f^ '•. r^ ^ .
■^■■^^'sr^Ji/1^^*''
'|?^^^'^^^^ V
?PM
.0,,
^'M-
ai
F
Nff^^^
'^>
f N
.,^....
m
•:?l^-,::: ::|fei6^'^r^^,^gr|p
feâr: '^'r<i,::
^^,M.^:^L^^ ^ -^ -^^ ^- ^ ^ ■■^- ^^ ^^ ^^ ^ ^^î^^.^s^^^ï^j^jtg'^^
Betjue De
rHrt chrétien
^^ paraissant toiiiv les beu): mois
" ^ 47""* Hnnée. — 4^ Série.
^omc XV (Liie ùt la callcctiûii), 4
aji;, l'Mitiraison. — ^Tantiicr 190^. 4||
Hnalpge ûe0 sculptures De la facaDe occiDentale De Tégltse
De l'abbape De Haint-OTouin De ffîarnes (Deujc«Hètre0).
Généralités. ^ historique.
iïma.flQ:iMaimç:î 'A RC H I T E CT U RE
romane a eu en France
cette bonne fortune d'a-
voir conservé jusqu'à
nos jours de chacune de
ses écoles, un spécimen
complet, dont l'aspect
réjouit l'artiste, et dont l'étude évoque aux
yeux de l'archéologue tout un système spé-
cial de construction et de décoration. —
Tels Saint-Sernin de Toulouse nous révèle
l'Ecole romane du Languedoc, Saint-Tro-
phime d'Arles, celle de la Provence ; la
Madeleine de Vézelay fait revivre l'œuvre
clunisienne en Bourgogne, comme Saint-
Jouin de Marnes en Touraine-Poitou.
Ces deux derniers monuments sont véri-
tablement comparables à tous égards : non
seulement le mérite architectural, la riches-
se de leurs façades, mais aussi la morne
solitude du lieu, la beauté du site sont pres-
que les mêmes, bien qu'avec des caractères
tout différents. — A un point de vue pure-
ment pratique, l'excursion d'un jour ou
deux qui montre au voyageur Airvault,
Marnes, Saint-Jouin, Oyron et Thouars
vaut bien la merveilleuse visite de Vézelay,
Saint- Père, Chastellux et Avallon : ce sont
peut-être les deux plus belles excursions
qu'un touriste archéologue puisse faire en
France. — Pourquoi donc Vézelay est-il si
célèbre et Saint-Jouin si ignoré ? l'histoire,
qui a laissé dans l'ombre le second de ces
deux noms, y est peut-être pour quelque
chose ; mais cette inégalité vient surtout de
ce que Vézelay, après avoir été restauré
par Viollet-le-Duc, a été ensuite détaillé,
célébré, chanté, oserons-nous dire, par cet
inoubliable artiste, tandis que Saint-Jouin
n'a jamais fait l'objet que de monogra-
phies, assez bonnes d'ailleurs, mais néces-
sairement trop sèches et trop succinctes.
Nous n'avons ni le talent ni l'ambition
REVUE DE L'aKT CHRÉTIEN.
1904. — 1'® —LIVRAISON.
3Rebue lie V^xt cbrétten.
de remplir cette lacune : aussi bien notre
tâche se limite-telle à l'étude des façades
d'églises et de leurs sculptures ; mais, si
nous pouvons apporter notre pierre à l'édi-
fice qui certainement sera un jour construit
à la gloire de ce chef-d'œuvre, et si notre
modeste essai décide quelques artistes à
aller admirer ce monument, nous aurons
acquitté du moins une partie de la dette
que nous avons contractée envers Saint-
Jouin de Marnes pour prix des pures jouis-
sances dont il nous a comblé.
Le monastère de Saint-Jouin, qui a brillé
d'un si vif éclat pendant tout le moyen âge,
existait dès le milieu du V'' siècle, peut-être
même dès l'année 425. Il avait d'abord été
appelé « Ension», du nom primitif du vil-
lage qui l'environnait ; mais bientôt il prit
sa désignation actuelle, formée du nom de
saint Jouin, son fondateur ou l'un de ses
premiers abbés (Jovinus) et du nom du
bourg de Marnes, voisin de l'abbaye. —
Ruiné lors des guerres que firent contre
l'Aquitaine Pépin etCharlemagne.le monas-
tère dut à une autre guerre et à une autre
ruine sa résurrection et sa splendeur. En
effet, l'abbaye bénédictine de Saint-Martin
de Vertou, près Nantes, ayant été saccagée
et détruite par les pirates normands, les
moines qui l'occupaient se réunirent à ceux
de Saint-Jouin, auxquels ils donnèrent une
importance et une vitalité nouvelles. —
On ne possède pas de documents précis
sur la construction de l'église ; mais on peut,
sans grand risque, en fixer l'époque vers le
milieu du XI 1^ siècle.
Abandonnée par les religieux depuis le
XVIII' siècle, l'abbaye est tombée en rui-
nes. Du cloître ('), il ne restait plus, il y a
I. Ecrase aloi» sous de lourds bâtiments du XVII''
siècle.
quelques années, que deux ou trois arcades
aux meneaux brisés ; l'église, et particuliè-
rement la façade, était dans un état avancé
de délabrement ('F'i^/ry?^//;'!?/^.- le toit octo-
gonal de la tourelle de droite n'existait plus;
les verrières des fenêtres latérales du pre-
mier étage étaient tombées avec leur enca-
drement de colonnes et les baies étaient
bouchées par une odieuse clôture de plan-
ches ; la porte de droite avait disparu ; la
porte centrale se trouvait cachée sous un
auvent d'ardoises;les grossescolonnes sépa-
rant les portes n'existaient plus qu'à l'état
de souvenir; les placages sculptés tombaient
de la muraille : l'édifice tout entier offrait
un tableau de désolation rare mais non sans
grandeur.
Depuis décembre 1889, on s'est ému en
haut lieu de cet état de choses : M. Deve-
rin ('), architecte en chef des monuments
historiques, a été chargé de la restauration:
déjà la façade et la nef ont été réparées, on
s'est occupé ensuite, après les avoir déga-
gées, des constructions du XVI I'' siècle, du
cloître et de la façade septentrionale où tout
était en fort mauvais état. Actuellement, le
manque de ressources arrête malheureuse-
ment cette entreprise,et cependant la réfec-
tion du chœur et de l'abside, bien urgente
également, exigera encore un énorme tra-
vail. Espérons que les fonds indispensables
seront trouvés, car en considérant la per-
fection des parties restaurées jusqu'ici, on
peut être assuré que 1 habile architecte
chargé de ce lourd travail ne faillira point
à sa tâche.
X)cscription générale De la façaue.
La façade de Saint-Jouin présente la
même disposition générale que toutes les
I. C'est à cet éminent architecte que nous devons déjà
les reniarquabli!s restaurations de Saint-Pierre de Melle
d'Airvault, de Maillezais, etc..
3L'église De ^atnt ^ouin De £©arnes.
autres grandes églises romanes du Poitou:
c'est un pignon élevé divisé en trois étages
et rtanqué de chaque côté d'un faisceau de
colonnes formant tourelle surmontée d'une
lanterne de pierre (■); dans le sens horizon-
tal, la façade est de même divisée en trois
parties qui offrent chacune au rez-de-chaus-
sée une porte et au premier étage une
Fig.
— Façade de régUse St Jouai de Marnes
avant la restauration
fenêtre. — Mais ce qui distingue Saint-
Jouin entre les autres monuments de la
même époque, c'est l'ornementation répan-
due sur tout l'ensemble de la façade ; la
plupart des églises de la région (St-Hilaire
de Melle, abbaye aux Dames de Saintes,
I. Cette disposition est tellement invariable dans les
églises poitevines et saintongeaises du XII' siècle, que,
pour StNicoIas de Civrai dont exceptionnellement la
façade se termine par un plan horizontal, les critiques les
plus autorisés n'ont cru pouvoir expliquer cette anomalie
que par l'hypothèse de la destruction du pignon à une
époque inconnue.
St-Nicolas de Maillezais, St-Pierre d'Aul-
nay, St-Pierre de Parthenay-Ie-Vieux, etc.)
réservent pour leur étage inférieur toute la
richesse de leur décoration ; seuls, St-Nico-
las de Civrai et Notre-Dame la Grande de
Poitiers (') présentent comme Saint-Jouin,
une façade couverte de sculptures depuis le
Fig. a. — Façade de léglise St-Jouin de Marnes.
État actuel.
sol jusqu'au faîte. Chacune de ces trois
églises a un caractère et un mérite spécial:
Civrai, dans sa fenêtre du premier étage,
nous montre le chef-d'œuvre de l'école ro-
mane en ce genre ; mais le reste de la dé-
coration, sauf au rez-de-chaussée, paraît
quelque peu artificiel et mal lié à l'ensem-
I. Nous ne parlons pas de Vouvant, car, si la porte est
romane, la décoration du pignon ne date que du XIV"
siècle, et, d'ailleurs, la façade se trouvant au transept, la
disposition générale n'est pas celle indiquée ci-dessus.
Bebtie ïie T^rt cbrctien.
ble ; Notre-Dame la Grande, ce chefd'œu-
vre, est trop connu pour qu'il soit utile de
rappeler sa merveilleuse décoration, qui,
avec un relief inconnu aux autres façades
romanes, se déroule dans une unité pleine
de grandeur ; Saint-Jouin est moins riche,
mais a peut-être plus d'unité, plus d'élé-
gance naturelle que Givrai, plus de majesté
que Poitiers. — Les figures qui décorent
cette façade sont plus imposantes par la
différence de leurs proportions, et l'orne-
mentation, très sobre, ne sent ni la recher-
che ni l'effet.
Hnalpe Dctaillcc Des sculptures.
No I. En avant d'une grande croix pat-
tée, dessinée en faible relief sur la muraille
au milieu du pignon, est assis Jésus-Ghrist,
de taille colossale : couronné du nimbe cru-
cifère, il lève la main gauche, et baisse la
droite, qu'il tient ouverte; il a les pieds nus.
M. Bélisaire Ledain, auteur d'une bonne
monographie de Saint-Jouin, croit recon-
naître dans ce personnage Dieu le Père,
mais le nimbe crucifère, aussi bien que la
croix figurée derrière lui, indiquent assez
clairement le Christ ; il est dans l'attitude
habituelle du Souverain Juge, et en effet,
à notre avis, la scène qui se déroule à ses
pieds est celle du Jugement dernier.
N°s 2 et 3. Deux anges, debout, sonnent
de l'olifant pour éveiller les morts et les
appeler devant le Souverain Juge. Gelui
de gauche se couvre de ses ailes repliées,
Ges figures N°s i, 2 et 3 sont reproduites
en moulages au musée du Trocadéro.
A droite et à gauche des anges (N°s 2
et 3), sous les triangles BB, il se trouvait
avant la restauration, de chaque côté,
trois pierres (u) plus grandes que l'appareil
voisin, qui portaient peut-être (?) autrefois
quelques sujets sculptés (•). L'état de désa-
I. Nous devons ce renseignement à M. Deverin.
grégation des surfaces ne donnant aucune
indication, ne pouvait permettre qu'une
invention assez hypothétique : aussi l'archi-
tecte, vu l'importance de leur emplacement,
n'a pas cru devoir tenter la moindre restitu-
tion qui eût été l'objet de controverses trop
justifiées. On peut en effet supposer à vo-
lonté que ces sujets inconnus, complétant
la scène du Jugement, auraient été des
Saints ou des Apôtres (au XI li^ siècle les
Apôtres sont souvent représentés à côté du
Souverain Juge, comme à Beaulieu, Arles,
etc.), ou des anges portant soit les instru-
ments de la passion, soit le soleil et la lune
(comme on en trouve quelques exemples
dès le XI 1^ siècle), ou encore à gauche (du
spectateur) des scènes du Paradis, la porte
céleste, S. Pierre, le sein d'Abraham ; à
droite, la gueule de l'enfer et les démons.
N°^ 4 à 36. Cette longue rangée de petits
personnages, interrompue au milieu seule-
ment par une figure plus grande, a fort
intrigué les interprètes : certains, comme
M. Ch. Arnault (Monuments du Poitou),
ont pensé voir ici la Religion (N" 4) hono-
rée par une longue procession de fidèles ;
mais cette idée abstraite de la Religion
n'est guère dans la tradition des imagiers ;
d'autres ont cru (M. B. Ledain) que le per-
sonnage central pouvait être Jésus- Christ
recevant les hommages des diverses nations
de la terre, mais ce personnage imberbe ne
porte pas le nimbe crucifère, et d'ailleurs
cette interprétation n'expliquerait pas, bien
au contraire, la présence du grand Christ
(N° 1). — Aussi préférons-nous (et nous
avons appris que cette opinion avait été
émise avant nous par M. Léon Palustre)
reconnaître dans cette page de pierre le
jugement dernier, scène qui est plus con-
forme à la tradition des imagiers et qui
justifie mieux la présence du groupe supé-
rieur. — A vrai dire, on ne voit ni tom-
beaux entr'ouverts, ni démons entraînant
les damnés ; mais n'oublions pas que ces
acteurs, indispensables dans un tableau du
XIII^ ou du XlVe siècle, le paraissent
moins aux yeux de l'artiste du Xlle(i), la
tradition n'ayant pas encore à cette époque,
fixé de règles étroites à la représentation
du Jugement.
Nous pensons d'ailleurs que la longue
théorie des petits personnages N°s 5 à 33
u^y
>=H^
Fig. 3 — Schéma de la façade de St-Jouin de Marnes.
peut représenter la foule des morts qui
viennent de ressusciter au son de la trom-
pette : le fait qu'ils sont vêtus n'est pas un
I. Ainsi à Autun (XII' siècle) on ne voit pas, dans la
scène du Jugement, la Vierge et S. Jean, acteurs indis-
pensables à partir du X 1 1 1"^ siècle ; à Beaulieu (Corrèze-
XII« siècle) il n'y a point de S. Michel peseur d'âmes, ni
d'anges conduisant les élus au paradis, ni de démons
poussant les damnés en enfer ; etc..
obstacle à cette interprétation : au portail
d'Autun, vers la même époque où fut sculp-
tée notre façade, l'imagier Gislebertus nous
montrait bien parmi ses ressuscites des gens
de toute condition, en costumes d'évêques,
de pèlerins, de paysans ; il est vrai que là
on voit près d'eux leur tombe ouverte, et
3Rel)ue tie T^rt cbréticn.
l'absence de pierres sépulcrales nous oblige
seule à faire ici des réserves sur l'interpré-
tation que nous proposons. Examinons le
détail de ces diverses figures :
4 — Un grand personnage debout, im-
berbe, vêtu d'une robe longue, brodée,
retenue à la taille par une ceinture. Selon
notre interprétation, on s'attendrait à trou-
ver à cette place un saint Michel peseur
d'âmes : mais notre figure n'est pas ailée et
ne présente aucun des attributs habituels
Fig. 4. — Sculptures du pignon. — Détail des statues n"^ 134.
de l'archange. — Nous voyons ici la Vierge,
médiatrice entre le Christ, assis au-dessus
de sa tête, et les pécheurs qui se pressent à
ses pieds. — En aucun cas, il ne peut être
question, comme nous l'avons dit, ni de
Jésus-Christ (solution proposée par M. Le-
dain), ni de la Religion (par M. Arnault).
— Ce personnage est nimbé ; il paraît tenir
de la main gauche un vase sphérique ; dans
la droite il portait un objet aujourd'hui
brisé: malgré notre désir, nous ne trouvons
pas ici la place d'une balance (qui détermi-
nerait la personnalité de saint Michel), bien
qu'à la partie inférieure on croie distinguer
des crapauds et des reptiles, comme déjà
les imagiers du XI I^ siècle (notamment à
Autun) en plaçaient sous le plateau de la
balance de l'archange. Le relief est plus
accusé que pour les statues suivantes. Cette
figure (') est abritée sous une sorte de dais
formé par l'évidement du piédestal de la
statue No i.
Nos^et 6. Deux pêcheurs, de profil, nu-
tête, à genoux et mains jointes, prient la
Vierge d'intercéder pour eux auprès du
Souverain Juge. — Ces personnages sont
très grossièrement sculptés; leurs têtes sont
disproportionnées.
N°s 7 à 21 et 22 à 34. Deux files de
petits personnages, en faible relief, occu-
pant chacun un carré de pierre plaqué sur
la façade à intervalles réguliers, s'avancent
comme en procession, sur une ligne hori-
zontale, de part et d'autre, vers le person-
nage central, qu'ils paraissent implorer ou
saluer : aucun n'est nimbé.
7. Femme en robe longue, debout. —
On remarquera que la tête de ce person-
nage est disproportionnée.
8. Sorte de pèlerin, en tunique courte,
tenant un bâton de voyage et un sac en
bandoulière.
9. Femm'e ou moine (.'*) debout, peu
distincte ; elle tient un bâton ; sa tête paraît
couverte d'un capuchon.
10. A peu près pareil au N° S.
11. Vêtu de même, sans sac, tient un
long bâton et peut-être une gourde de pè-
lerin (.?).
I 2. De même ; la tête est bizarrement
mutilée. — Ce bas-relief est moitié moins
large que les précédents et les suivants.
13. Vieillard en robe courte et manteau,
marchant péniblement courbé, appuyé sur
son bâton.
I. Elle est reproduite en moulage au musée du Troca-
déro.
3L'égli0e îie ^aiut Joutn De S^àxnts.
14-15. Deux personnages en tunique
courte, debout, marchent comme les autres,
appuyés sur de longs bâtons: le n" 14 porte
sur la poitrine une sorte d'écu triangulaire;
le n° 15 semble être nu-tête.
16-17. Deux femmes (?) en robe longue,
debout ; la première tient une courte ba-
guette, la seconde un bâton de voyage.
18-19. Deux personnages en tunique
courte, marchent, appuyés sur de longs bâ-
tons.
20. Personnage dont la tête manque,
appuyé sur un bâton ; derrière lui, on croit
distinguer les restes d'un quadrupède.
3 1. Personnage à longue barbe, tenant un
bâton et un objet indistinct.
22. Homme debout, en tunique courte,
tournant le dos au personnage central ; il
avance les mains comme pour accueillir ou
repousser les figures suivantes.
23. Personnage en robe longue, levant à
demi les bras, comme pour implorer ou se
lamenter ; peut-être encore soutient-il sim-
plement un fardeau invisible suspendu à \
ses épaules. 1
24. Personnage en robe longue, debout,
tournant le dos au personnage central ; il
s'appuie sur un long bâton.
25. (Confus.) Personnage en tunique
courte, debout; devant lui, une partie indis-
tincte.
26. Personnage en tunique courte, de-
bout, appuyé sur un bâton.
27-28. Deux personnages en tunique
courte, debout, tenant un bâton de voyage
et une sorte de marteau.
29-30-31. Trois personnages en tunique
courte, debout, s'appuyant sur un long bâ-
ton et tenant contre leur poitrine un objet
indistinct.
32. Personnage en manteau, debout,
portant un livre et une baguette (ou peut-
être un cierge ?).
33. Femme ou seigneur en robe longue,
debout, portant une courte baguette (peut-
être un sceptre ?) et une banderole dérou-
lée.
34. Personnage en tunique, debout, por-
tant sur l'épaule un bâton auquel est atta-
ché un objet indistinct.
N°s 35 à 40. Six petits bas-reliefs pla-
qués sur la muraille entre la fenêtre cen-
trale et les colonnes des contreforts : ces
bas-reliefs, comme nous le voyons souvent
sur les monuments du XI I^ siècle, ne sont
pas rigoureusement de mêmes dimensions,
bien que se faisant pendant les uns aux
autres. On remarquera aussi que certains
sont surmontés de dais à ouvertures en
plein cintre très simples, tandis que d'au-
tres n'ont jamais été abrités : aucune raison
de symétrie, au contraire, n'explique cette
préférence. — Voici le détail des six
sujets :
35. Sous un dais, une femme, debout,
vêtue d'une robe et d'un caftan à longues
manches ('), tenant à la main, sur sa poi-
trine, un objet indistinct.
36 (Statue refaite nouvellement.) S. Jean,
imberbe, nimbé ; il est debout, vêtu d'une
robe brodée et tient le livre de son évan-
gile. L'aigle paraît à ses pieds. Cette statue
est abritée sous un dais. La console qui la
supporte est ornée de rinceaux.
37. (Statue refaite nouvellement.) S. Paul,
barbu, nimbé, est assis ; il tient devant lui,
entre ses genoux, une grande épée, son
symbole habituel.
38. Deux personnages imberbes, debout
sur un socle formé de deux animaux mons-
trueux adossés, dont les cous renversés en
I. Ce vêtement oriental, dont les Croisés semblent avoir
apporié la mode en France au XII"* siècle, se trouve
reproduit fréquemment à cette époque dans les sculptures
du Poitou (notamment à Notre-Dame la Grande de Poi-
tiers, etc.), très rarement dans celles des autres provinces.
8
Mebue lie T^rt cbrctten.
arrière aboutissent à une tête commune (').
Ces deux personnages sont vêtus de robes
longues : celui de droite, qui est nimbé,
semble se retourner vers l'autre pour lui
parler : c'est peut-être l'Annonciation : tel
est du moins le titre sous lequel ce groupe
figure en moulage au musée du Trocadéro.
39. Sous un dais, un saint, nimbé, vêtu
d'une robe, lient un livre : comme il fait
pendant à S. Jean, on peut penser que c'est
un évangéliste, mais il n'a aucun attribut
spécial.
40. S. Pierre, nimbé, à barbe courte, vêtu
d'une ample robe, est assis ; il tient à la
main la double clef. — Les deu.x; figures
39 et 40 ont été moulées pour le musée du
Trocadéro.
41. Cavalier lancé au galop et brandis-
sant une épée ; il est vêtu d'une courte robe
de seigneur du XI I^ siècle : on pourrait à
la rigueur voir ici saint Martin partageant
son manteau : les moines qui bâtirent l'é-
glise étaient originaires de l'abbaye de
St-Martin de Vertou. Mais le galop du
cheval et l'interprétation du groupe 42,
symétrique à celui-ci, nous font plutôt
reconnaître ici le cavalier traditionnel, le
Constantin qui personnifie l'Église triom-
phant du paganisme : on remarquera toute-
fois l'absence du petit personnage qui d'or-
dinaire, foulé aux pieds du cheval, repré-
sente le paganisme vaincu, à moins que l'on
ne veuille reconnaître les restes de ce per-
sonnage dans les débris informes que l'on
aperçoit à terre devant le cheval : cette
lacune nous empêche seule de donner cette
interprétation comme une certitude.
42. M. B. Ledain indique ici un person-
nage à genoux devant un cavalier : ce
serait alors l'histoire du manteau de S.
Martin. Mais un examen attentif ne nous
I. Le personnage de droite (la Vierge ?) pose les
pieds sur celte tcte.
a rien montré de semblable. Nous voyons
à droite un groupe formé d'un quadrupède
sur le dos duquel un homme est à cheval,
dans une position paraissant peu conforme
aux règles de l'équitation ; d'autre part,
l'animal, dont l'encolure ne semble guère
celle d'un cheval, ramène en arrière sa tête
(mutilée), comme maîtrisé par une force
supérieure. A notre avis, c'est là Samson
déchirant le jeune lion, sujet qui figure aux
façades de presque toutes les églises poite-
vines en face du cavalier et qui personnifie
le triomphe du Christ. Quant au person-
nage assez confus et dont la tête est brisée,
que nous trouvons debout à gauche, devant
la tête du lion, nous avouons n'en pas com-
prendre la signification ; il est vêtu d'une
robe longue et porte un objet indistinct :
est-ce le père de Samson qui, selon le récit
biblique, accompagnait son fils quand ils
rencontrèrent le lion? Cette représentation
serait unique dans toute la statuaire romane.
— Est-ce plutôt un saint personnage sans
aucun rapport avec Samson ? Nous remar-
quons en effet que les deux figures sont
sculptées sur des pierres séparées, de
dimensions toutes différentes, rapprochées
peut-être uniquement par la fantaisie de l'ap-
pareilleur, comme nous allons le voir dans
les sujets suivants. Nous penchons pour
cette dernière hypothèse, en faisant pour-
tant toutes les réserves qu'impose l'état de
dégradation de cette sculpture ; on pourrait
même penser d'après la forme de la robe
qu'il s'agit d'une femme.
43. Personnage dont la tête est brisée,
en tunique courte de paysan, debout, por-
tant un fardeau sur ses épaules ; il se dirige
vers
44. ...un second personnage, vêtu de
même et debout, qui paraît l'attendre :
celui-ci se présente de face. — Nous n'osons
risquer ici aucune interprétation.
3L'églt0e î)t ^atnt Joutn îie £@arne0.
45. La femme aux reptiles : échevelée,
nue, elle s'efforce en vain, de ses mains
crispées, d'écarter les deux serpents qui,
enroulés deux fois autour de ses jambes,
lui sucent les seins. Cette figure que l'on
retrouve sur beaucoup d'églises romanes
du Poitou, de la Saintonge et du Languedoc
(notamment àParthenay-le-Vieux, Moissac,
etc..) est l'image du châtiment infernal
réservé aux luxurieux, ou peut-être aux
mères qui ont abandonné leurs enfants : la
première interprétation ressort de quelques
vers de L'Bxp/oii de la pérégrination hu-
maine, compilée en 1331 par frère Guille de
Guyeville, précurseur de Dante (') ; la
seconde est indiquée expressément dans la
Vision ci' Albéric. — Au portail occidental
de Chartres, sur un cul-de-lampe, on trouve
une sorte de parodie de ce sujet : un singe
tourmenté par des serpents et des dragons
de la même manière que la femme aux rep-
tiles.
46 et 47. Deux personnages (la tête du
second manque), debout, vêtus de tuniques
de paysan comme les No^ 43 et 44 ; ils
semblent converser, dit M. Ledain ; il nous
paraît plutôt qu'ils portent ensemble un
fardeau indistinct, qui semble enfermé dans
une toile nouée.
48. (Statue refaite nouvellement.) Un
petit homme imberbe, aux cheveux par-
tagés sur le front, apparaît à mi-corps ; sur
sa poitrine est un livre fermé, par-dessus
lequel il croise les mains. — L'artiste mo-
derne a évidemment représenté ici l'ange
ou l'homme, symbole de l'évangéliste S.
Mathieu ; la sculpture originale était indis-
tincte et nous craignons fort que cette
nouvelle interprétation, donnée par l'artiste
moderne, n'ait été le résultat d'une erreur,
car les sujets voisins ne semblent guère se
rapporter auTétramorphe.
I. Bibliothèque de Metz.
49. Tête à peu près indistincte, qui est
peut-être celle d'un chien ou d'un démon.
Cette figure est très grossièrement sculptée.
— Si l'on admettait que les quatre sujets
N°s 48 à 51 représentent les quatre ani-
maux, il faudrait ici, selon l'ordre tradi-
tionnel, le bœuf de S. Luc.
50. Sujet indistinct (peut-être le Lion,
symbole de S. Marc .'')
51. Statue refaite nouvellement. — C'est
un oiseau qui se présente de face, les ailes
entr'ouvertes: évidemment, dans la pensée
du sculpteur, l'aigle, symbole de S. Jean.
Chapiteaux.
52. Feuilles très simples. Sur le tailloir,
un chien courant : cette figure animale rap-
pelle les chiens qui décorent la frise de la
façade de St-Gilles du Gard.
53. Aux deux angles, buste d'un person-
nage nu, paraissant tenir à la main un
rameau de feuillage. Sur le tailloir, des
pommes de pin.
54. Deux quadrupèdes monstrueux,
adossés.
55. Deux hommes vêtus de tuniques,
adossés, ils sont debout, mais penchés vers
la terre ( comme pour moissonner par
exemple ).
56. Chevaux galopant sans cavalier.
Les tailloirs de ces trois chapiteaux sont
décorés de rinceaux.
57 et 58. Ornements très simples : genre
des chapiteaux du Xl^ siècle.
59. Singes assis, adossés ; la tête, placée
à l'angle du chapiteau, est commune aux
deux animaux qui occupent les deux faces.
60. Quadrupèdes (ressemblant à des
chiens) attachés l'un à l'autre ; Us sont
adossés, mais contournés de telle sorte
qu'ils ont la tête en bas.
61. Deux monstres à tête informe, af-
frontés. Entre eux une tête d'ornement de
lO
3Rebue lie V^n t\)xttitn.
la bouche de laquelle sortent des rinceaux.
Ce chapiteau est neuf et sa composition a
été inspirée par le chapiteau ancien symé-
trique (N° 62).
62. Deux monstres affrontés. Entre eux
un motif de feuillage assez simple.
Voussure.
Fenêtre de gauche.
63-68. Voir ci-dessous page 1 1 (descrip-
tion de l'archivolte P).
69. Frise : feuilles arrondies gaufrées en
forme de coquilles.
70. Chapiteau : feuillages.
7i- » : quadrupède assis.
Fenêtre de droite.
72. Frise : suite de loups bondissants.
73. Chapiteau : quadrupède contourné.
74- » : quadrupède marchant au
milieu de rinceaux.
Sculptures Oc pure ornementation.
Pignon .
A. Tige de pierre au sommet du pignon
supportant une grosse pomme de pin. Ce
couronnement, ainsi que l'indique la pho-
tographie prise avant la restauration, avait
été heureusement conservé à travers les
siècles avec la naissance des moulures qui
ont permis de refaire la bande sculptée C.
Au cours d'un orage, en 1898, son extré-
mité a été brisée et a été déposée dans la
galerie du cloître où nous l'avons vue : le
motif complet mesure environ o'^,6o de
haut.
B. Deux triangles égaux formés d'une
simple moulure et disposés symétrique-
ment; presque effacés autrefois, ils viennent
d'être rétablis. Cet emploi de figures géo-
métriques moulurées, sans signification,
étant assez rare au XII^ siècle, on peut se
demander si ces triangles n'encadraient pas
quelque sujet sculpté, par exemple le soleil
et la lune, ou bien deu.x anges... ?
C. Bande sculptée bordant le contour
du pignon : elle se compose de demi-disques
accolés, dessin spécial à l'école poitevine.
DD. Sur toute cette partie, la muraille
est revêtue d'un appareil réticulé ou en
losanges posés debout.
EE. Sur cette autre partie, l'appareil
présente le dessin désigné sous le nom de
« feuille de fougère ».
E'E'. Bande de pierre sur laquelle sont
posés les petits personnages N°s 4 à 34. —
Elle affecte la forme d'un ruban plissé en
zigzag.
FF. Longue frise ornée : entre les co-
lonnes, elle est décorée d'un dessin géomé-
trique de lignes courbes encadrant des
perles ; au-dessus des colonnes, dont elle
forme le tailloir, elle est ornée de rinceaux
et de feuillages aux formes variées.
Voussure des fenêtres.
GG. Feston de fleurs posées à plat,
oblongues, à huit pétales.
H H. Au milieu de rinceaux très muti-
lés on croit distinguer successivement, en
suivant la voussure de gauche à droite :
1°, 2° et 30, une sirène dont une partie
manque et une tête d'ornement ; en tous
cas plusieurs griffons couchés ; — 40 deux
chèvres broutant le feuillage d'un rinceau ;
— 50 deux animaux à tête fantastique,
adossés ; — 6° de même, entre les deux
animaux un petit personnage; — 7" (au som-
met de l'archivolte) deux cerfs affrontés ;
— 8° petit personnage gesticulant au mi-
lieu de rinceaux de feuillage ; — 9° tête
d'ornement, barbue; — 10° sagittaire ti-
rant une flèche contre un grand quadru-
pède (?) ; — 11° sujet indistinct sous une
sorte de double rinceau ; — 12° deux grif-
Ilïgltse De ^aînt-Jount îic sparnee^.
1 1
fons, à demi-couchés, affrontés. — Nous
pensons qu'il serait superflu de chercher à
ces sujets une signification symbolique pré-
cise, si ce n'est celle attachée d'une ma-
nière générale aux griffons, aux cerfs, aux
sagittaires, etc. Les deux têtes d'ornement
intercalées dans cette série indiquent assez
que ces sculptures n'ont qu'un but pure-
ment décoratif.
II. Motifs de feuillage répétés à peu
près exactement sur le même modèle à
chacun des onze claveaux.
JJ. Entrelacs très simple (formant une
natte assez lâche).
KK. Seize feuilles (deux par claveau)
posées à plat l'une à côté de l'autre (ces
feuilles, larges, rappellent celles du tilleul).
LL. Décoration végétale.
MM. Quatre groupes de dragons ailés,
couchés, disposés deux par deux; aux deux
groupes de gauche, ces monstres sont
adossés, mais retournent la tête l'un vers
l'autre, et de leur gueule sort une langue
(ou un rinceau) en spirale ; aux deux grou-
pes de droite, ils sont affrontés.
Voussure et chapiteaux de la porte
centrale.
NN. Encadrée par un large filet orné
de demi-disques accolés, la dernière vous-
sure de la porte centrale présente sur cha-
cun de ses quarante-huit claveaux le même
dessin purement ornemental, sorte de ro-
sace rectangulaire composée de feuilles et
de lignes géométriques. L'intrados de la
voussure est également sculpté.
00. Quarante-deux claveaux décorés
chacun, en assez faible relief, dune tête
barbue, couronnée, grossièrement sculptée.
— Si ces figures sans expression ont une
signification quelconque, on pourrait y voir
à la rigueur, soit les Vieillards de l'Apo-
calypse, malgré leur nombre supérieur au
chiffre 24 indiqué par S. Jean (•) et l'ab-
sence de tout attribut, soit les rois ancêtres
de la Vierge, bien que la représentation de
ce sujet sur les façades d'église ne soit de-
venue habituelle qu'au XI Ile siècle.
PP. Partie brute. — Cette voussure de-
vait représenter les signes du zodiaque et
les travaux des mois ; il reste les trois
premiers et les trois derniers sujets, tous
horriblement mutilés. En commençant à
gauche, on croit reconnaître: 1° (N° 63) un
personnage entre deux objets indistincts
(peut être est-ce janvier entre deux portes,
l'une ouverte et l'autre fermée, représen-
tant les deux années, comme à l'abbaye de
St-Denis) ; 2° (N°64) février : un homme
assis se chauffe près du feu ; 3° (N° 65) des
rinceaux de feuillage : c'est sans doute le
paysan taillant la vigne, occupation tradi-
tionnelle du mois de mars. — De l'autre
côté de la partie brute P, 4'' (N° 66), un
paysan entonne le vin : octobre; 50 (No 67)
un autre conduit un porc, ou peut-être
l'abat: travail de novembre; 6° (No 68)
personnage assis sous une arcature : sans
doute il était attablé à un festin, comme on
le figure habituellement en décembre, mais
la table a disparu.
Q,Q. Rinceaux de feuilles et de fruits :
aux extrémités de l'archivolte, ces rinceaux,
malheureusement très mutilés, paraissent
riches et originaux; dans la partie médiane,
ce sont des motifs séparés, tous semblables,
de rinceaux encadrant une feuille végétale;
l'intrados de cette voussure est sculpté.
Chapiteaux.
R. Scène mutilée, méconnaissable.
S. Sorte de harpie : dragon à tête de
femme au milieu de rinceaux.
I. Ceci ne serait pas sans exemple : à la porte centrale
de l'Abbaye àux Dames de Saintes, on trouve une série
de 54 Vieillards de l'Apocalypse.
12
ÎRebue lie V^n chrétien.
T. Lion au milieu de rinceaux.
U. Scène à personnages, complètement
mutilée.
V. Deux lions affrontés ; au-dessus de
chacun une sorte de feuille de fougère
fermée, ajourée, qui semble former le pro-
longement de la queue de ces animaux.
W. Ornement de genre antique.
X. A peu près semblable à V.
Y. Deux fleurs, de profil ; affectant va-
guement la forme d'œillets inclinés.
Z. Dernière archivolte : suite de rosa-
ces semblables, de faible relief: formées de
quatre-feuilles arrondies et terminées en
pointe, lesquelles se rabattent de la circon-
férence vers le centre: à première vue elles
figurent ainsi, en sens' inverse, les pétales
d'une fleur d'églantine. — Les coins sont
remplis par des fleurons.
Z'. Frise très ornée composée de riches
rinceaux au-dessus desquels court un
zigzag.
Voussure des portes latérales.
a. Arabesques de feuillage (très fruste).
b. Dessin dérivé du type roman des
demi-disques accolés : au lieu de disques
unis, ce sont des demi-cercles décorés (en
partie neuf).
c. Filet de couronnement : demi-disques
unis accolés (très fruste).
d. e. f Toute cette porte avait été dé-
truite et remplacée par une baie carrée : les
sculptures ci- dessous sont donc neuves. —
d. Fleurettes (œillets à six pétales) posées
à plat, à intervalles réguliers. — e. Combi-
naison de larges feuilles aux fortes ner-
vures en très faible relief — f. Pareil à c.
Colonnes.
g. j. n — Ces colonnes, placées à l'ex-
térieur des ébrasements, sont extraordinai-
rement originales : nous ne connaissons
aucun autre exemple de la disposition
qu'elles présentent. Leur fût est orné de
fines nervures en relief qui s'enroulent en
spirales ; tels les brins d'un câble tournant
autour de l'âme. Les extrémités de ces spi-
rales se terminent au sommet par une sorte
de volute d'un assez fort relief ; toutes ces
volutes se trouvant à la même hauteur élar-
gissent la colonne en cet endroit, et ce ren-
flement tient lieu de chapiteau. Ces trois
colonnes sont neuves, copiées sur les colon-
nes originales.
h. i. 1. m. — A ces colonnes les fûts sont
unis; les chapiteaux sont décorés de feuilles
d'ornement.
On remarquera qu'à la porte gauche,
l'ébrasement de droite ne comporte qu'une
seule colonne au lieu de deux.
Sculptures diverses.
p. Quadrupède cornu (ou à longues
oreilles) galopant: peut-être un lièvre, peut-
être un cerf.
q. Sorte de cheval galopant.
r. Deux têtes, de profil, face à face.
Ces trois sujets sont sculptés grossière-
ment, en très faible relief : on pourrait croire
que ce sont des vestiges d'un monument
encore plus ancien utilisés dans la construc-
tion de l'édifice actuel.
Colonnes.
ss. Ces deux colonnes à fûts lisses, et les
massifs dans lesquels elles sont engagées
font une forte saillie sur le plan de la fa-
çade : dans l'épaisseur du massif est prati-
quée une arcature perpendiculaire à ce plan:
on n'en voit pas bien la fonction, mais on y
peut trouver l'indice de l'existence d'un
porche, d'autant plus qu'à la partie supé-
rieure, on trouve des gradins de pierre qui
semblent avoir jadis supporté des sujets de
décoration. Il faut signaler, dans le fond de
3L'églt0e de t)atnt 3ïoutn de SJ^anuQ.
13
l'arcature perpendiculaire de droite, un
curieux ornement en forme de rosace ofravé
sur une plaque de pierre carrée d'environ
0^,50 de côté et d'un caractère tout à fait
byzantin. Encastré dans le parement, il
provient sans doute d'un édifice antérieur ;
se trouvant à hauteur d'homme, il est
malheureusement exposé à des dégrada-
tions volontaires qui ont déjà fait dispa-
raître une partie de son ornementation (').
t. A la base de la grosse colonne d'angle
on retrouve ce dessin si curieux que nous
avons admiré ci-dessus aux petites colonnes
g. j. n.
u. Pierres enlevées lors de la restauration
(Voir à la description des N°^ 2 et 3.)
Entre-colonnes. — A peu près tous les
entre-colonnements de la façade sont déco-
rés.
A la porte principale, aux ébrasements,
en allant de l'extérieur à l'intérieur, on
trouve : entre la première et la seconde
colonne, un feston ; entre la seconde et la
troisième, des crochets ; entre la troisième
et la quatrième, des perles (ou boutons) ;
entre la quatrième et la dernière, des demi-
disques ornés, accolés.
A la fenêtre centrale, entre les colonnes,
on voit, à intervalles réguliers, des trèfles
gravés en creux.
I. Nous devons ces renseignements à M. Deverin.
Clochetons. — On remarquera que celui
de droite est plus orné que l'autre. — Les
toitures, au lieu d'être couvertes en écailles
de poisson comme à Civrai et sur la plupart
des églises poitevines, sont imbriquées de
triangles en relief, présentant la pointe en
bas et posés dans le plan même des arêtes.
— Les chapiteaux sont assez simples : leur
ornementation robuste et sévère se com-
pose de feuilles ; quant aux modillons pla-
cés au dessous de la colonnade supérieure,
ils présentent pour la plupart des têtes gri-
maçantes.
Telles sont les sculptures de la façade de
Saint-Jouin de Marnes: il faudrait, pour être
complet, examiner maintenant les merveil-
les de l'intérieur du monument et celles de
l'abside, que l'habile architecte M. Deverin
est en train de ressusciter ; mais ce serait
sortir du cadre que nous nous sommes
imposé. Aussi bien notre longue nomencla-
ture ne donne-t-elle qu'une idée bien sèche
des richesses qu'il faut aller contempler
sur place. C'est donc avec regret que nous
quittons la vieille abbaye, suivant d'un
regard envieux les amateurs de jouissances
artistiques qui visiteront Saint-Jouin et ne
s'arrêteront pas, comme nous, à la porte du
sanctuaire.
G. Sanoner.
Paris.
»^ A^vk A^^ A^^ A^Tt A^^ A^^ A^^ ;^^^ A^^ »^^ A^V?^ A^^^ ^^g^ A^^ \f^ ^
^
irrnriiminCrrTI^TTCmiII-IXrrmiXXIIIITII] tTTTTTTrrTTTTTTItlTllTlTrT^riT^llTTTTT^TVTTTTTTTTTTTTTTTTTTTTTTTVTTTTTlTITTTIITirïtTTT-rriTTTrTin
4V
Carnet lie bocage '.— BaDouc, Venise, Gortina
D'Hînpe550,©(et)e îil Gaîiore,^rtt)(se,Vtcence (Suite).
'^ î'iTTHii^ŒlxlXEOiTiirnxnTTTTn TTTiiiiJtniiiiir.iiniiiTrTTTTTnmnii iir-niTrrr [iiirillJ:iiiiiiiriTiirincrTTTTirrnmii^rniTTirtiiriTrn itii i 'm
■^ *itl-^ *Ail-* *i^ ^^t^f *AÔ^ ^JÔ^ *X6^ *AÔ^ l'iÔ* ^Ail'f ^AÔ^ ''iÔ-^ *i6^ ^AÔ^ *^^ A^
[ N quitte avec regret la
délicieuse et pittores-
que localité de Cortina
d'Ampezzo, la perla dei
Do/omiti, pour redes-
cendre, à petites jour-
nées et par de belles
vallées, dans les cités du Cadore.
La première qu'on traverse est Pieve di
Cadore, qui est fière d'avoir vu naître Ti-
tien (1477-1576). La bourgade a rendu à
ce grand artiste tous les honneurs pos-
sibles : la place principale porte son nom,
une statue de bronze s'élève au centre et
une plaque commémorative est placée con-
tre sa maison natale.
Il y a cependant une ombre au tableau :
aucun document officiel ne donne la preuve
que Titien soit né à Pieve di Cadore ; la
croyance, très accréditée, repose unique-
ment sur la tradition.
L'église conserve plusieurs tableaux dont
l'un, selon Vasari, est bien de Titien. € Ha
fatto, dit le biographe, Tiziano in Cador,
sua patria, una iaz>ola. dentro la çuale è un
nostra Donna e S. Tiziano vescovo. ed es'li
stesso ritratto ginocchioni. »
La peinture est dans une petite chapelle
latérale ; elle est de moyenne dimension et
de colorations affaiblies.
Le sujet représenté est une Adoration.
La Vierge, assise, allaite l'Enfant ; à ge-
noux autour d'elle, trois personnages: saint
André, un évéque coiffé d'une mitre et re-
vêtu d'une chape brodée; derrière le prélat,
un homme à barbe tenant la crosse. La tra-
Voir la Revue de septembre 1903, p. 384.
dition veut que la Vierge soit Cecilia, la
femme de Titien; saint André serait Fran-
cesco Vicellio, son frère ; l'évêque serait
Marco Vicellio, un membre de la famille,
sous la forme de saint Titien, évêque d'Or-
derzo ; l'homme qui tient la crosse serait
Titien lui-même; on le reconnaît sans peine,
Titien ayant laissé de lui plusieurs portraits.
On veut aussi donner à Titien une Ma-
done avec saint Roch et saint Sébastien ;
la peinture a été très retouchée et rien ne
justifie la supposition.
Il paraît qu'une Adoration des Bergers
par Titien, qui appartenait à l'église, a été
perdue.
Cesare Tiziano, de la famille Vicellio,
mort après 1600, a peint une grande Cène,
placée derrière l'autel ; c'est un ouvrage se-
condaire traité comme le sont les nombreux
sujets du même genre.
Dans la sacristie, au milieu de tableaux
sans aucun intérêt, on remarque une Santa
Conversazione avec la Madone et l'Enfant,
saint Jean-Baptiste et sainte Marie-Made-
leine; c'est un très bon ouvrage dans le
style et la couleur de Palma le Vieux ; il est
par Vicenzo di Biagio deTrévise.dit Catena
{'^ 1531)' peintre amateur ; ses tableaux
sont assez nombreux dans la Haute-Italie.
Certes, Trévise ne peut être placée au
rang des grands centres d'art de l'Italie ;
elle est peu visitée, ne se trouvant pas sur
l'itinéraire habituel des touristes, et cepen-
dant elle mérite une attention particulière,
surtout à cause de ses vieilles fresques.
Que de fois dans mes excursions en
Italie, du Nord au Sud, de la Méditerranée
Carnet De tïopage.
15
à l'Adriatique, principalement dans les con-
trées peu parcourues, n'aije pas eu l'occa- \
sion de constater l'insuffisance des Guides
portatifs et de regretter de n'avoir pas à
mon service particulier un photographe
expérimenté et docile !
Je sais bien que les photographes italiens
ont jusqu'à 25.000 clichés d'art, mais que
d'œuvres ont été négligées !
A Trévise mes regrets ont été très vifs,
car aucune des fresques dont je vais parler,
— et je ne signale que les plus importantes,
— n'a été photographiée, à ma connais-
sance du moins.
A défaut donc de reproductions qui en
apprendraient plus que tout ce que je pour-
rai dire, je dois me borner à de simples
descriptions.
En 1 221, l'Ordre des Dominicains, fondé
à Toulouse par saint Dominique en 12 15,
s'établit à Trévise dans un couvent dont la
chapelle datait de 1 1 70, selon une inscription
encore lisible au XVI II'' siècle.
Vers 1243, la chapelle fut convertie en
salle capitulaire de l'Ordre; elle était nom-
mée alors chapelle du Crucifix, à cause
d'une Crucifixion peinte à fresque sur l'une
de ses parois.
Plus tard, les Dominicains complétèrent
la décoration murale de la chapelle, — nous
le verrons plus loin, — mais ils respectèrent
la Crucifixion qui subsiste toujours ; aucun
document ne permet de fixer la date de
cette peinture et le nom de son auteur, mais,
d'après son caractère, on peut admettre
qu'elle est des premières années du XIII«
siècle.
Le divin Rédempteur est attaché sur la
croix, nu, les yeux clos et déjà mort. La
croix est de la forme dite immissa en Italie,
c'est-à-dire à trois branches. La tète incli-
née est nimbée en disque non crucifère ;
elle n'a pas la couronne d'épines ; de longs
cheveux encadrent le visage. Le corps est
allongé et courbé. Les pieds sont posés sur
un support soutenu par un médaillon à trois
têtes humaines. Ils ne sont ni tout à fait
croisés, ni complètement séparés, le talon
du pied droit étant seulement engagé sous
le pied gauche.
La particularité de cette représentation
du Christ est qu'il est attaché à la croix
par cinq clous.
On sait que les premières images du Ré-
dempteur le figuraient avec quatre clous,
les pieds étant séparés ; puis l'usage vint,
vers le XI 1 1*" siècle, de croiser les pieds
l'un sur l'autre, ce qui réduisit à trois le
nombre des clous ; ce ne fut pas cependant
une règle absolue, puisqu'au XIV^ siècle, on
constate le Christ tantôt avec trois clous,
tantôt avec quatre.
Je ne crois pas qu'il existe, en dehors de
Trévise, une autre figure du divin Crucifié
avec cinq clous. Ce cinquième clou est très
apparent ; il est à tête en forme de T et
très long, car il traverse les deux pieds en
biais de la droite à la gauche. Un écrivain
très sérieux de Trévise, le frère Federici, a
encore vu au XVIII' siècle la trace des
autres clous des pieds ; à présent, on ne les
distingue plus nettement, mais on les de-
I vine.
Au-dessus et au-dessous des bras de la
croix, planent des anges ailés et nimbés.
Au pied se tiennent debout, d'un côté, la
Vierge en vêtements bruns semés d'étoiles
dorées ; de l'autre, saint Jean en longue
robe talaire.
Aux deux extrémités du champ de la
fresque, sont figurés, debout sous des
édicules à colonnes, saint Pierre et saint
! Paul, avec leurs attributs respectifs.
Le dessin de la fresque est parfois incor-
rect ; les deux apôtres sont visiblement
moins soignés et peut-être d'une main
i6
jRebue lie l'art cbrcttcn»
différente, mais il règne dans la Crucifixion
une sincère émotion : le Christ, qui vient
d'expirer, a souffert avec mansuétude ; la
Vierge et saint Jean ont une attitude de
douleur profonde mais résignée.
Le peintre était certainement un chrétien
doux et sensible ; sa Crucifixion est fort
supérieure à d'autres de la même époque,
conservées en Italie, notamment à Pise et
à Florence.
Une dizaine d'années après que les Do-
minicains eurent fait de la chapelle du Cru-
cifix leur salle capitulaire, ils résolurent
d'en compléter la décoration picturale.
Ils confièrent ce travail au peintre Tom-
maso da Modena, ainsi qu'en témoigne une
inscription :
Neir anno IJS2 il priore trevigia7to del-
t ordine dei Pi-edicatori fece depingere
questo capitolo, e lo dipinse il pittore Tom-
maso da Modena.
Tommaso dans d'autres documents est
dit da Mutina, nom latin de Modena.
On sait que le mot da, placé entre le nom
d'une personne et celui d'une localité, signi-
fie généralement que la personne est ori-
ginaire de la localité, mais ce n'est pas
toujours exact : le sculpteur Mino, par
exemple, est dit Mino da Fiesole, quoiqu'il
soit né à Poppi dans le Casentin. D'après
certaines pièces d'archives, Tommaso ne
serait pas originaire de Modena, mais bien
de Trévise.
Tommaso était un peintre renommé ;
vers 1357, il fut appelé en Bohême par l'em-
pereur Charles IV pour décorer le château
de Karlstein près de Prague. Les musées
de Modène, de Berlin et de Vienne con-
servent des tableaux de lui.
Le catalogue officiel de la Galerie impé-
riale et royale de Vienne, rédigé en 1781,
par Chrétien de Mechel, mentionne de ce
peintre un triptyque avec la Vierge et
l'Enfant, saint Wenceslas, roi de Hongrie,
et saint Palmatius, mais par une erreur
difficile à expliquer, Mechel dit que le nom
de Tommaso da Mutina est celui d'un
gentilhomme bohémien né à Muttensdorff,
dont Mutina serait la traduction latine !
Mechel, dans sa préface, rappelle l'opinion
de Lessing, émise en 1774, qui enlève à
Jean Van Eyck l'invention de la peinture à
l'huile pour la donner à Nicolas Wurmser,
j Theodoric de Prague etThomas de Mutina.
Tommaso fut donc chargé de décorer la
salle capitulaire des Dominicains ; le pro-
I gramme qui lui fut donné est simple mais
I intéressant; il constitue, je crois, le début
1 des salles de portraits peints.
I Sur un fond d'ornements et de cartouches
I à inscriptions, Tommaso a peint quarante
portraits en pied des plus célèbres Domini-
cains,depuis la fondation de l'Ordre en 1 2 1 5,
jusqu'au milieu du XI V«^ siècle. En voici la
liste.
Trois saints :
Saint Dominique, saint Pierre de Vé-
rone, saint Thomas d'Aquin.
Deux papes :
Innocent V, pontificat de 1276 à 1278;
Benoît XI, pontificat de 1303 à 1305.
Dix-huit cardinaux :
Hugo (Provence) (') ; Annibal (Rome) ;
Pierre (France); Robert (Angleterre);
Latinus (Rome); Hugo de Bologne
(France) ; Nicolas ( Lombardie inférieure);
Nicolas de Prato (Provence) ; Gualterus
(Angleterre) ; Nicolas (France); Thomas
(Angleterre) ; Guillaume (Angleterre) ;
Mathieu (Rome); Guillaume (France);
Boniface(?); Thomas(?); Gérard (France);
Jean (France).
I. Les noms de pays indiquent la province de l'Ordre.
Le point ? signifie que le nom de la province est effacé
dans la fresque.
Carnet De tjopage.
17
Quatre évêques :
Pierre (France) ; Augustin (Hongrie);
Raymond (Espagne); Albert (Allemagne).
Treize frères :
Guido (Sicile); Maurice (Hongrie);
Augustin (Hongrie) ; Jacob (Lombardie
supérieure) ; Ambroise (Lombardie infé-
rieure) ; Vincent (France) ; Bernard (Tou-
louse) ; Pierre (Espagne) ; Isnard (Lom-
bardie supérieure) ; Jean (Lombardie supé-
rieure) ; Albert (Allemagne) ; Pelage
(Espagne); Jean (Saxe).
Les saints sont nimbés.
Le pape Benoît ; les évêques Pierre
(France), Augustin (Hongrie) ; les frères
1. Tiare du pape Innocent V, d'après la fresque de Trévise de 1352.
2. Tiare du pape Benoît XI, daprès la fresque de Trévise de 1352.
Pierre (Espagne), Jean (Lombardie supé-
rieure), Vincent (France), Ambroise (Lom-
bardie inférieure), ont, comme Bienheu-
reux, la tête entourée de rayons.
Les papes portent la tiare ; je reproduis
ces deux emblèmes (').
Les cardinaux ont le chapeau rouge ; les
évêques la mitre ; les frères ont la tête dé-
couverte.
Tous sans exception ont le costume de
I. Fra .■\ngelico (1387-1455) a peint les portraits en mé
daillon de dix-sept dominicains, au-dessous de sa Critcifi-
xion dans la salle capitulaire du couvent San Marco de
Florence dont l'Ordre avait pris possession en 1436. Les
papes Innocent V et Benoit XI sont, comme dans la
fresque de Trévise, en costume de Dominicain, mais avec
le pallium. Leurs tiares sont beaucoup plus hautes et à
trois couronnes, tandis qu'on n'en voit qu'une sur la tiare
de Benoit .\I à Trévise.
l'Ordre et sont représentés en même gran-
deur.
Ils sont assis devant des pupitres en po-
sition de méditer, de lire ou d'écrire; sur les
pages ouvertes de la plupart des volumes
sont écrites des maximes et des sentences;
le livre du pape Innocent V porte: no7i re-
cédant ab innocentia, celui du frère Bernard
de la province de Toulouse : Domine Do-
minus noster quant adniirabile est nomen
iuiim in universa terra.
A chaque portrait se rapporte une ins-
cription avec le nom du personnage et ses
mérites : en voici deux.
S. Dominicus de Provincia Hispanis,
priinus magister et Fundaior Ordinis Prœ-
dicatoj-um, atque Virgo, Doctor, Fidei Ze-
lator, Hcsresuin extirpator, vir in cunctis
virtutibus laudabilis et innutneris claruit
miraculis.
B. Fr Vincentius Belluacensis de Pro-
vincia Franciœ Ord. Fratruni Prœdic. in
vita et in scientia valde fantosus composuit
magnum spéculum naturale, doctrinale, his-
toriale et claruit miraculis.
Sur d'autres cartouches sont inscrits les
noms des vingt et un premiers maîtres
généraux de l'Ordre ; exemple :
Magister Ordinis Fratrum Prœdicato-
rum fuit Révérend. Pater Fr. Herveus de
Provincia Franciœ Exce liens mas::ister in
Sacra TJteol. et in omnes scientias opéra
fecit.
Et pour compléter ce livre d'or des Do-
minicains, sont mentionnés les vingt et
une provinces de l'Ordre et les trente-huit
couvents de la Lombardie.
Il est clair que les figures des Domini-
cains ne sont des portraits proprement dits
que très exceptionnellement.
Ranger en lignes régulières, sur les quatre
parois d'une salle, quarante effigies de
KKVUS DE l'art CHRÉTIBK.
1904. — l'*= —LIVRAISON.
i8
ISitWt tjc T'^rr cbrctieiL
même taille, revêtues d'un costume pareil
et dans des attitudes à peu près semblables,
constituait une tâche difficile, car il fallait
surtout chercher à rompre l'uniformité et la
monotonie ; au moyen de dispositions va-
riées dans les plis des étoffes, de mouve-
ments différents dans les bras et de carac-
tères divers dans les physionomies, Tom-
maso a su éviter l'écueil.
La salle présente un très satisfaisant
ensemble décoratif ; c'est avec raison qu'à
Trévise, on la nomme, au moins depuis le
XVI I Je siècle : Gallei'ia di pitturc antiche.
Nous allons retrouver Tommaso dans
l'église San Nicolo dont l'ancien couvent
des Dominicains est une dépendance.
Lemunicipe de Trévise avait décrété, en
123 I, la construction d'une église conven-
tuelle pour les Dominicains, mais les circons-
tances en empêchèrent l'édification jusqu'à
l'avènement à la tiare du Dominicain Nicolo
Boccasino, originaire de Trévise, qui régna
de 1303 à 1 305, sous le nom de Benoît XI.
Le pape fournit une partie des ionds néces-
saires, et le frère Benvenuto délia Cella
dressa les plans ; ce ne fut cependant que
vers 1348 que l'église, qui reçut le nom de
San Nicolo, en souvenir du pape Benoît XI,
fut à peu près terminée. Elle subit diverses
modifications à l'intérieur, surtout en ce qui
tient à la décoration, mais en 1856 on eut
la bonne idée de la remettre autant que
possible dans son état primitif.
La basilique est à trois nefs divisées par
de fortes colonnes au nombre de six sur
chacun des deux rangs ; elle conserve de
nombreux et intéressants ouvrages d'art
dont voici les plus marquants.
Il n'est pas très rare de rencontrer en
Italie des colonnes décorées partiellement
de figures à fresque; le plus ancien type est
dans l'église Santa Maria Antiqua, décou-
verte en 1900 au Forum Romain et qui
date du VI 1 1^ siècle, mais je crois que nulle
part on ne trouve, sur colonnes, autant
de fresques qu'à San Nicolo et disposées
d'une façon si particulière.
Trois colonnes sur les douze n'ont pas
de peintures.
Aucune des neuf autres n'est entièrement
peinte de la base au chapiteau.
Sur les lûts décorés, les fresques sont
disposées en compartiments bordés d'un
listel, comme il en serait d'une colonne
pourvue de tableaux peints sur une surface
convexe.
Sur certains fûts il y a jusqu'à trois cadres
placés à la suite l'un de l'autre, sans solution
de continuité, de façon à envelopper entiè-
rement un segment.
Sur d'autres il n'y a que deux comparti-
ments joints ou isolés.
Sur d'autres, enfin, on ne voit qu'un cadre
unique.
Les fresques sont peintes à des hauteurs
différentes au dessus du sol et sans aucun
souci de la régularité et de la symétrie.
Telle colonne, par exemple, paraît nue
à première vue ; il faut en faire le tour pour
voir sa fresque.
Ces dispositions me laissaient perplexe,
et je ne pouvais m'en rendre compte, mais
j'ai compris après les explications qu'on a
bien voulu me donner.
Les colonnes dépourvues de peintures
étaient attribuées à des compagnies de
chanteurs qui n'avaient pas accès dans le
chœur de l'église ; ces compagnies se plai-
saient à orner de tentures et d'emblèmes
les piliers autour desquels elles se réunis-
saient ; on jugea dès lors inutile de les dé-
corer de fresques.
' Certaines colonnes étaient pourvues
d'autels ; en ce cas, les fresques servaient
Carnet ht "oopuQt,
^9
de retables et étaient à des hauteurs corres- | Enfin quelques piliers portent des pein-
pondantes à l'importance de l'autel. | tures votives que probablement le do-
'^clÏT:.- SW^W^!:^'^'-'^''^^'^'
V)
Tombeau du sénateur Onigo, Pielro ei Tullio Lombaboi, sculpteurs. Juat, Kellin ou Jacopo ne' makuari, peintres. Fin du XV^- siècle.
Église San Nicolo à Trévise. (Phot. Alinari, Florence.)
nateur pouvait placer selon ses conve-
nances.
Telle est l'explication qui m'a été four-
nie ; elle est très admissible.
On remarque, en effet, dans les églises
d'Italie, qu'une grande latiiude était lais-
sée aux congrégations, aux patrons des
chapelles et aux donateurs pour disposer
20
WitWt tie ravt cbvctten.
à leur gré les munificences dont par piété
et aussi par vanité ils ornaient les sanc-
tuaires.
Voici les sujets représentés :
La Vierge lit le traité de l'Incarnation de
saint Thomas d'Aquin ; saint François
d'Assise.
Un évêque, peut-être saint Augustin, la
Vierge et l'Enfant.
Un Camaldule nimbé, un grand cierge
à la main; près de lui, deux jeunes pauvres
à genoux, en position de suppliants ; sainte
Agnès, vierge et martyre ; saint Jérôme,
vêtu en cardinal.
La Vierge et l'Enfant ; saint Dominique
et saint François.
Saint Michel archange, terrassant le
démon.
SaintThomasd'Aquin offrant à la Vierge,
son traité de l'Incarnation, un évêque bé-
nissant un cavalier à genoux qui tient son
cheval par la bride.
Saint Christophe et l'Enfant Jésus ;
saint Jacques, apôtre ; saint Nicolas.
Sainte Catherine, vierge et martyre; un
Dominicain à genoux lui présente une sup-
plique.
.Saint Martin, coupant son manteau pour
le partager avec un pauvre.
Ces fresques sont en majeure partie
attribuées, avec raison, je crois, à Tommaso,
mais, bien certainement, il en est d'autres
mains beaucoup moins habiles, notamment
celle qui montre le cavalier béni par un
évêque.
Ici on peut, mieux que dans la salle du
chapitre, étudier le peintre.
Il a le pinceau rapide et facile, car sauf
pour les couleurs forcément à tempera
comme le bleu, tout est à buoii fresco, c'est-
à-dire peint d'un coup, sans reprises, sur
enduit frais ; l'enduit très mince a seule-
ment quelques millimètres d'épaisseur.
Tommaso peint en blond, pour employer
une expression moderne : ses couleurs
sont dans des tons clairs et harmonieux
d'ensemble ; elles m'ont rappelé quelques-
uns de ces doux Florentins de la première
période du XV^ siècle.
Ses personnages font également songer
à cette époque.
La Vierge est touchante par sa tendresse
et son humilité.
Saint Jérôme est déjà dans sa caracté-
ristique habituelle : pose grave, aspect sé-
vère, œil pénétrant, son livre près de lui,
il se dispose à transcrire ses pensées.
Sainte Agnès est bien la jeune patri-
cienne de Rome, noble et distinguée ; elle
est debout, vêtue d'une longue et chaste
robe blanche, tenant dans les bras l'agneau
mystique et la palme du martyre ; c'est une
figure exquise, digne des grands maîtres
du XV^ siècle.
Tommaso a travaillé également, croit-on,
à l'église Santa Marguerita, construite au
XIV" siècle, depuis longtemps désaffectée.
Le temple était très amplement décoré
de fresques ; il a été possible d'en sauver
quelques-unes, notamment l'Histoire de
sainte Ursule et de les transporter au
musée de Trévise.
M. le professeur Bailo, auquel on est
redevable de ces précieuses conservations,
explique comme suit les fresques de sainte
Ursule.
Ursule, fille de Théonat, roi chrétien
d'Irlande, est entourée de six compagnes.
Agrippinus, roi païen d'Angleterre, char-
ge deux ambassadeurs d'aller demander à
Théonat la main de sa fille pour son fils
Conon.
Les ambassadeurs remettent à Théonat
la demande de mariage. La mère d'Ursule
présente sa fille aux ambassadeurs.
Ursule accepte la proposition à la condi-
Carnet de t)o^>age.
21
La Madone, les saints Dominique. Thomas dAquin. Benoît, Jérôme Nicolas. Frère Pensai,en et Girolamo Salvauo, XVK- siùde.
(Phûtogr. Ai.iNAKr, Florence.)
22
3^e\)ue îie r^rt cbvctten
tion que Conon se fasse chrétien ; elle de-
mande de plus un délai de trois ans avant
l'accomplissement du mariage et la faculté
de se rendre à Rome avec ses compagnes.
Ursule est entourée de ses compagnes
et de ses servantes.
Le fils du roi d'Angleterre se fait baptiser.
Ursule remonte le Rhin sur quatre bar-
ques à voiles, avec ses compagnes et deux
évêques ; en vue de Cologne, un ange lui
apparaît et lui annonce qu'elle sera marty-
risée à cet endroit.
Entrée à Rome d'Ursule et de ses com-
pagnes ; elles sont accueillies par le pape
entouré de cardinaux et de prélats.
Le pape est endormi sur un lit de pa-
rade ; un ange lui apparaît et lui indique de
faire partie de la suite d'Ursule.
Le pape préside un consistoire et fait
connaître sa résolution de réaliser les indi-
cations de l'ange.
Le pape quitte Rome en procession et
suit Ursule.
Ursule et ses compagnes descendent le
Rhin en bateau et s'arrêtent en vue de
Cologne.
Ursule et ses compagnes sont mises à
mort par les Huns (').
Les tresques sont-elles de Tommaso ?
Aucune inscription, aucune écriture d'ar-
chives ne permet de 1 assurer, mais d'après
les rapprochements de style et de facture,
I. On sait que la légende des onze mille vierges résulte
d'une erreur d'interprétation d'une inscription.
L'inscription porte vrsvla y-yr xi mm vv ; le traducteur
a pris les lettres MM pour le nombre de mille alors qu'elles
signifient les mots martyres.
Est-il besoin de rappeler que le must'e royal de pein-
tures de Venibc conserve une suite de l'Histoire de sainte
Ursule peinte par Carpaccio de 1490 à 1495 pour la
Scuola de sainte Ursule? 11 serait intéressant de comparer
les deux compositions, car elles présentent de notables
différences; je n'en cite qu'une: tandis que Tommaso
présente l'apparition de l'ange alors que la Sainte est en
bateau devant Cologne, Carpaccio montre Ursule étendue
sur son lit virginal, et dans son paisible sommeil voyant
en songe l'ange qui lui annonce son martyre.
il est fort probable qu'il en est l'auteur.
Elles constituent une œuvre remarquable
par la simplicité de l'exécution et l'expres-
sion très juste des sentiments et des actes
des personnages.
Il est fort regrettable que les fresques de
Tommaso de Mutina, qui subsistent à Tré-
vise, n'aient pas fait l'objet d'une étude
spéciale et d'une reproduction complète ;
elles méritent ces distinctions autant et
même plus que bien d'autres qui ont été
mieux favorisées.
Les fresques de Tommaso ne sont pas
les seules de l'église San Nicolo ; si je ne
puis, dans un simple Carnet de voyage, les
signaler toutes, je dois cependant noter
celles de la chapelle des Apôtres du
XIV= siècle.
Elles montrent la Vierge avec l'Enfant,
les saints Jean- Baptiste, Nicolas,- Romuald
et sainte Catherine; la famille Monigo, fon-
datrice de la chapelle en 1366, y est repré-
sentée.
Sur une autre paroi c'est V Adoration des
rois mages.
Ces fresques sont médiocres, et on pour-
rait ne pas en parler ; mais dans un com-
partiment qui fait suite à {'Adoration, on
observe une peinture remarquable par sa
distinction et son élégance : elle représente
saint Jean- Baptiste, sainte Catherine et
saint Nicolas, et sur un fond spécial, étoile
d'or, sainte Marguerite de Hongrie, en
habit de dominicaine, les stigmates aux
mains, la tête couronnée par deux anges.
Aux pieds de la Sainte, un suppliant à
genoux et l'inscription
FR MARINVs
Est-ce le nom du donateur, ou celui du
peintre .'' On l'ignore.
La chapelle des .Apôtres tire son nom de
Carnet ht bopagp.
23
Sainte Euphémie, sainte Catherine et saint Jean-Baptisie, Francesco Bissono. 1520. Cathédrale de Trévise. (Photogr. Auinaki, FlDrence.)
24
WitWt De r^vt cJ)vctieii.
son tableau d'autel, X Incrédulité de saint
Thomas.
Le tableau est absolument de premier
ordre; pendant longtemps il a été donné
à Jean Bellin, qui l'aurait peint en 149 1 ;
à présent on veut qu'il soit du frère Luciani,
dit Sébastien de! Piombo. C'est possible,
mais lorsqu'on vient de Venise, on pro-
nonce le nom de Jean Bellin.
C'est aussi à Jean Bellin qu'on attribue
la belle décoration picturale avec les deux
héros, qui encadre le tombeau du comte
sénateur romain, Agostino d'Onigo, mort
en 149 1, placé dans le chœur de San Ni-
colo ; quelques auteurs pensent que la pein-
ture est d'un Allemand, Jacob Walch, connu
en Italie sous le nom de Jacopo de' Bar-
bari ; ce Jacob a laissé des peintures en
Allemagne, mais en Italie il n'y aurait de
lui que les fresques du tombeau d'Onigo ;
si réellement elles lui appartiennent, il faut
reconnaître qu'elles ont un caractère tout
à fait italien.
Le tombeau in aria du sénateur Onigo,
est peint par Pietro et TuUio Lombardi, ar-
chitectes et sculpteurs; la description en est
inutile, puisqu'il est reproduit ici ; c'est un
très bel ouvrage exécuté peu après 1492 ;
il est juste de faire remarquer que si, à
Florence et à Bologne, on trouve des sépul-
tures antérieures dans le même esprit mais
avec plus de simplicité, nulle part on ne
rencontre dans un monument funéraire une
alliance aussi heureuse de la sculpture et
de la peinture.
Le superbe tableau d'autel cjue nous re-
produisons, représente la Madone triom-
phante avec l'Enfant sur les genoux ;à ses
pieds, un ange joue de la cithare ; autour
du trône sont groupés saint Dominique,
saint Nicolas, le bienheureux Benoit,
saint Thomas d'Aquin, saint Jérôme et un
saint en cuirasse qui n'a pas été spécifié.
Les archives du couvent apprennent que
la peinture a été exécutée, en 15 20 et 1521.
par le Dominicain Marco Pensaben de Ve-
nise, aidé du frère Marco Maravéja, qui a
laissé l'oeuvre inachevée. Les Dominicains
eurent alors recours, pour la terminer, à
Gian-Gerolamo junior de Trévise.
Mais les noms de Pensaben et de Mara-
véja sont inconnus dans les histoires de
l'Art ; l'érudition alors s'est emparée du
sujet et a tenté d'en trouver l'auteur véri-
table.
On a d'abord pensé à Sébastien del
Piombo, admettant qu'il était désigné sous
le nom de Pensaben; puis, renonçant à cette
hypothèse, on a attribué le tableau à Gero-
lamo Salvado, au moins pour son achève-
ment. Salvado est mort après 1550; on
conserve ses ouvrages à Brescia, Florence,
Turin, Venise, Urbino. Mais après tout,
peu importe. Nous sommes ici en présence
d'une de ces belles compositions dont les
peintres de la terre ferme de Venise ont
doté les églises ; sans doute ils ont pris
leurs inspirations chez les grands maîtres
vénitiens, mais combien ces disciples sont
restés supérieurs aux générations qui les
ont suivies.
Moretto, Romanino, Pensaben ou Mara-
véja, Salvado, ne sont placés dans la hié-
rarchie qu'à des rangs secondaires ; où sont
les premiers peintres de notre temps qui
peuvent leur être comparés même de loin ?
Ils sont restés fidèles au sentiment chrétien
et ont continué à réaliser le type parfait du
tableau d'autel.
Mais il faut quitter San Nicolo, sans en
terminer l'examen, pour quelques autres
églises moins importantes.
Gerspacii.
(A suivre.)
'» ^^ A A^ X K^* K^ ^ i.M A \^^ ^^ A A^ A A^yU A^Yk A^-A i^^A A^%^ K^^ i^^VU »'
axiiiiiMJLixiiij:riTtiiiiixiiiiiiixiuiiiiiJiJixiixitixriJiriiiiiiiiLrïxixiixrixiiri:a
DÇTimxumiiimmri-ifTTnTTrTrTTTTTr
*Af5 ^ *A^* ^i^ * ^i^'f 'i^l^ 'ï^-'f ^i*î^ *i*î^ *XAÎ-V y,AjV Vi^pf y^AÎ^ YxAjX ^X^ï^f *ïét^ .
:oc la Décoration polpcbrome Du mobilier
et Des oeiitires plastiques Dans les églises,
--'--- à propos D'un imrc récent (')• ^^
E livre dont je viens de transcrire et
de traduire le titre traite une question
intéressante, controversée et souvent,
sinon étudiée avec compétence, dis-
cutée avec une ardeur et un parti pris que l'on
pourrait s'étonner de rencontrer dans une matière
qui, au premier abord, ne semble pas de nature
à échauffer les esprits.
La question semble si bien posée dans la
courte préface du livre que j'en donne également
la traduction ; c'est la meilleure manière de faire
connaître le point de vue auquel se place l'auteur:
« Doit-on peindre le mobilier et les sculptures
des églises? Comment doivent-ils être peints?
Ces deux questions appartiennent au nombre de
celles que l'on peut considérer comme les plus
brûlantes de l'art ecclésiastique. Le but de ce
travail est d'apporter une contribution à l'examen
et à la solution de cette question, aussi impor-
tante pour l'artiste que pour le prêtre. En nous
appuyant du jugement d'auteurs de grand poids,
comme sur les modèles de l'art du passé, c'est
affirmativement que nous répondrons à la pre-
mière de ces questions. Quant à la seconde, l'étude
approfondie quenous avons faite nous-même
d'œuvres d'art originales, et celles que nous
avons poursuivies dans les ouvrages d'archéolo-
gues de renom, — pour la période gothique, nous
citerons en première ligne, Mùnzenberger, Les
autels du moyen âge en Allemagne, — ces études,
disons-nous, permettent d'établir pour la peinture
des objets dont il s'agit, — des règles fixes.
Nous devons des améliorations et des complé-
ments très considérables à ce travail, au très
Révérend Alexandre Schnlitgen, chanoine à la
cathédrale de Cologne, éditeur de la Revue de
I. Die Betnalung der kirchlichen Moebel und Sculpturen, ein
Leit/aden fur Kunstler, Geistlichen uud kunitlietenden Laieii.
Dusseldorf, S. Schwann, éditeur, 1901.
La peinture du mobilier et des sculptures dans les églises, un fil
conducteur pour les artistes, les prêtres et les amateurs d'art, par
Joseph Kuhn, curé. — In-8», >66 pp.
l'Art chrtUien ( Zeitsclirift fiir christliche Kunst ),
et à nos deux amis et collègues dans le sacerdoce,
MM. Kilian Bauer et Léo Hugei. C'est avec
gratitude que nous faisons connaître la part qu'ils
ont prise à ce travail.
« Les passages que l'on peut considérer comme
une polémique dirigée contre certaines tendances
modernes, doivent être mis sur le compte des
attaques sans nombre et sans mesure dont nous
avons été l'objet de la part d'artistes et de soi-
disant spécialistes, parce que, selon nous, comme
le dit Springer, « tout art vraiment populaire
aime la couleur ». Comme il nous importe fort
peu de combattre les personnes, mais que nous
avons surtout pour objet de redresser les vues
complètement erronées qui ont cours en ce qui
concerne la polychromie, nous avons évité inten-
tionnellement de citer des noms propres.
« C'est à l'honneur de Dieu et des Saints, c'est
pour l'enseignement des artistes et des membres
du clergé, que nous avons consacré notre travail
à cet objet. »
L'auteur, comme on le voit, est prêtre; on sera
donc disposé à lire son étude avec la pensée d'y
trouver une dissertation sur la philosophie de
l'art, un exposé des principes de la décoration
des églises, et des recherches à la fois théolo-
giques et archéologiques. Tout cela se trouve
dans le livre du curé Joseph Kuhn, mais il traite
son sujet d'une manière complète. Après l'exposé
des principes de la polychromie du mobilier et
des œuvres de l'art plastique dans les édifices
du culte, il aborde hardiment les questions rela-
tives à la pratique de la peinture, et il ne recule
nullement devant l'examen des procédés à re-
commander.
Nous remarquerons, en passant, que les deux
archéologues allemands, dont l'auteur évoque
avec gratitude les noms et la coopération, MM.
Schnlitgen et Miinzenberger ('), donnent, par
l'adhésion complète que ce concours présuppose,
une grande autorité à son livre.
Ses trois premiers chapitres sont consacrés à
I. Miinzenberger, Zeitschrift fur christliche Kunst, année 1891.
p. 26.
26
3Re\)ue tie V^xî chrctten.
la décoration de l'autel. Il devait en être ainsi :
l'autel est l'objet le plus important de l'église.
C'est la table du sacrifice, le centre du sanctuaire
où s'accomplit le plus auguste des sacrements.
L'artiste et l'artisan doivent y mettre tout leur
savoir et tout leur talent. II appartient au peintre
d'orner l'architecture et le décor plastique de
l'autel, avec toutes les ressources de l'art, non
seulement pour en accuser les reliefs, mais
encore pour mettre l'autel en harmonie avec la
polychromie intérieure de l'église. Ce n'est que
dans des cas tout exceptionnels, par l'emploi des
marbres de couleur, par le travail de l'émailleur
et du mosaïste, que le concours du peintre peut
devenir inutile. D'ailleurs, l'auteur fait observer
que tous les procédés techniques qui peuvent
produire un effet de coloration dans le décor de
l'autel, sont conformes à son point de vue et
entrent dans le cadre de son étude.
Voici d'ailleurs quelques principes généraux
qui ne peuvent être perdus de vue dans la déco-
ration polychrome des églises.
Dans une église peinte, les meubles accessoires
en marbre blanc ne peuvent rester entièrement
incolores ; ils doivent s'harmoniser avec leur en-
tourage.
La couleur a pour objet, dans les travaux en
marbre, de soutenir l'effet de l'architecture, d'ac-
centuer les détails, ainsi que les formes plastiques
de la statuaire, surtout lorsque celle-ci est vue
a distance.
Pour ce travail, d'une nature très délicate, il
importe de rechercher les modèles dans ce que
nous a laissé le passé, non seulement dans la
peinture grecque des sculptures en marbre, mais
dans les exemples plus nombreux que nous a
laissés le moyen âge.
Aux retables de la période romane, le bois de
chêne ou tout autre bois, n'a jamais été laissé
dans sa couleur naturelle ; toujours il a été peint
et doré.
La peinture /rtr/Z^/A' de la pierre est aussi illo-
gique que la peinture partielle du bois. Laisser
les retables d'autel en pierre, sans polychromie,
par enthousiasme pour <( la belle pierre» ou le
beau bois de chêne, ou par orgueil artistique,
c'est porter atteinte aux règles de l'harmonie.
Dans une église peinte, un autel en marbre ou
en pierre naturelle, sera toujours chose offen-
sante pour l'œil.
Le choix des couleurs ne peut être arbitraire;
il ne doit pas viser à la richesse par la variété
des tons et des nuances. En général, les couleurs
fondamentales du rouge, du bleu, avec les cou-
leurs secondaires du vert et du noir, neutre de sa
nature, suffisent avec l'appoint des métaux, —
l'or et l'argent, — à produire un effet satisfaisant.
Mais il importe de faire usage de tonalités
vigoureuses, d'une valeur pleine et franche. La
comparaison entre les couleurs employées dans
l'antiquité classique, et celles en usage aux
époques romane et gothique, aboutit à cette
conclusion intéressante, qu'elles concordent dans
leurs données principales. C'est aussi le principe
qui a prévalu dans les couleurs employées dans
l'art du blason.
Cette remarque permet d'adopter les conclu-
sions suivantes : ce n'est pas pour satisfaire le goût
enfantin de la bigarrure, comme on l'assure sou-
vent par erreur, que le moyen âge a adopté son
système de coloration polychrome: celui-ci ne
repose pas non plus sur l'existence des deu.K fac-
teurs qui dominent actuellement dans la peinture
des œuvres plastiques ; à savoir, la fantaisie de
l'artiste et le goût personnel de celui qui com-
mande le travail, — mais bien sur des lois im-
muables qui ont leur principe dans la nature
même (i). Il n'entre pas dans notre tâche, ajoute
l'auteur, de rechercher quelles sont ces lois et
leurs causes primordiales: ceci est du domaine
de la philosophie.
Après avoir établi ces axiomes qui régissent
la polychromie en général, M. Kuhn continue
l'étude de celle de l'autel, en citant fréquemment
les monuments du moyen âge sur lesquels s'ap-
puie son étude et où il cherche des exemples.
Il insiste sur certaines règles : il rappelle que
toute sculpture en bois à l'autel et au retable,
qu'elle se compose d'éléments architectoniques,
ou de groupes historiés encadrés d'ornements,
doit être peinte et dorée. On ne saurait trop ap-
puyer sur la valeur générale de cette règle, en
présence des déviations du goût moderne et de
ses misérables produits.
I. Munzenberger, /.eilschrifl fur Chriitliche Kunst, année 1891,
p. 26.
^élange0.
27
Tandis que les autels modernes, d'un style go-
thique qui mérite le nom de rococo, souvent in-
formes dans leur ordonnance architecturale mal
comprise, taillés dans le bois, sont trop souvent
empruntés à la sculpture en pierre, l'art ancien
cherchait à établir avec intelligence les propor-
tions et les rapports les plus délicats entre la
sculpture des figures et le décor architectural qui
leur sert de cadre. Les groupes des « histoires »,
comme on les appelait, formaient l'objet princi-
pal, malgré les proportions souvent très réduites
des figurines. Celles-ci se reliaient à la partie
ornementale, avec une grande délicatesse de
sentiment, qui formait du tout un ensemble
harmonieux. Les images des saints y appa-
raissent comme soustraites aux réalités de la
vie, dans un entourage qui devait également
s'éloigner des réalités de la nature.
Aussi, de tous les éléments qui doivent con-
courir à la décoration polychrome de l'autel, l'or
— et l'or scintillant, l'or bruni — doit prendre
la première place : cette matière précieuse, avec
son éclat magique et mystérieux, est le mieux
qualifiée pour donner à l'encadrement, comme à
l'image des .saints transfigurés, un aspect et une
expression qui n'emprunte plus rien aux réalités
de la nature et de la matière. L'or, mis en œuvre
judicieusement, a son symbolisme. Les fonds d'or
que si souvent nous voyons employés dans les
triptyques de la période romane, y apparaissent
comme le symbole de la lumière ; ils se rappor-
tent à la parabole des saintes Écritures (i). C'est
encore l'emblème de la cité de Dieu, ou de la
Jérusalem céleste, d'après un autre passage de
l'Apocalypse. On peut considérer les fonds d'or
comme la splendeur de cette cité « brillant
comme l'or pur et répandant son rayonnement
sur les saints qui marchent dans ses voies ».
A ces considérations d'ordre idéal, on peut
ajouter les expériences du domaine pratique qui
recommandent l'usage de l'or dans la décoration
picturale des autels et des murs. Dans ce cas les
peintures n'apparaissent pas isolées et comme
des tableaux. Les fonds d'or s'encadrent généra
lement très bien dans les membres de l'architec-
ture. Les figures y détachent parfaitement leur
I. Apocat.. xxri, 5. IHd., 21, 18.
silhouette, tout en laissant intacte la surface
plane de la paroi décorée.
On ne doit pas oublier que dans les retables
d'autel, le décor plastique doit toujours être d'une
grande richesse, et que l'emploi de l'or de bonne
qualité se recommande encore parce que, de sa
nature, il est plus durable que les couleurs.
Dans beaucoup d'églises romanes surtout, et
dans celles de style gothique, lorsque les baies
sont garnies de vitraux d'un coloris intense, il
règne une sorte de mystérieuse demi-obscurité,
qui nuit à l'effet des peintures sur fond de cou-
leur — sur fond bleu, pour citer un exemple. Le
fond d'or obvie en partie à cet inconvénient,
parce que, même éclairé d'une lumière in-
sufïisante, il possède par lui-même un éclat qui
fait valoir les peintures.
L'emploi des différents procédés techniques,
au point de vue de leur solidité, est examiné par
l'auteur, et il recommande naturellement ceux
qui offrent le plus de garantie de durée. Il en
écrit comme un homme du métier pourrait le
faire, et assurément M. l'abbé Kuhn a été sou-
vent en contact avec les artistes. Il veut aussi que
ceux-ci fassent toutes les études archéologiques
nécessaires à la pratique d'un art délicat qui, dans
l'usage moderne, n'est souvent qu'un métier.
Dans l'examen des détails techniques, le livre
que nous examinons cherche un point de départ
non seulement dans les anciens traités de la ma-
tière, comme ceux du moine Théophile, de Cen-
nino Cennini, mais surtout dans l'analyse des pro-
cédés en usage chez les peintres décorateurs au
moyen âge, soit pour la décoration des statues
en bois, soit pour celle à employer lorsqu'il s'agit
de la sculpture en pierre ou de toute autre ma-
tière.
Il énumère cinq procédés différents en donnant
des détails très précis sur la méthode à mettre
en œuvre.
C'est intentionnellement que je me suis arrêté,
peut-être trop longuement au gré du lecteur,
sur la théorie de M. l'abbé Kuhn, concernant
les différents procédés de décoration polychrome,
sur l'emploi de l'or dans l'ornement de l'autel,
du mobilier des églises, et sur le soin qu'il a pris
d'étudier les procédés techniques. Ces détails
prouvent l'étude approfondie de son sujet, et
28
îRebue ^t V^xt t^fétten.
font comprendre que nous avons affaire à un
livre utile.
A la lecture de ce livre, on comprend qu'il
s'agit ici de l'œuvre d'un prêtre qui a beaucoup
vu, beaucoup étudié, et qui veut faire servir ses
études à la splendeur raisonnée d'un culte dont
il est le ministre dévoué. Comme il le dit dans la
préface que nous avons fait connaître, le livre
s'adresse moins au grand public qui ne le com-
prendrait guère, qu'aux membres du clergé dési-
reux de s'instruire et aux artistes de bonne vo-
lonté, assez humbles pour se laisser guider.
Le principe général émis dans cette étude,
c'est que la polychromie des autels, des figures
de la statuaire des différentes parties du décor
plastique et du mobilier doit, concurremment
avec les vitraux de l'église et la peinture des
parties architecturales, faire un ensemble har-
monieux, qui, établissant l'accord des détails
avec le tout, satisfait le cœur du chrétien. Il veut
faire servir la science du passé aux progrès de
l'art, — d'un art qui, à son tour, a pour objet de
glorifier Dieu dans les temples ornés de toutes
les splendeurs qui conviennent à son culte.
J. H.
H propos De fresques.
A question de la conservation des
fresques et peintures murales ordi-
naires — je tiens à faire la distinction
entre les procédés et les genres — étant
à l'ordre du jour, je crois devoir parler ici d'une
tentative faite en Italie, au Campo-Santo de
Pise.
Il y a deux ans, en septembre 1901, j'eus le
très grand plaisir d'y rencontrer un artiste d'un
rare talent, M. Louis Yperman. Né à Bruges,
dans une des villes où a fleuri le plus pur art
chrétien, mais habitant Paris depuis de longues
années. M. Yperman, à qui le grand art, surtout
celui du portrait, n'a pas été cruel, s'est fait une
spécialité de la reproduction à l'aquarelle de ces
œuvres admirables sur lesquelles .s'acharnent
toutes les causes de destruction venant du temps
et des hommes. J'ai fait autrefois connaissance
avec M. Yperman à Dijon, où il copiait à la per-
fection les peintures murales du XV« siècle, qui
sont une des parures de l'église Notre-Dame, et
il les a restaurées plus tard avec un goût, une
mesure que l'on ne saurait trop louer. En 1901, il
copiait au Campo-Santo des fragments impor-
tants des grandes compositions de lienozzo
Gozzoli, et il m'expliqua avec démonstration le
procédé que l'on venait d'expérimenter, toutefois,
en s'attaquant prudemment aux œuvres secon-
daires des galeries.
On appliquait sur la surface peinte un enduit
très adhérent maintenu par un puissant châssis
et l'on tirait à soi. Le revêtement qui portait la
fresque venait tout entier d'un seul morceau; on
le doublait par derrière d'un réseau de fils de
cuivre, puis, après avoir enlevé la couche adven-
tice, on le réappliquait à la muraille. La toile
métallique raidissait, soutenait l'enduit peint et
l'isolait un peu de la maçonnerie; de plus on
ménageait des prises d'air dissimulées et pouvant
être ouvertes ou tenues fermées à volonté, comme
des bouches de calorifère. Aucune oxydation
délétère n'était à craindre, le métal employé étant
le cuivre, et on espérait que l'aération supprime-
rait toute cause d'humidité.
Mais, au mois de septembre 1903, en revenant
de Rome, j'ai eu de nouveau la bonne fortune de
rencontrer M. Yperman à Orvieto, dans cette
Cappella iiuova de la cathédrale, dont Fra Ange-
lico et Luca Signorelli ont fait un des sanc-
tuaires de l'art italien à son apogée. M. Yperman
reproduisait à l'aquarelle — et il arrivait à une
exactitude quasi photographique avec la couleur
en plus — les plus beaux fragments de cet en-
semble extraordinaire où Luca Signorelli devan-
ce et annonce le Michel-Ange de la Sixtine,
surtout celui du Jugement dernier. Or, ayant
demandé à l'artiste ce qu'il était arrivé du pro-
cédé essayé, il y a deux ans, au Campo-Santo, il
me répondit qu'on avait dià y renoncer. Si la
peinture exécutée à fresque pénètre jusqu'à une
faible profondeur l'enduit frais sur lequel elle
a été exécutée, elle affleure à la surface en une
sorte de poussière colorée, d'une certaine fixité
si on n'y touche pas, mais qui s'attache à la
colle adventice et c'est une fleur que perd à
jamais la peinture elle-même. Ainsi l'opération
avait tout d'abord pour effet d'enlever aux an-
ciennes fresques plus que n'eussent fait les ac-
tions naturelles de longues années.
âgéUngcs,
29
En cet état de choses, il n'\' a qu'un parti à
prendre, et on l'a pris : abandonner à leur sort ces
œuvres admirables que ne verront plus nos
arrière-neveux.
Avant de rentrer en F"rance, j'ai fait encore
une halte à Pise pour revoir la noble cathédrale
— je parle surtout de l'intérieur — le Baptistère
à l'écho mélodieux et triste; le Campo Santo,
ce musée du plus grand art italien antérieur au
XVP siècle; la galerie municipale, si bien classée,
si riche en primitifs et qui a recueilli les très
beaux débris en marbre de la chaire de la cathé-
drale, œuvre excellente du XIV'' siècle, détruite
dans l'incendie de 1596.
Un peu déconcertant, avouons-le de bonne
foi, le premier contact des yeux avec les an-
ciennes fresques; il faut si bien ajouter par l'ima-
gination ce qui a été à ce qui est! Mais la période
d'initiation est courte ; d'ailleurs je revenais à
Pise, après de longues stations devant les plus
belles œuvres murales des XIV*', XV'' et XVI''
siècles. Si, par suite d'une exposition meilleure,
les fameuses scènes du Triomphe de la Mort
d'Orcagna.ou plutôt des Siennois Lorenzetti, ont
conservé en partie, sinon leur fraîcheur, du moins
leur coloris et leur présentation d'ensemble,
celles, moins anciennes, cependant, de Benozzo
Gozzoline sont plus que des ombres; encore des
pans entiers sont-ils effacés. Combien cepen-
dant, elles sont encore séduisantes et belles! En
vérité, ceux qui les virent dans leur printemps,
alors qu'elles rayonnaient d'éclat et de jeunesse,
ont eu des joies qui nous seraient inconnues s'il
n'y avait à la Libreria de la cathédrale de
Sienne, les fresques du Pinturicchio racontant la
vie de Pie III, Sylvius-^neas Piccolomini, et
mieux encore, à Florence, au palais Medici, plus
tard, Riccardi, cette Adoration des Mages, avec la
cavalcade des Medici se rendant à la Crèche,
dont Gozzoli a orné les murs d'un oratoire. Il
est grand comme une alcôve et éclairé par une
baie si étroite que certaines parties de la décora-
tion ne peuvent être vues qu'à la clarté d'une
bougie. Mais les couleurs sont aussi vives que si
l'artiste venait de douner le dernier coup de pin-
ceau, tandis que l'humidité et le soleil ont dévoré
les amples compositions du Campo-Santo.
Il est bien entendu que si belle, si brillante
qu'elle soit, je n'égale pas l'œuvre du Pinturic-
chio à Sienne, à celle de Benozzo Gozzoli, soit
au Campo Santo, soit à Florence.
Voilà ce qu'ont vu les yeux du XV° siècle, au
lieu de ces pastels à demi effacés dont le charme
nous séduit encore. Et leur ruine semble s'accé-
lérer si lamentablement, que dans vingt-cinq ou
trente ans, il en restera bien peu de chose. Mais
alors s'ouvriront les porte-feuilles jalousement
conservés dans l'ombre des archives des Monu-
ments historiques et de l'École des Beaux Arts,
et ils livreront les copies si parfaites de M. Yper-
man. On comprendra alors l'admiration des
hommes du passé pour ces créations qui auront
à jamais disparu des murailles redevenues vides
et muettes.
Henri Chabeuf.
national et Surbumcral.
I EN obscure et bien discutée jusqu'ici
a été la question de l'origine et du
développement des ornements litur-
giques,en particulier de cet ornement
assez rare que les auteurs appellent Rational ou
SurhuDicral.
A lire les articles de Du Cange('J, de Cahier (=),
de Bock (3), les dissertations de Demay (*), du
chanoine Cerf (5), de Mgr Barbier de Montault C^j,
et de bien d'autres encore, on n'éprouvait, il faut
l'avouer, qu'incertitude et confusion. J'en puis
parler d'expérience, ayant dû m'occuper longue-
ment des évéques de Toul (^j, prélats qui jouis-
saient et s'imaginaient jouir seuls du privilège
1. Glossarium... art. RationaU et Superhumerale.
2. Cahier. Nouveaux mélanges d'archéologie — Ivoires, minia-
tures, 182-202.
3. Geschickte der Litur^ischen Geivander. Bonn, 1866, II.
4. Demay, Le Surhuméral, le Rational et la Crosse, d'après les
sceaux du moyen âge.
Çj.Ceri, Dissertation sur le Rational en usage dans l'Église romaine
et dans l'Église de Reims, dans les Travaux de f Académie de Reims,
1889.
6. Barbier de Montault, Le Buste de saint Adelphe, d'après une
gravure du XVI h siècle, dans Mémoires de la Société d'Archéologie
lorraine, 1885. — Le Surhuméral des évéques de Toul, dans
Mém. Soc. Arch. Lorr., 1887. — Le Surhuméral jnoderne, dans la
Revue de V Art chrétien, 1887. — Compte rendu critique de la
Dissertation de l' abbé Cerf , dans \3. Revue de l' Art chrétien, 1890.
— Saint Adelphe dans les Œuvres complètes, X, 227-260, etc., etc.
7. Histoire drsdiocèses de Tout, de Nancy et de Saint-Dié. Nancy,
Crépin-Leblond, 1900.1903, 3 vol. in-8». — Ce que j'y ai écrit du
Surhuméral 9.(t trouve au tome I, pp. 467-.j7.(.
30
Btbur tic l'^rt cbvcriru.
de porter le surhuméral ('). Le problème enfin
vient d'être élucidé, autant qu'il peut l'être, par
le Père Braun, S. J., dans un article intitulé :
Das Rationale et paru en 1903, aux colonnes 97-
124 du Zeitschrift fiir christliche Knnst, de
réditeurSchwann,à Dusseldorf. Cet article, à mon
sens, serait parfait, — ^je n'ose pas dire définitif,
quand il s'agit de pareils sujets — si le savant
historien des ornements liturgiques s'était, sur ce
point spécial, mieux informé des choses de
France, et, avec la gracieuse autorisation de
l'auteur, je voudrais essayer de mettre les lecteurs
de la Revue de l'Art chrétien au courant de ses
conclusions aussi judicieuses que documentées.
Ce n'est point une œuvre originale que j'ai la
prétention de présenter ; je me bornerai tout
simplement à analyser ou à traduire la disser-
tation du Père Braun, à la corriger et à la com-
pléter par endroits, à l'appuyer à l'occasion par
des références et des indications utiles ou inté-
ressantes.
Des planches, dont je dois la communication
à l'obligeance de M. le professeur D. Schniitgen,
chanoine de la cathédrale de Cologne, le savant
directeur du Zeitschrift cité plus haut, et de
M. Crépin-Leblond, l'éditeur de mon Histoire
du diocèse de Tout, aideront fort à propos à la
clarté de cet exposé.
Vers la seconde moitié du X'' siècle, il com-
mence à être question d'un ornement pontifical
que l'on désigne d'ordinaire sous le nom de Ra-
tioncil. La plus ancienne mention que l'on con-
naisse se trouve dans le sacramentaire de Ra-
told de Corbie, mort en 986 (2). Vers le même
temps, Adalbéron II, évêque de Metz (9S4- 1005),
sollicita et obtint de son collègue Hilduart, de
Halberstadt (968-995), la participation au privi-
lège que les évéques de ce siège devaient au pape
.'\gapet II (946-955) de porter le rational ou
logion, symbole, dit-il, de la science et de la
vérité (3). Et la Messe illyrique qui doit remonter
1. Guillaume, Le Surhuinéral, prérogative séculaire des seuls
évêques de Toul, chez les Latins, en raison de l'antiquité de leur
Église. Nancy, Raybois.
2. Martène, De Antiquis Ecclesta- ritibus, L. I, c. 4, an. 12,
ordo II (Edit. Anvers, i, 203).
3. Sigebert de Gemblours, Vita Oeoderici, episcopi Metensis,
c. 9. (Pertz, 6V;(>>/., IV, 468.)
à la fin de ce même X'^ siècle, range le rational
au nombre des vêtements pontificaux (').
En 1027, Jean XIX octroie à Poppon, patriar-
che d'Aquilée, l'usage du rational, en sus du
pallium (2). Un inventaire du trésor de la cathé-
drale de Spire, dressé vers 105 i, sous l'épiscopat
d'ArnouIf, accuse un « rational, orné d'or et de
pierreries » (.3). En 11 19, Calixte II, en 1133 et
1135, Innocent II, concèdent, le premier, à Die-
trich, évêque de Naumbourg et à ses successeurs,
le second, à Bernard, évêque de Paderborn, et à
Adalbéron II, évêque de Liège, à des conditions
presque identiques, le droit de célébrer avec le
rational la messe et autres fonctions pontifi-
cales (4).
Ives de Chartres (mort en 11 15) (s), Honorius
d'Autun (XP ou XII^ siècle) (6), Sicard (^\ un
codex liturgique remontant au XI I*^ siècle et
conservé à l'abbaye de Saint-Gall (^) citent le
rational parmi les ornements épiscopaux.
Au début du XIII'-' siècle, un moine d' Ad mont
parle d'un rational, « orné d'or et de gemmes et
soutenu par une chaîne d'or », queGebhart, évê-
que de Salzbourg (mort en 1088), avait reçu en
présent d'un empereur de Constantinople, dont
il avait baptisé le fils (9),
Une centaine d'années plus tard, l'évêque Phi-
lippe, d'Eichstœdt (mort en 1322), raconte, dans
sa vie de saint Willibald, que saint Boniface
avait accordé à ce prélat et à ses successeurs sur
le siège d'Eichst?edt, le titre de chancelier de la
province de Mayence, le premier rang parmi ses
cosuffragants et, comme signe de sa dignité, le
port du^rational ('°). Un inventaire du trésor de
la cathédrale de Prague, dressé en 1387, men-
tionne trois rationaux (") ; deux inventaires de
la cathédrale de Reims, datant de 1470 et de
15 I S. accusent deux rationaux, un grand et un pe-
tit (12). Une chronique du XV^ siècle, après avoir
1. Martène, op. et toc. cit., ordo 4 (I, 177).
2. MIgne, Patr. lat., CXLI, U37.
3. Schannat, Vindcm. litl., p. g.
4 Lepsius, Gcsckiekte der Bischo/e des Hochstiflcs iXaunihiri^,
1, 241. — Migne, J'atr. lat.. CLXXIX, i85 et 247.
5. Sermo 111 (Migne, J'ai, lat., CLXXU, 523, 524).
6. Gemma, Liv. I, 2i3(Migni; Fatr. lut., CLXXll, 608).
7. Mitrale, Liv. II. c. 5 (Migne. Patr. latin., CCX1I1,78).
8. Cod. lat. 777.
9. Monachi Admunti, Vita Gebehardi (Pertz, Script., XI, 39).
10. Vita S. Wiilibaldi, c. 23 (Ed. Grelzer, Ingolstadt. 16 17,
p. 89). — Pastoralblatt des Bistums Kichstiitt, 1854, pp. 4. ii. i-t-
11. Bock, op. cit., II, 204.
12. Cerf. op. cit., 1^1.
âÇélanges,
31
relaté la consécration de l'église de Minden, par
le pape Léon III, ajoute que l'évêque de ce diocèse
reçut « l'honneur d'un palHum qui était appelé
rational (M s>. Eiifin.une collection authentique
des vieux statuts de l'Église de Toul rassemblés
par l'archidiacre Le Sane, en 1497, énumère,
parmi les privilèges de l'évêque de Toul, le droit
de porter le surhuméral sur la chasuble, pour la
messe solennelle et les fonctions pontificales (2).
Telles sont les principales indications que, sur
ce point, nous fournissent les documents ; car il
ne semble point au Père Braun qu'il faille re-
connaître un rational dans le « pectoral épis-
copal de drap d'or, à une frange rouge de soie
et d'or, doublé de taffetas rouge, que mentionne
un inventaire de l'église de Vannes, dressé en
1555 : ce doit être plutôt lui grémial (3). De
même, le rational et le surhuméral dont parle
V Histoire de l'Église d'Auxerre, en termes du
reste assez obscurs, paraissent constituer une
chasuble, d'une étoffe plus précieuse, mais non
des ornements distincts ('*).
Enfin, l'huméral ou surhuméral dont il est
souvent question dans la série des ornements
sacerdotaux, n'est autre que le vêtement litur-
gique que nous désignons aujourd'hui sous le
nom d'amict.
Dans tous les passages que nous avons retenus,
le rational ou surhuméral se présente comme un
ornement purement pontifical. Il a été, sans
aucun doute, plus porté que ne permettent de le
constater les monuments, relativement très peu
nombreux, qui ont résisté à l'épreuve du temps
et, si plusieurs prélats qui s'en glorifiaient, le
devaient à un échange, comme Adalbéron II,
de Metz, ou à l'une de ces prescriptions tacites,
comine il s'en rencontre tant au moyen âge, il
n'en est pas moins établi que la première origine
1. i. Et hoc iemplum consfcratur — a Leone et ditatur — multis
privilegiis — nam hic prtssul honoratur — Mindensis gui vocitalur
— di^^nitale pallii — quod èene rationale — vocamus et hoc no)t
maie — nam trini episcopi — tantum isto decorantur — ■ per quem
recle venerantur — locus, gens et clcrici {Meibom, Rer. german. , I,
552).
2. Statutorum... Ecclesiœ Tullensis vetusta collectio a... Nicolao
Le Sane... aiornata et in capitulo gênerait Cinerum anni /./çy
confirmata. (Ms. 10.019 du Fond^ latin de la Bibl. nat., fol. 67.)
3. Bull, monum., 1877, p. 636. n. 3.
4. APalla vero carbaiea aureo circa pectus ej^utgeni rationali
Casula autem colorii eetherii prygio palmnm kabente superhitmern-
liset rationalis e^giem ad tnodum pallii archiepiscopi hoiiorabiliter
pralendebati^Hisl. episc. autisiod.. c. XLIX, dans Migne, Patr.
lai., CXXXVIII. 277).
de cet insigne décoratif doive être rapportée à
une concession du Siège apostolique.
Mais en quoi consistait cet ornement ? quelles
en étaient la forme et la signification ? qui en four-
nit le type primitif? quelle en fut la raison d'être ?
voilà ce qu'il nous faut étudier. Pour cela, tout
d'abord, une distinction s'impose, entre deux gen-
res de rationaux : l'un, qui était proprement un
ornement pectoral ; l'autre, qui formait vêtement
et reposait sur les épaules. Cette distinction est
essentielle, et c'est faute de l'avoir aperçue, que
certains liturgistes n'ont point réussi à élucider la
question.
§ I. Du Rational, ornement pectoral.
I. Existence de cet ornement. — Le rational de
Gebhart de Salzbourg était un ornement déco-
ratif de la poitrine : la chaînette d'or qui servait
à le supporter, suffit à le démontrer. La descrip-
tion qu'Yves de Chartres nous donne du rational
s'applique à un objet analogue : après avoir, en
effet, décrit l'ornement porté par le souverain
pontife, dans le culte juif, et nommé par les
Septante, Xôyiov, par la Vulgate, rationale jiidicii,
cet auteur écrit (') : <i Cet ornement était le pri-
vilège du seul grand-prêtre et, aujourd'hui encore,
il sert à distinguer ceux auxquels il appartient
de le prendre, des prêtres d'un rang inférieur. »
Yves de Chartres admet ainsi l'identité entre le
rational hébraïque, lequel était un ornement pec-
toral, et le rational chrétien. Honorius d'Autun
est plus explicite encore {-'). K Le rational (des
évêques), remarque-t-il, est emprunté à la Loi.
Là-bas, il était d'or et de pourpre violette et
rouge, de la mesure d'une palme et, avec les mots
doctrine et vérité {iiriin et thuminiin) ; il portait
douze pierres précieuses, sur lesquelles se trou-
vaient inscrits les noms des douze tribus d'Israël :
et le grand-prêtre le mettait sur sa poitrine.
Dans la série de nos ornements pnntificaux, il
se présente comme un ornement enrichi d'or et
de gemmes qui se place sur la poitrine et s'a-
dapte à la chasuble. »
Ce sont encore des ornements de même genre
que nous rencontrons dans les inventaires de la
cathédrale de Reims (3) : « Un grand et précieux
1. Serm. cit.
2. Loc. cit.
5. [.oc. cit.
32
3Rel)ue lie V^xt t\)xititn.
rational en or pur, y lisons-nous, orné de douze
pierres précieuses de couleurs différentes, serties
d'or, sur chacune desquelles est gravé le nom des
douze tribus d'Israël. Ce rational est suspendu
par une chaîne d'or qui entoure les épaules ; aux
extrémités de cette chaîne, brillent deux ca-
maïeux, enchâssés d'or, et, par derrière, un assez
gros cristal. — De même, un petit rational d'or,
avec une chaîne d'or ; au milieu, brille un ca
maïeu d'une grosseur inusitée et, a l'entour,
huit pierres précieuses, dont quatre émeraudes et
quatre ballais. — Ensuite, trois épingles en argent
doré, servant à tenir les dits rationaux et ayant
chacune pour tète une grosse perle antique. »
Le petit rational ne portait, il est vrai, ni les
douze pierres, ni les douze noms des tribus d'Is-
raël ; mais le grand semble de tout point copié
sur celui de l' Ancien-Testament et l'un et l'autre
étaient des ornements pectoraux.
Il nous est malheureusement impossible de
deviner, ni par le récit du chroniqueur Sigebert
de Gemblours, ni par le texte d'une lettre de Hil-
duard à Thierry, évèque de Metz (i), quelle était
la nature de ce rational qu'Adalbéron II envia
aux évêques d'Halberstadt ; le paragraphe de
l'inventaire de Spire n'est pas plus explicite ;
mais, pour ce qui concerne Aquilée, cette cir-
constance que Jean XIX accorda à Poppon
l'usage du rational, en sus du pallium, nous per-
met de conclure qu'il s'agissait d'un ornement
qui pouvait s'attacher à la bande antérieure du
pallium et non d'un collet, que l'on a peine à se
figurer s'agençant avec ce dernier vêtement.
C'était de même un ornement décoratif de la
poitrine, celui dont fait mention le sacramentaire
de Corbie; la rubrique en est la preuve (^) : « En-
suite, prescrit-elle, le diacre présente au prélat la
chasuble et enfin le rational, attaché au surhu-
méral, « rationale cohœrens viiictini (ou jtiiictini,
selon un autre codex (3), superhuinerali ». Le
surhuméral ici désigne l'amict, et le rational ne
peut être qu'un ornement pectoral qui se posait
sur la chasuble et s'agrafait à l'amict.
Les rationaux que nous trouvons dans l'inven-
taire de la cathédrale de Prague doivent encore
être rangés dans la même catégorie. Nous lisons,
1. Labbe, Nouv. Bibliot., I, 682
2. f.or. cil.
3. Bilil. nal.. fonds latin, 12052.
en effet (') : « Premièrement, un rational de per-
les précieuses que fit réparer autrefois le seigneur
Arnestus, archevêque de Prague. — De même,
un autre rational, à fond de perles semé de
croix noires, don de l'empereur ; il y manque
nombre de perles. — De même, un autre ratio-
nal de diacre, orné de petites perles et de têtes
de dragons. » Ce qui semble au Père Braun auto-
riser cette conclusion, c'est tout d'abord que
ce paragraphe de l'inventaire, outre ces trois
rationaux, mentionne des anneaux, des croix
pectorales, des crosses, bref, des objets de métal
et non des vêtements ; et ensuite que, de ces
Fig.
trois rationaux, l'un était à l'usage du diacre.
Car les diacres, ici et là, portèrent sur la dalma-
tique le rational, comme ornement pectoral : la
sigillographie permet de le constater maintes
fois, en particulier sur un très beau sceau de la
ville de Beckum : saint Etienne y paraît en vêle-
ments de diacre et sur sa poitrine brille le ratio-
nal {-).
Cet ornement pectoral n'a point survécu au
moyen âge, ni même, semble-t-il, au X 1 1 1'" siècle;
mais nous avons, des Xil« et XI IL" siècles,
nombre de sceaux et de miniatures, de sculptu-
res et de vitraux qui figurent des évêques en
costume pontifical et qui formeraient une belle
illustration aux textes cités d'Yves de Chartres
et d'Honorius d'Autun, aux données des inven-
1. Loc. cit.
2. Voir la lignri; i.
â^éianges.
33
taires de Reims et de Prague. Ainsi, un rational
plus ou moins analogue à celui du grand-prêtre
juif, se voit sur les sceaux des évêques de
Munster, Werner (►!< 1151), Ludolf(>î< 1248), et
Wilhelm {>b 1260) ; des évêques de Paderborn,
Bernard III {>i* 1223), Bernard IV (•i* 1247) et
Simon I (►!< 1277); des évêques de Minden,
Jean (>i* 1253), Wilhelm I (►t" 1242) et Wide-
kind I (►{< 1261) (') ; des archevêques deMayence,
Christian (►î* 1251), Gerhard I (>i> 1259), Wer-
ner (>h 1284) (2) et sur le sceau du chapitre de
ce dernier siège archiépiscopal (3). — De même,
Fig. I
sur les reliquaires des saints Monulphe, Gon-
dulphe et Valentin, qui faisaient jadis partie du
trésor de Maestricht et qui sont aujourd'hui
conservés au musée du Parc du Cinquantenaire à
Bruxelles C*) ; sur une statuette de saint Servais
dans l'église St-Servais à Maestricht (5) ; sur la
statue de saint Grégoire le Grand, au portail sud
de la cathédrale de Chartres ; sur les statues de
saint Sixte (^J, de saint Remy, de saint Nicaise
1. Des reproductions s'en peuvent voir dans le Die Westfâliichen
Sitgel des Miltelalters. Munster, 1882 et 1885, tab. i3 ; 43' ; 44' \
2. Voir Wurdtwein, Nov. subsid. dipL, III, tab. 18 ; IV, tab 20.
3. Voir la figure 2.
4. J. Destrée, Les muiées royaux du Parc du Cinquatiîenaire à
Bruxelles. Livre 5.
5. F. Bock et Willemsen, Die mittelalterlichen Kunsi.iind Reli-
quiemchdtze zu Maestricht, p. 47.
6. Cette statue passe parfois pour être celle du pape saint Clé-
(première moitié du XIII*' siècle), etc., au por-
tail nord et sur la verrière de l'archevêque Henri
de Braine (1222), au clair étage de l'abside de
la cathédrale de Reims ; sur la pierre tombale
du pape Clément II à la cathédrale de Bamberg
(l'ancien évêque Suitger, de Bamberg) ('), etc.
II. Formé. — Sur tous ces monuments et sur
bien d'autres encore qu'on pourrait citer, mais
qui, il faut le noter, ne sont ni antérieurs au
XI<= siècle, ni postérieurs à la première moitié
du X III", l'ornement pectoral que nous avons
remarqué affecte en général la forme rectangu-
laire ou carrée ; parfois pourtant, il ressemble à
un disque. Tantôt grand, tantôt petit, il est
richement décoré, le plus souvent de gemmes.
Les inventaires rémois, comme aussi le récit du
moine d'Admont, nous révèlent qu'il se suspen-
dait au cou au moyen d'une chaîne, couvrant
ainsi la croisée de l'orfroi et, si c'était un métro-
politain, le nœud du pallium : les statues des
archevêques, au portail nord de Reims, portent
en effet la chaînette qui sort de dessous la pa-
rure de l'amict. Et, pour éviter un disgracieux
balancement, on assujettissait le rational à la
chasuble : Honorius d'Autun le dit : « planetis
affixce (2), » et c'est à cela que devaient servir les
trois grandes épingles mentionnées par les in-
ventaires du trésor rémois ; enfin, la rubrique du
sacramentaire de Corbie « cohœrens vinctim
superhunierali » autorise à conclure qu'il s'agra-
fait parfois à l'amict. Tout ceci variait avec les
diff'érentes églises, car l'uniformité n'est point la
caractéristique de cette époque.
III. Syinbolisine. — • La rubrique de la Messe
illyrique faisait dire à l'évêque, quand il prenait
cet ornement (3) : « Accordez-nous, Seigneur, de
nous attacher inébranlable à votre doctrine et
d'annoncer dignement à votre peuple les ensei-
gnements de la vérité. » Et Honorius d'Autun
développait ainsi la même leçon mystique (4) :
ment ; mais Cerf et d'autres la croient plus juiieinent du premier
évêque de Reims, saint Sixte.
1. A. Weese, Die Bamber^er Domskulpture7ï. fig. 32, 33. — Hasak,
Geschichte der dentschen Bildhauerkunst des XIII Jahrlumderts,
p. 64.
A remarquer que ces statues de Reims et de Bamberg justifient
pleinement le sentiment du Père Braun, sur la concession faite par
Jean XIX à Poppon d'Aquilée.
2. Loc. cil.
3. Loc. cit.
4. Loc. cit.
REVUE DE LAkT CHRETIEN.
1904- — 1"= LIVRAISON.
34
^ebue lie l^^rt chrétien.
« Le rational rappelle au pontife l'obligation
où il est de se montrer vigoureux par l'or de la
sagesse, l'hyacinthe de l'intelligence spirituelle,
la pourpre de la patience ; de tendre vers le
Christ qui mesure la récompense au mérite ; de
briller par la doctrine et la vérité ; de se distin-
guer par les gemmes des vertus ; d'imiter, par la
sainteté, les douze apôtres et de se souvenir de
tout son peuple, durant le sacrifice. » Le rational
était donc, pour l'évéque, le symbole de la science
et du zèle qui doivent transmettre aux hommes
la vérité divine ; l'emblème de la pénétration des
secrets de la foi, qui doit être le propre d'un
Il méM^A,
Fig. 3.
premier pasteur ; enfin, un stimulant à renou-
veler en lui les vertus apostoliques.
IV. Origine. — Et cet ornement d'un symbo-
lisme si relevé, quelle en fut l'origine dans les
Églises médiévales ? De tout ce que nous avons
dit, surtout de la description du grand rational
donnée par les inventaires rémois et des statues
épiscopales du portail nord de la cathédrale de
Reims, nous pouvons conclure, sans crainte de
nous tromper, qu'il dérive de l'ornement du
souverain pontife de la loi mosaïque ; son nom
seul d'ailleurs suffirait à le prouver: n'est-il point,
comme celui-ci, appelé rational .'' Au désir qui se
produisit, surtout du X^ au XIII<= siècle, en
particulier dans les Églises de France et d'Alle-
magne, de décorer et d'enrichir les ornements et
les vêtements liturgiques, se joignit, sur ce point
spécial, par suite de la connaissance intime que
l'on avait alors des divines Écritures, l'ambition
de donner aux grands-prêtres de la Loi nouvelle
cet ornement splendide qui brillait sur la poitrine
du successeur d'Aaron, et qui fut bientôt, selon
toute apparence, évincé par la croix, le véritable
insigne d'un ministre du Christ (■).
Peut-être aussi pourrait-on faire remonter le
rational à \ Encolpion des évêques grecs, sorte
d'ornement pectoral, garni de reliques, qu'une
chaîne retenait au cou : c'est un encolpion qu'en-
voyait, avec d'autres vêtements liturgiques, le
patriarche Nicéphore au pape Léon III (-), et
ce pourrait être un ornement de ce genre que
Gebhart de Salzbourg rapporta de Constanti-
nople. L'origine biblique paraît toutefois plus
probable, et le rational serait ainsi le seul orne-
ment qui ait été emprunté sans modifications
essentielles par des Églises chrétiennes au culte
d'Israël.
§ II. Du Rational ou Surhuméral,
vêtement couvrant les épaules.
I. Existence de cet ùrnement. — Ce n'est plus
un ornement pectoral, mais un vêtement plus ou
moins genre pallium, dont il est question dans
les bulles d'Innocent II à Bernard de Paderborn
et à Adalbéron de Liège (3). Ceci déjà se devine
aux termes du document pontifical qui met à
l'usage de cet insigne les mêmes restrictions de
temps et de lieux que le Saint-Siège a coutume
d'imposer à celui du pallium ; mais la probabilité
devient une certitude à qui se rappelle que, dans
le cours du moyen âge, les évêques de Liège et
de Paderborn ont posé sur leur chasuble un
ornement liturgique en forme de collet ; que,
maintenant encore, les évêques de Paderborn
continuent à jouir du même privilège et que le
buste-reliquaire de S. Lambert, à la cathédrale
1. La croix pectorale ne fut d'un us.ige général que vers la fin du
moyen âge, et le premier qui parle de cet ornement est Innocent III
(1198-1216). — I3raun, op. et loc. cit., c. 105, n. 25.
2. M igné, Patr. lut., Cil, 1067.
3. Voir plus haut, p. 30.
5@flange0.
35
de Liège, est décoré d'une sorte de rotonde,
cachant le haut de la chasuble (').
Le rational dont Calixte II gratifia l'évêque
Dietrich de Naumbourg, semble avoir été un
vêtement de cette espèce (^). Pas de doute, ni
pour le rational « entourant les épaules et la
poitrine », dont fait mention le manuscrit de
Saint-Gall : le texte lui-même en fait foi(^); ni
pour celui que, d'après Philippe d'Eichstaedt (4),
saint Boniface accorda à saint Willibald : nous
en avons pour gages une série de monuments, sur-
tout les miniatures d'un pontifical dû à l'initia-
tive de l'évêque Gondekar II (1057 1075) ^t
l'usage que fait encore de cet insigne, dans les
cérémonies pont'ficales, le successeur de saint
Willibald sur le siège d'Eichstasdt.
Même certitude aussi pour le surhuméral
toulois : le nom en est déjà caractéristique, et en
voici le description, telle que nous la formulent
les statuts de 1497 : « Est stola lar^a, fiiiibriatn,
circnicns desuper humeios cnm diiobus iiianipidt.<;
ante et retio et circa spatulas, ex jttraqite pmte in
inoduvt scuti rotiindi, lapidibus pretiosis coo-
perti,qiii significayit Jwnorem et omis pnstoris{^').'i
Quelques termes de cette définition peuvent
prêter à discussion ; mais l'ensemble en est clair.
Des sceaux et des pierres tombales serviraient
d'ailleurs à l'élucider au besoin et l'évêque
de Nancy et Toul, fidèle aux traditions de la
vieille Église touloise, a repris, en 1S65, cette
sorte de rotonde ou de pèlerine liturgique (6).
En Allemagne, outre les Églises qui viennent
d'être citées, à en juger du moins par les monu-
ments sigillographiques, tumulaires et autres qui
sont parvenus jusqu'à nous, seuls, « Wurtzbourg,
Ratisbonne, Minden et Bamberg paraissent avoir
des titres sérieux à revendiquer, pour leurs pré-
lats, dans leur histoire, l'honneur et la jouis-
sance de ce privilège du surhuméral ou rational.
A Wurtzbourg (^), le rational apparaît sur le
sceau d'Emehard de Rothenbourg (1088-1104)
1. Helbig. La sculpture et les arts plastiques au fays de Liige.
Bniges. Desclée, 1890, p. i;o (avec phototvpie de ce buste) — Voir
H- 3-
2. Voir plus haut, p. 30.
3. Loc. supr. cit.
4. Voir plus haut. p. 30.
5- Loc. cit.
6. Eug. Martin, Hist. dioc. Toul, loc. cit.
7- Tout ce qui suit a été vérifié par le Père Braun sur les origi-
et il se maintient sur ceux des évêques sui-
vants, jusqu'à et y compris celui de Gottfried
de Hohenlohe (13 [4-1322). Mais, déjà, au début
du XIV« siècle, il figure en peinture sur le tom-
beau de Mangold de Nauenbourg {^ 1303) et,
dès lors et jusqu'en 1622, où le pallium le rem-
place sur le monument de Gottfried d'Aschau-
sen (1617-1622), il est sculpté sur toutes les sta-
tues tombales des évêques qui se voient encore
aujourd'hui à la cathédrale (i).Pour Wurtzbourg,
Fig. 4-
il ne peut donc y avoir aucun doute : durant les
quatre derniers siècles de la période médiévale
et, plus tard encore, au moins jusqu'au
XVI^ siècle, les évêques de ce siège ont porté
cette sorte de collet qui couvrait les épaules et se
nommait rational.
Même certitude pour Ratisbonne: ce vêtement
humerai se trouve sur le sceau épiscopal, depuis
le pontificat de Hartwig I^^ (i 1061 126) jusque
dans la seconde moitié du XIV* siècle. Il ne
paraît toutefois sur les tombeaux (peut-être faut-
il attribuer ceci au petit nombre qui nous reste
I. Voir fig. 4, le tombeau d'AUiert de Hohenlolie.
36
Bebuc ïie P^rt cl)rétien.
de monuments anciens) qu'à la fin du XV« siè-
cle. La première statue qui le porte est celle de
Henri de Absberg (1465-1492) ('); «^"ais, à partir
de ce prélat jusqu'à David Kolderer de Burgstall
inclusivement (1567-1579), tous les évêques de
Ratisbonne sont représentés sur leur dalle funé-
raire, le rational posé sur la chasuble. Un buste
épiscopal, orné du rational et datant de la fin du
XIII<^' siècle, se voit au fronton de la porte sud
du chœur de la cathédrale, et des figures d'évê-
ques décorées du même insigne, aux verrières de
la nef latérale sud et du transept, lesquelles
remontent à la première moitié du XIV'= siècle.
L'usage du rational pour les évêques de Minden,
est plus problématique. Si nous n'en avions pour
garant que le passage de la chronique que nous
avons cité plus haut (2) et qui relate la consécra-
tion de la cathédrale par le pape Léon III et
l'octroi fait à l'évêque par le souverain pontife
d'un pallium, appelé rational, nous en serions rien
moins que sûrs ; car les termes de la chronique
sont assez vagues et le fait de la consécration,
justement tenu pour légendaire. Ce collet litur-
gique paraît bien, il est vrai, sur les sceaux des
évêques Wilhelm I de Diepholz (1236-1242),
Widekind I de Hoya (1253-1261)01 Wolkwin
1. Voir fig. S-
2. P. 31,11. I.
de Swalenberg (1275-1293) ; mais, pour qui sait
la manière dont se fabriquaient les sceaux à cette
époque, dans des ateliers souvent éloignés, plutôt
selon le caprice on les traditions de l'artiste que
suivant les données du client, l'argument n'est
point décisif. Pourtant, ce qui donne quelque
poids à la probabilité en faveur de Minden, c'est
un ivoire et une miniature, datant tous deux du
XP siècle, conservés à la bibliothèque royale de
Berlin et représentant saint Sigisbert, évêquede
cette ville, les épaules et la poitrine couvertes
d'une bande à double disque et à double pen-
dant, autrement dit d'un rational (').
Le même problème se pose autrement pour
Bamberg. Le trésor de la cathédrale conserve
un ornement en fils d'or pur qui, à première vue,
ressemble fort à un rational et qui, d'après ses
éléments, sa confection, son style, appartient à la
série des vêtements pontificaux dont l'empereur
saint Henri ('i* 1024) enrichit l'Église qu'il
venait de fonder. Les comptes du chapitre men-
tionnent même, en 1476, 1485, 15 12, 1539 et
1616, des réparations faites au rational, dont
maints détails peuvent s'appliquer à ce vieil orne-
ment du XL' siècle (-). De plus, d'autres para-
graphes des mêmes comptes, entre autres, la
fourniture faite par un orfèvre, en I544,de trente-
deux clochettes « pour le rational » et le net-
toyage des perles et des gemmes du rational, entre-
pris, en 1626, par des jeunes filles, « pour le saint
tombeau (?) », semblent indiquer l'existence
d'un autre ornement, car la contexture du vête-
ment liturgique donné par saint Henri exclut
toute perle, toute pierre précieuse et, sans doute
aussi, toute clochette.
Mais ce dernier, aujourd'hui fort mutilé et
grossièiement fixé, depuis la fin du XV'= siècle,
sur une chasuble de damas grenat, ne paraît
point, à tout bien considérer, avoir jamais formé
un vêtement spécial. Il ne devait constituer
que la riche décoration de la partie supérieure
d'une chasuble et, pour lui donner l'aspect
d'un rational, on a dû en couper le devant, en
écarter les deux extrémités et ramener par der-
1. Le père Braun n'a eu connaissance de cet ivoire el de cette
niiniaiiire que depuis la publication de son article ; mais les photo-
graphies qu'il en a reçues et qu'il m'a montrées, l'ont fait pencher
avec laison vers une forte probabilité en faveur de Muiden.
2. Pfisier, Dei- Doin ztir Bamberg, 74.
^gélangeô.
37
rière la presque totalité des deux disques, d'une
façon aussi disgracieuse que maladroite (i). Bien
plus, sur les nombreux tombeaux que possède
la cathédrale, pas un évêque de Bamberg ne porte
le rational, tandis que beaucoup sont revêtus
du pallium. Les évéques, Hartwig, en 1053, ^^
Egilbert, en 1 139, avaient obtenu des papes saint
Léon IX et Innocent II (2), à titre purement
personnel, le privilège du sacré pallium, et leurs
successeurs peut-être sollicitèrent l'octroi perpé-
tuel de cette distinction à l'Église fondée par
saint Henri, peut-être continuèrent tout simple-
ment l'usage de cet insigne ; car il est bien diffi-
cile d'admettre que le seul bon plaisir des sculp-
teurs ait orné du pallium tant de statues d'évê-
ques, dans la seule cathédrale de Bamberg. Mais
alors, que signifient les réparations faites au
rational, le nettoyage des perles et des gemmes
accompli par des jeunes filles, et pour le « saint
tombeau» ? car le pallium ne s'appelait point
rational et ne se décorait, ni d'améthystes, ni de
topazes, ni surtout de trente-deux clochettes.
On ne peut rien conclure, en faveur d'Osna-
bruck ou de Munster, de la présence du rational
sur deux sceaux épiscopaux de chacun de ces
deux sièges ; comme, non plus, en faveur de
Figr. 6.
Metz, du dessin d'un surhuméral, sur un sceau de
l'évéque Bertram (i 194) (3) : ces exemples isolés
peuvent être attribués à la fantaisie de l'artiste.
Il est vrai que Barbier de Montault a signalé un
surhuméral, authentique et incontestable, sur une
gravure d'un buste-reliquaire de saint Adelphe,
évéque de Metz, lequel lui semblait remonter
aux premières années du XVP siècle ("*) ; mais
il n'avait point confronté cette gravure avec une
photographie du buste de saint Lambert de
Liège : il y aurait découvert une réplique de ce
précieux reliquaire et son argument eût perdu
1. Vo'r fig. 6.
2. Migne. Pair. lai.. CXLIII. 700; CI.XXIX, 483.
3. Ch. .Abel, Étuiie sur le Pallium ...jadis porté f>ar les évêqites a'e
.\fclz, dans .\tém. Soc. Arch. de la Moselle, 1867.
4. Barbier de lAon\».w\\., Le Busle de saint Adelphe, dans .Mcm.
Soc. Arch. Lorr., 1885,
de sa valeur ('). Toutefois, rappelons-nous qu'A-
dalbéron II de Metz obtint de son collègue de
Halberstadt la concession du privilège dont
jouissait ce dernier, de prendre le rational (2);
mais en quoi consistait cet ornement ? d'ailleurs
les prélats messins, si nous en jugeons par leurs
sceaux (3), préférèrent se faire représenter avec
le pallium que saint Chrodegang, Angeiramm et
plusieurs autres avaient reçu du Siège aposto-
lique.
Hors de l'Allemagne— car Toul, Metz, Liège
étaient villes du saint Empire — ^ ce collier litur-
gique ne se rencontre pour ainsi dire pas. Mabil-
1. Eug. Martin, Sur une commutîication de Mgr Barbier de Mon-
tault à propos d'un buste de saint Adelphe de Metz, dans Bull. Soc.
Arch. Lorr., 1903.
2. Cf. plus iiaut, p. 30.
3. Ch. Abel, loc. cit.
38
9Rcbue lie T^rt rl)rétien.
Ion a cru reconnaître un rational dans une riche
bordure que porte, au col et à la fente de la cha-
suble, saint Réol, archevêque de Reims, dans un
codex de l'abbaye d'Elnone(') ; mais son hypo-
thèse semble aussi peu justifiée que celle des éru-
dits qui ont prétendu trouver des surhuméraux
dans les colliers multicolores d'un dessin très
varié et d'une ornementation chargée qui déco-
rent le haut des vêtements de nombreux person-
nages, anges, évêques, princes, martyrs, vierges
etc., sur les mosaïques merveilleuses de la cathé-
drale de Monreale, en Sicile (2) : ce sont des
ornements de style byzantin, plus ou moins dus
à l'imagination du dessinateur ou du mosaïste.
Barbier de Montault a cru voir un surhuméral
sur une miniature du X« siècle, conservée au Bri
tish Muséum (3); sur une autre du Xllf, représen-
tant saint Hilaire et appartenant à la Bibliothè-
que nationale(4);sur une autre de la même époque
qui fait l'un des feuillets de la Bible ô.'Wç.de Saint-
Martial, à la même Bibliothèque nationale et
sur laquelle figurent le pape Damase et saint
Jérôme ; sur un buste d'évêque (qu'il dit de Poi-
tiers (s), je ne sais pourquoi), lequel fut trouvé à
Saint-Hilaire-de-la-Celle, en Poitou... (6) etc..
L'infatigable chercheur ne cite malheureusement
pas avec assez de précision ses autorités ou ses
références : un contrôle efficace n'est pas toujours
possible ; mais, de ce qui peut se constater sur
la Bible de Saisit- Marti al et sur la statuette de
Saint-Hilaire de-la-Celle, on peut conclure que
l'érudit, comme il arrive d'ordinaire en pareille
occurrence, s'est laissé entraîner, prenant pour
des surhuméraux l'un ou l'autre de ces ornements
byzantins dont il a été parlé plus haut, ou une
bordure un peu trop développée de la fente ou
de l'encolure de la chasuble.
Bref, cet ornement qui couvrait les épaules et
était désigné sous le nom de rational ou de sur-
huméral, ne semble guère avoir franchi les fron-
tières du saint Empire. Il se maintint plus long-
1. Annales Ordutis sancti Ueiiedicli, I, 529.
2. Pour appuyer leur interprétation, ces éiudits alléguaient une
bulle qu'expédia I-ucius III, en 1183, en faveur de l'archevôque
Ciuilhtuuie, cit; Monreale. et où il est parlé du rational (Bull,
rom., éd. Turin, III, 13); mais la mention du rational n'a, dans
cette bulle qu'une signification mystique.
3. Le buste de suint Adelpkc, loc. cit.
4. /iid.
S- lUd.
6. Barbier de Montault, Particularités du costume des ivèques de
Poitiers, dans Bull, mon., XLIII (1877), p. 632 et sq.
temps que le rattonal-pectoral et l'usage n'en fut
abandonné, par la plupart des intéressés, que
dans le cours des XVII« et XVIII'' siècles, peut-
être par suite des bouleversements que causa la
guerre de Trente-Ans, peut-être plutôt par l'effet
du dédain qu'amena la Renaissance pour les
choses du moyen âge. A Wurtzbourg, les princes-
évêques portèrent le rational jusqu'à la séculari-
sation de leur siège ('). Quoique le Père Benoît
Picart consacre un chapitre de son Histoire de la
ville et du diocèse de Toul, parue en 1707, au pri-
vilège qu'il revendiquait, d'après la tradition
locale, pour les seuls évêques de cette Église, de
prendre le surhuméral (2), les prélats toulois, à
cette époque, sans doute depuis les luttes désas-
treuses de Charles IV, duc de Lorraine, contre
Louis XIII et Richelieu, semblent avoir re-
noncé à cet ornement (3) ; nous en avons pour
preuve une lettre de Dom Calmet à Montfaucon,
du 14 janvier 1726: t Les évêques de Toul, y
lisons-nous {■*), se servaient autrefois d'une espèce
d'éphod ou de surhuméral » : c'était donc déjà de
l'histoire ancienne.
Mais, qu'il ait été repris ou conservé par eux,
le rational ou le surhuméral est actuellement
porté, avec l'aveu de la Cour romaine, par les
évêques de Paderborn et d'Eichstsedt, en Alle-
magne, de Nancy et Toul, en France (5).
II. Forme. — La forme du rational ou surhu-
méral varia avec les lieux comme avec les temps :
plus peut-être que les autres vêtements liturgi-
ques.cet ornement subit sou évolution, dont l'ima-
gination des sigillographes, des miniaturistes ou
des sculpteurs ne nous permet pas toujours de
suivre les phases avec la précision désirable.
1. Lettre du D' von Kiililes, prévôt du chapitre de Wurlzbouig,
à M. l'abbé M, Démange, ancien vicaire à la cathédrale de Toul
aujourd'hui curé de Lagney (M. et M),
2. P. 167 et sq. — La tradition locale est surtout représentée
pour lui par les statuts de 1497 et les aftirmations de l'archidiacre
Le Sane, leur compilateur.
3. Le siège alors vaqua de 1637 à 1655 ; le diocèse fut décimé; le
pays, réduit à une affreuse misère, et, cnose à remarquer, depuis
1655, le siège épiscopal ne fui plus occupé par des prélats lorrains,
mais par des évêques français.
4. La lettre est citée par koliault de Kleury, La Messe, VIII,
P 73-
5. Pour Paderborn et Kischstaedt, il n'y a point, je crois, de nou-
veaux brefs. Nancy et Toul a obtenu un bref pontifical, daté du
16 mars :865, lequel est inséré dans le Keciieil des Ordonnances du
diocèse de iXancy publié en 1866 par Mgr Lavigerie, p. 334. — Mgr
Lavigerie et Mgr Foulon, son successeur, quand ils quittèrent
Nancy, l'un pour Alger, en 1867, l'autre pour Besançon, en 1882.
obtinrent du Saint-Siège le privilège personnelle continuer à porter
le surhuméral,
s^tumts.
39
Fort instructive sur ce point est la série des
miniatures des évêques d'Eichstïedt qui se trouve
dans le Pontifical, dit cfe Gondekar (■). Commen-
cée par l'évêque Gondekar II (mort en 1075) et
poussée jusqu'à lui-même, elle fut continuée, vers
1200, pour les prélats du XI I'' siècle, et tenue dès
lors au courant, jusqu'à l'année 1540. Elle offre
une si grande variété de rationaux qu'il est im-
possible de ne point invoquer ici la fantaisie ;
mais, si l'on fait abstraction de la diversité des
Figr 7
détails pour ne s'attacher qu'à l'essentiel, on suit,
dans ces miniatures, le progrès de cet insigne. Au
XIP siècle, époque où il commence à figurer, il
rappellerait le pallium, si son pendant antérieur
était plus long et s'il n'était point accompagné le
plus souvent de sortes d'épaulettes en forme de
disques. Au XIII* siècle, il s'éloigne de plus en
plus du pallium, pour prendre le type d'un collet à
disques huméraux ; enfin, au commencement du
XIV' siècle, le collet se complète de quatre
fanons verticaux, deux par devant et deux par
derrière. La forme est désormais fixée: nous ver-
rons bientôt d'après quel modèle (2).
1. Cette série est reproduite en photogravures dans le beau
recueil intitulé Eichildtts Kunst, Fat^chrift sum gohUnem Priesler-
jubiîdum des ht^chw. Herrn. Bisckofs. Dr Franz Leopoîd Freiherr
von Leonrod. Munich, iQoi, et dédié à l'évêque actuel d'Eichstaedt,
à l'occasion de son jubilé sacerdotal.
2. Voir plus bas, p. 42,
Le développement du rational se laisse peut-
être mieux apercevoir encore sur les monuments
de Ratisbonne. Jusqu'à Conrad V de Louppourg
(1296-1313), cet ornement ressemble également
au pallium, sauf que son pendant antérieur est
plus court ; les disques huméraux se montrent
vers le milieu du XII P siècle ; les 'deux fanons
apparaissent, pour la première fois, sur le sceau
de Nicolas de Stacho\vitz(i3i3-i34o), et les tom-
beaux enfin offrent le type complet, avec ses par-
ties constitutives, collet, disques et pendants.
Fig. 8.
A Toul, autant du moins que permet de le
constater le caprice des monnayeurs et des sigil-
lographes ('), l'évolution du surhuméral passa
par des phases analogues. Sur le sceau de Henri
de Lorraine (i 126-1 165), le plus ancien où il ap-
paraisse, il rappelle le pallium ; il devient un col-
lier fretté et pointillé, sans pendants, sur le sceau
de Pierre de Brixey (i 165-1 I9i)(2) et il prend les
deux pendants sur le sceau de Thomas de Bour-
lémont (1330 1353) (3).Le monument de Henri de
Ville (1408-1436), à la cathédrale deToul(-») (5),
n'offre point encore les disques huméraux que
mentionnent les Statuts de 1497 et que présen-
1. Robert, Recherches sur les monnaies des ivêqties de Toul. Paris,
1844 : Sigillographie de Toul. Paris, 1868.
2. Voir fig. 7.
3. Voir fig. 8.
4. Démange, Découverte à la cathédrale de Toul, dans Journal
Soc. Arch. Lorr., 1892.
S Voir fig. 9.
40
Bebtie De T^rt t{)rctien.
teiit enfin les tombeaux de Hugues des Hazards
(1506- 15 17), à Blénod-les-Toul, et de saint Man-
suy, premier évêquede Toul, dans l'ancienne ab-
baye de ce nom, tous deux exécutés dans les pre-
mières années du XVI*^ siècle. C'est le modèle
fourni par le tombeau de saint Mansuy(')qui a
servi de patron au surhuméral que porte aujour-
d'hui l'évéque de Nancy et Toul, dans lescérémo-
nies pontificales. L'ornement actuel est en drap
d'or enrichi de gemmes et broderies ; il forme un
collet composé de deux bandes circulaires, réu-
'/ 0»SBU*
Fig. 9.
nies par un treillis de fils d'or ; sur la bande
supérieure, qui serre le cou, sont écrits ces mots ;
<< Pater, Filins et Spirilns Sa net us "h dont l'ap-
plication est ici assez difficile à expliquer ; à la
bande inférieure, garnie de franges, sont attachés
quatre pendants frangés, deux devant et deux
derrière,et,sur les épaules, sont posésdeuxdisques
également frangés. Pour la commodité de l'usage,
cette rotonde est coupée par devant et les deux
bords en sont maintenus par une agrafe en or :
développée, elle forme une demi-couronne d'en-
viron o"'65 de diamètre, et la largeur de l'étoffe
ne dépasse guère 0™,20 (-).
1. Voir fig. 10. — La crypte où se trouve ce tombeau est aujour-
d'hui sous la ctiapelle du faubourg Saint-Maiisuy, à Toul.
2. Un autre surhuméral offeit à ^'Igr Foulon, évéque de Nancy et
Toul { 1867-1882), et fait, je ne sais sur quel modèle, est conservé au
trésor de la cathédrale de Nancy. 11 se rapproche assez du type
d'Eichstredt, — Mgr Battandier en a donné une photogravure dans
son Annuaire pontifical calhotiifuc, 1902, p. 390.
A Paderborn, dans le plus ancien état sous
lequel nous le présentent les monuments, le ratio-
nal affecte aussi le type d'un pallium disposé
en Y : on peut le remarquer sur le sceau de Wil-
brand de VVildeshausen (1225-1227) et de Ber-
nard IV (1227- 1247), comme sur la statue de
saint Liborius (?), au portail de la cathédrale. Plus
tard, il devint un collier formé de deux bandes
horizontales, l'une antérieure, l'autre postérieure,
dont les extrémités supérieures se rejoignaient
sur les épaules, sans l'intermédiaire de disques,
et dont les extrémités inférieures se terminaient
à angle droit par des bandes verticales. On con-
serve à la cathédrale un ornement de ce genre (').
Richeinent décoré de broderies, de perles et de
franges, il porte, sur les deux bandes horizontales,
'par devant, les mots: « Doctrina, veritas "b ; par
derrière : « Fides, caritas. » Sur les pendants, se
lit, en résumé, toute l'histoire du rational de
Paderborn : « Beriiaidus /, episc. pad.; iiiipetravit
— Innocentins II, P. M., concessit — Alexan-
der VII, P. M., confirmavit — Ferdinandus II,
episc. pad., mnpliavit. » Sur ce modèle, fut confec-
tionné le rational qui sert aujourd'hui encore à
l'évéque de Paderborn.
A VVurtzbourg, le rational ne semble point
avoir subi de modifications : sceaux et pierres
tombales présentent, depuis Emehard {fi* 1104)
jusqu'à Gottfried exclusivement {fi* 1622), un
collier en forme de pallium, avec pendant moins
long et souvent avec disques (2). Tout au plus,
pourrait-on citer trois sceaux où le rational
s'écarte de ce patron (3) ; mais cette exception
n'est point à retenir, car, sur d'autres sceaux
des mêmes évêques, se retrouve le type normal.
Pour Bamberg, nous ne pouvons tirer aucune
indication de l'ornement donné par saint
Henri (■*) ; car il est peu probable, nous l'avons
dit, qu'il ait jamais constitué un ornement dis-
tinct ; mais, vrai ou prétendu, ce rational a exercé
une réelle influence sur un rational de la pre-
mière partie du X1II<^ siècle, chef-d'œuvre de
bioderie, conservé au trésor de la cathédrale de
1. On peut en voir le dessin dans Ludorff, Die Bau-iind Kuml-
iienhmilff dei Kreiies Paderborn, tab. 60.
2. Voir fig. 4 et II.
3. Ce sont deux sceau.v d'Embrichos de Lciningcn (4- 114Ô) et
un d'Hérold de Hochheini ("J- 1172).
4. Voir plus haut, p. 37.
£©élange6.
41
Ratisbonne (') et dont une réplique, d'un travail
moins fin, se trouve au Musée royal national de
Munich (-). Ce n'est plus, il est vrai, ni le même
st)le, ni les mêmes matériaux ; mais, c'est la
même forme, les mêmes sujets, la même distri-
bution. A quelle église originairement ce rational
du XIII« siècle a t-il appartenu? est-ce à Bam-
berg ? est-ce plutôt à Ratisbonne ? nnns ne le
Fis
savons point; mais, ce qui est certain, c'est qu'à
partir de la première moitié du XIV« siècle, le
I. Sighart. Geschichlt derbildenden Kiinste in Bayern, 287. —
La reproduction de ce rational de Ratisbonne est donnée, entre
autres, par Bock, 0/. et ioc.cii.,ig^. — Cahier, Nouveaux inélanges...
type fourni, tant par l'original de Bamberg que
Ivoires, etc., 1156 et sq. — Rohault de Fleury, op. cit., tab.638 et
640. — L. de Farcy, La broderie du X/"^ siècle jusqu'à Jtos jours.
Paris, 1890, tab. 6.
2. Voir fig. 12 et 15.
42
9Rcbur lie rSrt cfirctttn.
par cette copie du trésor de Ratisbonne, c'est-à-
dire collier à deux bandes horizontales, l'une
antérieure, l'autre postérieure, terminées chacune
par deux bandes verticales et réunies, sur les
épaules, par deux disques assez grands, fut adopté
par les évéques de Ratisbonne, comme aussi par
leurs collègues d'Eichstaedt.
On possède, en effet, à la cathédrale de cette
dernière ville, un rational de cette forme, riche-
ment décoré de perles et de broderies d'or, et
datant — les armoiries qu'il porte, en font foi —
Fig II.
de l'épiscopat de Jean d'Eich (1445- 1464) (').
Sur les bandes antérieures et postérieures, hori-
zontales et verticales, court, encadrée de feuilles
de chêne (en allemand, Eiclie : c'est la signature
du prélat donateur), cette inscription, évocatrice
des vertus que doit pratiquer un évêque « Fides,
spes, caritas ; justitia ; fortitudo. — Veritas, dis-
ciplina ; temperantia ; pnideiitia. » C'est un orne-
ment de ce modèle qui se voit sur le tombeau de
saint Willibald, à la cathédrale (2), et qui couvre
encore aujourd'hui les épaules de l'évêque d'Eich-
staedt, à la messe pontificale.
1. En voir une reproduction dans Cahier, op. et loc. cit., p. 184
et s. — Eichsiàtts Kiinsl, p. 5.
2. Photogravure dans Eichsialts Kunst, p. 32.
Quant à l'évolution du rational de Liège, il
nous est impossible de la suivre, car tous les
monuments qui nous restent ne remontent guère
qu'à la fin de la période médiévale. Sur tous, il
figure comme un collet, tantôt avec, tantôt sans
disques : il se rapprocherait fort du sui humerai
toulois, si les pendants ne ressemblaient plutôt
à des crans et ne se trouvaient au nombre de six,
trois par devant, trois par derrière (■).
Ainsi donc, quelle que fût, selon les Églises, la
diversité des formes et des détails, le rational ou
surhuméral se présentait à la fin du moyen âge,
comme un collier ou une pèlerine, en étoffe pré-
cieuse, rehaussée de broderies, de perles et de
Fig 12
gemmes, ornée généralement de disques qui re-
posaient sur les épaules et de pendants ou fanons
plus ou moins longs. Souvent, il était garni de
franges et parfois aussi de clochettes : « l'intin-
îiabulis resonans, » dit le manuscrit de Saint-
Gall {^) : on voit encore quelques-unes de ces
sonnettes aux rationaux de Bamberg (?) et
d'Eichstaedt.
Seul, fait exception à ce type, un rational que
donna la reine Hedvvige, femme de Ladislas
Jagellon (1371 1399) à l'église de Cracovie (3) et
que, chose singulière, rappelle un ornement qui
figure sur le sceau d'Eudes de Sorcy, évêque de
1. Voir, par exemple, le buste de saint Lambert, fig. 3, p. 34.
2. Of. tl Ion. sufr. cit.
3. Voir fig. 13. — Alex. Przezdziecki et Edouard Rastowiecki,
M.innmenls du moyen âge dans l'ancienne Pologne. n° 17 —
Mgr Battandier a consacré à ce rational un article de son An-
nuaire pontifical catholique, 1901, p. 259.
Mélanges»
43
de Toul (i 2 19- 1228) ('). « C'est une espèce d'é-
cliarpe double, reliée par une sorte de formai cir-
culaire au centre duquel se trouve un agneau. Sur
les bandes se lit l'inscription suivante, formée par
plus de dix mille petites perles:« Docirina, veritas,
prudeniia, siviplicitas. Hedungis regina,filia régis
Ludovici... Les bouts de l'écharpe sont terminés
par des écussons qui représentent l'aigle de Polo-
gne, et les lys d'Anjou, province dont la donatrice
était originaire. A quoi faut-il attribuer ce type
isolé ? est-ce à une combinaison ingénieuse des
Fig. 13.
deux rationaux, humerai et pectoral ? le rational
de Cracovie est-il original ? est-ce une copie t et,
dans ce cas, quel en a été le patron ? car il est
difficile d'y voir un simple effet de la fantaisie.
Tout au contraire, c'est au caprice de l'artiste ou
bien à une confusion inévitable entre deux orne-
ments qui portaient le même nom, que l'on peut
attribuer la présence d'un rational pectoral sur
quelques sceaux de Paderborn.de Minden, etc. (2),
comme l'existence de cet ornement en forme de
disque pectoral sur le sceau d'Eudes de Sorcy, à
1. Voir fig. 14. — Robert, Sigill., pi. IV, n» 10. — Eug. Martin,
H lit. cit., I, 277.
2. Voir plus haut, pp. 32 et 33.
Toul. Au moyen âge, plus peut-être qu'à nulle
autre époque, s'est vérifié le dicton d'Horace :
« Pictoribus atque poetis
« Quidlibet audeiidi semper fuit œqiia pote-
stas (1). »
m. Symbolisme. — Le symbolisme de ce vête-
ment est le même que celui du premier rational;
il ressort des inscriptions des rationaux de Pader-
born : « Doctrijia, veritas, fidcs, caritas »; de Cra-
covie : « Doctrina, veritas, prudentia, siviplicitas »,
d'Eichstœdt : « Fides, spes, caritas, jnstitia, forti-
tudo, veritas, disciplina, temperantia, prudentia »
et, surtout, du riche et suggestif ensemble que
présente, d'après le vieil ornement de Bamberg, le
rational conservé au trésor de Ratisbonne (2). Sur
l'un et l'autre disques, deux femmes se tiennent
Fig. 14
embrassées: près délies, se lisent ces mots tirés
du Psautier : « Misericordia et veritas obviaverunt
sibi — Jnstitia et pax osciilatœ sunt », et tout à
l'entour, six bustes de femmes, séparés par un
feuillage et portant les noms des tribus d'Israël.
Trois par trois, sur les bandes verticales, à partir
de l'encolure même de rornement, sont dispo-
sées, l'une au-dessous de l'autre, les images des
douze apôtres. Et, sur le milieu, laissé libre, des
deux bandes horizontales, se voient, au dos, le
Sauveur du monde et l'Agneau, superposés l'un
à l'autre, entourés d'anges et des quatre emblèmes
des évangélistes. Sur le devant, cette représenta-
tion allégorique de l'Église : sous une galerie de
cinq tours, se tient le Christ, le nouveau Salo-
mon, le Roi pacifique, comme l'appelle le rational
de Bamberg; il est placé sur une estrade, le fer-
culiim Salomonis, le reclinatorium aurenm, à la-
quelle conduisent deux escaliers. La galerie de
1. Epist., Liv. II, ep. III, v. lo.
2. Voir figures 12 et 15.
44
IRcbue tic r^rt rbrétien.
tours est soutenue par deux coloûiies, auprès des-
quelles sont debout saint Pierre et saint Paul, les
deux piliers de l'Église. Sous l'escalier de droite,
se voit saint Jean, le héraut de la charité; sous
celui de gauche, des martyrs : ceci pour rappeler
que les deux chemins qui mènent au Roi de la
paix sont l'amour divin et le renoncement. Devant
l'estrade, se dresse une femme, l'Eglise, aux pieds
de laquelle sont disposés deux bustes, Marthe et
Marie, la vie active et la vie contemplative. Toutes
ces explications ne sont point fantaisistes : elles
sont imposées par des inscriptions. Quel beau
sujet de méditation offrait au pontife la contem-
plation de ce rational! L'Apocalypse et le Can-
tique des Cantiques, le Pentateuque et l'Évangile
s'unissaient pour l'inviter à la pratique des vertus,
au dévouement'au Christ et à son Église: c'était
le commentaire en images d'un traité de la per-
fection épiscopale: « sigiiiftcaiit honorein et onus
pastoris », disaient les statuts toulois.
IV. Origine. — Les historiens d'Eichstredt fai-
saient remonter le don du rational à saint Roni-
face ('). L'apôtre de la Germanie aurait établi
saint Willibald, son disciple et premier évêque
de cette cité, chancelier de la province de
Mayence et lui aurait accordé cet ornement
comme signe de sa dignité. Mais, à cette époque
de fondation, il est peu probable que ces deux
hommes de Dieu aient songé à de tels détails : le
souci du galon ne se rencontre guère que dans
les sociétés déjà organisées. Les autres prélats de
la province contestèrent souvent ce droit et, sur
les miniatures du pontifical de Gondekar, le ratio-
nal ne fait son apparition que sur la chasuble des
prélats du XI I« siècle. Enfin, si la bulle que
Benoît XIV envoya le 4 juillet 1745, au prince
évêque d'Eichstsedt, Jean-Antoine II, à l'occasion
du millénaire de son Église (2), confirma juri-
diquement aux successeurs de saint Willibald
une jouissance immémoriale, elle ne peut avoir,
au point de vue historique, que la valeur des
documents qui furent alors invoqués.
A Toui, on attribuait également cette distinc-
tion du surhuméral au rang de doyen de la
province de Trêves, que l'on revendiquait pour
l'évêque de cette cité (•^). Mais ce titre ne peut
1. Voir plus haut. p. 30.
2. Bull. Ben. XIV, I, n" 133. — Paslorablatl sup. cil., p. ii.
j. Benoit Picart, op. et loc. cil.
être justifié, ni pat" la plus grande ancienneté du
siège, ni par la majeure importance de la ville, ni
par le libre choix des autres sufTragants, ni enfin
par un diplôme impérial ou pontifical ('). Du
reste, partout, dans les cérémonies, dans les
signatures d'actes, les prélats toulois ne semblent
avoir pris que leur rang de consécration. Ce
décanat de la province de Trêves pourrait bien
être une chimère d'un historien quelconque et il
est à craindre qu'il n'en soit de même d'une
dignité analogue dont, paraît-îl, l'évêque de Liège,
se prévalait.
Fig. 15.
Il est plus sûr, pour expliquer ce privilège, soit
de remonter à une faveur initiale de la Cour ro-
maine soit d'invoquer la prescription. Nous avons
la preuve d'une concession de ce genre pour
Liège et Paderborn (2), et il nous est loisible de
supposer que Wurtzbourg et Eichst^dt, Wurtz-
bourg surtout qui avait, à cette occasion, vaine-
ment sollicité le rang de métropole, ont obtenu
cette distinction, lors de la création de l'évéché
de Bambcrg (1007), comme dédommagement de
la perte de territoire que cette érection leur fit
subir (3). Dans la supplique qu'il adressa, en
1865, à la Sacrée Congrégation des Rites pour
obtenir la reprise du surhuméral, Mgr Lavigerie,
1. Eug. iMarlin, Hist. cil., I, 465.
2. Voir plus haut. p. 30.
3. Héfélé, Hisl. des Conciles (trad. Delarc), VI, 243.
Mélanges,
45
alors évêque de Nancy et Toul, allégua — sur
quelles données précises? je ne sais — une tradi-
tion locale qui rapportait à saint Léon IX, jadis
évêque de Tou! (1026-1052), l'octroi perpétuel de
cet insigne à ses successeurs sur la chaire de saint
Mansuy (•). L'hypothèse est acceptable : saint
Léon IX, qui accorda le pallium à l'évêque de
Bamberg, a pu, dans la distribution de ses faveurs,
avoir une attention spéciale pour sa première
Eglise.... mais le document authentique n'est
point là qui changerait la probabilité en certi-
tude.
Minden, si tant est qu'il en usât, attribuait son
rational à ce qui est une pure légende: la consé-
cration de sa cathédrale par le pape Léon III (^) ;
quant à l'Église de Ratisbonne, je ne sais comment
elle s'en tirait...; mais peut-être bien que les
distinctions dont se glorifiaient les Églises voi-
sines, avaient engage ses prélats à se décorer
eux-mêmes: ce ne serait point le seul exemple,
qui se rencontrerait, des rivalités d'Églises au
moyen âge.
Mais, à quoi faut-il rattacher le concept, le
type de cet ornement? Là-dessus, bien des hypo-
thèses furent et sont encore imaginées : il serait
étonnant qu'il en soit autrement, quand l'accord
est loin de se faire entre savants et archéologues,
sur l'origine des vêtements liturgiques, même des
plus usités.
Wilpert (3) fait dériver le rational d'une garni-
ture que l'on trouve sur beaucoup de monuments
d'origine ou d'influence byzantines, du III<^ au
XI* siècle. De? disques couvrent les épaules et
de là partent des bandes qui se rejoignent sur la
poitrine, formant encolure à la tunique : cette
garniture aurait été détachée des vêtements
qu'elle décorait et serait devenue un ornement
distinct. — Mais, répond le Père Braun, cette
garniture se rencontre sur les tuniques, mais
jamais sur des chasubles. Bien plus, le rational
ne fut guère porté qu'en Allemagne et, en Alle-
magne, aucun monument n'offre cette garniture
sur la tunique. Enfin, cette supposition, assez in-
génieuse, il est vrai, ne s'accorde point avec ce
que les monuments nous ont révélé de l'évolu-
tion du rational.
1. Bref cité plus haut, p. 38, col. 2, n. 5.
2. Voir plus haut. p. 30.
3. Un capitolo di slorta deL vesîiario, p. 2Ô, n. i.
Rohault de Fleury {^) identifie le surhuméral
— c'est le terme qu'il emploie — avec cette bor-
dure large et précieuse qui se voit souvent à l'en-
colure de la chasuble, sur les peintures des XI I^
et XIII*" siècles. — • Mais, il n'a pas remarqué que
cette bordure se rencontre aussi sur les dalma-
tiques et les tuniques des clercs, même sur les
vêtements des laïques et des femmes, non seule-
ment en Allemagne, mais en Angleterre, mais en
France, mais en Italie...; et les formes bizarres
qu'elle prend maintes fois, laissent croire à la
fantaisie des artistes, toujours soucieux, surtout
au moyen âge, d'enrichir et de décorer les images
de leurs héros.
D'après Barbier de Montault (2), le surhumé-
ral serait le même insigne que le fanon papal. —
Mais, à l'origine et durant tout le moyen âge, ce
fanon ne fut autre chose que l'amict, lequel, au
lieu d'être caché sous l'aube, se mettait alors par-
dessus, selon la coutume encore suivie à l'ordi-
nation des sous-diacres, et constitua seulement
un vêtement distinct, quand l'amict proprement
dit fut introduit dans la série des ornements pon-
tificaux, c'est-à-dire, après la période qui nous
occupe. D'ailleurs, cette hypothèse se trouve
infirmée, elle aussi, par ce que nous savons de
l'évolution du rational.
Bock (3), reprenant la distinction que Rui-
nart (4) avait établie entre le pallium romain et
le pallium gallican, croit retrouver ce dernier
dans le rational. — Mais cette distinction
semble au Père Braun n'avoir d'autre fondement
qu'une mauvaise interprétation du sixième canon
du concile de Mâcon (581), lequel défend aux
archevêques de célébrer la messe sans pallium(5).
Et encore e(^t-il existé, ce pallium gallican
n'aurait point survécu à la réforme liturgique
que menèrent rigoureusement les premiers
Carolingiens : ce n'est donc point là qu'il faut
chercher le type d'un vêtement qui ne paraît que
vers le XI® siècle, et non point dans des diocèses
1. La Messe, VIIÎ, p. 70 et sq.
2. Compte rendu de la Dissertation de l'abbé Cerf, dans J^ev, Art.
chrétieu, 1890, etailleurs encore. — Sur le fanon pontifical, il faut
lire le môme Père Braun. Die fotitijikalen Gewatider, p. 175 et sq.
3. Op. cit., II, 195.
4. Ruinart, Dissertatio kistorica de Pallio archicpiscopali, dans
Ouvt\Tges posthumes de D. /eart Mabillon et de D. Thierry Ruinart,
II, ch. X, p. 452.
^.<kCanon isie prœscriHt utarchiepiscopus sine Pallia missasdicere
non prce^umal. » (Ruinart, loc. cit.)
46
IRebtte be V^xt rbrctien.
de France, mais dans des Églises relevant du
saint Empire.
Pour le Père Braun, deux facteurs semblent
avoir contribué à l'idée de cet ornement, le
souvenir de l'huméral et du rational portés par le
grand-prêtre juif et le désir d'indiquer par un
signe extérieur, un rang réel ou prétendu dans
la hiérarchie ecclésiastique. Les rationaux de
Bamberg et de Ratisbonne présentent, sur leurs
disques en particulier, des allusions évidentes
aux ornements du pontife mosaïque ('), et la
forme de pallium amoindri qui se rencontre, à
l'origine, sur les monuments d'Eichstsedt, de
Ratisbonne, de Toul (2), et jusqu'au XIII« siècle,
sur les tombeaux de Wurtzbourg(3), ne semble-
t-elle pas indiquer que ces insignes avaient un
rôle analogue à celui du pallium et marquaient
le rang immédiatement inférieur à celui du
métropolitain dans les préséances de la province?
Rappelons-nous les prétentions des évêques
d'Eichstaedt, de Liège, des historiens de Toul (•*),
etc
Que ces deux facteurs aient concouru à l'éla-
boration du rational, cela se pourrait déduire des
deux bulles d'Innocent II au.K évêques Adalbé-
ron II, de Liège, et Bernard, de Paderborn.
« L'Kglise romaine, comme une bonne mère, est-
il écrit dans la première (5), élève ses enfants,
les uns à la dignité de patriarche, les autres à la
dignité d'archevêque ou d'évêque, et elle tire pour
eux du riche trésor qu'elle tient de la faveur
divine, des distinctions variées. > — « Il est juste,
lisons-nous dans la seconde (^j, que le zèle dont
tu fais preuve, reçoive du Siège apostolique un
honneur particulier... Tu as été appelé par
Dieu, comme un autre Aaron.au sommet de la
1. Voir plus haut, p, 43.
2. Voir plus liaut, p. 39 et sq.
3. Voir plus haut, p. 40.
4. Voir plus haut, p. 44.
5. Loc. supr. cit.
6. Loc. supr. cit.
dignité épiscopale et, comme un autre Moïse, tu
es constitué le chef et le guide du peuple chré-
tien : aussi, t'accordons-nous, à toi et à tes suc-
cesseurs, l'usage du rational. »
L'analogie avec le pallium ressort davantage
encore des restrictions imposées par le pape à
l'emploi de cet insigne. Comme il est prescrit
pour le pallium, le rational qu'Innocent II oc-
troyait aux évêques de Liège et de Paderborn,
ne devait être porté par eux qu'à l'église, dans
l'intérieur de leur propre diocèse et seulement à
certains jours, soigneusement désignés par le
document pontifical.
Le nom de surhuméral que porte cet insigne à
Toul et sous lequel il était connu en France,
s'explique de lui-même ; quant à celui de ratio-
nal, il devait être inspiré par celui de l'orne-
ment pectoral du grand prêtre de l'ancienne Loi.
Voilà tout ce que, sur ce point, permet d'avan-
cer l'état de l'érudition contemporaine. Bien des
incertitudes, il est vrai, bien des obscurités sub-
sistent encore : d'oili vient, par exemple, cet
éloignement postérieur du type pallium ? d'où,
ces disques et ces pendants ? pourquoi cette
richesse d'ornementation dans le rational, quand
le pallium s'est maintenu dans la simplicité pri-
mitive?... Il n'en est pas moins constant que la
dissertation du Père Braun marque un progrès
considérable dans l'étude de ce rare privilège, et
les détails que mes propres investigations m'ont
autorisé à y joindre, n'ont fait qu'en préciser,
en confirmer les conclusions. Plus tard, peut-être,
quelques-unes des assertions qui viennent d'être
exposées, seront contredites par des découvertes
nouvelles ; mais l'ensemble en restera, car il
repose, non point sur des généralisations hâ-
tives, mais bien sur une pénétrante analyse
des documents, sur une induction solidement
appuyée par des faits.
Eug. M.A.RTIN.
Docteur-ès-Lettres.
^:.^ .^ :^ ^^ ^ ^ ^ :^ ^ :;^ ^ :^ ^ ^ ^,^ ,^^ ^ ,^ ^ :^^:^
"smm^mm^m Correspondance.
WW^^fWWWWWWWW^^^WWW^^^WWWWWWWW^
--— — '^ France.
Le Lude (Sarthe), ce 21 nov. 1903.
Monsieur le Directeur,
ANS le dernier numéro de la Revue de
l'Art chrétien vous publiez un article
de feu Mgr de Montault : € La Vierge
de Partheiiay », sur lequel je veux
attirer votre attention. Votre collaborateur place
Ligron, dont est originaire la statuette de Par-
thenay, en Bretagne. Or Ligron est un petit vil-
lage de la Sarthe (680 liab.), de l'arrondissement
de La Flèche et du canton de Malicorne. Avant
1789, cette paroisse, du doyenné de Clermont-
Gallerande et de l'archidiaconé de Sablé, appar-
tenait au diocèse d'Angers.
Depuis le XIII<' siècle des poteries de terre se
fabriquaient à Ligron, puisqu'à cette époque les
potiers sont tenus, collectivement, à une rede-
vance de 100 boisseaux d'avoine envers le sei-
gneur de Château-Sénéchal pour avoir droit de
fouiller de la terre à poterie sur ses domaines.
Deux hameaux seulement, Bellouse et La Croix,
confectionnent ces poteries. Au début du XIX''
siècle, la poterie occupait 12 fourneaux. Le nom-
bre en est moins grand aujourd'hui. Cette fabri-
cation a donné, au milieu de produits vulgaires,
quelques œuvres d'une bonne facture parmi les-
quelles de nombreuses statues identiques à celle
de Partlienaj' que l'on retrouve dans les pays
circonvoisins.
Quant à la « coutume pieuse » dont parle plus
loin le même auteur, je dois dire qu'elle devient
de plus en plus rare au diocèse du Mans. Elle y
existe encore cependant, notamment à MaroUes-
les-Braults, où, chaque année, les confrères de
Saint-Sébastien élisent un roi, une reine et un
dauphin. A ces dignitaires revient l'honneur de
porter, dans les cérémonies extérieures, le bâton
de la confrérie. A Marolles ce bâton consiste en
une petite chapelle où le Saint est renfermé.
Ailleurs, une statuette seulement surmonte la
hampe. Ce dernier cas explique peut-être le dou-
ble trou constaté sur la statuette de Parthenay
par M. de Montault. Mais j'ai constaté le même
fait sur presque toutes les statues ligronnaises, et
toutes, vraisemblablement, ne pouvaient servir
aux confréries : elles se plaçaient ordinairement
dans le creux des arbres, dans une cavité pra-
tiquée aux croix de carrefours ou ailleurs. Ce-
pendant la statuette de Notre-Dame du Chêne,
celle-là même qui fut placée par James Buret en
1494, est en bois grossièrement .sculpté. Or Notre-
Dame du Chêne n'est pas éloignée de Ligron.
Je tiens aussi à faire constater que dans la
pensée des potiers ligronnais les deux trous, —
quand ils existent tous deux à la fois, ce qui est
rare, — devaient servir à enfoncer le bâton de
procession tout entier, de telle sorte que l'extré-
mité dépasse par le trou supérieur. La pensée
du bouquet mystique était donc loin de leur
esprit (i).
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'ex-
pression de mon respect.
Louis Calendini, pr.
I. Depuis l'envoi de celte lettre, les Aiitiates Fléchoi^es. t. II.
p. 377, ont signalé cet article de la Revue de t Art chrétien. L'auteur
de la note dit en outre avoir trouvé à La Flèche, une statuette de
Ligron, adossée au mur du jardin d'une maison du XVI 11'= siècle.
« Toute plate du dos, dit-il, pour s'appuyer à une surface plane,
elle est aussi percée à la base et à la hauteur des deux épaules, sous
la nuque. Ce dernier trou servait à retenir la statue au mur ; c'est,
je crois, la meilleure destination qu'on puisse lui supposer. »
:^ :;^ :^ -^^ ^ ^ ^ ^ .^^ .^ ^ :^ ^ :^. .^ ^ ^ .^ :^^ :;^:i^ ^^ '^^^|^
^
i
%
W^W^^^^fW^W^W^WWWWWWWWWWWWWW^
Société Nationale des Antiquaires de
France. ^ Séance du 2J octobre içoj. —
M. F. de Mély fait une communication sur une
image du Christ qui, d'après la légende, avait
été apportée à Rome par les flots et aujourd'hui
conservée au Sancto Sanctorum.
M. Evrard présente un livre d'heures manus-
crit du XV'^ siècle, d'origine parisienne, con-
tenant des miniatures et des armoiries qui n'ont
pas été identifiées jusqu'à présent.
Séance du 4. novembre. — Monsieur Coûte! en-
tretient la Société de ses fouilles à Pau-sur-Eure.
Monsieur Lauer identifie le nom Calaus, oià
eut lieu la bataille de 924, soit avec Clialmont
soit avec Chalot St-Rais, près d'Étampes.
Monsieur Fallu de Lessert parle des décou-
vertes qui ont eu lieu récemment à Mouvion en
Triniche (Oise).
Monsieur Cagnat présente la copie d'une in-
scription latine découverte à Narbonne.
Monsieur Héron de Villefosse communique
une inscription latine trouvée à Alice Ste-Reine.
Il annonce que l'église de St-Gauberge à Nogent-
le-Rotrou vient d'être classée comme monument
historique.
Séance du 11 vovembre. — M. Maurice lit une
étude relative à l'apparition du labaruui sur les
monnaies constantiniennes.
M. Héron de Villefosse communique des notes
de M. Gerin Ricard sur un vase grec de Marseille,
et de Mgr Toulotte.sur un point obscur de la géo-
graphie africaine ; il présente des photographies
envoyées de Tolède par M. Valverd y Pirabî.
M. Durand Greville soumet à la Société une
tête en bois ayant fait partie d'une statue de la
Vierge, œuvre du XV^ siècle.
Séance du 18 novembre. — M. Rodocanachi lit
une notice sur l'origine du Musée du Capitole.
M. Cagnat attire l'attention sur des papyrus
d'Oxyrinchus contenant des fragments de mimes
de l'époque romaine.
M. le comte Durrieu indique les rapproche-
ments à faire entre divers monuments de l'art
français, notamment le bas-relief de la Ferté-
Milon et la miniature du couronnement de la
Vierge dans le livre d'heures du duc de Berry
du Musée Coudé à Chantilly.
M. Monceau lit une note sur les Acta Marcelli
contenus dans les actes des Martyrs.
Séance du 2 décembre. — La Société procède
au renouvellement de son bureau pour 1904:
M. le comte Durrieu, président.
MM. Bouchât et Omont, vice-présidents.
M. Valois, secrétaire.
M. P. Girard, secrétaire-adjoint.
M. Blanchet, trésorier.
M. Prou, bibliothécaire.
M. Cagnat communique une note de M.
Gauckler sur une inscription romaine, donnée
au Musée du Bardo par M. Alix, professeur au
Lycée Carnet de Tunis.
M. Lauer fait une communication sur la numé-
rotation grecque dans les manuscrits des annales
de Flodoard.
Séance du g décembre. — M. Marquet de Vas-
selot présente des petits bronzes du moyen âge
faisant partie d'une série offerte au Musée du
Louvre par M. Jules Maciet.
M. Fallu de Lesser fait une communication sur
ime inscription de Guelma relative au proconsul
d'Afrique Flavius Eucsinius.
Séance du 16 décembre. — M. Baleau lit une
note sur les anciens fossés du Palais du Louvre.
M. Vitry lit une communication de M.
Gauckler relative au tombeau des Laubespine
dans la cathédrale de Bourges.
M. Monceau entretient la Société de la station
thermale d'Kammanfif en Tunisie.
Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres. — Séance du ç octobre içoj. — ■ M. Gau-
ckler expose les progrès de l'exploration métho-
dique des restes de la domination romaine qu'il
a entreprise dans le Sud de la Tunisie. Il
mentionne que les lieutenants Goulon et Mo-
reau ont poursuivi cette année les recherches
relatives au limes iripolitanus, en déblayant, d'une
part, le camp de la septième cohorte à Thalet, et
de l'autre, dans la vallée de l'Oued Gordab.
Le capitaine Donan a déterminé avec précision
le tracé de la grande route stratégique de Gabès
à Tébessa dans sa partie médiane entre Açute
Tacapitance et Gafsa, à travers le chott Fedjedj.
Il a retrouvé, encore en place, une cinquantaine
de bornes milliaires qui nous renseignent de la
façon la plus complète sur cette importante artère.
Le principal effort de la Direction des anti-
quités de Tunisie a été porté sur le port de Gighti,
où les fouilles ont déjà pris un développement
comparable à celles de Timgad. Les travaux ont
été conduits, cette année, par MM. Sadoux,
inspecteur des antiquités, et les lieutenants
Chauvin et Jeangérard.
Crat)au;c des Sociétés satjantes.
49
Les fouilles ont mis à jour : le Forum, l'un des
plus complets que l'on connaisse ; le macellum
ou marché, les thermes publics pavés de belles
mosaïques, de fort belles sculptures, notamment
des têtes colossales de Sérapis et d'Hercule, des
statues de la Concorde, de Cybèle, ainsi qu'un
grand nombre de dédicaces qui fournissent des
indications circonstaticiées sur l'histoire muni-
cipale de Gighti et sur les hauts fonctionnaires
de l'empire.
Séance du 2^ octobre. — M. E.-F. Gautier fait
une communication sur des découvertes archéo-
logiques et épigraphiques faites au cours d'un
voyage au Sahara. Il a découvert une inscription
hébraïque provenant du Touat et qui a été
traduite par M. P. Berger et des gravures rupes-
tres provenant des montagnes touareg. La pré-
sence du chameau prouve que ces gravures sont
postérieures au X'II" siècle après Jésus-Christ.
Il semble que ce soit un témoignage du refoule-
ment progressif vers le Sud d'une race ou d'un
état de civilisation.
M. de Mathuisieulx expose à l'Académie les
résultats de son voyage archéologique en Tri-
politaine.
En suivant des itinéraires que nul explorateur
n'avait parcourus avant lui, il a pu visiter les
ruines de Sabratha maritime, l'un des trois em-
poria phénico-romains qui ont valu son nom à
la Tripolitaine ; puis les ruines d'une Sabratha
intérieure dont certains historiens avaient nié
l'existence.
Dans le Djebel, M. de Mathuisieulx a identifié
trois stations du lunes tripolitaitus, d'après l'itiné-
raire d'Antonin : Thamascaltin, Thenteos et
Asrou. Il a trouvé, en outre, une des voies an-
ciennes de pénétration vers le Fezzan, celle de
Rabta, Djendouba, Elmina Ragda et Skiffa.
Enfin la mission a découvert une très dense
colonisation romaine le long des Ouadi Soffedjin,
Zemzem, Refed, Beni-Oullid. Dans cette région,
les nécropoles de Ghirza dépassent en beauté
tout ce qu'on retrouve dans cette partie de
l'Afrique.
M. Ed. Pottier continue la lecture de divers
extraits de son travail sur la céramique grecque.
Le chapitre qu'il communique a pour titre : « Le
canon des proportions des Attiques.
Séance du jo octobre. — M. Ed. Pottier con-
tinue la lecture d'un chapitre de son catalogue
des vases peints antiques au Louvre.Cette partie
est relative à la condition sociale des fabricants
de vases attiques.
M. Heuzey offre à l'Académie, de la part de
M. Thureau-Dangin, un travail intitulé Recueil
de tablettes ckaldéennes, qui constitue, avant tout.
dit-il, une édition de textes originaux et une
monographie des plus utiles pour les études
assyriologiques.
Séance du 22 novembre. — M. Homolle, di-
recteur de l'Ecole française d'Athènes, donne
lecture de deux lettres émanant l'une du duc de
Loubat, dans laquelle le généreux correspon-
dant de la Compagnie annonce qu'il met à la
disposition de la Commission des fouilles de
Délos une nouvelle somme de cinquante mille
francs, l'autre de M. Goekoop, de La Haye, an-
nonçant qu'il fait don à la section néerlandaise
de l'École d'Athènes d'une somme de dix mille
francs pour entreprendre des fouilles sur l'empla-
cement de l'ancienne Ithaque.
M. Finot, directeur de l'École française de
l'Indo-Chine, communique, par l'entremise de
M. Sénort, une photographie d'une parure en or
qui vient d'être découverte au cours de fouilles
à proximité de My Son en Indo-Chine.
Tous ces objets, diadème, gorgerin, bracelets,
etc., étaient probablement destinés à orner une
statue divine aux jours de cérémonie. Ils parais-
sent contemporains du X^ siècle.
M. S. Reinach entretient l'Académie d'un mé-
moire de M. Bruno Sauer, relatif à une tête en
marbre qui appartient aujourd'hui à M. le mar-
quis de Laborde et qui a été identifiée par le
savant allemand avec celle de la déesse Arté-
mis, du fronton oriental du Parthénon.
M. Ed. Pottier donne lecture d'une lettre de
M. Perdrizet relative à un des monuments les
plus intéressants qui aient été trouvés en Crète.
Il s'agit d'un relief sur un carafon de pierre pro-
venant des fouilles de Phaestos, qui représente
une troupe de soldats armés de lances fourchues,
conduits par un chef couvert d'une cuirasse
imbriquée et précédé d'un peloton de chanteurs
et de musiciens.
M. Pottier achève aussi la lecture du chapitre
extrait de son catalogue des vases du Louvre et
intitulé : La condition sociale des fabricants de
vases.
Séance du 2j novembre. — L'Académie procède
à la désignation de deux candidats à la chaire
de littérature française du moyen âge ; sont
désignés MM. Bedier et Jeanroy.
M. Rodocanachi lit un travail sur la fondation
des musées capitolins.
Séance du / décembre. — M. Héron de Ville-
fosse communique une lettre de M. le docteur
Carton, datée de Sousse, le 27 novembre, et
relative à la découverte de catacombes chrétien-
nes. Les fouilles, entreprises par la Société
archéologique de Sousse depuis quelques jours à
KRVUK UB l'art chrétien.
1904- — 1"^ — LIVRAI-iON
50
3Rebue be r^rt chrétien.
peine, sont dirigées par M. l'abbé Leynaud avec
le plus grand dévouement.
L'ensemble de ce qui a été reconnu jusqu'ici
comprend trois galeries de 40 mètres chacune.
On a commencé à dégager une de ces galeries.
Le couloir, d'un mètre de large, présente sur ses
deux parois cinq étages de loculi; —les trois supé-
rieurs ont été violés ; les deux inférieurs sont
intacts. Le squelette y est étendu de tout son
long, sur le dos, les bras collés au corps.
Chaque loculus est fermé par quatre tuiles sur
lesquelles a été posé un enduit de plâtre ; sur cet
enduit sont gravés des symboles, des caractères.
L'aspect de cette galerie rappelle, de lamanière la
plus frappante, celle de la nécropole de Saint-
Calixte à Rome.
— M. Oppert fait une communication au sujet
des fouilles entreprises par la Société orientale
allemande sur les ruines de Babylone.
Cette Société se proposait de dégager ce qui
reste du palais de Nabuchodonosor, dans le but,
semble-t-il, de trouver, dans cette exploration,
la confirmation impossible des faits non histori-
ques relatés dans le livre de Daniel. M. Frédéric
Delitszch, dans un discours qu'il a prononcé
devant la cour, a prétendu, sans aucune raison,
qu'Hérodote s'était trompé et avait induit
M. Oppert en erreur au sujet de l'étendue de
Babylone.
M. Oppert démontre que les résultats de cal-
culs qu'il a faits sur le terrain sont d'accord avec
les témoignages de tous les auteurs anciens et
avec les textes cunéiformes. L'exploration alle-
mande n'a révélé aucun fait qui puisse de près ou
de loin infirmer ces témoignages des anciens.
M. Léon Heuzey entretient l'Académie de la
reprise des fouilles de Tello, dans l'ancienne
Chaldée, interrompues par la mort de M. de
Sarzec et confiées aujourd'hui à un officier de
mérite, M. le capitaine Cros, que plusieurs mis-
sions topographiques ont familiarisé avec la
vie du désert et le maniement des populations
arabes. La haute bienveillance du gouvernement
ottoman assure à ces nouvelles recherches une
protection efficace, profitable à la science et au
progrès de nos collections chaldéennes. La mis-
sion, au lieu de s'établir, comme précédemment,
sur le canal du Chott-el-Haï, a réussi à s'installer
en plein désert, au milieu même des ruines et à
donner ainsi à la conduite des travaux une pré-
cision méthodique.
Dans une première communication, M. Heuzey
insiste surtout sur la découverte faite par le
capitaine Cros d'une petite statue de Goudea
qui a été trouvée décapitée, comme toutes celles
que nous possédons de ce chef chaldéen. Mais à
celle-ci, par une rencontre des plus heureuses, se
rajuste une remarquable tète à turban, exhumée,
il y a plusieurs années, par M. de Sarzec. Nous
pouvons donc voir aujourd'hui une statue de
Goudea complète, exposée j côté de ces grands
cylindres historiques, près de sa masse d'armes
sculptée et de son vase à libations.
L'inscription copiée et traduite pour la mis-
sion par M. François Thureau-Dangin, consacre
la statue au patron personnel de Goudea, au dieu
Minghiszida, fils du dieu Ninazou.
Séance du 11 décembre. — M. Héron de Ville-
fosse communique une lettre informant l'Aca-
démie que le R. P. Delattre vient de découvrir
un grand sarcophage de marbre blanc dans un
étroit caveau de 13 mètres environ de profondeur.
Ce sarcophage ayant été ouvert, le corps du
personnage mort a été trouvé déposé dans la cuve
sur une épaisse couche de sable. Sur le côté
droit il portait une boîte aux monnaies. Celles-ci
étaient au nombre de sept du type connu avec le
palmier au revers. On a également trouvé un
anneau d'or.
Le fronton du sarcophage porte comme orne-
ment peint une palmette entre les rinceaux rem-
plissant le champ. Les moulures de la cuve sont
décorées d'or et d'ornements.
Congrès des Sociétés savantes. — Voici un
extrait de programme du prochain Congrès de
la Sorbonne, en ce qui concerne la matière in-
téressant nos lecteurs.
Archéologie du moyen âge.
15" Donner, avec plans et dessins à l'appui, la descrip-
tion des édifices chrétiens, réputés antérieurs à la pério-
de romane.
16" Signaler les monuments chrétiens antérieurs au XI'=
siècle ; rechercher en particulier les inscriptions, les
sculptures, les verres gravés, les objets d'orfèvrerie et les
pierres gravées.
17" Étudier les monnaies féodales de la France, sur-
tout à l'aide des documents d'archives ; faire connaître
ceu-x de ces documents qui seraient inédits et les com-
menter.
1 8° Relever les noms des chapitres, abbayes et prieurés
ayant eu sur la fabrication de la monnaie des droits
complets ou restreints ; déterminer la date de ces droits
et leur origine.
19" Étudier les jetons des Corporations et des États
provinciaux.
Se référer, à titre de comparaison, au travail de M. E.
Bonnet : Les jetons des Etits généraux de I.nns^itedoc,
inséré dans le Bullelin arcliéologique du Comité des tra-
7iatix historiques et scientifiques^ 1899, p. 241 à 329.
20" Décrire les sceaux conservés dans les archives pu-
bliques ou privées ; accompagner cette description de
moulages ou au moins de photographies.
21" Étudier les caractères qui distinguent les diverses
écoles d'architecture religieuse à l'époinie romane, en
s'attachant à mettre en relief les éléments constitutifs
des monuments (plans, voûtes, etc.).
Cette question, pour la traiter dans son ensemble, sup-
pose une connaissance générale des monuments de la
Cratîaui: Des Sociétés satjantes.
France, qui ne peut s'acquérir que par de longues études
et de nombreux voyages. Aussi n'est-ce point ainsi que
le Comité la comprend. Ce qu'il désire, c'est provoquer
des monographies embrassant une circonscription don-
née : par exemple un département, un diocèse, un arron-
dissement, et dans lesquelles on passerait en revue les
principaux monuments compris dans cette circonscrip-
tion, non pas en donnant une description détaillée de
chacun d'eux, mais en cherchant à dégager les éléments
caractéristiques qui les distinguent et qui leur donnent
un air de famille. Ainsi on s'attacherait à reconnaître quel
est le plan le plus fréquemment adopté dans la région ;
de quelle façon la nef est habiuiellement couverte (char-
pente apparente, voûte en berceau plein cmtre ou brisé,
croisées d ogives, coupoles) ; comment les bas-côtés sont
construits, s'ils sont ou non surmontés de tribunes, s'il
y a des fenêtres éclairant directement la nef ou si le jour
n'entre dans l'église que par les fenêtres des bas-côtés ;
quelle es; la naiure des matériaux employés; enfin s'il y
a un style d'ornementation particulier, si certains détails
d'ornement sont employés d'une façon caractéristique et
constante, etc.
22° Rechercher, dans une contrée déterminée, les mo-
numents de l'architecture militaire en France aux diver-
ses époques du moyen âge ; signaler les documents
historiques qui peuvent servir à en déterminer la date ;
accompagner les communications de dessins et de
plans.
23° Signaler, dans chaque région de la France, les
centres de fabrication de l'orfèvrerie pendant le moyen
âge ; indiquer les caractères et tout spécialement les
marques et poinçons qui permettent d'en distinguer les
produits.
Il existe dans un grand nombre d'églises des reliquai-
res, des croix et autres objets d'orfèvrerie qui n'ont pas
encore été étudiés convenablement, qui bien souvent
même n'ont jamais été signalés à l'attention des archéo-
logues. Il convient de rechercher ces objets, d'en dresser
des listes raisonnées, d'en retracer l'histoire, de découvrir
où ils ont été fabriqués, et, en les rapprochant les uns des
autres, de reconnaître les caractères propres aux diffé-
rents centres de production artistique au moyen âge.
24" Décrire et photographier les anciens tissus, quelle
que soit leur origine, conservés dans les églises, les mu-
sées ou les collections particulières.
25° Recueillir les documents écrits ou figurés intéres-
sant l'histoire du costume pour les diverses classes de la
société dans une région déterminée.
Au moyen âge, il y avait dans beaucoup de provinces
des usages spéciaux qui influaient sur les modes. Ce sont
ces particularités locales qu'on n'a guère étudiées jus-
qu'ici. Il serait intéressant d'en rechercher la trace sur
les monuments.
26° Signaler les carrelages de terre vernissée, les do-
cuments relatifs à leur fabrication, et fournir des calques
des sujets représentés et de leurs inscriptions.
27" Faire par région, par ville, ou par édifice, le recueil
des pierres tombales et inscriptions diverses, publiées ou
non : accompagner ce recueil, autant que possible, d'es-
tampages ou de dessins.
Consulter, à titre comparatif : F. de Guilhermy et R.
de Lasteyrie, Inscriptions de la France du l'" au XVIII'
siècle ; ancien diocèse de Paris; — Quesvers et Stein,
Catalogue des inscriptions de l'ancien diocèse de Sens.
Société d'archéologie de Bruxelles. — Le
tome 17= débute par une étude de M. J. Des-
trée, vraiment savoureuse, sur le.s tapisseries qui
furent exposées en 1900 au Petit palais, à Paris ;
le compte-rendu vient tard, mais il est tout de
même bien venu. C'est un aperçu de l'histoire de
la tapisserie à ses débuts, enrichi d'observa-
tions compétentes, tendant à la détermination
des origines des chefs-d'œuvre dont il s'agit.
L'histoire commence au XIV= siècle, qui vit
fleurir,sinon naître, les fameux ateliers de haute-
lisse de Paris et d'Arias ; les plus anciens
spécimens connus sont : La Présentation de
Jésus-Christ au temple, conservée au inusée du
cinquantenaire de Bruxelles, qui a des affinités
avec les miniatures d'Anchi Beauneveu, et la
fameuse tenture de Y Apocalypse, publiée pour la
première fois, par M. L. Farcy, dans la Revue
de r Art chrétien {^);e\\ts sont de Jean Bataille et
Jean deBruges.De la même époque est la fameuse
tenture de la légende de saint Piat et de saint
Éleuthère à Tournai, apparentée à l'art des Van
Eyck Passant au XV<= siècle, l'auteur passe en
revue les inerveilleuses tapisseries de Sens,
ainsi que celles de l'hôpital de lîeaune, dont
nous nous sommes délectés, il y a quelques se-
maines, les unes et les autres bien flamandes.
M. Destrée incline à attribuer à Bruxelles la
merveilleuse Adoration des Mages de Sens.
Signalons encore Y Ascension, d'Aix en Pro-
vence, flamande aussi. Quant à Xa Judith et Holo-
pherne du même trésor, il réfute l'attribution que
M. Soil en a faite à Tournai ; il refuse également
à l'archéologue tournaisien la Vie de saint Remy
de Reims. Un véritable bijou, est le morceau
de tapisserie brabançonne appartenant à M.
Schutz, où l'on voit l'homme, recevant les armes
pour la lutte de la Vie, de la Miséricorde, de la
Foi et de la Paix.
Un chapitre spécial est consacré à l'exposition
du pavillon d'Espagne, avec la suite de Y His-
toire de la Vierge, de l'école de Quentin Metsys,
\a.Messe deS Grégoire,œ\\WYe. brabançonne comine
le Chemin du Calvaire, due à Aelst d'Enghien,
la Passion attribuée à Quentin Metsys.
(N°s I n et IV, 1903). M. le comte Gandini, con-
servateur au musée civique de Modène, a étudié
l'étoffe d'or et de soie polychrome, découverte
en 1900 au monastère St- Pierre, et il croit qu'il
s'agit d'un tissu byzantin ayant servi à enve-
lopper des reliques ; il est de même texture que
certaines pièces du musée du Cinquantenaire de
Bruxelles.
M.I.Errera,qui rompt une lance avec l'archéo-
logue italien, croit à une provenance arabe, et
classe le trésor parmi les tapisseries.
Nous avons jadis rendu compte d'un travail
considérable de M. P. Saintenoy, consacré à l'his-
toire et surtout à la classification des fonts bap-
tismaux (2). L'auteur ajoute à cette laborieuse
1. V. Revue de l' Art chrétien, année 1890, p. 156.
2. Prolégomènes, Revue de l'A}/ chrétien, année i£
. P- ,S23-
52
WitWt tie r^rt cbtctien.
étude quelques notes additionnelles. En rendant
compte de la première étude de M. Saintenoy,
nous avons reproduit d'après lui le baptistère
de Nocera ('). Celui-ci offre la piscine à bord
saillant avec degrés, et le ciborium sur co-
lonnes ; c'est le type antique. A St-Jean in fonte
de Ravenne ( Vesiècle),la piscine est devenue une
grande cuve, et l'on voit aux angles de celle-ci
les vestiges des colonnes disparues de l'édicule. A
Pise (XlIIe s.), on retrouve la même cuve, mais
toute trace de colonnettes a disparu ; la piscine
à immersion contient d'ailleurs quatre cuves pour
le baptême par infusion. De la piscine à bords sail-
lants, M. S. passe à la margelle, comme celle du
puits de Murano et autres qu'il a observées à
Venise, et dans lesquelles il reconnaît, non pas
des fonts, mais des copies de fonts, imitées même
avec leurs emblèmes religieux. Les fonts margelli-
formes se maintinrent longtemps en Italie; notre
auteur en a relevé de nombreux exemples.
Signalons en outre la suite d'une étude très
creusée de M. J. Capart sur les débuts de l'art en
Egypte.
La Société archéologique d'Eure-et-Loir.
— Cette société, fondée au mois de mai 1856 par
A. de Caumont, se prépare dès à présent à célé-
brer en 1906 le cinquantenaire de sou existence.
A cet effet, elle a élaboré un programme de
sujets à traiter en vue de cette solennité, et invite
les érudits à se mettre dès maintenant à l'œuvre.
Voici quelques-unes des questions posées :
Eglises romanes du diocèse de Chartres.
Origines de la cathédrale de Chartres.
Sculpteurs du tour du chœur de Chartres (biographie,
marchés, œuvres).
Œuvres d'art des musées de Chartres (choix, attribu-
tion d'auteur).
Corporations. — Métiers. — Poterie d'étain.
Manuscrits de la bibliographie municipale de Chartres
(écriture, enluminure).
hnprimerie et librairie chartraines.
Biographie d'Eure-et-Loir. Armoriai chartrain (par
familles et par pièces de blason).
Répertoire archéologique d'Eure-et-Loir.
Glossaires, cartes et plans As la Beauce et du Perche.
Les histoires de Chartres.
Guide archéologique dans le département d' Eure-et-
Loir.
Société historique et archéologique de
Périgord. — La Société a organisé, sous la direc-
tion de son distingué président le marquis de
Fayolle luie intéressante excursion en octobre
dernier. — Le premier jour comprenait la visite
de l'église de Marsac, de la petite ville de Saint-
Astier, qui possède une église si remarquable, de
l'église de Bruc, des belles ruines de Grignols, du
château de Neuvic, de l'église de Sourzac, et de
l'église de Saint-Médard de Mussîdan dont le
curieux portail roman vient d'être habiieiuent
restauré. Quittant alors le département de la
Dordogne, les excursionnistes, après avoir couché
à Libourne (Gironde), occupèrent le lendemain à
visiter cette ville, puis la vieille église de Saint-
Martin-de-Mazerat, et surtout la ville de Saint-
Émilion très connue par ses excellents vins,
mais dont les antiquités de preinier ordre offrent
le plus grand intérêt. Au nombre d'ime vingtaine,
les savants périgourdins purent examiner à
loisir, et les anciens murs de ville du XIII*=
siècle, et la collégiale, et l'église monolithe,
creusée dans le rocher, et le château du roi,
donjon du XI 11" siècle, et le logis Cardinal
(XII<^ siècle) et le Clos des Cordeliers, etc. Cha-
cun rentra chez soi ravi de tout ce qu'il avait eu
à étudier.
Excursion en Bourgogne de la Gilde de
Saint-Thomas et de Saint-Luc (suite) {}).
Aperçu des ttwnianents.
Sens fut notre première étape. L'ancienne ca-
pitale des Senones était une ville importante au
Abbaye de St-Jean (église de l'hôpiial actuel) de Sens. —
Une travée du déambulatoire.
temps de César. Les Romains l'embellirent et en
firent sous Gratien la capitale de la 1V'= Lyon-
naise. Le christianisme y fut prêché de bonne
I. V. Revue de l'Art chrétien, 1891, p. 248.
I. Voir la livraison de novembre 1903, p. 513.
Cratiaiu* Des ^ociétée^ satiantcs.
53
heure par saint Savinien et saint Potentien. L'ar-
chevêché de Sens fut longtemps l'un des pre-
miers de France. De son époque de splendeur,
il a gardé sa majestueuse cathédrale qui est
avec Saint-Denis, l'une des premières productions
grandioses de l'architecture gothique à son ber-
ceau. Postérieure à Saint-Denis de quelques
années, elle est cependant moins parfaite. On y
constate des gaucheries, des tâtonnements, des
disproportions qui trahissent la période d'en-
fance et des nouvelles méthodes.
La cathédrale de St- Etienne date du XII' siè-
cle dans son ensemble; à la fin du XIII<= siècle
Plan de la cathédrale de Sens (').
on a modifié la partie supérieure des murs au-
dessus du triforium, changé les fenêtres et remanié
les voûtes et la chapelle du chevet ; vers la
même époque on a commencé les fondations du
faux-transept (2) et élevé la façade principale sur
les fondations du XI 1*= siècle. Des treize chapelles
dont le XI V"-' siècle avait doté les bas-côtés de la
cathédrale, quatre seulement ont échappé au
vandalisme du XIX^ siècle (1858). Vers la fin du
XV<> siècle l'architecte Chambige commença le
transept sur les substructions du XlIIe siècle.
Le plan de St-Étienne comprend trois nefs,
un transept simple, avec chapelles orientales
dans les bras, un chœur avec déambulatoire et
1. D'après V architecle E. Bérard. II y a erreur dans le tracé des
croisées d'ogives du déambulatoire, qui ne sont pas en diagonales.
2. Il n'y avait pas à proprement parler de transept, mais deux-
portails latéraux ouvrant sur les basses nefs. VioUei-le-Duc affirme
avoir constaté la présence sous le sol du transept des substructions
qui auraient porté la double colonne continuant celles de la nef et du
chœur. lit il en conclut que la nef de Sens comme celle de Bourges
n'avait pas primitivement de croisée. (Note de M. l'abbé Chartraire.J
trois absidioles de chevet. Dans la nef se voit,
rappel de l'école rhénane, l'alternance de gros
piliers avec des colonnes; seulement, chose cu-
rieuse, celles-ci sont par couples, alignées trans-
versalement et soutenant un même abaque ; la
saillie de celui-ci sur les arcades qu'il reçoit est
Autel dit de Salazar.
démesurée. Les voûtes sont sixpartites sur la nef
et le chœur. La claire-voie du rond-point est for-
mée de baies à deux lancettes surmontées d'un
trilobé. Le style très pur de la façade occidentale
Contrefort du transept de la cathédrale de Sens (14901510).
contraste avec les richesses flamboyantes du
pignon du transept.
On remarque tout spécialement, dans le déam-
bulatoire, la gaucherie avec laquelle sont encore
exécutées les nervures de la croisée d'ogives sur
plan trapèze, par branches brisées et dépourvues
de clefs de voûtes.
La sculpture, par sa liberté d'allure, marque le
départ de l'art roman et de l'art gothique.
54
Bcbur tJt l'^^rt cbrctten.
La verrerie de Sens, en partie restaurée par
M. Félix Gandin est, comme l'a fait remarquer M.
J. Casier, du plus haut intérêt: quatre vitraux (')
sont hors prix et datent probablement de la fin
du XII^ siècle. Les siècles suivants y ont apporté
leur contingent. Jean Cousin, natif des environs
de Sens, y' est représenté par deux vitraux d'un
dessin serré et d'une harmonieuse coloration.
Les deux grandes roses flamboyantes du tran-
sept, si magnifiquement ajourées, sont occupées
par des chefs-d'œuvre de la Renaissance. Au
pignon du croisillon nord est figuré le plus gra-
cieux concert d'anges qu'on puisse rêver. Nous
espérons, grâce à M. l'abbé Chartraire, en fournir
la description à nos lecteurs. Notons au passage
l'autel de Salazar, jadis décrit par le même ar-
chéologue (2).
Cathédrale de Sens. — Transept nord.
Il serait oiseux de célébrer ici le trésor de
Sens, l'un des plus riches de France, surtout ses
admirables tapisseries. M. l'abbé.Cliartraire, l'au-
teur du beau catalogue, y fut notre cicérone
ainsi qu'au grand musée voisin.
La restauration de la cathédrale de St-Êtienne
a été effectuée par Viollet-le-Duc d'une manière
trop radicale, témoins les nombreuses sculptures
inutilement remplacées, mais heureusement con-
servées, que nous avons pu voir dans les souter-
rains de la belle salle synodale. On comprend,
sans la partager dans son exagération, l'admira-
tion du maître précité pour cette belle construc-
tion qui avoisine dignement la cathédrale et
dont le courormement crénelé, le grand toit aux
tuiles polychromes, les gracieux contreforts or-
nés de statues sous des «; tabernacles », les vastes
1. Ceux de s. Thomas, de .S. Eustache, de l'Enfant prodigue et
du Samaritain.
2. E. Chartraire, Bull, de la Soc. artMol. de Sens, X. XVI.
fenêtres aux ébrasements énormes, offrent tant
de cachet ; dans un pareil local, et sous les vastes
croisées d'ogives aux élégantes nervures, le mu-
sée, qui n'est qu'ordinaire, paraît remarquable,
Samt-Jean de Sens date du XI 11^ siècle ; sa
beauté, que des remaniements ultérieurs ont
altérée, réside surtout dans les colonnes et les
arceau.x du chœur, dans les fenêtres à triplets
devant lesquelles court un chemin de ronde der-
rière de sveltes colonnettes (dispositif dont nous
reparlerons) et surtout dans la gracieuse chapelle
absidale dont les voûtes ont avec celles du déam-
bulatoire une retombée commune sur deux svel-
tes colonnettes. Cette disposition, dérivée des
absides champenoises.est une des caractéristiques
de la région, nous l'expliquons plus haut.
m
w
Coupe et base d'un pilier du rond point.
L'église St-Jean servait autrefois d'oratoire
à l'Hôtel-Dieu ; le Gouvernement vient de sécu-
lariser la maison de la souffrance et d'enlever
aux malades l'usage de la chapelle qui reste
vide. Chose à noter, rare pour l'époque, les piliers
de la nef, qui paraît plus récente que le chœur,
mais antérieure au XV<^ siècle, sont dépourvus
de chapiteaux. Ceux du chœur sont ingénieuse-
ment construits, composés d'un noyau octogonal,
flanqué de quatre colonnes engagées et ceinturés
de quatre colonnettes isolées en délit.
Aiixerre. — Avec quel art prestigieux le
moyen âge savait bâtir ses villes, on ne peut le
constater nulle part mieux qu'en présence de
cette pittoresque cité; elle s'étage sur les flancs
d'un coteau que baigne l'Yonne à son pied, et
que couronnent la silhouette du clocher de Saint-
Pierre, la masse majestueuse de la cathédrale et
le profil élégant de l'abbaye de Saint-Germain.
La cathédrale de Saint- Etienne fut élevée en
grande partie au XIII= siècle: elle a trois nefs
avec des chapelles latérales ajoutées, un long
transept avec superbe portail, un chœur de quatre
travées entouré d'un déambulatoire magnifique,
que contourne une coursière régnant entre deux
rangs de triplets : celui des verrière.';, à la paroi
externe et, à l'intérieur, celui que portent à cha-
que travée deux légères colonnades sur lesquelles
CraDaur des â)OC(étés savantes.
55
retombent des nervures qui partagent en trois le
triangle de la voussure externe des voûtes. Au
chevet les retombées se font sur deux sveites co-
lonnettes montant de fond, et qui partagent l'en-
trée de l'abside centrale, construite à l'instar de
celle de Sens. Partout est pratiqué le système bour-
guignon du double mur, avec formerets isolés. Les
supports du chœur sont en faisceaux, sauf celui
du rond-point et deux autres, avant le rond-point,
qui sont monocylindriques. Un triforium, formé
de petits arceaux sur colonnettes très maigres,
contourne toute l'église. Le clair-étage se com-
pose de baies géminées sévères, surmontées d'un
Plan de la cathédrale d'Auxerre.
très grand oculus tout simple ; pas un redent, pas
un trilobé. Les voûtes sont barlongues, sauf
celles du croisillon sud, qui sont sixpartite, et la
voûte étoilée du transept.
Les sculptures du portail sont des merveilles.
La façade principale est comme couverte de den-
telles de pierre.
La vitrerie de Saint-Étienne est riche et
s'étend du XII*" au XVIP siècle. On y voitderares
tracés de barlotières, de curieuses combinaisons de
figures avec les grisailles, des effets prestigieux
dus à des moyens originaux, des médaillons lé-
gendaires, de grandes figures, de quoi faire un bel
apprentissage de l'art du verrier. A signaler le
vitrail de St- Michel, au transept nord, avec ses
ravissants musiciens célestes dus à Pinaigrier.
La crypte, rebâtie vers 1030, restaurée par
Viollet-le-Duc, est à 5 nefs établies sur un plan
analogue à celui des cathédrales de Sens et de
Langres. Dans l'absidiole du fond, en cul de four,
est peint le Christ en Majesté entre deux chande-
liers à sept branches et les emblèmes évangélis-
tiques. Une autre peinture montre le Christ et
des anges, à cheval. Certains chapiteaux, à faces
en trapèze, sont de très beaux spécimens de
l'époque carolingienne.
U église de Saint-Germain n'a plus de nefs ; sa
belle tour romane se dresse mélancolique loin du
chœur majestueux, et l'on dirait qu'elle a tou-
jours été isolée de l'église. Elle rappelle par ses
amortissements bien conduits les belles tours de
Brantôme et de Vendôme. Le passage du carré
à l'octogone se fait sur le dernier étage par des
édicules à plan triangulaire. Des frontons d'allure
rhénane décorent quatre des versants de la flèche
à sa base.
Chevet de la cathédrale d'Auxerre.
Le chœur est de la fin du XIII« siècle. Ici les
fenêtres hautes ont des redents aux lancettes
géminées et des quatre-feuilles dans le tympan.
A noter, que le chemin de ronde du triforium
échappe les piles en contournant par l'extérieur
les contreforts sous les arcs-boutants.
Les moines se sont inspirés, pour la vaste cha-
pelle du chevet, de la chapelle de la Vierge à la
cathédrale ; elle porte sur des colonnes de o"\25
de diam., et de 6"\30 de hauteur. Le transept a
les caractères du style champenois (XLv^*^ siècle).
La vénérable crypte, où l'on vénère le tombeau
de saint Germain et de plusieurs saints évéques,
garde des parties carolingiennes. Il est curieux
de constater la similitude du profil en doucine des
impostes des piliers antiques de cette crypte
avec celui des abaques des chapiteaux du XI« siè-
cle de la région.
56
3Rebue ÏJe T^rt cbrctten.
Le portail du transept nord est richement
orné de la légende de Saint-Germain.
L'église paroissiale de Saint-Eusèbe est en par-
tie romane, avec un chœur efflanqué du XVI= siè-
cle. Elle possède d'anciens vitraux. L'intérêt du
monument réside dans son beau clocher, bâti en
1660, jadis isolé.
Aval/on, ce pittoresque bourg qui s'étage sur
une haute colline aux confins du Morvan, offre
une église dédiée à Saint-Lazare, type de roman
bourguignon. Ses portails bien connus ont des
archivoltes richement sculptées, où se remarquent
les entrelacs, les rosaces et les figures symboli-
ques ; aux ébrasements s'alignent des colonnes
cannelées, sculptées et torses. Elle offre des rémi-
niscences du décor romain, notamment des im-
postes en doucine décorée de feuilles d'acanthe
-u
ç
j — \
£ — _ O.ÎO î
:'/ ;, V
. -.)!
K_ _
Église de St-Lazare d'Avallon. — Base des colonnettes.
et des cordons ornés d'oves ; pas de triforium,
mais des fenêtres dans le haut mur et sur la
grande nef, des voûtes barlongues et curieuses,
(compromis entre lesvoûtes d'arêtes romanes et le
dôme), avec des arêtes peu accentuées. Les murs
ont bouclé sous l'effort de la voûte, dont la pous-
sée a été contrebutée après coup par de puissants
contreforts, aux pinacles amortis en batière. Le
chevet est à trois absides rangées. Les chapiteaux
sont historiés, A noter les chapiteaux à la haute
corbeille, au puissant encorbellement; à signaler
aussi le parti très hardi, grâce auquel on a réa-
lisé l'orientation dans un vaisseau bâti dans le
sens de la plus grande pente d'une forte décli-
vité ; les nefs sont en pente avec deux degrés de
chute à chaque travée et six à l'entrée, de sorte
que les fidèles y sont en quelque sorte comme
sur les gradins d'un amphithéâtre ; leur regard
plonge sur le chœur.
Seimir. — L'église Notre-Dame paraît singu-
lièrement élancée par la raison que sa grande nef
ne mesure guère que sept mètres d'ouverture. Le
chœur forme une lanterne percée de hautes et
larges fenêtres en tiers-point sans meneaux; au
pourtour du chœur s'adossent trois belles absi-
dioles. C'est un beau spécimen de style bourgui-
gnon du XI 11*= siècle. Une coursière règne devant
tout le clair étage, qui rappelle Notre-Dame de
Dijon. La croisée est surmontée d'une gracieuse
tour avec flèche en pierre.
Le porche s'ouvre a l'Ouest par trois grandes
arches ; les parois latérales sont aveugles.
Les arcs-boutants sont d'une courbure très peu
prononcée, et constituent presque des piles incli-
nées.
Le portail des Bleds est une belle et curieuse
page d'iconographie, encore imparfaitement ex-
pliquée.
Eglise de St-Lazare d'Avallon, — Croquis d'une travée des nefs.
L'église renferme de curieuses peintures mu-
ales, une tourelle à reliques, un « sépulcre », d'in-
;;éressantes clôtures de chapelles et une tribune
d'orgues en encorbellement d'une construction
hardie,
Pontauhert. — L'admirable petite église ro-
mane de Pontaubert retint un instant les excur-
sionnistes, sur la route de Vézelay, d'abord à rai-
son du problème iconographique soulevé et par
les sculptures du tympan de son porche fermé et
à simple travée. M. le baron Kethune a aussi-
tôt reconnu dans la scène qui accoste, à droite,
l'adoration des mages, une très curieuse figura-
tion de l'Incarnation : l'âme de N,-S. apportée
par les anges. En elle-même l'église est fort
intéressante; elle offre tous les caractères bour-
guignons du Xlle siècle: piliers cantonnés de
quatre colonnes, puissants formerets ; plan à
Cratïaur îies ^ociétc0 satiantes.
57
trois nefs de trois travées, transept non sail-
lant, chœur d'une travée, terminé, chose rare, par
une abside à trois pans ; dessinant en plan un
trapèze ; chapiteaux à volutes et feuilles d'eau
gracieusement enroulés ; voûte d'arêtes simple,
typique. On retrouve ici l'imposte en doucine
des grands chapiteaux faisant le tour de la pile.
A signaler une curieuse armoire eucharistique,
ménagée dans le pilastre à gauche du chœur,
sous un doubleau, dans le pilastre habilement
élargi.
Saint-Père-soiis- Vézelay. Les voyageurs s'ar-
rachent à l'enchantement du site de Pontaubert
pour gagner V abbatiale de Saint-Pcre, cadette de
la Madeleine de Vézelay. On s'arrête sous un
porche gracieux, ajouré de trois côtés, couvert de
belles voûtes aux six travées retombant sur deux
élégants piliers, et conçu en style ogival. Il est
dominé par un pignon qui rappelle celui de Véze-
lay, aux modestes mais riches sculptures ; celui-ci
se dresse devant un comble plus bas, qui n'est
sans doute pas primitif.
.v^i
Église de Saint-Père-sous-Vézelay.
Piliers, côté de la grande nef.
Bas-côté nord.
Les trois nefs sont séparées par des colonnes
curieuses, auxquelles se greffe une colonnette
vers les bas-côtés portant les doubleaux du col-
latéral; en outre, une sur deux s'augmente d'une
colonnette vers la grande nef, qui monte de fond
jusqu'aux voûtes ; les autres ne portent pas
directement la retombée, dont le support s'arrête
dans l'entre-deux des grandes arches. Une cour-
sière règne devant la claire-voie, immédiate-
ment au-dessus de celle-ci, les bas-côtés n'étant
pas couverts en appentis. Les chapelles du chevet
sont joliment développées.
On doit à M. l'abbé A. Pisster une petite mais
excellente Monographie de l'église Saint-Père-
sous- Ve'zelay {^), que nous signalons spécialement
aux érudits. L'auteur décrit avec complaisance
le joli clocher de cette église, dont l'étage octo-
gone est flanqué sur les angles à racheter d'édi-
cules à colonnettes graciles, qui font pressentir les
merveilles du clocher de Laon. « Les architectes
du Xllfs siècle, dit-il, craignaient les profils
pleins et rigides ; ils voulaient, dans des monu-
ments se détachant sur le ciel, éviter le brusque
passage du plein au vide ; il y a là un sentiment
très fin des forces extérieures de l'architecture,
qui allègent et grandissent les édifices en les
faisant se fondre, pour ainsi dire, dans les forme-
I. .Auxerre, Milan, édit. 1903.
58
WitWt ïie rart fbrétien.
rets. » N'est-ce pas que l'architecte a été bien
compris par notre auteur ? Nous empruntons à
cehii-cî le plan et la coupe de l'ég^lise, où l'on
remarquera la manière hardie dont le mur gout-
Eglise de Saint-Père-sous-Vézelay (').
terot est assis à côté de la pile, mais au droit de
la colonnette qui lui sert de renfort.
Vézelay. — Le lecteur ne s'attend pas à ce
que nous lui décrivions la prestigieuse et vaste
abbatiale de Vccelay (2) ; ce serait l'objet d'un
article tout entier, lequel d'ailleurs n'aurait guère
■» V-
Église de Saint-Père-sous-Vczelay
Gufic tli. l ' église-
d'inédit. Notons l'impression profonde ressentie
par les confrères de Saint-Luc, en pénétrant dans
ce porche, qui est comme une très monumentale
église ; mais comment décrire l'effet magique et
émouvant, quand s'ouvre le célèbre portail et
qu'apparaît la longue et majestueuse nef, la plus
longue des églises romanes, un peu sombre et
austère, au fond de laquelle, à 120 mètres de pro-
fondeur, au bout de ses dix travées, apparaît, tout
1. D'après M. l'abbé Pissier.
2. M. l'abbé Poulaine, Guide du Touriste dans t Avalounais,
.Avallon. Odobé, 1903.
CratJdUT îîes ^octétc0 0at)ante0.
59
inondé de lumière, le chœur svelte et élégant !
Quel spectacle plus grandiose encore s'évoque à
l'esprit, quand on se représente saint Bernard
préchant sous ces nefs immenses la croisade
à une assemblée de preux ; et combien on re-
grette de ne plus rien retrouver des locaux de la
célèbre abbatiale, fondée an IX<= siècle par Gérard
de Roussillon ! On n'en garde que la base de
l'enceinte, des douves inférieures des tours et la
Poitc'-neuve, dont les murs possèdent encore les
corbeaux des hourdis.
Le porche de l'abbatiale avec son bel étage est
d'un caractère majestueux; au-dessus du portail,
à la tribune, est bandée la célèbre voûte que Qui-
Fronton de l'église de Vézelay.
cherat avait prise pour la première voûte nervée
existante ; ce n'est qu'une pseudo-croisée d'o-
give. Le porche était surmonté d'une chapelle de
St-Michel comme en tant d'autres églises roma-
nes. L'église fut fortifiée. Tout le monde connaît
la forme insolite du pignon du XIl^ siècle à
rampants courbes, percé de cinq belles fenêtres
accostées de remarquables statues. Nous renon-
çons à décrire les merveilles des portails sculptés;
elles appartiennent également au XII« siècle,
ainsi que l'étage en forme de tours, dont l'une
n'est qu'amorcée.
Les voûtes sont cylindriques, à pénétrations
pour la claire-voie; ce sont des voûtes d'arêtes, les
plus anciennes qu'on ait bandées sur une nef
centrale. Elles ont poussé les murs et fléchi
sous leur propre poids ; leurs doubleaux sont
visiblement abaissés. Ces doubleaux, faits de
pierres blanches, alternent avec des pierres bru-
nes, rappelant l'architecture polychrome de
l'Auvergne ; faut-il y voir une polychromie
voulue? C'est au moins douteux, puisque la com-
binaison des pierres est tout à fait irrégulière.
Les arcs formerets sont entourés d'un larmier
en relief et surmontés d'une moulure analogue.
Les nefs latérales sont d'arêtes, séparées par
des doubleaux. Les chapiteaux sont extrême-
ment remarquables, par les sujets historiés qui
y sont représentés ; on pourrait y développer
tout un cours d'iconographie, et réformer bien
des erreurs courantes, par exemple apprendre
aux érudits du terroir, que le premier chapi-
teau de droite présente non pas le « laissez
venir à moi les petits enfants », mais la légende
de sainte Marie-Madeleine, patronne de l'ab-
batiale.
On retrouve au chœur une colonne géminée
analogue à celles de la cathédrale de Sens, faisant
pendant à une colonne monocylindrique. Elle
est, comme celles de la salle capitulaire, ornée de
mosaïques dans des creux isolés : truc ingénieux,
qui a permis le remploi de fûts magnifiques
et rares, mais offrant des éclats adventices.
Les voûtes sont bandées sur nervures. Les neuf
absidioles du chevet ne sont séparées que par
des clôtures ajourées. On retrouve sur les pierres
des pavements quantité de signes lapidaires (')
jadis étudiés par M. A. Guillon, archéologue
vézelien, que nos lecteurs connaissent. On trou-
vera, dans nos colonnes {^) une lettre de lui fort
instructive, où il défend dans une certaine me-
sure les travaux de restauration de VioUet-le-
Duc, critiqués par M. Hallais.
Le cloître, dont la voûte rappelle le demi-ber-
ceau de la galerie en bois de Beaune, est une re-
construction fantaisiste de Viollet-le-Duc.
Saiilieu. — Possède en son église Saint- An-
doclie, un autre type du roman local, qui rap-
pelle Notre-Dame de Beaune et St-Lazare d'Au-
tun, avec sa nef élancée, munie d'une claire-
voie. On y retrouve comme à Autun les arcatures
du triforium d'imitation romane, ainsi que le
berceau brisé sur la grande nef, qui a, comme
partout, poussé le haut mur en dehors. La
claire-voie est à triples lumières ; des voûtes
d'arêtes simples régnent sur les bas-côtés. Le
1. La question des signes lapidaires a été spécialement étudiée
par M. A, Guillon (V. Revue de l'Art chrétien, années 1893. p. 489
et 1894, p. 160 ; Ann. de la Soc. des sciences hist. de f Yonne )
et antérieurement par D, Rancée [Hisl. géii. de l'architecture, t. II,
p. 286), par J. Flechter (Collection of matons mark, 1858) et par
M. .^. ^^'nf\^\.{ Journal des arts),
2. Année 1895, p. 512,
6o
3Rcbue lie r^^rt cJ)rcrtrn»
portail a été remanié d'une façon déplorable.
Les chapiteaux sont richement garnis de fleu-
rages et de légendes ; les sujets historiés sont
tournés du côté de l'Ouest; l'un représente la
légende de sainte Marie-Madeleine. L'abside
en cul de four, au fond d'un chœur, est de deux
travées ; le chœur garde d'anciennes stalles inté-
ressantes. Un remarquable évangéliaire du XII'
siècle a beaucoup intéressé les archéologues.
Autiin. — Nous ne nous arrêterons pas aux
remarquables monuments romains dont la ville
d'Autun est riche. Disons que la tour dite de
Janus, avec ses trous de boulins, avec ses arcades
internes ne traversant pas la masse des murs,
nous a quelque peu mystifiés. Quelle a bien pu
être la destination de cet édifice de forme inso-
lite chez les Romains, qui semble avoir été en-
touré d'un portique externe?
Nous avons été affreusement scandalisés de
voir exécuter à la porte d'Arroux des réfections
de Vandales. On était occupé, lors de notre visite,
à refaire en pierres neuves des assises puissantes,
à hauteur d'imposte, au flanc gauche de la porte
(vue de la ville) en enlevant, pour les remplacer,
de solides pierres munies de certaines amorces de
moulures en retour, qu'on n'avait nullement
songé, d'ailleurs, à reproduire dans les pierres
nouvelles, lesquelles au surplus sont de roche de
nature entièrement différente des anciennes. Ail-
leurs, il nous a paru que dans un parement de
mur entièrement refait, hélas ! on avait imité
l'appareil d'un arrachement de murs, visible à
la porte Saint-André.
Mais reportons notre attention vers l'antique
cathédrale, encore toute romaine de style, ainsi
que nous l'avons dit plus haut, et cela sans
qu'elle y gagne en élégance ; ce fut même une
déception pour nos compagnons. Remarquons
toutefois, avec M. de Baudot, que les grands
pilastres pseudo-corinthiens ne sont pas ici pu-
rement décoratifs comme chez les Romains ;
mais ils sont disposés de manière à servir très
utilement de dosserets pour soutenir les dou-
bleaux. Le vaste porche couvert du XI 11= siècle,
où figure l'image de saint Lazare accosté de ses
deux sœurs, nous a dédommagés ; les colonnes,
les archivoltes sculptées, le tympan historié rap-
pellent ceux de Vézelay. On y voit le Jugement
dernier et un zodiaque combiné avec les travaux
de l'année.
Commencée en 1120, l'église ne fut terminée
qu'au XVe siècle, ce qui explique l'enchevêtre-
ment des styles de ses parties. La majesté de
son vaisseau et l'élégance de sa flèche en font,
vue du dehors, une des belles cathédrales de
France. L'époque gothique a transfiguré son
extérieur et elle a doté la grande nef de contre-
forts massifs, que caractérisent leurs gros pinacles
couronnés en hatière et des chapelles latérales
aux riches fenêtres flamboyantes, qui accentuent
son allure extérieure ogivale. Nous avons assez
fait connaître les caractéristiques romanes en
traitant d'une manière générale de l'architecture
bourguignonne. Insistons sur la forme des voûtes
d'arêtes en plein cintre, voûtes déjà plus savantes
que celles des Romains et analogues à celles de
Vézelay.
Pontigny. — Pontigny, la seconde des quatre
filles de Cîteaux, était une des plus importantes
des grandes abbayes cisterciennes. L'église,
longue de 108 mètres, est austère comme les idées
de saint Bernard. Elle n'a pas de tour, elle est
relativement basse; elle est précédée d'un narthex
ou portique de front, sous appentis, à l'instar
des basiliques latines ; toutefois il a deux travées
en profondeur. L'église a trois nefs de sept travées,
un curieux transept fort saillant, très typique
au point de vue du mode cistercien, et un chœur
avec déambulatoire et chapelles rayonnantes sur
plan pseudo-rectangulaire, à voûtes sixpartites.
Nous expliquons plus haut l'habile particularité
quidistingue le voûtement du collatéralduchœur.
Il faut surtout remarquer la très simple ordon-
nance des chapelles rangées aux flancs orientaux
des croisillons du transept. Le long du flanc
occidental des mêmes croisillons sont ménagés
des compartiments analogues. M. le baron
Bethune a fait remarquer aux visiteurs qu'au
fond de ceux-ci a existé un couloir, que ce
furent sans doute d'autres chapelles, orientées,
avec autel dans l'ouverture vers le transept.
Les doubleaux de la grande nef posent sur des
colonnettes engagées, qui s'arrêtent sur des culs
de lampes au-dessus des chapiteaux. Les fenê-
tres sont à lancettes, sans meneaux.
Nous n'avons pu visiter les bâtiments claus-
traux, mis sous scellés par le Gouvernement
de M. Combes. L'église est sauvée du jacobi-
nisme, grâce à son usage paroissial.
Beaiine (•). — S'il est une église qui, mieux en-
core que celle d'Avallon et de Saulieu, représente
le style roman régional dans des proportions
moyennes, c'est celle de Notre-Dame de Beaune,
qui offre aussi de grandes analogies avec les
cathédrales d'Autun et de Langres ; elle est bien
proportionnée et tout d'une venue ;en elle l'aus-
tère vaisseau bourguignon à transepts plats se
marie avec le chevet auvergnat au déambula-
toire rond percé de trois jolies absidioles, le tout
dominé par une belle tour tiu transept du même
stj-le que le monument, modernisée dans sa toi-
ture qui date du XVI IL' siècle ; elle est assise
I. Voir l'article de M. H. Chabcuf dans la .ffez'w*' de C Art clirilien,
ann(ic 1891, p. 233.
Cralïaur î)t0 Sociétés sal3antE0.
6i
à l'intérieur sur des trompes. Les nefs sont pa-
reilles à celles d'Autun : mêmes piliers à pilas-
tres cannelés, mêmes chapiteaux pseudo-clas-
siques à feuilles d'acanthe, dont plusieurs ont
été sculptés après coup, à des époques consécu-
tives. Au cours du moyen âge, ici encore, on a
dû ajouter des arcs-boutants pour empêcher
l'écartement des murs des nefs. Le chœur date
de la transition.
Le porche du XI 11"^ siècle et de type clunisien,
à trois nefs, à deux travées, est large et ouvert
par trois arcades inégales de front et des baies
latérales ; il est recouvert en terrasse ; sous ses
voûtes s'ouvrent de belles portes en menuiserie
du XV« siècle. L'église possède de merveilleuses
tapisseries du XV'^ siècle, artésiennes ou fla-
mandes, que M. le curé de Notre-Dame avait
eu l'extrême gracieuseté d'exhiber à l'intention
de la Gilde, et d'exposer au chœur (•), et des
fresques fort curieuses que M. Mathieu, archéo-
logue de Beaune (-1, croit pouvoir attribuer à
Pierre Spicre. Ces peintures ont naguère été
décrites dans nos colonnes (3). M. Louis Yper-
man en a fait de remarquables relevés, qui ont
fait sensation au salon de Paris.
Ce fut l'aimable vice-président de la Com-
mission des hospices de Beaune, M. Montoy, qui
nous reçut à l'entrée du célèbre Hôtel-Dieu, et
nous présenta aux Dames du lieu, ayant à levjr
tête Madame Sœur Bigot, Maîtresse, et sa dé-
vouée assistante Sœur Jardot, qui nous rap-
pelaient les Grandes- Dames de nos béguinages
de Flandre.
« Quelle évocation, s'écrie notre compagnon,
correspondant du Bien public, M. J. C, quelle
évocation médiévale, en pénétrant dans la cour
de l'établissement fondé en 1443 par le chance-
lier de Bourgogne, Nicolas Rolin et sa femme,
Guignone de Salvins. » Malgré des restaurations
nécessaires au cours de quatre siècles, l'hôtel-
Dieu de Beaune se présente aux regards tel
qu'il fut à ses débuts.
Tout en effet est resté en l'état : les cloîtres, la
cuisine, la pharmacie, les salles des malades. La
grande salle mesure 46 m. sur IJ^SO; une belle
voûte en bardeaux, joliment rehaussée d'orne-
ments polychromes, se détachant sur le fond
brun du bois, avec poutres et poinçons apparents,
enferme un volumineux cube d'air.Une rangée de
28 lits en bois s'étend le long de chaque côté,
laissant discrètement une ruelle le long du mur,
et élevés sur une estrade planchéiée, tandis que
1. V. l'article de M. H. Chabeuf dans la Revue de l'Art chrétien.
année 1895. p. 351.
2. F. .Mathieu, Heintures murales delà chapelle Kolin à l'église
collégiale de Beaune, Beaune. Batault, 1903.
3. V. Revue de l'Art chrétien, année 1899, p. 370.
la salle est pavée de carreaux portant les initiales
des fondateurs, enlacées de la bande de chêne
et l'étoile symbolique de leur devise ; et vers le
fond, une clôture ajourée (ce que les Anglais
appellent un screen), surmontée de l'image du
Calvaire, sépare la partie réservée aux malades
d'une magnifique chapelle. On sait que dans les
hôpitaux du moyen âge la salle se prolongeait
ainsi en oratoire. De belles peintures char-
maient les yeux des souffrants hospitalisés,
retraçant des sujets consolants que le religion
fournit à leurs espérances d'au delà. Derrière
l'autel de la chapelle une peinture murale por-
tant au sommet les emblèmes héraldiques des
fondateurs, a remplacé le fameux triptyque de
Roger Van der Weyden, trésor inestimable du
chancelier Rolin, que nous avons contemplé à
'1»,
^i^x^i
Cour de THôtel-Dieu de Beaune.
l'aise au beau musée, formé à l'étage, d'objets du
mobilier primitif de la maison. Nous n'en dirons
qu'une chose : c'est que, plus peut-être que les
autres œuvres du maître tournaisien, il décèle
les qualités plastiques du sculpteur, qu'il a peut-
être été (selon M. Maeterlinck), du fils de
sculpteur qu'il fut dans tous les cas.
On croit rêver quand on pénètre dans la cour
de l'Hôtel-Dieu de Beaune; on se dirait transporté
en plein XV« siècle, et rien ne vient troubler
la parfaite illusion du milieu médiéval et flamand
le plus pur. Cette cour pittoresque où le puits à
couronne de ferronnerie ouvragée cache à moitié
sa margelle aux puissantes moulures dans un
massif de verdure, ces galeries de bois sculpté
oîi passent des nonnes blanches coiffées du hennin
aux voiles plissés, cette ravissante balustrade
que l'on restaure en ce moment (d'après les traces
encore apparentes sur le bois, et à l'aide d'un
62
IBitWt De r^rr cljréticiu
spécimen authentique gardé d'une vieille maison
démolie dépendant de l'hôpital), et qui va revoir
le jour en place d'un appentis ardoisé qui l'avait
fait oublier; ces superbes et vastes lucarnes si
richement couronnées de plomberie, aux ram-
pants fleuronnés, aux crêtes ajourées, aux épis à
bannière, etc.; ce grand comble couvert de tuiles
polychromes et couronné d'une dentelle de
plomb ouvragé, ce cainpanile aigu, cette flèche en
aiguille ; tout cela est bien du plus pur flamand ;
seulement on ne retrouverait pas dans toute la
Flandre actuelle un morceau aussi riche, aussi
complet, aussi savoureux que ne l'est ce vaste
ensemble. Ces anges conservateurs, que sont les
Dames de l'Hôtel-Dieu, nous l'ont gardé à tra-
vers les siècles, intégralement et pieusement.
Parmi toutes ces merveilles,il en est dont l'espèce
est presque perdue ; tels sont les ornements de
plomberie des combles et lucarnes. De cet art
jadis si développé, l'on trouve çà et là des exem-
ples isolés, épars, plutôt dans les musées que sur
Crète de comble (').
les édifices ; la plupart, très intéressants encore, re-
montent au XVI' siècle ; ceux du XV" devien-
nent extrêmement rares.Ici nous avons l'ensemble
très complet de ce ravissant décor des combles,
tel qu'il fut conçu au moyen âge, en pièces ori-
ginales, ou restaurées avec soin, ou refaites avec
une scrupuleuse fidélité.
Ce sont d'abord les arêtes des flèches, et les
rampants de lucarnes hérissés de fleurons feuilla-
ges ; ceux-ci, par la finesse des découpures, et
la délicatesse des reliefs, ont toute la grâce que
comporte le plus malléable des métaux, qui, à
cette époque, avait encore cette fermeté que lui
a fait perdre de nos jours un affinage trop parfait.
Ce sont ensuite ces frises ajourées qui couron-
nent le faîte, composées de quatre-feuilles et
d'une riche rangée de fleurettes culminantes. Ce
sont surtout ces adorables épis, qui s'élancent de
la pointe des lucarnes, garnis de bouquets de
plomb composés avec un art consommé par des
gens qui possédaient à ravir le sentiment de ce
décor spécial pour lequel il faut compter avec
reff"et dévorant de la lumière sur les silhouettes
se détachant sur le ciel.
De pareils épis se voient encore çà et là,
notamment au château de Blois ; ils abondaient
au XV siècle dans le Nord ; on les appelait des
lieuses, et c'est en voyant les beaux couronne-
ments de lucarnes deBeaune que l'on peut com-
prendre les indications fournies par certains
comptes d'ouvrages du temps, par exemple ceux
de la salle des Conseaux de Tournai, où il est
question à'heiises ornées de soleils, de Jîorons,
etc. (I).
Les lucarnes de Beaune ont leurs rampants
garnis de très gracieux fleurons et la pointe du
gable est décorée d'un soleil aux rayons flam-
boyants. La crête délicate qui court sur le faîte
s'arrête à une pyramide à crochets qui habille le
poinçon prolongé ; de là naît la tige de l'épi,
S^tS ^^
I. Cette vignette reproduit à la fois l.i crPte de comble et les
armoiries de l'Hôpital.
Épis conservés au musée de Dijon.
ayant pour point de départ une bague ornée.
Elle est terminée par un bouquet fleuragé au-
dessus duquel gironne la petite bannière au gré
du vent ; elle est interrompue par des décors en
forme de gros nœuds qui sont de deux espèces.
Les uns constituent une sorte de couronne
hexagonale dont le bandeau plat est repercé de
fenestrelles dans chacune des faces, que séparent
de petits contreforts aux angles ; parfois aussi de
véritables couronnes de fleurons. D'autres, imi-
tés des nœuds de tiges de calices, off"rent, en
six raies d'étoile, autant de petits prismes hori-
zontaux posés sur l'arête, et terminés par un
losange ajouré de quatre-feuilles et garni de
petits fleurons sur les deux côtés supérieurs. Les
croquis ci-contre, que nous avons pris de deux
épis, analogues mais plus simples, conservés ati
I. Citons, entre plusieurs autres, cet extrait des comptes com-
munaux f Rfgistte lies Conseaux ) de la ville de Tournai. 1461 (payé)
à (iillard It^ [<iche (In dorure faite) à une lieuse de ploncq mis sur le
pignon de la maison du concicrche de la Halle et aussi le soleil.
Crat)au;i' des^ ^octété0 satiantes.
63
palais du duc de Bourgogne à Dijon, indiquent
cette combinaison.
On trouve de gracieux spécimens des tètes en
losange, des prismes en question, des couronnes,
des soleils surtout, ces ornements superbes, ainsi
que des crêtes, dans un panneau d'échantillons
de l'ancienne plomberie, conservé au musée de
l'hôpital, et que nous pouvons présenter à nos
lecteurs, grâce à l'extrême obligeance de M. Mon-
to)', vice-président du Conseil d'administration
dans cette vénérable maison. Nous le remercions
d'avoir eu l'obligeance de faire photographier
pour la Revue de F Art cJtrétien ces beaux spéci-
mens de plomberie, conservés, grâce à lui, pour
l'édification des artistes.
Dijon. — La pittoresque et gracieuse ville de
Dijon fut notre plus importante étape. Elle offrait
à nos études de belles églises et des monuments
civils non dénués d'intérêt archéologique, et nous
y eûmes pour cicérone le collaborateur dijon-
'x\^\?, A&\a Revue de [ Art cltrctien,'\\. H. Chabeuf,
qui ne serait, à l'en croire, qu'un amateur distin-
Spécimens de plomberie conservés au musée de l'Hôtel-Dieu de Beaune.
gué, mais que nos lecteurs connaissent pour un
érudit de marque et un critique d'art autorisé.
En première ligne, parmi les monuments di-
jonnais, il faut placer Véglise Notre-Dame, ce
chef-d'œuvre de l'art bourguignon à l'époque
gothique, où se trouve élevé jusqu'à son apogée
l'art des doubles murs cloisonnés, et des raidis-
sements par l'étai.
Quelle merveille en effet, à cet égard, que ce
porche de 1230, avec ses sveltes supports et ses
voûtes hardies, dont la poussée se contrebute
d'une manière déguisée et coquette, aux piliers
élégants, de la courte travée de façade, fonction-
nant comme les jambes d'un lutteur. Mais par
contre, quelle déroutante ordonnance offre la
façade aux galeries étagées,qui masquent le vais-
seau, ornées des plus luxuriants rinceaux sculp-
tés, et habitées par un peuple de monstres aux
physionomies sarcastiques, ironiques et trou-
blantes, qui, nous fûmes très étonnés de l'appren-
64
3Rebur tir TSit tf)rétten.
dre de la bouche de notre cicérone, datent seule-
ment d'une quarantaine d'années, hormis ceux du
flanc de la façade, et c'est ce que nous a permis en
effet de vérifier depuis une gravure du Magasin
pitioresque.W est poignant de voir avec quelle rage
odieuse certain pharmacien révolutionnaire du
voisinage de l'église s'est appliqué à abattre, une
à une, toutes les figures qui décoraient le superbe
portail ; il ne reste de cette page d'iconographie
peut-être sans rivale, qu'un étrange bourgeonne-
ment et une sorte de tablette recouverte d'une
draperie, greffés aune colonnette du porche, objets
étranges à jamais incompréhensibles. Notre-Dame
rappelle les églises belges de cette époque par ses
t—I i^*r-*<.
Église de St-Bénigne à Dijon. — Plan leva en 1796.
colonnes isolées, et ses étages de galeries ; on se
rappelle aussitôt les nefs de St-Martin d'Ypres et
de St-Jacques de Tournai. Des piles monocylin-
driques et de grêles colonnettes isolées, reliées
en tout sens ; et ce quillage n'ayant pour clôture
extéiieure que des cloisons verticales, percées de
fenêtres, raidies par des dalles horizontales ;
point ou guère de murs, tel est le système, qui
s'accentue encore au chœur.Les colonnes ont d'é-
normes corbeilles à crochets comme en Belgique.
Les voûtes sont à doubleaux de recoupement. Les
baies sont des lancettes en tiers-point sans résille
ni redents,séparées,aux deux étages duchœur.par
des ûculi. Au dehors, de puissants contreforts sans
arcs-boutants appuient les murs ; des tourelles
flanquent au dehors la haute nef et le transept
pour permettre l'accès aux galeries du triforium
et aux coursières de la clairevoie. L'extérieur est
austère et un peu sec.
Des flamands ne peuvent manquer de saluer
au passage sur le beffroi le Jacquemart enlevé, en
1382,3 la ville de Courtrai, par Philippe le Hardi.
A noter des peintures murales dans quelques
chapelles.
Récemment étudiée au long par M. le chan.
Chompton ('), Saint-Bénigne a aussi son porche,
mais fort modeste ; elle a deux tours élégantes
une flèche à la croisée si bien refaite par M.
Suisse (^), des combles richement décorés de
tuiles émaillées polychromes; de vastes nefs dont
les murs intérieurs ont été l'objet d'énormes
remaniements (que d'aucuns considèrent comme
peu justifiés), une crypte vénérable, une des plus
vastes connues, qui rappelle l'ordonnance circu-
Église de St-Bénigne à Dijon. — Façade.
laire du St-Sépulcre,base d'une ancienne rotonde
à triple étage bâtie au début du XI^ siècle. L'é-
glise fut rebâtie au XIII<= siècle. L'aspect inté-
rieur de sa triple nef, transfigurée par les restau-
rations de M. Suisse (3), est simple et noble; trois
absides s'ouvrent autour du chœur, l'une pro-
fonde et carrée ; les piles sont en faisceaux de
colonnettes. Ici les fenêtres sont à meneaux. Nous
remarquons dans la nef des constructions provi-
soires sous les grandes arches, qui constituent
des cintrages en maçonnerie. La vignette ci-contre
reproduit un plan de l'église levé en 1791,
d'après une des belles planches de l'ouvrage du
chanoine Chom[)ton.
Saint-Miclul offre une façade fort remarquable
comme spécimen de la première Renaissance et
1. V. Revue de l' Art chrélien, année 1896, p. 357.
2. V. Ibid., année 1901, p. 429.
3. V. Ibid., année 1893, p. 175.
CraîjaujT Des Sociétés ôa'oantts.
65
un triple portail profond, dont les sculptures, at-
tribuées à Hugues Sanbin (d'antres en font lion-
heur à Dominique Florentin) sont singulièrement
décoratives et larges de manière. Les caissons
des voûtes, habités par des anges, sont d'une
magistrale allure.
Du fastueux palais du duc de Bourgogne sub-
sistent seules la cuisine et la salledesGardes. — La
première, construite dans la première moitié du
XV<" siècle, est un monument du genre culinaire,
sinon pantagruélique, comme le considère Viol-
let-le-Duc. Au point de vue architectural, nous
remarquerons la belle disposition de cet atelier
des comestibles,à plan carré, couvert d'une grande
voûte en arc de cloître. Ce genre de voûte, si peu
employé au moyen âge, était néanmoins bien
connu toutefois des constructeurs de ce temps,
avec sa propriété de s'ouvrir aisément par le
sommet, propriété qu'ils ont si bien utilisée pour
conduire les vapeurs de la cuisine vers leur
exutoire. Au pourtour de la voûte, sur trois
côtés, étaient rangés les fourneaux sous six vastes
manteaux de cheminées, tandis que la lumière
du jour était abondamment déversée par les
fenêtres percées sur le quatrième côté.
La salle des Gardes a conservé sa cheminée et
son plafond en bois du XV» siècle, portant sur de
jolies consoles armoriées.
En dehors de ces constructions et de la Tour
du Barr, tout l'ancien palais a été reconstruit de
1682 à 1686. Les nouveaux bâtiments sont oc-
cupés par le musée, qui est un des plus beaux de
France.
C'est avec un plaisir particulier mêlé d'une
pointe de fierté nationale, que nous avons con-
templé, dans la salle des Gardes, le célèbre tom-
beau de Philippe le Hardi, par Claus Sluter, celui
de Jean sans Peur et de Marguerite de Bavière
par Jean de la Huerta et Antoine le Moiturier,
le fameux retable exécuté, en 1391, par Jacques
de Baerze pour les Chartreux, les volets peints par
Melchior Broederlam, et d'autres morceaux d'art
qui chantent la gloire de l'art flamand.
L'excursion de Bourgogne s'est terminée par
une visite à la Chartreuse de Champnol, fondée
sous le vocable de la Ste-Trinité par Philippe-le-
Hardi, à son beau portail où règne anticipati-
vement un souffle de Renaissance et à cet éton-
nant «puits de Moïse », actuellement renfermé
dans une espèce de volière. Nous n'avons pas
l'intention d'entamer ici une dissertation sur les
chefs-d'œuvre de l'art flamand-bourguignon. Les
Monjet (■), les Dehaisues (2), les Courajod (3), les
1. Cyprien Monjet, Histoirt de la Chartreuse de Champnol.
2. Mgr Dehaisnes, Histoire de l'Art en Flandre, etc.
3. Courajod, Catalogue dn Trocadero, elc.
ont savamment étudiés sans avoir apparemment
dit le dernier mot sur son compte.
La séance finale a été honorée d'un discours de
notre cicérone dijonnais. M. Chabeuf nous a
rappelé gracieusement les riches Flandres d'au-
trefois, avec leurs grandes cités affranchies et
industrieuses, et la Bourgogne encore féodale et
rurale, dont les villes les plus peuplées n'avaient
pas 15.000 âmes. Puis, parlant des monuments
locaux et de leurs anciennes splendeurs, il a
déploré l'extermination sauvage de l'imagerie du
porche Notre-Dame de Dijon, la destruction
absolue de la Sainte-Chapelle ducale et de la
rotonde de Saint-Bénigne, ainsi que de la for-
teresse de Louis XI ; il a évoqué, de ses sou-
venirs personnels le Dijon d'il y a 60 ans, si
pittoresque et encore si médiéval.
Parlant de la cathédrale d'Auxerre,il a rappelé
le curieux triforium qui, comme à Saint-Just
de Narbonne, contourne les piles au dehors, la
chapelle de la Vierge € dont l'immobilité gracile
est un miracle de la science médiévale », et ces
tètes vivantes et stylisées qui s'échappent de la
pierre au départ des arcatures. Nous sommes ici
au point de rencontre des styles de l'Ile de
France, de la Champagne et de la Bourgogne.
La Madeleine de Vézelay,elle, est pleinement
bourguignonne. Sa restauration où, « dans l'har-
monie souveraine des choses qui ont vieilli ensem-
ble, se juxtapose l'architecture de trois grands
siècles », est l'œuvre de début, non la meilleure de
Viollet-le-Duc.
A Avallon, à Semur, on est au cœur de la
vieille Bourgogne ; M. Chabeuf parle en poète de
ce pays enchanté, et en archéologue de ses églises
si curieuses. Il signale l'Hôtel-Dieu de Beaune,
un monument transplanté tout brandi de Flandre
en Bourgogne, et il développe en termes aimables
ce thème flatteur pour les Belges qui l'écoutent.
Nous devons ici lui laisser la parole :
« Aucune surprise pour vous, n'est-il pas vrai,
dans tout ce flamand au loin rencontré; vous sa-
viez que pendant l'union dynastique des Flandres
et de la Bourgogne celle-ci n'a été, au point de
vue des arts, qu'une colonie de l'empire flamand
de ses princes. C'est chez vous que Philippe le
Hardi était allé chercher Claus Sluter, le plus
grand imagier decette période suprême du moyen
âge ; vous avez admiré ses Prophètes qui ,dans
leur personnalité aiguë, égalent ce que faisait de
plus beau l'Italie contemporaine, contemplé au
musée les retables ciselés dans le bois comme
dans un métal ductile, par Jacques dcBaerze.et les
peintures naïves, familières dont on les a revêtus
à l'extérieur Melchior Broederlam. A Claus Sluter
succède son neveu Claus deWerve; à Broederlam,
Jehan de Beaumetz, Jehan Malwel, Henry
KEVUK DU L AKT CHKSTIEN.
1904. — l"= LIVRAISON.
6ô
î^ebur tic T^rt cbrétten.
Bellechose, un Flamand encore, malgré son nom
français ; enfin quel est à Dijon le peintre titré
de PhiHppe le Bon ? Encore un Flamand, Guil-
laume Spicker, l'auteur probable des vitraux qui
remplissaient le fenestrage absidal de Saint-Jean,
œuvre magnifique admirée même au temps où
l'on méconnaissait le plus l'art du moyen âge,
et où l'on voyait représentés les trois premiers
ducs de Bourgogne avec leurs duchesses et le
comte de Charolais, le futurCharles le Téméraire,
ayant chacun son saint patron debout derrière lui.
» Il en est de même ailleurs ; André Beauneveu
n'a-t-il pas été l'imagier en titre de Charles V et
n'est-ce pas à Jean de Cambrai que l'on doit
le tombeau de Jean, duc de Berry ?
» Je sais, il y en a eu d'autres, et n'étaient des
Flamands ni Jacques Morel, l'auteur du tombeau
des Bourbons à Souvigny, ni son neveu Antoine
le Moiturier qui achèvera celui de Jean sans Peur
laissé en plan par cet Aragonais bohème et capi-
taine, Jehan de la HuertaPMais qu'ont-ils fait tous
les trois,sinon du bourguignon et qu'était-ce alors,
sinon du flamand ?
» C'est qu'il se produisait alors une évolution
semblable à celle qui, dans l'antiquité grecque,
a fait succéder à l'idéalisme abstrait de Phidias
et de Praxitèle, l'art de Lysippe, c'est-à-dire,
celui de la vie individuelle et du portrait.
Certes le réel n'était pas absent des églises du
XII I<= siècle, il y fourmille au contraire, et aux
seconds plans du décor imagé, la bouffonnerie
énorme du moyen âge se donne ample carrière en
figures se tordant, grimaçantes et vaincues sous
les grandes statues sereines ; en gargouilles chi-
mériques, construites cependant selon toutes les
lois de l'animalité et de la vie ; en têtes qui,
comme à Notre-Dame de Dijon, sont des portraits
un peu tournés en caricatures, mais toujours pos-
sibles, se montrant inattendues dans les plis les
plus cachés de la structure; c'est le cortège popu-
laire tumultueux de l'imagerie sacrée. Mais elle
demeure, elle, idéale et grave. Eh bien, l'apport
des Flandres sera précisément une conception
autre, non pas plus vraie mais plus réelle, plus
familière, moins distante de la vie supérieure,
et l'art se vouera désormais à exprimer cette
pensée non plus typique, mais personnelle avec
sa variété infinie et sa complication grandissante.
Et dans les Prophètes de la Chartreuse, puis dans
les moinillons des tombeaux, l'imagerie de l'âge
nouveau atteindra du premier bond à la perfec-
tion, autant dire qu'il sera égalé, pas souvent,
à vrai dire, dépassé jamais.
» Ainsi, malgré les frontières tracées par la
nature.les races et la politique, s'affirment l'unité
la solidarité des esprits, le besoin que, comme les
individus, ont les unes des autres les grandes
familles humaines. Et à la même heure, avec
un peu d'avance, l'Italie entrait, elle aussi, dans
la voie de la vérité moderne. C'est que la vie,
c'est le renouvellement, et il y a ainsi dans
l'histoire des idées certains faits généraux pro-
duits d'une loi mj'stérieuse comme de parallé-
lismes, s'exerçant sous une influence supérieure
et plus qu'humaine, qui, à la fois et s'ignorant,
sur les points les plus éloignés de l'espace
civilisé. Mais pour quelque temps l'Italie nous
est une terre inconnue; il n'y aura bientôt pour
notre voisine qu'une trop belle revanche, et au
temps prochain où elle visera à créer des choses
non plus vraies mais seulement belles ou crues
telles, l'Italie nous envahira des Alpes et de la Mé-
diterranée à la mer du Nord, pour abolir nos plus
précieuses qualités natives et étendre sur toutes
les œuvres comme sur tous les esprits, le niveau
égalitaire de la banalité déclamatoire et apprise.
Et il y en aura pour des siècles. Mais au XV'=
l'invasion bienfaisante vient du Nord et votre
art savoureux, naïf, vraiment chrétien fait les
délices de l'Italie. Florence si raffinée, et à demi
païenne déjà, sait reconnaître dans les peintres
flamands les (rères des siens, de Masaccio, de
Benozzo Gozzoli, de Gentile da Fabriano, des
Lippi, de Ghirlandajo, peut-être même de Fra
Angelico,ce miracle sans précédent ni successeur
de l'art chrétien. »
M. Chabeuf n'a pas oublié la Revue de l'Art
chrétien, qui le compte parmi ses plus vaillants
collaborateurs.
« Nous, dit-il, qui avons l'honneur de marcher
sous la bannière de la Revue de l' Art chrétien,
nous n'oublierons pas que nous avons une fois
de plus à combattre le bon combat, que nous
.sommes pour quelque chose dans ce mouvement
irrésistible d'opinion, qui, pour une fois, grande
merveille ! a fait reculer les Vandales ». Ces der-
nières paroles font allusion à l'abandon du sau-
vage projet qu'<jn a connu naguèrede transformer
en marché l'hôpital de Tonnerre.
L. Cloquet.
^^^ .^ ^ ^ ^ ^, ^. ^. ^. :^ .^ .^ :^ :^.V^ .^^ :^ ^ j^^^^^^^^^L^
%i;^i^i;^i;^i;^^;^i;^?^;^WiWWWWWWWWWWWW^W^
LE BIENHEUREUX JEAN DE VERCEIL,
SIXIÈME GÉNÉRAL DE L'ORDRE DES
FRÈRES PRÊCHEURS, par Marguerite de Wa-
RESQUiEL. — In-i2, 228 pp. Orné d'un portrait et de
plusieurs gravures, représentant le plan général et une
vue du Couvent de Verceil restauré; une élévation du
tombeau de S. Dominique, etc. Létilleux, éditeur,
Paris, et Bar-le-Duc, Collot, 1903.
?^^^^^^E livre fait suite à ia monographie
^ de Humbert de Romans, du même
^ auteur et dont nous avons rendu
s: compte lorsqu'elle a paru (') et se
îit^SîîS^^*^ distingue par les mêmes qualités qui
recommandent cette première étude. Madame
Marguerite de Waresquiel a prisa tâche de faire
revivre successivement les figures, un peu oubliées
aujourd'hui, de ces religieux pourtant si remar-
quables qui, au XIII<= siècle, ont donné une si
grande importance et un si large développement
aux deux grands Ordres mendiants, notamment,
à celui des Dominicains. Si elle laisse dans leur
auréole des célébrités de première notoriété, les
Dominique, les .Albert le Grand, les Thomas
d'Aquin, elle se plaît à mettre en lumière des
figures encore hautement intéressantes qui ont
peut-être travaillé avec autant d'ardeur et de
succès à la diffusion de l'Ordre que les hommes
célèbres dont je viens de rappeler les noms, ont
contribué à sa gloire. L'histoire du sixième
général des Frères Prêcheurs, comme celle de
son prédécesseur, initie bien le lecteur à la vie la-
borieuse, féconde, et pourtant pleine de difficul-
tés des religieux de cet Ordre devenu en si peu de
temps une puissance dans la chrétienté. L'auteur
semble à cet égard s'être bien documenté : on
voit à l'aisance avec laquelle elle se meut dans un
sujet qui réclame de nombreuses recherches et
une grande lecture, qu'elle a suivi de longue
main la vie de ces hommes austères, à la foi si
ferme, et si énergiques dans la volonté de faire le
bien. C'est en les étudiant qu'elle s'est vraiment
éprise du sujet de son livre, au point qu'elle a
pu écrire dès la première page : « En suivant le
cours des âges, nulle époque n'est plus attrayante
que le X II I^ siècle, époque troublée, confuse,
pleine d'étranges contrastes, mais féconde en
héros et en saints. »
Or, des hommes comme Humbert de Romans
et Jean de Verceil sont des héros et des saints
dont il importe de mettre en lumière et, si pos-
sible, de rendre populaire la généreuse existence.
I. Ktviie de t Art chrétien. Année 1891, p. 526.
L'auteur tient d'ailleurs, à rappeler que la vie
de Jean de Verceil vient d'être publiée en italien
par le R. Père Pie Mothon, et qu'elle n'eût pas
tenté une monographie française si lui-même
n'en avait manifesté le désir. Madatne de Wares-
quiel ajoute : « Cette monographie n'est donc
pas le fruit de nos recherches personnelles, ni
d'un patient labeijr, et il nous est doux de recon-
naître que la plupart des documents ont été
empruntés à l'œuvre du R. Père Mothon, c'est à
dire d'un historien aussi compétent qu'impartial
et absolument sincère. »
J'ai le regret de ne pas connaître l'ouvrage que
!\I™s de Waresquiel recommande avec tant de
chaleur, ni de savoir dans quelle mesure il a été
utilisé dans l'ouvrage français, mais je crois en-
trer dans l'esprit de l'auteur de celui-ci en trans-
crivant des lignes peut-être entachées d'une
modestie excessive.
Si le ressort intime de la vie de Jean de Verceil
est le même que celui de son prédécesseur immé-
diat dans le généralat de rOrdre,rexistence de ces
deux hommes, les difficultés et les contradictions
contre lesquelles ils ont eu à lutter, sont de na-
ture très différentes. Humbert de Romans a
trouvé au sein de l'Église, dans les intrigues des
professeurs de l'Université de Paris, et dans la
papauté même de redoutables antagonistes, qui,
à certain moment, ont mis en péril l'existence
même de l'Ordre de S. Dominique. Sous le
généralat de Jean de Verceil, il n'en est plus
de même. L'Ordre des Frères Prêcheurs a pris
rapidement une extension considérable ; il est
établi par la multiplicité de ses couvents dans
la chrétienté sur des bases solides, et ce sont ses
religieux qui sont appelés au siège pontifical.
Jean de Verceil lui-même échappe avec quel-
que difficulté à ce redoutable honneur.
Mais la puissante extension de l'Ordre et
la multiplicité de ces maisons désormais épar-
pillées dans toutes les régions du monde catholi-
que, sont un danger qui menace la pureté de sa
doctrine et l'unité de ses constitutions.
L'extension et l'influence de la famille Domi-
nicaine, est la source de tentations dangereuses,
pour l'humilité du religieux mendiant, souvent
sollicité à intervenir dansje domaine de la poli-
tique où les plus grands États sont en lutte.
C'est ainsi que Jean de Verceil est chargé par
Urbain IV d'organiser la croisade à laquelle
saint Louis prendra part, et souvent on aura
recours à son entremise dans les affaires les plus
considérables.
68
3Rr\)ue ïir T^rt chrétien*
Aussi la vie de ce moine mendiant offre un
spectacle étrange. Le repos en est exclu, et on le
voit parcourant l'Europe dans tous les sens,
allant d'un Cliapitre de l'Ordre à l'autre, d'un
couvent à un autre couvent, cheminant, en com-
pagnie d'un frère, toujours à pied, sans un sou
vaillant, mendiant l'hospitalité d'un pauvre gîte
quand il ne peut atteindre un couvent domini-
cain, conformément aux prescriptions, et obéis-
sant même dans ses plus fatigants voyages aux
austérités prescrites les plus sévères.
Le livre qui raconte cette vie est écrit d'une
plume alerte, aimable et facile qui permet d'en
recommander la lecture particulièrement en
France, où tant de bons esprits ont besoin de
chercher dans les souvenirs du passé, l'oubli des
douleurs de l'heure actuelle.
J. H.
DIE PUNZIERtJNG IN MÀHREN, GLEIGH-
ZEITIG EIN BEITRAG ZUR GESCHICHTE
DER GOLDSCHMI EDEKUNST, von Cari SCHIERK.
LES POINÇONNAGES ET LES MARQUES
D'ORFÈVRES EN MORAVIE, EN MÊME
TEMPS UNE CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
DE L'ORFÈVRERIE, par Cari. ScHiERK, avec
i6 reproductions et 70 marques. Brunn, édité par
l'auteur, 1902. Grand in-4° 176 pp.
L'auteur de cette publication est le gardien de
l'important musée de Brunn, capitale de la Mora-
vie où s'est développé un centre très actif d'étude
et de propagande d'art décoratif Une Revue,
très bien rédigée, y paraît sous le titre de Mit-
ilieiluns:en des Màrerisclien Gei<.'eibe Mitseuiiis :
elle est dirigée, comme le musée lui-même, par
M. Julius Leisciiing, et la plupart des articles
qui y paraissent sur les arts industriels et déco-
ratifs, portent la marque d'une réelle compétence
et d'études très sérieusement poursuivies. Ils ont
le mérite de nous initier aux travaux d'un foyer
d'art sur lequel nous espérons pouvoir donner
un jour des informations plus étendues.
L'étude dont le titre se trouve en tête de ces
lignes est le fruit d'un travail persévérant. On
doit à M. Cari. Schierk une série de recherches
sur l'histoire de l'Orfèvrerie dans la région qui
embrasse toute l'étendue de la Moravie, et ses
efforts n'ont cessé de préparer un travail d'en-
semble sur la matière. Le volume qu'il publie
est le résultat de ces recherches. Cependant il
assure que celles-ci ne sont pas encore parvenues
à le satisfaire, et que pour établir la valeur des
maîtres orfèvres dont il s'occupe, le nombre de
leurs travaux connus et des documents qui s'y
rapportent, est encore trop restreint. Il convient
donc de poursuivre les investigations à cet égard
et de réunir autant que possible les données
acquises.
Le volume qu'il publie a déjà une valeur
très réelle, et peut servir de point de départ
à de nouvelles recherches qui aboutiront à une
synthèse historique de l'art de l'orfèvrerie en
Moravie et en Bohême. Mais, au point de vue
de l'auteur ce but ne peut être atteint qu'au
moyen de témoignages certains, irrécusables tels
que les marques et poinçons d'orfèvres dont les
travaux sont ainsi identifiés, et des documents
d'archives.
C'est sur ces bases solides, mais qui réclament
une grande somme de temps et de peines, que
l'auteur a établi son travail : celui-ci est divisé
en deux parties.
La première partie contient tout ce que les
actes publics et les documents de toute nature
ont consigné concernant les poinçons et les mar-
ques d'orfèvres; l'on y trouve en même temps
un grand nombre de dates et de faits concernant
les maîtres orfèvres et leurs travaux. Ces infor-
mations augmentent dans une notable mesure
ce que l'on connaissait du développement de
l'art de l'orfèvrerie en Moravie. On y trouve, no-
tamment, les renseignements intéressants que
l'auteur a recueillis sur l'exécution des travaux
en filigrane, dont les ateliers avaient principale-
ment leur siège dans les villes de Butschowitz,
Kraemsin, Nicolsburg et Olmutz.
La seconde partie contient principalement des
documents et pièces justificatives à consulter.
Elle donne un tableau des marques et des poin-
çons d'orfèvres et des prescriptions concernant
les corporations, classés par localités et confirmés
soit par des sources d'informations secondaires
ou des travaux exécutés. Les documents cités
dans cette seconde partie commencent à la vérité
par une ordonnance de l'empereur Léopold I^"^,
datée de l'année 1699, mais dans la première par-
tie il est question de pièces remontant beaucoup
plus haut.
Au nombre des documents reproduits il s'en
trouve de très intéressants : notamment ceux
qui, encore au XVIII'^ siècle, règlent les con-
ditions dans lesquelles les Juifs peuvent être
autorisés à exercer la profession d'orfèvre et le
commerce d'or et d'argent : ces règlements ex-
priment sans ambage la crainte des fraudes et des
duperies que l'on redoutait de leur part. Les Juifs
devaient, dans certaines régions, non seulement
être pourvus d'une autorisation spéciale, mais
encore être munis d'un passe-port du directeur
de la Monnaie, lequel devait être renouvelé tous
les ans.
Le livre est établi avec un soin et un ordre
dans les divisions qui font honneur à l'auteur. Les
Btbïiograplîte.
69
poinçons et marques sont gravés avec une netteté
qui ne laisse rien à désirer. Au nombre des gra-
vures dans le texte représentant des œuvres
d'orfèvrerie provenant d'ateliers du pays, il con-
vient de signaler deux ostensoirs dont l'un est
daté de 1473, et un autre, sans date, qui ap-
partient à la même époque. Ces monstrances
élégantes dans le dessin d'ensemble paraissent
d'une bonne exécution, mais n'accusent pas un
style particulier, régional.
La publication de M. Cari Schierk doit être
regardée comme une contribution de valeur ap-
portée à l'histoire des arts industriels de l'empire
Autrichien.
J- H.
L'HABITATION BYZANTINE, par le général
H. de Beylié. — In-folio. Leroux, Paris et Grenoble,
1902.
MONSIEUR le général H. de Beylié a
publié, l'an dernier, chez M. Ernest Le-
roux, à Paris, et chez MM. Falque et Perrin, à
Grenoble, « L'Habitation byzantine, — recherches
sur l'architecture civile des Byzantins et son
influence en Europe ». L'ouvrage est dédié à
M. Gabriel Millet, maître de conférences à l'École
des hautes études, qui a aidé l'auteur de ses
conseils et de ses services.
Dans la préface, M. de Beylié dit que son but
a été surtout d'attirer l'attention du public qui
s'intéresse aux choses de l'art sur une question
archéologique encore imparfaitement connue :
l'habitation byzantine dont les monuments sont
plus rares et moins étudiés que les édifices
religieux et militaires. L'auteur donne ensuite
ses sources. Ce sont d'abord les monuments :
maisons de la Syrie centrale empruntées à M. le
comte de VogUé ; — à Constantinople les ruines
de Tekfour sérail ; — une grande maison seigneu-
riale de Melnic, etc. ; viennent ensuite les rensei-
gnements fournis par les fonds architecturaux
des mosaïques byzantines de Ravenne, etc..
et les miniatures des manuscrits byzantins des
grandes bibliothèques d'Europe, surtout le ma-
nuscrit illustré de Skylikzès, de Madrid, dont
M. Millet a entrepris la publication intégrale aux
frais du général. Ce manuscrit compte 575 mi-
niatures ; l'auteur en reproduit beaucoup. Il cite
encore les bas-reliefs de l'obélisque de Théodose,
la châsse en ivoire de Trêves, les sarcophages et
les ouvrages d'architecture et d'histoire les plus
importants. Il y a encore bien des monuments à
étudier à Venise, dans le Sud de l'Italie, la
Grèce, l'Istrie, la Dalmatie et Constantinople.
« Cela constituera peut-être notre tâche future.»
Après la préface vient l'avant-propos, que
l'auteur intitule « l'Architecture byzantine: ses
caractères généraux ». L'art byzantin, qui nous
apparaît surtout comme un art chrétien, par la
prépondérance que lui assure sur l'art païen le
christianisme s'établissant à Constantinople dès
son avènement au pouvoir et par les caractères
définitifs qu'il reçut à la suite de la création du
type de Ste-Sophie au VI'' siècle, l'art byzantin
ne fut pas autre chose jusqu'à cette époque que
l'art romain d'Orient, mis en honneur par les em-
pereurs des dynasties syriennes et illyriennes.
C'est dire ses relations avec les architectures
grecque, romaine et persane. Cette parenté est
prouvée pour l'art religieux que l'architecture
civile imite évidemment de très près ; certains
auteurs prétendent même que l'art byzantin étant
essentiellement religieux, les caractères architec-
turaux des édifices consacrés au culte se retrou-
vèrent tous dans l'habitation byzantine et qu'il
suffit de connaître ceux-là pour avoir une idée
exacte de celle-ci : ils se croient le droit de sup-
pléer par cette affirmation à la disette des mo-
numents. Notre auteur pense que ce principe,
vrai dans ses grandes lignes, est peut-être insuf-
fisant comme renseignement et que le problème
n'est pas résolu. Il espère non pas le résoudre (il
se dit trop pauvre en documents pour donner
une idée complète de la maison byzantine à
l'intérieur et à l'extérieur et montrer tous ses
points de contact avec la vieille tradition gréco-
romaine et orientale), mais il croit pouvoir dé-
blayer un peu la voie à suivre. Dans sa modestie
et ses exigences de vrai savant, il pense que pres-
que rien n'est fait tant qu'il reste quelque chose
à faire. Beaucoup trouveront sans doute qu'il a
donné plus qu'il ne promettait.
L'ouvrage est divisé en cinq parties.
La première est consacrée à l'habitation ro-
maine jusqu'aux premières années du I V« siècle.
« L'auteur a l'occasion d'y réformer les idées trop
exclusives du monde, même lettré, sur la maison
romaine ». Cette partie se recommande donc à
tous ceux qui veulent connaître l'ancienne Rome.
La deuxième étudie « L'habitation byzantine
du IV<= siècle aux premières années du VI<^. »
La troisième est intitulée « Byzance et l'habi-
tation byzantine du VI'= au XV* siècle.»
La quatrième traite « Des palais byzantins en
dehors de la Grèce. »
La cinquième a pour titre « La décoration et
le mobilier. » Après quoi vient la « Conclusion. »
La maîtresse pièce de la première partie qui,
en trois chapitres, traite des maisons de rap-
port ; — de la maison patricienne ou hôtel par-
ticulier ; — et des palais ; — est le palais de
Dioclétien à Spalato. Ce palais ou château, d'im-
mense intérêt pour l'archéologue, est le monu-
ment le plus complet encore existant de la déca-
70
3Rcl)uc lie riart chrétien.
dence romaine et du style nouveau, qui, modifié
petit à petit par les architectes chrétiens, devint
plus tard le style dit byzantin. Il dut servir de
modèle à Constantin pour le palais impérial de
Byzance et faisait encore six siècles plus tard
l'admiration du PorphjTOgénète. Ce n'est point
seulement par ses arcades sur colonnes sans l'in-
termédiaire d'une imposte, ni par les mosaïques
de ses voûtes, mais par son plan même que le pa-
lais de Spalato intéresse l'histoire de l'habitation
orientale. — Dix plans ou coupes empruntés à
Adam (Londres, 1762) et huit vues photographi-
ques, dues à M. Millet et autres, donnent l'état
actuel de ce monument.
