,  Langres,  point  de 
rencontre  de  plusieurs  voies  romaines,  n'au- 
rait pas  reçu  la  visite  de  quelques  mission- 
naires envoyés  de  Lyon  ou  d'Autun. 

Les  critiques  qui  font  des  Jumeaux  de 
Langres  des  martyrs  delà  Cappadoce  dont 

I.  Abbé  lîougaud.  Etude  hislorique  et  critique  sur  la 
mission,  les  actes  et  le  culte  de  saint  Ëéms;iie  dans  la  Bour- 
gogne et  sur  l'origine  des  églises  de  Dijon,  d Autun  et  de 
Langres,  Autun,  Dejussieu,  1859.  Mon  opinion  est  celle 
de  cet  auteur. 


les  reliques  auraient  été  apportées  d'Orient 
en  Gaule  au  IV"'  ou  au  V"  siècle,  n'ont  pas 
de  chance  de  recruter  des  adhésions  à  leur 
opinion,  car  les  martyrs  de  Langres  se 
présentent  à  nous  dans  les  mêmes  condi- 
tions que  les  autres.  Ils  sont  honorés  dans 
la  banlieue  de  la  ville,  dans  un  emplace- 
ment qui  fut  toujours  gardé  par  une  abbaye 
et  ensuite  par  une  collégiale  et,  de  plus, 
leur  tombeau  a  reposé  dans  une  crypte 
érigée  sous  le  maître-autel.  Toutes  ces  cir- 
constances sont  des  garanties  pour  ceux 
qui  croient  à  leur  immolation  en  Gaule,  sur 
le  territoire  des  Lingons  ('). 

Le  bourg  de  Saint-Geosmes  est  un  vil- 
lage situé  à  4  kilomètres  au  Sud  de  Lan- 
gres, au  point  de  bifurcation  de  deux  voies 
venant  de  Lyon  et  d'Autun.  Dans  le  cime- 
tière on  voit  un  exhaussement  du  sol  sur 
lequel  on  a  planté  une  grande  croix  et 
auquel  on  applique  le  nom  de  Martyria 
pour  rappeler  que  le  supplice  des  Jumeaux 
eut  lieu  en  cet  endroit. 

Ici,  comme  dans  tous  les  centres  de 
chrétienté  ancienne,  existait  un  cimetière 
dont  la  popularité  ne  peut  s'expliquer  sans 
la  présence  de  tombeaux  vénérés  comme 
étaient  ceux  des  martyrs.  Ses  couches  les 
plus  profondes  ont  donné  des  sépultures 
dont  l'antiquité  paraît  incontestable  quand 
on  examine  leur  forme  et  leur  matière.  Les 
témoins  des  fouilles  pratiquées  dans  l'inté- 
rieur de  l'éaflise  bâtie  au  milieu  de  ce  cime- 
tière,  ont  vu  sortir  de  terre  un  bon  nombre 


I.  L'abbaye  exist.-iit  certainement  en  716  d'après  des 
titres  cites  par  la  Gallia  christiana.  En  S30,  des  chanoines 
habitaient  Saint-Geosmes.  Au  XII'' siècle  l'établissement 
n'est  plus  qu'un  prieuré.  {Provincia  Lugd.,  t.  IV, 
p.  653.) 


JLts  ^^.  gumeaur  ou  les  ^^.  (Bto&mtë  lit  îLangres.  461 


de  sarcophages  monolithes  en  pierre  ;  l'un 
d'eux  était  en  plomb  et  renfermait  deux 
fioles  en  verre.  Comme  les  pieds  n'étaient 
pas  uniformément  tournés  du  côté  de  l'O- 
rient, on  est  fondé  à  croire  que  païens  et 
chrétiens  reposaient  sans  distinction  les 
uns  à  côté  des  autres  dans  le  môme  enclos, 
comme  on  l'a  constaté  à  Nantes  et  dans 
bien  d'autres  villes. 

L'église  primitive  qui  fut  érigée  sur  la 
tombe  des  Trois  Jumeau.K  n'existe  plus 
depuis  longtemps  ;  elle  a  été  remplacée  au 
XIII*  siècle  par  un  édifice  gothique  dont 
les  vastes  dimensions  ont  permis  de  fonder 
les  piliers  du  chevet  sans  porter  atteinte 
aux  fondations  antérieures.  Sous  le  dallage 
du  sanctuaire,  l'architecte  a  conservé  in- 
tacte l'enceinte  d'une  crypte  dont  le  plan 
nous  donne  la  figure  d'une  église  disparue 
qui  avait  6  mètres  de  largeur  et  qui  était 
terminée  par  un  hémicycle,  comme  le  sous- 
sol,  puisqu'il  y  a  toujours  conformité  de  plan 
entre  les  deux  étages  de  nos  anciennes 
églises. 

Il  n'y  a  pas  bien  longtemps  que  la  crypte 
des  Jumeaux  peut  être  examinée  ;  en  1880, 
elle  était  encore  inaccessible  par  suite  des 
remblais  qu'on  y  avait  entassés  sans  doute 
pour  éviter  les  éboulements.  A  cette  date, 
M.  Henri  Brocard,  architecte,  eut  l'heu- 
reuse pensée  de  tenter  des  fouilles  qui  lui 
ont  permis  d'en  déterminer  l'étendue.  Son 
exploration  n'a  malheureusement  pas  pu 
aboutir  à  un  nettoyage  complet  ('). 
.  Les  sondages  pratiqués  aux  deux  bouts 
nous  révèlent  que  le  sous-sol  a  11^,70  de 
longueur;  que  la  partie  occidentale,  divisée 
en  trois  nefs,  a  des  voûtes  d'arêtes  qui 
reposent  sur  16  colonnes  cylindriques  dont 
les  chapiteaux   sont  d'une  exécution   peu 

I.  La  crypte  de  Péglise  Saint-Geosmcs.  (Bull,  de  la  Soc. 
historique  et  archéologique  de  Langres,  t.  II,  1880-85, 
p.  114.)  Voir  aussi  les  années  1869  et  1882. 


soignée,  mais  les  décombres  occupent 
encore  un  tiers  de  la  contenance.  M.  Bro- 
card suppose  que  la  partie  demeurée  incon- 
nue devait  être  voûtée  de  la  même  façon 
que  la  première  et  que  la  totalité  du  sou- 
terrain renfermait  30  colonnes.  Le  fait  est 
possible.  Quand  l'architecte  du  XI II' siècle 
éleva  sa  construction  gothique,  il  se  trouva 
dans  l'obligation  d'allonger  l'édifice  anté- 
rieur du  côté  de  l'Orient,  mais  il  se  garda 
bien  de  détruire  la  confession  des  SS.  Ju- 
meaux, bien  qu'elle  ne  fût  plus  dans  la 
position  liturgique,  c'est-à-dire  sous  le 
sanctuaire.  Le  transept  se  développe,  en 
effet,  au  delà  du  chevet  circulaire  du  sous- 
sol  renfermant  le  tombeau,  il  a  été  tracé 
sur  ce  point  dans  l'intention  évidente  de  ne 
rien  déranger  dans  les  murs  préexistants. 
Il  suffit,  du  reste,  de  jeter  les  yeux  sur  le 
plan  de  M.  Brocard  pour  juger  que  les  deux 
monuments  sont  indépendants  l'un  de 
l'autre. 

La  première  impression  de  M.  Brocard, 
après  sa  découverte,  fut  qu'il  était  en  pré- 
sence d'une  confession  des  temps  gallo- 
romains  et  il  la  présenta  pour  telle  aux 
réunions  de  la  Sorbonne.  Les  objections 
qui  lui  furent  opposées,  lui  démontrèrent 
bientôt  qu'il  s'était  fait  illusion  et  qu'il 
fallait  descendre  plus  bas  dans  les  temps 
voisins  de  la  fin  du  XII^  siècle. 

Dans  son  rapport  au  comité  des  Travaux 
historiques,  J.  Quicherat  fait  ressortir  avec 
beaucoup  d'à-propos  que  la  date  du  monu- 
ment est  inscrite  dans  le  style  des  chapi- 
teaux dont  les  ornements  composés  de 
feuilles  d'eau,  de  cœurs  et  de  trèfles,  et  la 
corbeille  déprimée  dénoncent  une  parenté 
étroite  avec  les  œuvres  du  XI I^  siècle  ('). 

Il  ne  résulte  pas  pourtant  de  cette  con- 
statation que  le  sous-sol  soit  rigoureusement 

I.  Revue  des  Sociétés  savantes^  T=    série,  t.  VI,  483-487. 


462 


jElebue  lie  T^rt  c|)rctien. 


une  construction  bâtie  entièrement  au 
XI I^  siècle,  car  on  a  de  nombreux  exem- 
ples de  réfections  opérées  dans  le  cours 
des   siècles   pour   lier   dans  un  édifice  les 


parties  anciennes  avec  les  plus  récentes. 
Quand  les  voûtes  s'écroulent,  on  peut  les 
remplacer  par  de  nouvelles  sans  toucher  au 
plan  d'ensemble.  -Si  l'architecte  du  XI I^  siè- 


Eglise  de5  Saints  Jumeaux 

a   S' Geosmes  près  Langres  (Haute    Marne^ 

Coupe    de  la    Cryptr 


Brocard     del 

cle  avait  rebâti  la  crypte  de  fond  en  com- 
ble, il  aurait  adopté  les  dispositions  de  son 
époque,  c'est-à-dire  qu'il  aurait  fait  une 
double  descente.  Or  M.  Brocard  dans  le 
cours  de  ses  recherches  n'a  trouvé  trace 
que  d'une  seule  porte, et  cette  ouverture  se 


Echelle  de  OTOofi  pour  i~oo 

trouve  placée  juste  dans  le  milieu,  sur  l'axe 
principal  de  l'édifice.  Cette  particularité  est 
un  indice  qu'il  a  respecté  ce  que  ses  prédé- 
cesseurs avaient  fait  pour  le  service  de  la 
circulation. 

Il  y  a  encore  un  témoignage  d'antiquité 


Crètïes  et  ses  antiquités  c!)réttennes. 


463 


à  invoquer  en  faveur  de  ce  sous-sol,  c'est 
celui  du  tombeau  que  M.  Brocard  a  décou- 
vert à  l'extrémité  orientale  du  chevet  et  qui 
est  demeuré  accolé  à  la  section  circulaire. 
Cette  place  est  celle  qu'on  attribuait  aux 
sculptures  vénérées  dans  les  premiers 
siècles  du  christianisme  ;  elle  fut  conservée 
à  cette  destination  jusqu'aux  invasions 
normandes,  mais  après,  elle  est  réservée 
aux  autels  d'une  façon  courante.  Quand  on 
trouve  un  tombeau  dans  une  position  aussi 
respectable,  on  doit  croire  qu'il  a  été  l'objet 
d'un  culte  persistant  dont  on  ne  voulait  pas 
arrêter  le  cours  par  un  déplacement  témé- 
raire. Il  attirait  à  certains  jours,  une 
afifluence  de  pèlerins  qui  paraît  attestée  par 
certaines  marques  demeurées  visibles  sur 
les  fûts  de  colonnes.  L'architecte  a  constaté 


la   présence   de    mortaises    échancrées    et 
placées     symétriquement     qui     annoncent 
l'intention  de  poser  des  barrières  pour  iso 
1er  certaines  parties  du  souterrain   et  diri- 
ger la  circulation  de  la  foule. 

Comment  la  dévotion  aux  saints  Jumeaux 
s'est-elle  affaiblie  ?  Nous  l'ignorons.  Le 
diocèse  de  Langres  attend  encore  d'un  his- 
torien la  révélation  des  circonstances  qui 
ont  amené  l'abandon  et  le  remblaiement  de 
la  crypte  où  ses  premiers  martyrs  manifes- 
tèrent leur  puissance  surnaturelle. 

Ici  se  termine  la  revue  des  confessions 
établies  dans  la  province  de  Lyon  en  l'hon- 
neur des  premiers  martyrs  et  des  confes- 
seurs. Dans  l'article  suivant,  nous  entrerons 
dans  l'étude  des  monuments  du  même 
genre  bâtis  dans  la  province  de  Trêves. 


Trèïjes  et  ses  aiitîquttés  cl)retiennes. 


Ha  basilique  De  Samt=^ean=Baptiste 
ou  De  Saint=ffiatt)ias  f)ors  les  ffiurs 

,  REVES,  sur  les  bords 
de  la  Moselle,  non  loin 
de  cette  vallée  du  Rhin 
qui  fut  longtemps  la 
barrière  creusée  par  la 
Nature  pour  arrêter  le 
flot  de  nos  envahis- 
seurs, a  été  nommée  avec  raison  la  Rome  du 
jVord ;  eWe  mérite  deux  fois  ce  titre  dans 
l'histoire  du  IV"  siècle  surtout,  époque  où 
elle  fut  le  siès^e  de  la  Préfecture  des  Gaules, 
où  les  empereurs  Constantin  le  Grand, Con- 
stance et  leurs  successeurs  se  plaisaient  à 
y  résider  dans  un  palais  dont  les  ruines 
imposantes  sont  toujours  debout,  et  où  son 
évêché  était  occupé  par  des  pontifes  comme 


Maximin  et  Paulin  dont  le  nom  n'a  pas 
pâli  (").Ene  complète  sa  ressemblance  avec 
la  Rome  du  Sud  par  une  liste  de  martyrs  qui 
se  rattachent  à  l'histoire  de  la  Légion  thé- 
baine,  et  elle  nous  montre  une  chrétienté 
si  florissante  au  III"  siècle,  que  la  per- 
sécution de  Dioclétien  allait  frapper  jus- 
que dans  les  rangs  des  principaux  magis- 
trats de  la  cité. 

L'influence  de  Constantin  le  Grand  a  pu 
contribuer  à  développer  le  rayonnement  re- 
ligieux de  Trêves,  comme  métropole  chré- 
tienne, mais  elle  a  trouvé  un  champ  d'action 
très  bien  ensemencé  par  les  prédécesseurs 
du  pontife  Agrecius.  Eîicharms,  qui  ouvre 
la  liste  des  évêques   de   l'église  de  Trêves. 

I. Plusieurs  auteurs  ont  écrit  l'histoire  de  Trêves.  Les 
principaux  sont  ;  Brower,  Anliquilales  et  annales  Tre- 
viremes,  Leodi,  1670.  Hontheim,  Historia  Trevirensis, 
Augustae  Vindelicorum,  1750-  Ciouet,  Histoire  ecclés. 
de  lapiovince  de  Trêves,  Verdun,  1844. 


464 


3Rebue  De  T^rr  cl)rctien. 


porte  un  nom  grec  comme  Pothin  de  Lyon, 
Andoche  d'Autun,  Méleusippe  de  Langres; 
il  peut  donc  être  regardé  comme  un  des 
membres  de  ce  collège  d'apôtres  qui  vint 
d'Orient  s'établir  à  Lyon  pour  y  travailler 
à  l'évangélisation  de  la  Gaule.  Euchaire 
n'était  pas  le  seul  Grec  mêlé  à  la  colonie 
romaine,  il  avait  des  compatriotes  aisés, 
dont  les  noms  étaient  gravés  sur  des  mar- 
bres funéraires  qu'on  lisait  dans  les  cime- 
tières de  la  ville.  Ces  épitaphes  grecques, an- 
térieures au  V^  siècle.étaient  encore  si  nom- 
breuses au  XVP  siècle,  qu'elles  frappaient 
l'attention  des  étrangers  qui  visitaient  les 
cimetières  de  Trêves.  Conrad  Celtes  en 
parle  ainsi  dans  ses  vers:  Sepulchra  grtEcis 
vidi  epitaph  Us  (  '  ) . 

Trêves  devint  bientôt  une  colonie  abso- 
lument romaine  lorsque  la  cour  impériale 
y  vint  faire  séjour  même  temporairement 
avec  son  cortège  de  magistrats  et  d'officiers 
de  l'armée,  et  cette  invasion  d'étrangers  in- 
troduisit en  même  temps  dans  ses  murs  un 
bon  nombre  de  partisans  du  culte  chrétien 
qui  venaient  detoutes  les  parties  de  la  Gaule 
lut  demander  la  lumière  de  ses  apôtres. 
A  leur  mort.les  corps  de  tous  les  convertis 
à  la  doctrine  de  l'Evangile  étaient  portés 
aux  alentours  de  l'une  des  trois  basiliques 
de  Saint-Euchaire,de  Saint-Maximin  et  de 
Saint- Paulin  et  leur  sépulture  était  marquée 
par  des  épitaphes  le  plus  souvent  gravées  sur 
marbre  blanc  qu'on  a  peu  à  peu  retrouvées 
dans  les  fouilles  de  l'église  et  au  cimetière 
environnant.  Le  compilateur  des  inscrip- 
tions chrétiennes  de  la  Gaule  a  recueilli  près 
de  cent  épitaphes  dans  cette  seule  cité  et  il 
a  constaté  qu'elles  sont  antérieures  à  la  fin  du 
V*=  siècle:  c'est  la  série  la  plus  considérable 
qu'on  ait  rencontrée  en  Gaule  (''). 

1.  Le  B,\a.n\.,/nscriplions  chrétiennes  de  la  Gauie,  tome  I, 
327- 

2.  Le  Blant,  Nouveau  recueil  des  inscriptions  c/trctiennes 
de  la  Gaule  ant.  au  VIII'  siècle.  Lire  la  préface. 


Cette   belle  efiflorescence   de  civilisation 
chrétienne  fut  interrompue  tout  à  coup  par 
les  invasions  des  Barbares  qui   commencè- 
rent, en  464,  par  la  prise  de  la  ville  et  jetè- 
rent le  désarroi  dans  le  troupeau  des  fidèles 
comme  dans  le  personnel  du  clergé.  On  cite 
un  évêque,  Jamlichus,  exilé  de  son  siège,  qui 
alla  mourir  jusque  dans  la  Viennoise  (').  Le 
paganisme  reprit  une  partie  de  sa  vogue  et 
le  trouble  se    prolongea  si  longtemps  que 
le  roi  Thierry,  après  avoir  occupé  l'Auver- 
gne où  les  chrétientés  étaient  prospères, 
lui  emprunta  de  nombreux  clercs  pour  ser- 
vir dans  l'Église  de  Trêves  et  combler  les 
vides    causés   par    la    brutalité    des     Ger- 
mains (').  La  résurrection  fut  rapide  si  nous 
en  jugeons  par  ladescription  des  sanctuaires 
dont  parle    Grégoire    de    Tours.    De   son 
temps,  les  pontifes  Euchaire,  Maximin  et 
Nizier  avaient  une  grande  influence  et  leurs 
tombeaux  étaient  visités  par  de  nombreux 
pèlerins.  Après  chaque  désastre, il  se  rencon- 
trait toujours  un  évêque  zélé, comme  Nizier 
ou  Magnéric,  qui    s'empressait  de  relever 
les  édifices  incendiés.  Le  feu  n'attaque  pas 
toujours  la    solidité  des  maçonneries,  il  ne 
cause  pas  toujours  la  ruine   complète  des 
constructions,  témoin   la  basilique  constan- 
tinienne  dont  l'enceinte  colossale  est  encore 
capable  de  servir  de  temple  aux  Protestants 
de  Trêves,  témoin  la  Porta  Nigra,  édifice 
romain  demeuré   presque   intact,  bien  qu'il 
ait  été  approprié  à  diverses  destinations, 
témoin  la  cathédrale  dont  la  membrure  in- 
térieure est  faite  des  meilleures  parties  d'un 
palais  impérial  du  IV*"  siècle.  Si  les  églises 
des  martyrsetdes  confesseurs  qui  nous  occu- 
pent ont  moins  bien  résisté  aux  épreuves  du 
temps  et   des   accidents,  il    faut  cependant 
admettre    que    leurs    soubassements,    tout 
au  moins, ont  échappé  à  la  ruine  et  servi  de 

1.  Ibidem.  V.  la  préface. 

2.  Grégoire  de  Tours,  Vitae  pairutn,  VII,  2. 


Crêtes  et  0es  antiquités  cl)rfttennes. 


465 


base  aux  restaurations  successives,  autre- 
ment il  serait  difficile  d'expliquer  la  survi- 
vance de  toutes  les  reliques  dont  cette  ville 
a  toujours  prétendu  conserver  le  dépôt  et 
dont  l'authenticité  est  certifiée  par  de  nom- 
breux chroniqueurs. 

Peu  de  villes  offrent  autant  d'exemplaires 
de  cryptes  que  la  métropole  de  Trêves,  on 
en  compte  encore  quatre,  et  par  les  histo- 
riens, nous  avons  la  certitude  qu'il  en  exis- 
tait une  cinquième  dans  un  sanctuaire  con- 
sacré à  la  mémoire  de  saint  Ouiriace  ('). 
Celles  qui  subsistent  sont  celles  de  Saint- 
Maximin  ('),  de  Saint-Mathias,  de  Saint- 
Paulin  et  celle  de  la  cathédrale  en  spéci- 
fiant bien  toutefois  que  cette  dernière  n'ap- 
partient pas  à  la  catégorie  des  monuments 
que  nous  étudions.  Il  est  très  rare  que  les 
cathédrales  soient  élevées  sur  des  iiiartyria, 
des  confessions  ou  des  metuoriae,  puis- 
qu'elles sont  à  l'intérieur  des  cités  et 
que  les  sépultures  anciennes  sont  toujours 
reportées  dans  les   faubourgs. 

La  cathédrale  de  Trêves  n'a  pas  échappé 
à  cette  règle.  Elle  a  été  installée  au  V"  siècle 
dans  l'enceinte  d'un  palais  romain,  et  quand 
elle  fut  reconstruite  au  VI^  siècle,  par  l'évê- 
que  Nizier, l'addition  d'une  crypte  ne  fut  pas 
adoptée,  puisque  le  corps  de  ce  pontife  fut 
porté  dans  celle  de  l'église  Saint-Maximin. 
Après  les  ravages  des  Normands,  l'ar- 
chevêque Poppo  entreprit  la  réédification 
et  l'élargrissement  du  monument,  et  la  con- 
ception  de  la  crypte  qu'il  plaça  sous  le 
chœur  ne  peut  avoir  été  inspirée  que  par 
l'ambition  de  rivaliser  avec  les  plus  vieux 
sanctuaires  de  lacité.ceuxde  Saint-Mathias, 
de  Saint-Maximin   et  de  Saint-Paulin,  ou 

1.  ActaSS.,  VII  Maii  mensis  20-26. 

2.  Je  ne  sais  pourquoi  on  a  hésité  entre  S.  Jean-Bap- 
tiste et  saint  Jean-l'Évangéliste,  ce  dernier  étant  déjà 
honoré  à  .Saint-Maximin.  Le  cimetière  de  Saint-Mathias 
étant  le  plus  ancien,  c'est  là  qu'était  certainement  le  bap- 
tistère comme  dans  toutes  les  chrétientés. 


par  le  légitime  désir  de  protéger  les  reliques 
dispersées  au  dehors  en  les  réunissant 
dans  un  dépôt  central  établi  au  cœur  de  la 
cité.  Quelle  que  soit  la  pensée  qui  a  présidé 
à  la  construction,  il  n'en  est  pas  moins  vrai 
qu'on  ne  peut  lui  assigner  une  date  anté- 
rieure au  XI^  siècle  ;  elle  a  pu  être  étudiée 
en  1898,  lorsqu'on  opéra  le  déblaiement  des 
décombres  qui  remplissaient  le  sous-sol.  Le 
plan  relevé  alors  par  l'architecte  W.Schmitz 
représente  un  édifice  à  trois  nefs  coupées 
à  l'Ouest  par  une  autre  nef  transversale. 
Tous  les  piliers  avaient  disparu,  sauf  un, 
ce  qui  rendait  la  restitution  plus  difficile; 
cependant  en  examinant  les  naissances  des 
voûtes  restées  en  place,  il  parut  évident  que 
toutes  ces  nefs  étaient  couvertes  de  voûtes 
en  berceau  ('). 

La  crypte  qui  conserve  la  marque  la  plus 
authentique  de  vénérabilité,  bien  qu'elle  ait 
été  remaniée,  comme  les  autres,  est  celle 
qui  se  trouve  placée  sous  le  sanctuaire  de 
l'église  dédiée  à  Saint-Mathias,  là  où  sont 
exposés  deux  énormes  sarcophages  de 
pierre  calcaire  sur  le  couvercle  desquels  on 
lit  :  S.  Eucarius,  S.  Valerius,  c'est-à-dire  les 
noms  des  deux  premiers  évêques  de  la  cité 
de  Trêves  ('').  Comme  la  ligne  de  l'axe  prin- 
cipal de  la  basilique  tout  entière  passe  entre 
les  deux  tombeaux,  nous  sommes  fondés  à 
croire  qu'ils  occupent  la  place  primitive  qui 
leur  fut  assignée,  car  il  était  d'usage  de 
respecter  les  fondations  religieuses,  quand 

1 .  Rapport  sur  Us  ti  avuux  à  la  cathédrale  de  Trêves, 
dans  les  années  iSçy-i8çg.  4"  Rapport  annuel  de  la  Com- 
mission provinciale  pour  la  conservation  des  Monuments 
de  la  province  rhénane. 

2.  Ces  deux  inscriptions  se  lisent  sur  la  bande  du  cou- 
vercle. On  ne  peut  admirer  aucune  décoration  semblable 
à  celles  qu'on  voit  sur  les  sarcophages  d'Arles.  Nous 
n'avons  pas  de  vie  bien  informée  pour  les  premiers  apô- 
tres de  Trêves.  Celle  que  publient  les  Boll.  au  29  janvier 
les  représente  comme  des  missionnaires  envoyés  par 
S.  Pierre. 

Valerius  et  Maternus  seraient  l'un  diacre  et  l'autre  sous- 
diacre  d'Eucher. 


466 


î^ebuc  tie  r^rr  cbrétiea. 


on  les  relevait,  ou  quand  on  les  agrandis- 
sait. Le  point  de  départ  n'était  pas  chose 
indifférente  comme  aujourd'iaui,  il  repré- 
sentait une  pensée  pieuse  qu'on  s'efforçait 
de  perpétuer.  Quand  l'édifice  supérieur 
s'écroulait  sous  les  coups  du  marteau  des 
Barbares  ou  des  atteintes  de  l'incendie,  les 
ruines  recouvraient  la  crypte  quand  elle 
n'avait  pas  été  d'avance  remblayée  ou  ob- 
struée pour  détourner  l'attention  des  pil- 
lards, et,  le  jour  du  relèvement,  l'architecte 
retrouvait  là.dans  le  sous-sol, la  pensée  mère 
de  la  construction  ('). Telle  a  été  pour  moi  la 
destinée  de  cette  confession  des  SS. -Eu- 
chaire  et  Valérien  ;  elle  a  servi  de  guide 
dans  toutes  les  réfections  exécutées.  Ce 
qui  me  frappe  autant  que  la  situation  des 
tombeaux  par  rapport  à  l'axe  de  l'édifice, 
c'est  la  disposition  de  l'autel  de  la  crypte. 
Trêves  offre  peut-être  le  seul  exemple  d'un 
autel  encore  adossé  à  la  tête  de  sarcopha- 
ges, comme  on  le  faisait  dans  la  primitive 
église:  ailleurs  on  s'est  empressé  de  repous- 
ser les  tombeaux  le  long  des  murs  latéraux 
et  de  mettre  l'autel  contre  le  fond  du  che- 
vet. 

Pour  se  rendre  compte  de  l'aspect  de 
cette  confession,  il  est  essentiel  de  rétablir 
par  l'imagination  la  clôture  qui  existait  dans 
le  principe  contre  les  pieds  des  sarcopha- 
ges; ici,  comme  dans  les  autres  confessions, 
les  sarcophages  touchaient  le  chevet  de  la 
crypte.  Le  mur  est  tombé  lorsqu'on  a  jugé  à 
propos  d'allonger  le  sous-sol.  Il  est  évident 
qu'il  y  a  deux  monuments  souterrains  acco- 
lés l'un  à  l'autre,  comme  il  y  a  deux  styles 
différents  dans   l'architecture,    mais    il  est 


I.  L'autel  de  la  crypte  fut  consacré  au  XII"  siècle  par 
l'évêque  de  Genève  H:ir(wicus  «  in  linnorc  SS.  Apostolo- 
runi  Pétri  et  Pauli  et  omnium  apostolorum  5>.  Il  y  mit  des 
reliques  des  SS.  André,  Barthélémy,  Malhias,  Euchaire, 
Valère,  Materne,  Agrèce,  des  martyrs  de  la  léi^ion  tlié- 
baine  et  des  onze  mille  vierges.  {Mon.  Germ.  Iiisl.,  XV, 
1279.) 


croyable  que  par  leurs  fondations,  ils  sont 
contemporains,  autrement  il  aurait  été  diffi- 
cile de  les  souder  l'un  à  l'autre  aussi  exac- 
tement qu'ils  le  sont. 

Voici  comment  j'expliquerai  ce  singulier 
rapprochement:  on  aimait  autrefois  les  ac- 
cumulations   de  sanctuaires   sur  un    même 

Crypte    de   Saint  Evichair»e 

en  l'èghae   de  Saini    Mathias  a    Theves 


EST 


A    Profil  d'une  ccJanoe  C  Crypu  dii  MI' sieclt 

B    Autel  '  I  Tomheata  de  sx  Ettâasre  eC  Vajerien 

fchtllc  (te  ^poi  par  mètre. 
Brajtd  arcli.  tiet. 

point,  comme  pour  composer  un  cortège 
au  principal  patron.  Dans  l'enceinte  du 
monastère  de  S.  Mathias,  on  avait  érigé  une 
église  à  saint  Materne,  une  autre  sous  l'in- 
vocation des  saints  Ouirin  et  Quintin,  une 
quatrième  à  Notre-Dame  (').  L'une  de 
ces  églises  était  peut-être  accolée  au 
chevet  au-dessus  de  la  crypte    sans  nom 

I.  Gallia  cliristiana,  Provincia  Trevirensis. 


Crèt)e0  et  ses  antiquités  cl)rétiennes« 


467 


dont  nous  parlons,  par  exemple,  celle  de 
saint  Materne,  quatrième  évêque  du  siège, 
auquel  on  attribue  un  rôle  très  important 
dans  les  légendes  parce  qu'il  a  déployé  un 
grand  zèle  dans  la  conversion  des  païens  ('). 
La  partie  occidentale,  celle  qui  s'étend 
devant  l'autel  souterrain, est  évidemment  la 
plus  ancienne  ;  elle  est  partagée  en  trois 
nefs  séparées,  à  gauche  et  à  droite,  par 
une  rangée  de  quatre  colonnes  de  prove- 
nances différentes.  Elles  n'ont  pas  le  même 
module   et   elles   ne  sont   pas  toutes  de  la 


même  pierre;  quelques  fûts  sont  en  marbre. 
Au  lieu  du  chapiteau,  ils  supportent  des 
tablettes  successives  sur  lesquelles  retom- 
bent les  arêtes  des  voûtes.  Les  bases  sont 
classiques  comme  les  sommets:  ce  sont  des 
tores  et  des  gorges  reposant  sur  un  dé.  Ce 
ne  sont  pas  là  les  caractères  d'une  œuvre 
des  temps  barbares,  il  y  a  trop  de  perfec- 
tion de  travail  dans  les  voûtes  et  dans  leurs 
supports  pour  que  nous  cherchions  sa  date 
dans  les  temps  antérieurs  à  l'an  mille. 
D'ailleurs,  nous  devons   tenir    compte  du 


Crypte  de  Saint  Euchaire  enl  église  S'Mathias 
Cote  Ouest 


récit  des  historiens  et  des  conséquences 
inévitables  des  assauts  qu'a  subis  la  ville  de 
Trêves. 

Les  deux  pontifes  Euchaire  et  Valérien 
reposèrent  d'abord  dans  un  édifice  modeste 
que  les  historiens  appellent  cella,  oratoire 
étroit  qui  disparut  pendant  les  invasions 
du  V^  siècle  (').  Ce   premier   dépôt   devait 

1.  On  a  été  jusqu'à  en  faire  un  des  72  disciples  de  N.-S. 
Jésus-Christ,  absurdité  qui  a  été  parfaitement  réfutée  par 
Jean  de  Hontheim,  Histoire  diplomatique  de  Trêves 
1750,  et  par  les  Bollandistes  Acta  Sanctorum,  mensis 
Sept.  lv,374.FJi/a  S.  Materni.On  y  lira  une  longue  disser- 
tation sur  les  origines  apostoliques  du  diocèse  de  Trêves 

2.  L'auteur  de  la  vie  de  saint  Valérion  dit  qu'il  fut  in- 
humé dans  le  même  sarcophage   que   S.  Euchaire   «  in 


avoir  quelque  ressemblance  avec  les  hypo- 
gées qui  subsistent  toujours  dans  le  cimetière 
de  Saint-Mathias  et  qui  sont  si  intéressants 
à  observer  quand  on  étudie  les  sépultures 
antiques.  Ces  caveaux  rectangulaires, voûtés 
en  berceau  et  taillés  dans  le  rocher,sont  con- 
struits en  moeIlons;ils  sont  desservis  par  un 
escalier  et  aérés  par  une  petite  cheminée. 
Les  sarcophages  y  sont  placés  tantôt  dans 
les  parois,  c'est-à-dire  emmurés.tantôt  isolés 
au  milieu  du  sous-sol,  parfois  dans  les  deux 

eodem  sarcophago  divinis  laudibus  condiderunt  >  Acta 
sanctorum,  mense  januario,  tome  II,  p.  921.  Pourtant  le 
sarcophage  qui  porte  son  nom  a  un  aspect  très  antique 
comme  celui  d'Euchaire. 


468 


î^eliuc  De  r^rt  ci)vctien. 


situations  en  même   temps  pour    occuper 
toute  la  place  disponible  ('). 

Je  remarque  un  arrangement  semblable 
dans  la  partie  occidentale  de  la  crypte  de  nos 
deux  saints  personnages,  c'est-à-dire  que 
les  parois,  au  lieu  detre  en  maçonnerie 
régulièrement  continuée  d'un  bout  à  l'autre, 


sont  entamées  par  des  excavations  dans  les- 
quelles on  a  inséré  de  grands  sarcophages 
rectangulaires,  certainement  antérieurs  à  la 
période  mérovingienne.  Comment  a-t-on 
été  amené  à  annexer  cette  seconde  crypte 
à  la  première  si  elle  n'a  pas  été  consacrée 
par  la   présence   de  précieuses   sépultures 


Crypte   de  saint   Euchaire   en  l'église   Saiut-Mathias  (côté  Est). 


dignes  d'être  rapprochées  des  premiers  pon- 
tifes ? 

La  question  serait  insoluble  si  nous 
n'avions  que  l'architecture  pour  nous 
éclairer,  car  nous  sommes  en  présence  ici 
de  voûtes  et  de  supports  du  XVI^  siècle, 
qui  détonnent  auprès  de   l'aspect  des  sar- 

I.  Voir  la  notice  du  D'  Hettner  sur  ces  hypogées  dans 
Berichie  dey  provinzial  Kommissionfiir  die  Denkmal- 
pflege  in  der  Rheinprovinz,  1902.  Bonn,  von  Cari.  Georgi, 
In-S»  br. 


cophages.  La  crypte  des  SS.  Euchaire  et 
Valérien  mesurait  15'", 65  de  longueur  sur 
7'T',30  de  largeur  ;  vers  1500,  elle  fut  portée 
à  33"\i7  sur  7'",82  (■).  On  se  tromperait 
assurément  si  on  prenait  cette  date  comme 
absolue  ;  antérieurement,  il  existait  un 
hypogée  chrétien  en  cet  endroit,  il    fut  dé- 

r.  Diel,  Berichie  von  S.  Mathias bei  Trier,  p.  22. 
L'abbé  Antonius  Leivven  serait  l'auteur  de  cette  trans- 
formation. 1496-1510. 


Crè\3es  et  ses  antîiiiutéô  cl)rétiennes;. 


469 


couvert  sans  doute  pendant  qu'on  pratiquait 
des  fouilles  pour  l'allongement  du  chœur  et 
on   décida  qu'il    serait     approprié    conve- 
nablement pour  servir  de  prolongement  au 
soubassement  du  chevet.  Par  certains  in- 
dices on   fut   peut-être   conduit  à    penser 
que   les  deux  hypogées    étaient    en    com- 
munication   dans    le  principe  et  servaient 
aux   inhumations    des  pontifes  de  l'église 
de   Trêves   (').  C'est  là    évidemment   que 
l'évêque   S.   Cyrille  en  458,    bâtit    le   mo- 
nastère    de    Saint-Jean-Baptiste,    où,  dit- 
on,  il   fit   transporter  les    restes    de    saint 
Euchaire  et  ceux  de  ses  successeurs,  à  peu 
de    distance  de  la  cella  primitive  (').  Il  est 
remarquable  que  les  deux   cryptes   ont   un 
seul  et  même   axe  central,  c'est  pourquoi 
nous  supposons  que  leur  plan  a  été  tracé 
dans    le  même    temps,  car  il   n'y    a     pas 
d'exemple  que  les  générations  du    XV'^   et 
du  XV  [e  siècle  se  soient  jamais  préoccupées 
d'installer  des  tombeaux  dans  des  conditions 
aussi  archaïques. 

On  a  la  certitude  que  les  reliques  des 
trésors  de  Trêves  n'ont  pas  voyagé  comme 
tant  d'autres,  on  s'est  borné  à  les  enfouir  et 
à  murer  les  portes  des  cryptes  lorsque  re- 
tentirent les  premiers  bruits  des  invasions 
normandes  (').  Elles  ne  furent  exposées  de 
nouveau  à  la  vénération  publique  qu'en 
1053,  sous  l'épiscopat  d'Evrard,  qui  fit  la 
cérémonie  de  leur  translation  (^),  ce  qui  veut 
dire  qu'après  avoir  déblayé  les  alentours 
des  sarcophages  de  tous  les  décombres  qui 
les  dissimulaient  aux  yeux,  il  en  fitl'ouver- 

1.  Une  note  de  la  vie  de  S.  Valérien  ajoutée  par  les 
Bollandistes  laisse  entendre  qu'il  y  en  avait  au  moins  17 
et  qu'ils  y  étaient  honorés  avec  un  grand  respect.  (Janvier, 
tome  2,  p.  921.) 

2.  Dom  Calmet,  Hist.  de  Lorraine,  I,  144. 

3.  <  Corpus  quoque  S.  Eucharii  et  reliquorum  ibi  se- 
pultorum  altius  terrœ  infoderunt,  idem  fecerunt  de  aliis 
circa  urbem  sepultis  >>  (anno  864,  Hisloria  Trevirensis, 
Dom  Calmet,  t.  IV,  co'.  iS  ) 

4.  Dom  Calmet,  Ibidem,  t.  I,  p.  11 28. 


ture  pour  en  exalter  le  contenu  sur  les 
autels  de  l'édifice  supérieur.  C'est  à  ce  mo- 
ment que  le  corps  de  S.  Valérien  fut  mis  à 
la  disposition  de  l'empereur  Henri  111  qui 
le  demandait. 

Il  y  a  lieu  de  croire  que  l'invention  des 
reliques  concorde,  ici  comme  ailleurs,  avec 
des  travaux   de  reconstruction   du  chœur, 
hypothèse  qui  est  très  admissible  quand  on 
considère  l'ensemble  du  monument.    L'ab- 
baye de   Saint-Mathias  ou  de   Saint-Jean 
était,  comme  les  autres,  en  dehors  de  l'en- 
ceinte, par  conséquent   très    exposée   aux 
coups  des   envahisseurs;  il  n'est  donc  pas 
surprenant  que  les  religieux,  une  fois  réin- 
tégrés   dans  leur    abbaye,   aient  entrepris 
une  basilique  conforme  aux  aspirations  des 
générations   du   XI^  siècle   et  suivant  les 
règles  de  l'art    nouveau.    Par  ce  qui   s'est 
passé  à  Saint- Maximin  en  plein  X^  siècle, 
nous  savons  que   les   ouvriers    habiles    ne 
manquaient    pas    à   Trêves,  malheureuse- 
ment il  fallait  compter,  ici  comme  ailleurs, 
avec  les  échecs  et  les  risques  de  tous  genres. 
Après  avoir  remis  le  monastère  en  état  de 
refleurir  de  nouveau,  de   1097  à  11 10,    les 
religieux  eurent  la  douleur  de    voir    leurs 
efforts  anéantis   par  un  grave  incendie  en 
1148.  Cette  fois,  la  crypte  fut   reconstruite 
pour  ne  plus  disparaître,  elle  reçut  du  pape 
Eugène  1 1 1  une  consécration  qui  lui  a  porté 
bonheur,  car   elle  est   encore  debout  sous 
nos  yeux  et   nous  montre  ce  qu'on   savait 
faire  à   Trêves  au  XI I^  siècle. 

Les  escaliers  seuls  ont  été  modifiés  pour 
répondre  à  de  nouveaux  besoins.  La  dou- 
ble descente  ouverte  dans  le  déambulatoire 
ne  peut  être  considérée  comme  la  plus  an- 
cienne, elle  aboutit  juste  sur  les  côtés  de 
l'autel  et  non  en  face,  par  conséquent  elle 
est  dans  une  situation  anormale. Cette  com- 
binaison fut  imaginée  au  XVI^  siècle,  lors 
de  l'allongement   du  chevet.    La  logique  et 


XEVUB   US     LAKT   CHRÉTIEN. 
X904.    —   5'"®    LIVRAISON. 


470 


îRellue  tie  T^rt  cl)rétten. 


les  exemples  nombreux  qui  se  présentent 
ailleurs  nous  obligent  à  chercher  du  côté  de 
l'Ouest,  et  à  supposer  que  les  escaliers  du 
XII'  siècle  et  des  temps  antérieurs  s'ap- 
puyaient sur  le  mur  occidental  là  où  nous 
apercevons  des  traces  d'ouverture. 

De  même  que  la  basilique  de  Notre- 
Dame-aux-Martyrs  quitta  son  vieux  voca- 
blepour  prendre  celui  de  Saint-Paulin  après 
les  travaux  de  reconstruction  du  XP  siècle 
et  la  découverte  de  ses  reliques  ;  ainsi  la 
vieille  abbaye  de  Saint-Jean-Baptiste  aurait 
dû  prendre  le  vocable  de  Saint-Euchaire, 
premier  évêque  de  Trêves,  dont  elle  gar- 
dait le  corps  (').  Le  nom  qui  l'emporta  au 
XI°  siècle  pendant  la  période  des  recon- 
structions et  des  inventions  de  reliques  fut 
celui  de  Mathias,  nom  d'un  apôtre  bien 
connu  {-).  L'installation  de  ce  nouveau  culte 
devrait  concorder  avec  l'invention  d'un 
sarcophage  enfoui  comme  les  autres  sous 
les  décombres  et  sur  lequel  on  lisait  Ma- 
thias  ('). 

La  Gallia  Ckristiana  prend  comme  point 
de  départ  la  date  de  1127,  mais  c'est  une 
erreur,  car,  dès  le  X*"  siècle,  on  en  parlait  à 
Trêves  ('').  Le  moine  Théodoric,  mort  en 
996,  raconte  dans  une  de  ses  homélies  que 
l'importation  du  corps  de  saint  Mathias 
remontait  au  temps  de  sainte  Hélène,  la 
mère  de  Constantin,  qui  l'avait  demandé 
au  patriarche  d'Antioche  pour  l'offrir  à 
l'évêque  Agrecius. 

Je  suis  surpris  cependant  de  ne  pas 
rencontrer  le  nom  de  Mathias  dans  les  dis- 
tributions de  reliques  et  les  consécrations 
d'autel  faites  si  fréquemment  à  Trêves, 
au  X'^et  au  XI''  siècle,  je  ne  le  vois  appa- 

\.  D'après  le  moine  Lambert,  les  reliques  de  S  Eu- 
chaire  auraient  dté  perdues  dans  l'incendie  de  1131. 
{Acta  inv.  rel.  S.  Mathia,  Acta  SS.  Februarii  III.) 

2.  Acta  inventionis  S.  A/a//iiae  {Acla.  SS.  Februarii  III, 

455). 

3.  D'après  certains  auteurs,  on  trouva  les  reliques  de 
saint  Mathias  sous  l'autel  de  S.  Jean-Baptiste. 

4.  Recueil  man.  conservé  à  la  Bibl.  au  grand  sémi- 
naire de  Trêves. 


raître  que  dans  la  consécration  de  l'autel 
majeur  de  la  basilique  placée  sous  son  in- 
vocation, qui  eut  lieu  par  les  mains  du  pape 
Eugène  III,  assisté  de  l'archevêque  Albé- 
ron,  en  11 48  ('). 

Grâce  au  séjour  de  Constantin  à  Trêves, 
les  églises  de  cette  ville  ont  pu  se  procurer 
un  grand  nombre  de  reliques  tirées  de 
l'Orient,  l'origine  de  leurs  trésors  n'est  pas 
moins  antique,  il  ne  s'ensuit  pas  que  le 
corps  de  saint  Mathias  tout  entier  ait  été 
déplacé.  11  n'est  pas  admissible  qu'un  apôtre 
soit  arrivé  à  Trêves  au  IV"  siècle  sans 
prendre  le  premier  rang,  sans  effacer  tous 
les  autres  cultes  ;  or  nous  savons  de  source 
certaine  qu'au  VP  siècle,  Euchaire,  Maxi- 
min  et  Nizier,  trois  évêques  de  la  cité, 
étaient  les  protecteurs  réels  de  Trêves,  sui- 
vant le  témoignage  de  Grégoire  de  Tours. 
Si  l'invocation  de  Mathias  l'a  emporté  sur 
les  trois  autres,  c'est  une  innovation  posté- 
rieure au  X"  siècle  dont  la  responsabilité 
appartient  peut-être  tout  entière  au  moine 
Théodoric  cité  plus  haut  (').  La  légende 
qu'il  a  recueillie  sans  doute  dans  le  peuple 
s'est  propagée  d'autant  mieux  que  le  clergé 
exposa  derrière  le  maître-autel  un  sarco- 
phage somptueux  auquel  il  appliqua  son 
invocation  en  le  plaçant  assez  haut  pour 
qu'on  puisse  passer  dessous,  suivant  la  cou- 
tume. Encore  aujourd'hui,  saint  Mathias 
jouit  du  même  crédit  et  occupe  au  chœur  de 
l'église  la  place  d'honneur  sur  des  piliers 
de  marbre  sous  lesquels  les  pèlerins  passent 
sans  se  baisser  {^).  ^    Maître. 

1.  Altare  quod  est  in  medio  monasterio  ad  tumbam 
heali  Matliie  apostoli  consccravit  idem  dictus  Eugenius  et 
Albero  archiepiscopus  Trevirensis  m  honore  Ste  Crucis 
et  SS.  apostolorum  Mathie  etjacobi  fiatris  Domini.  » 
(Pertz.  Mon.  Genii.  //islon'a,  XV,  1278.) 

2.  Lambert,  religieux  de  l'abbaye  qui  propagea  la  lé- 
gende au  XI P  siècle  en  écrivant  le  récit  des  translations 
du  corps  de  saint  Mathias  ne  cite  pas  la  source  de  ses 
informations  et  paraît  trop  ami  du  merveilleux  {Ac/a 
invcntionis,  S.  M.,  Ibidem.) 

3.  Voir  la  planche  publiée  dans  notre  première  livrai- 
son {Revue  de  PArt  c-/i>-i.'tieii,  janvier  1902.) 


IH.VIII 


Vihrair(fra3.nicrîl-)  ôe  la  cÇapcfIc  ûucfoîPrc. 


y  A^^  \^yU  \^^  i^^  V^  >^A  \^yy.  i^^  V^  K^^  i^^  i^^  i^^  Jt^^  k^^  ^ 

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î^***^**^^**?i********^  A  Revue  de  l'Art  chrétien 
s'occupe  avec  prédilec- 


tion de  l'art  ancien,  de 
son  histoire,  de  ses  mo- 
numents, des  chefs- 
d'œuvre  qu'elle  aime  de 
proposer  à  l'imitation 
des  artistes  contemporains.  Elle  se  plaît 
aussi,  à  l'occasion,  à  présenter  à  ses  lecteurs 
les  œuvres  de  ces  derniers,  surtout  celles 
qui  s'inspirent  des  meilleures  traditions 
médiévales. 

Parmi  les  ouvrages  de  style  religieux  oii 
l'esprit  des  siècles  chrétiens  continue  de 
prévaloir  comme  sur  son  terrain  propre,  on 
peut  citer  les  vitraux.  Le  vitrail  est  une 
conception  bien  propre  au  moyen  âge  ;  il 
est  un  non  sens,  il  ne  dit  rien,  s'il  n'est  con- 
çu dans  le  sentiment  décoratif  et  religieux 
qui  est  propre  aux  maîtres  chrétiens. 

On  a  dit  bien  souvent  que  les  secrets 
techniques  des  anciens  verriers  sont  perdus; 
il  n'en  est  rien  ;  c'est  leur  esprit  et  leurs 
sentiments  artistiques  qui  ont  disparu.  Pas 
partout  cependant  ;  en  France,  l'École  de 
Didron  a  produit  de  belles  œuvres  de  vitre- 
rie, l'Angleterre  a  eu  d'excellents  verriers 
de  nos  jours.  M.  Ch.  Lagasse  de  Locht, 
président  de  la  Commission  royale  des 
monianents,  n'a  pas  craint  de  proclamer 
récemment  que  les  peintres  verriers  belges 
sont  les  meilleurs  du  continent.  C'est  en 
Belgique  surtout  que  l'art  des  vitraux  co- 
lorés a  repris  depuis  longtemps  les  meil- 
leures traditions  sous  l'influence  du  baron 
Bethune.  M.  Verhaegen  a  naguère  exposé 
les  principes  de  cet  art  dans  la  Revue  de 
l'Art  chrétien  (').  Il  l'a  fait  avec  d'autant 

1.  V.  Revue  de  tArt  chrétien,  année  iS86,  p.  297. 


plus  d'autorité,  qu'il  était  devenu  le  succes- 
seur du  grand  maître  belge,  dont  il  avait 
repris  les  ateliers.  II  les  a  légués  depuis 
à  M.  Jos.  Casier,  dont  nous  avons  souvent 
signalé  les  œuvres.  Monsieur  Casier  a  des 
émules  très  distingués,  notamment  MM. 
Ladon  et  Osterrath,  dont  nous  espérons 
avoir  aussi  l'occasion  de  faire  connaître  les 
œuvres  si  méritantes. 

Nous  reproduisons  aujourd'hui  un  frag- 
ment d'un  des  vitraux  offerts  par  M.  Casier 
à  l'abbaye  de  Maredsous  et  posés  dans 
deux  petites  fenêtres  latérales  de  la  cha- 
pelle située  dans  le  cloître  (au  rez-de- 
chaussée)  en  face  de  l'entrée  d'honneur. 
Chaque  verrière  offre  deux  médaillons  lé- 
gendaires se  détachant  sur  une  décoration 
polychrome,  encadrée  d'une  vigoureuse  bor- 
dure. La  chapelle  sera  dédiée  au  Christ, 
roi  de  la  paix.  Les  quatre  médaillons  repré- 
sentent : 

a)  Anges  chantant  :  Pax  hominibus  bonœ 
voluntatis. 

b)  Sermon  sur  la  moniagx\ç.:Bcati pacijici. 
rj  Apparition  de  Jésus-Christ  aux  apôtres: 

Pax  vobis. 

d)  Saint  Benoît  donnant  la  règle  â  ses 
moines  et  disant  :  Inquire  pacevi. 

Le  médaillon  que  nous  reproduisons  re- 
présente le  Sermon  sur  la  montagne.  La 
composition  est  conçue  dans  le  style  du 
XI  II<^  siècle  qui  est  celui  du  beau  monastère 
élevé  par  le  baron  Bethune.  Mais  la  partie 
historiée  se  présente  sous  un  aspect  inat- 
tendu, et  constitue  une  innovation, que  nous 
aimons  à  considérer  comme  exceptionnelle. 

Le  dessin  du  médaillon  a  la  noblesse,  la 
pureté  de  trait,  l'allure  idéalisée  qui  carac- 
térise l'art  du  XI Ils  siècle;  mais  il  présente 


la  coloration  en  grisaille  rehaussée  des 
larges  tons  jaunes  de  chlorure  d'argent,  qui 
a  prévalu  au  XIV^  et  au  XV^  siècle.  Tandis 
qu'il  y  a  unité  de  style  dans  le  dessin  entre 
le  sujet  à  personnages  et  la  bordure,  il  y  a 
une  opposition  et  une  sorte  d'anachronisme 
dans  le  coloris. 

L'artiste  a  eu  des  raisons  pour  en  agir  ain- 
si. La  chapelleàdécorer,ornée  de  mosaïquesi 
est  éclairée  de  manière  faible  par  deux  pe- 
tites fenêtres  ombragées  par  des  contreforts 
voisins.    Les    médaillons  clairs  qui   se  dé- 


tachent sur  le  fond  très  soutenu,  donnent  la 
lumière  désirée,  et  font,  à  courte  distance, 
un  effet  satisfaisant.  Dans  un  grand  édifice, 
il  produirait  certainement  un  effet  de  rayon- 
nement nuisible  à  l'harmonie  de  l'ensemble 
du  vitrail. 

Nous  sommes  en  présence  d'une  concep- 
tion un  peu  hardie,  qu'on  ne  pourra  appré- 
cier définitivement  que  sur  place,  mais  qui 
constitue  un  essai  des  plus  intéressants. 

L.  C. 


'f  A^A  A^X  A^^  A^A  >M-A  >M^  A^vC  A^^  A^»-U  A^^  A^^V^  Jfc^vt  \^%t  A^VU  A^X  »' 


^^^tTiiiiiiiiriiiiiiiiiiBiiiiiirTiTiiiiiyTiTTrïïxiiiiiiirrïrrTiixiiiiiiiJTiiTiirxiiirTiigTiiTTn]:iiiiiii-)ciiïiiii«iiiïiïrxniiirii[niiiii)imn 

a 


Ii:a  peinture  tiécorattbe  au  mojen  âge.  l^ 


k^^Al'f  ^il^  "^"^  ^i^^  *A^^  ^Atï*  ^i^^  ^i^I^  ^aAÎ-v  y^y  y^^  ^;*î^  *AiI^  *AiI^  ^i^iv];^ 


E  tous  les  arts  décoratifs 
de  la  période  gothique, 
c'est  assurément  la  pein- 
ture murale  et  la  poly- 
chromie de  la  statuaire 
U  qui  sont  le  moins  com- 
^y^i-ym^  pris  et  dont,  en  général, 
l'étude  est  la  plus  délaissée.  Pour  certains 
esprits,  cette  peinture  n'a  existé  que  par 
exception.  Loin  d'y  voir  le  dernier  et  néces- 
saire complément  de  l'architecture,  ils  ne 
veulent  y  voir  qu'un  manque  de  goût,  un 
reste  de  la  barbarie  du  moyen  âge,  dont  les 
quelques  vestiges,  encore  visibles  dans  les 
monuments  de  cette  époque,  ne  valent 
guère  les  peines  d'être  examinés.  Lorsqu'un 
artiste  ou  archéologue  se  livre  à  cette  étude, 
il  faut  surtout  l'empêcher  d'en  faire  l'appli- 
cation aux  édifices  de  la  même  époque  ou 
de  même  style.  On  ne  saurait  trop  l'ac- 
cabler, s'il  se  permet  de  couvrir  de  peinture 
«  la  belle  pierre,  le  beau  bois  de  chêne,  les 
belles  briques,  voir  le  bel  enduit  ».  Il  n'est 
pas  rare  d'entendre  alors  des  tirades  plus 
ou  moins  éloquentes  sur  la  simplicité,  sur 
le  naturel  et  la  vérité  des  matériaux  em- 
ployés dans  la  construction.  Des  hommes 
qui,  apparemment,  trouveraient  très  déplai- 
sant d'habiter  des  locaux  où  la  pierre  et  la 
brique  seraient  visibles  et  à  l'état  de  nature 
aux  parois,  et  qui,  dans  une  salle  de  théâtre, 
voire  dans  un  restaurant,  regarderaient 
comme  haute  inconvenance  une  telle  nudité 
des  murs,  admettent  parfaitement  cette 
incongruité  dans  les  églises  et  les  sanc- 
tuaires. 

Mais  ils  disent  que  les  essais  de  rétablir 
dans  le  style  du  moyen  âge  la  peinture 
murale  des  églises   ont    été    malheureux  ! 


Que  des  essais  fâcheux  aient  été  tentés,  cela 
est  certain,  faute  d'études  suffisantes,  par- 
fois faute  de  talent,  et  même  parfois  sans 
ressources  pécuniaires,  cela  est  incon- 
testable. Mais  il  n'est  pas  moins  certain 
que  ce  sont  souvent  les  hommes  les  plus 
ignorants,  les  moins  initiés  à  la  décoration 
picturale  des  édifices  du  moyen  âge,  qui 
élèvent  les  critiques  les  plus  acerbes  et  des 
jugements,  qui  ne  sont  basés  que  sur  leur 
goût  personnel.  Ils  jugent  de  la  peinture 
décorative  des  édifices  gothiques,  comme 
au  XVI 11^  siècle  on  jugeait  leur  construc- 
tion, leur  statuaire  et  leur  décor  plastique. 
En  réalité,  ils  n'ont  pas  la  science  et  l'intel- 
ligence d'un  art  dont  ils  ne  connaissent  ni 
les  principes  ni  les  règles  et  dont  pourtant 
ils  prétendent  s'ériger  en  juges. 

Au  XVI  IL  siècle,  et  même  au  siècle 
précédent,  on  n'admettait  pas  les  vitraux  de 
couleur  dans  les  baies  des  fenêtres,  puisque 
dans  beaucoup  d'églises  on  les  a  fait  dis- 
paraître alors.  Aujourd'hui  les  vitraux  sont 
de  nouveau  en  faveur,  et  c'est  un  progrès. 
Il  s'en  faut  assurément  que  toutes  les  ver- 
rières peintes  soient  de  main  de  maître,  et 
même  que  la  plupart  des  peintres-verriers 
employent  de  bons  matériaux  et  se  confor- 
ment aux  principes  des  grands  maîtres  du 
XIILet  du  XIV"  siècle.  Mais  on  admet 
très  couramment  les  mauvais  vitraux  mo- 
dernes, et  même  on  les  admet,  parce  qu'ils 
sont  mauvais,  c'est-à-dire,  parce  qu'ils  ne 
correspondent  en  rien  à  la  gravité  du  style, 
à  la  puissante  coloration  et  aux  irrégularités 
du  verre  qui  existaient  dans  les  œuvres  des 
maîtres  au  moyen  âge.  Or,  accepter  la 
coloration  aux  parois  translucides  d'un  édi- 
fice, et  vouloir  la  bannir  aux  parois  solides 


474 


^tWt  lie  r^rt  chrétien. 


et  opaques,  c'est  assurément  un  manque  de 
logique,  un  défaut  de  sens  esthétique  que 
l'on  rencontre  trop  souvent  dans  les  adver- 
saires du  décor  pictural  dans  les  édifices. 