^=sr^M-, r'^^„
La deuxième partie comprend deux chapitres.
Dans le premier, « Byzance et la maison romai-
ne » l'auteur nous rappelle que cette ville fut
transformée par Constantin de 426 à 430 et
que ce fut très probablement Rome qui fournit le
modèle pour la maison patricienne et pour les
édifices publics. Beaucoup de ces constructions
furent détruites par des tremblements de terre et
des incendies et les architectes pour les rebâtir
firent certainement des emprunts à la maison
syrienne ; en effet le personnel des bâtisseurs se
recrutaitsurtout en Syrie, et il s'agissait de gagner
de l'espace pour une population orientale qui
affluait attirée par les privilèges impériaux ; or
El-Rabah (V^- siècle), (d'après de Vogiié).
l'habitation syrienne, avec sa logette ou balcon
couvert s'avançant sur la rue répondait parfaite-
ment à cette nécessité. Aussi l'auteur conclut-il
avec raison que « les maisons romaines fourni-
rent l'ossature et les points saillants de la nou-
velle capitale, mais qu'on rencontrait derrière les
portiques des rues principales dans le dédale des
rues populaires de très nombreuses habitations
conçues dans le style de la maison syrienne ». Il
arrive ainsi au chapitre deuxième consacré à la
maison de la Syrie centrale. L'habitation syrien-
ne, qui dérive de l'égyptienne, comprenait un ou
plusieurs corps de bâtiments à deux ou trois
étages, avec galeries extérieures, disposées autour
d'une cour centrale. Cette disposition se retrouve
dans le palais de Dioclétien à Spalato et dans
les monastères d'Orient. Le général de Beylié
donne, d'après M. de Vogiié, les types les plus
intéressants des maisons urbaine et rurale; les
portiques qui garnissaient les rues des villes ; les
hôtelleries, le monastère de St-Siméon Stylite,
dont il rapproche, pour faire sentir l'influence
syrienne, celui de Daphni près d'Athènes. Tout
en décrivant et racontant, il compare avec les
édifices de Coiistaiitinople et montre, avec autant
de sagacité que de réserve, sous des modifications
imposées par la nécessité et dont le génie sut
faire des merveilles, comme la coupole sur pen-
dentifs, les emprunts faits à la Syrie par l'art
byzantin.
La troisième partie donne en cinq chapitres :
un aperçu général ; — des représentations de
BtbUograplîie.
71
villes ; — des groupes d'habitations ; — la struc-
ture des maisons ; — les palais.
Les iconoclastes, les croisés, qui pillèrent la
ville en 1204, les Turcs qui la ravagèrent en 1454
détruisirent une foule de monuments ; aussi l'au-
teur recourt-il aux textes, aux mosaïques et aux
miniatures pour représenter des villes et des
groupes d'habitations : fermes, hôtelleries et
châteaux. Il donne, d'après Barsky, le plus sou-
vent, la reproduction de plusieurs monastères du
Mont-Athos ; « les monastères sont précieux à
étudier, car il y avait de tout dans ces immen-
ses agglomérations de bâtiments: des hôtels par-
ticuliers, des couvents, des églises, des ateliers,
des groupes ruraux, etc. )) Le chapitre IV= traite
de la construction des maisons. Le plan des mai-
sons isolées, par exemple le caravansérail de
Salonique et la maison de Melnic (frontière
de Bulgarie et de Macédoine), nous donne
encore le type syrien. Viennent ensuite douze
pages de vignettes tirées du Ménologe du
Vatican (XI^ siècle) et autres manuscrits ou
reproductions de célèbres mosaïques. Ces des-
sins, classés d'après les analogies, nous don-
nent différents types de maisons, des péristyles,
des détails décoratifs. Enfin les dernières feuilles
de ce chapitre contiennent de nombreuses minia-
tures du Skylikzès, qui raconte l'histoire byzan-
tine depuis l'avènement de Michel Rhangabé
(811) jusque vers le milieu du XP siècle. On
distingue dans cet important manuscrit trois
manières principales : la première donne des
Monastère d Iviroo, au Mont-Athos (d'après une photographie de M. G. Millet).
architectures très intéressantes par leur caractère
de vérité, mais les monuments y sont en géné-
ral extrêmement simplifiés ; dans la seconde ma- !
nière, les architectures sont plus développées,
mais aussi plus conventionnelles ; dans la troi-
sième, elles présentent le même caractère, mais
avec plus de finesse dans l'exécution et des fonds
polychromes.
La description du palais des Blachernes et du
Boucoléon, avec leurs dépendances, occupe une
grande partie du chapitre cinquième. Il est illus-
tré de nombreuses vignettes empruntées au ma-
nuscrit de Skylikzès et de quelques fresques de
Ste-Sophie de Kiew. En terminant, l'auteur
parle des jardins de Constantinople, sur lesquels
on en est réduit aux conjectures. Ils devaient
être petits et réguliers ; mais en dehors de la
ville il y avait de grands parcs pour la chasse.
La quatrième partie, consacrée aux palais by-
zantins en dehors de la Grèce, a 3 chapitres :
Ravenne et le palais de Théodoric ;^ Venise et
ses palais byzantins ; — le Kremlin.
Les colonnes, les statues et les mosaïques du
palais de Théodoric. qui était une imitation de
celui de C. P., furent transportées à Aix-la-
Chapelle par Charlemagne ; aussi reste-t-il peu
de chose de ce monument; mais on peut voir la
porte extérieure et juger de sa façade principale
par la mosaïque de S. Apollinaire Nuovo. L'au-
teur dit quelques mots du mausolée de Théo-
doric et attire l'attention du lecteur sur les cam-
paniles et les fenêtres à arcades nettement byzan-
tins des églises de Ravenne.
« Venise fut tributaire de Byzance plus encore
sous le rapport des arts qu'au point de vue poli-
tique. » Les artistes qui s'y réfugièrent lors de la
persécution des Iconoclastes, et ceux qui y furent
appelés par les doges, entre autres Orseolo,
reconstruisirent S. Marc, bâtirent des églises et
des palais du IX^ au XI P siècle. Le caractère
72
WitWt tJC rSrt tf)rétien*
byzantin de ces monuments est évident ; mais
les architectes locaux firent des emprunts à l'art
copte et arabe et des modifications tenant à la
race, au climat et aux mœurs. Ces palais servirent
de modèle à ceux que les Vénitiens construi-
sirent pendant le moyen âge et la Renaissance.
M. de Beylié donne la représentation de plusieurs
de ces palais et de deux maisons de Cluny du
Xle ou XII* siècle. On peut ainsi constater que
nos habitations romanes présentent de singu-
lières analogies avec celles de Venise.
L'art russe est un mélange de l'art byzantin,
qui prédomine, et de l'art hindou ; mais l'in-
fluence byzantine fut limitée à la religion et à la
cour. L'auteur étudie trois édifices de ce style à
Moscou, le palais Anguleux et le Térem ou Bel-
védère situés l'un et l'autre dans le Kremlin et
la maison des Romanow. Le Térem fut construit
au XVII<^ siècle par des architectes russes; mais
l'extérieur du palais Anguleux et de la maison
des Romanow, bâties aux X\'" et XVI" siècles,
par des Milanais, a le caractère de la Renaissan-
ce italienne. L'intérieur est nettement byzantin,
sauf le mobilier qui est en style Louis XIII. A
part les portraits des souverains, les sujets sont
généralement religieux, comme à Constantino-
ple; bien plus ils sont souvent empruntés à l'his-
toire byzantine, par exemple, les gestes de Cons-
tantin et d'Hélène, la condamnation des Icono-
clastes. Ces palais nous fournissent le seul inté-
Palais de Théodoric à Ravenne (VI"; siècle). (Mosaïque de Saint- Apollin.iire (Nuovo).
rieur princier byzantin qui existe encore. La
description et les phottjgraphies de l'auteur per-
mettent de reconstituer dans des conditions
acceptables un appartement du palais impérial
de Byzance.
La cinquième et dernière partie traite en trois
chapitres ; — de la décoration polychrome ; —
des portes, — du mobilier.
M. le général de Beylié réunit et complète ici
les données éparses dans tout l'ouvrage sur la
décoration et le mobilier.
La décoration polychrome (mosaïques, incrus-
tations et placages, que les Byzantins héritèrent
des Alexandrins), passa tout naturellement de
l'intérieur et de l'extérieur de leurs maisons à la
basilique qui en dérive et aux églises. Les Russes
l'emploient encore sur leurs façades et leurs cou-
poles. — Dans ce chapitre l'auteur a beaucoup
emprunté pour le texte et les gravures à l'his-
toire de l'art depuis les temps chrétiens de
M. Gaston Millet.
Dans le chapitre deuxième, il s'agit des
luxueuses portes byzantines, quelquefois pleines,
le plus souvent seulement plaquées de métal,
incrustées et damasquinées.
Jusqu'au XI 1" s., le mobilier était semblable
dans ses formes générales à notre mobilier du
moyen âge, mais il était richement décoré
d'émaux et d'ivoires, au moins les lits, les sièges
en forme d'X et les fauteuils. Les coffres étaient
plus sobres d'ornements. Les armoires et les bi-
bliothèques étaient rares et modestes et rempla-
cées par des placards. Les objets précieux, les
effets étaient renfermés dans des gardes meubles
et n'étaient exhibés, comme font encore les
Chinois, que dans les grandes occasions: le bibe-
lot civil n'existait pas. C'était dans les étoffes, les
armes, la vaisselle, les lustres que se manifestait
le luxe. Ce chapitre contient de nombreux des-
sins et quelques belles mosaïques représentant
des meubles divers.
En trois pages, l'auteur donne sa conclusion,
Bibltûsrapl)te.
73
qui est déduite logiquement, clairement, sans
exagération ni parti-pris. Le résumé de cette
conclusion nous intéressera particulièrement,
nous Français ; «; En somme, la maison byzan-
tine, à en juger par les exemples que nous en
avons donnés, ne différait pas beaucoup, comme
extérieur tout au moins, de la maison moderne
du bassin de la Méditerranée. Un Français du
XX^ siècle, qui serait transporté subitement, par
une machination de féerie, dans la Byzance de
Nicéphore l'hocas serait certainement moins
étonné que ne l'ont été les pèlerins latins du
moyen âge lesquels, nous dit la chronique, res-
taientbouche bée etbras ballantsdevant les églises
à coupole et les palais aux beaux portiques et
aux larges fenêtres vitrées et aux terrasses à ba-
lustres si peu semblables aux massives construc-
tions seigneuriales de l'Europe.aux portes basses,
aux fenêtres étroites et menaçantes, aux salles
sombres et peu aérées. Notre Français se trou-
verait, avec un peu de bonne volonté, en pays
de connaissance. 1 1 reconnaîtrait, peut-être vague-
ment,dans le palais de la Chalci la façade de feu
le palais de l'Industrie ; dans les rares palais con-
stantiniens encore debout la Madeleine, la Bourse
et la chambre des députés ; dans les portiques de
la grande rue centrale de la Mésé, la rue de
Rivoli et les galeries du Palais-Royal ; dans les
caravansérails et les monastères non pas les
grands hôtels de Paris, mais les casernes aux
Mosaïque de Sainte-Sophie (< L'art byzantin », par Bavet.)
façades banales et aux multiples étages qui ont
abrité plus ou moins confortablement ses années
de service militaire. Seul l'Hippodrome l'étonne-
rait un peu, à moins qu'il n'ait vu les arènes de
Provence et d'Italie.
« Le parallèle est peut-être excessif et para-
doxal ; aussi ne le donnons-nous pas sans un
peu d'ironie, mais il a l'avantage de rendre tan-
gible une idée que nous avons souvent émise
dans le cours de cet ouvrage : c'est que dans son
apparence l'habitation byzantine différait moins
de nos maisons modernes qu'on ne le pense
généralement et que certaines histoires de l'ha-
bitation humaine, à commencer par celle de
Charles Garnier, tendraient à le faire croire.»
Ce livre, même pour un spécialiste, peut être
considéré comme un essai très important de syn-
thèse sur l'un des points les plus difficiles de la
civilisation et de l'art byzantins. Les matériaux
sont abondants, la littérature spéciale soigneuse-
ment consultée, de telle sorte que peu de chose
a échappé à l'auteur. Le souci de l'exactitude est
digne d'un vrai savant : ainsi le général de Beylié
nous avertit par une note que tel détail n'a pas
été bien rendu dans une vignette. En même
temps le désir de la perfection artistique le
porte à rectifier certains dessins, dont le modèle
est trop grossier ou trop primitif.
Un ouvrage de ce genre perdrait beaucoup
de sa valeur sans une méthode nettement tracée
et fidèlement suivie, sans un langage clair, pré-
cis, scientifique sans pédanterie, et même pit-
toresque, puisque souvent il faut décrire. Pour
éviter la monotonie et la sécheresse, il importe de
74
îRebue lie V^xt cJ)rétien.
savoir varier le style, faire ressortir un contraste,
amener un trait historique, tirer de l'œuvre
même quelqueanecdote intéressante,par exemple
du sujet représenté par une mosaïque. L'auteur
a satisfait pleinement à toutes ces difficiles con-
ditions.
L'exécution matérielle du travail ne laisse rien
à désirer. L'impression est très soignée et fait le
plus grand honneur à la maison Allier frères.
M. Le Jourdan mérite les mêmes éloges pour la
phototypie.
Une table des 400 illustrations, qui indique
en chiffres grecs les 99 planches hors texte, est
jointe à la table des matières.
Dom E. ROULIN.
LE DROIT D'ENTRÉK DANS LES MUSÉES,
par M. Henry Lapauze. — Paris, 1902, Société fran-
çaise d'imprimerie et de librairie, 15, rue de Cluny.
L'AUTEUR est partisan des entrées payan-
tes avec des jours gratuits et des cartes de
faveur libéralement distribuées.
Et il a bien raison.
Depuis vingt-huit ans le système fonctionne
légalement en Italie et a donné d'excellents
résultats : depuis une dizaine d'années, il est
de temps en temps préconisé en France.
Pour donner à l'opinion publique de France les
moyens de s'éclairer sur la question, M. Lapauze
a fait une enquête dans toute l'Europe.
Il nous apprend qu'il a accompli des voyages
répétés à l'étranger, qu'il a contrôlé ses propres
observations par les déclarations écrites des
directeurs des grands musées de l'Europe, décla-
rations obtenues au moyen de questionnaires
détaillés.
Je ne m'occupe que de l'Italie. Eh bien ! je
constate que l'enquête faite dans ce pays, soit par
M. Lapauze, en personne, soit par les question-
naires, est absolument insuffisante.
Et je le prouve.
L'auteur parcourt certaines villes d'Italie les
unes après les autres et consacre à chacune un
chapitre spécial.
A Rome, M. Lapauze a oublié la Galerie mo-
derne, qui correspond à l'idée qui a doniié nais-
sance au musée de Luxembourg à Paris.
Et, chose plus incompréhensible, l'auteur ne
dit mot de la Pinacothèque du Vatican.
En fait de musées pontificaux, il cite le musée
de Latran et le < Vatican. Tous les jours, de 10 h.
à j h. (excepté le dimanche). Entrée i fr. Le samedi
l'entrée est libre ».
Il est clair que la mention ne s'applique qu'au
musée de sculpture et à ses annexes, car l'accès
de la Pinacothèque est gratuit.
M. Lapauze a oublié également la Galerie de
l'Académie de Saint-Luc, et cependant il marque
les galeries particulières Barberini, Doria, Co-
lonna.
A la suite de ces galeries, l'auteur indique la
galerie Corsini.
Il ignore évidemment qu'en 1883 le prince
Tomaso Corsini a fait don à l'État des tableaux
réunis par ses ancêtres à la Longara ; depuis cette
époque l'État a joint aux tableaux de Corsini des
peintures provenant de Torlonia et du Mont-de-
Piété, et la galerie a été dénommée Galerie
nationale.
A Naples, c'est plus fort qu'à Rome, si c'est
possible.
A lire M. Lapauze, il n'y aurait dans cette cité
qu'un seul musée, le musée civique de Filangieri.
Par quelle incroyable distraction l'auteur a-t-il
pu oublier non seulement le musée secondaire de
San Martino mais le musée royal, un des plus
importants de l'Italie ?
Les omissions inexplicables que je viens de
citer suffiraient pour juger la valeur de l'enquête
de M. Lapauze, mais il faut aller plus loin.
L'auteur omet les collections royales de l'arme,
Modène, Lucquss, Palerme, Tarente, Syracuse ;
la galerie des armes de Turin et le musée de
San Marco, de Florence.
Je me suis tenu jusqu'à présent dans les
musées de l'État ; voyons maintenant les musées
et galeries civiques c'est-à-dire municipales.
M. Lapauze en nomme quelques-uns, mais il a
négligé Pérouse, Pise, Sienne, Vérone, etc., pour
ne citer que les plus importants parmi les cent
soixante que possède l'Italie.
Il n'a porté aucune attention non plus aux
musées spéciaux des églises, et cependant le
musée de l'Opéra du Dôme de Florence et celui
de la cathédrale de Sienne méritent qu'on s'y
arrête ; ils sont, ainsi que des musées civiques que
j'ai nommés, beaucoup plus importants que nom-
bre d'établissements mentionnés par l'auteur.
Le gouvernement italien a soumis à la taxe
diverses localités qui ne sont pas des musées pro-
prement dits.
Ce sont les excavations du Forum romain, du
Palatin, des Thermes de Caracalla, de Pompéi,
d'Herculanum, de Pœstum.
M. Lapauze n'en dit mot, pas plus que des
chapelles, réfectoires, salles capitulaires détachées
Bibltograplîie.
75
des églises et des couvents et soumis à la taxe
d'entrée tels par exemple que le réfectoire de
Santa Maria délie Grazie à Milan où se trouve la
Cène de Léonard de Vinci, et la chapelle des Mé-
dicis, dans l'église San Lorenzo à Florence, célè-
bre par les tombeaux sculptés par Michel- Ange.
Il me semble que lorsqu'on plaide la cause des
entrées payantes, il est utile de tenir compte des
recettes et de l'usage qui doit en être fait.
M. Lapauze a négligé ces détails, quoique
Pompéi donne de 45,000 à 50,000 francs par an,
et la chapelle des Médicis près de 12,000 francs.
L'auteur donne bien quelques indications sur
les recettes effectuées par l'État, mais ses indica-
tions sont incomplètes ; sur Rome, par exemple,
il est muet.
Ce qui paraît étrange, c'est qu'il ne se soit pas
inquiété de la somme totale encaissée annuelle-
ment par l'État dans l'ensemble des établisse-
ments soumis à la taxe.
Le chiffre cependant est un argument, puisqu'il
est de 500,000 francs, que tous les ans il est en
croissance et que vraisemblablement il sera cette
année au moins de 550,000 francs.
Je parle des recettes faites par le Trésor public
et non de celles des musées pontificaux et des
musées civiques, qui peuvent être évaluées à une
somme de près de 100,000 francs environ.
Je crois que M. Lapauze ne s'est pas bien rendu
compte de la loi italienne de 1875, sur les taxes
et l'usage qui peut en être fait.
En tout cas, il n'en parle pas.
Il y a cependant là une disposition remarqua-
ble et digne d'être signalée.
Les sommes encaissées par le Trésor, de ce
chef, ne peuvent en aucun cas, être employées à
des augmentations de traitement du personnel
des musées ni à des créations d'emplois nou-
veaux, elles sont exclusivement applicables aux
dépenses du matériel, et à l'acquisition d'oeuvres
d'art, en plus, bien entendu, des crédits habituels
Votés par le Parlement.
J'en ai dit assez, je crois, pour montrer que
l'enquête sur l'Italie faite par M. Lapauze ne
saurait être utilement consultée, lorsque la taxe
d'entrée dans les musées de l'État et dans les
établissements d'art de la France sera de nouveau
mise à l'ordie du jour du parlement.
A présent j'aborde une affaire qui m'est per-
sonnelle.
Depuis dix ans je demeure en Italie, j'ai
recueilli les renseignements nécessaires à la
publication d'un travail sur l'organisation des
Beaux-Arts en Italie : musées, enseignement,
conservation, etc.
Je ne me suis pas contenté d'envoyer des ques-
tionnaires, j'ai étudié avec attention les lois et les
règlements sur la matière et leurs applications.
Il n'y a pas de pays au monde qui possède une
plus grande quantité d'objets d'art et pas de pays
non plus où, en raison des divisions territoriales
de jadis, aujourd'hui heureusement disparues, il
n'a été fait plus de lois et de règlements.
Partisan résolu de la taxe d'entrée dans les
musées avec, bien entendu, des jours gratuits et
des cartes de faveur généreusement accordées,
j'ai commencé dès 1894 dans le journal Le Temps
et dans d'autres journaux de Paris, je ne puis
dire une campagne, mais une série d'articles pour
démontrer, par l'exemple de l'Italie, que la taxe
n'était nullement contraire aux principes démo-
cratiques et qu'elle avait eu pour la prospérité des
musées des effets très efficaces.
En lisant le livre de M. H. Lapauze, j'ai été
très étonné de voir que l'auteur avait, en une
douzaine de pages, reproduit mes articles du
Temps : il m'a nommé, il est vrai, et il a nommé
le journal.
Mais il ne s'était pas donné la peine de me
demander mon assentiment.
Ne connaissant rien aux lois françaises sur la
propriété littéraire et comme lorsqu'on vit à
l'étranger depuis dix ans on perd petit à petit ses
anciennes relations, j'ai eu recours à V Intermé-
diaire des chercheurs et des curieux et, dans le
numéro du 20 mars 1903 j'ai posé la question
suivante :
« Droit de reproduction. J'ai publié dans un journal
quotidien plusieurs articles sui un sujet spécial. Les arti-
cles étaient destinés à un livre que je prépare ; un écri-
vain a annexé mes articles à un de ses volumes sur le
même sujet. 11 m'a nommé et a nommé le journal, mais
il ne m'avait pas demandé l'autorisation préalable et même
il ne m'avait pas prévenu.
« A-t-il droit de s'emparer ainsi de mon texte.' »
Un auteur.
Le 30 avril, M. G. Rabaroust que je n'ai pas
l'honneur de connaître, a répondu ce qui suit :
< Dans l'espèce présentée aujourd'hui par l'intermé-
diaire qui se plaint d'avoir été pillé comme auteur je ne
vois apparaître aucun motif dexceplion a la rèj^le com-
mune, bien que le fait incriminé soit en quelque sorte
autorisé par l'usage.
« Le principe n'est pas douteux : toute sa vie l'auteur a le
droit exclusif de publier l'œuvre littéraire qu'il a créée,
article de journal ou autre. Lui seul a la faculté d'exploiter
son œuvre et d'eu disposer librement.
« Il a été maintes fois jugé que le fait de reproduire sans
autorisation, par la voie de la presse, des articles parus
dans un précédent journal, constituait pour le propriétaire
du journal reproducteur le délit de contrefaçon.
76
3Rebue ïjc V^vt tbrétten.
« Cr. T., sç oct, tSjo. D. t. Cr. Prop. Litt. z8çg.
Paris, 2^ novembre lSj6, ibid.
Trib. comin. de la Seine, 6 jatwier t8j8, ibid.
Rouen, ro et ij dt'cembre iSjç, ibid.
« ...alors même que ces articles auraient été reproduits
par d'autres journaux avec la permission de l'auteur et
même par un journal sans cette permission.
<,< Mime arrêt du ij décembre /Sjç.
« h fortiori, si c'est en dehors de la presse qu'est repro-
duit l'article.
G. Rab.-vroust. »
Si M. Henri LapauZE veut répondre à ma cri-
tique de son livre et à la consultation de M. G.
RabarouST, je prie M. le Directeur du journal
Les Beaux- Arts de lui ouvrir ses colonnes.
Florence, Juin 1903.
GERSrACH,
Administrateur honoraire de la
Manufacture des Gobelins.
P. S. — En décembre 1903, M. H. Lapauze
n'avait pa»; répondu à mon invitation.
MÉMOIRE SUR LES PRINCIPES DES PRO-
PORTIONS EN ART, par MM. Jaminé et Peeters.
— (Ann. du Coni^^ns archéolos:^ique de Tongres en içoi ).
LA question des tracés eurythmiques dans
les monuments anciens et en particulier
dans ceux du moyen âge, est vieille de plus d'un
demi-siècle. J'en ai rappelé les précédents et fait
connaître les plus récentes investigations, no-
tamment dans la Revue de l'Art chrétien (année
1900, p. 340), dans mon mémoire sur les Piincipes
du Beau en architecture (') et dans mon Traite
d'Architecture (t. V). Je rappellerai encore que
feu Aurès a laissé là-dessus foute une collection
de savantes études {-), que V. Heszelman, suivi
par Albert Lenoir, a été le principal vulgarisateur
des lois eurythmiques, reprises plus tard par
Viollet-le-Duc; il faut citer encore à ce sujet les
études de MM. Babin et Faure (3) et spéciale-
ment les toutes récentes découvertes de M. Lam-
perez, que nous avons exposées ici même (''),
Il s'agit de divers tracés canoniques, appliqués
surtout à l'élévation des églises gothiques, et en
outre, des règles traditionnelles pour le tracé de
leur plan, tracées en 168 1 par l'architecte Simon
Garcia de Salamanque {=>).
Un rappel de toutes ces sources eût avanta-
geusement figuré en tête de l'intéressant inémoire
présenté au Congrès archéologique tenu à Ton-
gres en 1901 par M. Jaminé (6). Il a pour sujet la
réponse à cette question,que se pose l'auteur à lui-
1. Bruges, Desclée. De Brouwer et C'=, 1900.
2. V. Revue de 1^ Art chrétien, loc. cit.
3. \^ Ibid.
4. V. thid. . 1902, p. 344.
5. V. IHd., 1900, p. 341.
6. L'auteur semble (p. 4) méconnaître ces nombreu.'c travaux.
même : Les principes des proportions de majeures et
mineures proportionnelles ont- ils été d'application
constante pendant le moyen â<^e dans l'art de l'ar-
chitecte, du sculpteur et du peintre ?
Cet énoncé paraîtra énigmatique à beaucoup
de lecteurs; il aurait peut-être été préférable de
se demander si les artistes médiévaux se sont
servis d'échelles eurythmiques basées sur la pro-
gression géométrique et sur l'application de
triangles dits Égyptiens. L'explication donnée
par des exeinples numériques, de la formule pré-
citée, ne sert guère qu'à embrouiller les idées; du
moins nous avouons n'avoir pas réussi à y voir
bien clair.
Néanmoins il résulte du très curieux travail de
M. Jaminé une confirmation de ce qui était pour
nous déjà une conviction morale, à savoir, que
dans certaines limites, que j'ai précisées ailleurs,
les règles eurythmiques en question ont été d'un
usage fréquent et sont d'une application des
plus rationnelles.
D'ailleurs, notre confrère a poussé l'examen
de la question dans un domaine nouveau, celui
des ai'ts accessoires et des objets mobiliers, et il
retrouve trace de ces règles eurythmiques dans
quantité de petits monuments romans et go-
thiques, tels que le reliquaire de la sainte Croix
de Tongres, l'ivoire de l'évangéliaire de Tournai;
des statuettes, des peintures, etc.
L. Cloquet.
DICTIONNAIRE D'ARCHÉOLOGIE CHRÉ-
TIENNE ET DE LITURGIE, par le R. P. Hern,
F. Cabrol. Paris Letouzey, 1903.
Le troisième fascicule de ce savant recueil
contient un important article du Directeur du
Dictionnaire lui-même sur la liturgie ancienne,
anténicéenne et postnicéenne, de l'Afrique. l,a
liturgie africaine, dont les documents ont disparu,
est cependant de première importance, comme
étant la plus ancienne liturgie latine dont on
puisse essayer la restitution, grâce aux mentions
qui se rencontrent dans les textes ; on peut même
y rechercher les premières origines de la langue
liturgique latine. Le savant auteur, en étudie les
sources, les cérémonies et notamment les fêtes
des martyrs et le culte des morts, les agapes,
la messe, les sacrements, etc.
L'archéologie de l'Afrique elle-même offre
un intérêt majeur, car elle offre, à cause des
études suivies dont elle a été l'objet de la part
des savants français, des documents plus nom-
breux que celle d'aucune autre région du
monde antique. Des fouilles retentissantes ont
été ouvertes durant ces dernières années dans
Btbltograpl)te,
77
ces contrées dont le soi est si riche en vestiges
des premiers siècles de l'ère chrétienne ; seule-
ment le désarroi règne encore dans cet amon-
cellement de documents lapidaires, et aucun
classement sérieux n'a encore pu être entrepris.
Dans le mémoire considérable qu'il y consacre,
M. H. Declercq se borne à un dépouillement
très précis des connaissances acquises par les
laborieuses investigations dont notre collabo-
rateur le R. P. Delattre s'est fait le grand pion-
nier et M. S. Gsell, le savant publiciste. Signalons,
parmi les monuments étudiés, les nteiiioriœ des
martyrs, comme la chapelle d'Alexandre àTipasa,
les temples païens transformés en oratoires
chrétiens, les basiliques chrétiennes proprement
dites, comme la chapelle et la grande basilique
de Tigzirt, le Dar-el-Kons au Kef, la chapelle
tréflee d'Agemounni à Oubekkar, la basilique de
Sainte Salsa à Tipasa, la vaste basilique de
Damous-el-Karita à Carthage et surtout la basi-
lique de Tebessa, qui a tant occupé les archéolo-
gues. Les baptistères, les autels, les tombes en
mosaïques, les fresques, les sarcophages sont
l'objet de chapitres annexes.
Une autre étude considérable est consacrée
aux antiques agapes; elle est illustrée de nom-
breuses gravures reproduisant les lieux de réunion
des agapes, les inscriptions qui y font allusion,
les fresques qui les représentent, etc., etc. ; c'est
tout une vaste iconographie. La monographie
consacrée au monastère à'Agauiie est surtout
d'ordre historique, mais renferme la description
illustrée de la fameuse châsse mérovingienne du
trésor de Saint-Maurice ; M. Declercq est encore
l'auteur de cet article. Le fascicule se clôture par
le commencement d'une étude symbolique de
Y Agneau.
L. C.
DICTIONNAIRE DE LA BIBLE, publié par
F. ViGOUROUX, XVP fascicule. — Paris, Letouzey,
1903.
Ce fascicule traite des sujets classés dans
l'ordre alphabétique entre les mots Fontaine et
Gaza. On y trouve beaucoup de pages de haute
érudition, notamment sur les versions françaises
et gaéliques de la Bible, sur les travaux bibliques
des Franciscains, sur les funérailles chez les
peuples de l'antiquité, sur divers métiers, tels que
celui de forgeron ou de foulon, sur la géographie
des pays de Gad et de Galilée. Aucun de ces
articles, si intéressants soient-ils, n'est de nature
à être analysé ici, mais le lecteur adonné aux
recherches d'érudition nous saura gré de les avoir
signalés.
L. G
RÉPERTOIRE BIBLIQUE A L'USAGE DU
TOURISTE EN BELGIQUE, par E. SonNEVILLK.
Bruxelles, Vromant, 1903. Prix : i fr. 25.
Le Toiiring Cliil>,ça.v la multitude de ses mem-
bres et par sa bonne organisation, est devenu une
petite puissance en Belgique. Son journal est fort
intéressant, ses adhérents se recrutent dans la
meilleure société et comptent dans leurs rangs
quantité d'érudits. Cette société vient d'éditer à
l'usage des intellectuels de la pédale un recueil
bibliographique superbe, embrassant toute la
littérature historique et descriptive de nos villes,
œuvre qu'on avait attendue en vain jusqu'ici
dans nos sociétés savantes.
L. C.
ÉTUDE SOMMAIRE DU BAPTISTÈRE DE
SAINT-JEAN DE POITIERS, par le R. P. C. DE
LA Croix. — In-8°, 86 pp. Poitiers, Blois, 1903.
On a divagué durant un siècle sur le pré-
cieux monument latin qu'a visité cette année
la Société française d'archéologie ; mais ses
membres ont trouvé dans le Père de la Croix un
cicérone à même de leur dire à son sujet l'exacte
vérité, car il doit une part de sa grande notoriété
aux études qu'il a faites durant sept ans sur le
fameux baptistère dont il prépare la mono-
graphie.
En attendant il nous en donne une description
sommaire mais précise, d'une précision scienti-
fique rigoureuse. Puis il pose le problème de sa
destination. Ce n'était pas un temple, car l'édi-
fice, caché au public par ses annexes, était dénué
d'autel et muni d'une piscine. — Etait-ce bien
le mausolée de Claudia-Varenilla ? La remar-
quable épitaphe du musée poitevin paraît anté-
rieure à l'édifice, où il n'y avait pas place pour un
mausolée pas plus que pour un autel, vu la pré-
sence de la piscine centrale. La présence de
celle-ci doit faire deviner un baptistère ; et de
fait, toute l'ordonnance du monument se rapporte
à cette affectation ; elle réalise parfaitement tout
le programme liturgique du baptême par immer-
sion telle qu'il se pratiquait à l'époque de son
édification.
Cette époque ne peut être antérieure à l'édit
de Milan (310) ; l'édifice est fait entièrement de
matériaux de remploi antérieur au IV<= siècle ; il
est visible que ses constructeurs étaient des chré-
tiens pressés de jouir de la liberté dont ils venaient
d'être investis. Le savant P. Jésuite pense que
le baptême à immersion aurait été remplacé par
celui à infusion vers la fin du VIP siècle époque
des aménagements mérovingiens, suivis des re-
maniements carolingiens et de nouveaux amé-
78
WitWt tir rSrt cf)rétten.
nagements nombreux au cours du siècle suivant.
Ces questions, que nous ne faisons que résumer,
sont élucidées à grand renfort d'arguments
basés sur une étude de l'édifice vraiment anato-
mique, et sur la critique historique la plus ap-
profondie.
L. C.
L'ÉGLISE DE SAINTE-MARIE DES AN-
GLAIS, par L. Régnier. — Broch. Caen, Delesque,
1903.
Ce minuscule oratoire roman de Calvados,
qu'a fait connaître de Caumont, est en train de
périr. M. Régnier a fait ce qu'il a pu pour lui, ou
plutôt pour la science, savoir une bonne petite
monographie du modeste monument. Ses bases
pattées, ses chapiteaux godronnés, ses corbeaux
de corniche à copeaux, ses restes de fresques, ses
portes à l'archivolte ornée de tores en zigzag,
ses tombes du XIIP siècle, lui donnent un
vif intérêt.
L. C.
GOURNAY-EN-BRAYET SAINT-GERMER,
par L. Régnier. — Broch. Orner, Delesque, 1903.
Cet opuscule, fruit d'une excursion faite par
V Association normande, est un recueil de notes
archéologiques sur l'abbaye de Saint- Germer de
Fly ; i'église, du XIII<^ siècle, se rattache à l'Ile
de Franco avec quelques emprunts à l'école nor-
mande. On connaît sa grille du XIII' siècle,
son autel roman. La chapelle de la Vierge est
une merveille qui fait penser à Pierre de Mon -
tereau. Des traces de la décoration picturale
subsistent, ainsi que les vitraux de l'abside.
Gournay n'a conservé que deux de ses an-
ciennes églises, celles de Saint-Hildevert ;M. R.
refuse à cette collégiale l'ancienneté qu'on lui
attribue généralement, et la date du commen-
cement du XII« siècle : il en donne un plan en
y marquant les remaniements successifs ; les
parties reconstruites sont analogues à l'église de
Saint-Germer.
L. C.
LE NORD-EST DE LA FRANCE, par BaE-
DEKER. — Paris, OUendorff, 1903.
La septième édition du guide de Baedeker,
consacrée aux Ardennes, aux Vosges et au
Rhône, résume tous les renseignements les plus
neufs pouvant intéresser les voyageurs, en ce qui
concerne une des contrées les plus remarquables
de la France et de l'Europe. Les guides de cette
collection ont d'ailleurs atteint une perfection re-
lative, à laquelle il serait difficile d'ajouter quel-
que chose. Cependant ce serait possible à cer-
tains égards ; et, pour la partie qui nous concerne,
nous constatons un certain défaut de méthode
dans la description des monuments. Bien décrire
un édifice en quelques lignes, n'est pas chose à
la portée du premier venu. Si l'éditeur nous en
croyait, il confierait, par exemple, la description
des monuments anciens notables à un archéo-
logue très entendu, et sachant condenser sa
pensée. Il élaguerait des détails superflus ou
inexacts, insisterait sur les caractères typiques,
se servirait de termes parfaitement appropriés,
placerait aux vrais bons endroits l'accent qui
suggère l'admiration légitime. — On ne dirait
pas que l'église de Saint-Quentin est en croix
archiépiscopale, et que le chevet deLaon est carré
(ilestplat).On ne s'attarderait pas à l'église chimé-
rique que pouvait être le transept de Soissons ;
on dirait quelques mots de l'ordonnance générale
(une perfection) de la cathédrale d'Amiens au
lieu de se borner à l'énumération de la statuaire.
On ferait remarquer la sveltesse suprême de
St-Urbain à Troyes, qui est la plus aérienne des
églises anciennes ; on s'abstiendrait de proférer
cette énormité, que Guillaume de Sens a « in-
venté l'ogive » ; on insisterait sur les caractères
spéciaux de l'art bourguignon, qui s'accusent si
évidemment dans les monuments romans de
Vezelay, de Beaune, d'Auch, dans les églises
gothiques telles que celles de Dijon, les cathé-
drales d'Auxerre et de Sens etc. Nous citons
au hasard ces petites imperfections, non pas du
tout pour débiner un travail qui est dans son
ensemble d'un grand mérite, mais dans l'espoir
d'y voir se réaliser une perfection nouvelle.
L. C.
L'ARCHITECTE DE LA COLLEGIALE DE
SAINTE-WAUDRU, A MONS, par J. HUBERT.
— Mens, 1902.
M. l'architecte J. Hubert vient de publier en
brochure une intéressante communication qu'il
a faite au Congrès archéologique et historique
de Bruges.
Il y reprend une question déjà traitée et
résolue par lui comme nos lecteurs le savent :
— Quel est l'architecte qui a conçu le projet de
Sainte- IVaudru, â Mons? — Voici sa conclusion:
« En 1449, tout était prêt pour commencer
les travaux. Le Chapitre provoque une consulta-
tion de quatre architectes. Jean Huwcllin est ap-
pelé çout prendre advis de conwiinchier à ordonner
et mettre eti forme l'ouvrage ; Michel de Rains,
pour avoir son advis ; les deux autres, pour ac-
compagner les précédents. Évidemment, l'auteur
du projet se trouve parmi ces quatre architectes;
Btbltograpl)ie,
79
nous pensons que c'est Huwellin, mais nous
faisons des réserves, parce que les comptes ont
des lacunes ».
Dans une espèce de thèse présentée il y a
quarante et des ans, feu L. Dethuin affirmait
avoir découvert l'auteur du projet et semblait
dire d'abord que c'était Michel de Rains, lequel
aurait été choisi par le Chapitre pour dresser les
plans de l'église. Il parle peu de Spiskin, un
autre architecte, venu pour conduire les travaux
qui ont été ajournés. Il signale l'arrivée tardive
de celui-ci, le ravale en disant qu'il est sous les
ordres de de Layens et finit sans conclure. Quel-
ques mois plus tard, il publie la seconde partie,
dans laquelle, sans préambule, il déclare que c'est
Spiskin qui est l'auteur du projet. Il s'est dis-
pensé ainsi de fournir une preuve qui n'existe
pas.
M. Boghaert-Vaché a annoncé dès 1898 une
prétendue découverte. Selon lui, deRains a donné
\&s plans, mais Spiskin a conçu \e projet ! Si l'on
recherche les fondements de son opinion, on ne
trouve que des déclarations inexactes emprun-
tées à Dethuin, des équivoques, des suppositions
gratuites substituées à des textes précis. C'est
ce que M. Hubert établit avec une implacable
argumentation.
L. C.
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE POITIERS
(1903), par M. L. Quarré-Reybourbon. — Broch.
in-8°. Darcel, Lille, 1903.
M. Q. R. est un assidu de congrès, où il pré-
sente souvent des communications. En suite du
congrès archéologique de France il a donné à la
Société de Géographie de Lille, dont il est Vice-
Président, un rapport très développé et très étu-
dié, qu'on peut considérer comme un guide
archéologique dans la région poitevine.
DIE ROMISCHEN KATAKOMBEN, par le
D''A. Weber. — In- 12, de 176 pp. Pustet, Ratisbonne,
1903-
Nos lecteurs connaissent l'excellent guide très
précis et très exact, que notre ancien collabo-
rateur feu Barbier de Montault a édité chez
Desclée sur les catacombes romaines. On peut
placer au même rang, pour la langue alle-
mande, celui du D'^ Antoine Weber, auquel la
maison Pustet vient de donner le jour ; il est
enrichi d'abondantes illustrations.
DE L'INVENTION A L'EXALTATION DE
LA SAINTE CROIX, par L. DE CoMBES. — In-8°,
300 pp. Paris, édiieur de VArt à l'autel, 1903.
Nos lecteurs connaissent l'auteur de ce livre,
lequel est le second d'une série ; nous avons
parlé du premier : La vraie Croix retromiee. Dans
le présent volume, il est question de la basilique
tripartite de Sainte-Hélène à Jérusalem et des
souvenirs de la Passion dont elle était pleine :
le saint-Sépulcre, le Calvaire, les reliques, le
portrait du Christ, l'Exaltation de la SaiiiteCroix,
tous sujets palpitants d'intérêt pour le public au-
quel nous avons l'honneur de nous adresser.
L'auteur s'occupe d'abord delà basilique Con-
stantinienne, sujet que nous avons naguère ré-
sumé d'après l'abbé Legendre ('). On admet
généralement jusqu'ici comme plausible la resti-
tution de M. Schick, que nous avons donnée
naguère (-). Elle suppose que l'abside ronde du
niartyriiim est à l'opposite de Vanastasie, la ba-
silique de Ste-Hélène s'appuyant par ses nefs à
Vatriuin. M. de Combes avance, qu'au contraire
l'abside de la basilique était contiguë à l'un des
trois bras des portiques (de l'atrium) ; et voici
comment il justifie son opinion :
« Eusèbe, en effet, après avoir constaté que
l'atrium était entouré de portiques sur trois
côtés, ajoute : « La Basilique est contiguë à ce
côté qui, regardé du Sépulcre, est au soleil
levant ».
Il nous paraît que la conséquence ne tient pas
dans les prémisses, et nous tenons pour l'avis du
P. Germer Durand : le martyrium formait une
abside orientale. Néanmoins, comme M. Cler-
mont-Ganneau l'a démontré (3) naguère, il est
certain que la façade de la basilique regardant
l'Est, et non l'Ouest, on accédait aux portes d'en-
trée par un escalier monumental, embrassant
toute la façade et débouchant sur un grand vesti-
bule de colonnes. Ces données auraient dû être
mises à profit par notre auteur.C'est la seule cri-
tique que nous ayons à faire à sa restitution très
précise.
Quant aux reliques de la Passion, il en a été
traité d'une manière particulièrement développée
dans nos colonnes par M. de Mély, que notre au-
teur invoque souvent parmi nombre d'auteurs.
Ses références sont nombreuses et précises ; son
livre est œuvre de sérieuse érudition. Il accorde
grand crédit à l'histoire, rapportée par Eusèbe,
de la statue du Christ, élevée à Forcade deux
ans avant la Passion par Ste Bérénice, l'hémor-
roïsse miraculée. Il disserte longuement sur les
images du Sauveur et la question de sa beauté
corporelle, et conclut sur un mot, assez obscur,
et qu'il trouve magistral, du triste personnage
1. Revue de VArt chrétien, année i8g8, p. 331.
2. Ibid., p. 332.
3. Séance du 5 août 1897, de V Académie des înscriptiûus et
Belles-Lettres.
qui a tant besogné pour profaner le souvenir de
S. S. Léon XIII.
Pour décrire le temple restauré du VU'' siècle,
M. de C. suit le récit bien connu d'Arculfe.
Nous n'y relèverons qu'un passage : « par une
fantaisie architecturale inexplicable, l'intérieur
était divisé en onze compartiments concen-
triques en forme d'anneaux.séparés par des murs
exactement circulaires ». Mais il n'y a là rien
d'inexplicable. Comme l'a remarqué M. Ch. Lu-
cas, il est probable que les trois enceintes dont
il est question ici, constituaient un portique inté-
rieur et un portique extérieur, ordonnance qui
est parfaitement judicieuse et heureuse. L'église
TswWV
actuelle du S. Sépulcre présente encore la colon-
nade intérieure.
Le dernier chapitre, intitulé l'Exaltation de
la Sainte Croix, est un long morceau d'histoire
militaire, un hors-d'œuvre, où trois pages seule-
ment sur vingt-cinq, de beau style d'ailleurs,
sont consacrées à la glorieuse relique.
L. C.
L'ART KT L'AUTEL (septembre 1903).
Nous relevons une notice de M. E. van den
Broeck sur le peintre religieux Romain Cazes
(1810-1881), qui fut élève d'Ingres et décora
plusieurs églises de Paris: Saint- François-Xavier,
l'église du Gesu, la Trinité, etc. ; et la fin de
l'article du D' Ménard sur la restauration de
Saint-Urbain de Troyes. L'auteur continue à
déplorer l'esprit qui a présidé à la remise à neuf
de l'antique collégiale et critique, en particulier,
la flèche projetée, nullement conforme au dessin
de l'ancienne, détruite par la foudre en 1761, et
le nouveau porche occidental.
FONDATION PIOT. MONUMENTS ET MÉ-
MOIRES PUBLIÉS PAR L'ACADÉMIE DES
INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES (T. IX,
1" fasc).
M. Benoît consacre un intéressant travail à la
Résurrection de Lazare du musée du Louvre.
Cette peinture précieuse prend place immédiate-
ment après les deux tableaux du musée de
Vienne dans la reconstitution de l'œuvre de
Gérard de Harlem, qui mourut à peine âgé de
28 ans. Elle est remarquable par la valeur de la
composition, l'excellence des figures et de leurs
expressions. M. Benoît remarque que la Résur-
rection contient deux portraits, aux extrémités
droite et gauche de la composition.
Btbliograpl)te.
8i
Ce fascicule contient encore un article que le
regretté collaborateur de \ARevue del' Artchrétien
Miintz avait écrit peu de temps avant sa mort
sur quelques tapisseries allégoriques. Les tapis-
siers ont puisé abondamment dans la littérature
et, au moyen âge, les peintres de carton ont mis
à contribution les romans et les poèmes allégo-
riques. Miintz a successivement étudié les Vertus
et les Vices de la collection de M. le baron d'Hu-
nolstein, les Moralités de la collection de M.
Emile Peyre, le Triomphe de la Pauvreté de
M. Patenôtre.
BULLETIN DES MÉTIERS D'ART.
Nous suivons avec intérêt le jeune et vivant
organe des écoles de St-Luc.
Jeune, mais fier à ses heures : il assiste, le
sourire aux lèvres, aux débats sur la restauration
de monuments qui mettent aux prises les cham-
pions de l'archéologie et du pittoresque ; il
trouve que tous sont... à côté. La vérité là-dessus,
il la sait, mais ne veut pas la dire! Il loue les
conseils de modération donnés naguère par
M. le Ministre Van den Heuvel, non, comme lui,
par éclectisme, mais au nom de la prudence : il
attend beaucoup de l'avenir et de l'évolution ar-
tistique greffée sur la tradition. Ce serait parfait,
si ce n'était que les ruines tombées ne se relèvent
pas.
En ce qui concerne la peinture des églises, il
la faut, selon lui, partout, mais plus tard, quand
les artistes seront prêts, et l'opinion convertie, ce
qui viendra.
On ne peut assez louer la remarquable étude
du Frère Fidèle, de Lille, qui a paru dans les
livraisons précédentes, et oi:i la flore décorative est
étudiée avec une méthode parfaite, avec appli-
cations charmantes, le tout basé sur les principes
scientifiques de la botanique.
Signalons encore une bonne description du
nouveau et remarquable portail de la cathédrale
de Metz, jadis vanté avec tant de désinvolture
par le sieur Bonnefon, trop bien connu depuis la
mort de S. S. Léon XI II. L. C.
L'ART SACRÉ.
L'excellente petite revue mensuelle d'art
chrétien donne dans son numéro de novembre le
texte des études iconographiques de M. P. Bes-
nard (S. Jacques-le-Majeur, S. André) et la suite
aussi de l'étude posthume de E. Didron, l'artiste
chrétien tant rappelé sur les peintures sur verre.
Elle continue enfin l'étude de l'abbé B. Cheval-
lier sur les carreaux vernissés. L. C.
KEvutt UE L'art CHKÉTIEN.
1904. — l" —LIVRAISON.
82
3Rcbur tir l'^rt rbrétten.
ïnDe;c bibliograp|)ique.
1*
f?
^rcl)cologie et Ideaiu^^rts "^
— jFvancc. =—==
* Baedeker. — 1,e Nord-Est de la France, de
Paris aux Ardennes, aux Vosges et au Rhône.
Manuel du voyageur, avec 12 cartes et 21 plans de
villes. — Septième édition. — In-12, 360 pp. Leipzig,
Baedeker, 1903.
Bellet (Mgr). — Saint Thomas d'AQUiN. Dis-
cours prononcé pour la fête patronale de l'Institut
catholique de Lyon. — Paris, Picard, 1902.
Le même. — Le saint suaire de Turin. (Extr.
de la Rerue d'histoire ecclésiastique, IV, n° 2.) — Paris,
Picard 1903.
Le même. — Le saint suaire de Turin et les
TEXTES ÉVANGÉLiQUES. — Paris, édition de XArt et
r Autel, 1903.
Le même. — L'œuvre scientifique de M. le
CHAXoiNE Ulysse Chevalier. — Grenoble, Bara-
tier, 1903.
* Beylié (H. de). — L'haiutation byzantine. —
In-folio. Paris et Grenoble, 1902.
Bouchot (H.). — Le Van Evck du Louvre.
(Extr. de la Revue de l'Art, 1903, t. I, p. 21-22.)
BroussoUe (J,). — Les mosaïques de Sant' A
pollinake Nuovo, a Ravenne (catalogues icono-
graphiques pour servir à l'illusiration de la vie de
Jésus). — In-8°, 20 pp. et 12 grav. Paris, Oudin.
Chauvet (G.) — Notes sur l'art primitif. ^
In 8°. Angoulênie, Coquemand, 1903.
Corroyer (E.). — L'architecture gothique.
(Bibliothèque de l'enseignement des Beaux-Arts.) —
Nouv. éd. In S", 382 pp. et grav. Paris, Picard et
Kaan, 1903.
Couret. — Le livre d'heures du pape Alexan-
dre VI. (Extr. des Mémoires de la Soc. nai. des anti-
quaires de France, t. LXI.) — In-S", 13 pp. Nogent
le Rotiou. Daupeley, Gouverneur, 1903.
Daux (C). — Tropaire, Prosier de l'abbaye
Saint-Martin de Montauriol. — 2 pi. Paris, Picard,
1901.
* de Combes (L.). — De l'Invention a l'Exal-
tation de la sainte Croix. — In-8°, 300 pp. Paris,
édition de V Art à l'autel, 1903.
De la Croix (R. P. C). — Étude sommaire du
BAPTISTÈRE SaINT-JeaN DE PoiTIERS. In-8", 86 pp.
avec deux plans. Poitiers 1903.
I. Les ouvrages marqués d'un astérisque (*) ont été. sont ou
seront l'objet d'un article bibliographique dans la Revue.
de Lasteyrie (R.). — La date de la porte
Sainte-Anne a Notue-Dame de Paris. — In 8°,
22 pp. et grav. Pans, Daupeley-Gouvcrneur, 1902.
de Saint-Chéron (R.). — La vierge d'Avila.
— Brochure. Paris, Paul?, 1903.
* de Waresquiel (Marguerite). • — Le bienheu-
REU.x Jkan de Verceil, sixiiiME général de l'Or-
dre DES pRiiRES Prêcheurs. — • In 12, 228 i)p. Orné
d'un portrait et de plusieurs gravures, l.ethielleux,
éditeur, Paris, et Bar-le-Duc, Collot, 1903.
Durand (E.).
78 pp. Paris, 1903.
La Chaise-Dieu. — In-12,
Férolin(Uom). — Apringius de Béja. Son com-
mentaire DE l'Apocalypse. — Picard, Paris, 1900.
Frémont (Ch.) — Évolution de la fonderie de
cuivre d'aprîîs les documents du temps.— 380 pp.
351 fig. Paris, Renouard, 1903.
Guillibert. — Deux sTATUETTts polvchromées
DE saint Louis de Provence, évéque de Toulouse,
ET de sainte Consorce, conservées a Aix-en-
Provence. (Extr. du Bull, archêol.) — In 8°, 12 pp.
et 4 pi. Paris, imp. nationale, 1902.
* Hern (Le R. P.) et Carbol (F). — Diction-
naire d'archéologie chrétienne et de liturgie.
— Paris, Letouzey, 1903.
Lafenestre (G) et Richtenberger (E.). —
La peiniure en Europe. Rome; Le V.vitcan. Les
églises. — In-8° carré. 375 fig. et cent reproductions
photographiques. Paris, May, 1903.
* Lapauze (H.) — Le droit d'entrée dans les
MUSÉES. — Pans, 1902, Société française d'imprimerie
et ce libiairie, 15, rue de Cluny.
Lucas (Ch). — Achille Hennart, sa vif et
ses œuvres. (Ext.de \ Arihitectuie, 1903.)
Martin Sabon. — La Photographie des monu-
ments (Extrait de X Annuaire général et interna-
tional de la photographie, pp. 403-432). In-8", Paris,
Pion, 1903.
Métivier (R.). — Les bastides et les églises
KORiiKiÉEs DU Gers. — In-8°, 16 pp. Caen, Delesques,
1903.
Puton (B.). — Les vitraux de l'église Saint-
Nicolas DE Remiremont. (Extrait du Bulletin de la
Soc. vosgienne, année 1902-1903.) — In-8°, 25 pp. et
grav. SaintDié, Cuny, 1903.
* Quarré-Reybourbon (L.). — Congrès ar-
CHÉoi.oc.ic.iUE de Poitiers (1903). — Broch. in 8°.
Darcel, Lille, 1903.
* Régnier (L.). — L'église de Sainte Marie
DES Anglais. — Broch. Caen, Delesque, 1903.
* Le même. — Gournay-enBrav et Saint-
Ger.mi.k. — ]5roch. Orner, Delesque, 1903.
Btbltograpl)te.
83
Royau (P.). — Notice sur les fouilles et
RECHERCHES EFFECTUÉES EN 1902 DANS l'ANCIEN
PRIEURÉ DE SaiNT-PiERRE-LA Motte. — In-8°, ii pp.
Vendôme, Empaytoz, 1903.
* Schierk (C). — • Les poinçonnages kt les
.MARQUES d'orfèvres EN MORAVIE, EN MEME TEMPS
UNE CONTRIBUTION A l'HISTOIRE DE l'oRFÉVRRRI E. —
Gr. in-4°, 176 pp., avec 16 reproductions et 70 mar-
ques. Brunn, édité par l'auteur, 1902.
Thiollier(F.etN.). — l.'RGLiSEDETERNAY(Isère).
(Extr. du Bull, arch.) — In-8°, 12 pp. et 7 pi. Paris,
Imp. nationale, 1902.
Urseau (C.). — Une statuette de sainte Emé-
RENCE au Longeron (Maine et Loire). (Extr. du
Bull. Archèol) — In-8°, 11 pp. et pi. Paris, Imp. nat.
1902.
•Vigoureux {¥.). — Dictionnaire de la Bible,
XVI' tascicule. — Paris, Letouzey, )<)03
ailcmaanc.
Baer (L). — Oie illustrierten Historienbu-
cher des 15 Jahrh. Ein Beurag zur Geschichte
DES Formschnittes. — In 4°, 216 pp. Strasbourg,
Heilz, 1903. M. 30.
Beissel (St.). — Der Reliquienschrein des
HL. QUIRINUS ZU NeUSS. — In-4°, 12 pp., 30 fig.
et 13 pi. A. Witte, Aix-la-Chapelle, Cremer, 1903.
Die Meisterwerke des Rvks Muséums zu
Amsterdam, joS Kunstdr. xach den orig. Gemal-
DEN, .MIT Eini.kit. — In-S', 208 pp. Munich, Hanf
staengl, 1903 M. 12.
Friedlânder (W. ].). — Meisterwerke der
NIEDERLANDISCHEX MaLEREI des XV UND XVI
Jahrh: .auf dkk Ausstellung zur Brugge, 1902,
— 35 pp. et 90 poruaits. Munich, Bruckmann, 1903.
M. 100.
Gabelentz (H.). — Mittelalterliche Plastik
IN Venedig. — In-8°, 274 pp., 13 fig., 30 illus. en
phototyp. Leii'zig, Hiersemann, 1903. M. 15.
Golthold Meyer (A.). — Donatello (Kijnst-
ler-Monographien. V. H. Knakhfuss LXV). —
In 8°, 127 pp., I portr. et 140 fig. Bielefeld, Velhagen
et Klasing, 1903. M. 3.
Lessing (J). — Wandteppiche und Decken
des Mittelalters in Deutscbland. — Fasc. I.
(complet en 5 fascicules). Berlin, E. Wasmuth, 1903.
Le fasc. M. 20.
Meisterwerke der deutschen Glasmalerki-
Ausstellung, Karlsruhe. Veranstaltet vom bad.
Kunstgewerbe-Verein mit ein Begleitwort von
F. Sales Mever. — 26 pp. et 100 pi. en phototypie.
Berlin, Kanter et Mohr, 1903. M. 100.
Mendelsohn (H.). — Der Heiligenschein in
der italienischen Malerei seit Giotto. — In-8°,
23 pp. et fig. Berlin, Cassirer, 1903. M. 3.
Pater (W.). — Die Renaissance. Studien in
KuNST UND Poésie. — In 8", 323 pp. Leipzig, Diede-
richs, 1902. M. 6.
Ruhn (A.). — Kunst-Geschichte. — Fasc. 32-
33. Einsiedlen, Benziger. M. 2.
Roosval (J.). — Schnitzaltare in schwedi-
schen Kirchen und Muséum aus den Werkst.att
des brusseler Bildschnitzers Jan Borman. — •
In-4°, 26 pp. Berlin, 1903.
* Strohl (H. G.) et Kaemmerer ([,.). — Suite
d'ancêtres tirés de l'arbre généalogique de la
maison royale du Portugal, série de miniatures
DE LA bibliothèque DU MUSÉE BRITANNIQUE DE
Londres.. — 34 pp. in-4" avec un Atlas grand in-f"
de 13 pi. Hoffmann, Stuttgart. 50 M.
*Weber (D' A.). — Die Romischen Katakom-
BEN. — In-i2, de 176 pp. Pustet, Ratisbonne, 1903.
Wiegand (O.). — Adolf Dauer. Ein augsbur-
ger Kunstler am Ende des XV und zu Beginn
des XVI Jahrh. {Studien zur deutschen Kunstge-
schichte. Fasc. 43.) — In-8", 105 pp. et 15 pi. Stras-
bourg, Heitz, 1903. M. 6.
3nglctercc.
A guide TO THE EAKLY CHRISTIAN AND BYZANTINE
ANrlQUITIES IN THE DEPARTMENT OF BUITISH AND
MEDIŒVAL ANTIQUITIES OF THE BrITISII MuSEUM,
with fifteeii plates and eighty-four illustrations. —
In-8°, XI1-116 pp., avec 84 fig. et 15 planches. Printed
by order of the trustées, 1903.
Holroyd (Ch.). — Michael Angelo Buonar-
ROTI. WiTH TRANSLATIONS OF THE LIFE OF THE
MASTER, BY HIS SCHOLAR ASCANIO CONDIVI : AND
three dialoguks from the portugukse by F. D'Oi.-
LANDA. — In-8", 362 pp. Londres, Duckworih. Sh. 7,6.
Rosenberg (A.). — Leonardo da Vinci. Trad.
par J. Lohse {M<»ifl;:^mphys of artisls 7). — In-4'',
155 pp. et 120 fig. Londres, Grève 1. Sh. 4.
Streeter (A.). — Botticelli. — ( The great >iias-
ters in painting and sculpture). In-8°, 167 pp. Londres,
Bell. Sh. 5.
Italie.
Bricarelli (C). — La storia dell' arte nelle
scuoLE italiane (onvrages de E. Panzacchi. G. N.i-
tali, E. Vitelli, G. Lipparini, G. Urbini). (Extr. de
La Civiltà cattolica. 18'= série, t. X, pp. 198-206 )
Rome, 1903.
Cervetto (L. A.). — I Gaggini da Bissone. Loro
OPERE IN Genova ed altrove. (Contrihutfl alla
storia dell' arte Lombarda). — In-folio de viii-310 pp ,
38 pi. et 99 fig. Milano, Hoepli. Prix : So lire.
Ghignoni (A.). — Il pensiero cristiano nel-
l'arte. — ( Letture storico-artistiche-religiose ). — In-S",
272 pp., 34 pi. Rome, Pustet, 1903.
84
jRcbuc îic r^vr chrétien.
Grisar (H.) — La colomba di san Gregorio
Magxo. — T. II, 124-135 et fig. Rassegna Grego-
riana, 1903.
Lanciani (R.). — Storia degli scavi di Roma
E NOTIZIE INTORNO LE COLLEZIONI ROMANE DI ANTI-
CHITA. — T. I. In-4°, 263 pp. Rome, Loescherchir,
1902.
Marucchi (G.). — Nuovi scavi e nuovi studi
NEL ciMiTERo DI Priscilla. {E\irah d\i JVt^ovo £ûI-
Utino di archcologia ois/iatia, t. VIII, pp. 217-232.)
Rome, 1903.
Meyer (A).
141 gravures.
DONATELLO.
131 pages et
Supino (J.-B.). — Les deux Lippi (traduit de
V Italien pai" /. de Crozals). — In-8°, 100 photogra-
vures et typogravures. Florence, Alinari fières, 1904.
15 fr.
■= OEspaanc. —
de Barcia y Pavon (A.). — Catalogo de re-
TRATOS de personages espanoles qui se conservan
EN la SECCION de estampas V DE BtLLAS ARTES DE
LA BiBLiOTECA NACIONAL, FoL. 32 37. (Extrait de
Revista de Archivas. 3"= série, t. VII, pp. 497-512;
Madrid, 1902 ; s-^ série, t. VIII, pp. 513-592, 1903-)
= iRufisic. — =
Koulibine (O.). — Le musée russe d'Alexan-
dre III. — 84 pp. St-Pétersbourg, 1903.
Narbékov (V.), — Jujno-msskoe relighioznoe
iNSKUSSTVO XVII-XVIII vv. L'art religieux dans
la Russie méridionale au XVII'-XVIII' siècle. (Extr.
de Fravoslavngi snbesiednih. t. I, pp. 485-510.) Ho-
zen, 1903.
—^ 16eiBiqiic=Jt)oïlanDc — =
Bergmans (P.). — Rkntiir et Obituaire de
l'église collégiale d'Evne. — Brocli. in-8°, 40 pp.,
I fig., i pi. Gand, Vyt.
Chevalier (U.). — Le Repertorium Reperto-
Rii DU P. Clément Blume et les droits de la
critique. — Bruxelles, Polieunis et Ceuterick, 1902.
de Boni (B. J. M.) — De triptiek genaamd
die van den meester van d'Ouliremont kn
« Jan Joosten, scvlder » van Haarlem. — In-8°.
Amsterdam, van Langenhuysen. FI. 0,75.
Destrée (J.). — La croix de Scheldewindeke
(émaux, cristaux de roche, fin XI1<= siècle) — Bull,
des Musées royaux, t. Il, pp. 57 59 et fig. Bruxelles,
1903.
Dubois (.A.). — Notes sur l'exposition des
PRIMITIFS flamands a Bruges. — Ini6, 29 pages.
Cayeux-sur mer, Mabille, 1902.
Ghellinck-Vaernewijck (le vicomte de) —
Rapport sur le Congrès archéologique de
France, Troyes et Provins, LXIX'' session ; 24
juiN-2 juillet 1902. — (Extr. des Annales de l'Aca-
démie royale d' Archéologie de Belgique.) \n2>'^, 68 pp.
16 gr. Anvers, De Backer, 1903.
Gugel (E.). — Geschiedenis van de bouwstijlen
IN de hoofdtijdperken der architectur. Ver-
volgd met een hoofdstuk over de geschiedenis
der bouwkunst gedurende de laatste twintig
jaren j. h. \V. — In-S", 916 pp. et 1 144 fig. Zeliman,
3= éd. Arnhem, Gardaquint. FI. 20.
* Hubert (J.). — L'architecte de la collé-
giale DE Sainte-Waudru a Mons. — Mons, 1902.
* Jaminé et Peelers. — Mémoire sur les prin-
cipes DES proportions en art. — (Ann. du Congres
archéologique de Tongres en içoi.)
* Sonneville (E.). — Répertoire biblique a
l'usage du touriste en Belgique. — Bruxelles,
Vrom.Tnt, 1903. i fr. 25.
Van den Gheyn (Le chan. G.). — La peinture
MURALE récemment DÉCOUVERTE DANS L'ÉGLISE
St Martin a Alost. — {Bull, de la Société d'histoire et
d' Arch.de Gand. Tom XI, pp. 108-111, 1903).
^^L^^ ^^ ^^. -^^ ^^. ^. ^^. ^^ ^^. ^. ^. ^ ^ ^. ^. ^^^j::^^^ ^^ ^ ^. ^^ ^iû^ ^
^ ((T'Il mil I 11 II r cr» i\/i i\;r A t D c . ^^„,„ ^„„ ., . », ^ „_„ „. . i'J .
i
^
d)rOllltIUC. SOMMAIRE : ÉCOLK DES HAUTES ÉTUDES D'ART A BRU-
XELLES.— MONUMENTS ANCIENS : Rempart de Limoges; église Saint-Pierre à Cou-
tances ; église de Neufchâteau (Vosges) ; église Saint-Pierre de Lisieux ; église Saint-Pierre-
les-Étiex ; église de Zande ; cathédrale de Chartres ; église de Fontevrault ; église de Lassay ;
Campanile de la basilique de Venise. ~ MUSÉES. — EXPOSITIONS.— VARIA. — PHOTO-
GRAPHIES ARCHÉOLOGIQUES. — NÉCROLOGIE : Le chanoine Reusens ; Camille Sitt.-.
wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww^
Gcolc Des fautes étuDcs D'art De
Briuclles.
U mois de novembre a eu lieu à Bru-
xelles la séance inaugurale de YÉcole
d Art créée par l'initiative de M. C.
Van Overbergh, directeur de l'ensei-
gnement supérieur.
Aux premiers rangs de l'assistance, nombreuse
et choisie, on remarquait MM. les ministres de
Trooz et Van den Heuvel ; MM. C. Van Over-
bergh, Verlant, directeur des beaux-arts; Van
Overloop, conservateur en chef du Musée des
arts décoratifs ; R. P. Van den Ghein, chanoine
Pieraerts, directeur de l'Institut Saint-Louis, et
un assez grand nombre de dames.
M. le sénateur Braun, président, a pris la pa-
role pour exposer à l'auditoire le but de la nou-
velle école, qui est principalement de faire des
cours et des conférences sur l'histoire de l'art. En
d'heureux développements, l'orateur montre la
grande part donnée aujourd'hui dans la vie à
l'art et la facilité avec laquelle les amateurs
peuvent se déplacer pour aller admirer sur place
les monuments de nos villes et les chefs-d'œuvre
de nos musées, la facilité surtout avec laquelle,
monuments, statues, tableaux, pièces d'orfèvrerie
se déplacent pour venir, par la gravure, la pho-
tographie, les moulages, se mettre à la portée de
l'amateur. Que de travaux autrefois irréalisables
sont devenus possibles grâce à cet immense
progrès !
Tout un enseignement supérieur s'est créé en
d'autres pajs, en Allemagne et en France, no-
tamment dans les universités ou dans les grandes
écoles, où sont mis a contribution mille trésors
ainsi rassemblés.
Notre pays vient d'entrer dans cette voie. Un
arrêté royal a organisé l'enseignement supérieur
de l'art à l'université de Liège. Des diplômes de
licenciés et docteurs en art et archéologie seront
délivres aux étudiants après examens. L'orateur
rend hommage à M. de Trooz, qui a voulu réa-
liser cetie grande réforme dont l'exemple porte
déjà ses fruits, jusqu'à l'imitation de ce qui se
fait à Liège ; la nouvelle école de Bruxelles se
propose de travailler au même but par des
moyens analogues.
M. Braun présente ensuite à l'auditoire les
professeurs de la nouvelle école et trace à grands
traits le programme d'ensemble des cours.
La première conférence a été donnée par M.
André Hallays, le distingué critique d'art des
Débats ; il a parlé de la culture du goût et de
l'histoire de l'art.
Depuis M. Fierens a inauguré ses leçons sur
l'esthétique, et le R. P. Van den Gheyn a fait
une conférence sur les manuscrits de la Biblio-
thèque de Bourgogne et M. A. Verhaegen une
autre sur l'art des vitraux. Nous en rendrons
compte ultérieurement. Enfin M. H. Vaes a com-
mencé l'étude du cadre des villes.
Monuments anciens.
IMOGES. — Le conseil municipal de
Limoges a décrété la démolition des
restes des anciens remparts, et celle
du pont Saint-Etienne, datant du
XIV'^ siècle; la Société archéologiqtie du Li-
mousin a protesté contre ces brutales décisions.
Coutances. — On va restaurer l'église de Saint-
Pierre. Le travail est confié à M. l'architecte de
la Rqcque.
Neufchâteau. — On vient de terminer la res-
tauration de l'église de Neufchâteau (Vosges)
édifiée au XIII' siècle, remaniée au XVI I^
Lisieux. — La flèche de la tour méridionale
de Saint-Pierre a été restaurée; on vient de la
débarrasser des échafaudages qui la masquaient.
Saint-Pierreles Etiex. — La tempête a ren-
versé le clocher de cette paroisse de l'Aisne,
lequel datait du XII« siècle.
Zande. — Le joli clocher roman de la paroisse
de Zande en Flandre a également été abattu par
l'ouragan.
Chartres. — La partie supérieure du beau clo-
cher sud (appelé naguère le clocher vieux, en
réalité le nouveau) est en réparation. On refait,
sous la direction de M. Selmersheim, la restau-
ration effectuée au XVIII«= siècle, et qui n'a
pas tenu.
Fontevrault. — On vient de démolir les plan-
ches et cloisons qui déshonoraient l'intéressante
église romane, convertie en caserne. C'est à M.
Magne, qu'on doit cette réparation importante.
Lassay, l'une des plus pauvres communes du
département de Loir-et-Cher, possède une église
86
jRrbue tie T^vt cl)vctteiu
du XV'^ siècle, classée parmi les monuments his-
toriques. Le chœur est voûté en pierre ; la nef a
heureusement conservé sa charpente apparente
lambrissée en chêne. Un projet de restauration a
été dressé par M. G. Grenouiliot, architecte à
Blois, et une demande de secours peu importante
est faite au service des Monuments historiques
et à la Direction des Cultes. Espérons qu'ils seront
accordés.
Strasbourg. — Chacun connaît la fameuse hor-
loge astronomique de Strasbourg, <( la huitième
merveille du monde », disent les habitants de la
ville.
Elleaété.la nuit du nouvel an, l'objet d'un vrai
phénomène. Le changement d'année a produit
dans son mécanisme un mouvement de rouages
tellement extraordinaire, qu'il ne saurait se
reproduire avant l'an 2000. L'an 1904 est, en
effet, le premier centenaire bissextile de la nou-
velle horloge. L'an 1900 n'a pas été bissextile,
d'après les conventions qui président au calen-
drier grégorien.
Environ cent cinquante personnes ont assisté
aux mouvements compliqués de l'horloge sur le
coup de minuit. Les touristes anglais étaient
venus pour assister à cette séance, qui ne se
reproduira plus pour aucun de ses spectateurs,
car la prochaine conjonction de semblables évé-
nements astronomiques aura lieu dans quatre-
vingt-dix sept ans seulement.
Notons en passant cette particularité curieuse,
que l'horloge astronomique de Strasbourg con-
tinue à marquer l'heure française. Elle ne fonc-
tionne qu'à minuit vingt-neuf, donc quand minuit
sonne à Paris. Il n'a pas été possible de germa-
niser le chef-d'œuvre de Schwilgué.
Westmalle. — Des peintures murales très inté-
ressantes ont été découvertes dans l'église de
Westmalle (Belgique). Elles seraient conservées
et restaurées.
*
* *
Venise. — On achève en ce moment à Venise
la pose des pilotis destinés à supporter le nouveau
campanile qui sera réédifié sur unebaseplus large.
On en a planté six par mètre carré, entre lesquels
ensuite a été coulé du béton. Après quoi, on at-
tendra la fin de l'hiver pour voir si les nouvelles
fondations font corps avec les anciennes et sont
assez solides poursupporter le futurcampanile.On
rétablira dans celui-ci tout ce qui a pu être sauvé
de l'ancien. Le professeur Dal Piccolo, disent les
Débats, a établi sous les arcades du palais des
Doges un atelier où il rassemble et remet en
ordre tous les morceaux utilisables de la Log-
getta. Le fondeur Munaretti répare la Pallas de
Sansovino et trois autres statues de bronze plus
ou moins mutilées. Enfin, on a réussi à restaurer
la Madotie en terre cuite de Sansovino, quoi-
qu'elle eût été brisée en 600 morceaux. L'ingé-
nieur Rosso a eu la patience de retirer ces
fragments un à un des décombres, et M. Pietro
Zei, conservateur des musées de P'Iorence, n'a
pas craint d'assumer la tâche, qui semblait im-
possible, d'en refaire une statue. Cette Madone
n'attend plus que le moment d'être replacée dans
son ancienne niche, qui a pu, elle aussi, être re-
constituée (').
*
♦ *
Ceux qui ont visité la basilique de Saint-Marc,
savent que le pavage n'en est pas plan et offre
des vallonnements. Or, ces jours-ci, lisons-nous
dans la Libre Parole, comme une des dalles du
pavage dépassait par trop le niveau et présentait
un danger pour l'équilibre des personnes traver-
sant la nef, l'architecte de la basilique a fait lever
cette dalle pour la remettre à niveau.
Au-dessous, il a été trouvé d'abord un pilastre
en maçonnerie, puis deux murs venant se joindre
à angle droit.
L'architecte supposa aussitôt qu'il s'agissait
d'une crypte et fit enlever le terreau qui la rem-
plissait. À i"i 35 de profondeur apparut une
grande dalle de pierre portant des bas-reliefs et,
au milieu, une croix byzantine. On creusa sur un
côté et l'on mit à découvert la face d'un sarcopha-
ge portant également des bas-reliefs. En exami-
nant le terreau, on trouva qu'il contenait des
traces de peinture et de mosaïque. Le sarcophage
doit remonter vers l'an 800 ou 900 ; la crypte
mise à découvert devait donc appartenir à la
primitive église de Saint-Marc, construite après le
transport à Venise du corps de l'Évangéliste, qui
eut lieu en l'an 897. Un incendie détruisit l'église
en 976. L'excavation ainsi faite a donné l'explica-
tion du vallonnement du pavage, dont les parties
hautes reposent sur des murs, les parties basses,
sur le terreau qui comble les espaces vides de
l'ancienne construction.
Cet événement, rapproché des heureuses fouil-
les que fit, en 1902, à Angers notre collaborateur
M. de Farcy, est de nature à encourager ceux qui
ont l'occasion de fouiller le sol, presque toujours
relevé, des anciens édifices.
ffîusécs.
ÉTAT vient de recevoir et d'envoyer
au musée du Louvre une collection
que lui lègue M. Bossy, le célèbre
amateur d'art. Cette collection, estimée
plus de 200,000 fr., comprend deux objets qui
furent particulièrement admirés au Petit Palais
1. Courrier de i'Art,
Cl)rontque.
87
pendant l'Exposition de 1900 : une grande statue
de Vierge à l'enfant, et une autre Vierge, en
marbre, provenant de l'abbaye de Hautecombe.
Quatre autres objets seulement, mais de tout
premier ordre, la complètent. C'est une superbe
statuette en bois sculpté de saint Etienne, une
statuette de Vierge assise, un tableau de l'école de
Pérouse et une tapisserie du XV" siècle repré-
sentant « l'altière > Vasti.
Le musée Carna^>alet va recevoir prochaine-
ment toute une série de documents, établis par
la Commission du Vieux-Paris et concernant les
bâtiments actuels de la Pitié, qui sont appelés à
disparaître sous peu.
Parmi ces documents figurent: la vue extérieure
de la chapelle en bordure de la rue du Battoir ;
celles de chacune des deux grandes cours prises
en regardant le chevet de l'église ; la vue du
pavillon Michon, la plus belle partie de l'hôpital,
datant du XVIIP siècle; enfin, les vues du
bâtiment de la Direction, de l'intérieur de la
chapelle et de l'autel.
La Commission du Vieux-Paris a demandé la
conservation de certaines parties artistiques du
vieil hôpital et des objets d'art qu'il renferme,
notamment des belles boiseries de l'autel et
des consoles anciennes de l'église, des vitraux
très intéressants au point de vue de l'histoire de
Paris, ainsi que tout un lot de vêtements sacer-
dotaux anciens.
La destination de ces objets n'est pas encore
fixée. Mais il est probable qu'un certain nombre
iront à Carnavalet, même si le musée projeté de
l'Assistance publique est créé (').
erpogitions.
ll'EXPOSITION des Ptwtittfs français,
organisée par M. H. Bouchot, est fixée
au mois d'avril. Elle aura lieu au pa-
villon de Marsan, dans des salles mises
à sa disposition par l'Union centrale des Arts
décoratifs. Des promesses de tableaux ont déjà
été faites par des musées et de nombreux ama-
teurs. En même temps aura lieu à la Bibliothèque
Nationale une exposition des manuscrits illustrés
du roi Charles V et de ses frères, pris dans la
Bibliothèque même ou obtenus des autres dépôts
de France, comme la bibliothèque de l'Arsenal,
et de divers collectionneurs.
Les œuvres auxquelles cette exposition sera
spécialement ouverte sont, comme nous l'avons
I. Courrier de i'Arl.
dit, les œuvres françaises exécutées sous le règne
des Valois, de 1350 à 1559.
* *
Il vient de se former en Italie un Comité qui
se propose d'organiser à Sienne, du mois d'avril
au mois d'août 1904, une grande exposition d'art
ancien, analogue à celle qui eut lieu à Bruges
l'an passé.
Cette exposition comprendra des peintures,
sculptures, orfèvreries, médailles, estampes, ta-
pisseries et armes, depuis les temps les plus
reculés jusqu'au XVIII'' siècle.
On se propose, en outre, de faire revivre les
fêtes pittoresques locales, depuis le fameux palio
dont la tradition ne s'est jamais perdue, jusqu'à
d'autres divertissements populaires aujourd'hui
oubliés (').
Vana.
NE remarquable châsse en émail de
Limoges du XIIP' siècle a été volée,
à la fin du mois d'octobre dernier,
dans l'église de Montpezat (Tarn-et-
Garuiine). Sa forme est la classique maison avec
toiture ; elle a o™ 135 de hauteur, o"' 20 de
longueur et o"^ 07 de largeur, et elle est ornée
d'émaux champlevés bleus avec des tons dé-
gradés passant au blanc en certains endroits.
Des anges à mi-corps, au nombre de seize,
forment la donnée iconographique de ces mé-
daillons.
Le service de la Sûreté est à la recherche de
cet important objet d'art.
De nombreux tombeaux de pierre ont été
découverts dans l'ancien cimetière de Saint-
Georges, qui faisait autrefois partie de l'abbaye
de Saint-Jean-d'Angély (Charente- Inférieure).
Dans l'un d'eux, on a trouvé une crosse en
cuivre doré, sans émail ni gravure, dont l'enrou-
lement se termine par une tète de serpent cornu,
aux yeux formés d'une pierre bleu foncé.
Une partie des sépultures se trouvait sous un
carrelage de briques rouges, qui occupait vrai-
semblablement l'emplacement d'un cloître.
L'église Saint-Jean de Dijon.
Notre collaborateur qui signe André Arnoult
dans le Journal de l Art publie dans ce pério-
dique une petite monographie de cet édifice véné-
I, Courrier de i' Art.
rable par son antiquité, car il remonte, paraît-il,
au IV^^ siècle. La reconstruction en fut décidée
par les paroissiens le 28 mars 1445, jour de
Pâques, et la première pierre posée le i" juin
1448 par Philippe Macliefoing, conseiller et garde
des joyaux de Pliilippe le Bon, deux fois vicomte-
maïeur de Dijon, qui eut sa sépulture dans la
nef, devant la table de communion, sous une lame
de pierre gravée à son effigie, qui a disparu.
L'inscription nous en a été, du moins, conservée
par les documents.
Les travaux de la nouvelle église furent
poussés d'abord avec activité, puis s'arrêtèrent à
mi-hauteur, faute d'argent. Nous laissons la
parole à l'archéologue dijonnais.
Saint-Jean est un bel et grand édifice de style flam-
boyant, mais quelque peu lourd ; il ne faut pas demander
à l'école bourguignonne les envolées et les découpures
de l'Ile-de-France et de la Champagne. Les trois pignons
fleuris aux rampants et à la pointe, de beaux bouquets
et de choux au fenillage stylisé, forment portails sans
autre décor que les baies géminées et les roses au souple
réseau flammé. Aux tympans des portes sertis dans une
moulure délicate, des statues debout ont été exterminées
à la Révolution. Les tours se dressent non au pignon
occidental, mais comme à Saint-Jean de Lyon, aux
angles formés par la rencontre du transept et de l'abside.
Celle-ci, rectangulaire, présentait un ample fenestrage
rempli par un vilrail donné, en 1459, par Philippe le Bon;
on y voyait peints les trois premiers ducs de la seconde
race, Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe le Bon,
avec leurs duchesses, Marguerite de Flandre, Isabelle de
Bavière, Isabelle de Portugal, enfin le comtede Charolais,
le futur Charles le Téméraire, avec sa première femme
Isabelle de Bourbon ; tous agenouillés et ayant leurs
saints patrons debout derrière eux. Cette verrière,
la plus belle du quinzième siècle à Dijon, était de la plus
magnifique couleur ; elle avait coûté 300 livres au duc
— environ 1 2,000 francs de notre monnaie — et on la
peut attribuer à son peintre-verrier à Di|on, le Flamand
Guillaume .Spicker. Elle fut toujours fort admirée, même
aux temps où l'on goùtail le moins les œuvres du
moyen âge ; si bien que, au dix-huitième siècle, les
chanoines de la collégiale préférèrent renoncera un autel
monumental dessiné dans le goût du jour par Robert de
Cotte, un habile homme cependant, plutôt que de per
mettre qu'on touchât à la paitie du vitrail où l'on voyait les
images des anciens ducs de la Bourgogne indépendante,
demeurés populaires dans la province devenue française
et si bonne française.
Trois flèches en charpente, une sur la croisée, deux
sur les tours, donnaient de l'élancement à la masse
robuste et fière de Saint-Jean.
L'intérieur forme une seule et large nef ii murailles
nues percées d'arcs assez bas donnant entrée aux cha
pelles, et de fenêtres petites et simples. La seule beauté
du vaisseau est dans les proportions qui sont bonnes, et
dans l.i voûte en berceau aigu lambrissé, sans charpente
de soutien, et blasonné aux armes de toutes les familles
qui ont concouru à la construction. A la croisée, les ner-
vures se réunissent en une sorte de grande rosace à pen-
dentifs ; ceux (|ui subtilisent sur les influences récipro-
ques des styles, se plaisent à reconnaître ici un souvenir
des voûtes anglaises.
Quand vint la Révolution, la décoration de Saint-Jean
avait été absolument modernisée, mais le grand vitrail
était intact et le trésor renfermait encore plusieurs pièces
d'orfévrerieancienne qui seraient inestimables aujourd'hui
et dont la fonte ne donna que quelques parcelles de
métal. Les nobles images ducales furent biisces à coups
de pierre. L'église avait été d'abord conservée comme
paroisse, mais celle-ci fut supprimée des 1791 ; en 1796,
la nef fut affectée aux fourrages de la guerre. On proposa
ensuite d'y étaolir le théâtre, ce qui n eut pas de suite.
Au commencement du dix-neuvième siècle, on coupa
l'abside au ras des tours, à l'eli'et d élargir la rue, traverse
de la route nationale de Dijon à Chalon-sur-Saône, et
aussi, ne irtanquèrent pas de dire les Dijonnais nés
moqueurs, de dégager la maison de M. le maire Durande.
Puiî., pour rien, pour le plaisir, on abattit les trois
flèches. Le préfet Guiraiidet, un homme du Midi, né dans
une ville (Nimes) aux longues toitures honzimtales ro-
maines, déclarait ne rien comprendre au goût de ses
administrés pour ces « pointes en l'air », et les fit jeter
bas. En 1803, l'église servit de marché et de bureau de
passage pour le bétail. Les faiseurs d'antithèses roman-
tiques avaient beau jeu à montrer les vendeuses caque-
tant, les bêtes de boucherie criant, beuglant, bêlant, et
la volaille vivante piaillant, sur le dallage où étaient en-
castrées les pierres, modernes d'ailleurs, indiquant les
tombes de saint Grégoire et de saint Urbain, évêques de
Langres.
Sous le second empire, Saint-Jean servit temporaire-
ment d'entrepôt de farines : puis, en 1862, le conseil
municipal délibéra qu'il serait rendu au culte et formerait
une nouvelle paroisse ; la bénédiction eut lieu le 13 no-
vembre 1866. Malheureusement, la restauration avait
été confiée à un brave homme d'architecte municipal,
parfaitement incapable de comprendre ([uoi que ce fût
au style médiéval ; surtout, il n'était pas coloriste, oh
non ! Les murs reçurent une teinte crème au caramel
sur laquelle on jeta au pochoir de longues bandes avec
ornementation en rinceaux d'un quinzième siècle approxi-
matif : le tout, de la plus fâcheuse couleur.
Les écus de la voûte furent repeints et mal : enfin,
la haute muraille pleine de l'abside tronquée, reçut une
immense peinture de M. Bénédict Masson, un artiste
dijonnais, mort il y a une douzaine d'années.
Après avoir analysé l'œuvre regrettable de
Masson, l'auteur conclut :
La décoration murale de .Saint-Jean est tout simple-
ment exécrable ; divisée en deux parties conjuguées que
sépare un meneau peint devant lequel se tiennent de-
bout saint Je.in- Baptiste et saint Jean TEvangéliste, elle
montre, d'un côté, le baptême du Christ, de l'autre, le
disciple bien-aimé amené devant le juge romain qui va
le condamner au supplice de la chaudière ardente. Au-
dessus, sur une nuée pesante, auréolée d'une lumière
qui n a rien de céleste, siège une Trinité composée d une
manière fort hétérodoxe, puisqu'elle est formée du Père,
du Fils et de... la Vierge 1 assis et égaux. Cette grande
machine pousse rapidement au noir, mais il était impos-
sible qu'elle devint plus mauvaise.
Les chaoelles ont reçu quelques verrières dont il vaut
mieux ne rien dire; quant aux grandes baies des pignons,
on y a mis des panneaux losanges de jaune et de violet
qui sont horribles.
Il me souvient d'avoir eu le plaisir,en iS89,de promener
dans Dijon Philippe Burty; la belle masse de Saint-Jean
aux pierres rouillées par les soleils de quatre siècles et
demi le charma tout d'abord. Mais je n'oublierai jamais
son mouvement de recul, d'horreur sur le seuil de la nef.
« Allons nous débarbouiller >, me dit-il, en tournant
aussitôt sur les talons. Ce n'était pas tout à fait équitable;
malgré les erreurs, les horreurs, si l'on veut, de la poly-
Cl)romque.
89
chroMiie, Saint-Jean vaut une visite, les peinturlureurs
n'ont pas eu raison des lignes de l'architecture, qui
demeurent belles. Mais Philippe Burty n'était guèie sen-
sible qu'à la couleur, et la géométrie des structures ne lui
disait lien. Pour le rasséréner, je le menai à quelques pas,
à l'ancien hôtel Bourhu, grave demeure à mine de châ-
teau, élevée en 1643, peut-être par le Uijonnais Le Muet,
1591-1669, le plus beau palais parlementaiie que le
XVIP siècle ait construit à Dijon. Moins riche dorne-
nientation que celui qui porte aujourd hui par droit
d'héritage direct le nom d hôtel \'ogué, il eit peut-être
plus imposant, dans sa simplicité et parleiythme fier
de ses hauts faitages. < A la bonne heure, murmura
Hurty, voilà qui est sous patine ancienne. > On y a bien
touché un peu, pas trop, pourtant, lorsque Ihôtel Bouchu
est devenu la succursale du Conservatoire.
Pour en revenir à notre église, elle est pauvre en objets j
d'art anciens ou modernes. \'oici cependant, incrustée 1
dans le pavé d'une chapelle, la tombe avec effigie de 1
Thiébault Liégeard, un lointain ancêtre de M. Siephen !
Liégeard, le poète et l'écrivain dijonnais. Cette dalle,
bien conservée, est du \V siècle. Ce Thiébault
Liégeard avait commandé pour un autel de l'ancienne
église un retable de la V'isitation, au sculpteur Jehan de
la Huerta, ce sculpteur aragonais qui commença le
tombeau du duc Jean sans Peur que devait achever
le Dauphinois .Antoine le Moiturier. Nous avons le
marché, qui est du 18 novembre 1444, et c'est un docu-
ment précieux en ce qu il nous montre avec quelle minutie
étaient établis les programmes donnés aux artistes pein-
tres, sculpteurs ou verriers. Non seulement on prévoit,
comme dans un cahier des charges pour une entreprise de
travaux publics, toutes les conditions matérielles de
l'exécution, mais on trace, dans une description minu-
tieuse à la plume, le thème détaillé de la composition
elle-même. N'oublions pas que les sujets religieux
n'étaient jamais abandonnés à la liberté, à la fantaisie
des artistes ; on imposait à ceux-ci des conditions rigou-
reuses conformes aux lois de l'iconographie, et au clergé
seul appartenait la connaissance complète de celle-ci.
Ainsi le peintre ou le sculpteur ne faisait qu'exécuter sous
la dictée le tableau ou le bas-relief commandé. Au temps
d'indépendance où nous sommes, une pareille pratique
refroidirait singulièrement la veive d'un artiste, et on
n'obtiendiait assurément qu'une (L'uvre sans accent. Cette
discipline ne produisait pas les mêmes eflets au moyen
âge, où les artistes tenaient, non à la gloire personnelle,
mais à l'honneur d'avoir concouru à une œuvre collective
de foi et de beauté.
Une inscription, toute moderne d'ailleurs,fait connaître
que Jacques-Bénigne Bossuet a été baptisé en cette église
le 27 septembre 1627 ; il était né, la veille ou le jour
même, dans une maison voisine qui est très modeste, au
numéro 10 de la place Saint-Jean.
Une somme de 14,964 fr. 73 va être employée en répa-
rations à Saint-Jean ; il est probable que l'on aura la
surprise ordinaire des travaux imprévus et impérieuse-
ment nécessaires. Quoi qu'il en soit, je ne sais à quoi cet
argent sera employé par la Commistion des Monuments
historiques et ^I. Charles Suisse, son architecte en chef ;
s'il s'agit de réparer les bévues polychromiques de l'in-
térieur, c'est peu ; j'imagine plutôt que l'on va repren
dre certaines parties ruinées des maçonneries extérieures.
Il se peut que le travail soit urgent ; je vois là, en effet,
bien des pierres épidermées et effritées. Je regretterai,
toutefois, comme un mal nécessaire, l'introduction de
matériaux neufs parmi un bel appareil dont le ton
général, qui va du rouillé des surfaces au fer sombre des
crochets et fleurons, est d'une harmonie singulière et rare.
André Arnoult.
fibotogcapfjics Htcbéologiques.
IA Revue de l'Art chrétien a signalé à
se.s lecteurs plusieurs fois déjà la belle
collection de photographies archéolo-
giques de M. Martin Sabon. La pre-
miere mention remonte à l'année 1890 (■).
A cette époque, les amateurs n'avaient guère
à leur disposition que la collection Mieuseinent,
éditée, sous les auspices du Ministère de l'Instruc-
tion Publique et des Beaux-Arts, dans le format
30 X 40. Ce format était encombrant. Le prix était
en rapport avec le format ; il variait entre 2 et
3 francs, selon que les épreuves figuraient sur le
catalogue officiel, ou qu'elles appartenaient à la
collection particulière de l'opérateur. Ces photo-
graphies ne pouvaient donc entrer que dans les
portefeuilles des amateurs indifférents à la
dépense.
C'est alors qu'un homine de goiit, vraiment
désintéressé, d'une persévérance invincible, réso-
lut de mettre les reproductions de nos monu-
ments nationaux à la portée de tous leurs admi-
rateurs.
Dès le premier jour, M. Martin-Sabon créa
deux séries dans les formats 13 x 18 et 21 X 27,
qui, en édition, étaient vendus o fr. 75 et i fr. 25.
Ces prix assuraient évidemment un bénéfice à
l'éditeur au détriment de l'acheteur.
Aujourd'hui les choses sont simplifiées. Plus
d'intermédiaire. M. Martin-Sabon se constitue le
préteur de ses clichés et se met sur rendez-vous
à la disposition des archéologues pour leur
montrer chez lui, S'''^, rue Mansart, à Paris, ses
collections où l'on peut examiner à loisir les
épreuves désirées. Le choix étant fait, les clichés
sont portés chez un tireur photographe du voisi-
nage,auquel les demandeurs paieront simplement
pour les frais de tirage et de retouche o fr. 50 par
épreuve 13 x 18 et i fr. par épreuve 21 X 27. C'est
une économie notable.
On peut, de la sorte, se procurer des épreuves
neuves tirées avec le plus grand soin et non des
épreuves vieillies et plus ou moins altérées dans
les albums de l'éditeur. C'est un grand avantage.
La collection Martin-Sabon comprend, à l'heure
actuelle, près de 7000 clichés, répartis dans l'Ile-
de-France, la Picardie, la Normandie, la Bretagne
et la Touraine.
Tout le monde sait que les photographes,
amateurs et même professionnels, ont une prédi-
lection pour les extérieurs des monuments, qui
n'exigent qu'une pose rapide et une mise au
point facile. Ceux qui se risquent à l'intérieur
des édifices ne prennent généralement que des
I. Revue de l' Art chrétien,
p. 267.
90
jRebue ïie T^rt tlirctien.
vues d'ensemble. M. Martin-Sabon ignore de
tels errements. Quand il aborde un monument,
église ou château, il l'envahit tout entier. Il pro-
mène partout son objectif, disputant à la lumière
les points les plus obscurs. Rien ne lui échappe;
sa chambre noire emmagasine tout. La simple
énumération de son butin témoigne de sa prodi-
gieuse activité. Quand il a passé en revue les
divers membres d'architecture, arcs-boutants,
arcades, arcatures, bases, chapiteaux, triforiums,
roses, clefs de voûte, etc., il s'attaque au mobilier.
Ici, le défilé devient interminable. Sans prétendre
faire un dénombrement complet, citons seule-
ment les autels, bancs d'œuvre, bénitiers, chaires,
cheminées, fonts baptismaux, jubés, lutrins, pier-
res tombales, piscines, reliquaires, retables, sépul-
cres, stalles, statues, tabernacles, etc.
M. Martin-Sabon a voulu parfaire son œuvre
en publiant un catalogue, qui est un merveilleux
instrument de travail. Ce catalogue, en effet,
comprend, outre une table de noms de lieux, un
index alphabétique (126 pages), véritable réper-
toire archéologique.
L'auteur de ces lignes serait heureux si la
publicité de la Revue de T Art chrétien contribuait
à faire connaître une collection qui a déjà rendu
tant de services aux études archéologiques et qui
est appelée à en rendre, chaque jour, davantage.
F. C.
ïîécrologtr. n^:
IfE cfiauDiiic HcuGcns.
LE plus autorisé des maîtres de l'archéologie
chrétienne, M. le chanoine E. Reusens,
professeur à l'Université catholique de Louvain,
vient de mourir. Nous recommandons son âme
au pieux souvenir de nos lecteurs, et résumons à
grands traits sa carrière scientifique, d'après le
discours prononcé à ses funérailles par son dis-
tingué successeur à la chaire d'archéologie,
M. l'abbé de Maere.
Edmond Reusens naqOil à Wynegheni, le 25 avril 1831.
Après s'être f-iit remarquer par ses supérieurs au Sémi-
naire de Malines, il fut envoyé à Louvain, en 1S54, pour
s'y adonner à l'étude de la théologie.
Le Recteur magnifique, Mgr de Ram, s'adjoignit sans
hésiter sa collaboration. Lorsque M. Reusens passa, en
1862, son doctorat en théologie, il avait déjà trouvé la voie
qu'il allait suivie d'une f.içon définitive. En effet, depuis
trois ans, il était bibliothécaire de l'Université, et sa dis-
sertation doctorale relative à la doctrine théologique du
Pape Adrien VI relevait de deux matières auxquelles il
devait consacrer sa vie : le passé de l'Université de Lou-
vain et celui de l'Eglise de Belgique. Mgr de Ram s'as-
socia son élève lorsqu'il fonda, en 1864, les Analecies pour
servir à Vhistoire ecclésiastique de Belgique.
Cependant après le premier des grands Congrès de
Malines, à la suite desquels la vitalité catholique, débor-
dante de sève, s'épanouit en une si belle efflorescence, un
cours d'archéologie fut créé à Louvain, et ^L Reusens en
devint le premier titulaire en 1864. Peu après il occupa
aus^i les nouvelles chaires de paléographie et de diplo-
matique.
A la Bibliothèque, avec des ressources trop restreintes,
il sut obtenir de grands résultats. Dans le domaine de
l'histoire religieuse de Belgique il publia un trésor de
documents et, à la veille de sa mort, il édifia à la gloire
de l'ancienne université de Louvain un monument impé-
rissable.
Son action ne fut pas moins remarquable dans le pro-
fessorat.
Son cours d'archéologie devança dans le pays tous les
cours similaires. Pour décrire ce qu'il produisit dans le
domaine de l'art ancien il faudrait rappeler le nom de
Bethune et son école, les noms des disciples qu'il suscita,
la Gi/de de Saint -Tho»ias et de Saint-Luc dont il fut
l'âme, le comité diocésain des monuments qu'il fit créer,
tout ce mouvement, enfin, auquel il eut une large part,
qui rendit le peuple belge conscient de son passé et de sa
valeur artistique. Il devint membre de la Commission
royale des .Vlonuinents, membre'de la Commission royale
d'histoire. Diverses autres sociétés savantes le reçurent
dans leur sein.
Gamma Sitte.
A LA fin de l'année 1902 a paru un petit
livre qui fit une énorme sensation, à cause
de la nouveauté, de l'originalité des idées qui y
étaient contenues,et qui étaient cependant pleines
de vérité et de bon sens. Après avoir consacré
une douzaine d'années à des voyages d'études,
M. Sitte fit voir combien nous avons encore à
apprendre pour ne pas compromettre la beauté de
nos rues par des transformations pratiquées à la
légère. Il venait trop tard pour éviter de graves
fautes, encore à temps pour conjurer de nouvelles
bévues. Nous avons fait connaître, dans notre der-
nière livraison le beau livre de l'architecte vien-
nois. Ayant entrepris de nous mettre en rapport
avec cet homme de bon conseil, nous n'avons
reçu de réponse que de son fils et élève M. l'ar-
chitecte Siegfried Sitte, qui nous annonçait la
mort inopinée de son digne père, au inoment
même où une juste célébrité allait couronner ses
travaux. Il mettait la dernière main à un nou-
veau volume sur l'esthétique des villes.
Question.
Monsieur Louis de Farcy (3, parvis St-Mau-
rice, à Angers) serait très reconnaissant à celui
des lecteurs de la Revue, qui posséderait l'opus-
cule suivaut, de le lui communiquer :
Cljromque.
91
Insigne Ecclesiœ Aiidegavensis panegyricon
ad singulos anagrammaticon , par Jaques Berge.
Andegavt. J. le BouUenger, 1659. In-4° de 63
pages, dédié à Henri Arnaud, évêque d'Angers,
et à tous les chanoines de la cathédrale, dont
chacun trouve son éloge dans l'anagramme de son
nom disposé en vers latins.
erratum.
Au début de l'article de M. H. Chabeuf sur le
musée Brera (p. 533 de notre dernière livraison),
s'est glissée une faute d'impression qui dénature
la pensée de l'auteur. Le contexte de la phrase
initiale et le texte entier de l'article auront du
reste suggéré au lecteur la substitution du mot
continu à inconnu. Il faut donc lire ainsi cette
phrase — « Si les riches musées italiens sont au
» premier rang par l'ensemble de leurs trésors
J) artistiques, laissant parfois à désirer au point de
» vue du classement, du moins le progrès y est-il
« continu. »
Imprimé par Desclée, De Brouweret C'=, Lille- Paris-Bruges.
^V ^ii ■ jli:ri"ifc-v,'..^>-=;/-'V y ><^Vv^v ^-"^^ . .
Betiuc lie
l'Hrt rhrétien
> paraîseniu toiiis les bDut iiuiisf. 4;|
^ 4yme ^nncc. — 4« Sétic.
(Coinc XV (Lii^ be fa coUectiou).
][^ 2me livraison. — ffîars 190^. 4<]|
g;H1iHits^iiiifH:a:iiilMiilB:tIMhMi^^jiiijiiii^I■'i5!;i!!;atfj«?^
li^Hïioration î)cs Bergers liu musée lie ©ijon
(0
^^^L y a peu de mois, visi-
ï: tant pour la première
fois le riche et instruc-
tif musée de Dijon,
après un rapide coup
d'œil général, où un
examen plus attentif
m'avait retenu auprès des œuvres princi-
pales réunies dans ce que l'on pourrait
nommer le salon d'honneur, les tombes
monumentales des ducs de Bourgogne,
Philippe le Bon et Philippe le Hardi, les
retables peints par Hroederlam et sculp-
tés par Jacques de Baerze, je me sentis
attiré par un petit panneau, placé dans une
salle voisine, dont se dégageait un charme
singulier. Il m'était connu par des repro-
ductions, mais des reproductions comme
I. Ce panneau est entré au musée de Dijon en 1S41.
Il a été acquis par le conservateur, à cette époque, M.
Pivert de Saint-Mesmin. Il mesure o"',47 sur o"',7o. Il a
souffert, et on y voit des reprises, sensibles surtout dans le
groupe d'anges chantant le Gloria. Nous devons les ren-
seignements relatifs à l'acquisition et à l'état du tableau
à M. Chabeuf, le savant président de la Société des
sciences, arts et belles-lettres 9e Dijon.
celles que nous offrons à nos lecteurs, hé-
las, sans couleur. J'y revins à plusieurs
reprises, retenu par l'intérêt de la compo-
sition, l'harmonie particulière des tonalités,
et la remarquable pondération qui existe
entre les figures groupées au premier plan,
les anges qui planent dans le ciel et ce
ravissant paysage qui, sans distraire l'œil
de la Scène biblique, lui donne au contraire
quelque chose d'intime et de familier. Il
semble que l'on ait parcouru ces chemins
serpentant dans le lointain, bordés d'arbres
à demi dépouillés le long des prés jaunis
par l'automne, conduisant à d'anciennes
cités, où apparaissent les églises et les tours
surmontées de flèches ; on a vu déjà ces
remparts baignés par une rivière bleue qui
reflète le ciel! 11 me semblait même que
dans les rêves de l'enfance, je m'étais as-
socié à ces bergers adorant l'Enfant Jésus,
et que j'avais entrevu alors ces groupes
d'anges revêtus de couleurs chatoyantes,
chantant le Gloria in excehis Deo ! ...
Enfin, tout cet ensemble me parut si
HKVL'K DE L AKT CHKtTIt.N.
1904. — 2'"* LIVRAISON".
94
jRelluc tie V^xt cf)rctteu.
attachant, qu'une reproduction, — si insuffi-
sante qu'elle fût — serait agréable aux lec-
teurs de la Revue, et qu'à ce propos, il ne
serait pas indifférent de leur faire connaître
les études dont le panneau de Dijon a été
l'objet des savants de notre temps, et ce
que l'on sait sur le maître qui en est
l'auteur.
L'Adoration des Bergers du musée de
Dijon a été décrite et reproduite trois fois.
Tout le monde est d'accord pour l'attribuer
aujourd'hui au peintre désigné sous le nom
de « Maître de Flémalle », grâce à une
étude, bien approfondie, parue en 1898.
La Gazette des Beaux- Arts a donné un
article accompagné d'une gravure sur ce
tableau. L'auteur rapproche \' Adoration
des Bergers d'une peinture murale repré-
sentant le même sujet, fort détériorée, qui
existe à la boucherie aujourd'hui désaffec-
tée de Gand. Il trouve de nombreuses ana-
logies entre les deux peintures. Plus clair-
voyant que d'autres archéologues, qui ont
étudié le panneau de Dijon, il y a vu la
figure du Père éternel que, jusqu'à présent,
il a été seul à apercevoir ('). Il juge au
surplus cette peinture « la plus importante
et la plus développée des œuvres du maî-
tre », ce qui est également inexact.
Une délicieuse héliogravure de ce tableau
orne le beau livre de M. Gonse: Les chefs-
dœuvres du Mtisée de FraJice ("). Cette
reproduction est accompagnée d'une notice
écrite avec charme où l'auteur apprécie à
sa haute valeur l'œuvre que je tiens à faire
connaître à nos lecteurs. Dans l'attribution
1. < Enfin, nous constatons, dans la peinture de Dijon,
comme dans celle de Gand, la présence de la Vieille Ze-
lomé, la femme au turban, et l'introduction dans la pein-
ture murale du l'ère Éternel, occupant dans l'œuvre de
Dijon, une place moins apparente que dans la fresque ».
Gazette des Beaux-Arts, Année 1900, tome vingt-troi-
sième, p. 247.
2. Paris, Société française d'édition d'art, 1900. Article
sur le Musée de Dijon, p. 104.
au Maître de Flémalle il se range sans hé-
siter à l'opinion de M. de Tschudi, qui a
été le premier à en reconnaître le peintre.
M. de Tschudi, directeur des musées de
Berlin, dans une étude très approfondie et
pleine de recherches sur le Maître dit de
Flémalle, — étude sur laquelle nous allons
revenir — met le panneau de Dijon en
très bonne place : il donne de cette com-
position une description à la fois si précise
et si complète, que je ne crois pouvoir
faire mieux que d'en essayer ici une tra-
duction que je m'efforcerai de rendre la
plus exacte possible.
*
* *
^, Sous une hutte de chaume, Marie, age-
nouillée, est en adoration devant l'Enfant.
Elle est revêtue d'une robe et d'un man-
teau blancs, orlé d'or qui étend ses plis sur
le sol. Le petit enfant malingre, presque
décharné, est couché devant elle, reposant
sur une auréole aux rayons d'or, comme sur
un tapis. Joseph, agenouillé devant lui, con-
temple le nouveau né d'un air soucieux.
D'une main il tient un cierge allumé dont il
cherche,de l'autre main, à garantir la flamme.
— Ce cierge signifie que la scène se passe
la nuit, bien que l'on se trouve en plein
jour, — comme cela se serait passé sur les
tréteaux d'un théâtre Shakespearien. —
Il ne pouvait, en effet, entrer dans l'esprit
du peintre, l'ami des couleurs claires et de la
joyeuse lumière, de vouloir rendre ici un
effet de nuit. Dans la figure de Joseph on
reconnaît iinmédiatement, le fabricant de
souricières du triptyque de Mérode(').
« Ses vêtements sont nuancés des cou-
leurs les plus vigoureuses : manteau rouge
doublé de vert avec capuchon bleu. Cette
I. Dans le volet de droite du célèbre triptyque aujour-
d'hui disparu, saint Joseph est représenté devant son
établi de menuisier, confectionnant des souricières.
3L':^t)oratton hts Bergers.
95
harmonie des trois couleurs juxtaposées
trouve un écho dans le trio d'anges, ainsi
que dans le costume de la femme à droite.
A la baie de la fenêtre on voit se presser
trois bergers, et, dans l'expression de visage
de ces rustiques, se peint un mélange
de curiosité et de gaucherie respectueuse,
où vraiment la nature semble prise sur le
fait. En revanche, l'âne et le bœuf, à l'en-
conire des données traditionnelles, ne pren-
nent aucune part à l'action. On aperçoit à
travers la claire-voie disjointe, formant les
parois de la chaumière et dont les lattes
sont dégarnies de leur crépi, le ruminant
mollement couché. L'animal est reproduit
avec un remarquable esprit d'observation.
Au-dessus de la hutte plane un groupe
d'anges aux vêtements flottants, tenant des
banderoles dont les plis forment de capri-
cieuses évolutions.
« A ces figures typiques, traditionnelles
de la nuit de Noël, viennent se joindre deux
femmes, que l'on ne voit guère dans les
tableaux qui la représentent, et qui apparais-
sent ici survenues en visiteuses étrangères.
Toutes deux sont revêtues de riches atours;
elles ont la tête couverte de coiffes volumi-
neuses en forme de turban. Celle qui est
vue du dos est revêtue d'un manteau gris
dont la doublure est ornée d'un diaprage or,
de style oriental. Les banderoles qui les
entourent, nous font connaître quelles sont
ces dames. Au premier plan est agenouillée
Zelomé, la sage-femme, appelée, — suivant
lesévangiles apocryphes, — par Joseph dans
unmomentd'anxiété et d'angoisse. Elle s'est
tournée vers sa compagne avec les mots
« virgo peperit filium ». Celle-ci, qui avait
été incrédule, lui donne la réponse : « Cre-
dam quum probavero ». Ce n'est que par
une constatation personnelle qu'elle a été
obligée de croire au prodige. Mais aussitôt
le châtiment céleste a puni le doute coupa-
ble. La main droite desséchée, que doulou-
reusement elle montre, ne sera guérie que
par le contact avec l'Enfant divin. Son vi-
sage exprime une grande peine; de la main
gauche elle a relevé l'ample manche du
bras droit, montrant la main privée de vie
à sa compagne dont l'effroi à la vue du pro-
dige, est manifeste. Mais déjà au-dessus des
deux femmes plane un ange, tenant d'une
main un phylactère dont le texte indique le
remède « Tange puerum et sanaberis » et
de l'autre un linge, allusion à la vertu des
langes de l'Enfant, dont l'attouchement
suffira à ramener la vie dans le membre
frappé de paralysie.
<< Le groupe des deux sages-femmes ne
met pas médiocrement en valeur, le talent
caractéristique du peintre. Il représente ici
un thème rarement traité dans l'art du
moyen âge,et,s'il recourt aux textes inscrits,
sur les banderoles, ce n'est pas par impuis-
sance ou maladresse. Il est maître con-
sommé dans l'art d'exprimer les sentiments
par les gestes. Ne devait-il pas, à cet égard,
se sentir bien sûr de son fait pour oser, sans
les ressources de l'expression du visage,
accuser, par le mouvement d'une figure
entièrement vue du dos, le saisissement de
l'âme ? Le maître sait donner au g-este des
mains une éloquence particulière. Ainsi
dans les deux femmes les mains aux doigts
effilés, aux articulations si délicates ont à
dire le mot décisif, — le dernier mot : et
elles le font avec une précision qui ne laisse
pas de place au doute.
« Le paysage dans ce panneau est l'un
des principaux charmes de l'ensemble. C'est
le paysage le plus achevé, le plus beau dans
tout l'œuvre du maître : il nous transporte
en pleine campagne par un jour ensoleillé
de la fin de l'automne ; les saules au bord
du chemin sont émondés, les arbres dé-
pouillés et les prés ont pris les teintes fauves
96
3Rcbuc tir r^rt chrétien*
d'un brun jaunâtre. Ces trois promeneurs
que l'on aperçoit dans un sentier, les arbres,
les buissons, projettent des ombres allon-
gées, et des nuages bleus au loin flottent à
l'horizon. Deux routes passent sur les ondu-
lations des collines qui caractérisent le
pays. Auprès d'une de ces élévations on
voit un édifice qui semble un couvent, plus
loin une hôtellerie ; puis le chemin passe sur
un pont-levis qui conduit à la ville entourée
de murs et dominée par un château fort. Au [
dernier plan, à gauche, s'étagent des rochers
à crête aiguë; entre leurs anfractuosités
apparaît l'étoile qui projette ses rayons d'or
sur la chaumière du premier plan.
« J'ai dit que ce paysage était le plus beau
du maître : c'est aussi l'un des plus remar-
quables dans tout le domaine de l'ancienne
peinture néerlandaise. Si je ne me trompe,
il y a là un premier essai d'accentuer, par
le caractère du paysage, celui de la scène
représentée par les figures.
« Le peintre n'a osé encore aborder un
paysage d'hiver. Cette tentative sera réser-
vée au XV I^ siècle. Mais ici, nous voyons
pour la première fois la nature dépouillée
de sa robe estivale, pour laquelle jusque-là,
les maîtres flamands ont réservé les trésors
de !■ ur chatoyante palette. Avec les arbres
qui projettent sur la clarté du ciel leurs
branches dénudées, avec l'herbe desséchée
des prairies roussies, l'art a conquis un do-
maine inconnu du monde visible : ce pay-
sage se distingue encore par un autre point
de la plupart des essais tentés à la même
époque, dans l'imitation de la nature. On y
voit clairement que ce sont les rayons du
soleil qui éclairent la contrée ; mieux encore,
ce ne peut être que le soleil automnal, déjà
descendu à l'horizon. Auparavant, et en
même temps que ce maître, les peintres ont
imaginé des paysages éclairés par le soleil ;
mais ils ne parvenaient qu'à évoquer l'illu-
sion d'une lumière uniforme et pâle. Le
Maître de Flémalle a compris qu'il ne s'agis-
sait pas seulement de peindre les objets en
pleine lumière, mais que ces objets devaient
encore projeter une ombre. Si l'on se sou-
vient avec quelle minutie naïve, presque en-
fantine, il s'attache, dans les scènes d'inté-
rieur, à faire correspondre les ombres des
objets éclairés aux différents foyers de lu-
mière auxquels ils doivent leur relief, on ne
s'étonnera pas de ses tentatives d'accuser
aussi les ombres portées des objets qui se
trouvent en plein air. Sous ce rapport il
n'est peut-être pas un novateur, mais il
est le peintre le plus logique, le plus consé-
quent avec lui-même.
« Dans les peintures de Jean Van Eyck
on peut voir les pignons des maisons à toits
aigus, les hommes projeter sur les places
publiques et les marchés vivement éclairés
par le soleil, des ombres à bords arrêtés.Mais
dans ses paysages, c'est à peine si l'on trouve
une indication de cet effet particulier de la
lumière. La plupart des peintres néerlandais
lui sont encore inférieurs à cet égard. Il est
bien remarquable qu'il en soit de même
dans les œuvres de Hugo Van der Goes,
qui, dans le beau paysage d'hiver du re-
table Portinari, a cependant, en ce qui con-
cerne la différence des saisons, suivi la voie
ouverte par le Maître de Flémalle (')».
*
* *
Après avoir suivi avec toute l'exactitude
possible le savant archéologue allemand
dans sa description du tableau de Dijon, il
est peut-être utile de le suivre encore dans
l'étude très étendue qu'il consacre au maî-
tre, étude trop peu connue en France,
parce qu'elle est écrite dans une langue
étrangère.
I . Jahrbuch der Koniglich : Preussische Kunstsammlun-
gen, netiiiaehn/tr Hand, 1898, Heft I uiid II.
3L':XlJoration Des Bergers.
97
C'est M. de Tschudi, qui le premier a
baptisé du nom de « Maître de Flémalle »
le peintre mystérieux désigné jusqu'alors
du nom de Maître de Mérode.
Ce dernier nom venait d'un très remar-
quable triptyque, représentant l'Annoncia-
tion au panneau central ; le volet de droite
montrait saint Joseph, fabriquant des sou-
ricières, et sur les volets de gauche, on
voyait le portrait du donateur et de la do-
natrice.
Cette peinture se trouvait à l'hôtel de M'"^
la comtesse de Mérode, où, il y a un certain
nombre d'années, quelques archéologues
ont pu la voir et l'étudier. Elle fut consi-
dérée alors comme une œuvre type, pouvant
servir de critérium aux recherches à faire
sur un maître de premier ordre, et comme
point de comparaison aux peintures que l'on
pourrait lui attribuer.
Mais bientôt.Ie triptyque ne fut plus ac-
cessible. On ignore ce qu'il est devenu ; on
sait seulement .qu'il a été copié à une
date récente et c'est d'après une photogra-
phie faite sur une copie moderne que M. de
Tschudi a fait exécuter la reproduction qu'il
donne en tête de la monographie qui sert
de base à notre étude.
Cependant les remarques et annotations
faites sur le triptyque de Bruxelles n'avaient
pas été perdues. Elles ont servi à identifier
et à reconnaître comme œuvres du même
maître une série de quatre panneaux d'un
polyptyque de haute valeur qui se trouvent
actuellement au musée Staedel de Franc-
fort. Ces panneaux ont été acquis pour ce
musée en 1849 à J. Van Houten d'Aix-la-
Chapelle, et proviennent, d après l'auteur,
de l'abbaye cistercienne de Flémalle, près
de Liège.
Il convient ici de redresser une légère
erreur ; il n'y a jamais eu d'abbaye cister-
cienne à Flémalle, ni dans les environs.
Mais il y a existé une communauté de
dames nobles, La Paix-Dieu, et une com-
manderie de chevaliers de Malte.
Le retable était une œuvre de dimen-
sions monumentales, d'un mérite de pre-
mier ordre, comme en témoignent les frag-
ments de Francfort: il peut avoir orné la
chapelle d'une de ces communautés. M. de
Tschudi suppose que «l'abbaye» aurait été
supprimée à la Révolution française. En
dehors de cette hypothèse, nous ne pos-
sédons pas de renseignements historiques
sur l'ensemble du retable et sur les circons-
tances dans lesquelles les panneaux ont
été dispersés. Leur origine aura probable-
ment été renseignée par le vendeur, J. Van
Houten.
A partir de la disparition du retable de
Mérode, ce sont les panneaux de Franc-
fort qui ont été considérés et étudiés comme
des œuvres types. Ils représentent la Ste
Vierge debout allaitant l'Enfant Jésus, Ste
Véronique, une Trinité et le fragment d'une
Crucifixion; le bon Larron avec S. Longin
et un soldat. Les figures sont à peu près de
grandeur naturelle.
C'est en raison de leur origine que M. de
Tschudi a proposé de débaptiser le mys-
térieux maître de Mérode et de l'appeler
désormais le « Maître de Flémalle». L'opi-
nion du savant allemand a prévalu ; cepen-
dant, en proposant ce nom nouveau, il émit
le vœu de voir celui-ci remplacé bientôt par
le nom véritable du grand artiste, dont, au
cours du travail que nous analysons, il pour-
suit l'étude avec une science et une sagacité
remarquable.
Ce vœu est probablement sur le point
d'être réalisé.
*
* *
Ce serait encore à l'Exposition des an-
ciens maîtres flamands de Bruges que l'on
devrait cette conquête sur l'obscurité qui
enveloppe tant de questions intéressantes
que soulève l'histoire de l'ancienne peinture
flamande.
Par son catalogue critique de cette ex-
position, M. le professeur Hulin de l'Uni-
versité de Gand, s'est révélé observateur
perspicace autant que judicieux, et dans une i
étude bien raisonnée, appuyée de dates
précises et de rapprochements de faits bien
établis,il a cherché à identifier le Maître de
Flémalle avec le peintre Jacques Daret de 1
Tournai, l'élève de Robert Campin.
La place nous fait défaut pour suivre de
point en point les déductions du savant
professeur de Gand, mais quelques remar-
ques sont à noter :
Dans l'étude des peintres flamands du
XV^ siècle et du rang qu'il convient d'as-
signer à chacun d'eux, après les frères
Van Eyck et Rogier Van der Weyden, il
n'existe pas de peintre dont le génie soit
à la hauteur du Maître de Flémalle.
A la même époque, Jacques Daret était
le plus considérable des peintres et le plus
en vue de tous ceux dont les archives ont
conservé le nom.
Les comptes des ducs de Bourgogne en
font foi. A deux reprises il est fait appel à
tousles peintres dupays:aubanquet deLille,
1/ février 1453, Jacques Daret apporte le
concours de son travail, et son salaire est
plus élevé que celui de tous ses confrères.
En 1468, aux fêtes des noces de Charles le
Téméraire avec Marguerite d'York, où un
très grand nombre de peintres de mérite
sont appelés à venir peindre les décorations,
Jacques Daret a la direction des travaux,
avec une rémunération supérieure. Ce pein-
tre n'eut pas une influence purement locale.
Son renom s'étendit au loin, et on retrouve
sa trace à Saint-Omer, à Anvers, à Arras.
Le style et le talent du Maître de Flé-
malle offrent des affinités remarquables
avec le style et les mérites de Rogier de la
Pasture, Rogier Van der Weyden.
Jacques Daret fut condisciple de Rogier
à l'atelier de Robert Campin ; Rogier Van
der Weyden y commence son apprentis-
sage le 5 mars 1426, Jacques Daret entre
au même atelier le 12 avril 1427. Van der
Weyden est reçu franc-maitre le i" août
1432. Jacques Daret est élevé à la même
dignité le 18 octobre 1432.
Jacques Daret a eu une carrière longue
et productive.
L'œuvre du Maîire de Flémalle, telle
qu'elle est établie par M. de Tschudi est très
considérable. C'est à tel point qu'il constate
comme chose bien remarquable que le
nombre des œuvres qu'on peut attribuer à
ce peintre, au moyen de considérations bien
fondées, atteint et même surpasse, ceux des
maîtres les plus féconds parmi ses contem-
porains. M. Hulin émet encore d'autres
arguments en faveur de sa thèse qui paraît
si bien établie que M. Weale, dans le cata-
logue officiel de Bruges, s'est rallié à ses
conclusions et voit dans le Maître de Flé-
malle et Jacques Daret, un même peintre.
*
Il y a donc tout lieu de croire que M.
Hulin se trouve sur une bonne piste. Le
moindre petit renseignement chronologi-
que trouvé par quelque travailleur heureux,
pourra dans un avenir peut-être prochain
assurer à Jacques Daret l'auréole qui depuis
peu d'années s'est formée autour du Maître
de Flémalle.
*
* *
Mais en attendant cette éventualité pro-
bable, nous allons suivre l'étude de M.
de Tschudi pour reconstituer l'œuvre du
maître.
Cette étude est le fruit d'un long et per-
sévérant travail poursuivi dans tous les
IL'^Doratton tt& Bergers*
99
musées et collections de l'Europe. L'ar-
chéologue allemand ne s'est pas attaché ex-
clusivement aux tableaux, œuvres incon-
testables du peintre, il fait connaître aussi
les anciens dessins et croquis faits d'après
ceux-ci, les copies anciennes et les compo-
sitions ou fragments de composition ins-
pirés par le maître, de même qu'il recherche
aussi les motifs et figures antérieures dont
le maître à son tour s'est inspiré. C'est grâce
à ces recherches et aux comparaisons éta-
blies entre tout ce que l'on connaissait du
Maître de Flémalle, qu'il a pu lui restituer
le tableau de Dijon, avec une conviction et
une sûreté qui n'a pas suscité de contra-
diction.
Ceci dit, nous continuons l'inventaire des
œuvres du maître. Nous avons déjà cité
les panneaux de Francfort.
1. La Sainte Vierge allaitant l'Enfant Jé-
sus, figure presque de grandeur naturelle.
2. Sainte Véronique, panneau de la même
suite.
3. Dieu le Père, debout, soutenant son
divin Fils mourant, au-dessus duquel plane
la colombe, peint en grisaille ; cette peinture
parait avoir fait partie du même ensemble,
mais à l'extérieur des volets ; le panneau,
très mince, semble avoir été scié en deux.
4. Fragment d'une Crucifixion, représen-
tant le bon Larron sur la croix. En dessous,
saint Longin et un soldat.
Un ancienne copie du triptyque dont ce
fragment faisait partie, appartient aujour-
d'hui au musée du Royal Institution de
Liverpool. Il a figuré à l'Exposition des
anciens maîtres flamands à Bruges.
Ces quatre fragments d'un polyptyque
peint sur panneaux en bois de chêne d'une
hauteur de 1,44 sur 0,53, formaient un
retable considérable, une œuvre monumen-
tale ; l'auteur fait remarquer avec beau-
coup de raison que, au point de vue de son
importance l'œuvre devait être rangée
bien près du polyptyque des Frères Van
Eyck de Gand.
Au musée du Prado à Madrid.
Deux volets d'un retable dont la partie
centrale est perdue.
Le volet de gauche représente le dona-
teur à genoux, sous la protection de saint
Jean- Baptiste. Une inscription au bas de
ce volet fait connaître que, l'an 1438, Henri
de Wert, magistre à Cologne, fit peindre
ce triptyque. Henri de Wert est un per-
sonnage bien connu, de l'Ordre des Frères-
Mineurs ; il était maître en renom pro-
fessant à l'Université de Cologne, où il est
décédé en 1461. L'autre volet représente
sainte Barbe, lisant. Charmante jeune fille,
aux cheveux ondulés et dénoués tombant
sur les épaules, assise sur un banc gothique
au milieu d'un intérieur dont le peintre
met tous les détails en relief, comme il aime
à le faire. Derrière la liseuse, une bûche
tlambe dans la cheminée, tandis que dans
le paysage visible par la fenêtre ouverte,
on voit construire la tour qui servira de
prison et d'emblème à la sainte.
Le musée du Prado possède encore deux
panneaux moins importants du même pein-
tre ; l'un représente la Salutation angélique
et l'autre les Épousailles de la sainte Vierge.
Le catalogue du musée les attribue à Rogier
Van der Weyden.
La Galerie nationale de Londres.
La Mort de la sainte Vierge (indiqué
dans le catalogue comme « Ecole alle-
mande »), et sous un même N" un : Portrait
d'homme inconnu et de sa femme.
Appartenant à des collections particu-
lières.
La Vierge et l'Enfant Jésus (connu sous
le nom de Léon Somzée) a figuré à l'expo-
lOO
WitWt lie rart chrétien.
sition de Bruges, et admis par tous les con-
naisseurs, comme œuvre d'une authenticité
incontestable (').
A la Galerie royale de Berlin.
Le Crucijienie7tt, œuvre très importante
(H. o'",77, L. o'",47), a été peint primitive-
ment sur fond d'or. Le paysage et le ciel sont
l'œuvre d'un peintre du XVIe siècle, qui à
la création du maître a voulu ajouter un
élément dramatique qui n'était pas dans sa
pensée. Celle-ci a été manifestement influen-
cée par une peinture de Rogier Van der
Weyden qui se trouve au musée de
Vienne.
Portrait d'homme.
Galerie de [Ermitage à St-Pétersbourg.
Deux petits panneaux dont l'un, une
Sainte Trinité, offre beaucoup d'analogie
par la conception du sujet, avec la grisaille
de Francfort, et un tableau de grande di-
mension conservé au musée communal de
Louvain, et l'autre, une Vierge occupée à la
toilette de l'Enfant Jésus. M. de Tschudi
donne une interprétation assez étrange, et
dont il semble n'être pas bien sûr, au geste
de la jeune mère qui étend la main droite
vers le foyer allumé près d'elle. Dans cette
main il ne voit rien moins que l'intention
d'administrer une — correction maternelle
à l'Enfant étendu sur ses genoux — et dont
la pose et l'absence de costume semble jus-
tifier une interprétation, qui n'est certaine-
mentpaspuiséedans le récit des Evangiles...
Nous allons v revenir.
Mttsée de l'Hôtel de Ville à Louvain.
Dans cette collection dont la célébrité
n'est pas européenne, l'auteur a découvert
un panneau important par ses dimensions, et
qu'il croit pouvoir attribuer au maître qu'il
étudie. Le panneau, placé assez haut et mai
I. A été vendu à la firme Thoni:is Agneco and hions, i
de Londres.
éclairé, mesure à peu près un mètre de large
sur 1,40 de hauteur.
C'est la reprise du thème traité dans l'un
des fragments de Francfort, et dans le ta-
bleau du musée de l'Ermitage : une Sainte
Trinité. Dieu le Père, tenant devant lui son
divin Fils, dont les reins sont revêtus d'un
linge blanc. Le groupe est entouré de qua-
tre anges.
La composition semble avoir été peinte
sur fond d'or, mais elle a souffert de nota-
bles retouches, qui ont probablement fait
disparaître la colombe, complément de l'idée
du maître. C'est un fait à vérifier.
Musée de Bruxelles.
Il possède d'abord une copie du tableau
de Louvain qui date du XV !« siècle. On
trouva également dans cette collection deux
portraits du seigneur A la Truye et de sa
femme que M. de Tschudi, cette fois avec
quelque hésitation, croit pouvoir attribuer
au maître.
L'étude poursuivie avec tant de science
à laquelle nous venons de faire de si larges
emprunts, contient pour un maître encore
inconnu il y a un quart de siècle, l'inven-
taire d'un nombre très respectable de pein-
tures parmi lesquelles il y en a plusieurs
de premier mérite. N'oublions pas cepen-
dant que le travail de M. de Tschudi re-
monte à l'année 1898, qu'il a servi de point
de départ aux recherches faites depuis, et
enfin que les jugements de l'auteur ont
servi de critérium aux découvertes, faites
depuis. A notre connaissance celles-ci sont
peu nombreuses.
A l'exposition de Bruges a figuré un joli
tableau appartenant à Sir Fréderik Cook
de Richmond, attribué au même maître, à
juste titre, ce me semble. Dans son catalo-
gue M. Weale le décrit de la manière sui-
vante :
W,^VU^ D^ L' }m0 C[ÇR^6l^n.
PI..1
?-.uhkn, M. Gladbjch.
."adoration des Bergers.
(Musée de Dijon.)
I
3L';adoratton hts }derger0.
lOI
<? 24. La Sainte Vierge se préparant à
faire la toilette de l'Enfant Jésus. Marie, vue
de face, assise auprès d'un foyer, tient sur
ses genoux le petit Jésus en chemise de
toile diaphane, couché sur sa poitrine.
L'Enfant tourne la tête vers sa Mère, qui
chauffe sa main droite. A gauche, au deuxiè-
me plan, trois anges chantent en suivant la
notation d'un livre qu'ils tiennent devant
eux. A droite, un quatrième ange apporte
une casserole en terre rouge et une cuiller.
Bois : H. o'",82. L. 0^56. »
Le catalogue ajoute ; Un panneau analo-
gue mais avec des variantes dans les accès
soires se trouve au musée de l'Ermitage à
Saint-Pétersbourg.
Ces variantes sont notables, puisque les
quatre anges qui développent la composi-
tion ne s'y trouvent pas. La présence des
anges infirme d'ailleurs l'interprétation
donnée au panneau de l'Ermitage.
Il est vrai que M. Hulin n'accepte pas
l'attribution. Il n'y voit qu'une peinture de
l'Ecole de Flandre de la fin du XV^ siècle.
(Variante d'après le Maître de Flémalle).
L'original, ajoute-t-il, se trouve au musée
de l'Ermitage, et, suivant en cela une re-
marque de M. de Tschudi, il rappelle que
la composition a été utilisée par J. Patinier,
dans son tableau du musée de Berlin.
Dans le volume de M. Gonse que nous
avons eu l'occasion de citer à propos du
tableau de Dijon, l'auteur nous fait connaî-
tre par une excellente héliogravure une
œuvre du maître conservée au musée d'Aix
et qui ne laisse pas de doute sur son authen-
ticité.
La composition est divisée en deux zones :
La Sainte Vierge apparaît dans la région
supérieure, sur un banc gothique largement
drapé, tenant de la main gauche l'Enfant
Jésus complètement nu. Elle a la tête en-
tourée d'un double rayonnement d'or, et un
cercle de nuages multicolores forme une
large auréole autour du groupe.
En dessous, dans la région terrestre, se
trouvent trois figures. Au centre, un reli-
gieux dominicain est à genoux en prière.
C'est un abbé, car il a déposé sa mitre à ses
pieds. De chaque côté on voit un Saint
assis, formant pour ainsi dire la transition
entre le ciel où paraît la Reine du ciel avec
le divin Enfant et la terre où prie le reli-
gieux. L'un est saint Pierre revêtu des insi-
gnes de la papauté et tenant de la main
gauche les deux clefs, symbole de son pou-
voir de lier et délier. A droite, un évêque,
revêtu d'une chape en brocart d'or, ayant sur
les genou.x un livre qu'il semble méditer.
C'est probablement saint Augustin. Il tient
à la main droite un objet dont la reproduc-
tion ne nous permet pas de reconnaître la
nature : c'est peut-être un cœur. Un déli-
cieux paysage, où entre les ondulations des
collines on voit au loin une ville hérissée
de tours et de flèches et dont l'accès est
gardé par des portes et des ponts-levis, se
déroule à l'horizon et complète l'ensemble
de la composition.
#
Après avoir énuméré les différentes pein-
tures attribuées, ajuste titre probablement,
au maître que nous venons d'étudier, il est
peut-être utile de marquer brièvement les
caractères qui lui sont particuliers.
Dans son Catalogue critique, M. Hulin
constate que l'art du Maître de Flémalle
est essentiellement narratif, et que son
naturalisme en est la conséquence. Il y a
beaucoup de vérité dans cette remarque, et,
sans nous écarter de l'étude du panneau de
Dijon, nous voyons que c'est un peintre
fasciné pour ainsi dire par la nature, à
laquelle ses études lui ont révélé des aspects
nouveaux.
Il ne lui reste plus rien presque du hiéra-
tisme et de la solennité de la peinture mo-
numentale. Chacun de ses panneaux est un
microcosme dans lequel il reflète, souvent
d'une manière charmante, une scène du
siècle où il vit. Il s'affranchit aussi, trop
peut-être, des textes bibliques, dans les
scènes des évangiles que retrace son pin-
ceau. Il met une sorte de prédilection à
représenter l'Enfant Jésus complètement
nu, même dans l'Adoration des bergers, où
ceux-ci, suivant le texte évangélique, ont
trouvé l'enfant enveloppé de langes et
couché dans une crèche.
En revanche, il dépouille la Vierge
iVIarie, d'une manière trop sensible, des
caractères de la maternité. Renonçant sou-
vent au voile, on la voit les épaules inondées
d'une chevelure ondoyante et abondante.
Son type de la Vierge-Mère n'est d'ail-
leurs pas fixe. Charmant dans les pan-
neaux de Dijon et d'Avignon, il est remar-
quablement lourd et banal dans le tableau,
si remarquable, d'ailleurs, dit de « Somzée »
et d'une grande mélancolie dans l'un des
panneaux de Francfort.
Notons, d'autre part, que, moins avancé
que les frères Van Eyck, le maître a peint
encore sur des fonds d'or, ou diaprés de
dessins empruntés à des tissus précieux.
Mais dans les peintures où il place les
saints et les saintes, dans un intérieur du
XV^ siècle avec tout le détail du mobilier
et des accessoires de son temps, avec une
fenêtre ouverte sur un lointain paysage, il
est souvent par l'acuité des détails et le jeu
des lumières et des ombres, d'une vérité et
d'un charme inexprimables.
Jules Helbig.
»^ A^X A^yk K^* A^^ A^A A^g^ A^Vk ;^^y^ A^X ^^^ k'^U A^V^ *^* ^^^^ *^>^
TTiiiiu iiiiiiiiiiiiiii LiiiiriE mniij iiitiii [tTiT^TrrrTiriTT^TTTiTTi)riiTiiTiaixiJiiiJCiTiiixixrTiiiTr.[iixiJiiX3iixi:ii]triJixij:xjiTi.iiit.T^
ffîonograpliie De rancienne cattjctirale De Gami)ral :
5on histoire ; ses ricbcsscs aitistiqucs; sa Description, par l'abbé a. Pastoors
P
V »jiixiTi»ixriiiii-iiiiiixiiiiiiiT] iiriiirxiTiTTTi-tiiïiiii::iriirira:iixiiij,iiiiiiii:iiJriii][riiiTir[jiixiii:jriiiiir:(iiiT iC
;^*AÔ* *^* *itl* *Aii* *Ati^ *ASi^ *Aii^ ^ii!" *iil* *iil^ *itî^ *^* *ièl^ *AÔ* ^A^i.^ 3^
CHAPITRE PREMIER.
Constructions successives, 525-1148.
J'ÉGLISE de Cambrai,
dédiée à la Mère de
Dieu, était annexée à un
monastère, et était ainsi,
tout à la fois, cathédrale
et abbatiale. Edifiée par
S. \'aast, vers 525, elle
s'élevait entre la colline et le premier bras
de l'Escaut, sur les ruines d'une immense
construction romaine. Elle fut incendiée
par les Normands, le 28 décembre 881.
L'évéque Dodilon la rebâtit et la consa-
cra le i^'' août 890. Ce prélat donna à l'autel
principal une riche table d'argent et ajouta
à cette magnifique offrande plusieurs vases
de métal et des ornements sacerdotaux.
Menacée d'une ruine totale par les Hon-
grois qui venaient de faire irruption dans
les campagnes fertiles de la Flandre, l'é-
glise fut sauvée de l'incendie par un ecclé-
siastique appelé Séralde, en 953 : mais la
partie occidentale de l'édifice avait été
tellement endommagée, que l'évéque En-
grand en dut entreprendre le rétablisse-
ment. L'œuvre fut achevée par son succes-
seur, Rotard I I,qui fit la dédicace du temple
le I" août 990.
Trente ans après, une nouvelle restaura-
tion s'imposait. L'évéque Gérard I^'^ de
Florines décida d'entreprendre une recons-
truction complète. Il se plut à reconnaître
l'intervention du Ciel en faveur de son
œuvre, dans la découverte de deux carriè-
res de pierres, aux terroirs de Lesdain et
de Noyelles ; découverte qui eut lieu au
temps où l'évéque décidait que la pierre
remplacerait le bois dans la construction
du nouveau sanctuaire. Les travaux furent
poursuivis avec tant d'activité que la dédi-
cace se put célébrer dix ans après, 18
d'octobre 1030. La solennité fut remar-
quable. Toutes les reliques que possédaient
les abbayes et les principales églises du
diocèse furent apportées triomphalement
dans laville épiscopale. Lafoule qui accourut
des provinces limitrophes fut si considé-
rable, que la ville n'en put contenir qu'une
partie. Le reste se vit obligé de demeurer
dans les faubourgs, et même, d'établir des
tentes dans la campagne.
Sous le pontificat du Bienheureux Lié-
bert, un nouvel incendie dévasta la cathé-
drale. Le peuple de Cambrai concourut
admirablement à sa réédification; le suc-
cesseur de Liébert, Gérard II, procéda à
la consécration de l'édifice sacré, le 21
décembre 1079. Il dédia en même temps la
chapelle paroissiale St Gengould ('), récem-
ment fondée par le chanoine Hugues,
doyen du chapitre, et qui se trouvait entre
la cathédrale et la maison de l'évéque.
En 1 148, un incendie, qui prit les propor-
tions d'un malheur public, désola la partie
la plus importante de la ville, le château
de Cambrai ; c'est-à-dire, la cité primitive,
qui comprenait : la cathédrale, le palais
épiscopal, l'abbaye de St-Aubert, l'église
Ste-Croix, l'hôpital St-Julien, ainsi que les
habitations des notables. Tout fut la proie
des flammes ; l'incendie dura deux jours.
I. L'évéque Gérard I avait levé les corps des saints
Gengoult ou Gondulphe et Monulphe à Maestricht, à la
prière de l'évéque Nithard, août 103g.
104
jRctouc De r^rt tbrctten*
CHAPITRE DEUXIÈME.
L'œuvre définitive, 1200-1796.
NICOLAS de Chièvres, qui régissait le
diocèse, conçut le projet de recons-
truction de sa cathédrale sur un plan
nouveau et dans de plus grandes propor-
tions. Il fit appel à la munificence des rois
et des seigneurs, à la générosité des chapi-
tres et des abbayes, à la piété du peuple: il
jeta les fondements de la nouvelle église
sur l'emplacement de la précédente. Vers
la fin du siècle (X[I<=), moins de cinquante
ans après l'incendie, la partie romane de
l'édifice était terminée. C'était: le portail
flanqué de tourelles en saillie qui s'éle-
vaient à peu près jusqu'à la plate-forme
d'où s'élançait la flèche, surmontée d'un
ange de bronze, sonnant de la trompette.
Elle reçut, dans la suite, une ornementation
ogivale. — C'étaient ensuite, la nef prin-
cipale avec ses bas-côtés, dans l'un desquels
la chapelle de St-Gengould avait été englo-
bée; enfin, le transept, arrondi à ses extré-
mités, comme celui des cathédrales deTour-
nai et de Noyon.
La construction du chœur, avec la cou-
ronne de chapelles, fut commencée sous
l'épiscopat deGodefroy de Fontaines (i 220-
12^7). C'est le chef-d'œuvre de Maître
Villart d'Honnecourt, qui avait déjà bâti
l'admirable abbaye de Vaucelles, près
Cambrai.-
En 1463, une croix en fer, œuvre de
Jean Caudrelier, de Tournai, fut posée au
sommet de la flèche. Quelques années après
(en 1472), le chanoine Jean de Rosut se
rendit à Rome pour solliciter l'obtention
d'indulgences et de faveurs spirituelles à
l'occasion de la consécration de l'église
élevée à la gloire de la « bénie mère de
Dieu et de monseigneur S. Jean-Baptiste. »
Jean de Bourgogne était à la tête du dio-
cèse. Mais ce prélat préférait le séjour
de Bruxelles à la résidence dans sa ville
épiscopale. Le chapitre s'adressa donc à
l'évêque d'Arras, Pierre de Rachicourt,
qui vint consacrer la cathédrale, le 5 juillet
1472. La cérémonie, commencée à trois
heures du matin, ne finit qu'à midi. Un
clergé innombrable remplissait le chœur,
une foule immense, venue de tous les
points du diocèse, remplissait les nefs et
débordait jusque sur le parvis et dans
la cour de la maison épiscopale. Chaque
année, le dimanche qui suit le 5 juillet,
le clergé et le peuple chrétien célébraient
l'anniversaire de la prise de possession par
Dieu de cet admirable sanctuaire.
I. Description de l'extérieur de la cathé
drale.
Jean Molinet, dans sa chronique, range
la cathédrale de Cambrai parmi les plus
belles. € Notez, dit-il, que pour avoir une
Église parfaite, il faudrait la nef de N.-D.
de Cambrai et son embellissement d'épi-
taphes, la croisée (') de N.-D. de Valen-
ciennes et le dôme et le clocher de N.-D.
d'Anvers. » Elle était, en effet, la rivale
d'Amiens et la merveille des Pays-Bas.
Bâtie en forme de croix latine, le che-
vet dirigé vers l'Orient, l'église présentait
une masse imposante, dans laquelle s'har-
monisaient les hardiesses de l'art ogival
avec la gravité du style roman. Le chœur
et les chapelles absidales de la cathédrale
de Reims, qui sont aussi de la première
époque du style ogival, nous donnent une
représentation exacte de notre antique
église. La nef, les bas-côtés et le tran-
sept, plus anciens d'un siècle, avec leurs
baies à plein cintre, complètent le monu-
ment.
Au point d'intersection de la nef princi-
I. Croisée est ici synonyme de transept.
09onograpl)te De ranctenne catl)étirale tie Cambrai. 105
pale et du transept s'élevait un dôme haut
de cinquante mètres, percé dans chacune de
ses quatre faces de deux fenêtres prenant
jour au-dessus des toits. Aux angles, il y
avait quatre tourelles en encorbellement,
dont le toit était revêtu de plomb doré: «des
heuses (') de plomb doré. »
A l'extrémité de la nef, au rond-point,
vers l'abside, il y avait un ange de cuivre
qui, au moyen d'un mécanisme, tournait
sur lui-même en suivant le cours du soleil.
Le porche, ou grand portail, porte la date
de son érection, XT siècle. Dans son
rapport à la Société celtique, en iSo6,
Alexandre Lenoir en fait la description :
< Ce porche est composé de quatorze
figures de sept pieds de proportion, en
pierre blanche du pays, laquelle imite le
marbre blanc : les statues représentent les
Pères de l'Église, les saints prophètes...
que l'on a caractérisés par un livre qu'ils
tiennent d'une main et par un rouleau sur
lequel leurs noms sont inscrits en lettres
rouges rehaussées d'or. Plusieurs bas-
reliefs, dont l'un plus grand que les autres,
représentent sous une forme gigantesque
Jésus-Christ et la Ste Vierge entourés
d'anges ; des ornements riches, des frises
bien développées et des détails d'un grand
caractère, enfin la statue colossale de
S. Christophe portant l'Enfant Jésus, com-
posent un admirable ensemble de décora-
tion extérieure. »
Les deux tourelles en saillie donnent de
I. Que faut-il entendre par le mot Heuse ou Heuzet —
Sommet, toit, ce semble, et non pas < girouette >), comme
on le croit d'ordinaire. En effet : l'adjectif haus signifie
haut, élevé, éminent. (Etymologies Patoises-Escalier)
En Cambrésis, heuche-mi, heuche-le signifie : lève-
moi, lève-le.
— Nous croyons que le mot heuse a bien, comme on
le croit d'ordinaire, le sens d^épi (ornement terminal d'un
pignon ou du poinçon d'un toit, d'une lucarne.) On en
trouvera la preuve plus loin. L'étymologie ci-dessus est
du reste bien d'accord avec cette version.
{N. de la R.)
la sveltesse à la tour massive qui supporte
la flèche. Toute en pierre grise, percée,
découpée à jour comme un ouvrage en den-
telle, elle dominait la contrée et portait,
jusque dans les nues, la triomphante image
de la Croix du Rédempteur. On comptait
trois cents pieds — q6"\36 — depuis le
sol jusqu'au pied de la croix : la hauteur
totale était de 107 mètres.
La porte qui donnait accès dans le tem-
ple, sculptée en bois de chêne, existe
encore, disait en 1806, Alexandre Lenoir,
dans le rapport déjà cité : « Elle repré-
sente un zodiaque complet, par la réunion
assez singulière d'allégories païennes et
chrétiennes. » En efifet, douze comparti-
ments dans lesquels sont représentés les
travaux d'Hercule et les quatre évangé-
listes, avec leurs emblèmes, occupaient la
surface de cette porte fameuse.
io6
3Rebue De r^rt chrétien.
Outre ce portail, ou porche principal, qui
s'ouvrait dans la cour d'honneur du palais
épiscopal, la cathédrale présenlait quatre
autres entrées, peut-être cinq. Il s'en trou-
vait une à chaque extrémité du transept :
celle qui débouchait sur la place N.-D.
en face de St-Aubert, s'appelait : le portail
St-Jean, et quelquefois N.-D. des Fiertés.
L'entrée opposée, et qui regardait la collé-
giale de Ste-Croix, était appelée : portail
St-Étienne, et, à partir du XI P siècle,
portail de l'Horloge, parfois encore: portail
des Enfants de chœur. Une troisième entrée
se trouvait à peu près en face de la rue
St-Jérôme, c'est-à-dire, proche de la galerie
qui conduisait au palais. A l'opposite, à
l'extrémité de la galerie qui conduisait à la
salle du chapitre, il y avait le portail de
Sle-Croix. Certains plans placent une cin-
quième entrée entre le transept (portail de
l'Horloge) et la troisième chapelle absidale,
celle consacrée à S. Géry et à S. Laurent.
II. Intérieur de la cathédrale.
La nef romane, aux arceaux en plein cin-
tre reposant sur des piliers trapus, se com-
posait de onze travées. Longue de 64", 20,
large de 38 m. environ, y compris les bas-
côiés ayant chacun i i mètres, elle avait
32'", 15 d'élévation.
Le chœur ogival, séparé de la nef par
un jubé, mesurait en hauteur 41 '",19, soit
im,85 de moins que celui de la cathédrale
d'Amiens, qui date de la même époque. Il
avait 28'", 89 de profondeur. En ajoutant
la largeur du déambulatoire et la chapelle
absidale de la Ste-Trinité, soit 33'",3i ; de
l'entrée du chœur au chevet de l'église,
il y avait 62"\20; du chevet au porche,
126"^ 20, d'un portail du transept à l'autre,
on comptait 72"\30. La longueur totale de
l'édifice était, d'après le plan de A. Boileux,
de 128 mètres environ. D'après le plan de
M. Pinte: longueur, i3i'",5o; hauteur, de la
nef, 32"^, 15; largeur, 72"\30 ; flèche, 107
mètres. Plus vaste que la cathédrale de
Tournai, presque aussi élevée que la cathé-
drale d'Amiens, N.-D. de Cambrai avait
quc:lque chose de la majesté de celle de
Reims, et passait à juste titre pour la mer-
veille des Pays-Bas (').
A l'entrée du chœur se dressait le jubé.
Nous ne savons rien du jubé primitif. Celui
qui a pris rang parmi les monuments
remarquables du XVI^ siècle avait été fait
des deniers de l'évêque Henry de Ber-
ghes. Composé de marbre noir, dans
lequel des statues et des bas-reliefs d'al-
bâtre et de cuivre scintillaient d'un vif
éclat, il était surmonté d'un immense cru-
cifix en bronze, accosté des statues en
marbre blanc de la Ste Vierge et de S.
Jean, autour desquelles de nombreux chan-
deliers de bronze étaient disposés. Des
cierges y brûlaient continuellement.
C'était au jubé que se chantaient l'épî-
tre, l'évangile et certaines parties de l'of-
fice canonial aux fêtes solennelles ; on y
proclamait les publications importantes.
Publier au Trin, disait-on ; probablement
à cause de la triple entrée, des trois por-
tiques dont se composait le monument, qui
comprenait non seulement la clôture du
chœur, mais encore le déambulatoire ou
abside.
L*^ chœur était orné de verrières repré-
sentant les douze apôtres : c'était un don
de la comtesse Jeanne, fille de Baudouin de
Hainaut, fait en 1196. A la voûte étaient
suspendus les drapeaux pris par Charles VI,
I. Julien de Ligne, vicaire de la cathédrale, ►{« 1615,
donne les dimensions suivantes : longueur de la nef, 1S5
pieds; longueur du chœur, 130; largeur de la nef, 30 ; lar-
geur des bas-côtés, 45; longueur de chaque croisée, 50.
Par croisée, il faut entendre le transept.
— Houdoy nous apprend que les cuivres et les marbres
de ce jubé furent exécutés .\ Tournai. (N. de la R.)
£l^onograpl)ie îie ranctennc catl)éDrale De Cambrât.
107
roi de France, à la bataille de Rosbecq, en
1382. De nombreux lustres, ou lampadai-
res d'argent garnissaient le sanctuaire.
Au milieu, dans la partie surélevée, qui
avait un pavage spécial de carreaux «plom-
més verts et jaunes », — le reste du chœur
étant pavé de marbre noir — se dressait
le maître-autel. « C'était, au XV^ siècle,
« une table d'argent doré, sans rétable, ni
« tableau, dont la face antérieure était
io8
3Rebue be r^rr cbrctten.
« décorée d'un antependium, œuvre de bro-
« derie représentant d'ordinaire, au milieu,
« la Vierge assise, entourée d'anges et des
« SS. Apôtres, et aux deux extrémités, S.
« Jean- Baptiste et S. Jean l'apôtre. »
« Au-dessus de l'autel, et dans une châsse
€ octogonale dont les volets formaient en se
« développant un tableau large mais peu
« élevé, était placée la statue d'argent de la
« Ste Vierge. » Les volets représentaient
l'adoration des Mages : œuvre de l'enlu-
mineur Gabriel.
« A une croche dorée, était suspendu le
« ciborium qui renfermait le St-Sacrement,
« et que l'on faisait descendre au moyen
« d'un petit câble de soie attaché à l'un des
« quatre piliers de cuivre, placés à une cer-
« taine distance des quatre angles de l'au-
« tel. » Ces piliers, couronnés d'anges, ser-
vaient de point d'attache aux tapisseries qui
ornaient l'autel et variaient selon lesfêtes(').
Le mauvais goût, si général au XVIII'
siècle, qui condamna tant d'œuvres artis-
tiques des âges précédents, fit disparaître
de N.-D. de Cambrai l'autel, qu'il remplaça
par une table d'argent contournée, soutenue
par des consoles en bronze doré. Sous cette
table, était posée une urne d'argent, en-
tourée d'anges de même métal. Quatre-
vingt mille livres d'argent, produit de la
fonte d'innombrables pièces d'orfèvrerie,
furent consacrées à cette œuvre. Le taber-
nacle, le crucifix, les chandeliers qui com-
plétèrent l'ornementation de cet autel somp-
tueux,furent confectionnés avec d'anciennes
argenteries.
I. L'autel ét.iit entouré de courtines portées sur des
tringles appendues h des colonnes de laiton surmontées
de sl.-ituettes d'anges ; les supports avaient été fondus par
Maître Gilles de Grumellemont de Tournai, d'après les
dessins du peintre Jehan More). Antérieurement .^ 1431,
Guillaume Lefeljvre avait fourni quatre anges en cuivre
pour le même autel. (V. Houdoy, H/s/. ar//s//qt(e de la
cathédrale de Cambra/ et les ï.tiides sur l'art à Tournai,
de A. de Lagrange et L. Cloquet, t. II, p. 30.)
CHAPITRE TROISIÈME.
Le chœur et les sépultures des évéques
de Cambrai.
DES stalles de grand style — rempla-
cées, elles aussi, au XVI 11^ siècle —
garnissaient le chœur. Au-dessus, sur les
murailles, des grisailles représentaient d'un
côté, les douze apôtres, de l'autre, les douze
prophètes, tenant chacun un rouleau dé-
ployé, ou phylactère, où était inscrit un
texte de l'ancien ou du nouveau Testa-
ment : œuvre de Matthieu de West, un
des précurseurs de Jean Van Eyck, qui
enlumina le cierge pascal, 1380-1440.
Dans les intervalles libres, le long des
murailles, étaient érigés de nombreux et
magnifiques monuments, mausolées des
seigneurs-évêques. Sous les dalles char-
gées d'inscriptions, d'autres évêques dor-
maient leur long sommeil, en attendant la
résurrection. Sous le maître-autel se trou-
vait le caveau des archevêques, construit
en 1720.
Une plaque en marbre noir, portant les
noms des évêques de l'église de Cambrai,
depuis S. Vaast jusqu'au cardinal Dubois
(la liste avait été dressée par le chanoine
Simon .Stiévenard) était fixée à l'entrée du
chœur.
Près du jubé, qu'il avait fait édifier,
gisait Henry de Berghes (*^ en 1502). Son
monument avait été dessiné par Gabriel
Clouet. Erasme, alors étudiant à l'Univer-
sité de Louvain, composa l'épitaphe. En
avançant, on rencontrait la pierre tombale
de Gaspard Némius (41 en 1667), âgé de
plus de 80 ans , ensuite le monument de
Ladi.slas Jonnart (^ en 1674) ; il avait in-
stitué les pauvres de Cambrai ses héritiers.
Non loin du maître-autel, le monument
de Nicolas de Fontaines {^ en 1272). Ce
monument fut enlevé en 162 1 pour donner
®onograpl)îe îie rancicnne catftéDrale De Cambrât. 109
place au mausolée de François Faristeret
("^ en 1615). Il représentait l'ensevelisse-
ment de Notre-Seigneur Jésus Christ, ac-
costé des statues de S. Thomas et de
S. François d'Assise.
Puis venaient les monuments de Gui
d'Auvergne, mort en 1336, à Château-
l'Évêque ; de Pierre-André (►$< en 1368)
En face de la sacristie, la tombe de Maxi-
milien de Berghes, premier archevêque de
Cambrai, «f" en 1570 ; ensuite la sépulture
d'André de Luxembourg, >i* en 1396, dont
le monument se trouvait en une chapelle
voisine, où l'évêque était représenté aux
pieds de la Ste Vierge. A droite, se trou-
vaient les monuments de Gérard Dainville,
•i* en 1378, de Guillaume de Berghes, >i* en
1609 et de Jean Richardot, ►J^ en 1614.
Sous le maître-autel, reposait Jean de
Bryas, mort en 1694. Derrière, se dressait
l'autel de S. Jean- Baptiste, second patron
de la cathédrale : on l'appelait aussi de
Requietn. Pierre d'Ailly avait fait construire
son tombeau « sous le petit autel de Re-
quiem situé au fond du chœur». Il y était
représenté couché. Un motif de sculpture
à trois personnages décorait le mausolée :
c'était Notre-Seigneur dans les eaux du
Jourdain, recevant le baptême des mains de
S.Jean-Baptiste, accosté de S. Pierre (').
Cardinal et légat du Pape, Pierre d'Ailly
demeura attaché de cœur à son Église
de Cambrai : il porta toujours le titre de
Cardinal de Cambrai et voulut être inhumé
dans la cathédrale. Sa mort arriva à Avi-
gnon en 1420. Les débris de ce monument
sont conservés au musée de Cambrai.
Près de Pierre d'Ailly, deux autres
I. Il n'est peut-être pas sans intérêt de noter ici, que
!e tombeau de Pierre d'.\illy fut l'œuvre de l'imagier tou'--
nalsien Jacques de Braibant. (A. de Lagrange et L. Clo-
quet. Eludes sur [art à Tourjiai, I. II, p. II 5, ainsi que
les monuments funéraires d'un grand nombre de clia-
noines cambraisiens. ( X. de la R.)
évêques avaient leur sépulture. C'étaient :
Jean de Lens, ^ en 1439. Le prélat y était
représenté en vêtements pontificaux, entre
ses deux frères, tués à la bataille d'Azin-
court ; et Jean de Bourgogne, <i< en 1478.
Cet évêque s'était fait ériger un magni-
fique tombeau dans sa cathédrale,qu'il visita
si peu et où cependant son cœur fut inhumé.
Enfin, à l'entrée du chœur, faisant
pendant au monument d'Henry de Berghes,
était érigé le tombeau de Fénelon, <i* en
I 7 1 5, œuvre de Lemoyne, sculpteur du roi :
le P. Sanadon, de la Compagnie de Jésus,
en avait composé l'épitaphe.
Le chœur était entouré d'un mur plein,
tout enrichi de peintures, de sculptures, et
auquel étaient adossés des monuments fu-
néraires. A rencontre du mur du chœur,
lisons-nous dans les comptes de la cathé-
drale, se trouvent : la gésine de N.-D. ;
S. Quentin et S. Firmin, libéralités du
chanoine Pierre Lemaire, 1419-
CHAPITRE QUATRIÈME.
Les 21 chapelles.
AU chevet de l'église, la chapelle de
la Très-Sainte-Trinité, devenue, au
XV'' siècle, la chapelle de Notre-Dame de
Grâce.
I. Chapelle de N.-D. de Grâce.
Au Chevet.
Dans une monstrance, d'un travail d'une
perfection artistique remarquable, était
renfermée la précieuse et miraculeuse
imap-e de Notre-Dame de Grâce, donnée à
l'église de Cambrai, par Fursy de Bruille,
chanoine, archidiacre de Valencienes. Cette
châsse était d'argent rehaussé d'ornements
en or. « Sur les dessins de Jehan (')
I. Bellegambe, le maître des Couleurs, natif de Douai ;
auteur du fameux polyptyque d'Anchin, donné à l'église
N.-D. de Douai, par M. Escalier.
HaVX'E UE L ART CHRÉTIEN.
1504. — r"- LIVRAISON.
I JO
18it\)x\t tic r^rr cf)rétiriu
« Bellegambe, de Douai (1470-1535), l'or-
« fèvre de la cathédrale exécuta un riche
« encadrement de même métal pour en-
« tourer le tableau. Le revers de l'image
« vénérée était orné d'un arbre de Jessé,
« dont les fines découpures s'enlevaient sur
« un fonds de velours rouge : c'était le
« complément de la châsse ou fierté, sous
« laquelle on promenait la sainte image en
« procession. »
Sur les parois de la chapelle, en place de
choix, se trouvait le tableau représentant
S. Jean Baptiste, œuvre authentique de
Raphaël. L'auteur de la description artis-
tique de la cathédrale, à qui nous devons
tant de renseignements précieux, se de
mande si ce ne serait pas le tableau revenu
au musée du Louvre, après des pérégrina-
tions sans nombre.
Dans cette chapelle se trouvait une
quantité considérable d'ex-vo/o, parmi les-
quels : la lampe en argent donnée par la
ville de Valenciennes ; les trente-quatre
cœurs d'argent offerts solennellement par
les bourgeois de Lille de 1709 à 1739 ; un
reliquaire en vermeil représentant la sainte
Maison de Lorette soutenue par quatre an-
ges d'argent, reposant sur socle en cuivre
doré ; quatre grandes pyramides d'argent,
renfermant des reliques, aux armoiries du
chanoine Michel Vancantelberg ; un lam-
padaire avec trente-quatre lampes d'argent,
enfin, le lustre de Louis XI, lampadaire en
fer forgé supportant douze porte-fiambeaux
d'argent, — travail dessiné par Guillaume
Colman et exécuté par Andrieu Jacquemin.
Un des vitraux de cette chapelle repré-
sentait N.-S. au Jardin des oliviers, et, aux
grandes fêtes, on revêtait les murs des
sept belles tapisseries, dites de Charles-
Quint.
Devant la clôture, une des œuvres les
plus remarquables du sculpteur cambré-
sien, Jehan de Noie, — 1556 : sous le re-
gard de N.-D. de Grâce, qu'il avait léguée
au Chapitre, reposait le chanoine Fursy de
Bruille, >i> en 1450.
Les comptes de la cathédrale, découverts
et publiés par M. Houdoy, nous fournissent
les renseignements suivants sur le reli-
quaire ou monstrance qui renfermait la
précieuse peinture de N.-D. de Grâce, en
l'année 1752 : « L'image enchâssée en ar-
« gent doré, ornée d'une bordure garnie de
« diamants et de rubis, et à chaque angle,
« il y a 43 diamants, une pierre fine et
« un rubis au milieu d'un cadre, de chaque
« côté, il y a 16 diamants et 2 rubis et une
« pierre fine.
« Au-dessus du cadre, il y a une demi-
« couronne d'or, sur laquelle il y a une
« croix d'or et deux colliers de perles fines.
« Item, une croix d'or, garnie de diamants,
« deux anges de la hauteur d'un pied, d'ar-
« gent doré, ayant chacun pendants d'oreille
« d'or émaillé avec chacun 6 perles. ï>
CJtapelle de Stc-Êlisabeih et de Si il loi —
fondée en 1239.
Côté de Ste-Croix, portail St Etienne ou
de l'Horloge. A droite.
2^ absidale.
L'autel était surmonté d'un retable aux
innombrables personnages, fouillés dans
l'albâtre ; de chaque côté un ange aux ailes
déployées. Dans un reliquaire de métal pré-
cieux, rehaussé d'émaux, se conservait le
cœur de Ste Elisabeth de Hongrie, bien-
faitrice de l'église de Cambrai.
Des peintures décoraient cette chapelle.
En 1454, un religieux de St-Aubert, Nico-
las Bleutin, y représente de nombreux per-
sonnages. En 1566, Jean de Nolle, avec
ses deux fils, « l'orne de fines peintures,
avec volets en bois, portant sur leurs revers
5@onograpl)te De Vamimnt catftéDrale De Cambrai.
II I
les images de Jehan Happe, archidiacre
d'Anvers et de quelques membres de sa
famille. »
La clôture était en bois sculpté, avec
colonnes de cuivre surmontées de candé-
labres du même métal.
Chapelle de St-Géry et de Si- Laurent.
3« absidale.
Fondée au XI IP siècle par les frères
Etienne et Grégoire Leduc, membres du
Chapitre.
On y remarquait le tombeau en marbre
blanc d'Ernestine de Velasco, chanoinesse
de Ste-Vaudru, morte en 1654, dans sa dix-
neuvième année.
Profanée en 1595, par l'inhumation du
fameux baron d'Inchy, sur l'ordre de Bala-
gny, gouverneur de Cambrai, elle fut puri-
fiée par l'évêque Louis de Berlaimont.
Chapelle du Crucifix ou du St- Sépulcre.
4^ absidale.
Robert de Franqueville, lequel quitta sa
stalle de chanoine pour entrer dans l'Ordre
des Chartreux, avait enrichi cette chapelle
d'une clôture de marbre avec colonnes.
Les statues en marbre de S. André et de
Ste Catherine, le monument de Jean de
Malove, <^ en 1554, un groupe représentant
Notre Dame de Pitié «que l'on dit Fla-
mingue », ornaient cette chapelle.
C'était « un travail d'orfèvrerie, fait par
Pierre Van Pulaer, composé de quatre per-
sonnages et de 6 petites histoires. »
On appelait Notre-Dame la Flaminghe,
le groupe représentant la T. Ste Vierge
tenant dans ses bras le corps inanimé et
sanglant de son Divin Fils. Ce nom pro-
vient, sans doute, de ce que les églises de
Flandre ont, les premières, offert à la piété
des fidèles, de semblables représentations
de la Mère des Douleurs. En Italie, on a
appelé le groupe Pietà, et l'usage général
en a fait N.-D. de Pitié. Les comptes de
la cathédrale, de l'an 1500, portent: « N.-D.
de Pitié, que l'on dit, Flaminghe. » Ce qui
infirme l'opinion de certains érudits qui
préfèrent y voir la Vierge auréolée de
flammes : Flamma, flammarum, d'où par
une suite d'altérations, flaminghe.
Près du « Piteux Crucifix », au-dessus
de la chapelle, se trouvait l'Horloge monu-
mentale,antérieure de deux cents ans à la fa-
meuse horloge de Strasbourg. Commencée,
dit-on, en 1383, perfectionnée sous Pierre
d'Ailly, elle avait été renouvelée en 1765.
Au moment où le carillon sonnait l'heure,
on voyait s'avancer un groupe de person-
nages en cuivre représentant la passion de
Notre-Seigneur, tandis qu'un ange appa-
raissait au sommet d'une flèche de style
ogival et sonnait de la trompette, pour
rappeler aux mortels que chaque heure qui
s'écoule, les pousse vers le jour suprême
où le Fils de Dieu citera l'univers à son
tribunal.
Outre le cadran des heures, il y en avait
deux autres qui indiquaient les jours de la
semaine, la succession des mois, des saisons
et les phases de la lune.
Ce travail curieux jouissait de la faveur
populaire ; l'horloge de la cathédrale figu-
rait parmi les VI I merveilles du Cambrésis.
Chapelle de S t- Biaise ou des évêqties. —
Faisant pendant à la chapelle de Ste- Eli-
sabeth.
Côté du portail St-Jean.
5« absidale.
A gauche de l'autel de N.-D. de Grâce.
Close d'une belle balustrade en marbre,
due à l'inépuisable libéralité de l'évêque
François Van der Burch — on y substitua
en 1789 une grille avec boiseries — cette
chapelle était décorée des statues de pro-
phètes, au nombre de h uit, en marbre blanc,
et d'un candélabre orné de figures en ronde
bosse, donné par Y von Leroy, en 1519.
Là était le monument élevé en mémoire
de Don Fernand de Quesada, gouverneur
de Cambrai, mort en 1655.
Cette chapelle était réservée à l'usage
des évêques. Pendant son épiscopat, Féne-
lon, dérogeant à l'antique coutume, célé-
brait le S. Sacrifice de la messe à la cha-
pelle de N.-D. de Grâce.
Chapelle de Ste- Catherine et de St- Nicolas.
2^ absidale, gauche.
Le chanoine Ferry de Crohin, '^ en 1628,
l'avait enrichie d'une clôture en marbre.
Chapelle St-Pierre et St-Paul.
3« absidale.
Elle avait été érigée en 1227. Pierre
Prudhomme, qui a laissé de précieux mé-
moires sur Cambray, l'avait dotée, l'an
1628, d'une clôture en marbre.
Chapelle de St-Nicaise.
4^ absidale, gauche.
La clôture, don du chanoine Félix Len-
grand, était en marbre.
Chapelle de Ste- Anne.
5^ absidale.
Fondée et dotée en 1319, par le chanoine
Nicolas Fabourdeur, prévôt du chapitre. La
clôture était en pierre grise.
Chapelle St-Jean-l Évangéliste.
6^ absidale.
Elle a donné son nom au portail situé
en face de St-Aubert. Édifiée aux frais
d'Éiienne de Suisy, celte chapelle renfer-
mait le splendide monument de François
\'an der Burch, de vénérée mémoire. Érigé
d'abord dans l'église des PP. Jésuites, à
Mens, en 1640, le monument fut transporté
à Cambrai, en 1720; et les restes mortels
du saint prélat reposèrent dans la chapelle
St-Jean, jusqu'au jour où (( la Bande infer-
nale » vint exécuter les ordres sacrilèges
du Comité du salut public.
Ce mausolée se trouve dans la chapelle
Ste-Agnès, — Fondation Van der Burch,
en faveur de cent jeunes filles pauvres.
N.-D. -des- Fiertés ou des Reliques.
Dans le transept, à peu de distance de la
chapelle St-Jean, — dans le prolongement
de la clôture du chœur, — une vaste cha-
pelle était dédiée à Ste Maxellende. On
l'appelait encore Notre-Dame-des-Fiertes,
ou des Reliques.
L'autel était surmonté d'une belle statue
d'argent de la Mère de Dieu. On y vénérait
les reliques que l'évêque Halitgaire, *^ en
829, avait rapportées de Constantinople.
La châsse de Ste Maxellende y occupait
la place d'honneur. Elle renfermait une
partie du chef de la virginale martyre du
Cambrésis, ainsi que l'épée avec laquelle
elle avait subi la mort, le 13 novembre 670.
« Les fillettes, rapporte Julien de Ligne,
portaient cette épée aux processions solen-
nelles. »
Il y avait, en outre, la châsse des XII
Apôtres. Les peintures qui décoraient
cette chapelle, étaient l'œuvre de Simon
Marmion, de Valenciennes, ►J< en 1489.
C'était un miniaturiste distingué. On l'appe-
lait avec raison : Prince d'enluminure.
La table de marbre de cet autel, sculptée
par Hubert Hanicque, avait été donnée
parle chanoine Fouillan d'Eppe ^ en 1622,
et la clôture en marbre était un don de
Pierre d'Antoing, archidiacre du Brabant.
En descendant la petite nef, entre le por-
tail St-Jean et la galerie qui conduisait au
Palais épiscopal, se trouvaient trois cha-
pelles : celles de N.-D. -la-Grande, de l'As-
cension et des Morts ou de St- Philippe.
5^onograpï)ie tie ranciettne catticdrale de Cambrai. 113
Chapelle Notre- Dame- la Grande.
Fondée et ornée par les libéralités d'un
abbé d'Anchin.
L'imagfe de N.-D. -la-Grande était enfer-
mée dans une châsse dont les volets avaient
été peints par Simon Marmion.
Les bannières ou gonfalons que l'on por-
tait en procession étaient dus au talent du
même artiste.
En face de N.D. -la-Grande, dans la nef
de gauche, Robert de Croy était inhumé.
^ 1556-
Chapelle de r Ascension.
Le chanoine Jean Gounet y avait choi.si
sa sépulture. La clôture en marbre, posée
en 1527, était due à sa libéralité.
Chapelle des Morts ou de St- Philippe.
dotée par le chanoine Philippe Majoris,
fondateur d'un collège à Cambrai, ^ en
1554. Il était inhumé en cette chapelle.
Son monument le représentait à genoux.
Dans le transept, côté droit, ou de Ste-
Croix, se trouvait la chapelle St-Étienne;
elle avait donné son nom au Portail, qui
s'appelait encore, de l'Horloge, ou des En-
fants de Choeur.
Chapelle St-Étienne.
Les ecclésiastiques attachés au service
de la paroisse, et qu'on appelait « grands et
petits vicaires », y célébraient les offices.
Les boiseries en chêne sculpté, avec mé-
daillons, étaient dues à la piété du chanoine
Etienne Trigaut, ^ en 1743.
On y remarquait le monument du cha-
noine Guillaume du Fay. grand-chantre, la
gloire de la célèbre maîtrise de la cathé-
drale de Cambrai. Il était représenté à
genoux, les mains jointes, devant un Christ
sortant du tombeau. 1474.
C'était un grand artiste, passionné pour
son art. II avait demandé que lorsque vien-
drait l'heure dernière, après réception des
sacrements des mourants, en temps oppor-
tun, huit de ses collègues du choeur vinssent
chanter à mi-voix, près de son lit d'agonie,
l'hymne : Magno salutis gaudio ; et qu'à
leur tour, les enfants du choral avec leur
maître et les choristes, chantassent le
motet : Ave Regina Cœlorum, qu'il avait
composé.
Unedes verrières représentait S. Michel.
Vis-à-vis de cette chapelle (St-Étienne) une
plaque de cuivre fixée à un pilier portait
l'épitaphe de l'évêque Jean de T'serclaes,
<^ en 1388.
Dans la nef de droite, depuis le transept
jusqu'à la galerie conduisant au chapitre, se
trouvaient cinq chapelles :
Chapelle du St-Novi de fésns.
Le chanoine Guillaume Claix fournit, en
1550, des fonds pour son embellissement.
Chapelle de Tous les Saints.
Construite vers 1365.
Chapelle des SSts- Vincent et- Eustache.
Érigée en 1342, par Guillaume, C'^ de
Hainaut. Le chanoine André Lemaire y fît
placer, en 1739, un autel, des boiseries et
un pavé en marbre.
Chapelle S te- Croix, ou de la Ste- Face.
Elle avait été dotée, en 1520, par le
chanoine Nicolas Domont.
Chapelle St-Thomas.
Alexis de Cuinghien, ►!< en 1741, l'avait
enrichie d'une table d'autel et d'un tableau
estimé, représentant S. Jérôme. Aussi, cette
chapelle est-elle appelée par certains au-
teurs, chapelle de St-Jérôme.
Chapelle de Saint- Jean- Baptiste.
Enfin, sous le clocher, à droite, se trou-
vait l'autel de St-Jean-Baptiste, où la com-
114
Bebur lie T^rt cbrctien»
munauté des chapelains célébrait ses obits.
« Au-dessous des cloques, où les chapelains
du grand commun ont accoutumé de dire
des obits et des psalmes de miserere »,
lisons-nous dans les chroniques.
Dans le déambulatoire, ou carolles du
chœur, on voyait : le tombeau de l'évêque
Némius, c'est lui qui a édité le premier
catéchisme à l'usage des fidèles de son dio-
cèse; le monument en bronze de D. Alfonso
Ferez de Vivero,gouverneur des Pays-Bas,
>i* i66i,et les mausolées des Franqueville,
1734, et d'Adrien Mazile, mort doyen du
chapitre, en 1 741 ...
De nombreux monuments avec «leur em-
bellissement d'épitaphes » étaient rangés le
long des murailles, dans les bas-côtés, for-
mant une véritable galerie historique,
offrant, en outre, des spécimens de l'art
pendant une période de cinq siècles. «Une
des gloires de la cathédrale de Cambrai,
dit avec raison M. Houdoy, était sa remar-
quable collection de monuments qu'elle
devait à la libéralité de ses évêques et de
ses chanoines. »
Le pavé de l'église était fait de larges
dalles de pierre, chargées d'inscriptions,
rappelant à ceux qui venaient adorer dans
la Maison de Dieu, les noms des ancêtres
et des bienfaiteurs de l'église, qui avaient
eu l'honneur d'y recevoir la sépulture.
Au pied du clocher, reposait l'évêque
Nicolas de Chièvres, >i> en 1167. Il avait
fait choix de cet endroit, pour y attendre
la résurrection : le chœur n'était pas encore
commencé, et la superbe tour était son
œuvre !
Sur l'un des piliers du clocher, à droite,
« là où les baillis font leur station, les jours
de procession », il y avait une belle statue
de S. Nicolas; à gauche, se trouvait la belle
statue en albâtre de S. Antoine, que le
chevalier Estays de Boulogne y fit placer
en 1753.
Voilà donc ce que nous avons pu recueil-
lir sur les vingt et une chapelles de la cathé-
drale : que le lecteur n'oublie pas qu'il s'agit
d'un monument disparu et que les docu-
ments sont rares.
L'auguste Mère de Dieu était honorée,
dans la cathédrale qui lui était dédiée, sous
divers vocables :
Notre-Dame de Cambrai, maître-autel.
Notre-Dame de Grâce, chapelle de la
Ste-Trinité.
Notre-Dame des Paieries, chapelle de
Ste-Maxellende.
Notre- Dame- la- Grande.
Notre-Dame Flamingue, chapelle du
Crucifix.
Noire-Dame-Ia Belle ou d'Albâtre : ados-
sée au jubé.
Ces madones avaient leurs autels et
recevaient les hommages de la population
de Cambrai et de la province entière.
CHAPITRE CINQUIÈME.
Le Trésor de Notre-Dame.
UN E multitude d'objets d'art, statues,
tableaux, retables, pièces d'argenterie,
de cuivre, de bronze, d'or, avec émaux et
I pierres précieuses, dons des rois, des prin-
ces, des évêques, du chapitre, des villes et
des métiers, ex voto de la Reconnaissance,
expression de l'amour et de la piété, souve-
nirs laissés par les morts, tout un monde de
merveilles, dont plusieurs avaient coûté
des sommes considérables, enrichissaient
la cathédrale et composaient son incompa-
rable trésor.
Un inventaire de 1401, reproduit par
M. Houdoy, montre, d'une façon péremp-
toire, que le trésor, un des plus riches de
SPonograpbte lie ranctenne catl)éDrale De Cambrai. 115
France, était un merveilleux musée d'or-
fèvrerie, d'émaux et d'étoffes de luxe:
Les croix précieuses étaient au nombre de douze,
parmi lesquelles, il faut citer :
Celle en bois d'olivier, pleine de reliques, apportée
de Jérusalem et donnée à l'église, par l'évêque Halit-
gaire, IX* siècle.
Une en vermeil, avec pied de cuivre, sur lequel on
avait gravé, d'un côté, l'image deSte Marie-Madeleine,
de l'autre, le portrait de Jacques de Croy, en habit
ducal.
Et une croix d'or avec épines de la Ste Couronné,
ornée de 12 marguerites et de 9 pierres précieuses.
Les calices et vases sacrés, de toutes les époques,
étaient en nombre considérable. Deux calices méritent
une mention spéciale.
Le premier, de l'or le plus fin, était une merveille,
un chef-d'œuvre de joaillerie.
Le second, qui était affecté à la chapelle des Tré-
passés, «c était en vermeil et richement ciselé. Sur le
« pied de la coupe, il y avait un écnssnn avec croix de
« S. André, appuyée sur un pélican et surmontée d'un
< cycle solaire. »
Les reliques des Saints reposaient dans des taber-
nacles ou fiertés, de métal ou de bois, que le marteau
de l'artiste ou le pinceau de l'enlumineur rendaient
doublement précieux. Le peup'e chrétien ne trouvait
jamais les reliquaires assez somptueux, et il se dépouil-
lait de ses bijoux pour embellir encore les gracieux et
riches édicules.
Citons, parmi les plus remarquables :
Le reliquaire de la Ste Couronne d'épines, repré-
sentant la Crucifixion, don de la comtesse Jeanne de
Hainaut : XIT= siècle.
La statue de S. Jean-Baptiste, tenant un cristal qui
renfermait une dent du saint Précurseur. Le socle,
soutenu par quatre serpents, portait l'inscription
suivante : « Donné par I-ouys aîné, fils du roi de
France, 1243. » S. Louis.
Un S. Christophe, en vermeil, sur socle d'argent.
Deux anges dorés soutenaient une relique du Saint,
enfermée dans un tube de cristal.
Les châsses, avec émaux et pierreries, des saints
Eloi, Denys et Agathe.
Bras d'argent renfermant des ossements de S.
Etienne, des saints martyrs Côme et Damien, de
S. Amé, de S. Jean Chrysostome, de S. Martial et de
S. André.
Deux grands reliquaires d'argent représentant la
Nativité de Notre-Seigneur, et le Couronnement delà
Ste Vierge, don de Jehan Martin.
La statue, en métal précieux, de S. Martin, à cheval,
partageant son manteau avec un pauvre.
Une Circoncision et quatre cassettes garnies de
cristaux avec reliques.
Le Couronnement de Ste Catherine.
Vingt-trois autres reliquaires, parmi lesquels, cinq
surtout occupaient un rang à part, tant à cause de la
richesse des métaux que de la perfection du travail :
c'étaient les châsses de S. Éloi, de S. Piat, de S. Mar-
tin, de S. Géry et de S. Robert.
Enfin, la grande châsse, pièce monumentale, où le
chapitre renfermait ses innombrables reliques. Elle
mesurait quatre pieds de long, un pied et demi de
haut, jusqu'à la base de la flèche qui la surmontait. Il
était entré dans la confection de cette pièce d'orfè-
vrerie plus de cent kilogrammes d'argent. Elle datait
de 1352.
Là, reposaient dans la soie et l'or, dix reliques con-
cernant Notre-Seigneur Jésus-Christ, neuf touchant à la
T. Ste Vierge, quarante-deux reliques de SS. Martyrs,
trente de confesseurs, quatorze de Vierges ou de
Veuves, et une multitude d'ossements ayant appartenu
à des Saints dont les noms étaient ianorés.
Parmi les objets d'art disséminés dans la cathé-
drale, en dehors de ceux dont il a été fait mention
dans le travail, citons :
La Vierge en argent du grand autel, Notre-Dame
de Cambrai, à laquelle la comtesse Jehanne, fille de
Biuduin de Constantinople, avait offert un affiquet
d'or (couronne), garni de saphirs et d'émeraudes.
Les statues d'argent de la Ste Vierge et de S. Nor-
bert, offerts par l'évêque Robert de Croy.
La statue en marbre blanc de S. Sébastien, due au
ciseau du sculpteur cambrésien, Balthasar Marsy (').
Elle se trouvait à l'entrée delà nef principale.
La statue en marbre du Prophète Daniel.
Un S. Michel, surplombant le mausolée de Michel
Bruneau.
Un St François d'Assise recevant les Stigmates :
groupe exécuté en marbre, à la mémoire du chanoine
François Sarre, 1560.
Parmi les bas-reliefs, celui qui représentait l'An-
nonciation de Notre-Dame.
Les tableaux ne semblent pas avoir été nombreux.
Outre l'admirable peinture de Raphaël, dont il a été
I. Artiste distingué, Balthasar Marsy (1620-1674), tra-
vailla avec son frère Gaspard au bassin de Latone et au
groupe d'Apollon, du Palais de Versailles. Son S. Sébas-
tien se trouve au musée de Cambrai.
ii6
3Rc\)uc lie r^vt cbrctien.
fait mention, les comptes de la fabrique citent le
tableau représentant le Combat de David contre
Goliath; le Baptême de N. S. dans les eaux du
Jourdain. — (Cette dernière toile avait été léguée par
le chanoine J.-B. de Camp, en 1641. Cet ecclésias-
tique possédait une galerie de tableaux) — et la Trans-
figuration, tableau retouché par Jean Morel, en 1430.
Les tapisseries qui aux jours des festivités couvraient
les murailles, tant à l'intérieur de l'église qu'à l'exté-
rieur, véritables tableaux que nos artistes flamands
façonnaient avec une perfection que nous admirons
encore, les tapisseries étaient nombreuses.
Nous connaissons quelques-uns de ces chefs-d'œu-
vre. Sept tapisseries représentaient les œuvres de
Miséricorde : € elles servaient à la grande tente en
Carême. »
Les sept tapisseries qui servaient à décorer la cha-
pelle de Notre-Dame de Grâce ;
Les tapisseries représentant l'Histoire de S. Jean-
Baptiste ;
Le tapis de haute-lisse, représentant la Déposition
de Notre-Seigneur armoyée, de tous côtés, des armes
de Jacques de Croy ;
Enfin, la grande tapisserie « que l'on pendait aux
solennités au dessus de la tente derrière le grand
autel.
La Bibliothèque du Chapitre, avec ses livres nom-
breux et remarquables, ne peut être passée sous silence;
les Psautiers, Missels, Évangéliaires à riches enluminu-
res, et qui ont trouvé abri dans la Bibliothèque de la
ville de Cambrai, dont ils sont la richesse, ces livres
ornés par Jean le Hardy, trinitaire de Douai, isrr,
Guillaume Spuler, r452, Lyon, peintre de Valencien-
nes ; les ouvrages de doctrine, de théologie et d'au-
tres, admirablement exécutés, méritent de figurer
parmi les richesses artistiques.
Nous finissons cette froide nomenclature par l'osten-
soir de Fénelon, que le saint prélat offrit à la cathé-
drale, comme acte de foi et de léparation ; jiièce d'or-
fèvrerie remarquable, tout en or.
Trop d'historiens révoquent en doute
l'existence de cet ostensoir. Il ne sera donc
pas hors de propos de faire la preuve.
L'abbé de Calonne, ancien vicaire-géné-
ral de Nos Seigneurs de Choiseul, de Fleury
et du prince Ferdinand de Rohan, arche-
vêques de Cambrai, consulté sur le fait, a
formulé la déclaration suivante.
« J'atteste que cet ostensoir d'or pur re-
présentait la Religion, portant dans une
main le soleil élevé au-dessus de sa tête,
foulant aux pieds plusieurs livres parmi
lesquels il y eti avait un sur le couvercle
duquel... on lisait en toutes lettres: Maxi-
mes des Saints. »
E" ^373> Gérard de Dainville, évêque de
Cambrai, faisait, en ces termes, appel à ses
diocésains en faveur de la cathédrale :
« Nous savons que nul d'entre vous
«n'ignore le vaste développement des
« murailles de notre église, la beauté
« des colonnes et de ses voûtes, et avec quel
« art ingénieux la sculpture l'a décorée à
« la louange de Dieu. » Ce zèle de tout un
pays pour l'ornement de la cathédrale n'a
pas cessé, et les faits l'ont établi d'une fa-
çon triomphante. Nous pouvons, il nous
seinble, appliquer, en toute vérité, à notre
ancienne cathédrale, que nous avons évo-
quée avec émotion et décrite avec amour,
ces lignes que l'auteur dti « Voyage pitto-
resque dans l'ancienne France > consacre
à l'antique église de Louviers, en Nor-
mandie. <<: Douze générations ont apporté
« à ce temple le tribut de leur patience et
« de leurs travaux. On sent que ce n'est
« pas ici l'ouvrage d'une société fugitive
« qui s'épuise en brillantes improvisations
(( pour se procurer en passant les jouissan-
« ces du présent. C'est celui qu'un peuple,
<,< qui a la conviction de sa durée, consacre
« lentement à une religion immortelle.
« Tout est fixe, arrêté, invariable ; tout ce
« qui existe, continuera d'exister, et le
v( monde peut attendre. »
CHAPITRE SIXIÈME.
Le Clocher de Notre-Dame.
LA sonnerie de Notre-Dame passait
pour une des plus belles et des plus
harmonieuses de l'Europe : elle était digne
â@onograpl)ie De rancienne catl)étirale tie Cambrai, uy
de la flèche hardie et superbe qui la cou-
ronnait.
Cette sonnerie comprenait trente-neuf
cloches. Parmi elles, il s'en trouvait primi-
tivement seize qui étaient accordées. Au
XVIe siècle, il y en avait vingt sonnant
d'accord.
La plus grosse cloche, nommée Marie, pesait
quinze mille livres. Refondue sous l'épiscopat de
Fénelon, elle fut baptisée par ce prélat, en août 1706.
La seconde s'appelait Glorieuse. Refondue en
1709, elle reçut le nom de Cécile. I-'inscii|)tion en
faisait foi : < De reliquiis Gloriosœ facta sum. » J'ai été
fondue avec les débris de Glorieuse.
La troisième, la cloche de l'évêque, s'appelait Aide-
gonde.
La quatrième, Fursy, du nom de son donateur, le
chanoine Fursy de Bruille.
La cinquième Martine.
La sixième Nicole.
En 1496, on procéda à la bénédiction de deux clo-
ches, qui reçurent les noms de Jacoba et d'Egidia ;
et en 1545, trois autres cloches, appelées Fides, Spes,
Charitas prirent place au clocher.
En 1677, les cloches furent évaluées à la somme de
cinquante-cinq mille livres.
CHAPITRE SEPTIÈME.
La dévastation. 1796-1801.
FERMEE en vertu d'un décret de la
Convention, l'an 1791, dépouillée de
son argenterie, de ses ornements précieux,
la cathédrale fut convertie en magasin, pour
les subsistances, et vendue le 6 juillet 1796,
pour être démolie, à Blanquart, négociant
à St-Quentin et à Moronval.
La tour et la flèche qui la surmontait
existaient encore, dans leur entier, en
1 809. La municipalité de Cambrai projetait,
à Celte époque, la restauration de la tour et
songeait à en tirer parti pour ériger un
monument à la mémoire de celui qui est
demeuré la gloire de Cambrai, Fénelon,
lorsque le 30 janvier, à la suite d'un oura-
gan, la flèche et la tour s'écroulèrent.
... Le 17 décembre 18 16, eut lieu l'ad-
judication de l'abattis des murailles encore
debout, et la vente des matériaux qui
encombraient l'emplacement de la cathé-
drale; car les adjudicataires, déclarés insol-
vables, avaient été forcés d'abandonner sur
place la plus grande partie des ruines qu'ils
avaient accumulées.
En 1822, on procéda à des travaux de
nivellement du terrain. On y découvrit
plusieurs cercueils de plomb, avec inscrip-
tions portant les noms des personnages qui
y étaient déposés. Ceux-ci avaient échappé
à la fureur de la « Bande- Infernale » (■) et
des sicaires qu'elle avait laissés après elle.
C'étaient les restes mortels des évêques
Gaspard Némius, Ladislas Jonart, Jean
Richardot, François Buisseret, Maximilien
et Guillaume de Berghes, Nicolas de Fon-
taines et Jean de Lens.
Déjà auparavant on avait sauvé, en
partie, les ossements de Fénelon et de Van
[ der Burch, qui avaient été déposée dans la
i chapelle Ste-Agnès.
Les restes mortels de ces évêques et
archevêques de Cambrai, princes duSt-Em-
pire et ducs de Cambrai, furent exposés
dans le grand salon de l'Hôtel de ville,
pendant les trois jours des 27, 28 et 29
août 1822. Monseigneur Louis Belmas se
rendit, suivi de tout le clergé de la ville,
à la mairie, où il fut reçu par les autorités.
Après la remise des corps et la signature
du procès-verbal par Monseigneur l'évêque,
les autorités et Messieurs de Buisseret de
Blaringhien, arrièrepetits-neveux de l'évê-
que François Buisseret, le cortège funèbre
prit le chemin de la nouvelle cathédrale —
I. Armée Infernale. C'est le nom que se donnait le
5' bataillon des fédérés, venus de Paris, pour révolution-
ner la province, et qui, arrivés à Cambrai, pendant que
l'on violait les tombeaux des évêques, se ruèrent sur les
restes mortels et les traînèrent à travers les rues de la cilé.
Le sinistre Carra menait cette band e.
ii8
îRebur lie T^rt cf)rcttcu.
l'ancienne église de l'abbaye de St-Sépul-
cre ; — entre deux haies, formées par la
garde nationale, la gendarmerie et les trou-
pes de la garnison. A l'issue du service
funèbre, les cercueils des prélats furent des-
cendus dans les caveaux de la cathédrale.
— Place St-Sépulcre. —
CHAPITRE HUITIÈME.
Une visite aux ruines de la cathédrale.
NOUS avons vu dans notre jeune âge,
écrivait, en 1852, l'auteur du Dic-
tionnaire historique de la ville de Cambrai,
et parcouru souvent les ruines récentes de
ce vieux temple gothique. Nous conservons
mémoire parfaite de ces ogives, de ces
colonnes, de ces portails qui restaient
debout. Nous avons vu souvent de nom-
breux admirateurs s'arrêter devant le Por-
tail de l'Horloge qui avait échappé au
marteau des démolisseurs. On en remar-
quait la riche ornementation ; l'œil y suivait
avec curiosité ces feuillages, ces figures de
Saints, ces animau.v fantastiques qui cou-
raient entre les nervures de l'ogive (').
Nous avons vu, du côté du clocher, le vaste
portique qui séparait l'église du palais, où
l'on pénétrait par une galerie. . . Nous avons
contemplé cette longue série de statues
rangées sous le porche, et notamment,
l'image colossale de S. Christophe, élevée
en 1450, devant laquelle on priait pour
être préservé de mort subite. Toutes ces
belles statues de pierre, dignes d'être con-
servées dans un musée, avaient été, pendant
la révolution, mutilées à coups de pioche
ou de marteau.
... Au milieu de la nef et du chœur dont
le dallage avait été enlevé, sous les arcs à
demi détruits qui formaient le pourtour de
l'église, gisaient, parmi les décombres, de
grands fragments de chapiteaux, de colon-
nettes et de statues brisées. On voyait de
nombreux morceaux de sculpture chargés
de peinture polychrome. On pouvait alors,
en se promenant au milieu des ruines, ré-
tablir facilement par la pensée, tout le mo-
nument, dont il restait de grandes parties
de murailles. Plusieurs chapelles étaient
encore très visibles; on admirait encore, sur
les parois de quelques-unes, l'or et l'argent
qu'y avait prodigués la palette du peintre.
La cathédrale occupait, outre la place
Fénelon, une partie de l'emplacement où
s'élève l'hôtel circonscrit par les rues des
Ratclots et de Van der Burch; et les maisons
qui font face au jardin. Abstraction faite
de ses dépendances, elle avait 5500 mètres
carrés de surface, plus du double de l'église
actuelle St Aubert et St Géry, qui a 2500
mètres carrés.
I. Ce poilail ctait de style roman.
£l9onograpl)te de l'ancienne cathédrale de Cambrai. 119
La cathédrale actuelle a 2,900 mètres
carrés.
Si la destruction du superbe monument
a été complète, la maison épiscopale n'a pas
disparu tout à fait. En 1620, l'évêque Van
der Burch y fit des travaux considérables.
L'entrée existe encore, mais découronnée.
« Elle se compose d'un portail principal,
accompagné à droite et à gauche de deux
portiques de dimension moindre. Trois
arcades qui dominent ces portails sont sup-
portées sur quatre colonnes cannelées d'un
effet pittoresque. Des ornements dans le
style de la Renaissance enrichissent ce
gracieux monument. Au-dessus de chaque
porte latérale on distingue, parmi les ara-
besques, un écusson orné et soutenu par
des anges : sur l'un de ces écussons, on lit:
A Clave lustitia; sur l'autre: A gladio Pax;
c'est-à-dire : « De la clé de S. Pierre dérive
la Justice ; l'Épée du Roi garantit à la ville
le repos et la paix. » Le portail principal
portait un écusson aux armes de l'évêque
Van der Burch, avec sa devise. Ce motif
d'architecture a disparu....
Puissent ces quelques pages, qui repro-
duisent scrupiiktisement tout ce que l'on a
pu recueillir touchant l'ancienne cathédrale
de Notre-Dame de Cambrai, rappeler à la
génération actuelle la splendeur de ce mo-
nument, oeuvre gigantesque de la piété des
ancêtres.
Ceux qui se donnent encore la peine de
réfléchir, évoqueront plus facilement les
souvenirs d'un passé qui ne fut pas sans
gloire, tout en se reposant à l'ombre des
bosquets et en jouissant de la fraîcheur des
eaux jaillissantes.
Ils fouleront le sol sacré de l'antique
église avec plus de respect ; car ils sauront
que, pendant treize cents ans, ce fut un
centre de prières, un foyer de lumières, un
trésor de chefs-d'œuvre, et, qu'à l'ombre
de ce monument, les ancêtres ont vécu
chrétiens, libres et fiers.
A. P.
Auteurs consultés : Baldéric, Chroniqtie
d' Ajn'as et de Cambrai, XI^ siècle. — Ju-
lien de Ligne, 1615. — Dupont, chanoine
de St-Aubert, Histoire ecclésiastique, 1767.
— Alexandre Lenoir, Revue Celtique, 1806.
— Leglay, Recherches sur l Église de Cam-
brai, 1832. - Bruyelle, Éphémérides, mo-
numents de Cambrai, 1850. — Bouly, Dic-
tionnaire de Cambrai, 1852. — Chanoine
Thénard, La Terretir à Catnbrai, 1860, —
Houdoy, Recherches artistiques sur la ca-
thédrale de Cambrai, 1880. — Destombes,
Histoire de l église de Cambrai, 1890.
D.\NS le travail érudit et plein de
recherches que l'on vient de lire,
par lequel l'auteur évoque tout le passé de
la cathédrale de Cambrai avec ses disposi-
tions intérieures, ses chapelles, le riche mo-
bilier et les œuvres d'art qui ornaient
notamment le chœur, M. l'abbé Pastoors
rappelle que ce chœur est le chef-d'œuvre
du maître Villart de Honnecourt, qui avait
déjà bâti l'admirable abbaye de Vaucelles,
près de Cambrai.
M. l'abbé Pastoors ne nous fait pas con-
naître où il a puisé cette dernière informa-
tion qui paraît fondée. On sait qu'un album
de Villart de Honnecourt s'est conservé, et
que cette intéressante collection de dessins
de l'architecte du XI 11° siècle a été l'objet
d'une publication commencée par l'archi-
tecte Lassus et achevée par Alfred Darcel.
L'album contient des dessins de diffé-
rentes catégories : Études d'après des
monuments que Villart a visités, croquis
d'animaux, de figures observées ou inven-
120
IRebue te V^vt cîjrétten.
tées par l'architecte, et plans d'édifices
éofalement de sa composition. Parmi ces
derniers se trouve celui du chœur de la
cathédrale de Cambrai, alors que la cons-
truction, encore à son soubassement, com-
mençait à sortir de terre.
M. l'abbé Pastoors ne nous en voudra
pas sans doute de compléter son étude de
la cathédrale de Cambrai au moyen des
recherches des deux archéologues français,
dont nous reproduisons les annotations, et
auxquels nous empruntons le plan terrier
de la cathédrale et deux élévations de la
façade ouest et d'une façade latérale. Les
notes indiquent la source de ces différents
documents. j tt
Nous reprenons l'étude d'Alfred Darcel :
« Voici d'abord le croquis de Villart de
Honnecourt du chœur de la cathédrale de
Cambrai, et l'annotation qui l'accompagne.
I. « Voscr l'esligement del chavec
MEDAME SAINTE MaRIE DE CaMBRAI ENSI
COM IL IST nE TERRE. AvANT EN CEST LIVRE
EN TROUVERES LES MONTEES DEDENS ET
DEHORS, ET TOTE LE MANIERE DES CAPELES
ET DES PLAINS PANS AUTRESI, ET LE MA-
NIERE DES ARS BOTERES ».
Voici le plan dri chevet de madame sainte
Marie de Cambrai, tel qu'il sort de terre
Plus avant eji ce livre vous en trouverez les
élévations du dedans et du dehors, ainsi que
toutes les dispositions des chapelles et des
murailles, et laforme des arcs-boutants.
« Nous avons déjà insisté sur le plan de
la cathédrale de Cambrai afin de prouver
par son rapprochement avec les études
faites à Reims, que Villart de Honnecourt
était l'architecte de cette église de Cam-
brai, aujourd'hui malheureusement détruite,
nous donnons (planche LXVI I), le plan de
Notre-Dame de Cambrai relevé sur place,
lors de la démolition en 1796, de cet édi-
fice, vendu comme domaine national (•).
En le comparant à celui, beaucoup plus
sommaire, tracé sur l'Album, on reconnaît
leur parfaite identité, à un détail près: c'est
l'inflexion du mur du chevet, à sa rencontre
avec celui du transept. Dans l'Album, ce
mur suit l'alignement général, parallèle-
ment à l'axe de l'église, mais en exécution,
la place nécessaire pour un escalier mon-
tant aux galeries du transept a fait rentrer
ce mur en dedans, tandis qu'au Nord l'esca-
lier, étant placé à l'extrémité du transept,
n'a donné lieu à aucune déviation du plan. A
Reims et à Cambrai un escalier est placé
dans l'épaisseur du mur qui sépare la cha-
pelle centrale du chevet de la première
chapelle au Sud ; de plus chaque groupe
de nervures de la voûte repose sur un
massif qui fait avant-corps dans l'église,
comme une espèce de contre-fort intérieur
destiné à donner plus de solidité au système
et à unir une grande force à une excessive
légèreté.
« Quant aux élévat'ons intérieures, elles
nous font défaut, et, pour les élévations
extérieures, il faut nous en rapporter à celles
que nous donnons d'après le plan en relief,
dressé en 1695 (2). On reconnaît facilement
1. Ce plan a été relevé par M. S. M. Boileux, archi-
tecte de la ville de Cambrai, et remis en 1S27, par son fils,
qui lui succéda, à M. de Baralle, architecte diocésain du
département du Nord, qui nous l'a transmis. Nous pen-
sons que ce plan a dû être dressé sur le monument encore
existant, du moins jusqu'à une certaine hauteur au-dessus
du sol, puisque ce plan indique les fenêtres du rez-de-
chaussée et la galerie intérieure placée à leur niveau. Un
autre plan, signé et parafé parle sieur Des Anges,secrétaire
de F'énélon, que possède M. de Haralle, constate les mu-
tilations que le chœur de Notre-Dame de Cambrai a
subies sous cet illustre prélat. Il indique les travaux de
marbrerie, de menuiserie et de serrurerie effectués dans
le chœur et le transept conformément au contrat passé
à Paris le 20 avril et ratifié à Cambrai en plein chapitre
le 8 mars 1719 (L).
2. Ce plan en relief de la ville de Cambrai, emporté,
comme trophée d'une ville conquise, par les Prussiens en
suite de l'invasion, est aujourd'hui conservé à Berlin, dans
a3onograpl)ie îie l'ancienne catl)éî)rale De Cambrai.
121
^^nntc^^AP^^ csmfev^-enfx corn »t i^-^
fWA^t^î^^atiîmt; ^ce{V^lu^r entvôuxtc^
les différents styles de l'édifice. La nef, les
transepts, la tour de la façade jusqu'au
un établissement appartenant au corps du génie. M.
Schnaase, qui a fait exécuter pour Lassas les dessins
gravés dans les planches L.WIII et LXIX, donna sur lui
les renseignements suivants, le 20 décembre 1S52 : i Le
plan relief de Cambrai contient la cathédrale. Elle est au
milieu du relief qui a un diamètre d'à peu près .)'",5o, de
manière que, malgré les proportions passablement gran-
des du modèle de l'édifice, il est trop éloigné pour pouvoir
niveau du comble, sont de construction
romane ; et de là plus simples ( 1 023 à 1030,
être dessiné. > Mais la permission de déplacer la cathédrale
ayant été obtenue, M. Schnaase ajoute : « Pour tous les
détails je puis vous en garantir l'exactitude, quoique le
modèle soit trop petit pour donner avec précision ceux
des moulures, du tracé des fenêtres et de la balustrade
qui entoure le toit du chœur. >
D'un autre côté, M. de la Fremoire, ingénieur du che-
min de fer du Nord, écrivait de Stettin, le 15 décembre
122
3Rrbur ïie V^xt fbrctten.
ne. cfltCBi^fli
124
3^rt)ur Dr V^xt rl^rctien.
S©onograpl)îe De l'ancienne catl)édvale De Cambrai. 125
et 1068 à 1079). Les contreforts au de-
dans de la nef, les arcs-boutants des tran-
septs doivent être des additions postérieu-
res, destinées à maintenir les voûtes. Il en
est de même du dernier étage du clocher,
ainsi que de la flèche, qui semblent appar-
tenir à la fin du XI 1I« siècle. Cette tour
est flanquée de deux tourelles, placées en
avant et presque indépendantes d'elle, mais
qui ne montent que jusqu'à la partie
romane ; au-dessus, l'escalier doit être inté-
rieur, et l'on ne retrouve rien qui rappelle
le système suivi à Laon, et cela sans éton-
nement, car cette partie semble postérieure
à Villart de Honnecourt, les travaux de
l'église ayant été poursuivis jusqu'en l'an-
née 1472 (').
« Il faut ajouter la cathédrale de Cambrai
à la liste des rares églises dont les transepts
sont arrondis ; ceux-ci sont, de plus, con-
tournés par une galerie intérieure, tandis
1855. < Voici ce que porte l'écriture du plan de Cambrai :
Fait en lôçj, réparé en ijyj-iSf^ ; éclulle de 6 pouces
pour ^o toises. La date de 1845 se rapporte à une simple
réparation, qui a consisté à le peindre. L'échelle, comme
vous voyez, est trop petite pour qu'il puisse y avoir beau-
coup de détails. Ainsi la cathédrale a approximativement
o'",2o de longueur sur o™, 12 de largeur. Les clochers,
fenêtres, arcs-boutants se distinguent facilement, mais il
n'y a pas de détails, et si les dessins de M. Lassus en
donnent, c'est que l'architecte les a devinés et rétablis. >
En présence de ces deux lettres, et de la garantie d'exac-
titude donnée par M.Sclinaase,nous devons croire que les
détails reproduits de la grandeur du modèle sont exacte-
ment accusés sur celui-ci, et que nos gravures ne lui
prêtent rien (A. D.)
I. Ce clocher, avec la flèche qui le surmonte, existait
encore en i8o5, bien qu'il ait éié frappé à nombreuses
reprises par la foudre, et je vois dans un rapport adressé
à l'Académie celtique, par Alexandre Lenoir, qu'il fut un
moment question d'en faire le lieu de sépulture de Féne-
lon. Mais le mauvais état de ce débris, qui croula deux
années plus tard, empêcha de donner suite à ce projet
bizarre et grandiose. (A. D.)
Ludovic Vitet. Monographie de la cathédrale de Noyon;
chapitre des Éi^lises à transepts arrffndis.
Julien Deligne, historien du XVI= siècle, dans son
Sommaire des antiquités de P Eglise archiépiscopale de
Cambrai.
N. B. La note signée L, est de Lassus ; celle signée
A. D., sont d'Alfred Darcel.
qu'une chapelle circulaire à deux étages
leur est adossée du côté du Levant. Ces
dispositions, qui semblent spéciales aux
églises du Nord et des bords du Rhin,
ont été reproduites au XI 1 1^ siècle, avons-
nous dit déjà, à Marbourg, dans une église
dédiée à sainte Elisabeth de Hongrie, qui,
bien que morte en 1231, lors de la recon-
struction du chœur de Notre-Dame de
Cambrai, en i 230, « ayda par or et par ar-
gent àachever le dit chœur. » C'est ce chœur
qui est l'œuvre de Villart de Honnecourt :
nous reconnaissons dans les dessins faits
d'après le plan en relief, que les fenêtres
des chapelles sont séparées par un meneau
central, et occupées dans leur ogive par
une rose à six lobes, comme à Notre-Dame
de Reims. Même principe pour les fenêtres
hautes ; seulement, à Cambrai, les rosaces
sont à quatre lobes, et des frontons les
surmontent, accompagnés de pinacles éle-
vés au-dessus des contre-forts et compre-
nant la balustrade du grand comble, dans
leur ordonnance : disposition qui ne se
retrouve pas à Reims, mais qui semble
imitée de la sainte Chapelle du Palais ; et
est peut-être une addition à l'œuvre primi-
tive. De plus, les arcs-boutants du chevet,
qui sont à double volée à Reims, sont
simples à Cambrai ; mais la forme des
amortissements des contre-forts qui les
reçoivent, tellement indécise, qu'il nous
setnble difficile de les attribuer à un siècle
plutôt qu'à un autre, et en même temps si
éloignée de l'élégance des contre-forts de
Reims, nous fait croire à un remaniement
postérieur. Si donc les élévations nous
paraissent dissemblables, il faut surtout
limputer aux constructions qui sont venues
remplacer celles qui avaient dû être élevées
par Villart de Honnecourt, car, les plans
étant identiques, les formes qu'ils comman-
dent ont dû être les mêmes.
RBVUe DE L ART CHRETISN.
1904. — 2'"- I.lVRAI';ON,
î^ \^iL \^H K^* A^* A^^ A^^ A^* A'ViU A^^ iSln \^A ij^ A^-A A^^ \^^ ^^1^.
I: iT tTTTTvnrr-i tt tinxni.
n rTTTTT-irrrTTTTT-imT-n-TT'.tTiiiriixrTrTTTTXIIIl IIIUTTTT
lîŒiiTiirjJmiurTimxDiiiiin
i
Carnet ïie bOjage '\— ©aDoue, Vcntse, Cortma
D'Hînpe530, 16îetîe îit GaDore , Trét)ise,Vîcence (Suite)
ntlIIIIII JIIIlIIljrrTItlIIIrrTl^TTTVT-fT-iriTI-rTTTTTT-lTlf TTT•rl:^TTTTTTlfTTTTTITy^TTTTTTyTTTT^TT-fTT^TTTTTTÏTTT^T^ IIIll
'«^^^^^^^^^^^'^^"^^^^^^^^M^^*^^^^^*"^^'^^^^'^^^»^^^^
A cathédrale est très an-
cienne; elle a été agran-
die au XI I*^ siècle et
modifiée au XV^ et au
XVI Ile.
Elle renferme diver-
ses sculptures dont la
principale est le beau monument de l'é-
vêque Zanetti par di Lombardi ; au-dessus
du tombeau, la statue du Rédempteur, le
globe dans sa main ; à ses pieds, l'évêque
agenouillé et un prêtre tenant la crosse
pastorale.
Sur l'autel de la chapelle de l'Annoncia-
tion se trouve V Annonciaiion de Titien,
commandée par le chanoine Malchiostro
C'est la plus célèbre peinture de Trévise,
mais je ne puis partager l'admiration qu elle
provoque.
La Vierge, très belle de figure, est à ge-
noux sur le sol d'un portique s'ouvrant sur
la campagne ; la douce impression qu'ins-
pire sa physionomie est gâtée par l'ange
Gabriel, représenté en jeune garçon, à larges
ailes déployées, qui accourt à grands pas
en gesticulant, et visiblement inconscient
de sa mission. Le chanoine Malchiostro
s'est lait représenter à genoux sur les mar-
ches du portique ; il est, il est vrai, de
petite taille,mais il se détache très nettement
du fond du paysage. Il est regrettable que
Titien ait eu la faiblesse de céder à cette
malencontreuse fantaisie.
Titien a aussi à Venise deux Annoncia-
tions : l'une à la Scuola-San-Rocco, l'autre
dans l'église du Rédempteur.
I. V. la Kevueàe sept. 1903, p. 3S4 et de janv. \<jo^, p. 14.
A mon sens aucune n'est satisfaisante ; il
n'a pas compris le mystère, pas plus du reste
que d'autres grands peintres du XV I^ siècle,
notamment Véronèse, Tintoret et même
Léonard de Vinci, si toutefois les AnnoTicia-
tions qu'on lui attribue sont de lui. Pour
l'interprétation idéale du mystère, la palme
reste aux peintres de la Toscane et de
rOmbrie et surtout à l'incomparable Fra
Angelico.
Parmi les autres tableaux de la cathé-
drale, on remarque de Girolamo da Treviso,
avec la date de 1487, une Madone sur le
trône, saint Sébastien, saint Rock et des
anges mtisiciens ; une Assomption de Pier
Maria Pennachi 1464-1528; la Gloire de
sainte Euphémie, avec saint Jean-Baptiste
et sainte Catherine par Pier Francesco
Bissolo de Trévise, peinte vers 1520, dans
une coloration claire et harmonieuse et une
procession devant la cathédrale, très habi-
lement présentée, en 1571, par Francesco
de Dominicis, dont on ne connaît pas d'au-
tres peintures.
Les autres églises de Trévise possèdent
aussi de nombreux tableaux dont les princi-
paux sont attribués, peut-être avec trop de
complaisance, à Jean Bellin, Pordenone,
Palma le vieux et autres peintres célèbres.
Il semble cependant que c'est avec raison
qu'on donne àTommaso da Modena une très
belle Madone avec saint Jérôme Miani et
sainte Fosca peinte à fresque dans l'église
Sainte-Marie-Majeure ; je regrette de ne
pouvoir, faute de document, reproduire cet
intéressant ouvrage.
En plus de son musée civique, réunion
Carnet ûe tjopage.
127
de sculptures et de fresques, Trévise a une
pinacothèque communale, d'environ trois
cents tableaux. En grande partie ils pro-
viennent de collections entières léguées ou
données ; en pareil cas, on accepte tout.
Aussi la pinacothèque est de médiocre
importance et les quelques bons ouvrages
de Jean Bellin, Bassano, Tintoret, Lotto,
Schiavone, Palma le Vieux, sont noyés dans
une accumulation de tableaux de peintres
d'ordre inférieur.
Comme dans beaucoup de galeries ita-
liennes, on y trouve un certain nombre de
flamands : Blés, Franck-le-Vieux et un pay-
Palais délia Ragioiie de Vicence. Palladio, T550. (Photogr. .^i.inari, Florence.)
sagiste Xylembroucke, que je confesse ne
pas connaître, même de nom.
A Vicence c'est l'architecture qui domine ;
il y a peu de cités en Italie qui, par rapport
à leur superficie et au nombre des habitants,
aient autant d'anciens palais.
Le maître est le grand Palladio (Andréa
( 1 508- 1 580), enfant de Vicence, l'architecte
le plus insigne de l'Italie au XVI^ siècle ;
il s'est inspiré de l'antique, mais il a su
donner néanmoins à ses constructions une
grandeur, une logique et un caractère parti-
culier ; le regard et l'esprit sont charmés à
la vue de ses monuments.
Nous reproduisons l'édifice qui a conser-
vé le nom de Basilica ou Palazzo délia Ra-
gione (I).
I. L'expression était souvent usitée en Italie ; la
Ragione est la faculté intellectuelle qui permet de discer-
ner le vrai du faux dans l'ordre moral et matériel.
128
Belluc De r?lrr cbrcticn.
On croit, mais sans preuves certaines,
que le premier palais remonte au V I<^ siècle ;
il subit plusieurs incendies et éboulements
partiels ; le municipe résolut de le faire
Loggia Bernardo. Palais communal île Vicence. Palladio, 1576. (Pliotogr. Alenahi, Florence.)
reconstruire et, après concours, Palladio fut
charç^é des travaux ; ils commencèrent en
1549 et furent terminés en 1614. Nous
donnons également le Palais communal,
Carnet îie topage,
129
Porte majeure de l'église Saint-Laurent a Viceuce. Frère Pace da Lugo, 1344 (Photogr Alinabt, Florence.)
130
îRcbur tic ran cbvctiru.
ancienne loggia Bernarda Les deux mo-
numents donnent une idée juste des nom-
breuses constructions de Palladio à Vicence
et dans les autres parties de l'Italie.
Vicence a toujours eu un goût très vif
pour l'architecture.
Le Dôme, massive construction souvent
remaniée, remonte au XI 11^ siècle.
Sanctuaire du inout Berico a Vicence Palladio, puis Borblla, 1688. (Photogr. Alinari, Florence.)
L'église Saint- Laurent était au XII^
siècle une simple chapelle des Franciscains;
elle fut achetée, en 13 15, parle municipe et
transformée en église. La porte majeure de
la façade, que nous reproduisons, a été con-
struite, en 1344, sur les plans du frère Pace
da Lugo.
On remarquera que deux colonnes sont
supportées par des lions ; la même particu-
larité s'observe ailleurs. Saint Charles Bor-
romée a exprimé l'opinion que ce symbole
était significatif de la vigilance du clergé.
En 1796. San Lorenzo, comme beaucoup
d'autres églises, fut remis à l'autorité mili-
taire, puis transformé en magasin à four-
rages. Le municipe racheta l'édifice en 1 845
et le rendit au culte.
Il renferme plusieurs tableaux dont un
d'Antonio Veneziano (1512-1386) et un
grand nombre de sépultures, dont celle
du bienheureux Bartolomeo da Breganze,
l'ami du roi de France, saint Louis, mis à
mort par ordre de Eccelino, tyran de
Padoue.
L'écroulement du campanile de Venise,
en 1902, a attiré l'attention des architectes
de la conservation des monuments natio-
naux sur divers édifices menacés.
En première ligne, le ministre de l'In-
struction publique et des Beaux-Arts et le
ministre des Cultes ont placé la basilique
de San Lorenzo, dont les murailles étaient
crevassées, les travaux sont en cours actuel-
lement, et l'église est fermée.
L amitié de saint Louis pour Bartolomeo,
évêque de Vicence, a valu à la cité le don
d'un fragment de la vraie Croix et de la
Couronne d'épines de notre Sauveur.
Voici la lettre de saint Louis qui a été
conservée.
Lodovico pergratia di Dio re di Franc ta.
Al stio diletto in Christo Bartolomeo per
la medesima gratia Vescovo Vtcentino,
salute et affetto di situera dilettiotie.
Ad instantta ho conferttiato la vostra
dottiatida in segno di dilettione del pretioso
legno délia Croce et un Spina délia sacro-
satita Corona del Signore ; attentaiiiente
pregando la dilettiotie vostra, che sino aile
fitie conserviate, et la facciate coti honore
cottservare, vogliate pregar per noi et facciate
fare orationi spirituali.
Data in Parigi l'anno del Signore I2^ç
in. giorno di giovedi dopo la /esta invernale
del Beato Nicolb et in perpettw testimotiio di
questa casa habiatno comatidato et fatto bol-
lare le presettli lettere con li tiostri stgilli
correndo l'antio del Signore 1266 nella tndi-
tione tiona. del tnese di Lugho.
Ce fut pour la conservation de ces pré-
cieuses reliques que les Dominicains firent
construire, en 1260, l'église Santa Corona,
dont la belle façade en briques vient d'être
récemment restaurée.
Le sanctuaire de la Madonna di Monte
Berico, reproduit ici, est situé sur une
colline hors de la cité ; on y accède par une
galerie de 166 arcades, construite en 1748;
c'est en réduction la galerie de 635 arcades
commencée en 1676, qui, de Bologne, con-
duit au sanctuaire de la Madonna di San
Luca, élevé sur le Monte délia Guardia.
On admet que les plans de l'église du
Monte Berico appartiennent à Palladio,
mais en fait l'édifice a été construit, en
1688, par Borella.
Le sanctuaire est très vénéré; il est des-
servi par les Servîtes de Marie. Il faut recon-
naître que la générosité des fidèles a donné
aux Frères l'occasion de déployer dans
l'église un luxe de décoration très exagéré.
La construction au moins est restée in-
tacte, ce qui n'a pas eu lieu, pour bien des
raisons, dans beaucoup d'autres édifices
religieux de Vicence, dont les notes d'un
simple Carnet de Voyage ne peuvent être
amplifiées ici.
L'architecture est le charme, dans les
rues de Vicence, de ceite. passegiata, — pro-
menade, — si chère aux Italiens, après le
labeur de la journée. Mais avant Palladio la
cité avait de très beaux palais particuliers,
dont plusieurs remontent au XI V"' siècle.
En architecture, je n'ai que mon impres-
132
Brbur tic ran cbvétien.
sion visuelle, sans rien connaître de la
technique, qui, du reste, m'importe fort peu;
c'est donc avec plaisir que j'ai regardé à
Vicence, à côté des nobles constructions de
Palladio, les légers et élégants palais dans
le style ogival si élégant de Venise dont le
type accompli est La Cà d'oro, élevée, en
1310, sur le Grand Canal. L'appareil est
Lamentations sur le corps de Jésus-Chnst. Bartolomeo Montagna, ,5=0. Sanctuaire du mon. Berico à Vicence. (Pho.ogr. A,,,nari, Florence.)
ici en briques, mais la modestie de la ma-
tière ne fait aucun tort à l'aspect.
La vue de toutes ces séduisantes archi-
tectures ne doit pas cependant détourner
de la peinture.
Nous sommes ici dans le centre le plus
important de ces pays du Frioul, du Cadore,
du V'eneto de terre ferme, vertes plaines
boisées d'une part et, de l'autre, plus ou
moins éloignées des prcalpi, premières
montagnes des Alpes, qui vont grandis-
santes jusqu'aux vallées du Tyrol.
Carnet tie tïopage.
133
La nature semble disposée pour favoriser
le goût de la peinture, et, en fait, de grands
peintres vénitiens ont passé là leurs pre-
mières années.
Le groupe des peintres vicentins restés
plus ou moins sur la terre natale a laissé
beaucoup de tableaux dans la contrée ; en
général ils n'ont pas de caractère très parti-
culier ; ils ont subi l'influence de Padoue
et de Venise et ont conservé de Mantegna
surtoutune tendance vers le réalisme. On ne
peut nommer ici que les principaux dont
les œuvres sont conservées dans les églises
de Vicence et dans la pinacothèque munici-
pale établie dans le superbe palais Chiere-
gati, construit par Palladio :
Bartolomeo Montagna (1450-1523). La
Madone avec des Saints.Çi\ovà.w\\\ Speranza,
contemporain de B. Montagna: V Assomp-
tion. Giovanni Buonconsiglio, dit Mares-
caldo, de la même époque: Les lamentations
sur/e corps du Christ. Marcello Fogolino, du
même temps, X Adoration des Rois Mages,
etc.
Dans les églises de Santa Chiara, de
San Giovanni Ilarione, de Santa Corona et
dans la cathédrale on retrouve ces peintres
et surtout Bartolomeo Montagna. Son ta-
bleau le plusconnu est dans le sanctuaire de
la Madone au Monte Berico ; je le repro-
duis comme un spécimen du genre de
Vicence au XVP siècle.
Maintenant je ferme mon Carnet, je n'en
ai pas extrait toutes les notes prises dans
cette aimable, belle et intéressante cité ;
aussi bien, dans les voyages en Italie, il faut
savoir mettre un terme aux impressions,
en crainte d'une abondance de choses et de
noms qui, insensiblement, mettent la con-
fusion et le trouble dans l'esprit.
Gerspach.
^ :^_ ^ ^, :^ .^ .^ .^ .^ .^ :^ ^, ^, ^ ^ ^ ^, ^ :^ :^ .^ .^ :^ :^ :^ fe
^
lies confessions et les CrppteS Dc StFcrrcol oe Besançon,
^
é
À
DC St^flBarccl DC Gf)âlon=siir=Haônc et De St=Valcncn De Tournus.
^WWW^^^fWWWWWWWWWWWWWWWWWWWW^
immr.'ç.'^-' •^■';?g ' A I dû meloisJiier un
S' S^^^""?^^; ;; moment de l'itinéraire
'3 que je m'étais tracé, et
faire une excursion en
S: Aquitaine pour répon-
^ dre sans retard aux ob-
'- ; V, , :io jections que soulevait la
question de l'âge de la crypte de Saint-
Seurin de Bordeaux ; je m'empresse de
revenir dans les vallées du Rhône et de la
Saône, c'està dire dans la région qui subit
le plus immédiatement l'influence des
apôtres de Lyon et de leurs disciples.
Bien des cités gauloises ont eu leurs
martyrs de la foi chrétienne, mais aucune
ne peut s'enorgueillir comme la ville de
Lyon, d'avoir produit toute une légion de
croyants assez vaillants pour préférer la
mort à toute apostasie. Ceux que nous
rencontrons ailleurs en parcourant la pro-
vince sont toujours isolés un par un ou par
petits groupes, un prêtre ou un évêque
avec son diacre et son sous-diacre. La chré-
tienté à Lyon étant très nombreuse, il est
croyable que les églises voisines lui ont
emprunté leurs apôtres et leurs mission-
naires, que saint Pothin et saint I renée ont
envoyé Valérien, Marcel, Ferréol, Félix,
Fortunat, Achillée, Julien, Andéol sur les
bords de la Saône et du Rhône ; c'est un
fait qu'on peut admettre sans blesser la
vraisemblance.
Perréol et F"errucion, honorés à Besan-
çon comme martyrs du II F siècle, sont
toujours associés comme deux contempo-
rains qui seraient partis ensemble à la con-
quête de la Séquanaise et auraient versé
leur sang pendant la même persécution (').
I. Ac/a 55. junio mense, X\ I" die, t. III, p. S.
Grégoire de Tours, qui avait lu le récit de
leur passion « ut passio déclarât », rapporte
que la cité de Ves7tntio les considérait avec
orgueil comme ses martyrs particuliers et
se vantait d'être témoin de nombreux mi-
racles.
D'après le même auteur, les deux martyrs
étaient déposés dans le secret d'une crypte
« in abdito cryptae (') », où de nombreux
pèlerins venaient se prosterner encore au
Vl« siècle. Le sol sur lequel reposait leur
tombeau était couvert de feuilles de sauge
qu'on s'empressait d'étendre pour leur
faire honneur. Comme la plupart des
martyrs des premiers temps, ils demeu-
rèrent oubliés dans quelque coin de la nécro-
pole pendant un temps assez long. La dé-
couverte de leur sépulture, d'après la Gallia
christiana, ne serait pas antérieure à 368 et
à l'évêque saint Aignan qui les aurait trans-
portés dans une église érigée sous l'invo-
cation de saint Jean, du temps de l'évêque
Hilaire (325), en attendant sans doute
qu'on pût construire une basilique spéciale
pour les recevoir dans le lieu même où ils
furent exhumés. Il ne paraît pas que les
coutumes de l'église de Besançon aient été
aussi régulières que celles des autres églises,
il est vrai que l'histoire de ses premiers
évêques, comme les origines de beaucoup
de ses fondations pieuses, sont eriveloppées
d'une grande obscurité-
Aucun texte ancien ne nous éclaire sur
l'existence de l'abbaye à laquelle fut confiée
la garde des deux martyrs ; le fait n'est
attesté que par un auteur du XV 1^ siècle,
Gilbert Cousin de Nozeroy, qui sans doute
avait compulsé beaucoup de vieux titres,
I. Ex gloria tiiartyrum, cap. LXXI.
îles Confe0sions et les crpptes.
135
car il est affirmatifsur ce point ('). La petite
celle, dit-il, qui fut élevée par l'évêque
Aignan, donna nais'-ance à la construction
d'un monastère, dont l'existence futanéantie
par des circonstances malheureuses au bout
de peu de temps. Il s'élevait à une demi-
lieue de la ville de Besançon, à l'endroit
marqué aujourd'hui par le village de Saint-
Fergeux, traduction de Sanctus Ferreobis.
C'est le même édifice qu'on appelait Saint-
Ferrucion au XVII I^ siècle et dans lequel
on découvrit, en 1730, le sarcophage d'un
évêque du IV'^ siècle, celui de Silvestre,
découverte qui permet de supposer d'autres
sépultures de même importance introduites
dans ce lieu par révérence pour les deux
martyrs ( ).
Dans tous les cas, leur sanctuaire n'avait
pas le privilège exclusif des sépultures
épiscopales, car il est rapporté dans certains
nécrologes que S. Léonce (399) fut inhumé
à St- Etienne, S. Prothade à l'église Saint-
Pierre et Ternatius à Saint-Paul [f). Dans
les villes de la frontière où les incursions
des Barbares ont été fréquentes, on s'ex-
plique que les usages aient été bouleversés
par les événements.
A Chalon-sur-Saône, où le culte de
saint Marcel est encore vivant autour d'un
puits miraculeux qui attire une foule de
pèlerins, le 4 septembre de chaque année,
dans l'église paroissiale de Saint-Marcel,
on ne sait rien des temps primitifs et des
dispositions prises pour la conservation de
ses reliques. Pourtant, il est certain que sa
mémoire fut toujours singulièrement hono-
1. Description de la Franche Comtés traduite pour la
première fois par Achille Chereau, 1863, p. 94.
2. L'église de St-Fergeux récemment remplacée par un
édifice neuf, datait du XVI' siècle. La crypte plus an-
cienne avait été dénaturée et transformée au début du
XVIIP siècle.
3. Nous empruntons ces citations aux colonnes de la
Gallia cltrisUana.
rée, puisque Contran, roi de Bourgogne,
après avoir fait réédifier (■) et orner son
église, la choisit pour le lieu de sa sépul-
ture (594). Plus tard, un cardinal de Rohan,
évêque de Chalon, jugeant que son tom-
beau était au-dessous de sa réputation, fit
élever un mausolée magnifique qui est
tombé en morceaux sous les coups des
Protestants comme bien d'autres monu-
ments (=). La basilique de Saint-Marcel,
déjà gouvernée par un abbé au VI^ siècle {%
était située dans la banlieue, à 3 kil. vers
l'Est, par conséquent au delà de la Saône ;
elle était très exposée aux déprédations,
néanmoins l'abbaye qui l'entourait et qu'on
peut avec vraisemblance faire remonter
au roi Contran, fut si bien entretenue,
qu'elle subsistait encore à la Révolution.
Par un procès-verbal de fouilles pratiquées
par l'évêque Cirbald (^), on sait que les
corps de saint Silvestre et de saint Agri-
cola furent inhumés près de saint Marcel.
Devant tous ces témoignages de piété, il
ne semble pas douteux que les reliques de
saint Marcel furent déposées dans une
confession spéciale pendant la période an-
térieure à l'an mille.
Ha crypte Dc saint Bbiliûcrt De
Tournus (Saônc^et^Jïoire).
SAINT Valérien, immolé seul à Tour-
nus, au début du II I^ siècle, comme
les précédents, serait demeuré obscur, sans
doute, si le petit monastère qui entourait
sa sépulture n'était devenu, au temps des
1. Frédégaiie se trompe en disant que Contran bâtit
cette église la 24' année de son règne (5S4-585), car
Grégoire de Tours dit, qu'elle fut assignée comme piison
à deux évêques par le concile de Châlon de 579 {Hist.
franc, lib. V, cap. 28).
Fredegani schol. Chron., lib. L
2. Cl. Parry, Histoire de lu ville et cité dc Châlon-sur-
Saône, 1659, infol. pp. 51 et 52.
3. De gloria martyrum,\. \\\.
4. Acia S S., t. II, Martii mensis, p. 515.
136
îRcbut De rSrt chrétien.
invasions normandes, le refuge d'une com-
munauté de Bénédictins errants qui ve-
naient du Bas-Poitou, portant avec eux
diverses reliques et notamment le corps de
saint Philibert. Pour l'installation des nou-
veaux arrivants, il fallait des constructions
très vastes, qui furent tracées sur un plan
grandiose. Dès la fin du IX^ siècle, l'église
abbatiale s'étendait depuis la crypte qui
marque la place du chevet mérovingien
jusqu'au narthex de l'entrée occidentale
dont le caractère archaïque frappe tous les
visiteurs.
Il y a peu d'églises en France aussi
importantes et aussi curieuses, au point de
vue de l'histoire de l'architecture romane,
£jMg»
Coupe longitudinale de l'abbatiale de Tournus.
que l'église abbatiale élevée au XI^ siècle
par les religieux de Saint-Philibert deTour-
nus. Son plan, les voûtes de sa nef, ses
colonnes élancées, ses chapiteaux, ses trois
tours, son narthex en font un monument
exceptionnel pour les études archéolo-
giques. Cette église a perdu son cloître
presque entièrement, mais elle conserve
sous son sanctuaire une crypte qui ne res-
semble à aucune autre par ses dimensions,
sa hauteur et son plan d'étage, 3'", 50 sous
clef de voûte. Opposée à la chapelle Saint-
Michel, qui est construite au-dessus du
vestibule d'entrée, à l'Ouest, au niveau de
la tribune des orgues, comme pour symbo-
liser l'église triomphante, la crypte figure
la période des souffrances de l'Église de
Tournus, et nous rappelle qu'elle eut l'hon-
neur d'offrir au ciel un martyr, saint V^alé-
rien, premier patron de la ville, au temps
de S. Pothin de Lyon. On sait comment
le culte de saint Philibert vint lui disputer
les hommages de la foule sur les bords de
la Saône. Chassés de leur île par les inva-
sions normandes, les religieux de Noir-
moûtier (Vendée) avaient traversé le Poi-
iteô confessions et les crpptes.
137
cou, l'Anjou et le Berry sans pouvoir trou-
ver un asile à leur convenance; ils erraient
portant avec eux le corps de leur fonda-
teur, saint Philibert, lorsque le roi Charles
le Chauve les autorisa à s'établir dans le
pays de Châlon. L'acte est de l'année 875 (').
Les nouveaux arrivants étaient nom-
breux, ils formaient une communauté plus
importante que le petit monastère méro-
Plan de la crypte de Tournus.
vingien qui les avait précédés, ils furent
obligés de relever les ruines qu'on leur
offrait et d'étendre le périmètre des cons-
tructions. Au X« siècle, une invasion de
Hongrois renversa ce qu'ils avaient édifié
et les força à dresser les plans d'un nouvel
établissement, qui dépassa en splendeur
tout ce qu'ils avaient fait auparavant, et
dans lequel fut comprise l'église abbatiale
que nous avons sous les yeux.
I. € Abbaliam S. Valenam martyris qu;t' est in pago
Cavilonensi ubi etiam venerabilis martyr corpore qiiies-
cit. » Chifflet, //is/. de l'abbaye royale de Tournus, p. 82.
La crypte, qui s'étend sous le chevet, la
seule partie que nous ayons à décrire pour
notre étude, reproduit en contrebas le plan
de l'église supérieure ; sa cella est sous le
sanctuaire et le chœur, son déambulatoire
est exactement situé au-dessous de celui
qui tourne autour de la colonnade du
maitre-autel. On voit également dans le
sous-sol la reproduction des cinq chapelles
absidales qui ornent l'extrême chevet. Cette
crypte est donc en réalité une sorte d'église
inférieure. Aucune partie, n'est demeurée
close et mystérieuse, la circulation est libre
dans tous les sens. La cella, qui occupe
le milieu du sous-sol, se compose d'une
enceinte, dans laquelle on a percé cinq
ouvertures qui sont de véritables portes :
les quatre des côtés ont 0^^,90 de largeur
sur 2"\6o de hauteur, celle de l'Orient a
i"^,o8. Il n'y a pas trace de fenêtres sinon
dans le fond de deux niches demi circu-
laires qui flanquent la porte de l'Orient, ce
sont deux petites lucarnes étroites, hautes
de o"\79 sur 0"\30 de largeur, prenant
jour sur le déambulatoire. Les murs de
cette cella sont des massifs de maçonnerie
de i"\50 pour lesquels on a employé
des moellons de grosseur moyenne
(o™,30 X o"\5o) liés par d'épais joints en
mortier grossier.
Quand on pénètre dans l'intérieur de la
cella, on constate que l'espace de cette
petite nef.longue de 9"^,8o, large de 5'",65,
est partagé dans le sens de la longueur en
cinq travées couvertes de petites voûtes
hémisphériques, façonnées d'après un pro-
cédé des plus primitifs avec du blocage jeté
sans ordre sur des formes. L'ouvrier a em-
ployé pour le cintrage des planchettes qui
ont laissé partout les traces de leur em-
preinte et de leurs joints ('). Pour supports,
I. Les voûtes s'arrêtent aux abords du puits et laissent
un vide de o'",2o. Au même endroit, on aperçoit aussi
138
3Rc\jur tic l'^vt chrétien.
on a dressé le long des murs des pilastres
peu saillants, couronnés de tailloirs, et au
milieu des colonnes au nombre de huit, non
fuselées, qui se terminent par des cha-
piteaux ornés comme on savait le faire
dans les ateliers de l'époque romane (').
Au-dessus des chapiteaux sont des abaques
épais, pour recevoir la retombée des voûtes
qui ne se produit pas toujours d'une façon
réorulière sur le milieu du chapiteau. Il faut
noter encore que les deux colonnes de la
première travée à l'Orient, ont été polies, et
ont le fût renrté ; elles ne proviennent pas
de la même carrière que les autres et parais-
sent plus anciennes. On fait la même re-
marque au côté de l'Occident, à l'entrée d'un
enfoncement qui renferme un puits ; là
encore on a employé, au lieu de pilastres,
deux petites colonnes fuselées, montées sur
un socle très élevé qui n'ont pas la même
origine et la même date que les autres.
L'escalier unique par lequel on descend
aujourd'hui dans le sous-sol, en partant du
transept nord, avait son pendant dans le
transept sud, avant que le Cardinal de
Bouillon fît exécuter, en 1702, de grandes
D
6^
jMI,iO< (
Lu
carne
Appareil de la crypte.
réparations dans cette partie de l'église.
Celui du Nord fut lui-même pendant quel-
que temps remplacé par un autre pratiqué
dans la chapelle de saint Pourçain, la
première à gauche dans le déambulatoire ;
heureusement l'architecte Ouestel, chargé
des restaurations de 1846, eut la bonne
inspiration de rétablir l'accès primitif. Il
nous reste à souhaiter que l'escalier du Sud
ne reste pas indéfiniment fermé, car il com-
plétera les lignes harmonieuses du plan.
Dans la plupart des églises, l'accès des
cryptes a subi les mêmes variations, parce
des traces de fenestrage qui semblent annoncer la pré-
sence d'un soupirail.
I. Les feuilles d'acanthe sont groupées comme les
fleurs dans un bouquet uniforme.
que souvent il contrariait les projets d'em-
bellissement du chœur ou entravait la
circulation.
Tel est le cadre dans lequel les généra-
tions du moyen âge et des temps modernes,
depuis le XI^ siècle jusqu'en 1562, sont
venues accomplir leurs dévotions autour
des reliques de saint Valérien. La crypte
étant aujourd'hui absolument déserte et
vide de tout mobilier, il nous est assez
difficile de dépeindre la physionomie de la
cella. quand l'autel était en place ; ce que
nous pouvons affirmer, c'est que l'emplace-
ment assigné au tombeau qui passe pour
être celui de saint Valérien ne lui appar-
tient pas plus que l'invocation du même
Saint ne convient à la chapelle absidale du
Hcs confessions et les cryptes.
139
milieu où il est exposé. Si nous avions un
dessin du XI I*^ ou du XIIl^^ siècle, nous
le verrions dans la cella elle-même, à la
place d'honneur, c'est-à-dire contre le mur
de l'hémicycle, la tête regardant l'Orient
et appuyée contre un autel. Les deux
niches demi circulaires qui sont pratiquées
à gauche et à droite de cet hémicycle res-
semblent bien aux crédences qu'on est ha-
bitué à voir à proximité des autels pour y
déposer des offrandes ou des objets du
culte.
Le public ne pénétrait pas dans la cella,
à moins qu'il ne fût d'une classe privilégiée ;
il se bornait à regarder le sarcophage à
travers les grilles qu'on avait établies dans
chacune des cinq ouvertures percées dans
l'enceinte de la cella. 11 n'est pas possible
de douter de cette installation, car on aper-
çoit encore dans la maçonnerie de plusieurs
cintres les restes des barreaux de fer qui
composaient les grilles. L'ouverture de
l'Orient n'était pas nécessaire, sa seule
présence aux pieds du tombeau indique
que la grille de ce côté avait une partie
mobile qu'on ouvrait dans certains cas pour
satisfaire les pèlerins désireux de toucher
le sarcophage.
Supposer, comme l'a fait Meulien dans
son Histoire de Tournus ('), que la confes-
sion et l'exposition du sarcophage se trou-
vaient du côté opposé, c'est à-dire à l'Ouest,
dans cet enfoncement de deux mètres de
profondeur où l'on voit le puits, c'est mé-
connaître les rites ecclésiastiques. Le réduit
distinct, dont l'entrée est décorée de deux
colonnes, paraît composer une sorte de
cella; parce que le puits jouait un rôle impor-
tant dans le culte rendu aux saints, il était
l'accessoire indispensable de toute confes-
sion, attendu qu aucun pèlerin ne serait
I. Histoire de la ville et du canton de Tournus. Tour-
nus, 1S92. I vol. in-8 .
parti content s'il n'avait emporté un peu
d'eau puisée à proximité du sarcophage. On
croyait avec assez de vraisemblance que le
martyre de S. Valérien avait eu lieu en
dehors de la ville de Tournus, là où s'élève
l'abbaye ; on devait donc supposer, par voie
de conséquence, que la terre et l'eau de cet
emplacement, devaient avoir une vertu
curative.
La seule présence de ce puits nous auto-
rise à affirmer que le Xl^ siècle n'a rien in-
nové en élevant une crypte avec des
colonnes et des voûtes au-dessus du tom-
beau de S. Valérien, il n'a fait que décorer
avec splendeur un lieu sanctifié depuis
plusieurs siècles par des démonstrations
éclatantes de piété. Jamais les générations
postérieures à l'an mille n'auraient eu la
pensée de creuser un puits dans un sous-
sol, qui n'aurait pas été signalé d'avance
par des prodiges et un courant de pèleri-
nages. On dit que ce puits n'avait pas plus
de deux mètres de profondeur avant 1846,
époque où il fut creusé tel qu'il est aujour-
d'hui. S'il en est ainsi, il faut supposer que
les pèlerins se contentaient, à défaut d'eau,
d emporter de la terre comme à Saint-Iré-
née de Lyon (').
Quoi qu'il en soit, j'ai la conviction que
le patron de Tournus n'a pas été plus mal-
traité que les autres martyrs de la Gaule
chrétienne et que, dès l'époque mérovin-
gienne, il a eu sa confession monumentale
comme saint Symphorien d'Autun, saint
Bénigne de Dijon et tous les autres mar-
tyrs de la vallée du Rhône. On sait que les
princes de la race inérovingienne, quoique
grossiers dans leurs mœurs, se montraient
très respectueux envers les autels et que la
Gaule sous leur domination se couvrit de
I. Témoignage de M. Chaumont, curé de Tournus
Cette crypte ayant été louée à des particuliers de 1792 à
1840, il est possible qu'ils aient comblé le puits.
140
B.ebue ïie rSrt cbrétien.
monastères. Chaque tombeau était gardé
par une abbaye dont les murs retentissaient
de louanges perpétuelles, dontran de
Bourgogne, ne se contenta pas de bâtir une
église à Chalon-sur-Saône en l'honneur de
saint Marcel, martyr contemporain de
saint Valérien et de saint Pothin, il consti-
tua aussi une riche dotation pour l'entre-
tien du service religieux. Comment supposer
qu'il a oublié saint Valérien dont les reli-
ques étaient non moins célèbres au temps
de Grégoire de Tours ?
Ce pieux auteur, qui est allé à Tournus
comme il a visité tous les sanctuaires célè-
bres de son temps, et qui a conféré avec
le desservant, Epirechius, dont il vante la
Nef principale de la crypte.
vertu et la sincérité, désigne l'établissement
sous les différents noms de basilique, de
temple et d'église, termes qui représentent
autre chose qu'un simple oratoire exigu
élevé dans un cimetière. Il s'est enquis des
prodiges qui s'accomplissaient, il en a noté
un qui est presque une accusation de tié-
deur envers le comte de Châlon, appelé
alors Gallus. Ce personnage, atteint d'une
maladie qui ressemblait à une hydropisieet
se sentant défaillir sous les tortures de son
mal, se fit transporter mourant au tombeau
du saint martyr ('). Là, comme il était pros-
terné la face contre terre, le prêtre vint lui
dire : « Si vous voulez guérir, ayez con-
fiance dans la puissance du martyr et faites
le vœu de lui offrir une poutre et ses acces-
soires pour la restauration du toit de son
I. Ch. Parry, Histoire de la ville et cité de Châlon-sur-
Suant' 1659, inf", pp. 51, 52.
îles confessions et les crpptes.
41
temple. Si vous tenez parole vous serez
exaucé. » Aussitôt le malade se mit en
prières, fit le vœu, qu'on lui indiquait et se
leva guéri. En retour, il ordonna d'envoyer
une poutre à la basilique (').
L'historien n'en dit pas davantage sur le
monument, il ne prononce pas le mot de
crypte, mais il lui arrive si souvent de citer
des expositions de sarcophages dans des
sous-sols, qu'il a pu simplifier, cette fois, les
détails de sa description ou considérer qu'ils
étaient inutiles devant un usage très répan-
du. Il n'est pas croyable que les reliques
de saint Valérien aient été déposées dans
une confession étroite, murée et inacces-
sible au public sous le maître-autel.
Il y a peu d'exemples que de telles pré-
cautions aient été prises en Gaule avant
l'invasion desSarrasins. Dans les conditions
de solidité que présentent ces caveaux, celui
de Tournas aurait résisté à tous les coups,
et de plus, on peut être certain qu'il aurait
été respecté par les constructeurs succes-
sifs comme une relique insigne. Ceux-ci
auraient créé une seconde crypte à côté de
la première comme à Saint-Savin sur Gar-
tempe plutôt que de modifier une installa-
tion admise par les siècles antérieurs. L'hé-
micycle d'un côté et le puits de l'autre nous
paraissent être les deux limites extrêmes
de l'étendue de la crypte de Tournus au
VI^ siècle. Quant à l'entrée, je serais tenté
de la fixer sur l'axe dans le renfoncement du
puits, par les deux couloirs de i'^,20 qui
sont de chaque côté, car ils ne sont pas
nécessaires à l'accès du puits.
Je ne sais si le corps de saint Valérien
fut caché pendant la panique du VIII^
siècle, cela est possible, mais l'existence de
sa sépulture était parfaitement connue au
IX^ siècle. Le diplôme qui institue les reli-
De gloria martyr um, lib. I, cap. 54.
gieux de Noirmoûtier, propriétaires de l'ab-
baye de Saint-Valérien, en 875, relate for-
mellement que son corps y est conservé(').
C'est ici le lieu d'indiquer les change-
ments probables qui résultèrent de l'arrivée
d'une nouvelle communauté nombreuse et
suivie d'un trésor considérable. Il va sans
dire qu'après les émotions de leurs déplace-
ments continuels et les bruits d'incursions
qui troublaient sans cesse la Gaule, les
religieux utilisèrent la cella telle qu'elle
était avec ses murs pleins et réduisirent les
ouvertures au chiffre strictement nécessaire.
Le moment n'était pas encore venu de
percer l'enceinte de portes hautes et larges
comme celle que nous voyons. 11 était plus
prudent d'imiter les religieux de l'abbaye
de Saint-Gall, qui, dans le même temps, se
contentaient de deux petites fenêtres à
l'Orient et à l'Occident, d'une petite porte
pour le desservant et de répétera Tournus
ce qu'ils avaient fait à St- Philibert de
Grand'lieu (Poitou). A mon sens, le déam-
bulatoire qui contourne la cella depuis le
Xl^siècle succède à un couloir dont l'unique
but était de conduire les pèlerins à l'arrière-
chevet pour honorer le tombeau par la
fenestella de l'Orient. C'est la disposition
adoptée au IX^ siècle dans les deux abbayes
précitées.
Il y avait lieu de prévoir une affluence
plus considérable de pèlerins par suite de
l'augmentation du trésor. Les religieux de
Noirmoûtier arrivaient avec plusieurs corps
saints, entiers ou divisés, parmi lesquels je
citerai ceux de saint Philibert, de saint
Viau, de saint Martin de Vertou et de saint
Benoît de Quinçay. L'ancien catalogue des
reliques fait encore mention des corps de
I. « Abbatiam sancti Valeriani martyris, quœ est in pago
Cavilonensi, super fluvium Sagonam, ubi etiam idem
venerabilis Martyr corpore quiescit. > (Juénin, Preuves,
PP- 90, 93-)
KEVUE DE l'art CHRÉTIEN.
1904. — 2'"*^ LIVRAISON.
142
Bebuc lie rart tl)rctien.
s. Samson, de S. Candide, de S. Clin, de
S. Basile, de saint Arnou et d'une quan-
tité d'autres qui ne figurent pas dans la
chronique de Tournus. Il est certain que le
corps de saint Florent y demeura aussi
quelques années, car c'est de là que le
moine Absalon l'enleva furtivement pour le
reporter en Anjou d'où il était parti. Ainsi,
au IX^ siècle, l'abbaye de Tournus fut
transformée en un dépôt important de re-
liques, c'est un fait bien avéré (').
Puisqu'il en est ainsi, il faui admettre
que ses trésors n'étaient pas exposés
dans les chapelles de l'église haute sous
la main de tout le monde et que le sous-
j sol du sanctuaire avait été aménagé d'une
Déambulatoire de la crypte.
façon assez vaste pour^'donner place à tous
les personnages qui étaient venus deman-
der l'hospitalité à Tournus. Autour de
l'autel et du sarcophage de saint Valérien
qui occupait le centre de lacella inférieure,
on voyait tous les autres sarcophages ran-
gés çà et là le long des parois et dans le
milieu de la nef. Nous sommes donc obligés
d'en induire que la crypte de l'abbaye de
Tournus était déjà au IX^ siècle d'une ca-
pacité égale à la nef centrale de la crypte
actuelle, autrement elle aurait été insuffi-
sante.
Les événements tragiques qui se renou-
velèrent au X*^ siècle démontrèrent que les
religieux auraient manqué de prévoyance
s ils n'avaient pas eu recours à une crypte
fermée, parfaitement murée et voûtée. Dans
leurs courses en Bourgogne, les Hongrois
commirent les mêmes ravages que les Nor-
mands et les Vandales ; ils brûlèrent Tour-
I. Juénin, Ibidem, chap. vi, p. 39.
JLts coiTfe0Sion0 et les crpptes.
143
nus et son abbaye, et cependant on a la
certitude que les reliques échappèrent au
désastre. On prit sans doute les mêmes
précautions que dans beaucoup d'autres
lieux, on enterra la plupart des sarcophages
et on dissimula l'entrée du sous-sol. D'après
les documents postérieurs, on a lieu de
croire que le corps de S. Valérien demeura
enfoui de 937 à 979 {'). Le calme étant
revenu, l'abbé Etienne voulut venger le
saint patron de l'église de l'humiliation
qu'il avait subie trop longtemps pendant
les années de terreur. Il fit fabriquer deux
reliquaires d'argent enrichis de lames d'or
et de pierres précieuses, l'un pour les
membres du martyr, l'autre en forme de
buste pour loger la tête. On laissa la pous-
sière de son corps et de ses vêtements dans
le sarcophage dont le couvercle fut scellé
avec du bitume. Il est rapporté formelle-
ment que ce monument funèbre fut
descendu dans la crypte, in inferiori crypta,
où il fut placé derrière l'autel sacro-saint
de Saint- Valérien, tandis que les reliquaires
restèrent dans l'église supérieure et furent
déposés sur l'autel de Notre-Dame (').
C'est bien ainsi que s'accomplirent dans
toutes les églises les déplacements posté-
rieurs aux invasions barbares.
Dans le temps de la translation des
reliques, événement qui avait eu beaucoup
de retentissement, un pauvre hydropique,
attiré par l'espoir d'une guérison, se
cachait, dit le texte, dans les cryptes d'où
le corps de saint Valérien avait été exhumé
(latebat in cryptis) (^). Ce pluriel dénonce
autre chose qu'un simple caveau, il nous
1. < Clausum tellure per multorum spatia manserat
annorum. > (Chronicon Trenorciejise , cap. 38.)
2. < In inferiori crypta monasterii nostri post beatis-
simi Valeriani sacrosanctum altare déponentes, abierunt.»
]\ié.'d\n, preuves, p. 35.
3. Acta S. Valeriani et miracula. (Apud Juénin,
preuves, p. 36.)
dévoile la présence de couloirs d'accès plus
étendus que dans les cryptes latines des
premiers siècles. Telle était la situation
certaine du sous-sol du sanctuaire de Tour-
nus lorsqu'un nouvel incendie, en 1006, mit
les religieux dans la nécessité de préparer
ou d'achever l'édification du splendide édi-
fice roman qu'on appelle l'abbatiale de
Tournus.
Pour le sujet spécial qui nous occupe,
nous résumerons cet exposé en disant que la
la crypte de Tournus a perdu tous les ca-
ractères qui constituent une confession de
martyr. Il est possible que sous le vête-
ment de moellons de son enceinte on re-
trouve des vestiges de murs du VI'= siècle,
comme du côté du puits, mais sa décoration
actuelle est un vêtement nouveau qui ne
peut être antérieur au XI'= siècle. Dom
Martène, quoique savant bénédictin de la
congrégation deSaint-Maur.a trop présumé
de son antiquité, en 17 10, quand il a émis
l'avis que le monument de la crypte était
contemporain de Grégoire de Tours ('). A
son époque, l'archéologie religieuse était
une science inconnue ou peu répandue. Le
chanoine Juénin est meilleur juge, quand,
s'appuyant sur les caractères de l'inscription
RENCO ME FECIT, il apprécie que le
monastère a été reconstruit presque totale-
ment à la fin du X<= siècle ('). La chronique
de Tournus paraît lui donner raison aussi
quand elle dit que l'abbé Etieime reprit la
construction depuis les fondations (').
Léon Maître.
1. Voyage littéraire de deux Bénédictins. Paris, 17 17.
2 vol.-in 4°.
2. Nouvelle histoire de t abbaye royale et collégiale de
Saint -Filiberl cl de la ville de Toiirmn, enrichie de
figures par un chanoine de la même abbaye. Dijon, 1733,
I vol. in-4°, p. 381.
3. « Majoremque monasterii fabricam a fundamento
construxit. > {Ibidem, preuves, p. 25.) Cet abbé est mort
en 980.
^y kM* A^A A^A A^V-U A^VI^ A^X A^A A^A A^A A^vI^ A^vLc A^'vU *^vC A^vt A^^ »^
54, ciiixiij:ciiiriiiii.iiiJiJïjxixiiXKiiiTiixiiiiiiiJiiiiirijxiiiiiiii.iLii::iJxiiiiiiixixiziJij[iiiiiitxiiiiiiiKiiiiiiix iÇ
Ggltse tie JSt^Satil tie Vara):(Htn).De0mp<
tion De la façaDe tt Des portes. (Brt.Lxxxiocia collection.)
rTTTTTT nTTT TT
3:inmxj.xxxrngnTmTnTn n imrTTTrrn tty» rx 1 1 m i r nui i nxiin TTnrrrnTTTTTTTTrTTT-niTTïTTnTi
■3â^^ *éî^ *iÔ-* ^x6^ ^:(*ï-^ ^S*^^ ^^'f ^i<^ *i^^ l'itï^ ^S."^ i'^^ ^it^f V>^ *xiî^
Géncralitcs. — Bistorique.
.■^^^^^^^•EST un remarquable
llzMi^^^^LiVmS- privilège de notre
France que de présen-
ter sur toute l'étendue
de son territoire des
monuments intéres-
sants des siècles passés.
Aucune autre des grandes nations euro-
péennes ne possède au même degré ce
caractère : l'Allemagne s'enorgueillit, sur
les bords du Rhin et en Bavière, de ses
admirables églises romanes du Xll^ siècle
et de ses riches cathédrales gothiques du
XIV*^; mais en Poméranie, en Prusse, en
Hanovre, en Wurtemberg même, l'art chré-
tien de ces époques n'a pour ainsi dire
laissé aucune trace (') ; — l'Italie vante
avec raison les basiliques de marbre cons-
truites par ses architectes du moyen âge,
mais on ne pourrait guère en citer une
seule dans tout le Sud de la Péninsule ; de
même pour la plupart des autres pays. —
En France, au contraire, depuis les flèches
de granit de la Bretagne jusqu'aux porti-
ques à colonnes de porphyre de la Provence,
on trouve dans chaque département, nous
pourrions presque dire dans chaque canton,
même dans les lieux où la nature semble
se prêter le moins à l'épanouissement de
l'art, des monuments intéressants qui at-
testent tout ensemble la foi et le génie de
nos pères.
C'est ainsi que sur les confins de la
Bresse et des Dombes, dans un pays tout
I. L'admirable Miinstei d'Ulm est sur lextrênie limite
du Wurtemberg, à quelques centaines de mètres de lu
frontière bavaroise.
parsemé d'étangs, à quelques lieues de la
merveille de Brou ('), se dresse, solitaire,
au milieu des maisons d'un modeste village,
une délicieuse église du XII*" siècle: St-
Paul de Varax.
L'histoire de cet édifice est peu connue :
on sait seulement qu'au début du XII^
siècle, le domaine appartenait aux arche-
vêques de Lyon, car, le 25 juin i 103, l'un
d'eux, Hugues I^', en fit donation au cha-
pitre de St-Paul de Lyon, à charge d'une
redevance annuelle de dix sols (cf. Archives
dît Rhône, hist. de St-Paul, fol. 114-115) :
on ignore si le nom de St-Paul appartenait
antérieurement à la terre ainsi cédée, ou
s'il lui fut donné à cette occasion. — Le
chapitre conserva le patronage de St-Paul
de Varax jusqu'en i 790.
Bien qu'on ne possède aucun document
relatif à la construction de l'église actuelle,
on peut avec certitude, d'après ses caractères
architectoniques, la faire remonter à la pre-
mière moitié du XI 1" siècle : ce sont donc
les chanoines qui auraient fait édifier ce
beau monument sur leur nouvelle posses-
sion. — Une découverte moderne semble
du reste confirmer cette hypothèse :en 1 853,
en grattant les murs de l'intérieur de l'église
pour y appliquer un crépissage nouveau,
M. Darme, architecte, chargé des travaux,
a mis au jour diverses peintures extrême-
ment anciennes, notamment un long cordon
régnant tout autour de la nef, et représen-
tant une longue suite d'écus armoriés (').
1. L'église de Brou, élevée dans un faubourg de Bourg,
par Marguerite d'Autriche pour lui servir de tombeau.
2. Ce cordon se trouvait placé horizontalement à 2
mètres 33 du sol. Les écus étaient dessinés par de larges
€glt0e De ^t#aul De (Harajc.
145
Or, si l'on remarque que les armes de la
famille de Varax('), maison pourtant célèbre
et puissante dès cette époque, n'y figurent
pas, on peut en conclure que cette liste no-
biliaire doit représenter une collection de
personnages étrangers au pays même, sans
doute la suite des doyens du chapitre de
St-Paul, ou simplement la liste des mem-
bres de ce chapitre au moment de la cons-
truction {").
Fidèle à notre plan, nous n'examinerons
ici en détail que l'extérieur du monument :
il présente d'ailleurs assez d'intérêt pour
satisfaire le chercheur même le plus blasé.
— La façade, en particulier, par laquelle
nous allons commencer notre examen, offre
un dispositif éminemment original : sur un
perron élevé de quelques marches, court
tout le long de cette façade une arcature en
plein cintre, historiée, percée en son milieu
d'une porte dont le cintre dépasse le niveau
des arcades voisines : l'ensemble a un carac-
traits noirs ; les couleurs dominantes, du moins dans les
écus demeurés intacts, étaient le rouge (gueules) et le
blanc (argent;.
1. Les Varax portent écartelé de vair et de gueules.
2. En outre, et au-dessus de ce cordon armorié,
M. Darme a découvert de très curieuses peintures mu-
rales, en ton gris clair et à traits noirs fortement ac-
cusés : elles représentaient, du côté droit de la nef :
r une scène de martyre : on voyait des jambes nues, un
billot et une sorte de marteau levé au-dessus ; — 2" un
chevalier richement vctu,dont le cheval était gardé par un
page ; — du côté gauche : un fragment de personnage ;
— au dessus d'une inscription i ecce homo », un Christ,
de grandeur naturellefdont la partie supérieure manquait)
nu, les reins ceints d'un linge, tombant en avant ; de la
cuisse gauche jaillissait du sang ; — à ses pieds était
agenouillé un moine revêtu d'un manteau blanc par-
dessus ses ornements sacerdotaux ; dans le nimbe de sa
tête chauve, on lisait : « S. martyr omni mémento ».
Au-dessus du moine, dans un petit cartouche, était l'ins-
cription : « Hoc me fecit fieri Uns Author Triquesionti >.
— Ce nom bizarre serait donc celui de l'artiste qui avait
exécuté, ou mieux du chanoine qui avait commandé les
peintures ; le terme < Dominus î> semble en tous cas
indiquer un personnage ecclésiastique. Ces peintures ont
aujourd'hui disparu. Tous les renseignements ci-dessus,
fournis par Siraud (dans son ouvrage Courses archéolo-
giques), m'ont été obligeamment communiqués par M.
l'abbé Marchand de Bourg.
tère de recueillement et en même temps de
majesté qu'on s'étonne de rencontrer dans
un édifice de proportions aussi restreintes.
Quant aux sculptures, elles ne peuvent
soutenir la comparaison avec les belles
œuvres que produisaient à la même époque,
les écoles de Poitou et de Bourgogne :
l'exécution des ornements est bonne ; mais
les figures laissent fort à désirer : l'imagier
semble ignorer l'art de les grouper et se
borne à les disposer isolément sur un fond
uni ; bien plus, les proportions même des
personnages sont en général mauvaises : ce
sont des nains disgracieux, à la tête et
aux pieds ridiculement exagérés.
Nous devons plusieurs des renseigne-
ments qui vont suivre à la description
publiée, en 1835, par M. Leymarie dans
« l'Album de l'Ain ». M. le curé de St-
Paul de Varax et M. l'abbé Marchand de
Bourg ont bien voulu.eux aussi, nous fournir
de précieuses indications (').
Façauc occiDcntalc.
I. PORTE.
Figures sculptées.
AVANT de détailler les sculptures de
cette porte, déchiffrons les inscrip-
tions qu'elle nous présente et qui parais-
sent contemporaines de la construction.
La première, disposée sur une seule
ligne autour de l'archivolte du tympan, sert
de dédicace à l'église :
In nomine Dni nostri Isu X Pi et inonore
(sic) beaie s6 (semper) virgiiiis Mariœ et
sci Pauli api et omniu scm Dei (=). » C'est-
à-dire: « Au nom de N. S. Jésus-Christ et
1. Actuellement, l'architecte chargé de l'entretien du
monument, est M. Ferret de Bourg, qui y a exécuté
divers travaux il y a trois ans.
2. Cette inscription, comme les suivantes, étant en let-
tres carrées, il n'y a, dans l'original, ni majuscules ni mi-
nuscules.
146
3Rr\)ue De V^xt cbrétieu.
en l'honneur de la bienheureuse Marie tou-
jours Vierge, et de S. Paul apôtre, et de
tous les Saints de Dieu. »
Une autre inscription, gravée sur l'étroite
bande de pierre qui sépare le tympan du
linteau et au-dessus des personnages figu-
rés sur ce linteau nous fournit leurs noms :
c'est la liste des apôtres :
« 5" . Simon . s. bar (toi (^) ) omeus . ia
(cobus) . iu (das) . io (hannes) . petrus .
maria . pa (ulus) . an (dreas) . ia (cobus)
philipus . mateus . tomas . , c'est-à-dire
S. Simon, S. Barthélémy, S. Jacques,
S. Jude, S. Jean, S. Pierre, Ste Marie (la
Vierge), S. Paul, S. André, S. Jacques,
S. Philippe, S. Mathieu, S. Thomas », soit
les douze apôtres et la Vierge, correspon-
dant aux treize personnages du linteau
Certains noms ont été abrégés afin de
pouvoir trouver place exactement au-dessus
du personnage représenté. — Une cassure
de la pierre figurant un jambage au p de pa.
b
tb
o
D
0
Fig. I. — Schéma de la façade occidentale de l'église St-Paul de Varax.
avait fait prendre cette lettre pour un R à
M. Leymarie, qui, par suite de cette erreur,
lisait ainsi la partie centrale de l'inscription :
« Pierre, Marc, Jacques, ra (redemptor?)
André, Jacques ». — Mais cette lecture
erronée avait trois inconvénients : 1° elle
donnait quatorze noms pour treize figures ;
— 2" elle supposait trois S. Jacques ; —
3° elle introduisait parmi les apôtres S.
Marc, sans raison, et en excluait S. Paul,
le patron de l'église. — D'ailleurs, sur nos
indications, M. le curé de St-Paul a bien
voulu vérifier l'existence de cette cassure
qui ne laisse subsister aucun doute sur la
véritable version.
I. Cette partie est brisée.
Au-dessous du linteau se trouve une
troisième inscription de deux vers léonins
écrits en caractères romans sur une seule
ligne : « ^ cuprecib . lacrimassifûda AVE
edietes — gra c eniacom e abi-
tu . edi\etes ('). » Pour interpréter ces deux
vers, remarquons d'abord que la pierre car-
rée qui porte le mot AVE en caractères un
peu différents d'ailleurs du reste de l'inscrip-
tion, a été encastrée après coup, au cours
évidemment d'une réparation : l'architecte,
ne sachant comment reconstituer la partie
ainsi supprimée du premier vers, a peut-
être cru bien faire de graver ici un souhait
I. Ces quatre dernières lettres sont reportées à la ligne
supérieure.
oBgltse De ^tpani ht mavax^
147
de bienvenue AVE. Il n'y a donc pas à en
tenir compte. — Notons d'autre part qu'au-
tour du tympan de la porte de l'église de
Yandeins, construite vers la même époque
dans une localité voisine, on lit : « omuipo-
tens bonitas exaudiat itigredientes, atigelus
ej'us De custodiat egredieiites. » l.'une des
deux inscriptions ayant évidemment été
Fig. a. - Porte occidentale.
inspirée par l'autre, celle intacte nous ser-
vira à reconscituer celle incomplète : nous
obtenons ainsi une version certaine pour le
premier vers et assez probable pour le
second; la voici: «^[m] precib\\\%\ lacry-
mas si fu\x(\da\xi'C\ \\x\gx'\edie\j\'\tes, grac\\-à\
f[um] \y^nia com\j^\\e\^x\ abitu e£\_r]e-
di^n]les (en remplaçant la pierre AVE in-
tercalée par « nt ingr » ) : c'est-à-dire « Ceux
qui en entrant répandent des larmes avec
des prières, qu'en sortant la grâce avec le
pardon les accompagne dans leur route {'■). »
Examinons maintenant les figures de ce
tympan :
I. — Dans une auréole elliptique très
arrondie, formant concavité dans l'épaisseur
de la pierre, le Christ, au nimbe crucifère,
est assis sur un trône : ses pieds nus repo-
sent sur un scabellum découpé en arcades
(le buste, la tête, les bras manquent) ; sans
doute, conformément à la tradition, il tenait
le Livre et bénissait.
2-3. — Deux grands anges debout, nu-
pieds, se dirigent vers le Christ ; leurs bras
sont brisés, mais d'après leur mouvement
général, qui drape bizarrement leurs lon-
gues robes, on peut conjecturer qu'ils balan-
çaient des encensoirs.
4 à 16. — Les apôtres et la Vierge
debout, nimbés ; ils ont la face brisée : ces
mutilations doivent être attribuées aux Hu-
guenots du XVl*^ siècle; on remarquera
qu'à chaque extrémité de ce linteau il reste
une large place vide de sculpture ; — ce
linteau est fendu horizontalement d'un
bout à l'autre, ce qui a nécessité au
XV 1*^ siècle l'adjonction de l'arc de sou-
tien BB. Les noms des personnages nous
sont donnés par l'inscription ci dessus dis-
cutée.
4. — S. Simon lève la main pour mon-
trer le Christ.
5. — S. Barthélémy fait le même geste
en parlant à...
6. — S. Jacques : ce dernier tient une
bande sur laquelle on lit NVE, mot dont
nous ne saisissons pas le sens.
7. — S. Jude montre de la main le Christ
en parlant à...
8. — S. Jean qui l'écoute.
9. — S. Pierre fait le même geste en
s'adressant à...
1. Cette ingénieuse restitution est due à M. Leymarie
148
3Re\)ue ïie l'^rt cJ)rctieu.
To. — La Vierge, qui occupe le milieu du
linteau.
11. — S. Paul, tourné vers la Vierge,
fait un geste symétrique à celui de S.
Pierre.
12. — S. André: sur la banderole qu'il
tient à la main, on lit : VERE. Que signi-
fie ce mot ? On le trouve prononcé par le
Sauveur, dans l'évangile de la vigile de
S. André, mais il ne se rapporte pas à ce
Saint, c'est au disciple Natanael que Jésus
s'adresse (vere Israëlita — un vrai Israé-
lite) : il est donc douteux que ce soit l'ori-
gine du mot qui nous occupe. La dernière
lettre est d'ailleurs incertaine, et la leçon
exacte est peut-être, malgré l'autorité de
M. Leymarie, VERI, commencement du
mot « Veritas » ou VERB, commencement
du mot « verbum ».
13. — S. Jacques.
14. — S. Philippe lève avec véhémence
un bras vers le ciel.
15. — S. Mathieu tient un livre ouvert
sur lequel est gravée l'inscription: g|i
comme ce livre ne peut être que celui de
son Evangile, et que le mot en question
doit être un titre, on peut interpréter :
(verbum) Dei, bien que cette périphrase ne
soit guère usitée pour désigner l'Évangile.
Il présente ce livre à S. Thomas.
16. — S.Thomas, tourné vers S.Mathieu,
semble écrire sur le livre de celui-ci ou le
tâter: l'apôtre incrédule voudrait. il encore
s'assurer par le toucher de l'existence de
l'Évangile ?
17-18. — Ecus en faible relief ayant dû
porter à l'origine les armes du chapitre de
St-Paul ou celles d'un donateur: aujour-
d'hui la face de ces deux écussojis est unie,
ce qui a donné à penser à M. Leymarie,
que les armoiries, en plâtre ou en bronze,
y étaient simplement appliquées. Peut-être
aussi ces armoiries ont-elles été grattées
par les Huguenots ?
19-20. — Têtes grimaçantes supportant
la retombée de l'arc HB:ces mascarons da-
tent évidemment du XVI" siècle.
Partie purement décorative.
A. — Archivolte extérieure de la porte;
c'est un large encadrement de feuilles lan-
céolées, régulièrement dressées à plat,
d'assez faible relief Cette décoration est
rehaussée par une mince bande qui l'en-
toure extérieurement d'un rang de redans
carrés et de billettes plates, si l'on peut
s'exprimer ainsi.
B. — Arc de soutien, uni, décrit plus
haut.
C. — Fût de la colonne de gauche, orné
de trois étages de cannelures verticales; les
parties pleines entre les cannelures sont dé-
corées de rinceaux. Les trois étages sont
séparés par des sortes de larges bagues
plates ornées d'un semis de fleurettes.
D. — Fût de la colonne de droite : com-
binaison curieuse de torons cylindriques
inclinés (figurant à première vue un pas de
vis comme au.K belles colonnes de la porte
Mantille de la cathédrale de Tournai) sur
lesquels s'enroule en sens inverse une spi-
rale de perles.
Ces deux colonnes sont admirables d'in-
vention et d'exécution, et, dans les nom-
breux modèles que nous a laissés le XI I^
siècle, nous n'en connaissons aucun qui
puisse être mis au-dessus de ceux ci (').
E. — Chapiteau orné de bouquets de
feuillage posés à plat.
F. — - Chapiteau orné de feuilles frisées
disposés en rangs superposés.
I. Nous mettons hors de pair les colonnetles du cloître
.St-Aubin d'.Angers, qui, avec leurs médaillons historiés,
procèdent d'un tout autre ordre d'idées.
église tie ^t |0aul De (Ilîavajc.
149
Le linteau repose sur ces chapiteaux par
l'intermédiaire d'un rang de redans carrés
pareils à ceux du cordon extérieur de l'ar-
chivolte.
Conversion de S. Paul.
II. ARCATURES DE CHAQUE COTE
DE LA PORTE.
Côté gauche de la façade.
21. — Un prince, vêtu d'un manteau
court, tenant un grand sceptre sur son
épaule, est assis sur un trône à pieds. Il
semble donner des ordres à
22. — ... un serviteur extrêmement mu-
tilé, presque méconnaissable : au-dessus de
sa tête, on croit voir un objet étranger
dont il est impossible de reconnaître la na-
ture.
23. — jésus-Christ, vêtu d'une robe et
d'un manteau ; sa face est brisée, mais il
est reconnaissable à son nimbe crucifère ;
il se tient debout et semble adresser la
parole au prince (N° 21). On pourrait donc
conjecturer qu'il s'agit ici d'un des épisodes
de la Passion (le Christ devant Hérode ou
devant Pilate) si les sculptures voisines ne
paraissaient complètement étrangères à ce
sujet.
24. — Un monstre énorme, informe, aux
pieds munis d'ailes ou de nageoires, est
précipité tête première. Est-ce l'archange
révolté ? ou un des nombreux démons
chassés par le Christ au cours de sa prédi-
cation ? Nous n'osons formuler aucune
hypothèse.
25 à 30. — Histoire de S. Paul. — Ici
nous trouvons un terrain plus solide et sans
pouvoir cependant affirmer l'exactitude de
notre conjecture, en raison de l'ordre anor-
mal dans lequel seraient disposés les sujets,
nous croyons fermement avoir sous les yeux
quelques épisodes de l'histoire de S. Paul,
patron de l'église de Varax.
25. — D'un nuage aux formes arrondies
nettement découpées, sort une grande main
étendue ; évidemment celle de Uieu. Elle
est ouverte et dirigée vers
26. — ... un homme étendu à terre et
qui, regardant la main, semble essayer de
se relever. L'état de détérioration de la
Fig. 3. — Façade occidentale, côté gauche.
sculpture ne permet pas de distinguer si
cet homme est vêtu ou non. — On a cru
voir dans cette scène la création d'Adam ;
mais, bien que l'attitude de notre person-
nage soit, par une bizarre coïncidence,
presque exactement celle donnée par
Michel-Ange au premier homme dans son
admirable panneau de la Sixtine, nous ne
pouvons accepter cette hypothèse : l'idée
d'Adam s'éveillant à la vie sur un signe de
la main d'un Dieu invisible est d'une con-
I50
Bebue ïie T^rt cl)rctien.
ception par trop étrangère au XII' siècle.
— Nous voyons ici Saul renversé par la
voix divine sur le chemin de Damas ;
tombé païen, il va se relever chrétien.
Sans doute, la tradition veut que le persé-
cuteur ait été précipité de son cheval, mais
les Actes des Apôtres ne disent rien de
semblable, et d'ailleurs, on conviendra que
cela ne suffirait guère à infirmer notre in-
terprétation, si l'on remarque le soin pru-
dent avec lequel l'imagier de Varax, déjà
peu sûr de son ciseau quand il taillait la
figure humaine, a, contrairement à ses con-
temporains du Poitou, évité toute représen-
tation d'animaux.
Néron ordonne la mort de S. Pajil.
27. — Un prince vêtu d'un manteau
court et, reproduisant exactement la pose
du N° 23, est assis sur un trône à dossier
bas et à bras pleins, de forme byzantine. Il
tient, lui aussi, son sceptre sur l'épaule et,
de sa main droite, semble commander à un
serviteur d'aller remplir une mission. A
notre avis, c'est l'empereur Néron ordon-
nant le martyre de S. Paul et disant à son
serviteur, selon la Légende dorée : « Cou-
pelui la tête pour qu'il sache que je suis
plus fort que son maître le Christ ! et nous
verrons bien, ensuite, s'il vit encore ! »
28. — Le serviteur, vêtu d'une courte
tunique ; il est très mutilé : un bras et une
jambe manquent. De ce qui reste on peut
conjecturer qu'il fléchissait le genou en re-
cevant les ordres de César. Nous n'attachons
aucune signification au rinceau de feuillages
qui se trouve sous son pied : à notre avis,
le sculpteur, assez novice, comme nous
l'avons déjà vu, avait mal calculé ses me-
sures, et, s'étant aperçu que s'il prolongeait
la jambe jusqu'à terre elle serait démesu-
rée, il a employé cet artifice enfantin pour
relever le pied et maintenir à peu près les
proportions normales.
Martyre de S. Paul.
29. — Le bourreau exécute l'ordre don-
né par Néron : debout, vêtu d'une courte
tunique, il frappe de son épée la tête de
S. Paul : la pointe de l'épée ressort entre
les épaules du martyr. Bien que le person-
nage ait perdu un bras et une jambe, on se
rend compte du geste qui est assurément
bizarre, car il donnerait plutôt l'idée d'un
coup de pointe, ou d'un coup d'estoc frappé
de haut en bas, alors que la décollation ne
peut résulter que d'un coup horizontal.
Nous trouvons d'ailleurs ce même mouve-
ment reproduit à satiété, par un autre artis-
te du XI I^ siècle, dans les scènes de mar-
tyre de la voussure, à la porte centrale de
l'Abbaye des Dames, à Saintes.
30. — S. Paul, vêtu d'une robe et recon-
naissable à son nimbe, s'incline en recevant
le coup fatal ; ses bras sont brisés, mais,
malgré les mutilations, on peut présumer
qu'il joignait les mains.
Côté droit de la façade.
31 à 45. — Aucun doute ne peut exister
sur l'interprétation des sujets représentés
ici: ce sont des scènes de l'enfer. On peut
s'étonner seulement que l'enfer soit figuré
seul, sans le prélude indispensable du Juge-
ment et la contre-partie naturelle du Para-
dis : on ne pourrait guère citer d'autre
exemple, croyons-nous, où l'un de ces trois
sujets soit ainsi séparé des deux autres (').
31 et 32. — Un démon nu (N° 31) dont
la face est brisée, mais qu'on reconnaît au
I. A Beaulieu (Corrèze XII" siècle) le Paradis man-
que, mais nous voyons le Christ Juge et l'Enfer ; à
Stjouin de Marnes, il semble bien qu'une au moins des
3 parties manque, mais plusieurs sculptures ayant dispa-
ru, on ne peut être très aftnmatif à cet égard.
6glt0e ht ^t#aul tie Màxax^
151
gros ventre, aux pieds et aux mains énor-
mes dont le sculpteur a doté ici tous ses
diables, entraîne, au moyen d'une chaîne
massive mais peu distincte, un damné qu'il
frappe en même temps d'un bâton ou d'un
fouet: la dégradation de la pierre empêche
de reconnaître la nature de cette arme. —
Le malheureux réprouvé, nu (N° 32), que
l'-ci 4 - Façade occident^.c, ^uli. diuit.
la chaîne serre au cou (à moins qu'elle ne
soit attachée à la langue), essaie en vain de
résister. — Chacun des deux personnages
a une jambe brisée. — Cette scène est sé-
parée de la suivante par une gracieuse co-
lonnette au chapiteau formé de feuilles vé-
gétales épanouies.
33 et 34. — C'est une répétition presque
exacte de la scène précédente : les seules
différences consistent en ce qu'ici le démon
(No 23) ne paraît pas frapper le damné, et
qu'on peut se demander s'il se sert d'une
chaîne ou d'une tige de fer pour attirer à
lui le malheureux (N° 34): on croirait
même, au milieu de cette chaîne supposée,
qui est en partie brisée, distinguer une
main ; mais on ne voit pas à quel corps elle
appartiendrait.
35. — Un personnage vêtu, comme un
chevalier du XII'' siècle, d'une cotte de
mailles et d'une robe demi longue, flottante;
ses chaussures sont pointues et peut-être
munies d'éperons; sans doute il portait un
casque, mais la tête et les épaules sont trop
dégradées pour qu'on puisse rien affirmer
à cet égard. Les jambes écartées, les ailes
ouvertes, solidement campé dans une pos-
ture de combat, ce guerrier fait tournoyer
en l'air son glaive pour chasser les damnés.
Faut-il voir dans ce chevalier qui frappe les
réprouvés, un démon? Nous ne le pensons
pas : d'abord parce que rien dans son atti-
tude ni dans les parties conservées de son
corps, ne rappelle les ridicules difformités
des démons voisins ; ensuite, parce que,
malgré l'esprit satirique et frondeur de
nos pères, c'eût été une audace vraiment
trop grande que de représenter un démon
sous les traits d'un chevalier, en plein XI I^
siècle, alors que la chevalerie, dans tout son
épanouissement, fournissait des défenseurs
aux opprimés et des libérateurs à la Terre-
Sainte. — Il n'y a donc guère qu'une solu-
tion possible, c'est de reconnaître en notre
personnage un S. Michel, d'un type très
bizarre assurément, qui n'a point de ba-
lance à la main, qui ne sépare point les bons
des mauvais, mais se borne à chasser les
réprouvés qui l'entourent de tous côtés.
Pour trouver, dans la sculpture de nos
i églises, un archange qui ressemble à celui-
ci, il faudrait peut-être aller jusqu'au XV'^
siècle: encore, à cette époque le S. Mi-
152
3Rebue lie T^rt tljrctten.
chel guerrier avail-il d'autres attributs, et
verrait-on sous ses pieds le démon terrassé.
36 — ;i^'j — 38. — Trois damnés nus,
pressés les uns contre les autres, s'éloignent
de S. Michel dans une attitude désespérée,
le bras gauche replié contre la poitrine, la
main droite levée vers le ciel et ouverte,
geste qu'il est difficile d'expliquer (i).
39. — Un grand démon ventru, à la tête
et aux pieds énormes ; il a une paire d'ailes
repliées bizarrement le long de son corps,
et sans doute une seconde paire à la tête ;
mais cette partie de la sculpture est si dégra-
dée que ces ailes hypothétiques peuvent
être simplement des cornes démesurées. Il
pousse devant lui
40 — 41 — 42. — trois damnés
nus, debout, très mutilés (chacun d'eux a
perdu une jambe). Désespérés, ils essaient
timidement de résister à la force qui les
entraîne vers l'enfer.
43. — La porte de l'enfer, aux solides
pentures d'airain, est ouverte, laissant voir
l'entrée voûtée de l'abîme.
44. — A demi sorti de l'antre, un monstre
dont la tête rappelle celle de l'hippopotame,
étend en avant sa longue patte (-) pour sai-
sir le premier des trois damnés qu'il s'apprê-
te à broyer dans sa gueule ouverte. — Ici,
par exception, ce Béhémoth {^) est présenté
dans le sens horizontal ; d'ailleurs le thème
1. Ce geste pourrait être un appel à la pitié : il serait
justifié s'il s'agissait de ressuscites implorant Dieu avant le
jugement ; en ce cas, il faudrait rattacher S. Michel à la
scène suivante (N"'' 39 à 42) : il chasserait alors simple-
ment les démons et les damnés, mais l'absence de tom-
beaux ouverts, en nous empêchant de reconnaître ici des
ressuscites, nous oblige à écarter cette hypothèse qui
autrement nous séduirait fort
2. Ou plutôt son bras, car l'articulation est celle du bras
humain et non celle de la jambe antérieure d'un qua
drupède.
3. Béhémoth, nom appliqué souvent par les Pères de
l'Église au démon, trouve son origine dans le livre de
Job (XI, 10 à 19) où il désigne l'hippopotame, ilâtons-
nous d'ajouter que la ressemblance de notre monstre avec
un hippopotame doit être ici toute fortuite, car nos pères
de l'artiste s'écarte tout à fait de la donnée
habituelle, car de la gueule infernale ne sor-
tent ni flammes ni animaux immondes.
45 — Au-dessus de la porte fatale paraît
une tête d'animal assez semblable à celle
d'un bœuf: nous ne pensons pas que le
sculpteur ait voulu personnifier par là tel
ou tel des démons auxquels l'Écriture Sainte
attribue la tête de cet animal : c'est plutôt
une simple fantaisie de sculpteur qui ne
savait quels traits donner à ses démons. —
Devant cette tête apparaît sur le long du
bas-relief une bande légèrement courbée
qui se prolonge au-dessus des figures pré-
cédentes jusqu'au S Michel; la dégradation
de la pierre ne permet pas d'en reconnaître
la nature.
Chapiteaux.
Les N°^ 47 et 50 qui couronnent des
pilastres sont carrés ; les autres sont arron-
dis, comme les colonnes qu'ils surmontent ;
au-dessus de chacun des chapiteaux est une
abaque décorée de petites feuilles dressées
très simples, sauf au N° 46 et au N° 49, où
l'ornementation consiste en demi-disques
et en une combinaison de redents et de per-
les ; on remarquera que l'abaque ne porte
pas directement sur les chapiteaux : la pièce
intermédiaire est creusée sur chaque face
et ne se montre qu'aux angles ornée d'une
fleurette, ce qui donne à l'ensemble une
grande légèreté.
46. — Le péché originel : — le serpent
est enroulé au tronc de l'arbre de la Science,
aux rameaux contournés, chargés de cinq
du XI P siècle ne connaissaient guère les animaux de
l'Egypte et de l'Inde. L'église d'Aulnay (Charente Infé-
rieure) nous fournit un amusant exemple de cette igno-
rance : un donateur, revenu sans doute des pays lointains
au XII'= siècle, fait sculpter sur un chapiteau de cette
église des éléphants ; mais, sachant ((ue ces figures consti-
tueraient une énigme pour les fidèles du lieu, il (ait graver
au-dessous ; *.< hi sunt elephantes, » (ce sont des élé-
phants).
€glt0e de ^t^anl tie îllarar.
'53
ou six grosses pommes. Eve, debout, en '
saisit une ; sans aucun doute, près d'elle se j
trouvait Adam, à qui elle offrait le fruit :1a
partie du chapiteau où était ce personnage
est malheureusement fort mutilée.
47. — Chapiteau très remarquable : sur
la face de gauche, la Nativité de Notre-
Seigneur. — Sur la face antérieure, l'Adora-
tion des mages : Marie, nimbée, assise sur
un siège à bras ornés, les pieds posés sur un
tabouret, tient sur ses genoux l'Enfant, qui
avance le bras, soit pour bénir, soit pour
recevoir les présents que lui remettent les
trois rois debout devant lui. On remarquera
que les mages sont ici vêtus de courtes
tuniques, ce qui est assez rare, du moins
dans la sculpture monumentale. — Sur la
face de droite, Hérode, assis sur son trône,
donne à un officier armé d'un glaive l'ordre
de massacrer les enfants : on peut s'étonner
que le serviteur soit assis en présence du
roi.
48. — Ornements végétaux : sur chaque
face, un fleuron formé de deux feuilles qui
s'écartent pour laisser entre elles surgir une
tige verticale portant un fruit rond ; aux
angles, de larges feuilles roulées en rinceaux.
— Ce chapiteau est limité à sa partie supé-
rieure par un galon.
49. — Ce chapiteau offre le même type
général que le précédent. Les feuilles et les
fleurettes sont simplement d'un autre mo-
dèle ; et le fleuron ne comporte pas de fruit.
50. — Ici, ce sont deux rangs superposés
de tiges grasses rappelant celle du céleri,
s'épanouissant aux angles et au milieu des
faces en toufles de feuilles léeèrement
o
frisées
51. — Au milieu de feuillages en partie
mutilés, à l'angle du chapiteau, est une
grosse tête de démon, de la bouche duquel
sortent les queues de deux animaux fantas-
tiques, décorant chacun une des faces : à
droite, un dragon dont la langue est formée
d'un long rinceau de feuillage ; à gauche,
un basilic, sorte de coq à queue de dragon.
Partie purement ornementale.
GG. — Les fûts de ces colonnes sont
cylindriques, à surface unie : aucun d'eux
n'est d'une seule pierre.
H H. — Les deux colonnes, ou pilastres,
intermédiaires sont carrées et creusées du
haut en bas sur leur face antérieure de
deux profondes cannelures verticales qui
produisent un effet éminemment décoratif.
IL — Les arcatures sont limitées infé-
rieurement par un simple boudin rond uni ;
supérieurement,par une bande de ces sortes
de billettes plates que nous avons signalées
déjà autour de l'archivolte de la porte
(voir A). — Entre deux, large bande de
pierres unies.
PETITE PORTE MÉRIDIONALE.
CETTE baie carrée, qui s'ouvre au côté
droit de l'église, est extrêmement
fruste: aucune colonne, aucun ornement
ne l'encadre ; mais elle est surmontée d'un
tympan sculpté dans un seul bloc de pierre,
quiconstitueun véritable chef-d'œuvre: bien
des cathédrales pourraient envier la pos-
session de ce bas relief, si mutilé qu'il soit,
aussi intéressant par la vigueur de l'exécu-
tion, la composition décorative de la scène,
que par la singularité du sujet traité.
D'après la forme des caractères de l'ins-
cription gravée sur l'archivolte, cette porte
doit avoir été édifiée vers la fin du XlJe ou
le commencement du XI lie siècle, bien
que la sculpture accuse un art plus réaliste
que celui habituel à cette époque, mais
l'inscription ne peut être antérieure à la
sculpture qu'elle explique.
154
3Rebur lie r^rt cbrctieiu
Lisons d'abord (en BB) cette belle ins-
cription qui nous indique le sujet de la
sculpture :
ABBAS QVEREBAT l'AVLV FAVN'q'nOCEB
soit, en rétablissant les quelques lettres
supprimées par les abréviations : abbas quœ-
rebat Paulum, faunusque docebat. — Le
sculpteur avait commencé une autre inscrip-
tion sur la bande de pierre (C) unie qui en-
toure cette archivolte : il s'est arrêté à la
première lettre A. — Il semble qu'il s'était
trompé de place et avait d'abord voulu gra-
ver ici l'inscription que nous venons de
lire ; on pourrait à la rigueur supposer aussi
que l'inscription de cette seconde bande
devait faire suite à la première et que cet A
formait la continuation du mot « docebat »
interrompu à l'autre ligne sans porter au-
cun signe d'abréviation ; mais alors on se
demande pourquoi l'artiste n'aurait pas
poursuivi son travail jusqu'au bout.
L'inscription présente d'ailleurs un sens
complet, et, encore bien que le nom d'Ab-
bé soit ici singulièrement appliqué, et qu'on
puisse s'étonner de ne point voir le nom
«Paulum» précédé de la lettre S (Sanctus)
comme pour les saints représentés au por-
tail occidental, nous n'aurons point de peine
à découvrir l'identité de cet « abbé qui
cherchait Paul et à qui un faune montrait
le chemin. » — Ouvrons, dans la « Légende
Dorée », le récit de la vie de S. Paul er-
mite (') :
« S. Paul (^) s'était enfui dans le désert ;
et lorsque .S. Antoine vint à son tour au
1. Bien entendu notre sculpteur du XII° siècle ne s'est
pas inspiré de la Légende,écrite par Jacques de Voragine
vers 1255 seulement: mais ce beau livre constiiue un
résumd de toute les tradiiions en cours pendant le moyen
âge sur la vie des .Saints, et à ce titre il est un guide pré-
cieux pour quiconque cherche la solution des problèmes
posés par nos anciens imagiers.
2. On remarquera que S. Paul ermite n'est point le pa-
tron de l'église de .St-Paul de Varax : pourquoi donc a-
désert, s'imaginant être le premier ermite,
un songe lui apprit qu'un autre ermite,
meilleur que lui, avait droit à son hommage.
Aussi S. Antoine s'efforça-t-il de découvrir
cet autre ermite. Comine il le cherchait par
les forêts, il rencontra d'abord un centaure,
à demi homme, à deini cheval, qui lui dit
d'aller devant lui. Il rencontra ensuite un
Fig:. 5 - Petite porte méridionale.
animal qui portait des dattes, et qui par le
haut du corps ressemblait à un homme,
avec le ventre et les pieds d'une chèvre.
Antoine lui demanda qui il était: il répondit
qu'il était un satyre, c'est-à-dire une de ces
créatures que les païens prenaient pour
les dieux des forêts. Enfin S. Antoine ren-
t-on choisi ce sujet si particulier pour décorer notre porte?
Peut-être simplement .^ cause de l'association d'idées
résultant de la similitude des noms: ce serait bizarie à
coup sûr, mais non sans exemple.
Cgltse tie t>t#aul De mara;c.
155
contra un loup qui le conduisit jusqu'à la
cellule de S. Paul » (').
Nous n'avons plus, après cette lecture,
qu'à jeter un coup d'œil sur les person-
nages et les détails de notre bas-relief pour
retrouver vivants tous les éléments du récit
de la Légende.
Fig. 6. — Schéma de la petite porte.
I. — S. Antoine (nommé par l'inscrip-
tion << abbas >, nous ne savons pourquoi),
vêtu d'un costume de moine à capuchon
rabattu sur le dos et à attaches sur le côté,
marche, probablement pieds nus, en s'ap-
puyant sur un gros bâton de voyage, en
partie brisé. La tête et les bras du person-
nage manquent. Il se dirige vers
1. Légende dorée, traduction T. de Wyzewa.
' 2. — le faune (ou satyre, comme le
I nomme la Légende) dont l'aspect répond
I exactement à la description de Jacques de
Voragine : d'énormes pieds de chèvre ou
de cheval, les jambes et sans doute le ven-
tre (cette partie est brisée ainsi que la jam-
be droite) velus, une courte queue de chè-
vre, voilà la part de l'animal ; une tête
humaine à longue barbe, avec peut-être de
petites cornes (la pierre est brisée en cet
endroit), des bras et des mains, voilà la
part de l'homme. Cet être hybride est debout
et, tournant la tête vers S. Antoine, de la
main droite il l'invite à avancer, tandis que
de la gauche étendue, il lui indique par un
geste expressif le chemin qu'il doit suivre
pour trouver S. Paul.
3. 4. 5. — Alternant avec les person-
nages sont trois arbres, pour signifier que la
scène se passe dans une forêt. Ce sont des
plantes d'une végétation bizarre, mais émi-
nemment décorative, à gros troncs d'où se
détachent des rameaux retournés en rin-
ceaux et ne portant chacun qu'une ou deux
feuilles : on pourrait, avec un peu de bonne
volonté, y reconnaître le type du palmier.
AA. — Ce beau bas-relief est encadré
d'une bordure assez simple de dents arron-
dies, plates sur leur face antérieure.
G. Sanoner.
Paris.
-€-
-^y^
^'f i.M*. K^A A^A iM* ^^>* *^1a a^a a^x a^^ x^-a jMa iM* jMa >Ma >Ma ^uV^.
ciiriixrxiiiTiiixiii:iriiJCiiri:riiirïiTrTixTTiTiïrxiiiiriiJtiiiiiiixiiiïiii.fiiiiiïiiriiiiiixirTiriiiiiiiriixiiiiiiixiiiiiiixriiiiiiiiiiiiiiiiDiti
52:-5V«2rï?
ffîclangrs.
if
f^^S^ y^jv v^-y y^-y YjA^-v y^-v y^jx r^*jx y^^ y.^v y,*jjf y^jf v^v V>^ ^^iî^
Hutour Dc •èJérusalcm antiauc.
N Palestine, à Madaba, en faisant les
fouilles pour asseoir les fondations
d'une nouvelle église grecque, on a
découvert une mosaïque donnant une
image grossièrement naïve de l'ancienne Jérusa-
lem. Et il n'y a aucun doute sur l'identification
de la ville représentée, puisque l'image est ac-
compagnée de cette inscription en caractères
grecs: HAGIAPOLICIEROVCALEM.
J'ai sous les yeux une reproduction héliogra-
phique, c'est-à-dire rigoureusement exacte, de
cette mosaïque, rencontrée dans le n° de V/l-
lustration Italienne du 8 novembre 1903, p. 393.
Mais j'avoue qu'il m'est difficile d'y reconnaître
quelque chose et imagine qu'il faudrait beau-
coup d'ingéniosité pour tirer de cette confusion
une reconstitution un peu sérieuse de la ville an-
tique. La première question à résoudre est,
d'ailleurs, celle de l'orientation ; or, si nous ad-
mettons l'inscription. Porta di Damasco, mise
en lettre par le journal, à la porte présentée à
gauche du lecteur, je suis tenté de reconnaître le
tracé de ce corso, bordé d'un double filet de porti
ques en colonnades.qui du Nord au Sud traversait,
en son entier, la ville romaine d'Hadrien, ^Elia
Capitolina. De semblables rues, maîtresses artè-
res des cités bâties tout d'une pièce, existaient
dans les grandes capitales de l'Asie et de l'Afri-
que, à Palmyre, où elle est encore debout dans
une partie du parcours, et reconnaissable en son
entier, à Antioche, à Alexandrie. Comme la
porte de Damas s'ouvrait au Nord, cette hypo-
thèse paraît extrêmement vraisemblable ; une
autre rue, en ligne brisée et garnie également
de portiques, mais d'un seul côté, part encore
de la porte de Damas et aboutit par un embran-
chement à la porte Dorée, puis directement, sem-
ble-t-il, à celle des Eaux.Il est difficile de recon-
naître dans ce pêle-mêle, qui semble un village en
bois de Nuremberg jeté hors dc sa boîte de
sapin, quelque chose qui rappelle les parvis du
Temple et le Temple lui-même. Quant au Saint-
Sépulcre, je le retrouve à la rigueur dans une
construction à triple porte, au toit à deux pentes
— on remarquera qu'il n'y a pas une seule mai-
son à terrasse figurée ici — avec une coupole. Mais
que tout cela est incertain et vague !
L'article de Y Illustration Italienne, signé des
initiales C. R., rapporte le plan trouvé à Madaba
— ce serait plutôt un essai informe de vue à vol
d'oiseau, — à une époque antérieure à Jésus-
Christ. C'est, je crois, une erreur; je n'invoque pas
comme un argument décisif le fait d'une inscrip-
tion en langue grecque, qui était dès lors en
grand usage dans l'Asie méditerranéenne : mais
la forme sensiblement régulière de l'enceinte
englobe, sans aucun doute, le Golgotha laissé en
dehors des murs jusqu'à Hadrien.
Je conclus de ces constatations que nous av^s
ici non la Jérusalem d'Hérode et de Pilate, mais
r./Ëlia Capitolina d'Hadrien, qui conserva sa
plantation romaine bien après le triomphe du
christianisme. Le nom païen subsista même
longtemps; un usage de deux siècles est long à
abolir.
Peut-être ne sera-t-il pas hors de propos de
dire ici quelque chose de ce que firent des Lieux
Saints Constantin et sainte Hélène. Quand, en
327,1a mère de rempereur,rAugusta,eut retrouvé
la sainte Croix depuis trois siècles ensevelie dans
une citerne abandonnée, elle n'eut plus qu'une
pensée, faire pour les chrétiens, du Calvaire et du
Saint Tiimbeau, ce qu'avait été le Temple dans
l'ancienne Loi, c'est-à-dire le sanctuaire com-
mun de l'empire. L'empereur envoya un archi-
tecte de Hyzance, qui n'était pas encore Constan-
tinople, Eustathe, avec ordre de faire grand et
magnifique. Pénétrés des idées païennes et impé-
riales, Constantin et sa mère voulurent que les
constructions nouvelles égalassent en splendeur
tout ce qu'avaient produit l'art et les siècles po-
lythéistes ; ils ne furent que trop obéis et s'ac-
complit alors un des actes de vandalisme reli-
gieux les plus stupéfiants qu'ait à enregistrer
l'histoire. Sous les terrasses auxquelles Hadrien
avait imposé un temple de Vénus et une statue
colossale de Jupiter, on retrouva le tertre rocail-
leux du Golgotha, mais l'idée de le conserver
dans sa simplicité et dans sa nudité ne vint à
personne. Le saint monticule fut rasé, nivelé et on
n'en conserva qu'un bloc au point où avait été
plantée la croix rédemptrice. Il en fut de même
du coteau où Joseph d'Arimathie avait creusé
le sépulcre neuf qui reçut le corps divin. Combien
les Lieux Saints eussent mieux parlé à l'àme
si on les avait laissés dans leur état historique!
Les constructions dues àConstantin et à sa mère
formèrent un ensemble irrégulier qu'il est difficile
de restituer avec un peu de certitude. Les an-
ciennes descriptions sont l'œuvre de pieux pè-
lerins qui écrivent sur les choses saintes dans un
but d'édification et non en géomètres, ou en archi-
tectes. D'ailleurs la parole donne l'idée non l'i-
mage de la forme, et ensuivant minutieusement
la description la plus précise dix archéologues
feront graphiquement dix restaurations plau-
sibles, mais différentes entre elles. Je me borne-
rai donc à donner un crayon du tableau monu-
mental dû à Eustathe, sans chercher à déterminer
le rapport des éléments entre eux.
Il y avait d'abord sur l'emplacement du Cal-
vaire une cour dallée et entourée sur trois côtés
de portiques, V Atrium; les matériaux employés
étaient magnifiques et variés. Au centre, une
grande croix de bois se dressait là où l'avait été
celle (lu Christ. Sur le quatrième côté était la ba-
silique toute brillante d'or, de mosaïques et de
peintures, peut-être surmontée d'une coupole.
Il est donc à présumer que la forme de l'édifice
rappelait non les longues basiliques romaines à
charpentes apparentes, mais les édifices à voûtes
et coupoles, comme les thermes d'Antonin-Cara-
calla et de Dioclétien, et cette basilique de Cons-
tantin dont les trois arcs ouverts dominent si
noblement le Forum romanum (').
On reconnaît dans \' Atrium la cour à porti-
ques ou colonnades qui précède ou précédait
les anciennes églises, comme Saint-Faul hors
les Murs a Rome.
Le Saint Sépulcre était abrité sous un édifice
circulaire avec précinction de colonnes à l'inté-
I. Nous avons fait connaître jadis, au sujet de l'ordonnance, en
plan, de la basilique constantinienne du Saint-Sépulcre, la restilution
de M. Sodick. reproduite dans notre dernière livraison (p. 80), ainsi
que l'opinion de M. de Combes, du R. P. Germer Durand, de
M. Clermont et de M. Ganneau ; antérieurement (année 1898 p. 331)
nous avons résumé l'histoire du Saint-Sépulcre d'après M. l'abbé
Legendre. fN. de la R.)
rieur, qui devait ressemblera Sati Stefano rottin-
do, ou au baptistère de Saint-Jean de Latran à
Rome. On l'appelait Anastasis, en grec Résur-
rection, ou Martyrwn. Enfin, une chapelle, l'Z;;//-
culuin, sorte de châsse monumentale d'une ri-
chesse inouïe, renfermait la vraie Croix.
D'autres églises s'élevèrent hors des murs sur
l'emplacement du Cénacle, au tombeau de la
Vierge, au Gethsémani. Mais il ne reste rien de
toutes ces constructions commandées à Eustathe
par Constantin et Hélène, et ce n'est pas la mo-
saïque informe trouvée à Madaba qui nous aidera
dans l'œuvre d'une restitution graphique de ce
qui a disparu.
Henri Ch.\beuf.
Deiir pèlerinages au Suaire
De Cbambérp-O^urin.
OUÈNE est avec Parme l'iuie des villes
d'Italie qui conservent presque encore
intactes les précieuses correspondan-
ces des agents diplomatiques envoyés
par les petites cours italiennes près des Souve-
rains des grands États européens. Aux Archives
d'Etat, grâce à l'aimable complaisance du direc-
teur. Monsieur Ognibene, j'ai pu retrouver dans
les dépêches de Trotti et de Zerbinati, ambassa-
deurs des ducs de Ferrare, le récit du pèlerinage
de François \'^'^ au Suaire de Chambéry, en 1 5 i6,
ainsi que la relation de la visite que fit saint
Charles Borromée, en 1578, au même Suaire,
alors transporté à Turin.
Au retour de la conquête du duché de
Milan, qui suivit le triomphe éclatant de Mari-
gnan, après avoir traversé le Midi de la France,
François I'^' vint s'établir à Crémieu, petite ville
du Dauphiné, où son séjour fut coupé par une
excursion aux gorges de la Balme ('). Le 27 mai>
il vint à Lyon et ne s'y arrêta pas. i. Le 28 de
mai 15 16, d'après le Journal de Louise de Savoie,
environ cinq heures après midi, mon filz partit de
Lyon pour aller à pié au saint Suaire de Cham-
béry (2). » Jean Harrillon, tout en se trompant
1. Catalogue des actes de François l^^, n^s 474 à 484, et Journal
de Louise de Savoie, dans Guichenon, Histoire généalogique de la
royale maison de Savoie, 1778-80. t. IV, Preuves, p. 459.
2. Guichenon. ibidem.
RBVUK DE l'akT CHKÉTIKN.
iqp^. — 2*"*^ LIVRAISON.
158
Bcbue lie riart c{)ictien.
sur la date exacte du départ, note, au cours de
son journal, que << le Roi partit de Lyon pour
aller faire un voiage à pied au sainct suaire, qui
est à Chambéry (i). » L'ambassadeur ferrarais.
Sigismond Trotti, écrit à son maître, Alphonse l"
d'Esté : < Le roi est parti pour Chambéry à pied
pour accomplir le vœu » (^), sans indiquer l'objet
de ce vœu. C'est ce que répète, presque dans les
mêmes termes, Badoer, ambassadeur de Venise(3).
Seul, Guichenon raconte que « le roi étant à
Lyon, touché d'un même mouvement de piété,
rendit à pied un vœu au saint Suaire de Cham-
béry qu'il avait fait le jour de la bataille de
Marignan (4) ». Cet auteur, que suit sans doute
Ménestrier (^), assez inexact dans les détails,
mérite-t-il créance? Il est étrange que François I«^
dans sa célèbre lettre, écrite du camp de Sainte-
Brigide, le 14 septembre 1515, le jour même de
Marignan, ne souffle mot de son vœu. A peine
peut-on y voir une allusion quand, vers la fin de
sa lettre, il écrit à sa mère : « Au demeurant.
Madame, faites bien remercier Dieu par tout le
royaume de la victoire qu'il lui a plu nous don-
ner » (6). Toutefois le rapprochement des textes,
l'éclat insolite donné au pèlerinage, la solennité du
vœu, la rigueur avec laquelle il est accompli, tout
permet, jusqu'à preuve du contraire, de s'en tenir
aux dires de Guichenon.
La Cour presque entière accompagna le roi.
Grands seigneurs, grandes dames, la reine
Claude elle-même se firent un honneur de lui
composer un brillant cortège. François L', dont
l'humeur voyageuse se plaisait aux équipées
extraordinaires, était revêtu d'un costume si
merveilleux, que Trotti ne put contenir son admi-
ration et qu'il le décrit complaisamment. « Le
roi, écrit-il, porte un pourpoint de velours noir
tout tailladé, à larges manches, doublé moitié de
toile lamée d'argent et moitié de soie marron. Les
revers sont garnis de toile lamée d'argent. Par
endroit sort la chemise, terminée par un haut
collet à l'allemande. Des bas-de-chausse l'un est
tout noir et l'autre listré de bandes blanches et
1. Journal de Jean Barrillon, édition P. de Vaissière, Société de
l'histoire de France, t. I, p. 218.
2. Archives d'É/at de Modène, dépêche du 29 mai.
3. Diarii. t. XXII, col. 287 ; cité par de Vaissière.
4. Guichenon, op. cit., t. II, p. 198.
5. HiUoire civile ou conuiliire de lit ville de Lyon, 1696.
6. Petitot, Collection de mémoires, t. XVII, p. 188.
marron. Les chaussures sont dans le même style.
Sur la tête un petit bonnet de drap d'or sur
lequel repose une toque (') de drap blanc, recou-
verte de plumes qui s'étalent sur le devant sur
une longueur de deux mains {^). Ce panache est
mi-partie noir, mi-partie blanc et marron. Le roi,
avec quelques-uns des siens, est venu dans ce
costume à la messe, mais il portait par-dessus
une chape française brodée d'or (3), dont il se
débarrassa pour dîner (•'). »
Le roi, accompagné de sa suite, n'avançait qu'à
petites étapes. Il marchait dans la matinée et la
soirée. Au milieu du jour, pendant son repas, il
recevait les ambassadeurs, puis il s'entretenait
longtemps avec la reine Claude, au grand dépit
de Trotti qui aurait voulu rester plus longtemps
avec lui. Le soir venu, un bal costumé reposait
des fatigues de la route. Les dames faisaient
bonne contenance. Trotti s'émerveille de leur
vaillance, mais, en sceptique, il doute qu'elle per-
siste, car lui-même se plaint de l'insuffisance
du logement et des péripéties du chemin assez
accidenté.
Le 5 juin, on parvint à la Verpillière (^). Le 7,
on atteignit la Tour-du-Pin (6) ; de là, on passa
en Savoie par Pont-de-Beauvoisin et, le 15, on
entra à Chambéry.
« Le lendemain, environ midy, rapporte Bar-
rillon, fut monstre le saint suaire par trois éves-
qiies publicquement > 1' | Cela fournit à Trotti
l'occasion de nous donner du Suaire une descrip-
tion, d'autant plus précieuse qu'elle est la plus
ancienne en date et qu'elle précède l'incendie du
4 décembre 1532, dont la relique eut beaucoup à
souffrir. « Sa Majesté, ce matin, écrit-il le 16 juin,
a vu le linceul où fut enveloppé le Christ au sé-
1. C'est la toque aplatie à la florentir.e. dont les divers portraits
du roi fournissent le modèle.
2. Environ 50 centimètres.
3. C'est sans doute ce qu'appelle Chorier (Histoire générale de
Dauphiné, 1672, t. II, p. 515) « une aube de toile blanche ».
4. Lettre originale du 29 mai. — Il e.viste quatre portraits de
François I'-'. Deux sont au Louvre, ceux du Titien et de Jean ou
leannet Clouet ; un autre se trouve au.v Offices, A Florence, et le
qu.itrième, sur ém.iil, fait partie de la collection Soltikofl. Aucun
des costumes représentés par ces portraits ne correspond exacte-
ment à celui qui a tant émerveillé Trotti. Toutefois celui du Titien
en a les taillades et les manches du pourpoint, et celui de Jean Clouet
le bouffer de la chemise sur le dev.ant, moins le collet qui se retrouve
sur la toile du maître vénitien.
5. Cataloi>ue... n" ^()o.
6. Journal de Louise de Savoie, Guichenon, op. cit., t. IV, p. 460
7. Édition P. de Vaissière. Journal de liarrillott, t. I, p. 218.
S^tiànQtô,
159
pulcre. Il peut être long de six brasses et large
de deux ('). Sur la partie où fut placé l'envers du
corps du Christ se voit toute cette portion du corps
qui comprend la tête, l'échiné et les jambes, à
l'exception du derrière de la tête. Sur l'autre par-
tie du linceul, qui était retournée sur le corps et
le visage du Christ, se voit la figure, sauf le cou
puis le corps jusqu'aux pectoraux. Ensuite com-
mencent le devant des jambes et les bras. Ainsi
sur la moitié du linceul se trouve toute la partie
du corps du Christ, vu du dos, et sur l'autre toute
cette partie du corps vu de face, moins le cou et
les parties sexuelles qui ne se voient pas : chose
très étonnante et belle à contempler (-). »
Le duc de Savoie, Charles III, raconte Gui-
chenon, « reçut le Roi avec une somptuosité si
extraordinaire que Sa Majesté partit de Cham-
béry fort satisfaite (3). » Le départ eut lieu le
17 juin, et le 25 le cortège atteignit Grenoble,
d'où il s'ébranla le 2 juillet pour parvenir le 3 à
Lyon.
Ainsi se termine la relation de Trotti qui dé-
crit, en simple spectateur, le Suaire tel qu'il l'a
vu. Sa correspondance, très intéressante au point
de vue diplomatique, nous a ainsi permis de
tracer les étapes d'un itinéraire qui jusqu'ici était
fort obscur.
Longtemps après le pèlerinage de François I^""
€ le cardinal Borromée, s'étant mis en chemin
pour rendre à pied un vœu qu'il avait fait au
saint Suaire de Chambéry, à cause de la peste,
qui avait fait de grands ravages dans tout son
diocèse (4), le Duc, pour gratifier ce saint Prélat,
envoya quérir le saint Suaire à Chambéry et le
fit apporter à Turin pour abréger le pèlerinage
du Cardinal, craignant d'ailleurs que la ville de
Chambéry étant frontière à la France et au
Dauphiné, où la guerre civile attirait les nou-
veaux Religionnaires de tous côtés, il ne fût pas
en assurance (5). >
Tommaso Zerbinati, ambassadeur du duc de
Ferrare, assista au départ du cardinal. Comme
François I*^"^, le saint allait à pied, mais ce n'était
t. La brasse ferraraise était de 0,674 millimètres.
2. Archives d'État de Modène, lettre originale et minute.
3. Guichenon, ofi. cit., t. II, p. 198.
4. 11 s'agit de la peste de 1576.
5. Guichenon. op. cit., t. II, p. 266. — Sa chronologie est en dé-
faut, car le 14 septembre le Suaire .était déjà à Turin. (Chevalier,
Étude critique, p. 47. )
plus avec l'entourage d'une escorte bruyante et
tout adonnée au plaisir. Vêtu de l'habit de pè-
lerin, le bourdon à la main, de rudes chaussures
aux pieds, sans serviteur, il quitta Milan, entouré
seulement de treize familiers (').
Autant le voyage de François I" avait été
long, autant celui-ci fut rapide. « Ne comptant
pour rien ni la pluie, ni le vent, ni la boue, ni
tout autre inconvénient », le cardinal Borromée
parvint à Turin le 9 octobre, après quatre jours
de marche. Le duc de Savoie, Emmanuel-Phili-
bert, avec toute sa cour, s'avança à sa rencontre
jusqu'à un mille de la ville, puis il l'accompagna
jusqu'à la cathédrale et de là le conduisit dans
l'un des palais princiers. On le traita « royale-
ment », écrit Guido Panciroli, célèbre juriste (2)
dont Zerbinati transmet la lettre au duc de Fer-
rare, Alphonse II d'Esté.
Le lendemain de son arrivée, le cardinal ex-
prima le désir de célébrer la messe propre du
Saint-Suaire. On eut un moment d'hésitation.
Pie V, — • ce détail était encore inconnu, — en
avait interdit l'usage (3). En sa qualité de juris-
consulte et de professeur à l'Université de Turin,
récemment fondée par Emmanuel-Philibert,
Panciroli fut appelé au palais ducal et fut invité
à donner son avis. Par modestie, peut-être, il ne
nous dit point quel il fut en l'occurrence et à
quelle résolution s'arrêta le duc. Un autre témoin,
un certain Zini, raconte que saint Charles célébra
la messe dans la chapelle majeure de la cathé-
drale devant le Suaire, sans nous tenir au cou-
rant de la controverse.
Au cours de la journée, quatre-vingts person-
nes furent admises avec l'illustre prélat à regar-
der le Suaire de près. Entouré de la cour, de
prélats, d'évêques et d'ambassadeurs, le cardinal
le vénéra avec dévotion. Zini rapporte qu'il le
vit pleurer abondamment, relatant ce que son
confrère, le Père Adorno, nous avait déjà fait
connaître {^). Panciroli en profite pour décrire le
1. Archives d'Etat de Modène, busta 43.
2. Panciroli (1523-1599) est surtout célèbre par sa Notifia digni-
talum utriusque Imperii cum commentario. Cfr. Nuova encicîopedia
italiana, t. XVI, p. 604.
3. « Il giorno seguente (10 octobre) fui chiamato per dire il mio
parère se si poieva cellebrare la messa piopria del Santjssimo Suda-
rio per una prohibizione di Pio V" et orca le hoie 21 dissi il mio
parère ».
4. Sa lettre est imprimée dans Pingone, Syndoit evangelica...,
édit. 15S1, pp. 65-85.
i6o
3Re\)ue De T^lvt cbvétieu.
Suaire, mais avec plus de souci de la précision
et plus de développement que Trotti, en 1516.
K Dans la cathédrale, écrit-il, nous trouvâmes le
Suaire disposé sur une longue table garnie d'un
tapis et recouvert lui-même de taffetas cramoisi.
Après une courte prière. Don Francesco Adorno,
provincial des Jésuites, fit une exhortation à
l'occasion de l'ostension d'une si importante reli-
que, que je tiens pour la plus mémorable et la
plus remarquable du monde. Le taffetas ayant
été enlevé, tous, au nombre d'environ 80, nous
nous approchâmes pour le contempler. C'est une
toile longue d'à peu prèsjbrasses et large d'une et
demie. On ne peut reconnaître si elle est de lin ou
de chanvre. Elle n'est pas très blanche. Elle est un
peu poileuse. Elle fut placée sur la tète de Notre
Seigneur de telle manière qu'un côté couvrait la
partie antérieure du corps, et l'autre la partie
postérieure. Sur ses deux replis on y voit la vé-
ritable effigie du Sauveur, comme en une sil-
houette où apparaît le très saint visage. Les
mains sont posées l'une sur l'autre, et l'on voit
distinctement la forme des doigts. Au milieu de
la main supérieure il y a une petite tache à l'en-
droit où elle fut transpercée par le clou. Appa-
raissent ensuite les traces des jambes et les pieds
avec deux taches à la place des clous. Au côté
gauche, sous les côtes se voit une autre tache à
l'endroit où pénétra la lance. Elle n'est point
marquée sur la poitrine comme le représentent
les peintres, et l'évangile nous dit : /a/us appa-
ruit (•). Sur l'autre partie de la toile se voient
les cheveux qui s'étendent jusque sur les épaules.
Puis la forme du corps va en s'amincissant
jusqu'à la ceinture qui porte une ligne de taches
de sang. Viennent ensuite les traces des jambes,
les plantes des pieds et les pieds eux-mêmes,
vus à revers : toutes choses qui provoquent l'é-
tonnement de chacun » (2).
L'ostension privée du Suaire fut suivie de
grandes fêtes. Le dimanche, 12 octobre, une
longue procession parcourut les rues de Turin et
se dirigea du Dôme vers la place du Château.
Arrivé la, on monta sur un grand échafaudage
construit pour l'occasion. Le cardinal Borromee
ouvrit le coffret qui renfermait le Suaire, l'en
1. Sair:/ /ean.xix, 34.
2. Archives d'Éiat de Modène, leUre du 25 octobre.
tira et, le déployant, le montra à une nombreuse
foule en présence de la Cour, d'archevêques et
d'évêques, et de l'ambassadeur de Venise. Apiès
quoi, la procession reprit son cheinin vers la ca-
thédrale, où le cardinal Guido Ferrero l'exhiba
de nouveau. C'était assez pour donner l'éveil au
Chapitre de Chambéry et lui faire craindre de ne
plus jamais revoir la relique.
Que conclure de ces deux pèlerinages? C'est
que le Suaire, bien que n'étant pas authentique
d'après Clément VU ('), mérite un honneur tout
particulier. Du moment qu'une image pieuse
provoque la piété des fidèles, l'Eglise eu permet
la vénération, à condition toutefois que le culte
dont on l'entoure soit conforme aux règles litur-
giques tracées en pareil cas.
C'est ce que met en évidence une décision cu-
rieuse de la Congrégation des Indulgences et
Saintes Reliques, du i8 novembre 1670, mention-
née au tome second du traité des Indulgences
dédié par l'auteur, le Père Théodore du Saint-
Esprit, à 5i?«c// -W /'. La duchesse Marguerite
de Savoie avait sollicité du Saint-Siège une in-
dulgence plénière pour ceux qui visiteraient la
cathédrale de Turin, lors de l'exposition du
Suaire. La Congrégation, tout en relatant dans
les considérants de sa décision les témoignages
des partisans de l'authenticité, n'accorda la fa-
veur qu'avec la réserve ; uf pie iieiii/ur, et l'in-
dulgence fut donnée « non pas à ceux qui le
vénéreraient comme s'il était le véritable Suaire
lie Jésus-Christ, mais à ceux qui inéditeiaient /es
soîiffrances de Jésus- Christ, et surtout sa mort et
sa sépu/ture {^). >
Rapprochée de la défense de Pie V, dont Pan-
ciroli fait mention, cette décision est significa-
tive. C'est donc bien vainement que l'on a voulu
opposer à Clément Vil d'Avignon l'attitude des
papes de Rome.
G. MOLLAT.
Cliapelaiii de Saint-I.ouis-des-Franç.iis, à Rome.
1. Voir mon article dans le Correspondant du 25 janvier 1903.
2. < Sacra Congregatio Indiilgentiarnm censuit : Indulgentiani
petitam posse concedi adhibita cautione Cleiiientis VII, ut pie cre-
dittir, vel alla consimili, coriis diebus ab ipsamet Sacra Congrega-
tione designandis percipiendam : non tamen venerantibus illam,
quasi germana esset Jesu ChristiSyndon. %e.A Recogitantibuscrucia-
tus Jesu Chriiti, pmsertim vero ipsius mortem, et Sepulturam. 1>
Moncbamp, Liège et Rome, 1903, pp. 9-12.
^■^. ^ ^ l!^i^:l^i^i^i!^ ^^ ^^. ^^. ^^^ ^^ ^^ :^^^^^ ■^. ^ ^ ^ ^^^jMj^
%
ww^^^wwwwwwwwwwwwwwww^^^^w^www^
^OUS avons reçu de M. Robert Triger,
' président du Conseil de fabrique de
l'église de Saint-Pavin du Mans, et de
la Société historique et archéologique
du Maine, une lettre à laquelle nous ouvrons
volontiers les colonnes de la Revue.
La Revue de t Art chrétien a de tout temps eu
le souci de l'équité et de l'impartialité ; elle ac-
cepte comme l'accomplissement d'un devoir les
rectifications et les réponses auxquelles peuvent
donner lieu les articles qu'elle imprime, même
quand ceux-ci sont signés de ses collaborateurs
les plus autorisés. Cependant on comprendra que
dans une publication qui reçoit des communica-
tions des pays les plus divers, parfois des plus
lointains, il n'est pas possible de contrôler tou-
jours l'exactitude des faits rapportés.
Del'aveu de l'honorable président du Conseilde
fabrique de l'église de Saint-Pavin, la reconstruc-
tion de cette église a déjà donné lieu à une polé-
mique qu'il regrette et que nous ignorons. Dans
les questions de reconstruction et de restauration
d'anciens monuments, surtout lorsque celles-ci
touchent à des lieux consacrés par une dévotion
traditionnelle, les points de vue peuvent souvent
différer beaucoup. Pour prendre position dans les
questions de cette nature délicate, il faudrait une
étude des circonstances et une connaissance des
lieux que l'on ne saurait exiger de la direction
d'une Revue; mais celle-ci regrettera toujours de
voir des questions de personnes se mêler aux
controverses archéologiques qui, seules, peuvent
avoir de l'intérêt pour la cause qu'elle tient à
défendre.
Le Mans, le 27 décembre 1903.
.Monsieur le Directeur,
Le résumé des récentes notices de MM. Chappée et
Ledru sur le tombeau de saint Pavin, au Mans, publié
dans le dernier numéro de la Revue de l'Art chrétien, se
termine par ces affirmations :
' La petite absidiole et le tombeau de saint Pavin
pouvaient être conservés dans la nouvelle église en con-
struction.
<i Malgré les démarches et les instances de MM. l'abbé
Ledru et J. Chappée, la' démolition en fut décidée par M.
l'abbé Péan, curé de la paroisse. Guerrier, architecte de
la nouvelle église ; R. Triger, président du Conseil de
fabrique et président de la Société historique et archéolo-
gique du Maine.
< Du tombeau de saint Pa/in, il ne reste que le souve-
nir. Le sarcophage sera replacé dans l'église dans un
caveau sans caractère, peu éloigné du « locus » primitif,
que rien ne permet plus de retrouver. »
En mon nom personnel et au nom du Conseil de fabri-
que tout entier, j'ai le devoir et le regret de protester ex-
pressément contre ces affirmations, inexactes dans les
termes où elles sont présentées.
I" La petite absidiole en question b>e réduisait à un
simple pan de mur des fondations, sans aucun caractère
architectural ou archéologique, qu'il était impossible
d'utiliser dans la nouvelle construction.
2" La démolition en a été prescrite par l'architecte
responsable, qui a jugé la conservation de ce pan de mur
absolument incompatible avec l'exécution du projet adopté
et approuvé par les autorités administratives.
3° Un plan des fondations de l'absidiole et de l'empla-
cement primitif du sarcophage, dressé avant la démolition
et certifié par le même architecte, reste déposé aux archi-
ves paroissiales de Saint-Pavin et sera gravé sur une dalle
de pierre dans le nouveau caveau. Il permettra toujours,
à ceux qui voudront bien prendre la peine de le consulter,
de retrouver mathématiquement la position du « locus ■»
et de constater que le sarcophage occupera, à vingt centi-
mètres près, son ancien emplacement.
4° Quant aux démarches et aux instances de M. l'abbé
Ledru en vue de la conservation du pan de mur, ni l'archi-
tecte, ni le Conseil de fabrique n'en ont jamais eu con-
naissance.
Je n'insisterai pas. Monsieur le Directeur, me refusant,
pour ma part, à ranimer une regrettable polémique qu'on
pouvait croire terminée depuis plus d'un an, mais j'appré-
cie irop la haute impartialité de la Revue de l' Art chré-
tien pour ne pas la prévenir, dans la circonstance, que
cette impartialité a été surprise.
Je vous serai très reconnaissant, Monsieur le Directeur,
de vouloir bien insérer cette protestation dans le prochain
numéro de la Revue, et je vous prie d'agréer, avec mes
remercîments, l'expression de mes sentiments les plus
distingués.
Robert Triger,
Président du Conseil de fabrique de Saint-Pavin du Mans et de
la Société historique et archéologique du Maine.
27 janvier 1904.
Réponse à la lettre de M. Triger.
Monsieur,
DEPUIS plus d'un an, tout a été dit sur
l'affaire du tombeau de S. Pavin. — Répé-
tons-le une fois encore :
102
ISitWt ïje V^xt cJ)rcttrn.
1° L'absidiole et son tombeau présentaient un
grand intérêt, à la condition que tout fût con-
servé.
2° Il était possible de tout conserver en ne
modifiant pas le pian présenté par l'architecte au
Conseil municipal, plan approuvé et modifié en-
suite sans l'avis de personne.
3° MM. Ciiappée et Ledru ont demandé, ver-
balement, mais expressément la conservation de
l'absidiole et du tombeau en place.
4° Il y a à l'évêché du Mans, une Commission
des monuments qui n'a été avisée en rien. — La
destruction s'est faite subrepticement et à la hâte.
5° La crypte neuve n'aura aucun intérêt.
6° Toutes les plaques du monde ne peuvent
remplacer un monument détruit.
Veuillez agréer. Monsieur, l'expression de nos
sentiments les plus distingués.
A. Ledru et J. Chappée.
Vestiges Des relations Des moines De
Cîteaur auec la Bologne.
Goworowo, 20 janvier 1904.
Monsieur le Directeur,
.^NS la Revue de /'Art chrétien, 1903,
sixième livraison, article : Gilde de
S. Thomas, Excursion en Bow-gogne —
j'ai lu entre autres les paroles sui-
vantes :
« La maison-mère de Cîteaux, fondée en 1098,
donna naissance à quatre filles : Clairvaux, Pon-
tigny, Morimond et la Ferté. >
Ce nom de Morimond me rappela qu'en
Pologne se trouvait aussi un cloître, portant le
nom de « Novi Morimundi », preuve certaine de
sa provenance. Comme l'auteur de cet article, en
citant plusieurs nations, où les moines de la règle
de S. Bernaid allèrent s'établir de ces quatre
premiers monastères, ne fait pas mention de la
Pologne, je voudrais prouver que la Pologne
avait de multiples relations avec les moines de
Cîteaux.
S. Bernard envoya ses moines entre autres
dans la lointaine Pologne. Vers l'an i 140, Janik,
curé de Breslau (Wroctaw), puis évèque de cette
ville, enfin archevêque de Gniezno, fit venir des
moines de Morimond, et leur bâtit une abbaye,
appelée dans les annales latines « Novus Mori-
mundus >, en polonais anciennement Rrzeznica,
maintenant Andrzejow. Les Annales Cister-
cie7ises, apud Winter, I, p. 303, disent que c'était
la 2i« fille de Morimond.
L'an 1176, le prince de Sandomir, Casimir II
dit le Juste, fit venir des moines de Morimond,
et leur érigea un monastère à Sulejôw {Annales
Cistercienses, n. 523-524).
Le même prince érigea un cloître à Koprzy-
wnica appelé Clara Provincia, et y installa des
moines provenant de Morimond. (Dtugosz, Liber
beneficiorum, III, p. 375-400.)
Gédéon, évêque de Cracovie, fonda l'an 1178,
une abbaye pour ses moines de Cîteaux, qui en
latin s'appelait Camina et en polonais Wachock.
Les Annales Cistercienses, n. 532, disent : «f A. D.
I178, Abbatia de Camina in Polonia Morimundi
filia, 26. Et secundum qnasdam tabulas scriptas
Morimundi neptis et filia Bellae Vallis ».
Outre ces quatre maisons-mères provenant
directement de Morimond, il y en avait encore
d'autres, dont ces dernières étaient la souche.
Théodore Cedron, palatin de Cracovie, érigea
un cloître à Szczyrzyca, appelé en latin Vallis
Mariae. Les moines du Novi Morimundi s'y
installèrent l'an 1239. {Lepkowski Przeglond
zabytkow okolic Krakowa, p. 220.)
Ladislas, prince d'Opole, fit venir des moines
de Novi Morimundi, et leur construisit un cloître
à Ruda appelé en latin « claustrum de Wladis-
law super flnvium Ruda. » (Codex diplomaticus
Silesiae, I. Wattenbach.)
Il y avait encore un monastère à Bartfeld dans
les monts Carpathes, appelé « Claustrum S./Egidii
de Bartpha », qui était fille de Clara Provincia
et un autre dont nous lisons dans les Statuta
prov. gêner, apud Winter: « Abbatia nova inter
Galiciam et Poloniam Morimundi filia, 27 ».
Enfin le monasterium Vistilense, en polonais
Wistycze, fut construit l'an 1G70 par Eustache
comte Jyszkievvicz, et les moines y vinrent du
monastèreCamina(Volumina legum V, folio,63o).
En tout, il y avait dans l'ancienne Pologne 28
cloîtres d'hommes et 8 de femmes, de la règle de
CorresponDance*
163
Cîteaux, inais outre ceux que j'ai énumérés, ils
vinrent en Pologne de l'Allemagne ou de
Italie.
Toutes ces abbayes sont maintenant en ruines,
et les églises de plusieurs d'entre elles, bâties en
style roman, ont été décrites par M. Luszcz-
kiewicz dans les Rapports de la Commission d'art
de l'Académie des Sciences de Cracovie (').
Recevez, Monsieur le Directeur, l'assurance de
mes sentiments distingués,
Antoine BrykcZYNSKI.
Prélat de la maison de Sa Sainteté.
r. Sprawodama Komisyi do Cadania ssiuki w Polsec, t. I,
p. I ; t. ni, p. 54; t. V, p. 2z8 ; t. VI, pp. 56, 68, 9, 7.
^^ ^ ^ ■^. ^. ^ ■^. ^ ■■'^. -^ =^ ^ ^ ^. ^. ■^. ^. ^. ^^, ^^:^^ ^ -^^îkM^^
imms} Trabatt): ties Hocictés satjautes» imm^
'w^wwwww^wwwwwwwwwwwwwwwww
Société Nationale des Antiquaires de
France. — Séance du 2^ décembre içoj. —
M. Merlin lit une notice sur une inscription ro-
maine récemment découverte à Khamina. (Al-
gérie).
M. Michon entretient la Société d'une inscrip-
tion du XII'' siècle relative à une convention
conclue à Rome entre les églises St Jean et Sts-
Cosme et Damien.
M. Maurice présente un médaillon romain
frappé pour célébrer le triomphe deConstantin II.
Séance du jo décembre. — M. Héron de Ville-
fosse fait une communication sur des médaillons
et vases de l'époque romaine.
M. Cagnat communique de la part de M. Gau-
ckler une inscription trouvée dans les ruines de
Munchar et donnée au Musée de Bardo par M.
Alix, professeur au Lycée Carnot à Tunis.
M. Durrieu entretient la Société de deux mis-
sels manuscrits avec miniatures du XV^ siècle
aujourd'hui conservés au Musée de Turin.
M. le D"' Capitan présente un travail de M.
Chassaigne et Chauvot sur l'analyse du bronze
dont sont composées les haches préhistoriques,
Séance du 6 janvier iço^. — M. HomoUe, pré-
sident sortant, prononce le discours d'usage.
MM. le C« Alexandre de Luc-Saluces-La-
lande et l'abbé Requin sont élus associés corres-
pondants nationaux.
M. Garofalo est élu associé correspondant
étranger à Naples.
M. Prou fait une communication sur les fouilles
récemment faites dans les anciennes murailles
de la ville de Sens. M. Enlart ajoute quelques
observations.
Séance du i^ janvier. — M. Marquet de Vas-
selot fait une communication sur deux bras de
croix donnés au Louvre par M. Noietan.
M. Leprieur présente deux statuettes en bois
faisant partie de la donation faite au Louvre par
feu Albert Dony ;
1° une Vierge à l'Enfant dont il démontre l'ori-
gine bruxelloise ;
2° un S. Etienne d'origine française qu'il croit
pouvoir dater de la dernière partie du X V« siècle.
Séance du 20 janvier. — M. Tardif lit une notice
sur la vie et les œuvres de M. Chabouillet, son
prédécesseur.
M. Mayeux fait une communication sur la
cathédrale St-Jean-Haptiste de Perpignan.
M. Héron de Villefosse fait une communica-
tion sur les fouilles exécutées par M. Bullock
Hall dans l'amphithéâtre de Fréjus.
Lecture est donnée d'une notice de M. l'abbé
Arnaud d'Aignel' sur le reliquaire de Saignan
(Vaucluse), dit de la Reine Jeanne.
Séance dji 2j janvier. — M. Cagnat commu-
nique une découverte récente faite à Telmuda
par le capitaine Touchard. Il s'agit de tubes en
poteries engagés dans des constructions de bri-
ques et qui avaient pour objet de soutenir le
revêtement.
M. le baron de Baye communique la reproduc-
tion de plusieurs objets en argent, trouvés dans
la Géorgie occidentale.Parmi ces objets figure un
plat au centre duquel est représenté un cheval
la tête tournée vers une colonne.
M. le Président donne lecture d'un mémoire
de M. Pasquier sur la décoration du chœur delà
cathédrale de Rieux en Languedoc en 1527.
Séance du 2y février. — On annonce le décès
du regretté E. Corroyer, bien connu des archéo-
logues chrétiens et l'on élit des membres nou-
veaux.
* *
Nous avons mentionné antérieurement une
communication de M. Destrée aux Antiquaires
de France sur Renier de Huy. La partie historique
de cette notice doit être complétée par le mémoire
de M. G. Kurth à l'Académie de Belgique.
M. Destrée, qui a envoyé sa note avant la
publication de ce mémoire, a ignoré, comme le
remarquent \qs Archives des Arts, \es témoignages
décisifs du chroniqueur de 11 18 et du diplôme
de 1135. Ce dernier fournit la confirmation de
l'existence de l'orfèvre Renier de Huy et indique
le haut rang qu'il occupait dans sa ville natale;
il fait connaître la vraie histoire des fonts bap-
tismaux de Renier, racontée par un contempo-
rain ; c'est par erreur que la Clironique de i.f.02
leur assigne une date postérieure. Quoi qu'il
en soit les Archives signalent une heureuse
conjecture de M. Destrée, qui voit dans
l'artiste hutois le même que le Reinerus, auteur
d'un admirable encensoir de Lille, et dont le
nom figure dans l'inscription en trois vers que
porte ce chef-d'œuvre. M. Destrée a raison de ne
pas vouloir, malgré l'autorité de Viollet-le-Duc,
voir dans cet ouvrage d'art un produit du Xni<^
siècle ; il est incontestablement d'époque anté-
rieure. L'encensoir, comme nous l'apprend l'ins-
cription, a été donné par Renier à une maison
religieuse, à condition qu'on y fit chaque année
son anniversaire, et peut-être bien que si l'on
Crat}aujc ties Sociétés satjantes.
165
cherchait attentivement dans les obituaires des
églises de l'ancien diocèse de Liège, on finirait
par retrouver la mention de ce grand artiste, dont,
jusqu'en 1892, on ne connaissait pas même le nom.
P. S. — Au moment de mettre ces lignes
sous presse, nous recevons de M. J. Destrée une
plaquette où il dissipe tout malentendu, et où il
précise sa part et celle de M. le prof. Kurth dans
les nouvelles données sur Renier de Huy que
nous devons à ces deux savants.
Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres. — Séance tin 18 décenibrc içoj. — IVT.vCol-
lignon donne lecture d'un rapport sur les fouilles
exécutées en 1903 par M. Degrand, consul de
France à Philippopoli, dans la vallée Tounja
(Bulgarie).
Séance du 2'i décembre. — L'Académie élit
comme associé étranger, M. Otto Heinrich
Hirschfeld, professeur à l'Université de Berlin,
et comme correspondant étranger, M. Adolf Mi-
chaelis, professeur à l'Université de Strasbourg.
M. Héron de Viilefosse communique au nom
de M. le docteur Carton, médecin-major au 4^
régiment de tirailleurs, des photographies d'une
galerie des catacombes chrétiennes d'Hadru-
mète, dont le dégagement vient d'être achevé.
Malheureusement, plusieurs galeries menacent
ruine ; on sera obligé de les soutenir par une
maçoimerie, ce qui entraînera une dépense im-
prévue. Il y a des tombes dans le sol même des
galeries ; le tuf a été creusé de manière à prendre,
dans chaque excavation, la forme même du corps
qui y était déposé.
Séance du 8 janvier 1Ç04.. — Le R. P. Delattre
continue à Carthage ses fructueuses recherches.
M. Ph. Berger signale un certain nombre de
découvertes épigraphiques qui ont été faites, ces
temps derniers, par ce savant ; un nouvel exem-
plaire de petit disque en plomb portant une dédi-
cace mi-partie en phénicien, mi partie en grec ;
une inscription funéraire sur laquelle le P. De-
lattre croit lire le nom de Malte, etc., etc.
M. Berger présente en outre à l'Académie, au
nom de M. Perdrizet, la photographie d'un bas-
relief fort beau, trouvée en Tripolitaine et repré-
sentant trois nymphes qui se suivent en se tenant
par le pan de leur manteau.
Ce curieux monument, connu depuis quelque
temps déjà, a été publié pour la première fois
avec la collaboration de M. Perdrizet en 1896
dans l'annuaire de l'école anglaise d'Athènes.
M. Ciermont-Ganneau commente une série de
monogrammes byzantins pleins d'intérêt.
Séance du i^ janvier. — M. Croiset lit une
notice sur son prédécesseur, feu Gaston Paris.
M. P. Berger présente au nom de M. Gauckler
une curieuse stèle de terre cuite trouvée à Car-
thage dans une tombe punique du V^^ ou "VI^
siècle. Elle porte un motif déjà signalé sur des
monuments plus récents et qu'il appelle la triade,
puisque ce sont trois cypes inégaux dressés sur
un autel et accompagnés de symboles divers ; ils
sont encadrés dans une décoration élégante de
style égyptien, et leur base porte une inscription
phénicienne.
M. Homolle résume^ les travaux entrepris à
Delos et Delphes par l'École française d'Athènes,
ainsi que les résultats de ces fouilles, qui, la
plupart, ont pu être menées à bien grâce au géné-
reux concours pécuniaire du duc de Loubat.
Séance du 22 janvier. — Fouilles à Èphèse. — ■
M. E. Guimet présente à l'Académie des photo-
graphies envoyées en communication par M.
Wilberg, qui, avec M. Pleberdey, fait des fouilles
à Ephèse pour le gouvernement autrichien.
Presque toute la ville antique a été déblayée.
On a dégagé deux larges avenues pavées de
grandes dalles rectangulaires et bordées de mo-
numents et de statues. Elles vont du port au
théâtre situé au pied de la montagne. L'avenue
de gauche longe le forum, les bains et la construc-
tion grandiose de l'époque romaine. Celle de
droite, coupée par des propylées à colonnes, con-
duit à l'Agora grecque ; c'est là que fut décou-
vert un immense bas-relief de 2 mètres de haut
sur 18 mètres de long, représentant des scènes
de la vie de Marc-Aurèle, fort belle œuvre qui
vient d'être envoyée au musée de Vienne.
Société archéologique de Tarn-et-Ga-
ronne. — Cette Société a fait cette année deux
excursions : l'une, au vieux Villemar, mais avec
cet objectif principal peu archéologique, savoir la
visite du vaste établissement de pâtes alimen-
taires: l'autre, dans le Ro\iergue, où elle a rejoint
la Société archéologique du Midi de la France. A
Villefranche, les sociétaires réunis ont visité l'an-
cienne Chartreuse, convertie en hospice, qui con-
serve quelques remarquables bâtiments du XI V''
et du JCV» siècle, d'un très beau style. Le mor-
ceau capital est le petit cloître. A signaler une
belle chaire en pierre masquée dans le mur du
réfectoire.
La collégiale de Villefranche est un des plus
beaux monuments du département : riche porche
du XV^ s., grosse tour carrée militaire, nef en
croix latine de style flamboyant, abside en partie
du XI V"^ siècle, chaire en pierre du XV''.
L'hôtel oriental garde de jolis vestiges des
XIV^ XV^et XVI<^ siècles.
i66
3^ebue lie I*^rt cbtttien.
Société d'études de la province de
Cambrai. — Le bulletin de cette Société con-
tient une intéressante notice de notre collabora-
teur M. A. Pastoors sur la collégiale de St-Aimé
de Douai, ce monument du XIII*" siècle malhieu-
reusement rasé par le Gouvernement révolution-
naire, qui le mit aux enchères et l'adjugea pour
130,000 fr. f') Ce monument sacré fut défini et
estimé par Bonbé, fils, architecte, comme suit :
< Un grand et vaste édifice, bâti en grés, briques et
blanc,étant couvert d'une charpente considérable pour la
construction et revêtu d'ardoises. Au pourtour de la dite
église se trouvent une quantité de petites chapelles, dont
les couvertures se trouvent séparées par de gouttières en
plomb, tout étant bâti sur une surface de Soo toises
carrées environ.
« Le clocher bâti en grés, surmonté d'une espèce de
dôme, est compris dans la présente estimation, de même
que la porte de fer, servant d'entrée au cimetière de cette
église. >
« Suis d'avis que toutes charges comprises, ce domaine
national valait en capital, y compris le clocher, la somme
de 93,000 fr. (l'horloge avec la cloche étant réservées. >
L. C.
Cercle historique et archéologique de
Courtrai. — Cette Société, dont nous annon-
cions naguère la fondation, a déjà produit des
travaux intéressants. Il faut signaler spéciale-
ment, outre une courte dissertation du baron
J. Bethune sur les iours centrales des églises, des
I. C'était un beau vaisseau à trois nefs sur colonnes, chœur avec
déambulatoire, et chapelles absidales rondes. A noter que le chœur
de Saint-Aimé offrait plusieurs châsses adossées au maitre-autel
comme à la cathédrale de Tournai.
notes fort documentées de MM. J. et L. Bethune
sur Waermaerde et son église (une église bien
scaldisienne) et la jolie église de Tieghem, au
riche mobilier.
Cercle archéologique de Malines. 1903. —
Le passé des artistes malinois, basé sur les re-
cherches de Smeyers et de ses continuateurs, a
pris corps surtout dans V Histoire de la peintiire
et de la sculpture de Malines, de feu Neefs. Cette
liistoire est reprise par M. W. Coninckx, qui se
trouve à même de développer et compléter
l'œuvre de Neefs à l'aide d'un manuscrit dont
s'est enrichi le dépôt des archives malinoises ;
c'est une copie faite par Smeyers et complétée
par Rymenans, du livre des apprentis de la Cor-
poration des peintres et sculpteurs du milieu du
XVl'' jusqu'à la fin du XVI Ii^ siècle.
ERRATUM.
Une phrase de l'allocution prononcée par notre ami
M. H. Chabeuf, à l'excursion en Bourgogne de la Gilde de
.St-Thomas et St-Luc,a été dénaturée par une interpolation
de mots (V. p. 66, de la livraison de janvier dernier).
Les 10% 1 1" lignes et suivantes de la 2"= colonne doivent
se lire comme suit :
« Il y a ainsi dans l'histoire des idées, certains
faits généraux produits d'une loi mystérieuse
de parallélisme, qui, à la fois et s'ignorant, s'exer-
cent sous une influence supérieure et plus qu'hu-
maine sur les points les plus éloignés de l'espace
civilisé. »
^^L^^^^;^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^;mS$
^^wwwwwwwww^wwwwww^^^wwwwwww
AHNENREIHKN AUS DEM STAMBAUM
DES PORTUGIESIGHEN KONINGHAUSES
MINIATURENFOLGE IN DER BIBUOTHEK
DES BRITISH MUSEUM ZU LONDON. Mit
einem Genealogischc/i Wegweiser von pto/essor H. G.
Strohl, so luie einer Kunsthislorischen ErlaiHerung
Il lui einer kurzen Abhandlnng iiberdic Flandrische Bttch-
malerci des XI'. und XVI. Jahrhunderts -von piofcssot
D. L. Kaemmerer.
SUITE D'ANCÊTRES TIRÉS DE L'ARBRE
GÉNÉALOGIQUE DE LA MAISON ROYALE
DU PORTUGAL, SÉRIE DE MINIATURES DE
LA BIBLIOTHÈQUE DU MUSÉE BRITAN-
NIQUE DE 'LO'N'D^'E.S. Avec des indications gc'7u'a-
logiques, des L'claircissemeiits histo/iques par le prof.
H. G. Strohl, et une notice sur la peinture des inanus
crits en Flandre au XV' et au XVF siècle, par le prof.
D. L. Kaemmerer. — J. Hoffman, éditeur h Stuttgart.
34 pp.,in-4°avec un atlas, gr. in-f°de 13 pi. en phototypie.
50 marcs.
;^^^^4^ AUCUNE époque de l'histoire de
l'art on n'a, comme de nos jours,
1 rendu accessibles et vulgarisé dans
^ le bon sens du mot, les œuvres dont
*(t^^S^4è l'étude et la jouissance étaient ré-
servées à un petit nombre de privilégiés. Nous
voyons, à tout moment, la librairie s'emparer de
petits trésors restés inconnus du public, et grâce à
des reproductions dont la fidélité ne peut être
mise en doute, les offrir aux curieux et aux stu-
dieux. La publication dont nous donnons le titre
est de ce nombre. Grâce au bon goût de l'éditeur,
aux soins donnés à la reproduction des pein-
tures sur vélin qui en sont l'objet et aux études
des deux savants qui les expliquent, cette publi-
cation apporte des informations précieuses sur
l'histoire, longtemps négligée et encore trop peu
connue, de la peinture des manuscrits.
Cette peinture, en effet, dont les créations ont
généralement le privilège de jouir d'une conser-
vation parfaite, est une des branches les plus in-
téressantes de l'art dans les Flandres. Elle y a
pris, plus que dans aucune autre contrée de
l'Europe, un magnifique essor. Répondant au
XV'<^ et au XVI<= siècle à des demandes multi-
ples, à un véritable besoin de l'aristocratie et du
clergé, elle a été tout à la fois un art et une
industrie. C'est ce que fait très bien ressortir
dans son étude un peu concise mais fouillée
M. Knemmerer.
Cette étude, comme l'auteur en fait la réserve
expresse, n'a pas la prétention d'être complète.
Il est étrange cependant, comme nous aurons
l'occasion de le remarquer tantôt, qu'il ait
presque passé sous silence une époque particu-
lièrement brillante de la peinture sur vélin, celle
qui a été fortement influencée par l'Ecole des
Van Eyck.
Le manuscrit, ou pour être plus exact, le frag-
ment de manuscrit qui forme l'objet de cette
publication, se trouve au riche dépôt de livres
illustrés par des artistes néerlandais conservés
au Musée britannique. 11 se compose de treize
feuilles de grand format, peintes avec une ample
richesse de détails, et reproduites pour la pre-
mière fois par la publication que nous annon-
çons. Le texte intéressant et instructif qui y est
ajouté, comme nous l'avons dit, est dû à la plume
de M. Kaemmerer. Il nous apprend que onze de
ces feuilles ont été acquises en 1849, au prix de
40 livres sterling, par IM. Newton Scott, attaché
à l'ambassade anglaise à Lisbonne, et qui les
céda au Musée britannique contre la somme de
600 guinées. Plus tard, en 1868, le même musée
eut la bonne fortune de pouvoir acquérir deux
autres feuilles de la même suite au baron de
Hortega : malheureusement les marges de ces
deux feuilles ont été assez notablement rognées.
A la fin du XV« siècle, les familles royales et
princières cherchaient à lutter entre elles et à se
surpasser dans la confection d'arbres généalo-
giques. L'empereur Maximilien avait sa généa-
logie rendue populaire par le burin de Hans
Burgkmair, et qui faisait aboutir au patriarche
Noé les ancêtres du Souverain. L'exemple de
l'empereur Maximilien semble avoir piqué d'é-
mulation don Ferdinand, prince portugais, troi-
sième fils d'Emmanuel III et de Marie d'Es-
pagne, fille de Ferdinand le Catholique. Ce jeune
prince s'adonnait avec un intérêt intense aux
études historiques ; il avait formé une collection
importante de manuscrits et de livres imprimés
relatifs à l'histoire de sa maison. Il envoya au
chroniqueur Damien van der Goes, ambassadeur
de son frère Jean III en Flandres, un croquis de
la généalogie complète des rois d'Espagne, dont
le premier ancêtre était également le patriarche
Noé. L'arbre généalogique fut établi avec le con-
cours de plusieurs savants, et Damien avait reçu
mission de le faire peindre par le meilleur maître
enlumineur connu.
C'était alors, dans l'opinion de Damien, maître
Simon, vivant à Bruges (Simon Bening), le plus
recommandable pour exécuter d'après le croquis
en question, les travaux de peinture en minia-
tures — Causas de iluminure — pour lesquelles,
ajoutait l'envoyé de Jean III, «j'ai déjà dépensé
i68
3Rrbuc tjc V^xt fbrétien.
une forte somme d'argent ». Le 20 août 1530.
Damien van der Goes écrivit d'Anvers à don
Ferdinand, qu'il lui envoyait la première feuille
du travail demandé, en même temps qu'un livre
qu'il avait été chargé de faire peindre. Le livre,
ajoutait-il, n'est pas d'aussi bonne écriture qu'à
l'ordinaire, mais l'ancien calligraphe est mort,
son fils, qui lui a succédé, n'est guère aussi ca-
pable que le père, mais c'est cependant le meil-
leur que l'on puisse trouver. J'enverrai l'autre
livre aussitôt qu'il sera achevé. J'ai déjà en ma
possession les miniatures qui sont terminées.
De ce passage, il ressort que Bening com-
mença le travail en 1530, et qu'une feuille devant
servir pour ainsi dire d'échantillon, était achevée
au mois d'août de la même année. Ce passage,
comme le pense M. Kaemmerer, se rapporte évi-
demment à la généalogie des rois de Léon et de
Castille. I! semble hors de doute également que
l'arbre généalogique avait été établi et esquissé
par Antoine de Hollande, ou d'autres artistes
néerlandais ou allemands demeurant au Portu-
gal, et peints ensuite par Bening qui ajouta
les oiseaux et d'autres animaux dans les places
restées vides. Les armes de Portugal réunies à
celle de la généalogie fictive de Magog, des bor-
dures architecturales paraissent également avoir
été dessinées par Bening. Il n'est pas facile au
surplus de faire la part des différents artistes qui
ont collaboré à cette œuvre complexe.
La comparaison des effigies de plusieurs souve-
rains et de leurs femmes dont les portraits authen-
tiques sont connus, avec les figures des arbres
généalogiques, prouve que bien peu de ces person-
nages peuvent être regardés comme des portraits.
Les compositions dans lesquelles ils figurent ne
doivent donc pas être considérées comme docu-
ments historiques, mais bien comme des œuvres
d'art décoratif; à ce point de vue ces miniatures
sont remarquables. Plusieurs des figures sont
dignes d'un grand artiste.
M. Kaemmerer, dans le texte ajouté à la repro-
duction de ces enluminures, ne s'est pas contenté
de les décrire et d'en donner une appréciation cri-
tique. Il y a ajouté une notice sur les principaux
miniaturistes des Pays-Bas, et une liste des ma-
nuscrits contenant leurs enluminures, ou celles
qui leur sont attribuées. Cepeudant, comme nous
venons de le faire remarquer, il n'accorde aucune
mention à ce groupe de peintres dont les travaux
se lient intimement à ceu.x des Van Eyck, parmi
lesquels il importe de citer le plus précieux de
tous, le magnifique livre du duc de Berry dont
la partie la plus importante est conser vée à la Bi-
bliothèque de Turin et qui a été étudiée avec tant
de soin par M. Paul Durrieu ('). M K.cite cepen-
I. V. Gazette des Beaux-Arts, livr. 547 et 548. janvier et février
»9°3-
dant le nom de Marguerite Van Eyck quia pu
être au nombre de ces enlumineurs, mais il
n'existe aucune raison de croire qu'elle ait été
religieuse, comme le dit le savant Allemand.
Quelques indications sur l'organisation des
Gildes ou corporations de ces peintres que M.K.
rappelle, méritent d'être notées ; on les doit en
grande partie aux recherches de M. Weale. Le
premier patron de la Gilde des libraires de
Bruges n'a pas été saint Jean-Baptiste, mais bien
saint Jean l'Évangéliste, probablement parce
que les peintres l'ont généralement représenté
écrivant dans l'île de Pathmos, avec une plume et
un encrier. Plus tard, la corporation a adopté
saint Luc comme patron secondaire, sans doute
à la demande des peintres miniaturistes.
A Bruges, jusqu'en 1457, non seulement cha-
cun était libre d'exercer ces professions, mais
même bon nombre d'enluminures et d'impres-
sions en couleurs étaient importées, venant prin-
cipalement d'Utrecht, les artistes résidant à Bru-
ges ne suffisant plus à répondre aux detnandes
des acheteurs.
Lorsque le travail des enlumineurs commença
à acquérir une véritable valeur au point de vue
de l'art, les peintres de retables et de tableaux
les obligèrent par des moyens légaux à entrer
dans leur Gilde. De même que pour les peintres,
on peut établir que, presque sans exception, les
plus anciens miniaturistes étaient étrangers à la
ville et sont venus se fixer à Bruges attirés par
la facilité qu'ils y trouvaient à vendre leurs tra-
vaux.
C'est ainsi que Guillaume Vrelants, l'un des
premiers membres de la Gilde et dont on pos-
sède quelques travaux authentiques, était natif
d'Utreclit. Il vint s'établira Bruges et y acheta
le droit de bourgeoisie le 30 août 1456. Simon
Bening, l'auteur des peintures généalogiques ob-
jet de cette étude, est né à Anvers et y résidait
encore aux premières années du Wl*" siècle. Il
s'établit à Bruges et acheta le droit de cite en
15 19. Avant cette date, il est venu à Bruges a
différentes reprises, sans doute afin d'y vendre ses
livres aux foires annuelles ou pour y prendre des
commandes (').
M. Kaemmerer croit que Bening et Gérard
Horebaut auraient tenu boutique à la fois à
Gand et à Bruges, mais c'est là une opinion qui ne
semble avoir aucun fondement historique.
Nous ne suivrons pas M. Kaemmerer dans
les développements de son historique de la pein-
ture des manuscrits ; nos indications suffiront à
en faire comprendre l'importance. La notice gé-
néalogique due à la plume de M. le professeur
I. Voyez Weale, lie^roi, t. IV, 1873, pp. 238-251.
ldibltograpl)îe.
169
StrohI semble également faite avec soin et con-
science, mais elle sort trop du cadre de nos étu-
des pour nous y arrêter.
Les treize grandes compositions généalo-
giques, dont l'une n'existe qu'à l'état de contour,
sont hautement fantaisistes dans leur ordonnance.
Indépendamment des figures historiques revêtues
de leur costume pittoresque on trouve un peu de
tout, de la faune et de la flore, des oiseaux de
tous genres, paons, aigles, faucons, petits oiseaux
chanteurs, des ménageries complètes avec des
animaux variés, des singes et des ours, des cerfs
et des chats, des griffons et des chiens de toutes
espèces ; puis ce sont au bas des encadrements,
des vues de villes, des batailles navales, des sièges
et d'autres combats, suivant que l'artiste croyait
devoir rappeler les événements de la vie des sou-
verains dont il voulait illustrer les règnes : le tout
entremêlé de blasons nombreux, de panoplies et
de phylactères.
Les treize grandes planches reproduites avec
toute la fidélité du procédé phototypique adopté
donnent l'idée d'œuvres du premier ordre, et on
doit savoir gré à l'éditeur de n'avoir épargné ni
soins ni dépense pour établir cette publication
avec la richesse qu'elle comporte. Cette belle pu-
blication n'a été imprimée qu'à 200 exemplaires.
J. H,
THE EARLY CHRISTIAN MONUMENTS OF
SCOTLAND, par J. RoMiLV Ali.em et J. Anderson
— Secretary, National Muséum of antiquities, Queen
Street, Ediraburgh, Scotland, 1904. L. ,; 3 (So fr.)
PARMI les premiers monuments chrétiens de
l'Ecosse les plaques en pierre sculptées for-
ment la catégorie la plus nombreuse et certaine-
ment la plus intéressante au point de vue archéo-
logique du pays. Le présent ouvrage.diviséen trois
chapitres, donne la description et la reproduction
de plus de 500 de ces plaques. L'auteur donne
une description exacte des ornements et figures
bibliques ou tirées de bestiaires aussi bien que
des inscriptions celtiques qui accompagnent les
sujets traités.
L. C.
A RENAISSANCE LEANING FAÇADE AT
GENOA. LA FAÇADE INCl-INÉE DE SANT-
AMBROGIO A GÈNES, par \V. H. GOODVEAR. —
Opuscule in-4°; 22 pp. 80 photogravures et 3 plans
levés. New- York, Macmillan Company, 66 fifih .\ve-
nue. — 1902.
Le professeur Goodyear vient de publier une
étude intéressante sur l'inclinaison que présente
la partie inférieure de l'église St-Ambroise à
Gênes. Cette inclinaison est voulue et ce qui le
prouve, c'est l'observation faite par M. Goodyear
que les moulures des bases des pilastres d'angle
parfaitement horizontales forment aussi avec le
plan de la façade un angle obtus du côté opposé.
Il est probable que cette disposition a été
adoptée pour faire mieux valoir les sculptures et
les présenter sans le moindre raccourci : tels les
pinacles et statues en couronnement de St-Marc
de Venise, dont l'inclinaison est de plus de six
pouces.
Quoi qu'il en soit, l'étude de M. Goodyear
montre que la pratique des architectes du moyen
âge, de donner aux lignes et surfaces de leurs
monuments des formes courbes ou inclinées, en
vue de corriger les effets de perspective, a persisté
dans un certain degré à travers la Renaissance,
jusque ime époque assez avancée.
L. C.
LA PHOTOGRAPHIE DES MONUMENTS,
par F. Martin Gabon. — Broch. Pion, Paris, 1903.
M. le D"' Coutan a rappelé dans un récent ar-
ticle de cette Revue, les éminents services ren-
dus aux archéologues par M. Martin Sabon,
photographe d'élite, amateur aussi désintéressé
qu'éclairé. Les nombreux amis des monuments
qui utilisent le précieux objectif, trouveront dans
la brochure ci-dessus tout le fruit de l'expérience
et de la science de ce virtuose de la photographie.
Les admirables vignettes qui l'illustrent donnent
la plus haute idée de son savoir-faire.
L. C.
LINE AND FORMS, par Walter Crane. — In-12,
illustr., 232 pp. Londres, Bill, and C°, 1902.
Dans ce livre destiné à être un des classiques
d'art les plus universels, on commence à montrer,
mieux encore par une exquise illustration que
par le texte, toute la valeur de la ligne, comme
expression des forces, des idées, du mouvement;
on montre que les variétés dans l'emploi de la
ligne sont les dialectes divers du dessin et que
l'artiste, par son sens de sélection, trouve sa
manière à lui de se servir de la ligne.
Venant aux principes, l'auteur remarque qu'on
se sert de la ligne dans un sens purement gra-
phique (formes adventices) ou dans un sens or-
nemental (formes stylisées). Il conseille d'ob-
server les contours des objets et de déduire les
détails de la masse. La pondération des masses
s'obtient par la répétition, l'alternance, la sy-
métrie et le rayonnement. La ligne et le relief
sont les deux éléments de l'art.
Il montre ensuite par des exemples le choix
judicieux à faire de la manière de tracer les
lignes pour interpréter un modèle, de manière
lyo
Bcbuf tir rSrt c{)rctten.
à donner au dessin du caractère; comment le
procédé diffère selon la destination du travail du
dessinateur et selon son outil : crayon, fusain,
pinceau.
Quant à la forme, elle est la chair du dessin,
comme la ligne en est le squelette. Elle s'incarne
dans le solide; les facteurs sont l'équilibre des
masses, le contraste dans les éléments reproduits
ou la manière de les rendre, et la forme enve-
loppante.
Ici apparaît le grand styliste décorateur que fut
W. Crâne; c'est de la décoration qu'il traite avec
prédilection. Le décor, dit-il, doit s'adapter à son
emplacement comme l'e.scargot à sa coquille;
cet emplacement est donné par l'architecte, et
l'architecture gothique, comme le remarque l'au-
teur, est de beaucoup celle qui fournit à l'artiste
les thèmes les plus riches et en même temps les
plus belles res.sources techniques. Les artistes
médiévaux ont su merveilleusement harmoniser
le décor à la structure.
On le voit, dans la composition interviennent
trois éléments :
la ligne prédomine dans le dessin d'illustration
la forme » » » pictural et plas-
l'emplacement » » décoratif, [tique.
Ici l'auteur étudie la combinaison de la ligne
tracée, la combinaison des formes au regard du
pittoresque naturel ou contrasté.
Puis il indique les procédés propres à expri-
mer le relief; contraste des tons, effet d'ombre
et de himière, modelé et relief, et il analyse ces
procédés complexes avec une remarquable luci-
dité, en msistant sur la distinction fondamentale
des lignes de contour et de la ligne auxiliaire.
L. r.
GRONDBKGINSELEN VAN DE GESCHIE-
DENIS DËR BOUWKUNST. — I. HËIDEN-
SCHE BOUWKUNST. — II. CHRISTENE
BOUWKUNST, par A. Van Houcke, 2 vol. in-8"de
180 à 220 pp., nombreuses gravures, Peeters, 1903.
Il existe quantité d'ouvrages traitant d'une
manière générale de l'art monumental a travers
les âges. Il en est trop peu qui offrent le caractère
didactique et l'allure concise, qui conviennent à
la large diffusion de l'histoire de l'architecture
dans la masse du public instruit. C'est que cette
vaste matière est terriblement difficile a conden-
ser en quelques pages sans grosses lacunes. C'est
à quoi a réussi M. V in Houcke dans cet ouvrage
qui a,en outre,le mérite d'être écrit dans la langue
néerlandaise, encore assez dépourvue de livres de
l'espèce. Nous devons dire que M. Van Houcke
était particulièrement préparé à cette œuvre dis-
tinguée, car depuis de longues années il se livre
à l'enseignement de l'architecture à l'École
St-Luc de Bruxelles, et dès l'année 1891, il a déjà
publié en français une excellente histoire de
l'architecture; c'était un modeste (;«î7vr^£ litho-
graphie (') et illustré de la main de l'auteur.
Sa réédition se présente sous la forme de deux
beaux volumes, fort abondamment illustrés de
vignettes et de photogravures. C'est une belle
acquisition pour la bibliothèque si recomman-
dable du Davidsfonds.
L. C.
LESVILLESD'ARTCELEBRES: RAVENNE,
par Ch. DiEHL ; CONSTANTINOPLE, par H.
B.ARTH. — Petit in-4" nombreuses gravures. Paris,
Renouard, 1903.
La collection à laquelle appartient cet élégant
volume est connue de nos lecteurs, à qui nous
avons fait connaître les volumes consacrés, l'im
à Bruges et Ypres, l'autre a Gand et Toiirniii.
Nos abonnés connaissent aussi M. Ch. Diehl et
M. H. Barth, deux écrivains de marque bien qua-
lifiés pour décrire deux villes dont ils sont depuis
longtemps les fervents et érudits admirateurs.
Ils ont fait ailleurs œuvre de science appro-
fondies; ici, ils condescendent à faire d'excellente
vulgarisation.
De Ra venue, feu IM. Barbier de Montault a
décrit toutes les riches mosaïques, et nos divers
collaborateurs ont traité bien des points de son
archéologie. Il est singulièrement attrayant de
retrouver dans les belles pages que nous signa-
lons, le tableau largement tracé en maître par
l'historiographe même du grand Justinien, des
merveilles accumulées dans cette ville étonnante,
triste infiniment et bien morte, où, suivant l'esprit
de Dante, il semble que les sujets de Théodoric
et de Gallia Placidia se retrouveraient encore
presque chez eux, s'ils se levaient de la terre où
Us dorment.
En parlant des sculptures méplates, en
marbre et en ivoire du V<= et du VI<= siècle ainsi
que des mosaïques et de leurs sujets sornptuen.v,
M. Diehl précise ce point de l'influence orien-
tale, que l'éminent chanoine Van den Gheyn a
trop vaguement indiqué dans son intéressante
étude des chapiteaux byzantins (2) : c'est celle
de l'école syrienne ou alexandrine, la même a
qui l'on doit la chaire de Ma.xicnien (VI'= s.).
L'ouvrage se termine par des pages de belle
littérature et d'art intense où M. Dielh évoque
la grande figure de Dante, de Camaldulo et de
ce monde héroïque religieu.x dont Ravenne fut
un des centres les plus remarquables.
M. Barth, et son livre Constantmople, sont égale-
1. Gand, Siepmann, 1891.
2. V. Revue de t Arl chrilien, p. 523, .inn.
1903.
Btbltograpl)te,
171
ment connus de nos lecteurs par l'article que notre
Directeur I\I. J. Helbig a consacré à l'édition
allemande de cet ouvrage ('). Il exprimait le
vœu d'en voir donner une traduction française.
Après avoir retracé en poète les beautés pitto-
resques de la ville moderne, il s'arrête longuement
à une description très complète et très impres-
sionnante de l'église- mosquée Sainte-Sophie. Il
passe en revue également l'église purement by-
zantine des SSts-Serge et Bacchus, Ste Irène,
transformée en arsenal, de Kahrie-djami, dont il
reproduit abondainment les belles mosaïques si
pleines de vie, en dépit des traditions byzantines,
plusieurs autres églises modestes moins ancien-
nes, Vésa-djami, Fétiyé-djami, les mosquées
d'Ahmed, de Alehemed Pacha (l'ancienne Anas-
tasie), etc.
Viennent ensuite les constructions civiles et
militaires Tekfour-Serail, les aqueducs, la citerne
des looi colonnes, le château des Sept-Tours,
l'hippodrome, l'obélisque de Théodore le Grand,
la colonne Serpentine, l'obélisque Muré, la co-
lonne Brûlée, etc.
Pour étudier les produits de l'art turc pur dé-
rivant des civilisations perse et arabe, il faut se
rendre à Brousse, et visiter ses mosquées et ses
mausolées. Nous revenons enfin à Constantinople
et visitons les grandes mosquées de Mahomed 1 1
et de Bajazet, le Shoh-Zade, la mosquée de Suleï-
ma.celle de la Validé et les monuments modernes.
L. C.
NOTICES SUR LA COLLÉGIALE DE SAINT-
PIERRE A DOUAI, par M. l'abbe Pastooks. —
Broch. exir. de Bu/L delà Soc. d'étude de Douai.
Courte notice sur une importante église dis-
parue. Elle avait cinq nefs, un choeur très allongé,
une superstructure en boisetdes cryptes antiques.
Elle abritait la belle statue de Notre-Dame des
Miracles. ^ ^
BASILIQUE DE SAINT-REMI. — ORIGINE
ARCHITECTURALE, par M. GosSET. — Broch.
Reims. Imp. de l'Académie, 1903.
M. L. DemaisoD a avancé au congrès de Bor-
deaux, que la basilique de Saint-Remi n'a « t-ien
conservé des travaux d' Hinonar ». Ce n'est pas
l'avis de M. Gosset, qui n'a pas épargne ses
pemes pour justifier sa manière de voir. A l'aide
de nombreux levers, et de dessins très explicites,
il s'est attaché à restituer les états successifs des
nefs de l'ancienne basilique, et spécialement des
cinq arcades primitives conservées à la face Ouest
du transept Nord, encore conservées sous les
revêtements ogivaux de Pierre de Celles.
I. Hevue de l' Art chrétien, année 1902, p. 144.
Saint-Remi fut, selon Dom Marlot, bâtie par
Turpin (736-802), puis agrandie et achevée par
Hincmar (852). L'abbé Agrard entreprit de la
renouveler en 1005. M. Gosset reproduit intégra-
lement la relation du moine Anselme ('). On y
trouve ce passage, qui est le pivot de la discus-
sion : « Après l'avoir presque (pœne diruto) en-
tièrement démolie et ne laissant que quelques
fondements (fiiudamentis quibusdain rehctis) qui
parurent nécessaires aux architectes pour les
constructions futures, il reprit l'édification de
la maison de Dieu ». Quelque chose a été
conservé de l'édifice carlovingien. Ce reste, M.
Demaison le voit dans quatre piliers de la nef
M. Gosset constate qu'il faut le chercher plutôt
dans les cinq arcades précitées du transept. Ces
dernières sont de style plus ancien, de moulura-
tion, de proportion, de module différent de tout
le reste et plus conforme à l'ordonnance antique.
Tel était aussi l'avis de M. L. Leblan, dans son
rapport officiel de 1877. -, p
"^m ©érioïiiques. wm
BULLETIN MONUMENTAL, 1903, n" 45-
M. Lefèbvre Fontalis donne la monographie
d'une élégante église de la Mayenne, l'abbatiale
d Evre. Elle présente une petite nef romane, aug-
mentée au XI V<= siècle d'un vaisseau relativement
vaste, comprenant au bout des nefs, un vaste tran-
sept et un chœur profond, entouré de sept cha-
pelles absidales comprises dans un hémicycle.
Les arcades du chœur sont encadrées de larmiers
fleuronnés ; le chœur est imite de la cathédrale du
Mans ; c'est dire quelle est la richesse de son
architecture élancée. A noter la forme des piles
du rond-point, en amande, à deux colonnettes
greffées dans le sens de rayonnement du chœur.
Le clocher-porche roman est une rareté dans la
région. La chapelle Saint-Crépin offre un portail
d'une décoration très curieuse, de style roman,
qui aurait mérite une description plus explicite
que cette courte explication : « Ses deux colon-
nettes et ses chapiteaux à feuillages, couronnés
par des tailloirs à large doucine, soutiennent des
claveaux en coussinets (?j,en boudin rehaussé de
têtes plates (?) et un cadre mouluré )).
M. V. Makerau décrit le château de Sarzay
(Indre)et M. l'abbé BouiUet, l'église deMontreuil-
sous-Bois (Seine), qui possède un beauchœurdu
XIII'^ siècle aux très élégants chapiteaux, des
voûtes sixpartites, un beau triforium.
Le Directeur àxxBulletin nous donne encore une
I. Anselme, Itinerariutn Leonis Papœ (Bollandistes, l'vol. a. i).
172
3Ret)ue lie r^rr chrétien.
étude sur le puits de S^int-Fort et les cryptes
de la cathédrale de Chartres ; il rend compte des
fouilles opérées par M, Merlet, sous son con-
trôle et celui de M. de Lasteyrie. Ces fouilles
ont permis de reconnaître la place occupée jadis
dans les cryptes par le sanctuaire de Notre-
Dame de Sous-Terre (dit \7i grotte druidique).
Il redresse les erreurs émises dans des études
antérieures.
REPERTORIUM FUR KUNSTW^ISSEN-
SGHAFT (fascicule 3).
M. É. Jacobsen passe en revue les tableaux
italiens du Louvre, en redressant maintes attri-
butions.
M. Jacob Schmitt s'occupe de l'ancienne église
Saint-Charles Borromée, de l'ancien couvent de
Saint-Faul, dans le faubourg Au, de Munich,
bâtie de 1621 à 1623, et démolie en 1902.
M. R. Bruc fait connaître le traité de maître
Antonio de Pise sur la peinture sur verre. Le
manuscrit fut découvert dans les archives du
couvent de Saint-François, a Assise, et fut publié
dans le livre de P. Giuseppe Fratini, Storia délia
Basilica e del Convento di San Francesco in
Assisiiyt-è.'io, i8S2j. Il appartient à la seconde
moitié du XIV" siècle. M. Thope y a reconnu
l'œuvre d'un Antonio, peintre sur verre qui tra-
vaillait en 1395 au Dôme de Florence.
Signalons une notice de M. !•". Jacob Schmitt
sur la curieuse basilique à dix pans de Saint-
Jean-Baptiste, à Worms, construite sous l'arche-
vêque Burkard I (1000-1025) et détruite par les
Français en 1807-1808, et un article de M. VVil-
helm Suida sur de nouvelles études sur l'histoire
de la peinture lombarde au XV^ siècle. L'auteur
analyse en détails le livre important de M. Fran-
cesso Malaguzzi Na\ç.x\: Recherches sur les peintres
lombards du Quattrocento (Milan, 1902).
M. Albert Giimbel publie de nouveaux docu-
ments, trouvés aux Archives royales de Nurem-
berg, ayant trait à la commande et à l'exécution
du tombeau de la famille Schreyer, par Adam
Krafft, dans l'église Saint-Sébald, à Nuremberg.
Une note de M. Campbell Dodgson a pour objet
les différentes copies de \' Apocalypse de Diirer,
celle de Hieronymus Grefïe {\^02) et les copies
anonymes.
M. Wilhelm Vœge s'occupe de l'influence
provençale en Italie et de la date du portail
d'Arles. Il montre par de nombreux exemples
l'influence exercée par les sculpteurs d'Arles et
de Saint-Gilles sur les sculpteurs de la Haute-
Italie, particulièrement sur ceux de Modène et
de Parme.
M. A. GiJmbel étudie les traités passés pour
l'illustration et l'impression de la Chronica inun-
dide Schedel, par Michel Wolgemut et Wilhelm
Pleydenwurfif. pour l'illustration, avec Schreyver
et Sébastien Kammermeister (1491).
M. E. Scatassa décrit l'église gothique dispa-
rue del Corpus Doniini, a Urbin (').
L'ARCHITECTURE USUELLE.
Nous avons parcouru avec grand intérêt les
premières livraisons de cette nouvelle publica-
tion archéologique conçue dans un sens parti-
culièrement pratique et technique, et dirigé
par un maître capable de lui assurer grand succès
et de rendre des services marqués aux profession-
nels de l'architecture ; nous voulons parler de
M. Rivoalen, dont on connaît la collaboration
distinguée à V Encyclopédie d'architecture, à la
Construction moderne, aux Nouv. A nu. de la Con-
struction, etc. Cette revue technique mensuelle
est éditée par M. Thezard à Dourdain. Elle ne
coûte que 15 fr. par an.
L'EFFORT.
Nous ne pouvons manquer de saluer l'appari-
tion à Roubaix d'un petit, mais excellent pério-
dique, Y Effort, organe de la fédération de la jeu-
nesse catholique de la région. C'est un journal
d'action chrétienne, qui ne s'occupera d'art que
subsidiairement et incidemment ; mais nous
savons dans quel esprit éclairé et sérieux les créa-
teurs conçoivent le rôle de l'art dans le mouve-
ment catholique, qu'ils poursuivent, sous cette
belle devise : Instaurare omnia in Christo.
L'ART ET L'AUTEL (octobre 1903).
Etude de M. le D"^ Ménard sur Le Vitrail, et
en particulier sur les vitraux de la cathédrale de
Troyes.
Les Calvaires morbihannais , par M. J. Buléon.
Le Style moderne en architecture religieuse, par
M. Emile Sedeyn.
(Décembre). — Le Cycle de la Nativité dans la
liturgie et dans l'art du XI II' siècle, par M. E. van
den Brœck (3 grav.).
L'ARTE (1903, fasc. I à IV).
A. Venturi : Les premières œuvres du Caradosso
à Rome. — M. Venturi attribue les battants en
bronze qui ferment le reliquaire des chaînes de
saint Pierre, à l'église San Pietro in Vincoli, au
Caradosso, artiste né en 1452.
Marcel Reymond : La Tombe d' Onofrio
Strozzi dans l'église de la Trinité, à Florence. —
M. M. Reymond combat l'attribution du monu-
ment funéraire d'Onofrio Strozzi. M. Reymond
estime que l'admirable monument du doge
Mocenigo, à Venise, d\i à un Piero di Niccolo
également, est très imprégné encore de souvenirs
gothiques, et qu'il date pourtant de 1423.
I. D'après le Courrier dt l'Art.
Btbltograpl)ie.
173
«
Xndei* bibliograpl)îquc.
vl 'ïf ^ Or' "Sr Oj •'.V ''a iSt -V <!ir' -V A/ -V S? .v Ot' .V .^V î3? ^' ^' «; »V&
^rrbeologie et ideaiu'^rrs:^' .
— ^— =^ Jfiancc. ==^=^
* Baedeker. — Le Nord Est de la France. —
Paris, Ollendorf, 1903.
* Barth (H.). — CoNSTANTiNOPLE.(Les Villes d'An
célèbres). — In-4', 180 pp., 103 grav. Paris, Laurens.
Baye (baron de). — Émaux de la cathédrale
DE Vladimir et du couvent de Saint-Antoine-
LE Romain. — Jn-S", Paris, 1903.
Bossebœuf (abbé). — Le château de Veretz,
SON HISTOIRE ET SES SOUVENIRS. — In-4"', XIN'syÔpp.
255 grav. Touranzille, Tours, 1903.
Bruchet (M.). — Étude archéologique sur
LE CHATEAU d' ANNECY. — Ifi-S", Annecy, 1901.
Chevalier (U.). — Ordinaire et coutumier de
l'église cathédrale de Bayeux, XIII= siècle.
6 pi. photogravure. — Paris, Picard, 1902.
Le même. — Autour des origines du suaire
DE LiREV avec documents INÉDITS. — Paris, Picard,
Le même. — L'abjuration de Jeanne d'ARC
AU CIMETIÈRE DE SaINT-OuEN ET l'AUTHENTICITÉ DE
sa FORMULE. — Paris, Picard, 1902.
* de la Croix (Le R. P. C). — Étude sommaire
DU BAPTISTÈRE SaINT-JeaN DE PoiTIERS. — In 8°,
86 pp. Poitiers, Blois, 1903.
De la Croix (R. P. C. ). — Étude som.maire du
BAPTISTÈRE DE SaINT-JeaN DE PoillKRS. — In-8°,
Poitiers, 1903.
* Diehl (Ch.) et Barth (H.). — Les villes dart
célèbres: Ravenne, Constantinople. ^ Petit in-4°,
nombr. grav. Paris, Renouard, 1903.
Diehl (Ch.). — Ravenne (Les Villes d'Art
célèbres) — In-4°, 139 pp., 130 grav. Paris, Laurens.
Enlart (C.) et Montoyer (G. de). — Eugène
MuNTZ. — In-8°, Rouen, 1903.
Gauthier (J.). — L'église deRomain-Motier,au
canton de Vaud (Suisse). — In-8°, 12 pp., 3 pi.
Paris, impr. nationale, 1902.
Le même. — Le cardinal de Granville et
LES artistes de son temps. (Extr. des Mémoires de
la Soc. d'émulation du Doubs, -]' série, t. VI). — In 8°,
51 pp., 2 portr. Besançon, Dodivers, 1902.
I. Les ouvrages marqués d'un astérisque (*) ont été, sont ou
seront l'objet d'un article bibliographique dans la Revue.
Germain (L.). — Note sur deux chapiteaux de
LA CATHÉDRALE DE Saint-Dié. — In-S", 8 pp. et grav.
Cuny, 1902
* Gossart (Maurice). — Jean Gossart de Mau-
beuge, sa vie et son œuvre, d'après les dernières
recherches et des documents inédits. — in-8'',
147 pp., 8 pL, avec une préface de A.-M. GossEZ,éd.du
« Beffroi », Lille.
* Gosset (M.). — Basilique de Saint-Remi. —
Origine architecturale. — Broch. Reims, Imp. de
l'Académie, 1903.
Le Coutil. — L'époque gauloise dans le Sud-
Ouest de la Belgique et du Nord-Ouest de la
Celtique. — In-8°, 144 pp. 4 pi., Louvier, 1902.
Marcais (W. et G). — Les monuments arabes
DE Tlemcen. — In-4°, 358 pp., 82 ill. et 30 pi.,
Paris, Fontemoing, 1 903.
* Martin Gabon (F.). — La photographie des
monuments. — Broch. Pion, Paris, 1903.
Mathieu (F.). — Peintures murales de la
chapelle Rolin a l'église collégiale de Beaune
(broch. extr. des Afém. de la Soc. d'hist. et d^archèol.
de Beaune 1901). — Beaune, Batault, 1902.
Mazerolle (F.). — Le médaillon français, du
xv'' siècle au milieu du xvii°. — 2 vol. in-4'',
630 à 767 pp. Paris, imp. nat.
Molmenti (P.). et Ludwig (G.). — Vittore
Carpaccio et la confrérie de sainte Ursule a
Venise (sur les peintures du martyre de Ste Ursule
au musée de Venise). — In-4", too pp. 9 pi. Paris,
Oudet. fr. 15.
Moyeux (A.). — Réponse a M. Eugène Lefèvre-
Pontalis sur son article « Les façades succes-
sives de la cathédrale de Chartres au XP et
AU XIP siècle». — Étude présentéeparlaSoc. archéol.
d'Eure et Loire. In-8°, 24 pp. et fig. Chartres, Garnier,
1903.
* Pastoors (M.). — Notices sur la collégiale
DE Saint-Pierre a Douai. — Broch. extr. du Bull,
de la Soc. d'étude de Douai.
Rivières (baron de). — Les statues tombales
DU musée des Augustins DE Toulouse. — Ii'i-4°,
24 pp., 4 pi., 2 fig. Toulouse, Chacon, 1903.
* Rohault de Fleury (G.). — Gallia domi-
nicana. Les couvents dominicains au moyen âge.
— 2 vol. in-4'^', contenant chacun plus d'une centaine de
planches. Paris, Lethiellieux, libraire éditeur.
* Rupin (Ernest). — Roc Amadour. Étude
historique et archéologique. Préface par le C'=
Robert de Lasteyrie, membre de l'Institut. — 120 gra-
vures dans le texte, 12 pi, et chromo hors texte. Paris,
librairie G. Baranger, fils, 1904.
KRVUK DE l'art CHRÉTIEN
l()04. — 2''"-* [.IVRAISON.
'74
3Re\)ue tie T^ivt cbrétien.
Serruys (D). — Catalogue des manuscrits
CONSERVÉS AU GYMNASE GREC DE SaLONIQUE. Itl-
8", 82 pp. 1903. (Extrait de la Revue du Biblioth.)
Uzureau (F.). — Andegaviana. — In-S", 504 pp.
Angers, Piraudeau, 1904.
Villenody (F. de). — Du fantastique végétal.
(Extrait des Notices d'art.) — In-8°, Moutiers, 1903.
Vitry (P.). — De quelques travaux récents
relatifs a la peinture française du xv" siècle.
— In-8°, 45 pp. (Ext. du Bulletin de la Société archéo
logique de Touraiiie, n i, 1903), Paris, Rapilly, 1903.
ailcniagnc.
* Beissel (Stephan). — Kunstschaetze des Aa-
CHENER Kaiserdoms. Werke der Goldschmiede-
kunst, Elfenbeinschnizerei und Textilkunst. —
35 Lichtdrucke, mit Text, folio 30 x 40 cm. in Mappe.
30 Mark.
Les trésors de l'Art du dôme impérial d'Aix-
la-Chapelle. Orfèvrerie, toreutique et tissus.
— 35 planches en phototypie, avec texte, par Etienne
Beissel. — B. Kiihlen, éditeur à Gladbach. En porte-
feuille. Prix : 30 marks.
* Braun S. T. (Joseph). — 200 modèles de Bro-
derie religieuse, genre moyen AGE. — Fribourg
en Brisgau, Herder, éditeur, 1904.
* Geiges (Le prof. F.). — Der Alte Fenster-
SCHMUCK DES Freiburger Munsters. — Freiburg
in Brisgau, Herdersche Verlagshandlung.
Les anciens vitraux de la cathédrale de
Fribourg, par le prof Geiges. — 5 liv. in-4°, avec de
très nombreuses illustrations et 2 pi. en couleurs par
livraison. Herder, Fribourg. Prix : 5 marcs par livr.
Deux livraisons ont paru. L'ouvrage sera complet
en 5 livraisons.
Heierli (J.). — Archâologische Funde in Kan-
tonen St-Gallen und Appenzell (extr. de Anzeiger
fiir schweizerische Alterthnmskunde. — Nouv. série,
t. IV, pp. 251-259 {à suivre). Zuiich, 1902-1903.
Ruskin (J.). — Moderne Maler (vol. I et II).
— Im Auszug uebersetz und zusammengefasst von
Charlotte Breicher. — In-8°, 312 pp. Leipzig,
Diederichs, 1902.
* Slrohl (H. G.). — Ahnenreihen aus dem
Stambaum des Portugiesichen Koninghauses Mi-
NIATURENFOLGE IN DER Bll'.LIOTHEK DES BrITISH MU-
SEUM zu LoNDON. — Mit einem genealogischen
Wegweiser, so wie einer kunsthisiorischen Erlaiiterung
und einer kurzen Abhandlung ùber die Flandrische
Buchmalerei des XV. und XVI. Jahrhundcits.
* StrohI (H. G.) et Kaemmerer (D. L.). —
Suite d'ancêtres tirés dk l'arbre généalogique
DE la Maison royale du Portugal, série de mi-
niatures DE LA bibliothèque du Musée Britan-
nique de Londres. — .\vec des indications généalo-
giques, des éclaircissements historiques, et une notice
sur la peinture des manuscrits en Flandre au XV= et
au XVP siècle. — In-4°avec un atlas, 34 pp., gr. in f°
de 13 pi. en phototypie. 50 marcs.
^=—^ Angleterre. ==^—^^
j * Crâne (W.). — Line and forms. — In-12,
232 pp., nombr. illustr. Londres, Bell, and S ms, 1902.
* Romily Allen (J.) et Andersen (J.). — The
EARLY Christian monuments of Scotland. — Se-
cretary. National Muséum of antiquities, Queen street,
Edimburgh, Scotland, 1904. L. 3-3 (80 fr.)
Italie.
Gerspach. — L'arazzo dei gobelni offerto a
S. M. LA Regina d'Italia. — Broch. extr. de la
JVuûva Antologia, Rome, 1903.
Venturi (Ad.). — La galleria nazionale in
Roma:quadri e statue. — In-4", et fig. Roma, tip.
dell'unione cooperativa éditrice.
^= (îtats=C3nis D'Amérique. =^
Bell (A. J.). — The Saints in Christian art.
(Vol. II), with about 50 ill. — Clo/li, small ^to,
$4. 50 ttet. Macmillan Company, 66, Fifth ave., New-
York.
Berenson (B.). — The study .\nd ckiticism
of italian art. (Second Séries). — Cloth, 8™., $3.50
net. Illustrated Macmillan Company, 66, Fifth ave.,
New- York.
Cartwright (J.). [Mrs. Henri Ady]. — Jean
François Millet, with photog. portrait and 8 photog.
after the artist's drawings. — Cloth, S>vo., $3.50 net.
Macmillan Company, 66, Fifth ave., New-York.
Davies, m. A. (Rév. G. S.). — FransHals, wiih
12 photog. plates and about 45 olher ill. — Cap folio,
$14.00 tiet. Macmillan Company, 66, Fifth ave., New
York.
Frances Morse (C). — Furniture of olden
TIMES. Illustrated by niany half-tones of quaint and
valuable pièces. — Cloth, Crown ?>vo. Gilt top, $3.00
?iet. Also an édition on large paper limited to one
hundred copies. Macmillan Company, 66, Fifth ave.,
New- York.
* Goodyear (W. H ). — .\ renaissance i.eaning
façade AT GeNOA, la FAÇADE INCLINEE DE SaNI-
Ambrogio à GÊNES. — opuscule in-4°; 22 pp., 80 pho-
tog. et 3 pi. levés. Macmillan Company, 66, Fifih ave.,
New- York, 1902.
Konody (P. G.). — The art of WalterCrane,
with 190 illustr., including 24 colored plates and
8 photogravures. — Impérial, Quarto. Gilt top, $20.
Macmillan Company, 66, Fifth ave., New Votk.
Btbltograplîte.
175
Lady Dilke — Frknch engravers and
nRAUGHTSMEN IN THE XlIIth CENTURY. Uiiiform with
« French Painters of the XVIITlh Century, » etc. With
10 photogr. and 40 blocks. — Cloth, Impérial Zvo.,
$10. Macmillan Company, 66, Fifth ave., New- York.
Langton Douglas. — Fra angei.ico, 6 photog.
and 67 halftone illustrations — Impérial Svo. $6.00
ne/. Macmillan Company, 66, Fifth ave., New-York.
Lord Ronald Sutherland Gower (F. S. A.).
— Sir Joshua Rkvnolds, with 90 ill. including 2
phot. — C/0//1. Quarto, $3.00. Macmillan Company,
66, Fifth ave., New Yoïk.
^iicDc=Jl5otucac.
Granberg (O.). — Om kejsar Rudolf 11 konst-
KAMMARE OCH DESS SVENSHA ODEN OCH OM UPPKOM-
STEN AF DROTTNING KrISTINAS TAF VELGALLER I I
Rom OCH dess skingrande. Nya forskninggar. —
In-4°, 130 pp , II pi. Stockholm, Fôrf. Kr. 20.
Sirén (O.). — Dessins et tableaux de la Re
naissance italienne dans les collections de
Suède. — In-8°, 144 pp., 39 pi, Stockholm, Hasse '
W. TuUberg, 1902.
Sinding (O.). — Mari ae Tod und Himmelfahrt.
EiN Beitrag zur Kenntnis der Fruhmittelalter-
LICHEN DENKM.-iHLER. HrsG. MIT BeiTRAG VON
« Benneches Stiftelse ». — In- 8°, 134 pp. et 2 portr.
Christiania, Steenske Forlag. M. 3, 50
Danemark.
DaNMARK MaLERKUNST. Bll.LEDEK OF BIOGRA-
PHIER SAMLEDE OF B. A. BliEN. KaPITLERNE INDLE-
DEDE OF E. Hannovek. fasc. 17-20. — In 4°, Copen
hague, Nordirize Forlay. Le fasc. Kr. 50.
Ti3clgiquc=ï0oïlanDe.
Der Meister der Van Eyck-Schule, auch
genannt der unbekannte Meister von 1480. —
Fasc. 1-2. 4 pp. et 10 pi. Haarlem, Kleiniiiann. Le fasc.
7 H. 20.
GÉRARD David, dit maître Gérard de Bruges
(1450 ?- 1525). — Fasc. s (en allemand, anglais et
français). 6 pp. et 6 pi. en phototypie. Haarlem,
Kleinmann, 1903.
* Van Houcke (A.). — Grondbeginselen Van
de geschiedenis der bouwkunst — I. Heidensche
BouwKUNST. — II. Christene bouwkunst. — 2 vol.
in-8", 180 à 220 pp., nombr. grav. Louvain, Peeters,
1903.
::^ :^ .^ ,S^ :,;^, :^ ^^ ^ ■.=..% ^ ^^ ^^ ^:^. ^^. ^ ^^ ^ ^^ ^ ^. ^ ^. ^ ^'^ Ig
Cl)rOni(ïUC. SOMMAIRE: CONSERVATION DES MONUMENTS ANCIENS. -
ÉCOLE ST-LUC. - HAUTES ÉTUDES D'ART. — VARIA. - NÉCROLOGIE : Frère
Marusin.
i^^^^^i^i^^i^W^i^^^WWWWWWWWWWWWWWWW"
^
Conservation Des monuments aneiens.
OUS sommes les premiers à nous éle-
ver contre les atteintes portées par les
restaurateurs trop zélés à la majesté
des monuments anciens. Cependant
nous constatons qu'aujourd'hui la défiance jadis
si justifiée à l'égard des architectes, est moins
motivée, vu la prudence éclairée des artistes du
bâtiment, devenus à la fois plus archéologues et
plus consciencieux.
Mais la défiance du public ne désarme pas ; au
contraire, le mouvement hostile aux architectes
et artistes est devenu une poussée populaire.
On n'a qu'à les invectiver pour se faire applaudir
et l'on s'en donne à cœur joie. Cela se voit sur-
tout en France et en Belgique.
Dans ce dernier pays, les restaurateurs ont
trouvé des défenseurs dans les membres de la
Commission royale des monuments à l'encontre
de la société fort bruyante et remuante, dite
Société nationale pour la protection des sites et des
moniunents en Belgique {on n'est pas plus laconi-
que). Cette société avait dénoncé au Gouver-
nement toutes sortes d'actes de vandalisme com-
mis sous l'œil paternel de la Contmission des
monuments. L'église de Walcourt dépouillée de
ses boiseries, celle de St-Martin à Courtrai dé-
garnie de ses marbres, celle d'Alost menacée de
perdre le portique de son retable, l'église d'Op-
chie défigurée, les boiseries d'Hulshout mises à
l'encan, etc.
Or, voyez le mécompte. La Commission incri-
minée a répondu, et établi que les boiseries de
Walcourt restent et resteront en place, que celles
de Saint-Martin tombent d'elles-mêmes en mor-
ceaux et sont sans valeur, que l'église d'Opchie
n'existe pas (il y a bien une église d'Aubechies,
mais dont la restauration est l'objet présentement
des études les plus consciencieuses), etc. (').
Décidément, il devient temps qu'on_ ne croie
plus sur parole les déclamateurs de l'Ecole des
pittoresques, qui se font de la popularité dans les
journaux sur le dos des travailleurs. Nous avons
eu déjà mainte occasion de remettre à leur place
dans ces colonnes mêmes, l'une et l'autre de ces
mouches du coche de l'art.
I. Commission roya/e des Monuments. — Correspondance artec la
Société nationale four la protection des sites et des monuments de
Belgique, 1903.
Rappelons que dans la séance annuelle de la
Commission royale des monuments de la Belgique
tenue en octobre 1902,1e président de ces assises,
M. l'Inspecteur général Ch. Lagasse de Locht,
avait répliqué avec une ironie charmante aux
récriminations de « l'École des pittoresques »
à l'égaid de la restauration des monuments
anciens, et ce, à propos de la restauration de
l'abbaye de Villers, cette belle entreprise d'art
consciencieuse inaugurée sous ses auspices et
bientôt couronnée.
La restauration de la brasserie, disait-il, en
partie réalisée et de façon remarquable par feu
Licot, devrait être achevée complètement. Le ré-
fectoire devrait être complètement restauré.
« En restaurant complètement le réfectoire, on aurait
un local qui servirait de musée pour les restes découverts
dans les décombres de Villers et qui, aujourd'hui, se trou-
vent relégués dans une dépendance.Heureusement, la clef
en est bien gardée. A l'intérieur de l'église abbatiale nous
voudrions réédifier le mausolée du Duc Henri et de la
Duchesse dont on a retrouvé les tombes. On a tous les
éléments de cette restauration dans les documents histo-
riques concernant l'abbaye (').
« Voilà pour satisfaire les architectes et les savants ar-
chéologues.
« Quant aux pittoresques, qu'ils se rassurent ; il n'est
pas question de ressusciter l'église de ses ruines. Mais,
pour les satisfaire, faut-il la laisser s'anéantir absolument?
Ne faut-il pas reconstituer quelques bandeaux dans la
voûte, afin d'empêcher que certains contreforts, desti-
nés à subir les poussées de la voûte, manquant de quoi
répondre h leur destination primitive, ne produisent juste
l'effet contraire et n'achèvent, en poussant au vide, d'a-
battre ce qui reste encore des murs magnifiques et véné-
rables de la splendide abbatiale "i
« Je le sais ; on objecte la beauté de l'actuelle ruine.
Mais ici vraiment on oublie ce que savent tous les vieux
amis de Villers : nous avons connu la haute nef de l'église
revêtue de sa voûte. Il y a à peine 25 ans que cette voûte
s'est effondrée tout entière.
« Si elle était rétablie partiellement dans un but con-
fortatif, les ruines de Villers en seraient-elles moins
belles ? Selon moi, elles seraient comme je les ai connues
jadis, beaucoup plus grandioses et plus impressionnantes.
Elles s'offriraient sous un aspect plus charmant, plus
<L inimitable » aux amateurs du pittoresque.
< Je vais plus loin. Messieurs. Oui de vous ne s'est ar-
rêté, étreint par l'admiration, devant l'abside fière et
simple de l'abbatiale.' Combien le fenestrage en est im
posant ! Et pourtant la lumière crue tombant de haut et
I. Outre la gravure figurant dans les Trophées de BUTKENS ei
dans le grand Théâtre sacré, il y a, dans un manuscrit de la Biblio-
thèque tio Bourgogne cité par M. Schuermans, une aquarelle repré-
sentant le tombeau tel qu'il était au XVIII<' siècle.
Cl)ronique.
177
directement dans le chœur non voûté embarrasse, inter-
fère, diminue et détruit presque les rayons du soleil pé-
nétrant à travers les baies latérales. Toutes les nuances
dues aux jeux de la lumière venant de ces baies grandes
et sveltes du chœur ont disparu avec la voûte. Rétablis-
sons cette voûte, ne fût-ce que pardessus le chevet, et
voici que l'œuvre géniale reprend tous ses aspects, ceux
qu'a voulus l'artiste et ceux aussi qu'ont entrevus et de-
vinés les rêves féconds de son imagination. Dites : quel
< pittoresque > y trouvera sérieusement à redire ?
< Ainsi, il n'y a point de contradiction réelle entre la
recherche de cette forme et une restauration rationnelle.
Tout est affaire de tact et de mesure. 11 ne saurait y avoir
en l'espèce, de principe absolu. 11 convient, dans chaque
cas, de se livrer à une étude complète et d'arriver h des
résultats contre lesquels viennent s'émousser les traits
divers de la critique totale. L'artiste restaurateur peut,
s'il est de force, rendre de grands services non seulement
à l'art, mais à l'archéologie et aux < pittoresques >. J'at-
tends de pied ferme la contradiction.
< Autre observation : rien n'est plus délicat qu'une res-
tauration. Quelques critiques se sont imaginé que les
restaurations réclamées par les artistes avaient surtout
pour but un gain d'argent. Ces critiques me permettront
de le leur dire : ils n'ont pas l'âme artiste ; sans quoi ils
n'invoqueraient pas un argument à la fois si pitoyable et
si faux. >
Ici M. Lagasse fait bonne justice de cet argu-
ment de mauvais ton, qui consiste à représenter
les architectes restaurateurs comme des gens
ctipides, intéressés, poussant à la dépense au pro-
fit de leur bourse. Nous avons essuyé ces amé-
nités dans une polémique antérieure. Nous avons
dédaigné d'y répondre. M. Lagasse continue :
'< Dernière observation : on a beaucoup critiqué
l'emploi, à Villers, d'une pierre neuve jaunâtre pour l'en-
cadrement de certains baies de fenêtres ; on a dit, même
à la Chambre des Représentants, que l'emploi de ces
matériaux était d'un effet désastreux.
< J'ai voulu en avoir le cœur net ; voici l'expérience que
j'ai ordonnée.
« On a pris, çà et là, dans des encadrements ruinés,
des morceaux de pierre jaune ancienne ('). J'ai fait dres-
ser sur le sol, deux encadrements de baies, l'un composé
avec ces pierres jaunes anciennes, l'autre avec des pierres
jaunes nouve'Ies. On a demandé à ceux qui n'étaient
point au courant de l'expérience de quel côté étaient les
anciens matériaux et de quel côté étaient les nouveaux.
< Personne n'a pu faire la distinction.
< On a fait un autre essai. L'entourage d'un fenestrage
a été composé d'un mélange de pierres anciennes et nou-
velles. Encore un coup, on n'a pu distinguer les unes des
autres.
« D'où provient donc l'effet soi-disant désastreux invo-
qué jusqu'au sein du Parlement ? L'œil, habitué trop vite,
hélas ! au ton grisâtre d'une ruine désolée, s'est effarou-
ché, avant toute réflexion, à la vue d'une couleur jaune
réapparaissant et se détachant sur l'aspect terne et misé-
rable des baies dépouillées de leur encadrement. Est-ce
qu'un aspect terne et misérable saurait jamais appartenir
à quelque forme pittoresque ? Encore un coup, dans ce
cas particulier, les artistes, les savants et les < pittores
quf-s > sérieux ne sauraient être en désaccord >.
I. Sur la provenance de ces pierres jaunes, voir Bulletin des Com-
missions royales d'art et darchéologie, t. XVII. 1878, p. 275.
Mgr Fallières, évêque de Saint Brieuc, vient
de créer dans son diocèse une Commission qui
devrait exister partout en France. Aucune con-
struction, aucune restauration, nulle démolition,
pas la moindre aliénation de mobilier religieux
ne pourront avoir lieu sans l'avis de celte Com-
mission, composée d'archéologues et de lettrés
bretons.
-«■
* *
Tûiirmis. — Le curé de l'abbatiale de Saint-
Philibert de Tournus met en souscription une
monographie détaillée et abondamment illustrée
de ce curieux monument de l'architecture romane
qui est comme la préface de l'école clunisienne.
* •»
Cliâlons. — On vient de terminer la restauration
intérieure de la sacristie et du cloître de la cathé-
drale de Chnlons-sur- Saône.
* *
Calvados. — Le beau clocher XI 11'= siècle de
Lagrune, deux fois endommagé par la foudre, va
être restauré. On attendait cette restauration
depuis cinq ou six ans. Les choses ont duré
ainsi par suite de désaccords entre les archéolo-
gues et l'architecte des monuments historiques
au sujet des clochetons qui doivent accompagner
la base de la flèche. Le différend menaçant de
s'éterniser, le Comité a déclaré que cette recon-
stitution n'était pas indispensable pour le
moment, on rachètera par de simples amortisse-
tnents la place des anciens clochetons (').
* *
M. Jacques Siegfried a offert à l'Institut le
beau château de Langeais, sous unique réserve
d'en garder l'usufruit.
Construit au X° siècle par Foulques Nerra,
cet important édifice fut saccagé sous la Révo-
lution et reconstruit sous la Restauration. M.Jac-
ques Siegfried, son dernier possesseur, l'a res-
tauré entièrement : il l'a restitué dans son aspect
priiTiitif et grâce à une admirable sélection du
mobilier, l'a transformé en un véritable musée de
l'époque Louis XL
Une commission, composée de représentants
des cinq Académies, a visité, il y a quelques jours,
ce magnifique domaine.
école Samt^Iruc.
llA distribution des prix aux élèves de
cole Saint-Luc de Liège a eu lieu
en décembre dernier.
L'École vient de perdre un de ses
fondateurs en la personne de M. Pascal Lohest,
président du Comité-directeur. L'année scolaire
I. Art sacré.
J
178
îRcliue tie V^xt cbrctien.
a été brillante, l'école est fréquentée par plus de
4C0 élèves. Monsieur le Ministre du Travail a
visité naguère l'établissement et témoigné sa
satisfaction. Les séminaristes sont autorisés à
suivre certaines leçons orales. Plusieurs prix ont
été obtenus par des élèves dans des concours
ouverts pour les constructions d'églises. Plusieurs
ateliers d'art ont été ouverts par d'autres :
ateliers d'orfèvrerie, de sculpture, de peinture
décorative, et bureau d'architecture.
Le R. F. Guilette a fait un remarquable
discours sur l'état d'âme de l'artiste chrétien. On
peut entendre par l'art, a-t-il dit, le savoir faire;
dans ce sens il n'y a pas plus d'art chrétien que
de science chrétienne. Mais l'art peut se prendre
aussi pour l'inspiration, et consiste dans l'inter-
prétation qui en fait l'expression des idées, de
l'idéal ; à ce point de vue, il y a art et art, art chré-
tien et art païen ; et si l'école St-Luc met ses
moyens techniques au service du sentiment
chrétien, l'état d'âme intellectuel de nos appren-
tis comporte leur adhésion aux principes de la
théologie chrétienne sur la conception des Beaux-
Arts.
Tel est le sujet développé par l'éloquent con-
férencier, qui a fini en proposant comme modèle
de l'artiste chrétien l'incomparable artiste de son
ordre, FraAngelico.
Hautes étuDes D'art.
rUNE des dernières conférences de
l'Institut des hautes études d'art de
lîruxelles a eu pour sujet la vitrerie ,
et pour auteur le député Verhaegen,
ingénieur, artiste et homme d'œuvres, le chef du
mouvement populaire antisocialiste belge, auquel
S. S. Pie X adressait naguère une lettre qui a eu
un grand retentissement.
M. Verhaegen est, en cette matière délicate,
un spécialiste d'une rare compétence. Élève et
collaborateur de Bethune, il s'adonna pendant
plusieurs années à la pratique de l'art du vitrail,
avec une science, un tact et une pureté de goût
que tous se plaisent à reconnaître.
M. Verhaegen a parcouru les étapes de la
fabrication du vitrail depuis les origines ; puis
il a esquissé dans ses grandes lignes l'évolution
archéologique de cet art dont le- premières
manifestations remontent au XII<= siècle. .Avec
une admiration profonde pour les « vitrailleurs »
du passé, il a montré sur quelles bases solides
reposait leur éminente supériorité: la science des
harmonies, la connaissance consommée des
rayonnements et des juxtapositions ; notion
exacte de la mission du vitrail comme auxiliaire
de l'architecture, destiné à mettre en valeur l'en-
semble du monument.
Cet art est tombé dans une profonde déca-
dence ; depuis quelques années un réveil se mani-
feste, grâce, en Belgique, à l'énergie impulsive
du baron Bethune et de ses continuateurs,
MM. Verhaegen, Joseph Casier, etc. Il importe
que ce mouvement soit appuyé par tous ceux qui,
comme donateurs, marguilliers ou à tout autre
titre, ont à commander des vitraux.
Une seconde conférence sur le même sujet
sera donnée prochainement par un peintre ver-
rier bien connu de nos lecteurs, M. Jos. Casier.
Voici du reste la série des conférences données :
Le 23 janvier, M. Gustave Benedite, conserva-
teur aux Musées du Louvre : L'art dans la vie
privée chez les anciens Égyptiens (projections
lumineuses). — Le 30 janvier, M. Alph. Rœrsch,
professeur à l'Université de Gand : Les Huma-
nistes belges à l'époque de la Renaissance. —
Le 6 février, M. Edmond De Bruyn : L'Art
folklorique (projections lumineuses). — Le
13 février, M. Paul Vitry, conservateur aux
Musées du Louvre : Les Primitifs français (pro-
jections lumineuses). — Le 20 février, M. Joseph
Casier : L'Art du vitrail (projections lumineuses).
— Le 27 février, M. Maurice Emmanuel, cri-
tique d'art à Paris : Lulli, musicien du Roy
(audition musicale). — Le 5 mars, M. Alexandre
Halot, consul général du Japon : L'Art japonais
(projections lumineuses). — Le 12 mars, M. Vin-
cent d'Indy : L'Ancien Opéra français (audition
musicale). — Le 19 mars, M. Ernest Verlant,
directeur des Beaux- Arts: Sienne (projections
lumineuses). — Le 26 mars, M. Charles Michel,
professeur à l'Université de Liège : La Sculpture
funéraire à Athènes (projections lumineuses).
Varia.
'INCENDIE de la bibliothèque de
l'Université de Turin en janvier der-
nier,a été désastreux. Parmi les œuvres
détruites (loo.ooo sur 300.OOO), se
trouvent des chefs-d'œuvre artistiques, des codex
et des manuscrits précieux d'un intérêt universel.
Voici rénumération des principaux : tous les
documents relatifs à la maison de Savoie ; les
très rares manuscrits de l'abbaye de Bobbio ;
quatre cents manuscrits grecs, douze cents
latins ; deux splendides volumes de VHistoria
Naturalis de Pline, du XV'" siècle, avec des
miniatures de Mantegna ; beaucoup de manus-
crits anciens ; une précieuse mappemonde en
acier gravé, exécutée par Basso en 1570; les
palimpsestes de Cicéroii et de Cassiodore ; le
Cl)romquc.
179
code théodosien des IV« et V'= siècles ; les
cartes géographiques du Juvara, etc., etc.
M. le Ch. P. Durrieu a fait sur ces pertes
déplorables une étude très documentée parue
dans le Courrier de l'Art, nous y reviendrons.
* *
La Commission du Vieux Paris se préoccupe
d'établir le programme du prochain concours de
photographie organisé par la Ville, afin de con-
stituer, pour le musée Carnavalet, une collection
des sites et des monuments parisiens les plus
remarquables.
Les amateurs sont invités à présenter, l'année
prochaine, des clichés de la Bièvre, du vieux
Montmartre et des jardins dans Paris apparte-
nant a des particuliers.
On sait l'importance de l'ancienne abbatiale
d'Essen. Non seulement elle est d'une haute
signification pour l'histoire de l'architecture du
moyen âge, mais en outre elle possède un trésor
qui, en pays de langue allemande, où les églises
sont si riches en objets précieux, est à peine sur-
passé par le trésor d'Aix-la-Chapelle.
La fabrique de l'abbatiale a pris une initiative
qui mérite toute louange. Elle a voulu faire con-
naître par une belle publication les objets d'art
que l'église renferme. L'exécution du projet ne
pouvait être mieux confiée qu'à M. G. HUMANN,
qui a habité Essen durant de longues aimées, et
dont les savantes études sur l'architecture de l'ab-
batiale sont hautement appréciées (').
«
* *
Le musée de Naples va prochainement
exposer une série très importante et peu connue
de tapisseries anciennes, exécutées en Flandre
au XV1<= siècle, d'après des dessins de van
Orley, l'auteur des célèbres Chasses de Maxiini-
lien. Le musée de Naples possède les tapisseries
dont il s'agit depuis une quarantaine d'années,
I. L'ouvrage doit paraître incessamment sous le titre Die Kunst-
werke des Munsterkirche zu Essen (gr. în-80, xn-440 p. : Album de
72 pi. Gr. in-fol. Prix: 80 marcs, tiré à 200 exerapJaires). Les
planches photoiypiques reproduisent des objets d'art de toutes les
périodes comprises entre le Vlll*^ et le XVIIP siècle Les objets
datant de l'époque des Othons. qui font surtout la réputation du
trésor d'Essen, y sont richement représentés. Nous espérons rendre
compte de cette belle publication, mais nous voulons dés mainte-
nant signaler l'initiative que la fabrique de la collégiale d'Essen
vient de prendre.
mais, par suite d'un procès, elles n'avaient jus-
qu'ici pu être exposées. Elles furent offertes,
paraît-il, à Charles Quint, en 153 1, par les
États-Généraux des Pays Bas, qui y avaient
fait représenter, pour plaire à l'empereur, la plus
grande de ses victoires : la bataille de Pavie.
Après avoir décoré le palais de Bruxelles sous
Philippe II, elles appartinrent à don Carlos, qui
les légua à son ancien précepteur, don Honoré
Juan, évêque de Osma. On ignore ce qu'elles
devinrent depuis lors jusqu'en 1862, où le der-
nier descendant de la famille d' Avanlos les légua
au musée de Naples. Elles sont au nombre de
sept et mesurent chacune 8 mètres de longueur
sur 3™8o de hauteur ; elles sont tissées de laine,
de soie, d'or et d'argent. Quatre d'entre elles
ont perdu leur bordure. A cela près, elles sont
intactes. Ces tapisseries, qui représentent les
principaux épisodes de la bataille de Pavie, sont,
dit-on, plus remarquables encore par la compo-
sition et le mouvement que les Chasses de Maxi-
inilien. Il est visible que le paysage, très soi-
gneusement traité, a été étudié sur place par
l'artiste. Quant au nom de celui-ci, aucun doute
n'est possible : M. Wauters a démontré que la
Bataille de Pavie est l'œuvre de van Orley ; on
peut d'ailleurs en voir au Louvre les dessins
originaux (»).
S^f^ ïîécrologie.
jfrèrc lEanieîn.
Nous apprenons avec regret la mort du cher
frère Marusin, diiecteurde l'École profes-
sionnelle St-Luc de Liège, pieusement décédé à
Liège le 19 janvier 1904, dans la 60""^ année de
son âge et la 43"'° de vie religieuse.
L'enseignement de l'art chrétien fait en sa
personne une perte sensible.
Celte école, qu'il dirigeait depuis vingt ans, a
pris, sous son habile direction, un développe-
ment considérable et s'est acquis une juste répu-
tation.
Toute sa vie fut vouée aux rudes labeurs de
l'enseignement et to.utes les forces de son âme
aux intérêts de l'art, au bien de la relgion,dela
classe ouvrière et de la jeunesse liégeoise.
1. Courrier de i' Art.
Imprimé par Desclée. De Brouwer et C"^, Lille-Paris-Bruges.
l'Hrt rtjrétien
paraissant toiis (ce bcnjc umis.
47"'^ Hnnée. — 4<= Série.
;lj'W»H^â)<Jiièiii^3^HffiKi}ttffiîH •?)
^ Came XV (LiF de (a conecticiii). <^,
^i^^^^ljK 3'"' livraison. — ffîai 1904. f 1
Un tympan ïie porte à la catbéïirale ïie Houen,
m'0-S' t^> . Oa «
<>- lia mort De 0ainr tJean r6))angélt0te.
«» SSS>>E.'$>S«»
ES portes secondaires
de la façade occiden-
tale à la cathédrale de
Rouen posent à l'atten-
tion de l'historien d'art
des problèmes de plus
d'une sorte, et d'abord
le plus grave de tous : celui de la date de
leur construction. Ces deux portes sont-
elles, comme Viollet-le-Duc le premier (')
l'a cru, avec la base de la tour nord (tour
dite de St-Romain) les vestiges subsistants
d'une cathédrale antérieure élevée tout en-
tière au cours du XII^ siècle? Est-il pos-
sible d'admettre que l'église, bâtie par les
premiers ducs de Normandie {-) et consa-
crée en 1063 (3) sous l'archevêque Maurille,
1. Dictionnaire (V Architecture, t. II, p. 362.
2. Au témoignage d'Orderic Vital. Voir Dom Pomme-
raye. Histoire de la cathédrale de Rojien. Paris, 1686,
p. 19.
3. Manuscrit de la cathédrale. — Voir Dom Pomme
raye, p. 21.
ait été si promptement remplacée par une
construction nouvelle (■) ? Et s'il paraît
difficile, d'autre part, de penser que ces
portes appartiennent à l'œuvre de la cathé-
drale actuelle dont la première période de
construction va de 1 200 à 1 2 1 4, n'est-il pas
vraisemblable qu'elles soient, comme la
tour nord, le souvenir d'embellissements
ajoutés par les Rouennais à leur cathédrale
à la fin du XI I^ siècle, plutôt que les restes
d'une église complète dont on ne trouve
d'ailleurs nulle autre trace (-) ?
1. Dans un des travaux les plus récents sur la cathé-
drale de Rouen {France artistique et monumentale, Paris,
t. II, p. 54), on trouve, il est vrai, la mention d'un incendie
de uio dont personne n'avait jamais parlé et qui expli-
querait toutes choses. Malheureusement, c'est une sup-
position qui paraît totalement gratuite.
2. Qu'il n'existe, contrairement à l'opinion de Viollet-
le-Duc, aucune autre trace d'une église du XII" siècle,
c'est l'avis de M. le docteur Coutan. — Coup d'œil sur
la cathédrale de Rouen aux X h et XIII' siècles — qui
s'est livré sur cette question à une véritable expertise
archéologique, et a émis, au moins pour la tour N. l'hypo-
thèse que j'indique.
;;EVUE DE L ART CHRÉTIEN.
1904. — 3"" LlVR.\ISON.
l82'
3^ebue lie V^xt t\)xttitn*
Je crois, pour ma part, que l'étude atten-
tive et qîiasi-microscopique des fragments
de sculpture figurée qui subsistent encore
dans des caissons au soubassement de ces
deux portes, leur comparaison avec des
détails de N.-D. de Chartres et de N.-D.
de Paris, pourrait, concourant avec l'étude
de l'architecture, contribuer à élucider la
question de date.
Mais si cette question, que je ne puis
aborder aujourd'hui, est encore controver-
sée, il est au moins un point sur lequel tout
le monde est d'accord ('), c'est que la
sculpture des tympans des deux portes est
manifestement postérieure à leur architec-
ture et ne peut être placée plus tôt que
1240 à 1250. Il y a eu là un remaniement
dont la trace est visible au portail nord, où
le superbe rinceau qui décore le chambranle
est brusquement coupé pour faire place au
linteau portant les figures. Ou le tympan
est resté non sculpté pour attendre le tasse-
ment de la maçonnerie pendant une période
de temps qui paraîtrait bien considérable
ou, plus vraisemblablement, un tympan
contemporain des pieds droits a été rem-
placé dans le cours du XII 1° siècle.
En effet, deux beaux fragments de sta-
tues assises, trouvées dans les substructions
de la base du clocher, et déposés au musée
archéologique de Rouen, semblent bien
avoir appartenu à l'un ou l'autre des tym-
pans primitifs de la façade principale.
Mais si l'on est à peu près d'accord sur
la date de ces sculptures (date que j'essaie-
rai tout à l'heure de préciser un peu plus
par voie de comparaisons), il n'en va pas de
même pour leur iconographie, et c'est l'ex-
plication d'une partie importante du tym-
pan nord que je voudrais aujourd'hui pro-
i.Un passage de Wlit i^olhi'que, — Louis Gonse, Paris,
1889, — p. loS, semble prêter à l'équivoque, mais l'opinion
de M. Gonse ne peu! pourtant ètie douteuse.
poser aux lecteurs de la Revue de l' Art
chrétien.
Si les artistes du moyen âge ne se sont
pas désintéressés de la beauté pure, autant
qu'on a voulu longtemps nous le faire croire,
il est bien certain, cependant, qu'ils se sont
préoccupés plus qu'on ne l'a jamais fait,
de la signification précise de leurs œuvres.
Retrouver le sens d'une de ces œuvres,
c'est donc, il me semble, réveiller en elle
l'àine qu'y avait déposée l'auteur anonyme
qui la créa, c'est lui rendre la parole afin
qu'elle puisse reprendre avec nous le dia-
logue pour lequel elle avait été faite et que
notre indifférence seule avait interrompu.
C'est en même temps peut-être retracer les
démarches de l'esprit même du moyen âge
et, par l'intimité des œuvres, pénétrer jus-
qu'à l'intimité des hommes, et là réside le
grand intérêt des problèmes iconographi-
ques qui nous arrêtent à chaque pas lorsque
nous voulons étudier de près l'art de ce
temps.
Le tympan de la porte nord (') présente
dans son registre inférieur la vie de saint
Jean- Baptiste : festin d'Hérode, danse de
Salomé, décapitation du saint, offrande de
sa tête à la jeune fille. — C'est là que se voit
le plus illustre spécimen de cette danse de
« jongleresse » exécutée sur les mains, motif
dont un dessin de Villars de Honnecourt
montre la popularité dans l'art du XI 11^
siècle, mais qui lui était bien antérieure —
comme en témoigne, à Rouen même, au
musée archéologique, un monument d'une
respectable antiquité, le chapiteau de Saint-
(reorge de Boschcrville (-) — et que l'on
retrouve plus tard dans un médaillon du
portail de la Calende, toujours à Rouen.
Au-dessus de cette première zone, dans
1. Moulé au Trocadéro.
2. Revue de l' /ht chrétien, année 1900, pp. 244 et suiv.
i
II
Z
w
H
-W
Pi
X
u
<;
w
D
W
D
>
W
^
4 i-
- .,r V^.--^r-'-1 V'
l^"l VCrT Pli. ' 'ïi".^^ — S-'J5r'v^-
m=--r;:>i^^'
-^^-r
i^
W'
1
h- -M
I— t
u
w
D
M
Q >
Z 61.
w
s
D
U
O
Q
Cpmpan De porte à la tatljéDrale ûe Kouen.
'83
vT'-^
i84
3Rebue tir r^rt cbrctien.
l'écoinçon, se trouve une scène dont on n'a
pas jusqu'ici précisé le sens : au centre se
présente un tombeau ouvert dans lequel
disparait à mi-corps un personnage imberbe
vêtu en simple prêtre avec la chasuble et
l'amict paré, tenant d'une main un livre et
faisant de l'autre un geste de prédication
ou de bénédiction. Deux acolytes se tien-
nent à ses côtés ; deux vieillards barbus,
drapés dans de grands manteaux qui leur
enveloppent en partie la tête, se penchent
sur les trois premiers personnages avec une
impression d'anxiété intense. Enfin une
femme, d'un côté, et de l'autre, un jeune
homme, le menton dans la main, terminent
la composition à droite et à gauche.
Il émane de tout cet ensemble attentive-
ment considéré un sentiment d'émotion
profonde dont j'ai toujours été frappée et
qui ne me permettait pas de me contenter
des explications proposées.
Deux faits dominants dans cette compo-
sition ont en effet donné naissance à deux
modes d'interprétation parmi les historio-
graphes, parfois assez distraits, de la ca-
thédrale de Rouen: ceux que frappait sur-
tout la présence d'un tombeau, ont vu dans
cette scène soit la Résurrection du
Christ (') soit au contraire une représenta-
tion de funérailles {-), tandis que d'autres,
plus attentifs aux attitudes des divers per-
sonnages, y ont cru reconnaître une prédi-
cation soit de S. Jean- Baptiste soit de S.
Romain, évêque de Rouen (3).
Ni l'une ni l'autre de ces hypothèses
n'étant plausible, puisque le personnage
principal, imberbe, tête nue, vêtu en simple
prêtre, ne peut représenter ni le Christ ni le
1. Abbé Cochet, Répertoiie arch. de la Seine Inf",
Paris, 1871.
2. Abbé Sauvage, Normandie fiiltoieique et monumen-
tale,ht Havre, 1896.
3. Abbé Loth, Histoire de Lt cath. de Rouen, Rouen.
Précurseur, ni un évêque; puisque, d'autre
part, il est bel et bien vivant dans son tom-
beau et qu'il ne peut être question là d'un
ensevelissement ordinaire, il s'agissait de
trouver dans la légende ou dans l'histoire
un fait qui conciliât ces données assez
exceptionnelles et en apparence contradic-
toires.
Or ce trait existe dans la légende de S.
JeanÉvangéliste; un vitrail du XI 11*= siècle,
à la cathédrale de Tours, vitrail dont la
majeure partie est consacrée à l'histoire de
S. Jean-Baptiste, retrace aussi, avec plu
sieurs autres scènes de la vie de l'apôtre,
celle même à laquelle je fais allusion. Et
je crois pouvoir affirmer que la sculpture de
Rouen, comme le vitrail de Tours, juxta-
pose à la mort de S. Jean-Baptiste celle de
S. Jean apôtre retracée d'après les récits
légendaires.
Que le moyen âge ait souvent rapproché,
jusqu'à les confondre presque, les deux
saints homonymes et qu'il y ait eu à Rouen
même des convenances particulières pour
ce rapprochement, c'est ce que nous verrons
plus loin.
Recherchons d'abord dans les textes l'ori-
gine des diverses représentations de la
mort de S. Jean : la Légende dorée pour-
rait suffire à la rigueur, mais, comme elle
est postérieure à cette sculpture, que d'ail-
leurs elle n'explique pas complètement, nous
remonterons pour plus d'exactitude aux
sources qui l'ont précédée. Voici d'abord
le récit de V^incent de Beauvais (') (je tra-
duis) : « Alors que S. Jean était âgé de 99
ans, le Seigneur Jésus lui apparut avec ses
disciples et lui dit : « 11 est temps que tu
manges avec tes frères à mon festin ; le di-
manche, jour de ma Résurrection, qui est
dans cinq jours, tu viendras à moi. »
I. spéculum kistoriale. Édition de Douai, Livre X.
chap. XLI.X.
Cpmpan tje porte à U catljédrale De IRouen.
185
C'est pourquoi, le dimanche, tout le
peuple se réunit dans l'église, et là, ayant
célébré les saints mystères, depuis léchant
du coq jusqu'à la troisième heure du jour,
S. Jean exhorta les fidèles, les invitant à la
persévérance et leur annonçant sa propre
vocation.
Après quoi il ordonna qu'une fosse fût
faite près de l'autel et la terre jetée hors de
l'église. Alors, y descendatti, il étendit les
mains vers Dieu et dit : « Seiçjneur, invité
à votre festin je vous rends grâces de ce
que je suis tel qu'il faut être pour partager
semblable nourriture et vous savez que je
le désirais de tout mon cœur. )) Quand il
eut fini sa prière le peuple répondit :
« Amen » et une si grande lumière apparut
au-dessus de l'apôtre pendant près d'une
heure que personne n'en pouvait supporter
la vue. Ensuitecette fosse fut trouvée pleine,
mais elle ne contenait rien que de la manne
qui s'en écoulait et a continué de s'en écou-
ler jusqu'à nos jours. »
Puis voici une version plus brève (') et
qui, dans sa sobriété même, semble le plus
précis commentaire de la sculpture de
Rouen. ^ L'an soixante dix-septième après
la passion du Sauveur,sous le règne de Tra-
jan, accablé déjà sous le poids de la vieil-
lesse et sentant que le jour de son passage
était proche, il ordonna qu'un sépulcre lui
fût creusé, d'où, faisant ses adieux à ses frè-
res, il entra vivant dans le tombeau et s'y
coucha comme dans un lit (2). »
Un troisième récit, celui du « Combat
apostolique,» d'une poésie abondante et dif-
fuse, où l'auteur de la Légende dorée a
puisé à pleines mains, n'ajoute aucun trait
essentiel à l'intelligence de la scène, sauf en
1. Attribuée faussement, paraît-il, à Isidore de Séville
(De ortu et obitu Palrum, Migne, LXXXIH, col. 152;.
2.Jussit fertur effodi sibi sepulchrum inde vale dicens
frairibus...
ceci, qu'il mentionne très précisément, lors
de la mort de saint Jean, qui se passe,
d'après lui, hors de l'église, la présence de
plusieurs témoins qu'il va jusqu'à nom-
mer (').
Tous les narrateurs insistent sur la dis-
parition miraculeuse du corps de S. Jean
remplacé par une source de manne intaris-
sable et bienfaisante. On voit qu'il y a dans
tout ce cycle légendaire comme une florai-
son de la semence jetée dans les âmes par
la .parole mystérieuse du Sauveur au sujet
de S. Jean rapportée par l'Evangile : « Si
je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je
vienne que vous importe .'' » Et l'Évangile
même ajoute: « Le bruit se répandit parmi
les frères que ce disciple ne mourrait pas.»
On croyait donc communément que saint
Jean avait été enlevé au ciel avec son corps.
Il était réservé à Ciotto, la plus haute in-
carnation peut-être de l'âme gothique, de
donner à cette tradition son maximum d'ex-
pression spirituelle dans la belle fresque
d'Assise, où il nous montre le disciple bien-
aimé s'élançant corps et âme et comme
s'envolant à l'appel du Maître. Mais voyons
au point de vue qui nous occupe comment
\ç. passage de S. Jean a été interprété, dans
les monuments antérieurs à notre sculpture
ou contemporains. Quelques vitraux du
X II I^ siècle et trois manuscrits nous servi-
ront de points de coinparaison. A Tours (f),
dans le vitrail dont j'ai parlé plus haut,
S. Jean est représenté assis dans un tom-
beau, mains jointes, et regardant vers le
ciel : une main divine sort des nuages et
laisse échapper de vifs rayons de lumière :un
globe de feu apparaît au-dessus d'un autel.
Les fidèles, témoins du prodige, sont placés
1. Combat apostolique du pseudo-Abdias. Migne, Z>/V/.
des apocryphes^ 1S58, t. II.
2. Vitraux de Jours, Bourassé et Marchand, Paris,
1849, Pl- II.
i86
Be\)ur be T^rt cbvétiea.
dans le médaillon suivant. — S.Jean est ici
comme à Rouen imberbe et vêtu en simple
prêtre. — A Lyon (vitrail de l'abside de la
cathédrale tout près d'un vitrail de S. Jean-
Baptiste), il est couché dans sa tombe vêtu
en évêque et barbu (' ) : deux autres évêques
et un enfant assistent au miracle : devant
un autel un prêtre ou diacre se tient de-
bout et regarde l'apôtre avec une expres-
sion de douleur. Les représentations du vi-
trail de Bourges(2) et du vitrail de Troyes(3)
sont à peu près semblables à celle de Tours.
Au vitrail de Chartres (4), S. Jean
est assis dans un sarcophage posé sur des
piliers: il joint les mains et prie; des rayons
de feu descendent sur lui. Dans la ver-
rière de St-Julien du Sault (5), l'apôtre
reçoit l'annonce de sa mort, puis il célèbre
la messe et enfin il entre debout, une croix
hastée à la main, dans son tombeau. Il est
imberbe et sans insignes épiscopaux ('').
On le voit, tous ces monuments pré-
sentent d'assez notables différences d'in-
terprétation avec la scène de Rouen. Il en
est de même dans les manuscrits. Ce fut,
a dit M. Mâle (7), dans une certaine
famille de manuscrits provenant d'un pro-
totype anglo-normand, une habitude des
miniaturistes que de faire précéder ou sui-
vre l'illustration de l'Apocalypse de scènes
empruntées à la légende de S. Jean. Et
i. Monographie delà cathédrale de Lyon. Bégule et
Guigue. Lyon, i88o,etÉtude vni. Lancette 6 desVi/raux
de Bourges. PP. Cahier et Martin, Paris, 1842-44.
3. Vitraux de Bourges. PI. XV, texte p. 270. (Chapelle
du chevet, tout près d'un vitrail de S. Jean-Baptiste.)
3. Abside de la cathédrale. PI. XIII. D. des Vitranx
de Bourges.
4. Monographie de la cathédrale de Chartres. Bulteau,
1891.
5. Gaussin, Portefeuille archéologique de la Cha?npagne,
1861, PI. VIII.
6. Dans une petite rose de Reims, \ l'abside, le P.
Cahier croit reconnaître encore S. Jean près d'entrer
dans le tombeau. L. c, PI. XVI 11.
7. Mâle, Art religieux au XIII' siicle, Paris, z" édition,
1902. P. 405-408.
quoique cet usage soit assez loin d'être
universel (') je lui dois deux documents de
comparaison intéressants.
Le magnifique manuscrit français 403 de
la Bibliothèque Nationale (-) nous pré-
sente la messe de S. Jean, puis saint Jean
couché dans son tombeau, mains jointes
avec, planant au-dessus de lui, des anges
dont l'un recueille son âme sous la forme
d'un petit enfant. Saint Jean porte l'amict
paré et n'a aucun insigne épiscopal : il est
légèrement barbu. Au dernier f° du ma-
nuscrit lat. 688 (même Bibliothèque), en
illustration du récit attribué à Isidore de
Séville, est une fort médiocre miniature qui
représente encore l'apôtre à demi couché
dans le tombeau, la tête enveloppée d'un
linge, nimbé ; une colombe sort de sa bouche
et un ange lui tend les bras.
Enfin la Bibliothèque de l'Arsenal pos-
sède un très curieux petit manuscrit : Tro-
paire de l'Eglise d'Autun revêtu, en guise
de reliure, d'un ivoire romain du III^ siècle
scié en deux. Or ce précieux manuscrit qu'il
faut dater entre 996 et 1024 (3) et dont
l'illustration révèle un curieux mélange de
traditions classiques et d'influences byzan-
tines (la Vierge de l'Adoration des Mages y
est coiffée en impératrice d'Orient),contient
une page où l'on voit S. Jean debout,
imberbe et nimbé, un livre à la main, faire
ses adieux aux fidèles puis entrer dans son
tombeau.
La seule œuvre de sculpture gothique
où l'on ait jusqu'à présent, à ma connais-
sance, reconnu la mort de S. Jean apôtre
est issue d'après M. Mâle, de l'Apocalypse
anglo-normande; et, en effet, c'est à la suite
1. Sur une dizaine de manuscrits de l'Apocalypse con-
sultés je n'en n'ai trouve que deux de ce type.
2. XI I" siècle.
3. Catalogue des manuscrits de la liibliothique de F Ar-
senal. Henry Martin, T. II, N" ii6y.
Cpmpan De porte à la catl)étïrale De IRouen.
187
de scènes empruntées à la vision de Path-
mosque se présentent sur le retour du tym-
pan accolé à droite de la façade occidentale
de la cathédrale de Reims la vie et la mort de
S. Jean, et la représentation en est conforme
en plusieurs points aux données de la mi-
niature. L'apôtre est couché dans la tombe
revêtu de la chasuble et portant une large
tonsure ; des anges emportent son âme au
ciel.
Reportons-nous maintenant à la scène
de Rouen ; la donnée en est entièrement
originale et neuve: S. Jean y est bien dans
la tombe, mais debout et, du fond même de
cette tombe, il adresse à ses frères les
adieux suprêmes. Il semble disparaître
déjà et comme s'enfoncer dans la terre :
c'est ainsi.je crois.qu'il faut expliquer la dis-
proportion qui existe entre sa stature et
celle de ses acolytes. Des fidèles sont là :
deux vieillards, deux jeunes gens, une
femme, un enfant, c'est toute une Église
en résumé : aucun trait ne les caractérise,
mais nous sentons qu'ils sont en proie à
une intense émotion et qu'il se passe
devant eux quelque chose de surhumain.
Il n'y a pas de main divine ni de rayons,
seule une sorte de cannelure à la clef de
l'arc me semble une indication schématique
de nuages.
Toutes les figures se détachent sur un
fond ouvré qui était sûrement peint et doré,
car la polychromie semble avoir joué à la
cathédrale de Rouen un rôle particuliè-
rement important.
Maintenant, si l'on se demande pourquoi
cette scène dans le voisinage de sujets em-
pruntés à la vie de S. Jean-Baptiste, il ne
sera pas besoin d'invoquer des exemples
aussi exceptionnels que la présence à
Chartres et à Reims de la représentation
de Job au milieu de tympans consacrés à la
vie de saints du nouveau Testament.
D'où viennent le rapprochement ou la
substitution fréquente l'un à l'autre des
deux saints Jean dans l'art chrétien ? Il ne
semble pas qu'il soit besoin pour l'expliquer
de très longs commentaires, mais en tout
cas c'est là un fait iconographique des
plus constants. Dans plusieurs monuments
cités par M. Grimouard de St-Laurent (•),
le Précurseur tient au pied de la croix dans
la scène du Jugement la place que nous
sommes plus accoutumés à voir S. Jean
occuper. Cette tradition s'est perpétuée
dans l'iconographie allemande ou plus ou
moins influencée de germanisme et S. Jean-
Baptiste figure avec la Vierge au Jugement
dernier de Reims et à celui de Strasbourg.
Je n'ai pas rencontré cependant au
XI Ile siècle, sauf dans le vitrail de Tours,
un exemple de parallélisme aussi précis {-)
que celui du tympan de Rouen et ce rap-
prochement a pu être dicté par une coïnci-
dence particulière. En effet, s'il ne semble
pas qu'il y ait eu une église ou baptistère
de Saint-Jean comprise dans les construc-
tions de la cathédrale de Rouen, comme il
y avait une paroisse de Saint-Etienne qui
a déterminé l'iconographie du tympan sud,
la nef latérale nord était cependant sous le
patronage tout spécial des deux saints Jean,
car elle contenait et contient encore deux
chapelles du Précurseur et dans chacune
des chapelles, des chapellenies étaient
fondées en l'honneur des deux saints homo-
nymes (3).
Le tympan central de la façade occiden-
tale, remplacé au XVIe siècle, étant très
1. Guide de r Art chrétien. Paris, 1874, in-8°.
2. A la cathédrale de Burgos, une porte dite « Porta-
da de la Pellegeria >, du XVI= siècle, juxtapose aussi le
martyre des deux S. Jean : la décollation de l'un et le sup-
plice de l'huile bouillante pour l'autre.
3. Il est probable que ces chapelles sont postérieures
au tympan dont je m'occupe, mais elles ne font que con-
sacrer le souvenir de traditions anciennes.
i88
3Rrbue tie T^rt tbrétirn.
vraisemblablement dès le XI 11^ consacré, î
comme aujourd'hui, à la sainte Vierge, la
cathédrale de Rouen présentait donc un
portail de Marie accosté à droite et à gau-
che d'un portail Saint-Jean et d'un portail
Saint-Etienne.
Ce que devaient être le charme et la beauté
de cet ensemble, le tympan subsistant de
Saint-Jean (beaucoup plus beau et mieux
conservé que celui de Saint-Etienne) nous
le laisse deviner.
L'école de l'Ile de France, c'est-à-dire ce
qu'il y eut dans la sculpture gothique de
plus aisé et de plus sobre, de plus libre à la
fois et de plus mesuré, s'y reconnaît avec
une nuance spéciale d'affinement et de
Morceaux de sculpture du XHh' siècle provenant de la cathédrale de Rouen actuellement déposés au cliantier.
La figure de droite doit avoir appartenu à la porte principale de la façade O. (Cliché de l'auteur.)
grâce. Une élégance aussi souveraine que
celle du groupe des convives d'Hérode se
rencontre rarement même en plein XI 11^
siècle dans la sculpture monumentale.
La partie supérieure où se trouvent les
adieux de l'apôtre n'est d'ailleurs pas, à
beaucoup près, la meilleure partie de cet
ensemble, au point de vue du dessin et
des proportions. La division en deux regis-
tres semble avoir été tracée un peu impru-
demment et n'avoir pas laissé assez de place
à l'écoinçon. Or l'artiste, ayant logé là toute
une composition importante à multiples
personnages et, chose tout à fait anormale
alors, n'ayant pas placé les figures les plus
grandes au centre, il s'est trouvé gêné par
la courbure de l'arc et les lignes de son
groupe en ont souffert une sorte de con-
trainte.
Toutefois, s'il ne nous a pas donné là un
Cpmpan De porte à la catl)éDrale De IRouen.
189
exemple de cette merveilleuse adresse d'a-
daptation au cadre architectural par où les
Gothiques se sont montrés parfois les
dignes émules des Grecs, on peut dire que
de sa gêne même il s'est fait un moyen
d'expression et qu'il y a quelque chose de
très touchant dans la convergence de tous
les personnages vers le tombeau où se passe
le miracle ; mais il serait difficile d'excuser
le modelé sommaire et les mains énormes
et maladroites des acolytes de S. Jean.
Le nom d'école de l'Ile de France étant
une expression plutôt morale que géogra-
phique, c'est assez loin de Paris qu'il faut
aller, me semble t-il, chercher dans ce qui
nous reste de sculpture du XI 11*= siècle,
des analogies évidentes de style avec le
tympan de Rouen.
Le tympan principal de la cathédrale de
Bourges et celui de la Porte dorée d'Amiens
d'une part, le tympan de la porte St-Sixte
à la cathédrale de Reims d'autre part, ceux-
là avec plus de recherche de mouvement
et d'expression, des draperies plus amples,
celui-ci au contraire d'allure sensiblement
plus froide et avec des plis linéaires plus
maigres, me semblent limiter assez exacte-
ment en avant et en arrière la période où
peut s'inscrire le tympan de Rouen. Au
point de vue du pathétique contenu dans
l'expression et le groupement des figures,
le morceau de l'histoire de Job dans cette
sculpture de Reims me paraît relever du
même sentiment que la scène de la mort
de S. Jean.
Or, on s'accorde assez généralement au-
jourd'hui à placer les portes ci-dessus nom-
mées de Bourges et d'Amiens à la fin du
XI 11^ siècle (environ 1280) et les récents
travaux de M. Déniaisons ont donné la date
de 1240 (') environ au portail Saint-Sixte
de Reims. C'est à peu près au milieu de la
période ainsi circonscrite, entre 1250 et
1260, que pourrait, ce me semble, être placée
la sculpture qui nous occupe ici. Vingt ou
trente ans la sépareraient des premiers tra-
vaux entrepris au portail de la Calende.
Un admirable morceau, malheureusement
unique et très mutilé, une statue de sainte
aux pieds posés sur des nuages, actuelle-
ment déposée au musée du chantier de la
cathédrale, permet d'apprécier la beauté des
travaux exécutés dans cette période. Car
la cathédrale de Rouen a eu la bonne for-
tune de rencontrer à toutes les étapes de
son histoire des sculpteurs soigneux et di-
ligents et si elle ne présente plus de grands
ensembles, les médiocrités y sont aussi
beaucoup plus rares que dans d'autres mo-
numents d'une tenue générale plus impo-
sante et plus complète.
Louise PiLLiON.
I . Louis Déniaisons, La cathédrale de Reims, in-S", Caen,
Delesques, 1902.
è^^*^,^
^
^
' A^T< A^^ \^Î}H »^ )i^^ \^^ af^ \^^ A^^ A^^ \^^ X^^ A^A \^^ \^ry.
JJTlIXIXIIlITIIÏTTILlJIIXIIIXnTXIIIJIIIXTTIIIIIXIIIIIIIITIIIITIÏIIIXlIIlJIIIIIIlIIIIIIiriIIlITIXIIXIXIlIIIIIIirTIIIIIIia^
lies peintures De la chapelle BattiMiéger à
Dotre ï)aine De Beaune, Côte D'or.
fe
TiTTirjxiTrirriiiiJiixiiiiiirxitiiJiroriiiiTiiLiiiiiiriri3iiïiiTi-iJi-iiiiLii3iiiixTiiTiirT[rTiiiirxiiiiiiiiiT
, ^XÔ-^ *;4I-^ *iil-^ ^AI-^ ^;il-^ ^i^-^ ^AÉl^ ^iil-* ^i^^ ^^'f ^;^-^ ^iiî^ *i^-^ ^S'' *i4ï^ .
L a été déjà parlé ici même
de cet ensemble remarqua-
ble, mais d'une manière
très sommaire, et le sujet
mérite qu'on y revienne.
Notre-Dame de Beaune,
« l'insigne collégiale Notre-
Dame», comme on l'appe-
lait officiellement avant 1789, est un bel édifice
du XII* siècle, à trois nefs, avec déambulatoire
autour du sanctuaire, sur lequel s'ouvrent trois
chapelles basses voûtées en cul de four; au-des-
sus de la croisée se creuse une coupole rudimen-
taire. Du point de vue architectural, Notre-Dame
est une fille, — à Beaune on dit volontiers une
sœur, ^ — de Saint-Lazare, la cathédrale d'Autun;
jusqu'à la Révolution, Beaune fit partie du
diocèse d'Autun. Ainsi la grande voûte est à
berceau aigu et le triforium présente des formes
quasi -romaines, plus interprétées, toutefois, qu'à
Autun où la ressemblance avec le chemin de
ronde de la porte, dite d'Arroux, arrive presqu'à
la copie. Le porche jeté en avant du portail prin-
cipal, n'a été ajouté qu'au XI V« siècle; enfin les
XV= et XVI'' ont accolé aux nefs latérales plu-
sieurs chapelles dont la seconde en entrant, au
côté de l'Évangile, dite aussi du grand Christ, à
cause d'un crucifix de grandeur naturelle, mais
peu ancien, qui surmonte l'autel, est, de temps
immémorial, sous le vocable de saint Léger,
évêque d'Autun, mis à mort par l'ordre d'Ebroïn,
sous le règne de Thierry III, en 67S.
Dans l'été de 1901, un membre du Conseil de
fabrique, M. Francisque Mathieu-Faivre, qui est
à la fois un collectionneur de grand goût et un
dessinateur habile, crut distinguer sous le badi-
geon successivement épaissi au cours des âges,
des traces non équivoques d'anciennes peintures
voilées. Et son attention fut d'autant plus excitée,
que la chapelle avait été décorée au XV* siècle,
par Jean Rolin, évêque d'Autun, cardinal au titre
de San Stefano in Cœlio Monte, fils du célèbre
chancelier, et archidiacre de Notre-Dame. En
1470, au moment où se rallumait la guerre entre
Louis XI et Charles le Téméraire, il avait fui
Autun menacé par les troupes royales, et s'était
retiré à Beaune; le chapitre, reconnaissant d'une
fondation de 300 écus d'or faite en l'église, l'ac-
cueillit avec honneur, mit à sa disposition le
logement qui avait été celui de Guigone de
Salins, la deuxième femme du chancelier, et lui
concéda l'usage de la chapelle Saint-Léger. Le
cardinal la fit décorer de peintures où il mit son
portrait, de vitraux à ses armes, et annonça
même qu'il la destinait à sa sépulture, ce qui ne
devait pas s'exécuter. Sa munificence ne s'arrêta
pas là; il contribua à la peinture renouvelée de
la riche imagerie du portail exterminée à la
Révolution, et fit élever le jubé qui eut le même
sort. Enfin il chargea le chapitre de faire exécuter
à ses frais une tenture en tapisserie, la Vie de la
Vierge, destinée à orner le pourtour du sanctuaire
aux grandes solennités ; elle existe encore et
je l'ai décrite dans la Revue de l'Art c/iri'ticn,
igoo, 3* livraison. Toutefois, le projet ne devait
pas se réaliser du vivant de Jean Rolin, mais il
fut repris par l'archidiacre Hugues Le Coq, qui
se servit manifestement àespatrons — les modèles
de ce temps étaient peints sur toile — comman-
dés pour être travaillés en tapisserie. Seulement,
et c'était bien son droit, Hugues Le Coq substitua
son image de donateur et ses armes parlantes
à celles du cardinal.
Des vitraux peints aux armes de Jean Rolin,
il ne subsiste depuis longtemps aucune parcelle;
mais les peintures soupçonnées sous le lait de
chaux n'allaient-elles pas reparaître plus ou
moins dégradées, avec une inscription dédica-
toire ou la signature héraldique du donateur,
peut-être même avec ce portrait que l'on savait
avoir existé ici? « Sera aussy paint mains jointes
« mon dit seigneur le cardinal, ainsi qu'il est au
« tableau de la chapelle Saint-Légier, à Beaune,
« qui a fait ledit maistre feu emprès (') de
I. Emprii de luy, d'après lui, d'après le modèle vivant et présent.
îLe0 peintures tie iJ^otre-SDame De Beaune.
191
« luy et son chapeau de cardinal devant luy » , lit-
on dans le marché fait au nom du chapitre, le 13
septembre 1474. entre Antoine de Salins, doyen,
Antoine Grignard et A. de Salins, chanoines, et
Pierre Spicker (•), peintre pour les patrons des
futures tapisseries. Remarquons bien que le mot
tableau ne se réfère pas nécessairement à une
peinture adventice et mobile, mais se peut très
bien entendre d'une décoration murale.
M. Mathieu-Faivre se mit à l'œuvre et condui-
sit son minutieux travail avec un soin, un res-
pect que l'on ne saurait trop louer; tant de pein-
tures retrouvées sous le badigeon ont souffert de
l'emploi brutal d'un instrument en fer! Les résul-
tats obtenus ont récompensé le patient archéo-
logue, et des traces importantes de la décoration
depuis des siècles abolie, ont reparu au jour, nous
rendant comme une ombre du bel ensemble
commandé par le cardinal et certainement exé-
cuté par un des meilleurs artistes du temps. La
découverte fit quelque bruit, non seulement dans
les journaux bourguignons, mais encore à Paris,
si bien que le lundi 11 septembre 1901, \ç. Jour-
nal des Débats publiait un article signé Raymond
Kœchlin sur les peintures ressuscitées de la cha-
pelle Saint-Léger {f).
Il faut d'abord entendre que celle-ci forme un
carré parfait, avec voûte peu élevée en arcs ogives
reposant sur quatre consoles d'angle, et que la
fenêtre unique à réseau flammé ne remplit pas à
beaucoup près le mur goutterot, ce qui laisse de
côté des espaces vides mais mal éclairés. La
paroi où est l'autel ne présente plus que des traces
de peintures ; toutefois, au moins dans la partie
gauche, — côté de l'Évangile, — le sujet n'est pas
douteux et pourrait être restitué, sinon sur la
muraille, du moins sur le papier, avec une certi-
tude à peu près entière, c'est une Lapidation de
saint Etienne. Richement vêtu en diacre, age-
nouillé, les mains jointes, la tête nimbée rejetée
en arrière, le jeune saint a déjà reçu une pierre,
1. Le nom est écrit eo français, Spicre, comme on le prononçait.
mais c'est évidemment Spicker.
2. M. Mathieu-Faivre a décrit les peintures découvertes par lui,
dans une brochure : Peintures murales de la chapelle Roliii (cha-
pelle Saint-Léger j à l'église collégiale de Beaune, par F, Mathieu^
membre de la Société d' Histoire et d' Archéologie. Extrait des vié-
moires de la Société d'Histoire et d' Archéologie de Beaune, içoz. —
Beaune, imprimerie Arthur Batault, jgo2, in-S» de 12 pages, avec
deu.x planches héliographiques et deux lithographies.
mais prie toujours, c'est le moment suprême où
les cieux s'ouvrent visibles pour le recevoir ; voici
les textes synthétisés par le peintre : Cum antein
esset plenus Spiritii Sancto, intendens in cœluin
vidit gloriam Dei, et Jcsnm stantem a dextris
Dei. Et ait : Ecce video cœlos apertos et Filiuin
hominis stantem a dextris Dei. ACTA APOSTOLO-
RUM, cap. VII, j. 55. — Et ejicientes extra civitatem
lapidabant.... J. 57. Et lapidabant Stêphanvm
invocantem, et dicenteni : Domine Jesu, suscipe
spiritum meum. y. 58. — Positis antem genibiis,
clamavit voce magna, dicens : Domine, ne statiias
illis hoc peccatum. Et qnum hoc dixisset. obdormi-
vit in Domino... J. 59. Malheureusement l'en-
duit est tombé ou a été détruit dans toute la
partie de droite, supprimant l'apparition de la
gloire divine, et même la ligne verticale de sépa-
ration entre ce qui est et ce qui n'est plus, coupe
environ un sixième de la scène terrestre. Derrière
le martyr — dans toutes les représentations de la
lapidation, les bourreaux frappent le jeune diacre
par derrière — se voit debout un des exécuteurs
improvisés; il porte une toque à fleurons dorés,
un vêtement collant mi-partie rouge et bleu
brodé d'or, et se prépare à lancer une grosse
pierre; la physionomie est féroce, l'attitude et le
geste sont bien ceux de l'homme qui veut porter
un coup avec le maximum de sa force. Même
précision dans le mouvement d'un personnage
placé sur le devant et vêtu comme le premier,
qui ramasse une pierre; mais tout en étant recon-
naissable dans son tracé général, cette figure est
fort dégradée.
La composition simple et d'un beau caractère,
ne remplit en hauteur que les deux tiers de
l'arc; au-dessous s'étend un riche parement figuré,
un dossier, comme on disait alors, en drap d'or
damassé avec une bordure feinte d'orfèvrerie
gemmée de pierres précieuses. Il était tenu par
deux anges debout, à longues ailes et en robes
blanches, dont il subsiste entier celui du côté de
l'Évangile; malgré un défaut de régularité dans
les traits, il est fort beau. Enfin, plus bas,
agenouillé et les mains jointes, voici, peint en
petites proportions, un homme d'Église vêtu d'un
manteau noir doublé de rouge, avec capuchon,
et que recouvre une aube blanche; cette figure a
malheureusement souffert et beaucoup dans la
192
3Rcbur Dr r^rt cbvctiru.
partie inférieure. Il est manifeste que nous avons
là, mis à la place d'honneur, un personnage im-
portant: serait-ce le cardinal ? On l'a cru d'abord
et il y avait quelque vraisemblance; sans doute,
pensait-on, le chapeau rouge à glands et le chien
blanc ('), ce compagnon inséparable du prélat, se
voyaient à ses pieds dans la partie détruite. En-
fin, avec un peu de bonne volonté on retrouvait
dans les traits du personnage en prière, cette
vulgarité empâtée et lourde qui apparaît dans
les deux images authentiques et contemporaines
qui nous donnent le portrait de Jean Rolin. C'est
d'abord une précieuse peinture sur bois conser-
vée au palais épiscopal d'Autun, et provenant,
comme la Vierge au donateur du Louvre, de la
cathédrale Saint-Lazare. Vêtu de la capfia
magna écarlate et joignant les mains, son chien
blanc à ses pieds, le cardinal est agenouillé de-
vant l'Enfant Jésus couché dans la crèche, près
de celle-ci sont la Vierge, saint Joseph et deux
anges; derrière, l'âne et le bœuf; au fond, une
palissade où s'appuient du dehors deux bergers;
le portrait est authentiqué par les armes des
Rolin. C'est une œuvre très remarquable de
l'école flamande, mais il ne faut pas prononcer
ici le nom des Van Eyck, puisque Jean Rolin ne
reçut le chapeau que [)lusieurs années après la
mort des deux frères Hubert et Jean Van
Eyck (2).
On doit encore reconnaître le cardinal dans la
miniature initiale d'un beau manuscrit, les Chro-
niques de Haiiiaut, à la Bibliothèque de Bour-
gogne à Bruxelles. Ces Chroniques sont l'œuvre
du franciscain Jehan de Guyse, né à Mons vers
1334, mort à Valenciennes le 6 février 1399, et le
manuscrit original en latin est à la Bibliothèque
nationale de Paris, Fonds Dupuy. Une traduc-
tion française fut exécutée sur l'ordre de Philippe
le Bon par son « escrivain et translateur > Jean
Wauquelin, clerc de Mons, et la commande don-
née par Simon Nockart, clerc du bailliage de
Hainaut, conseiller ordinaire du duc en Brabant.
Cette traduction est en trois volumes in-folio
dont le premier fut terminé en 1446, le deuxième
en 1449 par Jacobin du Bos, le troisième proba-
1. Le cardinal était atteint, paraltil, d'une maladie qui provo-
quait de fréquents et subits vomissements, or le chien était dressé
à on m'entend de reste.
2. Huljert est mort en 1426, Jean en 1440.
blement en 1455. La miniature à pleine page,
mise en tête du premier volume, compte parmi
les chefs-d'œuvre du genre; selon l'usage, on y
voit Philippe le Bon entouré de sa cour, et rece-
vant l'hommage du livre par lui commandé. De-
bout, vêtu de noir, le chaperon chargé d'une
masse de linges plissés et bouffants, le duc a
cette pose de danseur qui paraissait sans doute
aux contemporains le comble de la dignité et de
la grâce, les jambes d'une gracilité invraisem-
blable, encore une des beautés du temps, et les
pieds chaussés de souliers à la poulaine extrava-
gants. .'\ sa gauche, un jeune garçon de quatorze
ans, la Toison d'Or au cou, le bonnet à la main,
engoncé dans de grosses épaules et la tête pen-
chée en avant, se montre dans toute la gaucherie
de l'âge ingrat; c'est le comte de Charolais, le
futur Charles le Téméraire. A la droite du duc,
plusieurs personnages debout; un vieillard en
longue robe, qui est certainement le chancelier
Rolin, a la première place; ensuite vient un grand
et gros bonhomme en rouge, à la figure pleine,
fîasque, et, il n'y a pas en vérité d'autre mot, à la
physionomie de parfaite ganache ofîficielle; c'est
manifestement le cardinal reconnaissable, d'ail-
leurs, à l'inévitable chien blanc couché devant
lui sur le pavé émaillé. Il viendra un temps où
un cardinal n'acceptera pas facilement le second
rang et s'égalera aux princes. A droite, faisant
face au duc, un groupe ds chevaliers de la Toison
d'Or, aux figures graves et rasées (').
Cette miniature est d'une beauté qui l'a fait
attribuer à Rogier Van der Weyden ; il est plus
assuré de la donner à un enlumineur de profes-
sion comme il en existait, et de talent hors ligne,
à la cour de Bourgogne. Peut-être pourrait-on
prononcer le nom de ce Simon Marmion à qui
M. Salomon Reinach attribuerait volontiers les
miniatures du beau manuscrit : Histoire de
France depuis la prise de Troie jusqu'au règne de
Charles V, venu de la Bibliothèque de Bourgogne
à celle de Saint-Pétersbourg. Mais toutes les
hypothèses ne sont (jue des jeux de l'érudition.
I. La miniature ici décrite est reproduite en héliogravure dans le
tome VU I delà Gazelle archéolosi(jue. publiée par MM. J. de Witte,
K. Lenormant et Kobert de Lasteyrie, pour accompagner un bon
article de M. Duclens, mais l'auteur laisse de côté la question de
l'identification des personnages représentés. Il est on ne peut plus
regrettable que cette publication qui honorait l'érudition française,
n'ait pas été continuée.
îles peintures ûe jl^otre 2Daine De Beaune. 193
et tant qu'un document vainqueur n'est pas sorti
de la poussière des archives pour nous livrer un
acte de commande ou de paiement, le plus sage
est d'admirer les belles choses sans se risquer à
prononcer aucun nom.
Une observation pourtant. J'ai dit que le pre-
mier tome des Chroniques avait été achevé en
1446, or l'évêque d'Autun ne fut fait cardinal,
par Nicolas V, que le 13 janvier 1449, à la recom-
mandation de Philippe le Bon ; mais la minia-
ture dédicatoire a pu être ajoutée postérieure-
ment à l'achèvement du corps même du volume.
Quoi qu'il en soit, il est impossible d'admettre
que le clerc représenté dans la peinture de
Beaune, au côté de l'Evangile, soit le cardinal ;
son portrait était au côté de l'Épître, là où l'on
a retrouvé un pan de la cappa magna rouge et le
chien blanc caractéristique; seulement c'est la
seconde place, la première étant incontestable-
ment au côté de l'Évangile. A cet effacement
d'un prince de l'Église, je vois deux raisons pos-
sibles; il se pourrait <jue se considérant dans la
chapelle de la Collégiale comme un simple
dignitaire du chapitre, l'évêque eût cédé la pré-
séance au doyen, ce serait alors Antoine de
Salins dont nous aurions ici l'image agenouillée.
Mais au XV* siècle on subtilisa à outrance sur
toutes choses; on bouleversa l'ordre et la dispo-
sition héraldique des écus armoriés pour en diri-
ger les pièces comme des êtres vivants, soit vers
le centre d'un tableau — ainsi qu'on le voit dans
un des retables de la Chartreuse au musée de
Dijon — soit vers un autel plus ou moins éloigné
ou une image sainte, ce dont Palliot nous donne
des exemples ('); il serait donc possible que l'on
eût considéré comme le lieu d'honneur la partie
de la muraille la plus rapprochée du sanctuaire
et du maître-autel.
Le choix du sujet représenté se rapporte
évidemment au vocable de l'église dont le cardi-
nal, l'évêque d'Autun, était titulaire à Rome, San
Stefano in Cœlio Monte; c'est aussi en souvenir
du titre de son église cathédrale, Saint-Ladre,
comme on dit familièrement dans le diocèse
que l'évêque d'Autun a fait peindre une Résur-
rection de Lazare sur la muraille opposée à l'au-
I. La vraye et parfaite Science des armoiries — MDCLXI i V.
in-fo pp. 289. 290, 291.
tel. Mieux conservée que la Lapidation, incom-
plète cependant, la composition remplit ou plutôt
remplissait l'espace entier inscrit dans l'arc brisé,
et descend même un peu plus bas que les con-
soles d'oij jaillissent les nervures. "Mais le quart,
environ, du sujet manque à la gauche du specta-
teur, une réfection ancienne de la maçonnerie
ayant aboli toute trace de peinture en cette par-
tie, qu'une ligne verticale et nette sépare de ce
qui a été conservé.
Sur le devant, au centre à peu près de la com-
position, Lazare, rappelé à la vie et tourné à
gauche, se soulève d'un sarcophage ouvert en
marbre rougeâtre. La figure a malheureusement
disparu presque en entier, on voit seulement la
partie médiane et nue du corps enveloppé par le
bas dans un linceul blanc dont un pan retombe
en dehors de la cuve; le ressuscité a les mains
jointes, et, penché sur lui, saint Pierre enlève les
dernières bandelettes de l'ensevelissement. Et
statim prodiit qui fiierat inortuiis, ligatus pedes
et inaitits institis, et faciès illins sudario erat
ligata. Dixileis lesus : Solvite en m, et sinite abire.
JOANNES, cap. XI, J. 44. C'est sans doute une
idée subtile et belle d'avoir ainsi confié à celui
qui a reçu le pouvoir de lier et de délier, le soin
de dénouer les liens de la mort ('). Ainsi dans
cet art admirable et vraiment chrétien du moyen
âge, un geste, une attitude, un détail en appa-
rence insignifiant, ont un sens ésotérique et con-
tribuent à l'intensité de l'idée religieuse exprimée.
Ces inspirations-là, les artistes ne les trouvaient
I. Le même détail se rencontre dans la Résurrection de Lazare qui
forme la partie centrale du triptyque de Nicolas Froment d'Avignon,
au musée des Offices, n» 744. Saint Pierre, reconnaissable à sa che-
velure grisonnante, à sa barbe épaisse, à sa calvitie, détaché du
groupe formé par le Christ et ses apôtres, et agenouillé, délie les
mains du ressuscité assis dans son sarcophage ; à gauche sont de-
bout les saintes femmes dont l'une, celle du devant, ramène sur sa
bouche, le long linge pendant qui lui sert de coiffure; à droite, un
seigneur debout fait un geste semblable. La composition, très ras-
semblée, s'inscrit dans une sorte de galerie de style flamboyant et se
détache sur un fond richement damassé. Le triptyque des Offices est
s\gné.V, cola/isFrumenticibsolvil opiis XXoKL" Jui-.ii MCCCCLXI,
il est donc sensiblement contemporain des peintures murales de
Beaune. Nicolas Froment d' .Avignon fut un des peintres du roi
René, et son œuvre capitale, le Buisson ardent, qui est a la cathédrale
d'Aix en Provence, a figuré à l'exposition rétrospective de 1900. Le
triptyque de Florence devrait être dans les salles françaises et non
dans les salles flamandes.
On peut rapprocher des peintures de Beaune, la Risiirreclion de
Lazare, par Gérard de Harlem que Ion voit au Louvre ; la com-
position me semble un peu dispersée, mais le thème principal est
le même, c'est à-dire que le ressuscité surgit d'un sarcophage
à l'antique placé à terre.
194
WitWt De rSrt (brétten*
peut-être pas en eux-mêmes, ils les recevaient du
clergé qui dressait minutieusement le programme
des compositions à exécuter: « L'art seul appar-
tient au peintre, proclame le onzième concile de
Nicée en 7S7, l'ordonnance et la disposition ap-
partiennent aux pères (i). » Il ne faudrait pas
croire, d'ailleurs, que ces raffinements fussent
lettres mortes pour le commun des fidèles; si
toutes ces leçons des choses ne nous sont plus
accessibles que par des commentaires, nos loin-
tains ancêtres du XV'^ siècle les comprenaient
sans peine, et c'est alors que les églises étaient
vraiment et dans toutes leurs parties, de grands
livres ouverts où la peinture, la sculpture, et le
vitrail parlaient aux yeux et à l'âme par les
couleurs et les formes de la vie.
A gauche du sarcophage, vêtu d'une robe rou-
geâtre brodée d'or, la tête légèrement penchée et
ceinte d'une auréole radiée différente du nimbe en
aimeau des saints, le Christ est debout; ses deux
mains à demi tendues et aux doigts rapprochés,
mais dans un autre geste que celui de la prière
humaine, font le signe dominateur qui commande
à la mort et à la vie. Signe très simple, d'ailleurs :
la toute-puissance n'a pas besoin de mouvements
violents pour être obéie ; rappelons-nous celui de
Jéhovah dans les fresques de la création de
l'homme et de la femme au plafond de la Six-
tine. Un peu voilé par le hâle des longs siècles,
le visaP'e divin a une expression très belle de puis-
sance et de douceur. Derrière le Christ, le peintre
avait mis le chœur des douze apôtres, mais il a
disparu eu partie, et c'est une perte à jamais
regrettable. D'abord parce que la lacune détruit
l'équilibre général et atteint même en arrière le
contour du Christ; ensuite, à en juger par les
cinq figures subsistant à droite, ce qui est effacé
devait être de la plus grande beauté. Celui qui
conformément à la tradition iconographique, est
au premier rang, saint Jean, me parait de tous
points admirable; imberbe, et seul des apôtres,
I. J'imagine que lorsque dans la seconde moitié du XV*= siècle,
Filippino Lippi eut à peindre la vie de saint Thomas d'Aquin dans
la chapelle Caraffa, en l'église Notre-Dame de la Minerve, A Rome,
il dut certainement consulter quelque Dominicain du couvent atte-
nant à l'église. Ce sont aussi les lettrés de la Cour pontificale, Ali-
dosi, Benibo, Bibbiena, Casiiglionc, qui ont dû donner au jeune
Raphaël les programmes de ses grandes fresques synthétiques du
Vatican ; la conception et l'ordonnance en sont évidemment au-
dessus de ce que, réduit à ses seules forces, pouvait concevoir im
jeune homme de vingt-cinq ans, ftit-il Raphaël.
même dans l'extrême vieillesse, il sera repré-
senté ainsi ('), la tête chargée d'une épaisse
chevelure, le disciple bien-aimé incline son visage
attentif, non au miracle qui s'accomplit, sa foi
n'a pas besoin de voir, mais au geste du Maître,
tandis que ses mains s'enlacent distraites à la
hauteur de la ceinture. La justesse de l'attitude,
la vérité de la draperie qui, à demi retenue par le
bras droit, se brise en plis d'une noblesse digne
des maîtres florentins, enfin, par-dessus tout, la
grâce sereine du visage appartiennent au grand
art flamand, au grand art tout court.
Le surplus de la paroi, les deux tiers environ,
est rempli de la foule des spectateurs : Judœi
ergo, qui erant cum ea in donio et consolabantur
eam, cum vidissent Mariant quia cito surrexit et
exiit, seciiti sunt eam dicentes : Quia vadit ad
monumentuni, ut ploret ibi. JOANNES, cap. XV,
y. 31. Ici nous sommes en pleine réalité du
XV« siècle, additionnée de couleur naïve-
ment orientale ; toutefois il n'y a aucune dis-
sonance entre les parties, entre le groupe du
Christ et des apôtres qui est traité selon le mode
traditionnel, abstrait, et celui des spectateurs.
L'unité se fait d'abord par l'exécution qui est
partout de la même précision, ensuite par une
recherche égale de la vérité dans les types, plus
idéalisés à gauche, plus réels à droite. Nous
sommes dès longtemps habitués à ce mélange du
sacré avec le profane et, avec Véronèse, par
exemple, l'art des siècles suivants nous en fera
voir bien d'autres.
Douze personnages, dix hommes et deux
femmes, disposés surdeu.x rangs, ceux du second
dominant de beaucoup ceux du premier, assistent
paisibles au miracle accompli ; la plupart dans
une attitude assez indifférente, quelques-uns ne
regardent pas ou même détournent la tête. Sans
doute le peintre a eu la bonne intention de leur
faire prendre part à l'événement mais sans réussir
à les unir dans un sentiment commun et actif.
Ainsi, à droite, un gros Turc, rasé et à turban,
I. L'art byzantin représente saint Jean yieux avec une longue
barbe, mais l'iconographie occidentale le laisse plus volontiers im-
berbe, même à la fin de sa longue vie. Toutefois la règle fléchit plus
tard; aux piliers qui soutiennent la coupole de Saint-Pierre de
Rome, le saint Jean en mosaïque est un vieillard barbu comme les
trois autres ICvangélistes. Il est vrai que le cavalier d'Arpin — 1560-
1640 — n'est une grande autorité ni en art, ni en iconographie. Saint
Jean est représenté de niôine dans les mosaïques récentes de la
chapelle sépulcrale de Pie IX, à Saint-Laurent-liors-les-Murs.
îLe0 peintures de iBotre-SDame De Beaune. 195
fait placidement face au spectateur ; la main
gauche passée dans sa ceinture il esquisse de la
droite un geste imprécis; en vérité, l'idée générale
fait absolument défaut. Du reste, toutes ces fi-
gures semblent étudiées sur la vie même, ce sont
des portraits où nous retrouvons les types fami-
liers à l'art septentrional du temps, mais le
peintre lésa pris comme ils s'offraient à lui et
sans parvenir à les incorporer à l'action. Tout de
même, cette naïveté, cette gaucherie, si l'on veut,
ont un charme attirant de réalisme ingénu, et
valent cent fois mieux que le pathétique con-
ventionnel, gesticulant de l'âge dit classique.
Les costumes ne sont pas moins intéressants ;
voici des bonnets de feutre coniques comme
on en voit dans maints portraits du XV° siècle,
le prétendu Charles le Téméraire à la flèche ('),
du musée de Bruxelles, par exemple. Un per-
sonnage du second rang, il regarde celui-là, porte
le chapeau à grands rebords retroussés, la coiffure
des Juifs en ce temps, celle du prophète Zacharie
dans la statue du monument dit le Puits de
Moïse ou des Prophètes, à l'ancienne chartreuse
de Dijon. Seuls, au premier plan, un homme et
deux femmes ont un rôle de spectateurs actifs
dans le drame divin ; une grosse commère, vue
de face, à coiffure faite de linges compliqués,
suppute sur ses doigts la durée de l'ensevelisse-
ment : Et invenit eiim quatuor dies,javi in inonii-
mento habentem. JOANNES, cap. XI, y. 17. Plus
rapprochée du sépulcre, une autre femme, vêtue
d'un riche damas à grands rinceaux comme on
les aimait alors, la tête abritée sous un capuchon
faisant pèlerine, se détourne, la main étendue,
comme pour écarter la vision de mort et se
bouche le nez. Cette figure à peu près sacramen-
telle dans la représentation de la scène de
Béthanie exprime le : Dicit ei Martlia soror ejiis
qui mortuus fiierat : Domine, jam fœtet, quatri-
duanus est enim. JOANNES, cap. XI, J. 39 Un
personnage en longue dalmatique de drap d'or
ramage de fleurs bleues et coiffé d'amples
linges faisant couvre-nuque, la rassure en lui
I. La comparaison de l'homme à la flèche avec le grand
liâurd Antoine de Bourgogne, dont le portrait est à Chantilly,
m'a toujours fait penser que les deux panneau.'c représentent le
même personnage seulement plus jeune dans celui de Bruxelles.
Quant au Téméraire, son image la plus authentique me parait
être le portrait de Berlin, qui est attribué selon toutes vraisem-
blances à Rogier Van der Weyden.
montrant le miracle déjà accompli. Ces deux
femmes sont assurément Marthe et Marie, les
deux sœurs du miraculé, mais, dans la première
surtout, le peintre s'est montré plus réaliste qu'il
n'était nécessaire pour être vrai.
Comme dans les tapisseries du temps et les
aimables peintures de la première Renaissance
italienne, le terrain est fait de gazon semé de
fleurettes ; selon une coutume très en faveur chez
les Juifs, le tombeau de Lazare se trouvait dans
un jardin, mais c'était une grotte creusée dans le
roc et fermée par une énorme pierre s'encadrant
dans la feuillure de l'entrée, non, il est à peine
nécessaire de le dire, un sarcophage isolé et
factice à la mode païenne. Ainsi sera le sépulcre
neuf où bien peu de semaines après la scène
de Béthanie, Joseph d'Arimathie déposera le
corps du Christ. En arrière et en haut, sans le
moindre souci de la perspective, se profile une
ville toute hérissée de tours et de hautes toitures ;
le chemin qui y conduit passe par une coupure
de la première enceinte crénelée, la fausse braie,
et ondule vers la seconde porte ouverte entre
deux tours rondes à faîtes aigus. Quelle est cette
ville représentée, bien entendu, semblable à une
forteresse du XV^ siècle occidental? Serait-ce
Jérusalem? Ce n'est pas impossible. Toutefois
la ville sainte était éloignée de quinze stades,
c'est-à-dire de plus de deux kilomètres et demi
de Béthanie ('), — JOANNES, cap. XI, jr. 18, où
habitait la famille de Lazare. Or la forteresse ici
figurée semble toute proche. A la vérité étant
données les libertés extraordinaires que l'on
prenait alors avec la perspective, l'objection a
très peu de valeur. Mais en voici une autre et
qui me paraît plus sérieuse. Lorsque l'on repré-
sentait Jérusalem, on ne manquait jamais de
mettre en évidence le Temple de Salomon ou
plutôt celui d'Hérode. Et en un temps où l'on
n'était pas assez savant pour faire de l'archéo-
logie, où l'on prenait en tout les choses du passé
pour identiques à celles du présent, une confusion
naïve s'était opérée entre le Temple juif et
la mosquée qui lui a succédé sur la terrasse
salomonique. Ainsi l'on représentait la Jérusalem
I. Béthanie est aujourd'hui El Azarijeh, nom qui rappelle certai-
nement celui de Lazare. C'est une bourgade située à l'Est de
Jérusalem et par conséquent du côté où s'élève la haute terrasse qui
porte la mosquée d'Omar et domine sur tous les environs.
196
ÎRrbut tie V^xt cbrcttcn.
des Évangiles comme une de ces villes à cou-
poles que décrivaient ou dessinaient les voyageurs
et les pèlerins. Si bien que l'on représentait volon-
tiers le nouveau Temple aux longues lignes ro-
maines, en lui donnant les formes plus ou moins 1
interprétées de l'édifice élevé en 6^J par le Kalife
Omar. On en a la preuve dans maints tableaux
de la fin du XV'= siècle ou des premières années
du XVI'=, particulièrement dans les deux Afa-
riages de la Vierge, peints, l'un par le Pérugin —
le tableau se trouve aujourd'hui au musée de
Caen — et l'autre exécuté par Raphaël en 1504
pour l'église San Francesco de Citta di Castello,
et qui appartient maintenant au musée Brera,
de Milan, une imitation, une adaptation, si l'on
veut, mais très supérieure de l'œuvre pérugi-
nesque. Eh bien ! l'un et l'autre, le jeune Raphaël
de 21 ans, comme son vieux maître qui en avait
58, ont représenté le Temple sous la forme d'un
édifice à coupole et à pans, octogonal chez le
Pérugin, polygonal chez Raphaël, traduction en
style italien de la mosquée d'Omar dont on con-
naissait par les récits la structure générale. La
même représentation se rencontre dans la fresque
du Pérugin, à la chapelle Sixtine, Le Chnst
remettant les clefs à saint Pierre. Et comme nous
n'avons rien de semblable dans la peinture de
Beaune, j'en conclus que le peintre a voulu repré-
senter non Jérusalem mais Béthanie, qui dans
l'évangile, JOANNES, cap. XI, J. i et 2, est qua-
lifiée de castelhim, un mot que, vivant dans un
pays hérissé de forteresses, il aura pris dans un
sens féodal et militaire.
Mais cette ville forte du XV*^ siècle français ou
flamand, est elle une image réelle ou une fan-
taisie de l'artiste? Dans une première et rapide
étude, je m'étais demandé si nous n'aurions pas
ici une vue plus ou moins arrangée d'Autun, la
ville épiscopale de Jean Rolin, ou de Beaune. Et
j'invoquais entre maints exemples, la vue du
vieux Louvre de Philippe-Auguste et de Charles
V qui fait le fond du tableau dans le beau
Calvaire, honneur du Palais de Justice, à Paris,
à peu près contemporain des peintures de
Beaune, et les miniatures des Heures de Jean,
duc de Berry, à la bibliothèque du châttau de
Chantilly. Un examen plus attentif m'a fait é-
carter cette hypothèse comme très insuffisam-
ment fondée. Tout au plus, à gauche, dans ce
clocher carré surinonté d'une haute pyramide à
pentes rapides, pourrait-on reconnaître «l'insigne
collégiale » elle-même ('). Mais l'analogie est
d'autant plus fugitive qu'au XV» siècle, Beaune
n'était pas la ville forte en double enceinte que
l'on voit ici.
Les ors mis où il fallait et qui ont reparu
vibrants et chauds parmi les couleurs assoupies,
donnent une richesse d'émail à cet ensemble, qui,
selon les lois de la décoration, vêt la muraille sans
y ouvrir des perspectives. Ces lois, les artistes du
moyen âge les pratiquaient d'instinct et aussi
par l'effet d'une heureuse ignorance ; en vérité ces
naïfs pourraient donner aux plus savants des
leçons de ce que doit être la peinture appliquée
aux monuments. Mais dès le début du XVI« (2)
siècle l'emploi de l'or fut jugé barbare ; appli-
qué aux tableaux, il peut être condamné parce
qu'il met le trompe-l'œil à la place de l'image. Et
cependant, oh ! la vanité des jugements absolus
dans les arts ! que de quattro-centistes italiens ou
flamands se sont servis heureusement de l'or pour
donner à leurs œuvres, fresques ou tableaux de
chevalet, comme à des miniatures amplifiées, un
charme et une beauté de plus ! Je pense en écri-
vant ceci, à maint Fra Angelico, 1387-1455, à
cette Adoration des Mages de Gentile da Fa-
briano, — 1360- 1440, — que l'on voit à l'Aca-
démie des Beaux-Arts à Florence, et aussi
à tant d'œuvres flamandes semblables à de
grands émaux largement rehaussés d'or, telles
que les peintures extérieuresde MelchiorBroeder-
lam, — fin du XIV"^ siècle — au grand retable
de bois sculpté et doré qui de la chartreuse de
Champmoi a passé au musée de Dijon. J'estime
donc que l'emploi de l'or se justifie très bien
quand il s'allie, et c'est le cas des primitifs, à la
1. La grosse coupole à quatre pans et surmontée d'un lanternon,
que l'on voit aujourd'hui couronnant les tours de la croisée, date
seulement du XVI I« siècle.
2. Il y a encore quelques touches d'or dans la Thiologie, dite mal
à propos la Dispute du Sai nt-Sacrement ^ la première des grandes
fresques peintes par Raphaël au Vatican, de 1508 à 1511. Mais
quand, le 31 octobre 1512, apparut pour la première fois entièrement
découverte la voiite de la chapelle Sixtine. plusieurs, même, dit-on,
le Pape Jules II, reprochèrent à Michel-Ange d'avoir dédaigné de
rehausser d'or les vêtements de ses personnages. « Sainteté, répondit
rudement l'artiste, j'ai peint là de pauvres gens qui n'avaient point
d'or sur leurs habits ï>. Il se rencontre cependant quelques applica-
tions d'or sur des balustres figurées.
îlc0 peintures de iJ^otre-SDame De îdeaune. 197
finesse quasi orfévrée du travail et à la solidité
émaillée de la couleur. Mais pour produire tout
son effet décoratif, l'emploi doit être loyal, c'est-
à-dire qu'il faut ici, comme dans les miniatures,
de l'or appliqué à l'état de métal en feuilles bruni
et ciselé, non une couleur délayée au pinceau.
Il ne faudrait pas évoquer devant la muraille
peinte de la chapelle Saint-Léger certains sou-
venirs du grand art chrétien, entre autres celui
de cette Résurrection de Lazare, une des plus
saisissantes dans la série des fresques dont, vers
1302, le jeune Giotto, — il avait alors vingt-six
ans, — couvrit les murs de la petite église Santa
Maria del Arena à Padoue, peut-être le plus bel
ensemble de peinture religieuse du XIV'= siècle
en Italie. Rien dans la composition que je me
suis efforcé de décrire n'égale l'apparition formi-
dable et bien hébraïque de ce corps que Giotto
nous montre étroitement serré, comme une mo-
mie vivante, dans un léseau de bandelettes
entrelacées. La même formule se retrouve dans
une des plus anciennes mosaïques de Ravenne, et
je l'ai rencontrée dans les catacombes romaines.
Mais Giotto appartient encore à i'art chrétien
primitif; si le sentiment moderne de la vie et de
la forme s'éveille déjà en lui, le contemporain de
Dante conserve encore quelque chose de cette
gravité terrifiante empreinte dans les grandes
mosaïques comme le Jugement dernier ou plu-
tôt V Apocalypse de la cathédrale de Torcello,
dans la lagune vénitienne. Toutefois, dès la fin du
XIV« siècle, l'art religieux se fait plus intime,
moins distant, les détails familiers y apparaissent
et mettent la vie actuelle parmi les « ystoires >
de l'Évangile et de la vie des Saints. Dans les
peintures de Broederlam, au musée de Dijon, le
sujet de la Fuite en Egypte monUe saint Joseph
marchant à pied devant l'âne blanc qui porte la
Vierge et l'Enfant, et il soutient ses forces en bu-
vant à même d'un petit baril dont le jet tombe de
haut dans sa bouche. Ces familiarités aimables
se rencontrent surtout dans l'art flamand éclos
dans un pays de vie intérieure, tandis que l'Italie
est vouée par son climat et ses traditions à
la vie du dehors qui implique nécessairement
plus de gravité oratoire ; il y a toujours eu en
Italie du romain et du païen, aussi l'art y a-t-il le
plus souvent offert moins des choses vraies que
de belles formes et de beaux assemblages de
couleurs. C'est pourquoi dès le commencement
du XVI^ siècle, après les premières œuvres de
Raphaël, les écoles italiennes tombent-elles vite
dans cette noblesse convenue, admirable encore
parce qu'elle demeure personnelle et humaine
dans les cartons de Hampton Court, mais qui
dégénérera vite en procédés de professeurs et en
formules académiques avec les maîtres bolonnais
et les décorateurs faciles de la décadence.
Et pendant que l'art italien se tourne en
rhétorique, celui du Nord poursuit son évolution
dans le sens de la vérité et ce sera alors cette in-
comparable floraison de l'art intime des maîtres
hollandais qui remplit le XVI I'' siècle, tandis que
l'Italie en est réduite après le Dominiquin, les
Carrache et le Guide, à Pierre de Cortone, à
Carlo Maratta et à Luca Giordano.
Cependant cette note d'intimité familière n'est
pas absente de la peinture italienne duXV* siècle,
mais elle y est l'accident et Florence va de plus
en plus donner sur l'écueil des anatomies à
outrance où, après Luca Signorelli, risquera de se
perdre Michel-Ange lui-même. En même temps
les Florentins goûtent beaucoup les œuvres fla-
mandes contemporaines ; il leur en venait des
ateliers lointains de Bruges, de Gand, de Bru-
xelles, d'Anvers, et les artistes en apportaient
eux-mêmes ou les peignaient sur place dans les
villes où ils s'arrêtaient bien fêtés au cours de ces
voyages d'outre-monts qui commençaient d'être
comme des pèlerinages obligés aux sanctuaires
du beau antique. Rogier Van der Weyden, Mem-
ling, Hugo Van der Goes, connurent l'Italie et
Florence se plut à leurs œuvres par des motifs
assez semblables à ceux qui nous passionnent
aujourd'hui pour les primitifs ; cet exotisme sa-
voureux, les Flandres étaient alors aussi dis-
tantes que le sont pour nous le Japon et la Chine,
cette naïveté à la fois un peu appuyée et subtile
contrastait avec le raffinement florentin, comme
ils aiguillonnent aujourd'hui notre imagination
et notre vision blasées. L'homme se laisse prendre
surtout par les qualités qui lui manquent le plus.
Aussi les œuvres flamandes et allemandes sont-
elles nombreuses à Florence, plus même qu'en
France si proche pourtant, et si profondément
pénétrée par le génie artistique des Pays-lîas.
REVUE DE l'aijT CHKÉTIHN.
1904. — i""^ LIVB.MàûN.
198
BeDuc t)c ravt cbrcticu
J'en reviens à la chapelle Saint-Léger et de
chaque côté de la fenêtre qui a récemment reçu
un vitrail en grisaille, une des dernières œuvres
d'Edouard Didron, je rencontre peinte debout
une figure de femme, sainte Marthe à gauche, !
sainte Madeleine à droite ; chacune a son nom
écrit en caractères gothiques à la hauteur de la
tête. Ici encore le choix des deux personnages
n'est pas arbitraire, puisque Marthe était la
sœur de Lazare et Marie-Madeleine peut-être de
sa famille. Même dans leur intégrité elles n'ont
jamais été très visibles, surtout quand la baie
était remplie par un vitrail à toute coloration.
C'est que nos lointains ancêtres avaient des
yeux de chats et trouvaient suffisantes des clar-
tés naturelles ou artificielles qui nous paraîtraient
à nous des ténèbres visibles. Ainsi les églises
d'Italie présentent des figures à peine distinctes I
pour nous, mais qui l'étaient parfaitement pour
les hommes du XV^ siècle; au palais Médicis,
plus tard dit palais Riccardi, Benozzo Gozzoli
a orné de fresques excellentes et d'une conserva-
tion parfaite, les murs d'un petit oratoire éclairé
par une baie étroite, et dont certaines parties ne
peuvent être vues qu'à la clarté d'une bougie.
De la sainte Marthe, très dégradée, il ne subsiste
que des traces, suffisantes toutefois à nous en
faire reconnaître la beauté ruinée. On distingue
la tête à la coiffure de linges plissés, les mains
qui tiennent un bénitier et une palme, le monstre
enfin, la tarasque foulée sous le pied victorieux
de la sainte; le fond est en montagnes de formes
bizarres. C'était le goût du temps ; rappelons-
nous le paysage tourmenté que Léonard de Vinci
K donné pour fond à Va Joconde.
Mieux conservée est la sainte Madeleine et de
l'avis de tous, elle doit être considérée comme
une des plus belles choses que l'art médiéval ait
laissées en Bourgogne; le vêtement est fort riche,
un manteau bleu brodé d'or recouvre une robe à
fleurs d'or qui tombe cannelée pour s'amonceler
en beaux plis cassés autour des pieds ; la main
droite porte le vase à parfums, la gauche le livre
ouvert, les deux caractéristiques de la sainte. La
tête, un peu penchée sur sa droite, — les deux
figurassent tournées vers la fenêtre où était sans
doute peint un Christ ou une Vierge — montre
sous une abondante chevelure crespelée ruisse-
lant sur les épaules un pur et doux visage, plus
français, semblet-il, que flamand. On remarquera
que la robe ouverte en carré laisse voir le cou et
même un peu de la poitrine ; dans le fond, une
montagne abrupte portant un château à quatre
tours. Cette figure, la perle de toute cette déco-
ration, peut soutenir la comparaison avec les
plus belles du même temps et du même art.
La triple moulure creuse qui enserre la fenêtre
est peinte dans le style des bordures prodiguées
par les enlumineurs contemporains aux marges
de leurs manuscrits ornés. Dans la première
gorge, sur un fond de ce pourpre à la fois chaud et
sombre propre au XV'= siècle, montent de souples
rinceaux entremêlés de phylactères où se lit la
devise du cardinal : Deunt time ; dans l'azur pro-
fond de la seconde ce sont des feuillages de chêne
d'un vert éclatant et doux, à grosses fleurs retom-
bantes bleues à pistils d'or ; ici nous rencontrons
encore la signature du cardinal, non plus sa devise
mais ses armes : Écartelé an i et ^ d'azur à trois
clefs d'or mises en pal le panneton en haut, qui est
de Rolin, aiix 2 etj d'or à une bande d'azur char-
gée d'une molette d'argent, qui est de Delandes.
Ensuite ce sont deux hommes sauvages brandis-
sant des massues et portant les mêmes armes
dont ils sont très probablement les tenants.
La voûte est d'azur semé d'étoiles d'or, les
nervures sont aux mêmes couleurs, celles du car-
dinal ; rien, en effet, dans ces décorations n'était
laissé au hasard et à la fantaisie de l'artiste. En-
fin, en face de la fenêtre, dans l'espace demeuré
libre entre le formeret primitif et l'arc d'entrée
percé au XV" siècle, des vestiges de peintures
montrent des châteaux forts dans un paysage.
Peut-être même la décoration débordait-elle de
la chapelle ; en effet, dans la travée correspon-
dante du bas-côté, autour de la clé de voûte, on
croit distinguer, combien vagues, à vrai dire !
les contoms d'une Annonciation dont le style
paraît contemporain de la décoration décrite.
L'auteur tle la décoration commandée par Jean
Rolin est et demeurera peut-être à jamais in-
connu ; on a noté que dans le marché pour les
tapisseries a été laissé en blanc le nom de l'ar-
tiste déjà mort. Mais Dijon et la Bourgogne ne
manquaient pas alors de peintres flamands ou
élèves des Flamands, qui continuaient la tradi-
iLe0 peintures îie #otre'2Dame de Beauiie.
199
tion des vieux maîtres de la Chartreuse, de Mel-
chior IVoederlam, de Jehan de Beaumetz, de
Jehan Malwell, de Henry Bellechose. De cette
seconde école dijonnaise on connaît quelques
noms de tournure plutôt française, Raoul Pi-
cornet, Adam de Montpointet, Jehan Change-
rut, un pur nom dijonnais, Pestinien, André du
Mont ; quant à Guillaume Spicker ce fut surtout
un verrier. Toutefois on ne donne pas ici une
énumération où choisir. Quoi qu'il en soit, celui
qui a composé et exécuté l'ensemble décrit dans
ces pages, était un maître ; et il ne s'agit pas ici
d'improvisations, ni de décors brossés rapidement
pour l'effet sans souci des détails, mais d'une
œuvre très étudiée où la science du dessin
s'unit à la recherche de la vérité dans les ty-
pes pris sur le réel ou idéalisés. Enfin les parties
ornementales sont délicates comme des minia-
tures agrandies ; partout l'exécution présente
cette finesse appliquée dont le secret se perd au
seuil du XVI'^ siècle alors qu'apparaîtra dans
l'art le style oratoire. Et il y en aura pour long-
temps.
Quel sera le sort des peintures de Beaune?
Bien entendu, il ne saurait être question de les
cacher sous un nouveau voile de badigeon,
cette fois ce serait pour toujours. La question
est donc de savoir si on les conservera telles
quelles ou si l'on tentera de les restaurer ; mais
ici se manifeste cette opposition de vues que j'ai
eu souvent l'occasion de constater et avec regret.
Les archéologues voient volontiers dans les édi-
fices religieux de grands objets d'art servant
surtout à être beaux, et c'est ainsi que la Com-
mission des Monuments historiques a pu être
accusée souvent de sacrifier à l'esprit de géomé-
trie, les convenances les plus essentielles du culte.
Il faut bien reconnaître pourtant que les églises
sont avant tout des édifices d'usage, et j'ajoute
que cet usage étant leur vie morale est insépa-
rable de leur beauté. D'autre part le clergé, avou-
ons-le, a une certaine tendance à tenir un compte
insuffisant de la valeur esthétique des monuments
et de leur parure adventice ; après tout il est ex-
cusable de vouloir qu'une église se présente dans
des conditions de dignité, peu compatibles, se-
lon lui, avec un état de délabrement et de ruine
partielle. Ce sont là deux points de vue opposés.
deux conceptions du devoir, respectables l'une et
l'autre, entre lesquelles avec un peu de bonne vo-
lonté, on pourrait ne pas faire de choix exclusif.
Et tout bien considéré, malgré l'état ruineux des
peintures récemment mises au jour, j'estime qu'a-
vant d'y toucher on fera bien d'y regarder à
deux fois ; vraiment, il y aurait trop à faire. Dans
le Martyre de S. Etienne, plus d'une moitié de la
composition manque absolument, et l'autre
n'existe qu'à l'état d'indications. Moins malades,
les deux figures de saintes devraient être resti-
tuées dans une large mesure ; pour un bon tiers
la ste Madeleine, pour un peu plus la ste Marthe.
Enfin dans la Résurrection de Lazare, tout un
pan fait défaut à gauche et il faudrait refaire à
peu près en entier la figure du ressuscité. Ce sont
là des responsabilités que ne consentira sans
doute jamais à assumer la Commission des
Monuments historiques, et on ne l'en saurait blâ-
mer. Il est donc probable que, à part un léger
travail de consolidation et de raccord, les pein-
tures de Beaune demeureront dans l'état où les
ont mises le temps et les hommes.
En fait, elles ne sont pas plus dégradées que
celles de maintes églises d'Italie ; celle-ci, en
effet, n'a pas épargné non plus la riche parure
murale dont les siècles avaient vêtu ses monu-
ments religieux. Nombre de fresques disparurent
sous le badigeon, soit parce que dans les temps
de peste on employait le lait de chaux dans un
but d'assainissement général ('), soit aux siècles
dits classiques, par mépris de ces œuvres jugées
barbares. De nos jours encore, à Florence, ont
reparu des peintures dont la mémoire même
s'était perdue, celles de Giotto, à Santa Croce,
ne furent dévoilées qu'en 1858; la Cê«^ d'Andréa
del Castagno, faussement attribuée d'abord à
Raphaël, à l'ancien couvent San Onofrio, avait
été mise au jour dès 1843. Je ne parle pas de cer-
taines destructions plus qu'imbéciles perpétrées
au Campo Santo de Pise et ailleurs, pour infixer
dans les murailles de gros tombeaux de style
classique. Toutefois, le procédé de la fresque
étant une incorporation de la couleur à l'enduit
I. C'est ce que l'on fit à 'Vérone à l'occasion de la peste de
1690, notamment dans l'église San Giorgio dont les décorations
remontaient au XIV'^ siècle. Exemple cité par M, Gerspach dans
ses savantes études sur l'art florentin publiées dans la Revue de
t Art chrétien.
même, conserve mieux les compositions enseve-
lies sous le badigeon que celui qui est employé
dans le Nord et consiste en une simple applica-
tion d'une couche colorée sur les surfaces sèches.
Je terminerai cette étude par quelques mots
de biographie : Jean Rolin était le troisième en-
fant de Nicolas Rolin, chancelier de Bourgogne,
et de sa première femme, Marie, fille de Ber-
thold Delandes, valet de chambre du Roi, géné-
ral des monnaies de France, et de Philippe Cul-
doé. Le légiste, fils d'un bourgeois d'Autun, qui
sera fait chancelier de Bourgogne en 1422 en
remplacement de Jean de Thoisy, et deviendra
ainsi le premier personnage des États bourgui-
gnons après le duc, était déjà assez avancé dans
la carrière des honneurs pour avoir contracté
un mariage relativement considérable. Jean, le
troisième enfant de Nicolas Rolin, eut pour par-
rain le duc Jean sans Peur et naquit probablement
en 1408. Étant fait d'Église, il fut à vingt-deux
ans chanoine et archidiacre d'Autun, évéque de
Châlon sur Saône le 7 septembre 1431, d'Autun
en octobre 1434, ce qui lui donnait le premier
rang après l'archevêque dans l'archidiocèse de
Lyon, et le droit de porter le pa//ium, conféré en
599 par le pape S. Grégoire à 1 evèque S. Syagre.
En 1443, par le privilège de son siège, il est
administrateur du diocèse de Lyon après la mort
d'Amédée de Talaru, pendant la minorité de
Charles de Bourgogne, et se fait représenter à
Lyon par son vicaire général Barthélémy du
Fresne. Le 13 janvier 1449, le pape Nicolas V le
fait cardinal sur la recommandation de Philippe
le Bon. Il se montra du reste aussi avide de
richesses que son père et cumula force bénéfices,
abbayes et autres ; de plus, comme beaucoup
de membres du haut clergé contemporain, ses
mœurs n'étaient pas fort bonnes. Mais il avait cet
esprit public qui réparait bien des choses, et
faisait à tout prendre un noble usage de ses
revenus; son église cathédrale ayant été ravagée
par un incendie allumé par la foudre le 17 sep-
tembre 1465, il la fit réparer et Saint-Lazare lui
doit son chœur ogival et la belle flèche de pierre
fleurie aux arêtes de choux ciselés, qui surmonte
à la croisée les graves maçonneries du XII^ siècle.
Elle remplace l'aiguille de charpente et de plomb
détruite par le feu. Jean Rolin donna aussi la
grosse cloche, les quatres colonnes de cuivre en-
tourant le maitre-autel, et l'aigle ou lutrin du
chœur. A Paris, il reconstruit la salle capitulaire
des Carmélites de la place Haubert ; il fonde
des offices dans maintes églises, notamment à la
Sainte-Chapelle de Dijon, à Sainte-Geneviève
de Paris et on a vu qu'il se montra très libéral
envers le chapitre et l'église de Beaune. Cela
n'empêcha pas le premier de poursuivre en cour
de Rome l'exemption pour la collégiale de la
juridiction épiscopale, et il y fut aidé par
Louis XI qui détestait dans les Rolin les an-
ciens et bons serviteurs des ducs nationaux.
Ainsi cette fois la haine parla plus haut chez
le roi que l'intérêt politique. Mais le cardinal,
un assez pauvre homme, disons-le, mourut à Gra-
vant, près d'Aiixerre, en revenant de Paris dans
son diocèse, le 10 des calendes de juillet, 22 juin
1483, sans avoir eu connaissance de l'acte ponti-
fical qui soustrayait à l'autorité de sa crosse la
plus riche collégiale de son diocèse. Le corps fut
ramené à Autun et solennellement inhumé dans
la cathédrale, à la gauche de l'autel principal,
c'est-à-diie au côté de l'Évangile. Le tombeau
qui était une œuvre d'art remarquable, a été
détruit à la Révolution.
Henri Chabeuk.
A^X \^^ xf^ \^fU A^ Ji^y^ i^^ X^^ i^*U i^^ *^^ Ai^^ i^^ i^^ i^^
LXiximî [1 n I iT rinrTTT-\ ttcxti i r
Djnxixicitiiii-iJTrTxixi
|5
Description De la porte occtîientale tie l'ancienne
catUrîirale Haint Vincent ht Berne (Huissc).
M^*£i^ "^s^ *i^ ^^ô^ ri*î-^ *i^^ -"iô^ *iii^ ^^^ ^s^ *iô^ *x^ *^^ *(<^ ^èrf
Gcncralitcs
I
J^^^IIXITXXXX»ÏTXT3JirXIIyT-rTTTT-r':T'rT^rT"»TTTlTT rTTTTTTTyTTTTTTTTTTTTTlIiyfTTITI miIIlITm
OUT le monde a vu
Berne, la ville pittores-
que par excellence ; pas
un touriste qui n'ait ad-
miré la tour de l'hor-
loge, les amusantes fon-
taines, les ours histori-
ques, et contemplé longuement à l'horizon
le panorama des Alpes neigeuses ; quel-
ques-uns ont peut-être même visité l'église
St-Vincent ; mais, à part les architectes et
les archéologues, combien peu ont examiné
comme il le mérite le portail de ce vieux
monument et se sont rendu compte du chef-
d'œuvre qu'ils avaient sous les yeux ?
Et pourtant quelle jouissance ne trouve-
rait pas tout artiste, tout voyageur même,
si, secouant cette indifférence, il examinait
en détail cette curieuse page de pierre ! —
C'est ce que, dans cette analyse, nous allons
essayer de faire comprendre.
On peut comparer à certains égards le
portail de St-Vincent de Berne à celui de
l'église de Thann, élevé vers la même
époque ('): ainsi tous deux présentent la
particularité très rare que les baies de la
porte, séparées par le trumeau, ne sont pas
carrées (-) : elles sont chacune limitées
i.La première pierre de St-Thibault de Thann fut pos^e
en 1331 ; mais, si l'on considère que la célèbre flèche de
celte église ne fut commencée qu'en 1430, on peut penser
que la construction de la façade n'a été antérieure que de
peu d'années à celle du portail de Berne.
1. Plus exactement, les baies de la porte de Thann sont
carrées, mais encadrées chacune d'une ogive ; le tympan
qui les surmonte n'étant que la conséquence de cette for-
me ogivale, on peut dire, dans un certain sens, que ces
baies ne sont pas du type carré.
supérieurement à Thann par une ogive, à
Berne par une ligne brisée bizarre mais non
sans grâce ; le trumeau présente aux deux
églises la même disposition très particulière
de trois statues, dont celle du centre plus
élevée que les deux autres ('). - A un au-
tre point de vue, la multitude des person-
nages, leur exiguïté, leur fourmillement,
pourrait-on dire, sont les mêmes dans les
deux édifices. — C'est pourquoi, si l'on
considère la proximité des deux villes, leurs
rapports fréquents au moyen âge (à une
certaine époque, Mulhouse, voisine de
Thann, fit partie de la ligue des cantons
suisses), on peut se demander si les artistes
qui ont construit et sculpté la porte de Ber-
ne ne se sont pas inspirés à certains égards
de celle de Thann.
Bistoriquc.
AUX pieds des statues qui ornent le
trumeau de cette porte, se déroule
une large banderole tenue par deux figuri-
nes et dont l'inscription (K de notre cro-
quis), en vieil allemand, comme toutes
celles que nous allons avoir à examiner,
nous donne l'acte de naissance de la cathé-
drale :
in dem iar der geburt
christi mccccxxi an dem xi
tag merczen ward der erste
stein geleit an dieser kilchen
c'est-à-dire : « En l'an 142 1 delà naissance
du Christ, le onzième jour de mars, a été
posée la première pierre de cette église. »
I. Cette disposition, très rare aux portes gothiques, a
été employée au Xll'siècle par un certain nombre de cons-
tructeurs romans, surtout en Bourgogne (Autun,Vézelay)
202
WitWt tie V^xt t\\ïttm\.
L'édifice, commencé à cette date, semble 1 rieur tout au moins, y compris le portail, a
avoir été construit d'un seul jet, et Texte- | dû être terminé dans la première moitié du
nra'IHHBH ■■■■ JWWl M TT il
îii;
f
Fig. I. — Porte occidentale de Téglise Saint-Vincent de Berne.
XV<= siècle. — Négligé pendant plusieurs
siècles, le monument a été restauré avec
soin par l'architecte Millier, de 1870 au 20
octobre 1893, jour où fut posé le couron-
Cat!)éîirale ^atn^^tncent De Berne*
20
o
nement de la tour qui surmonte le portail,
et que les constructeurs du KV' siècle
avaient laissée inachevée.
Avec la collaboration de M. Haendeke,
M. Millier a publié une très intéressante
étude (en allemand) sur le monument res-
tauré par lui. C'est dans cet ouvrage
(Das Miinster in Bern) que nous avons
puisé la plupart des renseignements qui
vont suivre.
Notre portail est assurément une œuvre
de décadence, où le désir de l'originalité
quand même se manifeste par des formes
bizarres, des lignes contournées ; mais il y
a une telle richesse dans l'ornementation,
une telle ingéniosité dans certaines dispo-
sitions, une telle perfection dans la statuaire
des grandes figures des ébrasements, une
si curieuse reproduction des costumes et
des modes de l'époque, que cette porte in-
téressera toujours l'artiste comme l'archi-
tecte, et l'archéologue comme l'historien.
X)C0cnption analptiquc.
Trumeau.
La Justice. — N° i. — Peut-être, à l'ori-
gine, y a-t-il eu à cette place une statue de
saint Vincent, patron de l'église : c'est une
hypothèse de MM. Haendeke et Millier,
mais qui nous semble assez faiblement
étayée. S'il était prouvé qu'il y a eu ici une
autre statue que la statue actuelle, il nous
paraît que la présence des deux anges et
des Vierges sages et folles, aussi bien que
celle du Jugement dernier du tympan ferait
supposer la figure du Christ plutôt que
celle de S. Vincent. — Quoi qu'il en soit,
la statue actuelle, œuvre d'un sculpteur in-
connu,datée de l'an i 575, époque où Daniel
Heintz, le père, était architecte de l'église,
est un pur chef-d'œuvre.
Elle représente la Droiture ou la Justice
(die Gerechtigkeit), non cette Justice raide
et inflexible comme elle apparaît d'ordi-
naire, mais une délicieuse figure de jeune
fille vêtue des plus riches atours d'une da-
moiselle de la cour de Bourgogne au XV^
siècle, et qui semble vouloir faire oublier,
par son sourire et par la gracieuse moue de
sa tête penchée, qu'elle tient une épée nue.
N°' 2 et 3. — A ses côtés, sur des socles
un peu moins élevés et placés au niveau des
statues des ébrasements, deux anges, vêtus
comme des diacres : ils ont les cheveux fri-
sés et les joues bouffies de l'école flamande
(comme aussi les statues des ébrasements)
mais sans cette exagération qui se montre
à Dijon ou à Brou. Ils tiennent à la main
chacun une tablette. Sur celle du N° 2 on
lit:
vorsichtig keusch und wis
wyl ihr gewesen sind
gelind herin freunde siiss
zu eureni briitigam inariK kind
c'est-à-dire : « Parce que vous avez été
prudentes, chastes et sages, entrez, douces
amies, près de l'enfant de Marie, votre
fiancé. »
L'ange adresse ces paroles aux vierges
sages de l'ébrasement, vers lesquelles il est
tourné.
L'ange N" 3 regarde les vierges folles à
qui se rapportent les quatre vers gravés sur
sa tablette :
dir thorrechten kamt zu spiit
der briitigam dir thiir geschlossen hat
er kennt euch nit wer ihr sind
den eure ampeln verkehrt sind
c'est-à-dire: « Vous, folles, vous êtes venues
trop tard ; le fiancé vous a fermé la porte ;
il ne vous connaît plus, ne sait pas qui vous
êtes, car vos lampes sont renversées. »
Ébrasements.
LES figures des ébrasements, que nous
allons examiner, ont été sculptées par
Ehrard Kung, vers la fin du XV^ siècle.
204
îRebttf tie rarr cJ^rcticn.
Elles sont ainsi à peu près contemporaines
de la construction du portail, et antérieures
d'une centaine d'années à la statue du tru-
meau. Ce sont d'ailleurs, comme celle-ci,
des œuvres admirables
Les Vierges sages et les Vierges folles (■).
— N"" 438. — Les cinq Vierges sages ;
vêtues selon la mode bourguignonne la plus
splendide : elles ont les cheveux ondulés,
soit dénoués, soit partagés en deux ban-
deaux, et portent, par-dessus, des couron-
nes aux formes variées ; les corsages sont
ajustés, les manches pour la plupart bouffan-
tes ; les robes, amples et tombant sur les
pieds, sont généralement recouvertes d'un
manteau ; tous ces vêtements sont brodés ;
autour du cou, qu'encadre parfois un col,
s'enroulent des colliers de pierres pré-
cieuses. Le n" 4 tient, outre sa lampe, une
tablette dont l'inscription est aujourd'hui
effacée ; les quatre autres vierges portent
avec soin leur lampe, sorte de torchère,
d'où s'échappe une large flamme; le n° 8
montre du doigt cette flamme à l'ange (n" 2)
placé vis-à-vis, lequel lui répond par les
mots gravés sur sa tablette.
N°^ 9 à
Les cinq Vierges folles.
peut-être encore plus richement vêtues que
les précédentes ; l'expression de leur phy-
sionomie est désespérée, et elles tiennent
leurs lampes renversées. Le n° 9 dont les
longs cheveux sont rassemblés en deux
I. Ce sujet est un de ceux le plus fréquemment traités
sur les portes d'église, où l'appelle naturellement sa signi-
fication symbolique. Maison remarquera qu en France, à
l'époque ogivale du moins, les Vierges sages et folles occu-
pent presque toujours les pieds droits de la porte ('Amiens,
Paris, Auxerre, Sens, etc.), et rarement la voussure (Laon,
Dol, St-Pèresous-Vézelay) ; en Allemagne, au contraire,
on a souvent donné à ce sujet une place plus importante.
Nous le trouvons au linteau à la porte St-Gall de la cathé-
drale de Bâle ; aux grandes niches des ébrasements à
Strasbourg, Berne, et F"ribourg en Brisgau (à cette der-
nière église, plus exactement sur les parois du porche qui
prolongent les ébrasements) ; mais nulle part ce sujet n'a
été traité avec autant de magnificence qu'à Berne.
épais bourrelets, a un corsage à col rabattu,
à larges manches bouffantes , le n° 10, qui
semble être un portrait, est coiffé d'une de
ces toques hautes que Véronèse posait plus
tard sur la tête des rois mages : elle a un
collet rabattu ; de sa lampe penchée l'huile
se répand ; le n° 11, ouvrant la bouche pour
se lamenter, est admirable d'expression ;
elle est vêtue d'une robe courte et coiffée
d'un large bonnet plat garni d'un voile dé-
coupé ; le n° 12, qui de sa main essuie ses
larmes, porte le curieux chapeau à deux
cornes du XV^ siècle, recouvert d'un voile;
le n° 13, une sorte de chaperon à larges
bords. Cette dernière tient une tablette sur
laquelle on lit :
ach und weh dass
wir kein œhle hand
gend uns zu kaufen
das wir mil euch lue gehnd
ce qui signifie: %. Malheur sur nous parce
que nous îi avons point d'huile, vendez-nous-
en, afin que nous entrions avec vous » (chez
l Époux).
Sous les socles des deux dernières sta-
tues de chaque côté :
N"" 14 et 15. — Une dame élégamment
vêtue et un seigneur coiffé du chapel réser-
vé aux princes ; il tenait autrefois à la main
un épieu, comme en témoigne un dessin
fait en 1830 ; près de lui, un chien courant
poursuit un chevreuil. Ces figures, d'après
M. le docteur Stantz, caractérisent la « zah-
me Jagd » (chasse aux animaux non féro-
ces, réservée aux nobles).
N°' 1 6 et r 7. — Un homme et une femme
du peuple, dont le costume simple et pauvre
contraste avec la richesse d'atours des sta-
tues qui les surmontent. Peut-on voir ici,
par opposition aux n" 14 et 15 : la chasse
aux animaux féroces à laquelle le peuple
était tenu (wildc Hatze durch Lœzue, Hund
Catl)éDraIe t)atnt'Bincent tie Berne.
205
und Bar). Mais rien n'indique ici une I notre avis, M. Stantz a cherché trop loin :
chasse, et si c'en était une, comment expli- ces quatre figures symbolisent simplement,
quer la présence delà femme du peuple? A d'un côté, les seigneurs, les nobles (l'artiste
P\g. z. — Ébrasement gauche du portail. — Les Vierges sages. — Moise (à la voussure).
n'a figuré la chasse que comme un acces-
soire caractéristique et presque indispen-
sable de la vie d'un seigneur du XV^ siè-
cle), de l'autre côté, les gens du peuple :
peut-être pour indiquer que les uns et les
autres ont contribué à l'érection de l'église.
Au-dessous des n°' 16 et 17 se trouvait
autrefois un bénitier.
Voussures.
Instruments de la Passiou. — N"" 1 8 à 22.
— Cinq anges (la sixième niche est remplie
par un épisode du Jugement dernier qui dé-
borde du tympan) debout, à longs cheveux
frisés, tiennent les instruments de la Pas-
sion. Ils ont une admirable vérité d'atti-
tudes, très variées.
Le n° 18 tient une verge; le n° 19, la
colonne de la flagellation autour de laquelle
une corde est enroulée en spirale, et l'épon-
ge au bout du bâton ; le n° 20, la croix; le
no 21, la lance; le n° 22, la couronne d'é-
pines et d'énormes clous réunis en fais-
ceau.
Patriarches et Prophètes. — N°' 23 a 30.
— La seconde voussure est occupée par les
patriarches et les prophètes.
N°' 23. — Moïse, debout, chauve, avec
une longue barbe pointue curieusement
frisée ; il se présente de face et tient sur sa
poitrine une table de pierre carrée avec
l'inscription : du sollst die bilder nicJit an-
biittcii noch ihnen dienen (tu ne dois ado-
rer ni servir aucune image).
N° 24. — Zacharie, barbu, coiffé d'un
bonnet plat ; il est assis et a l'air méditatif;
il déroule une banderole sans inscription
visible.
N° 25. — Osée, barbu, en robe courte,
assis ; sa tête est encadrée dans un capu-
chon à pèlerine ; il déploie un phylactère.
N " 26. — Le roi David, assis, couronne
en tête, tient un instrument de musique.
N" 27. — Daniel, assis.
N° 28. — Hagaï (Aggée .'') assis ; coiffé
d'un bonnet plat, il tient une banderole où
est inscrit son nom.
N" 29 -— Joël, assis ; il est imberbe ; sa
physionomie est énergique ; il porte une
coiffure bizarre. Selon M. Muller, il tient
un disque (?), mais, pour nous, nous
n'apercevons entre ses mains qu'une longue
banderole.
N " 30. — Un personnage en costume
juif, vêtu d'une robe et d'un manteau ; sa
barbe est partagée en deux par le milieu ;
il est debout et tient un livre ouvert dont
l'inscription est effacée.
Le Christ et les Apôtres. — N"^ 31 à
45. — De l'avant-dernier cordon de la
voussure se détachent des tiges moulurées
qui, traversant le dernier cordon, s'épanouis-
sent en larges piédestaux supportant quin-
ze statues. Les deux tiges extrêmes sont
en partie courbes, les autres, entièrement
droites. On ne peut du reste expliquer
cette disposition bizarre que par le désir
de placer les statues dans le sens vertical.
Quant aux statues elles-mêmes, l'exécution
en est très médiocre : elles représentent les
personnages suivants, tous assis et sans
nimbe :
N" 31. — Le Christ Juge, assis, le torse
nn, les bras ouverts pour montrer ses
plaies.
N" 32. — La Vierge, à genoux.
N° 33. — S. Jean- Baptiste, à genoux,
l'implorant avec Marie en faveur des pé-
cheurs.
N"' 34, 35 et 36. — Trois apôtres, assis,
tenant chacun un long bâton.
N°' 2)1 y 3S et 39. — Trois apôtres, assis
(l'ombre de la voûte ne permet pas de
distinguer leurs attributs).
N°^ 40 et 41. — Deux apôtres, assis, te-
nant chacun un long bâton.
N" 42. — S. André, assis, tenant la croix
diagonale qui, depuis le XIVc siècle, passe
pour avoir été l'instrument de son martyre.
— On sait en effet que jusqu'à cette époque,
l'apôtre a toujours été représenté avec la
croix droite ; mais alors le duché de Bour-
gogne, qui portait dans ses armes une croix
Cathédrale ^amr 2llincent De Berne.
207
diagonale, ayant pris pour patron S. André,
on associa dorénavant l'idée du saint à celle
de cette croix.
N"' 43, 44 et 45. — Trois apôtres, assis.
Dans cette série, les attributs sont moins
variés qu'à l'ordinaire : on ne peut, par suite,
Fis- 3- — Schéma du portail de Saint- Vincent de Berne.
identifier ces divers apôtres, ni même savoir ne correspondrait pas exactement aux don-
ce que signifie exactement le long bâton nées traditionnelles ? Est-ce plutôt le bâton
que la plupart tiennent à la main : est-ce de voyage avec lequel ils sont partis à la
l'instrument de leur martyre qui en ce cas conquête du monde, ou celui qu'ils tenaient
208
Belluc De r?lrt cbvétten.
à la main, selon le rite israélite,en célébrant
la Pâque ?
Tympan.
Le Jugement dei-nier. — Le tympan re-
présente le Jugement, le Ciel et l'Enfer.
L'artiste a voulu rendre la grandeur de la
scène par la multitude des personnages :
jamais, croyons-nous, la sculpture du moyen
âge n'a entassé plus de figures dans un
même tableau : nous en avons compté plus
de cent-dix dans cet espace restreint. Ajou-
tez à cela que pour exprimer la perspective
et former le décor dont les imagiers des
siècles précédents n'avaient cure, notre
sculpteur a ménagé jusqu'à cinq plans diffé-
rents, modelé des rochers dans l'enfer et
une porte monumentale dans le Paradis :
aussi la première impression est celle d'une
confusion voisine du chaos. Disons cepen-
dant, qu'examinées en détail et en quelque
sorte à la loupe, certaines parties de ce
vaste tableau sont fort remarquables; mais
ce n'est pas là le but qu'il fallait atteindre,
et l'ensemble n'en est pas moins, à notre
avis.antiarchitectural; c'est une belle œuvre,
mais une œuvre de pleine décadence. Tout
ce bas-relief a dû être sculpté à l'atelier,
avant la mise en place.
N° 46. — L'archange S. Michel, sans
ailes ni nimbe, à la chevelure frisée, tête
nue, couvert de parties d'armure (notam-
ment de brassards), brandit son épée et
sépare les justes des réprouvés ; de la main
gauche il saisit à la gorge un monstre in-
forme, évidemment un démon qu'il va frap-
per de son glaive. Sa taille est gigantesque
et disproportionnée à celle des autres figu-
res. Il ne tient pas à la main la balance,
mais on en aperçoit un plateau à ses pieds :
est-ce pour exprimer que le jugement est
déjà rendu, qu'il ne reste qu'à l'exécuter en
séparant les élus des damnés ? ce serait une
' idée peu heureuse et à peine orthodoxe.
Nous pensons plutôt que l'artiste n'a obéi
ici qu'au désir de grouper harmonieusement
les éléments de son sujet. On remarquera
aussi que, par une autre dérogation aux
principes traditionnels des imagiers, dans
ce jugement, il n'y a point de résurrection
des morts.
N" 47. — Au-dessus de S. Michel, un
ange ailé, volant dans les airs, écarte égale-
ment à coups d'épée la horde des démons.
N°48. — Un petit ange ailé déploie dans
les airs une banderole où on lit : mors
(la mort).
N° 49. — • Un autre, semblable : sa ban-
derole porte les mots in dictuni qui peuvent
signifier « le jugement » ou « dans le lieu
assigné » (il se trouve du côté de l'enfer).
Il souffle dans une sorte de trombone.
Le Paradis. — N° 50. — L'entrée du
Paradis : c'est une porte monumentale, une
sorte de dais élégant aux meneaux flam-
boyants: réduction de ces admirables « bal-
daquins » dont le XV^ siècle nous a laissé
un si bel exemple à Ste-Cécile d'Albi.
N" 5 r. — Sous cette porte, un pape en
grand costume, couronné d'une tiare énor-
me, est accueilli par deux anges.
N° 52. — Un ange aux ailes démesurées,
volant en l'air, apporte dans ses deux
mains des objets peu distincts (couronnes
ou branches de feuillage ?)
N° 53. — Quatre chevaliers, complète-
ment adoubés, se tiennent debout côte à
côte. Leur costume est fort intéressant. Le
premier (à gauche) est coiffé d'un casque
conique arrondi, à mentonnière ; son bou-
clier, rond et pointu par le bas, est timbré
d'une croix ; — le second porte un écu
carré concave marqué d'une croix pattée ;
— le bouclier du troisième, également or-
né d'une croix, est carré plat ; — enfin le
Catl)éDrale t)atnt'^tncent îie Berne»
209
dernier, coiffé d'un simple chapel de fer,
montre sur son écu, non une étoile (comme
le dit M. Muller, qui émet l'hypothèse que
ce pourrait être celle des mages ?), mais
une double croix disposée à peu près
comme celle du drapeau d'Angleterre. —
M. Muller voit dans les trois premiers de
ces chevaliers les représentants des trois
Ordres monastiques du Temple, de St-Jean
de Jérusalem et Teutonique.
N" 54. — M. Muller signale ici cinq
personnages, mais nous n'en voyons que
quatre : le premier à droite est un empe-
reur, car il a sur la tête une haute couronne
fermée : il tient à la main un objet prisma-
tique (vase, reliquaire ?) dont nous ne com-
prenons point la nature. 11 porte une barbe
chenue, comme d'ailleurs le personnage
suivant, qu'à sa couronne ouverte on re-
connaît pour un roi ; celui-ci tient dans sa
main le globe terrestre surmonté de la
croix (il semble bizarre que ce ne soit pas
plutôt l'attribut de l'empereur). — Les
deux derniers personnages, vêtus du même
costume, sont imberbes, coiffés de bonnets
plats et couverts de tuniques à manches
bouffantes ; le premier porte sur l'épaule
une épée très courte dont la garde forme
une croix. M. Muller pense que ce sont des
dignitaires bienfaiteurs de la cathédrale, ou
des feudataires du chapitre ; — ce peuvent
être tout simplement des hérauts formant
la suite de l'empereur et du roi.
N" 55. — Deux anges, debout à l'extré-
mité droite, poussent devant eux, pour les
faire entrer au ciel, cinq personnages :
d'abord, le plus près des anges et se re-
tournant vers eux, un évêque mitre ; puis
un cardinal coiffé du chapeau plat à brides ;
un archevêque, mitre en tête; puis encore,
se tournant vers le précédent, un second
cardinal vêtu et coiffe comme le premier.
les épaules couvertes d'une pèlerine ; —
enfin, un moine encapuchonné.
N" 56. — Longue suite de quinze per-
sonnages, caractérisant, comme les précé-
dents, les élus ; nous les examinerons en
commençant par la gauche :
Plusieurs hommes imberbes, vêtus de
tuniques, lèvent la tète vers la Porte du
ciel , les deux derniers tiennent sur l'épaule
une arme recourbée ; l'un d'eux, coiffé d'un
casque bizarre, se couvre d'un écu historié.
Une mère, debout, coiffée d'un voile,
presse contre elle ses deux petits enfants
qui lui serrent les mains avec confiance.
Derrière cette scène, un prêtre tient un
calice ; un homme à longue barbe, chauve,
porte de la main gauche les armoiries de
Berne avec l'ours. A sa gauche est le bailli
(Schultheiss) de Berne, que l'on reconnaît
à sa chaîne d'or : cette figure admirable,
aux cheveux frisés couronnant un visage
glabre, au large front, au nez puissant légè-
rement busqué, au menton volontaire, à la
bouche fine ombragée d'une légère mous-
tache, est évidemment le portrait d'un des
baillis de Berne lors de la construction du
portail : on pourrait sans doute, avec
quelques recherches, découvrir son iden-
tité.
Puis viennent plusieurs personnages im-
berbes, vêtus de tuniques ou de robes
courtes, tenant divers objets indistincts ;
et enfin, fermant la marche, trois femmes.
Tous ces personnages sont debout.
N° 57. — Au-dessus d'un nuage parsemé
d'étoiles, voici les Prophètes et Patriarches
de l'Ancienne Loi, trônant dans le ciel. On
ne voit que leur buste. Ce sont, en com-
mençant par le bas :
D'abord un homme barbu, à l'air fa-
rouche, coiffé d'un bonnet juif : on n'aper-
çoit que sa tête, aussi ne peut-on l'identifier:
est-ce Samson, Gédéon, Josué ? — Moïse,
2IO
ÎRclJUc De rart fbvcttcn.
barbu, coiffé de la mitre à deux cornes des
srrands-prêtres, et tenant les Tables de la
Loi ; une femme voilée (Judith ?) ; — un
vieillard à longue barbe ondulée {Mathu
salem ? Abraham ?)
Puis des saints du Nouveau Testament,
tous imberbes : l'un tient une petite croix ;
deux autres, des objets indistincts. — Kn
tout onze figures, dont quatre ou cinq
femmes.
L' Enfer. — Tous les personnages de
l'enfer sont nus, sauf les exceptions que
nous signalerons au passage.
N° 58. — A une potence sont pendus
par la langue, au moyen de chaînes, trois
damnés ; leurs [jieds sont léchés par les
Fig. 4. Tympan de la porte de Saint Vincent de Berne.
rtammes ; ils se tordent de douleur. Ce
châtiment semble être celui des réprouvés
qui ont péché par la parole.
N" 59. — Un chaos de damnés se dé-
battant contre des démons à corps humains
monstrueux et à têtes d'animaux informes
rappelant vaguement les têtes de lions de
l'art khmer. — Dans un coin, trois damnés
sont plongés jusqu'au cou dans une masse
dont on ne peut reconnaître la nature, mais
qui paraît être un bloc de glace, hypothèse
assurément bizarre, explicable toutefois à
Berne, où les artistes, en sculptant le
portail, voyaient sans cesse à l'horizon les
glaciers des Alpes : il semble, à en juger
par leurs coiffures, que ce soit un empereur,
un évêque et peut-être un cardinal.
N° 60 — ■ Une cohue de damnés en-
traînés vers l'enfer par des démons mons-
trueux qui les tirent à l'aide d'une chaîne;
plusieurs sont jetés à terre et rampent sur
les genoux. Un groupe de trois femmes
Carl)cDralc ^ain^îliincent tje Berne.
21 I
nues, tourmentées par les diables, person-
nifient peut-être la luxure ; plus loin, un
démon assis semble tenailler tranquille-
ment la chair d'un réprouvé. Toute la scène
est environnée de flammes. Parmi les
damnés, on voit des représentants de divers
corps de métiers : charron portant une roue,
tailleur de pierre tenant une hachette, men-
diant perclus appuyé sur une béquille, etc.
N° 6i. — Une sorte de rocher entr'ou-
vert, rempli et environné de flammes : c'est
l'enfer. Un pape, à la tiare énorme, y est
précipité, tête première, par de hideux
démons (') ; un empereur, un cardinal, l'ont
précédé dans le gouffre(-). Certaines parties
du rocher sont contournées en forme de
têtes grimaçantes.
N° 62. — Un autre tas de rochers, au
milieu desquels paraît, entourée de flammes,
l'énorme tête barbue d'un damné : les dimen-
sions de cette tète, la place à part que sem-
ble occuper le réprouvé auquel elle appar-
tient, laissent supposer qu'il s'agit d'un ré-
prouvé de marque, peut-être Judas ou Caïn.
1. Quelque singulière que soit cette représentation sur
une porte d'église d'un pape jeté en enfer, elle n'est pas
sans exemple : dès le .\III'' siècle nous trouvons ce sujet
à la porte des libraires de la cathédrale de Rouen. On
doit y voir généralement moins l'expression de l'esprit
satirique de nos pères, que la traduction de cette idée
que, même dans les plus hautes situations, l'homme est
toujours sujet au péché et à la damnation. — Cependant
sur le bas-relief de Berne, sculpté quelques années à
peine après le concile de Constance (1414-1418), on peut,
en raison du rapprochement de temps et de lieu, se
demander si exceptionnellement l'artiste n'a pas voulu
faire une personnalité, et désigner sous la figure de ce
pape damné, soit Jean X.\III, dégradé et emprisonné
par le Concile, soit plutôt Benoît XIII que l'Allemagne
n'avait jamais reconnu et qui, déposé aussi, bravait encore
du fond de l'Espagne les décisions du monde chrétien.
2. Les tigures d'un pape, d'un empereur et d'un évéque
placées en enfer, sont, dans ce Jugement dernier, de tra-
dition dans l'art au moyen âge. L'idée exprimée par ce
moyen est qu'aucun rang si élevé qu'il soit, dans la hié-
rarchie de l'Eglise, comme dans celle de l'État, ne met à
l'abri de la Justice de Dieu. Dans les Jugements derniers
de Fra Angelico, ces figures du pape et des évéques, pa-
raissent également, et l'artiste dominicain y joint des
religieux dominicains, dans une intention facile à saisir.
N. D. L. R.
Sur ces rochers, remplissant une des
niches de la voussure, est assis un horrible
diable qui souft^e dans une corne tout en
battant du tambour ; il est coiffé d'un casque
ridicule surmonté d'un gigantesque plumet.
Partie purement décorative.
A. — Lourde guirlande de feuilles, du
type de la feuille de chardon, suivant la
curieuse courbe en dos d'âne des deux baies:
cette guirlande s'harmonise admirablement
avec les autres ornements du portail.
B. — Socles des statues des ébrasements:
ce sont non des chapiteaux couronnant les
colonnettes de support, mais simplement
des épanouissements très ornés de ces
colonnettes.
C. — Niches vides.
D. — Dais excessivement riches et fouil-
lés, dont les arcatures à contre-courbes sont
garnies de meneaux formant dentelle ; bien
qu'ornés de pinacles aux angles, ils sont
plats au sommet.
E. — Socles d'une forme très bizarre,
offrant le profil d'une carène de nef, à la sur-
face ornée d'arabesques, et se prolongeant
en nervures ajourées (beaucoup sont bri-
sées) pour former dais au-dessus de la sta-
tuette inférieure.
F. — Au sommet de la voussure, le sculp-
teur, au lieu d'accoler simplement les deux
dais, en a combiné les éléments en un gra-
cieux ensemble.
G. — Arcades légères à contre-courbes
formant dais.
H. — Petite fenêtre ronde, sans orne-
ment, faisant tache au milieu du tympan.
Elle paraît avoir existé très anciennement,
mais il est certain qu'à l'origine, l'architecte
du XV^ siècle, si prodigue d'ornements aux
autres parties du portail, a dû garnir
cette rosace de meneaux flamboyants ca-
pables d'en dissimuler l'effet désastreux.
212
WitWt îie V^xt t\)xttitn.
Aujourd'hui, c'est un œil-de-bœuf qui serait
mieux à sa place dans une caserne ou dans
une usine.
I. — Bases des statues des apôtres ; elles
sontformées alternativement par l'épanouis-
sement, orné de nervures, des colonnettes,
et par une sorte de chapiteau en forme de
bourrelet rond très ouvragé.
J. — Nervures unies de l'archivolte
d'entrée du porche.
K. — Inscription donnant la date de la
construction de l'église (voir cette inscrip-
tion en tête de l'article).
Porche.
LA voûte de ce porche, ornée de ner-
vures saillantes supportant des clefs
de voûte aux croisements, retombant sur
des amortissements historiés, est fort remar-
quable. Depuis 1574 elle est peinte en bleu
et parsemée d'étoiles dorées. Les douze
croisements des nervures sont ornés de la co-
lombe du Saint-Esprit, des quatre animaux
et des sept planètes, devant chacune des-
quelles un ange porte avec respect un ou
deux des instruments de la Passion. — Les
neuf amortissements sont consacrés aux
neuf chœurs des anges, qui s'y trouvent
représentés avec les inscriptions suivantes :
Les Séraphins, sous la forme d'enfants
couronnés tenant des cierges. On lit : die
seraphini brennen in der liebe Godles, c'est-
à dire « les séraphins sont consumés de
l'amour de Dieu. »
Les Puissances sont des anges recouverts
d'une armure. L'inscription est illisible.
Les Dominations : anges en vêtements
sacerdotaux. On lit : dotninationes hant
gwalt in kiininel zu regieren (les domina-
tions ont pouvoir de gouverner dans le
ciel.).
Les Vertus sont des anges tenant des
livres. On lit : virtiites durck uns thnt gott
sein, phrase au sens obscur qui doit signifier :
« C'est par nous (anges nommés vertus) que
Dieu fait exister les vertus (humaines) » ;
sorte de jeu de mots sur la double significa-
tion du mot « vertu » (')
Les Archanges tiennent des sceptres.
Inscription -.erzengel verkiinden die grossen
thaten godles (les archanges publient les
grandes œuvres de Dieu).
Les Trônes sont des anges sans emblème
spécial. On lit : tronii m uns kat godt seinen
sitz (les Trônes : en nous Dieu fait sa
demeure).
Les Chérubins, également sans attribut.
On lit les mots : ckerubim sind vollkommcn
in der zveisheit, c'est-à-dire : les Chérubins
possèdent la plénitude de la sagesse.
Les Principautés : anges portant des
croix. L'inscription est effacée.
Les .A.nges ont des styles et des sceaux
cruciformes (signacula Dei). Engel sind
boten godtes, dit l'inscription: les anges sont
les messagers de Dieu.
De chaque côté de la porte, sur le retour
du mur du porche, on distingue les restes
d'anciennes fresques : celle de gauche, la plus
remarquable, est divisée en deux parties :
en bas est représentée l'Annonciation ; au-
dessus une troupe d'anges.
G. Sanonek.
Paris.
I. La pluase allemande peut .Tussi eue complétée par le
mol : M'ille. C'est par nous que Dieu accomplit sa volonté.
\^A A^VX^ K^^ \^A A^yhc A^VU \^yU A^VU \^»U A^^g^ A^^ A^'VlU A^V^ A^^ \^ ^^
LriiiriiijiiiiiiiiiiiiiiitiiiiitijiiiiiiLxiiiiititiiiiiiiïiTrin3TciiiiiiixiiiiiiixiiïiTrrxiriiiixo:i_iiiiiHiiîiiiiïriiiiîïïiiiiiiiiiiiiixr)iirin
^^m^^^m^^m ffîélanges. ^©^^s)^î§Kg^^§K©®
JP flTTTtTTTtlllinHYÏÏITTrTTlirTTTÏII-
-Illiiu intTTTTTTTY-nrTrTr-.r
iicmxrrmin luiix
jh;^ V}'' "S-"' ^^i^f *i*ï^ ^it^f *x^ * ^S'' ^1^)^ -'iii^ *ï^ ^^'f r(^* ^xAî-'f ^ifi-* *iA^ ,
B,oc=HmaDour (')
E pèlerinage de Roc Amadour a joui
d'une grande et bien ancienne célé-
brité, non seulement en France, mais
dans tous les pays catholiques. Dès le
XI[e siècle, mais surtout au siècle suivant, ce
sanctuaire attirait des fidèles de toutes les ré-
gions et de toutes les classes de la société. L'ori-
gine de ce pèlerinage semble, comme toutes les
origines, assez obscure. On a voulu la faire re-
monter aux premiers siècles de l'ère chrétienne,
par une légende qui a obtenu beaucoup de crédit.