Que  le  sentiment  de  l'harmonie  dans  la 
coloration  ait  été  différent  au  XI 11^  et  au 
XI V^  siècle  du  sentiment  de  notre  époque 
habituée  aux  nuances  faibles,  neutres,  gri- 
ses et  même  ternes,  cela  semble  hors  de 
doute.  Mais  les  peintres  décorateurs  de  la 
période  gothique  avaient-ils  tort  et  nos 
esthètes  ont-ils  raison  ?  C'est  une  question 
qui  mérite  d'être  examinée.  ^  priori,  je 
crois  que  les  hommes  qui  ont  construit  les 
monuments  qui  aujourd'hui  s'imposent  à 
l'admiration  du  monde  civilisé,  en  compre- 
naient aussi  le  mieux  le  système  de  déco- 
ration. Si  nous  ne  le  comprenons  plus,  il 
importe  au  moins  de  l'étudier  sérieusement 
avant  de  le  condamner. 

Peut-être  convient-il  de  commencer  cette 
étude  par  les  décorations  les  plus  simples, 
que  nous  a  léguées  le  moyen  âge,  les  moins 
coûteuses,  celles  dont  les  éléments  peuvent 
se  reproduire  sans  grand  talent,  même  par 
des  artisans  guidés  par  un  artiste  assez 
initié  au  style  adopté  dans  le  monument, 
pour  y  adapter  le  décor  dans  toute  sa  sim- 
plicité, mais  aussi  dans  toute  sa  sévérité. 
Un  de  nos  collaborateurs,  M.  van  Ruym- 
beke,  nous  offre  à  cet  égard  une  étude  faite 
sur  l'une  des  églises  de  la  Flandre  Occi- 
dentale, l'église  Sainte- Walburge  à  Furnes, 
que  nous  nous  empressons  de  mettre  sous 
les  yeux  des  lecteurs  de  notre  Revue. 

Nous  ajouterons  que,  dans  la  région  de  la 
Flandre,  où  se  trouve  cette  église,  on  cons- 
tate presque  partout  l'existence  des  restes 
de  cette  ancienne  décoration  picturale,  plus 
ou  moins  riche,  plus  ou  moins  simple,  sui- 
vant les  ressources  dont  on  disposait,  mais 
toujours  en  harmonie  avec  le  style  de  la 
construction.  Mais  ce  qui  a  existé  en  Flan- 


dre a  existé  dans  presque  toutes  les  régions 
de  la  chrétienté.  Dans  les  Flandres  on  a 
été  peut-être  plus  conservateur  que  dans 
d'autres  contrées;  mais  partout,  même  pour 
les  édifices  dénués  de  ressources,  on  a 
toujours  considéré  la  peinture  décorative 
comme  le  complément  nécessaire  de  l'ar- 
chitecture. 

Il  en  était  ainsi,  même  pour  les  églises 
et  les  sanctuaires  des  Ordres  mendiants, 
auxquels,  pour  leurs  temples  comme  pour 
tout  le  reste,  la  simplicité  et  la  pauvreté 
étaient  imposées  par  leurs  fondateurs.  Loin 
de  voir  dans  la  peinture  une  sorte  de  luxe, 
ces  religieux,  voués  à  la  pauvreté  parleurs 
vœux,  n'y  voyaient  en  réalité  que  l'expres- 
sion d'un  sentiment  de  convenance.  C'est 
ainsi  que  les  Franciscains  et  les  Domini- 
cains qui,  dans  la  construction  des  églises 
et  chapelles,  devaient  observer  les  règles 
d'une  rigide  simplicité,  ne  pas  élever  des 
clochers,  se  contenter  généralement  d'une 
seule  nef,  et  éviter  tout  ce  qui  pouvait  être 
regardé  comme  ornement  de  luxe,  ne  re- 
nonçaient nullement  à  orner  leurs  chapelles 
de  peintures  décoratives.  Cela  leur  semblait 
imposé  par  la  décence  du  lieu  saint. 

Nous  trouvons,  à  cet  égard,  dans  un 
livre  qui  vient  de  paraître  et  que  M.  G.  Ro- 
hault  de  Fleury  consacre  à  l'étude  des  cou- 
vents de  saint  Dominique  au  moyen  âge, 
des  renseignements  très  intéressants  et  qui 
rentrent  trop  bien  dans  notre  sujet  pour 
que  nous  ne  les  transcrivions  pas  ici. 

«  La  peinture  au  moyen  âge  s'identifiait 
avec  l'édifice  auquel  elle  s'appliquait  :  elle 
le  modifiait  dans  ses  dimensions,  dans  son 
aspect,  et  semblait  donner  à  la  chrysalide 
les  splendeurs  du  papillon.  Elle  s'associait  à 
l'édifice,  elle  suivait  même  ses  constructions. 
En  Italie,  les  églises  dominicaines,  si  sou- 
vent inachevées,  étaient  toujours  peintes. 
A  Florence,  Ste-Marie  Nouvelle  était  illus- 


ila  peinture  î3écorattt)e  au  mopen  âge. 


475 


trée  par  le  orénie  d'Orcagna,  de  Simone 
Memmi,  de  Taddeo  Gaddi,  de  Ghirlandaio 
avant  que  la  façade  ne  fût  achevée  ;  à 
Milan,  on  peignait  le  réfectoire  avant  que 
les  architectes  aient  mis  la  dernière  main. 
En  France,  si  nous  ne  pouvons  citer  de  tels 
hommes,  nous  y  avons  reconnu  la  même 
intelligence  de  la  peinture  et  les  mêmes 
principes. 

<l  Rappelons  Agen,  ses  deux  nefs  qui 
conservent  leur  vieux  vêtement  de  pein- 
ture, nous  y  notons  au  soubassement  une 
bande  sombre,  au-dessus  jusqu'au  sommet 
un  fond  bleu  occupé  par  des  appareils 
simulés  en  brun  rouge,  vaste  espace  coupé 
aussi  par  une  litre  qu'enrichissent  des  rin- 
ceaux jaunes  et  rouges.  Dans  les  voûtes 
d'arêtes,  les  fonds  blancs  sillonnés  de  lignes 
d'appareils,  sont  encadrés  de  nervures  à 
dessins  variés  avec  rehauts  noirs. 

«  Les  Dominicains  semblent  souvent 
avoir  adopté  la  décoration  blanche;  M.  Ru- 
prich  Robert  nous  l'a  signalée  à  Dinant, 
avec  des  lignes  d'appareil  en  ocre  rouge, 
des  croix  de  malte  rouge  et  nervures  for- 
tement accusées  par  des  entrelacs  rouges, 
verts  t-t  jaunes. 

i  M.Lauzun.dans  sa  remarquable  explo- 
ration de  Port-Ste-Marie,  constate  aussi 
des  appareils  en  ocre  rouge  avec  rondelles 
et  lignes  doubles  sur  fond  blanc. 

«  Dans  les  ruines  de  Tarascon,  la  photo- 
graphie nous  rappelle  encore  les  denticules 
et  lignes  pointillées  sur  fond  blanc. 

<  La  peinture  chez  les  Dominicains  n'est 
pas  seulement  décorative,  elle  s'élève  jus- 
qu'aux sujets  religieux  et  à  l'histoire.  Le 
frère  Grignier,  1341,  évêque  de  Pamiers 
(Mém.  de  la  Soc.  arch.  du  Midi,  1886, 
XIV^^,  5 13)  fit  peindre  magnifiquement  la 
chapelle  de  St  Antonin  de  Toulouse.  On 
y  voit,  sur  les  voûtes  des  tableaux  de  l'A- 


pocalypse, le  Christ  avec  le  livre  scellé  ; 
au-dessus  de  l'entrée,  dans  trois  arcatures 
ogivales,  S.  Antonin,  à  droite  S.  Domi- 
nique, à  gauche  S.  Pierre  de  Vérone  avec 
une  étoile  au  front  :  sur  les  parois  verti- 
cales se  déroulent  les  scènes  naïves  de 
S.  Antonin.  VioUet-le-Duc,  dans  la  coupe 
de  la  chapelle,  a  finement  reproduit  ces 
sujets. 

«  La  peinture  ne  s'appliquait  pas  seule- 
ment aux  murailles  :  puissant  auxiliaire  de 
l'architecture,  elle  ne  l'était  pas  moins  de 
la  sculpture.  Lorsqu'une  statue  ne  devait 
pas  sa  coloration  aux  marbres  qui  la  com- 
posaient, elle  se  revêtait  de  peintures.  Nous 
devons  encore  citer  Poissy  au  premier 
rang.  Deux  statues  magistrales,  de  S.Louis 
et  de  Marguerite  de  Provence,  comme  les 
gardiens  royaux  du  sanctuaire,  étaient  sus- 
pendues aux  piliers,  au-dessus  du  jubé, 
dans  leurs  manteaux  étincelants  d'azur  et 
de  fleurs  de  lis  d'or.  Le  chœur  devait  être 
entièrement  peint  ;  on  y  voit  dans  Gai- 
crnière  surgir  des  colonnes  de  l'église.rouge, 
verte,  bleue,  fleurdelisée.  Au  bord  du  tran- 
sept à  gauche,  les  enfants  de  S.  Louis 
avaient  leurs  statues  richement  colorées, 
dorées,  leurs  riches  bliauts  fleurdelisés 
d'or,  qui  se  détachaient  sur  une  tenture 
alternativement  blanche  et  rouge  avec  fleu- 
rettes noires  ;  leurs  chairs  et  cheveux  étaient 
au  naturel  (■).  » 

En  présence  des  informations  historiques 
que  nous  possédons  et  des  considérations 
auxquelles  elles  donnent  lieu,  on  compren- 
dra l'importance  d'études  précises  comme 
celle  que  nous  offre  M.  van  Ruymbeke 
sur  l'église  Ste-Walburge  à  Furnes.  Nous 
l'avons  reçue  avec  reconnaissance,  et  nous 
espérons  que  l'exemple  de  notre  collabora- 

I.  Gallia  Dominicana.Les  couvents  de  St-Domhiique  au 
moyen  âge,  par  G.  Rohault  de  Fleury,  Paris,  Lethielleux. 
V.  les  dernières  pages  du  2"'^  volume. 


476 


WitWt  lie  rSrt  cbrétteu. 


teur  sera  suivi  par  les  études  d'autres  ar- 
chéologues, auxquelles  nous  accorderions 
volontiers  une  place  dans  cette  Revue. 

J.    Helbig. 


Jles  ficintutcs  Décoratitjcs  De  l'cgUse 
Dc  Saintc^'WaltJurgc  à  Fumes. 

L  y  a  une  trentaine  d'années  déjà 
que  l'on  a  signalé  en  séance  du 
Comité  provincial  des  monu- 
ments de  la  Flandre  Occidentale, 
et  dans  des  publications  périodiques  l'exis- 
tence de  peintures  et  de  décorations  mu- 
rales dans  l'église  de  Sainte- Walburge  à 
Furnes. 

En  1889,  l'honorable  Gouverneur  de  la 
Flandre  Occidentale,  alors  membre  du 
Comité  provincial,  exprima  le  souhait  que 
des  recherches  fussent  faites  pour  retrouver, 
sous  les  couches  de  badigeon,  les  vestiges 
de  polychromie  décorative  que  l'on  remar- 
quait dans  toutes  les  parties  de  l'édifice. 

Délégué  à  cet  effet,  j'ai  suivi  avec  un  vif 
intérêt  les  recherches  et  la  levée  des  calques 
qui  ont  été  exécutés  par  M.  A.  W'ybo, 
peintre  décorateur,  à  Furnes. 

Tout  récemment  j'ai  été  assez  heureux 
de  découvrir  encore  une  partie  de  la  déco- 
ration des  arcatures  qui  entourent  les  bas- 
côtés  du  chœur. 

Grâce  aux  éléments  actuellement  recueil- 
lis, il  est  possible  de  reconstituer  presque 
tout  le  système  décoratif  de  ce  monument. 

Voici  en  quoi  consistent  ces  décorations. 

Les  voûtes  sont  uniformément  recou- 
vertes d'une  teinte  verdâtre.  Un  appareil 
de  maçonnerie  de  dimension  moyenne  y  est 
simulé  par  deux  filets  blancs  juxtaposés. 
Les  arcs  et  nervures  ont  la  couleur  du 
mortier  :  ils  sont  divisés  en  longs  claveaux 
séparés  par  un  large  filet.  Chaque  claveau. 


qui  empiète  sur  le  plat  des  voûtes,  porte 
un  arc  ogive,  à  deux  redents,  tracé  en 
couleur  rouge. 

Ces  arcs  et  ces  nervures  retombent  sur 
un  faisceau  de  légèrres  colonnettes  à  cha- 


Décoration  de  la  voûte. 


piteaux,  qui  descendent  jusqu'aux  colonnes, 
où  elles  reposent  sur  des  culs  de  lampe 
historiés.  Le  fond  des  chapiteaux  et  des 
culs  de  lampe  est  de  couleur  rouge,  sur 
lequel  les  crochets  et  motifs  sculptés  se 
détachent    en    couleur  jaune.    Les    colon- 

,      .    ■  ■  â 


Litre  sous  les  fenêtres  du  chœur. 

nettes  sont  décorées  de  bandes  diagonales 
jaunes  et  noires  d'environ  12  centimètres  de 
largeur.  Le  creux  qu'elles  forment  en  se 
rapprochant  du  mur  est  relevé  par  un  large 
trait  rouge. 

Le  plat  des  hauts  murs  de  la  nef  centrale 


îla  peinture  Detoratttje  au  tno)>en  âge. 


477 


est  de  la  couleur  du  mortier.  Un  appareil  y 
est  tracé  au  moyen  de  deux  traits  noirs. 
Immédiatement  sous  les  fenêtres  hautes  du 
chœur  règne  une  litre  représentant,  entre 
deu.K  rubans  de  couleur  verdâtre,  des  rin- 
ceaux tracés  en  noir  sur  fond  de  mortier  et 
terminés  par  d'épais  feuillages  de  couleur 
jaune,  redessinés  d'un  trait  noir. 

Les  gracieuses  colonnettes  du  triforium 
sont  recouvertes  de  couleur  jaune  avec 
bandes  rouges  en  spirale  d'environ  8  cen- 
timètres de  largeur.  Elles  sont  surmontées 
d'une  plate  bande  portée  sur  encorbelle- 
ments en  quart  de  cercle,  dont  les  baguettes 


U^k^^s^ 

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Arcades  du  chœur. 


d'angle  sont  jaunes  et  les  creux  de  couleur 
rouge. 

Le  mur  de  fond  du  triforium  a  la  couleur 
du  mortier  avec  rusticage  en  rouge  brun 
redessiné  intérieurement  d'un  filet  noir. 

Les  arcades  de  la  nef  sont  aussi  divisées 
en  claveaux  de  couleur  rouge,  terminés  par 
un  arc  en  plein  ceintre,  décoré  à  l'intérieur 
de  trois  perles.  La  ligne  du  claveau  est  elle- 


même  relevée  d'un  perlé  du  plus  gracieux 
effet. 

Les  murs  des  bas-côtés  du  chœur  sont 
décorés  d'arcatures  en  maçonnerie  recou- 
vertes d'un  léger  enduit  de  mortier.  Les 
arcs  en  tiers-point  sont  relevés  d'un  filet 
rouge  perlé.  Ce  filet  se  termine  à  la  nais- 
sance des  arcs  par  une  crosse  végétale.  Une 
fleur  de  lys  à  deux  tiges  surmonte  l'arcature. 

Ces  arcatures  et  presque  toutes  les  mou- 
lures d'angle  de  l'église  se  composent  de 
baguettes  se  détachant  d'un  creux. 

Les  fenêtres  hautes  du  chœur  sont  mo- 
dernes, je  n'ai  pu  y  découvrir  une  trace 
quelconque  de  polychromie.  Par  contre 
douze  des  dix-neuf  fenêtres  des  bas-côtés 
du  chœur  ont  conservé  leurs  ébrasements 
anciens.  Sous  de  nombreuses  couches  de 
badigeon,  de  gracieuses  peintures  décora- 
tives, formées  d'enroulements  végétaux, ont 


Chapelle   de   Sainte-Walburge, 
anciennement  chapelle  de  Sainte-Catherine  ou  de  la  paroisse 

été  découvertes.  Ces  rinceaux  sont  tracés  à 
la  main  en  couleur  rouge  sur  fond  de 
mortier. 

l'y  relève  surtout  la  feuille  de  trèfle,  d'é- 
rable, de  maronnier  et  de  lierre. 

Sous  les  fenêtres  des  bas-côtés  et  des 
chapelles  absidales  règne  un  larmier  dont 
la  gorge  est  de  couleur  rouge  et  la  baguette 


478 


ÎRebue  De  V^xt  cbrétien. 


jaune,  soulignée  d'un  gros  trait   rouge  et 
d'un  second  filet  de  même  couleur. 

Dans  l'une  des  chapelles  latérales  du 
chœur  on  a  retrouvé  deux  décorations 
murales  armoriées. 


Collatéral  nord,  entre  la  chapelle  de  Sainte- Walburge 
et  celle  du  B.  Idesbald. 

La  première  a  été  reconstituée  avec 
peine.  Au  centre  de  compartiments  carrés, 
posés  d'angle,  et  formés  de  deux  filets 
blancs  se  voit  un  cartouche  de  couleur  noire 
à  quatre  lobes  sur  lequel  est  peint  un  écu  à 


Chapelle  du  B.  Idesbald,  anciennement  chapelle  de  SaintEloy. 

trois  croissants  de  sable.  Le  fond  est  unifor- 
mément rouge,  comme  celui  de  la  seconde 
décoration.  Cette  dernière  est  plus  riche  et 
se  compose  aussi  de  compartiments   posés 


de  la  même  façon,  et  agrémentés  au  point 
d'intersection  de  lignes  de  roses  blanches. 
Au  centre  des  compartiments  se  trouve 
l'écu  des  {/e  Visch.  Au-dessus  de  l'écu  est 
tracé  le  mot  Hfet  ou  Niei  en  lettres  gothi- 


CoUatéral  nord,  entre  la  chapelle  de  Saint-Éloy 
et  celle  de  Notre-Dame. 

ques  :  au-dessous,  je  crois  reconnaître  un 
chapelet  et  une  navette  de  tisserand.  C'est 
sans  doute  une  devise  en  rébus  que  je  n'ai 
pu  déchiffrer. 


Collatéral  sud,  entre  la  chapelle  de  Notre-Dame 
et  celle  de  Saint-Pierre. 

Comme  on  le  voit,  la  décoration  est  à 
proprement  parler  architecturale.  Chaque 
membre  de  l'architecture  est  accusé  par  la 
couleur.  Les  creux  sont  rouges,  les  baguettes 


îla  peinture  îiécoratitie  au  mopen  âge. 


479 


et  les  reliefs  d'un  jaune  crème   ou  simple-    |        Toute  cette  polychromie  est  faite  sur  un 
ment  de  la  couleur  du  mortier.  Les  claveaux       enduit  de  mortier  de  très  faible  épaisseur, 

recouvrant  à   peine  la  brique,  et  ne  dissi- 


sont    nettement    marqués,  et    nulle    autre 
préoccupation  ne  semble  avoir  présidé  au 


Chapelle  de  Saint  Pierre. 

travail   du  décorateur  que    celle    de   faire 
valoir  les  lignes  du  monument. 

Ce  but  a  été  atteint  avec  les  moyens  les 
plus  simples  :  je  n'ai  relevé  que  l'emploi  du 
rouge,  correspondant  à  la  nuance  du  rouge 


Chapelle  de  la  Sainte-Croix. 

anglais  du  commerce,  du  jaune  crème  et  du 
noir.  Dans  les  voûtes  et  dans  la  litre  du 
chœur,  j'ai  aussi  constaté  l'emploi  d'une 
légère  quantité  de  bleu  pour  donner  au  fond 
et  aux  rubans  la  couleur  verdâtre. 


mulant  pas  les  inégalités  de  la  construction. 


€>.  «J 


Oëcoratioii  muraio  daiib  la  chapelle  de  la  Sainte-Croix. 

Seuls  les  matériaux  pierreux  sont  dépour- 
vus de  tout  enduit,  et  la  peinture  est  direc- 
tement appliquée  sur  leur  surface. 


Décoration  murale  dans  la  chapelle  de  la  Sainte-Croix. 

Quel  est  l'auteur  de  cette  décoration  ?  A 
quelle  époque  a-t  elle  été  réalisée  ? 

Je  l'ai  crue  tout  d'abord  de  l'époque  de 
la  construction  de  l'église  et  de  l'architecte 


lui-même,  qui  n'aurait  pas   autrement  fait 
valoir  son  œuvre. 

Mais  la  lecture  d'une  notice  sur  la  collé- 
giale de  Ste-Walburge,  publiée  dans  les 
Annales  de  la  Société  d' Émulation  de 
Bruges,  ne  m'autorise  pas  à  m'arrêter  à 
cette  hypothèse. 

Se  basant  sur  le  livre  des  privilèges,  des 
fondations  et  des  appointements  de  la  j 
collégiale,  le  chanoine  van  de  Putte,  auteur 
de  la  notice,  expose  que  l'église  romane 
construite  au  bourg  de  Furnes  fit  place  à 
une  église  gothique  dans  le  courant  du 
XlIIe  et  du  XI Ye  siècle;  que  les  fonde- 
ments du  chœur  furent  jetés,  probablement 
en  une  fois,  et  que  vers  le  milieu  du  XIV^ 
siècle,  après  un  vaste  incendie,  les  cha- 
noines continuèrent  les  travaux  au  fur  et  à 
mesure  que  les  ressources  de  leur  caisse  le 
permettaient,  et  qu'ils  y  ajoutèrent  de  1481 
à  1490  des  chapelles  absidales  pour  termi- 
ner ainsi  le  chœur  et  ses  bas. côtés. 

Rappelons  que  durant  cette  dernière 
période  ce   fut  Jean  van  de  Poêle  qui  était 


l'architecte  de  l'église,  car  dès  l'année  1481 
il  recevait  du  chapitre  des  gages  annuels. 

Je  ne  puis  faire  remonter  la  décoration  à 
une  époque  plus  reculée  que  celle  des 
dernières  constructions,  car  j'ai  constaté 
que  les  fenêtres  des  chapelles  du  B.  Ides- 
bald  et  de  Saint-Pierre,  qui  datent  de 
cette  dernière  époque,  ont  leurs  ébrase- 
ments  décorés  d'après  le  système  adopté 
dans  tout  le  reste  de  l'église.  Il  ne  m'a  pas 
été  possible  de  trouver  une  différence  de 
style  et  de  caractère  dans  les  rinceaux  des 
ébrasements  des  deux  époques. 

C'est  à  Jean  van  de  Poele  plutôt  qu'à 
tout  autre  que  l'on  pourrait  attribuer  cette 
polychromie  si  rationnelle. 

Aujourd'hui  que  les  pouvoirs  publics  se 
sont  unis  pour  poursuivre  l'achèvement  de 
la  belle  collégiale  de  Ste-Walburge,  qu'il 
me  soit  permis  d'exprimer  le  vœu  de  voir 
restituer  à  cet  édifice  sa  remarquable  déco, 
ration  murale. 

J.   VAN   RUVMBEKE. 


y  K^A  A^V?^  \^U  A^vU  A^yU  \^^  i^^yU.  x^*i^  A^yik  A^X  A^A  A^X  a^vI^  A^^VÎX  A^ 


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3  nnTïn-tiniimmiiixjiiiixjjjxLLi-Lum-ii-mLi.iiiiiiiuTTTTTTrifi 


j-iiijtixxiiiiirrniTXiiii  tiixLiiiin.uiiiiiixiiiiiiiniiiiï 


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Ua  Suisse  pittoresque  (')■ 

ONSIEUR  Fatio  a  écrit  sous  ce  titre, 
qui  est  un  cri  d'alarme  :  O/iî'rofis 
les  yeux!  un  plaidoyer  contre  la 
«  barbarie  »  moderne,  qui  détruit 
toute  la  poésie  du  site  et  du  logis.  C'est  une 
éloquente  page  d'esthétique;  elle  révèle  le  sens 
des  belles  choses  de  la  nature  et  de  l'art  rustique, 
et  en  explique  le  charme,  qui  est  l'harmonie  entre 


le  sol  et  la  demeure.  Pour  comprendre  ces  choses 
il  faut,  avec  l'auteur,  renouer  le  lien  entre  nous 
et  nos  ancêtres. 

Chaque  région  a  sa  poésie.  En- Suisse,  il  y  a  la 
poésie  des  sommets,  la  poésie  de  la  verte  vallée 
de  l'Aar,  celle  du  pays  rouge  ou  vallée  du  Rhin, 
celles  de  la  région  allemande  et  de  la  région  ita- 
lienne, celle  du  pays  bleu,  c'est-à  dire  de  la  vallée 
du  Rhône,  et  celle  du  Jura. 

La  première  région,  celle  des  sommets,  com- 


:ô^^:^:=^g:i 


3  J.S'vtAmoxA' 


Chalet  de  la  vallée  de  l'Aar, 


mence  avec  le  ciel,  là  où  finissent  les  cultures. 
C'est  la  région  sublime  qu'a  décrite  Tôpffer.  Elle 
a  pour  habitation  le  chalet  rudimentaire,  robuste 
et  hospitalier,  grossièrement  taillé  dans  les  troncs 
de  mélèzes,  couvert  d'une  toiture  plate,  tapi  sous  la 
neige  épaisse,  blotti  au  pied  des  rochers.  Les  murs 
sont  faits  de  poutres  horizontales,  superposées  et 
consolidées  par  des  chevilles  de  cerisier;  les  joints 

I.  Ouvrons  Us  yeux  / —  Voyage  esthétique  à  travers  la  Sut  ne, 
par  G.  Kalfo,  dessins  de  C.  Robida.  —  Grand  in-S"  de  i8p  pp., 
édiiion  de  luxe,  illustrée  en  couleurs.   Genève,  Atar.   1904. 


creusés  sont  calfeutrés  de  mousse.  De  giosses 
pierres  pèsent  sur  le  toit  pour  empêcher  le  vent 
de  le  soulever.  Le  mobilier  est  primitif. 

Les  vallées  abritées  de  l'Aar  (pays  de  Berne) 
ou  Pays  vert,  aux  vastes  et  gras  pâturages,  vrais 
tapis  d'émeraude,  se  distinguent  par  le  spacieux 
chalet  de  l'Oberland  et  la  ferme  monumentale  du 
Mittelland.  Les  habitations  très  vastes,  abritées 
sous  des  toits  aux  larges  saillies,ont  autant  de  con- 
fort à  l'intérieur  que  de  charme  au  dehors.  Le  ton 
naturel  du  bois,  largement    travaillé,  s'harmonise 


482 


WitWt  tie  rart  chrétien» 


avec  les  paysages  des  forêts.  La  façade  est  en 
largeur,  le  pignon  surbaissé;  des  touches  de  pein- 
tures accentuent  les  lits  de  poutres  sculptées,  les 
consoles  d'appui,  les  frises  légères.  L'ensemble  est 
robuste  et  bien  équilibré;  les  grandes  lignes  hori- 
zontales donnent  la  tranquillité;  des  découpures, 
des  festons  font  l'effet  de  sourires.  L'ossature 
révèle  l'aménagement  intérieur;  en  regardant  ces 
chalets,  on  peut  connaître  les  êtres  qui  l'habitent. 
Les  volets  polychromes  sont  à  coulisses;  dans  les 


Ferme  du  Mittelland. 


est  plus  aigu  dans  la  région  pluvieuse  des  cantons 
de  Lucerne  et  d'Unterwald.et  des  avant-toits,  aux 
consoles  ornées  de  pendentifs  en  fer  de  lance,  pro- 
tègent les  fenêtres  de  chaque  étage.  Les  fenêtres, 
avec  vitraux  à  rondelles,  vont  par  trois  ou  quatre 
au  rez-de-chaussée,  par  deux  ou  trois  au  premier 
étage,  tandis  qu'elles  ne  forment  qu'un  groupe  au 
second  ;  des  planchettes  festonnées  recouvrent 
les  têtes  de  poutres.  La  grande  salle  (Wohn- 
stubej,  éclairée  de  deux  faces,  entourée  de  bancs 


à  demeure,    chauffée  par    un    grand    poêle    en 
faïence,  respire  un  confort  modeste. 

Dans  le  grand  plateau  du  Mittelland,  le  Block- 
haus fait  place  au  pan  de  bois  à  charpente  verti- 
cale, avec  remplage  hourdé.  Les  proportions  sont 
colossales  et  les  façades  moins  ornées.  Ces  vastes 
fermes,  vrais  chefs-d'œuvre  d'architecture  cam- 
pagnarde, sont  couvertes  de  toits  immenses  des- 
cendant très  bas,  agrémentés  seulement  de  pi- 
geonniers. La  façade  est  ornée  d'un  large  balcon 


montagnes,  des   prières    naïves   comme   les  sui-      | 
i    vantes  sont  inscrites  sur  les  façades  :  1 

I  Cette  maison  s'est  mise  dans  la  main  de  Dieu  ;  i 

Dieu,  protège-la  du  chagrin  et  de  l'incendie, 
Du  malheur  et  de  l'inondation  ; 
En  un  mot,  conserve-la  telle  quelle. 

Chaque  affluent  de  l'Aar  a  sa  variété,  parmi 
ces  chalets  tous  de  même  famille.  Ceux  de 
rOberland  ont  de  vastes  toitures  peu  inclinées 
dépassant  les  façades  de  plusieurs  mètres.  Le  toit 


^©élanges. 


483 


abrité  sous  le  comble.  Un  plan  incliné  {\e  pont  de 
grange)  accède  au   fenil,  surmontant  l'étable,  où 


les  bêtes,  sur    deux    rangs,   se  regardant,  sont 
accessibles  de  tète  et  de  derrière. 


J)" 


Chalet  au  pays  de  Lucerno. 


La  maison  de  ville  ofifre  des  arrangements  du 
même  esprit,  et  ses  rangées  de  logis  aux  murs 
maçonnés  (tels  qu'on  les  voit  à  Thoune,  à  Berne 


et  à  Morat),  ont  leurs  types  variés  et  apparentés  ; 
des   portiques  abritent    les  trottoirs    de    la    rue. 


* 


ORo^dA^ 


Une  rue  de  Berne. 


Si  nous  nous  transportons  sur  le  versant  sud    i    sont  plats,  projetant  de  grandes  ombres  sur  le 


des  Alpes,  le  Tessin  offre  un  vif  contraste  avec  le 


crépi    blanc    des    murailles.    L'abandon   de   la 


pays  vert.   Ici,  c'est  le  Midi,  le  soleil.  Les  toits        nature  s'étend  aux  maisons,  dont  l'intérieur  est 


484 


ISitWt  lie  rairt  cbvétieu. 


est  négligé;  de  part  et  d'autre,  le  logis  s'harmo- 
nise avec  le  climat.  Les  fenêtres  sont  béantes  ; 
des  portiques  courent  le  long  des  maisons  tas- 
sées les  unes  sur  les  autres.  Partout  la  gracieuse 
négligence    d'une    vie    tout    au    dehors,    qui    ne 


demande  à  l'habitation  qu'un  peu  d'ombre  et  de 
fraîcheur. 

Revenons  aux  sommets,  pour  descendre  la 
vallée  du  Rhin.  Les  chalets  se  compliquent  d'in- 
fluences italiennes  et  autres.  On  réduit  l'ouverture 


^'■'^«ÏK""'^'"^-'' 


Chalet  du  canton  des  Grisons. 


des  baies,  mais  on  les  ébrase  en  entonnoir,  avec 
décor  et  graffites;  les  volets  sont  à  l'intérieur  et 
glissent  dan.s  l'épaisseur  des  murs.  La  maçonne- 
rie prédomine  sur  la  charpente.  Dans  les  Grisons 
des  fresques  décorent  les  murs,  rappelant  l'Italie. 


La  saillie  du  toit  et  en  même  temps  les  galeries 
des  chalets  disparaissent.  Les  saillies  maintenues 
portent  sur  des  bras  de  force.  Des  grillages  en 
ferronnerie  protègent  les  fenêties. 

Aux  cantons  de  Glaris,  de  Saint-Gall  et  d'Ap- 


i'-  -.— \  ^.t'i^     "    Ti 


Maison  en  pans  de  bois  du  canton  de  Thurgovie. 

penzell,  s'abrite  une  population  industrieuse,  dans 
de  vastes  logis  dispersés  ;  chaque  colline  forme  un 
domaine.  Les  habitations  offrent  une  uniformité 
d'apparence  démocratique,  et  d'un  grand  confort. 
Les   murs  sont  en   pans  de   bois   à   croisillons, 


1 1 . 


Manoir  Vaudois. 

maçonnés  et  peints  en  blanc.  Les  toits,  aigus  et 
parfois  infléchis,  sont  couverts  en  tavillons.  Les 
dessins  rectilignes  remplacent  les  décorations 
sculptées. 

Dans  les  cantons  de  Thurgovie  et  de  Schaff- 


£Pélangc0. 


485 


house,  surtout  vers  Bâle,  le  terroir  prend  une  cou- 
leur rouge, et  la  coloration  chaude  s'accentue  dans 
les  constructions  en  pierre  rose.  Les  habitations 
se  groupent  en  cités  pittoresques,  d'allure  féodale; 
ce  sont  des  châteaux,  des  maisons  à  tourelle 
et  à  eckers  ornées  de  fresques,  des  auberges  à 
enseignes  décoratives,  et  si  l'on  rencontre  des 
pans  de  bois,  ils  se  superposent  en  encorbelle- 
ment, couverts  d'emblèmes  et  d'inscriptions.  Ici 
l'Allemagne  a  importé  ses  pignons  à  gradins. 
Les  clochers  et  les  tours  sont  souvent  en  batière. 
Nous  venons  maintenant  au  pays  bleu,  dans  la 
vallée  du  Rhône.  Les  chalets  du  Valais  subissent 
l'influence  italienne;  le  rez-de-chaussée  est  en 
maçonnerie  passée  à  la  chaux;  les  étages  supé- 
rieurs sont  en  mélèzes  empilés;  les  motifs  d'ar- 
chitecture italienne  abondent;  portique,  loggia. 
A  mesure  qu'on  descend  le  Rhône,  le  caractère  de 
noblesse  et  d'ampleur  s'accentue.  Au  bassin  du 
lac  Léman,  aux  ondes  azurées,  tout  est  de  cou- 
leur bleutée;  l'on  respire  la  vie  facile  et   désœu- 


vrée. L'habitation  est  gaie;  elle  apparaît  avant 
tout  pratique,  utilitaire.  Dans  le  canton  de  Vaud, 
le  pan  de  bois  disparaît.  De  vastes  toitures  à  la 
bernoise  coiffent  de  solides  constructions  en 
moellons,  aux  fenêtres  petites,  irrégulièrement 
distribuées.  Au  pays  de  Genève,  le  comble  de- 
vient moins  important,  mais  se  projette  sur  la 
façade;  les  murs  latéraux  sont  aveugles. 

Après  cette  étude  attachante  faite  au  point  de 
vue  géographique,  M.  l'^atio  envisage  l'art  de  la 
Suisse  au  point  de  vue  chronologique;  il  dis- 
tingue cinq  époques  :  l'époque  religieuse  (XI<=  au 
XV«  siècle);  l'époque  féodale  (du  XII«  au  XV^ 
siècle);  l'époque  de  la  Renaissance  (XVI«  et 
X  V  1 1«  siècle);  l'époque  française  (XVIII'^  siècle) 
et  l'époque  banale  (XIX'^  siècle  naturellement) 
Nous  ne  le  suivrons  pas,  devant  nous  limiter  et 
voulant  réserver  à  ses  lecteurs  tout  le  plaisir 
que  leur  procureront  ces  pages  savoureuses. 

L.  Cloquet. 


■<t^VUK    X>K    I.  AKT    CHKStlHN 
l'>04.     —  6'"*   LIVRAISON. 


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iM^m^  Trabaujc  lies  JSocictcs  saliantcs.  iMêim 


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Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres.  ■ — •  Séance  du  jç  juillet  içof..  —  Fouilles 
à  Délos.  —  M.  HomoUe  communique  une  lettre 
de  M.  HoUeaux,  directeur  de  l'École  d'Athènes, 
sur  les  résultats  des  fouilles  exécutées  à  Délos 
et  dans  les  îles  d'Ios,  de  Céos  et  d'Ithaque,  grâce 
aux  libéralités  de  M.  le  duc  de  Loubat,  de 
M.  Goekoop  et  du  Gouvernement  belge. 

Séance  du  5  août.  —  Musique  grecque.  — 
M.  Paul  Tannery  expose  les  raisons  qui  peuvent 
faire  douter  de  l'authenticité  d'un  opuscule  attri- 
bué au  géomètre  Euclide,  et  que  son  titre  pré- 
sente comme  ayant  pour  objet  la  division  ma- 
thématique de  la  règle  (ou  canon)  servant  à 
déterminer  les  longueurs  des  cordes  de  la  lyre 
grecque. 

Il  montre  que  cette  division,  donnée  dans  les 
deux  dernières  proportions,  renferme  des  contra- 
dictions techniques  avec  ce  qui  précède.  Il  en 
conclut  que  ces  dernières  propositions  sont  une 
addition  à  un  texte  plus  ancien. 

Des  motifs  tirés  de  l'histoire  de  la  musique 
grecque  ne  permettent  pas  de  faire  remonter 
cette  addition  avant  le  temps  d'Eratosthène. 

Séance  du  ij  août.  —  M.  L.  Léger  annonce 
que  le  consul  de  France  à  Philippopoli  est 
autorisé  à  ouvrir  des  fouilles  à  l'emplacement 
d'Api  llonie-du-Pont,  près  de  Bourges. 

M.  Homolle  présente,  de  la  part  de  M.  Le 
Fourneau,  des  aquarelles  représentant  neuf 
croix  byzantines  provenant  de  monastères  de 
Thessalie.  Les  sujets  de  ces  croix,  qui  sont  en 
bois  sculpté  et  enrichies  de  pierreries  et 
d'émaux,  sont  empruntés  à  la  vie  du  Christ  et  à 
celle  de  la  Vierge.  Des  inscriptions  indiquent 
le  nom  du  donateur  et  de  l'artiste  et  contiennent 
des  malédictions  contre  ceux  qui  détourneraient 
ou  détérioreraient  la  croix.  Une  seule  porte  une 
date,  l'année  1610. 

On  lit  un  rapport  de  M.  Naville  sur  les  fouil- 
les exécutées  à  Dier-el-Bahari  dans  le  grand 
temple  de  la  reine  Hatschapson,  découvert  par 
Mariette. 

Séance  du  iç  août.  —  M.  Cugnat  entretient 
l'Académie  du  tracé  primitif  de  la  ville  romaine 
de  Thamugade  en  Algérie. 

Séance  du  26  août.  —  M.  Homolle  commu- 
nique la  lettre  de  M.  Holleaux  annonçant  la 
découverte  à  Délos,  dans  une  maison  voisine  du 
théâtre,  d'une  mosaïque,  représentant  Dionysos  à 
cheval  sur  un  tigre. 


M.Clermont-Ganneaulit  une  note  du  marquis 
de  Vogue  sur  une  statuette  de  la  déesse  Isis 
envoyée  par  M.  Maspero. 

M.  Homolle  décrit  la  célèbre  colonne  d'Acan- 
the découverte  à  Delphes  et  s'occupe  de  la  resti- 
tution qu'on  a  essayée  de  son  couronnement. 

Séance  du  ç  septembre.  —  Grotte  à  parois 
gravées.  —  M.  le  docteur  Capitan  signale,  au 
nom  de  MM.  l'abbé  Breuil,  Ampoulange  et  en 
son  propre  nom,  la  découverte  qu'ils  viennent 
de  faire  d'une  nouvelle  grotte  à  parois  gravées, 
la  grotte  de  la  Grèze  aux  environs  des  Eyzies, 
dans  la  vallée  de  la  Beune  (Dordogne)  ;  c'est  la 
onzième  grotte  de  ce  genre  qui  soit  connue  et  la 
septième  appartenant  à  cette  même  vallée.  Elle 
ne  mesure  que  7  mètres  sur  6,  avec  une  hauteur 
de   2    mètres   à   peine. 

Fouilles  de  Tunisie.  —  M.  Gauckler,  corres- 
pondant de  l'Académie,  expose  les  résultats  de 
l'exploration  du  limes  tripolitanus,  qui  se  pour- 
suit par  le  service  des  antiquités  et  des  arts  de 
Tunisie,  dont  il  est  directeur,  avec  le  concours 
des  officiers  des  affaires  indigènes.  Il  signale 
notamment  la  découverte  par  M.  le  lieutenant 
Péricaud,  à  quinze  kilomètres  du  poste  de  Mat- 
mata,  et  dans  la  partie  la  plus  sauvage  du  massif 
montagneux  de  ce  nom,  d'une  ferme  romaine 
fortifiée  qui  est  le  vestige  le  plus  important 
rencontré  jusqu'ici  dans  le  Sud-Tunisien  de  la 
colonisation  romaine,  établie  aux  II<=  et  IIP  siè- 
cles de  notre  ère,  à  la  suite  de  l'occupation  mili- 
taire. 

Séance  du  16  septembre.  —  M.  Jacquot  com- 
munique divers  clichés,  pris  par  lui,  de  ruines 
intéressantes  sises  à  Sedrata,  banlieue  de  Ouargla, 
département  d'Alger.Elles  remontent  à  quatorze 
siècles  et  offrent  de  précieux  spécimens  de  la 
civilisation  berbère. 

M.  Baloni  s'occupe  des  origines  de  la  monnaie, 
à  Athènes. 

M.Gaukler  fait  connaître  ses  recherches  sur 
la  topographie  de  Carthage  ;  la  Carthage  romaine 
était  tracée  en  damier  comme  les  bastilles  médié- 
vales. 

Séance  du  2j  septembre.  —  M.  E.  Babelon 
continue  sa  communication  sur  l'origine  de  la 
monnaie  d'Athènes. 

M.  Philippe  Berger  communique  une  série 
d'inscriptions  funéraires  puniques  trouvées  par 
le  P.  Deiattre  dans  ses  fouilles  à  Carthage. 

Il  communique,  en  même  temps,  la  photogra- 
phie d'un  sarcophage    en   marbre  blanc  peint. 


%xà\)anx  l)e0  ^otittéQ  savantes. 


487 


trouvé  dans  les  mêmes  fouilles  au  fond  d'un 
puits  de  17  mètres.  Sur  chacun  des  deux  fron- 
tons se  voit  un  sujet  qui  représente,  sculptée  en 
relief,  la  nymphe  Scylla,  les  bras  étendus.  De 
ses  reins  s'élancent  des  chiens,  suivant  des  tra- 
ditions antiques.  Le  P.  Delattre  avait  déjà  trouvé 
le  même  sujet,  mais  peint,  sur  un  autre  sarco- 
phage. 

Ce  qui  donne  un  intérêt  particulier  à  cette 
découverte,  c'est  que  le  même  sujet  se  retrouve 
sur  le  mausolée  néopunique  d'Kl-Amrouni  en 
Tripolitaine,  que  M.  Berger  avait  communiqué 
en  1S95,  à  côté  d'autres  sujets  mythologiques, 
tels  que  :  Orphée  charmant  les  animaux  sauva- 
ges, Sisyphe  et  Ixion,  Hercule  enlevant  Alceste 
des  Enfers. 

Il  est  intéressant  de  retrouver,  dès  l'époque 
punique,  à  Carthage,  le  mythe  de  Scylla  que  l'on 
ne  connaissait,  avant  les  découvertes  du  P.  De- 
lattre, que  sur  des  monuments  de  l'époque 
romaine. 


38"=  session  de  la  Gilde  de  St-Thomas  et 
St-Luc  (■).  —  Le  point  de  ralliement  était 
Florenville,  gros  village  d'Ardennes,  situé  à  359 
mètres  d'altitude,  à  proximité  de  la  frontière 
française,  sur  une  colline  baignée  par  la  Semois, 
cette  capricieuse  petite  rivière,  qui  trace  son 
lit  sinueux  dans  une  des  plus  gracieuses  vallées 
belges. 

A  cinq  heures,  la  première  séance  plénière 
réunit  tous  les  confrères  dans  une  salle  de  Vffô- 
tel  du  Couimerce  ;  au  bureau  siègent  le  président 
baron  Bethune,  gouverneur  de  la  Flandre  occi- 
dentale, MM.  le  chanoine  Delvigne  et  J.  Helbig, 
vice-présidents,  Chev.  J.-B.  de  Ghellinck  d'Else- 
ghem,  secrétaire,  P.  Daniels,  J.  Van  Ruymbeke, 
baron  Jos.  Bethune,  Jos.  Casier,  conseillers  ;  sont 
présents  à  cette  session  notamment  :  MM.  La- 
gasse  de  Locht, président  de  la  Commission  royale 
des  monuments,  chanoine  Henry,  doyen  du  cha- 
pitre de  la  cathédrale  de  Namur,  C.  Henry,  chev. 
Soenens,  abbé  Maere,  baron  Ruzette,  représen- 
tant, Léon  Nève,  E.  Mortier,  architecte  provin- 
cial, J.  Coomans,  architecte  de  la  ville  d'Ypres, 
J.  Huyghe,  les  frères  Blanchaert,  R.  Roorns, 
E.  Dumont,  Wood,  architecte  à  Londres,  le  frère 
Matthias,  etc.  f^). 

L'assemblée  écoute  une  très  intéressante  com- 
munication de  M.  Ed.  Lagasse,  ingénieur,  au  sujet 
du  château  de  Bouillon  ;  son  travail  résume  en 

1.  Nous  résumons  ici  une  série  de  lettres  fort  intéressantes  en- 
voyées au  Bien  public  de  Gand,  par  M.  Joseph  Casier,  un  des 
membres  les  plus  distingués  de  la  Gilde,  et  le  vaillant  organisateur 
des  excursions. 

2.  Le  secrétaire  de  la  Revue  de  V Art  chrétien  a  également  pris 
part  à  l'excursion. 


quelques  traits  l'histoire  de  la  forteresse  et  les 
diverses  phases  de  ses  transformations. 

Le  travail  de  M.  Lagasse  offrait  d'autant  plus 
d'intérêt  que  la  journée  du  lendemain  devait 
être  consacrée  à  la  visite  de  Bouillon  ;  pareille 
communication  anticipant  sur  la  visite  des  mo- 
numents rend  celle-ci  plus  agréable  et  plus  ins- 
tructive. 

M.  Casier  présente  ensuite  un  travail  sur 
l'église  de  Mouzon,  monument  remarquable 
inspiré  de  la  cathédrale  de  Laon  et  qui  lui  a  été 
signalé  par  M.  Lefèvre-Pontalis,  président  de  la 
Société  française  d'archéologie. 


L'exécution  du  programme  comportait,  outre 
le  château  de  Bouillon  et  l'église  de  Mouzon,  le 
château  des  Amerois,  l'église  Notre-Dame  d'A- 
vioth,  les  ruines  d'Orval  et  l'église  Saint-Hubert. 

Bouillon  évoque  le  souvenir  du  chevaleresque 
Godefroid,  le  pieux  chrétien  appelé  à  ceindre  la 
couronne  royale  de  Jérusalem  au  terme  de  la 
première  croisade.  Avant  son  départ,  il  céda,  en 
1095,  son  duché  à  Otbert,  évêque  de  Liège. 

Les  princes-évêquesse  succédèrent  au  nombre 
de  trente-sept  à  la  tête  du  duché  de  Bouillon  ; 
mais  cette  période  fut  marquée  par  les  sanglants 
et  longs  démêlés  avec  la  famille  de  la  Marck, 
toute  puissante  dans  cette  contrée.  Bouillon  eut 
à  soutenir  de  nombreux  sièges  au  cours  de  ces 
querelles. 

Sous  Louis  XIV,  le  duché  échappa  définitive- 
ment des  mains  des  évêques  de  Liège  pour 
entrer  dans  le  domaine  du  roi  de  France. 

Le  Congrès  de  Vienne  de  18 15  attribua  le 
duché  au  grand-duc  de  Luxembourg,  dépendant 
du  royaume  des  Pays-Bas.  Le  gouvernement 
hollandais,  voulant  moderniser  le  vieux  château, 
ordonna  d'importantes  démolitions;  donjon,  cha- 
pelle Saint-Jean,  habitation  du  gouverneur  dis- 
parurent. Et  sans  doute  ne  resterait-il  plus  rien 
de  cette  intéressante  forteresse,  si  la  révolution 
de  1830  n'avait  arrêté  l'œuvre  dévastatrice. 

L'Etat  belge  a  heureusement  compris  que, 
malgré  ses  graves  mutilations,  le  château  de 
Bouillon  commande  le  respect  ;  dans  ses  murs 
et  autour  du  roc  qui  le  porte,  se  sont  écrites  plu- 
sieurs pages  importantes  de  l'histoire  nationale; 
depuis  plusieurs  années  le  Gouvernement  a  pris 
soin  des  ruines  ;  la  Commission  des  monuments 
a  chargé  l'un  de  ses  correspondants,  M.  Lohest, 
architecte  à  Liège,  d'une  étude  complète  de  la 
vieille  forteresse. 

La  Revue  de  l'Art  chrétien  a  publié  jadis  le 
travail  de  M.  Lohest,  avec  des  planches  très  dé- 


488 


2^e\)ue  ïie  r^rt  cbtétien. 


veloppées  (').  Il  reste  des  questions  à  étudier  ; 
M.  Lohest  voudrait  entreprendre  des  fouilles  pour 
chercher  les  solutions  sur  l'emplacement  de  l'an- 
cien donjon  et  de  la  chapelle. 

La  Gilde  a  émis  le  vœu  de  voir  se  réaliser  le 
souhait  de  M.  Lohest  ;  il  sera  adressé  au  Gouver- 
nement, qui,  par  l'organe  de  M.  Lagasse-de 
Locht,  directeur  général  des  bâtiments  civils,  ne 
manquera  pas  de  donner  satisfaction  à  un  projet 
destiné  à  élucider  d'importantes  questions  d'art 
militaire  médiéval. 

Nous  n'accompagnerons  pas  les  archéologues 
chrétiens  dans  la  visite  au  château  royal  des  Ame- 
rois,  ou,  du  moins,  nous  ne  ferons  halte  avec 
eux  qu'à  la  chapelle  castrale. 

Celle-ci  ne  s'impose  pas  à  l'attention  par  des 
qualités  spéciales  de  style.  Mais  sa  décoration 
picturale,  due  au  talent  du  Directeur  de  \?l  Revue 
de  l'Art  chrétien,  M.  Helbig,  avait  été  un  des 
attraits  de  la  visite  aux  Amerois. 

L'impression  produite  a  été  excellente,  pour 
ne  pas  dire  enthousiaste.  M.  Lagasse-de  Locht 
s'est  fait  à  la  séance  du  soir  l'écho  des  senti- 
ments de  la  Gilde  pour  féliciter  l'auteur  de  cette 
œuvre  aussi  artistique  que  chrétienne.  Il  a  vanté 
à  juste  titre  la  composition,  l'expression  des 
figures,  leur  style  châtié,  leur  coloris  pondéré 
et  l'harmonie   du  décor  et  des  figures. 

La  décoration  de  la  chapelle  des  Amerois 
remonte  à  plus  de  25  ans  ;  elle  restera  parmi  les 
meilleurs  travaux  dus  au  talent  d'un  des  fonda- 
teurs de  la  Gilde. 

(Au  soir  de  cette  première  journée  eut  lieu  une 
séance,  dans  laquelle  M.  Lagasse-de  Locht  et 
M.Cloquet  présentèrent, le  premier, d'importantes 
communications,  le  second  une  étude  historique 
au  sujet  des  ruines  d'Orval,qu'on  devait  visiter  le 
surlendemain)  (2). 


Mouzon  est  une  petite  ville  du  département 
français  des  Ardennes  ;  l'histoire  atteste  qu'elle 
fut,  pendant  cinq  ou  six  siècles,  la  capitale  d'une 
terre  souveraine  ;  de  nos  jours,  Mouzon  est  un 
modeste  chef-lieu  de  canton,  sur  le  bord  de  la 
Meuse,  à  proximité  de  Cérignan. 

Où  retrouver,  sinon  dans  les  chartes,  le  souve- 
nir de  saint  Rémi,  auquel  Clovis  céda  Mouzon 
après  son  baptême,  en  496?  L'abbaye  du  VII I*= 
siècle  a  disparu  et  ne  vit  que  par  le  souvenir 
dans  les  quelques  bâtiments  élevés  au  XVIII'^ 
siècle  et  servant  d'hôpital  civil  ;  disparus  égale- 
ment les  remparts,  les  portes,  sauf  celle  de  lîour- 
gogne.le  château,  la  Cour  souveraine,  plusieurs 
églises. 

1.  Revue  de  V Art  chrétien ,  année  1896,  p.  T45. 

2.  N.  de  la  R. 


L'abbatiale  seule  est  debout  et  sert  d'église 
paroissiale  ,  elle  fut  bien  près  de  la  ruine  irrépa- 
rable au  début  du  XIX'"  siècle.  Une  première 
restauration  faillit  compromettre  définitive- 
ment l'édifice.  Le  travail  fut  repris  par  M.  Boes- 
wilwald  et  mené  à  bonne  fin,  mais  non  sans  pro- 
voquer de  justes  critiques. 

Certains  partisans  belges  de  l'école  du  pitto- 
resque en  matière  archéologique  attaquent  sou- 
vent,sans  fondement,  les  travaux  de  restauration 
des  architectes  belges.  Ils  les  accusent  de  ne 
pas  respecter  le  document,  de  vouloir  remplacer 
toutes  les  anciennes  pierres,  bref,  de  vouloir  en- 
lever au  monument  cette  patine  qui  en  fait  le 
charme.  Cette  critique,  si  elle  peut  être  excep- 
tionnellement fondée,  ne  saurait  être  généralisée 
sans  injustice. 

Il  n'est  pas  de  pays,  peut-être,  oi^i  les  archi- 
tectes apportent  plus  de  conscience,  de  désinté- 
ressement, de  soin  scrupuleux  qu'en  Belgique, 
en  matière  de  restauration. 

A  Mouzon  tout  a  été  gratté  ;  pas  une  pierre  de 
l'intérieur  n'a  conservé  sa  patine  ;  elles  sont 
toutes  uniformément  colorées;  il  en  résulte  un 
aspect  neuf,  froid,  sec  ;  on  ne  sent  pas  la  main 
du  temps  appesantie  sur  ces  colonnes.ces  arcades, 
ces  voûtes,  ces  nefs. 

On  n'a  même  pas  craint  de  détruire  une  cha- 
pelle du  XV*^  siècle,  consacrée  par  la  dévotion 
populaire  à  N.-D.  de  Mouzon  ;  elle  était  ac- 
colée à  l'une  des  basses  nefs.  Le  restaurateur  l'a 
fait  disparaître  sous  prétexte  d'unité  de  style. 

La  façade  entre  les  deux  tours  était  percée 
d'une  immense  fenêtre  à  meneaux  entrelacés  de 
style  flamboyant  et  surmontée  d'une  gable  aux 
rampants  décorés  de  crochets  fleuris.  Le  restau- 
rateur a  jeté  bas  la  façade  jusqu'au  seuil  de  la 
fenêtre  pour  en  élever  une  autre  d'après  le  tracé 
incontestablement  plus  ancien  des  façades  des 
transepts. 

Des  faits  de  ce  genre  ne  se  passeraient  pas 
en  Belgique  ;  les  architectes  belges  respectent 
trop  leur  art  et  leur  métier  pour  détruire  les 
chefs-d'œuvre  de  leurs  devanciers.  Comme  les 
médecins  et  les  chirurgiens  en  agissent  pour  les 
corps,  ils  auscultent  les  pierres  malades,  diagnos- 
tiquent le  mal  et  y  portent  remède  avec  pru- 
dence et  énergie  ;  une  amputation  n'est  pas  une 
destruction  ;  c'est  bien  souvent  le  seul  moyen 
de  sauver  la  vie.  Il  convient  d'ajouter  que  la 
Commission  royale  des  monuments,  ses  corres- 
pondants, les  commissions  et  les  sociétés  locales 
ou  régionales  font  la  garde  autour  de  nos  monu- 
ments. Elles  exercent  une  influence  heureuse 
sur  les  travaux  de  restauration. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  question  si  souvent 
et  si  passionnément  débattue  de  la  restauration 


Crabaujr  Des  ^octétés  satjantesr» 


489 


des  édifices,  l'église  de  Mouzon,  malgré  son 
aspect  trop  propre  et  trop  neuf,  s'impose  par  la 
beauté  de  ses  formes.  L'extérieur  est  simple  et 
sévère  ;  l'intérieur  est  plus  séduisant  avec  ses 
belles  nefs  voûtées,  ses  colonnes  cylindriques  aux 
chapiteaux  à  double  rang  de  crochets,  sa  belle 
galerie  courant  tout  autour  de  l'édifice  au-dessus 
des  basses  nefs. 

La  sculpture  n'est  pas  abondante,  sauf  aux 
chapiteaux, dontla  forme  est  abondamment  variée 
dans  les  galeries. 

On  a  fait  remarquer  l'étonnante  similitude 
entre  le  plan  primitif  de  la  cathédrale  de  Laon 
et  celui  de  N.-D.  de  Mouzon  ;  la  ressemblance 
est  manifeste  ;  elle  est  si  complète  que  l'on  peut 
appliquer  à  l'église  de  Mouzon  la  description  de 
la  cathédrale  de  Laon,  telle  qu'on  la  trouve  dans 
les  ouvrages  de  MM.  Cloquet,  Lambin  et  autres. 

La  cathédraledeLaonfut  commencée  au  milieu 
du  XTI''  siècle  et  terminée  dans  le  premier  tiers 
du  siècle  suivant  ;  la  consécration  en  fut  faite  en 
1236  ou  1237. 

Il  est  permis  de  conjecturer  que, privés  de  leur 
abbatiale  par  l'incendie  de  1212,  les  moines  aient 
été  attirés  par  la  réputation  de  splendeur  des 
cathédrales  voisines  ;  ils  ont  choisi  de  préférence 
celle  dont  l'achèvement  était  le  plus  avancé. 