Ce qui semble certain, c'est qu'en 1166, on dé-
couvrit au seuil d'une chapelle un corps, dans
lequel le peuple crut voir les restes d'un saint et
que la rumeur publique désignait comme étant
celui de saint Amadour. Des prodiges et des
grâces obtenues par l'intercession de la Vierge
Marie auprès des reliques du saint canonisé par
la voix du peuple, vinrent confirmer bientôt les
élans de la dévotion nouvelle. Dès la fin du
XIP siècle, les miracles se multiplièrent et avec
eux la célébrité du sanctuaire qui, élevé dans
une contrée singulièrement pittoresque, sur les
flancs d'un rocher abrupt, semblait de nature
à frapper l'imagination. Aussi à la fin de ce siè-
cle, la réputation de Roc- Amadour non seule-
ment était populaire dans tout le Quercy, mais
elle avait gagné les frontières de France et de là
s'était étendue aux pays voisins.
Avant cette époque, cependant, le village avait
une certaine importance. II avait commencé à
prendre de l'extension lorsque vers la fin du X*^
siècle, en 968, il avait été donné aux moines de
Tulle qui y bâtirent un couvent autour duquel
vinrent bientôt se grouper les habitations d'un
peuple religieux et paisible, heureux de vivre
près d'un sanctuaire vénéré et d'établir ses de-
meures dans les anfractuosités d'un rocher près,
que inaccessible.
I. Ernest Rupin. Roc-Amadour. Etude historique et archéolo-
gique. Préface par M. le comte Robert de Lasleyrie, membre de
l'Institut, 120 gravures dans le texte, 12 planches et i chromolitho-
graphie hors texte. Paris, G. Baranger, 5, rue des Saints- Pères,
1904. Prix: 20 fr.
Malgré les fortunes diverses et des époques
singulièrement agitées, les pèlerinages à Roc-
Amadour n'ont cessé de conserver leur popula-
rité jusqu'à nos jours. A ces pèlerins de la Foi
sont venus se joindre ceux du plaisir et de la
curiosité, je veux parler des touristes dont,
d'année en année, on voit maintenant croître le
nombre.
Indépendamment des masses populaires qui,
au cours des siècles, sont venues à Roc-Ama-
dour, conduites par les inspirations de la foi, de
nombreux personnages historiques ont tenu à
visiter ce sanctuaire privilégié, protégé par de
redoutables défenses et qui cependant a connu
toutes les misères et les horreurs de la guerre. Ce
rocher a ses légendes, nous l'avons dit, et ses
contes locaux ; il n'est pas étonnant qu'il ait
trouvé un historien.
Nous devons nous applaudir qu'il se soit trouvé
précisément dans un écrivain capable de s'épren-
dre des beautés de son sujet comme artiste, de
l'étudier en érudit et de nous donner le livre que
je me fais l'agréable devoir de signaler aux lec-
teurs de notre Revue.
M. Ernest Rupin, les lecteurs de notre Revue le
savent, est non seulement un archéologue très
au courant des antiquités de son pays, mais c'est
surtout un artiste. Il devait donc être tout natu-
rellement sollicité par une ancienne cité histo-
rique, bâtie dans un coin merveilleusement pit-
toresque du Quercy, et illuminée pour ainsi dire
de l'auréole de son renom de sainteté et des mi-
racles accomplis par l'intercession de la Vierge
de Roc-Amadour. Cependant, j'ai hâte de dire
que ce n'est pas en pèlerin, ni en artiste que
l'auteur a compris son sujet, c'est avant tout en
historien consciencieux et fidèle. Loin de cher-
cher à en esquiver les difficultés et les côtés épi-
neux, il les a abordés de front. L'un des côtés les
plus délicats pour un écrivain catholique était la
question des origines du pèlerinage séculaire et
de la réalité du personnage qui a donné un nom
si sonore à cette curieuse ville de Roc-Amadour.
M. Rupin consacre les premiers chapitres et
non moins de 80 pages à l'étude de cette ques-
RBVUE DE l'art CHRÉTIEN.
1904. — 3"'* LIVRAISON.
214
3Rel)ue îie r^rt c!)rétieu.
tion, et après avoir interrogé les documents les
plus anciens et scruté toutes les sources, il n'a
pu rien retrouver de ce saint Amadour, identifié
avec le Zachée de l'Évangile, qu'une pieuse
légende racontait être venu mourir sur ce rocher
du Quercy, après avoir épousé sainte Véronique,
Vue de Roc-Amadour (côté Nord-Est).
ou, selon d'autres, après avoir donné le jour à
cette sainte si charitable à Jésus lors de sa marche
au Calvaire.
Obligé par sa conscience d'historien à reléguer
dans le domaine de la pure légende des faits sur
lesquels se sont basées des autorités respectables
et même les mandements de quelques évêques,
M. Rupin, avant de les consigner dans son livre,
S^tiamtô.
2r5
a voulu les soumettre à plusieurs savants de
l'Ordre bénédictin. Il a reçu de l'un d'eux, ancien
professeur d'histoire ecclésiastique des Pères de
Solesmes, réfugié aujourd'hui en Angleterre, la
réponse que je tiens à transcrire.
« J'ai lu avec grand intérêt le manuscrit de
Vue iutéiieure, avaut les restauiatious, du palais des évèques de Tulle.
M. Ernest Rupin sur les Origines de Roc-Ama-
dour. Il demeure très difficile de ne pas partager
son avis. Sa démonstration est abondante, peut-
être un peu touffue, mais l'exposé reste clair et
les preuves s'enchaînent naturellement. Il faut
louer surtout le ton de la polémique de M. Rupin.
Trop souvent les adversaires de l'école tradition-
nelle ont triomphé malignement, durement, du
2l6
3Rebue tit r^^rt chrétien.
peu de solidité de l'argumentation des tenants j rières ne pourront se plaindre à leur contradic-
de cette dernière. 1 teur de son manque de courtoisie. M. Rupin dis-
» Mgr Enard [évêque de Cahors] et M. Bour- [ cute les traditions de Roc-Amadour en historien
Escalier conduisant aux chapelles.
et non en dénicheur de saints. L'autorité ecclé-
siastique ne pourra que souscrire aux conclusions.
Je ne vois pas cornaient on pourrait y répon-
dre. »
Dans la charmante préface que le comte Ro-
bert de Lasteyrie a écrite pour ce livre, il dit de
son côté :
« C'est une œuvre de bonne foi, on s'en aperce-
£©élange0.
217
vra dès les premières pages; à quelque école his-
torique que l'on appartienne, on ne pourra mé-
connaître le soin scrupuleux que l'auteur a mis
à n'avancer que des faits solidement établis, et
on devra lui savoir gré des précautions qu'il a
prises pour se faire pardonner des pages où, en
historien sincère, il a dû montrer l'inanité de
pieuses légendes, auxquelles on sera surpris,
après avoir lu sa réfutation, que tant d'hommes
éclairés et sincères aient pu ajouter foi. »
Entrée de la porte du Fort à RocAmadour (état actuel).
On ne saurait mieux dire. M. Rupin, non seu-
lement use de son droit, mais il accomplit un
devoir, en appliquant à l'étude des poétiques lé-
gendes qui ont cours depuis le XII*^ siècle, les
régies sévères de la critique historique qui, dans
ces derniers temps, a fait de grands progrès.
C'est là, il faut en convenir, un rude critérium.
sous lequel on voit s'évanouir bien de pieuses
illusions et de poétiques souvenirs.
Nous ne devons pas oublier que la connais-
sance de l'histoire et l'étude des documents cer-
tains, ne peuvent être le monopole exclusif de
savants catholiques: on doit à ceux-ci beaucoup
de gratitude lorsqu'ils sont les premiers à s'éta-
2l8
jl^rbur De r^rt fbvctieu.
blir dans un domaine dont ne manquera pas de
s'emparer une controverse hostile. L'Église et la
foi catholiques n'ont besoin que de lumière et
de vérité. C'était aussi l'opinion du grand pape
Léon XIII lorsqu'il ouvrit largement l'accès des
archives du Vatican à tous les studieux, quelle
que fût leur confession. La poésie des légendes
populaires a pu inspirer les artistes et alimenter
la dévotion des masses, mais si on continuait à
les admettre comme témoignages de l'histoire,
Rue de la Couronnerie à Roc-Amadour.
elle deviendrait une arme dangereuse entre les
mains de nos adversaires. Encore une fois, la
religion et la véritable piété, n'ont rien à redou-
ter de la lumière.
Dans les chapitres suivants, l'auteur continue
à se tenir sur le terrain de l'histoire. Il s'est trop
familiarisé avec les sources, il a réuni trop d'in-
formations de tout genre pour ne pas prendre
plaisir à les coordonner, à les utiliser et à les
mettre en valeur. Cette petite agglomération
d'églises, d'habitations et de défenses, perchées
sur un roc.ofifre une histoire pleine de péripéties,
où les misères de la guerre et parfois le dénue-
ment le plus complet succèdent aux fêtes de
l'Église et aux magnificences des pèlerinages
tellement nombreux que les fidèles ne pouvaient
trouver place dans le sanctuaire principal que
successivement, par petits groupes et confor-
mément à des dispositions particulières.
M. Rupin a étudié son sujet sous les différents
points de vue auxquels celui-ci s'offre à lui :
Origines, histoire aux différents siècles du moyen
âge jusqu'à nos jours, et notamment à l'époque
si désastreuse pour les sanctuaires de Roc-
Amadour, des guerres de religion, pèlerinages,
archéologie militaire, civile et religieuse. Cette
variété d'aspects est précisément ce qui rend la
lecture à la fois intéressante et instructive. L'un
des chapitres qui m'ont paru le plus attachant
est celui consacré à l'étude des pèlerinages.
L'auteur nous initie à leur origine, à l'orga-
nisation, aux développements et aux différentes
conditions dans lesquelles s'effectuent ces pieux
voyages. Le premier pèlerin de marque que
nous voyons à Roc-Amadour est Henri II, roi
d'Angleterre. Après avoir fait la conquête du
Quercy en 1166, il voulut s'agenouiller auprès
des reliques de l'anachorète que l'on venait de
découvrir, et quatre ans plus tard, il renouvela
cet acte de piété, en 1 170, cette fois suivi d'une
armée prête à combattre. La même année, c'est
le comte de Flandre, Philippe d'Alsace qui vient,
avec une nombreuse et brillante suite de che-
valiers, faire ses dévotions et rendre hommage à
la Vierge dans son sanctuaire de Roc-Amadour.
D'autres hauts personnages, dignitaires de
l'Église ou nobles laïcs viennent gravir la mon-
tagne sainte. C'est Arnauld Amalaric, abbé de
Cîteaux, légat du pape; c'est le comte Simon de
Montfort qui vient le rejoindre. Puis c'est saint
Dominique , c'est Englebert , archevêque de
Cologne, prince électeur de l'Empire, c'est enfin
Louis IX, le saint roi de France, accompagné de
ses trois frères et de la reine Blanche, sa mère, qui
viennent à Roc-Amadour, en 1245, humblement
prier dans l'église consacrée à la Vierge Marie,
et lui rendre grâces pour la guérison d'une ma-
ladie qui avait menacé les jours de la reine-mère.
Il va de soi que ces pèlerins princiers ne ter-
minaient pas leurs dévotions sans laisser au sanc-
£Pélange0,
219
tuaire des dons d'une grande richesse et qui ont
formé un trésor souvent renouvelé.
Les richesses que possédait l'oratoire de la
Vierge furent enlevées en 1183, par Henri au
Court Mantel, et en 1235, par l'abbé Élie de Ven-
tadour. A l'époque des guerres de religion, les
protestants firent main basse sur les trésors de
l'église et la tourmente révolutionnaire s'empara
à son tour de tout ce qu'il y avait de précieux, de
tout ce qui pouvait avoir une valeur matérielle
quelconque. M. Rupin ajoute cette réflexion :
«quelques reliquaires avaient cependant échappé
à ces déplorables événements; ils formeraient
encore un ensemble important si on n'en avait
pas aliéné un grand nombre. Nous protesterons
toujours contre ce genre de trafic. Il nous semble
que lorsque des objets de cette valeur sont donnés
à une église, c'est pour qu'ils y restent ; en les
vendant, on ne respecte plus les intentions des
donateurs et on n'encourage pas les donations
futures » (i). Je me fais un véritable plaisir d'en-
registrer cette protestation qui est en quelque
sorte l'écho d'un article paru, il y a nombre
d'années, dans cette Revue (2).
De nombreux pèlerins arrivaient à Roc-
Amadour, non en accomplissement d'un vœu,
mais en vertu d'une condamnation, qui très sou-
vent n'émanait pas d'un tribunal ecclésiastique,
mais bien de la justice civile. Les délits en-
traînant l'obligation d'un pèlerinage à Roc-A-
madour sont soigneusement spécifîés,notamment
dans les coutumes de Flandre et de la princi-
pauté de Liège, car les pèlerinages à ce sanc-
tuaire étaient particulièrement populaires dans
les Pays-Bas. L'auteur entre à cet égard dans des
détails fort intéressants et qui témoignent d'une
grande érudition. Il est évident que dans ces
condamnations se manifeste le principe d'amé-
liorer le coupable par la nature de la punition
qui lui est infligée.
La plume de rauteur,dans son étude si achevée
sur Roc-Amadour, est bien celle de l'historien.
Son style, simple, clair, sans sécheresse, décrit
avec beaucoup de netteté les faits qu'il raconte
et les monuments qu'il veut nous faire connaître.
s'appuyant parfois de nombreuses citations de
pièces d'archives, de notes empruntées aux
auteurs anciens et enfin de pièces justificatives.
Artiste, il ne se laisse pas aller aux tirades élo-
quentes en présence des beautés des sites ou du
prestige des monuments restés debout et qui
1. Pp. 302 et 303.
2. De la Venu des Objets d'Art appartenant aux églises, t. VI,
année i88û, pp. 489 495.
Rue de la Mercerie à Roc-Amadour.
nous parlent du passé. Il demeure sobre tout en
étant persuasif et attachant tout en restant vrai.
Il abandonne aux nombreuses illustrations qui
ornent son livre, le soin de suppléer à des des-
criptions, qui souvent n'apprennent rien au
lecteur — chacun les interprétant à sa manière.
Les vues photographiques et les gravures dans le
texte sont d'une grande fidélité et ajoutent beau-
coup au charme que le lecteur éprouve en
étudiant cet intéressant volume. Les quelques
220
3Ret3ur ïie T^lrt cbrétien.
clichés que l'on a bien voulu nous confier per-
mettront d'ailleurs aux lecteurs de la Revue,
d'apprécier la valeur des illustrations ; je serais
heureux si ces lignes rapides leur donnaient le
pressentiment de la valeur du texte.
Jules Helbig.
Jïcs tiascs sactés Du T^rcsor Gliancatlo
^.x^w^^.^^ BLossi. --^^— ^-^-^-— ^
E lecteur se rappellera sans doute qu'en
1893, la Revue a donné plusieurs ar-
ticles sur un ouvrage paru sous le titre
de ; Tavole XXV reproducenti il sacro
tesoro Rossi. 2^ edizione. Rom a, iSço.
Nous connaissions ce trésor, non de visu mais
par cette publication, et comme il avait été exa-
miné par les savants les plus autorisés de Rome
sans en excepter le commandeur J.-B. de Rossi,
le prof. Gori, le P. Louis Bruzza, barnabite et
beaucoup d'autres savants — qu'il avait fait
l'objet d'une série d'articles dans la savante
revue allemande bien connue sous le nom de
Romische Quartalsckrift, et avait même été
exposé à Rome, sans qu'aucun doute se fût
élevé sur son authenticité, — nous crûmes, de
même que notre savant et regretté collaborateur
Mgr Barbier de Montault qui en parla également
dans notre Revue ('), que la valeur archéologique
du trésor Giancarlo Rossi était absolument
établie. Il n'en était pourtant pas ainsi. En 1895,
le R. P. Grisar, que nos lecteurs connaissent par
l'étude que ce savant a publiée sur Sainte-Marie
in Cosmedin à Rome, dans la Revue de l' Art
chrétien, fit paraître une brochure intitulée : Un
prétendu trésor sacré des premiers siècles, où,
niant d'une façcm absolue l'authenticité des
pièces de ce trésor, il le regardait comme l'œuvre
d'un faussaire moderne.
Une violente polémique, qui bientôt prit un
caractère personnel, s'engagea à la suite de la
publication de cette brochure. Le P. Grisar crut,
avec raison, qu'il n'était pas de sa dignité de ré-
pondre aux attaques personnelles dont il était
l'objet à son tour, et insensiblement tout est
rentré dans le silence.
I. Année 1893, pp. 156 et ss.
Mais voici qu'un savant italien adresse à la
Romische Qnartalschrift une lettre dans laquelle
il prend la défense du trésor ; il le fait par la
citation de textes à peu près contemporains de
l'époque à laquelle on a généralement voulu faire
remonter le trésor en question.
Nous tenons à communiquer à nos lecteurs la
traduction de cette lettre, non pour rouvrir une
polémique dont l'intérêt semble épuisé, mais
parce qu'elle contient des citations curieuses
donnant des informations inattendues sur d'an-
ciennes liturgies, qui sont de nature à justifier la
forme de l'une des pièces les plus vivement
attaquées dans l'opuscule du P. Grisar.
Encore une remarque sur le trésor Rossi.
Depuis la très forte critique publiée en 1 895 par
le savant P. Grisar, sur le célèbre trésor du chev.
Giancarlo Rossi, personne n'a plus osé vanter,
ni même apprécier l'antiquité et la valeur des
ustensiles sacrés composant cette collection. I^e
R. P. Grisar en avait démontré la fausseté, et
généralement on s'est incliné devant cette démon-
stration. Malgré cet assentiment presque général,
je crois devoir émettre encore des doutes sur
le bien fondé de l'opinion du P. Grisar, étant
convaincu que parmi les pièces falsifiées du
trésor, il en existe d'autres d'une authenticité
incontestable. Moi, qui, depuis 1893 ai démontré,
dans plusieurs articles publiés dans la Scuola cat-
tolica, que le trésor, loin d'être un travail du I^"^
siècle, comme on le prétendait alors, était l'œuvre
du VIIL ou du commencement du IX" siècle, je
n'ai pas voulu écrire un mot contre les conclu-
sions du P. Grisar, parce que la polémique avait
pris un caractère âpre et personnel,et que en réa-
lité j'ai alors commencé moi-même à croire que
plu.sieurs des pièces étaient fausses. Mais aujour-
d'hui tout étant rentré dans le calme, je m'enhar-
dis à soumettre aux archéologues une observa-
tion simple et modeste, mais qui, selon moi, ne
manque pas d'importance : je le fais dans l'es-
poir que la question étant mieux étudiée, on
pourra établir la vérité avec une entière certitude.
A la page 35 de l'édition italienne du travail
du P. Grisar Di 7in pretcso tesoro cristiano, etc.
Roma,Spithover, 1895, on lit : Où surtout, a-t-oii
trouvé un vase en argent pour le vin eucharis-
£©élangc0.
221
tique (planche 24"), vase auquel l'audacieux inven-
teur a donné la forme d'un agneau élevé sur un
plat en argent, entouré de douze gobelets ? Où
peut-on lire que le vin euchaiistique a été con-
servé et distribué de cette manière, et particuliè-
rement à l'époque dans laquelle l'artiste, grâce
aux formes barbares adoptées par lui, s'est confi-
né? Nous connaissons la colombe eucharistique en
argent, remontant aux temps les plus anciens,
dans laquelle on conservait seulement le pain
consacré, et qui était suspendue dans les égli-
ses. Nous savons aussi que chez les Longo-
bards, les gobelets d'usages profanes prenaient
souvent la forme d'animaux... Mais voilà /oui,ei
cela ne peut servir à démontrer l'usage d'un
agneau eucharistique. Ou voudrait-on admettre
comme preuve, la figure de femme qui dans
notre planche 1 1 N° i porte sur un plat ce même
agneau que nous reproduisons ?. . . les douze gobe-
lets qui entourent l'agneau ne sont pas détachés,
comme on pourrait le croire, mais ils sont fixés
sur le plat, circonstance bien étrange, et qui a
obligé les amis du trésor, forcés cependant de
trouver une explication, à émettre la conjecture,
qu'ils étaient destinés seulement à recevoir d'au-
tres récipients du vin consacré... La description
de l'agneau dit assez aux connaisseurs que cela
ne peut être œuvre d'antiquité chrétienne, ni
création de l'art primitif du moyen âge mais bien
comme tout le trésor, un produit du XIX« siècle;
non un monument de l'antique Liturgie, mais
celui de l'art raffiné d'un faussaire tout contem-
porain.
A ces affirmations si explicites et si tranchan-
tes du P. Grisar, j'ose opposer :
a) Aux VI Ifs et IX^ siècles, dans les liturgies
solennelles, en usage comme vase eucharistique,
pour les espèces du pain, il existait non seule-
ment la colombe, mais précisément aussi l'a-
gneau;
d) que les douze récipients, fixés au plateau et
entourant l'agneau ne sont pas des gobelets, mais
des lampadaires, ou des récipients pour l'huile
ou les baumes à brûler ;
c) que le tort des amis du trésor consiste seu-
lement dans l'explication erronée qu'ils ont don-
née de l'agneau, croyant que c'était un vase
destiné aux espèces du vin et non à celles du
pain, et donnant pour des gobelets, ce qui n'était
que des godets de lampes ;
tl) que donc la prétendue falsification de l'a-
gneau, devient pour le moins douteuse.
Et la preuve ?
La voici : Un an après la publication du P.Gri-
sar, réminent P. Fidèle Savio imprimait un
travail sur la légende des SS. Faustin et Gio-
vito (Analecta Bolland., t. XV), précédé d'un
examen critique de la légende suivi du texte
amendé de celle-ci. Le P. Savio démontre que la
légende remonte,en se montrant sévère, au milieu
du LX« siècle, d'autres diraient à la fin du VI II''.
Eh bien, dans cette légende, je lis le passage
suivant :
« Et ecce angélus Domini apparuit, praesente
populo, et quatuor pueri in albis, habentes in
manibus suis altare aureiini ge:nniis ornatiim, in
quo erat agnns.... Angélus dixit : Mitte mamim
titam ad agmim et trade populo, in vero (Jovita)
suscipe ex altari sanguinem Domini et trade
populo... Beatus Faustinus misit manum suant
ad agnum et coepit tradere populo » (p. lOi de
l'Extrait des Analecta).
Ce passage peut encore laisser quelque doute.
Mais en voici un autre, où nous voyons claire-
ment indiqué l'agneau, réserve du pain eucha-
ristique, entouré de douze lampes (les douze
prêt endus gobelets) et la croix sur la tête, cette
croix, dans laquelle le P. Grisar (p. 37) a reconnu
une autre marque de falsification.
« Cum cogitaret beatus Faustinus unde eos
communicaret, et ecce ipse angélus cum quattuor
pueris habentibus in manibus suis altare aureum
gemmis ornatum, et super altare agnum nive can-
didiorem (probablement en argent comme celui
du trésor) et in circuitu eius lampades diiodecim
(les douze gobelets prétendus) crux super capiit.
... Tum Faustinus et Jovita tradentes ab altari ;
corpus et sanguinem Domini, etc. » (p. 102 de
l'Extrait des Analecta').
Ce passage me semble décisif : il sert à expli-
quer le précédent et à éclairer celui qui lui suc-
cède :
« Cumque surrexissent ab oratione apparuit
ante eos angélus stans ante fontem nivea veste
indutus, coruscantibus oculis, tenens in manibus
suis canistrum gemmeum et super canistrum agnus
222
3Rebur ïie V^xt cf)rctien.
niveus erat ; cuius similitudo narrari non potest,
Octava autem die hora quarta coeperunt de agno
tradere populo et ecce subito apparuit angélus
Domini tenens calicem gemmis ornatiim et
dédit eum Jovitae dicens : Accipe et trade
populo credenti in Deum » (p. III de l'Extrait
des Analecies.)
Dans ce passage nous avons Vagneau distinct
du arlice : le premier sert à la custode des espè-
ces du pain, le calice à celles du vin. IJAgniisesX.
toujours placé sur l'autel, comme on le voit pi. II,
fig. I, de l'opuscule du P. Grisar, ou bien porté
par la main des Anges, ou des officiants, comme
cela se voit pi. II, fig. 2. UAginis est entouré de
12 lampes faisant allusion aux douze apôtres,
dont les bustes sont gravés au bord inférieur
du plateau, sur lequel est posé \'Agnus du trésor
Rossi, et celui-ci est orné de la croix sur la tête,
pour mieux le caractériser. Il est inutile d'insister
davantage.
Cette coïncidence si éloquente entre la des-
cription de la scène eucharistique des actes des
SS. Faustin et Giovito et le vase eucharistique
du trésor Rossi, ne peut être l'effet du hasard,
pas plus qu'elle ne saurait être le produit d'une
mystification. Le faussaire audacieux, comme
l'appelle le P. Grisar qui, de sa pure imagination,
aurait créé un vase eucharistique semblable
devait être un brillant esprit, un génie supérieur
en culture artistique, en science archéologique et
en liturgie, supérieur au Père Grisar lui-même.
Celui-ci ignorait complètement l'usage d'un A-
gneau eucharistique. Les Michetti, les Guarentini
et d'autres plus obscurs encore, désignés comme
les auteurs ou les inspirateurs de la colossale
mystification, pouvaient-ils avoir cette science?
Absolument non. (P. Grisar, Ancora del preteso
tesoro cristiano. Rome, Spithover, 1896, p. 13.)
En conclusion cependant, je suis d'avis que le
P. Grisar a bien fait de mettre sur leurs gardes
les savants, pour qu'ils ne se laissent pas tromper
trop facilement par certaines pièces du trésor
Rossi, d'une authenticité contestable, mais je
crois à bon droit [louvoir m'opposer à son œuvre
de démolition du dit trésor tout entier, dont je
crois quelques pièces non seulement entière-
ment authentiques, mais même d'une inestima-
ble valeur. „ t^ r t^ , ir »»
Sac. Prof. Rodolfo Majocchi.
■Rotes à propos D'une fresque que l'on
croît représenter ^Teanne D'Brc, Dans
réglise De St=Bctrone à Bologine.
L y a quelques années, en délivrant du
badigeonnage les fresques du XV''
siècle qui décoraient les piliers de la
monumentale église de St-Pétrone à
Bologne, on vit paraître sur le premier pilier à
Bologne. — Église de St-Pétrone - Fresque du XV siècle.
gauche une intéressante image, dans laquelle on
crut reconnaître un portrait de Jeanne d'Arc.
Dans une fausse niche de style gothique, sou-
tenue par des colonnettes torses, et supportant
quelques tourelles, est peinte une jeune fille vue
£@élange0.
223
de profil. Elle porte une robe grise à collerette
rouge, elle tient dans la main gauche une bande-
role ornée d'une croix, et sa chevelure blonde et
riche tombe sur les épaules. Une courroie passée
sur l'épaule droite soutient deux besaces.
La tête n'étant pas nimbée, on supposa que
cette fresque ne représentât point l'image d'une
sainte. L'hypothèse, qu'il s'agit au contraire d'un
portrait de Jeanne d'Arc, fut suggérée par le sou-
venir d'une vieille légende locale d'après laquelle
les parents de cette héroïne appartenaient à une
branche exilée en France de la noble famille bo-
lonaise des Ghisilieri.
Le nom des Ghisilieri, dans l'histoire de Bo-
logne, se rattache à toutes les luttes intestines,
qui troublèrent cette ville au moyen âge. Ils sont
surtout les ennemis de la famille Bentivoglio,
qui eut au XV^ siècle la seigneurie de la ville.
Lorsque, dans l'année 1445, Annibale I Bentivo-
glio fut assassiné, un Ghisilieri (François) fut un
des plus actifs meneurs de la conspiration qui
amena ce meurtre. Bannis de Bologne, les Ghisi-
lieri se dispersèrent, et se fixèrent en mainte ville
italienne ; on trouve les traces de leur séjour à
Rome, en Toscane, dans les Marches et en Pié-
mont. De la branche piémontaise naquit Michel
Ghisilieri, qui devint Pape sous le nom de Pie V;
c'est la véritable illustration historique de la fa-
mille. Mais l'émigration d'une branche des Ghi-
silieri en France parait être encore plus ancienne;
elle remonte à la première usurpation des Benti-
voglio (1401).
Une chronique manuscrite qui raconte la vie
de deux cent vingt- sept personnages de la fa-
mille est aujourd'hui en possession (à Bologne)
du comte Louis Rinaldi Ghisilieri (»). Elle nous
apprend que, lorsque Jean I Bentivoglio, dans
l'année 1401, se fit seigneur de Bologne, Ferrand
Ghisilieri s'expatria avec sa femme Bartholomée
Ludovisi, et qu'il eut en Lorraine une fille, celle
qui devint ensuite l'illustre Jeanne d'Arc. Le
chroniqueur appuie son dire sur deux épitaphes
écrites en l'honneur de Jeanne. L'une, française,
I. Vife di duecentcrventisette uomitti insigni délia famiglia
Ghisilieri famoU in santità, o in dottrina, o in armi cavale dalli
piit accreditati storici : ms. anonyme in-folio en 326 pp. Le ma-
nuscrit contient un arbre généalogique de la famille, et il est enrichi
par plusieurs dessins et par des portraits ; parmi ces derniers celui
de (eanne d'Arc, qui n'offre d'ailleurs aucune ressemblance avec
l'image, représentée dans la fresque.
est attribuée à Claudine Brunaud ; l'autre est
italienne et anonyme. Ce sont de bien pauvres
compositions poétiques; elles mentionnent toutes
les deux le noble sang des Ghisilieri qui coulait
dans les veines de Jeanne, et elles donnent à son
père le nom de Ferrand (').
La chronique Ghisilieri est, à notre connais-
sance, le seul document qui affirme l'origine bo-
lonaise de Jeanne d'Arc. Cette tradition fut ac-
cueillie par Guillaume Marsano, qui la soutint
dans un article de la Gazette universelle des
théâtres, de la littérature, de la musique et des
modes de Vienne (2) ; et par Caroline Bonafede
qui, publiant les vies de quelques femmes illustres
bolonaises, mit Jeanne dans leur nombre (3).
Parmi les défenseurs de cette thèse, nous trou-
vons aussi un nom moins obscur, celui de Jean-
Baptiste Crollalanza, qui publia tout un livre
sur la question (■*), en s'efforçant par des argu-
ments tout- à-fait spécieux de donner du crédit
et de la valeur historique à la tradition. Mais les
données sur lesquelles cette tradition repose, ne
peuvent soutenir un sérieux examen.
En effet, les sources qui servent de base à la
démonstration de Crollalanza sont trop éloi-
gnées du siècle de Jeanne d'Arc, pour offrir à
elles seules une preuve suffisante. La chronique
n'est pas antérieure au XVI 1 1« siècle ; l'épitaphe
française est l'œuvre d'un poète qui vécut au
XVII'': l'épitaphe italienne, dont l'origine et
l'auteur nous sont inconnus, est d'une authenti-
cité bien douteuse, et il nous serait même permis
de supposer qu'elle ait été forgée par l'auteur de
la chronique.
Ce même auteur allègue un arbre généalogique
des Ghisilieri ; mais cette preuve également est
bien loin d'être concluante, puisque l'arbre cité
ne coïncide pas, pour ce qui regarde Ferrand,
avec les généalogies connues de la famille.
D'ailleurs les historiens et les chroniqueurs
bolonais plus anciens gardent tous le silence le
1. Ces deux épitaphes sont transcrites par Crollalanza dans son
livre sur Jeanne d'Arc, qui est cité ci-dessous.
2. 9 et 10 décembre 1835.
3. Carolina Bonafede. Cenni biografici e ritratti d' imigni Donne
bolognesi raccolti dagli storici pi il accreditati. Bologna. tip. Sassi.
1845, pp. 183.
4. G. B. Crollalanza. Origine e gesta di Giovanna Darco (sic)
I™ édition. Narni, tip. del Gattamelata, 1859. 2m= édition, ibidem,
1862.
224
jIRebue tie T^rt ct)rétien.
plus absolu sur l'origine bolonaise de Jeanne
d'Arc. Il ne faut pas oublier à ce propos que
Sabadino degli Arienti, écrivain qui vécut à la
cour des Bentivoglio, dans son livre « Gyneveia
de le clare donne ;», dédia une de ses biographies
de femmes illustres à Jeanne d'Arc, à « Janna
polcella gaya de Fratiza ».
Sabadino, qui fut renseigné, sur la vie de
Jeanne, par un chroniqueur bolonais revenant de
la France — Fileno délie Tuate — raconte les
origines de Jeanne suivant la version bien con-
nue : <( — Qiiesia Janna polcella gaya nacqiie in
Franza nel paese de Barois, la qiiale da la elate de
octo anni fino a li sedexe fii gnardatrice de pécore
et sempre se exercito corere in qiiella parte, et in
questa altra insieme cuvi altre fanciule gnarda-
trice de pécore, etcuin unagrossa verga corne asta,
la quale sotto il brazo se poneva stringendola corne
li cavalieri d'arme le lanze ; et colpiva ne li piedi
de li arbori et talvolta inontava a cavalo de qualche
cavalla de altri pastori correndo similmente, che
chi la vedea cnin piacere se ne maravigliava, pei
modo divenne fiera e gagliarda ('). »
Pas un mot sur les parents de Jeanne, et sur
leur origine étrangère. D'ailleurs ce n'est guère
probable que Sabadino, ami et courtisan des
Bentivoglio, eût compris entre ses <iclare donner
une femme, qu'il crut issue de la famille Ghisi-
lieri, ennemie constante de ses maîtres.
Le témoignage négatif de Sabadino est une
preuve presque décisive contre la vraisemblance
de la légende (2).
En résumant, il n'est pas trop malaisé de soup-
çonner qu'il s'agisse d'une audacieuse tentative
d'enrichir l'histoire des gloires de la famille ;
tentative appuyée sur le fait des longs exils, que
la famille même eut à supporter. Le chroniqueur,
intéressé peut-être, ou tout simplement adroit
courtisan, accepta les preuves qui lui étaient
offertes, preuves trop modernes et suspectes, et
il bâtit, à leur aide, son romanesque récit.
Si la tradition de l'origine bolonaise de Jeanne
1. Gynevera de le clare donne di Joanne Sabadino de li Arienti, a
cura di Corrado Ricci e A. liacchi deila Lega. Bologna, 1888,
pp. 100-103.
2. Marsano ne cite pas seulemenl le chroniqueur et les docu-
ments allégués par ce dernier ; il affirme aussi que deux historiens
donnent à Jeanne le nom de Cihisilieri. Mais il ne nous dit pas qui
sont ces historiens ; et son affirmation aussi dénuée de pieuvcs, ne
mérite pas de nous arrêter.
d'Arc repose sur des bases si faibles, l'hypothèse
que l'image de St- Pétrone soit le portrait de
l'héroïne vient à perdre sa principale raison d'ê-
tre. Mais, laissant de côté la tradition, nous allons
examiner si l'image elle-même nous offre des
éléments qui permettent de supposer que le pein-
tre ait eu en effet l'intention de représenter
Jeanne d'Arc.
Quelle est la pose de la soi-disante Jeanne ?
Elle soutient avec la gauche la bannière, tandis
qu'avec la droite elle esquisse un mouvement qui
rappelle celui d'une personne en train de discuter.
L'index et le troisième doigt réunis forment un
arc avec le pouce; les autres doigts ne se voient
point. Ce geste n'a pas encore le charme de
celui que Masolino a donné à Ste Catherine
dans sa dispute avec les philosophes païens ;
mais, bien que moins clairement, il exprime la
même idée: ce qui ne conviendrait point à Jeanne
d'Arc.
Un fait aussi qu'on ne doit pas négliger, est
que la fresque qui nous occupe se trouve préci-
sément dans cette partie de l'église qui était déjà
construite dans les premières années du XV'î
siècle. On sait en effet que dès 1401 les quatre
premières chapelles de droite et de gauche, et la
partie de la nef qu'elles renferment étaient ache-
vées ; de sorte que dans la même année, on pou-
vait célébrer les divins offices dans la chapelle
Bolognini (la quatrième à gauche) (').
A la même époque cette partie de l'église était
aussi décorée de peintures murales. Vasari, Mal-
vasia, Cavalcaselle mentionnent celle que peignit
un vieux maître de Bologne, Lippo di Dalmasio,
dans l'année 1407, et qui représentait la Vierge
avec l'enfant Jésus et une gloire d'anges. Cette
fresque a été transportée sur toile, et même elle
a beaucoup souffert dans ce passage.
Une autre fresque, l'image colossale de S.
Christophe, restée heureusement à sa place pri-
mitive entre la troisième et la quatrième chapelle
de gauche, a tous les traits distinctifs du style
de Jacopo di Paolo, peintre bolonais qui travailla
surtout dans les dernières années du XI V"^ siècle,
et qu'on ne trouve plus mentionné après 1402.
On peut donc avec assez de raison supposer
I. Ricci, Guida di Bologna, Bologna, 1900, p. 15. — Gatti, La
fabbrica di S. Peironio. Bologna, i88g, p. 12.
£©élange0.
225
que notre fresque, située si près des deux autres,
est aussi une œuvre des premières années du
XV* siècle (ce qui met Jeanne d'Arc hors de
cause); et l'examen de son style ne peut que nous
confirmer dans cette opinion.
La fresque est très endommagée, mais pas de
telle sorte qu'elle ne puisse être étudiée, d'autant
plus qu'elle n'a pas été gâtée par des retouches.
La soi-disante Jeanne a une silhouette assez
svelte et bien prise, mais sa physionomie est dure
et suffisamment revêche. Les yeux sont petits et
fixes, les lèvres et le menton trop proéminents et
accentués ; les muscles sont saillants, le front est
large et osseux. L'impression dure de ce visage
sans charme est rehaussée par les ombres ter-
reuses et sombres.
Les fresques bien connues, peintes par un
maître qui n'a pas encore été déterminé avec
certitude dans la chapelle Bolognini Amorini,
offrent beaucoup de rapports avec notre image,
soit pour le dessin soit pour la couleur. Le mo-
delé des visages surtout présente des analogies
si frappantes dans les deux œuvres, qu'il est per-
mis de les attribuer à la même main. On ne pour-
rait du moins ne pas admettre qu'il s'agit de
deux maîtres bien rapprochés pour le style et
pour l'époque.
Or les documents nous attestent que les fres-
ques de la chapelle Bolognini Amorini furent
exécutées sur la commande que Barthélémy Bo-
lognini exprima dans son testament en l'année
1408. Nous ne connaissons pas avec certitude, je
le répète, le nom de leur auteur ; mais ce fut,
selon toute apparence, ce même Jean de Modène
qui, au cours de l'année 1420, travaillait aux
fresques toujours existantes, bien que défigurées
par des retouches maladroites, dans la chapelle
de St-Abonde, la première du côté gauche de
St-Pétrone (O-
On peut attribuer à cette même période, 1408-
1420, la fresque qui nous occupe et qui est cer-
tainement, en tout cas, une œuvre antérieure à la
mort de Jeanne d'Arc. Si même on admettait
que l'image eût été peinte après 143 1 (ce qui ne
paraît pas vraisemblable) on se heurterait tou-
jours à une difficulté assez considérable. Est-ce
possible qu'on choisit afin de décorer une église
les traits d'une femme morte sur le bûcher, par
la sentence d'un tribunal ecclésiastique qui la
déclarait hérétique ?
Une telle idée ne pouvait naître qu'après sa
réhabilitation ; mais une date postérieure à l'an-
née 1456 serait absolument incompatible avec le
style de la fresque. Il faut donc conclure que
celle-ci ne peut pas être le portrait de Jeanne
d'Arc (2).
L'image perd ainsi tout son attrait légendaire
et tout son intérêt historique : elle est très inté-
ressante toutefois, parce que c'est, très probable-
ment, une nouvelle œuvre que nous apprenons à
connaître du maître de la chapelle Bolognini,
c'est-à-dire du plus marquant des artistes de la
première moitié du XV<" siècle à Bologne.
Henri Brunelli.
1. Bianconi, Guida di Bologna. Bologna, 1835, p. 112. Ricci,
ouvr. déjàcité, pp. 16-18.
2. Est-ce même l'image d'une femme ? J'ai suivi l'opinion géné-
ralement reçue, en disant qu'il s'agit d'un portrait de jeune fille ;
mais, quoique j'incline à penser de même, je ne peux taire que le
sexe de cette image parait douteu.x. Les longs cheveux blonds qui
l'ornent peuvent aussi bien convenir à l'image d'un adolescent.
Dans l'œuvre célèbre de Carpaccio et dans bien d'autres tableaux,
qui représentent .S. Georges terrassant le dragon, le saint a une
figure dont le charme juvénile est rehaussé par ses longs cheveux
bouclés.
*^ ^ ^ :^V^ j^^l^i^ij^^^i^i^^i^ii^i^ ^^. ^^^^ ^, ^, ^ -^^ :^fe^i^
Corrtsponliance. ^^mwm^mwm
■^ ^m '^ ^ --'^ =^ -^^ '^^ '-^ '^ '^ ^'^ '-^ '"^ '"^ '^ ^- ^ '^^ ^-^ '-^ ^-^ '"^ '"^ '■■■'^ ^-^^
^.^:v^^.^v^.^ Italie.
Bcjiate : Un tableau Bf fflatco B'Ooaione. — 'B\:^t :
XccB frcsqucfi Dii Campo Hatito. — Canif rlno : Xtc choeur
te l'éoliac tics ClatisBCB. — Blorcnrc : It'aBotation urs
ffiagco par O.entilc Ba Habriano; une fflaBone Bc B. Capo= |
rali; une sousctiption exemplaire; lea atcbiuea photoara-
phiques ; Bécouoertc De BCBBine Bf ffîitbeUHnçe.
Besate (Lombardie) Un tableau de Marco
d'Oggione.
L'église San Michèle Arcangelo possède un
tableau portant l'inscription :
Hoc opus fecit fieri Comniunitas Besati.
Comme il arrive trop souvent, la peinture
avait été laissée à l'abandon et peu à peu avait
subi l'influence de la poussière et de la fumée
des cierges et de l'encens.
Un amateur intelligent, M. Pisani appela l'at-
tention sur cet ouvrage ; il. fut alors envoyé à
Milan et soumis à l'examen de l'éminent direc-
teur de la Galerie Brera, M. Corrado Ricci et
de M. le professeur Careiiagli.
La peinture fut décrassée et reconnue comme
étant de Marco d'Oggione, né en 1470 et mort,
croiton, en 1550.
C'était un fervent admirateur de Léonard de
Vinci dont il s'inspira souvent ; il copia deux
fois la célèbre Cène de Léonard, à l'église de
Santa Maria délie Grazie, alors que déjà la pein-
ture était menacée de ruine. La copie d'Oggione
a servi à une gravure de Frey et de Morghen.
Le tableau de Besate (i mètre "jQ de haut, sur
I m. 48 de large) représente la Madone assise sur
un trône avec l'Enfant Jésus, adorée par des
saints en robes monacales ; la peinture est d'un
ton un peu gris et diaphane, mais d'une grande
délicatesse.
Les fresques du Cauipo Santa de Pise.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que la préservation
des fresques peintes sur la muraille exposée à
l'air de la mer, est d'actualité.
Bien des tentatives infructueuses ont été
faites ; récemment on h parlé d'un essai sur des
parties secondaires des peintures de Benozzo
Gozzoli, très affaiblies de coloration et l'essai,
a-t-on dit, n'aurait pas bien réussi.
Le système consiste à enlever la fresque et
à la placer sur un réseau de fils métalliques, puis
à la remettre en place, en ayant soin de laisser
entre elle et le mur un espace vide suffisant pour
la circulation de l'air.
A la lecture de ces relations, on pourrait
croire que la méthode est appliquée pour la pre-
mière fois.
Il n'en est rien.
Il y a une dizaine d'années environ, M. Fiscali a
proposé ce système à la Commission compétente.
Il a été autorisé de l'expérimenter, après des
épreuves préliminaires.
Le très habile praticien a levé ainsi et remis
en place vingt-quatre mètres carrés des fresques
d'Antonio Veneziano (1319-13S3) représentant
la mort de saint Ranieri, l'un des patrons de Pise.
La tentative a si bien réussi que pas un seul
critique d'art ne s'en est aperçu et n'a signalé
l'opération.
Du reste, pour toutes ces questions de fresques:
technique, restaurations, etc., il ne suffit pas d'être
écrivain, peint re, ou architecte, il faut absolument
suivre de très près les travaux et souvent.
Nous en avons une nouvelle preuve à propos
des fresques de Gozzoli au Campo Santo.
L'essai fait par M. P^iscali a échoué, dit-on.
Eh bien, non ; il a réussi autant que cela a été
possible et pour l'affirmer, je m'appuie sur l'au-
torité d'un membre de la Commission nommée
par le ministre.
Il ne pouvait entrer dans le programme de
remettre les fresques dans leur état primitif;
elles resteront donc affaiblies dans leurs colora-
tions ; il fallait simplement chercher le moyen
d'empêcher les dégradations de s'étendre. Par
l'exemple des peintures d'Antonit) Veneziano,
la Commission a estimé que les procédés de
M. Fiscali arriveraient à ce résultat.
Je puis donner une nouvelle preuve de la con-
fiance qu'inspire M. Fiscali : par décision minis-
térielle il vient d'être chargé d'appliquer son
procédé aux fresques dePaloUccello (1397- i475J
du cloître vert de la basilique de Smta Maria
Novella à Florence.
Correspondance.
227
J'ai vu les premiers résultats ; ils sont
excellents.
Je reviendrai sur cette très importante entre-
prise.
Camerino ( ancien État de l'Eglise).
La toiture du chœur de l'église des Clarisses
s'est écroulée et dans sa chute a brisé les stalles
et les boiseries. Ces ouvrages, peu connus, mais
fort remarquables, paraît-il, sont de l'an 1489,
ainsi que l'indique une inscription : Opus Donii-
nici Severinatis 14SÇ.
On pense que l'auteur est le célèbre Indivio
de San Severino qui a sculpté les boiseries de
l'église de San Severino et celles du chœur de
l'église supérieure d'Assise.
Les débris ont été soigneusement recueillis et
on espère pouvoir reconstituer l'ensemble.
Il sera placé au Musée civique de Camerino,
organisé en 1903 dans l'ancienne église de la
Santissima Annunziata, décorée d'une fresque
de Pinturicchio.
La predelle de l'Adoration des Mages par Gen-
tile da Fabriano.
Ce magnifique ouvrage signé OPUS GEN-
TILIS FABRIANO 1423 MENSIS MAII,
fait partie de la Galerie de l'Académie de Flo-
rence ; il était jadis dans la sacristie de l'église
de la Trinité.
Il est évident que tous ceux qui l'ont admiré,
ont remarqué l'absence de l'une des trois histoires
peintes sur la predelle ; V Adoration des Bergers
et la Fuite en Egypte sont là, mais le troisième
compartiment était vide ; la peinture est au
Musée du Louvre et parait avoir été prise à la
fin du XVI 11^ siècle ou dans les premières
années du XIX^
Elle représente la Présentation au Temple.
On regrettait cette lacune trop prolongée. Un
artiste italien, M. Diomède délia Bruna, vient
de la combler ; il a copié fidèlement au Louvre
la Présentation et en a généreusement fait don
à la Galerie.
Une Madone de B. Caporali.
M. Corrado Ricci, le très distingué directeur
de la Galerie de Brera à Milan a été nommé
Directeur des Musées royau.v de Florence en
remplacement de l'éminent M. Ridolfi, admis à
la retraite sur sa demande après quarante-cinq
ans d'excellents services.
On ne pourrait faire un meilleur choix.
M. Corrado Ricci a inauguré ses fonctions par
l'acquisition d'une Madone par Bartolomeo Ca-
porali.
Nous reproduisons en petit cette délicieuse
peinture.
On ne connaît pas exactement l'année de la
naissance de Caporali ; il a été inscrit sur la ma-
tricule des peintres de Pérouse en 1422 et tra-
vaillait encore 1487.
Il ne faut pas le confondre avec son fils Capo-
rali (Jean-Baptiste) dit Betti, peintre et architecte
et avec son petit-fils, Jules, également peintre et
architecte.
Les peintures de Bartholomeo Caporali sont
d'une extrême rareté dans les musées.
Je crois que la pinacothèque Vanniicci de
Pérouse, seule, possède une œuvre authentique
de lui, c'est une sainte Marie Madeleine.
Le même musée conserve aussi une fresque
à.tis.c'Ciéa, Jésus-Christ et la Vierge en gloire, avec
la date MCCCCLXIX, mais elle est seulement
attribuée à Caporali.
Caporali a collaboré fréquemment avec Bene-
detto Bonfigli (1420 ?-i496 ?).
La pinacothèque de Pérouse conserve de cette
collaboration plusieurs tableaux : La Vierge
annoncée, petit ouvrage très abîmé ; l'Ange Ga-
briel annonçant, petit tableau détaché d'une
cuspide ; les saints Paul et Pierre ; la Madone
avec r Enfant et des Anges ; saint Pierre et sainte
Catherine, ces trois dernières peintures sont d'ex-
cellents ouvrages.
Une souscription exemplaire.
La Commission nommée en 1S55 pour la nou-
velle façadedu Dôme de Sainte-Marie de laFleur
de Florence vient d'approuver les comptes des
recettes et des dépenses ; dans ces comptes sont
comprises également les trois portes de bronze
non prévues dans le principe.
Les recettes, souscriptions, legs, concessions
ont été de 1,798, 312 lires :
Tous frais payés, il reste un reliquat de 205,158
lires.
Le résultat est magnifique et bien peu d'entre-
prises en ont obtenu de semblables.
C'est que la façade résulte d'un mouvement
unanime de patriotisme et de piété.
Parmi lessouscripteurs on peut citer l'ex-grand-
duc de Toscane, le Pape Pie IX, le roi Victor-
Emmanuel II.
Les sculpteurs chargés de l'exécution des nom-
breuses figures de la façade ont tenu à travailler
sans rétributions et n'ont accepté que le rem-
boursement des marbres et de la pratique.
En 1903 mourut à Florence, à l'âge de quatre-
vingt-treize ans, un notable Anglais, M. Temple-
Leader, ancien membre de la Chambre des Com-
munes.
Depuis de longues années il était établi à
Florence, s'occupant d'archéologie et d'art. Sa
fortune lui avait permis la fantaisie de tenter le
rétablissement du château de Vincigliata, situé
sur une colline près. de Fiesole, dont il ne restait
que quelques ruines du XIV'' siècle ; il y réussit
dans une certaine mesure.
Après sa mort on trouva dans son testament
un legs de 180,000 lires, destiné aux nouvelles
portes de bronze du Dôme de Florence. Il était
spécifié qu'au cas où les portes seraient achevées
à l'époque desa mort — ce qui s'est en effet réalisé
— la somme servirait à l'achèvement de la gale-
rie qui contourne à l'extérieur la base de la cou-
pole de Brunellesco.
C'était bien pensé, car depuis plus de cinq siè-
cles on regrettait l'état inachevé de la galerie.
Brunellesco avait bien laissé un projet, mais le
dessin a été perdu ; l'opéra du Dôme adopta en
principe des projets de Simone Pollaiulo, Giu-
liano da Sangallo, Baccio d'Agnolo, Antonio
Manelli.
Enfin en 15 15, on découvrit une partie de la
galerie ; elle consistait en petites arcades qui
n'eurent pas l'approbation des Florentins ; Mi-
chel-Ange,très poité à la critique, donnaledernier
coup à la galerie, en l'appelant une cage à grillons.
Depuis lors, les choses sont restées en l'état.
Le legs de Temple-Leaders, compris dans le
reliquat de 205, 158 lires, permettra d'achever la
galerie.
Ce n'est pas la première fois que la générosité
des Anglais se manifeste à Florence.
Plusieurs anciennes fresques badigeonnées ont
été rendues à la lumière à leurs frais, mais c'est
Sloane qui a donné le plus généreux exemple. Il
a mis 500,000 lires à la disposition de l'architecte
de la basilique de Santa Croce pour l'édification
de la façade, qui fut terminée en 1863 d'après
un croquis attribué à Simone del Pollaiulo del
Cronaca (1457-1508).
Sloane, et cela n'enlève absolument rien à son
mérite, s'était peut-être rappelé que le fabricant
des produits tincturiaux, Giovanni Rucellai, sur-
nommé Oriccellai, avait, en 1448, fait édifier à ses
frais, par son ami l'architecte Alberti, la façade de
la basilique de Santa Maria Novella.
Les archives photographiques.
M. Corrado Bicci a créé à la Galerie de Flo-
rence une section : les archives photographiques.
Il a fait appel aux artistes, amateurs, photo-
graphes de profession de tous pays.
Ces photographies seront classées méthodi-
quement et mises à la disposition du public.
C'est là une excellente idée. Le succès a ré-
pondu à l'appel ; en moins de deux mois,
10,000 documents ont été déjà reçus.
Découverte de dessins de Michel- Ange.
L'année dernière, M. Ferri, conservateur de la
Galerie des offices de Florence, de la très impor-
tante section des dessins qui sont au nombre de
plus de 40,000, a découvert avec le concours de
M. E. Jacobsen, une suite inconnue de dessins
de Michel-Ange.
Poursuivant leurs recherches les deux érudits
viennent de trouver une autre suite du grand
artiste. Les dessins se rapportent aux études
pour la voûte de la chapelle Sixtine, au monu-
ment du pape Jules II et à la restauration de
plusieurs antiques du Vatican, dont Michel- Ange
s'était chargé. Gerspach.
Au Congrès d'archéologie tenu à Namur en
1886, M. Van Bastelaer et M. le comte Vander
Straten-Ponthoz ont posé la question de savoir
s'il faut prendre les mots droite et gauche dans
leur sens objectif ou dans leur sens subjectif
lorsqu'on s'en sert dans la description d'objets
appartenant à l'héraldique, à la numismatique,
ou à des monuments ou œuvres d'art.
M. le comte Vander Straten-Ponthoz nous
fait observer que, depuis lors, la solution dans le
sens objectif a été admise pour ces termes.
■.^, ^ -^ :^ :^ ^ ■^, ^ ..:^, ^ :^ .^, ^, -^^ :^ ■^, ■^, ^, ^, ^,^ .^^ ^ -^bj
rn^mB) Tvabaujc bejS JSociétés sabantes. i^m
ww^ww^wwwwwwwwwwwwwwwwwwwww
Société des Antiquaires de France. —
Séance du j février iço^. — M. Toutain est élu
membre résidant, en remplacement de M. Ui.
Robert.
MM. Fourcher, A. Vidier et L. Galle sont élus
associés correspondants nationaux. M. F. Cu-
mont est élu associé correspondant étranger à
Bruxelles.
Séance du lo février. — M. le baron de Baye
communique, de la part de M. Lex, le calque
d'un carreau de pavage.
M. de Villefosse lit une note de M. J. Déche-
lette sur un petit vase à infuser faisant partie de
la collection de M. Bertrand, conservateur du
musée de Moulins.
M. de Mély communique un dessin du VI 11^
siècle tiré du Sacramentaire de Gellone et repré-
sentant un chevalier armé de toutes pièces.
Séance du ij février. — M. Dimer fait une
communication sur les tableaux qui décoraient
jadis la petite galerie du Louvre.
M. Lafaye rend compte au nom de M. Franki-
Maulin d'une découverte d'antiquités gallo-ro-
maines faite à Vers, près de Sederon, Drôme.
M. Cagnat propose une lecture pour une ins-
cription cursive qui orne un plat communiqué par
M. le baron de Baye.
Il donne ensuite lecture d'un mémoire de M.
Gauckler sur le mosaïste dans l'antiquité.
Lecture est donnée d'une note de M. Jadart,
sur une plaque en terre cuite du musée de Reims
portant le sceau de Jean Godart.
M. de Villefosse rend compte des plus récentes
découvertes du R. P. Delattre.
Séance du 2jf. février. — M. Dumuys fait hom-
mage des photographies agrandies représen-
tant des ivoires du musée historique d'Orléans.
Il communique la reproduction de deux ensei-
gnes de pèlerinage appartenant au même musée.
Il fait passer sous les yeux delà Société le sceau
du comte d'Alençon tué à Crécy. Ce sceau a été
trouvé à Orléans dans la rue des Gourdes, lors
des travaux exécutés pour poser le câble élec-
trique. Il fait partie de la collection de M. Du-
muys.
M. de Villefosse communique un travail de
M. R. de Kerviler sur les mesures de longueur
et les nombres 7 et 3 chez les constructeurs de
monuments mégalitiques en Armorique.
M. Henri Martin présente un manuscrit du
commencement du XV'= siècle qui porte des
notes marginales pour guider le travail de l'illus-
tration.
M. Durrieu fait part d'une découverte de M.
Lucien Magne qui a reconnu dans une des mi-
niatures des Heures du duc de Berry, conservées
à Chantilly, une reproduction du château de
Saumur.
M. Cheron fait au nom de M. Mallard une
communication sur les fouilles que celui-ci est en
train d'exécuter dans le théâtre de Prévaut près
de St-Amand.
Séance du 2 mars. — MM. Ch. Vignot, Char-
les Magne et l'intendant-général Courbot sont
élus associés correspondants nationaux.
M. Adrien Blanchet communique un plomb
antique au type de Mercure sur lequel on lit un
nom qui semble se rapprocher de celui d'Anse.
(Rhône).
M. Jules Maurice communique les parties
essentielles d'un mémoire relatif aux ateliers mo-
nétaires des Gaules vers l'époque de Constantin
et à leur fonctionnement.
Séance du ç mars. — M. Omont entretient la
Société d'un très ancien exemple d'illustration
fourni par le ms. latin 4884 de la Bibliothèque
nationale.
M. Gauckler adresse une note au sujet d'une
inscription trouvée à El Djem Thysdins, par
MM. Gilbert et Tunlay.
M. Cagnat parle d'une enceinte funéraire chré-
tienne fouillée par M. Bertrand, conservateur du
Musée de Philippeville à Ceni Melek sur la route
de Stord.
M. Henri Martin communique un livre d'Heu-
res conservé à la bibliothèque de l'Arsenal et
qui paraît avoir appartenu au duc Jean de
Berry.
Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres. — Séance du 2ç janvier iço^. — M. P.
De Meyer énumère les pertes de la bibliothèque
nationale de Turin au cours de l'incendie que
nous avons relaté ('). Il annonce que la plupart
des manuscrits grecs et beaucoup de manuscrits
latins (plusieurs milliers) sont devenus la proie
des flammes ou ont été détruits par l'eau. Il
termine en proposant à l'Académie de mettre
une collection aussi complète que possible de ses
publications à la disposition du conservateur
de la bibliothèque de Turin.
I. V. Revue de l'Art ehrétteti, 1904, p. 178.
KEVIJH Di-: I. AHT CHKKTtK.V.
1904. — 3""^ LIVRAISON.
230
3Rebue ïie V^xt cbrctinu
M. S. Reinach remarque combien il devient
facile de limiter pareil désastre en photo-
graphiant les manuscrits précieux. Sur la propo-
sition de M. Uieulafoy, l'Académie décide qu'elle
prendra auprès du Ministre de l'instruction pu-
blique l'initiative d'une proposition dans ce sens.
Séauce du 5 février. — Il est donné lecture
d'un projet de loi, tendant à faire photographier
les monuments les plus précieux conservés dans
les musées selon le vœu émis par l'Académie.
Séance du 12 février. — L'Académie procède
à la proposition de candidats à la direction de
l'école française d'Athènes.
M. S. Reinach montre et commente vingt-deux
photographies d'après les miniatures qui ornent
un magnifique manuscrit de Froissart, écrit
pour le Grand Bâtard de Bourgogne en 1469 et
doimé, au XVI'= siècle, à la Bibliothèque de
Breslau.
Quelques-unes d'entre elles représentent des
scènes historiques où figurent des vues de Paris,
de Bruges, de Dunkerque, de Bordeaux et de
Londres.
La vue de Paris avec le Châtelet et la Bastille
est particulièrement intéressante.
M. Reinach estime que les meilleures minia-
tures de ce manuscrit peuvent être d'un artiste
français établi à Bruges auquel M. P. Durrieu a
attribué les belles grisailles des Miracles de la
Vierge (actuellement à la Bibliothèque Nationale)
et plusieurs miniatures d'un manuscrit de la col-
lection Dutuit au Petit Palais.
M. S. Reinach annonce qu'Edhem Bey, pour-
suivant, au nom du musée de Constantinople, les
fouilles de Tralles (Asie-Mineure), a déblayé une
partie du gymnase de cette ville et y a décou-
vert, avec une série d'inscriptions relatives aux
vainqueurs des jeux, un très intéressant bas-relief
en marbre dont le motif est absolume''nt nouveau.
C'est le premier exemple d'un bas-relief pitto-
resque dont la provenance asiatique soit certaine.
Séance du iç février. — M. Hcuzey continue
à exposer quelques-uns des principaux résultats
obtenus, dans les fouilles de Tello, par le capi-
taine Gros, le nouveau chef de la mission fran-
çaise de Chaldée. Parmi ces découvertes, il
convient de signaler l'existence de la polychromie
dans l'ancienne sculpture chaldéenne.
A citer encore un bas-ielief très archaïque qui
représente la «Pêche miraculeuse du héios Isdou-
bar » ; r « Hercule oriental », sujet des plus rares,
reproduit seulement sur un cylindre ; une plaque
de coquille découpée (c'était l'ivoire de cette
haute antiquité) qui nous donne la figure du roi
Our-Nina que l'on place vers le quarantième
siècle avant notre ère. Ces monuments sont d'un
grand intérêt archéologique et historique.
Les documents épigraphiques recueillis par le
capitaine Cros et déchiffrés par M. François Thu-
reau-Dangin, établissent une relation directe
entre les aiinales de Sirpourla et celles de plu-
sieurs autres villes chaldéennes, parmi lesquelles
la cité biblique d'Erech, mentionnée dans la
Genèse : c'est un synchronisme important pour
la reconstruction des origines de l'histoire.
M. d'Arbois de Jubainville offre à l'Académie,
de la part de l'abbé Martin, l'étude sur le coq
du clocher, dont nous rendons compte plus haut.
ConiDinnications diverses. — M. Clermont-
Ganneau communique une lettre du Père
Lagrange, datée de Jérusalem le 15 février, dans
laquelle cet érudit annonce le retour à bon port
de l'expédition qui s'était rendue à Éboda.
Trois cents tombes antiques ont été explorées.
On y a découvert le tombeau du fameux roi
nabatéen divinisé Obodat, avec un proscynème
nabatéen ainsi conçu : '< Vivant est Obodat », et
la marque de deux pieds gravés attestant l'acte
d'adoration d'un ancien pèlerin. D'autres graffiti
nabatéens ont été copiés; des plans d'Éboda,
Sbeita et Elousa ont été levés, avec de nombreux
dessins et détails. A signaler, entre autres, un
sépulcre orné d'animaux dans le genre des
fresques de celui de Beit-Djibrin. Le tout sera
prochainement envoyé à l'Académie avec un
rapport explicatif.
Séance du 4. mars. — Le secrétaire perpétuel
donne lecture de l'article du testament par lequel
M. Edmond Drouin,de Paris, lègue à l'Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres, mie rente
annuelle de 300 fr. avec mission de fonder un prix
de 1.200 francs, qui sera accordé tous les quatre
ans, au meilleur ouvrage sur la numismatique
orientale.
Le président donne lecture d'une lettre dans
laquelle le préfet de la Seine décrit les fouilles
qui ont été entreprises, ces temps derniers, par la
Commission du Vieux Paris, rue Fromentel et rue
Lanneau, et dont nous avons dit ici les résultats.
L'Académie décide qu'elle priera le président
de la Commission de ces fouilles, M. Georges
Villain, de venir exposer, avec plans à l'appui,
les résultats de ses recherches.
M. Clermont-Ganncau mentionne qu'au cours
des travaux de réfection d'égouts qui ont été
entrepris dans ces parages, il y a quelques
années, les ouvriers ont mis à jour un gros ro-
binet en cuivre oxydé qui provenait probable-
ment des étuves dont on a relevé les traces.
Cratjaujc tieg Sociétés 0at)ante0»
231
Cette épave d'un autre âge avait été déposée au
Collège de France.
M. Bayet communique à l'Académie une inté-
ressante notice sur l'état des fouilles que M. de
Morgan dirige actuellement en Perse.
Il signale tout particulièrement la découverte
d'une statue de femme en granit gris portant une
inscription probablement votive, un lion en
marbre, une colonne en bronze sur laquelle on
relève une longue inscription, des cylindres à
scènes figurées, et divers objets en métal.
De son côté, M. Heuzey entretient l'Aca-
démie de la céramique chaldéenne. Celle-ci
n'était représentée jusqu'ici que par des vases en
terre ordinaire sans décoration d'aucune sorte.
D'après les exemples communiqués par M. Heu-
zey, on doit aux fouilles du capitaine Gros d'avoir
constitué une série de vases chaldéens en terre
noire ornés de figures à la pointe dont le contour
est avivé par une pâte blanche incrustée dans les
incisions.
Il s'agit d'une technique spéciale qui a fait un
grand chemin dans le monde antique, car on la
retrouve depuis la région de la Suse jusque dans
les nécropoles d'Espagne, en passant par la Tur-
quie, l'île de Chypre, laThrace et l'Étrurie.
M. Ed. Pottier présente de la part de M. Gonze,
secrétaire général de l'Institut archéologique
de Berlin, une photographie de la sculpture qui
a été trouvée à Pergame et publiée dans les
comptes rendus de l'Académie de Berlin. Il s'agit
d'une copie romaine de l'Hermès Propylaios
d'Alcamènes, comme l'indique une inscription
gravée sur la base. Le style encore archaïque
en est fidèlement conservé et peut servir à
établir, d'une façon plus rigoureuse qu'on n'avait
pu encore le faire, le caractère des œuvres d'Al-
camènes, le principal émule de Phidias. L'original
a été transporté au musée de Constantinoplc.
Séance du 11 tnars. — Le docteur Capitan et
MM. Breuil et Charbonneau communiquent à
l'Académie le résultat des observations complè-
tement inédites qu'ils ont faites sur le territoire
de la ferme de la Vaulx près de Saint Aubin-
Baubigné (Deux- Sèvres), entre Bressuire et
Cholet. Il existe là, dans un espace d'à peine un
kilomètre carré, de nombreux blocs de granit,
parfois assez volumineux, isolés au milieu des
champs. Sur la plupart, au nombre d'une cin-
quantaine, les auteurs ont découvert de nom-
breuses gravures, qu'ils ont photographiées, cal-
quées et dessinées.
Profondément gravées sur la surface du granit,
ces figures se composent: 1° de signes divers ;
2° de figures d'animaux ; 3° de figures humaines.
Toutes sont extrêmement stylisées.
Parfois les figures sont groupées deux à deux;
elles forment quelquefois de vraies scènes : soit
un couple, soit plusieurs individus qui, dans une
image, entourent un grand personnage les bras
étendus. Des figures d'animaux sont quelquefois
associées aux images humaines, souvent avec
représentation d'un cavalier de même type que
les autres figures. Enfin, des cercles, des croix,
des signes divers sont souvent interposés entre
les images.
Telles sont ces singulières figures dont il
n'existe nulle part d'identiques. Tout au plus
pourrait-on rapprocher les figures d'animaux de
certaines gravures rupestres d'Algérie et les
images humaines des statues menhir du Tarn et
de l'Aveyron, découvertes par l'abbé Hermet et
qu'on peut légitimement attribuer à l'époque du
bronze. Il est donc bien difficile de dater les
gravures rupestres de la Vaulx. Elles ne parais-
sent guère pouvoir être considérées comme bar-
bares.
On peut donc penser qu'elles sont antiques, et
non sans de grandes réserves les rapprocher des
statues menhir sus-indiquées et les faire remonter
à l'époque du bronze ou au premier âge du fer ;
soit donc du neuvième au douzième siècle avant
Jésus-Christ.
Quant à leur signification, on pourrait, dit M.
Capitan, émettre l'hypothèse qu'elle est commé-
morative, rituelle ou fétichique.
Les enhiinineiirs de manuscrits au moyen âge.
— M. Henry Martin, conservateur à la Biblio-
thèque de l'Arsenal, communique à l'Académie
des observations d'où il résulte que, dès leXlII«=
siècle, il y a eu de véritables ateliers de peintres
placés sous la direction d'un chef ou d'un maître
qui fournissait à ses collaborateurs les esquisses
des miniatures à exécuter.
Ces esquisses, qui, jusqu'à présent, avaient
passé inaperçues, peuvent être observées sur les
marges d'un très grand nombre de manuscrits
de luxe. Elles sont généralement d'un dessin
bien supérieur à celui des miniatures, et les per-
sonnages figurés dans ces esquisses, bien qu'ils
soient souvent dessinés d'une façon sommaire,
ne présentent pas les gestes gauches qu'on re-
marque dans beaucoup de ces petits tableaux du
moyen âge.
Grâce à ces esquisses, on comprend maintenant
pourquoi les miniatures d'un même manuscrit,
quoique bien homogènes pour la composition des
scènes, accusent si souvent d'incroyables inéga-
lités dans l'exécution de l'enluminure. Toutes les
esquisses étaient bien l'œuvre du chef d'atelier,
mais le travail d'enluminure était confié à des
auteurs différents,
M. Henry Martin a relevé aussi l'existence à
Paris, sous Charles VII, d'une femme peintre in-
232
Brtuc ÏJC part cbréttcn.
connue jusqu'ici et qui devait être très en vogue
puisque ses œuvres se payaient fort cher. Cette
enlumineuse portait le nom assez singulier d'A-
nastaise (nous disons aujourd'hui Anastasie).
Bien qu'elle travaillât à Paris, il n'est pas sûr que
cette dame Anastaise fût Française d'origine ;
peut-être avait-elle été attirée en France par la
renommée universelle dont jouissaient à cette
époque les enlumineurs parisiens.
Séance du i8 mars. — M. Ph. Berger annonce
que M. Gauckler, directeur des antiquités et des
fouilles en Tunisie, a découvert au Djebel-Man-
sour, dans les ruines de la petite « civitas Galita-
na », là où fut déjà trouvé un monument funé-
raire avec bas-reliefs et inscription bilingue, latine
et néo-punique, un linteau de porte monolithe
portant la dédicace d'un temple à Mercure par
la « civitas Galensis » et ses suffîtes Aris et Ma-
nius, fils du Celer.
M. Potier communique une notice du P. Jala-
bert sur les stèles de Sidon.
Séance du 2§ mars. — La Commission du prix
Saintour (3,000 fr.), destiné à récompenser le
meilleur ouvrage relatif à l'antiquité classique
publié depuis le i*^"^ janvier 1901, accorde :
Un prix de 2,000 fr. à M. Maurice Besnier
pour son livre intitulé L'Ile Tibérine dans l'anti-
quité ;
Un prix de 1,000 fr. à M. Ridder pour son
Catalogue des vases peints de la Bibliothèque JVa-
tiotiale.
Séance du jo mars. — M. Babelon fait une
communication relative aux types monétaires et
autres monuments qu'on a rapprochés de la
célèbre statue de bronze du musée de Berlin,
connue sous le nom de L Enfant en prière.
Il démontre que, sur la monnaie de Tarente, le
héros Taras, à califourchon sur le dauphin, ne
fait pas le geste de la prière, mais les mouvements
saccadés du céleuste, comme pour régler et
rythmer le balancement des rameurs. Sur la stèle
de Némée, oîi l'on a vu un athlète en prière, il
faut reconnaître, suivant M. Babelon, un devin,
peut-être Mélampos,dans une attitude liturgique.
Des monnaies de Sicyone représentent le
même personnage avec des bandelettes qui des-
cendent parallèlement de ses mains levées, au-
dessus de sa tête ; et parfois la colombe, placée
devant lui, indique qu'il s'agit d'une scène d'or-
nithomancie. L'hypothèse de l'athlète en prière
doit donc être écartée.
Académie royale d'Archéologie d'Anvers.
— M.lechan. Van den Gheyn, dans son discours
présidentiel de décembre dernier, a exposé la
perplexité qu'il éprouve en présence de la ques-
tion de la restauration des anciens monuments,
qu'il distingue, comme le soussigné l'a proposé
dès 1894, en deux catégories, les monuments
morts et les monuments vivants. Autrefois, un
généreux mouvement s'est produit contre l'aban-
don dont ils étaient l'objet, les uns et les autres,
en faveur de leur restauration ; depuis, on dé-
nonce les restaurateurs à l'animosité publique.
Au sujet du traitement des ruines, M. Van den
Gheyn cite deux opinions contraires : celle de
M. Fierens et la mienne; il trouve que j'ai plutôt
raison en théorie, mais il se range en pratique du
côté de mon antagoniste. C'est comme pour la
polychromie d'église : M. Van den Gheyn est
connu pour avoir vaillamment affirmé le bien
fondé de cette pratique, jadis universelle ; et
néanmoins, il serait, dit-il, le dernier à conseiller
l'application de ce principe.
Quant aux ruines, il faut procéder avec une
extrême circonspection ; éviter de pécher par
défaut, plus encore par excès. Nous sommes
d'accord. Pour les monuments vivants, dit l'émi-
nent chanoine, cela dépend des cas. Il n'y a pas
de danger qu'il trouve des contradicteurs.
M. H. Hymans a vivement intéressé son audi-
toire par une piquante causerie sur les dupes et
les faussaires en archéologie.
L. ClocjUET.
i^ii^i^::^L# '^^ -^ ^ '^ ^ '^ ^^ ^^ S^^ ^^ '^ "^ '^- ^^s^ii^J^il^ii^ii^l^
^^^^m^^^mM Btbiiograpbte. m^m^m^mm
wwwwwww^^wwwwww^wwwww^wwww^
DER ALTE FENSTERSGHMUCK DES FREI-
BURGER MUNSTERS, von Prof. F. Geiges.
LES ANCIETMS VITRAUX DE LA CATHÉ-
DRALE DE FRIBOURG, par le Prof. P". Geiges.
Herder, éditeur, Fribourg. L'ouvrage sera complet en
5 livraisons in-4° avec de nombreuses illustrations
dans le texte, et 2 planches en couleurs par livraison.
Deux livraisons ont paru. Prix de la livraison; 5 marcs.
5^^^^^i?»'EST un des meilleurs ouvrages qui
1^ aient paru sur la peinture sur verre.
\ Il convient de le recommander tout
j^ particulièrement aux peintres ver-
^^^^^-j^ riers et aux archéologues qui dési-
rent s'initier aux procédés techniques de ce genre
de peinture. La cathédrale de Fribourg, malgré
les pertes considérables dont l'auteur énumère
les causes, a conservé toute une série de verrières
d'époques différentes et dont les plus anciennes
remontent au XIII<^ siècle. Un grand nombre de
ces vitraux et des détails dont ils se composent
sont reproduits dans les illustrations, avec une
précision et un caractère qui permet de recon-
naître immédiatement le siècle auquel appartient
l'œuvre.
C'est que l'auteur de cette étude.désigné comme
professeur, est lui-même peintre verrier, et on
s'aperçoit bientôt à la lecture de son texte et à
la vue de ses croquis que l'on a affaire à un pra-
ticien expérimenté, qui a étudié à tous les
points de vue, avec un véritable amour, l'art qu'il
cultive. Bien qu'au titre de l'ouvrage on puisse
croire qu'il s'agit ici d'une simple monographie,
on s'assure à la lecture que M. Geiges a décrit
et dessiné les vitraux de ta cathédrale deFribourg
à un point de vue synthétique. Il a étudié la pein-
ture sur verre dans presque tous les monuments
de l'Europe, et il a lu tout ce qui a été écrit sur
cet art si important dans le décor des édifices du
moyen âge. M. Geiges connaît aussi la peinture
sur verre moderne, les qualités du verre employé
et ses jugements prouvent qu'il est pénétré des
véritables principes de la vitrerie.
Nous avons donc ici à une publication haute-
ment recommandable et sur laquelle je compte
revenir lorsque l'ouvrage entier aura paru.
J. H.
DEUX CENTS MODÈLES DE BRODERIE
RELIGIEUSE, GENRE MOYEN AGE, par Jo-
seph Br.^ux, s. j. Herder, éditeur. Fribourg en
Brisgau. 1904 In-foP 20 pi. (50 x 70), — Prix en car-
ton, fr. 22-50.
L'ouvrage contient 16 modèles pour croix de
chasuble, 6 pour ornements de chape et 7 pour
dalmatique ; 11 pour broderie d'étoles et un très
grand nombre pour bordure d'aubes. Les plan-
ches sont accompagnées d'un texte explicatif.
L'auteur a surtout eu en vue un but pratique:
il veut rendre ses dessins utiles aux brodeurs
sans que sa collection de modèles devienne trop
coûteuse ; c'est à cet effet qu'il a réuni plusieurs
motifs sur une seule feuille.
Bon nombre de ses dessins, notamment ceux
des bordures d'un usage si général, peuvent être
appliqués à différents usages liturgiques ; on peut
les appliquer aux bordures des nappes d'autel,
aux aubes, surplis, etc., dans tous les cas où une
bordure ornementale est d'un bon effet.
Le R. P. Braun dessine avec élégance et ses
ornements sont généralement de bon goût, sans
s'attacher avec sévérité au style d'une époque
déterminée, ce qui est peut-être à regretter, car
les différents siècles du moyen âge ont eu un
style particulier qui généralement leur donne une
haute valeur. Les mêler dans une sorte d'éclec-
tisme et broder « en genre moyen âge », comme
dit le titre de l'ouvrage, ne peut guère être tenté
qu'au détriment du caractère.
Quoi qu'il en soit, l'ouvrage sera certainement
utile aux brodeurs qui s'en serviront avec cir-
conspection, surtout si, en suivant les dessins du
R. P. Joseph Braun, ils observent avec conscience
les procédés techniques des brodeurs des XV= et
XVI': siècles, dont le style domine dans les mo-
dèles de la collection que nous leur signalons.
J. H.
KUNSTSCHAETZE DER AACHENER KAI-
SERDOMS. WERKE DER GOLDSCHMIEDE-
KUNST, ELFENBEINSCHNITZEREI UND
TEXTILKUNST. 35 Lichtdrucke mit Text von
Stephan Beissel, S. J.
LES TRÉSORS DE L'ART CONSERVÉS AU
DOME IMPÉRIAL D'AIX-LA-CHAPELLE.
ŒUVRES D'ORFÈVRERIE, DE LA TOREU-
TIQUE ET DE L'ART TEXTILE. 35 planches en
phototypie, avec texte explicatif d'Etienne Beissel.
In-fol° 30x40 cm. Prix : 30 marcs.
Le trésor du sanctuaire fondé par Charlema-
gne et enrichi par plusieurs empereurs d'Alle-
magne et d'autres princes a été assez souvent
l'objet d'études savantes et de publications de
mérite. Il forme en effet une de ces collections
d'oeuvres d'art comme il n'en existe qu'un nom-
234
3Rel)uc De T^vt cl)rttieu.
bre très restreint en Europe, également impor-
tante par le mérite souvent exceptionnel du
travail, et l'authenticité historique qui ne peut
être mise en doute. 11 s'agit donc ici tout à la
fois de chefs-d'œuvre et de documents précieux.
Cependant, jusqu'à présent, le trésor d'Aix-la-
Chapelle n'a pas encore été l'objet dans son
ensemble, d'une publication qui fût à la fois en
rapport avec sa haute valeur, et avec les moyens
de reproduction dont disposent la science et l'art
moderne. Celle que nous annonçons répond à un
désir souvent exprimé parles archéologues. Pour
ceux d'entre eux qui ont vu et étudié cette re-
marquable collection, ce sera tout à la fois un
moyen de rappeler leurs souvenirs et de résumer
leurs études, tandis que les studieux qui n'ont
pas encore eu l'occasion de se rendre à Aix-la-
Chapelle, trouveront une série d'informations,
d'excellents éléments de comparaison et d'ensei-
gnement, en attendant l'examen des monuments
eux-mêmes.
Pour l'Allemagne, cette riche publication
trouve une sorte d'opportunité, en coïncidant
avec le décor récent que vient de recevoir le mo-
nument où ce trésor est conservé. Décor qui
embrasse tout au moins dans sa partie essentielle,
le célèbre octogone, la partie primitive construite
par le grand empereur d'Occident.
Nons aurons peut-être à revenir sur cette dé-
coration un peu controversée par le monde érudit
en Allemagne ; en attendant, l'occasion a paru
favorable à un savant que les lecteurs de la
Revue connaissent, le R. P. Beissel, d'ajouter un
texte succinct, mais sufifisant au point de vue
archéologique, comme au point de vue de l'art,
aux planches éditées par M. Kiihlen de Gladbach
que nos lecteurs connaissent également comme
éditeur, et comme notre collaborateur par les
planches qui paraissent dans notre recueil.
Les trente-cinq planches qui reproduisent les
monuments les plus remarquables du trésor
d'Aix-la-Chapelle sont de tout point excellentes:
elles sont non seulement précieuses par la dimen-
tion du format adopté, par la netteté et la pré-
cision de l'exécution, mais un véritable artiste,
M. Kiihlen, a su mettre les pièces du trésor dans
le meilleur jour pour en accentuer le relief et
donner à ses reproductions autant que possible,
la beauté du monument reproduit.
La plupart des pièces du trésor offrent encore,
comme je viens de le rappeler, un intérêt parti-
culier par leur origine historique et les souvenirs
mémorables qui s'y rattachent, et toutes ou pres-
que toutes ont acquis une grande notoriété.même
en dehors du monde savant, par l'énorme afïluence
de pèlerins qui vient le visiter tous les sept ans.
En dehors de ce mouvement religieux, il est bien
peu de voyageurs instruits qui, visitant la station
balnéaire, ne tiennent à voir le trésor du dôme,
comme nous venons de le dire un des plus célè-
bres de l'Europe catholique. Quel est celui d'entre
eux qui n'ait pas examiné avec attention, la
grande couronne de lumière suspendue dans
l'octogone, offrande de l'empereur d'Allemagne
Frédéric I^"^, ouïe remarquable ambon donné par
son successeur l'empereurFredéric II, et qui n'ait
pas conservé, — s'il a visité le trésor — souvenir
des magnifiques châsses de la sainte Vierge
Marie, de la châsse de Charlemagne, du beau
retable d'or, et de la chapelle de saint Anastase ?
Tous ces monuments précieux sont reproduits
avec une conscienee et une exactitude qui ne lais-
sent rien à désirer. Les principaux sont donnés
sous plusieurs aspects, de manière à en faire
valoir les détails les plus remarquables.
Le prospectus de l'ouvrage nous apprend que
la nature des procédés employés n'a permis d'im-
primer qu'un nombre d'exemplaires assez limité.
En présence du prix modéré de cette publication
et de l'extrême utilité qu'elle offre aux artistes,
aux orfèvres et à tous les artisans professionnels
des arts décoratifs, il est à désirer que cette publi-
cation trouve sa place dans toutes les biblio-
thèques publiques et particulièrement dans celles
des Académies et des écoles d'Art.
J. H.
GKNÈSE DK LA CRYPTOGRAPHIE APOS-
TOLIQUE ET DE L'ARCHITECTURE RI-
TUELLE, DU I" AU xvr SIÈCLE, par Théo-
phile Bkaudoire. — I vol. in 4" de 292 pp. avec nom-
breuses reproductions d'œuvres d'art. — Paris, H.
Champion, 1903. 30 francs.
NOUS signalons à l'attention des lecteurs
de la Revue une découverte originale, qui
ne manquera pas de piquer leur curiosité. M. Th.
Beaudoire croit avoir retrouvé la clé de la
symbolique chrétienne. Cette science mysté-
rieuse, propagée dans tout le moyen âge, aurait
eu des principes fixes et traditionnels suivant
lesquels se seraient développés les arts de la dé-
coration architecturale et de la construction.
Pour établir cette thèse, l'auteur, qui n'est pas
architecte, n'a pas épargné sa peine. Une étude
patiente et consciencieuse de l'Art religieux
dans ses manifestations les plus diverses l'a mis
à même de réunir bon nombre de documents
intéressants et variés. Peut-être la manière dont
ils sont présentés laisse-t-elle à désirer; on aurait
souhaité plus de souci de la rigueur scientifique.
Tel qu'il est cependant, l'ouvrage offre quantité
d'idées neuves et personnelles, qui, malgré quel-
ll5tbliograpl)ie.
235
ques exagérations, méritent certainement d'être
prises en considération. J'exposerai brièvement
les principaux points du sujet d'après le système
de l'auteur, dont je ne prétends pas du reste
discuter toutes les conclusions.
Les premiers chapitres traitent des signes
mystérieu.x, dont se servirent les Juifs et les
Chrétiens, lorsqu'ils voulurent représenter, les
uns la personne de Jéhovah, les autres le Fils de
Dieu fait homme. Laloi mosaïque interdisait l'usa-
ge de symboles imitant les êtres animés. Aussi,
suivant l'auteur, les Israélites choisirent-ils, pour
désigner la personne de Dieu, la lettre de leur
alphabet qui signifie tête : c'est le resch, qui
s'écrivait anciennement ■^. Grâce à l'initiale
du nom de Jéhovah, 1, qu'ils couchèrent en tra-
vers de la précédente, ils formèrent un mono-
gramme -4 ; ce symbole de Dieu fut transmis
par la tradition jusqu'au XV' siècle, où les typo-
graphes le reproduisirent constamment dans
leurs marques ; telle serait l'origine du fameux
Quatre de chiffres, dont les bibliophiles n'ont
jamais pu deviner la signification exacte. Ce
n'est toutefois qu'une hypothèse, car je ne sache
pas que l'on rencontre ce signe dans l'antiquité.
Les premiers chrétiens adoptèrent le même
caractère hébraïque pour désigner le Christ ;
seulement chez eux le resch secondaire T de-
vint souvent le P, lettre correspondante de
l'alphabet grec. En y joignant l'iota, initiale du
mot 'lïiToûi;, ils formèrent le monogramme -9-,
-^, que l'on trouve continuellement, dans l'an-
tiquité chrétienne, sous l'une de ces deux formes.
Souvent aussi ils combinaient le resch *] , P
ou le monogramme -^,-p- > avec la lettre X
de Xpio-TÔç, ce qui donna )^, •^, le chrisme très
usité, lui aussi, dans les temps anciens.
Dans l'art antique, le resch se trouve quelque-
fois seul sous la forme d'une volute :
Pavement de la basilique
de Tigzirt.
Fronton du baptistère St-Jean de Poitiers.
Marque du libraire Resch,
de Paris.
Deux reschs du même modèle accouplés ont
formé la feuille que l'on rencontre si fréquemment
sur les inscriptions des catacombes ; ce symbole
aurait été pour les chrétiens, d'après l'ingénieuse
théorie de M. H., l'image de la consubstantialité
du Père et du Fils.
o^ ô ô é
Ce symbole de la feuille ou du cœur se retrouve
sur certaines monnaies, comme celle du roi Sige-
bert, et surtout dans plusieurs marques de typo-
graphes, où il accompagne le Quatre de chiffres,
coïncidence évidemment curieuse.
L'un des monuments anciens les plus intéres-
sants pour la cryptographie chrétienne est une
table de marbre trouvée à Lyon en 1S43, étudiée
par M. Le Blant. Elle renferme plusieurs des
signes mystérieux dont j'ai donné plus haut
l'explication d'après M. Beaudoire. Les petites
volutes qu'on y remarque sont assez souvent
reproduites sur les monnaies du moyen âge, ce
qui semble bien indiquer qu'on leur donnait une
signification déterminée. ( Cf. figures ci-après).
Un autre ornement se rencontre aussi dans les
catacombes et sur les monuments anciens, sur-
tout dans l'architecture mérovingienne ; c'est
l'étoile à quatre, six ou huit rais, <=§=, <^, .^ ;
l'auteur ne peut s'empêcher d'y voir une forme
plus ornée des sigles -^, )^ et ^, monogram-
mes du Christ. Cette dernière interprétation
236
îRcbuc De rSvt chrétien.
parait acceptable, car il existe à Rome des
inscriptions très anciennes, que l'auteur n'a pas
connues,où le sigle -^ accompagne le mot IX0YC,
ou la figure du poisson.
Mais, de tous ces faits, on ne saurait tirer
une conclusion trop générale, car il est ma-
Monnaie de Sigebert.
nifeste que ces symboles existaient comme purs
ornements, de longs siècles avant le^ christia-
nisme. Aussi, ne doit-on s'en servir qu'avec une
très grande prudence pour conclure de leur pré-
sence sur beaucoup de monuments anciens, au
caractère chrétien de ces monuments. C'est pour-
Marques des imprimeuis Courbé, Sonnius, Thierry, à Paris.
tant ce que l'auteur s'applique à démontrer à
propos des fameux tombeaux phrygiens, connus
des archéologues pour leurs formes mystérieuses.
A l'extrémité orientale de la Phrygie se dres-
sent, en effet, sur les collines dominant le San-
garios, d'étranges monuments taillés dans le
Marbre de Lyon, 111= siècle
roc même, que jusqu'ici l'on avait pris pour des
tombeaux ou des cénotaphes. MM. Charles
Texier, Ramsay, Perrot et Chipiez ont viisité à
différentes époques cette vaste nécropole ; ils ne
se sont guère accordés sur la destination de ces
sculptures gigantesques, sauf sur leur caractère
païen, et sur leur très haute antiquité. L'un de
ces monuments porte une inscription où se lit
le mot Mida, d'où le nom de tombeau de Midas
qu'on lui donne généralement. M. Beaudoire est
le premier à voir là une œuvre chrétienne : l'or-
nementation lui en fournit la preuve. Ce tombeau
consiste en un mur de tuf volcanique, sur la paroi
duquel une main inconnue a sculpté en creux un
immense parallélogramme orné de méandres,
formant des croix et des carrés, et surmonté d'un
fronton que terminent deux volutes accolées
l'une à l'autre. Plusieurs autres monuments du
voisinage, de forme et de décor analogues, pas-
Monnaies du roi Clovis, du Mans et de Paris.
sent pour les tombeaux des rois phrygiens. M. B.
les regarde tous comme chrétiens ; pour lui ce
serait quelque chose comme des calvaires primi-
tifs ; les deu.x volutes du sommet seraient des
reschs, figures du Christ, les croix et les carrés
des chrismes.
# u
En revenant vers la côte occidentale de l'Asie
Mineure, l'on trouve sur les versants du mont
Sipyle, tout près de Smyrne, une autre vaste
nécropole, dont le monument principal porte le
nom de tombeau de Tantale, roi de Lydie.
Texier a pu y pénétrer et prendre le dessin
intérieur de cette rotonde, qui se trouve repré-
senter assez exactement le sigle (^ du Christ,
fréquent dans l'antiquité. M. B. en conclut, un
peu trop vite semble-t-il, que ce doit être une
tombe chrétienne.
Plus heureuse me paraît être son hypothèse,
très neuve, elle aussi, à propos des espèces de
camps retranchés que les explorateurs ont dé-
couverts sur les sommets escarpés de ce mont
Sipyle.Ces plates-formes, d'accès difficile, présen-
tent des cours inclinées en pente douce, avec des
réservoirs et des sortes à'auges, creusées dans le
roc, dont la destination est restée inexplicable.
M. B. soupçonne que ces endroits retirés pour-
raient bien avoir été ménagés par les premiers
chrétiens pour l'administration du baptême. Les
Btbltograpl)te.
237
ait£;t-s,dAns lesquelles on descendait par^/^z^.r iftar-
cAes, ne devaient être autre chose que la piscine.
L'un de ces baptistères à ciel ouvert possède une
petite abside, qui pouvait être le lieu où siégeait
ï'évêque pour la confirmation. Rien ne s'oppose
absolument à ce que ce soit la meilleure solu-
tion de ce problème archéologique. Il est égale-
ment vraisemblable que notre auteur a raison
quand il reconnaît un baptistère dans l'une des
tours rondes qui se dressent encoreprèsdesruines
de la basilique de Pergame. Rien n'y manque,
ni le réservoir pour recueillir l'eau des pluies, ni
les canaux, ni même les vannes destinées à régler
l'alimentation de la cuve baptismale.
Dans la troisième partie de son ouvrage, M. B.
étend à toute l'architecture religieuse les prin-
cipes de la science cryptographique. Les deux
principaux sigles dont nous avons parlé, le resch
et le chrisme, seraient, d'après lui, la source de
toute décoration architecturale ; bien plus, ils
seraient comme la loi de la construction elle-
même. Qu'on en juge par ces deux phrases, que
j'emprunte à l'auteur : « Ces sigles transformés
en cent mille dessins plus ou moins artistiques
au moment des persécutions en Asie Mineure,
en Afrique ensuite, puis à Rome, ont formé peu
à peu le bel Art qui n'est ni byzantin, ni roman,
ni gothique, mais simplement et purement Ckré-
tien (p. 288-2S9). — L'architecture des églises
d'Europe... n'est ni romane, mot inventé en 1825
par Quicherat, ni^t7//î/(7«^ flamboyante ou rayon-
nante, mots inventés vers le milieu du XIX'' siè-
cle par de pseudo-archéologues ; c'est une archi-
tecture rituelle chrétienne (p. 143).»
Il paraît bien qu'ici l'auteur a poussé un peu
loin ses conclusions. Vouloir découvrir partout le
resch et le chrisme mystique est évidemment
excessif ; car suivant ce système, il n'est plus
possible de tracer une ligne droite ni une courbe,
encore moins de croiser deux lignes, sans faire
du symbolisme. Selon M. Beaudoire, cependant,
le nom du Christ se lit en tout endroit dans nos
édifices religieux, dans les nervures des fenêtres
aussi bien que dans les rosaces de nos cathé-
drales, dans les palmettes des chapiteaux, dans
l'arcade romane comme dans la courbe brisée de
l'ogive, même dans l'intersection des arêtes des
voûtes ! Et tout cet art serait venu d'Asie Mi-
neure à la suite des Croisades. Mais tout cela
est bien hypothétique. Qu'il se soit trouvé au
moyen âge des artistes qui aient voulu donner à
leurs constructions telle ou telle signification
symbolique, cela n'est pas douteux ; mais il est
inadmissible qu'il ait pu exister une tradition
constante et universelle, qui aurait inspiré toutes
les œuvres d'art jusqu'au XVI« siècle, i-rt«5 /«/.fje^
aucune trace dans les documents écrits. Aussi me
semble-t-il que l'auteur a eu tort de généraliser
un système qui a certainement du bon.
En résumé, il y a beaucoup à prendre dans le
livre de M. Beaudoire, et l'on doit féliciter l'au-
teur de l'abondance de ses recherches. Nous
avons le regret de ne rendre là qu'un hommage
posthume ; une mort subite emporta M. Théo-
phile Beaudoire au moment où s'imprimaient les
dernières feuilles de son volume (').
DE P.
LE COQ DU CLOCHER, par L. Martin. (Broch.
extr. des Mém. de l'Acad. Stanislas). Nancy, Berger,
1904.
M.Martin a entrepris de résoudre l'intéressante
question tant de fois exposée : pourquoi le coq
sur la flèche de nos églises? Il l'a traitée de ma-
I. Nous devons à la complaisance des héritiers de M. Th. B.
d'avoir pu donner quelques spécimens des illustrations soignées,
qui ajoutent à l'intérêt de cet ouvrage.
238
ÎRebue lie r^rt cbrcticn.
nière littéraire et charmante, après l'abbé Barraud,
A. De Caumont, l'abbé Godard et Barbier de
Montault.
Dès 820, l'évêque Dampert plaçait un coq de
bronze au faîte du clocher de Brescia, et ce ne
fut sans doute pas la première des girouettes de
cette forme ; depuis le X*" siècle les documents
écrits célèbrent cette vigie gallinacée, qui plane
dans les airs, brave la tempête, regarde le soleil,
défie la foudre, qui toutefois la frappe souvent.
S. Charles Borromée la prescrit dans ses Actes
de l'Église de Milan.
Mais d'où lui vient son privilège ? — • On a vu
dans ce coq un emblème celtique, on a pensé qu'il
figurait la patrie gauloise, que rappelle son nom,
et même Jos. Bard s'insurgea jadis contre cet
emblème profane et prétendit en dégarnir les
tours d'église.
La vraie solution doit être demandée à l'inter-
prétation des anciens. Déjà les Grecs et les Ro-
mains avaient fait du coq l'emblème de la vigi-
lance et de l'activité; ils Un attribuaient les fonc-
tions de réveil-matin, et c'était pour eux le type
du courage et de la vigilance en même temps
qu'un oiseau protecteur. Les chrétiens reprirent ce
symbole. Saint Ambioise célèbre dans ses hym-
nes le chant du coq et sa vigilance, S. Grégoire
le Grand, Prudence et S. Hilaire dans leurs
commentaires du livre de Job, assurent que le coq
donna le signal de la Résurrection et montrent
l'oiseau matinal secouant les fidèles dans leur
torpeur.
Et ce n'est pas ici une fantaisie poétique ; les li-
turgistes du moyen âge ne tarissent pas sur le sym-
bolisme de cet oiseau, qui pivote au gré des vents
par-dessus la croix. S. Eucher, S. Grégoire, S.
Bonaventure en font l'emblème du pasteur des
âmes. Hugues de Saint-Victor développe cette
idée mystique, reprise par Durand de Mende et
Honorius d'Autun.
L. C.
LE DOUBLK CHŒUR DE LA CATHÉDRALE
DE GLASGOW, par M. Th. Lennox-Watson.— Gr.
in-4°, illustré de 180 pp., papier de luxe. — Glascow,
Hedderwick, 1901.
A défaut de documents d'archives, M. Lennox-
Watson a entrepris de narrer l'histoire de la ca-
thédrale de Glascow à l'aide de l'étude conscien
cieuse des voûtes, étude qu'il a faite avec une
remarquable pénétration. Il a pu établir que ce
monument a été exécuté en cinq périodes, recon-
naissablcs aux progrès survenus dans la construc-
tion des voûtes gothiques.
La première cathédrale de Glascow 1175-
1194) fut en partie démolie et reconstruite sur
un plan plus vaste, de 1208 à 1232, par l'évêque
Walter ; le chœur fut achevé sous Bondington,
entre 1233 et 1258. Cet édifice offre la curieuse
disposition d'un chevet plat contourné par un
double déambulatoire de forme carrée ; Villard
de Honnecourt en a donné dans son album le
croquis et le dispositif
Après Walter on travailla encore un siècle à
l'achèvement de la nef, dont on poursuivit la
construction à mesure des ressources.
De l'édifice primitif on a conservé les deux
travées S.-O. de la crypte ; mais la voûte en fut
reconstruite de 1240 à 1260.
Toutes ces dates, assez précises, notre auteur
les déduit de l'étude des voûtes et en particulier
du tracé et du profil des moulures, et sa pers-
picacité n'est pas mise en défaut même en pré-
sence de certaines parties oîi l'on a été amené à
conserver des tracés et des profils surannés pour
continuer l'œuvre commencée ; les reprises se
trahissent par la manière spéciale dont on
dut alors constituer les retombées et les som-
miers.
Nous ne reprendrons pas avecl'auteur, l'évolu-
tion si rationnelle et si rapidement progressive de
la voûte en croisée d'ogive au cours du XIII'" siè-
cle. Une étape dans cette évolution est marquée
par l'adoption des ogives en plein cintre, combi-
nées avec desformerets à cintre brisé; cette phase
apparaît à Glascow en 1240 ; elle y est accusée
surtout par un bel agencement des sommiers,
comme delà retombéed'une série de nervures d'un
même rayon de courbure ; c'est le second système
de voûtes, faisant place aux voûtes romanes.
Un troisième stade va de 1230 à 1250; le
plan d'ensemble, arrêté par Bondington avant les
travaux de 1235, ne comportait pas de supers-
tructure voûtée au-dessus du compartiment
central formant le chœur proprement dit ; cette
partie fut couverte de charpente, tandis qu'on
hâtait l'achèvement des voûtes des bas-côtés.
Mais les moulures de ces dernières sont celles qui
furent à la mode en 1250.
Mais voici qu'un nouvel élément s'introduit
dans l'organisme des voûtes, à .savoir la lierne,
qui était apparue en Angleterre dès 1230, et qui
en devint un accessoire inséparable à partir de
1240. Le compartiment central de la crypte de
Glascow, une des plus belles et des plus récentes
de l'Europe, date des environs de 1260. Ici, la dis-
position nouvelle se trouve greffée sur l'ancienne
déjà partiellement exécutée. Ainsi, les bas-côtés
de la crypte, qui remontent à 1235, sont couverts
desimpies croisées d'ogives, aux moulures épaisses
et toriques. Au centre, les profils sont plus fouil-
lés, et le tracé des nervures rappelle l'ichtogra-
phie des pièces isolées, salles capitulaires, etc.
Btbltograpl)te.
239
C'est la voûte en étoile, telle qu'elle figure
dans l'albiim de Villard de Honnecourt, dessinée,
Oiiicherat l'a démontré, de 1240 a 1251; cette
voûte devint commune au XIV<' siècle (église
de Ste-Marie et de Ste-Catherine de Lubeck).
Après les liernes apparaissent les tiercerons,
spécialement nécessaires, en Angleterre, pour
soutenir à ce point intermédiaire, les liernes
qui offrent fort peu de flèche (à l'abside on peut
constater leur fléchissement). Les tiercerons ap-
paraissent dans la voûte de la cage de l'escalier
d'ouest de la crypte.
Puis le système se développe, engendre les
contre-liernesou goussets, les tiercerons multiples,
pour aboutir à la voûte en éventail ; les nervures
deviennent plus étroites et plus élancées pour
mieux se dégager. Pendant ce temps (la première
moitié du XI II<" siècle), les profils des moulures
fournissent des indications chronologiques infail-
libles.surtout ceux des nervures. A Glascow leurs
profils accusent cinq époques distinctes, allant de
1220 à 1270 pour les quatre premières, la cin-
quième est postérieure. Pour établir cette classifi-
cation, l'auteur entre dans des détails techniques
sur la marche des travaux, les moyens d'élevage,
etc. L'étude de l'agencement des sommiers lui
permet de restituer la disposition primitive des
voûtes et la partie centrale de la crypte. Les ner-
vures,commencées en i240,ont dû être déviées en
1260 pour s'adapter à un nouveau tracé de l'ossa-
ture du plafond voûté.
Bref, cette étude anatomique d'un des beaux
monuments de l'Angleterre est un travail vrai-
ment scientifique, fécond en déductions bien
établies.
L. C.
DICTIONNAIRE DE LA BIBLE, t. XVII.
Décrivant la ville hébraïque de Gébal, M. Le
Camus nous représente ses habitants comme
d'habiles constructeurs qui ont collaboré au tem-
ple de Jérusalem. Les murs de la cité, dont il ex-
hibe d'intéressantes reproductions d'après Renan,
sont d'un magnifique appareil; ceux du temple
de Jérusalem leur étaient analogues.
L'article de M. F. Prat sur la généalogie de
Jésus-Christ est à consulter par les artistes
appelés à composer un arbre de Jessé. Celui de
M. Lesètre sur la génuflexion est instructif au
point de vue iconographique. M. Legendre décrit
les ruines d'Umm-Qeis, l'antique Gadara, et le
remarquable tombeau restitué par Schumaeker.
Intéressant pour tout lecteur est l'article sur
Gethsémani et le jardin des Oliviers. Au mot
gond, M. Lesètre fait connaître le curieux pivot
d'une porte en pierre d'une chambre funéraire du
tombeau des rois de Jérusalem.
Dans un autre article (gouvernail), il montre
comment les navigateurs grecs suppléaient par
la manœuvre des rames à l'instrument du pi-
lote qui ne fut adapté qu'au commencement de
l'ère chrétienne à l'étambot des navires.
Bien intéressante pour nos lecteurs est l'im-
portante étude du même savant sur le grand-
prêtre, son élection, sa consécration, sa fonction,
Costume du grand-prêtre, d'après J. Iîkaun.
spécialement son costume, d'où dérive le splen-
dide costume sacerdotal et pontifical chrétien,
le costume dont leSeigneur avait lui-même fourni
la description et qui faisait l'admiration des
Hébreux : l'éphod, le pectoral ou rational, la tu
nique à lames d'or et la tunique de byssus, la
tiare, la ceinture brodée, etc. — Ce sujet est
développé dans d'autres articles du dictionnaire
relatifs aux termes précités.
240
Bebtie ïie V^xt t\)xtîitn.
Plus loin il étudie l'art de la gravure chez les
Hébreux, la gravure sur pierre, les sceaux dont
on voit un si beau spécimen au Louvre (sceau
d'Armais). Le costume liturgique était rehaussé
de pierres gravées, enchâssées dans l'or. Toutefois
le peuple juif était peu expert dans cet art déli-
Joueurs de harpe égyptiens.
cat, les Phéniciens lui procuraient les joyaux né-
cessaires, les gemmes égyptiens et assyriens.
Fort curieux est l'article de M. Levesque sur
T'T»)
Grenade figurée sur les colonnes du temple de Jérusalem.
d'après l;i restitution de M. Cmi'lHZ.
la grenade. Ses fleurs et ses fruits furent remar-
quables dans l'art hébraïque.
La grenade était figurée sur la colonne du
temple de Jérusalem;deux cents grenades étaient
rangées autour du chapiteau et du portique,
comme on le voit dans la restitution de M. C.
Chipiez.
M. Beurlier nous présente la restitution par
Curtius, du fameux gymnase d'Olympie, mis au
jour assez récemment par les fouilles de l'École
française d'Athènes.
On le voit, la savante encyclopédie biblique de
l'abbé Vigoureux est pleine de données précieuses
où chacun peut prendre sa part, notamment
les archéologues chrétiens qui nous lisent. —
Ces quelques glanes suffiront, pensons-nous, à
leur montrer combien le Dictionnaire de la Bible
peut les seconder dans leurs études.
L. C.
HISTORIA DK LA ARQUITEGTURA CHRIS-
TIANA, par V. Lamperez-v-Romea. — In-12, illus-
trée de 240 pp. Barcelone, J. Gili, 1904.
M. Lamperez-y-Romea, professeur de l'École
Supérieure d'architecture de Madrid, que nos lec-
teurs connaissent bien, comme le plus autorisé des
architectes archéologues de l'Espagne, était tout
désigné pour éditer ce livre, grandement désiré
par la masse du public instruit, à savoir un précis
de l'Histoire de l'architecture chrétienne. Il l'a
fait avec sa compétence reconnue, et il a eu le
talent de condenser en quelques pages substan-
tielles cette énorme matière, qui comprend l'his-
torique, les procédés et les formes des styles suc-
cessifs, latin et byzantin, tant d'Orient que d'Oc-
cident, roman, gothique et classique renaissant;
eu outre il fait connaître les grands monuments
Btbltograpl)te,
241
des époques historiques ; il insiste, comme de
juste, sur les beaux monuments de son pays. Nous
prédisons bon succès à son éditeur M. J. Gili.
T.. C.
ARNOULD DK VUEZ, PEINTRK LILLOIS
(1644-1720), par L. Quarré-Reybourbon. — Petit
in-4° de 80 pp., nombreuses planches. Lille-Lefèbvre-
Ducroy, 1904.
MonsieurOuarré-R.estunérudit dont l'activité
se manifeste par de nombreuses communications
aux sociétés savantes. C'est à la réunion des so-
ciétés de Beaux-Arts de l'an dernier, qu'il a pré-
senté la biographie de Vuez, rééditée en un
volume de luxe, élégamment présenté.
Le personnage est intéressant, et sa vie est re-
tracée consciencieusement à l'aide de documents
inédits, conservés entre les mains de M'" Las-
serre d'Arras, descendante du peintre. Celui-ci
naquit à Saint Orner, se forma à Paris et à Rome;
il fut élève de Lebrun. Peut-être bien pourrait-on
lui attribuer (M. Quarré le pense) les dessins du
Parthénon rapportés par le marquis de Nossi-
tal et qu'on attribuait jusqu'ici à Carrey. Vuez se
maria à Lille et s'y fixa. Intéressants sont ses tra-
vaux, dont notre auteur dresse la liste imposante;
il lui assigne une place parmi les décorateurs
du genre de Lesueur. Ses peintures sont dignes,
et empreintes de sentiment. Le Jugement dernier,
destiné à la salle du conclave à Lille, est une page
de grande allure.
L. C.
CONSTRUCTION PROJETÉE SOUS LOUIS
XIV A VERSAILLES D'UN PAVILLON D'A-
POLLON, par J. Fennebesque. — Broch. in-8°.
Versailles, Bernand, 1902.
Ce pavillon d'Apollon dont M. F. nous fait
la description d'après un manuscrit du temps,
aidé d'une estampe du projet, devait être un vaste
musée encyclopédique à l'usage de la Cour, conte-
nant des sallesspéciales pour l'histoire, laphiloso-
phie, pour l'architecture et la sculpture, pour la
peinture et l'optique, pour la poésie et la musi-
que, et il eût été digne, par sa splendeur, du Roi
Soleil.
Un rêve éblouissant qui faillit se réaliser.
L. C.
ITINÉRAIRE DES PROMENADES DE LA
FAMILLE ROYALE DANS LES PARCS DE
VERSAILLES, par J.Fennebesque. — Broch. in-S".
Versailles, Bernand, 1902.
C'est un autre aspect, plus vivant, des fastes de
la cour du XVI I'^ siècle, qu'évoque M. F. quand
il commente l'itinéraire dont il s'agit, c'est-à-dire
le plan, conservé au Cabinet des Estampes, des
allées fréquentées par la famille royale, et entre-
tenues en conséquence. Le sujet, on le comprend,
n'est pas pour nous arrêter spécialement.
L. C.
DOCUMENTS D'ART MONUMENTAL DU
MOYEN AGE, architecture, sculpture, ferronneries,
relevés et croquis, par Vincent Lenertz, architecte,
chef des travaux graphiques à l'Université de Louvain.
— Vromant et €'=, Bruxelles.
Nous sommes dans une période remar-
quable au point de vue de l'étude des monu-
ments anciens. Nulle époque de l'histoire n'a
vu le public éclairé s'attacher avec cette passion
à leur étude ; cette ferveur excessive passera, et
sans doute ne se reproduira plus, car bientôt
ce qui nous en reste sera suffisamment connu;
l'attrait qui s'attache jusqu'ici à des mines encore
exploitables se perdra, et d'ailleurs l'on sait que
les esprits s'orientent vers les formes de l'avenir
greffées sur celles du passé.
En attendant, quelle riche collection de mono-
graphies et de recueils les arts graphiques si per-
fectionnés mettent à notre disposition ! Tantôt ce
sont des rendus au crayon lithographique d'après
nature ou d'après photographie, comme les inap-
préciables petites monographies d'édifices anciens
de M. Raguenet ; tantôt ce sont des collections
de phototypies comme la série des cathédrales
françaises de Robert, et la collection des monu-
ments, malheureusement interrompue, qu'avait
entreprise M. Dero ; ou bien encore de fines
reproductions phototypiques des savants dessins
des architectes de la Commission des monuments
historiques, éditées par Schmitz, ou encore les
croquis des Vieux coins de Flandre, tracés sur la
pierre lithographique par M. Heins. M. Lenertz
nous fournit aujourd'hui le dernier cri, le genre
le plus savoureux de rendus des monuments
anciens : ce sont ses propres croquis originaux.
La photographie nous donne l'aspect réel et
pittoresque des monuments, pris d'un point de
vue perspectif, mais son rendu superficiel nous
laisse ignorer les mystères de sa structure et
nous dérobe quantité de choses essentielles.
Les relevés orthogonaux nous fournissent avec
précision les données métriques et, avec des cou-
pes, les secrets de la structure, mais nous désan-
chantent en supprimant la poésie et l'âme du
monument ; les croquis brossés sont un régal
pour l'amateur, mais disent peu à l'homme
d'étude. Pour les gens studieux de l'art monu-
mental, rien de tel que ces relevés pris au pied
du mur par un bon technicien, qui s'attache
242
3Rr\)uc De V'S.xt cf)icticu.
aux choses intéressantes, en dégage toute la
substance, donne l'impression esthétique et l'ana-
lyse structurale, et en quelques traits d'un crayon
anatomiste, relevés de teintes de lavis, rapporte
dans son carnet des notes précieuses, à l'aide des-
quelles il puisse féconder ses études de compo-
siteur. Quand ce dessinateur touriste est un
maître et de la technique et du dessin, comme
M. Lenertz, ses croquis de voyage sont des docu-
ments de premier ordre, qu'on peut à bon droit
lui envier. Aussi lui sommes-nous reconnaissants
de nous les céder dans toute leur saveur originale
et primesautière, reproduits tels quels en fac-similé
par le nouveau procédé de la photographie en
trois teintes, — On en jugera par la planche
spécimen que nous donnons et qui est extraite
de son recueil (').
L. C.
PETIT FORMULAIRE DE PRIÈRES. — Im-
primerie St Augustin, Desclée, Paris, Lille, Rome.
Ce sont œuvres artistiques, que certains livres
de prières, que produit notre éditeur. Nous avons
sous les yeux un joli paroissien en maroquin
écrasé, format pratique, glissant facilement dans
la poche ou dans le réticule ; malgré cela, très
complet, vrai formulaire de prières. En plus des
prières habituelles de la messe, de la communion,
vêpres, salut, chemin de croix, rosaire, on y
trouve plusieurs litanies, la prière indulgenciée
à la Ste- Famille, \e A/emorare à S. Antoine et,
heureuse innovation ! les évangiles des diman-
ches ! La lecture des Saints Évangiles si recom-
mandée est si précieuse aux âmes chrétiennes ; et
tout cela, condensé en des pages mignonnes,
admirablement imprimées, et élégamment re-
liées. C'est à rendre dévot un mécréant qui
a du goût.
L. C.
RAPPORT SUR LA DÉMOLITION D'UNE
PARTIE DE L'ENCEINTE ROMAINE DE
SENS EN 1903, par l'abbé Chartraire. — Broch.
Imp. nat., 1904.
La Société archéologique de Sens suit avec un
légitime intérêt les démolitions successives aux-
quelles ne peut échapper ce précieux reste d'une
enceinte remarquable. Le premier fonds du
musée local, riche déjà de 300 pièces, fut formé
en 1 846 des épaves de ces murs antiques entamés
en 1846, et qui n'ont plus aujourd'hui que quatre
des seize tours, figurées sur le plan restitué par
M. Lallier. M. S. Julliot en a tiré alors la
grande inscription de Magilius, et a pu restituer
I. Celui-ci comprendra 50 planches format grand in^" et paraîtra
en quatre livraisons, de 12 à 13 pi. , au prix de 7 fr. 50 par livraison
pour les souscripteurs.
la façade des thermes d'Agedineum (X"= siècle).
Un nouvelle démolition, opérée en 1903, et suivie
par la Société et par son érudit vice-président, a
donné des fragments d'architraves et d'une frise
ornée de bas-reliefs où figurent la tête colossale
d' Helios, de curieuses inscriptions polychromes
à lettres incrustées de métal, une nymphe cou-
chée dans une gracieuse attitude, une stèle ornée
de la figure en pied d'un personnage entier,
et quantité de fragments, dont M. Chartraire
donne un inventaire méthodique.
"^m BcrioïJiques»
Burlington Magazine. — M.James Weale
publie dans le fascicule de Mars une notice sur
Jean Van Eyck qui semble de nature à intéresser
nos lecteurs, comme tout ce qui concerne les
maîtres de l'ancienne École flamande. Nous la tra-
duirons textuellement.
La mort de Jean Van Eyck, sa veuve et ses
enfants. Tous les écrivains jusqu'en 1795, sont
d'accord pour dire que Jean Van Eyck est mort
vers l'an 1440. En classant les archives de l'église
St-Donatien dans laquelle il a été enterré, j'ai
trouvé dans les comptes de la fabrique de cette
église, de l'année commençant le 25 juin 1440,
et finissant le 24 juin 1441, l'indication des
sommes reçues pour sa tombe, et la sonnerie des
cloches à ses funérailles ; dans l'obituaire de
l'église son anniversaire devait être célébré le
9 de juillet. Cette date, quoique incorrecte, est
généralement acceptée maintenant. Deux postes
dans les comptes de Waltère Poulain, receveur
général des Flandres, pour l'année terminée le
31 décembre 1441, prouvent que le décès de
Jean eut lieu en H41, mais ils laissent incertaine
la date exacte du jour de cet événement. La
première de ces annotations établit qu'il con-
serva le titre de peintre du duc jusqu'à sa mort,
que le salaire de cette charge lui fut payé
jusqu'au 24 du mois de juin 1441 ; le reçu
signé du peintre est rappelé par le compte. Le
second poste (') nous informe que Jean mourut
vers la fin de juin, et qu'au 22 du mois de juil-
let, le duc en considération des bons et agréables
services rendus par le peintre décédé et en com-
passion de sa veuve et de ses enfants, leur fit un
I. A demoiselle Marguerite, vefve du dit Jehan Van Eyck. pcm-
tre de mon dit Seigneur qui irespassa environ la fin du mois de
Juingen dit an mil ce ce quarante ung, à laquelle icelhii Seigneur,
considéracion eue aux bons et agréables services que lui avait fait le
ditdeffunctenson vivant. et pour pitié et compassion d'elle et de ses
eiifanls demourez après le décès, a oitroié de sa grâce especial
qu'elle ait été prengne pour elle et ses diz enfans pour ung demy
an la moitié de tele pension ou gaiges qu'avoit et prennoii de lui
le dessus dit deffunct par chacun an en son vivant, lesquelz pen-
Bibltograpl)te»
243
don de 360 livres, l'équivalent du salaire semes-
triel de son époux. Nous apprenons en outre,
par la même annotation, que le nom de baptême
de la femme de Jean Van Eyck était Marguerite,
qu'elle demeura veuve avec au moins deux
enfants dont l'une était la filleule du duc, Philippe
ou Philippine, née au mois de juin 1434, et
l'autre Livine devint religieuse à Maaseyck en
'449-
(Juillet) (•). — M. R. Fry étudie la collection
de sir Hubert Parry (i'^'' article). Cette pre-
mière partie est consacrée aux Primitifs italiens,
qui y sont particulièrement bien représentés.
Parmi les œuvres les plus remarquables de cette
période, il faut citer: C/ne Nativité, de l'école de
Cimabué, dont la date d'exécution peut être
fixée au.x environs de l'an 1400; un polyptyque
de Bernardo Daddi ; deux tableaux d'autel de
Taddeo et d'Angelo Gaddi ; une Adoration des
Mages de Lorenzo Monaco, etc.
M. E. Blochet s'occupe de certains manuscrits
à miniatures que l'on a pu voir au printemps der-
nier à l'exposition d'art musulman du pavillon
de Flore. On sait combien est rare, dans l'art
musulman, la reproduction de la figure humaine ;
c'a donc été une bonne fortune pour les orien-
talistes, de pouvoir admirer les très curieuses
enluminures prêtées à cette exposition par la
Bibliothèque Nationale, le baron E. de Roth-
schild, M. Ch. Schefer, etc.
A signaler encore dans ce numéro : un article
de M. Percy Macquoid sur les trésors d'argenterie
du collège de Winchester ; — une étude de
M. R. Petrucci sur les sceaux des corporations
bruxelloises ; — enfin, un article de M. E. Moli-
nier sur les tapisseries des Gobelins du XVII''
siècle.
(Août). — M. Campbell Dodgson examine un
portrait dessiné d'Albert Diirer, récemment
acquis par le Brilish Muséum, et qui porte les
poinçons de deux collectionneurs notables : sir
Thomas Laurence et le capitaine William Co-
ningham. Commentant une inscription qui se
trouve à l'extrémité supérieure gauche du dessin,
M. Dodgson établit que le personnage représenté
est la princesse Marguerite, sœur de Casimir,
margrave de Culmbach, et fille du margrave
Frédéric de Brandebourg, Ansbach et Bayreuth
(1460- 15 36).
sions ou gaiges finisent au terjne de ]a Saint Jean mil CGC C qua-
rante ung par le trespas dicellui deffunci, comme il appert plus à
plain par les lettres patentes de mon dit Seigneur sur ces faictes
et données en sa ville de Brouxelles le XXII': jour de Juillet au dit
an mil c c c c quarante ung. Pour ce icy par vertu d'icelles et quic-
tance de la due vefve, ay rendues à court, pour les diz gaiges ou
pension d'un demy an escheu au .\oel ou dessus dit an mil c ce c
quarante ung, la somme de ciiii^xl du pris de XI gros la livre...
Valent.... niic. xlivres.
I. Ce compte-rendu est emprunté au Courrier de l'Art.
Un article de M. Mason Perkins est relatif
à Andréa Vanni, un des plus lointains repré-
sentants de l'école siennoise (août 1333) et dont
il ne reste plus que trois ouvrages rigoureu-
sement authentiques, tous les trois à Sienne:
une Sainte Catherine dans l'église San Dome-
nico; une Crucifixion, à l'Institut des Beaux-
Arts, et enfin un polyptyque relativement peu
connu dans l'église de l'Alborino.
A citer encore, dans ce fascicule, un article
de notre collaborateur M. James Weale sur Les
Primitifs flamands à l'Exposition de Bruges de
l'année dernière ; une notice sur les dernières
acquisitions du Louvre, etc.
(Septembre-octobre 1903). — M. Bernhard
Berenson commence une étude sur un peintre
siennois de la légende franciscaine, lequel n'est
autre que Stefano di Giovanni, dit Sassetta.
Déjà, dans le numéro de mai, M. Langton Dou-
glas avait réhabilité le nom et l'œuvre de ce
peintre qu'ont trop ignoré la plupart des cri-
tiques d'art. Après lui, et s'aidant d'ailleurs beau-
coup de son article, M. J. Destrée {Art moderne,
2 août) a retracé la vie et le rêve d'art de
Sassetta, et s'est essayé à un premier catalogue
de ses œuvres. M. Berenson, plus heureux que
ses devanciers, puisqu'il lui a été donné de
retrouver et d'identifier les neuf panneaux du
grand retable que l'artiste exécuta pour l'église
Saint-P"rançois, à Borgo San Sepolcro, se place
cependant à un point de vue différent. II analyse
les œuvres de Giotto dans l'église d'Assise, moins
comme œuvres d'art que comme interprétations
de la légende franciscaine, et il nous montre
comment elles échouent à nous communiquer
l'essence spirituelle de l'enseignement de saint
François. Comparant ensuite l'art européen à
celui d'Extrême-Orient, il se livre à des considé-
rations étranges, d'où résulterait la supériorité de
ce dernier dans l'expression du spirituel ; il en
donne comme exemple une peinture chinoise du
-XII'-' siècle, représentant un miracle, dans la
collection de M. Deuman W. Ross, de Cam-
bridge U. S. A.
M. Campbell Dodgson donne une notice sur
un saint Jean à Pathmos : une gravure sur bois
attribuée à tort à Hans von Kulmbach. L'auteur,
après s'être élevé contre cette attribution , s'appuie
sur la couronne qui entoure la signature pour y
reconnaître la signature de Hans Knoblauch, im-
primeur et éditeur strasbourgeois (période d'ac-
tivité : 1500 1528), qui serait alors le possesseur
et l'éditeur de cette gravure ; quant à l'auteur,
il doit être cherché parmi les artistes stras-
bourgeois contemporains ; peut-être serait-ce
Wechtiin ?
244
Bc\)ue De r^^rt cbrctien»
GAZETTE DES BEAUX-ARTS. — Livraison du
i" février 1904.
Le Renouvellement de l'Art par les « Mys-
tères » à la fin du moyen âge (i<^' article), par
M. É. Mâle.
Quelques bois sculptés de l'école tourangelle
du'XVe siècle par M. P. Vitry.
Un Portrait d'enfant : « Elizabeth Laura Hen-
rietta Russel », par le baron R. Portails.
Le Palais Farnèse par M. André Chaumeix.
Deux mannequins en bois du XVl*^ siècle, par
M. É. Michel, de l'Institut.
Girolamo délia Robbia et ses œuvres (2^ et
dernier article), par miss M. Cruttwell.
Deux « Vies » d'évêques sculptées à la cathé-
drale de Rouen (2^ et dernier article), par M"^
L. Pillion (I).
Artistes contemporains. — R. Mois ; P.-J.-C.
Gabriel (2"= et et dernier article), par M. Georges
Riat.
Bibliographie : Deux récents historiens de
Watteau (Gabriel Séailles ; Edgcumbe Staley),
par M. Maurice Tourneux ; — Constantin
Meunier, sculpteur et peintre (Camille Lemon-
nier), par M. R. M. ; — Monumenti dell' Italia
méridionale (Adolfo Avena), par M. E. Bertaux;
— Sports et jeux d'adresse (H. -T. D'Alle-
magne), par M. A. M.
Cinq gravures hors texte :
L' Adova(io7i des bergers, miniature par Jean
Fouquet (Musée Condé, Chantilly).
Elizabeth Laura Henrietta Russel, par William
Ovi^en.
Les Œuvres de miséricorde, bas-reliefs en
terre cuite émaillée, par Girolamo délia Robbia.
Carrier, bronze par M. Constantin Menier.
The CrafSMAN. — Nous venons de recevoir
le n° d'octobre de cette revue mensuelle de mé-
tiers d'art publiée par -i The united Craft » (2).
Le fascicule est copieusement illustré et con-
tient en dehors d'articles traduits du français
des études originales de Caryl Caleman sur
l'auréole comme symbole à travers les siècles ; de
VVendell, G. Corthell sur le travail du bois en
Suisse; de Louise Stowell, sur les images peintes
du Japon, de Irène Sargent sur l'art de la po-
terie au collège Ste-Sophie à Nouvelle Or-
léans.
Handicraft est une autre revue mensuelle
d'arts et métiers publiée par « The Society of arts
I. Il sera rendu complo de ce trnv.iil dans notre proolmine
livraison.
2 277, Soulh State slreet Syracuse New-York, 3 dollars par an.
and crafts » (2). Le No de septembre contient un
article intéressant traitant du verre et qui fait
suite à un autre article sur les vitraux paru dans
le no de juillet. Dans le no d'août a paru une
étude de M. Hodge sur la reliure des livres.
E. C.
MISGELLANEA D'ARTE (1903, fasc. lO-ll).
Ce double numéro est entièrement consacré à
Masaccio, à sa vie et à ses œuvres.
— M. Marrai, à propos des fresques de la cha-
pelle Brancacci, au Carminé, dues au pinceau
de Masaccio et de Masolino, consacre à ces deux
grands peintres des pages des plus intéressantes
et d'une critique très sûre.
— M. Paolo d'Ancona nous décrit le tableau
d'autel de l'église del Carminé, actuellement à la
galerie de l'Académie des Beaux- Arts, générale-
ment attribué à Masaccio. Sans vouloir nier cette
attribution, M. d'Ancona ne la croit pas aussi
certaine qu'on le dit généralement.
— M. N. Ferri a étudié des dessins de Masac-
cio, tous assez arbitrairement attribués au célèbre
réformateur de la peinture toscane. Il passe en
revue, d'après le catalogue Braun, ceux du musée
de Lille, du Louvre, du British Muséum, des
Offices, etc. Aucun ne paraît à M. Ferri d'une
authenticité certaine.
— Enfin, M. Giovanni Poggi consacre une
importante étude à la table d'autel que Vasari
dit avoir été faite par Masaccio pour l'église del
Carminé à Pise.
(Fasc. 12). — M. Canestrelli étudie minutieu-
sement l'église de San Quirico in Osenna, située
à 45 kilomètres de Sienne. Il conclut que cet
édifice date de la seconde moitié du XIII<= siècle,
sauf la porte occidentale, qui est du XII'= siècle
(8* illustrations).
— M. Jacques Mesnil étudie la Madone des
constructeurs ; c'est la plus ancienne œuvre d'An-
dréa délia Robbia, dont la date soit établie par
un document précis ; elle date de 1475. Andréa
avait 40 ans.
RIVISTA D'ARTE (1904, n" l).
A dater de 1904, la Miscellanea d'Arte se pu-
blie sous le titre Rivista d'Arte. Elle est dirigée
par une Commission de laquelle font partie MM.
Corrado Ricci, Benvenuto Supino et Giovanni
Poggi.
— M. Corrado Ricci, à propos du tableau peint
à Florence par Benozzo Gozzoli pour la confrérie
I. 14. .*>oni«'rset Street at Boston Massachiissetts. i dollar par an.
Btbltograpftte.
245
de San Marco, et aujourd'hui à Londres, recher-
che ce qu'a pu devenir la prédelle. Il suppose,
d'après les sujets indiqués par les documents, que
c'est à ce tableau que se rapportent deux petits
tableaux de Gozzoli : le Miracle de saint Domi-
nique, qui est à Brera, à Milan, et le Miracle de
saint Zénobe, de la collection Rodolphe Kann, à
Paris.
— M. Carlo Gamba étudie un tableau de
Pontormo, qu'il a trouvé dans l'église de Carmi-
gnano.
— M. Emilio Robîony publie des documents
établissant que la Madone au long cou du Par-
mesan (galerie Pitti), a été achetée en 1698 par
le grand-duc de Toscane Ferdinand de Médicis,
aux Pères Servîtes de Parme par l'intermédiaire
du comte Calvi.
(N° 2). — T^a plus grande partie du numéro est
consacrée aux dessins de Michel- Ange que MM.
Ph. Ferri et Jacobsen ont découverts.
— M. Corrado Ricci étudie un tableau de Rar-
tolomeo Caporali récemment acheté par le musée
de Florence et placé aux Offices. Il représente
La Madone, rEnfant Jésus et des anges. Il est très
bien conservé et d'un fort beau coloris.
— M. de Fabriczy publie quelques documents
sur Mino da Fiesole.
(N°s 3-4). — M. Peleo Bacci étudie une Résur-
rection du Florentin Benedetto Buglioni, l'auteur
des terres cuites de l'église de la Badia, à Flo-
rence. Cet ouvrage important se trouve au Capi-
tole, annexé à l'église Saint-François, à Pistoia.
Les documents qui le concernent portent les
dates de 1489 et de 1490.
— M. Jacques Mesnil publie des documents
sur la Compagnie de Gesù Pellegrino. Cette So-
ciété était très importante au XV*" siècle à Flo-
rence et siégeait à Santa Maria Novella.
— ]\r. Colasanti décrit le tableau de Néri di
Bicci, à la Pinacothèque de Gubbio, qui repré-
sente La Vierge adorant l'Enfant Jésus. Il la
compare au tableau de Fra Filippo Lippi qui est
à Berlin et qui représente le même sujet et il
conclut que Néri di Bicci a suivi de près Filippo
Lippi sans arriver à en atteindre toute la grâce.
— En quatre pages intéressantes, M. Durand-
Gréville continue ses <i Notes sur des tableaux et
dessins de collections italiennes. » Il signale en
particulier la Vierge avec l'EnJant de la Pinaco-
thèque de Lucques. Cette œuvre, attribuée à
l'école allemande du XI'" siècle, semble à l'auteur
l'œuvre d'un grand peintre néerlandais (').
I. Courrier de tArl.
JAKCRBUCH DER KUNSTHISTORISCHEN
SAMIVILUNGEN DES ALLE RHŒGHSTEN KAI-
SERH A aSES. Tiime XXI, année 1 900.
Ce volume contient les travaux suivants,
illustrés, comme d'habitude, de nombreuses et
belles reproductions dans le texte ou hors
texte :
— La Peinture de paysage en Toscane aux XI V"
rt A' I '■" siècles, son origine et son développement,
par M. Wolfgang Kallab.
Pendant toute la période antique et byzantine
le paysage a gardé un rôle secondaire. Ce n'est
qu'au commencement du XIV*" siècle, qu'avec
Giotto et Duccio, nous voyons l'éveil d'un senti-
ment direct de la nature. Parmi les idéalistes du
XIV* siècle, Ambrogio Lorenzetti fut le seul
réaliste. Il renonça aux fonds dorés que Duccio
conservait encore, mais il n'eut pas sur ses con-
temporains une bien grande influence. Enfin
Masaccio se dégagea complètement de la tra-
dition byzantine. Il peignit les collines des
environs de Florence, les vallées de l'Arno et du
Mugello. Mais ces paysages, traités par grandes
lignes et par masses d'ombre et de lumière,
sont toujours subordonnés au sujet principal. Au
contraire, ses successeurs, les naturalistes du XV^
siècle, s'attardèrent dans des recherches de dé-
tails, ponts, champs clos, villes fortifiées « ed altri
minuzie délie natura », selon le mot de Vasari.
Ils semblaient avides de faire parade de leur
science de la perspective dont les lois venaient
d'être établies par L. R. Alberti, P. Uccello et
Piero délia Francesca. Ce dernier fut, d'ailleurs,
un grand paysagiste. Il se préoccupa de rendre
l'atmosphère et de résoudre tous les problèmes
de la perspective aérienne, dont ses prédécesseurs
semblaient ne pas se douter. Les Ombriens de
la fin du XV" siècle se préoccupèrent de rendre
dans leurs paysages les harmonies des différentes
heures du jour et ils purent être considérés
comme les créateurs du paysage intime.
Léonard de Vinci, par ses paysages, n'appar-
tient guère à l'école florentine. Ses fonds de ro-
chers fantastisques font plutôt penser aux mon-
tagnes dolomitiques qu'aux collines de la Tos-
cane. Par ses traités, il fut le premier théoricien
du paysage et il étudia, par esprit scientifique,
bien des problèmes dont on ne retrouve aucune
trace dans ses tableaux.
Le paysage florentin ne se développera pas
au.K siècles suivants comme à Venise. Ce n'est
qu'un épisode sans grande influence sur la pein-
ture moderne. Mais il a pourtant un intérêt histo-
rique comme exemple de la transition entre les
formules du moyen âge et la compréhension in-
dividuelle de l'art moderne.
REVUE DE L ART CHRKTIEN.
1904. — 3""^ LIVRAISON.
246
îRebue tic l'^vt cbrctieu.
— Les Types de la « Genèse » de Vienne sur les
ivoires, par M.Hans Graeven.
M. Graeven établit les ressemblances évidentes
qui existent entre certaines scènes de ce manus-
crit et des ivoires byzantins dispersés dans di-
verses collections et dont les sujets demeuraient
jusqu'à présent incertains. L'auteur croit que les
compositions de la Genèse sont des copies de re-
cueils de sujets d'après d'anciens modèles dont
se servaient les artisans byzantins du IX'= siècle.
tiotonsV Hislûire de la miniature dans la maison
d'Esté, à Ferrare, par M. Julius Hermann (').
I. D'après la Chroyiique des Arts.
BULLETIN DES MUSES BOYAUX DES
ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS DE
BRUXELLES.
M. J. Destrée publie dans le numéro de jan-
vier ses études sur le phylactère de Ste-Marie
d'Oignies exécuté par le trère Hugo. Cet objetde
toute beauté, récemment acquis par le musée
de Bruxelles, appartenait à l'église Saint-Nicolas
de Nivelles, où il a été mis en évidence pour la
premièrefois par laGilde deSt-ThomasetSt-Luc.
M. Destrée le compare à un phylactère semblable
dû au moine d'Oignies, et conservé au trésor des
Sœurs de Notre-Dame de Namur, et à un troi-
sième, appartenant à le cathédrale de Cologne
et signalé par le chanoine Schnùtgen.
L. C.
Btbltograpl)te.
247
•^
Jiidei' bibliographique.
archéologie et Beaiir :^rrs ' \
.(France.
Barrière Flavy. — Fouilles de l'kglise de
Saint-Paul d'Auterive. — In-8°. Toulouse, Chauvin
et fils, 1903.
Bastier (P.). — Fénelon, critique d'art. — ■
In-S", 63 pp. Paris, Larose. i fr.
Beaudoire (T.). — Genèse de la cryptographie
APosTOLii.iUE et de l'architecture rituelle du
I" AU XVl= SIÈCLE. — In-8° 292 pp. et fig. Paris,
Ciiampion, 1903. 30 fr.
Berteaux (E.). — L'art dans l'Italie méri-
dionale, DE LA FIN de L'EMPIRE ROMAIN A LA CON-
QUÊTE DE Ch.\rles d'Anjou. — In-4°, 404 fig.,
38 pi., 2 tabl. Paris, Fontemoing. 80 fr.
Bréhier (L.). — Les origines du crucifix dans
l'art religieux ( Science et Religion ). — In-12, 64 pp.
Paris, Blond, 1903.
* Chartraire (L'abbé). — Rapport sur la dé-
molition d'une partie de l'enceinte romaine de
Sens en 1903. Broch. Paris, Imp nat., 1904.
De Baudot (A.) et Perrault-Dabot (A.). —
Archives de l\ commission des monuments histo-
riques. Périgord-Languedoc, Gascogne-Provence.
— In-4», 100 héliogr. Paris, Laurens. iio fr.
De Chennevai (H.). — Petit inventaire
ILLUSTRÉ DE CHALCOGRAPHIE DU MuSÉE NATIONAL
DU Louvre. — In 8°, 42 pp., i pi., 45 grav., Paris,
Joanin, 1903. i fr. 50.
de Dion (A.). — Croquis Montfortois. La
CHAPELLE Saint-Laurent. — 11-4°, 41 pp. et fig.
Tours, 1903.
de Rivières (B°"). — Les statues tombales du
musée des Augustins de Toulouse. — In-4°, 28 pp.,
4 pi. et 2 fig. Toulouse, Chauvin, 1903.
* Dictionnaire de la bible, t. XVII. — Paris,
Letouzey et Ané.
Donlol (A.). — Histoire du XVI' arrondisse-
ment de Paris. — i vol in-8°, avec grav. et cartes,
Paris, Hachette, 1903.
t. Les ouvrages marqués d'un astérisque (*) ont été, sont ou
Siéront l'objet d'un ariicle bibliographique dans la Revue.
Durrieu (L.). — L'Histoire du bon roi
Alexandre. Extr. des Éludes d'art ancien et moderne,
1903-
Érard (Ch.). — L'art iîyzantin, son architec-
ture SA décoration. Texte de A. Gayet. — 13 pi.
en héliog. et 21 pi. en couleur. Paris, Soc. franc,
d'édition d'art. Fr. 140.
* Fennebesque(J.). — Construction projetée
sous Louis xiv a Versaili,es d'un pavillon d'Apol-
lon. — Broch. in-S'\ Versailles, Bernand, 1902.
* Le même. — Itinéraire des promenades
DE LA FAMILLE ROYALE DANS LES PARCS DE VERSAIL-
LES. — Broch. in-8". Versailles, Bernand, 1902.
Gosset (A.). — B.ASILIQUE Saint-Remi. Origine
ARCHITECTURALE. — In-8°, i6 pp., grav. et plan.
Reims, Imp. de l'Académie.
Jamot (C). — Inventaire général du Vieux
Lyon. — In-8'', 64 pp., 15 photogr., 2 plans. Lyon,
Reychie, 1903.
* Martin (L.). — Le coq du clocher. — (Broch.
extr. des Mém. de FAcad. Stanislas). Nancy, Berger,
1904.
* Petit formulaire de prières. — Imprimerie
St-Augustin, Desclée, Paris, Lille, Rome.
* Quarré-Reybourbon (L). — Arnould de
VUEZ, PEINTRE LILLOIS (16441720). Petit in-4"
de 80 pp., nombr. planches. Lille, Lefebvre-Ducroy,
1904.
Serbat (L.). — L'architecture des Jésuites au
XVIP siècle. — In-8'', loS pp. Caen, Delesque, 1903.
Tremblin (E.). — Cimetière fortifié et église
DE Bermerain. — In-S", 25 pp., Lille, Danel, 1903.
^[llcmagne.
Alte Meister in den Farben des Originals
wiedergegeben. — Fasc. 16. In-4'', 4 pp. et 8 pi,
Leipzig, Seemann, 1903. 5 M.
* Beissel (É.). — Les trésors dé l'art con-
servés AU DOME impérial d'Aix - la-Chapelle.
œuvres d'orfèvrerie, de la toreutique et de
l'art textile. — 35 pi. in-fol". 30 M.
Bergner (H.). — Kirchliche Kunstaltertumer
IN Deutschland. Fasc. I. — • In-8°, i pi. Leipzig,
Tauchnitz, 1903.
* Braun (J.), S. J. — Deux cents modèles de
broderie religieuse, genre moyen AGE. — In-fol",
20 pi. Herder, Fribourg en Brisgau, 1904. 22 fr. 50.
248
3Rr\)ur t)C V^xi cljvctirn.
Broicher (C.)- — John Ruskin und sein Werk.
PURII ANER, KUNSTLER, KrITIKER. I. Reihc : ESSAYS.
— In-8°, 298 pp., I pi. Leipzig, Diederichs, 1902.
Daun (B.). — Veit Stross und seine Schulen
m Deutschlamd, Polen und Ungarn. — Mit
89 teils Abbildungen in Aulotypie. Leipzig, Hierse-
inann, 1904. AL 10.
Die Meisterweeke der Gemaelde Galerie des
allerhochsten Kaiserhauses in Wien. — Fasc. 2,
Berlin, Gesellschaft, 1903. M. 125.
Fleurent (J.). — Der Isenheimer Altar und
DIE Gemaelde Gruenewalds. — In 8°, 44 pp., 14
pliotoiyp. Colmar, Juny, 1903.
* Geiges (Le prof. F.). — Les anciens vitraux
DE LA CATHÉDRALE DE FrIBOURG. 5 livr. in-4",
nombr. iliustr., 2 pi. en coul. par livr. Herder, Fri-
bourg. Prix de la livr. : M. 5.
Gluck (G). — Aus RuBENs' Zeit und Schule.
B11MERK.UNGEN ZV EINIGEN GlMALDEN DER KAISERL.
Galerie in Wien. — 48 pp., 6 pi., 32 iliustr. Vienne,
Tempsky, 1903. M. iS.
Hausmann (S.) et Polaczek (E.). — Denk-
MALER DER BaUKUNST IM ElSASS VOM MiTTELALTER
bis zum 18 Jahrhundert. — Monuments d'archi-
tecture DE l'Alsace depuis le moyen âge jusqu'au
XVIII' SIÈCLE. — loo pi. Strasbourg, Heinrich, 1903.
Helsch (G. F.). — Anleitung zum Studium der
Peuspektive und deren Anwenuung. — 124 fig.
1 pi. Tauchnitz, Leipzig, 1904. M. i.So.
Heubacli(A.). — MonumentalbrunnenDeutsch-
LANDS, OeSTERREICHS UND DER SCHWEIZ AUS DEM 13
BIS 18 Jahrhundert. — Fo7itaines viomuneniaks en
AHfiiiao/ie, Autriche et Suisse du XI JI' au Xl'JJJ'
siècle. 60 pi. Tauchnitz, Leipzig, 1904. M. 36.
Kirchner (J.). — Die Darstellung des ersten
Menschenpaares in der bildenden Kunst von
DER altesten Zeit bis auf unsere Tage. — In 8",
284 pp., 105 fig. Slutgard, Cuke, 1903. M. 10,60.
Knachfuss (H.). — Tizian, 4*^ édit. — In-8°,
156 pp., 123 fig. Velhagen et Klasing, Bielefeld, 1903.
M. 3.
Leibnitz (D.). — Die Organisation der Ge
woelbe im ciikistliciien Kirchenbau. — 96 fig.
'l'auchnitz, Leipzig, 1904.
Liibke (W.). — Die mittelai.terliche Kunst
IN Westkalen. — F'olio-Atlas mit 29 lithographieiten
Tafeln. Tauchnitz, Leipzig, 1904. M. 10.
Meisterwerkic der Malerei. Alte Meister. Re-
productionen in Photograv. Mit ein Vokwort
und begleit. : — Fasc. I. 3 p!., 4 pp. Bony, Berlin,
1903. M. 3.
Messmer (J. A.). — Ueber den Ursprung, die
Entwickelung und Bedeutung der Basilika in
DER CHRisïLicHEN B.\UKUNST-. — Tauchniiz, Leipzig,
1904. AL 0.80.
Mothes (Dr. O.). — Handbuch des evangelisch-
CHRisTLiCHEN KiRCHENBAUES. 59 iUustr. Tauchnitz,
Leipzig, 1904. M. 12.
Millier (Dr. H. A). — Karte der mittelaltek
LICHEN KlRCHliNARCHlTEKTUR- DeUTSCHLANDS. —
Geb. Tauchnitz, Leipzig, 1904. M. 1.
Odobesco (A.). — Le Trésor de Pétrosa.
Étude sur l'orfèvrerie antique. — 3 pi., lO chio
uioiith., 356 fig., inf". Leipzig, Hiersemann. M. 120.
Olte (H.). — Handbuch der kirchlichen
KUNSTARCH.AOLOGIE DES DEUTSCHEN MlTTELALTEKS.
— 543 fig. l'auchnitz, Leipzig, 1904. M. 37.
Reichensperger (A.). — Georg Gottlob Un-
GEWITTER UND SEIN WiRKEN ALS BaUMEISTER. —
Tauchnitz, Leipzig, 1904. M. 60.
Le même. — Vermischte Schriften ubek
christliche Kunst. — 8 pi. Tauchniiz, Leipzig,
1904 M. 5.
Redlenbacher (R.). — Leitfaden zum Studiu.m
der mittelalterlichen Baukun.^t. — 544 fig, 4 pi.
et fig. Tauchnitz, Leipzig, 1904. M. 5.
RoLhenhâusler (F.). — Zur Baugeschichte
DES Klosters Rhlinau. — In-8°. 142 pp. Fribourg,
Echenfeld, 1903. M. 3,60.
Ruskin (J). — Moderne Maler(vo1. I et II).
— In-8>, 312 pp. Leipzig, Diederichs, 1902.
Schmidt (P.). — Maulbronn. Die Bauge-
schichte. Entwickelung des Klosters im 12 und
13.jAHRH.UND sein Einfluss auf die schwab. und
FRANK. Architektur. — ^1-8", 128 pp. 1 1 pi. I Carte.
Strasbourg, Heiiz, 1903. M. 8.
Statz (V.) et Ungewitler (G.). — Gotisciies
MusTERBUCH. — In-folio, 200 pi. 2 M. 50 Pf.
Steinmann (E.). — Botticelli. — 2" éd., in-8'',
104 Pli. 91 fig. Velhagen et Klasing, Bielefeld, 1903.
M. 3.
Thierne (U.) et Becker (1^). — Allgemeines
Lexikon der bildenden Kunztler. — 20 vol.
in-S". Leipzig, Hieisemann, 1904. M. 400.
Tbomae (W.). — Der ehemalige Hochaliar
IN DEN Karmelitenkirche zu Hirschhorn. Einen
Brkitag zur Kunst und Kulturgeschichte des
xviii Jahrh. — In 8°, 22 pp. Koester, Heidelberg,
1903. Al. 10.
ai5tbliograpl)te.
249
Ungewitter (G.). — Lf.hrbuch der gotischen
KoNSTRUKTiONEN. — Nombr. illustr. et pi. Leipzig.
Tauchnitz. ^^. -12.
Le même.
Ornamentik.
1904. M. 9.
— Sammlung mittelalteri.icher
— In fol., 24 pi. Leipzig. Tauchnitz,
Weingârtner (\V.). — Ursprung u. Entwicke-
LUNG DES CHRISTLICHEN KiRCHENGEBAUDES. —
Leipzig, Tauchnitz, T904. M. 4.
anglcterrc.
Cathkdrals, arreys andchurches of England.
— 2 vol. in-8°. Londres, Cassell. sh. 15.
Davies (G.-S.). — Hàns Holbein the vounger.
— In-fol. 247 pp. et pi. Londres, Bell. sh. 105.
de Wyzewa (T.). — Une nouvelle biographie
de Botticelli. — I vol. illust. Londres, Streeter,
1903.
* Lennox-Watson (Th.). — Le double chœur
DE LA cathédrale DE Glascow. — In-4" illustr.,
180 pp., papier de luxe. — Glascow, Hedderwick,
1901.
Ricketls. — The Prado and tts masterpieces.
— In 4°, 50 phototypies. Londres, Constable. sh. 105.
SolOn (I^ ). — A HISTORV AND description of THE
OLD french faïence. — Un vol. in-4°, 172 pp. 58 pi.
Londres, Cassel.
Wallis (H.). — Oak leaf jars. — In-4°, 40 pp.,
92 pi. Londres, Quaritch, 1903.
Le même. — Italic ceramic art: maiolica
PAVEMENT TILES OF THE 1 5TH CENTURV. — In-4'',
Londres, Quaritch, 1903. sh. i.
Williamson. — The anonimo. Notes on pic-
TURES AND WORKS OF ART IN ItaI.Y, MADE EV AN
ANONVMOUS WRITER IN THE SIXTEENTH CENTURY. —
Trad. par P. Mussi. In-8°, 162 pp. Londres, Bell.
sh. 7. 6.
31talic.
Lugano (P.). — Guida illustrata di monte
Oliveto Maggiore. Monte Oliveto Maggiore. —
In-i2, 189 pp., 1903.
Cspagnc.
Fita (F.). — M0NUMENTOS romanos PE SAN Juan
DE Camba, Cordoba, Linares, Vilches. Cartagena,
Barcelona y Tarrasa. (Extrait du Bolelin de la R.
Academia de la historia Madried, içoj. — T. XLII,
pp. 446463.)
Le même. — Santa Eulalia de Barcelona.
Una de sus hasiltcas en EL siGLO. (Extrait du Bole-
lin de la R. Academia de la historia Madried, IÇO^.
T. XLIII, pp. 250-255.)
* Lamperez-y-Romea (V.). — Historia de
LA ARQUITECTURA CHRIST! ANA. In- 12 iUustré de
240 pp. Barcelone, J. Gili, 1904.
Marina (J.). — Toledo. — Ilustrations de Luis
Garcia Sampedro. Barcelona, Gili, 1903. ptas. 2.
=^ Eiitricbc. ===
Kirsch (J. -P.) et Luksch (V). — Illustrierte
Geschichte der katholischen Kirche. — Histoire
illustrée de r Église catholique. 50 pi. et 800 vignettes.
Vienne, Oesterreichischen Léo Gesellschaft, 1904.
M.
Puisse.
Healon (C). — Notre-Dame de Neuchatel et
l'architecture primitive de la Suisse. — In-4°,
19 pp. Neuchatel, Wolfrath. fr. i.
Reinhart (E.). — Die Cluniacenskk Archi-
tektur in der Schweiz vom X bis XIII Jahrhun-
DERX. — In 8°, 106 pp. et 6 pi. Zurich, Schulthess,
1904.
^uèDc=Bot)oège.
Lusberg Bering. — Ein illustrierter Fïihrer
durch die chronologische Sammlung der dani-
schen Kônige. — In-S", 96 pp. 135 illustr.Copenhage,
Opsynet. Kr. 2.
Nordervan (G.) — Hundra bildkonstens
masterverk. reproduktioner i fargtryck of be-
romda malningar fran aldre tii.l nyare tid ut-
Gifna. — Fasc. I, 5 pi. Stockholm, Akttieb. Kr. 2.
IBelgiquc^^oUanDc.
* Destrée (J.). —Musées royaux des arts déco-
ratifs et industriels. Catalogue des ivoires, des
objets en nacre, en os gravé et en cire peinte.
— In-8°, 130 pp. Bruylant, Bruxelles.
Le même. — Renier d'Huy, auteur des fonts
baptismaux de Saint-Barthélemy a Liège et de
l'encensoir du Musée de Lille. — Brochure illus-
trée. Bruxelles, Vromant, 1904.
Giovale (G.-B.). — Recherches architectoni-
QUES sur la basilique. Les sarcophages des saints
martyrs. — Le monde catholique illustré, IÇ02.
Heins (M.). — Petite histoire de la ville de
Gand et de ses institutions. — 111-4", illustré.
Hoste, Gand. fr. 1,50.
250
ÎRebue lie T^rt tl^rétieiu
* Lenertz (Vincem). — Documents d'art mo-
numental DU MOYEN AGE, architecture, sculpture,
ferronnerie, relevés et croquis. Vromant et C'"^,
Bruxelles.
Miles (B.). — Architecture, décoration et
AMEUBLEMENT PENDANT LE XVII1"= SIECLE, RÉGENCE
Louis XV. — 200 planches et 2000 dessins. De
Nobele, 22, rue de la Tulipe, Bruxelles.
Original drawings by Rembrandt Harmens van
RyN,REPRODUCED in THE COLOURS OF THE 0R1GINALS
BY Enkikand Binger, 3= série, 1'"= partie. — La Haye,
Nyhoff. FI. 75.
Reynaert (J.). — Eenige aanteekeningen
OVER DE VOORNAAMSTE ALTAREN DER HOOKDKERK
van Sint-Nikolaas. — Annales du Cercle archéolo-
gique du pays de Waes, t. XXI, pp. 281-295.
van Arkel (G.) et Weissmann (A.-W.). —
Nookd-Hollandsche oudheuen, uitgegeven van
WEGE HET K0NINK.LIJK OUDHEIDKUNDIE GENOOISCHAP
TE Amsterdam, — In-4", 114 pp., 96 fig., 6 pi Am-
sterdam, 1902.
van der Moeren (R.). — Het O. L. Vrouw-
beeld van Blindekens (a Bruges). — Biekorf, T.
XIV, pp. 265-268. De Plancke, Bruges. 1903.
^ :^ ^^;^ ^^^ ^^ ^:^. ^^ ^ ^. ■^. :^ :^V^ ^^ ^, ^ ^. ^'^ ^^ ^^ ^^ ^ ^ ^ ^^
w
h
dirOniCJUC. sommaire: école des hautes études d-art de Bru-
xelles. — conservation des monuments et objets D'ART; la loi Pacca ;
le Campanile de Venise ; la maison d'Ozé à Alençon ; Croix triomphale ; église des Jacobins
de Castillonnès; cathédrale de Lyon ; Notre-Dame d'AIençon ; église de Beaulieu, de Longueil-
Annel ", Beffroi de Périgueux ; Sainl-Jean-de-la-Ruelle ; Catacombes romaines. — ŒUVRES
NOUVELLES : cathédrale de Cerignola ; parvis d'Amiens ", atelier de tapisseries au Vatican,
à Champfleur. — MUSÉES ET BIBLIOTHÈQUE: musée de Naples, de Florence, de Mont-
pellier; bibliothèque de Turin. — MUSIQUE SACRÉE: Centenaire de saint Grégoire le
Grand. — NÉCROLOGIE : E. J. Corroyer.
i^jWWWWWW^WWWWWW^WWWWWWWWWWWWW
Gcolc De bautcs ctiiDcs De BrurcUcs.
dite.
fES conférences des cours d'art et d'ar-
cliéologie se poursuivent chaque sa-
medi avec un succès croissant. Après
la captivante causerie de M, G. Bene-
l'éiiiinent égyptologue parisien, sur « les
industries d'art de l'ancienne Egypte », on a eu
une étude de M. le prof. Roersch, de l'Université
de Gand, sur n les humanistes belges de la
Renaissance ».
-M. Roersch a révélé une des phases les plus
attachantes de l'histoire littéraire belge, un épi-
sode de ce mouvement d'expansion qui, au XV"^
et au XVIfi siècle, fit rayonner sur toutes les
nations latines l'influence flamande : dans la
musique, la peinture, les lettres, la philosophie,
les mathématiques, les Flamands gravent leur
empreinte.
M. Roersch, orienté par ses études spéciales
vers les questions philologiques et littéraires, a
montré comment la Renaissance avait pris ori-
gine dans les provinces flamandes, comment
l'humanisme, loin d'y avoir été importé d'Italie,
y était né spontanément du besoin de réaction
contre la scolastique, et avait pu s'y développer
très rapidement, grâce à la préparation du terrain
intellectuel par De Groote et ses continuateurs.
Ce Gérard De Groote, né à Deventer en
1340, — soit plus d'un demi-siècle avant les
humanistes italiens, à part Pétrarque et Boccace,
— fut le premier humaniste flamand. Par ses
propres travaux, surtout par la fondation des
Frères de la Vie Commune (Hiéronymites) dont
les collèges rayonnèrent bientôt sur la Hollande,
l'Allemagne et la Belgique, De Groote suscita un
vigoureux réveil des esprits.
Après lui viennent : Érasme, le plus univer-
sellement célèbre, qui se fixe à Louvain dès
1502 ; Juste-Lipse ; De Smedt de Westwinkel
(1525), le créateur de la méthode épigraphique ;
Piguius, le gouverneur du prince Charles de
Clèves (1520- 1604), auteur d'un célèbre récit de
voyage à Rome avec son élève, et initiateur de
la Chronologie de l'Empire romain ; François
de Maulde, d'Oudenburg ; le seigneur de Boes-
beke, qui découvre l'inscription d'Ancyre ; Marc
Laurain, seigneur de Watervliet, qui, avec la
collaboration de Goitzius, établit à Bruges une
imprimerie et un atelier de gravure tout spéciale-
ment pour publier le catalogue de ses collec-
tions ; enfin le charmant Jean Everts, dit Jean
Second, mort tout jeune à Tournai, peintre,
graveur et poète latin exquis, si exquis que son
recueil les Baisers sert de modèle aux poètes
de la Pléiade: Ronsard, Bellau, du Bellay, qui le
démarquent sans scrupule...
M. P. Vitry a fait une conférence sur les Pri-
mitifs français. En cette préface à l'exposition
qui vient de s'ouvrir, l'orateur s'est appliqué à
mettre en relief les caractères de l'art où, tour à
tour au service des rois de France, des ducs de
Berry, d'Anjou, de Bourgogne, à Bourges, à An-
gers, à Dijon, s'illustrèrent des maîtres de premier
ordre. Avec plusieurs expressément désignés : les
frères Pol, Jean et Herman Manuel, dits de Lim-
bourg, Jean de Bandol, dit de Bruges, Jean Coste,
Girard d'Orléans, J. Fouquet et ses fils, Bour-
dichon, le conférencier en a signalé d'autres,
encore indéterminés, en qui persistent des habi-
tudes assez franches pour constituer une école,
au sens rigoureux du mot. Contemporains de
Broederlam, ils seront les précurseurs des frères
van Eyck, comme sculpteurs, comme peintres,
comme miniaturistes.
M. de Bruyn doit parler de 1'* Art popu-
laire ».
L'éminent professeur romain Marucchi, bien
connu par ses travaux archéologiques, viendra
donner, en avril, une série de conférences sur
« les résultats des récentes fouilles du Forum ».
Art naturaliste.
La collection de l'école des Beaux- Arts possède
une statue couchée en marbre, attribuée àGermain
Pilon, et indiquée par E. Muntz comme la figure
de Catherine de Médicis. — Une consultation
anatomique, faite à l'initiative de M. E. Luger (i),
a révélé que le gisant est bel et bien un homme,
et qu'il s'agit d'une étude sur modèle vivant
destinée à l'exécution de l'effigie de Henri II.
I. V. Chronique des ar/s, 1904. p. 4.
252
jRcbue ÎJe ï^xt thxétmx.
Ne faut-il pas admirer cette servilité savante
de la copie d'un modèle, qui aboutit à une
expression artistique telle, qu'il faille de savantes
recherches pour distinguer s'il s'agit d'un homme
ou d'une femme !
Conscruation Des monuments et
objets Q'Hrt.
WI Pacca. — On connaît la loi
salutaire édictée jadis par le Saint-
Siège sur l'initiative du Card. Pacca,
pour protéger les œuvres d'art ancien,
(bien avant que nos Congrès d'archéologie
n'eussent jeté l'alarme contre les marchands du
Temple) et mettre frein à la spéculation qui
faisait sortir d'Italie tant de chefs-d'œuvre de
l'art. Les journaux font maintenant honneur de
cette loi au « Gouvernement italien ». Le Gou-
vernement italien, lui, se sert de la loi pontificale
d'une manière singulière, absurde, au profit des
finances et en fait une exploitation du fisc. Il en
tire prétexte pour permettre l'exportation de
livres anciens, moyennant une forte taxe. — La
Bibliflfiliaàt. Florence s'élève contre ces pratiques
et réclame avec raison, qu'on laisse libre la
vente des estampes dont il reste de multiples
exemplaires.
Le Campanile de Venise. — On nous écrit de
Rome :
« Dans sa séance du 22 mars, le Sénat a ap-
prouvé le projet de loi pour la reconstruction du
Campanile de Saint-Marc et pour la restauration
des monuments de Venise. A propos du campa-
nile de Saint-Marc, le rapporteur, M. le Sénateur
Pellegrini, assure que les anciennes fondations
ont été trouvées en parfait état de conservation
et que toute crainte à cet égard a disparu, de
même que les préoccupations concernant les
éventualités auxquelles seraient exposés les
monuments du voisinage, qui doivent également
être écartées. Ces déclarations ont été confirmées
par M. Orlando, miin'stre de l'Instruction publi-
que, lequel a ajouté qu'il assumait comme minis-
tie la responsabilité de ces informations. Cepen-
dant il a ajouté avoir acquis la conviction que
l!exécution du travail n'est pas entre de bonnes
mains; il confessa son manque absolu de con-
fiance en voyant présider à la reconstruction du
campanile le même système qui a été la cause
de sa ruine.
Il résuite cependant des renseignements four-
nis, que la Commission à laquelle le travail a été
confié ne s'isole pas de l'action gouvernementale,
cette Commission comptant dans son sein des
représentants autorisés du Gouvernement. A l'ad-
ministration municipale de Venise n'incombe
d'autre responsabilité que celle de la gestion des
finances.
Les deux projets de loi ont été approuvés et
votés au icrutin secret. »
On ne saurait s'empêcher de trouver étrange
l'attitude de M. Orlando, Ministre de l'Instruc-
tion publique: elle est de nature à jeter le discré-
dit sur la direction d'un comité où le Gouverne-
ment lui-même est représenté.
Les membres de cette Commission seraient
peut-être fondés de répondre à M. le Ministre
que si, par le système qu'ils ont adopté, le nou-
veau campanile doit résister à l'action des siècles
aussi longtemps que l'a fait l'ancien, on n'aura
pas trop à se plaindre de la direction imprimée
au travail. La stabilité du nouveau campanile de
Saint-Marc dépassera probablement de beaucoup
celle d'édifices modernes approuvés par le Minis-
tre italien.
#
« *
La maison d'Ozé, à Alençon, ayant été classée
comme monument historique par décret du 27
août dernier, la SocicU' historique et archéologique
de l'Orne vient d'ouvrir une souscription, dont le
montant,ajouté à la subvention fournie par l'Etat,
est destiné à aider à la restauration de la maison
dont il s'agit et à sa transformation en musée
public (•).
La croix triomphale vient d'être rétablie à sa
place dans l'église de Rebaix (Hainaut).
La Dépêche de Toulouse prête à M. le cuté de
Castillonnès l'intention d'ouvrir une nouvelle
souscription pour l'achèvement des travaux à
l'église et au clocher. — On sait que la façade
nord de Notre-Dame des Jacobins menace ruine
et que de grosses réparations sont nécessaiies.
Le monument étant communal, c'est la Ville
d'Agen qui devrait supporter tous les frais de
ces réparations. M. le maire a songé à faire clas-
ser l'église parmi les monuments historiques, ce
qui obligerait l'Etat à prendre à sa charge les
frais d'entretien. Il demande, en conséquence,au
conseil de l'autoriser à faire les démarches néces-
saires.
I. On peut adresser toutes souscriptions A .\r. Léon Homniey.
conseiller municipal à Alençon. banquier cl trésorier du comiié
d'organisation, rue du Cours, à Alençon.
Cl)romque.
253
Un crédit de 60.000 francs a été alloué sur
le budget de 1904 pour la continuation des tra-
vaux de la cathédrale de Lyon (Rhône). Le rap-
port de la Commission des finances du Sénat fait
connaître que le dernier crédit figurera au budget
de 1905.
**#
L'église Notre-Dame, à Aleiiçon (Orne), monu-
ment historique, exige des réparations dont le
montant s'élève, paraît-il, à 40,000 francs. Rappe-
lons que les verrières du haut de la nef de cet
édifice.datant du XVI'= siècle, forment un ensem-
ble de tout premier ordre.
*
♦ ♦
On nous informe que très prochainement la
commune de Beaiilieu (Indre-et-Loire) va mettre
en adjudication les travaux de restauration de
son église, lesquels sont évalués à 100.000 fr.
Le dimanche 14 février, Mgr l'évèque de Beau-
vais a béni la nouvelle église de Longueil-Annel.
Cette église est sur plan basilical, sans transept, à
trois nefs, et triforium praticable. Style général :
transition, fin du XI I«. Architecte ; M. Morin. Le
clocher reste à édifier.
Le beffroi de l'église de la Cité à PJrigueux,
menace ruine ; il est déjà tout lézardé. Des mesu-
res viennent d'être prises pour éviter des acci-
dents aux abords de l'église, en attendant une
urgente réparation.
*
* *
La commune de Saint-Jeande- la- Ruelle {\^o\-
ret) reçoit du ministère des Cultes un secours de
10.000 fr. pour aider à la couitruction de son
église (•).
# *
M. Chaumié, ministre des Beaux-Arts, vient
de charger d'urgence M. Suisse, architecte des
Monuments historiques, d'accord avec le ministre
de la Guerre, de prendre en main les travaux de
Saint- Philibert à Dijon, et d'établir un projet de
restauration de cet édifice, dont M. Chabeuf s'oc-
cupe dans la présente livraison de notre Revue.
*
« «
Catacombes romaines. — Depuis quelques se-
maines, Rome compte une basilique chrétienne
de plus et un groupe de catacombes bien supé-
rieur à celles déjà connues.
I. Les nouvelles précédentes sont empruntée l'excellente revue
hebdomadaire V Art sacré.
La découverte a été faite non loin du cimetière
de Comodilla, lequel est même en communica-
tion avec ces catacombes inopinément venues au
jour.
Cette basilique souterraine n'est pas de grande
dimension ; en revanche, elle offre un grand in-
térêt par les trésors artistiques qu'elle renferme.
Toutes les parois sont couvertes de fresques, dont
deux surtout frappent non seulement à cause de
leur parfait état de conservation, car on les di-
rait peintes d'hier, mais par la pureté du dessin.
On sait que les peintures des premiers siècles
de l'ère chrétienne qui se sont conservées dans les
catacombes, sont de simples simulacres faits à
grands traits et sans aucune recherche du dessin.
Même les fresques découvertes il n'y a pas long-
temps dans la basilique « S. Maria Antiqua » au
Palatin, bien qu'importantes pour l'époque où
elles furent exécutées, ont toute la froideur et la
raideur hiératiques de l'art byzantin.
Au contraire, les fresques découvertes dans les
catacombes de Comodilla révèlent le pinceau
d'un véritable artiste au dessin correct et puis-
sant. L'une d'elles, représentant la Vierge, entou-
rée de quatre saints, est un réel chef-d'œuvre.La
tête, finement modelée, a une expression de man-
stiétiide qui émeut même le profane. Le coloris
est d'une admirable fraîcheur et les tonalités d'une
harmonie que l'on chercherait en vain dans les
peintures byzantines. Les lignes du drapé,et pour
la Vierge et pour les saints, sont belles et souples.
Si la découverte de cette petite basilique est
importante au point de vue artistique, celle des
catacombes l'est encore davantage sous le rap-
port archéologique.
Le visiteur qui descend dans les catacombes
romaines en voit les « loculi » vides, les tombes
dévastées en grande partie. Dans le groupe qui
vient de revenir au jour se trouvent des galeries
de 20 mètres de hauteur, avec dix à douze ran-
gées de « loculi » ou tombes, toutes fermées,
toutes intactes. De plus, à côté de chaque tombe,
il y a la lampe funéraire, les dons votifs et jus-
qu'aux clous où étaient appendues les couronnes.
Il est très probable que ces souterrains furent
fermés au VI'^ siècle et échappèrent ainsi aux
déprédations des Goths. On les a donc retrouvés
en leur état primitif et, une particularité à noter,
c'est que des squelettes gisaient à terre. Il est à
supposer qu'un éboulement se produisit, obstrua
les galeries et que ces squelettes sont ceux des
chrétiens venus prier près de la tombe de leurs
chers défunts, et qui ne purent se sauver quand
l'éboulement eut lieu.
Tous les « loculi », toutes les tombes ont leur
inscription, une date, ce qui permet d'établir que
l'hypogée est de l'époque comprenant le V'^ et le
Vl<= siècle.
254
3Rrbur tic V^xt chrctirn.
Mais noiis~sommes seulement au commence-
ment des explorations : d'autres galeries restent
encore à découvrir, qui probablement seront in-
tactes aussi.
Autour de la basilique existent les sépulcres
de plusieurs saints et martyrs du VI*^ siècle. On
y a recueilli nombre de sarcophages, de colonnes,
de chapiteaux et de fragments de statues. Tout
un trésor archéologique.
Les fouilles se font pour le compte du Vatican.
Pie X s'y intéresse immensément, surtout à cause
des tombes des martyrs et des saints.
*
* *
Nous lisons avec plaisir dans la Chronique des
Arts du 9 avril :
i. Une étrange mesure ministérielle vient de supprimer
des prétoires tous les emblèmes religieux. Si nous n'avons
pas à juger ici les raisons dont elle s'inspire, il nous ap-
partient de dénoncer le sacrilège artistique qu'elle accom-
plit h la légère. Toutes les sculptures, tous les tableau.\
religieux qu'une tradition souvent ancienne plaçait sous
les yeux des juges, des prévenus et des spectateurs
vont disparaître et les murs ne présenteront plus au re-
gard dépaysé que leur nudité inonotone.
Il y a là un véritable contre-sens artistique. La vie
publique n'avait que trop rarement déjà le souci du décor
où elle s'écoule. Et puisque les prétoires gardaient,
comme un legs du passé, une ornementation parfois si
précieuse, il fallait la leur laisser. Une administration
intelligente aurait même souhaité de l'enrichir. Aux em-
blèmes déjà existants elle aurait ajouté d'autres emblèmes
qu'ils soient ou qu'ils ne soient pas religieux. Elle se serait
souvenue que le charme de tant de vieilles cités vient pré-
cisément de ce qu'elles ont eu soin de parer les salles où
s'assemblaient leurs juges, leurs syndics ou leurs conseil-
lers, et d'embellir la vie officielle. .Si les murs blanchis .\
la chaux et les bustes de plâtre doivent être désormais le
décor idéal de tous les actes publics, c'est que les Scythes
ont envahi le monde.
Une autre inquiétude saisit, pour peu que l'on songe
aux destinées des œuvres d'art qui vont être enlevées de
leur place traditionnelle. Les questions de propriété ne
manqueront pas d'être souvent délicates, et, une fois
résolues, elles laisseront encore indécis l'einplacement
futur des ouvrages bannis. Où les départements les expo-
seront-ils ? Dans quelle salle obscure et sans emploi les
villes pourontelles les accueillir.? On parle déj.à de main-
tenir certains tableaux dans les prétoires, en les recou-
vrant d'un voile, comme des objets indignes d'être vus.
Et ce projet suffirait à condamner à lui seul la mesure qui
vient de frapper les emblèmes. Au milieu de tant d'incer-
titudes, il conviendra que les départements et les villes
se souviennent qu'il est pour nos richesses d'art un asile
national, et que le Louvre pourra aisément devenir le
refuge glorieux des bannis. Ce sera le meilleur moyen de
sauvegarder à la fois les ouvrages eux mêmes et l'intérêt
du public. >
OEutircs nouticUcs.
Cathédrale de Cerigiiola. — Nous résumons ci-
après un article paru dans le fournal dis Arts
sous la signature connue et sympathique de
André Arnoult.
Je ne pense pas que la cathédrale actuellement en
construction dans la petite ville de Ceriguola, province
de Capitanate ou de Foggia, soit, par les dimensions,
un édifice de tout premier ordre en Italie. Du reste,
il ne faudrait pas s'imaginer que les églises italiennes
atteignent toutes à des proportions gigantesques. Par
leurs dimensions, les cathédrales de Gênes, de Pise,
d'Orvieto, de Sienne, p.ir exemple, sont dépassées par
nombre des nôtres ; celle de Ccrignola aura, j'imagine,
de 70 à 80 mètres de longueur, ce qui lui donnera un
rang honorable parmi ses sœurs aînées. La cathédrale de
Sienne en a 89, celle d'Orvieto 104, celle de Pise 95.
Un legs important a été la base de l'œuvre dont la
réalisation a été confiée à l'architecte Alvino ; mais la mort
l'a surpris avant que les projets fussent sortis de la pé-
riode préparatoire et l'achèvement a été confié à un de
ses élèves, M. Giuseppe Pisanti, que l'Italie tient pour un
de ses meilleurs architectes contemporains.
Ayant a édifier de toutes pièces une cathédrale en style
médiéval, M. Pisanti pouvait s'en tenir à celui qui a laissé
tant d'exemples dans l'ancien royaume de Naples, où
abondent les œuvres normandes et angevines dues à des
prélats et à des architectes d'origine française.
Cette influence venue du Nord, que l'on amoindrirait
volontiers en Italie de même qu'on la majorerait plutôt
en France, ne peut être mise en doute. Il faut entendre,
toutefois, que les architectes français — Pierre d'Angi-
court sera au XI 1 1'^ siècle celui de Charles d'Anjou —
modifièrent plus ou moins leurs plans et leurs procédés
de structure pour adapter leurs édifices à des conditions
spéciales dont ils étaient trop bons constructeurs pourne
pas tenir compte. Ainsi, j'ai déjà indiqué qu'ils rempla-
çaient un peu partout les berceaux en pierre par des char-
pentes apparentesbeaucoup plus résistantes aux secousses
sismiques que les voûtes équilibrées par des contreforts.
Pourquoi M. Giuseppe Pisanti est-il allé cheicher son
inspiration sur les bords de l'Arno ? Je l'ignore. Mais les
projets et maquettes exposés en 1903 au Palais des Beaux-
Arts de Naples nous donnent l'impression d'une adroite
copie de la cathédrale de Floreuce, Sainte- Marie de la
Fleur. C'est un beau modèle, assurément, et je ne crois
pas qu'il existe, dans le monde chrétien, un plus beau, un
plus noble parti de plan ('; — je parle surtout de l'effet
extérieur — que celui de cette immense église à l'aspect
immobile, avec sa coupole cantonnée de trois absides en
quart de sphère, séparées par des sacristies rectangulaires.
Mais il faut bien avouer qu'au lieu de sincères ossa-
tures apparentes loyalement exprimées dans nos cathé-
drales du moyen âge, nous n'avons ici, selon la tradition
romaine, qu'un édifice en briques ou de très petit appareil
revêtu d'une pellicule de marbres. Sainte-Marie de la
Fleur, comme son campanile et son baptistère, comme
les façades de San INIiniato et de Santa-Maria-Novella
n'est qu'une masse rudimentaire sur laquelle on a jeté
une riche parure polychrome.
Ainsi faisaient les Romains pour leurs palais, leurs
thermes et certains grands édifices à voûtes, tels que le
Panthéon et cette basilique de Constantin, dont dérive
en partie l'art moderne. Seulement, ils construisaient
mieux que leurs descendants et n'avaient pas besoin
d'étresillonner leurs voûtes et leurs arcs par ces tirants de
fer ou même de bois, qui gâtent tant d'intérieurs italiens.
I. Nous ferons remarquer au lenteur que cette appréciation est
personnelle à notre estimé correspondant
(n. d. l. r.)
Ctjroinque»
255
Donc, la cathédrale nouvelle de Cerignola sera un
succédané, un diminutif ingénieux de Sainte Marie de la
Fleur, et on y retiouvera le thème ornenjenial de la
façade tlorentine nouvelle ; toutefois, la section des gran-
des et basses nefs y semble plus accusée et la figure géo-
métrique rappellera, mais pour le tracé seulement, le
portail de la cathédrale de Pise. Et la similitude avec
Sainte- Marie de la Fleur se poursuivra dans la distribu-
tion de la sculpture, jusque dans les baies longues et
étroites divisées par un meneau torse. La coupole sera,
bien entendu, beaucoup moins volumineuse que celle de
Brunelleschi, mais elle reposera aussi, sans contreforts,
sur un tambour octogone ; seulement, les oculus circu-
laires seront remplacés sur chaque pan par trois fenêtres
conjuguées. Le style sera sensiblement celui de Sainte-
Marie, sans copie servile, cependant, et on nous annonce,
cela est un peu inquiétant, que l'architecte a fait appel
aux formes les plus nouvelles du décor ornemental con-
temporain. La coupole parait plus élancée que celle de
Florence ; je doute que cet allongement de la courbe
génératrice y ajoute de l'élégance ; ce serait plutôt le
contraire. C'est, en effet, une erreur commise par beau-
coup d'architectes, qui s'imaginent ainsi donner de la
grâce à leurs courbes, notamment à leurs portiques ou
arcs de triomphe en resserrant les lignes au lieu de les
distendre ; mais ce n'est pas le lieu de traiter à fond une
question de cet ordre.
*
♦ #
A)niens. — On vient de créer devant la cathé-
draled'Amiensune place d'heureuses proportions
et de bâtir en face de Notre-Dame une rangée
de maisons d'un goût exquis.
On s'est bien gardé de créer devant le vénérable
et merveilleux édifice un gigantesque espace vide,
qui l'aurait comme noyé dans le vide du ciel ;
on a mesuré l'espace au monument lui-même,
à sa hauteur, de manière à donner, sans plus, le
recul nécessaire pour le saisir d'un coup d'œil; la
bonne mesure est celle que réclamerait un photo-
graphe pour faire entrer la façade entière dans
le champ de son objectif; et cela y est. La pente
douce du terrain vers la cathédrale contribue à
l'excellent effet, complété par l'heureuse idée,
qu'on a eue de daller la place, comme le parvis
lui-même, selon la tradition des places antiques.
Mais ce qu'il faut louer surtout, c'est la ma-
nière dont on a traité les maisons élevées en face
de la cathédrale. Pour éviter le danger d'immeu-
bles de rapport, M. l'architecte Douillet proposa
à la Ville de lui vendre le terrain pour y bâtir à
la distance convenue un rang de logis de style
approprié. — Il a donné là le modèle pur des
entreprises de l'espèce. Avec un ensemble de
motifs pris à Amiens, à Abbeville, à Rouen, à
Beauvais, il a composé et a groupé des maisons,
où le confort moderne s'allie aux formes savou-
reuses de l'art traditionnel et local (ij.
I. Nous résumons ici un article de M. G. Scheid, dans l'excel-
lente revue Lt Cottage. (Paris, rue Nouvelle, 8.)
Après dix-huit ans d'interruption, l'atelier de
tapisserie de M. Gentili va être relevé par S. S.
Pie X, avec une royale magnificence. Le rescrit
pontifical qui autorise sa réouverture est déjà
entré en voie d'exécution. M. Gentili et son fils
ont pris possession d'un local dans la galerie
au-dessus du portique de Saint Pierre. L'atelier
de tapisserie ne comptera jamais moins de dix
élèves, entretenus par le trésor apostolique. Il a
averti en outre M. Gentili qu'il honorerait l'ate-
lier d'une visite aussitôt après sa pleine reconsti-
tution (I).
Depuis deux ans un atelier de tapisserie de haute lisse
— dans lequel on emploie les meilleurs procédés de nos
manufactures de l'État — est établi, avec la haute appro-
bation de Monseigneur l'évcque du Mans, grâce à l'initia-
tive de M. le chanoine Bruneau, dans une maison voisine
du monastère franciscain de Champfleur (Sarthe).
Une habile ouvrière de Paris a bien voulu donner à
quelques-unes des religieuses les premières leçons et les
élèves ont fait des progrès si rapides qu'au bout de trois
mois elles étaient en état de commencer et de mener à
bonne fin la copie exacte et fidèle d'un morceau de la
tapisserie (XVI" siècle) des saints Gervais et Protais de
la cathédrale du Mans.
D'éminents archéologues, des savants distingués, de
fins connaisseurs parmi lesquels nous pouvons citer ; M.
de Farcy, d'Angers ; M. Guiffiey, directeur de la manu-
facture des Gobelins, ont salué avec joie cette heureuse
tentative et ont même voulu témoigner pratiquement par
une commande leur haute satisfaction.
Pour compléter cette œuvre éminemment artistique,
depuis quelques mois à côté des métiers des tisseuses, on
a organisé un atelier de réparation pour les vieilles tapis-
series.
Les résultats déjà obtenus sont parfaits. Par les soins
et la charité toujours si libérale de M. le chanoine Chan-
son, un des panneaux de la grande tapisserie de Saint-
Julien, qui se trouve exposé actuellement dans le cathé-
drale en entrant au chœur du côté de l'Epître, vient d'être
complètement restauré.
Les nombreux visiteurs de la cathédrale pendant les
fêtes de saint Julien pourront juger eux-mêmes ce travail.
Nous ne saurions trop nous réjouir de cette heureuse
initiative. Elle prouve une fois de plus que l'Eglise ne
saurait être indifférente à tout ce qui touche aux arts, au
progrès : ce progrès dont elle-même demeure ici-bas la
plus belle, la plus vivante expression.
flBiisccs et Bibliotbèque.
Au musée de Naples. — On lit dans \z Journal
de ï Art :
Le travail de réorganisation du Musée de Naples est
l'œuvre du directeur, le professeur Ettore Pais ; elle a
duré deux ans, coupés, il est vrai, par un intervalle de
repos de plusieurs mois, dû aux polémiques ardentes des
journaux. Les critiques n'ont pas manqué, en effet, au
I. La Véritâ française, 23 février 190.1.
Safthe, du 30 janvier 1904.
■ Du Nouvelliste de la
256
ÎRcbuc iJC rart cbvcttciu
promoteur de l'œuvre entreprise et il a fallu une singu- '
lière énergie à M. Ettore Pais pour que sa volonté ne
fléchît pas. Mais le succès est enfin venu, et l'opinion,
subitement retournée, ne fait plus entendre de voix
discordante.
Le premier acte de M. Ettore Pais a été de faire entrer
partout la lumière dans des salles pour la plupart
obscures ou mal éclairées, de mettre .1 portée de la vue et
en bonne clarté nombre d'objets, d'inscriptions surtout,
enfouis dans l'ombre ou placés trop haut. Le rez-de-chaus-
sée, accru de plusieurs salles, a leçu les marbres et les
grands bronzes. Un vestibulede formes et de proportions
imposantes sert d'entrée aux différentes parties ; là, on a
réuni les plus grands monuments, les statues équestres
des Balbus, venues d'Herculanum ; celle du théâtre de
Pompéi, à Rome; les prêtres et les prétresses de Pompéi;
k droite sont les salles de l'histoire de l'art, h gauche
l'iconographie grecque et romaine, au milieu l'icono-
graphie. D'autres salles renferment les morceaux de pein-
ture venant d'Herculanum et de Pompéi, classés par
styles, par époques et par lieux d'origine.
A l'étage supérieur sont les médailles, les gemmes, les
vases ; puis, dans des salles éclairées par le haut, les
peintures modernes, entendons ceci des œuvres non
antiques, puisque la collection va du XI 11^ siècle au
W'III" siècle: le classement suivi est conforme h la
chronologie. Un grand salon a reçu les belles tapisse-
ries du marquis del Vasio, et les objets de la Renaissance.
Dans l'aile orientale est l'Antiquarium où sont exposés
les petits bronzes présentés avec beaucoup de goût. Enfin,
à l'étage au-dessus, qui se compose de pièces basses inu-
tilisées jusqu'ici, c'est tout une succession de salles nou-
velles décorées en style pompéien et remplies de tout ce
qui a trait à la vie antique, objets en céramique, en verre
coloré ou blanc, menus ustensiles de la toilette des
femmes, armes, papyrus, monnaies, provenant de Cumes,
Stabia, Herculanum et Pompéi. Beaucoup de ces objets,
et non des moins précieux, sont pour la première fois
exposés.
Le musée comprend ainsi trois grandes divisions :
Peinture, sculpture, archéologie. Le classement très
méthodique et rigoureux auquel s'est astreint M. Ettore
Pais n'a donné aucune froideur à un ensemble demeuré
suggestif et vivant.
Ces renseignements sont empruntés à V Illustration
italienne du 22 novembre 1903.
Ainsi, après la réorganisation du musée Brera, à Milan,
c'est le tour du musée de Naples. A quand celui de
l'Ac.idémie de la Pinacothèque du Vatican, où l'éclairage
partout pris de côté dans les quatre salles est absolument
défectueux, et même des Offices de Florence, dont cer-
taines petites pièces sont des espèces de cryptes enténé-
brées ?
Mon rêve serait de voir réunis en une galerie disposée
à la moderne les Offices, le Pilti et l'Académie des beaux-
arts ; on aurait ainsi le plus beau musée de peintures
italiennes du monde. En mettant toutefois hors classe le
Vatican, non pour sa galerie, mais pour la .Sixtine et les
Chambres de Raphaël, 1' « Odieux Raphaél 5>, comme a
osé l'écrire M. Huysmans, qui, je l'espère pour lui, n'était
pas encore venu à Kome. .Si l'auteur de VOblat a écrit ce
mot, qui fait tort seulement à lui, après avoir vu les
Chambres, ce serait vraiment un cas pathologique rele-
vant des spécialistes.
André Arnoult.
Nous lisons dans le Journal d' Art.
Aux Musées de Florence. — Le Journal des
Débats annonce que M. Corrado Ricci, le réorga-
nisateur du musée Brera à Milan, vient d'être
chargé du mêine travail à Florence, où il aura à
remanier les Offices et la collection du palais
Pitti. Son correspondant ajoute :
Je ne doute pas qu'il ne soit aussi heureux dans la ville
des Médicis que dans celle des Visconti et des Sforza;
mais il aura fort à faire. .\ux Offices, le local est manifes-
tement insuffisant et imparfait.
D'après \t Journal des Débats, un des articles du pro-
gramme serait la suppression de ce salon octogone connu
dans le monde entier sous le nom de la Tribune. Le goût
n'est plus ;\ ces assemblages d'œuvres diverses étrangères
les unes aux autres par l'espace et la durée; et, de f.iit, la
Tribune des Offices réunit des tableaux assez étonnés de
voisiner ainsi. D'ailleurs, elle date d'une époque déjà
décadente, puisqu'elle a été construite à 'a tin du XVI'
siècle ou au commencement du XX'II'^ siècle par l'archi-
tecte florentin Bernardo Buontalenti et décorée par Ber-
nardino Pocetti ; aussi, le choix souvent remanié, des
tableaux et statues n'est-il pas d'une grande sévérité et
vraiment ni le Guerchin, ni le Guide, ni Schidone, ni
Annibal Carrache, ne devraient se rencontrer ici avec
Raphaël, Michel Ange, Le Titien, le Pérugin, Mantegna,
Fra Bartolomeo, Giorgione, Le Corrège, Rubens et \'an
Dyck. En l'état, la Tribune offre donc une étrange macé-
doine, .\lbert Diirery coudoie Raphaël, et avec nos idées
méthodiques, nous trouvons qu'un semblable péle-méle
ne fait que nuire à tout le monde. Mais détruire la Tri-
bune, ce n'est pas faire disparaître l'édicule lui-même, ce
serait grand dommage; avec son pavé de beaux marbres
assemblés h. l'antique, sa voûte à écailles de nacre qui
luisent doucement, sa lumière florentine tombant égale et
claire de la lanterne, la Tribune est une cassette pré-
cieuse dont on peut seulement changer la destination.
Les tableaux y sont déjà en ordre dispersé et dans un
demi-isolement favorable; qu'on en fasse le sanctuaire de
l'art dans la période raphaclesque, mais que l'on conserve
à l'ensemble son caractère, celui d'une salle intime faisant
partie du palais d'un prince amateur intelligent, et qu'on
ne fasse pas évanouir ce parfum affaibli, si captivant
encore du lointain passé. Nos musées modernes se font
de plus en plus irréprochables au point de vue didac-
tique, mais ils sont facilement froids comme des cabinets
de minéralogie. Déjà Lamartine n'aimait pas les musées
où les œuvres de la main et de l'intelligence humaines
sont mises hors de leur place, ce sont « des cimetières de
l'art >. écrit-il dans son Voyage en Orient ; hélas ! ces
cimetières-là sont aussi nécessaires que les autres.
J'espère donc que M. Corrado Ricci épargnera l'œuvre
de Buontalenti, mais pour en user autrement et mieux.
Laissera-t-il ici les cinq antiques, la Vénus de Médicis,
VApollino, le Ri'ntouleur, le Faune et les Lutteurs, que
l'on y voit de temps immémorial, et qui en sont devenus
comme le décor nécessaire? J'en doute; le mélange des
œuvres de la statuaire et de la peinture n'est pas heu-
reux; il y a une quarantaine d'années, on en a essayé au
Louvre, et j'ai vu la Diane à la biche dressée au milieu
du Salon carré; elle n'y est pas demeurée longtemps,
l'épreuve ayant été unanimement condamnée.
Cependant, la tradition, la consécration du temps
peuvent militer en faveur de la conservation de la Tri-
Cl)rontque.
257
bune en son état actuel, sauf à reviser le choix des pein-
tures exposées.
Que fera M. Corrado Ricci de la collection des por-
traits de peintres par eux-mêmes? Actuellement, ils sont
placés dans des salles au-dessous du musée et forment
une série h part; je crois qu'il faut conserver ce caractère
de personnalité à la galerie créée par le cardinal Léopold
de iMédicis, et j imagine que M. Corrado Ricci se gardera
bien de disperser un ensemble unique au monde.
Pour le Pitti, la question est plus délicate ; ici, nous
avons moins un musée qu'une collection princièie, logée
dans les appartements d'un palais et personne ne peut
songer h détruire le bel aspect intime de ces amples
salons tendus de vieille soie rouge, sous les voûtes peintes
par Pierre de Cortone, Luigi Sabatelli, Ciro Ferri, Catani
et Gaspero Martellini, décorations fastueuses de la déca-
dence, d'accord, et qui ne sont plus à la mode aujourd'hui,
mais auxquelles on ne peut refuser, du moins, de l'imagi-
nation et de l'éclat.
D'après le Journal ^^s Débats^ le Pitti conservera son
état historique de galerie particulière ; pour ma part, et je
l'ai déjà dit ici même, je révérais de voir tous les musées
de peinture florentins réunis dans une synthèse unique et
savante, mais du moment oii il n'en peut être ainsi, je
crois que l'on fera bien de maintenir au Pitti sa présenta-
lion plusieurs fois séculaire.
Il paraît que les magasins du palais renferment en
abondance des œuvres inconnues du public et peut-être
des conservateurs eux-mêmes. M. Corrado Ricci se pro-
pose donc de les explorer et de demander à la liste civile
italienne quelques locaux supplémentaires. On pourra
aussi faire un choix parmi les innombrables portraits qui
tapissent le long corridor de communication entre les
Offices et le Pitti. Il y a là beaucoup de toiles ayant tout
au plus une valeur documentaire, mais quelques-unes
peuvent être dignes de prendre place dans les salles des
musées, soit aux Offices, soit au Pitti lui-même.
André ArNOULT.
Notre estimé collaborateur M. J. Berthelé
nous apprend qu'il vient de réussir à faire acheter
par l'Université de Montpellier la superbe col-
lection de moulages de notre regretté ami M. le
chanoine Didelot de Valence ('). L'Association
des Antis de V Université a pris sur elle les frais
de cette acquisition.
La collection sera très prochainement trans-
portée à Montpellier, où elle conservera son inté-
grité. Elle sera logée dans une salle spéciale, qui
portera le nom de Salle Didelot.
Persuadé que le développement des Universi-
tés provinciales résultera surtout de la spéciali-
sation locale de leur enseignement, et que l'Uni-
versité de Montpellier est mieux placée que toute
autre pour l'étude si intéressante de l'art du
moyen âge dans le Midi de la France, cette
association a voté à la Faculté des lettres une
importante subventioii pour la création d'un
« musée d'art méridional », qui complétera les
I. M, l'abbé Didelot séjourna longtemps à Gand. où il s'était fait
le disciple du grand maître d'Art chétien, le baron Béthune, dont
notre Revue a toujours épousé les doctrines.
collections d'art antique déjà existantes. C'est
cette subvention, venant s'ajouter à une alloca-
tion de monsieur le directeur de l'enseignement
supérieur, qui a permis d'acquérir sans retard la
splendide collection d'anaglyptique, créée à
grands frais par le savant archéologue de
Valence.
A ce sujet nous lisons dans XÈclair du 10
tnars :
Grâce au zèle éclairé de M. le professeur Joubin, cette
série de reproductions, pour l'acquisition de laquelle il
s'était produit de nombreuses compétitions, notamment
lie la part de plusieurs universités voisines, est définitive-
ment assurée à l'Universilé de Montpellier.
Notre ville se trouvait toute désignée par sa situation
géographique comme un centre d'études archéologiques
méridionales. L'outillage scientifique de premier ordre
qu'elle vient d'acquérir permettra à nos étudiants, — et
aussi, nous l'espérons bien, à nombre de nos compatriotes,
— de s'initier, sous l'érudite duection de M. le professeur
Joubin, à l'histoire de l'art médiéval, aussi bien en Lan-
guedoc, qu'en Roussillon, en Catalogne, en Provence, en
Dauphiné et même en Auvergne.
La collection Didelot, en effet, comprend les plus re-
marquables spécimens de la sculpture du IV= au XI II"
siècle, conservés ron seulement à Arles, à Beaucaire, à
Tarascon et à Narbonne, mais encore à Barcelone, à
Girone, à Perpignan, à EIne, à Dax, à Aire-sur-1'Adour,
à Marseille (Château Borély), à Carpenlras, à Vaison, à
Lérins, à Manosque, à Saint-Maximin, à Brignoles, à
Die, à Vienne, à Valence, à Saint-Restitut, à Grenoble, à
Lyon (Ainay), à Nantua, à Charlieu, à Saint-Rambert, à
Valbonne, au Bourg Saint Andéol, à Bagnols, à Issoiie,
à Saint-Nectaire, à Clermont-Fetrand, au Puy, etc.
Espérons que la générosité de l'Association des Amis
de l'Université sera d'un bon exemple et contribuera à
provoquer des libéralités de la part de nos concitoyens,
qui voudront faire pour les collections nouvelles ce que le
regretté M. Chaber a fait, il y a quelques années, avec
tant de goût et de discernement, pour la période grecque
et pour l'époque de la renaissance.
Ne semble-t-il pas tout indiqué de continuer la collec-
tion Didelot par la reproduction de ces autres merveilles
dont s'enorgueillit notre Midi, tels le portail et le cloître
de Saint-Trophime d'Arles, la façade de Saint-Gilles, les
tombes épiscopales de Maguelone, etc..'
♦
* *
Incendie de la bibliotJicque de Turin. Nous
avons promis à nos lecteurs des détails sur les
pertes causées par le feu à ce précieux dépôt ;
mais le désastre est si considérable, les pertes
sont si nombreuses, que les documents y relatifs
seraient trop longs à donner. Nous signalons à
ceux qui voudront s'en renseigner à cet égard un
article très étendu de l'érudit qui probablement
a le mieux connu les richesses considérables de
la célèbre bibliothèque, et qui y a puisé des
notes devenues aujourd'hui singulièrement pré-
cieuses ; nous voulons parler de M. le comte
P. Durrieu, qui a publié dans les numéros du 6 fé-
vrier dernier suivants du Courrier de l'art, trois
258
Bebue tie T^vt cfirétien.
longs articles. Il y étudie spécialement les ma-
nuscrits à miniature française et flamande, parmi
lesquels il désigne la fameuse Bi/>/e latine et les
Retires du duc de Berry qui ont été jadis l'objet
d'une magistrale étude de M. L. Delisle dans la
Gazette des Beaux- Arts. C'est dans ce dernier
manuscrit que M. Durrieu a découvert la main
des Van Eyck. En ce moment, nous ignorons
encore si les Heures de Turin ont été sauvées.
Nous empruntons à un journal français, Le
Gaulois, l'article intéressant qu'on va lire, et qui
répond de tous points à nos propres vues:
Ua ffîusique sacrée et le Cfjant Qtégorien
(Centenaire De jiîafnt erégoire le Grand,)
jA Sainteté Pie X entre dans la voie des
réformes et commence par celle du culte
I' extérieur, auquel il veut rendre toute la di-
gnité que des abus lui avaient enlevée.
Il ne sera plus permis d'introduire dans
les églises des chants et une musique peu dignes du
sanctuaire.
Les paroles de la liturgie seront chantées d'après la no-
tation grégorienne, et l'orgue, qui doit soutenir et non
couvrir les voix, ne fera plus entendre que des morceaux
d'un caractère exclusivement grave et religieux.
Le Pape n'interdit pas, tout en faisant l'éloge de la
musique de Palestrina, aux artistes de donner des com-
positions nouvelles, mais il bannit de l'église tout ce qui
aurait un cachet profane et théâtral.
La musique de Palestrina et celle de plusieurs grands
compositeurs est admirable, mais, en raison des difficul-
tés qu'elle présente, de la perfection d'exécution qu'elle
exige, bien peu d'églises sont à même de l'adopter. A
peine de perdre toute sa beauté, elle réclame non plus
de simples chantres mais des artistes, des professionnels.
A Paris, il n'y a guère que la Sc/iola Ca/i/oi i/m de M.
Charles Bordes qui sache mettre en valeur les œuvres
de Palestrina.
C'est aux maîtres à faire dans le répertoire religieux un
choix de morceaux d'une exécution plus facile et à y
ajouter de nouvelles compositions conformes aux pres-
criptions du Pape.
La diversité des notations pour les mêmes paroles
liturgiques semble à bon droit une anomalie. A l'origine,
cette diversité de notation n'existait pas; l'ancienne unité
de notation est un fait maintenant démontré. Elle a dis-
paru lentement au cours des siècles, au grand détriment
de la majesté du culte.
En France, h l'heure actuelle, près d'une quinzaine
de notations se partagent les diocèses. Une musique
presque toujours dépourvue de caractère religieux a
envahi les églises, au point que l'office divin perd com-
plètement tout caractère sacré.
Pie X veut faire cesser ces abus et la réforme qu'il
vient de décréter obtient un immense retentissement,
non seulement dans le clergé, mais encore dans le monde
musical.
Pie X confirme ses décisions par des actes et, après
avoir décrété l'adoption de la notation grégorienne pour
la liturgie latine, il s'apprête à faire célébrer, dans .Saint-
Pierre de Rome, en chant grégorien, la fête du centenaire
de la mort de saint Grégoire le Grand. Le Pape donne
l'exemple et officiera lui-même à cette solennité.
Il y a quarante ans, il n'eût pas été possible de chanter
un office d'après la notation grégorienne transmise par
Rome sous les Carolingiens et enseignée partout et spé-
cialement dans les célèbres écoles de Metz et de Saint-
Gall : la tradition en était perdue et on désespérait de
la ressaisir.
Par suite d'erreurs qui se multipliaient de copie en
copie, de changements probablement voulus, le texte
musical grégorien atteignit l'époque de l'imprimerie tel-
lement défiguré, sauf dans quelques rares églises qui
avaient su en conserver plus ou moins la pureté, qu'il
était devenu méconnaissable. L'imprimerie fixa ces alté-
rations, que les musicographes aggravèrent chacun
suivant ses goûts personnels.
Saint Pie V, conformément aux intentions exprimées au
Concile de Trente, établit des règles pour les paroles de
la liturgie, mais la liberté fut laissée pour la notation.
Par souvenir, on continuait à appeler grégorienne
toute notation adaptée à. la liturgie romaine, bien qu'au-
cune des notations en usage en France n'eût droit à cette
qualification sauf approximativement le chant rémo-
cambraisien.
A Rome, où la musique l'avait emporté sur le plain-
chant, le grégorien avait disparu depuis longtemps. Une
musique de concert, et de quels concerts ! pouvait faire
oublier aux fidèles qu'ils étaient dans une église et assis-
taient à l'office divin.
Le mal avait gagné toute l'Italie, moins, dans une cer-
taine mesure, l'Église de Milan, qui conserve avec un
soin jaloux son antique rite ambrosien, au point que
même les simples fidèles regarderaient comme un sacri-
lège la moindre innovation liturgique.
Le sens profondément religieux du cardinal Sarto souf-
rait de cet état de choses qu'il avait trouvé à Venise et
tenté de corriger ; devenu Pape, il n'a pas tardé à im-
poser une réforme complète et immédiate de ces abus
dans son diocèse de Rome par sa lettre au cardinal-vi-
caire et à prescrire par son tiintii proprin, véritable code
de la musique sacrée, cette réforme pour toute l'Église.
Pie X adopte la notation grégorienne pour le chant
liturgique, et, avec cette sagesse dont l'Église romaine
donne l'exemple, le décret de la Congrégation des Rites
qui notifie les intentions du Souverain Pontifeaccorde aux
diocèses et aux institutions religieuses un laps de temps
indéterminé pour l'introduction du grégorien, en per-
mettant l'emploi, mais seulement temporaire, des nota-
tions en usage.
Loin d'être une atténuation aux décisions de Pie X,
comme il a été dit mal à propos, ce décret en est l'ap-
plication.
L'illustre abbé de Solesmes, Dom Guéranger, après
avoir_ déterminé par ses écrits le mouvement de retour
des Églises de France au droit de la liturgie, estimait,
peu satisfait des essais pseudo grégoriens qui se multi-
pliaient, qu'il lui restait à rendre h. la liturgie romaine sa
notation primitive. L'oeuvre devant laquelle avaient
échoué des musicologuesémérites était considérable, mais,
avec cette foi qu'il avait dans les causes qu'il défendait
et qu'il a vues toutes triompher, il ne voulait pas désespé-
rer du succès.
La Providence lui envoya l'homme qui devait réaliser
ce vreu, dont l'Église entière était appelée à bénéficier.
chronique.
259
Le 1" novembre l85o, un jeune piètre de la Lorraine
que le cardinal Caverol, alors évêque deSaint-Dié, avait
laissé partir à regret, faisait profession de la vie bénédic-
line à Solesmes, Uom Joseph Pothier.
Avec le discernement qu'il possédait des capacités
intellectuelles, Doni CUiéranger avait déjà reconnu dans
le novice d'exceptionnelles aptitudes pour la musique
sacrée. Aussi contia-t-il de suite au nouveau moine la
mission de retrouver le chant grégorien.
La tâche était d'autant plus périlleuse que les essais
des musicologues qui l'avaient entreprise n'avaient rien
d'encourageant et surtout pour un débutant de vingt-cinq
ans. ^Lais, plein d'ardeur et soutenu par l'obéissance, qui
double les forces du religieux, Dom Potliier se mit à
l'œuvre, étudiant, comparant les travaux de ses devan-
ciers, recourant aux auteurs du moyen âge, qui avaient
laissé des écrits sur la musique sacrée et entrant en rap-
port avec les hommes réputés les plus compétents,
comme le chanoine Gonthier, l'abbé KaiUard. Il étudia
dans de nombreuses bibliothèques tous les manuscrits de
liturgie notée connus et, après de longues années de
labeur, publia le fruit de ses recherches en un petit
volume, les Mélodies gri'j^oricnncs, qui fut un événement.
11 ne tarda pas à mettre en œuvre les théories qu'il
avait établies et donna le graduel, puis l'antiphonaire,
restitués d'après les plus anciens manuscrits.
Ces manuscrits ne sont pas écrits avec les figures mu-
sicales de la notation moderne, dont l'invention lemon-
terait au XI= siècle et serait due à un Bénédictin
français, Guy, retiré à Arezzo. La notation dans ces
anciens manuscrits est représentée par des signes appelés
neumcs et sans portée.
Les essais d'interprétation de ces neumes étaient loin
de donner toute satisfaction, et plus d'un érudit de la
musique avait fini par les déclarer indéchiffrables.
Il existait bien à Montpellier un manuscrit découvert
par M. Danjou, manuscrit écrit en double notation, mais,
malgré ce secours, on ne parvenait pas à donner une
interprétation satisfaisante des neumes. Théodore Nisard,
qui avait cependant transcrit ce manuscrit, avait fini par
déclarer qu'il fallait renoncer à retrouver l'ancien chant
grégorien reçu de Rome au haut moyen âge.
Un membre de la Société des Missions étrangères, M.
l'abbé Tesson, avait compris que pour rentrer en posses-
sion du grégorien, il fallait s'adresser aux livres litur-
giques manuscrits et, en compulsant ceux qu'il trouvait
près de lui, il était parvenu à donner au chant rémo-
cambraisien établi sur ces travaux une grande similitude
avec le grégorien.
M. Tesson avait dû se borner à étudier les manuscrits
notés avec la figuration dite guidonienne, la clef des
neumes n'était pas trouvée.
Dom Pothier ne connut pas le découragement, et, aidé
par la pratique journalière qu'il avait du chant de l'office
divin, il découvrit la clef des neumes et put établir que sa
restitution du chant grégorien était complète. D'anciens
manuscrits guidoniens, écrits à l'époque où l'usage des
neumes n'était pas encore complètement perdu, sont
venus confirmer l'exactitude de ses lectures.
Pour des motifs étrangers à l'art et à la liturgie, l'œuvre
de Dom Pothier a rencontré des contradicteurs. Mais il
a été facile à ceux qui ont embrassé sa doctrine, comme
à lui, de la défendre victorieusement.
La beauté de la notation grégorienne est au-dessus de
toute discussion. Les dilettanti qui ont suivi les offices à
Saint-Gervais à l'époque où M. Bordes était le maître de
chapelle de cette paroisse, ont constaté la supériorité
du grégorien sur les autres notations. Et, ce qui n'est pas
moins prouvé, les offices, chantés en grégorien, ne sont
plus d'une longueur interminable.
Quant à l'exécution du grégorien, tel qu'il a été resti-
tué par Dom Pothier, elle oftVe si peu de difficultés qu'en
peu de temps des enfants, qui n'ont reçu aucune initiation
à la musique, sont à même de le chanter avec une éton-
nante justesse. La preuve de ce fait existe partout où
cette notation a été enseignée avec une bonne méthode
et par un professeur expérimenté, notamment au petit
séminaire de Versailles, sous la direction de M. le cha-
noine Poivet.
Les nouvelles éditions du chant grégorien faites sans
la participation de Dom Pothier par des musicographes
moins respectueux que lui de la vérité des manuscrits,
présentent, il est indispensable de dégager la responsa-
bilité de ce grand maîire, un texte altéré ; elles ne don-
nent pas le texte pur.
Animé des mêmes préoccupations pour la dignité du
culte que le patriarche de Venise et devançant l'acte de
Pie X, Mgr Henry, évêque de Grenoble, a remplacé, il y
a trois ans, la notation plus que médiocre qu'il avait
tiouvée en usage dans son diocèse, par le grégorien, et
avant même que cette notation ait été louée par un bref
de Léon XI II qui, tout en célébrant sa beauté, n'allait
pas jusqu'à en recommander l'usage en termes formels.
Mgr Henry aura été un précurseur de la réforme accom-
plie par Pie X.
C'est à Dom Pothier que l'abbaye de Solesmes doit
d'être devenue un conservatoire de chant grégorien, c'est
à son école que se sont formés les moines qui y enseignent
aujourd'hui le plain-chant ; il a aussi inspiré le travail
monumental de la Paléographie imtsicale.
Devenu abbé de Saint-Wandrille, Dom Pothier con-
tinue l'œuvre du chant et il n'est pas de mois que la \2A-
\AXi\.e. Revite du CJiant grégorien^ •çv^i\\é^ à Grenoble, ne
donne à ses lecteurs une étude du savant Bénédictin sur
le chant d'un texte liturgique.
Dom Pothier aura été pour la notation liturgique ce
qu'un autre grand Bénédictin, Mabillon, fut il y a deu.x
siècles passés, pour la science des documents historiques,
la diplomatique, le grand initiateur.
Avant Mabillon, des érudits avaient fait quelques
essais de critique des actes laissés par le moyen âge,
mais c'est de Mabillon, qui revisa et compléta leurs tenta-
tives par ses propres recherches et une savante méthode,
que date la diplomatique.
Malgré les progrès de l'érudition, qui ont rectifié sur
mainte question les règles qu'il avait établies, Mabillon
demeure, comme père de la diplomatique, une des plus
grandes gloires de la science française, et, dans le monde
savant, son nom sera toujours prononcé avec admiration
et respect.
Dom Pothier est le Mabillon du chant grégorien. Jus-
qu'à lui, il n'y a eu que des essais. Des musicographes
pourront peut-être proposer çà et là des modifications à
ses lectures, elles seront rares si on revient aux plus
anciennes leçons connues et ces dissidents, la loyauté la
plus élémentaire leur en fera une obligation, devront
toujours reconnaître en Dom Pothier le maître sans
lequel la clef du chant grégorien serait encore à trouver.
Pie X a nommé une commission organisatrice des
fêtes du centenaire de la mort de saint Grégoire le Grand,
auxquelles il veut donner une solennité extraordinaire
qui fasse date dans l'histoire de l'Église et de la liturgie.
Lors de la commémoration de l'exaltation de saint
Grégoire à la chaire de saint Pieire, faite sans grande
pompe sous Léon XIII, Dom Pothier avait eu les hon-
neurs de l'allocution pontificale dans l'audience accordée
26o
3Re\)uc tir V^xt chrétien»
aux musicolot;ues venus à Rome à cette occasion.
La pensée de Pie X est de n'arrêter le texte de la nota-
tion grégorienne qu'il déclarera typique pour toute l'Église
qu'après un sérieux examen, et il a appelé Uom Pothier
auprès de lui.
C'est un grand honneur pour la France et pour le vieil
ordre bénédictin d'avoir donné à l'Eglise l'homme émi-
iient dont les travaux permettent la restauration de l'ancien
chant liturgique.
(Gaulois.) A. Louis.
^mim^ Dccrologie. imw^
6. tJ. Gorrapcr.
Nous devons un souvenir pieux à lemi-
nent restaurateur de l'abbaye du Mont
Saint-Michel et de maints autres monuments
anciens (■), à l'auteur des excellents traités : FJar-
chitectnre romane et L'architecture gothique. Il
avait été l'élève de VioUet-le-Duc et de Questel.
Onse rappelle les longues luttes suscitées entre
les intérêts de l'art et les intérêts locaux lors de
la construction de la fameuse digue unissant le
Mont Saint-Michel à la mer, et les protestations
énergiques du regretté Corroyer.
Corroyer ne s'est pas retiré, il a été révoqué
par décret du 7 décembre, « tout simplement
parce qu'il faisait partie d'une œuvre pour le
recrutement des Frères des écoles chrétiennes ! »
L. C.
I. Citons l'Hôteirte-Villp de Roanne. Saint-Bruno à Grenoble, les
Fortilîcations de Dinan, l'abbaye du Mont Saint-Michel, le projet
de restauration du tr.ansept sud de la cathédrale de Soissons, des
Calvaires bretons, les églises de H^un, Nesles, Alhies, etc.
Imprimé par Desclée, De Brouwer et C'^, Lille-ParisBrugas.
Beijue lie
l'Hrt ftiretten
s^ paraisennt tous leje beuv moie. 4;
■iï-
47'"^ Hnnée. — 4^ Sétic. *
4:
Corne XV (ltv« De fa cûllcitiûii;.
'%<^
[g
vruilter 1904. <^:
^©^ Ii:*G):po0ition ti*Hrt ancien à JStenne» ^m
g^tefflMtm^-pXPOSITION ouver-
te à Sienne le 17 avril,
en présence du roi d'Ita-
lie, du ministre de l'Ins-
truction publique et de
toutes les autorités qui
pouvaient ajouter l'éclat
d'une tête nationale aux souvenirs de l'art
du passé, est la première exposition rétros-
pective organisée en Italie. Il n'y a pas
lieu de s'en étonner: dans ce pays heureux,
si riche en monuments, en œuvres d'art et,
à tout prendre, si conservateur, chaque cité
ancienne, avec les musées communaux éta
blis de toutes parts, offre une exposition per-
manente ; et ces villes, visitées annuelle-
ment par une foule d'étrangers, auraient
peu à gagner à leur offrir une collection
éphémère, cette collection fût-elle orga-
nisée et classée avec toute la science et
l'intelligence déployées à la « Mostra > de
Sienne.
Cette première tentative se produisant à
la suite des expositions d'art ancien orga-
nisées à Paris, à Bruxelles, à Liège, à Dus-
seldorf et à Dinant sur la Meuse, n'est donc
pas dénuée de hardiesse. Sienne est préci-
sément une de ces villes d'Italie qui, sans
être en dehors de l'itinéraire des touristes,
est des plus riches en monuments, en mu-
sées et en souvenirs historiques. C'est la
cité où les édifices, les rues et les habitants
eux-mêmes, très caractérisés, semblent être
restés les plus fidèles à la vie du moyen
âge, les plus attachés aux traditions d'un
passé glorieux. Le choix du local de l'Ex-
position, — le Palazzo publico, l'hôtel de
ville, — l'un des édifices civils les plus jus-
tement célèbres par la beauté de son archi-
tecture et les plus remarquables par l'inté-
grité de sa conservation intérieure, — peut
paraître à la fois comme une hardiesse, ou
comme un trait de génie. L'exhibition des
objets réunis et disposés dans quarante
salles de ce palais évocateur des grandeurs
de l'histoire et de l'art siennois est assuré-
ment d'un grand intérêt; elle est très digne
d'étude, et les hommes qui ont apporté à
RBVUB UE l'art CHRÉTIRN.
1904. — 4'"'= LIVRAISON.
202
Bebue lie P^rt cbrcttcn.
l'organisation et à l'ordonnance de cette
vaste Exposition, leur science et leur
dévouement, ont bien mérité la gratitude de
leurs concitoyens et des visiteurs : mais il
arrivera que plus d'un de ces derniers,
après avoir passé en revue les richesses
réunies, après les avoir examinées de salle
en salle, de vitrine en vitrine, après avoir
gravi le rude escalier en pierre pour étudier
les panneaux de l'ancienne École de Sienne
appendus aux murs des étages supérieurs et
s'être arrêté à la Loggia, où l'on a réuni les
débris de la célèbre fontaine de Jacopo
délia Quercia voudra s'arrêter. Il se repo-
sera en contemplant du haut de cette loggia
la vue magnifique d'une partie de l'ancienne
cité entourée des délicieuses montagnes
éclairées par le soleil du midi, et, recueillant
ses impressions en présence de la vision
qu'il a sous les yeux, il se dira que dans
tout ce qu'il a vu, rien n'égale en intérêt,
en souvenirs historiques et en enseigne-
ments le monument même où se trouve
l'Exposition.
Aussi je dois offrir d'avance mes excuses
au lecteur si, dans les lignes rapides qu'il a
sous les yeux, il aura lieu de m'accuser de
nombreuses distractions, — peut-être de
digressions et de redites. Mon désir serait
de l'aider à se former une conception de
cet art siennois, expression non seulement
du génie de cette forte race, mais qui s'est
pénétré si profondément de la foi, des insti-
tutions et, j'oserais ajouter, de la fierté des
citoyens de cette République, souvent
l'émule, l'ennemie acharnée, et parfois l'heu-
reuse rivale de Florence! Le Palazzo piiblico
est un de ces monuments du XII 1^ siècle
les mieux conçus, — non seulement au point
de vue de la construction, mais encore par
son décor et son ameublement, — pour
répondre à la vie civique et aux institutions
de ces énergiques républiques italiennes.
Il a été trop souvent décrit pour que je
m'attarde à le faire à mon tour, mais en
visitant l'Exposition, le cadre et le tableau,
le contenu et le contenant se pénètrent
mutuellement de manière si intime que l'un
est le complément de l'autre. Ce serait se
priver de propos délibéré d'un enseigne-
ment et d'une jouissance, de vouloir s'en
tenir aux objets exposés dans les montres
et les vitrines, suspendus aux murs et repris
dans le catalogue, — qui n'existait pas
au moment de ma visite, qui n'existe pas
encore au moment où, résumant mes notes,
— j'écris ces lignes. J'ai dû me contenter,
pour toute information sur les objets que
j'avais sous les yeux, de très maigres indi-
cations, inscrites sur des fiches auprès des
objets exposés, parfois trop éloignées de
la paroi du verre protecteur, pour qu'il soit
possible de les lire.
Dans des conditions aussi défavorables,
des erreurs sont inévitables.
Nous ne nous arrêterons pas à la pre-
mière salle qui est surtout d'intérêt local ;
elle contient des documents topographiques
et historiques concernant l'ancienne ville
de Sienne : plans, dessins reproduisant
les églises et les habitations démolies ou
dont la construction a été modifiée. A
Sienne on est essentiellement conserva-
teur ; c'est là un des beaux côtés du ca-
ractère national auquel la ville doit en
grande partie son charme, les oeuvres d'art
leur durée, les hommes leur valeur. Il suffît
d'en parcourir les rues pour s'en convain-
cre. Les documents exposés, précieux pour
l'étude de l'histoire de la ville, arrêteront
peu le visiteur étranger ; en revanche il
trouvera dans la seconde salle, s'il s'inté-
resse aux œuvres de l'orfèvrerie religieuse,
une collection très considérable à étudier.
Et cependant les pièces les plus remarqua-
bles ont été placées ailleurs, notamment
iL'6;i:positton D'^rt ancien à tienne.
263
dans la Chapelle du palazzo où nous aurons
à les examiner.
L'une des branches de l'art siennois les
mieux représentées, et les moins connues
peut-être, c'est l'orfèvrerie religieuse, non
seulement par l'extrême variété des pièces
réunies, mais encore par leur multiplicité
imposante, par les souvenirs qui s'y ratta-
chent, et le nom connu des artistes aux-
quels on les doit.
Dans cette salle on voit exposées en
cinq grandes vitrines des séries considé-
rables de croix stationales en cuivre doré et
en métal précieux du X 11'= au XV 1 1' siècle :
des calices, des ciboires, avec leurs patènes,
des pyxides, des burettes, des instruments
de paix, des clochettes et des encensoirs,
enfin tous les ustensiles employés dans le
culte religieux J'y remarque, à titre de sou-
venir historique, un anneau du pape Pie II
exposé par le comte Piccolomini : c'est donc
un document de famille. Plusieurs jolis en-
censoirs du XI P au XV' siècle seraient à
recommander par leur forme simple et gra-
cieuse, à titre de modèle, aux orfèvres mo-
dernes. Un fragment de couronne du XIV"
siècle, se développant aux grandes fleurs de
lis, ayant probablement servi à couronner
quelque statue de Vierge, peut également
être imité. Dans l'une des vitrines s'est
égarée une belle tête de sainte Catherine
en marbre, de Mino da Fiesole. Enfin
parmi les reliquaires de tous dessins et de
toutes dimensions, un grand reliquaire en
forme de triptyque s'impose à l'attention.
La reproduction que nous offrons, le fait
connaître suffisamment pour rendre une
description inutile. Les formes architectu-
rales encadrant des émaux d'un bleu tem-
péré qui servent de fond aux gravures, sont
d'un effet très harmonieux. Les plaques
émaillées représentent la Ste Vierge assise
sur un trône avec l'Enfant Jésus entourés
de plusieurs saints, et dans la région supé-
rieure, la Crucifixion. Les gravures sont de
très bon style, et paraissent, comme le reli-
quaire, du XlVe siècle. Ce beau travail, qui
a une hauteur d'un mètre à peu près, est
Reliquaire du XI V^ siècle. (Phot. Lombarui à Sienne.)
exposé par la Société de Pie Disposizione.
Nous aurons à revenir sur plusieurs au-
tres pièces d'orfèvrerie que l'on pourrait
appeler des monuments. Non qu'il y ait une
seule de ces grandes châsses aux formes
architecturales, comme l'art de Limoges, et
204
3Rebue it V^xt t\)xttitn.
surtout l'art rhénan et mosan en ont pro-
duit en grand nombre, et comme on en a vu
des exemplaires remarquables aux exposi-
tions de Bruxellesen 1888, de Liège en î88i
et de Dusseldorf en 1902. Cet élément fait
absolument défaut à Sienne, les maîtres
italiens comprenant leur art d'une manière
très différente de nos orfèvres du Nord.
Bien des objets, dans cette salle, sollici-
teraient notre attention : ces richesses se
trouvent exposées dans la salle du Grand
Conseil décoré des fresques d'Ambrogio
Lorenzetti, où ce grand artiste a cherché
au moyen d'allégories dont les unes sont
claires et facilement intelligibles, les autres
obscures, à représenter les conséquences du
âon et du maii-vais gouvernement, peintures
célèbres et souvent décrites, quoique par-
fois interprétées de manière différente. Ces
vastes compositions qui couvrent de trois
côtés les parois de la salle sont aujourd'hui
dans un triste état : celle qui est peinte sur
le mur opposé aux fenêtres peut seule être
encore étudiée dans son ensemble remar-
quable. Mais n'oublions pas que ces fresques
remontent au XIV'' siècle ; elles ont fait
l'admiration et l'enseignement de bien des
générations ! Des gravures et de bonnes
photographies de ce qui en subsiste con-
serveront au moins la pensée du maître aux
générations futures.
Nous passons dans la quatrième salle,
connue à Sienne sous le nom de Sala del
Mappaniondo ; c'est la plus considérable
par ses proportions et l'une des plus inté-
ressantes par son décor pictural. Là sont
exposés dans un grand nombre de vitrines,
les tissus et ornements sacerdotaux : cha-
subles, dalmatiques, chapes, manipules,
étoles, antependiums, voiles de baptême,
corporaux, etc. Les églises de Sienne et
des environs, les oratoires de communautés
religieuses, des hôpitaux et des associations
charitables de tout genre, semblent s'être
dépouillés à l'envi pour répondre à l'appel
du Comité de l'Exposition, et cette abon-
dance presque excessive prouve tout au
moins que l'œuvre des organisateurs jouit
d'une grande popularité et semble être
considérée comme une manifestation pa-
triotique. Dans mon examen peut-être trop
rapide des tissus façonnés en ornements
sacerdotaux, je n'en ai guère noté qui pût
remonter au XV^ siècle ; l'archéologue
trouvera dans cet ensemble de jolis motifs
et d'intéressantes combinaisons de couleurs,
mais bien peu de sujets d'étude. Les plus
anciens motifs de ces étoffes développent
le type si connu et si souvent mis en œuvre
au XVe et au XVl^ siècle de la pomme
de grenade.
Le damas, certainement italien, d'une
chasuble du XVI^ siècle, m'a paru intéres-
sant par le dessin inspiré d'un thème favori
de l'art siennois. 11 représente la sainte
Vierge en adoration de l'Enfant Jésus
couché devant elle ; ce groupe est abrité
sous un dais, comme on en porte en proces-
sion, dont les montants sont tenus par des
anges, et sur lequel on lit le texte ; VER-
BUM CARO FACTVM EST. Le fond
du damas est d'un bleu tendre: l'Enfant
Jésus, les têtes et les mains des figures sont
en carnation ; çà et là des touches rouges
dans les costumes. L'ensemble est d'un
effet très distingué. Exposé par le sémi-
naire épiscopal de Montalcino.
Dans cette même salle se trouve une
montre dans laquelle plusieurs pièces d'or-
fèvrerie, de valeur et de dimensions excep-
tionnelles, ont été exposées. On y voit deux
reliquaires en forme de tête, servant de
custode aux chefs de deux saints, qui, au
point de vue du travail, n'offrent pas de
valeur exceptionnelle. Mais il y a là une
pièce d'orfèvrerie qui par ses dimensions
3L'<25;cpo0(tton îi'i^rt ancten à tienne.
265
— elle a plus de deux mètres de hauteur
— et par l'originalité de la composition,
attire l'attention des visiteurs. La fiche que
j'ai pu lire à grand'peine, placée au pied de
ce reliquaire, fort sobre de détails, donne
au reliquaire la date de l'année 1472.
La longue inscription gravée au pied de
ce curieux travail, et dont j'ai pu me procu-
rer le texte, est beaucoup plus explicite. Elle
nous apprend que, commencé en 1350, ce
reliquaire a été achevé seulement en 1471,
par Gabriel d'Antonio, orfèvre siennois(').
Pied du reliquaire exposé par la commune de Lucignano. (Ihot. d'AiiNANi )
Cette inscription explique le disparate
de la composition, dont la partie inférieure,
le soubassement, est d'un caractère tout
architectural, tandis que la partie supé-
rieure, qui affecte la forme d'un arbre, et
qui vient s'y souder d'une manière peu or-
ganique, exécutée plus d'un siècle plus tard,
est seule le travail de Gabriel d'Antonio.
Nous sommes évidemment déjà à une pé-
riode de décadence de l'art, mais l'œuvre
très intéressante dénote beaucoup de talent.
L'ensemble forme une sorte d'arbre. D'un
pied hexagone qui peut avoir 60 à 70 cen-
I. Clarum indiisiriaqtie dominicae Crucis hujtts arboris
praeceile?is opits anno MCCCL inceplwn ; exinde prae-
stantis Comiinitatis Lucignani Numpliatae ac Dominae
Jacobae haeredum Reverendi Magistri Johannis, fraire
Mannella Macleo, Marianoqice Vivticci recta Jide procu-
raittibus, per magistrum Gabrielem Antonii de Sertis
anno gratiae MCCCCLXXI foeliciter completum est.
266
3Rrbur De TSrt cbrctien.
timètres dans la plus grande étendue de la
base, émerge une sorte de chapelle avec
ogives, pinacles, contreforts, de formes ar-
chitecturales de même que le pied, et très
détaillés. De cet édicule s'élève un arbre
à six branches de chaque côté, donnant
naissance à des feuilles de grand style, et
terminées par de larges médaillons enca-
drant des émaux translucides. Ces branches
alternent avec des bourgeons formés par
des coraux, sortant directement de la tige
centrale, laquelle aboutit à un Christ en
croix surmonté du pélican symbolique nour-
rissant les petits de son sang.
Ce travail d'orfèvrerie, d'une disposition
si originale, est d'un très joli ensemble.
Malheureusement il a beaucoup souffert ;
presque partout l'émail coloré a éclaté, lais-
sant à nu la gravure destinée à lui donner
du jeu. Ce grand reliquaire étant protégé
par une glace, je n'ai pu m'approcher assez
pour discerner les sujets traités dans les
émaux translucides, ni examiner de près
d'autres détails qu'il m'importait d'étudier.
La photographie du pied que j'ai pu me
procurer depuis, mettra le lecteur à même
de juger de la partie inférieure de ce cu-
rieux travail.
Tout auprès de cet arbre mystique, mais
plus accessible à l'œil, se trouvent deux
autres végétaux en or et qu'il convient de
signaler, moins en raison de la valeur de l'art
que pour les souvenirs historiques qu'ils
rappellent. Ce sont deux roses d'or, dont
l'une a été donnée par le pape Pie II, de
poétique mémoire, à la commune de Sienne ;
l'autre a été offerte par Alexandre VII à
la cathédrale de cette même cité, si dévouée
à l'Église.
Les fresques des anciens maîtres de
l'École de Sienne qui décorent cette salle
historique réclament l'attention du visiteur,
non moins que les objets exposés. L'une
des parois est couverte par une vaste pein-
ture de Simone Martini. Elle représente la
Vierge Marie assise sur un trône magni-
fique, et abritée sous un vaste dais dont
les supports sont tenus par les apôtres
Pierre et Paul, et les deux saints Jean, le
précurseur et l'évangéliste. Devant la Mère
de Dieu, protectrice de Sienne, sont age-
nouillés les patrons de la cité : Ansanus,
Victor, Crescentius et Savinus, précédés de
deux anges qui présentent des offrandes à
Marie. L'encadrement de cette vaste page
est formé de médaillons, représentant en
buste, le Christ et différents saints. Cette
fresque, peinte en 131 5, fut très peu d'an-
nées après repeinte par Simone Martini lui-
même, son œuvre ayant été fortement
endommagée par les émanations d'un ma-
gasin de sel, établi à l'étage qui se trouve
en dessous de la salle.
L'état actuel de la peinture laisse à dési-
rer naturellement, quoiqu'il y ait quelques
parties assez bien conservées et que d'autres
aient été rafraîchies par des retouches. Ce-
pendant, malgré l'action du temps et les res-
taurations,cette vision toute céleste produit
encore l'impression rêvée parle peintre. La
Vierge, tenant son Enfant si gracieux, debout
sur ses genoux, n'a rien perdu de sa majes-
té. Les saints qui l'entourent ont conservé
leur air de grandeur, l'expression et même
quelque chose de l'agrément de la tonalité
originale. C'est la plus ancienne œuvre de
Simone qui soit parvenue jusqu'à nous.
Dans la même salle, mais du côté opposé
et placée assez haut, on voit une autre œuvre
du même peintre. C'est le portrait équestre
de Guidoriccio da Fogliano, capitaine mili-
taire de Sienne, probablement le plus ancien
portrait équestre que l'art italien ait produit.
Un auteur qui a fait une étude approfondie
de l'École siennoise, dit que cette œuvre est
l'une de ses productions les plus merveilleu-
3l'(lB;i:posttton îi'i^rt ancien à tienne.
267
ses ('). Sur les murs opposés aux fenêtres
sont peints en e^risaille des combats, et sous
le portrait de Guidoriccio est placée la célè-
bre madone de Guido de Sienne datant pro-
Saint Bernardiu de Sienne.
bablement de la seconde moite du XI 11^
siècle, mais elle a été repeinte un siècle
plus tard, par un élève de l'École du
Duccio.
I. M"= Lucy Olcott, Guide to Siena, p. 207.
Dans la même salle sont peintes plusieurs
figures de Saints, parmi lesquels les deux
Saints, citoyens de la ville et aujourd'hui
encore des plus populaires : Sainte Cathe-
rine et saint Bernardin de Sienne.
De la salle de la Mappemonde on se
rend, en suivant un corridor assez obscur, à
la Chapelle du palais.
Parmi les touristes visiteurs de l'ancien
palais public de Sienne, il en est peu qui,
ayant parcouru ses grandes salles toutes
couvertes de fresques, n'aient conservé une
impression durable de l'oratoire charmant
et recueilli appelé la Chapelle du magistrat
de Sienne. C'est en effet un sanctuaire tout
imprégné de la foi du peuple siennois, de
son amour particulier de la sainte Vierge,
où la religion a trouvé dans l'Art son ex-
pression la plus pure et la plus élevée. La
chapelle a une sorte de narthex, ou, si ce
mot semble trop archéologique,un vestibule
tout historié de peintures. Elle en est sépa-
rée par une élégante grille en fer forgé ('),
qui permet à l'œil de plonger dans l'ora-
toire, très parcimonieusement éclairé d'or-
dinaire, mais dont pendant l'Exposition le
demi-jour est dissipé par un jet de lumière
électrique, destiné à mettre en relief les
pièces d'orfèvrerie exposées au centre de la
chapelle.
Dans le vestibule très richement décoré,
comme les parois de la chapelle même, de
fresques par Taddeo Bartholi, on aperçoit
tout d'abord l'énorme figure de saint Chris-
tophe, qui, d'après une tradition beaucoup
plus vulgarisée en Allemagne et dans les
Pays-Bas qu'en Italie, devait préserver de
maie mort celui qui l'avait aperçue dans la
journée. Elle est accompagnée, mais peinte
en proportions beaucoup plus réduites, de
I. Travail que nous reproduisons, terminé en 1445, par
Giacomo di Giovanni.
268
jRebue lie VSixt cbrétten»
Grille en fer forgé de la Chapelle du Magistrat de Sienne. (Phot. Lomuabui à Sienne.)
la figure de Judas Machabée. Le maître,
fier de son travail et fier d'être Siennois.a eu
soin de ne pas se laisser oublier en présen-
ce d'un de ses plus beaux travaux ; nous
o
u
OJ
CÛ
O
V
TS
-O
as
-G
o
d
O
1)
•a
T3
3l'<z^;cpo0ttion ti':^rt ancien à tienne.
269
lisons dans un cartell'inscription suivante:
TIIADEUS 'BaRTHOLI DE SeNIS PINXIT tstâ
capcllani cu7n figura sti Xpofori et cum
a/lis fignris avec la date de 1407. Avant
d'entrer dans la chapelle, notons le bénitier
en bronze, œuvre de Giovanni Turini.
Cet oratoire, je ne saurais trop le répéter,
est vraiment une merveille d'harmonie et de
goût, où tous les arts se sont concertés pour
produire le sanctuaire où les magistrats
d'une population catholique allaient deman-
der au ciel les lumières nécessaires à leur
mission. ..Je l'avais vu il y a un certain nom-
bre d'années ; mais je profite de l'Exposi-
tion pour le voir, le revoir et l'étudier ; je
profite aussi de la lumière électrique pour
étudier les fresques de Bariholi noyées
d'ordinaire dans une demi-obscurité. La
décoration murale encore complète, semble
avoir peu souffert. Elle se compose de fi-
gures de différents Saints sous des balda-
quins d'architecture ; ce sont des Saints dont
la dévotion est la plus populaire. Mais ce
qui impressionne surtout, ce sont les quatre
grandes fresques où Taddeo a représenté
les derniers épisodes de la Vie de la sainte
Vierge,seIon la poétique légende de Jacques
de Voragine. Pour l'intelligence des plan-
ches reproduisant deux de ces composi-
tions, il est nécessaire de rappeler en peu
de mots le texte de cette légende :
La Vierge Marie, immaculée dans sa
naissance, d'une vie pure et sans tache, ne
devait pas mourir ; la mort n'étant que le
fruit, la conséquence du péché. Cependant
ayant vécu des années après la Résurrection
et l'Ascension de son divin Fils, — années
écoulées dans l'amour et la méditation de
celui dont elle avait été la mère, — elle fut
prise d'un incommensurable désir d'être de
nouveau réunie à Jésus; désir tellement ar-
dent qu'elle sentit son âme, ne pouvant y
résister, prête à se séparer du corps pour al-
ler au ciel. Puis, prévoyant cette séparation,
elle se souvint des apôtres, les disciples et
Bénitier en bronze, œuvte de Giovanni Turini
(Phot. LOMBARDi à Sienne.)
les amis de Jésus : avant de quitter la
terre, elle voulait les voir encore une fois
par les yeux du corps réunis autour d'elle.
Cependant, les apôtres, alors disséminés
sur toute la terre, s'étaient séparés pour al-
ler, selon la volonté du Maître, prêcher
toutes les nations. Mais voilà que, mus par
une force irrésistible, ils se sentent enlevés
à leur mission et transportés, les uns après
les autres, auprès de la Vierge Marie, la mère
de Jésus-Christ.
C'est l'arrivée miraculeuse des disciples
qui forme le sujet delà première des gran-
des fresques; on voit la sainte Vierge, sous
un édicule, tendant les mains dans une
sainte joie, aux apôtres, dont deux retar-
dataires, à droite et à gauche de la compo-
sition, arrivent encore, suspendus dans
l'air, dans l'attitude la plus mouvementée,
au terme du miraculeux voyage.
La seconde composition représente la
sainte Vierge étendue sur sa couche funè-
bre, entourée des apôtres. Saint Pierre,
une palme à la main, lit la prière des
agonisants ; des deux côtés, des anges cé-
roféraires et turiféraires, donnent une gran-
de solennité à cette scène, où Jésus-Christ,
tout rayonnant de gloire, vient recueillir
l'âme de sa sainte Mère, que sous la forme
d'un petit enfant, il presse sur son sein.
La troisième fresque représente les funé-
railles de la Vierge Marie. Le corps est
porté par les apôtres précédés de saint
Jean l'Evangéliste, le disciple que Jésus
aimait, tenant la palme qui doit préserver
la sainte dépouille des atteintes du démon
qui complotait une profanation.
Enfin, dans le quatrième tableau nous
voyons les apôtres, arrivés au terme des fu-
nérailles, au moment où ils vont déposer le
corps de la Vierge dans le tombeau qui a
été préparé. Mais voici la radieuse figure
de Jésus-Christ, qui, entouré d'une gloire
d'anges, vient appeler Marie à sa glo-
rieuse Assomption. Le cénotaphe restera
vide, la tombe n'est pas faite pour garder
une chair incorruptible sur laquelle le péché
n'a eu aucune prise...
Il faut voir avec quel charme, avec quelle
verve le pinceau du maître siennois a su
rendre la poésie et pénétrer de vie cette
gracieuse légende ; — la sainte véhémence
du Christ arrivant avec son vol d'angres,
I accueillir sa Mère pour son Assomption au
Ciel. Il faut voir l'onction et la dignité des
apôtres : ils sont solennels, il est vrai, mais
ils vivent d'une vie toute surnaturelle.
Ces fresques ont subi quelques retouches ;
cependant ce travail a été fait d'une manière
assez discrète pour ne pas compromettre
l'impression produite par cette œuvre char-
mante.
Taddeo Bartholi a été un maître d'une
fécondité remarquable.Ouoiqu'il ait travail-
lé dans d'autres villes, on trouve à Sienne
de nombreux produits de son pinceau qu'il a
toujours soin de signer. Généralement ce-
pendant les historiens de l'art n'ont pas
donné à ce peintre la place que ses œuvres
doivent lui assurer.
Avant de passer à l'examen des objets
exposés, je dois rappeler encore que tout
le mobilier de la chapelle est à la hauteur
de la peinture. En dessous des fresques, les
parois sont garnies de stalles dont les par-
closes sont sculptées avec une élégance toute
toscane, et le dossier historié d'une série de
compositions illustrant le Credo de Nice,
qui forment tout un traité d'iconographie
chrétienne. Ce beau travail à'intarsio, sorte
de mosaïque de différentes sortes de bois
incrustés, est de Domenico di Niccolo.
Une bonne peinture de Sodoma forme
le retable d'autel de la chapelle, sous
lequel dans la predella sont retracés les dif-
férents épisodes de la vie de Marie. Enfin
le mobilier de l'oratoire est complété par un
joli buffet d'orgue et une élégante lanterne
îL'erposttton D'art ancien à tienne.
271
de style gothique dont je mets une repro-
duction photographique sous les yeux du
lecteur.
Le Comité d'organisation a eu le bon
goût de ne pas encombrer ce délicieux ora-
toire. Il n'y a placé qu'une montre où, lors
de ma visite, figuraient une demi-douzaine
d'œuvres d'orfèvrerie religieuse de choix,
dignes du cadre où elles sont exposées.
C'est d'abord le reliquaire très important
comme dimensions et comme travail, du
chef de San Galgono, travail du XI V^ siècle;
la reproduction que nous en donnons, per-
mettra au lecteur, mieux qu'une longue
ft».
stalles ornées de mosaïques de différentes sortes de bois incrustés (Domenico di NiccOLo). (Phot. Lombardi à Sienne.)
description, de se faire une idée de l'en-
semble.
Puis vient le beau reliquaire du « San-
Savino », exposé par la cathédrale d'Or-
vieto, travail d'Ugolino di Vieri et de Viva
di Lando.
C'est à mes yeux la plus belle pièce d'or-
fèvrerie de l'Exposition.
Sur un pied de forme hexagone posé sur
six lions, s'élève un édicule de style archi-
tectural d'une élégance remarquable. Des
colonnes annelées, ornées d'émaux posées
sur un soubassement, sont réunies par des
arcs en ogives surmontés de frontons trian-
gulaires dont les rampants sont décorés de
crochets d'un caractère végétal. Ces fron-
272
3&ebur De T^rt rt)rctien.
tons, réunis par une voûte, forment ce que
l'on peut considérer comme le premier étage
d'un édifice ajouré, servant de dais à une
statuette de la sainte Vierge avec son
divin Fils entre les bras. Au-dessus de ce
petit temple s'élance un second étage décoré
Lanterne de la Chapelle du Palazzo publico
(Phot. LoMBARDi à Sienne.)
de fenestrages et d'ajours entre lesquels on
voit la statuette d'un Saint, abritée par une
voûte couverte par la flèche aiguë dont le
sommet s'amortit par une statuette d'ange.
On peut se demander où se trouve la
relique dans ce bel ensemble, et quelle est
cette relique ? Elle trouve probablement sa
place dans le soubassement formant une
sorte de dôme sur lequel est posée la sta-
tuette de la Vierge Marie. A part cette
objection à laquelle ne se serait pas exposé
un orfèvre du Nord, on doit reconnaître
que le reliquaire est d'un dessin excellent :
l'effet en est si grandiose qu'il pourrait
servir de type et inspirer l'artiste chargé
d'ériger sur une place publique un monu-
ment en honneur d'un saint personnage.
Une œuvre de ce caractère serait imposante
et d'un aspect autrement monumental que
les banalités érigées sur les squares de nos
grandes villes.
Parmi les autres pièces d'orfèvrerie qui se
trouvent dans la même montre, j'ai noté un
magnifique instrument de paix représentant
le Christ en majesté avec les quatre évan-
gélistes sur fond émaillè. Cette œuvre de
grand style est exposée par la municipalité
de Sienne.
La salle voisine contient des statues, et
surtout des statues peintes et dorées.
L'ensemble ne suffit pas à l'étude des
développements et de la floraison de la
sculpture siennoise, mais elle en fait con-
naître le caractère. Nous nous trouvons
tout d'abord en présence de six figures du
statuaire le plus célèbre de Sienne, Jacopo
délia Ouercia (1374-142S). On a voulu voir
dans ce statuaire un prédécesseur de Mi-
chel-Ange: en ce qui concerne l'École de
Sienne, il a été par la vigueur de son ciseau
et l'énergie de ses conceptions un nova-
teur, tout en demeurant peut-être la dernière
incarnation des traditions médiévistes, alors
en décadence. Les six figures que nous
avons sous les yeux représentent la Vierge
Marie, quatre apôtres polychromes et sur-
tout dorés, au point d'en prendre un aspect
métallique. Une statue en grandeur natu-
relle de saint Nicolas, richement et vigou-
3L'6i:po0(tton û'^rt ancien à tienne.
273
reusement décorée de peinture (exposée
par la Scuola professionale Leopoldine) m'a
paru particulièrement remarquable ; le lec-
teur en trouvera ici une reproduction. Le
saint est représenté revêtu de ses orne-
ments sacerdotaux, mais par une bizarrerie
dont il faut chercher la source dans une
légende qui m'est inconnue, il a les pieds
nus.Nous allons retrouver l'œuvre du maître
dans d'autres locaux de l'Exposition. Deux
salles sont remplies de moulages faits avec
beaucoup de soin d'après les travaux de
Jacopo exécutés dans d'autres villes d'Italie.
Parmi les chefs-d'œuvre de délia Quercia
on cite avec raison le ravissant tombeau
d'Ilaria de Carretto de la cathédrale de
Lucques. La figure de la jeune fille, couchée
sur le sarcophage dans l'attitude du som-
meil et de la paix, est remarquable de grâce
juvénile et d'élégance dans les draperies.
Mais il est à regretter de voir l'impression
toute chrétienne que donne cette chaste
figure compromise parla ronde de « Puttis »
qui, soulevant de lourdes guirlandes, pren-
nent leurs ébats dans le soubassement de la
tombe !
C'est la Renaissance avec ses inconve-
nances qui arrive...
Dans la grande Loggia du palais, on a
réuni et juxtaposé, de façon à rappeler la
disposition primitive de l'œuvre la plus
populaire du maître, — celle qui l'a fait
nommer Nicolas délia Fonte, — je veux
parler de la fontaine de la place del Campo
vis à vis de l'hôtel de ville. Ce ne sont,
hélas ! que les ruines en quatre-vingts frag-
ments qui composaient autrefois la fontaine
Gaja, peut-être la fontaine la plus juste-
ment célèbre du monde.
Tombée dans un état d'irréparable ruine,
elle a été remplacée, en 1886, par la copie
en marbre blanc exécutée par Tito Sar-
rocchi, mais qui semble être restée incom-
Reliquaire de San Galgano. (Phol. Lombardi à Sienne.)
274
ÎRebue De T^rt chrétien.
plète. et ne rend pas assurément le style
du maître.
Comme tout l'art du moyen âge, l'œuvre
originale s'inspirait à la fois d'une pensée
religieuse et populaire. Un vaste bassin con-
tenant une nappe d'eau, était entouré de
trois côtés par des statues et des hauts
statue de saint Nicolas, par Jacopo délia Qurrcia.
(Phot. I.OiMiiAKiJi à Sienne.)
reliefs en marbre blanc. Au centre de la
composition trônait la sainte Vierge,protec-
trice de la ville, avec son divin Enfant.
Aux deux côtés de ce groupe deux
figures (des anges ?) lui servaient de garde
d'honneur. Puis venaient huit figures repré-
sentant les Vertus cardinales et sociales :
ensuite deux groupes, aux extrémités : la
création d'Adam et les premiers parents
de l'humanité chassés du Paradis. Çà et là,
des carnassiers lançaient par la gueule
des jets d'eau. Telle qu'elle existe, la copie a
le mérite de rappeler la pensée de l'œuvre
originale.
Jacopo délia Fonte et les créations de son
puissant génie ne doivent pas nous faire
oublier les imagiers, ses confrères, dont les
travaux intéressants sont réunis dans deux
salles du palais.
Nous venons de voir qu'au centre de la
grande fontaine de la place du Campo, la
place publique par excellence à Sienne, —
celle que déjà Montaigne déclarait la plus
belle d'Italie, — trône la sainte Vierge
avec le divin Enfant. La dévotion à la sainte
Vierge est si vivante, si populaire, qu'on peut
la regarder comme la véritable inspiratrice
de l'art à Sienne. Tous les arts, architecture,
art plastique, peinture et même les arts
mineurs viennent à l'envi, rendre hommage
à la Reine du ciel, à la Mère du Verbe fait
chair. Nous avons vu tantôt, dans la chapelle
du palais Taddeo Bartholi, chanter pour ainsi
dire, en quatre fresques admirables, la fin
de l'existence terrestre de la Vierge Marie,
et son triomphal départ vers le ciel. Il ne
serait pas difficile d'écrire un volume sur
les œuvres d'art créées sous la même inspi-
ration, et certes, les images pour l'illustrer ne
feraient pas défaut ! En peinture, on peut
voir dans les salles supérieures du palais,
des séries de madones sur fond d'or avec
l'Enfant divin, se répétant du XI IP au
XIV^ siècle, avec peu de variantes. C'est
comme la récitation du rosaire, où l'artiste,
reprenant la même formule, ne croit pas
répéter l'œuvre de ses prédécesseurs, mais
bien la renouveler par l'accent de sa foi (')!
i.On se rappellera qu'à propos de la bataille de Montea-
perto où les Siennois unis aux Gibelins intligèrent une
lt'C;cpositton ti';art ancien à tienne.
275
Dans la statuaire, ce sont des groupes
de l'Annonciation, figures de grandeur na-
turelle, polychromées avec art qui s'im-
posent à l'attention du visiteur. Plusieurs
de ces groupes ont été réunis (salle VI I I).Je
remarque deux statues, l'ange Gabriel et la
sainte Vierge, d'un grand caractère. Elles
appartiennent à l'église de Montaluccio.
L'artiste a donné aux carnations la tonalité
naturelle; la Vierge Marie est revêtue d'une
robe rouge, d'un manteau et voile bleus,
semés d'étoiles et bordures en or. Plus loin,
ce sont deux autres statues représentant
également la Salutation angélique, où la
Vierge, vêtue d'une simple robe rouge,
sans manteau ni voile, remarquable par la
jeunesse et le sentiment de naïveté, semble
toute surprise de l'apparition de l'ange, re-
vêtu d'une robe blanche, avec parure et étole
du même rouge que la robe de Marie. En
général, dans la peinture de ces figures de
l'Annonciation, l'artiste, cherchant à mar-
quer par la couleur des vêtements l'origine
céleste de l'ange au moyen d'une tonalité
claire, y introduit cependant dans les détails
les couleurs portées par la Vierge, faisant,
en quelque sorte, écho à celles-ci. L'harmonie
des tonalités est d'ailleurs rétablie par les
bordures en or et parfois par les semis de
même métal qui enrichissent le décor.
Dans la salle où sont exposées les cinq
statues dejacopo et les Annonciations que
je viens de citer, la décoration et l'ameuble-
ment appartenant à l'hôtel- de-ville même,
viennent encore une fois compléter admi-
rablement l'impression que produisent les
objets exhibés. Toute cette salle avec ses
voûtes, ses arcs doubleaux et ses lambris.
sanglante défaite aux Guelfes de Florence, la ville prit le
nom de Siena délia Vergine j le goiifalonier Buona Guida
Lucari ayant proposé, avant le combat, de donner la
cité à la Vierge Marie et d'en remettre les clés à l'évêque
de Sienne.
a conservé ses anciennes peintures. Ce sont
de grandes fresques de Spinello Aretini,
avec la collaboration de son fils. Les figures
symboliques de la voûte sont dues au pin-
ceau de Martino di Bartolomeo. Spinello
Aretino, l'un des derniers peintres inspirés
par Giotto, n'était pas Siennois : c'est l'un
des rares exemples où un artiste étranger
ait été appelé à participer à une œuvre es-
sentiellement civique. Les scènes peintes
dans cette salle représentent les différents
épisodes de la vie du grand pape siennois
Alexandre III (Orlando Bandinelli), et
plusieurs des compositions sont inspirées
par la lutte héroïque, soutenue par ce pape
contre l'empereur Frédéric Barbarossa.
L'une des compositions les plus drama-
. tiques représente le pape donnant une épée
au doge de Venise Ziani, agenouillé devant
le souverain pontife et entouré de ses
soldats. Dans une autre fresque nous
j voyons le cortège triomphal d'Alexandre
victorieux, monté sur un destrier dont la
bride est tenue d'un côté par le doge, et de
l'autre par l'empereur humilié. On s'ar-
rêterait indéfiniment àdéchiffrer les fresques
un peu oblitérées de ce cycle où tout parle
de la grandeur des idées et de la grandeur
des arts du passé !... Vous voyez qu'à tout
instant dans l'Exposition de Sienne, le mo-
nument où elle se trouve se confond avec
le contenu, la collection temporaire avec
l'édifice antique, qui vit encore aujourd'hui
de la vie civique qui l'a créé.
Je ne puis quitter cette salle sans jeter
un coup d'œil sur un banc à haut dossier,
qui garnit tout un pan de mur. C'est un
travail du XV^ siècle, orné d'armoiries, de
sculptures et de ce travail de marqueterie
dont nous avons remarqué le bel effet aux
salles de la chapelle. Je demande au gar-
dien si ce banc monumental fait partie de
la Mostra ? Non, il appartient au Palazzo
et occupe la place pour laquelle le huchier
la fait.
C'est à regret que je m'éloigne d'une divi-
sion où j'ai arrêté le lecteur si longtemps.
Mais nous allons précipiter 1 allure. Nous
sommes arrivés à la salle que l'on appelle ici
« monumentale ». Elle l'est en effet par ses
vastes dimensions. Les murs sont couverts
de peintures modernes, illustrant des faits
non moins modernes de l'Histoire contem-
poraine de l'Italie et des sujets tirés de la
vie du roi Victor-Emmanuel. Dans l'une de
ces vastes compositions je vois, au premier
plan, des bersagliers qui font feu dans la
direction du spectateur; cela fait frémir!
il faut passer rapidement et nous réfugier
de nouveau dans les œuvres du passé.
A l'annonce de l'Exposition de Sienne
on pouvait espérer trouver réunis un grand
nombre de tableaux et avoir ainsi sous
les yeux une sorte de synthèse du dé-
veloppement de cette Ecole de peinture,
plus célèbre peut-être que bien connue en-
core. A ce point de vue l'Exposition serait
une déception, si les fresques ornant les
salles du palais public n'offraient ample
compensation au visiteur. Mais, par le peu
de lignes quej'ai consacrées à ces peintures
murales, le lecteur a pu voir que le Palazzo
publico renferme un véritable trésor d'œu-
vres des anciens maîtres siennois. Je con-
naissais ces peintures par une visite anté-
rieure, mais comme la plupart des voyageurs
qui peuvent disposer de peu de temps,
j'avais, guidé par le concierge et ses banales
explications, été obligé d'abréger l'étude
nécessaire à l'intelligence de ces pages
historiques. Ce n'est pas l'un des moindres
charmes et des moindres fruits de l'Ex-
position actuelle, de les voir bien à l'aise,
d'y revenir et de pouvoir, le lendemain, con-
trôler l'impression de la veille. Ce serait
déjà ample compensation à ce que, dans
leur ensemble, les peintures de l'ancienne
Ecole siennoise, réunies à l'étage supé-
rieur du palais, présentent d'insuffisant. Une
autre compensation est offerte aux stu-
dieux par le très beau Musée de l'Institut
des Beaux-Arts de Sienne, dont pas un
cadre n'a été déplacé pour enrichir la
Mostra d'arte senese antica. Cette galerie,
bien disposée, bien éclairée, est au point
de vue de la peinture siennoise et ombrien-
ne, de la plus haute importance. Elle exige
plus d'une visite qu'un catalogue, assez bien
fait, rendra particulièrement instructive.
On y trouvera notamment les retables et les
panneaux de Giovanni di Paolo et deSano
di Pietro, deux maîtres féconds dont les
oeuvres remarquables suivent entièrement
le courant d'idées de Fra Antrelico. Dans
nn Jugement dernier de Giovanni di Paolo,
on retrouve plusieurs des scènes les plus
poétiques et des épisodes les plus touchants
des jugements de l'inimitable moine de
Fiesole. Ces peintres sont à peu près con-
temporains, mais ce que l'on connaît de leur
vie ne permet pas de conclure à des rela-
tions de maître à élève. Cependant il ne
paraît pas possible, en présence d'analogies
incontestables, de les considérer comme in-
dépendants les uns des autres. Ou bien Fra
Angelico a été directement inspiré par eux,
ou il a été leur inspirateur. C'est là une
question de chronologie à élucider ■ mais
en étudiant le Jugement dernier de Gio-
vanni di Paolo, on est disposé à lui recon-
naître la priorité.
Au Palazzo publico on a réuni à peu près
trois cent et trente tableaux ; ce sont des
retables empruntés à quelques églises, des
panneaux prêtés par des collectionneurs,
parmi lesquels il y a assurément des œuvres
de mérite ; mais là n'est pas l'intérêt de
l'Exposition, et si l'on y venait dans l'es-
poir d'étudier par quelque chef-d'œuvre
HcDiic De THct cfjréticn.
PL. V.
Beliquairc D'Ugolino D( Vierf. xiv= ?iicle. — Catfiéûiale û'Orbleto.
(Phot. d'ALINAKI.)
3l'CApo0ttion î)':^rt ancien à â)tenne,
277
resté inconnu le caractère et l'importance
de l'École de Sienne, on s'exposerait à une
déconvenue. Il y a cependant des panneaux
que l'on examinera avec plaisir. Dans la
salle XXIX, se trouve une collection con-
sidérable de panneaux de Sano di Pietro,
maître fécond, mais dont, comme je viens
de le rappeler, on peut étudier au Musée
de l'Académie, les œuvres importantes ;
dans une autre salle j'ai noté une imposante
tîgure de saint Jean le Précurseur dont je
n'ai pas eu longtemps à chercher le maître ;
on y lit: <l Taddeus de Senis me pinxit ».
Dans les salles où sont exposées les pein-
tures, de nombreux dessins de maîtres sont
classés dans les vitrines ; ils sont très ins-
tructifs ; c'est ainsi que l'on y voit entre
autres des croquis et études de Pinturicchio
pour les fresques de la Libreria du dôme de
Sienne et d'autres documents pleins d'in-
térêt pour les studieux et les artistes.
La salle Vil, quoique vaste, est presque
encombrée par cinq grandes montres ou
vitrines à double versant, et une vitrine
simple, placée contre le mur du fond, dans
lesquelles sont rangées plusieurs centaines
de manuscrits sur vélin, la plupart riche-
ment décorés de miniatures, appartenant
du XI I« au XVe siècle. Un grand nombre
sont des livres de chœur, mais il y a aussi
des manuscrits prêtés par les bibliothèques
de l'Etat, de la ville de Sienne, de Commu-
nautés hospitalières, de bienfaisance ou
autres, et qui, indépendamment de leur
décor pictural, peuvent avoir une valeur
historique importante. Mis sous glace, ces
livres sont généralement ouverts à la place
où se trouvent les enluminures les plus
intéressantes. Parmi celles-ci, il y en a de
belles et qui donnent bien la note de
l'époque et de la contrée qui les a produits,
mais, si l'on y remarque particulière-
ment un livre de chœur du XV' siècle dont
les miniatures sont attribuées à Giovanni
di Paolo et quatre antiphonaires de Chiusi,
de la seconde moitié du XI V'^ siècle, il y en
a peu d'autres dont la valeur soit au point
de vue de l'art de nature à mériter une
étude approfondie. 11 en est de même du
décor de la salle composé de Gobelins du
XVI le et du XVI Ile siècle, et dans la
voûte, des peintures de la même époque.
Il est entendu que je ne conduirai pas le
lecteur dans la visite des quarante salles où
sont étalées les richesses ou les curiosités
qui ont un intérêt particulier au point de vue
historique de l'ancienne République sien-
noise. Le Siennois est essentiellement con-
servateur, je dois le répéter ; c'est un grand
mérite, et il suffit de parcourir les rues de
la ville pour s'en assurer et lui rendre
pleine justice dans son amour du passé.
L'Exposition est toute pénétrée de cet
esprit.
Dans une des salles nous trouverons un
médailler qui semble assez complet; on y a
ajouté une belle collection de matrices,
des sceaux qui ont servi et qui servent peut-
être encore à la Commune de Sienne, à ses
différentes associations et communautés,
aux notables de la ville. Il en est qui remon-
tent au XI I*^ et au XI 11^ siècle, et qui
sont de petits chefs-d'œuvre de la Sphra-
gistique, dont le moyen âge savait rendre
souvent d'une manière admirable le symbo-
lisme et la signification. Mais dans une
Exposition aussi riche, il est impossible
d'entrerdans le détail de toutes les branches.
C'est ainsi que je ne me suis guère arrêté
aux compartiments contenant les armes an-
ciennes pour lesquelles toute compétence
me fait défaut. La ferronnerie m'a peu arrêté,
et je n'y ai rien trouvé de supérieur à la
grille de la chapelle du Palazzo, dont une
reproduction a été mise sous les yeux du
lecteur. Dans le mobilier une magnifique
KBVue uE l'art chrétien.
1904. — 4'"'^ LIVRAISON.
278
JRrbuc tjc r^vr ff)rcticn.
stalle exposée par la cathédrale d'Orvieto
attire l'attention du visiteur.
Arrivé au bout de ma tâche je me fais
un devoir de rendre hommage aux efforts
et au travail des membres du Comité qui
ont réuni et disposé d'une manière très ju-
dicieuse les trésors de cette riche Exposi-
tion. On m'assure que le classement et l'or-
donnance de l'ensemble sont en grande
partie l'œuvre de M. Corrado Ricci, le
savant directeur des musées de Florence
qui a inauguré l'Exposition par un éloquent
discours lors de la visite royale. Ces travail-
leurs ont bien mérité de l'art toscan et par-
liculièrement de l'art siennois en réunissant
en nombre prodigieux ces monuments et
ces éléments d'étude dont une partie n'était
que peu ou point connue.
Jules Helbig.
A^A A^^ A^^ iM* ^%* i^yU x^^ x^iU ^^^ i,r^ i^U k^^ A^^ k^^U A^yU ■
iTninn cixriiittixiiiirx
Il ^ lies monuments cf)réttens l)*Hutun. m
r I OTinxnurcDa
nfTiT I rrrn
trriTTX ncuxi IX I :a:i nxu.cmiTTi 3ŒH 3
*i^* '^>B^ m^ *iA^ *i?^ ^.vfcl^ ^0^ V^AJ-V Y,^ y^ y;^-^ Y^JC Y^^ ^^^ V^ÀJ^
A ville d'Autun est éloi-
HSF"^^^^^!^ gnée de la vallée de la
ilW/RJkE^^fwtH- Sgône et de la vallée de
la Loire, elle est privée
des communications par
bateau, et cependant,
^W5S? giie était très accessible
dans l'Antiquité, elle se trouvait à la
jonction de plusieurs voies romaines qui la
mettaient en relation facile avec Lyon,
Besançon, Sens, Orléans et Bourges ; il
n'est donc pas surprenant qu'elle ait été
visitée dans les premières courses aposto-
liques des missionnaires de l'Évangile à
travers la Gaule. Sa population, riche et
nombreuse, n'était pas uniquement occupée
d'affaires de négoce, comme celle de Lyon,
elle renfermait une élite intellectuelle for-
mée aux études sérieuses par les professeurs
de son gymnase connu dans le monde ro-
main, sous le nom d'Écoles Méniennes et
habituées aux discussions philosophiques ;
il y avait donc là un terrain tout préparé
pour recevoir avec avidité les nouvelles
doctrines apportées par les disciples du
Christ ('). Quel est l'apôtre qui le premier
annonça dans la ville la venue du Messie
promis aux nations ? nous l'ignorons. Nous
savons seulement qu'il fut assez éloquent
pour inspirer l'enthousiasme à ses auditeurs
et pour en faire des croyants intrépides
jusqu'à braver la mort.
Symphorien, le martyr si connu, honoré
dans une grande partie des églises de la
I. On enseignait le grec certainement dans ces écoles.
Dans les fouilles pratiquées avant l'église Saint-Étienne
(1839), on a découvert une épitaphe chrétienne en vers
grecs qui, de l'avis des meilleurs juges, serait du III'
siècle. — Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule,
1836, in-4o.
Celtique, de Metz jusqu'à Nantes ('), a été
immolé à Autun dans le même temps que
saint Pothin souffrait le martyre à Lyon,
à deux ans près, et il est mort avec le même
courage en répétant à ses bourreaux : « Je
suis chrétien et j'adore le Dieu vivant qui
règne aux Cieux. » Il ne s'agit pas ici d'un
pieux récit inventé au X^ siècle pour exci-
ter l'admiration des fidèles, il existe une
passion de saint Symphorien qui, dès le
Vie siècle, au moins, était lue dans divers
diocèses et dont Grégoire de Tours a cité
des passages dans son livre des Confesseurs
de la Foi (^). L'historien rapporte que le
jeuneSymphorien fut décapité hors du mur
d'enceinte après avoir reçu les exhortations
de sa mère et ne dit rien du rôle qu'il
jouait dans la ville. J'en conclus que son
âge ne lui permettait pas encore de remplir
aucune fonction publique civile ou ecclé-
siastique. Après sa mort, son corps fut
porté non pas parmi les autres sépultures,
mais extra campum publicîim, c'est-à-dire
en dehors du cimetière commun, pour lui
infliger une sorte de flétrissure aux yeux
des païens.
Ce terrain qui s'étendait au N.-E. de la
ville, le long de la voie d'Autun à Besançon,
ne fut pas longtemps désert, il devint le
rendez-vous des coreligionnaires de Sym-
phorien dont les pratiques pieuses conser-
vèrent la mémoire de son martyre et du
lieu de sa sépulture jusqu'au jour où les
chrétiens osèrent ériger des cel/cs dans les
cimetières ("). Certains auteurs font re-
1. Le plus ancien cimetière de Nantes au N.-E. de la
ville était sous le patronage de S. Symphorien.
2. i. Ferunt etiam in hac urbe simulacrum Berecynthiae,
sicut sancti tnariyris Symphoriani passio déclarât. 1>
(Greg. Turon., De viia confiss., c. Lxxvn.)
3. « Eo namque tempore nondum latis aedificiis ambie-
28o
Wit\)x\t tie rSrt cbvéticiL
monter la construction d'un premier ora-
toire jusqu'à l'épiscopat d'un saint Amator
qui, d'après les Martyrologes les plus ac-
crédités, aurait vécu au II 1*^ siècle. Quoi-
qu'il en soit, il est bien certain que les
premiers édifices ne furent pas somptueux
dans les cimetières du II I^ siècle ou du
IV«, et que bien des années s'écoulèrent
avant que l'organisation du culte public
permît d'élever ce qu'on appelait une basi-
lique à l'époque mérovingienne. Les textes
les plus anciens se servent du mot ce//a
parvissima pour désigner la memorta qui
fut consacrée par la main de l'évêque déjà
cité.
Au V'^ siècle, l'évêque Euphrône, alors
qu'il était simple prêtre, jugeant que l'édifice
n'était pas à la hauteur des mérites d'un
si grand martyr, s'empressa, vers 450, de
lui élever une basilique où il reçut lui-même
la sépulture en 490 ('). Nous n'avons pas de
détails sur cette érection, mais il y a lieu de
croire qu'il ne négligea rien pour placer le
tombeau dans les conditions prescrites par
la liturgie, c'est-à-dire dans une confession
pratiquée sous le maître- autel. Cet évêque
était partisan de la décence dans les églises,
il était plein de zèle pour la décoration des
tombeaux élevés à la mémoire des saints
personnages, témoin cette table de marbre
qui fut, par ses soins, envoyée jusqu'àTours
pour recouvrir la sépulture de saint Martin.
Il entretenait des relations amicales avec
cette église, il reçut sans doute en échange
des reliques du grand thaumaturge et ne
batur sed parvissimae cellœ angustiis obseratuni erat
spatium Licet enim jamdiù prefata cella fuisset in
honore martyris constructa, non tamen fuerat canonico
more pontificis invocationibus consecrata. »(K/yrt ^...^wij-
toris cpisc. Aulissiod., c. IV.)
r. < Eo tempoie et basilica beati Symphoriani Au-
gustodunensis martyris ab Eufronio .udificata est. Et
ipse Eufronius hujus deinceps civitatis episcopatuni sor-
tilus est >. (Gregorius Tur., Historia Franc, Lib. Il,
cap. IV.)
manqua pas d'envoyer également des re-
liques de saint Symphorien. Cette suppo-
sition est fondée sur l'existence d'une église
très ancienne élevée dans un faubourg de
Tours sous l'invocation du martyr d'Autun.
Ce fut le point de départ de la dévotion de
S. Symphorien si commune dans toute la
vallée de la Loire qu'on la rencontre même
au-dessous de Nantes, à Couëron. Cette
propagation fut rapide, car on constate que
le plus vieux cimetière de Nantes, celui
qui contenait le plus de sarcophages méro-
vingiens, était sous l'invocation spéciale de
saint Symphorien ('). Un saint d'une re-
nommée aussi étendue ne pouvait pas être
indifférent à ses compatriotes.
On ignore quel est le personnage pieux
qui augmenta la fondation d'Euphrône en
établissant une communauté religieuse char-
gée des offices religieux; on sait seulement
que, dans le cours du VII^ siècle, un ecclé-
siastique, du nom d'Hermengarius, s'intitu-
lait abbé de St-Symphorien, ce qui nous
autorise à déclarer que les reliques du mar-
tyr d'Autun étaient gardées, comme celles
de tous les martyrs, par une communauté
régulière ('). Cet établissement ne fut pas
anéanti par les Sarrasins, puisqu'en 865
Adalhard unissait le titre d'abbé de St-Sym-
phorien à celui de comte d'Autun ('). .Au
Xlll«= siècle, l'église est appelée basilique
dans le martyrologe éduen, il est probable
que l'établissement est tombé peu après au
rang de prieuré, c'est le titre qu'il portait en
1793 au moment où il fut détruit (^).
Sur le tombeau et sur le concours de pè-
lerins qu'il attirait, les auteurs, pourtant très
nombreux qui ont écrit sur les antiquités
1. La chapelle, petite et rectangulaire, était bâtie en
petit appaieil sans chaîne de briques.
2. Aitonymus Etiucnsis, cap. i.
3. Recueil des historiens de Fronce, t. \' 1 1 1.
4. Oinet, S. Symphorien ei son culte, Autun, Dejussieu,
1861. In-S".
îLe0 monument0 cl)réttens D':2lutun.
281
d'Autun, gardent le silence ; Grégoire de
Tours lui-même, qui a visité cette ville, a
manqué cette fois à sa mission pour courir
après le merveilleux et prêter l'oreille aux
récits des amateurs de prodiges. Il nous
parle de Rhétice, l'évêque marié qui vécut
avec son épouse comme avec une sœur ; il
nous raconte que celle-ci ayant été inhumée
la première, dans un vaste sarcophage, se
réveilla comme d'un long sommeil quand
on souleva le couvercle et tendit les bras
à l'évêque défunt qu'on apportait près
d'elle ('). Il nous rapporte encore qu'il a vu
le tombeau de l'évêque Cassien dont la
sainteté attirait de nombreux malades qui
cherchaient leur guérison en composant des
breuvages avec la poussière grattée sur son
sarcophage.
Il se promena dans le vaste cimetière
environnant et entra dans la basilique de
Saint-Étienne qui passait pour le rendez-
vous de toutes les âmes des béatifiés dont
les cendres remplissaient, croyait on, d'in-
nombrables sépulcres; son guide lui raconta
que ces nouveaux Champs Élysées retentis-
saient souvent de mystérieuses psalmodies,
que des apparitions se produisaient et qu'en
s'approchant de Saint-Étienne,on entendait
des choeurs de voix célébrant les vigiles,
on apercevait des lumières ou des clartés.
Des indiscrets pénétrèrent dans l'intérieur
et furent doucement charmés par les chants
qu'ils entendirent, mais une voix pleine de
menaces leur reprocha leur curiosité (').
Voilà les récits que le naïf historien ai-
mait à recueillir, voilà ce qui lui fit oublier
sa visite au tombeau de S. Symphorien.
Et pourtant l'invocation de saint Etienne,
premier martyr, aurait dû lui rappeler la
présence du premier martyr d'Autun, car
cette fondation pieuse n'avait pas d'autre
I. De gloria confessorum, cap. LXXVI.
■i.Ibid., cap. LXXIII.
raison que celle d'accompagner la sépulture
de saint Symphorien. Partout où des mar-
tyrs ont versé leur sang et ont mérité
l'érection d'une basilique, on est sûr de ren-
contrer à proximité une seconde basilique,
élevée à la mémoire du proto-martyr pour
faire cortège à la première; c'est une parti-
cularité qui, dans les cas douteux, peut ser-
vir à déterminer les qualités d'un apôtre
quand on veut savoir s'il a été tout ensem-
ble confesseur et martyr. L'invention des
reliques de saint Etienne est de l'époque
du règne d'Honorius (395-423) (') ; elles
ont été distribuées en abondance et recher-
chées dans une foule d'églises qui gardent
encore aujourd'hui son patronage.
Saint Pierre, le chef des Apôtres, a joui
aussi d'une grande vogue ; cependant il
n'est venu qu'après saint Etienne. Au reste,
on sait que son culte s'est répandu seule-
ment après la découverte des chaînes qu'il
avait portées dans sa prison, or cette décou-
verte n'est pas antérieure au V^ siècle (°).
Ces chaînes furent coupées à la lime et ré-
pandues dans tout l'univers.
Quelques débris vinrent à Autun, sans
doute, sous l'épiscopat d'Euphrône qui déjà
possédait des reliques de saint Etienne, et,
muni de ces précieux témoignages, il eut la
joie de décorer la chrétienté d'Autun de
deux nouvelles basiliques qui faisaient cor-
tège au martyr de la ville. Nous ne sommes
pas dans le champ des hypothèses, nous
marchons sur le terrain solide (^). Dans
tous les diocèses, les fondations primitives
1. C'est un des événements les plus célèbres du V" siè-
cle, dit Lenain de Tillemont. {Mémoires ecclés., II, 12.)
2. Art. de M. de Rossi sur le cinietûre des Aliscainps
(T Arles, traduit par M. L. Palustre. (Bull, mon., 5' série,
t m, p. 170.)
3. On a des raisons de croire que la basilique de Ste-
Croix, détruite en 843, était aussi dans ce quartier.On cite
encore Saint- Pantaléon dans le voisinage de Saint-Sym-
phorien, St-Vincent,St-Simon et St-Jude(depuisSt-Roch),
St-André,rabbaye de Saint-Martin, le tout dispersé sur un
espace de 1200 mètres.
282
IRebue ïie ravt cl^vctien.
se sont accomplies dans les mêmes condi-
tions, par groupes: on aurait cru faire injure
à un saint personnage, si on avait laissé son
tombeau isolé au milieu d'une nécropole.
Au Ve siècle, l'Église jouissait d'une liberté
complète, rien n'empêchait l'évêque d'ériger
ses basiliques dans l'intérieur de la ville,
tnh'a mta'os, et, cependant, nous le voyons
préférer la banlieue déserte, le quartier con-
sacré aux sépultures, parce motif qu'il vou-
lait honorer la mémoire du premier martyr
d'Autun et toutes les autres sépultures
chrétiennes qui se pressaient autour de son
tombeau.
Le champ désigné pour les inhumations
sous l'administration romaine se trouvait
au Nord-Est de la ville, à 1200 m. de l'en-
ceinte, le long de la voie d'Autun à Be-
sançon.Celui-ci paraît avoir été la principale
nécropole, bien qu'on ait constaté la pré-
sence d'une autre au Sud-Est, dans un
endroit nommé le Champ des Urnes, où les
inhumations païennes et chrétiennes furent
pratiquées du V" au VIII' siècle ('). Dans
tous les cas, c'est au cimetière de Saint- Pierre
de r^.yi'rïVr ou de Saint- Etienne qu'il faut
chercher et étudier les monuments funé-
raires les plus nombreux et les plus impor-
tants du Paganisme et du Christianisme; son
surnom de l'Estrierlui vient du voisinage
de la voie romaine qui le traversait sous le
nom de via strata.
Il se composait de la réunion de trois
cimetières : l'un d'eux, situé au lieu dit
actuellement les Dreyneaux, est appelé
dans les chartes la terre des Endormis.
I. M. H. de Fontenay, qui a minutieusement relevé
tous les résultats des fouilles faites dans les sépultures
païennes et chrétiennes et noté toutes les inscriptions
découvertes, signale encore trois autres polyandres à
Boisjean, au Temple de Pluton et aux champs St-Roch.
Au/un et SCS Afonuiiienls, pa.r H. de Fontenay avec un
précis historique par Anat. de Charmasse. Autun, 1889,
I vol. in-i2 pp. 233-286.
Outre les basiliques de Saint-Pierre et de
Saint- Etienne qui en décoraient les extré-
mités, il renfermait plusieurs oratoires qui
recouvraient les tombeaux de Rhétice, de
Pragmace, de S. Evoant, de S. Cassien.
Plus tard, au VI' ou au VII' siècle, sur-
girent sur le même emplacement des
abbayes qui prirent le nom des SS. Pierre,
Etienne et Symphorien et où retentirent
les louanges de Dieu pendant de longs
siècles. Les fondations servirent en même
temps à recueillir les débris des construc-
tions secondaires qui tombèrent dans l'aban-
don faute de ressources ou à suppléer les
titulaires négligents. On portait surtout à
l'abbaye et à la basilique de Saint-Pierre
les sarcophages dont la conservation était
compromise. C'est ainsi que dom Ruinart
vit le tombeau de Rhétice logé dans une
petite arcade qu'on avait pratiquée dans le
mur de cette église. Comme la basilique de
St-Symphorien était très étroite, on avait
aussi contracté l'habitude d'y porter les
sarcophages des évêques d'Autun pendant
les siècles antérieurs au Ville. Malgré les
dévastations commises à toutes les époques,
le polyandre de St-Pierre était encore cou-
vert de monuments au XVl^ siècle ('). On y
voyait, dit Chasseneuz, d'innombrables tom-
beaux en pierre d'une élégante structure.
Munier, qui vivait 5 ans plus tard, y cons-
tatait la présence de quantités de tombeaux
et de monuments et plusieurs petites cha-
pelles, les unes à demi ruinées, les autres
totalement. Au XVIII'' siècle, le peuple
désignait sous le nom de tombeau de S.
Amator un oratoire construit en belles
pierres de taille ('). De l'église St-Etienne
il ne restait alors que la façade à laquelle
on attribuait une haute antiquité ; elle dé-
1. Catalogus gloria mundi. Lyon, 1529. Inf». 69 col.
2. Nouvelles ecclésiastiques. 1775, ?■ '65.
îLes monument© cl)rétien0 îi'autun.
283
pendait d'un prieuré dont le titulaire ne se
souciait guère d'entretenir les souvenirs
que rappelait cette fondation, bien qu'il fût
grand-vicaire du diocèse ; il préférait tirer
bon parti des terrains des alentours en les
affermant à un cultivateur. Sa profanation
souleva pourtant parmi les lettrés quelques
protestations dont nous trouvons l'écho
dans un journal du temps, les Nouvelles
ecclésiastiquesàfi 1 775.Enretournantla terre,
on amena au jour des «urnes romaines et
gauloises chargées d'inscriptions», dit un
témoin. Les sépultures chrétiennes, les
ruines des oratoires et les débris des sarco-
phages qui auraient pu orner les galeries
d'un musée furent traités comme de vul-
gaires moellons sans que personne ait eu le
temps et le goût de décrire ces précieux
restes pour les historiens futurs. Aujour-
d'hui, le terrain a été si bien nivelé par la
culture qu'il est difficile de retrouver l'em-
placement du cimetière de l'abbayede Saint-
Etienne sans un guide archéologue.
L'église et le domaine de St-Pierre de
Lestrier sont passés entre les mains de di-
vers particuliers qui n'ont conservé que la
crypte. I\L de Charmasse, qui a bien voulu
nous renseigner d'après ses souvenirs, af-
firme qu'elle est construite en grand ap-
pareil et qu'elle conterait des sépultures des
premiers évêques d'Autun comme l'église
supérieure. C'est tout ce qu'on peut en dire
dans la situation présente en attendant
qu'un accès facile permette d'en faire une
description.
Bien que de nombreux auteurs aient écrit
sur les antiquités et les institutions d'Autun,
j'ai eu beaucoup de peine à rencontrer des
renseignements sur la fondation qui porte le
vocable de S. Symphorien à Autun, de
même que sur son tombeau {'). Le fait est
I. Ladone, Augustoduni amplissitnœ civitatis anti-
surprenant dans une cité importante où
les sépultures furent entourées de monu-
ments pompeux. Les auteurs citent un
tombeau de marbre blanc qui se voyait au
XVII'' siècle dans l'église du prieuré de
St-Symphorien, mais ils ne sont pas d'accord
sur sa destination et ne proposent que le
nom de saint Franchet, archevêque de Sens.
Sur le sarcophage du patron de l'église on
garde le silence comme si on avait perdu sa
trace après un enfouissement pendant une
époque troublée.
Il est à présumer que la multiplicité des
saints personnages qui honorèrent l'Eglise
d'Autun et l'abondance des reliques qui
furent apportées là, de divers côtés, comme
celles de saint Nazaire et de saint Lazare,
auxquelles on érigea de belles basiliques
dans l'intérieur de la ville d'Autun, éclip-
sèrent, après le IX^ siècle, la renommée du
martyr ('). Il y a un saint surtout dont le
culte a pu lui causer quelque préjudice, c'est
saint Andoche, dont le nom a été donné à
l'une des portes de la ville et à une abbaye
qui n'était pas éloignée de l'enceinte. Ce-
pendant son histoire ne se rattache pas
directement à Autun, il appartient à une
autre localité du diocèse nommée Saulieu,
dans l'arrondissement de Semur, où il est
honoré depuis une antiquité qui peut re-
monter au temps de saint Symphorien (").
Il se présente à nous avec toutes les appa-
rences d'un apôtre envoyé avec une délé-
gation officielle par un pontife pour évan-
géliserune contrée, il est accompagné d'un
diacre saint Thyrse. Le troisième person-
nage, saint Félix, que les biographes lui
quitates. Autun, 1648. In- 12. he?i\Hé, De Antiquis Bibracte
seu Augustoduni monwnentis libellus. Lugduni, 1650.
Ph. Chavane, Recherches et mémoires servant à [his-
toire de Vanc. ville et cité d Au/un. Dijon, 1660, in-4''.
1. Dinet, 5. Symphorien et son cu'te, Autun, Dejussieu,
1861, in-S° 2 vol.
2. Acta sajictorutn, t. VI de septembre.
284
WitWt lie r^rt cl)rctten.
adjoignent serait un négociant, qui, après
lui avoir donné asile, se serait converti et
aurait partagé son apostolat et son martyre.
Il ne peut y avoir d'embarras pour dater
leur arrivée dans le pays des Éduens. Leurs
noms sont d'origine grecque bien caracté-
risée. Comme Pothin et Symphorien, ils
appartiennent donc à la phalange qui vint
d'Orient et remonta la vallée du Rhône au
11^ siècle. Ils ont été martyrisés à Saulieu
Crypte de SaintAndoche à Saulieu.
dans l'une de leurs courses apostoliques
comme Bénigne à Dijon, et ils sont de-
meurés là, loin du chef-lieu du diocèse, par
respect pour les hommages qu'on rendait à
leur sépulture, et c'est ainsi qu'Autun a dû
se contenter de leurs reliques morcelées (').
Le monument où les corps de saint An-
doche et de ses compagnons furent conser-
vés pendant 900 ans existe toujours à
Saulieu ; il a une forme si particulière et si
archaïque qu'il convient de le décrire ici.
I. Ce qu'on nomme la prison desaint Andocheà Autun
est une salle basse dépendant d'une aumônerie du IX'
siècle décrite par M. Bulliot (Congrès scienii/. de France,
42° session, 1876. Autun, Dejussieu, 1877, t. I, p. 114).
Il se compose d'un rectangle allongé for-
mant nef, terminé à l'Orient par un chœur
circulaire de cinq mètres de diamètre, coiffé
d'une coupole ('). On y pénétrait par un
double escalier pratiqué au Nord et au Midi,
qui aujourd'hui est réduit à une seule des-
cente au Midi, l'autre étant obstruée. L'éclai-
rage se compose uniquement d'une lucarne
étroite, percée du côté de l'Orient ; dans
l'autre partie, il n'y a pas trace de fenêtre.
En réunissant la nef et le chœur on a
un ensemble de 16 mètres de longueur sur
4 mètres de largeur ; quant à la hauteur, elle
a été malheureusement réduite lors de la
reconstruction du chœur. Elle s'annonçait
à tous les visiteurs qui pénétraient dans
l'église supérieure par un surhaussement
du sol auquel on accédait en montant
huit marches qui donnaient de la majesté
au chevet, mais les bons chanoines de la
collégiale n'aimaient pas les difficultés, ils
ont relevé le dallage de l'église supérieure,
abaissé celui du chœur pour avoir l'unifor-
mité, et de la sorte, la voûte de la crotine,
abaissée notablement, est de 2"\5o. Ce sont
encore les chanoines qui, pour faire un char-
nier, ont coupé la crypte en deux et séparé
le chœur de la nef par un mur ; cependant
cette mutilation peu respectueuse ne nous
empêche pas d'entrevoir le plan primitif.
S'il faut en croire la tradition, trois niches
auraient existé dans les murs de la rotonde
pour contenir les tombeaux des trois mar-
tyrs ; il serait peut-être plus exact de dire
que le principal tombeau occupait le milieu,
celui de S. Andoche, et que les deux autres
l'accompagnaient à droite et à gauche
comme on l'a fait dans de nombreuses con-
fessions. Aujourd'hui, on ne voit plus traces
d'arcosoles. Il est vrai que bien des événe-
I. Carlet (Joseph), Notice sur l'égHse ci' Andoche de
Saulieu. Mémoires de la Commission des Antiquités de la
Côte d'Or, t. V, 1 13, 1S57-1860.
^àintmtniQnt De SDlfon et ses crpptes. 285
ments ont pu bouleverser ce sanctuaire
depuis le jour où le pape Calixte II, en
consacrant l'église de Saulieu, le 21 décem-
bre I I 19, tira les reliques des trois martyrs
de la crypte pour en faire la translation
solennelle dans l'église supérieure (').
La maçonnerie, grossièrement exécutée,
est sans assises régulières, elle n'a subi de
remaniements que par la réfection de la
voûte, au XVI Ile siècle, et cette partie
seule est recouverte d'un enduit. Un vieux
vestige de décoration subiste à la naissance
de la coupole, c'est un agneau sculpté quia
le corps traversé par une croix, figuration
tout à fait archaïque qui démontre que, dans
son ensemble, le monument est intact, que
sa date est antérieure à l'époque mérovin-
gienne {").
E'cgUse De SamtBcnignc Dc X)i)on
et ses crjjptes.
lELON le jugement de Viollet-
ie Duc, les cryptes bâties sous
l'ancienne église de Saint- Bé-
nigne de Dijon ('), alors qu'elle
était complète, étaient l'un des plus vastes
monuments souterrains qui eussent été
construits dans la Chrétienté ; il dit cryptes
au pluriel, parce qu'en réalité l'ensemble se
composait d'une succession de trois cryptes
ajoutées successivement l'une à l'autre, sous
trois édifices de forme différente, admirable
exemple de l'esprit de conservation qui
animait les anciens dans leurs travaux et de
l'ingéniosité qui les guidait dans leurs com-
1. < Corpora martyrum e subterranea spelunca in re-
centiorem locum transtulit. > Abbé Baudiau, Le Mon/an,
t. m, p. 231.
2. Le tombeau de saint Andoche a été reproduit dans
VHisl. de Bourgogne de Dom Plancher, dans le congrès
de \3. Soc. franc, d' Archéologie d.i 1832 et dans les Anna-
les de la Société éduenne, 1862-64.
3. Dictionnaire d'architecture, verbo crypte.
binaisons architecturales. Les démolisseurs
delà Révolution de 1793 ont jugé que Dijon
avait trop d'églises agglomérées sur un
même point, que celle-ci notamment tenait
trop de place, et ils ont rasé au moins la
moitié des édifices élevés au-dessus du sol
en comblant les dessous avec les décombres
et en fermant tous les accès.
De toutes les antiquités accumulées au-
dessus du tombeau de saint Bénigne, il ne
reste aujourd'hui sous nos yeux qu'une
église ogivale, bâtie à la fin du XI 1 1^ siècle.
La disparition des annexes prive la ville de
Dijon d'un édifice en forme de rotonde à
plusieurs étages qui constituait un type de
construction très rare parmi les productions
de l'époque romane et qui servait de trait
d'union entre l'église ogivale et un édicule
mérovingien. Il nous serait difficile d'appré-
cier la valeur archéologique de cet assem-
blage bizarre, mais intéressant, si Mabil-
lon (') n'avait publié le plan de l'abbatiale
de Saint- Bénigne, et si un historien récent
de haute valeur, M. le chanoine Chomton,
n'avait recherché avec persévérance les
documents qui relatent les entreprises de
chaque époque et suivi avec la passion de
l'archéologue éclairé les fouilles tentées à la
fin du XIX'^ siècle pour retrouver les dispo-
sitions du martyrium de Saint- Bénigne et
de ses alentours ('). Voilà les deux guides
dont nous nous servirons pour projeter la
lumière sur les origines chrétiennes de
Dijon.
On sait que le siège épiscopal de cette
ville est récent, il date seulement du siècle
; dernier (1731); auparavant le pays de la
Côte d'Or relevait du siège épiscopal de
Langres. Malgré l'éloignement des deux
villes, nous aurons l'occasion de noter que
1. Annales O. S. B., t. IV, libro LU, N° 8.
2. Histoire de l'église de Saint-Bénigne de Dijon. Dijon,
1900, I vol. in folio.
286
jRebue De V^xt cbrétten.
plusieurs évêques préférèrent Dijon à leur
cité ordinaire, et recherchèrent l'honneur
de reposer après leur mort auprès du mar-
tyr Bénigne, témoignage qui n'était rendu
qu'aux premiers apôtres de la Foi dans
chaque région et qui encourage l'opinion de
ceux qui regardent la mission de Bénigne
comme un apostolat ('). En voyant la simi-
litude de circonstances qui existent entre
les origines chrétiennes de Dijon et les
commencements des autres chrétientés, on
ne peut s'empêcher de croire que Bénigne
a exercé des fonctions analogues à celles de
saint Ferréol de Besançon vers 211.
L'époque de son martyre est contestée,
elle est placée par les uns sous Marc-Aurèle,
par les autres sous Aurélien. J'incline pour
le second siècle, par cette considération que
la Bourgogne était trop voisine de Lyon
pour être oubliée par les disciples de saint
Pothin et de saint Irénée.
La crypte de Saint- Bénigne est une de
celles que visita Grégoire, évêque de Lan-
gres au VP siècle (''), elle était alors dans
un état de vétusté tel qu'elle ressemblait à
une ruine, abandon qui mit l'évêque dans
un grand embarras. Le grand sarcophage
qu'elle renfermait n'avait pas d'inscription,
puisque l'évêque dans sa première impres-
sion le prenait pour le tombeau de quelque
païen {^) ; il est à présumer que la liturgie
était également muette à son égard dans
l'église de Dijon, autrement on ne compren-
drait pas ces hésitations de Grégoire. Il ne
fallut rien moins qu'une apparition et le
spectacle de pk sieurs miracles pour le con-
I. Ce n'est pas un martyr isolé comme S. ValérienetS.
Marcel. Be'nigne avait deux acolytes (comme saint Denis)
que nous nommerons plus loin.
z. <,< De qua ille visione concussus beatum sepulchrum
adit... Et quia crypta illa, quae ab antiquis inibi transvo-
luta fuerat, diruta crat. > De gloria marlyrum. L. I.
3. «i Et quia in magno sarcophago post martyriuni con-
ditus fuit. > {Ibidem.)
vaincre qu'il était en présence de la sépul-
ture du premier apôtre du diocèse. On ne
peut accorder aucune confiance aux vies
qui nous ont été transmises sous le nom de
saint Bénigne de Dijon ('); on doit s'en tenir
à ce que rapporte Grégoire de Tours au
chapitre Ll de son livre rédigé à la Gloire
des Martyrs. Cet auteur en fait un mar
tyr qui fut immolé dans le castrum de Dijon
sans nous éclairer sur le siècle où il vivait.
L'époque à laquelle arriva cet événement
est livrée aux conjectures, comme le nom du
personnage qui prit soin de recouvrir sa
sépulture d'une façon honorable. Le fait le
plus certain, c'est la grandeur et le poids du
sarcophage qu'on avait employé pour con-
server les restes de saint Bénigne, car
Grégoire de Tours revient sur ce sujet une
seconde fois pour nous dire que trois paires
de bœufs pouvaient à peine le traîner. Un
vaste cimetière s'étendait hors de l'enceinte
fortifiée de Dijon, au delà du lit naturel du
Suzon : c'est là que fut établi son monu-
ment funéraire.
Lorsque l'évêque de Langres, Grégoire,
élu en 506 ('), fit une enquête sur la réalité
des prodiges qu'on racontait à propos de
saint Bénigne ; il constata que les paysans
entouraient sa tombe avec empressement
et s'en retournaient satisfaits des grâces
qu'ils avaient obtenues. Il y avait pourtant
dans ce cimetière d'autres oratoires : la
basilique de Saint-Jean où reposait l'évêque
saint Urbain, mort depuis 50 ans, et une
autre basilique où l'on gardait les reliques
de sainte Paschasie ; néanmoins, la crypte
de Saint Bénigne était la plus visitée.
Il y avait aussi un oratoire élevé en
l'honneur de la Mère de Dieu d'une date
incertaine dont les dispositions méritent
1. Acta S<i>i</oruiii, l" Novembre.
2. S. Grégoire a occupé le siège de Langies de 506 à
539 environ.
^aintTBéniQnt îJt SDtjon et ses erpptes.
287
d'être signalées parce qu'elles ont une
ressemblance frappante avec les hypogées
gallo-romains surmontés d'un édicule (').
Les témoins qui ont découvert ses sub-
structions comme ceux qui l'ont vu debout,
le représentent comme un bâtiment carré,
élevé par- dessus une crypte (^) ; c'est celui
qui fut réuni à la basilique au IX^ siècle.
Après quelques hésitations causées par
l'aspect grossier sans doute du sarcophage,
l'évêque de Langres se décida à relever les
murs et la voûte de la crypte dans le pre-
mier quart du Vl" siècle. La littérature du
temps voulait que le Saint réclamât lui- même
cette faveur dans une apparition, et c'est ce
qui arriva en effet. « Hâtez-vous, dit le
Saint, d'élever un oratoire sur mon tom-
beau ». Grégoire de Tours qui rapporte ces
détails, dit formellement que la première
crypte était voûtée et que la seconde fut
exécutée avec élégance ('), ce qui ne nous
surprend pas depuis que nous avons vu les
dessins de certains chapiteaux réemployés
dans le monument du XI^ siècle (^), chapi-
teaux dont les feuilles d'acanthes sontencore
de l'art antique, bien qu'elles aient été alté-
rées par la main des mérovingiens. Il n'en
faut pas davantage pour inférer que l'archi-
CrypLe de S' Bénigne de Dyon
tecte avait employé des pilastres et des
colonnes pour supporter les arêtes des voû-
tes. Le dallage se composait de plaques de
marbre multicolore dont les derniers vesti-
ges ont été aperçus en 1858, observation
qui a déjà été faite dans la crypte deSaint-
I renée de Lyon (^). Afin de couronner son
1. Les restes de mosaïque qu'on a découverts dans le
dallage sont une preuve que l'e'difice est au moins méro-
vingien. (Chomton, p. 77.)
2. Voir les plans publiés par Dom Mabillon et M. le
ch. Chomton. Voir aussi les vues données par le baron
Taylor, \ 'oyages pittoresques et romantiques dans l'an-
cienne France. Bourgogne, t. II.
3. Sidoine Apollinaire et Grégoire de Tours citent des
œuvre l'évêque ajouta par-dessus, vers 533,
une grande basilique (3).
Le sarcophage de saint Bénigne n'était
pas décoré de figures, le grain de sa pierre
évêques qui employaient des marbres, des colonnes et
des mosaïques au V et au VI° siècle.
Historia Francorum, libro V, cap. 96. — Epistolarum,
libro II, cap. 10.
1. « Et quia crypta illa quae ab antiquis inibi transvo-
luta fuerat, diruta erat, rursum eam beatus pontifexreae-
dificavit eleganti transvolvens opère >. Historia Franco-
rum, libro II, cf. De Gloria tnartyrum, L. I. — Vitae Pa-
trum cap. X, i .
2. Voir la planche ci-jointe empruntée à l'ouvrage de
M. Chomton.
3. « Nec moratus, super cryptam illam, basilicam
magnam jussit aedificari >. {Historia Francor., ibidem.)
288
Bebue De T^vt t\)xttitn.
était si tendre que les pèlerins le grattaient
pouren emporter la poussière. Raoul Glaber,
quile vit au X^ siècle.confirme la description
de Grégoire en lui appliquant l'épithète de
pergrandis arca. Il occupait le centre et,
suivant l'habitude, il était flanqué de deux
compagnons que l'Histoire appelle saint
Eustade et saint Tranquille. La mousse qui
poussait sur le sarcophage de ce dernier
avait, contre certaines maladies, notamment
contre les pustules, une vertu dont Grégoire
de Tours fit l'épreuve avec succès ('). Tous
ces détails révèlent donc une crypte très
fréquentée où les tombeaux n'étaient pas
protégés par les barrières qui paraissent
avoir existé dans les temps postérieurs.
M. l'abbé Chomton, qui a étudié de près
les substructions de l'abbatiale, présume que
la crypte martyrium devait être carrée (')
comme, par exemple, celle de saint Véné-
rand à Clermont, il n'explique pas le texte
de X Histoire des Francs, eleganli opère ;
nous sommes obligé de rechercher un autre
terme de comparaison tel que la crypte de
Saint Seurin de Bordeaux.
J'inclinerais plutôt à croire que devant les
fffle/ft * OWJ" fit mm
Cryptes de Saint-Bénigne de Dijon.
trois tombeaux orientés et logés dans ses
niches il y avait une sorte de vestibule cou-
vert de voûtes d'arêtes retombant sur des
colonnes. Les œuvres du V K" siècle sont
moins sévères que celles des temps précé-
dents. Avec un simple caveau, il semble
difficile de faire une œuvre élégante comme
celle dont parle l'historien. Dans tous les
cas, l'espace n'y manquait pas, puisqu'on
trouva le moyen d'y placer, à la fin du V I II "^
siècle, le sarcophage de saint Jacques (^),
1. De gloria confessorum, cap. XLIV.
2. « Jacob Christi pontifex mortem subiens requiescit
in crypta .S. Benigni martyris ecclesie Divionensis habens
ad caput allare in honnie S. Mansueti confessoris î> (fiesta
episc. Ttillensium, ap. Mon. Gcrm. liist., VIII, 637.
évêque deToul.qui mourut à Dijon, en reve-
nant de Rome et d'ériger contre la tête ad
caput un autel en l'honneur de saint Man-
suet ; c'est pourquoi il me paraît superflu de
supposer avec M. l'abbé Chomton que la
crypte subit des agrandissements dans le
même temps pour expliquer comment elle
fut capable de recevoir les sépultures insi-
gnes qui se trouvaient dispersées dans le
cimetière voisin. On a des exemples de
cryptes bâties sur un plan spacieux, à l'épo-
que mérovingienne, témoins celles de
Jouarre, de Saint-Seurin, de Trêves et de
Saint-Léger, dans les Deux-Sèvres.
I. Cette hypothèse s'applique àla première construction
antérieure au VI'= siècle ou bien à la forme du ciboriuni.
Les seuls travaux certains sont les res-
taurations entreprises, vers 870, par levêque
Isaac ; elles paraissent avoir été le point de
déparc d'un agrandissement considérable
qui fut sans doute décidé en vue de répon-
dre aux désirs de beaucoup de personnages
qui manifestaient l'intention de reposer
près de la tombe du martyr Bénigne. On
sait en effet que plusieurs évêques, Isaac,
Argrimus, Garnier, demandèrent, sans par-
ler de divers bienfaiteurs laïques, une place
dans le prolongement de la crypte. Au lieu
d'agrandir l'étage inférieur dans le sens de
l'Ouest, l'évêque Isaac, auquel il faut sans
doute attribuer les absidioles ajoutées à
gauche et à droite, décida que le chevet
serait prolongé vers l'Orient afin de ratta-
cher à Saint-Bénigne l'édicule dédié à la
Mère de Dieu qui se trouvait dans cette
direction, à 25 mètres de là, à peu près sur
la même ligne que l'axe du bâtiment princi-
pal, et qui inspirait une grande vénération
à raison de son antiquité.
Ce plan ne fut pas conforme au goût de
l'abbé Guillaume qui le modifia complète-
ment au commencement du Xl*^ siècle. A
la place des travées qui servaient de trait
d'union avec Sainte-Marie, il édifia une
rotonde à plusieurs étages, puis il remplaça
toute l'ancienne basilique par une nouvelle
église à cinq nefs dont les bas-côtés étaient
couverts. Les agrandissements commen-
cés en looi furent inaugurés en 1016.
Suivant la description de la Chronique
de Sai7tt- Bénigne qui nous a conservé l'as-
pect des lieux, le visiteur qui entrait par la
grande porte de l'Ouest rencontrait bientôt
près d'un autel érigé à la Sainte Croix et à
Tous les Saints, au milieu de la grande nef,
trois entrées qui le conduisaient dans le sous-
sol du XI" siècle, au moyen de quinze mar-
ches (■). Là, il pouvait se promener sous
I. < Ante hoc altare triplex constat introitus cryptae et
une forêt de colonnes (il y en avait 104)
assemblées par douzaine et sur quatre rangs,
jusqu'à l'extrême chevet. Cet étage infé-
rieur, y compris celui de la rotonde, n'avait
pas moins de 60 mètres de longueur et
renfermait cinq autels.
Voyons maintenant ce que devint la con-
fession du martyr à travers tous ces boule-
versements. Nous pouvons être certains
que son emplacement fut respecté à Dijon
comme ailleurs et qu'elle fixa toujours l'axe
principal de l'église.
Les recherches qui furent faites pour
remettre en honneur le culte de S. Béni-
gne un moment étouffé révèlent les mesu-
res prises pendant les troubles causés par
les invasions des Normands et des Hon-
grois. On sait que le corps fut porté d'abord
à Langres pour quelque temps, vers 898,
puis après son retour, il fut transféré, en 923-
931, dans l'église de Saint- Vincent, bâtie
dans l'enceinte fortifiée de Dijon, puis rap-
porté en 940 dans l'abbaye de Saint- Béni-
gne hors les murs, où, par prudence, il fut
enfoui, comme saint Germain d'Auxerre
dans une fosse par-dessus laquelle on bâtit
une petite voûte en forme de caveau ;
les colonnes furent renversées et le tout
fut recouvert de terre pour tromper
les chercheurs ('). C'est ainsi que les choses
se sont passées dans beaucoup d'églises,
notamment à Trêves et à Sainte- Rade-
gonde de Poitiers; c'est pourquoi l'abbé
Guillaume eut quelque peine à retrouver
les reliques. L'invention fut laborieuse sur-
tout parce que la porte de la crypte était
masquée, et que les religieux témoins des
travaux n'étaient plus là pour la guider.
in quindecimgradibus ascenditur ab ipsa ad superiorem
ecclesiam > (Chomton, note p. 98.)
I. Je suis tenté de faire remonter au X'= siècle la fosse
que M. Chomton attribue à l'abbé Guillaume. Alors, elle
avait sa raison d'être pour servir de cachette, tandis que
plus tard, elle ne se comprend pas.
290
3Rebue tir V^xt chrétien.
La disposition des lieux, nous dit R. Gla-
ber, un contemporain, était masquée par
des ruines et des décombres ; de plus, le
lieu de la sépulture était creusé profondé-
ment devant C autel principal à\x monastère.
Cette expression ne peut désigner que l'au-
tel majeur élevé dans l'église supérieure et
non celui du dessous, comme le suppose
peut-être à tort M. Chomton, car il y a dans
son interprétation plusieurs invraisemblan-
ces. D'abord il n'y a pas d'exemples de tom-
beaux placés devant l'autel de la crypte,
c'est au contraire l'autel qui est à la tête du
tombeau, c'est le cas de Saint-Germain
d'Auxerre, de SaintValérien de Trêves et
d'une foule d'autres. Ensuite, si la fouille
avait été pratiquée immédiatement dans
la crypte, un ecclésiastique au courant des
usages liturgiques n'aurait pas hésité sur
l'endroit à sonder, tandis qu'à l'étage su-
périeur l'ouverture pouvait être dissimulée
par un dallage ou une maçonnerie habile-
ment façonnés. Glaber parle encore de
p7'ofottdeurs, or la fosse où gisent les débris
du sarcophage n'a jamais eu plus de quatre
ou cinq marches, tandis que l'escalier à
trouver pour descendre en avait quinze (').
Si on adoptait la traduction de M. Chom-
ton, il en résulterait tout un bouleverse-
ment pour la physionomie de la crypte
mérovingienne, puisqu'il met l'autel là où
les rites habituels placent le tombeau.Ouand
on a peu d'espace, il est plus naturel de
repousser le sarcophage contre le fond du
chevet et d'appliquer l'autel à l'extrémité
ouest;respace libre est beaucoup plus grand
dans ce cas que dans la position inverse,où
il y a nécessité de laisser un espace libre
I. < Cujus namque positionem loci antiqua vetustas
occuluit. Nam coram pr;Ecipuo illius monasterii altari
profundius habebatur defossum memoratum sepulcrum,
quod continiio requirens invenit >. Raoul Glaber, Vita
GuilUlini. On sait que le mot sepulcruiii désigne aussi
bien la grotte funéraire que le tombeau lui-même.
entre le tombeau et l'autel pour le service
religieux. C'est pourquoi cette dernière dis-
position n'a pas été adoptée dans nos
églises.
Ce principe étant posé, il n'est plus né-
cessaire de conjecturer que l'abbé Guillau-
me a modifié le niartyrium le jour où il a
transformé le chevet plein en chevet à jour,
il a relevé ce qui était tombé et les marches
qu'il a placées à l'extrême chevet ont été
adoptées pour la commodité de ses visiteurs
qui arrivaient par la rotonde ou tournaient
autour de la confession ('). Après ces ré-
flexions, je comprends mieux pourquoi
dom Plancher a osé dire que l'abbé Guil-
laume s'était contenté de faire des répara-
tions dans la crypte de Saint- Bénigne : sa
pensée était que les lignes du plan primitif
avaient été respectées ('').
L'autel dont a voulu parler Raoul Glaber,
est bien l'autel majeur du premier étage de
plein pied. 11 s'ensuit que la recherche s'est
faite dans la croix du transept et que les
ouvriers ont retrouvé la descente de l'esca-
lier du milieu qui peut-être avait été fermée
lorsque les escaliers de côté furent ouverts
à gauche et à droite {f).
A force de patience, l'abbé Guillaume
parvint à ressaisir le sarcophage et les
reliques dans le contrebas creusé à l'endroit
même où il avait été exposé pendant des
siècles au grand jour ; il se borna à rétablir
la murette sur laquelle s'élevaient autrefois
les colonnes du dôme (^) et dont les lignes
traçaient une sorte de cella rectangulaire,
puis il enveloppa le sarcophage d'une sorte
1. Le texte dit que Guillaume avança le tombeau vers
\'Ot\tn\, paululum amovetis ad orientem^ pour indiquer
sans doute qu'il le rapprochait du nouveau chevet. L'an-
cien chevet pouvait être plat et non circulaire.
2. Histoire de Bour^oane, tome I, 476-499.
3. Viollet-le-Duc ne doutait pas que le double escalier
ne fût du VI'= siècle (Dictionnaire dare/iilccture).
4. < Desuper auteni quattuor columnx' marmorea;
locat;e erant antiquitus ». (Chroit. S. lienigni.)
^atnt'Béntgne De SDîfon et sts crppte0.
291
de caveau voûté en cintre et ouvert aux deux
extrémités, à l'insur de ce qui se voit encore
à Saint-Germain d'Auxerre. C'est à cette
couverture qu'il faut appliquer la désigna-
tion (à sépulcre employée par la chronique
de Saint- Bénigne. « Elle est en forme de
tombe construite avec des pierres appa-
reillées, sa longueur est de huit coudées et
sa largeur de cinq('). » L'usage voulait alors
que le vrai tombeau fût dissimulé et fût
remplacé aux yeux de la foule par un céno-
taphe. L'abbé Guillaume plaça sur le sépul-
cre une sorte de châsse en bois de 6 cou-
dées de long, de 3 coudées de large, de 7
coudées et demie de hauteur, recouverte de
plaques d'or et d'argent, où étaient repré-
sentés en ciselure les tableaux de la Nati-
vité et de la Passion du Sauveur. Le chro-
niqueur donne à cette addition somptueuse
le nom à'absida dont le sens est ici bien
détourné de l'usage habituel ; il ajoute que
ce bel ouvrage disparut pendant une famine
pour convertir sa valeur en grain et en
pain.
Tout cet échafaudage n'aurait pas pu
s'élever sous les anciennes voûtes (-); c'est
pourquoi l'architecte, après avoir ajouré le
fond du chevet au moyen de colonnes, fut
1. < Sepulcrum vero sancti et gloriosi martyris ita est
constructum : tumba ex quadris lapidibus asdificata quœ
octo cubitos in longuni, quinque autem tenet in latum ».
(Chronicon S. Renigni Divionensis).
2. < Olim super lapideos arcus quos continebant, absi-
dam ferebant ligneam >. Il faudrait « arcus lapidei qui
continebaniur intra columnas >. Le rédacteur n'est pas
très fort latiniste (Chomton, p. 1 19).
obligé de recourir à de nouvelles voûtes en
plein cintre et à demi-coupoles en se servant
des anciens supports. Afin de contrôler les
renseignements fournis par la Chronique, on
a pratiqué des fouilles, en 1858, en deçà et
au delà du chevet gothique, bâti au XI 11^
siècle, et on est arrivé ainsi à se convaincre
que l'auteur s'était fidèlement tenu au cou-
rant des travaux de l'abbé Guillaume, et
que dans les reconstructions successives du
XI^^ et du XII I^ on avait toujours respecté
les principaux massifs de maçonnerie. Après
avoir examiné lessubstructions de la roton-
de et à,\iniartyriîimy\o\\Q\. le-Duc(')déclara
que ces constructions étaient identiques et
possédaient tous les caractères barbares du
XI" siècle. Cela ne veut pas dire que, dans
sa pensée, il ne restait rien des édifices
antérieurs ; il croyait à la superposition
exacte des murs et des supports et attribuait
les escaliers latéraux au VI*" siècle. On a
mis au jour le fond du sarcophage de saint
Bénigne, des fûts de colonne, des chapi-
teaux, des débris de carrelage qui nous
permettent de dire que Dijon possède
encore beaucoup de vestiges de la confes-
sion mérovingienne de son premier martyr
et aussi des matériaux contemporains de
saint Grégoire de Langres réemployés au
XI'^ siècle dans les supports des voûtes (2).
L. Maître.
1. Dictionnaire éarchitecttere, verbo crypte.
2. Voir de curieux chapiteaux mérovingiens reproduits
par M. Chomton, pi. XI et .\.\VII de son livre.
»!«.
^^^W^m
#-r
feV A^Vl* A^^ >M* K^^ >M* A^^ »MaK^^>^^ X^^ A^vI^ >M^ K^^ ^'^'*_*^* "^
4
mTmTTTTT-
riiiixiixriiixiiiJJXixiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiTiiïiiiriii:i,Liii2ixxziixiii
TiiiiiniiminiiiiiiiixiiiiixnmimiiXiiiJcrTTTiiii ^
a
Descrtptton ties portails de Téglisc Ht'TDibault
ûc TDann (Hlsace). (w clxxy dc la collection).
s
G
^^,^.TT-r,f-rTTTTTn[iTiTiï t itiiiniixiiiinni tiiiiiiiiiiiririiiTiiiriiLLXi^xiTTTTTTXiiJixiiiixiuTTXTiminiTiTTnirnTyTTTTixiximniiixjj iirii
il
;fe*;â^ ^^^ ^XÔ'' ^AÔ'' *;*!'' ''d^^ "^^-^ ''^* "i^^* "iJ"' '^^ ''^'' "îÔ^ VI ^ ^^'f X^
(âcncralités. - Historique.
wy?>T»rrintt3Qp.K,i.,-ir«j
L est, dans les pays rhé-
nans, un dicton popu-
laire :
Le clocher de Fribourg est le plus
gros, — Le clocher de Strasbourg
est le plus haut, — Le clocher de
Thann est le plus beau.
Peut-être, à vrai dire,
pour les besoins d'une rime d'ailleurs dou-
teuse, ce brocard rabaisse-t-il un peu trop
les chefs-d'œuvre de Strasbourg et de Fri-
bourg en Brisgau ; on ne saurait méconnaître
cependant que la flèche de St-Thibault, si
hardie et si légère, est un des ouvrages les
plus remarquables du XV<= siècle et que sa
réputation n'est nullement usurpée. Ce mor-
ceau d'architecture est trop connu pour que
nous croyions utile de le décrire à nouveau ;
pourtant l'église de Thann se recomman-
de à l'attention des artistes par bien d'au-
tres côtés, notamment par ses portes mo-
numentales. Nous allons les examiner en
détail; mais on nous permettra auparavant
de jeter un rapide coup d'œil sur l'histoire
de cet édifice.
Si l'on en croit la légende, S. Thibault
(ou Ubaldus), évêque de Gubbio, en Italie,
étant mort dans son diocèse en l'an 1161,
son serviteur se mit en route portant, ca-
chée dans l'intérieur de son bâton de
voyage.une relique de son maître. Il marcha
longtemps, traversa les Alpes, et, arrivé en
Alsace, il s'arrêta un soir, épuisé de fatigue,
dans un bois de sapins pour y passer la nuit.
Au matin, après un sommeil réparateur, notre
homme voulut reprendre son chemin ; mais
son bâton de voyage.son bourdon, était com-
me fixé au tronc du sapin voisin, contre le-
quel il l'avait posé la veille; malgré ses
efforts, il ne put l'en détacher, et fut forcé
de comprendre que S. Thibault voulait que
sa relique demeurât en ce lieu. — Or, la
même nuit, le comte Engelhardt, des fenê-
tres de son château d'Engelburg, regar-
dant la nuit noire et le paysage désert.avait
aperçu, entre les branches du sapin miracu-
leux qui abritait la relique, trois lumières
merveilleuses: dès l'aube, il accourt sur le
lieu du prodige, trouve le pèlerin fort em-
barrassé de la résistance de son bourdon;
le miracle est évident, et le comte, pour
abriter la relique de S. Thibault, décide
l'érection d'une chapelle sur l'emplacement
même du sapin ('). Le nouveau sanctuaire
acquit bientôt une telle réputation et la
foule des pèlerins devint si grande que,
trente ans après, on dut ajouter une église
à la chapelle primitive. En même temps
se formait, autour de ce centre, une ville (-)
qui, en souvenir de son origine, prit le nom
de Thann (3), et mit dans ses armes un sa-
pin. Cette nouvelle église étant à son tour
devenue insuffisante, on demanda, en 1269,
à Erwin de Steinbach, de dessiner le plan
d'un édifice plus vaste et plus somptueux ;
les travaux commencèrent en 1275, mais
ce ne fut pas cet architecte qui les dirigea.
En 1307, on construisait le grand portail ;en
1310, les portes latérales; en 1322, la nef
s'achevait; en 1344, les assises de la tour
1. Ce petit sanctuaire se trouvait, croit-on, exactement
sur l'emplacement de la chapelle dédiée à .S. Thibault
dans l'église actuelle.
2. Le nom de Thann apparaît pour la première fois en
1244.
3. «Tanne» en allemand, signifie sapin.
|aortailj5 De VtQiiQt ^t-Cbibault De Cl)ann»
293
étaient posées et en 1351, on entamait la
construction du chœur. Mais à partir de
1363, les travaux furent suspendus; l'archi-
tecie Hans Werlin qui les reprit en 1386,
se borna sans doute à terminer le chœur,
car une inscription gravée à la base du clo-
cher nous apprend que la première pierre
de ce prestigieux couronnement de l'édifice
fut posée seulement en 1430, et que l'œuvre
fut achevée en 1516 par maître Remigius
Walch.
Ce beau monument qui, malgré la durée
Fig. r. — Eglise Saint-Thibault, à Thann.
de sa construction, présente un rare carac-
tère d'unité, a eu la bonne fortune d'échap-
per presque complètement aux embellisse-
ments que les siècles classiques ont infligés
ailleurs à tant d'églises ogivales. Il ne pou-
vait cependant se soustraire aux injures du
temps et, notamment dans les portails, qui
nous intéressent spécialement, bien des
sculptures étaient mutilées, bien des fi-
gures avaient disparu. Le gouvernement
KRVUE UE l'art chrétien
1904. — 4*"*^ LlVRAIc;ON.
294
IRebue tie r^vt cbrctien.
s'est ému de cet état de choses (' ) : en 1886,
M. Winckler, architecte de Bavière, a été
chargé de la restauration complète du monu-
ment, et les travaux, continués par un autre
architecte, sont aujourd'hui presque ache-
vés. M. l'abbé Jost, ancien curé deThann(-),
a secondé avec beaucoup de zèle et de
science archéologique celte grande œuvre;
c'est encore à lui que nous devons la meil-
leure partie des renseignements groupés
dans notre modeste étude. Qu'il nous per-
mette de lui rendre ici, au nom de tous les
amateurs du beau, un hommage de recon-
naissance bien mérité.
PORTAIL OCCIDENTAL.
LE portail principal de l'église St-Thi-
bault est remarquable à plus d'un titre:
sa disposition générale, avec ses deux baies
surmontées chacune d'un tympan et réunies,
à l'étage supérieur, sous un vaste tympan
commun, est à peu près unique;son trumeau
aux statues superposées rappelle celui de
St-Vincent de Berne, avec qui il présente
certains rapports que nous avons signalés
ailleurs (3) ; enfin, la foule de figurines
pressée sur ses tympans et sous ses vous-
sures, se groupent en des scènes d'une gra-
cieuse naïveté, déjà trop rare au X1V<=
siècle: sans doute, l'exécution laisse parfois
à désirer, les personnages, à trop grosse
tête, trapus et courtauds, évoquent çà et
là l'idée des nains familiers de nos vieux
contes, et leur exiguïté,'leur nombre véri-
tablement exagéré, s'ils sont intéressants,
amusants pourrions-nous dire, pour qui-
conque les examine en détail, produisent à
distance une inévitable confusion et ne réa-
1. Depuis douze ans le gouvernement allemand a con-
sacré à cette restauration plus de 200.000 francs; et, grâce
à l'initiative de M. l'abbé Jost, d'autres souscriptions
importantes ont été fournies par les particuliers.
2. kéceminent nommé vicaire-général de Strasbourg.
3. Voir notre étude sur St-Vincent de Berne.
lisent point l'effet d'ensemble, seul désirable
au point de vue architectural, que détermi-
nent avec tant denetteté les grandes figures,
largement traitées sur les tympans de nos
portes d'église du XI 11"^ siècle.
En ce qui concerne l'iconographie, le
sujet des sculptures de notre portail est
extrêmement complexe : la voussure de la
ofrande archivolte nous fait le récit de la
Genèse et nous montre des scènes de mar-
tyre ; puis des anges, des patriarches, des
rois ancêtres de Marie. Sous cet encadre-
ment se déroule, au tympan, l'histoire dé-
taillée de la Vierge : sa naissance, sa vie,
sa mort et son couronnement au ciel. —
Par une disposition peu liturgique et à peine
explicable sur la façade d'une église non
consacrée à Notre-Dame, l'histoire de
Marie est ainsi placée au-dessus de celle
du Christ que nous voyons aux petits tym-
pans inférieurs : ici en effet nous trouvons,
à droite, la Nativité, à gauche, la Mort de
Jésus, en d'autres termes : l'Incarnation et
la Rédemption. Tout à l'entour, sous les
voussures, des scènes de martyre. Plus bas,
au trumeau et aux ébrasements, la Vierge-
Mère est entourée des Saints et Saintes
les plus populaires en Alsace. Enfin, au
sommet de la porte, Jésus Christ montre
ses plaies coinme dans un jugement der-
nier. Ajoutez encore le S. Thibault qui
couronne le pignon de la façade, et vous
aurez une idée de la multiplicité et de la
diversité des sujets représentés.
Toute la façade est construite en belle
pierre de Rouffach ; les sculptures ne pa-
raissent présenter aucune trace de peinture,
bien que certaines parties, comme les écus-
sons armoriés qui surmontent les deux
baies, semblent appeler l'emploi de la
couleur.
Au cours de notre analyse, nous noterons
au passage les détails refaits ou rétablis
î^ortails de l'église ht ^U%\)ihan\t î3e Cl)ann. 295
dans la récente restauration ; mais, dès
maintenant, nous pensons devoir signaler
la principale modification apportée par l'ar-
chitecte moderne à la disposition antérieure;
jusqu'à ces dernières années, et sans doute
depuis l'origine du monument, de chaque
^ f^--
iki.
xpyxi-i ragitf^g^aâJMfe^gsg -ggg^'è» ''c
NÇ^
wâ
tr >^\ .11
ts^
^^.i.^:-
Fig. 2. — Porte occidentale de l'église Saint-Thibault,
côté du Christ qui surmonte le portail,
étaient rangées sur une ligne horizontale six
grandes statues ou groupes (figurés en traits
sur notre schéma), représentant la Vierge,
S. Jean, S. Pierre, S. Paul, S. Barthélémy
et trois autres saints.
296
Brbuc lie r!a;rt cf)rétien.
Ces statues ont été supprimées et rem-
placées par une galerie à fines colonnettes
surmontées de pinacles aigus et de cloche-
tons aux arêtes ornées de crochets : type
qui a été emprunté par l'architecte mo-
derne au dessin d'un vitrail de l'église (le
premier à gauche du chœur) (') L'ensemble
est gracieux, mais peut-être un peu trop
léger et grêle par rapport à la structure
solide et robuste du reste de la façade.
Examinons maintenant le détail des
sculptures en signalant, dès maintenant et
une fois pour toutes, qu'aucune figure de ce
portail ne porte de nimbe.
Voussure du tympan principal.
CORDON extérieur: N"^ i à 16 —
Anges musiciens, debout ; les figures
sont abritées chacune sous un dais, confor-
mément à l'usage, mais on remarquera un
dais supplémentaire aux deux extrémités
du cordon, sous les pieds du premier et du
dernier personnage : particularité pouvant
faire supposer qu'autrefois ce cordon se
prolongeait davantage et ne s'arrêtait point
aux chapiteaux des petites colonnes.
Voici le détail des figures :
Anges musiciens. — i. Ange tenant un
instrument indistinct.
2. Ange soufflant dans une clarinette
énorme.
I. A notre avis, M. Winckler a commis là une lourde
erreur : l'architecture de fantaisie qui orne le fond des
vitraux a un principe de conception et des moyens
d'exécution tout autres que la véritable architecture. Elle
cherche la richesse et la légèreté, sans trop se préoccuper
de la vraisemblance et de la stabilité de la construction,
et la coloration permet de mettre plus ou moins en valeur
les diverses parties. — De même l'architecture pratiquée
par les orfèvres sur les châsses ou les tabernacles serait
souvent ridicule si on l'appliquait à de véritables édifices.
— Toutes proportions gardées, il en est de l'architecture
comme de la poésie : telles strophes d'un opéra célèbre
qui nous charment parce qu'elles servent de support à
une belle musique, nous païaîtraient d'insipides vers de
mirliton si nous nous avisions de les déclamer en dehors
de leur cadre et sans leur broderie de notes.
3. Ange tenant sur sa poitrine un petit
orgue ou peut-être un syrinx.
4. Ange tenant à l'envers un violon et
son archet.
5. Ange tenant à la main un cahier de
musique : il semble chanter.
6. Anoe tenant un instrument.
7. Ange sonnant de l'olifant.
8. Ange tenant un instrument peu dis-
tinct.
9. Ange tenant un instrument peu dis-
tinct.
10. .^nge soufflant dans une fiùte double.
11. Ange frappant un triangle.
12. Ange tenant un monocorde.
13. Ange battant des cymbales (?).
14. Ange tenant une sorte de guitare.
15. Ange tenant un instrument de mu-
sique.
16. Ange pinçant une grande cithare.
A propos de cette série, fort complète,
comme on le voit, nous remarquerons
que c'est surtout à partir de la fin du
XI 11*= siècle que les imagiers se sont at-
tachés à varier les instruments de leurs
anges musiciens et de leurs vieillards apo-
calyptiques ; jusque-là, ces personnages ne
connaissaient guère que la trompette, le
tnonocorde, la guitare et surtout la vièle
(voir Moissac, Saintes, Paris, Chartres,
Laon, etc..) A Metz, aux pieds droits de
la porte méridionale, la collection est en-
core plus complète qu'ici.
Deuxième cordon. — Nous voyons ici
les Docteurs de l'Église latine (N"=* 17 à
20), opposés aux Évangélistes (N°^37à
40), exactement, sauf le détail bizarre des
figures, comme à la porte ancienne de la
cathédrale de Cologne ; entre eux, les rois
ancêtres de la Vierge assistent au triomphe
de Marie représenté sur le tympan.
Les quatre Docteurs. — 17. S.Grégoire
le Grand (ou peut-être S. Ambroise) est
portails îie VtQlm ^tCl)tbault De Cï)ann.
297
assis devant un pupitre richement sculpté,
et écrit ses Co)!n>icntaires. Il est vêtu
d'une robe et d'un manteau ; sa coiffure
conique bordée par une couronne et sur-
montée d'un bouton, semble bien une tiare
papale ; mais comme le docteur suivant
porte exactement la même coiffure, on ne
peut affirmer que ce soit ici S. Grégoire; il
est imberbe, frisé et paraît bien jeune pour
un pape. Nous n'apercevons pas ici la colom-
be du St-Esprit qui inspirait le saint Doc-
teur et que les imagiers ont si souvent
représentée lui parlant à l'oreille.
18. — S. Ambroise (ou peut-être S. Gré-
goire), vêtu et coiffé comme le précédent II
est plus âgé ; sa tête, ornée d'une courte
barbe, respire l'énergie. Il lit dans le livre
ouvert devant lui sur le pupitre, et de la
main droite écrit sur une banderole dérou-
lée sur ses genoux (peut être, au lieu d'une
banderole, est-ce une sorte d'encrier où il
trempe son style ?).
19. S. Jérôme, reconnaissable à son cha-
peau de cardinal, d'une forme quasi-conique,
avec son fond surélevé. Il se penche sur
son pupitre.
20. S. Augustin, barbu, nu-tête, semble
méditer un passage qu'il montre du doigt
sur la page du livre ouvert sur son pupitre.
Rois ancêtres de Marie. Nos 21 à 35. —
Ces quinze rois, couronnés de diadèmes
fleuronnés, vêtus de robes et de manteaux
attachés sur la poitrine, sont assis sur des
trônes et tiennent à la main des sceptres
finement ouvragés. Le nombre des rois
ancêtres de Marie représentés sur nos
façades de cathédrales est extrêmement
variable : on en compte vingt-huit à Paris,
vingt-deux à Amiens, seize à Chartres
(face ouest) et vingt à Chartres (face sud):
c'est assez dire que les artistes n'ont été
guidés, en général, que par les dimensions
de la galerie ou de la voussure qu'il s'agis-
sait de décorer. Ici, cependant, il semble
bien que le nombre quinze soit voulu, car
sur le cordon de notre porte, entre les doc-
teurs et les évangélistes, il restait seize
places, et l'imagier a rempli la seizième
par une scène (n" 36) qui ne se rattache
aucunement à la généalogie de la Vierge.
Il semble donc qu'on ait représenté ici les
ancêtres de Marie depuis David, qui le
premier fut roi, jusqu'à Jéchonias, qui fut
détrôné et emmené captif à Babylone.
Dans cette hypothèse nous aurions ici,
selon la généalogie de S. Mathieu: David,
Salomon, Roboam, Abias, Asa, Josaphat,
Joram, Ozias, Jonathan, Achaz, Ezéchias,
Manassès, Amon, Josias et Jéchonias.
Hâtons-nous d'ajouter que nous n'avons pu
identifier aucune de ces figures, sauf toute-
fois le No 35, qui est David, car il tient en
main une harpe. Contrairement à l'usage,
il faut donc lire la série de droite à gauche.
Voici le détail des figures:
2 I . Roi à courte barbe tenant une harpe :
c'est évidemment le roi David.
22. Roi barbu: Salomon.
23. Roi imberbe tenant un objet indis-
tinct: Roboam.
24. Roi barbu tenant un phylactère:
Abias.
25. Roi barbu tenant un phylactère :
Asa.
26. Roi barbu tenant un phylactère dé-
roulé entre ses bras étendus: Josaphat.
27. Roi barbu lisant un phylactère dé-
roulé sur ses genoux: Joram.
28. Roi barbu: Ozias.
29. Roi barbu, portant son sceptre sur
l'épaule: Joathan.
30 Roi à très longue barbe, déroulant
un phylactère: Achaz.
31. Roi barbu : Ezéchias.
32. Roi barbu : Manassès.
298
3Rebtir tjc T^rt cbrctiem
33. Roi barbu, à l'expression autoritaire:
Amon.
34. Roi âgé, barbu, paraissant méditer
sur un phylactère: Josias.
35. Roi imberbe, assis sur un trône orné
ettenant à la main un objet indistinct: Je
chonias.
36. — Ce compartiment est occupé par
une scène à plusieurs personnages, qu'il
nous a été impossible de bien distinguer:
nous croyons voir un homme étendu à terre,
que plusieurs autres semblent regarder en
riant. Serait-ce Job sur son fumier ? ou
plutôt Noé, enivré, en butte aux railleries
de Sem et de Cham ? — En tous cas, cette
scène n'a aucun lien avec celles qui l'en-
tourent.
Évangélistes. — Beaucoup de portes
d'églises (Strasbourg, Cologne, St- Benoît
sur- Loire, etc..) nous montrent les évan-
gélistes assis devant de petits pupitres,
ayant près d'eux l'animal qui leur sert de
symbole. Mais ici l'artiste, par une simpli-
fication hardie et à peine respectueuse, a
donné aux personnages la tête même de
l'aigle, de l'ange, du bœuf et du lion (').
Pour trouver une autre interprétation aussi
libre et originale du même sujet, il faut al-
ler à Worms, où, sur la porte méridionale,
les Évangiles sont figurés par un monstre
dont la tête quadruple réunit celles des
quatre animaux, et qui marche sur quatre
pieds empruntés chacun à l'un d'eux (2).
1. Dans les Mélanges archéologiques les RR. PP.
Martin et Cahier citent diverses représentations ana-
logues des Évangélistes : on les voit, en buste, avec tête
d'animal, sur une enluminure d'un évangéliaire de Poi-
tiers du IX" siècle, et surun vitrail d'une rose à la cathé-
drale de Strasbourg, de même, mais en pied, sur un ancien
vase ou bénitier. Mais les savants archéologues ne citent
aucun exemple de sculpture architecturale reproduisant
ce type extraordinaire. Les quatre statuettes de Thann
constituent donc un document très curieux et, croyons-
nous, unique dans son genre.
2. Cet < Animal Ecclesie » se retrouve sur une minia-
ture d'un manuscrit de \Hortus deliciarum : les RR.
PP. Martin et Cahier en ont donné une reproduction
57. — S. Jean, sous les traits de l'aigle,
vêtu de la robe et du manteau, assis, mon-
tre du doigt le livre de son évangile.
38. — S. Mathieu, de même, avec une
tête d'ange, imberbe et frisée.
39. — S. Luc, de même : sa tête de bœuf,
ornée de deux cornes, a un air grave, du
plus haut comique.
40. — S. Marc, à la tête de lion, dans la
même position.
Ha Genèse. — N"' 41 à 62 — Les épiso-
des de la Genèse et des premiers temps de
l'humanité, représentés sur ce cordon de la
voussure, ont été reproduits, à partir du
XII I^ siècle, sur la plupart de nos grandes
églises, tantôt comme ici, à la voussure
(Laon, Chartres, Fribourg, Strasbourg,
Worms, etc.) soit au soubassement (Rouen,
Bourges, Auxerre, etc.).
Selon la tradition habituelle des imagiers
dans les scènes de la Création, Dieu est
représenté sous les traits de Jésus-Christ,
mais sans nimbe (comme tous les autres
personnages de notre portail); quant à la
figuration des êtres créés, l'artiste nous
inontre ici, comme à Laon, Chartres et
Strasbourg, les êtres eux-mêmes, tandis que
le plus souvent (Fribourg, Rouen, Auxerre,
etc.,) Dieu bénit simplement un disque sur
lequel apparaissent les choses créées.
41. — Dieu crée le ciel et la terre: de-
bout il tient de la inain gauche et bénit
de la droite une masse de neuf segments de
sphères à peu près concentriques, emboîtés
l'un dans l'autre et représentant la terre et
les planètes: c'est ainsi, par des cercles con-
dans leurs Mélanges archéologiques. — La fantaisie d'une
telle représentation heurte évidemment le bon goût,
et, au moyen âge même, quelques esprits y tiouvèrcnt
matière .\ raillerie : ainsi, en l'an 1496, le célèbre graveur
Wenceslas d'Olmutz, voulant faire la -satire de l'Église
romaine, nous la montre sous la forme d'une femme dont
chacun des quatre membres est emprunté à l'un des qua-
tre animaux : il est vrai que, pour mieux accentuer son
hostilité, il donne au personnage une tête d'âne.
centriques, que les savants du moyen âge
figuraient l'univers : ils ne variaient guère
entre eux que par le nombre des cercles :
Gauthier de Metz, dans son « Image du
monde », en trace jusqu'à quinze.
42. — Dieu sépare les eaux inférieures
des eaux supérieures. L'imagier a ici traduit
plus littéralement que de coutume l'expres-
sion même de la Genèse: Dieu debout, ar-
mé d'une baguette.tranche en quelque sorte
les eaux qui se partagent en deux masses
ondulées ou nuageuses.
43. — Dieu crée les anges: c'est un gra-
cieux et pieux chapitre ajouté au récit mo-
saïque par la foi de nos pères : deux anges
joignant les mains et souriant comme en
extase sont agenouillés devant Dieu, qui
les appelle à la vie en les bénissant.
44. — Dieu crée les plantes: ce sont des
herbes et des arbres aux branches noueuses
qui se dressent sous sa main bénissante.
45. — Dieu crée le soleil: l'astre est figu-
ré, accompagné d'étoiles, sur une sorte de
paroi convexe placée devant les pieds de
Dieu.
46. — Dieu crée la lune, de même: sur
la paroi se montrent une pleine lune et des
étoiles.
47. — Dieu crée les quadrupèdes: ils
sont comme amoncelés devant lui sur une
sorte de rocher; au sommet de cette pyra-
mide vivante se dresse un singe.
48. — Dieu crée les oiseaux, entassés les
uns au-dessus des autres comme les qua-
drupèdes de la scène précédente. Parmi
eux on distingue des aigles.
49- 50. — Dieu crée l'homme: ici l'ar-
tiste a divisé le sujet en deux scènes pour
exprimer sans doute la grandeur de l'œu-
vre divine : en 49, Dieu forme Adam éten-
du à terre; en 50, il le met debout: cette I
représentation est quelque peu puérile. La
même idée de grandeur a été mieux rendue
par le sculpteur de Notre-Dame de Rouen
qui, pour la création de l'homme, fait inter-
venir les trois personnes de la Sainte Tri-
nité, tandis que pour les autres êtres Dieu
le Père paraît seul. — On remarquera aus-
si, sur notre voussure, que l'homme est im-
berbe au premier tableau et barbu au se-
cond: l'artiste semble ainsi avoir mal com-
pris la gracieuse tradition des imagiers rhé-
nans.qui nous montrent (àWorms.Fribourg,
etc.) Adam barbu à partir de son péché
seulement, pour exprimer sans doute qu'en
perdant l'innocence il a perdu l'éternelle
jeunesse qui lui était réservée.
51. — Dieu crée la femme : tel nous pa-
raît du moins être le sujet de ce tableau,
malgré l'absence d'Eve dont l'image doit
avoir été brisée. Adam en effet dort, éten-
du dans une attitude accablée et Dieu étend
la main vers lui comme pour commander.
52. — Dieu unit Adam et Eve: debout
entre eux, il leur met la main dans la
main. — Dans ce tableau comme dans les
suivants, jusqu'à l'expulsion du Paradis,
nos premiers parents sont complètement
nus.
53. — Dieu ayant conduit nos premiers
parents devant l'arbre de la Science, le
montre à Adam, derrière lequel se tient
Eve, et leur fait défense de goûter aux fruits
de cet arbre.
24. — Le péché: au milieu de la scène,
le petit arbre, au tronc duquel est enroulé
le serpent; à gauche Adam, à droite Eve
écoutent les paroles du Tentateur et s'ap-
prêtent à cueillir la pomme, qu'on aperçoit
sous un bouquet de feuilles.
55. — Dieu reproche leur désobéissance
à Adam et Eve, qui s'approchent honteux
en cachant leur nudité.
56. — Un ange en longue robe chasse
du Paradis Adam et Eve qui se retirent
lentement; il devait, selon l'usage invariable.
300
WitWt De ravt cbittten.
être armé d'un glaive; mais nous n'avons
pu distinguer trace de cette arme.
57- — Scène extraordinaire, unique,
croyons-nous, dans la statuaire monumen-
F>C- 3- — Schéma de la porte occidentale de l'église Saint-Thibault.
taie du moyen âge: du sein de nuées épais-
ses sortent les bustes d'un vieillard qui
paraît commander, et d'un jeune homme
imberbe ou à barbe très courte. On doit
i^ortails De régltse ^t Ct)ibault ht Cbann.
301
voir ici Dieu décrétant l'Incarnation, c'est-
à-dire (si l'expression, traduction exacte de
la scène représentée, n'est pas par trop hé-
rétique) Dieu le Père commandant à Dieu
le Fils de s'incarner dans la suite des temps
pour racheter l'homme qui vient de se per-
dre. On trouvera sans doute étrange l'ab-
sence de la troisième personne divine et
aussi cette figure imberbe prêtée ici à Jésus-
Christ ; l'artiste semble avoir voulu par là
mieux marquer la différence entre le Père
et le Fils.
58. — Scène presque aussi curieuse que
la précédente, mais plus orthodoxe et aussi
gracieuse que touchante. D'ordinaire, les
imagiers après la sortie de l'Eden ne font
plus intervenir Dieu : la condamnation
prononcée s'exécute, sans qu'il paraisse
s'occuper davantage d'Adam et d'Eve:
ceux-ci travaillent péniblement, loin de
Dieu. Ici, au contraire. Dieu ne se désin-
téresse point de leur sort: il ne se contente
point de leur dire : « Vous gagnerez
votre pain à la sueur de votre front », mais
il leur apporte lui-même des vêtements et
les outils qui leur permettront de travailler
utilement. — Idée charmante, qui montre
bien' la foi de nos pères en l'inépuisable
bonté de Dieu
59. — - Encore une scène gracieuse que
nous n'avons rencontrée sur aucune autre
porte d'église: Eve, devenue mère, allaite
son premier-né, et, attirés par ce spectacle
nouveau et sacré de la maternité, les anges,
accourus, entourent la jeune mère.
60. — Premiers travaux de l'homme:
Eve, tenant son enfant sur ses genoux, file
à un fuseau sculpté, tandis qu'Adam, à ses
pieds, bêche la terre.
61-62. — M. Ch. Grad, décrivant som-
mairement notre porte dans son magni-
fique ouvrage sur l'Alsace, indique ici les
sacrifices de Melchisédech et d'Abraham.
C'est une erreur évidente. Le N^ôi repré-
sente le sacrifice de Caïn et d' Abel :les deux
frères, dont un au moins vêtu d'une courte
tunique, sont debout de chaque côté d'un
petit autel recouvert d'une nappe, sur le-
quel sont disposées les offrandes: ce sont
des objets peu distincts, sans doute un
aeneau et des fruits de la terre. Le N" 62
est le meurtre d'Abel: le malheureux, déjà
blessé sans doute, est étendu à terre, et Cain
dont on remarquera la pose pleine de vie,
lui assène à deux mains un coup d'une
sorte de pioche à long manche.
Comme on l'a vu, celte série de l'Ancien
Testament est encore plus admirable par
l'idée que par l'exécution; plusieurs scènes
sont uniques dans leur genre : ce cordon
de voussure constitue une des parties les
plus curieuses du portail de Thann.
Martyres des Apôtres. — N^^ 63 à -]-].
— Ce cordon représente la mort des apôtres
et des premiers martyrs chrétiens : ce sujet,
assez rare à la voussure de nos portes
d'église, se retrouve, presque à la même
place, au portail de Strasbourg et, d'après
l'ordre des tableaux, la quasi-similitude de
certains groupes, on est amené à penser
que le sculpteur de Thann a plus ou moins
copié l'œuvre de Strasbourg ; mais à cette
dernière cathédrale, le sujet se trouve
mieux à sa place qu'ici : le martyre des
Apôtres encadre tout naturellement la
Passion et la Mort du Christ, représentées
au tympan, tandis qu'ici ce sujet se rap-
porte bien indirectement soit à l'histoire
de la Vierge que nous voyons au tympan,
soit aux scènes de la Genèse et aux autres
figures que nous venons d'examiner dans
la voussure. Quoi qu'il en soit, voici le
détail de ces quatorze groupes :
63. — A cette place nous voyons, à Stras-
bourg, un apôtre, évidemment S. Pierre,
attaché à une croix renversée au moyen
Î02
3Re\)uc De T^vt cbrctien.
d'une corde qui lui entoure plusieurs fois le
corps. — Ici nous trouvons de même un
Saint crucifié la tête en bas, en présence d'un
roi qui, sceptre en main et couronne en tête,
préside au supplice ; mais on peut se deman-
der s'il s'agit de S. Pierre, car plus loin, au
N° 71, nous rencontrons un autre martyr,
crucifié aussi la tête en bas.
64. — Comme à Strasbourg, S. Paul est
agenouillé : un bourreau le frappe d'un
glaive qui pénètre profondément dans le
cou du martyr. Deux autres exécuteurs,
debout, assistent à la scène.
65. — L'apôtre est agenouillé au-dessus
d'un billot ; un bourreau, debout derrière
lui, attend, appuyé sur une grande épée. Un
autre, dont nous ne distinguons pas bien le
geste, semble frapper la tête du martyr.
66. — Deux personnages barbus parais-
sent tirer les extrémités d'une corde qui en-
toure le corps du martyr (ou peut-être d'une
lame de scie qui lui entrerait dans les
chairs?). Nous savons que S. Marc fut traîné
au moyen d'une corde à travers les rues
d'Alexandrie, mais nous ne pouvons guère
reconnaître ici cette scène.
67. — Plusieurs personnages agenouillés
ou accroupis sur le sol, semblent s'em-
presser autour d'un objet que nous distin-
guons mal, et au-dessus duquel apparaissent
d'autres figures. Seraient-ce des bourreaux
activant le feu sous le gril de S. Laurent ?
68. — Une barque chargée de passagers
flotte sur la mer dont on voit les vagues
au premier plan ; des matelots rament,
tandis que leur chef se tient debout, un
bâton de commandement sur l'épaule. Un
autre personnage se penche par dessus
bord : nous ne distinguons pas s'il jette à
l'eau un corps humain ; en ce cas, ce pour-
rait être le corps du diacre S. Vincent jeté
à la mer comme nous le voyons sur beau-
coup de bas-reliefs, notamment à la cathé
drale de Bâle.
69. — Un personnage semble agenouillé
devant une roue(?) que l'on aperçoit en
l'air. Un autre, debout, le frappe par der-
rière (?) nous ne nous expliquons pas cette
scène.
70 — Plusieurs personnages sont age-
nouillés : nous ne distinguons pas de bour-
reaux.
71. — S. Pierre (ou si l'on reconnaît
S. Pierre au No 63, S. Barthélémy qui,
selon S. Dorothée, aurait subi le même
martyre), crucifié la tête en bas : quatre
bourreaux lui clouent les pieds et les mains
à coups de marteau.
72. — Un saint (ou peut-être deux : en
ce cas S. Simon et S. Jude) à genoux ; un
païen vient le frapper par derrière. Au
second plan, trois personnages, debout,
assistent.
7:
Scène extrêmement confuse : en
avant un corps, qui semble nu, est étendu
sous les roues d'une sorte de chariot. Au-
dessus s'agitent plusieurs personnages.
74. — ■ Le Saint (peut-être S. Matthieu
qui fut frappé pendant sa prière) est à
genoux ; trois exécuteurs paraissent der-
rière lui; un d'eux lui donne un coup d'épée.
75. — S. Jean plongé dans une cuve
d'huile bouillante, devant la Porte Latine
de Rome : le buste du saint émerge d'une
cuve manifestement trop petite pour con-
tenir son corps. Deux bourreaux, debout,
semblent remuer l'huile; deux autres, bais-
sés, attisent le feu.
76. — S. .'\ndre est lié par les bourreaux,
au moyen de cordes, à une croix en X —
Le même martyr se trouve à la même place
sur la porte de Strasbourg ; mais il est lié
à une croix droite : c'est qu'en effet, les
sculptures de Strasbourg datent du XI IL'
l^ortatls de l'égltse ^t Ct)tbault De Cl)ann.
303
siècle, époque ou personne ne songeait a
attribuer à notre apôtre une croix de forme
spéciale; mais, dans le cours du XIV^ siècle,
la maison de Bourgogne, dont les armes
comportaient deux bandes croisées en
diagonale, ayant pris pour patron S. André,
l'idée de la croix diagonale fut dès lors
toujours associée à celle du saint apôtre :
le sculpteur de Thann, tout en s'inspirant
des groupes de Strasbourg, a dû modifier
le sujet conformément à la tradition alors
nouvelle, qui depuis est devenue générale.
/ô"^'* et "]"] . — Ces deux groupes sont
bizarrement placés au-dessous de la base du
tympan ; ils sont séparés des précédents
par la frise ; mais la similitude des sujets
montre assez qu'ils forment la suite de la
même série.
76t>'s. — S. Phillippe, vieillard à longue
barbe, est suspendu à une croix dressée,
sur laquelle quatre bourreaux le clouent à
grands coups de marteau.
77. — Un saint, agenouillé, est frappé
par derrière d'un coup d'épée à la nuque ;
deux personnages, debout, semblent prési-
der au supplice. Ce pourrait être le martyre
de S. Matthieu (à moins qu'on ne préfère le
reconnaître au N° 74).
Prophètes. — N°' ■jf'"' à 90. — Ce cor-
don ne fait pas, à proprement parler, partie
de la voussure : il est pris sur le tympan,
dont il encadre la portion supérieure. Les
quatorze statuettes qui le composent, non
abritées sous des dais comme les précé-
dentes, mais portées simplement sur des
socles, tiennent chacune à la main un phy-
lactère déroulé, sur lequel était sans doute
autrefois inscrit leur nom. Leur costume
fait reconnaître en eux des personnages de
l'Ancien Testament : comme on ne trouve
point Moïse dans la série, ce ne peuvent
guère être des patriarches : nous verrons
donc en eux les prophètes qui ont annoncé
la grandeur de Marie, dont l'histoire est
racontée sur le tympan.
77''''. — Barbu, assis, coiffé d'un haut
bonnet, regarde en l'air les scènes du tym-
pan.
78. — Barbu, assis, nu-tête, lit attentive-
ment son phylactère.
79. — Barbu, assis, couronné (peut-être
est-ce David ?)
80. — Barbu, assis, coiffé d'un bonnet,
regarde le ciel.
81. — Barbu, assis, coiffé d'un bonnet,
lit son phylactère.
82. — Barbu, assis, coiffé d'un bonnet
plat, lit son phylactère.
83. — Barbu, assis, coiffé d'un bonnet,
tient son phylactère sur ses genoux.
84. — Barbu, assis, nu-tête, tient son
phylactère devant lui.
S5. — Barbu, assis, coiffé d'un bonnet,
tourne la tête vers les scènes du tympan.
86. — Barbu, assis, nu-tête, lit en sui-
vant du doigt sur son phylactère.
87. — Barbu, assis, coififé d'un bonnet
plat, tient son phylactère sur ses genoux.
88. — Semblable au précédent.
89. — • Barbu, assis, nu-tête, lit son phy-
lactère.
90. — Barbu, assis, coiffé d'un bonnet
formé d'étoffes flottantes.
Tympan principal.
Les sculptures de ce tympan représen-
tent, comme nous l'avons dit, les principaux
épisodes de la vie de Marie.
91. — Dans le temple de Jérusalem, le
prêtre, la tête voilée, est debout auprès
d'un petit autel soigneusement recouvert
d'une nappe. Il vient de refuser l'offrande de
J oachim et d'Anne,leur disant qu'un homme
sans enfant est maudit de Dieu et indigne
d'entrer dans le temple. Les deux époux.
304
îRrlJuc Dr r^vt cbvcttnu
confus, s'éloignent, Joachim marche appuyé
sur un bâton de voyage.
92. — Joachim s'est retiré au milieu de
ses troupeaux, il est assis parmi les rochers,
quand un petit ange, paraissant au-dessus
de sa tête, vient lui annoncer que sa prière
a été entendue de Dieu, qu'Anne va enfan-
ter et qu'il la rencontrera près de la Porte
d'Or en rentrant à Jérusalem.
93- — Joachim, les épaules couvertes
de sa pèlerine de voyage, est arrivé devant
la Porte d'Or au moment où Anne en sor-
tait. Les deux époux s'embrassent.
94. — Naissance de Marie. — ^SteAnne
est couchée dans un lit, la tête soutenue
par des oreillers : auprès d'elle s'empres-
sent deux femmes dont l'une lui apporte
une potion. Au pied du lit, une servante
lave l'enfant dans un baquet ; une autre
s'apprête à verser l'eau d'une cruche (').
95. — Un vieillard, sans doute le grand-
prêtre, est debout près de l'autel des holo
caustes, placé au sommet d'une pyramide de
huit hauts degrés (d'après la tradition, il
devrait y en avoir quinze, correspondant
aux quinze psaumes graduels). La petite
Marie, âgée de trois ans, gravit avec as-
surance cet escalier, tenant ses mains
jointes et élevées vers l'autel. — On remar-
quera que contrairement à l'usage, le sculp-
teur n'a point fait assister Joachim et Anne
à cette scène.
96. — Vie de Marie dans le temple :
depuis trois ans jusqu'à quatorze, Marie
vécut dans le temple : selon la Li^gende
dorée, elle restait en prière depuis le matin
jusqu'à la troisième heure ; ensuite elle
s'occupait à tisser la laine ; après quoi elle
se remettait en prière jusqu'au moment où
un ange venait lui apporter sa nourriture.
— Ici, nous la voyons vaquer aux soins du
I. M. Grad a vu dans cette scène la naissance du Pré-
curseur : nous ne compienons pas celle erreur.
temple : elle s'apprête à poser un calice
sur l'autel ; derrière elle, une de ses com-
pagnes, debout, tient un livre d'heures ;
d'autres, assises sur la terre, se livrent à des
travaux manuels.
97. — Nous ne sommes pas absolument
certain de l'interprétation de cette scène,
mais nous croyons y reconnaître la suite de
la vie de Marie dans le temple : sur le
revers de l'autel mentionné au N" 96, une
jeune fille couronnée semble agenouillée ;
elle lit dans un livre de prières ; près
d'elle quatre autres jeunes filles, dont une
au moins file la laine, conformément au
récit de la Légende dorée. Ce doit être la
Vierge, parvenue à l'âge de quatorze ans,
implorant Dieu avant de quitter le temple:
mais pourquoi est-elle couronnée .'' est-ce
pour exprimer sa sainteté ': ou faut-il voir
dans ce diadème la couronne des fiancées.''
nous ne savons.
98. — Voici le passage de la Légende
qui se rapporte à cette scène : « Une voix
sortit du fond du temple, disant que tous
les hommes nubiles et non mariés de la
maison de David devaient s'approcher de
l'autel, chacun portant une baguette à la
main, et que la Vierge Marie aurait à
épouser celui d'entre eux dont la baguette
produirait des feuilles. Or il y avait là un
homme de la maison de David, nommé
Joseph, qui, seul, ne se présenta pas
devant le prêtre, estimant inconvenant, à
son âge, de prétendre devenir le mari d'une
vierge de quatorze ans. De telle façon que
le miracle prédit par la voix divine n'eut
pas lieu. Et le prêtre, de nouveau, inter-
rogea le Seigneur, qui répondit que celui-là
seul n'avait pas apporté sa baguette, qui
était destiné à devenir le mari de la Vierge.
Force fut donc à Joseph de se présenter à
l'autel : et aussitôt sa baguette produisit
des feuilles et on vit descendre sur elle une
|i>orratl0 ht rcglîse ^t Cl)ibault îie Cl)ann.
305
colombe, du haut du ciel ('). » — Nous
voyons ici huit prétendants, debout, tenant
leur baguette stérile à la main ; la plupart
sont jeunes ; un seul est âgé, comme on
peut le reconnaître à sa longue barbe: c'est
Joseph, car son rameau commence à pous-
ser des leuilles et au sommet nous aperce-
vons une petite masse informe, qui pourrait
être un lis, mais où nous préférons voir la
colombe mentionnée dans le naïf récit de
la Légende.
99. — Mariage de Joseph et de Marie.
— Au centre du tableau, le grand-prêtre,
barbu, voilé, se tient debout ; au pre-
mier plan de chaque côté, les deux époux
s'avancent l'un vers l'autre et se donnent la
main (ou peut-être Joseph remet-il à Ma-
rie l'anneau du mariage); Joseph a la tête
couverte d'un voile; la Vierge est nu-tête.
Derrière Marie sont un vieillard et une
femme: bien que celle-ci paraisse assez
jeune, nous pensons que ces deux person-
nages sont Joachim et Anne qui, selon la
tradition du moyen âge, ont assisté au
mariage de leur fille. Au second plan, qua-
tre autres personnes, sans doute les témoins
ou les amis des époux.
100. — L'Annonciation. — Au milieu d'une
nuée épaisse, traversée de rayons, apparaît
le buste de Dieu le Père, tenant en sa main
le globe du monde; en avant de la nuée,
l'ange messager de Dieu, Gabriel, s'age-
nouille respectueusement pour saluer la
Vierge : Ave, Maria. Celle-ci, également
à genoux, s'incline avec un geste de sur-
prise et de soumission,
loi. — (Deuxième bande du tympan.)
La Visitation: par une disposition bizarre,
la Vierge (ou S'^^ Elisabeth, car on ne peut
distinguer l'une de l'autre) est vue de dos,
au premier plan, cachant presque entière- ^
I. Légende rfijri^t' (traduction de Wyzewa). — Nativité |
de la V'ierge.
ment l'autre figure qui se présente de face.
102. — S. Joseph et la Vierge sont assis
vis-à-vis l'un de l'autre; un petit ange sor-
tant à mi-corps d'une nuée, vient expliquer
à Joseph que Jésus, qui va naître, a été
conçu par l'opération du Saint-Esprit et
que, loin de se troubler de cette conception,
il doit s'en réjouir.
Ici devrait se placer la Nativité de Notre-
Seigneur; mais, soit que l'artiste ait jugé
ce sujet trop important pour être traité ici
incidemment, soit plutôt qu'il ait pensé que
ce mystère se rattachait encore plus à la
vie de Jésus qu'à celle de Marie, qui seule
fait l'objet de notre tympan, il a réservé ce
sujet pour un des tympans inférieurs, où il
l'a traité avec une abondance de détails
(N"' 1 19 à 123) qui ne laisse rien à désirer.
103. — Dans le temple, le vieillard Si-
méon, la tête couverte d'un voile, est assis :
il tient sur ses genoux l'Enfant-Dieu et
chante le Nunc dimittis... Contrairement
à la tradition, nous ne voyons ici, du moins
au premier plan, ni Marie et Joseph, ni
la vieille Anne. Par contre, cinq vieillards
(dont un est peut-être S. Joseph) et au fond
du tableau deux femmes(peut-être la Vierge
et Anne) s'empressent autour de Siméon;
un des vieillards, agenouillé, touche avec
respect le corps sacré du petit Jésus.
104. - — La Circoncision : — ■ Marie, suivie
de Joseph, s'est présentée au temple; elle
pose l'Enfant, nu, debout sur un petit autel
recouvert d'une nappe; de l'autre côté de
l'autel, le grand-prêtre, la tête voilée, s'ap-
prête à recevoir Jésus dans ses bras. A l'ar-
rière-plan, un homme et deux femmes as-
sistent à la cérémonie.
105. — Le massacre des Saints Inno-
cents: — le roi Hérode, couronne en tête,
tenant en main un long sceptre et un objet
qu'on prendrait volontiers pour un globe
impérial, est assis, afin de présider au
3o6
Bctour De r^rt cbrctim.
massacre. Devant lui deux soldats, au casque
conique et à l'accoutrement bizarre, enfon-
cent sans effort leur glaive dans le corps
d'enfants nus. La terre est jonchée de pe-
tits cadavres, et derrière les soldats, les
mères pleurent en pressant sur leur sein les
restes de leurs fils égorgés.
io6. — Pendant ce temps, la Sainte Fa-
mille gagne l'Egypte. — On remarquera
que l'imagier n'a pas représenté le songe de
S. Joseph, averti par un ange de quitter la
Judée : cette scène précède presque tou-
jours, sur nos portes du moyen âge, celle de
la Fuite en Egypte. — Quoi qu'il en soit,
nous voyons ici S. Joseph, bien emmitouflé
dans un manteau à capuchon, conduisant
par la bride l'âne sur lequel est assise la
Vierge tenant Jésus dans ses bras; du reste,
pas d'arrière-plan, aucun arbre, comme nous
en montrent la plupart des bas-reliefs, pour
indiquer que le saint cortège traverse la
campagne. Mais, en avant de S. Joseph, et
paraissant l'attendre, se montre un soldat
en casque et cotte de mailles, debout, te-
nant à la main une lance à laquelle est fixée
une tablette. Nous ne nous expliquons pas
bien la présence de ce soldat : serait-ce un
mercenaire égyptien recevant la Sainte Fa-
mille à sa sortie de Judée? ou un défenseur
suscité par Dieu pour la protéger au milieu
des périls de la route? A notre connaissance,
aucune tradition, écrite ni sculptée, ne fait
mention, dans l'épisode qui nous occupe, de
ce guerrier que nous allons retrouver à ia
scène suivante.
107. — Même scène que la précédente,
mais le soldat marche cette fois en avant,
conduisant l'âne avec sollicitude; Marie,
toujours assise sur la monture, tient l'En-
fant, et Joseph, vêtu comme ci-dessus,ferme
la marche. — Bien que Jésus ne semble pas
plus grand que sur l'autre tableau, nous
croyons voir ici le retour d'Egypte en Ju-
dée, à moins toutefois que, comme la pré-
sence du mystérieux soldat paraîtl'indiquer,
il ne s'agisse d'un seul épisode, en deux ta-
bleaux, de la Fuite en Egypte: épisode, en
tout cas, qui nous est inconnu.
108. — La Sainte Famille au travail :sous
une sorte de toit, qui indique l'intérieur
d'une maison, S. Joseph, à l'énorme tête,
barbu, manœuvre un gros marteau : au pre-
mier plan, entre la Vierge et S" Elisabeth
{celle-ci plus âgée et voilée) agenouillées,
les deux enfants, Jésus et S. Jean, jouent
ensemble sur un escabeau élevé. Au fond
on aperçoit la tête de Zacharie.
109. — (Troisième bande du tympan). — -
Ce sujet, et surtout le suivant, sont difficiles
à expliquer. Nous pensons pourtant qu'ici
il s'agit simplement d'une scène de la
Sainte Famille : une femme ( Marie ?) assise,
tient sur ses genoux l'Enfant, qui l'embras-
se ; un vieillard à tête voilée (Joseph ?) s'ap-
proche du groupe.
iio. — Ici, nous avouons ne pas com-
prendre le sujet, ni même distinguer exac-
tement les objets représentés: c'est une
sorte de cadre rectangulaire formé d'énor-
mes pièces de bois ou de maçonnerie: au
haut des montants et au milieu de la base,
trois objets semblables qu'il nous est impos-
sible de distinguer; au centre du cadre, le
buste d'un vieillard; en dehors du cadre, à
gauche, un bœuf et un personnage barbu
qui amène la bête,ou peut-être,au contraire,
se détourne ; à droite, trois figures debout:
une femme, un serviteur ou soldat en tu-
nique courte et, au second plan, un person-
1 nagebarbuquipourraitêtre Notre-Seigneur,
si cette place accessoire et surtout la chro-
nologie ne forçaient à écarter cette hypo-
thèse. En effet, tous les épisodes de ce
tympan étant exactement disposés par or-
i^ortads De VtQiist ^t Cl)tbault de C!)ann.
307
dre de date, la scène énigmatique qui nous
occupe se place pendant l'enfance du Christ,
entre son retour d'Egypte et sa visite au
temple, que nous allons examiner mainte-
nant.
111. — Jésus parmi les Docteurs : —
l'Enfant, assis sur une sorte d'estrade,
commente un livre ouvert sur ses genoux ;
trois docteurs, debout, l'écoutent ; deux
autres sont assis à terre en face de lui ;
quatre autres enfin, assis de même, discutent
sur un passage du livre qu'ils tiennent en
main. De l'autre côté, Joseph et Marie ar-
rivent et font un geste de surprise en aper-
cevant Jésus parmi les Docteurs.
112. — F'ranchissant une longue période,
nous voici à la mort de la Vierge : elle est
étendue, habillée et le front voilé, sur un
lit sculpté recouvert d'un drap, la tête posée
sur un oreiller. Jésus, revenu sur terre pour
recueillir l'âme de sa Mère, est debout près
d'elle et la bénit, mais il ne tient pas à la
main l'âme comme sur beaucoup d'autres
sculptures des XI 1 1"= et X I V" siècles. De
chaque côté du Christ, cinq apôtres debout :
celui placé à la tête du lit est seul imberbe,
c'est évidemment S. Jean.
113. — Les funérailles de la Vierge. —
S. Pierre et S. Paul, conformément à la
tradition, portent ensemble sur leurs épaules
la civière recouverte d'un drap, où est cou-
ché le corps de Marie. Les autres Apôtres
font cortège : on aperçoit les têtes de six
d'entre eux. Quant aux trois petits indivi-
dus renversés à terre en avant et au-dessous
du brancard funèbre, voici la légende qui
explique leur présence à cette place : les
Juifs ayant appris la mort de la Vierge se
portèrent en armes sur le parcours du cor-
tège, pour s'emparer du corps qui avait en-
fanté Jésus et pour massacrer les disciples.
Le prince des prêtres, qui les conduisait,
voulut saisir le cercueil pour le jeter à ter-
re, mais ses deux mains, se desséchant, y
restèrent attachées ; en même temps, les
anges qui entouraient le cortège aveu-
glèrent les autres Juifs. — Cependant le
prince des prêtres ayant imploré S. Pierre
et promis de se convertir, fut guéri et S.
Pierre lui ayant donné la palme qu'il por-
tait, lui dit : « Touche de ce rameau les
yeux de tes compagnons. )) Aussitôt la vue
fut rendue à tous, et tous crurent en Jésus-
Christ ('). — Nous ne voyons pas sur notre
bas-relief les mains desséchées du prince
des prêtres, mais les petits personnages
étendus à terre sont évidemment les Juifs
frappés de cécité.
114. — Quatrième bande du tympan:
toute cette bande, peut-être parce qu'elle
contient l'Assomption, est surmontée d'un
feston, qui se replie même, formant cadre,
autour de la scène de l'Assomption et des
Anges qui l'accompagnent. Ce feston, origi-
nal, mais lourd et peu gracieux, se compose
d'une sorte de ruban tuyauté formant des
coques alternativement en haut et en bas.
La première scène représente la mise au
tombeau de la Vierge : le tombeau, de pier-
re sculptée, est orné de petites fleurettes ;
les Apôtres (nous en comptons onze, et en
l'absence de tout nimbe ici comme sur les
autres scènes, il est difficile de dire si Jésus
n'est pas parmi eux {-) ) y déposent le corps
«le Marie, enveloppé d'un linceul, dont
quatre d'entre eux tiennent les bords et les
extrémités. Des anges apparaissent dans
le ciel.
115. — Nous croyons reconnaître ici
l'épisode de S. Thomas, bien que logique-
1. Ce sujet a été représenté très fréquemment sur les
vitraux d'église ; il se trouve notammant sur une admi-
rable verrière du début du XVI» siècle à Notre-Dame de
Châlons-sur-Marne.
2. En ce cas on pourrait penser que les dix apôtres re-
présentés avec Jésus sont U;s mêmes qui ont assisté aux
derniers moments delà Vierge (voir ci-dessus n" 112).
3o8
ÎRcbue tir rart cbvcttcu.
ment cette scène doive prendre rang après
l'Assomption. — S. Thomas.nous dit la lé-
gende, n'avait pas assisté à ce miracle; et
toujours incorrigible, il refusait de croire
que le corps de Marie eût été enlevé au
ciel ; mais soudain, apportée par un ange,
la ceinture de la Vierge tomba du ciel dans
les mains de l'incrédule, en témoignage de
la réalité de l'Assomption. — Nous voyons
ici un personnage barbu (S. Thomas dans
notre hypothèse) agenouillé : il semble te-
nir en main un objet vertical très long,
qui serait la ceinture de Marie ; au-des-
sus, nous croyons distinguer un ange. En
arrière, quatre personnages barbus regar-
dent la scène. — On pourrait aussi conjectu-
rer qu'au lieu de S. Thomas, l'homme age-
nouillé est le prince des prêtres, tenant en
main la palme dont nous avons parlé sous
le N° 1 13.
116. — Marie, joignant les mains, s'élève
au milieu des nuées, environnée d'une foule
de petits anges qui apparaissent à mi-corps.
117. — Ce tableau, tout encadré, comme
le précédent, par le feston que nous avons
décrit, nous montre simplement des anges
volant dans le ciel, à la rencontre de la
Vierge.
I 18. — Le sommet du tympan ne ren-
ferme qu'une seule scène : le Couronne-
ment de Marie. Sur une estrade sculptée,
Jésus et Marie sont assis vis-à-vis l'un de
l'autre, et Jésus, couronné, tenant en main
le globe du monde, pose un diadème sur
le front de sa Mère qui s'incline en joi-
gnant les mains. — A droite et à gauche,
de petits anges font retentir l'air de leurs
concerts ; ils jouent de divers instruments :
buccin, harpe, hautbois,cithare, violon, tam-
bour, cor et longue trompette ; d'autres
chantent un cantique dont ils lisent les pa-
roles sur une banderole. N'oublions pas
l'orchestre complet des anges de la vous-
sure (N"' I à 16) réunis, eux aussi, pour cé-
lébrer le triomphe de Marie.
(A suivre.)
G. Sanoner.
Paris.
"f A^-A K^*u A^y;^ K^^^u \^ A i^^ jMa A^%t i^^ A^^ »^ *^x ;t^^ A^vu A^v:u '
*^ CIIITTlI^tlIIIIIIXIIJIIIIITItlIIIÏTTITTTTTTïrTIlItlITTTTTTrTTT-rrrrrTTTT-
TTTrn-mrTTTTT-
TT'rTTTTTI tTITrTrT'riTIf f TTl
^1 m^^^m^m^^m^m ffîélange^, më^mm^^m^m
^iiiiiirxïTiTirrriiixiitiïiirrTixriixii-iJiiirnixxmitniiixmiii
irTT^mrirtniITTTT-t l II l TTTTTTTTrTT-TTTTTTTTTIirrTII]LIIXirirXlIJtIlJ.iLLLXXXAJJ
^ ^^^ ^J^ ^é^ »iiî-* l'iiï V y^x y^ y^^ y^^ '^^ y^ v^^aj^ y^jf y^A^x v^^
ttn atelier pour la BLcproDiiction De»
^^.^-■^ anciennes tapisseries. --^-.^-^■'
|ES inventaires font connaître les ad-
mirables tapisseries, substituées en
France de la fin duXIV^siècle jusqu'au
XVIII<= aux tentures de parement,
aux cliambres de broderie, aux courtines et aux
tissus précieux ('), dont on aimait à décorer l'in-
térieur des édifices.
A l'origine, les cartons peints, de grandeur
d'exécution souvent, par les meilleurs artistes du
temps, étaient interprétés avec un sentiment dé-
coratif, concordant avec les exigences de la fa-
brication. Trois ou quatre teintes par couleur
pénétrant les unes dans les autres, par de gran-
des hachures, suffisaient pour rendre les plis des
vêtements les plus compliqués. Un fort trait brun
y accusait les contours des figures, la profondeur
des draperies et détachait tous les détails, un
peu comme les plombs d'un vitrail. A distance
(et presque toujours les tapisseries étaient vues
ainsi) l'effet décoratif était excellent : l'histoire
ou la scène composée de plusieurs figures, se lit
à merveille sur le fond uni ou diapré. On dirait
l'agrandissement des miniatures de l'époque.
Au XV« siècle et surtout au XV I*", un notable
changement se remarque dans le dessin ; il se
perfectionne au détriment de l'effet général.
Adieu les beaux et puissants fonds unis ou dia-
prés, dont X Apocalypse et les Anges de Nantilly,
à Saumur, fournissent de si curieux exemples.
La succession de plans différents, les intérieurs
d'appartement, les paysages, la perspective enfin,
changent complètement l'aspect des tapisseries.
Les personnages, souvent trop nombreux, se
pressent les uns devant les autres: l'œil est fatigué
par la multiplicité des couleurs et la mièvrerie
des détails. Le fil d'or se mêle à la laine et à la
soie pour donner plus de vraisemblance et de
richesse aux bordures des vêtements, aux ar-
1. On les appelait i. pailles, fanni serici, iaudequins, draps de
Larest et de Lucques, culci/rœ pinctœ, sarges, etc. »
mures, aux couronnes, etc.. ou bien encore, il
apparaît en fines hachures pour éclairer les par-
ties saillantes, à la manière des miniaturistes
contemporains.
Malgré cette recherche exagérée dans les dé-
tails, malgré cette imitation de la nature de plus
en plus grande, la tapisserie conserve encore un
faire particulier, un aspect décoratif, qui la dis-
tingue des fresques et de la peinture à l'huile.
Elle reste pour les archéologues à venir une
mine inépuisable de renseignements uniques sur
le costume, les armes et l'ameublement du temps
où on l'a fabriquée.
Il en sera tout autrement, quand Lebrun aura
mis à la mode le style classique, les costumes
grecs et romains, le respect absolu de la couleur
locale et surtout quand la tapisserie deviendra la
copie servile de la peinture à l'huile.
Peu à peu, la faveur dont avait joui si long-
temps la tapisserie, décline.
Aveuglés par les déclamations contre le
gothique, à la mode à la fin du XVII= siècle,
les Chapitres de nos belles cathédrales rivalisent
d'ardeur pour détruire les vitraux peints, les
dinanderies, les jubés, les autels et tout le reste.
Place aux stucs, aux marbres d'Italie, aux plâ-
tras dorés, aux vitres blanches et surtout vive le
badigeon (') !
Dans leur amour pour le « grand style » et
croyant faire preuve de bel esprit à la suite de
Fénelon et aussi à&goût, les chanoines détruisent
à l'envi (avec les meilleures intentions du monde)
des pièces d'orfèvrerie, des sculptures et des
peintures superbes, échappées à la fureur des
Huguenots en 1563. Les tapisseries ne furent
pas davantage épargnées.
Le chapitre d'Auxerre aliéna de magnifiques
tentures, dont les harmonieuses couleurs avaient
été admirées par Louis XIV : on peut les voir
aujourd'hui au Musée de Cluny.
I. Un certain BoraH;, italien, badigeonna l'église de Marmoutiers
et la cathédrale d'Angers, dans laquelle rien ne fut respecté pour
cette opération, pas même le tombeau d'Ulger, qu'on mura, afin de
pouvoir plus aisément tirer les joints de pierre : les tombeaux en
pierre sculptée de Jean de Rély, de Jean Olivier et de Claude de
Rneil furent souillés de badigeon.
l.fcVL'K DK L AKT CHktril-.N.
IÇO4, — 3'"* LIVRAISON.
310
3Rebue lie V^xt tbrctien»
A la cathédrale d'Angers, la vente de toutes
les tapisseries fut décidée en 1782, sous le pré-
texte qu'elles causaient ajix voix un très grand
préjudice (').
Il en fut ainsi un peu partout à la fin du
XVIII'' siècle.
Toutefois, cette défaveur n'était pas particu-
lière aux églises : elle était générale. Mercier, dans
son Tableau de Paris, écrit en 1783 {-): « On a
« banni des appartements ces tapisseries à grands
« personnages, que les meubles coupaient désa-
i gréablement. Le damas à trois couleurs et à
« compartiments égaux, a pris la place de ces
« figures, qui, massives, dures et incorrectes, ne
« parlaient pas à l'imagination des femmes... Les
« tapisseries descendent des galetas pour le jour
« de la Fête-Dieu, ou bien on les envoie à la
« campagne pour garnir les mansardes. »
Quelle aberration ! elles furent remplacées par
le damas, la toile des Indes et le vulgaire papier
peint.
Les temps troublés de la Révolution et les
quarante premières années du XIX<= siècle ne
furent pas moins funestes aux tapisseries : elles
n'échappèrent à aucune espèce de vandalisme :
donnons-en quelques exemples.
La célèbre tapisserie (disons plutôt la Broderie)
de la conquête d'Angleterre, à la cathédrale de
Bayeux, réquisitionnée pour décorer le char de
la déesse Raison, allait être souillée de peintures
et d'emblèmes patriotiques, quand un citoyen la
sauva en donnant à la municipalité une pièce de
toile neuve. — U Apocalypse, de Saint-Maurice
d'Angers, fut étendue sur les gradins d'une serre
et employée à garantir du froid les orangers de
la ci-devant abbaye de Saint-Serge. — Plus
tard, on en tapissa l'écurie de l'évêché pour em-
pêcher les chevaux de s'écorcher ; on en tailla
1. Ainsi disparurent les tentures, données en 1428 par CliarlesVII,
« faictes à fil d'or, d'argent, soie et layne, en lesquelles sont les
<i ymaigeyies du l'ieit et Nouveau Tes/atfunt, qui se tendent aux
« festes solennelles au liault du cueur de la dite église, estimées val-
«loir cinquante mil livies tournois i> en 1533;— la l'ie tic saint
Maurice et de ses compagnons, en laine et soie, donnée en 1459 pour
le dossier des stalles par le chanoine Hugues Fresneau; — la Vie de
saint Alaurille, commandée en 1460 par le Chapitre pour la déco-
ration du jubé : — la Rdutrrection exécutée vers 1467 et enfin
l' Annonciation. la Nativité, le Baptême de N.-S. et la Cine, don-
nées en 1540 par l'évCque Jean Olivier.
\J Apocalypse, seule, sans doute à cause de son poids et de ses
énormes dimensions (144 mètres sur 5"'3o), échappa à cette lamen-
table dispersion.
2. Volume VI, p. 91.
des descentes de lit ; on en couvrit même les
parquets, pendant la restauration des plafonds.
— .Ailleurs, pendant les guerres de la Vendée,
les tapisseries servirent à envelopper des fusils,
à couvrir (comme de vulgaires bâches) les voi-
tures qui transportaient les blessés. — Enfin,
l'habitude de les transformer en tapis de pied,
d'en couvrir les bûches et les pommes ne cho-
quait personne, il y a cinquante ans (').
L'État semblait aussi acharné à leur destruc-
tion que les particuliers, dont l'ignorance était
assurément plus excusable. Ne vit-on pas le
gouvernement, à l'époque du Directoire, faire
brûler dix tentures, de l'ancien mobilier de la
Couronne, tissées d'or et d'argent et d'une valeur
artistique hors pair pour en tirer quelques kilos
de métal précieux ?
L'administration des Domaines vendit aux
enchères à Angers Y Apocalypse au nombre des
meubles inutiles de l' e'vcché çouv 300 fr. !... L'évê-
que heureusement intervint, en fit l'acquisition et
la remit à la fabrique. Sans lui, qui sait si cette
unique tenture n'aurait pas été dépecée par les
revendeurs en couvre-pieds, comme il en advint
sous la Terreur, des tapisseries yfewrt/e/z'j'fVi d'un
hôtel-de-ville ?
A ce dédain, à ce mépris systématique, à ce
stupide vandalisme succéda, vers 1850, une ère
de réaction. Autant, pendant un siècle, on avait
détruit avec entrain les vieilles tapisseries; autant
on mit d'ardeur à les rechercher, à les remettre
en honneur. Nul doute que ce revirement de
l'opinion ne soit dû aux études archéologiques,
aux expositions, aux collectionneurs et aux
savants ouvrages de MM. Darcel, Mihitz, Pin-
chart et Guiffrey.
II
CE préambule était, il me semble, nécessaire
pour justifier \'oççoï\.Vin\ié àeV Atelier pour
la Reproduction des anciennes Tapisseries, dont
je viens entretenir le lecteur.
Depuis que les tentures des siècles passés sont
estimées à leur juste valeur, d'iiabiles ouvrières
ont pris à tâche de remédier à leurs dégradations.
I. En 1875, je trouvai, étendu sur les melons, dans un jardin, un
beau panneau de tapisserie, représentant Isaac bénissant Jacob, des
premières .innées du XVI*-' siècle. Il fait maintenant partie de la
collection de la cithédrale d'.Angers.
£Pflange0.
311
Le moyen âge connaissait les ateliers de Ren-
trayuie, A combien d'épreuves étaient alors
soumises les tapisseries! Détachées à la hâte des
chambres d'apparat ou de salles de parement, on
les transportait souvent au loin à dos de mulet
ou par eau à l'occasion d'un tournois, d'un mys-
tère célébré en plein air, d'une entrée seigneuriale
ou en mainte autre circonstance, si bien qu'après
ces pérégrinations, elles revenaient souvent en
très mauvais état ; il fallait alors les confier aux
rentrayeiirs.
A plus forte raison les vieilles tapisseries, mal-
traitées comme je l'ai dit, ont-elles presque toutes
eu besoin de sérieuses réparations. Aussi devint-
il nécessaire de former de nombreuses ouvrières
pour en raviver les couleurs fanées, en restaurer
le tissu à demi usé et même pour refaire à neuf
certaines parties détériorées par les rats ou
maladroitement coupées.
Angers s'est assurément distingué sous ce
rapport, grâce à l'initiative du chanoine Joubert,
dont la mémoire ne saurait être assez bénie des
archéologues (').
Mais, si toutes les villes importantes possèdent
^miiJu' miUMio nummliiiiM muo tnaoïlluiMrtni.usiuaKnilc^'ritivu-j
„__ mm. utamius i.nuMnni mltiu tsnakus aiianimmum ijw pat mm a ulutu
^^^i( pajajm jatmm immuoniir pinli?pi taamaUs îttmnaliuao mp. Uhmu hmriâ if'
'^TS^œs^Sl^^ilS^J?:^ p:n*i^ =f-'^ '^^'^-^^t'^i^:^^^.'^^^-
. !)( luintau nu upotis Miiciu [fitaipa^ traommiru Itiitliumî iiousmtnif tnl&f
ali|!{iDitak m-,tams tuM ditis nwa inistozi jaun ïnis marq -
Une des pièces de la \ 'ic de saint Gervais et de saint Ptotais, donnée en 1509 à la cathédrale du Mans, par Martin Guérande. Reproduction.
aujourd'hui des reitti-ayeuses cB.pAh\es, Aubusson,
Beau vais et Paris étaient jusqu'ici les seules,
à ma connaissance, oii l'on pouvait reproduire
une ancienne tapisserie iojtt entière. Quoi de
plus utile cependant ?
— Un amateur possède trois pièces de la même
histoire : celle qui lui manque se trouve dans le
musée voisin. Ne serait-il pas heureux, faute de
Yoriginal, de s'en procurer une copie très exacte
et de combler ainsi la lacune qui le chagrine ?
Assurément si, à la condition que cette copie
soit en parfaite harmonie avec les pièces dont il
est déjà propriétaire.
— Un Musée des Arts Décoratifs, rempli de
moulages, d'estampages et de photographies,
classés méthodiquement pour guider le visiteur,
avide de s'instruire, dans les transformations de
l'architecture, de la sculpture et de la peinture à
travers les siècles, n'accueillerait-il pas avec fa-
veur des reproductions tissées d'anciennes tapisse-
ries, connues dans l'Europe entière? Évidem-
ment au même titre que des copies de Raphaël,
de Murillo ou de Rubens.
— Enfin, une scène manque dans une tenture:
elle a été détruite par un incendie, par les rats
I. Ce vénérable chanoine, mort depuis une vingtaine d'années,
restaura l'Apocalypse, acheta à vil piix de 1850 à 1860 pour la Fabri-
que de très curieuses tapisseries provenant des anciennes églises
d'Angers et des environs, échappées à la Révolution et forma des
ouvrières, à force de patience et de persévérance, pour les remettre
en état.
312
i^ebue lie T^rt cJ)vctien»
ou de toute autre façon... mais on sait que telle
miniature d'un manuscrit en donne exactement
la composition. Qu'on l'agrandisse à la dimension
voulue, qu'on suive rigoureusement le coloris et
la technique du reste de la tapisserie et la lacune
sera comblée. C'est absolument le cas pour
V Apocalypse d'Angers.
Douze tableaux sur quatre-vingt-dix manquent
aujourd'hui. Les cartons ne présentent aucune
difficulté, puisqu'on trouvera dans le Manuscrit
N° 422 de la bibliothèque de Cambrai les mi-
niatures correspondantes,
Dans l'une ou l'autre de mes trois hypothèses,
l'atelier de Champfleur (Sarthe), près Alençon,
est appelé à rendre les plus grands services : en
voici l'histoire.
III
MONSIEUR le chanoine Bruneau, attaché
à la cathédrale du Mans, ne manqua pas
d'y remarquer plusieurs antiques tapisseries d'une
haute valeur artistique. Désireux de procurer des
moyens d'existence honorable à quelques adroi-
tes ouvrières de Champfleur, il se garda bien d<^
Tableau n" 6 de la i""^' pièce de \ Apo:alyi''Sc, exécutée par Nicolas Bataille en 1376 pour Louis I*^', duc d Anjou. Reproduction.
les annihiler dans la confection quasi-mécanique
d'ouvrages de couture, et dirigea leurs aptitudes
vers la restauration et surtout la reproduction des
anciennes tapisseries. Il fut amené à cette résolu-
tion par ses fonctions. Que faire des tentures,
usées jusqu'à la corde, dont les chaînes sont à
demi pourries ? il est souvent impossible de les
rentrayer. Ne vaut-il pas mieux, en certains
cas, reproduire entièrement à neuf? C'est assuré-
ment un expédient plus rapide et moins coû-
teux (■)•
Après avoir fait venir de Paris, il y a deux ans
et demi, une ouvrière très expérimentée pour
initier les siennes pendant six mois, le chanoine
Bruneau acheta plusieurs métiers de haute-lisse
et les mit à l'œuvre. Trois essais seulement suffi-
I. Les tapisseries exécutées à Champfleur sont d'un prix très
abordable. On pourra s'en rendre compte en s'adressant A M. le
chanoine Bruneau (i, place St-Michel, Le Mans).
£©élangeg.
313
rent pour lui donner pleine confiance dans le
résultat. Une des pièces de la Vie de samt Ger-
vais et de saiuf Protiu's, donnée en 1509 à la
cathédrale du Mans, par Martin Gjcérande, cha-
noine de Saint-Julien ('), fut apportée à Champ-
fleur avec ordre de la reproduire très exactement.
Ce travail présentait peu de difficulté, la tapis-
serie étant en bon état. En quelques mois, trois
ouvrières terminèrent ce panneau d'un tissu assez
fin et d'une surface de cinq mètres carrés avec
un succès complet, inespéré pour une première
copie. Je reproduis ici cet intéressant panneau,
dans lequel figure le donateur.
Avant d'avoir comparé la reproduction à l'ori-
ginal, quand j'appris ce qui se faisait à Champ-
fleur, j'étais, je l'avoue, fort incrédule. Semblable
tentative inspire toujours une grande méfiance
aux archéologues. Elle leur semble téméraire,
tant il est difficile de respecter le /iiire et le
dessi>i des anciens, tant une interprétation plus
ou moins fantaisiste (sous prétexte de perfec-
tionner) est à craindre.
« Ne me parlez pas de cela, dis-je tout d'abord,
« vous allez échouer mise'rablemetit. De simples
H ouvrières peuvent-elles faire en tapisserie autre
« chose que des pantoufles ?... En tout cas, « nisi
Tapisserie exécutée entre 1659 et 1661 pour faire suite à une tenture du commencement du XVl^ siècle. Reproduction.
< videra, non credam », comme saint Thomas.
Devant l'insistance de mon interlocuteur
(M. Chapée, archéologue bien connu), je promis
de faire le voyage.
D'Angers à Champfleur le trajet est facile...
Me voici donc arrivé dans un vaste atelier bien
éclairé, au milieu duquel se dresse un grand mé-
tier de haute-lisse. Trois ouvrières travaillaient
au panneau de la Vie de saint Gervais. Je m'ap-
proche avec le plus vif désir de les trouver en
faute. « Voici un nez trop long, quelle invention! ^
— Permettez, me dit-on, comparez avec l'origi-
nal. — « Rien à dire, il est tel. Mais cette teinte
est un peu fade. » — Regardez la tapisserie.
< Elle est semblable dans le modèle... » Et ainsi
de suite de toutes mes observations. Je dus
I. Cette tentune se compose de plusieurs pièces, destinées au dos-
sier des stalles. La longueur totale est de 50 mètres ; la hauteur de
i">.50. Les personnages ont o°>,85 de hauteur. Des légendes en lettres
gothiques donnent l'explication des sujets. Les scènes sont limitées
par des motifs d'architecture,
m'avouer battu et content : la justice m'obligeait
à décerner les plus grands éloges à ces ouvrières
que j'étais tout disposé à mon arrivée à découra-
ger par mes critiques.
Aussi est-ce de grand cœur et à titre de répa-
ration d'honneur, que j'écris aujourd'hui ces
lignes.
L'atelier de Champfleur a produit beaucoup
d'autres travaux et compte maintenant dix ou-
vrières.
On lui doit la copie de deux autres grandes
pièces de la Vie de saint Gervais et de saint
Protais, d'une surface de 20 mètres carrés — de
quatre apôtres, à mi-corps ('), — enfiti du tableau
I. Martin Guéranife. décédé le 26 février 1510, fit encore e.xécuter
de petites tapisseries pour parer les abat-voix ou dais, placés au-
dessus des stalles. Elles avaient seulement o", 80 de hauteur et repré-
sentaient des pprsonnages. à mi-corps, encadrés dans des arcs sur-
baissés. 11 y en a quatre : deux grandes pièces de isn^s sur om.So
pour la longueur du chœur {Les douze A faire! et les douze Sibylles)
et deux petites pour les parties des stalles en retour derrière le jubé
314
3Rebuc lie T^rt cbvctien»
n° 6 de la première pièce de \' Apocalypse, d'An-
gers, destinée à un musée (').
En dessous de la photographie de ce dernier
travail, j'ai fait reproduire un fragment de tapis-
serie représentant Saint Julien entre saint Gcr-
vais et saint Protais [-), qui était en très mauvais
état restauré k Champfleur.
Les lacunes, causées par les modernes Van-
dales, dans l'Apocalypse, exécutée de 1376 à 1380
aux frais de Louis I'^'', duc d'Anjou, sautent aux
yeux, quand on examine les planches données
autrefois dans la Revue. La tapisserie se compo-
sait jadis de 90 tableaux, analogues au n° 6 (dont
la photographie donne la copie exécutée à
(Lei quatre docteurs de l'Église latine et \es Quatre vertus cardi-
nales).
Il ne reste plus aujourd'hui que la série des douze apôtres et troii
docteurs de l'Église en mauvais état.
I. Cette reproduction a été exposée à Angers pendant huit jours.
Voici l'article de la Semaine Keligieuie, du i^-r mai qui lui est con-
sacré :
Aux amateurs de Tapisserie.
Dimanche et jours suivants, les Angevins, habitués à s'arrêter
devant la vitrine de M. Girard, presque toujours ornée des compo-
sitions artistiques les mieu.v réussies, pourront y admirer la repro-
duction fidèle d'une des scènes de V Apocaly/>se de noire cathédrale.
Chacun connaît à -Angers la haute valeur de cette tenture, com-
mandée pour les fêtes de l'Ordre de la Croix établi par Louis I*^^,
duc d'Anjou, dans la chapelle de son château en l'honneur de l'in-
signe relique de la Vraie-Croix (conservée aujourd'hui aux Incura-
bles de Baugé). De 1376 à 1379 fut tissée cette œuvre si importante
•par Nicolas Bataille, tapissier parisien, sur les cartons de /f,j« de
Bandol, dit Hennequin de Bruges, pour une somme équivalant,
suivant M. Guiffrey, à 430.000 francs de notre monnaie. Kaut-il s'en
étonner quand on sait que cette tapisserie avait jadis une surface d'en-
viron 800 mètres carrés et qu'elle était estimée 300,000 livres en 1533 ?
Sa réputation est universelle ; elle a figuré à Paris aux grandes
expositions. On a pu voir, il y a trois ans. un dessinateur émérite,
M. Thompson, reproduire à Xaquarelh pour le Musée Kensington,
de Londres, les premiers tableaux de \' Apocalypse.
Rien donc d'étonnant qu'un Musée ait fait copier le N» 6 de la
première pièce.
Ce tableau est l'interprétation des deux versets suivants du cha-
pitre IV de l'Apocalypse.
Y . 10. Les vin^t-quatre vieillards se prosternaienl devant celui
qui est assis sur le trône, et ils adoraient celui qui vit
dans les siècles des siècles et ils jetaient leurs couronnes
devant le trône, en disant :
]F. II. Vous êtes digne, ô Seigneur Dieu, de recevoir "loire, lion-
neur et puissance, parce que vous avez créé toutes choses...
...Tel est le sujet du tableau, dont on annonce aujourd'hui l'ex-
hibition.
2. Évidemment, il y avait une interruption dans l'ornementation
des abat-voix ; elle correspondait à la largeur de la porte du jubé.
Jean le Bouclier, tapissier du Mans, fut chargé, en 1658, de fournir
une pièce représentant S. Julien, S. Gervais et S. Protais pour
combler cette lacune. Les tableaux devant servir de patrons furent
remis aux commissaires du Chapitre le 3 mars 1659 et la tapisserie
« neufve de trois figures en mi-corps scavoir de saint Julian, saint
« Gervais et saint Prothais pour estre adjoustées aux petites tapisse-
« ries qui font la courtine au couronnement des chaires de nostre
« chœur » fut apportée ;\ la cathédrale le 21 février i56i.
Archives de la Sarthe, Chapitre delà cathédrale, Série B, N" 11,
pp. 289, 340 et 669.
Champfleur). Aujourd'hui I2 tableaux manquent,
huit autres sont incomplets. Ce serait un travail
bien intéressant de rétablir cette immense ten-
ture, d'environ Soo mètres carrés, dans son état
primitif Avec un atelier comme celui de Champ-
fleur et le manuscrit N" 422 de Cambrai, la tâche
serait abordable. Cette entreprise, digne de tenter
quelque Mécène angevin, pourrait être considé-
rée en quelque sorte comme Yainendc honorable
du XX« siècle, pour les dégradations honteuses,
infligées à la belle tapisserie de Louis I'=^
C'est mon vœu en terminant cet article, écrit
avec enthousiasme pour le talent des ouvrières
de Champfleur et reconnaissance pour le cha-
noine Bruneau, qui les a dirigées avec tant de
savoir et de succès, au grand profit des amateurs
de tapisserie. -, . .^„t7.„^,,
^ Louis DE Farcy.
ffîonumcnts De tcaticrs. — ^---
N croit généralement qu'une qualité
essentielle d'un édifice est d'avoir
un plan géométriquement correct,
des lignes bien de niveau ou d'aplomb,
une belle exactitude de la ligne, sinon une or-
donnance parfaitement symétrique. Plusieurs
seront étonnés d'apprendre, que parmi les plus
beaux monuments du monde, il en est peu qui
réalisent cette perfection orthogonale, et beau-
coup qui enfreignent avec une singulière désin-
volture les lois saintes de la régularité.
Ceux qui se sont occupés de restauration d'an-
ciens monuments et qui ont dû procéder à leur
relevé, connaissent au contraire les invraisem-
blables irrégularités que présente souvent leur
« plan à terre >. Les dissymétries les plus fortes,
les hors d'équerre les plus hardis, les irrégula-
rités les plus risquées, s'y rencontrent en abon-
dance, et d'ailleurs échappent fréquemment à
l'œil de l'observateur. Les anciens ont procédé à
la plantation de leurs murs, ou bien avec un su-
perbe dédain de l'exactitude géométrique, ou
plutôt avec une étonnante conscience de notre
imperfection visuelle. Cela leur a permis de se
tirer aisément des difficultés que les circonstances
locales ont pu opposer à la rigueur des tracés
exacts.
£©élange0.
315
Mais ce dont on ne se doute guère, ce sont les
déviations non moindres, qu'offrent les mêmes
édifices dans ce qu'on appelle leur « élévation ».
Dans des études que nous rappelions récem-
ment ('), M. Goodyear a prouvé que tous les an-
ciens monuments sont généralement de travers.
Ayant remarqué des incorrections de lignes dans
l'un ou l'autre monument, il s'est mis à en vérifier
une quantité d'autres, et presque partout il les a
trouvés en désaccord avec la ligne de niveau
comme avec le fil à plomb, et cela dans les
constructions de la renaissance, comme dans les
romanes, les byzantines et les gothiques.
Mais ces irrégularités que nous prendrions
pour des gaucheries ou tout au plus pour des
négligences de la part d'habiles constructeurs qui
savent ce qu'ils peuvent se permettre en présence
de l'imperfection de notre organe visuel, sont
quelquefois des anomalies voulues, des raffine-
ments d'art, des artifices de virtuoses, et ces écarts
intentionnels de la droite, de l'horizontale, de la
verticale se rencontrent de fait dans les plus ad-
mirables édifices de tous les styles, depuis
l'antiquité égyptienne jusqu'à nos jours.
M. Goodyear les signale et les démontre par des
relevés et des photographies, à St-Loup,à Notre-
Dame, à St- Alpin de Chalons ; à St-Remi de
Reims; à la cathédrale de Laon; à St Jean deCaen;
aux cathédrales de St-Quentin, d'Amiens, de
Paris, de Laon, de Noyon, comme à celles de Pise,
de Fiesole, d'Assise, comme à St-Marc de Venise,
à Ste-Sophie de Constantinople, à St-Am-
broise de Milan, et jusque dans les monuments
bien plus compassés de la Renaissance Italienne.
M. Goodyear, partant de ce fait constant, que
l'irrégularité est généralement voulue, se de-
mande dans quel but et d'après quelles règles
elle a été réalisée. D'après lui, elle est due au sens
artistique, à la profonde habileté des anciens ar-
chitectes. Ils ont voulu, non pas profiter de la
tolérance des yeux peu exercés, mais au contraire
satisfaire l'exquise délicatesse de la vue chez les
spectateurs raffinés.
Il est avéré que certaines lignes s'écartent de
l'horizontale, en vue d'effets de perspective, que
d'autres s'inclinent sur la verticale pour tenir
compte de certaines illusions d'optique; des lignes
1. Kevucde l'Arl chrélien, anvée 1904, p. 168.
sont légèrement curvilignes, pour paraître plus
droites. Il y a longtemps que ces raffinements de
tracé ont été signalés, notamment au Parthénon
d'Athènes. Et quant au détail, la parfaite correc-
tion géométrique d'une construction évoque l'idée
d'un monolithe facilement équarri, plutôt que
d'une construction organique combinée; un mur
plat, lisse, aux joints imperceptibles, ne fait nul-
lement penser au travail structural, que révèle un
appareil bien accusé. La rigidité des lignes géo-
métriques exprime la sécheresse et n'inspire
aucun des attraits que l'on a pour des choses,
où la vie organique ou le travail humain a laissé
son empreinte.
Aucun sculpteur ne fera une statue parfaite-
ment et géométriquement symétrique, qui serait
d'une raideur choquante et d'une expression
glaciale. Un grand architecte rompt la régularité
des ordonnances d'un édifice, comme le sculp-
teur la raideur des lignes d'une statue. Chacun
sait bien que le charme intime d'un croquis tracé
à main libre gît dans la vivante incorrection des
lignes et dans cette agitation des traits qui tra-
duit les nuances d'impression nerveuse propre à
une main vivante. Il n'y a rien de cette vie expri-
mée dans les dessins compassés, ni dans les
bâtisses aux contours mécaniquement corrects,
aux angles impeccablement mesurés. Les Pierre
de Montereau et les Palladio réalisaient dans
leurs constructions ces lignes vibrantes qui
sont le prestige des dessinateurs artistes. Les
monuments qu'ils ont élevés sont; dans toutes
leurs parties, empreints de ces vivantes infrac-
tions à la froide régularité. Les pierres ont
leur entité et font chacune dans le mur leur
partie artistique, comme chaque voix dans un
chœur de chantres ; toutes les travées sont pa-
reilles, mais on les regarde successivement
comme on regarde différentes personnes ; tous
les coins de l'édifice sont symétriquement répétés,
mais ont une physionomie propre. Le regard
se promène sans se lasser sur les surfaces vi-
brantes sur lesquelles l'artiste ou l'artisan a laissé
partout quelque faible trace de son activité émue;
ils ne sont point comme un tapis fabriqué mé-
caniquement dans les prisons des Indes sous la
férule anglaise, dont les motifs identiquement
répétés lassent bientôt le regard, mais comme
3i6
3Re\3ur tje l'Srt cbrétien.
les tapis d'Orient oîi l'ouvrier libre a partout
semé la vivante imperfection de son travail
manuel (').
L. Cloquet.
Saloirs gotbiqncs.
E château de Munte, vieux manoir
gothique, reconstruit au XVII^ siècle,
et restauré de nos jours par son pro-
priétaire M. le Dr Verstraeten, profes-
seur à l'université de Gand, contient dans ses
vieux souterrains d'assez curieuses cuves de
I. Y. W. H. Goodyear, Architectural reûnement in frencli
gothic Cathédrale and earïy byzantine Churchea. Petit in-4*^ de
70 pp. illustré, Macmillan Company, Brooklyn. 1904.
pierre bleue (petit granit), au nombre de trois,
qui font penser au saloir où le criminel boucher
de la légende de Saint-Nicolas de Myre mit en
saumure, les morceaux, des trois petits enfants
que le bon Saint devait bientôt ressusciter. Ces
objets étant assez rares, nous en avons relevé les
- ^V-yiH"^-==^VV'r V-1
croquis qui intéresseront peut-être nos lecteurs.
L'un est octogone, analogue presque aux cuves
baptismales, avec ses moulures accusant le com-
mencement du XVI^ siècle ; les deux autres,
en forme de simples parallélipipèdes, sont sans
doute plus récents.
L. C.
^,5t ^^. :^^ :<^ ^ ^:^ ^^^^ ^^ ^^. ^^ ^^. ■■'^. ^. ^^^^^^^ ^ ^ ^:^. ^. ^^^iM.
'h
%
^m^mm^mm Corresponïiance. ^mwm'^mwm
ww^wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww^^
^ ^ rw.^^:v^. w.^^ Italie.
BlOifiirr : Un ctutifir pat CBict)Cl>?Jnot; Xtca ffiusjfefl
ft Ira (•i.ilcricfl ! Bfcouljcrtc Ce BCBSins Bc ÎBlchrl Hnec;
Gnûoi De tapiuBcrifa à Karia. — Vftli.iiif : DoiiDrlIc acquit
aition Bf la ftalcnc ropalf. — ïîomc: lie portrait Bf JSa
jSairuttc x>ic X. — BoiBO ^an liorenjo: dix tableau
bolf. — ÎBonttlCOnc:ï)fcouberte D'une faiee. — ïîflple;£(:
lie portrait Du catDinal Bempo : lea pomaita par Dtcolaa
Hromeiit ù'.FJtiianori.
\LORENCE. — Un Crucifix par Mi-
chel Ange. — Le sculpteur Asciano
Coiidivi a écrit, en 1553, l'histoire de
Michel-Ange, sous les yeux du maître.
Vasari a consacré un chapitre détaillé à
Michel-Ange.
Les deux auteurs rapportent que dans sa
jeunesse, Michel-Ange a sculpté un crucifix en
bois, un peu moins grand que nature, pour le
prieur de l'église de Santo Spirito de Florence,
et que ce crucifix fut placé au-dessus de l'autel
majeur.
D'autres écrivains, Boighini en î58r, et Bocchi
en 1591, fournissent le même renseignement.
De 1600 à 1607, l'ancien autel majeur fut
remplacé par l'autel actuel ; le crucifix de
Michel-Ange ne trouva pas sa place dans le nou-
veau et médiocre monument ; il ne fut plus parlé
de la sculpture dans les écrits sur l'art à Floren-
ce jusqu'en 1761, année où parut le travail
du père Richa sur les églises de Florence. L'écri-
vain dit que sur l'autel de la salle du Chapitre se
trouvait le Christ de Michel-Ange, destiné au
chœur de l'église, mais à présent conservé dans
la sacristie.
Depuis lors, il n'a plus guère été question de
ce crucifix ; cependant dans la Niiova Guida da
Firenze, publié en 1842 par l'architecte Fantozzi,
il est dit qu'à San Spirito, dans le chœur de
l'autel majeur, on voit un crucifix en bois, que,
selon ce que rapporte Cinelli, continuateur de
Bocchi, on peut croire œuvre de Michel-Ange.
François, dans la Nuova Guida da Fire^ize,
publié en 1857, fait la même mention.
L'église est en forme de croix latine et l'autel
se trouve placé à l'intersection des branches ; le
chœur, c'est-à-dire l'enceinte réservée aux
chanoines et aux chantres, est derrière l'autel
et séparé de la nef par une simple cloison de
bois de peu de hauteur.
Les mentions de Fantozzi et de François n'ont
pas attiré l'attention des écrivains modernes qui
se sont occupés de Michel-Ange.
Knacfuss(i897), M. Reymond (1900), Corrado
Ricci (1902), Hobroyd (1903) ou ne parlent pas
du crucifix, ou bien disent qu'il a disparu de
Santo Spirito.
Aucun des guides actuels à l'usage des voya-
geurs ne signale cette sculpture.
Subitement le crucifix du Santo Spirito est
devenu une question d'actualité.
Le professeur Thodede l'université de Heidel-
berg, est l'auteur d'une vie de Michel-Ange dont
deux volumes ont paru; il a séjourné plusieurs
fois à Florence et lors de son dernier voyage il a
fait une découverte, — le mot est de lui, — dont
les journaux allemands et italiens ont rendu
compte.
En visitant une fois de plus l'église Santo
Spirito, le professeur aperçoit le crucifix du
chœur auquel il n'avait pris aucune attention
jusque-là.
Avec une vive émotion il reconnaît l'œuvre
de Michel-Ange.
Il suppose que de la sacristie le crucifix a
été transporté sur la balustrade du chœur, car
il n'admet pas qu'un ouvrage de cette importan-
ce ait pu être perdu, alors que l'église Santo
Spirito conserva tant de peintures remarquables
du XV^ siècle.
Le professeur Thode est émerveillé de sa
découverte. Il tient le crucifix comme im ouvrage
du plus haut intérêt ; Michel-Ange n'avait que
de dix-sept à dix-neuf ans lorsqu'il le sculpta
et déjà dans cette œuvre de jeunesse on sent le
génie du grand artiste ; cette sculpture forme
la transition du style du XV^ au XVJe siècle et
indique la voie que l'art suivra à l'avenir !
Le lyrisme de Thode est sans doute très
sincère, maison peut admettre que la satisfaction
d'avoir fait une découverte lui a donné l'illusion
3i8
ÎRetoue tje rart cbrctien.
de voir dans le cruficix des qualités qui n'exis-
tent pas.
L'opinion à peu près générale émise à Floren-
ce à ce sujet, peut se résumer ainsi.
Rien ne prouve que ce crucifix du chœur soit
celui qui était dans la sacristie de l'église.
En tout cas la sculpture, si elle est de Michel-
Ange, ne porte pas l'empreinte du maître.
Elle n'est pas dans de bonnes proportions, car
les bras sont trop longs.
Le torse est modelé avec force, tandis que les
jambes ne le sont pas assez.
Le crucifix n'a jamais attiré l'attention des
fidèles et des visiteurs, même pas celle du pro-
fesseur Thode jusque dans ces derniers temps,
parce qu'il ne présente rien qui le distingue
particulièrement des autres crucifix de la fin du
XVe siècle.
Plusieurs critiques vont plus loin et voient là
un ouvrage flamand plutôt qu'italien.
Le professeur Thode annonce sur le sujet une
dissertation appuyée de photographies, qui paraî-
tra dans son troisième volume sur Michel-Ange,
Attendons cette publication ; à mon avis, le
professeur aura beaucoup de peine à convaincre
ceux de ces lecteurs qui ont constamment Mi-
chel-Ange sous les yeux.
Les Musées et les Galeries.
Plusieurs journaux italiens et étrangers ont
annoncé que le nouveau et éminent directeur
des musées royaux de Florence, M. Corrado
Ricci, avait l'intention d'apporter de notables
changements dans les établissements dont il a la
direction ; on a dit, notamment, qu'il supprime-
rait la célèbre Tribune de la Galerie des Offices.
Il faut ramener au point tous ces bruits. La
Tribune ne sera pas supprimée, M. Corrado Ricci
y fera des changements de tableaux, comme l'ont
fait tous ses prédécesseurs.
Dès que les nouvelles salles de la galerie se-
ront prêtes, le directeur procédera à une instal-
lation des tableaux en ordre raisonné et métho-
dique.
On a écrit également sur la Galerie Pitti ; on a
parlé des tableaux relégués en magasin, et on
émettait l'espoir que M. Ricci y mettrait ordre.
C'est bien peu connaître la situation adminis-
trative de la Galerie palatine.
Le Palais Pitti et toutes ses dépendances ont
été, par une loi du parlement italien, attribués au
souverain. Le directeur des musées royaux de
Florence ne peut ni ajouter ni retrancher un seul
tableau à la Galerie ; il a cependant la faculté de
changer déplace les ouvrages; c'est ce que vient
de faire M. Corrado Ricci.
Les magasins de tableaux de Pitti sont une
invention pure et simple.
Découverte de dessins de Michel- Ange.
La Galerie des Offices conserve environ 44,000
dessins; la majeure partie est en portefeuille,
dont un grand nombre sont exposés sous vitrines
dans les corridors et diverses salles de la Galerie.
M. Ferri, le distingué conservateur de la collec-
tion, et M. E. Jacobsen, un émérite érudit, s'oc-
cupent sans cesse de rechercher dans les cartons
les pièces qui ont pu échapper à l'attention.
Leurs efforts ont eu un grand succès. L'an
passé, ils ont trouvé quarante esquisses et dessins
de Michel-Ange tracés sur dix cartes différentes.
Cette année ils ont pu ajouter vingt dessins à
ceux de l'année dernière.
Avec science et sagacité, ils sont arrivés à
spécifier les sujets, quelquefois cependant assez
incertains.
Les sujets se rapportent aux études de Michel-
Ange pour la chapelle Sixtine, les tombeaux des
Médicis, et d'autres travaux du maître.
On espère que bientôt un éditeur intelligent
fera paraître ces très intéressants documents.
Envoi de tapisseries à Paris.
Florence a envoyé à l'Exposition des Primitifs
français à Paris, deux tapisseries de la magnifique
suite de huit pièces, dite Les Fêtes de Henri //,
l'une a trait aux fêtes de Bayonne données à
Catherine de Médicis, l'autre à une fête donnée en
1572 aux Tuileries aux ambassadeurs polonais.
Les cartons de ces tapisseries sont fort proba-
blement français, mais l'exécution est flamande à
n'en pas douter.
Les tapisseries sont donc du dernier quart du
XVI'^ siècle.
Par quel abus de langage peut-on les classer
dans les Primitifs ?
Venise. — Galerie royale de peinture.
M. Cantalamissa, le très distingué directeur,
s'attache surtout à rechercher les peintures des ar-
tistes vénitiens. Voici ses dernières acquisitions,
— La Madone et l'Enfant, saint Jean et saint
Jérôme, par Catena (Vincenzo) de Venise >i< i 531.
— La Madeleine, par Pittoni (Gianbatista) de
Venise (i 686- 1767).
— La Guérison du paralytique, par Ricci (Se-
bastiano) de Bellune (16601734).
— Iles de la lagjine, par Guardi (Francesco) de
Venise (1712-1793).
— Ile de la lagune par Canaletto de Venise
(1697-1768).
Rome. — Depuis l'avènement du Pape Pie X,
son eFfigie est répandue à profusion dans toute
l'Italie: photographies, gravures.chromolithogra-
phies, plastiques, etc.
Mais ce n'est que dans ces derniers temps que le
pontife a décidé de donner séances à des artistes.
M. Gabriel Ferrier, peintre français de grand
talent, a fait le portrait peint à l'huile et l'a ex-
posé au salon de Paris de cette année. M. Fré-
déric Limburg, sculpteur allemand, a sculpté
le buste destiné aux évêchés, paroisses et institu-
tions catholiques de l'Allemagne.
On raconte que le Pape, passant par hasard
dms une salle du Vatican, où M. Limburg tra-
vaillait, vit que le sculpteur avait fait poser un
simple domestique revêtu des parements pontifi-
caux. Pie X sourit et n'empêcha nullement M.
Limburg de continuer, comprenant fort bien que
le modèle n'était là que pour les parements.
Borgo San Lorenzo (Toscane). — L'église con-
servait un tableau du XV<^ siècle, d'auteur in-
connu, représentant San Assiano, patron du sanc-
tuaire.
Le tableau a été volé.
Montcleone (Ombrie). — Les découvertes
d'antiquités ne rentrent pas en général dans le
cadre de la Revue de F Art chrétien ; cependant,
par exception, on peut en signaler une en raison
de son extrême rareté. Dans une nécropole de
Monteleone, localité située près de Spolète, on a
trouvé à quelques mètres de profondeur une bige
qui paraît remonter à quatre ou cinq siècles avant
l'ère chrétienne ; elle était ornée de plaques de
cuivre avec des sujets à personnages. Les paysans
qui ont fait la découverte ont trouvé également
des casques et des amphores métalliques.
Le secret a été si bien gardé, que personne ne
s'est douté de ce trésor, sauf, bien entendu, les
intéressés qui se sont mis en relations avec un
marchand d'antiquités ; ce négociant a si bien ma-
nœuvré, qu'il a acheté la bige pour un prix rela-
tivement minime et qu'il l'a revendue en Amé-
rique trois ou quatre cents fois plus cher qu'il l'a-
vait payée, c'est-à-dire de 200,000 à 300,000 fr.
Et de plus il a trouvé moyen de l'exporter
malgré les lois italiennes interdisant l'exporta-
tion des objets d'art anciens sans une autorisa-
tion préalable.
Les biges antiques sont d'une extrême rareté.
Les musées italiens n'en ont qu'une seule ;
elle est d'origine étrusque et conservée au musée
archéologique de Florence ; elle a subi du reste
des restaurations, et certaines parties qui man-
quaient ont été ajoutées avec intelligence.
II y a bien au musée de sculpture du Vatican une
salle dite de la Bige ; mais ce n'est pas un char
véritable qui a donné son nom à la salle, c'est
une bige décorative en marbre.
Naples. — On savait que Titien avait exécuté
le portrait du célèbre cardinal Bempo (1470-
1547), secrétaire du pape Léon X pour les lettres
latines, mais on croyait la peinture perdue. Elle
vient d'être trouvée au musée royal de Naples ;
le cardinal est représenté assis, maigre et austère-
le fond du tableau montre la campagne d'Aso-
lana qu'affectionnait le cardinal.
Et comme j'ai cité Naples, il est de circons-
tance d'ajouter que j'ai noté à la Pinacothèque
deux ouvrages de Froment d'Avignon, peintre
du roi René, dont plusieurs ouvrages sont pré-
sentement exposés à Paris.
On sait que Froment a travaillé de 146 1 à
1482, mais je ne crois pas que les peintures de
Naples aient été signalées par les écrivains fran-
çais.
Ce sont les effigies en pied, d'une facture élé-
gante et distinguée, de Charles, duc de Calabre,
et de Robert, roi de Sicile ; tous deux sont figu-
rés en rois mages apportant des présents.
Ger.sp.\ch,
Florence.
320
WitWt tie r^rt cbrétien.
Question.
UN de nos abon-
nés nous en-
voie la photographie
d'une croix byzantine
en nous demandant
de déterminer sa pro-
venance et son âge.
Réponse : L'objet
appartient évidem-
ment à l'art russe. Il
est impossible de
préciser davantage
étant donné l'hiéra-
tisme de cet art, qui
comporte la multi-
plication des répli-
ques d'une même
composition tradi-
tionnelle. L'objet pa-
raît dater du XIV^
siècle. Nous repro-
duisons commepoint
de comparaison une
croi.x presque iden-
tique mais complétée
par cinq plaques his-
toriées montées sur
les branches supé-
rieures de la croix.
Au surplus nous
avons le plaisir de
fournir à notre cor-
respondant latraduc-
tion des inscriptions
slaves indiquant des
sujets et symboles
tracés sur la croix
qu'il possède, à sa-
voir :
Au croisillon figure
le soleil et la lime ; au
titulus, IC.XC (Jésus
Christus) ; au côté
du nimbe, fils de
Dieu; sous la tête
divine, au sommet de
la branche verticale :
Ifitage de Dieu créa-
teur du »to?ide: im-
médiatement en des-
sous : anges dii'ins ;
dans le croisillon de
la traverse supérieu-
re : Roi de gloire;
dans le croisillon de
la grande traverse à
gauche : 7ious nous
inclinons devant tu
croix glorieuse ; à
droite : et nous clian-
tons ta sainte Résur-
rection ;so\is les pieds
du Christ : mon a-
chTvil'ie'd.-làtveurV C. de Na.areth : h la gauche de la poitrine du Christ: .>A,/.«r; aux côtés de 'a.tête d'Adam :
Go7gotla. Enfin en tête des registres latéraux : à droite, la Ste Mère de Dieu et Ste Mane Magdeleine; à gauche,
^. Jean et le centurion.
^^^^^^^^^^^^^^^^.^.^^^^^^^.^.^^^
^
^
wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww^
Académie des Inscriptions et Belles-Let-
tres. — Séance du S avril. — M. L. Heuzey fait
connaître un monument de sculpture romaine
découvert en deux fois (1889 et i89S)à Ville-
vieille près de Sommières (Gard).
On trouva d'abord un étroit piédestal de pierre
giise taillé en forme de gaine ou d' kermès et por-
tant une inscription latine que l'on peut traduire
ainsi : « Au génie de notre Publius, Pimigenius,
son affranchi. > Cette formule familière, fré-
quente dans la région de l'ancienne colonie ro-
maine de Nîmes, indique un culte religieux voué
par les esclaves, les affranchis, les clients d'un
patron à son _^'^;/n/.f, c'est-à-dire au démon intime
que les Romains croyaient résider au fond de
chaque personnalité.
Ce n'est que beaucoup plus tard que fut re-
cueilli dans le même terrain un marbre blanc que
M. Fernand Révil, possesseur de ces divers frag-
ments, reconnut comme s'emboîtant dans la cavi-
té creusée au sommet de l'hermès. La tête, d'une
réalité vivante, est surtout curieuse, parce qu'elle
est coiffée de 1' « apex » ou bonnet à pointes des
prêtres appelés « fiamines ».
Séance du ij avril. — L'Académie propose
pour la médaille d'or offerte par la Société cen-
trale des architectes, M. Lefebvre, membre de
l'Ecole française d'Athènes, qui a exécuté des
fouilles au Fayoum, ayant amené la découverte
d'un temple consacré à des divinités helléniques
ainsi que de nombreux papyrus grecs.
Séance du 6 mai. — M. Dieulafoy continue la
lecture de son mémoire sur la sculpture espa-
gnole, notamment sur la statuaire polychrome.
Il est en mesure d'établir, que c'est à Léon, dans
la vieille cathédrale et au Musée municipal, que
se trouvent les monuments polychromes les plus
anciens, datant du début du XIII'^ siècle; on
y constate l'influence des écoles méridionales de
la France et des écoles clunisiennes, influence
qui restera prépondérante jusqu'au milieu du
XV'^ siècle, date à laquelle l'art bourguignon,
flamand et même allemand devient prédominant.
Enfin, au XVI'^ siècle, l'Espagne, fidèle aux
traditions de la Renaissance italienne, atteindra
la perfection avec les contemporains et les ému-
les de Velazquez, de Ribera et de Miirillo.
Séance du ij mai. — M. Heuzey fait une com-
munication sur les monuments ibériques récem-
ments découvertes en Espagne.
Grâce à MM. Arthur Engel et Pierre Paris,
le musée du Louvre a pu suivre et encourager
des recherches qui ont mis au jour nombre de
monuments appartenant à l'antiquité ibérique,
encore si incomplètement connus.
M. Heuzey résume une notice de ces deux ar-
chéologues sur les fouilles qu'ils ont exécutées à
Osuna, l'antique Ursao. Ils y ont déblayé les
siibstructions d'une muraille construite avec des
blocs arrachés à des édifices d'époques différentes.
Beaucoup de ces blocs portaient des sculptures
romaines et demi barbares, conservant quelques
traces des influences antérieures, grecques ou
orientales.
Ce sont des angles de frises, des pièces d'ar-
chitecture, avec des restes de représentations mi-
litaires ou religieuses ; guerriers aux casques che-
velus et aux longs boucliers, presque gaulois ;
autres combattants à la tête nue, armés de la
petite rondache ibérique ; à côté de ces soldats,
un curieux acrobate marchant sur ses mains,
comme s'il s'agissait de jeux militaires plutôt que
de combats réels. Puis des femmes portant des
vases à libation, une joueuse de flûte, un prêtre à
long manteau, de nombreuses figures d'animaux,
surtout des taureaux. Les armes et les poteries
feront l'objet d'une autre communication.
Séance du 20 mai. — L'.Académie attribue à
M. Dufour, ancien membre de l'École d'Extrême-
Orient, une nouvelle allocation de 6000 fr. pour
lui permettre de continuer les fouilles du Bayon
d'Angkor-Thom.
Séance du 2-j mai. — M. Clermont-Ganneau
donne lecture d'une dépêche datée de Dakar dans
laquelle le lieutenant Desplagnes, chargé de mis-
sion, annonce à l'Académie la découverte qu'il
vient de faire de l'emplacement de Koukia, pre-
mière métropole de l'empire de Sourhaï.
Suivant la légende, cette cité remontait aux
pharaons d'Egypte. Elle disparut au courant du
XVIII<= siècle. Il n'en reste actuellement que
quelques ruines, des monticules avec des cime-
tières renfermant de nombreuses pierres tumu-
laires chargées d'inscriptions arabes.
Le P. Jalabert communique, au nom du P. Sé-
bastien Ronzevalle, professeur à l'Université
française de Beyrouth, une note sur quelques mo-
numents relatifs aux cultes syriens de l'époque
gréco-romaine.
C'est d'abord un autel de Hauran, dont une
face représente le dieu Esculape revêtu du cos-
tume romain ; puis une nouvelle inscription rela-
tive au dieu Beellepharus provenant d'Heilboun,
qui permet d'affirmer que ce dieu est bien d'ori-
gine syrienne, ce serait le Raal d'Ifry près Damas ;
322
jRebxic De rart tbrctien.
enfin divers monuments où figurent des repré-
sentations diverses sous la forme de lions. La
plus intéressante, le lion cornu de la gaine du
Jupiter Héliopolitain, confirme l'origine égyp-
tienne du grand dieu Cœlisyrien
Séance du ^ juin. — M. Homolle communique
le rapport de M. Lefebvre, membre de l'École
française d'Athènes, sur les fouilles qu'il a faites
en collaboration avec M. Bassy sur l'emplace-
ment deTchneh.en Egypte.
Le capitaine Weill donne lecture d'une notice
-sur un nouveau bas-relief de Snofrou.
Séance du lojuin. ■ — M. Héron de Villefosse
fait part à l'Académie d'une lettre qu'il a reçue du
docteur Carton, président de la Société archéolo-
gique de Sousse, annonçant que, de concert avec
l'abbé Legnaud, il vient de découvrir l'entrée
d'une des catacombes d'Hadrumète.
Cette voie d'accès, qui présente encore un esca-
lier de huit marches bien conservées, devait être
protégée par un petit édicule voûté ; la voûte était
formée de poteries creuses et cylindriques. Elle
conduit à un vestibule en forme de croix — peut-
être une chapelle — - qui n'est pas encore complè-
tement déblayé, mais qui est entièrement garni de
loctili ; dans un des angles une petite ouverture
taillée dans le tuf donne sur les galeries des cata-
combes.
Cette nécropole était très étendue. Plus de qua-
tre cents mètres de galeries souterraines sont déjà
dégagées ; elles forment jusqu'à quatre étages de
tombeaux fermés par des tuiles. Une galerie ré-
cemment découverte conduit à un carrefour où
débouchaient six autres galeries, ce qui laisse en-
trevoir un champ d'exploration considérable.
Tout était rempli de terre.et le dégagement eût
été extrêmement coûteux si le colonel du 4^ régi-
ment de tirailleurs n'avait pas fourni la main-
d'œuvre.
Le diagramme musical inédit de Florence. —
M. Ruelle, de la bibliothèque Sainte-Geneviève,
communique une note sur « le diagramme musical
inédit de Florence >.
Ce savant a trouvé ce tableau dans le Lauren-
tianus, 86, 3, folio 163.
Société des Antiquaires de France. —
Séance du /"-' ai'ril iço^. — MM. Philippe de
Forti et Gabriel Martin sont élus associés cor-
respondants.
M. Lcprieur expose les raisons qui lui font
croire à l'authenticité du «diptyque de Melun >
et du portrait de Jean Fouquet. Une discussion
s'engage à ce sujet entre MM.Leprieur, de Mély
et Marquet de Vasselot.
Séance du 2y avril. — M. Blanchet fait au
nom de M. Naef une communication sur les
différentes marques à l'aide desquelles les archi-
tectes suisses désignent les parties restaurées
dans les monuments anciens.
M. de Mély fait, au nom du baron Carré de
Vaux, une communication sur les origines de la
légende de J^ellerophon.
M. Toutain cominunique une inscription grec-
que trouvée, en 1880, à Panticapie (Crimée).
M. de Laigue envoie un mémoire sur une ins-
cription grecque découverte à Trieste.
M. Ravaisson MoUien entretient la Société de
différentes peintures italiennes ou françaises, o\x
se peut reconnaître le portrait de Léonard de
Vinci.
Séance du ./ mai. — M. Ch. Em. Ruelle est élu
membre résidant, en remplacement de M. Cor-
royer, décédé.
M. Joseph Depoint est élu associé correspon-
dant national.
M. Chenon communique divers objets de l'épo-
que gallo-romaine trouvés à Château-Meillant
(Cher).
Séance du 11 mai. — M. Dimier pose une ques-
tion au sujet de Marc Duval, graveur du portrait
des trois Coligny.
M. Durant-Gréville présente diverses observa-
tions au sujet de certaines œuvres exposées aux
Primitifs français qu'il croit devoir attribuer à
Bourdichon.
M. Destrée entretient la Société d'un tombeau
sculpté de HouPfalize (Luxembourg) et d'an fuge-
ment dernier de l'école brabançonne au Louvre.
Séance du 18 mai. — Communications : de M.
Y. de Mély sur la signature de Jehan Perréal dé-
couverte par lui dans la décoration du carrelage
qui figure au bas du tableau de La Vierge appar-
tenant au Louvre, actuellement exposé aux Pri-
mitifs français, et qui, suivant notre collabora-
teur, offre cette forme : « I. P. I. * I. 1490 » ; —
de M. J. Maurice sur une nouvelle reproduction
du labaruui de Constantin ; — de M. Arnauldet
sur les origines du monastère et de la bibliothè-
que de Saint-Mesmin de Micry ; — de M. Mar-
quet de Vasselot sur une base de reliquaire en
cuivre doré de la fin du Xll»^ siècle ou du début
du XI 11"=, récemment acquise parle Louvre.
Séance du 25 mai. — M. V. de Mély poursuit
devant la Société son enquête sur les Primitifs.
Ses dernières constatations ont trait au fameux
diptyque de Melun, par Fouquet, qui représente
la Vierge sous les traits d'Agnès Sorel, et Etienne
Chevalier. M. de Mély relève la différence de
dimensions aussi bien que de facture qu'ils
Cratjaujc tie0 Sociétés satiantcs.
323
offrent : \' Etienne Chevalier mesure i'",oi sur
o'",88, \diV'icrge o"\8i5 sur o"', 82. Quant à la dif-
férence de facture, elle s'explique, suivant M. de
Mély, par le fait, que, si V Etienne Chevalier a. été
peint en 1450, l'autre panneau a dû l'être avant
1442, date où Agnès Sorel quitta la Cour. M. de
Mély fait ensuite une remarque intéressante sur
le portrait sur émail de Jean Fouquet, également
exposé aux Primitifs, peint très probablement
par l'artiste lui-même et qui aurait fait partie du
cadre du prétendu diptyque de Melun. M. de
Mély fait observer que la dorure au feu a été
découverte seulement en 14S4, et que le travail
d'émail à l'aiguille, suivant lequel ce médaillon a
été exécuté, est absolument caractéristique du
milieu du XVI*" siècle.
M. Cagnat présente, de la part du D"" Carton,
une inscription funéraire conservée à Kairouan et
une petiteboite de plomb, recueillie par le sergent
Scard dans une sépulture de Sousse.
M. Durand-Gréville entretient la Société de
quelques miniatures qu'il croit devoir attribuera
ce « maître François » qu'on suppose être Fran-
çois Fouquet, fils de Jean.
Séance du i^' juin. — M. Leprieur répond à la
communication faite par M. F. de Mély sur le
<( diptyque de Melun > de Jean Fouquet, à la
dernière séance de la Société et dont nous avons
donné le résumé ici même. Il a pu constater,
après vérification, qu'il n'y avait pas, entre les
volets du diptyque de Melun, la différence de
0'",20 en hauteur et de 0"\o6 en largeur indiquée
par M. de Mély. Les dimensions des deux
panneaux (o™,942 sur o'",855 pour la Vierge,
0'",965 sur o"',885 pour le portrait A' Etienne Che-
valier) sont (à un demi-centimètre près), con-
formes à celles qu'avait lionnées M. Friedlzender
en 1896, dans \s Jahrbuch à& Berlin Rien, sur ce
point, ne s'oppose donc à ce qu'ils aient formé
diptyque dès l'origine.
Après avoir rappelé le témoignage des histo-
riens du XVI1I'= siècle (Denys Godefroy no-
tamment. Histoire de Charles VII, 1661), qui
les ont vus réunis encore en place et dans leur
cadre original, à l'église Notre-Dame de Melun,
M. Leprieur fait remarquer dans la Vierge certains
détails, comme les plaques marbrées du siège
(identiques à celles qui ornent le mur dans l'autre
panneau), et surtout comme le geste indicateur
de riînfant montrant nettement du doigt le dona-
teur, qui semblent bien témoigner de l'exécution
contemporaine des deux œuvres, nécessitées ainsi
en quelque sorte l'une par l'autre comme pen-
dants. Pour expliquer l'aspect juvénil d'Agnès
Sorel sous les traits de la Vierge, il s'en tient à
l'hypothèse émise par lui, dès 1897, dans la Revue
de l'Art ancien et moderne : à savoir que Fouquet
peut avoir utilisé simplement ici, après la mort
d'Agnès et dans un arrangement modifié, un
ancien portrait (peinture ou dessin), exécuté sans
doute par lui-même d'après le vif
Quant au célèbre portrait en émail représentant
Fouquet, il estime que, quel que soit le procédé
employé, le style seul de l'œuvre prouve qu'on ne
saurait l'écarter de sa date traditionnelle (milieu
du XVi^ siècle). Il la rapproche des miniatures de
Chantilly, pour l'effet du camaïeu d'or aussi bien
que pour les caractères de l'inscription, et rappelle
que, dans la bordure même du diptyque de Melun,
semblent avoir figuré des émaux analogues, ainsi
qu'il l'a précédemment démontré. Mais il garde
jusqu'à nouvel ordre toutes réserves, quant à
l'hypothèse nouvelle de M. Bouchot, qui voudrait
que cet émail même en provienne.
Séance du 8 Juin. — M. Adrien Blanchet
communique un moule en terre cuite du moyen
âge qui paraît avoir servi à la contrefaçon des
bulles de Grégoire IX.
M. Toutain étudie le texte de Strabon qui
mentionne un sanctuaire de Hera Argonia au
Nord de Poestum.
M. Monceau communique au nom de M.
Gauckler et commente plusieurs inscriptions
chrétiennes d'Afrique.
Lecture est donnée d'une note de M. Aveneau
de la Grancière sur le résultat des fouilles faites
au nouveau cimetière de Vannes.
Au mois de mai a eu lieu, au musée du Lou-
vre, la célébration du centenaire de la Société
Nationale des Antiquaires de France. A cette
occasion, M. Héron de Villefosse a lu le très
intéressant discours préparé par M. Durrieu et
dont le sujet, tout d'actualité était les origines de
la peinture française. M. Bayet et M. Marcel ont
ensuite prononcé des allocutions. Après quoi,
M. Noël Valois, membre de l'Institut, s'est fait
applaudir dans la lecture d'une savante étude
sur l'histoire de la Société des Antiquaires. Enfin,
des médailles d'or et d'argent ont été décernées
à divers savants de province et de l'étranger.
Congrès des Sociétés Savantes de Paris et
des Départements. — Le Congrès s'est tenu
à Paris, à la Sorbonne, du 5 au 9 avril. Voici le
résumé des travaux de la section d'archéologie :
Mardi ^ avril. — M. l'abbé Arnaud d'Agnel
lit une communication sur les antiquités du
musée de Sault (Vaucluse), riche en objets pré-
historiques et antiquités gallo-romaines.
M. Clerc lit le compte rendu des fouilles qu'il
a faites en collaboration avec M. l'abbé Ar-
naud d'Agnel sur la colline de la Tourette, près
du village de Saint-Marcel(banlieue de Marseille)
324
ÎRebur ïir T^rt cl)iTttriu
et qui ont fourni des vestiges des temps néoli-
thiques et ligures, ainsi que des diverses périodes
grecques.
Lecture est donnée d'un mémoire de M. de
Gérin-Ricard sur les castella des environs d'Aix-
en-Provence.
M. Jean Louis lit un mémoire sur la céramique
romaine, fondé sur l'étude des objets recueillis
dans les fouilles qu'il poursuit depuis 1899 à Au-
trécourt (Meuse).
M. J. Martin lit un mémoire sur les pierres
tombales et inscriptions du territoire de Tournus
(Côte-d'Or).
M. Pasquier envoie un mémoire sur les sta-
tuts des orfèvres de Toulouse en 1550-
M. le chanoine Pottier entretient la section
du résultat des fouilles entreprises sur l'empla-
cement de l'abbaye cistercienne de Grandselve
(Tarn- et- Garonne).
M. Victor Quesné lit un travail sur la dalle
tumulaire de Jean Anquetin, sénéchal de Neuf-
bourg (1400).
Mercredi 6 avril. — M. l'abbé Chaillan lit un
mémoire sur un rebord de couvercle d'un sarco-
phage chrétien ou de l'époque chrétienne, en-
castré dans le mur de l'église de Nets et orné de
bas-reliefs.
M. Chevreux lit un mémoire sur les croix de
plomb, dites « croix d'absolution >>, trouvées
dans des tombes et munies d'inscriptions au
trait, du XI»" au XV1I« siècle.
M. Henry Corot donne lecture d'une notice
sur une sépulture à incinération partielle décou-
verte à Minot (Côte-d'Or).
M. Louis Févret lit, en son nom et au nom
de M. Julien Feuvrier, un mémoire sur l'antique
Crucinia et la découverte de quatre autels ané-
pigraphes des époques celtique et gallo-romaine,
à Dôle (Jura).
M. Ed. Fourdrignier signale un vase métal-
lique récemment trouvé dans la Seine, et le rap-
proche des trésors d'argenterie bien connus de
Boscoreale, au Louvre, et de Berthouville, au
Cabinet des médailles.
M. Léon de Velsy présente l'historique des
cachettes monétaires les plus importantes re-
trouvées dans le département de la Seine-Infé-
rieure.
M. Georges Béraud expose le résultat des
explorations qu'il poursuit au point de vue pré-
historique dans l'arrondissement de Bressuire.
M. Chambroux signale la découverte d'un
cimetière mérovingien au pied de l'église Saint-
André à Chelles (Seine-et-Marne).
M. Ulysse Dumas lit trois mémoires sur l'ex-
ploration qu'il a faite de la grotte de la Baume-
Longue, commune de Dions (Gard) ; sur la sta-
tion des Châtaigniers, à Baron (Gard), et sur la
grotte Nicolas, comauine de Sainte- Anastasie
(Gar), où il a découvert de nombreux objets
préhistoriques.
N Eugène Ferrase présente une carte préhis-
torique du Minervois qu'il a dressée.
M. Julien Feuvrier lit une notice qu'il a rédigée
en collaboration avec M. Louis Févret sur une
épée de fer trouvée à Chaussin (Jura) et qui porte
une marque de fabriquant. Les auteurs rappor-
tent cette arme au début de l'époque de La Tène.
M. Maurice GiUet rend compte de la décou-
verte qu'il a faite, entre les villages de Villepreux
et Chavenay, près Versailles, de stations néoli-
thiques.
M. Charles Magne donne lecture d'une notice
des plus documentées sur le fer à cheval dans
l'antiquité.
M. Pillou lit une étude sur une épée de bronze
trouvée dans la rivière d'Oise, près de Chauny
(Aisne), et qui paraît remonter à la fin de l'âge
de la pierre polie.
Lecture est donnée d'un mémoire de M. l'abbé
Poulaine sur les fouilles de la grotte Saint-
Joseph, à Saint-Moré (Yonne), où il a trouvé de
nombreux débris de l'industrie et de la faune
paléolithique.
M. le secrétaire lit un mémoire de M. le doc-
teur Roux signalant les monuments mégalithi-
ques des environs de Saint-Nectaire (Puy-de-
Dôme).
M Henry Corot présente une carte archéolo-
gique du département de la Côte-d'Or, qu'il se
propose de publier prochainement.
M. Fourdrignier entretient le Congrès de la
découverte faite il y a quelques jours par M. Le-
moine, près de Châlons-sur-Marne, d'une sépul-
ture à chars analogue à celle de la Gorge-Meillet.
Jeudi 7 (tvril. — M. l'abbé Arnaud d'Agnel
lit un travail sur le trésor de l'église Sainte-Anne
d'Apt (Vaucluse).
Lecture est donnée d'une note de M. Barrière-
Flavy sur de nouvelles stations wisigothiques du
midi de la France.
M. Jules Beaupré communique un inventaire
des monnaies gauloises recueillies dans l'arron-
dissement de Nancy.
M. Gustave Chauvet communique un statère
d'or pâle trouvé à Lorigné (Deux- Sèvres).
M. le chanoine Cherrier lit un mémoire sur la
croix de Lorraine en Provence.
M. Chevreux lit un mémoire sur \e paçus Su^-
(rinteiisis, dont le chef-lieu aurait été la localité
des Vosges appelée Sugcnes au inoyen âge.
Crat)au;c des ^otittts savantes.
325
M. Paul Ducourtieux lit un mémoire sur les
voies romaines qui traversaient le territoire des
Lémovices.
M. le secrétaire rend compte d'un catalogue
dressé par le R. P. Delattredes marques cérami-
ques grecques et romaines trouvées à Carthage,
sur la colline voisine de Sainte-Monique, en 1902
et 1904.
M. Emile Bonnet lit une étude sur les vestiges
de l'architecture carolingienne dans le départe-
ment de l'Hérault.
Lecture est donnée d'une note de M. l'abbé
Chaillan sur différentes églises construites peu
après l'an looo par les bénédictins de Saint-
Victor de Marseille, dans la vallée de l'Arc supé-
rieur.
M. P. Coquelle lit un travail sur les portails
romans du Vexin français et du Pincerais.
M. Charles Joret fait une communication sur
quelques objets trouvés sur le champ de bataille
de Formigny.
M. l'abbé Meister lit un mémoire sur des ins-
criptions tumulaires et campanaires de Grand-
villiers (Oise).
M. l'abbé Nicolas lit un travail de sujet sem-
blable concernant l'ancien décanat de Uun
(Lorraine).
M. le chanoine E. Morellitun travail sur l'épi-
graphie du canton d'Estrées-Saint-Denis.
M. l'abbé Parât résume les récentes décou-
vertes préhistoriques faites à La Roche-aux-
Loups, au Crot-Canat et à La Roche-aux-Lar-
rons (Yonne).
M. J. de Saint-Venant parle des fouilles qu'il
a faites en collaboration avec M. L. Poussereau
dans une enceinte avec motte, située au vieux
château de Barbarie, à La Machine (Nièvre).
Lecture est donnée d'un mémoire de M. Léon
Germain de Mady sur le calvaire de Briey, dont
deux statues de bois, qui se rattachent à l'école
des Richier, sont conservées dans la chapelle du
cimetière actuel de Briey.
l.e samedi ç avril a eu lieu à la Sorbonne
l'assemblée générale de clôture du Congrès. Un
discours a été prononcé par M. Bayet, directeur
de l'enseignement supérieur, représentant le
ministre de l'Instruction publique.
Réunion des délégués des Sociétés des
Beaux-Arts des Départements. — La vingt-
huitième session a eu lieu à Paris, à l'École des
Beaux-Arts, du 5 au 8 avril. Nous donnons ci-
après le résumé des travaux présentés :
Mardi ^ avril. — M. Emile Biais retrace l'his-
toire du théâtre à Angoulême du XV»" siècle à
1904.
M. Charles Ponsonailhe lit une étude sur deux
peintres de Montpellier au XVII'= siècle, Zueil
et Boissière.
MM. H. Herluison et Paul Leroy donnent lec-
ture d'un travail sur les sculpteurs Gois père et
filset sur la statue de Jeanne d'Arc de ce dernier.
M. Louis de Grandmaison présente la suite de
son Essai d armoriai des artistes français.
M. A. Montier parle des épis ou pièces de
faîtage en terre cuite vernissée ou émaillée, en
Normandie.
M. F. Lorin étudie les belles peintures du
château de Thoisy (Seine-et-Oise).
M. Camille Leymarie lit des notes sur l'his-
toire du biscuit à Limoges.
M. Bouillon- Landais parle de la collection de
tableaux de Paul de Surion légués à la Ville de
Marseille : plus de quatre-vingts toiles, dont plu-
sieurs très importantes au point de vue histo-
rique.
M. Paul Pellot lit une notice sur Gérard Aubry,
peintre champenois du XVII^ siècle.
M. Paul Clauvet communique un travail sur
Pierre Martin Barat, peintre du XVIII^ siècle,
qui a laissé les portraits d'un secrétaire perpétuel
de l'Académie de Nîmes.
Mercredi 6 avril. — M. L. Scribe parle des
maisons de la Renaissance à Romorantin.
M. Eugène Thirion lit un travail sur le théâtre
à Fontainebleau jusqu'en 1870.
M. Léon Chartel fait l'historique de l'enseigne-
ment public des arts du dessin à Lyon.
M. L. Quané-Reybourbon lit une étude sur
Alphonse Colas, peintre lillois (1818-1887).
M J. Martin présente une note sur les fres-
ques de l'ancienne église de Varennes-le-Grand
(fin du XVI« siècle).
M. P. Parfouru lit un travail sur les anciennes
tapisseries du palais du Parlement de Rennes.
M. Emile Delignières donne lecture d'une im-
portante étude surPierre-AdrienChoquet, peintre
abbevillois (1743-1813).
M. Henri Jadart remet en lumière des artistes
rémois inconnus du XVI<^ siècle.
M. Albert Jacquot présente la suite de son
Essai de répertoire des artistes lorrains: les autetirs
dramatiques et comédiens.
M. l'abbé Brune étudie des statues de la fin
du XVI^ siècle à l'église d'Arlay (Jura).
M. l'abbé Langlois lit une communication sur
des bustes de Sceaux, représentant des empe-
RSVUB DE l'art CHRÉTIEN.
1904. — 4""^ LIVRAISON.
326
Brtue tir rSrt cbvétieiu
reurs romains et aujourd'hui dispersés à Chartres
et à Paris.
Jeudi 7 avril. — M. Alfred Gabeau lit une
étude historique sur la collection de tableaux du
duc de Choiseul.
M. Bourde de la Rogerie présente une notice
sur un recueil de plans manuscrits d'édifices cons-
truits par les architectes de la Compagnie de
Jésus (1607- 1672).
M. le baron Guillibert lit une monographie du
peintre Granet (1775 1849).
M. Félix Pasquier fait une communication où,
sous le titre : Engagement d'objets précieux de la
maison de Foix\ il donne des inventaires de
pierreries, de bijoux, de pièces d'orfèvrerie, que
les Grailly, comtes de Foix, mirent en gage dans
un moment de gêne.
M. le chanoine Ch. Urseau lit une note sur le
portrait de Louis XI conservé à Notre-Dame de
Béhuard, en Anjou.
M. V.-E. Veuclin donne communication de
notes biographiques, critiques ou anecdotiques
sur cent cinquante artistes ou artisans de la région
normande.
AI. Armand Benêt présente une liste impor-
tante d'artistes et d'artisans des XIV'^ et XV^
siècles occupés parles ducs d'Harcourt.
M. Paul Lafond entretient l'assemblée de trois
nouveaux portraits de Henri IV, contemporains
du modèle, et dont l'un a été gravé en 1630 par
un artiste des Flandres.
M. Maurice Hénault parle des portraits de sou
verains conservés au musée de Valenciennes.
M. Paul de Longuemare lit une notice sur un
architecte du XVI I^ siècle: Abel de Sainte-
Marthe.
Vendredi 8 avril — M. L. de Vesly fait une
communication intitulée: ]&s.nGo\\]an, architecte ;
les colonnes de l'église Saint-Maclou à Rouen.
M. l'abbé Requin lit une notice sur le sculpteur
Stephani et le peintre Guigonis; artistes proven-
çaux du XVe et du XVl" siècle.
Enfin, M. Henry Jouin, secrétaire du comité,
donne lecture de son rapport général sur les tra-
vaux de cette vingt-huitième session.
Comité des travaux historiques. — Bull,
archéol., 1903, y liv. — M. Euting, professeur à
l'Université de Strasbourg, a découvert dans le
pays de Moab les restes, remarquables au point
de vue artistique, du palais de Méckatta, con-
struit par un prince de la dynastie des Ghas-
sanides, et qui serait le premier monument où
l'art byzantin est combiné avec l'art arabe. Enre-
gistrons une note du R. P. Delattre sur des ins-
criptions romaines en Tunisie et des découvertes
archéologiques faites à Carthage. Signalons spé-
cialement une étude de M. Barrière-Flavy sur
les portails romans des églises de Caujacet et de
Gaillac-Toulza (Haute-Garonne). Ces travaux
sont à rapprocher de ceux de notre collaborateur
M. Lanore. Importante aussi est la description par
M. le comte de Loisne, des miniatures romanes
du cartulaire de Marchiennes, dues sans doute
au moine Guy, dont Mgr Dehaisnes avait retrou-
vé plusieurs œuvres. M. l'abbé Metais décrit
aussi les vitraux de Ste-Anne du XVI^ siècle, à
l'église de Saint- Valérien de Châteaudun.
Société d'archéologie de Bruxelles, — Par-
mi les travaux de l'année 1903, nous avons à
signaler, à notre point de vue, une communica-
tion de M. J. Destrée sur un monument votif du
XV« ou du XVIf^ siècle, et une autre sur l'auteur
(qui reste toujours discuté) des fonts baptismaux
de l'église de St-Barthélemy de Liège, Nous re-
viendrons sur cette question, MM. Destrée et
Kurth, qui ont attribué ces fonts à Régnier de
Huy ayant rencontré des contradicteurs.
M. l'abbé Lemaire a commencé l'étude de l'é-
glise d'Alsemberg. Madame Isabelle Errera a fait
connaître une remarquable pièce d'étoffe d'or
découverte à Modène, étoffe de fabrication arabe,
avec influence byzantine, du X"^ ou du Xl<= siècle.
M. de Marsy s'est occupé des sceaux des cor-
porations bruxelloises. Il faut ajouter à ces études
les sept brillantes conférences de MM.de Mot et
Cappart sur les antiquités égyptiennes.
Société d'Histoire et d'Archéologie de
Gand (12*^ année). A signaler spécialement une
conférence du R. P. Van den Ghein conservateur
des manuscrits à la bibliothèque royale de Bru-
xelles sur la miniature à la Cour de Bourgogtie.
Un membre dénonce un projet menaçant, sous
prétexte d'agrandissement et de restauration, la
petite église d'Afsné, véritable bijou architectu-
ral de la Flandre.
M. V. Van der Haeghen, archiviste de la ville
de Gand, s'occupe de \a conspiration pour délivrer
Gand et la Flandre de la domination espagnole en
1631.
M. J. Desmet étudie la porte romane de l'hô-
pital de Louvam et continue la discussion soule-
vée par M. Maeterlinck, au sujet de son époque.
On entend la conférence de M. Jos. Casier
sur le vitrail, illustrée de projections lumineuses.
L'orateur examine les différents points de vue
sous lesquels la question du vitrail peut être
envisagée.
^xà\)à\ix t}tô â>ociété0 sabantes.
327
M. A. Heins décrit une maison gantoise. Ses
transfortnations du X V^ au X VIII^ siècle. Les
archives de la ville de Gand renferment une
grande quantité de dessins anciens de façades et
de pignons, du XYII^ et du début du XVIIIe
siècle. Ces documents étaient joints aux deman-
des adressées aux échevins en vue d'obtenir l'au-
torisation de faire des modifications à des mai-
sons. C'est en consultant une farde de cette col-
lection, que M. Heins a pu établir les change-
ments faits à la demeure du sieur Robert
Stevens, habitant quai de la Grue. Une réduction
du dessin original accompagne le texte.
Institut archéologique liégeois. — Bull.de
l'année iço2. — M. le vicaire général E. School-
meesters, dans ses études sur Rodolphe de Habs-
bourg et la principauté de Liège, nous fait voir à
l'œuvre dans ses rapports avec la principauté de
Liège, l'activité de la chancellerie de Rodolphe
de Habsbourg, qui « se montra ici comme ailleurs
dans l'Empire le défenseur des droits acquis et le
gardien de l'ordre et de la paix publique. »
M. Ruhl passe en revue les monuments de
l'art militaire au pays de Liège que le temps et
la pioche des démolisseurs ont épargnés.
M. L. Renard fait Rapport sur les recherches
et les fouilles exécutées en içoj par l'Institut ar-
chéologique liégeois. Exposé très intéressaut des
fouilles opérées à Latinne, Ocquier, Vervoz (Cla-
vier).
^ :^ ^. ^ ^^ ^^ -^^ ^:^ ■^■^. ^. ^. ^ ^ ^, i^^ ^. ^ ^ ^ ^^^^^^^^
mm^^^^^m^ Bifaliograpbic. ^m^^^m^mBmm
wwwwwwwwwwwwwww^wwwwwwwww^
PISTOIA: Nelle sue opère d'arte. — PRATO :
Impression! d'arte. — FIRENZE : P. Lumachi, par
Odoardo H. Giglioli.
^N publie sur les arts en Italie, tant
^ d'erreurs et d'inepties qu'on est sou-
^ lagé,lorsque paraissent des ouvrages
I comme ceux de M. H. Giglioli.
«^^■.y^.^4^ Ses volumes sur Pistoia et Prato
sont indispensables aux personnes qui veulent
connaître les arts de ces deux antiques et très in-
téressantes cités, trop négligées par les voyageurs
Ger.
MONOGRAPHIE DE LA GATHÉDRAE D'A-
MIENS, par G. Durand, tom. IL MOBILIER ET
ACCESSOIRES. — Grand in-40 de 660 pp. et pi.
en héliogravure. — Amiens, Yvert et Tellier, 1903.
NOUS avons fait connaître le premier et
principal volume de cette monographie
modèle, vraiment digne du chef-d'œuvre archi-
tectonique chrétien, et qui fait grand honneur à la
Société des Antiquaires de Picardie et illustre
le nom de son président M. G. Durand. Là ma-
gistrale étude consacrée dans un premier volume
au monument lui-même se trouve complétée dans
ce second volume, par la description du mobilier
actuel et l'exposé de ce que l'on sait du mobilier
disparu, bien autrement important que celui qui
subsiste. L'auteur fait le tour du monument,
décrivant ce qu'il rencontre ; mais il consacre
deux chapitres spéciaux et fort importants aux
clôtures du chœur et aux stalles avec des com-
pléments au sujet des vitraux, des cloches et du
trésor. Il ne manque pas de faire connaître les
quelques spécimens conservés de cette fameuse
série de tableaux dédiés à la Vierge par la con-
frérie du Pnj Notre-Dame, et dont feu M.J. De-
haisnes a jadis entretenu nos lecteurs ('). Les
belles héliogravures qui donnent tant de valeur à
la monographie de N.-D. d'Amiens, sont surtout
consacrées aux bas-reliefs de la clôture du chœur
et aux merveilleuses sculptures des stalles.
Nous ne pouvons entreprendre d'analyser cet
ouvrage considérable, dont l'éloge n'est d'ailleurs
plus à faire. Sans vouloir aucunement en faire le
résumé, nous y glanerons quelques notes relatives
aux parties disparues, au sujet desquelles l'auteur
s'est livré à de patientes et consciencieuses re-
cherches.
On a quelques indications sur le jubé qui fer-
mait le chœur au moyen âge. Il était de pierre,
I. V. Revue île l' Art chrétien, année 1890, pp. 25 et suiv.
et formait un portique à sept arches sur colonnes,
avec cintres redentés, à larmiers fleuronnés,
celui du milieu plus large, décoré à l'intrados
de feuillages ; la balustrade contenait en ses nom-
breuses niches (29 sur la face antérieure) une
série de statues de prophètes, de sybilles, d'anges,
etc. Ce portique, large d'environ 8 pieds, porté en
saillie sur les deux piles d'entrée du chœur, était
voûté de petites croisées d'ogives. Une porte
grillée s'ouvrait au centre ; les travées extérieures
abritaient deux autels consacrés l'un à l'anneau
de la Vierge et à S. Firmin, et l'autre au menton
de S. Jacques. D'après le dessin qu'on en garde,
datant de 1727, son style se rapporte au début
du XIV<= siècle.
Parmi les tombeaux d'évêques, celui de Fran-
çois de Halluin (1503-1538) était un mausolée
somptueux qui s'élevait en pyramide jusqu'à
la hauteur des chapiteaux des maîtres piliers; il
était fort admiré pour sa richesse, mais scandali-
sait à juste titre le Chapitre par son exubérance.
M. Durand esquisse, à l'aide de documents, les
tombeaux disparus et complète l'indication des
sujets sculptés au pourtour du chœur, et dont on
garde de si remarquables parties. Il décrit ces
dernières, et commente avec une grande érudi-
tion leur riche iconographie. Un dessin de
1727 donne un croquis des remarquables tom-
beaux, placés bout à bout, des évêques Jean de la
Grange (^ 1402), et Jean de Boissy {>b 1410).
Leurs cénotaphes enlignés occupaient une travée
du chœur, à l'abri d'un baldaquin à quadruple
travée, très élevé, et porté par de sveltes supports,
qui sont si bien incorporés aux lignes de l'édifice,
qu'ils se confondent avec lui. La statue du car-
dinal de la Grange est seule conservée ; c'est une
œuvre de l'école parisienne.
Notons que dès le XIII^ siècle le c/iœtir et le
sanctuaire, très distincts, étaient séparés par deux
degrés et une balustrade. Il y avait dans le chœur
deux autels ; le iiiajus altare et \e post altare, le
premier adossé au diamètre du rond point, le
second, au fond de l'abside. Les comptes four-
nissent de curieuses indications sur les parements
de broderie de ces autels. A la fin du XV^' siècle
on fit un premier et riche retable d'orfèvrerie, exé-
cuté par deux orfèvres d'Amiens, Pierre Fauvel
et Pierre de Dury, aidés de Nicolas des Osteux.
On mit huit ans à l'exécuter. Il était renfermé
dans des étuis de bois peint qu'on n'ouvrait
qu'aux grandes fêtes. On y avait figuré le crucifie-
ment, lequel ne se voyait que le Vendredi-Saint;
car tous les autres jours de l'année, hormis les
grandes fêtes, où l'on découvrait le retable d'or-
Btbltograpfile.
329
févrerie, son enveloppe était garnie de riches
étoffes.
Au XIV= siècle un crucifix et quatre candé-
labres d'argent doré, dont deux étaient plus
grands que les autres, formaient la garniture
ordinaire du maître-autel.
Six belles colonnes de cuivre ornées de figures
de saints en ronde bosse et surmontées de statues
d'anges vêtus de chapes et portant les instru-
ments de la Passion, soutenaient les tringles des
courtines. Des frises de cuivre d'où naissaient des
branches fleurdelisées portant des bobèches et
servant de chandeliers devant la châsse des saints,
s'étendaient des deux côtés de l'autel jusqu'à la
clôture du sanctuaire. Cet appareil datait de 151 1.
Au XI V^ siècle la Sainte Eucharistie était sus-
pendue dans une coupe suspendue au-dessus du
maître autel dans un tabernacle porté sur six
colonnes d'argent doré.
Les châsses étaient placées derrière le maître-
autel, voilées d'ordinaire. Il y avait devant l'au-
tel un édicule de pierre pour les exposer. Cet
édicule barrait le chœur transversalement ; il of-
frait des niches pour les deux châsses et on y
accédait par deux petits colimaçons.
Un grand dais d'étoffe bleue garnie de fran-
ges et semée de fleurs de lis d'or fut suspendu
au-dessus du maître-autel jusqu'en 1707.
Dans le chœur figuraient de grands candéla-
bres en cuivre, des lutrins en bronze, comme on
en voit encore à Tournai.
Les parties conservées de la merveilleuse clô-
ture sont l'objet d'une minutieuse description. On
ne connaît pas leurs auteurs ; la période de leur
exécution s'étend de 1490 à 1530 environ. On y
distingue deux époques. L'imagerie de Saint-
Firmin (vers 1490) est plus ancienne; les person-
nages ont plus de raideur, les draperies sont
tuyautées ; les costumes sont relativement sim-
ples. Le reste est du premier quart du X VI« siècle,
de même que les stalles ; toutefois, ces sujets
sculptés échappent en grande partie à l'influence
italienne ; c'est de l'art flamand, d'un naturalisme
un peu prosaïque. Encore dans l'ensemble de cette
seconde partie peut-on distinguer deux mains. La
plus récente, datée 1531, est la plus retardatrice.
Les histoires de S. Firmin et de S. Jean-Baptiste
sont de petites merveilles assez connues; M. Du-
rand en a fait un commentaire qu'il faudrait lire
devant les sculptures même. Il en est de même
de celles de la clôture du transept, qui retracent
des scènes de l'Évangile.
Les stalles sont prodigieusement fouillées.d'une
richesse étourdissante, et néanmoins d'une belle
unité. La description de leurs imageries forme
tout un petit traité d'iconographie. Elles furent
commencées en 1508, par Arnould Boulin auquel
on associa Alexandre Huet, tous deux d'Amiens ;
leurs serviteurs furent Léonard Le Clerc, Guil-
laume Quentin et Pierre Meurisse. On attribue
à Huet le côté droit, à Boulin le côté gauche
des stalles (l'auteur du document entend sans
doute la droite et la gauche du spectateur).
Pour l'exécution de 72 histoires des sellettes
ou miséricordes, on a dit qu'il avait été fait
marché à part avec Antoine Avernier, mais
M. Durand admet l'opinion émise dans la Revue
de l'Art chrétien ('), par Mgr Dehaisnes : que cet
Avernier pourrait être un nom mal lu pour
Antoine Anquier, l'auteur de la statue funéraire
d'Adrien de Hénencourt. La question reste à ré-
soudre. Le marché primitif ne prévoit pour les
miséricordes que des ornements ; on se décida
plus tard à y mettre des sujets bibliques, ce qui
est rare. Le nom de Turpin, deux fois gravé sur
les stalles, est celui d'un simple ouvrier. Il faut
ajouter aux noms des ouvriers celui d'un certain
Breton et deux frères Cordeliers appelés en i 5 10.
Il faut encore signaler le reste des peintures
murales exécutées en 1506 dans la chapelle de
Saint-Èloy, et représentant les sybilles et les
remarquables tombes des évêques Evrard de
Fouilloy et Geoffroy d'Eu, monuments de bronze
du XI Ile siècle, à peu près uniques en France.
Encore une fois toutes nos félicitations à
M. Durand.
L. C.
MANUKL D'ARCHEOLOGIE FRANÇAISE
DEPUIS LES TEMPS MÉROVINGIENS JUS-
QU'A LA RENAISSANCE, par E. Enlart. — Pre-
mière partie, architecture. — Tome II, Architecture
civile et militaire. — In-8", 850 pp. illustrées. Paris,
Picard, 1903.
Nous avons fait connaître le premier volume
de ce remarquable ouvrage, qui restera le traité
définitif et classique pour la France. Le second
volume est écrit avec la même abondance d'éru-
dition que le premier et la même sûreté d'in-
formations. M. Enlart reprend à peu près le
plan du deuxième volume de V Abécédaire d'ar-
chéologie de de Caumont, mais au lieu de hacher
la matière relative à chaque genre d'édifices,
en la reprenant séparément aux époques suc-
cessives, il épuise en une fois le sujet au cours de
tout le moyen âge. Il écarte certaines superféta-
tions où tombait son illustre devancier, quand il
traitait des appareils, du carrelage, etc., et autres
questions connexes à l'architecture religieuse et
civile. Par contre, il est beaucoup plus complet
dans les choses pertinentes, il n'ignore aucun édifice
civil ou militaire du territoire français, et com-
plète par des notes copieuses autant que précises,
I. Année 1889, p. 467.
330
ISitWt De r^vt cbrctten.
les indications qui surchargeraient trop son
texte parfois un peu touffu. Chez lui, le dépouille-
ment des archives et des anciens écrits va de
pair avec les relevés faits sur les monuments.
Il déverse en quelque sorte dans son livre une
quantité étonnante de documents, fruit de
voyages et de recherches singulièrement fruc-
tueux. L'illustration est judicieusement choisie,
composée de dessins très démonstratifs, et de
photogravures absolument typiques.L,' A /^/câfaïre
d'Arcisse de Caumont était un recueil, fort re-
marquable pour l'époque, de documents relatifs
au vaste sujet qui nous occupe ; ici la matière est
I mieux coordonnée. Certains chapitres sont à cet
égard vraiment didactiques, comme ceux relatifs
aux monastères et aux fortifications. On souhai-
terait voir la méthode appliquée de manière com-
plète à tous les genres, notamment à l'habitation
privée. La revue des types régionaux de vieilles
maisons de France reste encore à faire. Dans
l'ouvrage de M. Enlart il y a des chapitres en-
tièrement nouveaux et des plus intéressants, tel
celui qui est relatif aux travaux publics, aux
égoûts, aux bastilles, lieux de divertissements et
maisons de jeux, etc., ainsi qu'à l'art naval.
Les tables de référence sont précieuses, le réper-
toire archéologique des départements, document
inestimable, démontre à quel point l'étude a été
fouillée en tous sens, et combien elle est com-
plète. Le livre de M. Enlart est un instrument
de travail et d'étude d'une utilité extraordinaire;
on ne aurait assez lui en être reconnaissant.
L. C.
LA SCULPTURE BELGE ET LES INFLUEN-
CES FRANÇAISES AU XIIP ET AU XIV^
SIÈCLE, par M. R. Kœchlin. — Gr. in-8° de 48 pp.
Paris, Gazette deî Beaux- Arts, 1903.
Les œuvres médiévales de sculpture ne sont
pas nombreuses en Belgique ; elles intéressent
au plus haut point l'histoire de l'art, comme on le
verra par ce qui suit. Il est étonnant qu'il ne se
soit pas trouvé un érudit belge pour en faire
l'étude d'ensemble ; cette besogne a été entre-
prise par un des plus distingués parmi les
critiques d'art français, et il a procédé à ce sujet
à une enquête sérieuse, embrassant toutes les
pièces de valeur de la sculpture proprement dite,
à l'exclusion de l'orfèvrerie. Il a fait mieux, il a
tiré de son clairvoyant examen des déductions
nettes, neuves et logiques. On pourra lui contester
des détails : il sera difficile d'infirmer sa thèse.
Cette thèse est la suivante : Jusqu'ici l'on a
attribué à l'esprit flamand et en particulier à sa
sculpture du XI V<= siècle une influetice originelle
et primordiale sur la renaissance réalistique de
l'art plastique en Europe. Il n'en est rien : le réa-
lisme flamand ne s'affirme qu'au XV^ siècle et
plutôt dans la peinture. Au XIII<^ et au XIV<=
siècle, le réalisme, loin de dominer en Flandre,
transpire à peine à côté de l'idéalisme français
qui pénètre dans l'art belge. C'est presque le
contrepied des théories de Courajod. M. Kœchlin
ajoute, que si le naturalisme bourguignon dérive
de l'art flamand, il s'en distingue par un souffle
plus puissant.
Nous devons reconnaître, dans l'état actuel de
nos connaissances, le succès de la thèse de M.
Kœchlin. Quant à l'influence française en Bel-
gique, au X1II<^ et au XIV'' siècle, les écrivains
belges l'ont à peine indiquée dans leurs livres,
mais beaucoup l'ont remarquée, et à la Société
d'archéologie à Gand il en a été souvent question.
M. A. Heins l'a récemment encore affirmée à
propos des sculptures des voûtes lapidaires de
Saint-Bavon, et le premier peut-être, je la lui
avais signalée, consulté par lui sur ces sculptures.
Cette influence est évidente dans le domaine de
l'architecture. Le chœur de la cathédrale de
Tournai est une œuvre bien française, ainsi que
la chapelle épiscopale, érigée à la fin du XII'=
siècle, par l'évêque Etienne, ancien abbé de
Sainte- Geneviève. L'église Saint -Jacques de
Tournai semble pénétrée d'influences françaises
avec ses claires-voies qu'on dirait bourguignonnes,
et sa tour qui évoque un lointain souvenir de
celles de Laon, et rappelle d'une manière frap-
pante le clocher de Vernouillet.
Les trois jolies églises de Poperinghe sont
parentes de la cathédrale de Saint-Omer. Le
croisillon Sud de Saint-Martin d'Ypres a deux ou
trois chapiteaux d'une flore purement parisienne,
et son chœur est français par sa corniche sculptée
et surtout par ses absidioles en diagonale du
type Soissonnais ; le même plan d'absidioles se
retrouve à Lisseweghe et à Damme. Inutile de
rappeler les influences françaises marquées au
chevet de Sainte-Gudule à Bru.xelles et à N.-D.
de la Chapelle.
M. Kœchlin relève les marques de l'influence
française dans la sculpture belge. Il commence
son enquête au XII« siècle. A cette époque Tour-
nai possédait une école d'art puissante, et à
laquelle il aurait tort de dénier une grande origi-
nalité. Il a beau parler de la rudesse des fonts
baptismaux ; s'il connaissait la riche collection de
ces fonts superbes, malgré le fantastique débor-
dement de leur décor, il yreconnaîtrait les vestiges
d'ateliers ayant leur art propre, plus lombard
que français. A notre avis, nos provinces ne su-
bissent la loi française qu'à partir du XI 11*^ siècle.
Dès lors elle est incontestable. Elle éclate
dans le double tympan de l'hôpital Saint-Jean à
25tbltograpl)te.
331
Bruges (vers 1270), mais apparaît plus tôt en
Flandre française (Grand Dieu de Thérouane).
— M. Kœclilin croit la retrouver dans le tympan
de Saint-Servais à Maestricht (?). Elle s'accuse
dans une série de madones de nos musées et de
nos églises, notamment dans la Vierge assise de
Saint-Pierre à Louvain, dans l'admirable Vierge
de Saint-Jean et de Saint-Pholien à Liège, dé-
crites par M. Helbig, dans celle de Laeken.
Les dalles funéraires, si nombreuses en
Belgique, sont des schémas idéalistes et les
gisants des sarcophages sont à peine encore des
portraits.
Au KIY'"" siècle l'idéalisme fait place à la
formule, comme M. Kœchlin l'a si bien montré
en étudiant la sculpture au pays de Troyes ; et
la formule est la même en Belgique que dans le
Nord de la France, que dans toute la France.
Aussi l'emporte-t-elle sur le réalisme natif et
incontestable des Flamands, qui ne s'en dégage
que très tard, à la fin du siècle. C'est, comme à
Troyes, dans les statues de Vierges, qu'on peut
surtout étudier l'évolution : le type est la Vierge
du portail Ouest de Notre-Dame de Tournai (à
noter toutefois que la tête de cette Vierge est
de la Renaissance ainsi que l'Enfant Jésus), celle
du portail Sud de Hal, la sainte Catherine de
Beauneveu à Courtrai, si proche parente de la
Vierge de Tournai et d'autres Vierges de nos
musées. Le maniérisme est à son apogée dans la
charmante Vierge des Fonts de la cathédrale
d'Anvers. Celle de N.-D. du Lac à Tirlemont
(conservée au musée de la ville) est la plus frap-
pante par sa similitude avec les modèles français.
L'analogie se manifeste encore dans certains
thèmes uniformes comme celui des sculptures
représentant le Couronnejiient de la Vierge à
Bruges, à Saint-Jacques de Liège, à Walcourt, ou
des figurations d'Abraham recueillant les âmes
dans son sein, etc. — Les prophètes de la cathé-
drale de Tournai sont apparentés à ceux de Sens.
M. Kœchlin refuse de reconnaître la verve
caricaturiste et la faculté d'observation attribuée
aux Flamands, dans les consoles et les masques
de la salle échevinale d'Ypres, même dans les
consoles de l'Université de Louvain, et de la Bi-
loque de Gand, ainsi que dans les écoinçons
historiés de la chapelle des Comtes à Courtrai,
de l'église du Sablon à Bruxelles, des églises
d'Assche et de Hal. C'est, me semble-t-il, aller
loin ; mais, trop peu compétent, nous laissons
à MM. Maeterlinck, de Smet et Destrée, ces fins
connaisseurs en l'espèce, de dire leur avis à cet
égard. Comparant nos produits à ceux des ateliers
français, M. Kœchlin n'est pas loin de trouver
ceux-ci plus réalistes que les Flamands.
Ce n'est qu'au troisième tiers du XIV'= siècle.
qu'il reconnaît l'entrée en scène du réalisme
flamand. Mais ce n'est à ses yeux que le réa-
lisme bourgeois et terre à terre, étranger à cette
allure puissante qui caractérisa le génie des
Flamands transplantés en Bourgogne. Les chefs-
d'œuvre de cette période sont, à son sens, les
chapiteaux de la Grande église de Rotterdam, les
consoles de la galerie Ouest de la façade de
l'hôtel de ville de Bruxelles et celles de l'hôtel de
ville de Louvain.
Les origines de l'École de Dijon paraissent
à notre auteur une énigme, sans attache dans
le passé avec la Flandre, et étrangères à la suite
du développement de l'école belge. Les mor-
ceaux qui gardent le plus d'analogie avec les
œuvres bourguignonnes sont l'ancienne décora-
tion du portail de l'hôtel de ville de Bruxelles,
déposée au musée communal.
Nous croyons avoir analysé fidèlement l'étude
de M. Kœchlin, révolutionnaire et presque
agressive à l'égard d'idées chères à nos compa-
triotes. Nous ne sommes pas en état d'y contre-
dire. Quelle que soit la vérité, elle ne peut que
gagner à des recherches aussi consciencieusement
conduites et aussi franchement exposées.
Ajoutez que l'auteur, admirablement docu-
menté, semble avoir fouillé tous les coins de la
Belgique. Du reste en quelques heures passées
au musée des Moulages du Cinquantenaire à
Bruxelles il a pu déjà se faire une idée de l'en-
semble de notre art plastique médiéval. On ne
pourrait trouver plus belle preuve de la manière
méthodique et éclairée dont l'Ltat belge a cons-
titué cette collection et des grands services qu'elle
est susceptible de rendre.
L. C.
DEUX VIES D'ÉVÊQUES, par M"' Louise
PiLLiON. (Extrait de la Gazette des Beaux-Arts.)
Croirait-on que parmi les sculptures histo-
riées si remarquables qui tapissent le fameux
portail de la Calende de Rouen, et que tant de
milliers de touristes et d'archéologues ne cessent
d'examiner, se trouvent encore, ou plutôt se
trouvaient de longues pages indéchiffrées,comme
des albums d'histoires étalées là sous les yeux
de chacun et que personne n'avait lues ; et ces
histoires n'étaient rien moins que celles de deux
grands saints évêques, saint Romain et saint
Ouen. C'est une dame, notre nouvelle collabora-
trice,M^i'^ Louise Pillion,qui par son érudition est
venue éclairer ces étonnants bas-reliefs, plongés
dans l'ombre de l'ignorance, en même temps, il
faut le dire, que dans la pénombre due à un fâcheux
éclairage ; mais la photographie est devenue un
précieux auxiliaire de l'archéologue, et elle est
332
3Rebue te V^xt chrétien.
une des nombreuses ressources de notre corres-
pondante, qui n'est en défaut devant aucune
difficulté. C'est un régal de lire les pages élégantes
et érudites où elle élucide de multiples problèmes
et retrace sans lacune la double histoire si pitto-
resquement ciselée dans les pierres séculaires.
L. C.
MONUMENTS DU FOREZ ET DU VELAY.
Le journal Le Mémorial de la Loire et de la
Haute-Loire a donné une suite à l'intéressante
série de monographies paroissiales due à M. Noël
Thiollier, et que nous avons signalées naguère (').
— On y trouve des renseignements pleins d'in-
térêt sur les églises, châteaux et autres antiquités.
A Chanteuges ce sont les ruines de l'ancienne
abbaye dominant le panorama superbe de la
Planèze et l'église, un des plus beaux spécimens
d'architecture romane dans la Haute-Loire, cons-
truite vers 1 137, et qui offre de beaux chapiteaux
historiés (à remarquer surtout une représentation
du Bon Pasteur). — A Saint-Haon, existe une
église également romane, une des plus originales
de la région par sa curieuse abside à 5 pans, bâtie
en appareil avec parement en talus que couronne
sous la corniche de longues arcatures ; en avant
se dresse un mur surmonté de quatre arcades oili
pendent les cloches. — L'église de Saint- Vidal,
également ancienne, avec une travée voûtée en
coupole sur trompes et une abside ronde à
l'intérieur, à pans coupés au dehors; la fenêtre
centrale est encadrée d'une archivolte trilobée
posant sur colonnettes. — Jusqu'à 1872 celle de
Ternay avait gardé sa superstructure en char-
pente; ses murs si bien conservés, avec assises
de moellons alternant avec un double ou triple
rang de briques, sont un chef-d'œuvre de maçon
nerie ; elle mérite d'être étudiée de près. — Pour
bâtir l'église de Ceyssac (une haute curiosité des
environs du Puy), l'on se contenta de construire
une façade et un chevet entre deux coulées volca-
niques formant murs latéraux, et de bander
unevoùte au-dessus;elle s'ouvre par une jolieporte
romane. — Saint-Christophe sur Dolaizon a une
église romane analogue aux précédentes, cou-
verte en dalles de pierre.Celle de Verrières, fondée
en 1223. fut reconstruite au commencement du
XVIe siècle, d'un seul jet ; c'est une des plus
belles églises de la contrée. — L'église Sainte-
Marie à Borne garde son chevet roman ainsi que
son ancien campanile. Noirétable a conservé deux
anciennes églises, l'une remonte au XII'- siècle,
c'est celle du prieuré bénédictin ; la seconde date
du XV<= siècle; elle offre en avant un vaste
porche de charpente du XVI« siècle. Inspirée
I. Revue de CArt chrétien, année 1904, p. 339.
commeplusieurs autres de La Chaise-Dieu, l'église
de Saint-Galmier offre une grande nef dépourvue
de fenêtres et éclairée seulement par les bas-côtés
et les chapelles, cette nef est d'ailleurs large et
belle, posée sur des piliers à moulures qui se
perdent dans les voûtes. Cette église date du
XV"^ siècle. — Notre touriste érudit nous présente
la vue de l'église démolie de Saint-Martin-la-
Sauveté ; partie romane et partie gothique. En
agrandissant l'église de Beaulieu,on a eu soin de
respecter le vaisseau roman construit en superbes
blocs de brèche volcanique; son abside est semi-
circulaire intérieurement, à pans coupés au dehors,
avec trois absidioles creusées aux dépens du mur.
Des tempsanciens il ne resteàCoubonquedeux
cippes romains et l'église de St-Georges, du moins
la partie centrale de la façade avec le portail de
si belle ordonnance. Nulle part on ne peut
mieux qu'à Lavaudieu se faire une idée de ce
que fut au moyen âge un monastère de femmes;
tout est conservé ; fortifications, église, cloitre,
salle capitulaire, cuisine et dortoir ; mais hélas!
bien délabré. L'église est un monument fort
curieux de la fin du XI<= siècle, avec un des plus
jolis cloîtres que le XII<= siècle ait laissés dans
la Haute-Loire. Dans le réfectoire on peut encore
voir des fresques du XH^ siècle. — L'église de
l'Hôpital-sous-Rochefort est construite en partie
avec des matériaux antiques de grand appareil
comprenant pas mal de cippes funéraires. Le
portail est de grande allure. L'église de Trélins,
un intéressant morceau du XV'= siècle, et la ville
de Saint-Etienne était surtout remarquable par sa
rue Guy-Colombet aux maisons moyenâgeuses,
récemment démolies par une municipalité trop
peu soucieuse des souvenirs du passé. Inutile
d'insister sur l'intérêt de la chapelle Saint-Michel
d'Aiguilhe et sur celui de l'église de Charlieu,
deux joyaux de l'art roman élevé en Forez sur
la frontière bourguignonne.
L. C.
ENQUETES CAMPANAIRES — NOTES, É-
TUDES ET DOCUMENTS SUR LES CLOCHES
ET LES FONDEURS DE CLOCHES, DU VHr
AU XX= SIÈCLE, par Jos. Berthelé. — In-8° de
XVI-7s8 pp., 48 gravures. iMontpellier, Delord-Bœhm
et Martial, 1903. Prix : 20 fr.
Il y a quelque trente ans, les cloches n'étaient
inscrites au programme des études archéolo-
giques et historiques, que comme une branche
du Mobilier ecclcsiastitjue et de V Épigraphie. Les
archéologues ne s'y intéressaient guères, que si
elles remontaient au moyen âge. Les épigra-
phistes les transcrivaient si elles était antérieures
à la razzia de 1792- 1793.
I0ibliograpl)te.
333
Dans ces derniers temps (') plusieurs archéo-
loi^ues, MW. L. Germain de Maidy et Jos. Ber-
tlielé, notamment, ont montré quel intérêt ont
réellement les cloches pour Vhtstoire de l'Art
iiuiititrifl t.\. quelle attention méritent ces mo-
Beffroi et cloches de l'Épine (Hautes-Alpes).
destes artisans ambulants, qui ont peuplé de leurs
œuvres nos clochers et nos beffrois, et dont
beaucoup ont été de véritables artistes.
Le Comité des Travaux historiques a aidé ces
I. A la suite de la publication, en 1884, par M. Henri Jadart, de
l'histoire du célèbre bourdon de Reims.
eff"orts. Des recueils autorisés (la Revue de l'Art
chrétien se flatte d'avoir été le principal avec le
Bulletin Monumental), se sont associés à ce
mouvement. L'étude de l'art campanaire possède
aujourd'hui ses fervents, tels MIVI. Brugière, Le-
cler, Jadart, L. Régnier et R. Rodière.
Pour aider les travailleurs dans ce genre de
recherches, M. Jos. Berthelé vient de réunir en
volume, avec d'abondantes et instructives illus-
trations, une série de notices consacrées par lui
à l'histoire des cloches et des fondeurs de cloches
et aux inscriptions campanaires anciennes. Il
peut dire avec orgueil : Exegi Monumentum œre
perennius.
Le volume h'ouvre par une étude historique,
technique et pittoresque, sur la fonte des cloches
avant l'époque actuelle : — i° l'entreprise commer-
ciale, 2° l'opération industrielle, 3° le règlement des
comptes.
Viennent ensuite, groupés par ordre géo-
graphique, cinquante et quelques articles de
genres très divers : listes d'anciens fondeurs,
discussions épigraphiques, monographies, dépouil-
lements bibliographiques, documents, inscrip-
tions, etc., concernant particulièrement les dépar-
tements des Deux-Sèvres, de la Vienne, de la
Vendée, de la Somme, de l'Oise, de l'Eure, du
Jura, de la Nièvre, de la Loire, de l'Ariège, de la
Haute Garonne, de la Haute-Marne, des Vosges,
du Loiret, du Gers, de la Meuse, de l'Aisne, de la
Marne, des Ardennes, du Rhône, de la Côte-
d'Or, de l'Yonne, etc.
L'ouvrage se termine par trois tables analy-
tiques, très minutieuses et très complètes : —
1° un Index des noms de Fondeurs, — 2° un
Index général des noms de personnes, de lieux et de
tnatières, — 3° un Index spécial des gravures.
Le premier de ces index contient plus de 900
noms de fondeurs de cloches. Ce seul détail suf-
firait à indiquer l'importance du volume pour les
études d'épigraphie campanaire.
Tous les départements de France, sauf un, sont
représentés plus ou moins dans l'index des noms
de lieux. Notons également les articles : Alle-
magne, Belgique, etc.
L'illustration — toute documentaire — se
rapporte à la fois à la campanographie ancienne
et à la campanographie moderne.
La Paléographie des cloches peut y être étudiée
dans ses différents types, à l'aide d'une série de
fac-similes d'inscriptions, remontant jusqu'au
commencement du XI 11^ siècle.
Ulconographie campanaire, héraldique, orne-
mentale, religieuse ou historique, n'est pas moins
amplement représentée. Une série spéciale est
consacrée aux Marques de fondeurs.
334
3Rebue te T^rt chrétien.
L'auteur a complété cette partie iconogra-
phique par la reproduction de divers bourdons
Matrice du fondeur Fr. Michel.
importants et par les portraits de quelques an-
ciens fondeurs célèbres.
Enfin, une place a été faite, dans l'illustration,
à la Technique campanaire et même à.\a Musique
campanaire : — les carillons composés par feu
Alexis Lévêque apportent une note presque gaie
f
Matrice du fondeur Fr. Micliel.
au milieu de ces Enquêtes, dont le caractère
général est bien plutôt celui d'une œuvre d'éru-
dition que d'un livre de curiosité.
L. C.
2l5ibliograpl)te.
335
■«fc
DOCUMENTS D'ART MONUMKNTAL DU
MOYEN AGE, par V. Lenertz, Bruxelles, Vromant,
1904.
Le beau recueil de fragments artistiques, et
fac-similé des croquis originaux (ces croquis
valent de bien bons dessins), qu'a entrepris
M. Lenertz, et que nous avons annoncé derniè-
rement, tient toutes ses promesses. L,e troisième
fascicule nous offre les détails précis des fameuses
bailles de Malines et d'une défense grillagée de
fenêtre de la même ville, le charmant lutrin en bois
sculpté en forme de pliant,de l'église Ste-Gertrude
de Louvain, des détails nombreux des stalles si
connues de l'église St-Jacques de Liège, une fort
intéressante grille conservée au musée de l'Hôtel-
de- Ville de Louvain, des couronnements de tours
des bords du Rhin, la clôture du chœur de l'église
St-Mathius à Trêves, l'ensemble et de savoureux
fragments du chœur de St-Jean de Diest, et des
spécimens rares de moulures gothiques.
L. C.
L'ANCIEN CHATEAU DES COMTES DE
FLANDRE A GAND, par J. de Waele, Bruxelles,
Goemare, 1904.
Cette brochurette est le troisième article d'une
série insérée aux Annales des travaux publics de
Belgique (avril 1904), dans lesquelles l'auteur
distingué de la restauration tant discutée, expose
d'une manière très précise et brève les travaux
exécutés en les justifiant par des arguments
solides. ^ P
SOUVENIRS DE PREMIERE COMMUNION
SOCIÉTÉ ST-AUGUSTIN.
Les deux nouveaux souvenirs de première
communion que vient d'éditer la maison Des-
clée sont de purs chefs-d'œuvre d'imagerie
chrétienne. La polychromie murale a son style,
bien différent de celui de la miniature ; de mê-
me la chromolithographie a le sien, rarement
compris. Il ne s'agit pas de cette chromolitho-
graphie réalistique qui reproduit avec une cer-
taine fidélité, surtout depuis l'invention des
procédés trichromes, le rendu de l'aquarelle
artistique ou de la peinture de chevalet ; nous
voulons parler de la chromolithographie consi-
dérée comme expression d'art spéciale. Appli-
quée à l'imagerie populaire, elle possède une
technique toute particulière, que nous Dévouions
pas exposer ici, mais dont on peut considérer
les deux images qui nous occupent comme des
spécimens réussis et charmants. C'est un mélange
intime de compositions historiées et d'art déco-
ratif Les sujets à personnages occupent des pan-
neaux et des médaillons ; les ornements sont
semés dans le cadre et dans des fonds: les textes
eux-mêmes, inscrits dans des banderoles, ou tracés
sur le fond en caractères ornés, constituent un
noble décor. — La polychromie est solide et très
soutenue, mais douce et harmonieuse ; rien de
criard et rien de fade. L'ensemble, relativement
complexe, est d'une seule et belle venue ; tout se
tient et se lie et une grande douceur de coloris se
dégage d'une richissime composition. Quant aux
sujets principaux, ils se lisent avec une clarté
qui saute aux yeux, ils sont dessinés d'un trait
pur, distingué, expressif ; les figures sont nobles,
les costumes gracieux et artistiques. Celles de la
la Vierge de Lourdes, qui occupe le centre des
images, et des anges qui l'accostent sont suaves.
Quant à la belle scène qui illustre l'autre image,
et où S. Louis de Gonzague est représenté rece-
vant la Ste Communion de la main de S. Char-
les, c'e.st une fort belle composition fortement
idéalisée et cependant d'un naturel charmant,
en ce qui concerne les proportions des figures,
l'agencement des attitudes, l'exécution des costu-
mes, fidèles aux usages du temps. Les deux
anges qui assistent à la cérémonie, paraissent
descendus des tableaux de Memling. Dans des
médaillons sont figurés le Baptême, la Confession,
l'Eucharistie et la Confirmation et des scènettes
gracieuses, auxquelles les mêmes costumes an-
ciens, bien en situation ici, prêtent une grande
noblesse.
En vérité, c'est bien là l'imagerie qu'il faut
aujourd'hui. Elle est d'un dessin plus savant que
les naïves miniatures de nos pères, mais elle a
leur charme artistique et leur accent décoratif
et surtout leur expression profondément noble,
idéale et pieuse.
L. C.
ANCIENNES HABITATIONS RURALES EN
PICARDIE, par M. A. de Francqueville. — In-8°
de 40 pp. Amiens, Yvert et Tellier, 1904.
Ce sujet est d'un vif intérêt. La question des
types traditionnels de l'habitation et de la ferme
a été mise à l'ordre du jour du prochain congrès
archéologique convoqué a Mons, et M. A. Flebus
a déjà présenté la définition de quatre types
primordiaux (i) de fermes, le type franc, le type
saxon, le type frison et celui de la villa romaine.
Dans son beau livre, sur les conditions de l'ha-
bitation en France (2), M. A. de Foville a montré
naguère que chaque région possède son type de
1. Annales du Congrès archéol. de Mons, 1904, 4" livr.
2. Paris, Leroux, 1894.
330
ISitWt De r^lrt cJ)rctteu.
maison rurale si caractéristique, que quand un
voyageur qui traverse la France en chemin de fer,
ouvrant la fenêtre de son wagon au point du jour,
se demande où il est, il est fixé dès qu'il a vu
une ferme, et deux- ou trois maisonnettes.
M. Foville passe en revue les habitations de
diverses provinces. Les conditions d'exploitation
des terres, la configuration du sol, sa nature
orographique, géologique et hydrologique, la na-
ture des matériaux locaux, les mœurs des habi-
tants, toutes les influences topiques se reflètent
dans les constructions anciennes, qui apparaissent
en quelque sorte comme le produit de la terre.
A ces intéressantes observations M. de Franc-
queville fait un nouvel apport en nous décri-
vant les habitations rurales en Picardie.
Il nous rappelle les huttes anciennes ?>. paillo-
tage (torchis) enfoncées dans le sol, les chaumières,
les cabanes couvertes d'essangles (planchettes de
chêne). La panne n'apparaît qu'au XVI II<^ siècle.
Les murs sont en galets au bord de la mer ; en
pierre dans l'Aine et dans l'Oise, en grès dans le
canton de Villers Bocage, en briques cuites aux
confins de la Normandie ; en brique séchée au
soleil dans le Laonnais,et un peu partout on ren-
contre les murs en bouge ou en torchis. L'Aisne a
ses habitations souterraines {creutes ou boves).
Si les matériaux varient avec les localités, il en
est de même de l'emplacement. Ici la maison est
en façade, là c'est la grange ; on rencontre peu de
fermes isolées ; le Picard aime à vivre en société,
près de son clocher et prèsdes bâtiments,dispersés
dans les herbages, comme en Normandie et en
Flandre. Les maisons des villages, entourées de
leur coiirtil (verger) s'égrènent le long de la rue.
M. de Francqueville pénètre dans une de ces
maisons. Il franchit la porte charretière de la
ferme et la porte cojipée, à guichet, qui accède à la
première pièce, nommée la maison, avec la gran-
de cheminée, avec la cramillie fleur-de-lysée qui
supporte la mcquinette (chaudron). Un seul an-
dier porte les bûches placées de biais. A la poten-
ce pend le crochet, sorte de lampe juive, en fer
dans l'Amiénois, en cuivre, à plusieurs becs aux
environs d'Abbeville. Un coffre en forme de py-
ramide tronquée sert de siège et contient le sel ;
sur les gradins de \a. potière s'étalent les plats et
les brocs. Les murs blanchis à la chaux sont or-
nés d'images naïves. Une grande table, une petite
à trois pieds, des cayelles garnissent la maison.
Une claie suspendue sous le plafond sert à dé-
poser le lard au sortir du saloir. En face de la
cheminée est la boîte-horloge (le coucou) sculp-
tée au couteau.
Latéralement s'ouvrent deux chambres sans
feu, la principale est la chambre des maîtres de
céans. Le lit en frêne est couvert du londier
(courte pointe) ; quelquefois il est dans une sorte
d'alcove protégée par des rideaux de toile de
Jouy. \Jannoire, en chêne, est du temps de Louis
XIII, et bien picarde, à deux corps. A côté est
le coffre de mariage ; jadis on voyait aussi le
rouet.
L'auteur décrit une série de ces vieux logis,
qui sont tous en pans de bois. Il donne des des-
sins, qu'on souhaiterait moins sommaires.
L. C.
IL POLITICO DELLA PARROGHIALE DI
OTTANA, par E. Brunelli (Extrait de \Arte).
Les fresques remarquables de la modeste égli-
se paroissiale d'Otana sont consacrées notam-
ment à l'histoire de saint François, dont l'image
en pied est noble et impressionnante. L'Annon-
ciation surtout est de grand style ; les peintures
sont l'œuvre d'un artiste pisan de la première
moitié du XIV« siècle.
L. C.
OPERE D'ARTE DEL PALAZZO GAREGIATI
A VENETIA, par E. Brunelli (Extrait de VArte).
Parmi les richesses du palais Vénitien, notre
auteur distingue, décrit et reproduit une pein-
ture de Bartolomeo Moiitagna figurant le groupe
de la Vierge et de l'Enfant divin accosté des
figures de S. Jean Baptiste et de S. François
d'Assise (celui-ci tient une croix en forme de
tau) ; puis une madone de Luca da Conegliano,
une autre de Bastiano Mainardi et une peinture
du même artiste représentant Jésus, adoré par
saint Joseph et la Vierge Marie, tandis que des
anges présentent dans les airs un phylactère où
est reproduit le texte et la notation musicale du
Gloria in cxcclsis.
L. C.
DICTIONNAIRE D'ARCHÉOLOGIE CHRÉ-
TIENNE ET DE LITURGIE. — Fascicule IV.
Paris, Letouzey, 1904.
Nous nous proposons de puiser, à mesure
qu'elle se présente à nous, à cette mine de don-
nées précieuses, ou du moins, d'en signaler les
richesses à nos lecteurs. — Le 4""^ fascicule con-
tinue l'étude de V AgneaH,cons\ô.éxé comme sym-
bole de Moïse et du Rédempteur, des apôtres,
des prophètes et des fidèles. À ces titres divers,
W figure, dès le IV*^ siècle, dans le sarcophage de
Junius Bassus au Vatican, sur un peigne litur-
gique du IVe siècle, dans les peintures des cata-
combes, etc.
ldtl)llograpl)te.
337
Notre ancien collaborateur, M. P. AUard, s'oc-
cupe de sainte Agnès, et en particulier de son
tombeau et de sa basilique, de son image en
orante, découverte en 1884, de sa figuration sur
des verres dorés et antiques, et sur les mosaïques
de Ravenne, notamment à Saint- Apollinaire le
jeune à Ravenne : une notice est consacrée à sa
magnifique basilique sur la voie Nomentane.Les
fouilles exécutées en 1901 dans cette basilique
ont mis au jour une châsse où des restes de cette
Sainte se trouvent mêlés à d'autres ossements
de martyrs. A noter aussi la reproduction de
l'inscription damasienne consacrée à sa mémoire,
et le plan du cimetière. Le mausolée de Sainte-
Constance, compris dans ce cimetière, est l'objet
d'une description.avecdissertation sur les ancien-
nes peintures et mosaïques, et sur leur interpré-
tation.
L'article Agttus Dei est à signaler au point de
vue du culte.
M. \V. Henry, qui nous décrit la chapelle
d'Aix-la-Chapelle, n'est-il pas trop sévère, en la
qualifiant d'imitation maladroite de Saint-Vital
de Ravenne ? Les architectes ne sont générale-
ment pas de cet avis, et y voient une variante
des rotondes byzantines, d'une autre conception,
fort judicieuse dans son genre, moins prestigieuse
mais plus rationnelle, notamment dans la cons-
truction bien supérieure des voûtes des bas-
côtés et l'élimination des hémicycles. — M. H.
Leclercq décrit, d'après notre collaborateur Gers-
pach, les tapisseries coptes que nous avons jadis
fait connaître d'une manière développée,et d'après
Fovier, la célèbre tapisserie d'Akmin. Il nous fait
aussi connaître la catacombe d'Albano, le cime-
tière et la basilique de Saint- Alexandre, et enfin
la ville d'Alexandrie, qui est l'objet du principal
chapitre du volume ; on peut y étudier la cathé-
drale, le dominiciim Dionysii, le sanctuaire de
Saint- Menas, le diptyque d'ivoire où figure le
saint patron, les ivoires conservés à saint Marc, et
surtout les catacombes, la catacombe chrétienne
de Karmouz, avec ses sarcophages, ses peintures
où figure la fameuse image du Christ- Docteur
foulant l'aspic et le basilic, les catacombes païen-
nes aux galeries régulièrement tracées, les cata-
combes chrétiennes d'Abou-el-Achem, les hypo-
gées, l'épigraphie funéraire, etc. ^ ^
â^ ©ériotiiques.
BULLETIN DKS METIERS D'ART.
Cet excellent périodique d'art continue à se
distinguer par ses articles intéressants, pratiques,
opportuns, dictés par l'esthétique la plus droite,
et par les sentiments les plus chrétiens. Nous
l'avons jadis présenté à nos lecteurs, analysant
son premier numéro et empruntant à un écrivain
d'esprit un vif éloge de ses mérites ('). — Nous
avons confirmé depuis nos sentiments d'estime
pour la jeune revue, qui, en certain point, s'est
un jour trouvée si bien d'accord avec nous,
qu'elle nous fit l'honneur, je ne dirai pas de nous
citer, mais de nous emprunter nos propres
expressions pour exprimer une idée commune à
un de ses collaborateurs et au soussigné (2).
Une troisième fois (s), nous avons signalé ses
travaux et loué leur valeur. Nous sommes heu-
reux de constater aujourd'hui ses succès crois-
sants. Dans les livraisons de cette année, figure
une étude sur l'interprétation de la figure hu-
maine dans l'art, qui fait heureusement suite au
magistral traité de la flore artistique, signalé ici à
deux reprises. Nous ne pourrions louer la boutade
de M. M. Braun en faveur de la conservation de la
poire monumentale dont on affuble par récidive
le clocher de Dinant, mais nous trouvons d'excel-
lents principes exposés par M. Gevaert, dans sa
conférence sur l'enseignement professionnel, et
notons une étude bien faite du porche de l'église
d'A'^sche, accompagnée de nombreux dessins de
détail. Le dernier numéro contient un remar-
quable morceau: c'est la reproduction des plans,
que le cher frère Mares adressés pour la basilique
votive qu'il fut question d'ériger au quartier de
l'Est de Bruxelles, avant qu'eût prévalu le
projet de l'église monumentale qui va s'élever
à Koekelbergh, sous le patronage des plus
hauts personnages. Nous avons sous les yeux la
conception d'une grande église, selon l'idéal du
maître vénéré de l'école St-Luc, de cet illustre
frère Mares qui, depuis près d'un demi-siècle,
préside à la prospérité des écoles de St-Luc ; de
ce digne artiste qu'on va fêter prochainement, à
l'occasion de son jubilé de cinquante ans de
profession religieuse. Cette œuvre magistrale ne
peut être décrite en ces lignes cursives ; nous
espérons y revenir.
Nous avons rappelé les articles élogieux con-
sacrés ici au Bulletin des métiers d'art. Notre sym-
pathie pour cette œuvre artistique chrétienne n'a
rien de tiède ou de douteux... Néanmoins, dans
le numéro d'avril, faisant allusion à ce que nous
avions écrit dans la première livraison de cette
année, p. 81, et qui n'avait rien que de bien
anodin (qu'on le relise), le Bulletin écrit cette
phrase étrange: « A part ce commentaire et un
autre, le compte rendu de la Revue est exact
mais fielleux, ce que nous regrettons sincère-
ment. »
1. Revue de l'Art chrétien, année 1901, p. 532.
2. Ibid.. année 1902, p. 3c;3.
3. Ibid., année 1903, p. 81,
138
WitWt tie rarr cbrctirn.
Nous regrettons bien plus encore, de voir nos
intentions si mal appréciées, et nous avouons
en être sinsrulièrement étonnés (•).
L. C.
BULLETIN MONUMENTAL.
N" 6, 1903.
M. L. H. Labande donne une étude sur Saint-
Trophime d'Arles, dont le portail, véritablement
inondé de sculpture, a une renommée universelle.
Il reprend, après Révoil, M. Véron (=), M. l'ab-
bé Bernard, M. Constantin et d'autres, le gros
problème que soulève la composition hétérogène
des constructions de cet édifice. Les chambres
souterraines découvertes naguère sous le pave-
ment de l'église ne sont que des substructions
du nivellement de l'époque romaine. Il faut
abandonner l'assertion de Révoil, que l'église
métropolitaine aurait été bâtie en 601, par S.
Virgile ; la vie de cet évêque sur laquelle il s'ap-
puyait, est apocryphe. — La reconstruction de
la basilique de St-Étienne doit remonter à la
renaissance carolingienne (fin du VIII*^ siècle).
Elle est citée dans le texte du concile de 813.
La façade occidentale et les murs latéraux, sur-
tout dans les premières travées du vaisseau,
subsistent dans leur plus grande hauteur, ainsi
qu'un corps de construction servant actuellement
de sacristie. Cette sacristie n'était pas voûtée.
Les piliers primitifs ont disparu lors d'une
restauration ultérieure. (A s/iii're.)
1. Nous devons bien (que le lecteur nous le pardonne), nous ex-
pliquer sur cette querelle qu'on nous cherche. A propos de la
controverse relative à la restauration des monuments, où la A'fviif
avait pris parti, nous avions dit, en parlant du Bulletin da miitiers
d'art :
« La vérité là.dessus, il la sait, mais il ne veut pas la dire ! »
Tel est le délit.
Qu'est-ce qu'il peut y avoir Aq fielleux, de malveillant ou simple-
ment de désobligeant, à cette remarque, qui, dans notre pensée,
équivalait à dire : le Bulletin de\ métiers d\irt réserve son opinion i
— .-^u surplus, n'était-ce pas à peu près le résumé du passage visé
par nous, et que voici tout entier (Bull., année 1903, nov. p. 129) :
« Aussi le Bulletin est-il resté fort calme au milieu des débats
tapageurs et trop souvent rouverts entre poétiques et tnrhéoloi;ues.
Il s'est gardé d'y entrer. La seule attitude qu'il eiU pu prendre était
en dehors des camps en présence. 11 l'a montré chaque fois que, pour
rabattre un ridicule trop inconscient, redresser une erreur de fait trop
criarde, relever un principe trop méconnu, il a cru devoir élever la
voix. Le point de vue auquel .se plaçaient les gr,inds champions de
cette lutte n'était pas, à notre avis, le vrai, et nous croyons encore
que l'avenir ne tirera aucun profit des idées échangées dans cette
dispute. )>
On n'est pas plus solennel, ni plus dédaigneux. Le lecteur jugera
si nous .avons été flattés, nous qui avions consacré à cette contro-
verse, déclarée oiseuse, tout un long mémoire (qui a d'ailleurs servi
de base aux débats du Congrès international d'arckitecture tenu à
Madrid, en mai dernier). Mais chacun est libre de placer très haut
son jugement, et nous n'avons eu garde de chercher noise à notre
jeune confrère. Nous nous sommes simplement permis cette ré-
flexion anodine : « Jeune, et fier à ses heures, il assiste, le sourire ,iux
lèvres, aux débats sur la restauration .. etc. » (Voir notre livraison
de janvier, p. 81.)
Et c'est tout ; et c'est en visant ces lignes, que le Bulletin (sans
aucim fiel, lui) imprime ceci ; — <t on nous a reproché — oh ! si
gentiment — de ne pas savoir ce que nous voulions. » Le lecteur
jugera si le reproche est équitable I
2. Arehileclure romane du Midi de la France.
M. Vachon se livre à des recherches sur l'ar-
chitecte de l'ancien hôtel de Villers, à Paris; il
achève de démontrer le fait, que feu L. Palustre
avait jadis fait connaître, de la construction par
Pierre Chambriges de cet édifice si longtemps
attribué au Boccador.
L'article marquant de la livraison est celui
que M. Jean Virey, consacre à l'histoire de la
construction de Saint-Philibert de Tournas. Ce
monument si curieux et fort compliqué offre
beaucoup d'unité malgré de multiples reinanie-
ments. La construction primitive fut celle du
sanctuaire (IX<^ siècle) actuellement détruit, cor-
respondant à la partie centrale de la crypte. Il
ne subsiste, .selon M. Virey, rien d'antérieur au
X^ siècle. L'auteur admet qu'Aimin commença la
reconstruction avant sa mort survenue vers 946,
que son successeur la continua et que l'abbé
Etienne, entre 960 et 970, acheva l'œuvre par la
reconstruction de la crypte et du chœur. Les
fouilles opérées par M, Virey ont montré les traces
sous les nefs du formidable incendie de 1006,
qui a dû nécessiter le remplacement du plafond
par des voûtes. Les travaux de l'abbé Bernier,
suivis de la consécration en 1019, doivent con-
cerner le chœur avec son pourtour. Les remar-
quables voûtes actuelles de la grande nef ne
seraient cependant que du commencement du
XI« siècle, celles du nartliex, de l'époque de
saint Ardain (1028-1058), ainsi que les tours
jumelles. La croisée de transept et le chœur sont
du XII<= siècle. Seuls les murs de la crypte
remontent au X'' siècle.
Signalons encore une note de M. L. Régnier,
oîi il résume les travaux de feu G. Paris et de
notre collaborateur M. Lanore. à l'encontre de
la thèse de M. Marignan sur l'âge de la tapisserie
(ou plutôt de la broderie) de Bayeux, que nous
avons fait connaître antérieurement.
L. C.
JAHRBUCH DER KOEN. PRKUSSISCHEN
KUNSTSAMMLUNGEN. — Le dernier fascicule
contient une chronologie des œuvres de Giulano de
Sangallo de 1902, par M. Von F.ap.riczv ; une étude
de M. G. Ludwig sur les artistes étrangers, surtout
flamands et allemands, établis à Venise dans la se-
conde moitié du XVI"= siècle.
Dans le premier livre de 1903, M. A. Haupt
étudie un album d'esquisses espagnoles de la
Renaissance. M. Haseloff s'occupe des ivoires
de l'école de Ravenne aux IV« et V"^ siècles,
qui semble n'avoir été qu'une succursale d'é-
cole orientale. M. H. Friedlander fait connaître
des œuvres d'un peintre hollandais, du XV
siècle, Geertgen Tôt S. Jans. — M. W. Bode
2i5tbUograpl)te.
339
fait ressortir les particularités de X Adoration des
bergers de Hugo van der Goes, récemment entrée
au musée de Berlin.
RKPERTORIUM FUR KUNSTWISSKN-
SCHAFT, 1903, fasc. 4.
Etude de M. W. Weisbach sur Pétrarque et
l'art. L'auteur, après avoir cité le livre récent du
prince d'Essling et du regretté E. Miintz sur
Pétrarque, analyse l'ouvrage et le complète par
le résultat de ses recherches personnelles. Il
étudie les illustrations des Cansoniere, du De
Viris illustribiis et surtout des Triomphes. Le
type du Triomphe est, selon l'auteur, celui où les
allégories s'avancent triomphantes sur un char.
L'auteur montre que l'on peut en suivre la
représentation depuis le début du quattrocento,
et que le cycle atteint son apogée au milieu du
XV* siècle, à Florence.
Article de M. E. Moeller sur l'épisode de la
verge brisée des prétendants à la main de Marie.
Etude de M. A. Gtimbel sur le peintre et
sculpteur Berthold de Nuremberg, qui est cité
dans des documents en 1363 et 1378, et sur la
famille Landauer.a laquelle il appartenait et dont
un membre commanda plus tard à Diirer le
tableau de Tous les Saints.
M. H. Rœttinger, à propos de l'étude de
M. Giehlow sur le Livre d'heures de l'empereur
Maximilien, illustré par Durer et autres artistes,
relire à Hans Durer pour les donner à Altdorfer
les encadrements signés du monogramme HD
et, par de semblables comparaisons de style,
attribue au peintre Wolfgang Huber les dessins
signés AA.
Fasc. 5. Étude de M. E. Polaczek sur maître
Nicolas dit de Pise, et que des documents con-
temporains désignent sous le nom de Nicolas
Pietri « de Apulia ». L'auteur étudie l'état
actuel de la question et les nouveaux essais
d'explication. Le problème est de savoir si c'est
à Apulie en Toscane ou à Apulie dans le Sud de
l'Italie que naquit Nicolas ; Hovve, Venturi,
Schering et, plus tard, M. Bertaux (par de très
intéressants arguments tirés des rapports archi-
tecturaux entre Castel del Monte et le château
de Prato), se sont prononcés pour la seconde
hypothèse ; l'auteur, lui, s'appuyant sur l'inscrip-
tion de la fontaine de Pérouse, conclut que Nico-
las est né à Pise et que le « de Apulia » se
rapporte au nom du père, et il croit que l'art
toscan du XII= et du XIII<= siècle, en y ajoutant
les indéniables influences de l'antique et du
gothique, suffisent à expliquer l'œuvre de Ni-
colas.
Nouveaux documents publiés par M. F. Mala-
guzzi-Valeri sur le Pérugin et la Chartreuse de
Pavie.
Notice de M. E. von Dobschiitz sur la Vision
dEzéchiel, représentée sur un plat d'ivoire byzan-
tin.
Étude de M. Swarzenski sur les peintures et
l'ornementation de l'abbaye de Reichenau, de
l'époque carolingienne à l'époque d'Othon. L'au-
teur montre la dépendance étroite qui unit
Reichenau et Saint-Gall au X= siècle (').
GAZETTE DES BEAUX-ARTS (=).
Livraison du I" avril iço^. — L'Exposition
des Primitifs français. — Avant-propos, par
M. Henri Bouchot.
Études d'iconographie française. — II. Iden-
tification de deu.K modèles de la Tour, par
Maurice Tourneux.
Le Renouvellement de l'art par les « Mystères»
à la fin du moyen âge (3<= article), par M. Emile
Mâle.
L'Exposition de l'Art français du XVIII=
siècle à Bruxelles, par M. Henry Hymans.
Maître Francke, par M. Etienne Bricon.
L'Exposition Alphonse Legros, par M. Roger
Marx.
Grottaferrata, par M. G.-L. Poubel.
Bibliographie : L'Art pendant la Révolution
française, à propos de publications récentes
(L. Tuety ; H. Lapauzel), par M. Jules Guiffrey,
de l'Institut ; — Leçons professées à l'École du
Louvre (L. Courajod), par M. Louis Hourticq.
Six gravures hors texte :
Portrait dOrry de Vignory, contrôleur général
des Finances, pastel par M.-Q. de la Tour (Musée
du Louvre) ; photogravure.
Portrait de M. Duval de l'Épinay, pastel par
M.-Q. de la Tour (coll. de M. J. Doucet) ; eau-
forte par M™<^ Julie G.-Romain.
Le Bonheur du ménage, par Marguerite Gérard
(coll. de M. Gouttenoire de Toury) ; héliogravure
Chauvet.
La Mise au tombeau, par maître Francke (1435)
(Musée de Hambourg) ; photogravure.
Le Petit hangar, eau-forte originale de M. Al-
phonse Legros.
Étude d'enfants, dessin par M. F. Guiguet :
photogravure.
Nombreuses gravures dans le texte.
1. D'après le Courrier de t Art.
2. Hue Favart, 8, Paris.
340
3Rel)ue De rSrt chrctten»
BULLETIN ARCHEOLOGIQUE, 1903,
livr.
F. Régnault, Peintures et gravures dans la
grotte de Marsoulas (Haute-Garonne), l'abbé F.
Poulaine, Les fouilles de Hermès (Oise), en
1902, Rapport sur les fouilles du rempart d'Arles
en 1902 et restitution de l'Arc admirable. L'abbé
Chartraire, Rapport sur la démolition d'une
partie de l'enceinte romaine de Sens (Yonne), en
1503. — L'abbé F. l'oulaine, Une statue de
Vierge mère à Voutenay (Yonne). — L. Le
Clert, Notes sur les fermoirs armoriés d'un livre
d'heures conservé à la bibliothèque de Chaumont-
en-Bassigny. — L. Broche, Inventaire du mobi-
lier du palais épiscopal de Laon, au décès de
l'évêque Geoffroy le Meingre. — L. Lex, Docu-
ments inédits de numismatique bourguignonne.
— Le R. P. Delattre, Note sur une nécropole
punique voisine dé Sainte- Monique. — Gauckler,
Le quartier des Thermes d'Antonin et le couvent
de Saint-Etienne à Carthage.
1903, 3*^ livr. : J. Pilloy, La gourde de Conce-
vreux (Aisne). — C. Barrière-Flavy, Les portaits
des églises de Caujac et de GaiUac-Toulza
(Haute-Garonne). — Le comte A. de Loisne,
Les miniatures du cartulaire de Marchiennes. —
L'abbé Ch. Métais, Un vitrail de Sainte-Anne,
du XVI= siècle, à l'église Saint- Valérien de Châ-
teaudun. — A. Ballu, Rapport sur les fouilles
exécutées en 1902, à Khamissa.
L'ART SACRÉ, avril 1904.
A noter dans ce périodique recommandable,
un article de M. l'abbé Gregat sur la belle Vierge
et l'Enfant de Marthuret à Riom, gracieux spé-
cimen de la première renaissance française,
d'un réalisme pénétrant, mais d'une distinc-
tion extrême, en ce qui concerne du moins la
figure de la Vierge. M. P. Besnard continue ses
articles de vulgarisation iconographique ; il en est
à S. Philippe et S. Barthélémy. Avec infiniment
de raison, il fait ressortir ce qu'il y a de répu-
gnant dans le saint Barthélémy écorché de Ra-
phaël à la Chapelle Sixtine. M. Ch. Farnez
donne la monographie de l'église du Mont-
devant Sassey (Meuse) joli édifice roman, avec
crypte. On regrette de ne pas trouver \e plan du
monument, ce qui est essentiel pour toute
monographie illustrée.
L'ART DÉCORATIF (■).
La Peinture aux Salons, par Gustave Soulier.
Architecture Danoise, par Jean Lahor. La dentelle
française an Musée Gallicra, par Emile Sedeyn.
La Gra7'ure à l'eau-forte simplifiée, par Henri
Boutet. Un intérieur moderne, par Léon Riotor.
Rue Saint-Augustin, 24, Paris, z».
BtbUograpl)te.
341
a5s5£j£!2.s£î;
iîSj&îK, •& •StîÊîa.iïKf
Xndei* bïbliograpl)tque.
.&
^rcl)cologie et Ibtanx^vtQ'K
jFrancc.
* Berthelè (Jos.). — Enquêtes campanaires -^
NOTES, ÉTUDES ET DOCUMENTS SUR LES CLOCHKS ET'
LES FONDEURS DE CLOCHES, DU VIIl" AU XX'= SIÈCLE.
— In-8'^ de XVI-750 pp., 48 gravures. Montpellier,
Delord-Buehm et Martial, 1903. Prix : 20 fr.
Cabrol (R. P. dom). — Dictionnaire d'archéo-
logie CHRÉTIENNE ET DE LITURGIE. Fasc. I et 2,
10-4°, 576 col. et fig. — Paris, Letouzey et Ané, 1903.
Chauvet (G.). — Analyses de bronzes anciens
DU DÉPARTEMENT DE LA CHARENTE. — In-S". RuffeC,
1903-
Clermont-Ganneau (C). — Recueil d'ar-
chéologie ORIENTALE. ^ I-VI, fasc. 1-5. — In-S",
80 pp. Paris, Leroux. 1903.
de Baye. — Emaux de la cathédrale de Vla-
Dl.MlR et du couvent DE SaINT-AnTOINE LE RoMAIN
(Russie). — In-8°, 15 pp. et grav. Paris, Nilson, 1903.
de Lasteyrie (R.). — Études sur la sculpture
FRANÇAISE AU MOYEN AGE. In-4°, I44 pp., 21 pi.
Paris, Leroux, 1902.
de Mirabal (C). — Le crucifix de Fénelon.
exécute A Ro.ME, VERS 1625, par François Duquesnoy.
— In-S", 30 pp. avec grav. Mesnil, Firmin Didot et C".
de Vries (G.). — Reproduction du Bréviaire
Gki.màni de la bibliothèque de Saint-Marc a
Venise. — Fasc. L Paris, Delagrave. Le Fasc.
fr. 2-50.
* Dictionnaire d'.\rchéologie chrétienne et
DE liturgie. — F'ascicule IV. Paris, Letouzey, 1904.
* Durand (G.). — Monographie de la cathé-
drale d'Amiens, t. IL Mobilier et accessoires.
— Gr. in-4° de 660 pp. et pi. en héliogravure. Amiens,
Yvert et Tellier, 1903
* Enlarl (E.). — Manuel d'archéologie fran-
çaise depuis les temps mérovingiens jusqu'à la
renaissance. Première partie, architecture. Tome II,
Architecture civile et militaire. — In-8', 850 pp.
illustrées. Paris, Picard, 1903.
Fleury (G.). — Les portails romans du XIP
SIÈCLE ET LEUR ICONOGRAPHIE. — In-S"^, 32 pp. et
17 pi. Mamers, Fleury et Dangin, 1903.
* Francqueville (M. -A.). — Anciennes habita-
tions RURALES EN PICARDIE. — In-S° de 40 pp.
Amiens, Yvert et Tellier, 1904.
I. Les ouvrages marqués d'un astérisque {*) ont été, sont ou
seront l'objet d'un article bibliographique dans la Revue.
Heures de Turin. Peintures provenant des
HEURES DE Jean de France, duc de Berky. Photo-
typies d'après les originaux de la Biblioteca nazionale
de Turin et du Musée du Louvre. — In-fol., Paris,
1902.
* Kœchlin (R,). — La sculpture belge et les
INFLUENCES françaises AU XIIP ET AU XW SIECLE.
— In-S" de 48 pp. Paris, Gazette da Beaux-Arts, 1903.
Les chefs-d'œuvre des Grands Maîtres. Nou-
velle série : XV^-XVIIP siècles, accompagné d'une
notice par M. Ch. Morcau-Vauthier. — • Paris, Ha-
chette.
Mazerolle (F.). — Les médailleurs français
du XV"= siècle. — 2 vol. in-4°. Paris, Imprimerie na-
tionale, 1902.
* Monuments du Forez et du Velay.
* Pillion (M'"' Louise). — Deux vies d'évêques.
— Extrait de la Gazette des Beaux-Arts.
Ruskin (J.). — La bible d'Amiens. Traduction,
notes et préface par M. Proust. — Un vol. in-i8 de
349 pp. Paris, Société du Mercure de France.
Van den Broeck. — Les médaillons de la ca-
thédrale d'Amiens. — In fol. 22 pp. Paris, y Art et
r autel. Fr. 2 50.
Wilmotte(M.). — L'évolution du roman fran-
çais aux environs de i 150. — In-8", 67 pp. Paris,
Bouillon, 1903.
Allemagne.
Berling(L.). — Kunstgewerbliche Stilproben
240 fig., 30 planches. Hiersemann, Leipzig, 1902.
Mk. 2.
BLschoff(M.). — Architektonische Stilproben.
Ein Leitfaden mit historischem Uberblick der wich-
tigsten Baudenkmàler. loi Abbildungen — Gr. 10-8".
Leipzig, Karl W. Hiersemann, 1900. Mk. 5.
de Vries (D'^ S. G.) et Morpurgo (U' Sal.). —
Breviarium Grimani. Reproduktion aus der
BlBUOTHEK VON SaN MaRCO IN VeNEDIG, — 12 B"""
mit 300 farbigen und 1268 getonten Tafeln in Photo-
Heliograviire. — Erscbeinungsdauer ca. 6 Jahre (1903
bis ca 1908). Preis pro Band Mk. 200. — Erschienen
Bd. I. — Leipzig, Karl W. Hiersemann.
Denkmaeler der Renaissance-Sculptur Tos-
CANAS. — Fasc. 96-101. Munich. Bruckmann, le fasc.
M. 20.
de Radisics ^E ) et Szendrei (J.). — Chefs-
d'œuvre d'art de la Hongrie (Magyar Mukinc-
SEK.) 3 Bde mit 120 Textabbildungen und 55 Tafeln
in Heliogr. und Radierung (11 davon in Farbenge-
druckt) und 16 Chromolithographien. — Gr.-Quart.
Budapest, 1897-1902. Mk. 255.
KtiVUK L»E L AKT CHKKTIKN.
igo4. — 4'°® I.IVKAISON.
342
3Rrt)itc be l'^rt cJ)vcticn*
Handzeichnungen alter Meister d. holland.
SCHULE. — 5' série, fasc. 2-4. Haarlem, Kleinmann.
Le fasc. M. 4.
Handzeichnungen alter Meister a. v>. Alber-
TiNA. T. VIII, fasc. 6-1 1. Vienne, Schenk.
le fasc. M. 3.
Klassiker der Kunst. — I. Raffael. In-8° 153
pp.. 202 fig., s marks. — II. Rembrandt. In-8'",
278 pp., 405 fig., 8 marks. Stuttgart et Leipzig. Deut-
sche Verlags-Anstalt.
Lippmann (F.). — Zeichnungen alter Meis-
ter iM Kupferstichkabinet der k. Muséum zu
Berlin. — 20 pi. fasc. 6-7. Berlin, Grote, 1903.
Le fasc. M. 15.
Swarzenski (G.). — Die Regensburger Buch-
malerei des X. UNO XI. Jahrhunderts. — Mit
loi Lichtdruck auf 35 Tafeln. Gr. in-4". Leipzig, Karl
W. Hiersemann, 1901. Mk. 75.
von Fabriczy (G.). — Die Handezichnungen
Giuliano's da Sangallo. Kritischës Verzeichnis.
— In-8°, 132 pp- Stutgard, Gerschel.
von Leyden (L). — Handzeichnungn. — Fasc.
9-10. Haarlem, Kleinmann. Le fasc. M. 6.
WolfF (F.). — Handbuch der staatlichen
Denkmalpflege in Elsass-Lothringen. Im Auf-
trage des kaiserl. Ministeriu.m fur Elzass Lo-
thringen. In-60, 404 pp. Strasbourg, Trubner, 1903.
Zeller (A.) — Die Stiftskirche St-Peter zu
Wimpfen im Tal, mit vielen Abbildgn. und Atlas
VON 32 Tafeln in Photolithographie. Folio. Leip-
zig, Hiersemann, 1903. Mk. 48. (120 exempl. dans le
commerce).
9nglcterrc.
Allen (J.). — Albrecht Durer. — In-16, 222 pp.
Londres, Methuen. sh. 2,6.
Montagne Marks. — Home art.s and crafts.
— 149 pp. Philadelphia et London, Lippincott, Com-
pany. $. 1,50.
Italie.
* Brunelli (E.). — Il poliptico della parro-
CHiALE Di Ottawa, lîxtrait de VArU.
* Le même. — Opère d'arte del Palazzo
Caregiati a Venetia. Extrait de VArte.
* Giglioli (O.H.). — PisTOiA : Nelle sue opère
d'arte. — Prato : Impression! d'arte. — Firenze :
P. Lumachi.
=— €tats=2Iius D'amcriquc. —
Hudson Moore. — The old China Book. —
200 pp., nombr. illustr. New-York. Frederick A.Stokes
Company. $ 2,00.
Wilbur Macey Stone. — Jay Chambers, his
Book Plates. — New-York, Randolph R. Beam.
'î6cl0iaue4t)oUanr)c.
Cloquet (L.). — Lexique des termes archi-
tectoniques anciens et modernes — Livre de
poche, format in 12. SoàéiéSt-hugyxiÛn.f Sous J>resse. )
Des Marez. — L'organisation du travail a
Bruxelles au XV*^ siècle. — In 8°, 520 pp. Bru-
.xelles, Lamartin, 1904.
Destrée (J.). — Musées royaux des Arts déco-
ratifs ET industriels de Bruxelles. Catalogue
des ivoires des objets en nacre, en os gravé ET
EN cire PEINTE.— In 8", 129 pp., 42 fig. Bruxelles,
V. Bruyant, 1902.
* De Waele (J.). — L'ancien château des
comtes de Flandre a Gand. — Bruxelles. Goe-
maere, 1904.
Dondelet (C). — Le Spéculum Humanae Sal-
vationis de Florence. — 14 reproductions. — Gand,
Librairie néerlandaise. 1903.
* Leiiertz (V). — Documents d'art monumf.n
TAL du moyen AGE. — Bruxelles, Vromant, 1904
Peuteman (J.). — Notice sur la chapelle de
Halloux (près Limbourg) et les anciens pèleri-
nages DE sainte Anne et de saint Éloi. — In-8°,
31 pp., grav. Verviers, Lacroix.
* Société Saint-Augustin.
première communion.
Souvenirs de
Wybo (C). — Nieuport ancien et moderne.
150 pj)., 62 fig. Furnes, 1904.
^..^,
U^.^.^^y:^y^^^^.^^.^.^.^^^^^^^^^^^^
%
d)rOniClUC. SOMMAIRE : PRIMITIFS FRANÇAIS, FLAMANDS ET ALLE-
MANDS. — RESTAURATION DES MONUMENTS: Congrès de Madrid; Châlons ;
Chartres; Binche ; Y près ; Gand ; Bruges. — ROME MODERNE. — NOUVELLES:
Pierrefort ; Gand ; Milmort; Exposition mariale de Rome.
W?5rWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWW^
fitimitifs français, flamanOs et allemands.
EXPOSITION ouverte en 1902, à
Bruges, des tableaux anciens dits im-
proprement « les primitifs », n'aura été
que le commencement d'un grand mou-
vement d'étude ; depuis, grâce à l'initiative et à
l'énergie de M. H. Bouchot, la France a voulu
montrer au monde qu'elle a aussi des primitifs, et
pour la première fois les a réunis en un bel en-
semble ; déjà l'Allemagne suit l'exemple, et une
exposition de primitifs est aussi ouverte en ce
moment à Dusseldorf.
L'exposition du Louvre, moins prestigieuse,
moins éblouissante que celle de Bruges, mais
plus agréablement présentée, comprend diverses
catégories d'oeuvres dues à des artistes, qu'on
pourrait classer en français et en franco-flamands,
selon l'expression du professeur Hulin, qui dis-
tingue parmi ceux-ci les Français adeptes de
l'École de Bruges, et les Flamands qui ont tra-
vaillé en France.
Dans une récente conférence, l'érudit Gantois
que nous venons de citer, s'est efforcé de faire le
départ entre les trois groupes d'artistes. C'est un
Flamand pur, qu'il faut voir dans Melchior
Broederlam, auquel M. Hulin restitue la Vierge
de M. Aynard (n° 13), qu'une fausse étiquette
attribue à Malouel. On a donné à ce dernier
artiste le n° 16 (légende de S. Denis), qui revien-
drait à son successeur Henri Bellechose, encore
un pur Flamand.
C'est dans le portrait que l'on peut bien diffé-
rencier le procédé français et le flamand. Un
type de la première catégorie est le superbe
portrait de Jean U (no i), dont il faut rappro-
cher l'aquarelle n° 26 de la Bibliothèque nationale,
étudiée par M. Bouchot, dans la Gazette archéolo-
gique : œuvre remarquable, toute en silhouette, à
l'instar des Italiens. Tout autre, remarque M. Hu-
lin, était le portrait flamand, tel celui dejean-
sans-Peur ; ceux-ci sont toujours présentés de
trois quarts et d'un éclairage spécial, selon la
formule née aux Pays-Bas.
L'art franco-flamand, lui, est bien représenté
par les admirables et les typiques miniatures des
frères de Limbourg, qui marquent l'apogée
du mouvement d'art commencé à la fin du
XIV siècle.
Mais au commencement du XV<= siècle, la
France cesse d'être le foyer artistique de l'Occi-
dent. Paris tombe aux mains des Anglais, Phi-
lippe-le-Bon établit sa cour à Bruges et à Bru-
xelles. La Flandre partage l'hégémonie avec
l'Italie. D'ailleurs, c'est Van Eyck qui avait
vraiment créé l'art moderne dont l'influence
s'étendit jusqu'en Italie, en Espagne et en Alle-
magne. Cet art est caractérisé par une analyse
plus profonde de l'aspect visuel de la nature et
la parfaite compréhension de la lumière et du
relief.
Cette influence pénétra en France. Au cœur de
la France royale, on la retrouve bientôt (c'est
toujours notre conférencier qui l'observe) dans
les admirables anges, qui décorent la voûte de la
chapelle de l'hôtel de Jacques Cœur, à Bourges,
tout imprégnésdu caractère flamandettrès voisins
de l'art de Van der Weyden. Jean Fouquet nous
offre un fonds bien français, mais atteint par des
influences italiennes et flamandes. Le diptyque
de Melun (n°s 40 et 41) est antérieur à 1450,
témoin le costume. Le fond est bien italien,
mais ce n'est qu'un accessoire. Le groupement
des personnages est une création de Fouquet.
Mais les têtes sont de construction flamande,
quelle que soit la forte personnalité de l'artiste.
M. Hulin passe en revue la si riche série de
portraits de Fouquet ; il lui refuse toutefois les
numéros 51 et 43. — Le portrait de la galerie
Liechtenstein (n° 51), M. Hulin le rapproche du
portrait de M Homme au verre de vin (n" 43) ; dans
aucun des deux on ne trouve le modelé rond à
points de lumière, qui caractérise toutes les têtes
de Fouquet : ni ses ombres cernantes, ni son mode
d'éclairage, ni sa manière banalede rendre l'oreille
et la main. Ces deux derniers portraits ont au
contraire les qualités flamandes, une structure
plus parfaite même que ceux de Jean Van Eyck.
L'auteur est flamand, fixé en France, postérieur
à Van Eyck, antérieur à Van der Weyden.
L'action des influences externes se manifeste
également en Provence. L'Annonciation d'Aix,
cette peinture si extraordinaire, est visiblement,
selon notre fin critique, aussi l'œuvre d'un Fla-
mand ; aucun autre que les artistes des Pays-Bas
n'était capable de cette exécution amoureuse
des choses inanimées, ni familiarisé avec cette
mise en scène symbolique. Le milieu provençal
se traduit par la couleur locale. Certaines analo-
gies rappellent le peintre badois Conrad Witz,
sur lequel l'auteur de ce tableau a exercé une
forte influence. M. Hulin risque l'hypothèse que
le maître de l'Annonciation d'Aix serait à iden-
tifier avec le Flamand Barthélémy Le Clerc. La
344
Bcbue De V^xt cbvétien.
Résurrection de Lazare, de la collection Kaufmann
(no 8i), paraît ne pas être de Nicolas Froment.
M. Hulin a établi antérieurement qu'elle lui est
postérieure, et il incline à l'attribuer à un peintre
des Pays-Bas, appelé par le roi René.
Mais le tempérament du Midi est manifeste
dans les œuvres authentiques de Froment, mal-
gré quelques emprunts au Flamand. La Vie de
S. Mitre (n° 80) est de son école.
En général, Charenton est nettement français
avec quelques influences giottesques. Cependant
M. Hulin remarque que le Couromietnent de la
Vierge contient deux œuvres bien distinctes ;
le paysage est d'un autre style que le groupe ;
c'est presque du flamand.
La tradition provençale pure éclate dans la
Pietà de Villeneuve (n° jy), cette œuvre pathé-
tique, passionnée, archaïque et avancée, mala-
droite et savante; «, où l'artiste a su si puissam-
ment concentrer l'attention sur la signification
morale et l'expression plastique des sujets. » Ce
tableau révèle une nationalité artistique. Si
l'école de Tours est française, celle-ci est
autre. L'école provençale a sa psychologie bien
distincte.
Les considérations que nous venons d'em-
prunter au professeur gantois vont rudement à
['encontre des savantes et attachantes disserta-
tions par lesquelles Bouchot et Lafenestre ont
en quelque sorte inauguré l'exposition du pavillon
de Marsan. Elles seront sans doute fortement
combattues; elles intéresseront en tous cas vive-
ment nos lecteurs.
L. C.
* *
L'Exposition des Primitifs allemands à Dus-
seldorf offre une réunion d'œuvres plus fournie et
plus complète, sinon aussi intéressante, que celle
de Paris ; seulement elle présente moins d'unité
et elle est moins préparée au point de vue de la
documentation. Les organisateurs semblent avoir
rencontré chez les propriétaires de collections
privées et près des dépôts publics un accueil
plus empressé que leurs collègues français ; la
liste des « prêteurs » contient plus de 125 noms,
et le catalogue accuse la présence de 41 1 œuvres
de peinture, de 170 manuscrits et miniatures,
d'une dizaine de tapisseries.
Les primitifs sont groupés en sections : l'école
de Cologne et du Bas- Rhin, depuis le milieu du
XIV'' jusqu'au commencement du XV^^ siècle ;
— l'école de VVestphalie, du commencement du
XII1« à Ludger to Ring le jeune (1522- 15S3); —
les peintres du Moyen-Rhin et du Sud, deuxième
moitié du XV^ et XVI<= siècle ; — puis viennent
les Flamands, depuis les successeurs de Van Eyck
jusqu'à la seconde moitié du XVI*' siècle ; quel-
ques Hollandais, de 1480 à 1560, deux Français :
Clouet et Mannion.
Beaucoup d'œuvres allemandes restent sans
attribution. Pour beaucoup, on doit se contenter
de les grouper autour de quelque maître ano-
nyme : maître de la Vie de Marie, maître de
l'Assomption, maître de la Sainte Famille, maître
de Saint-Séverin..., etc.
La section la plus attachante est celle des
peintres du Bas-Rhin. Elle s'ouvre par la
grande page d'un maître inconnu, d'environ
1330, et continue par Wilhelm von Herle, les
maîtres du début du XV'= siècle, encore si naïve-
ment inexpérimentés et sincères, jusqu'à ce
délicat et poétique Stephan Lochner, dont cinq
œuvres se trouvent réunies : la « Madone à la
Violette » donne surtout l'idée exacte de sa cou-
leur chaude et séduisante, de l'expression pu-
dique et réservée de ses personnages ; la Vierge
d'une petite « Adoration de l'Enfant Jésus » est
tout particulièrement exquise de fraîcheur et de
tendresse ; tandis que sa « Présentation au
Temple », du musée de Darmstadt, le montre
sous son aspect décoratif.
Le maître de la Vie de Marie est représenté
par un remarquable tableau d'autel : un « Cruci-
fiement » de large ordonnance, de belle tonalité,
et qui se distingue par une heureuse préoccupa-
tion de vérité et d'émotion dans la douleur
simple des saintes femmes ; la Madeleine, restée
debout, contemplant Jésus d'un regard plein de
confiance et d'amour, constitue une trouvaille
vraiment poignante. Du maître de la « Sippe »,
une charmante <( Adoration des Mages ». Le
maître de Saint-Séverin, qui se caractérise par la
justesse et la finesse dans une « Messe de saint
Grégoire » est aussi l'un des premiers portraitis-
tes de l'école : son portrait de Vieille Dame est
superbement composé, et les deux personnages
du tableau de l'église Saint-Séverin (sainte
Hélène et saint Etienne), constituent également
des morceaux de profonde psychologie et de
vivante humanité.
Voici maintenant le plus célèbre, avec Lo-
chner, des interprètes de la Vierge : le maître de
la mort de Marie, aujourd'hui identifié avecjoos
van der Beke de Clèves, ou Jos van Cleef, origi-
naire du Bas-Rhin, membre de la Lucasgilde à
Anvers de 1511a i540,et manifestementinfluencé
par Quentin Matsys. On verra sa petite « Adora-
tion des mages », du Musée de Dresde, animée,
touffue, savoureuse ; sa <i Sainte-Famille » aux
tonalités hardies, avec un paysage d'une extrême
délicatesse ; son beau « Christ en croix », et
pour lui surtout on fera bien de passera Cologne
admirer une de ses œuvres capitales, une de ces
morts de la Vierge qui lui valurent sa célébrité
et son nom.
Cl)Vûmque»
345
Bartholomé Bruyn (1493-1555), intéressant par
ses recherches de clair-obscur déjà très modernes
(Nuit de Noël), est remarquable comme portrai-
tiste volontaire et pénétrant. Passant par Anton
Wœnsam de VVorms (1511-1541), par quelques
inconnus du quinzième, nous atteignons Jan Jœst
( — 15 I9)qui couronne la section bas-rhénaneavec
son retable du maître-autel de l'église Saint- Nico-
las à Kalkar ; ouvrage considérable formé de
16 grands panneaux représentant les principaux
épisodes de la vie de Jésus, jusqu'à la venue du
Saint-Esprit et à la mort de Marie. Le réalisme
des figures et de la mise en scène, le côté drama-
tique de l'interprétation, la variété et le pittores-
que dans la composition en font un monument
caractéristique du génie rhénan.
C'est chez les Westphaliens que se trouve la
peinture la plus ancienne en date de l'Exposition:
i'antependium d'un maître de Soest, au début du
XIII^ siècle. Il est vrai que nous sautons alors
à peu près deu.K siècles pour retrouver seulement
les saints de Conrad de Soest (vers 1400), puis
quelques maîtres indéterminés du XV*. et enfin
les deux Dlinwegge et les deux To Ring,
Huit œuvres importantes mettent en relief l'art
opulent des frères Dijnwegge(vers 1500-1520)011
des influences flamandes sont comme transpo-
sées, interprétées par une imagination abondante
à l'excès : dans le <,< Crucifiement >, par exemple,
c'est le grouillement de la foule, la multiplicité
des personnages, au détriment de l'intérêt des
figures essentielles ; cela manque d'air, de pon-
dération ; mais c'est brillant, observé, d'exécution
soutenue. L'ainé des Ring, Herman (1520-1597),
se recommande par ses petits portraits décisifs,
serrés, d'expression pénétrante ; son cadet Lud-
ger, est un coloriste extrêmement raffiné, inventif
et savoureux ; en même temps qu'il traite avec
souplesse et poésie la figure de la femme.
JDans la région du Rhin moyen et supérieur la
chronologie est moins suivie : parmi les pièces
curieuses, toutes isolées, sauf l'ensemble du
maître du € Hausbuch » ( — vers 1 505) — un des
artistes influents de l'école de Francfort et de
Mayence — citons l'importante « Madone dans
un buisson de roses » de Martin Schongauer ; un
impressionnant portrait de jeune homme et une
<,< Sainte-Famille > de Diirer, deux portraits de
garçonnets, d'un charme juvénile et d'une déli-
catesse de manière exquise, de Cranach le vieux,
et le portrait de Thomas Morus, d'Holbein le
jeune.
»
» *
La section des manuscrits est constituée prin-
cipalement par les contributions des bibliothè-
ques ecclésiastiques, et surtout par celle de la
cathédrale de Cologne. Les pièces les plus an-
ciennes sont une réunion de Canons du XVI 1'=
siècle, « l'Adacodex », donné au commencement
du IX'^ par l'abbesse Ada à saint Maximin,
abbé de Trêves ; les évangéliaires et missels du
X« siècle, en nombre imposant... Dans les
époques plus rapprochées, on verra comme par-
ticulièrement important le livre de prières de
Catherine de Clèves (1430), de la collection
d'Arenberg.
Et c'est à cette dernière galerie encore qu'ap-
partiennent les tapisseries principales ; deux
grandes compositions bruxelloises du début du
XVI* siècle, le Jardin de la Vertu et le Bûrg de
l'Honneur, et trois mythologies de Jossede Vos.
L'art germanique n'est représenté dans cet ordre
d'idées que par deux pièces du XIV* siècle (').
Restauration Des monuments.
ETTE question a été débattue, cette
fois, entre architectes, au Congrès in-
ternational d'architectes tenu à Madrid
en mai dernier. Nous extrayons de
\' Arcliitecture le résultat de cette discussion.