La  cathédrale  de  Reims  avait  brûlé  en  I2ti  ; 
le  nouvel  édifice  était  à  peine  ébauché  dans 
l'esprit  de  son  architecte  ;  tout  au  plus  sortait-il 
de  terre  un  an  plus  tard. 

Mais  à  Laon,  l'église  était  presque  achevée 
dans  sa  disposition  primitive,  c'est-à-dire  avec 
une  abside  polygonale.  Les  moines  de  Mouzon 
s'inspirèrent  du  plan  qu'ils  avaient  sous  les  yeux. 
Et  sans  doute  fut-ce  au  cours  de  la  construction 
de  l'abbatiale  mouzonnaise  que  le  caprice  d'un 
génial  architecte  ou  les  nécessités  du  culte  firent 
détruire  l'abside  polygonale  de  Laon  pour  dou- 
bler la  longueur  du  chœur  et  lui  donner  cette 
ampleur,  cette  profondeur,  cette  solennelle  ma- 
jesté dont  la  vue  produit  sur  tous  les  visiteurs 
une  ineffaçable  impression. 


L'église  Notre-Dame  d'Avioth  est  bâtie  sur  la 
pente  d'une  petite  colline  ;  il  en  résulte  une  dé- 
clivité de  terrain  rachetée  tout  autour  de  la  partie 
occidentale  de  l'église  par  une  espèce  de  terrasse; 
du  côté  du  portail  principal,  un  double  escalier 
donne  accès  à  l'église  ;  cette  terrasse,  qui  fait  le 
tour  de  l'édifice,  servait  autrefois  de  cimetière.  A 
l'angle  S.-O.  s'élève  la  Recevresse,  sorte  de  cha- 
pelle hexagonale  placée  à  côté  de  l'entrée  du 
champ  des  morts  ;  elle  épouse  la  forme  d'une 
.  vaste  lanterne  mesurant  environ   2"\75   de    dia- 


mètre, portée  sur  quatre  colonnes  cylindriques 
isolées  et  une  partie  pleine  contre  laquelle  s'a- 
dosse un  petit  autel. 

La  toiture  est  composée  d'un  dais  en  pyramide 
ajourée,  le  tout  décoré  de  pinacles,  fenestrages, 
galeries  en  claire  voie,  gables  et  crochets,  fouillés 
avec  cet  art  minutieux  des  sculpteurs  du  XV« 
siècle. 

Quelle  était  la  destination  de  cet  élégant  mo- 
nument ?  Les  avis  sont  partagés  :  les  uns  y  voient 
la  chapelle  ou  monument  funéraire  de  la  famille 
de  Rodemack  dont  l'ecu,  sculpté  dans  la  paroi,  a 
fait  l'objet  de  nombreuses  recherches  et  a  été 
définitivement  identifié,  en  1891,  par  M.  le 
comte  F.  van  der  Straeten  Ponthoz. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  sa  destination  primitive, la 
Recevresse  servit  ensuite  de  chapelle  pour  les 
jours  de  grands  pèlerinages  ;  on  y  transportait 
la  statue  miraculeuse  de  Notre-Dame  et  la  messe 
dite  dans  la  chapelle  pouvait  être  suivie  par  la 
multitude  éparpillée  autour  de  l'église  et  dans 
les  rues  avoisinantes. 

Au  XVII^  siècle,  un  tronc  de  pierre  occupait 
le  milieu  de  la  chapelle,  pour  recevoir  les  dons 
des  pèlerins. 

L'existence  d'un  pèlerinage  très  fréquenté 
s'affirme  au  reste,  de  toutes  parts  ;  le  long  de  la 
partie  existante  du  mur  de  clôture  du  cimetière 
des  bancs  ont  été  aménagés.  Les  pèlerins  les 
utilisaient  sans  doute  aux  jours  de  grande 
affluence. 

L'église  elle-même  porte  les  traces  de  plusieurs 
remaniements;  la  chronique  atteste  qu'au  début, 
elle  ne  fut  qu'un  modeste  édifice  dont  on  re- 
trouve quelques  traces  dans  le  bas  des  nefs. Mais 
dès  le  début  du  XIV<=  siècle,  une  église  plus 
vaste  s'éleva  ;  les  ressources  firent-elles  bientôt 
défaut  ?  ou  bien  des  projets  plus  grandioses  sur- 
girent-ils ?  quoi  qu'il  en  soit,  au  XV'=  siècle  le 
chœur  est  bâti  ;  les  voûtes  de  la  nef  sont  repri- 
ses ;  des  chapelles  rayonnantes  sont  créées  entre 
les  contreforts  du  déambulatoire  ;  sans  doute 
fallait-il  fournir  des  autels  aux  prêtres  chaque 
jour  plus  nombreux  à  Avioth. 

Au  XVI«  siècle,  la  place  fait  encore  défaut,  et 
l'on  élève,  en  hors-d'œuvre  du  transept  sud,  une 
chapelle  éclairée  par  une  grande  fenêtre  de  style 
flamboyant.  Ces  transformations  privent  l'église 
d'Avioth  de  cet  aspect  grandiose  et  majestueux 
résultant  d'une  conception  et  d'une  exécution 
d'un  seul  jet. 

Des  détails  de  caractère  divers  ont  vivement 
intéressé  la  Gilde.  Que  d'objets  d'étude  pour 
l'architecte  comme  pour  l'ornemaniste  :  une  série 
remarquable  de  chapiteaux  du  début  du  XIV'= 
siècle,  deux  types  de  clôture  de  chœur,  un  maître- 


490 


ÎRtbur  De  P^rt  t^rétten. 


autel  de  la  fin  du  XIII^ siècle,  un  triple  siège  de 
pierre,  un  tabernacle  pour  la  réserve  Eucharis- 
tique, le  trône  de  Notre-Dame,  une  armoire  aux 
reliques  ou  aux  Saintes-Huiles,  plusieurs  tables 
d'autel,  une  chaire  de  vérité  de  15  38,  des  pein- 
tures murales,  des  restes  de  vitraux  des  XIV"  et 
XV'  siècles. 

N'oublions  pas  de  signaler  les  deux  portails 
d'Avioth  :  l'un,  au  Sud,  a  été  fait  ou  refait  vers 
le  XV<=  siècle  ;  le  tympan  et  les  épaves  de  la 
statuaire  des  ébrasementsme  paraissent  remonter 
à  la  fin  du  XIII^  ou  au  début  du  XIV<^  siècle  ; 
il  y  a  là  quelques  morceaux  de  tout  premier 
ordre. Tout  le  reste  du  portail,  profond  de  2'",6o, 
est  décoré  avec  profusion  ;  l'ogive  extérieure  est 
surmontée  d'un  gable  terminé  par  un  pinacle, 
en  forme  de  dais,  sous  lequel  s'abrite  la  statue 
de  la  Vierge  Mère  entre  deux  anges  agenouillés 
et  ailés,  tenant  chacun  un  chandelier  dont  le 
cierge  a  été  brisé. 

La  façade  occidentale  présente  une  belle  or- 
donnance :  elle  se  compose  d'un  pignon  décoré 
d'une  rose  surmontant  une  galerie  et  le  portail, 
le  tout  encadré  de  deux  belles  tours. 

Cette  œuvre  remarquable  de  l'architecture  du 
XIV''  siècle  semble  inspirée  de  la  cathédrale  de 
Reims,  sous  l'influence  de  l'école  champenoise 
du  XI ir*  siècle.  On  retrouve  en  effet  un  tympan 
avec  fenestrage  ajouré  au  lieu  des  sujets  sculptés 
qui  sont  le  décor  habituel  de  cette  partie  de 
l'édifice. 

La  vie  de  J.-C.  décore  le  linteau  de  la  porte  ; 
aux  diverses  voussures,  l'artiste  a  placé  les  ancê- 
tres terrestres  du  Christ  depuis  Jessé,  les  mois 
de  l'année,  les  principaux  personnages  de  l'An- 
cien Testament  et  la  parabole  des  Vierges  sages 
et  folles. 

Sur  la  façade  se  développe  le  thème,  si  fré- 
quemment représenté  au  moyen  âge,  de  la  scène 
du  Jugement  dernier.  Le  centre  est  occupé  par 
la  figure  assise  du  Christ,  placée  sous  un  dais  à 
la  cime  de  l'archivolte  extérieure  du  portail,  la 
tête  porte  la  couronne  d'é[)ines  ;  le  buste  et  les 
bras  levés  sont  nus  ;  la  poitrine  est  couverte  du 
manteau  drapé  dont  les  extrémités  sont  rame- 
nées à  grands  plis  sur  les  genoux. 

Cette  statue  est  un  modèle  de  sculpture  monu- 
mentale ;  conçue  pour  la  place  qu'elle  occupe, 
elle  s'harmonise  parfaitement  avec  les  lignes 
architecturales.  J'en  pourrais  dire  autant  des 
figures  de  l'Église  et  de  la  Synagogue,  de 
celles  des  Anges,  sonnant  de  la  trompette,  de  la 
Vierge,  de  saint  Jean-Baptiste  et  d'autre.s. 

Bref,  le  plan  d'ensemble  est  grandiose  et  les 
détails  savamment  étudies  pour  produire  l'effet 
cherché.  La  façade  occidentale  de  Notre-Dame 
d'Avioth  mérite  une  place  de  choix  à  côté  des 


chefs-d'œuvre  des  cathédrales  françaises   de  la 
grande  époque. 


* 
*  # 


Les  ruines  d'Orval  furent  ensuite  visitées. 
Les  murs  de  l'église  encore  debout  sont  de  cette 
architecture  élégante  et  pure  qui  caractérise  la 
transition  romano-ogivale.  Depuis  des  années  on 
se  préoccupe  de  sauver  de  ces  ruines  ce  qui 
en  reste  et  les  efforts  de  l'État  belge  sont, croyons- 
nous,  sur  le  point  d'aboutir.  Nous  ne  nous  éten- 
drons pas  sur  cette  visite,  ayant  l'intention  de 
donner  prochainement  dans  ces  colonnes  une 
notice  de  la  célèbre  abbaye  et  de  ses  ruines  sî 
pittoresques. 

La  Gilde  n'a  pas  manqué  d'émettre  un  double 
vœu  :  que  l'État,  grâce  à  l'initiative  de  la  Com- 
mission des  monuments,  multiplie  les  démarches 
pour  faire  entrer  Orval  dans  son  domaine  !  qu'il 
prenne  ensuite  les  mesures  de  conservation 
jugées  nécessaires  par  les  hommes  compétents. 


*  * 


Après  des  journées  aussi  bien  remplies  par 
l'étude  de  monuments  intéressants,  les  séances 
de  la  Gilde  furent  trop  courtes  pour  élucider 
toutes  les  questions  soulevées  au  cours  de  ces 
visites.  La  dernière  séance  fut,  comme  d'usage, 
une  séance  de  liquidation. 

Saint-Hubert  fut  la  dernière  étape  de  la  ses- 
sion. La  Gilde  y  revenait  pour  la  seconde  fois  ; 
que  de  changements  dans  l'église  depuis  1S85  ! 
Le  décrépissage  a  sévi  dans  les  cinq  nefs  depuis 
la  façade  jusqu'au  transept.  Il  semble  que  les 
autorités  compétentes  hésitent  à  continuer  le  tra- 
vail ;  car  les  travaux  sont  arrêtés  depuis  assez 
longtemps. 

L'intérêt  de  l'église  de  Saint-Hubert  réside 
dans  la  grandeur  du  vaisseau  et  l'élégance, 
j'oserais  dire  l'envergure,  des  nefs.  La  décoration 
des  plats  des  murs  fait  songer  aux  églises  bra- 
bançonnes d'Anvers,  Malines,  Bois-le-Duc. 

Tout  le  mobilier  ancien  a  disparu  ;  l'église 
elle-même  avait  été  vendue  et  allait  passer  sous 
le  marteau  des  démolisseurs,  quand  dix  citoyens 
généreux  de  Saint-Hubert  la  rachetèrent  pour 
35,000  francs.  Lorsque  la  tourmente  révolu- 
tionnaire fut  apaisée,  l'autorité  ecclésiastique  se 
fit  un  devoir  de  rembourser  aux  sauveteurs  de 
l'église  le  prix  d'achat. 

Telle  fut,  résumée  en  quelques  traits  forcé- 
ment incomplets,  la  38''  session  de  la  Gilde  de 
St-Thomas  et  St-Luc.  Elle  témoigne  de  l'inten- 
sité de  vie  qui  règne  dans  notre  Société  malgré 
la  maturité  de  l'âge.  Jamais  elle  ne  se  repose  sur 
ses  lauriers  ;  à  peine  la  session  des   Ardennes. 


%và\)à\ix  Des  ^otittéë  satiantes. 


491 


est-elle  finie  que    nos    organisateurs  préparent 
pour  1905,  un  voyage  en  Alsace-Lorraine  (i). 

C. 

La  Commission  royale  des  monuments 
de  Belgique.  —  La  Commission  royale  des 
monuments  a  tenu,  le  10  octobre  dernier,  au 
Palais  des  Académies,  à  Bruxelles,  son  assemblée 
générale  annuelle.  Les  membres  correspondants 
étaient  également  invités  à  cette  réunion  ;  ils  y 
assistaient  en  grand  nombre. 

M.  Lagasse  présidait,  ayant  à  ses  côtés  M.  le 
baron  van  der  Bruggen,  ministre  de  l'Agricul- 
ture ;  MM.  Beco,  secrétaire  général  de  ce  dépar- 
tement ;  Massaux,  secrétaire  de  la  Commission  ; 
baron  du  Sart  de  Bouland  ;  Helbig,  Acker,  Jan- 
let,  chanoine  Van  Caster,  Van  Cleemputte,  Mar- 
chai ;  baron  Bethune,  gouverneur  de  la  Flandre 
occidentale  ;  baron  de  Montpellier,  gouverneur 
de  la  province  de  Namur  ;  de  Kerchove  d'Exaer- 
de,  gouverneur  de  la  Flandre  orientale.  M.  le 
baron  van  den  Bruggen,  ministre  de  l'Agricul- 
ture et  des  Beaux-Arts,  ouvre  la  séance  par  un 
discours  dans  lequel  il  exprime  sa  satisfaction 
d'avoir  pu  renforcer  le  cadre  des  Comités  pro- 
vinciaux en  leur  adjoignant  des  collaborateurs 
nouveaux  qui  viendront  donner  plus  d'efficacité 
aux  travaux  de  la  Commission. 


M.  Massaux  donne  lecture  d'un  rapport  fort 
intéressant  et  très  documenté  sur  les  travaux  de 
la  Commission  royale  pendant  l'exercice  1903- 
1904.  Ce  rapport  constate  que  la  Commission 
s'est  réunie  90  fois,  a  donné  son  avis  sur  1,127 
affaires  et  a  fait  82  voyages  d'inspection  pour 
examiner  sur  place  des  questions  douteuses.  Ses 
travaux  prennent  chaque  année  une  plus  grande 
extension.  En  effet,  la  population  comprend 
mieux  aujourd'hui  que  les  monuments  de  l'art 
constituent  son  propre  patrimoine  ;  aussi  fort 
souvent  facilite-t-elle  la  mission  de  la  Commis- 
sion. 

Le  rapport  rappelle  qu'en  décembre  1903  le 
chevalier  Marchai,  secrétaire  perpétuel  de  l'A- 
cadémie royale,  a  déposé,  pour  être  soumise  à 
l'approbation  de  la  Commission,  la  proposition 
suivante  :  «  Inviter  les  peintres  qui  feront  des 
fresques  d'une  certaine  importance,  à  déposer  à 
l'Académie  royale  des  Beaux-Arts  un  billet  ca- 
cheté renfermant  la  description  de  leur  procédé. 
Ce  billet  serait  ouvert  dans  le  cas  où  des  répara- 

I.  La  Gilde  avait  depuis  longtemps  projeté  une  excursion  au 
pays  d'Abbeville.  Mais  la  situation  troublée  de  la  France  lui  a  fait 
préférer  un  pays  où  des  associations  ayant  quelque  ressemblance 
avec  une  Congrégation  peuvent  voyager  en  toute  sécurité. 


tions  devraient  être  apportées  aux  peintures  après 
la  mort  de  l'artiste.  »  M.  Marchai  remettait  en 
même  temps  le  texte  d'un  billet  de  ce  genre 
déposé  le  8  août  1850,  dans  les  archives  de  l'Aca- 
démie, par  le  peintre  Van  Eycken,  et  relatif  à 
son  procédé  de  peinture  à  la  gutta-percha.  Le 
Comité  a  décidé  également  de  conserver  avec 
soin  les  anciennes  statuas  inutiles  qui  seront 
placées  au  musée  d'art  monumental. 

La  Commission  des  monuments  a  été  unanime 
à  proposer  à  M.  le  ministre  de  l'Agriculture,  de 
prendre  cette  proposition  en  considération. 
L'honorable  ministre  a  bien  voulu  se  ranger  à 
son  avis. 

En  terminant,  l'orateur  rend  un  juste  hom- 
mage à  la  mémoire  de  M,  le  chanoine  Reusens, 
de  M.  l'architecte  Bordiau,  membres  effectifs,  et 
de  MM.  Lhoest,  Zech,  Cador  et  Léanne,  mem- 
bres correspondants,  décédés. 

Ce  rapport  est  longuement  applaudi.  M.  La- 
gasse félicite  M.  Massaux. 

Les  secrétaires  des  divers  Comités  de  province 
présentent  successivement  leurs  rapports  sur  les 
travaux  de  leurs  sections.  M.  Donnet  parle  au 
nom  de  la  section  anversoise  ;  M.  Destrée,  au 
nom  de  la  section  du  Brabant  ;  M. Van  VVambeke, 
au  nom  de  la  section  de  la  Flandre  occidentale; 
M.  de  Ceuleneer,  au  nom  de  la  section  de  la 
Flandre  orientale  ;  M.  Matthieu,  au  nom  de  la 
section  du  Hainaut  ;  M.  Ruhl,  au  nom  delà  sec- 
tion de  Liège  ;  M.  l'abbé  Daniels,  au  nom  de  la 
section  du  Limbourg  ;  M.  Candel,  au  nom  de  la 
section  de  Luxembourg  ;  enfin,  M.  Dardenne,  au 
nom  de  la  section  de  Namur.  —  A  noter  que 
M^.  l'abbé  Daniels  réclame  l'acquisition  par 
l'État  du  porche  de  l'église  d'Herkenrode,  qu'il 
signale  comme  un  monument  archéologique  im- 
portant. 


* 

*  * 


L'assemblée  aborde  ensuite  la  discussion  de 
l'objet  suivant  :  «  A  quelles  questions  essentielles 
doivent  satisfaire  les  parties  d'un  vitrail  artis- 
tique ?  > 

M.  le  baron  Bethune  fait  rapport.  Il  rap- 
pelle qu'il  a  déjà  traité  à  deux  reprises  cette 
question  au  point  de  vue  des  matériaux  à  em- 
ployer et  de  l'harmonie  des  couleurs.  Il  se  borne 
aujourd'hui  à  parler  de  la  distance  à  laquelle  la 
verrière  doit  être  vue  par  le  spectateur.  L'ora- 
teur fait  à  ce  propos  l'historique  de  la  composi- 
tion des  verrières  en  indiquant  les  circonstances 
qui  ont  déterminé  les  différents  aspects  archi- 
tecturaux. Il  rappelle  qu'il  importe  que  le  verre 
des  vitraux  soit  d'une  fabrication  spéciale  ;  que 
la  diaphanéité  des  couleurs  soit  parfaite  et  que 
l'artiste  tienne  compte  des  conditions  de  lumière 


492 


3&e\)ue  ïie  V^xt  cl)iétieu. 


de  l'édifice,  de  la  distance  à  laquelle  le  specta- 
teur se  trouvera  placé  et  qu'il  ait  un  scrupuleux 
souci  des  traditions  archéologiques  et  iconogra- 
phiques. {Apphiudisseiiients^ 

M.  de  Ceuleneer  recherche  les  moyens 
d'arriver  à  une  réalisation  pratique  des  deside- 
rata exposés  par  M.  le  baron  Bethune  ;  il  pro- 
pose que  l'on  délaisse  le  vitrail  à  personnage 
unique,  pour  en  revenir  aux  vitraux  à  médail- 
lons, surtout  dans  les  bas-côtés  des  églises  ;  il 
faut  encore  que  l'architecte,  en  faisant  les  plans 
des  fenêtres, n'oublie  pas  que  des  vitraux  y  devront 
être  placés. 

M.  Lagasse.  Nos  peintres-verriers,  sans  con- 
teste, sont  les  meilleurs  du  continent.  Nous 
dépassons  de  fort  loin  les  Français,  les  Alle- 
mands et  même,  je  crois,  les  Anglais.  Ce  résultat, 
nous  le  devons  avant  tout,  au  père  de  M.  le  baron 
Bethune,  qui  a  voué  une  grande  partie  de  son 
existence  à  la  restauration  de  l'art  verrier. 

L'orateur  combat  ensuite  la  conclusion  de  M. 
de  Ceuleneer  qui  lui  paraît  trop  absolue  en  ce  qui 
concerne  les  vitraux  à  grande  figure. 

M.  le  baron  de  Montpellier  et  le  chanoine 
Van  den  Ghein  présentent  des  observations  de 
détail,   puis   la   discussion  est  déclarée  close. 


* 


On  discute  ensuite  cette  question  :  «  Qu'en- 
seignent les  découvertes  de  peintures  murales 
faites  dans  les  monuments  de  la  Belgique?  » 

M.  Helbig  fait  rapport.  Il  se  prononce  ca- 
tégoriquement pour  la  décoration  picturale  des 
monuments,  non  seulement  de  ceux  bâtis  en 
briques,  mais  même  de  ceux  construits  en  «  ma- 
tériaux nobles  ».  Il  rappelle  que  les  plus  beaux 
monuments  de  la  Grèce  ancienne  étaient  peints 
à  l'intérieur  et  à  l'extérieur,  même  lorsqu'ils 
étaient  construits  dans  le  marbre  blanc  le  plus 
beau  ;  c'est  notamment  le  cas  pour  le  Parthénon. 
Les  savants  qui  ont  étudié  les  monuments  an- 
ciens ont  établi  que  la  polychromie  avait  été 
utilisée  aussi  bien  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur 
des  monuments. 

M.  le  chanoine  Van  Caster  développe  les 
motifs  pour  lesquels  il  se  range  à  l'avis  de  M.  Hel- 
big. Si  la  plupart  de  nos  grandes  églises  n'ont 
pas  été  décorées  par  la  peinture,  c'est  parce  que 
le  temps  ou  les  ressources  empêchèrent  ce  travail. 
La  preuve  en  est  que  de  nombreuses  petites 
églises  ont  reçu  une  décoration  complète,  parce 
qu'on  a  pu  facilement  les  achever  complètement. 
Nous  sommes  heureux  de  voir  l'éminent  chanoine 
revenir  à  cette  thèse,  que  nous  avons  eu  jadis 
l'honneur  de  défendre  contre  lui  ('). 


I.  V.  Annales  du  Congrès  de  Matines. 


Vu  l'heure  avancée,  la  discussion  sur  la  thèse 
de  iVlM.  Helbig  et  Van  Caster  est  remise  à  une 
séance  ultérieure. 


M.  Soil  examine  «  les  moyens  les  plus  propres 
à  assurer  la  conservation  des  anciennes  construc- 
tions privées   offrant   un    intérêt   archéologique, 
historique  et  artistique».  Il  estime  que  les  pro-     i 
priétaires   doivent  être  invités   à    restaurer   ces     \ 
immeubles    par    des  subsides  ;  les  maisons  d'un 
intérêt     considérable     devraient    être    classées      | 
comme  étant  «  d'intérêt  public    ».   Il   préconise     ! 
de  plus  la  révision  des  mesures  d'alignement  déjà 
prises   et   qui  entraîneraient    la    disparition    de 
maisons  intéressantes,   la  création    de  Comités 
locaux  chargés  de  faire  rapport  sur  les  demeures 
anciennes,  etc. 


Un  déjeuner  a  réuni  une  cinquantaine  de 
membres  de  la  Commission. 

M.  Lagasse-de  Locht  a  porté  le  toast  au  Roi. 
L'assemblée,  debout,  a  longuement  applaudi.  Le 
président  si  distingué  de  la  Commission  a  été 
ensuite  l'objet  d'une  manifestation  de  chaleu- 
reuse sympathie  à  l'occasion  de  sa  promotion  au 
grade  de  commandeur  de  l'Ordre  de  Léopold. 
M.  Helbig  a  exprimé  toute  la  joie  qu'il  ressen- 
tait de  pouvoir  en  cette  circonstance  lui  témoi- 
gner la  vive  gratitude  de  la  Commission  royale. 
Le  médaillon  de  M.  Lagasse,  par  le  sculpteur 
Vinçotte,  a  été  découvert  à  ce  moment  aux 
applaudissements  de  l'assistance 

M.  Helbig  a  associé  le  nom  de  M""=  Lagasse- 
de  Locht  à  celui  de  son  mari.  M.  Lagasse-de 
Locht  a  remercié  avec  émotion  et  a  serré  dans 
ses  bras  M.  Helbig  et  M.  Vinçotte. 

M.  le  baron  Bethune  a  bu  à  M.  le  secrétaire 
Massaux  et  à  la  presse. 


Nous  venons  de  recevoir  le  compte  rendu  de 
l'assemblée  annuelle  de  1903,  justement  à  l'épo- 
que où  vient  de  se  tenir  celle  de  190.}.  Il  nous 
paraît  intéressant  de  consigner  ici  les  principales 
communications  qui  y  on  vu  le  jour. 

AL  Van  den  lleuvel,  ministre  de  la  justice,  a 
témoigné  d'une  manière  très  spéciale  sa  com- 
pétence et  sa  sollicitude  envers  les  monuments 
anciens  par  des  recommandations  tendant  sur- 
tout à  la  conservation  des  antiquités,  même  hété- 
roclites, qui  garnissent  les  églises.  Le  distingué 
secrétaire  de  la  Commission,  M.  i\Tassaux,  a  pré- 
senté son  rapport  annuel.  Nous  devons  donner 
l'écho  à  ses  excellents   conseils  :  qu'on    ait    soin 


Cratjaur  ïies  Sociétés;  châtiantes. 


493 


de  bien  ventiler  les  églises  pour  conserver  les 
peintures  murales,  les  tableaux  et  tout  le  mobi- 
lier ;  qu'on  prenne  garde  d'écarter  des  murs  des 
églises  les  fosses  funéraires,  cause  fréquente  de 
lézardes;qu'on  évite  d'adosser  des  murs  aux  murs 
extérieurs  du  temple.  M.  Massaux  déplore  l'iner- 
tie des  autorités  civiles,  qui  abandonnent  à  leur 
ruine  l'église  de  St-Jean,  dans  le  cimetière  de 
Diest  et  la  vieille  église  de  Grimde  sous  Tirle- 
mont.  La  Commission  a  obtenu  qu'on  prît  des 
mesures  de  conservation  de  l'ancienne  porte  de 
Laval  à  ]5ouviu;nes.  On  poursuit  les  négociations 
pour  le  sauvetage  des  ruines  de  l'abbaye  d'Orval. 
(Nous  avons  dit  plus  haut  que  depuis  les 
négociations  ont  abouti.) 

Les  neuf  Comités  provinciaux  des  membres 
correspondants  ont  présenté  leur  rapport.  M.Don- 
net,  au  nom  de  celui  d'Anvers,  annonce  que  son 
comité  a  découvert  et  rendu  à  sa  destination  le 
lutrin  en  laiton,  au  pélican  symbolique,  de 
l'église  de  Saint-Amand  à  Gheel,  pièce  du 
XlV'^  siècle.  Ce  Comité  s'oppose  énergiquement 
an  bouleversement  des  ab(jrds  du  château  de 
Turnhout,  et  à  l'abaitage  projeté  des  beaux 
arbres  qui  couronnent  les  remparts  de  la  jolie 
petite  ville  de  Lierre.  M.  Donnet  rappelle  la 
reconstruction  faite  par  la  ville  d'Anvers,  de  la 
jolie  maison  des  Tonneliers  ;  malheureusement, 
celle  du  Jeune  Serment  de  l'arc,  qui  datait  du 
WT"-'  siècle,  n'a  pu  être  sauvée.  Deux  autres 
maisons  vides,  derrière  l'hôtel  de  ville,  ont  été 
en  partie  abattues,  l'une  datait  de  i  573. 

M.  Destrée  fait  rapport  au  nom  du  Comité 
brabançon.  Il  rapporte  la  décision  intervenue 
au  sujet  de  la  décoration  du  vestibule  de  l'hôtel 
de  ville  de  Louvain.  Le  Comité  s'est  élevé  contre 
le  projet  de  décorer  de  peintures  le  hall  monu- 
mental ;  on  s'est  opposé  même  à  des  rehauts  de 
peinture  à  appliquer  aux  sommiers  du  plafond 
et  à  leurs  corbeaux  en  pierre  ;  c'est  aller  trop 
loin,  et  se  montrer  hostile  au  plus  plausible  des 
embellissements.  Le  Comité  a  été  plus  heureux 
en  réclamant  des  traceurs  de  rues  nouvelles  plus 
de  respect  pour  les  vieux  quartiers  pleins  de 
poésie. 

Notre  collaborateur  M.  Van  Ruymbeke  avait 
la  parole  au  nom  de  la  Commission  provinciale 
de  la  Flandre  Occidentale.  Il  loue  la  restauration 
du  triforium  et  des  fenêtres  de  l'église  Notre- 
DamedeBruges.il  s'occupe  destrois  intéressantes 
églises  paroissiales  de  Poperinghe,  si  mal  restau- 
rées il  y  a  quarante  ans.  Leurs  flèches,  meneaux, 
galeries  et  corniches  moulurés  en  briques  ont  été 
refaits  eu  style  français  et  d'époque  trop  an- 
cienne, en  pierre  blanche  qui  s'effrite  déjà  ;  la 
Fabrique  doit  épuiser  ses  ressources  pour  la 
réfection  d'une  flèche  refaite,  il  n'y  a  qu'un  demi- 


siècle.  M.  l'architecte  Cooman  a  étudié  le  projet 
de  la  nouvelle  flèche  et  des  autres  parties, 
à  l'aide  de  la  brique  locale  et  selon  les  traditions 
du  pays.  Il  compte  rétablir  les  voûtes  en  bar- 
deaux. On  se  prépare  aussi  à  la  restauration  de 
l'hôtel  de  ville  de  Loo,  restauration  qui  sera  né- 
cessairement radicale  à  cause  de  l'état  délabré 
de  l'édifice. 

M.  le  professeur  de  Ceuleneer  parle  au  nom 
du  Comité  de  la  Flandre  Orientale.  Le  Comité 
ne  fait  que  de  petites  besognes,  parce  qu'on  ne 
lui  en  procure  pas  d'autres.  Néanmoins  il  s'est 
vivement  intéressé  à  la  restauration  du  manoir 
d'Herzele  (XV<=  siècle)  et  à  la  conservation  de  la 
chapelle  de  Lcugemeete,  dont  on  devra  faire  son 
deuil,  ainsi  qu'au  maintien  de  ce  qui  reste  de 
l'ancien  Béguinage  de  Gand,  menacé  par  un 
percement  de  rue  après  avoir  été  désaffecté  et 
quelque  peu  profané. 

Le  Comité  du  Hainaut,  dont  les  travaux  sont 
énumérés  par  M.  T.  Hubert,  s'est  préoccupé  de 
l'église  romane  de  Deux-Acren  et  de  son  remar- 
quable mobilier,  du  dégagement  du  chevet  de  la 
cathédrale  de  Tournai,  dont  la  Revue  de  l'Art 
chrétien  a  parlé  naguère('),et  de  la  restauration  de 
la  collégiale  de  Soignies.  On  a  décidé  le  maintien 
du  jubé  de  1640,  moyennant  de  le  désaveu- 
gler,  et  l'on  a  préconisé,  à  cette  fin,  l'enlèvement 
des  stalles,  qui  sont  contemporaines.  On  annonce 
l'achèvement  prochain  des  travaux  de  conserva- 
tion de  l'abbaye  d'Aulne  ;  on  s'est  occupé  aussi 
de  l'intéressante  chaire  de  vérité  de  Roucourt. 
Le  Comité  a  proposé  le  classement  de  l'église 
romane  de  Saint- Vaast. 

Le  rapporteur  du  Comité  de  Liège  est  M.  Lo- 
hest.  Le  Comité  n'a  pu  conjurer  la  destruction 
de  la  maison  Porquin  ;  il  est  disposé  à  admet- 
tre la  démolition  du  porche  renaissance  de 
Stjacques  de  Liège,  qui  cache  un  beau  portail 
gothique.  Les  églises  de  Scry  et  de  Thys  ont  été 
classées,  l'une  donnant  le  type  de  la  construction 
en  briques  et  pierres  de  sable,  l'autre,  un  bel 
exemple  de  la  construction  calcaire  du  Condroz. 

Le  chanoine  Daniels  est  l'interprète  des  corres- 
pondants limbourgeois  ;  il  s'occupe  de  diverses 
églises  de  la  Campine  et  de  leurs  portails  carac- 
téristiques s'ouvrant  au  sud  (ex.  :  église  de  Zep- 
peren)  Le  Comité  a  soustrait  à  la  vente  une  belle 
collection  de  quinze  statues  anciennes  conservées 
à  Bocholt. 

Enfin,  M.  Tandel  parle  au  nom  de  ses  con- 
frères de  Luxembourg.  Il  propose  la  publication 
de  nombreux  monuments  roinains  du  remar- 
quable musée  d'Arlon.  Le  Comité  s'efforce  de 
sauver   l'église  gothique   d'Attert,  rare  exemple 


I.   V.  année  1903,  p.  231. 


494 


3Rcbue  bt  l*art  cl)rttien. 


dans  le  pays  d'une  hallenkirche.  A  propos  de  la 
construction  d'une  nouvelle  église  à  Arlon,  s'est 
élevée  une  curieuse  discussion  sur  le  style  à  adop- 
ter ;  on  s'est  mis  d'accord  par  une  excellente 
solution,  celle  qui  consiste  à  adopter  le  style 
gothique  primaire  qui  convient  si  bien  dans  sa 
noble  simplicité,  au  rude  climat  des  Ardennes. 

M.  Dardenne,  au  nom  du  comité  de  Namur, 
s'applaudit  de  la  réfection  de  la  flèche  de  Dinant, 
d'une  si  ridicule  forme  en  poire,  et  des  travaux 
exécutés  à  la  porte  de  Bouvignes  citée  plus 
haut. 

On  voit  qu'aucun  des  neuf  Comités  n'apporte  un 
brillant  tribut  de  travaux.  Cela  n'a  pas  dépendu 
de  leur  zèle,  la  cause  en  est  au  fonctionnement 
défectueux  de  ces  Comités. Il  faut  ajouter  toute- 
fois que  tous  ont  travaillé  de  leur  mieux  à 
la  conservation  des  monuments  et  objets  d'art 
du  pays. 

Après  cette  revue  des  travaux  régionaux,  l'As- 
semblée s'est  occupée  de  l'étude  des  questions 
inscrites  à  son  ordre  de  jour.  On  a  abordé  la 
grosse  question  de  la  polychromie  des  églises, 
dont  le  rapporteur  était  M.  Jules  Helbig,  le 
Directeur  de  la  Revue  de  l'Ait  chrt'tieu.  Son 
opinion,  très  nette,  a  été  solidement  motivée.  Il 
a  rappelé  celle  de  VioUet-le-Duc  :  «  Toutes  les 
architectures  connues  sont  aidées  de  la  peinture, 
ou  plutôt  de  l'harmonie  produite  par  l'assem- 
blage des  couleurs,  pour  donner  à  la  pierre,  aux 
enduits  et  même  au  marbre  la  valeur  indépen- 
dante de  la  forme  plastique.  »  M.  Helbig  pose  en 
principe  qu'aucun  monument  digne  de  ce  nom 
n'a  été  considéré  comme  achevé  sans  avoir 
reçu  le  décor  que  seule  la  couleur  peut  donner. 
Le  peuple  ne  comprend  pas  un  art  incolore. 
Courajod  montre  que  la  polychromie  est  de 
règle  aussi  pour  la  statuaire.  Johann  Kuhn  l'a 
prouvé  par  de  multiples  exemples,  s'appuyant 
d'ailleurs  de  l'autorité  du  chanoine  .Schniitgen, 
de  feu  l'abbé  Miintzenberger  et  du  R.  P.  lîeissel. 

Malgré  le  blanchissage  inexorable  exercé 
durant  deux  siècles  systématiquement  sur  toutes 
nos  églises,  les  traces  abondent  des  peintures 
murales  du  moyen  âge.  L'orateur  cite  St-Paul, 
St-Jacques,  St-Martin,  St-Antoine,  St-Christo- 
phe  de  Liège,  la  collégiale  deTongres,  St-Pierre 
de  Saint-Trond,  la  collégiale  de  Huy,  l'église  de 
Bastogne,  Ste-Walburge  de  Fumes,  le  Sablon  et 
Ste  Gudule  de  Bruxelles,  l'église  de  Laeken.  Il 
aurait  pu  citer  quantité  d'autres  exemples  im- 
portants, le  chevet  de  la  cathédrale  de  Tournai, 
St-Pierre  de  Louvain,  la  cathédrale  de  Malines 
(triforium),  quantité  des  églises  de  Brabant.  Il 
insiste  sur  les  curieux  vestiges  d'une  poly- 
chromie d'ensemble  qui  ont  été  mis  à  découvert  et 


visibles  peu  de  temps  au  choeur  de  Ste-Gudule  de 
Bruxelles.il  démontre  à  l'évidence  qu'on  n'avait 
pas  en  vue  de  laisser  l'appareil  à  nu  pour  profiter 
de  la  polj'chromie  naturelle  des  matériaux  les 
plus  riches,  témoin  le  manteau  d'arlequin,  en 
pierres  grise  et  rose  de  l'ancienne  abbatiale  de 
Saint-Hubert. 

En  réalité,  dans  la  plupart  de  nos  églises,  la 
peinture  n'a  pu  être  achevée,  le  gros  œuvre  même 
ne  l'a  souvent  pas  été.  Mais  la  présence  seule  de 
vitraux  suffit  pour  nécessiter  la  polychromie 
murale. 

M.  le  baron  Bethune  a  corroboré  la  thèse  de  M. 
Helbig  et  a  cité  comme  exemple  des  vestiges  de 
coloration  aux  colonnes  et  colonnettes  des  mou- 
lures de  l'église  Saint-Sauveur  de  Bruges,  d'autres 
constatés  à  l'église  Notre-Dame  de  la  même  ville, 
à  St-Jacques,  à  la  chapelle  du  Saint-Sang,  ainsi 
qu'à  l'église  de  Damme,  à  l'église  de  Lisse- 
weghe,  à  St-Martin  et  à  Notre-Dame  de  Cour- 
trai.  Le  chœur  de  Ste-Walburge  de  Fumes  offre 
un  décor  polychrome  complet. 

La  séance  s'est  continuée  par  une  intéressante 
étude  de  MM.  Bordiau  et  Acker  sur  les  appli- 
cations de  l'esthétique  à  l'entourage  des  monu- 
ments ;  en  voici  la  conclusion  : 

1°  Un  monument  gagne  à  être  dégagé,  du 
moins  à  offrir  un  abord  facile,  sans  que  ce  prin- 
cipe soit  absolu. 

2°  Il  ne  faut  pas  pousser  le  dégagement  jus- 
qu'à l'isolement,  mais, au  contraire,  ménager  dans 
l'entourage  des  points  de  comparaison  donnant 
l'échelle  des  monuments. 

3°  Il  faut  ménager  des  repos  et  proportion- 
ner chaque  édifice  à  son  rôle  particulier  dans  l'en- 
semble. 

La  séance  se  termine  par  une  communication 
liumouristique,  mais  d'une  précision  scientifique, 
de  M.  Schuermans  au  sujet  de  l'emplacement  de 
la  chapelle  de  St-Bernard  (Uns  l'abbatiale  de 
Villers. 


Société  historique  et  archéologique  du 
Maine  —  Cette  Société,  très  vivante,  a  fait  en 
juillet  dernier,  durant  deux  jours,  sous  la  direc- 
tion de  son  érudit  président  M.  R.  Triger,  une 
excursion  dans  la  vallée  du  Loir. 

La  promenade  commença  par  la  visite  du 
château  de  Poncé,  dont  l'escalier,  de  la  seconde 
moitié  du  XVI«  siècle,  est  richement  décoré  de 
caissons  sculptés  ;  puis  on  passa  à  l'église,  la 
première  de  celles  assez  nombreuses  dont  on  a  pu 
admirer  de  précieux  spécimens  de  fresques  du 
XI  !"■  siècle,  d'une  surprenante  conservation.  Puis 
on  a  gravi  sous  un  soleil  torride  les  rampes  qui 
conduisent  au  château  de  la  Flotte.  Celui-ci,  re- 


%va))à\ix  ties  t)ociétég  sa\)antts. 


495 


construit  sur  un  plan  ancien,  contient  quelques 
portraits  et  objets  d'art  intéressants. 

Trôo  sollicita  ensuite  l'attention  des  excur- 
sionnistes. C'est  un  des  plus  curieux  et  des  plus 
pittoresques  petits  coins  de  France.  Qu'on  se 
figure  tout  un  village  perché  aux  flancs  abrupts 
d'une  falaise  de  craie  dominant  le  Loir.  Certaines 
de  ses  caves  sont  fort  anciennes.  Mais  avant  de 
commencer  l'ascension  des  lacets  conduisant  sur 
le  plateau,  on  traverse  le  Loir  pour  visiter  l'église 
Saint-Jacques-des-Guérets  (XI«  et  XII''  s.),  qui 
possède  aussi  des  peintures  à  fresque  du  XII'" 
siècle  du  plus  vif  intérêt.  —  Au  sommet  du  pla- 
teau se  voient  deux  mottes  féodales,  une  enceinte 
du  moyen  âge,  l'église  Saint-Martin  (XII''  et 
XII1'=  s.),  les  ruines  de  l'église  Notre-Dame-des- 
Marchais  (XII'=  s.)  et  celles  de  la  Maladrerie 
Sainte-Catherine  (Xle  et  XII^  s.);  enfin  le  cé- 
lèbre puits  qui  l^arle,  dans  lequel,  en  raison  de  sa 
grande  profondeur,  la  voix  se  répercute  en  syl- 
labes sonores. 

On  arrive  à  Montoire  (Loir-et-Cher),  fièrement 
dominée  par  les  importantes  ruines  de  son  don- 
jon, et  de  la  petite  chapelle,  aujourd'hui  désaffec- 
tée, de  Saint-Gilies-des-Guérets,  dont  certains 
voudraient  faire  remonter  la  construction  aux 
temps  carolingiens,  mais  qui  n'est  guère  anté- 
rieure aux  peintures  qui  la  décorent,  c'est-à-dire 
au  XIL  siècle.  Ces  fresques  sont  de  toute  beauté, 
du  plus  grand  caractère  et  d'une  merveilleuse 
conservation.  Elles  offrent  cette  particularité  de 
montrer,  aux  voûtes  de  l'abside  et  des  deux  ab- 
sidioles  qui  forment  les  bras  du  transept,  trois 
représentations  différentes  du  Christ  de  majesté, 
dans  des  gloires  en  amande. 

En  dehors  du  donjon,  Montoire  n'a  rien  de 
bien  intéressant  si  ce  n'est  une  maison  de  la  fin 
du  XVI''  siècle  où  on  a  installé  la  mairie. 

Le  lendemain  l'on  se  rend  à  Lavardin,  qui  est 
un  des  plus  importants  châteaux-forts  de  France, 
par  ce  qui  subsiste  de  ses  constructions  ;  il  sup- 
porte fort  bien  la  comparaison  avec  Coucy  et 
Bonaguil.  Seulement  il  paraît  difficile  d'y  voir 
rien  des  constructions  du  XII^  siècle  ;  la  base  du 
donjon  paraît  de  la  fin  du  XlVe  siècle  ;  le  haut, 
du  XVe  (certains  écussons  le  datent  d'une  façon 
certaine),  et  sans  doute  faut-il  rapporter  à  la 
même  époque  la  plupart  des  constructions  des 
bâtiments  annexes  et  des  diverses  enceintes. 

Autrement  ancienne  est  l'église,  qu'on  peut 
considérer  comme  appartenant  au  XL"  siècle  et 
dans  les  murs  de  laquelle  on  retrouve,  en  dehors 
d'une  ornementation  très  intéressante,  des  frag- 
ments réemployés  de  l'époque  mérovingienne. 
Cette  église  mériterait,  sans  conteste,  une  mono- 
graphie. 


A  Vendôme,  c'est  le  musée  et  la  bibliothèque 
qui  reçoivent  tout  d'abord  nos  amis  ;  ils  sont  l'un 
et  l'autre  très  riches  et  parfaitement  classés.  Puis, 
l'église  de  la  Trinité,  avec  une  portion  de  ses 
cloîtres  aujourd'hui  affectés  au  quartier  de  cava- 
lerie voisin  (i). 

Institut  archéologique  liégeois.  Bullet.,  an. 
1903-  —  G.  Kurth.  Le  peintre  Jean.  L'étude  de  cri- 
tique historique, que  M. Kurth  consacre  au  peintre 
Jean,  lui  sert  à  élucider  les  problèmes  relatifs  à 
la  vie  de  cet  artiste,  qui,  à  la  fin  du  X""  siècle, 
orna  de  ses  œuvres  les  églises  de  Liège,  après 
celles  d'Aix-la-Chapelle,  et  à  ce  titre  pourrait 
être  considéré  comme  le  plus  ancien  peintre 
connu  dans  les  annales  de  notre  pays. 

B'^"  de  Sélys-Fanson.  U Exposition  de  l'Art 
ancien  au  pays  de  Liège,  en  içoj. 

L.  ^e.x\-M A.  Découverte  archéologique  à  Hollogne- 
aux- Pierres. 


Société  historique  et  archéologique  dans 
le  duché  de  Limbourg.  Bulletin  de  l'année 
1903.  —  M.  Van  Hasselt  retrace  les  annales  du 
couvent  des  Kruisheeren  à  Maestricht,  fondé  en 
1438  ;  il  fait  très  méthodiquement  l'histoire  du 
bâtiment  et  de  la  communauté  religieuse.  Il 
montre  comment  l'église  fut  construite,  meublée, 
ornée,  comment  les  bâtisses  du  couvent  reçurent 
leurs  développements  successifs. 

La  croix  sépulcrale  de  Geldulphe.prévôt  de  l'église 
Saint-Servais  à  Maestricht,  datant  du  Xl'^  siècle, 
et  retrouvée  en  cette  église  le  ji  août  içoj.  M.  le 
D"'  P.  Dopple  donne  l'histoire  de  cette  décou- 
verte et  la  description  de  la  croix  et  de  l'identi- 
fication du  personnage. 

Congrès  archéologique  d'Arras.  —  A  l'oc- 
casion de  l'exposition  d'Arras,  s'est  tenu  dans 
cette  ville  un  Congrès  des  Sociétés  savantes  du 
Nord  de  la  France  et  de  la  Belgique.  Parmi  les 
diverses  communications,  signalons: 

M.  Parenty.  La  Renaissance  flamande.  Le 
château  de  Hesdin  eu  Artois,  berceau  des  ar- 
tistes et  des  arts.  L'auteur  tend  à  prouver  que 
Jean  de  Liège,  Jean  de  Merville,  Clans  Sluter 
et  Jean  de  Selles  seraient  des  descendants  de 
Thomas  de  Manneville  ;  Jean  de  Bruges  serait 
également  un  Boulonnais. 

Le  Congrès  s'est  terminé  par  une  conférence 
de  M.  Enlart  sur  Nos  cathédrales  disparues  :  Thé- 
rouanne,  Arras,  Boulogne.  Nous  espérons  revenir 
sur  cette  communication  importante. 

I.  D'après  une  relation  de  M.  le  C'e  Charles  de  Beauniont. 


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^^mm^^^mmm  Biblicjrapbtr.  ^^mmmmm^^^m 


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GALLIA  DOMINICANA.  LES  COUVKNTS  DK 
ST-DOMINIQUE  AU  MOYEN  AGE,  par.  G.  Ro 
HAUi.T  DE  Fleurv.  —  2  vol.  in^",  omés  d'un  grand 
nombre  de  planches.  Paris,  Lelhielleux. 


I^^^f  ONSIEUR  Rohault  de  Fleury  n'est 


^^ 


pas  un  de  ces  auteurs  qui  dépensent 
en  menue  monnaie  le  trésor  de  leur 
llfe  science.  Lorsqu'il  entreprend  un 
éf^^i^ïs?^  livre,  c'est  presque  toujours  une 
œuvre  de  longue  haleine,  tout  au  moins  de  re- 
cherches ardues  et  multiples  que  l'on  peut  s'at- 
tendre à  voir  paraître.  Le  livre  dont  nous  trans- 
crivons le  titre  en  tête  de  ces  lignes  traite  un 
sujet  des  plus  importants  :  le  rôle  de  l'Ordre  des 
Dominicains  dans  l'histoire  de  France,  de  leurs 
couvents  dans  la  province  de  France  dès  le 
XII I<^  siècle  mais  encore  bien  fécond  aux  siècles 
suivants.  C'est  là  un  thème  qui  devait  tenter 
la  plume  de  l'historien  et  de  l'archéologue. 
M.  Rohault  de  Fleury  lui  consacre  deux  gros 
volumes  ornés,  j'allais  écrire,  éclairés  de  plus  de 
500  planches.  Le  Père  Chapelier,  l'illustre  his- 
torien, a,  en  outre,  dressé  pour  cet  ouvrage  une 
carte  de  la  France  où  sont  indiqués  tous  les  cou- 
vents de  l'Ordre.  Cette  carte,  qui,  dès  le  début, 
apparaît  aux  yeux  du  lecteur,  permet  de  juger 
d'un  coup  d'œil  le  développement  extraordinaire 
des  Frères  Prêcheurs  au  siècle  de  saint  Louis, 
qui  fut,  comme  on  sait,  l'ami  et  l'ardent  propa- 
gateur des  fils  de  saint  Dominique. 

L'auteur  appartient  à  une  génération  qui  a  vu 
revivre  cet  Ordre  dans  un  élan  de  ferveur  et  de 
générosité;  il  se  rappelle  sans  aucun  doute  l'en- 
thousiasme avec  lequel  la  jeunesse  surtout  accueil- 
lit la  robe  du  Frère  Prêcheur  apparaissant  dans  la 
chaire  deN.-D.  de  Paris  ;  il  se  rappelle  avec  quel 
frémissement  sympathique  elle  répondit  alors  à 
la  voix  éloquente  du  P.  Lacordaire.  Il  se  rappelle 
certainement  les  espérances  d'avenir,  d'expansion 
religieuse  que  l'illustre  orateur  et  ses  disciples 
firent  naître  alors.  C'est  un  épisode  inoubliable 
de  l'histoire  moderne,  et  pourtant  il  semble  qu'il 
soit  oublié, tant  le  régime  imposé  à  la  fille  aînée  de 
l'Eglise  répond  mal  aux  espérances  qu'avait  fait 
naître  cette  renaissance  dominicaine  en  France  ! 

L'auteur  le  sent  profondément  :  Le  livre  qu'il 
publie  aujourd'hui  n'est  pas  seulement  une  œuvre 
d'étude  et  de  science.  C'est  la  protestation  de  la 
conscience  d'un  Français  et  d'un  chrétien,  blessé 
dans  sa  foi,  dans  ses  affections  les  plus  chères. 
Nous  lisons  dès  les  premières  lignes  de  l'avertis- 
sement du  livre,  que  l'opportunité  de  sa  publica- 
tion ne  résulte  pas  seulement  du  vœu  émis  par 
le  célèbre  lioUandiste  Victor  de  Huck  qui  expri- 


mait le  regret  de  voir  l'Ordre  de  Saint-Domini- 
que, un  des  plus  illustres  et  des  plus  fidèles  en 
œuvres  de  salut  et  de  science,  manquer  non 
seulement  d'une  histoire  générale,  mais  de 
n'avoir  pas  même  celle  de  ses  provinces  et  de  ses 
maisons  en  France.  <i  L'opportunité  de  l'histoire 
monumentale  qu'il  nous  propose, dit  l'auteur  dans 
son  avertissement,  résulte  surtout  d'une  façon 
éclatante  des  circonstances  actuelles. Lorsque  les 
couvents  avaient  repris  en  France  leur  vie,  leurs 
prières,  leurs  costumes  antiques,  lorsque  leur 
ferveur  surpassait  les  meilleurs  temps, lorsque  les 
cloîtres  s'étaient  rouverts,  que  les  clochers  tein- 
taient les  hymnes  sacrés,  voici  que  les  sectaires 
de  1792  se  relèvent,  dispersent  les  Religieux  et 
ferment  leurs  demeures,  cherchent  à  étouffer  ces 
foyers  de  science  et  de  piété.  Quelle  heure  est 
plus  propice  que  celle-ci,  devant  ces  criminelles 
tentatives,  pour  rétablir  ces  vieux  cloîtres,  pour 
recueillir  leurs  pierres  qu'on  croyait  à  jamais 
brisées  ou  oubliées,  pour  remettre  debout  ces 
édifices?  Leurs  vues  donneront  l'image  d'une  ré- 
surrection certaine,  la  preuve  de  l'invincible  vie 
des  religieux.  » 

Cette  noble  protestation  suffit  pour  faire  con- 
naître l'esprit  dans  lequel  l'auteur  a  entrepris  son 
œuvre,  et  qui  l'a  soutenu  jusqu'à  l'entier  accom- 
plissement de  son  travail. 

Ce  n'était  pas  tâche  facile.  La  France  vit  dans 
les  soixante  dernières  années  du  XIII''  siècle 
s'établir  soixante-six  fondations  dominicaines, 
un  peu  plus  d'une  fondation  par  an. Il  est  vrai  que 
cette  fécondité  devait  bientôt  se  ralentir,  le  siècle 
suivant  n'en  a  guère  produit  qu'une  douzaine. 

Les  planches  qui,  comme  nous  venons  de  le 
(lire,  dépassent  le  nombre  de  cin(^  cents  pour  les 
deux  volumes,  quoique  tracées  légèrement,  sou- 
vent en  forme  d'esquisse,  offrent  pour  les  cou- 
vents existants  on  qui  ont  existé,  décrits  dans 
l'ouvrage,  tous  les  renseignements  graphiques 
que  le  lecteur  peut  désirer  :  plans  terriers,  cou[)es, 
vues  cavalières,  esquisses  d'ensemble  des  lieux 
réguliers.  Puis  ce  sont  des  détails  remarquables 
tels  que  tombeaux,  sceaux,  statues,  chapiteaux, 
arcatures,  inscriptions  ;  toutes  les  particularités 
intéressantes  sont  notées  avec  soin.  Sur  un 
grand  nombre  de  ces  couvents  aujourd'hui  dis- 
parus, l'auteur  a  recueilli  dans  les  ouvrages  pu- 
bliés au  temps  de  leur  splendeur,  une  foule  de 
renseignements  précicu.x.  Il  suffit  d'ailleurs  de 
lire  les  notes  au  bas  des  monographies  de  chaque 
couvent  pour  s'assurer  que  l'auteur  ne  néglige 
aucune  source  d'informations.  Lorsqu'il  ne  peut 
se  rendre  lui-même  dans   les  villes  où  existent 


Btbltogmpftie. 


497 


ou  ont  existé  des  couvents  dominicains,  il  s'a- 
dresse aux  chercheurs  locaux,  dont  il  se  fait 
rapidement  des  correspondants,  des  collabora- 
teurs, des  amis,  très  heureux  d'être  pour  quelque 
chose  dans  les  études  dont  d'avance  ils  connais- 
saient la  haute  valeur. 

M.  Rohault  de  Fleury  nous  initie  d'ailleurs 
lui-même  au  système  de  ses  invesîigations.  Nous 
avons,  dit-il,  cherché  d'abord  le  «  lieu  des  cou- 
vents» ;  nous  avons  recueilli  les  moindres  pierres, 
nous  avons  interrogé  les  archives,  les  bibliothè- 
ques, les  vieux  plans  qu'elles  contenaient, les  an- 
ciennes vues  qui  nous  permettent  de  rassembler 
les  fragments  et  de  recomposer  l'ensemble.  » 

Souvent  le  crayon  de  M.  Rohault  de  Fleury 
nous  donne  la  restauration  de  couventsetd'églises 
dominicaines  dont  il  n'existe  plus  à  peine  qu'un 
souvenir.  Mais  soyez  certain  que  des  documents 
authentiques  ont  été  mis  sous  les  yeux  de  l'ar- 
chéologue ;  celui-ci  s'est  si  bien  familiarisé 
avec  les  dispositions  générales  de  l'architecture 
dominicaine,  il  en  a  tellement  l'intuition,  qu'il  lui 
suffit  parfois  de  quelques  données  sommaires 
pour  évoquer  tout  un  ensemble  de  constructions 
et  établir  ainsi  une  restauration  qui  paraît  très 
acceptable. 

Les  Frères-Prêcheurs  formaient  comme  on  sait, 
un  Ordre  mendiant,c'est-à-dire  que  tout  luxe  était 
exclu  de  leurs  couvents,  comme  de  leurs  sanc- 
tuaires et  de  leurs  églises.  Généralement  celles-ci 
se  composaient  d'une  ou  au  plus,  de  deux  nefs, 
disposées  de  la  manière  la  plus  commode  pour  la 
prédication.  Pas  de  clochers  élevés,  ni  de  por- 
tails richement  historiés  par  la  statuaire  ou  la 
sculpture  décorative.  L'auteur  donne  un  tableau 
synoptique  comparatif  des  plans  terriers  des 
églises  dominicaines  fort  intéressant. 

L'Ordre  cependant  comptait  des  artistes  et  a 
eu,  surtout  en  Italie,  des  maîtres  illustres,  comme 
Fra  .Angelico  et  Fra  Bartolomeo.  Un  Père  Do- 
minicain moderne  a  consacré  quatre  volumes 
aux  artistes  de  son  Ordre  (i).  M.  Rohault  de 
Fleury  donne  sur  la  décoration  picturale  des 
églises  dominicaines  quelques  renseignements 
recueillis  dans  les  monuments  mêmes  et  qui 
sont  de  nature  à  intéresser  vivement  les  lecteurs 
de  cette  Revue.  Ils  prouvent  une  fois  de  plus  que 
les  humbles  fils  de  Saint-Dominique  comme 
ceux  de  Saint-François  étaient  pénétrés  des  vé- 
ritables principes  de  l'art,  tel  que  le  chrétien 
doit  les  concevoir  ;  pour  eux  l'art  n'est  pas  un 
luxe  ;  c'est  l'expression  de  la  foi  et  d'un  senti- 
ment de  convenance  qui  porte  l'homme  à  offrir 
à  Dieu  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  et  de  plus  élevé, 
et  que  si  l'on  peut  marquer  l'esprit  de  pauvreté 

1.  Memorie  de'  più  insigni  Pittori,  Scultori  e  Architetti  domini- 
cani  del  P.  Vincenzo  Marchese.  Firenze,  1851. 


dans  les  vêtements,  il  n'est  pas  permis  de  laisser 
dans  leur  indigente  nudité  les  murs  de  ses  sanc- 
tuaires. 

Jules  Helbig. 


LES  PHIMITIFS  PARISIENS.  ÉTUDE  SUR 
LA  PEINTURE  ET  LA  MINIATURE  A  PARIS 
DU  XIV=  SIÈCLE  A  LA  RENAISSANCE,  par 
Marcel  Poète,  conservateur  adjoint  de  la  Bibliothè- 
que de  la  ville  de  Paris.  Leçons  d'un  cours  d'introduc- 
tion à  l'histoire  de  Paris,  professé  à  la  Bibliothèque  de 
la  ville.  —  Paris,  Honoré  Champion,    1904. 

Bien  peu  d'expositions  ont  donné  un  essor  à 
d'aussi  nombreuses  publications  que  \' Exposition 
des  Primitifs  français  ouvert  cette  année  au 
Pavillon  Marsan  et  à  la  Bibliothèque  nationale. 
C'est  tout  un  mouvement  littéraire  et  d'histoire 
de  l'art  qui  n'est  pas  encore  à  sa  fin,  il  faut 
l'espérer,  et  sur  lequel  nous  aurons  à  revenir,  car 
il  est  d'un  haut  intérêt.  Il  a  déjà  été  fécond 
en  enseignements  et  nous  réserve  sans  aucun 
doute  encore  bien  des  révélations  sur  l'histoire  de 
la  Peinture  en  France  et  notamment  sur  une 
période  de  cette  histoire  laissée  singulièrement 
dans  l'ombre. 

En  attendant,  je  tiens  à  signaler  aux  lecteurs 
de  la  Revue  un  petit  livre  —  il  n'a  que  74  pages 
et  quelques  gravures  dont  les  clichés  sont  em- 
pruntés à  la  Gazette  des  Beaux- Arts.  —  C'est, 
comme  l'auteur  nous  l'apprend  dans  son  avertis- 
sement, l'esquisse  d'un  ouvrage  sur  l'art  à  Paris 
aux  XIV^  et  XV«  siècles.  Chargé  d'un  cours 
d'Introduction  à  l'histoire  de  Paris,  M.  Poète 
a  fait  à  l'occasion  de  l'Exposition  ouverte  au 
Louvre,  une  série  de  leçons  sur  la  peinture  et  la 
miniature  parisiennes,  du  XIV^  siècle  à  la  Re- 
naissance. Ce  sont  ces  conférences  qui  forment 
le  fond  de  ce  livre. 

L'auteur  a  fort  bien  fait  de  les  imprimer.puisque 
par  cette  publication  il  étend  considérablement 
le  cercle  des  personnes  qui  profiteront  de  son 
enseignement.  Le  lecteur  trouvera  dans  son  livre 
toute  la  vivacité  d'allure,  l'attrait  de  l'enseigne- 
ment oral  et  tout  le  fruit  de  leçons  bien  pré- 
parées. 

M.  Marcel  Poète,  en  rétrécissant  son  cadre  et 
en  confinant  son  étude  à  la  ville  de  Paris,  assure 
plus  de  clarté  et  de  précision  aux  faits  qu'il  rap 
porte.  Il  remarque  avec  raison  que  l'on  connais- 
sait peu  de  chose  des  artistes  dont  il  s'occupe, 
dont  les  noms  étaient  généralement  ignorés,  et 
combien  il  convient  de  se  mettre  en  garde  contre 
la  disposition  générale  d'attribuer  à  quelques  ar- 
tistes connus  la  plupart  des  œuvres  de  leur  temps. 

C'est  là  une  tendance  qui,  heureusement,  grâce 
aux  exigences  de  la  critique  historique  moderne, 
commence   à   passer.    Les  règnes   des    rois    de 


498 


3Rebur  lie  T^rt  tbrcticu. 


France  Charles  V  et  Charles  VI  forment  natu- 
rellement une  période  lumineuse  dans  l'histoire 
des  Beaux-Arts  à  Taris.  M.  Marcel  Potite  en  fait 
ressortir  tout  l'intérêt  en  rappelant  bon  nombre 
de  travaux  commandés  et  inspirés  par  ces  rois. 

N'oublions  pas  d'ailleurs  que  sa  publication 
n'est  qu'une  esquisse  ;  elle  nous  promet  beaucoup 
pour  le  tableau  de  l'art  au  XIV^  et  au  XV"^  siècle 
que  l'auteur  étudie  et  auquel  nous  serions 
charmé  de  préparer  par  ces  lignes,  l'accueil  que 
mérite  un  livre  qui  s'annonce  sous  d'aussi  heu- 
reux auspices. 

J.  H. 


FONDATION  D'KUGENE  PIOT,  t.  VIII.  — 
ÉTUDES  SUR  LA  SCULPTURE  FRANÇAISE 
AU  MOYEN  AGE,  par  Robert  Di:  Lastevrie, 
membre  de  l'Institut.  —  Gr.  in-4°  de  140  pp.  et  22 
héliotypogr.  —  Paris,  Leroux,  1902. 

CE  magistral  ouvrage  comprend  une  véritable 
monographie  illustrée  des  trois  plus  beaux 
portails  de  l'époque  romane:  le  portail  de  Char- 
tres et  les  portails  d'Ailes  et  de  Saint-Gilles. 
C'est  en  même  temps  une  œuvre  de  critique 
remarquable,  qui  vient  jeter  le  plein  jour  dans 
les  discussions  savantes,  laborieuses  et  un  peu 
confuses  que  les  sculptures  de  ces  portails  ont 
soulevées  depuis  Mérimée,  Revoil  et  Ouicherat. 
Nous  avons  tenu  nos  lecteurs  au  courant  de  ces 
controverses,  où  se  sont  distingués  MM.  Mayeur, 
Marignan,Voge.  Lefebvre-Pontaliset  notre  colla- 
borateur, M.  Lanoore.  Nous  nous  trompons  fort, 
ou  les  intéressantes  questions  agitées  entre  ces 
savants  auront  reçu  dans  cette  étude  leur  con- 
clusion définitive. 

Les  admirables  sculptures  du  portail  occiden- 
tal de  la  cathédrale  de  Chartres  ont  été  jusqu'ici 
attribuées  au  milieu  du  Xll'^  siècle.  Mais  voici 
que  MM.  Vbge  (•)  et  Clémen  (2),  après  M.  Mari- 
giian  (3)  renversent  les  données  admises.  Les 
sculptures  de  Chartres  dériveraient  de  l'École 
Arlésienne  et  seraient  inspirées  du  portail  de 
Saint-Trophinie,  actuellement  attribué  an  XI1I« 
siècle  d'après  L.  Courajod.  M.  R.  de  Lasteyrie 
remet  lés  choses  au  point;  il  maintient  la  priorité 
de  la  porte  royale  de  Chartres. 

Dans  sa  magistrale  dissertation  il  remémore 
l'histoire  de  la  vénérable  basilique  jusqu'à  l'in- 
cendie de  II 34.  Il  n'est  pas  probable  qu'on  ait, 
dès  1 135,  commencé  la  réfection   du   monument 

1.  Vbge,  Die  Anfânge  des  monumentaUn  Stiles  îin  Miltdalter. 
Strasbourg,  1894,  et  Reperlorium  fur  Kiinslwissenschafl,  fasc.  3. 
1904. 

2.  Clemen,  Le  Moyen  Age,  t.  XI,  p.  348. 

3.  Marigiian,  Le  Portail  occidental  de  Chartres,  le  Moyen  Agi, 
t.  XI  (1898),  341  et  Xtl,  p.  I. 


parle  portaîl,dontles  moulures  accusent  d'ailleurs 
un  style  plus  avancé  que  celles  du  clocher  nord, 
reconstruit  consécutivement  au  désastre  ;  il  est 
au  plus  de  l'âge  du  clocher  sud,  auquel  on  tra- 
vaillait en  1145,  et  très  probablement  postérieur, 
car  il  eût  été  bien  incommode  d'y  travailler  en 
même  temps  qu'aux  tours.  M.  Marignan  va  plus 
loin,  et  reporte  l'époque  de  l'érection  du  portail 
après  l'incendie  de  1194. 

Ici  M.  de  Lasteyrie  fait  remarquer  le  bien 
fondé  de  l'opinion  reçue, d'après  laquelle  leportail 
du  XII<=  siècle,  épargné  par  l'incendie,  aurait  été 
transporté  et  remonté  à  l'alignement  des  façades 
des  deux  tours.  Les  traces  matérielles  de  ce  dé- 
placement se  lisent  encore  sur  la  pierre, et  la  belle 
unité  de  l'ensemble  prouve  qu'il  s'agit  du  réem- 
ploi de  tout  l'ouvrage  et  non  de  l'utilisation  de 
quelques  pierres,  comme  le  prétend  M. Marignan. 
Cet  érudit  prétend  qu'au  XII<=  siècle  on  n'au- 
rait pas  sculpté  les  arts  libcraux  ('),  que  les 
anges  du  tympan  et  des  voussures  (2)  ainsi  que 
les  statues  des  colonnes  (•^)  ne  peuvent  être  anté- 
rieurs à  la  fin  du  XII^  siècle. 

Cette  considération  esthétique  constitue  un 
argument  peu  rigoureux,  qu'écarte  M.  de  Las- 
teyrie, en  même  temps  que  les  arguments  icono- 
graphiques. On  peut  considérer  comme  acquis 
que  le  portail  est  dans  son  ensemble  une  œuvre 
du  XI I*^  siècle,  et  il  est  resté  à  peu  près  intact 
dans  sa  partie  historiée  ;  il  ne  contient  aucune 
figure  moderne. 

D'autre  part  le  thème  iconographique  est  bien 
roman  :  la  Vierge  y  est  assise  ;  la  légende  est 
telle  qu'à  la  Charité  sur  Loire  oti  les  apôtres  rap- 
pellent les  24  vieillards  de  Moissac.  C'est  au  3"= 
plutôt  qu'au  4e  quart  du  XI I«  siècle  qu'il  con- 
vient de  l'attribuer. 

L'auteur  cherche  des  points  de  repère  pour 
préciser  davantage.  M.  Anthyine  Saint-Paul  a 
fixé  entre  1145  et  1175  la  date  du  portail  de 
N.-D.  à  Étampe,  inspiré  de  celui  de  Chartres.  Il 
en  est  de  même  des  deux  admirables  figures  de 
roi  et  de  reine,  de  N.-D.  de  Corbeil,  conservées  à 
Saint-Denis, qui  sont  antérieures  à  1 180. Le  triple 
portail  de  St-Denis,  qui  est  daté  (1140J,  qui  a 
perdu  ses  sculptures  originelles,  mais  dont  l'or- 
donnance est  encore  visible,  a  certainement  ins- 
piré celui  de  Chartres.  Bref,  M.  de  Lasteyrie  peut 
préciser  et  placer  l'exécution  du  portail  royal  de 


1.  Le  poème  de  Martianus  Capellon,  avait,  dés  le  X1I«  siècle, 
popularisé  dans  le  cloître  l'allégorie  des  Sept  W/-/.V,- à  Chartres  même 
l'écolâtrc  Thierry  écrivait  en  1142  son  Manuel  des  Sept  Arts  ( Hep- 
tateuchon ) ,  dont  le  sculpteur  s'est  visiblement  inspiré  ;  le  même 
sujet  figurait  dans  \'  Hortns  delieiarum  de  Herrade  de  Landsperg 
(XIl"  siècle)  et  dans  le  pavé  de  St-Rcmy  à  Reims  (jogo.) 

2.  On  a  trouvé  des  analogies  à  la  cathédrale  d'Angouli'nic. 

3.  En  examinant  les  petits  fûts  indiscutablement  du  XI U- siècle, 
on  peut  se  convaincre  qu'ils  ont  été  faits  pour  les  statues  qu'ils  por- 
tent. 


BtbltograpDte. 


499 


Chartres,  vers  1160.  II  est  à  peu  près  d'accord 
avec  M.  Lefebvre-Pontalis  ;  ce  dernier  pense  que 
le  portail  est  antérieur  à  11 56,  et  que  sa  recons- 
truction en  avant  des   tours  a  eu  lieu  vers  1 180. 


La  question  des  dates  relatives  de  Saint-Tro- 
phime  d'Arles  est  connexe  à  la  précédente. 
Les  auteurs  sont  à  cet  égard  dans  le  plus  par- 
fait désaccord.  M.  de  Lasteyrie  reconnaît  comme 
scientifiquement  démontré  par  M.  Marignan,  à 
l'aide  de  l'iconographie, que  le  cloître  ne  peut  être 
antérieur  à  la  seconde  moitié  du  XII*^  siècle.  Les 
quatre  galeries  sont  d'âges  différents. Celle  du  Sud 
aurait  été  commencée  en  1389  ;  celle  de  l'Ouest, 
couverte  en  croisées  d'ogives,  est  du  XI 11^  siècle. 
Celles  du  Nord  et  de  l'Est,  couvertes  en  berceau, 
peuvent  remonter  au  XII'ï,  la  première  étant  la 
plus  ancienne  des  deux,  avec  ses  arcades  à  vives 
arêtes.  Des  inscriptions  funéraires  qu'elles  por- 
tent, M.  de  Lasteyrie  conclut  que  le  mur  du  Nord 
(extérieur)  du  cloître  était  bâti  en  1165,  celui  de 
l'Est  en  I  iSi,  et  celui  de  l'Ouest  en  1 18S.  Mais  au 
milieu  des  arcades  de  la  galerie  nord  on  lit  une 
épitaphe  de  1188,  tracée  sur  un  parpaing  du 
mur.  D'ailleurs  le  style  de  l'iconographie  s'ac- 
corde avec  les  dates  de  1 165  1 188  entre  lesquelles 
a  dû  être  élevée  la  galerie  du  Nord.  Notre  auteur 
passe  en  revue  tous  les  personnages  des  piliers  et 
des  chapiteaux  historiés,  sans  trouver  confirma- 
tion des  arguments  par  lesquels  M.  Marignan  a 
voulu  attribuer  au  X1II<=  siècle  ces  remarquables 
sculptures.  La  galerie  septentrionale  date  de  i  iSo 
environ  ;  elle  n'est  pas  antérieure  au  portail  de 
Chartres. 

Après  les  savantes  études  de  M.  Marignan,  il 
n'est  plus  possible  de  soutenir  que  le  prestigieux 
portail  de  Saint-Trophime  appartienne  à  la  pre- 
mière moitié  du  XII^^  siècle.  Mais  faut-il  le 
placer  en  plein  XIII^  siècle?  —  Ses  sculptures 
ont  trop  d'analogie  avec  les  plus  anciennes  du 
cloître  pour  s'en  écarter  beaucoup,  et  nous 
avons  vu  que  celles-ci  sont  du  XI I"^  siècle. 
M.  Marignan,  pour  les  reporter  après  12 17,  se 
base  sur  l'interprétation  d'une  inscription  re- 
cueillie par  Sacius,  qu'il  a  mal  interprétée.  Le 
portail  est  postérieur  au  mur  de  façade  auquel  il 
s'adosse,  mais  ce  dernier  n'est  pas,  comme  il  le 
pense,  de  la  deu  xième  moitié  du  X 1 1*^  siècle.  Son 
appareil  montre  qu'il  est  plus  vieux  que  celui 
du  bas  côté  nord,  tout  au  plus  du  début  du 
Xili^  siècle,  à  ce  qu'atteste  une  inscription  qu'il 
porte.  Quant  aux  sculptures,  tout  en  repoussant 
la  doctrine  surannée  de  Viollet-le-Duc  sur  l'in- 
fluence gréco-syrienne,  on  doit  y  reconnaître 
avec  lui  une  influence  gallo-romaine.  L'arc  brisé 
n'est  plus  un  argument  pour  dater  l'ouvrage  du 


XI Ile  siècle  ;  on  sait  aujourd'hui  qu'on  en  a  fait 
au  XII'^  siècle.  Étudiant  l'iconographie  du  por- 
tail, M.  de  Lasteyrie  récuse  les  «  indications 
précises»  qu'a  relevées  M.  Marignan  dans  le 
sens  de  son  attribution  au  XI 11^  siècle.  Bref, 
épousant  les  appréciations  générales  de  M.  Mari- 
gnan, mais  allant  moins  loin  dans  ses  conclu- 
sions, il  opine  pour  une  date  comprise  entre 
II 80  et  1190,  et  cela,  en  dépit  de  certaine 
mitre  triangulaire  usitée  seulement  au  XI IP 
siècle  ;  on  en  trouve  des  exemples  antérieurs 
sur  plusieurs  sceaux. 

Les  arguments  positifs  de  M.  Marignan  sont  ici 
réfutés  en  détail,  notamment  celui  qui  concerne 
la  finesse  des  moulures  ;  elle  n'est  pas  moindre  à 
Sainte- Marthe  de  Tarascon,  qu'une  inscription 
date  entre  1 187  a  1197.—  M.  de  L.  observe  au  sur- 
plus la  conformité  de  caractère  des  inscriptions 
pieuses  du  portail  avec  celles  du  cloître  allant 
de  1165  à  1188.  Il  relève  en  outre  l'extraordi- 
naire similitude  que  présente  le  beau  rinceau 
décorant  le  linteau  de  la  porte,  avec  celui  de  la 
cathédrale  de  Maguelonne,  sculpté  en  1 178.  — 
Donc  le  portail  d'Arles  peut  être  daté  entre 
1 180  1 190.  Or,  à  cette  date,  les  sculptures  du 
portail  royal  de  Chartres  étaient  achevées.  Il  est 
donc  impossible  de  souscrire  à  la  thèse  de 
M.Voge. 

Mais  que  penser  de  la  thèse  de  M.  Mari- 
gnan, faisant  dériver  les  sculptures  de  Chartres 
de  l'école  provençale,  représentée  par  la  façade 
de  Saint-Gilles  ?  —  Sur  la  date  de  cette  façade, 
les  auteurs  fourmillent  d'erreurs;  depuis  Mérimée 
et  Revoil  jusqu'à  Quicherat  et  Viollet  le-Duc. 
Tous  ont  mal  interprété  une  inscription  gravée 
sur  l'un  des  contreforts,  fixant  à  rii6  le  com- 
mencement des  travaux.  Par  où  ont-ils  com- 
mencé .''  Par  la  crypte,  dit  Quicherat  ('),  tandis 
que  M.  Marignan  affirme  qu'il  ne  reste  rien  de 
l'église  commencée  à  cette  date. 

M.  l'abbé  Nicolas,  curé  de  St-Gilles,  dans  un 
savant  mémoire,  apporte  des  lumières  nouvelles 
sur  la  question.  Il  nous  apprend  (2)  que  Raymond 
VI,  pour  expier  le  meurtre  du  légat  Pierre  de 
Castella,  fut  amené  devant  les  portes  de  l'église 
de  Saint-Gilles  ;  le  fait  s'étant  passé  en  1209, 
on  a  une  preuve  certaine  que  le  portail  n'est  pas 
du  milieu  du  XIII*^  siècle,  comme  le  prétend 
M.  Marignan.  Quant  à  l'inscription,  M.  Nicolas  a 
démontré  que  la  pierre  à  l'inscription  de  11 16 
n'est  pas  une  pierre  rapportée  ;  elle  est  placée  au 
cœur  des  maçonneries  de  la  crypte,  à  laquelle 
elle  s'applique.  La  croisée  d'ogives  qui  couvre  la 
crypte    n'appartient    pas,    selon    M.  de    L.,    à 


1.  Mélanges  d' archéologie ^  p.  179. 

2.  Abbé  Nicolas,  Construction  et  réparation  Ae  l'église  de  Saint- 
Gilles,  Nemé.  1900. 


500 


IBitWt  tie  P^rt  cj)rétien. 


l'époque  de  la  construction  de  celle-ci  ;  à  cette 
époque,  la  crypte  était  voûtée  d'arêtes  sans  ner- 
vures,comme  elle  l'est  encore  sur  deux  travées. La 
marche  des  travaux  se  lit  sur  l'édifice  ;  le  gros 
œuvre  de  la  crypte  doit  avoir  été  terminé  vers 
1 140  ;  à  ce  moment,  les  ogives  des  voûtes  étaient 
prévues,  comme  le  montre  l'appareil.  On  peut 
admettre  avec  Ouicherat  que  la  nef  haute  était 
en  pleine  construction  vers  11 50.  Le  portail 
a  dû  être  élevé  avant  11  79  pendant  la  période 
de  paix  dont  l'abbaye  a  joui  au  XI 11"  siècle.  Le 
portail  porte  en  son  milieu  une  saillie  caracté- 
ristique de  deux  couples  de  colonnes;  elle 
s'explique  par  une  saillie  correspondante  de  la 
crypte  ;  les  deux  constructions  ne  peuvent  pas 
être  séparées  par  une  grande  lacune  ;  or,  cette 
partie  de  la  crypte,  une  inscription  prouve 
qu'elle  existait  en  1 142.  C'est  au  troisième  quart 
du  Xll"  siècle  qu'il  faut  placer  la  construction 
du  beau  portail  de  Saint-Gilles.  On  discerne 
d'ailleurs  parmi  les  sculptures  plusieurs  groupes 
hétérogènes  dus  à  des  mains  différentes,  sou- 
mis à  un  chef  unique,  nommé  Bruiius.  Notre 
auteur  analyse  longuement  cette  grande  page 
de  sculpture,  et  en  conclut  que  la  construc- 
tion s'est  poursuivie  par  intermittences  pendant 
toute  la  seconde  moitié  du  XII<=  siècle. 

Il  étudie  encore  d'autres  sculptures  romanes 
du  bassin  du  Rhône  :  celles  de  la  cathédrale 
de  Nimes  et  de  N.-D.  de  Pommières  à  Heaucaire, 
celles  de  Saint-Bernard  de  Romans,  celles 
de  Saint-Guilhem  du  Désert,  de  Maguelonne, 
de  Reddes,  de  Montmajour.  Il  conclut  que 
l'école  provençale  n'a  pas,  comme  le  pré- 
tend M.  Vogue,  devancé  celle  de  l'Ile  de 
France.  M.  Marignan,  prenant  le  contrepied  de 
cette  théorie,  a  admis  l'influence  du  Nord  dans 
le  Midi.  M.  de  Lasteyrie  ne  la  nie  pas,  mais 
croit  qu'elle  ne  s'est  guère  exercée  avant  la  fin 
du  X 1 1"=  siècle.  Les  écoles  d'Arles  et  de  St-Gilles 
remontent  plutôt  à  celle  qui  avait  pour  centre 
Toulouse  et  Moissac. 

L.  Cloquet. 


DICTIONNAIRE  D'ARCHÉOLOGIE  CHRÉ- 
TIENNE ET  DE  LITURGIE,  par  le  D"^  F.  Cabrol, 
fasc.  V.  —  Paris,  Letouzey,  1904. 

Parmi  les  articles  du  fascicule  V,  nous  ne 
ferons  que  noter  les  articles  relatifs  à  Alexan- 
drie (liturgie,  élection  des  patriarches,  etc.), 
l'article  de  M.  11.  Leclercq  sur  les  célèbres 
sarcophages  des  Aliscamps,  celui  de  Dnin  Ca- 
brol sur  l'acclamation  liturgique  de  YAIlelttui, 
etc.,  pour  nous  arrêter  à  l'article  Ambon  qu'a 
traité  M.  Leclercq.  Il  décrit  d'après  les  textes 
celui  de  Justinien   à   Sainte-Sophie  de  Constan- 


tinople,  qu'ornaient  l'argent,  l'ivoire,  l'or  et  des 
masses  de  perles  enchâssées  dans  le  marbre  ; 
celui  de  Saint-Marc  de  Venise  et  un  exemple 
d'ambon  à  coupole.  Le  pupitre  élevé  d'où 
parle  le  lecteur  apparaît  dans  les  textes,  dès 
l'époque  constantinienne.  L'ambon  de  Sainte- 
Sophie  s'élevait  vers  le  milieu  du  temple,  à 
l'Est  ;  à  l'église  métropolitaine  de  Ravenne,  au 
VI'^  siècle,  il  était  dans  le  chœur  inférieur  (nef). 
Parmi  les  types  remarquables  figurent  l'am- 
bon de  Salonique,  d'où  saint  Paul  aurait  pris 
la  parole  ;  celui  de  la  métropole  de  Ravenne, 
décoré  d'abondantes  figures  d'animaux  distri- 
bués en  un  ensemble  qui  s'élève  de  l'élément 
liquide  jusqu'aux  régions  de  l'air  ;  puis  viennent 
les  ambons  des  basiliques  de  Rome  (St-Laurent 
hors  les  murs,  Saint-Clément,  Ste-Marie  in  Cos- 
medin,  St-Pancrace)  que  l'on  attribue  au  IX<= 
siècle  environ.  Ceux  des  églises  de  San-Spiritu 
et  de  StApoUinaire  à  Ravenne  remontent  plus 
haut  (VP  siècle).  Rohault  de  Fleury  les  a 
décrits  ;  un  beau  spécimen  est  celui  de  Sainte- 
Marie  à  Castel-Saint-Llisée  près  de  Népi  (IX°), 
nous  le  reproduisons.  Agaune  possède  un  cu- 
rieux ambon  du  VI^  siècle. 

Le  chant  et  le  rit  Ambrosiens  occupent  lon- 
guement, (c'est  légitime),  M.  L.  A.  Gatard  et 
P.  Lejay  ;  puis  vient  une  étude  développée 
sur  la  (5(?.î27/$'«£  ambrosienne;  elle  est  encore  de 
M.  H.  Leclercq.  Dans  cette  étude  faite  au  point 
de  vue  archéologique  et  architectural, l'auteur  suit 
les  idées  de  M.  de  Dartein  (VIL  siècle).  L'église 
date  de  quatre  époques  :  le  chevet  est  la  partie 
la  plus  ancienne,  les  nefs  et  le  narthex  sont 
postérieurs,  l'atrium  fut  construit  en  troisième 
lieu,  finalement  furent  élevés  les  campaniles. 
L'auteur  ne  s'arrête  pas  au  différend  qui  s'est 
élevé  entre  M.  de  Dartein  et  feu  Cattaneo  quant 
à  l'âge  de  la  superstructure  des  nefs  de  Saint- 
Ambroise,  et  que  connaissent  nos  lecteurs  (').  Il 
lui  importe  davantage  de  rechercher  des  vestiges 
de  l'édifice  ambrosien. 

Les  murs  de  la  basilique  lombarde  paraissent 
avoir  été  édifiés  sur  les  fondations  du  IV'  siècle; 
les  nefs  couvrent  exactement  l'édifice  primitif; 
M.  Leclercq  étudie  minutieusement  l'histoire  de 
la  confession,  telle  qu'ont  permis  de  l'établir  les 
fouilles  de  1S64,  confirmant  l'intention  connue 
de  S.  Ambroise  de  céder  aux  saints  Martyrs 
Gervais  et  Protais  le  droit  de  la  tombe  ;  une  cer- 
taine confusion  s'était  produite  dans  les  esprits 
quant  à  cette  donnée,  par  suite  du  retourne- 
ment de  l'orientation  des  églises  survenue  dans 
l'architecture. 

C'est  encore  d'après  M.  de  Dartein  que  notre 
érudit  auteur  étudie  la  basilique  de  Saint-Satire; 


i.  Revue  Je  ia  i' An  clirilien,  année  1892,   p.  524. 


Btbliograpl)te. 


501 


pour  celle-ci  comme  pour  l'édifice  de  Saint- 
Ambioise,  il  s'aide  d'intéressants  dessins  em- 
pruntés à  Landriani  et  à  Beltrami. 

Cet  intéressant  fascicule  contient  un  autre 
article  important  à  notre  point  de  vue  :  c'est 
celui  qui  est  relatif  à  l'âme  ;  mais  il  n'est  pas 
terminé,  et  nous  le  reprenderons  quand  nous 
aurons  le  fascicule  suivant. 

L.  C. 


MUSÉKS  ROYAUX  DES  ARTS  DÉCORATIFS 
KT  INDUSTRIELS  DE  BRUXELLES.  CATA- 
LOGUE DES  IVOIRES,  DES  OBJETS  EN 
NACRE,  EN  OS  GRAVÉ  ET  EN  CIRE  PEIN- 
TE, par  J.  Destrée,  conservateur.  —  In-S'',  illus- 
tré, 130  pp.  Bruxelles,  Bruylant,  1902. 

On  a  longtemps  envié,  chez  les  Belges,  les  re- 
marquables catalogues  illustrés  des  musées  de 
Londres,  si  bien  faits,  et  mis  à  la  portée  des  petites 


Diptyque  sacré  de  Genoels-Elderen. 


bourses,  ces  catalogues  intuitifs  et  didactiques, 
qui  sont  un  puissant  instrument  d'éducation 
populaire.  Bientôt  les  Anglais  pourront  prendre 
modèle  sur  leurs  voisins.  Le  catalogue  des  ivoires 
du  musée  de  Bruxelles  est  un  modèle  du  genre,  et 
il  n'est  pas  le  seul. 

En  quinze  pages,  M.  Destrée  y  résume  l'histoire 
de  la  technique  éléphantine;  puis  il  donne  des 
pièces  marquantes,  des  notices  descriptives  qui 
sont  en  même  temps  de  bons  morceaux  de  cri- 
tique archéologique. 


La  technique  de  l'ivoire  a  pour  monuments 
en  Belgique,  outre  les  pièces  capitales  du  musée, 
un  feuillet  de  diptyque  byzantin  du  trésor  de 
Tongres,  l'évangéliaire  mosan  de  l'Université  de 
Liège,  l'évangéliaire  de  la  cathédrale  de  Tour- 
nai, le  bâton  pastoral  de  Saint-Servais  de  Maes- 
tricht,  et  plus  tard,  les  œuvres  de  Duquesnoy  et 
de  F.  Van  Bossuyt. 

Les  pièces  notables  du  musée  sont  un  fragment 
'  de  cathedra  à  l'image  de  saint  Pierre  (vers  700) 
{    de  provenance  alexandrine,  analogue  au  feuillet 


RKVUU   UB.     LAKT   CHRUTIBN. 
1904.    —  6"'*   LIVRAISON. 


502 


3^ebue  te  V^xt  chrétien. 


de  Tongres,  qui  a  été  spécialement  étudié  par  le 
Directeur  de  la  Revue  de  V Art  clirétien  (•)  ;  le 
diptyque  sacré  de  Genoels-Eldereii  (vers  8oo), 
que  M.  Helbig  croit  sortir  d'une  abbaye  mosane 
et  où  M.  Destrée  est  tenté  de  voir  une  production 
longobarde;  un  coffret  byzantin  du  IX^  siècle  au 
décor  en  rosaces  et  à  bestioles;  les  beaux  peignes 
liturgiques  de  Stavelot  (X''  s.);  une  plaque  d'évan- 
géliaire,  mosane  selon  M.  Helbig,  mais  d'inspi- 
ration byzantine  ;  une  gracieuse  petite  branche  du 
XII^  siècle,  transformée  en  reliquaire  au  XIV"^ 
siècle,  une  châsse  du  Xtl'  siècle,  de  travail 
allemand  ;  le  lustre  en  dents  de  morse  trouvé  à 
Bouvignes  en  1864;  deux  ravissantes  Vierges 
assises,  du  XIV«  siècle,  de  travail  français  ;  de 
nombreux  feuillets  de  diptyques,  des  coffrets, 
baisers  de  paix;  voilà  pour  la  période  médiévale. 
Parmi  les  objets  de  la  renaissance,  il  convient  de 
citer  les  trois  grasses  de  Van  Opstael.  On  peut 
citer  dans  le  domaine  de  l'art  chrétien,  une  gra- 
cieuse Vierge  Immaculée,  du  XVI I»^  siècle,  la 
plaque  à  la  Sainte  Famille  de  Peter  Hencke 
(vers  1700),  une  Pietà  et  un  saint  Jean  (statuettes 
du  XVIII«  siècle). 

L.  C. 


CAMBRON-CASTKAU,  par  R.  Paternotte.  — 
In-S"  illustré  de  88  pp.  (=),  chez  l'auteur  à  Cambron- 
Casteau,  1904. 

L'amour  du  clocher  natal  a  inspiré  cet  intéres- 
sant livret  rehaussé  de  nombreux  photozincs. 
Les  trois  Cambron  (Cambron-Marie,  Cambron- 
Saint- Vincent,  Cambron-Casteau)  furent  d'inté- 
ressants villages;  les  deux  derniers  subsistent 
seuls,  et  Cambron-Casteau  l'emporte  en  intérêt 
par  les  restes  qu'il  possède  d'une  puissante 
abbaye. 

Il  possède  une  joliette  église  de  style  primaire, 
à  triple  nef,  la  centrale  adossée  à  une  grosse  tour 
carrée,  les  latérales  englobant  celle-ci;  à  l'oppo- 
site  est  un  chœur  plus  bas,  à  chevet  plat.  C'est  un 
type  parfait  d'église  rurale  ;  sa  superstructure  est 
en  berceaux  lambrissés.  Elle  a  été  récemment 
restaurée  et  agrandie  ;  on  a  refait  le  chœur  pour 
intercaler  une  quatrième  travée.  Chose  éton- 
nante, le  restaurateur  n'a  pas  reproduit  dans  les 
nouvelles  arches  l'appareil  des  anciennes.  Nous 
devons  regretter  en  outre  la  lourdeur  des  entraits 
apparents  du  comble,  et  la  répétition  de  la 
croix  comme  antefixe  aux  deux  pignons  de  la 
nef  et  du  chœur,  ce  qui  tend  à  faire  un  motif  banal 
d'un  emblème  sacré.  Le  massif  clocher  percé  de 
fenestrelles  en  forme  d'archères  a  quelque  allure 

1.  j.  Helbig,  La  sculpture  et  Us  arts  plastiques  au  pays  de 
Liège. 

2.  Se  vend  i  fr.  25  au  profit  de  l'église. 


de  tour  fortifiée.  Vue  du  côté  de  l'Orient,  l'église, 
qui  se  dresse  sur  un  tertre,  a  belle  silhouette  avec 
son  chœur  austère  au  pignon  percé  d'un  triplet. 
Au  sortir  du  village,  une  magnifique  drève  de 
tilleuls  mène  à  la  poterne  de  l'abbaye  cistercienne, 
élevée  au  XI II'  siècle,  rebâtie  en  1722,  et  dont 
il  ne  reste  plus  que  quelques  vestiges;  mais  ces 
vestiges  sont  grandioses  :  c'est  une  tour  colossale 
du  XVIIIf^  siècle,  une  belle  salle  de  l'époque  de 


Église  paroissidle  de  Cambron.       Nef. 

transition  de  destination  incertaine,  une  seule 
colonne  de  l'église  primitive,  et  un  pan  des  murs 
où  de  remarquables  mausolées  abritent  leurs 
gisants  sous  des  enfeus. 

Tout  cela,  et  de  moindres  curiosités  locales, 
est  décrit  avec  ordre  et  conscience,  en  des  termes 
élégants,  dans  un  sentiment  pieux,  et  accom- 
pagné de  nombreux  renseignements  historiques. 
C'est  un  modèle  de  monographie  locale. 

L.  C. 

THE  BASES  OF  DESIGN,  par  Walter  Ckane. 
—  In- 12,  illustré  de   372  pp.    Londres,   Bell,  1902. 

Ce  beau  petit  volume, illustré  d'une  manière  ex- 
quise et  écrit  par  un  maître  sous  forme  didac 


BibItograpl)îe. 


503 


ÊgUsc  p<iruisàialc  Ue  C^iubion.  —  Cho^ui. 


Toui   de  l'abbaye  de  Cambroii. 


Eutrce  de  1  «ibbaye  de  Cambroii. 


Eglise  paroissiale  dt,  Cainbion.      Vue  extérieure. 


504 


îRcbuc  ïie  Tî^rt  cbrcttm. 


tique,  ne  répond  pas  exactement  à  son  titre,  car 
il  traite  plus  de  la  classification  des  formes  artis- 
tiques que  du  dessin  proprement  dit,  qui  est 
l'art  de  leur  représentation. 

Quelles  sont,  se  demande  l'auteur,  les  in- 
fluences d'où  découlent  leurs  variétés  ?  C'est 
d'abord  Vîitiliié,  c'est  la  demeure  de  l'homme 
qui  en  fournit  les  premiers  sujets  ;  en  d'autres 
termes,  l'architecture  est  la  grande  génératrice 
des  formes  et  la  mère  des  arts.  Avec  Ruskin, 
l'auteur  classe  les  formes  architectoniques  sous 
trois  titres  :  la  plate  bande,  le  plein  cintre  et 
l'arc  pointu.  La  distinction  nous  semble  dé- 
fectueuse, car  les  trois  catégories  ne  sont  pas 
équivalentes  ;  la  colonne  architravée  d'une  part, 
l'arcade  et  la  voûte  de  l'autre,  voilà  deux  concep- 
tions qui  se  classent  nettement  à  part  ;  mais  la 
même  division  nette  ne  peut  être  établie  entre  les 
deux  cintres,  pas  même  entre  la  coupole  et  la 
croisée  d'ogives. 

De  son  aperçu  rétrospectif,  retenons  d'excel- 
lentes remarques,  celle-ci,  par  exemple,  que  la 
décoration  des  anciens  recherche  toujours  les 
bonnes  places  à  sa  convenance  ;  et  encore  cette 
autre  :  que  la  base  du  décor  des  Grecs  est  la  ré- 
pétition de  lignes  qui  se  font  écho.  Chez  eux  le 
sentiment  architectonique  pénètre  tout,  même  le 
mobilier,  l'outillage  et   l'habillement. 

L'art  romain  enrichit  le  dessin  de  formes  nou- 
velles ;  l'arcade,  le  dôme,  le  pilastre  pannelé  (que 
reprendra  la  renaissance)  et  de  riches  détails  dé- 
coratifs, notamment  pour  les  fresques.  Ingénieux, 
plus  que  vrai,  le  rapprochement  qui  est  fait  entre 
les  bucraiies  réunies  par  des  guirlandes, et  la  paire 
de  bœufs  attelés  sous  le  joug.  (V.  fig.  ci-contre.) 

Le  style  byzantin  apporte  à  l'art  les  effets  de 
splendeur,  gouvernés  par  beaucoup  de  retenue  et 
de  dignité.  Analysant  ensuite  l'esthétique  de  l'art 
roman  et  gothique,  M.  W.  C.  s'en  rapporte  peut- 
être  trop  exclusivement  aux  modèles  anglo-nor- 
mands.Il  constate  l'accord  des  artistes  médiévaux 
avec  les  Grecs,  dans  l'art  de  placer  l'ornement 
sur  les  champs  libres,  et  de  rythmer  les  lignes. 
Il  estime  que  les  Grecs  ont  excellé  surtout  dans 
le  décor  plastique,  et  les  Byzantins,  dans  la  mo- 
saïque; les  gothiques  ont  triomphé  dans  la  pein- 
ture sur  verre  et  dans  les  arts  du  mobilier. 

L'auteur  ne  paraît  pas  avoir  savouré  toute  la 
beauté  de  l'architecture  des  cathédrales.  Il  re- 
nonce au  surplus  à  poursuivre  l'évolution  de  la 
forme  à  travers  les  périodes  de  la  renaissance. 


tonnées  ;  le  guillochis  et  le  lacis  sont  nés  des 
clôtures  entrelacées.  Les  bordures  courantes  et 
montantes  des  œuvres  textiles  ont  créé  les  motifs 
de  bandes  employés  jusque  dans  l'architecture. 
Il  y  a  dans  les  sources  primitives  les  bases  de  la 
logique  décorative.  Quand  on  les  a  oubliées,  la 
production  artistique  a  décliné  ;  l'artiste  s'est 
séparé  de  l'artisan,  et  le  décor  est  devenu  une 
addition  sans  rapport  intime  avec  l'objet. 

La  nature  des  matériaux  gouverne  surtout  la 
forme  et  le  dessin,  selon  que  celui-ci  est    réalisé 


Passant  à  un  autre  ordre  d'idées,  il  montre 
l'infîuence  du  facteur  utilitaire  sur  les  formes 
architecturales,  picturales  et  ornementales.  La 
confection  de  la  natte  aux  âges  primitifs  a 
enfanté  le  dessin  en  damier  et  les  bordures  fes- 


VolC6    OF  ÛXCfJ    -    CAftR.ARA. 

par  la  sculpture,  le  modelage,  la  fonte,  la  forge,  la 
broderie. 

M.  Crâne  applique  les  principes  à  cet  art 
si  populaire  de  nos  jours,  d'un  dessin  noir  sur 
blanc,  c'est-à-dire  l'illustration  des  imprimés.  11 
discute  les  divers  types  de  mise  en  page  des 
livres. 

Il  s'occupe  aussi  du  milieu  ambiant  de  l'œuvre 
d'art,  de  sa  position  par  rapport  à  l'œil,  à  la  main, 
à  la  lumière  ;  des  conditions  d'exécution  du  des- 
sin, par  des  procédés  rapides  ou  par  des  techni- 
ques laborieuses  et  précises,  etc. 

Des  pages  bien   neuves  sont  celles  qu'il  con- 
sacre à  l'esthétique  du  livre,  caractères,  impres- 
sion. II  est  d'avis  que  les  procédés  photographi-. 
ques  d'illustration  qui  triomphent  de  nos  jours, 


Bibliographie. 


505 


sont  funestes  en  ce  qu'ils  détruisent  l'harmonie 
entre  l'image  et  le  texte.  Il  a  bien  raison,  et  nous 
sommes  ici  en  présence  d'une  crise  venant  d'un 
progrès  scientifique  et  industriel  anormal  par  son 
importance  trop  subite,  pour  que  l'équilibre  et 
l'harmonie  puissent  s'établir  entre  le  moyen  et  le 
but.  L'art  est  débordé  par  le  procédé.  Nous  som- 
mes tentés  de  comparer  cette  anomalie  à  celle  qui 
s'est  produite  vers  1S40,  quand  la  métallurgie  a 
développé  ses  moyens  brutaux  sans  concert 
avec  l'art  architectonique  qu'il  a  bouleversé.  De 
même,  les  procédés  héliographiques  envahissent 
les  pagesimprimées  avecdes  produits  merveilleux 
en  soi,  mais  dépourvus  de  style,  et  sans  que  le 
metteur  en  page  ait  le  temps  de  se  retourner, 
d'adapter  des  ressources  trop  riches  à  l'œuvre 
artistique  du  livre. 

Il  nous  faut  encore  insister  sur  l'influence 
climatérique  et  ethnique,  si  active  que  les 
œuvres  d'art  racontent  éloquemment  l'histoire 
des  peuples  disparus.  L'éclat  de  la  lumière  dans 
les  pays  chauds  a  le  curieux  effet  d'éteindre 
la  vivacité  des  couleurs  et  d'harmoniser  les 
teintes  heurtées.  L'ardeur  du  soleil  du  Midi 
engendre  des  ordonnances  architecturales  aveu- 
gles, et  les  brumes  du  Nord  donnent  naissance 
à  des  édifices  vraiment  aériens.  Au  point  de  vue 
atavique,  l'auteur  attribue  à  ses  compatriotes  des 
facultés  d'imagination,  dues  à  leur  origine  cel- 
tique, et  des  capacités  de  calcul  et  d'analyse 
provenant  des  sources  teutoniques. 

Encore  une  observation  instructive  :  le  dessin 
«  purement  graphique  ^  ou  naturalistique  s'at- 
tache aux  caractéristiques  individuelles,  c'est- 
à-dire  aux  différences,  tandis  que  le  dessin  monu- 
mental et  décoratif,  ou  stylisé,  recherche  et 
synthétise  des  formes  types,  et  met  en  évidence 
les  correspondants.  Voilà  les  deux  principes  qui 
se  sont  toujours  disputé  le  monde  des  art*;. 
Dans  les  arts  les  'plus  parfaits,  ils  se  concilient, 
avec  prédilection  pour  l'un  ou  l'autre  des  deux 
principes. 

L.  Cloquet. 


DINANT  DANS  LA  HANSE  TEUTONIQUE, 
par  H.  PiRKNXE.  —  Broch.  in  8".  Namur,  Wesmael, 
1904. 

On  se  rappelle  une  communication  qui  a  fait 
sensation  au  Congrès  archéologique  de  Dinant 
en  1903  :  c'est  celle  du  professeur  Pirenne  de 
Gand,  sur  l'histoire  de  la  Dinanderie,  cette  glo- 
rieuse industrie  qui  fut  remémorée  par  la  bril- 
lante exposition  de  Dinanderies.  Nous  avons 
maintenant  sous  les  yeux  le  discours  du  savant 
professeur,  qui  a  paru  sous  ce  titre  :  Dinant  sohs 
la  hanse  teutonique. 


C'est  un  fait  remarquable  que  seule,  dans  la 
Belgique  actuelle, Dinant  a  fait  partie  de  la  Hanse 
teutonique.  C'est  que  la  petite  ville  mosane 
devint,  à  partir  du  XI I^  siècle,  le  centre  le  plus 
actif  de  la  fabrication  des  objets  de  cuivre  en 
Occident.  Elle  tirait  son  minerai  des  mines  de 
Goslar,  par  Cologne,  le  Rhin  et  la  Meuse.  Mais  au 
milieu  du  XIII^  siècle,  le  commerce  maritime 
ayant  augmenté  l'attraction  des  ports  flamands, 
c'est  par  la  ville  de  Bruges  et  son  port  de  Dam- 
me  qu'arrivèrent  les  matières  premières  ;  c'est 
là  aussi  que  se  rendirent  les  chaudronniers  dinan- 
tais  et  de  là  ils  se  répandirent  à  Angleterre.  Le 
trafic  acquit  outre  Manche  une  intensité  dont 
M.  Pirenne  fournit  les  preuves  authentiques  et 
curieuses. 

Les  Dinantais  eurent  en  Angleterre  une  puis- 
sante association  de  copères,  nommée  la  Compa- 
gnie d'Angleterre. "Les  marchands  wallons  avaient 
grand  intérêt  à  fréquenter  l'Angleterre  et  a  y 
transporter  leurs  produits  eux-mêmes,  et  durent 
créer  personnellement  leur  débouché  ;  ils  finirent 
par  enrapporterl'étaindesCornouailles  et  d'autres 
marchandises.  Mais  de  combien  de  difficultés  ces 
opérations  n'étaient-elles  pas  entourées  en  ces 
temps  de  piraterie, d'insécurité  des  routes,  de  con- 
flits incessants.  L'association  était  une  nécessité 
pour  eux.  Aussi  dans  le  XIL'  siècle  les  Flamands 
eurent-ils  leur  Hanse  à  Londres  ainsi  que  les  Alle- 
mands. Les  Dinantais, moins  nombreux  et  cepen- 
dant obligés  de  défendre  leurs  intérêts,  trouvèrent 
l'appui  nécessaire  dans  la  Hanse  teutonique.  Ré- 
putés allemands  par  les  fonctionnaires  royaux, 
les  batteurs  tirèrent  avantage  d'une  confusion 
qu'ils  n'avaient  pas  créée.  Edouard  III  leur  oc- 
troya en  1303  les  franchises  accordées  au  marché 
des  Allemands.  Après  le  sac  deDinant  par  Charles 
le  Téméraire  (1466),  la  batterie,  déchue  de  sa 
prospérité,  se  releva  péniblement,  mais  elle  ne 
trouva  plus  dans  la  Hanse  qu'un  appui  précaire 
et  des  dispositions  ombrageuses. 

M.  Pirenne  fournit  des  détails  très  précis  et 
extrêmement  intéressants  sur  l'histoire  de  cette 
industrie  artistique,  et  sur  le  rôle  qu'elle  a  joué 
dans  le  monde  commercial. 

L.  C. 


LE  CHRIST  DE  LA  «  LÉGENDE  DORÉE  >, 
par  l'abbé  J.-C.  Broussolle.  In-8°  de  484  pp. 
Paris,  rue  Bayard,  5.  Prix  :  5  francs  ('). 

Nos  lecteurs  connaissent  le  texte  de  la  Légende 
Dorée,  l'œuvre  d'un  célèbre  archevêque  italien  du 
XI I«  siècle,  Jacques  de  Voragine,  commentant, 

I.  Relié  toile,  8  francs;  relié  avec  luxe,  tranches  dorées,  lo  francs  ; 
port  o  fr.  60  en  gare,  o  fr.  85  à  domicile. 


5o6 


3Rt\)ue  ÏJC  rSvt  cljrctien. 


d'après  les  textes  et  monuments    anciens,    les 
grandes  fêtes  de  l'année  liturgique. 

De  ce  vaste  cycle  de  récits  poétiques,  M.  l'abbé 
Broussolle  a  extrait,  puis  traduit  les  passages  qui 
se  rapportent  au  Christ. 

L'ouvraçe  comporte  dix  chapitres  traitant  de 
la  Nativité,  de  la  Circoncision,  de  l'Epiphanie, 
des  Saints  Innocents,  de  l'Entrée  à  Jérusalem, 
de  la  Cène,  de  la  Passion,  de  la  Croix,  de  la 
Résurrection  et  de  l'Ascension. 

Plus  de  400  gravures,  reproductions  des  plus 
célèbres  tableaux,  miniatures, mosaïques  et  sculp- 
tures illustrent  le  commentaire  iconographique 
qui  complète  chacune  des  parties  du  récit  de 
Jacques  de  Voragine. 

Ce  livre  intéressant  et  instructif  présente  la  vie 
de  Notre-Seigneur  sous  un  jour  nouveau.  Il  est 
fait  pour  satisfaire  pleinement  la  piété  des  lec- 
teurs et  la  curiosité  des  amis  de   l'art  religieux. 


BULLETIN   MONUMENTAL,  n.   3,    1904. 

Les  Légendes  s'en  vont  et  les  grands  mots 
perdent  leur  sens.  Cela  allait  si  bien,  de  rappeler 
un  mot  de  V.  Hugo,  en  parlant  du  vaste  perron 
de  N.-D.  de  Paris,  «;  qu'a  dévoré  degré  par  degré, 
la  marée  montante  des  siècles»! — M.  Morlet, 
l'érudit  si  expert  à  remettre  au  point  des  rensei- 
gnements archéologiques  trop  vagues  ou  erronés, 
nous  apprend  que  cette  marée  n'a  rien  dévoré 
du  tout,  que  la  porte  de  Notre-Dame  fut  de  tout 
temps  au  niveau  du  seuil  des  grands  portails  ;nn 
escalier  a  bien  existé,  mais  c'était  du  côté  du 
logis  épiscopal. 

M.  Lefebvre-Pontalis  nous  donne  une  mono- 
graphie très  détaillée  et  très  instructive,  comme 
il  en  sait  faire,  de  Saint-Evremond  de  Creil  ;  il 
l'intitule  :  Notice  nécrologique  ;  c'est  qu'en  effet  le 
monument  qu'il  décrit  n'existe  plus  ;  mais  quand 
il  était  encore  debout,  il  l'a  étudié,  dessiné,  pho- 
tographié et,  grâce  à  lui,  cet  édifice  reste  parmi 
les  types  de  la  genèse  gothique  comme  un  pré- 
cieux terme  de  comparaison. 

M.  l'abbé  J.  Clément  donne  un  relevé  d'épita- 
phes  sacerdotales  conservées  à  l'église  paroissiale 
de  Chareil-Cintrat.  Il  s'a£;it  d'une  lame  funéraire 
verticale (  Au voye)  du  milieu  de  XVI'  siècle.On  y 
voit  deux  prêtres  en  habits  sacerdotaux  couchés 
sous  un  missel  et  un  calice  ;  un  troisième  est  repré- 


senté à  genoux  sur  un  prie-Dieu,  en  présence  du 
S. -Sacrement. 

Notre  collaborateur  M.  Lenoir  fournit  une 
étude  détaillée  de  la  cathédrale  de  Lescar,  que 
M.  Gausse  a  jadis  fait  connaître,  à  nos  lecteurs. 

L.  C. 


THE   CRAFTSMAN  (')• 

Livraison  de  septembre  1904.  M.  G.  Wharton 
James  continue  la  série  des  articles  consacrés 
'  aux  premières  missions  catholiques  du  Far  West. 
!  Il  nous  montre  l'influence  des  constructions  de 
ces  pionniers  de  la  civilisation  sur  l'architecture 
moderne  de  la  Californie.  Vers  le  milieu  du 
XVI  II<^  siècle  les  Pères  Franciscains  espagnols 
convertirent  à  la  vraie  foi  les  peuplades  qui  habi- 
taient les  côtes  du  Pacifique  et  développèrent 
rapidement  parmi  eux  l'art  de  bâtir. 

C'est  dans  l'architecture  originale  des  bâti- 
ments de  ces  missions  que  les  constructeurs  du 
pays  de  l'or  vont  puiser  leurs  inspirations  pour 
continuer  le  «  Mission  Style  »,  style  qui  rappelle 
la  renaissance  espagnole  avec  ses  toits  plats  en 
tuiles  rouges,  ses  tourelles  surmontées  de  dômes 
mauresques,  ses  galeries  à  arcades  empruntées 
directement  aux  cloîtres  franciscains  et  ses 
pignons  à  gradins  ou  à  rampants,  souvenirs  de 
la  Renaissance  flamande. 

En  passant,  l'auteur  reproduit  les  demeures 
des  Indiens  primitifs.  Puis,  dans  un  langage 
enthousiaste,  il  raconte  comment  les  mission- 
naires ayant  à  leur  tête  le  Père  Serra  inculquèrent 
à  ces  sauvages  les  principes  de  la  civilisation 
occidentale  ;  au  bout  d'un  petit  nombre  d'années 
plus  de  trente  mille  Indiens  convertis  vivaient 
paisiblement  sous  la  direction  spirituelle  des 
Pères,  gardant  les  troupeaux  et  cultivant  la  terre, 
tandis  que,  grand  nombre  parmi  eux,  devinrent 
d'habiles  artisans.  Ce  fut  un  crime  du  Gouver- 
nement américain,  de  soustraire  à  la  tutelle  de 
ses  bienfaiteurs  ce  peuple  fraîchement  arraché 
à  la  barbarie,  pour  l'exposer  à  l'exploitation 
des  chercheurs  d'or.  L'alcool  aidant  les  Indiens 
retournèrent  vite  à  leur  état  sauvage  :  redevenus 
insoumis,  ils  furent  bientôt  décimés  par  une 
guerre  d'extermination.  Ce  fut  la  ruine  des 
missions. 

M.  Wharton  passe  en  revue,  aidé  par  une  abon- 
dante illustration,  toutes  les  parties  intéressantes 
des  constructions  dues  aux  missions,  ainsi  que 
le  mobilier  qui  les  décorait  jadis. 

E.  C. 


I.  The  Craftsnian  building-Syracuse.    New-\'ork,  3  dol.  par  an. 


Btbliograpl)te. 


507 


« 


Xntitv  bibliographique. 


;HrcDrologie  ttmtn[iv<:^vts'\ 

=— =    jPiaiicc.  =^==^= 

Babeau  (A.).  • —  1,es  Etudes  archéologiques 

DANS  I.E  DÉTARTEMENT  DE  L'AuBE  DEPUIS  CINQUANTE 

ANS.  —  In-S",  75  pp.,  Caen,  Delesque,  1904. 

Blanchet  (A.).  —  Marques  de  tacherons  et 
MARQUES  D'Ari'AREiLLAGE.  (Extr.  du  Bull.  Monitmen- 
tal,  1904.) 

*  Broussolle  (L'abbé  J.-C).  —  Le  Christ  de 
LA  <(  LÉGENDE  DORÉE  ».  —  In-8°,  484  pp.  Paris, 
rue  Bayard,  5.  Prix  :  5  fr. 

Bouillet  (Abbé).  —  L'églisf.  de  Montreuil- 
.sous-Bois.  —  In-8°.  (Extr.  du  Bull,  monumental), 
Caen,  1904 

Bourcard  (G.).  —  A  travers  cinq  siècles  de 
GRAVURES  (1350- 1993).  —  Un  vol.  grand  in-S", 
L-638  pp.,  avec  I  grav.  Paris,  Georges  Rappilly,  1903. 

Bourdeau  (Louis).  —  Histoire  de  l'Haiîille- 
MKNT  ET  DE  LA  Parure.  (Bibliothèque  scientifique 
internationale.  —  Un  vol.  in-S",  302  pp.  Paris,  Félix 
Aican,  éditeur. 

*  Cabrol  (D"^  F.)  —  Dictionnaire  d'archéo- 
logie chrétienne  et  de  liturgie.  —  Fasc.  V. 
Paris,  Letouzey,  1904. 

Croix  et  candélabres  des  églises  et  du  musée 
DE  Reims.  —  In-S",  Paris,  1902. 

Deux  statuettes  en  bois:  saint  Pierre  et  saint 
Paul.  (Extr.  du  Bull,  de  la  Soc.  polymathique  du  Mor- 
bihan.') —  In-8°,  Vannes,  1903. 

Dumnuys  (I..).  —  Note  sur  une  enseigne  de 
piclerinagic  du  XIII'  siècle  a  l'effigie  de  N.-D. 
DE  DÉOLS,  PRÈS  Chateauroux  (Indre).  —  In-8°, 
Orléans,  1904. 

Durrieu  (P.).  —  Les  manuscrits  a  peintures 

DE     L.\      l'.IULIOTHÈQUE       INCENDIÉE     DE    TURIN    (Z« 

chronique  des  arts,  n°^  7  et  S,  1 904). 

Gavelle  (E.)  —  Le  maître  de  Flémalle  et 
qu.\tre  portraits  lillois.  —  Broch.  Lille,  Leftb- 
vre-Ducrocq,  1904. 

Jobard  (P.).  —  Excursions  archéologiques 
dans  la  Côte  d'Or.  —  i'^  série,  i  à  25,  1898-1903. 
Dijon,  1904. 

Juglar  (I..).  —  La  peinture  dite  des  primitifs. 
—  Broch.  Dodivers,  Besançon,  1904. 

I.  1*3  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  (*)  ont  été,  sont  ou 
seront  l'objet  d'un  article  bibliographique  dans  la  A'^vtf^. 