<ic Les conclusions lues par M. Poupinel sont adoptées.
MM. Cloquet et Gabello reconnaîtront facilement ce qui
leur revient.
L'assemblée a été d'avis : i. Qu'il y a lieu de distinguer
entre les monuments appartenant à une période déter-
minée de civilisation et ayant servi à des usages qui ne
sont plus et ne seront plus, et les monuments qui conti-
nuent à être utilisés pour l'objet en vue duquel ils ont été
construits. ( M. Cloquet avait dit : « monuments morts,
monuments vivants. >)
« Que les monuments doivent être conservés en con-
solidant les parties indispensables pour éviter leur ruine,
car l'importance d'un monument réside dans la valeur
historique et technique, qui disparait avec le monument.
•S Que, l'utilité étant une des bases de la beauté des
monuments, on doit les restaurer pour qu'ils puissent
continuer à servir.
« Que, l'unité de style étant aussi une des bases de la
beauté, on devrait restaurer dans le style primitif en
respectant les formes géométriques ; mais on doit cepen-
dant conserver les parties exécutées dans un style diffé-
rent de celui de l'ensemble, si leur style a du méiite en
lui-même et ne détruit pas l'harmonie générale. (M. Nizet
a insisté sur ce point.)
'( On ne chargera de la conservation et de la restaura-
tion des monuments quî des architectes diplômés ou
spécialement autorisés agissant sous le contrôle artis-
tique, archéologique et technique de l'État.
« On provoquera, dans les pays où il n'en existe pas
encore, la création de sociétés de défense pour les monu-
ments historiques et artistiques ; dans les pays où il en
existe, on provoquera leur développement : elles pourront
se grouper pour un effort commun et collaborer à l'éta-
blissement de l'inventaire général des richesses nationales
et locales. »
I. Nous avons résumé ici un compte rendu paru dans le
XX^ Siècle, et signé, C. S.
346
jl^ebue ïje r^rt chrétien.
Châlons. — Il est question d'entreprendre la
restauration de la belle église de Notre-Dame
de Châlons sur Marne. Le devis des travaux
monte à près de 90,000 fr.
L'église de St-Jacques de Compiègne va être
réinscrite parmi les monuments classés.
*
* *
Chartres. — De nouvelles fouilles ont été en-
treprises sous le chœur de la cathédrale de
Chartres. Elles ont pour but de retrouver les ves-
tiges de l'ancien caveau de saint Savinien et saint
Potentien, ainsi que le puits des Saints-Forts.
*
* *
Binche. — Les travaux de restauration de l'é-
glise collégiale Saint-Ursmer à Binche (Belgique)
continuent. Cette importante entreprise néces-
sitera une dépense d'environ 300,000 francs.
Les travaux en maçonnerie de la restauration
du transept sud de l'église sont terminés.
On travaille à la restauration intérieure et ex-
térieure des deux chapelles de transept et de la
travée de la haute nef correspondante, ainsi
qu'au chœur et à la chapelle du Saint-Sacrement.
L'église parait par suite des travaux singu-
lièrement agrandie et surélevée. Les voûtes et les
piliers ont été débarrassés du plâtras séculaire
qui les alourdissait. Les briques rouges des
voûtes, les grès nuancés de blanc et de jaune, des
colonnes forment un contraste saisissant.
*
* *
Ypres. — L'architecte communal M. Coomans
a achevé les plans de la restauration de St-Martin
à Ypres.
La Commission royale des monuments a écrit
à ce propos une lettre dans laquelle elle fait le
plus vif éloge de l'œuvre de M. Coomans. La
restauration globale comporte un devis de
656,000 francs.
On ne la fera naturellement que petit à petit.
Ainsi on commencera par le petit portail de
l'entrée sud.
Le devis de ce travail s'élève à 120,000 fr. ; il
sera prochainement mis en adjudication. Les
plans seront exposés à l'Hôtel de Ville. Le con-
seil communal a officiellement félicité l'architecte
yprois et le distingué correspondant de la Com-
mission royale des monuments.
Gand. — On restaure en ce moment un édifice
antique situé sur la place aux Foins connu,
depuis des siècles, sous le nom de Spijkcr.
Comme, sous l'ancien régime, c'était une pro-
priété du souverain dépendant de la cour féodale
du Vieux-Bourg-de-Gand, il y a tout lieu de
supposer que c'était jadis l'entrepôt où l'on em-
magasinait les redevances en grain, en nature,
que certaines terres du Comté de Flandre devaient
au souverain sous le titre de Spijkcrrenten ou
Epier.
L'édifice est très ancien, peut-être autant que
la maison dite de l'Etape, mais il est plus rema-
nié et, par conséquent, moins caractéristique.
Sa restauration n'en offre pas moins un intérêt
archéologique qui méritait l'attention de l'Admi-
nistration (').
Bruges. — ■ L'admirable quai du Rosaire, connu
de tous les touristes, allait subir une dégradation
regrettable par la construction au bord de l'eau,
du côté Ouest, d'une brasserie avec malterie.
Les édiles ont su prévenir ce désastre. Inter-
venant pour une somme de 10,000 francs, ils ont
obtenu du propriétaire la construction d'une
série de jolis pignons en style flamand, dont la
conservation est assurée par contrat pour une
durée de trente années.
La tourelle qui s'élève à l'Est du quai du Ro-
saire sera sous peu acquise par la Ville, qui la
fera reconstituer et qui interviendra largement
dans la restauration de la façade dui? Dreveken ».
Différentes visites de ministres ont appris aux
Brugeois que les gouvernants caressent des
projets grandioses au sujet de la belle place du
Bourg.
Non seulement le Palais de Justice serait
reconstitué d'après le plan de Marcus Geeraerd ;
mais, du côté ouest, la rangée des maisons entre
la Chapelle du Saint-Sang et la rue Breydel serait
expropriée, démolie et rebâtie comme elle était
au moyen âge.
M. De Vriendt, l'éminent peintre d'histoire, a
informé le Collège échevinal qu'il vient de ter-
miner la composition du dernier tableau pour la
salle échevinale. Il promet d'exécuter cette
peinture murale avant la fin de la présente
année.
Les touristes qui visitent Bruges louent unani-
mement les propriétaires qui restaurent si déli-
catement les anciens pignons. Ils ne cachent pas
leur admiration pour les nombreuses façades
flamandes, qu'on érige un peu partout et dont
l'aspect aussi artistique que varié augmente les
attraits de Bruges-la-Belle.
M. Schramme, avocat, échevin des beaux-
arts, a donné un bon exemple en érigeant au Nord
de* la place du Bourg une coquette façade style
flamand du XVI le siècle.
I. Chronique des travaux publia.
Cjjrontque.
347
Très remarqués, rue des Pierres, les deux
grands pignons, à gradins contigus dont les beaux
bas-reliefs sont rehaussés d'or.
Rue des Baudets, chacun s'arrête pour admirer
les trois pignons dentelés qui forment la façade
de l'hôtel d'Autricourt, anciennement « 't hof
van Holland».Feu M. DeWulf en est l'architecte.
La Vierge, qui figure au-dessus de la porte
cochère, sous un dais délicatement fouillé, est
une sculpture remarquable, exécutée sur place.
Au bout de la rue, en face de la porte d'Osteude,
s'élèvent deux pignons, en style local, d'après
les projets couronnés de M. Pannier ; ces cons-
tructions formeront un heureux pendant à la
jolie maison à tourelle du coin opposé.
La construction, en style brugeois, de la
belle maison Viérin, coin de la rue Eeckhout et
du Dyver (dernier projet produit par feu notre
éminent architecte Charles De VVulf), est com-
mencée. On espère la mettre sous toit cette
année (').
Home noutJcUc.
OICI en quels termes un esthète pari-
sien, M. André Hallays, résume les
impressions que lui a laissées un récent
voyage à la Ville Éternelle, préten-
dument régénérée par l'invasion subalpine :
« Rome, capitale du royaume d'Italie, a subi le soit de
toutes les capitales : elle s'est enlaidie. On a, pour les
besoins de la circulation et de l'hygiène, abattu des églises
renversé des palais, saccagé de vieux quartiers. Quel-
ques-uns de ces travaux étaient indispensables. D'autres
étaient sans excuse... Mais toutes nos plaintes sont
vaines pour le passé, vaines pour l'avenir.
Les grandes rues neuves, surtout à Rome, ne sont pas
seulement ridicules et désolantes, mais encore désagréa-
bles et malsaines ; elles sont le royaume du vent, du
soleil et de la poussière. N'importe ! 11 est entendu qu'une
capitale ne peut se passer de « grandes artères » et, à ce
dogme, on continuera de sacrifier la beauté et le sens
commun.
11 semble cependant que les enibellissetirs de Rome
viennent de dépasser la mesure. Lorsqu'ils démolissent,
ils peuvent parfois invoquer un semblant d'utilité. Mais
lorsqu'ils bâtissent, on est en droit de leur demander un
peu de goût et de discrétion — de \a discrétion surtout.
Leurs derniers ouvrages sont effroyables et terriblement
indiscrets.
On a rasé naguère les ruelles de l'ancien Ghetto. Sur
cet emplacement, on a élevé une synagogue. Cet édifice
ne se distingue pas par une laideur excessive ; il est
lourd, vulgaire et simple. La vue en serait donc tolérable,
si l'on n'avait eu l'idée de coiffer la synagogue d'une sorte
de coupole en zinc qui étincelle à toutes les heures du
jour, et comme un miroir, réverbère les rayons du soleil.
De quelque côté que l'on se place pour goûter le spec-
tacle de Rome, la douce harmonie des dômes, des cam-
paniles et des toitures est brisée par ce jet de lumière
aveuglant.
I. Chronique des travaux publics.
Mais le méfait, l'impardonnable méfait, c'est la cons-
truction du nouveau Palais de Justice. De toutes parts,
on aper(;oit cette masse énorme et déshonorante. On ne
peut dire si c'est de près ou de loin que ce monument
babylonien est le plus ridicule et le plus exaspérant. De
loin, lorsqu'on embrasse toute Rome, du Janicule ou du
Fincio, il nous choque parce qu'il détruit l'équilibre du
tableau. Il n'est point à l'échelle de la ville. Il rabaisse
les autres édifices. Il accapare toute l'attention. Il écrase
Rome du poids de sa formidable banalité.
De près, ses façades ornées et sculptées (et quels orne-
ments ! quelles sculptures !) nous choquent comme un
désastreux contresens. Un pareil décor à Rome où toutes
les façades sont graves et unies ! Méconnaître à ce point
la traditionnelle physionomie de la Ville éternelle ! Même
au temps où le baroque était en faveur, les architectes
n'avaient point perdu le sentiment de cette grande loi de
la beauté romaine et ils avaient réservé à l'intérieur de
l'édifice les fantaisies de leur verve tumultueuse.
Devant le nouveau Palais de Justice de Rome, on se
rappelle les paroles célèbres du grand architecte florentin
Léon Battista Alberti : « Quel sentiment pourra jamais
émouvoir une grande masse de pierres, mal formée et mal
ajustée, sinon que plus elle sera colossale, et plus nous
blâmerons les dépenses jetées en l'air, et plus il nous
faudra honnir l'appétit sans but d'amonceler des pierres ? >
André Hallavs.
I^outicUcg.
Pierrefort. — Un incendie vient de détruire
en partie le vieux manoir de Pierrefort, datant
du XIV" siècle, et l'un des plus intéressants de
l'époque des ducs de Lorraine. La porte histo-
rique et une partie des bâtiments habités ont
pu être préservés. Cet incendie a causé néan-
moins des pertes irréparables pour l'archéologie
lorraine.
Gand. — On a découvert près du Château des
Comtes à Gand, les fondations d'un pilier d'une
des bailles de cette ancienne forteresse, du côté
de la place Ste-Pharaïlde. Ce bloc de maçonnerie
composée de grandes briques, se trouve à environ
5 mètres de la porte d'entrée et mesure en coupe
I m. 30. Un journal local, le Volksbelang, rappelle
à ce sujet, que dans les documents les plus anciens
il est fait mention des bailles du Château des
Comtes : au moyen âge elles furent en bois, au
XVI<= siècle elles étaient en fer et avec des piliers
en pierre ornés d'un lion. En 1635, on y ajouta
même les statues du roi Philippe et du prince
cardinal Ferdinand.
On a trouvé au même endroit la voûte maçon-
née du pont qui, dans la rue de la Monnaie, pas-
sait au-dessus du fossé des Corroyeurs, comblé
depuis plus de trente ans. Sous les rails du tram-
way la maçonnerie a été démolie, mais elle est
restée intacte sous le trottoir, du côté de la Lieve.
348
3^ebue ïie rart c!)rttien.
Milmort. — On a découvert à l'église de Mil-
mort près Liège, lisons-nous dans le Bulletin des
métiers d'art, des peintures murales du commen-
cement du X VI^ siècle. Le mur oriental porte en
haut, sur un fond rouge-brique, Notre-Dame des
Sept Douleurs, avec les médaillons traditionnels ;
en bas, les deux donateurs et saint Étoi, représenté
comme évêque et comme forgeron. Sur le mur
nord se trouvent, superposées, des deux côtés de
la fenêtre : la Présentation de la sainte Vierge,
l'Annonciation — la Nativité, l'Adoration des
Mages. Sous la voûte on distingue encore le
Christ dans sa gloire; malheureusement ces ves-
tiges d'art ancien sont destinés à disparaître. —
L'ancienne église va être reconstruite sur les
plans de M. Lohest.
Rome. — Le Comité central institué pour
célébrer le cinquantième anniversaire de la défi-
nition dogmatique de l'Immaculée conception
adresse un appel en faveur de l'exposition ma-
riale internationale.
« Puisqu'un appel chaleureux du souverain
pontife, y est-il dit, convie les fidèles à venir à
Rome chanter à la Vierge Immaculée l'hymne
de la foi et de la piété filiale, pourquoi le génie
chrétien qui, au cours des siècles, a accumulé de
si précieux trésors à la gloire de la plus belle des
créatures ne les réunirait-il pas dans une exposi-
tion modeste, mais qui compléterait les travaux
du Congrès?
Aussi, le Comité central romain a décidé qu'il
se fera une exposition mariale internationale. Sa
Sainteté Pie X veut qu'elle ait lieu dans le palais
apostolique de Latran.
Cette exposition devant servir au Congrès
mariai, son programme se modèle sur le pro-
gramme du Congrès et se compose, comme celui-
ci, en trois divisions générales qu'on a jugé
opportun de réduire aux limites suivantes :
pe division : Le culte de Marie et ses nianifes-
tatiotis dans l'iconographie et dans la numisma-
tique.
II« division : La presse mariale.
III« division : l^es instituts religieux et les asso-
ciations viariales.
L'Exposition n'aura pas un but industriel et
n'admettra que des objets ayant un caractère
artistique, historique ou antique. Cette admis-
sion sera soumise au jugement d'un jury compé-
tent nommé par le Comité local avec l'approba-
tion de la Commission cardinalice. On fera con-
naître au plus tôt les critériums qui serviront de
base aux appréciations de ce jury. »
Langeais. — L'ingénieur Léon Dru, récem-
ment décédé, a fait à l'État un legs dont l'im-
portance dépasse même celle de la donation à
l'Institut du château de Langeais.
C'est le château historique de Vez, dans l'Oise,
avec les collections artistiques qu'il contient et
un capital d'environ un million et demi. Ces
différents legs sont faits aux conditions suivantes:
1° Le château devra être classé comme monu-
ment historique ;
2° Le public devra en avoir le libre accès au
moins trois jours par semaine.
Imprimé par Desclée, Dk Brouwer S: C'^', Lille- l'aris-Bruges.
1%riuif ùi' rilrt- rtu'ftini
in. VI
Cavn?[aar ùc Vabham Dr Gliampa^iiG'.(>Sartlaf.)
Uiffcrents tyyez Oe pat-cs trouocs dans les j^JtiiLîes .
"I-iinnir iir l'fivï i-[]dt'm\.
ï?l.VII
\/ \/
^^
^
S. /\ A
A
s /
À À À
^
CavreUxQp ùr Tabbaue ùr Chanapaauir.(>Sari:[ie.)
fOcssius O'cnscmbU obtenus avez les parés trouocs Oans les j^ouiUes .
}ç9^:h^k9^kf^kUkM;içMkUkUi^^
@^m¥.B^niiiu]&'iîîiiiihB':mi\v^i3iiiuiïiwi\v^^^^ W\
' <^ <^p <^ *=%=■
Betjue îie
l'Hrt rhretteu
paraissant tous les bEii)C mois.
47""* Hnnée. — 4^ Série.
(Conif XV (Live ne (a collection). <|<
4<
S"'" litir. — Septembre 190^. 41l
fa44H{ii-i::Hi!ili, : i;i!!!î :,!H}t;r HHHiiB^Ϋgh^ig^Hffigg.^raaB^giSEg1clfHiatf1i«iHiEaS«l^î?iG1îiHiHfiB
lie carrelage ïJe Tabbaje be Champagne (Harti)e),
D'après les paucs tetrouucs sur remplacement Du cbœur De l'église De cette atibape.
u^mwm
N 1859, M. E. Amé,
architecte des monu-
ments historiques, pu-
bliait un important vo-
lume sur les carrelages
émaillés ("), et il dédiait
son travail à Viollet-le-
Duc, son maître.
Il faudrait, si la place le permettait, suivre
M. Amé page par page, dans son livre, pour
étudier convenablement le carrelage du
chœur de l'église de Champagne.
Comme ce n'est pas possible, nous devons
tout d'abord recommander la lecture du vo-
lume à ceux qui jugeront, avec raison, les
lignes qui suivent bien incomplètes.
I. Les carre /âges ^matUés du moyen âge et de la Renais-
sance, précédés de rhistoire des anciens pavages^mosaïques,
labyrinthes, dalles incrustées, par M. Emile Amé, archi-
tecte des monuments historiques, correspondant du mi-
nistère de rinstruction publique pour les travaux histo-
riques. Paris, A. Morel et C"=, éditeurs, l8, rue Vivienne,
1859. Tiré à 300 exemplaires n° 102, in-4°, 201 pp. Nom-
breuses planches noir et couleur.
Au moment où écrivait M. Amé, en 1859,
le retour aux traditions artistiques du
moyen âge commençait à peine. Voici ce
que dit M. Amé dans son introduction :
« En 1850, une des grandes salles du
musée de. Cluny, à Paris, fut pavée de car-
reaux vernissés incrustés. Ce pavement
d'une grande simplicité, qui cependant n'ex-
clut pas la beauté, fut admiré sans restric-
tions, et la vue de cette espèce de mosaïque,
exécutée en peu de temps, causa une sur-
prise générale. Les visites au musée se
succédèrent ; elles furent nombreuses ; quel-
ques mois après, on s'aperçut que l'éclat
brillant du carrelage s'amoindrissait d'une
singulière façon ; puis, à la place d'une aire
resplendissante, semée de feuillages et de
fleurs, l'argile pure et simple ne tarda pas
à paraître en quelques endroits plus fré-
quentés. On revint sur les louanges décer-
nées avec une si grande libéralité et on
condamna les carrelages vernissés, en les
REVUE DE l'art CHRÉTIEN.
1904. — 5'"* LIVRAISON.
350
Bebue tie T^rt chrétien.
reconnaissant tout au plus bons à flatter
les yeux. »
M. Amé ajoutait : « Ce résultat fâcheux
ne doit pas atteindre un système excellent
en lui-même, ce qui en reste le prouve po-
sitivement ; il doit seulement être imputé
à la maladresse ou à l'impéritie du fabricant
dont les études trop superficielles se seront
arrêtées en face des recherches sérieuses
nécessaires pour obtenir un vernis solide,
dur et résistant, égal à celui qui recouvre
les carreaux du moyen âge.
Cette réaction, à nos yeux, n'est donc
pas sérieuse, et doit bientôt succomber sous
les efforts réunis des fabricants ; c'est à eux
qu'il appartient de remettre en honneur ces
brillants pavages.... »
M. Amé était bon prophète et il n'est
guère possible de voir aujourd'hui une mai-
son moderne qui n'ait au moins le vestibule
pavé en carreaux décorés. Le procédé n'est
peut-être pas tout à fait le même qu'au
moyen âge ; les carreaux ne sont pas de la
même fabrication. Qu'importe, le résultat
est le même et part du même principe.
Cette fabrication des pavés décorés est
aujourd'hui une industrie très florissante ;
sa naissance (c'est notre conclusion) est due
aux travaux archéologiques. La plus gran-
de partie des dessins exécutés de nos jours
sur les carrelages ne sont que les répéti-
tions des dessins des XI I=, XI 11= et XI V^
siècles. De ce côté nos fabricants ont fort
peu créé.
Les dessins de pavés qui vont suivre et
qui ont été reconstitués d'après les éléments
retrouvés à Champagne, sont tout à fait
inédits ; je ne les ai vus nulle part, quelque
nombreuses qu'aient été mes recherches
depuis un an. Si ces lignes tombent sous
les yeux d'un fabricant, il lui sera loisible
de s'en servir.
Par ailleurs, les pavés de Champagne ne
se prêtent pas qu'aux seules combinaisons
qui suivent. Il y en a d'autres. Je laisse aux
curieux le soin de tirer de ce jeu de patien-
ce tout ce qu'il peut donner. Le jeu despe-
tits pavés peut charmer les longues soirées
d'hiver.
II
PENDANT la domination romaine et
jusqu'au milieu du XII° siècle envi-
ron, la mosaïque fut employée dans les
Gaules pour revêtir l'aire des habitations
et des églises. Les voûtes même en furent
ornées. A partir de cette époque, la mosaï-
que disparaît tout à coup, et les pavages
en terre cuite (sorte de mosaïque moins
coûteuse) la remplacent définitivement. Ces
carrelages formés de pièces de rapport, va-
riées en couleur, se perfectionnèrent rapi-
dement, et la fin du XI 11^ siècle n'était pas
arrivée que le système de carreaux couverts
de dessins à deux tons prévalait presque
complètement.
Les carreaux unis, non décorés et dispo-
sés en mosaïque, demandaient à être dé-
coupés avec art et présentaient un travail
d'une grande complication, pour former des
courbes, des entrelacs, etc.
Aussi, dès que l'on sut fabriquer des car-
reaux émaillés, abandonna-t-on le système
tout en continuant à imiter, avec les nou-
veaux moyens, les effets que l'on obtenait
auparavant avec de véritables mosaïques.
C'est en vertu de cette recherche que cer-
tains pavés émaillés reproduisent un damier
jaune et rouge, damier obtenu auparavant
au moyen d'autant de pavés indépendants
qu'il y avait en tout de petits carrés. Chaque
pavé, tantôt rouge, tantôt jaune, était carré
et d'une seule teinte.
Quand il s'est agi d'exécuter les pavés
décorés, les difficultés à vaincre devinrent
très grandes.
JLt carrelage tie l'abbape tie Cl)ainpague.
35 i
Celle qui exige les plus longs tâtonne-
ments de la part des industriels, est d'obte-
nir que la pâte colorée formant les orne-
ments prenne à la cuisson le même retrait
que celui du carreau.
Le carrelage que nous allons étudier est
un carrelage cistercien ; j'insiste sur ce
point, car tout ce qui touche à cet Ordre
porte, au point de vue artistique, un carac-
tère extrêmement accentué.
Il régnait.comme on sait,une très grande
sobriété d'ornements dans la décoration des
églises cisterciennes. Saint Bernard l'avait
érigée en système par esprit d'opposition à
la richesse décorative des églises cluriisien-
nes. Le contraste était frappant mais voulu.
11 en est résulté que l'on ne rencontre ja-
mais de mosaïque de marbre dans les égli-
ses de Cîteaux, tandis que l'on en trouve
encore dans celles de Cluny, après cepen-
dant que l'usage en eut été généralement
abandonné. Et quand, dans leurs églises,
les Clunisiens employèrent les pavés ver-
nissés, ils cherchèrent à leur conserver le
caractère de la mosaïque.
A l'appui de cette thèse, nous invoque-
rons le témoignage de la rosace de Vivoin,
dans le chœur de l'église du prieuré. |
Cette rosace dont nous donnons la repro-
duction, a perdu aujourd'hui une grande
partie de ses couleurs.
Ses émaux se sont usés sous le frottement
des pieds : on ne saurait s'en étonner lors- i
qu'on songe qu'elle est en place depuis six
siècles. Cette rosace est essentiellement
une mosaïque où la terre cuite remplace le
marbre.
Pendant longtemps les églises cistercien-
nes firent usage de carreaux à dessins im-
primés, les règlements de I Ordre recom-
mandant la plus grande simplicité dans les
formes et les ornements.
Les vitraux même étaient incolores et les
dessins figurés par des plombs. (Vitraux
incolores de l'église de Pontigny.)
Ces églises de Cîteaux firent toutefois de
rapides progrès dans l'emploi des produits
céramiques, et c'est à elles que l'on doit les
perfectionnements que ces sortes de pa-
vages reçurent à la fin du XI !« siècle, lors-
qu'on eut découvert la manière de faire en-
trer par incrustation deux terres de même
nature, mais d'une teinte différente, dans le
même carreau.
Saint Bernard n'était plus là pour main-
tenir ses moines dans la sévérité primitive
de la règle.
Les Cisterciens étaient mêmeparvenus,au
commencement du XII P siècle, à établir de
si grands perfectionnements dans l'emploi
des terres, qu'en 1 210, lors d'un chapitre
général, on réprimanda vertement l'abbé de
Beaubec qui avait autorisé l'un de ses
religieux, expert en la matière, à exécuter
des pavages pour des personnes qui ne
suivaient pas l'observance cistercienne. Ces
carrelages avaient excité l'admiration ; il y
a donc lieu de croire que ces pavés étaient
historiés et couverts de figures incrustées ;
il fallait une semblable cause pour agir ainsi
sur l'esprit des populations.
Un dernier mot enfin sur la décoration
des églises de Cîteaux. Une tradition fort
répandue existe encore parmi les habitants
du village où était située l'abbaye de Pon-
tigny ; c'est que les pavés des chapelles
reproduisaient les dessins des vitraux inco-
lores ; des fouilles exécutées dans l'abside
permirent de reconstituer des terres cuites
d'anciens pavements du XI I'^ siècle qui
présentaient la plus grande analogie avec
les vitraux qui existaient encore {').
I. La coutume d'inhumer dans les églises a été une
cause de ruine pour beaucoup de carrelages.
352
5Rebue De r^rt ct)rétien.
m
LES pavés retrouvés dans les fouilles sur
l'emplacement du chœur de l'église
de Champagne, présentent environ trente-
trois variétés différentes ('). Ce chiff're est
un minimum, dans lequel nous n'avons pas
voulu comprendre quantité de débris, qui
devaient être d'anciens pavés brisés.
Nous donnons chacune de ces variétés et
pour la plupart nous indiquerons les dimen-
sions de l'original.
1° {Diamètre 75™"'). Pavé circulaire en
terre rouoeâtre avec dessins incrustés en
terre blanchâtre, le tout recouvert d'un
vernis jaunâtre très limpide.
2° {Côté ço'""'). Pavé triangulaire de
même composition que le précédent.
3° {Longueur 9J"""). Pavé long, avec
deux extrémités curvilignes, recouvert d'un
émail vert très foncé, presque noir.
4° {Hauteur o"'i4, longueur o"'//^).
Pavé en forme d'écu. Il porte très effacé
l'émanché des Riboul. La partie marquée
sur le dessin par des hachures était en terre
cuite naturelle, l'autre en terre blanche, le
tout recouvert d'un vernis jaunâtre très
limpide. Ce pavé n'a été retrouvé qu'à un
seul exemplaire ; la terre blanche est pres-
I. Définitions de quelques ternies techniques :
On appelle Engobe une matière terreuse, soit blanche,
soit colorée, qui par son opacité cache et semble masquer
la couleur de la terre, au point qu'une pièce jaunâtre à sa
surface peut ofifrir à l'intérieur une pâte rouge.
Le Vert, fréquemment employé, ne peut pas être consi-
déré comme un engobe, c'est un vernis composé de
protoxyde trituré de cuivre rouge ou bien encore de
batitture de cuivre jaune mêlés avec de l'alquifoux (sulfure
de plomb, ou galène). On l'appliquait sur les engobes ou
les terres blanches.
On appelle /^aw.? vernisses ou cmaillés ceux dont la
couverte est translucide et laisse par conséquent aper-
cevoir les tons de la terre cuite. Les pavés vernissés ont
une glaçure transparente et une teinte légèrement jaunâtre
quand elle n'a pas été mélangée avec certains oxydes
métalliques.
Les pavés à surface tnale ou sans couverte ne sont
revêtus d'aucun vernis.
que entièrement partie, mais sa place est
marquée par des creux, au fond desquels
adhèrent encore quelques fragments blan-
châtres.
5° {Côté rectiligne 0'^i4S). Pavé en terre
cuite non vernie, dont nous n'avons trouvé
également qu'un seul échantillon.
6° {Hypothénuse 95 '"'"). Pavé en terre
cuite avec engobe blanche recouvert d'un
vernis jaune. Il se présente avec une belle
couleur citron.
7° {Mêmes dimensions que le précédent^
Pavé triangrulaire, terre cuite avec dessins
blancs incrustés, recouvert d'un vernis
jaunâtre.
Z" {Côtés yo"""). Pavé rectangulaire en
terre cuite avec émail vert très foncé pres-
que noir.
9° {Mêmes dimensions çue les n"^ 6 et 7)
Pavé triangulaire de même composition
que le précédent.
lo'' {Grand côté (Jo""", petit côté 42""").
Pavé parallélogrammatique, de même com-
position que les deux précédents.
I 1° {Grands côtés o'^ii^, petits côtés
o'^Ojo). Pavé de forme curieuse ; il est
formé de partie d'un losange, dans lequel
est découpé un vide destiné à recevoir le
n° 1 2. Ce pavé est en terre cuite, recouverte
d'un émail vert très foncé, presque noir.
I 2° {Diamètre o"'oj). Petit pavé circulaire
destiné à être enchâssé dans la cavité
circulaire également du n° i t. Terre cuite,
engobe blanche, vernis blanc jaunâtre,
aspect général en résultant jaune citron
clair.
1 2i° {Grands côtés 6^065, petits o"'04S, côtés
rentrants o''"o6^). Pavé en forme de V.
Même composition et couleur que le pré-
cédent.
14" {Côté o"'042). Pavé en forme de
losange. Même composition et couleur que
le précédent.
3Le carrelage De Tabbape De Champagne.
353
1 5° {^Mêmes dimensiones que le précédent).
Pavé en forme de losange. Terre cuite, sans
vernis, ni émail ; de couleur ocre rouge par
conséquent.
i6° [Côté o"'o6§). Pavé carré décoré ;
terre cuite, croix fleurdelisée incrustée en
terre blanche, vernis jaunâtre.
\y° [Hypothénuse o'"ijo, côtés o"'iio).
Pavé en triangle décoré d'une demi-fleur
de lis, complétée par un deuxième pavé
semblable. Même composition que le précé-
dent.
1 8° {Côté, o'"o8o). Pavé en losange, décoré
d'une fleur de lis. Ce pavé ne nous est
parvenu que par un seul échantillon dont
les deux extrémités étaient brisées. Même
composition que le précédent.
19° {Petit côté 6^040, grand côté o^'oys).
Pavé parallélogrammatique, terre cuite,
recouvert d'un émail opaque, vert très foncé
presque noir.
20" {Petit côté o'"70, grand côté o^'oSs).
Nous n'avons retrouvé aucun échantillon
de ce pavé. Le dessin est fait d'après un
échantillon découvert, il y a fort longtemps,
par M. Vallée, un des propriétaires de
Champagne. Terre cuite, dessins incrustés
en terre blanche, vernis jaunâtre. Ce pavé
porte comme décoration la fleur de lis de
France, et le château de Castille, plus un
fleuron ornemental.
21° {Grand côté o^oço, petit côté o'"OJ2).
Pavé rectangulaire décoré. Terre cuite,
dessin incrusté en terre blanche, vernis
jaunâtre. Le dessin n'est pas complet avec
un pavé ; il en faut deux, on a alors une
fleur de lis très élégante. Malheureusement
nous n'avons trouvé que plusieurs exem-
plaires de ce seul pavé et aucun du pavé le
complétant. Nous avons essayé une recons-
titution que l'on trouvera plus loin.
22° {Petit côté o'"oj8, grand côté o'^ios).
Pavé rectangulaire. Terre cuite recouverte
d'un émail vert très foncé, presque noir.
23° {Grand côté 0^^103, petit côté 0^^025).
Pavé parallélogrammatique ; même compo-
sition que le précédent.
24° {Hypothénuse o"'/Oj). Pavé trian-
gulaire. Même composition que le précé-
dent.
25° {Grand côté 0^115, petit côté 0^^040).
Deux pavés parallélogrammatiques.
26° Même composition que le précédent.
27° (/" côté 0^^024 ; 2" côté 0"'045 ; J' côté
0,07 J ; 4^ côté 0,100). Pavé dont deux côtés
seulement sont parallèles. Même compo-
sition que le précédent.
28° {Petit côté o'"o2S, grand côté o'^o'/s).
Pavé parallélogrammatique. Même compo-
sition que le précédent.
29° {Grands côtés o^^iii, côtés intérieurs
0^^045, petits côtés o"'oj'j).Pavé en forme de
V. Terre cuite, engobe blan'che, vernis
jaune ; aspect général en résultant, jaune
citron.
30° {Grand côté 0^^072, petit côté 0^^040).
Pavé triangulaire. Même composition que
le précédent.
31° {Côté o'^ojo). Pavé carré. Même
composition que les n°' 22, 23, etc., mais il
présente cette particularité que deux sillons
suivant les diagonales sont profondément
gravés à sa surface.
32° {Côté o'^oSo). Pavé en losange, vert
très foncé. Même composition que les
n°' 22, 23, etc.
2iT^° {Côté 0^080). Pavé en losange ; aspect
jaune citron. Même composition que les
n°' 29, 30.
Pour ne pas y revenir constamment, avec
la description de chaque pavé, nous donnons
ses dimensions ce qui nous dispensera
d'indiquer l'échelle des dessins.
Enfin nous ajouterons que chaque pavé
354
ISitWt De r^rt cj)rctien.
existe en demi pavé.afin de pouvoir carreler
aisément toute surface triangulaire sans
avoir à briser de carreaux.
Les pavés retrouvés en plus grand
nombre sont ceux numérotés i, 2, 3. En
les groupant ils ont permis de former le
type de carrelage A, qui devait recouvrir
la plus grande partie du sol du sanctuaire.
Les autres combinaisons devaient, suivant
le système décoratif employé dans ces tra-
vaux au moyen âge, former des bandes ou
des encadrements. La beauté décorative de
ce motif est très grande. Ce beau dessin
est assurément de la fin du XI 11^ siècle
autant qu'on en peut juger par le style seul.
Les n°' 4, 5 (24 ou 17) ont permis de
tenter la reconstitution B. Toutefois le
petit pavé en croix, placé à la pointe des
écus, n'ayant pas été retrouvé même en
unité, il est impossible de rien affirmer. Les
pavés carrés 24 et 17, unis ou décorés de
fleurs de lis, pouvaient être alternés et
donner ainsi une plus grande variété d'as-
pect. Un architecte de nos amis nous a
suggéré l'idée que nous avions là un sys-
tème décoratif de revêtement de muraille
plutôt qu'un dallage. Ce n'est pas impos-
sible. Toutefois, l'état d'usure du pavé aux
armes des Riboul ne permet guère d'ad-
mettre cette hypothèse : il ne nous serait
pas arrivé si détérioré s'il n'avait subi de
longs frottements de pas. De même que le
précédent, ce carrelage est par son style
du XIII' siècle.
N° 13 (jaune citron) seulement. Ce sys-
tème C est obtenu avec le seul pavé n° 13 ;
étant monochrome, il devait former des
bandes ou chemins. Ajoutons seulement
que les joints en ciment rougeâtre rom-
paient la monotonie de la teinte générale.
Il est difficile d'indiquer la date de ce
dallage, il peut être placé aussi bien au
XI II<-' qu'au XIV-^ siècle.
D. Système composé de deux pavés les
n° 15 (rouge, terre cuite) et 25 (jaune
citron). Pour différencier quelque peu les
teintes sur la reproduction, le jaune est
indiqué par un pointillé, et le rouge terre
cuite par des hachures. Comme toujours les
joints en ciment avaient leur importance,
n'étant pas d'une épaisseur négligeable.
jE. N°' 15, 14, 29, 25 et 26. Système plus
complet que le précédent, employant trois
pavés de plus, différents de forme et de
couleur. La tonalité de ce carrelage est des
plus riches. Nous avons employé des ha-
chures et des pointillés pour mettre en
valeur les différentes colorations.
K N°^ II et 12. Les pavés 11 et 12
seulement entrent dans le système /^ Les
petits disques jaune citron se détachent
avec la plus grande vigueur sur le fond
vert, presque noir et le dessin est complété
par les joints en ciment. Ce système est
peut-être de la fin du XII' ou du commen-
cement du XI 11"^ siècle. C'est en tous cas
celui qui paraît le plus ancien.
G. N° 13. Le pavé n° 13 intervient dans
ce système G, avec un pavé carré dont il
n'a pas été retrouvé d'échantillon certain.
Nous donnons toutefois ce carrelage à titre
de renseignement.
//. N° 20. Le seul pavé n° 20 donne la
splendide décoration ci-jointe. Les fleurs
de lis de France et les châteaux de Castille
y alternent avec un fleuron décoratif. Ce
motif, de la plus belle époque du XII L
siècle, a dû être fabriqué vers le temps de
la mort de saint Louis et rien ne s'oppose
à penser qu'il environnait le tombeau de
l'évêque G. Rolland. Ce tombeau de grande
richesse, puisqu'il était en cuivre doré et
émaillé, devait se présenter admirablement
sur ce fond chaudement polychrome.
/. N° 2 I n'étant que partie constituante
d'un système de deux pavés, nous proposon
3Le carrelage îie Tabbape De Clîanipagne,
355
la reconstitution ci-jointe qui semble la
seule possible. Nous donnons à la fois le
simple trait et l'aspect général.
Ce motif paraît être du XI V^ siècle,
y. N°^ lo, 14. 15, 19, 18, 32 et 33. Sept
pavés interviennent dans ce système y. Il
comprenait des pavés losanges unis, jaunes
ou verts, et décorés avec des fleurs de lis
(18). La plus grande variété pouvait être
obtenue avec des moyens très simples ; la
monotonie était évitée, ce qui paraît toujours
avoir été la préoccupation des décorateurs
du moyen âge.
Nous laisserons de côté les combinaisons
que l'on pourrait obtenir avec les pavés 6,
7, 8, 9, 16, 22. 23. 27, 28: nous n'avons
voulu que montrer la pensée qui avait
présidé à la composition d'un dallage tel
que celui de Champagne. D'ailleurs des
pavés tels que le n° 2 7, devaient être accom-
pagnés de nombre d'autres qui ne nous sont
pas parvenus ; composer des combinaisons
avec ces données incomplètes serait faire
oeuvre d'imagination et ne présenterait
aucun résultat certain.
J. Chappée.
a'^V:^ A^v!^ K^^ K^^ K^^ \^^ A^^ A^^ A^^ A^^ K^^ \^-H \^^ ii^-A \^^ '
txixiu:LiiJixiiJiiitiïJ'tiiiiJ-ïtXTiriTiiJiiiiriiKiiJiiriiiTiiiir]iTiiiitTiTTTTiTTiriiiixiiiiiiiiiiiiiiii:iiiiiiiiiiiiiiii:iTiiriiiLiiJiiiixiirTTiT^
li'Hrt au courent B, Gansto aile ffîuva à Florence.
I
Tnii I irnxrTTTnrxixxixuxiix
im rmiixxixxEtJ
I
X'ï
['ANTIQUE cité de
Sienne a donné à l'É-
glise des saints illustres.
Sainte Catherine et
saint Bernardin sont,
depuis des siècles, res-
ïl^wmn^^mmwS tés honorés et populai-
res, mais à côté d'eux d'autres Siennois,
fondatori di Religioni, fondateurs d'Ordres
religieux, ont apporté au christianisme les
bienfaits de leurs vertus.
Ils sont, il faut le reconnaître, trop ou-
bliés aujourd'hui.
Bernard Tolomei,Ambroise Piccolomini,
Patrice Patricii ont fondé l'Ordre des moi-
nes blancs du célèbre couvent de Monte
Oliveto Maggiore.
Etienne et Jacques ont été les créateurs
et les chefs des chanoines réguliers du Saint-
Sauveur.
Jean Colombino a fondé, en 1 334, l'Ordre
des Clerici Apostoliques, dits Jésuates de
Saint-Jérôme.
Il appartenait à l'une des plus anciennes
familles de Sienne.
Les Colombini descendent de la colonie
romaine ; pendant des siècles elle a donné
à la République des docteurs, des lettrés,
des gonfaloniers, des capitaines et des am-
bassadeurs.
Ses membres occupèrent également d'im-
portantes fonctions à Rome, Bologne,
Parme et Pérouse.
La famille possédait des palais à Sienne
et plusieurs châteaux dans les environs.
Jean renonça à tous les avantages qu'il
pouvait tirer de cette situation et consacra
sa vie à la piété, au soulagement des mal-
heureux et à la prédication.
Il alla prêcher à Pise, Lucques, Pistoie,
Florence, Bologne, Viterbe, Arezzo et dans
d'autres localités. Sans peine il recruta des
frères dans l'élite de la société et dans
chaque cité importante il institua un rettore
deiraninie, un directeur spirituel.
L'Ordre fut approuvé à Viterbe, en 1 367,
par le pape Urbain V, de passage dans
cette cité.
Colombino était allé se prosterner aux
pieds du pontife ; il mourut en juin de la
même année à Aquapendente des suites de
la fièvre qu'il avait gagnée aux bords du
lac de Bolsène.
Il fut béatifié.
La plus ancienne règle codifiée de l'Ordre
qui a été conservée, est de 1426 ; elle fut
plusieurs fois modifiée,notamment en 1485.
Les frères suivaient la règle de saint
Augustin.
Ils n'étaient pas prêtres mais simples
clercs : « non abiamo violta abilita de prete^b,
nous n'avons pas les qualités des prêtres,
dit un article du règlement.
Ils avaient pris saint Jérôme pour pa-
tron.
On les appelait aussi Gesuati ou /nge-
sîiati, parce qu'ils prononçaient très sou-
vent le nom de Jésus.
Le peuple les désignait habituellement
sous le nom de pères Alla Calza, à cause
de la forme allongée de leur capuchon qui
ressemblait à une chausse.
Je reproduis leur coiffure d'après une
miniature du XV^ siècle.
La robe était brune et la coiffure blanche,
d'où le nom de Ingesuati de caputio albo
IL'^ixt au toutjent ^. (5msto à jFlorence.
357
qu'on trouve dans quelques écrits du XV^
siècle.
On les connaît aussi à Florence sous la
dénomination de pères du couvent de Saint-
Juste, qui fut leur première résidence près
de la cité.
Recruté d'abord dans les classes élevées,
l'Ordre devint bientôt populaire; il eut des
maisons dans un grand nombre de cités
italiennes et même en France, à Toulouse.
Les Jésuates devaient, d'après la règle
de l'Ordre, éviter l'oisiveté ; lorsque les
Coiffure d'après une miniature du XV*^ siècle.
oraisons et les travaux habituels du couvent
étaient terminés, ils pouvaient, avec l'au-
torisation du supérieur, se livrer à diverses
occupations manuelles au bénéfice de la
communauté.
Ils usèrent largement de cette faculté
et acquirent ainsi de grandes richesses.
Cette prospérité leur fut fatale.
En 1668, le pape Clément IX supprima
l'Ordre des Jésuates et des chanoines de
Saint-Georges d Alga qui possédaient de
grands biens en Vénetie.
Cette mesure extrême fut arrachée au
pape par la République de Venise, qui
était à bout de ressources ; les biens des
couvents furent vendus en grande partie
pour soutenir la guerre contre les Turcs et
les frères se dispersèrent dans d'autres
communautés comme leur règle leur en
donnait la facilité.
Telle est, en résumé, l'histoire de l'Ordre
des Jésuates.
Nous allons maintenant nous occuper
de leur couvent de Florence, le seul de
leurs établissements sur lequel il est resté
des renseignements.
II
EN l'année 1383, le Jésuate Nanni di
Gualtieri de San Gimignano, gen-
tihio)iio honorato, rettore dell'ajtime, prit la
résolution d'établir à Florence une maison
de l'Ordre.
Il ne pouvait mieux choisir.
La République de Florence s'est toujours
montrée très favorable aux couvents, non
seulement par esprit de piété, mais à cause
du bénéfice moral et matériel qu'elle tirait
des corporations religieuses.
Dès 1206, elle avait accueilli avec em-
pressement les frères Umiliati, très experts
dans le travail de la laine ; elle leur concéda
des terrains et des privilèges, notamment
l'exemption des impôts, et la faveur de
recevoir le sel gratuitement de la Com-
mune. Les Umiliati fondèrent réellement
à Florence l'industrie de la laine, qui fut
l'un des éléments les plus efficaces de la
prospérité de la République.
Les Jésuates ne s'établirent pas dans
l'intérieur de la cité, mais hors de la porte
Pinti, dans un modeste couvent de reli-
gieuses, bâti depuis un siècle environ, et
presque abandonné. Les religieuses, en très
petit nombre, furent placées dans l'intérieur
de Florence.
Le couvent était sous le vocable de
saint Juste, archevêque de Lyon à la fin
358
5Retoue ïje T^rt cbrctien.
du IVe siècle. Quelques historiens Flo-
rentins pensent que saint juste n'était pas
archevêque de Lyon, mais évêque de Vol-
terra.
Quoi qu'il en soit, l'ancien couvent portait
le nom de Convenlo di S. Giusto.
Les Jésuates le quittèrent vers 1438,
pour s'établir dans de nouveaux et plus
vastes bâtiments que l'extension de leurs
industries avait rendus nécessaires ; la nou-
velle maison continua cependant à porter
le nom de S. Giusto.
Elle fut construite hors de la porte Pinti
et prit le nom de Convento di San Gitcsto
aile Mura.
La porte a été démolie de notre temps,
ainsi que toute l'ancienne enceinte de Flo-
rence sur la rive droite de l'Arno.
La rue di Pinti existe toujours ; elle
conduisait jadis à Fiesole ; sa dénomination
provient, selon les uns, de terrains apparte-
nant à un propriétaire nommé Pinti, selon
d'autres, d'un couvent de filles repenties,
pentite, d'où, par abréviation, le peuple a
fait Pinti (').
La situation est très belle. De la plaine,
le regard embrasse les collines et les
montagnes de la vallée de l'Arno : Fiesole,
le mont Ceceri, Vallombrosa, le mont Con-
suma au loin, et plus près les collines de
San Miniato.
Tout l'horizon présente les lignes douces
et harmonieuses de l'Apennin toscan que
les peintres du XV<^ siècle se plaisaient à
choisir pour les fonds de leurs fresques et
tableaux.
L'architecte fut Antonio di Giorgio da
Settignano ; Antonio évidemment ne
compte pas parmi les grands architectes de
I. [.es modifications des anciens noms de Florence
ne sont pas rares : de l'oratoire de San Michèle in Orlo,
on a fait Or San Michèle ; de la rue Santa Maria sopra
Porta, on a fait Por Santa Maria.
Florence du XV^ siècle ; mais alors l'archi-
tecture avait atteint un si haut degré, qu'on
pouvait être très bon architecte sans être
dans le premier rang.
Les constructions d'Antonio da Setti-
gnano furent détruites en 1529, comme
on le verra plus loin.
Il n'en reste ni plans, ni traces, mais au
moyen de documents d'archives et de la
description faite par Vasari qui fréquen-
tait chez les Jésuates, il est possible de se
faire une idée assez juste du couvent et de
ses dépendances.
Nous réservons les œuvres d'art.
En sortant de la porte Pinti, on arrivait
au couvent par une allée où se trouvait un
tabernacle.
La façade du couvent était pourvue d'une
loggia à colonnes.
De cette loggia on entrait dans l'église
décorée de peintures et de sculptures ; der-
rière l'autel majeure se trouvait un portique
d'ordre dorique en bois de noyer sculpté.
Au-dessus de la porte principale, l'archi-
tecte avait disposé une tribune très com-
mode pour les oraisons de nuit des frères.
La même loggia donnait accès dans le
couvent.
C'était d'abord un petit cloître à co-
lonnes, avec un beau puits à baldaquin au
centre.
De ce cloître on pouvait entrer dans
l'église et au secrétariat.
Après cet enclos réservé au public on
pénétrait dans le couvent proprement dit.
Il possédait trois autres cloîtres avec por-
tiques à colonnes de pierre, surmontés d'au-
tant de cloîtres en bois, d'où la vue s'éten-
dait sur Florence, Fiesole et la vallée de
l'Arno.
Le grand cloître dont les colonnes étaient
garnies de ceps de vigne, conduisait dans
le jardin, très bien cultivé en fleurs et réputé
IL'Zvt au cout)ent ^. mn&to à jflorence.
359
l'un des plus beaux de Florence, qui en a
toujours compté et en compte encore beau-
coup de fort beaux.
Au premier étage se trouvaient les dor-
toirs, diverses chambres et un oratoire.
Le couvent était pourvu d'annexés et
de cours aménagées pour le service : cui-
sines, boulangerie, celliers, bûchers et labo
ratoirespour les diverses industries exercées
parles Jésuates.
Le plan du couvent n'avait rien de par-
ticulier ; presque tous les couvents italiens
du X\^^ siècle sont à peu près du même
type en tant que dispositions élégantes et
confortables.
Les Jésuates n'avaient pas de foreste-
ria. appartement pour les étrangers, dont
étaient pourvus généralement les couvents
situés loin des agglomérations ; le voisi-
nage de Florence rendait inutile un pareil
aménagement.
Un historien florentin dit que les Jé-
suates avaient dépensé 100,000 florins pour
la construction et la décoration de leur
couvent.
Toute discussion sur ce chiffre serait
vaine : d'abord la réalité de la somme n'est
pas démontrée et le serait-elle qu'elle ne
nous donnerait qu'une idée très incertaine
de la dépense.
Pour l'apprécier en monnaie de notre
temps, il faudrait avant tout connaître la
décroissance de la puissance d'achat de l'or
depuis le XV^ siècle.
Sur cette décroissance les économistes
ne sont nullement d'accord.
Au XVe siècle le florin d'or de la Répu-
blique de Florence, accepté dans le monde
entier, était en or pur sans alliage.
Son poids était à peu près celui d'une
pièce d'or de notre temps qui vaudrait
1 1 , "^o à 1 2 fr.
Les uns veulent que ce florin avait une
puissance d'achat égale à 60 francs d'au-
jourd'hui, les autres ne vont qu'à 35 ou
40 francs ; je penche vers cette dernière
opinion.
Quoi qu'il en soit, les Jésuates étaient
très riches, beaucoup trop riches même,
car cette richesse fut la cause de la suppres-
sion de l'Ordre.
Ils tiraient leurs revenus des différentes
industries qu'ils pratiquaient.
III
COMME d'autres moines, ils distillaient
des plantes à usage de pharmacie et
de parfumerie, mais ils étaient aussi distil-
lateurs de raisins, d'où le nom à.it padri del-
l'acquavite, pères de l'eau-de-vie, que les
Florentins, toujours narquois, ne tardèrent
pas à leur donner.
Les distillations ne les occupaient pas
exclusivement. Ils étaient maîtres-verriers
et fabricants de couleurs.
Nous n'avons pas à faire ici l'histoire des
vitres et des vitraux, mais seulement à ré-
sumer ce que l'on sait des Jésuates dans
cette fabrication et l'on sait fort peu de
choses.
On ignore l'époque de leur début dans
ce genre de travaux, mais on croit, sans
cependant qu'il y ait des preuves à l'appui,
que les vitraux de couleur d'Or San
Michèle viennent des Jésuates.
Les fenêtres et les lunettes des portes
du sanctuaire ont été construites par l'ar-
chitecte Talenti vers 1378 et terminées
plusieurs années après par d'autres archi-
tectes ; or les Jésuates se sont installés hors
la porte Pinti en 1383. Les dates ne s'oppo-
sent donc pas à l'hypothèse, d'autant que
les verrières ont pu être, sans inconvénients,
placées plusieurs années après l'achèvement
36o
BeDue lie V^xt chrétien.
de l'architecture, l'oratoire étant ouvert sur
ses quatre faces.
Les anciens vitraux d'Or San Michèle
qui subsistent prouvent que les Jésuates
étaient très habiles peintres verriers; leurs
couleurs sont franches, vibrantes et d'une
parfaite transparence, mais en tant que
composition les vitraux laissent beaucoup
à désirer. Certains motifs ne s'expliquent
pas, tant ils sont confus; dans d'autres c'est
avec peine qu'on distingue les sujets.
Les Jésuates ont travaillé aussi à la
cathédrale de Sainte- Marie de la Fleur,
sur des modèles qu'on leur fournissait.mais
on ne connaît pas exactement les verrières
qui leur appartiennent.
Ils avaient le sentiment de leur infé-
riorité pour la composition des sujets et
attachèrent à leur maison des artistes ca-
pables de fournir des modèles.
En 1477, l'archevêque d'Arezzo leur de-
manda un vitrail représentant Jésus-Christ
et saint Donato. La commande dit expres-
sément que le vitrail doit être cuit au feu
et non peint à l'huile, ce qui indique qu'il y
avait déjà alors des vitraux peints à l'huile
en transparence, comme on en voit encore
dans quelques églises.
Ils firent, en 1570, pour l'église San
Girolamo à Sienne, un vitrail avec la Sainte
Trinité.
Les Jésuates fabriquaient aussi des vitres
blanches et des vitraux avec des ornements
en couleur ; ils eurent dans ce genre plu-
sieurs commandes pour le Palais de la Sei-
gneurie de Florence.
Ils ont travaillé en 1558 et 1568 aux
vitraux de la bibliothèque Laurentienne
composés dans l'élégant style de Jean d'U-
dine et probablement par lui-même.
IV
L'HISTOIRE n'a retenu que les noms
de deux artistes employés par les
Jésuates pour les modèles de vitraux.
Francesco Granacci ( 147 i- 1544), un des
meilleurs élèves de Domenico Ghirlandaio,
était un peintre très distingué ; il excellait
surtout dans les ouvrages de décoration :
bannières, arcs de triomphe pour les fêtes,
organisation et costumes des cortèges, tou-
tes choses très prisées par les Florentins.
On ne connaît pas les travaux qu'il fit pour
les Jésuates.
Giovanni Agnolo da Montorsoli (')
(' 507- ■ 563) n'est resté que peu de temps
au couvent de San Giusto.
Son histoire, décrite en détail par Vasari,
est intéressante ; je vais la résumer très
brièvement pour montrer comment un en-
fant bien doué pour les arts, pouvait faire
son chemin au XVI'' siècle.
Giovanni a débuté à Fiesole chez un scal-
pellino, tailleur de pierres ; d'autres sculp-
teurs plus célèbres que lui ont commencé
de la même façon.
A Fiesole il fut remarqué par le sculp-
teur Andréa, excellent dessinateur qui lui
donna des leçons.
Giovanni, qui aimait les voyages, s'en fut
à Rome avec plusieurs scalpellini pour tra-
vailler à la basilique de Saint-Pierre alors
en construction; de là il alla à Pérouse et
à Viterbe. Puis il vint à Florence, où il
fut agréé par Michel-Ange pour les travaux
de la chapelle et de la libreria de l'église
de Saint- Laurent.
De Florence il se rendit dans le Casen-
tin aux Camaldules et à la Verna.
I. Rappelons que le mot da précédant le nom d'une
localité, sii^nifie généralement que la personne dont il est
tliiestion est originaire île cette localité ; cependant ce
n'est pas toujours exact : Mino da Kiesole, par exemple,
n'est pas natif de Fiesole, mais de Poppi dans le Casen-
tin,mais il s'est illustré pendant son séjour ;\ Fiesole.
3L';art au coutjent â)* (I5tusto à iflorence.
361
Il revint à Florence, se présenta chez les
Jésuates, qui l'accueillirent avec bienveil-
lance, espérant trouver en lui un compo-
siteur de modèles de vitraux.
Là il fit la coimaissance d'un frère Servite
qui venait dire la messe au couvent San
Giusto, les Jésuates, n'étant pas prêtres, ne
pouvaient célébrer le saint Sacrifice de la
Messe.
Le Servite persuada Giovanni Agnolo
qu'il perdrait son temps chez les Jésuates,
« qui ne font que dire des prières, fabriquer
des vitres, distiller des plantes, cultiver
les Jardins et autres choses semblables sans
étudier et s'occuper de littérature. »
Agnolo se laissa persuader ; il fut accepté
par les Servîtes « considérant que la mai-
« son avait besoin d'un homme qui savait
« peindre et faire des images et qu'en
A travaillant il pourra être utile au cou-
« vent. »
En 1532, le prieur des Servites le pro-
posa « pour faire des images dans les
« conditions où d'autres en ont fait avant
« lui, car beaucoup de ces images étaient
« gâtées. »
Peu de temps après Agnolo fut reçu
et prit le nom de Fra Giovanni d'Agnolo.
Il ne paraît pas avoir beaucoup travaillé
au couvent des Servites de Florence, car il
continua ses pérégrinations.
Michel-Ange avait apprécié son talent; il
le fit agréer au pape Clément VII pour la
restauration de plusieurs statues antiques
conservées au Vatican,
Giovanni revint à Florence, où il aida Mi-
chel-Ange dans ses travaux de la nouvelle
sacristie deSaint- Laurent; Michel-Ange lui
confia notamment la statue de saint Cosme,
dont il eut soin cependant de retoucher la
tête et le bras.
Le frère s'en fut ensuite travailler à Gê-
nes, Venise, Padoue, Vérone, Mantoue, Bo-
logne, Messine ; enfin, fatigué de ces péré-
grinations et de son labeur, Giovanni liquida
sa position ; il avait gagné personnellement
une belle fortune.
Il dota ses neveux ; laissa aux hôpitaux
de Naples de l'argent pour les aumônes,
I et à son couvent des Servites une forte
somme pour acheter une terre. Il institua
pour quelques membres de sa famille des
rentes viagères.
Après quoi il rentra au couvent de Flo-
rence, où les Servites l'accueillirent avec
grande satisfaction.
Il mourut en 1 563.
Fra Giovanni Agnolo da Montorsoli ne
peut être mis au rang des grands sculp-
teurs de Florence, mais il fut un bon et
consciencieux artiste.
Les Jésuates en le prenant, avaient eu le
sentiment de sa valeur.
Dans les rangs des Jésuates on cite quel-
ques peintres :
Giuliano da Firenze, mort à Sienne de
j la peste en 1487 ; il aurait peint dans cette
cité un tabernacle avec la Madone et
plusieurs ouvrages dans le couvent des
Jésuates ; on nomme aussi, mais sans dé-
tails, Benedetto da Brescia, dont je n'ai
trouvé le nom nulle part, et Benedetto da
Lucca. J'ai relevé à la date de 1690, un
peintre nommé Benedetto da Lucca, mais
sans indication de ses travaux ; il est pos-
sible que ce fut un ancien Jésuate ayant
survécu à la suppression de l'Ordre, effec-
tuée en 1688.
Les Jésuates ont aussi compté dans leur
corporation des théologiens, des mathéma-
ticiens, des ingénieurs et des mécaniciens.
Fra Giovanni da Milano a construit en
1425 l'horloge du palais public de Sienne
et vers 1640, fra Bonaventura Cavalieri a
inventé une pompe hydraulique encore en
usage et qui porte son nom.
302
Brbue îje r^rt chrétien.
V
L'INDUSTRIE des vitraux peints
avait amené les Jésuates à la fabrica-
tion des couleurs.
Ici encore nous sommes dans une igno-
rance à peu près complète, car nous ne con-
naissons du couvent qu'une seule couleur :
Vazzîirro oltramarino, le bleu d'outre-mer ;
il est vrai qu'elle est de première impor-
tance.
Très fréquemment dans les lettres des
peintres et dans les contrats passés par
devant notaires entre eux et leurs clients, il
est question de cette couleur.
Elle était d'un prix très élevé, on dit
qu'elle valait littéralement son poids en or ;
aussi le peintre stipulait parfois, en plus du
prix de la peinture, une indemnité spéciale
pour le bleu ou l'obligation par le client
d'en fournir la quantité nécessaire.
J'ignore l'origine de la qualification outre-
mer ; je ne sais pas non plus à quelle époque
les Jésuates parvinrent à fabriquer lacouleur
et à la faire adopter à la place de Xazzurro
délia Magna, l'azur d'Allemagne, alors
apprécié en Italie ; il n'est pas douteux
cependant que déjà vers le milieu du XV^
siècle, le bleu des Jésuates était très estimé.
Pierre de Médicis, dit le Goutteux, fils de
Côme le Vieux, confia à Benozzo Gozzoli
la décoration de la chapelle du palais élevé
par son père vers 1430 (').
Benozzo a exécuté là de 1459 à 1463 la
splendide fresque représentant le cortège
des Rois mages se rendant à Bethléem.
Avant de se mettre au travail, Gozzoli
écrivit à Pierre de Médicis de lui faire tenir
de Xazzurro deg Jesuati.
Benozzo n'en était pas à ses débuts ; il
1. On sait que ce magnifique édifice dlevé par Michelozzo
est connu sous la dénomination de palais Riccardi, nom
de la famille qui l'a acheté en 1659. Il eût été plus juste
de lui conserver le nom de Palais des Médicis.
avait déjà exécuté des peintures à Florence,
à San Gimignano,au couvent du Monte Oli-
veto Maggiore, à l'église de San Francesco
à Montefalco ; s'il a fait choix de l'azur des
Jésuates c'est qu'il en avait reconnu les
qualités.
Michel-Ange aussi connaissait cet azur.
Le 10 mai 1508, il s'était mis à l'œuvre
au plafond de la chapelle Sixtine.
Trois jours après il expédia à Florence
la lettre suivante :
« Au Révérend père en Jésus-Christ,
« frère Jacopo, Jésuate à Florence.
» Frère Jacopo,
» Ayant à faire peindre ici certaines cho-
ses, ou bien à peindre, il m'arrive de vous en
donner avis parce qu'il m'est nécessaire
d'avoir une certaine quantité de bel azur ;
et si vous pouviez m'en livrer à présent, cela
me serait bien commode. Pour cela veuillez
envoyer ici à vos frères, la quantité que vous
avez ; qu'il soit beau et je vous promets d'y
mettre le juste prix. Et avant que je prenne
livraison de cet azur, je vous ferai payer ici
ou là-bas où vous voudrez.
» Votre Michel- Ange,
)) Sculpteur à Rome.
» Ce treize de mai 1508. »
On remarque que Michel-Ange travail-
lant à la Sixtine comme peintre, se qua-
lifie de sculpteur.
En revanche Orcagna, qui a sculpté en
1359 le tabernacle d'Or San Michèle, a
signé son œuvre : pictor fiorentinus !
L'emploi du bleu d'outremer en fresques
présente des inconvénients, quelle qu'en soit
la qualité.
Il ne résiste ni à l'humidité permanente,
ni au lavage à l'eau, ce qui est une cause de
dégradation. Mais sur un mur sec et à l'abri
de pluie il se conserve parfaitement, ainsi
iL'^rt au cout)ent â)» (Binsto à jfloreuce.
363
que le montrent les fonds bleus des fres-
ques peintes par Giotto en 1306 à l'église
de la Madone dell'Arena à Padoue.
Il n'est pas probable que les Jésuates se
soient bornés, en fait de couleurs, à la fa-
brication du bleu d'outre-mer, mais aucun
document ne fournit des renseignements sur
la question.
VI
LES Jésuates vécurent sans incidents
dans leur couvent de San Giusto aile
Mura jusqu'en 1529.
En cette année Philibert d'Orange, lieu-
tenant de Charles - Quint, vint attaquer
Florence pour y ramener les Médicis qui
avaient été chassés.
Le quartier général impérial s'établit à
San Salvi au large de la porte Pinti ; Flo-
rence prit la résolution de défendre à
outrance sa liberté et son indépendance et
fit dans ce but d'immenses sacrifices, désas-
treux pour l'art.
La presque totalité de l'orfèvrerie reli-
gieuse des églises et des couvents fut en-
voyée à la monnaie; tous les bâtiments qui
pouvaient faciliter les approches de l'assié-
geant furent rasés ; le 7 octobre 1529,1e
peuple jeta bas tout le couvent des Jésuates
et ne laissa debout que le tabernacle situé
sur le chemin de la porte Pinti.
Les Jésuates furent provisoirement logés
chez les habitants de Florence, puis dans
plusieurs maisons religieuses et finalement
dans un couvent près de la porte San Pier
Gattolini, nommée depuis porta Romana.
Une bulle du pape Clément XII, datée de
1531, les confirma dans leur nouvelle pro-
priété. Ils reçurent de la Commune pour
leur couvent de S. Giusto une indemnité
qui fut bien loin de compenser les pertes
qu'ils avaient subies, mais qui cependant
témoigne de l'esprit de justice qui animait
Florence.
L'établissement de la porte San Pier
Gattolini prit le nom de S. Giusto a S.
Girolamo de' Gesuati, mais le peuple con-
tinua à l'appeler de//a Ca/sa, et on le
nomme encore ainsi.
Après la suppression en 1668 de l'Ordre
des Jésuates, l'établissement fut acheté par
la Congrégation du Saint-Sauveur de l'Ar-
chevêché.
La Congrégation avait pour but l'instruc-
tion des jeunes gens pauvres, particulière-
ment de ceux de la campagne, qui se desti-
naient à la vie ecclésiastique.
Après diverses modifications, les frères
de la Congregazione di sacerdoti secolari di
Gesu Salvatore continuèrent une œuvre
si utile. Ils sont toujours là très modestes
et très respectés ; ils reçoivent comme pen-
sionnaires trente jeunes gens moyennant
une légère rétribution.
VU
J'ARRIVE enfin aux œuvres d'art com-
mandées par les Jésuates.
Des fresques du couvent de S. Giusto
aile Mura nous ne savons que ce que Vasari
qui les a vues en rapporte. Des sculptures,
des orfèvreries religieuses, des parements
de l'église, rien n'a été conservé.
Des manuscrits, il n'en reste que trois.
Des tableaux, quatre ont été sauvés du
désastre de 1529, les Jésuates ayant eu
soin de les transporter dans F'iorence ; ils
sont restés longtemps à la Calza; à présent
ils figurent dans les galeries royales de la
cité.
Les Jésuates ont fait travailler Gherardo
(1407-1470).
Il a peint à fresque au-dessus de la porte
d'entrée du couvent un médaillon avec
San Giusto et deux anges.
Gherardo est surtout renommé pour ses
miniatures, mais il a fait également des ta-
bleaux et des fresques. La pinacothèque de
Bologne conserve de lui un très bel ouvrage
le Mariage mystique de sainte Catherine.
A Florence il y a de lui un tabernacle
sur rue, toujours clos par des volets peints.
J'ai cependant pu le voir ; il montre la Ma-
done avec l'Enfant, et les saints François,
Jérôme, Dominique, Benoît et Michel ar-
change ; la peinture a été retouchée, mais
la Madone et l'Enfant sont intacts ; il m'a
paru que ces figures tiennent un peu de
Botticelli ; en ce cas elles seraient d'une
époque ou Gherardo était déjà âgé.
Vasari raporte que Gherardo fit sur le
mur extérieur de l'église San Egidio, au
couvent de Santa Maria Nuova à Florence
la grande fresque, toujours en vue, repré-
sentant le pape Martin \, pontificat de
141 7 à 1431, confirmant les privilèges ac-
cordés au sanctuaire.
L'assertion de Vasari est fort contes-
table. La fresque a beaucoup souffert ; elle
a visiblement été retouchée et par suite dé-
naturée. Il est difficile d'en juger; en tous
cas c'est un ouvrage secondaire, assez bien
composé cependant.
La peinture fait pendant à une autre
grande fresque de Lorenzo di Bicci de
1420, représentant le pape Martin V et le
cardinal Antonio de Bologne consacrant
l'église en 14 19.
Je cite cet ouvrage parce qu'il est très
bon et surtout à cause des moyens de con-
servation qu'on a employés, de notre temps
pour en empêcher la dégradation.
La conservation d'une peinture murale
en plein air est toujours difficile ; le moyen
qu'on a employé pour la fresque de Loren-
zo di Bicci me semble le meilleur et le plus
pratique.
A environ vingt centimètres du mur on
a posé un vitrage sans montants ; aux
quatre côtés, entre les vitres et la peinture,
on a appliqué une toile métallique, assez
serrée pour s'opposer au passage de la pous-
sière tout en laissant pénétrer l'air.
Gherardo de plus était mosaïste II com-
posa en vue de cet art des cartons destinés
à la chapelle San Zenobi de l'église Sainte-
Marie de la F"leur ; ces mosaïques n'exis-
tent plus.
Les Jésuates estimaient sans doute
qu'un mosaïste leur serait utile pour les vi-
traux peints, et en ceci ils étaient dans le
vrai ; un carton de mosaïque peut en effet
parfaitement servir à un vitrail et réci-
proquement, si le metteur en œuvre sait
employer judicieusement les qualités ex-
pressives des matières vitrifiables, opaques
pour la mosaïque, transparentes pour les
vitraux.
L'exemple de Gherardo et d'autres mon-
tre qu'un miniaturiste peut en même temps
se livrer à la peinture décorative et aux
tableaux d'autels.
Il est probable que Gherardo peignit
aussi des miniatures pour les Jésuates ; on
peut admettre également que Boccardino.le
jeune, miniaturiste qui a beaucoup travaillé
pour les couvents de Florence, a également
été employé par les Jésuates. Il ne semble
pas que Pérugin ail illustré quelques-uns de
leurs manuscrits ; dans aucun écrit il n'est
question de Pérugin miniaturiste.
Les manuscrits des Jésuates conservés
dans les bibliothèques de Florence ne sont
qu'au nombre de trois dont deux du XV*^
siècle et un du XV l^. Ils sont d'une écri-
ture très soignée, encadrés de listels et de
fieurs. Ceux du XV^ siècle ont quelques
petites miniatures d'une grande finesse : la
Déposition du Christ, l'Enfant Jésus et
saint Jean, le bienheureux Colombini et
deux autres Jésuates, le pape Martin V.
Tous les autres manuscrits du couvent
sont perdus.
^'Zrt au courent ^. d^iuôto à jFlorence.
365
Une seule sculpture est mentionnée par
Vasari, elle était dans l'église du couvent.
C'est une Crucifixion avec la Madone
et saint Jean, par Benedetto de Maiano
(1442- 1497); cet ouvrage n'existe plus.
Lesculpteur était d'une famille d'artistes
demeurant à Maiano près de Florence ; il
débuta dans la marqueterie, mais c'est dans
l'architecture et la sculpture décorative
qu'il conquit une grande et juste renommée.
Il travailla notamment à Arezzo, Faenza,
Naples, Sienne, Prato, Monteoliveto, etc.
On ne peut citer ici que les œuvres les plus
importantes qu'il a laissées à Florence :
Le palais Strozzi, qui peut rivaliser avec
le palais Médicis.
La chaire à Santa Croce, une perfection
de grâce et de légèreté.
La décoration de la porte de l'audience
du palais de la Seigneurie: les candélabres
avec enfants, la Justice, saint Jean, qui
faisaient partie de la porte sont conservés
au musée national du Bargello, ainsi que
plusieurs autres reliefs de Benedetto.
Le tombeau de Philippe Strozzi le Vieux
à l'église Santa Maria Novella. Le sculpteur
rit aussi le buste de ce patricien; il a été
acquis par le musée du Louvre.
Le buste de Giotto à Sainte-Marie de la
Fleur.
Tous ces ouvrages, tombeaux, bustes,
autels, cil)oires, sont empreints de vérité
et d'élégance; l'arabesque est traitée avec
cette perfection florentine du XV^ siècle at-
teinte nulle part ailleurs.
En faisant choix de Benedetto de Maia-
no, les Jésuates ont montré qu'ils étaient
hommes de goût.
Les Jésuaies firent appel à Domenico
Bigordi dit Ghirlandaio (1449-1494).
Vasari nous l'apprend en ces termes :
« Il peignit pour les frères Jésuates un
« tableau pour l'autel majeur avec plusieurs
« saints à genoux: saint Juste, évêque titu-
« laire de l'église, saint Zenobi, évêque de
<■< Florence ; l'ange Raphaël et saint Michel
« revêtu d'une très belle armure et autres
« saints ; et en vérité I~)omenico mérite des
« éloges, parce qu'il fut le premier qui
« commença à contrefaire avec les couleurs
« quelques garnitures et ornements d'or,
« qui alors étaient en usage; il supprima
« aussi en grande partie les bordures d'ar-
« gile doré, qui sont plus pour les garni-
l tures que pour les bons ouvrages d'art.
« Mais plus belle que les autres figures
« est la Madone, avec l'Enfant sur les
« genoux, entourée de quatre anges. Cette
« peinture étant à la détrempe ne pouvait
« être mieux travaillée. »
La reproduction que nous donnons de ce
beau tableau présente une idée juste de la
composition, mais elle est impuissante à
faire comprendre l'éclat des colorations.
II faut bien reconnaître que certains cri-
tiques d'art de notre temps font preuve
d'ignorance en matière technique ; ils afifir-
ment, par exemple, que la peinture de la
détrempe est impuissante à donner des
effets de coloration aussi puissants que la
peinture à l'huile; il suffit cependant de re-
garder avec attention pour se convaincre
que la détrempe fournissait au peintre
aussi bien les couleurs vibrantes et accen-
tuées que les nuances ternes et délicates.
Le tableau de Ghirlandaio en est le témoi-
gnage absolu, et il est probable que peint à
l'huile, il ne serait pas dans l'état de conser-
vation où nous le voyons aujourd'hui, plus
de quatre siècles après sa création.
Le tableau est resté à la Calza jusqu'en
1857 ; il était peu connu, mais cependant il
avait excité la convoitise des conservateurs
de la galerie nationale de Londres: ils étaient
en pourparlers avec les pères lorsque le
KKVUK L>E L AKT CMRi^.TlKN.
IQO^. — 5'"*^ LIVRAISON.
366
Be\)ue De r^vt cbtétieiu
grand-duc Léopold [ l s'opposa à la vente,
comme il en avait le droit.
Les pères, dont les ressources étaient in-
suffisantes pour l'exercice de leur mission,
se prêtaient favorablement aux ouvertures
qui leur furent faites; ils ignoraient sans
doute que les communautés religieuses
ne pouvaient disposer de leurs objets
d'art qu'avec l'autorisation du Gouverne-
ment.
La vierge et 1 Enfant Jésus, par Doinenîco Cîmiri-andaio (1449-1494)' <'i>lerie des Offices ;i Florence. (Photocr. Ai.imari, Klorenco.)
Le directeur de la Galerie des Offices,
M. Montalvo, mis au courant de la négo-
ciation, la fit cesser et approuver par le
grand-duc Léopold II une combiiiazione
assez étrange à première vue.
Le tableau fut transporté aux Offices et
les pères reçurent en échange une rente
perpétuelle de onze cents livres par an.
Au fond, l'intention du prince était d'as-
surer une subvention hors de toute at-
teinte, à une institution dont il reconnais-
sait l'utilité. La subvention fut supprimée
JL'^xt au coutîent ^. dBtusto à jFlorence»
67
fin 1903, dans les conditions favorables aux
pères, que nous ferons connaître.
VIII
PERUGIN semble peu en faveur dans
la critique moderne, peut-être parce
que les critiques de notre temps cherchent
en général à se singulariser.
On lui reproche les inégalités dans son
œuvre, l'uniformité de ses types et son amour
du lucre qui l'a conduit à faire du métier.
Quelle est donc l'œuvre d'un grand pein-
tre qui est exempte d'inégalités ?
Fra Angelico n'a pas donné à toutes ses
peintures la même perfection.
Raphaël a eu des faiblesses.
Titien a plusieurs tableau.x authentiques
qu'on a peine à lui attribuer, tant ils diffè-
rent de ses meilleurs.
Andréa del .Sarto, sema errore, comme on
dit de lui à Florence, est parfois également
inférieur à lui-même.
Et par quelle exception Pérugin ne le
serait-il pas ?
On ignore la date de ses premiers ouvra-
ges, mais lorsqu'à 1 âge de trente- six ans, il
fut appelé à Rome pour les fresques de la
Sixtine, il devait déjà être très apprécié.
Et il a travaillé constamment jusqu'en
1523, année où il est tombé frappé par la
peste, à l'âge de soixante-quinze ans.
11 a donc tenu les pinceaux durant plus
d'un demi-siècle, et on voudrait que toujours
il ait été également bien inspiré !
Il a faibli dans les dernières années de sa
laborieuse existence, c'est incontestable ;
mais c'est à tort qu'on jugerait son très
grand talent sur ses derniers ouvrages.
L'œuvre d'un artiste ne se juge pas selon
une sorte de moyenne prise entre ses meil-
leurs et ses moins bons ouvrages. Il ne faut
le voir qu'à son apogée, n'eût-il produit
alors que de rares ouvrages hors ligne.
Cela suffit pour le classer, et ce n'est pas le
cas de Pérugin, qui, dans la plénitude de son
génie, a produit tant de peintures extrê-
mement remarquables, notamment X'a Dépo-
sition de la Croix de la galerie Pitti, l'une des
plus belles, des plus pathétiques peintures
de l'art chrétien
L'uniformité de ses types ?
Elle existe certainement, mais on a exa-
géré en l'étendant à presque tous ses per-
sonnages ; elle se limite à la Madone, à la
Madeleine et à saint Jean.
Dès ses débuts, il avait créé ces figures
extatiques empreintes de piété, de tendresse
et de douleur contenue.
Elles ont répondu au sentiment intime
du peuple, et aussitôt le succès s'est déclaré.
De la Toscane, de l'Ombrie, de Rome,
de la Haute- Italie et des pays étrangers on
lui demandait des peintures conformes à ses
créations ; sans manquer à son mandat il ne
pouvait modifier son genre.
Et puis, les autres grands peintres italiens
n'ont-ils pas persisté dans les types qu'ils
ont adoptés ?
Les Madones de Fra Angelico, de D.
Ghirlandaio, de Botticelli, de Signorelli,
de F. Lippi, de Léonard de Vinci, d'Andréa
del Sarto et de bien d'autres se ressemblent
entre elles, au point qu'à première vue on
en reconnaît l'auteur.
La cupidité ? Certainement Pérugin se
faisait payer et il avait bien raison. Tous les
peintres en faisaient autant, les uns pour leur
profit personnel, les autres pour le couvent
auquel ils appartenaient.
On fit un jour remarquer à Fra Angelico
que ses prix étaient bien plus élevés que
ceux de ses contemporains ; il répondit que
c'était vrai, mais que l'argent n'était pas
pour lui qui avait fait vœu de pauvreté, mais
?68
WitWt De rart fbrétieiL
pour son couvent et que là il était consacré
à la glorification de Dieu.
De l'aveu de ses amis, Titien ne voulait
travailler que pour des clients très riches ;
cela ne lui a pas toujours réussi, car nombre
de ses tableaux sont restés impayés ; c'est
lui du moins qui l'affirme en se plaignant de
la détresse de ses dernières années.
Pieta p;ii PÉKUGIN (1446-1523). Galerir. de l'Acadciiiic h lloreiice. (Photugr. Al-lNAKi, Florence.)
Du reste, Vasari, qui reproche à Pérugin
sa cupidité, donne un exemple de son
abnégation.
Pérugin avait terminé pour les religieuses
de SainteClciire la Descente de la Croix, qui
est S(jn chefd œuvre. La peinture excita une
grande admiration ; un amateur, Francesco
j del Pugliese, proposa aux sœurs de l'acheter
trois fois plus cher que le prix de l'acquisi-
tion et d'en commander pour le couvent une
3t';art au coutjent ^, (Bimto à jFlorence
369
réplique à Pérugin. Le peintre refusa, disant
que jamais il ne pourrait arriver à un sem-
blable résultat.
Pérugin peignit dans le couvent des
Jésuates plusieurs fresques.
Dans le premier cloître il fit une Adora-
tion des Mages avec une quantité de person-
nages et de têtes d'après le naturel, notam-
ment celle d'Andréa Verrocchio, son maître.
Dans le même cloître il peignit, au-dessus
des arcs des portiques, une frise avec des
figures en buste dont celle du prieur, grand
amateur d'art.qui lui avait fait la commande.
Dans un autre cloître, au-dessus de la
porte du réfectoire, il représenta le pape
Urbain \' donnant l'habit au bienheureux
Giovanni Colombino accompagné de huit
frères. Vasari loue beaucoup les effets de
perspective fuyante de cette fresque.
Au-dessous de cette peinture il peignit la
Nativité avec des anges et des bergers.
Ht au-dessus de l'entrée d'un oratoire il fit
dans un arc et en demi-figures la Madone,
saint Jérôme et le bienheureux Giovanni
Colombino.
Pérugin peignit pour l'église deux ta-
bleaux.
La Pie ta.
La Madone tient sur ses genoux Jésus-
Christ descendu de l'instrument de supplice.
<i Le Christ mort, dit \'asari, est aussi raide
< que s'il était resté longtemps sur la croix
« et que la durée et le froid l'eussent ainsi
</ réduit. );
Saint Jean soutient la tête du Sauveur ;
derrière lui, Nicodème lève les yeux vers le
ciel.
Sainte Marie-Madeleine est à genoux en
prière; Joseph d'Arimathie, debout, regarde
le divin Crucifié.
La scène est figurée sous un portique à
colonnes s'ouvrant sur la campagne.
Elle est de toute beauté : simple, tou-
chante, sans emphase.
L'archiduchesse Marie-Madeleine d'Au-
triche, mariée au grand-duc Cosimo II,
qui régna de 1 609 à 1621, l'acheta aux pères
et la mit dans la chapelle de la villa du
Poggio Impériale, ancien château aux por-
tes de Florence, rebâti par l'archiduchesse.
La princesse fit faire une copie du
tableau par Vannini qu'elle donna à la
Calza ; on croit que cette copie est en
Angleterre.
Du Poggio Impériale la Pietàfut trans-
portée au palais Pitti.
En 1799, elle fut, par ordre du com-
missaire de la République française, en-
voyée à Paris avec d'autres tableaux de la
galerie Palatine ('); elle revint à Pitti en
1 8 I 5, et y resta jusqu'en 1 83 1 , année où elle
prit place à la Galerie de l'Académie, en
échange d'une autre Déposition par Pérugin,
qui est toujours à Pitti.
Jésus au Jardin des Oliviers.
I. Parmi les 63 tableaux enlevés de Pitti on remarque
particulièrement.
Raphaël : La Vierge à la chaise^ — La madone au bal-
daquin, — La madone de F Inipanata, — La vision
dEzechiel, — Le portrait du pape Jules II, — Le portrait
du cardinal Dovizi de Bibbienna, — Le portrait d'Int^hc-
ratni, — Le portrait du pape Léon X.
Michel-Ange : Les Parques.
Titien : La Madeleine, — La Belle, — Le poitrail du
cardinal Hippolyte de Médicis.
Allori : Judith.
André del Sarto : La Déposition, — Histoire de Joseph.
Fra Bartolomeo : Jésus et les quatre évangélistes, —
Saint Marc.
Sébastien del Piombo : Le martyre de sainte Agathe.
Jules Romain : Les muses et Apollon, — .Sainte Famille.
Carlo Doici : Le Christ au jardin des Oliviers.
Rubens : Paysages, — Les Philosophes.
Van Dyck : Le portrait du cardinal Bentivoglio.
Rembrandt : Polirait d'un vieillard.
Sept tableaux enlevés en 1799, ne sont point parvenus
à Paris et n'ont pas fait retour à Pitti, ce sont :
Deux épisodes de l'histoire de Mucius Scévola et deux
histoires de Jacob, par Bartolomeo Veneziano.
Une Sainte Famille dans le style de Raphaël.
Une Sainte Famille d'Annibal Carache.
Moïse abandonné sur le Nil, par Paul Véronèse.
{Archives des musées et galeries de Florence.)
o
70
jRebue ïie l^Srt chrétien.
Le sujet a été souvent traité, mais aucun
peintre n'a donné à la figure de Jésus une
si belle expression de piété, de résignation
et de douceur; on ne peut se lasser de voir
ce tableau et on ne peut l'oublier lorsqu'on
a vu.
Les apôtres endormis sont d'un naturel
parfait. « Là, dit Vasari, Piero a montré
Jésus au jardin des Oliviers, par Peiîugin (1446-1527). tjalerie de l'Acadcnue u 1* lorence. (Photogr Ai.inaki, Florence.
« combien le sommeil a de puissance contre
« l'affliction et la douleur, en faisant
« dormir les apôtres dans des attitudes
« paisibles. »
Le fond est occupé d'un côté par des
soldats qui cherchent le Sauveur pour s'en
emparer, de l'autre par un groupe d'hommes
précédés de Judas, une bourse à la main.
Le paysage montre une cité idéale dans
la vallée de l'Arno. Il est traité avec une
minutie de détails et une pureté de lignes
qui paraissent d'un conventionnel exagéré
et comme puériles, mais qui cependant sont
parfaitement exacts; seulement pour com-
prendre les paysages des quatrocentistes,
il faut vivre, comme eux, dans une atmos-
phère pure, limpide et baignée de soleil.
Il est probable que Jésns au [ardin des
Oliviers et la Pietà ont été peints à Flo-
rence, à l'époque où Pérugin fit la célèbre
Déposition de la Croix de la galerie Pitti,
son meilleur ouvrage, daté de 1495.
En la même année, il peignit aussi la
Crucifixion au couvent de Santa Maria
Madelena dei Pazzi ; par une fortune rare-
ment accordée aux fresques, les couleurs
sont restées sans aucune altération.
Il n'en a pas été de même pour [ésus au
Jarditi des Oliviers, la Pietà et une Cruci-
fixion dont il va être question.
Vasari mentionne que ces trois tableaux,
peints sur bois et à l'huile, ont beaucoup
souffert ; les couleurs, surtout dans les obs-
curs et les ombres, étaient déjà craquelées
de son temps ; cela tient à l'inexpérience
du Pérugin dans ce genre de peinture qui
commençait seulement à être pratiqué en
Italie.
T) a.ns Jésus au Jardin &\. la Pietà, on a
pu arrêter les effets des craquelures ; elles
sont toujours visibles, mais en fait elles ne
nuisent pas à l'aspect général des tableaux.
IX
LES Jésuates possédaient de Pérugin
un troisième tableau placé dans l'ora-
toire de l'étage supérieur du couvent.
Nous le reproduisons.
Dans un paysage rocheux s'élève la
Croix.
A la droite du Sauveur, saint Jérôme, un
chapeau de cardinal est à ses pieds, et saint
François, une croix et un livre dans les
mains; à la gauche du Christ, saint Jean-
Baptiste et le bienheureux Jean Colombino,
fondateur de l'Ordre des Jésuates, au pied
de la Croix, sainte Madeleine.
Le tableau ne se trouve pas dans de
bonnes conditions à l'église de la Calza ; il
était mal en vue derrière l'autel : pour l'exa-
miner, il fallait monter sur un escabeau et
être presque toujours muni de luminaire.
Il vient d'entrer à la Galerie des Offices
dans les conditions que voici :
En 1898, les pères eurent l'intention d'ac-
quérir pour leur institution une villa dans
les environs de Florence, mais l'argent leur
manquait. Ils proposèrent alors à M. Ridolfi,
directeur des musées royaux de Florence,
une combinazione, et après de longs pour-
parlers, on se mit d'accord.
Les pères, comme je l'ai indiqué, rece-
vaient de l'État, depuis 1857, une rente
annuelle et perpétuelle de onze cents lires,
en compensation d'un tableau de Ghirlan-
daio qu'ils avaient cédé à la Galerie. Ils
déclarèrent être prêts à remettre à l'État
la Crucifixion de Pérugin, et à renoncer à
la rente de onze cents lires, si de son côté
l'État consentait à leur donner une somme
de trente mille lires et un tableau pour être
mis dans leur chapelle à la place de la
Crucifitxion.
La combinaison fut approuvée par le
ministre de l'instruction publique et des
beaux-arts et par le ministre des cultes,
après avis favorable du Conseil d'Etat, et
le nouveau directeur des musées et galeries
de Florence, M. Corrado Ricci, prit posses-
sion du tableau.
La somme à payer sera prélevée sur les
recettes d'entrée des musées et galeries de
Florence.
Maintenant que le tableau est placé dans
un musée, on peut l'étudier à loisir.
Déjà à la Calza il avait attiré l'attention,
et de sérieux critiques admettaient que si
certaines parties étaient bien de Pérugin,
d autres personnages pouvaient être de la
main de Signorelli ([441 ^ '523), le saint
Jérôme notamment.
D'autres écrivains pensaient que le saint
Jérôme et la Madeleine, tout en étant de Pé-
nigin, paraissaient copiés d'après Signorelli.
Mon humble avis est qu'il n'y a pas là
de figures copiées de Signorelli, mais bien
collaboration de Pérugin et de Signorelli.
Ceux qui ont eu l'occasion de voir les
œuvres de Signorelli à Florence, à Milan,
mMiL.Jk^
Crucifixion, par Signorelli (1441 (?)-i523). Galerie de l'Académie à Florence. (Photogr. Alinaki, Florence.)
à Pérouse, à Volterre, à Borgo San Sepol-
cro, à Cortone, à Citta di Castello, à Monte
Oliveto Maggiore, à Orvieto et dans d'au-
tres localités, car beaucoup de peintures de
ce grand artiste ont été conservées, ont été
frappés de la vigueur, de l'énergie, de la har-
die.sse du dessin et de l'éclat des couleurs.
On retrouve ces qualités dans le saint
Jérôme et la Madeleine de la Crticifixion
de la Calza ; la physionomie de la Madeleine
est très caractéristique ; chaque fois que
Signorelli a eu à représenter la sainte, il lui
a donné les mêmes traits.
Le saint Jean et le saint François sont
certainement de Pérugin et aussi le bien-
heureux Colombino.
Quant au Christ en croix, je pense qu'il
est de Pérugin, par comparaison avec
d'autres figures du divin Crucifié.
11 est possible qu'on veuille l'attribuer à
Signorelli et non à Pérugin.
Pour permettre d'en juger, je reproduis
la Criicifixion de Signorelli conservée à
la galerie de l'Académie de Florence ; on
remarquera qu'ici le visage du Sauveur est
empreint d'une énergie et le corps d'une
roideur inconnue dans les Crucifixions de
Pérugin, mais tout à fait dans le style de
Signorelli.
je crois donc à une collaboration des
deux peintres dans la Crucifixion de la
Calza. Dans quelles conditions a-t-elle eu
lieu ? et à quelle époque ? Ce sont des
questions à résoudre.
Pérugin et Signorelli ont travaillé à la
même époque, de 148 1 à 1483, aux fresques
de la chapelle Sixtine ; peut-être l'idée du
tableau leur est-elle venue alors ? En ce
cas nous aurions sous les yeux un des pre-
miers ouvrages de Pérugin.
Et entendons-nous bien.
X
T L s'agit d'une collaboration à un même
A tableau des deux peintres pratiquant
le même genre de peintures, et non d'une
peinture commencée par un peintre et ter-
minée par un autre après la mort ou l'aban-
don du premier. Dans cet ordre les exemples
sont faciles à citer.
Les fresques de la chapelle Brancacci à
l'église Santa Maria del Carminé ont été
commandées à Masolinoda Panicole; après
le départ de ce peintre pour la Hongrie,
elles ont été confiées à Masaccio ; à la
mort de ce grand artiste, en 1428, elles ont
été abandonnées, et ce. n'est qu'en 1484
qu'elles ont été reprises et terminées par
Filippino Lippi.
La Déposition de la Croix, commandée à
Filippino Lippi pour le couvent de San
Marco à Florence, a été terminée par Pé-
rugin, après la mort de Lippi.
La Transfiguration de Raphaël a été
achevée par Jules Romain.
11 n'est pas question non plus des pein-
tres attachés en qualité d'aides à un maître,
comme Penni, Jules Romain et d'autres
l'ont été à Raphaël qui seul avait la respon-
sabilité du travail.
Nous sommes en présence d'une de ces
associations effectives dont nous trouvons
quelques exemples dans l'histoire de la pein-
ture italienne.
Je sors de mon sujet pour en mentionner
une fort peu connue et la seule, je crois, dont
le texte a été conservé.
Fra Bartolomeo délia Porta (14S8-1517)
et Mariotto Albertinelli (1474 15 15) ont
conclu au commencement de 1509 une so-
ciété en forme régulière.
L'acte fut approuvé par le supérieur de
Fra Bartolomeo, prieur du couvent San
Marco à Florence. 11 peut se résumer
comme suit :
Le syndic du couvent fournit aux deux
peintres les couleurs, les toiles, et tout ce
qui est nécessaire à la profession.
De l'argent encaissé par la vente des
peintures, le syndic prélève d'abord ses
déboursés puis la somme restante est divi-
sée en deux parts égales : l'une pour Alber-
tinelli, l'autre, pour F"ra Bartolomeo, c'est-à-
dire pour le couvent, puisque les Domini-
cains ne pouvaient rien posséder par eux-
mêmes. A la fin de la société, les peintures.
374
Bebuc ïir r^rt t!)rétien.
les modèles et le matériel restant à l'atelier
seront partagés entre les deux peintres.
Rien dans le contrat ne s'opposait à ce
que les peintres travaillent chacun pour son
compte, et il semble, qu'ils ont usé de cette
faculté.
La liste complète des tableaux exécutés
en société n'existe pas, et sur plusieurs il y
Crucifixion, par Pkkugin (1466-1527) et SliiKOKELLl (1-141 (?)-1527). Galerie des Offices à Florence. (Pliotugr. Ai. inaki, 1 lortnce.)
a des doutes. Mais selon des documents
d'archives et des notes ainsi conçues : de
Fra Barlolomeo nostro e Rlariotto stio com-
pagno, il résulte que durant la société il est
sorti du studio :
Une Nativité.
Le Christ portant la croix.
La Madone avec l'Enfant et les apôtres
Pierre et Paul.
\}n tableau sans désignation de sujet
pour la Chartreuse de Pavie.
Un tableau sans désignation de sujet
envoyé dans les Flandres.
Comment le sage et laborieux Fra Bar-
il';art au coûtent ^. (3inQto à jflorcnce.
^75
tolomeo est-il arrivé à contracter un arran-
gement avec Mariotto Albertinelli, peintre
de beaucoup de talent, il est vrai, mais vi-
cieux, fantasque, paresseux ?
Fra Bartolomeo était alors à l'apogée
d'une gloire bien méritée, car il a été l'un
des plus grands peintres chrétiens de l'Ita-
lie.
Ne pouvant suffire aux commandes, il
s'adjoignit Albertinelli, qui avait parfaite-
ment adopté sa manière ; sans doute aussi
le Dominicain eut pitié de la misère où était
tombé Albertinelli par ses détestables habi-
tudes.
La société fut dissoute en 1 5 i 2 par le fait
d'Albertinelli, qui ne pouvait se résoudre à
une vie régulière.
Le prieur du couvent de San Marco pro-
céda au partage des objets au studio.
Fra Bartolomeo reçut :
Un grand tableau La Vierge assise sur
un trône avec [Enfant sur ses genoux, sainte
Anne et les saints protecteurs de Florence.
Cet ouvrage avait été commandé au frère
pour la salle du Conseil de la République ;
il n'était qu'ébauché en i 5 1 2 et est resté en
grisaille à la mort de Bartolomeo, en 15 17.
11 est à la Galerie des Offices.
Dieu le Père avec les saintes Marie Ma-
deleine et Catherine.
Le Christ portant la Croix.
Un Christ en buste.
Albertinelli eut pour sa part un tableau
de Filippo Lippi.
La copie du tableau peint pour les Char-
treux de Pavie.
Adam et Eve, ébauche par P'ra Bartolo-
meo.
Trois tableaux sans désignation de sujet.
Un Christ portant la croix entouré des
deux larrons.
Une Annonciation.
Le matériel du studio restera à la dispo-
sition de Bartolomeo, mais reviendra à
Albertinelli après la mort du frère.
On y remarque :
Un Enfant Jésus, modèle en plâtre de
l'Enfant du tombeau de Carlo Marsuppini
exécuté à la basilique de Santa Croce par
Desiderio da Settignano.
Divers instruments de mesurage, compas
et autres.
Plusieurs modèles de figures humaines en
bois articulés.
On sait que Fra Bartolomeo se servait
couramment de pareils mannequins.
XI
DANS l'allée qui conduisait de la porte
Pinti au couvent, les Jésuates avaient
fait construire un tabernacle isolé. Andréa
del Sarto (i486- 1531) y peignit à fresque,
de grandeur naturelle, la Madone avec l'En-
fant Jésus sur les genoux et saint Jean de-
bout.
Vasari dit que la Madone était le por-
trait de la femme d'Andréa. La coutume
était ancienne de représenter les personnes
vivantes sous forme de saints et de saintes.
Savonarole(i452-i498) avait, du haut de
la chaire de Sainte-Marie de la Fleur, pro-
testé énergiquement contre cet abus ; il ne
fut pas écouté par les peintres, pas plus que
ne le fut plus tard saint Charles Borromée.
Lors de la démolition du couvent, le ta-
bernacle fut respecté.
En 1576, le grand-duc Cosimo I^'' voulut
le faire transporter dans la cité ; les archi-
tectes consultés déclarèrent l'opération im-
possible.
Elle l'était sans doute à cette époque,
mais une pareille entreprise eut lieu au
XV II le siècle.
Dans le jardin du couvent de la Crocet-
ta existait une chapelle décorée à fresque
376
jRebue lie r^^rt ct)vétien*
par Giovanni da San Giovanni ( i 582- 1 636)
d'une Fuite en Egypte, d'épisodes de la vie
de la Vierge, de fleurs et d'ornements.
Le grand-duc Pierre Léopold fit en 1788
transporter la chapelle toute entière dans
une salle de l'académie des Beaux-Arts.
L'architecte Paoletti réussit à ce point qu'on
ne peut se douter de la translation (').
Le tabernacle d'Andréa fut abandonné
et insensiblement tomba en ruine.
Par fortune un peintre, Jacopo Chimen-
ti da Empoli (1551- 1640), en fit une copie
lorsque la peinture était encore en bon état.
Cette copie est à la galerie du prince
Corsini à Florence.
Chimenti avait beaucoup étudié Andréa
del Sarto ; il fit si bien que si l'on n'é-
tait informé, on prendrait ce tableau pour
un Andréa authentique ; tout y est ; l'élé-
gance du dessin, le charme des colorations
et ce chiarosaii'o particulier à Andréa.
Cet exemple et d'autres montrent l'utilité
des copies ; il faut distinguer cependant et
ne pas s'abuser.
Les copies réduites constituent d'agréa-
bles souvenirs et sont de grande utilité aux
publications illustrées, mais pour la recons-
titution d'un ouvrage ruiné ou perdu elles
sont insuffisantes.
Ce qu'il faut en ce cas, ce sont des copies
I. La chapelle est à trois faces ; elle mesure .î l'inté-
rieur 3 mètres 20 sur 2 m. 70 et en hauteur 4 mètres 50.
fidèles, à peu près dans les dimensions de
l'original.
C'est le parti que la direction des Beaux-
Arts d'Italie, a adopté pour les fresques du
VI II'^ siècle du sanctuaire de Santa Maria
Antiqua au Forum Romain.
Et encore faut-il avoir soin de choisir un
copiste qui fasse abstraction de son tempé-
rament personnel; cette qualité, l'expérien-
ce l'a prouvé, est assez difficile à rencon-
trer chez les peintres qui d'habitude pro-
duisent des œuvres originales ; on la trouve
au contraire assez facilement chez les pein-
tres qui font profession de copier.
Au couvent près de la porte Romana, les
Jésuates et leurs successeurs firent exécuter
plusieurs peintures en l'honneur de la Ma-
done et de leur patron ; elles sont de qua-
lité inférieure.
C'est à tort qu'on attribue à l'initiative
des Jésuates le cénacolodu réfectoire : il a
été peint par Francesco di Cristofano Gui-
dini dit Franciabigio, mort en 1525, avant,
par conséquent, la prise de possession du
couvent par les Jésuates.
Certes les Jésuates n'ont pas, comme les
Dominicains, fourni des peintres célèbres,
mais par les artistes qu'ils ont attachés à
leurs institutions et par les commandes
judicieusement distribuées, ils ont contribué
dans une mesure efficace à l'incomparable
floraison des arts au XV<^ siècle.
Gerspach.
fc^ A^-* >M^ »^^ k^^ A^X K^*U A^^ V^ A^yl^ *^%ft A^-* *^^ A^-^ »^ xf*y, '
■*
[IiriITTHUTTIimlIIIirr tllXIItirrrrrrrrYlIIITTIl IT-tTIIICIIrrrTTirrTITTTI'fTTrTTTrYTTTTTTTTfTTTTTTT-l-l
n^nxmnTnnD itttui
GtuDe sur le0 Dates De la coiiBtrucrion De l'église
et De la trppte D'Iîastière.
;iïiTTiTirn:iTiirTiixmxTmTTT]^iiiiiîctxiirxijciiiiirE:rTix^
imitiiTi mi.
k1^*^* '.'^J* *i^ »i*î* *iil* *i*^^ *i^^ *i^'f ^itîr'f -'^f *ï*I^ l'i/jv *x*5* ^xAÏ^ *^^ A'-ïl;
gj^jy5«^^ 'ÉGLISE de l'ancien
prieuré d'Hastière No-
tre-Dame (')( Belgique),
^ dépendance de l'abbaye
bénédictine de Waul-
_^_^ sort, supprimée au
):t^mm^mmmii XVI 11^ siècle, est un
monument de l'architecture romane assez
remarquable. Construite au XI" siècle, elle
fut agrandie vers le milieu du XIII' siècle.
On aurait ajouté à cette époque un nouveau
sanctuaire de style gothique.
Le chœur conventuel et son collatéral
dateraient aussi de la première époque d'ac-
tivité ; tout au moins a-t-on laissé supposer
I. Sur l'histoire d'Hastière cfr. Dom U. Berlière, Mo-
naslicon I>elf;e, t. I, pp. 53-54- — L. Lahaye, Élutie sur
F abbaye de U'aulsori (Extrait du Bulletin de la Société
d'art et iP/iistoire du diocèse de Liège, t. V).
qu'ils sont antérieurs au XI II'' siècle, date
de la construction du sanctuaire. On ne les
a jamais attribués à cette date. Leur style
et certains indices archéologiques prouvent
cependant qu'ils n'ont pu être bâtis à une
autre époque.
Nous le démontrerons ci-dessous.
Quelques modifications faites à l'intérieur
de l'église et aux fenêtres, pendant le XV"
siècle et à l'époque de la Renaissance, ont
Eglise d'Hastière. — Vue générale. (.Pliotogr.Tphie de laiiteiu.)
été supprimées au cours de la restauration
récente de l'édifice en son style primitif.
Dans l'église se trouve une crypte curieu-
se. Mise au jour lors de ces travaux, elle a
donné lieu à diverses hypothèses sur la date
de sa construction. Certains auteurs ont
voulu la faire remonter aux temps de
S. Materne, au IV" siècle. Cette opinion fut
abandonnée depuis. D'autres ont proposé le
ô/'
Betouc tir V^xî cbrctieu.
VI 1 1'' ou le IX' siècle. Aucun auteur n'a
examiné les éléments que pouvait donner
sur son âge, à défaut de documents précis,
l'étude du style et des caractères architec-
turaux de la crypte.
La chronique du monastère de Waulsort
relate la construction d'une église à Has-
tière par Adalbéron, évêque de Metz (929-
964) ('), probablement en remplacement de
l'oratoire primitif, dont les origines restent
incertaines (■).
Elle mentionne aussi l'élévation d'un
nouveau temple par Rodolphe, abbé de
■Waulsort (1033- 1035), lequel avait été pen-
dant plusieurs années directeur de l'école
des oblats, annexée au prieuré d'Hastière.
A part ces deux indications on n'y trouve
plus rien relativement à la construction de
l'église d'Hastière. Une inscription funé-
raire, dont il sera fait usage ci-dessous, jette
une certaine clarté sur les travaux effectués
au XI I P siècle.
Il a paru préférable de commencer cette
étude par la recherche de l'âge de la crypte,
que l'on croit antérieure à l'église du
XI" siècle et avoir appartenu à la construc-
tion de l'évêque Adalbéron au X° siècle ou
même à l'oratoire primitif. L'examen de la
crypte fournira, d'ailleurs, quelques données
au moyen desquelles il sera possible de
reconstituer le plan absidal de l'église, bâtie
par l'abbé Rodolphe (1033-1035). Il per-
mettra de suivre plus facilement les trans-
formations et l'agrandissement du XI IL
siècle.
La crypte s'étendait autrefois sous une
partie de la croisée et sous le sanctuaire du
temple construit par Rodolphe.
1. Sed quia ea ecclesU vHabteriensisI esse constructa
cogodscebatur a domino Adalberone Mettensium prœsu-
le... Historia Walciodorensis monasterii, éd. M. (i. H.,
SS., t. XIV, p. 512.
2. Voy. L. Lahaye, Elude sur l'abbaye de Waulsort,
p. 15.
Démolie en partie, comblée lors de
l'agrandissement de l'église, les travaux de
déblaiement entrepris durant la restauration
de l'édifice l'ont fait reparaître. Elle a été
rétablie dans son état primitif. Seule la
voûte qui la couvrait n'a pas été recons-
truite : l'extrados de celle-ci se serait élevé
à une certaine hauteur au-dessus du niveau
du pavement actuel du chœur, construit à
la place où au XL siècle se trouvait le
sanctuaire de l'église.
Elle a l'aspect d'une fosse, creusée au
milieu de l'église. Une balustrade en fer
l'entoure actuellement.
Cette crypte compte trois nefs ; chaque
nef s'étend sur une longueur de trois tra-
vées. Une abside semi-circulaire termine la
crypte à l'Est. Il s'en suit que, seule, la net
du milieu a un plan régulier. Les travées
orientales extrêmes des nefs latérales offrent
un plan triangulaire dont l'un des côtés est
formé par un segment de la courbure de
l'abside.
On accède à la crypte par deux escaliers
latéraux débouchant au transept, de chaque
côté de la croisée.
Au fond de la nef centrale se trouve un
enfoncement, une niche de plan oblong,
réservée dans la maçonnerie de labside ; de
part et d'autre, dans la courbure, des bancs
en maçonnerie. .Ailleurs, entre les pilastres,
le long du mur règne une banquette de
maçonnerie. La crypte était éclairée au-
trefois par une baie percée dans le mur
de l'abside, de chaque côte de la niche du
fond.
Dans la travée orientale de la net du
milieu, à quelque distance et au devant de
la niche, on a découvert les restes d une
masse cubique de maçonnerie qui devait
être l'autel de la crypte. Il est construit sur
un soubassement, élevé d'un degré au-des-
Construction ht l'église et De la crppte O'i^astière,
379
sus du niveau du sol de la crypte. Un petit
espace creux, réservé dans la masse de
l'autel, prouve qu'on y avait placé des reli-
ques conservées, probablement, dans un
coffret en métal ou en bois.
Le sol de la crypte est recouvert d'un
pavement en blocage. Les parois des murs
sont enduits d'une épaisse couche de plâtre
sur lequel on a retrouvé de nombreux gra-
phites, fortement endommagés, partielle-
ment détruits même par les travaux de res-
tauration.
La plupart ont été reproduits dans la
notice de Dom G. van Caloen, qui les a
relevés avant la restauration (').
Dans la niche de l'abside on a retrouvé
quelques traces de peinture et de dorure
décoratives. Ce devait être l'emplacement
du siège du chef de la communauté. Aucun
vestige du siège ne fut découvert. Des
deux côtés de la niche, le long du mur de
l'hémicycle, on remarque les bancs en
pierre destinés aux religieux, pendant les
offices dans la crypte.
La voûte couvrant autrefois la crypte
était portée par quatre colonnettes isolées
et par des pilastres doubles ou composés.
Les colonnettes n'existent plus. Il reste
de l'une d'elles un fragment. Le fût en
pierre calcaire grise, polie, est octogonal.
Le plan carré du socle est raccordé au
fût par un simple adoucissement, surmonté
d'une baguette qui suit le contour angu-
leux du fût.
Les pilastres sur lesquels reposaient les
arcs doubleaux sont munis d'un dosseret
formant, de chaque côté du pilastre princi-
pal, un pilastre secondaire sur lequel ve-
naient retomber les arêtes de la voûte. Selon
d'éminents archéologues, ces pilastres ne
I. Dom G. van Caloen, Hastière Notre-Dame ou Has-
tiire par delà (.^nn.iles de la Société d'archéologie de
Namiir, t. XVII, 1886).
se rencontrent pas avant le XL siècle (').
Leur présence suffit donc pour dater
la crypte du XL siècle, c'est-à-dire du
temps de l'abbé Rodolphe (1033-1035),
sous l'administration duquel fut construite
à Hastière une nouvelle abbatiale. Cette
conclusion est vérifiée par l'esquisse ci-
dessous du temple, tel qu'il avait été cons-
truit par Rodolphe au XL siècle.
L'église avait le plan de la croix latine
comprenant un sanctuaire orienté, le tran-
sept et la grande nef, avec bas-côtés, pré-
cédée à l'Ouest d'une belle tour carrée dont
le rez-de chaussée voûté servait de porche.
La nef et les bas-côtés comptent cinq tra-
vées couvertes, de même que le transept,
d'un plafond lambrissé. Les arcades de la
nef et toutes les baies de l'église du XL
siècle sont en plein cintre.
Très irrégulier est l'appareil des murs,
bâtis en blocage de pierre calcaire des
bords de la Meuse.
A l'intérieur, une épaisse couche de plâ-
tre sur la surface rugueuse et inégale.
L'église se terminait à l'Orient par une
abside principale, flanquée de deux absides
secondaires. Des traces de l'hémicycle
formé par chacune des absidioles ont été
retrouvées, lors des fouilles préalables à la
restauration de l'édifice.
Le sanctuaire s'étendait au-dessus de la
crypte voûtée. 11 était naturellement sur-
élevé de plusieurs degrés au-dessus du ni-
veau de la nef, fermé par une abside semi-
circulaire contournant la crypte.
De chaque côté de celle-ci, dans l'ali-
gnement des arcades du chœur actuel, un
I. 6 f. A. Choisy, Histoire de l'Architecture, t. II,
PP 148 et 153.
J. ^Wsrin, Les orii^ines de l'Architecture gothique [Re-
vue de l'Art chrétien, 5= Série, 1901, t. XII, pp. 370 et
371.)
C. Enlart, Manuel d Archéologie fratii^aise, t. I, pp. 320
et suiv.
38o
3Rel)ue t)c rSrt cljvéttrn.
pan de mur s'élève jusqu'au comble de la
hauie nef. A une certaine hauteur, ces
murs sont percés chacun d'une baie en
plein cintre, légèrement outrepassé. Dans
l'état présent de l'église ils n'ont ni utilité,
ni raison d'être.
Autrefois, ils séparaient la travée rectan-
gulaire du sanctuaire des bas-côtés. Les
baies servaient à éclairer le sanctuaire et
permettaient de suivre les offices de celui-
ci aux assistants des bas-côtés.
Le sanctuaire était recouvert d'une voûte
sur laquelle se continuaient les peintures
qui décorent l'arc triomphal.
On peut encore remarquer aujourd'hui
quelques traces d'amorces de cette voûte.
A l'endroit où finissent les murs dont
nous venons de parler devait commencer la
courbure de l'abside du sanctuaire primitif
de l'église.
Le plan de l'église d'Hastière, au XI''
siècle, se confond avec celui des nombreuses
abbatiales et collégiales, élevées en Bel
gique, surtout dans le bassin de la Meuse,
aux XI*" et XI I" siècles. Il correspond exac-
tement au plan de l'ancienne collégiale de
Celles et ressemble à celui de la collégiale
de Lobbes.à celte différence près qu'ici le
chevet est rectangulaire.
A une époque ultérieure, au XI I 1' siècle,
l'église construite par l'abbé Rodolphe
fut transformée et agrandie par l'adjonction
d'un nouveau chœur, avec collatéral, et
d'un nouveau sanctuaire.
Cependant, les auteurs qui croient la
crypte antérieure à l'église de l'abbé Ro-
dolphe, sont d'avis que le chœur n'aurait pas
été ajouté auXlII"^ siècle mais construit
par l'abbé Rodolphe, en même temps que
la partie occidentale de l'église.
Le sanctuaire seul devrait être reporté
au XI [h- siècle. L'abbé AUard de Hiergfes
{12OÛ-1264) l'aurait accolé à la construction
ancienne, en détruisant le mur au fond du
chœur. Cette solution, très simple, ne ré-
pond aucunement aux indications révélées
par l'architecture du monument.
On sait, il est vrai, que sous l'abbatiat
d Alard de Hierges certains travaux
furent effectués à. l'église d'Hastière. Une
inscription figurant sur la pierre tombale du
Jljplise du
Il Histii reTir-Mi
prélat, scellée dans le pavement de la tra-
vée rectangulaire du sanctuairtt l'atteste
abbas hoc templum xpo conslruxil Alardtisi^).
Peut-être a t-on pensé que l'action d'A-
lard s'était bornée au sanctuaire, parce que
sa pierre tombale se trouvait placée là.
Mais l'inscription ne détermine pas la
partie de l'église édifiée sous l'administra-
tion d Alard.
I. Voyez la reproduction delà pierre tombale de l'abbé
Alard et de son inscription dans K. Reuseiis, lAt'niinls
il'arMolojriechrHienne, 2= éd., t. II., pp. 272 et siiiv.
Construction De l'egltee et tie la crppte D'i^asttère. 381
C'est donc au moyen des renseignements
fournis par l'architecture et par le style du
monument qu'il est possible d'élucider ce
point.
Cette partie de l'église, renfermant le
chœur conventuel, chorus stallahis ou psal-
lentium, est en style gothique primaire. Il
est éclairé par d'étroites fenêtres lancéolées,
bordées d'un encadrement de pierres blan-
ches. Impossible, dès lors, de le faire remon-
ter au XT' siècle, à l'époque de l'abbé Ro-
dolphe.
D'ailleurs, à supposer que le sanctuaire
seul ait été ajouté au monument, on décou-
vrirait sans aucun doute une solution de
continuité dans le mur, entre la partie
ancienne et la partie neuve, soudée à l'an-
cienne.
L'examen des murs de l'église, au point
où se terminent les murs du chœur et com-
mencent ceux du sanctuaire, ne laisse aper-
cevoir aucune soudure. C'est le mur du
chœur qui se prolonge pour former le sanc-
tuaire et l'abside polygonale. L'appareil est
le même aux murs du chœur et aux murs
du sanctuaire. Au sanctuaire et au chœur
la tablette de la corniche est soutenue par
de petits modillons très saillants.
Ces deux parties de l'église sont édifiées
en une seule et même période.
Elles ont été ajoutées au transept de
l'église du X L siècle. On trouve en effet
une solution de continuité dans le mur de
la haute nef, entre la dernière lancette du
chœur et la première fenêtre romane de la
nef du XI" siècle. Cette soudure se remar-
que d'autant plus facilement qu'il existe une
notable différence entre l'appareil en
blocage des murs de la nef romane et celui
moins irrégulier des murs du chœur ei du
sanctuaire. De plus, les murs de la partie
de l'église construite par l'abbé Rodolphe
sont couverts de grandes arcatures aveu-
gles, bandées sur pilastres et sous lesquelles
sont établies les fenêtres. Ces arcatures
n'existent pas au chœur et au sanctuaire.
Enfin, dans l'ancienne œuvre, la corniche
s'appuie sur l'extrados des arcatures. Au
chœur et au sanctuaire, elle repose sur des
modillons.
L'existence de cette soudure, la diffé-
rence entre l'appareil des murs et la manière
de construire, dans les deux parties de
l'église, permettent d'affirmer qu'on se
trouve en présence d'une construction nou-
velle soudée à une autre plus ancienne. Et
Vue intérieure de l'église d'Hastière. (Photographie de l'auteur).
comme il a été établi ci-dessus que le
sanctuaire et le chœur ont été élevés en
une fois, il s'en suit que toute la partie
orientale de l'église, le chœur et le sanc-
tuaire, ont été ajoutés à l'œuvre du XI"
siècle. Par leur style, le chœur et le sanc-
tuaire appartiennent au XI II" siècle. On
peut donc les attribuer à l'abbé Alard de
Hierges(i26o-i264)dont l'inscription funé-
raire nous rappelle la participation à la
construction d'Hastière.
Lorsque l'abbé Alard résolut d'agrandir
l'église vers l'Est et de construire un nou-
veau chœur conventuel, avec sanctuaire, il
dut, avant tout, faire abattre les trois
absides qui fermaient le temple de ce côté.
KRVUB UB l'art CHRéTIBN.
IQO4. — 5'"*^ t.IVRAI«ÎON.
î82
jRebue lie T^vt cl)rcticu.
Les deux pans de mur, dont il a été
question, furent épargnés, parce que, se
trouvant dans le prolongement des arcades
de la nef, ils ne faisaient pas obstacle à la
réalisation du nouveau projet. Pour obtenir
dans la nouvelle construction un niveau
égal à celui de l'ancienne, l'abbé Alard fut
forcé de détruire la voûte de la crypte au-
dessus de laquelle s'étendait l'ancien sanc-
tuaire surélevé.
Au XI 1 1" siècle l'usage des cryptes était •
généralement abandonné. Le culte des re-
liques avait cessé d'être souterrain. Il se
faisait au fond de l'abside, sur un autel
élevé spécialement à cet effet et portant le
nom d'autel aux reliques (').
Rien d'étonnant que l'abbé Alard com-
blât la crypte jusqu'au niveau du pavement
de l'église pour y établir le chœur conven-
tuel. Cela s'était fait aussi à l'église de l'ab-
baye de St-Trond, sous l'abbé Adélard
(►f" 1082). Désirant agrandir l'abbatiale,
Adélard supprima la crypte et fît construire
sur son emplacement un nouveau chœur {^).
Avant la restauration de l'église d'Has-
tière, les stalles en bois du XV"" siècle se
trouvaient dans le chœur conventuel, au-
dessus de la crypte comblée. Par suite du '
déblaiement de celle-ci, on fut obligé de les
changer de place, et on les mit dans la
travée rectangulaire du sanctuaire. Elles y
sont encore aujourd'hui.
Le collatéral du chœur a été refait
complètement. Au Nord n'existaient plus
que les fondations du mur extérieur. Au
Sud, une partie de mur s'élevait par endroits
jusqu'au seuil des fenêtres. Quelques traces
1. E. Reusens, Éléments tparchéol. chrét., t. I, pp. 351
et 427.
2. Et quia post vêtus sanctuarium, de quo habetur
supra... predicta vêtus cripta erat, replevit (abbas Ade-
lardus)illam humo, et ibidem chorum psallentium con-
struxit. Gesta abbalum Trudonensium, éd. de Borinan,
t. M, p. 148.
de la voîlte couvrant l'extrême travée orien-
tale du collatéral sud ont été découvertes.
Le bas des fenêtres éclairant cette travée
subsistait encore. Ces précieux restes ont
contribué largement à la reconstitution du
collatéral sud. Le collatéral nord a été re-
construit sur le modèle de l'autre.
Les fenêtres du sanctuaire et au chevet
du collatéral sont les mêmes. Elles se com-
posent de deux lancettes, encadrées sous
un arc de décharge commun. Leurs me-
neaux et le remplage, percé d'un oculus au
sanctuaire, sont en tuf blanchâtre.
La même pierre fut employée aux voûtes
du sanctuaire et de la travée extrême du
collatéral, les seules parties voûtées de
l'église, avec le rez-de-chaussée de la tour.
On la retrouve encore aux embrasures des
lancettes du haut chœur. Elle n'apparaît
pas dans l'œuvre de l'abbé Rodolphe, sauf
exceptionnellement au tailloir de quelques
pilastres du rez-de-chaussée de la tour.
Les voûtes du sanctuaire et de l'extrême
travée du collatéral sont des croisées
d'ogives, dont les nervures s'appuyent sur
des culs de lampe, très simples, sans déco-
ration. La section des arcs de voûte et le
profil des culs de lampe sont les mêmes au
sanctuaire et au collatéral. Il en résulte que
la communauté d'origine de ces parties de
l'église n'est pas douteuse. Toutes deux
datent de la même époque.
Dans la reconstruction du collatéral, au
lieu de fenêtres à arc brisé, pareilles à celles
du haut chœur et à celles au chevet du
collatéral, il a été jugé préférable d'y placer
des baies à plein cintre. On a oublié d'ap-
puyer la tablette de la corniche sur des
modillons très saillants, comme cela existe
au sanctuaire et au chœur.
Une confusion pourrait naître de cette
différence dans l'architecture du collatéral,
Construction De Téglige et De la crppte D'i^a0tière. 383
d'une part, du chœur et du sanctuaire,
d'autre part. Elle pourrait faire supposer
que le collatéral, sauf la travée voûtée, date
d'une période autre que le chœur et le
sanctuaire.
Pareille hypothèse est inadmissible. Le
sanctuaire et la travée voûtée du collatéral
datent d'une même époque. Nous l'avons
démontré. Uniquement pour la partie anté-
rieure du collatéral, — celle éclairée par
les fenêtres à plein cintre, — pourrait être
posée la question de savoir si sa cons-
truction est antérieure à celle du sanc-
tuaire. Mais cela supposerait l'existence
d'une soudure au mur extérieur du colla-
téral, à l'amorce de la travée voûtée. Cette
soudure, nous l'avons vainement cherchée
dans cette partie du mur certainement
ancienne et peu remaniée.
L'erreur provient sans doute de ce que
les restaurateurs sont partis de l'idée géné-
ralement admise alors, que le chœur et le
collatéral devaient être attribués à l'abbé
Rodolphe. Dans ce cas le collatéral eût
pu recevoir le jour par des baies romanes.
Voici nos conclusions : La partie occi-
dentale de l'église d'Hastière, le transept,
la crypte, la nef et ses bas-côtés avec la
tour sont l'œuvre de l'abbé Rodolphe ; le
sanctuaire, le chœur conventuel et son
collatéral doivent être attribués à l'abbé
Alard de Hierges.
En terminant, hommage soit rendu à la
mémoire du savant éminent, M. le chanoine
Reusens, mon ancien profe.sseur, auquel
j'avais soumis le résultat des recherches
préalables à cette étude.
Je suis heureux de remercier de leurs
renseignements, si obligeamment donnés,
M. l'abbé Ledoux, ancien curé d'Hastière,
et M. Schlcigel, le curé actuel.
M. P. J. de Maesschalck, archéologue à
Termonde, a bien voulu se charger du plan
de l'église. Je ne saurais assez l'en re-
mercier.
Adrien Schelleken.s.
i^ A^* \^* \^* iM* A^^ A^nA iM^ iSi* K^*. »^^ A^-* *^t* *^^ *^^ *'^ !
fTTTTTTT TTTTTTl-liniTriT-rrrrrTTTI TIIITTII rTTT^T^^TT^ Y II I n: T T T T rTTn -TTT TTTT inrT-TTT^T-f rTTT rTJ]l.ITI ITI^" riTTTI^CT LIIXIJJCITIXIIITLlIJIIIIXXrrXI^
Description Des portails îie l'cglise JSt'Tl)ibauit
De TDann (Hlsace). (n° clxxv dc la coucmon). r-s'^^/^t-; o.
I
%
3cnTrrTnrTTTTTxi::nriTTT)tTiriin]:iiirTrrjn
— -lA
;^*iÔ^ *^^ *;>5* *i*I^ *iiï^ ^a6I^ ^a^^ ""^^ ""S.-^ ''él'' ^S^ *itl,* *Ai5^ *i*î^ *AÔ^ ]^
Tympans inférieurs
A connexité des sujets iconogra-
phiques, sinon l'ordonnance ar-
chitecturale, nous amène à exa-
miner maintenant les tympans inférieurs,
en commençant par celui de droite.
Tympan de droite. — Il est entièrement
consacré à la représentation de la Nativité
de Jésus, dont les différents épisodes sont
disposés non en bandes régulières comme
au tympan principal, mais en plusieurs
plans arbitrairement séparés : ce qui ne
laisse pas de produire un désordre aussi
amusant que pittoresque (-).
119. — Dans un nuage au-dessus de
rochers qui ont la forme de prismes basal-
tiques, apparaît une tête, peut-être celle de
Dieu le Père (bien qu'elle n'en reproduise
pas les traits habituels) assistant du haut
des cieux au mystère de l'Incarnation ;
peut-être aussi, comme pourrait le faire
croire la toque qui la coiffe, cette tête est-
elle celle du maître imagier auteur des
sculptures de la porte.
I 20. — Au-dessous de lui, et séparés des
scènes voisines par une mince bande de
nuées, une douzaine de petits anges, dis-
posés sur deux rangs, de face, se montrent
à micorps : les deux plus rapprochés de
terre tiennent en mains un objet indis-
tinct, qui doit être la traditionnelle bande-
role, ou plutôt le livre ouvert, avec l'ins-
cription : « Gloria in excelsis Deo... »
1. ï'^ partie. — Voyez la \" partie, p. 292.
2. Ce système de plusieurs plans, assez rare dans les
sculptures du moyen âge, se retrouve au tympan de la
porte de Berne, dont nous avons déjà signale les analo-
gies avec notre portail et aussi à la porte sud d'Ulni.
12 1. — Au-dessous des anges, trois
bergers, réveillés par le cantique, se sont
levés, et, debout, lèvent les yeux au ciel,
tournant le dos au spectateur; leur costume
est amusant : le capuchon, la grosse houp-
pelande indiquent bien des bergers alle-
mands du XIV^ siècle, mais si courtauds,
si grassouillets, qu'on les dirait sortis d'une
boîte de jouets de Nuremberg. Près d'eux
leurs moutons paissent; à gauche un pas-
teur souffle dans un cornet ; çà et là se
dressent quelques minuscules arbustes; à
l'extrême droite de la scène, une chèvre,
détachée du troupeau des bergers, broute
des feuillages. Chacun de ces personnages
ou de ces arbrisseaux est planté sur un de
ces blocs de basalte que nous avons signa-
lés, ce qui leur donne encore plus l'appa-
rence de joujoux de bois. — A la droite
des trois bergers, on voit une énorme tête
barbue à la bouche ouverte : la main de
ce personnage, dont le reste du corps est
caché, tient un petit fagot ou un faisceau.
Est-ce le portrait d'un des sculpteurs, ou un
berger, ou plutôt une figure du démon, ou
du paganisme, frémissant de rage à l'aspect
de Jésus naissant? — Une tête à peu près
semblable se voit au tympan de Si-Vincent
de Berne, sculpté vers la même époque et
sans doute par des artistes de la même
école, au milieu d'un des rochers qui rem-
plissent l'enfer. — Si on admettait notre
hypothèse, on pourrait reconnaître dans le
petit personnage voisin, qui regarde le ciel
en joignant les mains, la per.sonnification
des hommes de bonne volonté, qui saluent
la venue du Messie : ainsi d'un côté, les
païens endurcis qui vont être vaincus ; de
îêovtails De Téglise ^t4i:i)tbault De Cl)ann. 385
l'autre, les futurs chrétiens qui commen-
cent à espérer : cette antithèse serait assez
dans le goût du XIV^ siècle.
122. — S. Joseph, coiffé d'une sorte
de toque, agenouillé devant la crèche, y
prend (ou y dépose) l'Enfant Jésus emmail-
rrsvaer^s^
L
V4
**
.Jr--^
^
*(.-
lt!'e-^-f^N^-]C^^t^^^'^-
-«^'■^
loté. C'est du moins ainsi que nous croyons
pouvoir interpréter cette scène, dont cer-
tains détails sont peu distincts. — Bien
que ce sujet et le suivant aient pour théâtre
386
IBitWt tie rart cbvétteu-
commun l'étable, dont le petit toit percé
d'une cheminée ou d'une lucarne, surmonte
toute cette partie du bas-relief, nous devons
les séparer, car autrement nous trouverions
dans la même scène deux Enfants Jésus.
123. — L'Adoration des mages. —
L'étoile s'est arrêtée et posée sur le toit de
l'étable. Dans l'étable même, la Vierge
est à demi couchée dans un petit lit ('),
au-dessus duquel paraissent les têtes de
l'âne et du bœuf, qui se retourne pour
manger au râtelier ; sur les pieds de Marie,
est assis, au bout du lit, le petit Jésus, mi-
gnon et frisé, vêtu d'une courte robe et
ayant à peu près la taille d'un enfant de
deux ans ; en souriant, il tient le coffret
d'or qui lui est offert par le premier des
mages, agenouillé devant lui, et le bénit. Ce
roi, à la ceinture duquel est pendue une
épée, a déposé à terre sa couronne et, pros-
terné, il caresse les pieds de l'Enfant. Au
second plan, trois serviteurs, debout, dont
l'un tient par la bride le cheval du mage. —
Immédiatement derrière, le second roi,
couronné, et barbu comme le précédent,
descend de cheval ; il a encore un pied
dans l'étrier, et tient à la main une sorte de
ciboire qui renferme l'encens. Au second
plan, un soldat armé de pied en cap. —
Derrière ce groupe, le cortège continue,
dégringolant comme d'un chemin creux,
tout le long de la voussure : ce sont d'abord
deux hérauts à cheval ('), bizarrement ac-
coutrés, sonnant de longues trompettes
droites ; derrière eux s'entrevoit un autre
cavalier ; puis le troisième mage, jeune,
imberbe, aux cheveux frisés, couronné et
cuirassé ; dressé sur ses étriers, il porte à
la main le ciboire fermé, rempli de myrrhe.
1. De niême à Fribourgen-Rrisgau.
2. Tous ces chevaux ont l'encolure protégée par une
pièce de mailles, allant de leurs oreilles jusqu'à la selle :
harnachement de guerre usité à la fin du moyen âge.
— Derrière, ou plutôt au-dessus de lui, tant
est raide la pente que descend le cortège,
viennent d'abord, marchant de front, deux
cavaliers tout bardés de fer, avec casque
conique et cuirasse, reliés ensemble par
un tissu de mailles; enfin, fermant la marche, I
deux cavaliers encore, dont l'un très mutilé ;
l'autre est un chevalier barbu, casqué, mais
sans cotte de mailles et moins pesamment
armé que les précédents.
Ty)iipan de gauche. — Faisant pendant
à la Nativité, ce bas-relief nous montre, en
une seule scène, la mort du Christ. Les
groupes sont ici disposés avec plus d'art, et
l'exécution semble moins naïve qu'au
tableau précédent.
124 — Jésus meurt sur la croix: la tête
couronnée d'épines, les pieds cloués l'un
sur l'autre; cette figure admirable d'expres-
sion ne diffère en rien de nos plus beaux
Crucifix modernes.
125-126. — De chaque côté de la Croix,
un ange adorateur à genoux sur une nuée,
élève dans ses mains un calice pour re-
cueillir les gouttes de sang qui coulent des
mains transpercées du Sauveur. Sous ces
nuées, deux anges, plus petits, apparaissent
à mi-corps.
127. — Un ange, sortant à mi-corps
d'un nuage, au sommet de la Croix, déploie
entre ses bras une banderole avec l'inscrip-
tion 1. N. R. I. ordinairement fixée à la
croix elle-même.
128. — Le bon larron, dont la tête est
extrêmement mutilée, est attaché à une
croix, moins haute que celle de Jésus. Ses
jambes sont repliées, et un soldat monté
à une échelle appliquée au bras de la croix,
les lui brise pour l'achever ; un ange descend
du ciel, au-dessus de sa tête, pour recueillir
son âme rachetée. Au pied de l'échelle, trois
cavaliers.
0ortatl0 îje l'église t)t Cl)tbault De Cl)ann,
387
129. — Le mauvais larron, placé de même,
de l'autre côté du Christ ('). Même détail
qu'au n° 128. Si la partie supérieure du
tableau n'était pas mutilée, nous verrions
sans doute un démon venant chercher l'âme
du pécheur impénitent.
1 30. — Au pied de la croix, se tient un
groupe de cavaliers aux casques bizarres et
variés ; parmi eux doit se trouver Longin,
s'apprêtant à percer le côté de Jésus. Ils
sont suivis d'autres personnages qui pa-
raissent être des Juifs, car ils sont vêtus à
l'orientale, coiffés de toques fantaisistes et
armés simplement d'une courte épée ; leur
chef à la tête barbue, se retourne vers son
suivant et semble lui dire, en montrant du
doigt le Christ: « Cet homme était vraiment
Fils de Dieu ! »
131. — Les soldats jouent aux dés sur
une table improvisée, la robe sans couture
de Jésus, que l'un d'eux porte sur l'épaule.
Au premier plan, un de ces mercenaires,
assis, rit aux éclats, soit parce que la chance
l'a favorisé, soit plutôt parce qu'il voit deux
de ses camarades se disputant et s'ar-
rachant la barbe à la suite d'un coup de dés
douteux.
132. — Le groupe des Saintes Femmes.
— Au pied de la croix de Jésus, Made-
leine, élevant ses mains jointes, est pros-
ternée; à terre, près d'elle, est un vase de
parfums. — A ses côtés, la Vierge, que
S. Jean cherche vainement à soutenir,
tombe en pâmoison dans les bras d'une
Sainte Femme assise à terre. — Derrière
ce groupe est un cavalier, sans doute un
centurion, armé de pied en cap.
I. Le plus souvent, sur les portes du moyen âge, le
Christ en croix est représenté seul ; pourtant on trouve
les deux larrons, accompagnés d'un ange et d'un démon,
dès le XI I' siècle àSt-Pons (Hérault)..'\u XlII'et surtout
au XIV' siècle, les exemples sont nombreux.
Voussure des tympans inférieurs.
NOUS retrouvons ici, au cordon in-
térieur, des scènes de supplice :
M. Ch. Grad croit y reconnaître les mar-
tyres des principaux Saints du rituel de
Bâle, qui était autrefois suivi à Thann : ce
n'est pas absolument exact, bien que,
parmi les Saints que nous trouvons ici, la
plupart soient compris dans ce rituel ; —
à l'autre cordon se pressent d'autres Saints,
particulièrement populaires en Alsace.
Premier cordon. — Baie de gauche :
^2>?>- — Un évêque est agenouillé, mitre
en tête et mains jointes, attendant le coup
fatal ; près de lui, deux exécuteurs, dont
un, par derrière, le frappe d'une hache sur
la tête. Ce saint passe pour être S. Mathieu.
134. — Ste Agnès est amenée par deux
soldats devant le juge; celui-ci, vêtu comme
un seigneur du XV^ siècle, est assis.
135. — Supplice de S. Vit: le jeune martyr
(il était âgé de douze ans) est plongé, nu,
dans une chaudière remplie de poix bouil-
lante, sous laquelle un bourreau, muni d'un
souffîet, active le feu avec rage. Cependant
le Saint, croisant les mains sur la poitrine,
semble être comme en extase. A gauche
se tient l'empereur Dioclétien, les bras
croisés, présidant au supplice. — Ce même
sujet est représenté sur un vitrail ancien
de St-Thibault.
136. — Martyre de S. Jean-Baptiste : en
haut sont assis à un festin le roi Hérode
avec la reine et deux convives ; en avant,
S. Jean, couvert de sa peau de chameau,
est agenouillé devant l'exécuteur qui le
désigne d'une main, tandis que de l'autre il
tient son glaive. Hérodiade, couronnée
(comme à la cathédrale de Rouen), porte
le chef du Saint dans un plat.
137. — Supplice de S. Erasme: vêtu de
ses ornements pontificaux, le martyr est
388
Bebuc tic rSrt cbvcrinL
assis de face sur un siège. Deux bourreaux,
armés de longues alênes, lui transpercent
l'un le pouce de la main gauche, l'antre le
pouce du pied gauche. Les traits du Saint
expriment une souffrance extrême.
138. — Martyre de Ste Afra, vierge: elle
est debout sur son bûcher, richement vêtue,
une couronne placée sur ses longs cheveux;
à sa droite, un bourreau, en attisant le
bûcher, vient de se brûler et pousse des cris
de douleur : détail plein de verve qui carac-
térise bien l'imagier de Thann. -Ste Afra
est une Sainte particulièrement vénérée en
Alsace : non loin d'Altkirch, une église lui
est dédiée.
139. — S. Sébastien, nu, debout, tourne
le dos à quatre soldats qui lui tirent des
flèches à bout portant. — Ce Saint était
jadis, à Thann, l'objet d'une vénération
particulière. En 1422, le pape accorda des
indulgences spéciales à cette dévotion dans
l'église de Thann (').
140. — S. Laurent est étendu sur son
gril ; trois bourreaux attisent le brasier au-
dessous, tandis que Décius, couronné,
préside au supplice qu'il a ordonné. —
S. Laurent avait autrefois un autel dans
l'église St-Thibault ; son martyre, ainsi
que celui de S. Sébastien, est représenté
dans le grand vitrail du chœur.
Baie de droite.
141 — S. Etienne, agenouillé, prie les
yeux levés au ciel, tandis que deux Juifs
le lapident ; en arrière, un pharisien barbu
semble encourager les bourreaux. — On
remarquera que S Etienne est ainsi placé
symétriquement à S. Laurent : c'est une
tradition des imagiers de mettre côte à côte
les deux diacres martyrs, auxquels on ad-
joint parfois S. Vincent.
I. Celte bulle existe encore dans les archives de la
mairie de Thann.
142. — Martyre de S. Léger : deux sol-
dats d'Ebroin maintiennent par derrière le
saint évêque d'Autun, tandis que deux
bourreaux, à l'aide d'une vrille de charpen-
tier, lui crèvent les yeux.
143. — S'^ ApoUonie, couronnée d'un
diadème, est assise et croise les bras sur sa
poitrine ; deux bourreaux la martyrisent :
l'un, tenant un ciseau sur lequel il frappe à
coups de marteau, fait sauter les dents de
la Sainte ; l'autre les saisit au moyen d'une
pince — S'" Apollonie était en grande vé-
nération à Thann ; l'église des Franciscains
lui était dédiée.
144. — S'^ Odile est agenouillée, mains
jointes, dans son costume de nonne, devant
un autel recouvert d'une nappe et sur lequel
brûle un cierge. Elle prie pour son père
mourant, que l'on aperçoit près d'elle : c'est
un vieillard barbu, vêtu d'une chemise et
couché, les bras croisés sur sa poitrine. Un
ange apparaît qui, de sa main, touche le
bras du moribond, pour exprimer que la
prière de S'" Odile a obtenu le salut de l'âme
de son père. — - Cette Sainte est la patronne
de l'Alsace ; la chapelle de l'hôpital de
Thann est placée sous son vocable.
145. — .S. Emméran, barbu, est assis à
demi nu sur une pierre : cette circonstance,
ainsi que le nombre des trois bourreaux qui
l'entourent, est conforme à la vieille tradi-
tion rapportée dans une vie des Saints im-
primée en 1513 à Strasbourg. — Le pre-
mier des bourreaux, à la gauche du Saint,
se tient debout, de face, sur un perron de
deux marches ; d'une main il tient écarté le
bras de S. Emméran, et de l'autre lui coupe
les doigts de la main gauche ; le second, de-
bout près du -Saint, lui tranche sur sa pro-
pre cuisse les doigts de la main droite ; le
troisième, assis à terre, appuie sur une
pierre le pied du .Saint, afin de lui couper
les orteils avec un coutelas de boucher. La
laortaUs îic l'égUse â)t Cl)îbault ht Cljann.
389
physionomie de S. Emméran exprime une
douleur profonde.
146 — L'ermite S. Antoine tourmenté
dans le désert par les démons : le Saint,
très barbu, est vêtu d'un froc de moine et
d'une sorte de camail : il est agenouillé et
prie, malgré les efforts de trois démons
velus, à pieds de chèvre, qui, armés de
massues, le frappent l'un au front, l'autre
au côté. — Cette tentation de S. Antoine
est une des plus anciennes que nous con-
naissions sur les portes d'église ; il est
intéressant de constater qu'elle ne présente
pas le caractère grotesque que se sont plu à
lui donner les Callot et les Téniers : << le fi-
dèle compagnon de S. Antoine » notam-
ment paraît être une invention postérieure
au XlV'e siècle, car l'imagier de Thann,
dont nous avons constaté çà et là l'esprit
jovial, n'aurait pas négligé un accessoire
aussi pittoresque.
147. — Martyre de S'^ Lucie : la vierge,
dépouillée de ses vêtements, debout, joint
les mains ; un bourreau lui verse sur la
chair.au moyen d'une grande cuiller, la poix
bouillante qu'il puise dans une cuve cerclée
posée sur un feu devant la martyre.Comme
celle-ci résiste à ce tourment, le consul
Paschase qu'on aperçoit au fond, couronné
comme un roi, entre deux acolytes barbus,
donne l'ordre de lui percer la gorge : un
second bourreau, d'une main saisit déjà la
tête de la victime et de l'autre brandit son
glaive.
148. — S. Mathias, barbu, vêtu de la ro-
be et du manteau, costume habituel des
Apôtres, est à genoux, les mains croisées et
liées ensemble ; déjà le bourreau abaisse sa
hache sur la tête du martyr. Au fond de la
scène se tient le persécuteur, coiffé d'un
bonnet de fourrure, les mains posées sur le
pommeau de son épée ; deux soldats sont
debout à sa droite.
Second cordon. — Baie de gauche.
149. — S"= Hélène, ayant sur la tête,par-
dessus son voile, la couronne d'épines,tient
à la main la Vraie Croix, qu'elle a retrouvée
sur le Calvaire. Cette figure, comme toutes
les suivantes, est debout.
150. — Saint religieux, vêtu d'une robe
sans ceinture, tenant dans la main droite
une verge recourbée et dans la gauche un
livre à demi ouvert : ce Saint passe pour
être S. Benoît, mais on pourrait aussi recon-
naître en lui l'un des moines fondateurs ou
réformateurs d'Ordres, si nombreux au
moyen âge en Alsace et sur les bords du
Rhin : S. Morand, S. Fridolin, S. Gall,
etc..
151. — S. Paul, ermite, à la longue barbe
inculte, s'appuie sur un bâton ; il est vêtu
d'une robe faite de racines tressées; dans sa
main gauche il tient un pain.
152. — Ermite imberbe, à la face ridée ;
ses pieds et son torse, nus, sont très maigres,
presque décharnés ; sa chevelure est extrê-
mement longue ; son vêtement est fait de
feuilles. Près de lui, un ange lui présente la
sainte Hostie. Albert Durer et Hans
Schâufelin ayant représenté de cette même
manière S. Onuphre, on doit penser qu'il
s'agit ici de ce Saint. Cependant la lon-
gueur des cheveux, jointe à l'absence de
barbe, permettent de se demander si cet
ermite n'est pas plutôt une femme ; ce serait
alors S"= Marie l'Égyptienne ; mais en ce
cas l'imagier, en nous montrant près d'elle
un ange, aurait traité bien librement la lé-
gende, car c'est l'abbé S. Zosime qui, tra-
versant le Jourdain en marchant sur les
eaux, vint au jour de Pâques, apporter la
communion à la Sainte.
153. — S. Augustin, en habits épiscopaux
avec la mitre, l'aube, la chasuble, tient de
la main droite sa crosse; dans l'autre main
il porte une aumônière contenant un livre.
390
jRebue De l'art chrétien.
— On trouve au musée de Colmar un
autel sur lequel ce saint est représenté
exactement de la même manière.
154. — Une sainte, couronnée, enfonce
dans la Gueule d'un drayron infernal une
lance dont la hampe est terminée par une
petite croix ; sans doute S'*" Marguerite, qui
vainquit de cette façon le démon. Bien
qu'elle ne fût pas reine, on la représente
parfois couronnée.
155. — L'empereur S. Henri II, barbu,
couronné, vêtu d'une tunique de guerrier ;
il tient à la main son sceptre et une petite
église, reproduction très fantaisiste de la
cathédrale de Bamberg fondée par lui.
156. — Evêque crosse et mitre, tenant
de la main gauche un sudarium, et de la
droite, levée en l'air, un poisson : c'est
S. Ulrich, évêque d'Augsbourg, qui a con-
verti Ste Afra : il est à ce titre très popu-
laire sur les bords du Rhin, notamment à
Bâle ; plusieurs villages de la contrée por-
tent son nom.
Ici se termine le second cordon de la vous-
sure: on remarquera qu'à cette baie, comme
à l'autre, ce côté de la voussure comprend
deux sujets de moins que le côté opposé :
c'est qu'en effet ce cordon se prolonge aux
ébrasements par une gorge moulurée, tan-
dis qu'au trumeau il cesse d'exister.
Baie de droite.
'57. — S. Maurice, complètement armé,
vêtu d'une courte tunique ; son costume,
qui veut être romain, se complète par un
casque bizarre, précurseur de celui des
anciens pompiers. II tient en main une
lance surmontée d'une petite croix. —
S. Maurice, comme tous les martyrs de
la légion thébaine, mis à mort dans le
Valais, est très populaire sur les bords du
Rhin : les ossements de ces martyrs sont
d'ailleurs conservés à Cologne dans l'admi-
rable église dédiée à l'un d'eux, S. Géréon.
158. — L'archange S. Michel, transper-
çant de sa lance le dragon infernal qui se
tord à ses pieds.
159. — Un saint abbé crosse, en costume
de pénitent, tenant dans sa main gauche une
pierre. Ce saint passe pour être S. Jérôme;
la pierre qu'il porte serait alors celle dont
il se servait pour meurtrir son corps pen-
dant ses tentations. — Mais nous préfére-
rions voir ici S. Fridolin, fondateur du
monastère de Sâckingen, sur le Rhin, et
apôtre de la Suisse, ou encore S. Gall,
premier abbé du célèbre couvent qui porte
son nom.
160. — Un saint évêque, mitre en tête,
tenant sa crosse et bénissant : c'est S. Ni-
colas, patron d'une des premières églises
de Thann.
161. — S. François, en costume de
moine, nu-tête et tonsuré : les deux mains
ouvertes en avant, il semble montrer ses
stigmates.
162. — S. Georges, couvert d'une ar-
mure complète, mais coiffé, au lieu de cas-
que, d'un bizarre bonnet de fourrure. — On
remarquera qu'à la cathédrale de Bâle le
même Saint porte aussi un haut bonnet
orné de plumes, précurseur de ceux des
houzards du X\'I1I" siècle. — A sa cein-
ture est passé un poignard ; il lient de la
main gauche son bouclier et de la droite un
petit étendard dont la hampe est terminée
par une croix. Il regarde à ses pieds une
place aujourd'hui vide, où sans doute se
trouvait le dragon dont il a triomphé.
163. — S.Bernard, fondateur de Cîteaux,
tient à la main une crosse dans la volute de
laquelle se montre un lis : allusion soit à la
pureté de ce Saint, soit plutôt à la dévotion
spéciale qu'il professait pour la Vierge. —
La présence de S. Bernard se justifie
aisément ici, car, par une bulle de 1422,
|dortaU0 îie Vtsiisit â)^CDibault tie Cî)ann. 391
Thann obtint la faveur de célébrer solen-
nellement sa fête.
164. — L'impératrice d'Allemagne,
Ste Cimégonde, épouse de S. Henri II. —
Enveloppée d'un large manteau, couronnée
d'un diadème pardessus son voile et son
bandeau, elle tient à la main une croix
grecque, en mémoire du fragment de laVraie
Croix dont elle fit présent à l'église de
Bcàle.
Linteatix. — Les linteaux des deux baies
que nous venons d'examiner sont ornés
chacun d'une arcature très riche de la toute
dernière période du style gothique. Sous
ces arcades sont des écussons que nous
allons examiner.
165. — (Refait nouvellement). Écu aux
armes de la ville de Thann ('), avec le sapin
légendaire ; on retrouve cet écu sur les an-
ciennes monnaies de la ville ('').
166. — (Refait nouvellement). Deux
bars renversés d'or : ce sont les armes des
comtes de Ferrette, premiers seigneurs de
Thann (^).
167. — (Refait nouvellement). Aigle
simple éployé : on retrouve ces armoiries
au revers de certaines monnaies de Thann
et aussi de Colmar: c'est l'aigle autrichien.
En eftet, après l'extinction de la maison
comtale de Ferrette, Thann passa sous la
domination des archiducs d'Autriche : c'est
au cours de cette période que fut édifiée
l'église de St-Thibault.
168. — (Refait nouvellement). Lion ram-
pant, armoirie des barons de Reinach; nous
avons retrouvé sur les monnaies de Mul-
1. Voir page 292 l'histoire de la fondation de Thann et
la signirication de ce sapin dans les armes de la ville.
2. Thann obtint en 1387, des archiducs d'Autriche, le
droit de battre monnaie; ses écus représentent générale-
ment, sur une face, l'image de S. Théobald ; sur l'autre,
les armes de la ville.
3. Plus anciennement, la maison de Ferrette (en alle-
mand < Pfirt >), avait pour armes un buste de femme
habillé de gueules, couronné d'or.
house du XVI le siècle un lion semblable
supportant l'écu de la ville.
169-170. — La forme des écus subsiste ;
mais les armoiries ayant été effacées, on les
a laissé.s tels lors de la restauration.
Les deux dernières petites arcades
sont complètement vides : on ne peut
affirmer qu'elles aient jamais abrité des
écussons.
171. — Trumeau. — Au sommet d'une
fine colonnette, dont le chapiteau dépasse le
niveau des baies de la porte, la Vierge se
tient debout, couronnée, par-dessus son
voile, d'un diadème à fleurons. Elle porte,
assis sur son bras, l'Enfant Jésus, nu-tête
et sans nimbe, qui tient le globe dans une
main et de l'autre caresse le menton de sa
Mère. — La Vierge porte en outre un livre
entr'ouvert. — Cette statue du XI V^ siècle
est très gracieuse, et peut soutenir la com-
paraison avec les plus belles Vierges de nos
cathédrales.
1 72. — S.Thibault, évêque, aux cheveux
frisés sous sa mitre brodée, tient sa crosse.
— Un personnage minuscule, en costume
de moine, au capuchon rabattu sur le dos,
est agenouillé à ses pieds. On pourrait voir
aussi dans ce personnage à genoux, soit un
donateur, soit le serviteur du Saint qui ap-
porta ses reliques en Alsace(voir page 292).
— La tête de S. Thibault a été refaite
nouvellement.
I -j^. — Ste Catherine, couronnée, tient à
la main un livre et une grande épée dont
elle perce un petit personnage figurant sans
doute le persécuteur renversé à ses pieds.
174. — Êbrasements. — S. Amarin,
moine à longue barbe, nu-tête, s'appuie sur
un gros bâton de voyage. — La moitié de
la tête a été restaurée.
175. — S. Léonard, abbé : imberbe, tête
nue, il porte un costume de moine. De sa
main gauche il tient une chaîne dont l'autre
extrémité est fixée au cou d'un captif age-
nouillé, mains jointes, sur le sommet d'une
tour. — On raconte en effet que le vicomte
de Limoges avait fait sceller à une tour de
son château une lourde chaîne à laquelle il
attachait par le cou les criminels. Or un
serviteur de S. Léonard, ayant été par er-
reur ainsi enchaîné, invoqua son patron
mort depuis quelque temps, et celui-ci le
délivra miraculeusement. Aussi ce Saint
est-il invoqué par les captifs.
1/6. — S'^ Barbe, vierge, couronnée,
montre du doigt une sorte de tour carrée
qu'elle tient à la main.
1 7 7- — S'' Apolline ou Apollonie, couron-
née, tient sur un linge une énorme dent, en
mémoire de son martyre : le persécuteur lui
fit en effet briser les dents à coups de
maillet.
Suite du mur de la façade.
I /S. — S. Georges, en costume de cheva-
lier complètement adoubé : casque conique,
brassards, jambières, cotte de mailles, etc..
Debout, il transperce de sa lance la gueule
du dragon infernal, qui se tord à ses pieds.
Cette statue est fort belle : elle a un peu de
la majestueuse énergie du S. Michel de
Frémiet.
On remarquera que, de l'autre côté de
la porte, la place symétrique à celle occupée
par .S. Georges est vide et parait n'avoir
jamais été décorée d'aucune figure.
179. — (.Statue neuve). S'^ Claire, en cos-
tume de religieuse, tenant à la main une
chapelle ou peut-être un reliquaire.
1 80 — (Statue neuve). S"" Agathe.vierge,
au-dessus d'un petit brasier : elle subit en
effet le supplice du feu, et c'est pour cette
rai.son qu'on l'invoque communément con-
tre l'incendie.
181 — (Statue neuve). S. Edouard, roi
d'Angleterre, ne refusait jamais l'aumône à
ceux qui la lui demandaient au nom de S.
Jean. Un jour, imploré au nom de ce Saint
par un pèlerin, il lui donna sa bague, n'ayant
pas sa bourse sur lui. Or le prétendu pèle-
rin était S. Jean lui-même, qui, à quelque
temps de là, rendit miraculeusement la ba-
gue au pieux monarque. — Nous le voyons
ici en train de faire cette aumône. — On re-
marquera que la Légende Dorée rapporte la
même tradition à propos du roi S. Edmond.
182. — (Statue neuve). S. Antoine de
Padoue, jeune religieux, portant sur son
bras l'Enfant Jésus et tenant à la main un
rameau de feuillage. Inutile de faire remar-
quer que cette figure n'a aucune prétention
d'ancienneté : si le saint franciscain, par sa
vie, appartient au XI 11^ siècle, on doit re-
connaître que son culte s'est développé
seulement à une époque assez récente et
que les sculpteurs de notre porte, au XIV^
siècle, devaient à peine connaître son nom.
183. — (Statue neuve). Moine au capuchon
rabattu sur la tête ; les mains sont cachées
sous ses manches ; entre les bras il tient une
croix. Comme S. Antoine, il porte un cha-
pelet pendu à sa ceinture. Ce doit être S.
François d'Assise : cette figure nous sug-
gère les mêmes réflexions que la précédente.
184. — S. Louis, imberbe, portant avec
respect, sur un coussin, la couronne d'épi-
nes qu'il a reçue des infidèles et pour laquel-
le il a fait construire la S'" Chapelle. Con-
trairement aux représentations habituelles,
le pieux roi tient ici une épée nue et est
coiffé d'un casque sur lequel est posée sa
couronne ; sans doute pour exprimer qu'il
fit la guerre aux ennemis du Christ.
Sommet de la porte.
185 — Le Christ, assis, le torse nu, mon-
trant ses plaies. Comme nous l'avons dit ci-
0ortaiï0 De l'égliee ^t'C|)it)ault îie Cl)aim,
393
dessus, cette statue colossale (3^4 mètres
de haut) occupait jadis le milieu d'une
rangée de sept statues ou groupes ; placée
un peu en retrait du plan de la porte, elle a
seule trouvé grâce devant l'architecte charoé
de la restauration.
Nous n'avons pu englober dans notre
schéma les autres figures qui, plus éloignées
de la porte, concourent aussi à l'ornemen-
tation de cette belle façade. Nous croyons
néanmoins devoir les signaler rapidement.
Au sommet du pignon, debout sur un
socle décoré d'une figure de femme nue,
symbolisant peut-être le vice, se montre
l'évêque .S Thibault, patron de l'église et
de la ville de Thann. — De chaque côté du
Saint, deux pèlerins, un homme et une
femme, agenouillés.
Sur le mur de la façade, à gauche, en
continuant au delà du N° 181, nous trou-
vons successivement :
S. Augustin, tenant la crosse d évêque
d'Hippone, et un cœur enflammé ; sur son
livre, on lit le titre de son ouvrage : Civi-
tas Dei.
S. Jérôme, en costume de cardinal ; près
de lui est son lion ; on lit sur son livre :
Biblia sacra : c'est la Sainte Bible qu'il
a traduite.
Un saint évêque tenant la crosse et un
marteau : c'est S. Eloi, patron des mécani-
ciens, nombreux à Thann.
S. Luc, imberbe ; près de lui le bœuf; —
il est le patron des dessinateurs également
nombreux dans la ville.
Au-dessus de ces Saints, S. Christophe
portant sur son épaule l'Enfant Jésus.
En outre, de ce côté, nous trouvons une
Sainte couronnée, près de laquelle est une
urne : c'est S" Madeleine avec le vase d'al-
bâtre contenant les parfums dont elle oignit
Jésus ; — une autre Sainte, également cou-
ronnée, tenant à la main trois flèches : S'"
Ursule, fille de roi, qui fut tuée à coups de
flèches, avec les onze mille vierges, ses
compagnes.
De l'autre côté de la porte, au delà de
S. Louis (N° 184), nous voyons S" Cécile,
portant une palme et un petit orgue.
Partie purement ornementale.
A. Galerie (déjà signalée et critiquée
dans la description générale de la porte,
page 295) imaginée de toutes pièces par l'ar-
chitecte chargé de la restauration, à la place
de six statues ou groupes qui entouraient
le Christ central. Ce sont de grêles colon-
nettes aux chapiteaux feuillages, entre
lesquelles s'ouvrent de très petites arcatures
trilobées surmontées de gables triangulaires.
— Au-dessus des chapiteaux la colonne se
reforme, plus épaisse et carrée, et se ter-
mine par un haut clocheton à crochets,
d'aspect un peu lourd. Deux particularités
viennent rompre l'harmonie de cette déco-
ration : d'abord, près de chaque extrémité,
un petit saillant de la balustrade ; ensuite
la grande archivolte de la porte qui coupe
toute la partie médiane de la galerie ; l'ar-
chitecte a bien relevé cette partie le long de
l'archivolte ; mais on ne voit plus les fûts
des colonnes, et les clochetons, qui seuls se
montrent, paraissent, faute de ce support
indispensable, alourdis et illogiques à cette
place.
H — Large rinceau de vigne remplis-
sant une gorge profonde qui limite infé-
rieurement le tympan principal.
C. — Redans très saillants, complète-
ment découpés à jour et terminés par des
fleurs de lis. Cette dentelle de pierre en-
cadre extérieurement les archivoltes des
I deux baies de la porte. — Au-dessous de
I ces redans, le dernier cordon, ou filet de
couronnement, est formé d'une guirlande
394
Bebue lie rSrt cl)rctien.
de feuilles frisées, affectant de place en
place la forme de crochets.
D. — Entre le tympan principal et les
archivoltes des baies jumelles, la muraille
apparaissait nue: pour masquer cette nudité,
l'architecte y a ménagé trois petits oculi
polygonaux à côtés arrondis, d'une assez
pauvre invention ; celui du milieu, plus
grand, est seul ouvert ; les deux autres
sont aveugles et constituent en réalité un
simple placage.
E. — Le chapiteau de la colonne du
trumeau devait être mince à sa partie infé-
rieure pour se rattacher à la colonne, et
très large au sommet pour former le socle
de la grande statue de la Vierge (N" i/i)-
Cette difficulté a été élégamment résolue au
moyen de deux étages de guirlandes de
feuilles superposées sur le chapiteau, dont
elles augmentent progressivement la lar-
geur.
F. — Après le N'^ 164, nous avons déjà
mentionné ces arcatures qui décorent le
linteau des baies jumelles. Elles sont for-
mées de lancettes très arrondies, subdi-
visées à l'intérieur en plusieurs lobes iréHés;
chacune est couronnée par un épais fleuron,
et séparée de la suivante par deux petits
clochetons ; les écoinçons sont décorés de
petits panneaux. — L'ensemble est très
gracieux ; certains détails font déjà pres-
sentir l'art de la Renaissance.
G. — Dais surmontant les statues de
l'ébrasement de gauche et du trumeau : ils
sont ouverts sur deux faces par une arcade
trilobée surmontée d'un fronton triangu-
laire à rampants munis de crochets.
G'. — Les dais des statues de l'ébrase-
ment droit sont au contraire très riches, sur-
tout celui de l'extérieur, qui est ouvert sur
trois faces et décoré de six petites statuettes.
Ces deux dais sont, sauf quelques variantes.
du même type que les arcatures F du linteau
voisin.
H. — Chapiteaux ornés de deux rangées
de feuillage se surplombant : c'est à peu
près le même modèle qu'en E ; mais ici ce
n'est qu'un mode d'ornementation, tandis
que là c'était un artifice ingénieux pour
élargir la corbeille du chapiteau.
I. — Petites arcades ogivales prises
dans l'épaisseur du mur; au-dessous est une
petite rosace à jour et un arc plein cintre à
petits crochets qui délimite l'ouverture
même de l'arcature. L'ensemble forme une
sorte de dais sans saillie extérieure, qui
semble appeler la présence d'une statue. Il
ne parait pas cependant qu'il y en ait jamais
eu sous l'arcade de droite.
J. — Gargouille (neuve) : chèvre.
K. — » » : cheval.
L. — Piédouches ornés de moulures très
simoles, terminées au sommet en forme
d'ogives.
II.
PORTAIL SEPTENTRIONAL.
A DEUX pas de la porte occidentale,
et s'ouvrant comme elle tout au bas
de la nef, mais dans le mur du Nord, se
trouve la porte que nous allons rapidement
analyser.
Sans présenter l'intérêt iconographique,
ni la richesse luxuriante de sa rivale, elle
ferait encore honneur à bien des cathé-
drales: c'est en effet un des portails les plus
curieux de l'époque de transition : les ar-
chivoltes, tant du porche que de la porte
même, les résilles de la verrière n'accusent
presque plus la brisure centrale ; les baies
jumelles de l'entrée sont surbaissées en anse
de panier, mais tous les détails d'ornemen-
tation sont purement gothiques. Et tandis
que les architectes de ce temps, cherchant
leur voie entre les procédés de l'art flam-
0ortatl0 De réglisse m%l)itmlt Ue Ct)ann.
395
boyant épuisé par ses propres excès, et les
essais encore timides d'où devait sortir la
Renaissance, n'ont produit en général que
des œuvres bizarres et chargées, notre por-
tail au contraire se distingue par une rare
élégance, qu'il doit sans doute à la franchise
Fig:. 5. — Porte septentrionale de l'église Saint-Thibault.
de son parti-pris : il unit à la pureté des
lignes de la Renaissance la richesse d'exé-
cution de l'art gothique à son apogée, et
peut soutenir la comparaison avec les meil-
leures productions de l'un et de l'autre style.
I. — La Vierge, debout, une couronne
fleuronnée posée sur ses cheveux ondulés,
tient assis sur son bras gauche l'Enfant
Jésus à demi nu, qui joue avec un oiseau.
De la main droite, Marie porte un rameau
de lis en fleur. — Ce type de l'Enfant à
l'oiseau, bien que fréquent dans les tableaux
des primitifs, est très rare sur les portes
d'église du moyen âge.
2. — S. Jean-Baptiste, aux cheveux frisés
et à la barbe presque inculte, est debout ; il
porte l'Agneau de Dieu. Pour tout vêtement
il a une peau de quadrupède, tout entière
et dont la tête tombe au-dessous de ses ge-
noux ; les bras et les jambes sont nus.
3. — L'évêque S. Thibault, coiffé d'une
mitre brodée, tient en main sa crosse, beau-
coup plus finement ouvragée que la plupart
des crosses sculptées en pierre. De la main
il semble accueillir deux minuscules pèle-
rins, ou donateurs, qui, leur chapeau rabat-
tu sur leur dos, mains jointes, s'agenouillent
à ses pieds avec un air de ferveur presque
amusant chez de si petits bonshommes.
4. — S'" Marguerite, couronnée, foule
aux pieds le dragon infernal.
5. — S. Ulrich, évêque d'Augsbourg,
dont le costume et la pose sont presque pa-
reils à ceux du N" 3. Des deux donateurs
agenouillés à ses pieds, l'un est pour ainsi
dire couché à terre.
6. — Un seigneur, imberbe, nu-tête, vê-
tu d'une robe courte bordée d'un galon, s'ap-
puie sur une sorte de canne dont la partie
supérieure est brisée et qui, dans son état
primitif pouvait être une lance ou un bâton
de commandement. De la main gauche, il
tient des grappes de raisin. Cet emblème
caractérise .S. Morand, qui, selon la légende,
aurait passé tout un carême sans autre nour-
riture qu'une grappe de raisin : c'est en rai-
son de cette circonstance que les vignerons
du Sundgau l'honorent comme leur patron ;
mais nous nous demandons pourquoi le
Saint bénédictin d'Altkirch n'est pas re-
présenté sous son costume monastique.
7. — S. Léon IX, pape ; sa tiare, au con-
traire de celles du XI 11^ siècle, présente
les trois couronnes superposées ; il tient à
la main un reliquaire.
Fig. 6. — Schéma de la porte septentrionale.
On remarquera qu'aucune de ces statues
n'est nimbée.
Partie purement ornementale.
A A. — Sorte de gable, de dessin ultra-
flamboyant à accolades, surmontant cha-
cune des baies jumelles ; les rampants sont
ornés de crochets, les intervalles des me-
neaux remplis par un réseau d'arcatures
îdortatls De l'église ^t Cl)tbault De Cl)aun.
397
ou de rosaces trilobées ; l'ensemble, cou-
ronné par de gros fleurons, forme comme
un écran ajouré en avant de la verrière du
fond du porche.
BB. — Ue chaque côté.à différentes hau-
teurs, trois petits dais indiquent l'emplace-
ment de statues, qui paraissent n'avoir
jamais été posées.
C. — La grande archivolte à accolade
qui limite la baie du porche, projette à l'in-
térieur un feston de pierre formé de redans
trilobés d'une admirable légèreté. En gé-
néral nous aimons peu ces dentelles accro-
chées aux archivoltes, mais ici nous nous
inclinons devant l'effet produit : ce feston
donne de l'importance au filet de couronne-
ment, et il cache en même temps la nudité
de la voussure ; enfin, au sommet, il s'inter-
rompt avec discrétion pour dégager la
pointe de l'accolade.
U — Dais de la statue du trumeau; c'est,
en miniature, une véritable flèche de cathé-
drale,à trois étages ornés chacun d'arcatures
trilobées supportées par des colonnettes.
E et F. — Dais des statues des piles du
porche : riches dais polygonaux, dont les
rampants à contre-ogive, ornés de crochets,
s'entrecroisent pour former des arcatures
trilobées et se rencontrent à la même hau-
teur pour s'épanouir en fleurons. Ceux mar-
qués F, qui regardent l'intérieur du porche,
sont surmontés d'un pinacle un peu lourd.
Mais en arrière des uns et des autres, et
paraissant les prolonger sur la face des piles
du porche, s'élèvent des clochetons inégaux,
très aigus, supportés par des colonnettes et
atteignant le sommet du porche.
G. — Balustradede laterrassequi surmon-
te le porche : elle est ajourée selon un des-
sin fort gracieux assez répandu aux XIV^
et XVe siècles. ^ Sanoner
Paris.
Noie. — Cet article était déjà composé quand
il a été donné tout récemment (août 1904) à
l'auteur de visiter la cathédrale d'Ulm : il a été
surpris de retrouver sur les portes de ce monu-
ment la plupart des particularités du portail de
Thann. Ces traits communs, si nombreux et si
caractéristiques, nous obligent à attribuer à la
même école d'imagiers la décoration des deux
édifices. Nous citerons notamment les ressem-
blances suivantes :
A. Au point de vue de la statuaire et de
l'iconographie: — 1° Dieu donne des vêtements
à Adam après le péché (n° 58 Thann ; porte
ouest Ulm) ; 2° Marie et ses compagnes dans
le temple ; Marie porte une offrande sur l'autel ;
épisode de la verge fleurie (n°s 96, 97 et 98, T ;
p. sud U. ) 3° portrait de l'imagier au-dessus de
la crèche (n° 1 19 T. ; p. sud U.) 4° même cortège
des mages descendant le long de la voussure ;
mêmes piédestaux prismatiques des bergers
(nos 123 et 121 T; p. sud U.) 5° anges recueillant
le sang de Jésus crucifié, soldats sur les échelles
(n» 125 à 129 T. ; p. nord U.), etc.
B. Au point de vue de la construction. —
1° baies ogivales accolées, trumeau à plusieurs
personnages (p. ouest Ulm) ; 2° deux tympans
inférieurs historiés inscrits dans un tympan su-
périeur (p. sud U.), etc.
RBVUH DE l'art CHRÉTIEN.
1904, — 5'"* LIVRAISON.
I iixji-LiiiiJJiTiiiJJT^iïiirxiTiiiiiiiiJJTiixriJiiTrxiTTiiiixrTTTTirTiiiiriixxrTiiirrii
r^t A^V^ A^VU i^^ A^VK A^VU A^^ *^Vk A^»U A^^ A^V^ J^^V^ A^^ *^»^ A^i^ A^^ »^
ffîclanges. îâj^îssgî®®^)!©®
jciiixiiiTTTTTrrrf'yTTTTTTTtiiixjixitTiJTri
TlttlTTiyrTIirTIfflIITTTITrTTrTrTTYTTTTTÏTTITTTTTITrTTTTTTTÏllIITTXrTiriTTTXITTT^TtTTTT
^iÔ-* *t^-* *i*î^ '^^ "i^ ''d^ ''^ '^ "^^^ ""^^ "^-^ ^^'^ ''^ "^"^ "x^ *i^
15)
ïi
Jlc stplc nco=cla5sique et le noimcau
^.^.r^.-..^s..^^ Brurcllcs.
A. reconstruction du palais royal et
des inusées de Bruxelles va se faire
dans le style gréco-romain qu'affec-
tionne le Souverain, dont on connaît
les goûts grandioses, les concepts à la Louis XIV,
inspirés de l'art pompeux des cours de l'ancien
régime. Sous son impulsion, des quartiers pitto-
resques et vivants du vieux Bruxelles vont faire
place à des ordonnances à la romaine, aussi froi-
des que majestueuses, qu'admireront les étrangers
en excursion, mais que désertera la vie de la
cité. On peut ne pas partager cet idéal, on peut
regretter, comme M. Ch. Buis ce qu'on appellerait
de la mégalomanie,sauf le respect que l'on doit à
un Souverain qui est, à bien des titres, le bienfai-
teur du pays ; on comprend que l'architecte ap-
pelé à réaliser les volontés royales se complaise
à ce qu'offre de grand et de fastueux la noble
tâche confiée à son remarquable talent. Un
écrivain officieux a entrepris de justifier devant
le public un parti qui trouve sa principale rai-
son d'être dans une auguste volonté. Cet avocat
ne se contente pas de défendre la cause du néo-
classicisme par des arguments de circonstance,
il croit devoir ériger son goût en principe et jeter
le blâme sur ceux qui ne trouvent pas que tout
soit pour le mieux dans un Bruxelles- Versailles.
Il estime que la Belgique aurait tort de ne pas
rompre entièrement avec les traditions de son
art national et traditionnel, absolument suranné
selon lui. C'est dans la Chronique des travaux
publics que nous trouvons son plaidoyer, qui ne
manque pas d'être un peu paradoxal. Il peut se
résumer à peu près en ces termes :
Un monument public ne peut être excentri-
que et tapageur ; or en dehors du gréco-romain,
il n'y a pas d'architecture simple et grande, pas
d'expression saine et lo^jique de la vérité. Pour
donner à la façade une allure rationnelle, il faut
la revêtir de colotuiades engagées. Le gothique
et la Renaissance n'offrent à l'œil que profusion
d'ornements bizarres exclusifs du <i grand art ».
Le style classique seul s'adapte bien à la vie mo-
derne. La Renaissance flamande n'est d'ailleurs
qu'une « interprétation rustique » (sic) de la Re-
naissance italienne et le gothique n'est bon que
pour les églises; il ne se conçoit d'ailleurs pas
sans les donjons, les échauguettes, les mâchicou-
lis, les créneaux et les meurtrières, d'où il tire son
pittoresque. Le style à platebande de l'anti-
quité est le seul qui convienne au climat belge,
aux matériaux belges, aux programmes moder-
nes, et, n'est-ce pas, «ce devrait être une vérité
banale de dire qu'un édifice est construit pour le
rôle qu'il est appelé à remplir» ?
« Si les amateurs de gothique n'aiment pas
Guimard, c'est que leur éducation artistique ne
les met pas à même de le comprendre. > —
«Ecoutons les professionnels, dont l'avis a plus de
poids que celui des architectes amateurs. » Vous
qui n'êtes pas de notre avis, vous n'y entendez
rien. — Et cela suffit ! Assez de discussions
comme cela ! Point à la ligne.
On pourrait croire que nous travestissons le
morceau ; il faut que le lecteur puisse s'assurer
par .ses propres yeux que nous l'avons fidèlement
résumé. C'est pourquoi nous le donnons ci-après
avec quelques notes.
L. C.
Uc Balais roi?aI Dc BrurcUes (')
E style est gréco-romain ou classique, et les
partisans du gothique et <ie la Renaissance
flamande en ont f.iit un grief à l'artiste. Mais
celui-ci estime qu'un monument public ne
doit pas revêtir une excentricité tapageuse (°),
qu'il doit être l'expression saine et logique de la vérité ('J.
La fai^ade sera simple, homogène et exempte d'éléments
inutiles (■•), elle s'impose (5) par ses proportions et par sa
masse et non par des détails injustifiables.
I Chronique dei travaux publics^ 28 août 1904.
2. Tout style en dehors du gréco-romain est donc excentriquo et
t.ipageur ?
3. lin quoi le gréco-romain est-il spécialement l'expression saine
et logique de la vérité?
4. lîstce que les colonnades engagées ne sont pas des éléments
inutiles?
^. L'écrivain aur;; voulu dire : « elle impose par ses masses >?
S^^tiamtQ.
399
Le grand art est modeste et laisse supposer par sa
simplicité que chacun puisse l'aborder sans grandes étu-
des (')• Et ce n'est pas seulement vrai pour l'architecture :
un discours simple et beau inspire aux naïfs cette pensée
qu'ils seraient capables d'en faire autant. La profusion
des ornements dans une fagade correspond à l'abus du
néologisme chez nos écrivains contemporains {'). Mais
l'ange du bizarre, dans aucun domaine artiste, n'a réussi
encore à supplanter les muses de l'antique Hellade.
On a dit au Parlement que le gréco romain n'était qu'un
pastiche (^), que le style (zuimard, comme on dit quelque-
fois, n'avait aucune originalité. Racine n'en a pas non plus,
en ce sens qu'il s'inspire de Sophocle et d'Euripide {*).
Originalité est un mot servant d'habitude h couvrir l'in-
conséquence qui a présidé à l'étude des œuvres man-
quées Uy a beau temps qu'on en a fait justice dans l'en-
seignement littéraire. Certes,il y a une bonne originalité,
celle qui trouve une belle pensée que personne n'a eue,
mais le style original, en littérature, c'est-à-dire le style
qui fait reconnaître tel ou tel écrivain, est le résultat de
ses défauts et non de ses qualités. La preuve est qu'on
pastiche le plus facilement des écrivains qui ont le nom
d'avoir le style plus original. Rien de plus aisé que d'é-
crire un caractère de La Bruyère ou une lettre de Mada-
me de Sévigné, plus ressemblants que s'ils n'étaient pas
en toc. Un conte de Voltaire est même faisable. Mais on
ne pastiche pas Racine, ni Bossuet.
Le gréco- romain est le style classique ; il est l'expres-
sion la plus complète du grand art et a le mérite pratique
de se prêter le mieux h l'emploi des matériaux de notre
pays (5). .Sans doute, il est noble, austère, plutôt que gai,
mais un monument public ne doit pas être fantaisiste. «On
ne rit pas dans une école militaire (') >, disait Maquet
pour expliquer le caractère sérieux de la façade qu'il a
conçue pour l'éditice de l'avenue de la Renaissance.
C'est, au contraire, le gothique moderne et la Renais-
sance flamande qui pourraient plutôt être appelés des
pastiches (').
Nos esthètes les représentent comme nos styles natio-
naux, pour flatter notre amour-propre. Mais la Renais-
sance n'est qu'une interprétation rustique de la Renais-
sance italienne (^). Le gothique n'est assurément pas d'in-
1. Curieuse définition du grand art.
2. C'est à l'auteur de la Bourse de Bruxelles qu'il faut dire cela.
3. On a eu raison.
4. Racine parle français et pas grec.
5. Nous pensions jusqu'ici que le style classique était par excel-
lence crlui qui convient aux matériaux et au climat de la Grèce, à
ses beaux marbres favorables comme son ciel au système de la plate-
baniie; et que notre pays s'accommodait mieux, avec «es malériaux
plus divisés et son climat pluvieux, des moyens si habiles créés par
le moyen âge.
6. On a bien tort.
7. .A.llez-y ! Payez d'audace. Traitez de pastiches des constiuc-
lions faites dans le style traditionnel, et d'originales celles qui sont
copiées des édifices exotiques et vieux de milliers d'années.
8. Ceci est un sophisme. La renaissance flamande offre un tond
ir.idilionnel et local afiecté d'une influence italienne, bien mal quali-
hée < d'interprétation rustii/uf. » Qu'est-ce qu'on veut dire par là ?
vention belge. Il se prête aux édifices religieux ('), mais en
abuser pour les bâtiments modernes témoigne d'un man-
que de logique que rien ne justifie. La façon de vivre, de
construire était tout autre, au moyen âge que de nos
jours. Donjons, échauguettes, mâchicoulis, créneaux et
meurtrières d'où le gothique tire son pittoresque {-) sont
aujourd'hui un non-sens. Et ce devrait être une vérité
banale de dire qu'un édifice est construit pour le 1 Ole qu'il
est appelé à remplir. A la Maison du Roi, à Bruxelles,
des employés de la Ville ont été frappés de cécité.
Sans doute, conservons avec un soin jaloux nos monu-
ments gothiques. Cela coûte, du reste, assez cher pour
nous ôter l'envie d'en édifier d'autres. L'église du Sablon,
à Bruxelles, et l'hôtel de ville de Louvain, coûtent en ce
moment à eux seuls pour leur restauration la bagatelle de
trois millions (3), et ce n'est pas tout, car, quand on a fini
d'un côté, il faut recommencer de l'autre, de sorte que la
dépense est permanente.
Si les amateurs de gothique n'aiment pas Guimard,
c'est que leur éducation artistique ne les met pas à même
de le comprendre (•*). Ils ne saisissent pas l'ensemble
d'une conception, mais seulement l'inspiration du hasard
et le caprice de la fantaisie Et cependant, en architecture,
comme en musique, l'ensemble est tout. Toutes les par-
ties si remarquables qu'elles soient, aboutissent à une ca-
cophonie, si l'orchestration n'est pas bien faite.
Le gothique moderne n'a ni le caractère, ni le senti-
ment du gothique, parce que celui-ci était le reflet des
mœurs du temps. Toutes les époques ont leurs concep-
tions artistiques et le palais de Bruxelles ne sera pas ha-
bité par le duc Jean II de Brabant (s), mais par le roi
Léopold II qui y donnera des fêtes où les salons seront
éclairés k la lumière électrique.
Paris et Rome, où domine le style classique, sont les
plus belles villes du monde ("). Ne nous laissons donc pas
aller à un faux amour-propre. Écoutons les profession-
nels (0 dont l'avis a plus de poids que celui des architectes
amateurs.
Tout ceci pour répondre quelques mots aux observa-
tions que le projet Maquet a provoquées à la Chambre
et au Sénat.
La façade sera en pierre d'Euville, en pierre bleue et
en pierre de Gobertange. Il n'y aura pas de maçonnerie
apparente. On employera environ 8,000 m' de pierres.
Les fondations nécessiteront 30,000 m^ de maçonnerie.
1. En quoi, s'il vous platt, s'y prêterait-il exclusivement?
2. Qui parle de faire aujourd'hui des macliicoulisetdes meurtrières ?
3. Et le Palais de Justice de Brii.>;elles ? Il est de la moitié du
siècle ilernier et son entretien cotue à ce que l'on assure plus de
cent mille francs par an.
4. Et nul n'aura de l'esprit que « nous et nos amis ! »
5. Il ne sera pas habité non plus par Auguste.
6. Rome est une ville auguste par ses souvenirs et son histoire,
comme par sa situation du centre de la chréiienté : elle n'est pas de
premier ordre au point de vue de l'esthétique. Paris est la première
ville du monde par sa valeur artistique ; mais parmi ses joyaux
N.-D. de Paris et la Ste-Chapelle ne sont pas les moindres.
7. Tous les professionnels ne sont pas de votre avis.
400
jRebue lie r^rt cbrétten.
A l'intérieur, on rétablira l'ancienne décoration du côté
de la façade. Le grand escalier ne bouge pas, mais les
escaliers de service donnant sur la façade sont modifiés
et doivent l'être, c'est un vrai casse-cou ; il n'y a pas
longtemps, le Roi est tombé sur les degrés; heureusement
Sa Majesté ne s'est pas fait de mal.
Les bâtiments actuels du palais n'ont ni air, ni lumière:
ils sont malsains, humides, pourris. On aurait peut être
mieu.\ fait de se décider à jeter tout par terre, quitte à re-
construire sans y rien changer l'admirable escalier de
Balat.
H'ecolc gantoise Oe Saint=Jiuc et
i'Grposition Des tratiaur De ses clèties.
École Saint-Luc de Gand.
X lit dans le Bien public de Gand :
Un critique d'art distingue, actuellement
en possession d'une chaire d'esthétique dans
une École de Hautes Études, a complaisam-
ment esquissé le tableau de notre art architectural pré-
sent ; dans ses notes, il cite deux douzaines de maitres
belges et se tait absolument sur l'École St-Luc : et je
crois que c'est pure charité de sa part. Ailleurs, il y fait
une allusion voilée, pour affirmer qu'elle ne demande à
ses élèves que la copie de formes anciennes et qu'elle
n'a produit que des pastiches assez médiocres (').
La vérité, c'est que l'École St-Luc a préparé de longue
main, depuis plus de trente ans, l'évolution irrésistible
par laquelle est actuellement rénovée notre architecture,
car, pour une grande part, le néo-style n'est que du
gothique déguisé.
Dépouillez les constructions dites « esthétiques >, du
moins les bonnes, de quelques fantaisies qui les gâtent,
comme les courbes serpentines, et les formes a priori, et
que restera-t-il d'intéressant, sinon l'emploi de matériaux
apparents, la mise en évidence de la njenuiserie et de la
ferronnerie, l'usage de la flore stylisée et des essais de
la polychromie ? Qu'est-ce que ces nouveautés,sinon l'en-
vahissement du rationalisme médiéval (les Anglais di-
sent préraphaéliste) agrémenté de caprices puérils ou
charmants }
Or, cette évolution, qui l'a préparée, un (|i.iart de siècle
durant, avant la naissance de nos jeunes architectes ferns
de leurs inventions ? C'est TÉcole St-Luc, qui avait de-
mandé aux maîtres médiévaux les secrets de la saine
construction et qui avait répandu les principes dans les
Flandres antérieurement aux premiers essais de ceux-là
qui ont eu la monumentale suffisance de s'adjuger le
monopole de l'esthétique.
Nos amis ont pris pour point de départ de leurs études
I. V. Fierens Gevaert, Nouveaux essais d'art contemporain.
le moyen âge ; ils ont tiré leurs modèles classiques de
nos monuments nationaux, qu'ils ont dessinés et restau-
rés, avant de se mettre à composer librement des édifices
absolument modernes; et on les appelle des copistes! On
trouve originaux et personnels ceux qui continuent les
errements gréco-romains et alignent des colonnades dori-
ques ou ioniques à perte de vue
Nous estimons, nous, que les plus modernistes ne sont
pas ceux qui inventent des formes abracadabrantes,mais
ceux qui savent adapter à des programmes généreusement
modernes des procédés techniques sages, fussent-ils tra-
ditionnels, et se servir des matériaux les plus nouveaux
sans répudier les bons vieux moyens d'autrefois.
La tendance moderne et pratique de l'enseignement de
l'École St-Luc est si accusée, qu'elle a pris de tout temps
pour objectif de ses études les questions les plus vivantes
qui se posaient dans le milieu gantois.
Aussi, cette fameuse transformation du centre de la
ville de Gand, à laquelle M. Braun aura attaché son nom,
ayant eu le mérite de prendre l'initiative de son exécution,
qui l'a conçue,sinon l'École St-Luc' Il y a près de 15 ans
que cette importante question était mise à l'étude dans
un de ses concours de fin d'année.
Le Courrier Belge du 21 juin 1896 reproduit le projet,
élaboré dès i89o,par l'élève Alph.Depauw,d'Ostende,pour
la transformation des abords de la cathédrale St-Kavon,
comprenant le dégagement du chœur et la construction
d'un nouveau palais épiscopal. C'est d'ailleurs un des
maitres de St-Luc, le vénérable Auguste Van Assche, qui
a conçu l'idée première des grands dégagements en voie
d'accomplissement dans la cuve de Gand.
Quant a la restauration de la Halle aux draps, elleétait
l'objet d'une excellente étude de notre architecte provin-
cial, M. Etienne Mortier, lorsqu'il était encore sur les
bancs de l'académie St-Luc ; c'était, je crois, vers 1878
il y a plus d'un quart de siècle.
Le projet de cet élève plein de promesses (brillamment
tenues) était de tous points excellent, peut-être supérieur
h celui qui a été exécuté, car il ne comportait pas les lourds
balcons, qu'à tort selon nous, on a mis au bas des flèches
des tourelles. Depuis, l'étudiant est devenu un maître,
dont on parle relativement peu, parce qu'il est modeste
et ne fait partie d'aucune coterie ; mais l'avenir le placera
très haut parmi les artistes de notre temps, notamment
pour la part qu'il a prise à l'érection de l'Hôtel des Postes,
et pour des restaurations consciencieuses.
Dans ses mains la nouvelle chapelle dite «Heilig Graf>,
près de Saint-Bavon, est devenue un bijou architecto-
nique, et aucune restauration n'a été effectuée avec plus
de talent et de clairvoyance que celle de la façade sud de
la cathédrale et de ses dépendances.
Les blanches maquettes bientôt légendaires qui depuis
tant d'années se succèdent dans les niches de l'Hôtel-de-
Ville, de temps en temps inspectées par une Commission
royale ou communale ou autre, attestent le désarroi de
l'art de nos grands sculpteurs si artistes, mais parfois peu
entendus en matière d'art monumental. L'une, emphatique
£©élanges.
401
et débordante,s'encadre mal dans son cadre, une autre s'y
cambre avec trop de désinvolture, d'autres paraissent
s'échapper d'un salon ou d'un boudoir. Il y a bien des
années, — c'était, je crois, en 1896 — que ce délicat pro-
blème avait été résolu d'une manière satisfaisante par un
élève de StLuc, le sculpteur A. De Beule, dont les ma-
quettes encore imparfaites au point de vue du caractère
monumental, étaient de grand style tout de même et ont
fait sensation naguère.
Mais revenons à l'exposition des travaux de cette année.
Le « Grand Pri.x > d'architecture se disputait sur un
programme, auquel on reconnaîtra une parfaite moderni-
té, sujet si neuf, que l'on devrait aller bien loin, à Kre-
feld, à Mulhouse ou à Manchester pour en trouver des
modèles ; il s'agissait d'élever sur un terrain de forme
adventice très particulière, une école de tissage.
Les élèves, s'inspirant de constructions très modernes
exécutées à Gand et des leçons techniques reçues à l'É-
cole, ont mis en œuvre tous les procédés les plus nou-
veaux. Le projet de M. Fr. Todt se distingue à ce dernier
point de vue : l'emploi judicieux du ciment armé, l'usage
si indiqué de fermes Raikem bien conditionnées, l'éta-
blissement d'une canalisation d'eau bien comprise, etc.,
le tout expliqué avec intelligence dans un rapport remar-
quable, fait de son projet une conception réalisable.
Toutefois quelques lacunes empêchaient de le consi-
dérer comme une œuvre maîtresse digne de la plus haute
récompense.
Selon l'habitude, le même programme était imposé aux
élèves de la septième année, où le jury s'est trouvé en
présence de compétiteurs nombreux et méritants.
Le premier prix est partagé entre MM. A. Janssens et
Ose. Bernaert.
Nous avons dit qu'on doit rendre à l'École cette justice
qu'elle est de son temps, bien qu'elle s'attache à l'étude
du passé ; elle a comme l'intuition des besoins de notre
époque et de l'avenir. C'est encore, en effet, une louable
préoccupation de modernité dans une œuvre nouvelle,
soumise en toute convenance aux traditions artistiques
locales, qui a dicté le sujet du concours de cette année.
Les étudiants de quatrième année avaient à élever une
maison de campagne. Ici, nous nous trouvons en pré-
sence d'un charmant projet, que plus d'un maître signerait
volontiers. C'est une gracieuse villa conçue par M. Carlos
Thirion : elle est distribuée avec sagesse, d'un pittoresque
piquant, d'une charmante couleur, d'un style bien wallon
coiTime l'auteur.
M. E. Haché n'a pas moins mérité le deuxième prix avec
une composition plus modeste, mais bien jolie, en son style
flamand. Une mention honorable à M. Jos. Van de Velde
qui ne pouvait entrer en lice avec des projets incomplets.
Dans la section de ferronnerie, M. H. Vanderlinden
s'est fait remarquer par une série d'études sérieuses.
Les années inférieures d'architecture témoignent toutes
de cette étonnante intensité de travail, dont l'École
St-Luc a le monopole, grâce à d'excellentes méthodes et
un art singulier d'entraînement. Il faut voir les études
d'après d'anciens monuments, les études de projections
obliques, les analyses des bâtiments et les éléments de
constructions, etc.etc. Impossible de nous y arrêter, sans
abuser de la place qui nous est accordée.
Dans la section de modelage, le concours pour le grand
prix avait pour sujet le rendu, en bas-relief, d'une des sept
œuvres de miséricorde : la visite des malades. M Van de
Capelle présente une intéressante composition qui man-
que toutefois de qualités maîtresses suffisantes requises
par le jury, toujours sévère (on doit l'en louer), pour rem-
porter la glorieuse médaille. Remarqué du même artiste
de charmantes études inspirées de la cathédrale de Reims.
Le même sujet était imposé aux élèves de la septième
année et M. Achille Moortgat a été plus heureux. Le
groupe qui s'empresse autour du malade (parents, amis et
serviteurs), mû en quelque sorte par un même souffle de
charité, s'harmonise à des attitudes concordant à leur
variété ; les figures sont nobles, et le style personnel de
M. Van de Walle a mérité une mention honorable.
Le concours de la sixième année avait pour sujet : 1" le
modelage d'une console .avec figure accroupie et 2" de deux
statues pour être exécutées en pierre. Le résultat obtenu
par les deux concurrents est très satisfaisant : MM. De
Visscher et Geeraert ont emporté un i" prix.
En cinquième année(reproduction de la statue en bronze
de saint François, à la cathédrale de Tolède), les concur-
rents avaient, en outre, à fournir des œuvres purement
décoratives qui, en général, ont été fort bien comprises.
Combien plus difficile (et trop difficile) était un autre
morceau demandé : l'étude d'une de ces bêtes fantastiques
qui habitent les corniches de Notre-Dame de Paris ; une
sorte d'aigle saisissant dans ses serres une grappe de rai-
sin. Il était ardu de donner la vie, le mouvement harmo-
nique à cette chimère.
Il y a aussi des études remarquables dans la quatrième
année. En somme, nous constatons avec plaisir que les
jeunes sculpteurs sont dirigés avec entrain dans la voie
de la sculpture décorative, de manière à devenir des pra-
ticiens habiles et artistes dont nous avons tant besoin.
Encore deux mots des travaux des peintres dont une
grande partie n'a pu être exposée, faute de place à cause
des nouvelles constructions en cours.
Nous remarquons en cinquième année une jolie inter-
prétation de la statue bien connue du saint Hubert, de
Louvain; en quatrième année : un médaillon pour vitrail,
qui représente une figuie du Christ d'après le beau Dieu
d'Amiens.
M. Dua, de la sixième année, fournit une bonne étude
de vitraux, mais oîi les figures sont trop plastiques pour
satisfaire aux exigences décoratives du métier.
Le plus beau morceau de la section de peinture est le
projet de verrière de M. H. Coppejans, qui a remporté
402
îRebue îfe V^xt chrétien.
le Grand Prix. Ce superbe carton représente, dans les
quatre fenêtres de l'ancienne chapelle de l'hospice Sainte-
Catherine h Gand, des épisodes se rattachant h l'histoire
de la sainte et à la fondation de l'hospice.
L. C.
Ecole Saint- Luc de Liège.
Nous lisons dans le Bulletin des métiers d'art.
Exposition des travaux des élèves. Il suffit d'avoir com-
paré l'exposition des travaux de ses cours supérieurs avec
celle des œuvres d'institutions similaires restées fidèles
aux vieilleries trop académiques, pour constater que du
côté de Saint-Luc se révèlent de plus en plus la vie et la
dignité, le travail régulier, persévérant et personnel, l'ori-
ginalité vraie qui résulte de ce travail, et l'alliance heu-
reuse du culte du progrès, et de l'emploi de ses nouveau-
tés avec la fidélité aux meilleures traditions artistiques
et nationales de nos plus habiles devanciers.
Les progrès notables du cours des arts décoratifs con-
tinuent à s'accentuer d'une manière évidente.
Ce qui attire particulièrement le regard, c'est le magni-
fique projet pour la décoration d'une église avec carton
d'exécution d'un groupe représentant la Cène et une
figure de saint Bonaventure en peinture murale faisant
partie de cet excellent projet. Ce travail a valu à l'au-
teur, M. Colpa, la distinction très rare du Grand Prix.
Les cours de mobiliers, de modelage et de ferronnerie
offrent aux visiteurs des projets aussi méritants que nom-
breux.
Signalons, en ferronnerie, les dessins de la première an-
née : torchère, suspension de lanterne, qui ont valu à leurs
auteurs, MM. P. Janss et D. Lahaye, un premier prix.
M. Z. Gobiet expose une copie très heureuse de la char-
mante statue de Notre-Dame de Hal, ainsi qu'une res-
tauration bien réussie d'une noble statue de sainle Cathe-
rine.
En troisième année : M. D. Léonard qui obtient un
premier prix pour ses belles études d'un mobilier complet
de chambre à coucher.
En quatrième, M. L. Doering remporte un premier
prix et M. J. Detilloux un deuxième pour la composition
d'un mobilier complet de salle à manger.
**•
Les travaux du cours d'architecture sont de nature à
soutenir et à relever encore la réputation de l'école.
En huitième année, M. H. Seaux a produit un travail
d'une supériorité marquée, un projet de Palais des Beaux-
Arts. Sur un plan bien combiné, s'élève une riche
façade. Un vrai sentiment artistique, une connaissance
sûre de la construction, un crayon habile, un lavis char-
mant, se révèlent à l'œil le moins exercé.
En sixième année, un projet de « local pour société > a
provoqué de bons travaux. Le premier prix est revenu h
M. J. Ghobert, M. J. Barsin a obtenu le deuxième prix.
— Un projet de « Villa » avec dépendances, faisait
l'objet du concours de la cinquième année. Deux premiers
prix: MM. Clément el Thibeau, deux seconds prix :
MM. Joslet et Wilkin, ont été donnés. Le très agréable
projet de M. Clément d'Oneux nous ofi"re une riante villa,
sagement distribuée, pleine de pittoresque et de couleur.
Le projet de M. Thibeau attire les yeux par la manière
calme dont il est rendu et témoigne d'une connaissance
sûre de la construction. MM. Joslet et Wilkin font augu-
rer des succès pour l'avenir.
Aux élèves de quatrième année était imposé un projet
de < maison de commerce ». MM. Joassart et Thône ont
obtenu le premier prix ; MM. Dehin et Fétu le deuxième
prix.
L'École Saint-Luc de Schaerbeek- Bruxelles.
Pour terminer l'année scolaire, l'école Saint Luc
de Schaarbeek-Bruxelles a exposé des résultats très
au-dessus de la moyenne. Les travaux des élèves de
la section d'architecture dénoncent une rare élite de dé-
butants. L'on sait combien le jury qui circule parmi les
écoles Saint-Luc semble avoir h cœur de se montrer sé-
vère. Il a fallu qu'à Bruxelles il se montrât prodigue de
distinctions, à peine de renier l'esprit d'équité qui, avant
tout, le'gouverne. Le Grand Prix (huitième année) a été
emporté par M. Eug. Hucq, dont les qualités de goût et
de distinction ont déjà été signalées à nos lecteurs. En
septième année (projet d'église) deux premiers prix, chose
peu ordinaire, sont délivrés à MM. Diekschen et Laniy,
et trois seconds : MM. Gustenhoven, Hegendorfer et
Meulepas. En sixième année (local pour une société d'ar-
chitecture) deux premiers prix encore à MM. Gosselin et
Latteur, et un second à M. De Roi. MM. Herinan Lemaire
et Léon Van Criekinge emportent le premier prix en cin-
quième année (couvent), et un projet de maison commu-
nale vaut en quatrième année à MM. Lefeveret Silly le
premier prix encore.
Signalons comme particulièrement remarquable le pro-
jet d'église de M. Diekschen.
Sans être aussi remarquables que la section d'architec-
ture, les classes de décoration sont pourtant fort intéres-
santes, et les classes de principes se montrent pleines
d'ardeur.
^^^^^^^^^^^^^i^^^^ ,^ ,^ ,^ ..^ ,^ ,^ ..^ ^,^ .^ ^ ,^ ,^ .,^ ,^ :^
.3^ ;te
^)^^)^)^^ii^ Corvespcinîiance. '^^m^^m^m^m
h
^^.-w.^.v^^.^ Italie. — — ^-.-v^-—
Blai^BdlIlff : (In tableau B'-flntoncIlo Or SicBiSinf, —
IHes^inC: DrcouOcttc D'une moflaïquc. — Berlin: IXnia^
bleau ne VanOer GOC0. — San JSi'UeiO (Soficane) : "Vol
D'une ocuiDtf De îJobbia. — Floicnce: liée tabernaclea
eut tue; le DaCîD De SHIcbel Hnce; Doutielleo acquieitions
Dea flBufléca ; Un tableau De Kapbaet.
Plaisance. — Un Christ à la colonne.
|E musée civique conservait un Christ à
la colonne qu'on soupçonnait être peint
par Antonello de Messine. Le petit ta-
bleau, — il mesure 0^,38 sur o"i,48 —
était surchargé de vernis ; le conservateur, le pro-
fesseur G. Ferrari, prit le parti de le faire net-
toyer ; alors apparut visiblement l'inscription :
14.7J Antonellns înessaneus me pinxit.
C'est un très bel ouvrage, il était jadis dans la
chambre à coucher du palais que possédait à Plai -
sance le cardinal Alberoni (1664- 1752), ministre
du roi d'Espagne Philippe V. Du palais le ta-
bleau passa au collège Alberoni fondé par le
cardinal et de là au musée civique. Sur aucun in-
ventaire le tableau n'était attribué à Antonello.
Le peintre a signé plusieurs de ses tableaux,
comme il l'a fait sur le Christ à la colonne, mais
on trouve aussi son nom sous d'autres formes.
Antonello Messanensis; Antonellns de Antonio.
Antonio était le père d'Antonello.
Il règne de grandes incertitudes sur la vie du
célèbre peintre de Messine.
Vasari et après lui Siret et MUntz disent
qu'Antonello est resté à Bruges jusqu'après la
mort de J. Van Eyclc, survenue en 1440. C'est
une erieur démontrée à présent: Antonello n'est
arrivé à Hruges qu'après la mort de Van Eyck ;
ce n'est donc pas par ce peintre mais par un
autre flamand qu'il a été initié à la peinture à
l'huile telle qu'elle se pratiquait à Bruges.
Les biographes ne sont d'accord ni sur l'année
de la naissance d'Antonello ni sur celle de sa
mort.
Messine — Dccouverte d'une mosaïque.
Sous une couche de stuc on a trouvé sur l'un
des côtés de l'arc de l'abside du dôme, l'archange
Gabriel à genoux dans l'attitude habituelle de
l'Annonciation ; on s'est assuré que sur l'autre
côté de l'arc existe la Vierge Marie, mais là le
stuc n'a pas encore été levé.
On pense que ces mosaïques ont pour auteur le
peintre mosaïste de Messine Francesco Giuffre,
qui, par un contrat de 1534, s'était engagé à tra-
vailler précisément sur cette partie du Dôme.
Berlin. — Un tableau de Van der Goes.
On sait que l'Italie est le pays qui possède le
plus grand nombre de peintures de Hugo Van
der Goes. Ce nombre était de sept : il vient d'être
diminué d'une unité, le tableau de la Galerie
des Offices de Florence, La Madone, l'Enfant et
sainte Catherine ayant été enlevé à Van der
Goes et donné à de Bles dit Civetta (1480 1521).
En revanche le nombre total des tableaux
de Van der Goes exposés dans les musées a été
augmenté d'une pièce qui a trouvé sa place au
musée de Berlin.
M. Bode, l'éminent directeur, en a fait l'acqui-
sition à la succession de Marie Christine de
Bourbon, veuve de l'infant Don Sébastien, mort
en 1875.
Le tableau a été mis pendant quelque temps
sous les yeux du public de Madrid, mais ne paraît
pas avoir été apprécié : en dernier lieu il était à
Pau.
Il mesure 2'",45 de long sur 0^,97 de haut.
La Madone est à genoux en adoration devant
l'Enfant ; des bergers empressés se précipitent
vers le nouveau-né ; deux prophètes en buste
assistent à la scène d'un air tranquille.
L'acquisition de M. Bode est d'autant plus
précieuse que dans toute l'Allemagne il n'y avait
que deux Van der Goes : Le cardinal Charles de
Bourbon à Nuremberg, et la Madone avec l'En-
fant à Francfort.
San Severo. — Une œuvre robbianesque volée
et retrouvée.
Au mois de janvier dernier, des voleurs péné-
trèrent dans la chapelle de la S. S. Annunziata
annexée à l'église San .Severo à Legri près de
Calenzano, non loin de Florence; ils détachèrent
404
3Rrbue lie r^lrt chrétien»
de la muraille un très important relief des Robbia
et tentèrent de le vendre.
L'ouvrage représente la Déposition du Christ ;
le corps du Rédempteur est soutenu par sainte
Marie Madeleine et saint Jean ; dans le ciel un
chœur d'anges.
Les figures, presque de grandeur réelle, sont
émaillées de blanc et se détachent sur un fond
bleu.
Le cadre est limité par une bordure de fruits,
de feuilles et de fleurs coloriés d'après le naturel.
Sur le soubassement se trouve l'inscription :
O vos onines gui trausitis per viaiii, attendite
et videte si est dolor siait dolor meus.
Pour comprendre le sens de ces paroles il faut
savoir que depuis le XV'= siècle la Déposition
était placée dans un tabernacle situé sur la voie
publique. En 1890, on eut l'idée de la mettre
dans la chapelle, piobablement pour lui assurer
une plus grande sécurité ; cette translation, con-
tre laquelle la population fit entendre de vives
réclamations, fut très probablement la cause du
vol, dont la perpétration assez longue n'aurait pu
s'accomplir en plein air dans une localité fré-
quentée.
Ce qu'il y a de singulier, c'est que ni l'adminis-
tration, ni les photographes professionnels ne
photographièrent une œuvre aussi importante, qui
certainement est ou de Luca délia Robbia ou
d'Andréa.
Le défaut d'une reproduction rendait plus dif-
ficile la tâche de la police ; par hasard une dame
anglaise. Miss Grahame, avait braqué son kodak
sur la Déposition et obtenu une épreuve suffisan-
te qui, dans une certaine mesure, a contribué à la
recherche des voleurs et des receleurs.
La Déposition a été retrouvée et les coupables
voleurs et receleurs, ont été sévèrement con-
damnés.
Florence. — Les Tabernacles sur rue.
Aucune ville d'Italie ne peut rivaliser, même de
loin, avec Florence pour la quantité et la qualité
des tabernacles, lunettes, statues et autres œu-
vres d'art exposés sur les voies publiques à la
vue du passant.
C'est par centaines qu'il faut les compter et
dans le nombre il en est des plus grands artistes
florentins depuis le XIV^ siècle. Malheureuse-
ment, ils sont en général mal entretenus.
L'Association pour la défense de l'ancien Flo-
rence, qui est la Société d'art la plus importante
de Florence, a été saisie par im de ses membres
d'une proposition ayant pour objet la protection
des tabernacles , sous la présidence du prince
Corsini. Le projet a été adopté ('J.
Le David de Michel- Ange. — L'opéra de
Sainte-Marie de la Fleur, la cathédrale de Flo-
rence, confia en 1464 au sculpteur et architecte
Agostino Duccio un bloc de marbre de neuf
brasses de haut (5"\22) pour en tirer une statue
colossale de prophète destinée à la décoration
extérieure du Dôme.
Duccio était connu ; il avait travaillé avec
succès à Venise, Rimini, Pérouse, mais il manqua
le prophète.
L'opéra lui retira )a commande ; c'était assez
dans la coutume du X V« siècle ; Donatello subit
une pareille mésaventure au sanctuaire d'Or San
Michèle ; mais cela ne tirait pas à conséquence,
et Duccio continua à être demandé dans diverses
parties de l'Italie. En 1501, Michel-Ange revint
de Rome à Florence ; ce grand homme, alors âgé
de vingt-quatre ans, avait déjà donné des preuves
de son talent.
L'opéra lui remit le bloc de marbre ; Michel-
Ange se mit à l'œuvre et donna aussitôt des preu-
ves de ce caractère indépendant qui devait le
faire souffrir dans sa longue carrière. .'\u lieu
d'un prophète, il fit un David ; au lieu de placer
la statue à la cathédrale, il obtint de 1h mettre
sur la ringhiera du Palais de la Seigneurie ;
comme argument, il avait dit : David a défendu
le peuple d'Israël, il faut, par cette statue, donner
un avertissement à ceux qui gouvernent Florence
de le faire avec sagesse.
Vers 1846, on aperçut quelques fissures dans
les jambes du David et aussitôt on songea à
conjurer un péril qu'on tenait pour possible.
Divers moyens furent proposés alors et dans
la suite :
I. C'est M. Gerspach qui est l'auteur de la proposition : nous sa-
vions que notre collaborateur s'occupait des tabernacles depuis plu-
sieurs années. Il a lait une communication sur ce sujet au Congrès
des sciences historiques de Rome en 1903. Nous publierons ce tra-
vail.
( i^oif de la Direction.)
Correspondance.
405
Transport du marbre dans un lieu couvert ;
Mise à l'abri en place sous un édicule ;
Remplacement du marbre par le bronze.
Rien ne fut fait, sauf un moulage qui plus tard
servit à la fonte de la statue de la colline de San
Miniato, où elle fait un médiocre effet n'ayant
pas été conçue pour le bronze et pour un pareil
emplacement.
Enfin en 1873 on prit une résolution ferme.
La statue fut transportée dans une salle cons-
truite exprès à la Galerie de peinture de l'Aca-
démie ; on l'entoura des moulages des principaux
ouvrages de Michel-Auge et la localité fut appelée
la Tribune de David..
Le peuple de Florence, et par cela il faut en-
tendre la population entière, fut mécontent de
ne plus avoir sous les yeux, en permanence, son
David.
La place de la Seigneurie souffrit dans son
aspect séculaire, elle parut comme amputée d'ini
organe nécessaire ; j'ai ressenti deux fois une pa-
reille impression ; ici d'abord, puis à Venise, après
l'écroulement du campanile. Le municipe com-
prit la situation et promit qu'une copie en marbre
La Vierge et l'Enfant, par I.uca délia Roodia (1399-1482). Musée national de Florence. (Phot. Alinaki.)
de la statue serait mise à la place de l'original,
mais il ne fît rien.
L'an passé, le cercle d'artistes de Florence
saisit le municipe de justes réclamations ; l'admi-
nistration fit un de ces référendums très en usage
au temps de la République florentine et con-
sulta les diverses Sociétés d'art de la cité ; le
vote fut favorable à une grande majorité.
Une Commission executive fut nommée, et une
souscription est ouverte.
Sans aucun doute elle réussira.
Le decoro publico étant toujours cher aux Flo-
rentins, le David se dressera de nouveau sur la
ringhiera, l'estrade de la façade du Palais d'où la
Seigneurie de la République haranguait le peuple
et proclamait les décrets.
Nouvelles acquisitions des musées de Florence.
Le musée national dit Bargello, déjà si riche
en œuvres de Robbia, a acquis récemment un
bas-relief de Luca (1399-1482) signalé par Vasari
Nous en donnons la reproduction ; il porteles
initiales du pape Martin V, pontificat de 1417 à
1431-
RKVL'tl DE L AKT CMKETIKN.
4o6
B.e\3ue tje rart cljrétien.
La Vierge en adoration, par Filippino Un-, U459 :-50S). ^laleriedes Offices Je Florence. H'huU Aunak,.)
Les personnages sont en couleur blanche sur
un fond bleu. La bordure, selon l'habitude des
Kobbia, est coloriée d'après le naturel.
Ce magnifique ouvrage était placé contre une
propriété particulière dans la rue populeuse de
l'Agnolo, au-dessus d'une porte qui jadis donnait
Correspontiance»
407
accès à un séminaire fondé par le pape Martin V.
Il a subi là quelques dégâts : après quoi il fut re-
couvert d'un réseau métallique. Maintenant il est
à l'abri dans un musée, mais la translation a
trouvé des opposants. Du moment où le relief a
été enlevé de la place pour laquelle Luca l'avait
créé, il eût été préférable, a-t-on dit, de le mettre
dans une église, dans les conditions de hauteur et
d'isolement à peu près semblables à celles de la
Via de l'AgnoIo.
Dins le monde des antiquaires amateurs et des
collectionneurs étrangers, on ne cesse de répéter
qu'il n'y a plus rien à faire en Italie, en fait
d'achats, et cependant les musées ne cessent
d'augmenter leurs collections, à ce point qu'il est
plusjuste de dire que l'Italie est inépuisable.
La galerie djs Offices a eu la bonne fortune
d'acheter une Madone en adoration de Filippino
Lippi (1459 -'-1505) fort peu connue.
Si la reproduction de cette peinture donne une
idée juste de la composition, elle ne peut faire
comprendre le charme et la fraîcheur des colora-
tions. Le ciel est d'un bleu pur qui s'éclaircit à
l'horizon ; le paysage, détaillé avec précision, est
bien celui que nous avons toujours sous les yeux
dans les plaines du Valdarno. Il démontre une
fois di.' plus que les peintres du X V« siècle avaient,
quoiqu'on ne cesse de soutenir le contraire, le
sentiment juste de la nature.
FilippinoLippi a été choisi pour achever, dans la
chapelle Brancacci à l'église Carminé à Florence,
les fresques commencées par Masaccio, et il s'est
montré digne de la mission qui lui fut confiée. Il
a laissé de nombreuses peintures, notamment
X Apparition de la Vierge à saint Bernard à la Ba
dia de Florence délicieux ouvrage bien connu et
apprécié, et la Madone et les Saints dAns la cha
pelle Tanai, à l'église San Spirito, trop négligée
par les visiteurs et dont les importants tableaux
d'autels sont médiocrement soignés.
Dans la cité de Prato, sur une maison lui ap-
partenant, via Margherita, il a peint, en 1498, à
fresque, un tabernacle en plein air : la Vierge
couronnée par les Anges, avec les saints Antoine
et Etienne, et les saintes Marguerite et Cathe-
rine. Cette peinture exquise est laissée dans le
plus déplorable abandon : depuis longtemps déjà
une partie a disparu et malgré les réclamations on
ne se décide pas à la préserver ou à l'enlever, ce
qui est dans le droit incontestable de l'adminis-
tration.
Un tableau de Raphaël? — Le marchand de
tableaux anciens, Cronier, de Londres, prétend
avoir découvert dans une maison particulière, un
tableau de Raphaël représentant la Sainte Fa-
mille avec l'Enfant Jésus dans les bras de sa Mère.
Le tableau est très petit ; il ne mesure que
69 centimètres de long sur 26 de haut.
L'Enfant Jésus aurait des analogies avec l'En-
fant du célèbre tableau La Madone Sixtine con-
servé au mu sée de Dresde.
Voici quelle serait l'histoire de cette peinture.
Elle a été acquise par le roi d'Angleterre
Charles l^'' en 1628 ; vendue par Cromvvell, la
collection royale fut dispersée et le petit tableau
de Raphaël fut acquis pour la galerie royale
d'Espagne. Il y resta jusqu'à l'époque des guerres
de Napoléon ; il fut alors vendu avec d'autres
tableaux de la collection pour subvenir aux frais
des guérillas.
D'Espagne le tableau passa en Angleterre
vers 181 r.
Cromer offre deux mille cinquante francs à
celui qui prouvera que le tableau n'est pas de
Raphaël.
La proposition est singulière !
Jusqu'à présent c'était au propriétaire à dé-
montrer l'authenticité d'un tableau qu'il met en
vente ; de ce que personne, comme c'est probable,
ne relèvera le défî de Cromer, cela ne prouvera
nullement que la peinture est de Raphaël. Et si
par hasard le défi est relevé, quel sera le juge de
la controverse ?
Gerspach.
.^ .^ ■.^% :^ :^ ■.:^. :^ ::^ ^^^^^ ^ ^^. ^. ^. :^ ^ ^ ^^^ ^^ ^ik^^
Trabaujc lies JSociétés saluantes.
^WWWWW^WW^WWWWWWWW^^^fWWWWWWW^
Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres. — Séance du ij Juin iço^. — L'Académie
décerne les prix suivants :
Prix Fould (de la valeur de 5,000 fr. et destiné
à « récompenser le meilleur ouvrage sur l'histoire
des arts du dessin »), partagé ainsi qu'il suit :
2,500 francs à M. G. Durand, pour sa Mono-
graphie lie l'église de Notre-Dame, cathédrale d' A-
vtieiis {') ; 2,500 francs à M. É. Bertaux, pour son
étude: L'Art dans l'Italie méridionale de la fin de
l' Empire romain à la conquête de Charles d'Anjou.
M. D. Serruys signale une source ignorée
jusqu'ici du capitulaire par lequel Charlemagne
s'éleva contre le culte des images et que l'on
désigne communément sous le nom de Libri
Carolini M. Serruys a retrouvé dans un ouvrage
inédit de Nicéphore, patriarche de Constanti-
nople, dont il annonce à l'Académie la publica-
tion prochaine, le texte original grec de certains
témoignages invoqués par le capitulaire. Ces
témoignages sont empruntés à des écrits de
propagande iconoclaste composés à Byzance
au VI II<= siècle. Ils furent sans doute envoyés
en Occident par les empereurs de Byzance
désireux de créer un dissentiment entre Rome
et les Francs sur la question des images, ainsi
qu'ils le tentèrent encore sous Louis le Débon-
naire.
Séance du i^^ juillet. — M. Clermont-Ganneau
annonce la mort, en Syrie, du P. Paul de Saint-
Aignan, archéologue, un des correspondants
les plus zélés de l'Académie.
Sur la proposition de M. Sénart, une somme
supplémentaire de 3,000 francs est accordée sur
la fondation Benoît-Garnier, à M. Dufour, pour
la continuation de ses travaux d'exploration
archéologique en Indo-Chine, et particulièrement
à Angkor.
M. Gauckler annonce à l'Académie qu'il
vient de découvrir à Carthage, comme nous le
disons plus loin en détail (voir la Chronique),
le théâtre romain que l'on croyait détruit et
qui existe, au contraire, tout entier, sous huit
mètres de terre, à cent cinquante mètres au sud
de rOdéon déblayé par lui-même en 1900-1901.
Une tranchée ouverte dans l'axe du monument
a permis à M. Gauckler de reconnaître que l'édi-
fice comportait quatre galeries concentriques
superposées reliées par des escaliers voûtés et
surmontées d'un portique à colonnades.
I. V. Revue de r Art chrilien. Année 1902, p. 70.
Séance du 8 mai. — M. Berger présente une
inscription bilingue punico-lybique qui vient
d'être découverte à Dougga, dans les fouilles
dirigées par M. Gauckler et conduites sur place
par son adjoint, M. Sadoux. Ce texte, d'une
importance capitale pour l'histoire de l'ancienne
Afrique, est la dédicace d'un temple au roi nu-
mide Massinissa, dont il fait connaître la généa-
logie et les nombreux ancêtres rois ou suffètes.
L'inscription se termine par le nom et la gé-
néalogie de l'architecte qui a construit le temple.
M. S. Reinach annonce que l'abbé Arnaud d'A-
gnel vient de découvrir à Cuges (Bouches-du-
Rhône), trois squelettes humains dans une grotte
dite : « Trou des morts ». Les uns et les autres
étaient dans l'attitude accroupie qui caractérise
les plus anciennes inhumations préhistoriques.
Séance du i§ j'uillet. — M. Sénart analyse le
rapport de M. Dufour, délégué de l'Académie à
Angkor, relatif au déblayement du Rayon d'Ang-
kor et Thom, et à la reproduction des sculptures
qui décorent ce monument regardé comme le
chef-d'œuvre de l'art Khur.
M.HomoUe communique une lettre de M. Hol-
laux sur les fouilles de Délos.
Société des Antiquaires de France. —
Séance du 22 jiiin iço^.— M.Marquet de Vasselot
rouvre la discussion soulevée dans une précé-
dente séance sur l'authenticité du portrait en
émail de Jean Fouquet qui appartient au
Louvre.
M. le commandant Mowat fait une communi-
cation sur une inscription grecque disposée en
carré qui se trouve notamment sur un jeton de
cuivre de provenance allemande, datée de 1572.
M. Lafaye communique en y ajoutant des
observations des nouvelles archéologiques en-
voyées de Toulon, par M. Franchi Maulin.
Séance du 2ç juin. — Le Président annonce la
mort de M. Anatole de Barthélémy, membre de
l'Institut, doyen des membres houoraires et
rappelle les services exceptionnels par lui rendus
pendant 60 ans à la Société.
La séance est levée en signe de deuil.
Séance du 6 juillet. — MM. le D'^ Victor Nadet,
André Lemoisne, H. Vasnier et Charles Buttin
sont élus associés correspondants nationaux.
M. Michon entretient la société de différents
objets en argent découverts en 1902 dans la
Géorgie occidentale.
Cratïau;c des ^otitttô 0atïante0.
409
M. Durand Greville fait une communication
sur divers crucifiements des Musées des Offices,
de Berlin, etc., qu'il croit pouvoir attribuer au
peintre Hubert Van Eyck.
M. Chenon présente une peinture en forme de
triptyque provenant d'une église berrichonne et
qui porte la date de 1544- Le centre de la com-
position figure un crucifiement.
Séance du i^ juillet. — M. Ch. Ravaisson Mol-
lien fait une communication sur diverses repro-
ductions de la Joconde ; il croit pouvoir affirmer
qu'on la voit près de Léonard de Vinci, à Suron-
no, dans le Mariage de la Vierge par B. Luini et
montre que sa présence est en rapport avec le
sujet principal de cette fresque.
M. Uimier revient sur la question de la petite
galerie du Louvre.
Î\I, Merlin communique au nom deM.Cagnat
deux inscriptions latines récemment trouvées à
Narbonne.
M. Durand Greville revient sur sa précédente
communication relative à un tableau qu'il avait
attribué à Hubert Van Eyck.
Séance du 20 juillet. — M. Michon lit un mé-
moire sur les trois stèles funéraires de l'ancien
Cabinet de Cardin le Bret, à Donaueschingen.
M. Leprieur revient brièvement sur la question
du diptyque de Melun, par Jean Fouquet, qu'il
a pu examiner depuis la fermeture de l'Exposi-
tion des Primitifs français.
Congrès des Sociétés savantes à la Sor-
bonne. — La section d'archéologie a eu très peu
à s'occuper d'archéologie monumentale, la numis-
matique et la sigillographie ayant, avec l'archéo-
logie préhistorique, presque complètement ab-
sorbé le programme.
Signalons, dans la première séance, la commu-
nication de M. l'abbé Arnaud d'Agnel, sur les
antiquités du musée du Sault ( Vaucluse), tendant
à prouver que les objets de bronze conservés à
ce musée se rattachent à l'industrie du Nord,
tandis que les objets de céramique, de source
grecque, indiquent les relations de la région avec
Massilia.
Dans la seconde séance, citons le mémoire
présenté par M. L. Fevret sur quatre autels ané-
pigraphes découverts à Dole (Jura), et auxquels
on veut attribuer une origine celtique et gallo-
romaine; cette opinion appelle les plus expresses
réserves de MM. Héron de Villefosse et Déche-
lette.
M. L. de Vesly.de Rouen, entretient la section
de la découverte de cachettes monétaires retrou-
vées dans le département de la Seine- Inférieure,
trésor comprenant 872 monnaies de grandbronze,
dont les plus anciennes remontent à Vespasien
et les dernières à Albin.
Dans la cinquième séance, M. E. Bonnet a
donné lecture d'une étude sur les vestiges de
l'architecture carolingienne dans le département
de l'Hérault. Divers auteurs, parmi lesquels
Prosper Mérimée, Jules Renouvier, Revoil et
L. Noguier, ont assigné une date antérieure à
l'an 1000 à toute une série d'églises de ce dépar-
tement, telles que celles de SaintGuilhem-le-
Désert, Loupéan, Quarante, Celleneuve, Espon-
deilhan. M. Bonnet pense, au contraire, qu'il ne
reste presque rien des constructions antérieures
au X« siècle, les caractères architectoniques con-
sidérés comme carolingiens (petit appareil, feuil-
les de fougère, arcatures encorbeliées, pilastres,
dents de scie, absence de transept, cordons de
Charlemagne) se retrouvant dans les monuments
des Xle, Xn« et XHIe siècles. Quant à la porte
principale s'ouvrant sur le côté méridional, la
cause de son existence doit être attribuée au désir
de se garantir des vents violents du Nord-Ouest.
M. Bonnet conclut que, à part quelques sculptures
conservées dans les églises de Saint-Guilhein et
de Sérignan, à part les substructions de la crypte
de la cathédrale de Lodève et peut-être la crypte
semi-circulaire de l'église Sainte- Aphrodise de
Béziers, le département de l'Hérault ne possède
aucun monument de l'époque carolingienne.
Dans cette même séance, M. P. Coquelle, de
la Société des études historiques de Paris, auquel
nous devions déjà une belle étude sur les clochers
romans du Vexin français, offre une étude sur les
portails du Vexin et du Puicerais.
Ces monuments si nombreux et variés de la
partie occidentale de l'Ile-de-France appartien-
nent à deux séries. La plus ancienne, d'art roman
primitif, est composée de portails a deux pieds-
droits unis ou avec une petite imposte avec linteau
souvent renforcé au centre, quelquefois orné de
sculptures, ou encore avec un arc de décharge
très peu saillant sur un tympan uni. La seconde
série, de style roman parvenu à son apogée,
comprend trente- cinq portails qui sont caracté-
risés par un jambage formé de ressauts rectan-
gulaires ornés de colonnettes aux chapiteaux
d'une grande variété. Les voussures sont de sim-
ples tores ou décorées de scènes animées. L'ar-
chivolte est souvent finement sculptée. Le tympan
de Heaulme peut être cité comme étant le plus
curieux (').
I. D'après des notes de M. A. Besnard, dans \ .Architecture.
4IO
3^e\)ue ÎJC V^xt cbvctien.
Congrès de la Sorbonne. — Réunion des
délégués de la Société des Beaux-Arts. Cette réu-
nion a été ouverte le 5 avril dernier par l'allocu-
tion de bienvenue qu'a prononcée M. H. Havard.
La seconde séance a été inaugurée par un dis-
cours de M. Élie Forée, dont nous extrayons quel-
ques considérations intéressantes. L'orateur a
rappelé la série considérable des travaux des ses-
sions précédentes.
Devant cette collection considérable <le documents si
patiemment et si intelligemment amassés par vous, dit-il,
on se prend à regretter qu'une telle initiative n'ait pas été
prise plus tôt. Mais les recherches que vous faites, ces
monographies spéciales, ces analyses approfondies, mé-
ticuleuses sur les points particuliers, ce sont là des études
relativement nouvelles, c'est le résultat d'un esprit cri-
tique nouveau. Nos pères, gardiens si jaloux des traditions
politiques et morales, n'admettaient g' ère la tradition
pour l'art. Toute forme vieillie, démodée et qui n'était
plus en honneur, ne leur semblait pas respectable et
n'était pas par eu.\ respectée : on la dénaturait à plaisir.
on la défigurait =ans scrupule, quand on ne la sacrifiait
pas tout à fait. Constamment, Messieurs, ne vous arrive-
t-il pas de signaler ces évictions barbares qui se multipliè-
rent, très fréquentes, aux XYIl^et XVII I"^ siècles .' L'es-
thétique officielle eût alors volontiers condamnée mort
— et exécuté — le passé glorieux de l'art, je puis dire tout
notre art français :
« N'avez-vous pas remarqué ces points, ces petits or-
nements coupés et sans dessein suivi, enfin tous ces coli-
fichets dont nos vieilles églises sont pleines? Voil,"! en
architecture ce que les antithèses et autres jeux de mots
sont dans l'éloquence. L'architecture grecque est bien
plus simple ; elle n'admet que des ornements maiestueux
et naturels, on n'y voit rien que de grand, de propor-
tionné, de mis en place. Cette architecture qu'on appelle
gothique nous est venue des Arabes. Ces sortes d'esprits...
n'ayant ni règle ni culture, ne pouvaient manquer de se
jeter dans de fausses subtilités ; de là vient ce mauvais
goût en toutes cho=es... Sophistes en raisonnements,
amateurs de colifichets en architecture, inventeurs de
pointe en poésie et en éloquence... Tout cela est du
même génie. >
C'est ainsi que Fénelon, dans le second dialogue sur
l'éloquence, parle de nos merveilleuses cathédrales go-
thiques.
Le temps est loin, où pareil langage pouvait venir sur
les lèvres d'un homme d'esprit.
De même que le poète enchaîne son inspiration .^ un
rythme exigeant et choisit un vocabulaire de métaphores
et de gloses inédites, que le musicien cherche des harmo-
nies et des combinaisons que le temps n'a pas usées et
où brillent l'ardeur et la beauté de la jeunesse: de même
les artistes s'ingénient à vaincre la nature, à l'assujettira
leurs caprices, à n'employer rien de vulgaire ou d'avili.
Idéal différent de celui que nous constations tout à
l'heure, lorsque la foi exaltée du moyen âge ne se servait
que de la pierre et du bois, matières simples et commu-
nes, mais qui étaient ennoblies, réhabilitées par les pro-
portions grandioses de l'architecture, [lar l'effort prodi-
gieux du sculpteur. Ainsi l'art est l'expression suprême
et infiniment variée d'un idéal, variable lui-même et que
chacun de nous porte en soi, et cet idéal n'est en vérité
qu'une sorte d'instinct où l'intelligence n'intervient pas,
où se révèle ime vertu mystérieuse, une forme supérieure
à celle de l'organisme raisonnant. L'iKUvre d'art, par
cela même qu'elle est le prolongement, l'aboutissement
de cet instinct naturel, l'image, pour reprendre les ex-
pressions de Taine, ne doit pas être déviée par l'idée tou-
jours approximative malgré son apparente précision, elle
doit être avant tout une production libre, naïve, sincère,
toute de spontanéité. L'art ne doit pas mentir, il ne peut
mentir qu'en se reniant lui-même. Mais ce reproche on
ne saurait le faire à notre art français. La sincérité est
une de nos qualités natives, caractéristiques. Puisque
nous parlons de nous, laissez moi vous citer encore une
fois, pour terminer, une page de Ruskin qui connaissait
bien la France,rayant parcourue en tous sens et pendant
de longues années. -Son appréciation sera beaucoup plus
intéressante cjue tout ' e que nous pourrions dire de nous-
mêmes, en admettant notre impartialité ;
« La sincérité et la flamme du Franc, il faut que je le
répète avec insistance, car mes plus leunes lecteurs ont
été habitués à penser que les Français sont plus polis
cjue sincères. Ils trouveront, s'ils approfondissent la ma-
tière, que la sincérité seule peut être policée, et que tout
ce que nous reconnaissons de beauté, de délicatesse et de
proportions dans les manières, le langage ou l'architec-
ture des Français vient d'une pure sincéiité de leur na-
ture, que vous sentirez bientôt dans les créatures vivantes
elles-mêmes, si vous les aimez ; et si vous comprenez
sainement jusqu'à leuis pires fautes, vous verrez que
leur Révolution elle-même fut une révolte contre les
mensonges et la révolte de l'amour trahi. Jamais peuple
ne fut si vainement loyal. »
Dans son discours d'ouverture de la séance
du 7 avril, M. H.Stein s'est occupé de l'événement
artistique du jour, l'exposition des « Primitifs »
français. Après avoir rappelé les études remar-
quables de M. P. Mlintz sur l'histoire de la pein-
ture française, il en a lui-même esquissé cette
histoire: en voici la partie principale :
Avant le XI V siècle, les artistes einployés par
les souverains français aux travaux de peinture ne parais-
sent pas avoir reçu la qualification de < peintres du roi »;
du moins aucun texte antérieur à 1304 ne mentionne cet
office, et les comptes royaux, d'une brièveté si désespé-
rante pour tout ce qui concerne les beaux-arts, sont muets
là dessus avant le règne de saint Louis. Assurément ces
peintres étaient chargés comme leurs successeurs du
XIV^^ siècle, de travaux parfois bien secondaires ; ils
décorent des emblèmes et des berceaux royaux, mais on
les voit aussi utiliser leurs talents à des œuvres plus sé-
rieuses et plus durables, par exemple dans les maisons
royales. En dehors d'eux, le hasard a bien révélé quelques
noms d'artistes, la plupart moines ou attachés à des cou-
vents. Vous vous souvenez, Messieurs, de ce contrat passé
vers r.m 1 100 entre un serf pratiquant la peinture, nommé
Foulque, et l'abbé de Saint Aubin d'.Angers, celui-là mê-
me sous l'administration de qui furent élevées les belles
arcades peintes et sculptées découvertes dans un massif
de maçonnerie à la préfecture d'Angers ; le serf s'engage
à faire tous les travaux de peinture dans le monastère, et
en retour on promet divers avantages à l'artiste et à son
fils, à la condition que ce dernier cultivera le même art
que son père au profit du même monastère.
Mais les peintres de cette qualité nous échappent pres-
que tous. Les noms qui ont survécu sont inscrits dans le
DiclinniKiire des artistes frivti;<ii^ de Bérard, auquel il con-
vient de joindre les textes et les listes des Archhjcs de
l'art friin^ais ti des /irclihics historiques et littéraires. Si
vous y ajoutez les noms exhumés par la province, Port
en Anjou, Girardot à Bourges, Grandmaison en Tourai-
ne. Douais en Languedoc, Mai.gnien en Dauphiné, Maxe-
Werly et /acquot en Lorraine, Herluison en Orléanais,
Rondot à Troyes et à Lyon, Dusevct et La Fons-Méli-
Cratîaur îies Sociétés sàMntts.
411
cocq en Picardie, et par vous-mêmes, Messieurs, dans nos
congrès annuels, vous pourrez dresser aisément le bilan
de nos connaissances sur ce point.
Que sont d'ailleurs ces listes en présence de ces monu-
ments d'antan qui attestent la vigueur et le talent de nos
artistes français du moyen âge? Pour l'époque carolin-
gienne, nous avons, à défaut de monuments, des docu-
ments indiscutables : Hincmar faisant décorer la voûte
de la cathédrale de Reims, Charlemagne parlant dans
ses capitiiliiires du soin à donner aux peintures et faisant
représenter ses victoires sur les murs de ses palais impé-
riaux. Plus tard, ce sont de petits traités de l'art de la
miniature que conservent encore nos bibliothèques, c'est
le moine Théophile qui écrit sur l'art roman et la pra-
tique de la peinture un ouvrage devenu classique et de-
meuré célèbre. De ces temps lointains nous possédons
encore, à l'état malheureusement fragmentaire et souvent
remanié, de précieux témoignages de notre peinture na-
tionale. Qui de vous n'a admiré ces peintures murales de
.Saint-.Savin en Poitou, de Germigny-des-Prés en Orléa-
nais, de Saint- Philibert de Tournus, de Notre-Dame de
MontmoriUon, de Ponce en Maine, du Liget en Touraine,
de Saint-Julien de lirioude,de Saint-Quiriace de Provins,
du Puy, de Quevilly, de Saint- Désiré, pour n'en citer que
quelques unes ? Sans fatigue et sans déplacement, vous
avez d'ailleurs un moyen bien simple de faire avec elles
plus ample connaissance : ouvrez le fort bon ouvrage de
Laffillée et Gélis-Didot sur la peinture décorative en
France jusqu'au XVh siècle, oii les reproductions
sont notoirement d'une scrupuleuse fidélité. Vous y verrez
comment dans des scènes telles que le < Massacre des
innocents devant Hérode », « Joseph et M'"" Putiphar»,
1' « Entrée dans Jérusalem », la « Fuite en Egypte >), le
« Couronnement de sainte Catherine », h côté d'étrange-
tés et de maladresses sans nombre, la sincérité du sujet
est rendue avec une éloquence expressive qu i peut soute-
nir toute comparaison avec les primitifs i'aliens et fla-
mands, et qui n'a qu'un défaut, celui d'être insuffisam-
ment connue
Le lendemain la séance s'est ouverte par un di.s-
coiirsde M. A. Boserot.Son discours contient des
conseils pour les ériidits de plus en plus nom-
breux qui présentent des mémoires en Sorbonne.
Il n'y a pas lieu que nous nous y arrêtions. Nous
nous contenterons d'emprunter comme d'habitu-
de le résumé de communication au rapport tou-
jours si intéressant de M. H. Jouin, tout en en re-
tranchant les passages relatifs aux sujets qui sor-
tent de nos cadres. Ce rapport groupe les tra-
vaux selon la branche des arts qu'ils concernent.
Il s'occupe d'abord d'architecture.
On a entendu M. Bourde de la Rogerie, corres-
pondant du ministère à Quimper. Son travail a
pour titre : Notice sjtr un recueil de plans vianus-
crils d'édifices construits par les architectes de la
compagnie de Jésnsi^iôoj-iôjz). C'est un chapitre
à consulter par tous ceux qui voudront parler de
l'architecture française au XVII<^ siècle. La Com-
pagnie de Jésus a compté dans ses rangs de très
nombreux architectes parmi lesquels, plusieurs
se sont acquis, à leur époque, un juste renom.
Notons une note de M. L. Scribe, sur des Mai-
sons de la Renaissance à Roinoratitin. Ces demeu-
res sont peu nombreuses, mais elles ont leur ca-
chet, leur caractère, leur histoire. M. Scribe met
discrètement en lumière les traits caractéristiques
des édifices qui l'occupent.
Peu d'artistes de la Renaissance française sont plus
populaires et moins connus que ne l'est Jean Goujon. Son
nom jouit de toute notoriété. Sa Diane iVAtiel et sa Fon-
taine des Innocents sont célèbres, mais le grand public
s'en tient là,sur le statuaire de Saint-Germain-l'Auxerrois,
du Louvre et d'Écouen. M. Léon de Vesly, correspondant
du Comité à Rouen, a écrit un chapitre imprévu sur
les colonnes de la tribune des orgues de Saint- Maclou.
Les érudits qui avaient lu Deville, savaient l'origine de ces
colonnes. Les comptes du trésor delà fabrique, de 1538 a
1542, publiés par Deville, nomment Jean Goujon, « ar-
chitecteur-juré de la ville de Rouen »,coiTime chargé de
l'exécution des colonnes de .Saint-Maclou, mais personne
encore ne les avait mesurées, analysées, décrites avec
le soin patient que M. de Vesly a voulu mettre à ce tra-
vail. Les colonnes de Saint-Maclou sont de style corin-
thien ; elles posent sur un piédestal en marbre noir ; la
base et le chapiteau sont eu marbre blanc et le fût est
formé de deux parties dont l'une, de 2 mètres, est de mar-
bre noir de Tournai, tandis que l'autre, de i mètre, est
de marbre gris. Jean Goujon, dans cet ouvrage, n'est pas
le disciple soumis des anciens. Le fût est lisse. Les can-
nelures corinthiennes sont volontairement oubliées. Gou-
jon a le dessein de faire œuvre personnelle. Il innove. M.
de Vesly le surprend en flagrant délit d'infractions aux
dimensions admises, aux profils consacrés. Vignole l'eût
taxé de rébellion. Les acanthes de son chapiteau n'ont
rien de classique. Goujon entend se montrer créateur. S'il
a proscrit les cannelures du fût, il dissimule la jonction
des blocs de diverses couleurs par des bagues décorati-
ves de son invention, dans lesquelles entrent des guir-
landes, des perles, des lis de mer avec leurs pétioles. M.
de Vesly est, je crois, le premier qui se soit préoccupé de
ressaisir sur les colonnes de Saint-Maclou les vestiges
presque efTacés de ces ornements : remercions le d'avoir
observé Jean Goujon sous un angle nouveau. C'est Jean
Goujon qui a dit : « Ceux qui n'ont point étudié les scien-
ces ne peuvent faire œuvres dont ils puissent acquérir
guère grande louenge. » M. de Vesly s'est pénétré de
l'effort de l'individualité, du goût de Jean Goujon. Il
ajoute en homme de science et en artiste, à ce qu'on avait
écrit, jusqu'ici sur les colonnes de Saint-Maclou. Goujon
lui-même, s'il était ici, lui décernerait sûrement «grande
louenge ».
Ouvrez vos rangs. Messieurs. Un érudit, M. Montier,
membre de la .Société des Amis des arts de l'Eure, à
Pont Audemer, se joint à vous. Qu'il soit le bienvenu !
M. Montier vous apporte une monographie des Epis du
pré d'Auge et de Manerbe, deux localités normandes qui
relevaient autrefois des généralités de Rouen et d'Alen-
çon. Je ne sais rien d'attachant comme l'étude rétrospec
tive du décor aérien dont s'est occupé votre nouveau con-
frère Quelles recherches n'a-t-il pas faites dans les col-
lections publiques et privées, à Sèvres, à Cluny, à Rouen,
,à Louviers, \ Lisieux, à Bernay, à Orbec, pour composer
sa gerbe, — le ternie est de circonstance, — d'épis fuselés,
en terre vernissée ou en faïence .' C^est une joie pour l'œil
de contempler ces vases allongés, ces tiges élancées que
dominent des fleurs, des sirènes,des oiseaux fantastiques,
tandis que, de l'arête du toit jusqu'au faîte des ornements
sveltes et toujours élégants, se superposent les masques,
les chimères, les enroulements, les fruits, les consoles,
que sais-je? tout ce que peut enfanter une imagination
fertile pour rendre aimable la rigidité d'une ligne verti-
cale. M. Montier a cherché ses modèles du XV" au
XVI lie siècle. Sa moisson est d'une opulence dont il
412
IRebue lie V^vt chrétien.
faut louer le moissonneur, non moins que les maîtres
d'œuvre qui ont conçu ces charmantes aigrettes des édi-
fices construits par nos pères.
On connaît la Tour ronde de Copenhague. M. Scribe,
correspondant du Comité à Romorantin, a voulu nous
faire les honneurs des maisons historiques de sa ville. 11
nous a conduits au Carroi doré, à l'hôtel Saint-Pol, au
château, à la chancellerie. Promenade instructive et
curieuse.
La sculpture a été l'objet de deux études
particulièrement intéressantes pournous.
La patience a des limites. C'est ainsi que Jean de Lou-
hans, l'un des sculpteurs de Brou, s'est lassé du silence
gardé sur ses ouvrages. Il a confié sa peine à M. l'abbé
Brune, correspondant du Comité à Mont sous-Vaudrey,
et celui-ci nous appelle dans l'église d'Arlay, devant un
groupe de V Annonciation. Ce groupe est un fragment de
retable, commandé vers 1530, par Philippe de Vaulchier,
conseiller au parlement de Dôle, et demoiselle Claude de
Clerval. Un historien local, très digne de foi, Abry d'Ar-
cier, a décrit ce retable. Le document ancien sur lequel
s'est appuyé d'Arcier est perdu, mais il n'y a pas lieu de
suspecter la véracité d'un auteur toujours sérieux et qui
avait puisé aux bonnes sources. Ce qu'il rapporte est
d'ailleurs trop en désaccord avec ce que l'on pensait au-
tour de lui, et trop justifié par les découvertes récentes,
pour qu'il ait parlé au hasard. En conséquence, s'il nous
dit positivement « d'après un ancien registre > que le
retable de V Annonciation était « du dessin et de la main
de Jean de Louhans », sculpteur complètement inconnu
au moment où écrivait d'Arcier, nous n'avons qu'à l'en
croire. Le groupe de VAntionciatioti n'est pas intact. 11 a
subi plus d'un outrage. Mais il est d'une lecture assez
claire pour que son auteur nous apparaisse doué d'un
talent réel, en avance sur son époque par une préoccu-
pation visible de l'ampleur des formes, signe précurseur
du XVII' siècle. Louhans est aussi sollicité par les maî-
tres d'Italie. Telle est la double caractéristique de sa
personnalité. M. Brime s'est arrêté devant des statues
anciennes de l'église d'Arlay, au nombre de cinq. II aurait
la tentation très vive d'inscrire sur leur socle le nom de
Jean de Louhans. N'est-ce point aller trop vite ? Ajour-
nons le jugement. A chaque jour suffit sa conquête, et
celle que vient de faire M. l'abbé Brune est de premier
ordre.
Nous devons à. M. l'abbé Langlois, conservateur de la
bibliothèque de Chartres, de curieuses recherches et de
lamentables constatations sur un échange de marbre
opéré pendant la période révolutionnaire. L'échange eut
lieu entre Chartres et Paris ; ce fut Paris qui bénéficia,
s'il est permis de considérer comme un profit les frag-
ments d'un superbe ensemble gratuitement détruit. Ex-
pliquons nous. Le jubé de l'église Saint-Père, reuvre
admirable de François Marchand, dépecé, démoli, fut
troqué contre des bustes d'empereurs romains provenant
de Sceaux. De ces bustes, plusieurs sont .'1 Chartres ;
d'autres achèvent de se détruire dans le jardin de l'école
des Beaux-Arts. Ce n'est pas sur ces marbres mutilés,
rongés, que nous pleurerons ! M. l'abbé Langlois nous
permettra de ne pas faire le voyage de Chartres pour
juger de la valeur ou de l'attrait des têtes frustes dont il
nous a dit l'exode. Triste compensation pour les Char-
trains d'avoir perdu le jubé, qui était la richesse, l'hon-
neur, l'éclat de l'église de Saint-Père, que de se trouver
en face d'antiques ou de copies d'antiques sans rayonne-
ment. Vous attendez de moi quelques paroles sévères h
l'adresse des organisateurs de musées aux heures de Irou-.
ble ! Hélas ! grande est pour eux la tentation de faire
décréter des ruines dont ils recueilleront les épaves. Trop
souvent ils y succombent, mais ne nous hâtons pas de
leur jeter la pierre ; nous n'avons pas été leurs contem-
porains, nous n'avons pas subi l'^mibiance qui les enve-
loppait. Le jubé de François Marchand n'avait pas, il y a
un siècle, l'ampleur, le style, le prix exceptionnel que les
hommes de notre génération attachent h ses reliefs. Les
malédictions tardives tomberaient à faux. Les ignorants
ou les coupables ont disparu.
Sept mémoires ont traité des peintures ; nous
ne nous occuperons que de trois.
On affirme que Monteil, l'historien des Français des
divers Etals, eut la joie d'indiquer à plus d'un gentilhomme
le véritable nom de ses ancêtres. Une pareille tâche est
louable. Elle honore l'homme qui la remplit. Retrouver
un blason, le bien lire et restituer à ses contemporains la
bonne renommée de leurs aïeux, c'est agir noblement.
M. J. Martin, membre de l'académie de Mâcon h Tour-
nus, est de l'école de Monteil. L'église de Varenne-le-
Grand, en Saône-et-Loire, date d'hier. A-t-elle vingt
années ? M. Martin a pensé que la nef trop récente serait
l'objet de comparaisons fâcheuses s'il ne la dotait d'un
passé. Et voilà qu'il décrit amoureusement les fresques
représentant l'une saint .Sébastien, l'autre saint Roch,
qui couvraient les parvis de l'ancienne nef Et M. Martin
rappelle les fléaux qui décimèrent les ancêtres de la po-
pulation de Varennes, la foi naïve et forte de ces ascen-
dants qui ornèrent l'église paroissiale au XVI'= siècle de
peintures curieuses et riches ('). Varennes-le-Grand a
mérité son nom il y a quatre siècles. Par le culte que
rendent ses habitants à leurs devanciers en prenant souci
de leurs sacrifices, Varennes-le-Grand a droit à l'éloge.
L'étude de M. Martin provoquera sans doute l'exécution
de peintures murales destinées à remplacer les fresques
disparues dont il s'est fait l'annaliste.
M. Lorin, correspondant du comité à Rambouillet,
nous introduit chez le comte de La Panouse, au château
historique de Thoiry. Notre guide jouit de la confiance
du châtelain, ce qui lui a permis de compulser les pré
cieuses archives de cette princière demeure. Aussi M
Lorin est-il en mesure de nous donner la teneur du con
trat passé en 1560 par Raoul Moreau, trésorier de l'épar
gne, avec Olivier Vmbert, maître maçon, pour la cons
truction d'un château à Thoiry. Raoul Moreau savai
choisir. 11 ne se trompa point en faisant appel à Ymbert
Quatre ans plus tard, en 1564, il avait un château. La
façade nord de l'édifice actuel est l'œuvre d'Ymbert.
Thoiry devint, en 1604, la propriété de Guillaume de
Marescot, puis de Gilles-Michel de Marescoi, puis de
M'""^ de Vatan, puis de Machault d'.\rnouville, garde des
sceaux sous Louis .\V. Et le domaine de M. de La Pa-
nouse renferme des portraits, des manuscrits, des souve-
nirs de ces illustres personnages, M. Lorin a ouvert devant
nous des lettres de Henri IV, de Louis XV, de d'.-\ngi-
viller, du plus haut intérêt. Les missives de Henri IV ont
trait à Marthe Bossier, la démoniaque de Romorantin.
Mais ce sont les peintures qui nous appellent. Voici
Henri IV et, .sans doute, Marie de Médicis, deux œuvres
attribuées à Pourbus ; un portrait daté de 1693, est dit de
Largillière ; un grand pastel, d'une grâce exquise, repré-
sente les trois enfants de Machault d'Arnouville. M. Lorin
n'a pu déchiffrer le nom de l'artiste. Qu'importe ? Le beau
n'a pas besoin de signature. Le portrait d'Angélique-
Élisabeth-Jeannede Beaussan, épouse de Charles- Henri-
Louis Machault, comte d'Arnouville, décore le grand
salon. Il est l'touvre de l'admirable portraitiste suédois,
le chevalier de Roslin. Je voudrais tout dire. Le temps me
I. L'église de Varennes a été reconstruite, depuis cette décou-
verte, et les fresques sont perdues.
^và\)à\ix Des t)octétés satjantes»
413
presse. Cependant je ne puis omettre de signaler la tapis-
serie qui se déroule joyeusement, sous le regard, dans la
salle à manger de Thoiry.Elle représente Don i2uichotte
dansant .m bal de Don Antonio. C'est l'un des sujets de
la tenture composée par Charles Coypel et qui comporte
six pièces. Les cinq autres sont la propriété du marquis
de Vogiié, membre de l'Académie française, beau frère
du comte de La Panouse. Elles ornent le château du
Peseau, près de Sancerre. La tenture entière fut offerte
par Lnuis XVI à Machault d'Arnouville, en réparation
d'un oubli de Louis XV à l'égard de son ancien garde des
sceaux. Telle est, dans ses lignes essentielles, la mono-
graphie de NL Lorin. Ce travail est digne de toute notre
AWtnùon.U /ninntaite dt's n'chesst-s d'art de la France,
instrument inappréciable d'investigation, de sage critique,
de lumière, dont le marquis de Chennevières, il y a trente
ans, a voulu doter notre pays, ne s'applique qu'aux
œuvres d'art qui ont un caractère de propriété publique.
Combien les historiens de notre art national n'aurontils
pas de gratitude pour les révélations de la richesse pri-
vée ! M. Lorin a ouvert devant vous le « trésor )> de
Thoiry. A l'œuvre, Messieurs ! Ayez à cœur de nous in-
troduire, à votre suite, dans tous les châteaux de l'an-
cienne France.
M. le chanoine Urseau, correspondant du ministère h
Angers, a fait œuvre de critique et d'impartialité dans le
mémoire qu'il est venu lire devant vous. Ce mémoire a
trait au portrait de Louis XI de l'église de Rehuard, en
Anjou. Alors que tant d'autres cèdent h la tentation de
voir un original dans une copie, ÎM Urseau démontre
loyalement qu'une peinture, tenue pour avoir été faite ad
vj-'unt^ n'est qu'une œuvre exécutée posi inorteni. Si
M. Urseau n'était pas Angevin, sa dissertation n'aurait
qu'une valeur de sagacité, mais l'auteur habite la région
où règne encore la légende à laquelle il s'attaque. Il faut
le louer de son courage. C'est Charles VIII qui offrit à
ISehuard le portrait de Louis XI. Sur ce point, nul doute.
Or c'est seulement en 1S39 que s'accrédite l'opinion fau-
tive d'authenticité. Godard-Faultrier émet l'idée ; le baron
de Wismes l'adopte. Ouicherat l'estime fondée. L'erreur
est en marche : elle aura soixante ans de crédit. M. Urseau
a étudié le portrait de Behuard : c'est une œuvre du
XVI« siècle, non du X\'=. Mais notre auteur va plus loin,
l'œuvre qui l'occupe est, d'après lui, la reproduction d'un
portrait de Louis XI par Jean Fouquet, gravé par Morin,
et que l'on retrouve en aquarelle dans le recueil de Gai-
gnières. Certes, voilà des constatations neuves et de pre-
mier ordre. Louis XI ne vint pas moins de six fois en
pèlerinage à Behuard, de 1463 à 1480. Par ordonnance du
30 avril 148 s, c'est encore Louis XI qui accorda aux cha-
noines de Behuard « la grâce, à leur choix, d'un criminel
dans le ressort du duché d'Anjou, le vendredi saint ».
Attentions flatteuses, touchant privilège qui autorisaient
les présomptions en faveur du portrait authentique. M. le
chanoine Urseau voudra se montrer clément envers ses
devanciers. Leur crime n'eut rien de prémédité. L'erreur
étant dissipée, l'honneur est satisfait.
Faisons une digression, et occupons-nous d'or-
fèvrerie, de céramique et de tapisserie.
Décidément, plus une œuvre d'art a de prix par la ma-
tière ouvrée, plus elle risque de devenir vénale. Que vous
a raconté M. Pasquier, correspondant du Comité à Tou-
louse ? Il vous a dit l'humiliation des joyaux, des bijoux,
des pièces d'orfèvrerie léguées par Gaston Phœbus à ses
descendants ! Froissart a peint le faste de ce brillant
capitaine, nommé par Charles V lieutenant général dans
le Languedoc. Il avait une cour. La chasse et la poésie
occupaient ses loisirs. Hélas ! les Grailly, ses héritiers,
connurent la gêne en 1438 et les trésors accumulés à la
cour de Béarn, avant cette date fatale, furent engagés en
échange de 2,000 écus d'or. Res angusta. Les embarras
d'argent suggèrent les expédients de toute nature. Le
chapitre d'histoire qui vous est apporté par M. Pasquier
est instructif, mais ce n'est pas sans quelque tristesse que
nous voyons d'illustres gentilshommes donner en gage
d'une avance de 25,000 francs la « Croix des comtes de
Foix », constellée de 764 pierres précieuses, perles, dia-
mants, émeraudes, saphirs et rubis.
Philippe IV recevant un jour du duc de Médina-Cœli le
tableau des officiers de la couronne, réclama les noms de
ses soldats. « Les officiers, dit-il, ne constituent pas l'ar-
mée, ils n'en sont que la tête. » Ce mot devait être connu
de M. Leymarie, meinbre non résidant du Comité à Limo-
ges. Ses notes sur l'histoire du biscuit ne renferment qu'à
titre exceptionnel des noms d'artistes, tandis que les noms
d'industriels foisonnent sous sa plume bien informée. Le
biscuit est une variété dans la fabrication limousine dont
il convenait de dire la genèse, le développement, la vogue.
M. Leymarie a fixé ces points d'histoire avec siàreté. Et
Limoges doit lui savoir gré de la lumière qu'il a su répan-
dre sur l'une des branches de son industrie céramique.
Philippe IV eût été content de lui. S'il parle de l'état-
major, il n'a pas omis les soldats.
Vous avez entendu M. Parfouru, correspondant du
comité à Rennes. Il vous a dit les négociations du Parle-
ment de Bretagne avec Charles Errard et Antoine de
Biay, deux peintres d'inégale réputation, en vue d'obtenir
des cartons de tentures destinées au palais de justice. Il
vous a parlé de Gabriel et de François Pierron, tapissiers
à Aubusson que M. Perathon, l'historiographe attentif
des manufactuies de cette ville, ne nous avait pas nom-
més. Nous savons par M. Parfouru que le Parlement de
Bretagne fut obéi. Trois pièces de l'hôtel du Parlement
furent garnies de tapisseries murales. Aubusson les avait
livrées à la fin du XVI I« siècle. Elles disparurent cent ans
plus tard. Ironie de l'orgueil de l'homme ! Deux sujets
nous sont connus : la Victoire et la Renommée. Légendes
illusoires ! Vaines allégories I La ruine et l'oubli devaient
planer après un siècle sur les morceaux dispersés de ces
riches tissus. Est-ce la Révolution qu'il faut faire respon-
sable de ces destructions 'i On nous le dit. Je suis perplexe.
M. de Louvois, fils du marquis de Souvré, très jeune et
criblé de dettes, se présente un jour au château de son
père et lui demande de l'argent. Le père refuse et reproche
à son fils de se présenter devant lui avec un frac usé. M. de
Louvois se retire ; or, la chambre qu'd habitait dans le
château paternel était tendue de riches tapisseries. L'une
d'elles représentait ^Irmide et Renaud. La pensée vint au
jeune viveur de se faire un habit de cette tenture. Le
tailleur du village fut son complice et quelques jours plus
tard, Louvois reparut devant le marquis accoutré de la
façon la plus étrange avec la tête d'Armide et des Amours
sur le dos et les basques de son frac. Cette irrévérence le
sauva. Le marquis de Souvré était fier de ses tapisseries.
Il redouta leur destruction totale s'il ne soldait les dettes
de Louvois. M. Parfouru me pardonnera d'avoir rappelé
ce trait. Ce n'est pas sans tristesse que j'évoque un pareil
souvenir. A toute époque et de toutes mains les tissus
précieux ont souffert ! Lorsqu'on n'en a pas fait des fracs,
on les a dépecés en carpettes. Ne nous étonnons pas de
la disparition de tentures que le Parlement fit exécuter il
y a plus de deux siècles.
L'homme est un être enseigné. Avant de patler des
maîtres, donnons place dans notre travail aux éducateurs
et aux foyers d'étude.
Jules Janin, qui ne signa jamais une œuvre de longue
haleine, a donné de l'historien cette définition mélanco-
lique : < L'historien est un malheureux attaché à une
glèbe savante dont la moisson fuit toujours. > Parole dé-
cevante et sans justesse. Qu'en pense M. Léon Charvet,
414
3Rel)uc tie T^rt cf)vctteu.
membre non résidant du Comité à Paris, qui s'est fait
l'historiographe de tant d'artistes de mérite, et l'historien
de \' Enseii^nement public des arts du dessin à Lyon ? S'est-
il estimé malheureux? Je ne le crois pas. La glèbe savante
à laquelle il s'est attaché lui a-telle refusé les moissons ?
Que non pas 1 Vous avez suivi M. Charvet dans son clair
tableau de l'enseignement du dessin, de 1756 h 1763, au
congrès de 1903. L'exposé que vous présente l'auteur en
1904 embrasse la tin du W 1 1 1' siècle. Avec quelle aisance
et quelle netteté de vues M.' Charvet ne nous a-t-il pas
montré la répercussion de l'enseignement de l'art sur les
fabriques lyonnaises ! Entreprises généreuses, luttes, in-
succès, triomphes, tout ce qui caractérise une mêlée
hardie, tout ce qui se dégage de la bataille pacific|ue des
idées, dans une grande cité, est observé, recueilli et mis
en lumière avec sobriété et conscience par M. Charvet.
Les historiens futurs de la ville de Lyon seront incom-
plets s'ils n'ont pas lu M. Charvet et ne se sont pas péné-
trés de ses écrits.
Voici maintenant des artistes anciens qui se
présentent par groupes. MM. Benêt, Veuclin,
Jadart, Louis de Grandmaison, Requin et 15ourde
de la Rogerie sont leurs parents.
M. Benêt, membre non résidant du Comité à Caen,vous
a présenté le fruit de ses découvertes dans les riches ar-
chives du duché d'Harcourt. Combien précieuse a été sa
récolte ! Les premiers épis sont de 13906! les derniers de
1785. Cinq siècles parcourus par un investigateur sagace,
au milieu de pièces révélatrices ! 0"^"^ )"'f> Messieurs,
pour un homme justement épris d'inédit de lier ses gerbes
dans un champ de toute fertilité. Guillaume Brodon,
Nicolas Lefeye, Salomon Lambert, Cafifieri reçoivent de
la main de M. Benêt un surcroit de renommée, si même
ils ne lui sont pas redevables de sortir des ténèbres. Nous
ne pouvions nous défendre, en face des pages concises,
remplies de sève, tracées par votre confrèm sur les artistes
et artisans aux gages des d'Harcourt, de nous souvenir du
trait raconté par Saint-Simon, au sujet du maréchal
d'Harcourt, mort en 17 18, à cinquante-cinq ans. La maladie
lui avait enlevé la parole et il était réduit << à marquer
avec une baguette les lettres d'un grand alphabet, placé
devant lui, qu'un secrétaire, toujours au guet, écrivait à
mesure et réduisait en mots ». La baguette de M. Benêt,
comme celle du maréchal, a marqué dans l'amoncellement
de pièces mises à sa discrétion, les « lettres > instructives
qui, désormais, seront des preuves pour les historiens de
l'art.
M. Veuclin, correspondant du comité à Mesnil-sur-
l'Estrée, n'y met aucune morgue, et l'exemple qu'il donne
mérite d'être cité. Sous le titre ; Artistes normands, votre
confrère a groupé les noms de cent quatre-vingt-six artis-
tes de sa région. Tous ne sont pas des maîtres, et M. Veu-
clin, avec un bon vouloir trop rare chez les écrivains,
nous permet d'exclure de son panthéon les personnages
qui n'auraient pas la taille réglementaire. Usons de ce
droit, avec discrétion cependant. Passons sous silence les
peintres doreurs, les fondeurs de cloches, les serruriers,
les horlogers ; le dénombrement fait par M. Veuclin se
trouvera diminué de cinquante noms, mais, du moins,
peintres, sculpteurs, architectes, tapissiers, graveurs et
musiciens se sentiront-ils plus à l'aise dans le salon réduit
où les a réunis votre confrère. Certains d'entre eux méri-
tent qu'on engage la conversation avec eux. Ils ont de
l'allure, quelques parchemins, je veux dire des titres basés
sur leur talent. Leurs ouvrages ne sauraient être passés
sous silence sans quelque injustice.
M. Henri Jadart, membre non résidant du Comité à
Reims, a maintes fois parlé devant vous, avec l'autorité
de son savoir, de maîtres célèbres issus de sa région.
Aujourd'hui, M. Jadart se plaît .1 vous présenter des artis-
tes qu'il qualifie d'inconnus. Modestie excessive ou incons-
ciente ironie ! Inconnus, les potiers d'étain, fondeurs de
cuivre, peintres, peintres verriers, imagiers et musiciens
dont M. Jadart s'est fait l'introducteur dans ce congrès?
Mais leurs noms désormais vous seront familiers, leurs
œuvres vous ont été révélées, leurs habitudes, leurs
mœurs, leur caractère n'ont plus rien de caché pour vous.
M. Jadart a compulsé les archives les plus diverses et
reconstitué un passé plein d'ombre avec une netteté, une
précision de détails qui lui font honneur. Gare aux fon-
deurs de cloches en l'an de grâce 1904 Je crains pour eux
bien des mécomptes si les organistes de la cathédrale et
de Saint-Hilaire de Reims, s'autorisant d'un précédent
établi en 1667, s'avisent d'aller vérifier — avec droit de
veto — les cloches qui sortent des fonderies. Les juges
s'entendront-ils ? Seront-ils d'accord sur le ton dans lequel
devra se maintenir le métal sonore? Quel diapason récla-
ineront ces deux augures? S'ils ne s'entendent pas, le
fondeur aura la ressource de ne pas les entendre : il lui
suffira de mettre ses cloches en branle ! M. Jadart ne
nous dit pas si les fondeurs d'autrefois, en butte aux
tracasseries des organistes, ont usé du stratagème.
L'empereur Paul !■" avait de ces boutades. S'il rencon-
trait un soldat de son armée qui lui pICu, il l'appelait lieu-
tenant, puis capitaine, puis commandant et, à la fin de
l'entretien, notre homme était colonel. Le grade était
acquis. Quand M. Louis de Grandmaison, correspondant
du comité à Tours, donne place dans ses écrits à quelque
artiste d'autrefois, il lui confère des titres de noblesse et
des armoiries. Titres et blasons demeurent acquis. J'en-
tends bien ce que l'on chuchote. C'est que M. de Grand-
maison choisit ses hôtes et ne les invite qu'à bon escient.
11 s'est assuré d'avance que les artistes dont il s'entoure
sont nantis de parchemins. Je le veux bien, mais qui de
nous était renseigné ? Votre confrère a toutes les appa-
rences d'un souverain qui confère des dignités aux plus
éminents de ses sujets. Éminents, ils le sont tous, .\ des
degrés différents sans doute, mais dans une mesure hono-
rable. Tels Germain Pilon, Martin Freminet, Claude
Deruet, Jacques Stella, Charles Le Brun, Mathieu Le
Nain, Pierre Mignard, Gérard Edelinck, Antoine Coypel,
Kigaud, Wleughels, de Troy, les Van Loo, Natoire,
Cochin, Rameau, Francœur, Pigalle, Vien, Guido Paga-
nino et d'autres encore, car ils sont soixante-dix. En 1903,
ils étaient soixante. La belle chambrée de dignitaires.
Les croix étincellent, les moires chatoient sous le regard.
M. de Grandmaison se connaît en brillants cortèges. De
quels maîtres se réclamera-t il auprès de vous en 1905 ?
Certains d'entre vous. Messieurs, sont infatigables.
Dieu veuille que leur belle vaillance soit contagieuse !
M. le chanoine Requin, membre non résidant du comité
h Avignon, ne soupçonne pas le repos. A peine a-t-il
publié sa grande monographie de la faïence de Mous-
tiers qu'il se replonge dans l'aride lecture des pièces nota-
riales de sa région. Aride, c'est moi qui le suppose, mais
pour M. Requin, la lecture d'une pièce inédite a toujours
une grande saveur. Quoi de surprenant à cet état d'âme?
M. Rec|uin ne cherche jamais en vain. Cette fois encore,
il a fait émerger deux artistes, le sculpteur Audinet .Ste-
phani et le peintre Henri Guigonis, Audinet Stephani ou
Etienne, vit à Aix au -W" siècle. Le roi René l'a-t-il em-
ployé ? C'est chose probable, mais non prouvée. On suit
la trace de Stephani de 1448 à 1476. Il travaille pour les
Frères prêcheurs. Les sieurs Domandi, Léalcort, Ray-
mond Puget s'adressent à lui. C'est à Raymond Puget
qu'il est redevable de la commande du monument du
Saint-Pilon, encore existant sur la route de Saint-Maximin
h Saint Zacharie, qui consiste en un haut pilier que sur-
Crat)aU;C hts ^octétcs 0at)aiites.
4'5
montent quatre anges élevant vers le ciel la double statue
de sainte Marie-Madeleine. L'œuvre est mutilée. Elle est
fruste, mais lisible encore dans ses saillies, et ce qu'on en
peut lire témoigne du style sobre de Stéphani. Je m'at-
tarde, et le peintre Guigonis s'impatiente. Henri Guij^onis,
originaire du diocèse de Genève, est fixé dans la ville des
papes en 1526. Il mourra eu 1532. M. Requin a retrouvé
la mention d'importantes commandes faites à Guiyonis.
Oii sont les œuvres exécutées par le peintre en vertu de
ces contrats ? Votre confrère ne peut le dire et son désap-
pointement lui était cruel lorsque, fortuitement, des volets
de triptyque, signés de (îuigonis, se sont révélés à M. Re-
quin. Partageons sa joie. V,\l/i>ionLiatio)i, la A'aliviU\
VAiior.ilion i/cs Bers;er.':, \' Ailoralion des Ma^es sont des
pages curieuses dans les(|uelles tonte personnalité n'est
pas absente. De qui ("migonis est-il fils, lorsqu'il tient le
pinceau ? Attendons, pour le diie avec quelque assurance,
que les Primitifs français nous soient moins étrangers.
Il n'est pas de bon testament sans codicille. M. Bourde
de la Rogerie, correspondant du ministère à Quimper,
s'est souvenu du testament d'Adolphe Lance, Dictionnaire
lies architectes (ranimais, et il y ajoute un codicille. A la
vérité, ce codicille est quelque peu spécial. Il a trait aux
architectes de la Compagnie de lésus qui, de 1607 à 1672,
ont construit des églises ou des châteiux. Nous sommes
tous d'accord sur les lacunes du style jésuite, mais l'his-
toire est l'histoire. Elle ne choisit pas. Elle cherche, dé-
couvre et enregistre. L'histoire ne doit rien omettre.
M. Bourde de la Kogene apporte une contribution bien
inattendue au tableau de l'architecture française au
.W II' siècle. Si son étude lue à cette tribune ne constitue
pas un chapitre entier dans le livre de demain, elle four-
nira du moins le texte d'un commentaire, d'une note
développée. Admettons Mansart et Claude Perrault dans
le chapitre, il y aura placo pour Martellange et Turmel
dans la note.