Lafenestre  (G.).  —  L'exposition  des  primitifs 
français.  —  In-8°  Jésus,  80  grav.,  20  pi.  Édition 
Gazette  des  Beaux-Arts,  Paris,  20  fr. 

*  Lasteyrie  (L.  de).  —  Fondation  d'Eugène 
Piot,  t.  VIII.  —  Etudes  sur  la  sculpture  fran- 
çaise au  moyen  AGE  —  Gr.  in-4'',  140  pp.  et  22  hélio- 
typogr.  Paris,  Leroux,  1902. 

Le  retable  de  Han-sur-Meuse  (XIV  siècle). 
(Extr.  de  la  Revue  historique  ardennaise.)  —  In-8», 
Paris,  1903. 

Les  églises  paroissiales  de  Paris.  Monogra- 
phies illustrées.  Saint-Germain-des-Prés  et 
Notre-Dame-des- Victoires,  livr.  14  et  15.  —  In-S", 
Paris,  1904. 

Le  vitrail  de  Puiseux  et  autres  anciens  vi- 
traux des  églises  du  département  des  Ardennes. 
DÔLE  ET  Jura.  (Extr.  de  la  Revue  historiqjie  ardeti- 
naise).  —  In-8°,  1900. 

L'hôpital  Saint-Marcoul  de  Reims  (1645-1709). 
Notes  et  documents  pour  servir  a  son  histoire 
ET  a  sa  dkscription.  Extr.  du  tome  CXI  des  Trav. 
de  l'Académie  de  Reims.  — Reims,  1902. 

Loisne  (comte  de).  —  Les  miniatures  du  car- 
tulaire  de  Marchiennes.  (Exlr.  du  Bull,  archéol., 
1903.)  —  In-8°,  Paris,  1904. 

Morel  (Abbé).  —  Cartulaire  de  l'abbave  de 
Saint-Corneille  de  Compiègne,  publié  pour  ta 
société  historique  de  Compiègne.  Tome  i'"'  (877- 
12 16).  —  In-4°,  Champion,  25  fr. 

Morillot  (chanoine).  —  Un   pendant  a  la  sta 
tue  funéraire  d'Antoinette  de  Fontette.  —  In* 
8°,  Dijon,  1904. 

■*  Poëte  (Marcel).  —  Les  Primitifs  parisiens- 
Étude    SUR    LA    peinture  ET  LA  MINIATURE   A  PaRIS 

DU  XIV'=  SIÈCLE  A  LA  RENAISSANCE.  —  Paris,  Honoré 
Champion,  1904. 

Régnier  (L.).  —  L'église  de  Sainte-Marie-aux- 
Anglais.  (Extr.  an  Bull,  monumental,  1903) —  In-8°, 
Calvados,  Caen,  1903. 

*  Rohault  de  Fleury  (G.).  —  Gallia  domi- 
NiCAN.A..  Les  COUVENTS  de  St  Dominique  au  moyen 
AGE.  —  2  vol.  in-4°,  ornés  de  grand  nombre  de 
planches.  Paris,  Lethielleux. 

Toutain  (J).  —  Archéologie  religieuse  de  la 
Crète  ancienne.  (Extr.  de  la  Revue  de  l'histoire  des 
religions,  t.  XLVIII.)  —  In-8»,  Paris,  1904. 

Une  peinture  murale  du  XIIP  siècle  a  la  ca- 
thédrale de  Reims.  (Extr.  du  Bull,  archéologique). 
—  In-8°,  Paris,  1901. 


Allemagne. 


Baraize  (E). —  Plan  des  nécropoles  thébaines. 
—  Leipzig,  Karl  W.  Hiersemann,  1904.  Mk.  5.60. 


5o8 


IRebue  lie  l'^rt  cbvctien. 


Bissing  (F.  W.  von).  —  Fayencegefaesse.  — 
Wien- Leipzig,  Hiersemann,  1902.  (Bd.  VI.)  Mk.  20. 

Le  même.  —  Metallgefaesse.  —  Mit  vielen 
Textillustrationen  und  3  Tafeln.  Folio.  Wien,  1901. 
Ed.  IL)  Mk.  16.60. 

Clarke  (Jos.  T.),  Bagon  (Fr.  H),  et  Kolde- 
wey  (Rob.).  —  Investigations  at  Assos. —  Leipzig, 
Hiersemann,  1902.  Mk.  21. 

Crum  (W.  E.).  —  Coptic  Monijments,  —  160  S. 
Text  mit  57  Lirhtdnicktafeln.  Folio.  Le  Caire,  Leipzig, 
Hiersemann,  1902.  Mk.  56. 

Damricli  (J.).  —  Ein  Kunstlerdreiblatt  des 
XIII  Jahrh.  aus  Kloster  Scheyern.  —  In-8°,  89 
pp.,  22  fig.,  II  pi.  Strasbourg,  Heitz,  1904. 

Daressy  (G.).  —  Fouilles  de  la  Vallkk  des 
Rois  (189S-1899).  —  Tombes  de  Maherpra,  Améno- 
phis  II,  168  S.  Text  und  57  Lichtdruckfafeln  Folio, 
2  Teile.  I^e  Caire,  Leipzig,  Hiersemann,  1902. 
(Bd.   HT.)  Mk.  57.60. 

Le  même,  —  Textes  et  dessins  magiques.  — 
Mit  13  Tafeln.  Folio.  Le  Caire,  Leipzig,  Hiersemann, 
1903.  (Bd.  IX.)  Mk.  14.60. 

Le  même.  —  Ostraca.  —  115  S.  Text  mit  67 
Lichtdruckfafeln.  Folio.  Leipzig,  Hiersemann,  1901. 
(Bd.  I  des  Kataloges.)  Mk.  46. 

Di  Cesnola  (L).  —  A  descriptive  Atlas  of 
THE  Cesnola  collection  of  Cypriote  antiquities 

in    THE  METROPOLITAN    MUSEUM    OF  ART,   NeW-YorK. 

—  3  starke  Bande  mit  ca.  450  teils  farbigen  Tafeln. 
Folio.  New- York,  Boston,  1885.  Leipzig,  Hiersemann, 
1904. 

Edgar  (C.-C).  —  Greek  Moulds.  —  Mit  33 
Lichtdrucktafeln.  Folio.  Le  Caire-Leipzig,  Hierse- 
mann, 1903.  (Bd.  VIII.)  Mk.  19  So. 

Le  même.  —  Greek  Sculpture.  —  XVI.  83  S. 
32  Lichtdnicktafe'n.  Folio.  Le  Caire-Leipzig,  Hierse- 
mann, 1904.  (Bd.  XIII, )  Mk.  32.40. 

Grai;  und  Denksteine  des  mittleren  Reichs.  I. 

—  Mit  Textillustr.  P'olio.  Berlin-Leipzig,  Hiersemann, 
1902.  (Bd.  V.)  Mk.  45.60. 

Grab-  und  Denksteine  des  mittleren  Reichs. 
V. —  Mit  119  Tafeln.  Folio.  Berlin-Leipzig,  Hierse- 
mann, 1902.  (Bd.  VIL)  Mk.  62.60. 

Grenfell  (B  -P.)  et  Hunt  (A.-S.).  —  Greek  Pa- 
pvri.  —  Folio.  Oxford-Leipzig,  Hiersemann,  1903. 
(Bd.  X.)  Mk.  14.60. 


Lacau  (Pierre). 
nouvel  empire.  — 
Le   Caire- Leipzig, 
Mk.  44.40. 


—  Sarcophages  antérieurs  au 
Fasc.  I.  Mit  29  Tafeln.  Folio. 
Hiersemann,     1903.     (Bd.    XI.) 


Le  même.  —  Catalogue  général  des  Antiqui- 
tés. Sarcophages  antérieurs  au  Nouvel  Empire. 

—  Fasc.  II.  Mit  28  Tafeln  und  vielen  Textabbil- 
dungen.  Folio.  Leipzig,  Hiersemann.  M.  28.80. 

PoUak  (Ludwig).  —  Klassisch-antike  Gold 
schmiedearbeiten  im  Besitze  Sr.  Exc  A.  J.  von 
Nelidow,  Kaiserlich  Russ.  Botschafters  in  Rom. 

—  25  Bogen  Text  in  gr.-4"  auf  Biittenjiapier,  20  Tafeln 
in  Farbendruck  und  38  Textillustrationen  und  Vignet- 
ten.  Nur  in  200  nunimerierten  Exemplaren  in  Handel. 
In  elegantem  Leinwandband  mit  Lederrii^ken.  Leip- 
zig, Hiersemann,   1903,  Mk.  80. 

Strygowski  (J.).  —  Koptische  Kunsi'.  —  362 
S.  mit  40  Tafeln  und  vielen  Textabbildungen.  Folio. 
Leipzig,  Hiersemann,  1904.  (Bd.  XII.)  Mk.  64.20. 

Sachs  (C).  —  Das  Tapernakelm.  Andrea's  del 
Verrocchio  Tho.mascruppe  an  or  San  Michèle  zu 
Florenz.  —  Leipzig,  Blumengasse,  2.  Hinrichs.  Mk  3. 

Singer  (H.  W.).  —  Der  Kupferstich.  —  Leip- 
zig, Blumengasse,  2.  Hinrichs.  Kart.  4 —  u.  5. 

VVerke  alter  Meistër.  —  100  Reproduktionen 
nach  Originalen  d.  kg!.  Gemiilde-Galerie,  Dresden. 
(Prachtausg.).  Leipzig,  Blumengasse,  2.  Hinrichs, 
Mk.  4.50. 

:=  Angleterre.  = 

*  Crâne  (Walter).  —  The  Baden  of  Design.  — 
In-i2,  illustré  de  372  pp.  Londres,  Bell,  1902. 

Pétrie  (F.).  —  Methods  and  aims  of  archaeo- 
logv.  —  In-8°,   208   pp.  Londres,    Macmiilan,    1904. 

Romilly  Alln  (Hon.  F.  A.  Schot.)  et  Anderson 
(J.)  Indes.  —  The  Early  Christian  Monuments 
OF  Schotland.  —  (Édit.  de  la  Sodété  des  Antiquaires 
d'Ecosse). 

Thompson  (H.  Y.).  —  Facsimiles  of  two 
«  histoires  »  BY  Jean  Foucquet  fkom  vols,  i  and 
II  of  THE  IL  Anciennetés  des  juifs  ».  —  In-fol., 
Londres  (privately  printed),  1903. 


:jtaUe. 


Zeiller  (J.)  —  Les  églises  a-ntciennes  de  Rome, 
A  l'époque  de  la  domination  gothique.  —  In  8", 
Rome,  1904.  (Extrait  des  Mélanges  d'archéologie  et 
d'histoire  publiés  par  l'École  Française,  t.  XXIV.) 


IRiiesIc. 


L'aiskhasie    (Caucase)    et   le   monastère    du 
Nouvel  Atlas.  —  In-4°,  Moscou,  1899. 

— =  OBtats^Qnis  D'^imérique.  =— = 


Butler  (H.-C.)  —  Architeciuke  anu  other 
ARTS.  —  600  illustr.  en  photo.,  433  pp.  New- York, 
1904.  20  dollars. 


Btblîograpftie» 


509 


Waldstein  (Ch.).  —  The  Argive  Heraeum.  — 
In  2  large  quarto  volumes,  with  nearly  500  illustrations 
including  about  75  fuil  page  plates.  New-York, 
Boston,  1902. 


'15elgifiucdi5olianî)e. 


Bergmans  (P.)  et  Heins  (A).  —  Gand,  prome- 
nades l'iTTORESQUES.  —  (Édité  sous  les  auspices  de 
l'Administration  communale  de  Gand.)  —  In- 12, 
36  pp.  grav.  et  plan,  1904. 

Bernier.  —  Monographie  de  Saint  Gilles-lez- 
Bruxeli.es.  —  In-S",  411  pp.,  fig.,  grav.  poit.  3  fr. 
Bruxelles,  P.  U'eissenbruch,  1904. 

de  Loo.  —  L'exposition  des  «  primitifs  fran- 
çais »  AU  point  de  vue  de  l'influence  des  frères 
Van  Evck  sur  la  peinture  française  et  proven- 
çale. —  In-8°,  52  pp.  G.  Van  Oest  et  C'*,  Bruxelles, 
1904.  2  fr.  50. 

*  Destrée  (J.).  —  Musées  royaux  des  Arts 
décoratifs  et  industriels  de  Bruxelles.  Cata- 
logue DES  ivoires,  des  objets  en  nacre,  en  os 
et  en  cire  peinte  —  In-S"  illustré,  130  pp.  Bru- 
xelles, Bruylant,  1902. 

Le  même.  —  Notes  sur  les  primitifs  ita- 
liens. Sur  quelques  peintres  de  Sienne.  —  In- 8'=', 
132  pp  ,  avec  8  eaux  fortes,  12  photogr.  hors  texte. 
Bruxelles,  Dietrich  ;  Florence,  Alinari,  1903.  15  fr. 

Fonts  p.aptis.maux  de  I.ubbeck,  de  Lilleiîek,  de 
LixHE,  DE  LusTRiN.  —  V.  Bull.  de  la  Comiii.  d'arl  et 
d'archéologie,  1903,  n"^  9-16,  240  pp 

Inventaire  archéologique  de  Gand,  fascicule 
XXXV.  — In-8",  Heins,  Gand,  1904. 

La  Meuse  et  ses  affluents.  De  Na.mur  a  Givet. 


j    —  Un  volume  in-i8,  125  pp.,  80  ill.  Bruxelles,  Vro- 
mant  et  C'=.  r  fr.  25. 

Nieuwbarn  (M.  C).  —  Sint  Dominicus  in  de 
KUNST.  Ikonographische  studien  der  Voorstel- 

LINGEN    VAN    DEN    H.    Do.M  NICUS    IN    DE    EEELDENDE 

KUNST.  —    (28   lichldrukken    met    tekst.   Nijmegen, 
L.  C.  G.  Malmberg.  FI.  1950. 

*  Paternotte  (R.).  —  Cambron-Casteau.  — 
In-8°,  88  pp.,  illustré,  chez  l'auteur  à  Cambron- 
Casteau,  1904. 

Pholien  (F.).  —  La  céramique  au  pays  de  Liège, 
étude  rétrospective,  nomb.  reprod.  —  In-8°,  200  pp. 
Bénard,  Liège,  1904. 

*  Pirenne  (H.).  —  Dînant  dans  la  hanse 
teutonique.  —  Broch.  in-8".  Namur,  Westmael,  1904. 

Pit  (A.).  —  La  sculpture  hollandaise  au  mu- 
sée d'Amsterdam. —  Van  Rykom,  Amsterdam,  1904. 

30  fl. 

Ruhl  (G.). —  Coup  d'œil  archéologique  sur  la 
VILLE   DE  Visé.  —  Brochure,  Liège,  Corraaux,  1903. 

Le  même.  —  Anciennes  fortifications  de  Co- 
logne. —  Brochure,  Liège,  Poncelet,  1S9S. 

Le  même.  —  Anciens  ouvrages  f  rtifiés  de 
LA  Belgique.  —  Brochure.  Liège,  La  Meuse,  1903. 

Le  même.  —  Quelques  mots  sur  l'ancienne 
église  de  St-Remacle.  —  Brochure,  Liège,  Ponce 
let,  1883. 

Le  même.  —  La  cathédrale  de  St-Lambert  a 
Liège.  —  Brochure,  Liège,  Cormaux,  1904. 


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Cl)rOnt(lUC.  sommaire:  ir  CONGRÈS  INTERNATIONAL  DE  L'ENSEIGNE- 
MENT DU  DESSIN  A  BERNE,  1904.  —  LIÈGE  ;  Les  fonts  attribués  à  Lambert 
Patras.  —  MONUMENTS  ANCIENS  ;  Avignon  ;  Nevers  ;  Mont  Saint-Michel  ;  Bruxelles  ; 
Bruges.   —  NOUVELLES.    —   LES  CATACOMBES   DE   ROME.   etc. 


^wwwwww^w^^^wwwwww^wwwwwwwwww 


ÏI^  Congres  intccnarionaï  De  rcnsci^ 
gncment  Du  Dessin  à  Berne,  1904. 

E  deuxième  Congrès  international  de 
l'en.seignement  du  dessin  s'est  tenu  à 
Berne,  du  2  au  6  août  derniers. 

Tous  les  États  européens,  les  Etats- 
Unis  et  le  Japon  y  étaient  représentés  officielle- 
ment. 

Parmi  les  nombreuses  communications  faites 
par  les  rapporteurs  officiels  ou  particuliers,  nous 
en  voyons  deux  à  signaler. 

La  première  de  ces  communications  a  été  lue 
par  le  Fr.  Mares,  inspecteur  des  Écoles  de  Saint- 
Luc  de  Belgique,  qui  a  présenté  au  Congrès  un 
exposé  de  l'organisation  de  ces  écoles. 

Sous  le  nom  à' École  des  métiers  d'art,  la  pre- 
mière a  été  fondée  en  1862,  à  Gand,  grâce  aux 
subventions  de  quatre  personnalités  de  l'aristo- 
cratie belge,  I\1M.  le  baron  Bethune.  le  comte 
d'Hemptinne,  Florimond  Dullaert  et  Florimond 
Van  de  Poêle  (').  Le  frère  Mares,  de  l'Institut  des 
Frères  des  écoles  chrétiennes,  fut  chargé  de  l'éla- 
boration des  programmes. 

Les  écoles  de  Saint-Luc  sont  des  écoles  d'en- 
seignement professionnel  dont  les  cours  ont  lieu 
le  soir  ;  les  jeunes  gens  y  sont  admis  depuis  l'âge 
de  douze  ans.  La  durée  de  l'enseignement  est  de 
dix  années  ;  pendant  les  deux  premières  années, 
les  élèves  suivent  des  cours  élémentaires,  et  pen- 
dant les  huit  années  suivantes,  des  cours  profes- 
sionnels. Chaque  année  d'étude  est  terminée  par 
des  examens  et  des  concours  ;  ces  examens  et 
ces  concours  sont  passés  devant  un  jury  composé 
de  membres  pris  hors  du  personnel  de  l'école  ;  il 
est  décerné  un  prix  pour  chaque  année  d'étude 
et  un  grand  prix  à  la  fin  de  la  dixième  année. 

Les  programmes  ont  relégué  au  second  plan 
l'étude  dessinée  des  formes  pour  donner  la  pre- 
mière place  à  l'étude  des  matériaux  et  de  l'outil- 
lage propre  à  chaque  métier,  étude  qui  est  com- 
plétée par  des  exercices  manuels.  Ils  considèrent, 


i.Noiis  regrettons  que  cet  important  rapport  ne  définisse  pas  d'une 
manière  plus  précise  le  rAle  des  créateurs  de  l'œnvre  de  Saint-Luc. 
—  Certes  le  vénérable  comte  J.  de  Hemptinne,  dont  la  munificence 
a  tant  contribué  k  la  fondation  et  au  soutien  de  l'œuvre,  ne  voudrait 
pas  revcndi(juer  l'initiative  artisticjue  de  cette  belle  entreprise,  due 
en  premier  ordre  à  son  ami,  1<;  maître  immortel  Je.tn  Bethune,  dont 
FI.  Van  de  Pocle  fut  un  modeste  collaborateur.  Quant  à  frère  Mares 
nous  dirons,  nous,  ce  qu'il  n'.i  pas  voulu  dire,  (pi'il  fut,  non  seule- 
ment l'élaborateur  si  entendu  des  profjrammes.  mais  l'organisateur 
et  le  soutien,  la  colonne  de  l'œuvre,  durant  plus  d'un  quart  de 
siècle. 


en  effet,  justement,  à  notre  avis,  que  la  forme  doit 
être  le  résultat  de  l'étude  de  la  matière  et  du 
procédé  de  travail  plutôt  que  celui  d'une  inspi- 
ration empruntée  à  la  plastique  des  monuments 
anciens. 

Le  cours  élémentaire  ne  comporte  qu'une  seule 
section  par  laquelle  tous  les  élèves  doivent  pas- 
ser, tandis  que  les  cours  professionnels  sont 
groupés  en  deux  sections  :  la  section  «  du  bâti- 
ment »  et  la  section  «  des  travaux  décoratifs  ». 

Dans  la  «section  du  bâtiment  »,  les  élèves, 
pendant  les  trois  années,  se  consacrent  à  l'étude 
des  matériaux  et  de  l'outillage,  puis,  pendant 
quatre  années,  par  des  essais  de  composition  et 
d'arrangement,  ils  s'exercent  à  inventer  ;  arrivés 
enfin  en  dixième  année,  ils  sont  répartis  en  trois 
classes,  où  ils  vont  commencer  à  se  spécialiser. 
La  première  de  ces  classes  comprend  les  archi- 
tectes, les  entrepreneurs,  les  surveillants  de  tra- 
vaux et  les  tailleurs  de  pierre  ;  la  seconde,  les 
ouvriers  du  bois  ;  la  troisième,  les  ouvriers  du 
métal. 

De  même,  dans  la  section  «  des  travaux  déco- 
ratifs»,les  élèves  s'exercent,  pendant  trois  années, 
au  tracé  géométrique,  à  l'étude  de  la  plante  et  à 
celle  des  formes  ornementales  ;  puis,  pendant 
quatre  années,  ils  se  livrent  à  des  essais  de  com- 
position. La  dernière  année  les  classe,  alors,  en 
deux  groupes  ;  le  premier  groupe  est  celui  des 
ouvriers  du  travail  sur  surface  plane  (peinture, 
dentelles,  émaux,  etc.)  ;  le  deuxième,  celui  des 
ouvriers  du  travail  en  relief  (sculpture  sur  bois, 
orfèvrerie,  etc.).  Pendant  cette  dernière  année, 
dans  la  section  «  des  travaux  décoratifs  »  comme 
dans  la  section  «  du  bâtiment  »,  les  élèves  peu- 
vent, suivant  leurs  dispositions  ou  leur  situation 
sociale,  se  préparer  plus  spécialement  au  rôle 
de  patron  ou  à  celui  d'ouvrier. 

Ce  qui  caractérise  cette  école  au  point  de  vue 
social,  c'est  que,  les  cours  y  étant  faits  le  soir,  les 
élèves  les  suivent  en  même  temps  qu'ils  prati- 
quent leur  profession,  en  ville,  dans  des  ateliers 
patronaux,  et  que,  par  conséquent,  l'école  n'est 
plus  placée  en  dehors  de  la  vie  industrielle,  mais 
prend  bien  part  à  celle-ci.  Si  l'on  considère,  en 
outre,  que  les  patrons  de  ces  élèves  sont,  eux 
aussi,  souvent,  d'anciens  élèves  des  écoles  Saint- 
Luc,  on  peut  supposer  que  l'enseignement  de 
l'école  et  l'apprentissage  dans  les  ateliers  forment 
un  ensemble  absolument  favorable  et  parfaite- 
ment uni. 


Cl)romque, 


511 


L'influence  sociale  des  écoles  Saint-Luc  s'étend 
sans  doute  au  delà  des  limites  du  domaine  de 
l'instruction.  Les  professeurs  prennent  part  aux 
affaires  de  leurs  élèves  en  les  i^nidant  de  leurs 
conseils  et  de  leurs  relations  (').  La  première 
école  des  métiers  d'art  de  Gand  a  essaimé  en 
Belgique  de  nombreuses  filiales,  notamment  à 
Bruxelles,  à  Tournai  et  à  I^iége  ;  à  Lille,  il  y  en 
avait  une  qui  a  probablement  disparu  depuis 
l'application  de  la  loi  sur  les  congrégations. 


La  seconde  communication  a  eu  pour  objet 
l'exposé  des  programmes  et  de  la  pédagogie  de 
l'enseignement  de  l'architecture,  au  seul  point  de 
vue  «  plastique  »,  dans  une  école  libre  de  Paris, 
l'École  du  bâtiment. 

Cette  école  a  été  créée  sous  le  patronage  de 
MM.  J.-J.  PiUet  et  G.  Scellier  de  Gisors,  par 
MM.  J.-P.  Guichard  et  Robert  Lesage.  Son  but 
est  d'offrir  aux  étudiants,  après  les  études  du  ly- 
cée, où  ils  sont  habitués  à  être  dirigés  d'une  façon 
constante,  un  enseignement  méthodique  de  l'ar- 
chitecture, suivant  des  programmes  et  une  péda- 
gogie bien  déterminés,  et,  aussi,  d'appliquer  le 
régime  de  la  régularité  et  de  la  discipline  au 
travail  de  jeunes  gens  qui  ne  sont  pas  préparés 
au  régime  d'absolue  indépendance,  si  justement 
en  honneur  dans  les  ateliers,  mais  seulement 
convenable  au  public  particulier  qui  les  fréquente, 
c'est-à-dire  à  des  hommes  faits  et  à  des  artistes  ; 
en  outre,  par  les  tendances  de  l'enseignement,  et 
tout  en  donnant  la  plus  grande  importance  à 
l'éducation  artistique,  elle  veut  préparer  à  la 
profession,  dès  le  début  même  de  leurs  études, 
ceux  de  ses  élèves  qui  sont  aspirants  à  l'école  des 
beaux-arts,  ou  qui,  y  étant  reçus,  en  suivent 
régulièrement  les  cours. 

La  partie  artistique  des  programmes  de  l'École 
du  bâtiment  embrasse  des  cours  de  graphique 
(modelage,  dessin  d'après  le  plâtre,  tracé  des 
ombres,  tracé  perspectif,  tracé  technique)  et  des 
cours  d'architecture  (étude  analytique  des  formes 
et  des  éléments  architectoniques,  étude  de  la 
répartition  de  ces  formes  et  de  ces  éléments  ou 
composition). 

Ce  qui  caractérise  ces  programmes,  c'est  qu'ils 
sont  rationalistes  et  gradués  ;  ils  sont  rationa- 
listes, parce  que  la  forme  plastique  y  est  présen- 
tée comme  l'expression  de  la  structure  des  orga- 
nes et  de  leur  rôle  dans  l'édifice  ;  ils  sont  gradués 
parce  qu'ils  procèdent  du   simple  au    complexe, 

I.  Voici  quelques  indications  données  par  le  rapporteur  sur  «réta- 
blissement *  des  anciens  élèves  de  l'école  -Saint-Luc  :  g  directeurs 
d'écoles  industrielles.  41  professeurs,  3  chargés  de  cours,  15  archi- 
tectes titrés,  25  fonctionnaires,  48  patrons  ayant  atelier,  34  sculp- 
eurs  ayant  atelier,  61  architectes  établis,  27  experts,  62  entrepre- 
neurs, 19  patrons  maîtres  d'œuvre,  37  dessinateurs  d'industrie,  etc. 


non  seulement  dans  les  essais  de  composition, 
mais  aussi  dans  les  études  analytiques  des  formes. 
L'élément  architectonique  est  étudié  sur  nature  ; 
il  est  modelé  avant  d'être  dessiné  :  le  relevé  géo- 
métral  est  seulement  la  dernière  opération. 

L'application  de  ces  programmes  est  assurée 
par  une  pédagogie  rigoureuse.  Les  principes  de 
cette  pédagogie  sont  caractérisés  par  la  discipline 
imposée  aux  élèves  dans  leurs  travaux  d'appli- 
cation et  par  la  critique  de  ces  travaux. 

Les  travaux  d'application,  ou  petites  études  de 
composition,  sont  exécutés  en  une  semaine,  sur 
programmes  argumentes,  et  comme  suite  à  une 
leçon  documentaire  dont  un  résumé  autographié 
est  remis  aux  élèves.  Ceux-ci  mettent  ainsi  im- 
médiatement en  pratique  les  connaissances  qu'ils 
viennent  d'acquérir. 

La  critique  des  travaux  est  faite  sur  un  plan 
d'analyse  précis  et  invariable.  En  ce  qui  concerne 
les  études  d'architecture,  ce  plan  considère  sous 
les  quatre  titres  graphique,  plastique,  expression 
du  programme,  expression  de  la  construction,  les 
qualités  générales  que  doivent  présenter  des  tra- 
vaux de  cette  nature  :  dessin,  concordance,  modé- 
nature,  unité  de  style,  franchise  de  composition, 
appropriation  de  la  forme  à  la  matière,  appro- 
priation du  parti  de  composition  au  mode  de 
construction  et  à  la  destination,  etc.,  etc.  Pour 
les  travaux  graphiques,  ce  plan  d'analyse  se 
trouve  réduit  à  \a. présentation,  la  mise  en  place  des 
contoJirs,  la  mise  en  place  des  ombres  et  la  mise  en 
valeur. 

La  critique  ainsi  comprise  doit  avoir  pour  ré- 
sultat de  développer  la  conscience  des  élèves,  qui 
arrivent  à  disséquer  eux-mêmes  leurs  propres 
travaux  et,  par  conséquent,  à  savoir  se  critiquer 
et  se  corriger. 

L'enseignement  étant  «  individuel  »,  le  profes- 
seur peut  modifier  sa  pédagogie  suivant  le  tem- 
pérament de  son  disciple  et  les  opportunités  :  il 
peut  même,  quand  les  circonstances  l'exigent, 
adre-iser  par  la  poste  des  leçons  autographiées  à 
un  étudiant  retenu  en  province,  au  sein  de  sa 
famille,  et  diriger  de  loin  ses  études. 


En  résumé,  l'enseignement  de  l'architecture 
n'a  été  représenté  au  deuxième  Congrès  de 
l'enseignement  du  dessin  que  par  les  deux  com- 
mimications  que  nous  venons  de  relater  :  les  dé- 
légués officiels  n'ayant  reçu  sur  cette  question 
aucune  réponse,  elles  n'ont  donné  lieu  à  aucun 
vœu  et  ont  été  peu  discutées.  Ceci  est  regrettable, 
car,  si  l'enseignement  supérieur  de  l'architecture 
est  parfaitement  organisé  au  point  de  vue  artis- 
tique à  l'école  nationale  des  beaux-arts,  l'ensei- 
gnement professionnel    n'existe  pour  ainsi  dire 


5î2 


3Rrbue  lie  V^xt  cbvctten. 


pas  en  France.  Il  y  aurait,  à  notre  avis,  à  faire, 
dans  le  domaine  de  l'enseignement  des  arts  du 
bâtiment,  des  progrès  analogues  à  ceux  qui  ont 
été  faits  dans  le  domaine  de  l'industrie,  grâce  à 
nos  écoles  professionnelles.  L'initiative  représen- 
tée par  la  communication  de  M.  de  Pauw  était, 
à  ce  point  de  vue,  extrêmement  intéressante,  et 
elle  aurait  mérité  d'être  étudiée  par  des  hommes 
compétents  et  autorisés. 

R.  L. 
(Extrait  de  L Arcliitectiive}f 

Iiicgc.  Iccs  fonts  De  Iiambcrt  fiatras. 


jL  a  déjà  été  question  dans  nos  colonnes 
des  contestations  qui  se  sont  élevées 
sur  le  nom  de  l'auteur  des  fonts  bap- 
tismaux de  l'église  St-Bartliélemy  de 
Liège,  attribués  par  un  chroniqueur  liégeois  du 
XIV«  siècle  à  Lambert  Fatras  de  Dinant. 

Depuis  que  cette  attribution  a  été  contestée, 
ainsi  que  nous  l'avons  fait  savoir,  une  polémique, 
sinon  vive  du  moins  assez  savante,  s'est  engagée 
entre  archéologues  belges.  Parmi  ceux-ci  M.  Jo- 
seph Demarteau,  qui,  pour  être  vaillant  journa- 
liste, n'est  pas  moins  un  érudit  très  compétent  en 
ce  qui  concerne  l'histoire  de  son  pays,  expose 
dans  une  Chronique  de  la  Gazette  de  Liège,  les 
termes  du  débat  d'une  manière  si  savante  et  si 
précise,  que  nos  lecteurs  en  suivront  sans  doute 
les  développements  avec  intérêt. 

Le  monument  artistique  ie  plus  antique,  venu  jusqu'à 
nous,  de  notre  dinanderie,  ce  sont  les  célèbres  fonts 
baptismaux  qui,  jadis  appartenance  de  la  plus  vieille  pa- 
roisse de  Liège,  Notre-Dame-aux-P"onts,  sont  aujourd'hui 
conserve's  à  Saint-Barthélémy,  dans  la  chapelle  à  droite 
du  chœur  de  cette  église. 

Il  suffit  pour  les  connaître,  étranger,  d'avoir  visité 
Liège  ;  ami  de  l'art,  d'avoir  ouvert  n'importe  quelle 
histoire  de  cet  art  au  moyen  âge.  A  leur  haute  valeur  de 
souvenir  incomparable  du  passé,  ils  joignent,  pour  nous 
Liégeois,  le  mérite  d'avoir,  des  débuts  du  XII'' siècle  à 
la  fin  du  XV'III'',  servi  à  faire  chrétiens  le  plus  grand 
nombre  de  nos  ancêtres. 

Le  croirait-on  cependant  ?  Aujourd'hui  c'est  la  discorde 
qui  jaillit  à  flots  du  pacifique  baptistère  :  autour  de  lui 
les  archéologues  se  partagent  en  deux  camps. 

On  ne  discute,  sans  doute,  ni  sa  haute  valeur  esthé- 
tique, ni  l'époque  de  sa  confection,  ni  la  personnalité  de 
celui  qui  le  fit  faire,  mais  bien  le  nom  de  l'artiste  à  qui 
revient  l'honneur  de  l'exécution  de  cette  (euvre,  et  le 
point  de  savoir,  si  elle  s'offre  à  nous  telle  qu'elle  est  sortie 
des  mains  de  cet  artiste. 

Pour  en  juger,  allons  aux  textes.  Un  prêtre  zélé,  llelin, 
abbé  de  l'église,  curé  de  la  paroisse  de  Notre-Dame- 
aux-Fonts,  de  l'an  1007  peut-être,  au  plus  tard  de  l'an  1 1 1 1 
à  l'an  II 18,  mourut  le  7  novembre  1 1 18,  A  ce  propos,  un 
contemporain,  son  collègue  au  chapitre  de  St-Lambert, 
nous  fait  en  latin,  dans  une  Chronique  rimée,  connaître 
cette  donation  et  nous  donne  l'exacte  description  de  ces 
fonts  : 


Helin,  nous  dit  ce  poème,  <  fit  des  fonts  baptismaux, 

de  métal  fusible,  fondus  avec  un  art  presque  icomparable. 
Les  douze  bœufs  qui  soutiennent  ces  fonts,  portent  le 
symbole  de  la  grâce.  Les  sujets  (représentés)  signifient 
la  faveur  mystérieuse  conférée  dans  le  baptistèe.  Ici  Jean 
baptise  le  Seigneur  ;  ici,  Pierre,  le  païen  Corneille  ;  — 
le  philosophe  Craton  est  baptisé  —  le  peuple  afflue  autour 
de  Jean. 

«  Le  couvercle  de  ces  fonts  nous  offre  en  relief  apôtres 
et  prophètes.  Celui  qui  a  fait  cela,  a  fait  aussi  une  œuvre 
qui  rendra  sa  mémoire  immortelle  :  un  hôpital,  etc.  5> 

Ainsi  dit  le  poète  annaliste.  On  a  perdu,  —  nul  ne  sait 
depuis  combien  d'années, —  ce  couvercle  qui  représentait 
des  apôtres  et  des  prophètes.  Mais  la  cuve  même  reste 
telle  aujourd'hui  que  la  décrivait  le  poète  de  11 18  :  on  y 
voit  en  relief  le  baptême  symbolique  des  juifs  d'abord,  et 
celui  du  Christ  ensuite  par  saint  Jean-Baptiste  :  celui  du 
païen  Corneille,  par  saint  Pierre,  enfin  celui  du  philosophe 
converti  à  Éphèse,  Craton,  par  l'apôtre  saint  Jean.  Au  lieu 
de  douze  bœufs  toutefois,  dix  seulement  soutiennent  la 
cuve  baptismale. 

Le  chiffre  de  ces  bœufs  est  un  premier  sujet  de  discus- 
sion :  j'y  reviendrai.  Ce  qu'on  discute  plus  encore  et  tout 
d'abord,  c'est  le  nom  de  l'auteur.  Le  poète  de  11 18  n'a  pas 
songé  à  nous  le  conserver  dans  sa  notice  nécrologique  : 
il  ne  songeait  à  louer  que  le  donateur  défunt.  Est-ce 
Lambert  Patras  de  Dinant  ?  N'est-ce  pas  plutôt  Renier, 
de  Huy.'  Le  plus  puissant  de  nos  historiens,  M.  Kurth, 
et  un  conservateur  de  musée  des  plus  experts,  M.  Destrée, 
se  prononcent  nettement  pour  Renier  et  pour  l'origine 
hutoise.  Jusqu'à  leur  intervention,  on  tenait,  malgré  de 
légers  doutes,  l'œuvre  pour  dinantaise  et  venue  de  Lam- 
bert Patras.  A  qui  croire? 

Nul  témoignage  contemporain,  ni  rapproché  du  XII' 
siècle,  n'est  là  pour  nous  imposer  une  conviction. 
Pendant  tout  près  de  trois  cents  années,  jusqu'à  la  fin  du 
XIV^' siècle,  —  comme  on  le  voit  encore  parla  Chronique 
de  Mathias  de  Lewis,  en  13S9,  nos  historiens  ne  nomment, 
à  propos  de  ces  fonts,  que  le  donateur,  Helin  :  aucun  n'en 
cite  le  fondeur. 

Arrive  enfin  le  plus  fécond,  mais  hélas  !  l'un  des  moins 
scrupuleux  de  nos  chroniqueurs  :  Jean  d'Outremeuse,  né  en 
1338  et  mort  le  25  novembre  de  l'an  1400.  Il  avait  rimé,  en 
sa  jeunesse,  une  longue  Chronique  de  Liège  ;  il  la  revisa 
au  tard  en  la  mettant  en  prose  ;  cette  refonte,  commencée 
à  partir  de  1395,  est  connue  sous  le  nom  de  J/yn-ur  là'S 
histoires.  Dans  ses  vers,  il  raconte  à  sa  façon,  la  fabrica- 
tion des  fonts  en  cause,  sans  désigner  le  fondeur  ;  c'est 
dans  sa  prose  que,  pour  la  première  fois,  nous  est  révélé 
le  nom  de  Lambert  Patras  ! 

Jean  raconte  donc  que  les  Liégeois  ont  pris  part  à  un 
siège  de  Milan  qu'il  place  en  11 12  —  alors  qu'en  réalité, 
un  siège  de  cette  ville,  avec  participation  liégeoise,  ne 
devait  se  produire  que  cinquante  ans  plus  tard.  Jean 
expose  qu'ils  reçurent  large  part  du  butin  : 

«  L'évêque,  poursuit-il,  fit  apporter  à  Liège  maintes 
belles  reliques  et  maints  beaux  joyaux  que  le  roi  lui  avait 
donnés,  entre  lesquels  il  y  eut  iiiiii^t-hi/ii  bêtes  de  métal, 
d'un  demi-pied  de  long,  telles  que  cerfs,  bœufs,  vaches, 
porcs,  braques,  limiers  :  il  les  fit  voiturerà  Liège.  De  quoi 
l'évêque  fit  don  à  Mgr  Helin,  fils  du  duc  de  Souabe, 
prévôt  de  Saint-Lambert,  archidiacre  de  Liège  et  abbé 
séculier  de  Notre-Dameaux  Fonts,  à  Liège. 

>  Celui-ci  les  voulut  joueirij)  à  l'évêque,  et  l'évêque  lui 
en  donna  une  charge  (somme).  Puis  Helin,  le  prévôt,  a 
mandé  un  soudeur  de  la  ville  de  Dinant,  qui  était  bon 
ouvrier,  et  qui  avait  nom  :  Lambert  Patras,  le  batteur  >. 

«  Celui-ci  {■x\K  geteir  ffondre)  un  bassin  d'un  gouffe  de 
métal  épais,  de  la  contenance  d'une  ayme  d'eau,  et  mit 


Cl)romque. 


513 


en  \^  forme  du  bassin,  les  bêtes  tout  autour,  de  telle  sorte, 
qu'elles  supportaient  le  bassin  comme  si  elles  sortaient 
hors  à  moitié,  en  naissant  (?)  du  bassin  et  en  fit  un  noble 
ouvrage. 

>  Ce  bassin  fut  assis  à  Notre-Dame,  au  lieu  où  se  trou- 
vaient les  anciens  fonts,  qui  alors  furent  enlevés,  et, 
comme  tous  les  anciens  fonts,  étaient  de  pierre.  Et  il  fît 
garnir  l'intérieur  du  bassin  d'une  chappe  de  plomb,  pour 
le  défendre  contre  le  sel  qui  mangeait  le  métal,  et  encore 
sont  là  les  fonts  et  peut  les  voir  qui  irait.  » 

Sans  nous  arrêter  aux  détails  incontestablement  ima- 
ginaires qui  remplissent  ce  récit,  constatons  l'attribution 
formelle  à  Dinant,  et  à  Lambert. 

Mais  constatons  aussi  que,  deu.\  ans  après  la  mort  de 
Jean  d'Outremeuse,  un  autre  chroniqueur  liégeois,  un 
moine  cette  fois,  de  l'abbaye  de  Saint-Jacques,  achevait 
d'écrire  en  latin  une  chronique  sommaire  qui  s'arrête  à 
l'an  1402.  Il  y  avait  tout  d'abord  résumé  les  faits  rapportés 
antérieurement,  au  sujet  de  Liège,  par  des  devanciers 
autorisés,  surtout  par  Jean  de  Warnant. 

Or,  voici  ce  que  cette  chronique  de  1402  nous  fait  lire, 
en  ajoute  à  une  .innotation  datée  de  i  13S  : 

<  Par  l'ordre  d'Alberon,  évéque  de  Liège,  Renier, 
orfèvre  à  Huy,  a  fait  à  Liège  des  fonts  d'airain,  entourés 
d'une  admirable  variété  d'images,  et  assis  sur  douze  bœufs 
qui  se  tiennent  en  positions  diverses.  > 

L'attribution  de  l'œuvre  à  Huy  et  à  Renier  n'est  pas 
moins  nette  ici.  Mais  si  courte  que  soit  cette  note,  elle 
offre  au  moins  une  incontestable  erreur  :  elle  veut  que 
les  fonts  aient  été  fondus  d'ordre  d'un  évéque,  arrivé  au 
siège  épiscopal  dix  ans  après  la  mort  de  leur  vrai  dona- 
teur, l'abbé  Helin. 

Encore  un  coup,  auquel  ajouter  foi  de  ces  deux  chroni- 
queurs, tous  deux  du  même  temps,  tous  deux  écrivant 
2S0  ans  après  l'événement,  tous  deux  pris  en  llagrant  délit 
d'erreur  à  son  sujet,  et  tous  deux  les  premiers  à  nous 
désigner  pour  l'auteur  des  fonts  célèbres,  l'un  Lambert  de 
Uinant,  l'autre  Renier  de  Huy  ? 

1.    H.  Legius. 

ffionumcnts  anciens. 

VIGNON  avait  eu  bien  du  mal  à  .sau- 
ver ses  remparts.  Il  lui  faut  maintenant 
songer  à  défendre  le  cloître  des  Cé- 
lestins.  M.  André  Hallays  signale  un 
projet  du  génie  militaire  qui  s'attaque  a  ce  pré- 
cieux édifice.  Déjà,  il  y  a  quelque  temps,  la 
nouvelle  d'un  si  étrange  dessein  s'était  répandue, 
et  la  Commission  des  inonuments  historiques 
avait  décidé,  à  l'unanimité,  de  s'opposer  à  toute 
démolition.  On  aurait  pu  croire  qu'une  telle  ré- 
solution mettrait  fin  à  toute  discussion.  Il  n'en  a 
rien  été. La  destruction  du  cloître  serait  convenue, 
et  par  un  raffinement  de  vandalisme,  les  pouvoirs 
publics  consentiraient  à  dépenser  tout  de  suite 
les  douze  mille  francs  que  coijtera  la  destruction. 
Les  travaux,  heureusement,  ne  sont  pas  com- 
mencés. Si  l'opinion  publique  proteste  avec 
énergie,  ils  ne  commenceront  jamais.  Le  bon 
sens  et  le  bon  goût  peuvent  encore  protéger 
Avignon  contre  l'audacieuse  entreprise  qui  la 
menace  ('). 

I.  Journal  des  Débats,  2  septembre. 


* 
*   * 


Nevers.  —  En  ce  moment,  les  alentours  de  la 
cathédrale  de  Nevers,  dans  sa  partie  ancienne 
de  l'Ouest  et  du  Midi,  sont  livrés  aux  ouvriers 
pour  y  faire  une  rue  circulaire  qui  dégagera  le 
monument. 

La  démolition  des  murs  a  laissé  à  découvert, 
au  niveau  du  sol,  deux  meurtrières  géminées  à 
arc  aigu  du  XI  le  ou  du  XI I^  siècle,  puis,  au-des- 
sous des  fondations  de  l'abside  Sainte-Julitte, 
deux  autres  meurtrières  qui  doivent  remonter  à 
l'époque  gallo-romaine  ou  carolingienne  (■). 


Mont- Saint- Michel.  —  Le  ministre  des  Tra- 
vaux publics  vient  de  se  dessaisir,  en  faveur  du 
service  des  Beaux-Arts,  de  la  tour  du  Moulin  ou 
tour  Gabriel, sise  au  Mont  Saint-Michel  et  classée 
parmi  les  Monuments  historiques  (-). 


Bruxelles.^  l\  est  dès  à  présent  acquis,  paraît-il, 
—  que  la  loge  du  concierge  de  l'église  Sainte- 
Gudule,  ce  très  curieux  morceau  d'architecture, 
sera  maintenu  et  restauré  lors  des  travaux  qui 
vont  dégager  et  embellir  tout  le  chevet  de  la 
collégiale.  Au  conseil  de  fabrique,  on  est  main- 
tenant partisan  de  la  conservation  de  cette 
«  conciergerie  ». 

Quant  à  la  Commission  des  Monuments,  son 
vote  est,  peut-on  dire,  acquis.  La  conciergerie 
compte  dans  son  sein  des  avocats  résolus. 

*  * 

Bruges.  —  On  espère  inaugurer  en  1905  la 
salle  échevinaie,  à  l'étage  de  l'hôtel  de  ville. 

M.  Julien  De  Vriendt,  dit  la  Chronique  des 
Travaux  publics,  le  célèbre  peintre  d'histoire, 
directeur  de  l'Académie  royale  d'Anvers,  va  com- 
pléter l'œuvre  capitale  de  feu  son  frère  Albert,  la 
peinture  murale  de  ladite  salle. 

Il  n'y  manquait  plus  qu'un  seul  tableau, quand 
la  mort  est  venue  arrêter  le  pinceau  du  peintre 
flamand. 

Nul  autre  que  son  frère  ne  pouvait  être  chargé 
de  l'accomplissement  de  cette  belle  œuvre.  Le 
tableau  représentera  l'inauguration,  au  commen- 
cement du  XV^  siècle,  du  «  Zwijn  »,  ancien 
avant-port  du  port  de  Bruges.  Le  prévôt  de  Saint- 
Donat,  de  Bruges,  entouré  de  son  clergé,  forme 
un  beau  groupe  en  face  des  magistrats  de  la 
ville  et  des  consuls, accompagnés  de  leurs  dames 

1.  Courrier  de  l'art. 

2.  làid. 


514 


IRtbuc  lir  r^rt  cbvcticiu 


richement  parées.  Au  second  plan, on  voit  l'avant- 
port  ;  au  loin  la  mer  où  naviguent  maints  vais- 
seaux. L'ensemble  est  superbe. 

Celte  salle,  à  la  voûte  aux  pendentifs  riche- 
ment sculptés  et  dorés, à  la  cheminée  monumen- 
tale, aux  boiseries  admirablement  façonnées  et 
dont  les  peintures  murales,  vrais  chefs-d'œuvre, 
rappellent  les  belles  pages  de  notre  histoire,  dé- 
passera en  splendeur  et  en  dimensions  toutes  les 
salles  échevinales  du  pays. 

X^outicUes. 

|N  nous  écrit  de  Poitiers,  qu'une  décou- 
verte vient  d'être  faite  ces  jours-ci. 
Le  fameux  pignon  du  palais  de  justice 
où  trois  cheminées  traversent  un  im- 
mense vitrail  du  XV<=  siècle  était  enterré  de 
2'", 20.  Le  déblaiement  est  fait.  L'aspect  du  mo- 
nument sera  beaucoup  plus  élégant.  I\L  Magne, 
inspecteur  des  monuments  historiques,  a  fait  de 
très  importantes  études  pour  la  restauration  de 
ce  monument.  Vous  savez  sans  doute  qu'elles 
ont  été  publiées  avec  dessins  et  planches,  elles 
coûtent  50  francs,  mais  il  ignorait  à  ce  moment 
que  le  pignon  était  enterré  de  plus  de  deux 
mètres. 


Aiion.  —  La  vilh-  fait  démolir  en  ce  moment 
une  épaisse  muraille  située  à  proximité  de 
l'hôtel  de  ville  pour  dégager  les  abords  de  ce 
monument. 

Les  ouvriers  qui  procèdent  à  ce  travail  ont 
mis  au  jour  des  matériaux  qui  ne  sont  autres 
que  des  pierres  taillées  de  la  porte  de  l'ancienne 
église  des  Carmes,  paraissant  être  de  la  même 
époque  que  la  porte  historique  actuellement 
encore  existante  a  Clairfontaine-lez-Arlon. 

D'autres  pierres,  mieux  travaillées,  du  style 
ogival  le  plus  pur,  peuvent  dater  du  XI''ouXII»= 
siècle  et  avoir  fait  partie  de  la  primitive  église, 
détruite  dans  la  seconde  moitié  du  XVI''  siècle 
par  le  duc  de  Guise.  Nombre  de  pierres  portent 
les  traces  du  feu.  On  sait  qu'Arlon  fut  brûlée 
sept  fois  au  cours  des  siècles. 

Toutes  ces  pierres  avaient  été  incorporées 
dans  la  maçonnerie  au  même  titre  que  les  moel- 
lons voisins.  Au  dire  des  archéologues,  cette 
découverte  est  de  la  plus  haute  importance. 

♦  * 

Une  cathédrale  monumentale  à  Liverpool. —  Le 
roi  Edouard, accompagné  de  la  Reine, s'est  rendu 
à  Liverpool  où  il  posera  la  première  pierre  d'une 


cathédrale  anglicane,  du  style  gothique,  la  plus 
vaste  d'Angleterre.  L'architecte  du  monument 
est  un  jeune  homme  de  23  ans.  M.  Gilbert 
Scopp,  petit-fils  de  sir  Gilbert  Scopp,  auteur  du 
monument  connu  sous  le  nom  de  «  Albert  Mé- 
morial ». 


Hcs  catacombes  romaines. 

Découverte  d'une  nouvelle  catacovibe.  —  M. 
François  Veuillot  publie  dans  V Univers  une 
interview  qu'il  vient  d'obtenir  du  commandeur 
Marucchi.  Nous  la  reproduisons  : 

Le  domaine  propre  d'Orazio  Marucchi,  écrit  notre  con- 
frère parisien,  ce  ne  sont  pas  les  ruines  païennes,  ce  sont 
les  catacombes.  Dans  les  catacombes,  il  est  vraiment  chez 
lui.  Disciple  et  successeur  de  Rossi,  le  directeur  du  Musée 
archéologique  du  Vatican  possède  tous  les  détours  de  ce 
monde  souterrain,  il  en  connaît  toute  Thistoire,  il  en  a  lu 
toutes  les  inscriptions... 

—  Et  vous  avez  ajouté,  lui  disons-nous,  une  nouvelle 
province  à  ce  royaume?  11  sera  bien  intéressant  de  vous 
entendre  raconter  vous-même  votre  découverte. 

Le  commandeur  se  récrie  vivement  à  ce  mot  : 

—  Ma  découverte  ?  Mais  je  n'ai  rien  découvert.  Ce  n'est 
pas  moi  qui  exécute  les  fouilles;  c'est  la  Commission  pon- 
lificale  dont  j'ai  seulement  l'honneur  d'être  le  piésident. 
Le  président  et  la  Commission  ne  font  qu'un. Dites-le  bien 
à  vos  lecteurs  et  attirez  leur  plus  sympathique  attention 
sur  les  travaux  de  cette  Commission  pontificale.  Elle  fut 
constituée,  il  y  a  cinquante  ans,  par  Pie  IX  ;  malgré  la 
difficulté  du  temps  et  la  réduction  des  ressources,  elle  a 
été  maintenue  par  ses  deux  successeurs.  Car,  tout  prison- 
nier, le  Pape  continue  de  jouer  son  rôle  de  Mécène.  Et 
d'ailleurs  c'est  à  lui  qu'il  appartient  de  veiller  sur  les 
catacombes  et  d'en  agrandir  les  parties  connues.  Le  Va- 
tican consacre  à  ce  travail  tout  ce  qu'il  peut  lui  réserver  ; 
mais  combien  il  voudrait  lui  donner  davantage  !  il  reste 
encore  tant  de  fouilles  à  entreprendre  ;  on  ne  se  doute 
pas  qu'il  y  a  tout  un  monde  à  explorer  sous  la  campagne 
romaine.  En  ce  moment,  nous  suivons  même  une  piste 
des  plus  précieuses  et  qui  nous  conduira,  nous  l'espérons, 
jusqu'aux  catacombes  les  plus  anciennes  et,  si  je  puis  dire 
ainsi,  les  plus  primitives.  Nous  retrouverons  et  nous  pour- 
rons situer  exactement  la  petite  église  souterraine,  oh  ! 
bien  étroite  et  bien  basse,  où  saint  Pierre  enseigna  les 
premiers  fidèles...  Mais  dites  bien  surtout  que  tout  cela, 
c'est  l'œuvre  de  la  Commission  !  >> 

Comviiiit  on  a  découvert  les  nouvelles  catacombes.  —  Je 
le  dirai.  Mais  comment  la  Commission  pontificale  —  ou 
son  président  —  a-t-elle  pu  découvrir  ces  catacombes  de 
Commodilla  .' 

—  L'existence  de  ces  catacombes  était  connue  depuis 
longtemps.  Nous  possédons,  vous  le  savez,  quelques 
itinéraires  des  pèlerins  des  premiers  siècles  ;  au  sortir  de 
l'ère  des  persécutions,  ceux-ci  venaient  prier  dans  les 
souterrains  qui  avaient  servi  d'églises  et  de  tombeaux  à 
leurs  pères.  Nous  savions  donc  par  eux  que,  non  loin  de 
la  porte  de  Saint-Paul,  en  allant  vers  la  basilique  de 
Saint-Paul-hors-les-murs,  on  avait  vénéré  jadis,  sous  le 
nom  de  cimetière  de  Commodilla,  une  vaste  nécropole  où 
se  creusait  une  basilique  souterraine  dédiée  aux  S.S.  Kélix 
et  Adauctus.  Mais  les  barbares  étaient  tombés  sur  Rome 
et  le  chemin  de  ces  catacombes  avait  été  perdu.  Puis  les 
ruines  qui   s'écroulaient  sur  le  sol  et  les  ell'ondrements 


Cl)romque. 


5'5 


qui  se  produisaient  dans  les  galeries  profondes  avaient  fait 
leur  œuvre.  Il  ne  sera  plus,  du  cimetière  de  Commo- 
dilla,  qu'un  lointain  souvenir. 

>  Cependant,  voici  bientôt  deux  siècles,  un  prêtre  qui 
opérait  des  fouilles  afin  de  recueillir  des  reliques,  Boldetti, 
essaya  de  retrouver  ces  catacombes.  Il  fut  d'abord  assez 
heureu.\  dans  ses  recherches  :  un  puits  qu'il  perça  le  con- 
duisit dans  un  couloir,  qui  le  mena  jusqu'au  seuil  de  la 
basilique.  Malheureusement,  Boldetti  ne  put  pénétrer 
plus  avant  ;  un  éboulemeut  subit  interrompit  ses  investi- 
gations. De  sa  tentative,  il  ne  demeura  qu'une  indication 
plus  précise. 

»  C'est  justement  cette  indication  dont  nous  avons 
profité.  Toutefois  nous  avons  cru  devoir  creuser  sur  un 
autre  point,  qui  nous  paraissait  plus  favorable  ;  et  la  Pro- 
vidence a  béni  nos  travaux.  Les  premiers  coups  de  pioche 
ont  été  portés  au  mois  de  décembre.  Ils  nous  ont  ouvert 
presque  tout  de  suite  une  galerie,  que  nous  avons  suivie, 
d'abord  tout  droit,  puis  en  obliquant  sur  la  gauche.  Et  là, 
quelques  mètres  ont  suffi  pour  nous  faire  entrer  à  notre 
tour  dans  le  sanctuaire  dédié  aux  SS.  Félix  et  Adauctus. 

Une  basilique  soulet  raine.  —  «  Le  déblaiement  a  été 
vivement  poussé.  Au  mois  de  mai,  la  basilique  était  remise 
en  état.  C'est  une  des  plus  belles  et  des  mieux  conservées 
que  nous  ayons  à  Rome.  Et  c'est  aussi  l'une  des  plus 
anciennes.  Elle  dut  être  agrandie  au  IV"^  siècle  ;  mais 
à  cette  époque,  elle  existait  déjà  depuis  assez  long- 
temps. Longue  d'une  trentaine  de  mètres  sur  dix  de  large, 
elle  offre  au  fond  un  enfoncement  qui  abrita  le  tombeau 
des  mariyrs  honorés  dans  ce  lieu  ;  puis,  à  côté,  deux 
minuscules  absides  où  se  trouvaient  des  autels.  Les  murs 
sont  couverts  d'inscriptions,  encore  déchiffrables,  et  de 
fresques  encore  visibles  ;  quelques  unes  de  ces  peintures 
ont  gardé  même  une  vivacité,  j'oserais  presque  dire  une 
fraîcheur  de  coloration  vraiment  merveilleuse  après  un 
enfouissement  d'environ  treize  siècles.  A  terre,  on  a  dé- 
couvert aussi  des  tombeaux  que  recouvrent  des  dalles, 
gravées  d'inscriptions  funéraires. 

>  Déjà  nous  avons  relevé  145  inscriptions,  dont  plu- 
sieurs remarquables.  Éludiez  celle-ci,  par  exemple,  et 
surtout  regardez  l'e.xquis  tableau  qu'elle  accompagne...  > 

Et,  parmi  plusieurs  photographies,  représentant  celle- 
ci  saint  Etienne,  celle-là  saint  Luc,  cette  autre  encore  un 
très  beau  Christ  assis  sur  le  globe  entre  les  apôtres  Pierre 
et  Paul,  le  commandeur  Marucchi  me  fait  admirer  la 
reproduction  d'une  fresque  très  pure  et  très  harmonieuse 
qu'on  a  relevée,  à  peu  près  intacte,  sur  la  paroi  latérale 
gauche  de  la  basilique. 

Une  fresque  de  quinze  cents  ans.  —  D'une  couleur  qui 
s'est  révélée  vivante  sous  la  terre  accumulée  pendant  les 
siècles  et  de  traits  vraiment  fins  et  délicats,  une  Vierge 
apparaît  ;  ses  yeux,  très  grands  ouverts,  brillent  encore 
au  milieu  d'un  visage  encadré  d'une  coiffe  aux  plis  tom- 
bant sur  les  épaules  et  nimbé  d'une  nuance  amortie  par 
le  temps.  La  Vierge  est  assise  sur  un  trône  royal  et  tient 
l'Enfant-Dieu  sur  ses  genoux.  A  sa  droite  et  à  sa  gauche, 
se  tiennent  debout  les  deux  patrons  de  la  basilique  :  Félix, 
enveloppé  de  sa  longue  robe  sacerdotale,  dont  la  blan- 


cheur met  comme  une  clarté  sur  la  muraille  ;  Adauctus, 
en  vêtements  plus  sombres.  Enfin,  aux  pieds  d'Adauctus, 
qui  paraît  la  présenter  à  Marie,  s'incline  une  matrone 
chrétienne  dont  le  corps  fut  enterré  sous  cette  fresque  et 
dont  l'inscription  nous  apprend  le  nom  poétique,  Turtura. 
Cette  inscription,  composée  en  l'honneur  de  Turtura 
par  le  fils  delà  morte,  auteur  probable  de  la  fresque  elle- 
même,  —  nos  lecteurs  seront  sans  doute  curieux  de  la 
connaître.  En  voici  le  texte  : 

Svscipe  nvnc  lacriinas  mater  natiqvc  svperstitis 

(Jvasfvtidet  gemitvs  lavdicvs  ecce  tvis 

Post  vior/ein  pa/ris  sertiasti  casta  niarili 

Sex  trigen/a  annis  sic  vidvata  fideni 

Officivm  nato  patris  inatrisqvc  gerebas 

In  svbolis  facietn  vir  tibi  vixit  obas 

Tvrtvra  twmen  abis  set  tvrtvr  veraftiisti 

Cvi  conivx  nioriens  non  fvit  aller  avior 

Vnica  materia  est  qvo  svmii femina  lavdem 

Ovod  te  conivgio  exibvisse  doces  — 

Hic  reqviescit  in  pace  tvrtvra 

\Qvci\  bisitpl  m  annvs  Ix. 

Derrière  un  mur.  —  <  Mais  ce  n'est  pas  tout,  continue 
le  savant  archéologue.  En  déblayant  la  basilique,  nous 
avons  constaté  qu'un  mur  sonnait  creux.  Vous  entendez 
bien,  un  mur  ;  non  pas  donc  un  amas  de  terre  accumulée 
et  tassée  par  des  éboulements  ;  mais  une  paroi  maçonnée 
par  les  chrétiens  eux-mêmes, à  l'époque  où  les  catacombes 
leur  servaient  encore  de  refuge.  Au  delà  de  ce  mur,  il  y 
avait  donc  chance  de  découvrir  un  couloir,  une  excava- 
tion ou  un  souterrain,  demeuré  intact  depuis  le  temps  où 
les  piemiers  disciples  du  Christ  y  enterraient  leurs  frères. 
En  effet,  à  peine  avions-nous  percé  cette  paroi,  que  nous 
sentions  l'air  humide  et  chaud  d'une  galerie  profonde, 
fermée  depuis  treize  ou  quatorze  siècles.  En  y  pénétrant, 
nous  avons  trouvé,  s'étageant  le  long, des  murs,  des  cen- 
taines de  «  loculi  s>  qui,  derrière  leur  clôture  de  briques, 
gardaient  fidèlement  leurs  morts,  endoimis  d'un  som- 
meil que  rien  n'avait  troublé  depuis  l'empire  romain.  Dé- 
tail plus  impressionnant  :  nous  avons  dû,  pour  nous  enfon- 
cer davantage,  enjamber  d'autres  morts  étendus  sur  le 
sol,  ayant  encore  sur  leurs  côtés  les  lampes,  auxquelles 
nul  n'avait  touché  depuis  qu'elles  s'étaient  éteintes.  Sans 
doute,  avant  de  fermer  cette  galerie,  toute  pleine,  on  y 
déposa  ces  cadavres,  au  travers  du  couloir,  qui  servait 
jusque-là  de  passage  entre  les  tombeaux,  mais  qui  allait 
devenir  un  tombeau  lui-même...  Et  le  cimetière  de  Com- 
inodilla  n'a  pas  encore  livré  tous  ses  secrets.  » 

Et  tandis  que  nous  félicitons  le  commandeur  Orazio 
Marucchi  de  ces  découvertes  remarquables,  il  reprend 
avec  vivacité  : 

—  Mais  ce  n'est  pas  moi  qui  les  ai  faites  ;  c'est  la  Com- 
mission pontificale.  Ne  manquez  pas  de  le  dire  à  vos  lec- 
teurs et  de  leur  rappeler  aussi  que  c'est  le  Pape,  qui, 
malgré  les  difficultés  qu'il  traverse,  entretient  ces  grands 
travaux.  » 

François  Veuillot. 


Imprimé  par  Descléc,  De  Biouwer  &  C''^,  lille-paris-bruges. 


ERRATA   1904. 


Page      17,   i""  col.,  12°  ligne,  au  lieu  de:  cette  ïoxmç.  &i;  lisez  :  cette  forme  <K  pittoresque  >  et. 

»       47,   T"'     ))     15'=       »  »  d'Angers;  lisez:  du   Mans. 

»        55,  2"-'     »      iO«      >       lisez:    L'église    de    Saint-Germain    a    perdu  la    plus  grande 

partie  de  ses  nefs. 

»         59,   !'■'=    >>       4'^      »      rt«  //W?^    de:    sous  ces   nefs   immenses;   lisez:    à   l'ombre   de 

ces  tours. 

»        64,   2<^     »       5«  et  27e  lignes,  «?<  lieu  de:  Chompton  ;  lisez:  Chomton. 

»        65.    V^    »       dernière  ligne,  au  lieu  de:  Monjet  ;  lisez:  Monget. 

»        66,    V   %       T'  ligne,  au  lieu  de:  titré;  lisez:  verrier. 


Table  Des  matières.  Knnée  190é. 


L'église  de  Salnt-Jouin  de  Marnes,  par  M.  G.  Sanoner 

Padoue,   Venise,    Trévise,  Vicence,  etc.,   par  M.  Gerspach 

L'Adoration  des  Bergers  du  musée  de  Dijon,  par  M.  J.  Helrig 

Monographie  de  l'ancienne  cathédrale  de  Cambrai,  par  l'abbé  A.  Pastoors 

Les   confessions   et   les    cryptes   de    St-Ferréol  de  Besançon,  de  St-lVîarcel  de 

Chalon-sur-Saône  et  de  Sl-Valérien  de  Tournas,  par  M,    L.    Maître.. 

Église  de  Saint-Paul  de  Varax,  i)ar  M.  G.  Sanoner    

Tympan  de  porte  à   la  cathédrale  de  Rouen,  par  M^"^  Louise  Pillion. 
Peintures  de  la  chapelle  Saint-Léger  de  Beaune,  par  M.  H.  Chabeuf.     . 
Description  de  la  porte  de  la  cathédrale  St-Vincent  de  Berne,  par  M.  G.  Sanoner. 
L'Exposition  d'Art  ancien  à  Sienne,  par  M.  J.  Helbig. 
Les    monuments    chrétiens   d'Aiitun    et   l'église    de  Saint-Bénigne   de    Dijon, 

par  M.  \j.   Maître 

Description  des  portails  de  l'église  Saint-Thibault  de  Thann,  par  M.  G.  Sanoner 

Le  carrelage  de  l'abbaye  de  Champagne  (Sarthe),  par  M.  J.  Chappée 

L'Art  au  couvent  S.  Giusto  aile   Mura  à  Florence,  par  M.   Gerspach 

Église  et  crypte  d'Hastière,  par  M.  A.  Schellekens.  

Un    Livre    d'Heures    appartenant    à    S.    A.    le   duc   d'Arenberg  à    Bruxelles,    par 

Etienne  Beissel,  S.  J 

Portail  de  l'abbaye  de  Vézelay,  par  M.  G.  Sanoner. 
Les  saints  Jumeaux  ou  les  saints  Geosmes  de  Langres. 

chrétiennes,  par  M.   L.  Maître.  

Vitrail  à  Maredsous,  par  M.  L.  Cloquet.  

La  peinture  décorative  au  moyen  âge,  par  M.  J.  Helbig 

Les    peintures    décoratives   de    l'église    de    Sainte-Walburge    à   Furnes, 

par    M.    J.    VAN    RUYMBEKE.  


Trêves  et  ses  antiquités 


•  p- 

I 

1>P-  14, 

126 

•  p- 

93 

•  p- 

103 

■  p- 

134 

•  p 

144 

•  p- 

181 

■  p- 

190 

•  p- 

201 

■  p- 

261 

■  p- 

279 

pp.  292, 

384 

•  p- 

349 

■  p- 

356 

■  p- 

377 

par 

■  P- 

437 

•  P- 
tés 

4-lS 

..   p. 

460 

•   p. 

47' 

..   P, 

473 

47& 


ffîélanges. 


Décoration    polychrome   du   mobilier    des   églises   (J.    Helbig).   —   A   propos  de 
fresques  (H.    Chabeuk).    —    Rational    et   Surhumèral   (Eug.   Martin) 


25 


RKVIJR    l>H    I.  ART   CHKETIEN. 


5i8  3Rcbuc  t)r  raivt  cbvéticiL 


Jérusalem  (H.  Chaueuf).  —  Pèlerinages  au  Suaire  de  Chambéry  (G.  Moli.at).     ...     p.         159 

Roc-Amadour  {].   Helbig).  —  Les  vases  sacrés  du  trésor  Giancarlo  Rossi  (R.  Ma- 

loccHi).  —  Fresques  de  l'église  de  Saint-Pélrone  n  Bologne  (H.  Brunki.li).     ...     p.         213 

Un    atelier    pour    la    reproduction    des    anciennes    tapisseries   (L.    de    Farcy).    — 

Monuments  de   travers  (1,.  Cloqukt).   —   Saloirs  gothiques  (le  même) p.         309 

Le  style  néo-classique  et  le  nouveau  Bruxelles.  Le  Palais  royal  de  Bruxelles 
(L.  Ci.oquet).  —  L'École  fgantoise  de  St-Luc  et  l'Exposition  des  travaux  de 
ses  écoles  (L.  C.)     P-         39^ 

La  Suisse  pittoresque    (1,.   Ci.oouiiT).  p-         481 

GorresponDanccs. 

Fiance,    |i:ii    M.    1,.    Calknoini  ;   id.,    par  M.  R.    I'kiger pp.    47,  161 

Cîteaux  et  la  Pologne,  par   Ant.    Hrykczynski p.  i6r 

Italie,  par  M.  Gkrspach pp.   226,   317,  403 

Question  et  Réponse,  par  M.  L.  Ci.oquet p.  320 

Tratjaur  Des  Botxttts  satjaiues. 

FRANCK.  —  Société  nationale   des   Antiquaires  de  France pp.  48,   164,  229,   322,  408 

Académie  des  Inscriptions  et    Belles-Lettres ...  pp.  48,   165,   229,  321,  408,  486 

Congrès  des  Sociétés  savantes  à  la  Sorbonne pp.   50,  409 

Id.  Id.  do  Paris  et  des  Départements.  p 

Société    archéologique  d'Eure-et-Loir.  

Société  historique  et  arcliéologique  de   Périgord 

Kxcursion  en   Bourgogne  de  la  Gilde  de  Saint-Thomas  et  Saint-Luc p 

Société  archéologique  de  Tarn-et-Garoniie p 

Réunion  des  délégués  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  Départements p 

Comité  des  Travaux   liistoriques pp.  326,  415 

Société  archéologique  du   Midi  de  la   France,    1903 pp.  416,  420 

Conférence  faite  par  M.   Lefevre-Pontalis  au  Congiès  de  Mars,    1904 p 

Commission  des  Monuments  historiques  et  la  Ville  de  Paris p 

Société  historique  de  Bordeaux p 

Société  historique  et  archéologique  du   Maine ;     p 

Congrès  archéologique   d'Arras p 

BELGIQUK.   —  Cercle  historique  et  archéologique  de  Courtrai p 

Société  archéologique  de  Matines p 

Académie  royale  d'archéologie  d'Anvers.    .        p 

Société  archéologique  de  Bruxelles p 

Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Gand p 


.       326 
Institut  archéologique  liégeois , pp.  327,  495 

416 

-119 
419 


Congrès  archéologique  de   Mons p 

Id.  Id.  de  Namur.  p 

Société  d'émulation  pour  l'étude  de  l'histoiio  et  des  antiquités  de  la   Flandre 


Commission  royale  des  monuments  de  Belgique.            pp.  420,  491 

Société  archéologique  de  l'arrondissement  de  Nivelles p.     420 

38'-'  session   de  la  Gilde  de  Saint-Thomas  et  de  Saint-Luc ' p.     487 

Société  historique  et  archéologique  dans  le  duché  de   Limbourg p.     495 


323 

52 

52 

52 

.65 

325 


417 
420 
420 
^94 
495 
166 
166 
232 


Cable  ÛC0  inatière0. 


Bibitograpl)ie. 


519 


Première  livraison.  —  Le  Bienh.  Jean  De  Verceil,  par  Marguerite  de  Waresquiel.  —  Les  marques  d'or- 
fèvrerie en  Moravie,  par  Cari  Schierk.  —  L'iiabitation  byzantine,  par  le  génér.  H.  de  Beylié.  —  Le  droit 
d'entrée  dans  les    musées,   par   H.   Lapauze.  —  Les  principes  dos  proportions  en  art,   par  Jaminé  et  Peeters. 

—  Dictionnaire  d'archéologie,  par  les  RR.  PP.  Hem  et  F.  Cabrol.  —  Dictionnaire  de  la  Bible,  par  F.  Vi- 
goureux. —  Répertoire  bibliographique  du  Touriste  en  Belgique,  par  E.  Sonneville.  —  Baptistère  de 
Saint-Jean   de  Poitiers,  par  le  R.  P.  C.  de  la  Croix.  —  Église  de  Sainte-Marie  des  Anglais,  par  L.  Régnier. 

—  Gournay-en-Bray  et  Saint-Germer,  par  le  même.  —  Le  Nord-Kst  de  la  France,  par  Baedeker.  —  L'ar- 
chitecte de  Sainte-'Waudru  à  Mons,  par  J.  Hubert.  —  Congrès  archéologique  de  Poitiers,  par  L.  Quarré- 
Reybourbon.    —    Die   Romisclien   Katakomben,   par  le  D'  A.   Weber p.       67 

Deuxième  livraison.  —  Généalogie  de  la  Maison  royale  de  Portugal,  par  le  prof.  G.  H.  Strohl  et  le  prof. 
D.   G.    Kaemmerer.  —  The  Early    Christian   monuments  of  Scotland,   par  J.  Romyli   Allen  et  J.  Andersen. 

—  La  façade  inclinée  de  San-Ambrogio  à  Gênes,  par  W.  H.  Goodyear.  —  La  photographie  des  monu- 
ments, par  F.  Martin  Gabon.  —  Line  and  form,  par  Walter  Crâne.  —  Grondbeginselen  van  de  geschie- 
denis  der  Bouwkunst,  par  A.  Van  Houcke.  —  Ravenne,  par  Ch.  Diehl.  —  Constantinople,  par  H.  Barth.  — 
Collégiale  de  Saint-Pierre  à  Douai,  par  l'abbé  Pastoois.  —  Basilique  de  Saint-Remi,  par  M.  Gosset.     p.     167 

Troisième  livraison. —  Vitraux  de  la  cathédrale  de  Bourges,  par  le  prof  F.  Geiges.  —  Modèles  de  Broderie 
religieuse,  par  J.  liiaun.  —  Les  trésors  de  l'art  d'Aix-la-Chapelle,  par  Et.  Beissel.  —  Cryptographie  apos- 
tolique et  architecture  rituelle,  par  Th.  Beaudoire.  —  Le  coq  du  clocher,  par  L.  Martin.  —  Chœur  de  la 
cathédrale  de  Glascow,  par  Th.  Lennox-Watson.  —  Dictionnaire  de  la  Bible.  —  Historia  de  la  arquitectura 
christiana,  par  V.  Lamperez-y  Romea.  —  Arnould  de  Vuez  (1644-1720),  par  L.  Quarré-Reybourbon.  —  Pavillon 
d'Apollon  à  Versailles,  par  J.  Fennebesque.  —  Les  parcs  de  Versailles,  par  le  même.  —  Documents  d'art  du 
moyen  âge,  par  Vinc.  Lencrtz. —  Formulaire  de  prières. —  L'enceinte  romaine  de  Sens  en  1903,  par  l'abbé 
Chartraire.  p.     233 

Quatrième  Ir.'raison.  —  Pistoia,  Prato,  Firenze,  par  H.  Giglioli. —  Monographie  de  la  cathédrale  d'Amiens  : 
Mobilier,  par  G.  Durand.  —  Manuel  d'archéologie  française,  par  E.  Enlart.  —  La  sculpture  Ijelge  et  les 
influences  françaises,  par  R.  Kœchlin.  —  Deux  vies  d'Évêques,  par  M""''  Louise  PiUion.  —  Monuments 
du  Forez  et  du  Velay.  —  Enquêtes  campanaires,  par  Jos.  Berthelé.  —  Documents  d'art  monumental, 
par  \'.  Lenertz.  —  Ancien  châte  au  des  comtes  A  Gand,  par  J.  de  Waele.  —  Anciennes  habitations  en 
Picardie,  par  A.  Franqueville.  —  11  politico  délia  parrochiale  di  Ottana,  par  E.  Brunelli.  —  Opère  d'arle 
del    Palazzo,   par   le    même.   —    Dictionnaire  d'archéologie  chrétienne p.     3-^ 

Cinquième  livfciison. —  Les  anciennes  maisons  de  Constantinople,  par  le  général  L.  de  Beylié.  —  Le  portail 
de  l'église  Mimisan,  par  G.  Beaurain.  —  Guide  du  Congrès  du  Puy  de  1904,  par  Noël  ThioUier.  —  Mono- 
graphie de  la  cathédrale  du  Puy,  par  le  même.  —  La  cathédrale  de  Saint-Jean  de  Beyrouth,  par  T.  Enlait. 
—  Nieuport  ancien  et  moderne,  par  G.  Wybo.  ~  La  sculpture  du  XIV  siècle  dans  la  région  de  Troyes, 
par  R.  Kœchlin.—   Notice  sur  la  construction   de   la  Chaire-Dieu,  par  Maurice  Faucon p.     4-3 

Sixième  livraison.  —  Couvents  de  St-Dominique,  par  G.  Rohault  de  Fleury.  —  Les  Primitifs  parisiens, 
par  Marcel  Poète.  —  La  sculpture  française  au  moyen  âge,  par  R.  de  Lasteyrie.  —  Dictionnaire  d'archéo- 
logie, parle  D''  F.  Cabrol.  —  Musées  royaux  de  Bruxelles.  Catalogue  des  ivoires,  parf.  Destrée.  —  Cambron  - 
Casteau,  par  R.  Paternotre.  —  The  bases  of  design,  par  Walter  Crâne.  —  Dinant  et  la  Hanse  teutonique, 
par  H.   Pirenne    —  Le  Christ  dans  la  «  Légende   dorée  »,   par   l'abbé  J.-C.   Broussolle p.     496 


Périodiques 

Index  bil:)liographique. 


pp.  80,   T/i,  242,  2,2,7^  4-^7.  506 
pp.  82,  17.^,   247,  341,  428,  507 


520 


3Re\)ue  tie  V^xt  cbrctien* 


Gl)rontque. 


Première  livraison.—  ÉCOLE  DES  HAUTES  ÉTUDES  D'AKT  A  BKUXELLES.  —  MONUMENTS 
ANCIENS:  Rempart  de  Limoges;  église  Saint-Pierre  h  Coutances  ;  église  de  Neufchâteau  (Vosges); 
église  Sainl-Pierre  de  Lisieux  ;  église  Saint-Pierre-les-Éliex  ;  église  de  Zande  ;  cathédrale  de  Chartres  ; 
église  de  Fontevrault  ;  église  de  Lassay  ;  Campanile  de  la  hasilique  de  Venise.  —  MUSÉES.  —  EX- 
POSITIONS. —  VAKIA.  —  PHOTOGRAPHIES  ARCHÉOLOGIQUES.  —  NÉCROLOGIE  :  Le  chan. 
Beusens  ;  Camille  Sitte P       8; 


Deuxième  livraison.  —  CONSERVATION    DES    MONUMENTS    ANCIENS.    - 
HAUTES    ÉTUDES    D'ART.     —   VARIA.    —  NÉCROLOGIE:   Frère   Marusin. 


ÉCOLE    ST-LUC.    — 

P-    i;6 


Troisième  livraison.  —  ÉCOLE  DES  HAUTES  ÉTUDES  D'ART  DE  BRUXELLES.  —  CONSER- 
VATION DES  MONUMENTS  ET  OBJETS  D'ART  :  la  loi  Pacca  ;  le  Campanile  de  Venise  ;  la  maison 
d'Ozé  à  Alençon  ;  Croix  triomphale;  église  des  Jacobins  de  Castillonnès  ;  cathédrale  de  Lyon;  Notre- 
Dame  d'Aiençon  ;  église  de  Beaulieu,  de  Longueil-Annel  ;  Beffroi  de  Périgueux  ;  Saint-Jean-de-la-Ruelle  ; 
Catacombes  romaines. —  OEUVRES  NOUVELLES:  cathédrale  de  Cerignola  ;  parvis  d'Amiens  ;  atelier 
de  tapisseries  au  Vatican,  à  Champfleur.  —  MUSÉES  ET  BIBLIOTHÈQUE:  musée  de  Naples,  de 
Florence,  de  Montpellier;  bibliothèque  de  Turin.  —  MUSIQUE  SACRÉE:  Centenaire  de  saint  Gré- 
goire le  Grand.   —   NÉCROLOGIE:   K.   J.   Corroyer p.      25' 

Quatrième  livraison.—  PRIMITIFS  FRANÇAIS,  FLAMANDS  ET  ALLEMANDS.  —  RESTAURA- 
TION DES  MONUMENTS  :  Congrès  de  Madrid  ;  Châlons  ;  Chartres;  Binche;  Y  près  ;  G  and  ;  Bruges.  — 
ROME  MODERNE.  —  NOUVELLES  :  Pierref  ort  ;  Gand  ;  Milmort  ;  Exposition  mariale  de  Rome.   p.  341 

Cinquième  livraison.  -  LE  CONCOURS  POUR  LE  PRIX  DE  ROME.  —  ROGIER  DE  TOURNAI.— 
BRUXELLES:  basilique  de  Koekelberg.  —  MONUMENTS  ANCIENS:  Chartres;  portails  romains; 
Châlons  ;  Alby  ;  Armagh  ;  Mulhouse;  Carthage  ;  Furnes  ;  Hautem-Saint-Liévin  ;  Louvain  ;  Saint- 
Quentin;  ^Valcourt;    Courtrai  ;    Alost  ;    Tirlemont,   etc.   —  VARIA:   Tapisseries    à    Angers.      ...      p.     43° 

SixiC7ne  livraison.  —  W"  CONGRÈS  INTERNATIONAL  DE  L'ENSEIGNEMENT  DU  DESSIN  A 
BERNE,  1904.  —  LIÈGE:  Les  fonts  attribués  à  Lambert  Patras.  —  MONUMENTS  ANCIENS: 
Avignon  ;  Nevers  ;  Mont  Saint-Michel  ;  Bruxelles  ;  Bruges.  —  NOUVELLES.  —  LES  CATACOMBES 
DE  ROME,  etc P-     31° 


4^   TTable  t)t0  :Qlancl)es;   ^ 


I.  —  L'Adoi-alion  des  Bergers  (Musée  de  Dijon). 

II.  —  Documents  d'art  monumental. 

III.  —  Thaddeo  Barlholi. 

IV.  —         Le  même. 

V.  —  Reliquaire  d'Orviéto. 

VI.  —  Carrelage  de  l'abbaye  de  Champagne  (types  de  pavésl 
VU.  —         Id.  Id.  Id.  (ensemble). 

VIII.  —  Abbaye  de  St-Benoit  à  Maredsous.  Vitrail  de  la  chapelle  du  cloître. 

Vignettes  tuterealées  îiano  le  te^te. 


Église  St-Jouin  de  Marnes.—  Façade  avant 

la  restauration,    p.  3 

Id.  État  actuel.     »  J 

Id.  Schéma.      ...    >  5 

Id.  Statues.       ...»  6 


Tiares  des  papes  Innocent  V  et  Benoît  XI.  p.  17 

Tombeau  du  sénateur  Onigo >  19 

La  Madone,  les  saints  Dominique,  Thomas 

d'Aquin,  Benoit,  Jérôme,  Nicolas »  22 

Saintes  Euphémie,  Catherine  et  saint  Jean.  »  23 


Cable  hts  mattèreg. 


521 


Rational    et  Surhuméral    (15  figures),      pp 

Sens.   —  Abbaye  de  Saint-Jean.  

Id.  Plan  de  la  cathédrale 

Id.  Autel  dit  de  Salazar 

Id.  Contrefort    de    la    catliëdrale. 

Id.  Transept    nord  de   la   cathédrale. 

Id.  Coupe  et  base  Id. 

Cathédrale  d'Auxerre.  —  Plan 

Cathédrale  d'Auxerre.   —  Chevet 

Église  St- Lazare  d'A vallon.   —   Base,    etc. 

Église  St-Père-sous-Vézelay.—  Piliers.     ... 

Id.  Bas-côté  nord. 

Id.  Plan 

Id.  Coupes. 

Id.  Fronton. 

Beaune.  —  Cour  de  l'Hôtel-Dieu 

Id.  Crête  de  comble. 

Épis  conservés  au  musée  de  Dijon 

Spécimens  de  plomberie. 
Dijon.  —  Plan   de  l'église   Saint-Bénigne. 
Id.  Façade  Id. 

El-Rabah 

Monastère   d'Iviron    an    Mont- Athos. 

Palais  de  Théodoric    à   Ravenne 

Mosaïque  de  Sainte-Sophie.  

Plan  de  la  basilique  de  Constantin. 

Cathédrale  de  Cambrai. —  Plan 

Id.  Vue  perspective. 

Id.  Plan  d'ensemble. 

Id.  Plan  de  Villart  de 

Honnecourt. 
Id.  Id. 

Id.  Id. 

Id.  Id. 

Vlcence. —  Palais  délia  Ragionc 

Id.        Loggia  Bernardo.  Pal.  communal.     » 
Id.        Porte  majeure  de  régi.  St-Laurent.    3> 
Id.       Sanctuaire   du    mont   Berico.       ...     » 
Vicence.  —  Sanctuaire  du  mont  Berico.  — 

Lamentations  sur  le   corps  de   J.-C.      ...     » 

Église  de  Tournus.  —  Coupe  longitudinale.     » 

Id.  Plan  de  la  crypte.      ...    > 

Id.  Appareil  de  la  crypte.     » 

Id.  Nef  principale > 

Id.  Déambulatoire > 

Église  St-Paul  de  Varax.  —  Schém.i.  ...     > 

Id.  Porte  occidentale.  > 

Id.  Façade  occidentale,  gauche.     » 

Id.  Id.  droite.       > 

Id.  Petite  porte  méridionale.    ...     > 

Id.         Schéma    de'  la   petite    porte.     * 

Cath.  de  Rouen. — Tympan  de  la  porte.      ...     > 

Id.  Sculptures  du  Xni' siècle.     » 

St-Vincentde  Berne.  —  Porte  occidentale.        > 

Id.  Éljrasement  gauche.     » 

Id.  Schéma  de  la  porte.     » 

Id.  Tympan  de  la  porte.     » 


32  à  44 
p.     52 

>  53 
»       5.-5 

>  55 
^  54 
>.  54 

>  55 

>  55 
î>  56 

>  57 

>  57 
58 
59 
59 
61 
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62 

63 
64 
64 
70 

71 
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73 
80 

105 
107 
iiS 


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123 
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132 
136 

137 
138 
140 
142 
146 

'47 
149 

'5' 
'54 
'55 
i8j 
188 
202 
205 
207 
210 


Roc-Amadour.   —  Vue  du   côté  N.-E. 
Tulle. —  Palais  des  évêques,  vue  intérieure. 

Escalier  conduisant  aux  chapelles 

Fort  à  Roc-Amadour,  entrée  de  la  porte. 
Roc-Amadour.  —  Rue  de  la  Couronnerie. 

Id.  Rue   de   la  Mercerie. 

Bologne.—  Fresque  de  l'église  de  St-Pétrone. 
Tigzirt.  —  Pavement  de  la  basilique.  ... 
Poitiers.  —  Fronton  du  baptistère  Sl-Jean. 

Paris.  —  Marque  du  libraire  Resch 

Monnaie    de    Sigebert 

Paris.  —  Marques  des  imprimeurs  Courbé, 

Sonnius    et    Thierry 

Marbre  de  Lyon,  111'    siècle 

Monnaies   du    roi   Clovis,   du    Mans  et    de 

Paris 

Costume  de  grand-prêtre ■    ... 

Joueurs  de    harpe  égyptiens 

Grenade  figurée  sur  les  colonnes  du  temple 

de  Jérusalem 

Sienne.  —  Reliquaire   du    XIV'    siècle.     ... 

Id.  Pied  de  reliquaire.  

Id.  Saint   Bernardin 

Id.  Grille   en    fer    forgé 

Id.  Bénitier   en    bronze 

Id.  Stalles  ornées  de  mosaïques. 

Id.  Lanterne  de  la  Chapelle  du  Pa- 

lazzo 

Id.  Reliquaire    de   San   Galgano.    ... 

Id.  Statue  de   saint  Nicolas 

Saulieu.  —  Crypte  de   Saint-A  ndoche. 

Saint-Bénigne  de  Dijon.  —  Crypte 

Id.  Id.  Id 

Église  St-Thibault  de   Thann 

Id.  Porte  occidentale. 

Id.  id.  Schéma. 

Cath.  du  Mans.  —  Tapisserie  :  Vie  des  saints 

Gervais  et  Protais. 

Id.  Id.  L'Apocalypse. 

Id.  Id.  XVl»  siècle. 

Saloirs  gothiques  (3  gravures) 

Croix  byzantine   russe 

Beffroi  et  cloches  de  l'Épine  (Hautes- Alpes). 

Matrices    du  fondeur   Fr.    Michel 

Coiffure  d'après  une  miniature  du  XV^  s. 

La   Vierge   et  l'Enfant   Jésus 

Pietà 

Jésus  au  Jardin  des  Oliviers 

Crucifixion,  par  .Signorelli.         

Id.  par  Pérugin 

Église  d'Hastière.  —  Abside 

Id.  Vue  générale 

Id.  Plan 

Id.  Vue   intérieure. 

Église  St-Thibault  de  Thann. —  Porte  occid. 
Id.  Porte  septentr. 

Id.  Id.       schéma. 


p.  214 

>  215 

>  216 

>  217 

>  218 
»  219 

>  222 
»  235 

>  235 
»  23s 

>  236 

»  236 

>  236 

»  236 

>  239 
»  240 

>  240 
J>  263 

265 
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>  272 

î>  273 

>  274 

>  284 

>  287 
»  288 

»  293 
»  295 

>  300 

>  3" 

»  312 

»  3'3 
»  3'6 
»  320 

»  333 

»  334 

>  357 
»  366 
»  368 
î.  370 
J>  372 
»  374 
»  377 
»  377 
»  380 
»  381 
»  385 
»  395 
»  396 


522 


Brtur  ïic  r^rt  (Ijrctiru, 


La  Vierge  et  l'Enfant  J«?siis.  p.  405 

La  Vierge  en  adoration.          ...  >  406 

Église  de  Nieuport.  —  Plan »  424 

Id.                          Vue  d'ensemble.  »  424 

Id.                           Chaire  de  vérité.  »  425 

Vierge   de   Foiichères »  426 

Catherine   de  Clèves  (miniature) »  438 

David                                          Id.                   »  439 

La   Nativité                              Id.                     >  440 

Jésus  portant  sa  croix         Id.                   ..       ...  >  441 

Dieu  le  Père  et  Dieu  le  Fils     Id.             ?■  443 

La  porte  de  l'Enfer.                  Id.           »  445 

Le  Christ  Docteur                       Id.             •>  446 

Abb.  de  Vézelay. —  Grand  portail  de  la  nef.  »  449 

Id.                   Schéma                  Id.  »  450 

Id.                    Tympan   du   portail.  »  452 

Id.                   Chapiteaux  de  droite.  >■  457 

Id.                             Id.                gauche.  »  457 

Eglises  SS.  Jumeaux  et  SS.  Geosmes. —  Plan.  ,•>  462 


Trêves.   —   Église    Saint-Mathias,    crypte 
de  Saint-Euchaire. 
Id.  Id.  Id. 

Id.  Id.  Id. 

Fumes.  —   Peintures  décoratives  de  l'église 

Ste-Walburge  117  grav.).    pp 
Suisse.  • —  Chalet  de  la  vallée  de  l'Aar. 
Id.  Ferme  du  Mittelland. 

Id.  Chalet  au  pays  de  Lucerne. 

Id.  Une  rue  de  Berne.         

Id.  Chalet  du  canton  des  Grisons. 

In.  Maison  de  l:)ois  de  Thurgovie. 

Id.  Manoir    vaudois 

Diptyque  sacré  de  Genouls-Elderen.  (2  grav 
Église  paroiss.  de  Cambron.  —  Nef. 

Id.  Chœur.    .. 

1(1.  Tour. 

Id.  Entrée.    .. 

Id.  Vue  extérieure 


p. 

4ôb 

> 

467 

> 

468 

476? 

i  479 

p. 

481 

.  > 

482 

.  > 

483 

.  > 

483 

» 

484 

.  > 

484 

.  > 

484 

V.). 

501 

.  » 

302 

.  > 

503 

.  » 

503 

.    » 

503 

e  » 

503 

^  Table  par  noms  D'auteurs.  ^î- 


Arnoult  (.\ndré.) 
BEISSEL(Ét.),  s.  J. 
Brunelli  (Henri). 

Brvkczvnski  (A.).  ■ 
C.  — 

Calendini  (Louis). 
Ch.abeuk   (H.).  — 


Chappée  (J.).  — 
Cloquet  (Louis). 


DE  Farcv  (L.). 
De  p.  — 
F.  C.  — 
Ger.  - 
ger.spach.  — 


Hallays  (André). 


Musées  et   Bibliothèques  (Chronique) p.     255 

Un  Livre  d'Heures  appartenant  A  S.  A.  le  duc  d'Arenberg  à  Bruxelles.    ..  p.     437 
Notes  à  propos   d'une   fresque   que   l'on   croft   représenter  Jeanne  d'Arc, 

dans  l'église  de  Saint-Pétrone  h   Bologne  (Mélang^es; p.     222 

Vestiges  des  relations  des  moines  de  Citeaux  avec  la  Pologne  (  Id.  ).     ...  p. 

Travaux  des  Sociétés  savantes p. 

Correspondance  de  France p. 

Les  peintures  de  la  chapelle  S t- Léger  ,^  N.-D.   de  Beaune,  Côte-d'Or.     .  p. 

A  propos  de  fresques  (Mélant;es).         p. 

Autour  de  Jérusalem   antique  (   Id. p. 

Le  carrelage  de  l'abbaye  de  Champagne  (Sarthe) .        p. 

Vitrail  de  Maredsous p. 

Monuments  de  travers  (Mélanges) p. 

Saloirs  gothiques    (   Id.  ).         p. 

Le  style  néo-classique  et  le  nouveau  Bruxelles  (   Id.  ).           p. 

L'École  gantoise  de  St-Luc  et  l'exposition  des  travaux  de  ses  élèves  (   Id.  ).  p. 

La  Suisse  pittoresque   C   Ici.   )           p. 

Travaux  des  Sociétés  savantes pp.   52,  165, 

Bibliographie.          ...     pp.  76  à  So.  169  à  171,  237  à  242.  246,  328  à  337,  422  à  426,  498  h 

Périodiques pp.  327, 


Primitifs  français,   flamands  et  allemands  iClironique^ p. 

Nécrologie p. 

Un   atelier  pour  la   reproduction  des  anciennes  tapisseries  (Mélanges).  p. 

Bibliographie         p. 

Photographies  archéologiques  (Chronique^ p. 

Bibliographie p. 

Carnet  de  voyage.  —  Padoue,  Venise,  Cortina  d'Ampezzo,  Pieve  di  Cadore, 

Trévise,   Vicence pp.   14, 

L'Art  au  couvent  S.  Giuslo  aile  Mura  h   Florence p. 

Correspondance  d'Italie.  pp.  226,  317, 

Rome  nouvelle  (Chronique; p. 


162 

487 

47 

190 

28 

156 

349 
471 
3M 
3'6 
398 
400 
48 1 
232 

505 
506 

343 
260 

309 

234 

89 

328 

126 
356 
403 

347 


^able  Des  matières:. 


523 


Hki.big  (J.). 


L.  B.  — 

Legius  (L.-H.).  - 
Maître  (L.).  — 


Majocchi  (R.). — 
Martin  (Eug.)-  — 
MiGEON  (Gaston).  — 
MOLLAT  (G.).   — 
Pastoors  (L'ab.  A.)-- 
PlLLiON  (Louise).  — 
Reinach  (S.).  — 
R.  L.  — 
R.  M.   — 

ROULi.N  (,Dom  E.).  — 
Sanoner  (G.).  — 


SCHELLEKENS  (A.). 

Triger  (Robert).  - 
Veuillot  (Fr.).  — 


L'Adoration   des   Bergers  du   musée  de   Dijon.         .  

L'Kxposition   d'Art  ancien   à   Sienne 

La  peinture  décorative  au  moyen  âge. 

De    la    décoration    polychrome    du    mobilier    et    des    œuvres    plastiques 

dans  les  églises  :  à  propos  d'un   livre  récent  (Mélanges) 

Roc-Amadour  (   Id.   ) 

Biljliograpliie p^j.   O7,  6b',   167, 

Bibliograpiiie 

Liège.   —   Les  fonts  de   Lambert   Fatras  (Chronique).  

Les    confessions  et  les  cryptes  de  St-Ferréol  de  Besançon,   de  St-Marcel 

de  Châlon-sur-Marne  et  de  St-Vincent  de  Tournus.  

Les  monuments  chrétiens   d'Autun.  

Les  saints  Jumeaux  ou  les  saints  Geosmes  de  Langres.         

Trêves  et  ses  antiquités  chrétiennes.         

Les  vases  sacrés  du  Trésor  Giancarlo  Rossi  (Mélanges) 

Rational  et  Surhuméral  (  Id.  ) 

La  Tenture  de  Vi  Apocalypse  »  de  la  cathédrale  d'Angers  (Chronique). 

Deux   pèlerinages  au  Suaire  de  Chambéry-Turin  (Méhinges) 

Monographie  de  l'ancienne  cathédrale  de  Cambrai.         

Un   tympan  de  porte  à  la  cathédrale  de  Rouen 

Rogier  de  Tournai  et  Zanetto   Bugatto  (Chronique) 

Il'  Congrès  international  de  l'enseignement  du  dessin  à  Berne  (Chronique). 

Les  Concours  pour  le  Prix  de  Rome  (   Id.  ) 

Bibliographie 

Analyse  des  sculptures  de  la   façade   occidentale  de  l'église  de  l'abbaye 

de  Saini-Jouin   de   Marnes  (Deux-Sèvres) 

Église  de  St-Paul  de  Varax  (Ain).  Description  de  la  façade  et  des  portes. 
Description  delà  porte  occidentale  de  l'anciennç  cathédrale  Saint-Vincent 

de  Berne  (Suisse) 

Description   des  portails  de  l'église  St-Thibault  de  Thann  (Alsace).       pp. 

Portail  de  l'abbaye  de  Vézelay 

Étude  sur  les  dates  de  la  construction  de  l'église  et  de  la  crypte  d'Hastière. 

Correspondance 

Les  catacombes  romaines  (Chronique) 


p- 

93 

p- 

261 

p- 

473 

p- 

25 

p- 

2'3 

333, 

496 

p- 

421 

p- 

512 

P- 

'34 

p- 

279 

P- 

460 

p- 

463 

P- 

220 

P- 

29 

P- 

435 

P- 

157 

P- 

103 

P- 

181 

P- 

430 

P- 

510 

P- 

430 

P- 

69 

P- 

I 

P- 

144 

P- 

201 

292 

384 

P- 

448 

P- 

377 

P- 

161 

P- 

5'4 

abbaye.  Aulne,  417.  493  ;  —  Cambron,  416, 
502,  503  ;  —  Chaise-Dieu.  426  :  —  Cham- 
pagne, 349  ;  —  Chantenges.  3^2  :  --  Fié- 
malle.  97:  —  ijrançelve,  124:  —  iMarnes  (St 
Jouin),   1-13;    —  Mont-Saint-Michel.  513 

—  Muzon.   488  :  —   Nonnenbossche.  419 

—  Orval,  487,  489  :  —  Reichenau.  339  ;  — 
Saint-Geosme.  460  ;  —  Saint-Trond,  382  ; 

—  Saintes,  3.  11  :  —  Sens.  52,  54  ;  —  Vau- 
celles.  104.  119  :  —  Vertou  (St-Martin),  2  ; 

—  Vézelay.  448.  450  ;  —  Villers,  276,  420  ; 

—  Waulsort.  378. 

Abel  de  Sainte  Marthe,  architecte.  326.  415. 

Abou-el-Achem. catacombes  chrétiennes.  337. 

Académie  des  Imcriflions  et  Belles- Lettres, 
48,  165,  229.  408.  486  ;  —  royale  Sarchio- 
logie  d'Anvers,  232. 

Acy-en-Multien.  clocher.  417. 

Aelst  d'Ençhien.  tapissier,  51. 

Adam  et  Kve.  199. 

Adolphe  (buste  reliquaire  de  S.),  37. 

Adoration,  tableau  du  Titien.  14  ;  —  des  ber- 
gers, 93  ;  —  des  .Xfa^ei,  3S6. 

Afra  (ste),  388. 

Aisne,  église.  326. 

Agathe  (ste),  392. 

Agen,  église  Notre-Dame  des  Jacobins,  252, 

agneau, symbole  de  Moïse  et  du  Rédempteur. 
437  :  —  vase  eucharistique.  22t. 

Agnès  (ste),  20,  337.  387. 

nfnus  Dei,  337.  ^ 

Agricola  (s.),  135. 

Agusti.  peintre.  416. 

Aignan  (s.).  134. 

Aiguilhe.  chapelle  St-Michel.  332. 

Airvault.  restauration.  2. 

Aix,  Castella,  324  ;  —  musée,  loi. 

Aix-la-Chapelte.  trésor  d'art.  233. 

Aknin.  tapisserie.  337. 

Alberti.  architecte.  238. 

Albertinelli.  peintre.  375. 

Albi.  cathédrale.  416  ;    —  la  Daurade,  416 

—  église  St-Etienne.  416  ;  —  maisons  an 
ciennes.  432  ;    —  peintures  murales.  4F6 

—  pierres  tumulaires.  41a  ;  —  primitifs  ita- 
liens. 416. 

Alençon  (comte  d')  (sceau  du).  229  ;  —  église 
Notre-Dame.  253  ;  —  maison  d'Ozé,  252. 

Alexandrie,  cathédrale.  337  ;  —  phare.  417. 

Aliscamps  (sarcophage  des).  500. 

Alise  Ste-Reine.  inscription  latine.  48. 

Alost.  église  St-Martin.  176.  433. 

Alsemberg.  église.  326. 

Alvino.  architecte.  254. 

Amarin  (s.).  391. 

Amator  (s.  ).  280 

ambon.  500. 

Ambroise  (s.).  238.  295. 

âme  (représentation  de  1').  458. 

Amé.  architecte,  349. 

amict,  45. 

Amiens,  cathédrale.  328  ;  —  confrérie  du  Puy 
Notre-Dame.  328  ;  —  jubé.  328:  —  maitre- 
autel.  328  ;  —  peintures  murales.  329  ;  — 
place.  254  ;  —  porte  dorée,  189  ;  —  stalle, 
329  ;  —  tombeau.\  d'évêques,  328. 

Anastaise,  enlumineuse.  232. 


Andoche  (s.),  283. 

André  (s,  ),  148.  206.  302  ;  —  (statue  en  mar- 
bre de),  m  ;  —  de  Luxembourg  (tombeau 
d'),  109. 

Angelico  (fra),  peintre.  17,  28.  211.  276.  497. 

Angers,  cloître  St-Aubin.  148  ;  —  tapisseries 
anciennes.  310,311; —  de  1  apocalypse,  434. 

Anges  (les  neuf  chœurs  des). 212;  —  musiciens, 
294. 

.^ngicourt  (Pierre  d').  architecte.  254. 

Angkor  (Indo-Chine),  exploration  archéolo- 
gique. 408 

Angoulème.  cathédrale.  498  ;  — •  histoire  du 
théâtre,  325, 

Antiquaires  de  France  (société  desj,  48,  164. 
22g. 

antiquités,  chrétiennes.  463  ;  —  égyptiennes. 
326  :  ^gallo-romaines.  229,  323. 

Antoine  (s.).  154.  155.  392;  —  (statue  de). 
114  ;  —  ermite,  389. 

Antonello  de  Messines,  peintre.  463. 

Anvers,  cathédrale.  104  ;  —  maison  des  ton- 
neliers. 493  ;  —  Vierge  des  Fonts,  331. 

Apocalypse  (tentures  de  1'),  51. 

Apollonie  (ste).  288,  392. 

ApoIlonie-deà-Ponts.  fouilles,  48Ô. 

Apôtres.  -^48;  — (châsse  des  XII).  112;  — 
(martyre  des).  301. 

Apt.  église  Ste-.-\nne.  324. 

arbre  généalogique  de  la  maison  royale  de 
Portugal,  167. 

archéologie,  africaine.  76.  77  ;  —  chrétienne, 
76.  336.  500  ;  —  française.  329. 

architectes.  Abel  de  .Sainte  Marthe.  326.  415  ; 

—  Alberti.  228  ;  —  Alvino,  254  ;  —  Amé. 
349  :  —  .\ngicourt  (Pierre  d'),  254  :  —  An- 
tonio di  Giorgio  da  Settignano,  358  ;  — 
Baralle  (de).  120:  —  Benvenuto  délia  Cella, 
18  ;  —  Bérard  (E).  53;  —  Boileux.  t2o;  — 
Bordiau.  491  ;  Borella.  130,  131  :  — 
Boubé,  166;  —  Brocard  (H.).  461,  462;  — 
Brunellesco,  228;  —  Buontalenti  (Bern,), 
2ç6  :  —  Caumont  (de).  329  ;  —  Chambige. 
53'  338  ;  —  Cooman.  346.  493  ;  —  Darme. 
144.  145  ;  —  Deverin,  2-13  :  —  De  Wulf. 
347  :  —  Douillet.  255  :  —  Erwin  de  Stein- 
bach.  292  ;  —  Eoulques-Nerra.  177  ;  — 
Grenouillot.  85;  —  Hubert  (J  ).  78  ;  — 
Huwellin  ().).  78  ;  —  Langerock.  423;  — 
Langlais  (Jean).  427  ;  —  Lassus.  119.  125; 

—  Lenertz  (Vinc).  241;  —  Michelozzo. 
362  :  —  Morel  (Hugues).  426  ;  —  Morin. 
253  ;  —  Millier.  202  ;  —  Nicolas  de  Pise, 
339  :  —  Pace  da  Lugo  (fra),  130  ;  —  Palla- 
dio. 127.  131.  315;  —  Paoletti.  375;  — 
Perret.  145  ;  —  Pierre  de  Celle.  17T  ;  — 
Pierre  de  Montereau.  315  ;  —  Pisonti 
(Giust.).  254;—  Questel.  138;  —  Rains 
(Mich.).  78;  —  Rocque  (de  la),  85;  — 
Schmitz  (W.  ).  465  ;  —  Scopp  (Gilb.  ).  514  ; 
Selmersheim.  85  ;  —  Suisse.  64,  253  ;  — 
Talenti,  359;  —  Van  de  Poel  (Jean),  480  ; 

—  Villart  d'Honnecourt.  104.  119.  120  ;  — 
VioUet-Ie-Duc.  i.  53  55.  181.  285.  291.448. 
453.  494; —  Wehriin  (Hans),  293; — Winck- 
1er.  294,  296;  —  architectes  suisses.  322. 

architecture,  auvergnate  polychrome.  59  ;  — 
byzantine.  6^,  421  ;  —  carolingienne.  325. 
409  ;  —  chrétienne.  240  ;  —  française,  411. 


415;  — gothique.  417.  418;  — grecque.  410; 

—  militaire.  51;  —  des  missions.  506;  —  re- 
ligieuse, 427:  —  rituelle.  234;  —  romane,  i  ; 

—  usuelle  (1"),  172  :  —  (enseignement  de  1  ), 

5"- 

archives,  d'Harcourt,4i4;  —  Modène  (d'Etat). 
157  ;  —  Nuremberg  (royales).  172  ;  — 
Parme,  157:  —  photographiques  à  Florence, 
228  ;  —  "Toulouse  (municipales),  416  ;  — 
du  Vatican.  218. 

.-\rezzo.  fêtes  en  l'honneur  de  Pétrarque,  435. 

Arlay.  église.  412;  —  retable.  412;  —  statues. 

325- 

Arles.  Saint-Trophime.  i.  338.  427  ;  —  por- 
tail. 172.  498.  499. 

Arlon,  hotel-de-ville.  514  ;  —  musée,  493  ;  — 
nouvelle  église.  494. 

Armagh,  cathédrale.  432. 

armoire  eucharistique,  57. 

Arnould  (André).  256.  257. 

Arras,  Congrès  archéologique,  495, 

Art  (hautes  études  d'),  85.  176. 

art,  ancien.  261  ;  —  arabe,  326  ;  —  belge, 
330  ;  —  byzantin,  69,  194.  253.  326,  504;  — 
campanaire.  333  ;  —  chrétien.  144.  197  ;  — 
décoratif.  340  ;  —  ecclésiastique,  25  ;  — 
flamand.  65.  197;  —  flamand  bourguignon, 
65;  —  français.  48;  —  franco-flamand, 
343  '•  ~  gothique,  53,  418  ;  —  italien.  197  ; 
khmer,  208;  — khar,,(o8;  —  médiéval,  198; 

—  militaire.  327:  —  moderne,  447;  —  monu- 
mental du  moyen  âge.  241,  335  ;  — mosan. 
264;  — musulman.  243   —  naturaliste,  251; 

—  populaire,  251;  —  religieux,  4.47:  —  rhé- 
nan. 254.  419  ;  —  romain.  504  ;  —  roman. 
53-  332  ;  —  russe.  72.  320;  —  siennois,  262; 

—  suisse,  485  :  —  textile.  233  ;  —  troyen, 
425  ;  —  turc,  171  ;  —  (hautes  études  d'),  85. 

Art  et  Vaittel  {r),  80.  172  ;  —  sacré,  340. 

Arte  ( L' ),  172. 

artistes,  chrétiens.  178  ;  —  dominicains.  497  ; 

—  lorrains.  325  ;  —  malinois.  166  ;  —  re- 
mois. 325. 

Asciano  Condivi,  sculpteur.  317, 

Ascoli  Piceno,  chape  de  Nicolas  V.  435. 

Assise,  manuscrit  du  X I  Ve  s. .  172. 

Assche,  porche  de  l'église.  337. 

Assomption.  307. 

ateliers  monétaires  des  Gaules,  229. 

Athènes,  école  française. 230;  —  néerlandaise. 

49  :  —  origine  de  la  Monnaie,  486;  —  Par- 

thénon,  315. 
Attert.  église.  493. 
Aubry  (Gérard),  peintre,  325.  415. 
Audinet  (Stephan).  sculpteur,  414. 
Augustin  (S.),  loi,  29?,  389.  393  ;  —  .Société 

St-),  335- 
Aulnay.  église  Saint-Pierre.  3.  152. 
Aulne,  abbaye.  417.  493. 
autel  (décoration  de  1'),  26. 
autels  anépigraphiques  de  l'époque  celtique, 

324. 
Autrécourt.  fouilles,  324. 
Autun,  basiliques,  281  ;  —  cathédrale,  190  ; 

—  fouilles,  282  ;  —  monuments  chrétiens, 
279  ;  —  romains,  60;  —  portail,  5;  —  porte 
d'Arroux,  60  ;  — •  tour  de  Janus.  60  ;  —  tro- 
paire  manuscrit.  86  :  -  urnes  romaines. 
283. 


1904.  —  Xable  analytique. 


526 


IRcliue  lie  V^xt  cbictieu. 


Anxerre,  architecture  religieuse,  427  ;  —  ca- 
thédrale, 54,  55  ;  —  églises:  St-Eusèbe,  56  ; 
St-Germain,  55;  —  tapisseries  anciennes, 
309  ;  —  triforium  de  la  cathédrale,  65  ;  — 
vitraux.  55. 

Avallon,  église  St-Lazare,s6. 

Aveyron,  statues  menhir,  231. 

Avignon,  cloître  des  Célestins.  513. 

Avioth,  église  Notre-Dame,  487,  489;  —  por- 
tails, 490. 


B 


Babylone,  fouilles,  50. 

Baedeker  (guides  de),  78. 

Baerze  (Jacques  de),  peintre,  65,  93. 

Bamberg,  cathédrale,  33:  — comptes  du  Cha- 
pitre, 36;  —  rational,  40,  43;  —  tombeau 
des  évêques,  37  :  —  trésor,  36. 

banc  sculpté  du  XVV  s.,  275. 

Baralle(de),  architecte,  120. 

Barb.ai  (Jacopo  dei),  peintre,  19,  24. 

Barbarie,  château,  325. 

Barbe  iSte),  99.  392. 

Barot  (Pierre  Martin),  peintre,  325. 

Bartoli  (Tadd.  ),  267,  270. 

Bartolomeo  (fra),  peintre,  373,  375,497;  — 
(Martino  di),  peintre,  27. 

bas-relief  antique,  165. 

basilique  à  Jérusalem  (constantinienne),  97, 
80;  — Koekelberg,  337,  430;  —  Montmar- 
tre, 441  ; —  Pergame,  237; — Trêves  (Saint- 
Jean),  467,  468;  —  Worms  (St-Jean. Bap- 
tiste), 172  ;  — 

Bassano,  penitre,  127. 

Bataille  (Jean),  tapissier,  51,  312. 

Bavai,  vestiges  gallo-romains,  416;  —  hypo- 
caubte,  416. 

Bayeux,  tapisseries  antiques,  310. 

Beaulir-u.  église,  150,  253. 

Beaumetz  (Jehan  de),  pemtre,  65,  199. 

Beaune,  collège  Notre-Dame,  190;  —  église 
romane,  60:  —  fresques,  6t  ;  —  hôtel-Dieu 
61  ;  —  peintures  à  la  chapelle  St-Léger, 
190-200  ;  —  Spécimen  de  plomberie,  63  ;  — 
tapisseries,  51:  —  flamandes,  61,  190. 

Beauneveu  (André), imagier,  66;  —  (miniatu- 
res de).  51. 

Beauvaisis,  églises  rurales,  417. 

Beissel  (Et.),  233,  447. 

Bellecho-^e  (Henri),  peintre,  65,  199. 

Belleganibe,  peintre,  109. 

Bellin  (Juan),  peintre.  19.  24.  126.  127. 

Benedelto,  da  Brescia,  peintre,  361;  —  da 
Lucca.  peintre,  361;  —  da  Maiano,  sculp- 
teur, 365. 

Bénigne  (s.)  (tombeau  de),  285. 

Bening,  miniaturiste,  168. 

bénitier  f-n  bronze.  269. 

Benoit,  XI  (tiare  de),  17;  —  XIV,  44.160, 
440,   4^2. 

Benozzo  Gozzoli,  28,  29,  198,  226,  244,  362. 

Benvenuto  délia  Cella,  architecte,  18. 

Bérard  (K.),  architecte,  53. 

Bérénice  (ste).  79. 

Berghes  (Henri  de)  (tombeau  de),  108;  — 
Guillaume  (tombeau  de),  109;  —  Maximl- 
lien  (tombeau  dr),  109. 

Berlin,  bibliothèque  royale,  36;  —  galerie 
royale,  09;  —  musée,  16,  339, 

Bernard  (s.),  162,  351.  390,  453. 

Bernardin  de  Sienne  (s.),  267,  356. 

Berne,  201  ;  —  cathédrale  St-Vincent,  201, 
294  :  —  Congrès  international  de  dessin, 
510;  —  porte  occidentale,  201-210:  —  une 
rue,  483. 

Berthelé(J.),  257,  332. 

Berthold  de  Nuremberg,  peintre  et  sculpteur, 

339 
Besançon,  crypte St-Ferréol,  134. 
Besate,  tableau  de  Marco  d'Oggione,  226. 
Bethune  (le  b»"),  166,  178,  471. 
Beyrouth,  cathédrale  St-Jean,  422. 


Béliers,  église,  409. 

Bible,  de  Sl-Marlial,  ^i;—  f  Dictionnaire  de 

laj,  239. 
bibliothèque,  de  Berlin  (royale),  36;  —  Bres- 

lau,  230;  —  Bruxelles  (de  Bourgogne),  192; 

—  Cambrai  (du  Chapitre),   116;  —  Colo- 
gne, 345  ;  —  Turin  (nationale),  229,  257  ; 

—  (de  l'université),  178  ;  —Vendôme,  495. 
Binche.  collégiale  St-Ursmer,  346. 
Bissono  (Fr.  ),  peintre,  23. 

Blénode  de  Toul  (tombeau  de),  40. 

Blés,  peintre,  127,  403. 

Blois,  château,  62. 

Bobbio,  manuscrit  de  l'abbaye,  178. 

Boccardino.  miniaturiste,  364. 

Bocholt,  statues  antiques,  493. 

Boileux,  architecte,  120. 

Boine.  église,  332. 

Boissière.  peintre,  325. 

Bologne,  fresque  du  XV':  s.,  222  ;  —  pinaco- 
thèque. 364. 

Bonfigli  (Benedetto),  peintre,  227. 