Patience, Messieurs, ie n'ai plus à parler que de sept
portraits signés par .MM. de Longuemare, Pellot, Clauzel,
Ponsonailhe, Quarré Reybourbon, Guillibert et Deli-
gnières.
Un architecte Oratorien, le Père Abel de Sainte-
Marthe, revit sous la plume de M. Paul de Longuemare,
correspondant du comité à Caen, M. de Longuemare suit
l'artiste il Saumur oii il parait avoir dirigé les travaux de
la grande rotonde de Notre-Dame des Ardilliers. Cette
partie de l'édifice, résolue en 1655, n'aurait été terminée
qu'en 1690, sinon plus tard, mais le Père de Sainte-
Marthe ne décède qu'en 1697. Rien ne s'oppose à ce qu'il
ait surveillé la construction du dôme des Ardilliers. Les
Oratoriens ayant élu .Abel de Sainte-Marthe leur supérieur
général, en 1669,11 usa de l'autorité que lui conférait cette
haute magistrature pour exercer son art à Juilly, à Auber-
villiers, à Paris, où il enrichit l'église de l'Oratoire du
faubourg Saint Honoré. Le digne religieux disposait de
quelques revenus et il concourut de ses deniers à l'exécu-
tion d'un tabernacle en forme de dôme, dans l'église de
son Ordre à Paris, mais c'est avant tout à Notie-Dame
des .Ardilliers de Saumur qu'est attaché le souvenir
d'.Abel de Sainte-Marthe, et cette église, on le sait, est
l'un des types les plus célèbres de l'architecture religieuse
du XV'II" siècle. Riclielieu et Sainte-Marthe doivent être
nommés lorsqu'on traite de ce monument.
Gérard Aubry frappe à la porte. C'est un peintre. 11
.«.erait Champenois. Ouvrons lui. M. Pellot, archiviste
bibliothécaire à Rethel, est son introducteur. Qu'ils soient
les bienvenus. Aubry piend le titre de «. peintre ordinaire
de la reine >. Nous sommes à l'époque de Marie de Mé-
dicis. Ce patronage est de bon augure. Marie de Médicis
donnait sa confiance à bon escient. Elle ne recherchait
pas les médiocres. Rubens fut aussi son peintre. Aubry
serait-il de même envergure.' Nous n'osons l'espérer.
Aubry se réclamait d'une peintuie conservée au musée de
Reims. M. Pellot conteste l'authenticité de l'attribution.
Aubry est dit « bourgeois de Paris > en 1602, mais M. Pel-
lot suit sa trace dans le canton de Fismes, près Reims,
de r6o8 à 1610. Où placerson berceau.'' A Paris, à Fistnes,
à Mont-sur-Courville .'' M. Pellot nous invite aux recher-
ches sur Aubry. Ce qu'il apporte au congrès de 1904 n'est
qu'un jalon. A l'oeuvre, Messieurs, secondez M. Pellot et
découvrez des toiles indiscutables de ce nouveau peintre
de Marie de Médicis.
M. Charles Ponsonailhe, correspondant du Comité à
liéziers, l'historien de Sébastien Bourdon, aurait pu inti-
tuler le mémoire qu'il vous a lu : « Autour d'un soufflet. >
C'est, en effet, un soufflet appliqué par l'irascible Bourdon
sur la joue de son compatriote Boissière, qui sert de pré-
lude au récit de M. Ponsonailhe. Le fait se passe en 165S.
Bourdon est recteur de l'Académie de peinture de Paris ;
Boissière appartient h la jurande de Saint-Luc à Mont-
pellier. Là, comme ailleurs, académiciens et jures étaient
irréconciliables. La cause du soufflet fut une critique, sans
doute trop verte, du tableau la Cliute de Simon le .\fagi-
lieii, exposé par Bourdon. Les conséquences ? Un procès,
la fuite nocturne de Bourdon et vingt années de retard
dans la fondation de l'académie de Montpellier. Tout cela
est fort grave, mais ce qu'il faut déplorer par-dessus tout,
c'est la notoriété que valut h Boissière le soufflet retentis-
sant dont l'avait gratifié Bourdon. Ses œuvres manquent
de caractère. Boissière a bénéficié d'un acte de violence.
Cet acte l'a sauvé de l'oubli, mais h chercher ce que valut
Boissière, M. Ponsonailhe a découvert que Boissière avait
une sœur aînée, mariée en 1630, à un peintre flamand du
nom de Jean Zueil qui, en 1647, est en vogue à Montpel-
lier. II travaille pour les consuls. Il est l'artisan le plus
qualifié des fêtes, des entrées, des représentations de gala.
Jean Zueil se fait naturaliser Français et prend le nom de
maitre François. C'est Jean Zueil qui a formé Boissière,
mais c'est aussi Jean Zueil qui a instruit Hyacinthe Ri-
gaud. Le disciple grandit le maître. Zueil a produit de
bous ouvrages. La plupart ont disparu ; les autres sont
attribués à des peintres de marque. Zueil n'a pas reçu de
la postérité le renom qui lui était dû. M. Ponsonailhe
remet les choses au point. La vivacité de Bourdon nous
incline à l'indulgence. Il a eu, somme toute, la main heu-
reuse. A quelque chose soufflet est bon.
Jp l'ai vu, dis-je, vu, ce qui s'appelle vu !
Un dernier mot. Messieurs, et votre session aura pris fin.
En l'année 173 1, Fontenelle, delà septuagénaire, fut
pris à partie par son confrère l'académicien Houdar de
La Motte. < Fontenelle vieillit, disait La Motte, il n'écrit
plus que des billets ! » Et P^onteuelle de répondre : « La
Motte vieillit comme moi, d'un jour par vingt-quatre
heures, mais il devient prolixe. Ses moindres lettres ont
quatre pages ! Un billet se lit, se relit et parfois se retient.
Une longue épitre se déplie, mais on ne la lit pas. » L'ai-
mable et fin vieillard ajoutait : < Ma devise est Rien de
trop .' J'essaie d'y être fidèle. > P'ontenelle se tint parole,
et, devenu centenaire, l'excellent homme se laissa mourir,
estimant sans doute qu'un siècle d'existence est ime lon-
gévité suffisante, au delà de laquelle il y aurait excès.
Comité des travaux historiques. — M. La-
lande fournit une note sur le baptistère de
Venasque(Vaucluse), queMéiiméecroyaitdu XI'
siècle. M. Lalande opine pour le VI=, mais M. de
I.asteyrie fait des réserves à ce sujet. L'édifice,
4i6
ISitWt be V^n chxititn.
en tous cas, paraît antérieur à l'époque romane
proprement dite.
Le R. P. Germer Durand fournit un important
rapport sur l'exploration faite en 1903 de la voie
romaine entre Amman et Bostra (Arabie), voie
construite par Trajan. Le savant explorateur
reproduit les curieuses ruines de la citadelle de
Philadelphie (Syrie), la mosquée, les restes d'un
temple de l'époque des Antonins, les ruines du
théâtre romain, de la porte romaine et de la
mosquée de Bostra.
M. A. Vidal étudie un primitif italien (retable
en triptyque) conservé à la cathédrale d'Albi.
Ce rare morceau se trouve signé et daté : P. A.
Agusti, 1 345 ; mais cette signature est-elle authen-
tique ? C'est chose si rare qu'elle demande véri-
fication.
M. A. Philippe communique le marché conclu
pour la construction de la porte d'Aiguepasses à
Mende (1436;, et M. F. Villepelet, l'inventaire
du trésor de la collégiale de Saint- Front de
Périgueux en 1552.
Signalons spécialement un mémoire de M. S.
Macary sur l'orfèvrerie à Toulouse aux X V^ et
XVIe siècles.d'après des documents d'archives; ce
mémoire fait connaître la corporation des Argen-
tarii et aityifal>n\ \eurs membres et leurs œuvres
décrites dans les « baux à besogne ».
Société archéologique du midi de la
France 1903. — Le baron Desazars de Mont-
Gaillard a étudié les célèbres miniatures des
archives municipales de Toulouse qui illustrent
douze volumes des Anvales locales si tristement
mutilées à la Révolution. A la suite de la loi
de 1792 prescrivant la destruction de tous les
signes de l'ancien régime, on brûla sur l'autel de
la patrie les portraits des Capitaines, et les feuil-
lets qui les contenaient furent arrachés des regis-
tres. Ceux-ci restent encore un des plus curieux
recueils héraldiques, artistiques et paléographi-
ques de France.
La Société a porté sa sollicitude sur les travaux
de restauration de la cathédrale d'Albi. Elle
déplorelasuppressiondes balustrades couronnant
les murs extérieurs. M. Marc Gaïda a restauré
habilement les peintures murales des chapelles
de St-Michel,de St-Christophe et de St-Sébas-
tien ; sur les avis de la Société Toulousaine, il s'est
abstenu de remettre sur les socles des anges les
noms apocryphes qu'y avait inscrits la renais-
sance. L'appréciation du rapporteur, M. le baron
de Rivière, est celle-ci : La partie picturale ne
mérite que des éloges, tandis que la partie archi-
tecturale est une insulte au sens commun.
M. de Labordes a fourni la description de trois
pierres tumulaires d'abbés de Saint-Sernin, dont
deux à effigies ; le même archéologue fait connaî-
tre un document attestant la consécration faite en
1 592 de l'église de Saint-Etienne de Toulouse. M.
l'abbé J. Lestrade fournit un inventaire de l'église
de Saint-Rome datée de 1608. M. l'abbé Degest
présente une note sur l'origine de la Vierge, nom-
mée de la Daurade (XVI'= s), œuvre de Magister
Rainaud.
Congrès archéologique de Mons. — La
Fédération des sociétés d'archéologie de Belgique
a fait cette année une série d'excursions dans
la province de Hainaut. — Les savants versés
dans les études préhistoriques ont visité sous
la conduite de MM. Rutot et Hublard les gise-
ments remarquables de Spiennes, où l'on vient,
paraît-il, de découvrir une couche de terrain
inconnue jusqu'ici, à la base du crétacé; on leur a
montré la très curieuse station de l'époque
néolithique, naguère trouvée par le prof. Cornet
sur la plateforme du fameux « caillou qui bi-
que » d'Angers, etc..
Les membres du Congrès ont fait un pèleri-
nage à la cité romaine de Bavai. Là se voit une
enceinte fortifiée flanquée de tours, dont l'exté-
rieur remblayé recèle des vestiges gallo-romains
encore inexplorés. On a découvert récemment
dans cette localité un important hypocauste,
ailleurs des murs souterrains décorés de niches,
où l'on a cru voir des niches de colombaire (.'),
Les amateurs d'antiquités médiévales se sont
surtout intéressés, d'abord aux derniers vestiges
de l'abbaye de Cambron. Dans le parc superbe
du comte du Val de Beaulieu, un escalier colossal,
d'environ 10 mètres d'enroulement, mène en trois
volées les visiteurs aux pieds de la tour cons-
truite par Dewetz, au XVI 11"= siècle, entête de
l'église gothique primaire qu'a abattue la Révo-
lution, et dont il ne reste qu'une colonne et un
pan de mur percé d'enfeus où l'on voit de
superbes tombeaux gothiques en voie de périr
lentement. Il est urgent que l'État belge les
sauve en les achetant pour ses musées. Au che-
vet des gisants l'on voit des bas-reliefs où l'àme
du défunt se voit portée dans le sein d'Abraham.
En contrebas de l'église, à son flanc S.-O.,
s'étend encore une belle salle gothique, 390 arcs
de croisées d'ogives de la toute première époque ;
sans doute une partie du doiiius conversorum de
l'ancienne abbaye cistercienne. On y trouve de
remarquables sculptures, notanunent deux gi-
sants du .XII h" siècle, analogues à ceux de
même provenance qu'a recueillis le musée ar-
chéologique de Mons. Notons de beaux claveaux
de nervures en terre cuite, qu'on s'étonne de
rencontrer en cette région.
De Cambron le Congrès a fait visite à l'inté-
t!Drat)au;c des Sociétés satjantes.
417
ressantecoUection d'antiquités réunies par le vail-
lant et intelligent chercheur qu'est M. l'abbé
Puissant. Il a exposé ces objets dans des balcons
de médiévale allure, groupés autour d'un vieux
donjon, dernier reste de l'important château
d'Herchies, et qu'il a élevés sur les anciens murs
du manoir, de façon à en rétablir aux yeux toute
la topographie. M. Puissant a reçu les éloges bien
mérités des congressistes.
Une autre excursion a eu pour objectif les
ruines du palais princier de Marguerite de Hon-
grie, qui agrémentent la superbe propriété de
M. Waroqué. M. Waroqué a réuni dans un musée
des plus remarquables une série d'antiquités de
tout premier ordre appartenant à l'art grec et
romain ; tout ce qu'on voit dans le « temple »
qu'il a érigé ferait très belle figure au Louvre.
La dernière excursion eut lieu dans la char-
mante vallée de la Sambre, à la vieille église de
Lobbes, à la pittoresque ville de Thuin, et à
l'abbaj-e d'Aulne, où s'achèvent les travaux de
restauration ou plutôt de sauvetage et de conso-
lidation des ruines. — Les excursionnistes les ont
visitées sous la direction du secrétaire de La
Revue de l' Art clirétien.
Nous reproduisons ci-après l'intéressante con-
férence qui a été donnée aux congressistes
par M. l.efebre-Pontalis, directeur de la Société
française d'Archéologie, sur les origines de l'ar-
chitecture gothique dans le Nord de la France.
Conférence faite par M. Lefevre-Ponta-
lis au Congres de Mars, en 1904, sur les
Origines de rarchitecttire gothique dans le Nord de
la France.
Le conférencier commence par signaler l'erreur com-
mise par les archéologues en appliquant le terme à!ogive
à l'arc brisé.
Une voûte ogivale, une croisée d'ogives est une voûte
établie sur deux nervures diagonales ; on trouve dans un
compte de 1399, le mot de augif, arc aitoif, employé dans
ce sens ; il vient du latin aiigere, augmenter ; la voûte
d'arêtes romane fut en efifet alors augmentée de ner-
vures.
M. Lefevre-Pontalis demande aux archéologues de
ne plus appliquer le mot ogive au cintre brisé ; car si cette
erreur persiste, il subsiste une fâcheuse équivoque, et il
ne reste plus aucun terme pour désigner la vraie ogive.
Il se demande ensuite où il faut chercher les plus an-
ciennes voûtes d'ogives. On rencontre les nervures
diagonales aux voûtes de St-Ambroise à Milan, que de
Dartein date du IX- siècle ; mais Cattaneo a prouvé que
le gros œuvre de St-.Ambroise est du XI I' siècle et on
voit des croisées d'ogives à St-Pierre in Ciel d'Oro de
Pavie, à Darmstadt, à Salamanque, toutes de la même
époque. M. Bilson croit en avoir rencontré d'antérieures
à Durham, mais le fait a été contesté par M. de Lasteyrie.
— M. Lefevre-Pontalis croit qu'on n'a trouvé aucune
croisée d'ogives antérieure au XI I" siècle, et que les plus
anciennes se rencontrent en France.
Qu'est-ce qui en a donné l'idée? Quicherat, dès 18501
avait interprété dans le sens d'une voûte d'ogive, le catjcer
dont il est question dans un texte relatif au phare d'Alex-
andrie. D'un autre côté, il avait signalé l'analogie avec
les arcs augifs, des nerfs diagonau.x que constituent les
arcs noyés dans les voûtes d'arêtes romaines; Viollet-
le-Duc a cru l'ogive originaire de Syrie; Corroyer a vu
dans les pendentifs des coupoles périgourdines l'œuf
. d'où est sortie l'ogive, telle qu'elle fut appliquée en 1150
aux voûtes d'arêtes domicales de la cathédrale d'Angers.
En réalité c'est dans l'Oise et la Somme qu'il faut
chercher le berceau de la voûte d'ogives.
On en trouve cependant des ambrions en Poitou, dans
la rotonde de Quimperlé, dont la partie centrale offre une
voûte d'ogives a larges claveaux carrés : les absides des
croisillons de la cathédrale de Tournai ont des sortes de
nervures analogues, larges et plates. Il y a encore de ces
larges nervures à vives arêtes carrées à St-Victor de Mar-
seille ; et au premier étage du porche de Moissac on voit
une voûte à 12 nervures; M. Brutails pense qu'elles sont
postérieures à l'an 1100. Citons encore celles de St-Gau-
dens de Toulouse et celles de St- Gilles, que M. de Lastey-
rie considère comme postérieures à 1142.
Les plus anciennes ogives de Poitou sont celles de
Jazeneuil, de Lusignan, où apparaît la nervure à boudin.
En somme l'origme de la croisée d'ogives doit être étu-
diée dans trois régions : l'Ile de France, la Normandie
et l'Anjou. — Mais si l'on cherche le centre géographique
de son pays d'origine, la pointe de compas du cercle qui
enveloppe la patrie de la voûte gothique, il faut se con-
centrer entre Chartres, Laon, Amiens, Orléans, Étampes ;
le point central est à peu près \ Senlis
Après avoir insisté sur la nécessité de réserver le nom
d'ogives aux nervures diagonales des voûtes et le nom
d'arc en tiers-point aux arcs en cintre brisé, le savant
archéologue explique comment cette région fut le champ
d'e.xpérience des trois éléments de l'architecture gothique,
la croisée d'ogives, l'arc en tiers-point et l'arc-boutant. Il
prouve que les architectes appareillèrent d'abord des
voûtes d'ogives sur des espaces restremts, comme sous
le clocher d'Acy en Multien (Oise) et sur le déambulatoire
de Morienval, tandis que les croisées d'ogives isolées des
porches de Saint- Victor de Marseille et de Moissac ou
de la crypte de Saint-Gilles, voûtée vers 1142, restaient
des exemples isolés. Les voûtes de ce genre furent appli-
quées successivement sur les chœurs et les transepts des
églises rurales du Beauvaisis, du Valais, du Soissonnais,
mais on n'osa guère en appareiller au-dessus des nefs
avant le milieu du XI I" siècle.
A Bury, à Cambronne, à Foulangues, à La Villetertre,
à Saint-Germer, à Saint- Vaast-les-Mello (Oise), à Cou-
longes (Aisne), à Chars (Seine-et-Oise), les architectes
transformèrent les vieux piliers cruciformes des nefs
romanes en les cantonnant de colonnettes pour voûter
après coup le vaisseau central. Vers 1 160, l'alternance des
piles et des colonnes fit adopter la voûte sexpartite qui
embrasse deux travées. Dans les chœurs, les nervures
appliquées tout d'abord sous des voûtes en cul-de-four,
comme à Berry-leSec et à Vauxrezis, près de Soissons,
rayonnèrent ensuite autour d'une clef centrale. Les profils
primitifs des nervures carrées ou toriques se modifièrent
par les boudins flanqués de gorges ou de filets.
Et si l'on se demande la raison de l'apparition de
l'ogive en cette région, l'on est tenté de la trouver dans
l'influence royale.
4i8
3Rebuc ïie r^rt cl)rctien.
II n'en est rien ; la cause gît dans la facture due à la
nature des matériaux.
Dans cette contrée, au début du XI h' siècle, les archi-
tectes n'étaient pas dominés dans leurs conceptions par
une école romane puissante. Livrés à eu.K-mêmes, ils ont
cherché le perfectionnement de leur art dans des procé-
dés techniques auxquels se prêtait la pierre excellente
qui était à leur disposition. Viollet-le-Duc s'est trompé
quand il a dit que Saint-Denis avait été le point de dé-
part de l'art gothique ; c'est plutôt le point d'arrivée : le
produit complet du style dont le premier embryon a dis-
paru. VioUet le Duc fait trop d'état de l'école chini-
sienne ; il n'a pas aperçu le rôle important, mis eu relief
par M. Enlart, des cisterciens comme propagateurs du
gothique ; ils avaient des plans types, qu'ils ont répan-
dus partout en F"rance et à l'étranger.
Mais revenons aux croisées d'ogives et voyons celles
qui peuvent être datées. M. Lefevre-Pontalis ne croit
pas qu'il en existe de plus anciennes que celles de Morien-
val, que M. Anthyme Saint-Paul date de Il22,etqui
sont en tout cas antérieures à 1125. Elles sont établies sur
travées très étroites et otifrent un gros boudin très lourd.
Mieux datées sont celles de Bellefontaine dont une, très
curieuse, date de 1125; celle du clocher Nord de Notre-
Dame de Chartres, bâti après l'incendie de 1134, puis
viennent les célèbres et élégantes voûtes de Saint-Dinis.
Suger nous a fait connaître lui-même que le porche fut
élevé de 1137 à 1140; et heureusement la restauration
moderne n'a pas touché à ce porche précieux.
Dans le chneur de Saint- Denis, on est parvenu à ré-
duire beaucoup la section du boudin ; puis, on y a ajouté
une petite baguette ; on a combiné trois tores, ou ailleurs
adopté le profil en amande comme au clocher de Noël
St Martin (époque avancée du XII' siècle) ; à la fin du
X 1 1" siècle on rencontre deux tores séparés par un biseau.
Alors on fait usage de petites clefs de voûte ; la clef de
voûte devient importante dans la 2"^ moitié du X 11" siècle.
Au début les quatre arcs de tête sont très bas, et les
remplissages rampent vers la clef; la voûte a un aspect
coupoliforme. Les arcs formerets existaient avant les
croisées d'ogives ; on les rencontre comme terminaison
des berceaux dans l'architecture romane ; on les trouve aux
berceaux de Morienval dans la 2'' moitié du XII' siècle.
Notons encore quelques voûtes datées, celle de St-Ger-
main des Prés, de 1 163, comme celle de Domniartin,
(en aiTiinde). M. Broche vient de dater la chapelle de
lévêchc de Laon, qui est du temps de l'évêque Gauthier
de Mortagne. Le chœur de la cathédrale de Paris fut
élevé de 1 163 à 1 177, le croisillon méridional à Soissons,
entre 1 163 et 1200. — La cathédrale d'Angers est de
II 50-1 153, celle du Mans, de 11 58. Un progrès s'accuse
dans les compartiments moins inclinés et les formerets
remontés comme à Saint-Qairiace de Provins.
C'est dans les chœurs des églises, où les voûtes étaient
plus faciles h établir, qu'on a commencé à appliquer la
croisée d'ogives sur grande échelle, d'abord dans les
chœurs ronds qui n'offraient pas encore les plans savants
des gothiques ; ce sont les vrais culs de fours nervés,
quelquefois à 4 rangs d'ogives, quelquefois six, comme
à Juziers, à Courmelles. — L'ogive est appliquée h des
chœurs carrés comme à Laon et à Soissons, enfin à des
chevets à pans coupés comme les chapelles accolées au
chœur de Soissons.
Mais le triomphe de la croisée d'ogive se produit dans
le voûtement des déambulatoires.
Les romans les avaient couverts d'abord d'un berceau
annulaire, puis de voûtes d'arêtes ; ils y appliquèrent les
croisées d'ogives à Morienval; à St Martin d'Etampes,
on banda trois doubleaux pirtant de chaque pilier;à N.-D.
de Paris, on imagina le tracé en triangle pour échapper
aux difficultés du plan en trapèze, et ce procédé fut appli-
qué avec plus de perfection encore à .Saint- Germain et h
Saint Leu d'Esserent.
Reste un point : l'origine de Varc en tiers point.
Le cintre brisé dérive directement de la voûte d'augives.
Il vient de la nécessité d'amener toutes les clefs à peu
près au même niveau. Cet élément architectonique n'a
d'ailleurs qu'un rôle tout à fait secondaire.
Le conférencier proteste contre cette théorie longtemps
admise, qui faisait du tiers-point une caractéristique du
gothique.
On a bien au contraire mis un siècle à passer du p'ein-
cintre au centre brisé ; l'arc plein-cintre a fait surtout
une belle résistance dans les clochers.
Peu à peu les voûtes deviennent moins bombées, parce
que les architectes arrivent à mettre la clef de tous les
arcs d'encadrement au même niveau. Ce fut la véritable
raison du succès de l'arc en tiers-point. A Morienval, à
.Saint-Etienne de IJeauvais et ailleurs, on avait cherché à
résoudre le problème de monter la clef du doubleau à la
même hauteur que celle de la voûte à l'aide de l'arc en
plein cintre sui haussé, mais cet expédient resta d'un
usage exceptionnel, bien qu'on le rencontre encore dans
les déambulatoires de la cathédrale de Noyon et de
l'église de Saint-Germain des Prés à Paris, consacrée en
1163. L'arc brisé qui apparut tout d'abord autour des
voûtes par suite d'une nécessité de construction, se répan-
dit dans tous les membres de l'architecture vers iiSo,
mais l'arc en plein cintre avait fait une longue résistance
dans les portails, les baies des clochers, les fenêtres et les
arcatures. Il fallut un siècle pour que son usage fût aban-
donné définitivement au début du règne de saint Louis.
La naissance de l'architecture gothique ne fut pas une
éclosion spontanée, elle est le fruit du génie des archi-
tectes du XII' siècle et la conséquence de l'invention de
la voûte d'ogives.
La croisée d'ogives a pour complément nécessaire l'^/r-
honlant.
Les édifices les plus hardis du XII" siècle étaient dé-
pourvus d'arcs-boutants, — comme Saint-Remi de Reims,
le croisillon de Soissons, le chœur de .Saint-Len. Les
poussées de voûtes déformèrent les chœurs de St-Remi
de Reims, de St-Germain-des-Prés à Paris, de Soissons,
etc., et c'est pour sauver ces chœurs qui allaient tomber,
qu'on leur appliquait des arcs-boutants dans la 2' moitié
du XII' siècle.
L'arc-boutant apparaît comme un expédient destiné à
prévenir la ruine des dievets des premières grandes
églises gothiques dans la seconde moitié du XIP' siècle,
car leschœurs de No:re-I)ame deChûlons, deSaint-Renu
de Reims, de Saint-Germain des Prés, de Saint- Leu
d'Esserent et l'admirable croisillon sud de la cathédrale
de Soissons en étaient dépourvus h l'origine. Il fallut les
étayer apiès coup, mais au commencement du XIII'
siècle, on monta des arcs-boutants encore intacts comme
ceux du chœur de la cathédrale de Soissons (1212), delà
nef de Notre-Dame de Chartres (1220), de l'église abba-
tiale de Longpont (1227J.
Au commencement du XIII' siècle l'arc-boutant est
prévu par le constructeur ; c'est un organe nécessaire et
accessoirement une béquille ajoutée : avec lui le système
gothique se complète ; c'est dans la région de lieauvais,
de Senlis et de Soissons qu'on le voit se constituer de
toutes pièces.
M. Lefevre-Pontalis s'arrête .'i la filiation des chevets
de Chalons et de St-Remi de Reims, mise en lumière par
Cratau;c deô ^otiétég ©ayantes.
419
-M. Demaison ; les absidioles de ces deux églises appar-
tiennent à ce type panicnlier caractérisé par la forme
ronde en plan, et la colonne centrale établie entre elle et le
déanibiilatnire. Or M. L.-P. a reconnu que le croisillon
Sud de Soissons, élevé vers 1170, se rattache au même
type, comme le prouvent quantité de détails.
Nous venons (.le voir la croisée d'ogives appliquée aux
chœurs des églises, et sur leur déambulatoire. Dans les
transepts son application était facile ; on l'emploie de
bonne heure. Elle sert aussi à couvrir la tour-lanterne de
la croisée à Nouvion le- Vineux, à Laon, etc.
Enfin, le systcme t^othique fut réalisé intégralement par
son emploi sur les grandes nefs. Quelles furent les pre-
mières voûtes dans ce système ? Il est douteux que ce soit
celle de Saint- Uenis ; ce serait plutôt celle de Creil (2=
moitié du \Ih). Les constructeurs soissonnais étaient
timides et n'osaient voûter leurs nefs ; il les couvraient
de plafonds en bois ; si l'on rencontre les voûtes nervées
sur les nefs primaires deBeauvais, elles ne sont pas pri-
mitives : c'est une vingtaine d'années après l'apparition de
la croisée d'ogives qu'on voûta les églises de celte région
après coup. C'est ce que Ion voit à Acy, à Bury, à
Chars, à St ("lermer, à Cambronne au XII'' siècle : là on
retrouve les colonnades portant les retombées, qui ont été
engagées après coup dans le mur.
M. L.-P. croit qu'il en fut de même à Durham, quoi
qu'en pense M. Bilson ; les colonnades ajoutées ultérieu-
rement à quelques années de distance imitent fidèlement
le style originel. La région de Soissons a fait usage de
doubleaux isolés pour porter les charpentes.
Quant aux voûtes sexpartites, dérivant de l'alternance
des piles fortes et faibles, le conférencier est d'avis que
c'est un procédé qui dérive des bords du Rhin, et en
dernière analyse est dû à une infiuence lombarde.
Un dernier développement se produit dans les cons-
tructions des voûtes nervées ; c'est la ramification des
nervures ; les architectes procèdent volontiers du simple
au composé. Dès le milieu du XII' siècle, on voit cons-
truire la lierne ; on la voit à Juziers, au porche méri-
dional du Puy, en Poitou, en Anjou surtout, où elle ca-
ractérise le style Plantagenet (Airvault, St-Jouin des Mar-
nes, etc.)
La voûte se complique an XIII" siècle. On voit dès
cette époque à la croisée d'Amiens la voûte à liernes
et tiercerons.
De son côté le profil des nervures subit une évolution.
Le tore simple ou en amande prédomine dans la pre-
mière moitié du .XI 1- siècle ("Senlis, Cambrai, St-Remi de
Reims) ; puis le double tore séparé par une arête vive
(N'.-D. de Paris), ou par un creux (scolie) ; ensuite
vient le profil en trèfle agrémenté de b.âtons brisés, le
boudin décoré ; h signaler aussi les figurines décorant les
sommiers.
Dans la seconde moitié du XII' siècle la décoration
des ogives est souvent très riche comme à Lucheux
(.Somme) et à Saint-Germer : elle comporte parfois des
bâtons brisés comme dans la tribune du porche de Saint-
Leu d'Esserent.
*
* *
Les chaleureux applaudissements de l'auditoire ont
prouvé au conférencier combien les archéologues avaient
apprécié sa facilité de parole et la clarté de ses observa-
tions techniques, .'i l'aide des planches de son ouvrage
sur l'architecture religieuse dans le Soissonnais et d'excel-
lentes photographies.
Société archéologique de Namur. — Nous
trouvons dans les Annales de celte Société
t. XXIV, 4*= livraison, les travaux suivants à si-
gnaler.
Une œuvre inédite de frère Hugo dOignies. Il
s'agit d'une partie du buste-reliquaire de saint
Feuilien, conservé non point dans le trésor des
Sœurs de Notre-Dame à Namur, où sont réunies
les œuvres du grand orfèvre du XIII^ siècle, mais
dans l'église, autrefois collégiale, de Fosses ;
œuvre inédite, d'un goût exquis, dont M. Rops
fait une instructive description. Il y reconnaît les
traits caractéristiques de l'art justement vanté du
célèbre ami de Jacques de Vitry et le rattache,
suivant l'opinion commune, au grand art rhénan.
E. de Pierpont, Congrès d' archéologie et d'his-
ioire tenu à Dînant du ç au ij août içoj. Dans cet
article, le secrétaire du Congrès rend compte de
différentes journées ; les conférences et les tra-
vaux présentés au Congrès seront publiés dans
un compte-rendu spécial.
A. Bequet, Discours prononcé à la séance d'ou-
verture du Congrès de Dînant. M. Bequet retrace
très rapidement l'Iiistoire des trois plus anciennes
industries d'art en Belgique : la bijouterie, l'orfè-
vrerie, ladinanderie ; c'est d'après lui, au i"^' siècle,
dans la villa d'Anteius, à lokilomètres de Dinant,
que se serait établie l'industrie du cuivre et de
l'émaillerie à côté des fourneaux à fer.
Idem, Habitations des métallurgistes lelgo-
romaius des W et IIP siècles. Des fouilles récen-
tes, notamment celles exécutées au village de
Vodecée, permettent à l'auteur de reconstituer
la structure de ces habitations.
Société d'émulation pour l'étude de l'his-
toire et des antiquités de la Flandre. 53<"
vol., année 1903. — Cette livraison des Annales
renferme un article de notre collaborateur James
Weale,qui a longtemps habité la Belgique.Il nous
apprend que, dans une vente du 30 inars 1903, il
s'est vendu à Londres trois livres d'heures d'ori-
gine flamande, qui ont atteint des prix merveil-
leux.
L'un de ces livres Horœ Beatœ Mariœ Virginis
avec un calendrier et 163 feuillets écrits par un
bon calligraphe flamand, ornés de miniatures,
s'est vendu 230 livres, soit 5,750 francs.
Un autre voluirte orné de 23 miniatures a été
adjugé pour 152 livres, soit 3,800 francs.
Un troisième livre d'heures, du X V'^' siècle, relié
par Jacobus Van Gavere, gantois, fut acheté en
1786 pour 18 shelHngs et a été vendu pour
837 francs. Dans le calendrier, le rév. Charles
Van lloucke, archidiacre d'Ypres, avait écrit un
grand nombre de notes concernant cette ville et
l'abbaye de Nonnenbossche.
420
ÎÉlcbue tie lart cl)rcticiu
Commission royale des monuments de
Belgique. — L'Assemblée générale annuelle de
la Commission Royale des Monuments et de ses
correspondants aura lieu le lundi lO octobre.
L'ordre du jour est ainsi réglé :
i" Rapport du secrétaire sur les travaux de la Commis-
sion pendant l'année 1903-1904 (art. 61).
2° Rapports des Comités provinciaux des membres
correspondants sur leurs travaux de l'année 1903-1904.
La lecture ou l'exposé n'en devra pas durer plus d'un
quart-d'heure (art. 64).
3° .A. quelles conditions essentielles doivent satisfaire
les parties d'un vitrail artistique? (Question remise à l'or-
dre du jour à la demande de l'Assemblée préparatoire du
10 octobre 1903 et conformément à la décision de l'As-
semblée générale du surlendemain 12 octobre).
4" Qu'enseignent les découvertes de peintures murales
faites dans les monuments de la Belgique ? (Question re-
mise pour la seconde fois à l'ordre du jour en vertu de la
décision de l'Assemblée générale du 12 octobre 1903.)
5" Examen des moyen s les plus propres d'assurer la con-
servation et la restauration des anciennes constructions
privées offrant un intérêt archéologique, historique et
artistique. (Question mise à l'ordre du jour sur la propo-
sition du Comité des correspondants du Hainaut.)
6° Inventaires des objets d'art appartenant aux établis-
sements publics.
La Commission des Monuments histo-
riques et la Ville de Paris viennent de se
mettre d'accord pour l'exécution d'importants
travaux à Saint-Séverin. Ses contreforts, notam-
ment, dont la légère élégance est si admirée et
qui passent pour un des chefs-d'œuvre de notre
architecture française, vont être reconstitués.
La dépense est évaluée à 1 35.000 fr.
Société archéologique de l'arrondissement
de Nivelles, t. VIII, 1" livraison. Nivelles, 1904.
R. p. Nimal, L'Église de Villcrs. En 1899, M. de Prelle
de la Nieppe publia, dans le Bulletin des Commissions
royales d Art et d Archéologie (38"' année, livraisons i et 2)
une étude sur l'église de l'abbaye de Vdlers. Cette étude
se résume dans les quatre thèses suivantes : 1" l'église
dont nous admirons aujourd'hui les ruines majestueuses,
fut commencée dès les débuts de l'abbaye, soit dès 1147 ;
2° une interruption dans les travaux eut lieu en 1212 ;
3" les chapelles latérales du bas-coté nord ont été cons-
truites dès la première moitié du -XIII" siècle; 4" la
chapelle de Saint-Bernard, remarquable surtout par le
sarcophage renfermant les restes de dix corps de saints,
était située sous le porche. Ce sont ces conclusions, qui
ne sont d'ailleurs pas solidement établies, que le R. P.
Nimal attaque dans le travail qui nous occupe. D'après
l'auteur, les moines de Voiliers auraient, avant de commen-
cer la construction de leur église monumentale, construit
un oratoire de moindre importance, démoli au XVI I" |
siècle. La date de l'interruption des travaux, fixée par
M. de Prelle à 1212, serait bien incertaine ; les chapelles
du bas-côté nord ne dateraient que du XIV siècle ; entîn,
la chapelle de Saint-Bernard était située à l'intérieur de
l'église.
Il y a du bon dans ce travail, (^"^rit à la date de la
construction de l'église, notamment, le R. P. Nimal a mis
en lumière une tradition importante négligée par M. de
Prelle ; mais pour l'ensemble, le travail est loin de satis-
faire complètement le lecteur. Ce qui lui manque, c'est
une documentation suffisante. Les archives de Villers, je
le veux bien, sont dispersées aujourd'hui : telle partie du
chartrier se trouve à Bruxelles, telle autre à Malines,
d'autres documents à Londres, d'autres encore entre les
mains de particuliers. Le premier devoir de l'auteur eût
été de compulser tous les documents accessibles, de
rechercher ce qui pouvait être inconnu. Au lieu de cela,
il se contente la plupart du temps de simples inductions
d'un fait général à un cas particulier ou de raisonnements
portant à faux sur une base défectueuse. Voici, à titre
d'exemple, l'une de ces inductions : « La chapelle de
» Saint-Charles, dit l'auteur, nul doute à cet égard, était
» la chapelle orientée du milieu du transept gauche,
> c'est-à-dire côté épître. Elle est évidemment de ce côté.
> En effet, le nécrologe mentionne la sépulture de plu-
> sieurs abbés : ?eira caticelhim sancti Caroli ou prope
» sacristiatn divi Caroli. Or, la sacristie se trouvait du
> côté de l'épitre. > En règle générale, oui. Ici, cependant,
la sacristie de Saint-Charles se trouvait du côté de l'évan-
gile et occupait la place prise jadis par la chapelle de la
Sainte-Trinité, qui avait été convertie au XVI I'^ siècle en
sacristie. L'auteur ignorait le fait, peut-être, mais c'est de
sa faute.
Cet exemple se rapporte, certes, à une question d'inté-
rêt secondaire, mais il fait toucher du doigt le défaut
capital du livre du R. P. Nimal : manque de recherches,
tendances dialectiques.
H. Schuermans, A M. Edgard de Prelle de la Nieppe^
conservateur du Musée royal d\irmes et d'armures à
Bruxelles. La lettre de M. Schuermans se rapporte .1 l'un
des points en discussion entre M. de Prelle et le R. P.
Nimal : l'emplacement de la chapelle de Saint-Bernard
dans l'église de Villers. M. Schuermans est partisan de
l'emplacement de la chapelle en question sous le porche.
11 invoque, entre autres arguments, contre l'opinion du
R. P. Nimal, l'impossibilité de faire tenir les différents
monuments, que nous savons avoir orné cette chapelle,
dans l'espace étroit qu'offre la première chapelle du bas-
côté nord, en entrant par le fond de l'église (').
La Société archéologique du Midi de la
France vient d'acheter une des portes de l'en-
ceinte de la ville de Cordes, que son propriétaire
voulait démolir.
La Société historique de Bordeaux s'efforce
de conjurer la détérioration du château histo-
rique de Pugols, dans la cour duquel la munici-
palité a décidé d'élever un bâtiinent scolaire.
I. D'après les Archives belges.
^
wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww
LES ANCIENNES MAISONS DE CONSTAN-
TINOPLE, par M. le général L. de Beylié. — In-4°,
X-27 pp., 11 planches hors texte et 15 gravures. —
Paris, E. Leroux; et Grenoble, Falque et Perrin, 1903.
— Ce volume est un supplément à \ Habitation by-
zantine, du même auteur (voir Revue de P Art chrétien,
janvier 1904).
„ n'y a pas lieu de reparler ici du
g somptueux ouvrage de M. le général
^. de Heylié sur l'Habitation byzan-
ij tine. En quête des vestiges de l'ar-
^W^TSî^-^ chitecture privée des Byzantins et
des arts qui en dépendent, notre savant et aima-
ble guide nous a conduit de la Syrie centrale
aux plaines de la Russie, de la presqu'île des
Balkans aux lagunes de Venise. Mais voici qu'a-
près ces courses excentriques, il nous ramène au
cœur de cette civilisation byzantine qui rayonna
si loin ; qu'est-ce que Constantinople a conservé
de ses anciennes habitations? n'est-il pas temps
d'explorer ses vieilles maisons? Certes oui, il
n'y a pas un instant à perdre, car chaque jour
elles menacent de disparaître : tremblements de
terre, incendies, caprices de leurs hôtes présents,
continuent, comme par le passé, à les ravir à la
curiosité de l'historien, de l'artiste et de l'archéo-
logue. Dès aujourd'hui leur nombre est bien
minime: on n'en peut guère compter plus de
quatre-vingts qui rappellent plus ou moins le
style des maisons que nous avons étudiées à
Mistra (XIV"^ s.) ou dans les arrière-plans des
miniatures de Skylitzès. Excepté quatre ou cinq,
elles sont toutes postérieures à la conquête.
De leurs devancières elles gardent encore l'ap-
pareil des murs où les couches de briques alter-
nent avec les couches de pierre (généralement
un lit de moellons pour deux de briques), —
les balcons couverts, analogues aux bow-win-
dows modernes, — les étages à encorbellement,
souvent disposés en crémaillère (dents sail-
lantes sur la façade) : grâce à cet arrangement,
<L triomphe de la méfiance ou de la curiosité »,
on pouvait de chaque chambre regarder ou tirer
vers les deux extrémités de la rue ; c'est le sys-
tème usité si fréquemment pour flanquer les
angles saillants des fortifications. Autres traits
de ressemblance avec les habitations du XVI^
siècle, ce sont les jarres vides empilées symétri-
quement entre la voûte et le toit, sans doute pour
le soutenir sans surcharger celle-là, et c'est
surtout l'aménagement intérieur des édifices : il
n'est pas rare, par exemple, que l'étage entier soit
occupé par une vaste pièce à coupole : celle-ci est
précédée d'un vestibule voiité, comparable au
narthex des églises, et elle sert successivement
de salon et de chambre à coucher. Mais ce qui
distingue presque toutes ces vieilles maisons de
celles qu'on bâtissait aux siècles précédents, c'est
l'emploi fréquent de l'ornementation polygonale
du style dit arabe, et celui de l'ogive en accolade :
par là elles dénotent un style dégénéré, bien
qu'elles aient été construites par des architectes
byzantins. On ne peut pas voir, dans les trois
quartiers de Constantinople, plus de cinq maisons
qui présentent encore des fenêtres à plein cintre.
La rareté de ces spécimens anciens rend plus
précieuse encore l'œuvre de M. le général de
Beylié. Non content de dater les plus remarqua-
bles de ces édifices, une quinzaine en tout, et de
les décrire avec la précision d'un architecte, il
nous en donne 25 photographies phototypées,
réparties sur 1 1 planches hors texte ; 15 gravures
dans le texte, plans ou croquis, complètent l'il-
lustration. La difficulté de photographier dans
une rue étroite, n'a pas toujours permis d'éviter
certains défauts de perspective ; mais l'imagina-
tion corrige sans peine le déséquilibre des lignes,
l'œil est charmé par l'excellence de la reproduc-
tion phototypique, et l'on ne peut que déplorer
le fanatisme turc dont la méfiance a trop souvent
arrêté l'exploration de M. de Beylié dans le
quartier de Stamboul.
Malgré ce fanatisme, Constantinople nous
offre donc encore, non seulement dans ses églises,
mais même dans ses habitations privées, de cu-
rieux témoins de la civilisation chrétienne anté-
rieure à la catastrophe de 1453. Je ne sais si
M. de Beylié serait disposé, comme M. Lampakis
ou M. Beaudoire, à reconnaître des emblèmes
chrétiens dans ces étoiles et autres sigles qui
ornent le tympan de plus d'une porte. En tout
cas la vitalité de l'art byzantin s'affirme assez
par ce fait que toutes les constructions impor-
tantes de la ville furent dues, après la con-
quête, aux architectes de la nation vaincue : les
Turcs, « rebelles aux études scientifiques », n'y
intervinrent jamais.
Le chrétien est tout particulièrement recon-
naissant à l'auteur de cet excellent travail, de
nous avoir dit un mot du monastère de Stoudion,
de nous avoir présenté, au moyen d'une bonne
photographie, la façade du Métochion du Sinai
dans le quartier du Phanar, et d'avoir mis sous
nos yeux par le même procédé l'antique beffroi
du couvent de Saint-Benoît à Galata, sa porte
d'entrée, franchement byzantine, et la façade
du couvent deSaint-Pierre dans le même quartier.
RHVUE UB l'art CHRéXlBN.
1404. — 5*"® LIVRAISON.
422
Bebuc tie r^rt cbvctieu.
C'est ainsi que tout en se cantonnant hors du
domaine de l'architecture proprement religieuse,
l'ouvrage de M. le général de Beylié intéresse à
plusieurs titres les amateurs d'art chrétien. Tout
spécialement les lecteurs de cette Revue seront
heureux de voir la dédicace adressée, en même
temps qu'au R. P. Louis Petit, à notre collabo-
rateur, M. le docteur Mordtmann.
L. B.
LE PORTAIL DE L'ÉGLISE DE MIMISAN,
par G. Beaurain. — Iti 8" de 56 pp., illustré. Paris,
Champion, 1904.
MIMISAN, en Aquitaine, possédait une
église de la transition romano-gothique,
démolie en 1888 ;il en reste la tour avec un très
curieux portail historié d'une multitude de
figures archaïques. Au tympan, c'est l'adoration
des mages, et dans les archivoltes concentriques,
le Sauveur entouré des vierges sages et des
vierges folles, les douze apôtres, le zodiaque.
Dans une frise au-dessus du portail sont rangées
des statues d'apôtres, des deux côtés d'un bas-
relief où figure le Christ-Docteur dans un quatre-
feuille à nébules (non pas à feuillages comme
le dit l'auteur).
M. Beaurain a eu la bonne pensée d'analyser
cette page d'iconographie au point de vue du
costume royal, chevaleresque, sacerdotal et po-
pulaire, comme au point de vue du mobilier et
des symboles.
Notons que la polychromie rehaussait l'œuvre
sculpturale.
L. C.
GUIDE DU CONGRÈS DU PUY DE 1904,
par M. Noël Thiollier. — In-8° de 90 pp. illust.
Caen, Delesque, 1904.
M. Thiollier a donné pour l'utilité des membres
du dernier Congrès archéologique de France, une
série de courtes et très bonnes monographies des
monuments du Puy et des environs, à commencer
par la cathédrale, à laquelle il a consacré naguère
un ouvrage important(').Il décrit aussi la chapelle
Saint-Jean, l'église Saint- Laurent, la chapelle
octogone et la chapelle Saint-Michel d'Aiguille.
Les excursions ont pour objet La Rochelambert,
Saint-Paulien et son église à la large abside de
travers, Polignac, son intéressant château et son
église aux trois absides rangées, la Chaise- Dieu
et son importante abbatiale, Chamalière-sur-
Loire à l'abside énorme, Clianteuges, Brioude,
(église Saint-Julien aux longues nefs et au che-
I. Voir Revue de V Art chrétien, année 1902, p. 153.
vet rayonnant), la Voûte-sur-Loire, Bouzols, le
Moiiastier. Nous avons fait connaître antérieu-
rement, d'après M. ThioUiert, ous les édifices
visités dans ces localités ('). . p
MONOGRAPHIE DE LA CATHÉDRALE DU
PUY, par M. Noèl Thiollikr. — In-8' de 39 pp.,
illustré. Le Puy, Marchessou, 1904.
Sous ce titre, M. Thiollier reproduit le ma-
nuscrit de l'architecte Mallay, qui restaura ou
plutôt remania de façon déplorable la cathédrale
au inilieu du siècle passé. 11 reproduit d'instruc-
tifs relevés de l'édifice dressés avant la restau-
ration. ^^ c
LA CATHÉDRALE DE SAINT-JEAN DE
BEYROUTH, par M. T. Enlart. — In-4° de 13 pp.
ill. Paris, 1904. (Catalogue des Mémoires de la Société
des Antiquaires de France.)
Au recueil de Mémoires formé à l'occasion du
Centenaire de la Société des Antiquaires, M. En-
lart a fourni pour contingent une très intéressante
monographie, celle d'une des plus anciennes
églises élevées par les Croisés, et qui, transformée
en mosquée, avait été dérobée jusqu'ici presque
entièrement à l'examen des archéologues. Elle
reproduit le type d'une église romane du centre
de la France. M. Enlart a rapporté le lever
très exact en plan et en élévation, ainsi que de
bonnes photographies de ce monument typique
et bien conservé.
C'est une triple nef à piliers cruciformes de
cinq travées précédées d'un porche extérieur, ter-
minées par trois absides rangées : grande nef
voûtée en berceau percé de lunettes, au-dessus
des terrasses couvrant les bas-côtés, lesquels sont
voûtés d'arête; ce dispositif, que favorise le climat
oriental, donne lieu à un bel éclairage. Les ab-
sides ont des corniches à modillons historiés et
des contreforts à colonnes engagées.
Saint-Jean est un modèle de petite cathédrale
de colonie, et le type des églises des Croisés de
la région. r ç
NIEUPORT ANCIEN ET MODERNE, par
G. Wybo. — In-8" de 135 pp. illustré. Bruges,
Desclée, 1904. En vente chez l'auteur, rue Duques-
noy, 40, Tournai.
l.a Flandre Occidentale est un pays très
conservateur, et l'on sait qu'elle garde précieu-
sement ses richesses historiques ; mais ce n'est
point un pays mort. Bruges, dite la morte, vient
I. V, Revue de l'Art chrétien, années 1901, p. 68, 1903, p. 339.
BtbltograpDte»
423
de creuser un port à la navigation internationale,
d'ouvrir la première, cette exposition des « pri-
mitifs », aussitôt imitée à Paris et à Dusseldorf,
et d'envoyer à Saint-Louis d'admirables spéci-
mens de son art « revival ». — Tandis que Gand
attendait encore un guide du touriste qui n'ait
pas un demi-siècle d'âge (MM. Bergman et Heins
vont nous le donner), Bruges en a trois bons ;
Ypres a le sien, qui est un modèle, et M. Wybo
nous livre à présent celui de Fumes, édité dans
une forme analogue au précédent.
C'est un charmant volume, plein de belles
gravures, où l'on rencontre des documents choi-
sis avec intelligence, comme les fac-similé de
certains vieux plans, de vieilles vues de la ville,
tirées du retable de Lancelot Blondeel, des
plans à terre (toujours si précieux) des édifices,
et des détails d'œuvres d'art dont cette petite
localité est pleine. Citons des fragments de
peintures murales naguère retrouvés à l'église
de Notre-Dame et dont nous avons entretenu
nos lecteurs ('), les stalles et les tabernacles en
tourelle, le jubé renaissance, surtout la belle
chaire de vérité, qui ne connaît guère d'émulé
que son aînée de Roucourt, etc.
I. La Revue de t Art chrétien, année 1899, p. 86.
EST
I CHflPEUt
OE N D OU
SCUPtl.UnE
CHflPCLLE
DELA TSmiTC-
T^gESN^
CHAPELLE
5'i INNE
Ch.lPELLE DE
*0 DES Dûl/LEURSp
,/ ■-.
m
ENTIÎEE»
1 —
* * ' M
\ '
«— »,1
"i^ 1
■^ l\
CHAIRE
^I.
■ " ^ ^ 1
Q.
- 1
si
■ ^ . :- ■ 1
.1
Mm
^
o(/£sr
Église de Nieuport. — Plan.
Eglise de Nieuport. — Vue d'ensemble (côté sud.)
424
Wit\)m tic rSrr cbvétieu.
L'historique de la ville contient une intéres-
sante notice sur la chambre de rhétorique remon-
tant au X1V>^ siècle au moins, une autre sur le
Folklore local.
L'église Notre-Dame est un beau spécimen du
type delà Flandre maritime, à trois nef accolées,
traversées d'un transept saillant, à trois chevets
plats; elle date du X V^ siècle ; la grosse tour, jux-
taposée, est du XV I« siècle. Elle possède de
belles dalles tumulaires ; nous venons de parler
de son intéressant mobilier.
Intéressant est l'hôtel de ville, bâti vers 1513
Église de Nieuport. — Chaire de vérité.
Le musée est relativement riche, l'auteur nous
en donne un petit catalogue très utile ('),
La Halle surtout est un chef-d'œuvre du genre,
remarquable par son unité et son originalité.
Voilà un guide qui peut servir de modèle ; il
nous en faudrait un centaine de pareils pour les
petites cités belges. . p
I. Une petite observation : il donne le nom de grotesques i des
corbeaux à masques grimaçants ; il vaut mieu.t ne pas dénaturer le
sens du mot gotesque. à peu près synonyme d'araàesque.
L^V SCULPTURE DU XIV SIÈCLE DANS LA
RÉGION DE TROYES, par R. Kœchlin Petit
m-8", 36 pp. nombreuses illustrations. Caen, Delesque,
1904.
Le fil conducteur de cette charmante étude
réside dans l'influence idéaliste dont M. Kœchlin
constate la persistance à travers une période
imprégnée du réalisme flamand, que L. Courajod
a mis en évidence.
Il s'occupe spécialement des statues de Vierges
dont il subsiste une belle série. Ce sujet d'élection
de la sculpture médiévale n'a jamais
été l'objet d'un classement métho-
dique, ni d'une étude d'ensemble, étude
bien intéressante qu'aborde notre au-
teur.
Il rappelle qu'au XIII>= siècle l'œu-
vre d'art fut avant tout religieuse ;
tout détail trop individuel était écarté,
même toute fantaisie propre à dis-
traire l'attention. Les grands maîtres
d'alors avaient réussi à respecter la
nature tout en l'épurant et à ne point
tomber dans la formule vide de souffle.
Chez les ouvriers sans génie, la part
d'observation de la nature que ^com-
portait la transformation du style di-
minue et l'on tombe dans le poncif au
XIV" siècle. L'exagération de l'idéa-
lisme engendre alors le maniérisme.
C'est ce que montre la collection
souverainement curieuse de Vierges
troyennes exhibée par M. K.
La gracieuse Vierge de Fouchères,
si prestigieuse sur le fût d'une haute
croix de pierre, qu'abrite un platane
séculaire à l'entrée du village, est sin-
gulièrement instructive à examiner
de près. Les plis de la draperie sont
déjà d'une certaine sécheresse, et le
maniérisme de l'expression s'accen-
tue ; quelle distance entre le beau et
le chaud sourire de la Vierge dorée
d'Amiens, et le sourire très fin, mais
véritablement figé de notre madone.
Nous sommes à la transition.
Si l'on avance, on constate la bana-
lité du type, la rondeur d'un visage
moins expressif, et le déhanchement
du corps. Pour ce qui est de la froi-
deur du visage, elle tient à la désac-
coutumance, de la part des imagiers,
de l'observation directe de la nature ;
au XII I" siècle
on la simplifiait
pour l'idéaliser,
mais elle de-
meurait à la ba-
se de l'art ; peu
à peu l'imagier
s'en tint au pon-
cif et l'on en a
les premiers ex-
emples dans la
^•^\v
■^J*li
C33SÏ=^==5Ji^, ,
Vierge de Fouchères.
Vierge de Sainte-Savine à Troyes. Quant au
déhanchement, il vient de ce qu'au XIV<= siècle
la coutume s'implanta de poser les statues non
plus sur deux jambes, mais sur une seule ; on
fit ressortir la hanche, et le contraste
de deux lignes, l'une rentrante, l'autre
sortante, fut encore accentué par le
mouvement en arrière des épaules né-
cessité par le poids de l'enfant tenu
sur le bras. Cette attitude apoaraît déjà
au Xlir siècle dans la Vierge du
portail nord de N.-D. de Paris. Il suffit
d'exagérer ce geste pour produire
l'effet caractéristique trop cher aux
imagiers du XIV« siècle et qu'on a
voulu expliquer par les statues d'ivoire
tirées d'une dent d'éléphant. Le déhan-
chement transporté dans les figures
sans charge, devint une contorsion
insupportable pour nous comme les
modes passées.
Le déhanchement est du reste ac-
cusé par la forme de la draperie. Tan-
dis qu'au XIII« siècle l'ample manteau
laissait à peine entrevoir la robe, il
passe maintenant devant le buste
d'une épaule sous le bras qui porte
l'enfant, formant de larges plis diago-
naux ; au XIV« siècle le manteau se
rétrécit et tend à devenir une sorte
d'écharpe tombant de la ceinture aux
genoux en des plis striés. Cette dra-
perie verticale, coupant les plis dia-
gonaux et profonds de la robe, accuse
le déhanchement, mis surtout encore
en relief par les plis tombant du bras
qui porte l'enfant en une sorte de lai
à escaliers ou à volutes, véritable ex-
croissance qu'on greffe sur la hanche
déjà proéminente.
Ici l'auteur pousse à l'extrême les
défauts qui caractérisent le style du
XIV<= siècle, dans la région de Troyes
plus qu'ailleurs ; mais la plupart des
Vierges du XIV siècle offrent l'un
ou l'autre trait de ce
maniérisme. Cette
évolution de l'école
traditionnelle fran-
çaise était achevée
vers la fin du XIV-^
siècle ; mais le type
subsista encore long-
temps, surtout dans
la Champagne, qui a
échappé, plus que
toute autre contrée,
à l'influence bourguignonne et flamande.
En somme l'art troyen fut surtout idéal, d'une
grande finesse et d'une remarquable unité. A la
fin du moyen âge, la formule gothique s'efface et
426
^tWt De rart cbrctieiu
apparaît ensuite un art plus près de la nature, et,
à côté d'une école puissante d'influence flamande,
on constate ici, comme sur la Loire, à la Renais-
sance, des ateliers d'un style tout français, issus
de l'école traditionnelle du XI« siècle.
L. Cloquet.
NOTICE SUR LA CONSTRUCTION DE LA
CHAISE-DIEU (1344-1352), par M. Maurice Fau-
con. — In-S", 68 pp. Paris, Picard, 1904.
Le pape Clément VLancien moine de laChaise-
Dieu, entreprit, deux ans après son avènement,
de refaire l'abbatiale élevée au XI"^ siècle, par
saint Robert. — M. Faucon a recueilli dans les
archives locales et dans celles du Vatican l'his-
toire détaillée de cette reconstruction, qui coûta
une somme équivalente à près de 2 millions de
notre monnaie actuelle, non compris les trois
dernières travées et les tours exécutées sous Gré-
goire XI.
On connaît depuis peu l'architecte de cet édi-
fice, Hugues Morel, sans doute un provençal ; il
avait sous ses ordres deux « maîtres de la fabri-
que », Pierre Falciat et Pierre de Cebazat. La
construction fut menée avec une rapidité sur-
prenante. En 1346, on jetait bas la nef et les
clochers de la vieille église ; deux ans après, on
voûtait la nouvelle ; le parachèvement dura toute-
fois jusqu'en 1350. Notre auteur peut citer par
leurs noms et prénoms les ouvriers même qui
ont taillé et sculpté toutes les pierres.
Dom Tiolier doit s'être trompé en avançant que
la façade occidentale a été construite sous Clé-
ment VI. M. Faucon se croit en mesure d'assurer
que le clocher seul date de cette époque.
La notice abonde en détails très curieux sur
les circonstances de l'entreprise. Nous y voyons
que, contrairement au préjugé répandu, aucune
des tâches de l'œuvre n'était l'objet de corvées, ni
exigée à titre de redevance ; le travail était libre
et largement rétribué.
Notons les grands traits de l'église : elle me-
sure j6 m. de longueur, 24 de largeur, près de 19
de hauteur sous clef ; le largeur de la nef est de
15 m. Elle est à trois nefs, de hauteur à peu près
égale, de 9 travées à piliers octogonaux où se
noient les nervures.
Les jours sont étroits et l'intérieur est sombre ;
l'effet austère était atténué par la polychromie
dont on retrouve les traces. A l'extérieur, pas
d'arcs-boutants, des contreforts à larges glacis.
Le regretté Mtintz a découvert dans les archi-
ves du Vatican l'auteur des fresques d'Avignon,
Mateo di Giovanetto de Viterbe, le favori de
Clément VI ; c'est à lui que le pape recourut
aussi pour décorer La Chaise- Dieu ; il y exécuta
des fresques et peignit deux tableaux pour les
autels. Il dessina sur papier les 28 i histoires » de
saint Robert qui devaient figurer sur la châsse du
fondateur, commandée par Clément VI (1352).
Citons pour mémoire \a.Dnnse mûCûôn',b'\entôt ef-
facée, heureusement relevée par M. L. Giron (').R'-"'
est postérieure d'un siècle aux peintures de IVIat-
teo. Inutile d'insister sur la grosse erreur qui a
fait attribuer longtemps à Taddeo Gadi les hau-
telisses flamandes célèbres, de Jacques de Saint-
Nectaire. Taddeo n'a pas travaillé à la Chaise-
Dieu.
On connaîtl'effigie couchée de ClémentVI, par-
tie principale de son mausolée mutilé. On ignoie
généralement que sur les faces du sarcophage
étaient rangés en garde d'honneur quarante-qua-
tre personnages, cardinaux, archevêques, évêques
et seigneurs de la cour du pontife. Cet ouvrage
s'inspirait du tombeau de Jean XXII, exécuté
à Avignon par M"^ Jean de Paris, orné de 75
statuettes aujourd'hui dispersées. M. Faucon a la
bonne fortune de connaître le nom des auteurs
du tombeau de Clément VI. C'est un maître
nommé Pierre Roye, et ses deux aides, Jean de
Santolis et Jean David. Roye était probablement
du Nord ; ses aides du Midi. Ainsi tombe encore
une légende, celle qui attribuait l'ouvrage à un
artiste italien.
De la notice de M. Faucon nous n'avons ex-
I trait que quelques indications de valeur hors
ligne ; mais elle est toute pleine de données du
plus haut intérêt. C'est un travail de premier ordre.
L. C.
LE RETABLE DE MAIGNELAY, par l'abbé
Marsaux, broch. Daix, Clertnont, 1904. (Exlr. des
Mém. de la Soc. hisf. et arch'eol. de Clermont.)
La jolie église de IVIaignelay possède un riche
retable en bois sculpté, déjà signalé, mais pas
encore décrit de façon méthodique, qu'on peut
rapprocher de ceux de Marissel, et de Thou-
rotte. iVI. P. Vitry l'a signalé comme « un type
des meilleures productions de l'école braban-
çonne ». Il représente le crucifiement, en un
grand bas-relief véhémentement mouvementé,
entre deu.x autres, beaucoup moins hauts, figurant
le portement de croix à dextre, la déposition, à
sénestre. Dans son étage bas formant pseudo-
predelle, la scène de l'enfance du Sauveur. Les
volets sont peints et représentent des scènes
bibliques à l'extérieur; à l'intérieur, la Présenta-
I. Voir Revue de C Arl chrilien, année 1884, p. 401.
BtbHograpl)te.
427
tion et le mariage de la Ste Vierge, le jugement
de Pilate et la trahison de Judas, la Circoncision, la
Résurrection, le repos en Egypte et l'Ascension.
M. Marsaux décrit ces scènes avec le soin qui
le caractérise, et l'érudition qu'on lui connaît en
matière d'iconographie chrétienne.
L. C.
■^m Bérioliiques*
L'EFFORT.
Nous avons applaudi, avec toute la sympa-
thie qu'elles méritent, aux bonnes œuvres de la
vaillante Fédération de la jeunesse catliolique de
Ronbaix, qui devrait susciter des émules dans
toute la F'rance. Nous notons avec plaisir que
parmi les multiples objets de sa généreuse acti-
vité elles ne néglige pas l'art chrétien. Elle pos-
sède un Cercle d'art sous les auspices de Notre-
Dame de la Treille ; nous notons une conférence
sur le Sty/e gothique en Bretagne, qu'y a donnée
récemment M. Maurice Glorieux.
BULLKTIN MONUMENTAL.
La première livraison de cette année (n° i et 2)
est fort intéressante. Nous y trouvons d'abord la
fin de l'étude historique et archéologique de M.
L. H. Labande sur Saint-Trophime d'Arles. —
Cet édifice, dont le plan présente une remarquable
unité, est cependant de différentes époques. On
garde quelques maçonneries de la fin du VIII«
siècle. Le transept présente un caractère archaï-
que : les croisillons sont voûtés de blocaille ;
la coupole porte sur des trompes en cul de four.
M. Labande attribue cette construction au milieu
du X« siècle, et il y rattache la travée voisine du
transept.
Entre 107S et 1 1 52, on édifia une crypte à che-
vet pour y recevoir les reliques de saint Trophi-
me. C'est après 1078 qu'on reprit la construc-
tion des nefs actuelles. M. de Lasteyrie a établi
que le portail date des 20 dernières années du
XII« siècle (I).
En ce qui concerne l'époque du cloître, attri-
bué par M. R. de Lasteyrie à la fin du XII«
siècle, l'auteur corrobore cette opinion. Le dor-
toir était construit en II 80; le bâtiment claus-
tral était complet en 1195.
Nous ne pouvons que signaler comme étude
documentaire l'article de M. A. Philippe, sur
l'architecture religieuse romane du diocèse
d'Auxerre. On y trouve étudiées les églises de
Garchy, de Bazarne, de Druyes, de Sacy, de
Vermenton, d'Escolives, de Saint-Agnan de
Cosne, et de Donsy ; les clochers sont intéres-
sants, surtout ceux de St-Germain et de St-Eu-
sèbe d'Auxerre.
M. E. Lefèbre-Pontalis propose, preuves à la
main, de regarder Jean Langlois comme le vé-
ritable architecte de St- Urbain de Troyes (1262-
1266), ce chef-d'œuvre de l'architecture go-
thique.
CORRESPONDANCE ARCHÉOLOGIQUE.
Le n° de juin 1904 contient de nombreux
documents sur l'histoire, à partir de sa fondation
''1742), de l'église de Neuilly.
I, Nous donnerons prochainement le résumé des recherches de
M. de Lasteyrie sur cet édifice.
^^W^^
^f
428
IRebue ïje V^xt t\)xttitn.
Xiidei* bibltograpl)îque.
M iSf 'V 'V •'V «If' •5r' «V Of' .V •"■«•■ •';;■ At «V -s? Or' ^ir ^»' -V «ïr' <ïf ^' JV «ïr ^
:^rcl)éologîc etBeaiu' arr0 '\
JFrancc.
* Beaurain (G,). — Le portail de l'église de
MiMiSAN. — In 8° de 56 pp., illustré. Paris, Champion,
1904
Berthelé (Jos.). — Archives de la ville de
Montpellier, inventaires et documents. — T. III.
Fasc. III, IV et V. — In-4'', 16 pi. et fig., 612 pp.
Montpellier, Sem et Roumégous, 1904.
Casati de Casatis (Ch.). — Note sur les deux
Précurseurs de l'art français, le duc de Berry
ET LE ROI René et sur un monument historique
menacé de ruine. — In-8°, 29 pp. Paris, Picard,
1904.
Clausse (G.) — Les cathédrales de Côme et
Bernardino Luini. Conférence donnée le 12 mars
1904. — In-8°, 79 pp. avec grav. Paris, 1904.
* de Beylié (Le général L.) — Les anciennes
maisons de Constantinople. — In-S", X-27 pp.,
ir pi. hors texte et 15 grav. Paris, Leroux et Gre-
noble, Falque et Perrin, 1903. — Ce volume est un
supplément à \ Habitation byzantine, du même auteur
(voir Revue de r Art chrétien, janvier 1904).
Durand (G.). — Monographie de l'Église
Notre-Dame, cathédrale d'Amiens ( Mémoire de la
Société des antiquaires de Picardie). — In 4°, 664 pp.,
62 pi. et fig. Paris, Picard, 1903.
* Enlart (C). — La cathédrale de Saint Jean
DE Beyrouth. — In-4°, 13 pp., iil. Paris, 1904.
(Catalogue des Mémoires de la Société des Antiquaires
de France.)
* Faucon (Maurice). — Notice sur la cons-
truction de la Chaise-Dieu (1344-1352). — In-8°,
98 pp. Paris, Picard, 1904.
Gaffre (R.-P.). — Les portraits du Christ. —
In-4°, 234 pp., 23 pi., 130 grav. et illustr. Paris, Le-
coffre, 1903.
Humblot (E.). — Étude d'archéologie régio-
nale. Documents sur la sculpture religieuse du
pays Joinvillois et de la Haute-Marne. Croix et
DIEUX DE pitié. — In-4'', 209 pp. loôdcssins. St-Dizier
Godard, 1903.
Jousset (P.). — L'Italie illustrée. In-4'',
nombr. illustr. — Paris, Larousse, 1904. 21 fr.
I. Les ouvrages marqués d'un astérisque (*) ont été, sont ou
seront l'objet d'un article bibliographique dans la Revue.
* Kœchlin (R.). — La sculpture du XIV« siè-
cle DANS LA région DE Troyes — Petit in-8",
36 pp., nombr. illustr.. Caen, Delesque, 1904.
Le Clert (L.). — Les Castra et les Oppida de
l'Aube (Compte rendu du 69"= congrès archéologique
de France).
Marucchi (O.). — Le forum romain et le
palatin d'après les dernières découvertes. —
In-8°, 398 pp. plan et grav. Paris, Rome, Desclée,
Lefebvre et C"^, 1903.
* Marsoul (Abbé). — Le retable de Mai-
gnelay. — Broch., Daix, Clermont, 1904.
Serrigny {¥,.). — Visite a l'église de Longeau
(Haute-Marne). L'ensevelissement du Christ (bas-
relief reproduit en phototypie) ; un bassin ancien en
cuivre repoussé. — In-8°, 13 p. et pi. Langres, Imp.
Champenoise, 1903.
* Thiollier (M.). — Guide du Congrès du Puy
DE 1904. — In-8", 90 pp. ill. Caen, Delesque, 1904.
* Le même. — Monographie de la cathé-
drale DU Puy. — In 8" de 39 pp. ill. Le Puy,
Marchesson, 1904
aucmamic.
Baedeker (R.). Italie septentrionale jusqu'à
Livourne, Florence et Ravenne. Manuel du
voyageur, 16= édition. In-i6, 580 pp., 70 plans, cartes.
Leipzig, Baedeker, 1904.
Fâh(A.). — Geschichte der bildenden Kunste,
2' éd. — In 8°, 785 pp., 36 pi. 940 fig. Fribourg,
Herder, 1903.
Luthmer (F.). — Romanische Ornamente und
Baudenkmaler in Beispielen aus kirchlichen
UND PROFANEN BaUWERKEN DES XI bis XIII JaHRH.
2" SÉRIE. ORNAMENTALE EiNZELHElTEN AUS ROMA-
NISCHEN BaUWERKEN DER SCHWEIZ. — In-fol. 2 p.,
30 pi. Francfort, Keller. 1903.
Nicklès (C). — La chartreuse du Val S"-
Marguerite a Bale. — In-8°, 360 pp., 18 pi. Bâle.
Basier Buch und Antiquariatshandl.
Stephani (K.-G.). — Der aelteste deutsche
Wohnbau UNO SEINE EiNRiCHTUNG. — 2 vol. Leipzig,
Baumgàrtner, 1902-1903.
Slrzygowski (J.). — Der Dom zu Aachen und
SEINE Enststellung. — loo pp., 48 grav. Leipzig,
Hinrichs, 1904.
Tode (H.). — Michelangelo und das Ende der
Renaissance. T. II. Der Dichter und die Ideen
DER Renaissance. — In-8°, 487 pp., i fig. Berlin,
Grote, 1903.
anglcterrc.
Allen elAnderson (J.). — Theearly Christian
MONUMENTS OF SCOTLAND. EDIMBOURG. MU'Jeum of
antiquities, 1904.
Strutt (E.-C). — MiCHELANGELO (MINIATURE
SERIES OF PAiNiERS.) — In-iS, 96 pp. Londres, Bell.
Styan (K.). — History of sepulchral cross-
SLAiiS. — In-8°, 45 pp., 71 fig. Londres, Bemrose, 1903.
Wolfflin (H.). — The art of the itat.ian Re-
naissance. A HANDB00K for students and travel-
lers. From THE German. With a prefactory note
liY W. Armstrong. — In-4°, 290 pp. Londres, Heine
mann.
Jtatic.
Catalano (M. C). — Corso fondamentale di
ARCHKOLOGIA CRISTIANA. T. L La CATACOMBA CRI-
STIANA. — Naples, M. d'Auria.
Niti di Vito (F.). — Il tesoro di S. Nicolao
1)1 Bari. — Trani, Vecchi, 1903.
Pologne.
Chledowski (K.). — Siena. — Un vol. in-8",
\v1-528 p., avec 72 pi. Cracovie, 1904.
^=—=^= Danemark.
Dan.marks Malerkunst. Billeder og biogra-
PiiiER samlede of c. a. Been. Introduction par
C. Hannover. Fasc. 27-29. — In-4°, Copenhage,
Nordisch Forlog.
Puisse.
Vetter (F.). — Das Kloster S. Georgen in
Stein a Rh. als Heim klosterlichen Kunst und
Geschichte fur die Kantone Sch.\ffhausen und
Thurgau. Denkschrift, den beiden hohen Kan-
tonsregierungen gewidmet inJahredesSchauff-
hausers Bundesfeier. — In-4°, 16 pp. Berne,
Stampflictir, 1903
autricbe.
Neuwirth (J.). — Cistercienserkunst in
Oesterreich waehrenddes Mittelalters (Rekto-
ratsrede). — In-8°, 35 pp. Vienne, GéroldetCie, 1903.
TBelgiquc=î^ollanDc.
Destrée (J.). — Musées Royaux des Arts
décoratifs et industriels. — Catalogue des ivoires,
des objets en nacre, en os gravé et en cire peinte.
Bruxelles, Bruylant, 1902.
DestréeQ.). — Notes sur les primitifs italiens
N" 3. Sur quelques peintres de Sienne. — In-8°,
132 pp., grav. Bruxelles, Dietrich, 1903
Enschedé. — De Sint-Bavo ofgroote kerk te
Harlem. — 24 pp., i6 phototyp. et fig. Harlem,
Loosjes.
Gimberg (J.). — De muurschilderingen in de
St-Walburgskerk te Zutphen, Beknopte be-
schrijving. — In-80, 19 pp. et pi, Zutphen, Thierne,
1903.
Nimal (H.). — L'Église de Villers. Étude
historique et archéologique avec en appendice
un manuscrit du XVIII» siècle, décrivant les
sépultures. — In-8°, 72 pp. Bruxelles, Schepens,
1904.
Verkest (M.). — De hoofdkerk van Brugge en
haar kunstschat ^ In-4", 31 pp., grav. et portr.
Gand, Hoste, 1903.
* Wybo (G.). — NiEUPORT ancien et moderne.
— In-8°, 135 pp. illustr, Bruges, Desclée, 1904.
I^i^^l!^-^^. -^^ ^ ^- ^ ^- ^ ^- "^ '^- '^^- ^- '^^i^à^ii^:^i!^i!^^il^Ll^i!^
'h
Cl)rOntC(UC. sommaire: le concours pour le prix de ROME.— RO-
GIER DE TOURNAI. — BRUXELLES: basilique de Koekelberg. — MONUMENTS
ANCIENS: Chartres; portails romains; Châlons ; Alby ; Armagh; Mulhouse ; Carthage ;
Furnes ; Hautem-Saint-Liévin ; Louvain ; Saint-Quentin; Walcourt ; Courtrai ; Alost ;
Tirlemont, etc. — VARIA : Tapisseries à Angers.
•h
Jlcs Concours pour le Brir ne Home.
OUS lisons dans le Courrier de F Art
et de la curiosité' de judicieuses ré-
fle.xions sur le dernier concours des
pensionnaires de la villa Médicis.
En proposant aux architectes comme thème de con-
cours l'édification d'une nouvelle Manufacture nationale
des Gobelins, l'Institut a entendu soustraire les activités
à l'ambition vaine d'un art de parade et les obliger,
de vive force, à respecter les exigences, trop souvent mé-
connues, de la destination. Si la pensée ne laisse pas
d'être louable, l'ensemble des projets s'accorde à établir
que l'enseignement distribué à l'école sait mal favoriser
une conception architecturale utilitaire et pratique. Le
manque de simplicité, de personnalité, de rationalisme,
est ici presque constant. L'idée de la destination n'est
guère suggérée par les façades à colonnes ou à pilastres,
près d'éd'ifices pompeux;leur aspect, qui rappelle maintes
fois celui des fâcheux Palais des Champs-Elysées, annon-
ce tout aussi bien un musée, une mairie, une école.qu'une
manufacture d'État. Qu'il soit loisible de rencontrer de
ci de là, dans les dispositions générales d'un plan, quel-
que aménagement ingénieux, ou même chez MM. Alaux,
Tauzin, Hébrard d'honorables velléités de logique, je
raccorde,mais aucun emploi de matériaux spécial, si bien
indiqué en la circonstance, et pas davantage de régénéra-
tion dans le décor, à tout instant surchargé ou poncif A
juger d'après ce concours, les architectes du quai Man-
quais paraissent résolument étrangers à ce qui se passe
au dehors et bien peu se montrent acquis au principe du
renouvellement nécessaire de l'art et de son adaptation
aux besoins modernes.
Tout différents les sculpteurs ! On leur a demandé de
représenter, dans une figure. Saint Jean-Baptiste prêchant
dans le désert, et la plupart ont pensé à Auguste Rodin
non moins qu'à Donatello. La hantise de l'œuvre du
Luxembourg apparaît partout : celui-ci s'est souvenu de
l'élan de la marche ; cet autre a reproduit, dans sa ressem-
blance quasi littérale, le masque de la statue, les traits et
la bouche ouverte. .Saint Jean devient, selon M. Fabre et
M. Brasseur, un illuminé à la face convulsée, à l'oeil
hagard, ou d'après la fiction de M. Benneteau, de M. Lar-
rivé, une sorte d'énergumène, à la gesticulation désor-
donnée. L'invention demeure aussi dramatique, dans son
expression plus mesurée, chez MM. Descatoire et Cau-
mont, et surtout chez M. Biaise et M. Févola en l'avenir
desquels on placera de belles espérances. Seul M. Grenier
a imaginé un saint Jean Baptiste, jeune, imberbe presque,
non sans séduction et dont la contenance timide détonne
parmi l'exubérance de tant d'allures d'une fougue tour-
mentée.
Sur les dix concurrents au prix de peinture, deux, M.
Pierre Gourdault et M. Concaret, ont été mis en belle lu-
mière, grâce au dernier Salon. Sans prétendre que leurs
versions respectives de la Décollation de saint Jean valent
les ouvrages naguère applaudis au (irand Palais, c'est
justice de reconnaître en ces nouveaux travaux la confir-
mation des dons par où leurs auteurs avaient su d'emblée
conquérir le public. Derechef on goûte la puissance du
coloris, la diffusion heureuse de l'éclairage, ainsi que les
libres accents d'un métier sain, ample et souple. Il y a
encore révélation d'un vrai tempérament de peintre de
la part de M. Godefroy — dont la toile s'empreint joliment
des matités sourdes de la fresque, — et de la part de
M. Aubry ; certes, dans l'envoi de M. Aubry, le visage de
Salomé est d'une construction bizarre, mais, en compen-
sation, quel plaisant concert de nuances assorties à souhait
pour la joie du regard ! Avec moins d'originalité, peut-
être, M. Muller s'atteste quand même un coloriste discret
auquel tout éclat et toute vulgarité spontanément ré-
pugnent.
R. M.
BLogier De Tournai et Zanctto Bugatto
Nous trouvons dans le même périodique la
très intéressante communication qui suit :
ES historiens de la peinture flamande au
XV= siècle ne paraissent pas avoir fait at-
tention à deux textes très importants relatifs
à Rogier van der Weyden , qui ont été publiés
en 1902 par M. Malaguzzi Valeri ( Pittori
Lonibardi del (luattrocento, p. 125 et suiv.). Je les ai si-
gnalés brièvement dans \& Journal des savants {n^o^,
p. iSi).
Le 36 décembre 1460, le peintre Zanelto Bugatto, pro-
tégé de Francesco Sforza et de sa femme Blanca Maria,
est recommandé par le duc de Milan au duc de Bour-
gogne ; il se rend dans les États de ce dernier prince pour
profiter des leçons du célèbre maître Guillaume :« .Ideo
cidem arti dcditus est, ut auditâjamâ Mai^istri Gulielmi
apud prcfatam vestram dominationein seu in partibus illis
renwrantis, qui artis illius pre ceteris optiinavi cognitio-
neni liabete predicatur, ohtenta a nobis licentia inslituerit
ilium adiré dediscendi uliguid ab eo gratiâ. Ipsum itague
Zaïietum, qucm sua pro virtute no7i mcdiocriter carum
habentus, jani dicte Dontinationi l'estre cotnmendanius >
Qu'est-ce que le célèbre maître Guillaume? Il semble
qu'il y ait là une erreur de nom et que le scribe ait écrit
Gulielmi pour Rugeri.
En effet, au mois de mai 1463, Zanetto Bugatto était
de retour de son voyage d'instruction et la duchesse
Bianca Sforza écrivait à Rogier une lettre de remercie-
ments qu'a publiée M. Valeri. L'intitulé de cette lettre est
en latin : Nobili viro dilecto Magistro Rugcrio de Tornay
pilori in Ihirselcs (lîruxelles). La lettre elle-même est en
italien : je la traduis librement :
< La duchesse... Connaissant votre réputation et votre
habileté, nous avons autrefois décidé de vous envoyer
notre peintre Zanetto, afin qu'il apprît de vous quelque
chose dans l'art de peindre. A son retour, il a rapporté
avec quelle bienveillance et quelle affection vous l'avez
reçu, avec quel zèle vous avez tenu compte de notre re-
commandation, avec quelle libéralité vous lui avez en-
seigné votre art. En ayant eu également connaissance,
nous vous adressons nos remerciements et, tant à cause
du service rendu que de vos singuliers mérites, nous nous
mettons à votre disposition pour tout ce c|ui pourrait vous
être agréable. Donné à Milan, le 7 mai 1463. >
Zanetto est souvent mentionne dans les documents des
archives des Sforza; il paraît être mort au commencement
Cl)ronique»
431
de 1476. Le 9 mars de cette année, le duc demande qu'on
le remplace à Milan, en qualité de portraitiste officiel, par
iino pi/tore Ceciù'd/ifl, qui est Antonello de Messine. Il
doit certainement exister un bon nombre de portraits de
liugatto, mais on n'en a pas encore identifié un seul, et,
comme il a passé trois ans dans l'atelier de Rogier à
Bruxelles, il est probable que plus d'un poitrait de Zanelto
porte, dans les musées, l'étiquette : < École flamande. »
Tout récemment, M. C. Hasse, reprenant une ancienne
hypothèse ibandonnée.a prétencludistinguerdeux peintres
du nom de Rogier et a formulé comme il suit ses conclu-
sions ( Rpaer van li>i<gj^e, der Meister von Flemalle,
Strasbourg, 1904, p. 51) :
<l En même temps que le peintre de la ville de Bruxelles,
Roger van der Weyden, vivait \ Bruges, entre 1400 et
1480, Roger de Bruges, élève de Jan van Eyck, maître de
Memling et de Friedrich Herlin. Ce grand maître naquit
probablement à Bruges et visita l'Italie en 1450. Il est
identique au peintre du tableau d'autel autrefois dans
l'abbaye de Fémalle. >
M. Hasse ne connaissait pas la lettre de la duchesse
de Milan. Le fait que cette princesse s'adresse à Roger
de Tournai, peintre à Bruxelles, comme au plus célèbre
des maîtres flamands, suffit h rendre très vraisemblable
qu'il s'agit du peintre qui visita l'Italie en 14491451 et ne
semble pas favorable à l'hypothèse qu'il existât, à la
même époque, deux peintres renommés du même nom.
J'ajoute que les relations de Rogier avec les Sforza
avaient déjà été soup(;onnées par Crowe et Cavalcaselle,
qui se demandent (p. 251 de l'éd. allemande) si Rogier
avait passé par Milan pour se rendre à Ferrare, ou si
Sforza avait eu connaissance de son mérite par les éloges
du duc de Ferrare. La collection Zambeccari h. Bologne
possédait une Crucifixion où, sur le premier plan, figu-
rent deux personnages agenouillés, que leurs armoiries
permettent d'identifier à Francesco-Marie Sforza et à
Bianca Visconti (') ; le page à gauche de cette dernière
serait son fils, le duc Galeazzo Maria. Crowe et Caval-
caselle attribuaient la conception et l'exécution de cette
peinture à Rogier.
Salomon Reinach.
Brurcllcs.
fN comité national a été constitué sous
la présidence du comte de Bergeyck,
sénateur, en vue de l'érection d'une
grande basilique votive sur la hauteur
de Koekelberg, œuvre somptuaire conçue par le
roi Léopold II.
On a l'espoir, lisons-nous dans la Métropole, que la pre-
mière pierre de la basilique, pourra être posée au mois de
juillet 1905, à l'occasion des fêtes jubilaires de l'indépen-
dance nationale.
On a dit que la basilique de Koekelberg serait un pla-
giat de celle de Montmartre. Il n'en'sera rien, ni au point
de vue de l'architecture du monument, ni au point de
vue des dépenses qu'il entraînera.
Montmartre a englouti 40 millions. On prévoit pour le
Koekelberg un minimum de 5 millions et un maximun de
8 millions.
I. C'est au Musée royal de Bruxelles que l'on peut présentement
voir ce tableau. Nous l'avons reproduit naguère avec un texte
de E. Muntz, où étaient déjà mises en lumière les relations de
Rogier et de Sforza. Les nouveaux documents apportés par M.
Reinach ne font que confirmer les conclusions auxquelles avait été
conduit notre regretté collaborateur. (.n. d. l. r.)
V. Revue de V Art chrétien, année 1893, p. 192.
On a prétendu que la basilique de Koekelberg serait
édifiée en style roman-byzantin. Il n'en est rien encore.
Le projet de M. l'architecte Langerock, déjà assez avancé
pour qu'on en puisse louer la très belle venue et l'im-
posant effet, est en style gothique primaiie et restera
donc conforme aux traditions nationales en tnatière
d'architecture monumentale religieuse.
En quoi la basilique de Koekelberg ressemblera à
Montinartre, il faut l'espérer, c'est qu'elle sera l'œuvre
de la générosité de toutes les classes de la nation et que
de toutes les régions du pays aussi les Belges y viendront
manifester leur fière et indestructible fidélité à la foi
séculaire des ancêtres.
Il faudrait ne pas connaître notie pays pour douter
que le grandiose projet du Roi n'y soit admirablement
compris et couronné d'un réel succès de popularité.
Monuments anciens.
ATHÉDRALE de Chartres. — M.
René Merlet vient d'entreprendre de
nouvelles fouilles dans le chœur de la
cathédrale de Chartres. Il a fait com-
plètement dégager un gros pilier cruciforme de
la cathédrale carolingienne et l'escalier droit
qtii descendait du côté nord à la petite crypte
du IX*" siècle connue sous le nom de caveau de
Saint-Lubin. Cet escalier avait été rempli de
blocage au XVII" siècle, mais M. Merlet a fait
réapparaître son mur méridional en petit appareil
bien régulier.
Au Xle siècle, on pénétrait dans la crypte
carolingienne en passant contre le puits des
Saints-Forts et dans le couloir de l'ancien escalier
qui avait été supprimé par Fulbert. Le mur
d'enceinte gallo-romain, épais de i™,5o, était
alors percé d'une porte dont on a retrouvé la
trace. L'entrée actuelle du caveau Saint-Lubin
n'est pas antérieure au XVIJe siècle, époque où
l'ancien couloir d'accès fut muré tandis que le
puits des Saints- Forts était comblé.
Portails romans. — M. Gabriel Fleury conti-
nue son intéressante étude sur la sculpture
romane dans les grands portails du XII^ siècle.
Il décrit et compare les portes de Saint Tro-
phime d'Arles, de Saint-Gilles, de Romans, de
Valcabrère, de Saint-Bertrand-de-Comminges,de
Moissac, de Souillac, de Beaulieu, de Conques,
de Caremac et de Cahors. Cet article, illustré
d'excellentes photographies de l'auteur, se ter-
mine par l'étude comparée des portails de Notre-
Dame la Grande à Poitiers et de la cathédrale
d'Angouléme. Les études de M. G. Fleury sont
à rapprocher de celles que M. Sanoner consacre
à l'iconographie des portails romans (').
I. Bulletin monumental, n» 1-2, 1904 et Jfeviie de l'Art chrétien,
année 1902, pp. 445 et suiv. — Jiev. kisl. et archéol. du Maine,
1904, i" semestre, pp. 28-69, '^ P'-
432
WitWt lie rart cJ)rétîen.
Châloiis. — Brisés en plusieurs morceaux, les
anciens fonts de la cathédrale de Châlons avaient
servi de blocage dans l'étage supérieur du clo-
cher du Sud, élevé au XVI I*" siècle et récemment
démoli. Les fragments rapprochés ont permis
de reconstituer une cuve rectangulaiie. dont les
quatre coins sont occupés par une figure d'ange
sonnant de l'oliphant, tandis que le long des
quatre faces, des suites de personnages parais-
sent sortir de leur tombeau. M. le chanoine
Lucot croit cette sculpture contemporaine de la
cathédrale de 1147; il la rapproche des fonts
(tournaisiens) de Zedelghem et de Vermand,
dessinés par de Caumont. Comme elle est de
marbre noir, il n'y aurait rien de surprenant à ce
que ce fût un nouvel exemplaire d'une expor-
tation lointaine des ateliers tournaisiens. Nous
croyons pouvoir rappeler au sujet des ateliers en
question l'étude que notre Revue y a consacrée
naguère (').
»
♦ *
Maisons anciennes d'Alby. — M. Aug. Vidal
a signalé et dessiné plusieurs maisons de briques
à tourelles ou en pans de bois {^).
*
* *
La cathédrale cTArmagh. — La cathédrale d'Ar-
magh.que S. É. le cardinal Vannutelli a inaugurée
au mois de juillet en Irlande, est dédiée à saint
Patrick. Sa première pierre fut posée en 1840 et
le bâtiment s'éleva peu à peu jusqu'en 1873, où
il fut ouvert au culte, bien qu'inachevé. Le car-
dinal Logue succéda à l'archevêque Mac Gofflgan,
qui était, à cette époque, à la tète du diocèse, et
voua tous ses efforts à trouver l'argent nécessaire
pour achever la cathédrale et payer les dettes
de l'édifice. L'appel qui fut adresse aux catho-
liques du monde entier produisit plus qu'il n'était
nécessaire.
La cérémonie a eu un éclat particulier. Le car-
dinal Vannutelli, qui a consacré la cathédrale, a
assisté pontificalement à la grand'messe, chantée
par l'archevêque VValsh.
Mulhouse. — Les superbes vitraux du XI 11*^
sjècle qui ornaient autrefois l'église Saint-
Etienne, démolie en 1858, vont enfin trouver de
nouveau une destination. Ce trésor d'art, pro-
priété de la communauté protestante de la ville,
avait été mis provisoirement en caisses et remisé
1. L. Cloquet, Les/onls romains de Tournai, année 1895, p. 308.
— V. Bulletin monumental, n° 1-2, 190461 \lém. de la Soc. (tagri-
cul., comm., se. et arts de la Marne, 1901, pp. 65-72.
2. Rev. kist., scientif. et litt. du dép. de Tarn, 1903, pp. 227-283.
en différents endroits, au diaconat, à la tour de
l'église protestante et enfin dans une cave. On
paraissait avoir complètement oublié ces vieilles
verrières lorsque l'idée vint de les placer au
temple protestant. Dix fenêtres vont être ornées
d'une quinzaine de panneaux chacune. Pour
subvenir aux frais de restauration et d'installa-
tion qui se monteront à une trentaine de mille
francs, le journal L'Express a ouvert une sous-
cription, et, sans distinction de culte, les vieux
Mulhousiens sont venus apporter leur obole (').
Les milles de Carthage. — Grâce à l'initiative de
M. Jepssen, danois, et le concours de la société
qui possède aujourd'hui l'ancien domaine du
diocèse à Carthage, M. Gauckler, directeur des
antiquités, a retrouvé un des monuments les
plus importants de la cité romaine, le théâtre où
Apulée fit ses conférences et que mentionnent
souvent Tertullien et saint Augustin. Construit
selon toute apparence au début du W" siècle
de notre ère, il fut détruit par les Vandales.
On n'avait aucun renseignement précis sur
l'emplacement de cet édifice, qui fut confondu
souvent avec l'Odéon voisin, et on le supposait
anéanti. Les fouilles actuelles élucident entière-
ment ce problème. La première tranchée ouverte
de haut en bas dans l'axe présumé du théâtre a
prouvé que celui-ci existe tout entier sous huit
mètres de terre rapportée et que ses dimensions
sont colossales.
A l'heure actuelle on approche de la scène dont
on commence à découvrir toute la décoration
architecturale, chapiteaux et corniches. On
espère trouver à bref délai des statues et des
œuvres d'art analogues à celles découvertes en
1900 sur l'emplacement de la scène de l'Odéon
romain. Dès à présent on a mis à jour un superbe
camée ovale sur agate, représentant la tète de
Pallas-Athéné, casquée, et détachant son profil
blanc et nacré sur un fond jaune pâle.
Les fouilles ont amené depuis encore la décou-
verte d'une statue colossale d'Apollon, debout
près de l'autel. Cette statue, de toute beauté, est
presque intacte ; seuls les avant-bras sont en
mauvais état.
La direction du même service des antiquités
de Tunisie vient de faire de très intéressantes
découvertes à l'endroit où s'élevait la puissante
Carthage.
On a retrouvé des maisons luxueuses de bour-
geois riches, des magasins qui devaient servira
des marchands de grains, et deux mosaïques
I. Courrier de l'Art.
Cl)romque.
433
datant du I<=' siècle, et qui sont d'une belle valeur
artistique.
Dans la région du cap Bon, on a découvert un
magnifique sarcophage en marbre blanc, qui va
figurer parmi les remarquables attractions du
musée de Bardo.
*
• *
Fumes. — Nous apprenons qu'on se dispose
à opérer le grattage à cru des parois intérieures
des murs de l'église Ste-Walburge à Furnes.
L'architecte si éminent chargé de la restauration
de cette église, et que nous mettrons parmi les
maîtres les plus appréciés, a sur ce point du
grattage des églises, une manière de voir que
nous ne pouvons approuver. C'est lui qui a mis
à nu les parements en briques de la cathédrale
de St-Bavon en sacrifiant d'inestimables vestiges
de peintures. L' église de Furnes aussi possède
des vestiges de décorations murales. Nous espé-
rons qu'on ne va pas les sacrifier au préjugé des
matériaux apparents.
L'église de Hautem-Saint-Liévin, dont les nefs
ne datent que de 1769, possède un chœur de
haute antiquité, ainsi que l'oratoire de son
patron, flanqué d'une tourelle ; il y en avait
autrefois deux aux flancs de l'abside. On s'oc-
cupe de restaurer le vénérable oratoire.
L'église si importante au point de vue archéolo-
gique de N.-D. aux Dominicains de Louvain est
fort endommagée ; on va pourvoir à certaines
réfections urgentes.
On s'occupe de la restauration de l'église de
Saint-Quentin, remarquable pour les lancettes si
élancées de son chœur, en partie bouchées, toutes
dépourvues de leurs meneaux. On y a découvert
des traces de polychromie appliquée directement
sur la pierre.
La restauration de l'église de Walcourt, dont
il a été question plusieurs fois dans nos colonnes,
est chose faite et bien faite par les soins de
!Vr. Langerock. Les derniers travaux ont eu pour
objet le rétablissement du clocheton du transept,
du toit de la tour, des arcs-boutants, des con-
treforts, la restauration du narthex et la réfection
du pavement du chœur.
On a restauré la tour romane de Loothen-
hulle (FI. Occid.) ; on s'occupe des belles églises
qui font le monumental ornement de la jolie
petite ville de Poperinghe : St-Bertin, Notre-
Dame et St Jean.
*
* ♦
On vient de classer parmi les monuments, la
belle tour de la petite paroisse de Mannekens-
vere (FI. Occid.), à la flèche élancée tout en
briques (commencement du XV'' s.).
La croix triomphale vient d'être rétablie à
l'église de Rebaix (Hainaut).
L'église de Notre-Dame àCourtrai,si curieux
spécimen d'architecture de style tournaisien
(XIII'' siècle), a été débarrassée des boiseries
peintes imitation de marbre qui dissimulaient
les anciennes ordonnances de l'œuvre primitive.
Le décrépissage de l'église de Saint-Martin
d'Alost a mis à découvert ses parois en pierre de
Meldert, et a permis de reconnaître l'urgence
de la restauration de certaines parties en péril.
L'architecte Langerock a découvert une crypte
dans l'église de Saint-Germain de Tirlemont.
Malheureusement on ne pourrait la restaurer sans
relever de i™,50 le pavement du chœur.
Des restes de peinture murale ont été trou-
vés sur le pilier de l'église de Westmalle (prov.
d'Anvers) ; elles représentent les Apôtres. On a
fini de restaurer celles de Neeroeteren. Revue
de r Art chrétien les a publiées (').
*
* *
Des peintures décoratives nouvelles ont été
exécutées à la nouvelle église de Grimde (Bra-
bant).
*
♦ *
On a débadigeonné l'abbatiale de Saint-Hubert.
On vient de restaurer la chaire de vérité de
l'église de Roucourt (Hainaut), très intéressant
meuble du XVI^ siècle ; une seule autre peut
lui être comparée : celle de Nieuport. Les cinq
I. V. Revue de ï Art chrétien, année 1903, p. 193.
434
iÊlel^uc tie r^rt chrétien.
panneaux de la cuve sont ornés de sujets relatifs
à la prédication. On y voit \e Jugement dernier,
\a Prédication de S. Jean- Baptiste ; S. François
d'Assise, prêchant auv oiseaux ; la scène relative
au roi Saloinon et la légende de Ste Catherine
d'A lexa7idrie.
Elle était établie jadis en encorbellement
contre un massif de maçonnerie.
Oii a restauré rhôtel-de-villedeLoo(F1.0ccid.),
qui remonte au XVI^^ s,, sous la direction de
M. Vineth.
*
♦ *
Liège. — Il a été procédé, par les soins de
M. Rousseau, conservateur au Musée des arts
décoratifs de Bruxelles, au démontage de la cuve
baptismale de Saint-Barthélémy.
Cette opération, — comme on le prévoyait
généralement, — n'a pas révélé le nom de l'au-
teur, — hutois ou dinantais, — du plus célèbre
monument de la dinanderie du XII'' siècle : elle
n'a mis au jour ni inscription, ni marque d'aucune
sorte.
Ce qui paraît résulter de l'examen du fond
extérieur de la cuve, c'est que les bœufs sont de
plus en plus vraisemblablement l'œuvre du fon-
deur même de cstte cuve. Du moins autour de ce
fond une rainure est creusée à laquelle s'adapte
exactement le tenon dont est cliargé le garot de
chacun des animaux. Les bêtes qui manquent
ont été perdues ou enlevées autrefois.
*
* *
La Commission royale des monuments a exa-
miné la construction connue à Liège, sous le nom
de la maison Porquin, bâtie au XV!" siècle par
le banquier Lombard, Bernard Porcini. Rachetée,
pour 24,000 florins, par le prince de Liège, Ernest
de Bavière, elle fut transformée en hospice,
annexe de l'Hôpital. L'Administration commu-
nale de Liège, n'ayant tenu aucun compte de
l'avis de la Commission royale des monuments,
ni des démarches des Sociétés archéologiques de
la ville pour la conservation de cet intéressant
monument, en a décidé la démolition.
Varia.
*
* *
ALGRÉ les protestations de la presse
esfiagnole et les mesures prises par
v^jt. le Gouvetnement, le chapitre de Val-
a?^jj ladolid a conclu la vente des tableaux
du Greco, qui appartiennent désormais au musée
de IVjston. Cet incident, qui a vivement ému
l'opinion publique, hâtera sans doute le vote
de la loi contre l'exportation des œuvres d'art (').
I. Courrier de l'Art.
Un sort semblable a menacé il y a quelque
temps les tapisseries de la Seo de Saragosse. —
La presse réclame la création, en Espagne, d'une
loi analogue à la loi Pacca en Italie, pour em-
pêcher l'exportation des œuvres d'art.
Un des meilleurs tableaux du Greco, le portrait
de D. Fernando Nino de Guererra, a déjà été
récemment vendu en France pour 275,000 fr.
*
* *
La basilique de Saint-Denis, qui avait prêté à
l'exposition des Primitifs français les statues de
Charles V et de Jeanne de Bourbon, s'en dessai-
sit définitivement au profit du Louvre.
Ces deux chefs-d'œuvre du XIV"ï siècle
n'étaient d'ailleurs à Saint-Denis qu'en dépôt.
Les deux statues figuraient autrefois aux côtés
du portail de l'église des Cèlestins de Paris, que
Charles V avait fait construire près de son hôtel
Saint-Paul (i).
Le Conseil des Musées, dans sa dernière
séance, a acquis le tableau de l'école provençale
du XV'= siècle : Le Christ an tombeau que possé-
dait l'église de Boulbon, près Avignon, et que
M. Bouchot avait signalé et reproduit dans la
Gazette du if^"^ juin (2).
*
L'église de Bussy-Lettre (Marne), remar-
quable par son ancienneté, a été entièrement
détruite, au mois d'août par la foudre.
Un violent incendie a détruit le samedi 6 août,
à Strasbourg, la vieille église Sainte-Madeleine,
fondée en 1478. Ses superbes vitraux, qui comp-
taient parmi les plus beaux de l'Alsace, ses
peintures murales, dues à l'artiste alsacien
Feuerstein, une curieuse Vierge en bois du XV
siècle, ont été la proie des flammes. Il ne reste
plus debout que le clocher en pierre. On a réussi
à sauver le beau reliquaire de sainte Attale, un
ornement en brocart d'argent du XVI P' siècle, et
quelques statues.
Dans l'église Sainte- Marguerite de Colorno,
petite ville près de Parme, on a dû déplacer le
tableau représentant le martyre de sainte Mar-
guerite, jusqu'aujourd'hui attribué a 'v'ignola. M.
Glauco Lombardi a pu découvrir ainsi que cette
peinture est une œuvre authentique de Paul
I. Courrier tie l' Art.
2. Ibid.
Cl)romquc.
435
Véronèse, ou se trouve le portrait de Barbara
Sanseverino.
♦ *
Il y a deux ans, au mois d'août, les habitants
d'Ascoli Piceno apprirent avec chagrin qu'une
précieuse chape, don du pape Nicolas V à la
cathédrale, avait disparu. Toutes les recherches
furent vaines pour retrouver les auteurs du
vol sacrilège et la trace de l'ornement sacerdotal,
conservé depuis plus de six siècles comme une
insigne relique.
Or, dernièrement, M. Corrado Ricci, directeur
des musées de Florence, reçut une lettre de M.
Herrera, professeur à l'Université de Bruxelles,
l'avisant que la chape de Nicolas V, qu'il con-
naissait pour l'avoir vue à Ascoli, figurait dans
la collection d'objets d'ait exposée par Pierpont
Morgan à Londres. M. Ricci a fait le voyage de
Londres et a reconnu, en effet, la fameuse chape.
Le syndic d'Ascoli, l'ambassadeur d'Italie, le
cardinal Vanniitelli, sont en mouvement pour
obtenir du milliardaire Morgan la restitution de
l'objet historique, d'une valeur inappréciable.
Du 20 au 25 juillet ont eu lieu à Arezzo des
fêtes en l'honneur de Pétrarque à l'occasion du
sixième centenaire de sa naissance. On a placé
sur la maison natale du poète, viadell' Orto, une
plaque commémorative, et le Comité du cente-
naire a fait frapper une médaille imitée des belles
œuvres du X\''"= siècle, qui reproduit le seul
portrait authentique de Pétrarque d'après un
manuscrit de la Bibliothèque Nationale de Paris,
publié naguère par la Gazette.
lïa T?cntuic « De rHpocaljjpsc » Dc la
CatbcDralcD'Hngcrs.
N lit dans le Courrier de L'Art.
La cathédrale d'Angers possède une suite
de tapisseries célèbres,di tes «de l'Apocalypse»
qui a été l'objet de nombreux et excellents
travaux. Nous en connaissons toute l'his-
toire, et les recherches d'archives si heureuses de
M. (jiffrey lui ont permis d'identifier l'auteur avec le
fameux Nicolas Bataille, tapissier parisien du XIV"
siècle (■)■
M. Giry, dans la revue L'Art (décembre 1876), et M.
de Farcy, dans son Histoire et description des tapisseries
tù la cathédrale d' Angers {Dssc\ée.it*. De Brouwer éditeurs
X. Nicolas Bataille, tapissier parisien du XIV'^ siècle, auteur de
la tapisserie de t Apocalypse d'Angers. (Mémoires delà Société de
l Histoire de Paris, tomt X.)
à Lille) en faisant l'historique de cette tenture, avaient
mis au point toutes les questions cjui s'y rattachaient.
Pour résumer le remarquable travail critique de M. Giry,
il me suffira de rappeler que le duc d'Anjou avait com-
mencé par emprunter à son frère, le roi Charles V, un
précieux manuscrit de sa bibliothèque, représentant, en
un grand nombre de miniatures, les scènes épiques de
l'Apocalypse. Le livre avait été confié à Hennequin ou
Jean de Bruges, ])eintre attitré de Jean V, qui s'en inspira
pour exécuter les cartons de tapisseries dont le duc
venait de lui faire la commande, et qui furent payés en
janvier 1378. C'est Nicolas Bataille que le duc d'Anjou
devait charger d'exécuter la tenture, dont la dernière
pièce ne devait être terminée qu'en 1490, et donnée à la
cathédrale par Anne de France, la fille de Louis XL
Une des grandes sources d'intérêt de la tenture «de
l'Apocalypse » d'Angers, c'est son étroite parenté avec
l'art des miniaturistes et des enlumineurs de manus-
crits. M. Giry avait très bien démontré que Jean de Bruges
n'avait nullement tiré de sa piopre imagination les
tableaux complexes et variés cjui composent cette suite
énorme, et que ce n'était pas seulement du manuscrit de
la bibliothèque du roi Charles V qu'il s'était inspiré, mais
de bien d'autres manuscrits royaux qui contenaient des
visions de l'Apocalypse.
Le grand séminaire de Namur possède même un
manuscrit daté de 1360, renfermant 86 miniatures, dont
un grand nombre sont presque identiques de composi-
tion avec les tableaux de la tapisserie de Saint-Maurice
d'Angers si bien, qu'on pourrait retrouver les tableaux
manquants de la tenture dans les miniatures mêmes de
ce livre.
Un travail récent, dont l'auteur est un des plus grands
;>avants de notre temps, a jeté sur cette question un
jour nouveau. M. Léopold Uelisle, secondé par M. Meyer,
s'est proposé d'étudier tous les manuscrits à sujets de
l'Apocalypse, plus particulièrement dans leurs rapports
avec la tenture d'Angers. Il n'écarte pas le manuscrit de
la bibliothèque royale de Charles V, portant aujourd'hui
le n°403 du fonds français de la Bibliothèque Nationale,
mais il consacre une longue étude à une série de 16
manuscrits ofifrant tous un type commun arrêté en Angle-
terre et dans le Nord de la France au XII' siècle, dont
les miniatures ont longtemps servi de modèles aux tapis-
siers et aux graveurs de livres.
Après avoir examiné attentivement les miniatures,
M. Delisle s'est trouvé dilïérer d'avis avec M. Giry, par
suite de l'identité presque absolue constatée de bon
nombre de miniatures de ces manuscrits avec les tableaux
de la tapisserie d'Angers et leur présentation dans le
même ordre. Il ne nie pas que le manuscrit de Charles V
ait pu être prêté par lui au duc d'Anjou, mais il croit
impossible qu'il ait pu influencer l'auteur des cartons de
la tenture qui sont tout à fait différents. Ils se rappro-
chent, au contraire, exactement de. miniatures de
plusieurs des manuscrits étudiés par M. Léopold Delisle,
et tout particulièrement de deux manuscrits conservés
dans les bibliothèques de Cambrai et de Metz.
Tel est, sans entrer dans le détail, le fond de la discus-
sion de M. Léopold Delisle menée avec une grande force
logique. Il ne reste qu'à regretter que cette discussion ne
s'appuie sur aucune représentation des choses auxquelles
elle s'applique. L'autorité de M. Delisle aurait pu obtenir
bien facilement des bibliothèques intéressées d'excellentes
photographies qui nous auraient donné de précieuses
reproductions comparatives.
Gaston Migeon.
Imprimé par L'esclée, De Brouwer et C'<=, Lille-Paris-Bruges.
I
!Belme îie
l'Hrt rbrctien
^ pnraieennt tous Ieô beuv mciiie;. 4,
47"" Hnnée.
4*^ Série.
ES
S
Coiiic XV (Liv-^ ùe fa collection). <
r§, 6"e [jjjr __ j:?ooemtire (90^. ■
Œn t£it)re ti'Iïeureô appartenant a H. H. le due D'Hrenberg
à BrujceUe0.
GtuDe iconopapbiQue.
ÉTUDE de l'icono-
graphie chrétienne a été
cultivée en France de-
puis longtemps par des
archéologues du plus
haut mérite. Mais nous
■'^^^^^WÎWfWs-- sommes encore loin
d'être arrivé au bout. Beaucoup de ma-
nuscrits, encore non étudié.s et pourtant
riches en renseignements, forment une
source abondante, mais ignorée des savants.
Son Altesse le duc d'Arenberg a bien
voulu exposer ses plus précieux manuscrits
à Uusseldorf, en permettant d'en publier
les miniatures. Nous lui exprimons ici toute
notre respectueuse reconnaissance, en nous
prévalant de son autorisation pour donner
ici les reproductions des miniatures tirées
d'un livre d'Heures in-8° de premier ordre
et qui offre un intérêt tout spécial.
Les blasons des feuilles deux verso et
trois recto prouvent que le livre a été écrit
et peint pour Catherine de Clèves, mariée
en 1430 à Arnaud, duc de Gueldre. Leurs
blasons d'alliance sont peints au bas de la
seconde feuille, les armes des bisaïeuls de
Catherine sur les marges de cette feuille et
delà feuille suivante. Sur la seconde feuille,
on voit Catherine agenouillée devant la
Mère de Dieu, avec une banderole portant
l'inscription : Mater Dei, miserej-e j^iei[(\g. i ).
A la troisième feuille, le texte commence
par les Heures de Notre-Dame, accom-
pagnées de grandes et de petites miniatures.
Aux Matines, dans une petite miniature,
le roi David demande le secours de Dieu:
Deus, m adjutorium meum intende. Un petit
ange descendant du ciel lui apporte l'assu-
rance de l'aide de Dieu (fig. 2). Aux Laudes,
trois anges chantent le Gloria. A Prime, est
représentée la Nativité de la sainte Vierge.
A Tierce, dans une grande miniature,
KKVUK UE L AKT CHKETIBN.
IQO4. — 6*"* LIVRAISON.
l'artiste a peint la Présentation. Dans une
petite miniature, on voit des jeunes gens
assemblés devant le grand-prêtre ; une
colombe descend sur saint Joseph, en té-
moignage de la volonté de Dieu qui le
désigne comme l'époux de la sainte Vierge.
A Sexte, le peintre représente, dans une
grande miniature, les fiançailles de saint
Fig.
Catherine de Clèves, agenouillée devant la Mère de Dieu.
Joseph et de la Vierge Marie r dans une
petite miniature, on voit Dieu assis sur un
trône, adoré par deux anges, après avoir
formé le dessein de se faire homme. On
y lit sur une banderole : Dicite filice
Sion, ecce rex tuus: vernie. (Matth., 21, 5.)
A None, nous voyons dans la grande
miniature, l'Annonciation ; dans la petite
est représentée la Visitation ; aux Vêpres,
dans la grande, la Naissance de Notre-
Mn %i\)vt d'i^eures.
439
Seigneur (fig. 3) ; dans la petite, la Fuite
en Egypte ; aux Compiles, dans une petite
miniature, on voit comment Notre-Dame,
après sa mort, est portée au ciel par deux
anges, où Dieu, entouré d'anges rouges, se
dispose à la recevoir.
Les Heures de la Passion sont ornées de
sept grandes et de six petites miniatures,
Fig. 2. — David demande le secours de Dieu.
représentant l'histoire du Sauveur, depuis
la trahison de Judas jusqu'à la Résur-
rection (fig. 4). Deux des petites miniatures
sont remarquables : l'une à Sexle, dans
laquelle on voit Jésus, dépouillé de ses
vêtements, assis sur un tertre, tandis que
les bourreaux sont occupés autour de la
croix, et l'autre à None, dans laquelle Nico-
dème demande à Pilate la permission de
descendre le corps du Sauveur de la croix.
D'une importance encore plus grande pour
l'histoire de l'iconographie chrétienne sont
440
îicbue tie ravt cljvctieu.
les huh'ûlustraùons des Heiij^es de /a irèsSie I du Saint-Esprit sous la forme humaine (').
T'r/wz'//. On sait que Benoit XIV s'est pro- | Déjà Avala avait blâmé ces sortes
nonce avec énergie contre la représentation j d images (').
Fig. 3. — La naissance de Notrc-Seigneur.
Didron écrit néanmoins dans son Histoire
de Dieu (') : «Quoique ce portrait du Saint-
Esprit en homme ait été abandonné à la
I. Paris, 1843, p. 462.
Renaissance, c'est à nous de le reprendre
1. Acia et décréta in caitsis Beatifîcatioiium et canotii-
zationutn C. 12, Opéra Venet. 1767, V, 102 s. Epistola ad
episcopum Augustanum.
2. Pictor christianus, Matriii, 1730, 11, 3, n. 8, p. 44.
Mn fimt D'i^eures.
441
et de le perfectionner encore ; les artistes
chrétiens ne doivent pas laisser périr un si
beau sujet, soit dans les représentations de
la Trinité entière, soit dans celle du Saint-
Figr. 4. — Jésus porte sa croix.
Esprit tout seul. L'esprit en homme n'a
pas fini sa carrière ; c'est à l'avenir surtout
qu'il appartient d'honorer l'intelligence, de
cultiver la raison dans le Saint-Esprit,
comme le passé a vénéré la puissance dans
Dieu le Père et l'amour dans Dieu le Fils. »
442
Bebue lie V^xt ft)rétien.
Le pape Benoît XIV jouissant d'une très
grande autorité, je n'oserai pas me ranger
à l'avis de Didron. Mais on ne peut nier
que la lettre du pape n'est pas tout à fait
décisive dans cette question et qu'elle n'a
pas force de loi. Elle n'est adressée qu'à
un seul évêque et les raisons qu'elle donne,
ne semblent pas incontestables. Benoît
XIV affirme que les trois personnes qui
visitèrent Abraham étaient des anges et
non les trois personnes de la Sainte-Trinité.
II prétend qu'il n'est donc pas permis de
représenter cette Sainte-Trinité sous la
figure de trois hommes, en s'autorisant du
récit de la sainte Écriture sur cette appari-
tion. Mais on peut répondre que ces trois
anges signifièrent la Sainte-Trinité, et
qu'en conséquence on a le droit de la re-
présenter sous la forme de trois hommes (').
La seconde raison de Benoît se fonde
sur la supposition qu'on aurait rarement
représenté les trois personnes de la Sainte-
Trinité sous les figures de trois hommes.
Mais Didron prouve qu'on l'a fait souvent
dès le X« siècle et que les portraits du
Saint-Esprit en homme ne sont pas rares
surtout au XV'' siècle (').
La lettre du pape Benoît à l'évêque
d'Augsbourg affirme que même si l'on
était autorisé à peindre la Sainte-Trinité
sous l'image de trois hommes, il ne serait
pourtant pas permis pour cela de repré-
senter le Saint-Esprit seul et séparé des
autres personnes comme un jeune homme,
beau et aimable, le Saint-Esprit ne s'étant
jamais manifesté ainsi.
Après ces considérations, revenons à
nos Heures de la Sainte-Trinité. Dans une
grande miniature, aux Matines, les trois
I. Angeli significabant ss. Trinitatem. Cornel. a Lapide
in Gen. \%, ■^^ Comment, éd. Antwerp, 1648, p. 176. Cf.
Benedict. XIV, /. c, p. 102, § 31.
3. Histoire de Dieu, pp. 456, 461.
Personnes sont assises sur un trône l'une
à côté des autres ; dans une petite enlumi- '
nure Dieu le Père siège seul, portant une
tiare, un globe et la tête entourée d'un
nimbe qui n'est pas timbré d'une croix.
A Prime, Dieu le Fils a pris place sur le
trône céleste, tenant un livre. Il est orné du
nimbe crucifère. A Tierce, les trois Per-
sonnes siègent de nouveau sur leur trône
commun, le Père coiffé de la tiare, le Fils
vêtu d'une chape, le Saint-Esprit en aube,
avec une étole, sans chape, mais tenant un
livre et la tête entourée d'un nimbe simple
comme le Père.
A Sexte, le Père et le Saint-Esprit
trônent, mais le Fils s'est agenouillé devant
la première Personne qui lui remet une
petite croix (fig. 5).
A None, sortant d'un cercle de nuages,
dans lequel on voit la demi-figure du Père,
le Saint-Esprit, entouré de petites flammes
rouges, prend son vol vers la terre, sous la
forme d'une colombe. En dessous du Saint-
Esprit le Fils descend sous la figure d'un
petit enfant nu, portant une croix. Le fond
est bleu, semé d'étoiles, faisant comprendre
que les ténèbres d'une nuit spirituelle
régnaient sur le monde avant que Dieu ne
se fît homme.
C'est là une seconde singularité blâmée
par les théologiens (').
Grimoiiard dit très bien (-) : « Le Fils de
Dieu, en s'incarnant, n'est pas venu habiter
ce sein virginal avec un corps tout formé,
mais son corps a été formé du sang le
plus pur de Marie. Evidemment les artistes
dont nous citons les tableaux connaissaient
cette vérité, et ils étaient bien éloignés de
l'hérésie des Valentiniens, qui avaient sou-
1. S. Antonin, Summa hist., III, lit. 8, 4, § 11 ; Mola-
nus. De imiii^inibus, III, c. 13 ;AyaIa. Pictor chris/ianus,
I, c. 7, n° 13. IV, c. 4, n. 2, pp. 22 et 200, etc.
2. Guide de fart chrétien, Paris, 1874, IV, 112 s.
mn îlttjre D'i^eures.
443
tenu l'erreur contraire ; ils voulaient seule-
ment rendre sensible, par le seul procédé
compatible avec la nature de l'art, le fait,
que le Fils de Dieu vient s'incarner. Mais
:n$ m àinttomim
Mimitiuttntùf.i&o
-«.^^jrtm^ m bminpuï ctiiùr et fp, j^
Fig. 5. — Dieu le Fils, agenouillé devant Dieu le Père.
0Mm
ce procédé favorise une grave erreur ; il est
puéril, il est même iconographiquement
inexact. Aujourd'hui on serait inexcusable
d'y recourir. Le Fils de Dieu, en tant
que Dieu, ne doit pas être représenté sous
la figure d'un enfant, étant de toute éter-
nité égal à son Père. »
Aux Vêpres le Père, assis sur un trône,
444
3Re\3ue tje T^rt chrétien.
tient devant sa poitrine la croix à laquelle
est attaché son divin Fils et au-dessus de
laquelle plane la colombe du Saint-Esprit.
Il a placé la croix auprès d'un grand
globe, image de notre terre arrosée par le
sang du Sauveur.
Aux Compiles les trois personnes sont
représentées une troisième fois, assises sur
un trône commun, mais le Fils n'est revêtu
que du linge qui ceint ses reins. Il montre
ses plaies et tient sa croix embrassée. A la
tnesse de la Très Sainte Trinité le miniatu-
riste a figuré dans la région supérieure Dieu
le Père en demi-figure, entouré de petits
anges rouges, montrant le crucifix. Dans
la zone inférieure on voit les représentants
de la chrétienté. Tous sont agenouillés ; le
pape a déposé sa tiare sur le sol, l'évêque
sa mitre, le chevalier son casque et ses
gantelets.
Les miniatures qui accompagnent \ Office
des morts nous offrent un petit drame en
images. Aux Matines, la première montre
les âmes des damnés enfermés dans la
gueule béante d'un monstre dont la mâ-
choire est pleine de flammes. Un grand
brasier entre deux tours s'élève sur cette
tête, où apparaît la gueule d'une seconde
tête, remplie de feu et de damnés. Des
diables amènent de toutes parts des âmes.
La miniature, d'une finesse extraordinaire,
est remplie d'une foule de figures minus-
cules (fig. 6).
A Prime, un homme qui vient de mourir
est posé par deux porteurs sur un tas de
foin, dépouillé de ses habits.
A Tierce, des clercs, revêtus de rochets
blancs, et les parents du défunt, habillés en
noir, sont assemblés autour du cercueil.
Celui-ci est couvert d'un drap rouge sur
lequel sont placés trois candélabres.
A Sexte, on fait descendre le cercueil
dans la fosse, tandis qu'un prêtre prie, en-
touré des parents vêtus de deuil.
A None, le prêtre dit la sainte messe.
Les parents se rendent en procession autour
de l'autel pour déposer des pains sur sa table
et apporter des vases remplis de vin.
Le résultat de ces offrandes apparaît dans
la miniature des Vêpres ; on y voit trois
âmes, figurées comme hommes nus, assises
derrière une table couverte d'une nappe.
Des anges apportent les pains et le vin
offerts à l'autel par les parents.
Aux Compiles les anges délivrent de la
gueule d'un monstre trois âmes pour les-
quelles on a prié et fait des offrandes ; deux
autres âmes sont obligées d'y rester.
Une enluminure placée près d'une prière
en l'honneur de saint Pierre, représente cet
apôtre refusant l'argent offert par Simon
le magicien.
Les miniatures de VOffice de ions les
Saints sont d'un haut intérêt.
A Prime, Dieu siège dans la zone supé-
rieure, entouré d'un grand nombre de saints.
On remarque parmi leur foule, à droite, le
précurseur, un apôtre avec une lance (saint
Thomas), un évêque et un empereur. L'ins-
cription dit : Tu es spes sanctorwn et turris
fortitudinis. A gauche S. Jean tient son
aigle sur le poing, comme les chevaliers du
XV^ siècle portaient leur faucon ; il est ac-
compagné de sainte Agnès et de saint Jé-
rôme. L'inscription dit : Dedisti haeredita-
tem titnentibus nomen tutim, Domine. Dans
les marges rouges trois fois trois anges sont
peints en rouge avec un peu de blanc et de
vert. Dans une petite miniature vis à vis
de celle-ci, des anges entourent le trône de
Dieu.
A Tierce on voit les apôtres à la droite
du trône de Dieu, à gauche les prophètes.
A Sexte, Dieu est entouré des symboles
mn lLi\)vt D'ï^eureg.
445
des évangélistes (fig. 7). A None le minia-
turiste a placé à droite du siège de Dieu,
des religieux de différents Ordres, à gauche
des chevaliers; aux Vêpres, à droite des
vierges, à gauche des veuves.
\.' Office et la Messe du Saint- Sacrement
Fig. 6. — La poite de l'enfer.
sont ornés de neuf miniatures disposées
avec autant de goût que d'esprit. Aux Ma-
tines, Joseph distribue à quatre hommes du
blé tiré de trois grands sacs. Une inscrip-
tion dit: ht toto orbe panis deerat. (Gen., 47,
13.) En haut, la figure de Salomon porte
446
jRebtie ïfe T^rt chrétien.
une banderole avec l'inscription : Veniie, I têtes de saint Paul et de saint André avec
coniedite panem meum. {Vxov., 9. 5.) Aux les légendes : £"j/ ««//^-/«^r /^/V, qui liabet
coins, à droite et à gauche, sont peintes les i quinque panes. (Joan., 6, 9.) Panent, que?n
Fig. 7. — Dieu, entouré des symboles des évangélistes.
frangimus {nonne participatio corporis Do-
mini est.) I. Cor., 10, 16.)
A Prime, le Saint-Sacrement est exposé
sur un autel dans un ostensoir. A droite et
à gauche de cet autel nous trouvons Moïse
et saint Jean avec des banderoles portant
Win ilibre D'i^euree.
447
les légendes : Dedt tibi cibum manna, quod
ignorabas. (Deut., 8, 3.) Vittcenti. dabo
manna abscotiditum. [IK^oc., 2, 17) Dans
les marges sont ajoutées les légendes :
Nehemias : Panem de coelo dedisti eis in
famé eoruvi ! (2 Esd., 9. i^.) I/iesiis : Ego
sum panis vilae, quivemt ad me non esuriet.
(Joan., 6, 35.)
A Tierce, la sainte communion est don-
née par un prêtre à un homme. Un autre
fidèle agenouillé attend le prêtre. En haut
les têtes d'Élie et de Moïse sont peintes
avec les légendes : Respexit Helias ad ca-
put suum sttbcineritium paneiii. (3 Reg., 19,
6.) Moyses : Homo, qui accesserit de stirpe
vestra ad ea quœ consecrata sunt. (Levit., 22,
3.) Dans les marges on lit -.Jo/ianfies : Ctim
accepisset Judas Symonis Iscariothes. (Joan.,
13, 30. ) Jésus : Panis Dei est, qui descendel
de cela. (Joan., 6, 33.)
A Sexte le Saint-Sacrement est de nou-
veau exposé. Devant l'autel se tiennent de-
bout : Isaïe et Aaron, saint Paul et saint Luc.
Les légendes de leurs banderoles disent :
Vere tu es Deus absconditus. ( I s. , 4 5 , 1 5 . ) 5?
quis circumcisus non fuerit, non vescetur ex
(?(?. (Ex., I 2, 48.) Probet autem seipsum homo
et sic de pane illo edat. (I Cor., i i, 28.) Nec
est absconditnm, quod non cognoscatur.
(Luc, 8, I 7.)
A None le miniaturiste montre comment
les Israélites recueillent la manne: aux Vê-
pres, les deux disciples reconnaissent le
Seigneur à Emmaiis ; aux Compiles on voit
comment lesjuifs mangent lAgneau pascal.
Les Heures de la miséricorde de Dieu ne
sont ornées que d'une seule peinture, dans
laquelle « l'homme de douleurs », debout
dans un sarcophage, est adoré par la foule.
Qu'ils sont riches en idées ces livres
d'heures et bien d'autres manuscrits de la
seconde moitié du moyen âge ! Notre
siècle n'aurait qu'à y puiser pour offrir
à la dévotion populaire des images reli-
gieuses vraiment dignes de leur objet. Si
l'on voulait s'en inspirer, nous ne verrions
pas se répéter toujours les mêmes repré-
sentations vides et sans caractère, trop sou-
vent sorties d'officines, dont les dessina-
teurs sont ignorants. Ils ne cherchent pas à
s'instruire, leurs commis voyageurs plaçant
facilement ce qui ne coûte que peu et con-
vient à ceux qui suivent en paix et commo-
dément le chemin battu. Beaucoup de nos
images religieuses modernes sont sem-
blables à l'eau tiède, ni froides, ni chaudes.
(Apoc. 3, 15.)
L'art moderne s'efforce à donner de
hautes nouveautés. Il est à la recherche de
formules et de sujets neufs, qui n'ont pas
encore été vus jusqu'à ce jour. Et c'est
par ce moyen qu'il espère exciter l'attention.
Il va sans dire que notre art religieux
doit rester dans les voies traditionnelles de
son iconographie, mais à aucune époque et
par aucune autorité il n'a été condamné à
une stérilité ennuyeuse, à répéter toujours
de la même manière tout ce qu'on a vu
mille fois de côté et d'autres. L'étude
sérieuse du moyen âge est une source abon-
dante, à laquelle l'artiste puisera des idées
et des formes qui répondront aux désirs de
ceux qui savent penser. L'esprit humain
cherche toujours le vrai, le bon et le beau
sous des formes nouvelles ; il doit rejeter
les formules usées et qui n'ont pas assez
de valeur pour répondre aux aspirations de
l'homme religieux et sensé.
Etienne Beissel, S. J.
Luxembourg.
^ A^^ A^Vk A^^ ^^^ K~^U >M* A^^ A^yU ^^ A K^* A^I* A^^ X^V^ A^VT^ i.^^ »tjl^
m m^ Bortatl ïje Tabbape lie Vc^elap, ^^
JrrilirTTyTTTTTITiriTITTTlYTTIT
xrnxrrixi 1 1 ixuuliii i rirjcnxrrxucm^xrxmrmximrT
i:crrrrTTr:atxrrTTritiiiiiii crxrim cnririiiriro
»x^ »i*^ "xtt^ ♦i^t^ ^xAj-* *iA:t* VïA) * 1^^-v Tfiiï^ Yi^-v y^Jc y^ v^ X y^^ y^
Interprétation Des suicts Du linteau
et Des cbapiteaur De la porte centrale
De la nef.
L n'est peut être pas
un seul monument du
moyen âge qui ait été
plus souvent reproduit,
étudié, analysé, que la
porte centrale de la
Madeleine, à Vézelay.
Aucun du reste n'est plus majestueux par
ses proportions, plus intéressant par ses
détails ; et la position de cette porte, qui
s'ouvre entre le narthex et l'église pro-
prement dite, sous l'abri des voûtes, en a
suffisamment assuré la conservation pour
en rendre l'examen facile et attrayant (').
D'abord, Viollet-le-Duc, qui avait res-
suscité de ses ruines la vieille abbaye
romane {'), l'a décrite avec un amour quasi
paternel ; à leur tour, de Caumont, Mé-
rimée, Meusnier, Le Normant, l'abbé
Crosnier ont cherché, ce dernier non sans
succès, à deviner quelques-uns des pro-
blèmes iconographiques que nous propose
la foule de ses figures sculptées.
Grâce à ces savants archéolosfues, il ne
subsiste aucun doute sur le sujet de l'ar-
chivolte et sur celui du tympan ; mais, en
ce qui concerne le linteau et les chapiteaux
des ébrasements, aucune des explications
données jusqu'ici ne paraît définitive. On
nous permettra de proposer à notre tour
une interprétation qui nous semble à peu
1. Celte conservation serait même pai faite (sauf en ce
qui touche la peinture presque complètement effacée) si
les huj;uennls, en 1569-1570, et les révolutionnaires, en
'793. n'avaient brisé beaucoup de tctes et gratté certains
détails de sculpture.
2. Violletle-Duc a restauré Vézelay de 1S40 à 1856.
près certaine pour le linteau et tout au
moins possible pour les chapiteaux.
R
Description générale de la porte.
APPELONS brièvement le thème
général de l'iconographie de notre
porte.
Inutile de nous arrêter aux archivoltes,
qui nous présentent cependant des orne-
ments vigoureusement sculptés et un ca-
lendrier divisé en médaillons curieux : ce
sont là sujets qui se retrouvent sur presque
toutes nos vieilles églises et ne donnent à
notre monument aucun caractère spécial.
— Il n'en est pas de même du grand tableau
du tympan, qui est unique dans la statuaire
du moyen âge : le Christ, assis au milieu de
ses Apôtres, leur donne mission d'évan-
géliser le monde : de ses mains étendues
partent des rayons qui aboutissent à la tête
de chacun d'eux : symbole ingénieux de la
grâce divine. — Les Apôtres expriment
par leurs gestes et leurs attitudes l'inspi-
ration qui les emplit. — Autour du Christ,
et pour mieux indiquer la grandeur de la
scène, paraissent le fleuve d'eau vive et
l'arbre de vie apocalyptiques. Enfin, dans
huit compartiments disposés à la périphérie
du tympan, on croit reconnaître les divers
peuples de la terre, à qui les Apôtres vont
porter la bonne nouvelle.
Au trumeau, S. Jean- Baptiste, le Pré-
curseur, portait jusqu'en 1793 l'Agneau de
Dieu dont les iconoclastes n'ont laissé sub-
sister que le nimbe avec un reste d'ins-
cription : ecce [agtms Dei qui tollit peccaia]
mundi ; — sur le socle une autre inscription,
en vers léonins, nous donne, par un soin
vraiment superflu, le nom du saint person-
laortail De Tabbape tie <Illé3elap.
449
nage : Agnoscant omnes quia dicitur isie
Johannes \Convenit\ et populum demonstrans
indice Christîim ('). S. Jean est accom-
pagné, sur les côtés du trumeau et aux
ébrasements, par six apôtres qui ont, comme
lui, coopéré à l'avènement de la Loi nou-
velle.
Le sommet de la figure de S. Jean
Fig. I. — Abbaye de Vézelay.
Grand portail de la nef.
dépasse le linteau et le divise en deux
parties, dont chacune semble, d'après
l'attitude des figures, représenter un
sujet différent. Nous allons maintenant
examiner en détail cette longue bande de
pierre où se pressent quarante quatre per
sonnages.
I. Cette restitution est de VioUet-le-Duc ; Meusnier
avait proposé < ecce tenet ». Les premières lettres sont en
effet douteuses.
Linteau.
LE linteau est divisé en deux parties
par le sommet du trumeau : chacune
offre une série de figures formant comme
une procession dont les personnages, par-
tant des deux extrémités du linteau, se
dirigent pour la plupart vers le centre.
Décrivons-les.
1° Partie gauche. — N° i. Adossé à la
partie supérieure du trumeau, un person-
nage debout, vêtu d'une robe à larges
manches, tient à deux mains une lance à
crochet. Auprès de lui (qui, seul des per-
sonnages de cette partie du linteau, a
conservé sa tête) on voit sur le second plan
deux hommes (N°' 2 et 3), auxquels il paraît
commander, et qui lui amènent un bœuf
(N° 4) : le premier tient l'animal par une
corne, et porte une énorme hache; le second
caresse le flanc de la bête. — Deux autres
acolytes (N°' 2""'" et 3''"') semblent discuter
avec eux sur la manière de tuer le bœuf.
N° 5. — Un personnage portant une
lance, pareille à celle du N° i, se tourne vers
quatre figures également vêtues de robes
longues: la première (N°6), très mutilée,
tenait une lance ou un long bâton ; la se-
conde (N° 7), de face, porte un seau ; elle
semble s'arrêter pour regarder le colloque
engagé entre une femme (N°8), qui étend
les bras en avant, et un personnage (N° 9),
placé derrière elle, qui lui pose la main sur
l'épaule : on ne saurait distinguer quel est
le sexe de ce dernier.
Puis viennent trois figures en robe
courte : l'une (N" 10) tient un grand poisson
attaché par la tête: une autre (N° ri)
s'appuie sur son épaule ; la dernière (N° 12)
porte un pain rond marqué d'une gaufrure
carrée.
N° 13. — Un personnage enveloppé d'un
manteau tombant jusqu'aux genoux, s'ar-
450
3Re\)ue De T^rt cl)iétieru
rête, la jambe gauche croisée par- dessus la
droite ; il tient un vase rond, à panse renflée,
tout rempli de petits fruits sphériques.
N°' 14 à 19''''. — Neuf archers en marche,
vêtus de tuniques courtes, sauf le N° 17
qui en a une beaucoup plus longue, et le
N° 14 qui a pour tout costume un manteau
court agrafé sur l'épaule droite. Ils ont les
pieds nus, au contraire des autres per-
sonnages du cortège, qui sont chaussés.
— Le N° 14 a un grand arc sur lequel il
s'appuie comme sur un bâton; un carquois
garni pend sur sa cuisse; — la plupart des
autres bandent de petits arcs.
2" — Partie droite. — N°'' 20 et 21. Deux
personnages dont la taille est beaucoup
plus grande que celle des figures voisines.
Ces deux statues, bien que sculptées en
partie sur le linteau, empiètent sur le tym-
pan de toute la hauteur des épaules et de la
tête : aussi les interprétateurs les ont-ils
généralement rattachées à la composition
du tympan; nous n'avons aucune raison de
procéder autrement; il nous semble cepen-
dant bien hardi de supprimer tout rapport
entre elles et le sujet représenté sur le lin-
teau: un tel préjugé est dangereux au milieu
des énigmes de ce bas-relief. — D'autant
que cette explication usuelle de nos deux
figures ferait ressortir deux S. Pierre dans
une seule composition. D'après la tradi-
tion locale, en effet, que l'on est réduit à
suivre faute de toute autre indication, ces
deux statues représentent l'une (N» 21)
la Madeleine, patronne de l'abbaye, l'autre
(N° 20) S. Pierre : l'identification de ce
dernier est en tout cas certaine, car il tient
à la main deux grandes clefs très ouvragées.
Les personnages suivants sont tous de la
même taille que ceux de la partie gauche
du linteau.
N° 22. — Un cheval en marche vers la
gauche porte un cavalier, dont il ne sub-
siste plus que le bouclier rond, la jambe et
la cuisse, protégée en partie par une cotte de
mailles.
N" 23 et 24. — Deux personnages vêtus
de robes ( le N° 24 est peut-être une
femme?); leurs têtes manquant (ainsi que
celles de toutes les figures du N° 2 au 30
à l'exception des N°^ 20 et 21), il est diffi-
cile de les interpréter, faute d'autre indica-
tion; sans doute elles regardaient vers le
ciel.
Fig. 2. — Abbaye de Vézelay.
Schéma du grand portail de la nef.
No 25. — Un guerrier, reconnaissable à
sa cotte de mailles, et d'une taille bien
supérieure à celle de ses compagnons, se
retourne vers le cavalier N^ 22. — Son
geste peut être interprété de deux façons :
ou bien il tenait une épée et un bouclier,
aujourd'hui brisés, et provoquait le cavalier,
ou bien plutôt, il lève la main vers les
figures du tympan (le Christ et les apôtres)
pour attirer vers elles l'attention du cavalier.
N°s 26, 27 et 28. — Trois hommes en
tunique courte s'éloignent du précédent et
se dirigent vers le N" 29. Celui du milieu
lèortatl de Tabbape De ^éselap.
451
tient sous son bras un bouclier rond; celui
(N" 26) qui le suit lui touche du doigt
l'épaule comme pour le mettre en garde.
N" 29. — Un guerrier, revêtu d'une
cotte de mailles par dessus sa tunique, porte
de la main gauche un petit bouclier rond;
de la droite élevée il présente à Ste Made-
leine (dont il dépasse à peine le genou) son
épée, la pointe en bas.
N° 30. — - Au second plan, un person-
nage, debout derrière le cavalier N° 22,
fait un geste de surprise en regardant dans
la direction indiquée par le N* 25.
N° 31. — Un nain ou un enfant (sa tête,
conservée, est imberbe) dont le manteau
flotte au vent et dont les jambes sont bri-
sées, monte à l'aide d'une petite échelle sur
un cheval (N° 32) sellé et sanglé de deux
sangles dont une fort en arrière, à la mode
orientale; les étriers sont courts et trian-
gulaires. Le cheval, tournant la tête, semble
regarder avec mépris son petit cavalier, —
au second plan, un homme (peut-être deux)
(N" ^;^) lève un bras vers le ciel.
N° 37. — Une femme (dont le bras
gauche manque) et un homme (N° 38) sem-
blent s'entretenir ensemble. — Entre eux
est un enfant (N° 39) qui se réfugie contre
sa mère, ou se dirige vers le cavalier N° 3 i.
N°' 34, 35 et 36. — Trois individus pa-
raissant appartenir à une race particulière;
tous trois pourvus d'énormes oreilles qui
leur descendent sur les épaules et qui res-
semblent à des écailles gigantesques. Le
premier (N° 34), évidemment le chef de
cette monstrueuse famille, est nu : il a les
épaules (les bras sont cassés), le torse et les
cuisses recouverts de longs poils ou, selon
quelques critiques, d'un maillot en peaux de
bêtes. La femme (N''35), dont le bras droit
est également brisé, est nue jusqu'à la cein-
ture; elle a le bas du corps enveloppé dans
une draperie flottante par le bas, serrée au-
dessus des hanches. — Entre eux est leur
enfant (N° 36) qui, appuyant la main droite
contre sa joue ou son oreille, tient de l'autre
son pied gauche, comme s'il y avait mal,
ou encore comme s'il sautait à cloche-pied.
Son père se penche au-dessus de lui comme
pour le frapper ou pour parler à sa mère,
qui de la main gauche retient la draperie
qui lui sert de robe. — On remarque le
soin méticuleux avec lequel l'artiste a re-
produit les cartilages des oreilles, parais-
sant s'attacher à les montrer sous toutes les
faces.
Que signifient ces deux séries de person-
nages que nous venons d'examiner des
deux côtés du trumeau, sur le linteau?
I. — Un premier système (celui de
M. Le Normant) voit dans la série gauche
l'entrée des Hébreux dans la Terre promise,
image de l'entrée des élus dans le ciel, et,
dans la série droite, les Péchés et les Vices
qui empêchent d'arriver au ciel. — Premier
sujet : — nous avouons ne voir ici aucun
signe ni attribut caractérisant soit le peuple
hébreu, soit l'épisode de la sortie d'Egypte :
si l'artiste avait eu en vue ce sujet, il n'eût
pas manqué, à notre avis, de nous présenter
Moïse, Aaron, ou tout au moins l'Arche
d'Alliance et les tables de la loi. — Deu-
xième sujet : — ici la colère serait figurée
par l'homme qui tient une épée nue près
de sainte Madeleine (mais le geste de pré-
senter à quel qu'un la poignée d'une épée,
même nue, peut-il passer pour un acte de
colère?); l'orgueil ou la présomption, parle
petit personnage qui a besoin d'une échelle
pour grimper sur son cheval (mais si la
présomption a souvent été figurée par un
cavalier, c'est par un cavalier précipité à
terre, non par un enfant montant à cheval) ;
la calomnie, par la famille aux grandes
oreilles (mais pourquoi ces costumes de
sauvages, et pourquoi trois calomniateurs,
452
ISitWt De ravt chrétien.
quand un seul suffirait?) En outre, pourquoi
les vices le plus fréquemment représentés
au XII" siècle, la paresse, la luxure avec
ses reptiles, l'avarice courbée sous le poids
de la bourse pendue à son col, ne seraient-
ils pas figurés ici? — Enfin, cette inter-
prétation n'explique pas la présence de
S. Pierre et de la Madeleine, qu'il serait
singulier de rencontrer à côté des Vices;
dans ce système on ne voit aucune relation
soit entre les deux parties du linteau, soit
entre ce linteau et le tympan.
II. — Un second système, plus suivi
(Viollet-le-Duc, abbé Crosnier, etc.), croit
reconnaître à gauche les offrandes appor-
tées à l'abbé de Vézelay par les gens du
0Eè
Fig. 3. Abbaye lie Vezelay. - Tympan tlu portail.
pays, et même plus spécialement la fête
dite de l'Apport, où on lui apportait toutes
sortes de victuailles. — .A droite, il voit
comme précédemment la représentation
des Vices. Pour établir une relation entre
ces deux sujets, on ajoute que ceux qui
font à l'abbé des offrandes de bœufs, pois-
sons, fruits, etc.. accomplissent de bonnes
œuvres et méritent le Ciel, tandis que les
Vices figurés en regard méritent l'Enfer .
— ceci est à notre avis trop subtil ; d'ail-
leurs nous avons dit plus haut que nous
refusions de voir ici l'image des Vices, —
Au contraire nous acceptons à peu près,
[ sauf ce que nous dirons plus loin, l'ex-
plication de Viollet le-Duc en ce qui con-
cerne la première partie du linteau : toute-
fois le personnage adossé au trumeau ne
peut être l'abbé, car il tient non une crosse
ou un bâton pastoral, mais une lance à
crochet semblable à celle du N° 5 : ces
deux figures sont donc celles de deux bou-
viers, ou de deux officiers de l'abbaye diri-
geant le cortège. Quant aux archers, ce
sont vraisemblablement des chasseurs ou
des soldats de l'abbaye.
III. — A notre avis, pour trouver le
mot de l'énigme, il convient de se rappeler
l'époque et les circonstances où la porte fut
édifiée : Viollet-le-Duc en place la construc-
tion vers 1145 ou II 50, en tous cas sous
l'abbatiat de l'abbé Ponce de Montboissier
(mort en ii6i) dont Augustin Thierry a
raconté les luttes avec les comtes de Nevers
et les bourgeois de Vézelay. Nous inclinons
même à penser que ce grand travail ne fut
entrepris qu'à partir de 1155, après la fin
des troubles qui en auraient certainement
entravé l'exécution, et après le paiement de
l'indemnité de 40,000 sous(environ 200,000
francs) que, suivant la sentence rendue par
Louis VII, les bourgeois durent payer à
l'abbé, et que celui-ci employa sans doute
en partie à l'embellissement de son église.
— Or à cette époque, à Vézelay, deux
faits avaient dû laisser dans les esprits une
impression profonde : d'abord l'insurrection
communale, à laquelle il eût été malséant
et dangereux de faire allusion dans les
sculptures de notre porte (et à ce point de
vue, la représentation de la fête de l'ap-
port n'eût-elle point paru aux bourgeois
une bravade intempestive et peu chré-
tienne ?), ensuite la seconde croisade que
S. Bernard avait prêchée à Vézelay quel-
ques années auparavant et qui avait attiré
dans cette ville un concours extraordinaire
de peuples et de princes ; les offrandes
avaient été énormes : tant en nature qu'en
argent, chacun avait donné selon ses
moyens. — Or la croisade n'était-elle pas un
sujet convenable à présenter sur une porte
d'église ? de même que les Apôtres avaient
fait triompher le christianisme par la
parole, les croisés le faisaient triompher
par les armes. S. Bernard ne disait-il pas,
si l'on en croit Michaud: «Ne vous couvrez
plus du cilice, mais de vos boucliers invin-
cibles ! Le bruit des armes, les dangers, les
travaux, les fatigues de la guerre, voilà la
pénitence que Dieu vous impose!... Volez
donc aux armes ! qu'une sainte colère
vous anime au combat, et que le monde
chrétien retentisse de ces paroles du pro-
phète : « Malheur à celui qui n'ensanglante
pas son épée ! »
Ainsi la partie gauche du linteau figure-
rait non la fête de l'Apport, mais la remise
des offrandes apportées par le peuple en
vue de la croisade ; la partie droite, d'abord
le départ pour la croisade, puis les peuples
infidèles que les guerriers chrétiens vont
convertir par l'épée ; — d'une part, ceux
qui ne peuvent combattre eux-mêmes mais
contribuent par leurs dons à la sainte entre-
prise, de l'autre ceux qui ont eux-mêmes
pris les armes. — Dans ce système, il y a
une relation logique et étroite tant entre
les deux parties du linteau qu'entre ces
deux parties et le tympan. — On s'explique
ainsi la présence de la Madeleine, patronne
de l'abbaye, intercédant auprès du céleste
portier S. Pierre en faveur des croisés ; on
comprend le geste de ce guerrier qui, au
moment du départ, tend son épée à Ste
Madeleine comme pour la lui consacrer ;
de même ces gestes des guerriers qui se
montrent l'un à l'autre, au-dessus d'eux, les
Apôtres qui les ont précédés en Terre-
Sainte et qui ont frappé de la parole comme
eux vont frapper de l'épée.
On nous fera évidemment deux objec-
tions auxquelles nous allons essayer de
répondre :
RKVUE UR L ART CHRBTIEK.
1904. — 5'"* LIVRAISON.
454
Bebue ïje r^vt t\)ïttitn.
a. — On nous dira qu'une église, placée
sous le vocable de Sainte-Croix, avait été
construite à Vézelay aussitôt après le con-
cile et sur le lieu même où il avait été
tenu ; que dès lors il n'y avait nul besoin
de consacrer à nouveau ce souvenir dans
les sculptures qui nous occupent. — Ceci
n'est pas une objection sérieuse, car il
arrive souvent que le même événement est
l'occasion et le sujet, dans une même ville,
de plusieurs monuments, ou, dans le même
monument, de plusieurs représentations :
ainsi à Reims nous trouvons raconté en
diverses places le baptême de Clovis ; à
Amiens, la découverte des reliques de S.
Acheul, etc.. ; et la construction de l'église
de Ste-Croix témoigne au contraire de
l'impression profonde causée à Vézelay par
la prédication de la croisade.
ô. — On nous fera remarquer qu'aucun
des guerriers ne porte cette marque de la
croix que les soldats pèlerins s'attachaient,
dit-on, sur l'épaule. — L'objection est grave;
elle serait décisive si nous ne savions que
les protestants, qui ont ravagé l'église en
1569- 1570, effaçaient partout les croix;
d'ailleurs les révolutionnaires en 1793, qui
ont gratté l'Agneau portant la croix sur le
disque du S. Jean-Baptiste du trumeau,
eussent suffi à cette besogne. De fait, aucun
des guerriers n'est intact ; tous ont la tête
brisée, et bien des parties de leurs vête-
ments ou de leurs armes ont été mutilées ou
grattées : rien ne permet donc d'affirmer
qu'ils n'avaient point porté de croix, les uns
sur leur coiffure, les autres sur leur épaule
ou sur leur bouclier.
Ainsi, comme nous l'avons dit, tous ces
personnages (N°' 21 à 30) représenteraient
le départ pour la croisade ; les N°' 31 à 36
doivent, dans notre système, symboliser les
peuples païens ; quant aux figures intermé-
diaires. (N°' T,-/' a. 39) on peut les rattacher
à l'un ou à l'autre groupe.
N°'3i à 33. — Dans la première hypo-
thèse, on peut donner du petit personnage
qui se guindé à cheval au moyen d'une
échelle quatre explications : a. On sait que,
dans l'enthousiasme du premier moment,
beaucoup d'enfants, à peine en âge de com-
battre, s'enrôlèrent pour la croisade : est-ce
un de ces jeunes croisés que l'artiste a re-
présenté ? — p. Peut-être y eut-il, parmi les
seigneurs qui se croisèrent à Vézelay, un
nain dont le souvenir perdu dans la mémoire
des habitants n'aurait été conservé que par
notre bas-relief ? — y. Peut-être est-ce un
croisé que l'imagier a voulu ridiculiser: cela
n'est pas impossible, car les abbés conser-
vaient une haine persistante contre certains
croisés qui avaient eu avec eux des diffé-
rends ; Hugues de Poitiers n'écrit-il pas
« comme il (Guillaume II de Nevers)
avait si indignement traité le tombeau de
Ste Marie-Madeleine, l'amante du Sauveur,
il en fut puni dès cette vie (et il s'était
converti et s'était fait chartreux), il fut dé-
voré par un chien, et son second fîls Re-
naud, comte de Tonnerre (qui s'était croisé
avec son frère Guillaume III) fut fait
esclave en Barbarie en 1 148. » — L'imagier
a pu même avoir en vue un de ces deux
jeunes princes. — Mais nous préférons y
voir un guerrier infidèle adversaire des
croisés : on remarquera en effet que le cour-
sier, harnaché à la mode orientale, est tour-
né en sens contraire de la plupart des per-
sonnages précédents, à la rencontre desquels
il semble s'apprêter à marcher : quant à la
petite taille du cavalier, ne peut-on pas
l'expliquer par les légendes qui avaient
cours alors sur les peuples inconnus de
l'Orient ('), comme nous allons le voir de
I. Ici même, dans deux des compartiments quientou-
I^ortntî îje l'abba^e De TO5elap.
455
f;içon certaine pour un des groupessuivants:
depuis Ptolémée, on racontait que l'Afrique
recelait une race de pygmées, redoutables
par leur adresse et leur férocité : ne serait-
ce pas ici un de ces nains qui se dispose à
combattre l'armée des croisés ?
N°' 34 à 36. — Ces trois personnages
au corps couvert de poils épais, aux oreilles
énormes, ont jusqu'ici paru aux critiques
constituer la partie la plus difficile de
l'énigme : certains ont vu en eux, nous
l'avons dit, le symbole de la calomnie ;
d'autres ont pensé que c'était l'image des
peuples indifférents à la .prédication des
Apôtres, car presque seuls entre tous les
personnages qui les entourent, ils ne lèvent
point leurs regards vers le ciel; un critique,
plus fantaisiste, a voulu expliquer la dimen-
sion de leurs oreilles en disant que plus
éloignés de saint Pierre que tous les autres,
ils avaient besoin, pour entendre la prédi-
cation de cet Apôtre, d'oreilles mieux con-
ditionnées ; autant dire qu'ils sont « tout
oreilles » ! — Nous croyons pouvoir affir-
mer que l'artiste a simplement voulu repré-
senter un des peuples païens que la tradi-
tion populaire du moyen âge plaçait sur la
route des Lieux- Saints. Si nous lisons
Huons de Bordeaux, cette immense épopée
où le poète semble avoir réuni toutes les
légendes de son temps, nous voyons que
le héros, se rendant à Babylone pour rem-
plir auprès de l'amiral Gaudise la bizarre
mission dont l'a chargé Charlemagne, ren-
contre sur son chemin des nations étranges,
notamment celle des Conmains, qui, dit-il :
< Plus sont velus que viautre (limier) ne sangler (sanglier)
< De leurs oreilles sont toutacovetés (recouverts)...
N'est-ce pas là une description exacte de
nos trois personnages ?
rent le tympan, ne voyons- nous pas, parmi les peuples à
qui les Apôtres doivent porter la Bonne Nouvelle, des
individus à té.e de chien et d'autres à groin de porc .''
N"' 37 à 39. — Ces trois figures, faute
d'attributs, ne peuvent être identifiées avec
certitude ; mais il est impossible de les sé-
parer des figures voisines. Si le petit cava-
lier ( N° 31) est, comme nous le croyons, un
adversaire des croisés, nos personnages
se trouvent placés entre deux groupes de
païens et doivent dès lors représenter eux-
mêmes des païens. — Si le cavalier est un
prince chrétien, on peut également, quoique
avec plus de difficulté, voir aussi en eux
des chrétiens. — Quanta reconnaître dans
cette famille désarmée, qui lève les yeux
vers le ciel, comme pour implorer le se-
cours d'en haut, des chrétiens, habitants
des Lieux Saints, persécutés par les Infi-
dèles, nous ne pensons pas qu'on doive ha-
sarder une telle hypothèse, que rien
n'infirme absolument mais que rien non
plus n'autorise.
Arrivés aux derniers groupes de cette
longue série, nous avons pu constater que
tous les détails de notre bas-relief s'accor-
dent bien avec l'interprétation que nous
proposons. Les considérations d'ordre gé-
néral ne sont pas moins favorables à cette
hypothèse : en effet : — 1° le sujet de la
croisade est tout indiqué à Vézelay, au len-
demain de la prédication de S. Bernard et
dans une abbaye de cet ordre clunisien,
dont le réformateur lui-même, Odilon, di-
sait à ses auditeurs : « Avant tout, suspen-
dez à vos cols vos boucliers échancrés, at-
tachez par-dessus vos frocs une cuirasse
formée d'une triple chaîne, enfourchez vos
destriers, vos bidets ou vos ânes, montez
sur vos chariots et combattez ces mé-
créants » ; — 2° il s'accorde absolument
avec le sujet certain du tympan, la Mission
des Apôtres ; — 3° il explique logiquement
certains gestes ou attitudes de personnages,
autrement incompréhensibles, et la pré-
sence des trois Conmains dont l'identité est
indiscutable.
Notre interprétation nous paraît donc
présenter toutes les garanties d'exactitude:
nous avons bien sous les yeux le tableau
légendaire de la croisade.
L
Analyse des chapiteaux.
ES quatre chapiteaux des pieds-droits,
dont les figures sont reliées moins
étroitement au thème général de notre
porte, n'ont pas, au contraire, malgré les
nombreuses études dont ils ont été l'objet,
livré leur secret : nous ne nous flatterons pas
d'être plus heureux sur ce point que nos
devanciers et notre ambition se bornera à
ajouter une hypothèse à toutes celles émi-
ses jusqu'à ce jour.
Constatons tout d'abord, pour ne plus
revenir sur cette question d'ornementation
pure, le style admirable de ces chapiteaux,
les merveilleux rinceaux de feuillage sur
lesquels se détachent les personnages : c'est
l'alliance, la fusion intime de l'antique cha-
piteau romain dans ce qu'il a de plus riche
et de plus majestueux, avec le chapiteau
roman historié, plein de vie et de fantaisie.
Examinons les figures qui s'agitent au
milieu de ces feuillages :
No 40. • — Un roi, caractérisé par sa cou-
ronne, dépèce une béte fauve ; un serviteur
se tient près de lui et l'assiste. — Les
archéologues s'accordent à voir dans ce roi,
Salil offrant à Dieu un sacrifice avec l'aide
de son écuyer. Un personnage barbu
semble conseiller le roi ou le réprimander :
ce serait, selon M. Meusnier, le prophète
Samuel, prédisant à Saiil que son sacrifice
sera inutile et qu'il périra avec ses enfants
dans le combat qu'il va livrer, parce qu'il a
épargné Agag, roi des Amalécites. Cette
explication est précise et détaillée ; si rien
ne semble autoriser spécialement cette hy-
pothèse, rien ne s'y oppose, non plus que
pour celle qui va être exposée au chapiteau
suivant ; on peut même remarquer que ces
deux interprétations continuent le même
sujet, ce qui, pour deux sculptures voisines,
nous paraît être une certaine garantie
d'exactitude.
N° 41. — Un personnage debout paraît
adresser un discours à un jeune homme
assis, qui porte une sorte de gibecière :
derrière eux, à l'extrémité du chapiteau, un
roi, la couronne en tête, est assis. Selon
M. Meusnier et la majorité des critiques,
cette scène représente Samuel sacrant
David roi, ou plutôt lui révélant qu'il suc-
cédera sur le trône au roi Saiil : c'est ce
dernier qu'on aperçoit à l'écart, déplorant
ses fautes. Constatons toutefois que l'angle
du chapiteau est brisé ; on peut se deman-
der si à l'origine il ne se trouvait pas là,
au centre du tableau, un personnage dont
la présence modifierait sans doute, du tout
au tout, l'interprétation ci-dessus. Sous le
bénéfice de cette réserve nécessaire, nous
admettrons l'interprétation de M. Meusnier ;
mais nous nous séparerons de lui quant à
l'explication des deux autres chapiteaux
dont voici le détail, d'après la description
de Viollet-le-Duc :
N° 42. — « Un homme nu, s'appuyant
sur un bâton, ou se perçant d'un javelot.
Devant lui est un personnage barbu, qui
porte sur le dos une corbeille ou claie
d'osier. Un ange, sortant de l'eau, semble
lui présenter un petit serpent ou un petit
poisson. Toutes ces figures entourées de
feuillages fantastiques. » — Mérimée n'a
proposé aucune interprétation de cette
scène. M. Meusnier croit reconnaître Eve
dans la figure que Viollet-le-Duc annonce
«un homme nu », et Adam dans l'homme
barbu : aussi donne-t-il pour titre à ce cha-
piteau : « Premiers travaux d'Adam et Eve
portail de l'abbape de Mt^tiav^
457
après qu'ils ont été chassés du Paradis
terrestre ». Mais à notre avis, dans une
pareille scène, le sculpteur n'eût pas man-
qué de donner à Eve, selon la coutume
constante des imagiers, un attribut quel-
conque : quenouille (comme à Chartres, à
Saintes, etc.. XI I'' siècle), ou un enfant
(comme à Thann, X I V^ siècle), et à Adam,
une bêche ou un outil à travailler la terre
(voir les mêmes monuments). — D'ailleurs,
Fig. 4- — Chapiteaux de 1 ebrasement de droite.
à moins qu'on ne justifie de l'existence
d'une légende spéciale sur ce sujet dans la
Bourofoene du XI I'' siècle, nous ne com-
prenons pas la présence de l'ange qui sort
de l'eau, un petit poisson dans la main.
Notre ami, M. H. Reyerdy, propose une
interprétation un peu subtile peut-être,
mais à coup sûr plus vraisemblable que la
précédente. Il part de ce principe que les
deux chapiteaux à droite de la porte se
rapportant à la vie de David, il y a chance
que l'imagier ait suivi la même pensée dans
les deux chapiteaux de gauche : les deux
premiers ayant trait aux actions du roi-
prophète, les deux autres feraient allusion
à son œuvre poétique. Or, ouvrant le
psaume 90, l'un des plus connus parmi ceux
de David, on lit : Angelis suis viandavit
de te, ut custodiant te in omnibus viis tuis.
Pour mettre en action ce verset, l'artiste
trouvait dans l'Ancien Testament même,
un exemple aussi pittoresque que populaire:
l'histoire du jeune Tobie. Ce serait donc là
le sujet de notre chapiteau. Dans cette
hypothèse, le personnage imberbe, nu, qui
Fig. s. — Chapiteaux de l'ébraseraent de gauche.
s'appuie sur un bâton de voyage, serait le
jeune Tobie s'apprêtant à entrer dans le
fleuve après avoir quitté ses vêtements ;
l'homme barbu portant sur l'épaule la cor-
beille d'osier tressé, un serviteur chargé des
provisions nécessaires au voyage ; enfin
l'ange Raphaël, par une traduction assuré-
ment libre du psaume, ferait surgir devant
Tobie, lui présenterait même, le poisson
mystérieux, le remède qui doit rendre la
vue à son père. Certes on peut répondre
que l'ange semble offrir le poisson non au
jeune Tobie, mais au serviteur ; et qu'il est
surprenant que ce dernier, figure absolu-
ment accessoire, occupe la place principale
458
3Re\)Uc tir r^rt cbréticn.
au centre du tableau. Ces objections ont,
nous le reconnaissons, une grande force,
mais pas plus que celles opposées aux
autres interprétations émises jusqu'à ce
jour.
N° 43. ^ Une femme, nue à l'exception
d'un tablier de feuilles ou de longs poils,
se cache le visage sous une sorte de bou-
clier ovoïde décoré d'une croix pattée : elle
s'avance vers un grand oiseau à deux têtes.
Derrière l'oiseau est un monstre à tête
humaine avec une queue de serpent, forme
fantastique que les imagiers ont souvent
donnée au démon, spécialement au démon
de la Calomnie. La femme paraît brandir
une sorte de fronde contre ces deux ani-
maux. — M. Meusnier voit dans ce sujet
une Ste Madeleine au désert, chassant pour
se procurer de la nourriture : singulière,
nourriture, à notre avis, que des oiseaux à
deux têtes et des monstres à tête humaine.
Si l'on tenait à voir ici une Madeleine
chassant, interprétation qui ne nous paraît
d'ailleurs reposer sur rien (car peut-on ad-
mettre que l'artiste ait représenté cette
sainte sans aucun vêtement .''), il faudrait
au moins reconnaître dans les animaux
qu'elle poursuit, non un gibier ordinaire,
mais des vices symbolisés.
Nous préférons de beaucoup l'interpré-
tation proposée par M. Reverdy, qui voit
ici une nouvelle mise en action d'un autre
verset du même psaume 90 de David, où
nous avons déjà trouvé l'explication du cha-
piteau précédent: « La vérité, s'écrie le roi-
prophète, t'environnera comme d'un bou-
clier; tu ne craindras ni les terreurs de la
nuit, ni la flèche qui vole pendant le jour, ni
les complots tramés dans les ténèbres, ni les
attaques du démon. » — Scuto circumdabit te
Veritas ejus; non timebis a timoré tioetiirno,
a sagilta volante in die, a negotio peramôa-
lanfe in tenebris, ab inc7irsu et devionio
meridiano. Telle est la pensée rendue par
l'imagier sur notre chapiteau : le prétendu
chasseur est l'âme humaine, que l'on repré-
sente toujours par un personnage nu, sans
sexe ; si l'on veut reconnaître en lui une
femme, on peut dire que l'artiste, en oppo-
sant aux monstres cette personnification de
la faiblesse, a voulu faire mieux ressortir la
puissance de Dieu qui lui assure la victoire ;
— ■ son bouclier, celui de la vérité divine,
est timbré d'une croix, emblème du Christ
qui a dit: «Je suis la Vérité », les animaux
monstrueux représentent les démons dont
parle le prophète : notamment, ce reptile à
tête d'homme, symbole de la calomnie,
rend bien l'idée de la parole mauvaise dont
parle un verset précédent du même psaume :
Quoniam ipse liberavit me de laqneo venan-
tinm et a verbo aspero.
Nous reconnaissons que cette représen-
tation de l'âme luttant contre les vices
s'écarte sensiblement de la forme tradition-
nelle au XI !'■ siècle: en Bourgogne notam-
ment, à cette époque, ce sujet est habituel-
lement personnifié par un centaure ou un
sagittaire, comme à Avallon.
Mais la statuaire de Vézelay ne nous a-
t-elle pas habitués à des surprises de ce
genre ? il semble que les imagiers qui ont
décoré la vieille abbaye aient cherché sans
cesse, ou à représenter des sujets nouveaux
(comme au tympan et au linteaii de notre
porte et sur nombre de chapiteaux de la
nef), ou à rajeunir les sujets anciens par
une expression nouvelle (comme dans le
calendrier de la voussure, etc.).
Aussi y a-t-il toujours eu, et y aurat-il
toujours, dans les sculptures de Vézelay,
une source inépuisable de jouissances pour
le chercheur qui s'efforce, sans succès peut-
être, mais certes avec bonne volonté, de
îaortatl îie Tabbape De îHé5elap.
459
deviner les idées que les imagiers d'il y a
bientôt huit siècles ont voulu exprimer sur
ces pierres énigmatiques.
En interrogeant ces figures impassibles,
qui parlent une langue trop souvent inin-
telligible pour nous, l'artiste revivra un peu
de la vie de nos pères, au milieu de cette
ville d'autrefois où se sont superposés,
comme en un terrain d'alluvion historique,
les débris des âges passés, que seule l'ab-
baye de Ste- Madeleine domine de son
antique majesté et de sa tranquille splen-
deur.
G. Sanoner, Paris.
1^ \^*U A^T< >,•%< A'^yik K^^ \^^ A^^ A,^V-^ A^^V-U A^^ »^ A^^ A^^Vik A^VU V^ViU
I
.TïiTiiiKixiiiirrrrriiirxitriiiixtLiiiiiTTiTiiTrxiiiiTirTTTiirirnirrriirrTrrTirriiiiiiriitiiiiii
iiiiiixxiitiiiLcmxiUTluiixii.irri-i
lies saints OTumeaiu* ou les saints Geosmes
ûe liangres.
iTiiTTTiyïiTTTTi-riiTTTrTTiiiiiijriiiiiiryiiriiiiziiiirixxiiiiïiixiiixiiixiJiiiiiTiiiiiiiTTTTTTiTTïiiiiiiixiiiiiiixiirTTTiTrïTiTT «#
^iÔ'f ^^^ ^Atl^ ^AÔ^^ ^A^^ ^X^^ ^^-^ ^i*ï-^ ^Atl^^ *^^ *A^^ ^^^ ^A^^ *aAÎ"< V^tï^:^
E chef-lieu du diocèse
des Lingons dans la
Haute-Marne célèbre
aussi la mémoire de
plusieurs martyrs dont
les noms o^recs nous
o
reportent au siècle de
l'apostolat de S. Polhin. On les nomme
Speusippe, Eleusippe et Meleusippe, et la
tradition les considère comme frères ; c'est
pourquoi le peuple, par abus de langage, les
désigne sous les noms des Saints Jumeaux
ou Saints Geosmes. D'après la légende
recueillie par les Bollandistesau 17 janvier,
ils seraient les petits-fils de sainte Léonille
qui fut inhumée dans la crypte de Saint-
Bénigne de Dijon (').
Rien ne s'oppose à ce que nous adoptions
le récit qui en fait des martyrs locaux ; il
n'est pas plus contraire aux données histo-
riques que le récit des martyrs de Lyon.
Les noms grecs abondent dans la lignée
des apôtres qui ont répandu leur sang dans
la vallée du Rhône, en proclamant leur
foi au Christ. A Reims, Timothée, à Autun,
saint AtidocheM Besançon, FerréoL^. Paris,
Dyonisiîis et Eletitherius sont encore des
Grecs ; je ne vois donc pas pourquoi la
capitale des Lingons, Langres, point de
rencontre de plusieurs voies romaines, n'au-
rait pas reçu la visite de quelques mission-
naires envoyés de Lyon ou d'Autun.
Les critiques qui font des Jumeaux de
Langres des martyrs delà Cappadoce dont
I. Abbé lîougaud. Etude hislorique et critique sur la
mission, les actes et le culte de saint Ëéms;iie dans la Bour-
gogne et sur l'origine des églises de Dijon, d Autun et de
Langres, Autun, Dejussieu, 1859. Mon opinion est celle
de cet auteur.
les reliques auraient été apportées d'Orient
en Gaule au IV"' ou au V" siècle, n'ont pas
de chance de recruter des adhésions à leur
opinion, car les martyrs de Langres se
présentent à nous dans les mêmes condi-
tions que les autres. Ils sont honorés dans
la banlieue de la ville, dans un emplace-
ment qui fut toujours gardé par une abbaye
et ensuite par une collégiale et, de plus,
leur tombeau a reposé dans une crypte
érigée sous le maître-autel. Toutes ces cir-
constances sont des garanties pour ceux
qui croient à leur immolation en Gaule, sur
le territoire des Lingons (').
Le bourg de Saint-Geosmes est un vil-
lage situé à 4 kilomètres au Sud de Lan-
gres, au point de bifurcation de deux voies
venant de Lyon et d'Autun. Dans le cime-
tière on voit un exhaussement du sol sur
lequel on a planté une grande croix et
auquel on applique le nom de Martyria
pour rappeler que le supplice des Jumeaux
eut lieu en cet endroit.
Ici, comme dans tous les centres de
chrétienté ancienne, existait un cimetière
dont la popularité ne peut s'expliquer sans
la présence de tombeaux vénérés comme
étaient ceux des martyrs. Ses couches les
plus profondes ont donné des sépultures
dont l'antiquité paraît incontestable quand
on examine leur forme et leur matière. Les
témoins des fouilles pratiquées dans l'inté-
rieur de l'éaflise bâtie au milieu de ce cime-
tière, ont vu sortir de terre un bon nombre
I. L'abbaye exist.-iit certainement en 716 d'après des
titres cites par la Gallia christiana. En S30, des chanoines
habitaient Saint-Geosmes. Au XII'' siècle l'établissement
n'est plus qu'un prieuré. {Provincia Lugd., t. IV,
p. 653.)
JLts ^^. gumeaur ou les ^^. (Bto&mtë lit îLangres. 461
de sarcophages monolithes en pierre ; l'un
d'eux était en plomb et renfermait deux
fioles en verre. Comme les pieds n'étaient
pas uniformément tournés du côté de l'O-
rient, on est fondé à croire que païens et
chrétiens reposaient sans distinction les
uns à côté des autres dans le môme enclos,
comme on l'a constaté à Nantes et dans
bien d'autres villes.
L'église primitive qui fut érigée sur la
tombe des Trois Jumeau.K n'existe plus
depuis longtemps ; elle a été remplacée au
XIII* siècle par un édifice gothique dont
les vastes dimensions ont permis de fonder
les piliers du chevet sans porter atteinte
aux fondations antérieures. Sous le dallage
du sanctuaire, l'architecte a conservé in-
tacte l'enceinte d'une crypte dont le plan
nous donne la figure d'une église disparue
qui avait 6 mètres de largeur et qui était
terminée par un hémicycle, comme le sous-
sol, puisqu'il y a toujours conformité de plan
entre les deux étages de nos anciennes
églises.
Il n'y a pas bien longtemps que la crypte
des Jumeaux peut être examinée ; en 1880,
elle était encore inaccessible par suite des
remblais qu'on y avait entassés sans doute
pour éviter les éboulements. A cette date,
M. Henri Brocard, architecte, eut l'heu-
reuse pensée de tenter des fouilles qui lui
ont permis d'en déterminer l'étendue. Son
exploration n'a malheureusement pas pu
aboutir à un nettoyage complet (').
. Les sondages pratiqués aux deux bouts
nous révèlent que le sous-sol a 11^,70 de
longueur; que la partie occidentale, divisée
en trois nefs, a des voûtes d'arêtes qui
reposent sur 16 colonnes cylindriques dont
les chapiteaux sont d'une exécution peu
I. La crypte de Péglise Saint-Geosmcs. (Bull, de la Soc.
historique et archéologique de Langres, t. II, 1880-85,
p. 114.) Voir aussi les années 1869 et 1882.
soignée, mais les décombres occupent
encore un tiers de la contenance. M. Bro-
card suppose que la partie demeurée incon-
nue devait être voûtée de la même façon
que la première et que la totalité du sou-
terrain renfermait 30 colonnes. Le fait est
possible. Quand l'architecte du XI II' siècle
éleva sa construction gothique, il se trouva
dans l'obligation d'allonger l'édifice anté-
rieur du côté de l'Orient, mais il se garda
bien de détruire la confession des SS. Ju-
meaux, bien qu'elle ne fût plus dans la
position liturgique, c'est-à-dire sous le
sanctuaire. Le transept se développe, en
effet, au delà du chevet circulaire du sous-
sol renfermant le tombeau, il a été tracé
sur ce point dans l'intention évidente de ne
rien déranger dans les murs préexistants.
Il suffit, du reste, de jeter les yeux sur le
plan de M. Brocard pour juger que les deux
monuments sont indépendants l'un de
l'autre.
La première impression de M. Brocard,
après sa découverte, fut qu'il était en pré-
sence d'une confession des temps gallo-
romains et il la présenta pour telle aux
réunions de la Sorbonne. Les objections
qui lui furent opposées, lui démontrèrent
bientôt qu'il s'était fait illusion et qu'il
fallait descendre plus bas dans les temps
voisins de la fin du XII^ siècle.
Dans son rapport au comité des Travaux
historiques, J. Quicherat fait ressortir avec
beaucoup d'à-propos que la date du monu-
ment est inscrite dans le style des chapi-
teaux dont les ornements composés de
feuilles d'eau, de cœurs et de trèfles, et la
corbeille déprimée dénoncent une parenté
étroite avec les œuvres du XI I^ siècle (').
Il ne résulte pas pourtant de cette con-
statation que le sous-sol soit rigoureusement
I. Revue des Sociétés savantes^ T= série, t. VI, 483-487.
462
jElebue lie T^rt c|)rctien.
une construction bâtie entièrement au
XI I^ siècle, car on a de nombreux exem-
ples de réfections opérées dans le cours
des siècles pour lier dans un édifice les
parties anciennes avec les plus récentes.
Quand les voûtes s'écroulent, on peut les
remplacer par de nouvelles sans toucher au
plan d'ensemble. -Si l'architecte du XI I^ siè-
Eglise de5 Saints Jumeaux
a S' Geosmes près Langres (Haute Marne^
Coupe de la Cryptr
Brocard del
cle avait rebâti la crypte de fond en com-
ble, il aurait adopté les dispositions de son
époque, c'est-à-dire qu'il aurait fait une
double descente. Or M. Brocard dans le
cours de ses recherches n'a trouvé trace
que d'une seule porte, et cette ouverture se
Echelle de OTOofi pour i~oo
trouve placée juste dans le milieu, sur l'axe
principal de l'édifice. Cette particularité est
un indice qu'il a respecté ce que ses prédé-
cesseurs avaient fait pour le service de la
circulation.
Il y a encore un témoignage d'antiquité
Crètïes et ses antiquités c!)réttennes.
463
à invoquer en faveur de ce sous-sol, c'est
celui du tombeau que M. Brocard a décou-
vert à l'extrémité orientale du chevet et qui
est demeuré accolé à la section circulaire.
Cette place est celle qu'on attribuait aux
sculptures vénérées dans les premiers
siècles du christianisme ; elle fut conservée
à cette destination jusqu'aux invasions
normandes, mais après, elle est réservée
aux autels d'une façon courante. Quand on
trouve un tombeau dans une position aussi
respectable, on doit croire qu'il a été l'objet
d'un culte persistant dont on ne voulait pas
arrêter le cours par un déplacement témé-
raire. Il attirait à certains jours, une
afifluence de pèlerins qui paraît attestée par
certaines marques demeurées visibles sur
les fûts de colonnes. L'architecte a constaté
la présence de mortaises échancrées et
placées symétriquement qui annoncent
l'intention de poser des barrières pour iso
1er certaines parties du souterrain et diri-
ger la circulation de la foule.
Comment la dévotion aux saints Jumeaux
s'est-elle affaiblie ? Nous l'ignorons. Le
diocèse de Langres attend encore d'un his-
torien la révélation des circonstances qui
ont amené l'abandon et le remblaiement de
la crypte où ses premiers martyrs manifes-
tèrent leur puissance surnaturelle.
Ici se termine la revue des confessions
établies dans la province de Lyon en l'hon-
neur des premiers martyrs et des confes-
seurs. Dans l'article suivant, nous entrerons
dans l'étude des monuments du même
genre bâtis dans la province de Trêves.
Trèïjes et ses aiitîquttés cl)retiennes.
Ha basilique De Samt=^ean=Baptiste
ou De Saint=ffiatt)ias f)ors les ffiurs
, REVES, sur les bords
de la Moselle, non loin
de cette vallée du Rhin
qui fut longtemps la
barrière creusée par la
Nature pour arrêter le
flot de nos envahis-
seurs, a été nommée avec raison la Rome du
jVord ; eWe mérite deux fois ce titre dans
l'histoire du IV" siècle surtout, époque où
elle fut le siès^e de la Préfecture des Gaules,
où les empereurs Constantin le Grand, Con-
stance et leurs successeurs se plaisaient à
y résider dans un palais dont les ruines
imposantes sont toujours debout, et où son
évêché était occupé par des pontifes comme
Maximin et Paulin dont le nom n'a pas
pâli (").Ene complète sa ressemblance avec
la Rome du Sud par une liste de martyrs qui
se rattachent à l'histoire de la Légion thé-
baine, et elle nous montre une chrétienté
si florissante au III" siècle, que la per-
sécution de Dioclétien allait frapper jus-
que dans les rangs des principaux magis-
trats de la cité.
L'influence de Constantin le Grand a pu
contribuer à développer le rayonnement re-
ligieux de Trêves, comme métropole chré-
tienne, mais elle a trouvé un champ d'action
très bien ensemencé par les prédécesseurs
du pontife Agrecius. Eîicharms, qui ouvre
la liste des évêques de l'église de Trêves.
I. Plusieurs auteurs ont écrit l'histoire de Trêves. Les
principaux sont ; Brower, Anliquilales et annales Tre-
viremes, Leodi, 1670. Hontheim, Historia Trevirensis,
Augustae Vindelicorum, 1750- Ciouet, Histoire ecclés.
de lapiovince de Trêves, Verdun, 1844.
464
3Rebue De T^rr cl)rctien.
porte un nom grec comme Pothin de Lyon,
Andoche d'Autun, Méleusippe de Langres;
il peut donc être regardé comme un des
membres de ce collège d'apôtres qui vint
d'Orient s'établir à Lyon pour y travailler
à l'évangélisation de la Gaule. Euchaire
n'était pas le seul Grec mêlé à la colonie
romaine, il avait des compatriotes aisés,
dont les noms étaient gravés sur des mar-
bres funéraires qu'on lisait dans les cime-
tières de la ville. Ces épitaphes grecques, an-
térieures au V^ siècle.étaient encore si nom-
breuses au XVP siècle, qu'elles frappaient
l'attention des étrangers qui visitaient les
cimetières de Trêves. Conrad Celtes en
parle ainsi dans ses vers: Sepulchra grtEcis
vidi epitaph Us ( ' ) .
Trêves devint bientôt une colonie abso-
lument romaine lorsque la cour impériale
y vint faire séjour même temporairement
avec son cortège de magistrats et d'officiers
de l'armée, et cette invasion d'étrangers in-
troduisit en même temps dans ses murs un
bon nombre de partisans du culte chrétien
qui venaient detoutes les parties de la Gaule
lut demander la lumière de ses apôtres.
A leur mort.les corps de tous les convertis
à la doctrine de l'Evangile étaient portés
aux alentours de l'une des trois basiliques
de Saint-Euchaire,de Saint-Maximin et de
Saint- Paulin et leur sépulture était marquée
par des épitaphes le plus souvent gravées sur
marbre blanc qu'on a peu à peu retrouvées
dans les fouilles de l'église et au cimetière
environnant. Le compilateur des inscrip-
tions chrétiennes de la Gaule a recueilli près
de cent épitaphes dans cette seule cité et il
a constaté qu'elles sont antérieures à la fin du
V*= siècle: c'est la série la plus considérable
qu'on ait rencontrée en Gaule ('').
1. Le B,\a.n\.,/nscriplions chrétiennes de la Gauie, tome I,
327-
2. Le Blant, Nouveau recueil des inscriptions c/trctiennes
de la Gaule ant. au VIII' siècle. Lire la préface.
Cette belle efiflorescence de civilisation
chrétienne fut interrompue tout à coup par
les invasions des Barbares qui commencè-
rent, en 464, par la prise de la ville et jetè-
rent le désarroi dans le troupeau des fidèles
comme dans le personnel du clergé. On cite
un évêque, Jamlichus, exilé de son siège, qui
alla mourir jusque dans la Viennoise ('). Le
paganisme reprit une partie de sa vogue et
le trouble se prolongea si longtemps que
le roi Thierry, après avoir occupé l'Auver-
gne où les chrétientés étaient prospères,
lui emprunta de nombreux clercs pour ser-
vir dans l'Église de Trêves et combler les
vides causés par la brutalité des Ger-
mains ('). La résurrection fut rapide si nous
en jugeons par ladescription des sanctuaires
dont parle Grégoire de Tours. De son
temps, les pontifes Euchaire, Maximin et
Nizier avaient une grande influence et leurs
tombeaux étaient visités par de nombreux
pèlerins. Après chaque désastre, il se rencon-
trait toujours un évêque zélé, comme Nizier
ou Magnéric, qui s'empressait de relever
les édifices incendiés. Le feu n'attaque pas
toujours la solidité des maçonneries, il ne
cause pas toujours la ruine complète des
constructions, témoin la basilique constan-
tinienne dont l'enceinte colossale est encore
capable de servir de temple aux Protestants
de Trêves, témoin la Porta Nigra, édifice
romain demeuré presque intact, bien qu'il
ait été approprié à diverses destinations,
témoin la cathédrale dont la membrure in-
térieure est faite des meilleures parties d'un
palais impérial du IV*" siècle. Si les églises
des martyrsetdes confesseurs qui nous occu-
pent ont moins bien résisté aux épreuves du
temps et des accidents, il faut cependant
admettre que leurs soubassements, tout
au moins, ont échappé à la ruine et servi de
1. Ibidem. V. la préface.
2. Grégoire de Tours, Vitae pairutn, VII, 2.
Crêtes et 0es antiquités cl)rfttennes.
465
base aux restaurations successives, autre-
ment il serait difficile d'expliquer la survi-
vance de toutes les reliques dont cette ville
a toujours prétendu conserver le dépôt et
dont l'authenticité est certifiée par de nom-
breux chroniqueurs.
Peu de villes offrent autant d'exemplaires
de cryptes que la métropole de Trêves, on
en compte encore quatre, et par les histo-
riens, nous avons la certitude qu'il en exis-
tait une cinquième dans un sanctuaire con-
sacré à la mémoire de saint Ouiriace (').
Celles qui subsistent sont celles de Saint-
Maximin ('), de Saint-Mathias, de Saint-
Paulin et celle de la cathédrale en spéci-
fiant bien toutefois que cette dernière n'ap-
partient pas à la catégorie des monuments
que nous étudions. Il est très rare que les
cathédrales soient élevées sur des iiiartyria,
des confessions ou des metuoriae, puis-
qu'elles sont à l'intérieur des cités et
que les sépultures anciennes sont toujours
reportées dans les faubourgs.
La cathédrale de Trêves n'a pas échappé
à cette règle. Elle a été installée au V" siècle
dans l'enceinte d'un palais romain, et quand
elle fut reconstruite au VI^ siècle, par l'évê-
que Nizier, l'addition d'une crypte ne fut pas
adoptée, puisque le corps de ce pontife fut
porté dans celle de l'église Saint-Maximin.
Après les ravages des Normands, l'ar-
chevêque Poppo entreprit la réédification
et l'élargrissement du monument, et la con-
ception de la crypte qu'il plaça sous le
chœur ne peut avoir été inspirée que par
l'ambition de rivaliser avec les plus vieux
sanctuaires de lacité.ceuxde Saint-Mathias,
de Saint-Maximin et de Saint-Paulin, ou
1. ActaSS., VII Maii mensis 20-26.
2. Je ne sais pourquoi on a hésité entre S. Jean-Bap-
tiste et saint Jean-l'Évangéliste, ce dernier étant déjà
honoré à .Saint-Maximin. Le cimetière de Saint-Mathias
étant le plus ancien, c'est là qu'était certainement le bap-
tistère comme dans toutes les chrétientés.
par le légitime désir de protéger les reliques
dispersées au dehors en les réunissant
dans un dépôt central établi au cœur de la
cité. Quelle que soit la pensée qui a présidé
à la construction, il n'en est pas moins vrai
qu'on ne peut lui assigner une date anté-
rieure au XI^ siècle ; elle a pu être étudiée
en 1898, lorsqu'on opéra le déblaiement des
décombres qui remplissaient le sous-sol. Le
plan relevé alors par l'architecte W.Schmitz
représente un édifice à trois nefs coupées
à l'Ouest par une autre nef transversale.
Tous les piliers avaient disparu, sauf un,
ce qui rendait la restitution plus difficile;
cependant en examinant les naissances des
voûtes restées en place, il parut évident que
toutes ces nefs étaient couvertes de voûtes
en berceau (').
La crypte qui conserve la marque la plus
authentique de vénérabilité, bien qu'elle ait
été remaniée, comme les autres, est celle
qui se trouve placée sous le sanctuaire de
l'église dédiée à Saint-Mathias, là où sont
exposés deux énormes sarcophages de
pierre calcaire sur le couvercle desquels on
lit : S. Eucarius, S. Valerius, c'est-à-dire les
noms des deux premiers évêques de la cité
de Trêves (''). Comme la ligne de l'axe prin-
cipal de la basilique tout entière passe entre
les deux tombeaux, nous sommes fondés à
croire qu'ils occupent la place primitive qui
leur fut assignée, car il était d'usage de
respecter les fondations religieuses, quand
1 . Rapport sur Us ti avuux à la cathédrale de Trêves,
dans les années iSçy-i8çg. 4" Rapport annuel de la Com-
mission provinciale pour la conservation des Monuments
de la province rhénane.
2. Ces deux inscriptions se lisent sur la bande du cou-
vercle. On ne peut admirer aucune décoration semblable
à celles qu'on voit sur les sarcophages d'Arles. Nous
n'avons pas de vie bien informée pour les premiers apô-
tres de Trêves. Celle que publient les Boll. au 29 janvier
les représente comme des missionnaires envoyés par
S. Pierre.
Valerius et Maternus seraient l'un diacre et l'autre sous-
diacre d'Eucher.
466
î^ebuc tie r^rr cbrétiea.
on les relevait, ou quand on les agrandis-
sait. Le point de départ n'était pas chose
indifférente comme aujourd'iaui, il repré-
sentait une pensée pieuse qu'on s'efforçait
de perpétuer. Quand l'édifice supérieur
s'écroulait sous les coups du marteau des
Barbares ou des atteintes de l'incendie, les
ruines recouvraient la crypte quand elle
n'avait pas été d'avance remblayée ou ob-
struée pour détourner l'attention des pil-
lards, et, le jour du relèvement, l'architecte
retrouvait là.dans le sous-sol, la pensée mère
de la construction ('). Telle a été pour moi la
destinée de cette confession des SS. -Eu-
chaire et Valérien ; elle a servi de guide
dans toutes les réfections exécutées. Ce
qui me frappe autant que la situation des
tombeaux par rapport à l'axe de l'édifice,
c'est la disposition de l'autel de la crypte.
Trêves offre peut-être le seul exemple d'un
autel encore adossé à la tête de sarcopha-
ges, comme on le faisait dans la primitive
église: ailleurs on s'est empressé de repous-
ser les tombeaux le long des murs latéraux
et de mettre l'autel contre le fond du che-
vet.
Pour se rendre compte de l'aspect de
cette confession, il est essentiel de rétablir
par l'imagination la clôture qui existait dans
le principe contre les pieds des sarcopha-
ges; ici, comme dans les autres confessions,
les sarcophages touchaient le chevet de la
crypte. Le mur est tombé lorsqu'on a jugé à
propos d'allonger le sous-sol. Il est évident
qu'il y a deux monuments souterrains acco-
lés l'un à l'autre, comme il y a deux styles
différents dans l'architecture, mais il est
I. L'autel de la crypte fut consacré au XII" siècle par
l'évêque de Genève H:ir(wicus « in linnorc SS. Apostolo-
runi Pétri et Pauli et omnium apostolorum 5>. Il y mit des
reliques des SS. André, Barthélémy, Malhias, Euchaire,
Valère, Materne, Agrèce, des martyrs de la léi^ion tlié-
baine et des onze mille vierges. {Mon. Germ. Iiisl., XV,
1279.)
croyable que par leurs fondations, ils sont
contemporains, autrement il aurait été diffi-
cile de les souder l'un à l'autre aussi exac-
tement qu'ils le sont.
Voici comment j'expliquerai ce singulier
rapprochement: on aimait autrefois les ac-
cumulations de sanctuaires sur un même
Crypte de Saint Evichair»e
en l'èghae de Saini Mathias a Theves
EST
A Profil d'une ccJanoe C Crypu dii MI' sieclt
B Autel ' I Tomheata de sx Ettâasre eC Vajerien
fchtllc (te ^poi par mètre.
Brajtd arcli. tiet.
point, comme pour composer un cortège
au principal patron. Dans l'enceinte du
monastère de S. Mathias, on avait érigé une
église à saint Materne, une autre sous l'in-
vocation des saints Ouirin et Quintin, une
quatrième à Notre-Dame ('). L'une de
ces églises était peut-être accolée au
chevet au-dessus de la crypte sans nom
I. Gallia cliristiana, Provincia Trevirensis.
Crèt)e0 et ses antiquités cl)rétiennes«
467
dont nous parlons, par exemple, celle de
saint Materne, quatrième évêque du siège,
auquel on attribue un rôle très important
dans les légendes parce qu'il a déployé un
grand zèle dans la conversion des païens (').
La partie occidentale, celle qui s'étend
devant l'autel souterrain, est évidemment la
plus ancienne ; elle est partagée en trois
nefs séparées, à gauche et à droite, par
une rangée de quatre colonnes de prove-
nances différentes. Elles n'ont pas le même
module et elles ne sont pas toutes de la
même pierre; quelques fûts sont en marbre.
Au lieu du chapiteau, ils supportent des
tablettes successives sur lesquelles retom-
bent les arêtes des voûtes. Les bases sont
classiques comme les sommets: ce sont des
tores et des gorges reposant sur un dé. Ce
ne sont pas là les caractères d'une œuvre
des temps barbares, il y a trop de perfec-
tion de travail dans les voûtes et dans leurs
supports pour que nous cherchions sa date
dans les temps antérieurs à l'an mille.
D'ailleurs, nous devons tenir compte du
Crypte de Saint Euchaire enl église S'Mathias
Cote Ouest
récit des historiens et des conséquences
inévitables des assauts qu'a subis la ville de
Trêves.
Les deux pontifes Euchaire et Valérien
reposèrent d'abord dans un édifice modeste
que les historiens appellent cella, oratoire
étroit qui disparut pendant les invasions
du V^ siècle ('). Ce premier dépôt devait
1. On a été jusqu'à en faire un des 72 disciples de N.-S.
Jésus-Christ, absurdité qui a été parfaitement réfutée par
Jean de Hontheim, Histoire diplomatique de Trêves
1750, et par les Bollandistes Acta Sanctorum, mensis
Sept. lv,374.FJi/a S. Materni.On y lira une longue disser-
tation sur les origines apostoliques du diocèse de Trêves
2. L'auteur de la vie de saint Valérion dit qu'il fut in-
humé dans le même sarcophage que S. Euchaire « in
avoir quelque ressemblance avec les hypo-
gées qui subsistent toujours dans le cimetière
de Saint-Mathias et qui sont si intéressants
à observer quand on étudie les sépultures
antiques. Ces caveaux rectangulaires, voûtés
en berceau et taillés dans le rocher,sont con-
struits en moeIlons;ils sont desservis par un
escalier et aérés par une petite cheminée.
Les sarcophages y sont placés tantôt dans
les parois, c'est-à-dire emmurés.tantôt isolés
au milieu du sous-sol, parfois dans les deux
eodem sarcophago divinis laudibus condiderunt > Acta
sanctorum, mense januario, tome II, p. 921. Pourtant le
sarcophage qui porte son nom a un aspect très antique
comme celui d'Euchaire.
468
î^eliuc De r^rt ci)vctien.
situations en même temps pour occuper
toute la place disponible (').
Je remarque un arrangement semblable
dans la partie occidentale de la crypte de nos
deux saints personnages, c'est-à-dire que
les parois, au lieu detre en maçonnerie
régulièrement continuée d'un bout à l'autre,
sont entamées par des excavations dans les-
quelles on a inséré de grands sarcophages
rectangulaires, certainement antérieurs à la
période mérovingienne. Comment a-t-on
été amené à annexer cette seconde crypte
à la première si elle n'a pas été consacrée
par la présence de précieuses sépultures
Crypte de saint Euchaire en l'église Saiut-Mathias (côté Est).
dignes d'être rapprochées des premiers pon-
tifes ?
La question serait insoluble si nous
n'avions que l'architecture pour nous
éclairer, car nous sommes en présence ici
de voûtes et de supports du XVI^ siècle,
qui détonnent auprès de l'aspect des sar-
I. Voir la notice du D' Hettner sur ces hypogées dans
Berichie dey provinzial Kommissionfiir die Denkmal-
pflege in der Rheinprovinz, 1902. Bonn, von Cari. Georgi,
In-S» br.
cophages. La crypte des SS. Euchaire et
Valérien mesurait 15'", 65 de longueur sur
7'T',30 de largeur ; vers 1500, elle fut portée
à 33"\i7 sur 7'",82 (■). On se tromperait
assurément si on prenait cette date comme
absolue ; antérieurement, il existait un
hypogée chrétien en cet endroit, il fut dé-
r. Diel, Berichie von S. Mathias bei Trier, p. 22.
L'abbé Antonius Leivven serait l'auteur de cette trans-
formation. 1496-1510.
Crè\3es et ses antîiiiutéô cl)rétiennes;.
469
couvert sans doute pendant qu'on pratiquait
des fouilles pour l'allongement du chœur et
on décida qu'il serait approprié conve-
nablement pour servir de prolongement au
soubassement du chevet. Par certains in-
dices on fut peut-être conduit à penser
que les deux hypogées étaient en com-
munication dans le principe et servaient
aux inhumations des pontifes de l'église
de Trêves ('). C'est là évidemment que
l'évêque S. Cyrille en 458, bâtit le mo-
nastère de Saint-Jean-Baptiste, où, dit-
on, il fit transporter les restes de saint
Euchaire et ceux de ses successeurs, à peu
de distance de la cella primitive ('). Il est
remarquable que les deux cryptes ont un
seul et même axe central, c'est pourquoi
nous supposons que leur plan a été tracé
dans le même temps, car il n'y a pas
d'exemple que les générations du XV'^ et
du XV [e siècle se soient jamais préoccupées
d'installer des tombeaux dans des conditions
aussi archaïques.
On a la certitude que les reliques des
trésors de Trêves n'ont pas voyagé comme
tant d'autres, on s'est borné à les enfouir et
à murer les portes des cryptes lorsque re-
tentirent les premiers bruits des invasions
normandes ('). Elles ne furent exposées de
nouveau à la vénération publique qu'en
1053, sous l'épiscopat d'Evrard, qui fit la
cérémonie de leur translation (^), ce qui veut
dire qu'après avoir déblayé les alentours
des sarcophages de tous les décombres qui
les dissimulaient aux yeux, il en fitl'ouver-
1. Une note de la vie de S. Valérien ajoutée par les
Bollandistes laisse entendre qu'il y en avait au moins 17
et qu'ils y étaient honorés avec un grand respect. (Janvier,
tome 2, p. 921.)
2. Dom Calmet, Hist. de Lorraine, I, 144.
3. < Corpus quoque S. Eucharii et reliquorum ibi se-
pultorum altius terrœ infoderunt, idem fecerunt de aliis
circa urbem sepultis >> (anno 864, Hisloria Trevirensis,
Dom Calmet, t. IV, co'. iS )
4. Dom Calmet, Ibidem, t. I, p. 11 28.
ture pour en exalter le contenu sur les
autels de l'édifice supérieur. C'est à ce mo-
ment que le corps de S. Valérien fut mis à
la disposition de l'empereur Henri 111 qui
le demandait.
Il y a lieu de croire que l'invention des
reliques concorde, ici comme ailleurs, avec
des travaux de reconstruction du chœur,
hypothèse qui est très admissible quand on
considère l'ensemble du monument. L'ab-
baye de Saint-Mathias ou de Saint-Jean
était, comme les autres, en dehors de l'en-
ceinte, par conséquent très exposée aux
coups des envahisseurs; il n'est donc pas
surprenant que les religieux, une fois réin-
tégrés dans leur abbaye, aient entrepris
une basilique conforme aux aspirations des
générations du XI^ siècle et suivant les
règles de l'art nouveau. Par ce qui s'est
passé à Saint- Maximin en plein X^ siècle,
nous savons que les ouvriers habiles ne
manquaient pas à Trêves, malheureuse-
ment il fallait compter, ici comme ailleurs,
avec les échecs et les risques de tous genres.
Après avoir remis le monastère en état de
refleurir de nouveau, de 1097 à 11 10, les
religieux eurent la douleur de voir leurs
efforts anéantis par un grave incendie en
1148. Cette fois, la crypte fut reconstruite
pour ne plus disparaître, elle reçut du pape
Eugène 1 1 1 une consécration qui lui a porté
bonheur, car elle est encore debout sous
nos yeux et nous montre ce qu'on savait
faire à Trêves au XI I^ siècle.
Les escaliers seuls ont été modifiés pour
répondre à de nouveaux besoins. La dou-
ble descente ouverte dans le déambulatoire
ne peut être considérée comme la plus an-
cienne, elle aboutit juste sur les côtés de
l'autel et non en face, par conséquent elle
est dans une situation anormale. Cette com-
binaison fut imaginée au XVI^ siècle, lors
de l'allongement du chevet. La logique et
XEVUB US LAKT CHRÉTIEN.
X904. — 5'"® LIVRAISON.
470
îRellue tie T^rt cl)rétten.
les exemples nombreux qui se présentent
ailleurs nous obligent à chercher du côté de
l'Ouest, et à supposer que les escaliers du
XII' siècle et des temps antérieurs s'ap-
puyaient sur le mur occidental là où nous
apercevons des traces d'ouverture.
De même que la basilique de Notre-
Dame-aux-Martyrs quitta son vieux voca-
blepour prendre celui de Saint-Paulin après
les travaux de reconstruction du XP siècle
et la découverte de ses reliques ; ainsi la
vieille abbaye de Saint-Jean-Baptiste aurait
dû prendre le vocable de Saint-Euchaire,
premier évêque de Trêves, dont elle gar-
dait le corps ('). Le nom qui l'emporta au
XI° siècle pendant la période des recon-
structions et des inventions de reliques fut
celui de Mathias, nom d'un apôtre bien
connu {-). L'installation de ce nouveau culte
devrait concorder avec l'invention d'un
sarcophage enfoui comme les autres sous
les décombres et sur lequel on lisait Ma-
thias (').
La Gallia Ckristiana prend comme point
de départ la date de 1127, mais c'est une
erreur, car, dès le X*" siècle, on en parlait à
Trêves (''). Le moine Théodoric, mort en
996, raconte dans une de ses homélies que
l'importation du corps de saint Mathias
remontait au temps de sainte Hélène, la
mère de Constantin, qui l'avait demandé
au patriarche d'Antioche pour l'offrir à
l'évêque Agrecius.
Je suis surpris cependant de ne pas
rencontrer le nom de Mathias dans les dis-
tributions de reliques et les consécrations
d'autel faites si fréquemment à Trêves,
au X'^et au XI'' siècle, je ne le vois appa-
\. D'après le moine Lambert, les reliques de S Eu-
chaire auraient dté perdues dans l'incendie de 1131.
{Acta inv. rel. S. Mathia, Acta SS. Februarii III.)
2. Acta inventionis S. A/a//iiae {Acla. SS. Februarii III,
455).
3. D'après certains auteurs, on trouva les reliques de
saint Mathias sous l'autel de S. Jean-Baptiste.
4. Recueil man. conservé à la Bibl. au grand sémi-
naire de Trêves.
raître que dans la consécration de l'autel
majeur de la basilique placée sous son in-
vocation, qui eut lieu par les mains du pape
Eugène III, assisté de l'archevêque Albé-
ron, en 11 48 (').
Grâce au séjour de Constantin à Trêves,
les églises de cette ville ont pu se procurer
un grand nombre de reliques tirées de
l'Orient, l'origine de leurs trésors n'est pas
moins antique, il ne s'ensuit pas que le
corps de saint Mathias tout entier ait été
déplacé. 11 n'est pas admissible qu'un apôtre
soit arrivé à Trêves au IV" siècle sans
prendre le premier rang, sans effacer tous
les autres cultes ; or nous savons de source
certaine qu'au VP siècle, Euchaire, Maxi-
min et Nizier, trois évêques de la cité,
étaient les protecteurs réels de Trêves, sui-
vant le témoignage de Grégoire de Tours.
Si l'invocation de Mathias l'a emporté sur
les trois autres, c'est une innovation posté-
rieure au X" siècle dont la responsabilité
appartient peut-être tout entière au moine
Théodoric cité plus haut ('). La légende
qu'il a recueillie sans doute dans le peuple
s'est propagée d'autant mieux que le clergé
exposa derrière le maître-autel un sarco-
phage somptueux auquel il appliqua son
invocation en le plaçant assez haut pour
qu'on puisse passer dessous, suivant la cou-
tume. Encore aujourd'hui, saint Mathias
jouit du même crédit et occupe au chœur de
l'église la place d'honneur sur des piliers
de marbre sous lesquels les pèlerins passent
sans se baisser {^). ^ Maître.
1. Altare quod est in medio monasterio ad tumbam
heali Matliie apostoli consccravit idem dictus Eugenius et
Albero archiepiscopus Trevirensis m honore Ste Crucis
et SS. apostolorum Mathie etjacobi fiatris Domini. »
(Pertz. Mon. Genii. //islon'a, XV, 1278.)
2. Lambert, religieux de l'abbaye qui propagea la lé-
gende au XI P siècle en écrivant le récit des translations
du corps de saint Mathias ne cite pas la source de ses
informations et paraît trop ami du merveilleux {Ac/a
invcntionis, S. M., Ibidem.)
3. Voir la planche publiée dans notre première livrai-
son {Revue de PArt c-/i>-i.'tieii, janvier 1902.)
IH.VIII
Vihrair(fra3.nicrîl-) ôe la cÇapcfIc ûucfoîPrc.
y A^^ \^yU \^^ i^^ V^ >^A \^yy. i^^ V^ K^^ i^^ i^^ i^^ Jt^^ k^^ ^
•^ tllJllfXTTTrfiïiiziillllLlxxi^LLxil^xiriTrTiTiiriiiirTrTiiciiiiriiitiiiiiiTiTrriirTTlllttJLlxrillxjLLLLUlllLllJliriYrTlliiiKiii-iliitlixririxrrrTTTti jg
>
<
^
ms^sm Vttratl à ffîarcïisous. «8«sm®®
Vf
'M
3.iijtiii]Liiiiiii'CHTTin_.mmiiiiiiiiiixirtxiirxx
iTTTï ï raTTi 1 1 iT-im rTTrrtrT'
TrnriKH-ixiTciiiiiTDnJixxiJC
5^ ^iti^* ^-^ »^-^ *iAj^ v^^ ^£(^ y<B^ ^S ^ ^ii^f ^s*^ ''iti-'f ^i*rf *^f^t^ »*rf *i*î^
î^***^**^^**?i********^ A Revue de l'Art chrétien
s'occupe avec prédilec-
tion de l'art ancien, de
son histoire, de ses mo-
numents, des chefs-
d'œuvre qu'elle aime de
proposer à l'imitation
des artistes contemporains. Elle se plaît
aussi, à l'occasion, à présenter à ses lecteurs
les œuvres de ces derniers, surtout celles
qui s'inspirent des meilleures traditions
médiévales.
Parmi les ouvrages de style religieux oii
l'esprit des siècles chrétiens continue de
prévaloir comme sur son terrain propre, on
peut citer les vitraux. Le vitrail est une
conception bien propre au moyen âge ; il
est un non sens, il ne dit rien, s'il n'est con-
çu dans le sentiment décoratif et religieux
qui est propre aux maîtres chrétiens.
On a dit bien souvent que les secrets
techniques des anciens verriers sont perdus;
il n'en est rien ; c'est leur esprit et leurs
sentiments artistiques qui ont disparu. Pas
partout cependant ; en France, l'École de
Didron a produit de belles œuvres de vitre-
rie, l'Angleterre a eu d'excellents verriers
de nos jours. M. Ch. Lagasse de Locht,
président de la Commission royale des
monianents, n'a pas craint de proclamer
récemment que les peintres verriers belges
sont les meilleurs du continent. C'est en
Belgique surtout que l'art des vitraux co-
lorés a repris depuis longtemps les meil-
leures traditions sous l'influence du baron
Bethune. M. Verhaegen a naguère exposé
les principes de cet art dans la Revue de
l'Art chrétien ('). Il l'a fait avec d'autant
1. V. Revue de tArt chrétien, année iS86, p. 297.
plus d'autorité, qu'il était devenu le succes-
seur du grand maître belge, dont il avait
repris les ateliers. II les a légués depuis
à M. Jos. Casier, dont nous avons souvent
signalé les œuvres. Monsieur Casier a des
émules très distingués, notamment MM.
Ladon et Osterrath, dont nous espérons
avoir aussi l'occasion de faire connaître les
œuvres si méritantes.
Nous reproduisons aujourd'hui un frag-
ment d'un des vitraux offerts par M. Casier
à l'abbaye de Maredsous et posés dans
deux petites fenêtres latérales de la cha-
pelle située dans le cloître (au rez-de-
chaussée) en face de l'entrée d'honneur.
Chaque verrière offre deux médaillons lé-
gendaires se détachant sur une décoration
polychrome, encadrée d'une vigoureuse bor-
dure. La chapelle sera dédiée au Christ,
roi de la paix. Les quatre médaillons repré-
sentent :
a) Anges chantant : Pax hominibus bonœ
voluntatis.
b) Sermon sur la moniagx\ç.:Bcati pacijici.
rj Apparition de Jésus-Christ aux apôtres:
Pax vobis.
d) Saint Benoît donnant la règle â ses
moines et disant : Inquire pacevi.
Le médaillon que nous reproduisons re-
présente le Sermon sur la montagne. La
composition est conçue dans le style du
XI II<^ siècle qui est celui du beau monastère
élevé par le baron Bethune. Mais la partie
historiée se présente sous un aspect inat-
tendu, et constitue une innovation, que nous
aimons à considérer comme exceptionnelle.
Le dessin du médaillon a la noblesse, la
pureté de trait, l'allure idéalisée qui carac-
térise l'art du XI Ils siècle; mais il présente
la coloration en grisaille rehaussée des
larges tons jaunes de chlorure d'argent, qui
a prévalu au XIV^ et au XV^ siècle. Tandis
qu'il y a unité de style dans le dessin entre
le sujet à personnages et la bordure, il y a
une opposition et une sorte d'anachronisme
dans le coloris.
L'artiste a eu des raisons pour en agir ain-
si. La chapelleàdécorer,ornée de mosaïquesi
est éclairée de manière faible par deux pe-
tites fenêtres ombragées par des contreforts
voisins. Les médaillons clairs qui se dé-
tachent sur le fond très soutenu, donnent la
lumière désirée, et font, à courte distance,
un effet satisfaisant. Dans un grand édifice,
il produirait certainement un effet de rayon-
nement nuisible à l'harmonie de l'ensemble
du vitrail.
Nous sommes en présence d'une concep-
tion un peu hardie, qu'on ne pourra appré-
cier définitivement que sur place, mais qui
constitue un essai des plus intéressants.
L. C.
'f A^A A^X A^^ A^A >M-A >M^ A^vC A^^ A^»-U A^^ A^^V^ Jfc^vt \^%t A^VU A^X »'
^^^tTiiiiiiiiriiiiiiiiiiBiiiiiirTiTiiiiiyTiTTrïïxiiiiiiirrïrrTiixiiiiiiiJTiiTiirxiiirTiigTiiTTn]:iiiiiii-)ciiïiiii«iiiïiïrxniiirii[niiiii)imn
a
Ii:a peinture tiécorattbe au mojen âge. l^
k^^Al'f ^il^ "^"^ ^i^^ *A^^ ^Atï* ^i^^ ^i^I^ ^aAÎ-v y^y y^^ ^;*î^ *AiI^ *AiI^ ^i^iv];^
E tous les arts décoratifs
de la période gothique,
c'est assurément la pein-
ture murale et la poly-
chromie de la statuaire
U qui sont le moins com-
^y^i-ym^ pris et dont, en général,
l'étude est la plus délaissée. Pour certains
esprits, cette peinture n'a existé que par
exception. Loin d'y voir le dernier et néces-
saire complément de l'architecture, ils ne
veulent y voir qu'un manque de goût, un
reste de la barbarie du moyen âge, dont les
quelques vestiges, encore visibles dans les
monuments de cette époque, ne valent
guère les peines d'être examinés. Lorsqu'un
artiste ou archéologue se livre à cette étude,
il faut surtout l'empêcher d'en faire l'appli-
cation aux édifices de la même époque ou
de même style. On ne saurait trop l'ac-
cabler, s'il se permet de couvrir de peinture
« la belle pierre, le beau bois de chêne, les
belles briques, voir le bel enduit ». Il n'est
pas rare d'entendre alors des tirades plus
ou moins éloquentes sur la simplicité, sur
le naturel et la vérité des matériaux em-
ployés dans la construction. Des hommes
qui, apparemment, trouveraient très déplai-
sant d'habiter des locaux où la pierre et la
brique seraient visibles et à l'état de nature
aux parois, et qui, dans une salle de théâtre,
voire dans un restaurant, regarderaient
comme haute inconvenance une telle nudité
des murs, admettent parfaitement cette
incongruité dans les églises et les sanc-
tuaires.
Mais ils disent que les essais de rétablir
dans le style du moyen âge la peinture
murale des églises ont été malheureux !
Que des essais fâcheux aient été tentés, cela
est certain, faute d'études suffisantes, par-
fois faute de talent, et même parfois sans
ressources pécuniaires, cela est incon-
testable. Mais il n'est pas moins certain
que ce sont souvent les hommes les plus
ignorants, les moins initiés à la décoration
picturale des édifices du moyen âge, qui
élèvent les critiques les plus acerbes et des
jugements, qui ne sont basés que sur leur
goût personnel. Ils jugent de la peinture
décorative des édifices gothiques, comme
au XVI 11^ siècle on jugeait leur construc-
tion, leur statuaire et leur décor plastique.
En réalité, ils n'ont pas la science et l'intel-
ligence d'un art dont ils ne connaissent ni
les principes ni les règles et dont pourtant
ils prétendent s'ériger en juges.
Au XVI IL siècle, et même au siècle
précédent, on n'admettait pas les vitraux de
couleur dans les baies des fenêtres, puisque
dans beaucoup d'églises on les a fait dis-
paraître alors. Aujourd'hui les vitraux sont
de nouveau en faveur, et c'est un progrès.
Il s'en faut assurément que toutes les ver-
rières peintes soient de main de maître, et
même que la plupart des peintres-verriers
employent de bons matériaux et se confor-
ment aux principes des grands maîtres du
XIILet du XIV" siècle. Mais on admet
très couramment les mauvais vitraux mo-
dernes, et même on les admet, parce qu'ils
sont mauvais, c'est-à-dire, parce qu'ils ne
correspondent en rien à la gravité du style,
à la puissante coloration et aux irrégularités
du verre qui existaient dans les œuvres des
maîtres au moyen âge. Or, accepter la
coloration aux parois translucides d'un édi-
fice, et vouloir la bannir aux parois solides
474
^tWt lie r^rt chrétien.
et opaques, c'est assurément un manque de
logique, un défaut de sens esthétique que
l'on rencontre trop souvent dans les adver-
saires du décor pictural dans les édifices.
Que le sentiment de l'harmonie dans la
coloration ait été différent au XI 11^ et au
XI V^ siècle du sentiment de notre époque
habituée aux nuances faibles, neutres, gri-
ses et même ternes, cela semble hors de
doute. Mais les peintres décorateurs de la
période gothique avaient-ils tort et nos
esthètes ont-ils raison ? C'est une question
qui mérite d'être examinée. ^ priori, je
crois que les hommes qui ont construit les
monuments qui aujourd'hui s'imposent à
l'admiration du monde civilisé, en compre-
naient aussi le mieux le système de déco-
ration. Si nous ne le comprenons plus, il
importe au moins de l'étudier sérieusement
avant de le condamner.
Peut-être convient-il de commencer cette
étude par les décorations les plus simples,
que nous a léguées le moyen âge, les moins
coûteuses, celles dont les éléments peuvent
se reproduire sans grand talent, même par
des artisans guidés par un artiste assez
initié au style adopté dans le monument,
pour y adapter le décor dans toute sa sim-
plicité, mais aussi dans toute sa sévérité.
Un de nos collaborateurs, M. van Ruym-
beke, nous offre à cet égard une étude faite
sur l'une des églises de la Flandre Occi-
dentale, l'église Sainte- Walburge à Furnes,
que nous nous empressons de mettre sous
les yeux des lecteurs de notre Revue.
Nous ajouterons que, dans la région de la
Flandre, où se trouve cette église, on cons-
tate presque partout l'existence des restes
de cette ancienne décoration picturale, plus
ou moins riche, plus ou moins simple, sui-
vant les ressources dont on disposait, mais
toujours en harmonie avec le style de la
construction. Mais ce qui a existé en Flan-
dre a existé dans presque toutes les régions
de la chrétienté. Dans les Flandres on a
été peut-être plus conservateur que dans
d'autres contrées; mais partout, même pour
les édifices dénués de ressources, on a
toujours considéré la peinture décorative
comme le complément nécessaire de l'ar-
chitecture.
Il en était ainsi, même pour les églises
et les sanctuaires des Ordres mendiants,
auxquels, pour leurs temples comme pour
tout le reste, la simplicité et la pauvreté
étaient imposées par leurs fondateurs. Loin
de voir dans la peinture une sorte de luxe,
ces religieux, voués à la pauvreté parleurs
vœux, n'y voyaient en réalité que l'expres-
sion d'un sentiment de convenance. C'est
ainsi que les Franciscains et les Domini-
cains qui, dans la construction des églises
et chapelles, devaient observer les règles
d'une rigide simplicité, ne pas élever des
clochers, se contenter généralement d'une
seule nef, et éviter tout ce qui pouvait être
regardé comme ornement de luxe, ne re-
nonçaient nullement à orner leurs chapelles
de peintures décoratives. Cela leur semblait
imposé par la décence du lieu saint.
Nous trouvons, à cet égard, dans un
livre qui vient de paraître et que M. G. Ro-
hault de Fleury consacre à l'étude des cou-
vents de saint Dominique au moyen âge,
des renseignements très intéressants et qui
rentrent trop bien dans notre sujet pour
que nous ne les transcrivions pas ici.
« La peinture au moyen âge s'identifiait
avec l'édifice auquel elle s'appliquait : elle
le modifiait dans ses dimensions, dans son
aspect, et semblait donner à la chrysalide
les splendeurs du papillon. Elle s'associait à
l'édifice, elle suivait même ses constructions.
En Italie, les églises dominicaines, si sou-
vent inachevées, étaient toujours peintes.
A Florence, Ste-Marie Nouvelle était illus-
ila peinture î3écorattt)e au mopen âge.
475
trée par le orénie d'Orcagna, de Simone
Memmi, de Taddeo Gaddi, de Ghirlandaio
avant que la façade ne fût achevée ; à
Milan, on peignait le réfectoire avant que
les architectes aient mis la dernière main.
En France, si nous ne pouvons citer de tels
hommes, nous y avons reconnu la même
intelligence de la peinture et les mêmes
principes.
<l Rappelons Agen, ses deux nefs qui
conservent leur vieux vêtement de pein-
ture, nous y notons au soubassement une
bande sombre, au-dessus jusqu'au sommet
un fond bleu occupé par des appareils
simulés en brun rouge, vaste espace coupé
aussi par une litre qu'enrichissent des rin-
ceaux jaunes et rouges. Dans les voûtes
d'arêtes, les fonds blancs sillonnés de lignes
d'appareils, sont encadrés de nervures à
dessins variés avec rehauts noirs.
« Les Dominicains semblent souvent
avoir adopté la décoration blanche; M. Ru-
prich Robert nous l'a signalée à Dinant,
avec des lignes d'appareil en ocre rouge,
des croix de malte rouge et nervures for-
tement accusées par des entrelacs rouges,
verts t-t jaunes.
i M.Lauzun.dans sa remarquable explo-
ration de Port-Ste-Marie, constate aussi
des appareils en ocre rouge avec rondelles
et lignes doubles sur fond blanc.
« Dans les ruines de Tarascon, la photo-
graphie nous rappelle encore les denticules
et lignes pointillées sur fond blanc.
< La peinture chez les Dominicains n'est
pas seulement décorative, elle s'élève jus-
qu'aux sujets religieux et à l'histoire. Le
frère Grignier, 1341, évêque de Pamiers
(Mém. de la Soc. arch. du Midi, 1886,
XIV^^, 5 13) fit peindre magnifiquement la
chapelle de St Antonin de Toulouse. On
y voit, sur les voûtes des tableaux de l'A-
pocalypse, le Christ avec le livre scellé ;
au-dessus de l'entrée, dans trois arcatures
ogivales, S. Antonin, à droite S. Domi-
nique, à gauche S. Pierre de Vérone avec
une étoile au front : sur les parois verti-
cales se déroulent les scènes naïves de
S. Antonin. VioUet-le-Duc, dans la coupe
de la chapelle, a finement reproduit ces
sujets.
« La peinture ne s'appliquait pas seule-
ment aux murailles : puissant auxiliaire de
l'architecture, elle ne l'était pas moins de
la sculpture. Lorsqu'une statue ne devait
pas sa coloration aux marbres qui la com-
posaient, elle se revêtait de peintures. Nous
devons encore citer Poissy au premier
rang. Deux statues magistrales, de S.Louis
et de Marguerite de Provence, comme les
gardiens royaux du sanctuaire, étaient sus-
pendues aux piliers, au-dessus du jubé,
dans leurs manteaux étincelants d'azur et
de fleurs de lis d'or. Le chœur devait être
entièrement peint ; on y voit dans Gai-
crnière surgir des colonnes de l'église.rouge,
verte, bleue, fleurdelisée. Au bord du tran-
sept à gauche, les enfants de S. Louis
avaient leurs statues richement colorées,
dorées, leurs riches bliauts fleurdelisés
d'or, qui se détachaient sur une tenture
alternativement blanche et rouge avec fleu-
rettes noires ; leurs chairs et cheveux étaient
au naturel (■). »
En présence des informations historiques
que nous possédons et des considérations
auxquelles elles donnent lieu, on compren-
dra l'importance d'études précises comme
celle que nous offre M. van Ruymbeke
sur l'église Ste-Walburge à Furnes. Nous
l'avons reçue avec reconnaissance, et nous
espérons que l'exemple de notre collabora-
I. Gallia Dominicana.Les couvents de St-Domhiique au
moyen âge, par G. Rohault de Fleury, Paris, Lethielleux.
V. les dernières pages du 2"'^ volume.
476
WitWt lie rSrt cbrétteu.
teur sera suivi par les études d'autres ar-
chéologues, auxquelles nous accorderions
volontiers une place dans cette Revue.
J. Helbig.
Jles ficintutcs Décoratitjcs De l'cgUse
Dc Saintc^'WaltJurgc à Fumes.
L y a une trentaine d'années déjà
que l'on a signalé en séance du
Comité provincial des monu-
ments de la Flandre Occidentale,
et dans des publications périodiques l'exis-
tence de peintures et de décorations mu-
rales dans l'église de Sainte- Walburge à
Furnes.
En 1889, l'honorable Gouverneur de la
Flandre Occidentale, alors membre du
Comité provincial, exprima le souhait que
des recherches fussent faites pour retrouver,
sous les couches de badigeon, les vestiges
de polychromie décorative que l'on remar-
quait dans toutes les parties de l'édifice.
Délégué à cet effet, j'ai suivi avec un vif
intérêt les recherches et la levée des calques
qui ont été exécutés par M. A. W'ybo,
peintre décorateur, à Furnes.
Tout récemment j'ai été assez heureux
de découvrir encore une partie de la déco-
ration des arcatures qui entourent les bas-
côtés du chœur.
Grâce aux éléments actuellement recueil-
lis, il est possible de reconstituer presque
tout le système décoratif de ce monument.
Voici en quoi consistent ces décorations.
Les voûtes sont uniformément recou-
vertes d'une teinte verdâtre. Un appareil
de maçonnerie de dimension moyenne y est
simulé par deux filets blancs juxtaposés.
Les arcs et nervures ont la couleur du
mortier : ils sont divisés en longs claveaux
séparés par un large filet. Chaque claveau.
qui empiète sur le plat des voûtes, porte
un arc ogive, à deux redents, tracé en
couleur rouge.
Ces arcs et ces nervures retombent sur
un faisceau de légèrres colonnettes à cha-
Décoration de la voûte.
piteaux, qui descendent jusqu'aux colonnes,
où elles reposent sur des culs de lampe
historiés. Le fond des chapiteaux et des
culs de lampe est de couleur rouge, sur
lequel les crochets et motifs sculptés se
détachent en couleur jaune. Les colon-
, . ■ ■ â
Litre sous les fenêtres du chœur.
nettes sont décorées de bandes diagonales
jaunes et noires d'environ 12 centimètres de
largeur. Le creux qu'elles forment en se
rapprochant du mur est relevé par un large
trait rouge.
Le plat des hauts murs de la nef centrale
îla peinture Detoratttje au tno)>en âge.
477
est de la couleur du mortier. Un appareil y
est tracé au moyen de deux traits noirs.
Immédiatement sous les fenêtres hautes du
chœur règne une litre représentant, entre
deu.K rubans de couleur verdâtre, des rin-
ceaux tracés en noir sur fond de mortier et
terminés par d'épais feuillages de couleur
jaune, redessinés d'un trait noir.
Les gracieuses colonnettes du triforium
sont recouvertes de couleur jaune avec
bandes rouges en spirale d'environ 8 cen-
timètres de largeur. Elles sont surmontées
d'une plate bande portée sur encorbelle-
ments en quart de cercle, dont les baguettes
U^k^^s^
1
fe.
1
%^
h
'i,
1
^W y<^C
k
^
^^^r \ *-\>v''^ tL" %fl
Arcades du chœur.
d'angle sont jaunes et les creux de couleur
rouge.
Le mur de fond du triforium a la couleur
du mortier avec rusticage en rouge brun
redessiné intérieurement d'un filet noir.
Les arcades de la nef sont aussi divisées
en claveaux de couleur rouge, terminés par
un arc en plein ceintre, décoré à l'intérieur
de trois perles. La ligne du claveau est elle-
même relevée d'un perlé du plus gracieux
effet.
Les murs des bas-côtés du chœur sont
décorés d'arcatures en maçonnerie recou-
vertes d'un léger enduit de mortier. Les
arcs en tiers-point sont relevés d'un filet
rouge perlé. Ce filet se termine à la nais-
sance des arcs par une crosse végétale. Une
fleur de lys à deux tiges surmonte l'arcature.
Ces arcatures et presque toutes les mou-
lures d'angle de l'église se composent de
baguettes se détachant d'un creux.
Les fenêtres hautes du chœur sont mo-
dernes, je n'ai pu y découvrir une trace
quelconque de polychromie. Par contre
douze des dix-neuf fenêtres des bas-côtés
du chœur ont conservé leurs ébrasements
anciens. Sous de nombreuses couches de
badigeon, de gracieuses peintures décora-
tives, formées d'enroulements végétaux, ont
Chapelle de Sainte-Walburge,
anciennement chapelle de Sainte-Catherine ou de la paroisse
été découvertes. Ces rinceaux sont tracés à
la main en couleur rouge sur fond de
mortier.
l'y relève surtout la feuille de trèfle, d'é-
rable, de maronnier et de lierre.
Sous les fenêtres des bas-côtés et des
chapelles absidales règne un larmier dont
la gorge est de couleur rouge et la baguette
478
ÎRebue De V^xt cbrétien.
jaune, soulignée d'un gros trait rouge et
d'un second filet de même couleur.
Dans l'une des chapelles latérales du
chœur on a retrouvé deux décorations
murales armoriées.
Collatéral nord, entre la chapelle de Sainte- Walburge
et celle du B. Idesbald.
La première a été reconstituée avec
peine. Au centre de compartiments carrés,
posés d'angle, et formés de deux filets
blancs se voit un cartouche de couleur noire
à quatre lobes sur lequel est peint un écu à
Chapelle du B. Idesbald, anciennement chapelle de SaintEloy.
trois croissants de sable. Le fond est unifor-
mément rouge, comme celui de la seconde
décoration. Cette dernière est plus riche et
se compose aussi de compartiments posés
de la même façon, et agrémentés au point
d'intersection de lignes de roses blanches.
Au centre des compartiments se trouve
l'écu des {/e Visch. Au-dessus de l'écu est
tracé le mot Hfet ou Niei en lettres gothi-
CoUatéral nord, entre la chapelle de Saint-Éloy
et celle de Notre-Dame.
ques : au-dessous, je crois reconnaître un
chapelet et une navette de tisserand. C'est
sans doute une devise en rébus que je n'ai
pu déchiffrer.
Collatéral sud, entre la chapelle de Notre-Dame
et celle de Saint-Pierre.
Comme on le voit, la décoration est à
proprement parler architecturale. Chaque
membre de l'architecture est accusé par la
couleur. Les creux sont rouges, les baguettes
îla peinture îiécoratitie au mopen âge.
479
et les reliefs d'un jaune crème ou simple- | Toute cette polychromie est faite sur un
ment de la couleur du mortier. Les claveaux enduit de mortier de très faible épaisseur,
recouvrant à peine la brique, et ne dissi-
sont nettement marqués, et nulle autre
préoccupation ne semble avoir présidé au
Chapelle de Saint Pierre.
travail du décorateur que celle de faire
valoir les lignes du monument.
Ce but a été atteint avec les moyens les
plus simples : je n'ai relevé que l'emploi du
rouge, correspondant à la nuance du rouge
Chapelle de la Sainte-Croix.
anglais du commerce, du jaune crème et du
noir. Dans les voûtes et dans la litre du
chœur, j'ai aussi constaté l'emploi d'une
légère quantité de bleu pour donner au fond
et aux rubans la couleur verdâtre.
mulant pas les inégalités de la construction.
€>. «J
Oëcoratioii muraio daiib la chapelle de la Sainte-Croix.
Seuls les matériaux pierreux sont dépour-
vus de tout enduit, et la peinture est direc-
tement appliquée sur leur surface.
Décoration murale dans la chapelle de la Sainte-Croix.
Quel est l'auteur de cette décoration ? A
quelle époque a-t elle été réalisée ?
Je l'ai crue tout d'abord de l'époque de
la construction de l'église et de l'architecte
lui-même, qui n'aurait pas autrement fait
valoir son œuvre.
Mais la lecture d'une notice sur la collé-
giale de Ste-Walburge, publiée dans les
Annales de la Société d' Émulation de
Bruges, ne m'autorise pas à m'arrêter à
cette hypothèse.
Se basant sur le livre des privilèges, des
fondations et des appointements de la j
collégiale, le chanoine van de Putte, auteur
de la notice, expose que l'église romane
construite au bourg de Furnes fit place à
une église gothique dans le courant du
XlIIe et du XI Ye siècle; que les fonde-
ments du chœur furent jetés, probablement
en une fois, et que vers le milieu du XIV^
siècle, après un vaste incendie, les cha-
noines continuèrent les travaux au fur et à
mesure que les ressources de leur caisse le
permettaient, et qu'ils y ajoutèrent de 1481
à 1490 des chapelles absidales pour termi-
ner ainsi le chœur et ses bas. côtés.
Rappelons que durant cette dernière
période ce fut Jean van de Poêle qui était
l'architecte de l'église, car dès l'année 1481
il recevait du chapitre des gages annuels.
Je ne puis faire remonter la décoration à
une époque plus reculée que celle des
dernières constructions, car j'ai constaté
que les fenêtres des chapelles du B. Ides-
bald et de Saint-Pierre, qui datent de
cette dernière époque, ont leurs ébrase-
ments décorés d'après le système adopté
dans tout le reste de l'église. Il ne m'a pas
été possible de trouver une différence de
style et de caractère dans les rinceaux des
ébrasements des deux époques.
C'est à Jean van de Poele plutôt qu'à
tout autre que l'on pourrait attribuer cette
polychromie si rationnelle.
Aujourd'hui que les pouvoirs publics se
sont unis pour poursuivre l'achèvement de
la belle collégiale de Ste-Walburge, qu'il
me soit permis d'exprimer le vœu de voir
restituer à cet édifice sa remarquable déco,
ration murale.
J. VAN RUVMBEKE.
y K^A A^V?^ \^U A^vU A^yU \^^ i^^yU. x^*i^ A^yik A^X A^A A^X a^vI^ A^^VÎX A^
Jk
<
^=
tDiixiEui-xiiiiiiixiiiiixiJixiirriiiiiixTixirtrriiiiriizixixrtrx.
H
xmiXrirzrirTTTI mil II n r mrrTtTTTTTTTTTTT rTTTTTT-mTrTmrrTT-m-TTT-i 1 1 tt^
y
'^m'^tm^m^'^Mm ffîé langes, ^^^^^^^^ m
3 nnTïn-tiniimmiiixjiiiixjjjxLLi-Lum-ii-mLi.iiiiiiiuTTTTTTrifi
j-iiijtixxiiiiirrniTXiiii tiixLiiiin.uiiiiiixiiiiiiiniiiiï
^ *;*1'^ *AtJ^ *;irf *iiî^ »iAÏ^ *iil'f *i^^ ^iil^ *^-* *iAl^ V,*jy y^Jf y^X Y^-Y V^-
Ua Suisse pittoresque (')■
ONSIEUR Fatio a écrit sous ce titre,
qui est un cri d'alarme : O/iî'rofis
les yeux! un plaidoyer contre la
« barbarie » moderne, qui détruit
toute la poésie du site et du logis. C'est une
éloquente page d'esthétique; elle révèle le sens
des belles choses de la nature et de l'art rustique,
et en explique le charme, qui est l'harmonie entre
le sol et la demeure. Pour comprendre ces choses
il faut, avec l'auteur, renouer le lien entre nous
et nos ancêtres.
Chaque région a sa poésie. En- Suisse, il y a la
poésie des sommets, la poésie de la verte vallée
de l'Aar, celle du pays rouge ou vallée du Rhin,
celles de la région allemande et de la région ita-
lienne, celle du pays bleu, c'est-à dire de la vallée
du Rhône, et celle du Jura.
La première région, celle des sommets, com-
:ô^^:^:=^g:i
3 J.S'vtAmoxA'
Chalet de la vallée de l'Aar,
mence avec le ciel, là où finissent les cultures.
C'est la région sublime qu'a décrite Tôpffer. Elle
a pour habitation le chalet rudimentaire, robuste
et hospitalier, grossièrement taillé dans les troncs
de mélèzes, couvert d'une toiture plate, tapi sous la
neige épaisse, blotti au pied des rochers. Les murs
sont faits de poutres horizontales, superposées et
consolidées par des chevilles de cerisier; les joints
I. Ouvrons Us yeux / — Voyage esthétique à travers la Sut ne,
par G. Kalfo, dessins de C. Robida. — Grand in-S" de i8p pp.,
édiiion de luxe, illustrée en couleurs. Genève, Atar. 1904.
creusés sont calfeutrés de mousse. De giosses
pierres pèsent sur le toit pour empêcher le vent
de le soulever. Le mobilier est primitif.
Les vallées abritées de l'Aar (pays de Berne)
ou Pays vert, aux vastes et gras pâturages, vrais
tapis d'émeraude, se distinguent par le spacieux
chalet de l'Oberland et la ferme monumentale du
Mittelland. Les habitations très vastes, abritées
sous des toits aux larges saillies,ont autant de con-
fort à l'intérieur que de charme au dehors. Le ton
naturel du bois, largement travaillé, s'harmonise
482
WitWt tie rart chrétien»
avec les paysages des forêts. La façade est en
largeur, le pignon surbaissé; des touches de pein-
tures accentuent les lits de poutres sculptées, les
consoles d'appui, les frises légères. L'ensemble est
robuste et bien équilibré; les grandes lignes hori-
zontales donnent la tranquillité; des découpures,
des festons font l'effet de sourires. L'ossature
révèle l'aménagement intérieur; en regardant ces
chalets, on peut connaître les êtres qui l'habitent.
Les volets polychromes sont à coulisses; dans les
Ferme du Mittelland.
est plus aigu dans la région pluvieuse des cantons
de Lucerne et d'Unterwald.et des avant-toits, aux
consoles ornées de pendentifs en fer de lance, pro-
tègent les fenêtres de chaque étage. Les fenêtres,
avec vitraux à rondelles, vont par trois ou quatre
au rez-de-chaussée, par deux ou trois au premier
étage, tandis qu'elles ne forment qu'un groupe au
second ; des planchettes festonnées recouvrent
les têtes de poutres. La grande salle (Wohn-
stubej, éclairée de deux faces, entourée de bancs
à demeure, chauffée par un grand poêle en
faïence, respire un confort modeste.
Dans le grand plateau du Mittelland, le Block-
haus fait place au pan de bois à charpente verti-
cale, avec remplage hourdé. Les proportions sont
colossales et les façades moins ornées. Ces vastes
fermes, vrais chefs-d'œuvre d'architecture cam-
pagnarde, sont couvertes de toits immenses des-
cendant très bas, agrémentés seulement de pi-
geonniers. La façade est ornée d'un large balcon
montagnes, des prières naïves comme les sui- |
i vantes sont inscrites sur les façades : 1
I Cette maison s'est mise dans la main de Dieu ; i
Dieu, protège-la du chagrin et de l'incendie,
Du malheur et de l'inondation ;
En un mot, conserve-la telle quelle.
Chaque affluent de l'Aar a sa variété, parmi
ces chalets tous de même famille. Ceux de
rOberland ont de vastes toitures peu inclinées
dépassant les façades de plusieurs mètres. Le toit
^©élanges.
483
abrité sous le comble. Un plan incliné {\e pont de
grange) accède au fenil, surmontant l'étable, où
les bêtes, sur deux rangs, se regardant, sont
accessibles de tète et de derrière.
J)"
Chalet au pays de Lucerno.
La maison de ville ofifre des arrangements du
même esprit, et ses rangées de logis aux murs
maçonnés (tels qu'on les voit à Thoune, à Berne
et à Morat), ont leurs types variés et apparentés ;
des portiques abritent les trottoirs de la rue.
*
ORo^dA^
Une rue de Berne.
Si nous nous transportons sur le versant sud i sont plats, projetant de grandes ombres sur le
des Alpes, le Tessin offre un vif contraste avec le
crépi blanc des murailles. L'abandon de la
pays vert. Ici, c'est le Midi, le soleil. Les toits nature s'étend aux maisons, dont l'intérieur est
484
ISitWt lie rairt cbvétieu.
est négligé; de part et d'autre, le logis s'harmo-
nise avec le climat. Les fenêtres sont béantes ;
des portiques courent le long des maisons tas-
sées les unes sur les autres. Partout la gracieuse
négligence d'une vie tout au dehors, qui ne
demande à l'habitation qu'un peu d'ombre et de
fraîcheur.
Revenons aux sommets, pour descendre la
vallée du Rhin. Les chalets se compliquent d'in-
fluences italiennes et autres. On réduit l'ouverture
^'■'^«ÏK""'^'"^-''
Chalet du canton des Grisons.
des baies, mais on les ébrase en entonnoir, avec
décor et graffites; les volets sont à l'intérieur et
glissent dan.s l'épaisseur des murs. La maçonne-
rie prédomine sur la charpente. Dans les Grisons
des fresques décorent les murs, rappelant l'Italie.
La saillie du toit et en même temps les galeries
des chalets disparaissent. Les saillies maintenues
portent sur des bras de force. Des grillages en
ferronnerie protègent les fenêties.
Aux cantons de Glaris, de Saint-Gall et d'Ap-
i'- -.— \ ^.t'i^ " Ti
Maison en pans de bois du canton de Thurgovie.
penzell, s'abrite une population industrieuse, dans
de vastes logis dispersés ; chaque colline forme un
domaine. Les habitations offrent une uniformité
d'apparence démocratique, et d'un grand confort.
Les murs sont en pans de bois à croisillons,
1 1 .
Manoir Vaudois.
maçonnés et peints en blanc. Les toits, aigus et
parfois infléchis, sont couverts en tavillons. Les
dessins rectilignes remplacent les décorations
sculptées.
Dans les cantons de Thurgovie et de Schaff-
£Pélangc0.
485
house, surtout vers Bâle, le terroir prend une cou-
leur rouge, et la coloration chaude s'accentue dans
les constructions en pierre rose. Les habitations
se groupent en cités pittoresques, d'allure féodale;
ce sont des châteaux, des maisons à tourelle
et à eckers ornées de fresques, des auberges à
enseignes décoratives, et si l'on rencontre des
pans de bois, ils se superposent en encorbelle-
ment, couverts d'emblèmes et d'inscriptions. Ici
l'Allemagne a importé ses pignons à gradins.
Les clochers et les tours sont souvent en batière.
Nous venons maintenant au pays bleu, dans la
vallée du Rhône. Les chalets du Valais subissent
l'influence italienne; le rez-de-chaussée est en
maçonnerie passée à la chaux; les étages supé-
rieurs sont en mélèzes empilés; les motifs d'ar-
chitecture italienne abondent; portique, loggia.
A mesure qu'on descend le Rhône, le caractère de
noblesse et d'ampleur s'accentue. Au bassin du
lac Léman, aux ondes azurées, tout est de cou-
leur bleutée; l'on respire la vie facile et désœu-
vrée. L'habitation est gaie; elle apparaît avant
tout pratique, utilitaire. Dans le canton de Vaud,
le pan de bois disparaît. De vastes toitures à la
bernoise coiffent de solides constructions en
moellons, aux fenêtres petites, irrégulièrement
distribuées. Au pays de Genève, le comble de-
vient moins important, mais se projette sur la
façade; les murs latéraux sont aveugles.
Après cette étude attachante faite au point de
vue géographique, M. l'^atio envisage l'art de la
Suisse au point de vue chronologique; il dis-
tingue cinq époques : l'époque religieuse (XI<= au
XV« siècle); l'époque féodale (du XII« au XV^
siècle); l'époque de la Renaissance (XVI« et
X V 1 1« siècle); l'époque française (XVIII'^ siècle)
et l'époque banale (XIX'^ siècle naturellement)
Nous ne le suivrons pas, devant nous limiter et
voulant réserver à ses lecteurs tout le plaisir
que leur procureront ces pages savoureuses.
L. Cloquet.
■<t^VUK X>K I. AKT CHKStlHN
l'>04. — 6'"* LIVRAISON.
:,V^ .^ :^ ^ :^ -.-^ -.^ .^ :.^ ^ :^ :.^ :^^ :^ :.^ -^ :-^. :^ :^, :^^. :^:^ :^ :^|;^
i:
iM^m^ Trabaujc lies JSocictcs saliantcs. iMêim
^
^
i^^WWWWWW^^^WWWWWWWW^^WWWWWW^
Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres. ■ — • Séance du jç juillet içof.. — Fouilles
à Délos. — M. HomoUe communique une lettre
de M. HoUeaux, directeur de l'École d'Athènes,
sur les résultats des fouilles exécutées à Délos
et dans les îles d'Ios, de Céos et d'Ithaque, grâce
aux libéralités de M. le duc de Loubat, de
M. Goekoop et du Gouvernement belge.
Séance du 5 août. — Musique grecque. —
M. Paul Tannery expose les raisons qui peuvent
faire douter de l'authenticité d'un opuscule attri-
bué au géomètre Euclide, et que son titre pré-
sente comme ayant pour objet la division ma-
thématique de la règle (ou canon) servant à
déterminer les longueurs des cordes de la lyre
grecque.
Il montre que cette division, donnée dans les
deux dernières proportions, renferme des contra-
dictions techniques avec ce qui précède. Il en
conclut que ces dernières propositions sont une
addition à un texte plus ancien.
Des motifs tirés de l'histoire de la musique
grecque ne permettent pas de faire remonter
cette addition avant le temps d'Eratosthène.
Séance du ij août. — M. L. Léger annonce
que le consul de France à Philippopoli est
autorisé à ouvrir des fouilles à l'emplacement
d'Api llonie-du-Pont, près de Bourges.
M. Homolle présente, de la part de M. Le
Fourneau, des aquarelles représentant neuf
croix byzantines provenant de monastères de
Thessalie. Les sujets de ces croix, qui sont en
bois sculpté et enrichies de pierreries et
d'émaux, sont empruntés à la vie du Christ et à
celle de la Vierge. Des inscriptions indiquent
le nom du donateur et de l'artiste et contiennent
des malédictions contre ceux qui détourneraient
ou détérioreraient la croix. Une seule porte une
date, l'année 1610.
On lit un rapport de M. Naville sur les fouil-
les exécutées à Dier-el-Bahari dans le grand
temple de la reine Hatschapson, découvert par
Mariette.
Séance du iç août. — M. Cugnat entretient
l'Académie du tracé primitif de la ville romaine
de Thamugade en Algérie.
Séance du 26 août. — M. Homolle commu-
nique la lettre de M. Holleaux annonçant la
découverte à Délos, dans une maison voisine du
théâtre, d'une mosaïque, représentant Dionysos à
cheval sur un tigre.
M.Clermont-Ganneaulit une note du marquis
de Vogue sur une statuette de la déesse Isis
envoyée par M. Maspero.
M. Homolle décrit la célèbre colonne d'Acan-
the découverte à Delphes et s'occupe de la resti-
tution qu'on a essayée de son couronnement.
Séance du ç septembre. — Grotte à parois
gravées. — M. le docteur Capitan signale, au
nom de MM. l'abbé Breuil, Ampoulange et en
son propre nom, la découverte qu'ils viennent
de faire d'une nouvelle grotte à parois gravées,
la grotte de la Grèze aux environs des Eyzies,
dans la vallée de la Beune (Dordogne) ; c'est la
onzième grotte de ce genre qui soit connue et la
septième appartenant à cette même vallée. Elle
ne mesure que 7 mètres sur 6, avec une hauteur
de 2 mètres à peine.
Fouilles de Tunisie. — M. Gauckler, corres-
pondant de l'Académie, expose les résultats de
l'exploration du limes tripolitanus, qui se pour-
suit par le service des antiquités et des arts de
Tunisie, dont il est directeur, avec le concours
des officiers des affaires indigènes. Il signale
notamment la découverte par M. le lieutenant
Péricaud, à quinze kilomètres du poste de Mat-
mata, et dans la partie la plus sauvage du massif
montagneux de ce nom, d'une ferme romaine
fortifiée qui est le vestige le plus important
rencontré jusqu'ici dans le Sud-Tunisien de la
colonisation romaine, établie aux II<= et IIP siè-
cles de notre ère, à la suite de l'occupation mili-
taire.
Séance du 16 septembre. — M. Jacquot com-
munique divers clichés, pris par lui, de ruines
intéressantes sises à Sedrata, banlieue de Ouargla,
département d'Alger.Elles remontent à quatorze
siècles et offrent de précieux spécimens de la
civilisation berbère.
M. Baloni s'occupe des origines de la monnaie,
à Athènes.
M.Gaukler fait connaître ses recherches sur
la topographie de Carthage ; la Carthage romaine
était tracée en damier comme les bastilles médié-
vales.
Séance du 2j septembre. — M. E. Babelon
continue sa communication sur l'origine de la
monnaie d'Athènes.
M. Philippe Berger communique une série
d'inscriptions funéraires puniques trouvées par
le P. Deiattre dans ses fouilles à Carthage.
Il communique, en même temps, la photogra-
phie d'un sarcophage en marbre blanc peint.
%xà\)anx l)e0 ^otittéQ savantes.
487
trouvé dans les mêmes fouilles au fond d'un
puits de 17 mètres. Sur chacun des deux fron-
tons se voit un sujet qui représente, sculptée en
relief, la nymphe Scylla, les bras étendus. De
ses reins s'élancent des chiens, suivant des tra-
ditions antiques. Le P. Delattre avait déjà trouvé
le même sujet, mais peint, sur un autre sarco-
phage.
Ce qui donne un intérêt particulier à cette
découverte, c'est que le même sujet se retrouve
sur le mausolée néopunique d'Kl-Amrouni en
Tripolitaine, que M. Berger avait communiqué
en 1S95, à côté d'autres sujets mythologiques,
tels que : Orphée charmant les animaux sauva-
ges, Sisyphe et Ixion, Hercule enlevant Alceste
des Enfers.
Il est intéressant de retrouver, dès l'époque
punique, à Carthage, le mythe de Scylla que l'on
ne connaissait, avant les découvertes du P. De-
lattre, que sur des monuments de l'époque
romaine.
38"= session de la Gilde de St-Thomas et
St-Luc (■). — Le point de ralliement était
Florenville, gros village d'Ardennes, situé à 359
mètres d'altitude, à proximité de la frontière
française, sur une colline baignée par la Semois,
cette capricieuse petite rivière, qui trace son
lit sinueux dans une des plus gracieuses vallées
belges.
A cinq heures, la première séance plénière
réunit tous les confrères dans une salle de Vffô-
tel du Couimerce ; au bureau siègent le président
baron Bethune, gouverneur de la Flandre occi-
dentale, MM. le chanoine Delvigne et J. Helbig,
vice-présidents, Chev. J.-B. de Ghellinck d'Else-
ghem, secrétaire, P. Daniels, J. Van Ruymbeke,
baron Jos. Bethune, Jos. Casier, conseillers ; sont
présents à cette session notamment : MM. La-
gasse de Locht, président de la Commission royale
des monuments, chanoine Henry, doyen du cha-
pitre de la cathédrale de Namur, C. Henry, chev.
Soenens, abbé Maere, baron Ruzette, représen-
tant, Léon Nève, E. Mortier, architecte provin-
cial, J. Coomans, architecte de la ville d'Ypres,
J. Huyghe, les frères Blanchaert, R. Roorns,
E. Dumont, Wood, architecte à Londres, le frère
Matthias, etc. f^).
L'assemblée écoute une très intéressante com-
munication de M. Ed. Lagasse, ingénieur, au sujet
du château de Bouillon ; son travail résume en
1. Nous résumons ici une série de lettres fort intéressantes en-
voyées au Bien public de Gand, par M. Joseph Casier, un des
membres les plus distingués de la Gilde, et le vaillant organisateur
des excursions.
2. Le secrétaire de la Revue de V Art chrétien a également pris
part à l'excursion.
quelques traits l'histoire de la forteresse et les
diverses phases de ses transformations.
Le travail de M. Lagasse offrait d'autant plus
d'intérêt que la journée du lendemain devait
être consacrée à la visite de Bouillon ; pareille
communication anticipant sur la visite des mo-
numents rend celle-ci plus agréable et plus ins-
tructive.
M. Casier présente ensuite un travail sur
l'église de Mouzon, monument remarquable
inspiré de la cathédrale de Laon et qui lui a été
signalé par M. Lefèvre-Pontalis, président de la
Société française d'archéologie.
L'exécution du programme comportait, outre
le château de Bouillon et l'église de Mouzon, le
château des Amerois, l'église Notre-Dame d'A-
vioth, les ruines d'Orval et l'église Saint-Hubert.
Bouillon évoque le souvenir du chevaleresque
Godefroid, le pieux chrétien appelé à ceindre la
couronne royale de Jérusalem au terme de la
première croisade. Avant son départ, il céda, en
1095, son duché à Otbert, évêque de Liège.
Les princes-évêquesse succédèrent au nombre
de trente-sept à la tête du duché de Bouillon ;
mais cette période fut marquée par les sanglants
et longs démêlés avec la famille de la Marck,
toute puissante dans cette contrée. Bouillon eut
à soutenir de nombreux sièges au cours de ces
querelles.
Sous Louis XIV, le duché échappa définitive-
ment des mains des évêques de Liège pour
entrer dans le domaine du roi de France.
Le Congrès de Vienne de 18 15 attribua le
duché au grand-duc de Luxembourg, dépendant
du royaume des Pays-Bas. Le gouvernement
hollandais, voulant moderniser le vieux château,
ordonna d'importantes démolitions; donjon, cha-
pelle Saint-Jean, habitation du gouverneur dis-
parurent. Et sans doute ne resterait-il plus rien
de cette intéressante forteresse, si la révolution
de 1830 n'avait arrêté l'œuvre dévastatrice.
L'Etat belge a heureusement compris que,
malgré ses graves mutilations, le château de
Bouillon commande le respect ; dans ses murs
et autour du roc qui le porte, se sont écrites plu-
sieurs pages importantes de l'histoire nationale;
depuis plusieurs années le Gouvernement a pris
soin des ruines ; la Commission des monuments
a chargé l'un de ses correspondants, M. Lohest,
architecte à Liège, d'une étude complète de la
vieille forteresse.
La Revue de l'Art chrétien a publié jadis le
travail de M. Lohest, avec des planches très dé-
488
2^e\)ue ïie r^rt cbtétien.
veloppées ('). Il reste des questions à étudier ;
M. Lohest voudrait entreprendre des fouilles pour
chercher les solutions sur l'emplacement de l'an-
cien donjon et de la chapelle.
La Gilde a émis le vœu de voir se réaliser le
souhait de M. Lohest ; il sera adressé au Gouver-
nement, qui, par l'organe de M. Lagasse-de
Locht, directeur général des bâtiments civils, ne
manquera pas de donner satisfaction à un projet
destiné à élucider d'importantes questions d'art
militaire médiéval.
Nous n'accompagnerons pas les archéologues
chrétiens dans la visite au château royal des Ame-
rois, ou, du moins, nous ne ferons halte avec
eux qu'à la chapelle castrale.
Celle-ci ne s'impose pas à l'attention par des
qualités spéciales de style. Mais sa décoration
picturale, due au talent du Directeur de \?l Revue
de l'Art chrétien, M. Helbig, avait été un des
attraits de la visite aux Amerois.
L'impression produite a été excellente, pour
ne pas dire enthousiaste. M. Lagasse-de Locht
s'est fait à la séance du soir l'écho des senti-
ments de la Gilde pour féliciter l'auteur de cette
œuvre aussi artistique que chrétienne. Il a vanté
à juste titre la composition, l'expression des
figures, leur style châtié, leur coloris pondéré
et l'harmonie du décor et des figures.
La décoration de la chapelle des Amerois
remonte à plus de 25 ans ; elle restera parmi les
meilleurs travaux dus au talent d'un des fonda-
teurs de la Gilde.
(Au soir de cette première journée eut lieu une
séance, dans laquelle M. Lagasse-de Locht et
M.Cloquet présentèrent, le premier, d'importantes
communications, le second une étude historique
au sujet des ruines d'Orval,qu'on devait visiter le
surlendemain) (2).
Mouzon est une petite ville du département
français des Ardennes ; l'histoire atteste qu'elle
fut, pendant cinq ou six siècles, la capitale d'une
terre souveraine ; de nos jours, Mouzon est un
modeste chef-lieu de canton, sur le bord de la
Meuse, à proximité de Cérignan.
Où retrouver, sinon dans les chartes, le souve-
nir de saint Rémi, auquel Clovis céda Mouzon
après son baptême, en 496? L'abbaye du VII I*=
siècle a disparu et ne vit que par le souvenir
dans les quelques bâtiments élevés au XVIII'^
siècle et servant d'hôpital civil ; disparus égale-
ment les remparts, les portes, sauf celle de lîour-
gogne.le château, la Cour souveraine, plusieurs
églises.
1. Revue de V Art chrétien , année 1896, p. T45.
2. N. de la R.
L'abbatiale seule est debout et sert d'église
paroissiale , elle fut bien près de la ruine irrépa-
rable au début du XIX'" siècle. Une première
restauration faillit compromettre définitive-
ment l'édifice. Le travail fut repris par M. Boes-
wilwald et mené à bonne fin, mais non sans pro-
voquer de justes critiques.
Certains partisans belges de l'école du pitto-
resque en matière archéologique attaquent sou-
vent,sans fondement, les travaux de restauration
des architectes belges. Ils les accusent de ne
pas respecter le document, de vouloir remplacer
toutes les anciennes pierres, bref, de vouloir en-
lever au monument cette patine qui en fait le
charme. Cette critique, si elle peut être excep-
tionnellement fondée, ne saurait être généralisée
sans injustice.
Il n'est pas de pays, peut-être, oi^i les archi-
tectes apportent plus de conscience, de désinté-
ressement, de soin scrupuleux qu'en Belgique,
en matière de restauration.
A Mouzon tout a été gratté ; pas une pierre de
l'intérieur n'a conservé sa patine ; elles sont
toutes uniformément colorées; il en résulte un
aspect neuf, froid, sec ; on ne sent pas la main
du temps appesantie sur ces colonnes.ces arcades,
ces voûtes, ces nefs.
On n'a même pas craint de détruire une cha-
pelle du XV*^ siècle, consacrée par la dévotion
populaire à N.-D. de Mouzon ; elle était ac-
colée à l'une des basses nefs. Le restaurateur l'a
fait disparaître sous prétexte d'unité de style.
La façade entre les deux tours était percée
d'une immense fenêtre à meneaux entrelacés de
style flamboyant et surmontée d'une gable aux
rampants décorés de crochets fleuris. Le restau-
rateur a jeté bas la façade jusqu'au seuil de la
fenêtre pour en élever une autre d'après le tracé
incontestablement plus ancien des façades des
transepts.
Des faits de ce genre ne se passeraient pas
en Belgique ; les architectes belges respectent
trop leur art et leur métier pour détruire les
chefs-d'œuvre de leurs devanciers. Comme les
médecins et les chirurgiens en agissent pour les
corps, ils auscultent les pierres malades, diagnos-
tiquent le mal et y portent remède avec pru-
dence et énergie ; une amputation n'est pas une
destruction ; c'est bien souvent le seul moyen
de sauver la vie. Il convient d'ajouter que la
Commission royale des monuments, ses corres-
pondants, les commissions et les sociétés locales
ou régionales font la garde autour de nos monu-
ments. Elles exercent une influence heureuse
sur les travaux de restauration.
Quoi qu'il en soit de cette question si souvent
et si passionnément débattue de la restauration
Crabaujr Des ^octétés satjantesr»
489
des édifices, l'église de Mouzon, malgré son
aspect trop propre et trop neuf, s'impose par la
beauté de ses formes. L'extérieur est simple et
sévère ; l'intérieur est plus séduisant avec ses
belles nefs voûtées, ses colonnes cylindriques aux
chapiteaux à double rang de crochets, sa belle
galerie courant tout autour de l'édifice au-dessus
des basses nefs.
La sculpture n'est pas abondante, sauf aux
chapiteaux, dontla forme est abondamment variée
dans les galeries.
On a fait remarquer l'étonnante similitude
entre le plan primitif de la cathédrale de Laon
et celui de N.-D. de Mouzon ; la ressemblance
est manifeste ; elle est si complète que l'on peut
appliquer à l'église de Mouzon la description de
la cathédrale de Laon, telle qu'on la trouve dans
les ouvrages de MM. Cloquet, Lambin et autres.
La cathédraledeLaonfut commencée au milieu
du XTI'' siècle et terminée dans le premier tiers
du siècle suivant ; la consécration en fut faite en
1236 ou 1237.
Il est permis de conjecturer que, privés de leur
abbatiale par l'incendie de 1212, les moines aient
été attirés par la réputation de splendeur des
cathédrales voisines ; ils ont choisi de préférence
celle dont l'achèvement était le plus avancé.
La cathédrale de Reims avait brûlé en I2ti ;
le nouvel édifice était à peine ébauché dans
l'esprit de son architecte ; tout au plus sortait-il
de terre un an plus tard.
Mais à Laon, l'église était presque achevée
dans sa disposition primitive, c'est-à-dire avec
une abside polygonale. Les moines de Mouzon
s'inspirèrent du plan qu'ils avaient sous les yeux.
Et sans doute fut-ce au cours de la construction
de l'abbatiale mouzonnaise que le caprice d'un
génial architecte ou les nécessités du culte firent
détruire l'abside polygonale de Laon pour dou-
bler la longueur du chœur et lui donner cette
ampleur, cette profondeur, cette solennelle ma-
jesté dont la vue produit sur tous les visiteurs
une ineffaçable impression.
L'église Notre-Dame d'Avioth est bâtie sur la
pente d'une petite colline ; il en résulte une dé-
clivité de terrain rachetée tout autour de la partie
occidentale de l'église par une espèce de terrasse;
du côté du portail principal, un double escalier
donne accès à l'église ; cette terrasse, qui fait le
tour de l'édifice, servait autrefois de cimetière. A
l'angle S.-O. s'élève la Recevresse, sorte de cha-
pelle hexagonale placée à côté de l'entrée du
champ des morts ; elle épouse la forme d'une
. vaste lanterne mesurant environ 2"\75 de dia-
mètre, portée sur quatre colonnes cylindriques
isolées et une partie pleine contre laquelle s'a-
dosse un petit autel.
La toiture est composée d'un dais en pyramide
ajourée, le tout décoré de pinacles, fenestrages,
galeries en claire voie, gables et crochets, fouillés
avec cet art minutieux des sculpteurs du XV«
siècle.
Quelle était la destination de cet élégant mo-
nument ? Les avis sont partagés : les uns y voient
la chapelle ou monument funéraire de la famille
de Rodemack dont l'ecu, sculpté dans la paroi, a
fait l'objet de nombreuses recherches et a été
définitivement identifié, en 1891, par M. le
comte F. van der Straeten Ponthoz.
Quoi qu'il en soit de sa destination primitive, la
Recevresse servit ensuite de chapelle pour les
jours de grands pèlerinages ; on y transportait
la statue miraculeuse de Notre-Dame et la messe
dite dans la chapelle pouvait être suivie par la
multitude éparpillée autour de l'église et dans
les rues avoisinantes.
Au XVII^ siècle, un tronc de pierre occupait
le milieu de la chapelle, pour recevoir les dons
des pèlerins.
L'existence d'un pèlerinage très fréquenté
s'affirme au reste, de toutes parts ; le long de la
partie existante du mur de clôture du cimetière
des bancs ont été aménagés. Les pèlerins les
utilisaient sans doute aux jours de grande
affluence.
L'église elle-même porte les traces de plusieurs
remaniements; la chronique atteste qu'au début,
elle ne fut qu'un modeste édifice dont on re-
trouve quelques traces dans le bas des nefs. Mais
dès le début du XIV<= siècle, une église plus
vaste s'éleva ; les ressources firent-elles bientôt
défaut ? ou bien des projets plus grandioses sur-
girent-ils ? quoi qu'il en soit, au XV'= siècle le
chœur est bâti ; les voûtes de la nef sont repri-
ses ; des chapelles rayonnantes sont créées entre
les contreforts du déambulatoire ; sans doute
fallait-il fournir des autels aux prêtres chaque
jour plus nombreux à Avioth.
Au XVI« siècle, la place fait encore défaut, et
l'on élève, en hors-d'œuvre du transept sud, une
chapelle éclairée par une grande fenêtre de style
flamboyant. Ces transformations privent l'église
d'Avioth de cet aspect grandiose et majestueux
résultant d'une conception et d'une exécution
d'un seul jet.
Des détails de caractère divers ont vivement
intéressé la Gilde. Que d'objets d'étude pour
l'architecte comme pour l'ornemaniste : une série
remarquable de chapiteaux du début du XIV'=
siècle, deux types de clôture de chœur, un maître-
490
ÎRtbur De P^rt t^rétten.
autel de la fin du XIII^ siècle, un triple siège de
pierre, un tabernacle pour la réserve Eucharis-
tique, le trône de Notre-Dame, une armoire aux
reliques ou aux Saintes-Huiles, plusieurs tables
d'autel, une chaire de vérité de 15 38, des pein-
tures murales, des restes de vitraux des XIV" et
XV' siècles.
N'oublions pas de signaler les deux portails
d'Avioth : l'un, au Sud, a été fait ou refait vers
le XV<= siècle ; le tympan et les épaves de la
statuaire des ébrasementsme paraissent remonter
à la fin du XIII^ ou au début du XIV<^ siècle ;
il y a là quelques morceaux de tout premier
ordre. Tout le reste du portail, profond de 2'",6o,
est décoré avec profusion ; l'ogive extérieure est
surmontée d'un gable terminé par un pinacle,
en forme de dais, sous lequel s'abrite la statue
de la Vierge Mère entre deux anges agenouillés
et ailés, tenant chacun un chandelier dont le
cierge a été brisé.
La façade occidentale présente une belle or-
donnance : elle se compose d'un pignon décoré
d'une rose surmontant une galerie et le portail,
le tout encadré de deux belles tours.
Cette œuvre remarquable de l'architecture du
XIV'' siècle semble inspirée de la cathédrale de
Reims, sous l'influence de l'école champenoise
du XI ir* siècle. On retrouve en effet un tympan
avec fenestrage ajouré au lieu des sujets sculptés
qui sont le décor habituel de cette partie de
l'édifice.
La vie de J.-C. décore le linteau de la porte ;
aux diverses voussures, l'artiste a placé les ancê-
tres terrestres du Christ depuis Jessé, les mois
de l'année, les principaux personnages de l'An-
cien Testament et la parabole des Vierges sages
et folles.
Sur la façade se développe le thème, si fré-
quemment représenté au moyen âge, de la scène
du Jugement dernier. Le centre est occupé par
la figure assise du Christ, placée sous un dais à
la cime de l'archivolte extérieure du portail, la
tête porte la couronne d'é[)ines ; le buste et les
bras levés sont nus ; la poitrine est couverte du
manteau drapé dont les extrémités sont rame-
nées à grands plis sur les genoux.
Cette statue est un modèle de sculpture monu-
mentale ; conçue pour la place qu'elle occupe,
elle s'harmonise parfaitement avec les lignes
architecturales. J'en pourrais dire autant des
figures de l'Église et de la Synagogue, de
celles des Anges, sonnant de la trompette, de la
Vierge, de saint Jean-Baptiste et d'autre.s.
Bref, le plan d'ensemble est grandiose et les
détails savamment étudies pour produire l'effet
cherché. La façade occidentale de Notre-Dame
d'Avioth mérite une place de choix à côté des
chefs-d'œuvre des cathédrales françaises de la
grande époque.
*
* #
Les ruines d'Orval furent ensuite visitées.
Les murs de l'église encore debout sont de cette
architecture élégante et pure qui caractérise la
transition romano-ogivale. Depuis des années on
se préoccupe de sauver de ces ruines ce qui
en reste et les efforts de l'État belge sont, croyons-
nous, sur le point d'aboutir. Nous ne nous éten-
drons pas sur cette visite, ayant l'intention de
donner prochainement dans ces colonnes une
notice de la célèbre abbaye et de ses ruines sî
pittoresques.
La Gilde n'a pas manqué d'émettre un double
vœu : que l'État, grâce à l'initiative de la Com-
mission des monuments, multiplie les démarches
pour faire entrer Orval dans son domaine ! qu'il
prenne ensuite les mesures de conservation
jugées nécessaires par les hommes compétents.
* *
Après des journées aussi bien remplies par
l'étude de monuments intéressants, les séances
de la Gilde furent trop courtes pour élucider
toutes les questions soulevées au cours de ces
visites. La dernière séance fut, comme d'usage,
une séance de liquidation.
Saint-Hubert fut la dernière étape de la ses-
sion. La Gilde y revenait pour la seconde fois ;
que de changements dans l'église depuis 1S85 !
Le décrépissage a sévi dans les cinq nefs depuis
la façade jusqu'au transept. Il semble que les
autorités compétentes hésitent à continuer le tra-
vail ; car les travaux sont arrêtés depuis assez
longtemps.
L'intérêt de l'église de Saint-Hubert réside
dans la grandeur du vaisseau et l'élégance,
j'oserais dire l'envergure, des nefs. La décoration
des plats des murs fait songer aux églises bra-
bançonnes d'Anvers, Malines, Bois-le-Duc.
Tout le mobilier ancien a disparu ; l'église
elle-même avait été vendue et allait passer sous
le marteau des démolisseurs, quand dix citoyens
généreux de Saint-Hubert la rachetèrent pour
35,000 francs. Lorsque la tourmente révolu-
tionnaire fut apaisée, l'autorité ecclésiastique se
fit un devoir de rembourser aux sauveteurs de
l'église le prix d'achat.
Telle fut, résumée en quelques traits forcé-
ment incomplets, la 38'' session de la Gilde de
St-Thomas et St-Luc. Elle témoigne de l'inten-
sité de vie qui règne dans notre Société malgré
la maturité de l'âge. Jamais elle ne se repose sur
ses lauriers ; à peine la session des Ardennes.
%và\)à\ix Des ^otittéë satiantes.
491
est-elle finie que nos organisateurs préparent
pour 1905, un voyage en Alsace-Lorraine (i).
C.
La Commission royale des monuments
de Belgique. — La Commission royale des
monuments a tenu, le 10 octobre dernier, au
Palais des Académies, à Bruxelles, son assemblée
générale annuelle. Les membres correspondants
étaient également invités à cette réunion ; ils y
assistaient en grand nombre.