Boniface(s.),  30.  44. 

Borella.  architecte,  130,  131. 

Borgo-san-Lorenzo,  église,  319. 

bornes  miliaires,  48. 

Boscherville,  église  et  chapiteaux,  181. 

Boston,  musée,  434. 
I   Botticelli,  peintre,  367. 
!   Boubé,  architecte,  166. 

Bouillon,  château,  487. 

Boulbon,  Christ  au  lambeau,  434. 
I    Boulin  (Arn.  ),  sculpteur,  329. 

Bourbons  (tombeau  des),  66. 
I    Bourdon,  peintre,  415. 

j   Bourges,  cathédrale,  189;  —  hôtel  de  Jacques 
sans  cœur,  343;  —  peinture  de  la  chapelle, 
I       343;  —  tombeau  des  Laubespine.  48. 
I   Bourgogne  (duc  de)  (comptes  du).  98  ;  —  ex- 
cursion de  laGilde  de  St-Luc,  166. 

Braibaut  (Jacques  de),  imagier,  109. 

Braun  (R.  P.),  233. 

Bray  (Ant   de),  peintre,  413. 

Breslau.  bibliothèque,  230;  —  manuscrit  de 
Froissard,  230. 

Briey,  calvaire,  325. 

Brocard  (H  ),  architecte,  461,  462. 

broderies  religieuses  (modèles  de),  233. 

Broederlam  (Melchior),  peintre,  61;,  93,   197, 

199.  343- 

bronzes  du  moyen  âge,  48. 

Brou,  église,  144. 

Broussole  (J.-C),  505. 

Bruc,  église,  52. 

Bruges,  éghses  :  Saint-Donatien,  242;  — No- 
tre-Dame, 493;  —  exposition  des  Primitifs, 
97-100  ;  —  gilde  des  libraires.  168  ;  —  hôpi- 
tal Si -Jean,  330;  —  restauration  architec- 
turale, 346;  —  salle  échevinale,  313. 

Brunellesco,  architecte,  228. 

Brunelli  (Henri),  peintre,  225. 

Bruxelles,  église  Ste-Gudule.  330,  414  ;  — 
loge  du  concierge  de  Ste-Gudule,  513;  — 
Musées  ;  Communal,  100  ;  —  du  Parc  du 
Cinquantenaire,  33  ;  —  royaux  des  arts  dé- 
coratifs, 501  ;  —  le  nouveau  Bruxelles.  398; 

—  palais  :  de  justice.  399  ;  —  royal,  398  ;  — 
Société  d'archéologie,  51,  326. 

Bruyn  iBart.),  peintre.  345. 

Bryas  (Jean  de)  (tombeau  de).  109. 

Brykczinski  (Ant.  ).  163. 

bucranes.  504. 

Buglioni  (Ken.),  peintre,  245. 

Bulletin,  nrchéologiqiie,  340  :  —  des  métiers 

d'art,  81,  337;  —    monumental,   171,  338, 

427,  506. 
Buis  (Ch.  ),  398. 
Buonconsiglio.  peintre,  133. 
Buontalenii  (Bern.),  architecte,  256. 
Burch  (Fr.  Van  der)  (tombeau  de),  112. 
Burgkmair  (Hans),  graveur,  167. 
Burgos,  cathédrale,  187. 
Burlington  m<igazine,  242. 
Bussy-Leltie,  église,  434. 


bustes  d'empereurs  romains,  326, 
Byzance,  palais  impérial. 


Cabrol  (Dont  V .),  500. 

Caen.  musée,  190. 

calices  en  or,  115. 

Calixie  II,  30,  35,  28^. 

Caloen(Dom  Gérard  van).  379. 

Calvaires  morbihannais,  172. 

Cambrai,  ancienne  cathédrale,  103  :  —  les 
21  chapelles,  rog  ;  —  chœur  et  sépultures 
des  évèques,  108  ;  —  clocher.  116  ;  —  clo- 
ches, 117  ;  —  constructions  successives, 
103  ;  —  dévastation,  117  ;  —  lioiloge  mo- 
numentale, III  ;  —  musée,  109  ;  —  œuvre 
définitive,  104  ;  —  plan,  105,  n8,  J2i,  122; 
. —  ruines,  118  ;  ^  Société  d'étude,  166  ;  — 
stalles,  108  ;  —  trésor,  114  ;  —  verrières. 
ic6;  —  vue,  107,  123. 

Cambron,  abbaye,  416.  502.  503  ;  — église, 
502  ;  —  tombeaux  gothiques,  416. 

Camerino,  chœur  de  l'église  des  Clarisses, 
227  ;  —  musée.  i;27. 

Canipin  (Robert),  peintre,  98. 

Campine.  églises,  493. 

Caporali  (Bart.  ),  peintre.  227.  245. 

Carmignaco.  église,  245, 

Carpaccio,  peintre,  22,  225. 

carreau  de  pavages,  229. 

carrelages  de  terre  émaïUée.  349  ;  —  vernis- 
sée, 5t. 

Carthage.  découvertes.  165,  326,  4_32  ;  — 
fouilles,  165;  —  insciiptions  funéraires  pu- 
niques, 486;  —  marques  de  céramiques 
grecques  et  romaines,  325  ;  —  sarcophage 
de  marbre  blanc,  50;  — sièle  de  terre  cuite, 
165  ;  —  théâtre  romain,  408  ;  —  topogra- 
phie, 408. 

Casier  (j.).  peintre. verrier.  471. 

Castagno  (Andréa  del).  peintre.  199. 

Castel-St-Élisé,  anibon.  500. 

Castillannès,  église.  252. 

catacombes,  79,  165. 

cathédrales,  d  Albi,  416  ;  — Alexandrie.  337  ; 
Amiens.  328  ;  —  Angers.  435  ;  —  Angou- 
lènie.  498  ;  —  Anvers.  104  ;  —  Armagli. 
432;  —  Autun.  60,  190  ;  —  Auxerre,  54, 
55,  65  ;  —   Bamberg,  33  ;   —   Berne,  201  ; 

—  Beyrouth,  422  ;  —  Bourges,  189  ;  — 
Burgos,  187; —  Cambrai,  103;  —  Ceri- 
gnola,  2.S4  ;  —  Chàlons-siir- Saône,  177, 
432  ;  —  Chartres,  346,  431  ;  —  Gand,  400, 
433;  -  Glascow,  238:  —  Laon,479;  —  Léon, 
321  ;  —  Liverpool,  514  ;  —  Lyon,  253  ;  — 
Maguelonne,  499;  —  Metz,  81;  —  Minden, 
45  ;  —  Monreale,  38  ;  —  Nevers,  513  ;  — 
Paderborn,  40;  —  Perpignan,  164;  —  Pise, 
28  ;  —  Puy,  422  ;  —  Ratisbonne.  36  ;  — 
Reims,  33,  34,  104,  189,  421 ,  489;  —  Rieux, 
164  ;—  Rouen,  i8i,  211,  299  ;  —  Sens,  53, 
59  ;  —  Torcello,  197  ;  —  Tournai,  330, 
4'7.  493  ;—  Trêves,  465  ;  —  Trévise,  126  ; 

—  Ulm,  397. 

Catherine  (sie),  statue  en  marbre,  m.  391  ; 

—  de  Sienne  (ste),  269,  356;  —  de  Clèves, 
437  ;  —  (livre  de  prières  de),  345. 

Caumont  (de),  architecte,  329. 

Celleneuve,  église,  409. 

Ceni-Melek.  enceinte  funéraire  chrétienne, 
229  ;  —  touilles,  229. 

céramique.  413  ;  —  clialdéenne,  231  ;  — 10- 
maine,  324. 

Cercle,  archéologique  de  Malines,  166;—  his- 
torique et  archéologique  de  Courirai,   166. 

Cerignola,  cathédrale,  254. 

Ceyssac.  église,  332. 

Chabeuf  (II  ).  29,  65,  157;  166,  200. 

chaire,  du  XVe  s.,  365  ;  —  du  XV1«  s,,  490  ; 

—  deRoucourt,  423  ;  —  triomphale,   424. 
Chaise- Dieu,  abbaye,  426;  —  église,  426. 
chalet  de  la  vallée  de  l'Aar,  481. 


Cable  analptique. 


527 


Châlons-sur-Marne,  église  Notre- Dame, 346  ; 

—  vitraux,  307. 

Châlons  sur-."!>aôae,  cathédrale,  177;  —  crypte 
St-Miircel,  134  ;  —  fonts  b^iptismaux,  432. 

Chambéry.  pèlerinages  auStSuaire,  157-160. 

Cliaiïibige.  architecte,  53,  338. 

Champagne  {carrelages  de  l'abbaye  de),  349, 
352  ;  —  église  abbatiale,  349.  352. 

Chainpfleur,  atelier  de  tapisserie,  312. 

Champtiol,  Chartreuse,  65. 

Changerai  (Jehan),  peintre,  199, 

chant  grégorien.  258. 

Chanieui^es.  abbaye,  332  ;  —  église,  332. 

Chantilly,  Heures  du  duc  de  Berry,  196  ;  — 
musée  Coudé.  48. 

chapiteaux-,  liistoriés.  59  ;  —  à  Marnes,  9, 
11;  — à  St-Paul-de-Varax,  152;  —  à  Vé- 
zelay.  452.  457  ;  —  du  XI V^  s..  489. 

Chappée(J.).  355. 

Chareil-Cinerat,  épitaphes  sacerdotales,  506. 

Charlemign-;  f  C^tptiuLiires  de ),  408,  411. 

Charle-;.  V  (statue  de).  434  ;  —  VII,  310  ;  — 
le  Téméraire  ( noces  de),  98;  ^  (portrait 
de).  195  ;  —  liorromée  (s.  ),  130,  157. 

Charlieu,  église,  332. 

Chartres,  cathédrale.  346.  431  ;  —  clocher 
vieux.  85  :  —  cryptes  de  la  cathédrale.  172; 

—  portail,  9;  —  vitrail,  186. 

châsse,  eu  argent,  log.  110  :  —  en  émail  de 
Limoges.  XI  lie  s.,  87- 

chasuble  du  XVI"  s.,  2Ô4. 

chAteau,  des  Amerois,  487,  488  ;  —  de  Bar- 
barie. 325  ;   —  Bouillon,  487;  —  Flotte. 

494  ;  —  Gand  (des  comtes).  335  ;  —  Her- 
chies,  416;  —  Herzele,  493  ;  —  Karlstein, 
16  ;  —  Langeais,    177,  368  ;  —   Lavardin, 

495  ;  —  Munte,  316  ;  —  Neuvic,  52  ;  — 
Pescau.  413  ;  —  Pierrefont.  347;  —  Poncé, 
494;  —  Parlo.  339:  —  Pujols,  420  :  — Sar- 
zay.  171  ;  —  Saumur.  229;  —  Thoisy,  325, 
412;  —  Turnouth.  493:  —  Vinciligata,  228. 

Chateaudun.  vitraux.  326. 

Chelles,  cimetière  raévovingien,  324. 

Chêne  (Motre-Dame  du),  47. 

Chaquet  (Pierre  Adrien),  peintre,  325. 

Christ,  adoration  des  bergers,  73;  386  ;  — 
circoncision,  305  ;  — à  la  colonne,  403;  — 
crucifixion.  99,  100.  370-374; —  déposi- 
tion de  la  croix,  373.  404; —  fuite  en 
ïtgypte,  306  ;  —  image,  48  ;  —  au  jardin 
des  oliviers,  370  ;  —  mort.  386  ;  —  nativité, 
384,  440;  —  parmi  les  docteurs,  307;  — 
passion,  206;  — portement  de  croix, 441  ;  — 
au  tombeau.  434  ;  —  transfiguration,  373. 

Christophe  (s),  224,  267. 

Cimabué,  peintre.  243. 

cimetière  mérovingien,  243. 

circoncision.  305. 

Clteaux  (églises  de),  351. 

Citta  di  Castel'o,  église  San  Francesco,  196. 

Civrai,  église  Saint-Nicolas.  3,  13. 

Claire  fste).  392. 

Clément.  Il  (pierre  tombale  de).  33  ;  — 
VI  (effigie  couchée  de),  426  ;  —  VII,  160  ; 
-  IX.  3.S7. 

cloches,  à  Cambrai,  irô,  117;  —  du  Villes., 
332  :  —  (Paléographie  des),  333. 

clocher,  à  Acy  en  Multien.  417  ;  —  Cambrai, 
2  ;  —  Dinant.  337  ;  —  octogonal,  57  ;  — 
porche  roman,  171;  —  romans,  409:  — 
du  XIIU  s. ,  171  ;  —  technique  du,  334. 

Cloquet.  76-81,  169-171,  232,  238-241.  246. 
3t6.  329-334.  344.  398,  422.  471,  485.  500, 
502.   505,  506. 

Clouet  (fiabriel),  sculpteur.  108. 

Cluny.  églises.  35:  ;  —  maison  du  XI*=  s..  72. 

codex,  de  l'abbaye  d'Elnone,  38;  —  litur- 
gique du  XII«  s.,  30. 

coffret  byzantin  du  IXe  s.,  502. 

coiffure  du  XV^  s, .  357. 

Colas  (Alph.),  peintre,  325. 

collégiale,  à  Douai,  166,  171  ;  —  Mons  (Ste- 
Waudru).  78  ;  —  Soignies.  493  ;  —  Ville- 
franche,  165. 

Colmar,  musée,  390. 


Cologne,  bibHothèque,  365. 

colombe  eucharistique,  221. 

colonne  du  temnle  de  Jérusalem,  240. 

Colonne,  église  Ste- Marguerite,  434. 

Commisûon  royale  des  7nonuments  de  Belgi- 
que, 491. 

communion  (Souvenir  de  ire),  335. 

Comodilla  (catacombes  de).  253. 

Conegliano  (  Luca  de),  peintre,  336. 

Con^rèi,  d archéologie  et  d'hi-itoire  de  Dî- 
nant, 41g; —  d'arckéola^ie  de  Namur.  228; 

—  arche ilogiq ne  d'Arras,  495  ;  —  archéo- 
logique du  Afafii,  416; —  archéologique  de 
Poitiers,  79  ;  —  international  de  desnn  à 
Berne,  510; —  international  des  architec- 
tes  à  Madrid,  345  ;  —  Mariai  de  Rome, 
348  ;  —  des  Sociétés  savantes  à  la  Sorbonne, 
50,  323.   409,  410. 

Conrad  de  Loest,  peintre,  345. 

Constantin,  156. 

Çonstantinople.  Ambon  de  Ste-Sophie.   500  ; 

—  constructions  civiles,  171; —  églises, 
171  ;  — jardins.  71;  —  maisons  anciennes, 
421  ;  —  mosaïque  de  Ste-Sophie,  73. 

Coomans,  architecte,  346,  493. 

coq,  du  clocher,  230.  237;  —  (symbolisme 
du),  238. 

Corbie  (sacramentairede).  32. 

Cordes,  porte  de  l'enceinte,  420. 

Correspondant  archéologique,  427. 

Corroyer  (E.  J.),  nécrologie,  260, 

costume  (histoire  du),  52,  239. 

Coubon.  cryptes  romaines  et  église,  332. 

couronnement  de  M  irie,  308. 

Courtrai,  Cercle  archéologique,  166; — -église 
St-Martin,  176  :  —  Notre-Dame,  433. 

Coutan  (le  D""),  loi. 

Coutances.  église  St-Pierre.  85. 

Crafman  ftltej,  244,  506. 

Cranach,  peintre.  365. 

Crâne  (Walter),  !;o4. 

création  (la),  298.  299. 

Creil,  église  St-Evremond,  506. 

Crète,  monumentsdécouverts,  49. 

croisées  d'ogives,  417,  418. 

croix,  d'absolution,  324  ;  —  antique,  254  ;  — 
en  bois  d'olivier  du  IX'^  s.,  115  ;  —  byzan- 
tine, 32Q,  486; —  (invention  et  exaltation  de 
la  Ste),  70  ;  ^  de  Lorraine.  324  ;  —  d'or, 
115  ;  —  pectorale.  34;  —  (la  sainte),    \<^6  ; 

—  sépulcrale.  495  ;  —  stationnales,  263  ; 

—  triomphale,  252,433:  —  en  vermeil,  115. 
crucifix,  en  bronze,  196  ;  —  de  Michel- Ange, 

317-  . 

crucifixion,  99,  100,  371-374. 

cryptes  de  Besançon,  134;  —  de  Châlons- 
sur-Saône.  134;  — •  de  Dijon.  285  ;  —  de 
Langres,  460  ;  —  de  Saulieu,  284;  —  de 
Tournas.  134  ;  —  de  Trêves.  465. 

cryptographie  apostolique  (genèse  de  la),  234. 

Cuges,  trou  des  morts,  408. 

Cuivre  (industrie  du),  419. 

Cunégonde  (ste).  391. 


Daddi  (Bern.),  peintre,  243. 

da  Fabriano  (Gentile),  peintre,  196,  227. 

dalles  funéraires.  331. 

Damme,  église.  330. 

Daniel,  206, 

Daphni,  monastère  de  S.  Simon  stylite,  70. 

Daret  (Jacques),  peintre,  98. 

Darme.  architecte,  144,  145. 

Darmstadt,  musée.  344. 

da  Settignaao,  architecte,  358. 

David,  209.  439- 

décor  (le),  170. 

décoration  polychrome  du  mobilier  des  égli- 
ses, 25. 

découvertes  archéologiques,  à  Arlon,  514  ;  — 
Carthage,  i6s.  326.  408,  432;  —Crète,  49; 
—  Euzies,  486  ;  —  Gand,  347  ;  —  Milmont. 


348  ;  —  Mouvion,  48  ;  —  Poitiers,  514  ;  — 
Sahara,  49  ;  —  Sousse,  322  ;  —  Vers,  219; 

—  préliistoriques,  325. 

délia  Bruna  (Dioniède).  peintre,  227. 

Délos,  fouilles,  4g,  165,  408,  486;  —  mosaï- 
que. 486. 

Delplies,  colonne  d'acanthe,  486  ;  —  feuil- 
les, 165. 

dei  Sarto  (Andréa),  peintre,  367,  375  ;  — 
sculpteur,  360. 

Déposition  (U),  373,  404. 

de  San  Severino  (Judicio),  sculpteur,  227. 

Deux-Acren,  église,  493. 

Deverin,  architecte,  2-13. 

Devriendt  (J.  ),  peintre.  346,  513. 

De  Vieez  (Arnould),  pi-intre,  241, 

De  Wulf,  architecte,  446. 

Dictionnaire  d' archéolo^e  chrétienne,  tj  ,  — 
de  la  Bible,  yj,  23g. 

Didelot  (collection),  257, 

Didron  (E. ),  198.  440,  442. 

Dier-el-Bahari,  fouilles,  486. 

Diest.   église   St-Jean,  335,    493;   — choeur, 

335- 

Dieu,  en  majesté,  446  ;  —  le  Père,  99. 

Dijon,  adoration  des  Bergers,  93  ;  —  beffroi, 
64  ;  —  crypte,  286-288  ;  —  décoration  mu- 
rale, 88  ;   —  églises  :   St-Benigne,  64,  28^  ; 

—  St-Jean,  66.  87  ;  —  St-Michel,  64  ;  — 
St-Philibert,  253  ;  —  Notre-Dame,  63.  65  ; 

—  hôtel  Boucher,  89  ;  —  musée  62,  93, 
193.  196  ;  —  palais  des  ducs  de  Bourgo- 
gne, 63  ;  —  peintures  murales,  28  ;  — tom- 
beau de  S.  Bénigne,  285;  —  vitraux,  66,  87. 

dinanderies,  505. 

Dinant,  505  ;  —  clocher,  337,  494;  —  Congrès 
d' histoire  et  d' archéologie,  419. 

délia  Bruna  (Diomède),  peintre,  227. 

diptyque  de  Melun,  322. 

Djebel,  monument  funéraire,  232;  —  voies 
anciennes,  4g. 

Dôle,  autels  anépigraphiques,  324,  409. 

Dominicains  (ordre  des),  15,  67,  496  ;  — 
(peintres  chez  les),  45;  —  (portraits  de),  i6. 

Dominique  (S.  ),  15. 

Donaueschingen,  stèles  funéraires,  409. 

Douai,  collégiale  St-Aimé,  166  ;  —  St-Pierre, 
171. 

Douillet,  architecte,  255. 

Dresde,  musée,  344. 

Duccio.  peintre.  245.  267  ;  —  (Agerts).  sculp- 
teur et  architecte,  404. 

Dunwegge,  peintre,  345. 

Durand  (G),  328. 

Diirer  (Alb. ),  peintre,  243,  339. 

Dusseldorf.  Exposition  des  primitifs  aile- 
7nands,  344. 


Ebode,  tombes  antiques,  230. 

école,  flamande  de  peinture,  ici  ;  —  des  hau- 
tes études  d'art,  85.  251  ;  —  néerlandaise 
d'Athènes,  49;  — romane  d'architecture  re- 
ligieuse, 50  ;  —  St-Luc,  400  ;  —  siennoise 
,  de  peinture,  276. 

Ecosse,  premiers  monuments  chrétiens,  i6g. 

Edouard    (s.),   3Q2. 

Effort  [V],  172.  427. 

église,  à  Afsné,  326  ;  —  Agen,  252  ;  —  Air- 
vault.  2  ;  — Albi,  416  ;  —  Alençon,  252  ;  — 
Alost,  176,  433  ;  —  Alsemberg,  326  ;  — 
Apt.  324  ;  —  Arlay,  412  ;  —  Arles,  338, 
427  ;  —  Arlon,  4g4  ;  —  Assche,  337  ;  — 
Attert,  493  ;  —  Aulnay,  3,  152;  —  Auxerre, 
56  ;  —  Avallon,  56  ;  —  Avioth,  487,  484  ; — 
Beaulieu.  150,  253;  —  Beaune.  60.  igo  ;  — 
Berne,  294  ;  —  Béziers,  40g  ;  —  Binche, 
■  Borgo  san  Lorenzo,  319  ;  —  Borne, 


—  Boscherville,  181; 


Brou, 


t44: 


34" 
332 

Bruc,  52  ;  —  Bruges,  242,  493  ;  —  Bruxel- 
les, 330,  499  ;  —  Bussy- Lettre,  434  ;  —  Ca- 
merino,  217  ;  —  Campine,  493  ;  —  Carmi- 


528 


îRcbur  tic  rart  chrétien. 


gnano,  245  ;  —  CastiUonnès,  252  ;  —  Cel- 
leneuve.  409  ;  —  Ceyssac,  332  ;  —  Chaise- 
Dieu,  426  ;  —  Châlonssur-Marne,  346  ;  — 
Chamenges,  332  ;  —  Charlieu,  332  ;  — 
Citlà  di  Castello,  196;  — Civrai,  3-13;  — 
Constantinople,  171  ;  —  Coubon,  332  ;  — 
Courtrai,  176.  433  ;  —  Couiances,  85  ;  — 
Creil,  506  ;  —  Damme,  330  ;  —  Ueux- 
Acren,  493  ;  —  Diest,  335,  493  ;  —  Dijon, 
63,  64.  65,  87,  253,  285  ;  —  Espandeilhan, 
409  ;  —  Essen,  179  ;  —  Florence.  245,  407  ; 

—  Fontevrault,  85  ;  —  Furnes,  443;  — 
Gournay  en  Bray,  78  ;  —  Grimde,  433, 
493;  —  Hastière.  377;  —  Hautem-St-Lié- 
vin.  433  ;  —  Hôpital  sous  Rochefort,  332  ; 

—  Jérusalem,  157;  — Kalkar,  345;  —  Koe- 
kelberg,  337:  —  Lassaye.  86;  —  Lavardin, 
495  ;  —  Legri,  403  ;  —  Liège,  493  :  —  Lis- 
seweghe,  330;  —  Lobes,  417  ;  —  Lodève, 
409  ;  —  Longueil-Annel,  253;  —  Loupéan, 
409  ;  —  Louvain,  330,  433  ;  —  Labeek, 
239;  —  Maastricht,  330  ;  —  Maignelay, 
426  ;  —  Maillezais,  2  ;  —  Marnes.  1-13  ;  — 
Mans.  161  ;  —  Marsac,  52  ;  —  Marseille, 
417  ;  —  Melle,  3  ;  —  Minden ,  31  :  —  Mimi- 
san.  422  ;  —  Moissac.  9  ;  —  Mons.  78  ;  — 
Monl-devant-Sang,  340  :  —  Montreuil  sous 
bois,  171;  —  Mouzon.487.488;  — Mulhouse. 
432  ;  —  Munich.  172  ;  —  Mussidan.  52  ;  — 
Neufcliâteau.  83  ;  —  Nieuport.  422  ;  — 
Nogent  le  Rotrou.48;  — Noirétable,  332;  — 
Padoue.  197:  — Paris. 418;  ^  Parthenay-le- 
Vieux.  3-9  ;  —  Poitiers,  3.  7  ;  —  Pontau- 
bert,  56  ;  —  Pontigny,  60  ;  —  Poperinghe, 
330,  493:  —  Quarante.  499;  —  Reims.  125, 

—  Saint-Astier,  52  ;  —  Saint-Christophe, 
332:  — Saint-Émilion.  52;  —  Saint-Fergeux. 
135  ;  —  Samt-Galmier,  332  ;  —  Saint-Guil- 
hem  le  désert,  409  ;  —  Saint-Haon.  332  ; 
— •  Saint- Hubert.  433.  487-494;  —  Saint- 
Jacques  des  Guérets.  495  ;  —  Saint-Jean  de 
la  Ruelle,  253  ;  —  Saint-Jouin  de  Marnes. 
150;  —  Sainte-Marie  des  Anglais.  78  ;  — 
Saint-Martin  de  Mazerat,  52;  —  Saint- Mar- 
tin la  Sauveté,  332  ;  —  Saint-Paul-de- 
Varax,  144,  155  ;  —  Saint-Père-sous-Véze- 
lay,  57,  58  ;  — Saint-Quentin,  433;  — Saint- 
Trond,  482  ;  —  Saint- Vaast,  493  ;  —  .Saint- 
Vidal,  332  ;  —  San  Quirico  in  Osenna,  244  ; 

—  Saulieu,  59,  285  ;  —  Saumur,  415  ;  — 
Semur,  56  ;  —  Sérignan,  409  ;  —  Soignies, 
493  :  —  Sourzac,  52  ;   —  Strasbourg.  434  ; 

—  Ternay.  332  ;  —  Thann.  201,  292.384  ; 

—  Tieghem.  166  ;  — -  Tirlemont,  433  ;  — 
Toulouse.  I  ;  —  Tournai.  64.  330  ;  —  Tour- 
nus.  134-142.  177,  338  ;  —  Tréhns,  332  ;  — 
Trévise,  18  ;  —  Troyes,  80  ;  -—  Urbin, 
172  ;  —  Valenciennes,  104  ;  —  Vandeins, 
147  ;  —  Varennes-le-Grand,  412  ;  —  Ven- 
dôme, 495  ,  —  Vérone,  199  ;  —  Verrières, 
332;  —  Vézelay,  i,  58,  65;  —  Vicence,  129- 
131  ;  —  Vivain.  351  ;  —  Vouvant,  3  ;  — 
Waermaerde,  166  ;  —  Walcourt,  176,  433  ; 

—  Westcapelle,  433  ;  —  Ypres,  64,  330, 
346. 

églises,   cisterciennes,  351  ;  —    clunisiennes, 

351  ;  —  gothiques,  27;  —  peintes,  26,  81. 
Ehrard-Kung.  sculpteur.  203, 
El-Anirouni.  mausolée  néo-punique,  487. 
Elisabeth  de  Hongrie  (ste)  (cœur  de),  110. 
Ebi  (s.  ).  393. 

Emmeran  (supplice  de  s.),  388. 
encolpion,  34. 
enfer  (porte  de  1'),  445. 
Enlart  (E.  ).  329.  422. 
enlumineur.  168,  232. 
épées  en  fer.  en  bronze.  324. 
Ephèse.  fouilles.  165. 
épi  en  fer  forgé.  62. 

fpine.  beffroi  et  clocher.  333. 
rasme,  251  ;  —  (s.),  (supplice de).  387. 
Errard  (Ch.  ).  peintre,  413. 
Errwein  de  Steinbach,  architecte,  292. 
Espagne,  monuments  ibériques,  321. 
Espondeilhan,  église,  409. 


Essen,  abbatiale,  179. 

Étampes,  portail,  498. 

Etienne  (s.),  281.  388  ;   —  (martyre  de),  199. 

Euchaire  (s.).  469. 

eurythmie.  76. 

évangéliaire  du  XI1<^  s..  60. 

évangélistes  (les).  298. 

Everts  (Jean),  peintre,  251. 

Evre.  abbatiale.  17t. 

exposition   d'art   ancien  à  Sienne.  261  ;     — 

des  maîtres  anciens  à    Bruges.  97-100  ;   — 

des  primitifs  allemands  à  Dusseldorf.  344  ; 

—  des  primitifs  français.  87.  343. 
Eyck  (Jean  van),    peintre,  16.  96.  98,  99,  242. 

343.  409- 


Fantozzi,  architecte.  317. 

Farcy  (L.  de).  51.  314. 

Fauron  (M.).  416. 

Faustin  (s.).  221. 

Fauvel  (Pierre),  orfèvre,  328. 

Femmes  (les  Stes),  387. 

Fénelon  (ostensoir  de).  116;  —  (tombeau  de), 
109. 

Ferreol  (s.).  134. 

Ferrier  (Gabriel),  peintre,  319. 

Ferrucien  (s.),  134. 

Ferté-Milon,  bas-relief,  48. 

Feuillen  (buste  reliquaire  de  s.),  419. 

Fierens.  85. 

Firmin  (s.).  392. 

Flavius  Emilius,  procureur  d'Afrique,  48. 

flèche  en  charpente.  88  ;  —  en  pierre,  56  ;  — 
en  pierre  grise,  105  ;  —  en  poire,  494. 

Flémalle,  abbaye  cistercienne,  97. 

flore  décorative.  St. 

Florence,  archives  photographiques,  228  ;  — 
l'art  au  couvent  de  San  Giusto,  356  ;  — 
compagnie  de  Gesù  pellegnno.  ^45  ;  — 
couvent  de  Jésuates.  358  ;  —  Crucifix  de 
Michel- Ange,  317  ;  —  David  de  Michel- 
Ange,  404  ;  —  découverte  de  dessins  de 
Michel-Ange.  228,  318  ;  —  diagramme  mu- 
sical, 322  ;  —  églises  ;  de  la  Badia,  245  ;  — 
del  Carmino.  407  ;  —  fresques.  226,  375. 
407  ;  —  Madone.  217  ;  —  manuscrits.  364  ; 

—  monnaies  du  XV':  s.,  359  ;  —  musées  et 
galeries.  256,  318.  405,  406  ;  —  nouvelle 
façade  du  Dôme.  227  ;  —  ordre  des  Jésua- 
tes, 357  ;  —  pal.ais  .Médicis,  29  ;  —  peintu- 
res, 362  ;  -  portes  de  bronze,  228  ;  —  pré- 
delle  de  \' Adtiration  des  jnages,  227  ;  —  ta- 
bernacle du  XVI=  s.,  375  ;  —  sur  rue,  404; 

—  tapisseries,  318  ;  —  terres  cuites,  245  ;  — 
vitraux,  300. 

Florent  (s.).  142. 

Florentin  (Doni.  )  sculpteur,  65. 

Fly,  abbaye  St-  Germer.  78. 

FogaUno  (Maccello).  peintre.  133. 

fondeurs.  (îiiles  de  Grumelleniont.  io8  ;  — 
Michel  (f  ).  333,  334  :  _  du  V11I<:  s.,  332. 

Fontainebleau,  théâtre.  323. 

Fontevrault.  église  romane,  85. 

fonts  baptismaux,  à  Châlons,  432  ;  —  histoire 
et  classification  des),  52  ;  —  à  Huy,  164  ;  — 
Liège  (St-Barthélemy),  326,  434,  512  ;  — 
Murano,  52  ;  —  Pise,  52  ;  —   l^oitiers,  77  : 

—  Venise,  52  ;  — 

Forez  (monuments  du).  332. 

Forum,  fouilles.  251. 

Fouchère.  Vierge  en  pierre,  425. 

fouilles,  Autrécourt,  324  ;  —  Autun,  282  ;  — 
Babylone,  50  ;  —  Barbarie,  325  .  —  Bayon 
d'Angkor-Thom,  321  ;  —  Carthage,    165  ; 

—  Cerne-Mélek,  229  ;  —  Chartres,  346, 
431;  —  Délos,  49,  165,  408,  486;-  Delphes, 
1Ô5  ;  —  Dier  el  Bahari,  486  ;  —  Ephèse, 
165  ;—  Fréjus  ;  164  ;  — Gighti,  48  ;  —  Gran- 
selve,  324  ;  —  Ithaque,  49  ;  —  Latinnes, 
327  ;  —  Madaba,  166  ;  —  Osuma,  321  ;  — 
Paris,  230  ;  —  Pau  sur  Heure,  48  ;  —  Per- 
se, 231  ;  —  Philippopolis.  165  ;  —  Prévaut, 


229  ;  —  Rome,  251,  253  ;  —  Saint-Marcel, 
323  ;  —  Saint-Moré,  124  ;  —  Sens,  164  ;  — 
Tehneh,  322  ;  —  Tell  ),  50,  230  ;  —  Tral- 
les,  230  ;  —  Tunisie,486  ;  —  Vannes, 323; — 

Vodecée.  419. 

Foulques  de  N'erra,  architecte,  177. 

Fouquet  (Jean)  (portrait  de),  322,  408. 

Francfort,  musée  Staedel,  97. 

Franciabigio,  peintre,  376. 

Franck  le  Vieux,  peintre  127. 

François  (S.),  390  ;  -I",  157-158  ;  —de  Hal- 
luin  (tombeau  de),  328. 

Francqueville  (A.  de),  335. 

Fréjus.  fouilles  et  amphithéâtre.  164. 

fresques,  à  Beaiine,  61  ;  —  Bologne,  222  ;  — 
Florence,  226,  375  ,407  ;  —  Montoire,  495 
Otana,  336  ;  —  Padoue,  362  ;  —  Pise,  226  ; 
—  Poncé,  494  ;  —  Prato,  407  ;  —  Rome, 
515  ;  —  Saint-Jacques  des  Guérets,  495  ;  — 
Trévise,  142;  —  Varen nés  le  Grand,  325;— 
(Conservation  des),  28. 

Frey,  graveur,  226. 

Fribourg. anciens  vitrauxde  la  cathédrale. 233. 

Fridolin  (s.),  390. 

Fioissart  (miniature  du  manuscrit  de),  230. 

Froment  d'Avignon,  peintre,  319,  344. 

fuite  en  Egypte,  306. 

Furnes,  église  St-Walburge,433  ; —  peintures 
décoratives,  476  480. 


Gabriel  d'Antonio,  orfèvre,  265. 

Gaddi  (.^ug.  Tad.j.  243,  475.. 

Galata,  couvent  de  S.  Benoît,  421. 

Galgano  (san)  (reliquaire  du  chef  de).  271.273 

Gall  (s.  ),  390. 

Gallia  christiana,  470  ;  —  dotninicaîia,  496. 

Ga.nd,  Adoraiio/i  des  Bergers,  94;  —  ancien 
béguinage,  493  ;  —  catliédrale,  400,  433  ; 
—  château  des  Comtes,  335  ;  —  découver- 
te archéologique.  347  ,  —  école  St-Luc, 
400  :  — hôtel  de  ville,  400  ;  —  maisons  an- 
tiques, 327  ; — Société  d' kisloire  et  d^ archéo- 
logie, 326  ;  —  Spycker,  346  ;  —  voûtes  la- 
pidaires de  St-Bavon.  330. 

Gaules,  ateliers  monétaires,  229. 

Geerrtgen  tôt  S.  Jans,  peintre,  338. 

Genève,  298. 

Gènes,  façade  inclinée  de  St-.-\mbroise,  169. 

Genoels-Elderen,  diptyque  sacré,  501. 

Georges  (s.),  225,  390,  392, 

Géorgie  orientale,  objet  antique  en  argent, 
166. 

Geosnes  (les  ss.  ).  460. 

Gérard  I  de  Florines.  103  ;  —  II.  103  ;  —  de 
Harlem,  peintre,  80,  193. 

Germain  Pilon,  sculpteur.  251. 

Gerspach,  76,  228,  319,  37Ô,  404,  407. 

Gheel,  lutrin  en  laiton,  493. 

Gheralpe.  peintre,  363, 

Ghirlandaio,  peintre,  365,  367,  475. 

Ghirza,  nécropoles,  49. 

Giacomo  de  Giovanni,  267. 

Giancarlo  Kossi  (trésor  de),  220. 

Gighti,  fouilles,  48  ;  —  mosaïques,  49. 

Gilde  de  St-  Thomas  el  St-Luc,  52,  i66. 

gildes  (organisation  des).  166. 

Giotto,  peintre.  185.  197.  245,  362,  365. 

Giovanni.  Agnolo  da  Montoroli,  peintre. 360; 
— da  Milano.  mécanicien.  361;  —  di  Paolo. 
peintre.  276  ;  —  da  san  Giovanni,  peintre, 
376  ;  —  (Stefano  di),  peintre,  293. 

Girolamo  da  Frcvezo,  peintre,  126. 

Ciislebertus,  imagier,  5. 

Cîiuffre  (Franc),  peintre.  403. 

Giuliano  da  Firenze.  peintre.  361. 

Glascow,  cathédriile,  238. 

gobelets  longobards  profonds,  221. 

Godyear,  315. 

Goes  (Hugo  van  der),  peintre,  96.  197.  339. 

403- 
Gois  (les),  sculpteurs.  325. 


Cable  analpttque. 


529 


Goiidea  (statue  de),  ;o. 
Goujon  (Jean).  411. 
Gournay  en  Bray,  église.  /8. 
graffiti  nabatéens.  230. 
Gravacci  (  Franc.  ),  peintre,  360. 
Grand-prêtre  (costume  de),  239. 
Grandselve,  abbaye,  324  ;  —  fouilles,  324. 
Grandvilliers,  inscriptions  tumulaires   et  cam- 

panaires,  325. 
Gravet,  peintre,  326. 
gravures  rupestres,  49. 
Grégoire  le  Grand  (s.),  238.  294;   —  (statue 

de),  33- 
Grenouillot,  architecte.  85. 
Grignoles.  ruines  de,  52. 
grille  du  XIII'  s.,  78  ;  —  en  fer  forgé,  268. 
Grimde,  église.  433.  493. 
Grisar(le  R.  P.).  220. 
Grisons  (chalet  des).  484. 
Grumellemont  (Gilles  de),  fondeur,  108. 
Guelvia  (inscription  de),  48. 
Guéranger  (Dom),  258. 
Guido  de  Sienne,  peintre.  267. 
Guigonis,  peintre,  326,  413. 


H 


habitation,  byzantine, 09,  421  :  — syrienne, 70. 

[ladrurnète.  catacombes  chrétiennes,  165. 

Hallaus  (.André).  85.  347- 

Havicque  (Hubert),  sculpteur.  113. 

harmonie  de  proportion.  76 

hanse  teulonique  (Dinant  dans  la),  505. 

Harcourt.  archives  du  duché.  414. 

Hastière.  église  et  crypte,  377  ;  —  plan  ter- 
rier, 380  ;  —  stalles  de  XVi:,  382  ;  —  vue 
intérieure,  38t. 

Hautem-St-Liévin,  433. 

Hedwige  (la  Reine).  42. 

Helbig  (.1),  28,  68,  69,102,  120,  169,  170,220, 

233.  23+.  278.  476-  -192.  494.  497.  498- 

Hélène  (ste),  79.  156.  389. 

Henri  (s).  390;  —  de  Absberg  (statue  de). 
36  ;  — II  d'.\ngleterre.  218;  —  IV  (portrait), 
326  ;  —  duc  (mausolée  du),  176. 

héraldique  (description  des  objets  apparte- 
nant à  1),  228. 

Hérault,  architecture  carolingienne,  409. 

Herchies,  château,  417. 

Herzele,  château,  493. 

Hiéronvmiles,  231. 

Hilaire'(s.),  238. 

Holbein,  peintre.  363. 

Hôpital-sous- Rochefort.  église.  332. 

Horebaut  (Gérard),  peintre.  168. 

horloge  monumentale  du  XlVe  s.,  m, 

hôtel  de  ville,  de  Arlon.  514  ;  —  Bruges.  513: 
^  Gand.  400  ;  —  Loo.  434.  493  ;  —  Lou- 
vain,  493  ;  —  -Vieuport.  423. 

Houflfalize,  tombeau  sculpté,  322. 

Hubert  (J),  architecte,  78. 

Huerta  (Jean  de  la),  sculpteur,  65,  89. 

Huel  (.-Mex.  ),  sculpteur,  329.  ■ 

Hugo  d'Oignies.  orfèvre,  419. 

Hugues  des  Hazards  (tombeau  de),  40. 

Hulin  (le  prof.).  98.  lor. 

humanistes  belges,  251. 

Huwellin  (Jeau),  architecte.  78. 

Huy,  fonts  baptismaux,  164. 


iconographie,  campanaire.  333  ;  —  chré- 
tienne. 457. 

imagerie  populaire.  335 

images  (culte  des),  408. 

Innocents  (.Massacre  des),  305. 

inscriptions,  campanaires.  325  ;  —  chré- 
tiennes. 323  ;  —  funéraires.  323  ;  —  funé- 
raire punique.  486  :  —  de  Guelma,  47  ;  — 
grecque,  322  ;  —  hébraïque,  49  ;  —  latine, 
48. 409;  —  punico-Iybique,  408;  —  romaine, 
48,  164,  326;  —  tumulaires,  325. 


Institut  archéologique,  liégeois,  327,  495. 
instruments,  de  paix,  272  ;  —  de  la  Passion, 

206. 
inventaires,  à  Prague,  30-33  ;    —  Reims,  30- 

33  ;  —  Spire,  30,  32. 
Ithaque,  fouilles,  49. 
ivoires  246;  —   byzantins,    246.  339  ;  —  du 

XI^s.,  36  ;  —  (technique  des),  301. 


Jacopo  Chimenti,  peintre.  376  ;  —  di  Paolo 
peintre.  224  ;  —  délia  Quercia.  262.  | 

Jacques  de  Voragine,  505. 

Jalirbuch  der  ion.  prtusiischen  Kunst- 
sammlungen,  338  ;  — der  kunsthistorischen 
Summlungen  des  allerhoechsten  Kaiser- 
hautes.  245. 

Jean,  peintre,  495  ;  — Baptiste  (s.),  no,  181- 
189.  329,  387,  396,  448  ;  —  de  Bruges, 
tapissier,  51;  —  de  Boissy  (tombeau  de), 
328  ;  —  le  Boucher,  tapissier.  314  ;  —  de 
Bourgogne  (tombeau  de),  109  ;  —  de 
Cambrai,  sculpteur,  66;  — évangéliste  (s.), 
181- 189.  302;  — de  la  Grange  (tombeau 
de),  328  ;  —  de  Lens  (tombeau  de),  109  ;  — 
de  Paris,  sculpteur.  426  ;  —  sans  Peur 
(tombeau  de),  65.  66,  89  ;  — II  (portrait  de). 

343; -XIX.  30.32.  ,     .   .      ^  , 

Jeanne  d'.'\rc,  fresque  222  ;  —  (origine  bolo- 
naise de),  223  ;  —  de  Bourbon  (statue  de), 

431- 
Jehan  de  Guyze,  192  ;  —  de  Nale.  sculpteur. 

110. 
Jérôme  (s.),  20,  295. 
Jérusalem,  basilique  antique,    156;   —   con- 

stantinienne,    79,  80,    157  ;  —  colonne   du 

Temple,  240. 
Jésuates  (Ordre  des),  356-376. 
Jésuites  architectes,  411. 
Jésus,  au  jardin   des  Oliviers,  310  ;  —  parmi 

les  docteurs,  307. 
Joachim  (s.  ),  304. 
Joseph  (s.).  94,  97. 
Jouin  (s.),  2. 
Jovite  (s.).  221. 
Jubé,  423. 

Jugement  (scènes  du).  5,  208. 
Jumeaux  (les  ss.  ).  460. 


K 

Kîirouan.  inscription  funéraire,  323. 
Kalkar,  église  St-Nicolas,  345. 
Karlstein,  château.  16. 
Karmouz,  catacombe,  337. 
Khamina.  inscription  romaine.  16;. 
Knoblauch    (Hans),  imprimeur   du  XVI<^s., 

243. 
Koechlin  (M.  R.).  330. 
Koekelberg.  basilique,  337,  431. 
Kolbia,  pierres  tumulaires  arabes,  34. 
Krafft  (.4dam),  sculpteur,  172. 


Labarum.  48.  322. 

La  Croix,  poteries  de  terre,  47. 

Ladon.  peintre  verrier.  471. 

Lagruve.  clocher  du  XI 11=  s.,  177. 

Lambert  (S.  ),  (buste-reliquaire  de),  34.  37. 

Lampe  en  argent,  ito. 

Langeais,  château,  177,  348. 

Langerock.  architecte,  433. 

Langlois  (Jean),  architecte,  427. 

Langres,  les  .SS.  Jumeaux,  460. 

lanterne  gothique,  272. 

Laon,  cathédrale,  489. 

Lassay.  é,glise  du  XV^  s..  85. 

Lassus,  architecte.  119,  125. 

Lasteyrie  (Robert  de).  498. 


Latinnes,  fouilles  à,  326. 

I.,aurain  (Marc),  imprimeur.  251. 

Laurent  (.s).  302  ;  —  (martyre  de),  388. 

Lavaudieu,  monastère  de  femmes,  332. 

Lavardin,  château-fort,   495  ;  —  église,  495. 

Lavigerie  (Mgr),  45. 

Le  Clerc  (Barthél.).  peintre.  343. 

Lefebvre-Pontalis,  417. 

Légende  durée  ^a).  184.  304.  505. 

Léger  (s.)  (martyre  de).  388. 

Legri.  église  San  .Severo,  403  ;  —  relief  des 
délia  Robbia.  404. 

Lemoyne.  sculpteur,  109. 

Lenertz  (Vincent),  architecte,  141,  335. 

Léon,  cathédrale  et  musée  municipal,  32  t. 

Léonard  (s.).  391. 

Léonard  de  Vinci,  peintre,  367. 

Léonce  (s.),  235. 

Leonille  (ste),  460. 

Liège,  art  militaire,  327  ;  —  buste  de  s. 
Lambert.  37  ;  —  école  St-Luc,  335.  402  ;  — 
église  St-Jacques.  493  ;  —  évangéliaire 
mosan,  501  ;  —  fonts  baptismaux  de  St- 
Barthélemi,  326,  434,  512  ;  —  histoire  des 
biscuits,  325:  — Institut  archéologique.yij, 
445  _^  —  maison  Porquin,  434.  493  ;  — pont 
St-Éiienne,  85;  —  national,  42;  —  stalles 
sculptées,  335. 

lierne.  239. 

ligne  (la),  élément  de  l'art,  169. 

Ligran,  poteries  de  terre,  47. 

Limburg  (Fréd.),  sculpteur,  319. 

Limoges,  anciens  remparts.  85. 

Lippi  (Filippo).  peintre,  245,  367.406,407. 

Lippo  di  Dalmasio,  peintre.  224. 

Lisieux.  flèche  de  la  tour  .St-Pierre,  85. 

Lisseweghe.  église,  330. 

liturgie,  acclamation  liturgique  de  Valleluia, 
500  ;  —  africaine,  76  ;  —  codex  liturgique, 
30  ;  —  culte  des  images,  408  ;  —  Diction- 
naire de  liturgie,  336  ;  —  évangéliaire,  60, 
298  ;  —  Fonnulairt  de  prih'es,  242  ;  — 
Invention  et  exaltation  de  la  .Ste  Croix,  79  ; 

—  livre  d'Heures,  48,  229,  419,  437  ;  — 
messe  illyrique,  30,  33  ;  —  musique  sacrée, 
258  ;  —  peignes  liturgiques,  504  ;  —  Pon- 
tifical. 39.  44  ;  —  rit  ambrosien,  500  ;  — 
Sacramentaire,  30,  32,  229.  (  Pi^ivc  .■  Mobi- 
lier liturgique,  Vêtement  liturg.) 

Liverpool,  cathédrale,  514  ;  —  musée  du 
Royal  institution,  gg. 

livre  d'Heures,  437;  —  flamand.  419;  — 
manuscrit  du  XV^s. ,  48. 

Livre  de  ptiéres,  242. 

Lobbes.  église.  417. 

Lochner  (Siephan),  peintre,  344. 

Lodève.  église.  409. 

Lombardi  (Pietro  et  Tullio),  sculpteurs,  19, 
24.  126. 

Lorgueil-Annel,  église,  253, 

Londres,  galerie  nationide,  99  ;  —  musée 
britannique,  167. 

Loo,  hôtel  de  ville,  434,  493. 

Loothenhulle,  tour  romane,  433. 

Lorenzetli,  peintre,  29,  245,  264. 

Lorigné,  statère  d'or  pâle,  324. 

Lotts.  peintre,  127. 

Loiiis  (s.),  roi,  131,  218,  392;—  (statue), 
473  ;  —  Louis  XI,  portrait,  413. 

Loupéan.  église,  409. 

Louvain,  église  St-Pierre,  331  ;  —  Notre- 
Dame  aux  Dominicains,  433  ;  —  grille,  335; 

—  hôtel  de  ville.  493  ;  —  lutrin  en  bois 
sculpté,  335  ;  — musée  communal,  100  ;  — 
porte  romane  de  l'hôpital.  326. 

Louvre,    anciens     fossés,    48  ;    —  tableaux 

italiens.  172;  —  vases  peints  antiques,  172. 

Lubeck,  église  Ste-Catherine  et  Ste-Marie, 

239- 
Luc  (s.),  393. 
Lucerne,  chalet,  483. 
Lucie  (ste),  389. 

Lucignano,  reliquaire  du  XVe  s, ,  265. 
Lucques.  tombeau  de  Flavia  de  Carretto,  273. 
Luini,  peintre.  409. 


530 


Hebue  lie  TSlrt  clirctien. 


lustre  en  dents  de  morse.  502. 

Lyon,   arts  de   dessin,    325;   —   cathédrale, 

253  ;  —   table   de   marbres,   235,   236  ;    — 

vitrail,  186. 
lyre  grecque,  486. 

M 

Madaba,  fouilles,  156. 

Madeleine  (ste),  393.  458- 

Madrid,  Congrii  international  d' architectes, 

345  ;  —  manuscrit  iilustré  de  Skylikzès,  69; 

—  musée  du  Prado,  99. 
M.iestriclit,  bâton  pastoral.  501  ;    —  couvent 

des  Kruisheeren,  495  ;  —  croix  sépulcrale, 

^95  ;  _  église  St-Servais,   331  ;  —  trésor. 

J3- 
Maguelonne,  cathédrale,  499. 

Maignelay,  église.  426. 
Maillezais.  restauration,  2. 
Mainardi  (Basiiano),  peintre.  336. 
maisons  antiques,  à  Albi,  432  ;  —  Alençon, 
232  ;    —  Anvers.    493  ;    —  Cluny.    72  ;  — 
Constantinople,  421  ;   —  Gand.    327  ;    — 
Liège,  434,  493  ;  —  Picardie.  335;  —  Rome. 
69,  70;  —  Romorantin.  325.  411  ;  — Saint- 
Étienne.  332  ;  -  Thurgovie.  484. 
Maitre  (Léon),  143,  291,470;  —  de  Flémalle, 

peintre.  94.  9^'  97- 
Malines,  bailles.  335  ;—  Cercle  archéologique, 
■^(^fi  ;  —  livre  des  apprentis  de  la  corpora- 
tion des  peintres,  166. 
MaUvel  (Jehan),  peintre.  65,  199,  343. 
Mannekensvere.  tour  romane.  433. 
manoir  Vaudois,  484. 

Mans   (\.s).  Congrès   archéologique,  ni6;   — 
église  et  tombeau  de  St-Pavin.i6i;  —mon- 
naies. 236  ;  —  tapisseries  anciennes,  311. 
Mansuy  (s.)  (tombeau  de),  40. 
Mantegna  (miniatures  de),  178. 
manuscrits,  à  Autun.  186  ;  —  de  chant.  259  ; 

grec,    178  ;  —  des  Jésuates  à  Florence. 

364  ;  —  latin,  178  ;  —  à  Madrid,  69  ;  — 
livres  d'Heures  du  XV=  s. ,  48  ;  —  à  minia- 
ture, 192,  230  :  —  missels  du  XVe  s.,  164  ; 

—  à  Robbio,  178  ;  —  à  Saint-Gall,   35,  42  ; 

—  à  Thoisy,  412  ;  —  tropaire.  186;  —  du 
XIV«  s.,  172  ;  —  du  XVe  s.,  229. 

mappemonde  en  acier  gravé,  178. 
Marc  (s.),  302. 
Marc  Duval,  graveur,  322. 
Marcel  (s.).  135. 
Marco  dOggione,  peintre.  226. 
Maredsous,  vitrail.  471. 
Mares  (le  Fr.).  337- 

Marguerite  de  Bavière  (tombeau  de).   65  ;  — 
de  Provence   (statue)  475  ;    —    (ste),    390. 

39^-  ,  .      , 

Marie  Madeleme  (ste),  statue,  415. 

Mariemont.  palais  de  Marguerite  de  Hongrie, 

417. 
Marmion  (Simon),  peintre,  112.  192. 
Marnes,  abbaye  St-Jouin,  1-13;  — chapiteaux, 

cj,  II  ;  — .  colonnes,  12  ;  — église  abbatiale, 

1-13  ;    —  façade,   3  ;  —  sculptures,    ,1  ;  — 

voussures,  10-12. 
marques  céramiques   grecques  et  romaines, 

32.V 
Marsac,  église,  52. 
Marsaux  (l'abbé),  426. 
Marseille,  collection  de  tableaux  de   Paul  de 

Serion,   325  ;  —  église  St-Victor.  417  ;  — 

vase  grec.  48. 
Marsy  (Balthazar).  sculpteur.  115. 
Martin  (s.)   (sépulture  de),   280;  —  (Eiig.  ), 

46;  — (L.).  237:  —  V.  607. 
Martini  (Simone),  peintre.  266. 
Marusin  (Pierre),  nécrologie.  17g. 
Masaccio.  peintre,  244,  245,  407. 
Masolino,  peintre,  244,  373. 
Mathias  (s.),  389,  470. 
Mathieu  (s  ),  148,  387. 
Maurice  (s.  ),  390. 


Mechatta  (palais  de),  326. 
médaillon  romain,  T64. 

Mélanges  archéologique!,  238. 

Melle,  église  St-Hilaire,  3. 

Meluil,  diptyque,  322,  323. 

Mely  (F,  de),  79. 

Memling,  peintre,  197. 

Memmi,   peintre.  475. 

Mende.  porte  Aigueperse,   416. 

messe  illyrique,  30,  33 

Messine,  mosaïque,  403. 

métiers  d'art,  81,  337. 

Metz,  cathédrale,  81. 

Michel  (s.).   151.  390. 

Michel  (arch.),  208  ;  —  (Fr.),   fondeur,    333 
—  (matrices  de).  334. 

Michel-Ange,  228,  317.  361,  405. 

Michelozzo,  architecte.  362. 

Micry,  monastère  St-Mesmin,  322. 

Milan  (édit  de).  77  ;  —  musée  Bieia,  196. 

Milmont,  peintures  murales,  348. 

Mimisan,  portail  de  l'église,  422. 

Minden,  église,  31,  45. 

Minghizzida  (statue  du  dien).  50. 

miniature,  438-447;  —du  Xes.,  38  ;  —  du 
X[':s.,36;—  romane, 326  (  K Enlumineurs). 

Mino,  sculpteur,  16,  2Ô3. 

Minot,  sépulture  à  incinération,  324. 

Miscellanea  ifarte,  244. 

missels  manuscrits  avec  miniatures,   164. 

Mittelland  (ferme  du).  481,  482. 

mobilier,  banc.  275  ;  —  byzantin.  72  ;  — 
carafon  en  pierre.  49  ;  —  carrelages 
émaillés.  51,  229,  349  ;  —  coffret  byzantin. 
502  ;  — gobelets  longobards,  221  ;—  haches. 
163;  —  horloge  monumentale,  m;  — 
plaques  en  pierre  sculptée,  169;  —  en  terre 
cuite,  229  ;  —  plat  en  argent,  164  ;  —  po- 
teries. 47.  164  ;  —  saloirs  gothiqvies,  316  ; 

—  terres  cuites,  245  ;  —  tubes  en  poterie. 
164  ;  —  unies  romaines,  283  ;  —  vase  grec, 
48  ;  —  vases  à  infuser.  229  ;  —  métalliques, 
324  ;  —  peints,  49. 

mobiher  liturgique,  armoire  eucharistique, 
57  ;  —  autel,  53,  324,  328,  409  ;  —  bâton 
pastoral,  501  ;  —  bénitier,  2Ô9  ;  —  calice, 
115  ;  —  chaire,  365,  490,  493  ;  —  châsse, 
110,  112  ;  —  colombe  eucharistique,    221  ; 

—  croix  triomphale,  252; -crucifix,  317;  — 
encensoir,  164  :  —  évangéliaire,  60.  298. 
501  ;  —  grille  de  choeur,  335  ;  —  instru- 
ment de  paix.  372  ;  —  jubé.  412,  423.  493  ; 

—  livre  d'Heures.  22g,  419.  437  ;  —  lutrin, 
335,  493  ; —  ostensoirs,  69,  116;—  peignes 
liturgiques,  502  ;  —  reliquaire.  3  \.  37.  76. 
iio.  113.  164.  172.  263-271,  273,  322;  — 
sacramentaire.  30.  32.  229  ;  —  stalles.  108. 
270,  278.  328,  329,  335  ;  —  tabern.acle.  375. 
404.  42^  ;  —  vase  euciiaristique,  221. 

mobilier  des  églises  (décoration   polychrome 

du),  25. 
Modène,  archives  d'État,  157;  —  étoffe  d'or, 

326  ;  —  musée,  ib. 
Moïse.  206. 

Moissac,  église  romane,  g  ;  —  porche.  417. 
Moiturier(.'\ntoine  le),    sculpteur,  65,  8q. 
Monaco  (Lorenzo),  peintre,  243. 
monnaies,  féodales.  50;  — gauloises.  324  ;  — 

romaines.  40g. 
monogrammes,  235  ;  —  byzantins,  165. 
Monreale,  mosaïque  de  la  cathédrale,  38. 
Mons.  collégiale  Sle-Waudni,  78. 
Mont-Ailios,  monastère d'Iciron.  71. 
Montault  (Mgr  X.  B.  de).  38.  45.  47. 
Mont  devant  Sassey.  340. 
Monteleone.  bige,  31g. 
Montoire,  fresque  du  XII«s..  495. 
Montpezat.  chasse  en  émail  de  Limoges,  87. 
Montpoiniet  (Adam  de),  peintre,  igg. 
Montreuil  sous  bois,  église,  171. 
Mont-Saint-Michel,  513. 
monuments   anciens,  85,  431  ;   —  chrétiens 

antiques.    50  ;  —  mégalithiques.   324  ;  — 
morts  et  vivants.  232  ;  —  de  travers.   314  ; 


—  (conservation  des).  176,  252,  420  ;  — 
(photographie  des),  i6q  ;  —  (restauration 
des),  81.  232.  314.  345. 

Morand  (s.).  396. 

Moravie,  poinçonnages  et  marques  tl' orfèvres, 

68. 
MoreUAug.  ).    architecte.    426;   —    (Jehan), 

peintre.  108 
Morghen.  graveur.  226. 
Morienval,  déambulatoire,  417. 
Morin,  architecte.  253. 
mosaïque,    de    bois   incrustés.    271  ;    —    en 

Champagne,  350;  —  a  Constantinople,  73; 

—  à  Délos.  486  ;  —  Gighti,  49;  —  Messine. 
403  ;  —    Monreale,   58  ;    —  Ravenne,  72, 

337- 

mosaïste  dans  l'antiquité  (le),  229. 

Moscou,  palais  anguleux,    72  ;  —  le  Térem, 
72. 

moulages  (collection  de),  257. 

Mouvion.  découvertes.  48. 

Mouzon,  abbaye,  488  ;  —  église.  487,  488. 

moyen  âge.  peintures ,décoratives.  473. 

Mulhouse,  église  St-Etienne  et  vitraux.  432. 

Muller.  architecte,  202. 

Munchar,  ruines,  164. 

Munich,  église  StCharles.  172  ;  —  musée 
royal,  41. 

iMunte,  château,  316. 

Murano.  fonts  baptismaux,  52. 

musée,  Aix,  loi  ;  —  .\rlon,  493  ;  —  Berlin 
16  ;  — (galerie  royale).  99.  33g;  —  Boston 
434;—  Bruxelles  (du  Cinquantenaire).  33;  — 
(communal),  100  :  —  (royaux  des  arts  dé 
coratifs),  501  ;  —  Caen,  ig6  ;  —  Cambrai 
log  ;  —  Camerino.  227  ;  —  Chantilly  (Con 
dé).  48  ;  —  Colmar,  3go  ;  —  Darmstadt 
344  ;  —  Dijon,  62.  93.  193.  196;  —  Dresde, 
344  ;  —  Florence,  256,  405.  406  ;  —  Franc 
fort  (Staedel).  97  ;  —  Léon.  321  ;  —  Liver 
pool.  99;  —  Londres  (britannique).  167;  — 
(galerie  nationale).   99  ;  —  Louvain,   100 

—  Madrid,  gg  ;  —  Milan  (Brera),  ig6  ;  — 
Modène,  lô  ;  —  Municli  (royal),  41  ;  — 
Naples,  179,  255;  — Oriéans  (historique), 
229;  —  Paris  (Carnavalet),  87  ;  —  (Cluny). 
349;  —  (Louvre).  86;  —  (  l'rocadero), 
6  ;  —  Rouen  (archéologique).  182  ;  — 
Saint-Pétersbourg  (de  l'Ermitage).  100.  10 1; 

—  Sienne,  276  ;  —  Tunis  (du  Bardo).  164  ; 

—  Trévise  (Pinacothèque).  126;  —  Valen- 
ciennes.  326  ; —  Vauciuse  (du  Sault).  409; 

—  Venise  (royale  de  peinture).  22  ;  — 
Vienne,  16.    100. 

musées  (droit  d'entrée  dans  les).  74. 

musique,  campanaire.  334  :  —  sacrée,  258. 

Mussidan.  église.  52. 

mythologie:  Beellepharus.  321;  —  Esculape, 
321  ;  —  Hermès  propylaios,  231  ;  —  Mer- 
cure. 229, 


N 

Nabuchodonosor  (palais  de).  50. 

Namur.  Congrès  d'archéologie,  228  ;  —  So- 
ciété archéologiqne,  419  ;  —  trésor  des 
Sœurs  de  Notre-Dame,  419. 

Nantes,  sarcophages  mérovingiens.  280. 

Naples.  musée.  17g.  255  ;  —  portrait  du  car- 
dinal Bempo,  319; —  tapisseries  flaman- 
des, 179. 

Nativité,  440. 

Nats,  sarcoph.iges  chrétiens.  324. 

nécrologie.  E.  j.  Corroyer.  260  ;  —  le  chan. 
Reusens.  90  ;  —  Camillo  Sitte.  90  ;  — 
frère  Marusin,  17g. 

Neri  di  Becci,  peintre,  243. 

Neufchàteau.  église  du  XÏH=  s.,  85. 

Neuvic.  château.  52. 

Nevers.  cathédrale,  s'3- 

Nicaise  (s.),  (statue  de).  33. 

Nicolas  (s.)  (statue  de).  114,  272.  274,  3go  ; 
—  de  Pise,  architecte,  33g. 

Nieuport,  chaire  de  vérité,  423.  424  ;  —  égli- 
se, 323  ;  —  hôtel  de  ville,  424  ;  —  peintures 


Cable  analptiquc. 


531 


murales,  423  ;    —    tabernacle   en  tourelle, 

423- 
Nivelles,  Société  archéologique,  420, 
Nocéra,  baptistère,  52. 
Nogent  le  Rotrou,  église  Ste-Gauberge,  48. 
Noirélable.  église.  332. 
Nombres  7  et  8  dans  l'antiquité,  229. 
Nonnenbossche.  abbaye,  419. 
Notre-Dame     la    Flamingue,    m  ;    —   des 

Fiertés.  112  ;    -  de  GrAce,  109. 
numismatique  (description  des  objets  appar- 
tenant à  la),  228  ;  —  orientale,  230. 
Nuremberg,  archives  royales.  172; —  tombeau 

de  la  famille  Schryver,  172. 
Nylembrouck,  peintre,  127. 


Oberland,  chalet,  481. 

objets  d'art  (conservation  des),  252  ;—  pré- 
historiques. 323 

Odile  (ste).  388. 

ogive,  417. 

Onuphre  (s.),  389. 

Orcagna,  peintre,  29,  475  ;  —  sculpteur,  362. 

orfèvre  (poinçonnage  et  marques  d").  63. 

orfèvres:  Andrieux  (Jacquemin),  uo;  — 
Fauvel  (Pierre),  328;  —  Gabriel  d'Anionio, 
265  ;  —  Hugo  d'Oignies,  419  ;  —  Pierre  de 
Dury,  328  ;  —  Palaer  (Pieire  van),  m  ; 
—  Renier  de  Huy,  164.  513  ;  —  Turini 
(Giov.  ).  269  ;  —   Ugolino  di  vieri,  271. 

orfèvrerie,  233;  —  médiévale,  51  ;  —  sien- 
noise.  263  ;  —  toulousarine,  416  ;  —  (his- 
toire de  Y).  68. 

Orléans,  ivoires,  229  ;  —  musée  historique, 
229. 

orner.ients  sacerdotaux,  265. 

Orval,  abbaye,  487,  490. 

Orvieto.  peintures  murales,  28  ;  —  reliquaire 
du  Santissimo  Corporale,  271  ;  —  stalle, 
278. 

Osée,  226. 

ostensoirs  du  X  Vc  s. ,  69. 

Osterrath,  peintre- verrier,  471. 

Osuna,  fouilles,  321. 

Ottana,  fresques,  336. 


Pacca  (loi),  252. 

Pace  da  Lugo,  peintre,  130. 

Paderborn,  cathédrale,  40;  —  statue  de  S.  Li- 

borius,  40. 
Padoue,  église  Santa  Maria  del  Arena,  197  ; 

—  fresques.  362. 
Palestrina,  258. 

Palladio,  architecte,  127.  131,  3:5. 

Palma  le  Vieux,  peintre,  120,  127. 

Palo  Uccello.  peintre,  226. 

Paoleiti.  architecte,  37Ô. 

paradis  (le),  208. 

Paris,  ancien  hôtel  de  Villers,  338  ;  —  basilique 
de  Montmartre,  430  ;  —  bibliothèques  :  de 
l'Arsenal,  186;  —  Nationale,  186,  192  ;  — 
calvaire  du  palais  de  justice,  196  ;  —  Com- 
mission  des  Monumeitts  historiques,   420  ; 

—  Commission   du    Vieux  Paris,   87,  179. 
230  ;  —  église  St-Germain  des  Prés,  418  ; 

—  exposition  de  manuscrits  illustrés,  87;  — 
exposition  des  Primitifs  français,  87.  367  ; 

—  fouilles.    230;    —   manuscrit,    186;   — 
musées  :  Carnavalet.  87  ;  —  de  Cluny,  349  ; 

—  du  Louvre,  86  ;  —  du  Trocadéro,  6  ;  — 
Se  ho  la  Cantoruw.. 

Parme,  archives  d'Etat.  157. 

Parmesan,  peintre,  245. 

Parlenay-le-Vieux,   église  St-Pierre,  3-9;    — 

Vierge.  47. 
Passion  (instruments  de  la),  206  ;  —  (reliques 

de  la),  79. 
Patenier  (J.),  peintre,  loi. 
Patras  (Lambert),  512. 
Pau-sur  Heure,  fouilles,  48. 
Paul  (s.),  7»  149.  302  ;  —  ermite,  389. 


pavés  en  terre  cuite,  352. 

Pavin  (s.)  (tombeau  de),  161. 

peignes  liturgiques,  502. 

peintres:  Agnolo  (Giov.  )  da  Montorsoli,  360; 

—  Agusii,  416;  —  Albertinelli.  375;  — 
Angelico  (fra),  17,  28.  211.  276,   367,   497  ; 

—  Andréa  del  Sarto,  367  ;  —  Antonello  de 
Messine,  403  ;  —  Aubry  (Gérard).  345.  415  ; 

—  Raerze  (Jacques  de),  65  ;  —  Barbari(Ja- 
copo  dei),  19.  24  ;  —  Barat  (Pierre-Martin), 
325  ;  —  Bartolomeo  (fra).  373,  375,  497  ;  — 
Bassano.  127  ;  —  Beaiimetz  (Jehan  de),  65, 
199;  —  Bellechose  (Henri),  65,  199;  — 
Bellegambe,  109  ;  —  Bellin  (Jehan),  19,  24, 
J26,  127  ;  —  Benedetto  da  Brescia,  361  ;  — 
Benedetto  da  Luca.  361;  —  Benuzzo  Goz- 
zoli.  28,  29.  198.  226,  244.  362  ;  —  Bertliold 
de  Nuremberg.  349:  —  Bissano  (Franc.), 
23  ;  —  Blés,  127.  403  ;  —  Boissière,  325  ;  — 
Bonfigll  (Hened.).  227  :  —   Botticelli,  367  ; 

—  Bourdon,  415  ;  —   Bray  (Ant.  de)    413  ; 

—  Broederlam  (Melchior).  65,  93,  196-199. 
343;  —  Bruyn  (Ban.),  345:  —  Buglioni 
(Ren.),  245;  —  Buonconsiglio,  133;  — 
Campin  (Robert),  98  :  —  Caporali  (Bart.), 
227,  245  ;  —  Carpaccio,  22.  225  ;  —  Casta- 
gno  (.Andréa  del),  199;  — Gazes  (Romain), 
80;  —  Changerut  (Jehan),  199;  —  Chi- 
menti  (Jac.  ),  376;  —  Choquet  (Pierre- 
Adrien),  325;  —  Cimabuë,  243;  —  Colas 
(Alph.),  325  ;  —  Conrad  de  Soest,  345  ;  — 
Cranach.  345  ;  —  IJaddi  (Bern.).  243  :  — 
Daret  (Jacques),  98;  —  De  Vriendt  (J.). 
513  ;  — ■  Diomède  délia  Bruna,  227  ;  — 
Duccio,  245,  267  ;  —  Dùnwegge,  345  ;  — 
Durer  (Alb.),  243,  339;  —  Krrard  (Ch.), 
413;  —  Everts  (Jean),  251  ;  — ■  Eyck  (J.  van), 
16,  96-99,  242,  343,  409;  —  Ferrier  (Ga- 
briel),   319;   —  Fogalino  (Marcello),  133  ; 

—  Franciabigio,  376;  —  Franck  le  Vieux, 
127;  —  Froment  d'Avignon,  319,  344;  — 
Gaddi  (Tad.  et  Aug.  ),  243,  475  ;  —  Geerg- 
tgen  tôt  S.  Jan,  338  ;  —  Gentile  da  Fabria- 
no,  ig6,  227  ;  —  Gérard  de   Harlem,  193  ; 

—  Gherardo,  363;  —  Ghirlandaio,  365,  367, 
475  ;  —  Gioito,  185,  197,  245,  362  ;  —  Gio- 
vanni di  Paolo,  276  ;  —  Giovanni  di  San 
Giovanni;    376  ;  —  Girolamo    da  Treviso, 

126  ;  — •  Giuffre  (Franc.),  403  :  —  Giuliano 
da  Firenze,  361  ;  —  Goes  (Hugo  van  der), 
96,  197,  339,  403:  —  Granacci  (Franc), 
360  ;  —  Granet.  326;  —  Guido  de  Sienne, 
267;  —  Guigonis.  326,  415;  —  Holbein, 
345  ;  —  Houbaut  (Gérard),  168  ;  —  Jacopo 
di   Paolo.  224  ;  —  Le  Clerc  (Bartli.).  343  ; 

—  Lippi  (Fil.  ).  245,  367,  406.  407  ;  —  Lippo 
di  Dalniasio.  224;  —  Lochner  (Slefano), 
344  ;  —  Lorenzetti,  29,  245.  264  ;  — Lotto, 

127  ;  —  Luca  de  Conegliano,  336  ;  —  Luini, 
409;  —  Mainardi  (Bait.  ),  336:  —  Maître 
de  Flémalle,  94-97  ;  —  Mahvel  (Jehan),  65, 
199'  343;  —  Marco  d'Oggione,  226;  — 
Marmion  (Simone),  112,  192  ;  —  Martini 
(Simone).  266  ;  —  Martino  di  Bartolomeo, 
275  ;  —  Masaccio,  244,  245,  407  ;  —  Ma- 
solino,  244,  373  ;  —  Memling.  IQ7  ;  — 
Memmi,  475  :  —  Mimo  da  Fiesole,  26^  ;  — 
Monaco  (Lor.  ),  243; —  Montagna,  132. 
^33-  3'^^  I  —  Montpoinlet  (Adam  de).  199  : 

—  Morel  (Jehan),  108;  —  Nerï  de  Bicci, 
245  ;  —  Nylembrouck.  127  ;  —  Orcagna, 
29,  475;  —  Pahna  le  Vieux,  126.  127;  — 
Palo  Uccello,  226  ;  —  Parmesan.  245  ;  — 
Patenier  ( J.  ),  loi  ;  —  Pennachi  (Pier 
Maria),  126;  —  Pensaben  (frère).  21;  — 
Perreo!  (Jehan),  322;  —  Pertinien,  199;  — 
Pérugin.196.  367-369; — Picournet  (Raoul), 
199  ;  —  Piero  délia  Francesca,  245  ;  —  Pin- 
turicchio,  29,  227,  277  ;  —  Pontorno,  245; 

—  Pordenone,  126;  —  Pourbus,  412;  — 
Raphaël.  196,  367,  407  ;  —  Ring,  345  ;  — 
Salvado  (Girol.),  21,24  \  — Sano  di  Pietro, 
276,  277,  —  Schiavone.  127;  —  Schon- 
gauer  (Mart.),  345;  —  Signorelli  (Luca). 
28.    367,  372,    374  ;  —    Sodoma,   270  ;    — 


SperanzajGiov.),  133;  — Spicker(Guil.),66, 
88;  —  Spicker  (Pier.),  6t,  191-199:  —  Spi- 
nello  Aretino,  475  ;  —  Stefano  Giovanni, 
243  ;  —  Theodoric  de  Prnyne,  16  ;  — Tho- 
mas de  Mutina.  16  ;  —  Tmtoret,  126,  127  ; 

—  TJssolo  (Franc.).  126  ;  —  Titien,  14,  126, 
367;  —  Tiziano  (Ces.),  14;  —  Van  der 
Beke  (Joos),  344  ;  —  Vannini.  367  ;  —  Var- 
mi  (Andréa),  243  ;  —  Veneziano  (Ant.  ),  131; 

—  Veronèze,  126.  194  ;  —  Vicenzo  di  Bia- 
gio.  14  ;  —  Vignola,  434  ;  —  Vinci  (Léon, 
de),  126,  198,  226,  245.  367.409;  —  Vrelants 
(Guil),  168  ;  —  Vuez  (Arm  de),  241  ;  — 
Werve  (Claus  de),  65  ;  —  Wert  (Mathieu 
de).  loS  ;  —  Weyden  (Roger  van  der).  61, 
98-100.  192-195,  197,  343,  430;  —  Wien- 
sam  (Ant  ),  345  ;  —  WÙhelm  von  Herle, 
344  —  Witz  (Conrad).  343  ;  —  Wolfgang 
(Hubert),  339  ;  —  Wurmser  (Nie),  16  ;  — ■ 
Wybo,  476;  —  Yperman  (L),  28;  —  Za- 
netto  BugiUo,  430  ;  —  Zueil,  325,  413. 

peintres,  décorateurs  du  moyen  âge,  27;  — 
flamands,  96  ;  —  verriers  belges,  492. 

peinture,  chinoise,  243  ;  —  des  églises,  81  ;  — 
flamande,  430  ;  —  italienne.  322  ;  —  lom- 
barde, 172;  —  néerlandaise,  96;  —  de 
paysage,  245  ;  —  sur  verre,  152  ;  —  (traité 
de  la).  172. 

peintures  murales,  à  Albi,  416;  — Amiens, 
329  ;  —  Belgique,  420  ;  —  Bourges,  343;  — 
Dijon,  28  ;  —  Furnes.  476-480  ;  —  Milmort, 
348  ;  —  Nieuport,  423  ;  —  Orvieto,  28  ;  — 
Semur,  5Ô  ;  —  Thoisy,  325,  412  ;  —  (Con- 
servation des),  492-494.  {Voyez:  Fresques.) 

Pennachi  (Pier  Maria),  peintre,  126. 

Pensaben  (frère),  peintre,  21, 

Pergame,  basilique,  237;  —  sculpture,  231. 

Périgueux,  beffroi,  253  ;  —  trésor  de  la  collé- 
giale, 416. 

Pérouse,  fontaine,  339;  —  pinacothèque  Van- 
nucci.  227. 

Perpignan,  cathédrale,  164, 

Perreal  (Jehan),  peintre,  322. 

Perret,  architecte,  145. 

Perse,  fouilles,  231  ;  —  statue  de  femmes,  231. 

Pertinien,  peintre,  199. 

Perugin,  peintre,  196,  367-369. 

Pescan.  château,  413  ;  —  tapisseries,  413. 

Pétrarque,  339. 

Philibert  (s.).  136. 

Philippe  (s.).  302. 

Philippe,  le  Bon  (tombeau  de),  99  ; —  d'Alsace, 
218  ;  —  le  Hardi  (tombeau  de),  65,  99. 

Phiiippopoli.  fouilles,  165. 

photographies  archéologiques,  89;  —  des 
monuments,  169. 

Picardie,  anciennes  maisons  rurales,  335. 

Picournet  (Raoul),  peintre,  199. 

Piero,  della  Francesca,  peintre,  245  ;  —  di 
Nicolo,  sculpteur,  172. 

Pierre,  de  Celle,  architecte,  171  ;  —  de  Dury, 
orfèvre,  338  ;  —  de  Montereau,  architecte, 
315. 

Pierre  (s  ).  8,  loi,  302  ;  —  (reliquaires  des 
chaînes  de),  172. 

Pierrefont.  châtt-au,  367. 

pierres,  arabes,  321  ;  —  tombales,  51. 

Pierron  (Franc.  etGabr.),  tapissiers,  413. 

Pietà,  368-370, 

Pillion  (Louise),  189,  331. 

Pmturicchio,  peintre.  29,  227,  277. 

Pirenne  (le  prof.),  505. 

Pisanti  (Giuseppe),  architecte,  254. 

Pise,  cathédrale,  28  ;  —  fonts  baptismaux,  52  ; 
—  fresques  du  Campo  Sanio,  226, 

Plaisance,  Christ  à  la  Colonne,  403. 

plaques  en  pierres  sculptées,  169  ;  —  en  terre 
cuite,  22q. 

plat  en  argent,  164. 
plombs  antiques,  229. 

Poitiers,  baptistère  Sl-Jean,  77,  235  ;  —   G?«- 
^rès  archéologique,  79;    —  évangéliaire  du 
IX--"  s.,  298  ;  —  Notre-Dame  la  Grande,  3, 
7  ;  —  palais  de  justice,  514. 
Pologne  (moines  de  Cîteau  en),  162. 


532 


î^rtuc  lie  rart  c|)rctien. 


polychromie  des  églises,  492-404  ;  —  (lois  de 

la),  25.  (  Voyez  :  Peintures.  ) 
Poncé,  château.  494;  —  fresques  du  XII^s. , 

494- 

Pontaubert.  armoire  eucharistique,  57  ;  — 
église  romane,  ^6. 

Pontigny,  église  cistercienne,  60. 

Pontormo,  peintre.  245. 

Poperinghe,  église.  330,  493. 

Pordenone,  peintre.  126. 

portails  romans.  325.  431. 

portes  :  .-^igueperse  à  Mende.  416  ;  — Amiens 
(dorée).  189  ;  —  Autun  (d'Arroux),  60  ;  — 
Berne.  201-210  ;  —  Bouvignes.  493  ;  — 
byzantines,   72  ;  —  en  chêne  sculpté.  105  ; 

—  Cordes,  420;  —  du  Fort  A  Roc  Ama- 
dour,  217  :  —  Mantille  à  Tournai,  148  ;  — 
romane  à  Louvain,  326;  —  Thann.  385. 
395.  Sg'S  :  —  Vézelay.  448. 

Pothier  (Dom).  239. 

Pothin  (s.  ),  279. 

Pourbns,  peintre.  412. 

Prague,  inventaire  du  trésor  de  la  cathédrale 

30-33- 
Prato.  château.  339  ;  — ■  fresques.  407. 
primitifs,  allemands.  343  ;  —  flamands,  243  ; 

343  ;  —  français,  251,  322.  343,  4x1,  497  ; 

—  italiens,  243. 

prix  de  Rome  (concours  pour  le).  430. 

proportions  en  art  (principes  des),  76. 

Prothade  (s.).  135. 

Pujols.  château.  420. 

Pulaer  (Pierre  van),  orfèvre,  m. 

Puy,  cathédrale.  422  ;  —  Congrès  de  iqo/. 


Quarante,  église,  409. 
Quarré  Reybourbon  (L.  ) 
Quertel.  architecte,  138. 
Quicherat.  461. 


R 


241. 


Rains  (  Michel  de),  architecte.  78. 

Ranieri  (s.),  226. 

Raphaël,  peintre.  110,196.  3Ô7.  407. 

Rapliael  (l'ange).  457. 

Rasso.  graveur.  178. 

rational.  29  ;  —  existence,  34  ;  —  forme,  33  ; 

—  origine,  34  ;  — •  symbolisme,  33. 
Ratisbonne,  cathédrale,  36;   — dalles  funé- 
raires des  évêques.36  ;  —  rational,   41.  43  : 

—  verrières.  36. 

Ravenne,  170  .  —  ambon,  500  ;  —  fonts  bap- 
tismaux. 52  ;  —  ivoires.  338  ;  —  mosaïque, 
7'.  337  ;  —  palais.  70.  72. 

Rebaix,  croix  triomphale.  252.  433. 

Rédempteur  (images  du).  15. 

Reichenau.  abbaye.  339. 

Reims,  cathédrale.  33,  34,  104,  189,  421,489; 

—  église  Notre-Uame,  125  ;  —  inventaire 
de  la  cathédrale.  30.  31,  33  ;  —  plaque  en 
terre  cuite.  229. 

reliquaire,  de  S.  Adolphe.  37  ;  —  en  argent. 
110  ;  —  àCambrai.  115  ;  —de  la  chaire  de 
S.  Pierre,  172  ;  —  de  la  Ste-Croix.  76  ;  — 
de  San  Galgano.  271.  273  ;  —  de  S.  Lam- 
bert. 34  ;  —  à  Saignan,  164  ;  —  du  Santis- 
simo  Corporale.  27t  ;  —  en  vermeil,   iio  ; 

—  du  XII<=s..  322;  —du  XIVc  s.,  263. 
271  ;  —  du  XV':  s,.  264.  265. 

Remy  (s.)  (statue  de).  33. 

Renaissance  (la).  251. 

Renier  de  Huy,  orfèvre,  164,  513. 

Rennes,  tapisseries,  325,  413, 

Real  (s.),  38. 

Repertoriiiin  fur  Kunslwissensckafl,  172,  33g. 

restauration,  à  Airvault.  2  ;   —  Binche.  346; 

—  Bruges.  346.  493.  513:  —  Bruxelles.  513; 

—  Cliàlonssur  Marne.  346;  —  Furnes.  433; 

—  Gand.  432  ;  —  Hautem  St-Liévin,  433  ; 


—  Louvain,  433  ;  —  Maillezais.  2  ;  —  Mul- 
house. 432  ;  —  Saint-Quentin.  433  ;  — 
Troyes.  80  ;  —  Walcourt,  433  ;  —  des 
ruines,  232. 

Reusens  (le  Ch.  ).  383  ;  —  nécrologie.  8g. 

Rieux.  cathédrale.  164. 

Ring,  peintre,  345. 

Riom,  la  Vierge  et  l'enfant,  340. 

Rit  ambrosien.  500, 

Rivista  d'arte,  244. 

Robbia  (.Andréa  délia),  244  ;  —  (  Luca  délia), 

405. 
Roc  amadour,  213  ;  —  porte  du  Fort,  217  ;  — 
escaHer,  216  ;    —  palais  des    évêques    de 
Tulle,  213  ;  —  rue  de  la  (Jouronnerie,  218; 

—  rue  de  la  Mercerie,  219. 
Rocque  (de  la),  architecte,  85. 
Rogier  de  la  Pasture,  430. 
Rohault  de  Fleury.  45,  474.  496. 

Rolin  (Jean),  (armoiries  de).  198;  —  (portrait 
de).  192.  200. 

Romain  (s.),  184. 

Rome,  ambons.  500  ;  —  ateliers  de  tapisserie 
255  :  —  basiliques  souterraines.  515  ;  — 
catacombes  79,  253.  515;  —  chapelle  sé- 
pulcrale de  Pie  IX,  194;  —  Congrès  mariai, 
348  ;  —  forum.  251  ;  —  fresques.  515  ;  — 
image  du  Christ.  48  ;  —  Rome  nouvelle, 

347- 

Romorantin,  maison  de  la  Renaissance,  325 
411. 

Roubaix,  Cercle  d'art,  ^27. 

Roucourt.  chaire  de  vérité.  423,  433.  493. 

Rouen,  cathédrale,  211,29g;  — musée  ar- 
chéologique. 182  I  — sculptures  historiées. 
331  ;  —  tympan  de  la  porte  de  la  cathé- 
drale. 181. 

Roulin  (Dom),  74. 

ruines  (restauration  des),  232. 

Rupin  (E.).  213. 

Ruymbeke  (van),  475,  480. 


Sabratha  maritime  (ruines de),  49. 

sacrameiuaire  de  Gellone,  229. 

Sahara,  découvertes,  49. 

Saignan.  reliquaire,  144. 

saint,  Adolphe,  37  ;  —  Agricola.,133  ;  —  A\- 
gnan,  134  ;  —  Amarin.  391  ;  —  Aniator, 
280  ;  —  .Ambroise.  238.  295  ;  —  .Andoche, 
283  ;  —  .André,  lit,  206,  302  ;  —  Antoine, 
114,  154,  ISS,  392;  —  (ermite),  389;  — 
.Augustin.  101.  295,  389.  393  ;  —  Bénigne, 
285;  —  Bernard,  162,  351,  390,  433;  — 
Bernardin  de  Sienne,  267,  336  ;  —  Charles 
Borromée.  130,  137;  —  Christophe,  224, 
267  ;  —   Edouard.  392  ;  —  Eloi,  393  ;   — 

—  Emmeran,  388;  —  Erasme,  387;  — 
Etienne,  igg,  281.  388  ;  —  Euchaiie,  469  ; 
Faustin,  221;  —  Férréol,  134;—  Ferrucien, 
13^  ;  —  Firmin,  329  ;  —  Florent,  142  ;  — 
François  d'Assise,  390  ;   —  Fridolin,  390; 

—  Gall,  390  ;  —  Georges.  225,  390,  392;  — 
Cieosmes.  460  ;  —  Grégoire  le  Grand.  33. 
238.  294  ;  —  Henri  II.  390;  —  Hilaire.  238; 

—  Jean,  év. ,  181-189.  302  ;  —  Jean-Bap- 
tiste, 191-189.  32g.  387.  395.  448;  —Jérôme, 
20.  2gs,  3g3  ;  —  Joachim,  302  ;  —  Joseph, 
94,  97  ;  —  Jouin,  2  ;  —  Jovite,  221  ;  — 
Laurent,  302,  388  ;  —  Léger,  388;  —  Léon 
IX,  45,  396;  —  Léonard,  391  ;  —  Léonce. 
135  ;  —  Louis,  roi.  131,  218,  392  ;  —  Luc, 
395  ;  —  Mandré,  148  ;  —  Mansuy.  40  ;  — 
Marcel,  13S  ;  —  Martin,  280  ;  —  Mathias, 
389,  470  ;  —  Mathieu,  148.  387  ;  —  Mau- 
rice, 390  :  —  Michel,  131.  390  :  —  Maraud. 
393  ;  —  Nicaise.  33  ;  —  Nicolas,  114,  272, 
274,  390  ;  —  Onuphre,  389  ;  —  Paul  (apô- 
tre), 7,  149,  302  ;  —  (ermite),  389  ;  —  Phi- 
libert. 136;  —  Philippe,  302;  —  Pie  V, 
238  ;  —  Pierre,  8,  loi,  172,  302  ;  —  Pothin 


279  ;  —  Ranieri,  226  ;  —  Remy,  33  ;  — 
Reol.  38  ;  —  Rom.ain,  184;  — Sébastien, 
388  ;  —  Sixte,  33  ;  —  Sylvestre,  125  ;  — 
.Symphorien,  279.  280;  —  Thibault.  292. 
391.  396  ;  —  Thomas,  148,  308  :  —  Ulrich, 
390,  396  ;  —  Vaast,  103  ;  —  Valérien,  135- 
143.  469  ;  —  Vit.  387  ;  —  Willibald.  42. 
Saint -Astier.  église.  52. 

—  Brieux.  Coinmissioti  archéologique,  l'jy, 

—  Christophe,  église,  332. 

I       —     Émilion,  église  monolithe.  52. 

—  Esprit  (représentation  du).  440. 

—  Etienne,  maisons  antiques,  332. 

—  Fergeux,  église,  135. 

—  Fort,  puits.  172. 

—  Gall,  abbaye,  141;  —  manuscrit,  35,4'- 

—  Galmier,  église,  332. 

—  Guilhem  le  Désert,  église.  409. 

—  Haon.  éghse,  332. 

—  Hilaire  de  la  Celle,  st.atuette,  38. 

—  Hubert,  église.  433.  487,  494. 

—  Jean  d'Angely.   abbaye,  87  ;  —  tom- 

beaux en  jDJerre,  87. 

—  Jean  de  la  Ruelle,  église,  253. 

—  Jouin  de  .Marnes,  église,  150. 

—  Julien  du  Sault,  vitrail,  186. 

—  Luc,  école,  177,  510. 

—  Marcel,  fouilles,  323. 

—  Martin  de  Mazerat,  église,  $2. 

—  Martin  la  Sauveté.  église.  332. 

—  Moié.  fouilles.  324. 

—  Nectaire,    monuments    mégalithiques, 

324. 

—  Père-sous-Vézelay,  clocher  octogonal, 

57  ;  —  église   abbatiale,  57,   58  ;  — 
jubé,  412. 

—  Pétersbourg.  musée  de  l'Ermitage.  100. 

lOI. 

—  Pierreles  Etiex.  clocher  du  XII'  s. ,  85. 

—  Quentin,  église.  433. 

—  Rémi,  basilique.  171. 

—  Siméon  Stylite  (monastère  de).  70. 

—  Suaire.  137.  160. 

—  Thomis  et  S,tint-Luc  (Gilde  de),  487. 

—  Trond.  église  abbatiale,  382. 

—  Vaast,  église,  4g3. 

—  Vidal,  église.  332. 

sainte.  Afra.  388  ;  —  Agathe,  392  ;  —  Agnès, 
20.  337.  387  :  —  Aoollonie,  388,  392  ;  — 
Barbe,  gg,  392  ;  —  Bérénice,  79;  -=-  Cathe- 
rine, III.  ^56.  391;  —  Claire.  392;  — 
Cunégonde^  391  ;   —  Hélène,  89,  156.  389, 

—  Léonille.  460  ;  —  Lucie.  389  ;  —  Made- 
leine. 393.  458  ;    —   Marguerite.  590.  396  ; 

—  Odile.  388  ;  —  Ursule.  20.  22  ;  —  Véro- 
nique, gg.  214. 

Sainte-Marie-aux-Anglais.  église.  78. 

Saintes,  abbaye  aux  Dames,  3,  il. 

saintes  femmes  (les),  387. 

saloirs  gothiques,  316. 

Salonique,  ambon.  500. 

Salvado  (Girolamo).  peintre,  21,  24. 

Sambin  (Hugues),  sculpteur,  65. 

Sano  di  Pietro.  peintre,  267,  277. 

Sanoner  (G.),  13.  155.  212.  397,  459. 

Saragosse,  tapisseries.  434. 

sarcophages,  en  marbre  blanc.  486  ;  —  mo- 
nolithes. 461. 

Sarrocchi  (Tito),  sculpteur.  273. 

Sarsav.  château.  171. 

Sauliéu.  église  St-.Andoche.  59.  284,  285  ;  — 
évangéliaire  du  XI1'=  s..  60. 

Saumur.  château,  229;  —  Notre-Dame  des 
ArdiUiers,  415;  —  tapisseries  anciennes, 

3°9- 
Sault,  musée,  409. 
Savonarole.  375. 

Sceaux,  bustes  d'empereurs  romains,  326. 
sceaux,  anciens.  50  ;  —  d'évêques,  33;  —  des 

évfiques  de  Minden,  36;  —  de  Ratisbonne, 

35  ;  —  de  Toul.  39. 
Scliaerheek.  école  St-Luc.  402. 
Schellekens  (Adrien).  383. 
Schiavone.  peintre.  127. 
Schmitz.  architecte,  465. 


Cable  analptlque. 


533 


Schongauer  (Martin),  peintre,  345. 

Scopp  (Gilb.),  architecte.  514. 

sculpteurs.  Alcamène.  231  ;  —  Andréa.  360  ; 
— ■  Ascanio  Cordivi,  317  ;  —  Audinet(Ste- 
phani).  414  :  —  Baerze  (Jacques  de),  93  ;  — 
Berthold  de  Nuremberg,  339  ;  —  Boulin 
(Arnould),  329  ;  —  Clouet  (Gabriel),  108; 
^  Doinenico  di  Nicolo.  270,  271  ;  — 
Duccio  (Agost.  ),  404:  —  Ehrard  Lung. 
203  ;  —  Fantoizi.  317  ;  —  Florentin  (Dom.  ), 
Ô5  ;  —  Germain  Filon.  251  ;  —  Gois,  325  ; 

—  Hanique  (Hubert),  113;  —  Huerta 
(Jean  de  la),  65.  89  :  —  Huet  (Abs.  ),  329  ; 

—  Indivio  de  San  Severino,  227  ;  —  Jacobo 
délia  Quercia,  262,  z-j-î; — Jean  deCambrai, 
66;  —  Jean  de  Paris,  42Ô  ;  —  Jehan  de 
Noie,  iio;  —  Kraftt  (Adam),  172:  — 
Lemoyne.  109  ;  —  Limbourg  (Fréd.  ).  319  ; 

—  Lombard!  (Pietro  et  Tullio),  19,  24. 
126;  —  Maiano  (Bened. ),  365;  —  .Uarcy 
(Balthasar),  115;  — Michel  Auge,  228,317, 
3Ô1,  404,  405  :  —  Mino.  16  ;  —  Moiturier 
(.■\nt.  le).  65  ;  —  Orcagna.  362  ;  —  Pierre 
di  Nicolo.  172  ;  —  Robbia  (.Andréa).  244  ; 

—  Luca.  405  ;  —  Savidochi  (Tito).  273  ;  — 
Slater  (Claus)  ;  —  Stephani,  326. 

sculpture,  belge,  330  ;   —  chaldéenne,   230  ; 

—  espagnole,  321  ;  —  française,  498  ;  — 
historiée,  331  ;  —  méplate,  170  ;  —  romaine, 
321  :  —  romane.  431  ;  —  du  Xlle  s..  498  ; 

—  duXIIIes. .  188. 
Sébastien  (s.  )  (supplice  de),  388. 
Sedrata.  ruines  antiques.  486. 
Selmersheim,  architecte.  85. 

Semur.  église  NotteDame,  56  ;  —  peintures 
murales,  56. 

.Sens,  abbaye  de  St-Jean.  52,  54;  —  autel  de 
Salazar,  53  ;  —  cathédrale,  53,  59  ;  —  en- 
ceinte romaine,  242  ;  —  fouilles,  164  ;  — 
tapisseries,  51  ;  —  trésor,  54  ;  —  vitraux ,  54. 

sépulture,  à  chars.  324  ;  —  à  incinération, 

324- 
Sérignan,  église.  409. 
Sienne.  356  :  —  exposition  d'art  ancien.  87  ; 

—  fontaine  publique,  273  ;  —  fondateurs 
d'ordre,  356  ;  —  Jean  Colombino,  356;  — 
musée  de  peinture,  27Ô  ;  —  palazzo  publico, 
2Ô2.  2Ô7, 

Sigebert  (monnaies  de).  236. 

Signorelli  (Luca).  peintre,  28.  367,  372-374. 

Siméon,  305. 

Sitte  (Camille),  nécrologie,  89. 

Sixte  (s.)  (statue  de),  33. 

Sluter  (Claus),  sculpteur,  65. 

Snafrou,  bas-relief.  222. 

SociéUs  :  d archéologie  de  Bruxelles,  51.  326; 

—  archéologique  it Eure  et  Loir,  52  ;  — 
arckéolo^que  de  Numur,  416  ;  —  archéolo- 
gique de  Tarn  et  Garonne,  165  ;  —  d'ému- 
lation pour  l'étude  de  l'histoire  et  des 
antiquités  de  la  Flandre,  419  ;  —  d'histoire 
et  d archéologie  de  (iund.  326  ;  —  historique 
et  archéologique  du  Limbourg,  495  ;  —  histo- 
rique et  archéologique  de  Périgord.  52  ;  — 
nationale  des  antiquaires  de  France,  48, 
164,  229,  322,  408  :  —  nationale  pour  ta 
protection  des  Sites,  176  ;  —  savantes 
(Congrès  des),  50. 

Sodoma,  peintre,  270 

Soignies,  collégiale,   493  ;  —  jubé  de   1640, 

493- 
Soil  (Eug),  492. 
Soissonnais,  églises  rurales,  417. 
Sonnius,  imprimeur  (marque  de),  236. 
Sorbonne,  Congrès   des  sociétés  savantes,  50, 

410. 
Sourzac.  église,  52. 
Sousse,  boite  de  plomb,  323  ;  —  catacombes 

chrétiennes,  49  ;  —  d  Hadrumète,  322. 
Souvigny.  tombeau.  66- 
Spalato,  palais  de  Dioclétien,  69. 
Speranza  (Giov.),  peintre,  133. 
Spicker    (Pierre),     peintre,    61,   191-199;    — 

(Guillaume),  verrier,  65,  88. 
Spinello  Aretini,  peintre,  275. 


Spire,  inventaire  du  trésor  de  la  cathédrale, 
30.  32- 

Stachowitz  (Nicolas  de)  (sceau  de),  39. 

stalles,  à  Cambrai,  108  ;  —  Hastière,  382  ;  — 
Orvieto,  27S  ;  —  sculptées,  270,  329,  335, 

statère  d'or  pâle,  324. 

statues,  de  S.  Antoine,  IT4  ;  —  Charles  V, 
434  ;  —  femme,  231  ;  —  Goudea,  50  ;  — 
S.  Grégoire  le  Grand,  33  ;  —  Henri  de 
Absberg,  36  ;  — Jean  d'Arc.  325  ;  —  Jeanne 
de  Bourbon,  434  ;  —  S.  Léon  IX,  45  ;  — 
S.  Louis,  475  :  —  Marguerite  de  Provence, 
475  ;  —  Ste  Marie-Madeleine,  415  ;  — 
Minghiszida,  50  ;  —  S.  Nicaise,  33  ;  — 
S.  Nicolas,  114  ;  —  S.  Remy,  233  ;  — 
S.  SiN:te,  33  ;  —  Ste  Vierge,  io3,  11. 

statuettes  en  bois  du  XVe  s,,  164. 

.Stavelot,  peignes  liturgiques,  502. 

stèle  de  terre  cuite,   165. 

Strasbourg,  église  Ste-Madeleine,  434  ;  — 
horloge  astronomique,  86  ;  —  vitrail,  298, 
434. 

.Suaire  (le  St-).    157-160. 

Suisse,  pittoresque.  48  r. 

surhuméral,  29  ;  —  existence,  34  ;  —  forme. 
38  ;  —  origine.  44  ;  —  symbolisme.  43. 

Sylvestre  (s).   135. 

Symphorien  (s.  ),  279,  280. 


tabernacle,  du  XVI"=  s. ,  375  ;  —  sur  rue,  404  ; 

—  à  tourelle,  423. 
tablettes  chaldéennes,  49. 
Talenti,  architecte,  359. 
tapisserie  (histoire  de  la),  51. 

tapisseries,  allégoriques,  81  ;  ^  à  Angers, 
310,  311,  435  ; —  .«^uxerre,  309  ;  —  Bayeux, 
310  ;  —  Beaune,  51,  190  ;  —  brabançonnes, 
51  ;  —  à  Cambrai,  116  ;  —  coptes,  337  ;  — 
flamandes,  51,  6t,  179  ;  —  au  Mans,  311  ; 
— •  à  Pescau,  413  ;    —  Rennes,   325.  415  ; 

—  Saragosse,  434;  —  Sens,  5t;  —  tenture 
de  l'Apocalypse,  51  ;  —  Tournai,  51  ;  — -du 
XIV«:  s.,  si;  —  XVe  s.,  87;  —  (repro- 
duction des),  309. 

Tarascon,  ruines,  475. 

Tarente,  monnaie,  232. 

Tarn,  statues,  menhir,  231. 

Techneb,  fouilles,   322. 

Tello,  fouilles,  50,  230. 

Telmuda,  tubes  en  poterie,  164. 

Tenture,  51. 

Ternaez,  église,  332. 

Thamugade,  villa  romaine,  486. 

Thann,  église  5t-Thibault,  201  ;  —  monnaies, 
391  ;  —  portails,  292,  293  ;  —  occidentale, 
294,  295,  300,  384,  385  ;  —  porte  septen- 
trionale, 395,  396. 

Théodoric,  de  Prague,  peintre,  i5  ;  —  empe- 
reur (palais  de),  71. 

Thibault  (s.),  292,  391,  396. 

Thiollier  (N.  ),  422. 

Thoisy,  château,  412  ;  —  manuscrit,  412  ;  — 
peintures,  325,  412. 

Thomas  (s.),  308. 

Thomas  de  Mutina,  peintre,  i5. 

Thurgovie.  maison  en  pans  de  bois,  484. 

tiare,  17. 

tierceron,  239. 

Tieghem,  église,  166. 

Tigzirt.  pavement  de  la  basilique,  235. 

Tintoret,  peintre,  126.   127. 

Tirlemont,  église St-Germain,  433;  —Notre- 
Dame  du  Lac,  331. 

Tissolo  (Franc.),  peintre,  126. 

tissus  anciens,  51  ;  —  byzantins,  51. 

Titien,  peintre,  14,  126,  367. 

Tiziano  (Cesare),  peintre.  14. 

Tobie,  457, 

tombe  punique.  165. 


tombeaux,  d'Ailly  (Pierre  d'),  129  ;  —  André 
de  Luxembourg,  109  ;  —  S.  Bénigne,  285  ; 

—  Berghes( Guillaume  de),  109  ;  —  Berghes 
(Henri  de),  loS,  109  ;  —  Blénod  de  Toul, 
40  :  —  Bourbons,  66  ;  —  Bruges  (Jean  de), 
109  ;  —  Burch  (Franc,  van  den),  112  ;  — 
Dainville  (Gérard),  109  ;  —  S.  Euchaire, 
469  ;  —  Faristeret  (François)  ;  —  Fay 
(Guill.  du),  113  ;  —  Fénelon,  109  ;  — 
Fontaines  (Nicolas  de),  108  ;  —  François 
de  Halluin,  328  ;  —  S.  Geosmes.  460.  — 
Gui  d'Auvergne,  log  ;  —  Hacia  de  Car- 
retto,  273  ;  —  Hugues  des  Hazards,  40;  — 
Jean  de  Berry,  66  ;  — Jean  de  Boissy,  328; 

—  Jean  de  Bourgogne,  109  ;  —  Jean  de  la 
Grange,  328  ;  —  Jean  de  Lens,  109  ;  — 
Jean  sans  Peur,  65,  66;  —  Jonnart(La- 
dislas),  108  ;  —  des  Laubespines,  48  ;  — 
Majorés  (PhiUppe),  113  ;  —  Malove  (Jean 
de),  III  ;  — ■  Mangold  de  Nauembourg,  35; 

—  de  s.  Mansuy.  40  ;  —  Marguerite  de  Ba- 
vière, 65  ;  —  S.  Mathias,  470  ;  —  Onigo, 
19,  24  ;  —  S.  Pavin,  161  ;  —  Perez  de 
Vivero  (D.  Alfonso).  114;  —  Philippe  le 
Bon.  93;  —  Philippe  le  Hardi,  65,  93  ;  — 
Pierre  André,  109  ;  —  Richardot  (Jean), 
109  ;  — Sauvigny,  66  ;  —  Velasio  (Ermen- 
tine  de),  m  ;  —  .S.  Valérien,  469.  —  S. 
WiUibald,  42  ;  —  Zanetti,  126. 

Tommaso  da  Modena,  peintre,  16,  20,  22. 
Tongres,  reliquaire  de  la  Ste  Croix,  76. 
Tonnerre,  hôpital,  66. 
Torcello,  cathédrale,  197. 
toreutique.  233, 

Toscane,  peinture  de  paysage,  245. 
Touat,  inscription  hébraïque,  49. 
Toul.  monument  de  Henri  de  Ville,  39. 
Toulouse,  archives  municipales.  416  ;  —  or- 
fèvres, 324  ;  —  orfèvrerie  du  XV*^  s.,  416  ; 

—  -St-Sernin,  i. 

tour,  à  Autun  (de  Janus),  60  ;  —  c  airée  mili- 
taire, 165  :  — romane,  433. 

Touring  club,  77 

Tournai,  cathédrale,  330,  417,  493  ;  —  église 
St-Jacques,  64,  330  ;  —  ivoire  d'évangé- 
liaire,  76  ;  —  porte  Mantille,  148  ;  — 
salles  des  Conseaux,   62  ;  —  tapisseries, 

51- 

Tournus,  crypte  St- Valérien,  134-142  ;  — 
pierres  tombales,  324;  —  église  abbatiale, 
i.-l6,  137.  177.  338. 

Tours,  vitrail,  184,  185. 

Tralles,  fouilles,  230. 

Transfiguration,  373. 

Trélius,  église,  332. 

trésor,  à  Àix-la- Chapelle,  233  ;  —  Bamberg, 
36  ;  —  Cambrai,  144  ;  —  Giancarlo  Rossi, 
220  ;  —  Maestricht,  33  ;  —  Namur,  419;  — 
Périgueux,  416  ;  —  Prague,  30-33  ;  — 
Sens,  54  ;  —  Spire,  30,  32  ;  —  Winchester, 

243- 
Trêves,  abbaye  St-Mathias,  459;  — antiqui- 
tés chrétiennes,  463  ;  —  basilique  St-Jean- 
Baptiste,  463  ;  —  cathédrale,  465  ;  —cryp- 
tes, 465-468  ;  —  épitaphes  grecques.  464  ; 

—  porta  Nigra,  464  ;  —  reliques,  469  ;  — 
sarcophage  en  pierre,  465. 

Trévise.  14  ;  —  cathédrale.  126  ;  —  église 
San  Nicolo,  18  ;  —  fresques,  15  ;  —  pina- 
cothèque communale,  127  ;  —  tombeau  de 
l'évêque  Ganetti,  126  ;  —  tombeau  du  séna- 
teur Onigo,  19. 

Trinité,  100,  142. 

Trista.  inscription  grecque.  322. 

Troyes.  église St-Urbain,  So;  — sculpture  du 
XI V"!  s.,  424  ;  —  Vierge  de  St-Savin,  425  ; 

—  vitraux,  172. 
tubes  en  poterie,  164. 

tuiles  polychromes,    54,   62  ;   —   vernissées. 

325-  ,     ^ 

Tunis,  inscription  romaine.  48  ;  —  musée  du 

Bardo.  164. 
Tunisie,  exploration,  48  ;  —  fouilles.  486  ;  — 
inscriptions  romaines,  326  ;  — route  straté- 
gique, 48. 


534 


3Rebue  lie  l'^lrt  chrétien. 


Turin,  bibliothèque  de  l'université.  178;  — 
nationale,  22g,  257  ;  —  missel  manuscrit 
avec  miniatures,  164  ;  —  St-Suaire,  106. 

Turini  (Giovanni),  orfèvre,  269. 

Turnoiith,  château,  493. 

U 

Ugolinodi  Vieri.  orfèvre,  271. 
Uhn,  cathédrale.  397. 
Ulrich  {s.  ).  390,  391. 
Urbin.  église.  172. 
Ursule  (ste).  20.  22. 


Vaast  (s.).  103. 

Vaes(H.).35. 

Valais,  chalets.  485;   —  églises  rur.iles,  417. 

Valence,  collection  de  moulages,  257. 

Valencieniies.  église  Notre-Dame,  104  ;  — 
musée,  326. 

Valérien  (s.),  135,  13S,  139,  141,  143,  469. 

VanCaster  (le  ch. ),  492. 

Van  de  Foel  (Jean),  architecte,  480. 

Vandeins,  ét^lise,  147. 

Van  der  Beke  (Joos),  peintre,  344. 

Van  der  Gheyn  (R.  P.),  85. 

Van  Gavere,  relieur.  419. 

Vannes,  fouilles,  323. 

Vanni  (Adrien),  peintre,  233. 

Vannini.  peintre,  369. 

Varax  (armes  de  la  famille  de),  145;  —  église 
St. Paul,  144-154  :  —  peintures  anciennes, 
144. 

Varennes  le  Grand,  église,  412  ;  —  fresques, 
325.  412. 

Vase,  à  infuser,  229  ;  ^-  métallique,  324. 

Vaucelles,  abbaye,  104,  119. 

Vaulx,  gravures  rupestres,  231. 

Velasco  (Ernestine  de),  (tombeau  en  marbre 
de),  III. 

Velay  (monuments  du),  332. 

Venasque,  baptistère,  415. 

Vendôme,  bibliothèque,  église  et  musée,  495. 

Veneziano  (,\nt. ).  peintre,  131  ;  —  (fresques 
de).  226. 

Venise,  ambon  de  St-Marc,  500  ;  —  campa- 
nile. 86.  252  ;  —  fonts  baptismaux,  52  ;  — 
monument  du  doge  Mocenigo,  172  ;  —  mu- 
sée royal  de  peinture.  22,  318  ;  —  œuvres 
d'art,  336  ;  —  sarcophage,  86. 

Verceil  (le  B"  Jean  de),  67. 

Verhaegen  (.A.),  85,  471. 

Vérone,  église  .San  Giorgio.  199. 

Véronèse,  peintre.  126,  1Q4. 

Véronique  (ste),  99,  214. 


Verrières,  église,  332. 

Vers,  antiquités  gallo-romaines,  229. 

Versailles,  pavillon  d'Apollon,  241  ;  —  pro- 
menade de  la  famille  royale,  241. 

Vertou,  abbaye  St-Martin,  2. 

vêtements  liturgiques,  amict,  45  ;  —  chape 
435  ;  —  chasuble,  264  ;  —   encolpion,  34 

—  grémial,  31  ;  —  peignes  liturgiques.  502  , 

—  ratioiial,  29-34  ;  —  surhuméra!,  29,  34- 
44;  ;  —  tiare,  17, 

Veuillot  (François).  55. 

Vexin.    clochers   romans,  409  ;    —   portails 

romans,  325. 
Vézelay,  abbatiale.  58  ;  —  chapiteaux.  456- 

457  ;  —  linteau,  449  ;  —  Madeleine,  t,  65  ; 

--  portail  de  l'abbaye.  448,  450  ;  —  porte, 

448  ■  —  tympan,  456,  457. 
Vicence.  église.  129-131  ;  —  palais  délia  Ra- 

gione,  127  ;  —  Loggia  Bernardo,  128. 
Vicenzo  di  Biagio,  peintre,  14. 
Vienne,  musée,  16,  100. 
Vierge,  99.  102,  266,  274  ;   —  en  adoration, 

406,  407  ;  —   -Annonciation.  97,  275,  305  ; 

—  assise,  502  ;  —  Assomption,  307  ;  — 
Couronnement,  308  ;  —  et  l'Enfant,  99, 
366,  405  ;  —  épousailles,  99,  305  ;  —  funé- 
r,aiUes.  307;  —  Immaculée  du  XVlI=s., 
502  ;  —  Mère,  102  ;  —  Mère  au  tombeau. 
307  :  —  mort,  90,  307  :  —  naissance,  304  ; 

—  statue  d'argent,  108,  ii2  ;  —  en  bois  du 
XV*-'  s. ,  434  ;  —  en  pierre,  425  ;  —  du 
'^l^'''  s..  331  ;  —  vie  dans  le  Temple,  304  ; 

—  Visitation.  305. 

Vierges  sages  et  les  vierges  folles  (les),   204, 

205. 
Vignola,  peintre,  434. 
Villart  d'Honnecouri,  architecte,    104,    119. 

120,  181. 
Villefranche,  chartreuse,   165  ;  —  collégiale, 

165  ;  —  tour  carrée  militaire,  165. 
Villers,  abbaye,  176,  420. 
Vi/les  iTart  (les),  170. 
Villevielle.  sculpture  romaine.  321. 
Vincent  de  Beauvais,  184. 
Vinci  (Léonard  de),    peintre,    126,  198,  226, 

245,  376  ;  —  (portrait  de),  32; 
Vincigliato,  château,  228. 
Violiet-le- Duc,  architecte,  i,  53-55.  181,  285, 

291,  409,  448,  453,  494. 
Visitation,  305. 
Vit  (s.  ),  (martyre  de),  387. 
vitrail  (le),  326. 
vitraux,  à  Auxerre.  55  ;  —  Cambrai,  106  ;  — 

Chàlons-sur-Marne,  307  ;  — Chartres,  186  ; 

—  Chateaudun,  326  ;  —  Dijon,  66  ;  —  Flo- 
rence. 360  ;  —  Fribourg.  233  ;  —  Lyon, 
i36;  —   Maredsous.   471  ;   —   Mulhouse, 


432  ;  —  Ratisbonne,  36  ;  —  Saint-Juhen  du 
.Sault,  186  ;  —  Sens,  54  ;  —  Strasbourg, 
298,  434  ;  —  Tours,  184,  185  ;  —  Troyes, 
172. 

Vivoin,  église,  351  ;  —  rosace,  351. 

Vodecée,  fouilles,  419. 

voies  romaines,  325. 

voûtes,  barlongues,  53  ;  —  en  croisées  d'ogi- 
ves, 238  ;  —  cylindriques,  53  ;  —  à  dou- 
bleaux  de  recoupement.  64  ;  —  lapidaires. 
330  ;  d'ogives.  417  ;  —  sixpartites,  53, 
419. 

Vouvant,  église,  3. 

Vrelants  (Guil.  ),  peintre.  168. 

W 

Waermaerde.  église.  166. 

Walcourt,  église,  176,  433. 

Waulsort,  abbaye,  378. 

Weale  (J.),  98,  loo,  168,  242.  335.  410. 

Weclin  (Hans).  architecte.  293. 

Wenceslas  d'Olmutz.  graveur,  298. 

Wert  (Henri  de),  dominicain,  99. 

Werve  (Claus  de),  peintre.  65. 

Wert  (Mathieu  de),  peintre.  108. 

Westmalle.  église.  433  ;  —  peintures  murales. 

86, 
Weyden   (Roger  van   der).    61.   98-100.    192, 

195.  t97.  343.  430- 
Wilhem  von  Herle,  peintre,  344. 
Willibald  (s.),  (tombeau  de),  42. 
Wilpert.  45. 

Wincester.  trésors  d'argenterie,  243. 
Winckler,  architecte.  294,  296. 
Witz  (Conrad),  peintre,  343. 
Woensam  (.-\nt.  ).  peintre,  345. 
Wolfgang  Hubert,  peintre.  339. 
Worms.  basilique  St-Jean- Baptiste,  172. 
Wurmser  (Nie. ),  peintre,  lô. 
Wurtzbourg,  sceaux  et  pierres  tombales,  40. 
Wybo  (A.),  peintre,  476. 


Ymbert  (Olivier),  maître  maçon.  412. 

Yperman  (L.  ).  peintre,  28 

Ypres.   église  St-Martin.     64,   330,   346; 

salle  échevinale,  331. 
Yves  de  Chartres,  30-32. 


Zande,  clocher  roman,  85. 
Zanetto  Bugato,  peintre,  430. 
Zeil  (Je.an),  peintre,  415. 


Imprimé  par  Desclée.  De  Brouwcr  et  Ci";,  LII.I.K-PAKIS-BRUGKS. 


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