M. Lagasse présidait, ayant à ses côtés M. le
baron van der Bruggen, ministre de l'Agricul-
ture ; MM. Beco, secrétaire général de ce dépar-
tement ; Massaux, secrétaire de la Commission ;
baron du Sart de Bouland ; Helbig, Acker, Jan-
let, chanoine Van Caster, Van Cleemputte, Mar-
chai ; baron Bethune, gouverneur de la Flandre
occidentale ; baron de Montpellier, gouverneur
de la province de Namur ; de Kerchove d'Exaer-
de, gouverneur de la Flandre orientale. M. le
baron van den Bruggen, ministre de l'Agricul-
ture et des Beaux-Arts, ouvre la séance par un
discours dans lequel il exprime sa satisfaction
d'avoir pu renforcer le cadre des Comités pro-
vinciaux en leur adjoignant des collaborateurs
nouveaux qui viendront donner plus d'efficacité
aux travaux de la Commission.
M. Massaux donne lecture d'un rapport fort
intéressant et très documenté sur les travaux de
la Commission royale pendant l'exercice 1903-
1904. Ce rapport constate que la Commission
s'est réunie 90 fois, a donné son avis sur 1,127
affaires et a fait 82 voyages d'inspection pour
examiner sur place des questions douteuses. Ses
travaux prennent chaque année une plus grande
extension. En effet, la population comprend
mieux aujourd'hui que les monuments de l'art
constituent son propre patrimoine ; aussi fort
souvent facilite-t-elle la mission de la Commis-
sion.
Le rapport rappelle qu'en décembre 1903 le
chevalier Marchai, secrétaire perpétuel de l'A-
cadémie royale, a déposé, pour être soumise à
l'approbation de la Commission, la proposition
suivante : « Inviter les peintres qui feront des
fresques d'une certaine importance, à déposer à
l'Académie royale des Beaux-Arts un billet ca-
cheté renfermant la description de leur procédé.
Ce billet serait ouvert dans le cas où des répara-
I. La Gilde avait depuis longtemps projeté une excursion au
pays d'Abbeville. Mais la situation troublée de la France lui a fait
préférer un pays où des associations ayant quelque ressemblance
avec une Congrégation peuvent voyager en toute sécurité.
tions devraient être apportées aux peintures après
la mort de l'artiste. » M. Marchai remettait en
même temps le texte d'un billet de ce genre
déposé le 8 août 1850, dans les archives de l'Aca-
démie, par le peintre Van Eycken, et relatif à
son procédé de peinture à la gutta-percha. Le
Comité a décidé également de conserver avec
soin les anciennes statuas inutiles qui seront
placées au musée d'art monumental.
La Commission des monuments a été unanime
à proposer à M. le ministre de l'Agriculture, de
prendre cette proposition en considération.
L'honorable ministre a bien voulu se ranger à
son avis.
En terminant, l'orateur rend un juste hom-
mage à la mémoire de M, le chanoine Reusens,
de M. l'architecte Bordiau, membres effectifs, et
de MM. Lhoest, Zech, Cador et Léanne, mem-
bres correspondants, décédés.
Ce rapport est longuement applaudi. M. La-
gasse félicite M. Massaux.
Les secrétaires des divers Comités de province
présentent successivement leurs rapports sur les
travaux de leurs sections. M. Donnet parle au
nom de la section anversoise ; M. Destrée, au
nom de la section du Brabant ; M. Van VVambeke,
au nom de la section de la Flandre occidentale;
M. de Ceuleneer, au nom de la section de la
Flandre orientale ; M. Matthieu, au nom de la
section du Hainaut ; M. Ruhl, au nom delà sec-
tion de Liège ; M. l'abbé Daniels, au nom de la
section du Limbourg ; M. Candel, au nom de la
section de Luxembourg ; enfin, M. Dardenne, au
nom de la section de Namur. — A noter que
M^. l'abbé Daniels réclame l'acquisition par
l'État du porche de l'église d'Herkenrode, qu'il
signale comme un monument archéologique im-
portant.
*
* *
L'assemblée aborde ensuite la discussion de
l'objet suivant : « A quelles questions essentielles
doivent satisfaire les parties d'un vitrail artis-
tique ? >
M. le baron Bethune fait rapport. Il rap-
pelle qu'il a déjà traité à deux reprises cette
question au point de vue des matériaux à em-
ployer et de l'harmonie des couleurs. Il se borne
aujourd'hui à parler de la distance à laquelle la
verrière doit être vue par le spectateur. L'ora-
teur fait à ce propos l'historique de la composi-
tion des verrières en indiquant les circonstances
qui ont déterminé les différents aspects archi-
tecturaux. Il rappelle qu'il importe que le verre
des vitraux soit d'une fabrication spéciale ; que
la diaphanéité des couleurs soit parfaite et que
l'artiste tienne compte des conditions de lumière
492
3&e\)ue ïie V^xt cl)iétieu.
de l'édifice, de la distance à laquelle le specta-
teur se trouvera placé et qu'il ait un scrupuleux
souci des traditions archéologiques et iconogra-
phiques. {Apphiudisseiiients^
M. de Ceuleneer recherche les moyens
d'arriver à une réalisation pratique des deside-
rata exposés par M. le baron Bethune ; il pro-
pose que l'on délaisse le vitrail à personnage
unique, pour en revenir aux vitraux à médail-
lons, surtout dans les bas-côtés des églises ; il
faut encore que l'architecte, en faisant les plans
des fenêtres, n'oublie pas que des vitraux y devront
être placés.
M. Lagasse. Nos peintres-verriers, sans con-
teste, sont les meilleurs du continent. Nous
dépassons de fort loin les Français, les Alle-
mands et même, je crois, les Anglais. Ce résultat,
nous le devons avant tout, au père de M. le baron
Bethune, qui a voué une grande partie de son
existence à la restauration de l'art verrier.
L'orateur combat ensuite la conclusion de M.
de Ceuleneer qui lui paraît trop absolue en ce qui
concerne les vitraux à grande figure.
M. le baron de Montpellier et le chanoine
Van den Ghein présentent des observations de
détail, puis la discussion est déclarée close.
*
On discute ensuite cette question : « Qu'en-
seignent les découvertes de peintures murales
faites dans les monuments de la Belgique? »
M. Helbig fait rapport. Il se prononce ca-
tégoriquement pour la décoration picturale des
monuments, non seulement de ceux bâtis en
briques, mais même de ceux construits en « ma-
tériaux nobles ». Il rappelle que les plus beaux
monuments de la Grèce ancienne étaient peints
à l'intérieur et à l'extérieur, même lorsqu'ils
étaient construits dans le marbre blanc le plus
beau ; c'est notamment le cas pour le Parthénon.
Les savants qui ont étudié les monuments an-
ciens ont établi que la polychromie avait été
utilisée aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur
des monuments.
M. le chanoine Van Caster développe les
motifs pour lesquels il se range à l'avis de M. Hel-
big. Si la plupart de nos grandes églises n'ont
pas été décorées par la peinture, c'est parce que
le temps ou les ressources empêchèrent ce travail.
La preuve en est que de nombreuses petites
églises ont reçu une décoration complète, parce
qu'on a pu facilement les achever complètement.
Nous sommes heureux de voir l'éminent chanoine
revenir à cette thèse, que nous avons eu jadis
l'honneur de défendre contre lui (').
I. V. Annales du Congrès de Matines.
Vu l'heure avancée, la discussion sur la thèse
de iVlM. Helbig et Van Caster est remise à une
séance ultérieure.
M. Soil examine « les moyens les plus propres
à assurer la conservation des anciennes construc-
tions privées offrant un intérêt archéologique,
historique et artistique». Il estime que les pro- i
priétaires doivent être invités à restaurer ces \
immeubles par des subsides ; les maisons d'un
intérêt considérable devraient être classées |
comme étant « d'intérêt public ». Il préconise !
de plus la révision des mesures d'alignement déjà
prises et qui entraîneraient la disparition de
maisons intéressantes, la création de Comités
locaux chargés de faire rapport sur les demeures
anciennes, etc.
Un déjeuner a réuni une cinquantaine de
membres de la Commission.
M. Lagasse-de Locht a porté le toast au Roi.
L'assemblée, debout, a longuement applaudi. Le
président si distingué de la Commission a été
ensuite l'objet d'une manifestation de chaleu-
reuse sympathie à l'occasion de sa promotion au
grade de commandeur de l'Ordre de Léopold.
M. Helbig a exprimé toute la joie qu'il ressen-
tait de pouvoir en cette circonstance lui témoi-
gner la vive gratitude de la Commission royale.
Le médaillon de M. Lagasse, par le sculpteur
Vinçotte, a été découvert à ce moment aux
applaudissements de l'assistance
M. Helbig a associé le nom de M""= Lagasse-
de Locht à celui de son mari. M. Lagasse-de
Locht a remercié avec émotion et a serré dans
ses bras M. Helbig et M. Vinçotte.
M. le baron Bethune a bu à M. le secrétaire
Massaux et à la presse.
Nous venons de recevoir le compte rendu de
l'assemblée annuelle de 1903, justement à l'épo-
que où vient de se tenir celle de 190.}. Il nous
paraît intéressant de consigner ici les principales
communications qui y on vu le jour.
AL Van den lleuvel, ministre de la justice, a
témoigné d'une manière très spéciale sa com-
pétence et sa sollicitude envers les monuments
anciens par des recommandations tendant sur-
tout à la conservation des antiquités, même hété-
roclites, qui garnissent les églises. Le distingué
secrétaire de la Commission, M. i\Tassaux, a pré-
senté son rapport annuel. Nous devons donner
l'écho à ses excellents conseils : qu'on ait soin
Cratjaur ïies Sociétés; châtiantes.
493
de bien ventiler les églises pour conserver les
peintures murales, les tableaux et tout le mobi-
lier ; qu'on prenne garde d'écarter des murs des
églises les fosses funéraires, cause fréquente de
lézardes;qu'on évite d'adosser des murs aux murs
extérieurs du temple. M. Massaux déplore l'iner-
tie des autorités civiles, qui abandonnent à leur
ruine l'église de St-Jean, dans le cimetière de
Diest et la vieille église de Grimde sous Tirle-
mont. La Commission a obtenu qu'on prît des
mesures de conservation de l'ancienne porte de
Laval à ]5ouviu;nes. On poursuit les négociations
pour le sauvetage des ruines de l'abbaye d'Orval.
(Nous avons dit plus haut que depuis les
négociations ont abouti.)
Les neuf Comités provinciaux des membres
correspondants ont présenté leur rapport. M.Don-
net, au nom de celui d'Anvers, annonce que son
comité a découvert et rendu à sa destination le
lutrin en laiton, au pélican symbolique, de
l'église de Saint-Amand à Gheel, pièce du
XlV'^ siècle. Ce Comité s'oppose énergiquement
an bouleversement des ab(jrds du château de
Turnhout, et à l'abaitage projeté des beaux
arbres qui couronnent les remparts de la jolie
petite ville de Lierre. M. Donnet rappelle la
reconstruction faite par la ville d'Anvers, de la
jolie maison des Tonneliers ; malheureusement,
celle du Jeune Serment de l'arc, qui datait du
WT"-' siècle, n'a pu être sauvée. Deux autres
maisons vides, derrière l'hôtel de ville, ont été
en partie abattues, l'une datait de i 573.
M. Destrée fait rapport au nom du Comité
brabançon. Il rapporte la décision intervenue
au sujet de la décoration du vestibule de l'hôtel
de ville de Louvain. Le Comité s'est élevé contre
le projet de décorer de peintures le hall monu-
mental ; on s'est opposé même à des rehauts de
peinture à appliquer aux sommiers du plafond
et à leurs corbeaux en pierre ; c'est aller trop
loin, et se montrer hostile au plus plausible des
embellissements. Le Comité a été plus heureux
en réclamant des traceurs de rues nouvelles plus
de respect pour les vieux quartiers pleins de
poésie.
Notre collaborateur M. Van Ruymbeke avait
la parole au nom de la Commission provinciale
de la Flandre Occidentale. Il loue la restauration
du triforium et des fenêtres de l'église Notre-
DamedeBruges.il s'occupe destrois intéressantes
églises paroissiales de Poperinghe, si mal restau-
rées il y a quarante ans. Leurs flèches, meneaux,
galeries et corniches moulurés en briques ont été
refaits eu style français et d'époque trop an-
cienne, en pierre blanche qui s'effrite déjà ; la
Fabrique doit épuiser ses ressources pour la
réfection d'une flèche refaite, il n'y a qu'un demi-
siècle. M. l'architecte Cooman a étudié le projet
de la nouvelle flèche et des autres parties,
à l'aide de la brique locale et selon les traditions
du pays. Il compte rétablir les voûtes en bar-
deaux. On se prépare aussi à la restauration de
l'hôtel de ville de Loo, restauration qui sera né-
cessairement radicale à cause de l'état délabré
de l'édifice.
M. le professeur de Ceuleneer parle au nom
du Comité de la Flandre Orientale. Le Comité
ne fait que de petites besognes, parce qu'on ne
lui en procure pas d'autres. Néanmoins il s'est
vivement intéressé à la restauration du manoir
d'Herzele (XV<= siècle) et à la conservation de la
chapelle de Lcugemeete, dont on devra faire son
deuil, ainsi qu'au maintien de ce qui reste de
l'ancien Béguinage de Gand, menacé par un
percement de rue après avoir été désaffecté et
quelque peu profané.
Le Comité du Hainaut, dont les travaux sont
énumérés par M. T. Hubert, s'est préoccupé de
l'église romane de Deux-Acren et de son remar-
quable mobilier, du dégagement du chevet de la
cathédrale de Tournai, dont la Revue de l'Art
chrétien a parlé naguère('),et de la restauration de
la collégiale de Soignies. On a décidé le maintien
du jubé de 1640, moyennant de le désaveu-
gler, et l'on a préconisé, à cette fin, l'enlèvement
des stalles, qui sont contemporaines. On annonce
l'achèvement prochain des travaux de conserva-
tion de l'abbaye d'Aulne ; on s'est occupé aussi
de l'intéressante chaire de vérité de Roucourt.
Le Comité a proposé le classement de l'église
romane de Saint- Vaast.
Le rapporteur du Comité de Liège est M. Lo-
hest. Le Comité n'a pu conjurer la destruction
de la maison Porquin ; il est disposé à admet-
tre la démolition du porche renaissance de
Stjacques de Liège, qui cache un beau portail
gothique. Les églises de Scry et de Thys ont été
classées, l'une donnant le type de la construction
en briques et pierres de sable, l'autre, un bel
exemple de la construction calcaire du Condroz.
Le chanoine Daniels est l'interprète des corres-
pondants limbourgeois ; il s'occupe de diverses
églises de la Campine et de leurs portails carac-
téristiques s'ouvrant au sud (ex. : église de Zep-
peren) Le Comité a soustrait à la vente une belle
collection de quinze statues anciennes conservées
à Bocholt.
Enfin, M. Tandel parle au nom de ses con-
frères de Luxembourg. Il propose la publication
de nombreux monuments roinains du remar-
quable musée d'Arlon. Le Comité s'efforce de
sauver l'église gothique d'Attert, rare exemple
I. V. année 1903, p. 231.
494
3Rcbue bt l*art cl)rttien.
dans le pays d'une hallenkirche. A propos de la
construction d'une nouvelle église à Arlon, s'est
élevée une curieuse discussion sur le style à adop-
ter ; on s'est mis d'accord par une excellente
solution, celle qui consiste à adopter le style
gothique primaire qui convient si bien dans sa
noble simplicité, au rude climat des Ardennes.
M. Dardenne, au nom du comité de Namur,
s'applaudit de la réfection de la flèche de Dinant,
d'une si ridicule forme en poire, et des travaux
exécutés à la porte de Bouvignes citée plus
haut.
On voit qu'aucun des neuf Comités n'apporte un
brillant tribut de travaux. Cela n'a pas dépendu
de leur zèle, la cause en est au fonctionnement
défectueux de ces Comités. Il faut ajouter toute-
fois que tous ont travaillé de leur mieux à
la conservation des monuments et objets d'art
du pays.
Après cette revue des travaux régionaux, l'As-
semblée s'est occupée de l'étude des questions
inscrites à son ordre de jour. On a abordé la
grosse question de la polychromie des églises,
dont le rapporteur était M. Jules Helbig, le
Directeur de la Revue de l'Ait chrt'tieu. Son
opinion, très nette, a été solidement motivée. Il
a rappelé celle de VioUet-le-Duc : « Toutes les
architectures connues sont aidées de la peinture,
ou plutôt de l'harmonie produite par l'assem-
blage des couleurs, pour donner à la pierre, aux
enduits et même au marbre la valeur indépen-
dante de la forme plastique. » M. Helbig pose en
principe qu'aucun monument digne de ce nom
n'a été considéré comme achevé sans avoir
reçu le décor que seule la couleur peut donner.
Le peuple ne comprend pas un art incolore.
Courajod montre que la polychromie est de
règle aussi pour la statuaire. Johann Kuhn l'a
prouvé par de multiples exemples, s'appuyant
d'ailleurs de l'autorité du chanoine .Schniitgen,
de feu l'abbé Miintzenberger et du R. P. lîeissel.
Malgré le blanchissage inexorable exercé
durant deux siècles systématiquement sur toutes
nos églises, les traces abondent des peintures
murales du moyen âge. L'orateur cite St-Paul,
St-Jacques, St-Martin, St-Antoine, St-Christo-
phe de Liège, la collégiale deTongres, St-Pierre
de Saint-Trond, la collégiale de Huy, l'église de
Bastogne, Ste-Walburge de Fumes, le Sablon et
Ste Gudule de Bruxelles, l'église de Laeken. Il
aurait pu citer quantité d'autres exemples im-
portants, le chevet de la cathédrale de Tournai,
St-Pierre de Louvain, la cathédrale de Malines
(triforium), quantité des églises de Brabant. Il
insiste sur les curieux vestiges d'une poly-
chromie d'ensemble qui ont été mis à découvert et
visibles peu de temps au choeur de Ste-Gudule de
Bruxelles.il démontre à l'évidence qu'on n'avait
pas en vue de laisser l'appareil à nu pour profiter
de la polj'chromie naturelle des matériaux les
plus riches, témoin le manteau d'arlequin, en
pierres grise et rose de l'ancienne abbatiale de
Saint-Hubert.
En réalité, dans la plupart de nos églises, la
peinture n'a pu être achevée, le gros œuvre même
ne l'a souvent pas été. Mais la présence seule de
vitraux suffit pour nécessiter la polychromie
murale.
M. le baron Bethune a corroboré la thèse de M.
Helbig et a cité comme exemple des vestiges de
coloration aux colonnes et colonnettes des mou-
lures de l'église Saint-Sauveur de Bruges, d'autres
constatés à l'église Notre-Dame de la même ville,
à St-Jacques, à la chapelle du Saint-Sang, ainsi
qu'à l'église de Damme, à l'église de Lisse-
weghe, à St-Martin et à Notre-Dame de Cour-
trai. Le chœur de Ste-Walburge de Fumes offre
un décor polychrome complet.
La séance s'est continuée par une intéressante
étude de MM. Bordiau et Acker sur les appli-
cations de l'esthétique à l'entourage des monu-
ments ; en voici la conclusion :
1° Un monument gagne à être dégagé, du
moins à offrir un abord facile, sans que ce prin-
cipe soit absolu.
2° Il ne faut pas pousser le dégagement jus-
qu'à l'isolement, mais, au contraire, ménager dans
l'entourage des points de comparaison donnant
l'échelle des monuments.
3° Il faut ménager des repos et proportion-
ner chaque édifice à son rôle particulier dans l'en-
semble.
La séance se termine par une communication
liumouristique, mais d'une précision scientifique,
de M. Schuermans au sujet de l'emplacement de
la chapelle de St-Bernard (Uns l'abbatiale de
Villers.
Société historique et archéologique du
Maine — Cette Société, très vivante, a fait en
juillet dernier, durant deux jours, sous la direc-
tion de son érudit président M. R. Triger, une
excursion dans la vallée du Loir.
La promenade commença par la visite du
château de Poncé, dont l'escalier, de la seconde
moitié du XVI« siècle, est richement décoré de
caissons sculptés ; puis on passa à l'église, la
première de celles assez nombreuses dont on a pu
admirer de précieux spécimens de fresques du
XI !"■ siècle, d'une surprenante conservation. Puis
on a gravi sous un soleil torride les rampes qui
conduisent au château de la Flotte. Celui-ci, re-
%va))à\ix ties t)ociétég sa\)antts.
495
construit sur un plan ancien, contient quelques
portraits et objets d'art intéressants.
Trôo sollicita ensuite l'attention des excur-
sionnistes. C'est un des plus curieux et des plus
pittoresques petits coins de France. Qu'on se
figure tout un village perché aux flancs abrupts
d'une falaise de craie dominant le Loir. Certaines
de ses caves sont fort anciennes. Mais avant de
commencer l'ascension des lacets conduisant sur
le plateau, on traverse le Loir pour visiter l'église
Saint-Jacques-des-Guérets (XI« et XII'' s.), qui
possède aussi des peintures à fresque du XII'"
siècle du plus vif intérêt. — Au sommet du pla-
teau se voient deux mottes féodales, une enceinte
du moyen âge, l'église Saint-Martin (XII'' et
XII1'= s.), les ruines de l'église Notre-Dame-des-
Marchais (XII'= s.) et celles de la Maladrerie
Sainte-Catherine (Xle et XII^ s.); enfin le cé-
lèbre puits qui l^arle, dans lequel, en raison de sa
grande profondeur, la voix se répercute en syl-
labes sonores.
On arrive à Montoire (Loir-et-Cher), fièrement
dominée par les importantes ruines de son don-
jon, et de la petite chapelle, aujourd'hui désaffec-
tée, de Saint-Gilies-des-Guérets, dont certains
voudraient faire remonter la construction aux
temps carolingiens, mais qui n'est guère anté-
rieure aux peintures qui la décorent, c'est-à-dire
au XIL siècle. Ces fresques sont de toute beauté,
du plus grand caractère et d'une merveilleuse
conservation. Elles offrent cette particularité de
montrer, aux voûtes de l'abside et des deux ab-
sidioles qui forment les bras du transept, trois
représentations différentes du Christ de majesté,
dans des gloires en amande.
En dehors du donjon, Montoire n'a rien de
bien intéressant si ce n'est une maison de la fin
du XVI'' siècle où on a installé la mairie.
Le lendemain l'on se rend à Lavardin, qui est
un des plus importants châteaux-forts de France,
par ce qui subsiste de ses constructions ; il sup-
porte fort bien la comparaison avec Coucy et
Bonaguil. Seulement il paraît difficile d'y voir
rien des constructions du XII^ siècle ; la base du
donjon paraît de la fin du XlVe siècle ; le haut,
du XVe (certains écussons le datent d'une façon
certaine), et sans doute faut-il rapporter à la
même époque la plupart des constructions des
bâtiments annexes et des diverses enceintes.
Autrement ancienne est l'église, qu'on peut
considérer comme appartenant au XL" siècle et
dans les murs de laquelle on retrouve, en dehors
d'une ornementation très intéressante, des frag-
ments réemployés de l'époque mérovingienne.
Cette église mériterait, sans conteste, une mono-
graphie.
A Vendôme, c'est le musée et la bibliothèque
qui reçoivent tout d'abord nos amis ; ils sont l'un
et l'autre très riches et parfaitement classés. Puis,
l'église de la Trinité, avec une portion de ses
cloîtres aujourd'hui affectés au quartier de cava-
lerie voisin (i).
Institut archéologique liégeois. Bullet., an.
1903- — G. Kurth. Le peintre Jean. L'étude de cri-
tique historique, que M. Kurth consacre au peintre
Jean, lui sert à élucider les problèmes relatifs à
la vie de cet artiste, qui, à la fin du X"" siècle,
orna de ses œuvres les églises de Liège, après
celles d'Aix-la-Chapelle, et à ce titre pourrait
être considéré comme le plus ancien peintre
connu dans les annales de notre pays.
B'^" de Sélys-Fanson. U Exposition de l'Art
ancien au pays de Liège, en içoj.
L. ^e.x\-M A. Découverte archéologique à Hollogne-
aux- Pierres.
Société historique et archéologique dans
le duché de Limbourg. Bulletin de l'année
1903. — M. Van Hasselt retrace les annales du
couvent des Kruisheeren à Maestricht, fondé en
1438 ; il fait très méthodiquement l'histoire du
bâtiment et de la communauté religieuse. Il
montre comment l'église fut construite, meublée,
ornée, comment les bâtisses du couvent reçurent
leurs développements successifs.
La croix sépulcrale de Geldulphe.prévôt de l'église
Saint-Servais à Maestricht, datant du Xl'^ siècle,
et retrouvée en cette église le ji août içoj. M. le
D"' P. Dopple donne l'histoire de cette décou-
verte et la description de la croix et de l'identi-
fication du personnage.
Congrès archéologique d'Arras. — A l'oc-
casion de l'exposition d'Arras, s'est tenu dans
cette ville un Congrès des Sociétés savantes du
Nord de la France et de la Belgique. Parmi les
diverses communications, signalons:
M. Parenty. La Renaissance flamande. Le
château de Hesdin eu Artois, berceau des ar-
tistes et des arts. L'auteur tend à prouver que
Jean de Liège, Jean de Merville, Clans Sluter
et Jean de Selles seraient des descendants de
Thomas de Manneville ; Jean de Bruges serait
également un Boulonnais.
Le Congrès s'est terminé par une conférence
de M. Enlart sur Nos cathédrales disparues : Thé-
rouanne, Arras, Boulogne. Nous espérons revenir
sur cette communication importante.
I. D'après une relation de M. le C'e Charles de Beauniont.
^^^^^^0.^^ :^ :l^ ^^, =t^ ■^, ^^, ^^, :^ ^0.. :^ ^^. ■^. ^J^ ^^. .^ ^^, :^ fc
^ ~~— — — 1 k;^:
^^mm^^^mmm Biblicjrapbtr. ^^mmmmm^^^m
wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww^ww
GALLIA DOMINICANA. LES COUVKNTS DK
ST-DOMINIQUE AU MOYEN AGE, par. G. Ro
HAUi.T DE Fleurv. — 2 vol. in^", omés d'un grand
nombre de planches. Paris, Lelhielleux.
I^^^f ONSIEUR Rohault de Fleury n'est
^^
pas un de ces auteurs qui dépensent
en menue monnaie le trésor de leur
llfe science. Lorsqu'il entreprend un
éf^^i^ïs?^ livre, c'est presque toujours une
œuvre de longue haleine, tout au moins de re-
cherches ardues et multiples que l'on peut s'at-
tendre à voir paraître. Le livre dont nous trans-
crivons le titre en tête de ces lignes traite un
sujet des plus importants : le rôle de l'Ordre des
Dominicains dans l'histoire de France, de leurs
couvents dans la province de France dès le
XII I<^ siècle mais encore bien fécond aux siècles
suivants. C'est là un thème qui devait tenter
la plume de l'historien et de l'archéologue.
M. Rohault de Fleury lui consacre deux gros
volumes ornés, j'allais écrire, éclairés de plus de
500 planches. Le Père Chapelier, l'illustre his-
torien, a, en outre, dressé pour cet ouvrage une
carte de la France où sont indiqués tous les cou-
vents de l'Ordre. Cette carte, qui, dès le début,
apparaît aux yeux du lecteur, permet de juger
d'un coup d'œil le développement extraordinaire
des Frères Prêcheurs au siècle de saint Louis,
qui fut, comme on sait, l'ami et l'ardent propa-
gateur des fils de saint Dominique.
L'auteur appartient à une génération qui a vu
revivre cet Ordre dans un élan de ferveur et de
générosité; il se rappelle sans aucun doute l'en-
thousiasme avec lequel la jeunesse surtout accueil-
lit la robe du Frère Prêcheur apparaissant dans la
chaire deN.-D. de Paris ; il se rappelle avec quel
frémissement sympathique elle répondit alors à
la voix éloquente du P. Lacordaire. Il se rappelle
certainement les espérances d'avenir, d'expansion
religieuse que l'illustre orateur et ses disciples
firent naître alors. C'est un épisode inoubliable
de l'histoire moderne, et pourtant il semble qu'il
soit oublié, tant le régime imposé à la fille aînée de
l'Eglise répond mal aux espérances qu'avait fait
naître cette renaissance dominicaine en France !
L'auteur le sent profondément : Le livre qu'il
publie aujourd'hui n'est pas seulement une œuvre
d'étude et de science. C'est la protestation de la
conscience d'un Français et d'un chrétien, blessé
dans sa foi, dans ses affections les plus chères.
Nous lisons dès les premières lignes de l'avertis-
sement du livre, que l'opportunité de sa publica-
tion ne résulte pas seulement du vœu émis par
le célèbre lioUandiste Victor de Huck qui expri-
mait le regret de voir l'Ordre de Saint-Domini-
que, un des plus illustres et des plus fidèles en
œuvres de salut et de science, manquer non
seulement d'une histoire générale, mais de
n'avoir pas même celle de ses provinces et de ses
maisons en France. <i L'opportunité de l'histoire
monumentale qu'il nous propose, dit l'auteur dans
son avertissement, résulte surtout d'une façon
éclatante des circonstances actuelles. Lorsque les
couvents avaient repris en France leur vie, leurs
prières, leurs costumes antiques, lorsque leur
ferveur surpassait les meilleurs temps, lorsque les
cloîtres s'étaient rouverts, que les clochers tein-
taient les hymnes sacrés, voici que les sectaires
de 1792 se relèvent, dispersent les Religieux et
ferment leurs demeures, cherchent à étouffer ces
foyers de science et de piété. Quelle heure est
plus propice que celle-ci, devant ces criminelles
tentatives, pour rétablir ces vieux cloîtres, pour
recueillir leurs pierres qu'on croyait à jamais
brisées ou oubliées, pour remettre debout ces
édifices? Leurs vues donneront l'image d'une ré-
surrection certaine, la preuve de l'invincible vie
des religieux. »
Cette noble protestation suffit pour faire con-
naître l'esprit dans lequel l'auteur a entrepris son
œuvre, et qui l'a soutenu jusqu'à l'entier accom-
plissement de son travail.
Ce n'était pas tâche facile. La France vit dans
les soixante dernières années du XIII'' siècle
s'établir soixante-six fondations dominicaines,
un peu plus d'une fondation par an. Il est vrai que
cette fécondité devait bientôt se ralentir, le siècle
suivant n'en a guère produit qu'une douzaine.
Les planches qui, comme nous venons de le
(lire, dépassent le nombre de cin(^ cents pour les
deux volumes, quoique tracées légèrement, sou-
vent en forme d'esquisse, offrent pour les cou-
vents existants on qui ont existé, décrits dans
l'ouvrage, tous les renseignements graphiques
que le lecteur peut désirer : plans terriers, cou[)es,
vues cavalières, esquisses d'ensemble des lieux
réguliers. Puis ce sont des détails remarquables
tels que tombeaux, sceaux, statues, chapiteaux,
arcatures, inscriptions ; toutes les particularités
intéressantes sont notées avec soin. Sur un
grand nombre de ces couvents aujourd'hui dis-
parus, l'auteur a recueilli dans les ouvrages pu-
bliés au temps de leur splendeur, une foule de
renseignements précicu.x. Il suffit d'ailleurs de
lire les notes au bas des monographies de chaque
couvent pour s'assurer que l'auteur ne néglige
aucune source d'informations. Lorsqu'il ne peut
se rendre lui-même dans les villes où existent
Btbltogmpftie.
497
ou ont existé des couvents dominicains, il s'a-
dresse aux chercheurs locaux, dont il se fait
rapidement des correspondants, des collabora-
teurs, des amis, très heureux d'être pour quelque
chose dans les études dont d'avance ils connais-
saient la haute valeur.
M. Rohault de Fleury nous initie d'ailleurs
lui-même au système de ses invesîigations. Nous
avons, dit-il, cherché d'abord le « lieu des cou-
vents» ; nous avons recueilli les moindres pierres,
nous avons interrogé les archives, les bibliothè-
ques, les vieux plans qu'elles contenaient, les an-
ciennes vues qui nous permettent de rassembler
les fragments et de recomposer l'ensemble. »
Souvent le crayon de M. Rohault de Fleury
nous donne la restauration de couventsetd'églises
dominicaines dont il n'existe plus à peine qu'un
souvenir. Mais soyez certain que des documents
authentiques ont été mis sous les yeux de l'ar-
chéologue ; celui-ci s'est si bien familiarisé
avec les dispositions générales de l'architecture
dominicaine, il en a tellement l'intuition, qu'il lui
suffit parfois de quelques données sommaires
pour évoquer tout un ensemble de constructions
et établir ainsi une restauration qui paraît très
acceptable.
Les Frères-Prêcheurs formaient comme on sait,
un Ordre mendiant,c'est-à-dire que tout luxe était
exclu de leurs couvents, comme de leurs sanc-
tuaires et de leurs églises. Généralement celles-ci
se composaient d'une ou au plus, de deux nefs,
disposées de la manière la plus commode pour la
prédication. Pas de clochers élevés, ni de por-
tails richement historiés par la statuaire ou la
sculpture décorative. L'auteur donne un tableau
synoptique comparatif des plans terriers des
églises dominicaines fort intéressant.
L'Ordre cependant comptait des artistes et a
eu, surtout en Italie, des maîtres illustres, comme
Fra .Angelico et Fra Bartolomeo. Un Père Do-
minicain moderne a consacré quatre volumes
aux artistes de son Ordre (i). M. Rohault de
Fleury donne sur la décoration picturale des
églises dominicaines quelques renseignements
recueillis dans les monuments mêmes et qui
sont de nature à intéresser vivement les lecteurs
de cette Revue. Ils prouvent une fois de plus que
les humbles fils de Saint-Dominique comme
ceux de Saint-François étaient pénétrés des vé-
ritables principes de l'art, tel que le chrétien
doit les concevoir ; pour eux l'art n'est pas un
luxe ; c'est l'expression de la foi et d'un senti-
ment de convenance qui porte l'homme à offrir
à Dieu ce qu'il y a de meilleur et de plus élevé,
et que si l'on peut marquer l'esprit de pauvreté
1. Memorie de' più insigni Pittori, Scultori e Architetti domini-
cani del P. Vincenzo Marchese. Firenze, 1851.
dans les vêtements, il n'est pas permis de laisser
dans leur indigente nudité les murs de ses sanc-
tuaires.
Jules Helbig.
LES PHIMITIFS PARISIENS. ÉTUDE SUR
LA PEINTURE ET LA MINIATURE A PARIS
DU XIV= SIÈCLE A LA RENAISSANCE, par
Marcel Poète, conservateur adjoint de la Bibliothè-
que de la ville de Paris. Leçons d'un cours d'introduc-
tion à l'histoire de Paris, professé à la Bibliothèque de
la ville. — Paris, Honoré Champion, 1904.
Bien peu d'expositions ont donné un essor à
d'aussi nombreuses publications que \' Exposition
des Primitifs français ouvert cette année au
Pavillon Marsan et à la Bibliothèque nationale.
C'est tout un mouvement littéraire et d'histoire
de l'art qui n'est pas encore à sa fin, il faut
l'espérer, et sur lequel nous aurons à revenir, car
il est d'un haut intérêt. Il a déjà été fécond
en enseignements et nous réserve sans aucun
doute encore bien des révélations sur l'histoire de
la Peinture en France et notamment sur une
période de cette histoire laissée singulièrement
dans l'ombre.
En attendant, je tiens à signaler aux lecteurs
de la Revue un petit livre — il n'a que 74 pages
et quelques gravures dont les clichés sont em-
pruntés à la Gazette des Beaux- Arts. — C'est,
comme l'auteur nous l'apprend dans son avertis-
sement, l'esquisse d'un ouvrage sur l'art à Paris
aux XIV^ et XV« siècles. Chargé d'un cours
d'Introduction à l'histoire de Paris, M. Poète
a fait à l'occasion de l'Exposition ouverte au
Louvre, une série de leçons sur la peinture et la
miniature parisiennes, du XIV^ siècle à la Re-
naissance. Ce sont ces conférences qui forment
le fond de ce livre.
L'auteur a fort bien fait de les imprimer.puisque
par cette publication il étend considérablement
le cercle des personnes qui profiteront de son
enseignement. Le lecteur trouvera dans son livre
toute la vivacité d'allure, l'attrait de l'enseigne-
ment oral et tout le fruit de leçons bien pré-
parées.
M. Marcel Poète, en rétrécissant son cadre et
en confinant son étude à la ville de Paris, assure
plus de clarté et de précision aux faits qu'il rap
porte. Il remarque avec raison que l'on connais-
sait peu de chose des artistes dont il s'occupe,
dont les noms étaient généralement ignorés, et
combien il convient de se mettre en garde contre
la disposition générale d'attribuer à quelques ar-
tistes connus la plupart des œuvres de leur temps.
C'est là une tendance qui, heureusement, grâce
aux exigences de la critique historique moderne,
commence à passer. Les règnes des rois de
498
3Rebur lie T^rt tbrcticu.
France Charles V et Charles VI forment natu-
rellement une période lumineuse dans l'histoire
des Beaux-Arts à Taris. M. Marcel Potite en fait
ressortir tout l'intérêt en rappelant bon nombre
de travaux commandés et inspirés par ces rois.
N'oublions pas d'ailleurs que sa publication
n'est qu'une esquisse ; elle nous promet beaucoup
pour le tableau de l'art au XIV^ et au XV"^ siècle
que l'auteur étudie et auquel nous serions
charmé de préparer par ces lignes, l'accueil que
mérite un livre qui s'annonce sous d'aussi heu-
reux auspices.
J. H.
FONDATION D'KUGENE PIOT, t. VIII. —
ÉTUDES SUR LA SCULPTURE FRANÇAISE
AU MOYEN AGE, par Robert Di: Lastevrie,
membre de l'Institut. — Gr. in-4° de 140 pp. et 22
héliotypogr. — Paris, Leroux, 1902.
CE magistral ouvrage comprend une véritable
monographie illustrée des trois plus beaux
portails de l'époque romane: le portail de Char-
tres et les portails d'Ailes et de Saint-Gilles.
C'est en même temps une œuvre de critique
remarquable, qui vient jeter le plein jour dans
les discussions savantes, laborieuses et un peu
confuses que les sculptures de ces portails ont
soulevées depuis Mérimée, Revoil et Ouicherat.
Nous avons tenu nos lecteurs au courant de ces
controverses, où se sont distingués MM. Mayeur,
Marignan,Voge. Lefebvre-Pontaliset notre colla-
borateur, M. Lanoore. Nous nous trompons fort,
ou les intéressantes questions agitées entre ces
savants auront reçu dans cette étude leur con-
clusion définitive.
Les admirables sculptures du portail occiden-
tal de la cathédrale de Chartres ont été jusqu'ici
attribuées au milieu du Xll'^ siècle. Mais voici
que MM. Vbge (•) et Clémen (2), après M. Mari-
giian (3) renversent les données admises. Les
sculptures de Chartres dériveraient de l'École
Arlésienne et seraient inspirées du portail de
Saint-Trophinie, actuellement attribué an XI1I«
siècle d'après L. Courajod. M. R. de Lasteyrie
remet lés choses au point; il maintient la priorité
de la porte royale de Chartres.
Dans sa magistrale dissertation il remémore
l'histoire de la vénérable basilique jusqu'à l'in-
cendie de II 34. Il n'est pas probable qu'on ait,
dès 1 135, commencé la réfection du monument
1. Vbge, Die Anfânge des monumentaUn Stiles îin Miltdalter.
Strasbourg, 1894, et Reperlorium fur Kiinslwissenschafl, fasc. 3.
1904.
2. Clemen, Le Moyen Age, t. XI, p. 348.
3. Marigiian, Le Portail occidental de Chartres, le Moyen Agi,
t. XI (1898), 341 et Xtl, p. I.
parle portaîl,dontles moulures accusent d'ailleurs
un style plus avancé que celles du clocher nord,
reconstruit consécutivement au désastre ; il est
au plus de l'âge du clocher sud, auquel on tra-
vaillait en 1145, et très probablement postérieur,
car il eût été bien incommode d'y travailler en
même temps qu'aux tours. M. Marignan va plus
loin, et reporte l'époque de l'érection du portail
après l'incendie de 1194.
Ici M. de Lasteyrie fait remarquer le bien
fondé de l'opinion reçue, d'après laquelle leportail
du XII<= siècle, épargné par l'incendie, aurait été
transporté et remonté à l'alignement des façades
des deux tours. Les traces matérielles de ce dé-
placement se lisent encore sur la pierre, et la belle
unité de l'ensemble prouve qu'il s'agit du réem-
ploi de tout l'ouvrage et non de l'utilisation de
quelques pierres, comme le prétend M. Marignan.
Cet érudit prétend qu'au XII<= siècle on n'au-
rait pas sculpté les arts libcraux ('), que les
anges du tympan et des voussures (2) ainsi que
les statues des colonnes (•^) ne peuvent être anté-
rieurs à la fin du XII^ siècle.
Cette considération esthétique constitue un
argument peu rigoureux, qu'écarte M. de Las-
teyrie, en même temps que les arguments icono-
graphiques. On peut considérer comme acquis
que le portail est dans son ensemble une œuvre
du XI I*^ siècle, et il est resté à peu près intact
dans sa partie historiée ; il ne contient aucune
figure moderne.
D'autre part le thème iconographique est bien
roman : la Vierge y est assise ; la légende est
telle qu'à la Charité sur Loire oti les apôtres rap-
pellent les 24 vieillards de Moissac. C'est au 3"=
plutôt qu'au 4e quart du XI I« siècle qu'il con-
vient de l'attribuer.
L'auteur cherche des points de repère pour
préciser davantage. M. Anthyine Saint-Paul a
fixé entre 1145 et 1175 la date du portail de
N.-D. à Étampe, inspiré de celui de Chartres. Il
en est de même des deux admirables figures de
roi et de reine, de N.-D. de Corbeil, conservées à
Saint-Denis, qui sont antérieures à 1 180. Le triple
portail de St-Denis, qui est daté (1140J, qui a
perdu ses sculptures originelles, mais dont l'or-
donnance est encore visible, a certainement ins-
piré celui de Chartres. Bref, M. de Lasteyrie peut
préciser et placer l'exécution du portail royal de
1. Le poème de Martianus Capellon, avait, dés le X1I« siècle,
popularisé dans le cloître l'allégorie des Sept W/-/.V,- à Chartres même
l'écolâtrc Thierry écrivait en 1142 son Manuel des Sept Arts ( Hep-
tateuchon ) , dont le sculpteur s'est visiblement inspiré ; le même
sujet figurait dans \' Hortns delieiarum de Herrade de Landsperg
(XIl" siècle) et dans le pavé de St-Rcmy à Reims (jogo.)
2. On a trouvé des analogies à la cathédrale d'Angouli'nic.
3. En examinant les petits fûts indiscutablement du XI U- siècle,
on peut se convaincre qu'ils ont été faits pour les statues qu'ils por-
tent.
BtbltograpDte.
499
Chartres, vers 1160. II est à peu près d'accord
avec M. Lefebvre-Pontalis ; ce dernier pense que
le portail est antérieur à 11 56, et que sa recons-
truction en avant des tours a eu lieu vers 1 180.
La question des dates relatives de Saint-Tro-
phime d'Arles est connexe à la précédente.
Les auteurs sont à cet égard dans le plus par-
fait désaccord. M. de Lasteyrie reconnaît comme
scientifiquement démontré par M. Marignan, à
l'aide de l'iconographie, que le cloître ne peut être
antérieur à la seconde moitié du XII*^ siècle. Les
quatre galeries sont d'âges différents. Celle du Sud
aurait été commencée en 1389 ; celle de l'Ouest,
couverte en croisées d'ogives, est du XI 11^ siècle.
Celles du Nord et de l'Est, couvertes en berceau,
peuvent remonter au XII'ï, la première étant la
plus ancienne des deux, avec ses arcades à vives
arêtes. Des inscriptions funéraires qu'elles por-
tent, M. de Lasteyrie conclut que le mur du Nord
(extérieur) du cloître était bâti en 1165, celui de
l'Est en I iSi, et celui de l'Ouest en 1 18S. Mais au
milieu des arcades de la galerie nord on lit une
épitaphe de 1188, tracée sur un parpaing du
mur. D'ailleurs le style de l'iconographie s'ac-
corde avec les dates de 1 165 1 188 entre lesquelles
a dû être élevée la galerie du Nord. Notre auteur
passe en revue tous les personnages des piliers et
des chapiteaux historiés, sans trouver confirma-
tion des arguments par lesquels M. Marignan a
voulu attribuer au X1II<= siècle ces remarquables
sculptures. La galerie septentrionale date de i iSo
environ ; elle n'est pas antérieure au portail de
Chartres.
Après les savantes études de M. Marignan, il
n'est plus possible de soutenir que le prestigieux
portail de Saint-Trophime appartienne à la pre-
mière moitié du XII^^ siècle. Mais faut-il le
placer en plein XIII^ siècle? — Ses sculptures
ont trop d'analogie avec les plus anciennes du
cloître pour s'en écarter beaucoup, et nous
avons vu que celles-ci sont du XI I"^ siècle.
M. Marignan, pour les reporter après 12 17, se
base sur l'interprétation d'une inscription re-
cueillie par Sacius, qu'il a mal interprétée. Le
portail est postérieur au mur de façade auquel il
s'adosse, mais ce dernier n'est pas, comme il le
pense, de la deu xième moitié du X 1 1*^ siècle. Son
appareil montre qu'il est plus vieux que celui
du bas côté nord, tout au plus du début du
Xili^ siècle, à ce qu'atteste une inscription qu'il
porte. Quant aux sculptures, tout en repoussant
la doctrine surannée de Viollet-le-Duc sur l'in-
fluence gréco-syrienne, on doit y reconnaître
avec lui une influence gallo-romaine. L'arc brisé
n'est plus un argument pour dater l'ouvrage du
XI Ile siècle ; on sait aujourd'hui qu'on en a fait
au XII'^ siècle. Étudiant l'iconographie du por-
tail, M. de Lasteyrie récuse les « indications
précises» qu'a relevées M. Marignan dans le
sens de son attribution au XI 11^ siècle. Bref,
épousant les appréciations générales de M. Mari-
gnan, mais allant moins loin dans ses conclu-
sions, il opine pour une date comprise entre
II 80 et 1190, et cela, en dépit de certaine
mitre triangulaire usitée seulement au XI IP
siècle ; on en trouve des exemples antérieurs
sur plusieurs sceaux.
Les arguments positifs de M. Marignan sont ici
réfutés en détail, notamment celui qui concerne
la finesse des moulures ; elle n'est pas moindre à
Sainte- Marthe de Tarascon, qu'une inscription
date entre 1 187 a 1197.— M. de L. observe au sur-
plus la conformité de caractère des inscriptions
pieuses du portail avec celles du cloître allant
de 1165 à 1188. Il relève en outre l'extraordi-
naire similitude que présente le beau rinceau
décorant le linteau de la porte, avec celui de la
cathédrale de Maguelonne, sculpté en 1 178. —
Donc le portail d'Arles peut être daté entre
1 180 1 190. Or, à cette date, les sculptures du
portail royal de Chartres étaient achevées. Il est
donc impossible de souscrire à la thèse de
M.Voge.
Mais que penser de la thèse de M. Mari-
gnan, faisant dériver les sculptures de Chartres
de l'école provençale, représentée par la façade
de Saint-Gilles ? — Sur la date de cette façade,
les auteurs fourmillent d'erreurs; depuis Mérimée
et Revoil jusqu'à Quicherat et Viollet le-Duc.
Tous ont mal interprété une inscription gravée
sur l'un des contreforts, fixant à rii6 le com-
mencement des travaux. Par où ont-ils com-
mencé .'' Par la crypte, dit Quicherat ('), tandis
que M. Marignan affirme qu'il ne reste rien de
l'église commencée à cette date.
M. l'abbé Nicolas, curé de St-Gilles, dans un
savant mémoire, apporte des lumières nouvelles
sur la question. Il nous apprend (2) que Raymond
VI, pour expier le meurtre du légat Pierre de
Castella, fut amené devant les portes de l'église
de Saint-Gilles ; le fait s'étant passé en 1209,
on a une preuve certaine que le portail n'est pas
du milieu du XIII*^ siècle, comme le prétend
M. Marignan. Quant à l'inscription, M. Nicolas a
démontré que la pierre à l'inscription de 11 16
n'est pas une pierre rapportée ; elle est placée au
cœur des maçonneries de la crypte, à laquelle
elle s'applique. La croisée d'ogives qui couvre la
crypte n'appartient pas, selon M. de L., à
1. Mélanges d' archéologie ^ p. 179.
2. Abbé Nicolas, Construction et réparation Ae l'église de Saint-
Gilles, Nemé. 1900.
500
IBitWt tie P^rt cj)rétien.
l'époque de la construction de celle-ci ; à cette
époque, la crypte était voûtée d'arêtes sans ner-
vures,comme elle l'est encore sur deux travées. La
marche des travaux se lit sur l'édifice ; le gros
œuvre de la crypte doit avoir été terminé vers
1 140 ; à ce moment, les ogives des voûtes étaient
prévues, comme le montre l'appareil. On peut
admettre avec Ouicherat que la nef haute était
en pleine construction vers 11 50. Le portail
a dû être élevé avant 11 79 pendant la période
de paix dont l'abbaye a joui au XI 11" siècle. Le
portail porte en son milieu une saillie caracté-
ristique de deux couples de colonnes; elle
s'explique par une saillie correspondante de la
crypte ; les deux constructions ne peuvent pas
être séparées par une grande lacune ; or, cette
partie de la crypte, une inscription prouve
qu'elle existait en 1 142. C'est au troisième quart
du Xll" siècle qu'il faut placer la construction
du beau portail de Saint-Gilles. On discerne
d'ailleurs parmi les sculptures plusieurs groupes
hétérogènes dus à des mains différentes, sou-
mis à un chef unique, nommé Bruiius. Notre
auteur analyse longuement cette grande page
de sculpture, et en conclut que la construc-
tion s'est poursuivie par intermittences pendant
toute la seconde moitié du XII<= siècle.
Il étudie encore d'autres sculptures romanes
du bassin du Rhône : celles de la cathédrale
de Nimes et de N.-D. de Pommières à Heaucaire,
celles de Saint-Bernard de Romans, celles
de Saint-Guilhem du Désert, de Maguelonne,
de Reddes, de Montmajour. Il conclut que
l'école provençale n'a pas, comme le pré-
tend M. Vogue, devancé celle de l'Ile de
France. M. Marignan, prenant le contrepied de
cette théorie, a admis l'influence du Nord dans
le Midi. M. de Lasteyrie ne la nie pas, mais
croit qu'elle ne s'est guère exercée avant la fin
du X 1 1"= siècle. Les écoles d'Arles et de St-Gilles
remontent plutôt à celle qui avait pour centre
Toulouse et Moissac.
L. Cloquet.
DICTIONNAIRE D'ARCHÉOLOGIE CHRÉ-
TIENNE ET DE LITURGIE, par le D"^ F. Cabrol,
fasc. V. — Paris, Letouzey, 1904.
Parmi les articles du fascicule V, nous ne
ferons que noter les articles relatifs à Alexan-
drie (liturgie, élection des patriarches, etc.),
l'article de M. 11. Leclercq sur les célèbres
sarcophages des Aliscamps, celui de Dnin Ca-
brol sur l'acclamation liturgique de YAIlelttui,
etc., pour nous arrêter à l'article Ambon qu'a
traité M. Leclercq. Il décrit d'après les textes
celui de Justinien à Sainte-Sophie de Constan-
tinople, qu'ornaient l'argent, l'ivoire, l'or et des
masses de perles enchâssées dans le marbre ;
celui de Saint-Marc de Venise et un exemple
d'ambon à coupole. Le pupitre élevé d'où
parle le lecteur apparaît dans les textes, dès
l'époque constantinienne. L'ambon de Sainte-
Sophie s'élevait vers le milieu du temple, à
l'Est ; à l'église métropolitaine de Ravenne, au
VI'^ siècle, il était dans le chœur inférieur (nef).
Parmi les types remarquables figurent l'am-
bon de Salonique, d'où saint Paul aurait pris
la parole ; celui de la métropole de Ravenne,
décoré d'abondantes figures d'animaux distri-
bués en un ensemble qui s'élève de l'élément
liquide jusqu'aux régions de l'air ; puis viennent
les ambons des basiliques de Rome (St-Laurent
hors les murs, Saint-Clément, Ste-Marie in Cos-
medin, St-Pancrace) que l'on attribue au IX<=
siècle environ. Ceux des églises de San-Spiritu
et de StApoUinaire à Ravenne remontent plus
haut (VP siècle). Rohault de Fleury les a
décrits ; un beau spécimen est celui de Sainte-
Marie à Castel-Saint-Llisée près de Népi (IX°),
nous le reproduisons. Agaune possède un cu-
rieux ambon du VI^ siècle.
Le chant et le rit Ambrosiens occupent lon-
guement, (c'est légitime), M. L. A. Gatard et
P. Lejay ; puis vient une étude développée
sur la (5(?.î27/$'«£ ambrosienne; elle est encore de
M. H. Leclercq. Dans cette étude faite au point
de vue archéologique et architectural, l'auteur suit
les idées de M. de Dartein (VIL siècle). L'église
date de quatre époques : le chevet est la partie
la plus ancienne, les nefs et le narthex sont
postérieurs, l'atrium fut construit en troisième
lieu, finalement furent élevés les campaniles.
L'auteur ne s'arrête pas au différend qui s'est
élevé entre M. de Dartein et feu Cattaneo quant
à l'âge de la superstructure des nefs de Saint-
Ambroise, et que connaissent nos lecteurs ('). Il
lui importe davantage de rechercher des vestiges
de l'édifice ambrosien.
Les murs de la basilique lombarde paraissent
avoir été édifiés sur les fondations du IV' siècle;
les nefs couvrent exactement l'édifice primitif;
M. Leclercq étudie minutieusement l'histoire de
la confession, telle qu'ont permis de l'établir les
fouilles de 1S64, confirmant l'intention connue
de S. Ambroise de céder aux saints Martyrs
Gervais et Protais le droit de la tombe ; une cer-
taine confusion s'était produite dans les esprits
quant à cette donnée, par suite du retourne-
ment de l'orientation des églises survenue dans
l'architecture.
C'est encore d'après M. de Dartein que notre
érudit auteur étudie la basilique de Saint-Satire;
i. Revue Je ia i' An clirilien, année 1892, p. 524.
Btbliograpl)te.
501
pour celle-ci comme pour l'édifice de Saint-
Ambioise, il s'aide d'intéressants dessins em-
pruntés à Landriani et à Beltrami.
Cet intéressant fascicule contient un autre
article important à notre point de vue : c'est
celui qui est relatif à l'âme ; mais il n'est pas
terminé, et nous le reprenderons quand nous
aurons le fascicule suivant.
L. C.
MUSÉKS ROYAUX DES ARTS DÉCORATIFS
KT INDUSTRIELS DE BRUXELLES. CATA-
LOGUE DES IVOIRES, DES OBJETS EN
NACRE, EN OS GRAVÉ ET EN CIRE PEIN-
TE, par J. Destrée, conservateur. — In-S'', illus-
tré, 130 pp. Bruxelles, Bruylant, 1902.
On a longtemps envié, chez les Belges, les re-
marquables catalogues illustrés des musées de
Londres, si bien faits, et mis à la portée des petites
Diptyque sacré de Genoels-Elderen.
bourses, ces catalogues intuitifs et didactiques,
qui sont un puissant instrument d'éducation
populaire. Bientôt les Anglais pourront prendre
modèle sur leurs voisins. Le catalogue des ivoires
du musée de Bruxelles est un modèle du genre, et
il n'est pas le seul.
En quinze pages, M. Destrée y résume l'histoire
de la technique éléphantine; puis il donne des
pièces marquantes, des notices descriptives qui
sont en même temps de bons morceaux de cri-
tique archéologique.
La technique de l'ivoire a pour monuments
en Belgique, outre les pièces capitales du musée,
un feuillet de diptyque byzantin du trésor de
Tongres, l'évangéliaire mosan de l'Université de
Liège, l'évangéliaire de la cathédrale de Tour-
nai, le bâton pastoral de Saint-Servais de Maes-
tricht, et plus tard, les œuvres de Duquesnoy et
de F. Van Bossuyt.
Les pièces notables du musée sont un fragment
' de cathedra à l'image de saint Pierre (vers 700)
{ de provenance alexandrine, analogue au feuillet
RKVUU UB. LAKT CHRUTIBN.
1904. — 6"'* LIVRAISON.
502
3^ebue te V^xt chrétien.
de Tongres, qui a été spécialement étudié par le
Directeur de la Revue de V Art clirétien (•) ; le
diptyque sacré de Genoels-Eldereii (vers 8oo),
que M. Helbig croit sortir d'une abbaye mosane
et où M. Destrée est tenté de voir une production
longobarde; un coffret byzantin du IX^ siècle au
décor en rosaces et à bestioles; les beaux peignes
liturgiques de Stavelot (X'' s.); une plaque d'évan-
géliaire, mosane selon M. Helbig, mais d'inspi-
ration byzantine ; une gracieuse petite branche du
XII^ siècle, transformée en reliquaire au XIV"^
siècle, une châsse du Xtl' siècle, de travail
allemand ; le lustre en dents de morse trouvé à
Bouvignes en 1864; deux ravissantes Vierges
assises, du XIV« siècle, de travail français ; de
nombreux feuillets de diptyques, des coffrets,
baisers de paix; voilà pour la période médiévale.
Parmi les objets de la renaissance, il convient de
citer les trois grasses de Van Opstael. On peut
citer dans le domaine de l'art chrétien, une gra-
cieuse Vierge Immaculée, du XVI I»^ siècle, la
plaque à la Sainte Famille de Peter Hencke
(vers 1700), une Pietà et un saint Jean (statuettes
du XVIII« siècle).
L. C.
CAMBRON-CASTKAU, par R. Paternotte. —
In-S" illustré de 88 pp. (=), chez l'auteur à Cambron-
Casteau, 1904.
L'amour du clocher natal a inspiré cet intéres-
sant livret rehaussé de nombreux photozincs.
Les trois Cambron (Cambron-Marie, Cambron-
Saint- Vincent, Cambron-Casteau) furent d'inté-
ressants villages; les deux derniers subsistent
seuls, et Cambron-Casteau l'emporte en intérêt
par les restes qu'il possède d'une puissante
abbaye.
Il possède une joliette église de style primaire,
à triple nef, la centrale adossée à une grosse tour
carrée, les latérales englobant celle-ci; à l'oppo-
site est un chœur plus bas, à chevet plat. C'est un
type parfait d'église rurale ; sa superstructure est
en berceaux lambrissés. Elle a été récemment
restaurée et agrandie ; on a refait le chœur pour
intercaler une quatrième travée. Chose éton-
nante, le restaurateur n'a pas reproduit dans les
nouvelles arches l'appareil des anciennes. Nous
devons regretter en outre la lourdeur des entraits
apparents du comble, et la répétition de la
croix comme antefixe aux deux pignons de la
nef et du chœur, ce qui tend à faire un motif banal
d'un emblème sacré. Le massif clocher percé de
fenestrelles en forme d'archères a quelque allure
1. j. Helbig, La sculpture et Us arts plastiques au pays de
Liège.
2. Se vend i fr. 25 au profit de l'église.
de tour fortifiée. Vue du côté de l'Orient, l'église,
qui se dresse sur un tertre, a belle silhouette avec
son chœur austère au pignon percé d'un triplet.
Au sortir du village, une magnifique drève de
tilleuls mène à la poterne de l'abbaye cistercienne,
élevée au XI II' siècle, rebâtie en 1722, et dont
il ne reste plus que quelques vestiges; mais ces
vestiges sont grandioses : c'est une tour colossale
du XVIIIf^ siècle, une belle salle de l'époque de
Église paroissidle de Cambron. Nef.
transition de destination incertaine, une seule
colonne de l'église primitive, et un pan des murs
où de remarquables mausolées abritent leurs
gisants sous des enfeus.
Tout cela, et de moindres curiosités locales,
est décrit avec ordre et conscience, en des termes
élégants, dans un sentiment pieux, et accom-
pagné de nombreux renseignements historiques.
C'est un modèle de monographie locale.
L. C.
THE BASES OF DESIGN, par Walter Ckane.
— In- 12, illustré de 372 pp. Londres, Bell, 1902.
Ce beau petit volume, illustré d'une manière ex-
quise et écrit par un maître sous forme didac
BibItograpl)îe.
503
ÊgUsc p<iruisàialc Ue C^iubion. — Cho^ui.
Toui de l'abbaye de Cambroii.
Eutrce de 1 «ibbaye de Cambroii.
Eglise paroissiale dt, Cainbion. Vue extérieure.
504
îRcbuc ïie Tî^rt cbrcttm.
tique, ne répond pas exactement à son titre, car
il traite plus de la classification des formes artis-
tiques que du dessin proprement dit, qui est
l'art de leur représentation.
Quelles sont, se demande l'auteur, les in-
fluences d'où découlent leurs variétés ? C'est
d'abord Vîitiliié, c'est la demeure de l'homme
qui en fournit les premiers sujets ; en d'autres
termes, l'architecture est la grande génératrice
des formes et la mère des arts. Avec Ruskin,
l'auteur classe les formes architectoniques sous
trois titres : la plate bande, le plein cintre et
l'arc pointu. La distinction nous semble dé-
fectueuse, car les trois catégories ne sont pas
équivalentes ; la colonne architravée d'une part,
l'arcade et la voûte de l'autre, voilà deux concep-
tions qui se classent nettement à part ; mais la
même division nette ne peut être établie entre les
deux cintres, pas même entre la coupole et la
croisée d'ogives.
De son aperçu rétrospectif, retenons d'excel-
lentes remarques, celle-ci, par exemple, que la
décoration des anciens recherche toujours les
bonnes places à sa convenance ; et encore cette
autre : que la base du décor des Grecs est la ré-
pétition de lignes qui se font écho. Chez eux le
sentiment architectonique pénètre tout, même le
mobilier, l'outillage et l'habillement.
L'art romain enrichit le dessin de formes nou-
velles ; l'arcade, le dôme, le pilastre pannelé (que
reprendra la renaissance) et de riches détails dé-
coratifs, notamment pour les fresques. Ingénieux,
plus que vrai, le rapprochement qui est fait entre
les bucraiies réunies par des guirlandes, et la paire
de bœufs attelés sous le joug. (V. fig. ci-contre.)
Le style byzantin apporte à l'art les effets de
splendeur, gouvernés par beaucoup de retenue et
de dignité. Analysant ensuite l'esthétique de l'art
roman et gothique, M. W. C. s'en rapporte peut-
être trop exclusivement aux modèles anglo-nor-
mands.Il constate l'accord des artistes médiévaux
avec les Grecs, dans l'art de placer l'ornement
sur les champs libres, et de rythmer les lignes.
Il estime que les Grecs ont excellé surtout dans
le décor plastique, et les Byzantins, dans la mo-
saïque; les gothiques ont triomphé dans la pein-
ture sur verre et dans les arts du mobilier.
L'auteur ne paraît pas avoir savouré toute la
beauté de l'architecture des cathédrales. Il re-
nonce au surplus à poursuivre l'évolution de la
forme à travers les périodes de la renaissance.
tonnées ; le guillochis et le lacis sont nés des
clôtures entrelacées. Les bordures courantes et
montantes des œuvres textiles ont créé les motifs
de bandes employés jusque dans l'architecture.
Il y a dans les sources primitives les bases de la
logique décorative. Quand on les a oubliées, la
production artistique a décliné ; l'artiste s'est
séparé de l'artisan, et le décor est devenu une
addition sans rapport intime avec l'objet.
La nature des matériaux gouverne surtout la
forme et le dessin, selon que celui-ci est réalisé
Passant à un autre ordre d'idées, il montre
l'infîuence du facteur utilitaire sur les formes
architecturales, picturales et ornementales. La
confection de la natte aux âges primitifs a
enfanté le dessin en damier et les bordures fes-
VolC6 OF ÛXCfJ - CAftR.ARA.
par la sculpture, le modelage, la fonte, la forge, la
broderie.
M. Crâne applique les principes à cet art
si populaire de nos jours, d'un dessin noir sur
blanc, c'est-à-dire l'illustration des imprimés. 11
discute les divers types de mise en page des
livres.
Il s'occupe aussi du milieu ambiant de l'œuvre
d'art, de sa position par rapport à l'œil, à la main,
à la lumière ; des conditions d'exécution du des-
sin, par des procédés rapides ou par des techni-
ques laborieuses et précises, etc.
Des pages bien neuves sont celles qu'il con-
sacre à l'esthétique du livre, caractères, impres-
sion. II est d'avis que les procédés photographi-.
ques d'illustration qui triomphent de nos jours,
Bibliographie.
505
sont funestes en ce qu'ils détruisent l'harmonie
entre l'image et le texte. Il a bien raison, et nous
sommes ici en présence d'une crise venant d'un
progrès scientifique et industriel anormal par son
importance trop subite, pour que l'équilibre et
l'harmonie puissent s'établir entre le moyen et le
but. L'art est débordé par le procédé. Nous som-
mes tentés de comparer cette anomalie à celle qui
s'est produite vers 1S40, quand la métallurgie a
développé ses moyens brutaux sans concert
avec l'art architectonique qu'il a bouleversé. De
même, les procédés héliographiques envahissent
les pagesimprimées avecdes produits merveilleux
en soi, mais dépourvus de style, et sans que le
metteur en page ait le temps de se retourner,
d'adapter des ressources trop riches à l'œuvre
artistique du livre.
Il nous faut encore insister sur l'influence
climatérique et ethnique, si active que les
œuvres d'art racontent éloquemment l'histoire
des peuples disparus. L'éclat de la lumière dans
les pays chauds a le curieux effet d'éteindre
la vivacité des couleurs et d'harmoniser les
teintes heurtées. L'ardeur du soleil du Midi
engendre des ordonnances architecturales aveu-
gles, et les brumes du Nord donnent naissance
à des édifices vraiment aériens. Au point de vue
atavique, l'auteur attribue à ses compatriotes des
facultés d'imagination, dues à leur origine cel-
tique, et des capacités de calcul et d'analyse
provenant des sources teutoniques.
Encore une observation instructive : le dessin
« purement graphique ^ ou naturalistique s'at-
tache aux caractéristiques individuelles, c'est-
à-dire aux différences, tandis que le dessin monu-
mental et décoratif, ou stylisé, recherche et
synthétise des formes types, et met en évidence
les correspondants. Voilà les deux principes qui
se sont toujours disputé le monde des art*;.
Dans les arts les 'plus parfaits, ils se concilient,
avec prédilection pour l'un ou l'autre des deux
principes.
L. Cloquet.
DINANT DANS LA HANSE TEUTONIQUE,
par H. PiRKNXE. — Broch. in 8". Namur, Wesmael,
1904.
On se rappelle une communication qui a fait
sensation au Congrès archéologique de Dinant
en 1903 : c'est celle du professeur Pirenne de
Gand, sur l'histoire de la Dinanderie, cette glo-
rieuse industrie qui fut remémorée par la bril-
lante exposition de Dinanderies. Nous avons
maintenant sous les yeux le discours du savant
professeur, qui a paru sous ce titre : Dinant sohs
la hanse teutonique.
C'est un fait remarquable que seule, dans la
Belgique actuelle, Dinant a fait partie de la Hanse
teutonique. C'est que la petite ville mosane
devint, à partir du XI I^ siècle, le centre le plus
actif de la fabrication des objets de cuivre en
Occident. Elle tirait son minerai des mines de
Goslar, par Cologne, le Rhin et la Meuse. Mais au
milieu du XIII^ siècle, le commerce maritime
ayant augmenté l'attraction des ports flamands,
c'est par la ville de Bruges et son port de Dam-
me qu'arrivèrent les matières premières ; c'est
là aussi que se rendirent les chaudronniers dinan-
tais et de là ils se répandirent à Angleterre. Le
trafic acquit outre Manche une intensité dont
M. Pirenne fournit les preuves authentiques et
curieuses.
Les Dinantais eurent en Angleterre une puis-
sante association de copères, nommée la Compa-
gnie d'Angleterre. "Les marchands wallons avaient
grand intérêt à fréquenter l'Angleterre et a y
transporter leurs produits eux-mêmes, et durent
créer personnellement leur débouché ; ils finirent
par enrapporterl'étaindesCornouailles et d'autres
marchandises. Mais de combien de difficultés ces
opérations n'étaient-elles pas entourées en ces
temps de piraterie, d'insécurité des routes, de con-
flits incessants. L'association était une nécessité
pour eux. Aussi dans le XIL' siècle les Flamands
eurent-ils leur Hanse à Londres ainsi que les Alle-
mands. Les Dinantais, moins nombreux et cepen-
dant obligés de défendre leurs intérêts, trouvèrent
l'appui nécessaire dans la Hanse teutonique. Ré-
putés allemands par les fonctionnaires royaux,
les batteurs tirèrent avantage d'une confusion
qu'ils n'avaient pas créée. Edouard III leur oc-
troya en 1303 les franchises accordées au marché
des Allemands. Après le sac deDinant par Charles
le Téméraire (1466), la batterie, déchue de sa
prospérité, se releva péniblement, mais elle ne
trouva plus dans la Hanse qu'un appui précaire
et des dispositions ombrageuses.
M. Pirenne fournit des détails très précis et
extrêmement intéressants sur l'histoire de cette
industrie artistique, et sur le rôle qu'elle a joué
dans le monde commercial.
L. C.
LE CHRIST DE LA « LÉGENDE DORÉE >,
par l'abbé J.-C. Broussolle. In-8° de 484 pp.
Paris, rue Bayard, 5. Prix : 5 francs (').
Nos lecteurs connaissent le texte de la Légende
Dorée, l'œuvre d'un célèbre archevêque italien du
XI I« siècle, Jacques de Voragine, commentant,
I. Relié toile, 8 francs; relié avec luxe, tranches dorées, lo francs ;
port o fr. 60 en gare, o fr. 85 à domicile.
5o6
3Rt\)ue ÏJC rSvt cljrctien.
d'après les textes et monuments anciens, les
grandes fêtes de l'année liturgique.
De ce vaste cycle de récits poétiques, M. l'abbé
Broussolle a extrait, puis traduit les passages qui
se rapportent au Christ.
L'ouvraçe comporte dix chapitres traitant de
la Nativité, de la Circoncision, de l'Epiphanie,
des Saints Innocents, de l'Entrée à Jérusalem,
de la Cène, de la Passion, de la Croix, de la
Résurrection et de l'Ascension.
Plus de 400 gravures, reproductions des plus
célèbres tableaux, miniatures, mosaïques et sculp-
tures illustrent le commentaire iconographique
qui complète chacune des parties du récit de
Jacques de Voragine.
Ce livre intéressant et instructif présente la vie
de Notre-Seigneur sous un jour nouveau. Il est
fait pour satisfaire pleinement la piété des lec-
teurs et la curiosité des amis de l'art religieux.
BULLETIN MONUMENTAL, n. 3, 1904.
Les Légendes s'en vont et les grands mots
perdent leur sens. Cela allait si bien, de rappeler
un mot de V. Hugo, en parlant du vaste perron
de N.-D. de Paris, «; qu'a dévoré degré par degré,
la marée montante des siècles»! — M. Morlet,
l'érudit si expert à remettre au point des rensei-
gnements archéologiques trop vagues ou erronés,
nous apprend que cette marée n'a rien dévoré
du tout, que la porte de Notre-Dame fut de tout
temps au niveau du seuil des grands portails ;nn
escalier a bien existé, mais c'était du côté du
logis épiscopal.
M. Lefebvre-Pontalis nous donne une mono-
graphie très détaillée et très instructive, comme
il en sait faire, de Saint-Evremond de Creil ; il
l'intitule : Notice nécrologique ; c'est qu'en effet le
monument qu'il décrit n'existe plus ; mais quand
il était encore debout, il l'a étudié, dessiné, pho-
tographié et, grâce à lui, cet édifice reste parmi
les types de la genèse gothique comme un pré-
cieux terme de comparaison.
M. l'abbé J. Clément donne un relevé d'épita-
phes sacerdotales conservées à l'église paroissiale
de Chareil-Cintrat. Il s'a£;it d'une lame funéraire
verticale ( Au voye) du milieu de XVI' siècle.On y
voit deux prêtres en habits sacerdotaux couchés
sous un missel et un calice ; un troisième est repré-
senté à genoux sur un prie-Dieu, en présence du
S. -Sacrement.
Notre collaborateur M. Lenoir fournit une
étude détaillée de la cathédrale de Lescar, que
M. Gausse a jadis fait connaître, à nos lecteurs.
L. C.
THE CRAFTSMAN (')•
Livraison de septembre 1904. M. G. Wharton
James continue la série des articles consacrés
' aux premières missions catholiques du Far West.
! Il nous montre l'influence des constructions de
ces pionniers de la civilisation sur l'architecture
moderne de la Californie. Vers le milieu du
XVI II<^ siècle les Pères Franciscains espagnols
convertirent à la vraie foi les peuplades qui habi-
taient les côtes du Pacifique et développèrent
rapidement parmi eux l'art de bâtir.
C'est dans l'architecture originale des bâti-
ments de ces missions que les constructeurs du
pays de l'or vont puiser leurs inspirations pour
continuer le « Mission Style », style qui rappelle
la renaissance espagnole avec ses toits plats en
tuiles rouges, ses tourelles surmontées de dômes
mauresques, ses galeries à arcades empruntées
directement aux cloîtres franciscains et ses
pignons à gradins ou à rampants, souvenirs de
la Renaissance flamande.
En passant, l'auteur reproduit les demeures
des Indiens primitifs. Puis, dans un langage
enthousiaste, il raconte comment les mission-
naires ayant à leur tête le Père Serra inculquèrent
à ces sauvages les principes de la civilisation
occidentale ; au bout d'un petit nombre d'années
plus de trente mille Indiens convertis vivaient
paisiblement sous la direction spirituelle des
Pères, gardant les troupeaux et cultivant la terre,
tandis que, grand nombre parmi eux, devinrent
d'habiles artisans. Ce fut un crime du Gouver-
nement américain, de soustraire à la tutelle de
ses bienfaiteurs ce peuple fraîchement arraché
à la barbarie, pour l'exposer à l'exploitation
des chercheurs d'or. L'alcool aidant les Indiens
retournèrent vite à leur état sauvage : redevenus
insoumis, ils furent bientôt décimés par une
guerre d'extermination. Ce fut la ruine des
missions.
M. Wharton passe en revue, aidé par une abon-
dante illustration, toutes les parties intéressantes
des constructions dues aux missions, ainsi que
le mobilier qui les décorait jadis.
E. C.
I. The Craftsnian building-Syracuse. New-\'ork, 3 dol. par an.
Btbliograpl)te.
507
«
Xntitv bibliographique.
;HrcDrologie ttmtn[iv<:^vts'\
=— = jPiaiicc. =^==^=
Babeau (A.). • — 1,es Etudes archéologiques
DANS I.E DÉTARTEMENT DE L'AuBE DEPUIS CINQUANTE
ANS. — In-S", 75 pp., Caen, Delesque, 1904.
Blanchet (A.). — Marques de tacherons et
MARQUES D'Ari'AREiLLAGE. (Extr. du Bull. Monitmen-
tal, 1904.)
* Broussolle (L'abbé J.-C). — Le Christ de
LA <( LÉGENDE DORÉE ». — In-8°, 484 pp. Paris,
rue Bayard, 5. Prix : 5 fr.
Bouillet (Abbé). — L'églisf. de Montreuil-
.sous-Bois. — In-8°. (Extr. du Bull, monumental),
Caen, 1904
Bourcard (G.). — A travers cinq siècles de
GRAVURES (1350- 1993). — Un vol. grand in-S",
L-638 pp., avec I grav. Paris, Georges Rappilly, 1903.
Bourdeau (Louis). — Histoire de l'Haiîille-
MKNT ET DE LA Parure. (Bibliothèque scientifique
internationale. — Un vol. in-S", 302 pp. Paris, Félix
Aican, éditeur.
* Cabrol (D"^ F.) — Dictionnaire d'archéo-
logie chrétienne et de liturgie. — Fasc. V.
Paris, Letouzey, 1904.
Croix et candélabres des églises et du musée
DE Reims. — In-S", Paris, 1902.
Deux statuettes en bois: saint Pierre et saint
Paul. (Extr. du Bull, de la Soc. polymathique du Mor-
bihan.') — In-8°, Vannes, 1903.
Dumnuys (I..). — Note sur une enseigne de
piclerinagic du XIII' siècle a l'effigie de N.-D.
DE DÉOLS, PRÈS Chateauroux (Indre). — In-8°,
Orléans, 1904.
Durrieu (P.). — Les manuscrits a peintures
DE L.\ l'.IULIOTHÈQUE INCENDIÉE DE TURIN (Z«
chronique des arts, n°^ 7 et S, 1 904).
Gavelle (E.) — Le maître de Flémalle et
qu.\tre portraits lillois. — Broch. Lille, Leftb-
vre-Ducrocq, 1904.
Jobard (P.). — Excursions archéologiques
dans la Côte d'Or. — i'^ série, i à 25, 1898-1903.
Dijon, 1904.
Juglar (I..). — La peinture dite des primitifs.
— Broch. Dodivers, Besançon, 1904.
I. 1*3 ouvrages marqués d'un astérisque (*) ont été, sont ou
seront l'objet d'un article bibliographique dans la A'^vtf^.
Lafenestre (G.). — L'exposition des primitifs
français. — In-8° Jésus, 80 grav., 20 pi. Édition
Gazette des Beaux-Arts, Paris, 20 fr.
* Lasteyrie (L. de). — Fondation d'Eugène
Piot, t. VIII. — Etudes sur la sculpture fran-
çaise au moyen AGE — Gr. in-4'', 140 pp. et 22 hélio-
typogr. Paris, Leroux, 1902.
Le retable de Han-sur-Meuse (XIV siècle).
(Extr. de la Revue historique ardennaise.) — In-8»,
Paris, 1903.
Les églises paroissiales de Paris. Monogra-
phies illustrées. Saint-Germain-des-Prés et
Notre-Dame-des- Victoires, livr. 14 et 15. — In-S",
Paris, 1904.
Le vitrail de Puiseux et autres anciens vi-
traux des églises du département des Ardennes.
DÔLE ET Jura. (Extr. de la Revue historiqjie ardeti-
naise). — In-8°, 1900.
L'hôpital Saint-Marcoul de Reims (1645-1709).
Notes et documents pour servir a son histoire
ET a sa dkscription. Extr. du tome CXI des Trav.
de l'Académie de Reims. — Reims, 1902.
Loisne (comte de). — Les miniatures du car-
tulaire de Marchiennes. (Exlr. du Bull, archéol.,
1903.) — In-8°, Paris, 1904.
Morel (Abbé). — Cartulaire de l'abbave de
Saint-Corneille de Compiègne, publié pour ta
société historique de Compiègne. Tome i'"' (877-
12 16). — In-4°, Champion, 25 fr.
Morillot (chanoine). — Un pendant a la sta
tue funéraire d'Antoinette de Fontette. — In*
8°, Dijon, 1904.
■* Poëte (Marcel). — Les Primitifs parisiens-
Étude SUR LA peinture ET LA MINIATURE A PaRIS
DU XIV'= SIÈCLE A LA RENAISSANCE. — Paris, Honoré
Champion, 1904.
Régnier (L.). — L'église de Sainte-Marie-aux-
Anglais. (Extr. an Bull, monumental, 1903) — In-8°,
Calvados, Caen, 1903.
* Rohault de Fleury (G.). — Gallia domi-
NiCAN.A.. Les COUVENTS de St Dominique au moyen
AGE. — 2 vol. in-4°, ornés de grand nombre de
planches. Paris, Lethielleux.
Toutain (J). — Archéologie religieuse de la
Crète ancienne. (Extr. de la Revue de l'histoire des
religions, t. XLVIII.) — In-8», Paris, 1904.
Une peinture murale du XIIP siècle a la ca-
thédrale de Reims. (Extr. du Bull, archéologique).
— In-8°, Paris, 1901.
Allemagne.
Baraize (E). — Plan des nécropoles thébaines.
— Leipzig, Karl W. Hiersemann, 1904. Mk. 5.60.
5o8
IRebue lie l'^rt cbvctien.
Bissing (F. W. von). — Fayencegefaesse. —
Wien- Leipzig, Hiersemann, 1902. (Bd. VI.) Mk. 20.
Le même. — Metallgefaesse. — Mit vielen
Textillustrationen und 3 Tafeln. Folio. Wien, 1901.
Ed. IL) Mk. 16.60.
Clarke (Jos. T.), Bagon (Fr. H), et Kolde-
wey (Rob.). — Investigations at Assos. — Leipzig,
Hiersemann, 1902. Mk. 21.
Crum (W. E.). — Coptic Monijments, — 160 S.
Text mit 57 Lirhtdnicktafeln. Folio. Le Caire, Leipzig,
Hiersemann, 1902. Mk. 56.
Damricli (J.). — Ein Kunstlerdreiblatt des
XIII Jahrh. aus Kloster Scheyern. — In-8°, 89
pp., 22 fig., II pi. Strasbourg, Heitz, 1904.
Daressy (G.). — Fouilles de la Vallkk des
Rois (189S-1899). — Tombes de Maherpra, Améno-
phis II, 168 S. Text und 57 Lichtdruckfafeln Folio,
2 Teile. I^e Caire, Leipzig, Hiersemann, 1902.
(Bd. HT.) Mk. 57.60.
Le même, — Textes et dessins magiques. —
Mit 13 Tafeln. Folio. Le Caire, Leipzig, Hiersemann,
1903. (Bd. IX.) Mk. 14.60.
Le même. — Ostraca. — 115 S. Text mit 67
Lichtdruckfafeln. Folio. Leipzig, Hiersemann, 1901.
(Bd. I des Kataloges.) Mk. 46.
Di Cesnola (L). — A descriptive Atlas of
THE Cesnola collection of Cypriote antiquities
in THE METROPOLITAN MUSEUM OF ART, NeW-YorK.
— 3 starke Bande mit ca. 450 teils farbigen Tafeln.
Folio. New- York, Boston, 1885. Leipzig, Hiersemann,
1904.
Edgar (C.-C). — Greek Moulds. — Mit 33
Lichtdrucktafeln. Folio. Le Caire-Leipzig, Hierse-
mann, 1903. (Bd. VIII.) Mk. 19 So.
Le même. — Greek Sculpture. — XVI. 83 S.
32 Lichtdnicktafe'n. Folio. Le Caire-Leipzig, Hierse-
mann, 1904. (Bd. XIII, ) Mk. 32.40.
Grai; und Denksteine des mittleren Reichs. I.
— Mit Textillustr. P'olio. Berlin-Leipzig, Hiersemann,
1902. (Bd. V.) Mk. 45.60.
Grab- und Denksteine des mittleren Reichs.
V. — Mit 119 Tafeln. Folio. Berlin-Leipzig, Hierse-
mann, 1902. (Bd. VIL) Mk. 62.60.
Grenfell (B -P.) et Hunt (A.-S.). — Greek Pa-
pvri. — Folio. Oxford-Leipzig, Hiersemann, 1903.
(Bd. X.) Mk. 14.60.
Lacau (Pierre).
nouvel empire. —
Le Caire- Leipzig,
Mk. 44.40.
— Sarcophages antérieurs au
Fasc. I. Mit 29 Tafeln. Folio.
Hiersemann, 1903. (Bd. XI.)
Le même. — Catalogue général des Antiqui-
tés. Sarcophages antérieurs au Nouvel Empire.
— Fasc. II. Mit 28 Tafeln und vielen Textabbil-
dungen. Folio. Leipzig, Hiersemann. M. 28.80.
PoUak (Ludwig). — Klassisch-antike Gold
schmiedearbeiten im Besitze Sr. Exc A. J. von
Nelidow, Kaiserlich Russ. Botschafters in Rom.
— 25 Bogen Text in gr.-4" auf Biittenjiapier, 20 Tafeln
in Farbendruck und 38 Textillustrationen und Vignet-
ten. Nur in 200 nunimerierten Exemplaren in Handel.
In elegantem Leinwandband mit Lederrii^ken. Leip-
zig, Hiersemann, 1903, Mk. 80.
Strygowski (J.). — Koptische Kunsi'. — 362
S. mit 40 Tafeln und vielen Textabbildungen. Folio.
Leipzig, Hiersemann, 1904. (Bd. XII.) Mk. 64.20.
Sachs (C). — Das Tapernakelm. Andrea's del
Verrocchio Tho.mascruppe an or San Michèle zu
Florenz. — Leipzig, Blumengasse, 2. Hinrichs. Mk 3.
Singer (H. W.). — Der Kupferstich. — Leip-
zig, Blumengasse, 2. Hinrichs. Kart. 4 — u. 5.
VVerke alter Meistër. — 100 Reproduktionen
nach Originalen d. kg!. Gemiilde-Galerie, Dresden.
(Prachtausg.). Leipzig, Blumengasse, 2. Hinrichs,
Mk. 4.50.
:= Angleterre. =
* Crâne (Walter). — The Baden of Design. —
In-i2, illustré de 372 pp. Londres, Bell, 1902.
Pétrie (F.). — Methods and aims of archaeo-
logv. — In-8°, 208 pp. Londres, Macmiilan, 1904.
Romilly Alln (Hon. F. A. Schot.) et Anderson
(J.) Indes. — The Early Christian Monuments
OF Schotland. — (Édit. de la Sodété des Antiquaires
d'Ecosse).
Thompson (H. Y.). — Facsimiles of two
« histoires » BY Jean Foucquet fkom vols, i and
II of THE IL Anciennetés des juifs ». — In-fol.,
Londres (privately printed), 1903.
:jtaUe.
Zeiller (J.) — Les églises a-ntciennes de Rome,
A l'époque de la domination gothique. — In 8",
Rome, 1904. (Extrait des Mélanges d'archéologie et
d'histoire publiés par l'École Française, t. XXIV.)
IRiiesIc.
L'aiskhasie (Caucase) et le monastère du
Nouvel Atlas. — In-4°, Moscou, 1899.
— = OBtats^Qnis D'^imérique. =— =
Butler (H.-C.) — Architeciuke anu other
ARTS. — 600 illustr. en photo., 433 pp. New- York,
1904. 20 dollars.
Btblîograpftie»
509
Waldstein (Ch.). — The Argive Heraeum. —
In 2 large quarto volumes, with nearly 500 illustrations
including about 75 fuil page plates. New-York,
Boston, 1902.
'15elgifiucdi5olianî)e.
Bergmans (P.) et Heins (A). — Gand, prome-
nades l'iTTORESQUES. — (Édité sous les auspices de
l'Administration communale de Gand.) — In- 12,
36 pp. grav. et plan, 1904.
Bernier. — Monographie de Saint Gilles-lez-
Bruxeli.es. — In-S", 411 pp., fig., grav. poit. 3 fr.
Bruxelles, P. U'eissenbruch, 1904.
de Loo. — L'exposition des « primitifs fran-
çais » AU point de vue de l'influence des frères
Van Evck sur la peinture française et proven-
çale. — In-8°, 52 pp. G. Van Oest et C'*, Bruxelles,
1904. 2 fr. 50.
* Destrée (J.). — Musées royaux des Arts
décoratifs et industriels de Bruxelles. Cata-
logue DES ivoires, des objets en nacre, en os
et en cire peinte — In-S" illustré, 130 pp. Bru-
xelles, Bruylant, 1902.
Le même. — Notes sur les primitifs ita-
liens. Sur quelques peintres de Sienne. — In- 8'=',
132 pp , avec 8 eaux fortes, 12 photogr. hors texte.
Bruxelles, Dietrich ; Florence, Alinari, 1903. 15 fr.
Fonts p.aptis.maux de I.ubbeck, de Lilleiîek, de
LixHE, DE LusTRiN. — V. Bull. de la Comiii. d'arl et
d'archéologie, 1903, n"^ 9-16, 240 pp
Inventaire archéologique de Gand, fascicule
XXXV. — In-8", Heins, Gand, 1904.
La Meuse et ses affluents. De Na.mur a Givet.
j — Un volume in-i8, 125 pp., 80 ill. Bruxelles, Vro-
mant et C'=. r fr. 25.
Nieuwbarn (M. C). — Sint Dominicus in de
KUNST. Ikonographische studien der Voorstel-
LINGEN VAN DEN H. Do.M NICUS IN DE EEELDENDE
KUNST. — (28 lichldrukken met tekst. Nijmegen,
L. C. G. Malmberg. FI. 1950.
* Paternotte (R.). — Cambron-Casteau. —
In-8°, 88 pp., illustré, chez l'auteur à Cambron-
Casteau, 1904.
Pholien (F.). — La céramique au pays de Liège,
étude rétrospective, nomb. reprod. — In-8°, 200 pp.
Bénard, Liège, 1904.
* Pirenne (H.). — Dînant dans la hanse
teutonique. — Broch. in-8". Namur, Westmael, 1904.
Pit (A.). — La sculpture hollandaise au mu-
sée d'Amsterdam. — Van Rykom, Amsterdam, 1904.
30 fl.
Ruhl (G.). — Coup d'œil archéologique sur la
VILLE DE Visé. — Brochure, Liège, Corraaux, 1903.
Le même. — Anciennes fortifications de Co-
logne. — Brochure, Liège, Poncelet, 1S9S.
Le même. — Anciens ouvrages f rtifiés de
LA Belgique. — Brochure. Liège, La Meuse, 1903.
Le même. — Quelques mots sur l'ancienne
église de St-Remacle. — Brochure, Liège, Ponce
let, 1883.
Le même. — La cathédrale de St-Lambert a
Liège. — Brochure, Liège, Cormaux, 1904.
È ^tT
fi.'>.^^^'^^j
:-^ .^>^ ^ ^ :^ :V:!^ ^^. ^. ^. '^ ^ ^^. ^. ^ ^^ii^jj^^ii^i!^ '^^ ^ ^ ^ ^^k^
Cl)rOnt(lUC. sommaire: ir CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'ENSEIGNE-
MENT DU DESSIN A BERNE, 1904. — LIÈGE ; Les fonts attribués à Lambert
Patras. — MONUMENTS ANCIENS ; Avignon ; Nevers ; Mont Saint-Michel ; Bruxelles ;
Bruges. — NOUVELLES. — LES CATACOMBES DE ROME. etc.
^wwwwww^w^^^wwwwww^wwwwwwwwww
ÏI^ Congres intccnarionaï De rcnsci^
gncment Du Dessin à Berne, 1904.
E deuxième Congrès international de
l'en.seignement du dessin s'est tenu à
Berne, du 2 au 6 août derniers.
Tous les États européens, les Etats-
Unis et le Japon y étaient représentés officielle-
ment.
Parmi les nombreuses communications faites
par les rapporteurs officiels ou particuliers, nous
en voyons deux à signaler.
La première de ces communications a été lue
par le Fr. Mares, inspecteur des Écoles de Saint-
Luc de Belgique, qui a présenté au Congrès un
exposé de l'organisation de ces écoles.
Sous le nom à' École des métiers d'art, la pre-
mière a été fondée en 1862, à Gand, grâce aux
subventions de quatre personnalités de l'aristo-
cratie belge, I\1M. le baron Bethune. le comte
d'Hemptinne, Florimond Dullaert et Florimond
Van de Poêle ('). Le frère Mares, de l'Institut des
Frères des écoles chrétiennes, fut chargé de l'éla-
boration des programmes.
Les écoles de Saint-Luc sont des écoles d'en-
seignement professionnel dont les cours ont lieu
le soir ; les jeunes gens y sont admis depuis l'âge
de douze ans. La durée de l'enseignement est de
dix années ; pendant les deux premières années,
les élèves suivent des cours élémentaires, et pen-
dant les huit années suivantes, des cours profes-
sionnels. Chaque année d'étude est terminée par
des examens et des concours ; ces examens et
ces concours sont passés devant un jury composé
de membres pris hors du personnel de l'école ; il
est décerné un prix pour chaque année d'étude
et un grand prix à la fin de la dixième année.
Les programmes ont relégué au second plan
l'étude dessinée des formes pour donner la pre-
mière place à l'étude des matériaux et de l'outil-
lage propre à chaque métier, étude qui est com-
plétée par des exercices manuels. Ils considèrent,
i.Noiis regrettons que cet important rapport ne définisse pas d'une
manière plus précise le rAle des créateurs de l'œnvre de Saint-Luc.
— Certes le vénérable comte J. de Hemptinne, dont la munificence
a tant contribué k la fondation et au soutien de l'œuvre, ne voudrait
pas revcndi(juer l'initiative artisticjue de cette belle entreprise, due
en premier ordre à son ami, 1<; maître immortel Je.tn Bethune, dont
FI. Van de Pocle fut un modeste collaborateur. Quant à frère Mares
nous dirons, nous, ce qu'il n'.i pas voulu dire, (pi'il fut, non seule-
ment l'élaborateur si entendu des profjrammes. mais l'organisateur
et le soutien, la colonne de l'œuvre, durant plus d'un quart de
siècle.
en effet, justement, à notre avis, que la forme doit
être le résultat de l'étude de la matière et du
procédé de travail plutôt que celui d'une inspi-
ration empruntée à la plastique des monuments
anciens.
Le cours élémentaire ne comporte qu'une seule
section par laquelle tous les élèves doivent pas-
ser, tandis que les cours professionnels sont
groupés en deux sections : la section « du bâti-
ment » et la section « des travaux décoratifs ».
Dans la «section du bâtiment », les élèves,
pendant les trois années, se consacrent à l'étude
des matériaux et de l'outillage, puis, pendant
quatre années, par des essais de composition et
d'arrangement, ils s'exercent à inventer ; arrivés
enfin en dixième année, ils sont répartis en trois
classes, où ils vont commencer à se spécialiser.
La première de ces classes comprend les archi-
tectes, les entrepreneurs, les surveillants de tra-
vaux et les tailleurs de pierre ; la seconde, les
ouvriers du bois ; la troisième, les ouvriers du
métal.
De même, dans la section « des travaux déco-
ratifs»,les élèves s'exercent, pendant trois années,
au tracé géométrique, à l'étude de la plante et à
celle des formes ornementales ; puis, pendant
quatre années, ils se livrent à des essais de com-
position. La dernière année les classe, alors, en
deux groupes ; le premier groupe est celui des
ouvriers du travail sur surface plane (peinture,
dentelles, émaux, etc.) ; le deuxième, celui des
ouvriers du travail en relief (sculpture sur bois,
orfèvrerie, etc.). Pendant cette dernière année,
dans la section « des travaux décoratifs » comme
dans la section « du bâtiment », les élèves peu-
vent, suivant leurs dispositions ou leur situation
sociale, se préparer plus spécialement au rôle
de patron ou à celui d'ouvrier.
Ce qui caractérise cette école au point de vue
social, c'est que, les cours y étant faits le soir, les
élèves les suivent en même temps qu'ils prati-
quent leur profession, en ville, dans des ateliers
patronaux, et que, par conséquent, l'école n'est
plus placée en dehors de la vie industrielle, mais
prend bien part à celle-ci. Si l'on considère, en
outre, que les patrons de ces élèves sont, eux
aussi, souvent, d'anciens élèves des écoles Saint-
Luc, on peut supposer que l'enseignement de
l'école et l'apprentissage dans les ateliers forment
un ensemble absolument favorable et parfaite-
ment uni.
Cl)romque,
511
L'influence sociale des écoles Saint-Luc s'étend
sans doute au delà des limites du domaine de
l'instruction. Les professeurs prennent part aux
affaires de leurs élèves en les i^nidant de leurs
conseils et de leurs relations ('). La première
école des métiers d'art de Gand a essaimé en
Belgique de nombreuses filiales, notamment à
Bruxelles, à Tournai et à I^iége ; à Lille, il y en
avait une qui a probablement disparu depuis
l'application de la loi sur les congrégations.
La seconde communication a eu pour objet
l'exposé des programmes et de la pédagogie de
l'enseignement de l'architecture, au seul point de
vue « plastique », dans une école libre de Paris,
l'École du bâtiment.
Cette école a été créée sous le patronage de
MM. J.-J. PiUet et G. Scellier de Gisors, par
MM. J.-P. Guichard et Robert Lesage. Son but
est d'offrir aux étudiants, après les études du ly-
cée, où ils sont habitués à être dirigés d'une façon
constante, un enseignement méthodique de l'ar-
chitecture, suivant des programmes et une péda-
gogie bien déterminés, et, aussi, d'appliquer le
régime de la régularité et de la discipline au
travail de jeunes gens qui ne sont pas préparés
au régime d'absolue indépendance, si justement
en honneur dans les ateliers, mais seulement
convenable au public particulier qui les fréquente,
c'est-à-dire à des hommes faits et à des artistes ;
en outre, par les tendances de l'enseignement, et
tout en donnant la plus grande importance à
l'éducation artistique, elle veut préparer à la
profession, dès le début même de leurs études,
ceux de ses élèves qui sont aspirants à l'école des
beaux-arts, ou qui, y étant reçus, en suivent
régulièrement les cours.
La partie artistique des programmes de l'École
du bâtiment embrasse des cours de graphique
(modelage, dessin d'après le plâtre, tracé des
ombres, tracé perspectif, tracé technique) et des
cours d'architecture (étude analytique des formes
et des éléments architectoniques, étude de la
répartition de ces formes et de ces éléments ou
composition).
Ce qui caractérise ces programmes, c'est qu'ils
sont rationalistes et gradués ; ils sont rationa-
listes, parce que la forme plastique y est présen-
tée comme l'expression de la structure des orga-
nes et de leur rôle dans l'édifice ; ils sont gradués
parce qu'ils procèdent du simple au complexe,
I. Voici quelques indications données par le rapporteur sur «réta-
blissement * des anciens élèves de l'école -Saint-Luc : g directeurs
d'écoles industrielles. 41 professeurs, 3 chargés de cours, 15 archi-
tectes titrés, 25 fonctionnaires, 48 patrons ayant atelier, 34 sculp-
eurs ayant atelier, 61 architectes établis, 27 experts, 62 entrepre-
neurs, 19 patrons maîtres d'œuvre, 37 dessinateurs d'industrie, etc.
non seulement dans les essais de composition,
mais aussi dans les études analytiques des formes.
L'élément architectonique est étudié sur nature ;
il est modelé avant d'être dessiné : le relevé géo-
métral est seulement la dernière opération.
L'application de ces programmes est assurée
par une pédagogie rigoureuse. Les principes de
cette pédagogie sont caractérisés par la discipline
imposée aux élèves dans leurs travaux d'appli-
cation et par la critique de ces travaux.
Les travaux d'application, ou petites études de
composition, sont exécutés en une semaine, sur
programmes argumentes, et comme suite à une
leçon documentaire dont un résumé autographié
est remis aux élèves. Ceux-ci mettent ainsi im-
médiatement en pratique les connaissances qu'ils
viennent d'acquérir.
La critique des travaux est faite sur un plan
d'analyse précis et invariable. En ce qui concerne
les études d'architecture, ce plan considère sous
les quatre titres graphique, plastique, expression
du programme, expression de la construction, les
qualités générales que doivent présenter des tra-
vaux de cette nature : dessin, concordance, modé-
nature, unité de style, franchise de composition,
appropriation de la forme à la matière, appro-
priation du parti de composition au mode de
construction et à la destination, etc., etc. Pour
les travaux graphiques, ce plan d'analyse se
trouve réduit à \a. présentation, la mise en place des
contoJirs, la mise en place des ombres et la mise en
valeur.
La critique ainsi comprise doit avoir pour ré-
sultat de développer la conscience des élèves, qui
arrivent à disséquer eux-mêmes leurs propres
travaux et, par conséquent, à savoir se critiquer
et se corriger.
L'enseignement étant « individuel », le profes-
seur peut modifier sa pédagogie suivant le tem-
pérament de son disciple et les opportunités : il
peut même, quand les circonstances l'exigent,
adre-iser par la poste des leçons autographiées à
un étudiant retenu en province, au sein de sa
famille, et diriger de loin ses études.
En résumé, l'enseignement de l'architecture
n'a été représenté au deuxième Congrès de
l'enseignement du dessin que par les deux com-
mimications que nous venons de relater : les dé-
légués officiels n'ayant reçu sur cette question
aucune réponse, elles n'ont donné lieu à aucun
vœu et ont été peu discutées. Ceci est regrettable,
car, si l'enseignement supérieur de l'architecture
est parfaitement organisé au point de vue artis-
tique à l'école nationale des beaux-arts, l'ensei-
gnement professionnel n'existe pour ainsi dire
5î2
3Rrbue lie V^xt cbvctten.
pas en France. Il y aurait, à notre avis, à faire,
dans le domaine de l'enseignement des arts du
bâtiment, des progrès analogues à ceux qui ont
été faits dans le domaine de l'industrie, grâce à
nos écoles professionnelles. L'initiative représen-
tée par la communication de M. de Pauw était,
à ce point de vue, extrêmement intéressante, et
elle aurait mérité d'être étudiée par des hommes
compétents et autorisés.
R. L.
(Extrait de L Arcliitectiive}f
Iiicgc. Iccs fonts De Iiambcrt fiatras.
jL a déjà été question dans nos colonnes
des contestations qui se sont élevées
sur le nom de l'auteur des fonts bap-
tismaux de l'église St-Bartliélemy de
Liège, attribués par un chroniqueur liégeois du
XIV« siècle à Lambert Fatras de Dinant.
Depuis que cette attribution a été contestée,
ainsi que nous l'avons fait savoir, une polémique,
sinon vive du moins assez savante, s'est engagée
entre archéologues belges. Parmi ceux-ci M. Jo-
seph Demarteau, qui, pour être vaillant journa-
liste, n'est pas moins un érudit très compétent en
ce qui concerne l'histoire de son pays, expose
dans une Chronique de la Gazette de Liège, les
termes du débat d'une manière si savante et si
précise, que nos lecteurs en suivront sans doute
les développements avec intérêt.
Le monument artistique ie plus antique, venu jusqu'à
nous, de notre dinanderie, ce sont les célèbres fonts
baptismaux qui, jadis appartenance de la plus vieille pa-
roisse de Liège, Notre-Dame-aux-P"onts, sont aujourd'hui
conserve's à Saint-Barthélémy, dans la chapelle à droite
du chœur de cette église.
Il suffit pour les connaître, étranger, d'avoir visité
Liège ; ami de l'art, d'avoir ouvert n'importe quelle
histoire de cet art au moyen âge. A leur haute valeur de
souvenir incomparable du passé, ils joignent, pour nous
Liégeois, le mérite d'avoir, des débuts du XII'' siècle à
la fin du XV'III'', servi à faire chrétiens le plus grand
nombre de nos ancêtres.
Le croirait-on cependant ? Aujourd'hui c'est la discorde
qui jaillit à flots du pacifique baptistère : autour de lui
les archéologues se partagent en deux camps.
On ne discute, sans doute, ni sa haute valeur esthé-
tique, ni l'époque de sa confection, ni la personnalité de
celui qui le fit faire, mais bien le nom de l'artiste à qui
revient l'honneur de l'exécution de cette (euvre, et le
point de savoir, si elle s'offre à nous telle qu'elle est sortie
des mains de cet artiste.
Pour en juger, allons aux textes. Un prêtre zélé, llelin,
abbé de l'église, curé de la paroisse de Notre-Dame-
aux-Fonts, de l'an 1007 peut-être, au plus tard de l'an 1 1 1 1
à l'an II 18, mourut le 7 novembre 1 1 18, A ce propos, un
contemporain, son collègue au chapitre de St-Lambert,
nous fait en latin, dans une Chronique rimée, connaître
cette donation et nous donne l'exacte description de ces
fonts :
Helin, nous dit ce poème, < fit des fonts baptismaux,
de métal fusible, fondus avec un art presque icomparable.
Les douze bœufs qui soutiennent ces fonts, portent le
symbole de la grâce. Les sujets (représentés) signifient
la faveur mystérieuse conférée dans le baptistèe. Ici Jean
baptise le Seigneur ; ici, Pierre, le païen Corneille ; —
le philosophe Craton est baptisé — le peuple afflue autour
de Jean.
« Le couvercle de ces fonts nous offre en relief apôtres
et prophètes. Celui qui a fait cela, a fait aussi une œuvre
qui rendra sa mémoire immortelle : un hôpital, etc. 5>
Ainsi dit le poète annaliste. On a perdu, — nul ne sait
depuis combien d'années, — ce couvercle qui représentait
des apôtres et des prophètes. Mais la cuve même reste
telle aujourd'hui que la décrivait le poète de 11 18 : on y
voit en relief le baptême symbolique des juifs d'abord, et
celui du Christ ensuite par saint Jean-Baptiste : celui du
païen Corneille, par saint Pierre, enfin celui du philosophe
converti à Éphèse, Craton, par l'apôtre saint Jean. Au lieu
de douze bœufs toutefois, dix seulement soutiennent la
cuve baptismale.
Le chiffre de ces bœufs est un premier sujet de discus-
sion : j'y reviendrai. Ce qu'on discute plus encore et tout
d'abord, c'est le nom de l'auteur. Le poète de 11 18 n'a pas
songé à nous le conserver dans sa notice nécrologique :
il ne songeait à louer que le donateur défunt. Est-ce
Lambert Patras de Dinant ? N'est-ce pas plutôt Renier,
de Huy.' Le plus puissant de nos historiens, M. Kurth,
et un conservateur de musée des plus experts, M. Destrée,
se prononcent nettement pour Renier et pour l'origine
hutoise. Jusqu'à leur intervention, on tenait, malgré de
légers doutes, l'œuvre pour dinantaise et venue de Lam-
bert Patras. A qui croire?
Nul témoignage contemporain, ni rapproché du XII'
siècle, n'est là pour nous imposer une conviction.
Pendant tout près de trois cents années, jusqu'à la fin du
XIV^' siècle, — comme on le voit encore parla Chronique
de Mathias de Lewis, en 13S9, nos historiens ne nomment,
à propos de ces fonts, que le donateur, Helin : aucun n'en
cite le fondeur.
Arrive enfin le plus fécond, mais hélas ! l'un des moins
scrupuleux de nos chroniqueurs : Jean d'Outremeuse, né en
1338 et mort le 25 novembre de l'an 1400. Il avait rimé, en
sa jeunesse, une longue Chronique de Liège ; il la revisa
au tard en la mettant en prose ; cette refonte, commencée
à partir de 1395, est connue sous le nom de J/yn-ur là'S
histoires. Dans ses vers, il raconte à sa façon, la fabrica-
tion des fonts en cause, sans désigner le fondeur ; c'est
dans sa prose que, pour la première fois, nous est révélé
le nom de Lambert Patras !
Jean raconte donc que les Liégeois ont pris part à un
siège de Milan qu'il place en 11 12 — alors qu'en réalité,
un siège de cette ville, avec participation liégeoise, ne
devait se produire que cinquante ans plus tard. Jean
expose qu'ils reçurent large part du butin :
« L'évêque, poursuit-il, fit apporter à Liège maintes
belles reliques et maints beaux joyaux que le roi lui avait
donnés, entre lesquels il y eut iiiiii^t-hi/ii bêtes de métal,
d'un demi-pied de long, telles que cerfs, bœufs, vaches,
porcs, braques, limiers : il les fit voiturerà Liège. De quoi
l'évêque fit don à Mgr Helin, fils du duc de Souabe,
prévôt de Saint-Lambert, archidiacre de Liège et abbé
séculier de Notre-Dameaux Fonts, à Liège.
> Celui-ci les voulut joueirij) à l'évêque, et l'évêque lui
en donna une charge (somme). Puis Helin, le prévôt, a
mandé un soudeur de la ville de Dinant, qui était bon
ouvrier, et qui avait nom : Lambert Patras, le batteur >.
« Celui-ci {■x\K geteir ffondre) un bassin d'un gouffe de
métal épais, de la contenance d'une ayme d'eau, et mit
Cl)romque.
513
en \^ forme du bassin, les bêtes tout autour, de telle sorte,
qu'elles supportaient le bassin comme si elles sortaient
hors à moitié, en naissant (?) du bassin et en fit un noble
ouvrage.
> Ce bassin fut assis à Notre-Dame, au lieu où se trou-
vaient les anciens fonts, qui alors furent enlevés, et,
comme tous les anciens fonts, étaient de pierre. Et il fît
garnir l'intérieur du bassin d'une chappe de plomb, pour
le défendre contre le sel qui mangeait le métal, et encore
sont là les fonts et peut les voir qui irait. »
Sans nous arrêter aux détails incontestablement ima-
ginaires qui remplissent ce récit, constatons l'attribution
formelle à Dinant, et à Lambert.
Mais constatons aussi que, deu.\ ans après la mort de
Jean d'Outremeuse, un autre chroniqueur liégeois, un
moine cette fois, de l'abbaye de Saint-Jacques, achevait
d'écrire en latin une chronique sommaire qui s'arrête à
l'an 1402. Il y avait tout d'abord résumé les faits rapportés
antérieurement, au sujet de Liège, par des devanciers
autorisés, surtout par Jean de Warnant.
Or, voici ce que cette chronique de 1402 nous fait lire,
en ajoute à une .innotation datée de i 13S :
< Par l'ordre d'Alberon, évéque de Liège, Renier,
orfèvre à Huy, a fait à Liège des fonts d'airain, entourés
d'une admirable variété d'images, et assis sur douze bœufs
qui se tiennent en positions diverses. >
L'attribution de l'œuvre à Huy et à Renier n'est pas
moins nette ici. Mais si courte que soit cette note, elle
offre au moins une incontestable erreur : elle veut que
les fonts aient été fondus d'ordre d'un évéque, arrivé au
siège épiscopal dix ans après la mort de leur vrai dona-
teur, l'abbé Helin.
Encore un coup, auquel ajouter foi de ces deux chroni-
queurs, tous deux du même temps, tous deux écrivant
2S0 ans après l'événement, tous deux pris en llagrant délit
d'erreur à son sujet, et tous deux les premiers à nous
désigner pour l'auteur des fonts célèbres, l'un Lambert de
Uinant, l'autre Renier de Huy ?
1. H. Legius.
ffionumcnts anciens.
VIGNON avait eu bien du mal à .sau-
ver ses remparts. Il lui faut maintenant
songer à défendre le cloître des Cé-
lestins. M. André Hallays signale un
projet du génie militaire qui s'attaque a ce pré-
cieux édifice. Déjà, il y a quelque temps, la
nouvelle d'un si étrange dessein s'était répandue,
et la Commission des inonuments historiques
avait décidé, à l'unanimité, de s'opposer à toute
démolition. On aurait pu croire qu'une telle ré-
solution mettrait fin à toute discussion. Il n'en a
rien été. La destruction du cloître serait convenue,
et par un raffinement de vandalisme, les pouvoirs
publics consentiraient à dépenser tout de suite
les douze mille francs que coijtera la destruction.
Les travaux, heureusement, ne sont pas com-
mencés. Si l'opinion publique proteste avec
énergie, ils ne commenceront jamais. Le bon
sens et le bon goût peuvent encore protéger
Avignon contre l'audacieuse entreprise qui la
menace (').
I. Journal des Débats, 2 septembre.
*
* *
Nevers. — En ce moment, les alentours de la
cathédrale de Nevers, dans sa partie ancienne
de l'Ouest et du Midi, sont livrés aux ouvriers
pour y faire une rue circulaire qui dégagera le
monument.
La démolition des murs a laissé à découvert,
au niveau du sol, deux meurtrières géminées à
arc aigu du XI le ou du XI I^ siècle, puis, au-des-
sous des fondations de l'abside Sainte-Julitte,
deux autres meurtrières qui doivent remonter à
l'époque gallo-romaine ou carolingienne (■).
Mont- Saint- Michel. — Le ministre des Tra-
vaux publics vient de se dessaisir, en faveur du
service des Beaux-Arts, de la tour du Moulin ou
tour Gabriel, sise au Mont Saint-Michel et classée
parmi les Monuments historiques (-).
Bruxelles.^ l\ est dès à présent acquis, paraît-il,
— que la loge du concierge de l'église Sainte-
Gudule, ce très curieux morceau d'architecture,
sera maintenu et restauré lors des travaux qui
vont dégager et embellir tout le chevet de la
collégiale. Au conseil de fabrique, on est main-
tenant partisan de la conservation de cette
« conciergerie ».
Quant à la Commission des Monuments, son
vote est, peut-on dire, acquis. La conciergerie
compte dans son sein des avocats résolus.
* *
Bruges. — On espère inaugurer en 1905 la
salle échevinaie, à l'étage de l'hôtel de ville.
M. Julien De Vriendt, dit la Chronique des
Travaux publics, le célèbre peintre d'histoire,
directeur de l'Académie royale d'Anvers, va com-
pléter l'œuvre capitale de feu son frère Albert, la
peinture murale de ladite salle.
Il n'y manquait plus qu'un seul tableau, quand
la mort est venue arrêter le pinceau du peintre
flamand.
Nul autre que son frère ne pouvait être chargé
de l'accomplissement de cette belle œuvre. Le
tableau représentera l'inauguration, au commen-
cement du XV^ siècle, du « Zwijn », ancien
avant-port du port de Bruges. Le prévôt de Saint-
Donat, de Bruges, entouré de son clergé, forme
un beau groupe en face des magistrats de la
ville et des consuls, accompagnés de leurs dames
1. Courrier de l'art.
2. làid.
514
IRtbuc lir r^rt cbvcticiu
richement parées. Au second plan, on voit l'avant-
port ; au loin la mer où naviguent maints vais-
seaux. L'ensemble est superbe.
Celte salle, à la voûte aux pendentifs riche-
ment sculptés et dorés, à la cheminée monumen-
tale, aux boiseries admirablement façonnées et
dont les peintures murales, vrais chefs-d'œuvre,
rappellent les belles pages de notre histoire, dé-
passera en splendeur et en dimensions toutes les
salles échevinales du pays.
X^outicUes.
|N nous écrit de Poitiers, qu'une décou-
verte vient d'être faite ces jours-ci.
Le fameux pignon du palais de justice
où trois cheminées traversent un im-
mense vitrail du XV<= siècle était enterré de
2'", 20. Le déblaiement est fait. L'aspect du mo-
nument sera beaucoup plus élégant. I\L Magne,
inspecteur des monuments historiques, a fait de
très importantes études pour la restauration de
ce monument. Vous savez sans doute qu'elles
ont été publiées avec dessins et planches, elles
coûtent 50 francs, mais il ignorait à ce moment
que le pignon était enterré de plus de deux
mètres.
Aiion. — La vilh- fait démolir en ce moment
une épaisse muraille située à proximité de
l'hôtel de ville pour dégager les abords de ce
monument.
Les ouvriers qui procèdent à ce travail ont
mis au jour des matériaux qui ne sont autres
que des pierres taillées de la porte de l'ancienne
église des Carmes, paraissant être de la même
époque que la porte historique actuellement
encore existante a Clairfontaine-lez-Arlon.
D'autres pierres, mieux travaillées, du style
ogival le plus pur, peuvent dater du XI''ouXII»=
siècle et avoir fait partie de la primitive église,
détruite dans la seconde moitié du XVI'' siècle
par le duc de Guise. Nombre de pierres portent
les traces du feu. On sait qu'Arlon fut brûlée
sept fois au cours des siècles.
Toutes ces pierres avaient été incorporées
dans la maçonnerie au même titre que les moel-
lons voisins. Au dire des archéologues, cette
découverte est de la plus haute importance.
♦ *
Une cathédrale monumentale à Liverpool. — Le
roi Edouard, accompagné de la Reine, s'est rendu
à Liverpool où il posera la première pierre d'une
cathédrale anglicane, du style gothique, la plus
vaste d'Angleterre. L'architecte du monument
est un jeune homme de 23 ans. M. Gilbert
Scopp, petit-fils de sir Gilbert Scopp, auteur du
monument connu sous le nom de « Albert Mé-
morial ».
Hcs catacombes romaines.
Découverte d'une nouvelle catacovibe. — M.
François Veuillot publie dans V Univers une
interview qu'il vient d'obtenir du commandeur
Marucchi. Nous la reproduisons :
Le domaine propre d'Orazio Marucchi, écrit notre con-
frère parisien, ce ne sont pas les ruines païennes, ce sont
les catacombes. Dans les catacombes, il est vraiment chez
lui. Disciple et successeur de Rossi, le directeur du Musée
archéologique du Vatican possède tous les détours de ce
monde souterrain, il en connaît toute Thistoire, il en a lu
toutes les inscriptions...
— Et vous avez ajouté, lui disons-nous, une nouvelle
province à ce royaume? 11 sera bien intéressant de vous
entendre raconter vous-même votre découverte.
Le commandeur se récrie vivement à ce mot :
— Ma découverte ? Mais je n'ai rien découvert. Ce n'est
pas moi qui exécute les fouilles; c'est la Commission pon-
lificale dont j'ai seulement l'honneur d'être le piésident.
Le président et la Commission ne font qu'un. Dites-le bien
à vos lecteurs et attirez leur plus sympathique attention
sur les travaux de cette Commission pontificale. Elle fut
constituée, il y a cinquante ans, par Pie IX ; malgré la
difficulté du temps et la réduction des ressources, elle a
été maintenue par ses deux successeurs. Car, tout prison-
nier, le Pape continue de jouer son rôle de Mécène. Et
d'ailleurs c'est à lui qu'il appartient de veiller sur les
catacombes et d'en agrandir les parties connues. Le Va-
tican consacre à ce travail tout ce qu'il peut lui réserver ;
mais combien il voudrait lui donner davantage ! il reste
encore tant de fouilles à entreprendre ; on ne se doute
pas qu'il y a tout un monde à explorer sous la campagne
romaine. En ce moment, nous suivons même une piste
des plus précieuses et qui nous conduira, nous l'espérons,
jusqu'aux catacombes les plus anciennes et, si je puis dire
ainsi, les plus primitives. Nous retrouverons et nous pour-
rons situer exactement la petite église souterraine, oh !
bien étroite et bien basse, où saint Pierre enseigna les
premiers fidèles... Mais dites bien surtout que tout cela,
c'est l'œuvre de la Commission ! >>
Comviiiit on a découvert les nouvelles catacombes. — Je
le dirai. Mais comment la Commission pontificale — ou
son président — a-t-elle pu découvrir ces catacombes de
Commodilla .'
— L'existence de ces catacombes était connue depuis
longtemps. Nous possédons, vous le savez, quelques
itinéraires des pèlerins des premiers siècles ; au sortir de
l'ère des persécutions, ceux-ci venaient prier dans les
souterrains qui avaient servi d'églises et de tombeaux à
leurs pères. Nous savions donc par eux que, non loin de
la porte de Saint-Paul, en allant vers la basilique de
Saint-Paul-hors-les-murs, on avait vénéré jadis, sous le
nom de cimetière de Commodilla, une vaste nécropole où
se creusait une basilique souterraine dédiée aux S.S. Kélix
et Adauctus. Mais les barbares étaient tombés sur Rome
et le chemin de ces catacombes avait été perdu. Puis les
ruines qui s'écroulaient sur le sol et les ell'ondrements
Cl)romque.
5'5
qui se produisaient dans les galeries profondes avaient fait
leur œuvre. Il ne sera plus, du cimetière de Commo-
dilla, qu'un lointain souvenir.
> Cependant, voici bientôt deux siècles, un prêtre qui
opérait des fouilles afin de recueillir des reliques, Boldetti,
essaya de retrouver ces catacombes. Il fut d'abord assez
heureu.\ dans ses recherches : un puits qu'il perça le con-
duisit dans un couloir, qui le mena jusqu'au seuil de la
basilique. Malheureusement, Boldetti ne put pénétrer
plus avant ; un éboulemeut subit interrompit ses investi-
gations. De sa tentative, il ne demeura qu'une indication
plus précise.
» C'est justement cette indication dont nous avons
profité. Toutefois nous avons cru devoir creuser sur un
autre point, qui nous paraissait plus favorable ; et la Pro-
vidence a béni nos travaux. Les premiers coups de pioche
ont été portés au mois de décembre. Ils nous ont ouvert
presque tout de suite une galerie, que nous avons suivie,
d'abord tout droit, puis en obliquant sur la gauche. Et là,
quelques mètres ont suffi pour nous faire entrer à notre
tour dans le sanctuaire dédié aux SS. Félix et Adauctus.
Une basilique soulet raine. — « Le déblaiement a été
vivement poussé. Au mois de mai, la basilique était remise
en état. C'est une des plus belles et des mieux conservées
que nous ayons à Rome. Et c'est aussi l'une des plus
anciennes. Elle dut être agrandie au IV"^ siècle ; mais
à cette époque, elle existait déjà depuis assez long-
temps. Longue d'une trentaine de mètres sur dix de large,
elle offre au fond un enfoncement qui abrita le tombeau
des mariyrs honorés dans ce lieu ; puis, à côté, deux
minuscules absides où se trouvaient des autels. Les murs
sont couverts d'inscriptions, encore déchiffrables, et de
fresques encore visibles ; quelques unes de ces peintures
ont gardé même une vivacité, j'oserais presque dire une
fraîcheur de coloration vraiment merveilleuse après un
enfouissement d'environ treize siècles. A terre, on a dé-
couvert aussi des tombeaux que recouvrent des dalles,
gravées d'inscriptions funéraires.
> Déjà nous avons relevé 145 inscriptions, dont plu-
sieurs remarquables. Éludiez celle-ci, par exemple, et
surtout regardez l'e.xquis tableau qu'elle accompagne... >
Et, parmi plusieurs photographies, représentant celle-
ci saint Etienne, celle-là saint Luc, cette autre encore un
très beau Christ assis sur le globe entre les apôtres Pierre
et Paul, le commandeur Marucchi me fait admirer la
reproduction d'une fresque très pure et très harmonieuse
qu'on a relevée, à peu près intacte, sur la paroi latérale
gauche de la basilique.
Une fresque de quinze cents ans. — D'une couleur qui
s'est révélée vivante sous la terre accumulée pendant les
siècles et de traits vraiment fins et délicats, une Vierge
apparaît ; ses yeux, très grands ouverts, brillent encore
au milieu d'un visage encadré d'une coiffe aux plis tom-
bant sur les épaules et nimbé d'une nuance amortie par
le temps. La Vierge est assise sur un trône royal et tient
l'Enfant-Dieu sur ses genoux. A sa droite et à sa gauche,
se tiennent debout les deux patrons de la basilique : Félix,
enveloppé de sa longue robe sacerdotale, dont la blan-
cheur met comme une clarté sur la muraille ; Adauctus,
en vêtements plus sombres. Enfin, aux pieds d'Adauctus,
qui paraît la présenter à Marie, s'incline une matrone
chrétienne dont le corps fut enterré sous cette fresque et
dont l'inscription nous apprend le nom poétique, Turtura.
Cette inscription, composée en l'honneur de Turtura
par le fils delà morte, auteur probable de la fresque elle-
même, — nos lecteurs seront sans doute curieux de la
connaître. En voici le texte :
Svscipe nvnc lacriinas mater natiqvc svperstitis
(Jvasfvtidet gemitvs lavdicvs ecce tvis
Post vior/ein pa/ris sertiasti casta niarili
Sex trigen/a annis sic vidvata fideni
Officivm nato patris inatrisqvc gerebas
In svbolis facietn vir tibi vixit obas
Tvrtvra twmen abis set tvrtvr veraftiisti
Cvi conivx nioriens non fvit aller avior
Vnica materia est qvo svmii femina lavdem
Ovod te conivgio exibvisse doces —
Hic reqviescit in pace tvrtvra
\Qvci\ bisitpl m annvs Ix.
Derrière un mur. — < Mais ce n'est pas tout, continue
le savant archéologue. En déblayant la basilique, nous
avons constaté qu'un mur sonnait creux. Vous entendez
bien, un mur ; non pas donc un amas de terre accumulée
et tassée par des éboulements ; mais une paroi maçonnée
par les chrétiens eux-mêmes, à l'époque où les catacombes
leur servaient encore de refuge. Au delà de ce mur, il y
avait donc chance de découvrir un couloir, une excava-
tion ou un souterrain, demeuré intact depuis le temps où
les piemiers disciples du Christ y enterraient leurs frères.
En effet, à peine avions-nous percé cette paroi, que nous
sentions l'air humide et chaud d'une galerie profonde,
fermée depuis treize ou quatorze siècles. En y pénétrant,
nous avons trouvé, s'étageant le long, des murs, des cen-
taines de « loculi s> qui, derrière leur clôture de briques,
gardaient fidèlement leurs morts, endoimis d'un som-
meil que rien n'avait troublé depuis l'empire romain. Dé-
tail plus impressionnant : nous avons dû, pour nous enfon-
cer davantage, enjamber d'autres morts étendus sur le
sol, ayant encore sur leurs côtés les lampes, auxquelles
nul n'avait touché depuis qu'elles s'étaient éteintes. Sans
doute, avant de fermer cette galerie, toute pleine, on y
déposa ces cadavres, au travers du couloir, qui servait
jusque-là de passage entre les tombeaux, mais qui allait
devenir un tombeau lui-même... Et le cimetière de Com-
inodilla n'a pas encore livré tous ses secrets. »
Et tandis que nous félicitons le commandeur Orazio
Marucchi de ces découvertes remarquables, il reprend
avec vivacité :
— Mais ce n'est pas moi qui les ai faites ; c'est la Com-
mission pontificale. Ne manquez pas de le dire à vos lec-
teurs et de leur rappeler aussi que c'est le Pape, qui,
malgré les difficultés qu'il traverse, entretient ces grands
travaux. »
François Veuillot.
Imprimé par Descléc, De Biouwer & C''^, lille-paris-bruges.
ERRATA 1904.
Page 17, i"" col., 12° ligne, au lieu de: cette ïoxmç. &i; lisez : cette forme <K pittoresque > et.
» 47, T"' )) 15'= » » d'Angers; lisez: du Mans.
» 55, 2"-' » iO« > lisez: L'église de Saint-Germain a perdu la plus grande
partie de ses nefs.
» 59, !'■'= >> 4'^ » rt« //W?^ de: sous ces nefs immenses; lisez: à l'ombre de
ces tours.
» 64, 2<^ » 5« et 27e lignes, «?< lieu de: Chompton ; lisez: Chomton.
» 65. V^ » dernière ligne, au lieu de: Monjet ; lisez: Monget.
» 66, V % T' ligne, au lieu de: titré; lisez: verrier.
Table Des matières. Knnée 190é.
L'église de Salnt-Jouin de Marnes, par M. G. Sanoner
Padoue, Venise, Trévise, Vicence, etc., par M. Gerspach
L'Adoration des Bergers du musée de Dijon, par M. J. Helrig
Monographie de l'ancienne cathédrale de Cambrai, par l'abbé A. Pastoors
Les confessions et les cryptes de St-Ferréol de Besançon, de St-lVîarcel de
Chalon-sur-Saône et de Sl-Valérien de Tournas, par M, L. Maître..
Église de Saint-Paul de Varax, i)ar M. G. Sanoner
Tympan de porte à la cathédrale de Rouen, par M^"^ Louise Pillion.
Peintures de la chapelle Saint-Léger de Beaune, par M. H. Chabeuf. .
Description de la porte de la cathédrale St-Vincent de Berne, par M. G. Sanoner.
L'Exposition d'Art ancien à Sienne, par M. J. Helbig.
Les monuments chrétiens d'Aiitun et l'église de Saint-Bénigne de Dijon,
par M. \j. Maître
Description des portails de l'église Saint-Thibault de Thann, par M. G. Sanoner
Le carrelage de l'abbaye de Champagne (Sarthe), par M. J. Chappée
L'Art au couvent S. Giusto aile Mura à Florence, par M. Gerspach
Église et crypte d'Hastière, par M. A. Schellekens.
Un Livre d'Heures appartenant à S. A. le duc d'Arenberg à Bruxelles, par
Etienne Beissel, S. J
Portail de l'abbaye de Vézelay, par M. G. Sanoner.
Les saints Jumeaux ou les saints Geosmes de Langres.
chrétiennes, par M. L. Maître.
Vitrail à Maredsous, par M. L. Cloquet.
La peinture décorative au moyen âge, par M. J. Helbig
Les peintures décoratives de l'église de Sainte-Walburge à Furnes,
par M. J. VAN RUYMBEKE.
Trêves et ses antiquités
• p-
I
1>P- 14,
126
• p-
93
• p-
103
■ p-
134
• p
144
• p-
181
■ p-
190
• p-
201
■ p-
261
■ p-
279
pp. 292,
384
• p-
349
■ p-
356
■ p-
377
par
■ P-
437
• P-
tés
4-lS
.. p.
460
• p.
47'
.. P,
473
47&
ffîélanges.
Décoration polychrome du mobilier des églises (J. Helbig). — A propos de
fresques (H. Chabeuk). — Rational et Surhumèral (Eug. Martin)
25
RKVIJR l>H I. ART CHKETIEN.
5i8 3Rcbuc t)r raivt cbvéticiL
Jérusalem (H. Chaueuf). — Pèlerinages au Suaire de Chambéry (G. Moli.at). ... p. 159
Roc-Amadour {]. Helbig). — Les vases sacrés du trésor Giancarlo Rossi (R. Ma-
loccHi). — Fresques de l'église de Saint-Pélrone n Bologne (H. Brunki.li). ... p. 213
Un atelier pour la reproduction des anciennes tapisseries (L. de Farcy). —
Monuments de travers (1,. Cloqukt). — Saloirs gothiques (le même) p. 309
Le style néo-classique et le nouveau Bruxelles. Le Palais royal de Bruxelles
(L. Ci.oquet). — L'École fgantoise de St-Luc et l'Exposition des travaux de
ses écoles (L. C.) P- 39^
La Suisse pittoresque (1,. Ci.oouiiT). p- 481
GorresponDanccs.
Fiance, |i:ii M. 1,. Calknoini ; id., par M. R. I'kiger pp. 47, 161
Cîteaux et la Pologne, par Ant. Hrykczynski p. i6r
Italie, par M. Gkrspach pp. 226, 317, 403
Question et Réponse, par M. L. Ci.oquet p. 320
Tratjaur Des Botxttts satjaiues.
FRANCK. — Société nationale des Antiquaires de France pp. 48, 164, 229, 322, 408
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ... pp. 48, 165, 229, 321, 408, 486
Congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne pp. 50, 409
Id. Id. do Paris et des Départements. p
Société archéologique d'Eure-et-Loir.
Société historique et arcliéologique de Périgord
Kxcursion en Bourgogne de la Gilde de Saint-Thomas et Saint-Luc p
Société archéologique de Tarn-et-Garoniie p
Réunion des délégués des Sociétés des Beaux-Arts des Départements p
Comité des Travaux liistoriques pp. 326, 415
Société archéologique du Midi de la France, 1903 pp. 416, 420
Conférence faite par M. Lefevre-Pontalis au Congiès de Mars, 1904 p
Commission des Monuments historiques et la Ville de Paris p
Société historique de Bordeaux p
Société historique et archéologique du Maine ; p
Congrès archéologique d'Arras p
BELGIQUK. — Cercle historique et archéologique de Courtrai p
Société archéologique de Matines p
Académie royale d'archéologie d'Anvers. . p
Société archéologique de Bruxelles p
Société d'histoire et d'archéologie de Gand p
. 326
Institut archéologique liégeois , pp. 327, 495
416
-119
419
Congrès archéologique de Mons p
Id. Id. de Namur. p
Société d'émulation pour l'étude de l'histoiio et des antiquités de la Flandre
Commission royale des monuments de Belgique. pp. 420, 491
Société archéologique de l'arrondissement de Nivelles p. 420
38'-' session de la Gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc ' p. 487
Société historique et archéologique dans le duché de Limbourg p. 495
323
52
52
52
.65
325
417
420
420
^94
495
166
166
232
Cable ÛC0 inatière0.
Bibitograpl)ie.
519
Première livraison. — Le Bienh. Jean De Verceil, par Marguerite de Waresquiel. — Les marques d'or-
fèvrerie en Moravie, par Cari Schierk. — L'iiabitation byzantine, par le génér. H. de Beylié. — Le droit
d'entrée dans les musées, par H. Lapauze. — Les principes dos proportions en art, par Jaminé et Peeters.
— Dictionnaire d'archéologie, par les RR. PP. Hem et F. Cabrol. — Dictionnaire de la Bible, par F. Vi-
goureux. — Répertoire bibliographique du Touriste en Belgique, par E. Sonneville. — Baptistère de
Saint-Jean de Poitiers, par le R. P. C. de la Croix. — Église de Sainte-Marie des Anglais, par L. Régnier.
— Gournay-en-Bray et Saint-Germer, par le même. — Le Nord-Kst de la France, par Baedeker. — L'ar-
chitecte de Sainte-'Waudru à Mons, par J. Hubert. — Congrès archéologique de Poitiers, par L. Quarré-
Reybourbon. — Die Romisclien Katakomben, par le D' A. Weber p. 67
Deuxième livraison. — Généalogie de la Maison royale de Portugal, par le prof. G. H. Strohl et le prof.
D. G. Kaemmerer. — The Early Christian monuments of Scotland, par J. Romyli Allen et J. Andersen.
— La façade inclinée de San-Ambrogio à Gênes, par W. H. Goodyear. — La photographie des monu-
ments, par F. Martin Gabon. — Line and form, par Walter Crâne. — Grondbeginselen van de geschie-
denis der Bouwkunst, par A. Van Houcke. — Ravenne, par Ch. Diehl. — Constantinople, par H. Barth. —
Collégiale de Saint-Pierre à Douai, par l'abbé Pastoois. — Basilique de Saint-Remi, par M. Gosset. p. 167
Troisième livraison. — Vitraux de la cathédrale de Bourges, par le prof F. Geiges. — Modèles de Broderie
religieuse, par J. liiaun. — Les trésors de l'art d'Aix-la-Chapelle, par Et. Beissel. — Cryptographie apos-
tolique et architecture rituelle, par Th. Beaudoire. — Le coq du clocher, par L. Martin. — Chœur de la
cathédrale de Glascow, par Th. Lennox-Watson. — Dictionnaire de la Bible. — Historia de la arquitectura
christiana, par V. Lamperez-y Romea. — Arnould de Vuez (1644-1720), par L. Quarré-Reybourbon. — Pavillon
d'Apollon à Versailles, par J. Fennebesque. — Les parcs de Versailles, par le même. — Documents d'art du
moyen âge, par Vinc. Lencrtz. — Formulaire de prières. — L'enceinte romaine de Sens en 1903, par l'abbé
Chartraire. p. 233
Quatrième Ir.'raison. — Pistoia, Prato, Firenze, par H. Giglioli. — Monographie de la cathédrale d'Amiens :
Mobilier, par G. Durand. — Manuel d'archéologie française, par E. Enlart. — La sculpture Ijelge et les
influences françaises, par R. Kœchlin. — Deux vies d'Évêques, par M""'' Louise PiUion. — Monuments
du Forez et du Velay. — Enquêtes campanaires, par Jos. Berthelé. — Documents d'art monumental,
par \'. Lenertz. — Ancien châte au des comtes A Gand, par J. de Waele. — Anciennes habitations en
Picardie, par A. Franqueville. — 11 politico délia parrochiale di Ottana, par E. Brunelli. — Opère d'arle
del Palazzo, par le même. — Dictionnaire d'archéologie chrétienne p. 3-^
Cinquième livfciison. — Les anciennes maisons de Constantinople, par le général L. de Beylié. — Le portail
de l'église Mimisan, par G. Beaurain. — Guide du Congrès du Puy de 1904, par Noël ThioUier. — Mono-
graphie de la cathédrale du Puy, par le même. — La cathédrale de Saint-Jean de Beyrouth, par T. Enlait.
— Nieuport ancien et moderne, par G. Wybo. ~ La sculpture du XIV siècle dans la région de Troyes,
par R. Kœchlin.— Notice sur la construction de la Chaire-Dieu, par Maurice Faucon p. 4-3
Sixième livraison. — Couvents de St-Dominique, par G. Rohault de Fleury. — Les Primitifs parisiens,
par Marcel Poète. — La sculpture française au moyen âge, par R. de Lasteyrie. — Dictionnaire d'archéo-
logie, parle D'' F. Cabrol. — Musées royaux de Bruxelles. Catalogue des ivoires, parf. Destrée. — Cambron -
Casteau, par R. Paternotre. — The bases of design, par Walter Crâne. — Dinant et la Hanse teutonique,
par H. Pirenne — Le Christ dans la « Légende dorée », par l'abbé J.-C. Broussolle p. 496
Périodiques
Index bil:)liographique.
pp. 80, T/i, 242, 2,2,7^ 4-^7. 506
pp. 82, 17.^, 247, 341, 428, 507
520
3Re\)ue tie V^xt cbrctien*
Gl)rontque.
Première livraison.— ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES D'AKT A BKUXELLES. — MONUMENTS
ANCIENS: Rempart de Limoges; église Saint-Pierre h Coutances ; église de Neufchâteau (Vosges);
église Sainl-Pierre de Lisieux ; église Saint-Pierre-les-Éliex ; église de Zande ; cathédrale de Chartres ;
église de Fontevrault ; église de Lassay ; Campanile de la hasilique de Venise. — MUSÉES. — EX-
POSITIONS. — VAKIA. — PHOTOGRAPHIES ARCHÉOLOGIQUES. — NÉCROLOGIE : Le chan.
Beusens ; Camille Sitte P 8;
Deuxième livraison. — CONSERVATION DES MONUMENTS ANCIENS. -
HAUTES ÉTUDES D'ART. — VARIA. — NÉCROLOGIE: Frère Marusin.
ÉCOLE ST-LUC. —
P- i;6
Troisième livraison. — ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES D'ART DE BRUXELLES. — CONSER-
VATION DES MONUMENTS ET OBJETS D'ART : la loi Pacca ; le Campanile de Venise ; la maison
d'Ozé à Alençon ; Croix triomphale; église des Jacobins de Castillonnès ; cathédrale de Lyon; Notre-
Dame d'Aiençon ; église de Beaulieu, de Longueil-Annel ; Beffroi de Périgueux ; Saint-Jean-de-la-Ruelle ;
Catacombes romaines. — OEUVRES NOUVELLES: cathédrale de Cerignola ; parvis d'Amiens ; atelier
de tapisseries au Vatican, à Champfleur. — MUSÉES ET BIBLIOTHÈQUE: musée de Naples, de
Florence, de Montpellier; bibliothèque de Turin. — MUSIQUE SACRÉE: Centenaire de saint Gré-
goire le Grand. — NÉCROLOGIE: K. J. Corroyer p. 25'
Quatrième livraison.— PRIMITIFS FRANÇAIS, FLAMANDS ET ALLEMANDS. — RESTAURA-
TION DES MONUMENTS : Congrès de Madrid ; Châlons ; Chartres; Binche; Y près ; G and ; Bruges. —
ROME MODERNE. — NOUVELLES : Pierref ort ; Gand ; Milmort ; Exposition mariale de Rome. p. 341
Cinquième livraison. - LE CONCOURS POUR LE PRIX DE ROME. — ROGIER DE TOURNAI.—
BRUXELLES: basilique de Koekelberg. — MONUMENTS ANCIENS: Chartres; portails romains;
Châlons ; Alby ; Armagh ; Mulhouse; Carthage ; Furnes ; Hautem-Saint-Liévin ; Louvain ; Saint-
Quentin; ^Valcourt; Courtrai ; Alost ; Tirlemont, etc. — VARIA: Tapisseries à Angers. ... p. 43°
SixiC7ne livraison. — W" CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT DU DESSIN A
BERNE, 1904. — LIÈGE: Les fonts attribués à Lambert Patras. — MONUMENTS ANCIENS:
Avignon ; Nevers ; Mont Saint-Michel ; Bruxelles ; Bruges. — NOUVELLES. — LES CATACOMBES
DE ROME, etc P- 31°
4^ TTable t)t0 :Qlancl)es; ^
I. — L'Adoi-alion des Bergers (Musée de Dijon).
II. — Documents d'art monumental.
III. — Thaddeo Barlholi.
IV. — Le même.
V. — Reliquaire d'Orviéto.
VI. — Carrelage de l'abbaye de Champagne (types de pavésl
VU. — Id. Id. Id. (ensemble).
VIII. — Abbaye de St-Benoit à Maredsous. Vitrail de la chapelle du cloître.
Vignettes tuterealées îiano le te^te.
Église St-Jouin de Marnes.— Façade avant
la restauration, p. 3
Id. État actuel. » J
Id. Schéma. ... > 5
Id. Statues. ...» 6
Tiares des papes Innocent V et Benoît XI. p. 17
Tombeau du sénateur Onigo > 19
La Madone, les saints Dominique, Thomas
d'Aquin, Benoit, Jérôme, Nicolas » 22
Saintes Euphémie, Catherine et saint Jean. » 23
Cable hts mattèreg.
521
Rational et Surhuméral (15 figures), pp
Sens. — Abbaye de Saint-Jean.
Id. Plan de la cathédrale
Id. Autel dit de Salazar
Id. Contrefort de la catliëdrale.
Id. Transept nord de la cathédrale.
Id. Coupe et base Id.
Cathédrale d'Auxerre. — Plan
Cathédrale d'Auxerre. — Chevet
Église St- Lazare d'A vallon. — Base, etc.
Église St-Père-sous-Vézelay.— Piliers. ...
Id. Bas-côté nord.
Id. Plan
Id. Coupes.
Id. Fronton.
Beaune. — Cour de l'Hôtel-Dieu
Id. Crête de comble.
Épis conservés au musée de Dijon
Spécimens de plomberie.
Dijon. — Plan de l'église Saint-Bénigne.
Id. Façade Id.
El-Rabah
Monastère d'Iviron an Mont- Athos.
Palais de Théodoric à Ravenne
Mosaïque de Sainte-Sophie.
Plan de la basilique de Constantin.
Cathédrale de Cambrai. — Plan
Id. Vue perspective.
Id. Plan d'ensemble.
Id. Plan de Villart de
Honnecourt.
Id. Id.
Id. Id.
Id. Id.
Vlcence. — Palais délia Ragionc
Id. Loggia Bernardo. Pal. communal. »
Id. Porte majeure de régi. St-Laurent. 3>
Id. Sanctuaire du mont Berico. ... »
Vicence. — Sanctuaire du mont Berico. —
Lamentations sur le corps de J.-C. ... »
Église de Tournus. — Coupe longitudinale. »
Id. Plan de la crypte. ... >
Id. Appareil de la crypte. »
Id. Nef principale >
Id. Déambulatoire >
Église St-Paul de Varax. — Schém.i. ... >
Id. Porte occidentale. >
Id. Façade occidentale, gauche. »
Id. Id. droite. >
Id. Petite porte méridionale. ... >
Id. Schéma de' la petite porte. *
Cath. de Rouen. — Tympan de la porte. ... >
Id. Sculptures du Xni' siècle. »
St-Vincentde Berne. — Porte occidentale. >
Id. Éljrasement gauche. »
Id. Schéma de la porte. »
Id. Tympan de la porte. »
32 à 44
p. 52
> 53
» 5.-5
> 55
^ 54
>. 54
> 55
> 55
î> 56
> 57
> 57
58
59
59
61
62
62
63
64
64
70
71
72
73
80
105
107
iiS
121
122
123
124
127
138
129
130
132
136
137
138
140
142
146
'47
149
'5'
'54
'55
i8j
188
202
205
207
210
Roc-Amadour. — Vue du côté N.-E.
Tulle. — Palais des évêques, vue intérieure.
Escalier conduisant aux chapelles
Fort à Roc-Amadour, entrée de la porte.
Roc-Amadour. — Rue de la Couronnerie.
Id. Rue de la Mercerie.
Bologne.— Fresque de l'église de St-Pétrone.
Tigzirt. — Pavement de la basilique. ...
Poitiers. — Fronton du baptistère Sl-Jean.
Paris. — Marque du libraire Resch
Monnaie de Sigebert
Paris. — Marques des imprimeurs Courbé,
Sonnius et Thierry
Marbre de Lyon, 111' siècle
Monnaies du roi Clovis, du Mans et de
Paris
Costume de grand-prêtre ■ ...
Joueurs de harpe égyptiens
Grenade figurée sur les colonnes du temple
de Jérusalem
Sienne. — Reliquaire du XIV' siècle. ...
Id. Pied de reliquaire.
Id. Saint Bernardin
Id. Grille en fer forgé
Id. Bénitier en bronze
Id. Stalles ornées de mosaïques.
Id. Lanterne de la Chapelle du Pa-
lazzo
Id. Reliquaire de San Galgano. ...
Id. Statue de saint Nicolas
Saulieu. — Crypte de Saint-A ndoche.
Saint-Bénigne de Dijon. — Crypte
Id. Id. Id
Église St-Thibault de Thann
Id. Porte occidentale.
Id. id. Schéma.
Cath. du Mans. — Tapisserie : Vie des saints
Gervais et Protais.
Id. Id. L'Apocalypse.
Id. Id. XVl» siècle.
Saloirs gothiques (3 gravures)
Croix byzantine russe
Beffroi et cloches de l'Épine (Hautes- Alpes).
Matrices du fondeur Fr. Michel
Coiffure d'après une miniature du XV^ s.
La Vierge et l'Enfant Jésus
Pietà
Jésus au Jardin des Oliviers
Crucifixion, par .Signorelli.
Id. par Pérugin
Église d'Hastière. — Abside
Id. Vue générale
Id. Plan
Id. Vue intérieure.
Église St-Thibault de Thann. — Porte occid.
Id. Porte septentr.
Id. Id. schéma.
p. 214
> 215
> 216
> 217
> 218
» 219
> 222
» 235
> 235
» 23s
> 236
» 236
> 236
» 236
> 239
» 240
> 240
J> 263
265
267
268
269
271
> 272
î> 273
> 274
> 284
> 287
» 288
» 293
» 295
> 300
> 3"
» 312
» 3'3
» 3'6
» 320
» 333
» 334
> 357
» 366
» 368
î. 370
J> 372
» 374
» 377
» 377
» 380
» 381
» 385
» 395
» 396
522
Brtur ïic r^rt (Ijrctiru,
La Vierge et l'Enfant J«?siis. p. 405
La Vierge en adoration. ... > 406
Église de Nieuport. — Plan » 424
Id. Vue d'ensemble. » 424
Id. Chaire de vérité. » 425
Vierge de Foiichères » 426
Catherine de Clèves (miniature) » 438
David Id. » 439
La Nativité Id. > 440
Jésus portant sa croix Id. .. ... > 441
Dieu le Père et Dieu le Fils Id. ?■ 443
La porte de l'Enfer. Id. » 445
Le Christ Docteur Id. •> 446
Abb. de Vézelay. — Grand portail de la nef. » 449
Id. Schéma Id. » 450
Id. Tympan du portail. » 452
Id. Chapiteaux de droite. >■ 457
Id. Id. gauche. » 457
Eglises SS. Jumeaux et SS. Geosmes. — Plan. ,•> 462
Trêves. — Église Saint-Mathias, crypte
de Saint-Euchaire.
Id. Id. Id.
Id. Id. Id.
Fumes. — Peintures décoratives de l'église
Ste-Walburge 117 grav.). pp
Suisse. • — Chalet de la vallée de l'Aar.
Id. Ferme du Mittelland.
Id. Chalet au pays de Lucerne.
Id. Une rue de Berne.
Id. Chalet du canton des Grisons.
In. Maison de l:)ois de Thurgovie.
Id. Manoir vaudois
Diptyque sacré de Genouls-Elderen. (2 grav
Église paroiss. de Cambron. — Nef.
Id. Chœur. ..
1(1. Tour.
Id. Entrée. ..
Id. Vue extérieure
p.
4ôb
>
467
>
468
476?
i 479
p.
481
. >
482
. >
483
. >
483
»
484
. >
484
. >
484
V.).
501
. »
302
. >
503
. »
503
. »
503
e »
503
^ Table par noms D'auteurs. ^î-
Arnoult (.\ndré.)
BEISSEL(Ét.), s. J.
Brunelli (Henri).
Brvkczvnski (A.). ■
C. —
Calendini (Louis).
Ch.abeuk (H.). —
Chappée (J.). —
Cloquet (Louis).
DE Farcv (L.).
De p. —
F. C. —
Ger. -
ger.spach. —
Hallays (André).
Musées et Bibliothèques (Chronique) p. 255
Un Livre d'Heures appartenant A S. A. le duc d'Arenberg à Bruxelles. .. p. 437
Notes à propos d'une fresque que l'on croft représenter Jeanne d'Arc,
dans l'église de Saint-Pétrone h Bologne (Mélang^es; p. 222
Vestiges des relations des moines de Citeaux avec la Pologne ( Id. ). ... p.
Travaux des Sociétés savantes p.
Correspondance de France p.
Les peintures de la chapelle S t- Léger ,^ N.-D. de Beaune, Côte-d'Or. . p.
A propos de fresques (Mélant;es). p.
Autour de Jérusalem antique ( Id. p.
Le carrelage de l'abbaye de Champagne (Sarthe) . p.
Vitrail de Maredsous p.
Monuments de travers (Mélanges) p.
Saloirs gothiques ( Id. ). p.
Le style néo-classique et le nouveau Bruxelles ( Id. ). p.
L'École gantoise de St-Luc et l'exposition des travaux de ses élèves ( Id. ). p.
La Suisse pittoresque C Ici. ) p.
Travaux des Sociétés savantes pp. 52, 165,
Bibliographie. ... pp. 76 à So. 169 à 171, 237 à 242. 246, 328 à 337, 422 à 426, 498 h
Périodiques pp. 327,
Primitifs français, flamands et allemands iClironique^ p.
Nécrologie p.
Un atelier pour la reproduction des anciennes tapisseries (Mélanges). p.
Bibliographie p.
Photographies archéologiques (Chronique^ p.
Bibliographie p.
Carnet de voyage. — Padoue, Venise, Cortina d'Ampezzo, Pieve di Cadore,
Trévise, Vicence pp. 14,
L'Art au couvent S. Giuslo aile Mura h Florence p.
Correspondance d'Italie. pp. 226, 317,
Rome nouvelle (Chronique; p.
162
487
47
190
28
156
349
471
3M
3'6
398
400
48 1
232
505
506
343
260
309
234
89
328
126
356
403
347
^able Des matières:.
523
Hki.big (J.).
L. B. —
Legius (L.-H.). -
Maître (L.). —
Majocchi (R.). —
Martin (Eug.)- —
MiGEON (Gaston). —
MOLLAT (G.). —
Pastoors (L'ab. A.)--
PlLLiON (Louise). —
Reinach (S.). —
R. L. —
R. M. —
ROULi.N (,Dom E.). —
Sanoner (G.). —
SCHELLEKENS (A.).
Triger (Robert). -
Veuillot (Fr.). —
L'Adoration des Bergers du musée de Dijon. .
L'Kxposition d'Art ancien à Sienne
La peinture décorative au moyen âge.
De la décoration polychrome du mobilier et des œuvres plastiques
dans les églises : à propos d'un livre récent (Mélanges)
Roc-Amadour ( Id. )
Biljliograpliie p^j. O7, 6b', 167,
Bibliograpiiie
Liège. — Les fonts de Lambert Fatras (Chronique).
Les confessions et les cryptes de St-Ferréol de Besançon, de St-Marcel
de Châlon-sur-Marne et de St-Vincent de Tournus.
Les monuments chrétiens d'Autun.
Les saints Jumeaux ou les saints Geosmes de Langres.
Trêves et ses antiquités chrétiennes.
Les vases sacrés du Trésor Giancarlo Rossi (Mélanges)
Rational et Surhuméral ( Id. )
La Tenture de Vi Apocalypse » de la cathédrale d'Angers (Chronique).
Deux pèlerinages au Suaire de Chambéry-Turin (Méhinges)
Monographie de l'ancienne cathédrale de Cambrai.
Un tympan de porte à la cathédrale de Rouen
Rogier de Tournai et Zanetto Bugatto (Chronique)
Il' Congrès international de l'enseignement du dessin à Berne (Chronique).
Les Concours pour le Prix de Rome ( Id. )
Bibliographie
Analyse des sculptures de la façade occidentale de l'église de l'abbaye
de Saini-Jouin de Marnes (Deux-Sèvres)
Église de St-Paul de Varax (Ain). Description de la façade et des portes.
Description delà porte occidentale de l'anciennç cathédrale Saint-Vincent
de Berne (Suisse)
Description des portails de l'église St-Thibault de Thann (Alsace). pp.
Portail de l'abbaye de Vézelay
Étude sur les dates de la construction de l'église et de la crypte d'Hastière.
Correspondance
Les catacombes romaines (Chronique)
p-
93
p-
261
p-
473
p-
25
p-
2'3
333,
496
p-
421
p-
512
P-
'34
p-
279
P-
460
p-
463
P-
220
P-
29
P-
435
P-
157
P-
103
P-
181
P-
430
P-
510
P-
430
P-
69
P-
I
P-
144
P-
201
292
384
P-
448
P-
377
P-
161
P-
5'4
abbaye. Aulne, 417. 493 ; — Cambron, 416,
502, 503 ; — Chaise-Dieu. 426 : — Cham-
pagne, 349 ; — Chantenges. 3^2 : -- Fié-
malle. 97: — ijrançelve, 124: — iMarnes (St
Jouin), 1-13; — Mont-Saint-Michel. 513
— Muzon. 488 : — Nonnenbossche. 419
— Orval, 487, 489 : — Reichenau. 339 ; —
Saint-Geosme. 460 ; — Saint-Trond, 382 ;
— Saintes, 3. 11 : — Sens. 52, 54 ; — Vau-
celles. 104. 119 : — Vertou (St-Martin), 2 ;
— Vézelay. 448. 450 ; — Villers, 276, 420 ;
— Waulsort. 378.
Abel de Sainte Marthe, architecte. 326. 415.
Abou-el-Achem. catacombes chrétiennes. 337.
Académie des Imcriflions et Belles- Lettres,
48, 165, 229. 408. 486 ; — royale Sarchio-
logie d'Anvers, 232.
Acy-en-Multien. clocher. 417.
Aelst d'Ençhien. tapissier, 51.
Adam et Kve. 199.
Adolphe (buste reliquaire de S.), 37.
Adoration, tableau du Titien. 14 ; — des ber-
gers, 93 ; — des .Xfa^ei, 3S6.
Afra (ste), 388.
Aisne, église. 326.
Agathe (ste), 392.
Agen, église Notre-Dame des Jacobins, 252,
agneau, symbole de Moïse et du Rédempteur.
437 : — vase eucharistique. 22t.
Agnès (ste), 20, 337. 387.
nfnus Dei, 337. ^
Agricola (s.), 135.
Agusti. peintre. 416.
Aignan (s.). 134.
Aiguilhe. chapelle St-Michel. 332.
Airvault. restauration. 2.
Aix, Castella, 324 ; — musée, loi.
Aix-la-Chapelte. trésor d'art. 233.
Aknin. tapisserie. 337.
Alberti. architecte. 238.
Albertinelli. peintre. 375.
Albi. cathédrale. 416 ; — la Daurade, 416
— église St-Etienne. 416 ; — maisons an
ciennes. 432 ; — peintures murales. 4F6
— pierres tumulaires. 41a ; — primitifs ita-
liens. 416.
Alençon (comte d') (sceau du). 229 ; — église
Notre-Dame. 253 ; — maison d'Ozé, 252.
Alexandrie, cathédrale. 337 ; — phare. 417.
Aliscamps (sarcophage des). 500.
Alise Ste-Reine. inscription latine. 48.
Alost. église St-Martin. 176. 433.
Alsemberg. église. 326.
Alvino. architecte. 254.
Amarin (s.). 391.
Amator (s. ). 280
ambon. 500.
Ambroise (s.). 238. 295.
âme (représentation de 1'). 458.
Amé. architecte, 349.
amict, 45.
Amiens, cathédrale. 328 ; — confrérie du Puy
Notre-Dame. 328 ; — jubé. 328: — maitre-
autel. 328 ; — peintures murales. 329 ; —
place. 254 ; — porte dorée, 189 ; — stalle,
329 ; — tombeau.\ d'évêques, 328.
Anastaise, enlumineuse. 232.
Andoche (s.), 283.
André (s, ), 148. 206. 302 ; — (statue en mar-
bre de), m ; — de Luxembourg (tombeau
d'), 109.
Angelico (fra), peintre. 17, 28. 211. 276. 497.
Angers, cloître St-Aubin. 148 ; — tapisseries
anciennes. 310,311; — de 1 apocalypse, 434.
Anges (les neuf chœurs des). 212; — musiciens,
294.
.^ngicourt (Pierre d'). architecte. 254.
Angkor (Indo-Chine), exploration archéolo-
gique. 408
Angoulème. cathédrale. 498 ; — • histoire du
théâtre, 325,
Antiquaires de France (société desj, 48, 164.
22g.
antiquités, chrétiennes. 463 ; — égyptiennes.
326 : ^gallo-romaines. 229, 323.
Antoine (s.). 154. 155. 392; — (statue de).
114 ; — ermite, 389.
Antonello de Messines, peintre. 463.
Anvers, cathédrale. 104 ; — maison des ton-
neliers. 493 ; — Vierge des Fonts, 331.
Apocalypse (tentures de 1'), 51.
Apollonie (ste). 288, 392.
ApoIlonie-deà-Ponts. fouilles, 48Ô.
Apôtres. -^48; — (châsse des XII). 112; —
(martyre des). 301.
Apt. église Ste-.-\nne. 324.
arbre généalogique de la maison royale de
Portugal, 167.
archéologie, africaine. 76. 77 ; — chrétienne,
76. 336. 500 ; — française. 329.
architectes. Abel de .Sainte Marthe. 326. 415 ;
— Alberti. 228 ; — Alvino, 254 ; — Amé.
349 : — .\ngicourt (Pierre d'), 254 : — An-
tonio di Giorgio da Settignano, 358 ; —
Baralle (de). 120: — Benvenuto délia Cella,
18 ; — Bérard (E). 53; — Boileux. t2o; —
Bordiau. 491 ; Borella. 130, 131 : —
Boubé, 166; — Brocard (H.). 461, 462; —
Brunellesco, 228; — Buontalenti (Bern,),
2ç6 : — Caumont (de). 329 ; — Chambige.
53' 338 ; — Cooman. 346. 493 ; — Darme.
144. 145 ; — Deverin, 2-13 : — De Wulf.
347 : — Douillet. 255 : — Erwin de Stein-
bach. 292 ; — Eoulques-Nerra. 177 ; —
Grenouillot. 85; — Hubert (J ). 78 ; —
Huwellin ().). 78 ; — Langerock. 423; —
Langlais (Jean). 427 ; — Lassus. 119. 125;
— Lenertz (Vinc). 241; — Michelozzo.
362 : — Morel (Hugues). 426 ; — Morin.
253 ; — Millier. 202 ; — Nicolas de Pise,
339 : — Pace da Lugo (fra), 130 ; — Palla-
dio. 127. 131. 315; — Paoletti. 375; —
Perret. 145 ; — Pierre de Celle. 17T ; —
Pierre de Montereau. 315 ; — Pisonti
(Giust.). 254;— Questel. 138; — Rains
(Mich.). 78; — Rocque (de la), 85; —
Schmitz (W. ). 465 ; — Scopp (Gilb. ). 514 ;
Selmersheim. 85 ; — Suisse. 64, 253 ; —
Talenti, 359; — Van de Poel (Jean), 480 ;
— Villart d'Honnecourt. 104. 119. 120 ; —
VioUet-Ie-Duc. i. 53 55. 181. 285. 291.448.
453. 494; — Wehriin (Hans), 293; — Winck-
1er. 294, 296; — architectes suisses. 322.
architecture, auvergnate polychrome. 59 ; —
byzantine. 6^, 421 ; — carolingienne. 325.
409 ; — chrétienne. 240 ; — française, 411.
415; — gothique. 417. 418; — grecque. 410;
— militaire. 51; — des missions. 506; — re-
ligieuse, 427: — rituelle. 234; — romane, i ;
— usuelle (1"), 172 : — (enseignement de 1 ),
5"-
archives, d'Harcourt,4i4; — Modène (d'Etat).
157 ; — Nuremberg (royales). 172 ; —
Parme, 157: — photographiques à Florence,
228 ; — "Toulouse (municipales), 416 ; —
du Vatican. 218.
.-\rezzo. fêtes en l'honneur de Pétrarque, 435.
Arlay. église. 412; — retable. 412; — statues.
325-
Arles. Saint-Trophime. i. 338. 427 ; — por-
tail. 172. 498. 499.
Arlon, hotel-de-ville. 514 ; — musée, 493 ; —
nouvelle église. 494.
Armagh, cathédrale. 432.
armoire eucharistique, 57.
Arnould (André). 256. 257.
Arras, Congrès archéologique, 495,
Art (hautes études d'), 85. 176.
art, ancien. 261 ; — arabe, 326 ; — belge,
330 ; — byzantin, 69, 194. 253. 326, 504; —
campanaire. 333 ; — chrétien. 144. 197 ; —
décoratif. 340 ; — ecclésiastique, 25 ; —
flamand. 65. 197; — flamand bourguignon,
65; — français. 48; — franco-flamand,
343 '• ~ gothique, 53, 418 ; — italien. 197 ;
khmer, 208; — khar,,(o8; — médiéval, 198;
— militaire. 327: — moderne, 447; — monu-
mental du moyen âge. 241, 335 ; — mosan.
264; — musulman. 243 — naturaliste, 251;
— populaire, 251; — religieux, 4.47: — rhé-
nan. 254. 419 ; — romain. 504 ; — roman.
53- 332 ; — russe. 72. 320; — siennois, 262;
— suisse, 485 : — textile. 233 ; — troyen,
425 ; — turc, 171 ; — (hautes études d'), 85.
Art et Vaittel {r), 80. 172 ; — sacré, 340.
Arte ( L' ), 172.
artistes, chrétiens. 178 ; — dominicains. 497 ;
— lorrains. 325 ; — malinois. 166 ; — re-
mois. 325.
Asciano Condivi, sculpteur. 317,
Ascoli Piceno, chape de Nicolas V. 435.
Assise, manuscrit du X I Ve s. . 172.
Assche, porche de l'église. 337.
Assomption. 307.
ateliers monétaires des Gaules, 229.
Athènes, école française. 230; — néerlandaise.
49 : — origine de la Monnaie, 486; — Par-
thénon, 315.
Attert. église. 493.
Aubry (Gérard), peintre, 325. 415.
Audinet (Stephan). sculpteur, 414.
Augustin (S.), loi, 29?, 389. 393 ; — .Société
St-), 335-
Aulnay. église Saint-Pierre. 3. 152.
Aulne, abbaye. 417. 493.
autel (décoration de 1'), 26.
autels anépigraphiques de l'époque celtique,
324.
Autrécourt. fouilles, 324.
Autun, basiliques, 281 ; — cathédrale, 190 ;
— fouilles, 282 ; — monuments chrétiens,
279 ; — romains, 60; — portail, 5; — porte
d'Arroux, 60 ; — • tour de Janus. 60 ; — tro-
paire manuscrit. 86 : - urnes romaines.
283.
1904. — Xable analytique.
526
IRcliue lie V^xt cbictieu.
Anxerre, architecture religieuse, 427 ; — ca-
thédrale, 54, 55 ; — églises: St-Eusèbe, 56 ;
St-Germain, 55; — tapisseries anciennes,
309 ; — triforium de la cathédrale, 65 ; —
vitraux. 55.
Avallon, église St-Lazare,s6.
Aveyron, statues menhir, 231.
Avignon, cloître des Célestins. 513.
Avioth, église Notre-Dame, 487, 489; — por-
tails, 490.
B
Babylone, fouilles, 50.
Baedeker (guides de), 78.
Baerze (Jacques de), peintre, 65, 93.
Bamberg, cathédrale, 33: — comptes du Cha-
pitre, 36; — rational, 40, 43; — tombeau
des évêques, 37 : — trésor, 36.
banc sculpté du XVV s., 275.
Baralle(de), architecte, 120.
Barb.ai (Jacopo dei), peintre, 19, 24.
Barbarie, château, 325.
Barbe iSte), 99. 392.
Barot (Pierre Martin), peintre, 325.
Bartoli (Tadd. ), 267, 270.
Bartolomeo (fra), peintre, 373, 375,497; —
(Martino di), peintre, 27.
bas-relief antique, 165.
basilique à Jérusalem (constantinienne), 97,
80; — Koekelberg, 337, 430; — Montmar-
tre, 441 ; — Pergame, 237; — Trêves (Saint-
Jean), 467, 468; — Worms (St-Jean. Bap-
tiste), 172 ; —
Bassano, penitre, 127.
Bataille (Jean), tapissier, 51, 312.
Bavai, vestiges gallo-romains, 416; — hypo-
caubte, 416.
Bayeux, tapisseries antiques, 310.
Beaulir-u. église, 150, 253.
Beaumetz (Jehan de), pemtre, 65, 199.
Beaune, collège Notre-Dame, 190; — église
romane, 60: — fresques, 6t ; — hôtel-Dieu
61 ; — peintures à la chapelle St-Léger,
190-200 ; — Spécimen de plomberie, 63 ; —
tapisseries, 51: — flamandes, 61, 190.
Beauneveu (André), imagier, 66; — (miniatu-
res de). 51.
Beauvaisis, églises rurales, 417.
Beissel (Et.), 233, 447.
Bellecho-^e (Henri), peintre, 65, 199.
Belleganibe, peintre, 109.
Bellin (Juan), peintre. 19. 24. 126. 127.
Benedelto, da Brescia, peintre, 361; — da
Lucca. peintre, 361; — da Maiano, sculp-
teur, 365.
Bénigne (s.) (tombeau de), 285.
Bening, miniaturiste, 168.
bénitier f-n bronze. 269.
Benoit, XI (tiare de), 17; — XIV, 44.160,
440, 4^2.
Benozzo Gozzoli, 28, 29, 198, 226, 244, 362.
Benvenuto délia Cella, architecte, 18.
Bérard (K.), architecte, 53.
Bérénice (ste). 79.
Berghes (Henri de) (tombeau de), 108; —
Guillaume (tombeau de), 109; — Maximl-
lien (tombeau dr), 109.
Berlin, bibliothèque royale, 36; — galerie
royale, 09; — musée, 16, 339,
Bernard (s.), 162, 351. 390, 453.
Bernardin de Sienne (s.), 267, 356.
Berne, 201 ; — cathédrale St-Vincent, 201,
294 : — Congrès international de dessin,
510; — porte occidentale, 201-210: — une
rue, 483.
Berthelé(J.), 257, 332.
Berthold de Nuremberg, peintre et sculpteur,
339
Besançon, crypte St-Ferréol, 134.
Besate, tableau de Marco d'Oggione, 226.
Bethune (le b»"), 166, 178, 471.
Beyrouth, cathédrale St-Jean, 422.
Béliers, église, 409.
Bible, de Sl-Marlial, ^i;— f Dictionnaire de
laj, 239.
bibliothèque, de Berlin (royale), 36; — Bres-
lau, 230; — Bruxelles (de Bourgogne), 192;
— Cambrai (du Chapitre), 116; — Colo-
gne, 345 ; — Turin (nationale), 229, 257 ;
— (de l'université), 178 ; —Vendôme, 495.
Binche. collégiale St-Ursmer, 346.
Bissono (Fr. ), peintre, 23.
Blénode de Toul (tombeau de), 40.
Blés, peintre, 127, 403.
Blois, château, 62.
Bobbio, manuscrit de l'abbaye, 178.
Boccardino. miniaturiste, 364.
Bocholt, statues antiques, 493.
Boileux, architecte, 120.
Boine. église, 332.
Boissière. peintre, 325.
Bologne, fresque du XV': s., 222 ; — pinaco-
thèque. 364.
Bonfigli (Benedetto), peintre, 227.
Boniface(s.), 30. 44.
Borella. architecte, 130, 131.
Borgo-san-Lorenzo, église, 319.
bornes miliaires, 48.
Boscherville, église et chapiteaux, 181.
Boston, musée, 434.
I Botticelli, peintre, 367.
! Boubé, architecte, 166.
Bouillon, château, 487.
Boulbon, Christ au lambeau, 434.
I Boulin (Arn. ), sculpteur, 329.
Bourbons (tombeau des), 66.
I Bourdon, peintre, 415.
j Bourges, cathédrale, 189; — hôtel de Jacques
sans cœur, 343; — peinture de la chapelle,
I 343; — tombeau des Laubespine. 48.
I Bourgogne (duc de) (comptes du). 98 ; — ex-
cursion de laGilde de St-Luc, 166.
Braibaut (Jacques de), imagier, 109.
Braun (R. P.), 233.
Bray (Ant de), peintre, 413.
Breslau. bibliothèque, 230; — manuscrit de
Froissard, 230.
Briey, calvaire, 325.
Brocard (H ), architecte, 461, 462.
broderies religieuses (modèles de), 233.
Broederlam (Melchior), peintre, 61;, 93, 197,
199. 343-
bronzes du moyen âge, 48.
Brou, église, 144.
Broussole (J.-C), 505.
Bruc, église, 52.
Bruges, éghses : Saint-Donatien, 242; — No-
tre-Dame, 493; — exposition des Primitifs,
97-100 ; — gilde des libraires. 168 ; — hôpi-
tal Si -Jean, 330; — restauration architec-
turale, 346; — salle échevinale, 313.
Brunellesco, architecte, 228.
Brunelli (Henri), peintre, 225.
Bruxelles, église Ste-Gudule. 330, 414 ; —
loge du concierge de Ste-Gudule, 513; —
Musées ; Communal, 100 ; — du Parc du
Cinquantenaire, 33 ; — royaux des arts dé-
coratifs, 501 ; — le nouveau Bruxelles. 398;
— palais : de justice. 399 ; — royal, 398 ; —
Société d'archéologie, 51, 326.
Bruyn iBart.), peintre. 345.
Bryas (Jean de) (tombeau de). 109.
Brykczinski (Ant. ). 163.
bucranes. 504.
Buglioni (Ken.), peintre, 245.
Bulletin, nrchéologiqiie, 340 : — des métiers
d'art, 81, 337; — monumental, 171, 338,
427, 506.
Buis (Ch. ), 398.
Buonconsiglio. peintre, 133.
Buontalenii (Bern.), architecte, 256.
Burch (Fr. Van der) (tombeau de), 112.
Burgkmair (Hans), graveur, 167.
Burgos, cathédrale, 187.
Burlington m<igazine, 242.
Bussy-Leltie, église, 434.
bustes d'empereurs romains, 326,
Byzance, palais impérial.
Cabrol (Dont V .), 500.
Caen. musée, 190.
calices en or, 115.
Calixie II, 30, 35, 28^.
Caloen(Dom Gérard van). 379.
Calvaires morbihannais, 172.
Cambrai, ancienne cathédrale, 103 : — les
21 chapelles, rog ; — chœur et sépultures
des évèques, 108 ; — clocher. 116 ; — clo-
ches, 117 ; — constructions successives,
103 ; — dévastation, 117 ; — lioiloge mo-
numentale, III ; — musée, 109 ; — œuvre
définitive, 104 ; — plan, 105, n8, J2i, 122;
. — ruines, 118 ; ^ Société d'étude, 166 ; —
stalles, 108 ; — trésor, 114 ; — verrières.
ic6; — vue, 107, 123.
Cambron, abbaye, 416. 502. 503 ; — église,
502 ; — tombeaux gothiques, 416.
Camerino, chœur de l'église des Clarisses,
227 ; — musée. i;27.
Canipin (Robert), peintre, 98.
Campine. églises, 493.
Caporali (Bart. ), peintre. 227. 245.
Carmignaco. église, 245,
Carpaccio, peintre, 22, 225.
carreau de pavages, 229.
carrelages de terre émaïUée. 349 ; — vernis-
sée, 5t.
Carthage. découvertes. 165, 326, 4_32 ; —
fouilles, 165; — insciiptions funéraires pu-
niques, 486; — marques de céramiques
grecques et romaines, 325 ; — sarcophage
de marbre blanc, 50; — sièle de terre cuite,
165 ; — théâtre romain, 408 ; — topogra-
phie, 408.
Casier (j.). peintre. verrier. 471.
Castagno (Andréa del). peintre. 199.
Castel-St-Élisé, anibon. 500.
Castillannès, église. 252.
catacombes, 79, 165.
cathédrales, d Albi, 416 ; — Alexandrie. 337 ;
Amiens. 328 ; — Angers. 435 ; — Angou-
lènie. 498 ; — Anvers. 104 ; — Armagli.
432; — Autun. 60, 190 ; — Auxerre, 54,
55, 65 ; — Bamberg, 33 ; — Berne, 201 ;
— Beyrouth, 422 ; — Bourges, 189 ; —
Burgos, 187; — Cambrai, 103; — Ceri-
gnola, 2.S4 ; — Chàlons-siir- Saône, 177,
432 ; — Chartres, 346, 431 ; — Gand, 400,
433; - Glascow, 238: — Laon,479; — Léon,
321 ; — Liverpool, 514 ; — Lyon, 253 ; —
Maguelonne, 499; — Metz, 81; — Minden,
45 ; — Monreale, 38 ; — Nevers, 513 ; —
Paderborn, 40; — Perpignan, 164; — Pise,
28 ; — Puy, 422 ; — Ratisbonne. 36 ; —
Reims, 33, 34, 104, 189, 421 , 489; — Rieux,
164 ;— Rouen, i8i, 211, 299 ; — Sens, 53,
59 ; — Torcello, 197 ; — Tournai, 330,
4'7. 493 ;— Trêves, 465 ; — Trévise, 126 ;
— Ulm, 397.
Catherine (sie), statue en marbre, m. 391 ;
— de Sienne (ste), 269, 356; — de Clèves,
437 ; — (livre de prières de), 345.
Caumont (de), architecte, 329.
Celleneuve, église, 409.
Ceni-Melek. enceinte funéraire chrétienne,
229 ; — touilles, 229.
céramique. 413 ; — clialdéenne, 231 ; — 10-
maine, 324.
Cercle, archéologique de Malines, 166;— his-
torique et archéologique de Courirai, 166.
Cerignola, cathédrale, 254.
Ceyssac. église, 332.
Chabeuf (II ). 29, 65, 157; 166, 200.
chaire, du XVe s., 365 ; — du XV1« s,, 490 ;
— deRoucourt, 423 ; — triomphale, 424.
Chaise- Dieu, abbaye, 426; — église, 426.
chalet de la vallée de l'Aar, 481.
Cable analptique.
527
Châlons-sur-Marne, église Notre- Dame, 346 ;
— vitraux, 307.
Châlons sur-."!>aôae, cathédrale, 177; — crypte
St-Miircel, 134 ; — fonts b^iptismaux, 432.
Chambéry. pèlerinages auStSuaire, 157-160.
Cliaiïibige. architecte, 53, 338.
Champagne {carrelages de l'abbaye de), 349,
352 ; — église abbatiale, 349. 352.
Chainpfleur, atelier de tapisserie, 312.
Champtiol, Chartreuse, 65.
Changerai (Jehan), peintre, 199,
chant grégorien. 258.
Chanieui^es. abbaye, 332 ; — église, 332.
Chantilly, Heures du duc de Berry, 196 ; —
musée Coudé. 48.
chapiteaux-, liistoriés. 59 ; — à Marnes, 9,
11; — à St-Paul-de-Varax, 152; — à Vé-
zelay. 452. 457 ; — du XI V^ s.. 489.
Chappée(J.). 355.
Chareil-Cinerat, épitaphes sacerdotales, 506.
Charlemign-; f C^tptiuLiires de ), 408, 411.
Charle-;. V (statue de). 434 ; — VII, 310 ; —
le Téméraire ( noces de), 98; ^ (portrait
de). 195 ; — liorromée (s. ), 130, 157.
Charlieu, église, 332.
Chartres, cathédrale. 346. 431 ; — clocher
vieux. 85 : — cryptes de la cathédrale. 172;
— portail, 9; — vitrail, 186.
châsse, eu argent, log. 110 : — en émail de
Limoges. XI lie s., 87-
chasuble du XVI" s., 2Ô4.
chAteau, des Amerois, 487, 488 ; — de Bar-
barie. 325 ; — Bouillon, 487; — Flotte.
494 ; — Gand (des comtes). 335 ; — Her-
chies, 416; — Herzele, 493 ; — Karlstein,
16 ; — Langeais, 177, 368 ; — Lavardin,
495 ; — Munte, 316 ; — Neuvic, 52 ; —
Pescau. 413 ; — Pierrefont. 347; — Poncé,
494; — Parlo. 339: — Pujols, 420 : — Sar-
zay. 171 ; — Saumur. 229; — Thoisy, 325,
412; — Turnouth. 493: — Vinciligata, 228.
Chateaudun. vitraux. 326.
Chelles, cimetière raévovingien, 324.
Chêne (Motre-Dame du), 47.
Chaquet (Pierre Adrien), peintre, 325.
Christ, adoration des bergers, 73; 386 ; —
circoncision, 305 ; — à la colonne, 403; —
crucifixion. 99, 100. 370-374; — déposi-
tion de la croix, 373. 404; — fuite en
ïtgypte, 306 ; — image, 48 ; — au jardin
des oliviers, 370 ; — mort. 386 ; — nativité,
384, 440; — parmi les docteurs, 307; —
passion, 206; — portement de croix, 441 ; —
au tombeau. 434 ; — transfiguration, 373.
Christophe (s), 224, 267.
Cimabué, peintre. 243.
cimetière mérovingien, 243.
circoncision. 305.
Clteaux (églises de), 351.
Citta di Castel'o, église San Francesco, 196.
Civrai, église Saint-Nicolas. 3, 13.
Claire fste). 392.
Clément. Il (pierre tombale de). 33 ; —
VI (effigie couchée de), 426 ; — VII, 160 ;
- IX. 3.S7.
cloches, à Cambrai, irô, 117; — du Villes.,
332 : — (Paléographie des), 333.
clocher, à Acy en Multien. 417 ; — Cambrai,
2 ; — Dinant. 337 ; — octogonal, 57 ; —
porche roman, 171; — romans, 409: —
du XIIU s. , 171 ; — technique du, 334.
Cloquet. 76-81, 169-171, 232, 238-241. 246.
3t6. 329-334. 344. 398, 422. 471, 485. 500,
502. 505, 506.
Clouet (fiabriel), sculpteur. 108.
Cluny. églises. 35: ; — maison du XI*= s.. 72.
codex, de l'abbaye d'Elnone, 38; — litur-
gique du XII« s., 30.
coffret byzantin du IXe s., 502.
coiffure du XV^ s, . 357.
Colas (Alph.), peintre, 325.
collégiale, à Douai, 166, 171 ; — Mons (Ste-
Waudru). 78 ; — Soignies. 493 ; — Ville-
franche, 165.
Colmar, musée, 390.
Cologne, bibHothèque, 365.
colombe eucharistique, 221.
colonne du temnle de Jérusalem, 240.
Colonne, église Ste- Marguerite, 434.
Commisûon royale des 7nonuments de Belgi-
que, 491.
communion (Souvenir de ire), 335.
Comodilla (catacombes de). 253.
Conegliano ( Luca de), peintre, 336.
Con^rèi, d archéologie et d'hi-itoire de Dî-
nant, 41g; — d'arckéola^ie de Namur. 228;
— arche ilogiq ne d'Arras, 495 ; — archéo-
logique du Afafii, 416; — archéologique de
Poitiers, 79 ; — international de desnn à
Berne, 510; — international des architec-
tes à Madrid, 345 ; — Mariai de Rome,
348 ; — des Sociétés savantes à la Sorbonne,
50, 323. 409, 410.
Conrad de Loest, peintre, 345.
Constantin, 156.
Çonstantinople. Ambon de Ste-Sophie. 500 ;
— constructions civiles, 171; — églises,
171 ; — jardins. 71; — maisons anciennes,
421 ; — mosaïque de Ste-Sophie, 73.
Coomans, architecte, 346, 493.
coq, du clocher, 230. 237; — (symbolisme
du), 238.
Corbie (sacramentairede). 32.
Cordes, porte de l'enceinte, 420.
Correspondant archéologique, 427.
Corroyer (E. J.), nécrologie, 260,
costume (histoire du), 52, 239.
Coubon. cryptes romaines et église, 332.
couronnement de M irie, 308.
Courtrai, Cercle archéologique, 166; — -église
St-Martin, 176 : — Notre-Dame, 433.
Coutan (le D""), loi.
Coutances. église St-Pierre. 85.
Crafman ftltej, 244, 506.
Cranach, peintre. 365.
Crâne (Walter), !;o4.
création (la), 298. 299.
Creil, église St-Evremond, 506.
Crète, monumentsdécouverts, 49.
croisées d'ogives, 417, 418.
croix, d'absolution, 324 ; — antique, 254 ; —
en bois d'olivier du IX'^ s., 115 ; — byzan-
tine, 32Q, 486; — (invention et exaltation de
la Ste), 70 ; ^ de Lorraine. 324 ; — d'or,
115 ; — pectorale. 34; — (la sainte), \<^6 ;
— sépulcrale. 495 ; — stationnales, 263 ;
— triomphale, 252,433: — en vermeil, 115.
crucifix, en bronze, 196 ; — de Michel- Ange,
317- .
crucifixion, 99, 100, 371-374.
cryptes de Besançon, 134; — de Châlons-
sur-Saône. 134; — • de Dijon. 285 ; — de
Langres, 460 ; — de Saulieu, 284; — de
Tournas. 134 ; — de Trêves. 465.
cryptographie apostolique (genèse de la), 234.
Cuges, trou des morts, 408.
Cuivre (industrie du), 419.
Cunégonde (ste). 391.
Daddi (Bern.), peintre, 243.
da Fabriano (Gentile), peintre, 196, 227.
dalles funéraires. 331.
Damme, église. 330.
Daniel, 206,
Daphni, monastère de S. Simon stylite, 70.
Daret (Jacques), peintre, 98.
Darme. architecte, 144, 145.
Darmstadt, musée. 344.
da Settignaao, architecte, 358.
David, 209. 439-
décor (le), 170.
décoration polychrome du mobilier des égli-
ses, 25.
découvertes archéologiques, à Arlon, 514 ; —
Carthage, i6s. 326. 408, 432; —Crète, 49;
— Euzies, 486 ; — Gand, 347 ; — Milmont.
348 ; — Mouvion, 48 ; — Poitiers, 514 ; —
Sahara, 49 ; — Sousse, 322 ; — Vers, 219;
— préliistoriques, 325.
délia Bruna (Dioniède). peintre, 227.
Délos, fouilles, 4g, 165, 408, 486; — mosaï-
que. 486.
Delplies, colonne d'acanthe, 486 ; — feuil-
les, 165.
dei Sarto (Andréa), peintre, 367, 375 ; —
sculpteur, 360.
Déposition (U), 373, 404.
de San Severino (Judicio), sculpteur, 227.
Deux-Acren, église, 493.
Deverin, architecte, 2-13.
Devriendt (J. ), peintre. 346, 513.
De Vieez (Arnould), pi-intre, 241,
De Wulf, architecte, 446.
Dictionnaire d' archéolo^e chrétienne, tj , —
de la Bible, yj, 23g.
Didelot (collection), 257,
Didron (E. ), 198. 440, 442.
Dier-el-Bahari, fouilles, 486.
Diest. église St-Jean, 335, 493; — choeur,
335-
Dieu, en majesté, 446 ; — le Père, 99.
Dijon, adoration des Bergers, 93 ; — beffroi,
64 ; — crypte, 286-288 ; — décoration mu-
rale, 88 ; — églises : St-Benigne, 64, 28^ ;
— St-Jean, 66. 87 ; — St-Michel, 64 ; —
St-Philibert, 253 ; — Notre-Dame, 63. 65 ;
— hôtel Boucher, 89 ; — musée 62, 93,
193. 196 ; — palais des ducs de Bourgo-
gne, 63 ; — peintures murales, 28 ; — tom-
beau de S. Bénigne, 285; — vitraux, 66, 87.
dinanderies, 505.
Dinant, 505 ; — clocher, 337, 494; — Congrès
d' histoire et d' archéologie, 419.
délia Bruna (Diomède), peintre, 227.
diptyque de Melun, 322.
Djebel, monument funéraire, 232; — voies
anciennes, 4g.
Dôle, autels anépigraphiques, 324, 409.
Dominicains (ordre des), 15, 67, 496 ; —
(peintres chez les), 45; — (portraits de), i6.
Dominique (S. ), 15.
Donaueschingen, stèles funéraires, 409.
Douai, collégiale St-Aimé, 166 ; — St-Pierre,
171.
Douillet, architecte, 255.
Dresde, musée, 344.
Duccio. peintre. 245. 267 ; — (Agerts). sculp-
teur et architecte, 404.
Dunwegge, peintre, 345.
Durand (G), 328.
Diirer (Alb. ), peintre, 243, 339.
Dusseldorf. Exposition des primitifs aile-
7nands, 344.
Ebode, tombes antiques, 230.
école, flamande de peinture, ici ; — des hau-
tes études d'art, 85. 251 ; — néerlandaise
d'Athènes, 49; — romane d'architecture re-
ligieuse, 50 ; — St-Luc, 400 ; — siennoise
, de peinture, 276.
Ecosse, premiers monuments chrétiens, i6g.
Edouard (s.), 3Q2.
Effort [V], 172. 427.
église, à Afsné, 326 ; — Agen, 252 ; — Air-
vault. 2 ; — Albi, 416 ; — Alençon, 252 ; —
Alost, 176, 433 ; — Alsemberg, 326 ; —
Apt. 324 ; — Arlay, 412 ; — Arles, 338,
427 ; — Arlon, 4g4 ; — Assche, 337 ; —
Attert, 493 ; — Aulnay, 3, 152; — Auxerre,
56 ; — Avallon, 56 ; — Avioth, 487, 484 ; —
Beaulieu. 150, 253; — Beaune. 60. igo ; —
Berne, 294 ; — Béziers, 40g ; — Binche,
■ Borgo san Lorenzo, 319 ; — Borne,
— Boscherville, 181;
Brou,
t44:
34"
332
Bruc, 52 ; — Bruges, 242, 493 ; — Bruxel-
les, 330, 499 ; — Bussy- Lettre, 434 ; — Ca-
merino, 217 ; — Campine, 493 ; — Carmi-
528
îRcbur tic rart chrétien.
gnano, 245 ; — CastiUonnès, 252 ; — Cel-
leneuve. 409 ; — Ceyssac, 332 ; — Chaise-
Dieu, 426 ; — Châlonssur-Marne, 346 ; —
Chamenges, 332 ; — Charlieu, 332 ; —
Citlà di Castello, 196; — Civrai, 3-13; —
Constantinople, 171 ; — Coubon, 332 ; —
Courtrai, 176. 433 ; — Couiances, 85 ; —
Creil, 506 ; — Damme, 330 ; — Ueux-
Acren, 493 ; — Diest, 335, 493 ; — Dijon,
63, 64. 65, 87, 253, 285 ; — Espandeilhan,
409 ; — Essen, 179 ; — Florence. 245, 407 ;
— Fontevrault, 85 ; — Furnes, 443; —
Gournay en Bray, 78 ; — Grimde, 433,
493; — Hastière. 377; — Hautem-St-Lié-
vin. 433 ; — Hôpital sous Rochefort, 332 ;
— Jérusalem, 157; — Kalkar, 345; — Koe-
kelberg, 337: — Lassaye. 86; — Lavardin,
495 ; — Legri, 403 ; — Liège, 493 : — Lis-
seweghe, 330; — Lobes, 417 ; — Lodève,
409 ; — Longueil-Annel, 253; — Loupéan,
409 ; — Louvain, 330, 433 ; — Labeek,
239; — Maastricht, 330 ; — Maignelay,
426 ; — Maillezais, 2 ; — Marnes. 1-13 ; —
Mans. 161 ; — Marsac, 52 ; — Marseille,
417 ; — Melle, 3 ; — Minden , 31 : — Mimi-
san. 422 ; — Moissac. 9 ; — Mons. 78 ; —
Monl-devant-Sang, 340 : — Montreuil sous
bois, 171; — Mouzon.487.488; — Mulhouse.
432 ; — Munich. 172 ; — Mussidan. 52 ; —
Neufcliâteau. 83 ; — Nieuport. 422 ; —
Nogent le Rotrou.48; — Noirétable, 332; —
Padoue. 197: — Paris. 418; ^ Parthenay-le-
Vieux. 3-9 ; — Poitiers, 3. 7 ; — Pontau-
bert, 56 ; — Pontigny, 60 ; — Poperinghe,
330, 493: — Quarante. 499; — Reims. 125,
— Saint-Astier, 52 ; — Saint-Christophe,
332: — Saint-Émilion. 52; — Saint-Fergeux.
135 ; — Samt-Galmier, 332 ; — Saint-Guil-
hem le désert, 409 ; — Saint-Haon. 332 ;
— • Saint- Hubert. 433. 487-494; — Saint-
Jacques des Guérets. 495 ; — Saint-Jean de
la Ruelle, 253 ; — Saint-Jouin de Marnes.
150; — Sainte-Marie des Anglais. 78 ; —
Saint-Martin de Mazerat, 52; — Saint- Mar-
tin la Sauveté, 332 ; — Saint-Paul-de-
Varax, 144, 155 ; — Saint-Père-sous-Véze-
lay, 57, 58 ; — Saint-Quentin, 433; — Saint-
Trond, 482 ; — Saint- Vaast, 493 ; — .Saint-
Vidal, 332 ; — San Quirico in Osenna, 244 ;
— Saulieu, 59, 285 ; — Saumur, 415 ; —
Semur, 56 ; — Sérignan, 409 ; — Soignies,
493 : — Sourzac, 52 ; — Strasbourg. 434 ;
— Ternay. 332 ; — Thann. 201, 292.384 ;
— Tieghem. 166 ; — - Tirlemont, 433 ; —
Toulouse. I ; — Tournai. 64. 330 ; — Tour-
nus. 134-142. 177, 338 ; — Tréhns, 332 ; —
Trévise, 18 ; — Troyes, 80 ; -— Urbin,
172 ; — Valenciennes, 104 ; — Vandeins,
147 ; — Varennes-le-Grand, 412 ; — Ven-
dôme, 495 , — Vérone, 199 ; — Verrières,
332; — Vézelay, i, 58, 65; — Vicence, 129-
131 ; — Vivain. 351 ; — Vouvant, 3 ; —
Waermaerde, 166 ; — Walcourt, 176, 433 ;
— Westcapelle, 433 ; — Ypres, 64, 330,
346.
églises, cisterciennes, 351 ; — clunisiennes,
351 ; — gothiques, 27; — peintes, 26, 81.
Ehrard-Kung. sculpteur. 203,
El-Anirouni. mausolée néo-punique, 487.
Elisabeth de Hongrie (ste) (cœur de), 110.
Ebi (s. ). 393.
Emmeran (supplice de s.), 388.
encolpion, 34.
enfer (porte de 1'), 445.
Enlart (E. ). 329. 422.
enlumineur. 168, 232.
épées en fer. en bronze. 324.
Ephèse. fouilles. 165.
épi en fer forgé. 62.
fpine. beffroi et clocher. 333.
rasme, 251 ; — (s.), (supplice de). 387.
Errard (Ch. ). peintre, 413.
Errwein de Steinbach, architecte, 292.
Espagne, monuments ibériques, 321.
Espondeilhan, église, 409.
Essen, abbatiale, 179.
Étampes, portail, 498.
Etienne (s.), 281. 388 ; — (martyre de), 199.
Euchaire (s.). 469.
eurythmie. 76.
évangéliaire du XI1<^ s.. 60.
évangélistes (les). 298.
Everts (Jean), peintre, 251.
Evre. abbatiale. 17t.
exposition d'art ancien à Sienne. 261 ; —
des maîtres anciens à Bruges. 97-100 ; —
des primitifs allemands à Dusseldorf. 344 ;
— des primitifs français. 87. 343.
Eyck (Jean van), peintre, 16. 96. 98, 99, 242.
343. 409-
Fantozzi, architecte. 317.
Farcy (L. de). 51. 314.
Fauron (M.). 416.
Faustin (s.). 221.
Fauvel (Pierre), orfèvre, 328.
Femmes (les Stes), 387.
Fénelon (ostensoir de). 116; — (tombeau de),
109.
Ferreol (s.). 134.
Ferrier (Gabriel), peintre, 319.
Ferrucien (s.), 134.
Ferté-Milon, bas-relief, 48.
Feuillen (buste reliquaire de s.), 419.
Fierens. 85.
Firmin (s.). 392.
Flavius Emilius, procureur d'Afrique, 48.
flèche en charpente. 88 ; — en pierre, 56 ; —
en pierre grise, 105 ; — en poire, 494.
Flémalle, abbaye cistercienne, 97.
flore décorative. St.
Florence, archives photographiques, 228 ; —
l'art au couvent de San Giusto, 356 ; —
compagnie de Gesù pellegnno. ^45 ; —
couvent de Jésuates. 358 ; — Crucifix de
Michel- Ange, 317 ; — David de Michel-
Ange, 404 ; — découverte de dessins de
Michel-Ange. 228, 318 ; — diagramme mu-
sical, 322 ; — églises ; de la Badia, 245 ; —
del Carmino. 407 ; — fresques. 226, 375.
407 ; — Madone. 217 ; — manuscrits. 364 ;
— monnaies du XV': s., 359 ; — musées et
galeries. 256, 318. 405, 406 ; — nouvelle
façade du Dôme. 227 ; — ordre des Jésua-
tes, 357 ; — pal.ais .Médicis, 29 ; — peintu-
res, 362 ; - portes de bronze, 228 ; — pré-
delle de \' Adtiration des jnages, 227 ; — ta-
bernacle du XVI= s., 375 ; — sur rue, 404;
— tapisseries, 318 ; — terres cuites, 245 ; —
vitraux, 300.
Florent (s.). 142.
Florentin (Doni. ) sculpteur, 65.
Fly, abbaye St- Germer. 78.
FogaUno (Maccello). peintre. 133.
fondeurs. (îiiles de Grumelleniont. io8 ; —
Michel (f ). 333, 334 : _ du V11I<: s., 332.
Fontainebleau, théâtre. 323.
Fontevrault. église romane, 85.
fonts baptismaux, à Châlons, 432 ; — histoire
et classification des), 52 ; — à Huy, 164 ; —
Liège (St-Barthélemy), 326, 434, 512 ; —
Murano, 52 ; — Pise, 52 ; — l^oitiers, 77 :
— Venise, 52 ; —
Forez (monuments du). 332.
Forum, fouilles. 251.
Fouchère. Vierge en pierre, 425.
fouilles, Autrécourt, 324 ; — Autun, 282 ; —
Babylone, 50 ; — Barbarie, 325 . — Bayon
d'Angkor-Thom, 321 ; — Carthage, 165 ;
— Cerne-Mélek, 229 ; — Chartres, 346,
431; — Délos, 49, 165, 408, 486;- Delphes,
1Ô5 ; — Dier el Bahari, 486 ; — Ephèse,
165 ;— Fréjus ; 164 ; — Gighti, 48 ; — Gran-
selve, 324 ; — Ithaque, 49 ; — Latinnes,
327 ; — Madaba, 166 ; — Osuma, 321 ; —
Paris, 230 ; — Pau sur Heure, 48 ; — Per-
se, 231 ; — Philippopolis. 165 ; — Prévaut,
229 ; — Rome, 251, 253 ; — Saint-Marcel,
323 ; — Saint-Moré, 124 ; — Sens, 164 ; —
Tehneh, 322 ; — Tell ), 50, 230 ; — Tral-
les, 230 ; — Tunisie,486 ; — Vannes, 323; —
Vodecée. 419.
Foulques de N'erra, architecte, 177.
Fouquet (Jean) (portrait de), 322, 408.
Francfort, musée Staedel, 97.
Franciabigio, peintre, 376.
Franck le Vieux, peintre 127.
François (S.), 390 ; -I", 157-158 ; —de Hal-
luin (tombeau de), 328.
Francqueville (A. de), 335.
Fréjus. fouilles et amphithéâtre. 164.
fresques, à Beaiine, 61 ; — Bologne, 222 ; —
Florence, 226, 375 ,407 ; — Montoire, 495
Otana, 336 ; — Padoue, 362 ; — Pise, 226 ;
— Poncé, 494 ; — Prato, 407 ; — Rome,
515 ; — Saint-Jacques des Guérets, 495 ; —
Trévise, 142; — Varen nés le Grand, 325;—
(Conservation des), 28.
Frey, graveur, 226.
Fribourg. anciens vitrauxde la cathédrale. 233.
Fridolin (s.), 390.
Fioissart (miniature du manuscrit de), 230.
Froment d'Avignon, peintre, 319, 344.
fuite en Egypte, 306.
Furnes, église St-Walburge,433 ; — peintures
décoratives, 476 480.
Gabriel d'Antonio, orfèvre, 265.
Gaddi (.^ug. Tad.j. 243, 475..
Galata, couvent de S. Benoît, 421.
Galgano (san) (reliquaire du chef de). 271.273
Gall (s. ), 390.
Gallia christiana, 470 ; — dotninicaîia, 496.
Ga.nd, Adoraiio/i des Bergers, 94; — ancien
béguinage, 493 ; — catliédrale, 400, 433 ;
— château des Comtes, 335 ; — découver-
te archéologique. 347 , — école St-Luc,
400 : — hôtel de ville, 400 ; — maisons an-
tiques, 327 ; — Société d' kisloire et d^ archéo-
logie, 326 ; — Spycker, 346 ; — voûtes la-
pidaires de St-Bavon. 330.
Gaules, ateliers monétaires, 229.
Geerrtgen tôt S. Jans, peintre, 338.
Genève, 298.
Gènes, façade inclinée de St-.-\mbroise, 169.
Genoels-Elderen, diptyque sacré, 501.
Georges (s.), 225, 390, 392,
Géorgie orientale, objet antique en argent,
166.
Geosnes (les ss. ). 460.
Gérard I de Florines. 103 ; — II. 103 ; — de
Harlem, peintre, 80, 193.
Germain Pilon, sculpteur. 251.
Gerspach, 76, 228, 319, 37Ô, 404, 407.
Gheel, lutrin en laiton, 493.
Gheralpe. peintre, 363,
Ghirlandaio, peintre, 365, 367, 475.
Ghirza, nécropoles, 49.
Giacomo de Giovanni, 267.
Giancarlo Kossi (trésor de), 220.
Gighti, fouilles, 48 ; — mosaïques, 49.
Gilde de St- Thomas el St-Luc, 52, i66.
gildes (organisation des). 166.
Giotto, peintre. 185. 197. 245, 362, 365.
Giovanni. Agnolo da Montoroli, peintre. 360;
— da Milano. mécanicien. 361; — di Paolo.
peintre. 276 ; — da san Giovanni, peintre,
376 ; — (Stefano di), peintre, 293.
Girolamo da Frcvezo, peintre, 126.
Ciislebertus, imagier, 5.
Cîiuffre (Franc), peintre. 403.
Giuliano da Firenze. peintre. 361.
Glascow, cathédriile, 238.
gobelets longobards profonds, 221.
Godyear, 315.
Goes (Hugo van der), peintre, 96. 197. 339.
403-
Gois (les), sculpteurs. 325.
Cable analpttque.
529
Goiidea (statue de), ;o.
Goujon (Jean). 411.
Gournay en Bray, église. /8.
graffiti nabatéens. 230.
Gravacci ( Franc. ), peintre, 360.
Grand-prêtre (costume de), 239.
Grandselve, abbaye, 324 ; — fouilles, 324.
Grandvilliers, inscriptions tumulaires et cam-
panaires, 325.
Gravet, peintre, 326.
gravures rupestres, 49.
Grégoire le Grand (s.), 238. 294; — (statue
de), 33-
Grenouillot, architecte. 85.
Grignoles. ruines de, 52.
grille du XIII' s., 78 ; — en fer forgé, 268.
Grimde, église. 433. 493.
Grisar(le R. P.). 220.
Grisons (chalet des). 484.
Grumellemont (Gilles de), fondeur, 108.
Guelvia (inscription de), 48.
Guéranger (Dom), 258.
Guido de Sienne, peintre. 267.
Guigonis, peintre, 326, 413.
H
habitation, byzantine, 09, 421 : — syrienne, 70.
[ladrurnète. catacombes chrétiennes, 165.
Hallaus (.André). 85. 347-
Havicque (Hubert), sculpteur. 113.
harmonie de proportion. 76
hanse teulonique (Dinant dans la), 505.
Harcourt. archives du duché. 414.
Hastière. église et crypte, 377 ; — plan ter-
rier, 380 ; — stalles de XVi:, 382 ; — vue
intérieure, 38t.
Hautem-St-Liévin, 433.
Hedwige (la Reine). 42.
Helbig (.1), 28, 68, 69,102, 120, 169, 170,220,
233. 23+. 278. 476- -192. 494. 497. 498-
Hélène (ste), 79. 156. 389.
Henri (s). 390; — de Absberg (statue de).
36 ; — II d'.\ngleterre. 218; — IV (portrait),
326 ; — duc (mausolée du), 176.
héraldique (description des objets apparte-
nant à 1), 228.
Hérault, architecture carolingienne, 409.
Herchies, château, 417.
Herzele, château, 493.
Hiéronvmiles, 231.
Hilaire'(s.), 238.
Holbein, peintre. 363.
Hôpital-sous- Rochefort. église. 332.
Horebaut (Gérard), peintre. 168.
horloge monumentale du XlVe s., m,
hôtel de ville, de Arlon. 514 ; — Bruges. 513:
^ Gand. 400 ; — Loo. 434. 493 ; — Lou-
vain, 493 ; — -Vieuport. 423.
Houflfalize, tombeau sculpté, 322.
Hubert (J), architecte, 78.
Huerta (Jean de la), sculpteur, 65, 89.
Huel (.-Mex. ), sculpteur, 329. ■
Hugo d'Oignies. orfèvre, 419.
Hugues des Hazards (tombeau de), 40.
Hulin (le prof.). 98. lor.
humanistes belges, 251.
Huwellin (Jeau), architecte. 78.
Huy, fonts baptismaux, 164.
iconographie, campanaire. 333 ; — chré-
tienne. 457.
imagerie populaire. 335
images (culte des), 408.
Innocents (.Massacre des), 305.
inscriptions, campanaires. 325 ; — chré-
tiennes. 323 ; — funéraires. 323 ; — funé-
raire punique. 486 : — de Guelma, 47 ; —
grecque, 322 ; — hébraïque, 49 ; — latine,
48. 409; — punico-Iybique, 408; — romaine,
48, 164, 326; — tumulaires, 325.
Institut archéologique, liégeois, 327, 495.
instruments, de paix, 272 ; — de la Passion,
206.
inventaires, à Prague, 30-33 ; — Reims, 30-
33 ; — Spire, 30, 32.
Ithaque, fouilles, 49.
ivoires 246; — byzantins, 246. 339 ; — du
XI^s., 36 ; — (technique des), 301.
Jacopo Chimenti, peintre. 376 ; — di Paolo
peintre. 224 ; — délia Quercia. 262. |
Jacques de Voragine, 505.
Jalirbuch der ion. prtusiischen Kunst-
sammlungen, 338 ; — der kunsthistorischen
Summlungen des allerhoechsten Kaiser-
hautes. 245.
Jean, peintre, 495 ; — Baptiste (s.), no, 181-
189. 329, 387, 396, 448 ; — de Bruges,
tapissier, 51; — de Boissy (tombeau de),
328 ; — le Boucher, tapissier. 314 ; — de
Bourgogne (tombeau de), 109 ; — de
Cambrai, sculpteur, 66; — évangéliste (s.),
181- 189. 302; — de la Grange (tombeau
de), 328 ; — de Lens (tombeau de), 109 ; —
de Paris, sculpteur. 426 ; — sans Peur
(tombeau de), 65. 66, 89 ; — II (portrait de).
343; -XIX. 30.32. , . . ^ ,
Jeanne d'.'\rc, fresque 222 ; — (origine bolo-
naise de), 223 ; — de Bourbon (statue de),
431-
Jehan de Guyze, 192 ; — de Nale. sculpteur.
110.
Jérôme (s.), 20, 295.
Jérusalem, basilique antique, 156; — con-
stantinienne, 79, 80, 157 ; — colonne du
Temple, 240.
Jésuates (Ordre des), 356-376.
Jésuites architectes, 411.
Jésus, au jardin des Oliviers, 310 ; — parmi
les docteurs, 307.
Joachim (s. ), 304.
Joseph (s.). 94, 97.
Jouin (s.), 2.
Jovite (s.). 221.
Jubé, 423.
Jugement (scènes du). 5, 208.
Jumeaux (les ss. ). 460.
K
Kîirouan. inscription funéraire, 323.
Kalkar, église St-Nicolas, 345.
Karlstein, château. 16.
Karmouz, catacombe, 337.
Khamina. inscription romaine. 16;.
Knoblauch (Hans), imprimeur du XVI<^s.,
243.
Koechlin (M. R.). 330.
Koekelberg. basilique, 337, 431.
Kolbia, pierres tumulaires arabes, 34.
Krafft (.4dam), sculpteur, 172.
Labarum. 48. 322.
La Croix, poteries de terre, 47.
Ladon. peintre verrier. 471.
Lagruve. clocher du XI 11= s., 177.
Lambert (S. ), (buste-reliquaire de), 34. 37.
Lampe en argent, ito.
Langeais, château, 177, 348.
Langerock. architecte, 433.
Langlois (Jean), architecte, 427.
Langres, les .SS. Jumeaux, 460.
lanterne gothique, 272.
Laon, cathédrale, 489.
Lassay. é,glise du XV^ s.. 85.
Lassus, architecte. 119, 125.
Lasteyrie (Robert de). 498.
Latinnes, fouilles à, 326.
I.,aurain (Marc), imprimeur. 251.
Laurent (.s). 302 ; — (martyre de), 388.
Lavaudieu, monastère de femmes, 332.
Lavardin, château-fort, 495 ; — église, 495.
Lavigerie (Mgr), 45.
Le Clerc (Barthél.). peintre. 343.
Lefebvre-Pontalis, 417.
Légende durée ^a). 184. 304. 505.
Léger (s.) (martyre de). 388.
Legri. église San .Severo, 403 ; — relief des
délia Robbia. 404.
Lemoyne. sculpteur, 109.
Lenertz (Vincent), architecte, 141, 335.
Léon, cathédrale et musée municipal, 32 t.
Léonard (s.). 391.
Léonard de Vinci, peintre, 367.
Léonce (s.), 235.
Leonille (ste), 460.
Liège, art militaire, 327 ; — buste de s.
Lambert. 37 ; — école St-Luc, 335. 402 ; —
église St-Jacques. 493 ; — évangéliaire
mosan, 501 ; — fonts baptismaux de St-
Barthélemi, 326, 434, 512 ; — histoire des
biscuits, 325: — Institut archéologique.yij,
445 _^ — maison Porquin, 434. 493 ; — pont
St-Éiienne, 85; — national, 42; — stalles
sculptées, 335.
lierne. 239.
ligne (la), élément de l'art, 169.
Ligran, poteries de terre, 47.
Limburg (Fréd.), sculpteur, 319.
Limoges, anciens remparts. 85.
Lippi (Filippo). peintre, 245, 367.406,407.
Lippo di Dalmasio, peintre. 224.
Lisieux. flèche de la tour .St-Pierre, 85.
Lisseweghe. église, 330.
liturgie, acclamation liturgique de Valleluia,
500 ; — africaine, 76 ; — codex liturgique,
30 ; — culte des images, 408 ; — Diction-
naire de liturgie, 336 ; — évangéliaire, 60,
298 ; — Fonnulairt de prih'es, 242 ; —
Invention et exaltation de la .Ste Croix, 79 ;
— livre d'Heures, 48, 229, 419, 437 ; —
messe illyrique, 30, 33 ; — musique sacrée,
258 ; — peignes liturgiques, 504 ; — Pon-
tifical. 39. 44 ; — rit ambrosien, 500 ; —
Sacramentaire, 30, 32, 229. ( Pi^ivc .■ Mobi-
lier liturgique, Vêtement liturg.)
Liverpool, cathédrale, 514 ; — musée du
Royal institution, gg.
livre d'Heures, 437; — flamand. 419; —
manuscrit du XV^s. , 48.
Livre de ptiéres, 242.
Lobbes. église. 417.
Lochner (Siephan), peintre, 344.
Lodève. église. 409.
Lombardi (Pietro et Tullio), sculpteurs, 19,
24. 126.
Lorgueil-Annel, église, 253,
Londres, galerie nationide, 99 ; — musée
britannique, 167.
Loo, hôtel de ville, 434, 493.
Loothenhulle, tour romane, 433.
Lorenzetli, peintre, 29, 245, 264.
Lorigné, statère d'or pâle, 324.
Lotts. peintre, 127.
Loiiis (s.), roi, 131, 218, 392;— (statue),
473 ; — Louis XI, portrait, 413.
Loupéan. église, 409.
Louvain, église St-Pierre, 331 ; — Notre-
Dame aux Dominicains, 433 ; — grille, 335;
— hôtel de ville. 493 ; — lutrin en bois
sculpté, 335 ; — musée communal, 100 ; —
porte romane de l'hôpital. 326.
Louvre, anciens fossés, 48 ; — tableaux
italiens. 172; — vases peints antiques, 172.
Lubeck, église Ste-Catherine et Ste-Marie,
239-
Luc (s.), 393.
Lucerne, chalet, 483.
Lucie (ste), 389.
Lucignano, reliquaire du XVe s, , 265.
Lucques. tombeau de Flavia de Carretto, 273.
Luini, peintre. 409.
530
Hebue lie TSlrt clirctien.
lustre en dents de morse. 502.
Lyon, arts de dessin, 325; — cathédrale,
253 ; — table de marbres, 235, 236 ; —
vitrail, 186.
lyre grecque, 486.
M
Madaba, fouilles, 156.
Madeleine (ste), 393. 458-
Madrid, Congrii international d' architectes,
345 ; — manuscrit iilustré de Skylikzès, 69;
— musée du Prado, 99.
M.iestriclit, bâton pastoral. 501 ; — couvent
des Kruisheeren, 495 ; — croix sépulcrale,
^95 ; _ église St-Servais, 331 ; — trésor.
J3-
Maguelonne, cathédrale, 499.
Maignelay, église. 426.
Maillezais. restauration, 2.
Mainardi (Basiiano), peintre. 336.
maisons antiques, à Albi, 432 ; — Alençon,
232 ; — Anvers. 493 ; — Cluny. 72 ; —
Constantinople, 421 ; — Gand. 327 ; —
Liège, 434, 493 ; — Picardie. 335; — Rome.
69, 70; — Romorantin. 325. 411 ; — Saint-
Étienne. 332 ; - Thurgovie. 484.
Maitre (Léon), 143, 291,470; — de Flémalle,
peintre. 94. 9^' 97-
Malines, bailles. 335 ;— Cercle archéologique,
■^(^fi ; — livre des apprentis de la corpora-
tion des peintres, 166.
MaUvel (Jehan), peintre. 65, 199, 343.
Mannekensvere. tour romane. 433.
manoir Vaudois, 484.
Mans (\.s). Congrès archéologique, ni6; —
église et tombeau de St-Pavin.i6i; —mon-
naies. 236 ; — tapisseries anciennes, 311.
Mansuy (s.) (tombeau de), 40.
Mantegna (miniatures de), 178.
manuscrits, à Autun. 186 ; — de chant. 259 ;
grec, 178 ; — des Jésuates à Florence.
364 ; — latin, 178 ; — à Madrid, 69 ; —
livres d'Heures du XV= s. , 48 ; — à minia-
ture, 192, 230 : — missels du XVe s., 164 ;
— à Robbio, 178 ; — à Saint-Gall, 35, 42 ;
— à Thoisy, 412 ; — tropaire. 186; — du
XIV« s., 172 ; — du XVe s., 229.
mappemonde en acier gravé, 178.
Marc (s.), 302.
Marc Duval, graveur, 322.
Marcel (s.). 135.
Marco dOggione, peintre. 226.
Maredsous, vitrail. 471.
Mares (le Fr.). 337-
Marguerite de Bavière (tombeau de). 65 ; —
de Provence (statue) 475 ; — (ste), 390.
39^- , . ,
Marie Madeleme (ste), statue, 415.
Mariemont. palais de Marguerite de Hongrie,
417.
Marmion (Simon), peintre, 112. 192.
Marnes, abbaye St-Jouin, 1-13; — chapiteaux,
cj, II ; — . colonnes, 12 ; — église abbatiale,
1-13 ; — façade, 3 ; — sculptures, ,1 ; —
voussures, 10-12.
marques céramiques grecques et romaines,
32.V
Marsac, église, 52.
Marsaux (l'abbé), 426.
Marseille, collection de tableaux de Paul de
Serion, 325 ; — église St-Victor. 417 ; —
vase grec. 48.
Marsy (Balthazar). sculpteur. 115.
Martin (s.) (sépulture de), 280; — (Eiig. ),
46; — (L.). 237: — V. 607.
Martini (Simone), peintre. 266.
Marusin (Pierre), nécrologie. 17g.
Masaccio. peintre, 244, 245, 407.
Masolino, peintre, 244, 373.
Mathias (s.), 389, 470.
Mathieu (s ), 148, 387.
Maurice (s. ), 390.
Mechatta (palais de), 326.
médaillon romain, T64.
Mélanges archéologique!, 238.
Melle, église St-Hilaire, 3.
Meluil, diptyque, 322, 323.
Mely (F, de), 79.
Memling, peintre, 197.
Memmi, peintre. 475.
Mende. porte Aigueperse, 416.
messe illyrique, 30, 33
Messine, mosaïque, 403.
métiers d'art, 81, 337.
Metz, cathédrale, 81.
Michel (s.). 151. 390.
Michel (arch.), 208 ; — (Fr.), fondeur, 333
— (matrices de). 334.
Michel-Ange, 228, 317. 361, 405.
Michelozzo, architecte. 362.
Micry, monastère St-Mesmin, 322.
Milan (édit de). 77 ; — musée Bieia, 196.
Milmont, peintures murales, 348.
Mimisan, portail de l'église, 422.
Minden, église, 31, 45.
Minghizzida (statue du dien). 50.
miniature, 438-447; —du Xes., 38 ; — du
X[':s.,36;— romane, 326 ( K Enlumineurs).
Mino, sculpteur, 16, 2Ô3.
Minot, sépulture à incinération, 324.
Miscellanea ifarte, 244.
missels manuscrits avec miniatures, 164.
Mittelland (ferme du). 481, 482.
mobilier, banc. 275 ; — byzantin. 72 ; —
carafon en pierre. 49 ; — carrelages
émaillés. 51, 229, 349 ; — coffret byzantin.
502 ; — gobelets longobards, 221 ;— haches.
163; — horloge monumentale, m; —
plaques en pierre sculptée, 169; — en terre
cuite, 229 ; — plat en argent, 164 ; — po-
teries. 47. 164 ; — saloirs gothiqvies, 316 ;
— terres cuites, 245 ; — tubes en poterie.
164 ; — unies romaines, 283 ; — vase grec,
48 ; — vases à infuser. 229 ; — métalliques,
324 ; — peints, 49.
mobiher liturgique, armoire eucharistique,
57 ; — autel, 53, 324, 328, 409 ; — bâton
pastoral, 501 ; — bénitier, 2Ô9 ; — calice,
115 ; — chaire, 365, 490, 493 ; — châsse,
110, 112 ; — colombe eucharistique, 221 ;
— croix triomphale, 252; -crucifix, 317; —
encensoir, 164 : — évangéliaire, 60. 298.
501 ; — grille de choeur, 335 ; — instru-
ment de paix. 372 ; — jubé. 412, 423. 493 ;
— livre d'Heures. 22g, 419. 437 ; — lutrin,
335, 493 ; — ostensoirs, 69, 116;— peignes
liturgiques, 502 ; — reliquaire. 3 \. 37. 76.
iio. 113. 164. 172. 263-271, 273, 322; —
sacramentaire. 30. 32. 229 ; — stalles. 108.
270, 278. 328, 329, 335 ; — tabern.acle. 375.
404. 42^ ; — vase euciiaristique, 221.
mobilier des églises (décoration polychrome
du), 25.
Modène, archives d'État, 157; — étoffe d'or,
326 ; — musée, ib.
Moïse. 206.
Moissac, église romane, g ; — porche. 417.
Moiturier(.'\ntoine le), sculpteur, 65, 8q.
Monaco (Lorenzo), peintre, 243.
monnaies, féodales. 50; — gauloises. 324 ; —
romaines. 40g.
monogrammes, 235 ; — byzantins, 165.
Monreale, mosaïque de la cathédrale, 38.
Mons. collégiale Sle-Waudni, 78.
Mont-Ailios, monastère d'Iciron. 71.
Montault (Mgr X. B. de). 38. 45. 47.
Mont devant Sassey. 340.
Monteleone. bige, 31g.
Montoire, fresque du XII«s.. 495.
Montpezat. chasse en émail de Limoges, 87.
Montpoiniet (Adam de), peintre, igg.
Montreuil sous bois, église, 171.
Mont-Saint-Michel, 513.
monuments anciens, 85, 431 ; — chrétiens
antiques. 50 ; — mégalithiques. 324 ; —
morts et vivants. 232 ; — de travers. 314 ;
— (conservation des). 176, 252, 420 ; —
(photographie des), i6q ; — (restauration
des), 81. 232. 314. 345.
Morand (s.). 396.
Moravie, poinçonnages et marques tl' orfèvres,
68.
MoreUAug. ). architecte. 426; — (Jehan),
peintre. 108
Morghen. graveur. 226.
Morienval, déambulatoire, 417.
Morin, architecte. 253.
mosaïque, de bois incrustés. 271 ; — en
Champagne, 350; — a Constantinople, 73;
— à Délos. 486 ; — Gighti, 49; — Messine.
403 ; — Monreale, 58 ; — Ravenne, 72,
337-
mosaïste dans l'antiquité (le), 229.
Moscou, palais anguleux, 72 ; — le Térem,
72.
moulages (collection de), 257.
Mouvion. découvertes. 48.
Mouzon, abbaye, 488 ; — église. 487, 488.
moyen âge. peintures ,décoratives. 473.
Mulhouse, église St-Etienne et vitraux. 432.
Muller. architecte, 202.
Munchar, ruines, 164.
Munich, église StCharles. 172 ; — musée
royal, 41.
iMunte, château, 316.
Murano. fonts baptismaux, 52.
musée, Aix, loi ; — .\rlon, 493 ; — Berlin
16 ; — (galerie royale). 99. 33g; — Boston
434;— Bruxelles (du Cinquantenaire). 33; —
(communal), 100 : — (royaux des arts dé
coratifs), 501 ; — Caen, ig6 ; — Cambrai
log ; — Camerino. 227 ; — Chantilly (Con
dé). 48 ; — Colmar, 3go ; — Darmstadt
344 ; — Dijon, 62. 93. 193. 196; — Dresde,
344 ; — Florence, 256, 405. 406 ; — Franc
fort (Staedel). 97 ; — Léon. 321 ; — Liver
pool. 99; — Londres (britannique). 167; —
(galerie nationale). 99 ; — Louvain, 100
— Madrid, gg ; — Milan (Brera), ig6 ; —
Modène, lô ; — Municli (royal), 41 ; —
Naples, 179, 255; — Oriéans (historique),
229; — Paris (Carnavalet), 87 ; — (Cluny).
349; — (Louvre). 86; — ( l'rocadero),
6 ; — Rouen (archéologique). 182 ; —
Saint-Pétersbourg (de l'Ermitage). 100. 10 1;
— Sienne, 276 ; — Tunis (du Bardo). 164 ;
— Trévise (Pinacothèque). 126; — Valen-
ciennes. 326 ; — Vauciuse (du Sault). 409;
— Venise (royale de peinture). 22 ; —
Vienne, 16. 100.
musées (droit d'entrée dans les). 74.
musique, campanaire. 334 : — sacrée, 258.
Mussidan. église. 52.
mythologie: Beellepharus. 321; — Esculape,
321 ; — Hermès propylaios, 231 ; — Mer-
cure. 229,
N
Nabuchodonosor (palais de). 50.
Namur. Congrès d'archéologie, 228 ; — So-
ciété archéologiqne, 419 ; — trésor des
Sœurs de Notre-Dame, 419.
Nantes, sarcophages mérovingiens. 280.
Naples. musée. 17g. 255 ; — portrait du car-
dinal Bempo, 319; — tapisseries flaman-
des, 179.
Nativité, 440.
Nats, sarcoph.iges chrétiens. 324.
nécrologie. E. j. Corroyer. 260 ; — le chan.
Reusens. 90 ; — Camillo Sitte. 90 ; —
frère Marusin, 17g.
Neri di Becci, peintre, 243.
Neufchàteau. église du XÏH= s., 85.
Neuvic. château. 52.
Nevers. cathédrale, s'3-
Nicaise (s.), (statue de). 33.
Nicolas (s.) (statue de). 114, 272. 274, 3go ;
— de Pise, architecte, 33g.
Nieuport, chaire de vérité, 423. 424 ; — égli-
se, 323 ; — hôtel de ville, 424 ; — peintures
Cable analptiquc.
531
murales, 423 ; — tabernacle en tourelle,
423-
Nivelles, Société archéologique, 420,
Nocéra, baptistère, 52.
Nogent le Rotrou, église Ste-Gauberge, 48.
Noirélable. église. 332.
Nombres 7 et 8 dans l'antiquité, 229.
Nonnenbossche. abbaye, 419.
Notre-Dame la Flamingue, m ; — des
Fiertés. 112 ; - de GrAce, 109.
numismatique (description des objets appar-
tenant à la), 228 ; — orientale, 230.
Nuremberg, archives royales. 172; — tombeau
de la famille Schryver, 172.
Nylembrouck, peintre, 127.
Oberland, chalet, 481.
objets d'art (conservation des), 252 ;— pré-
historiques. 323
Odile (ste). 388.
ogive, 417.
Onuphre (s.), 389.
Orcagna, peintre, 29, 475 ; — sculpteur, 362.
orfèvre (poinçonnage et marques d"). 63.
orfèvres: Andrieux (Jacquemin), uo; —
Fauvel (Pierre), 328; — Gabriel d'Anionio,
265 ; — Hugo d'Oignies, 419 ; — Pierre de
Dury, 328 ; — Palaer (Pieire van), m ;
— Renier de Huy, 164. 513 ; — Turini
(Giov. ). 269 ; — Ugolino di vieri, 271.
orfèvrerie, 233; — médiévale, 51 ; — sien-
noise. 263 ; — toulousarine, 416 ; — (his-
toire de Y). 68.
Orléans, ivoires, 229 ; — musée historique,
229.
orner.ients sacerdotaux, 265.
Orval, abbaye, 487, 490.
Orvieto. peintures murales, 28 ; — reliquaire
du Santissimo Corporale, 271 ; — stalle,
278.
Osée, 226.
ostensoirs du X Vc s. , 69.
Osterrath, peintre- verrier, 471.
Osuna, fouilles, 321.
Ottana, fresques, 336.
Pacca (loi), 252.
Pace da Lugo, peintre, 130.
Paderborn, cathédrale, 40; — statue de S. Li-
borius, 40.
Padoue, église Santa Maria del Arena, 197 ;
— fresques. 362.
Palestrina, 258.
Palladio, architecte, 127. 131, 3:5.
Palma le Vieux, peintre, 120, 127.
Palo Uccello. peintre, 226.
Paoleiti. architecte, 37Ô.
paradis (le), 208.
Paris, ancien hôtel de Villers, 338 ; — basilique
de Montmartre, 430 ; — bibliothèques : de
l'Arsenal, 186; — Nationale, 186, 192 ; —
calvaire du palais de justice, 196 ; — Com-
mission des Monumeitts historiques, 420 ;
— Commission du Vieux Paris, 87, 179.
230 ; — église St-Germain des Prés, 418 ;
— exposition de manuscrits illustrés, 87; —
exposition des Primitifs français, 87. 367 ;
— fouilles. 230; — manuscrit, 186; —
musées : Carnavalet. 87 ; — de Cluny, 349 ;
— du Louvre, 86 ; — du Trocadéro, 6 ; —
Se ho la Cantoruw..
Parme, archives d'Etat. 157.
Parmesan, peintre, 245.
Parlenay-le-Vieux, église St-Pierre, 3-9; —
Vierge. 47.
Passion (instruments de la), 206 ; — (reliques
de la), 79.
Patenier (J.), peintre, loi.
Patras (Lambert), 512.
Pau-sur Heure, fouilles, 48.
Paul (s.), 7» 149. 302 ; — ermite, 389.
pavés en terre cuite, 352.
Pavin (s.) (tombeau de), 161.
peignes liturgiques, 502.
peintres: Agnolo (Giov. ) da Montorsoli, 360;
— Agusii, 416; — Albertinelli. 375; —
Angelico (fra), 17, 28. 211. 276, 367, 497 ;
— Andréa del Sarto, 367 ; — Antonello de
Messine, 403 ; — Aubry (Gérard). 345. 415 ;
— Raerze (Jacques de), 65 ; — Barbari(Ja-
copo dei), 19. 24 ; — Barat (Pierre-Martin),
325 ; — Bartolomeo (fra). 373, 375, 497 ; —
Bassano. 127 ; — Beaiimetz (Jehan de), 65,
199; — Bellechose (Henri), 65, 199; —
Bellegambe, 109 ; — Bellin (Jehan), 19, 24,
J26, 127 ; — Benedetto da Brescia, 361 ; —
Benedetto da Luca. 361; — Benuzzo Goz-
zoli. 28, 29. 198. 226, 244. 362 ; — Bertliold
de Nuremberg. 349: — Bissano (Franc.),
23 ; — Blés, 127. 403 ; — Boissière, 325 ; —
Bonfigll (Hened.). 227 : — Botticelli, 367 ;
— Bourdon, 415 ; — Bray (Ant. de) 413 ;
— Broederlam (Melchior). 65, 93, 196-199.
343; — Bruyn (Ban.), 345: — Buglioni
(Ren.), 245; — Buonconsiglio, 133; —
Campin (Robert), 98 : — Caporali (Bart.),
227, 245 ; — Carpaccio, 22. 225 ; — Casta-
gno (.Andréa del), 199; — Gazes (Romain),
80; — Changerut (Jehan), 199; — Chi-
menti (Jac. ), 376; — Choquet (Pierre-
Adrien), 325; — Cimabuë, 243; — Colas
(Alph.), 325 ; — Conrad de Soest, 345 ; —
Cranach. 345 ; — IJaddi (Bern.). 243 : —
Daret (Jacques), 98; — De Vriendt (J.).
513 ; — ■ Diomède délia Bruna, 227 ; —
Duccio, 245, 267 ; — Dùnwegge, 345 ; —
Durer (Alb.), 243, 339; — Krrard (Ch.),
413; — Everts (Jean), 251 ; — ■ Eyck (J. van),
16, 96-99, 242, 343, 409; — Ferrier (Ga-
briel), 319; — Fogalino (Marcello), 133 ;
— Franciabigio, 376; — Franck le Vieux,
127; — Froment d'Avignon, 319, 344; —
Gaddi (Tad. et Aug. ), 243, 475 ; — Geerg-
tgen tôt S. Jan, 338 ; — Gentile da Fabria-
no, ig6, 227 ; — Gérard de Harlem, 193 ;
— Gherardo, 363; — Ghirlandaio, 365, 367,
475 ; — Gioito, 185, 197, 245, 362 ; — Gio-
vanni di Paolo, 276 ; — Giovanni di San
Giovanni; 376 ; — Girolamo da Treviso,
126 ; — • Giuffre (Franc.), 403 : — Giuliano
da Firenze, 361 ; — Goes (Hugo van der),
96, 197, 339, 403: — Granacci (Franc),
360 ; — Granet. 326; — Guido de Sienne,
267; — Guigonis. 326, 415; — Holbein,
345 ; — Houbaut (Gérard), 168 ; — Jacopo
di Paolo. 224 ; — Le Clerc (Bartli.). 343 ;
— Lippi (Fil. ). 245, 367, 406. 407 ; — Lippo
di Dalniasio. 224; — Lochner (Slefano),
344 ; — Lorenzetti, 29, 245. 264 ; — Lotto,
127 ; — Luca de Conegliano, 336 ; — Luini,
409; — Mainardi (Bait. ), 336: — Maître
de Flémalle, 94-97 ; — Mahvel (Jehan), 65,
199' 343; — Marco d'Oggione, 226; —
Marmion (Simone), 112, 192 ; — Martini
(Simone). 266 ; — Martino di Bartolomeo,
275 ; — Masaccio, 244, 245, 407 ; — Ma-
solino, 244, 373 ; — Memling. IQ7 ; —
Memmi, 475 : — Mimo da Fiesole, 26^ ; —
Monaco (Lor. ), 243; — Montagna, 132.
^33- 3'^^ I — Montpoinlet (Adam de). 199 :
— Morel (Jehan), 108; — Nerï de Bicci,
245 ; — Nylembrouck. 127 ; — Orcagna,
29, 475; — Pahna le Vieux, 126. 127; —
Palo Uccello, 226 ; — Parmesan. 245 ; —
Patenier ( J. ), loi ; — Pennachi (Pier
Maria), 126; — Pensaben (frère). 21; —
Perreo! (Jehan), 322; — Pertinien, 199; —
Pérugin.196. 367-369; — Picournet (Raoul),
199 ; — Piero délia Francesca, 245 ; — Pin-
turicchio, 29, 227, 277 ; — Pontorno, 245;
— Pordenone, 126; — Pourbus, 412; —
Raphaël. 196, 367, 407 ; — Ring, 345 ; —
Salvado (Girol.), 21,24 \ — Sano di Pietro,
276, 277, — Schiavone. 127; — Schon-
gauer (Mart.), 345; — Signorelli (Luca).
28. 367, 372, 374 ; — Sodoma, 270 ; —
SperanzajGiov.), 133; — Spicker(Guil.),66,
88; — Spicker (Pier.), 6t, 191-199: — Spi-
nello Aretino, 475 ; — Stefano Giovanni,
243 ; — Theodoric de Prnyne, 16 ; — Tho-
mas de Mutina. 16 ; — Tmtoret, 126, 127 ;
— TJssolo (Franc.). 126 ; — Titien, 14, 126,
367; — Tiziano (Ces.), 14; — Van der
Beke (Joos), 344 ; — Vannini. 367 ; — Var-
mi (Andréa), 243 ; — Veneziano (Ant. ), 131;
— Veronèze, 126. 194 ; — Vicenzo di Bia-
gio. 14 ; — Vignola, 434 ; — Vinci (Léon,
de), 126, 198, 226, 245. 367.409; — Vrelants
(Guil), 168 ; — Vuez (Arm de), 241 ; —
Werve (Claus de), 65 ; — Wert (Mathieu
de). loS ; — Weyden (Roger van der). 61,
98-100. 192-195, 197, 343, 430; — Wien-
sam (Ant ), 345 ; — WÙhelm von Herle,
344 — Witz (Conrad). 343 ; — Wolfgang
(Hubert), 339 ; — Wurmser (Nie), 16 ; — ■
Wybo, 476; — Yperman (L), 28; — Za-
netto BugiUo, 430 ; — Zueil, 325, 413.
peintres, décorateurs du moyen âge, 27; —
flamands, 96 ; — verriers belges, 492.
peinture, chinoise, 243 ; — des églises, 81 ; —
flamande, 430 ; — italienne. 322 ; — lom-
barde, 172; — néerlandaise, 96; — de
paysage, 245 ; — sur verre, 152 ; — (traité
de la). 172.
peintures murales, à Albi, 416; — Amiens,
329 ; — Belgique, 420 ; — Bourges, 343; —
Dijon, 28 ; — Furnes. 476-480 ; — Milmort,
348 ; — Nieuport, 423 ; — Orvieto, 28 ; —
Semur, 5Ô ; — Thoisy, 325, 412 ; — (Con-
servation des), 492-494. {Voyez: Fresques.)
Pennachi (Pier Maria), peintre, 126.
Pensaben (frère), peintre, 21,
Pergame, basilique, 237; — sculpture, 231.
Périgueux, beffroi, 253 ; — trésor de la collé-
giale, 416.
Pérouse, fontaine, 339; — pinacothèque Van-
nucci. 227.
Perpignan, cathédrale, 164,
Perreal (Jehan), peintre, 322.
Perret, architecte, 145.
Perse, fouilles, 231 ; — statue de femmes, 231.
Pertinien, peintre, 199.
Perugin, peintre, 196, 367-369.
Pescan. château, 413 ; — tapisseries, 413.
Pétrarque, 339.
Philibert (s.). 136.
Philippe (s.). 302.
Philippe, le Bon (tombeau de), 99 ; — d'Alsace,
218 ; — le Hardi (tombeau de), 65, 99.
Phiiippopoli. fouilles, 165.
photographies archéologiques, 89; — des
monuments, 169.
Picardie, anciennes maisons rurales, 335.
Picournet (Raoul), peintre, 199.
Piero, della Francesca, peintre, 245 ; — di
Nicolo, sculpteur, 172.
Pierre, de Celle, architecte, 171 ; — de Dury,
orfèvre, 338 ; — de Montereau, architecte,
315.
Pierre (s ). 8, loi, 302 ; — (reliquaires des
chaînes de), 172.
Pierrefont. châtt-au, 367.
pierres, arabes, 321 ; — tombales, 51.
Pierron (Franc. etGabr.), tapissiers, 413.
Pietà, 368-370,
Pillion (Louise), 189, 331.
Pmturicchio, peintre. 29, 227, 277.
Pirenne (le prof.), 505.
Pisanti (Giuseppe), architecte, 254.
Pise, cathédrale, 28 ; — fonts baptismaux, 52 ;
— fresques du Campo Sanio, 226,
Plaisance, Christ à la Colonne, 403.
plaques en pierres sculptées, 169 ; — en terre
cuite, 22q.
plat en argent, 164.
plombs antiques, 229.
Poitiers, baptistère Sl-Jean, 77, 235 ; — G?«-
^rès archéologique, 79; — évangéliaire du
IX--" s., 298 ; — Notre-Dame la Grande, 3,
7 ; — palais de justice, 514.
Pologne (moines de Cîteau en), 162.
532
î^rtuc lie rart c|)rctien.
polychromie des églises, 492-404 ; — (lois de
la), 25. ( Voyez : Peintures. )
Poncé, château. 494; — fresques du XII^s. ,
494-
Pontaubert. armoire eucharistique, 57 ; —
église romane, ^6.
Pontigny, église cistercienne, 60.
Pontormo, peintre. 245.
Poperinghe, église. 330, 493.
Pordenone, peintre. 126.
portails romans. 325. 431.
portes : .-^igueperse à Mende. 416 ; — Amiens
(dorée). 189 ; — Autun (d'Arroux), 60 ; —
Berne. 201-210 ; — Bouvignes. 493 ; —
byzantines, 72 ; — en chêne sculpté. 105 ;
— Cordes, 420; — du Fort A Roc Ama-
dour, 217 : — Mantille à Tournai, 148 ; —
romane à Louvain, 326; — Thann. 385.
395. Sg'S : — Vézelay. 448.
Pothier (Dom). 239.
Pothin (s. ), 279.
Pourbns, peintre. 412.
Prague, inventaire du trésor de la cathédrale
30-33-
Prato. château. 339 ; — ■ fresques. 407.
primitifs, allemands. 343 ; — flamands, 243 ;
343 ; — français, 251, 322. 343, 4x1, 497 ;
— italiens, 243.
prix de Rome (concours pour le). 430.
proportions en art (principes des), 76.
Prothade (s.). 135.
Pujols. château. 420.
Pulaer (Pierre van), orfèvre, m.
Puy, cathédrale. 422 ; — Congrès de iqo/.
Quarante, église, 409.
Quarré Reybourbon (L. )
Quertel. architecte, 138.
Quicherat. 461.
R
241.
Rains ( Michel de), architecte. 78.
Ranieri (s.), 226.
Raphaël, peintre. 110,196. 3Ô7. 407.
Rapliael (l'ange). 457.
Rasso. graveur. 178.
rational. 29 ; — existence, 34 ; — forme, 33 ;
— origine, 34 ; — • symbolisme, 33.
Ratisbonne, cathédrale, 36; — dalles funé-
raires des évêques.36 ; — rational, 41. 43 :
— verrières. 36.
Ravenne, 170 . — ambon, 500 ; — fonts bap-
tismaux. 52 ; — ivoires. 338 ; — mosaïque,
7'. 337 ; — palais. 70. 72.
Rebaix, croix triomphale. 252. 433.
Rédempteur (images du). 15.
Reichenau. abbaye. 339.
Reims, cathédrale. 33, 34, 104, 189, 421,489;
— église Notre-Uame, 125 ; — inventaire
de la cathédrale. 30. 31, 33 ; — plaque en
terre cuite. 229.
reliquaire, de S. Adolphe. 37 ; — en argent.
110 ; — àCambrai. 115 ; —de la chaire de
S. Pierre, 172 ; — de la Ste-Croix. 76 ; —
de San Galgano. 271. 273 ; — de S. Lam-
bert. 34 ; — à Saignan, 164 ; — du Santis-
simo Corporale. 27t ; — en vermeil, iio ;
— du XII<=s.. 322; —du XIVc s., 263.
271 ; — du XV': s,. 264. 265.
Remy (s.) (statue de). 33.
Renaissance (la). 251.
Renier de Huy, orfèvre, 164, 513.
Rennes, tapisseries, 325, 413,
Real (s.), 38.
Repertoriiiin fur Kunslwissensckafl, 172, 33g.
restauration, à Airvault. 2 ; — Binche. 346;
— Bruges. 346. 493. 513: — Bruxelles. 513;
— Cliàlonssur Marne. 346; — Furnes. 433;
— Gand. 432 ; — Hautem St-Liévin, 433 ;
— Louvain, 433 ; — Maillezais. 2 ; — Mul-
house. 432 ; — Saint-Quentin. 433 ; —
Troyes. 80 ; — Walcourt, 433 ; — des
ruines, 232.
Reusens (le Ch. ). 383 ; — nécrologie. 8g.
Rieux. cathédrale. 164.
Ring, peintre, 345.
Riom, la Vierge et l'enfant, 340.
Rit ambrosien. 500,
Rivista d'arte, 244.
Robbia (.Andréa délia), 244 ; — ( Luca délia),
405.
Roc amadour, 213 ; — porte du Fort, 217 ; —
escaHer, 216 ; — palais des évêques de
Tulle, 213 ; — rue de la (Jouronnerie, 218;
— rue de la Mercerie, 219.
Rocque (de la), architecte, 85.
Rogier de la Pasture, 430.
Rohault de Fleury. 45, 474. 496.
Rolin (Jean), (armoiries de). 198; — (portrait
de). 192. 200.
Romain (s.), 184.
Rome, ambons. 500 ; — ateliers de tapisserie
255 : — basiliques souterraines. 515 ; —
catacombes 79, 253. 515; — chapelle sé-
pulcrale de Pie IX, 194; — Congrès mariai,
348 ; — forum. 251 ; — fresques. 515 ; —
image du Christ. 48 ; — Rome nouvelle,
347-
Romorantin, maison de la Renaissance, 325
411.
Roubaix, Cercle d'art, ^27.
Roucourt. chaire de vérité. 423, 433. 493.
Rouen, cathédrale, 211,29g; — musée ar-
chéologique. 182 I — sculptures historiées.
331 ; — tympan de la porte de la cathé-
drale. 181.
Roulin (Dom), 74.
ruines (restauration des), 232.
Rupin (E.). 213.
Ruymbeke (van), 475, 480.
Sabratha maritime (ruines de), 49.
sacrameiuaire de Gellone, 229.
Sahara, découvertes, 49.
Saignan. reliquaire, 144.
saint, Adolphe, 37 ; — Agricola.,133 ; — A\-
gnan, 134 ; — Amarin. 391 ; — Aniator,
280 ; — .Ambroise. 238. 295 ; — .Andoche,
283 ; — .André, lit, 206, 302 ; — Antoine,
114, 154, ISS, 392; — (ermite), 389; —
.Augustin. 101. 295, 389. 393 ; — Bénigne,
285; — Bernard, 162, 351, 390, 433; —
Bernardin de Sienne, 267, 336 ; — Charles
Borromée. 130, 137; — Christophe, 224,
267 ; — Edouard. 392 ; — Eloi, 393 ; —
— Emmeran, 388; — Erasme, 387; —
Etienne, igg, 281. 388 ; — Euchaiie, 469 ;
Faustin, 221; — Férréol, 134;— Ferrucien,
13^ ; — Firmin, 329 ; — Florent, 142 ; —
François d'Assise, 390 ; — Fridolin, 390;
— Gall, 390 ; — Georges. 225, 390, 392; —
Cieosmes. 460 ; — Grégoire le Grand. 33.
238. 294 ; — Henri II. 390; — Hilaire. 238;
— Jean, év. , 181-189. 302 ; — Jean-Bap-
tiste, 191-189. 32g. 387. 395. 448; —Jérôme,
20. 2gs, 3g3 ; — Joachim, 302 ; — Joseph,
94, 97 ; — Jouin, 2 ; — Jovite, 221 ; —
Laurent, 302, 388 ; — Léger, 388; — Léon
IX, 45, 396; — Léonard, 391 ; — Léonce.
135 ; — Louis, roi. 131, 218, 392 ; — Luc,
395 ; — Mandré, 148 ; — Mansuy. 40 ; —
Marcel, 13S ; — Martin, 280 ; — Mathias,
389, 470 ; — Mathieu, 148. 387 ; — Mau-
rice, 390 : — Michel, 131. 390 : — Maraud.
393 ; — Nicaise. 33 ; — Nicolas, 114, 272,
274, 390 ; — Onuphre, 389 ; — Paul (apô-
tre), 7, 149, 302 ; — (ermite), 389 ; — Phi-
libert. 136; — Philippe, 302; — Pie V,
238 ; — Pierre, 8, loi, 172, 302 ; — Pothin
279 ; — Ranieri, 226 ; — Remy, 33 ; —
Reol. 38 ; — Rom.ain, 184; — Sébastien,
388 ; — Sixte, 33 ; — Sylvestre, 125 ; —
.Symphorien, 279. 280; — Thibault. 292.
391. 396 ; — Thomas, 148, 308 : — Ulrich,
390, 396 ; — Vaast, 103 ; — Valérien, 135-
143. 469 ; — Vit. 387 ; — Willibald. 42.
Saint -Astier. église. 52.
— Brieux. Coinmissioti archéologique, l'jy,
— Christophe, église, 332.
I — Émilion, église monolithe. 52.
— Esprit (représentation du). 440.
— Etienne, maisons antiques, 332.
— Fergeux, église, 135.
— Fort, puits. 172.
— Gall, abbaye, 141; — manuscrit, 35,4'-
— Galmier, église, 332.
— Guilhem le Désert, église. 409.
— Haon. éghse, 332.
— Hilaire de la Celle, st.atuette, 38.
— Hubert, église. 433. 487, 494.
— Jean d'Angely. abbaye, 87 ; — tom-
beaux en jDJerre, 87.
— Jean de la Ruelle, église, 253.
— Jouin de .Marnes, église, 150.
— Julien du Sault, vitrail, 186.
— Luc, école, 177, 510.
— Marcel, fouilles, 323.
— Martin de Mazerat, église, $2.
— Martin la Sauveté. église. 332.
— Moié. fouilles. 324.
— Nectaire, monuments mégalithiques,
324.
— Père-sous-Vézelay, clocher octogonal,
57 ; — église abbatiale, 57, 58 ; —
jubé, 412.
— Pétersbourg. musée de l'Ermitage. 100.
lOI.
— Pierreles Etiex. clocher du XII' s. , 85.
— Quentin, église. 433.
— Rémi, basilique. 171.
— Siméon Stylite (monastère de). 70.
— Suaire. 137. 160.
— Thomis et S,tint-Luc (Gilde de), 487.
— Trond. église abbatiale, 382.
— Vaast, église, 4g3.
— Vidal, église. 332.
sainte. Afra. 388 ; — Agathe, 392 ; — Agnès,
20. 337. 387 : — Aoollonie, 388, 392 ; —
Barbe, gg, 392 ; — Bérénice, 79; -=- Cathe-
rine, III. ^56. 391; — Claire. 392; —
Cunégonde^ 391 ; — Hélène, 89, 156. 389,
— Léonille. 460 ; — Lucie. 389 ; — Made-
leine. 393. 458 ; — Marguerite. 590. 396 ;
— Odile. 388 ; — Ursule. 20. 22 ; — Véro-
nique, gg. 214.
Sainte-Marie-aux-Anglais. église. 78.
Saintes, abbaye aux Dames, 3, il.
saintes femmes (les), 387.
saloirs gothiques, 316.
Salonique, ambon. 500.
Salvado (Girolamo). peintre, 21, 24.
Sambin (Hugues), sculpteur, 65.
Sano di Pietro. peintre, 267, 277.
Sanoner (G.), 13. 155. 212. 397, 459.
Saragosse, tapisseries. 434.
sarcophages, en marbre blanc. 486 ; — mo-
nolithes. 461.
Sarrocchi (Tito), sculpteur. 273.
Sarsav. château. 171.
Sauliéu. église St-.Andoche. 59. 284, 285 ; —
évangéliaire du XI1'= s.. 60.
Saumur. château, 229; — Notre-Dame des
ArdiUiers, 415; — tapisseries anciennes,
3°9-
Sault, musée, 409.
Savonarole. 375.
Sceaux, bustes d'empereurs romains, 326.
sceaux, anciens. 50 ; — d'évêques, 33; — des
évfiques de Minden, 36; — de Ratisbonne,
35 ; — de Toul. 39.
Scliaerheek. école St-Luc. 402.
Schellekens (Adrien). 383.
Schiavone. peintre. 127.
Schmitz. architecte, 465.
Cable analptlque.
533
Schongauer (Martin), peintre, 345.
Scopp (Gilb.), architecte. 514.
sculpteurs. Alcamène. 231 ; — Andréa. 360 ;
— ■ Ascanio Cordivi, 317 ; — Audinet(Ste-
phani). 414 : — Baerze (Jacques de), 93 ; —
Berthold de Nuremberg, 339 ; — Boulin
(Arnould), 329 ; — Clouet (Gabriel), 108;
^ Doinenico di Nicolo. 270, 271 ; —
Duccio (Agost. ), 404: — Ehrard Lung.
203 ; — Fantoizi. 317 ; — Florentin (Dom. ),
Ô5 ; — Germain Filon. 251 ; — Gois, 325 ;
— Hanique (Hubert), 113; — Huerta
(Jean de la), 65. 89 : — Huet (Abs. ), 329 ;
— Indivio de San Severino, 227 ; — Jacobo
délia Quercia, 262, z-j-î; — Jean deCambrai,
66; — Jean de Paris, 42Ô ; — Jehan de
Noie, iio; — Kraftt (Adam), 172: —
Lemoyne. 109 ; — Limbourg (Fréd. ). 319 ;
— Lombard! (Pietro et Tullio), 19, 24.
126; — Maiano (Bened. ), 365; — .Uarcy
(Balthasar), 115; — Michel Auge, 228,317,
3Ô1, 404, 405 : — Mino. 16 ; — Moiturier
(.■\nt. le). 65 ; — Orcagna. 362 ; — Pierre
di Nicolo. 172 ; — Robbia (.Andréa). 244 ;
— Luca. 405 ; — Savidochi (Tito). 273 ; —
Slater (Claus) ; — Stephani, 326.
sculpture, belge, 330 ; — chaldéenne, 230 ;
— espagnole, 321 ; — française, 498 ; —
historiée, 331 ; — méplate, 170 ; — romaine,
321 : — romane. 431 ; — du Xlle s.. 498 ;
— duXIIIes. . 188.
Sébastien (s. ) (supplice de), 388.
Sedrata. ruines antiques. 486.
Selmersheim, architecte. 85.
Semur. église NotteDame, 56 ; — peintures
murales, 56.
.Sens, abbaye de St-Jean. 52, 54; — autel de
Salazar, 53 ; — cathédrale, 53, 59 ; — en-
ceinte romaine, 242 ; — fouilles, 164 ; —
tapisseries, 51 ; — trésor, 54 ; — vitraux , 54.
sépulture, à chars. 324 ; — à incinération,
324-
Sérignan, église. 409.
Sienne. 356 : — exposition d'art ancien. 87 ;
— fontaine publique, 273 ; — fondateurs
d'ordre, 356 ; — Jean Colombino, 356; —
musée de peinture, 27Ô ; — palazzo publico,
2Ô2. 2Ô7,
Sigebert (monnaies de). 236.
Signorelli (Luca). peintre, 28. 367, 372-374.
Siméon, 305.
Sitte (Camille), nécrologie, 89.
Sixte (s.) (statue de), 33.
Sluter (Claus), sculpteur, 65.
Snafrou, bas-relief. 222.
SociéUs : d archéologie de Bruxelles, 51. 326;
— archéologique it Eure et Loir, 52 ; —
arckéolo^que de Numur, 416 ; — archéolo-
gique de Tarn et Garonne, 165 ; — d'ému-
lation pour l'étude de l'histoire et des
antiquités de la Flandre, 419 ; — d'histoire
et d archéologie de (iund. 326 ; — historique
et archéologique du Limbourg, 495 ; — histo-
rique et archéologique de Périgord. 52 ; —
nationale des antiquaires de France, 48,
164, 229, 322, 408 : — nationale pour ta
protection des Sites, 176 ; — savantes
(Congrès des), 50.
Sodoma, peintre, 270
Soignies, collégiale, 493 ; — jubé de 1640,
493-
Soil (Eug), 492.
Soissonnais, églises rurales, 417.
Sonnius, imprimeur (marque de), 236.
Sorbonne, Congrès des sociétés savantes, 50,
410.
Sourzac. église, 52.
Sousse, boite de plomb, 323 ; — catacombes
chrétiennes, 49 ; — d Hadrumète, 322.
Souvigny. tombeau. 66-
Spalato, palais de Dioclétien, 69.
Speranza (Giov.), peintre, 133.
Spicker (Pierre), peintre, 61, 191-199; —
(Guillaume), verrier, 65, 88.
Spinello Aretini, peintre, 275.
Spire, inventaire du trésor de la cathédrale,
30. 32-
Stachowitz (Nicolas de) (sceau de), 39.
stalles, à Cambrai, 108 ; — Hastière, 382 ; —
Orvieto, 27S ; — sculptées, 270, 329, 335,
statère d'or pâle, 324.
statues, de S. Antoine, IT4 ; — Charles V,
434 ; — femme, 231 ; — Goudea, 50 ; —
S. Grégoire le Grand, 33 ; — Henri de
Absberg, 36 ; — Jean d'Arc. 325 ; — Jeanne
de Bourbon, 434 ; — S. Léon IX, 45 ; —
S. Louis, 475 : — Marguerite de Provence,
475 ; — Ste Marie-Madeleine, 415 ; —
Minghiszida, 50 ; — S. Nicaise, 33 ; —
S. Nicolas, 114 ; — S. Remy, 233 ; —
S. SiN:te, 33 ; — Ste Vierge, io3, 11.
statuettes en bois du XVe s,, 164.
.Stavelot, peignes liturgiques, 502.
stèle de terre cuite, 165.
Strasbourg, église Ste-Madeleine, 434 ; —
horloge astronomique, 86 ; — vitrail, 298,
434.
.Suaire (le St-). 157-160.
Suisse, pittoresque. 48 r.
surhuméral, 29 ; — existence, 34 ; — forme.
38 ; — origine. 44 ; — symbolisme. 43.
Sylvestre (s). 135.
Symphorien (s. ), 279, 280.
tabernacle, du XVI"= s. , 375 ; — sur rue, 404 ;
— à tourelle, 423.
tablettes chaldéennes, 49.
Talenti, architecte, 359.
tapisserie (histoire de la), 51.
tapisseries, allégoriques, 81 ; ^ à Angers,
310, 311, 435 ; — .«^uxerre, 309 ; — Bayeux,
310 ; — Beaune, 51, 190 ; — brabançonnes,
51 ; — à Cambrai, 116 ; — coptes, 337 ; —
flamandes, 51, 6t, 179 ; — au Mans, 311 ;
— • à Pescau, 413 ; — Rennes, 325. 415 ;
— Saragosse, 434; — Sens, 5t; — tenture
de l'Apocalypse, 51 ; — Tournai, 51 ; — -du
XIV«: s., si; — XVe s., 87; — (repro-
duction des), 309.
Tarascon, ruines, 475.
Tarente, monnaie, 232.
Tarn, statues, menhir, 231.
Techneb, fouilles, 322.
Tello, fouilles, 50, 230.
Telmuda, tubes en poterie, 164.
Tenture, 51.
Ternaez, église, 332.
Thamugade, villa romaine, 486.
Thann, église 5t-Thibault, 201 ; — monnaies,
391 ; — portails, 292, 293 ; — occidentale,
294, 295, 300, 384, 385 ; — porte septen-
trionale, 395, 396.
Théodoric, de Prague, peintre, i5 ; — empe-
reur (palais de), 71.
Thibault (s.), 292, 391, 396.
Thiollier (N. ), 422.
Thoisy, château, 412 ; — manuscrit, 412 ; —
peintures, 325, 412.
Thomas (s.), 308.
Thomas de Mutina, peintre, i5.
Thurgovie. maison en pans de bois, 484.
tiare, 17.
tierceron, 239.
Tieghem, église, 166.
Tigzirt. pavement de la basilique, 235.
Tintoret, peintre, 126. 127.
Tirlemont, église St-Germain, 433; —Notre-
Dame du Lac, 331.
Tissolo (Franc.), peintre, 126.
tissus anciens, 51 ; — byzantins, 51.
Titien, peintre, 14, 126, 367.
Tiziano (Cesare), peintre. 14.
Tobie, 457,
tombe punique. 165.
tombeaux, d'Ailly (Pierre d'), 129 ; — André
de Luxembourg, 109 ; — S. Bénigne, 285 ;
— Berghes( Guillaume de), 109 ; — Berghes
(Henri de), loS, 109 ; — Blénod de Toul,
40 : — Bourbons, 66 ; — Bruges (Jean de),
109 ; — Burch (Franc, van den), 112 ; —
Dainville (Gérard), 109 ; — S. Euchaire,
469 ; — Faristeret (François) ; — Fay
(Guill. du), 113 ; — Fénelon, 109 ; —
Fontaines (Nicolas de), 108 ; — François
de Halluin, 328 ; — S. Geosmes. 460. —
Gui d'Auvergne, log ; — Hacia de Car-
retto, 273 ; — Hugues des Hazards, 40; —
Jean de Berry, 66 ; — Jean de Boissy, 328;
— Jean de Bourgogne, 109 ; — Jean de la
Grange, 328 ; — Jean de Lens, 109 ; —
Jean sans Peur, 65, 66; — Jonnart(La-
dislas), 108 ; — des Laubespines, 48 ; —
Majorés (PhiUppe), 113 ; — Malove (Jean
de), III ; — ■ Mangold de Nauembourg, 35;
— de s. Mansuy. 40 ; — Marguerite de Ba-
vière, 65 ; — S. Mathias, 470 ; — Onigo,
19, 24 ; — S. Pavin, 161 ; — Perez de
Vivero (D. Alfonso). 114; — Philippe le
Bon. 93; — Philippe le Hardi, 65, 93 ; —
Pierre André, 109 ; — Richardot (Jean),
109 ; — Sauvigny, 66 ; — Velasio (Ermen-
tine de), m ; — .S. Valérien, 469. — S.
WiUibald, 42 ; — Zanetti, 126.
Tommaso da Modena, peintre, 16, 20, 22.
Tongres, reliquaire de la Ste Croix, 76.
Tonnerre, hôpital, 66.
Torcello, cathédrale, 197.
toreutique. 233,
Toscane, peinture de paysage, 245.
Touat, inscription hébraïque, 49.
Toul. monument de Henri de Ville, 39.
Toulouse, archives municipales. 416 ; — or-
fèvres, 324 ; — orfèvrerie du XV*^ s., 416 ;
— -St-Sernin, i.
tour, à Autun (de Janus), 60 ; — c airée mili-
taire, 165 : — romane, 433.
Touring club, 77
Tournai, cathédrale, 330, 417, 493 ; — église
St-Jacques, 64, 330 ; — ivoire d'évangé-
liaire, 76 ; — porte Mantille, 148 ; —
salles des Conseaux, 62 ; — tapisseries,
51-
Tournus, crypte St- Valérien, 134-142 ; —
pierres tombales, 324; — église abbatiale,
i.-l6, 137. 177. 338.
Tours, vitrail, 184, 185.
Tralles, fouilles, 230.
Transfiguration, 373.
Trélius, église, 332.
trésor, à Àix-la- Chapelle, 233 ; — Bamberg,
36 ; — Cambrai, 144 ; — Giancarlo Rossi,
220 ; — Maestricht, 33 ; — Namur, 419; —
Périgueux, 416 ; — Prague, 30-33 ; —
Sens, 54 ; — Spire, 30, 32 ; — Winchester,
243-
Trêves, abbaye St-Mathias, 459; — antiqui-
tés chrétiennes, 463 ; — basilique St-Jean-
Baptiste, 463 ; — cathédrale, 465 ; —cryp-
tes, 465-468 ; — épitaphes grecques. 464 ;
— porta Nigra, 464 ; — reliques, 469 ; —
sarcophage en pierre, 465.
Trévise. 14 ; — cathédrale. 126 ; — église
San Nicolo, 18 ; — fresques, 15 ; — pina-
cothèque communale, 127 ; — tombeau de
l'évêque Ganetti, 126 ; — tombeau du séna-
teur Onigo, 19.
Trinité, 100, 142.
Trista. inscription grecque. 322.
Troyes. église St-Urbain, So; — sculpture du
XI V"! s., 424 ; — Vierge de St-Savin, 425 ;
— vitraux, 172.
tubes en poterie, 164.
tuiles polychromes, 54, 62 ; — vernissées.
325- , ^
Tunis, inscription romaine. 48 ; — musée du
Bardo. 164.
Tunisie, exploration, 48 ; — fouilles. 486 ; —
inscriptions romaines, 326 ; — route straté-
gique, 48.
534
3Rebue lie l'^lrt chrétien.
Turin, bibliothèque de l'université. 178; —
nationale, 22g, 257 ; — missel manuscrit
avec miniatures, 164 ; — St-Suaire, 106.
Turini (Giovanni), orfèvre, 269.
Turnoiith, château, 493.
U
Ugolinodi Vieri. orfèvre, 271.
Uhn, cathédrale. 397.
Ulrich {s. ). 390, 391.
Urbin. église. 172.
Ursule (ste). 20. 22.
Vaast (s.). 103.
Vaes(H.).35.
Valais, chalets. 485; — églises rur.iles, 417.
Valence, collection de moulages, 257.
Valencieniies. église Notre-Dame, 104 ; —
musée, 326.
Valérien (s.), 135, 13S, 139, 141, 143, 469.
VanCaster (le ch. ), 492.
Van de Foel (Jean), architecte, 480.
Vandeins, ét^lise, 147.
Van der Beke (Joos), peintre, 344.
Van der Gheyn (R. P.), 85.
Van Gavere, relieur. 419.
Vannes, fouilles, 323.
Vanni (Adrien), peintre, 233.
Vannini. peintre, 369.
Varax (armes de la famille de), 145; — église
St. Paul, 144-154 : — peintures anciennes,
144.
Varennes le Grand, église, 412 ; — fresques,
325. 412.
Vase, à infuser, 229 ; ^- métallique, 324.
Vaucelles, abbaye, 104, 119.
Vaulx, gravures rupestres, 231.
Velasco (Ernestine de), (tombeau en marbre
de), III.
Velay (monuments du), 332.
Venasque, baptistère, 415.
Vendôme, bibliothèque, église et musée, 495.
Veneziano (,\nt. ). peintre, 131 ; — (fresques
de). 226.
Venise, ambon de St-Marc, 500 ; — campa-
nile. 86. 252 ; — fonts baptismaux, 52 ; —
monument du doge Mocenigo, 172 ; — mu-
sée royal de peinture. 22, 318 ; — œuvres
d'art, 336 ; — sarcophage, 86.
Verceil (le B" Jean de), 67.
Verhaegen (.A.), 85, 471.
Vérone, église .San Giorgio. 199.
Véronèse, peintre. 126, 1Q4.
Véronique (ste), 99, 214.
Verrières, église, 332.
Vers, antiquités gallo-romaines, 229.
Versailles, pavillon d'Apollon, 241 ; — pro-
menade de la famille royale, 241.
Vertou, abbaye St-Martin, 2.
vêtements liturgiques, amict, 45 ; — chape
435 ; — chasuble, 264 ; — encolpion, 34
— grémial, 31 ; — peignes liturgiques. 502 ,
— ratioiial, 29-34 ; — surhuméra!, 29, 34-
44; ; — tiare, 17,
Veuillot (François). 55.
Vexin. clochers romans, 409 ; — portails
romans, 325.
Vézelay, abbatiale. 58 ; — chapiteaux. 456-
457 ; — linteau, 449 ; — Madeleine, t, 65 ;
-- portail de l'abbaye. 448, 450 ; — porte,
448 ■ — tympan, 456, 457.
Vicence. église. 129-131 ; — palais délia Ra-
gione, 127 ; — Loggia Bernardo, 128.
Vicenzo di Biagio, peintre, 14.
Vienne, musée, 16, 100.
Vierge, 99. 102, 266, 274 ; — en adoration,
406, 407 ; — -Annonciation. 97, 275, 305 ;
— assise, 502 ; — Assomption, 307 ; —
Couronnement, 308 ; — et l'Enfant, 99,
366, 405 ; — épousailles, 99, 305 ; — funé-
r,aiUes. 307; — Immaculée du XVlI=s.,
502 ; — Mère, 102 ; — Mère au tombeau.
307 : — mort, 90, 307 : — naissance, 304 ;
— statue d'argent, 108, ii2 ; — en bois du
XV*-' s. , 434 ; — en pierre, 425 ; — du
'^l^''' s.. 331 ; — vie dans le Temple, 304 ;
— Visitation. 305.
Vierges sages et les vierges folles (les), 204,
205.
Vignola, peintre, 434.
Villart d'Honnecouri, architecte, 104, 119.
120, 181.
Villefranche, chartreuse, 165 ; — collégiale,
165 ; — tour carrée militaire, 165.
Villers, abbaye, 176, 420.
Vi/les iTart (les), 170.
Villevielle. sculpture romaine. 321.
Vincent de Beauvais, 184.
Vinci (Léonard de), peintre, 126, 198, 226,
245, 376 ; — (portrait de), 32;
Vincigliato, château, 228.
Violiet-le- Duc, architecte, i, 53-55. 181, 285,
291, 409, 448, 453, 494.
Visitation, 305.
Vit (s. ), (martyre de), 387.
vitrail (le), 326.
vitraux, à Auxerre. 55 ; — Cambrai, 106 ; —
Chàlons-sur-Marne, 307 ; — Chartres, 186 ;
— Chateaudun, 326 ; — Dijon, 66 ; — Flo-
rence. 360 ; — Fribourg. 233 ; — Lyon,
i36; — Maredsous. 471 ; — Mulhouse,
432 ; — Ratisbonne, 36 ; — Saint-Juhen du
.Sault, 186 ; — Sens, 54 ; — Strasbourg,
298, 434 ; — Tours, 184, 185 ; — Troyes,
172.
Vivoin, église, 351 ; — rosace, 351.
Vodecée, fouilles, 419.
voies romaines, 325.
voûtes, barlongues, 53 ; — en croisées d'ogi-
ves, 238 ; — cylindriques, 53 ; — à dou-
bleaux de recoupement. 64 ; — lapidaires.
330 ; d'ogives. 417 ; — sixpartites, 53,
419.
Vouvant, église, 3.
Vrelants (Guil. ), peintre. 168.
W
Waermaerde. église. 166.
Walcourt, église, 176, 433.
Waulsort, abbaye, 378.
Weale (J.), 98, loo, 168, 242. 335. 410.
Weclin (Hans). architecte. 293.
Wenceslas d'Olmutz. graveur, 298.
Wert (Henri de), dominicain, 99.
Werve (Claus de), peintre. 65.
Wert (Mathieu de), peintre. 108.
Westmalle. église. 433 ; — peintures murales.
86,
Weyden (Roger van der). 61. 98-100. 192,
195. t97. 343. 430-
Wilhem von Herle, peintre, 344.
Willibald (s.), (tombeau de), 42.
Wilpert. 45.
Wincester. trésors d'argenterie, 243.
Winckler, architecte. 294, 296.
Witz (Conrad), peintre, 343.
Woensam (.-\nt. ). peintre, 345.
Wolfgang Hubert, peintre. 339.
Worms. basilique St-Jean- Baptiste, 172.
Wurmser (Nie. ), peintre, lô.
Wurtzbourg, sceaux et pierres tombales, 40.
Wybo (A.), peintre, 476.
Ymbert (Olivier), maître maçon. 412.
Yperman (L. ). peintre, 28
Ypres. église St-Martin. 64, 330, 346;
salle échevinale, 331.
Yves de Chartres, 30-32.
Zande, clocher roman, 85.
Zanetto Bugato, peintre, 430.
Zeil (Je.an), peintre, 415.
Imprimé par Desclée. De Brouwcr et Ci";, LII.I.K-PAKIS-BRUGKS.
..^., ^.^. _-_ .--.:,.) ....^.-.^ ,-.,.,. , _
- -^ -\ I
1, " "■ ' A'
•É!^
f^ir_:- 'M\
-^^ÎS^ .S^^- (î^,^^^: * ^^'^y
'"\\^m^
.«A ' (î^AÎiiij4nnî>iSiSêi .SaS^^ÊAÎI.. /^ô,ft î AB- vas»:. '.''^nnS'
^ . - ^ .' -> ■ îs ; . ■
,-141'iftâ^ÀtMn^'
.. ^^^^^i^
^■^^-^^^S^^"
^■'
On»- '.^-> ^^^'^ _,/^«
-/^.;
"""î^ r;."^-
./*.*^i
»«îis^, ' r-\ r^^vv^^^ît^WÊâl»!*^ ■'
'•-v: -^i.;'-. c-:o^^ "^^h' "-K/^^ /»>^'
umi
v/' . ■>
'^^l'C^'^A
GETTY CENTER LIBRARY
lli III
II
llll
llllit
Il [
iv^lM^jin'Ii^r^hK
^J^'-
^;^^